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1787, 01, n. 1, 3-4 (6, 20, 27 janvier)
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MERCURE
DE FRANCE.
( No. 4. )
SAMEDI 27 JANVIER 1787.
JANVIER a 31 jours & la Lune 29. Du rau 3 les joure
Eroiffent de 31 ' 55 le matin , & de 32 16 " le fair.
Temps moyen
Qu
Midi vrai,
Jours
du Noms des Saints.
Phafes
de la
mois.
Lune.
Lund. La Circoncifion.
oh. 4' 8"
2 Mard. S. Bafile , Ev. P. L.
4936
Merc . Ste- Geneviève. , Vierge . le 3 à 1
5 3
Sam
Jeudi. S. Rigobert , Evêque.
Vend. S Siméon Stylite.
L'EPIPHANIE.
71. D. d'aprèsles Rois . S. Theau .
Lund. S. Lueien , Martyr.
Mard. S. Pierce , Evêque.
o Merc. S. Paul , prem. Hermite
Jeudi . S. Hygin , Pape.
12 Vend. S. Arcade , Martyr.
13 Sam. Le Baptême de N. S.
142 D.S. Hiaire , Evêque.
rs Lund . S. Maur , Abbé.
16 Mard. S. Guillaume , Ev.
h . 56 m. 5 31
du foir.
S 57
6 24
6.40
40
CD. Q. 8
fle à 7 8 28
Thr m .
du matin .
9 36
9
17 Merc . S. Antoine , Abbé.
18 Jeudi, La Chaire S Pierre à R.
20 Sam. S, Sebaftien , Mart.
21 3. D. Ste- Agnès , V. & M.
N. L.
19 Vend. S. Sulpice , Evêque.le 19 à re
57
10 18
10 38
10 17
1116
IT 34
11 51
h. 56 m.
du mat.
22 Lund. S. Vincent, Mart, 12 7
23 Mard. S. Ildefonce , Evêque.
24 Merc. S. Babylas , Ev. & M.
25 Jeudi La convertion de S. Paul.
26 Vend. Ste- Paule Veuve .
27 Sam . S. Julien , Evêque.
28 4. D. S. Charlemagne.
29 Lund S. François de Sales.
30 Mard . Ste Bathilde , Reine.
31Merc.Ste -Marcelle.
12 22
12 37
P. Q.
le 26 à 5
12
th . 21 m. 1.6
46
du foir. 27
13 37,
13 47
&
JOURNAL DE LA LIBRAIRIE.
LIVRES NATIONAU.X livraiſon finance , torse II ,
Almanach americain , afia ique première partie a jurifprudence ,
, ou Erat phyfique tome VI , seconde parti ,
cain
&
mikianle
de
tome
V
des
planches
.
& ke
de l'afrique & de l'amé. 1 A Paris, chez Pancho.cke ,
rique , pour l'année 1787 : el . rue des Poitevins.
3 Liv.
A Paris , chez Leroy , L. rue
S. Jacques.
Perite Bibliothèque des Théâ
Bes ; Naméro 11 : in 18
Onfouferita Paris , au Bureau,
rue des Moulins , Butte S. Roch,
Numero 11 chez Belin, L. rue
S. Jacques; & chez Brunet , L.
place du thédre italien.
Le Cenfeur univerfel anglois ,
dédié & préfenté à MADAME ;
Numéro 79 in 88.
L...
Eat militaire , pour l'année
1787 : in - 12. br . 2 liv . 5 fols ,
rel. 31. 5.f.
A Paris , chez Onfroy , Libr.
quai des Auguftins .
Le Faune françois , ou Traité
hiftorique des animaux de la
France ; par M. Buc'hoz ; feconde
livraiſon du tome II :
4 liv. 10 f.
A Paris, chez l'Auteur , rue
de la Harpe , Numéro 109.
Modes françoifes & angloifes
On foufcrit à Paris , chez La- feconde année ; Numéro 6
grange , Lib. rue S. Honoré , en in. $9.
face du Lycée ; c'eft chez lui
qu'il faut envoyer , franc de
port , les avis , livres & cftampes
qu'en veut faire annoncer , ainsi
que l'argent.
On fouferit auffi chez Defenne,
Lib. au Palais royal ; Roycz
Lib. quai des Auguſtins , Belin ,
Lib. rue S. Jacques ; & chez les
Directeurs des poftes.
Collection des meilleurs ou
viages françois , compofés pat
des femmes par Mlle de Késalio
: 2 vol . in - 8°.
rue A Paris , chez l'Aureir
de Grammont ; & chez Lagrange,
Lib. rue S. Honoré , en face du
Lycée.
Coftumes des grands théâtres
de Paris ; Numéro 28 : in-80.
A Paris , chez Mérigot , le
jeune , L. quai des Auguftins.
Eloge du Roi de Pruffe ; par
M. Laureau : in - 8°.
A Paris , chez Cloufier , Imp.-
Lib. rue de Sorbonne.
Encyclopédie ; vingt - unième
A Paris , chez Buiffen , Lib
rue des Poitevins Numero 13.
Réponte de M. Maupin.à M
le C.... D... in 8 ° de 2 pag.
A Paris , chez Gobreau ,
quai des Auguftins .
CARTE S.
Carte d'Allemagne; par Chau
chard.
A Paris , chez Dézauche, Geographe
, rue des Noyers .
Nouvelie Uranographie , ou
Méthode très facile pour ap
prendre à connoître les conftellations
par les configurations des
principales étoiles entr'elles ;
gande catre fur très grand papier,
accompagnée de la def
cription & de l'ufage de ladite
Uranographie , format in 4 .
dédiée à S. A. S. Mgr le Duc
de Chartres ; par M. Rucle , à
l'Obfervatoire royale de Paris.
·
Le prix de la carte , avec
l'introduction , eft de 9 1..
A Paris , chez Dézauche, Giogreche
du Roi , & Buache , rue
MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI ,
PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES,

CONTENANT
Le Journal Politique des principaux événemens de
toutes les Cours ; les Pièces Fugitives nouvelles
en vers & en profe ; l'Annonce & l'Analyse des
Ouvrages nouveaux ; les Inventions & Découvertes
dans les Sciences & les Arts ; les Spectacles
; les Caufes Célèbres ; les Académies de
Paris & des Provinces ; la Notice des Édits ,
Arrêts ; les Avis particuliers , &c . &c .
SAMEDI 6 JANVIER 1787.
A PARIS ,
Au Bureau du Mercure , Hôtel de Thou ;
rue des Poitevins , No. 17.
Avec Approbation & Brevet du Roi,
TABLE
Du mois de Décembre 1786.
PRICES FUGITIVES
.
A Madame.....
Sonne raisonnable & fenfi
ble 67
Le Moqueur moqué , Anec- Nouveaux Synonymes Frandote
, 4 fois,
Nature ,
ICO
Mifanthropie , traduite du Pensées Philofoph ques fur la
Grec de Ménandre,
Acroftiches ,
Vers à Mme Belli... ,
ib.
6
49
Impromptu à Mlle Denison ,
117
Elemens d'Hiftoire Naturelle
& de Chimie , 118
Tableau des Révolutions de la
Littérature ancienne & mo-
Morceau fur les Serres chau- Théâtre Moral ,
Chanfon ,
ib.' derne , 152
170
des , 97
M. d'A *** d Mme d'Hic
Hiftoire de Provence,
Difcours de M. le Comte dela
Tourailles ,
202
211
145
147
· 193
que
Romance ,
Cécile , fille d'Achmet III ,
148_Empereur des Turcs , 216
Tableau du travail fait par
les Rédacteurs & Coopérateurs
du Mercure ,
Variétés , 34 , 38 , 70 , 120
199
Réponse à la queftion ,
Epitre à M. Balze ,
A Mlle Warefcot ,
Charades , Enigmes & Logogryphes
, 7, 62 , 98 , 150 ,
2001
NOUVELLES LITTER .
26
Satyres , par M. Cle***
Traitéfur les propriétés & les
effets du Café ,
Voyages dans les Alpes , 54
Les Loisirs d'une jeune Per
219
SPECTACLES.
Concert Spirituel ,
Acad. Royale de Mufiq. 39 ,
179
72, 125 , 186
Comédie Italienne , 83 , 134 ,
181
Annonces & Notices , 44 , 91 ,
138 , 186 , 232
A Paris , de l'Imprimerie de M. LAMBERT ,
** dela Harpe , près S. Côme,
BIELIOTHECA
REGLA
MONACENSIS
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 6 JANVIER 1787.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
A un de mes Amis , qui a fait de
mauvais Vers.
ARTISAN
ARTISAN de mauvaiſes rimes,
Je verrai toujours dans tes vers
Des fadeurs que tu crois fublimes ,
Ta raiſon tournée à l'envers ,
Le fens coupé dans la céſure ,
Un bon vers , mais fans compagnon ,
Des chevilles pour la meſure ,
Un ftyle du plus mauvais ton ,
Chaque vers offrant un emblême ,
La rime arrivant au galop ,
La raifon s'échappant de même.
Pardonne fi j'en ai dit trop;
A
4
MERCURE
Mais , crois- moi , prenons fans fcrupule
Tous les deux ce qui nous convient ,
Toi , ta grammaire & ta férule ,
Moi , le fafeau qui m'appartient.
*
(Par Mme B..... à Nevers. )
LE LOIR , Fable.
UN Loir faifoit fa réfidence
Dans un grenier abandonné ,
Où l'animal infortuné
Dépériffoit par l'abſtinence ;
Mais en dépôt l'oh y mit du froment ,
Et le reclus fe vit dans l'abondance ;
Alors Souris & Rats vinrent joyeuſement
Prendre part à fon opulence
Et le féliciter fur la magnificence,
En peu de temps le voilà frais , difpos
Se pavanant & faifant le gros dos ,
Comme ces parvenus fortis de la pouſſière.
Cependant un beau jour on enleva le grain
Et notre Rat le lendemain
Se retrouva dans la misère.
On n'a plus d'amis en ce cas :
Chacun fe retire à grands pas ;
* Il eft Makre ès- Arts.
DE FRANCE.
Et voilà ce que fit la troupe mercenaire.
De tous nos vils écornifleurs
C'eft auffi l'ufage ordinaire :
Perdez votre or , plus de flatteurs.
( Par M. Adhémar , Comte de Marfane. )
CHANSON
Chantée à Mme DE VALLÉESSEURS ,
par Mlle DE VALLÉESSEURS.
Sur l'Air : Je Suis Lindor.
TOUCHANT à peine au printemps de mon âge,
Merveille n'eft fi j'ai quelque beauté ;
J'ai les couleurs & la légèreté ,
Non les défauts du papillon volage.
LORSQUE ma voix a brillé fur la scène,
Il faut me voir dans un bal voltiger ;
Là, cent rivaux brûlent de m'engager ,
Tous dans leurs mains voudroient tenir la mienne,
MAMAN inftruit mon enfance ingénue ,
C'est dans des bras que font nés mes talens ;
Quand je parois , je me fais mille amans ;
Je n'en ai plus , hélas ! dès qu'on l'a vue.
( Par M. de **** , Officier au Régimens
de l'Ile de France. )
A iil
MERCURE
Sur la Mort de M. BEAUJON.
BRAUJON , par un trait feul , eft affez honoré
:
Il étoit opulent ; le pauvre l'a pleuré.
(Par M. D.. T….. )
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercure précédent.
LE mot de la Charade eft Theatre ; celui
de l'Enigme eft Clef; celui du Logogryphe
eft Serrure , où l'on trouve ferre , rue , rés
rufe.
CHARADE.
QUICONQUE eft bas fatteur , eft toujours mon
premier ;
L'innocence fans fard habite mon dernier ,
Et chaque grande ville a toujours mon entier.
(Par M. le Chevalier de Meude- Monpas. )
DE FRANCE. 7
ENIGM E.
JE fuis léger au féminin ,
Je fuis léger au maſculin ;
Mais léger d'une autre manière .
Femelle , on m'admire & je plais
Quand on voit en moi de beaux traits ;
Quand je fuis d'un beau caractère ,
Sur-tout d'un caractère égal ;
Quand je fuis droite & bien réglée ,
Nette , propre , point barbouillée ;
Ma moindre tache eft un grand mal :
J'ai men rang , ma place & mes tities 3
J'entre fouvent dans les Chapitres .
J'ai de l'efprit & du ſavoir ,
Au moins je devrois en avoir : /
J'ai bien des feurs ; mais leur fortune
Et leur mérite eft diffé : cnt ;
Une quelquefois en vaut cent ,
Ou mille n'en valent pas une .
( Par M. L. F. , Avocat au Parl. de Lorraine. )
LOGOGRYPHE
DE fept pieds mon tout fe compoſe ,
Et je nourris grand & petit.
A iv
8 MERCURE
Hélas ! je fuis fragile , & fi l'on ne m'emplit,
Je ne vaux rien ou peu de choſe.
On trouve dans mon examen
Cet élément conquis par Charles & Pilâtre ,
Et celui qui naguère aux exploits de Suffren
A fervi de théâtre.
On y rencontre auffi ce doux nom fi commun
Si rarement au coeur , fi fouvent à la bouche ,
Que l'on prodigue à l'importun
Autant qu'à l'objet qui nous touche ;
De la coquette un titre redouté ;
Un don divin , mais fujet à difpute ,
Don refufé par Defcarte à la brute
Et par l'erreur à l'homme conteſté ;
Un poiffon délicat ; un animal immonde ;
L'aliment du vieillard ; la raifon du guerrier ;
Le gagne pain du batelier ;
Un mélange fangeux de la terre & de l'onde ;
Du Poëte François l'écueil trop dangereux ,
Et l'ornement altier du Prélat faſtueux .
Mais c'eft en dire aſſez
pour que l'on me devine ,
Sinon , va me chercher , Lecteur , dans ta cuifine,
( Par M. le V... )
DE FRANCE
NOUVELLES LITTERAIRES.
IDÉES fur les fecours à donner aux pauvres
Malades dans les grandes Villes. A Philadelphie
, & fe trouve à Paris , chez Moutard
, Imprimeur- Libraire , rue des Mathu
rins , hôtel de Cluni.
DEPUIS
EPUIS quelque temps , dans toutes les parties
de l'Europe , les bons Citoyens , les Écrivains
politiques , les Phyficiens & les Adminiftrateurs
ont plus particulièrement porté
leur attention & leurs foins fur le régime
des Hôpitaux. De nouvelles vues , propofées
& difcutées , ont déjà amené d'heureuſes réformes
, & en préparent de plus grandes . C'eft :
un des progrès de notre fiècle qu'il eſt juſte
de reconnoître & de louer dans toutes les occafions.
Le petit Ouvrage que j'annonce en
offre une bien naturelle. C'eft un des meilleurs
qu'on ait encore publiés fur cet intéreffant
fujet.
On ne voit pas que les nations anciennes
ni les nations étrangères à l'Europe ayent
connu l'établiffement des Hôpitaux. Il paroît
que , chez elles , la conftitution fociale & la
bienfaifance particulière rendoient inutiles
ces hofpices ouverts par la . miféricorde pu-
Av
10 MERCURE
blique . Ce qui paroît certain au moins , c'eſt
que leurs établiffemens , qui avoient le même
objet , n'avoient rien de pareil dans le plan
& l'exécution . Cette inftitution appartenoit à
une religion qui a particulièrement adopté les
pauvres , qui préfente fans ceffe leurs befoins
à la confcience des riches , & dans fes
menaces & dans fes récompenfes.

Depuis qu'on a beaucoup examiné ces établiffemens
, on les a vus fous des afpects bien
divers . Nous en fommes peut - être trop près
pour bien recevoir les impreffions qu'ils doivent
laiffer. Tranfportons- les un moment
loin de nous ; donnons- les à juger à ces peuples
qui ne les connoiffent pas ; nous apperceverons
mieux les véritables idées qu'on en
doit prendre.
Je fuppofe qu'un Concitoyen de ces peuples
, qui auroit long- temps féjourné parmi
nous , & , ce qui eft moins commun & moins
facile , qui y auroit bien obfervé , revenu
dans fon pays , & choififfant dans les objets
qui ont attiré fon attention , ceux qui tiennent
au bonheur de l'humanité , & qui annoncent
le plus les progrès de la civilifation , parla
ainfi : « L'Europe doit à fa religion une vertu
publique qu'on ne voit point ailleurs . Dans
» toutes les contrées , & depuis des fiècles ,
» elle a élevé des afyles pour les pauvres , les
enfans abandonnés & les infirmes. Par-
» tout le voyageur eft frappé de quelque édi-
» fice confacré par cette touchante infcrip-
» tion . Cette religion porte la piété pour les .
DE FRANCE. 11
12
23
"
"
"
» malheureux , jufqu'à former des ames pour
» la fainte fonction de les foulager . Ainfi , il
n'y a rien de fervile dans un foin qui répugne
fi fort à notre foibleffe ; des recompenfes
céleftes en font un fublime dévoue-
» ment. Ce font les femmes qu'elle y a appelées
, comme pour fignaler davantage fa
puiffance , en triomphant de cette aver-
» fion plus vive que la nature leur a donnée
» pour l'afpect des fouffrances & de la mort ,
" & comme pour faire un plus doux préfent
» aux misères humaines , en les confiant à
» une fenfibilité plus délicate. Dans plufieurs
» villes , la bienfaifance eft quelquefois obligée
de refferrer fes fecours ; mais dans
d'autres , elle les étend en proportion du
» nombre des infortunés. La plus célèbre des
Capitales offre dans ce genre un fpectacle
» tel qu'il faut l'avoir vu pour s'en former
» une idée. Elle a un hôpital qui eft comme
» une ville de refuge pour toutes les infir-
» mités.Vous y voyez quelquefois juſqu'à cinq
» mille malades . On ne demande ni de quelle
99
""
و د
ל כ
religion , ni de quel pays , ni de quel état
» vous êtes , fi vous faites le bien ou le mal ,
fi on vous doit récompenfe ou punition.
» Vous êtes pauvre & fouffrant ; vous avez
» beſoin d'un afyle & des fecours d'un art
» falutaire . Entrez , prenez place parmi tant
» de malheureux. Venez repofer vos dou-
» leurs dans le fein d'une charité infpirée
" par Dieu même , & attendre avec réfigna-
≫tion ce que la Nature vous réferve . »
و د
A vj
2 MERCURE
33
J'entends du milieu de ce peuple s'élever
des cris de bénédiction , & des tranfports
d'admiration s'y mêler. « O humanité ! ô pa-
» triotiſme , qui ne pouvant empêcher l'indigence
, en retranchent au moins les plus
» extrêmes malheurs , qui ne permettent pas
» à des hommes , à des citoyens de refter
privés des premiers befoins & des derniers
fecours de la vie , pourquoi n'êtes vous
» pas la loi , la religion de tous les peuples !
» vous , qui nous gouvernez , foyez touchés
» d'un fi noble , d'un fi faint exemple. Nous
ود
ور
"
"
»
aufommes
auffi expofés à toutes les détreffes
» de la pauvreté ; mais nous n'avons de reffource
que dans la pitié toujours lente &
foible de ceux qui nous entourent ; autant
elle eft douce , quand elle vient à nous ,
» tant elle eft cruelle , quand il faut l'implo
» rer. Sauvez- nous de ce dernier malheur ,
» de cette profonde humiliation . Accordez-
» nous aufli une maiſon commune , qui ſoit
» celle de tous ceux qui n'ont pas un afyle ,
» ni pour vivre , ni pour mourir. »
"
Telle feroit la première impreffion de ce
peuple fur des inftitutions que nous regardons
avec indifférence , & dont nous parlons
fouvent avec murmure.
Mais ces caufes de nos murmures , un étran
ger , quoique de loin , pourroit les appercevoir
avec un peu de réflexion . Suppofons un
Philofophe parmi ce peuple , ne pourra- t'il
pas fe lever & dire: " O mes concitoyens ,
"
quelle vaine illufion touche vos coeurs!
DE FRANCE. 13
"
و ر
و د
quelle admiration inconfidérée vous en-
» traîne ! êtes vous las de vos vertus qui vous
» rendent inutiles ces établiffemens ? Puif-
» que notre patrie n'en a pas encore élevés ,
» c'eft fans doute que les malheureux n'ont
» encore été délaiffés ni de leurs paréns , ni
» de leurs amis , ni de leurs voifins , de tous
» ceux à qui les fentimens de la Nature &
les rapports de la fociété impofoient de les
foulager. Voulez- vous ne plus rien faire ,
» ne plus rien fentir pour eux? Livrez- les à
» la pitié publique ; elle fera votre excuſe ,
» & elle fuccombera fous lefardeau que vous
» lui laifferez . J'ai peu de confiance dans
» cette vafte charité , qui n'embraffe toutes
les misères que pour ne s'attacher à au-
» cune , qui les raffemble , comme fi elles
» ne pouvoient s'adoucir qu'en préſence les
» unes des autres. Un grand hôpital ne m'an-
» nonce que des riches fans compaffion , des
"
"
"
و د
"
malheureux fans reffource , & un gouver-
» nement qui leur laiffe tous leurs maux ,
content de les défendre de la mort. Mais
ne nous trompe pás par de faulles appa-
» rences , toi qui nous vante des ufages
étrangers. Ce n'eft pas affez de nous annoncer
ces lieux de miféricorde ; dis nous ce
qui s'y paffe ; voyons comment une bien-
» faifance fi étendue remplir fes promeffes. "
Homme jufte & fage » répondroit le
Voyageur , " tu préviens ce que je dois t'apprendre.
Ces inftitutions ont un but grand
» & facré ; mais elles n'atteftent que leur,
ן כ
,,
""
""
-
2
14
MERCURE
"
»
ور
99
12
impuiffance à le remplir. Elles ne font
bonnes que dans les lieux où la charité pri-
" vée pourroit les rendre inutiles , où peu de
malades font réduits à la charité publique ,
» où celle- ci peut réparer les maux de l'ex-
» trême pauvreté , & remplacer un peu les
" foins des affections domeftiques . Ailleurs ,
» les abus s'étendent à proportion de la multiplicité
des fecours qu'il faut donner.
Pourrai-je vous dire ce que j'ai vu , ce que
j'ai fenti dans le plus confidérable & le plus
» triftemént célèbre de ces établiffemens ?
Pourrai-je contrifter vos coeurs , fouiller
» vos imaginations d'un fpectacle qui fou-
» lève toute la fenfibilité ? En parcourant
» cet édifice , qui , au fein d'une immenfe -
capitale , contient quatre mille malades
qu'ils infectent , & dont ils font infectés ,
❞ en voyant la pitié qui les reçoit , réduite à
devenir barbare dans le traitement qu'elle
leur accorde , les entaffer jufqu'à quatre
» dans un même lit , ne les foigner qu'avec
» cet ordre néceffaire dans une vafte admi-
ود
"
"
"
niſtration , & fans cette compaffion , qui
» s'arrête & fe proportionne à chaque befoin
, à chaque douleur , j'ai cru être amené
» en ce lieu pour recevoir , dans un feul fentiment
, l'impreflion de tous les maux que
la Nature, dans fes rigueurs , que la fociété
» dans fes défordres , peuvent accumuler fur
» l'humanité. Auffi les miférables , pour qui
feuls peut exiſter un pareil établiffement,
» en ont une frayeur telle que les loix au-
»
»
DE FRANCE.
15
92
roient pu en faire une peine très - répri-
» mante. Ils en redoutent l'air , les fecours ;
» ils n'y viennent que lorfqu'ils ont perdu ,
» avec tous les moyens de vivre , llee courage
» de mourir. Tout ce que ce féjour a de ré-
» voltant en fait même une humiliation ;
quiconque y échappe à la mort , n'en
" fort qu'avec la crainte du mépris ; & ce
» pendant le peuple de cette capitale eft fi
» profondément dénué de reffources , que
fon affluence dans ce féjour eft la princi-
" pale caufe des dangers , des afflictions qu'il
» y rencontre. Dieux , protecteurs de mon
" pays , Dieux qui vous laiffez toucher auxmi-
" sères humaines, rendez- nous toujours affez
"
miféricordieux , pour retenir toujours nos
» pauvres & nos infirmes près de nos fecours
» & de nos foins , & pour ne les reléguer jamais
dans ces hofpices meurtriers ! »
"
Ainfi , en honorant les principes facrés qui
ont préfidé à ces établiſſemens , en béniffant
les fecours que l'humanité fouffrante en a
reçus , en les contemplant encore avec cette
reconnoiffance & cette confolation qu'ils infpirent
à toute âme fenfible , on fent avec
amertume , on voit avec étonnement , qu'ils
pallient les grands maux de la fociété plutôt
qu'ils ne les corrigent , qu'ils ne réparent les
plus grands défordres que pour en entretenir
la fource , qu'ils affoibliffent même les vertus
qui les ont fait naître , & qui peuvent feules
les faire atteindre à l'étendue de leurs objets.
On n'a pas affez vu que les hôpitaux étoient
16 MERCURE
le plus infuffifant des remèdes à appliquer
aux misères humaines , qu'ils accufent la fociété
à mesure qu'ils fe multiplient. Ce n'eſt
pas affez d'ouvrir un azyle au pauvre dans
fes maladies ; il faut lui affurer des moyens
de travailler fans s'excéder , d'amaffer quelque
chofe au de-là de fes befoins journaliers , de
ne pas être réduit à paffer le temps de fes
fouffrances comme un être qui ne tient à rien
dans le monde . Confidérez auffi que la vertu
publique eft fans force , fi elle n'entretient &
ne dirige les vertus privées ; qu'autant ce qui
s'infpire- dans les oeuvres de la bienfaiſance,
eft abondant , autant ce qui s'y commande eft
borné. La nature a mis dans nos âmes des
impreffions , la fociété nous place dans des
rapports , qui nous appellent au fecours des
miférables. Fiez- vous davantage à la compaffion
naturelle , à ces devoirs de convenance
dont il nous eft fi aifé de contractcr
l'habitude ; ou plutôt accroiffez - en la force
par le befoin d'y céder , par le cours de l'opinion
, par des diftinctions que vous y attacherez.
Ne voyez - vous pas que lorsque vous.
élevez un hôpital , chacun fe dégage des liens
de parenté , d'amitié , de confraternité , de
voifinage. On devient dur, parce qu'on paye,
parce qu'on fent moins la voix tendre & impérieufe
de la pitié , & qu'on croit n'avoir
plus à répondre de rien , même à fon propre
coeur. Je ne fais fi une partie de l'égoïfme
qu'on remarque dans les grandes villes , ne
vient pas de cette fource. Ne pourroit- on
DE FRANCE. 17
pas auffi foulager les infirmités humaines ,
fans enlever les malheureux à tout ce qu'ils
aiment , à tout ce qui les confole , fans les
entaffer enſemble , tandis que , pour leur
fanté & leur bonheur , il faudroit les dérober
les uns aux autres ? Ceux qui les foignent ,
feront - ils plus empreffés , plus attentifs ,
lorfqu'ils feront obligés de retirer leur affection
, ne pouvant la partager à tant d'objets ;
de ne faire que comme un devoir , ce qui demande
toute la vigilance d'un tendre intérêt ?
Et combien de dépenfes pour faire aller un
grand établiſſement , qui font perdues pour
l'utilité de fa deftination ? Combien d'abus ,
de défordres s'y introduifent bientôt & s'y
maintiennent long - temps ? Et quelle difficulté
de les détruire , quand ils ont leur excufe dans
une adminiſtration néceffairement compliquée
?
Telles font les vues que développe , d'une
manière auffi ingénieufe que touchante , l'Auteur
de l'Ouvrage que j'annonce ; & , ce qui
eft encore mieux , d'où il part pour propofer
des remèdes fimples & faciles à des maux
trop réels. J'aurois peut- être dû n'employer
que fes idées & fes paroles. Mais comment
peut - on toucher à la caufe des infortunés ,
fans y faire entendre ſa foible voix ? Un Écrivain
n'a que fes penfées à offrir dans le foulagement
des misères humaines ; il croit acquitter
la dette , lorfqu'il en trace le tableau ,
& qu'il y répand les mouvemens & les voeux
de fon âme.
18 MERCURE
L'ouvrage , dont nous allons préſenter les
principales idées, a pour but de s'oppoſer au plan
d'un nouvel Hôtel -Dieu , propofé par M. Poget.
Veut- il donc priver les infirmes & les malades
de tout fecours ? Au contraire , il veut
leur en affurer de meilleurs & de plus nombreux.
Son plan feroit qu'il n'y eût plus
d'Hôtel- Dieu , au moins qu'il fût réduit à un
grand hofpice ; que les revenus en fuffent
appliqués au foulagement des pauvres- malades
, fous la direction de l'adminiftration
qui régit maintenant cet établiffement ; que ,
dans chaque Paroiffe , il y eût une fondation.
de charité , telle que celle qui fubfifte dans
celle de Saint- Roch , deſtinée à pourvoir au
foulagement des pauvres-malades qui ont un
domicile ; qu'il y eût des hofpices , dans chaque
Paroiffe, pour les malades fans domicile ; enfin
qu'on autorisât les particuliers à établir des
infirmeries à penfion , féparées des hofpices ,
où les Maîtres & les perfonnes charitables
pourroient placer leurs domeftiques ou des
ouvriers qui les intérefferoient.
Ce n'est point du tout faire connoître un
plan, dont toutes les vues font fondées fur des
obfervations auffi juftes qu'utiles , & dont toutes
les idées font bien liées , que de s'arrêter à un
fimple énoncé. Il faut lire cet Ouvrage ,
qui , au mérite d'un grand intérêt , joint
l'avantage d'être très- court. Ce feroit une
forte de crime pour la Nation & pour le fiècle,
que de pareils objets y fuffent traités fans
obtenir une grande attention , & qu'ils l'ayent
DE FRANCE 19
été avec une fagacité fi heureuſe, fans obtenir
à l'Auteur une reconnoiffance publique.
Plus ce Journal eft répandu , plus il doit
particulièrement s'arrêter fur des Ouvrages
pareils.
Rien de plus jufte & de plus fin en mêmetemps
que les principes d'où part l'Auteur
pour vouloir qu'on commence par ne pas
faire fortir de leurs familles les malades qui
en ont une.
"Il n'eft pas dans la Nature de demander
» à autrui ce que l'on peut faire foi - même
fans un trop grand effort.
"
» L'homme fouffrant commence par fup-
» porter fon mal , & par y apporter de lui-
» même , avec ſes propres moyens , le foulagement
qu'ils peuvent lui procurer.
ور
Quand les moyens de foulagement qui
» dépendent de lui font infuffifans , il fe
plaint; il commence à implorer le fecours
» de fes parens & de fes amis , & chacun
» d'eux l'affifte par la fuite d'un penchant
» naturel que la compaffion met du plus ou
» moins dans le coeur de tous les hommes.
» Cette affiftance a cependant des bornes ;
elle eft limitée par les moyens & par la
volonté de ceux qui la donnent ; elle ne
» peut s'étendre au delà du terme où les
» foins & la fatigue qu'ils prendroient leur
» fembleroient plus pénibles que la compaffion
qu'ils reffentent ; ce terme s'élève
très haut , quelquefois jufqu'au facrifice de
la vie chez les coeurs fenfibles & vivement
20 MERCURE
"
"
affectionnés ; il a peu de portée chez les
» indifférens ; mais , fi l'on pouvoit s'expri-
» mer ainfi , il préfente toujours une forte
d'équation , en raifon de laquelle l'affif-
» tance eft donnée tant qu'elle paroît à
» l'homme qui s'y dévoue , un moindre far-
» deau que celui de la compaffion dont il eſt
ému.
و ر
و د
ور
ور
"
» C'eft ce qui fait que les fecours de la
» famille unie par l'amour & par l'amitié
font toujours les premiers , les plus attentifs
, les plus énergiques , & ceux dont eft
» le plus véritablement foulagé l'être fouffrant
, qui dans l'affiftance qu'il reçoit
» compte pour beaucoup la confolation qu'il
éprouve, & a beſoin de trouver une jouiffance
morale jointe à un fervice phyſique.
"
ود
ود
Mais quelquefois , & trop fouvent fans
doute , les efforts de la famille ne peuvent
» fuffire aux befoins urgens & multipliés de
» l'individu qui fouffre. Qu'arrive- t - il alors ?
» La famille à fon tour invoque le fecours de
» fes vorins. Ceux - ci en donnent , qui de-
» viennent utiles , qui fuppléent un peu à
l'infuffifance des premiers, mais qui , offerts
» avec moins de zèle , & fuivis avec moins
d'intérêt ,font loin d'avoir, par leur nature ,
» la même efficacité.
و ر
ور
و ر » C'eft bien pis quand, au-lieu de l'affif-
» tance des voifins , il faut avoir recours à
» celle du Village , ou de la Paroiffe , ou de
» la Municipalité , ou de la Province , ou de
» l'État. Plus le fecours vient de loin , moins
و د
DE FRANCE. 21
ود
il
vaut , & plus il paroît lourd à ceux qui
» l'accordent.
"
» Cet inconvénient ayant fa fource dans
» la conftitution de l'homme & de la So-
» ciété, il eft impoffible d'y échapper , & il
» en réfulte que , lorfqu'il s'agit de foulager
l'infortune & la maladie , la Société ellemême
, pour exercer une véritable cha-
» rité , doit s'employer le moins qu'il foit
poffible , & faire autant qu'il peut dépendre
d'elle , ufage des forces particulières des
» familles & des individus. »
و د
ور
و د
39
Parmi les avantages de cette manière d'adminiftrer
les fecours publics , l'Auteur en
fait remarquer un principal , celui de faire
concourir les foins de la famille à la guériſon
du malade, & les fecours du malade au foulagement
de la famille elle - même.
ور
23
"
" Toutes les fois qu'on fe rapproche de la
Nature , les biens fe cumulent. Lorſqu'on
» s'en éloigne , ils ne fe font plus qu'aux
dépens les uns des autres. Un Artiſan , un
Ouvrier , pères de famille , tombent ma
lades , leur falaire , qui faifoit vivre leur
ménage , eft interrompu. Si on les tranf-
» porte dans un Hôpital , ils quittent avec
» une double affliction leur femme & leurs
» enfans , dont ils regrettent les foins ; leur
» femme & leurs enfans , qu'ils laiffent fans
» pain & réduits à la mendicité.
و ر
Si au contraire on ne les fépare point ,
» le père foigné & confolé fera moins long-
» temps & moins dangereufement malade ;
1
12 MERCURE
"
& dans la dépenfe que la Charité devra
faire pour lui, il y en a une partie qui , fans
» lui nuire & fans multiplier les frais , peut
» tourner au profit de fa famille. Il faut bien
» que quelqu'un mange la viande dont on
» lui aura fait du bouillon , & en chauffant
» ´ſa tiſanne il n'en coûte pas plus de chauffer
» aufli fes enfans. La femme & les enfans
» peuvent donc fe trouver fauvés de la misère,
fi au- lieu d'envoyer le malade dépenfer
trente fols par jour dans un Hôtel-
» Dieu , on le laiffe, aidé de leurs foins , en
» confommer vingt au milieu de ceux qui
» l'aiment , & qui lui font chers. »
ور
23
و د
"
"
"
Cette forme étendroit les liens de l'amitié
chez le peuple. Ceux même qui n'auroient
point de familles , le verroient fouvent
» afliftés par un zèle véritable , ou préférable
du moins à celui des infirmiers , fi ce
» zèle étoit affuré d'être foutenu & réchauffé
par un partage dans la petite penſion journalière
, & par le droit de confommer la
» viande des bouillons : tout fentiment na-
» turel peut être tourné à bien , & l'intérêt
» même peut perfectionner les moeurs , s'il
eft mis fur une bonne voie par une intelligente
charité. »
39
"
On ne peut fe refufer aux raifons que développe
l'Auteur contre les grands hôpitaux,
& aux avantages qui réſultent de la multiplicité
des hofpices. Il faut les voir dans l'Ouvrage
même. L'Auteur avoit ici un modèle
DE FRANCE. 23
à citer , & il s'eft plu à rendre un hommage
que tous les coeurs partageront.
ور
"
" Il faut bénir la dame étrangère qui a
profité du crédit dont elle jouifloit , & de
la vénération dont elle jouira toujours ,
» pour nous donner l'exemple d'un hofpice
où les malades , foignés avec humanité ,
» meurent moins que dans aucun des autres
hôpitaux de la capitale ; & il faut fouhaiter
qu'un zèle trop ardent ne conduife
multiplier les lits de cet hofpice , de manière
à en former à fon tour un grand
hôpital. Ses fuccès tiennent principalement
» à ce que l'entrepriſe eft bornée.´ »
"
39
29
"
es
pas
Moins ces maiſons feront confidérables,
» & plus il fera facile à des hommes d'une
capacité ordinaire, & tels que ceux qu'on
» trouve à employer , d'y établir & d'y main-
» tenir le bon ordre , les bonnes moeurs ,
» l'économie & la probité de détail.
"2
Dans le quatrième chapitre , l'Auteur établit
le projet nouveau d'avoir des infirmeries
à penfion , qui feroient fous l'infpection des
Curés & des Dames de la charité de chaque
Paroiffe. Il entre dans des détails qui appuient
& confirment fes idées. Nous regrettons de
ne pouvoir ni les abréger, ni en détacher quelque
partie.
Le dernier chapitre eſt un réſumé du plan
de l'Auteur , où il l'établit fur de nouvelles
preuves ou de nouvelles confidérations.
On jugera de l'efprit général de cet Ouvrage
par les dernières phraſes :
24 MERCURE
22
"
و ر
ور
" Comment fommes- nous arrivés à mettre
» fur la voie de ce terme heureux , où , avec
la moindre dépenfe poffible , on affiſtera
» le plus grand nombre poffible de pauvresmalades
, en foulageant autant qu'il fera
poffible leur coeur affligé , & rendant plus
efficaces de toutes les manières , les foins
auxquels ils ont droit de prétendre ? C'eft
» en tâchant de ne pas laiffer perdre un des
» fentimens , un des penchans , une des ver-
» tus , une des paffions , un des intérêts , &
» même une des foibleffes que l'on pourroit
» tourner à leur profit . Toute faculté de dépenfer
en argent eft bornée ; tout pouvoir
phyfique eft limité. Il n'y a que l'efprit &
l'âme qui , plus rapprochés , fi l'on peut
» ainfi dire , de la divinité , tiennent d'elle
» une activité , une puiffance , une bienfaifance
prefqu'incommenfurables . >>
و د
""
ود
"
On ne fera pas furpris d'apprendre qu'on
doit cet excellent Mémoire à un Écrivain
qui s'eft particulièrement voué aux études &
aux travaux d'adminiſtration , qui joint un
efprit fupérieur à des connoiffances immenfes
, dont le zèle infatigable rend les talens
plus utiles , & qui , ayant mérité la confiance
du Gouvernement , aura un jour la
gloire d'avoir fenfiblement contribué à étendre
les lumières & à préparer beaucoup de
biens , par un grand nombre d'écrits qui ont
tous , comme cclui - ci , des objets d'utilité
publique.
( Cet. Article eft de M. de L. C. )
ZÉLIE
DE FRANCE. 25
ZÉLIE dans le Défert , par Mme D ***. A
Londres , & fe trouve à Paris , chez Belin ,
rue S. Jacques ; Defenne , au Palais Royal,
& Royez , quai des Auguſtins.
UNE femme jeune & belle eft féparée d'un
père & d'un amant qu'elle adore , par une
tempête qui brife le vaiffeau fur lequel ils
s'étoient embarqués pour les Indes ; elle ett
obligée de chercher un aſyle dans les bois , &
de paffer plufieurs années dans un endroit inhabité
de l'Ile de Sumatra. Tel eft le fond
du Roman que nous annonçons. Nous croirions
diminuer beaucoup le plaifir de ceux
qui s'emprefferont de le lire , fi nous leur
parlions en détail des divers événemens qui
le compofent , & qui les intérefferont d'autant
plus qu'ils feront moins prévus. Mais
nous ne pouvons nous refufer à la fatisfaction
de dire que le plan de l'Ouvrage de Mme
D. eft bien conçu ; les incidens y naiffent néceffairement
les uns des autres ; & l'on s'apperçoit
que les moindres font prévus par
Auteur dès le commencement de l'Ouvrage.
Mme D. indique ce qui les produit , de manière
cependant que l'illufion ne foit jamais
détruite , & elle les a d'ailleurs i bien enchaînés
, qu'en en fupprimant un feul , on renverferoit
tous les autres. Nous infiftons fur
ce mérite , parce qu'il eft très- rare , & parce
que nous ne voyons que trop de romans uniquement
compofés d'événemens fi peu liés
No. 1 , 6 Janvier 1787. B
26 MERCURE
1
les uns avec les autres , que l'on pourroit
prendre au hafard telle partie que l'on voudroit
pour le commencement ou la fin de
l'Ouvrage.
Dans la chaîne des événemens qui compofent
le Roman de Zélie , il en eft d'heureux ;
mais il en eſt aulli qui attriſtent l'ame & la
déchirent ; les fituations les plus fortes y font
peintes avec énergie ; mais comme aucun
des perfonnages introduits par l'Auteur , n'eſt
repréfenté avec un caractère odieux , ils ne
font jamais verfer des larmes amères ; les
fentimens qu'ils inſpirent ne font mêlés d'au
cun mouvement d'indignation ou de haine, &
il ſe répand fur le récit même des malheurs ,
une teinte de mélancolie tendre qui en adoueit
la peinture au point d'y attacher un charme
plus grand peut- être que celui que produit
l'image du bonheur. En n'offrant ainfi
que des caractères aimables, l'Auteur s'eft interdit
fans doute une grande fource de variété
; mais la beauté des fituations & l'intérêt
qu'infpirent les principaux perfonnages , le
difpenfoient d'avoir recours fans ceffe aux
contraftes les plus frappans. D'ailleurs , en
traçant fes divers caractères , Mme D. a attaché
à chacun une nuance de bonté relative à
l'état , au fexe , à l'âge , à l'éducation , à l'efprit
de fes perfonnages ; & comme elle a eu
l'art plus grand encore de foutenir ces mêmes
caractères jufqu'à la fin de fon Roman , les
diverfes nuances qui les diftinguent ne changent
point dans le cours de l'Ouvrage , & ne
DE FRANCE. 27
peuvent point par conféqueut fe rapprocher
affez les unes des autres pour fe confondre .
Les fentimens qui animent les perfonnages
fe développent donc toujours de la manière
la plus conforme à leurs différens caractères ;
& l'on doit compter bien peu de Romans où
l'on ait repréſenté avec autant de vérité tous
des degrés par lefquels un fentiment allez
foible dans fa naiffance , devient une paffion
impérieufe ; l'on s'en appercevra fur - tour
dans le caractère de Ninette , la jeune élève
de Zélie.
Ces vertus paiſibles , cette tendre boatéaffignées
aux divers perfonnages , ont influé
fur le ftyle de l'Auteur ; il règne en effet dans
la marche de fes idées , une forte de douce'
tranquillité. Mme D. emploie rarement ces
mouvemens impétueux qui ne conviennent
le plus fouvent qu'aux pallions extrêmes ; il
femble que l'expreffion des fentimens qu'elle
a voulu repréſenter , eſt toujours retenue par
une aimable modération ; on fent toujoursune
impreffion de calme , même en voyant
la peinture des orages du coeur ; mais fi le
Lecteur eft frappé par des traits moins rapides
, ils n'en pénètrent pas moins profondément
; & l'on fe trouve vivement ému
méme long - temps après avoir ceffé de lire le-
Roman,
La diction eft d'ailleurs pure , élégante &
facile . Mais ce qui caractérife particulièrement
le Roman de Zélie , c'eft Peſpèce de
forime dramatique que l'Auteur lui a très-
Bij
28 MERCURE
F
fouvent donnée ; Mme D. ceffe de temps en
temps d'employer le ton de la narration ;
elle offre tout d'un coup une peinture vive ,
tranfporte fes Lecteurs au lieu de la ſcène ,
les plonge dans l'illufion par la vérité des tableaux
, & laiffe parler fes perfonnages. Les
penfées s'élèvent alors ; l'expreflion s'anime ;
fentimens de fes interlocuteurs fe déploient
dans toute leur force , & ils peignent
eux-mêmes avec l'éloquence du coeur , leur
fituation heureuſe ou infortunée. Malheureu
fement pour nos Lecteurs , les bornes de cet
extrait ne nous permettent de citer que les
morceaux fuivans de l'intéreffant Roman de
Mme D.
33
"
و د
" Tout l'équipage étoit encore dans la joie
» que caufe la découverte de la terre ; nous
arrivions à la hauteur de Sumatra , fans
avoir éprouvé aucuns vents contraires. Il
» s'éleva tout-à- coup un violent ouragan qui
» emporta toutes nos voiles & nos mâts.
Qu'on fe peigne , s'il eft poffible , ( dit Zélie
elle-même ) cet inftant d'horreur , les cris
de tant de perfonnes épouvantées , le tu-
» multe , le défeſpoir , la mort. Ce fpectacle
>> affreux n'étoit éclairé que par la foudre qui
» éclatoit fur nos têtes. Hélas ! je reçus
peine les derniers adieux de mon père , de
mon amant , de mon amie. J'étois évanouie
» dans leurs bras , lorfqu'une vague terrible
» brifa notre vaiffeau fur la pointe d'un rocher
, & me fépara d'eux.
13
"
"
» J'ai fouvent cherché , & toujours en
DE FRANCE. 29
» vain , à me rappeler les circonftances de
cet affreux naufrage , où je fus portée prefque
fans vie fur ce fatal rocher . Je m'y
» trouvai comme fortant d'un fonge. Je fixai
» d'abord les objets fans les diftinguer , malgré
la clarté du jour ; mais peu - à - peu je
و ر
repris mes fens , & je vis toute l'horreur
» de ma ſituation . Le péril que j'avois évité
» me parut préférable à celui auquel je me
» trouvois expofée. J'enviai le fort de mes
" amis que la tempête avoit enfevelis fous
» les eaux. Un inftant après , je frémillois du
» genre de mort que je les avois vus prêts à
fubir. J'entendois retentir au fond de mon
» coeur , la voix trifte & plaintive de M. d'Er
» mancourt, qui fouffroit plus de mes maux
» que des fiens. Je le voyois encore , tâchant
de me raffurer fur un danger qui lui pa
» roiffoit inévitable , mais qu'il auroit voulu
» me cacherjufqu'au dernier moment. Hélas!
» je levoyois comme lui , ce fatal inftant qui
» devoit nous féparer ; mais je ne prévoyois
» pas que le deftin me réfervoit encore des
» maux plus cruels , en me confervant une
» vie infupportable , que l'abandon où je me
» trouvois me portoit à abréger pour me
» réunir à mes amis .
ور
Mes triftes réflexions m'arrachèrent les
plaintes les plus déchirantes fur ma defti-
" née. Je reprochois au ciel ma déplorable
» exifience : je l'accufois d'injuftice envers
mes amis , qui méritoient un meilleur fort.
J'étois dans le plus grand déſeſpoir , quand
"
Bi
30 MERCURE
R
33
"
93
j'entendis à peu de diftance des cris plaintifs
qui portèrent l'épouvante dans mon ame.
Je me levai brufquement du lien où j'étois
reftée plufieurs heures fans pouvoir changer
de fituation , tant j'étois accablée &
brifée par les fecouffes du vaiffeau. L'idée
de ma confervation , ce fentiment fi na-
» turel qui nous entraîne machinalement ,
» fut la feule qui m'affecta en ce moment , &
qui me fit retrouver mes forces prefque
anéanties. Je fus enfuite touchée de compaflion
pour l'être fouffrant que j'avois
entendu , »
33
06
و د »Jedefcendisdurocher;j'avançaidansle
» bois d'un pas timide & chancelant , en por-
» tant mes regards craintifs fur tous les objets
qui m'environnoient ; mais le même.
» fentiment que j'avois éprouvé , la peur
» avoit fait fuir la perfonne affligée au pré-
» mier bruit que j'avois fait , en marchant
dans le bois , pour aller à elle ; l'ayant cherchée
pendant quelque temps , je penſai
que la voix & les plaintes que j'avois cru
entendre , n'étoient qu'un effet de mon
» imagination troublée , qui me repréſentoit
par- tout des malheureux .
و د
» que
33
ور
Lt
J'étois perfuadée de cette illufion , lorfque
j'apperçus dans l'épaiffeur du bois , à
quelques pas de l'endroit où j'étois , dés
arbriffeaux fort agités . J'entendis quelque
» bruit. J'avançai en tremblant, & je crus
entrevoir , à travers les branches , une
perfonne de mon fexe. Cette vue me raf-
"
ל כ
DE FRANCE. 31
"
»
و د
fura. J'approchai en prononçant quelques
mots pour calmer la crainte de celle que
je voyois prête à m'échapper encore. Ah !
» ne fuyez pas une malheureuſe , dis - je ,
« d'une voix douloureufe & fuppliante. Qui
» que vous foyez , j'implore votre protec-
» tion ..... Qu'entends - je , s'écria la pauvre
» Lizadie , que je reconnus alors ? Quoi ! c'eft
» vous , me dit- elle en courant fe jeter dans
"
و د
و د
mes bras ! c'eft mon amie que je fuyois !
» j'étois moi - même fi étonnée , fi faifie en
la ferrant contre mon fein' , que je ne pus
lui exprimer ma joie que par des foupirs
& des larmes. J'avois l'ame fi troublée , fi
agitée par cette heureufe rencontre qui
» dans l'inftant m'avoit donné des espérances
» encore plus grandes , que je tombai pref-
» que fans connoiffance à fes pieds.
""
و د
» Revenue à moi , je demandai mon
amant , mon père. Je voulois que mon
amie me les rendît l'un & l'autre. Eh !
pourquoi , lui difois-je , pourquoi ne fe
» feroient- ils pas fauvés du naufrage comme
» nous ? Ils font peut être actuellement dans
quelqu'endroit de cette forêt , occupés à
gémir fur notre fort , comme nous fur le
» leur. Allons , ma chère amie , courons à
leur fecours. Ah ! fi le ciel me les avoit
» confervés ! ma vie entière ne fuffiroit pas
» pour lui en témoigner ma reconnoillance .
ود
و د
و د
» Mais nos recherches n'aboutirent à rien ;
» nos plaintes , nos cris furent inutiles: la
1
Biv
32
MERCURE
"
nature refta muette autour de nous. »
Dans le morceau fuivant, la jeune Ninette
exprime les fentimens que M. Sping le fils
fait naître dans fon coeur.
"
Pourquoi cette obftination à vouloir me
faire dire que je l'aime ? Que prétend- t'il?
Qu'espère- t'il d'un aveu qu'il ne devoit exi-
» ger de moi , que du confentement de fes
> parens , & en leur préſence ? Croit- il donc
» qu'il fuffit d'avoir ravi mon coeur pour me
faire oublier la vertu.... Ah ! ne le croyez
pas : non , ce coeur qui vous a fans détour
» avoué qu'il vous aime , ne confentira jamais
à fa honte.... Mais ne fuis - je pas in-
» jufte dans mes foupçons ? Quel févère exa-
» men ! quelle ingratitude de ma part ! quoi !
» cet homme fi honnête , fi grand , fi ver-
» tueux , qui , depuis que je fuis ici , ne s'eft
" pas démenti un feul inftant , qui m'a donné
» tant de marques du plus tendre attachement
, qui m'a facrifié tous les goûts , fes
plaifirs , tout ce qui l'occupoit avant mon
» arrivée; c'eſt lui que j'outrage : c'eft au plus
charmant des hommes que je cherche des
torts ! Ah ! je rougis de mon injuftice . Par-
» donne , cher objet de ma tendreffe , par-
» donne une défiance que mon coeur défa-
» voue ! non , tu ne veux pas me perdre , tu
→ ne cherches pas à m'humilier ..... Mais eft - il
» en ton pouvoir de réaliſer tous les titres
flatteurs que tu m'as prodigués dans l'ivreſſe
» de ton coeur ? Tu m'as nommée ton amie,
DE FRANCE.
33
·
"
و ر
"
» ta femme , ta compagne chérie. Ah ! puis-
» je eſpérer de mériter jamais ces noms fi
chers ? Quoi ! je ferois l'époufe de cet homme
fi recherché , fi defiré par toutes les
» femmes d'Achem ? .... Tu me ferois tant de
ſacrifices ! ah ! je devrois m'y oppoſer fi
» j'étois aufli défintéreffee que toi : je de-
» vrois m'éloigner. Je le devrois aufli pour
» la fatisfaction de tes parens : ils fe repró-
» cheront un jour de m'avoir fi bien reçue....
Mais je n'aurai jamais ce barbare courage' ;
» les liens qui m'attachent à toi font plus
forts que ma raifon. Je ne connois plus ,
je déteſte même cette grandeur d'ame hé̟-
roïque qu'un honneur chimérique infpire.
» Je ne ferai point grande ; mais je ferai
» honnête & vertueufe. Je ne fuirai pas ..... "
Il eft difficile de trouver des morceaux écrits
avec plus de fenfibilité & d'heureux abandon .
L'on admirera certainement auffi avec quelle
vérité l'Auteur peint le mélange des beautés
de la nature fauvage , avec le charme de la
nature cultivée , dans des sîtes pittorefques
qu'elle a fu fi bien animer par les fcènes
qu'elle y a repréfentées.
"3
"
"
Ceux qui auront lu le Roman de Zélie ,
- le reliront sûrement plufieurs fois ; & nous
croyons qu'il mérite d'autant plus d'être répandu
, que l'on peut le laiffer fans crainte
entre les mains de la jeuneffe la plus tendre ;
elle n'y trouvera que des leçons agréables
dans des exemples touchans ; & pendant' que
B v
34
MERCURE
l'expreffion de la vive fenfibilité qui y règne
ravira les jeunes coeurs , la peinture d'une folitude
tranquille , l'union d'une famille heureufe
dans un defert prefque inaccellible , le
contrafte de fa fituation paifible & fortunée
avec les agitations des grandes fociétés , charmeront
la raifon de l'âge mûr ; le vieillard
s'attendrira fur l'image facrée du refpect &
de l'amour filial ; & ceux même à qui les
douces émotions font trop étrangères , feront
retenus en le lifant par un attrait dont ils ne
pourront fe défendre. Les larmes délicieufes
que ce Roman fera répandre , les agréables
jouiffances qu'il procurera , les confolations
que lui devront plus d'une infortunée, feront
fans doute pour Mme D. une récompenfe
plus touchante & plus chère à fon coeur , que
Jes juftes éloges que fon Ouvrage obtiendra.
ALMANACH de la Samaritaine , avec fes
prédictions pour l'année 1787. A MM. les
Parifiens. Au Château de la Samaritaine ;
& fe trouve à Paris , hôtel de Mefgrigny ,
rue des Poitevins , & chez les Marchands
de Nouveautés , in- 16. Prix , 1 liv. broché
, & 1 liv. 6 fels franc de port par la
pofte.
I
CETTE petite Brochure ne doit point être
confondue avec la foule d'Almanachs dont
f
DE FRANCE.
35
on eft inondé au renouvellement de chaque
année. Ce n'eft point un Almanach véritable
, puifqu'on n'y trouve aucune indication
des jours , des mois , ni des révolutions du
Soleil. Ce titre n'eft que le prétexte d'une
critique agréable & gaie que l'Auteur a tra
cée de nos moeurs en parodiant les prédictions
de l'Almanach de Liége .
و د
و د
65
Il y a fi long- temps , dit la Samaritaine
aux Parifiens , que je fuis en poffeffion
» d'avertir la Ville de la fucceffion des
heures , & que je la réjouis par la variété
de mes fons , que mes droits dans cette
partie font inconteftables . Mais pour les
faire valoir plaiderai - je? ne plaiderai je
" pas : Je ne fais même à qui m'adreffer.
" Eft- ce à la Cour ? eft ce à la Ville ? eft- ce
» au Perfonnage qu'on nomme mon Gou-
" verneur, quoique je fois d'un âge à n'être
plus en tutelle ?
و ر

و د
" Jadis à Nuremberg un vieux Militaire
" tombé dans l'indigence , crut devoir écrire
» à la Patrie pour la prier de venir à fon
fecours.... On lifoit fur l'enveloppe de fa
lettre en gros caractères : A LA PATRIE....
" Tous les Facteurs couroient la Ville à
» perte d'haleine , demandant par- tout inutilement
Madame Patrie , perfonne ne la
connoiffoit, & les Adminiftrateurs même
» du pays fe renvoyoient réciproquement la
» lettre en difant : Nous ne fommes pas la
Patrie.... Je crains la même aventure....
"
"
-99
Bvj
36
MERCURE
2
"
و ر
"
D'ailleurs, j'ai tant vu de Plaideufes en
» trifte habit noir aller , venir , ſoupirer
» fans pouvoir obtenir une audience , que
» cela me décourage. Prendrai - je un Procureur
? Le remède feroit pire que le mal.
Bientôt forcée de vendre ma cruche , ma
fontaine , ma dorure pour fatisfaire à fa
» voracité, je me verrois au milieu du ruif-
» feau avant qu'il eût feulement commencé
20 la procédure.
ور
ود
"
» Ne pouvant plus ni marquer les heures
» ni les fonner , j'ai voulu faire un Almanach....
Perfonne n'eft plus en état que
moi de faire un pareil Ouvrage. Il y a Gi
long - temps que je me tiens à la belle
» étoile , & que j'épie les années , les mois ,
» les jours , que j'en puis parler favamment. »
و د
On voit , par ce que nous venons de citer ,
que l'Auteur écrit avec efprit. Il n'a pas toujours
un goût sûr , ni un ton excellent ; mais
il eft difficile d'allier conftamment ces deux
qualités avec le ton de la plaifanterie , & dans
les Ouvrages de ce genre on ne doit pas y regarder
de fi près.
Cet Almanach confifte en des réflexions
fur chacun des mois , & des prédictions pour
l'année 1787. On conçoit que les unes & les
autres ne font que de pures critiques . Nous
en donnerons une idée qui fera connoître &
juger l'Ouvrage. Voici ce qu'on y lit fur
Février:
A peine commence- t-il à naître qu'il
DE FRANCE. $7
» cabriole , qu'il chante , qu'il court les rues ,
» qu'il fe traveftit , & que la Police a toutes
» les peines du monde à le contenir....
وز
"
Les gourmands aiment de préférence ce
» mois , parce qu'il eft le père des indigef
» tions. On voit jufqu'aux avares , qui ne
» donnent rien dans le cours de l'année,
»,faire un effort extraordinaire au Carnaval ,
» comme fi l'on ne pouvoit pas fe difpenfer
» de célébrer Février....
"
» Ce fut pendant ce mois que Molière ,
» dinant chez l'Ambaffadeur de Venife , &
» voyant un Cagot qui mangeoit en efprit
» de pénitence un plat de truffes nommées
» en Italien tartuffoli , imagina que le nom
» de tartuffe défigneroit parfaitement l'hypo-
» crite dont il nous a peint le caractère , &c. »
Prédictions pour le mois de Mai. " Des
❞ inondations fubites formetont des torrens ,
» ce qui rendra quelques chemins périlleux ,
» & ce qui rappellera le bon mot d'un
Cocher , qui dit à un Évêque en pareil
» cas : Priez Dieu , Monfeigneur , car je vois
» l'heure où nos deux Siéges vont eire va
ور
» cans.
.ود
» Les in-folio continueront d'être au rabais
, & les in 16 auront une vogue éton-
» nante. On les tranfporte facilement ; &
quelque chofe de mieux , on les perd.....
» Une paysanne , brute comme les bêtes
» même qu'elle aura foignées , arrivera dans
Paris , paroîtra toute tremblante au Palais
۔ود
38
MERCURE
ود

Royal , pleurant fa mère , fes vaches &
fes pommes de terre , & dans deux mois
» de temps elle aura de l'efprit , des façons ,
un équipage , un hôtel , & mille adora-
» teurs qui l'appelleront Madame la Baronne
, & qu'elle favorifera d'un fourire.
» La meilleure banque dans Paris eft un
joli minois. »
و د
LES Entretiens du Palais Royal , 2 vol.
petit in- 12 , prix , 3 liv. , broché. A Paris ;
chez Buiffon , Libraire , hôtel de Mefgrigny
, rue des Poitevins.
Le titre de cet Ouvrage donne l'idée de ce
qu'il peut contenir. Ce font des converſations
auffi variées que l'Auteur a pu le faire , &
rien n'a pu l'arrêter , que fa laffitude ou fa
volonté. Son plan admettoit tout , s'étendoit
& fe refferroit à fon gré. « L'Auteur dit lui-
» même : Ceux qui font la matière de
» cette brochure , fe reffentent d'un lieu
ور
و د
où les promeneurs comme les babillards
» caufent fans ceffe des diftractions . Rien de
lié , rien d'approfondi ; & , pour fe
» mettre à la mode , rien qu'on ne puiffe ,
» parcourir dans un clin- d'oeil. » Il ajoute:
fi je faifois un livre , ( difoit Henri IV ) il y
auroit de quoi rire & de quoi réfléchir. Tel
eft le but que l'Auteur s'eft propofé. Nous
—-
DE FRANCE. 39
-
allons extraire quelques traits , pour qu'on
puilie juger de la manière de fon talent &
de fa gaieté. Le Palais Royal eft le ralliement
de l'Europe , de l'Amérique , de l'Afrique
, de l'Alie. — L'indigence y eft mère
de l'induſtrie ; on n'y met pas moins d'art à
mafquer la misère , qu'à fe faire un vifage à
l'aide d'une toilette recherchée . L'élégance
fupplée parfaitement à la parure. La petite
bourgeoife fait des révérences à la Duchelfe;
fa fille prend le coftume de la Cour : c'eft
l'hiftoire du phofphore qui , formé d'une vile
matière, a le plus grand éclat. Je parlois
encore , lorfqu'un élégant , dont les oreilles
& les pieds offroient à la vue les boucles les
plus extraordinaires , nous aborda. Il avoit un
de ces chapeaux en forme de cloche , qui
n'ont jamais bien coeffé perfonne ; un de ces
gilets où les poches touchent prefqu'au menton.
Il nous fit quelques caleinbourgs qui
font toujours pitoyables quand ils vont jufqu'à
deux, il nous répéta quelques bons mots
qu'il fête toujours avec Octave. Il difoit à
chaque phrafe : ma parole d'honneur ; langage
ordinaire à tous ceux qui n'en ont pas. Deux
montres enrichies de brillans paffoient fucceffivement
entre fes mains ; une large bague
flattoit fon orgueil , lorfque fon frère , honnête
Procureur vint à paffer. Alors mon
homme difparut , pour éviter la honte de
fraternifer d'une manière auffi bourgeoife ."
Nous rimes beaucoup d'un agréable qui
40 MERCURE
avoit des talons rouges & point de fouliers.
Il étoit dans fa mue , jufqu'à ce qu'une heureuſe
chance au jeu lui rende fon plumage
& fon orgueil.
L'Auteur parcourt tous les ordres des citoyens
, & faifit toujours leurs ridicules &
leurs caractères ; on doit convenir que cetre
fatyre eft aimable & qu'elle ne peut offenfer
perfonne. Elle nous tranfmet en même temps
toutes les bigarrures de notre fiècle avec
gaieté , vérité ; & elle devient quelquefois
férieufe fans être méchante.
SPECTACLE S.
CONCERT SPIRITUEL.
LES Concerts de la veille & du jour de
Noël ont offert plufieurs nouveautés intéreflantes.
M. Leroux a chanté pour la première
fois une Scène Françoife de M. l'Abbé Lefueur.
On a trouvé la voix agréable & fa manière
affez bonne . M. Wachter a exécuté les deux
jours un Concerto de Clarinette de fa compofition.
Le fon qu'il tire de cet Inftrument
eft d'une force & d'une beauté furprenantes.
Il a une grande volubilité avec infiniment
d'expreffion. On a fur tout admiré l'art avec
DE FRANCE. 41
lequel il nuance fon jeu , & la manière dont
il enfle & dégrade les fons. Il fe livre quelquefois
à des écarts de mauvais goût ; mais
éclairé par des confeils fages , il n'eft pas douteux
qu'il ne s'en corrige , & qu'il n'acquiert
bientôt le peu qui lui manque pour porter
fon Inftrument à la perfection. L'Ouverture
de M. Magnelli a paru manquer de
ftyle & d'harmonie. La Scène de M. Gauthier
avec le premier de ces défauts a l'excès contraire
du fecond. On y a trouvé peu de liaiſon
dans les idées , ce qui vient du peu d'habitude
d'écrire, avec une prétention extraordinaire
aux effets d'harmonie. Il faut bien fe mettre
dans la tête que les moyens d'expreflion accumulés
fans choix & fans ordre ne produifent
pas l'expreffion. En étudiant les grands
Maîtres , ceux qui les emploient le plus heureufement
, on verra combien ils en font
fobres. L'Oratorio des fureurs de Saül par M.
l'Abbé Lepreux a été fort applaudi , & a paru
digne de la réputation de ce jeune Maitro,
Mile Caroline Defcarlins , habituée depuis
long- temps ( quoique très jeune encore ) aux
applaudiffemens du Public , en a mérité de
nouveaux dans un trio de Harpe de la compo
ition de M. Ragué. Dire qu'elle étoit accompagnée
par M. Gervais fur le Violon & par
M. Duport fur le Violoncelle , c'eſt dire
affez avec quelle fupériorité elle l'a été. Le
rondeau de ce trio a paru d'un chant auffi
neuf qu'agréable. Le premier morceau eft
d'une exécution difficile ; mais cette difficulté
42 MERCURE
a difparu fous les doigts de Mlle Defcaf
fins. M. Meftrino a joué auífi les deux jours
un Concerto de Violon de fa compoſition.
Dans le premier morceau , peut -être un peu
trop long , & allongé encore par les points
d'orgue , fon jeu a paru foible , petit , & même
manquant de jufteffe , ce qui n'étoit cauſé
fans doute que par la crainte qu'il éprou
voit en débutant . Mais la manière dont il a
joué enfuite l'adagio lui a ramené tous les
fuffrages , & il les a ravis dans le troisième
morceau. Cet effet a fur tout été fenfible le
fecond jour , où après avoir d'abord excité
des murmures , la force de fon talent a fini
par arracher au Public des applaudiffemens
d'autant plus flatteurs , qu'il avoit eu à vaincre
une prévention défavorable avant de les
obtenir. La manière dont il dégrade les
fons a déplu , parce que nous avons ici la
louable habitude de condamner d'abord les
chofes auxquelles nous ne fommes pas accoutumés
. Mais les Connoiffeurs lui rendent plus
de juftice ; ils trouvent fa manière neuve ,
pleine d'expreffion , de fenfibilité ; en un
mot ils reconnaiffent en lui le plus grand
talent. Le morceau ajouté par M. Rigel
dans fon charmant Oratorio de la fortie d'Égypte
a été chanté parfaitement par Mme
Chéron , & a fait le plus grand plaifir.
-
DE FRANCE.
43
ANNONCES ET NOTICES.
PRECIS de Matière Médicinale , par M. Venel ,
Profeffeur en Médecine dans l'Univerfité de Montpellier
, &c. , augmenté de Notes , Additions & Obfervations
, par M. Carrère , Confeiller-Médecin ordinaire
du Roi , Cenfeur Royal , de la Société
Royale de Médecine , &c. A Paris , chez Cailleau ,
Imprimeur - Libraire , rue Galande. 1786 , in- 8 °. ,
2 Vol.
Le nom de M. Venel eft connu depuis long
temps dans le monde favant. Ce Médecin a occupé
une place diftinguée parmi les plus grands
Chimiftes de l'Europe ; les Ouvrages dont il a enrichi
le Public , nous font regretter ceux que nous
devions attendre de lai fi une mort prématurée ne
l'eût enlevé à la République des Lettres . Celui que
nous annonçons , qu'on a retrouvé après la mort ,
& que fa modeftie l'avoit empêché de publier , n'eft
point inférieur à ceux qui lui avoient mérité à jufte
titre la réputation dont il a joui .
On y reconnoît un Savant rempli de fon objet ,
parlant avec cette affurance que donne la certitude
des connoiffances acquifes ; le Profeffeur qui ,
fans s'aftreindre à un ordre déterminé , ſaiſit toutes
les occafions d'inftruire fes élèves fur les objets relatifs
à celui qu'il traite dans l'ordre où ils fe préfentent
à fon imagination ; des vues nouvelles &
lumineules fur la connoiffance , la nature & l'ufags
des médicamens ; un ſtyle haché , mais nerveux ,
plein de feu , qui indique un Auteur pénétré de l'importance
& de la vérité de fes préceptes . On defire44
MERCURE
roit y trouver un ton moins tranchant , & un peu
plus de ménagement pour les Ecrits , les opinions
& les Auteurs qu'il combat ; mais nous dirons avec
l'Auteur de fon Eloge , que l'amour de la vérité &
la noble affurance de l'avoir trouvée , lui faifoient
prendre ce ton qu'on improuve , & qu'il n'avoit nul
deffein de bleffer perfonne.
M. Carrère a fait à cet Ouvrage un grand nom
bre d'additions qui en font prefque la moitié ; elles
font de deux genres ; les unes contiennent l'indication
des Ouvrages les plus importans , qu'il eft utile
de confulter fur la nature & les propriétés de chaque
médicament ; cette méthode , qui n'avoit jamais été
employée , devient très-utile en indiquant les fources
dans le quelles on peut puifer des connoiffances
plus étendues que celles qu'on trouve ordinairement
dans les matières médicales . Les autres additions
de M. Carrère font relatives à un grand nombre
de remèdes que M. Venel n'a point connus , qu
dont il n'a point parlé . elles réuniffent dans un même
tableau un précis bien fait de toutes les connoiffances
& découvertes modernes publiées depuis
vingt ans fur les propriétés des médicamens ; elles
fuppofent beaucoup d'érudition & de grandes recherches.
LE Cabinet des Fées , ou Collection choifie des
Contes des Fées & autres Contes merveilleux ornés
de Figures , dix - huitième & dernière Livraiſon ,
Tomes XXXV, XXXVI & XXXVII , contenant
Minet Bleu & Louvette , pat Mme Fagnan ;
Acajou & Zirphyle , par Duclos ; Aglaé ou Nabo
tine , par Coypel ; Contes des Fées , par Mme
Leprince de Beaumont ; le Prince defiré , par M.
Selis ; Contes choifis extraits de différens Recueils ;
Aventures merveilleufes de Don Silvio de Rofalva ;
Notice des Auteurs qui ont écrit dans le genre
des
DE FRANCE. 45
1
1
1
3
Contes des Fées ; la lifte complette des Ouvrages
qui compofent le Cabinet des Fées.
Cette Collection , qui eft actuellement finie,
contient trente-fept Volumes in - 8 °. avec figures,
dont le prix eft de 3 liv. 12 fols le Volume broché
; elle eft auffi en trente- fept Volumes in 12
avec les mêmes figures au prix de 2 liv. 8 fols le
Volume broché , & en trente - fept Volumes in- 12
fans figures au prix de 1 liv, 15 fols le Volume
broché.
Les trois Editions qui fe font faites en même tems,
de cette Collection , prouvent le fuccès gér éral qu'elle
a obtenu , & nous difpenfent de prévenir le Public en
Ta faveur.
On trouve ces-diverfes Editions , ainfi que les
Euvres de le Sage , celles de l'Abbé Prevoſt , de
Mme de la Fayette & de Mme de Tencin , à Paris ,
chez Cuchet , Libraire , rue & hôtel Serpente ; & à
Genève , chez Barde , Manger & Compagnie , Imprimeurs-
Libraires ..
LETTRES à M. Bailly fur l'Hiftoire primitive
de la Grèce , par M. Kabaur de Saint Etienne , in-
8°. A Paris , chez Debure l'aîné , Libraire , quai
ds Auguftins , & au mois d'Avril 1787 , rue Serpente
, hôtel Ferrand , nº . 6.
Nous reviendrons fur cet Ouvrage , qui annonce
beaucoup d'inftruction , & dans lequel l'Auteur a
eu le talent de jeter plus d'intérêt que le ſujet ne
fembloit le comporter.
ABREG de l'Hiftoire Générale des Voyages ,
in-8°., Tomes XXII & XXIII. A Paris , chez
Laporte , Imprimeur- Libraire , rue des Noyers.
Ces deux nouveaux Velemes font l'Abrégé du
troifième Voyage de Cook. L'intéreffante hardieffe

46
MERCURE
de ce célèbre Voyageur eft auffi connue qu'admirée
, & nous difpenfe de tout éloge. Nous nous
contenterons de dire que dans l'Abrégé que nous
annonçons , fon troisième Voyage contient plus de
détails que l'Abrégé des deux premiers , & les rap
prochemens dont on a accompagné le récit des faits ,
feront utiles à ceux qui liront la grande Relation.
LES Étrennes de mon Coufin , ou l'Almanach
pour rire , année 1787 , in - 12 , par M. C. DA
Falaife ; & fe trouve à Paris , chez Defenne , Libraire
, au Palais Royal ; Leroy , Libraire , ue S.
Jacques , & chez les Marchands de Nouveautés.
C'eft une espèce de Pot-Pourri en profe & en
vers , le tout affez gai pour remplir fon titre.
PORTRAIT de Mgr. le Dauphin & de Madame,
Fille du Roi , dédié à la Reine , peint par Loui e-
Elifabeth Lebrun , Peintre du Roi , gravé par Mauice
Blot, Prix , 12 liv. A Paris , chez l'Auteur , rue
& près l'ancienne Comédie Françoife , nº . 39.
Ces deux Portraits groupés font dignes du talent
-diftingué du Peintre à qui nous les devons , & gravés
avec un foin & un fuccès digne du Tableau.
Le même Artifte s'occupe actuellement du pendant
du Verrou , qui aura pour titre : La Promeſſe
de Mariage..
1
VOYAGE Sentimentul, par M. Sterne , fous le
nom d'Yorick , traduit de l'Anglois par M. Frénais ,
nouvelle Edition , augmentée des Lettres d'Yorick à
·Eliza , & d'Eliza à Yorick , 2 Parties in- 1 6. Prix ,
3 liv. brochées. A Paris , chez Buiffon , Libraire ,
rue des Poitevins , hôtel de Mefgrigny.
*
Ii feroit inutile de faire ici chage de ce charDE
47
FRANCE.
b
1
}
:
mant Ouvrage fi connu , & qui porte un fi grand
caractère de vérité & d'originalité.
GALERIE hiftorique , univerfelle , par M. de
.P *** , feptième livraiſon . Prix , 3 liv. 12 fols .
A Paris , chez Mérigot le jeune , Libraire , quai
des Auguftins ; à Valenciennes , chez Giard , & chez
les principaux Libraires du Royaume & de 1 Europe.
Ce cahier contient les portraits d'Achille , de S.
·Le clerc , de Clovis I , de M. E. Lepide , de Poppée ,
de Raphaël Sanzio , de C. Tromp , de T. Wolfev.
PORTRAIT de M. Target , Avocat , l'un des quarante
de l'Académie Françoife ; Prix , } liv.
Ce Portrait , delfiné d'après nature par M. Pujos ,
& gravé par Vinfac , fe trouve à Paris , chez l'Auteur
, rue de Gèvres , maifon du Commiffaire , eft
chez M. Pujos , place de l'Eftrapade , la deuxième
maifon à côté du corps- de-garde.
Ces deux Portraits font honneur aux deux Artiftes.
--
NUMEROS 11 & 12 du Journal de Clavecin , par
les meilleurs Maîtres. Prix , féparément 3 1. Abonnement
pour douze Numéros 15 liv. Numéros 45
à 52 du Journal de Harpe , par les meilleurs Maitres.
Séparément 12 fols . Abonnement is liv.
Numéros 2 à 10 du Journal Hebdomadaire pour
Chant & Clavecin , arrangés par les meilleurs Auteurs
. Prix , féparément 12 fols. Abonnement
15 liv. , le tout franc de port . A Paris , chez Leduc ,
au Magafin de Mufique & d'Inftrumens , rue du
Roule , n°. 6.
SIX Quatuors concertans pour deux Violons ,
48
MERCURE
-
-
Alto & Baffe , par M. P. Arnaud , OEuvre III.
Prix, 9 liv. Ouverture , Marche , Gavotte , &c.
de la Toifon d'or arrangés en Quatuor pour deux
Violons , Alto & Baſſe , par M. Vogel , Auteur de
T'Opéra. Prix , 3 liv. 12 fols . Les mêmes pour le
Clavecin , Accompagnement de Violon , par M.
Neveu , Clavecinifte de Mgr . Comte d'Artois , Recueil
9. Prix , 7 liv. 4 fols. A Paris , chez M.
Michaud , rue des Mauvais- Garçons , près celle de
Buffy, Fauxbourg Saint Germain , chez l'Herborifte.
Le fuccès qu'a eu cette Mufique au Théâtre doit
en faire recevoir avec empreffement les morceaux
détachés. Ceux qui font arrangés par l'Auteur même
en ont un nouveau prix .
TABL E.
Aux de mes Amis ,
Le Loir , Fable ,
Chanfon ,
les grandes Villes,
Zélie dans le Défert ,
Almanach de la Samaritaine ,
34
gryphe , Royal ,
Sur la Mort de M, Beaujon,
Charade, Enigme & Lago Les Entretiens du Palais
3 ib.
Idées fur les fecours à donner Concert Spirituel ,
aux pauvres Malades dans | Annonces & Notices,
APPROBATION.
38
43
J'AI lu , par ordre de Mgr. le Garde- des - Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 6 Janvier 1997. Je n'y
ai rien tronvé qui puiſſe en empêcher l'impreffion. A
Faris , le 5 Janvier 1787. GUIDI.
Le
e chaque volume in- 4° eft de 10 liv. en feuille
10 liv . 10 f. broché , 11 liv 13 f. relié en bafanne
12 liv s f
relié en veau.
S
Lu & approuvé , ce 8 janvier 1787. DE SAUVIGNY.
Vu l'approbation , permis d'imprimer , ce 9 janvier 1787. DE CROSNE.
De l'imprimerie de COUTURIER , quai des auguſtins,
DES DROITS ,
TRAIT É
FONCTIONS , FRANCHISES , EXEMPTIONS ;
48 MERCURE
Alto & Baffe , par M. P. Arnaud , OEuvre III.
Prix, 9 liv. Ouverture , Marche , Gavotte , &c.
Ca d'or arrangés en Quatuor
-
nour donne
( 4 )
Le volume eft terminé par les chapitres 79 & 80 , qui
traite du confeil du Roi , & des commiffions extraordinaires
qui en font des émanations. Après avoir remonté à l'origine de
cette augufte affemblée , on préfente le tableau des différentes
formes qu'elle a reçues jufqu'au temps actuel. On parle enfuite
de fon autorité & des règles qui déterminent fa compétence
à l'égard des tribunaux de tous les genres. Enfin ,
on entre dans le détail de tout ce qui concerne les perfonnes
dont le confeil eft compofé , & celles qui y exercent des
fonctions plus ou moins importantes. Tels font les miniftres,
d'état , les fecrétaires d'état , les confeillers d'état , les maîtres
des requêtes , les infpecteurs généraux du domaine de la
couronne , le contrôleur général des reftes & des bons d'état
du confeil , les fecrétaires des finances , les fecrétairesgreffiers
du confeil privé , les commis en chef au greffe du
confeil , les greffiers garde-facs du confeil , les commis pour
les expéditions du confeil , les gardes & dépofitaires des
anciennes minutes du confeil , les avocats au conſeil , & les
huiffiers du confeil.
Il paroit que l'ouvrage contiendra 15 à 16 volumes: S'il
arrivoit qu'il en contint davantage , ceux qui excéderont ce
nombre , feront livrés gratis à toute perfonne qui fe fera fait
inferir un exemplaire avant la publication du troisième
volu

135
MERCURE
DE
FRANCE.
SAMEDI 20 JANVIER 1787 .
" PIÈCES
FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
S
ÉPITRE à Madame D.. F....
QUAND UAND j'ofai librement parler
De nos modernes précieufes ,
Vous voulûres vous ſignaler
Pour ces folles capricieuses ,
Vous qui deviez vous rappeler
Qu'avec des femmes ennuyeufes
Vous n'aviez rien à démêler.
Mais bientôt ma voix moins hardie
A chanté la palinedie ,
Et vous , réparant tous vos torts ,
Vous me payez par des accords
Pleins de grace & de mélodie.
No. 3 , 20 Jonvier 1787. E
98
MERCURE
C'EST bien affez des agrémens.
Qui brillent en votre perfonae ,
Sans y joindre les vers charmans
Dont votre aimable luth réfonne.
Croyez fur tout qu'il en faut moins
Pour tourner ma tête légère ;
Et qu'au Pinde , comme à Cithère ,
Saus jamais vous donner des foins ,
Vous êtes bien sûre de plaire :
Tous les amours m'en font témoins.
Mais quand on loue avec franchiſe
Vos attraits fi piquans , fi doux ,
La vérité vous fcandalife ;'
Et pourtant fachez - le entre- nous ,
Perfonne à vouloir qu'on la dife ,
Ne peut gagner autant que vous.
Vous voyez fa voix attendrie
N'avoir plus de févérité ;
Son aimable fimplicité.
Semble dès lors un peu fleurie ,
Et refpire la volupté ;
Pour vous enfin , la vérité
A tout l'air de la flatterie.
(Par M. de C..... )
BIRDHURACA
RECLA
HRACE NELS
DE FRANCE. 99
COUPLETS envoyés dans un bal , pendane
la tenue des États , à Ville- Franche.
Sur l'Air : Réveillez- vous belle endormie.
DANS une ville de Province
J'ai vu ce qu'on vit rarement ,
Des Citoyens voués au Prince ,
Travailler fans appointement.
J'AI vu des Évêques aimables ;
De Brienne fuivant les loix ,
Nous paroître recommandables
Par leur verta , non par leur croix.
J'AI vu des femmes très jolies
Ignorer tout leur agrément ,
Et dans l'époque des folies
Se comporter fort fagement.
J'AI vu des Officiers tinides ,
En préfence de leurs amours ,
Et fur des maximes rigides ,
Melurant leurs joyeux difcours.
J'AI vu des Juges , fans caprice ,
Diftinguant le bien & le mal ,
Eij
100 MERCURE.I
Prêter leur chambre de juſtice
Pour en faire un fallon de bal.
J'AI vu ces chofes gracieuſes ;
Peut- être , pour les furpaffer,
Il eût fallu , belles Danfeuſes ,
Vous voir quelques momens valfer .
( Par M. l'Abbé de Verninac de Saint-Maur. )
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercure précédent.
LE mot de la Charade eſt Souris ; celui
de l'Enigme eft Fève ; celui du Logogryphe
eft Soufflet , où l'on trouve fel , fot , tuf,
tu, fouet , fou , flûte , fol, ut , oeuf, feu ,
fou,lot.
CHARADE.
MON tout rend mon dernier
Dans le ton de mon premier.
L'HOMM
( Par M. S. , de Nantes. )
ENIGM E. ME.
'HOMME рeu conféquent me craint & me defire;
Des biens je fuis pour lui le meilleur & le pire;
DE FRANCE. IOI
i
Même en faveur d'un Roi je ne flatterois pas.
Du Normand rarement j'accompagne les pas .
Mon nom toujours impofe , en tous lieux on le cite ;
Par-tout on me réclame , & par- tout on m'évite.
On ne m'outrage point fans manquer à l'honneur.
Qui m'eftime le moins eft fouvent mon vengeur ;
J'éclaircis le foupçon , je perce le mystère ;
Je donne ici la paix ; là , je produis la guerre.
(Par M. André Honoré. )
LOGOGRYPHE
FILLE de l'Intérêt & de la Vanité ,
Je fuis chère aux plus Grands , les Rois me trouvent
belle ;
A mes accens il n'eft point de cruelle ;
J'humanife l'orgueil , j'adoucis la fierté.
C
Au village , à la Cour , on connoît ma puiffance ,
Par-tout je fuis la clé du coeur ;
Jamais , dès la plus tendre enfance ,
On ne m'a reproché qu'un peu trop de fadeur.
Entre tous mes amans un feul plut à mon père ,
Ce fut l'efprit , il devint mon époux ,
Et ce fut d'un lien fi doux
Que naquit l'art de plaire.
Amis Lecteurs , vous trouverez
Dans les fept pieds qui compoſent mon être ,
Un tiffu dont jadis vous fûtes entourés ;
E ii)
102 MERCURE
Ce qu'au chapeau d'un galant petit-maître
On ne voit plus éclater aujourd'hui ;
Un petit Magiftrat ; un commode réduit
Dans le temple de Melpomène ;
Un laps de temps qu'Armide & Célimène
Trouvent bien court , hélas ! un habitant des cieux
Bien fait , jeune , blond , radieux ;
Une courroie utile cu un manége ;
Un animal que l'on trouve en Norvége ;
Autre animal encor humble , doux , patient
Dont Sterne & le charmant Voltaire
Ont chantél'humeur débonnaire ,
L'efprit bénin & le gefte éloquent ;
Puis une queſtion , plus une particule ,
Qui par fois fur ma main fit pleuvoir la férule3
Un fils du Temps qui , fur les triftes jours ,
Chaffe les Graces fugitives ,
La candeur , la gaîté , l'innocence naïves ,
Et les trop folâtres Amours ;

Un élément; deux Cités de la France ;
L'organe fans lequel il n'eft plus d'éloquence ;
Un adjectifbien cher à votre coeur.
J'offre d'autres rapports fans doute ; mais , Lecteur ,
J'ai mis à bout toute ma réthorique ;
Je n'aurai point recours aux notes de mufique ,
Lieux communs , dont fouvent on uſe en pareil cas ,
Et je fuis exprès pour ne m'en fervir pas.
(Par M. de Launoy , Offic, au Rég, de Cambrefis.
DE FRANCE. 103
NOUVELLES LITTERAIRES.
ALMANACH des Mufes , 1787. A Paris ,
chez Delalain , l'aîné , Libraire , rue Saint-
Jacques.
>
LA réputation de ce Recueil eft faite depuis
long- temps ; & le goût du Rédacteur eft connu.
On ne le lit guères plus , pour juger fi le
choix en a été bien ou mal fait ; mais pour
favoir fi la moiffon poétique de l'année a
trompé ou furpaffé l'efpoir des Amateurs . Il
nous femble que depuis quelques années le
réſultat fe trouve à peu - près le même ; &
que ce tribut annuel des Mufes Françoiſes
mérite toujours le même reproche & les mêmes
éloges.
La lifte nombreuſe des Poëres , qui y contribuent
par des Pièces dignes d'être adop
tées , fembleroit prouver d'abord que l'art des
vers eft devenu plus facile ; & cette idée
n'eft pas fans une forte de vérité. Averti par
fes richeffes , environné de chef- d'oeuvres
dans tous les genres , le Public s'eft familiarifé
, fans y fonger , avec l'art qui les fit
naître , le fecret des Mufes a tranſpiré plus
fouvent; il a couru dans toutes les claffes de
la fociété , d'ailleurs , la voix de la critique ,
bien ou mal infpirée , s'eft fait entendre fi
Eiv
104 MERCURE
fréquemment ; fes arrêts ont été foumis à la
' difcuffion des cercles & des foupers ; ils
ont groffi le répertoire des nouvelles du
jour delà une forte de théorie qui peut ,
durant quelques inftans , fuppléer , contrefaire
au moins & les fruits de l'étude & les
dons de la Nature . Aufli voyois - nous enregiftrer
tous les ans , dans cet Almanach
d'heureux effais qui promettent beaucoup
pour ne jamais rien tenir ; des Pièces agréables
foufcrites par des noms qu'on n'a jamais
vus , qu'on ne reverra jamais , qui , en un
mot, confignés dans le Recueil de l'année ,
n'auront pas la force de fe traîner jufqu'au
volume fuivant.
Il femble que le talent poétique , aujourd'hui
plus répandu , fe trouve par- là même
plus affoibli , comme un ruiffeau perd de fa
profondeur à refure que fon lit gagne en
furface.De l'efprit, ce qu'on appelle des traits,
des détails , rien de fi facile à trouver dans.
-nos Recueils de Poéfies ; pour un enfemble ,
rien de plus rare . Les talens les plus médiocres
du temps paffé commençoient par là;
ils vouloient faire un corps avant de fonger
aux habits , à la parure . Jeter de riches étoffes
fur des monftres ou des fquelettes , ſemble
être aujourd'hui l'ambition de nos Muſes modernes
; & l'on peut dire qu'au Parnaffe Franle
luxe a furvécu à la richeffe.
çois
Mais en rappelant les pertes que nous
avons faites , en faifant des voeux pour les
voir réparer , n'ajoutons pas à ce mal réel
DE FRANCE. rog
celui de chercher encore à nous diffimuler
ce qui nous refte. Plus on a perdu , plus on
'doit tenir à ce qu'on a confervé . Tel eſt l'efprit
qu'il faut apporter à la lecture de ce Recueil
& de tous ceux du même genre , compofès
de modernes productions. Nous allons
parcourir ce volume fans chercher à mettre
un plan dans l'analyſe d'un Ouvrage qui n'en
a point & qui ne peut point en avoir.
Nous avons remarqué une fable ingénieufe
de M. l'Abbé Aubert , intéreffante allégorie ,
dont tous les coeurs François devineront aifément
la vérité. On lira fur le même fujet
une Ode eſtimable de M. de Caftera.
Une autre ode de Mme la Baronne de Bourdic,
fur le filence,prouve qu'elle auroit fort mal
fait de l'obferver ; & les Lecteurs feront fans
doute curieux de voir fon talent s'effayer dans
un genre de Poëme qui lui étoit étranger jufqu'ici.
La Pièce de Jamais & Pourtant , par M.
Carn **, pourroit offrir quelques détails plus
foignés & plus faillans ; mais le cadre en eft
piquant & gai.
M. de Choify eft un des plus exacts tribu
taires de ce Recueil. On lira de lui dans ce
Volume plufieurs Pièces ingénieuſes , où l'on
trouve quelquefois de la manière , mais toujours
des vers charmans .
Une Épître à l'Inconftance annonce un fujet
un peu ufé aujourd'hui ; on trouvera de trèsagréables
détails dans celle de M. Damas ,
comme dans des couplets de M. Defchamps ,
Ev
гоб MERCURE
à une Dame qui regrettoit de n'avoir plus
quinze ans.
>
On relit avec grand plaifir de M.. Ducis ,
une très-jolie Pièce lue chez M. de J ***.
& de beaux vers laiſſés à la grande Chartreufe
de Grenoble.
Dans de jolis vers de Mme Dufrefnoy , fe
trouve une faute qui n'eft qu'une erreur typographique
, qu'elle s'eft empreffée de rectifier
; on y lit :
Il n'eft point d'Auteur de Roman
Qui ne parle métaphyfique ,
Et n'épuife le raiſonnement.
Ce dernier vers a une fyllabe de trop. L'Au
teur avoit dit , & il a rétabli :
Et s'épuife en raifonnement..
Cela eft exact pour la verfification ; mais
nous obferverons que pour la pureté grammaticale
, il faudroit répéter la négative ne ,
& ne s'épuife..
Une des Pièces les plus piquantes du Recueil
eft une grande Épître de M. le Chevalier Dupay-
des-Iflets , Ouvrage qui mériteroit bien
plus d'éloges encore , fi l'on n'avoit pas à lui.
reprocher quelquefois un peu trop d'enluminure.
MM. Fallet & le Bailli ont fourni chacun
une jolie fable qu'on lira avec plaifir.
Le mot de fable rappelle naturellement
Mme la Marquife de la Fer *** , qui a traité
es genre avec un mêlat.ge d'efprit & de fenDE
FRANCE. 107
fibilité qui intéreffe en amufant. L'Hermite &
le Fermier nous paroît la plus agréable des
cinq fables , qu'on lit fous fon nom dans le
Recueil de cette année.
La Défenfe des Jokets , & quel Service ,
font deux jolies épigrammes de M. le Mar
quis de Fulvy.
Nous louerons avec plaifir une grande
Épître de M. Ginguené , parce qu'elle nous
a paru d'un fort bon goût de verfification .
L'efprit n'y brille pas aux dépens de la raifon ;
& le ftyle en eft naturel fans être commun .
Prenons au hafard une tirade qui donne une
idée de la manière de l'Auteur. Après avoir
parlé de ſes rivaux , le Poëte continue :
Si mettant leur vacarme & leur rage en oubli ,
Je veux m'environner d'un monde plus poli ;
Pour réuffir , il faut , Poëte débonnaire ,
D'abord à tous les goûts m'efforcer de complaire ,
Louer tout fans réferve & ne b'âmer jamais .
Des méchans & des foux pourquoi troubler la paix??
Pourquoi , dans la ferveur d'un honnête délire ,
Teindre mes foibles traits du fiel de la fatyre ,
Contre tant de travers fans fruit me déchaîner,
Et par un goût malin me laiffant entraîner ,
Singe de Juvénal , d'Horace & de Lucile ,
Glaner , après Boileau , fur un terrein ſtérile ?
Mais quoi ! dans fon palais , quand je vois ce Ban--
quier',
Jadis petit Commis chez un Marchand Drapier ,,
E -vj
108 MERCURE
S'engrai ant à loifir de la perte commune ,
Compter par millions fa rapide fortune ;
Quand fur un char brillant l'irapudique Phryné
Bleffe tous les regards de fon luxe effréné ,
Et nargue impunément , du fein de fes richeffes ,
Ce peuple.... qui naguère eut part à fes careſſes ;
De tous côtés enfin lorfque j'ai fous les yeux
Da vice triomphant le fpectacle odieux ,
Et l'infolent éclat d'un faquin fans mérite ,
Et l'aspect déchirant de la vertu proferite ;
Pourrois- je me plier , vil & froid fpectateur,
Au ftyle intéreffé d'un éloge impofteur ?
Il y a du coloris dans ces vers, mais un coloris
qui ne nuit point au naturel. Il en eſt de
même des fuivans :
Rebelle à tes avis , par l'exemple entraîné ,
Je ne veux point groffir le nombre infortuné
De ces jeunes rimeurs fans état , fans afyle ,
Ignorés à la Cour , mépriſés à la ville ,
Qui toujours dépendans d'un fuccès incertain ,
N'écrivent aujourd'hui que pour vivre demain.
Jadis la pauvreté dicta les vers d'Horace ;
Je n'ai ni fon talent ni fon heureufe audace.
Parmi pluſieurs jolies Pièces de M. Hoffman,
on lira avec plaifir la fable fuivante.
Le Ménage troublé , Fable.
APRÈS fix ans de mariage ,
Blaife , avec fa femme Ifabeau ,
DE FRANCE. 109
Faifoit encore bon ménage .
Pour prix d'un exemple fi beau ,
Dans la maiſon chacun fut fage ;
L'enfant , le chien , le chat , l'écureuil & l'oiseau.
Noé , quand il fauva de l'eau
Les restes de l'humaine engeance ,
Ne vit jamais régner fi bonne intelligence
Dans l'enceinte de ſon bateau .
Or , il advint qu'un jour de fête
Blaife but tant qu'il en perdit la tête. .
Devinez-vous ce qu'il fit en rentrant ?
Notre ivrogne battit fa femme.
Pour calmer fon dépit , le ſoir , la belle Dame
A fon tour étrilla l'enfant ;
L'enfant pinça le chien , le chien mordit la chatte ,
La chatte à l'écureuil ripofta de la patte,
Et l'écorcha , je ne ſais où ;
Enfin d'un coup de dent l'écureuil en colère
Au pauvre oiſeau tordit le cou .
Ainfi , la faute d'un feul fou
Trouble une république entière ,
Et le forfait du coupable puiffant
Eft toujours expié par le foible innocent.
Nous obferverons feulement ( car il faut
bien trouver à reprendre ) qu'on eft un peu
furpris d'entendre appeler Blaife & Isabeau
des maîtres d'une maifon , où l'on trouve
chien , chat , écureuil & oifeau . Le chien &
le chat , paſſe , c'eſt pour le befoin ; mais l'écuΙΙΟ
MERCURE
reil & l'oifeau ; voilà du luxe , & le luxe ne
va pas avec ces noms vulgaires ; c'eſt par la
même raiſon qu'il ne falloit pas dire, la belle
Dame , en parlant de la Femme Ifabeau.
Nous avons remarqué aufli un conte gai
de M. James de Saint- Léger ; de jolies ftances
anacréontiques de M. Lieutaud ; un trèsbon
fragment de poéfie defcriptive par M.
Léonard, & de cliarinans vers de M. le Brun
à M. de Calonne , hommage mérité , rendu
avec grace , & que nous citerions s'il n'avoit
déjà été rapporté dans ce même Journal . Nous
allons tranfcrire à la place les vers de M.
Marmontel , fur le bufte de M. le Marquis
de la Fayette , envoyé par les Etats - Unis de
L'Amérique , & placé à l'Hôtel- de- ville de
Paris. On ne verra jamais fans intérêt un
favori des Mufes célébrer un favori de la Victoire
:
Héros du Nouveau Monde , o combien la patric
Doit s'applaudir dans ce beau jour
De voir l'Amérique attendrie-
Dépofer dans fon fein ton image chérie
En tribat d'eftime & d'amour !
Monument immortel ! ne crains pas que l'envie
Détourne, en te voyant , un regard abattu :
A fervir les humains qui confacre fa vie ,
Fait pardonner fa gloire à force de vertu.
Au milieu d'une ville cu règne la molleffe ,
Qu'il s'élève , ce bufte , & rappelle aux François
Comment on eft modefte au milieu des ſuccès »,
DE ILL FRANCE
Noble & grand fans orgueil , doax & bon fans foi ;
bleffe ;
Qu'il enfeigne à quel prix on obtient jeune encor ,
D'un peuple de Brutus & les voeux & l'hommage,
Et comment un Héros peut unir à tout âge
La vaillance d'Achille au fang- froid de Neftor.
Un des motifs qui empêchent fouvent de
lire de fuite un certain nombre de poélies modernes
, c'eft que fouvent le même ton y règne
dans toutes,que les mêmes cadres y reviennent
fans ceffe. Il faut aujourd'hui , pour attacherles
Lecteurs, que nos Poëtes Érotiques fachent
fe rajeunir par l'idée ou par la tournure. Tel
eft le mérite , par exemple , des couplets de
M. Philipon de la Magdeleyne , fur un déjeûner
.
La malheureufe Étoile , par M. de Piis ,
nous a paru d'une fingularité trop recherchée;
nous préférons de beaucoup le ton de fa Romance
allégorique.
Parmi plufieurs madrigaux ou épigrammes
de M. de la Piace , nous citerons ce quatrain ,,
où l'on trouvera beaucoup de fineffe :
L'encens d'un courtifan adroit ,
Quand le goût l'affaifonne ,
Coûte plus àà.qq:ui le reçoit
Qu'à celui qui le donne.
M. Pons de Verdun, a fourni , fuivant fon
ufage annuel , des contes ou épigrammes
très- agréables. Nous n'appliquons pour
112 MERCURE
tant pas cet éloge à fes vers adreffés à Mlle ***¸
Prendre la peine de lui envoyer une feuille de
papier , pour lui dire que c'eft- là la liſte des
talens qu'elle n'a pas , nous paroît d'une galanterie
forcée. Cette recherche d'efprit eft
inutile à M. Pons de Verdun ; on peut s'en
paffer avec un talent auffi vrai que le fien.
On trouve dans ce volume deux Poëmes
lyriques de M. Roucher. On a déjà remarqué
que ce Poëte étoit jugé d'ordinaire très - févèrement.
C'eft à l'idée que M. Roucher avoit
donnée de fon talent qu'il faut attribuer cette
févérité. Quoi qu'il en foit , il y a de trèsgrandes
beautés dans ces deux Pièces , furtout
dans le chant funèbre , dont nous citerions
plufieurs ftrophes fi cet article n'étoit
pas déjà un peu étendu .
Nous formons le même regret fur une
jolie fable de M. le Vicomte de Ségur , le
Pécher & le Peuplier , & fur fes vers à un
Ami , parmi lefquels ces deux - ci :
On ne craint plus le ridicule ;
Tout eft blâmé , tout eft permis.
nous paroiffent peindre les moeurs du fiècle
avec autant de précifion que de vérité.
C'eft pour la première fois qu'on trouve
dans l'Almanach des Mufes le nom de M.
Sorin. Ce jeune Poëte s'annonce dans la cartière
par une Épître , où l'on trouve des vers
fort bien faits,& un talent qui promet beaucoup
pour l'avenir.
Un fragment de la fable d'Athamas , traDE
FRANCE. 113
duite d'Ovide par M. de Saint- Ange , confirme
l'idée qu'on a depuis long-temps de fon
talent pour la verfification . Ce morceau répond
à ce qu'il a déjà donné de fa traduction
des Métamorphofes.
M. de Verninac de Saint - Maur paroît
s'exercer dans ce même genre de poéfie. Ses
deux fragmens de l'Art d'Aimer , ont befoin
d'être retouchés encore ; mais on y trouve
un très grand nombre de vers très-bien faits ,
du rhythme, un vrai talent poétique.
Nous devons auffi des éloges à M. Mafclet,
pour une Épître fur la Decadence des bonnes
Études ; à M. de K. M. D. C. , de Nantes ,
pour une traduction d'une Hymne de Tompfon
; à M. Vigée , pour plufieurs Pièces , &
notamment pour la Loterie de l'Amour , fiction
ingénieufe & piquante ; & à M. Theveneau
, pour de jolies ftances faites le jour
des Rois.
On trouve encore d'autres Pièces agréables -
fous le nom de MM . Bér *** , Courtalon ,
le Marquis de C. V. , Daillant de la Touche ,
Dan....y , Legrand d'Auffy , l'Abbé Mat **,
l'Abbé Morel, le Comte Rajecki , Roman ,
l'Abbé de Schofne , &c. &c. On en remar-.
quera auffi parmi les Anonymes ; mais nous
avons été fâchés d'y voir une parodie de l'Ode
d'Horace , Donec gratus eram. Nous ne blàmons
point l'Auteur de s'être amuſé à
dier ce petit chef d'oeuvre ; mais il ne nous
a pas paru placé dans ce choix de Poefies . On
paro114
MERCURE
fe feroit paffé de voir des vers d'Horace traveftis
en ceux- ci :
Si je t'ouvrois mes bras , fi l'épaiffeur d'un cable
Me lioit à toi fans retour.
Nous aurions bien encore à dénoncer quelques
autres petites Pièces , comme trop
foibles
, peu dignes de publicité ; mais nous
croyons qu'on fera plus preffé de lire une
Pièce de M. de Voltaire , qui n'étoit pas
connue , faite avec une préciſion , une grace,
& cette fleur d'efprit qu'il conferva juſqu'au
dernier moment. Le Rédacteur a eu le bonheur
de fe procurer du même Poëte plufieurs
morceaux auffi peu connus ; & cette bonne
fortune pourroit feule obtenir grace , auprès
des Lecteurs difficiles , pour d'autres morceaux
inférés avec peu de titres pour l'être.
Au Roi de Pruffe.
ADIEU , grand Homme , adieu coquette ,
Eſprit fublime & féducteur ,
Fait pour l'éclat , pour la grandeur,
Pour les Mufes , pour la retraite .
ADIEU , vainqueur ou protecteur
Du refte de la Germanie ,
De moi , très-chétif raifonneur ,
Et de la noble poésie.
ADIEU , trente ames dans un corps ,
Que les Dieux comblèrent de grace ,
DE FRANCE. 115
Qui réuniffez les tréfors
Qu'on voit divifés au Parnaffe.
ADIEU , vous dont l'auguſte main
Toujours au travail occupée ,
Tient pour l'honneur du genre humain
La plume , la lyre & l'épée.
Vous qui prenez tous les chemins
De la gloire la plus durable ,
Avec nous autres fi traitable ,
Si grand avec les Souverains !
Vous qui n'avez point de foibleffe
Pas même celle de blâmer
Ceux qu'on voit un peu trop aimer ,
Ou leurs erreurs ou leur maîtreſſe !
ADIEU , puis-je me confoler
Par votre amitié noble & pure ?
Le Roi me fait un peu trembler ;
Mais le grand Homme me raffure.
( Cet Article eft de M. Imberts )
116 MERCURE
VARIÉTÉS.
OBSERVATIONS fur des objets de la plus
grande importance pour la Ville de Paris ,
par M. Patte , Architecte du Duc régnant
de Deux-Ponts.
RELATIVEN ELATIVEMENT aux nouveaux Embelliffemens
qui viennent d'être ordonnés pour la Ville de
Paris , qu'il me foir permis d'indiquer quelques travaux
bien propres à les completter , & qui fans être
aufli apparens que les ouvrages que l'on le propofe
d'exécuter , acquéreioient néanmoins un grand prix
aux regards de ceux qui apprécient les chofes par
les avantages réels qu'elles feroient capables de procurer
à cette Capitale .
Perfonne n'ignore qu'il y a des degrés marqués
fur une des culées du Pont de la Tournelle , & que
l'on en voit encore d'autres marqués fur une des piles
du Pont Royal , voifine du Château des Tuileries ;
nais d'où vient, demande t- on fans ceffe , ces degrés,
qui femblent definés au même ufage , c'est - à-dire , à
annoncer journellement les différentes hauteurs de la
rivière , ne font-ils pas uniformes ? D'où vient , lorfque
l'échelle du Pont de la Tournelle indique , par
exemple, fix pieds , celle du Pont Royal indique-telle
huit pieds trois pouces ? Il y a affurément une
raifon effentielle d'une femblable différence . Feu de
perfonnes en font inftruites , & cependant il n'y a
peut être pas de queftion plus intéreffante par fon ob
jet pour les habitans de cette Capitale , ou qui mérite
de leur part une auffi férieufe attention.
Les degrés de l'échelle du Pont de la Tournelle
font deſtinés à marquer la hauteur de la Seine en
DE FRANCE 117
1719, & fon point zéro indique celle de fes plus
baffes eaux pendant ladite année. C'eft de cette
échelle dont le Journal de Paris fait ufage pour annoncer
les différentes hauteurs de cette rivière .
L'échelle du Pont Royal fert au contraire à an
noncer la hauteur de l'eau qui fe trouve fur un
banc de pierre appelé le noeud de l'aiguillette par les
Bateliers , lequel cft fort large , & eft fitué entre la
demi lune du Cours- la - Reine & la Grille de Chaillot.
Ce banc traverfe le milieu du lit de la Seine ,
& eſt élevé , eſt- il dit dans les Mémoires de l'Académie
des Sciences , année 1741 , page 337 , de
quatorze pieds au- deffus du fol de l'arche du milieu
du Pont Royal. Son point zéro , qui eft de
deux pieds trois pouces plus bas que celui du Pont
de la Tournelle , marque le niveau de ſa ſurface ; &
il y a en conféquence un Prépofé chargé d'avertir ,
fur-tout lors des baffes eaux , ceux qui commercent
fur cette rivière , ou qui amènent à Paris des approvifionnemens
de la Normandie & de la Picardie
dans de grands bateaux , de la hauteur de l'eau fur
ce banc , foit afin d'attendre de nouvelles crûes s'ils
les jugent néceffaires à l'enfoncement de leurs bateaux
, foit afin de ne prendre que demi- charge ,
foit afin de fe précautionner , chemin faifant , d'allèges
à Saint Denis ou ailleurs , à l'effet d'y diftribuer
leurs fardeaux , & de parvenir par- là à franchir
l'obftacle en question.
D'après tous les renfeignemens que j'ai pris fur
la pofition du noeud de l'aiguillette A, & far fon
étendue pendant l'été dernier , dans un temps où il
n'y avoit guères que trois pieds d'eau au deffus , j'ai
reconnu , ainfi qu'on le voit dans la Figure cijointe
, qui repréfente un apperçu de toutes les circonftances
locales , qu'il eft fitué entre la Grille de
Chaillot B & le port aux pierres de Saint Leu C ,
vis-à- vis le parapet I du Cours- la Reine D. Ce
118
MERCURE
banc A , qui eft élevé de quatorze pieds au-deffus
du lit de la Seine pris fous l'arche marinière du
Pont Royal , a environ cent pieds dans fa plus
grande largeur , fuivant fa traverfée , où il forme.
différens coudes , fur plus de cent quatre- vingt- dix
pieds de longueur. Il eft placé vers fa rive droite,
de façon que les bateaux qui apportent des approvifionnemens
ne fauroient éviter de paffer par- deffus ;
& pour peu que l'eau ait moins de quatre pieds fur.
ce banc , ou bien foit au-deffous de quatre degrés à
l'échelle du Pont Royal , on fait qu'ils éprouvent
fouvent dans leur paffage les plus grandes difficultés
malgré les précautions ufitées .
B

D
DE FRANCE. 119
Ce banc paroît caillouteux à fa furface ; mais il
eft à croire que ce font des amas qui s'y font faits ,
& que fous cette croûte on trouveroit de la pierre ou
de la roche ; car fi ce n'étoit pas un corps folide qui
en fît la baſe , il ne feroit pas aifé de concevoir
comment , à raison de ſa poſition au milieu du principal
courant de la rivière , un femblable dépôt auroit
pu venir à bout de s'y raffembler , & parvenir à
acquérir autant de dureté ; il étoit fans doute autrefois
plus élevé au-deſſus de fon lit, mais maintenant il
le domine peu , ſi ce n'eſt du côté G , à caufe des
amas de fables & d'immondices F qui fe font accumulés
en talus à fa rencontre.
Le furplus de la largeur de la Seine au-delà de ce
banc jufqu'à la côte du terrein dit ci-devant l'Ile
des Cygnes H , eft occupé par des effèces de falaifes E
d'une étendue très - confidérable , un peu plus élevées
que le noeud de l'aiguillette , & qui n'en font féparées
que par un paffage G étroit , tortueux , peu pro
fond & impraticable , fi ce n'eſt à de petits bateaux.
Ces falaifes E qui ont une grande épaiffeur, font des
amas immenfes d'immondices , de pierrailles , de
cailloux , de fable & de toutes fortes de groffes ordures
qui ont fait quelque corps enfemble , & qui
paroiffent en chariant avoir été arrêtées par l'obſtacle
fufdit dans leur paffage , & enfuite avoir été repouflées
ou rejetées en grande partie * fucceffivement
le long de l'Ifle des Cygnes, par l'effet du courant de
l'eau & de l'obliquité des coudes que forme le banc.
Il elt aisé de juger par cet expolé , combien la
* Je dis en grande partie , parce qu'outre ces dépôts il
yen a encore d'autres très fpacieux plus loin , vis - à- vis
Chaillot & Paffy , qui y forment des atterriffemens qué
l'on apperçoit pour peu que les eux foient baffes, & qui
n'en fint fans doute que des dépendances détachées par
la force du courant.
120 MERCURE
circonftance d'un corps folide auffi confidérable &
auffi élevé au milieu de la Seine , placé immédiatement
au- deffous de fon courant à la porte de Paris,
a dû non- feulement nuire de tout temps à la navigation
( la chofe eft trop palpable pour en douter ) ,
mais encore lui cauler d'autres préjudices bien au
trement importans , & qui , pour n'être pas auffi
fenfibles au premier abord , ne paroîtront pas moins
réels par réflexion : c'est que le banc dont il s'agit
met obftacle au libre écoulement des eaux de la rivière
; que , de concert avec les falaiſes , il favorife
fes inondations ; qu'il empêche la plus grande partie
de fes immondices de charier au- delà ; & qu'enfin
il a contribué , plus qu'on ne croit , au fur hauffement
(ucceffif tant de fon lit que du fol des rues
de Paris . Entrons dans des détails néceffaires pour
n'en laiffer aucun doute.
On a obfervé que la Seine eft une des grandes rivières
dont le lit a le moins de pente , elle n'eft , à·
ce que l'on prérend , que de deux pieds au plus par
lieue , tandis que la Marne qui s'y décharge vers
Charenton, a au contraire près de cinq pieds de pente
dans la même longueur ; c'est pourquoi , à raifon de
fh plus grande rapidité , celle- ci femble fufpendre en
partie à la rencontre le cours de l'autre , & lui oppofer
une espèce de digue qui l'oblige de refluer en arrière
vers le Port à l'Anglois , & même de s'élargir
tellement que la Seine ne conflue avec la Marne
qu'en la furmontant , & que quand elle a acquis un
volume capable de forcer fa réfiftance ; alors ces deux
rivières parviennent à couler enfemble , & la plus
rapide augmentant de vîteſſe à proportion de la nouvelle
impulfion de l'autre , l'entraîne avec elle , fans
néanmoins que leur lit commun devienne beaucoup
plus large que celui que chacune occupoit féparé
ment auparavant.
Malgié cette jonction , cependant leurs caux ne
fe
DE FRANCE. 1211
fe mêlent véritablement qu'après le Pont Neuf, &
l'on diftingue volontiers jufques là leur couleur , vu
que l'une eft plus blanche que l'autre , à raifon de ces
qu'elle coule fur un terrein crétaffé ou marneur , au➡t
quel elle doit fon nom : quelquefois même on remarque
qu'un côté de la Seine eft trouble , tandis
que l'autre eft clair , fuivant qu'il a tombé particu
lièrement des pluies abondantes ou quelque orage ,
foit en Bourgogne , foit en Champagne.
Par les mêmes raifons que ci devant , la Marne ›
conferve auffi la prépondérance de fon courant après
fa réunion ; ſes eaux non-feulement paroiffent cou
ler plus vite , mais encore creufent le lit de la Seine
davantage du côté de la rive droite , où elle domine ,!
que de celui de la rive gauche : de- là tous les dépôts
confidérables qui ne ceffent de s'accumuler de préférence
vers cette dernière rive , & l'exhauffement du
lit de la rivière, qui s'y fait remarquer, au point qu'on
s'eft cru obligé de combler depuis peu le bras de
l'Ile des Cygnes vis-à- vis le Gros- Caillou .
De tout cela il eft évident que la Seine couleroit
beaucoup plus lentement fans l'impulfion qu'elle reçoit
de la Marne ; & que fi l'on reproche à celle- ci
d'occafionner la plupart des débordemens de la
Seine , en revanche il est très - probable que la première
n'a pas peu contribué à rendre la Ville de
Paris plus floriffante , & qu'elle a pen être préfervé
jufqu'ici la feconde de devenir une espèce de cloaque
, fur tout à cauſe du banc en queſtion , ainfi
qu'on va le voir.
Il n'eft pas douteux que le grand nombre de
ponts de cette Ville , en rétréciffant le lit de la ri->~
vière à leur paffage , & en obligeant les eaux de fe
furmonter un peu à la rencontre de leurs piles pour "!
couler fous les arches , ralentit néceffairement fon
courant ; mais après avoir furmonté ces obftacles ,
dépaffé le Pont Royal & repris leur vîteſſe , ces
No. 3 , 20 Janvier 1787. F
122 MERCURE
caux fe trouvant de nouveau retardées vers le
Cours-la-Reine , à l'approche du neud de l'aiguil
lette & des falaifes , elles n'ont plus de libre écoule
mentqu'à leur furface , & que par un étroit paffage
peu profond; tandis que dans le fond où , à raiſon
du frottement, elles ont déjà moins de force , étant
obligées de perdre du temps à lutter , elles font de
néceffité contraintes à refluer en partie fur ellesmêmes
de proche en proche , & de repouffer les
eaux qui furviennent , tellement que fortifiant la
difficulté qu'éprouvent déjà celles qui veulent paffer
fous le Pont Royal , cette espèce de digue doit con
tribuer à retarder le cours de la Seine à travers
Paris , & rendre conféquemment , quand elle devient
plus groffe que de coutume , fes inondations plas
confidérables ; effets qui deviendroient encore plus
fenfibles fi le nouveau pont s'exécutoit tel qu'il a été
projetté vis- à-vis la Place de Louis XV.
Il eſt même à préfumer que ce banc , qui étoit
fans doute autrefois encore plus élevé qu'aujourd'hui
, à caufe des dépôts de fable & de vafe qui ont
dû, comme de coutume , exhauffer de plus en plus
le lit de la Seine à la rencontre , n'a pas peu contribué
par le paffé à augmenter les défaftres produits
par les débordemens dans Paris. On lit dans fon
Hiftoire qu'ils entraînèrent en 1196 tous les ponts ;
qu'ils en renversèrent deux en 1280 ; qu'ils emportèrent
une grande partie du Pont au Change & du
Pont -Marie en 1658 ; & fans remonter fi haut ,
quel tort immenfe ne firent- ils pas à cette Ville & à
fes environs en 1740 & en 1751 ? Auffi tout doit
porter à croire que , fans l'empêchement fufdit aa
libre écoulement de l'eau , les inondations n'euffent
point été auffi étendues & auffi préjudiciables.
Les immondices & ordures provenantes d'une Ville
auffi peuplée que Paris , que l'on jette en partie dans
la rivière , ou qui s'y déchargent par les égoûts , n'éDE
FRANCE. 123
prouvent pas moins de difficultés à leur écoulement
que fes eaux , à caufe de la pofition de ce banc qui
les arrête & les empêche pour la plupart d'être entraînées
à l'ordinaire par fon courant ; il ne s'agit
que d'entrer dans quelques détails pour le faire
fentir.
On fait que ces immondices font compofées de
vafe , de boues épaiffes ou de limon , d'efpèces de
fumiers , de matières graffes ou vifquenfes , de débris
de poterie , de coquilles d'huîtres , de pierres &
pierrailles , &c. Les ordures les plus légères furnagent
à la bonne heure fur la rivière , ou bien s'y
délayent en chariant , &, étant bientôt entraînées par
le courant , n'ont d'autre inconvénient , quand elles
font considérables , que de falir quelquefois l'eau.
par leur paffage .
Mais parmi les ordures qui font lourdes , compactes
, & néceffitées par leur effence de rouler dans
le fond , il y en a une parde qui ( à caufe du peu
de rapidité de la Seine quand les caux font baffes )
refte déposée çà & là fur fon lit , & qui même parvient
avec le temps à acquérir de la confiftance ,
au point que Sauval, dans fes Antiquités de Paris, a
remarqué que pendant un efpace au plús de deux cens
ans, le lit de la Seine à travers cette Ville s'étoit élevé
de près de cinq pieds par des fédimens fucceffifs
d'immondices mêlées de fables qui s'y étoient durcis.
Quant àl'autre partie de ces ordures groffières ,
& c'eft la plus confidérable , elle eft au contraire
entraînée au delà des ponts par les eaux , & trouvant,
chemin faifant , l'obſtacle du noeud de l'aiguillette
au milieu du principal courant de la rivière ,
elle s'y arrête , ou bien , à l'exception d'une petite
portion qui s'échappe à travers du pailage étroit fuf
dit , la plupart font renvoyées par l'effet de fa pofition
oblique & de la rapidité du courant vers la rive
gauche , au bas de l'Ile des Cygnes , où elles s'ac
Fij
124
MERCURE
cumulent & forment des dépôts immenfes d'une
grande épaiffeur , lefquels , avec le temps , s'étendront
néceffairement de proche en proche en re
montant vers le Pont Royal . Ainfi voilà comme ce
banc contribue à étendre les inondations , à furhauffer
le lit de la Seine , & empêche la plupart de
fes immondices de charier au-delà .
Ces obfervations doivent faire fentir combien
fera avantageufe la fuppreffion qui vient d'être ordonnée
de toutes les maifons élevées fur les ponts &
de celles fituées fur le bord de la rivière , dont les
habitans avoient joui jufqu'ici du privilége d'y jeter
fans difti ction toutes leurs ordures , c'eft - à - dire ,
d'infecter continuellement fes eaux. Il paroîtra un
jour bien extraordinaire qu'on ait laiſſé ſubſiſter auſſi
long-temps un femblable abus.
I
Qu'il me foit permis à cette occafion de relever
en paffant deux autres abus plus nouveaux , non
moins effentiels à réformer , & qui font tout auffi
préjudiciables à la falubrité des eaux de la Seine . Le
premier , ce feroit de ne point permettre d'y jeter
toutes les ordures quelconques des boues de Paris
dans le temps des neiges , fous le prétexte qu'il y en
a de mêlées parmi elles ; ce que j'ai dit ci - deffus fuffit
pour en faire fentir toute la conféquence . Le
fecond , ce feroit encore d'empêcher ceux qui enlèvent
les immondices des rues, d'en tranfporter journellement
la plus grande partie vis- à- vis le Coursla-
Reine , fur le bord de la rivière , comnie ſi c'étoit
une espèce de vcicrie , à l'effet de charger enfuite
dans des bateaux celles qui paroiffent propres à
fumer les terres. Qu'arrive-t-il de-là ? C'eft qu'après
avoir fait ce choix , on jette tout le refte des ordures
dans la rivière , & cela , chofe remarquable ,
In- deçà du banc de pierre en queftion , dont elles
vont augmenter les falaiſes; il n'y a affurément que
l'ignorance où l'on paroît avoir été jufqu'ici fu
i!
DE FRANCE. 125
l'empêchement qu'il met à leur paffage , qui ait pu
faire tolérer de pareilles licences.
Les fables & les graviers de la Seine éprouvent
également , comme les immondices , beaucoup de
difficultés à paffer au- delà des ponts & du noeud de
Faiguillette. Auffi voit- on volontiers ſe former des
dépôts & des atterriffemens çà & là à leur approche ,
foit vers l'Ifle des Cygnes , foit en face du Palais
Bourbon , de l'Hôtel des Monnoies & de l'éperon
du Pont Neuf, foit fur tout le long de la rive gauche
de la rivière , tellement qu'il y a un de fes bras
compris entre le quai des Auguftins & celui des Orfèvres
, qui a dé,à ceffé d'être navigable une partie
de l'année, bien qu'on effaye de le recreufer de
temps à autre. Ce préjudice n'eft- il pas visiblement
occafionné par les ordures qu'on ne ceffe de jeter de
toutes les maifons tant du Pont Saint Michel que
de celles adjacentes le long de ce bras de rivière , &
fur tout de 1 Hôtel Dieu ? Ne font- ce donc pas leurs
dépôts fucceflifs qui , en exhauffant fon lit en cet endroit
, obligent les eaux qui devroient y paffer naturellement
en tout tems , à refluer fur elles-mêmes en´
très grande partie pour peu qu'elles foient baffes ? Il
n'y a perfonne qui ne foit frappé de ces effets , fans
qu'on fe foit jufqu'ici mis en devoir de remonter à
leur caufe pour y remédier : or , le mal allant ainfi
en augmentant , ne feroit - il pas à craindre qu'on
ne fe trouvât un jour dans l'obligation de fupprimer
ce bras , comme on vient de faire celui de l'e
des Cygues , & c'est ce qu'il feroit prudent de
prévenir.
Une fuite toute naturelle de ce que je viens d'expofer
, a dû ête d'élever de plus en plus le fol des
rues de Paris , & voilà pourquoi la plupart de fes anciens
bâtimens font enterrés . On montoit autrefois
plufieurs marches au Parvis Notre - Dame & à fentrée
de l'Eglife de Saint Denis- de -la - Chartre , &
Fiij
126 MERCURE
maintenant on y defcend. L'ancien pavé de la Cité,
que Gérard de Poilly , ce généreux Citoyen , fit faire
à fes dépens fous le règne de Philippe-Auguste , &
dont il fubfifte encore des renfeignemens , étoit au
moins onze pieds plus bas que le fol des rues adja
centes . Peut-on donc attribuer raifonnablement tous
ces changemens de niveau à d'autres caufes qu'au
fur- hauffement du lit de la rivière , & qu'à l'obligation
où l'on s'eft trouvé de s'élever fucceffivement
au-deffus des débordemens ordinaires ?
Ainfi , comme l'on voit , la pefition de ce banc
mérite la plus férieufe attention , non pas feulement
par rapport au préjudice qu'il a déjà caufé à Paris ,
mais fur tout par rapport à celui dont il paroît le
menacer de plus en plus par la fuite ; car , i l'on n'y
prend garde , le lit de la Seine continuera à s'élever,
dans fon trajet à travers cette Ville , jufqu'à ce qu'il
ait atteint fa furface & celle des falaifes adjacentes ;
& le paffage étroit qui refte entre- eux venant à fe
combler , ainfi qu'il l'eft déjà en parae , tous les dépôrs
s'accumuleront e fute en- d çà du côté de
Paris ; il ne s'en détachéra plus pour aller groffir
ecux vis - à- vis Chaillot & Paffy ; les eaux de la rivière
ne coulant plus alors dans cette Capitale que
fur des immondices , s'infecteront ou perdront de
leur qualité pour peu qu'elles foient baffes ; & cherchant,
à raison de cet exhauffement, à gagner en lar
geur ce qu'elles auroient perdu en profondeur , elles
multiplieront les inondations , & les rendront plus
confidérables * . En vain , encore un coup , s'attache-
On pourroit citer pour exemple le Tybre , qui eft
devenu depuis long temps , dans fon paffage à travers la
Ville de Rome , une espèce de cloaque : les immodices
s'y font accumulées au point qu'il en réfuite de fréquens
débordemens , & qu'on n'ofe boire maintenant de ses
eaux , ou même entreprendre de nétoyer fon lit , de
crainte de mettre la peke en Italie.
DE FRANCE. 127
roit-on à augmenter Paris & à l'embellir , on n'éternifera
évidemment fon existence qu'à proportion
de ce qu'on s'appliquera en même-temps à obvier à
des inconvéniens qui intéreffent tant fa conftitution
phyfique , & qui pourroient devenir d'une auſſi dangereufe
conféquence par leur fuite fi on les négli
geoit.
Toutes ces obfervations concourent à faire voir
de quelle importance il feroit pour Paris de débarraffer
le lit de la Seine d'un banc qui lui eft auffi préjudiciable
à tant d'égards , ainfi que des falaifes qu'il
a occafionnées par fa pofition , d'autant que cela t
rès- poffible. Sa fuppreffion pourroit aisément fe
faire par partie en trois ou quate années dans le
temps des baffes eaux à l'aide de batard: aux difpofés
de façon à ne point gêner la navigation . Cette
opération ne feroit pas d'ailleurs auffi difpendicufe
qu'on pourroit l'imaginer au promer coup- d oeil . La
pierre étant maintenant fort chère , on feroir dédommagé
d'une partie des dépenfes par la vente de celle
qu'on en tireroit. Il y auroit peut être même une
fpéculation avantageufe à faire à ce fujet , & que les
circonftances paroiffent offrir tout naturellement.
Comme il eft probable que ce banc eft de dure qua
lité & de même nature que la pierre que l'on tire
des environs de cette Capitale , d où vient ne l'employeroit-
on pas de préférence à la conftraction des
quais & des autres travaux qui viennent d'être ordonnés
dans les environs ? En liant enſemble ces
' différentes opérations , il s'enfuivroit que la fuppreffion
de ce banc qui eft nailible ferviroit à l'exécu
tion d'ouvrages qui feroient utiles ; circonftance précie
fe à faifir à caufe de l'économie confidérable
qui en éfulteroit , & qui par cela même mériteroit
bien qu'on ne la laifsât pas échapper * .
* Èu ſuppoſant , au furplus , que ce banc ( ce que je ne
Fix
128 MERCURE
Il ne s'agiroit plus , après cette opération , que
d'entretenir avec foin le lit de la Seine à travers cette
Ville , d'en enlever les ordures , d'en extirper les dépôts
ou les fédimens , d'en draguer les fables à- peuprès
comme on le pratique dans les ports de mer , à
l'effet de lui conferver toujours la même profondeur
& un libre cours à fes eaux. Alors ne le trouvant
plus d'obftacles à l'écoulement des immondices de
Paris , la Seine les charieroit toutes , ainfi que fes
fables , jufques à la mer , & ne feroit plus menacée
de devenir par la fuite une efpèce de cloaque *. La
crois pas ) ne fût que des cailloux ou d'anciennes falaifes
qui auroient acquis à la longue une grande confiftance ,
n'étant alors compofé que de petites parties liées par des
-fables , il fe trouveroit encore plus de facilité pour fa
fuppreflion. Quant à celle des falaifes , il ne s'agiroit,
pour économifer, que de les élever dans de grands baquets
fur le fol même de l'Ifle des Cygnes , à l'aide de
grues placées , foit fur le bord de la rivière , foit fur des
bateaux plats.
રે .
* Il eft furprenant combien l'entretien du cours des
Aenves & des rivières , à l'effet de les conferver navigables
& de les affujettir dans leurs lits , a de tout temps été négligé.
Il y a une féparation immenfe à cet égard entre la
pratique & la théorie. On ne fait pas affez d'attention
que leurs lits s'élèvent infenfiblement ; que les eaux minent
ou rongent peu à peu leurs bords ; que leur cours offre
fouvent des coudes vicieux qui obligent les eaux de revenir
fur elles mêmes ; qu'il y a quelquefois dans le fond
des roches , des bancs de pierre ou des fur - hauffemens
nuifibles à leur écoulement , lefquels il faudroit faire difparoître;
qu'il s'y forme çà & là par fucceffion de temps
des ifles , des dépôts & des atterriffemens préjudiciables ;
de forte qu'à raifon de tous ces obftacles les eaux étant
occupées à lutter, & perdant ainfi du temps , il réſulte
alors de nouvelles crûes plus abondantes que de coutume
occafionnées foit par de grandes pluies , foit par des fontes
de neiges , qu'au -lieu de couler plus vite , comme elles le
devraient naturellement fi leurs lits étoient préparés ou
entretenus ainfi qu'il feroit néceffaire , el es s'accumulent ,
furmontent leurs bords , & vont inonder les villes & les
DE FRANCE. 129
fuppreffion du noeud de l'aiguillette favorileroit fa
navigation ; fes débordemens deviendroient palà
moins fréquens , moins défaftreux , vu qu'ils n'éprouveroient
pas autant de difficultés dans leur paffage
; l'excellente qualité de fes eaux fe perpétueroit
; la falubrité de l'air y gagneroit en ce qu'il
feroit davantage renouvelé par fon courant enfin
on feroit afluré de conferver à l'avenir le niveau des´
rues & du fol actuel de fes édifices.
Combien une auffi fage prévoyance , & dont ilréfulteroit
tant d'avantages pour Paris , feroit- elle
digne du fiècle éclairé où nous vivons , & fur-fout
conformes aux vues bienfaiſantes de notre augufte
Monarque? Fut-il jamais une circonftance plus favorable
que celle où il plaît à Sa Majefté d'accorder
des fonds confidérables pour tout ce qui peut intéreffer
les embelliffemens & fon utilité ? De fem
blables travaux enfevelis fous l'eau ne feroient pas ,
la vérité , auſſi brillans que des monumens de fafte &
campagnes , où elles produisent des ravages infinis . Il est
fingulier que dans un fiècle où les Sciences ont fair tank
de progrès, on foit toujours également la victime des débordemens,
ou furpris par l'événement à cet égard comme
dans les temps de ténèbres & d'ignorance.
Je m'occuperà un ouvrage fur cette matière , où je ferat
voir que plufieurs pays autrefois très - florians , me font
devenus des déferts incultes , & que nombre de Villes anciennes
, des plus peuplées n'ont été abandonnées au
point de méconnoître aujourd'hui leur place , ou de në
plus offrir qu'un amas de ruines , que parce que les fleu
ves ou les rivières qui les traverfoient , qui favorifoient
leur commerce , & qui y apportoient les denrées néceffaires
à la vie , ont ceffé d'être navigables faute d'entretien
; tellement que leurs lite étant devenus des cloaques
peftilentiels , ou ayant été encombrés par des fables you
s'étant élevés de manière à produire de fréquentes fubmerfions
, il a bien fallu que leurs habitans les quintaffenz
& fe tranfportaffent ailleurs .
Fv
\ 139
MERCURE

de magnificence ; mais aux yeux de la raifon ils
feroient vraiment louables , & les Perfonnes en
place qui les ordonneroient feroient bien affurées de
confarrer leurs noms de la manière la plus diftinguée
parmi ceux des Bienfaiteurs de cette Capitale.
EXTRAIT d'une Lettre de S. E. M. le
Conte DE HERTZBERG , Miniftre Privé
& d'État de S. M. P. , à M. MALLET
DU PAN.
Berlin , le 19 Décembre 1786.
Ja vois , Monfieur , par votre lettre du 2 de Décembre
& par le Journal de Paris , que l'on vous fait une
difpute fur l'affertion que vous avez énoncé avec moi ,
que le feu Roi de Pruffe avoit prefque doublé la population
de fes anciens États , pendant fon règne.
Vous aurez apparammenr pris pour baſe de cette
affertion , le paffage de ma differtation fur la
pulation des Etats, page 23 , où il eft dit : « Lorfque
pole
Roi monta fur le Trône , en 1740 , la popu-
» lation totale de fes Etats , montoit à 2,240,000
têres . Si l'on y ajoure 2 millions pour la population
de la Silefie , de la Pruffe occidentale & de
l'Offrife , to's provinces que le Roi a acquifes ,
» & qu'on déduife ces 2 millions de la fomme to-
» tale de 6 millions , il en résultera , pour l'aug-
» mentation intérieure de la population des anciennes
provinces , le nombre de 1,770,000 , ce qui fait
prefque le double de l'ancienne population ; & cm
"
20
DE
FRANCE.
so y ajoutant les nouvelles Provinces , elle a été 131
» prefque triplée fous le règne du Roi ». Je juge ,
par le No. 305 du Journal de Paris , qu'on veut affoiblir
cette affertion par un calcul qu'on a fait fur
les liftes des naiffances , qui le trouvent dans les additions
de ma fufdite
differtation ; mais ce calcul
perd fa force , par plufieurs erreurs de fait que j'y
ai obfervées.
1°. Le compte de la population réelle des Etats
Pruffiens , en 1740 & 1784 , qui fe trouve , page
23 de ma
Differtation , eft fait , non fur les liftes
des
naiffances , mais fut le
dénombrement réel , qui
doit toujours être préféré au calcul fait par les
naiffances , toujours fujet à de grandes
défectuofités
Ainfi le calcul fait fur les naiffances ne devroit
pas être oppofé au compte fait fur un
dénombrement
réel.
20. Ily a une doble erreur de fait dans la
1258 du Journal de Paris , où il eft dit que les
page
nouveaux Etats , la Siléſie , l'Oftfrife & la Pologne
contenoient , en 1765 ,
2,480,000 ames . Ces trois
provinces ne
contiennent actuellement que
2,100,000
hommes ; il ne faut donc pas déduire de la
lation générale ,
2,480,000 pour les nouveaux Etats, popuil
falloit encore moins les déduire
le Roi ne poflédoit pas encore la Pologne , ou la en 1765 , où
Pruffe
occidentale : il ne l'a acquife qu'en 1773.Il
femble qu'en général , il ne falloit
cul fur les naiffances de l'an 1765 , qui étoit la fefaire
un calconde
année après une guerre fanglante , ni déduire
de la fonime total des naiffances de l'année 1765 , fans
doute très
diminuées par la
lation de la nouvelle province , d'après la liſte des
guerre ,
toure la popanaiffances
de l'an 1784.
pas
Si d'après ces principes, queje croisjuftes , on fait
Fvj
132 MERCURE
le calcul , tant fur le dénombrement réel , que fur
les liftes des paiffances & des morts de l'année 1740
& 1784 , on trouvera , je crois, qu'on a eu raifon de
dire , que Frederic II a PRESQUE DOUBLÉ LA POPULATION
DE SES ANCIENS ÉTATS , & qu'il l'a
prfque triplée en y ajourant les nouveaux Etats.
:
Il faut encore obferver que le calcul dela population
, par les naiflances , en les multipliant par 25 ,
ne donne pas toujours la population réelle par
exemple , la Siléfie & la Pruffe occidentale ont eu
en 1784 , 92,000 naiff.nces , ce qui , en les multipliant
par 26 , donne près de deux millions & demi
d'habitans pendant que la population réelle de
ces deux provinces , faite d'après le dénombrement ,
eft à peine de deux millions. Quand on veut faire
ces fortes de calculs par le nombre des naiffances
on doit les faire fur la totalité des provinces & fur
une fuite d'années , & non fur des années & des provinces
particulières , &c.
Signé, HERTZBERG.
DE FRANCE. 133
4
SPECTACLES.
COMÉDIE FRANÇOISE,
Les nouveautés n'ont pas été communes à
ce Spectacle depuis environ fix mois ; mais la
curiofité publique a été quelque temps occupée
par la remife du Tartufe , Comédie ,
dans laquelle M. Molé a joué le principal
rôle. On a dit , avec raiſon , que le Tartufe
eft un de ces chef- d'oeuvres dont l'antiquité
n'offre ni exemple ni modèle ; on peut ajouter
à cette obfervation qu'il n'exifte au Théâtre
aucun rôle qui puiffe donner une idée de
celui du Tartufe , qui s'en rapproche par les
détails , qui en rappelle quelques traits diftinctifs
, & qui par conféquent foit capable
d'abréger le travail du Comédien qui fe propofe
de le repréfenter. C'eft un caractère à
part , abfolument unique , dont la phyfionomie
eft extrêmement difficile à failir , & dans
lequel un Acteur , même célèbre , doit fe
flatter d'autant moins de réunir tous les fuffrages
, que les modèles en font aujourd'hui
affez rares, * & que le talent d'obferver ne l'eft
* Les Tartufes font encore nombreux fans doute ,
mais ils ne reffemblent plus guères par les formes à
l'impofteur de Molière : ils ont bien confervé fon
134 MERCURE

pas moins. Parmi les Comédiens qui fe font
fait applaudir dans ce rôle , on cite Augé ,
Defchamps & Mont - meny, Nous n'avons
point vu Defchamps ; Augé nous a paru rendre
ce rôle d'une manière trop libre , & fouvent
fi éloignée des bienféances théâtrales ,
qu'il falloit manquer de délicateffe pour n'en
être point choqué. Un Amateur du Théâtre ,
qui a vu Mont- meny , nous a affuré que ce
Comédien , trop ignoré aujourd'hui , avoit
mérité toute la réputation qu'il s'étoit faite
dans ce rôle ; que dans tout le cours du troifième
Acte , il étoit fouple , adroit , fin ,
fpirituel , patelin , réfervé ; que de temps
en temps il laiffoit échapper des étincelles du
defir dont le perfonnage eft dévoré , mais
qu'en homme exercé dès longtemps à la
feinte & à la perfidie , il réprimoit tout-àcoup
fes mouvemens , & ne laiffoit entrevoir
fes deffeins qu'autant que le permettoit la décence.
Si nous en croyons cet Amateur , c'étoit
par des nuances progreffives , ménagées avec
infiniment d'art , que Mont-meny , inquier
& foupçonneux , mais emporté par la paffion ,
parvenoit à ce vers fi terrible à entendre ,
dans la cinquième Scène du quatrième Acte :
Qu'un peu de vos faveurs , après quoi je foupire.
Ardent , mais encore modéré , il réſervoit
toute fon exploſion pour le moment où il
caractère ; mais ils ont quitté fon mafque & ſon
langage .
DE FRANCE.
135
rentroit après avoir été , par l'ordre d'Elmire
regarder fi perfonne n'étoit dans la galerie
moment , a obfervé l'Amateur , où cette ex
ploſion eſt d'autant plus permife , que la préfence
d'Orgon , qui a quitté la table , raffure
pleinement le Spectateur fur la fuite des projets
de Tartufe. Démafqué , fa figure fe décompofoit
, elle devenoit menaçante ; fes accens
prouvoient la rage intérieure qui le déchiroit
: en un moment , il devenoit tellement
odieux , qu'il donnoit appétit de le
voir punir. Mais , nous a dit encore l'Amateur
, il faut avouer que la Nature avoit
donné à Mont - meny le mafque néceffaire
à la parfaite repréſentation du Tartufe. Sans
cet avantage , un Acteur pourra mettre beaucoup
d'efprit , de fineffe , d'intelligence &
d'aft dans ce rôle , il pourra s'y faire admirer
à quelques égards , mais il n'y produira point
une illufion parfaite. Nous avons recueilli
ces détails avec foin , parce qu'en effet ils
nous paroiffent propres à donner une idée
jufte de la manière dont on doit jouer
le rôle du Tartufe ; l'obfervation qui
les fuit nous a femblé très judicicufe , &
nous foumettons le tout aux lumières des
connoiffeurs. Dire que M. Molé a préfenté
les intentions de Mont meny dans l'effai qu'il
a fait de ce rôle , cela ne furprendra perfonne.
Un Comédien comme M. Molé ne devoit pas
voir médiocrement un grand caractère , il
n'étoit pas fait pour s'y faire applaudir par
les refources d'une indécente caricature ;
·
136 MERCURE
néanmoins il n'y a pas produit d'abord un
très grand effet. Pourquoi ? La figure aimable ,
ouverte & riante de M. Molé fembloit contrafter
avec celle qu'on defire au perfonnage ,
& qui femble devoir lui être particulière.
Malgré tout fon talent , il lui étoit impoffible
de fe donner ce caractère de tête , où
le vernis de la candeur fe fond fi heureufement
avec la fineffe de la perfidie , avec la
foupleffe de l'hypocrifie , qu'il peut en impofer
pendant quelque temps à la confiance
& à la foibleffe ; & voila certainement la
caufe qui a fufpendu le fuccès de M. Molé.
On dit quelquefois qu'un grand Comédien eft
un Protée ; cette comparaifon ne peut être
vraie que jufqu'à un certain point : il n'eft
pas de talent univerfel ; & s'il eft poffible ,
& même néceffaire qu'un Acteur , pour fe
plier à l'expreffion des caractères qu'il doit
rendre , fache décompofer les traits de fa
figure , & donner une grande mobilité à fon
mafque , il ne lui eft pas poffible de vaincre
la nature , & de fe donner un avantage phyfique
qu'elle lui a refuſe abſolument. Sachons
donc gré à M. Molé d'avoir voulu rétablir la
tradition prefqu'oubliée d'un des rôles les
plus importans du Théâtre ; félicitons - le
d'avoir cherché à vaincre les obftacles que pou
voit mettre fa phyfionomie à la reffemblance
phyfique du Tartufe , d'avoir perfectionné
fon jeu dans ce rôle de repréfentation en repréfentation
, & finiffons par defirer qu'il fe
rencontre encore de temps en temps des CoDE
FRANCE. 137
médiens qui , comme lui , amans de leur profeffion
, multiplient comme lui les études ,
les travaux , les foins & les efforts pour remettre
fous les yeux du Public les chef- d'oeuvres
de la Scène Françoife , & les modèles
que les Auteurs Dramatiques ont besoiu
d'étudier plus que jamais.
A la fin de Décembre dernier , on a remis
aufli à ce Théâtre les Méprifes , Comédie en
un Acte & en vers , par feu M. P. Rouſſeau
de Toulouſe.
Cette petite Pièce , écrite affez foiblement ,
eft intriguée avec efprit. Le traveſtiffement
d'une Soubrette en Cavalier , donne de la
jaloufie à un amant , & occafionne des méprifes
très- piquantes . Quand le fexe de la Soubrette
eft connu , tout s'éclaircit , & finit par
un mariage. Nous croyons que cet Ouvrage
peut occuper le Répertoire beaucoup plus
agréablement qu'une foule de pièces du
dernier fiècle , dont on eft las à force de les
revoir , & dont on devroit être dégoûté autant
par leur médiocrité que par leur indécence.
138
MERCURE
COMÉDIE ITALIENNE.
LE Jeudi 11 de ce mois , on a donné la première
repréſentation des Dettes , Comédie
en deux Actes & en profe , mêlée d'ariettes.
Le jeune Damis a vécu à Paris en ditipateur.
Amoureux d'une jeune Veuve , nommée
Lucile , il s'eft moins occupé de fon amour
que de fes plaifirs. Preffé par les créanciers ,
il a cherché à faire reffource en fe fuppofant
malade , & en demandant des fecours à un
vieil oncle , qui demeure en Province , &
qui , comme lui , s'appelle Damis . Il n'en a
reçu aucune réponse , parce que la jeune
Veuve a écrit à cet oncle pour l'inviter à fe
rendre à Paris à l'infçu de fon neveu. L'oncle
arrive , il voit Lucile , parle des extravagances
du jeune homme en vieillard très indulgent
, & lui propofe , pour terminer les conteftations
que des intérêts de famille ont fait
naître entre eux , d'époufer fon neveu ou
lui. La Veuve ne répond que d'une manière
équivoque , mais qui laiffe de l'efpérance.
Dès que le neveu fait l'arrivée de
l'oncle , il ne fait quel parti prendre , il n'ofe
fe préfenter devant lui , & fe détermine à
fuir. Au bas de l'efcalier par lequel il fort ,
il rencontre un Notaire qui vient , lui ditil
, pour le marier. L'oncle , en defcendant
par l'autre efcalier , a rencontré un OffiDE
FRANCE. 139
cier du Commerce qui , trompé par le nom ,
veut l'arrêter , en vertu d'une fentence. Le
quiproquo fe démêle aifément ; on fupplie le
vieux Lamis de venir au fecours de fon neveu
; il y confent , à condition que Lucile
fignera le contrat de mariage qu'apporte le
Notaire ; elle hélite , parce qu'elle croit que
ce contrat va l'unir au vieillard ; enfin le danger
du jeune homme la détermine , & elle
figne le contrat , qui , fans qu'elle s'en doute ,
l'unit à fon amant.
Au travers de cette intrigue paffent quelques
perfonnages épifodiques qui font trèsplaifans
, notamment ceux d'un Bijoutier &
d'un Horloger , parce qu'ils font placés dans
des fituations très - heureufes , fur- tour au premier
Acte. Ce premier Acte a fait un trèsgrand
plaifir , il eſt très gai ; & quoique la
marche enfoit un peu découfue, elle eft rapide
& amufante. Le fecond eft long , & la marche
en eft lente. L'Auteur peut y retrancher
facilement des chofes inutiles , fans qu'on s'apperçoive
des coupures. Nous defirons feulement
qu'il tienne un peu plus en fufpens la
curiofité du Public , & qu'il ne l'anéantiffe
pas en laillant appercevoir fon dénouement
à découvert dans les propofitions que le vieux
Damis fait à la jeune Veuve.
La mufique eft de M. Champein , & elle
rappelle entièrement l'Auteur de la Mélomanie.
Des motifs heureux , de l'efprit , de
la fineffe , de la grace , du comique , un orcheftre
bien travaillé , des accompagnemens
140 MERCURE
qui fe marient naturellement avec le chant
principal , des traits d'inftrumens qui préparent
, foutiennent ou fuppléent les intentions
dramatiques des perfonnages chantans. Voilà
ce que nous avons remarqué dans cette production,
à laquelle on pourroit faire quelques
petits reproches , s'il n'étoit pas plus fage &
plus jufte de fe dire avec Horace : Non ego
paucis offendar maculis.
ANNONCES ET NOTICES.
LISTES
ISTES des Notables qui ont affifté aux Afſcmblées
tenues en 1596 , 1626 & 1627 , précédées du
Tableau Chronologique de toutes les Affemblies Nationales
convoquées depuis l'an 422 ufqu'à l'année
1627 , Brochure de 23 pages. A Paris , de l'Im²
primerie Polytype , rue Favart.
7
On trouve ibidem Procès- Verbal de ce qui s'eft
paffé à l'Affemblée des Notables tenue au Palais
des Tuileries en l'année 1626 , fous le Règne de
Louis XIII , extrait du Mercure François de la même
année , fuivi de la Harangue du Roi Henri IV à
l'Aſſemblée , qu'il convoqua à Rouen en l'année
1596.
LE Philofophe Parvena , ou Lettres & Pièces
originales , contenant les Aventures d'Eugène fans
Pair ; par l'Aventurier François . 3 vol . in- 12 . A
Londres , & fe trouve à Paris , chez l'Auteur , hôtel
de Malthe , rue Chriftine ; Quillau l'aîné , même
rue ; la Veuve Duchefne , rue S. Jacques ; Belin ,
DE FRANCE. 141
même rue ; Mérigot le jeune , quai des Auguftins ;
Defenne , au Palais Royal. S'adreffer pour la Province
, chez Dubofc , quai des Auguftins.
« Un jeune homme , né avec les difpofitions les
» plus heureuſes pour la vertu , entraîné, parce qu'il
» eft fans état , dans une foule d'aventures & de
liaifons qui le compromettent. » Tel eft le Héros
que M. le Suire a voulu donner à ce nouveau Roman,
fur lequel nous pourrons revenir quand l'abondance
des matières nous le permetɩra.
ÉTRENNES aux Ecoliers , Ouvrage propre à
leur infpirer l'amour de l'étude & de la bienfaifance.
in- 12 . Prix , 1 liv . 4 fols. A Paris , chez Leroy ,
Libraire , rue S. Jacques .

L'idée de cet Ouvrage , qui doit faire Collection ,
nous a paru heureufe. On y inférera des morceaux
propres à former le coeur & l'efprit ; & ce qui eft
plus intéreffant encore on y joindra les actions
vertueufes & bienfaifantes faites par les Écoliers dans
le cours de l'année , avec les noms de ceux qui
auront remporté les grands Prix de l'Univerfité. On
y imprimera auffi , fi onle defire , diverfes Pièces des
Écoliers lorfqu'elles en feront jugées dignes , comme
de leurs Profefeurs; & l'on defire que les Étrennes des
Ecoliers puiffent devenir leur propre Ouvrage.
On vend chez le même Libraire l'Almanach
Américain , Afatique & Africain , pour l'année
1787. Prix , 3 liv. broché , qui fe trouve auffi chez
l'Auteur , rue Garancières , ainfi que l'Etat des
Cours de l'Europe & des Provinces de France..
in- 8 °. Prix , s liv. br.
OPUSCULES Poétiques , par M. le Chevalier de
Cabières , des Académies & Sociétés Royales de
Lyon , Dijon , Marſeille , Rouen , Heffe- Caffel ,
&c. Nouvelle édition , corrigée & augmentée. 3 vol.
142
MERCURE
in- 16. Prix , 9 liv. reliés , dorés fur tranche . A Os
léans , de l'Imprimerie de Couret de Villeneuve , &
fe trouve à Paris , chez Cuchet , Libraire , ruè &
hôtel Serpente.
Le mérite de ces Opufcules eft connu , & ceite
nouvelle édition eft très-agréablement imprimée .
THEATRE des Grecs , par le P. Brumoy ; nouvelle
édition , enrichie de très belles gravures , &
augmentée de la traduction entière des Pièces grec
ques , &c. Tomes VI & VII A Paris , chez Cuffac ,
Libraire , rue & carrefour S. Benoît.
Ces deux volumes contiennent les Tragédies
d'Euripide.
SUR la Pefte de Marfeille en 1720 , brochure de
27 pages. Prix , 12 fols. A Londres , & fe vend à
Paris , chez Hardouin & Gattey , Libraires ,
Palais Royal , Nº . 14.
au
La pefte de 1720 eft la plus terrible qu'ait effuyé
Marſeille. Elle emporta 30 mille ames , c'eft à dire ,
moitié de fes habitans. L'Auteur de cette brochure
eftimable confacre à l'admiration & à la reconnoiffance
publique les noms des Citoyens qui exposérent
& facrifièrent leur fortune & leur vie.
NOUVEAUX Couteaux , Rafoirs , &c.
Tous ces objets , annoncés dans notre Numéros 1 ;
page 189 , & qui fe trouvent chez le fieur Lethien ,
rue Neuve Saint Merry , près l'hôtel Jaback , aya t
excité la curiofité , on a écrit de toutes parts pour en
favoir les prix , qu'on avoit oublié de joindre à l'article.
Nous allons les rapporter ici en renvoya ne
à l'article même pour l'explication des objets an 、
noncés.
Rafoirs à fix lames , &c. ( renfermés dans leur
DE FRANCE. 243
-
-
--
cair. ) Prix , 12 liv. & 18 liv. Rafcirs à rabot
( d'argent renfermés dans leur étui , ) liv. &
Is liv. Cuirs renfermant vingt - deux pièces ,
30 liv. & 36 liv. Couteaux à couliffes , 24 liv.
& 144 liv. Couteaux à cuiller , 48 liv. &
300 liv Serpettes , & c. , 2 liv. & 12 liv .
Rafoir de même acier de feux à fix lames , 3 liv.
& 6 liv.
CIRE à cacheter.
-
Le fieur Grafe a obtenu un Arrêt du Confeil du
5 Septembre 1786 , qui lui accorde le privilège d'établir
une Manufacture royale de Cire à cacheter de
tonte espèce , & d'en former des Entrepôts dans les
différentes Villes du Royaume : cet Arrêt a été rendu
d'après le rapport fuivant des Commiffaires ,
nommés par l'Académie royale des fciences , » que
» les Cires qu'ils ont examinées & qu'ils ont vu fa-

briquer , furpaffent en beauté & en qualité toutes
» les Cires connues ». Le Tarif qui ſe trouve à la
tête du profpectus que le fieur Grafe doit publier
inceffamment , offre une diminution d'un quart au
'moins fur le prix de chaque livre de Cires ordinaires,
& d'un tiers ou de moitié fur le prix de chaque livre
de Cires fines : la différence du prix de chaque baton
eft encore plus fenfible.
Ily a des Cires rouges , noires & de diverfes couleurs;
il y en a auſſi qui exhalent à fec , comme à
la lumière , telles odeurs que l'on peur deficer ; c'eft
un gente d'agrément qu'on n'avoit pu jufqu'alors
fe procurer
.
La Manufacture royale eft établie à Sève , route
de Verfailles , & IEntrepôt général à Paris , rue
neuve des Petits - Champs , près la rue Sainte Anne ,
No. 32.
PARTITION de Phedre , Tragédie en trois
144
MERCURE
Actes , repréfentée devant Leurs Majeftés à Fon
tainebleau , le 26 Octobre 1786 , & à Paris fur le
Théâtre de l'Opéra le 21 Novembre de la même
année, par M. Lemoyne. Prix , 24 liv. A Paris ,
chez l'Auteur , rue Notre Dame des Victoires
n°. 29 , & chez Leduc , au Magafin de Mufique &
d'Inftrumens , rue du Roule , nº . 6. On trouve aux
mêmes Adreſſes la Partition d'Électre du même
Auteur.
La Mufique de Phèdre a eu le fuccès des bons
Ouvrages ; il a toujours été en augmentant . Les
Amateurs y trouveront une foule de morceaux d'un
chant délicieux , & les jeunes gens qui voudront
l'étudier, y prendront l'habitude d'un faire fimple &
facile , & verront qu'il n'eft pas néceffaite de prodiguer
les grands inoyens pour produire de grands
effets.
}
1
TABLE.
EPITRE à Mme D.. F... 97 Variétés ,
116
99 Comédie Françoiſe , 133
138
Charade, Enigme & Logo Comédie Italienne ,
Couplets ,
gryphe,
Almanachdes Muſes ,
100 Annonces &Notices , 140
103
APPROBATION.
1
J'AI lu , par ordre de Mgr . le Garde- des - Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 20 Janvier 1727. Je n'y
ai rien trouvé qui puiſſe en empêcher l'impreffion. A
Fatis , le 19 Janvier 1787 QUIDI.
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 27 JANVIER 1787.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.,
A l'Auteur de mes Souvenirs. *
Vos vers font trop jolis , ils ne mourront jamais ;
Dictés par le plaifir , ils vivront pour le nôtre ;
La Beauté vous lira ; vos Souvenirs font faits
Pouroccuper le fien & faire aimer le vôtre.
(Par M. Blandarel. )
Ce charmant Recueil fe trouve à Paris , chez Belin ,
Libraire , rue S. Jacques. Note de l'Auteur,
No. 4, 27 Janvier 1787. G
146", MERCURE
INPROMPTU à M. le Marquis DU CREST,
Chancelier de Son Alteffe Séréniffime
Mgr. le Duc D'ORLÉANS , pendant qu'il
obfervoit les opérations de mon Imprimerie.
MINISTRE bienfaifant d'un Prince qu'on adore ,
Si ton génie actif enfante des projets 317
Ta fageffe éclairée affure leurs faccès .
Les Talens par tes foins vont s'empreffer d'éclore ; .1
Tu veux le bien & tu le fais :
La tendre Humanité fe montre fous tes traits ;
En toi c'eft elle que j'honore.
Nos Citoyens heureux , au beau nom de ta fecur
Affociront le tien au Temple de Mémoire :
Tes vertus t'ont foumis leur coeur
Eft- il une plus douce gloire ?
Mon Art reconnoiffant peindra notre bonheur ,
Et la Vérité feule en tracera l'hiſtoire.
1
(Par M. Couret de Villeneuve , Imprimeur
du Roi , de Mgr. le Duc d'Orléans , de
PAcadémie Royale des Sciences , Arts
& Belles- Lettres d'Orléans & de Montauban
, Auteur du Journal Orléanois. )
* Mme la Corteffe de Sillery , fi célèbre dans la République
des Lettres fous le nom de Comtefe de Genlis , Au-
Bour de plufieurs Duvrages ſur l'Éducation. Note de l'Aus-
BIBLIOTHECA
REGLA
DOMACE NO19.
DE FRANCE. 147
Explication de la Charade , de l'Énigme &
du Logogryphe du Mercure précédent.
LE mot de la Charade eft Boſſon ; celui de
l'Enigme eft Vérité; celui du Logogryphe
eft Louange , où l'on trouve lange , galon ,
Élu , loge , an, Ange , longe , élan, ane, ou
On , âge , cau , Agen , Laon , égal.
CHARADE.
Mon premier m'aide à faire mon dernier,
Et mon dernier contredit mon entier.
JE
( Par une jeune Demoiselle. )
ENIGMÉ.
E fuis François & non latin ,
Du noble genre naſculin ;
Au pluriel , ma mé amorphofe ,
Quoiqu'exprimant la même chofe ,
Me donne un genre feminin.
Agité par les vents , je fuis loin de la terre ,
Je tonne en me gonfiant , je fais un bruit de guerres
Gij
148 MERCURE
Mais , devenu plus doux , mes fons intéreffans,
Répétés par Écho , deviennent plus touchans :
Cette variété de fougue , de tendreffe ,
Annonce le talent du moteur qui me preffe.
Lecteur , vers mon féjour , fi tu tournes tes pas,
Sans trop t'alambiquer , tu me reconnoîtras.
(Par M. Gafieblay Longville de Mayenne. ).
LOGO GRYPHE
VEUX-Tu me fuivre au bout de l'Univers ?
Je ne demande rien pour les frais du voyage
De la pofte , jamais je ne connus l'afage ;
Avec moi fans vaiffeau tu vas franchir les mers.
Combien dans mes dix pieds je vais fur ton paffage
Ates regards furpris offrir de lieux divers !
Au bas de l'Apennin vois la terre tremblante
Détruire une Cité qui fit fon ornement ;
Avec le même nom , cette autre plus riante
S'énorgueillit encor da Chantte de Roland ;
Ce fleuve avec fracas roule fon onde antique ;
Paffons vite : le fang la rougi trop ſouvent.
Nous refpirons l'air brûlant de l'Afrique.
Vois- tu dans ce Royaume une foire publique ?
Ce font des hommes qu'on y vend.
Arrêtons- nous fur ce rocher ftérile ;
On y vit autrefois régner le léopard ;
DE FRANCE. 149
Mais renaiffant enfin de fa tige fertile ,
Le lys victorieux flotte fur le rempart.
Contemple dans l'Afie un canton defpotique ,
Tu pourras t'y pourvoir d'une jeune Beauté.
Préfères tu la liberté ?
Un État de ce nom t'appelle en Amérique.
Ce lac majeftueux dans fon vafte contour
Borne ici ta vue interdite.
Mais des frimats quittons l'affreux féjour ,
A Meffieurs les Gafcons faifons une viſite,
Aux rives de l'Adour je t'offre une Cité :
Sa foeur , que fous nos loix d'Humières a réduite ,
Sur les bords de la Lys s'élève avec fierté .
Par vingt autres encor ton cit feroit flatté ;
Mais dans le Dauphiné terminons notre courfe ,
Je t'y réſerve un lieu célèbre par ſa ſource ;
Ses bienfaiſantes eaux t'y rendront la fanté.
(Par M. le Prieur. )
*
Gif
850
MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
VOYAGE en Pologne , Ruffie , Danemarck ,
&c. par M. W.Coxe , &c. traduit de l'Anglois
, avec des Notes , & augmenté d'un
Voyage en Norwège , par M. P. H. Mallet ,
ci-devant Profefleur Royal à Copenhague ,
Profeffeur de l'Académie de Genève , &c.
2 vol. in-4°. & 4 vol. in - 8 ° . avec cartes
& planches. A Genève, chez Barde, Manget
& Compagnie , Imprimeurs- Libraires , &
fe trouve à Paris , chez Buiffon , Libraire ,
rue des Poitevins . Prix de l'in -4°. 24 liv.,
de l'in 8°. 18 liv. brochés.
EUREUX fiècle , a-t'on dit quelque part, eh
rendant compte de cet Ouvrage , où ce font
les Philofophes qui voyagent & qui inftruifent
l'Univers ! Sans contredire cette exclamation
, feroit - il permis de demander de
quels Philofophes on a voulu parler ? Eft - ce
de ceux qui , tels que Chardin , Wood ,
Kempfer , Pallas , Poivre , Cook , favent fe
taire fur tout ce qu'ils ne connoiffent qu'imparfaitement
; qu'un très- long ſéjour ou des
obfervations circonfcrites ont garanti de l'erreur
; qui ne voyagent pas pour faire des Livres
à prétention ; mais pour s'inftruire euxDE
FRANCE. 151
mêmes par amour de la vérité ; exempts par
conféquent de toutes les petites pallions qui
peuvent tyrannifer la pluie d'un Auteur
qui raifonnent peu , & décrivent exactement;
qui enfin font Philofophes fans afficher de
la philofophie ?
;
Auroit- on en vue , au contraire , ces Voyageurs
expéditifs dont nous fommes inondes
qui parcourent le cercle entier des connoif
fances humaines aufli rapidement que les Provinces;
qui , d'un clin d'oeil , devinent ce qui
refte incertain pour les naturels les plus expérimentés
, jugent les moeurs nationales dans
les cercles d'une Capitale où ils réfident quelques
jours , le pays par l'afpect des grands
chemins, les peuples par le caractère des poftillons
; les loix , la religion , l'adminiſtration ,
les talens , les fciences , les événemens les
plus fecrets , l'hiftoire , les vertus , les vices
d'un Empire , fur quelques Brochures étrangères
qu'ils compilent à leur retour , avec des
remarques fentencieufes & quelques notes
volantes , lorfqu'ils ont voulu prendre la
peine d'en recueillir ?
Les Lettres de M. Coxe fur la Suiffe n'étoient
pas un Voyage philofophique de ce
dernier genre . Malgre des erreurs , des préjugés
, des jugemens hafardés ; malgré la fé,
chereffe du ftyle & la froideur des defcriptions
, cet Ouvrage mérica à fon Auteur l'éloge
que lui donne le favant Traducteur de fon
nouveau voyage , en célébrant fon amour
pour la vérité , fon érudition , fa candeur ;
Giv
152 MERCURE
mais tous les fujets ne fe prêtent pas également
à l'emploi de ces eftimables qualites ; &
il paroît que les glaces du Nord font plus redoutables
pour un Voyageur Hiftorien que
celles de la Suiffe.
M. Mallet , qui a couru avec tant de diftinction
une carrière plus difficile que celle de fon
original , & à qui P'Hiftoire du Nord a de fi
grandes obligations , a bien voulu fe charger
de traduire ce Voyage de M. Coxe , & dé le
commenter. Il y a joint des notes néceffaires ,
des additions très-curieufes ; mais il s'eft permis
de retrancher plufieurs morceaux de fon
original , en fuppofant que des difcuffions
trop favantes feroient peu goûtées de la plus
grande partie de fes Lecteurs . Quelques- unes
de ces digreffions font en effet abfolument
étrangères à l'objet d'un voyage. Pourquoi
l'appefantir de généalogies & de détails qui
fe trouvent dejà dans une infinité d'Hiftoires
& avec plus de développement ? M. Mallet
n'eût certainement dimmué en rien l'inf
truction du Public ni la gloire de M. Coxe ,
en fupprimant, en outre, l'article biographique
fur Menzicof, dont tous les détails fe trouvent
déjà dans les Mémoires de Manftein ,
dans l'Hiftoire de Ruffie de M. le Clerc , &c.;
celui de Catherine I , qui n'offre aucune parricularité
nouvelle ; celui encore de la Prineeffe
Anne , & du Prince de Brunswick fon
époux , & quelques autres. Ces morceaux
pouvoient enrichir l'original , fi les Anglois
n'ont pas de traductions des nombreux OuDE
FRANCE. 153
vrages Allemands & François qui ont paru fur
la Ruflie , ils font très - fuperflus pour nous ;
dans l'immenfité de Livres qui furchargent
l'Europe , il faut éviter d'appauvrir encore
cette abondance par des répétitions .
La ferpe du Traducteur auroit dû peut-être
ménager davantage deux ou trois fragmens
plus utiles que ceux dont nous venons de
parler , entre autres les détails relatifs à la
Princeffe Sophie , foeur de Pierre I , qui tendent
à éclaircir un point hiftorique encore
douteux , & la difcuffion impartiale de M..
Coxe fur la mort de Charles XII. M. Mallet
explique fort bien , & réfute l'opinion de l'affaffinat
de ce terrible Capitaine ; mais le Public
n'eût pas lu avec indifference l'expofé des
raifons pour & contre cette opinion , telle
que la préfente l'Auteur Anglois. Au refte ,
celui ci s'eft plaint amèrement de ces mutilations
, qui concourront en France au fuccès:
de fon Ouvrage , & je crois qu'en effet un
Traducteur doit préfenter fon original , même
avec fes défauts , en fe réfervant la liberté de
les faire remarquer.
Je puis me tromper ; mais aucun Voyage
ne me femble devoir infpirer plus de défiance
que
celui- ci : le feul Journal de M. Coxe mer
fe Lecteur en garde. En effet , on voit qu'il
eft refté vingt - fix jours en Pologne , cent
foixante- trois jours en Ruffie , dont cinq mois
à Pétersbourg , par conféquent treize jours
dans la contrée , un mois en Suède , & vingt
jours en Danemarck. On ne peur parcourir &
Gy.
154
MERCURE
obferver plus leftement des Empires , dont le
moindre a prefque l'étendue de la France .
Pour fuppléer au défaut d'études & de remarques
fur le pays même , M. Coxe a dépouillé
la plupart des Auteurs qui nous les
ont fait connoître ; il a raffemblé & choifi des
documens abfolument hétérogènes ; il a couvert
la nudité du fonds de fon voyage par de s
Mémoires encyclopédiques ; il y a inféré
jufqu'à un Traité chimique du favant Docreur
Pulteney ; enforte que , fans fe déplacer ,
l'Auteur pouvoit compofer les deux tiers de
fon Voyage à Londres , auffi commodément
que dans les appartemens du Nord. On a dit
de la langue Angloife que les exceptions y
faifoient la règle ; ici , le Voyage eft dans les
hors- d'oeuvres.
Par exemple , on entre en Pologne avec
M. Coxe au Livre fecond , & l'on ne fait pas
encore qu'il a paffé la frontière d'Allemagne ,
qu'on a lu cent dix pages préparatoires fur
l'Hiftoire , le Gouvernement , les révolutions ,
la ftatiftique de la République. Plufieurs de
ces Chapitres font inftructifs , quoique traités
déjà avec plus d'exactitude par differens Auteurs
; mais ce qu'aucun d'eux n'avoit ofé
tenter encore , c'eſt le tableau des dernières
calamités de la Pologne : M. Coxe a bravé
les difficultés du fujet ; elles étoient effrayantes
, & il faut être bien sûr de fes matériaux ,
bien intrépide pour donner conftamment le
tort aux malheureux , ainfi que l'a fait le
Voyageur.
DE FRANCE. Iss
« Si le parti de Pompée eût prévalu , a fort
→ bien dit l'un des Compatriotes de M. Coxe ,
» on nous auroit peint Céfar comme lemar-
» tyr de la liberté. » Cette réflexion de M.
H. Walpole trouve ici fon application naturelle.
Non feulement l'Auteur a atténué les
griefs des Confédérés ; non-feulement il a
déguifé les véritables caufes de leurs infarrections
, il s'eft de plus trompé fur des faits
importans. Je me bornerai à releverici , conme
dans le cours entier de cet examen , ceux
fur lefquels il m'eft permis d'avoir un avis ,
en rapportant mon opinion , ainfi que l'excellent
Montaigne , finon à la mefure des
chofes , du moins à la mefure de ma vue.
Suivant le Voyageur , des querelles de religion
ont allumé la guerre civile en Pologne ;
les Diffidens y étoient continuellement perfécutés
, les ennemis de la tolérance , à la tête
defquels étoit l'Évêque de Cracovie , s'opposèrent
à leur faire reftituer aucuns de leurs
priviléges , malgré les demandes des Cours
garantes du Traité d'Oliva ; enfin, les Confédérés
de Bar étoient des Croifés armés pour la
défenfe de la Sainte Foi Catholique. De cette
narration on devroit conclure qu'un opiniâtre
finatifme fut la véritable caufe des malheurs
de la République.
Il n'eft cependant aucune de ces affertions
qui ne foit ou exagérée ou démentie par des
faits inconteftables. Jamais il n'y eut en Eu
rope de gouvernementmoins perfécureur que
celui de la Pologne . A l'inftant où la France ,
Govj
156 MERCURE
l'Angleterre , l'Allemagne nageoient dans le
fang des Proteftans & des Catholiques , au
16 fiècle , la République admit les Diffidens
au partage de tous les droits civils & des principales
dignités. Lorfque Henri de Valois
chargé du crime de la Saint- Barthélemi , alla
gouverner ces Sarmates , que l'on regardoit
comme des barbares , on lui impofa la loi de
refpecter la tolérance. Infenfiblement la plupart
des grandes familles étant revenues à la
religion dominante , & les Proteflans net
comptant dans leur fein qu'un très petit nom .
bre de Gentilshommes capables, par leur naiffance
, des emplois & de l'entrée aux Dières ,
différentes loix , en leur confervant la liberté
de confcience , les privèrent du droit de participer
à la Nonciature & au Gouvernement.
Cette révolution fut confommée par les Rois
Saxons , excepté dans la Pruffe Polonaife , où
les Diffidens , plus nombreux , continuèrent
à prévaloir dans les Charges , les Diétines , les
Tribunaux.
,
A l'époque ( en 1764 ) où on les excita à
des réclamations , les Proteftans avoient deux.
cent temples en Pologne ; ils exerçoient partout
librement leur culte dans leurs maifons ;.
ils jouiffoient d'une sûreté parfaite dans leurs
propriétés ; ils poffedoient des Starofties , des
Régimens , un grand nombre de compagnies
& de grades militaires. S'ils étoient opprimés ,
ce n'étoit donc point par des violences ni par
la privation des droits civils ; mais fimplement
par l'exclufion des Charges & des DiDE
FRANCE. 157 :
gnités. Si les limites de cette tolérance peuvent
légitimer une accufation de fanatifme
conrre tes Polonois , il faut en flétrir par
confequent l'Angleterre , où un Commis de
la Douane doit préter le ferment du Teft , la
Suille , la Hollande , l'Allemagne , & tous les
États où les religions tolérées font inadmiffibles
aux emplois du Gouvernement. En
Ruffie même , il faut profeffer la religion"
grecque pour entrer au Miniftère & dans le
Sénat. Quelques abus inévitables pouvoient
en Pologne avoir donné lieu à quelques plaintes
; mais il y avoit bien loin de leur redreffement
aux conceffions exigées par les Dif
fidens.
*13000
Leurs Confédérations à Sluck & à Thorn
ne comptèrent que 573 fignatures ; c'étoit
à peine de la nation. Une pareille
difparité exclur toute idée d'une guerre
civile ; & s'il exifte dans l'Hiftoire un fait
authentique , c'eft que , livrés à leur propre
mouvement , ces Diflidens qui appelèrent
contre leur patrie des armes etrangères ,.
n'euffent junais imaginé d'obtenir par la violence
, & malgré la République , d'être affociés
à fa legiflation.
La Rulie qui les encouragea , après avoirappelé
leurs Chefs , le Starofte & le Général
Grabowski , pour recevoir leurs plaintes.
n'étoit point garant du Traité d'Oliva , comme
l'avance M. Coxe : elle n'y avoit même
ni accédé ni intervenu . Il eſt encore plus que:
douteux que ce Traite autorisât le moins.du.
158 MERCURE
monde les prétentions des Diffidens.
L'Évêque de Cracovie & le Collége des
Évêques de Pologne , traduirs ici comme des
perfécuteurs , confirmèrent folemnellement
en 1766 , la tolérance dont jouiffoient les
Diffidens , en lui donnant même plus d'étendue.
Confervation & reftauration de leurs
Églifes, liberté entière de culte dans leurs maifons,
cimetières, écoles , baptêmes & mariages
par leurs Eccléfiaftiques , exception de toute
taxe étrangère aux Catholiques : telles furent
les articles accordés alors par le haut- Clergé ,
& dont il offrit de recommander l'exécution
par des Mandemens folemnels dans tous les
Diocèles. *
Il ne faut pas juger les actes de ce genre
par les maximes ou par les théories expofées
dans des Livres ; il eft fur- tout équitable de les
comparer à ce qui fe fait ailleurs. M. Coxe ,
en fe rappelant l'exemple de tous les États
Catholiques ou Proteftans , auroit dû voir
avec fa pénétration ordinaire , les inconvéniens
politiques d'une tolérance plus étendue
, dans une République déchirée , en proie
à une influence étrangère . Ouvrir l'entrée à
quatre religions différentes dans le Confeil
légiflatif d'un État anarchique , où la voix
.
* Voyez les articles confentis par les Évêques ,
qui fe trouvent dans les Pièces Juftificatives du Manifeft
: de la Confédération générale , in- 4° .
DE FRANCE. 159
d'un feul peut arrêter l'activité de tous , étoit
une opération qui exigeoit du temps , de la
prudence , & que la préfence d'une armée
protectrice des Diffidens , devoit faire regarder
comme bien redoutable à l'indépendance
de la République. Ces vérités , qui n'appartiennent
point à la théologie , auroient dû
prévenir le reproche de M. Coxe aux Confédérés,
qu'il nous repréſente comme des fanatiques
du 12 fiècle.
e
Il a gliffe avec légèreté ſur la fameuſe Confédération
de Radom , dont il ne nous expofe
ni la véritable origine , ni les circonftances
, ni les fuites funeftes. Il ne parle point
des efcadrons de cavalerie Ruffe , commandés
par le Colonel Carr , des canons , des poftes
militaires diftribués dans Radom , où le Prince
Radziwill , Maréchal Général de la Confédération
, fut en quelque forte prifonnier de
guerre , comme il le fut enfuite à la Dière
de Varfovie , & comme ce Prince le raconta
fort en détail en 1772 , au Rédacteur de cet
article .
Puifque l'Auteur faifoit mention de cette
étrange Diète de Varfovie en 1767 , il ne devoit
le permettre ni des réticences , ni des
inexactitudes ; en particuker il ne falloit pas
avancer que l'Evêque de Cracovie & fespartifans
furent enlevés par ordre de l'Amballadeur
Ruffe , pour s'être permis des difcours
violens contre les Diffidens & contre les Cours
qui les protégeoicnt. Cette affertion ſembleroit
excufer un acte , qu'un Anglois fur- tout
1
160 MERCURE
Y
feroit plus blâmable de juftifier. Le Prélat
éloquent & courageux dont il eft ici queftion ,
prononça en effet un difcours qui eft un des
plus beaux monumens de l'hiftoire & de la
liberté moderne ; mais on n'y trouve prefque
pas un mot fur les Diflidens , encore moins
contre des Cours étrangères ; il ne s'écarta
pas même du refpect dû à la grande Souveraine
dont il combattoit les volontés . Sa harangue
toute entière eut pour objet de prouver
le danger des Conftitutions offertes à la
Diète, entre-autres de celles qui déclaroient
irrévocables & perpétuelles les Loix de la
Pologne , en lui ôtant à jamais le droit de les
changer, & en les foumettant à la garantie
de la Ruffie. C'étoit , felon l'expreffion des
Confédérés de Bar dans leur Manifefte , confommer
l'anéant fement de la République ,
& déclarer qu'elle ne cefferoit jama s d'être
une Fr vince Mofcovite. Les fuites de cette
oppofition vertueufe font de notoriété publique.
L'Évêque de Cracovie fut enlevé par
le Colonel Ruffe Igelftrom, dans l'hôtel même
du Maréchal de la Couronne , Miniftre d'État ,.
dont on força la porte à main armée au milieu
de la nuit. On fait que l'Évêque de Kiovie
le Comte de Rzewuski , Palatın de Cra
covie , & fon fils , 'furent pareillement faifis
dans leurs lits , & envoyés en Ruffie , où ils
reftèrent captifs pendant fix ans . Lorsqu'on
fe rappelle ces événemens , les violences précédentes
exercées dans les Diétines , les Loix.
données par la force à la République , & la
DE FRANCE. 161
nature de ces Loix , on trouvera M. Coxe
bien modéré, lorfqu'il accorde froidement que
les Polonois avoient QUELQUES SUJETS
de plainte.
plain
Il ne traite pas avec plus de ménagement
les Confédérés de Bar , dont l'affociation avoit
néanmoins & incontestablement les droits ,
la forme , les conditions , & par conféquent
les priviléges d'une confédération legale,
Puifque M. Coxe écrivoit ici en Hiſtorien &
en Politique , il nous devoit des notions
exactes fur l'Hiftoire , fur la Politique des
temps dont il parle, & dont il pouvoit fe
difpenfer de parler.
Le Chapitre qu'il a confacré au récit de
l'attentat commis fur le Roi de Pologne , n'eft
pás exempt de reproches. D'abord l'Auteur
attribue ce crime aux Confédérés en général
, dont la pluralité n'avoit eu aucune connoiffance
du complot ; il étoit contraire à
leurs véritables intérêts ; il renverfont l'effet
.de leurs négociations ; enfin aucun acte de la
procédure n'a prouvé l'exiſtence de leur
complicité. M. Coxe avance en propres termes
qu'ils réfolurent d'affaffiner le Roi , que
cependant les raviffeurs n'affaffinèrent point ,
quoiqu'ils l'euffent entre leurs mains une
heure ou deux dans la forêt de Bielani. En
admettant la réalité de l'ordre donné par
Puławski aux inftrumens du régicide , on
voit qu'il n'emportoit aucune injonction de
tuer S. M. M. Coxe auroit dû , par équité
, rapporter les défenſes imprimées de
161 MERCURE

Pulawski mort au fervice des États-
Unis , & dont l'intervention dans cet attentat
peut être encore regardée comme problématique.
Le Voyageur avoue lui- même
qu'on ne trouve pas d'exemple dans l'Hiftoire
d'une délivrance auffi miraculeufe.
Cette réflexion auroit dû l'empêcher de s'en
fier fur ce récit à l'autorité de M. Wraxall
, dont il raconte les fables avec la plus
grande confiance ; fables copiées d'un Écrit
imprimé dans le temps , fous le titre de Relation
de l'attentat commis contre la per-
-il
fonne du Roi de Pologne , &c. N'y apas
d'ailleurs un peu d'affectation à rapporter
exclufivement un acte fi propre à rendre
les Confédérés odieux , fans faire mention
des procédés qui les poufsèrent au déſeſpoir ,
de deux cent mille perfonnes de tout fexe &
de tout âge exterminées en Ukraine par les
Kofacs Ruffes , de douze mille deux cent
foixante - deux Catholiques Latins & Grecs
unis dont j'ai vu les liftes , maffacrés de fangfroid
dans la ville d'Human en Podolie , appartenante
au feu Comte Potocki , &c. &c.
·
Les obfervations de l'Auteur fur le nouveau
Gouvernement de la République font
plus judicieuſes , & on ne lit pas avec moins
d'intérêt quelques morceaux defcriptifs qui
rempliffent les Chapitres fuivans , entreautres
celui du coftume Polonois , des falines
de Vielitzka, & d'une fête champêtre donnée
à Povonski par la PrinceffeCzartoriska.Peura
être M. Coxe n'eût- il point diminué l'intérêt
DE FRANCE. 163
de cette deſcription en s'y oubliant plus qu'il
ne l'a fait.
-
Il omet rarement de porter fon attention.
fur une claffe très négligée par les Voyageurs
, fur les Payfans . Auffi après quelques
détails , tantôt exacts , tantôt inſuffiſans touchant
les ferfs Polonois & Lithuaniens , il les
compare au Cultivateur Suiffe. « Quelle dif-
33 férence , dit- il , des huttes de la Lithuanie aux
» maiſons des Payfans Suiffes, quoique bâties
des mêmes matériaux ! Et leurs manières for t
» encore plus différentes que leurs maifons :
» tout annonce chez les uns & chez les autres
le contrafte entre les Gouvernemens
» fous lefquels ils vivent . Le Payſan Suiſſe eſt
» ouvert , franc , groffier , mais officieux ; il
» falue ceux qu'il rencontre d'un mouvement
de la tête, ou porte négligemment la main
à fon chapeau : il attend en retout une
marque de civilité ; il s'offenfe de la
» moindre hauteur , & ne ſe laiffe pas in-
» fulter impunément . Au contraire, le Payſan
» Polonois exprime fon refpect d'une ma-
» nière rampante & fervile ; il s'incline juf-
» qu'à terre ; il ôre fon chapeau , & le tient
» à la main juſqu'à ce qu'on l'ait perdu de
» vue ; en un mot , toute leur conduite eſt
la preuve de la fervitude abjecte dans la-
» quelle ils gémiffent.
»
Tout cela eft parfaitement bien vu ; mais
peut-être feroit-il plus inftructif de choisir
d'autres termes de comparaifon que les
deux extrêmes , & de rapprocher , ~ par
164 MERCURE
exemple , les ferfs Polonois des ferfs de la
Ruffie. M. Coxe eft , à ma connoiffance , le
feul Voyageur qui paroiffe croire ces derniers
moins miférables . L'Abbé Chappe , entre-autres
, en a fait un parallèle qui lui a valu beaucoup
d'injures de la part de quelques Ruffes
trop ombrageux, parallèle , dont chaquetrait eft
confirmé par l'unanimitédes voix. Il eft de fait
que les moeurs fuppléant aux Loix , les ferfs
de Pologne , en beaucoup de lieux , étoient
moins à plaindre non- feulement que leurs
voifins , mais même que les Payfans libres de
diverfes contrées . Par-tout où la fervitude
politique des Grands s'unira à l'eſclavage de
la glèbe , le fort du Payfan fera le pire de
tous . Plus les propriétés des Seigneurs feront
précaires , plus leur état fera expofé à des
viciffitudes, & plus ils fe hâteront de jouir
en multipliant les extorfions. Il faut des richeffes
promptes à quiconque n'eft pas affuré
de les conferver. Les Seigneurs Polonois
vivent en général plus près de leurs ferfs ,
féjournent plus long- temps fur leurs terres ,
font moins affujettis aux repréſentations difpendieufes
de faſte à la Cour, au befoin d'y
acquérir du crédit , & c. Ces différences que
j'efquiffe rapidement , en ont introduit une
très-fenfible dans le traitement des ferfs. La
Diète de 1764 s'occupa encore de l'adoucir.
M. Coxe rend lui -même juftice à l'humanité
& à la fageffe de quelques Magnats qui ont
affranchi leurs Payfans ; il pouvoit en citer un
plus grand nombre ; mais une émancipation
DE FRANCE. 165:

fubite & générale , n'eft point une meſure
aufli facile ni auffi prudente qu'il paroît l'imaginer.
Je fais qu'en 1765 , d'après les idées
d'un Etranger diftingué par fes connoiffances
philofophiques, divers Seigneurs proposèrent
à leurs Payfans la propriété & la liberté
moyennant des redevances ; & telle eft la
dégradation de cette malheureufe partie de
l'espèce humaine, qu'ils refusèrent ces avantages.
La liberté d'ailleurs eft une liqueur
enivrante pour des efclaves ; il faut les y ac
coutumer infenfiblement , diftinguer les cantons
où les chemins , les canaux , les rivières
facilitent les débouchés des denrées , de ceux .
où le manque abfolu de communications rendroit
le Payfan propriétaire plus miférable
que le ferf, fans le rendre moins indolent ,
&c. J'ajouterai que la feule différence de caractère
entre le ferf Polonois fidèle , fobre &
aborieux , & le ferf Ruffe adonné au vol , à
l'ivrognerie , àla pareffe , vendu dans les mar-.
chés d'efclaves comme une pièce de bétail ,
explique clairement le genre de régime auquel
l'un & l'autre font foumis , & réfute .
Fimputation odieufe que le Voyageur fait aux
Polonois en général , de regarder à peine leurs
Payfans comme des créatures humaines,
Du moment où M. Coxe entre en Ruffie ,
fon pinceau devient moins libre & fes jugemens
moins amers. Il nous introduit dans la
Capitale de cet Empire par une deſcription
affez détaillée de Smolensko , de Mofcou,..
de Novogorod. Plufieurs de ces articles font
166 MERCURE
nouveaux & intéreffans ; l'amour de l'Auteur
pour les recherches hiftoriques y jette même
des fupplémens inftructifs ; mais l'on paffe du
plaifir a la furprife , lorſqu'à la première page
du Chapitre de Pétersbourg, on lit une apologie
de la tranflation du Siége de l'Empire dans
cette Ville , prefque frontière , par Pierre- le-
Grand. Cet Empereur , à entendre M. Coxe ,
fit la chofe du monde la plus utile en fe donnant
des ennemis nouveaux , le befoin de nouvelles
conquêtes , une influence fur le Nord
& l'Allemagne, propre à augmenter la jaloufie,
fans augmenter la puiffance réelle des Tzars ,
enfin une marine fur la Baltique pour aller
dans l'occafion fe battre vers l'Archipel ;
avantages qui ont découlé , felon l'Auteur ,
de la fondation de Pétersbourg.
1
Sans nous arrêter à ce paradoxe , nous citerons
la defcription d'un pont de bois projetté
fur la Néwa. « Elle eft trop profonde ,
» dit M. Coxe, pour y bâtir un pont de
"
"
pierre , & cet ouvrage même feroit bien-
" tôt renversé par les glaces ; mais un Payfan
Ruffe a eu l'idée fublime de jeter fur le
fleuve un pont de bois d'une feule arche,
quoique ce fleuve, dans fa moindre lar-
» geur , ait 980 pieds. Il en a exécuté un modèle
de 98 pieds de longueur . Il eſt exé
» cuté fur le même principe que celui de
Schaffoufe en Suiffe . Il feroit couvert d'un
toit , & fermé par les côtés. L'Artiſte m'a
» dit qu'il entreroit dans fa conftruction
12908 grands arbres , 5500 poutres , &
""
ود
DE FRANCE.
167
"
qu'il coûteroit 300,000 roubles ( 1500,000
» liv. tournois . ) Le modèle eft fait avec tant
» de folidité qu'il a pu fupporter un poids de
» 127,440 livres fans avoir le moins du
» monde plié , ce qui fuppofe une force de
» réfiftance plus grande que le pont en grand
» n'en auroit befoin , proportion gardée ,
» pour foutenir le poids des voitures ajouté
» au fien propre. » Ce Payfan ingénieux a
commencé par faire des horloges de bois &
en métal ; il fe nomme Kulibin , & il a
voyagé en Angleterre aux frais de l'Impératrice
, qui lui fait une penfion.
"3
"
"
Il eft difficile d'accorder beaucoup de
confiance aux obfervations météorologiques
de l'Auteur à Pétersbourg en lifant ce qui
fuit à la page 219 du Livre IV. « Sut
» trente jours il y en eut vingt- quatre de
pluvieux , & pendant le mois de Septem
» bre il tomba à Pétersbourg , deux pouces,
Anglois & trois cinquièmes d'eau. Par des
» obfervations irès -exactes , nous apprenon's
qu'il y pleut ou neige prefque la neu-
» vième partie de l'année. On a obſervé
» fur dix années , qu'année commune il y a
» cent trois jours pluvieux & foixante douze
» où il neige ; & que fi on partage l'année
>> en douze parties , une quatrième feroit de
» beaux jours , une troifième de pluie &
» une cinquième de neige.
33
"
Cet article , contradictoire avec lui- même,
eft de la plus grande inexactitude. D'abord
il pleut très-peu en général fous ce climat , &
168 MERCURE
ordinairement il n'y tombe de la neige qu'une
fois par an , pendant cinq à fix jours de
fuite. M. Coxe veut qu'il pleuve ou neige
prefque la neuvième partie de l'année , tan
dis que par fon propre calcul cela arriveroit
cent foixante -quinze jours , c'est- à- dire , la
moitié de l'année. Comment l'Auteur ni le
Traducteur ne fe font - ils pas apperça de
cette méprife ?
Après la defcription curieufe des divertiffemens
fur la Néwa , du fafte de la haute
Nobleffe , de la vie privée de l'Impératrice ,
&c. , le Voyageur paffe à l'Hiftoire paffee &
préfente de la Ruflie . Quelques - uns de ces
Chapitres méritent l'attention du Lecteur ,
entre autres celui qui eft confacré au malheureux
Tzarewitz , fils de Pierre - le- Grand.
M. Coxe ayant rapporté les différentes opinions
touchant la mort d'Alexis , adopte celle
de M. Bufching , qui affure pofitivement que
le Tzarewitz eut la têre tranchée par ordre
de fon père , & que le Maréchal Weyde fir
l'office de bourreau . Le Colonel Bruce , dans
Les Mémoires , prétend au contraire que le-
Prince fut empoifonné , & M. le Clerc eft de
même fentiment. On peut comparer les autorités
& les argumens de ces divers Hiſto
riens.
Si l'on rencontre aujourd'hui les plus
grandes difficultés à éclaircir & à conftarer
des événemens pareils après un demi fiècle
dexamen , que fera ce des révolutions:
préparées dans un fecret prefque impenétrable
DE FRANCE. 169
nétrable aux yeux des contemporains , confommées
par des motifs & par des moyens
dont il eft fi délicat de lever le voile , racontées
felon les intérêts divers avec plus ou
moins d'infidélité ? L'Hiftorien doit le défier
alors & de la diffimulation de la prudence , &
des fraudes de la politique , & de la témérité
des calomnies, Comment un Étranger ne
fera- t-il pas trompé far des particularités dérobées
à la connoiffance des Nationaux les
mieux inftruits ? Comment difcernera-t-il les
pièges tendus à fa crédulité ? Comment un
Auteur fur-tout qui interroge des Grands ,
des Officiers d'État, dans le deffein connu d'imprimer
le réfultat de leurs réponfes , peut-il
efpérer de n'en pas recevoir d'infidieufes, dans
les pays en particulier où les indifcrétions font
rarement pardonnées ? Quelle confiance d'ailleurs
le Public accordera til au Révélateur
qui affiche les confidences qu'il a reçues , &
qui trahit ainfi le premier devoir de la probité?
Plufieurs de ces réflexions pourroient être
appliquées au récit hafardé par M. Coxe fur
les dernières révolutions de la Cour de Ruffie.
Ce feroit imiter fon imprudence que de
le réfuter, & nous nous bornerons à tenir les
Lecteurs en garde contre les narrés fouvent
fufpects , & les raifonnemens fouvent
très-foibles du Voyageur.
On retrouve fa fageffe & fes lumières dans
les Chapitres V, VI & VII , concernant l'état
de la Civilifation , des Académies , de l'Édu-
No. 4, 27 Janvier 1787 . H
170 MERCURE
cation en Ruffie. Tout y eft obfervé avec
exactitude , & accompagné de réflexions judicieuſes.
On doit favoir gré à l'Auteur de
fa Notice fur MM . Pallas , Gmelin & Guldenſtæd
, tirée du Docteur Pulteney. M. Coxe
cependant s'eft trompé en donnant cinq Volumes
in-4° . au Voyage du premier de ces
Académiciens , qui n'en a que quatre *.
Si les bornes néceffaires de cet article , déjà
très-étendu , nous le permettoient , nous citerions
encore divers morceaux non moins inf
tructifs de ce Voyage , en particulier les détails
fur le Commerce de la Ruffie , la defcription
de Stockholm , celle du Canal de
Troülhetta , & les réflexions fages de M. Coxe
fur la nouvelle forme du Gouvernement de
Suède. Il prouve très - bien , contre l'avis dė
M. Scheridan , d'ailleurs fi exact & fi pénétrant
, que cette forme n'eft point le defpotifme
, puifque le Roi ne poſsède pas le droit
illimité de faire & d'abroger les Loix , ni
celui d'établir des impôts fans le confentement
de la Diète
Il est étonnant que ce Recueil , fi important &
curieux, n'ait point encore été traduit en François.
-M Gauthier de la Peyronnie , Interprête du Roi au
Dépôt des Affaires Étrangères , a cependant exécuté
ce projet , dont fes connoiffances , fon érudition
dans les langus & fon excellent jugement, devoient
affurer le fuccès ; mais aucun Libraire , juſqu'ici
, n'a eu le bon fens de s'affocier à cette entrepiife
, digne même d'être encouragée par le Gouvernement.
DE FRANCE. 171
EVE
83
13
Le Voyageur a parcouru fi légèrement le
Danemarck, que fa relation de ce Royaume
eft nécellairement pauvre & imparfaite.
Heureufement le Traducteur a trèshabilement
réparé ici les défauts de l'original
; il l'a enrichi entre autres d'un expoſé de
la révolution de 1660 , tiré de fa belle Hiftoire
de Danemarck ; c'eft un modèle de
ftyle hiftorique , de narration , d'exactitude.
Le Voyage de Norwège fait par M. Mallet
lui- même , & joint au Recueil de M. Coxe ,
en forme peut-être la partie la plus piquante.
Quoiqu'écrit dans la jeunelle de l'Auteur ,
on y voit une maturité d'efprit & un talent
d'obfervation rares à tous les âges . M. Mallet
y a femé d'ailleurs un agrément qui vivifie partout
fes defcriptions. Il en exifte peu de plus
intérellantes que celle des moeurs des Norwègiens
, & nul Roman Comique n'eft plus
fingulier , que les particularités biographiques
fur le Baron d'Holberg, l'un des hommes
les plus extraordinaires qui ayent cultivé
les Lettres
Cet Article eft de M. Mallet du Pan. )
Hij
172
MERCURE
ETRENNES du Parnaffe , choix de Poéfies
recueillies par M. Mayeur de Saint- Paul :
Erat quod tollere velles . HOR.
A Paris , chez Belin , Libr. , rue S. Jacques ,
près S. Yves ; Brunet , Libraire , rue de
Marivaux , & l'Esclapart , Libraire de
MONSIEUR , rue du Roule , Nº. 11 .

JAMAIS on n'a tant compofé ni compilé de
petits vers ; nous avons eu plufieurs fois occafion
d'en faire la remarque ; mais le choix
que nous annonçons tient un des premiers
rangs parmi une foule de Recueils de toute
efpèce. Depuis que le Rédacteur actuel en
a acquis le privilége , celui - ci eſt devenu
beaucoup meilleur. Un goût plus difficile
& un difcernement plus fin y préfident.
Une multitude de jolies Pièces , fruits da
moment , enfans de l'occafion & du defir
de plaire , mourroient dans le cercle de l'indulgence
& de l'amitié qui les fit naître ,
fans l'Almanach des Mufes & les Étrennes du
Parnaffe , où l'on eft charmé de les trouver
rallemblées à chaque nouvelle année. La Littérature
eſt un vafte jardin : il y croît des
rofes , des lys & des violettes à côté des chênes
& des cèdres. Si les uns font utiles , les autres
font agréables. Ces légères productions ont
plus de rapport qu'il ne femble avec le règne
de la politeffe & du favoir. Elles rendent la
culture du goût & de l'efprit plus commune.
DE FRANCE. 173
Il n'y a pas de mal que cette mode foit dominante.
Ceux qui fe rappellent avoir lu , il y a deux
ou trois ans , dans l'Almanach des Mufes une
Pièce très agréable , intitulée les Aventures
de Thalie , ne liront pas avec moins de plaifir
dans les Étrennes du Parnaffe , les Aventures
d'Érato , par M. Rénault de Beaucaron.
Nos Lecteurs vont juger , par un fragment ,
fi l'Auteur a bien faifi le ton du ftyle narratif,
le plus difficile peut- être de tous les ſtyles
en vers & en profe.
Le vieux Ronfard régnoit fur le Parnaffe ;
Pour l'époufer , il ſe mit fur les rangs.
Elle eût aimé fans doute fes talens ,
Si le bonhomme avec mauvaiſe grace
N'eût débuté par un compliment fec ,
Quoique François , paroiffant un peu Grec :
Elle le prit pour un homme à férule ,
Et renvoya cet amant ridicule.
BONNEFONDS vint : il lui parla latin ;
Ses vers charmans refpiroient l'élégance ;
Bonnefonds prit , obtint la préférence ,
Et , revêtu du coftume Romain ,
Long-temps jouit du plus heureux deftin .
De Jean fecond le bonheur fut femblable.
Ingénieux , & non moins agréable ,
Enfin Chaulieu parut fur l'Hélicon 3
Avec la Belle il vécut ſans façon ,
H iij
174
MERCURE

Et ne quittant que le lit pour la table ,
Paffoit fes jours dans le fein du loifir .
La Déité prévenoit fon defir.
Mais ici-bas , rien pent il être ftable ?
Un jour la Mufe , il faut en convenir
Le furprit..ou ? dans le lit d'Erigone.
Pour un goutteux un tel fait vous étonne.
Ah ! voilà donc , lui dit - elle en courroux ,
Comme l'on traite une amante , une femme !
Chaulieu , dit- on , rit au nez de la Dame ,
La mit dehors , & tirant les verroux ,
Dans le lé hé ďun vin fumeux & dour ,
Courut noyer les chagrins de ſon ame.
POUR oublier un fi fenfible affront ,
Elle cût voulu tenir en fon fervage:
Le gai Chapelle & le fin Bachaumont ;
Mais ils étoient tous les jours en voyage.
Elle reçut quelque temps Pavillon ,
Dicta fouvent des vers à Deshoulière,
Eut une intrigue avec la Sablière ,
Et fut amie avec Saint Évremont.
On voit que dans le récit des Aventures
d'Érato , l'Auteur cherche à caractériſer le
genre de chacun des Poëtes aimables qui la
courtisèrent. Ce qu'il dit fur Cotin eft charmant.
Nous fommes forcés de nous borner à
l'indiquer à nos Lecteurs , en leur recommandant
la Pièce entière qui , par fon étendue
DE FRANCE. 175
autant que par fon agrément , fort de la foule
ordinaire des Pièces Fugitives . Ce n'eft pas
que parmi celles - ci , fouvent les plus courtes
ne foient les meilleures , témoins ce joli Madrigal
de M. Knapen , à une nouvelle Eucharis
, en lui envoyant les Euvres de MM. les
Chevaliers de Parny & Bertin.
Les voilà , ces Auteurs charmans ,
Que le Dieu d'Amathonte infpire ,
Qui chantent les bienfaits, qui chantent les tourmens
Qu'on éprouve fous fon empire.
Je les ai lus , & vous allez les lire.
J'y cherchois , Eucharis , l'art de vous enflammer.
Si ce que j'y cherchois n'eft point une chimère ,
Et fi bien loin de me blâmer
Un mot tendre eft le prix d'un aveu téméraire ,
Ils furent pour moi l'art de plaire ;
Pour vous ils feront l'art d'aimer.
Voilà de la galanterie ingénieufe fans être recherchée,
fimple & naturelle fans être ni fade
ni commune. Des idées fi fouvent ou bien ou
mal employées , fe trouvent ici rajeunies par
la tournure & par l'à propos , qui , dans ce
cas , eft le premier mérite. C'eſt le fel du
bel- efprit fi faftidieux quand il eſt déplacé.
C'eft-là ce qui donne un charme particulier
au couplet fuivant , à une Dame , accou
chée quelques jours avant fa fête , quoiqu'il
manque d'une forte d'élégance & de précifion.
Hiv
176
MERCURE
AIR : Ce fut par la faute du fort.
L'HYMEN pour couronner vos voeux ,
D'un fils vient de vous rendre mère.
Après ce bienfait précieux
Mon bouquet pourra-t'il vous plaire ?
Sur votre fein au temps jadis
Vos mains l'auroient placé peut-être .
Mais déjà ce fripon de fils
De la place s'eft rendu maître.
Faut-il faire une infipide nomenclature de
toutes les Pièces qui , comme celles que l'on
vient de lire , feroient dignes d'être citées
avec éloge ? Faut- il , pour contenter les Auteurs
, infcrire leurs noms dans une eſpèce de
légende ? Je ne fais fi ceux -ci en feroient infiniment
fatisfaits ; mais je crois que le Public
auroit lieu de fe plaindre. Au refte , il eſt juſte
que les Pièces en grands vers ayent le privilége
d'une mention particulière , d'autant
plus qu'elles font trop fouvent négligées par
des efprits frivoles , auquel il eft bon d'en
faire connoître le mérite & le prix.
Il ne s'en trouve que deux d'une certaine
importance , encore ne font - elles pas d'une
grande force. L'une eft une Épître à Young,
qui fent d'un bout à l'autre ce ton de déclamation
mélancolique fi reproché au Poëte
Anglois , fans en avoir l'énergie . L'autre eft
la Traduction du commencement du Poëme
des Jardins , de Rapin. Ce fragment eſt diDE
FRANCE. 177
gne d'encouragement. Les vers en font aifés
& coulans ; mais on fent qu'ils ont befoin
d'être retravaillés en beaucoup d'endroits.
Voici celui qui m'a paru le plus foigné & le
plus agréable. Je commence par le latin , afin
que les Amateurs de cette langue ayent le
plaifir de la comparaiſon. Le Poëte s'adreffe à
M. le Préfident de Lamoignon.
Mufarum tenues etiam ne defpice lufus.
Fors erit , ut quanquam levia & minus amplafecutum
Nominis aqua tui fi vatem afflaverit aura,
Te poffim canere atque tubas aquare canendo ;
Tum mihi grande meo veniet de carmine nomen.
Te nemus & fontes , te patria rura loquentur ;
Atque mei flectent fe per tua temporaflores.
Daigne accueillir ma Muſe & fourire à ſes jeux.
Si ma voix eft trop foible & ton nom trop fameux ,
Qu'un feul de tes regards anime le Poëte ,
Et pour mieux te chanter , j'embouche la trompette
Des fontaines , des bois & des lointains hameaux ,
Ton nom va dans mes vers éveiller les échos ,
Et je veux de mes fleurs que ton front fe décore .
Il eſt aifé de voir que l'Auteur imite beaucoup
plus qu'il ne traduit ; il détourne fouvent
le fens du latin , & quelquefois il l'altère.
Lointains hameaux n'eft pas l'équivalent de
patria rura , qui a un fens bien plus délicat
& bien plus flatteur pour M. de Lamoignon.
Hy
178
MERCURE
Te poffim canere atque tubas aquare canendo ,
n'eſt point rendu par
Et pour te mieux chanter j'embouche la trompette.
Le Père Rapin fait entendre que fi M. de
Lamoignon infpire fa Mufe , fon flageolet
champêtre égalera en le chantant la trompette
épique.
Principio tellus horto quarenda parando eft
Eoum adfolem, & cælofubjecta falubri ,
Cui non vicino collis de rure propinquus
Immineat , fumofque palus obducat inertes.
Nam cælo imprimis flores latantur aperto ,
Nec poffint tardos ftagnorum ferre vapores.
Ante pares autem ruri quàm cuncta ferendo ,
Quare quod ingenium , qua fit natura colenda
Telluris ; tellus metior cui plurima fubter
Oligo , pingui gaudent uligineflores.
Illa fe ax he barum ; illam experieris arando ,
Et cultus omnis patientem , & floribus aptam.
O vous qui cultivez le parterre de Flore
Pour obtenir les dons , choififfez un terrein
Qu'éclaire un ſoleil doux , que couvre un ciel ferein.
D'un côteau dominant fuyez le voisinage
Et le po fon mortel qu'exhale un marécage.
Accoutumée à l'air , la famille des fleurs
Détefte d'un étang les pefantes vapeurs.
Du fol que votre main deftine à la culture,
DE 179
FRANCE.
Appliquez- vous d'abord à ſonder la nature.
Ce terrein qui des fucs tire un gras aliment ,
Des filles du printemps fut toujours l'élément .
Par- tout une herbe épaiffe aime à s'y reproduire.
Son fein , rendu docile au fer qui le déchire ,
Propre à toute femence eft le berceau des fleurs.
Hancfuge , qua pictis latebras dedit ima lacertis
Argilla in fterili , vel quam nativus adurit
Tophus, & infelix cretofi galea ruris :
Et lapidofa foli ne te malè gleba rubentis
Occupet , atque tuum teneat fruftrata rubentem.
Fuyez ce fol ingrat , qui dans les profondeurs
Dérobe à vos regards une argile inféconde ,
Où triftement caché gît le léfard inmonde.
Fuyez encor ce fol qui recèle en ſes flancs
"Ou des couches de craie , ou des fables brûlans ;
Mais que d'un champ pierreux la furface rougeâtre
Exerce toutefois la bêche opiniâtre.
Une Traduction de l'Ode d'Horace à
Lollius , par M. des T*** , mérite également
d'être examinée par les juges de l'un & l'autre
idiôme , doctis fermonum utriufque lingua,
Mais les jeunes Lecteurs de l'un & l'autre Texe
aimeront mieux les ftances du même , à celle
que j'aime.Ce itances , pleines de délicatelle
, d'efprit & de raiſon , n'ont rien de la
fadeur ordinaire des vers galans : elles refpirent
le goût d'Horace & d Anacréon .
Une Piece non moins exquife dans fon
Hvj
130 MERCURE
genre , c'eft la chanfon de M. Sabathier de
Cavaillon. Nous invitons à la lire , page 10
des Étrennes du Parnaffe . L'étendue de cet
article ne nous permettant pas de la tranfcrire
, nous citerons du moins l'envoi à Mme
la Marquife d'O*** .
C'est dans vos yeux qu'eft mon talent ;
Et fi mes vers n'ont pu vous plaire ,
Lorfque vous les chantez , leur fort eft trop
Mais je reffemble au diamant ,
brillant ;
Qui ne doit fon éclat qu'à l'art du Lapidaire.
HISTOIRE d'Artois , jufqu'à Hugues Capet ,
par Don de Vienne ; 1784. in- 8 °. A Paris ,
chez Nyon l'aîné , rue du Jardinet.
UN favant Bénédictin qui écrit en François
avec plus d'agrément que d'érudition proprement
dite , & qui dans une Hiſtoire de
Province ſe borne à de courtes Brochures
de format in-8°. , où cependant rien d'effentiel
n'eft omis , eft un effet heureux des progrès
du goût & des lumières ; on ſent bien
que la partie de cette Hiftoire qui précède le
temps de Hugues - Capet , n'eft pas la plus intéreffante
; cependant tant que l'Auteur eſt
foutenu par Céfar & par les Auteurs Romains
, il a quelquefois à faire des defcriptions
animées , telles font , par exemple ,
celles des expéditions de Céfar contre Ariovifte
& les Germains , les Gaulois , les Bretons
; celle du combat de la Sambre ; telle eft

DE FRANCE. 181
l'hiftoire de ce Comius , que Céfar avoit
donné pour Roi aux Atrébatès , c'eſt-à- dire ,
aux habitans de l'Artois ; & qui , après avoir
été long- temps fidèle & utile aux Romains ,
crut , en qualité d'Atrébate , & par conféquent
de Gaulois , devoir entrer dans une
ligue générale que formèrent les Gaulois
pour recouvrer leur liberté ; il devint alors
le plus redoutable ennemi des Romains , qui ,
n'ayant pu le vaincre , effayèrent affez lâchement
de l'attirer dans divers pièges qu'il fut
toujours éviter avec adreffe , ou dont il fut
fe tirer avec courage. Labiénus, Lieutenantde
Céfar, fit propoſer une entrevue à Comius, par
Quadratus Volufénus ,Général de la Cavalerie.
Comius vint au rendez- vous,Volufénus lui tendit
la main ; Comius lui donna la fienne ; un
Centurion , qui étoit du complot , feignant
d'être choqué de la familiarité avec laquelle un
Atrébate affectoit , felon lui , de traiter d'égal
à égal avec les Romains , tira ſon épée , &
en donna un grand coup fur la tête à Comius
; celui- ci , quoiqu'étourdi du coup , fe
défendit vaillamment ; & ayant été à l'inſtant
fecondé par ceux de fa fuite , il mit en fuite
les Romains de la fuite de Volufénus . Cette
perfidie , indigne de la générofité Romaine ,
& que Céfar ne fe fût jamais permiſe , dit
l'Auteur , acheva de rendre Comius irréconciliable
ennemi des Romains . Volufénus ne
ceffoit de lui dreffer des embûches , & Comius
trouvoit toujours le fecret de lui échapper.
Un jour il fe vit environné par les Ro
182 MERCURE
mains , qui lui avoient fermé toutes les iffues
& qui le poulfoient vers la mer ; il apperçoit
quelques barques à fec , il s'y jette , & s'eloigne
avec affez de précipitation pour que les
Romains ne puiffent le pourfuivre . Peu de
temps après il prend fa revanche . Serré encore
de près par Volufenus , il fait ſemblant
de fuir , les Romains le pourfuivent un peu
en defordre; dès qu'il voit l'occafion favora
ble , il donne un fignal , fe retourne , fond
fur Volufénus , l'atteint , & lui perce la cuiffe
d'un javelot . Satisfuit de cette vengeance , il
fait un Traité avec Antoine , aufli un des
Lieutenans de Cefar ; il promet de laiffer les
Romains tranquilles , & demande feulement
qu'on ne l'oblige jamais de paroître devang
un Romain . Depuis ce moment I Hiſtoire ne
parle plus de Comius . Voici le jugement que
l'Auteur porte de ce célèbre Atrebate.
"
" On ne peut difconvenir qu'il n'ait eu
» des talens pour le gouvernement , pour
» les négociations , pour la guerre ; qu'il
» n'ait été aufli généreux que brave ..... L'ef
» time que lui témoigna Cefar , qui fe con-
" noiffoit en hommes , la confiance dont il
l'honora , les graces qu'il accorda, à fa con--
fidération , aux peuples dont il l'avoit ren-
» du le Chef, prouvent qu'il avoit reconnu
» dans lui un mérite fupérieur . Je ne fais fi
» l'on doit regarder comme une tache , dans
" la vie de Comius , d'avoir abandonné le
» parti de fon bienfaiteur. Les obligations
qu'il avoit contractées envers Célar , ne le
99
"
"
DE FRANCE. 183
ود
20
difpenfoient pas de ce qu'il devoit à fa patrie
, & il y auroit de la témérité à pré-
» tendre , que dans le moment où toutes les
» Gaules le réunifloient pour brifer les fers
» que les Romains leur avoient donnés , Co-
» mius feul auroit dû continuer de s'en laif-
» fer charger.
و ر
ود
»
L'aventure connue de Sabinus & d'Éponine
( que l'Auteur , je ne fais pourquoi ,
appelle toujours Éponime ) conferve dans
cette Hiftoire une partie de fon intérêt , quoi
qu'elle y foit un peu trop raccourcie. }
Quand les Hiftoriens Romains viennent à
manquer à notre Auteur , il eft reduit aux
Chroniqueurs & aux Auteurs de Vies des
Saints , alors l'Hiftoire devient toute Ecclé¬
fiaftique ; ce ne font plus que fondations de
monaftères , liftes des Saints honorés d'un
culte particulier dans les differens lieux de la
Province d'Artois , foit comme Apôtres , pre
miers Prédicateurs & preiniers Évêques , foit
comme fondateurs ; ce font fur- tout de grandes
liftes de miracles , que l'Auteur refferre
cependant avec affez de critique , mais qui
reftent encore affez nombreuſes ; on voit que
l'Auteur ne raconte pas tous ceux que les
originaux lui fourmiffent , & on entrevoit
qu'il ne croit pas tous ceux qu'il raconte. Enfin
l'époque dont nous parlons offre des donations
innombrables & infinies faites à l'Églife
avec des claufes quelquefois affez fingulières ,
comme quand un Seigneur du pays , nommé
Gontberg , donne au Monaftère de Sichu ,
184
MERCURE
c'eſt- à- dire, à l'Abbaye de S. Bertin , à Saint-
Omer, trente- trois terres , en l'honneur , eftil
dit dans la charte , des trente- trois années de
notre Seigneur.
Il a paru depuis quelque temps une feconde
partie de cet Ouvrage , qui commence au
temps de Hugues Caper , & s'étend jufqu'en
1373, époque où la Cathédrale d'Arras & fa
fuperbe tour furent bâties. Les événemens de
cette feconde partie ont beaucoup plus d'intérêt
que ceux de la première. Le feul récit
du procès & de la défection du Comte d'Artois
, fous Philippe de Valois , eft un des
morceaux les plus intéreffans qu'offre l'Hiftoire
de France . Nous ne répéterons point ici
ces faits fameux, plus ils font intéreffans, plus
ils font connus . Nous nous arrêterons un moment
à un fait que nous ne connoiffions pas ,
& que nous trouvons dans l'Avant - propos,
où l'Auteur répondant à quelques - uns de ces
efprits timides qui s'alarment de toute vérité
un peu forte , dit que la Maiſon de Montmorenci
n'a pas trouvé mauvais que dans fon
Hiftoire de Bordeaux il ait rapporté ce fait ,
qui n'eft nullement honorable à la mémoire
du Connétable Anne . Le voici ce fait . Lorfque
le Connétable fut chargé , fous Henri II,
de punir la révolte des Bordelois , plufieurs
Officiers Municipaux furent condamnés au
fupplice. La femme d'un de ces Magiftrats
» vint fe jeter aux pieds du Connétable ,
» pour lui demander la grace de fon mari.
» Elle étoit d'une beauté rare. Le ConnétaDE
FRANCE. 185
S
و د
"3
» ble en fut frappé. Il lui fit entendre que la
» grace qu'elle follicitoit dépendoit du facri-
» fice de fon honneur. Elle eut la foibleffe
d'y confentir. Le Connétable , après avoir
palfe la nuit avec elle , ayant ouvert une
des fenêtres de fon appartement , le pre-
" mier objet qui frappa cette malheureuſe
femme, fut une potence, à laquelle on avoit
» attaché le corps de fon mari .... Que les
» Lecteurs apprennent que l'illuftre Maiſon ,
» qui defcend de celui qui a fourni la matière
» de ce récit.... n'a nullement défapprouvé
» cette fincérité.
و ر
"
"
Ceci nous fournit plufieurs réflexions .
1º. La Maiſon de Montmorenci ne defcend
point par mâles ( car elle en defcend par
femmes ) du Connétable Anne , dont la branche
eſt éteinte. Nous obfervons ce point en
paffant , fans en tirer aucune induction , &
feulement pour que l'équivoque du mot
defcendre ne trompe pas les ignorans.
2º. La Maifon de Montmorenci eft trop
jufte & trop éclairée pour ne pas abandonner
les faits hiſtoriques à la fincérité des Hiftoriens
& à la difcuffion des Critiques. Ce
n'eſt pas dans cette Maiſon qu'on trouve de
ces ennemis des Lettres & de la vérité , qui ,
comme dit Tacite , prefenti potentiâ credunt
extingui poffe etiamfequentis avi memoriam.
Elle a d'ailleurs une furabondance de grandeur
& de gloire qui la met trop au- deffus de
ce zèle inquiet & intolérant que d'autres Familles
, moins fécondes en grands Hommes,
?
a
186 MERCURE
"
témoignent pour la petite gloire de tous ceux
qui ont porté leur nom .
°. L'Auteur a eu foin d'obſerver , comme
c'étoit fon devoir , que le fait dont il s'agitn'eft
rapporté que dans les Annales de Touloufe
de la Faille , & nous avouons que ce
fait , appliqué au Connétable Anne , nous
paroît apocryphe. Notre raison pour le croire
tel, indépendamment du filence des Hiftoriens
, eft que nous avons remarqué , en écrivant
l'Hiftoire , qu'il y a de certains traits
mémorables que le vulgaire des Hiftoriens
reproduit fans ceffe fous tous les noms célèbres
, quoiqu'ils ne foient vraisemblablement
arrivés qu'une fois tout au plus. Ce fait eft
du nombre. Il a été conté originairement
d'un Gouverneur d'une place appartenante
au Duc de Bourgogne , Charles - le- Téméraire ,
qui fit , dit - on , une juftice exemplaire de
cette atroce perfidie & de ce coupable abus
d'autorité ; il commença par obliger le Gouverneur
d'époufer cette femme pour lui rendre
l'honneur , & il le fit pendre enfuite.
On a encore impuré depuis la même horreur
au Colonel Kirke , fi fameux par fes
cruautés fous le règne de Jacques II , en Angleterre.
La différence eft que le crime de
Kirke refta impuni , comme celui qu'on impute
au Connétable.
Remarquons de plus que le Connétable ,
qui , avec des vertus & de très grandes qua
lités , avoit véritablement de grands défauts ,
étoit abfolument incapable d'une pareille inDE
FRANCE. 187
que
dignité. Et quant à la tradition de Bordeaux ,
elle s'explique affez par la haine & la terreur
la févérité exceflive du Connétable , dans
le châtiment des Bordelois , avoit infpirées à
toute la ville . En pareil cas les traditions exagèrent
toujours , & c'eft alors fur-tout qu'on
renouvelle , fous le nom de ceux qu'on hait ,
tous les traits fameux de violence & de
cruauté.
SCIENCES ET ARTS.
N.
ÉCONOMIE.
Nous avons fait connoître avec de juftes éloges ,
les heureutes expériences que M. le Breron avoit
faires fur le Tipha. Cet eftimable Botaniſte , toujours
zélé pour le bien public , nous a communiqué
un nouveau mémoire , lu à la Société royale d'Agriculture
, dans lequel il rend compte des mémes expériences
qu'il vient de renouveler fur l'Apo.in &
le Chardon. Ne pouvant entrer dans le détail des
calculs que préfente ce mémoire , nous nous bord
nons à préfenter quelques - uns des réfultats .
Les expériences qu'on avoit faites juſqu'ici for
l'Apocin , n'avoient pas rempli l'efpoir & l'attente de
leurs auteurs . M. le Breton fait réfulter de grands
avantages de fa culture. Deux perches d un mauvais
terroir lui ont rapporté affez de coques d ' 4pocin ,
pour fabriquer dix paires de Bas avec le mélange
d'un tiers de Coton ; ce qui , en éval ant chaque
paire de Bas à 20 fols , donneroit à un arpent
de tere la valeur annuelle de soo livres . Quelqué
réduction que puitle fouffrir ce calcul , M. lé
188 MERCURE
à
Breton affure qu'il y aura toujours deux tiers
gagner , en évaluant la matière à la valeur du coton.
Et il faut obferver que cette plante n'exige ni
foin , ni frais de culture.
Une paire de gants au métier I , revient à 1 liv.
f. 6 den.; avec plus de foin , & en y mêlant une once
de foie , elle revient à 46 f. & c .
4
En faisant des expériences fur le davet de Chardon ,
M. le Breton n'a fait fabriquer qu'une pièce de tricot
de deux aunes de long fur 18 pouces de large ;
mais les payfans , comme il le dit lui-même , pourroient
, en ramaffant de ce duvet , en fabriquer des
bas , des chapeaux , &c. , & rendre utile par-là une
plante qui leur eft naturellement nuifible. L'aune de
l'étoffe qu'il en a tirée , revient à 3⋅ liv . fols 3
deniers.
Il vient de perfectionner encore le produit du
duvet de Typha , dont il affure que le travail eft affez
facile. M. le Breton fait faire fous fes yeux toutes
ces expériences à Saint Germain-en-Laye, dans une
manufacture de filature & de bonneterie établie pour
le foulagement des pauvres , fous les aufpices de M.
le Maréchal de Noailles . En applaudiffant à fes
fuccès , on ne peut que l'inviter à continuer de
faire tourner les travaux au profit de l'économie publique.
ANNONCES ET NOTICES.
PLUTARQ
LUTARQUE
Anglois
, par Mme la Baronne
de
Waffe.
L'accueil favorable que le Public a fait au Plutarque
Anglois , engagé l'Auteur à lui donner un
nouveau témoignage du defir qu'il a de mériter fes
DE FRANCE. 189
fuffrages. Quoique la foufcription ait été fixée à
douze Volumes , ayant reçu de nouveaux Mémoires
fur la Vie des Lords Chatham & Chefterfield , de
l'Amiral Keppel , du Capitaine Cook , de Samuel
Johnfon & de quelques autres Perfonnages non
moins célèbres , il croiroit fon Ouvrage incomplet
s'il en privoit fes Lecteurs . En conféquence , il prcme:
de livrer à fes Soufcripteurs feulement , & gratis
, le premier Mai prochain , un Supplément qui
formera un treizième Volume. Pour faire jouir du
même avantage ceux qui n'auroient pas fouferit
pour les douze Volumes , la foufcription fera ouverte
jufqu'au premier Mars , après quoi l'on ne
pourra plus fe procurer cet Ouvrage qu'à raifon de
39 liv. les treize Volumes. Il prie en même- temps
fes Soufcripteurs de lui envoyer leurs noms pour
être compris dans la lifte des Soufcripteurs qui fera
à la tête du Volume qui doit être donné gratis , en
préfentant leur quittance de foufcription.
Le prix de la foulcription eft de 30 liv. pour
Paris , & 36 liv. franc de port pour la Province. On
foufcrit à Paris , chez l'Auteur , rue Sainte Appoline,
n°. 6 , & chez Mérigot l'aîné , Libraire , Boulevard
de l'Opéra Mérigot jeune , Libraire , quai des Auguftins
; Belin & Regnault , Libraires , rue Saint
Jacques ; Gatey , Libraire , au Palais Royal.
EUVRES complettes de Mme Riccoboni , nouvelle
Edition , revue & augmentée par l'Auteur , &
ornée de vingt quatre figures en taille - douce. A
Paris , chez Volland , Libraire , quai des Auguftins.'
Les Tomes IV , V , VI & VIII qui viennent de
paroître, complettent cette nouvelle Edition , recommandable
par la manière dont elle eft exécutée , &
fi précieufe par les Ouvrages qu'elle renferme. Le
prix eft de 28 liv. 16 fols huit Volumes in - 8 °.
brochés.
190 MERCURE
CARTE Générale de la Terre appliquée à l'Aftro,
nomie pour l'étude de la Géographie terreftre &
céleste , dreffée par le fieur Flécheux , d'après les ob
fervations les plus récentes.
Cette Carte, en une feuille papier grand aigle, eft
d'une forme nouvelle & plus commode. A Paris ,
chez l'Auteur , rue du Sentier , près le Boulevard , à
l'hôtel de Mme la Préfidente de Meflay , & aux
adreffes ordinaires . Le prix pour la Province , en
s'adreffant directement à l'Auteur, eft de 3 liv .
CONSERVES de Rofes de Provins , chez le fieur
Lefebvre , Marchand Épicier , au Magafin de Provence
, ruc de l'Arbrefec , au coin de la rue Baillet.
Le fieur Lefebvre eft le feul à Paris qui tienne le
Dépôt de Conferves de Rofes de Provins sèches &
liquides de M. Aupoix , Maître Apothicaire à Provins.
Cette Conferve prévient les indigeftions ,
divife les glaires , abforbe les acides de l'eftomac &
les humidités fuperflues , &c. & c.
Le fieur Lefebvre ne borne pas fes foins aux
avantages de la fanté , il pourvoit encore aux plaifirs
de la bonne chère : & les Amateurs de la bonne
chère , affez nombreux dans Paris , nous fauront
gré de leur annoncer qu'on trouve au même Magafin
des comeftibles particuliers & précieux , tels que
Truffes fraîches du Périgord ; Pâtés de foies gras
aux truffes , de 36 à 48 liv .; Pâtés de jambons de
Bayonne nouveaux & aux truffes , de 15 jufqu'à
24 liv ; Pâtés de dindes aux truffes , 24 liv . , Pâtés
de perdrix aux truffes , de 15 , 24 & 36 liv.; Pâtés
de poulardes aux truffes , 18 liv.; Timbales de
perdrix aux truffes , 12 liv . ; Timbales de foies gras
aux truffes , 15 liv.; Poulardes engalantines aux
truffes & pistaches , 15 liv.; Dindes engalantines
aux truffes & piftaches , 18 liv .; Truffes mari
nées , 6 liv.; Perdreaux rouges du Périgord , de
DE FRANCE. 191
liv. 10 fols à 3 liv. pièce ; Thon mariné à l'huile
vierge , première qualité , 4 liv . la livre ; Sauciffon
de Provence , idem , 2 liv. 15 fols ; Cuiffes d'oies
marinées , 2 liv. pièce ; Olives farcies de câpes &
anchoix , 1 liv. 10 fols & 3 liv. le pot ; Anchoix
marinés à l'huile vierge , 1 liv. 10 fols & 3. liv. le
pot ; Anchoix de Nilmes & de Fréjus nouveaux ,
2 liv. la livre ; Olives diverfes & Cornichons de
Hollande , 1 liv. 16 fois le bocal ; Huile d'Aix ,
1 liv. 8 fols la livre ; Beurre de la Prévalaye en
petit pot & panier , arrivant les Mardis & Vendredis,
1 liv, le pot & 3 liv, en petit panier ; Liqueurs
fines.de Mme Chaffevant , ci- devant veave Am
phoax , du Fort Royal de la Martinique ; Crême de
Baume humain , 12 liv .; de Jamains , 12 liv .; de
Mirobelenty , 12 liv. ; de Canelle , 12 liv.; de Géroffle
, de bois d'Inde , de Célery , d'Abfynthe , de
Noyaux , d'Anis , de Moka , de Barbade , de fines
Oranges , de Bergamotte , de Citronelle : le tout
à 9 liv. la bouteille du pays , ainfi que toutes fortes
de Vins de liqueurs , Eaux- de-Vie & Liqueurs
étrangères à des prix raiſonnables , qui n'ôtent rien
à la qualité des denrées.
Le fieur Lefebvre fait des envois en Province &
chez l'Étranger en garantiffant la fraîcheur & la
alité de tous fes Comeftibles & autres Marchandiles.
g
LE Muficien Pratique , ou Leçons qui conduisent
les Elèves dans l'Art du Contrepoint , en leur enfeignant
la manière de compofer correctement toute efpèce
de musique ; Ouvrage composé dans les principes
des Confervatoires & Italie , & mis dans l'ordre
le plus fimple & le plus clair, par del fignor Francifco
Azopardi , Maître de Chapelle de Malthe ; traduit
de l'Italien par M. Framery , Surintendant de la
Mufique de Mgr. Comte d'Artois , avec des Notes
192
MERCURE
#
du Traducteur pour en faciliter l'intelligence , deux
Volumes in- 8°. , l'un contenant le Difcours imprimé
, & l'autre les Exemples gravés . Prix , 9 liv. A
Paris , chez Leduc , au Magafin de Mufique &
d'Inftrumens , rue du Roule , nº. 6,
Nous reviendrons fur cet important Ouvrage , le
plus méthodique de tous ceux qui ont paru en
France fur ce fujet.
Leduc donne avis qu'il vient de faire l'acquifition
des trois Partitions de Sacchini ; favoir , Regnaud,
Chimène & Dardanus . On trouve auffi chez lui
celle des deux Comteffes , Mufique de Paifiëllo .
FAUTE à corriger au N ° . 2 , article , Notice &
Guide des Voyageurs à Paris , qui fe vend chez
Hardouin & Gattey , au Palais Royal , au -lieu de
Viy fur Seine , lifez Ivry.
TABLE.
Al'Auteur de mes Souve Danemarck , &c.
nirs ,
150
172
Impromptu à M. le Marquis Hiftoire d'Artois , jufqu'à
du Creft ,
145 Etrennes du Parnaſſe,
146 Hugues Capet',
180
187
147 Annonces & Notices , 188
Charade, Enigme & Logogry Economie ,
phe >
Voyage en Pologne , Ruffie
AP PROBATION.
ÞAT lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 27 Janvier 1987. Je n'y
ai rien trouvé qui puiffe en empêcher l'impreffion. A
Paris , le 26 Janvier 1787. GUIDI
SUPPLÉMENT
AU
MERCURE
*
AVIS.
BARBOU ,
ARBOU ,
Imprimeur
Libraire , rue &
vis-à-vis la grille des
Mathurins , à Paris ,
annonce
aujourd'hui
qu'il a acquis du fieur
Védeilhié
,
Imprimeur
à
Villefranche
de
Rouergue
, les Vies des Pères , des Martyrs
, &c.; mais
comme
il n'avait
qu'un
* Cette Feuille de Supplément eft deftinée à la publication
des Profpectus & Avis particuliers de la Librairie.
Au moyen de cette Feuille , les Profpectus qui cidevant
fe perdaient & n'étaient pas lus du Public, fe conferveront
au moins autant que chaque Mercure . Il y a plus,
leurs frais le trouveront
confidérablement diminués ; une
partie de la compofition , du tirage , du pliage , &c. devenant
une dépenfe commune pour chacun d'eux .
La partie littéraire du Mercure n'étant compofée que de
deux feuilles , on ne pouvait auffi y parler que très-imparfaitement
des Ouvrages concernant les Sciences & les Arts .
On pourra dans les Profpectus s'étendre
particulièrement
fur ces objets.
On doit s'adreffer à M. MOUTARD pour l'infertion & le .
payement. Les frais pour 2 pages reviennent à 42 liv . ,
4 pages 84 liv. , &c. Outre le prix ci - deffus , on doit
donner au Rédacteur du Mercure un exemplaire des Livres
Bouveaux annoncés dans chaque Profpectus.
Supplém . N°.4. 27 Janvier 1787.
( 2 )
pour
petit nombre d'exemplaires complets , il s'eft
vu forcé de réimprimer plufieurs Volumes
qui manquaient. Il eft préfentement à même
de répondre à l'empreffement du Public
cet Ouvrage , qui a pour titre : Vies des
Pères , des Martyrs , & des autres principaux
Saints , tirées des Actes originaux ,
& des monumens les plus authentiques , avec
des Notes hiftoriques & critiques ; Ouvrage
traduit librement de l'anglais de feu M.
Alban Butler , par M. l'Abbé Godefcard ,
Chanoine de S. “Honoré , 12 vol. in- 8 ° . rel.
en veau , 72 liv . Il réimprimera fucceffivement
les autres Volumes , à meſure qu'ils
manqueront.
Le Frontifpice porte que ces nouvelles
Fies des Saints font librement traduites
de l'anglais , parce que plufieurs Vies ont
été refondues & refaites même en entier ;
on y en trouve d'ailleurs un plus grand
nombre que dans l'original. Ces changemens
& additions tombent également fur
les notes.
Qu'on ne s'imagine pas qu'on ait par-là
détérioré l'original. On a entendu des Anglais
même donner la préférence aux Vies
françaiſes. On y trouve , difaient - ils , plus
de critique , plus de méthode , plus de
liaifons dans les faits. Il ferait à fouhaiter ,
ajoutaient- ils , qu'on en eût fait plus d'ufage
dans la nouvelle édition de l'Anglais qu'on
vient de donner à Dublin,
( 3 )
On ne craint pas de dire que cer Ouvrage
eft unique dans fon genre , Il con
vient aux ames pieufes , qui feront édifiées ,
& qui , fans craindre qu'on abufe de leur
crédulité par des faits apocryphes , ne ſeront
point fcandalifées des excès d'une critique
outrée. Il convient également aux
gens de Lettres , qui trouveront , fur- tout
dans les notes , des points de Géographie ,
d'Hiftoire , de Critique , de Littérature ,
difcutés , élaircis , & quelquefois traités
avec une certaine étendue. Les Bibliographes
y verront avec plaifir les notices raifonnées
des Ouvrages des Pères & autres
Auteurs Eccléfiaftiques , dont on indique
les meilleures éditions.
On ne doit donc pas être étonné de
l'empreffement avec lequel le Public recherche
ces nouvelles Vies des Saints.
On conçoit , d'après ce qui vient d'être dit ,
les motifs qui leur font donner la préférence
fur les anciennes. Aufli voit - on tomber
tous les jours Giry , Baillet , & c . Des
Séminaires & des Communautés ont adopté
les nouvelles Vies pour les lectures publiques
; plufieurs Maifons religieufes attendaient
que l'Ouvrage fût complet , pour
faire la même chofe .
Un autre avantage de ce Recueil , &
qui le diftingue de tous les autres , c'eſt
qu'on y a inféré les Vies des nouveaux
Saints , d'après des monumens authentiques ,
( 4 )
& principalement d'après les Bulles de la
canonifation de ces Saints.
Lu & approuvé , ce 20 Décembre 1786. DE SAUVIGNY,
Vu l'Approbation , Permis d'imprimer , le 22 Décem. 1786 .
DE CROSNE.
On trouve chez le même Libraire les Articles
fuivans.
UNENE nouvelle édition du Nouveau Teftament
latin , revue fur l'édition du Vatican , de format
in- 12 , faifant fuite des Auteurs Latins ;
Į vol. rel . en veau , doré fur tranche. . 6 liv .
Il en exifte trojs exemplaires , qui ont été
imprimés fár vélin , qui font très -beaux .
Vanierii Prædium rufticum nova editio çeteris
emendatior , cum indice locupletiori ; accedit
vita Autoris nunc primùm in lucem edita ,
n- 12 , petit papier , faifant également fuite à
la collection des Auteurs Latins , 1 vol . rel . en
yeau , doré fur tranche. 6 liv.
Collection complette des Auteurs Latins
in-4° . ad ufum Delphini .
Principes généraux & particuliers de la Langue
Françaife , par M. de VAILLY , dixième
édition , i vol. in- 12 , 1786. 2 liv . 10 f.
Les Aventures de Télémaque , 2 vol. in - 12 ,
figures .. - 6 liv .
Novus Apparatus Latino - Græcus , cum interpretatione
Gallica; ex Ifocrate , Demofthene ,
aliifque præcipuis Auctoribus Græcis concinna.
tus , 1 vol. in- 4° , · 15 liv.
Schrevelii Lexicon Manuale Græco - Latinum ,
I vol, in-89. ९ 7 liv. 101,
,
( 5 )
Collection des Auteurs Latins ; de format
68 vol. rel . en veau doré fur petit in- 12
tranche.
2
?
395 liv. Cette collection
contient les Auteurs fuivans : Catullus , Tibullus , Propertius
, &c. 1 vol. Lucretius
, vol. Virgilius
, 2 vol . Horatius I vol. Juvenalis
& Perfius , 1 vol. Phædri Fa bulæ, cum notis & fupplementis
, Brottier , I vol. Martialis
Epigrammata
, 2 vol. Plauti Come- diæ , 3 vol . Ovidius Nafo , 3 vol. Lucani Phar- falia , Í vol. Terentius
, 2 vol . Amænitates
Poë- ticæ , five Theodori
Beza , M. A. Mureti & Joannis Secundi Juvenilia
, &c . , 1 vol . Sarcotis & Caroli V , Imperatoris
, Panegyris
Carmina , AuctoreMafenio
, I vol . in- 12. Sarbievii
Carmina , I vol. Desbillons
Fabulæ , 1 vol. Vanierii
præ- dium rufticum , 1 vol. Rapin de Hortis , 1 vol.
Sa luftius
I vol. Cornelius
Nepos , 1 vol. Eutropius
, I vol. Velleius
Paterculus
& Florus ,
1 vol. Cæfaris Commentaria
, 2 vol . Q. Cur- tius , 1 vol . Corn. Tacitus , 3 vol . Juftinus, 1 vol. Titus Livius , 7 vol.
"
C. Plinii Hiftoria Naturalis , 6 vol .
Ciceronis Opera , 14 vol.
Encomium Moria ab Erafmo , & Mori Utopia
, I vol.
Plinii Epiftolæ & Panegyricus Trajano Dictus ,
I vol .
&
Selecta Seneca Opera , 1 vol .
Senecæ de Beneficiis & deClementiâ Excerpta ,
in Gallicum converfa , I vol .
Novum Jefu Chrifti Teftamentum , 1 vol.
De Imitatione Chrifti , libri quatuor ,
cenfione J. Vallart , 1 vol.
ex re
ر
* iij
66 )
Sous Preffe.
LETTRES de Cicéron à Atticus , traduites par
MONGAULT , 4 vol . in-12 .
Dictionnaire des Antiquités Grecques & Romaines
, édition revue par M. FURGAULT, I vol.
in s..
Leçons élémentaires de l'Hiftoire Naturelle ,
par le P. COTTE , avec un Manuel de l'Hiftoire
Naturelle.
Lu & approuvé le 28 Décembre 1786. MÉRIGOT le jeune,
Adjoint.
PROCES FAMEUX de tous les temps &
de toutes les Nations , extraits de l'Eſſai
fur l'Hiftoire générale des Tribunaux de
tous les Peuples , contenant le détail des
circonftances qui ont précédé & accompagné
lefupplice des fameux Criminels. Par
M. DES ESSARTS , Avocat , Membre
de plufieurs Académies .
DE toutes les branches de l'Hiftoire , il
n'en eft point qui faffe une plus vive impreffion
, que celle des fameux Criminels.
Tous les hommes ont un défir naturel de
pénétrer dans le coeur des coupables , de
dévoiler leurs manoeuvres , de voir leur
audace, & de fuivre leur marche ténébreuſe.
Cet intérêt eft fi puiffant , il captive avec
tant de force l'attention du Public , que
( 7 )
l'art le plus féduifant ( celui de nos
Théatres ) a pris la plupart de ſes ſujets dans
le genre de faits qui compofent l'Ouvrage
que nous annonçons. La fable & l'intrigue
des Tragédies font en effet tirées des écarts
des paffions ; dépouillées des couleurs brillantes
de la fiction , elles ne préfentent
fouvent que l'Hiftoire des crimes que les
Loix ont punis , ou qui auraient dû exciter
leur vengeance. Si l'on s'attendrit au récit
exagéré des malheurs des illuftres criminels
qu'on offre à nos regards fur la scène
dramatique , l'illufion n'étant jamais complette
, on ne peut éprouver ces émotions &
ces déchiremens que la vérité feule peut produire.
On trouve cet aliment de la curiofité
dans l'Hiftoire des fameux criminels : on y voit
leur véritable phyfionomie , leur caractère ,
leurs moeurs , leurs penchans ; les Lecteurs
les fuivent avec intérêt dans le labyrinthe
de leurs paflions ; ils les accompagnent depuis
le moment où une pente fecrète les
entraîne vers le crime , jufqu'à l'inſtant cù
la Juftice les immole à la Patrie outragée.
On s'arrête fur-tout , avec une espèce de
plaifir mêlé de crainte & de douleur ,
cette dernière époque de la vie des fameux
Criminels ; on contemple , avec une
forte d'avidité , les effets que produifent ,
fur les différentes organifations & fur les
caractères variés des coupables , la crainte
de la mort & la certitude de la recevoir;
on aime enfin à parcourir & peut- être à
* iv
( 8 )
méditer les difcours que ces infortunés ont
prononcés dans ces momens affreux où
J'homme ne tient plus à la vie que par un
fil , qu'un cifeau fatal , ouvert devant fes
yeux , eft prêt à couper.
L'Ouvrage que nous annonçons eft compofé
de huit Volumes in - 12 , dont le prix ,
pour Paris , eft de 20 liv. , & de 24 liv. ,
franc de port dans toute l'étendue du
Royaume. Il faut adreffer les lettres &
l'argent à M. DES ESSARTS , rue du Théatre
Français , près la place. Les lettres d'avis &
l'argent doivent être affranchis. Les huit Volumes
paraiffent , & font en vente à l'adreffe
ci- dellus , & chez les principaux
Libraires du Royaume.
Lu & approuvé , ce 26 Octobre 1786. DE SAUVIGNY.
Vu l'Approbation . Permis d'imprimer , ce 21 Novmbre 1786.
DE CROSNE,
AVIS pour le renouvellement des Soufcriptions
de l'Année Littéraire 1787.
DEPUIS le premier Janvier 1786 , l'Année
Littéraire a paru régulièrement tous les
Mardis , & finira le dernier Mardi de la
même année ; cette forme plus avantageufe
à donné à ce Journal un nouveau degré
d'intérêt les perfonnes qui voudront foufcrire
, font priées de le faire inceffamment ,
afin qu'on puiffe déterminer sûrement le
:
( 9 )
nombre du tirage , & imprimer les adreffes
avant le premier Mardi de Janvier 1787.2
Quoique la Littérature foit la bafe de ce
Journal , les Sciences ne lui font point
étrangères ; les progrès de l'efprit humain
dans tous les genres , les Arts de toute efpèce
entrent dans fon plan , & voici un
léger apperçu des divers objets qu'il renferme.
LIVRES NOUVEAUX. Tous les Ouvrages
de Poéfie ou d'Eloquence , les Hiftoires ,
les Romans , les Traités didactiques fur les
Sciences & les Arts , & en général tous
ceux qui ont rapport à la Philofophie &
à la Littérature , font analyfés & difcutés
avec quelque étendue & d'une manière
propre à les bien faire connaître.
MÉLANGES ET POÉSIES FUGITIVES . On
accueille avec reconnaillance les Lettres relatives
aux Moeurs , aux Arts & aux Sciences
, les Anecdotes , les petites Pièces de
Poéfic légère , les morceaux de Littérature.
On a foin d'annoncer les évènemens du
jour , propres à piquer la curiofité du Public
, lorfqu'ils ont rapport aux Sciences ou
aux Arts agréables .
ACADÉMIES . On rend compte des Séances
des différentes Académies du Royaume , des
Prix propofés , ainfi que des Difcours qu'on
y prononce .
SPECTACLES . Le fort des Pièces nouvelles ;
avec une légère efquiile de leur plan , le
( 10 )
fuccès des débutans ou débutantes , quel
ques réflexions fur leur talent.
པོ་ Me TS REMARQUABLES . En apprenant
au Public la mort des hommes qui fe font
fait un nom dans les Lettres , on tâche de
les apprécier d'après leurs Ouvrages , & de
donner , une idée jufte de leur caractère &
de leur talent.
SCIENCES ET ARTS . Toutes les inventions
qui peuvent contribuer à la perfection des
Arts utiles ou agréables ; l'annonçe des Ouyrages
de Peinture , de Gravure , de Mufique
, font compriſes fous ce titre.
On foufcrit en tout temps pour ce Journal
, auquel on a réuni le Journal de Monfeur
; mais à quelque époque qu'on le faffe ,
il faudra foufcrire pour l'année entière.
L'Abonnement eft de 24 liv. pour Paris ,
& de 32 liv . pour la Province. On recevra ,
francs de port, les cinquante deux cahiers ,
de deux feuilles d'impreffion chacun , avec
des Supplémens .
On foufcrit à Paris , chez Mérigot le
jeune , Libraire , quai des Auguftins , au
coin de la rue Pavée , & chez tous les Libraires
du Royaume , MM. les Directeurs
des Poftes , & aux Bureaux de toutes les
Affiches de Province ..
Lu & approuvé ce 13 Décembre 1786. DE SAUVIGNY.
Vu l'Approbation. Permis d'imprimer le 13 Décem. 1786.
DE CROSNE
3
( 11 )
"
On trouve chez BRUNET , Libraire , rue de Marivaux
, place du Théatre Italien , les Livres
fuivans.
PLUSIEURS collections de la Bibliothèque
des Romans , depuis fon origine en Juillet 1775
jufqu'en Décembre 1786 inclufivement . 184 vol.
in- 12 . broch. ' . ' . 150 liv.
L'on vendra
auffi féparément
les volumes
que
l'on défirera
, à raifon
de i liv . 4f. le volume
.
Journal
de Paris depuis
fon origine
en Janvier
1777 jufqu'en
Décembre
1785 inclufivement
.
18 vol. in-4 . rel ..
1. 120 liv.
OEuvres
de Madame
Deshoullières
, ornées
de
fon portrait
. Paris . 1764.
2 vol . in- 12 , veau. 4 1. Parallèle des Eaux minérales . Par M. Raulin.
Faris . 1777. in- 12. broch. . . . . 1 liv . 10 f.
Cérémonies & Coutumes religieufes de tous
les Peuples du monde , repréſentées par des figures
deffinées & gravées par Bernard Picard . Paris .
1783. 4 vol. in fol. broch . en quinze... 144 liv .
Théorie & pratique de la coupe des pierres &
des bois , pour la conftruction des voûtes , &
autres parties des bâtimens. Par Frefier . Strafbourg.
1739 , 3 vol . in - 4° . fig ... 39 liv.
Hiftoire de Polybe , traduite du grec par Dom
Thuillier , avec un Commentaire & un Cours
de Science militaire , par le Chevalier Folord .
Paris . 1727. 6 vol. in 4. fig. v . f. . . 42 liv.
Corpus
Juris
civilis
Romani
, cum
Notis
Gothofredi
, Lipfiæ
. 1720.
2 vol. in-4° . gr . p . 15 l..
Jacobo
Gronovio
, Thefarus
Græcarum
Antiquitatum
. Lug. Bat. 1697.
13 vol . in -fol. fig.
v.f..
300 liv.
Anfelmi
Blanduri
, Numifmata
Imperatorum
Romanorum
, Lutetia
Parifiorum
. 1718.
2 vol.
in-fol. v.f.
42 liv..
* vj
( 12 )
Quinti Horatii Opera , Londini, Johannes Perre
1733. cum fig. 2. vol . in-8° . gr . p. m. r. 72 liv.
Lu & approuvé , ce 12 Décembre 1786 . CAILLEAU.
ONFROY & NEE de la Rochelle , Libraires., rue
du Hurpoix , près du pont Saint- Michel, préviennent
le Public qu'ils font maintenant chargés
du débit des Ouvrages de Madame la Comteffe
de Genlis. Ces Ouvrages fe vendent enfemble ou
Séparément.
LA collection complette , en 15 vol . in-8 °.
broch.
75 liv.
La même
, en 15. vol . in-12 . broch
..
39
Elle
eft compofée
des Ouvrages
qui fuivent
.
Le Théatre
des jeunes
perfonnes
. 7 vol . in- 8°.
broch
.

·· 35 liv.
Le
même
. 7 vol
. in - 12 . broch
.
171.10
f.
Dans
ces
fept
volumes
font
compris
un tome
de pièces
tirées
de l'Ecriture
Sainte
, formant
le
premier
volume
de la nouvelle
édition
du Théatre
d'éducation
, ou le tome
cinquième
de l'ancienne
; & le Théatre
de Société
, en
deux
volumes
. On
vend
à part
ces
trois
volumes
pour
compléter
le Théatre
d'éducation
. Les Annales de la Vertu . 2 vol . in - 12 . br. 5 liv.
Les mêmes , 2 vol . in- 8 ° . br . 10
Adele & Théodore , ou Lettres fur l'Education.
3 vol. in - 8 ° . broch..
15 liv.
Le même
, 3 vol
. in- 12 . broch
....
liv. 10 f.
Les
Veillées
du Château
. 3 vol
. in - 8 °. br. 15 l .
Le même
Ouvrage
, 3 vol
. in - 12. br.

On trouve chez ONFROY , les Lettres fur
l'Egypte. Par M. SAVARY . Deuxième édition ,
revue & corrigée. 3 vol . in - 8 ° . broch .. 15 liv .
Les tomes 2 & 3 fe vendent féparément , 9 liv.
Lu & approuvé le 17 Novembre 1786. MERIGOT lejeune
( 13 )
L'HEROISME ÉTRANGER & national
ou Collection hiftorique des principaux
Traies d'humanité , de vertu , de patrio
tifme & de courage , notamment de ceux
qui ont illuftré le règne de Louis XVI,
depuis fon avénement au trône ; gravés en
couleur par M. GUYOT , d'après les
deffins des meilleurs Artiftes ; dédiée à
M.ARMAND-JOSEPH DE BETHUNE ,
Duc de Charoft , Pair de France , Préfident
de la Société Philanthropique , &
à la Société , à Paris .
IL fuffit d'annoncer une pareille entrepriſe ,
pour en faire fentir tout le mérite : c'eft
rappeler les Arts à leur noble deflination
que de les confacrer à immortalifer les
actions héroïques . Cette attention à recueillir
les faits qui honorent l'humanité , caractérife
principalement notre Siècle ; on a foin
de les publier dans les Journaux : ils obtiennent
des couronnes dans nos Académies
on récompenfe une belle action
commeun belOuvrage ; & quoi qu'en puillent
dire les détracteurs de l'âge préfent , tout
femble nous promettre la plus heureuſe
révolution .
Les encouragemens vont chercher le citoyen
vertueux dans la claffe la plus obfcure
: il devient tout- à - coup l'objet de la
( 14 )
vénération publique , & les préjugés du
rang femblent difparaître à fon égard ; auffi
ne craindrons- nous pas d'affocier Jofeph
Chrétien au généreux Prince de Brunswick;
& la bravoure du Maréchal des Logis n'exercera
pas moins nos crayons , que le dévouement
héroïque du refpectable Prélat d'Auch.
Nous ne nous croirions pas dignes d'exé
cuter cette précieufe collection , fi l'intérêt
pouvoit feul nous décider à l'entreprendre.
Le nombre de deux cents Soufcripteurs une
fois rempli , nous nous chargerons , à nos
frais , de trois élèves pris dans la claffe
la moins fortunée du peuple , & choifis
par la Société Philanthropique : après nous
être affurés de leurs difpofitions , nous deftinerons
l'un à la Peinture , l'autre à la
Gravure en taille- douce , & le troiſième à
la Gravure en couleur & manière Anglaïfe :
l'Ouvrage auquel ils auront l'obligation
d'être entrés dans la carrière des Arts, ne
pourra que faire germer dans leurs coeurs des
femences d'émulation & de vertu & les
porter à fe diftinguer par leurs moeurs
comme par leurs talens.
Outre l'intérêt propre à chaque fujet que
nous traiterons , les Amateurs fenfibles &
éclairés verront fans doute avec plaifir la
fuite non -interrompue de ces fortes de Tableaux
, où tout fera vrai , quoique grand
& fublime ; & dont l'enſemble fera la gloire
de notre Siècle aux yeux de la Poftérité.
1.
རྐ་
( 15 )
CONDITIONS.
LE format de cet Ouvrage eft in-folio , forme
Ovale fur la largeur. Chaque Eftampe paraîtra
tous les mois avec l'hiftorique gravé au bas ,
& coutera 3 liv.
La première , dont le fujet eft l'action courageufe
qui a mérité le prix de l'Académie
d'Amiens , fondé par M. de la Tour , Peintre
du Roi , paraît actuellement.
Le 10 de ce mois , a paru celle de Jofeph Chré--
tien , deffinée par M. Texier.
Dans le courant de Février , paraîtra celle
du refpectable Prélat d'Auch , deffinée par M..
de Bucourt , Peintre du Roi.
Les épreuves feront délivrées fuivant la date
des infcriptions ; & quand la foufcription fera
remplie , on publiera la lifte des Soufcripteurs ,.
& les nouveaux payeront 4 liv. par Eftampe ..
MM. les Soufcripteurs font priés d'affranchir
leurs lettres ; on ne prendra point d'argent d'avance
; il fuffira de fe faire infcrire pour une
année .
On s'infcrit à Paris , chez l'Auteur , rue St.
Jacques , no. 9 , & chez les Campion , à la
ville de Rouen , nº . 8 .
Et à Versailles , chez Blaifot , rue Satory , &
chez les Affociés , rue Dauphine.
In & approuvé , ce « Décembre 1785. De SAUVIGNY.
Vu'Approbation . Permis d'imprimer , ce 6 Décembre 1785 .
DE CROSNE.
I
JOURNAL DE NORMANDIE.
Troifième Année.
E fuccès foutenu dont jouit en Normandie
cet Ouvrage périodique , annonce allez
16 )
l'utilité qu'en retire la première , la plus
riche & la plus importante Province du
Royaume , à laquelle il manquait.
Les nombreux avantages que peuvent en
retirer également les Gens de Lettres de la
capitale , ceux des autres villes , & toutes
les claffes de citoyens , font une loi aux Propriétaires
du privilége de fixer l'attention du
Public fur ce Journal , rédigé par un homme
de Lettres dont les Ouvrages ont été accueil
lis à Paris , & où l'on traite de l'Agriculture ,
du Commerce , de la Jurifprudence , de
l'Hiftoire Naturelle , des Arts , des Manufactures
, & des Spectacles , en Norman-*
die. En forte qu'il doit être regardé , ainf
que fon titre l'annonce , comme un recueil
aulli complet qu'intéreffant de Mémoires
périodiques pour fervir à l'Hiftoire Ecclefiaftique,
Civile , Naturelle & Littéraire ,&
à celle des Sciences , des Beaux Arts & du
Commerce , dans cette partie floriffante de la
France.
par
Il en paraît , franche de port , deux fois
femaine , le Mercredi &le Samedi , une
feuille in - 4° . de quatre pages , indépendamment
d'une demi- feuille , réfervée aux Annonces
, Affiches & Avis divers , pour que
les perfonnes étrangères à la Province , &
celles qui veulent faire une Collection au
bout de l'année , n'ayent point un recueil informe
& bizarrement chamarré , dans lequel
un article de Phyfique , d'Hiftoire Naturelle
ou de Littérature , fe trouve à côté d'un
( 17 )
Laquais à placer , ou d'une maifon à vendre.
Tous les objets concernant la rédaction ,
doivent être adreffés , francs de port , à M.
de MICENT , de l'Académie des Sciences ;
Belles Lettres & Arts de Rouen , de plufeurs
autres Sociétés Littéraires , Directeur
1 & Rédacteur du Journal de Normandie , à
Rouen.
I On s'abonne en tout temps , pourvu que
- ce foit pour une année entière , moyennant
12 liv. pour la ville de Rouen , 13 liv. 10 f.
pour fa banlieue , & 15 liv. pour le reſte du
Royaume.
A ROUEN , au Bureau , chez le Boucher,
le jeune , Libraire , rue Ganterie.
A PARIS , chez Durand neveu , rue Galande
, auquel on peut remettre les Livres ,
Mémoires , Eftampes & paquets que l'on
deftine au Journal de Normandie.
On foufcrit encore par le moyen de tous
Directeurs des Poftes , & chez les principaux
Libraires de toutes les villes de Province.
Nota. Les deux premières années étant
entiérement épuifées , on fe déterminerait
à les réimprimer , s'il fe préfentait un nombre
de foumillions fuffifantes pour couvrir
feulement les frais.
Lu & approuvé , ce 29 Dicembre 1786. DE SAUVIGNÝ .
Vu l'Approbation. Permis d'imprimer , ce 30 Décem. 1786.
DE CROSNE.
18 )
EXTRAIT d'un Profpectus diftribué fous le
couvert du Journal de Paris.
VOYAGE EN ASIE , ou Effais Philofophiques
& Hiftoriquesfur la haute Antiquité
, fur quelques Peuples modernes
Orientaux, & fur divers animaux de
ces contrées . Ouvrage enrichi de Gravures
en taille- douce.
CET Ouvrage eût paru il y a dix ou douze
ans , fans des contre temps particuliers. En
1781 , quelques articles ifolés en furent
détachés & livrés à l'impreffion , fous le
titre d'Effais Philofophiques fur les moeurs
de divers Animaux étrangers , avec de courtes
Obfervations fur différens Peuples . Ces Effais
recurent en France & chez l'Etranger
l'accueil le plus favorable .
Le plan fixe & refferré de l'Auteur a été
de n'employer que ce qu'il a pu recueillir
par lui-mênie. Ce qu'il donne fur les moeurs,
les Sciences , les Arts , l'Hiftoire Naturelle ,
les Ufages civils , politiques & religieux ,
a été le fruit de vingt ans d'obſervations
fur les lieux.
Les circonftances l'ont mis dans le cas de
confidérer de près l'adminiftration civile ,
militaire , commerciale & politique des
Puiffances& Compagnies Européennes dans
' Inde. Il y a apparence que des traits qui >
( 19 )
déguifés dans un grand lointain , font infignifians
, pourront paraître tout autres fous
un point de vue plus indépendant ou plus
rapproché.
Depuis 1765 jufqu'en 1769 , l'Auteur eut
diverfes facilités pour former un Recueil
du Droit coutumier de l'Inde. Cette Pièce
devait être imprimée en 1772 , fous les
aufpices du Ministère de la Marine ; elle ne
paraîtra qu'avec le refte de l'Ouvrage.
Quelques morceaux de Littérature Afiatique
, propres à concourir à des éclairciffemens
utiles , à ce titre feront employés ;
l'Auteur donnera auffi la traduction d'un
Poëme Erotique , jadis compofé en la Langue
Indienne , aujourd'hui réputée facrée ;
à cet égard , il fe conforme à l'ufage des
anciens Ecrivains de ces contrées , qui , pour
prévenir le trop de contention d'efprit , employaient
quelques feuilles à chanter l'amour
& la volupté.
·
Une partie très curieufe & intéreffante
concerne la haute Antiquité ; l'Auteur fixe
le fens de cette expreffion pour fon Ouvrage
, en difant qu'il confidère comparativement
, comme moderne , tout ce qui
n'appartient pas à une époque antérieure
au moins de quinze cents ans au fiècle où
nous plaçons le fiége de Troie . Le hafard
ayant fecondé fes tentatives , il a pu porter
le coup d'oeil de l'obſervation fur les ufages
civils & religieux , la divination , les Loix ,
Langues , écriture , &c. de cette vénérable
( 20 )
Antiquité ; il a parcouru le tableau animé
d'origines , d'entreprifes , de révolutions morales,
politiques & phyfiques , qui ont changé
la face de la terre : ajoutons que des preuves
littérales & autres , dont la vérification
fera rendue facile , mettront à portée de
reconnaître l'auftère vérité , & que les impofantes
prétentions des Peuples réputés
anciens par les modernes , n'ont que des
fondemens illufoires .
Cet Ouvrage eft propofé par foufcription,
en deux Volumes in- 4°. Il ne fera point mis
dans le commerce , par des raifons particulières.
Ainfi on ne tirera à l'impreffion que
le nombre d'exemplaires retenus. La foufcription
eft de 48 liv. pour les deux Vo
lumes in -4 ° . Vingt quatre liv . feront payées
en foufcrivant , & pareille femme en retirant
le premier Volume , qui pourra paraître
à la fin de 1787. Toute fpéculation eft
étrangère à cette entreprife ; mais il s'agit
de fournir aux frais d'impreflion & de quatorze
ou quinze gravures confidérables en
taille-douce , exécutées par des Artiſtes connus.
Si dans neuf mois le nombre des Soufcripteurs
eft infuffifant pour les débourfés
nécellaires , l'on en fera averti , & l'argent
fera rendu par les Libraires chez lefquels
on aura foufcrit. La lifte de MM . les Soufcripteurs
fe trouvera au commencement du
premier Volume : il leur fera fourni une
reconnaillance fignée de Mad. veuve TILLIARD
& fils , Libraires de Paris.
Onfoufcrit , à Paris , chez la veuve Tilliard
( 21 )
Sp
& fils , Libraires , rue de la Harpe , au coin
de celle Pierre - Sarrafin . A Londres , chez
MM. Payne & Benjamin White & fils ,
Libraires. A Vienne , chez MM. Rodolphe
, Grafer & Attaria , frères , Libraires .
- A Berlin , chez M. J. Bernoulli , Aftronome
du Roi de Pruffe , & Membre de l'Académie
des Sciences. - A Amfterdam ,
chez P. Vandamme , Libraire . - A Rome ,
chez MM. Bouchard & Gravier , Libraires.
A Milan & à Turin , chez MM . Moife-
Benjamin Foa , & les frères Reycends , Libraires.
A Pétersbourg , chez MM . Rofpini
, frères, Libraires ,
-
N. B. Il faudra avoir attention d'écrire
bien lisiblement fon nom & fon adreſſe,
Lu & approuvé , ce 13 Juillet 1786. DE SAUVIGNY.
Vu l'Approbation . Permis d'imprimer , ce 14 Juillet 1786
DE CROSNE,
LE VOYAGEUR FRANÇAIS , où les Connaiffances
de l'Ancien & du Nouveau
Monde , mis au jour par M. l'Abbé DE
LA PORTE. 28 vol. in- 12 . Prix , 84 liv.
rel. avec des Cartes géographiques. A
Paris , chez MOUTARD , Libraire - Imprimeur
de la Reine , rue des Mathurins ,
Hôtel de Cluni,
LE fuccès dont a conftamment joui le
Voyageur Français , eft une preuve du mé((
22 ))
rite réel de cet Ouvrage . Son plan eften effet
très -heureux. Ce n'eft point un Abrégé ſec
& décharné de tous les Voyages dans l'Ancien
& dans le Nouveau Monde . M. l'Abbé
DE LA PORTE a eu l'art de mettre beaucoup
d'intét dans fes defcriptions, en fuppofant
qu'un homme qu'il fait voyager , rend
compte, dans fes Lettres , à une Dame de tout
ce qu'il voit , de tout ce qu'il obſerve . Il
néglige les détails minutieux ; il ne s'attache
qu'à ce qui peut faire connaître l'état
de chaque pays , fes monumens les plus remarquables
, fes productions , fon commerce
, les moeurs , les ufages , la légiſlation
des habitans , &c. Dans un tableau
rapide , il préfente des notions fuffifantes
fur tous ces objets ; & l'on doit avouer
qu'on connaît auffi bien un Peuple par la
lecture intéreffante du Voyageur Français,
que par des Relations plus détaillées qui n'amufent
pas toujours un certain nombre de
Lecteurs.
Le ftyle de cet Ouvrage eft uniforme :
par-tout il eft clair , facile , & même élégant.
M. l'Abbé DE LA PORTE y a mis
cet efprit d'analyfe , d'ordre & de méthode
qu'il poffédait parfaitement. M. l'Abbé DE
LA PORTE a évité les fréquentes répétitions
& l'extrême prolixité de l'Abbé Prevoft.
Ce dernier Ouvrage d'ailleurs n'eft point
achevé il y manque un grand nombre de
Voyages fur mer , & la collection de ceux
de terre , c'eft-à - dire , de toute cette partie
( 23 )
de l'Ancien Monde , où fe font paffés les
évènemens les plus mémorables. L'état actuel
de ces lieux célèbres , les révolutions.
qu'ils ont éprouvées , les reftes précieux des
monumens qui fixent l'attention des Voyageurs
, manquent encore à cette vafte collection
: aufli eſt ce par là que commencent
les Relations du Voyageur Français. Enfin ,
la connaiffance de tous les pays & de toutes
les Nations de l'Univers, en commençant par
l'Afie , font la matière de toutes ces Lettres.
M. l'Abbé DE LA PORTE venait de donner
le vingt-fixième Volume , & il ne lui reftait
plus que l'Italie & la France à donner , lorfque
la mort l'a enlevé aux Lettres & à fes
amis. L'Italie a paru depuis , & eft renfermée
dans les tomes vingt- fept & vingt- huit..
Il ne refte plus que la France à donner , &
cette partie intéreffante eft confiée à un
Homme de Lettres digne de la confiance du
Public.
Le fieur MOUTARD , qui vient d'acquérir
de M. CELLOT le fonds de cet important
Ouvrage , a cru devoir l'enrichir de Cartes
géographiques fans augmenter le prix
du Volume , qui eft toujouts de 3 liv. relié,
Il vend féparément les Cartes 5 liv. foit reliées
en un Volume in 8 ° . , foit en feuilles ,
avec l'indication des pages où chaque Carte
doit être placée dans l'Ouvrage.
Elles ferviront à diftinguer cette édition
de celles contrefaites , qui d'ailleurs font
pleines de fautes,
( 24)
Pour faciliter l'acquifition de cet Ouvrage ,
il le vend deux Volumes à deux Volumes.
Il prie les perfonnes qui n'auraient pas les
vingt- huit , de fe compléter le plus tôt poffible
, parce qu'à dater du premier Juillet
1787 , il ne vendra plus les Volumes féparément.
On vient de mettre en vente chez le même Libraire ,
les articles fuivans.
, par
RAPPORT des Commiffaires chargés
l'Académie des Sciences , d'un projet d'un nouvel
Hôtel -Dieu , imprimé par ordre du Roi.
A Paris , de l'Imprimerie Royale , 1787 ,
liv. in-4°.
3
.4
Le même , d'après la copie imprimée au Louvre
, 1787. in -8°. 1 liv . 4 f.
Idées fur les fecours à donner aux pauvres
malades dans une grande ville , 1786. in - 8 ° . 18 f.
Le Dictionnaire de Police , par M. des Eſſarts ,
tome 2. in 4°.
On fouferit pour cet Ouvrage
par Volume , en feuilles.
en payant 10 liv.
Nouveau Choix de Caufes célèbres , par le
même , tome 14 .
Le 1s me, & dernier Volume , paraîtra le 15
Février 1787.
Prix des 15 Vol . br . 37 liv . 10 f. rel . 45liv.
OEuvres complètes de Cicéron , traduction
nouvelle , par M. Clément , 1786. 6 Vol. in-12.
zel . 18 liv.
Les mêmes , in-4° . beau pap. 48 liv . en feuilles .
N. B. Les tomes 7 & 8 , in - 12. & le tome
3e, in-4°. fous preffe .

Lu & approuvé le 23 Janvier 1787. Nvon l'aîné , Adjoine,
de Fadore pour lesbelles lettres: on y a joint des obfervations gébe-
8°.
A Padoue.
Confiderations für Fetat des
marins, en ce qui concque leur
famé ,
avec des moyens efficaces
pour adoucir la fituation de certe ,
claffe précieule du genre humain ;
mérales fur les maladies auxquelles
les gens de mer font
expoles , c. par Chades Ficecher
Doften en Medecine ,
ci - devant Chiargien dans la
Marine royale.
A Londres
وج
On foufcritſéparément your je JOURNAL DU LA LIDR MIRTS ,
chez PM.-D. PIERRES , premier Impriment Ordinaia da Boi,
réeSaint- Jacques. Le prix de l'abonnement ef de 7 ị. 4 fois par
année , avec la Table.
On s'abonne en tout temps , à Paris , Hôtel de
Thou , rue des Poitevins. Le prix eft , pour, Paris,
de vente livres , & pour la Province , port franc ,
trente deux livres, que l'on remettra à la Pofte ,
franchiffant le Port de l'argent & la lettre
is , dans laquelle il faut inférer le reçu di
arreur des Poftes
Meffeurs les Soufcripteurs du mois de Février
riés de renouveler au plus tôt leur abonnement ,
ape qu'on aitle temps de réimprimer leurs adreffes,
u'ils n'éprouvent aucun retarddans l'expédition
#1: voudront bien donner auſſi leurs noms & qualités
me écriture lifible , & affranchir les lettres ,
Jans quoi elles ne feront point reques.
das Noyers ; MM. de la Mar ;
che & Fortin , rue du Foin S.
Jacques ; Jombert Patré , Lib. rue
Dasphine ; & Piquet , Graveur ,
rue de la Harpe , près celle Serpenie.
GRAVURES.
Portrait de Mlle d'Oliva.
A Paris , chez Mad. de la
Gardente , galerie du Palais royal.
Vues des principaux édifices
de Paris; Numéros 60, 61 , 62 &!
63 , gravées par M. Campion fils .
A Paris , chez les frères Campion
, rue S. Jacques , à la ville
de Rouen,
MUSIQ U E.
Airs choifies arrangés en trio
pour guittare violon & alto ;
par Vallain OEuvre III. 91 .
A Paris , chez Boyer , Marchand
de mufique , rue de Richelieu
à la Clef d'or , & chez
Mad Lemenu , rue du Roule.
Six quatuors pour deux violons
, alto & violoncelle ; par
M. Breni feptieme livre , 91.
A Paris , chez les mêmes.
Trois Trios concertans pour ]
ded violons & violoncelles par
J. Haydn : Cuvre XLV , 61 .
A Paris, chez les mêmes.
LIVRES ETRANGERS .
Les Egaremens d'un philo-l
fophe , ou la vie du Chevalier
de Saint - Albin ; par M de St.-
Clair : 2 vol. in 12. br. 3 liv.
▲ Avignon , & fe trouve
Paris , chiz Sorin , Liò, quai des
Augufim .
Perifère , ou la Colère de
l'amour , Poëme en cinq chants;
par l'Auteur des Baifers de Zizi :
in 16 br. liv. 4 fols.
Gnide , & fe trouve à Pa
ris , chez Reyez , Lib . quai des
Augufins & chez les marchands
de Nouveautés .
A genealogical hiftori , &c
Histoire généalogique des familles
actuellement régnantes en
Europes des Stathouders de
Hollande , & de la fucceffion
des Papes , depuis le quinzie
fiècle jufqu'à nos jo.rs , avec
le portraits du Souverain ; par
Mark Noble , Membre de la Sociéré
royale : vol. portatif
A Londres.
Obfervations on certain parts
of animal economy , & c. Obfervations
fur certaines parties de
l'économie animale ; par John
Hunter : in- 4 .
A Londres.
Obfervations on the acuthe
dysentery , &c. Obfervations fur
la dyffenterie aigüe ; par John
Rollo , Docteur en médecine.
A Londres
Petrarque à Laure , Epître
poétique , enrichie de notes, &
de l'hiftoire abrégée de ces deux
illuftres perlonues ; par M. C.
James.
A Londres.
Almanach du pauvre Robin
contenant une multitude de
choles amulantes , férieuſes &
comiques , pour 1787.
A Londres.
A Genève, & fe trouve à Paris ,
shez Regnauls , Lib. rue S. Jacq.
Etrennes à l'humanité , ou Recueil
de préfervatifs contre plufeurs
maladies qui affligent
F'homme , & peuvent lui caufer
la mort , recueil très utile pour
les curés , chirurgiens pères de
famille , laboureurs fermiers &
gens qui vivent tant dans les
petites villes que dans les cam
pagnes où on ne peut trouver
réunis tous le fecours qu'on Effai fur la langue italienne ;
trouve dans les capitales : in 12. par M. Abbé Melchior Cela
br. 15 sel, 1 liv. 4.fals. Lotti Secrétaire de l'Académie
Abrégé de la méthode de cultiver
les miniers & d'élever les
vers à fie ; par M. le Docteur
Gaetano Garcias Navarro : 1786.
A Madrid.
MERCURE
DE FRANCE.
( No. 51. )
AMEDI 17 DÉCEMBRE
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de poifon fubtil , dont fe fervent
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culture, fes differentes prépara
tions & fes propriétés tant alimneataires
que médicinales , avec
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nie à l'oueft de la Virginie , pour
fervir de fuite aux Lettres d'un
cultivateur Américain , traduite
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Phyfiologie de M. Cullen
M. D. traduite de l'anglois fur
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L'Exemple & les paffions :
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chez Théophile Barrois le jeune ,
Lib. quai des Auguftins.
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cifco quevedo- vi legas con vocabulario
Efpagnol y Frances para
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Novelas exemplares de Miguel
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de Weftmorland en efla
Colleccion de poefias caftellanas
anterieres al feglo XV. Madrid
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Almanachs pour 1786.
Les Dames françoifes & romaines.
Le Paffe - temps des Dames
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bonne humeur. Le Plaifir des
Daines. La récréation du matin.
Le plaifir de la toilette. Lejultima imprecio. Haya , 1739 ,
Paft -temps des toilettes . La 2 vol . in 8. fig.
Dipation agréable. Le Manuel
de la toilette. Les Amuſemens
du bel âge. Le Modèle de ga
lanterie. Le Favori des Dames.
Chacun de ces Almanachs ,
compofés de chanfons , ornés Théophile Barrois le jeune
de douze eftampes , avec ta- Lib. quai des Auguftins , Nublettes
, perte & gain , tel en méro 18 a reçu de Londres
maroquin, fe vend 4 liv . 10 fles ouvrages tuivans :
& liv. port franc , à Paris , chez
Defnes , rue8. Jacques , au Glob.
Gogue & Née de la Rochelle,
1. quai des Auguftins , près le
pont S. Michel Numéro 1 .
ont reçu d'Utrecht les livres
fuivaus :
actes
reagédie
en
cinq
vers par le Baron
de Saint Ildéphont.
Utrecht , Wild : 1785 , in- 89.
brech. liv. 10 fols.
Mufcum numarium Milano-
Vifcontianum . Traj . ad Rh.
Wild : 178 , in 8. br. 3 liv.
On trouve chez Royer , Lib.
quai des Auguftins , les livres
fuivans :
Hiftoria de la milicia Efpa
nola defdelas primeras noticiaf
que fetiesen por ciensis hafta
los trempes prefentes illuft-ada
con laminas por mendofa . Ma
drid , 1776 , in -4° . 1 vol.
Hitoria de la conquifita de
Mexico problarion v pogreffasde
la America feptentrional cone.
cida por el nombre , de nueva
Efpana fecribiala Don Antonio
de Solis Madrid, 1783 , in 4. fig.
Hitoria de Mexico. Anvers ,
1554 , petit in- 89.
Bibliotheca arabico - hifpana.
Madrid , 1760 , in-jol. 3 vol .
Inftitutions of medicine , part.
1 , phyfiology , by Cullen , M.
D. third edition. Edimburg.
1785 , in 8° , br. 5 liv.
London medica journal for
1785 , part the third ; in- 8 ° . br.
2 liv. 10 fols .
Medical tranfa &tions published
by the college of phyficians in
London; troisième vol. Lond.
1785 , in 8 ° . br. 8 livres.
An enquiry into the various
methods of cure in apoplexies
and palfies , by Chandler. Canterbury
, 1785 , in- 8°. br. 5
liv.
A differtation on the theory
and cure of the cataract , by
Wathen. London , 1785 , in 89.
broch . liv. 1o fols . 5
GRAYURES..
Général magnanime , Eftampe
qui repréfente une action de
Henri II , Ducde Montmorency,
gravée d'après Pernotin , par
Malbére . A Paris , chez Borgny
Marchand d'efiampes
quillière.
9 rue Co-
MUSIQUE.
Troifième Concerto pour le
clavecin par L. Kezeluch
OEuvre XIII , in 4. A Paris,
RÉSUMÉ
DES ÉVÉNEMENS POLITIQUES
pas
En 1786 .
.
DOOUUZZEE lignes fuffiroient à ce Tableau.
Dans chaque Etat de l'Europe , les loix
en général , l'adminiftration , la politique ,
les intérêts publics , à peu d'exceptions près ,
font reftés les mêmes que l'année derniere ;
mais cette fituation intérieure des Empires
n'eft tellement connue de tout le monde,
qu'il for inutile de la développer. Ces
notions de détail , nous avons tâché , dans
Foccafion , de les expofer très- imparfaitement
, de raffembler en particulier celles qui
déterminent le degré d'induftrie , de commerce
, de travail & de revenu général , de
population & de puiffance chez différentes
nations de l'Europe. Tirés , la plupart
, des Auteurs Allemands , qui traitent
I'Economie politique , comme elle doit l'être
, par les faits , ces matériaux n'auront
pas été rebutés des efprits mûrs , aux yeux
defquels une feule vérité hiftorique eft
plus précieute que des volumes d'inuti'es
raifonnemens. Tous les jours on ſe plaint , &
No. 1 , 6 Janvier 1787. a
( 2 )
avec rai on , des jugemens abfurdes que
l'on poite fur les divers Etats , de la lé- .
gereté & de l'ignorance avec lefquelles on
décide de leur force , de leur pro périté , de
leurs reffources , des livres faits à la hâte fur
ces ignorances , & des préjugés qu'ils entretiennent
; on obvieroit à cet abus , en multipliant
les tableaux de comparaiſon , & en
ouvrant aux Auteurs , comme aux Lecteurs ,
des fources de recherches . Que d'inductions
utiles , par exemple , à tirer des liftes des
morts & naiffances annuelles dans chaque
ville & dans chaque contrée ! liftes que les
'Allemands nous fourniffent avec exactitude ,
même pour de fimples bourgs . Comment
connoître aveo jufteffe l'étendue du commerce
maritime , fes accroiffemens , fa décadence
, fans confronter les dénombremens
des vaiffeaux entrés dans les ports principaux
des Puiffances navales , en divers tems ?
Et de quelle importance ne font pas les erreurs
, les doutes même de la Politique fur
çet objet ?
Jamais elle n'a mieux fenti immenfe
utilité des connoiffances exactes fur cette
matiere , puifqu'elles feules peuvent déterminer
les conventions relatives au Commerce.
Cette partie du Droit public de l'Europe
est néceffairement très variable : les
Traités qui la forment , fubordonnés à des
conjonctures locales & mobiles , fixent des
droits du moment , fans fixer les intérêts ; il
·
(3 )
eft donc auffi néceffaire de les revoir que de
les multiplier. La plupart , il eft vrai , le bor
ment à ajouter une fanction nouvelle aux
principes moins incertains du Droit Naturel
& du Droit des Gens ; mais que deviendroit
l'harmonie fociale , abandonnée à la feule
obligation de ces principes ? Ces Traités
n'obtiennent donc une influence vraiment
efficace , qu'en réglant les immunités réciproques
de deux Puillances , déjà liées par des
relations politiques , & entre lesquelles it
n'existe pas une trop grande inégalité de for
ces.
Ces confidérations ont probablement
amené la Convention de l'année derniere ,
entre les Cours de Vienne & de Pétersborg.
Nous en avons rapporté le texte
même. La plupart des articles qui la compot
fent , préfentent des ufages convertis en devoirs
réciproques : une diminution de droits
fur quelques marchand fes , les principes de
la Neutralité armée confacrés par les deux
Puiffances , des formes à respecter mutuellement
, même en temps de guerre ; telle et
la fubftance de cet Accord promulgué des
deux côtés d'une maniere inufitée ; c'eft à-.
dire , comme une Ordonnance fouveraine
qui preferit aux Sujets de fe conformer à ces
engagemens publics .
Les deux Souverains qui les ont contrac-,
tés , ont ainfi augmenté la sûreté des Négo
cians des deux Etats , en profcrivant l'arbi
& 2
( 4 )
traire , pire que l'oppreffion ; il eft à croise
même qu'il en naîtra une émulation utile.
Jufqu'ici diverfes Provinces de cette
Monarchie Autrichienne avoient été féparées
de la Communauté générale par des
privileges ou par des exclufions . La Hongrie
, la Lombardie , les Pays - Bas , une
portion de l'Autriche antérieure , formoient
des branches diftinctes du vafte héritage
de la maifon d'Autriche. Ces barrieres entre
les communications libres des divers Etars
qui le compolent , ont été récemment affoiblies
, fans être renverfées ; mais le plan
d'unité conçu par l'Empereur , s'eft pleinement
développé dans le refte de l'Adminif
tration. On a vu tomber les loix , les privi
leges , les Tribunaux , le Gouvernement
Provincial , par-tout où ils différoient du
régime de l'Autriche.
Pendant que l'Empereur pofoit en per
fonne la clef de ces réformes ; à l'inftant où
il parcouroit de nouveau fes Provinces &
fes Campemens , un Prince qui lui avoit
donné l'exemple de cette utile activité , &
qui durant fon règne d'un demi-fiecle , occupa
la fienne à contrarier les deffeins de
la maifon d'Autriche , ou à en former contrelle
, finiffoit une carrière étonnante , fur
laquelle l'Europe fixa fes regards jufqu'au
dernier inftant. Depuis une année , cet événement
étoit prévu . En dépériffant, Frédério
I tenoit encore le fceptre d'une main yi-

( s )
C
goureufe ; mais tout annonçoit que ce fcep
tre alloit lui échapper : la Médecine , hors
d'état de guérir les maux , s'efforçoit de
les pallier , l'Empire fe trouvoit alors dans
des conjonctures qui faifoient compter les
derniers jours . Roi de Pruffe avec inquiétu
de ; enfin , lorfque ce Monarque eut appofé
le fceau à cette Ligue d'une partie du Corps
Germanique , confédéré à fon inftigation &
fous fes aufpices , il quitta les reftes d'une vie
dont le jugement appartient à la postérité.
II y tiendra fa place à côté de Charlemagne
, de Cafimir le Grand , de Guillaume
III avec lequel il offre divers
traits perfonnels de reffemblance. Doué ,
comme les Princes que nous venons de
nommer, de ce dégré fi rare de capacité ,
qui permet à l'homme de varier l'emploi
de fon intelligence , de développer des ta
lens oppofés fans les affoiblir , de réunir
un efprit facile & étendu , la flexibilité des
vnes à leur élévation , & le courage de la
penfée à la vigueur du tempérament , aucun
genre d'application , aucun genre de fuccèsne
lui furent étrangers. On l'a vu Légiílateur
, Guerrier , Tacticien , Adminiftrateur,
Miniftre d'Etat , Académicien . Ce dernier
titre étoit fans doute inutile à fa renommée
dans les fiecles à venir : qui appercevra
les guirlandes du bel efprit fous des
monceaux de trophées . Mais il a fervi à
entraîner les voix qui parlent du vivant des
a 3
( 6 )
Souverains. Frederic II ne l'ignoroit pas ,
& ce que des efprits féveres ont jugé une
foibleffe , couvrit peut être une adroite politique.
Le Héros de l'Allemagne favoit
bien qu'en envahiffant les grandes routes de
la gloire , il faut en négliger les fentiers . On
lui a prêté à ce fujet un amour - propre fort
exagéré. Si , dans fa jeuneffe , il parut ambitionner
la réputation d'Auteur , depuis
long- tems , les lettres étoient pour lui ce
qu'elles devroient être pour tout le monde
; un aliment de la fécondité des efprits ,
une fource de réflexions & de jouiffances ,
une confolation inappréciable dans les amertumes
de la Royauté. Quoique les uvies
littéraires du Roi de Pruffe , fuffent le délaffement
d'un efprit fatigué de grands travaux
, & qu'elles fe reffentent quelquefois
de leur origine , perfonne n'avoit confervé
un goût plus fain dans les Beaux - Arts ,
comme dans les Lettres. Par un effet de ce
difcernement qu'avoit fortifié l'étude des
modeles , Frédéric II devint très - économe
de fon eftime . De -là fon attachement exclufif
aux beautés mâles & fimples des Anciens ,
aux fublimes productions du fiecle de Louis
XIV , & des Ecrivains que ce fiecle avoit
formés pour l'ornement du nôtre . Delà fon
averfion pour cet efprit ftérilement analytique
, qui congeloit les fruits de l'imagination
, qui remplaçoit la raifon ingénieuſe
par des raifonnemens obfcurs , la chaleur
(9)
par la déclamation , la philofophie par le
galimathias , & le ftyle par des phrafes :
delà encore , cette préférence enthouſiaſte ,
dans laquelle il a perfévéré , pour la noble
& fimple compofition musicale de Pergolèze
, d'Haffe , de Bach , d'Handel , de Duranti.
Le fiecle préfent eft trop frappé des actions
grandes ou blâmabies de ce règne immortel
; l'opinion publique eft trop affermie
peut être dans des préjugés d'enthou
fiafime ou de défaveur , pour que les Arrêts
fur Frederic II ne . foient pas prématurés .
C'est aux Hiftoriens futurs à balancer le
compte de la vie , lorfque l'éloignement &
la réflexion auront nûri cet examen. Il
reftera imparfait , s'il n'emb affe pas à la
fois & le tableau de la Pruffe avant l'adminiſtration
du dernier Roi , & celui qu'elle.
offrira dans un demi- fiecle .
Arrivéau trône avec des moyens que fes ancêtres
avoient préparés , Frédéric II les a tous
développésou étendus. Maître d'un Etat qu'il
falloit aggrandir pour en affermir la fûreté ;
moteur d'une puiffance qu'un feal choc pou
voit anéantir , & qui devoit refter précaire
tant qu'elle ne deviendroit pas redoutable ;
placé, enfin, au rang dangereux de Roi fecondaire
dans la hiérarchie politique, il ne vit que
l'alternative ou d'être expofé à defcendre encore
, ou d'élever fa domination pour la
conferver. Ce plan appartient à fa préa
4
( 8 )
voyance , nullement à cet amour défordonné
des conquêtes qu'on lui attribua injuftement.
Ses premieres entreprifes , fruit
de cette politique , allarmerent l'Europe fur
fes deffeins futurs . Vingt- trois ans il eut à
combattre des Ennemis , irrités de fes premieres
aggreffions ; elles avoient accéléré
les coups qu'il avoit paru craindre à fon
avénement. Menacé de toutes parts , affailli
jufqu'au centre de fes Etats , réduit aux reffources
de fon génie , toutes fes actions devinrent
l'ouvrage de la néceffité : les limites
de fes forces naturelles lui ôterent
le choix dans la maniere de les employer :
toute fon Adminiftration intérieure fe ref
fentit des difficultés de fa fituation ; l'entretien
de nombreuſes armées , l'accroiffement
forcé de fes Finances , les expédiens
ajoutés aux revenus , le befoin d'un tréfor
permanent , les intérêts du Fifc devenus
ceux de l'Etat & le gage de fon exiflenréfulterent
des crifes inévitables , dont
TEurope vit fortir la Pruffe fi glorieufe- ce ,
ment.
Depuis cette époque qui fera l'étonnement
de tous les âges , Fréderic II cimenta
les refforts de fa nouvelle puiffance & de
fa politique : il s'occupa tout entier de la
profpérité de fes Etats. A fes ordres , deux
Chanceliers dignes de fervir un tel Souverain
, réformerent la Jurifprudence & les
Jurifconfultes . Les Tribunaux furent foumis
9 )
à une meilleure difcipline ; les formalités
judiciaires fimplifiées ; les Loix étrangeres
mieux amalgamées au Code civil national
; l'arbitraire , les longueurs , la cruauté ,
les prévarications bannies de la Juſtice criminelle
, & de toute Juftice en général.
On vit les Citoyens de tout ordre , en
quelque forte aflociés à la Légiflation , par
l'examen public auquel elle a été & eft encore
foumife. Solemnellement , la Nation
fut invitée à joindre fes lumieres à celles du
Miniftre de la Loi , & l'Autorité fouveraine
ne crut pas devoir fe paffer de l'opinion de
fes fujets.
Plufieurs des fanctions de ce regne , telle
que le fameux Edit fur les divorces , & la
grande Ordonnance de réforme publiée , de- ,
puis 4 ans, par M. de Carmer , honoreroient la
mémoire des plus célebres Légiflateurs ;
celui de la Spréz imprima , de plus , l'exemple,
du refpect pour la Loi . Sa fermeté invariable
à en maintenir la plus févere exécution
prévint le relâchement des Juges , accou-,
tuma les Citoyens de tous les rangs à une
obeiffance , dont les titres & le crédit éludent
trop fouvent le joug, & garantit les
mours des Officiers- d'Etat, en leur montrant
une barriere inébranlable aux importunités
de la faveur.. Le même efprit gouverna tous
les départemens ; le même ail étoit ouvect
fur toutes les fonctions publiques . Pas un
Confeil , pas un Tribunal , pas un Bureau ,
aS
( 10 )
où l'image du Prince qui favoit tout , ne
commandât chaque jour l'amour du travail ,
la droiture , la fidélité. La mort enleva des
Miniftres à Frédéric II ; le caprice ni l'intrigue
n'en déplacerént aucun. Infpecteur fuprême
de l'Etat , fa vigilance embraffoit les
plans du Cabinet , les befoins de chaque
diftrict , les Cours de l'Europe , la police des .
Régimens , les intérêts des fije:s les plus.
ob curs : immenfité de détails qui tenoient
leur place fans confufion dans une tête forte ,
également propre à les recevoir & à les féconder.
Par cette laborieuſe activité , par la matu-.
rité des projets , toujours préparés avec réflexion
, & fuivis avec perfévérance, la grande
machine de l'Etat marchoit fans fecouffes,
obéiffante à un mouvement fixe & graduel.
La fermeté du Machinifte fortifia cette organi
fation . Ses Minifties , fes Ambaſſadeurs , fes
Généraux furent fouvent les exécuteurs paffifs
de fes volontés. Le plus célébré d'entr'eux a
retracé d'une main précife & fidele l'influence
de ce regne fur l'agriculture , fur l'induftrie ,
fur la population de la Pruffe. Nul Souve-t
rain ne fut plus économe de graces ; nul
Souverain n'a plus multiplié les largeffes
utiles. On lui a reproché d'avoir porté cette
économie jufques dans la récompenfe des
fervices ; & l'Hiftoire fincere ne pardonne-'
roit pas ces oublis au Prince , qui n'auroit
pas verfé annuellement en bienfaits à fon
peuple , un huitieme de fes revenus.
( i )
Jamais , d'ailleurs , il ne connut de folles
prodigalités. Il avoit hérité de fon pere le
goût de fimplicité perfonnelle , auquel les
revers de fa jeune fe l'habituerent , & convenable
aux moeurs d'un Guerrier. Il bannit
le fafte de fes armées & de fa Cour. Fré- :
déric II eft mort fans dettes , & en quarante
années , il eut trois guerres à foutenir , dont
l'une de fept ans , contre les trois pl´s formidables
Monarchies de l'Europe . Sa vie
domeftique préfenta la plus grande uniformité
; fa conduite privée fur pre que auffi
invariable que fes maximes d'Etat .
Peu de Souverains ont obtenu une pareille
influencefur leurfecle Satat que eft devence
l'objet d'une émulation générale ; il n'a ceffé
de l'approfondir , de la perfectionner , de l'adapter
au génie de fes foldats , aux circonftances
, aux efforts des autres Puiffances
pour l'imiter ; efforts quelquefois moins dangereux
pour le modele que pour les imitateurs
. Pe de révolutions en Europe , dans
lefquelles la politique deFrédéric II n'ait intervenu
; fon afcendant en impofoit lorsqu'il
ne le faifoit pas triompher. Il vit rechercher
fon alliance par des Etats qu'il ne recherchoit
pas aucune ligue qui ne fe crût toutepuiffante
en s'affociant à lui. Enfin , fi
fon confidére , depuis vingt - cinq ans ,
les révolutions de l'art militaire & celles ,
qui les ont fuivies dans le fort des Empires , la
marche des négociations, le mouvement de la
politique générale , cet équilibre , fondé &
a6
( 12 )
maintenu en Allemagne par la Maifon de
Brandebourg , cet ordre admirable affermi
dans l'adminiftration de la Pruffe , au milieu
d'agitations extérieures prefque perpétuelles ,
où trouver de Grands Hommes faits pour
laiffer un plus mémorable fouvenir ?
L'exemple de Frédéric II, fes principes, fes
principales regles de gouvernement lui ont
furvécu:fon Succeffeur auroit cru trahir les efpérances
d'un nouveau regne , efpérances que
fon caractere rend filégitimes , s'il n'avoit affocié
aux rênes de l'Etat & à fa confiance les
Confeils que le choix de Frédéric Hfia auprès
du trône tout promet qu'il en écartera
l'inftabilité des places & des maximes , vice
deftructeur des Empires en décadence.
Il en eft un où cette mobilité dans la puiffance
exécutive , dérive de la nature du gouvernement
, où elle fert de frein à l'autorité ,
où elle prévient les tempêtes trop violentes
de l'efprit de parti . On voit qu'il s'agit de
l'Angleterre. Cependant , après trois révolutions
prefque fimultanées dans le Cabinet ,
elle a fenti l'importance d'en prévenir une
quatrieme , à l'inftant de tremper de nouveau
les refforts de la puiffance nationale ..
Cette entreprife , commencée l'année derniere
avec courage , a été fuivie avec application.
On a vu dans les mefures du Miniftere
& du Parlement , le développement
d'un travail méthodique & approfondi .
Dans la Seffion précédente , l'accroiffement
( 13 )
du revenu public arrêta toute l'attention dur
Législateur : fes opérations , juftifiées par le
fuccès , ont permis de nouvelles tentatives ;
elles ont donné naiffance à un nouveau plan
d'amortiffement . Cette Nation qu'on croyoit
accablée par l'épuifement de fes finances ,
non feulement a pourvu à l'hypotheque &
au paiement exact de fa dette publique , elle
en a de plus tenté la liquidation ; elle l'a
tentée fur fes épargnes , fans murmurer de
l'immensité des befoins publics. Pour y
fuffire , elle a fouillé les fources de fa profpérité
, & les a revivifiées. Les pêcheries ,
la navigation marchande , tous les rameaux
de fon commerce , ont été réexaminés : par
fes loix , d'une part , par des traités , de l'autre
, elle a donné à l'induſtrie & aux entre
prifes de tous les genres , une activité univerfelle.
Uans aucwa-- མྦྷནྡྷ ; fon commer
ploya plus de vaiffeaux , les fabricans plus
d'atteliers , fes capitaliftes de plus grands.
moyens. Peut - être même cette émulation ,
dont la cupidité eft le premier mobile , at
-elle franchi les limites que la prudence &
l'intérêt public lui impofoient ; peut - être as
telle entierement fubordonné pour l'avenir,
la profpérité de l'Etat à l'étendue des dé
bouchés de fon commerce ; peut - être encore
a -t-elle mis par - là , la Nation , fes Mi-.
niftres , fon Parlement même , dans la dépendance
abfolue de fes Négocians . Il eft

( 14 }
I
aifé de prévoir les effets qui réfulteront de
cette rupture d'équilibre entre les intérêts &
l'influence des différentes claffes de citoyens ;
mais l'amour & le befoin de richeffes immenfes
font dédaigner ces confidérations . Il
importoit de foutenir le travail général , en
s'affurant des marchés ; delà ces conventions
commerciales que la Cour de Londres a recherchées
, avec tous les Etats dont elle a
efpéré des bénéfices
Son traité avec la Ruffie n'eft point encore
renouvellé . Celui qu'elle vient d'enra
mer avec le Portugal éprouvera moins de
difficultés , & l'on apperçoit facilement l'avantage
que lui donnent dans cette négociation
, les nouveaux engagemens contractés
avec la France. Le dernier traité de paix
entre cette Puiffance & la Grande Bretagne,
avoit annoncé l'intention de favorifer les
intérêts des deux Etats , par une liberec plus
on avoit travail é fans
relâche à cet accord falutaire , dont le public
commençoit à défefpérer , lorfque le
talent des Négociateurs
, M. Gérard de
Rayneval & M. Eden l'ont amené à fa conclufion.
Elle a excité une furprife fondée fur la
rivalité des deux Nations , & fur
l'ignorance
des anciens traités de même genre qui les
avoient unies. Le 3
Novembre 1655 Cromwel
figna avec la France le traité de Westminster,
qui permit
l'introduction des denrées & des
( 15 )
marchandiſes refpectives dans les deux Etats.
Cette convention fervit de bafe au traité
plus é endu que conclurent à Utrecht , en
1713 , les Plénipotentiaires des deux Cours."
Le Marquis d'Uxelles & M. Mefnager d'une
part , l'Evêque de Bristol & le Comte de
Strafford de l'autre , arrête:ent , au nom de
leurs Souverains , trente- neuf articles de .
commerce & de navigation . Ils fe trouvent
littéralement dans le traité de cette
année ; en particulier ceux qui concernent le
libre exercice de religion dans l'intérieur des
maifons , l'établiffement des cimetieres &
des Confuls , les formalités à obferver dans
la vifite ou dans les prifes des vaiffea 1x , la
dénomination des marchand: fes cenfées libres
en temps de guerre , & des marchandifes
cenfées de contrebande far les navires
neutres , l'exemption de la capitation en
France pour les Anglois , & du droit det
Head Money pour les François , dans les
ports d'Angleterre où l'on perçoit cette
taxe.
Mais ces ftipulations générales, abfolument
conformes dans les deux Traités , ne s'étendirent
point à la fixation très-précife des
droits que fupporteroient les marchandifes
des deux Etats à leur importation . Malgré
l'abattement où cette guerre de la fucceffion
d'Espagne avoit jeté la Puiffance de
Louis XIV , fes Miniftres eurent la fermeté
de s'en tenir fur ces droits au fameux ta(
16 )
rif de Colbert en 1664 ; on fpécifia même
des exceptions ; on renit à des conférences
ultérieures l'examen de cette partie imporrante
du Traité. Malheureuſement ces conférences
n'eurent jamais lieu . Le Miniftret
Tory de la Reine Anne , qui avoit négocié
la paix d'Utrecht , devint l'objet de la haine
publique ; on le facrifia au reffentiment de
la Nation , & les Whigs, Maîtres du Gouvernement,
éluderent les promeffes que renfermoient
les conventions de 1713 .
C'est donc cette fpécification des marchandifes
libres , & le tarif des droits qu'elles
auront à fupporter à leur entrée dans les
deux Royaumes , qui diftinguent le dernier
Traité. Les efprits fenfés que ne féduiſent
ni les préjugés populaires , ni les clameurs
d'un intérêt aveugle , ni les fyftêmes du
moment , ont applaudi aux principes , d'après
lefquels ces ftipulations ont été réglées.
Lorfqu'une grande Nation eft capable
d'induftrie , & que la nature lui a fourni
les moyens de l'exercer économiquement
, elle eft infenfee de fe rendre tributaire
des fabriques étrangeres , de leur facrifier
fes matieres premieres qu'elle rachete
élaborées avec ufure , de perdre ainfi le
travail d'une multitude de Citoyens , de
diminuer fon numéraire , de n'avoir que des
Commiffionnaires & point de Commerçans.
Mais de rigoureufes prohibitions pourroient-
elles avoir des effets falutaires entre
( 17 )
&
deux peuples également riches en objets d'échange?
entre deux peuples où les arts , les ta
lens, les fabrications de tout genre, ont acquis
un égal degré de perfectionnement ; qui
ayant l'une & l'autre une balance générale de
commerce très - favorable , devroient plutôt
craindre d'en accroître l'avantage que de le diminuer;
chez lefquels l'abondance du numéraire,
la multiplicité des taxes, le rapport iné.
gal des confommations aux dépentes des confommateurs
, ont également élevé le prix des
denrées & de la main d'oeuvre , & qui enfin ,
précisément , parce qu'ils font rivaux d'in
duftrie & d'émulation , ont moins à craindre
une concurrence refpective défavorable ? Qui
ne voit que la liberté tend à mieux déterminer
les applications de leur induſtrie , plutôt
qu'à les reftreindre ? qu'elle doit les porter
fpécialement vers le genre de manufactures
auquel des facilités locales les appellent , &
les faire renoncer à celles qu'elles s'approprient
par une violence à la nature des chofes,
comme aux principes de l'économie mercantile
?
Le voifinage a dicté ces rapports utiles
entre les deux Nations. Si le meilleur com
merce eft celui d'où réfulte le plus grand travail
par la plus rapide circulation & par
la plus prompte rentrée des capitaux , le
trafic de l'Inde & de l'Amérique approche- t- il
de celui qui pourroit s'établir entre la France
& l'Angleterre ?
( 18 )
Ces deux Puiffances d'ailleurs , ont appris
de l'expérience , l'inefficacité des loix fur la
contrebande , excitée par les impofitions . Le
fyftême entier de M. Pitt , depuis trois ans ,
eftfondé fur ce principe , que les droits confidérables
diminuent la conſommation de
toute la fomme dont les entrées font chargées
, & que ces droits font une véritable
prime accordée au trafic interlope . En les
réduifant à la valeur des frais auxquels eft
affujetti le Contrebandier , on décourage
fon induftrie , on en détourne les profits
en faveur du revenu public , on diminue
la néceffité des mefures violentes, arbitraires
& difpendieufes , qu'entraîne l'excès du régime
prohibitif.
,
Malgré l'évidence de ces vérités , le Traité
a des détracteurs dans les deux Royaumes ;
mais jufqu'à ce jour , les uns & les autres
ont donné leurs craintes pour des raiſons .
En Angleterre , file commerce a reçu avec
allégreffe cet ouvrage d'une faine politique
l'efprit de parti n'a rien éargné pour
le rendre odieux . Ces objections devant
être développées dans la prochaine Sellion
du Parlement , ce n'eft pas ici le lieu d'anticiper
fur ces débats . Quelle qu'en foit
l'iffue , les deux Nations devront une éternelle
reconnoiffance aux Négociateurs inftits
& courageux , qui , fans être intimidés
par des préventions enracinées , ont ba
lancé avec maturité les principes & les effets
I
( 19 )
de cette Convention , & brifé l'une des barrieres
qui s'oppofoient au rapprochement
de deux Peuples , conjurés jufqu'ici pour
fe nuire mutuellement.
JOURNAL
POLITIQUE
DE BRUXELLES.
ALLEMAGNE.
DE BERLIN , le 19 Décembre.
LEs de ce mois , le Roi s'étant rendu à
la parade de Potsdam , fit remettre l'Ordie
du Mérite militaire aux Officiers du
fecond & du troifieme bataillon des Gardes
, qui , le même jour , en 1757 , s'étoient
trouvés à la mémorable batail'e de Liffa . Les
Bas Officiers reçurent chacun deux Frédérics
d'or & les foldats un.
Le Miniftre d'Etat de Schulenbourg a
( 20 )
obtenu fa démiffion , que fa mauvaiſe fanta
l'a forcé de demander. Le Préfident de
Maufwitz & le Comte de Schulenbourg ,
neveu du précédent , ont été nommés Miniftres
d'Etat.
Le Roi a affigné à la grande maifon des pau
vres de Potfdam une certaine quantité de pain , de
blé , &c . qui leur fera fournie tous les ans , ainfi
que le bois qu'on employoit dans la ferre chaude
pour le fruit du Pifang .
Le Roi a fait auffi un don de 10,000 rixdalers
à l'école de garnison de cette ville . Ce fonds (era
employé à étendre cet établiffement.
On apprend d'Auguftenbourg , que le &
de ce mois , le Prince Emile-Augufte , fiere
du Duc regnant de Holftein - Auguftenbourg,
y eft mort dans la 65e . année de fon
âge.
Le Docteur Bufching dit dans un Journal hebdomadaire
, que la continuation de la gravure de
grandes cartes qui doivent former le grand Atlas
de l'Empire de Ruffie a été fufpendue , & que
l'Impératrice a ordonné de publier, en attendant,
un petit Atlas compofé de quarante - ſept cartes ou
fruilles ; la carte générale de cet Empire fera de
deux feuilles , l'une repréfentera la Ruffie Européenne
, & l'autre la Ruffie Afiatique chaque
Gouvernement fera traité fur une feuille particu
liere , à l'exception de celui d'Irkuzk , qui fera
compofé de deux feuilles . Cet Atlas , auquel on
travaille actuellement ſera fini en trois années.
On imprime dans ce moment une Géographie
de cet Empire en langue ruffe : la traduction allemande
de cet Ouvrage fera publiée en même
tems. --- On travaille toujours à l'établiſſement
( 21 )
des Poftes ; dès qu'il fera achevé , on publiera
une carte des routes.
DE VIENNE , le 19 Décembre.
C
Le Gouvernement a adreffé à toutes les
Univerfités des pays héréditairesune Ordonnance
dont le but est de prévenir l'abus des
réceptions indifcrettes aux grades de Maître
ès-Arts & de Docteur. Ni l'une ni l'autre
de ces qualités ne feront néceffaires à l'avenir
aux étudians en Médecine & des Facultés
fupérieures , pourvu qu'en paffant de
l'une à l'autre , ils fubiffent un examen de
Philofophie , & qu'ils foient d'ailleurs pourvus
de certificats de capacité . Quiconque enviera
le grade de Docteur fera foumis à trois
examens rigoureux fur les Mathématiques ,
Fa Phyfique & l'Hiftoire générale. Le grade
de Maître ès - Arts eft entierement aboli.
On raconte ici deux anecdotes dont il
eft permis au lecteur de croire tout ce qu'il
voudra.
Une troupe de brigands avoit fait fommer
le Magiftrat du Vieux- Agram de leur envoyer
du pain& du vin , à défaut de quoi ils menaçoient
de mettre le feu à la ville. Le Magiftrat
leur fit promettre qu'il auroit égard à cette
» demande , mais qu'i's devoient au moins lui
laiffer le tems néceffaire pour faire les provifions
. Il en profita pour faire acheter un quan -
tité d'opium fuffifante pour les affoupir , quif
» mêla avec le vin qu'ikieur envoya . Cette rufe
réuffit felon fon attente : les voleurs raffaffiés
( 22
s'endormirent d'un profond fommeil , & on les
enleva tous fans la moindre refiftance .
« Un jeune homme dont le pere remplit avec
diftinction les places qu'il occupe , croyant
que cette , eftime réjailliroit fur lui , s'adreffa
» avec confiance à l'Empereur , pour lui deman-
» der auffi un emploi . S.. M. l'ayant queftionné ,
s'apperçut bientôt que le fils n'avoit pas hérité
» des connoiffances du pere , & qu'il favoit à
→ peine figner fon nom. Cependant le Monarque
ne fit femblant de rien , & remit au fuppliant
» un billet pour le Directeur des écoles normales.
Le jeune homme crut que c'étoit un
ordre de l'employer à quelque pofte. Mais
quelle fut fa furprife , à l'ouverture du billet ,
d'entendre ces paroles : Je vous recommande
d'interroger le porteur en préfence de tous
vos éleves , afin d'apprendre à les femblables
de ne point venir m'importuner dorénavant)
pour obtenir des places dont ils ne font pas
dianes. JOSEPH ».
On s'occ plufieurs
e dans ce moment de
opérations de finances. Les intérêts du fonds
public feront , dit - on , réduits à 3 pour cent.
On affure auffi que l'on acquittera inceffamment
pour dix millions de dettes d'Etat,
& qu'il fera afligné chaque année 8 millions
jufqu'à leur extinction totale.
On a enregistré à la Cour fuprême de
Lemberg , un Décret de l'Empereur , qui
confirme aux familles de Czartoriski & de
Sangusko leur dignité de Prince.
DE FRANCFORT , le 25 Décembre.
Juſqu'à préſent , à ce qu'on rapporte , l'Em(
23 )
pereur avoit diffimulé fon mécontentement contre
l'Imprimeur qui a publié dans le tems une
brochure très- bardie fur le procès du Lieutenant-
Colonel Szekeli . L'occafion fe préfenta dernièrement
de s'en fouvenir : le fieur Wucherer
( c'eft le nom de l'imprimeur ) vint préfenter à
S. M. l'Almanach nouveau dont il étoit l'éditeur.
Eh pourquoi , lui dit le Monarque , ne m'êtes - vous
pas venu préfenter auli un exemplaire du procès de
Szekeli & tournant le dos , fans prendre l'Almanach
, il laiſſa l'Imprimeur confus & déconcerté
. 1
Nous avons rapporté les affurances qu'a-
-voit fait donner le Roi de Pruffe au Nonce
de S. S. à Cologne , de la protection qu'il
vouloit conferver aux Catholiques de fes
Etats . Quelques feuilles publiques ayant travefti
cette affurance en une permiffion ac
cordée à ce Nonce , d'exercer fa juriſdiction
dans les Etats de S. M. P. M. Dohm , Miniftre
du Roi à Cologne , a défavoué cette
affertion dans une lettre à M. le Comte de
Hertzberg. Il lui apprend que fur les crain
tes du Nonce que le Gouvernement Pruf-
Gien ne voulût imiter les reftrictions que
d'autres Etats de l'Empire mettoient à fon
autorité , il lui répondit : » Que la Cour de
» Berlin étoit peu dans l'ufage de fe confor-
» mer aux maximes des autres Etats , & de
» fuivre leur exemple ; & que leur conduite
» n'étoit pas pour la Pruffe une raifon fut-
» fifante d'abandonner un fyftême une fois
> reçu & reconnu pour bon. » Cela prouve
donc fimplement , que la Cour de Berlin s'en
( 24 )
fendra fur cet article à ce qu'elle a permis
jufqu'à préfent.
ITALI E.
DE NAPLES , le 28 Novembre.
L'Escamoteur & faifeur de tours phyfiques
Pinetti , fait ici l'effai de fes talens connus
d'une grande partie de l'Europe. Le 23 , à
l'iffue de fon Spectacle , un jeune Cavalier.
voulut examiner fur le Théâtre même les
machines de Pinetti , qui s'oppofa à cette indifcrete
curiofité ; les deux partis en vinrent
aux mains , & par provifion , Pinetti fut conduit
enprifon ; mais fur le rapport fait au Roi,
S. M. a fait élargir l'Astifte , & confiner fon
aggreffeur dans la fortereffe de Capoue. En
recouvrant fa liberté , Pinetti a reçu du Roi
1600 ducats , & un beau diplome.
On apprend des Indes Efpagnoles que les
Commandans du Chili, de la Louifiane , &c.
ont réuffi dans leurs foins à écarter la petite
vérole , en prévenant les communications.
Plufieurs faits finguliers atteftent le fuccès
de cette méthodes nous en rapporteroms
quelques - uns.
En Janvier 1784 , il arriva dans cette Province
un Matelot âgé de 35 ans , malade de la
petite vérole ; on le fit paffer de l'autre côté.de
la riviere , & on ne lui permit de revenir qu'au
bout de quarante jours en Avril 1785 , il entra
dans la Bafife un brigantin chargé de Negres
malades ; on les envoya à la campagne à cint
lieues
( 25 )
-lieues de la ville , où la contagion refta fixée &
fe diffipa ; en Juin on eut occafion de faire la
même chofe & avec le même fuccès : en Juilles
on tira de l'Hôpital , & on envoya de l'autre
côté de la riviere un foldat fur qui cette maladie
s'étoit déclarée : en Août on eut foin d'écarter
ainfi des Negres nouvellement arrivés &
malades ; & enfin en Novembre de la même année
, un bâtiment ayant amené plufieurs familles
acadiennes confiftant en 307 perfonnes , dont
quelques-unes avoient la petite vérole , & dont
14 étoient mortes en route , on s'empreffa de
les ifoler , en féparant celles qui étoient faines
de celles qui ne l'étoient pas , & en foumettant
les premieres à une quarantaine rigoureuſe .
Dans tous ces cas la contagion fut concentrée
dans le lieu où l'on retenoit les malades , la
Province en a été exempte , & on eft perfuadé
qu'avec de femblables précautions , on parvien
droit à extirper totalement cette maladie , ou
du moins à en préferver les contrées qu'elle ne
ravage & ne dépeuple que parce qu'on les né
glige.
GRANDE- BRETAGNE
DE LONDRES , le 26 Décembre.
Le bruit répandu de plufieurs changemens
prochains dans le Miniftere paroiffent deftitués
de fondement. Il eft cependant probable
que Lord Hawkesbury entrera dans le
Confeil , & que Lord Stormont aura un département
oftenfible. Quant au Lord Chancelier
, fa fante et parfaitement rétablie , & il
N°. 1 , 6 Janvier 1787.
b
( 26 )
n'y a aucune apparence qu'il quitte le Miniftere
.
Le feul changement furvenu dans les places
eft occafionné par la retraite décidée du
Comte de Mansfield. Ce vénérable Magiftrat,
réfignant la Préfidence du Banc du Roi , il
fera remplacé par le Chevalier Lloyd Kenyon,
Maître des Rôles, & ami particulier du Chancelier.
M. Eyre , Baron de l'Echiquier , deviendra
Maître des Rôles, & M. Pepper Arden
entrera à la Cour de l'Echiquier.
Le 18 , l'Ambaffadeur de Ruffie a eu une
conférence de plus de deux heures avec le
Marquis de Carmarthen , Secrétaire d'Etat
des Affaires étrangères , concernant des dépêches
qu'il venoit de recevoir de Pétersbourg.
L'Ambaffadeur de Sa Majefté Danoiſe a ,
dit- on , annoncé formellement le prochain
voyage du Prince Royal de Danemarck en
Angleterre.
Le 20 , le Général Fawcett & Mylord Galway
ont été revêtus en cérémonie de l'Ordre
du Bain.
L'on apprend de Douvres que le vent du
fud-oueft a été de la plus grande violence
dans la nuit du Dimanche 10 du courant ;
que les Dunes étoient remplies de bâtimens,
dont quelques - uns avoient perdu leur ancra
ge , & par conféquent cherché à gagner le
port le plus prochain . Le port de Douvres
eft rempli de petits bâtimens.
Les Magiftrats de la Corporation de Londres
( 27 )
ayant formé un Comité pour s'enquérir de
la caufe de la cherté de la viande de boucherie
& autres comeftibles , ont trouvé que cette cherté
étoit due au monopole qui fe faifoit de toutes
ces provifions ; ils propofent , pour y remédier
d'établir un Comité chargé de veiller à la vente
des beftiaux qui font menés au marché , d'appoin
ter un certain nombre d'acheteurs , qui ne fe
ront ni Bouchers ni engraiffeurs de beftiaux ,
d'enregiſtrer les ventes , & de fixer le tems
de ces ventes à un tems limité . On efpere que
le Gouvernement coopérera à ces difpofitions
qui mettroient le prix des commeſtibles plus à
la portée des pauvres.
La femaine derniere , le Carisfort , frégate
de 28 canons , a été mife en commiffion pour
la ftation de la Méditerranée , & le commandement
en a été donné au Capitaine Mathew
Smith.
On apprend de Portſmouth , en date du
14 , que la frégate Hollandoife qui avoit été
jettée à la côte fur l'Ifle de Wight , ne pour
roit être remife à flot ; mais que tout l'équi
page & les paffagers s'étoient fauvés , à la réferve
de fix matelots. Lord Hood qui commande
à Portſmouth , dépêcha fur le champ
un cutter au fecours de la frégate.

La violence du vent , dans la journée du
13 , a caufé les plus grands malheurs parmi
les vaiffeaux dans la Tamife , au- deffous du
pont de Londres. Des rangées entieres de
bâtimens ont perdu leur ancrage ; plus de
200 bâtimens fe font entrechoqués , & ont
éprouvé des avaries confidérables. Un grand
bz
( 28 )
nombre de batteaux ont coulé bas : on n'a
pas d'exemple de mémoire d'homme d'un fi
grand défaftre en fi peu de temps.
La Compagnie a reçu par la voie de terre
des dépêches de l'Inde , en date du 4 Août
dernier. Comme elles font en chifre , on en
ignore encore le contenu , & l'Exprès a apporté
fort peu de lettres particulie. es.
Après beaucoup de variations des papiers publics
fur la deftination des malfaiteurs , qu'on va
tranſporter dans la mer du Sud , il eſt très- décidé
que c'est pour la Baye Botanique , & non pour
l'ifle de New Norfolk , que le Capitaine Philips
doit mettre inceffamment à la voile fur le Syrius,
vaiſſeau armé de 700 tonneaux. Le nombre des
malfaiteurs qu'il conduit dans cette colonie , dans
les tranfports qu'il efcorte , fera d'environ fept
cens, y compris les femmes . Le Capitaine Philips
emmene avec lui des animaux de toute efpece ,
& emporte toutes les fortes de graines , qui font
connuesen Europe , pour enfemencer les terres &
les jardins. Il emporte auffi des uftenfiles de labourage
& des outils pour toute forte de métiers ;
plusieurs caiffes de quincaillerie , de colliers de
verré , de petits miroirs , de cloux , &c . &c doivent
fervir à entamer des liaifons avec les fauvages.
Il n'eft pas probable , d'après le rapport que
l'on a fait de l'indigence des habitans de la Nouvelle
Hollande , que l'on puiffe faire des échanges
avantageux avec eux ; mais ce fera beaucoup pour
cette colonie que de pouvoir former des liaifons
avec les habitans , & d'établir des rapports qui
puiffent préparer des avantages à la colonie . Sil
étoit poffibl de procurer aux nouveaux colons
quelques femmes fauvages , cela pourroit refferrer
les noeuds entre les anciens habitans & les nou
( 29 )
veaux. On croit que cela ne fera pas très - difficile ,
ces malheureux infulaires manquant de tout . Plu
sieurs chirurgiens , avec une provision considé
rable de médicamens , s'embarquent à , bord des
tranfpotts , dont le rendez-vous eft à Portmouth.
Ce qui a donné lieu aux bruits que cette expédition
étoit pour l'ile de Nerw Norfolk , eft qu'en
effet il a été repréfenté au confeil , que l'étendue
immenfe de la Nouvelle Hollande , & la férocité
de les habitans , étoient deux obiłacles qui empêcheroient
que jamais cette colonie pût devenir
utile à la Grande- Bretagne ; mais malgré tout ce
qui s'y eft débité, nous fommes positivement affurés
que l'on n'a jamais renoncé à ce projet , &
que l'on s'occupe au contraire très -férieufement
des moyens de donner au nouvel établiſſement
tout le développement dont il eft fufceptible. La
ferti ité de la Nouvelle Ho'lande promet aux
malheureux qui doivent y être transportés une
vie plus agréable & plus douce que celle qui les
y a conduits , la plupart ayant été forcés , par l'abandon
abfolu dans lequel il fe trouvoient , de com
mettre , pour vivre , les crimes qui les ont fait
condamner à être transportés.
Un Sollat ayant été convaincu Samedi dernier
d'avoir volé un chapeau , dans l'intention expreffe
de fe faire tranfporter à Botany- Bay , le juge prononça
contre lui la fentence fuivante :
» Prifonnier ! votre desir fera'accompli, & vous
ferez tranfporté ; mais il eft bon que vous , & tous
les autres malheureux qui , comme vous , aiment
mieux être bannis honteufement de leur patrie,
que de remplir leurs devoirs en bons foldats , fachiez
que la cour a le pouvoir de changer le lieu
de votre deſtination. La cour ordonne donc que
vous foyez tranfporté en Afrique pendant fepa
ans ».
b 3
( 30 )
M. Robinfon , Juge du Banc du Roi en
Irlande , dont la roideur & la fermeté égalent
la fagacité & les lumieres , fiégeant derniérement
aux Affifes dans le Comté de Kildair ,
voyant qu'un Militaire s'étoit mis dans une
place deftinée pour les Jurés , appella l'Officier
du Shérit , & lui dit de faire fortir ce foldat
de la place où il étoit. = Mylord , dit le
Militaire , je ne fuis point foldat. = Qu'êtesvous
donc , dit le Juge ? Je fuis un Officier
, Mylord. = Un Officier ! Eh bien,
Huiffier , faites fortir cet Officier , qui dit
qu'il n'eft point foldat !
1
FRANCE. -
DE VERSAILLES , lele 3
Décembre.
Le Roi a pris , Vendredi dernier , dans
fon Confeil, la réfolution de communiquer à
une Affemblée de Notables de fon Royaume,
les vues importantes dont Sa Majesté s'occupe
pour le foulagement de fes Peuples , la
réformation de plufieurs abus , & l'ordre
de fes Finances. En conféquence , les Secrétaires
d'Etat ont expédié des ordres de
convocation pour cette Affemblée , dont
Sa Majesté a fixé l'ouverture au 29 Janvier
1787. Elle fe tiendra à Verfailles .
Le Vicomte de Valon Saint Hypolite &
le Marquis du Lyon , qui avoient précédemment
eu l'honneur d'être préfentés au
Roi & à la Famille Royale , ont eu, le s
( 31 )
de ce mois , celui de monter dans les voitures
de Sa Majefté & de la fuivre à la chaffe.
Le 20 , le Roi, accompagné de Monfieur,
& de Monfeigneur Comte d'Artois , s'eft
rendu a l'Eglife de la Paroiffe Saint Louis ,
où il a affifté au Service fondé pour le repos
de l'ame de feu Monfeigneur le Dauphin
& auquel le fieur Jacob , Curé de cette Paroiffe
, a officié. Madame Elifabeth de France
y a affifté.
Le 24 , le Marquis de Tourzel a prêté ferment
entre les mains du Roi , en qualité de
Grand - Prévôt de France en furvivance du
Marquis de Sourches fon grand - pere.
Ce jour , le fieur de Sombreuil , Maréchal decamp
; que le Roi avoit précédemment nommé
nommé Gouverneur des Invalides , a eu l'honeur
de faire les remercimens à Sa Majesté .
Les gerfaux d'Iflande , préfent que le Roi de
Danemarck eft dans l'ufage d'envoyer annuellement
à Sa Majefté , furent préfentés le même
jour , & reçus par le Comte de Vaudreuil , Grand-
Fauconnier de France , & par le Chevalier de
Forget , Capitaine du Vol du Cabinet du Roi.
Le même jour , veille de Noël , Leurs Majeftés
, accompagnées de Monfieur , de Madame ,
de Monfeigneur Comte d'Artois , de Madame
Comteffe d'Artois & de Madame Elifabeth de
France , affifterent dans la Chapelle du Château
aux Vêpres chantées par la Mufique du Roi , &
auxquelles l'Evêque de Toulon officia. Vers les
dix heures da foir , la Cour fe rendit a la Cha-*
pelle , où , après avoir entendu les matines ,
elle affia aux trois M :ffes , pen lant lefquelles
la Mufique du Roi exécuta divers Noels & Motets
b
4
( 32)
de la compofition du fieur Mathieu , Maître de
Mufique en feneftre. Le lendemain , jour de
Noël , Leurs Majeftés & la Famille Royale enrendirent
dans la même Chapelle , la grande
Meffe chantée par la Mufique du Roi , & à laquelle
la Marquife de Fournaife a fait la quê e-
L'après- midi , Leurs Majestés & la Famille
Royale , après avoir entendu le Sermon prononcé
par l'Abbé Seconds affiderent aux Vêpres &
an Salut chantés par la Mufique du Roi.
Ce jour , la Comteffe de Faucigny a eu
Phonneur d'être préfentée à Leurs Majeftés
& à la Famille Royale par la Princeffe de
Lamballe.
לכ
DE PARIS , le 3 Janvier 1787.
» La réfolution que le Roi a prife de communiquer
à une Affemblée de Notables de
fon Royaume les grandes vues dont Sa
Majefté s'occupe pour le bien de fon Etat
» & le foulagement de fes Sujets , ne peut
qu'être nnive fellement applaudie. La Na-
» tion verra avec tranfport que fon Souve-
» rain s'approche d'elle , & s'unit de plus
» en plus à fes Peuples. Rien n'eft plus ca-
»
ככ
pable de porter jufqu'à l'enthoufiafme
» les fentimens dont elle eft déjà pénétrée ;
> rien ne peut donner plus d'effor au pa-
» triotifine. Les Affemblées des Norables
» ont produit , du tems de Charlemagne , les
» Loix fondamentales du Royaume ; elles
» ont été ſuivies , dans des tems poftérieurs ,
» d'Affemblées d'Etats Généraux , & les ont
» enfuite remplacés.
כ כ
כ כ
( 33 )
» La dernière Affemblée des Notables s'eft
tenue en 1626. On ne fait pas encore quels
» feront les objets qui feront traités dans
» celle qui doit s'ouvrir le 29 Janvier pro-
» chain ; mais on ne peut pas douter qu'elle
» ne s'occupe des objets les plus importans &
les plus utiles pour le foulagement des
» Peuples , Sa Majefté l'ayant elle-même
» annoncé. Tout autorife à s'en promettre
» les meilleurs réſultats ; jamais nouvelle
» n'excita un plus grand intérêt & avec plus
» de raiſon.
» On dit que la Lifte eft d'environ 140
» perfonnes choifies parmi les plus qualifiées
» & les plus éclairées du Clergé , de la No-
» bleſſe , de la Magiftrature & des principa-
» les Villes ; les Premiers Préfidens & Pro-
» cureurs - Généraux des Cours Souveraines
» y feront convoqués »,
» Le Gouvernement , attentif aux moyens
» d'encourager l'activité du Commerce Ma-
» ritime , vient d'agréer le plan qui lui avoit
» été préſenté pour établir une correfpon-
» dance fréquente & sûre entre nos Ports
» & nos Colonies . Selon ce plan , il y aura
» 24 Paquebots qui feront fans ceffe occu-
» pés à faire la traverfée , & qui partiront à
» des époques déterminées. Ces paquebots
» feront fournis par les chantiers du Roi ,
» & montés d'un nombre convenable de
» matelots . Ils feront commandés par un
» Officier de la Marine Royale , accongaby
734 )
>>
gné de deux autres. Sur chaque Paquebot
» il y aura en outre un fubrecargue , dont
» les fonctions feront de veiller à la remife
» ou à la vente des mifes dans les ports ; le
>> prix des paffages & celui du fret fur ces
>> bâtimens feront réglés de maniere que la
>> cherté du fret ne permette pas de les en-
» combrer. La Ferme générale des Poftes au-
>> ra la direction & le privilege de ces Paque-
» bots , & elle donnera dix mille livres par
>> anpour chacun de ces bâtimens : au moyen
» de ce privilege , elle s'engage a faire paffer
» pour la fomme modique de 20 fols cha-
>>
que lettre dans les Colonies , & pour 6 liv.
» par an , tous les Journaux & Feuilles pé-
» riodiques du Royaume. Voilà du moins
» ce qu'on débite de ce projet utile , dont
> on lira les autres détails dans l'Arrêt du
» Confeil qui va paroître à ce fujer .
» La cherté des fourrages, dit on encore,qu
» a eu lieu depuis deux ans , ayant caufé des
» pertes confidérables aux Fermiers des Mef-
» fageries , S. M. vient de leur accorder une
» indemnité , outre une remife dans le prix
» de leur bail , pour les années fubfequentes .
La Lettre de M. François de Neufchâteau
, qui a appris à nos Lecteurs le défaftre
du navire que montoit ce Poëte malheureux
, a donné lieu à celle qu'on va lire ,
écrite par le Cap. Charlet , Commandant le
navire le Pacificateur , le 4 de ce mois , au
Rédacteur du Journal de Guyenne.
( 35 )
J'ai lu , Monfieur dans votre Journal du premier
de ce mois , une lettre écrite par M. de
Neufchâteau , paffager fur le navire le Maréchal
de Mouchy , lequel a eu le malheur de périr
fur Mogane . Cette lettre , Monfieur , fembleroit
me faire un mérite au préjudice de M.
Gramont , du bonheur que j'ai eu en conduifant
à bon port le navire le Pacificateur , que
je commandos. Je dois , Monfieur , à M. de
Granont une juftification bien méritée par ſes
tálens ; elle m'eft bien aifée , & vous en ferez
convaincu à la lecture de l'extrait de mon
Journal que je vous envoie , figné de moi &
de mes Officiers. Je vous prie de l'inférer dans
votre feuille.
Nous fommes partis du Cap le 3 Septembre ,
M. Gramont comman lant le Maréchal de Mouchy,
& moi le Pacificateur , ( l'Aurore de Nantes
, n'étoit pas avec nous . ) Le navire le Maréchal
de Mouchy , marcho't mieux que le mien ;
c'efl- là fon malheur . J'aurois fubi fon même
fort , forcé par les vents & par les courans qui
m'ont trompés moi - même , fi mon navire eût
été d'égale marche. Nous faifions tous les deux
les mêmes manoeuvres pour ne pas , par prudence
débouquer de nuit ; cependant je me fuis
trouvé débouqué le matin du 5 Septembre , &
j'attefte que c'eft malgré moi & fans que je
m'en fuffe douté fans qu'il y eût conféquemment
plus d'habileté ou de prudence de ma
part ; le fort m'a fervi , & il a nuit à M. Gramont.
Je vons préviens encore que je ne fuis
ni fon parent ni fon allié , & c . &c.
L'équinoxe a été fatale à une infinité de
navires. Il eft peu de ports qui n'a't effuyé
quelque perte. On compte entr'autres parmi
les bâtimens perdus ou avariés.
b 6
( 36 )
La Brunette , de Nantes , perdu fur les GIé-
Mants , en retour du Port au - Prince ; l'équipage
Lauvé.
La Reine de Golconde , pari de la Rochelle
pour Angole le 12 Novembre , rentré à Painboeufle
4 Décembre au foir , battu par la tempête
, quinze hommes de fon équipage emportés
à la mer , démâté , le corps du navire fort
maltraité .
Le Comte de Montmorin , Capitaine Maillard
, parti de Nantes le 10 Novembre pour :
le Port-au-Prince , rentré en rivière le 6 courant
par mauvais tems , fon mat de miſaine défemparé.
La Ville du Havre , Capitaine Marville , échoué
fur les vales du Hommet , ayant touché fur
un des cônes de Cherbourg , en retour du Cap
pour le Havre.
La Laurette , parti du Havre pour la Côte
le 22 Septembre , relâché le 30 fuivant par voie ,
d'eau , ayant pu à peine approcher la jettée ,
où la cargaifon a été déchargée , & le navire
dépecé.
L'Aimable Marthe , en retour du Sénégal pour
le Havre , appartenant à la Compagnie du Sénégal
, perdu dans le fond de Briſtol , le 14 Novem
bre ; l'équipage fauvé.
Un Terreneuvier perdu fur les vales en entrant
à la Rochelle.
Le Preffigny , de S. Malo , du port de 300 tonmeaux
, à MM. Deshays , Dolley & Louvel , naufragé
le 30 Novembre aux environs de Lahorène
.
Le Théodore , de Nantes , Capitaine Dupuis fils ,
ayant chaffé fur les ancres , dans la rade du Morbian
, perdu fur une roche ; la cargaifon & l'équi
page fauvés.
( 37 )
Le Fly Capitaine
Beltcher
, venant
de Philadelphie
, chargé
de tabac
, deftiné
pour Bordeaux
,
perdu
le 26 Novembre
fur Cordouan
; l'équipage
1auvé
.
L'Aimable Thérèfe , de Bordeaux , à M. L. Bourbon,
Capitaine Pagaud , péri au Cap de Bonne-ELpérance
, corps & biens.
La Natalie , de Bordeaux , Capitaine Gramont
jeune , en retour des Cayes , de relâche à la
Corogne , démâ: é de fon mât de mifaine , &
faifant vingt-trois pouces d'eau par heure , &c.
Un accident de même genre a donné lieu
à la Lettre fuivante que nous adreſſe M. le
Comte de la Fontaine Solare.
Le 21 du mois dernier , le navire Anglois la
Nymphe , de 140 tonneaux , Capitaine Malfervy ,
retournant de Lisbonne à Londres , fut égaré de
fa route par une brume très obfcure , & toucha
fur un banc vis - à -vis du village de Cucy fous
Montreuil-fur-mer . L'équipage fit tous les efforts
pour le remettre à flot , mais ils devinrent inutiles ,
la fecouffe ayant fait entrouvrir la cale qui fe
remplit d'eau à l'inftant. Il ne refta d'autre reffource
que la chaloupe. Le Capitaine y fit entrer
fon monde , une caiffe, contenant 7500 piaftres
& les effets des matelots . La mer étoit groffe ;
ces malheureux couroient rifque d'enfondrer à
chaque inftant , ou tout au moins de chavirer
en traverſant la barre à quelque distance de la
côte ils rencontrerent un pêcheur qui les prit à
fon bord. L'équipage de la Nymphe étoit compofé
de douze Anglois & de hvit François ; ce
poids joint à celui de l'argent , furchargea tellement
le pêcheur , qu'il ne regagna la terre qu'après
avoir couru le plus grand danger. Enfin ils
toucherent à onze heures du matin fans acci
dent.
( 38 )
Le patron du bâteau Pêcheur fe nomme Claude
Romain , il eft du village de Mel meret ; c'eſt à
lui a qui l'équipage Anglois doit la vie , & non
à Mrs. les Officiers de l'amirauté d'Abbeville ,
ainfi qu'on l'avoit inféré mal -à - propos dans la
gazette de France du r2 Décembre dernier.
L'amour de la vérité m'engage à vous écrire
cette lettre que je vous prie d'inférer dans votre
journal.
J'ai l'honneur d'être
le Comte DE LA FONTAINESOLARE.
» On mande de Bayonne , que ce port
» ayant été déclaré libre & franc en 1784 ,
» l'abon lance y circa'e depuis de toutes
" parts , & que la Nive & l'Adour font con
verres de bâtimens . En effet , c'eſt dans le
» baffin de ce port que le Commerce fait
» conftruite fes vaiffeaux, & que le Roi fa't
> travailler les membrutes des frens . Les eaux
» du baffin y font très - profondes . Il n'y a
» aujourd'hui que le paffage de la Barre qui
> offre des difficultés à la navigation ; mais
» dans les hautes marées il y a 17 pieds
» d'eau , & pendantles autres jours 15 pieds;
» ainfi fa navigation n'eft interdite que 4
jours fur trente.
לכ
» La Notice fuivante fur la Maifon Philantropique
d'Orléans contient des détails
» authentiques & propres à rectifier les erreurs
qui fe font gliffées dans le compte
כ כ
£
( 39 )
לכ
» qu'en ont rendu différens Papiers publics.
La Maiton Philantropique établie à Or-
» léans , au mois de Mai dernier , fous la
protection & par les bienfaits de leurs
» AA. SS . Monfeigneur le Duc & Madame
» la Ducheffe d'Orléans , a tenu une affem-
» blée générale & publique , le 24 Novembre
, en présence de M. le Marquis da
» Creft , Chancelier de S. A. S.
» D.1 compte rendu dans cette Aflemblée
» par M. Henri de Longueve , Avocat du
» Roi au Châtelet d'Orléans Secrétaire
général de la Maifon , il réfulte que cette
» Société naiffante eft déjà parvenue à affurer
le foulagement complet :
» 1 ° . De tous les nonagénaires .
» 2 °. De tous les octogénaires .
» 3 °. De tous les orphelins.
»4. De toutes les veuves chargées de
» trois enfans & plus .
" 5 °. De 80 infirmes.
» 6° . De 160 femmes en couche.
כ כ »Qu'indépendamment de ces fecours ,
» elle vient d'établir des filatures deftinées à
» occuper les pauvres capables de travail ,
» & privés d'ouvrage , & particulierement
>> les femmes & les enfans.
Les Paroffes qui compofent la Subdélégation
de Nérac ayant été dévastées en
grande partie par la grêle , au mois de Juin
dernier , nombre de pauvres Propriétaires ,
à qui cet accident avoit enlevé leur récolte ,
( 40 )
manquoient de grains pour enfemencer de
nouveau leurs terres. Les Négocrans de Nérac
, touchés de la détreffe de ces malheureux
agriculteurs , fe font empreffés de l'alléger
, en leur prêtant les grains de femence ,
fous la feule condition du rembourfernent
de leurs avances , fans intérêt , à la récolte
prochaine . Le fecours a été rem's au Subdélégué,
qui en a fait faire la diftribution . Ce
trait de patriotifme méritoit d'être connu . Il
affure à ces généreux Commerçans des droits
à l'eftime publique , ainſi qu'à la reconnoiffance
de leurs concitoyens , dont ils ont eut
le bonheur d'adoucir le fort. Journal de
Guyenne, no. 351.
Les Numéros fortis au Tirage de la
Lorerie Royale de France , le 2
de ce
mois , font : 84 , 6 , 75 , 42 , & 39.
PAYS -B A S.
DE BRUXELLES , le 30 Décembre,
Suivant les lettres de Louvain du 17 , le
Subftitut du Procureur- Général du Brabant
continue de recevoir les plaintes des Séminariftes
. Elles fe réduifent jufqu'ici à la demande
du rétabliſſement de l'ancienne difcipline
, & de ce qu'ils appellent l'ancienne
Religion. Les Séminariftes ne fortent point;
l'un d'eux a été arrêté & envoyé dans les
prifons du Promoteur.
·( 41 )
Le bruit s'étoit répandu d'un attentat
commis par deux Italiens fur un bâtiment
François au Cap de Bonne Efpérance. Des
lettres de cet établiffement confirment cette
nouvelle qu'elles rapportent en ces termes :
Le navire La Rofette , parti de Bordeaux dans
le courant du mois d'Avril , fe trouvoit le 12 Août ,
peu après minut , à la vue de Table - Bay. Ce
bâtiment étant deſtiné à faire le commerce d'Inde
en Inde , le Capitaine fe trouvoit nanti d'un grand
nombre de piaftres . Faute de pouvoir choifir fes
matelots , il avoit été obligé d'engager aux Chartrons
deux matelors Italiens nommés Telafco . Ces
deux freres remuans & féditieux , mécontens de
leur Capitaine , qui avoit , dans le courant de la
traverfée , fit mettre l'ainé aux fers , ont conçu
le projet de s'en venger. Le Capitaine & fon
Lieutenant fe repofoient dans la nuit du 12 Août ,
fatigués des peines de la veille . Les deux Italiens
gagnent le Cuifinier & le Charpentier , qu'ils
arment chacun d'une hache ; ils marchent au
Maître d'équipage qui faifoit alors le quart , ils
lui coupent la tête , fans que la victime pouffe
un feul cri ; puis ils vont dans la chambre des
deux endormis ; le premier qu'ils frappent eft
mort dans le fommeil ; le fecond dangereufement
bleffé met en fuite fes affatfins & court après ;
mais arrivé fur le tillac , il eft percé d'un ftilet
& jetté fur le champ à la mer ; il ne reftoit qu'un
Sr. Bois , pilotin ; ils alloient le maffacrer ; it
leur demande la vie à genoux ; on la lui accorde
à condition qu'il tuera un mouffe qui avoit coura
fe cacher au fond de cale . Le petit malheureux
eft appellé par les traitres d'une voix douce & af.
fectueufe ; on lui promet un verre d'eau -de vie :
il monte & Bois lui plonge un poignard dans le
( 42 )
coeur. » Quelques heures après le Cuifinier s'ap
perçut que Bois s'étoit emparé de la caiffe du
défunt Capitaine : les meurtriers en prennent ombrage
; ils courent à lui , le piftolet fur la gorge ;
mais il demande à être jetté à la mer ; comme il
favoit nager & qu'on étoit à la vue de terre , il
parut chercher à gagner le rivage : les Telapco
fe jettent dans la chaloupe , l'atteignent & lui
donnent plufieurs coups de bâton fur la tête . Le
nageur plonge ; les affaffins reviennent au vailfeau.
Bois néanmoins reparoît encore fur les vagues
, faifant des efforts ; mais enfin il perd fes
forces & fe laiffe engloutir. Les matelots prennent
le coffre rempli de piaftres , & les marchandifes
les plus précieufes ; ils font percer le navire
auprès de la quille , puis ils l'abandonnent
en s'enfuyant dans la chaloupe ; mais ce Vaiffeau
qu'ils croyoient ſubmergé arrive au port. Mr Bergerin
de Mouchy , Commiffaire Ordonnateur de
France
, en fait la vifite ; il apperçoit des traces
de fang; tout lui indique la préfence du crime .
On fait des recherches , on bat la campagne des
environs , on trouve les coupables cheminant fur
les terres ; on les ramene ; ils font actuellement
en priſon au cap de Bonne Espérance , »
>
D'après les circonftances , le Haut- Confeil
d'Etat des Provinces-Unies ne donnera
pas cette année l'état ordinaire de guerre ;
les quotes- parts des Provinces étant trop
difficiles à régler en ce moment.
Le Baron de Reifchach , Envoié extraor
dinaire de S. M. l'Empereur auprès des
Etats- Généraux , ne quittera la Haye , qu'au
mois de Mai pro hain c'eft uniquement
pour rétablir fa fanté & vivre tranquille(
43 )
3
ment , que fon Exc. a obtenu fon rappel. Sa
Commanderie de l'Ordre Teutonique lui
rapporte too mille florins par an.
L'enquête judicielle fur la non- expédition
de B: eft , ne fe pourfuit que fo blement';
mais on affure que les Etats-Généraux feront
une démarche vigoureufe vis - à - vis des
Etats de Gueldre , pour que le Comte de
Byland foit forcé de venir répondre à la
Commiffion nommée pour le juger, de même
qu'aux autres Officiers inculpés dans
cette affaire. On ébruite dans ce moment
que M. de Byland eft parti pour l'Angleterre.
Gazette d' Amfterdam , nº. 102 .
MM . les Etats de Frife , dont la majorité
a changé de fyftême politique , depuis le
dern er voyage de S. A. en Frife , ont écrit
une lettre aux Etats de Hollande , dans la
quelle ils approuvent & juftifient l'entrepriſe
violente faite par le Stadhouder fur les deux
villes de Hattem & d'Elburg : ils cenfurent
en même temps les réfolutions véritablement
patriotiques des Etats de Hollande ,
relatives à toute cette entrepriſe inconftitutionnelle
. Cette lettre de MM . des Etats de
Frife , eft conçue en termes fi vifs , que plufieurs
Membres des Etats , croyant y voir
une infulte faite à la Souveraineté de notre
Province ont propofé de la fupprimer.
Idem.
La lettre de Mrs. les Eats de Frife , aux Etats
de Hollande , a été lue dans l'affemblée de Mereredi
dernier. On ne conçoit pas que la Majorité
( 44 )
des Etats de Frife ait pu fe permettre des expref-
Lions auffi offenfantes envers leur plus puiffant
Confédéré. Les Etats de Hollande font traités
dans cette Lettre inflammatoire , comme des Oppreffeurs
, qui ont forcé les habitans de leur Province
à s'armer , pour opprimer facilement les
autres Provinces de la Confédération . Cette calomnie
évidente n'a pas beloin d'être refutée ;
elle eft plus digne d'un libellifte , que d'une alfemblée
Souveraine , qui ofe fe la permettre dans
une lettre mirifiérielle ; auffi cette lettre a-t- elle
eu le fort qu'elle méritoit, Nos Seigneurs les Etats
de Hollande l'ont condamnée à un éternel mépris,
& l'ont rejettée comme non - avenue fans
" permettre
hi qu'elle fût enregistrée , ni qu'on entamât
la moindre délibération fur fon contenu . Cette
fage difposition n'auroit pas , ce femble , dû trouver
la moindre contradiction & auroit dû réunir
tous les fuffrages dans l'affemblée des Erais ; cependant
Mrs. de l'Ordre- Equeftre , & la Ville de
Delft furent d'avis contraire ; les premiers vouloient
qu'elle fût rendue commifforiale , & que
réponſe y fût faite ; Delft vouloit qu'elle fût prife
en notification ; la Ville d'Amfterdam ne donna
pas fon avis. Gazette d'Amfterdam , n°. 103 .
» M. Beaujon , écrit on de Paris , laiſſ●
» moins de fortune qu'on ne penfoit à les
» deux freres qu'il a inftitué fes héritiers ; &
» on ne parle pour eux que de 8 à 10 millions
mais outre que ce millionnaire a
» fait une quantité prodigieufe de legs par-
» ticuliers , ( on les évalue à près de 4 millions
) il jouiffoit d'environ 500,000 liv.
» de rentes viageres ; & ces rentes il les avoit
conftituées fur fa tête & fur celle de fes
כ כ
( 45 )
"
>>
» amis & de fes connoiffances qui en héri-
» tent aujourd'hui ; de forte qu'à fa mort le
22 Trélor royal gagne fort peu. Parmi les
» legs principaux on trouve 200,000 liv- à
l'Hôpital de Bordeaux , 120,000 liv. à fa
» Paroiffe de la Magdelaine , 300 mille à
» M. de la Chatre , 200 mille à fon Chirur
gien , des legs confidérables à tous fes.
» gens. M. le Préſident de Lamoignon eft
» nommé fon Exécuteur teftamentaire, avec
» l'adminiſtration perpétuelle de l'Hofpice
» fondé par M. Beaujon au Roule. M. Guillaume
fon caiffier , & Griveau fon No-
» taire, font adjoints à l'exécution teſtamen-
» taire. Il paroît une longue lifte de tous
» les autres legs..
לכ
" Le Divan perfifte de plus en plus dans le
deffein qu'il a formé d'encourager généreusement
les arts & les fciences . Il a donné ordre
» de travailler immédiatement à la traduction
en langue Turque , du Dictionnaire Encyclopédique
, & afin de faciliter cette entrepriſe
po l'avantage & l'intelligence des Muful
mans qui aiment les belles - lettres & les fcien-
» CPS , on doit copier toutes les planches de
Elition de Paris . En conféquence on a fait
acheter en France & Italie , toutes les planches
qu'on a pu fe procurer. Cette réſolution a
éprouvé de très - grandes difficultés ; le Mufti
s'y est oppofe de tout fon pouvoir , mais on
» n'ez pourfuit pas moins avec vigueur le projet
» de civilifer & d'éclairer la Nation. Courier
» d Avignon , nº. 101 .
"
» li exifte , dit on , entre les mains de
( 46 )
ور
» l'Abbé Brifard deux Manufcrits de so
≫ pages chacun , tracés par la main de Jean-
»Jacques Rouffeau , tantôt avec un crayon
» noir , tantôt avec de la mine de plomb , &
» quelquefois avec une plume trempée dans
» de l'encre , fouvent noire , mais encore-
» plus fouvent blanche . Ces Manufcrits pré-
» cieux reffemblent affez à de petits Jour-
» naux de comptes . Ils font intitulés : Nou-
» vel Extrait , qu'il faudroit ajouter à la
» Nouvelle Héloïfe . Cet opufcule eft de 1757.
» Tout y décele l'âme pure & l'énergie brûlante
de l'Auteur. Gazette d'Utrecht , n°. "
» IOL .
Paragraphes extraits des Papiers Angl. & autres.
Quelques gazettes étrangeres ont parlé , d'après
les papiers Anglois , d'une prétendue ceffion
des Florides que l'Espagne alloit faire à la France;
elles ont même donné les principaux articles de
ce traité imaginaire. Bien loin de le défaire des
Florides , la cour d'Espagne s'occupe en ce moment
à mettre le plus grand ordre dans fes colonies
& à prévenir toute difpute avec les colons
Américains qui les avoifirent. On croit qu'il
leur feia permis de defcendre le Miffiffipi jufqu'à
la mer , mais jufqu'à certains poftes où ils
pourront fe défaire de leurs marchandifes ; ce
qui fera avantageux aux Américains & aux Efpa -`
gnols en même- tems . Idem.
( 47 )
GAZETTE ABREGEE DES TRIBUNAUX ( 1 ) a
PARLEMENT DE PARIS , GRAND'CHAMBRE.
Caufe entre le fieur le M***. & la Dame fon épouse.
DEMANDE EN SÉPARATION DE CORPS.
Les reproches fournis par un mari , depuis l'appel
de la fentence qui a admis la femme à la
preuve de fes faits , contre les rémoins de l'anquête
par elle faite , élevent une fin de nonrecevoir
contre l'appel qu'il avoit interjetié
parce qu'il eft fenfé par le fait s'ètre défifté de
fon appel , & avoir reffaifi de nouveau les Juges
de la conteftation ; c'eft ce qui a été jugé dans
cette caufe . La demoiselle *** mariée en
1783 au fieur le M *** fils , prétend avoir augmenté
le nombre des femmes malheureufes , qui
s'annoncent comme victimes de ce qu'elles appellent
le joug infupportable du mariage Quelques
mois ont fuffi , dit elle , pour la faire repentir
du choix qu'elle a fait , & elle auroit fouffert
fans fe plaindre les emportemens de fon mari,
fi fa vie n'eût été fouvent dans le plus grand dan-
[1 ] Cet Ouvrage , dont M. MARS Avocat au Parlement
de Paris , eft l'Auteur , paroît tonsiles Jeudis , depuis plus
de 10 ans fans interruption . On trouve toujours dans chaue
feuille un certain nombre d'articles. 1. Une notice
que
de Caufes civiles & criminelles. 20. Un expofé de queftions
fur lefquelles on demande l'avis des Jurifconfultes.
3. Les répontes à ces mêmes queftions. 4°. Des differtations
fur des points de Droit , d'Ordonnance ou de Coutumes.
s . Une indication des Mémoires & Plaidoyers
imprimés. 6°. L'annonce & l'objet des Livres de Droit ,
de Jurifprudence & autres qui peuvent y avoir rapport,
7. Les Arrêts du Confeil , ceux des Parlemens & autres
des Cours Souveraines , les Sentences de Police ; en un
mot, tout ce qui fait loi ou réglement dans le Royaume.
8°. Enfin un article de Légiflation étrangere . En tout
temps on foufcrit rue & hôtel Serpente, Prix , 15 liv.
an, franc de pora '
par
*
( 48 )
ger. Elle s'eft donc vue obligée de former fa
demande en féparation de corps pour y parvenir
, elle a articulé des faits dont elle a demandé
à faire preuve . Cependant des marques
de repentir confignées dans des lettres où le fieur
le M*** promettoit de faire oublier les emportemens
, arrêterent pendant quelque tems les procédures
de fa femme ; mais n'ayant point tenu
les paroles qu'il avoit données , & ayant aggravé
Les tors , elle continua la procédure commencée,
& obrint au Bailliage de Pontoife une ſentence
qui l'admit à la preuve de fes faits. Son mari en a
interjetté appel en la Cour . Uu Arrêt fur appointement
à mettre ayant autorifé la Dame le
M*** à faire on enquête , elle a fait entendre
des témoins . Son mari alors a fourni des reproches
contre plufieurs. L'information de la femme
a été achevée : le mari , au lieu de faire fa contre-
nquête , a pourfuivi le jugement de fon appel
de la Sentene qui admettoit fa - femme à la
preuve de fes faits. La Dame le M *** , a pour
lors foutenu fon mari non- recevable dans fon
appel , fur le fondement qu'ayant fourni fes reproches
contre les témoins de l'enquête , il étoit
fenté s'êtré défifté de fon appel , & avoir de
nouveau conftitué les premiers Juges arbitres de
la conteftation ; elle a conclu à l'evocation du
principal , & demandé , attendu les preuves réfultanies
de l'enquête & de la lettre de fon mari,
qui contencit l'aveu formel de fes mauvais procédés
, à être dès-à - préfent féparée. Cette fin
de non - recevoir oppofée par la femme à ſon mari
a été adoptée ; mais la Cour n'a pas cru devoir
ordonner l'évocation du principal.
Arrêt du
13 décembre 1786 , qui a mis l'appellation au
néant , crdonné que ce dont eft appel for: iroit fon
plein & entier effet , condamné l'Appellant en
l'amende & aux dépens.
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
TURQU I E.
DE CONSTANTINOPLE , le 30 Novemb.
UN
N courrier récemment arrivé d'Egypte
a apporté quelques nouvelles des opérations
fubféquentes du Capitan Pacha . Il a
fait pourfuivre par 20,000 hommes les deux
Beys rébelles , Ibrahim & Murat , auxquels
il reftoit une armée de 60,000 Arabes. Dèsqu'on
a pu les atteindre , on leur a livré une
bataille , dans laquelle ils ont été défaits &
repouffés vers Georgi dans la haute Egypte :
leurs bagages , leurs munitions font reftés
aux mains du vainqueur; mais les deux Beys
leur ont échappé , & l'on n'eft pas encore
bien certain du lieu de leur retraite . Si ces
récits ne font pas parfaitement authentiques ,
quoique publiés par le Gouvernement , ils
-font du moins très - vraiſemblables , & infiniment
plus que les fables qui rempliffent
les Gazettes fur la fuite , la défaite , le retour
du Capitan- Pacha.
No. 3 , 20 Janvier 1787.
( 98 )
Il ne faut pas encore donner le même crédit
au bruit d'une nouvelle défection du
Prince Heraclius , dont les Etats imparfaitement
défendus par les Ruffes , font défolés
par les Tartares , & qui n'a trouvé d'autre
moyen de recouvrer fa tranquillité ,
qu'en redevenant tributaire de la Porte
avec laquelle il a fait un accommodement.
Celui qu'a demandé au Grand- Seigneur ,
l'ancien Khan de Crimée , Sahim - Gueray ,
offre de puiflantes dificultés. Ce Khan , diton
, délaiffé par la Ruffie , a demandé à la
Porte le pardon de fa lâcheté & la permiffion
de retourner à Conftantinople ; mais il
eft à croire qu'on ne lui accordera ni l'un pi
l'autre,
ALLEMAGNE.
DE HAMBOURG , le 3 Janvier.
Au milieu du mois dernier , le départ de
I'Impératrice pour Cherfon paroiffoit fixé au
13 de ce mois ; & le 25 , on comptoit voir
arriver cette Princeffe à Kiof. Ses deux petits
fils , Alexandre & Conftantin , l'accompagneront.
Les Miniftres de l'Empereur , de
France & d'Angleterre , qui font du voyage
, ont reçu de l'Impératrice de fuperbes
peliffes , évaluées 4000 roubles . Tous les
préparatifs ainfi confommés , il reste aux
curieux fi peu de doutes , qu'ils préparent ſur
route des entrevues ente l'Impératrice & la
( 99 )
le Roi de Pologne ; mais felon eux , il eſt
encore indécis fi l'Empereur fe rencontrera
quelque part avec la Czarine.
L'emprunt de 8 millions de livres , que la
Cour de Copenhague a fait à Genes , n'eft
qu'une converfion avantageufe de l'ancien
Emprunt. Cette Cour a remboursé à la République
les emprunts de 7 millions & demi
à 4 & demi pour cent des années 1773 &
1774 , & celui de 3 millions à 5 pour cent ,
de l'année 1783 ; & elle a fait un nouvel
emprunt , à railon de 4 pour cent.
On continue dans le royaume de Danemarck
& le Duché de Slefwick , à affranchir
les payfans des corvées feigneuriales ,
& à leur donner les fermes en emphythéofe.
Le Comte de Schak de Giefegnard vient
d'adopter dans fes terres ce changement
avantageux , qui lui procure une augmentation
de revenus de 2000 rixdalers par an.
Les lettres de Pétersbourg ne s'expliquent
pas clairement fur les affaires de la Ruffie
avec la Chine . Il eft à préfumer qu'il regne
toujours une certaine méfintelligence entre
les deux Empires . Le commerce de ce côté
eft rallenti ; la livre de thé que l'on payoit
autrefois 2 roubles , fe paye actuellement 6.
Les troupes Ruffes dans l'Ukraine , contre
lefquelles plufiers Nonces avoient porté
des plaintes à la Diete de Pologne , ont
quitté certe Province .
On apprend d'Archangel que la navigae
2
(21:00 )
tion fur la mer Blanche a été très - active
cette année, & qu'il eft entré dans ce port
90 bâtimens de commerce. Les productions
du pays ont été vendues à très -haut prix.
୨୦
Depuis l'Avent 1785 jufqu'à l'Avent 1786 ,
on a compté dans les Duchés de Slefwick &
de Holſtein , partie Danoife , 4059 mariages
, 15,185 naiffances , dont 7845 garçons
& 7340 filles ; & 15676 morts , dont
8042 hommes , & 7634 femmes. Les morts
ont excédé les naiffances de 491. =Parmi
les morts on a compté 2 centenaires , 36
nonagénaires & 199 octogénaires. La petite
vérole a enlevé plus de 400 perfonnes , dont
la plupart étoient des enfans. 193 enfans
font venus morts au monde. Le nombre
des jumeaux a été de 36.
DE FRANCFORT , le 7 Janvier .
L'Archevêque - Electeur de Mayence &
celui de Treves ont rendu , à l'exemple de
l'Electeur de Cologne , une Ordonnance
contre l'Imprimé répandu par le Nonce du
Pape. Voici en quels termes s'exprime le
Vicaire général du premier de ces Princes.
Nous , Vicaire -général pour les affaires Eccléfiaftiques
, Provicaire- Official , Garde- des - Sceaux ,
Fifcal- Supérieur , & autres Confeillers Eccléfiaftiques,
Affeffeurs &c.
Le vénérable Seigneur Bartholomé Pecca , Archevêque
de Damiete , qui réfide à Cologne ,
comme Nonce du Pape , s'eft aviſé , dans un im(
101 )
primé adreflé , le 30 Novembre 1786 , aux Curés
de l'Archevêché de Mayence & autres perfonnes
Eccléfiaftiques , de déclarer les difpenfes , accor
dées par quelques Archevêques en différens degrés
, nulles & non efficaces ; par la raison que
ces degrés ne font pas compris dans les facultés obtenues
du fiege de Rome. Nous ne doutons point
que tous les Curés , Pafteurs & Confeffeurs , tant
féculiers que religieux , n'aient fucé les véritables
principes du pouvoir archiepifcopal , qu'ils
ne foient exactement inftruits de l'origine des réferves
introduites par la Cour de Rome dans le
moyenâge , & que conféquemment nous ne puiffions
nous attendre , comme nous nous y atendons
fûrement , que la déclaration fuidite ne fera
aucunement capable de les féduire , ni de les écarter
de l'obéiflance qu'ils doivent à notre Archevêque.
Nous fommes convaincus que plutôt ils abhorrent
juftement cette entrepriſe hardie , qui n'a
pour but que de troubler la tranquillité des confciences
; que par conféquent ils n'auront aucun
égard au contenu , ni à l'objet de cet écrit incongru.
Nous nous réfervons de faire ultérieurement
connoître nos fentimens à cet égard ; pour le préfent
nous ordonnons férieufement que fi un exemplaire
de l'imprimé fufdit vous étoit tombé entre
les mains , de le renvoyer fur- le- champ à Cologne
tel que vous l'avez reçu , & de nous informer
fans délai de la maniere dont vous vous ferez
acquitté de ce devoir » . Mayence , le 21 Décembre
1786.
Marie Jofeph- Philippe Antoine , Baron Schutz de
Holtzhaufen , Vicaire général pour les affaires
Eccléfiaftiques .
Jean- Bulthafar Eibert , Secréraire - Electoral de
Mayence.
L'année derniere on a compté dans
e 3
( 102 )
cette ville 198 mariages , 885 naiffances`,
dont 453 garçons & 431 filles & 1022
morts. Parmi les naiffances il y avoit 11 jumeaux
& 73 enfans illégitimes. 34 enfans
font veņus morts au monde. ( Cet état ne
comprend que les mariages , naiffances &
morts dans les Communions dominantes :
les Juifs extrêmement nombreux à Francfort
n'y font pas compris. )
Le Confeil Aulique , écrit on de Nuremberg
, a débouté les habitans de cette ville
Impériale de leurs demandes contre le Magiftrat
, & en déclarant leur réclamation il-
Tégale ; ce Tribunal fuprême a confirmé ,
jufqu'à nouvel ordre , la nouvelle impofition
extraordinaire, que le Magiftrat eft autorifé
à faire lever.
D'après le dernier dénombrement de la
ville de Conftance , elle renferme une population
de 3636 ames. Le Clergé renferme
300 individus , & il y poffede go mailons.
Le nombre des Colons Génerois , qui ont
paflé à Conſtance depuis la derniere révolution
de leur patrie , eft de 294.
Les marchandifes de la Silefie , qui ont été vendues
à la derniere foire de Francfort- fur- l'Oder ,
ont produit la fomme de 145.709 rixdalers ; le
débit des toiles , linons & fils , s'e monté à
64,813 rixdalers ; la plupart de ces marchandifes
ont paffé à Hambourg , & les autres villes d'Allemagne.
La vente des draps a procuré la fomme
de 65,447 rixdalers ; il en a paffé à l'étranger
pour 36,486 . Les prix des draps fins de Goldberg
1
( 103 )
étoient de 20 à 27 rixdalers. L'augmentation du
prix des laines fait craindre que ces draps n'aug
mentent auffi confidérablement .
Nous avons annoncé l'Anniverfaire de
la bataille de Liſa , célébré dernierement à
Berlin. Cette circonftance ayant fait repor
ter les regards fur cette mémorable journée,
on ne fera pas fâché de lire le récit qu'en a
fait le Major Pruffien de Tempelhoff , dans
fon Hiftoire de la Guerre de fept ans , qui a
été réimprimé à l'occafion de l'Anniverfaire ,
& diftribué aux Officiers , avec des médail
les dont le Roi les a gratifiés.
« Vers la fin du mois de Novembre , les Au
trichiens étoient en poffeffion de Breilu & de
Schweidniz , & par ce moyen ils avoient barré
au Roi le paffage à Brieg , Glaz , Kofel & Neiff .
Leur armée étoit compofée de plus de 80,000
hommes , & celle que le Roi avoit emmenée
de la Saxe étoit fi foible , que , dans le quartier
général Autrichien , on fe plaifoit à la
nommer la garde de parade de Porfidam . L'armée
Autrichienne , au contraire , étoit fraîche
& repofée ; elle avoit encore l'avantage de la
pofition , au-lieu que l'armée pruffienne fe trouvoit
fatiguée par une marche longue & rapide.
Le Feld-Maréchal Daun étoit d'avis de pofter
l'armée près de Schweidniz , & d'y attendre
l'attaque du Roi ; mais l'avis du Prince Charles ,
qui vouloit aller au devant des Pruffiens , &
leur livrer bataille , fut approuvé par la Cour
& c'étoit là précisément ce que le Roi avoit
defiré . Sa Maj. , après la bataille de Rosbach ,
marcha par la Luface dans la Siléfie , & arriva ,
le 4 Décembre , après une marche de 22 jours ,
-
e 4
( 104 )
à Neumarkt, diftant de quatre milles de Breflaw
avec une armée composée de 17 bataillons d'infanterie
, & de 33 efcadrons de cavalerie : l'armée
, commandéé par le Prince de Bevern , &
compofée de 15,000 hommes environ , s'étant
jointe à celle du Roi , S. M. réfolut d'attaquer
la formidable armée Autrichienne . Le Roi fit en
conféquence affembler au quartier général tous
les Généraux & les Officiers de l'Etat - Major ;
&, après leur avoir expofé toutes les contrariétés
qu'il avoit éprouvées , la prife de Schwetniz
par les Autrichiens , & celle de Breslau , la
défaite du Duc de Bevern , &c. , il leur dit que ,
malgré ces événemens malheureux , il plaçoit
une confiance fi décidée dans leur courage ,
leur fermeté , leur zele , & leur attachément
pour la Patrie , qu'il ne doutoit pas qu'à la
premiere occafion ils n'enlevaffent à l'ennemi ,
par une conduite des plus courageufes , tous les
avantages qu'il avoit obtenu jufqu'ici . Sa Maj .
les chargea en même tems de faire connoitre
fes fentimens à tous les Officiers & à l'armée
entiere , & de dire aux foldats qu'il falloit attaquer
l'ennemi où on le trouveroit , qu'il ne
s'agiffoit pas ici d'en compter le nombre , qu'Elle
efpéroit que les troupes l'attaqueroient avec le
courage le plus réfolu , & qu'elles feroient tous les
efforts pour le battre. fût - il même retranché
jufqu'aux dents , que c'étoit le cas de fe
montrer comme Patriotes & comme véritables
Prufiens. Les Autrichiens > ranges
en ordre de bataille dans une plaine , près
du village de Leuthen attendoient l'armée
pruffienne . L'aile droite de l'armée autrichienre
fut pollée près de Nibern , & l'aile gauche près
de Colau ; leur ligne hériffée de batteries occupoit
l'étendue d'un mille allemand. Le Roi , après
,
( 105 )
avoir repouffé un pofte avancé de quelques Régimens
de Huffards & de Cavalerie Saxónne
marcha d'abord droit à l'aîle droite de l'armée ennemie.
Cette aî'e , commandée par le Feld Maréchal
Daun , fut renforcée par le corps de réserve .
Mais tout-à - coup toate l'armée pruffienne fe tourna
& marcha en quatre colonnes & à pas redoublés
vers l'aile gauche de l'ennemi , flanquée par le
Général Nadafty. Les Wirtembergeois , fe resirerent
dès que le petit feu eut commencé , &
ils furent bientôt fuivis de tout le flanc . L'aile
gauche de l'ennemi fut débordée , & reçut dans
toute fa longueur le feu des batteries qui avan
çoient. L'effet de ce feu fut d'autant plus terrible
, que les ennemis étoient ferrés , & que
fouvent ils étoient jufqu'à so hommes les uns
derriere les autres . L'armée ennemie prit enfuite
une autre pofition près de la ville de Liſſa ,
& c'est là où le carnage fut fanglant . Les Autrichiens
fe jetterent dans le cimetiere & dans les
fermes des payfans ; mais , après une réfiftance
d'une heure , ils furent forcés de plier , de fe
retirer vers la nuit derriere Liffa , & de laiffer
le champ de bataille aux Pruthiens , qui perdirent
près de 4000 hommes . L'armée victorieufe
du Roi ayant fait halte entre Gukerniz
& Liffa , S Maj. demanda fi quelques bataillons
vouloient la fuivre jufqu'à la ville , auffitôt
les bataillons des Grenadiers de Manteufel
& de Wedel , & le régiment de Bornfted prirent
les armes & la fuivirent. Les maifons dans
cette ville étoient remplies d'Autrichiens rang
valides que bleffés . Le Roi , accompagné de
quelques Officiers de fa fuite , fe rendis au
Château , & paffa au milieu d'un grand nombre
d'Officiers Autrichiens . A l'entrée des Grenadiers
dans la ville , cn fit feu fur eux de ; outes
es
( 106 )
les maiſons ; cette circonftance les irrita au
point qu'ils enfoncerent les portes , & firent
paffer au fil de l'épée tous ceux qui firent réfiftance.
Cette bataille coûta aux Autrichiens près
de 60,000 hommes . Ils perdirent fur le champ
'de bataille plus de 6,500 hommes tant niorts
que bleffés ; 21,500 hommes furent faits prifonniers
, & 17,146 hommes mirent bas les armes
après la reddition de Breflaw , qui fut une fuite
de cette victoire. Le Général Ziethen fit de
fon côté 2000 prifonniers ; 6000 déferteurs joignirent
l'armée pruffienne , & au printems de
l'anné 1758 la garnifon de Schweidniz , forte
de sooo hommes , fut auffi obligée de le rendre .
ITALI E.
DE ROME , le 25 Décembre .
Dans le confiftoire que le Pape tint le 18
de ce mois , Sa Sainteté propofa aux divers
Sieges vacans les fujets défignés pour les
remplir;enfuite ayantpris préalablement l'avis
de la Congrégation des Cardinaux chefs d'ordres
, aini que des Cardinaux préfens au
Confiftoire , elle rétablit le Cardinal de Rohan
dans les privileges , prérogatives & fonctions
de membre du facré College ; après quoi le
St. Pere créa & déclara Cardinal , Diacre de
la Ste. Eglife Romaine le prélat Dom Romuald
Brafchi Onefti , fon fecond neveu &
Majordome du Palais apoftolique , lequel reçut
dans ledit Confiftoire la Barrette cardinale
des mains de Sa Sainteté . A l'ifue de
( 107 )
cette promotion , tous les Cardinaux allerent
féliciter dans fon appartement leur nouveau
contrere , & il y eut ce foir là & le fuivant.
des illuminations dans les différens quartiers
de Rome .
ESPAGNE.
DE MADRID , le 22 Décembre .
On affure qu'il eft queſtion de réformer
une partie des Gardes - du- Corps ; ceux
qu'on conferveroit feroient attachés au
Roi & au Prince , & la brigade des Carabiniers
feroit le fervice pour la Famille
Royale cet arrangement , dit- on , épargneroit
une fomme de fix cents mille
mille piaftres par an.
On apprend d'Algéfiras que trois vaiffeaux
anglois qui alloient à Gibraltar ont
été jettés fur la plage par un orage & de
gros vents ; ils y portoient des provifions
qu'on aura de la peine à fauver : il n'a
péri perfonne ; mais les vaiffeaux font en
mauvais état.
Nous favons par un paquebot courier
arrivé de la Havane avec un autre du
Méxique , qu'on a conftruit à la Havane
un vaiffeau de 114 canons , qui a été
appellé le Royal-Georges . Ces paquebots
arrivés à Cadix le 2 de ce mois , avec
e G
( 108 )
deux frégates venant de Lima , ont ap.
porté deux millions cent mille piaftres
fortes , & différentes productions précieufes
de ces Royaumes.
Le fieur Léandre , négociant François ,
dont les magafins avoient été fermés par ordre
du Roi , comme recélant des marchandifes
paffées en fraude , a obtenu la permiffion
de continuer fon commerce , moyennant
un cautionnement de 500 mille reaux
qu'il a déposés au tréfor royal.
Il paroît en cette ville un écrit contre
M. Cabarrus & contre la banque de Saint-
Charles. On affure qu'il en a été envoyé
beaucoup d'exemplaires aux Miniftres , aux
Commis des principaux bureaux des quatre
Secrétaires d'Etat , & aux principales maifons.
de commerce , & c.
S. M. a défen lu aux Directeurs de la banque
qui , outre leurs fonctions , font attachés
à fon fervice , de fe mêler de la fourniture
des vivres , tan : de l'armée navale que
des armées de terre. Cet ordre fait penfer que
forfque le bail actuel fera expiré , la banque
ne fera plus cha gée de ces entrepriſes .
Il a été rem's au Miniftre un projet tendant
à augmenter la population & la profpérité
de la monarchie. L'auteur , dans un
des articles de fon ouvrage , propofſe d'obliger
les célibataires âgés de 30 à 40 ans à fe
marier , ou à abandonner un tiers de leurs
biens au profit du tréfor royal.
( 109 )
Le Gouvernement a limité la permiffion
d'imprimer, & vient de prendre des mefures,
en augmentant le nombre des cenfeurs créés
à l'inftar de ceux de Paris , pour empêcher
l'impreffion des livres qui ne feront point approuvés.
M. d'Expilly a pris congé du Roi , & eft
parti pour Alger avec Don Manuel de las
Ideras , ancien Conful de S. M. à Bordeaux.
Ils pafferont à Alicante où ils trouveront à
leur difpofition 580 mille piaftres fortes ; cetre
fomme complete un million & demi de ces
efpeces promiles au Dey d'Alger pour l'entier
rachat des e claves.
Depuis le premier Dicembre 1735 , jufqu'au
30 Novembre dernier , il y a eu en cette Ville
16,0 Mariages , 5257 Bptêmes , parmi lef
quels on compte 830 Enfans - trouvés , & 4232
Morts , dont 1703 appartiennent aux Paroifes
de la Ville , & 2529 aux trois Hôpitaux généraux
, & à ceux de la Paffion & de S. Jean - de-
Dieu. On n'a pas compris dans le nombre des
Morts ceux des Communautés Religieufes & des
autres Hôpitaux. En comparant cet Erat avec
celui de 1785 , on trouve dans l'année préfente
123 Mariages , 237 Baptêmes & 213 Morts de
plus qu'en 1785 , & 33 Enfans - trouvés de
moins.
L'exécution du malheureux Cardozo , affaffiné
à Tanger par l'Empereur de Maroc ,
a été fuivie de celle de l'Impofteur qui l'avoit
fauffement accufé , comme nous l'apprend
une lettre de Tanger , du 14 Novembre.
Après que Cardozo , dit- elle , eût été maffacré
dans l'Audience publique de S. M. Marocaine ,
( 110 )
f'on a découvert que l'accufation à fa charge étoit
fauffe , & que les deux lettres qui faifoient le corps .
du délit , avoient été forgées par l'un de fes ennemis.
Le fauffaire a été arrêté par ordre de l'Empe.
reur, qui l'a condamné à fubir , avec des circonttances
aggravantes , le même genre de mort dont
-Cardozo a péri : & cette fentence a déjà été exécutée
. Le frère de l'infortuné a été relâché de fa
prifon où il étoit détenu ; & il a été conduit devant
le Souverain , qui lui a fait toutes les réparations
en fon pouvoir , chargeant fon Secrétaire de lui
donner en efpeces une indemnité de quatre
mille Ducas de Barbarie , & de lui remette
fidèlement tous les effets & les Créances de
la Succeffion délaiffée par ſon défunt frere.
GRANDE - BRETAGNE.
DE LONDRES , le 6 Janvier.
Les vaiffeaux qui vont partir pour l'Inde
ont à bord des détachemens des troupes de
l'Electorat d'Hanovre , & des recrues de la
Compagnie . Cet embarquement s'est fait
avec le plus grand fecret. Chaque vaiffean
doit porter 150 à 200 hommes ,
près de 2000 , pour cinq années .
en tout
Il s'eft élevé une difpute très - vive à bord
du Royal Amiral , vaiffeau de la Compagnie ,
mouillé à Graverand , entre les foldats &
es matelots . Des paroles on en eft venu
aux coups ; fix matelots ont été jettés à la
mer par les ouvertures des fabords , & on a
eu beaucoup de peine à les fauver . Les Officiers
n'en ont pas eu moins à appaifer ce déford
re.
( ITT )
de
L'Ambaffadeur de Suede a préfenté depuis
peu au Miniftere , un Mémoire de la part
fa Cour , contenant des propofitions relatives
au nouveau réglement de commerce à
former entre l'Angleterre & la Suede.
Lorfque l'affaire du Traité avec la France
fera entierement terminée , on affureque M.
Eden fe rendra à Madrid avec le même caractere
qu'il avoit en France , pour négocier
un Traité de commerce avec la Cour d'EL
pagne.
Il eft arrivé le 19 deux Exprès à Saint-
James , l'un de Vienne & l'autre de Péterf
bourg. On a fait paffer fur-le- champ à S. M.
les dépêches qu'ils ont apportées.
La femaine derniere , le Gouvernement a
reçu des dépêches d'Hallifax , dans la Nouvelle-
Ecoffe , parmi lesquelles fe trouvent
des Lettres du Prince William Henry, quicommande
dans cette ftation la frégate le Pégafe,
S. A. R. dit on , a demandé fon retour , afin
'de pouvoir s'embarquer pour les Indes Orientales
, à bord des vaiffeaux qui partiront au
mois d'Avril.
Le bill ou lifte annuelle des naiffances &
mortalités dans cette Capitale , a offert du 13
Décembre 1785 , à la même date 1786 , 18 , 119
naiffances , dont 9183 garçons , & 8036
filles ; & 20,454 morts, dont 1 0,253 hommes
& 10,201 femmes . Dans le nombre des morts
on a compté 437 perfonnes entre l'âge de 80
& 90 ans , 68 entre 90 & 100 , un de I co
( 112 )
ans , trois de 101 , unde 102 & deux de 1 06.
Pour ne pas induire en erreur ceux qui font
des calculs fr lapopulation , nous répéterons
ici ce que nous avons dit l'année derniere ;
favoir que cette lifte des baptêmes & enterremens
, comprend exclufivement les perfonnes
de la religion Anglicane .
Le Landgrave de Heffe Caffel , vient de
faire , dans nos fonds publics , un placement
de 471,000 livres sterlings .
Il eft queftion en ce moment , d'élever un
quatrieme pont fur la Tamife ; vis - à-vis le
quartier de Savoye , & de bâtir à l'oppofite
dans Saint- Georges Fields , 1200 maifons
fur un plan régulier.
L'un de nos Papiers évalue de la maniere
fuivante les plus gros diamans connus.
L'Impératrice de Ruffie acheta en 1772 d'un
Grec nommé Grégoire Siffra , le plus gros diamant
connu dans le monde ; il peſe 779 carats ,
ou fept onces & deux drachmes avoir- du -poids ; &
quoique cette Souveraine ne l'ait payé que
100,000 liv. fterl . , on dit qu'il vaut plus d'un
million .
Le diamant qui appartient au Grand Mogol
pefe un tiers de moins que celui de S. M. Imp . ,
& cependant on l'évalue à plus de 700,000 liv.
fter!.
Le Grand- Seigneur porte un diamant d'une
groffeur extraord - naire à fon turban de cérémonie ,
mais fa valeur n'eft pas proportionnée à fa groffeur
; deux taches de la groffeur d'un petit grain
de fable , qu'on voit près de la furface de
cette pierre , la rendent infiniment moins précieufe.
( 113 )
Le diamant que l'Empereur d'Allemagne porte
à fon chapeau les jours de cérémonie , pale 139
carats , ou douze grains, au-delà d'une once & un
quart. Le duc de Tofcane l'acheta d'un Jéfuité
& le paya 18,750 livres ferlings. Lord Orrery
affure que ce Jéfuite l'avoit eu pour fix
fous.
Le diamant du Gouverneur Pitt , que le duc
d'Orléans acheta pour Louis XV , pefe 136 carats
. Il fut venda 125,000 livres fterl. Le Roi de
France le porte à fon chapeau , au- lieu de bouton
on en voit le modele dans le musée Britannique.
Il y a un autre diamant , de grand
prix , dans la Couronne de France , nommé
le Sancy , qui eft de fort belle eau .
Le diamant remis au Roi d'Angleterre , par
M. Haftings , de la part du Nizam pefe 110 ca-
& on l'évalue à 130,000 liv. fter' .
rats ,
Vers la fin de la guerre politique du
célebre Junius , Garrick reçut avis de M.
Henri Sompfon Woodfull ( qui vit encore
) que la feuille du Public Ardvertiſer
de ce jour contenoit la derniere Lettre
que Junius eut deffein de publier. Perfuadé
que cette nouvelle feroit très bien reçue
au Palais de Buckingham , il en fit part
auffi-tôt à M. Ramus , qui étoit alors le
-ferviteur favori & le.factotum du Roi .
Son billet étoit conçu en ces termes :
Mon cher Ramus ,
Junius , le croiriez vous , celfe d'écrire ,
Tout à vous ,
David Garrick,
( 114 )
M. Ramus ne perdit pas un moment
& trouva celui de donner en fecret au Roi
fon maître cette agréable nouvelle. Sa précaution
devint cependant inutile ; car le
lendemain Garrick reçut, à fʊn gtand étonnement
, la lettre fuivante , écrite de la
main même de Junnius ".
Monfieur ,
Lundi.
» La prudence que vous mettez ordinairement
dans toutes vos actions , auroit
dù vous difpenfer du foin de publier indifcrettement
mes deffeins. Je n'avois nullement
befoin de votre miniftere pour les
faire connoî re. Sans doute la vanité aura
été le motif de votre démarche. En ce cas
elle ne restera pás long- tems impune.
Ayant dévoilé aujourd'hui tous les refforts
de la politique funeſte des Princes , j'aurai
à l'avenir le loifir de m'occuper des Rois
factices de la ſcene.
Junius ».
FRANCE.
DE VERSAILLES , le 10 Janvier.
Le 1er. de ce mois , le Grand Confeil eut
Phonneur de rendre les refpects à Leurs
Majeftés & à la Famille Royale.
( 115 )
LeComte Charles de Rouault & leComte
de Robien , qui avoient précédemment eu
I honneur d'être préfentés au Roi , ont eu ,
le 4 , celui de monter dans les voitures de
Sa Majefté , & de la fuivre à la chaſſe .
Le 7 , la Comteffe de Grouchy a eu l'honneur
d'être préfentée à Leurs Majeſtés & à
la Famille Royale , par la Marquife d'Arbouville.
ל כ
DE
PARIS , le 17 Janvier
Depuis qu'il eft queftion de l'Affemblée
» des Notables , chacun s'occupe des ob-
» jets importans qui y feront traités ; &
» quoique ces objets ne foient pas pofitive-
» ment connus , l'opinion publique préfume
» des changemens dans le régime de l'ad-
» miniftration , relatifs au foulagement du
» peuple . On parle du plan annoncé pour la
fuppreffion des traites , pour l'égalité dans
» les gabelles , pour la fuppreflion des Aides
» & pour une diminution dans la quotité de
» la taille . On a réimprimé dans les circonf-
» rances actuelles , & on lir avec intérêt les
» procès- verbaux de l'Affemblée des Nota-
» bles en 1626. Nous en donnerons un pré-
» cis fucceffivement.
ג כ
Voici ce qui s'eft paffé le 2 Décembre 1626 ;
à l'ouverture de l'affemblée des Notables , qui
fut tenue dans la falle haute des Tuileries.
Pour commencer par ordre , le jour de Saint
André , dernier jour du mois de Novembre , la
( 116 )
Meffe folemnelle pour l'ouverture de ladite af
femblée , fut dite en l'Eglife Notre - Dame , par
1 Evêque de Paris , où le Roi y fut avec M.
le Duc d'Orléans & tous les Notables , excepté
les Cardinaux.
L'Evêque de Nantes fit le fermon au milieu de
la Meffe ; il adreffa fon difccurs , la plupart au
Roi , qu'il exhorta à la clémence .
L'ouverture devoit être faite le lendemain premier
Décembre ; mais à caufe d'une difpute
pour la préféance entre le Parlement de Bordeaux
& celui de Grenoble , elle fut remife au
lendemain.
Voici l'ordre qui y fur obfervé aux rangs &
féances .
Le Roi étoit affis en fa chaire , & la Reine fa
mere près de lui en la fienne , fous un dais qui
étoit de velours violet , tout femé de fleurs- delys
d'or. Le dais n'étoit pas fufpendu comme à
T'ordinaire , mais en forme de lit , foutenu par
quatre colonnes.
M. le Duc d'Orléans étoit affis en une chaire ,
à la droite du Roi , plus bas , & hors du dais : ils
étoient tous trois vêtus de deuil , à caufe du décès
du Duc de Mantoue.
M. le Garde des Sceaux ( de Marillac ) étoit à
la main gauche du Roi , vis- à - vis du banc des
Maréchaux de France , affis en une chaire à
doffier bas , la face tournée vers l'affemblée .
Derriere le Roi , M. de Chevreufe , Grand
Chambellan , étoit fur une banfelle , & autour
du Roi les Capitaines des Gardes - du- Corps ,
avec quelques Archers.
A la droite du Roi étoit une banfelle de travers
pour les Confeillers d'Etat .
Plus avant , vers l'affemblée , une banfelle de
même à doffier peur MM, les Cardinaux .
( 117 )
De ce même côté une bantelle de long pour les
Maréchaux de France .
Après étoit encore une banfelle de travers pour
les Secretaires d'Etat.
Puis une banfelle de long pour Meffieurs les
Archevêques & Evêques , & pour Meffieurs des
Comptes.
Une binfelle derriere eux pour Meffieurs les
Intendans des Finances .
De l'autre côté à la main gauche du Roi ,
une banfelle en long pour la Nobleffe de l'affemblée.
Puis une longue banfelle pour les Préfidens &
Procureur-Généraux des Parlemens , & pour le
Prévôt des Marchands de Paris.
Er derriere étoit la banfelle pour Meffieurs des
Cours des Aides .
Entre la banfelle de la Nobleffe & celle de la
Juftice , un peu avant dans le parc de l'affemblée
, étoient les Hérauts d'armes debout , avec
leurs cottes d'armes.
Les Convoqués à l'affemblée ayant pris chacun
leurs places , le Roi fit fa harangue en peu de
mots , à fon ordinaire , & leur dit :
CC
Qu'il les avoit affemblés pour remédier aux
défordres & déréglemens de fon Etat , & que
M. le Garde des Sceaux leur feroit entendre
<< plus amplement fa volonté »s
M. le Garde des Sceaux , fur ce commandement
du Roi , après deux grandes révérences ,
dit :
«Meffieurs , fi j'avois des paroles correfpondantes
à la dignité des chofes que nous devons
traiter , je ne ferois pas en peine d'espérer vos
attentions ; mais je vous prie de lier vos efprits
à la grandeur de fujet , plutôt qu'à mes
difcours.
Le Roi vous a convoqués en ce lieu pour
( 118 ).
avoir vos avis fur les plus grandes & importantes
affaires de fon Etat , à l'imitation des
Rois , fes prédéceffeurs , qui , en pareilles occafions
, ont affemblé quelquefois les trois Ordres
du Royaume , quelquefois des perfonnes choifies
particuliérement , quelquefois auffi l'un & l'autre
tout enfémble.
9
Le Roi Henri II , au mois de Janvier 1558 ,
voyant le Royaume épuifé de fes finances , &
preffé de nouvelles charges mifes fur le Peuple
, à l'occafion des guerres , affembla , pour
les nécefiités de l'Etat , en la falle de S. Louis ,
au Palais , à Paris , les trois Ordres de fon Royaume
, & outre ce il y appella les députés de
toutes les Cours de Parlemens , comme le rapporte
M. le Président de Thou au quatorzieme
Livre de fon Hiftoire , difant que M. Jean de
Saint - André , mettant les genoux en terre , remercia
le Roi , en termes fort fenfibles au
nom de la Cour de Parlement de Paris , & de
toutes les autres du Royaume , dont les Dépu
tés étoient préfens , de ce qu'il avoit compofé
unr quatrieme Ordre de Magiftrats , qui rendent
en fon nom la juftice au peuple , & l'avoit joint
aux autres Ordres du Royaume . En cette affeinblée
M. le Cardinal de Lorraine parla pour l'Eglife
, M. de Nevers pour la Nobleffe. M. André
Guillart du Mortier , mettant aufli les genoux
en terre , parla pour le Tiers- Ordre , & M. le
Cardinal Bertrand , Garde des Sceaux deFrance,
fit la clôture de la féarce .
En l'année 1560 , deux ans après , fut l'aſſemblée
des Etats tenus à Orléans , compofée
feulement des trois Ordres , fous le Roi François
II.
Et fix ans après , le Roi Charles IX convoqua
une autre affemblée à Moulins , compofée de
( 119 )
tous les Ordres & de tous les Députés de fes Cours
de Parlemenr.
En 1579 & 1588 furent affemblés les trois
Etats à Blois , & en 1596 , à Rouen , fut une
autre affemblée , compofée de l'Eglife , de la
Nobleffe & des Officiers des Cours de Parlement
& des Maires & Echevins des bonnes Villes , en
laquelle les Mandés fe diviferent en trois Chambres
, en chacune defquelles il y eut de tous les
Ordres.
En 1614 fut tenue à Paris l'aſſemblée des trois
Etats , & en 1617 , à Rouen , une autre affemblée
, compofée d'Eccléfiaftiques , de Nobles &
d'Officiers , à l'imitation de laquelle & des autres
précédentes , le Roi vous a convoqués .
M. le Garde des Sceaux compara enfuite
la lumiere céleste , qui dirige les bons Rois ,
à la ftatue de Memnon ; il exalta les vertus
du Roi , en l'alimilant à Jofué qui fit
tomber les murailles de Jéricho ; enfin il
expofa en ces ternies les befoins de l'Etat :
L'entretenement de toutes nos forces a épuifé
toutes les finances , confommé une grand partie
des fonds & revenus ordinaires de l'Etat , & endette
le Roi de plus de cinquante millions de
livres.
Sa Majefté aimant mieux prendre fur fon propre
fonds les moyens de repouffer l'ennemi dedans
& dehors , que de furcharger fon peuple ,
ni incommoder fes fujets en quelque forte que
ce foit ; car vous remarquerez , Meffieurs , ce
que vous aurez grande peine à croire , & la poftériré
ne l'entendra jamais fans admiration , que
le revenu ordinaire de l'Etat ne furpaffe point
feize millions de livres , & la dépense en a
monté en toutes les dernieres années , juíqu'à 36
120 )
ou 40 millions par an ; & néanmoins le Roi
-n'a jamais accru les tailles qui fe levent fur fon
peuple , ni retranché un quartier des rentes
dues à les fujets , ni des gages de fes Officiers ,
ce qui ne fe trouva en aucun des fiecles précédens
. Mais d'autant que cette difproportion de
la recette à la dépente donne lieu par la néceffité
, à beaucoup de moyens extraordinaires ;
Sa Majefé defirant l'éviter ci -après , a eſtimé
qu'il n'y avoit aucun meilleur moyen que
d'égaler la recette à la dépense , augmentant
l'un & diminuant l'autre. -
Pour diminuer la dépenfe , il ne peut fe faire
que par retranchenfent. Le Roia réfolu de retrancher
lui -même la dépenfe de fa propre maison &
de ce qui en dépend , pour donner exemple à fes
fujets ; & afin qu'ils aient plus d'occafions de fe
retrancher eux- mêmes , il a fait fon Edit des
loix fomptuaires ; il a auffi déchargé fon peuple
de fix centsmille livres fur les tailles de l'année
prochaine.
Il a éteint les charges de la Connétablie &
Amirauté , & fupprimé les gages & les dépenses
que ces deux Charges caufoient , qui ne montent
pas à moins de quatre cents mille livres 'par
an , outre les incommodités que la puiffance
& l'autorité des mêmes charges apportoient
aux plus grandes & importantes affaires de
l'Etat.
Sa Majefté penfe encore à d'autres plus grands
retranchemens , aux garnifons , aux gens de
guerre de la campagne , par le rafement de
plufieurs places qui ne fervent que de dépenses
inutiles & de moyens d'opprimer le peuple , &
engager le Roi à entretenir les armées dans les
Provinces fi- tôt qu'il y a des mouvemens dans le
Royaume.
II
( 121 )
Il veut auffi que l'on examine l'état des dettes
pour retrancher celles dont on fe peut décharger.
SUPPLEMENT à l'Article de Paris , compofé des
Nouvelles tirées des Gazettes & Journaux étrangers qui
entrent en France.
כ ע
20 Janvier 1787.
LES Notables & Citoyens de tous les Ordres ,
convoqués aux Affemblées Nationales , appellées
Champs de Mars ou Champs de Mai , parce qu'elles
fe tenoient en plein air & aux mois indiqués ,
on: produit du tems de Charlemagne les Loix fondamentales
du Royaume : elles ont été fuivies , dans des
tems poftérieurs , d'Affemblées d'Etats- Généraux , &
les ont enfuite remplacées. La derniere Affemblée de
Notables s'eft tenue en 1626. Depuis l'époque du miniftere
du Cardinai de Richelieu , on ne vit plus de con
vocation nationale : ceux qui entouroient le Monarque
les lui avoient repréfentées fous un point de vue trop
alarmant pour qu'on eût recours à leurs confeils . Il étoit
réservé à l'amour pour le bien public de Lours XVI ,
fecondé par un Miniftre dont la prudence & la droiture
forment le caractere , de faire revivre ces Affemblées ,
fi propres à animer le zele & à cimenter la fidélité de
la Nation. Jamais nouvelle n'excita un plus grand inté
rêt & avec plus de raiſon . Les membres feront choifis
parmi les plus qualifiés & les plus éclairés du Clergé , de
la Nobleffe , de la Magiftrature & des principales villes.
L'Affemblée fera compofée , dit-on , de fept Archevêques ,
de fept Evêques , de trente- fix perfonnes de l'Ordre de la
Nobleffe , du Premier Préfident & du Procureur- Général
de tous les Parlemens du Royaume , de huit Confeillers
d'Etat , de quatre Maîtres des Requêtes , des Deputés
des Etats de quatre Provinces , & des chefs des Corps
Municipaux de vingt - quatre Villes , en tout cent trentefix
perfonnes. Les Commiffaires du Roi feront M. le
Maréchal de Ségur , M. le Comte de Vergennes & M. le
Contrôleur- Général de Calonne . Déja la plupart de
ces perfounes font connues , & on en voit la lifte fui- vante :
( 120 )
ou 40 millions par an ; & néanmoins le Roi
-n'a jamais accru les tailles qui fe levent fur fon
peuple , ni retranché un quartier des rentes
2
nois , de la Rochefoucault , de Croy , de Luxembourg , &
de Clermont Tonnerre .
De la Nobleffe , les Maréchaux de France de Contades ,
Broglie , Mouchy , Mailly , de Vaux , Beauveau , Stainville
& d'Aubeterre ; les Comtes d'Egmont , de Périgord &
d'Estaing le Prince de Robecq ; les Ducs de Chabot , du
Châtelet , de Laval , Guines , Charoft ; les Comtes de Montmorin
, Thiard , Puifégur , Montboiffier , Choifeul- la- Baume ,
Rochechouart ; le Baron de Flachslanden ; les Marquis de
Langeron , Brienne , la Fayette , Bouillé , Mirepoix ; le Baron
de Navailles , & le Marquis de Croix d'Anchin.
Des Cours Souveraines , du Parlement de Paris , le Premier-
Préfident , les Préfidens d'Ormeffon , de Sarron , de Lamoignon
, & M. le Procureur - Général de Fleury ; de même que
les Premiers - Préfidens & les Procureurs -Généraux des Parlemens
de Bretagne , de Toulouſe , de Grenoble de Bordeaux
, de Dijon , de Rouen , d'Aix , de Pau , de Merz , de
Douay & de Nancy ; & ceux des Confeils fupérieurs de
Rouffillon , d'Alface & de Bouillon ; de la Chambre des
Comptes & de la Cour des Aides de Paris.
Des Confeillers d'Etat , MM. de Sauvigny , Fourqueux , Boutin
, Lenoir , Bacquencourt , la Galaifiere , Vidaud de la Tour
& Lambert.
Des Maîtres de Requêtes , MM. Berthier , Efmengard , Néville,
Villedeuil.
Les trois Députés actuels des Etats du Languedoc , de la Bre
tagne , de Bourgogne & d'Artois.
Des Municipalités , MM . le Prévôt des Marchands & le Premier-
Echevin de la ville de Paris , & , d'enrre les Chefs des
autres Corps Municipaux , un feul pour les villes de Lyon ,
Marſeille , Bordeaux , Rouen , Toulouſe , Strasbourg , Lille ,
Nantes , Metz, Nancy , Montpellier , Valenciennes , Rheims ,
Amiens , Caen , Châlons , Orléans , Sens , Bourges , Limoges ,
Montauban , Clermont en Auvergne , & Bayonne.
La Lettre circulaire de convocation écrite par le Roi
aux divers Membres , eft conçue en ces termes :
M:
Ayant résolu d'affembler des Perfonnes de diverfes
conditions & des plus qualifiées de mon Etat , afin de
"
( 121 )
Il veut auffi que l'on examine l'état des dettes
pour retrancher celles dont on ſe peut décharger.
3
y trouviez ledit jour à fon ouverture , pour y affifter
& y entendre ce qui fera propofé de ma part : Je fuis
affuré que je trouverai en vous le fecours que je dois
en attendre pour le bien de mon Royaume , qui en
eft l'objet. Sur ce je prie Dieu , qu'il vous ait en fa fainte
garde. A Verfailles , ce 29 Décembre 1786 » . Gazette
de Leyde , no. 3 , & Gazette d'Amfterdam , no . 4.
" M. le Duc de la Vauguy on n'étoit pas encore parti
de Madrid le 18 Décembre : & , quoiqu'il dût fe trouver
actuellement à Verſailles , fuivant les rapports publics
, il eft certain qu'on ne l'attend plus que dans le
mois prochain ; encore eft- il faux que ce voyage , ainfi
qu'on l'a débité , ait un objet politique ; encore moins
comme on l'a donné à entendre , que cet Ambaffadeur
dût quitter pour toujours la Cour d'Efpagne , afin.d'êtré
ici l'Adjoint d'un Miniftre qui defire l'avoir auprès de
lui . M. le Duc de la Vauguyon vient pour les affaires
particulieres , & il y a plus d'un mois qu'il a demandé
& obtenu un congé qui lui étoit néceffaire pour cet
effet ». Gazette de Leyde , nº. 3.
« M. l'Archevêque de Paris a envoye un Exemplaire
de fon Rituel à M. l'Avocat- Général Séguier. Il ne
craint pas de le foumettre à la difcuffion de ce Magiftrat
éclairé. Tout promet que cette affaire s'arrangera de
maniere à contenter les diverfes parties , & que le Parlement
mettra autant d'égards dans fes pourfuites que
M. l'Archevêque a montré de difpofitions à le fatisfaire
». Idem , nº. 2.
«Les falfificateurs des lettres-de- change , découverts
& arrêtés à Amfterdam , font attendus à tout moment
de Hollande. On a trouvé des papiers jufques dans les
doublures de leurs habits & dans les femelles de leurs
fouliers . Ce ne font pas fans doute des papiers innocens.
Du refte , cette affaire n'ira point au Châtelet.
Le Parlement , fur les requêtes d'oppofition des porteurs
& endoffeurs , & d'après les Sentences des Confuls
déja portées à cet égard , a évoqué l'affaire à la
Grand Chambre ». Idem.
( 120 )
ou 40 millions par an ; & néanmoins le Roi
-n'a jamais accru les tailles qui fe levent fur fon
anché un quartier des , rentes
4
tems à toutes les lettres ; & la lettre A des fix derniers
mois de la même année fera ouverte , pour les paiemens
à y faire , dans huit jouts ». Gazette d' Amfterdam ,
no. 3.
« Le fieur Linguet , qu'on s'attendoit à voir revenir
inceffamment dans cette Capitale , pour y fuivre les
procès qu'il a fufcités à M. le Duc d'Aiguillon & au
fieur Panckoucke , paroît avoir voulu s'interdire ce re--
tour , en publiant un Mémoire en forme de lettre
adreffée au Roi , dans laquelle il s'eft permis les perfonnalités
les plus fortes contre différentes perfonnes de
la plus haute confidération . On affure que cet écrit porte
le cachet de la plus grande effervescence , & de la plus
indécente licence » . Courier de l'Europe , no. 52 .
« Ceux qui confiderent le préjudice que portent à la
circulation & au commerce cette multitude de péages ,
dont les Provinces interieures du Royaume font hérigées
, verroient avec plaifir , que le projet de porter
les Douanes aux frontieres ne fût pas entierment abandonné
. Ils prétendent même que le Miniftre des Fi-
' on occupant toujours , cherche , les moyens
de rendre ce projet encore plus utile , en faifant entrer
dans fon plan l'abolition de certaines vifites locales ,
qui gênent la communication intérieure. Les Députés
de la Lorraine , d'autre part , ont préfenté un Mémoire ,
dans lequel ils expofent les inconvéniens qui en réfulteroient
pour cette Province, fi elle ceffoit d'être reputée
étrangère ». Gazette de Leyde , no. 2.
N. B. On ne garantit ni la vérite , ni l'authenticité d'augune de ces
Nouvelles.
( 121 )
Il veut auffi que l'on examine l'état des dettes
pour retrancher celles dont on ſe peut décharger.
Pour augmenter la recette , il faut chercher
les moyens les moins nuifibles , pour y parvenir
par autre voie que de furcharges fur le
peuple.
• ;&
Racheter les domaines engagés à vil prix , &
les droits aliénés fur le fel & fur les tailles
pour cela avifer les moyens les plus commodes ,
tant par la jouiffance de peu d'années , que des
deniers qui fe pourront recouvrer de divers avis
qui fe propofent.
De toutes lefquelles chofes , Meffieurs des
Finances vous entretiendront aux progrès de
l'aſſemblée , pour en donner après vos avis à Sa
Majefté.
"
Vous aurez auffi à travailler fur l'établiffement
du commerce comme au plus propre moyen
d'enrichir le peuple & réparer l'honneur de la
France.
C'eft chofe digne de compaffion ou d'indignation
, de voir la léthargie en laquelle nous
avons vécu depuis plufieurs années. Nos voisins
nous affujettiffent à toutes les rigueurs de leurs
loix , ils donnent le prix à nos denrées , & nous
obligent de prendre les leurs à telle condition
qu'il leur plaît. Les Pirates & les Turcs , &
autres déguisés en Torcs , viennent ravager ncs
côtes , enlevent les fujets du Roi , captifs en
Barbatie , perdant leur liberré , leur fortune , &
la plupart leur foi , par les tourmens & les miferes
qu'ils fouffrent parmi les infideles . Ils vont ,
êtent la pêche des morues aux Terres - Neuves ,
& par l'aide de plufieurs de nos voifins , on a
déla retranché de beaucoup la pêche des ha
Nº. 3 , 20 Janvier 1787. f
( 122 )
rengs ; on nous a ôté celle des baleines au
Spitzberg , & peu - à- peu ce qui reste à la France
fe perdra , fi nous demeurons davantage en cet
endormiffement ; en quoi nous fommes d'autant
plus blamables que nous avons dans le Royaume
toutes les commodités néceffaires pour nous
rendre forts fur la mer , juíques - là même que
nous en fourniifons à nos voisins ; & avons encore
, par les difpofitions de la Nature , des
avantages tes que nous pouvons affujettir tous
nos vollins , & les faire dépendre de nous.
Nous avons les grands bois & le fer pour la
conſtruction des vailleaux , les toiles & les chanvres
pour les voiles & cord ges , dont nous fourniffons
les provinces vo fines . Nous avons les framens
pour les biſcuits , le vin , le cidre , la bierre ,
les matelots & mariniers en abondance , qui ,
pour n'être pas employés par nous , vont fervir
nos volfins. Nous avons les meilleurs ports de
P'Europe , & , ce qui eft grandement remarquable
, noustenons la clef de toutes les navigations
de l'Eft à l'Ouest , & du Sud au Nord . Je ne parle
point de la conjonction de la Saône & Seine , qui
fe peut faire facilement , quióte à l'Efpagne toutes
les commodités du commerce , facilitant le chemin
du Levant par la France & l'Océan , &
ôtant la fubjection de paffer le détroit de Gibraltard
, de forte que toutes les commodités du
Levant & de la mer Méditerranée , feroient plutôt
& plus facilement à l'extrémité de la France
qu'à l'entrée de l'Espagne , & rendroient la
France le dépôt commun de tout le commerce de
1. terre .
Je n'y veux pas ajouter la communication
de Seine & Loire , quoique facile , pour ne
fonder ce difcours fur des delleins de longue
exécution ; mais je parlerai feulement des che(
123 )
fes qui font de la situation naturelle de ce
Royaume .
L'Espagne ne peut trafiquer en Italie , ni en
quelqu'autre endroit de la mer Méditerranée ; ni
'Italie & les autres lieux de l'Efpague , qu'ils ne
paffent à la vue & fous la couleviine des ifles de
Provence & pour trafiquer d'Espagne & des
côtes d'Afrique en Flandres , en Hollande , en
Dannemarck , aux villes anféatiques & autres endroits
du feptentrion , ou de ces lieux en Espagne
& autres endroits du fud , il faut que les vaiiieaux
paffent le Ras Saint- Mahé à la miféricorde de nos
canons , & par la Manche , de laquelle il ne tient
qu'à nous que nous ne nous rendions maîtres avec
pen de difficultés .
Toutes ces confidérations que M. le Cardinal de
Richelieu a représentées au Roi , entre les grands,
honorables & génereux confeils qu'il lui donne ,
ont fait résoudre Sa Majefté de mettre à bon
efcient , la main au commerce , & ne perdre les
occafions d'enrichir fon peuple & agrandir fon Etat
d'honneur & de puiffance dont il vous fera représenter
les articles fur lefquels il attend auffi
vos avis.
Vous verrez auffi les Règlemens que Sa Majefté
a fait dreffer pour les gens de guerre , tant des
garnifons que de la campagne , l'ordre pour
les faire vivre fans fouler le peuple , la maniere
affurée pour régler leurs palemen,, le
moyen de faire que le nombre porté par les
états du Roi foit effectif, & autres points inportans
que vous fera entendre M le Maréchal
de Schomberg , à qui Sa Majesté en a donné la
charge.
Si, outre cela , vous avez à représenter à Sa
Majeté quelque chofe pour le bien de 1 Egie
& de la juftice & police du Royaume , ou aus
£a
( 124 )
trement , elle entendra bien volontiers ; ftefifirant
néanmoins que l'affemblée ne foit pas
zirée en longueur , pour ne détourner davantage
ni Meffieurs les Prélats de leur réfidence , ni Meffieurs
les Officiers de l'adminiftration de la
uftice.
J'ajouterai encore deux points , lefquels ( com
bien qu'ils foient fort févèrement punis par les
Ordonnances ont beſoin de nouvelles loix , & plus
rigoureufes pour leurs châtimens , & d'une plus
induftrieufe recherche pour pénétrer les fraudes
& les fecrettes voies que l'on y pratique : car
fréquence des crimes augmente la rigueur des
peines , & la facilité de les commettre oblige les
juges & les loix à en rendre les preuves plus aifées
, de peur que la malice ne triomphe de leur
foin & demeure impunie , fous l'apparence qu'elle
prend dans fes artifices.
Le premier point eft , la licence effrénée d'abufer
des deniers du Roi , les retenir & les approprier
avec tant de fubtilité & de fineffe ,, que
les loix introduites contre le péculat font impuiffantes
, & furmontées par l'avarice qui déguife
& enveloppe fes larcins en tant de ma
nieres , qu'il eft quafi impoffible d'en convaincre
les coupables .
L'autre eft des fréquentes rebellions , foulevemens
& conjurations contre l'Etat , & de l'infupportable
facilité à s'y engager , lefquelles fe traitent
par factions , liaiſons & fermens , fous dlverfes
couvertures , en telle forte que l'on a peine
de les découvrir.
Et la derniere confpiration donne fujet à Sa
Majefté d'y pourvoir pour l'avenir , pour ce que
' ayant découverte & avérée fi clairement , comme
il a fait la maniere de laquelle il en a eu les
preuves , lui a fait connoître que ces affaires le
>
( 125 )
négocient avec un fi grand foin du fecret , qu'il
eft néceffaire d'apporter pour l'avenir de nouveaux
remèdes , tant pour avoir plus facilement la connoiffance
& les preuves de celles qu'on pourroit
faire ci-après , que pour détourner ceux qui le vou
droient engager à tels crimes , de s'y hafarder déformais
, voyant qu'il fera plus ailé de les con
vaincre.
La Suite à l'Ordinaire prochain.
M. Abattuci , Gentilhomme Corfe , de
ancien Lieutenant - Colonel au fervice de
France , fut fac ifié en 1779 à des haines
perfonnelles , qui déterminerent contre lui
une Sentence portant peine des Galeres ,
rendue par le Confeil provincial de Corfe.
Le Parlement d'Aix a réhabilité , le 17 Juillet
dernier , & pleinement abfous çet infortuné
& irréprochable Militaire . S. M. l'a
réintégré dans fon grade de Lieutenant - Colonel
, en lui accordant les appointemens
dont il jouiffoit.
La Notice fur les ports d'Angleterre les
plus propres au Commerce avec la France ,
que nous avons rapportée d'après les Papiers
publics , a donné lieu à la Lettre fuivante
qu'on nous adreffe de Dieppe.
Il est à préfumer , monfieur , que l'Ecrivain
Anglois a voulu déprimer le commerce de Dieppe
& empêcher qu'on ne lui donne une préférence
pour celui que nous projettons avec les Anglois .
Dieppe eft une des plus anciennes villes maritimes
& commerçante de la France ; fes marins
fi renommés ont été pendant 60 ans dans l'Afrif3
( 126 )
que , fans
que l'on fache où ils alloient . Le com
merce de l'Amérique
s'y faifoit avec fplendeur
;
celui de la pêche lui a donné l'exclusion
pour le
concentrer
au Havre ; alors le tranfport
des marchandifes
fe faifoit aifément
de Dieppe à Rouen,
diftant de 12 lieues, pour être embarquées
fur la
Seine. Depuis
que nous nous occupons
particuliérement
de la pêche , le tranfport
du poiffon fe
fait également
par des voitures
qui viennent
de
toutes les parties du Royaume
avec des denrées
de
leur pays
Certainement
il n'y a point beaucoup
de villes où il y ait plus de roulage
pendant
prefque
toute l'année
pour la morue , le hareng ,
s maquereaux
, & c.
les
Brighthelmfton eft à proximité de Londres ,
puifque plufieurs voitures s'y rendent chaque
jour en dix heures de tems . Les voitures de
Dieppe à Rouen communiquent en auffi peu de
"tems par une grande route bien entretenue . A la
vérité il n'y a qu'une rade à Brighthelmfton affez
mauvaise àl'abri des verts du fud ; mais Schoreham ,
qui n'eft diftant de certe ville que d'une lieue & demie,
y fuplée, puifque fon port reçoit des navires,
de plus de 200 tonneaux .
Dieppe , Brighthelmfton ou Shoreham font
propres à faire une grande partie du commerce
des deux nations ; leur avantage eſt déja reconnu
par la préférence que leur donnent les paffagers fur
Calais & Douvres .
Il eft facile de voir que la lenteur & les risques
du transport par les navires qui remonteroien : la
Tamife pour charger à Londres , enfuite reviendroient
au Havre ; du Havre le long de la Seine
qui eft très - dangereufe jufqu'à Rouen , entraîneroient
des frais confidérables par la perte de l'inrérêt
des capitaux , les risques d'un long trajet
de mer & de rivieres , tandis qu'en quatre jours
( 127 )
les marchandifes de Londres feroient rendues à
Rouen , & celles de Rouen à Londres , fans rifques
& fans augmentation de frais , parce qu'il
feroit aifé de démontrer que les frets & affurances
de Londres à Rouen font prefque auffi onéreux
que les frais de voiture par terre de Londres à
Shoreham , & de Dieppe à Rouen ; il en réſulteroit
l'avantage confidérable pour le commerce ,
d'une plus grande sûreté dans le tranfport des
marchandifes que l'on auroit à jour nommé ;
d'une très - grande célérité qui multiplie toujours
les opérations , & du gain réel de l'intérêt des capitaux
qui refteroient en fouffrance par un plus
grand trajet.
On mande de Cherbourg , que le 18 de
ce mois , un navire s'étant mis en travers fur
le bout de la jettée du Sud , le fieur La Rue
s'eft jetté à la mer , & a retiré de l'eau fix
hommes de l'équipage prêts à périr. Cette
action d'intrépidité doit d'autant mieux être
remarquée , que le fieur la Rue eft un trèsfoible
nageur. Il a confulté moins fon adreffe
que fa fenfibilité . Le fieur la Rue étoit à la
tête des cinquante jeunes gens qui eurent
l'honneur d'a ler au-devant du Roi , le 26
Juin dernier, lors de fon féjour à Caen.
M. Compere Laubier a inféré dans les
Affiches de Saintonge un trait de courage
encore plus remarquable .
Le nommé Jofeph le Cognac , âgé de 17 ans ,
de l'Ile de Brehat en Baile Bretagne , s'embarqua
en qualité de mouffe en 1779 , fur le vaiffeau
du Roi le Bifare , qui partoit pour l'Inde ; il fit
naufrage , & pafla fur un vaiffeau du Roi , où il
eut la cuiffe caffée dans un combat ; après la gué.
f
4
128 )
rifon il fut adopté par un Capitaine de la marine
Angloife , qui l'a gardé depuis , & avec lequel
il fit trois autres nauffrages , le dernier au mois
de Novembre fur une côté d'Espagne. Le lort
l'ayant conduit à St. Antona , Ville d'Efpagne ,
ilexcita la comp ffion du fieur Juan de Gayé ,
Négociant de ladite ville , qui devant partir pour
la Rochelle , promit de l'y conduire , pour le rapprocher
de fon pays. Il le retira dans fa maiſon
jufqu'au départ du bâtiment , qui eut lieu le 9
de ce mois. Ce bâtiment ayant été affailli par
une tempête fi affreufe , qu'il n'étoit pas poffible
de fe tenir fur le pont, le fieur Gayé eut le courage
d'y monter;mais une vague l'entraîna auffi - tôt dans
la mer, le brave Cognac, qui le fuivoit des yeux ,
s'en apperçoit ; il fe précipite fur le champ dans
les flots , il a le bonheur , bien doux pour un coeur
reconnoiffant , de fauver fon bienfaiteur malgré
la violence des lames. Depuis ce fâcheux événeces
infortunés navigateurs ne purent plus
fe foutenir fur le pont , ni par conféquent reconnoître
la route qu'ils devoient tenir : le ciel étant
obfcurci par un brouillard très- épais. Ballotté
par le vent & par les flots , le bâtiment fut jetté
à la côte le 11 de ce mois à midi : le brave Cognac
toujours occupé de l'idée de conferver la vie de fon
bienfaiteur & de fauver le refte de l'équipage , fe
mit encore à la nage , & porta un cordage à terre ,
mais ayant été accueilli par des hommes du pays,
ils aiderent ces nauffragés à defcendre & les conduifirent
chez moi ; en ma qualité de Vice - Conful
d'Efpagne , je me tranſportai fur le champ
à la côte , où je fis fauver les effets & agrès ; &
comme le bâtiment étoit échoué auprès d'un mur
de pêcherie ou éclufe , & qu'à la mer montante,
il eût été briſé , & la cargaifon perdue fans reffource
, je raffemblai vingt hommes courageux
ment ,
( 129 )
pour démolir ce mur ; cela fut exécuté affez.
promptemen: quoiqu'ils fuffent obligés de travailler
dans l'eau ; au retour de la marée , le bâtiment
fut jetté fur le rivage : j'ai fait retirer la cargaifon
, & j'efpere fauver auffi le navire , quoiqu'il
foit un peu avarié.
On a publié à Marseille un Mandement
de l'Evêque de cette ville , en date du s
Août dernier , rendu à la requête des Maire ,
Echevins & Affeffeurs , confirmé par Letttes-
Patentes du Roi , donnes à Verfailles au
mois de Septembre , & enregistrées le 7 Octobre
au Parlement de Provence , portant
fuppreffion & tranflation de quelques Fêtes
au Dimanche. Les Fêtes fupprimées font la
troifieme de Noël , de Pentecôte & de Ste-
Magdelene ; celles de Saint Pierre & Saint-
Paul, Apôtres , de Saint -Laurent , Martyr ,
& routes celles des Patrons des vitles , bourgs
du diocefe , des Titulaires des Paroiffes ,
Eglifes fuccurfales & des quartiers , font
renvoyées au Dimanche qui fuivra le jour
auquel elles echoient , & c .
" Il y a environ deux ans , que le fieur Drog
célébre Méchanicien de Neuchâtel en Suiffe ;
» propofa un nouveauBalancier de fon invention,
pour frapper des Monnoies très- belles . Il a fait,
par ordre de M. le Contrôleur - Général , des effaisde
fa méthode . Il en résulte qu'un feul coup
» de Balancier , mû par des forces moindres , &
en moins de tems que fuivant l'ancienne méthode
, fait éclore une vraie médaille par la
beauté de l'exécution & la perfection du delfs
( 130 )
fin. On a déjà des écus de 6 liv . ainfi frappés:
Sur l'un des côtés eft le Bufte du Roi , fur l'autre
font deux LL , formées par des branches de
» laurier , au milieu defquelles fe trouvent les
» armes de France : le tout eft furmonté d'un e
couronne. Les deux faces font entourées , en
forme de cordon , de petites fleurs -de-lys ; la
bande parfaitement polie , eft couverte des
» mots : Domine falvum fac Regem . Aucune ba-
» vure , aucune afpérité ne gâtent cette belle
» médaille ; & e le réunit à une grande beauté
l'avantage de s'ufer difficilement par le ftotte-
» ment , & , celui non moins précieux , de ne
pouvoir être contrefaite .
La découverte du fieur Droz a été confacrée
par une médaille . Cette Médaille porte , d'un
» côté l'effigie du Roi , & , de l'autre , ces mots :
FAV. CALONNO , REGN . AD AR REG. SUM .
MODER . PART . POST . ET CIRCUMF . SIMUL
" EXCUDIT J. P. DROZ , ANN . 1786 ; ce qui veut
dire fous les aufpices de M. de Calonne , Contrôleur-
Général des Finances , J. P. DROz a
frappé à la fois les deux revers & la circonférence,

l'an 1786.
Une femme d'une tournure honnête , alla
dernierement chez un Apoticaire de Lille lui
demander fi elle ne lui feroit pas de la peine
d'amener chez lui une perfonne qui avoit befoin
d'un remede , que des raifons particulieres empêchoient
de prendre chez elle. L'Apoticaire bénévole
accepte l'offre ; elle prie en conféquence
de le préparer , qu'elle alloit revenir ; & après
une profonde révérence , elle fort . Chemin faifant
elle entre chez un Epicier , fait quelques
emplettes fous le nom de l'Apoticaire , & prie le
maître de lui faire le compte du montant des marchandifes
qu'il lui livroit , & d'envoyer avec elle
( 131 )
un garçon pour venir en recevoir le prix . Fort ,
bien , dit -il , Madame. Le garçon la fuit ; arrivés
chez l'Apoticaire , elle le préfente & lui dit familiérement
: voilà , Monfieur , la perfonne dont
je vous ai parlé . Le Pharmacien empreffé , engage
fort honnêtemen : le garçon épicier à entrer
dans un appartement , où il alloit venir le
joindre , & où pendant qu'il lui propoſoit , la feringue
à la main . de fe mettre fur le lit ou fur
un fauteuil , l'adroite efcroqueufe avoit disparu.
Le garçon fort étonné de la réception que lui
faifoit M. l'Apoticaire , armé ainfi de pied en
cap , lui demanda ingénument fi c'étoit en lavemens
qu'il payoit les épiceries de fon maître ,
que dans ce cas , il alloit l'envoyer pour en recevoir
lui-même le prix , Enfin après quelques
regards d'étonnement de part & d'autre , ils s'apperçurent
qu'ils étoient dupes de la fupercherie
de cette femme adroite qu'ils chercherent en
Vain à découvrir.
Hélene-Françoife de Mondragon , veuve
du Comte de Foucauld , Baron d'Obroches ,
Marquis de Lardimaly , Officier aux Grenadiers
de France , eft morte ici le 20 du mois
dernier.
Gilbert Alexandre - François de Lombelon
des Effarts , Marquis des Effarts , ancien
Capitaine au Régiment de Chartres , Čava- `
lerie , aujourd'hes Dragons , Chevalier de
l'Ordre Royal & Militaire de S. Louis , eft
mort le 27 du même mois , dans fon château
des Effarts , en Normandie , âgé de 621
ans.
Henriette-Eugénie de Bethifi de Mazieres,
Princeffe de Ligne , veuve de Claude Lanof
6
( 132 )
t
ral-Hyacinthe Ferdinand , Prince de Ligne
& du Saint- Empire , Chevalier de l'Ordre
de S. Hubert , Marquis de Moy, eft morte
au Palais des Tuileries , le 4 de ce mois.
L'Académie de Marfeille a tenu une
Séance publique , le 6 Décembre dernier .
M. Seimandy, Directeur , en a fait l'ouverture -
par un difcours fur les principes de l'inſtitution
de l'Académie .
M. le Comte de Thiars a lu enfuite fon dif
cours de réception .
M. l'Avocat Bouche , élu afcié , a récapitulé
dans fon difccurs l'hiftoire de Marſeille , & principalement
ce qui a trait à fon ancienne Académie.
MM. Vidal & Achatd , Docteurs en médecine,
nouvellement élus membres de l'Académie ,
enfuite lu leurs difcours de réception .
ont
La féance a été terminée par la lecture que M.
de Mandolx a faite d'une fable en vers de fa compofition
, intitulée le lion & les deux tigres , &
dant le but moral eft de montrer ce qui conftitue
le vrai courage.
« Les Supérieurs de l'Ordre des Religieux
» de la Charité, inftruits que des gens fans
» aveu , courant les Provinces , prennent leur
» nom, & fe revêtent de leur habit , pour en
» impofer au Public & recueillir fes aumô-
» nes , prient les perfonnes qui auront con-
» noiffance de ces foi- difant Religieux , de
» ne pas y ajouter foi. »
Les Numéros fortis au Tirage de la
Loterie Royale de France , le 16 de ce
mois , font : 34 , 86, 39 , 59 , & ss .
( 133 )
PAYS- B A S.
DE BRUXELLES , le 13 Janvier.
Le Gouvernement vient d'établir des
droits de 40 pour cent fur l'entrée des gla-
& des Papiers à meubler , droits qui
équivalent à une prohibition .
ces ,
Le Gouvernement vient auffi de défendre
, fous des peines très - rigides , l'exportation
du lin.
Le fieur Blanchard ayant formé une foufcription
à Liege , a donné dans cette ville ,
le 28 Décembre, le fpectacle de fa 22e. afcenfion.
Il s'eft élevé à 1 heure moins un
quart de deffus la Citadelle , & a été porté
en une demie heure , à plus de 9 lieues de
Liege , au-deffus du petit bourg de Reaux ,
où il eft defcendu à 1 heure un quart au milieu
des acclamations. Il eft revenu à Liege,
le 30 , & a été conduit par MM. les Bourgmeftres
Régens au Spectacle , où il a été
couronné au milieu des applaudiflemens de
toute la ville.
Quelques Papiers publics ont rapporté
l'Edit fuivant du Roi d'Efpagne , concernant
l'Ifle de S. Domingue. Comme on rapporte
cet Edit , fans on citer la date , nous
le donnerons , fans en garantir la parfaite
exactitude.
Il eft permis à toutes les Nations d'introduire
des Negres , fans limitation de nombre , pendant
dix ans, fans payer de droits d'entrée .
( 134 )
Pourront , ceux qui auront vendu les Negres ,
en emporter le produit en or , argent ou denrées
quelconques , fans payer aucuns droits de
fortie ..
Pourront auffi , toutes les Nations apporter
tous ferremens & uftenfiles néceffaires à toutes
les cultures , fans payer aucuns droits d'entrée &
de fortie fur le produit. Le droit de cens , qui
étoit à S. Domingue à cinq pour cent , eft réduit
à trois pour cent. Tous les nouveaux établiffemens
en terre vierge feront exempts de tous droits
pendant dix ans. Toutes les marchandifes fortant
du Royaume d'Eſpagne pour être portées à S.
Domingue ne paieront aucuns droits , & toutes
les denrées fortant de S. Domingue pour être por
tées en Espagne ne paieront aucuns droits d'entrée
ni de fortie dans le Royaume.
L'eau- de- vie des cannes , ou tafia , pourra être
portée à quelque deftination qu'on le jugera à
propos , foit pour des poffeffions efpagnoles
ou étrangeres , fans payer aucuns droits de
fortie .
Le Roi d'Efpagne introduira pour fon compte
quinze cens Negres , payables dans deux ans ,
& à un prix le plus bas poffible . Tous les
hommes , errants , montagnards & chaffeurs ,
feront raffemblés en peuplades , & il fera diftribué
des terres , & donné les mêmes fecours
qu'aux familles qu'on tranfporte des fles
Canaries.
Il fera impofé de très - gros droits fur les Negres
domestiques , & la perception de ce droit
formera un fonds qui fervira à gratifier ceux qui
introduiront des Negres dans ladite Colonie , au.
deffus d'un certain nombre. ) Ce nombre n'eft
pas fixé par l'Edit . ) ´
Il fera fait un Code de loix & de police pour les
( 135 )
Habitations , Negres , &c. & le Roi ordonne à fon
Confeil de S. Domingue d'avoir fous les yeux ,
en faifant ledit Code , l'Ordonnance du Roi de
France , du 3 Décembre 1784 , concernant la
Colonie de S. Domingue , pour en fuivre tous
les articles qui feront propres à la police des Negres
, Habitations , profpérité & encouragement
de la Colonie.
Il fera établi des Foires à certains jours iadiqués
, où ſe vendront les bêtes à cornes , &
les François pourront y venir acheter ; par con
féquent les Commiffionnaires des boucheries ,
qui réfident à la partie eſpagnole , feront fupprimés
, fi toutefois les Hattiers trouvent plus.
d'avantage à ce nouvel établifement ; & ce ,
pour éviter la contrebande que font les François ,
en fortant les bêtes à cornes fans payer les
droits.
Il est mort à Amfterdam dans le courant
de 1786 , 7801 perfonnes ; favoir , 693 de
plus que l'année derniere. On a proclamé
à l'Hôtel-de-Ville également en 1786 , 1102
ma ages , & dans les Eglifes Réformées
1673 ; il a été baptifé dans les mêmes Eglifes
2766 garçons & 2565 filles. Les Luthériens
ont compté 275 mariages & 1606 Batêmes
. Les enfans nés dans les autres Communions
tolérées ne font pas compris dans
le dénombrement .
Ven redi , 19 Décembre , le Confeil- d'Etat
de la République , qui a la direction fuprême de
ce qui regarde les Finances ainsi que le Forces
de terre & de mer de l'Union , fe rendit à l'A
femblée des Etats - Generaux , pour lui remettre ,
avec la formalité ufitée , la Pétition extraordi
1136 )
naire , c'eft- à-dire , l'Etat des Frrces , que la
République entretiendra durant l'année 1787 , &
celui des dépenſes , calculées pour cet entretien :
Ainfi la formation de cette Pétition n'a pas été
différée jufqu'au Reglement définitif des Quotes
refpectives , ainfi que le bruit s'en étoit répandu
La même Affemblée du Conſeil - d'Etat a réfolu
« de requérir S. A. Mgr. le Prince Stadhouder
» de n'accorder déſormais à aucun des Officiers
des Corps réformés de Troupes légeres , finon
» pour des raiſons indiſpenſables , & du fçu dudit
» Confeil , un Congé plus long de quatre mois
» par an tout au plus ». En même temps elle
a arrêté , « que le délai , fixé pour accepter
» l'équivalent accordé auxdits Officiers , à la
» place de la Penfion de réforme , feroit prolongé
» jufqu'au premier Mai 1787 ». ( Gazette de
Leyde , No. 1 ).
Le 21 du mois dernier , les Eta's de Hollande
ont délibéré ſur le rapport de la Généralité
touchant la décadence des finances de l'Amirauté
Frifonne ; rapport , où il eft queftien de l'impoffibilité
de faire fortir du Port de Harlingue , les
deux Vaiffeaux de 74 pieces de canon , deſtinés
en préfent à S. M. Très - Chrétienne ; & des foins
néceffaires , foit pour augmenter , foit pour entretenir
la Marine de la République. L. N. &
G. P. ont réfolu de charger leurs Députés aux
Etats - Généraux , de propofer de faire conftruire
au plutôt de nouveaux Vaiffeaux , dont la dés
penfe , conformément à la nouvelle invention ,
ne monte qu'à 20 ou 30 mille florins , & de faire
élargir l'entrée du Port de Harlingue , à moins
que les Confédérés ne préférent de charger des
Entrepreneurs de ces deux objets , à leurs rif
ques , périls & fortune. La dépenſe ſeroit à la
charge de la Généralité , vû la décadence des
( 137 )
finances de l'Amirauté Frifonne . Quant au fecond
article , où il s'agit du maintien de la Marine
générale de l'Etat , L. N. & G. P. font d'avis
, qu'on commence par réparer les trois Vaiffeaux
de 64 pieces de canon , qui font dans le
Port de Harlingue , & que L. H. P. prient la
Commiffion extraordinaire de d'examiner
guerre
quel est le lieu où les gros Vaiffeaux pourroient
fe conferver avec plus de fûreté , afin qu'on en
profite dès l'inflant , & de s'occuper avant tout
& particuliérement des affaires de la Marine.
( Gazette de la Haye , Nº , 3 ).
Les Troubles populaires femblent vouloir recommencer
à la Haye. On ne garde même prefque
plus de mesure depuis le premier jour de
l'An . Les Tambours de la Bourgeoisie , s'étant
raffemblés au nombre de 36 , devant la Porte
du Colonel , por lui fouhaiter la bonne Année ,
au fon bruyant de leurs caiffes , battirent avec affectation
, l'air du Vaudeville connu , qui commence
par ces mots , Guillaume de Naffau. Cinq
d'entre ces Tambours , avoient même eu la hardieffe
de chamarrer leurs cocardes de quelques
Rubans Orange , fous prétexte que c'étoit la couleur
du Drapeau de leur Compagnie. Le Peuple ,
voyant que , ni le Magiftrat , ni le Colonel
n'avoient donné aucun figne public de défapprobation
, s'eft cru autorifé à reparaître fur la
Scene avec cette fubordination qui le caractérile
; il a même ofé pouffer le cri féditieux ,
Orange en haut Mais on s'attend bien , que '
les Etats , fe raffemblant la femaine prochaine,
prendront des mesures efficaces pour contenir les
Mutins & ceux qui les excitent. ( Gazette
d'Amfterdam , Nº. 2,
:
( 138 )
Paragraphes extraits des Papiers Angl. & autres.
Le feu Roi de Pruffe avoit coutume , toutes
les fois qu'un nouveau foldat paroiffoit au nombre
de fes Gardes , de lui faire ces trois questions :
Quel âge avez vous ? Depuis combien de temps
êtes vous à mon fervice ? ( La Compagnie des
Gardes étoit compofée de la fleur de tous les Ré--
gimens ) . Recevez - vous votre paye & votre habillement
comme vous pouvez le defirer ? Un
jeune François , qui avoit fervi dans fa Patrie ,
demanda d'entrer dans les Gardes , & fa figure le
fit accepter fur le champ. Mais il n'entendoit pas
l'Allemand ; & fon Capitaine , en le prévenant
que le Roi le queftionneroit dans cette langue la
premiere fois qu'il le verroit , lui recommanda
d'apprendre par coeur les trois réponses qu'il devoit
lui faire . Il les fut dès le lendemain , & auffitôt
qu'il fe montra dans les rangs , Frédéric vint
à lui pour l'interroger ; mais il commença par la
feconde queftion , & lui demanda : Combien y at-
il que vous êtes à mon fervice ? 21 ans , répondit
le foldat . Le Roi , frappé de fa jeuneffe , qui
ne laiffoit pas préfumer qu'il eut porté le moufquet
long- temps , lui dit d'un air de furprife :
Quel âge avez -vous ? Un an , fous le bon plaifir
de Votre Majefté. Frédéric , encore plus étonné,
s'écria : Vous ou moi avons perdu l'efprit. Le
foldat , qui prit ces mots pour la troisieme queftion
, répliqua avec fermeté : L'un & l'autre ,
n'en déplaife à Votre Majefté . Voilà , dit Frédéric
, la premiere fois que je me fuis vu traiter de
fou à la tête de mon armée . Le foldat , qui avoit
épuisé la provifion d'Allemand , garda pour lors
le filence ; & quand le Roi , fe retournant vers lui,
( 139 )
le queftionna de nouveau afin de pénétrer ce myftere
, il lui dit en François , qu'il ne comprenoit
pas nn mot d'Allemand . Frédéric , s'étant mis à
rire , lui confeilla d'apprendre la langue qu'on
parloit dans les Etats , & l'exhorta d'un air de
bonté , à bien faire fon devoir.
GAZETTE ABREGES DES TRIBUNAUX (1)¿
PARLEMENT DE PARIS , GRAND'CHAMBRE ,
Caufe entre M. le Chevalier Fredy . M réchal
des Camps & Armées du Roi , Common lant
des Ecies d'Artillerie à Douay. Et M. Fredy
, Confeiller de Grand Chambre. M. Fredy
de Coubertin , Confeiller en la Cour des Aides.
M. Serre de St.- Roman , Confeiller de
Grand Chambre , & Mad me Marard , fon
épo fe. Contre les fieurs & dame de Léguife.
Queſtion d'Etat , mariage tenu fecret,
privation des effets civils ; tierce - oppofition d
Arrêt qai a fatué fur led't mariage , il y a
80 ans , lettres de rejcifion . prifes contre une
tranfaction qui avait précédé l'Arrêt , & contre
divers actes de renonciation à fucceffion
Cette caufe présentoit les plus grands inté
rêts , foit par la fingularié du fait , foit par la
difcuffion des points de droit , foit par l'hérédité
confidérable qui en étoit l'objet. -Une fucceffion
de près d'un million diférée à la dame
de Léguifé par la loi du fang , comme l'héritiere
la plus proche , dont le degré étoit avoué
& reconnu , étoit le fujet de fa réclamation .
On lui oppofsit la clandeftinité du mariage du
fieur Danes fon ayeul , tenu fecret jufqu'à ſa
mort ; vice contre lequel l'ordonnance prononce
la privation des effets civils ; parce que la bifayeule
avoit fait prononcer , par un Arrêt rendu
le 18 Mai 1706 , fur les conclufions du Miniftere
public ; on lui oppofoit encore un Arrêt homologatif
d'une tranfaction paffée par cette
( 140 )
>
ayeule , tutrice de fes enfans mineurs , par laquelle
au moyen du défiftement donné fur
l'appel comme d'abus interjerté de fon mariage ,
& la reconnoiffance de fa validité , en tant que
facrement , elle avoit renoncé à prendre aucune
part dans les biens délaiffés par fon mari , ſoit
pour elle à titre de douairiere ou commune ,
foit pour fes enfans à titre d'héritiers douairiers
ou légataires univerfels de leur pere , ni même
dans les fucceffions de la mere & des freres &
foeurs , attenda les preuves de la clandeftinité
de fon mariage. Rendons un compte fommaire
des faits. Jean Danés , Doyen de l'ordre des
Avocats au Parlement , d'une très - ancienne famille
, avoit eu de fon mariage avec Louife
Habert , 4 enfans. Philippe Danés , Confeiller
au Châtelet , Pierre - Antoine Danés de Saumeron
, Pierre-Hilaire Danés , Docteur de Sorbonne ,
& Confeiller Clerc en la Cour , & Claire Danés ,
mariée à Pierre Morel , Confeiller au Châte
let. L'aîné , Philippe Danés , né en 1650 ,
s'étoit attaché à la demoiſelle Françoife - Julienne
de Villiers , née en 1661 , fille d'un Garde - du-
Corps du Roi. La médiocrité de ſa fortune ne
répondant pas aux vues des pere & mere du
fear Danés , ils fe refuferent à toutes les inftances
qui leur furent faites par leur fils , pour
obtenir leur confentement . L'amour plus fort
que l'autorité paternelle , ayant uni les coeurs
de ces deux jeunes gens , ils vécurent enſemble
fur la foi des promefes de mariage qu'ils s'étoient
faites , & ils eurent plufieurs enfans
-Jean Danés , Doyen des Avocats , mourut en
1688 , la femme continua de refuſer ſon confentement
au mariage de fon fils , de forte
que Philippe Danés & la demoiſelle de Villiers
refterent dans le même état de contrainte jufqu'en
1695 ; à cette époque , Philippe Danés
-
( 141 )
avoit déjà atteint l'âge de 44 ans ; il prit le
parti de faire à fa mere des fommations refpectueules
, & après avoir obtenu une difpenfe de
publication de bans qui commettoit le Curé de
Saint- Pierre- aux -Baufs pour faire le mariage ,
il fut célébré le 17 Mai de la même année ,
en préfence de 4 témoins dénommés dans l'acte ,
lequel fait mention des fommations refpectueuſes
& de la difpenfe des bans. Depuis fon mariage ,
le fieur Danés , dans la crainte de déplaire à
fa mere , qu'il cherchoit à ménager , continua
de vivre féparément de fon époufe ; il demeuroit
dans la maifon de la dame Danés , & la
demoiſelle de Villiers , dans l'appartement qu'elle
occupoit étant fille ; ils ont l'un & l'autre continué
de paſſer dans le monde pour garçon &
fille , & même d'en prendre les qualités dans
les actes . Lors de leur mariage ils avoient
deux enfans morts fans poftérité. Depuis ils ont
eu deux filles , dont l'une a été mariée au fieur
de Grimbert du Breuil , pere de la dame de Lé
guifé ; l'autre a été mariée , mais eft morte fans
enfans. Le premier Novembre 1703 , Philippe
Danés a fait fon teftament olographe , dans
lequel , après avoir rappellé les circonstances
qui avoient précédé & fuivi fon mariage , avoir
cherché à excufer le fecret qui l'avoit fuivi ,
les actes dans lefquels il avoit pris , ainfi que fa
femme , la qualité de garçon & fille , il recommande
fa femme & les enfans à fa mere & ' à
´fes freres & foeurs , les conjure de ne point porter
atteinte à leur état , & fit entr'eux le partage
de fes biens . Le fieur Danés meurt le zo
Janvier 1705 , dans la maifon maternelle entouré
de fa mere & de fes freres & foeurs
fans demander dans fes derniers momens fa
femme ni fs enfans , fans que ceux- ci tentent
( 142 )
"
de franchir le mur de féparation qui avoit toujours
exifté entr'eux . Il emporte avec lui dans
le tombeau fon fecret , dont la famille ne commence
à être inftruite que par une oppofition
formée dès le lendemain de fon décès , par Julienne
Villiers , en qualité de fa veuve & de
mere de fes enfans , aux fcellés que la dame
Danés , mere du défunt avoit fait appofer
à fa requête , comme fon héritiere mobiliere.
La dame Danés ne fut pas plutôt inftruite du
mariage de fon fils , qu'elle interjetta appel
comme d'abus de fon mariage , en demanda la
nullité , ou , en cas de difficulté , qu'il fût
déclaré clandeftin , & comme tel , que fa veuve
& les enfans fullent déclarés incapables de tous
effets civils conformément à l'Ordonnance de
1539. Julienne de Villiers s'étoit fait nommer
par Sentence du Châtelet , tutrice de fes enfans
mineurs , à l'effet de régir & gouverner
leurs perfonnes & leurs biens , & de foutenir
leur état ; la même Sentence avoit nommé aux
mineurs pour fubrogé tuteur , Me. Belin , Procureur
au Châtelet. L'appel comme d'abus
s'inftruit contradictoirement entre la dame Danés
mere , les fieurs Danés , freres du défunt , intervenans
dans la caufe , & adhérans à l'appel
comme d'abus, Julienne de Villiers , & Me. Belin ;
la caufe bien confultée de part & d'autre , les
parties fe rapprocherent & pafferent une tranfaction
& arrêt homologatif d'icelle , le 18 Mai
1786. Cet Arrêt porte ces difpofitions : « En
tant que touche l'appel comme d'abus , dit
qu'il n'y a abus; déclaré les enfans incapables
» d'aucunes fucceffions ; leur mere d'aucun
préciput & autres conventions - matrimoniales ,
& homologue la tranfaction du 20 Avril ,
» pour être exécutée ſelon ſa forme & teneur ».
5)
( 143 )
-Cet Arrêt a reçu fa pleine & entiere exécution
; la fucceffion du feu fieur Danés a été
partagée entre fa mere , héritiere mobiliere ,
& fes freres & foeurs , héritiers des propres , fans
y appeller Julienne de Villiers , ni tes enfans. Ces
mêmes enfans ne le préfenterent pas en 1708 au
partage de la dame Danés , leur ayeule. • De
trois que le fieur Danés avoit laiffés , une fille
a fait profeffion en religion ; le fils eft mort fans
être marié ; & la deuxieme fille a épousé le
fieur Grimbert Dubreuil; une troifieme a époufé le
fieur Chantereau , mais elle eft morte fans enfans
en 1738. L'abbé Danés , frere du feu fieur
Danés , eft mort après avoir fait un teftament
qui rappelle & confirme l'Arrêt de 1706 ; il
fait des legs aux deux filles de fon frere aîné
provenues d'un mariage déclaré & jugé clandeftin
, & comme tel privé des effets civils ;
favoir , à la Religieufe 200 livres de penfion
viagere , & à la dame Grimbert du Breuil ,
la fomme de 10000 livres une fois payée ; la
dame Grimbert du Breuil a confenti l'exécution
du teftament , & a accépté le legs . En 1777
s'ouvre la fucceffion de M. le Préfi lent Danés ,
fils de feu fieur Danés de Saumeron , frere de
Philippe Danés ; les fcellés furent appofés fur
fes effets à la requête de MM. Fredy & de
St.-Roman. La dame Grimbert du Breuil tenta
d'y former oppofition par le miniftere de procuration
, en qualité de feule & unique héritiere
des meubles , acquêts & propres de la fucceffion
de M. le Préfident Danés ; ma's mieux
confultée , elle le défifta de fes prétentions ,
& renonça purement & fimplement , tant à la
dite fucceffion , qu'à toutes celles qui pourroient
s'ouvrir du côté & ligne de Philippe Danés
& reconnut que MM. Fredy & de St.- Roman
"
( 144 )
étoient les feuls & uniques héritiers de M. le
Président Danés ; poftérieurement à ce défiftement
, MM. Fredy & de St. - Roman , enleur dite
qualité , payerent à la dame Grimbert du Breuil
une fomme de 10000 liv . , pour fe conformer
aux intentions verbales du Préfident Danés. Il
y avoit près de 6 ans que MM. Fredy & de
St.-Roman étoient en pleine & paisible poffeffion
des biens de la fucceffion de M. le Préfident
Danés , lorfque la dame Dubreuil forma
contre eux , le 5 Mars 1783 , une demande en
défiftement de tous les biens de cette fucceffion.;
une Sentence par défaut des Requêtes du Palais
ayant accordé la demande , MM . Fredy & de
St.- Roman en ont interjerté appel. Pendant l'inf
truction , la dame Grimbert Dubreuil eft décédée.
La dame de Léguifé fa fille a repris l'infiance ',
& pour écarter tous les obftacles qui pouvoient
lui être oppofés , elle a obtenu des lettres de
refcifion contre la tranfaction de 1706 & la
renonciation de 1777. En même tems elle a
formé une tierce -oppofition à l'Arrêt d'homologation
de la tranfaction ; elle a même , en tant
que de befoin , pris des lettres de Requête civile
contre ce même Arrêt. C'eft en cet état
que la caufe a été plaidée contradictoirement ,
& l'Arrêt eft intervenu le 7 Avril 1786 , qui
a mis l'appella ion & ce au néant , émendant ,
a déchargé MM. Fredy & de St.- Roman des
condamnations contre eux prononcées , déboute
la dame de Léguifé de fes demandes en entérinement
des lettres de refcifion contre la tranfaction
de 1766 , & les actes de 1777 , & en
tierce oppofition à l'entérinement de let res de
Requête Civile contre l'Arrêt de 1706 , l'a condamnée
en l'amende de tierce-oppofition & Requête
Civile , & en tous dépens .
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 10 Janvier.
Demidof, Confeiller d'Etat en Ruffie ,
Mcélébre par fes largeffes à l'Hôtel des
Enfans -Trouvés & d'autres Etabliſſemens
publics de Mocow , eft mort dans cette
ancienne Capitale de la Ruffie.
Nous avons rapporté les nouvelles courantes
de Conftantinople , touchant la po
fition actuelle du Capitan- Pacha en Egypte
; voici maintenant celles qui rempliffent
les Gazettes d'Europe , & quijufqu'ici n'ont
en leur faveur que l'autorité de ceux qui les
débitent.
1
Les nouvelles qu'on reçoit de l'Egypte font
très -affligeantes ; les troupes Ottomanes ont été
complettement bartues par les Reys , & ont perdu
leur artillerie . Le Capitan - Pacha raffemble
des Soldars de tous côtés ; mais il est bien à
craindre que ces nouvelles levées ne puiffent
refifter à l'excellente caval erie desrebelles dont
N°. 4 , 27 Janvier 1787. g
( 146 )
cette victoire va d'ailleurs groffir le parti . S'ils
rentrent au Caire , ils y commettront des défordres
affreux , & les Négocians acheveront de
perdre leurs fortunes. On a cependant fort à fe
Jouer jufqu'à ce moment de la protection que le
Capitan- Pacha leur accorde .
On arme ici plufieurs bâtimens qui doivent
porter en Egypte des fecours en hommes & même
en argent. Il est très- incertain que Murath Bey
ait éte bleffé , & l'on affure que fes troupes ,
jointes à celles d'Ibrahim , font retranchées à
Girgé , où elles peuvent recevoir des renforts
de la haute Egypte , qu'il y a beaucoup de mécontens
au Caire , & que le Capitan -Facha vient
encore d'en augmenter le nombre en faifant
mourir un de ces Santons ( 1 ) que leur fourberię
ou leur imbécillité font également respecter de la
populace Egyptienne.
Tandis que les forces Ottomanes font ainfi occupées
en Afrique , un autre rebelle , bien plus
formidable , continue de démafquer fes vaftes
projets. Mahmout- Pacha , réconcilié avec Cour-
Achmet-Pacha fon adverfaire , n'éprouve plus
d'obftacles ; il envoie dans toutes les villes de
l'Albanie & de la Macédoine de nouveaux Muffelims,
( 2 ) & des Cadys qui font reçus avec tranfport
parce qu'ils annoncent la réduction des impôts
; & le courier de Naples arrivé dernierement
a trouvé un détachement de fes troupes , à 15
lieues de Salonique. Il s'eft tenu avant
hier un
grand Mufchavere ( 3 ) dont on ignore encore le
réfultat ; mais on peut préfumer que les mesures
(1) Efpece de Moines mendians .
(2) Officiers des Douanes.
(3 ) Ou Confeil d'Etat.
( 147 )
à prendre pour deconcerter les projets de Mah
mout-Pacha ont fait la matiere des délibérations
de ce Confeil . Ce nouveau rebelle commande
une armée de 40,000 Albanois toujours invinci
bles dans les pays de montagnes , & prefque tous
chrétiens. Il poffede ce meme pays ou Scanderberg
, dont il fe vante de defcendre , battit les
armées formidables du grand Amurath , & il
acheve de rappeller ce héros par une taille gigan
tefque & une force prodigieufe .
Le Belitschi ( Premier Commis des affaires
étrangeres ) vient de perdre fa femme , fes enfans
& tous les domeftiques de la pefte.
Dans d'autres récits encore plus apocry
phes , on difgracie le Capitan- Pacha : on lui
prépare le cordon fatal à Conftantinople ,
& on le fait aller en Albanie joindre le Rébelle
Mahmud , Pacha de Scutari .
Un Ecrivain périodiqué Allemand vient
de tracer l'efquiffe fuivante de la vie privée
du Prince Royal de Danemarkc.
Ce Prince , dit - il , âgé de dix- neuf ans , eſt
parvenu à l'époque où les facultés du corps & de
Vame approchent de leur maturité. Ses cheveux
blonds donnent à fa phyfionomie quelque chofe
d'intéreffant,furtout depuis que fon teint, naturel.
lement très - blanc , s'eft bruni ar air rude du Damnemark
, auquel il s'expofe en toute faifon . La
bonne conftitution de ce Prince , qui fe fortifie
de plus en plus par un genre de vie ſemblable à
celui des anciens Spartiates , fait espérer qu'il
grandira encore. Depuis 3 ans fa maniere de vivre
eft en hiver la même qu'en été . Il ſe leve ordinairement
à fix heures du matin; quelques fois ,
on le voit déjà à cheval à cinq heures . Le Prince
ne prend jamais ni vin , ni caffé , ni chocolat ; il
g 2
( 148 )
ornés
es
déjeûne avec du thé & ne boit que de l'eau . Son
habillement eft fimple ; il ne connoit ni robe- dechambre
, ni aucun autre habit négligé , auffi- tôt
qu'il fe leve, il en doffe fonhabit uniforme , qui
eft celui de fon Régiment. Outre les habits uniformes
, fa garderobe ne contient que deux autres
habits , un de drap noir , qu'il eft dans l'uſage
de mettre quand il communie , & l'autre de drap
jaune qu'il ne met qu'à l'ouverture annuelle de
la Cour fuprême. Un - feul laquais lui fuffit pour
fon fervice perfonnel , & il n'en avoit pas d'autre
pendant le voyage qu'il fit l'été paffé en Seelande
& dans la Scanie. L'appartement qu'occupe le
Prince royal au Chareau de Chriftiansbourg, &
furtout fon cabinet , font meublés fort fimplement
, à l'exception de la falle d'audience où l'on
a laiflé anciennes décorations . Les murs font
de plufieurs portraits des perfonnes de la
famille royale , & de quelques gravures qui repréfentent
les batailles d'Alexandre - le-Grand, &
de plufieurs peintures en paflel de la main de
fon augufte foeur . Le Prince royal, frugal à table,
& économe dans toutes les dépenfes , porte le
même efprit d'ordre dans l'emploi de fon tems.
Aucun plaifir ne peut l'engager à en faire de
grands facrifices . Il aime beaucoup à monter à
cheval , mais lorsqu'il le fait c'est toujours pour
quelque affaire. Les beaux arts ont en lui un prarecteur
généreux. Mr. Ryde , membre de l'académie
de Peinture , fait pour lui dans ce mament
plufieurs tableaux militaires de l'hiftoire de
Danemark, Ce Prince ne joue jamais , il danfe
quelques fois aux tals qui fe donnent au Château
& ne va au fpectacle que rarement. Outre la langue
du pays , il parle parfaitement les langues al-
Jemande & françoife . Les exercices militaires
font les occupations chéries : quelque tems qu'il
( 149 )
faffe il ne manque jamais de fe trouver à la parade
& aux manoeuvres des troupes ; il travaille fans
ré âche à perfe &ionner la difcipline & les exercices
des troupes Danoifes. Sa bibliotheque prefqu'entiere
ne confifie qu'en ouvrages qui traitent
des exercices militaires . La tactique eft fon étude
favorite. Audi , d'après le témoignage des militaires
inftruits , il a acquis des connoi fances fupérieures
dans cet art . Cepen lant le Prince ne
donne pas tout fon tems à ce genre d'occupations ,
il s'applique tous les jours à d'autres objets dans
fon cabinet pendant plufieurs heures . Les Mercredi
& Vendredi les membres du Confeil - d'Etat
fe rendent chez lui dans la matinée pour l'inf
truire des affaires qui feront propolées au Roi
dans le Confeil où le Prince et préfent chaque
fois. Les jours où il n'y a pas de Confeil le Prince
eft dins l'ufage de donner audience à ci q
heures de l'après - midi. On y tient une note trèsexacte
des mémoires qui lui font préfentés . Les
objets qui méritent fon attention font recommandés
aux miniftres ; & fouvent il eft arrivé que
le Prince leur en a rappellé le fouvenir lorfqu'ils
ont tardé à en faire le rapport. Pendant les audiences
le Prince eft debout , & écoute avec une
attention complaifante tout ce qu'on a à lui dire ;
il fait peu de queftions , mais toutes font claires
& très préciles. Lorsqu'on lui propofe quelque
projet , fa premiere demande eft , s'il en résulte
quelque utilité & ce que fon exécution pourra
La bienfaifance eft auffi une des
grandes qualités de ce Prince. Les penfions qu'il
a affignées fur fa caffette font un objet confidérable
; il aime à récompenfer la vertu , le mérite
& les fciences ; mais les libéralités de ce Prince fe
bornent à la propre caffette ; jamais où très - rarementil
emploie fon crédit pour faire donner des
Couter.
-
gr
11503
gratifications fur le Tréfor de l'Etat . Il donne
fouvent , rarement en public & toujours avec réflexion.
En général ce Prince recherche le bien ;
il évite & détefte les louanges . Toutes les actions
font une preuve éclatante de la pureté de fes
moeurs , de fon coeur , de la jufteffe & de la nobleffe
de fon efprit.
Pendant l'année derniere , on a compté
dans cette ville & fes deux fauxbourgs 952
mariages , 2590 naiffances , dont 242 enfans
illégitimes & 3356 morts.
Copenhague , dans la même année 1786 ,
a eu 961 mariages , 3164 naiffances , &
4001 morts.
Le Roi de Danemarck a fait remettre la
grande Médaille d'or pro meritis à Olay
Stephenfon , Bailli en Iflande , qui depuis
plufieurs années s'eft montré le pere & le
bienfa teur de ces malheureux infulaires .
Une pareille Médaille a été envoiée par ordre
du Roi à Olav Jofeph Hiort , Prédicateur
de la paroiffe de Waagen , qui a fait
transporter en Iflande 35 rennes , fans avoir
voulu en recevoir aucun paiement.
De Berlin , le 9 Janvier.
Le premier de l'an , le Roi a élevé le
Duc regnant de Brunfwick au grade de
Feldt- Maréchal. Il a conféré le grand Ordré
de Aigle Noir au Duc de Courlande , au
Lieutenant Général Comte de Borck , &
aux Miniftres d'Etat de Blumenthal & de
Schwerin. Parmi les autres perſonnes fur
lefquelles S. M. a répandu des graces , on
diftingue le Baron de Boden , ancien Minif(
151 )
"
tre du Landgrave de Heffe en France , &
le Roi a nommé fon Chambellan , avec
des appointemens honorables .
que
-Depuis la fin de Déc. 1785 , juſqu'à la même
époque de 1786, dit leD . Bufching dans fa feuille
hebdomadaire , le nombre des naiffances à Berlin
a été de 4777 , & celui des morts de 6077 ;
l'état militaire eft compris dans ce calcul ; les
morts ont par conféquent furpaffé les naiffances
de 1300. La petite vçrole fur- tout a amené cette
mortalité ; elle a enlevé 1071 enfans & 6 perfonnes
faites. 478 enfans font morts du travail
de la dentition , & 653 perfonnes ont péri de mifere.
Le nombre de ceux qui font morts de
maladies de poitrine , de phtisie & de confomption
monte au - delà de 1500 ; les perfonnes
mortes âgées , montent à 251. Les enfans
morts nés font au nombre de 168 .
Parmi les naiffances on a compté 423 enfans
illégitimes ; ils font un peu plus que la onzieme
partie des naiffances . Le nombre des jumeaux eft
de 25 ; il y a eu auffi une couche de 3 enfans .
On a compté dans la Marche électorale ,
y compris le Comté de Wernigerode 5372 mariages
, 23,399 naiffances & 20,787 morts. L'é-
`tat militaire n'eft point compris dans ce calcul .
-
Le Total des mariages dans les Etats du
Roi de Prufle a été pendant l'année derniere de
45,259 , celui des naiffances de 211,188 , &
celui des morts de 161,827 . Ainsi les naiſſances
ont furpaffé les morts de 49,361 .
De Vienne , le 9 Janvier.
Plufieurs Ordonnances fucceffives défendent
aux Supérieurs & Communautés
Eccléfiaftiques , comme n'étant qu'ufufruitiers
temporels des biens de l'Eglife , d'aliég4
( 152 )

ner aucun bien meuble ou imaisuble , fans
la permiffion du Souverain ; des loix antérieures
avoient déja pourvu à ce qu'aucun
particulier Eccléfiaftique , Chef-d'Ordre ou
Administrateur de fondation ne pût gréver
de dettes les biens de l'Eglife , fans le confentement
de fon Supérieur & Comm inauté
refpectifs , puifque c'eft-là une espece d'aliénation
; mais comme ces Ordonnances
ont été violées , & que fur- tout des Chefsd'Ordres
Religieux ont contracté des dettes
à la charge des biens de l'Eglife , il vient
d'être ordonné, par une réfolution de la
Cour , que , comme aucun Couvent , Eglife
ou fondation n'a , fe'on les loix , la faculté
d'aliéner de fon chet , quoi que ce foit
de fes pofleffions actives , ni de fe faire rembourfer
des capitaux , de même il eft ftatué ,
qu'on ne pourra, fous peine de nullité abfolue
de la prétention , prêter quoi que ce
foit ou faire crédit à aucun Supérieur de
Couvent , d'Eglife ou de fondation , à
moins qu'on n'en ait prévenu les Magiftrats
refpectifs , & obtenu leur confentement à
cet égard.
Le dernier tremblement de terre a fendu
plufieurs rochers du mont Crapath ; les
crevaffes ont jufqu'à un pied de large. A
Neumarkt trois fecouffes confécutives ont
renversé prefque tous les fourneaux , deux
maifons de pierre ont reçu des ouvertures
confidérables ; la plupart des habitations de
( 153 )
bois , mal affermies fur leurs fondemens.
ont été déplacées .
L'Empereur a accordé au Comte Jean
Cfaky de Keresztsegh fa démillion de la
place de Juge fuprême du royaume de
Hongrie , en le nommant Grand- Croix de
l'Ordre de Saint - Etienne . Le Comte de Nizky
lui fuccédera.
De Francfort , le 14 Janvier.
Pendant l'année 1786 , on a compté à
Manheim 170 mariages , 674 naiflances &
721 morts .
Depuis le commencement de l'année , il
eft défendu aux Pauvres de Mayence , de
parcourir les rues ou les maifons , précédés
d'une croix , por mendier ; mais afin qu'ils
reçoivent les aumônes faites jufqu'ici , &
pour les rendre encore plus abondantes , il
fera fait chaque femaine une quête générale,
par quatre Officiers Bourgeois de cette ville,
ayant à leur tête un Confeiller de la Régence
Electorale. Les fommes réfultantes feront
emploiéés à l'entretien d'un Etabliffement.
Tout Pauvre de Mayence , en état de travailler
, trouvera de l'ouvrage felon fes forces
, & un falaire proportionné à ſon zele :
ceux auxquels l'âge ou la fanté ne le permet
pas , feront affiftés de la Caifle , des
Pauvres . Les Pauvres honteux recevront
'chez eux tout ce qui eft néceſſaire aux ouvrages
de filature , de tricotage 8 : autres .
gs
( 154 )
Leur Confeffeur ou autre perfonne , par le
moyen duquel ils auront demandé & obtenu
ces fecours , répondront feulement des
objets confiés . La Caiffe des Pauvres foutiendra
auffi les Maîtres Ouvriers de cette
ville , réduits au befoin par un événement
malheureux : il leur fera avancé de l'argent
afin qu'ils ne perdent pas leurs métiers. Il
eft défendu , fous telle amende pécuniaire ,
de donner fecrettement aux Pauvres , &
hors de la quête qui fe fera chaque femaine
on peut l'évaluer à environ 1500 liv.
La défenſe de mendier , fous peine d'être
arrêté , regarde auffi les Pauvres étrangers ;
mais les garçons de métiers néceffiteux ,
qui voyagent , feront affiftés de la Caiffe , fi
la Tribu à laquelle ils appartiennent n'eft
pas dans l'ufage de fubvenir à leurs befoins.
On a célébré le 19 Décembre au château
de Meiningen , les fiançailles du Prince Frédéric
Eugene-Henri de Wirtemberg - Stutgard
, Major Général au fervice de Praffe ,
& de la Princeffe Louiſe , Ducheffe douairiere
de Saxe - Cobourg Meiningen , née
Princeffe de Stolberg- Gedern.
Dans le cours de 1786 , on a compté à
Gotha 87 mariages , 341 naiffances & 292
morts.
A Hanau , le nombre des mariages a été
de 96 , celui des naiffances de 378 , & celui
des morts 87 .
L'Electeur de Saxe vient d'élever le Lieu(
rss )
tenant Général de Riedefel au grade de Général
d'Infanterie , & de lui donner le Gouvernement
de Drefde & de Neuftadt. Son
Alt. Elect. a nommé en même temps le
Lieutenant- Général de Benkendorf Général
de Cavalerie , le Major Général de Lecoq ,
Lieutenant Général , & le Comte de Baffewiz
, Major- Général & Chef d'un Régi
ment de Carabiniers..
ESPAGNE.
De Cadix , le 10 Décembre.
Dernierement , l'Empereur de Maroc a
ratifié , dit-on , un Traité de paix dont le
Congrès des Etats-Unis lui avoit envoié le
projet. Voici la teneur de ces articles & de
la Lettre de S. M. Marocaine qui les précédoit.
« Au nom de Dieu .... Mahomet- Ben- Abdala.
сс« Très - illuftre Congrès d'Amérique ! Votre
Ambaffadeur nous a remis votre Lettre & nous
> en avons lû attentivement le contenu . Nous
» y avons vû le defir , que vous témoignez de
» conclure avec nous un Traité de paix. Nous y
"
"
avons confenti volontiers , & en avons même
»adopté le plan tel que vous l'avez conçu , en y
appofant notre Cachet Impérial . En conte
→ quence , nous avons dès - à - préfent doncé or-
» dre aux Commandans de tous nos Ports maritimes
, de protéger & d'affifter tous les Na
vires , qui entrent dans nos Ports fous Pavig
g 6
( 156 )
ود
lon des treize Etats Unis , bref de leur accorder
les mêmes faveurs qu'aux autres Nations
les plus amies. Bien réfolus de faire encore
» davantage , quand l'occafion s'en préfentera ,
nous vous écrivons ceci en témoignage de
» notre fincere amitié & de la paix que de notre
→ côté nous vous offrons » . Le vingtieme jour du
Ramadan , l'an de l'Hég re 1200 , c'eft - à- dire , le
24 Juillet 1786.
Traité de Paix conclu entre les Américains &
PEmpereur de Maroc.
ART. premier , Nous ( les Américains ) ,
59 fouhaitons -lier & cimenter un Traité d'Amitié
& de Paix avec S. M. Impériale.
» II. Si nous fommes en guerre avec d'autres
Puiffances , nos Vaiffeaux trouveront
» toute fûreté contre les Ennemis , dans les Ports
de S. M. Impériale .
III. En cas de guerre , avec une autre
Puiffance , tous les Maures faits prifonniers
fur les Vaiffeaux Ennemis , & leurs effets
feront de bonne prife . Cette clauſe ſera ré-
> ciproque.
J
IV. Lorfque les Vaiffeaux des deux Puiffan-
» ces contractantes fe rencontreront en Mer , ils
» hifferont leurs Pavillons , fe parleront , mais
ne pourront le vifiter .
V. En cas de guerre , la vifite du Vaif
feau fera permife ; mais deux hommes feule-
» ment pourront aller à bord , & s'ils commet-
» tent quelques dommages , on fera tenu à une
» indemnité.
VI. Si une des Frégates ou croifieres de
S. M. Impériale prend un Vaiffeau Améri-
» cain , & le conduit dans un de fes Ports ,
( 157 )
S. M.le fera mettre en pleine liberté , perfon-
» nes & effets.
و د
VII. Lorsqu'un 'des Vaiffeaux de S. M. entre-
» ra dans un de nos ' Ports , on lui fera l'accueil le
plus favorable , & on lui fournira les provifions
> dont il aura befoin .
>>
VIII. Si un Vaiffeau Américain exige une
réparation , & qu'il aille dans un des Ports de
» S. M. I. , pour cet effet , il lui fera permis de
débarquer & de rembarquer les marchandises,
>> fans qu'on puiffe , pour cette raison , l'affujettir
» à aucun droit .
בכ
" IX. Si un Vaiffeau Américain échoue für
les côtes de l'Empire de Maroc , on ne pourra
le molefter en aucune maniere , & on le laiffera
en cet état juſqu'à ce qu'on lui ait envoyé
les fecours nécellaires .
» X. Tout Vaiffeau Américain , qui fe trou-
» vera dans les Ports ou für les côtés de S. M. I.
> ne pourra être inquiété , même par d'autres
» Nations , & recevra toute affitance de la part
ce de S. M. I. Il en fera de même des Vaiffeaux
» Marocains , dans les Ports où fur les côtes de
» l'Amérique.
ود
» XI. En cas de guerre , fi des Vaiffeaux des
deux Puiffances belligérantes fe trouvoient enfemble
dans les Ports de S. M .; l'un de pourroit
en fortir que 24 heures après l'autre. Il
» en fera ainfi des Vaiffeaux de S. M. I. en
Amérique.
ود
» XII. Les Prifonniers d'un Vaiffeau de
guerre Américain , entrant dans un Port de
S. M. I. , ne pourront être reclamiés par qui
» que ce foit ,
" XIII. Un Vaiffeau Américain , après avoir
» falué la Ville de S. M. , qu'il abordera , rece-
» vra de la Ville un falut du même nombre de
coups de canon .
( 158 )
1
» XIV. Si des Négocians Américains s'établiffent
dans l'un des Ports de S. M. , ils jouiront
des mêmes priviléges & avantages que
» les autres Nations , & pourront avec liberté fe
» rendre d'un Port à l'autre , &c .
» XV. Ils auront la liberté de faire le mê-
» me commerce que les autres Nations , de
transporter leurs biens d'un Vaiffeau dans un
autre , fans pouvoir retenir ces Vaiffeaux pour
la quarantaine , ils auront en outre des tru
>> chemens.
XVI. En cas de guerre entre les deux Nations
contra&antes , on échangera les prifonniers
de guerre homme pour homme.
" XVII. Les Négocians Américains ne pourront
être forcés d'acheter des marchandifes
» contre leur gré , ni être contrariés dans la difpofition
de leurs biens . Ils demanderont au
>> refte les permiffions d'ufage , comme le font
>> ceux des autres Nations.
က
» XVIII . Lorsque les marchandiſes auront
» été débarquées , elles feront examinées pour
» être foumifes aux droits ordinaires ; mais en
» cas de fraude ou de contrebande , le frau-
» deur ou contrebandier ſeul , pourra être
puni , fans que le Vaiffeau foit fujet à la
» confifcation .
XIX. Les Patrons des Navires pourront
» être obligés de tranfporter des marchandifes
d'un Port à l'autre , à moins qu'ils n'y
confentent moyennant un prix accordé &
→ convenu .
#
» XX. Un Américain , coupable de quelque
erime , fera livré à fon Conful , qui le jugera.
» Si celui- ci demande affiftance au Gouverelle
lui fera accordée . S'il ne peut
décider le procès , le Criminel fera envoyé
» en Amérique.
» neur ,
11595
ور
» XXI. Un Américain , qui fera tort ou vio-
» lence à un Sujet de S. M. I. , pourra être emprifonné
par le Gouverneur , qui le jugera ,
» mais en préſence du Conful , qui plaidera fa
» cauſe. Si le priſonnier s'échappe , le Conſul ne
pourra en être refponfable .
55
» XXII. En cas de décès d'un Américain fur
le territoire de S. M. I. , fes biens propres fe
→ ront remis au Conful ou au Comptoir du Com-
» merce , pour être rendus aux héritiers qui les
» réclameront.
» XXIII. Le Conful refidera dans l'un des
>> Ports de S. M. I. , & fera refpe&té comme ceux
→ des autres Nations .
ככ
XXIV . En cas de mécontentemens entre
» les deux Puiffances , la paix durera juſqu'à ce
» que les affaires foient décidées ; fi elles fe ter-
» minent par laguerre , on ne prendra les armes
que neuf mois après la décifion , afin de donner
le temps aux Sujets des deux Puiffances de
» partir fans obſtacles avec leurs propriétés. Si
» S. M. accorde quelques nouvelles faveurs
→ aux autres Nations , les Américains en joui-
» ront également .
כ כ
XXV . Cette Paix entre les deux Nations
» durera l'espace de 50 ans » .
GRANDE - BRETAGNE
;
De Londres , le 13 Janvier.
S. M. voulant condefcendre aux defirs de
S. A. Charles-Henri de la Tour d'Auvergne
, Duc regnant de Bouillon , a ordonné
d'enregiſtrer dans fon Collége d'Armes ,
une déclaration de la main & fous le fceau
( 160 )
de S. A. , qui reconnoît Charles d'Auvergne
, Ecuyer , & James d'Auvergne , fon
frere , Major Général dans l'Armée Britannique
, & Lieutenant - Colonel aux Gardes à
cheval de S. M. , comme deſcendans de
l'ancienne & noble Famille des Comtes
d'Auvergne , dont le Duc de Bouillon defcend
lui-même. S. M. permettant de plus
auxdits Charles & James d'Auvergne & à leur
poftérité , de porter les armoiries de la Maifon
d'Auvergne , qu'ils auront foin de faire
enregistrer au Dépôt héraldique de la Couronne.
S. M. voulant récompenfer les talens diftingués
du célébre Graveur Robert Strange
, lui a conféré la Chevalerie ( Knigthood).
Cette diftinction n'eft pas héréditaire.
Le Chevalier Andrew Snape Hammond
commandera la ftation des Ifles fous le
vent , à la place du Chevalier R. Bickerton
qui a réfigné. Les vaiffeaux de cette efcadre
en armement font le Jupiter , de so can. ,
le Maidstone , de 28 , & la Refolution
floop de 16. Ces vaiffeaux font tous doublés
en cuivre , & bien équippés. Ils ont à
bord pour 6 mois de vivres , & font à la
rade de Spithead , prêts à mettre à la voile.
Les troupes étrangeres , que la Compagnie
des Indes a prifes à fa folde , & qui
doivent être tranfportées dans l'Inde fur fes
vaiffeaux , font toutes Hanovériennes. La
moitié de ces troupes font déja arrivées à

( 161 )
Stade , les autres font retenues par les glaces
en Allemagne ; circonftance qui a retardé
le départ de plufieurs vaiffeaux deſtinés
pour l'Inde.
1
Sept de ces navires de la Compagnie ,
dont pour Bombay, 2 pour le Bengale ,
& 4 pour la Chine , doivent mettre à la voile
au premier jour. Ils feront fuivis avant la
fin du mois par 11 autres vaiffeaux deſtings
pour différentes parties de l'Inde.
Les Papiers Miniſtériels affurent , que
d'après les nouvelles qu'on vient de recevoir
de cette contrée par la voie de terre ,
il paroît que les affaires de la Compagnie
des Indes font dans une fituation trèsfloriffante.
Le Lord Cornwallis a été reçu ,
difent-ils , avec les plus grandes démonſtrations
de joie , excepté par la perfonne qu'il a
déplacée & par plufieurs Membres du Confeil
, dont cette arrivée a déconcerté les
projets.
Le dernier Courier , venu de l'Inde , a apporté
entr'autres , à ce qu'on rapporte , une
lettre de M. John Macpherson , dans laquelle
il fe plaint amérement du paffe droit qu'on
lui a fait en nommant Lord Cornwallis ,
Gouverneur Général du Bengale . Il expofe
les réformes importantes qu'il a opérées depuis
la réfignation de M. Haftings , & fe glorifie
d'avoir mis les affaires de la Compagnie
dans une fituation beaucoup plus avantageufe
que celle où il l'a trouvée. Il ne parle ce(
162 )
pendant point de réfigner la place qui lui
a été affignée dans le Confeil , & il restera
fous les ordres de Mylord Cornwallis.
( Cette lettre eft apocryphe très - probablement
, & l'on n'a, ni ne peut avoir encore de
nouvelles certaines de l'arrivée de Mylord
Cornwallis ) .
Suivant les mêmes dépêches , les Marattes
venoient de faire la paix avec Nizin Aly
Cawn; mais il régnoit le plus grand défordre
dans leur pays par une fuite de leurs querelles
avec Ragenauth- Row , Chef puiffant &
guerrier. Les Zémindars qui habitent les montagnes
, ont tiré avantage de ces querelles ,
ainſi que Heyder- Heigh , qui s'eft emparé du
Sircar , de Gualier & de différens forts dans
le pays adjacent.
M. Pitt doit répondre dans peu de jours ,
comme il s'y eft engagé , aux Négocians des
Ifles , touchant la diminution de 2 fols par
gallon qu'ils demandent fur les droits du
rhum. Si la réponſe du Miniftre les fatisfait ,
il n'exiftera plus de requête en oppofition au
Traité de Commerce ; circonstance fort finguliere
, après tout ce qui a été dit & écrit
contre ce Traité .
Il a été lancé en Angleterre dans le courant
de l'année 1786, 14 vaiffeaux de guerre,
dont un de 100 canons , un de 90 , fix de 74,
deux de 44, & quatre frégates.
Le Commodore Philips , après avoir pris
fes inftructions à l'Amirauté , eft parti le 9
( 163 )
pour Portſmouth , où il va hâter l'armement
de l'efcadre de Botany Bay dont il a le commandement.
On aura au premier jour avis
de fon départ .
On affure que le Gouvernement a le deffein
de mettre les Réfidens Britanniques
dans les Etats Barbarefques , fur un pied
plus refpectable qu'ils n'y ont été jufqu'ici.
Les papiers de l'opposition , obfervent à tort &
à travers , à cette occasion que la France a des
Confuls dans tous les ports de la Méditerranée
& du Levant où il fe fait un peu de commerce ,
Le conful eft guidé par un code particulier pour
les marchands & les Capitaines qui font fous fa
dépendance. Les droits de Chancellerie qu'il
perçoit font modérés , & par conféquent , ne peuvent
être à charge au commerce. En un mot ,
il femble que la France ait des Confuls pour
protéger fon commerce , tandis que l'Angleterre
femble n'en avoir au contraire que pour
opprimer le sien . Les Confuls de France ont des
appointemens fuffifans pour repréſenter avec di
gnité dans les poftes qu'ils occupent ; & il leur
eft défendu de faire le commerce fous quel prétexte
que ce foit ; cette difposition empêche
qu'ils ne puiffent ufer de partialité envers leurs
compatriotes , ou envers les naturels du pays où
ils résident. D'un autre côté le Vice-Conful fert
à éclairer les démarches du Conful dont il dépend
, & si la conduite de celui- ci eft blâmable,
il eft tenu de rendre compte au Gouver
nement. L'Angleterre agit tout différemment ;
les Confuls n'ont que des appointemens trèsmodiques
, & fouvent même ils n'en ont point ;
on leur permet imprudemment de faire le né
goce , & comme leur office leur donne du cré(
164 )
dit & défend leur perfonne , il arrive fouvent
que , foit par des malheurs ou par une fuite de
leur inconduite , ils font réduits à faire dés faillites.
Il eft inutile d'obferver combien la dignité
de la nation en eft alors bleffée .
Le Marquis de Carmarthen a invité le
Duc de Grafton , les Marquis de Landfdown
& de Buckingham , les Lords Sandwick
& Stormont, M. Fox, &c. à dîner
chez lui le jour anniverſaire de la naiſſance
de la Reine. Beaucoup de gens ont regardé
ce petit événement comme le prélude d'une
coalition , & d'un changement partiel dans
l'Adminiſtration. Rien cependant n'eft plus
contraire à la vérité. Aujourd'hui les gens
bien nés en Angleterre , fe fréquentent & fe
rapprochent dans la fociété , quoique leurs
principes politiques foient entierement oppofés.
Il n'eft point de ville en Angleterre , &
peut-être même en Europe , dit une lettre
d'Edimbourg , où la population & l'induftrie
aient fait des progrès plus rapides qu'à
Paifley. Cette ville n'avoit, en 1738 , qu'environ
4000 habitans. Ils font aujourd'hui au
nombre de 22,000. Les maiſons étoient jadis
d'une apparence miférable , les rues étroites
& fales , les habitans mal vêtus & groffiers.
Les maifons font aujourd'hui , la plupart
neuves & élégantes , les rues fpacieufes &
bien pavées , les habitans gais & po'is ; les
fervantes font plus proprement habillées que
leurs maitreffes ne l'étoient autrefois. Il y a
( 165 ) 1
quelques années , les Bourgeois les plus aifés
regardoient comme une chofe indécente de
defcendre de voiture à leur porte , & lorfque
quelqu'un d'eux arrivoit de Glaſgow en diligence
ou en voiture de louage , il defcendoit
à que que ditance de la ville pour éviter
le reproche de luxe que fes voifins n'auroient
pas manqué de lui faire . L'auberge , conſtruite
par Lord Aberco n , peut être comparée
aux meilleures , foit pour l'apparence , foit
pour les commodités . Paifley dépendoit
jadis de Glaſgow pour le foutien de fes manufactures
; aujourd'hui , elle fe fuffit à ellemême
& elle a établi derniérement une
Banque pour la facilité du commerce. Si fes
habitans fe conduifent encore vingt ans .
comme ils l'ont fait depuis les - 15 dernieres
années , cette ville fera plus confidérable que
Glaſgow.
>
Il paroît par les Journaux de la Chambre
des Communes d'Irlande , qu'il a été embarqué
pour la Grande -Bretagne , dans le courant
de l'année derniere , 23,000 piéces de
gros bétail, & que l'on a paffé un marché du
double de cette quantité pour l'approvifion
nement des marchés Anglois pendant le
Courant de cette année .
Le Docteur Zona , premier Médecin du Roi
d'Efpagne , a envoyé depuis peu à la Société
Royale un Infe&e extraordinaire . Il eſt du genre
des Scarabées , & de la groffeur du petit doigt; il
a deux pouces de long , & il eft fi lumineux ,
que quand il vole pendant la nuit , il répand une
( 166 )
grande clarté. Avant l'arrivée des Efpagnols ,
les Indiens ne faifoient point ufage de chandelles,
& leurs maiſons n'étoient éclairées que par ces
Infectes ; avec un feul , une perfonne peut lire
auffi aifément qu'avec une chandelle allumée .
Lorfque les Indiens voyageoient pendant la nuit
ils en attachoient un à chaque doigt de pied , &
en tenoient d'autres dans la main. Lorfque ces
Infectes font pris , ils ne vivent tout au plus
que trois ſemaines ; tant qu'ils fe portent bien ,
ils jettent beaucoup de clarté , mais elle diminue
avec leurs forces , & lorfqu'ils font morts ,
ils n'en répandent plus aucune. Cet Infe&e eft
doublement utile , en ce qu'il éclaire les mais
fons , & qu'il dévore les Coufins.
Le feu Lord Strange étoit connu par fon
admiration pour la France & les François .
Se trouvant un jour Membre d'un Comité
nommé par la Chambre des Communes , au
fujet d'une requête préfentée par les Manufacturiers
de Spitalfields : après que l'information
eut été finie , il aborda un ancien
Manufacturier , appellé Crumpler, qui depuis
40 ans faifoit des affaires. Après lui avoir
adreffé plufieurs queftions , auxquelles le
Marchand répondit de fort bonne grace ;
Lord Strange prit enfin la bafque de fon habit
& la lui montrant , il lui dit : «< Enfin ,
» Monfieur , dites moi comment il fe fait
» que vous ne pouvez pas faire en Angle-
» terre d'auffi beau velours ; vous nous
>>
obligez à la contrebande & à avoir re-
>> cours à l'Etranger pour nous habiller dé-
» cemment. » Crumpler le regardant atten(
167 )
tivement , loua beaucoup la beauté de
l'étoffe , & faluant Mylord , il le félicita de
ce que fon fourniffeur , M. Swan , l'avoit fi
bien fervi ; «c car , ajouta t- il , c'eſt une des
» meilleures piéces que j'ai jamais fabriquées
» pour la Maifon Swan & Buck : c'est moi',
Mylord , puifqu'il faut vous le dire , qui
» leur fournit tout leur velours de France. »>
Lord Strange furpris , tendit la main au
vieillard & lui promit d'avoir à l'avenir une
meilleure idée de fes compatriotes.
ETATS -UNIS DE L'AMÉRIQUE .
De New- Yorck , le 3 Octobre 1786.
Extraits des Papiers Américains.
Tandis qu'une partie des Citoyens des Etats
Unis s'élevoit contre l'émiffion du papiermonnoie
ordonné par plufieurs Légiflatures
les partifans de ce papier ont effayé
de forcer les légiflations du Rhode Iſland ,
de Maſſachuffet & du New-Hampshire , de don
ner leur fanction à une meſure dont l'adoption
leur attiroit les reproches les plus vifs. Dans le
courant du mois d'Août • une députation de
Comités , nommés par trente villes ou bourgs
de Rhode- Iſland , préfenta à l'Affemblée Générale
use longue pétition , pour expoſer la détreffe
où les réduifoit la difette des efpeces ,
& pour demander une émiffion de papier- monnoie.
L'Affemblée ayant fait à leurs propofitions
les changemens qu'elle crut néceffaires pour
donner à cette mauvaiſe opération les formes
t
( 168 )
"
qui pourroient , en modifier les effets , les renvoya
dans cet état aux différentes villes qui avoient
formé cette demande, pour favoir leurs intentions
à ce fujet. Ce plan leur fut communiqué le 14
Septembre. Six jours après , c'eft - à- dire le 20 ;
on vit marcher vers Exeter , une troupe de
400 hommes armés , tant a pied qu'à cheval .
A quatre heures après midi , ils entrerent tambour
battant dans cette ville , où l'Affemblée
Générale tenoit fes féances. Ils avoient pour
Chefun Fermier d'Hampshire , nommé Moſes
French . Après une courte halte , ils envoyerent
à la Chambre des repréfentans , pour demander
qu'il fût fait for le-champ une réponse à leur
premiere pétition. Soit timidité , prudence ou
quelqu'autre confidération , la Chambre fembloit
difpofée à négocier avec eux ; mais le Sénat ,
dont elle avoit demandé le concours > ne fut
nullement de cet avis . Le Général Sullivan qui
le préfidoit , entraîna tous les fuffrages par un
difcours plein de vigueur & de nob'effe , où
il fit voir l'indécence & le danger de le prêter
à des propofitions faites les armes à la main ,
en fuppofant même que ces propofitions fuffent
auffi jufles qu'elles étoient iniques & abfurdes .
La réfolution de l'Affemblée d'après l'avis du
Préfident ayant été communiquée aux féditieux ,
ceux-ci eurent ordre de charger leurs armes &
d'inveftir entierement la Chambre d'Affemblée ;
des fentinelles la bayonnette au bout du fufl ,
furent placées à toutes les portes , & les Membres
du corps légiftatif demeurerent ainfi prifonniers
jufqu'à la nuit. Alors la plus faine partie des
Citoyens ayant fenti combien il étoit urgent
de mettre fin à ces défordres , commençoit à
s'affembler pour délivrer fes Représentans &
pumir
( 169 )
punir les féditieux. Tandis que ceux ci ne ceffoient
de crier : papier- monnoie, anéantiſſement des
dettes , le bruit éloigné d'un tambour , & les
huzzas pour le Gouvernement , pouffés par l'autre
troupe , frapperent les oreilles des féditieux.
Epouvantés de cette apparition imprévue , ils
fe retirerent ; on les pourfuivit , & comme le
parti du Gouvernement eut bientôt formé un
corps de 2000 hommes , les infurgens furent
bientôt difperfés ; 40 d'entr'eux , y compris leurs
Chefs , ont été faits prifonniers . Ils expieront
leur crime par une mort ignominieufe , à moins
que le Gouvernement ne leur falle grace.
Suivant le rapport de trois homines de San
dusky , les Sauvages font en général difpofés
à la guerre ; il y a 700 Guerriers , raflemblés
à Shawoua , & l'on y en attend encore d'autres ..
Deux blancs arrivés depuis peu de ce lieu même
ont appris à nos gens que ces barbares s'y étoienr
rendus avec 13 chevelures & quatre prifonniers ,
parmi lesquels étoient une dame & fa fille. Cet
deux infortunées ont été brûlées avant les homs
mes , auxquels les Sauvages on dit que leur
tour ne tarderoit pas à venit . Ils ont , dit - on
réfolu de maffacrer le Capitaine Hurkinfon
Inspecteur , avec fon monde ; i's fe propo'ent .
auffi d'aller rendre une vifite à un établiffement
fitué à environ 70 milles de ce fort . Mais nous
efpérons qu'avant l'exécution de ces projets , le
Général Clarke , à la tête de fon corps de 1500
hommes , aura pénétré dans le pays de ces barbares
, auxquels il fera fentir qu'il eft plus aifé..
de maffacrer des habitans fans défenfe , que de
fe fouftraire à la vengeance éclatante que provoquent
de telles atrocités .
Les Sauvages néanmoins prétendent qu'ils ne
feroient aucun mal aux blancs , fi ceux - ci fe te-
No. 4,27 Janvier 1787. h
( 170 )
noient renfermés dans les limites de la Penfilvamie
, & qu'ils ne vouluffent point faire d'établiſſemens
de l'autre côté de l'Ohio.
Le 15 Avril il y a eu une action fanglante entre
les Sauvages appellés Wabash aidés de leurs alliés
, & un très -petit corps d'Americains . Ceuxci
dont le nombre n'excédoit pas 75 hommes ont
défait & taillé en piéce une troupe de 300 Indiens.
Le Roi des Kickapeans, un de leurs Chefs , a été
dangéreufement bleffé dans l'action , & la Reine
des Painkeshws alors enceinte de fon premier enfint
, & qui fe trouvoit au combat avec les autres
guerriers,fut tellement épouvantée , qu'elle fit une'
fauffe- couche . Cet événement a répandu la confternation
parmi ces peuplades qui ont humblement
demandé la paix , mais ils n'en font pas
moins animés contre les Américains ; & on voit
par des lettres poftérieures que les citoyens des
Etats-Unis, & furtout ceux qui font la traite avec
ces Sauvages , ne peuvent prendre trop de précautions
pour mettre leurs marchandifes & leurs
perfonnes en fûreté.
La guerre entre les habitans de Frankland &
les Sauvages des Rivieres , eft à préfent terminée
& l'a été fans effufion de fang. Le célébre Ou̟-
than s'étant mis en marche avec 3 ou 400 hommes
vers les bans de la Tenaflé, un grand nombre
des Chefs des Sauvages allerent au devant de
lui pour le prier de ne point pouffer plus loin les
hoftilités . Il eut à ce fujet une conférence dans,
laquelle ils demanderent la paix dans les termes
les plus foumis. Quant à ceux de leurs gens qui
ont maffacré des citoyens des Etats-Unis , ils ont
cherché un refuge dans le Pays de Chieckamaga ,
mais les Chefs ont promis au célébre Outhan de
les leur livrer dans fix femaines & ils ont de
plus offert des otages pour la sûreté de leurs en(
171 )
gagemens ; cesconditions ont été acceptées & chacun
des deux partis a retourné content chez
foi.
Le Général Parfons , qui étoit allé il y a quel
que temps , examiner la pofition des
ouvrages ,
eft
aujourd'hui de retour. I affure , que d'après
tout ce qu'il a vu fur le Ohio , il y a lieu de
croire que
l'Amérique fut jadis habitée par quelque
Nation qui
connoiffoit nos Arts. Il a trou
vé , en faisant creufer les foffés d'un nouveau
Fort fur l'Ohio , à 600 mile à l'ouest du Fort
Pitt , un ouvrage régulier de
maçonnerie en
briques , dont une partie étoit bien confervée.
Il a auffi trouvé les ruines d'un Fort , & on a reconnu
les foffés & les portes , avec un aqueduc.
Plus loin on a
découvert les ruines d'une Ville
& celles d'une
immenfe
Pyramide , definée
vraisemblablement à fervir ou de Temple ou de
Catacombes ; mais cette Pyramide étoit depuis
fi long-temps en ruines , qu'il a obfervé trois
crues d'arbres par- deffus , ce qui fait
préfumer
que les ouvrages les plus recens de ces ruines ne
peuvent pas avoir moins de 600 années. Le
Général à trouvé en terre un
fragment de machoire
portant trois dents. On peut donner une
idée de leur grandeur , en obfervant que les trois
dents placées avoient deux pieds de long. Il les
a toutes trois apportées avec lui ; une d'elles péfoit
cinq livres . Il a mefuté un Fanur qui avoit
quatre pieds neuf pouces de long. Les Sauvages
les plus âgés ne
connoiffent point d'animal qui
foit dans cette
proportion ; mais ils ont parmi
eux une tradition , qui apprend
qu'autrefois il y
avoit dans leur pays une grande Bète , qui dévoroit
tous les Cerfs & les Ours , mais que le
Grand Etre , touché de
compaffion , tua cette
Bête d'un coup de foudre ,
aucune puiffan
h 2
( 172 )
ce humaine ne pouvant lui arracher la vie .
Le nombre des anciens Forts trouvés dans le
pays de Kentucki , fent l'admiration des curieux ,
& donnert lieu à une infinité de conjectures . Ils
font pour la plupart d'une forme circulaire , fitués
dans un lieu fort par ſa poſition même , &
près de l'eau . On ignore quand , par qui , & pour
quel objet ils ont été conftruits . Ce qu'il y a de
fûr , c'eſt qu'ils font très - anciens , attendu que
l'on n'apperçoit pas la moindre différence , & pour
l'âge & la groffeur entre les arbres que renferment
ces Forts , & ceux qui font aux environs ,
les plus anciens du pays n'ayant pas confervé la
moindre tradition à cet égard ; ces édifices doivent
être l'ouvrage d'un peuple beaucoup plus
actif & plus laborieux que ne le font les fauvages
actuels , & il eft difficile de concevoir comment
on a pu les conftruire fans le fecours des
inftrumens de fer . A une diſtance raiſonnable de
chacun d'eux on trouve toujours une petite -
monticule de terre ; elle a la forme d'une Pyrami
e , & paroît avoir été proportionnée à l'éten
due & à la hauteur du Fort qui eft près d'elle .
Un examen attentif a fait découvrir qu'ils contenoient
une fubftance femblable à celle de la
Craie , ( à Chalki ſubſtance ) que l'on ſuppoſe
être la décompofition d'offemens humains.
"
FRANCE.
De Verſailles , le 15 Janvier.
LE 14 , la Marquife d'Aloigny a eu l'honneur
d'être préfentée à Leurs Majeftés & à
la Famille Royale , par la Comteſſe d'Efcars,
( 173 )
De Paris , le 24 Janvier.
ARRẾT du Confel d’Erat du Roi , dư
18 Novembre 1786 , qui o donne que les
Hôpitaux , Hotels - Diu & Maifons de charité
des provinces de Flandre , Haynault &
Artois , fe.ont exemps à l'avenir de tous
droits d'amortiffemens pour les mai.ons , .
conftructions & reconstructions de bâtimenś
emploiés à l'habitation des Pauvres & des
Malades , & au logement gratuit des Prêtres
& Deffervans attachés à leur fervice.
Idem , du 23 Novembre 1786 , qui ordonne
que les veuves de ceux qui avoient
exercé publiquement & à boutique ouverte
une profeffion libre , avant les Edits de
Février 1778 & d'Avril 1779 , & qui étoient
agrégés aux nouvelles Communautés , tant
de la ville de Rouen , que des autres villes
du reffort du Parlement de Normandie ,
pourront être admifes dans lefdites Communautés
, dans l'année de leur veuvage ,
en payant feulement la moitié des droits
ordinaires de réception.
Idem , du 21 Décembre 1786 , concernant
les Toiles peintes d'Alface , & les Toiles
de coton blanches , provenant du commerce
de la Compagnie des Indes .
Idem , du 4 Novembre 1786 , par lequel
Sa Majesté a réduit à quatre livres par millier
, poids de marc , les Droits d'Octrois ,
& à moitié , tous les Droits de Péages fur
h
3
( 174 ).
les Fers qui feront voiturés fur la Saône dans
tout fon cours , depuis Gray jufqu'aux por ·
tes de Lyon; exempte lefdits Fers du payement
de tous Sous pour livre additionnels ,
qui fe perçoivent fur lefdits Octrois & Péages
; fupprime le privilege d'exemption defdits
Droits accordé aux Adjudicataires des
forêts du Roi , en conféquence , affujettit
tous les Bois & Charbons provenans des
forêts de Sa Majefté , auxdits Droits ; & ordonne
aux Propriétaires péagers , de remettre
, fi fait n'a été , leurs titres , baux & regiftres
, au Contrôle général des Finances ,
dans deux mois , pour tout délai.
PROSPECTUS
De Soufcription pour l'établissement de quatre nou
veaux Hôpitaux , capables de fuppléer à l'infuffifance
de l'Hotel-Dieu de Paris,

IMPRIMÉ PAR ORDRE DU Roi.
La voix publique fur l'êtat de l'Hôtel- Dieu ,
a plus d'une fois averti le Gouvernement de la
néceffité d'améliorer le fort des infortunés que
le défaut de reffources accumule dans cet hôpipital
: cette néceffé alarmante a p'us d'une fois
ému fa folicitude paternelle , & les derniers efforts
que les dépenses d'une guerre onéreuſe ne
l'ont pas empêché d'y contacter , atteftent l'impatience
cù il a toujours été d'y pourvoir . Ces
efforts fe font trouvés infuffifans ; les maux fubfiftent
, & le befoin de les détruire fans retour
eft devenu plus urgent que jamais ; le Gouver
nement ne pouvoit y procéder qu'après s'être
affuré , d'une maniere pofisive & préciſe , de
( 175)
l'étendue de ces maux . C'eſt par les ordres ex
près que l'Académie des Sciences s'en eft occu
pée , & les mêmes falts , que leur exagération
apparente rendoit incroyables , ces faits dont les
récits effrayans femblcient être dictés par les
préjugés d'une compaffion exaltée , viennent
d'être conftatés par l'examen impartial , métho
dique & approfondi d'une Compagnie aufli fage
qu'éclairée. >
Un réſultat pareil ne permet plus ni doutes ,
ni délais . Tourmenté par la réalité , par l'excès
déformais prouvé des maux dont le foupçon feul
avoit fait frémir fon coeur , le Roi veut y mettre
un terme ; il veut effuyer les larmes ; il veur
foulager les fouffrances ; il veut artéter la def
tru&tion journaliere & effrayante de la claffe la
plus infortunée des peuples dont il eft le pere :
il ne le veut point à demi , & il est décidé à y
confacrer tous les moyens que les befoins multipliés
de l'Etat pourront lui permettre d'y em
ployer. Mais à des maux fi preffans il faut des
fecours prompts ; les reffources du moment font
bornées , & ce feroit peut être rendre ces fe-
.cours incertains , ce feroit du moins les reculer
& prolonger ces manx , que de commettre le fort
des pauvres à l'efpoir éloigné des reffources de
l'avenir. Les voeux des amies fenfibles font depuis
long-temps conformes à celui du Roi. Lear
impatience les a portées plus d'une fois , & tout
récemment encore , à prévenir les décifions du
Gouvernement , & à offrir pour cet objet des
fecours volontaires . Il ne manquoit à ce noble
& touchant empreflement , qu'une fanétion néceffairement
différée par le befoin préliminaire
de conftater régulierement des faits de cette na
ture. Le moment en eft arrivé , & le Roi croit
pouvoir tout attendre d'une impatience qui doit
h 4
( 176 )
Etre d'autant plus efficace , qu'elle a été plus
long - temps retenue , & qu'elle ne fut jamais
plus motivée. Il appelle toutes les ames compatiffantes
à le feconder. Il leur offre , & la douceur
d'obéir aux mouvemens d'un coeur ému
de tant de maux , & la gloire de concourir à
l'une des plus importantes opérations de bienfaifance
publique . Il lui fera doux à lui - même
de devoir à des fecours libres les moyens de les
réalifer. Ce n'eft point un Souverain qui les at
tend de fes fujets , c'eft un pere qui les demande
à fes enfans .
Convaincu de la néceffité d'établir dans Paris
quatre nouveaux hôpitaux de douze cents lits
chacun ,› pour ſuppléer à l'infuffitance actuelle
de l'Hôtel- Dieu , le Roi en va très- inceffamment
ordonner la conftruction par une loi expreſſe.
#
Cette loi en déterminera l'emplacement , la
forme & l'étendue , & affignera fur le Tréfor
royal tous les fonds difponibles qui feront fufceptibles
d'y être affectés.
Pour donner au Public le moyen de concou
rir à cette bonne ceuvre , le Roi autorife dès - àpréfent
le Bureau de la Ville à ouvrir une fouf- >
cription libre & volontaire pour tous ceux que
l'intérêt de cette entreprife rendra jaloux d'y
concourir.
Les noms de toutes les perfonnes defirant
foufcrire feront inferits fur une lifte qui fera
dreffée , fur leurs déclarations refpectives , par
le Greffier en chef de la Ville , & cette lifte
fera rendue publique de mois en mois .
Il ne fera fait , dans cette lifte , aucune mention
des fommes offertes , mais bien dans une
lifte particuliere qui fera dreffée au tréfor de la
Ville , d'après les foumiflions arbitraires & par
( 177 )
écrit qui y feront portées , & que le Tréforier
de la Ville fera chargé de recevoir.
Il fera expédié par ledit Tréforier , à chaque
Soufcripteur , une roconnoiffance fignée de lui ,
de la fomme portée dans l'acte de foufcription ;
& cette reconnoiffance fera timbrée d'un numé.
ro déterminé par l'ordre de date de ladite foufcription
.
Ledit Tréforier publiera , de mois en mois,
un Tableau divifé par mifes , des fommes offers
tes. Chaque fomme fera numérotée fur la lifte
en la faifant paroître ; on mettra les noms à
côté des numéros , excepté de ceux qui ne voudront
pas fe faire connoître , dont le numérs
feulement fera marqué .
Chaque Soufcripteur fera libre de partager
fa foufcription en fix paiemens égaux , à réaliſer
dans le cours de chaque année , pendant les fix
ans confécutifs qui feront fixés pour l'entier
achevement de la conftruct ondes 4 hôpitaux.
Il fera dreffé un régiftre particulier de tous
les noms des Soufc ipteurs & des fommes par
eux offertes , & ledit registre fera déposé à des
meure dans les archives du grand bureau d'Adminiſtration
des hôpitaux de Paris .
Les noms de tous ceux qui auront foufcrit
pour uno fomme de dix mille livres & au- deffus
feront infcrits fur quatre tables de bronze , placées
à l'entrée de chacun des quatre nouveaux
hôpitaux .
La certitude , la promptitude & la confiance
étant les bafes indifpenfables d'une opération de
cette nature , il fera expreffément dit que la
conftruction des quatre hôpitaux enfemble fera
commencée fur le champ & à la fois , fur les
avances tirées du Tréfor royal . Les foufcriptions
me feront point exigibles , c'eft un acte de chas
hs
( 178 )
rité purement volontaire. A la fin de chaque année
, les comptes de recette & de dépenſe ſeront
imprimés & publiés ; lorfqu'il y aura de l'excédant
, il fera porté en recette l'année fuivante ;
s'il y a du déficit , le Tréfor royal en fera les
fonds.
On fera le maître de fe faire infcrire pour les
fix années , ou pour les années ou l'année que
l'on voudra. Lorfque les échéances des foufcriptions
arriveront , fi au bour d'un mois les Souf
eripteurs ne les ont pas remplies , le Tréforier
fera tenu de les avertir par une fimple lettre ; &
fi on ne lui répond pas ou qu'on s'excufe , il notera
en marge de fon compte imprimé à la fin
de l'année , les numéros qui n'auront pas été
templis.
La reconnoiffance que donnera le Tréforier ,
relatera non-feulement la ſomme , mais encore
l'époque à laquelle le Soufcripteur ſe ſera en◄
gagé de payer.
Le 25 au mois dernier , le feu fe manifefta
à bord d'un navire , près du fort d'Artois
à Cherbourg ; & malgré l'activité des
fecours , ce bâtiment fut incendié ; un feul
homme ayant péri dans ce défaftre , il a engagé
le Commandant de la Marine à défendre
de faire du feu à bord des vaiffeaux.
On continue à Cherbourg d'immenfes préparatifs
pour le Printemps prochain , temps
auquel on efpere de lancer quatre nouveaux
cônes.
» L'Adminiftration de la Caiffe d'E'comp-
>> te , dans fon Affemblée préparatoire , du &
» de ce mois, a, dit-on, nommé Commiffaires à
»la vérification des comptes , MM. Durvey,
( 179 )
»de la Noraye , Julien & Grand , fils . Ox
» croit que ces Commiffaires feront nommés
Adminiftrateurs à l'Affemblée géné-
» rale du 16. On ajoute qu'on a fixé en
» même temps le dividende des Actions de
» la Caiffe , à 230 pour le fémeftre.
".
» Le fieur Bechade & fon camarade , arrêtés
à la Haye , font arrivés ici fous une
» bonne eſcorte , le 9 de ce mois ; & après
» avoir été interrogés par le Commiflaire
» Chenon , ils ont été conduits en prifon.
» On tirera de ces deux hommes & de leurs
» Papiers de grands éclairciffemens fur la
» falfification des lettres de change , dont
nous avons parlé.
1
» Monfeigneur le Duc d'Orléans vient
» d'accorder, à ce qu'on rapporte , 12 pen-
> fions de 800 liv . chacune , aux Scavans &
» aux hommes de lettres ci-après nommés.
» De l'Académie Françoife , à MM. Mar
montel , Gaillard , l'Abbé Delifle & de la
» Harpe ; de l'Académie des Sciences à
» MM. Bertholet , Lavoifier , de la Place &
» Vandermonde; de l'Académie des Infcrip-
» tions , à M. l'Abbé de la Chaux , fon Bi-
> bliothécaire ; enfin à MM. Bernardin de
» Saint Pierre , Paliffot & Menageot.
SUITE du Procès- verbal de l'Aſſemblée des
Notables , en 1626.
Peu après le Garde des Sceaux , le Cardinal
de Richelieu prit la parole .
h 6
( 180 )
Ileft impoffible de toucher, dit if, aux dépenfes
néceffaires pour la confervation de l'Etat ; y per
fer feulement , ce feroit un crime. C'eft pour
quoi Sa Majesté préférant le public à fon par
ticulier , veut, de fon mouvement , retrancher fa
maison dans les chofes qui touchent fa propre
perfonne , vous laiffant à juger comme il faudra
en ufer an refte .
Les regles les plus aufteres font & femblent
douces aux plus déréglés efprits , quand elles
n'ont en effet, comme en apparence , autre but
qué le bien public & le falut de l'Etat .
La Reine votre mere , Sire , vous fupplie de
trouver bon , qu'elle faffe d'elle - même , en cette
occafion , ce que votre piété envers elle ne
vous permet pas feulement de penſer , c'eſtà-
dire qu'elle fe réduife à moins de revenu
qu'elle n'avoit du tems du feu Roi ; étant vrai
qu'elle n'a point amélioré fa condition , lorſque
pendant la minorité de votre Majesté elle a accru
celle de beaucoup d'autres pour le bien de votre
fervice.
Après avoir été contrainte d'augmenter en
ce temps les dépenfes de l'Etat pour en conferver
le corps en entier , elle vous conſeille
de les retrancher pour la même caufe .
On pourra diminuer les dépenses ordinaires
de plus de trois millions , fomme confidérable
en elle- même , mais qui n'a point de proportion
aux fonds qu'il faut trouver pour égaler la
recette à la dépense.
Refte donc à augmenter les recettes , non
par nouvelles impofitions que les peuples ne fau
roient plus porter , mais par moyens innocens
qui donnent lieu au Roi de continuer ce qu'il
a commencé à pratiquer cette année , en déchargeant
fes fujets par la diminution des tailles.
Pour cet effet il faut venir au rachat des do
( 181 )
maires des greffes & autres droits engagés qui
montent à plus de vingt millions comme à
chofe non feulement utile , mais jufte & néceffaire.
Si l'on vient à bout de ce deffein , & que la
France jouifle tous les ans du revenir qui pro-
-viendra de ces rachats ; ce qui femble à préfent
imposible , & qui toutefois et néceffaire
pour le bien de l'Etat , fera lors très- facile à
Sa Majesté. Les peuples qui contribuent maintenant
plus par leur fang que par leurs fueurs
aux dépenfes de l'Etat , feront foulagés , enforte
que ne levant plus rien fur eux , que ce
qui fera néceffaire , de peur qu'ils n'oublient pas
leur condition , & ne perdent la coutume de contribuer
aux frais publics , au lieu de fentir ce
qu'on tirera d'eux , ils ellimeront qu'on leur
donnera beaucoup,
On dira volontiers , & peut -être le penferaije
moi-même , qu'il eft ailé de fe propofer de
fi bons deffeins , que c'eft chofe agréable d'en
parler , mais que l'exécution en eft difficile ; &
cependant , après y avoir bien penſé , j'oſe dire
en la préfence du Roi , qu'il te peut trouver des
expédiens par lefquels , dans fix ans , on verra
la fin & la perfe&tion de cet ouvrage.
Le Roi , Meffieurs , vous a affemblés expreffément
pour les rechercher , les trouver , les
examiner & les refoudre avec vous ; Sa Majesté
vous affurant qu'elle fera promptement & religieufement
exécuter ce qu'elle arrêtera fur les
avis que vous lui donnerez pour la reftauration
de cet Etat.
Les malades mourant auffi - bien quelque - fois
pour être furchargés de remedes , que pour en
être entiérement privés , j'eftime être obligé de
dire en paffant , que pour rétablir cet état en fa
( 182 )
}
premiere fplendeur , il n'eft pas besoin de beaucoup
d'Ordonnances , mais bien de réelles exécutions.
Cette Affemblée , par ce moyen , pourra finir
plus promptement , bien qu'elle doive être perpétuelle
quant à la durée du fruit qu'elle produira.
Peu de paroles & beaucoup d'effets témoigneront
& les bonnes intentions , & les
jugemens de ceux dont elle eft compoſée.
Les Dacs de Guife , de Nemours & de
Bellegarde étoient dénommés & mandés
pour le rendre & fe trouver à ladite Affembée
; mais nul d'eux ne s'y trouva . Les
deux premiers , à ce que l'on écrit , pour
n'être pas d'accord entre eux de leurs rangs ;
ce fut pourquoi , en cette Aflemblée , il n'y
eut aucun Prince , ni Duc & Pair de France.
Pour tout le refte , l'ordre y fut très -bon &
fans aucune confufion .
Dès le commencement de cette affemblée
, il fe vit plufieurs remontrances , difcours
& mémoires imprimés pour avis au
Roi & à ladite Affemblée , afin d'apporter
de bons réglemens aux défordres qui s'étoient
introduits en la Juftice , aux Finances
& en la Police.
On voit de la force , du patriotifme &
des lumieres dans plufieurs de ces difcours ,
notamment dans la remontrance de M. de
Nicolaï, & dans l'Avis à l'Affemblee des
Notables. L'un & l'autre prouvent , ainfi
que l'a remarqué avant nous l'un de nos
Littérateurs les plus judicieux , qu'il s'en
( 183 )
falloit bien qu'on fût auffi ignorant à cette
époque fur les matieres fifcales , que quelques
efprits fyftématiques ont affecté de le
dire ; il fuffit de lire le bel ouvrage de M.
de Forbonnais , pour fe convaincre que le
zele du bien public n'étoit pas aveugle à
beaucoup près. Citons quelques traits des
deux morceaux que nous venons d'indiquer.
Sire , dit M. de Nicolaï , les Poëtes ont feint
qu'il y avoit en certains endroits de la mer Méditerranée
, des gouffres & des bouillons d eau ,
qu'ils appelloient Caribdes , lefquels engloutif
foient les vaiffeaux tout -à- coup , en forte qu'il
n'en reftoit non plus de marque ni d'apparence
que fijamais ils n'euffent été fur mer.
L'on peut dire le feniblable de la mer de votre
épargne , en laquelle il y a certains chapitres de
dépenfes , intitulés contans en vos mains , lefquels
abforbent les plus clairs deniers de vos finances :
& bien qu'il femble que Votre Majefté les air
touchés , toutefois la vérité eft qu'ils ont été
dévorés par les Caribdes , c'eft - à - dire , par des
gens infatiables , & qui publient bien fouvent
n'avoir reçu aucun bienfait de, Votre Majeſté
jaçoit que le tout foit tourné à leur profit.
Tellement que votre nom très - augufte que les
anciens avoient toujours en la bouche , quand ils
vouloient affirmer quelque vérité , eft employé
maintenant pour valider des fuppofitions & des
déguifemens , autant contraires à l'innocence
la juftice que le foleil eft ennemi des ténebres , &
Votre Majefté du menfonge , du parjure & de
l'impiété.
Sire , j'ai dit que votre épargne eft une mer en
( 184 )
laquelle il y a des gouffres & des abîmes pros
fonds & bien périlleux : j'ajoute que cette mer
n'eft que trop fouvent battue par une forte de Pirates
qui vous enlevent les plus clairs deniers
de vos revenus , avant qu'ils foient arrivés au
port auquels ils doivent être conduits & voiturés.
Ce font ceux que l'on appelle faifeurs de partis
, qui pour un petit fecours de deniers , tirés,
bien fouvent de vos coffres & non des leurs , fe
font adjuger le revenu de vos recettes & le
prix de vos fermes avant que les termes en foient
échus.
Cela n'eft.ce pas moiffonner le fruit avant
qu'il foit en maturité, & obferver le tems de
votre néceffité , pour fucer le fang de votre
pauvre peuple , avant qu'il ait eu le loifir de
le tirer de fes veines pour en fervir Votre`
Majeſté ?
Car pourquoi donnent- ils des pots - de - vin pour
être préférés au bail des fermes de Votre Majelté .
s'ils ne veulent prendre le rifque de l'événement des
bonnes & des mauvaiſes années .
Mais , Sire , pour en parler franchement &
avec vérité , les pots- de -vin fe donnent pour
enrichir les Courtiers & les amis des Fermiers
qui fe préfentent au bail de vos fermes ; & les dédommagemens
font accordés en faveur des partifans
& de ceux qui les protegent aux dépens de
Votre Majefté .
Ainfi l'on butine fur vous , autant à la fin ,
comme au commencement des affaires , qui fe
traitent fous l'apparence de votre utilité ; mais le
pis eft , que les conditions de tels traités font déguilées
aux Officiers de votre Chambre , auxquels
néanmoins on les adreffe pour les vérifier , & par
conféquent les rendre refponfables du péché duquel
ils font innocens.
( 185 )
Mais , Sire , je dirai un mot , avec votre permiffion
, des états , gages & appointemens qui ont
éré doublés , voir triplés , depuis le décès du feu
Roi votre pere , de très-heureuſe mémoire.
Ce grand Prince avoit réglé fes affaires avec une
tel'e prudence & égalité , que chacun fe contentoit
de la condition à laquelle il l'avoit réduit. Celui
qui recevoit peu de fa main libérale , fe tenoit
plus heureux & obligé du jugement qu'un fi grand
Monarque faifoit de fon mérite , que de la récompenfe
qu'il touchoit de fes fervices.
De forte que le prix de la vertu ne confiftoit
pas en l'argent , mais en l'eftime qu'en faifoit lè
plus vertueux Prince de fon fiecle .
Il est temps déformais , Sire , de trancher &
remparer fous votre main puiffante contre l'avarice
& l'ambition qui nous ont penfé fubmer
ger , & forcer conftamment les defirs infatiables
de vos fujets de retourner à leur ancienne frugalité,
& le contenter des graces & appointemens que
le feu Roi votre pere leur avoit preferit ès états de
fes finances.
Or il n'y a rien qui portera plus volontiers &
les grands & les petits à cette réformation , finon
l'exemple que Meffieurs de vos finances en donneront
, montrant les premiers le chemin que chacun
doit tenir pour ſe réduire à une honnête médiocrité
.
Je pourfuivrai , Sire , mon difcours , pour ne
point oublier à parler de l'excès des taxes &
cahiers de frais de vos Tréforiers & Comptables
, lefquels ne voudroient pas cheminer , même
prendre la plume ou le jetton , fans fe faire
payer de leurs peines par votre Majefté , tant ces
perfonnes- là font attachées au gain . Auffi on les
voit devenir riches & opulens en peu d'années :
ce font eux qui prennent la crême de vos Finan
·( 186 )
ces , fe partageant les premiers , fous prétexte de
leurs taxations , lefquelles ils ont achetées à un
vil prix ; de forte qu'ils fe trouvent bien fouvent
être remboursés en deux ou trois années de l'argent
qu'ils ont financé dans vos coffres , fur lequel
encore ils ont glané quelque don , paffé dans un
comptant , par la faveur & intelligence de leurs
bons amis.
A ce défordre des Cahiers de frais exceffifs
des Comptables , l'on peut ajouter celui des
Clercs & Commis des Intendans de vos Finances
, lefquels gratifient les domeftiques les uns
des autres comme bon leur femble : & au-lieu
d'avoir l'oeil à l'accélération des affaires de votre
Majefé , felon le dû de leurs charges , ils s'en
repolent fur un prétendu folliciteur des affaires
de votre Confeil aux gages de deux cents éeus ,
qui eft un appointement auffi peu confidérable
que la qualité.
Dans l'Avis aux Notables on diftingue
les paragraphes fuivans.
La grande allégreffe & réjouiffance , que toute
la France a reçue au premier bruit de votre Affemblée
, fait efpérer que les effets lui feront très- falutaires.
Le Roi enfin a écouté les pleurs & gémif
femens de fon peuple , & touché de l'efprit de
Dieu fe réfout de le foulager. >
Quelle excufe aurez vous fi vous ne faites
bien ? Vous avez un très- grand avantage fur
tous ceux qui ont jamais eu l'honneur d'un pareil
emploi. Vous avez afaire à un Prince abfolument
porté à fuivre vos avis : parmi les graces que le
ciel a verfées avec affluence fur fon efprit , celle -ci
paroît éminemment ; il croit fon Confeil , & ne fe
réfoud qu'avec lui , je le dis hors de tout foupçon
de flatterie ; il cft plein de piété , jufte, courageux,
( 187 )
ferme & conftant en fes réfolutions . Agiffez donc
courageufement & en gens de bien ; fur tout
fouvenez-vous que vous n'êtes pas affemblés
pour trouver de nouveaux expédiens à épreindre
& tirer la derniere goutte de la fubſtance du peuple
, mais bien pour le foulager des maux qu'il y
a fi long- tems qu'il endure.
Cinq chofes l'oppriment grandement , les Tailles
, les Logemens des gens de guerre , le Sel ,
les Aydes & la Mangerie des Officiers .
La premiere eft celle à laquelle le Roi peut &
doit pourvoir promptement en le déchargeant
d'une partie , & remettant l'autre fur un expédient
que je vous propoferai plaufible & utile .
On vous dira peut- être comme on fit aux derniers
Etats- Généraux , que le Roi veut avoir fon
compte , & que le fonds dont il jouit préfentement
ne peut pas fuffire aex dépenses ordinaires ,
bien loin de diminuer. Mais ne vous arrêtez pas
en fi beau chemin ; je fais bien que l'épargne eft
épuifée ; deux chofes en font caufe , les dépenfes
exceffives & inutiles de la volerie de ceux qui manient
la bourſe.
Remédiez- y ; & puis vous pourſuivrez au refte
fans contradiction . Commencez par le retranchement
de la dépenfe , & à cette proportion vous
diminuerez la recette ; examinez l'Etat . Le premier
Chapitre , c'eft la maiſon du Roi ; vous
trouverez qu'el'e monte dix fois plus que du
tems de ces grands Princes Charles VII , Louis
XI , Charles VIII , Louis XII , François I. Ils
n'en étoient pas moins bien fervis , leur mémoire
n'en eft pas moins glorieufe , & les François en
étoient beaucoup plus foulagés . Auffi quand il
falloit faire un effort , il étoit aifé d'en trouver
le fonds dans la bourfe des fujets riches & affectionnés
, témoin la prifon du Roi Jean ; au188
)
lieu qu'à cette heure , s'il faut racheter quoi
que ce foit de cent mille écus d'extraordinaire ,
fi ceux mêmes qui les ont engloutis , ne les revomiffent
, il n'eft pas poffibie de les trouver , témoin
la Chambre de Juftice .
Le fecond chapitre fur lequel vous devez jetter
les yeux eft celui des penfions. Vous croirez peutêtre
que ce que je vous dirai foit un paradoxe, &
néanmoins , c'eft une vérité très- certaine : les
penfiens ont ruiné la Nobleife ; tel qui vivoit
commodément & doucement en fa maiſon, & qui
même aux occafions pouvoit affembler fes amis ,
mange le reveau de tout fon bien en trois mois
pour venir deminder fa penfion . Un valet ou
deux lui fuffifoient , fon village ne voyoit ni clinquant
, ni broderie . A la Cour , il a un Ecuyer ,
des Gentilshommes , des Pages , quantité de plumes
, quantité de paflemens d'or. Voilà où s'emploie
fon bien , & ce qui lui revient d'une penfion
mal payée , bien levée fur le peuple , & mieux
comptée fur le Roi . Et pour preuve de ce que je
dis , qu'on recherche curieufement s'il y a un
feul Gentilhomme qui ne fe foit ruiné ou incommodé
à ce métier- là : fur un écu de fonds extraordinaire
, ils défignent dix écus de dépense ; &
c'est ce qui a mené le luxe à fi haut point où il eft
maintenant. Comète malheureufe , qui préfage
infailliblement la ruine des Etats qu'elle menace.

Il y a encore un autre inconvénient que ce
mal produit : c'eft que , comme il n'eft pas poffible
de donner des penfions à tous les Gentilshommes
non pas à la centiéme partie , ceux qui
n'en ont point , ne croient pas devoir fervir le
Roi fans être payés . Ajoutons - y encore cette raifon
les François s'obligent aifément & de peu
de chofe ; mais auffi , ils ne confervent pas longtemps
la mémoire des bienfaits , quels qu'ils
:
( 189 )
foient, Cela vient de leur naturel prompt & léger
; auffi voit on qu'en leurs querelles particulieres
, ils s'accordent volontiers fans couver aucune
forte de vengeance fur le coeur , mais auffi
tout prêts à fe couper la gorge avec le meilleur
ami qu'ils aient.
Confeillez donc au Roi , que s'il ſe veut faire
adorer parmi eux , qu'il leur donne peu & fouvent
, rien de certain ou d'établi , parce que dès
T'heure même , chacun en fait état comme de fon
propre Domaine , & croit que cela lui eſt dân .
La fin l'ordinaire prochain.
Les circonstances nous font préfumer
qu'il n'eft pas inutile de foumettre à l'examen
des perfonnes éclairées , une queftion
importante , qui nous eft adreffée dans la
lettre fuivante .
Paris , 14 Janvier 1787 .
MONSIEUR >
Puifqu'on s'occupe des Hôpitaux , qu'il me
foit permis d'ajouter une question à celles qu'on
a agitées .
Les Hôpitaux doivent- ils être deffervis par des
hommes ou par des femmes ?
Mon opinion fur cet objet eft d'autant plus paradoxale
, qu'elle a pour bafe des obfervations que
les Adminiftrateurs , les Médecins , les Chirurgiens
font eux- mêmes rarement à portée de faire.
Ainfi je me réserve de la publier à un autre jour ,
afin de laiffer à vos Lecteurs le temps de la rég
flexion.
J'ai l'honneur d'être , &c .
FEYDEL.
La nommée Magdelaine Giblin , femme
de Ch. Barois, Manouvrier dans la paroiffe
( 190 )
1
}
de Dampierre , du diocefe d'Auxerre , eft
accouchée dans le courant du mois de Juin
1786 , de 4 enfans , dont deux filles & deux
garçons. Le preinjer eft né le 25 Juin , à 10
heures du mat n ; le fecond , le 26 du même
mois , à 4 heures du matin , & As deux
autres à 3 heures après midi du même jour.
Tous ces enfans ont été baptifes , à mefure
qu'ils naiffoient. Le ferond eft mort au borr
de 15 jours , le troifieme au bout de 4 mois ,
& les deux filles qui reftent jouiffent d'une
fanté parfaite.
Marie-Elifabeth Moral , femme du fieur
Ferdinand René de la Cheze , ancien Commandant
de la Cavalerie Européenne d'Hyder
Ali Kan , Chevalier de l'Ordre Royal &
Militaire de Saint-Louis , eft morte le 25 du
mois dernier , à Lagny , en Brie , âgée 62
ans.
v
Jean - Nicolas de Boullongne , Comte de
Nogent - fur Seine , Confeil'er d'Etat , &
aux Confeils Royaux des Finances & du
Commerce , Commiffaire du Roi de la
Compagnie des Indes , eft mort ici le même
jour.
Paragraphes extraits des Papiers Angl. & autres.
« Le 24 du mois dernier , le Roi de Naples
» revenant de la chaffe un peu tard le foir ,
tandis que l'on changeoit de relais à la Pofte
de Cairano , un foldat de la patrouille à cheval
fut envoyé pour avertir de l'arrivée de
S. M. à Caferte , & fon cheval s'érant abattu ,
( 191 )

sil eut la jambe caffée . Le Monarque ayant en-
» tendu les lamentations du foldat en paflant au-
» près de lui , fut pénétré de la difgrace , & le
" premier à le fecourir. Le compâtiffant Souve-
» rain releva le ſoldat , lui banda la jambe de ſes
propres mains , & le foutint dans les bras juf-
» qu'à ce qu'il fut commodément placé fur une
petite calége . S. M. n'a point quitté le bleffé ,
qu'il n'eût été arrivé en cette Capitale , où
» elle le recommanda par des expreffions d'une
tendreffe paternelle , pourvoyant en même
» temps au néceffaire pour l'exécution de fes
» ordres , & la prompte guériſon du malade . »
[ Gazette de la Haye , n°. 4.1
ود
לכ
« M. Blanckard avoit écrivà S. M. I. pour
lui demander la permiffion de faire à Vienne une
» de fes expériences aëroftatiques . Ce Monarque
» lui répondit , qu'auffi - tôt qu'on lui démon-
» treroit que ces expériences pouvoient être
de quelque utilité , il s'emprefferoit à l'ac-
" cueillir , à le récompeufer , & chercheroit
même à le fixer auprès de lui. Le Navigateur
» aërien s'étant enfuite adreffé à S. M. Pruf-
» fienne , en a reçu la réponſe ſuivante . Je vous
fuis obligé , M. Blanchard , de l'offre que
» vous me faites dans votre lettre du 23 Oc-
»
tobre , & fi je refufe de l'agréer , c'eſt plun
tôt par l'intérêt que je prends à votre con-
» fervation , que pour tout autre motif. Malgré
» la grande confiance que jai dans votre ha-
» bileté & dans votre expérience , les effais
» que vous faites font fi périlleux , que rien
ne peut me raffurer entierement contre la
→ crainte d'un défaftre poffible . Je ferois très-
» fenfiblement affecté , fi un malheur arrivoit
dans mes Etats , & la forte appréhension que
j'en ai , fufhroit pour détruire tout le plaifir
( 192 )
que j'aurois en voyant une expérience aërof .
tatique , conduite par un efprit aufli éclairé .
que vous. Ces raifons m'engagent à refufer .
l'offre que vous me faites , & en même tems
» à prier fincerement Dieu qu'il vous prenne
en fa fainte & digne garde » . » Courier d'A
vignon , no . 3 .
On vient de recevoir la nouvelle certaine , que
L. M. Siciliennes ne feront pas le voyage de
Vienne , comme il femble qu'Elles l'avoient
refolu : il paroit naturel d'attribuer ce change
ment à lagroffeffe de S. M. la Reine de Naples, qui
vient d'être déclarée enceinte . Quoi qu'il en foit ,
les Ordres pour fufpendre les préparatifs de la ré--
ception , que S. M. l'Empereur vouloit faire à
ces augufles voyageurs , font déjà donnés , & on ?
ne tardera pas à en donner auffi pour contremander
les troupes , qui devoient former une grande .
armée à Palowa.
On croit favoir avec certitude , que le Courier ,
expédié de Vienne pour Pétersbourg , y porte
l'affurance á S. M. l'Impératrice que notre Monar
que aura une entrevue avec Elle , fur la route.
de Pologne à Cherfon ; l'Empereur partira le 13
Février, pour le trouver, s'il eft poffible à Kiovie,,
le même jour que l'Impé:atrice y arrivera . On
doute avec raiion , que l'Empere r aille plus .
loin , pour accompagner l'Impératrice , & il eft
très-affluré qu'il n'ira pas à Cherfon .
Le changement d'Administration dans le
Royaume de Hongrie , rencontre toujours les .
plus grands obftacles ; l'Empereur y avoit aboli
cinquante fix Comittats ; il a fallu en rétablir ,
trente-fix dans leurs anciens Droits & Privileges :
cependant , les dix Commiffiorars établis refte-.
ront fur pied , mais n'auront pas le quart de la
befogne à faire. Gaz. d'Amft. n° . 5 .
"her Boyer, Marchand de Mu- fur l'origine & les progrès
fique , rue de Richelieu.

Trois Sonates pour le clavecin
, avec accompagnement de
violon , par Muzio Chimenti :
OEuvres 13 & 14. A Paris , chez
Imbault, rue& vis à- vis le cloure
S. Honoré , près le Palais royal ,
maifon de Chandelier,
de
de cette langue broch. in- 12.
80 pag. d'impreffion . A Londres*
& fe trouve à Por.s , chez Ser
vière , Lib. rue S. Jean-de-Beauvais,
& chez les Lib. qui vendent
les nouveautés.
Le Peinte chrétien & inftruits
ouvrage fort utile , non - feule-
LIVRES ETRANGE
ment aux peintres & aux foul-
L'Efprit de la fable , ou My- teurs , mais encore à ceux qui
thologie rendue à fes principes , veulent étudier l'écriture fain e
avec l'explication de deux fables ; & l'hiftoire cccléfiaftique ; écrit
fçavoir , de Embrafement de en latin par le P. J. Interian
Semelé par Jupiter , & du Juge de Ayala , de l'ordre de Notrement
de Paris , avec un dialo Dame de la Merci , & traduit
gue entre Jupiter & Junon fufen elpagnol par D. Louis Du
la creation du monde , luivi d'un rand , Prêtre. A Madrid.
fonephilofophique & de pièces L'Amerique géographique
fugitives. Amfterdam , & le
trouve à Paris , chez Meno y ,
Lib, rue de la Comédie francoje.vince , compre: ant fon étendue ,
Les Femmes comme il con- fes confins , la propriété des clivient
de les voir , ou appe cu mats , la fertilité des terreins
de ce que les femmes ont eté , & l'état politique , civil & éco.
de ce qu'elles font , & de ce nomique de chaque établiffement
qu'elles pourroient erre : 2 val . européen; ouvrage orné de car
in- 12. Londres , & fe trouve tes géographiques : 3 vol . in 4 .
à Paris , chez Bacot , L. rue S. d'environ 250 pages chacun
Jarques , paffage des Jacobins. Vinife.
:
Lettres de Mad. de L. à M.
le Comte de R. in 13. A Londres
, & fe trouve à Paris , chez
Barrois l'atné , L. quai des Augufins.
hiſtorique & politique , ou Del
ciption & nom de chaque pro-
Les vertus admirables du quia.
quina , avec la manière de s'en
fervir dans toutes fortes de fièvres
& complexions , avec l'addition
d'une nouvelle méthode,
Obfervations critiques fur le tirée des obfervations de M. le
Profpectus d'un ouvrage ayant Baron de Wan Svieten , & du
pour titre Anatomie de la lan - Chevalier Eiftingen , Membre
gue françeife, & fur quelques de l'Académie de Londres , pour
Jettres de "Auteur à M. Te Bafe fenir de ce remède fans le
ron de Bernstorff , & au Ré prendre par la bouche ; le tout
dacteur du Journal de Paris. éclairci avec exactitude , par M.
à l'occafion du difecurs de M. Henri Tegut , Profeffeur de mé
le Comte de Rivarol , fur Puni- decine de l'Univerfité de Wiverfalité
de la langue françoife ; temberg : in-12 de 132 pag,
fuivies du précis d'un mémoire Vanife.
Or forfait féparément pour le JOURNAL DE LA LIBRAIRA3,
sher FH.-P. FIFERES , premier Imprimeur Ordinaire du Roi
zue Sain -Tacores. Le prix de l'abonnement eft de 7 1. 4fols pai
aunde , avec a Table.
On s'abonne en tout temps , à Paris , Hôtel de
THOU , rue des Poitevins . Le prix cft , pour, Fariss
de trente livres , & pour la Province , porr franc,
trente-deux livres que on ren ettra à la Potte ,
en affranchiffant le Port de l'argent & la lettre
d'avis , dans laquelle il faut inerer le reçu du
Directeur des Poftes.
Meffieurs les Soufcripteurs du mois de Janvier
font priés de renouveler au plus tôt leur abonnement,
afin qu'on ait le temps de réimprimer les adrefjes
& qu'ils n'éprouvent aucun retard dans l'expédition.
Ils voudront bien donner auffi leurs noms & qualités
d'une écriture lifible , & offranchir les lettres ,
fans quoi elles nefront point reçues,
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le