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1786, 12, n. 48-52 (2, 9, 16, 23, 30 décembre)
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MERCURE
DE FRANCE ,
DEDIE AU ROI ,
PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES,
CONTENANT
Le Journal Politique des principaux événemens de
toutes les Cours ; lès Pièces Fugitives nouvelles
I
en vers & enprofe , l'Annonce & l'Analyſe des
Ouvrages nouveaux ; les Inventions & Décou
vertes dans les Sciences & les Arts ; les Spectacles
; les Caufes Célebres ; les Académies de
Paris & des Provinces ; la Notice des Édits
Arrêts , les Avis particuliers , &c . &c. ,
SAMEDI 2 DÉCEMBRE 1786 .
DU
QHA
TEA!
PARIS
Au Bureau du Mercure , Hôtel de Thou,
rue des Poitevins , No. 17.
Avec Approbation & Brevet du Roi.
TABLE
Du mois de Novembre 1786.
PRICES FUGITIVES.
3 Vers à M. Sorin ,
Efai d'Infcription pour l'Amphitheatre
de Académie
Royalede Chirurgie ,
Couplets à Mefdames de M...
& de B....
Epitre à un Ami ,
Plaifir & Peine , Conte,
4
Hiftoire de la Maifon de Bour
bon,
77
Manuelpour le fervice des Malades
,
و
194
Eloge Hiftorique du Baron
de Biron ,
Numa Pompilius,
122
De l'Electricité du Corps Hu
main ,
ib.
49
132
53
Le Négociant Patriote
Voyage Pittorefque de Naples
97 & de Sicile ,
136
Epitre à Madame la Duckefe
de Narbonne,
Chanfon , 99 151
Epitaphe deM. le Marquis de Eſſai fur les Facultés de l'ATourzel,
145
me ,
Vers à Mme la Marquise de Quelques Vers ,
Į***
172
180
146 Panegyrique de S. Denis , 184
SPECTACLES.
Le Petit Maitre& le Chien ,
Fable , 147 Concert Spirituel,
Charades , Enigmes & Logo- Comedie Françoife ,
92
137
140 gryphes , 4, 74 , 101 , 149 Comédic Italienne ,
NOUVELLES LITTER. Annonces & Notices , 45 , 94
Hiftoire du Bas- Empire , 8
142 ,
Firginie
351
A Paris , de l'Imprimerie de M. LAMBERT ,
zuc del a Harpe , poet : S. Côme,
EW-YOTS
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 2 DÉCEMBRE 1786.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
A
Madame...•• dont une des jouiffances
étoit de foulager les pauvres aveugles.
L'AVEUGLES UGLE, dites- vous , a des droits für votre
ame ;
Toujours à fon aſpect la pitié vous enflamme ;
Il en est un pourtant que vous ne plaignez pas :
C'eft en vain que vers vous il a tendu les bras ;
A fa voix , à fes pleurs yous êtes infenfible.
- Où donc eft cet aveugle , objet de ma rigueur ?
Craignant de fe montrer à votre oeil inflexible ,
Hélas ! l'infortuné s'eft caché dans mon coeur.
-
(Par M. Langeron fils. )
A ij
4 MERCURE
LE MOQUEUR MOQUÉ , Anecdote.
En plein føyer , par forme d'entretien ,
Ces jours paffés , Cléon , Marquis moderne
Apoftrophant un Auteur fubalterne :
Votre Opéra , lui dit- il , ne vaut rien .
Lors le Rimeur , que ce propos afflige
Peut-on favoir ce qu'on y blâme ? .Tout.
Ni plan , ni ſtyle , & pas l'ombre du goût. —
Daignez,Monfieur...- Eh non, eh non, vous dis-je,
Hier , chez moi , dans un fouper exquis
Des gens de nom , gens en qui l'efprit brille ,
Vous ont jugé, Ma foi , Seigneur Marquis
Ce n'étoit pas un fouper de famille.
( Par M. D *** T ***. )
MISANTHROPIE , traduite du Grec de
Ménandre,
SI quelque Dieu fur moi déployant fa clémence ,
Difoit : Meurs , & demain tu reprendras naiſſance ;
» Tu feras dans le monde un animal nouveau ;
Tu feras , à ton gré , cheval , bouc ou corbeau
» Mais longe qu'une fois ta forme bien choisie , 1
» Tu décriras encor le cercle de la vie.
Je répendrpis : Grand Dieu ! fais ce que tu voudras ;
DE FRANCE. S
» Fais- moi naître l'égal des cirons ou des rats ; -
» Change- moi , fi tu veux , en un chétif atôme ,
» Je ferai tout , pourvu que je ne fois point homme.
» L'homme eft des animaux le feul que le deſtin ,
» S’il l'élève le ſoir , terraſſe le matin ;
» Lui feul portant le glaive au coeur d'une victime
»Fait mourir la vertu fur les Buchers du crime.
» Au chien fenfible & dour qui va toujours léchant ,
» L'on prodigué des niets qu'on refufe au méchant.
» Contemple ce courfier tout bouillant de courage ;
» Il voir l'humble poulain lui céder te paffage.
» Sait- il våïïère ? Le coqid le grain le meilleur ,
Et le lache , en tremblait , le reçoit du vainqueur.»
Mais pátini les humains füt- ob la vetta même , a
90
Dans le gouffre du fort ces titres font perdus.
Trois vices valent mieux que toutes les vertus .
Pour la fourbe d'abord mille fleurs font éclofes ,
Et le chemin du rörde eft phileiné de roles.
La pâle calomnie obtient le fecond rang
Le troiſième eſt enfin pour katt du courtilan .
Mieux vaudroit naître encor dans cette claffe obfeute
D'oir Silene jadis a tiré fæ monture 'up-
Que de fe voirl'égal d'un monſite forsené,
Chez qui le plus coupable eft le plus fortund.
Par M&Duchsful , Avocat en Parlement. )
A ii)
6 MERCUREG
Acroftiche qu'on avoit propoſe.
I.
RÉER une marine ; impofer à l'Anglois ;
Humilier l'orgueil de ce fier infulaire ;
tendre nos drapeaux fur un autre hémiſphère ;
amener fur les flots la liberté , la paix ;
w riſer un joug injufte & venger l'Amérique ;
ter aux Rois des mers ce titre fantaſtiques
nir à nos deflins tout un peuple aguerri ;
endre à nos ports l'éclat de leur fplendeur antique ;
rand Roi ! tels,font tes faits , & douze ans t'ont
fuffi
(Par M. Traverfier.) (
I L
combe me?
• jour arrive enfin ! le grand Roi , le Roi juke
Honore nos foyers de fa préfence angufte.
n ces lieux raffemblés , deux cent,mille François
épètent. ...que Louis vive , vive à jamais !
oulevards qu'il forma , tonnez , il va paroîtres
✪ rages , taiſez-vous ; mer , reconnois ton Maître ;
C ne rade , bravant tes flots & les Anglois , :.
ecevra nos vaiffeaux ; c'eſt Louis qui l'ordonne ;
rondes.... mais obéis au pouvoir qui t'étonne.
( Par M. Regnet , Avocat à Briquebet ,
près Cherbourg. )
)
DE FRANCE. 7
1
Acroftiche qu'on propofe.
COMMERCE.
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercureprécédent.
LE mot de la Charade eft Ami ; celui de
l'Enigme eft la Toife ; celui du Logogryphe
eft Moustache , où l'on trouve chat , Thoas
\( Roi de Thráce ) , fac , mouche , Echo , Otus
( fils de Neptune ) , Chamos ( Dieu des Moa
bites ) , tache , mouth ( furnom que les anciens
Efpagnols donnoient à Pluton ) , Eous
(un des chevaux du ſoleil ) , Sao ( Néréide ) ,
chaos , Comus ( Dieu de la bonne chère ) ,
Comus.
CHARADE.
TA bourſe ou tongouffet renferme mon premier ;
Peut-être à ton côté portes- tu mon dernier ;
Au fpectacle ce foir tu peux voir mon entier.
(Par M. Berthier , Officier au Régiment de
Picardie.)
A iv
MERCURE
ENIGM E.
Je fais une fière étrangère
Qui veut toujours le plus haut lieu ,
Et , pour y parvenir , je fouffre fans colère
La corde , le fer & le feu.
Comme la girouette expofée à tout vent ,
Un libre mouvement me donne de la
graces
D'un fexe à l'autre mon corps paffe ,
Sinon toujours , au moins affez fouvent.
( Par un Ecolier de Troisième. )
LOGOGRYPH E.
DANS mon tout s'affied le menfönge,
De mênie que la vérité.
On nous y dit que la vie eſt un ſonge ;
Qu'ici-bas tout eft vanité.
C'eſt auffi- là qu'un pédant nous harangue ,.
Et nous dit , d'un ton magiftral :
Le latin eft la mère-langue;
Qui l'ignore eft un animal
Trop digne de paffer la vie
Parmi les troupeaux d'Arcadie.
Avec cinq pieds , dans le couvent,
On ne me voit plus fi fouvent,
DE FRANCE.
Pourtant j'habite encor les grilles
Où , pour dompter mes cinq preiniers,
Le corps de ces pieufes filles
Sèche fous mes traits meurtriers.
Avec quatre pieds je fuis ville
De Gascogne & des Pays - Bas 3
Et de pius une place utile
Où l'on travaille à tour- de- brass
Un terme de géométrie ;
La couche puptiale enfin
Où le Miniftre de Jupin
Fait des fujets à la patrie.
Avec trois , craignez mes tranfporis ,
J'ai quelquefois peuplé les morts.
En mufique , avec deux , je ne puis faire un rôle ;
A man dernier , Lecteur , il manque la parole.
( Par M. Paineau. )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
SATYRES , par M. Cle ***. A Amfterdam
; & fe trouvent à Paris , chez les Marchands
de Nouveautés , in- 8°. 1786.
CE Volume contient neuf Satyres. Les Perfonnes
qui lifent tout , fe rappellent de les
avoir déjà lues il y a quelques années. M.
C ***, les foumet de nouveau à l'opinion
Av
10 MERCURE
publique , avec des corrections , ou , s'il l'aime
mieux , avec des changemens.
Ces neuf Satyres font fuivies d'un Dialogue
Dramatique intitulé : les Perfifleurs perfifles
, & d'un Réquifitoire contre les foidifans
Philofophes , efpèce d'hommes que
M. C ***, s'eft créée pour fon amusement
particulier. Un Difcours fur la Satyre eſt à la
tête de cette redoutable batterie , & ce Dif
cours , comme de raifon , eft à- la-fois l'éloge
& la poétique du genre.,
Comptant trop ou trop peu fur notre mémoire
, M. C ***. ne nous avertit pas que ce
Difcours eft imprimé depuis quatorze ans à la
fin d'un Livre intitulé : Nouvelles Obfervations
critiques fur différens fujets de Littérature
, par M. Clément . Cette feconde Édition ,
comparée avec la première , offre quelques
changemens . En voici un exemple.
"
ور
сс
Cette critique , fine & fpirituelle , auffi
» féconde en bons mots que l'autre l'eft en
faletés , qui fait allier le bon fens & la
plaifanterie , qui ne s'arme du ridicule que
» pour venger la raiſon , qui fait rire les efprits
les plus délicats , & fatisfait les plus
lévères ; je tiens cette forte de Satyre le
plus difficile des Ouvrages d'efprit. »
"
"
On voit par ce paffage que M. Clément
étoit plus affirmatif que ne l'eft M. C ***.
qui nous dit avec un peu plus de réſerve :
« Cette critique fine & fpirituelle, auffi féconde
en beaux mots que l'autre l'eft en faleés
, qui fait, & c. Je tiens cette forte de Satyre
DE FRANCE. II
le moinsfacilepeut- être des Ouvrages d'efprit...
Des Connoiffeurs prétendent pourtant
qu'il étoit un peu plus difficile de faire Tar
tufe ou Athalie que les belles Satyres de Deſpréaux
lui-même. Lorſqu'un Poëte fatyrique
s'exprime fur fon Art avec cette exagération ,
il mérite ce mot tant de fois appliqué : Vous
êtes Orfèvre, M. Joffe.Il nous femble que M.
C*** eft cet efprit dont parle Voltaire ,
Qui de fon idole adorateur charmé ,
Veut immoler le reſte au Dieu qu'il s'eſt formé.
Dans ce même Difcours M. C *** reproche
à Voltaire d'avoir bleffé le bon fens , lorf
qu'il mit ces paroles dans la bouche d'un
Poëte lyrique.
Tenez , prenez mes cantiques facrés :
Sacrés ils font , car perfonne n'y touche ;
Avec le temps un jour vous les vendrez.
Eft-il felon la convenance que l'Auteur des
cantiques dife de fon propre Ouvrage que
perfonne n'y touche , & qu'on les vendra avec
le temps ?
Nous croyons pouvoir nous difpenfer de
réfurer cette critique vaine ; mais il n'eft pas
inutile de rappeler à M. C *** un exemple.
de ce genre de plaifanterie que Racine lui-:
même fournit dans la Comédie des Plaideurs.
Dandin dit à Chicanneau:
Avez-vous eu le foin de voir mon Secrétaire ?
Allez lui demander fi je fais votre affaire .
Av)
12 MERCURE
Ces vers fi piquans & fi gais furent peut
être critiqués par Vifé & Subligni ; ils difoient ,
comme M. C ***, où eft la convenance ? N
- Des obfervations critiques fur des Ouvrages
modernes , ont prouvé depuis longtemps
le zèle de M. C ***pour les Anciens
& pour les bons principes ; mais fon efprit
fermé , comme il le dit, à l'efprit du fiècle ,
n'a point voulu voir que les Anciens , pour
paroître grands , n'ont pas befoin qu'on faffe
aux Modernes l'injuftice de les rabaiffer.
Cette erreur de M. C *** a influé fur fes
jugemens littéraires ; & c'eft ainfi que de fes
goûts mal raifonnés , l'homme fe forme des.
opinions déraisonnables ...
4
Il y a long temps que les critiques de M.
C *** font appréciées. On a jugé les Obfervations
fur la Traduction des Géorgiques ,
fur le Poëme des Saifons , & fur d'autres Ouvrages
que le Public s'obtine à lire. On a
jugé fes Lettresfons réponse adreffées à l'Auteur
de Mérope fur la Tragédie , par l'Auteur
d'une Medée qui n'a point eu de repréſentations
depuis la première. Il ne nous reste à
préfenter au jugement des Lecteurs que less
Satyres de M. C ***.
Une réflexion que tout le monde a pu
faire , & qu'on nous permettra de répéter ici ,
c'eft que toutes les Satyres de Boileau ont un
motif varié , un plan marqué & un cadre
agréable . Il faut encore obferver qu'elles n'attaquent
les Auteurs en quelque forte que
par occafion ; qu'elles ne femblent point faites
DE FRANCE 13
précifément pour eux , mais qu'eux feuls y
femblent faits pour elles : réſultat favorable,
qui décèle dans le Poëte l'art d'un efprit fupérieur
, & la difcrétion d'un coeur généreux.
Plufieurs même n'offrent qu'un ou deux traits
contré les Poëtes du temps. La Satyre adreffée
à M. de Valincourt eft la plus innocente en ce
genre. On n'y trouve aucun de ces noms que
Boileau
Immoloir au bon goût , quelquefois à la rime.
Mais ce qui frappe le plus dans les Satyres de
Boileau, c'eft cette juftice qui ne l'a abandonné
qu'une feule fois au fujer de Quinault , encore
ne jugeoit il dans ce Poëte que l'Auteurde
quelques mauvaiſes Tragédies . Deux de fes
Satyres font adreffées l'une à Molière , l'autre
à Racine , & l'on fent bien qu'il ne leur parle
pas comme M. C *** la fait parler depuis à
Voltaire. Ségrais , qui avoit auffi traduit Vir
gile, ne fut point affocié à Perrin, qui tradui
foit l'Eneide.......
Il dit dans l'Art poétique , en invitant les
Poëtes à chanter Louis XIV......
Que Ségrais dans l'églogue en charme les forêts,
La Bruyère , qui étoit auffi un Philofophe,
n'entra dans fes vers que pour être loué.
Et Théophrafte même , aidé de la Bruyère ,
Ne m'en pourroit pas faire un plus riche tableaus
Voiture même & Balzac n'étoient point
confondus avec Colletet & Bonnecorfe : enfum
14 MERCURE
Defpréaux avoit dans l'efprit cette jufteffe
qui claffe le talent , & dans le coeur cette
équité qui vaut le génie. L'ami de Racine
fut louer Corneille .
Que Corneille pour lui rallumant ſon audace ,
Soit encor le Corneille & du Cid & d'Horace.
M. C *** n'a pas cru devoir imiter cette
juſtice de Boileau ; il a même pris un parti
tout contraire. C'eſt Voltaire qu'il appelle un
Scudéri nouveau ; c'eft l'Auteur de Mahomet
& de la Henriade qu'il traite d'Auteurfrivole
& vain ; c'eft d'Alembert qu'il accufe poliment
de raifonner de travers. Il feroit trop
long de citer ici tous les vrais talens qu'attaque
la Mufe aux bons mots de M. C *** ;
Voici les bons mots de cette Mufe.
Je ne pourrai trouver d'Alembert précieux ,
Diderot infenfé, C*** ennuyeux,
Et Thomas affommant....
Ces jolies chofes ne coûtent fien à M. C***;
mais nous lui repréfenterons que ces dénominations
, quoique moins groffières que celles
qu'employoit Garaffe , ne font pas plus ingénieufes
; que d'ailleurs il y a quelque légèreté
à parler ainfi de quatre Écrivains qui ont fait
autre chofe que des vers ; & nous lui citerons
quelques vers de Voltaire qu'il appelle un
Auteur léger.
Avec non moins d'orgueil & non moins de folic ,
Un élève d'Euterpe , un enfant de Thale
DE FRANCE. IS
Qui dans les vers pillés nous répète aujourd'hui
Ce qu'on a dit cent fois , & toujours mieux que lui ;
De fa frivole Mufe admirateur unique ,
Conçoit pour tout le refte un dégoût léthargique ,
Prend pour des arpenteurs Archimède & Newton ,
Et voudroit mettre en vers Ariftote & Platon.
Suivant M. C ***, il faut qu'avant tout
la plaifanteriefoit jufte & raisonnable, il faut
qu'elle faffle rire l'efprit & fatisfaffe la raifon.
Il ne fuit point , comme on voit , les leçons
qu'il nous donne. Pour ne pas trop l'inquiéter
fur fes opinions , examinons mainte--
nant fes idées & fon ftyle. Nous en tenir aux
détails de fes Satyres , c'eft le traiter favorablement.
Il nous faura gré fans doute d'une
diſcrétion qui met fes plans à couvert , qui
cache leur fatigante uniformité , & qui, indalgente
autant que généreufe , fe prête à
détourner la critique , & cherche à donner
• des éloges .
D'abord il faut louer M. C *** d'avoir
été docile à quelques critiques qu'un Hommede-
Lettres du premier ordre fit , il y a plufieurs
années , de quelques vers d'une Satyre
de M. C *** fur le luxe. Voici les vers cenfurés
par le goût.
Chacun dans fes excès à l'envi fe furpaffe.
L'un s'en va défier cet orageux efpace
Par qui le Giel croyoit féparer les humains ,
Traverse impatient les liquides chemins's
16 MERCURE
Parcourt affamé d'or centfois le Nouveau- Monde ;
Dudibre Américain trouble la paix profonde ,
Et trafiquant le Nègre ainfi qu'un vil bétail……..
Ĉes vers ont été changés par M. C *** :
ont- ils été corrigés ?
L'un va franchir des mers la barrière impuiffante ,
Dont la bonté du Ciel fépara les humains ,
Traverſe impatient ces orageux chemins ,
Court affouvir fa faim ſur l'or du Nouveau- Monde,
Du libre Américain trouble la paix profonde,
Et trafiquant le Négre....
Á l'exception du quatrième vers , ceux- ci
ne font pas meilleurs que les premiers . Ce
dont au commencement du fecond vers eft
auffi traînant que par qui , & d'ailleurs il
court le rifque d'être un folécifine. L'Auteur
veut dire la barrière qui fépare les humains,
& il dit la barrière dont , c'est - à - dire , de
laquelle les humains font féparés.
Il eft évident que M. C *** ne gagne
rien à être comparé à lui-même. Voyons fi
la comparaifon avec Juvénal , Horace &
Boileau lui fera plus avantageufe. Juvénal
coinmence ainfi fa première Satyre :
Semper ego auditor tantùm ? Nunquam ne reponam ,
Vexatus toties rauci Thefeide Codri? ·
Impunè ergo mihi recitaverit ille togatas,
Hic elegos ? Impunè diem confumpferit ingens
DE FRANCE. 17
Telephus , autfummi plenâjam margine libri
Scriptus , & in tergo nec dum finitus Oreftes ?
Voici de quelle manière M. C *** imite
ee morceau plein de verve & d'originalité.
Quoi ! faudra-t il toujours que muet ſpectateur
J'écoute tant de fots mafqués du nom d'Auteur ?
Si long- temps fatigué da tourment de les lire ,
Parmi tant d'Ecrivains ne puis- je enfin écrite ?
Et leur laiffant le droit de cenfurer mes vers ,
Exercer leur malice en peignant leurs travers ?
Comme les quatre premiers vers rendent
languiffamatent la rapidité des mouvemens
de Juvénal , qui die : Ecouterai -je soujours ?
Ne répliquerai-je jamais ? Remarquez aufli
comme toutes les nuances difparoiffent dans
la copie. Le Satyrique ancien fe plaint d'être
forcé d'entendre la Théféide de l'un , les
Élégies de l'autre. Le Satyrique moderne, que
rien ne force à lire les mauvais vers , confond
toutes les idées. Qu'il fe plaigne de les écou
ter , à la bonne heure ; nous fentons qu'un
Journaliſte feul peut fe plaindre de les lire.
Quelques vers plus bas M. C *** abandonne
Juvénal pour Horace. L'ami de Mécènes
dans la première Satyre du fecond
Livre , fe récrie contre la manie d'écrire fans
étude .
Navem agere ignarus Martis timet ; abrotomum agre
Non audet, nifi qui didicit, dare. Quòd medicorum eft.
3
18
MERCURE
Promittunt medici : tractant fabrilia fabri:
Scribimus indocti doctique poematapaffim.
En s'adreffant aux Rimeurs, M. C *** leur
tient ce langage :
En vort-on comme vous d'un fot orgueil épris ,
S'exercer dans un Art qu'ils n'ont jamais appris.
On ne s'exerce fans doute que pour apprendre.
Il ajoute plus bas :
Le métier le plus vil a ſa difficulté.
Jamais le Batteleur à la Foire exalté,
S'il n'en a pratiqué la routine affidue ,
Viendra-t- il voltiger fur la corde tendue ,
Et s'expofera-t- il , digne projet d'un fou ,
Pour amufer le peuple , à fe rompre le cou.
t
Nous laiffons les Lecteurs juger ces vers
Ils applaudiront fur - tout à cette routine affidue
de la corde , à cette belle chûte du dernier
vers , & à la manière dont M. C ***
imite la préciſion & l'efprit d'Horace.
Autre exemple qui prouve que M. C ***
ne fuit guères les leçons qu'il donnoit autrefois
fur la manière de traduire. Horace , dans
fa belle Ode aux Romains , finit par ces vers:
tas parentum , pejor avis ,
Nos nequiores , mox daturos
Progeniem vitiofiorem .
tulit
Ce trait énergique eft traduit ainfi par M.
€****
DE FRANCE. 19
Nos pères corrompus qu'effrayoit notre audace ,
Ont maudit les excès de leur coupable race ;
Et nos fils plus que nous dans le crime exercés
Par leurs enfans pervers fe verront furpaffés.
Ces vers pèchent à- la- fois par la foibleffe
& l'impropriété des expreffions , par la pefanteur
de leur tournure , & fur- tout par le
Fort de rappeler ceux- ci fans pouvoir les faire
oublier.
Nos pères plus méchans que n'étoient nos ayeux ,
Ont eu pourfucceffeurs des enfans plus coupables ,
Qui feront remplacés par de pires neveux.
L'Auteur n'eft pas plus heureux dans fes
autres imitations de Juvénal & d'Horace
oppofons- lui Boileau.
D'abord M. C *** l'imite au point de paroître
le copier. Si Boileau dit :
Et dont les Cicérons fe font chez Pé- Fournier.
M. C *** dit :
Le Louvre a fes Elus qui fe font chez Climène.
Si Boileau dit :
Le monde à mon avis eft comme un grand théâtre
Où chacun en public l'un par l'autre abufé ,
Souvent à ce qu'il eft joue un rôle opposé.
Cet avis eft auffi celui de M. C ***.
Le monde à mon avis eft une Comédie';
Chacun à s'y tromper s'intrigue & s'étudie,
20 MERCURE
Si Boileau dit :
Où le vice orgueilleux s'érige en fouverain ,
Et va la mître en tête & la croffe à la main.
M. C *** fe hâte de dire : uar
Et l'impiété marche une croffe en main.
A.
290
La feptième Satyre de M. C *** eft com-²
pofée de l'Épître de Boileau à M. de Guille
ragues , & de celle à M.de Lamoignon. Écou
tons Boileau.
J'ai besoin da filence & de l'ombre des boiss
Ma Moſe, qui fe plait dans leurs routes perdues , " ?
Ne fauroit plus marcher fur le pavé des rues, li
Ce n'eft que dans ces bois propres à m'exciter, I
Qu'Apollon quelquefois ,daigne encor m'écouter.
Cela n'empêche pas M. C *** de s'écrier :
Que ma Mufe à Paris , fi lente à m'inspirer so
Avec moi dans ces lieux eft prompte à s'égarer. [
Cette Mufe de M. C *** , qui s'égare, ſuit
pourtant avec obftination celle de Boileau."
Boileau.
Aujourd'hui vieux lion je fuis doux & traitable.
M. C***
mahal )
"
Aujourd'hui fans humeur j'endure leurs outrages 3
Boiledu. !
Je ne fuis plus l'aigreur de ma bile première ,
Et laiffe aux froids Rimeurs une libre carrière.
DE FRANCE. 21
M. C***.
Je ne feas plus en moi cette critique audace
Qui brûloit d'immoler le Tyran du Parnaffe.
Boileau.
Ainfi donc Philofophe à la raifon foumis ,
Mes défauts déformais font mes feuls ennemis.
C'est l'erreur que je fuis , c'est la vertu que j'aime ; .
Je longe à meconnoître, & mecherche en moi- même :
C'eft-là l'unique crude où je veux m'attacher.
M. C*.**.
Par d'utiles leçons ma taifon affermie
Me devient pour moi-même une juſte ennemie ;
C'eft à régler mon ame enfin que je m'inftrui ,
Etje mets à profit jufqu'aux erreurs d'autrui.
Que veut dire M. C *** par fa raifon
affermie qui devient une jufte ennemie ? Boileau
ne lui donne point l'exemple d'une raifonfi
ennemie de la clarté , ni d'une verfification
fi deftituée d'harmonie.
Boileau.
Lamoignon , nous irons , libres d'inquiétude,
Difcourir des vertus dont tu fais ton étude ;
Chercher quels font les biens véritables ou faux ;
Si l'honnête homme en foi doit fouffrir des défauts ;
Quel chemin le plus droit à la gloire nous guide ,
Ou la vaſte ſcience ou la vertu folide.
22 MERCURE
M. C***
Nous aimons à chercher des vérités utiles ;
Si l'amitié de l'ame eft un pur fentiment 3
Ou fi notre intérêt nous entraîne en aimant ;
Si le fouverain bien que promet la richeffe
Ne fe trouve en effet qu'en la feule fageffe.
>
Voyons fi la Mufe de M. C ***, abandonnée
à elle- même, s'égare avec plus de bonheur.
Il dit quelque part.
Je n'aime point les vers dictés par les furies.
Nous le prions de nous dire par qui ont
été dictés ceux-ci qu'il adreffe à Voltaire,
L'ambition , l'orgueil , l'envie ou la vengeance,
Contre les vrais talens arment ta médifance.
A tes lâches noirceurs ton vers eft afſorti ;
Souvent ton Apollon , en Vadé traveſti ,
-Va dans les carrefours , fous les tréteaux des balles ,
Ramaffer un vil tas d'injures triviales ,
De fales quolibets & de plates horreurs ,
Que vomit la canaille en fes baffles fureurs.
M. C ***, eft- ce-là cette critique aufli féconde
en bons mots que l'autre l'eft en faletés
?
Lorfque des détails pittorefques s'offrent à
M. C*** , voici comme il s'en tire.
Loi Flore & Vertumne, & Pomone & Pakes
DE FRANCE. 23
S'uniffent de concert pour égayer Cérès.
Souvent aux doux rayons du jour qui vient d'éclore ,
Je vais à fon réveil faire ma cour à Flore.
Quelle fingulière raifon nous donne M.
C***, de fe mettre en colère dans fes Satyres ?
Ne trouvant nul profit au mal que l'on voit faire ,
L'odieufe injuftice émeut notre colère.
Nous nous défendrons à ce fujer toute ob-
Lervation. Les alliances de mots ne font pas
heureufes dans les vers de M. C ***. Čes
vers que nous prenons au hafard, ne rachètent
point la pauvreté de la penſée par la richeſſe
de l'expreffion.
Soyez riche, & l'argent va blanchir vos forfaits
Sur l'arbre du faux goût les mauvais fruits abondent.
Nous croyons que ce vers même eſt un
de ces fruits là.
Ce feroit à ne point finir fi nous voulions
citer les vers de mauvais goût dont ces Satyres
font remplies. Tenons-nous à quelques
yers dont les fautes plus fingulières peuvent
à-la-fois amufer & inftruire.
Mon cher fils , diront-ils , docte ou non , fol ou fage,
Dévôt ou libertin , l'Égliſe eft ton partage .
Et toi , ma fille, il faut , renonçant à l'Amour ,
Dans un Cloître béni t'exiler fans retour,
Afin que votre aîné , plus riche en votre abſence,
Relève avec éclat ſen rang & fa naiffance,
24 MERCURE
Le Lecteur a fans doute remarqué cette
expreflion en voire abfence fi ridiculement
placée , & cette autre de Cloitre béni , il
nous difpenfe par conféquent de caractériſer
ces vers comme ils le méritent.
Nous nous lalfons de n'avoir qu'à critiquer,
Cherchons , malgré les difficultés , quelques
vers qui réuniffent enfin la beauté de la
penfée & celle de l'expreffion. Celui - ci refte
dans la mémoire fans que le goût s'en plaigne.
Les vices d'autrefois font les moeurs d'aujourd'hui.
Voici des vers très - agréables, malgré quelques
taches.
Déployez ces talens dont le charme invincible
D'un coeur intéressé fait faire un cocus fenfible .
La jeuneſſe a fes droits , fon pouvoir, & fouvent
On aime à lui payer ce qu'à d'autres l'on vend,
Que de Belles ainfi , galantes bienfaitrices ,
Du mérite indigent ardentes protectrices ,
Ont fu , de leurs bienfaits favourant tout le prix ,
Des biens de leurs amans renter leurs favoris.
Voici un morceau dont les idées & même
les plus belles expreffions en rappellent d'autres
du même genre, que des Poëtes critiqués.
par M. C ***, ont trouvées les premiers. Les
vers de M. C *** n'en font pas moins d'une
tournure élégante & facile.
Leurs campagues jadis de moiffons revêtues
Se changent en jardins tout peuplés de ftatues :
Le
DE FRANCE. 25
Le pavillon chinois chaffe le potager ;
Ils livrent à la hache un fertile verger ;
Mais ils font avec foin cultiver des épines ,
Planter des arbres morts & bâtir des ruines.
Nous pourrions citer encore des vers d'une
élégance & d'une correction louables . Tels
font ceux- ci :
L'intrigant Médecin , des femmes fi vanté,
Qui foigne leurs plaifirs bien mieux que leur fanté ,
Et l'élégant Abbé , tout rayonnant de vices ,
De boudoirs en boudoirs courant les Bénéfices.
On attend qu'un bon vent ramène vers la France
Un navire chargé d'une riche espérance.
Ce dernier vers réunit l'harmonie & la
beauté de l'expreffion .
Nous trouvons les vers fuivans très bien
faits.
Mais quel eft mon regret dans un lieu fi charmant
D'entendre murmurer les Naiades plaintives
Contre un tyran jaloux qui les retient captives ,
Emprifonne leur courfe en d'avares canaux ,
Et fait languir ces prés amoureux de leurs eaux.
Mais la juftice nous forceroit auffi de citer
d'autres vers où ſe trouvent tous les défauts ;
No. 48 , 2 Décembre 1786.
B
26 MERCURE
& fous tous les afpects M. C *** n'offriroit
qu'un trifte réfultat . Satyrique , il outrage;
Critique , il régente fes Maîtres ; imitateur efclave
, il n'embellit jamais fes imitations ;
Poëte , fi l'on peut lui donner ce titre , fon expreffion
eft toujours,fans couleur ; Verfificateur
, il n'a que des formes communes ou copiées.
Ce n'étoit point fur ce ton que Boileau
dictoit fes loix au Parnaffe. Si la Tragédie a eu
fes Pradons , il faut qu'on fe fouvienne que la
Satyre a eu fes Gacons. Il faut craindre que
la critique , qui ne peut oublier Boileau fon
immortel favori , ne s'arme contre les prétendus
rivaux de ce redoutable fouvenir ; &
avant de donner des Satyres , il faut dire :
Soyez- vous à vous-même un Critique févère.
TRAITÉ fur les propriétés & les effets du
Café, par M. B. Mofeley , Docteur en
Médecine , Auteur des Obfervations fur
la Dyfenterie des Indes Occidentales
traduit de l'Anglois fur la troifième Édition
, par M. Lebreton , Infpecteur- Général
des Remifes des Capitaineries Royales ,
de l'Académie Royale des Sciences d'Upfal ,
& Correfpondant de la Société Royale
d'Agriculture de Paris , avec les Obfervationsfur
la culture du Café, par M. Fufée-
Aubler. in- 12 . de 120 pages. A Paris , chez
Prault , Impr. du Roi , quai des Auguſtins.
UN Ouvrage qui traite des propriétés &
des effets du Café , n'eſt pas une de ces pro-
?
DE FRANCE. 27
ductions qu'on nous pardonneroit d'avoir
paffées fous filence . Une fi nombreufe claffe ,
parmi nos Lecteurs , prend au Café un fi tendre
intérêt ! eft- ce une boiffon faine ou malfaifante
; voilà une queftion qui doit intéreffer
bien des gens ,-plus qu'une queſtion de
politique ou de morale . On fera curieux de
voir comment l'Auteur la décidera : s'il condamne
l'ufage du Café , on prendra toujours
du Café ; mais s'il le permet ou le confeille ,
on fera charmé de pouvoir accorder les goûts
& fa confcience.
L'Auteur commence par un détail aſſez
curieux , puifé dans un Autcur Arabe , &
qui prouve les mouvemens & les troubles
que fit naître l'introduction du Café chez les
Mahométans. L'ufage en fut à-peu - près regardé
comme une grande innovation dans la
politique , & même dans la religion. Ce tableau
fera naître quelques réflexions , quelques
comparaifons même ; & on fe rappellera
combien font graves quelquefois les caufes
qui troublent le repos des Empires. Nous
allons abréger le récit de l'Auteur Arabe.
Un Gouverneur de la Mecque , Khair Beg,
qui n'avoit jamais pris de Café , trouva un
jour près de la porte de la Moſquée plufieurs
perfonnes qui en prenoient pour paffer la
nuit en prières. Ayant cru que c'étoit du vin ,
fa piété s'en indigna d'abord ; mais ayant appris
enfuite que cette liqueur avoit la propriété
d'exciter la joie, & que l'ufage en étoit
commun dans la Mecque , il convoqua le
Bij
28 MERCURE
lendemain les Magiftrats , les Docteurs de la
Loi , les Prêtres , les hommes les plus éminens
du pays , leur communiqua cette grande
découverte , ajoutant qu'on l'avoit informé
que ces abus étoient fréquens dans les Cafés
publics , & les confulta fur le parti qu'il
devoit prendre. On convint que les Cafés publics
avoient befoin de réglémens , parce
qu'on y portoit fouvent atteinte à la pureté
du Mahométifme ; mais quant au Café , on
s'accorda à dire qu'il falloit là - deffus prendre
l'avis des Médecins.
Deux Médecins Perfans , les plus célèbres
de la Mecque , opinèrent contre le Café , l'accufant
d'être froid , fec & nuifible à lafanté.
Un Docteur de l'affemblée objecta qu'un
ancien Médecin Arabe des plus fameux , avoit
écrit que ces grains étoient chauds &fecs.
Les deux Perfans répliquèrent que cet
ancien Médecin ne fe connoiffoit pas en Café ,
ajoutèrent qu'il pouvoit mener à des actions
illicites, & opinèrent pour le prohiber.
" Cette décifion gagna tous les fuffrages ;
» & plufieurs des convoqués même affir-
>> mèrent que le Café avoit troublé leur cer-
» veau; un des affiftans foutint qu'il enivroit
» comme le vin ; ce qui fit rire toute l'affem-
و د
""
blée , parce qu'un pareil jugement fuppo-
» foit qu'il s'étoit mis à même de faire la
-comparaifon , & qu'il avoit conféquem-
» ment bu du vin ; ce qui eft expreffément
défendu par la loi Mahometane. On lui en
fit la queftion , & il eut l'imprudence de
و ر
و د
DE FRANCE. 29
"2
répondre affirmativement : il fut condamné
fur cet aveu à la baſtonnade. »
Malgré le Mufti qui s'y oppofa , par raifon
cu par goût , le Café fut prohibé dans la
Mecque ; mais le Sultan d'Égypte ayant levé
la défenſe , ordonna au Gouverneur de ne
févir que contre les défordres qui pouvoient
fe gliffer dans les Cafés publics : « Ajoutant
» que quoiqu'il fût poflible d'abufer des meil-
" leures chofes , même de l'eau de la fontaine
» Zéruzem , dans le temple de la Mecque ,
fi eftimée de tous les Mufulmans , ce n'étoit
» pas une raifon de les interdire. »
و ر
"
"3.
Il eſt à obferver ici , pour la gloire de cette
liqueur , que les deux Médecins qui l'avoient
profcrite , périrent malheureufement ; événement
qui , fans doute , fut interprêté par
les uns comme un hafard , & par les autres
comme une vengeance divine.
Le Cafe , ainfi prohibé , fut profcrit de
nouveau, pour être encore rétabli .
Le Sultan d'Égypte ayant confulté les Docteurs
de la Loi fur cette importante affaire ,
leur fuffrage donna au Café plus de crédit &
de vogue qu'il n'en avoit jamais eu au Caire .
Mais il eut encore quelques orages à effuyer.
En 1713 , un Médecin perturbateur , prétendit
que certe liqueur étoit nuifible à la
fanté , & confeilla la prohibition ; mais fon
avis ne prévalur point.
Dix ans après , un Prédicateur cut plus de
fuccès que lui ; il tonna en chaire core le
Café , & fon éloquence fit tant d'effet fur les
Bij
30 MERCURE
efprits , que la populace ameutée fe porta dans
les Cafés publics , brifa les taffes , les foûcoupes
, & prefque les perfonnes qui s'y trouvèrent.
La ville alors fe divifa en deux partis ; le
Juge en chefconvoqua les Docteurs , qui tous
opinèrent en faveur du Café ; & par un dénouement
digne du motif de la convocation ,
le Juge en chef, qui fut de même avis , " or-
» donna fur le champ qu'on fervit du Café à
tous les membres affemblés ; il en prit lui-
» même ; cet exemple appaifa toutes les que-
» relles , & le Café en devint plus à la mode
» qu'auparavant. »
ود
"
Će goût devint fi vif & fi général , que les
Imans & les Officiers des Mofquées fe plaignirent
que leurs temples étoient déferts , tandis
que les Cafés publics étoient toujours pleins .
Les Dervis & les Prêtres , ( par piété fans
doute ) s'élevèrent fortement contre l'ufage
de cette liqueur ; & ils décidèrent que c'étoit
un plus grand péché d'aller dans un café que
de boire du vin. Enfin ils trouvèrent , pour
le profcrire , un biais théologique ; ils foutinrent
que le Café grillé ou rôti étoit une eſpèce
de charbon , & que tout ce qui approchoit
du charbon étoit défendu par la loi de
Mahomet. Sur leur requête , le Mufti prononça
que le Café étoit défendu par la loi de
Mahomet. En conféquence tous les Cafés publics
furent fermés dans Conftantinople.
Aurath III, qui régnoit alors , fut un
peu plus tolérant ; il permit l'ufage du Café
DE FRANCE. 31
dans les maiſons particulières. Les défenſes
n'avoient pu faire perdre le goût pour cette
boiffon ; les Officiers de Police , n'ayant pu
réuffir à en empêcher l'ufage , en permirent
la vente , pourvu que ce ne fût pas en public ,
& moyennant une certaine fomme. Quand on
en buvoit dans les maiſons , il falloit fermer
les portes.
Сс
Enfin un nouveau Mufti , qui avoit
moins de fcrupules ou plus de goût pour le
Café , décida qu'on ne pouvoit pas le regarder
comme un charbon , & que par conféquent
il n'étoit pas defendu par la loi de
Mahomet. Après cette déclaration , les
fanatiques , les prédicateurs , les médecins
, les Gens de Loi & le Mufti même ,
loin de fe récrier contre le Café , en
adoptèrent eux-mêmes l'ufage , & leur
» exemple fut généralement fuivi par la
» Cour & la ville . »
ور
33
.د
Au fond il y avoit de la barbarie à défendre
à-la-fois au même peuple , & le vin
& le Café.
Mais l'hiftorique des diverfes destinées
du Café nous a menés un peu loin . Nous
avons fait languir fans doute plufieurs lecteurs
, impatiens de favoir fi notre Auteur
le confeille ou l'interdit . Difons donc , en
faveur des amateurs timorés de cette liqueur
, qu'il a écrit pour raffurer fur fon
ufage, & qu'il le donne pour une boiffon
auffi faine qu'agreable.
" Le Café bien préparé , dit- il , agit ſur
Biv
32
MERCURE
»
33
و ر
ود
و ر
l'eftomac , comme un excellent tonique
& un très- bon fortifiant.... Il convient
particulièrement aux perfonnes dont l'eftomac
eft naturellement foible. Il leur
fait éprouver une fenfation agréable ; il
accélère le cours de la digeftion ; il corrige
les crudités ; il fait paffer la colique
& diffipe les flatuolités. A fa vertu ftomachique
, il joint l'avantage de répandre
» une chaleur agréable qui convient aux
efprits animaux ; il diffipe la nonchalance
& la langueur chez les perfonnes dont
» le genre nerveux eſt affoibli par les excès ,
par la fatigue ou une conduite irrégulière...
On s'en eft fervi avec grand fuccès dans
l'hydropifie , dans les maladies des vers ,
dans le coma , l'anafarque & plufieurs
autres indifpofitions occafionnées par une
» nourriture malfaine ou par le défaut
d'exercices , la foibleffe des fibres & la
fuppreffion de tranſpiration .
ود
">
" ""
" Les bons effets du Café dans le vertige ,
» la léthargie , le catharre , & les maux de
tête occafionnés par l'obftruction des vaiffeaux
capillaires , font conftatés par une
» très longue expérience.
ود
Enfin , après avoir excepté les cas d'hémorragies
, le crachement , l'expectoration
eu le vomiffement du fang , notre Auteur
conclut que perfonne ne doit abufer du
Café , mais que tout le monde peut en
wfer.
La manière de le préparer , eft de la plus
DE FRANCE. 33
grande importance pour les effets. Outre
qu'il faut foigneufement l'enfermer quand
il est rôti , & ne le réduire en poudre qu'au
moment de s'en fervir , il faut fur-tout , il
faut , lorfque la boiffon eft faite , qu'elle
foit limpide , claire , nullement chargée ni
rendue trouble par les plus petites particules
de la fubftance du Café.
ور
""
" Il y a peu de matières végétales que
» la décoction ou l'infufion dénaturent au-
» tant que le café. Pris en fubſtance , il
oppreffe l'eftomac , il échauffe , il caufe
la naufée & l'indigeftion ; ainfi l'ufage
» continué de fa décoction , dans laquelle
eft contenue une certaine quantité de fa
» fubftance , outre qu'elle la rend défagréable
, tend à produire les mêmes indifpofitions
que la fubftance. Le réfidu du
» grain rôti , lorfqu'on en a extrait les qua-
» lités , n'eft qu'une terre calcaire , & par
» cette raifon feule , ne peut qu'être pernicieufe.
»
وو
"
ע
D'après cela , l'Auteur défend de préparer
le Café au lait au- lieu d'eau , ou d'y ajouter le
lait fur le feu , parce que la ténacité du lait
empêche que la fubftance ne fe précipite ,
& par conféquent que la liqueur ne foit
pure .
Des obfervations fur la culture du Café ,
par M. Fufée Aublet , fuivent & complettent
ce traité , qu'on s'empreffera fans doute de
fe procurer , pour le confulter au befoin ,
ou pour l'oppofer aux détracteurs du Café.
By
34
MERCURE
On doit favoir gré à M. le Breton , à qui
l'on doit déjà des obfervations & des
expériences utiles en Botanique , de nous
avoir fait connoître cet ouvrage , propre
à diffiper bien des fcrupules . Nous ne l'avons
pas lu , fans nous rappeler le mot de
Fontenelle , à qui l'on difoit que le Café
étoit un poifon : C'est donc un poifon lent ,
répondit le philofophe . Fontenelle avoit pris
du Café toute la vie , & il avoit alors plus
de quatre- vingts ans.
( Cet Article eft de M. Imbert. )
VARIÉTÉ
S.
De l'influence que Boileau eut fur l'efprit
de fon fiècle.
BOILEAU OILEAU naquit en 1636 , quelques mois avant
difoit- il agréa- Louis XIV , comme pour annoncer ,
blement , les merveilles de fon Règne. Il entendit
retentir autour de fon berceau les acclamations que
la France prodiguoit à l'Auteur du Cid. Au milieu
de ce concert de louanges , une voix s'éleva . Richelieu
ne put diffimuler fa jaloufie , ni fupporter une
gloire qui fut plus durable que la fienne . Il ordonna
, en Maître , à cette Académie qu'il avoit
fondée , de condamner le premier chef- d'oeuvre de
Pierre Corneille. On fait affez qu'eile ſe tira d'un fi
DE FRANCE.
35
mauvais pas avec plus d'adreffe que de courage ;
mais enfiu le Miniftre- Roi mourut , & Boileau
vengea Corneille.
Tout le monde fut par coeur & fe plut à répétez ,
ces vers devenus l'arrêt de la Poftérité :
J
En vain contre le Cid un Miniftre fe ligue ,
Tout Paris pour Chimène a les yeux de Rodrigue ;
L'Académie en Corps a beau le cenfurer ,
Le Public révolté s'obſtine à l'admirer.
Cependant la Scène Françoife étoit en proie aux
Scudéri & aux Boyer.
Molière avoit la douleur de voir un Montfleuri ,`
avec le Marifans Femme , balancer la réputation du
Mifantrope.
C'étoit Chapelain que confulta Colbert dans la
diftribution des libéralités du Roi .
Boil au s'indigna , & la France apprit qu'elle
avoit auffi un Horace & un Juvénal.
Les véritables Mufes , ce font nos paffions. La'
paffion de Boileau fut l'amour de la vérité . Il
commença par mettre Corneille & Molière à la
place qu'ils méritent , & c'eft depuis ce moment
qu'il peut être regardé comme le Légiflateur du
Parnaffe François.
La Nature fe plut à raffembler dans le cercle
étroit d'un demi- fiècle Corneille , Molière , Racine ,
La Fontaine , Defcartes , Pafcal , Boffuet & Fenéion.
Boileau fut digne d'être leur contemporain .
L'Académie n'avoit pas encore le Roi pour Protecteur
; mais elle comptoit du moins Pierre Corneille
parmi fes Membres. Boileau difant que
Louis XIV « fe plaint de fa grandeur qui l'attache
nau rivage, approcha de l'oreille de fen Maître ,
& le fit paffer de l'amour de la louange à l'amour
des vers . Boileau fut le premier qui eut du goût , &
35
Bvj
46 MERCURE
il infpira à Louis XIV le defir d'en avoir.
Louis XIV le récompenfa en Roi .
L'Edifice que Malherbe avoit commencé , Boileau
l'acheva, & l'Art poétique eft le monument de la
gloire des Mufes autant que de celle de ſon Auteur.
Enfin c'eft Boileau qui forma Racine . On croit
être retourné aux plus beaux jours de la Grèce
& de Rome. L'hommage que rendit Sophocle , fur
le Théâtre d'Athènes , aux mânes d'Euripide fon
Emule & quelque fois fon vainqueur , Boileau le rendit
à Racine vivant.
Ce fut Boileau qui préfenta Racine à Louis XIV,
comme autrefois Virgile donna Horace au jeune
Augufte.
Sans Boileau , la Phèdre de Pradon alloit l'emporter
fur celle de Racine : & l'on demande quelle
influence eut Boileau fur fon fiècle !
Demandez-le à ce Pradon fi méprifé parmi
nous , à ce bienheureux Scudéri qui avoit bravé
Co. neille, à ce pauvre Cottin , dont le nom feul eft
un opprobre. Demandez- le à ce célèbre hôtel de
Rambouillet , où tous les talens venoient recevoir le
prix des mains de la Beauté , où Corneille avoit
fabi des arrêts , où Molière trouvoit , parmi fes cenfeurs
mêmes , les modèles de fes peintures ineffaçables.
Boileau fit en Littérature ce qu'avoit fait Def
cartes en Philofophie ; c'eft à- dire , une révolution
fubite dans les efprits . Mais Defcartes délivra l'ef
prit humain du joug de l'autorité , & Boileau ramena
les modernes à l'étude des anciens modè es .
Dfcartes renverfa l'Ecole d'Ariftote , & Boi'eau
releva les autels d'Homère . Nourri de la lecture des
Anciens , il emprunta d'eux tous les fecrets du grand
Art d'écrire , il s'enrichit de leurs dépouilles , & força
la plus timide des Langues à devenir poétique fous fa
plume. Combien d'études & d'efforts il lui falur
DE FRANCE. 37
pour faire goûter la raiſon ? Il réconcilia , pour un
moment, les François avec elle ; & la route de l'efprit
fut changée par lui , comme l'avoit été celle du commerce
par Gama lorfqu'il eut découvert le Cap de
Boane Efpérance .
Ceft par fon caractère furtout que Boileau fut
digne de dominer fur fon fiècie Il avoit la fierté
de la vertu & il fe montra conftamment fupérieur à
toutes les petiteffes de la vanité.
Que penfer d'un Poëte dont Racine même n'ersita
point la jaloufic ?
·Arnaud perfécuté trouva dans Boileau un défenfeur
courageux ; & le même Monarque qui avoit
eu la foibleffe d'exiler un grand Homme , fut affez
jufte au moins pour honorer Boikau qui n'abandenna
point fon ami .
On reproche à Boileau d'avoir été injuſte envers
Quinault . Il ne fut que févère. La molieffe du ſtyle If
de cet aimable Lyrique ne pouvoit trouver grace
devant le juge incorruptible qui ne pardonnoit pas
au Taffe d'avoir mêlé un peu de clinquant à l'or de
Virgile.
a
Me pardonnera-t on de le dire ? Jamais Boileau
ne fut plus grand que dans ce fiècle raiſonneur . M.
de Voltaire a régné avec plus d'éclat fans doute ;
mais fon empire à cela de commun avec celui d'Alexandre
, qu'il eft déchiré par fes fucceffeurs . Boileau
femble au contraire avoir fondé une Ecole qui
durera autant que la vérité. Oubliera - t - on que ce
fut Boileau qui rendit Fontenelles aux Sciences , &
un fi beau préfent ne mérite t- il pas l'éternelle reconnoiffance
de tous les Philofophes ?
(Par M. le Marquis de Ximenès, )
38
MERCURE
Avertiffement fur la Gazette de France.
LE Miniſtère ayant bien voulu confentir que le
ffeur Panckoucke prît à titre de bail l'exercice du
Privilège de la Gazette de France , à compter du
premier Janvier 1787 , ce Libraire , afin de répondre
à cette marque de confiance , auroit defiré
réalifer dès -à - préfent plufieurs moyens qu'il a en
vue pour l'amélioration de cet Écrit périodique ;
mais le temps ne permettant pas de les mettre à exécution
, on s'eft borné , pour l'inftant , à étendie la
correfpondance. Les mefures ont été prifes en conféquence
, & l'on efpère fe procurer des matériaux
qui mettront à portée de donner un nouveau degré
d'intérêt à ce Papier National.
Dans les nouveaux arrangemens qu'on ſe propofe
, on n'a pas deffein de rien changer au plan , à
la forme ni au prix de la Gazette ; elle continuera
d'avoir le caractère d'authencité & de véracité qui a
toujours fait fon mérite diftinctif, & dont elle ne
s'eft jamais écartée depuis fon origine , qui remonte:
au-delà de 1632.
C'est ce caractère de vérité qui , en temps de paix
comme en temps de guerre , en a toujours fait l'Écrit
politique de l'Europe le plus eftimé. On la regarde
avec raifon comme le Recueil le plus précieux pour
l'Hiftoire , parce qu'il n'a jamais été permis d'y inférer
des faits ha ardés ou des Mémoires fuffects.
Le Bureau général de la Gazette eft toujours rue
Croix des Petits-Champs , hôtel de Beaupréau.
Il faut s'adreffer au fieur Aubry Chef du Burean
, pour le renouvellement des foufcriptions , tant
à Paris qu'en Province & dans les Pays étrangers . On
ne peut foufcrire que pour une année entière ; mais
DE FRANCE. 39
on a la liberté de commencer par tel mois que l'on
defire. Le prix de la foufcription eft de 15 liv. port
franc..
Il faut affranchir le port des lettres & de l'argent.
Le fieur Fontanelle , rue du Petit - Bourbon , Fauxbourg
Saint Germain , eft feul chargé de la rédaction
de la Gazette , & c'eſt à lui qu'on doit s'adreffer
pour tout ce qui concerne cette rédaction .
SPECTACLES.
ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.
QUOIQUE le fujet de Phèdre ſoit extrêmement
connu, nous donnerons cependant
l'analyse du nouvel Opéra qui porte ce titre ,
afin qu'on puiffe comparer la marche du
Poëme lyrique avec celle de la Tragédie de
Racine , & juger des endroits où l'Auteur a
été forcé de s'écarter de fon modèle.
Le Théâtre repréfente une campagne voifine
de Tresène. On y voit un Temple confacré
à Vénus. Le jour eft à fon aurore. Hyppo
lite partant pour la chaffe preffe fes compagnons
, & ils adreffent enfemble une invocation
à Diane pour obtenir fa protection . Une
Prêtrelle de Vénus , en annonçant l'arrivée
prochaine de Phèdre dans le Temple , fait ob
ferver aux chaffeurs que ce lieu ne doit retentir
que du nom de Vénus. Ce nom inf
Dire une forte d'horreur aux fuivans de Diane ,
a ils s'éloignent en recommençant leur
40 MERCURE
hymne. Phèdre paroît , & fes regards prolon
ges fur Hyppolite tout le temps qu'elle peut
le voir , indiquent la paffion dont elle brûle
pour lui. Elle s'adrefle enfuite à la Déeſſe , &
lui redemande le calme qu'un feu dévorant a
banni de fon coeur . On fait un facrifice , & les
Prêtreffes mêlent leurs chants à celui des femmes
de la Cour. Phèdre s'égare dans les voeux
qu'elle forme ; elle fe repréfente les objets
que fa paflion defire , & finit par s'écrier :
Je le vois ... je l'entends ... yoilà le plus vaillant
Des Satellites de Diane.
Le nom de Diane ainfi prononcé dans le Temple
de Vénus indigne fes Prêtreffes ; elles le
répètent avec horreur comme celui de Vénus
a été répété par les chaffeurs attachés à Diane,
Phèdre fent fa faute , s'excufe fur fon délire.
Ses femmes fe jettent au pied de l'autel de la
Déeffe pour implorer fon pardon. La Reine
veut refter feule avec none.
Cette femme qui lui eft tendrement attachée
s'informe de la caufe de fes maux.Phèdre,
honteufe de fes criminels fentimens , laiffe
deviner plutôt qu'elle ne le dit formellement
qu'elle aime, & qu'Hyppolite eft l'objet de fa
paffion. Enone lui en fait fentir les dangers ,
lui rappelle fon époux... A l'inftant on vient
apprendre à la Reine que Théfée , defcendu
dans les royaumes fombres , ne doit plus efpérer
de revoir la clarté du jour . Enone regarde
cet événement comme favorable à
l'amour de Phèdre ; & tandis que le peuple
DE FRA N.CE.
41
l'invite à faire monter fon fils fur le trône afia
d'en ravir l'eſpoir à Hyppolite , cette femme
complaifante fait rentrer l'efpoir dans fon
coeur.
L'Acte fuivant fe paffe dans le Palais . Phèdre
a été nommée par le peuple. Son fils a la Cou
ronne. Hyppolite n'y doit plus prétendre , &
elle s'informe de l'effet que cette nouvelle a
produit fur l'amie de ce jeune Héros. Sa foumillion
l'enflamme encore davantage. Elle
fait part à none du projet qu'elle a de le
couronner. Celle ci , après de foibles remontrances
, non-feulement s'y prête , mais a pris
fur elle de faire venir Hyppolite , devant la
Reine. Phèdre , déjà tourmentée par fes remords
, effrayée méine de l'efpoir qu'elle a
conçu , ne fait fi elle doit l'attendre . Elle veut
le fuir; mais il arrive. Cette fcène eft celle
de la déclaration . Phèdre laiffe échapper peu
à-peu fon fecret ; veut quelquefois le retenir ;
mais enfin quand fa paffion eft bien connue ,
& qu'elle la voit méprifee par celui qui l'inf
pire , elle fe livre alors à toutes les futeurs de
l'amour. Dans ce moment on vient annoncer
P'arrivée de Théfee. C'est un coup de foudre
pour cetre époufe coupable , ainfi que pour
Enone. Hyppelite vole au devant de fon
père, mais en promettant à lui- même de
ne lui rien révésor de cette horreur.
Choeur de peuple qui célèbre l'arrivée inefpérée
du Roi. Théfee jouit de leurs fentimens,
& après un divertitlement, il s'étonne
de ce que Phèdre n'eft pas à leur tête. Il veur
42 MERCURE
voir la Reine, & conduire Hyppolite chez elle .
Ce Prince s'en défend, & demande même àfon
père la permiflion de s'éloigner de fes États
fans lui découvrir fon véritable motif. Théfée,
qui l'attribue à la haine qu'il croit que Phèdre
a conçue pour le fils de l'Amazone , ſe plaint
avec douleur de cette divifion , & prie les
Dieux de faire renaître dans fon Palais le calme
qu'il a rendu à la terre.
Au troisième Acte none, qui a craint l'indifcrétion
d'Hyppolite, a voulu la prévenir en
accufant ce Prince auprès de Théfée d'avoir
voulu attenter à l'honneur de la Reine. Théfée
la croit. L'abfence même de Phèdre , qui
l'évite depuis fon retour , lui paroît confirmer
la vérité de cet attentat . Il implore la puiffance
de Neptune , qui lui a promis d'exaucer
le premier de fes voeux. Son voeu eft le
châtiment de fon fils. Hyppolite vient , eft
furpris du courroux de fon père , qui ne lui
laiffe pas ignorer le crime dont on l'accufe . Sa
juftification n'eft point écoutée. Théfée , toujours
furieux, part en lui ordonnant un éternel
exil . Scène touchante des amis d'Hyppolite
qui ne veulent point l'abandonner. Le Théâtre
refte vuide , & Phèdre paroît feule. Elle
ignore le deftin d'Hyppolite , & n'eft agitée
quede fes remords . none vient lui apprendre
ce qu'elle a fait pour elle , & l'accufation dont
elle a chargé le Prince dans le deffein de la
fauver. Phèdre en eft révoltée , & challe
none avec toutes les marques de fa haine &
de fon indignation. Reftée feule , elle fent
DE FRANCE. 43
une
que la mort eſt ſa feule reſſource , & ne veut
plus vivre que jufqu'à ce qu'elle ait juſtifié
l'innocence. Dans fon défeſpoir elle atteſte les
Dieux & les enfers. Le tonnerre gronde ,
tempête épouvantable s'élève. Le peuple &
Théfée lui-même cherchent à calmer le courroux
du Ciel. Ce Roi craint pour les jours de
fon fils qu'il a lui -même profcrit. On vient .
lui annoncer la mort. Un monftre , envoyé par
Neptune , l'a entraîné avec lui. Phèdre , à
cette nouvelle , ne garde plus de mefure . Elle
déclare fon crime , & fe tue aux pieds de Théfée
, dont le défefpoir a d'autant plus de
violence , qu'il apprend que fon fils étoit innocent.
Cer Ouvrage a eu du fuccès à la première
repréſentation . On a vivement fenti un grand
nombre de beautés muficales qui s'y rencon
trent. On a fu gré à l'Auteur du Poëme de
la fimplicité de fa marche & du parti qu'il a
fu tirer de ce fujet. Le fuccès auroit été plus
grand ( & pourra l'être par la fuite ) fi quelqués
langueurs qu'on a remarquées dans l'action
, & même dans la mufique , n'avoient
pas fouvent rallenti l'intérêt que les beautés
commençoient à infpirer. Mais les Auteurs
ont annoncé , pour les repréfentations fuivantes
, des retranchemens qui ne pourront
être qu'avantageux. Nous parlerons plus en
détail dans le Numéro prochain des chofes
qu'on a le plus admirées dans le poëme & dans
la mufique , ainfi que de celles qu'on y a critiquées.
Tout ce que nous pouvons dire à pré44
MERCURE
fent, c'eft
que M. le Moine , qui nous avoit
déjà donné la mufique d'Electre , paroît avoir
fingulièrement profité des confeils du Public ;
qu'en écartant tout fyftême , & en fe livrant
davantage à l'impulfion naturelle de fon génie
, il prouve un talent le plus précieux ,
qui n'a befoin que d'être encourage.
L'abondance des matières force à remettre
au Mercure prochain , l'article des Méprifes ,
Comédie en trois Actes & en profe mêlée
d'ariettes , repréſentée avec fuccès au Théâtre
Italien , le 16 Novembre dernier .
ANNONCES ET NOTICES.
PATITE Bibliothèque des Théâtres , contenant
un Recueil des meilleures Pièces du Théâtre François
, in 12 , Tom: V , Théâtre Italien , Comédie ,
Tome X, Théâtre François , Comédie. A Paris , au
Bureau , rue des Moulins . Butte Saint Roch . n° . II ,
où l'on foufcrit , ainfi que chez Belin , Libraire , rue
Saint Jacques , & chez Brunet , Libraire , rue de
Marivaux , Place du Théâtre Italien .
L'un de ces deux Volumes renferme la Coquette
corrigée & Obftiné de la Noue ; l'autre contient la
Capricieufe & la Femme jaloufe de Joly , & le
retour de Mays de la Noue . Toutes ces Pièces font
accompagnées de Jugemens , Anecdotes , & c. qui
prouvent que les Editeurs ne fe rallentiffent
Jeurs recherches.
pas dans
DE FRANCE.
45
INSTRUCTION Paftorale de Mgr. l'Évêque
Duc de Langres , fur l'Excellence de la Religion , in-
12. A Paris , chez G. Delprez , Imprimeur du Roi
& du Clergé de France , rue Saint Jacques. Prix ,
2 liv. 10 fols avec Notes , 1 liv . 10 fols fans Notes.
Ce bel & utile Ouvrage a eu le plus grand & le
plus jufte fuccès. C'eft l'Affemblée du Clergé qui
en a demandé l'impreffion .
On trouve chez le même Imprimeur le Précis des
Conférences des Commiffaires du Clergé avec les
Commiffaires du Confeil , concernant la demande
faite aux Bénéficiers de la preſtation des foi& hom .
mages , aveux & dénombremens pour les fiefs dépendans
des bénéfices dans la mouvance du Roi.
HISTOIRE fommaire & chronologique de Cherbourg
, avec le Journal de tout ce qui s'eft paffé au
mois de Juin 1786 , pendant le féjour du Roi en cette
Ville : Brochure in- 8 ° , de se pages. Prix , liv.
10 fols. A Paris , chez Hardouin & Gattey , Libr.
SAINTE Bible traduite en François , avec l'Explication
du fens littéral & du fens fpirituel , tirée
des Saints Pères & des Auteurs Eccléfiaftiques , nouvelle
Edition , in- 8 ° . , Tome XV. A Nifmes , chez
Pierre Baume , Imprimeur- Libraire ; & fe trouve à
Paris , chez Guillaume Defprez , Imprimeur- Libraire,
rue Saint Jacques.
ÉTAT Militaire du Corps Royal de l'Artillerie
de France pour l'année 1786. A Paris , rue Dauphine
, nº . 116 , chez Didot fils aîné & Jombert
jeune , Libraires.
Le Mariage d'Antonin , Divertiffement en un
Ade & en pofe, mêlé d'Ariettes , repréſenté fur le
Théâtre Italien le 29 Juillet 1786 , paroles de Mme
46
MERCURE
de Beaunoir , mufique de Mile Grétry. A Paris , chez
Hardouin & Gattey , Libraires , au Palais Royal.
Cette bagatelle a eu du fuccès. C'eſt une espèce
de fuite à Richard - Coeur- de- Lion .
LETTRES fur l'Aftronomie- pratique , par M.
M **** . A Paris , chez Didot fils & Jombertjeune ,
Libraires , rue Dauphine.
Il feroit inutile de rien ajouter à l'éloge que le
Cenfeur de cet Ouvrage en a fait : « La réputation
» de l'Auteur , dit M. de la Lande , fuffit pour ga-
,» rantir le mérite de cet Ouvrage , & je crois que
» l'impreffion en fera utile & agréable au Public, »
"
COSTUMEEs des anciens Peuples à l'ufage des
Atiftes, par M. Dandré Bardou , nouvelle Etition ,
rédigée par M. Cochin , Chevalier de l'Ordre de
Saint Michel , & Secrétaire de l'Académie Royale
de Peinture , in- 4 ° . A Paris , chez Didot fils & Jombert
jeune , Libraire , rue Dauphine.
Cette quatrième Partie contient les ufages religieux
des Perfes.
HISTOIRE d'Elifabeth , Reine d'Angleterre ,
tirée des Ecrits originaux Anglois , d'Actes , Titres ,
Lettres & autres Pièces manufcrites qui n'ont pas'encore
paru , par Mlle de Kéralio , in-8 ° .
Nous reviendrons fur cet important Ouvrage ,
dont il ne paroît que deux Volumes ; les trois derniers
paroîtront au commencement de l'année.
Ou peut foufcrire chez l'Auteur, rue de Grammont,
n ° . 17, & chez Lagrange , Libraire , au
Palais Royal , côté de la rue des Bons Enfans , & au
mois de Janvier rue Saint Honoré , en face du
Lycée.
Le Roi a bien voulu foufcrire pour un grand ,
nombre d'exemplaires .
DE FRANCE. 47
REFLEXIONS Philofophiques fur l'Impôt , où
l'on difcute les principes des Economiſtes , & où
l'on indique un plan de perception patriotique accompagnées
de Notes , par Jérôme Tifaut de la
Noue , Volume in 8 ° . de 360 pages. Prix , 3 liv.
12 fols broché. A Paris , chez Santus , Libraire ,
quai des Auguftins.
HOMMAGE Tardif, Ode au Roi furle Voyage de
Sa Majesté à Cherbourg , par M. Foix , in - 4 ° . de
buit pages A Paris , de l'Imprimerie de MONSIEUR,
& fe trouve chez les Marchands de Nouveautés.
SEPTIEME Livraifon des Eftampes pour les Euvres
de Voltaire , in- 8 ° . A Paris , chez M. Moreau ,
Deffinateur & Graveur du Roi & de fon Cabinet ,
rue du Coq - Saint- Honoré. Prix , 6 liv.
Cette Livraifon , qui ne le cède en rien aux
précédentes pour la Gravure & le Deffin , termine
les Pièces de Théâtre.
LE Menuet de la Mariée , peint & gravé par
P. L. de Bucourt , Peintre du Roi. Prix , 6 liv. A
Paris , chez l'Auteur , cour du vieux Louvre , la cinquième
porte à gauche en entrant par la colonnade ,
au premier.
Cette Eftampe en couleur & très - pittoresque
pour la grandeur & le genre, peut faire pendant
à la Noce de Village , gravée par M. Defcourtis.
L'INNOCENCE reconnue , deffinée par Binet &
gravée par Maillet. Prix , 3 liv. A Paris , chez
Maillet , Graveur , rue Saint Jacques , nº . 45.
Cette Eftampe intéreffe par l'effet & le fujet.
NUMERO 10 du Journal de Clavecin , par les
meilleurs Maîtres, Prix , féparément 3 liv. Abonne48
MERCURE
port .
--- ment pour douze Numéros 15 liv . franc de
Numéros 35 à 43 du Journal de Harpe , par les
meilleurs Maîtres. Prix , chaque Numéro 12 fols .
Abonnement pour cinquante deux Numéros 15 liv.
Numéros 45 à 52 du Journal
Hebdomadaire
,
compofé d'Airs nouveaux
arrangés pour le Clavecin
, prix , féparément
12 fols. Abonnement
15 liv..
A Paris , chez Leduc, au Magafin de Muſique &
d'Inftrumens
, rue du Roule , nº. 6 .
Pour ce dernier Journal on prévient les Soufcripteurs
qu'en rapportant les cinquante - deux Livraifons
il leur fera échangé une vingt - unième année
imprimée de fuite avec un feul titre en tête & la
Table des Airs moyennant 3 liv.
A Madame.... ,
TABLE.
3 phe
Le Moqueur moqué , Anec- Satyres , par M. Cle***
dote ,
7
9
4 Traitéfur les propriétés & les
Mifanthropic , traduite du effets du Cafe ,
Grec de Ménandre ,
Acroftiches ,
Variétés,
26
34.38
ib. Kardemie Roy. de Mufq. 39.
Csarade, Enigme & Logogry- Aznonces & Notices , 44
APPROBATION.
J'ATIN , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 2 Décem. 1986. Je n'y
ai rien trouvé qui priffe en empêcher l'impreſſion.
Paris , le 1 Décembre. 1736. GUIDI. I
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDIS DÉCEMBRE 1786.
PIECES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
VERS
A Madame BELLI...... , qui m'a donné
fes jarretières en retour des miennes,
COMBIEN je gagne à ce cadeau brillant ,
Et que mon ame en devient fière !
Je me compare à certain Roi galant
Qui fonda l'Ordre d'Angleterre.
Mais que mon fori eft différent !
Je n'obtiens que la jarretière,
Par M. S..... )
No. 49 , 9 Décembre 1786.
49,9
t
C
MERCURE
IMPROMPTU à Mlle DENISON , chez
qui on admirait un coeur en cheveux percé
de traits.
DENISON eft un petit Ange
Qui vous féduit par fa douceur ;
Mais lorsqu'elle rencontre un coeur ,
Vorià comme elle vous l'arrange .
( Par M. F. G. Voyageur Négociant. )
CHANSON fur le nouveau Traité de
Commerce avec l'Angleterre , contenant
réduction des droitsfur les Vins de France,
pour une Société d'Anglois & de François ,
réunis à la même table.
Sur l'Air ; Le premier du mois de Janvier , &c,
LOUIS Louis calma l'Europe en feu ;
Mais à fon gré c'étoit trop peu
Pour notre bonheur & fa gloire :
Pourfuivant les nobles projets ,
Vergenne à fes heureux Sujets
Préparoit une autre victoire.
A NOS vins , par de doux efforts ,
De l'Anglois il ouvre les ports ,
DE FRANCE.
On s'y bat , mais à coups de
verre ,
Et l'espoir enfin eft permis
Qu'en re- eux les deux Peuples amis
Ne connoîtront plus d'autre guerre,
ANGLOIS , Vous méritez l'honneur
D'être appelés peuple penfeur ,
C'est là votre plus beau partage;
Maîtres de ce jus précieux ,
Vous allez penfer encor mieux
Quand vous en boirez davantage.
QUE fon ufage pour jamais
Entre nous cimente la paix ;
Loin l'amertume & le reproche ;
Goûtons ces biens inefpérés ;
Et , par Neptune féparés ,
Que Bacchus enfin nous rapproche.
A BOIRE aux illuftres Auteurs
Du noeud qui va joindre nos coeurs
Metrons toute la concurrence ;
Sur tout le reſte bien d'accord,
Ici ne cédons qu'au plus fort
Les honneurs de la préférence.
Après la ronde.
AMIS , cet Ouvrage divin
Dut n'être qu'un jeu pour la main
Cij
MERCURE
Qui fit le deftin de la terre ,
Et mieux que Francklin mille fois
Sur , au gré du plus grand des Rois ,
Par-tout enchaîner le tonnerre .
(Par un Abonné Brguignon . )
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercure précédent.
LE mot de la Charade eft Soubrette ; celui
de l'Enigme eft Perruque ; celui du Logogryphe
eft Chaire , où l'on trouve haire
chair , Aire ( villes de Gafcogne & des Pays-
Bas ) , aire ( à battre le bled ) , aire ( terme de
géométrie ) , aire ( nid de l'aigle ) , ire ( ou
colère ) , ré ( en faifant de l'e muet un e fermé.
CHARA DETTE
IL fort de mon premier des mets délicieux ;
On trouve mon fecond dans l'art mélodieux
Où Gluck fur maint Auteur excelle ;
Mon tout , diffigateur , vous offre un beau modèle.
DE FRANCE.
13
ENIG ME.
CELUI qui me porta fervit de nouriture .
Jadis je, le portai moi- même dans les airs.
A préfent fous trois doigts je fuis à la torture ;
Je fers également aux fages , aux pervers" ;
Je fuis l'unique bien de tous gens de juftice ;
Par moi le Procureur ruine fon Client ;
Je fais beaucoup de mal & du bien rarement ;
Lentement par le fer on veut que je pérille ,
Et mon Lecteur fur moi repoſe mollement.
**
(Par M. N. Delife. )
LOGOGRYPHE
Pourles enfans de Mars , même au ſein de la guerre, OUR
Je trace un figne de répos.
Je tiens un rang fort bas parmi les minéraux ;
Et fuis aux Artifans très - ſouvent néceffaire.
Dans mes cinq pieds on trouve un des
Un poiffon des plus abondans :
quatre élémens ;
Une arme de l'Amour ; plus une maladie
Qui dépare toujours une bouche jolie;
D'un aliment exquis les reftes précieux ;
Une ville d'Afrique , & ce morte! fameux
Qui parcourut les airs , guidé par fon courage 3;..
Cij
$4 MERCURE
Puis de mon tout enfin le plus commun ufage ;
Ce qu'arrache par fois la joie & la douleur ;
Ce qui charme l'oreille & qui flatte le coeur ;
Ce qu'en un chien avec foin l'on recherche.
Je finis , cher Lecteur , penfe , rumine , cherche.
( Par Mlle de Malerme , de Bruxelles. )
NOUVELLES LITTERAIRES.
VOYAGES dans les Alpes , précédés d'un
Effai fur l'Hiftoire Naturelle des environs
de Genève , par H. B. de Sauffure , ancien
Profeffeur de Philofophie , & de plufieurs
Académies. A Genève , chez Barde &
Manget , Imprimeurs - Libraires , & fe
trouve à Paris , chez Buillon , Libraire ,
hôtel de Mefgrigny , rue des Poitevins.
Tome fecond in-4° , & Tomes 3 & 4
in- 8°. 1786.
LE premier Volume de ces Voyages fut
imprimé il y a quelques années ; il renfermoit
, outre l'Hiftoire Naturelle des environs
de Genève , du lac qui baigne cette République,
& des montagnes qui s'élèvent près de
fes rivages , un premier Voyage dans cette
vallée de Chamouni , devenue fi intéreſſante
pour les Naturaliftes , comme pour la foule
d'étrangers que lacuriofité y attire chaque Éré.
1
DE FRANCE.
#
On inculpa de féchereffe le premier travail
de M. de Sauffure ; on reprocha à un Phyficien
qui décrivoit des montagnes , cinq cens
pages de définitions lithologiques ; les Lecteurs
frivoles euffent defiré que ce Phyficien
eût fait des hymnes fur les Alpes , au- lieu de
tracer l'hiftoire de leurs rochers.
Gâtés par les deſcriptions romanefques
en ftyle poétique , qu'on avoit données jufqu'alors
de quelques - unes des grandes Alpes ,
les Amateurs ne cherchoient dans les relations
que des fenfations & des événemens .
Un Livre de fcience fur ces grands objets
étoit trop nouveau ; tous alloient dans le Faucigny
admirer le Mont - Blanc ; très- peu de
perfonnes fe foucioient de l'étudier. D'ail
leurs , le premier volume n'étoit que préparatoire
, & cette introduction difant peu de
chofe à l'imagination , on a attendu l'Auteur
à la fuite de fon grand travail.
Dans cette branche de l'Hiftoire Naturelle ,
les ſyſtêmes ont devancé les faits , & ne les
ont pas devinés. Jufqu'à nous , ceux qui tiroient
de la ftructure des montagnes des in
ductions générales fur leur première formation
, reffembloient le plus fouvent au Géographe
qui , en débarquant fur un nouveau
continent , traceroit une carte générale du
pays , d'après le relèvement des côtes . Plufieurs
de ces Savans n'avoient jamais vu de
montagnes ; d'autres ne connoiffoient que
celles de leur Province ; deux ou trois avoient
apperçu les grandes chaînes Alpines des dif-
Civ
56 MERCURE
ferentes parties du monde , fans les fcruter ,
fans les comparer ; & de ces obfervations
précipitées que la nature des lieux rendoit
encore plus incertaines , il n'étoit réſulté que
des erreurs & des hypothèſes fur des erreurs.
Les relations de MM . de la Condamine ,
Bouguer , D. Ulloa, ajoutèrent des faits importans
à l'hiftoire des montagnes primitives ;
mais leurs obfervations fur les Cordillières du
Pérou , ne s'étendirent pas au refte de cette
chaîne immenfe , qui partage tout le Midi de
PAmérique , ils s'occupèrent de cette étude
plutôt en Phyficiens qu'en Naturaliftes ; & déjà
chargés de travaux pénibles , ils fe bornèrent
à décrire les formes extérieures , l'élévation ,
les accidens remarquables qui diftinguent les
Andes Péruviennes . Ils en conftatèrent furtout
une particularité très effentielle , l'exiftence
des Volcans dans les flancs de ces montagnes
, tandis que jufqu'ici on n'en a découvert
aucune trace dans nos Alpes.
M. de Luc , dont les courfes nombreuſes ,
la fagacité & les lumières font connues , a partagé
également fes recherches fur les montagnes
entre beaucoup d'objets divers. Soit
qu'il ait voulu négliger les détails lithologiques
, foit qu'il les ait réfervés pour des Ouvrages
poftérieurs , on ne trouve dans ceux
qu'il a publiés jufqu'à ce jour , aucune analyſe
approfondie des différentes montagnes qu'il
a parcourues avec tant de foin. On peut en
dire de même de quelques Naturaliftes Suiffes
, dont les obfervations ont été partielles ;
DE FRANCE. "$7
quelques -unes même peu exactes , entreautres
celles de Bourguet.
L'un des plus illuftres & le plus infatigable
des Voyageurs , M. Pallas , a expofé dans fa
belle Differtation fur les Montagnes , lue à
P'Académie de Pétersbourg en 1777 , unc
fuite d'obſervations générales , qui font le
réfultat de celles plus particulières , renfermées
dans fon grand Voyage. Il a vifité , avec
fa pénétration & fa patience ordinaires , les
deux fameufes chaînes des Monts Ourals &
Altaïques ; il a comparé les différentes branches
de cette immenfe étendue ; enfin il a déduit
de fes découvertes des vérités , que leur
conformité prefque parfaite avec les obfervations
de M. de Sauflure , peuvent faire regarder
aujourd'hui comme la bafe de toute
théorie des montagnes. L'un & l'autre ont
également détruit l'opinion de Bourguet fur
la correfpondance continue des angles faillans
oppofés aux angles rentrans ; & celle
non moins fauffe de l'horizontalité des couches
dans les montagnes primordiales ; tous
deux ont prouvé qu'elles étoient formées de
granit & non de fable , ou de toute autre
roche ; que ces matières primitives étoient
vitrefcibles & non vitrifiées ; enfin que les
bandes fecondaires qui fuivent les primordiales
n'étant ni de la même nature , ni de
la même conformation , il étoit peu philofophique
de confondre leur origine , en y allignant
une feule caufe. Ce rapport frappant
d'obfervations , à de fi grandes diftances , fur
>
Cv
58
MERCURE
des chaînes de montagnes de même caractère
, entre des Naturaliſtes fans aucune relation
perfonnelle , forme fans doute un puiffant
indice de jufteffe.
On ne peut fe permettre de généralifer les
faits , qu'après en avoir épuiſé la découverte.
La bafe de toute connoiffance certaine en ce
genre , ce font les Voyages , d'où résultent
l'examen des phénomènes réguliers , & celui
des accidens : or , M. de Sauffure eft , avec M.
Pallas , celui des Phyficiens qui a obfervé le
plus fouvent les montagnes , & en plus grand
nombre: vingr- cinq années de fa vie ont été
confacrées à cette étude. Dans cet efpace
de temps , il a traverfé quinze fois la chaîne
entière des Alpes par différens paffages ; il a
pénétré leur centre dans des excurfions encore
plus fréquentes ; il a parcouru le Jura ,
les Volges , les montagnes de la Suiffe &
d'une partie de l'Allemagne , celles d'Angleterre
, d'Italie , de la Sicile & des Ifles voifi ..
nes , de l'Auvergne , du Vivarais , plufieurs
du Dauphiné , du Forez & de la Bourgogne.
Tant de courfes ont été faites le marteau &
le crayon à la main , par un Voyageur robufte
& courageux , qui , n'épargnant ni ſes
dépenfes ni fa fanté , a paffe de fommets en
fommers & de périls en périls avec une émulation
infatigable , en notant fur le champ
outes les obfervations. L'obfervateur ayant
porté d'ailleurs dans fes recherches les connoiffances
qui les facilitent , & qui en affurent
l'exactitude , en même temps qu'un carac
DE FRANCE.
59
tère patient & un efprit appliqué , il a réuni
tous les moyens d'arriver à quelque certitude.
Les douze premiers Chapitres de ce fecond
volume complettent l'Hiftoire naturelle de
la vallée de Chamouny , des glaciers qui y
defcendent , des aiguilles énormes qui la dominent.
Fréquemment l'Auteur a foin de
fixer l'efprit de fes Lecteurs fur les rapports
généraux & fur les réſultats fyftématiques
qui découlent des faits de détail. Par exemple,
dans le Chapitre 18. il ramène en ces termes
, fous un mêine point de vue , les obfervations
fondamentales que préfentent les
montagnes au Sud- Eft de la vallée de Chamouni.
« Elles font compofées de deux par-
» ties diftinctes. L'une eft le maffif non in-
» terrompu & uniforme qui s'élève juſqu'à
" 7 à 800 toifes au-deffus de la vallée ; l'au-
» tre , les aiguilles ou pyramides détachées
» qui dominent ce maflif. La maffe unifor-
» me , inférieure , eft compofée de roches
» feuilletées de divers genres. Les roches font
difpofées par couches très- régulières , peu
» inclinées vers le bas de la montagne , & fe
relèvent graduellement contre la vallée
jufqu'au haut , où elles deviennent exacte-
>> ment verticales . Ces mêmes couches rapprochent
de la nature du granit à mesure
qu'elles s'approchent du haut de la mon-
» tagne. Les pyramides qui furmontent ce
maflif font de granit en maffe. Elles font
flanquées , & même compofées extérieu-
» rement de feuillets pyramidaux , prefque
"
"
و د
و ر
93
"
Covj
MERCURE
93
verticaux , & qui s'appuient , non fur le
» corps même de la vallée , comme les cour
ches inférieures du maffif, mais fur le corps
» même des pyramides. Quant au coeur , foit
» à la partie intérieure de celles ci , elle par
>> roît en quelques endroits n'avoir point de
» ftructure régulière, & n'être divifée que
» par des fentes accidentelles . Au refte , il
» ne faut point s'imaginer que ces pyramides
foyent ailifes fur le maffif qu'elles domir
nent , comme une colonne fur fa bafe ; le
mathif fereit plutôt ailis en partie fur les
» fondemens intérieurs des pyramides.
20
« Cet expolé , ajoute M. de Sauffure , ne
» renferme rien d'hypothétique ; c'eſt le ré-
" faltat pur & fimple de l'obfervation ; les
» Auteurs fyftématiques les concilieront
» comme ils voudront ou comme ils pour-
» ront , avec leurs hypothèfes ; mais ils
» n'ébranleront pas la vérité des faits. »
Quoique l'Auteur ait eu la fagelle de ne
point écrire un Voyage univerfel , & de fe
renfermer exclufivement dans les objets d'hif
toire naturelle , il n'a point négligé les defcriptions
analogues qui peuvent diminuer
Paridité des définitions tecniques. Il a peint
en particulier, en traits auffi intéreffans que
fidèles , les moeurs des habitans de la vallée de
Chamouny. Dans ces folitudes élevées , où
Phomme , encore voifin de la Nature , a la
force du Sauvage , fans en avoir la férocité ;
où, prefque fans communication , il y a 30
ans , avec le reste du genre humain , ces valDE
FRANCE. 61
-
lées offroient encore quelques uns des traits
primitifs de notre elpèce , au moral & au
phyfique , comme on y trouve les premiers
monumens de la création ; dont les habitans ,
ébranlés chaque jour par le fpectacle des plus
grands effets phyfiques , ne participent eu
aucune manière de la ftupidité des êtres
bornés dans leurs befoins comme dans leurs
reffources , les paflions doivent être peu nonbreufes
, & prendre un caractère particulier.
L'une des plus fortes , des plus univerfelles
parmi ces montagnards , eft leur fureur pour
la chaffe du chamois. Ce n'eft point ici un
amufement de Vénerie : ce n'eft pas le plaifir
facile de dépeupler un parc , en courant à
cheval , fans fatigues & fans incertitude de
fuccès . Il faut avoir vu ces intrépides montagnards
des Alpes à la pourfuite du chamois ,
pour comprendre la jouiffance qui réfulte de
l'exercice du courage. Écoutons M. de Sauffure .
22.
Si le vigilant animal apperçoit le chaffeur,
» il s'en fuit avec la plus grande viteffe dans
» les glaciers, fur les neiges & fur les rochers
» les plus efcarpés. Il eft fur tout difficile de
» les approcher lorfqu'ils font réunis . Pendant
que les autres paiffent , l'un d'eux fe
tient en vedette fur la pointe de quelque
» roc ; & dès qu'il apperçoit un objet de
crainte, il pouffe une espèce de fifflement ,
" à l'ovie duquel tous les autres chamois fe
» raffemblent autour de la fentinelle : s
» jugent de la nature du danger ; s'ils voyent
» une bête féroce ou un chaffeur , le plus ex62
MERCURE
و د
périmenté fe met à leur tête , & ils s'en-
» fuient tous à la file dans les lieux les plus
» inacceffibles .
و د
» Là commencent les fatigues du chaffeur ;
emporté par fa paflion , il ne connoît plus
» de danger ; il paffe fur les neiges fans crainte
""
des abymes qu'elles peuvent recéler ; il s'en-
» gage dans les routes les plus périlleuſes ,
» monte, s'élance de rocher en rocher , fans
» favoir comment il en reviendra. Souvent
» la nuit l'arrête au milieu de fa pourſuite;
» mais il n'y renonce pas ; il fe flatte d'attein-
» dre le chamois le lendemain . Il paffe done
nuit , non au pied d'un arbre ni dans un
» antre tapiffé de verdure , mais au pied d'un
roc nud , fouvent même fur des débris
» entaffés. Là , feul , fans feu , fans lumière ,
» il tire de fon fac du fromage & un morceau
» de pain d'avoine ; il fait fon frugal repas ,
met une pierre fous fa tête , & s'endort en
» rêvant à la route du chamois ; mais bien-
» tôt éveillé par la fraîcheur du matin , il
fe lève tranfi de froid , mefure des yeux les
précipices qu'il doit franchir , boit un peu
d'eau- de-vie, remet fon fac fur fon épaule ,
» & va courir de nouveaux hafards.
"
33
و د
22
» J'ai connu , ajoute M. de Sauffure , un
» jeune homme de la Paroiffe de Sixt , bien
fait , d'une jolie figure , qui venoit d'époufer
une femme charmante ; il me difoit :
Mon grand père eft mort à la chaffe , mon
père y eft mort ; je fuis fi perfuadé d'y
» mourir , que cefac queje porte à la chaffe ,
و ر
DE FRANCE. 63
93
je l'appelle mon drap mortuaire , & pour-
" tant fi vous m'offriez une fortune pour re-
» noncer à cette chaffe , je n'y renoncerois
» pas. Cet homme étoit d'une adreffe &
" d'une force étonnantes ; mais fa témérité
» étoit encore plus grande. Deux ans après
» le pied lui manqua au bord d'un précipice ,
» où il fubit la deftinée à laquelle il s'étoit
>> attendu. »
"
>
Comment expliquer cette paffion indéracinable
? La cupidité n'eft pas fon aliment ;
unchamois entier ne fe vend que douze francs
de Piémont ; il eft rare d'en remporter d'autre
dépouille que celle de fa peau , vu la difficulté
de le charger entier au travers d'efpaces auffi
périlleux. D'ailleurs , depuis que le nombre
de ces animaux a diminué , le temps perdu à
en attraper un feul vaut toujours plus de
douze francs ; mais , obferve très - bien le
Voyageur , ces dangers même , cette alternative
de craintes & d'efpérances , l'agitation
continuelle de l'ame au milieu de ces mouvemens
divers , tiennent le chaffeur dans
cet ébranlement qui élève l'homme au- deffus
du fentiment de fa foibleffe , & que partagent
le Joueur , le Guerrier , le Navigateur ,
le Naturalifte des Alpes . Tous ceux qui les
ont parcourues avec quelque attention , doivent
avoir remarqué chez leurs habitans , fi
infenfibles d'ailleurs aux impreffions morales
qui tourmentent les payfans des plaines & les
citadins , une efpèce d'exaltation continue ,
à la vue des objets dont ils font entourés.
64
MERCURE
Cette peuplade de la vallée de Chamounti
ek remarquable encore par d'autres traits que
M. de Saulfure a faifis avec exactitude , &
qu'il a rendus fans exagération . De même que
les habitans des hautes vallées , ceux-ci ne font
ni bien grands , ni d'une très belle figure ;
mais ils font ramaffés , plein de nerf & de
force: il en eft de même des femmes . Rarement
les hommes parviennent- ils à quatrevingts-
ans. Les maladies inflammatoires, dûes
aux tranfpirations fupprimées par les changemens
fubits de temperature , en emportent un
grand nombre . Honnêtes en général , fidèles ,
très - attachés à la pratique des devoirs de leur
religion , ils favent être économes , & en
mêine- temps très-charitables. On ne voit chez
eux ni hôpitaux , ni fondations en faveur des
pauvres ; mais les orphelins & les vieillards
fans moyens de fubfiitance , font nourris &
logés alternativement par chacun des habitans
de la Paroiffe. Si l'âge ou des infirmités mettent
l'un d'eux hors d'état de cultiver fon
champ , fes voisins fe chargent de ce foin.
Leur efprit eft vif, pénétrant ; ils font enclins
'à la raillerie , prompts à faifir les ridicules des
étrangers, pleins d'un bon fens qui étonne ,
lorfqu'on converfe avec eux fur la religion &
la philofophie naturelle. M. de Sauffure en
rapporte divers exemples finguliers , & je me
rappelle une réponse encore plus fingulière
que me fit un jour l'un de ces montagnards ,
auprès d'un four à chaux , dont je comparois
les flammes à celles de l'enfer.
DE FRANCE 65
Les bornes de ce Journal nous réduifent à
indiquer feulement une partie des morceaux
importans de cet Ouvrage , foit aux Phyficiens
, qui y puiferont des lumières sûres , foit
aux Lecteurs que guideroit la fimple curiofité.
De ce genre font le grand & pénible Voyage
de l'Auteur autour du Mont Blanc , de fes
bafes , des montagnes adjacentes , tant du
côté de la Savoye que du côté de l'Italie ; fes
recherches & experiences fur l'électricité atmofpherique
, le Chapitre neuf & profond
fur les caufes du froid dans les montagnes , &
fur la détermination de la hauteur à laquelle
les neiges ceffent de fondre ; Chapitre où
l'Auteur réfute victorieufement les affertions
de Bouguer , de Grüner , de Fatio , de Michely
, & d'où il réfulte qu'en général lesneiges
proprement dites , fans parler des glaciers ,
ne fondent guères au- deffus de 1500 toifes
fur les montagnes , dont la hauteur totale furpalle
à 1600 toifes , ni ne fe confervent
au deffous de 400 toiles , fur les cîmes ifolées
, lorfque la hauteur totale de celles- ci ne
furpaffe pas cette mefure , & qu'elles ne fe
trouvent pas contigues à une chaîne fort
élevée.
On a parlé dans beaucoup de Livres , &
prefque toujours fort inexactement , de ces
individus auffi hideux que dégoûtans , chez
qui les organes de l'entendement & de la fenfibilité
fe trouvent dégénérés comme les facultés
phyfiques , & qui fe nomment des Cretins.
Le Bas-Valais en Suiffe , & la Val- d'Aoft
66 MERCURE
en Italie , font particulièrement affligés de
cette maladie endémique. Jufqu'ici , on a
affigné des caufes trop générales pour expliquer
un phénomène abfolumeut local. M. de
Sauffure a traité cette matière avec beaucoup
de fagacité ; & nous croyons avec lui qu'il
faut attribuer cette dégradation de l'espèce
humaine à la fituation des lieux , à l'air renfermé
dans de profondes vallées , fortement
réchauffé par les rayons du foleil , & contractant
ainfi un genre de corruption qui produit
un relâchement des fibres tendres des
enfans , en occafionnant ces engorgemens goîtreux
, & cette atonie générale du corps humain.
Ce volume eft terminé par un Mémoire
que préfenta M. J. Trembley , en 1781 , à
l'Académie Royale des Sciences , & dont l'objet
eft de mieux déterminer , par une fuite
d'expériences , la mefure des hauteurs avec
le baromètre. L'habile Auteur de cette favante
analyfe y démontre la néceffité de rectifier
, ou plutôt de perfectionner la règle de
M. de Luc. C'eft un fupplément à cette méthode
, & un pas important fait de plus dans
la fcience. On retrouve ici le géine de la géométrie
, & l'efprit étendu d'obfervation qui fe.
font remarquer dans les autres Ouvrages de
M. Trembley.
Quelques perfonnes ont accufé l'Ouvrage
de M. de Sauffure d'un défaut de méthode ;
pèut- être en effet les obfervations générales
font-elles trop intimement mêlées avec la
DE FRANCE. 67
partie deſcriptive ; celle- ci offre quelquefois
un peu de confufion qui tient fans doute à fa
variété. Certains détails pouvoient être abrégés
, ou même fupprimés , & cette précifion
nous paroiffoit d'autant plus utile , que le ſtyle
de M. de Sauffure , toujours clair , n'eft pas
exempt de longueurs . Ón diroit qu'il craint
de ne pas fe faire entendre , & il fe défie trop
peut - être de l'intelligence de fes Lecteurs . La
partie typographique eft fort bien exécutée ;
elle diftingue avantageufement les preſſes des
Éditeurs.
( Cet Article eft de M. Mallet du Pan.)
LES Loisirs d'une jeune Perfonne raisonnable
& fenfibie. A Paris , chez Hardouin &
Gattey , Libraire , au Palais Royal. in- 16.
Prix , i liv. 10 fols br.
Sous ce titre , qui n'eft pas fort clair ,
on donne un Recueil de divers morceaux de
vers & de profe. Il en eft qu'on n'auroit pas
dû recueillir ; il y en a de très-piquans , mais
trop connus ; on eft furpris en effet d'y trouver
Jean quipleure & Jean qui rit de Voltaire ;
une Ode de la Morte à Rouffeau , &c. Enfin
il y en a qu'on voit avec d'autant plus de plaifir
, qu'ils n'avoient pas encore paru au grand
jour. Tel eft le fynonyme fuivant fur les
mots conftant & fidèle , par M. du Morier. »
« On eft conftant lorſque l'on perfévère
dans fon amour. On eft fidèle tant qu'on ne
68 MERCURE
23 1
cherche à plaire qu'à une feule perfonne.
Ainfi , la confiance eft dans les fentimens ,
& la fidélité eft dans l'action.
De deux femmes dont l'amour n'eft pas
également moral , l'une attache le plus grand
prix à la conftance de fon amant , l'autre veut
fur -tout que le fien lui foit fidèle.
L'amant qui ceffe d'aimer eft inconftant;
celui qui fait fa cour ailleurs eft infidèle. Ainfi
un trait d'inconftance peut avoir lieu entre
deux perfonnes ; mais une infidélité en fuppofe
trois.
N'attendez plus d'amour d'un inconftant;
mais vous pouvez efpérer de ramener un
infidèle.
C'eft toujours par une difpofition de coeur
que l'on eft confiant ; mais on peut n'être
fidèle que par principes & par devoir. On dit
des amans qu'ils font conftans , & des maris
qu'ils fontfidèles.
Les preuves de conftance fatisfont plus
l'amour, parce qu'elles ont plus de rapport
avec lui ; mais les preuves de fidélité flattent
plus la vanité , parce qu'elles fe font plus remarquer.
Il eft plus d'un mari dont le bonheur
eft d'être perfuadé de la fidélité de la
femme , & de la confiance de celle dont il eft
amoureux .
Prefque toujours l'infidélité d'une femme
la conduit à l'inconftance ; mais il n'eft pas rare
de voir des hommes infidèles fans conféquence,
& fans fe détacher de l'objet de leur
amour. Ainfi je crois que les femines manDE
FRANCE 69%
quent plus fouvent de conftance , & les hommes
de fidélité.
Enamour n'eft pas conftant qui veut ; c'eſt
un fentiment dont la naiffance & la durée ne
dépendent point de nous ; mais on eft tou
jours maître de fes actions. Ainti on a le droit
de fe plaindre des infidélités de la perſonne
qu'on aime , & l'on n'a que celui de s'affliger
de fon inconftance.
On peut dire que celui qui jure d'être conf
tant, promet toujours plus qu'il ne peut tenir ,
& que celui qui jure d'être fidèle , promet
fouvent plus qu'il ne veut tenir.
Il me paroit que conftant peut
fe
rapporter
à un fentiment qui peut n'être ni partagé ni
même connu de la perfonne qui l'infpire ;
au-lieu que fidèle fuppofe une foi reçue , un
fentiment partagé , ou du moins approuvé.
L'amour conftant qu'on a eu pour une
femme , malgré les rigueurs , n'eſt pas une
preuve qu'on lui auroit été fidèle , fi l'on eût
obtenu du retour.
Fidèle differe de conftant , en ce que le.
fens qu'il préfente amène davantage l'idée
de l'objet aimé . On diroit : Damon , qui peut
douter de votre conftance , lorfque depuis fi
long temps on vous voit fidèle à Cephine >
On dit , il eft conftant dans fon amour , il eft
fidele à la maîtreffe.
Enfin le mot conftant annonce un laps de
temps qui n'a pu détruire l'amour ; & celui
de fidele fuppofe l'occafion d'etre infidèle , à
laquelle on n'a pas fuccombé. Ainit , c'est le
70 % MERCURE
temps qui éprouve la conftance , & les occafions
font l'épreuve de la fidélité. On dit , une
confiance inaltérable , une fidélité à toute
épreuve.
-
Une femme qui veut être aimée conftamment
, ne doit employer pour plaire que des
moyens qui puiffent être toujours en fon
pouvoir. Et celle qui veut que fon mari lui
foit fidèle , doit mettre tout l'art poffible à ne
lui laiffer former que des defirs qu'elle feule
puiffe remplir. »
A
VARIÉTÉS.
PEINE un Ouvrage a obtenu un grand fuccès ,
les Imprimeurs étrangers le contrefont , les Ecrivains
médiocres de toutes les Nations le copient fous
d'autres noms & fous d'autres titres . L'Homme- de-
Lettres fe voit dépouillé de toutes les manières , &
les Loix qui veillent fur tous les Citoyens paroiffent
impuiffantes pour le protéger & pour le défendre. Il
femble que les OEuvres du talent & du génie ne
puiffent pas conftituer une propriété. Heureufement
les efprits diftingués font prefque toujours généreux ;
& s'ils exigent quelque reconnoiffance des hommes
qu'ils éclairent , ce n'eft pas celle qui s'acquitte avec
de l'or & de la fortune; mais ils font exposés à un
genre d'injure auquel ils font plus fenfibles , & qui
peut leur nuire davantage. Ceux qui vivent de
fraudes littéraires , ne prennent pas feulement leurs
Ouvrages pour les faire paroître fous d'autres noms
DE FRANCE 71
on prend leurs noms pour faire paroître des Ouvrages
qu'ils n'ont jamais pu faire. L'Ouvrage fe
vend & fe lit parce qu'il porte un nom célèbre , mais
prefque toujours l'Ouvrage eft au-deffous du médiocre
, & la gloire du nom qu'il ufurpe peut en être
obfcurcie. Le plus fouvent , pour imiter un Ecrivain
qui attaque les préjugés , les erreurs & les oppreffions,
on infulte à la morale, aux loix, aux pouvoirs
les plus légitimes ; & un Philofophe qui a écrit pour
le bien de l'humanité, fe trouve chargé des fcandales
& des inepties de gens qui écrivent pour gagner de
l'argent. Il n'y a pas de manière plus cruelle de nuire
au talent d'un Homme- de - Lettres , & de compromettre
le repos de fa vie. Un Ouvrage qui porte le
titre d'Idées générales fur l'état actuel du Commerce ,
paroît depuis quelque temps , & il porte un autre
titre encore , celui de Supplément à l'Hiftoire politique
& philofophique des deux Indes. On ne pouvoit
pas choifir un meilleur moyen de recommander un
Ouvrage fur le Commerce , & de lui affurer des` .
acheteurs ; mais ce titre eft un menfonge. Voici ce
que nous écrit l'Auteur de l'Hiftoire philofophique
& politique des deux Indes.
32
« On annonce dans des Papiers publics un Supplément
à l'Hiftoire philofophique & politique
des deux Indes , fous le titre d'Idées générales (ur
» l'état actuel du Commerce. Cet Ouvrage, bon ou
» mauvais , m'eft abfolument inconnu . Je déclare
20
que je n'ai ni directement ni indirectement aucune
part à fa compofition ou à fon impreffion.
" A Marſeille , le 8 Novembre 1786. Sign鸻.
» RAYNAL, »
72. MERCURE
SPECTACLES.
ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.
ON a dit par- tour avec raiſon , on a répété
depuis long - temps qu'il y avoit le plus grand
danger às'emparer des Tragédies de nos grands
Maîtres , pour les tranfporter fur la Scène del'Opéra.
Quoiqu'on foit obligé de donner au
nouveau Poëme une marche differente , on
ne peut jamais s'éloigner affez des idées du
Poëte qu'on imite , pour ne pas les rappeler
fouvent. Si on lui prend fes vers tels qu'ils
font , néceflairement on les defigure , tant
par les formes que la mufique exige , que par
le voifinage de ceux qu'on eft obligé d'y ajouter.
Si on s'en tient à fes idées , ces idées font
renaître dans la tête de tout le monde , qui
les fait par coeur , les beaux vers qui ont fervi
à les exprimer. Quel eft l'homme aujourd'hui
qui peut fe croire en état de foutenir cette
lutre , fur - tout lorfque Racine eft le modèle
qu'il a choifi ? Nous ajouterons même que
quand l'imitateur a dans fon ftyle une forte
d'élégance , de la grace , de la facilité , cette
rivalité n'en eft que plus dangereufe , en ce
qu'il invite davantage à la comparaiſon . C'eſt
ce qui eft arrivé à l'Auteur de Phèdre. Sa
poéfie a paru douce , agréable , facile; mais
obligé
DE
FRANCE.
obligé fouvent d'exprimer les mêmes idées
73
que Racine, fes vers n'ont pu fe foutenir à
côté de ceux d'un pareil rival . Nous ne croyons
pas avoir befoin d'étayer cette vérité par des
citations. Nous ne penfons pas que M. ***
lui-même la révoque en doute , ni qu'il ait eu
la prétention de l'emporter fur fon modèle.
Au - deffous de Racine il eft encore des places
qu'on peut être flatté d'occuper.
Au refte , ce défavantage n'eft guères fenfible
qu'à la lecture ; il influe fort peu fur le
fuccès de la
repréſentation . Ce qui nuit davan
tage au nouvel Opéra , c'eſt la lenteur avec
laquelle font conçues quelques Scènes ; c'eſt
qu'il manque fouvent de ces oppoſitions fi
néceffaires à la mufique , & que de ce défaut
réfulte une monotonie qui , au milieu des
plus belles chofes , inſpire la diſtraction , le
refroidiffement & l'ennui. Nous en citerons
des exemples . Hyppolite ouvre la Scène : il
part pour la chaffe ; & comme Diane eft fa
Déeffe tutélaire , il lui adreffe un hymne ,
répété par les
compagnons :
O Diane ! chafte Déeffe , &c.
La même Scène en contient un autre , ou , f
l'on veut , une prière.
Déeffe des
bocages ,
Appelle les Zéphyrs ,
Défends aux noirs orages
De troubler nos plaifirs.
No. 49 , 9 Décembre 1786,
74 MERCURE
La Scène troifième commence par un hymne
à Vénus :
Divine Cithérée , &c.
chanté par
chanté
par les Prêtreffes
:
la Cour de Phèdre , puis celui- ci ,
Vénus , du haut des cieux , &c.
Puis dans la même Scène , lorfque Phèdre indifcrètement
a prononcé le nom de Diane ,
fes femmes adreffent encore une prière à
Vénus :
Pardonne- lui , Déeſſe tutélaire , &c.
?
Hyppolite , au troisième Acte , adreffe encore
une prière à Diane & une invocation à
l'Amitié , Théfée en fait une à Neptune.
Certainement c'eft un manque d'adreffe ,
& qui vient du peu d'habitude de la Scène ,
d'avoir ainfi accumulé coup fur- coup des morceaux
du même genre . Il eft vrai qu'ils auroient
pu du moins ne pas avoir le même caractère
, & il faut convenir que le Compofiteur
mérite des reproches pour n'avoir pas
fait affez cette attention. Son premier hymne
à Diane eft d'un chant délicieux , d'un effet
charmant, & il a été fort applaudi ; mais s'il
convient à la Déeffe à qui on l'adreffe , peutêtre
ne convient- il pas également au caractère
de ceux qui le chantent. Le jeune Hyppolite
, dont le coeur eft encore infenfible
qui ne refpire que les plaifirs bruyans & gais
de la chaffe , devoit s'annoncer peut- être avec
DE FRANCE.
plus d'éclat & de vivacité. Il en feroit réſulté
un contrafte heureux entre cette Scène & la
fuivante. On pouvoit oppofer fon alegreffe
au ton mélancolique de Phèdre, & à celui -là ,
l'expreffion voluptueufe des Prêtreffes de
Vénus.
Mais le plus grand reproche à faire à l'Auteur
du Poëme , c'eft la foibleffe du rôle
d'Hyppolite , & fur - tout la légèreté avec
laquelle Théfée croit l'imputation faite contre
lui . On excuſe à peine ce Roi dans la Tragédie
de Racine , quoiqu'Hyppolite y foit acculé
par Phèdre elle-même , c'est à dire , par
une femme adorée , qui a toute la confiance
de fon époux ; & quoique l'épée d'Hyppolite
, reftée entre fes mains , puiffe paroître
à Théfée une preuve fuffifante de l'attentat
de fon fils. Mais ici , c'eft fur le rapport
d'Enone, d'une nourrice , d'une femme mercenaire,
fans chercher même auprès de Phèdre
à s'allurer de la vérité de cette accufation ;
c'eft fans la voir & fans être ému de la juftification
touchante de fon fils , que ce père ,
qui a paru tendre jufqu'ici , dévoue Hyppolite
à la vengeance de Neptune ! Ce moyen,
qui bleffe toutes les convenances , affoiblit
beaucoup fans doute l'intérêt du dénouement.
Nous avons dit que le ftyle de cet Ouvrage
étoit facile & agréable. On y trouve cependant
des négligences fréquentes. C'eſt une
petite idée que celle d'avoir fait répéter avec
effroi le nom de Vénus par les Chaffeurs , &
Dij
76
MERCURE
celui de Diane par les Prêtreffes de Vénus.
Cette dernière fituation manque même de
jufteffe. Si dans le Temple de Vénus Phèdre
avoit invoqué Diane , c'auroit été en
une profanation ; mais elle ne fait que prononcer
fon nom indirectement ; elle dit feulement
qu'elle voit
Le plus vaillant
Des Satellites de Diane.
Il n'y a pas là de quoi fe facher.
lifet
Les vers fuivans n'ont pas paru d'un ton
Convenable au rang & au caractère de Phèdre.
Oui , c'eſt lui.... Les voilà ces funeftes attraits ;
Je l'entends ; il me dit : coupable , je te hais ;
Je lui réponds : je t'adore.
Enone voulant dire qu'Hyppolite eft encore
infenfible à lamour , dit :
Le doux accent de la Nature
Eft encor muet dans fon coeur,
L'accent de la Nature fignifie plus ordinairement
les fentimens qui naiffent des liaiſons
du fang que ceux de l'amour , & cette expreffion
eft ici d'autant plus équivoque ,
qu'none vient de parler de l'attachement
d'Hyppolite pour fon père , & qu'elle ſemble
contredire ce qu'elle a dit .
On a lieu de s'étonner que cette même
Enone , à l'inftant où elle excite la Reine à
DE FRANCE. 77.
fe livrer à fon penchant , lorfqu'elle l'a enfin
déterminée , s'écrie :
Pardonne-lui , ciel qui viens de l'entendre.
Si elle a befoin du pardon du ciel , cet amour,
eft donc un crime ; fi c'eft un crime , peut- elle
en même temps en convenir & le confeiller?
Il y a auffi quelques incorrections , telles
que ce vers d'Hyppolite :
O Diane , aujourd'hui , quand tu reçus mes voeux?
Il faut quand tu as recu ; l'aorifte eft un
folécifme. Malgré ces taches , on trouve en
général dans cet Opéra , de la grace & beaucoup
de vers heureux. Le monologue de
Phèdre , à la feconde fcène du deuxième acte ,
en eſt un exemple. La Scène de l'aveu fair
par la Reine à none , paroîtroit auffi trèsbien
écrite , fi celle de Racine n'exiftoit pas.
Celle entre Phèdre & Hyppolite eft peutêtre
trop longue pour la Mufique. Il y a
fur-tout un long couplet écrit d'une manière
vague & traînante , qui la refroidit extrê¬
mement , & qu'on fera très- bien de fupprimer
, ou au moins de raccourcir. C'eft celui :
O Ciel , qu'ai-je fair , qu'ai-je dit ?
Tout ce que dit Phèdre depuis ce vers :
Que ne puis- je vous rendre
Tout le plaifir que je goûte à vous voir ;
eft entièrement inutile à l'action , & ne fert
qu'à la rallentir.
Diij
78
MERCURE
1
Le morceau de l'arrivée de Théfée n'eft
pas non plus bien placé. Il n'eft pas naturel
qu'à l'inftant de fon retour , au- lieu de voir,
fa femme & fes enfans , il s'amuſe, à parler
de fes exploits , ni qu'il infifte fur cette ma
xime générale .
Etre aimé , voilà le vrai bonheur.
La Scène du départ d'Hyppolite pour for
exil eft fort touchante ; il faudroit que le
morceau de la fin fût moins longuement
amené.
Réfulte- t- il de ces critiques , peut - être un
peu févères , que le poëme de Phèdre foit
un mauvais ouvrage ? Nous fommes trèsloin
de le penfer. Nous croyons au contraire
que l'Auteur , un peu plus inftruit de la
Marche , des convenances de ce Théâtre ,
plus habitué au joug de la Mufique , eft un
de ceux qui annoncent le plus de talent pour
s'y diftinguer avec éclat , & on ne peut que
Finviter à de nouveaux efforts. Nous n'avons
tant infifté fur les défautsde fon Ouvrage , qu'à
caufe de l'influence qu'ils ont eu fur la mufique.
Il eft certain qu'il y a de la monotonie
dans les premières Scènes , ainfi que nous
l'avons fait remarquer ; elles tiennent en
partie à l'uniformité des morceaux donnés.
par le poëte; mais il faut convenir auffi que
le compofiteur n'a pas fait tout ce qu'il pouvoit
pour les fauver. Le premier Acte eft cependant
celui qui a le plus réuffi ; c'est qu'il
contient beaucoup de morceaux agréables
DE FRANCE. 79
par eux mêmes , & que la lángueur qui naît
de leur trop grande reffemblance ne fe fait
fentir qu'à la longue , & femble ainfi ne
porter que fur les morceaux fuivans.
M. le Moyne a ellayé dans plufieurs Scènes
de remplacer le récitatif, par du chant proprement
dit. Cette idée , conforme à l'opinion
d'un homme de beaucoup d'efprit qui
a écrit fur la Mufique d'une manière trèsingénieuſe
, devoit être en effet plutôt tentée
que difcutée : l'expérience étoit plus propre à
l'éclaircir qu'aucune espèce de raifonnement.
Mais quoiqu'en l'exécutant , M. le Moyne
ait toujours confervé un chint noble , gra
cieux , conforme au caractère & à la dis
gnité des perfonnages , il a prouvé que cette
manière n'eſt pas fans inconvénient. Lorfqu'une
Scène eft un peu longue , & qu'animée
d'une feule paffion elle n'en doit offrir
que le développement , il en résulte que la
fituation long- temps la même , n'offre pas
à la Mufique affez de moyens de variété.
Telle eft la Scène de Phèdre & d'Hyppolite
; celle de Phèdre & d'Enone eft auffi
un peu dans ce cas. Il en faut conclure que
ce moyen ne pourroit guères être employé
que pour des Scènes ou pour des Actes trèsremplis
de mouvement. M. le Moyne a fenti
lui -même ce défaut , & toutes les fois qu'il
a pu trouver des morceaux d'une expreffion
vive , il les a traités de manière à produire
beaucoup d'effet. Ceux qu'on a le plus
diftingués , font l'hymne à Diane , dans la
D iv
80 MERCURE
première Scène , la prière à Vénus , chantée
par les femmes de Phèdre ; l'air de cette
Reine qui termine la quatrième Scène. Le
duo entre Phèdre & fa nourrice au deuxième
Acte , le monologue de Phèdre , l'invocation
de Théfée à Neptune ; la juftification
d'Hyppolite au troiſième Acte ; les
adieux de ce Prince , & fur tout le monologue
de Phedre pourfuivi par fes remords.
Ce morceau n'eft qu'un récitatif, mais la
manière dont il eft conçu , les accens myftérieux
, profonds , terribles de l'Orcheſtre ,
doivent donner la plus haute idée des talens
de M. le Moyne. Si tout l'Ouvrage étoit de
ce mérite , il pourroit déjà prétendre au rang
le plus diftingué à côté des plus grands
Maîtres. Mais affez de morceaux dans cet
Ouvrage doivent lui donner l'efpoir d'y parvenir
un jour , s'il continue d'étudier les reffources
de fon art , dont il nous paroît avoir
le fentiment parfait , & s'il parvient à faire
difparoître une teinte de mélancolie qui fe
répand quelquefois fur les endroits où il
n'eft pas entraîné par une grande expreflion.
Le récitatif, fait avec beaucoup d'efprit
fouvent de la profondeur , a toute la fimplicité
qu'exige ce genre de Mufique ; c'eft
peut-être la feule qualité que le Compofireur
y doive chercher quand il en a bien
conçu la déclamation ; c'eft à l'Acteur à faire
le refte. C'eft de lui feul que dépend , que
doit dépendre toute l'expreffion. Nous averrons
feulement M. le Moyne , qu'il n'eft
DE FRANCE 81
pas plus permis de déformer les vers dans
la déclaination chantée , que dans la déclamation
parlée. Il a fait quelquefois cerre
faute , comme dans les deux premiers vers
qu'il a coupés ainfi :
Le jour paroît ,
Déjà l'aurore a rougi la cîme des monts.
Ce ne font plus des vers. Il falloit appuyer
légèrement fur le mot aurore , pour faire
fentir qu'il termine le vers.
En attribuant à l'Acteur le plus grand
mérite du récitatif , c'eft dire affez combien
celui de Mme Saint - Huberty a paru fublime.
Il eft impoffible d'employer des inflexions
plus vraies , mieux fenties & plus nobles.
Toutes les nuances de la paffion font exprimées
par cette grande Actrice , & elle ne
mérite pas moins d'éloges dans fon chant
que dans fa déclamation . Oferons nous cependant
mêler à ce jufte hommage la voix de la
critique , ou plutôt un fimple confeil ? Tour
ce qui eft au- de- là de la perfection eft un
défaut , l'excès de la vérité lui même en eft
un. Entraînée quelquefois par cette vérité ,
par l'expreffion de la fituation dont elle eſt
vivement pénétrée , il arrive à Mme Saint-
Huberty de quitter la voix muficale pour
prendre la voix parlée. Ce n'eft qu'un cri ,
ce n'eft que pour un moment , mais ce moment
eft défagréable. Elle a pu s'appercevoir
que ces endroits font moins applaudis que
le refte; quand ils le feroient davantage ,
Dv
82 MERCURE
Mme Saint- Huberty eft au- deffus de ce léger
triomphe , elle y devroit renoncer. Dans les
arts d'imitation , il faut que l'art ne foit pas
perdu un feul inftant de vue. Un fuperbe
morceau de fculpture , s'il étoit peint , le fûtil
parfaitement , perdroit tout fon effet . Il
ne faut pas approcher de la nature au- delà
du terme accordé à l'art. Mme Saint - Huberty
a trop approfondi le fien , pour ne pas
être convaincue de cette vérité qu'ilfuffit fans
doute de lui rappeler.
M. Rouffeau a chanté le rôle d'Hyppolite
avec une grâce infinie , une fenfibilité précieuſe.
Chaque jour il acquiert de nouveaux
droits à l'eftime & aux applaudiffemens du
Public. M. Chéron n'en a pas moins mérité
dans le rôle de Théfée , par. la ncbleffe de
fa repréfentation , & par fa voix franche &
fonore , à laquelle fa longue maladie n'a rien
fait perdre de fa beauté. Mlle Gavaudan
mérite auffi les plus grands éloges , pour la
manière dont elle a rendu le rôle d'Enone.
Ily Il y a peu de divertiffemens dans cet Cuvrage
, mais ils font très-bien entendus. Nous
fommes fachés feulement d'avoir à faire un
reproche ( qui pourra paroître un peu extraor
dinaire ) aux Prêtreffes danfeufes de Venus.
Trop pénétrées de la dignité de leur miniſ
tère & de l'acte , religieux qui les occupe ,
elles oublient que c'eft Vénus qu'elles fervent
, & elles affectent une modeftie , une
pudeur, un recueillement qui conviennent mal
aux Initiées de cette déeffe. On les prendroit
DE FRANCE.
pour des vierges de Diane ou de Vefta ; c'eft
ce dont elles doivent bien fe garder. Vénus
eft la déeffe des plaifirs ; fes Prêtreffes en
doivent rappeler l'image . Mlle Guimard devoit
leur fervir de modèle ; fon maintien folâtre
, fans manquer de nobleffe , & volup
tueux fans indécence , annonce affez quelle
eft la Déeffe dont elle deffert en ce moment
les autels.
COMÉDIE ITALIENNE
LES Méprifes par Reffemblance , Comédie
en trois Actes & en profe mélée d'Ariettes ,
qu'on a repréſentée pour la première fois le
Jeudi 16 Noveinbre , offrent, comme les Ménechmes
de Plaute , imités d'abord par Rotrou
, enfuite par Regnard , & enfin par plu
fieurs autres Écrivains , deux Perfonnages que
leur reffemblance place tour- à tour dans des
fituations bizarres & plaifantes , jufqu'à ce
que
D'un fecret tout-à- coup la vérité connue ,
Change tour, donne à tout une face imprévue,
& amène le dénouement.
Le fonds de cette action n'étant pas neuf,
il faut chercher le mérite de l'Auteur dans les
détails de fon intrigue , voir à quoi en tiennent
les fils , comme ils fe croifent , fe nouent &
fe dénouent. Nous allons donc donner une
Dvj
84 MERCURE
analyfe exacte & fuivie de l'Ouvrage , après
quoi nos Lecteurs feront en état de prononcer
fans avoir befoin de nos obfervations.
Acte I. Therefe , fille du Bailli , & Louiſon,
fille de M. Robert , Marchand de Vin , doivent
être inceffamment mariées ; la première à
Sans - Quartier, fils de M. Robert , qui fert le
Roi depuis l'âge de feize ans ; la feconde à
Jacquinot, filleul du Bailli , efpèce d'imbécille
qui deplaît fort à Louifon. Jacquinot vient
d'être vigoureufernent battu par un Grenadier
à la noce d'une de fes parentes , & on attend
le retour du fils de M. Robert . Louifon devoit
époufer un fils du Bailli ; mais on croit ce fils
mort depuis quelques années , & voilà pourquoi
on la deftine à Jacquinot. Deux Grenadiers
, la Tulipe & Sans- Regret , arrivent à
l'infant où les deux jeunes filles viennent
de s'entretenir de leur pofition , & vont
rentrer chez M. Robert. La Tulipe &
Louifon ne peuvent fe voir fans émotion ;
le coeur de la Tulipe fe livre tout entier à
l'amour ; Sans- Regret ne demande qu'à
boire ; & dans ce moment , où il a été
obligé de fuir à jeun & très précipitamment
avec la Tulipe, pour échapper aux pourfuites
d'un homme qu'ils ont battu , il donneroit
toutes les douceurs de l'amour pour un
bon repas. La Tulipe a mis à la loterie. Sans-
Regret gage qu'il a perdu . Sur le vitrage d'un
Café fe trouvent placés les numéros gagnans.
La Tulipe a un terne ; il ouvre fon fac Four
chercher fon billet dans fon porte- feuille ;
DE FRANCE. 85
le fac qu'il ouvre n'eft point le fien ; dans
L'obſcurité il s'eft trompe, & a pris le fac d'un
autre foldat. Sans- Regret fe défole ; mais la
vue de Louion confole la Tulipe , qui s'enflamme
de plus en plus pour elle. Margot,
fervante de M. Robert, apperçoit la Tulipe :
trompée par la reffemblance de la Tulipe
avec le fils de fon Maître , & par l'uniforme
qu'il porte , elle le prend pour Sans-
Quartier ; elle l'appelle fon jeune Maître.
La Tulipe fe défend de l'être ; mais Sans-
Regret, qui vient d'entendre dire que le père
de Sans - Quartier eftun M. Robert , Marchand
de Vin - Traiteur , qui fait noces & feftins ,
allure Margot qu'elle ne fe trompe point, &
Jui dit d'aller annoncer à M. Robert le retour
de fon fils. La Tulipe ne veut point fe prêter
à cette folie , parce que , dit-il , il ne veut
tromper perfonne , & il s'échappe pour courir
après Louifon . Quand M. Robert arrive ,
il ne trouve point fon fils . Sans - Regret ,
pour fe tirer d'embarras , & parvenir à s'introduire
dans la maiſon , fuppofe que le faux
Sans- Quartier perd la mémoire par intervalles
depuis un naufrage qu'il a fait , & qu'il ne
peut la recouvrer qu'à force de boire. Comme
en partant la Tulipe a laiffé fon fac à terre ,
M. Kobert l'ouvre , l'examine , & après avoir
reconnu la cartouche & les papiers de fon
fils , il embraffe Sans Regret , qui ne conçoit
plus rien à ce qu'il voit ni à ce qu'il entend . Ea
Tulipe revient après avoir inutilement couru
après Thérèſe & Louifon. M. Robert l'appelle
86 MERCURE
fon fils , il nie qu'il le foit. Thérèfe & Louifon
reviennent; il eft tranfporté ; Louifon lui
a dit fon nom ; il la nomme. Robert croit
que la mémoire lui revient ; il eft enchanté.
A côté de Louifon la Tulipe eft tout ce qu'on
veut qu'il foit , & tout le monde entre chez
M. Robert , à la grande fatisfaction de Sans-
Regret , pour le réjouir & pour boire.
Acte II. Le Bailli attend fon filleul avec
impatience; il fait l'accident qui lui eft arrivés
il le voit, l'interroge fur la querelle qu'il a
eue, en reçoit les détails, & fe propofe de
faire punir les Grenadiers qui l'ont battu s'ils
font arrêtés par la Maréchauffée , à qui on a
donné leur fignalement , & il fort. Tandis que
Jacquinot réfléchit feul fur l'affront qu'il a reçu,
Sans-Quartierarrive ; il vient frapper fur l'épau
le duniais pour lui demander dans quel endroit
ileft. Jacquinot, qui croit reconnoître en lui un
des Grenadiers qui l'ont étrillé , s'enfuit tout
effrayé. Sans - Quartier n'en peut deviner la
caufe ; il cherche la maifon de fon père ; il
voit Thérèſe fur la porte, lui parle pour s'en
informer. Thérèfe eft frappée de fa reffemblance
avec le Grenadier qui paffe pour le
fils de M. Robert ; elle lui répond comme
une fille modefte qui parle de l'époux qu'on
lui deftine. Sans- Quartier, qui fait le nom de
fa future , qui la voit , qui l'entend , fe prend
d'amour fur- le- champ , & fe réjouit de fon
bonheur. Thérèſe lui en témoigne fa furprife,
& l'affure qu'il fe méprend ; enfin M.
Robert paroît , & Thérèſe lui dit en fe fauDE
FRANCE. 87
vant : Voilà un Monfieur qui vous demande.
Sans- Quartier , très - ému , veut embraffer fon
père. M. Robert le repouffe , quoiqu'il ne foir
pas moins frappé que les autres de la reffemblance
des deux Grenadiers. Sans- Quartier confondu
ne fait à quoi attribuer la réception defon
père.Pendant qu'il fe lamente, il eft de nouveau
apperçu par Jacquinot & par le Bailli , qui le
prenant toujours pour le foldat qui a battu
Jacquinot , le font arrêter un inftant après.
Sans-Quartier demande la raiſon de cette violence
; tout ce qu'on lui dit l'étonne , lui paroît
inconcevable ; il foutient toujours qu'il
s'appelle Sans Quartier , qu'il eft fils de M.
Robert. On lui demande fa cartouche ; il
donne fon fac, & la cartouche portant le nom
de la Tulipe , on fe perfuade qu'il eſt un fripon.
Thérèſe feule témoigne qu'elle prend
intérêt à fon fort. Il s'agit de conduire Sans-
Quartier en prifon ; mais comme celle du
Bourg eft tombée en ruines depuis quelque
temps, on le place dans un vieux bâtiment
fitué au fond du jardin de M. Robert. On
entraîne Sans Quartier , qui tend les bras en
s'écriant: Ah! mon père ! & M. Robert qui
s'attendrit fe reproche d'être trop bon.
Acte III . Sans Quartier eft en prifon. Mé
connu par fon père , déshonoré aux yeux de
celle qu'il aime , for fort lui paroît affreux.
Thérèſe vient le voir en cachette ; fon projet
eft de le faire évader ; il eft fenfible aux bontés
de Thétèfe ; mais il eft innocent ; il veut ref
ter , & prouver fon innocence. On entend da
88 MERCURE
bruit. Sans-Quartier fait cacher Thérèſe dans
un cabinet. La Tulipe vient. Louifon lui a
donné un rendez vous , parce qu'elle le croit
fon frère ; il veut la défabufer . Dans l'obfcurité
il apperçoit Sans-Quartier , & crie : Qui
va là ? Sans-Quartier ne veut point répondre
aux queftions de la Tulipe. Tu as ton fabre
dit- il , &je n'ai pas le mien. La Tulipe jette le
fien par terre. On entend un nouveau bruit.
Sans-Quartier ramaffe le fabre de la Tulipe
pour le lui rendre. A l'inftant le Brigadier
entre , & le fabre que tient Sans-Quartier lat
faifant prendre le change , il trouve mauvais
qu'on laifle parler à fon prifonnier fans fa
permiffion , & met celui ci hors de priſon ,
après avoir tancé l'Archer fur fa négligence.
Sans Quarrier profite de l'erreur , parce
qu'il efpère trouver une autre iffue , & délivrer
Thérèfe , dont la fituation l'inquiette.
On apprend à la Tulipe que M. le Bailli va le
venir interroger fur faquerelle avecfon filleul.
La Tulipe eft tout aufli furpris de favoir que
fa querelle eft connue que de fe voir arrêté.
Le Bailli entre : en vifitant le fac que Sans-
Quartier avoit pris pour le fien , il a trouvé
les papiers du fils qu'il croyoit mort. Il retrouve
ce fils dans la Tulipe , l'embraffe , &
l'engage àgarder prifon jufqu'au foir , où tout
fera arrangé. La Tulipe demeuré feul , entend
du bruit dans le cabinet ; il prend une lumière
pour voir d'où il provient.Thérèle éperdue fe
cache le vifage. La Tulipe veut la raffurer ,
quand Louifon arrive. Ellefe plaint de ce qu'on
DE FRANCE. 89
-
lui donne un rendez- vous pour lui faire jouer
un rôle de confidente ; elle menace d'informer
fon père de ce qui fe paffe , quand on entend
encore du bruit . Louifon éteint la lumière ,
fe cache dans le cabinet , Thérèſe derrière un
rideau. Sans Quartier vient pour délivrer
Thérèſe ; il écoute Sans Regret , le fuit
portant à la main deux bouteilles qu'il vient
cacher. Jacquinot vient à fon teur pour épier
Louifon qu'il a vu paffer , & Margot marche
fur fes pas pour fe venger , en lui faifant
peur, de l'intention qu'elle lui croit de lui
faire chercher fes bouteilles. Tous ces perfonnages
ainfi raffemblés caufent ou éprouvent
en fe rapprochant une frayeur que diffipe
l'entrée du Bailli & de M. Robert . Tout
eft éclairci ; la caufe de l'échange des facs , la
fupercherie de Sans - Regret , les qui-pro-quo
occafionnés par la reffemblance des deux foldats.
On paye à Jacquinot fes coups ; la Tulipe
partage fon terne entre Thérèle & Louifon
; il époufe celle - ci. Sans Quartier embraffe
fon père , & obtient la main de Thérèfe.
Après quoi vient un Vaudeville dont le
refrein eft:
Il vaut mieux , quoiqu'on en gloſe,
Reffembler à quelque chofe
Que de ne reffembler à rien.
L'exactitude de cette analyfe prouve à
nos Lecteurs que l'intrigue des Méprifes eft
très compliquée ; que le premier Acte eft
୨୦ MERCURE
très- gai ; que la couleur du fecond est un peu
trop fombre pour s'accorder heureufement
avec celle du premier , & que le troifième
devient très-obfcur dès que la Tulipe entre
dans la prifon. De ce moment jufqu'à la fin
l'imbroglio du dénouement occupe d'une manière
fatigante. Nous ne parlerons pas des invraisemblances
que nous avons remarquées
dans quelques incidens , parce que ce n'eft pas
dans une Comédie à Ariettes , & fur-tout dans
le genre bouffon qu'on doit apporter une févérité
rigoureufe. La Pièce a fait plaifir ; le premier
Acte fur tout eft plein de chofes gaies ,
adroites , fpirituelles & comiques. Nous defirons
que l'Auteur retravaille fon dénouement
; s'il le laiffoit fubfifter comme il eft .
nous ofons lui prédire que fa Pièce n'auroit
pas tout le fuccès qu'il en peut attendre. La
Mufique eft de M. Grétry , c'eſt dire qu'elle a
tout l'efprit & tout le comique qu'exigent
les fituations où les perfonnages chantans font
placés. La Pièce eft jouée avec foin ; mais nous
devons des éloges particuliers à M. Chenard ,
qui joue & chante le rôle de Sans - Regret avec
une franchife , une gaieté & une intelligence
qui lui font beaucoup d'honneur.
fon
* Les corrections que l'Auteur a faites
dénouement , depuis l'impreffion de cet Article , ne
font pas heureuſes , & elles n'ont point été goûtées :
il est vraisemblable qu'il en fera de nouvelles , &
nous l'y engageons.
DE FRANCE. 91
ANNONCES ET NOTICES.
·
TLAS Ecclefiaftique , Civil , Militaire &
Commerçant de la France , pour l'année 1787 , enrichi
de Taille- Douces & de Cartes coloriées . Prix , 1 liv.
10 fols. A Paris , chez Beauvais , maifon de M.
Lambert, Imprimeur - Libraire , ruc de la Harpe ,
près Saint Côme .
Cet Almanach , d'une utilité journalière , & fort
bien rédigé , doit être diftingué de la foule dé ces
productions éphémères.
TRENNES Provinciales , ou Tablettes du
Citoyen, pour l'année 1787 , avec figure, Prix , 12
fols. A la même Adreffe que ci- deffus .
Cet Almanach offre une compilation agréable ;
c'eft une espèce de Dictionnaire abrégé qui , fous
chaque mot , préfente une définition ou une Anec
dote qu'on lit avec plaifir.
CATALOGUE des Livres du Cabinet de feu M.
d'Ennery , dont la vente fe fera le Lundi 18 Décembre
1786 , & jours fuivans à quatre heures de
relevée , en fa maiſon rue Neuve des Bons - Enfans ,
n° . io , in- 8 ° . de 96 pages . Prix , 12 fols . A
Paris , chez G. Debure l'aîné , Libraire , quai des
Auguftins , n°. 42 , & au mois d'Avril prochain tue
Serpente , hôtel Ferrand , n° . 6.
VOYAGE en Pologne , Ruffie , Suède , Danemarck,
&c. , par M. William Coxe , Membre du
92 MERCURE
.
College Royal à l'Univerfité de Cambridge , de la
Société Royale de Londres , &c . , traduit de l'Anglois
par M. P. H. Mallet , ci devant Profeffeur à
Copenhague , Profeffeur de l'Académie de Genève ,
&c. , Ouvrage orné de Cartes géographiques , Portraits
, Plans & Figure en taille - douce. A Genève ,
& fe trouve à Paris , chez Buiffon , Libraire , rue
des Poitevins , no. 13 , 2 Vol. in- 4° . Prix , 24 liv.
brochés , & 26 liv. franc de port par la pofte; 4 liv,
in-8 ° . , 18 liv. brochés & 20 liv , franc de fort.
Nous reviendrons fur cet important Ouvrage.
AGNES BERNAU , Pièce héroïque en quatre
Actes & en vers libres , repréfentée pour la première
fois à Paris , fur le Théâtre Italien , le 21 Juin
1785 , & fur le Théâtre de Rouen le 19 Juin 1786 ,
par M. de Milcent Prix , 1 liv. 1o fols . A Rouen ,
chez Leboucher le jeune , rue Ganterie ; & à Paris ,
ch: z Brunet & les Marchands de Nouveautés .
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Plantes qu'on conferve pendant l'hiver dans l'orangerie
& la ferre chaude , faifant fuite au Catalogue
Latin & François des Arbres , Arbustes & Plantes
vivaces qu'on peut cultiver en pleine terre , par M.
Buc'hoz , Médecin Botaniſte de MONSIEUR , ancien
Démonftrateur de Botanique au Jardin Royal des
Plantes de Nancy , un Volume in- 16. Prix , 2 liv.
8 fols. A Londres ; & fe trouve à Paris , chez l'Àuteur
, rue de la Harpe , la première porte-cochère
au- deffus du Collège d'Harcour , nº. 109 .
ر ب
-
La vraie manière d'apprendre une Langue quel
conque, vivante o morte, par le moyen de la Lingue
Françoife , quatrième Partie. Grammaire Angloife
, oxla vraie manière d'apprendre aifement &
Le plus promptement qu'il ef poffible la Langue An-
3694
DE FRANCE. 93
3
gloife , fuppofé que l'on fache parfaitement la Grammaire
Françoife univerfille à l'ufage des Dames ,
publiée pour fervir de baſe à celle- ci, in - 8 ° . Prix ,
liv. broché. A Paris , chez Benoît Morin , Libraire ,
rue Saint Jacques ; Laporte , Imprimeur- Libraire ,
rue des Noyers ; Pichard , Libraire , quai des Théatins
, & chez l'Auteur , rue Sainte Catherine , nº. 16,
près du Luxembourg.
LA première Livraifon des Ouvrages de M.
Marmontel eft actuellement en vente chez Née de
la Rochelle , Libraire , rue du Hurepoix , près du
Pont Saint Michel , n . 13. Elle eft composée des
Contes Moraux & d'un Effai fur le Goût qui n'a
point encore paru , & pinée d'un Portrait de l'Aufeur
, gravé par M. Gaucher. Cette Livraiſon en
quatre Volumes in- 12. Frix , 10 liv . brochés. La
même en quatre Volumes in 8 ° . fur papier d'Angoulême.
Prix , zo liv . brochés. On a tiré pour les
Amateurs quelques Exemplaires format in - 8 °. fur
beau papier d'Annonay. Prix , 36 liv. les quatre
Volumes brochés. On me foufcrit pas pour cette
Collection ; mais on peut fe faire infcrire. On préfume
qu'elle aura feize Volumes.
Nous ne doutons pas que le Public n'accueille
avec empreffement un Recueil d'Ouvrages que les
fuffrages ont confacré & recommandé depuis longtemps.
Les Contes Moraux qui ont fervi de modèle
confervent toujours la même eftime . L'Effai fur le
Gout , qui n'avoit pas encore vu le jour , a reçu les
plus grands applaudiffe mens dans plufieurs Séances
publiques de l'Académie Françoife , & ſuppoſe un
profond Littérateur & un Ecrivain diftingué.
ALCINDOR Pénitent , ou le Triomphe de la
Grace dans l'homme pécheur qui veut rentrer dans le
chemin de la Vertu , Poëme en fix Chants , par
94
MERCURE
"?
M. J. J. Guiller , Clerc tonfuré, in- 8 °. de 52 pag.
A Paris , chez l'Auteur , rue du Bacq , Fauxbourg
Saint Germain , nº . 76 , & chez les Marchands de
Nouveautés.
Ellai trop précoce d'un jeune homme qui ne connoit
pas encore les difficultés de l'Art d'écrire , &
que nous exhortons à travailler en filence avant de
courir à la publicité.
Magafin de Comestibles , chez le fieur Delavoiepierre
à Paris , rue Saint Honoré, hôtel des Américains:
Le fieur Delavoiepierre étant parvenu à réunir
dans fon Magafin les Comeftibles les plus précieux
des différens pays , & depuis plufieurs années en
ayant fourni avec fuccès dans la Capitale , nous
avons cru qu'il pourroit être également agréable
aux Perfonnes de la Province & des Pays étrangers
de leur faire connoître ces différens objets , qu'il
offre de leur faire paffer fuivant leurs demandes.
En faifant tenir l'argent franc de port , on recevra
les marchandifes par les couriers , les diligences
ou autres voitures , fuivant la célérité néceffaire ,
les frais de route à la charge des Commettans.
On trouvera tour l'hiver à fon Magafin , entre
autres Comestibles , ceux qui fuivent ;
Truffes fraîches du Périgord , la livre de 4 à 7 f.
Dindes aux truffes d'Angoulême. Prix , 24 à 30 L
Poulardes aux truffes .
Faifans aux truffes.
Pâtés de foies gras aux truffes.
Pâtés de perdrix rouges aux truffes.
Pâtés de veau de Rouen,
Pâtés de poulardes de Rouen.
Pâtés de mauviettes de Pithiviers.
Tous ces Pâtés en croûte fine .
Ortholans en plumes.
18 à 24 1.
24 à 30 l.
24 ; 48 , 72 L
24 , 481.
7 , 10 , 13 l.
10 , 13 , 19 1.
7 , 10 , 13.1.
2 2 3 1.
DE FRANCE.
95
Perdrix rouges jeunes.
Mauviettes graffes de Pithiviers .
Coqs - faifans dorés .
Poules- faifannes.
Hures cuites de Troye,
Fromages de Meaux en pots.
Marrons du Luc.
Beurre de la Prévalaye en petits pots.
2 à 3 1.
4 à 6 l.
8212
1.
6 à 9 1.
18 à 24 1.
3 à 9 1,
3 1.
6271
Ces dix- huit articles fe confervent vingt - quatre
trente jours.
Pâtés en terrines de deux , quatre & fix perdrix
rouges aux truffes.
Idem de dindes aux truffes..
Idem de faifan aux truffes.
Idem de foies gras aux truffes.
Idem de poulardes aux truffes.
27, 54, 81 1.
36 à 48 1.
36 à 48.1.
48 , 72 , 961.
Pâtés en croûte dure de deux , quatre
drix rouges aux truffes.
Idem de foies gras aux truffes.
Idem de cochon de lait aux truffes.
Idem de canards d'Amiens .
Idem de dindons d'Amiens.
18 à 24 1.
& fix per-
30 , 60 , 90 1.
48 , 72 , 96 1.
Moutarde aux anchois & câpres , pot.
Moutarde aux truffes .
Thon mariné à l'huile vierge ,
48 à 60 l,
7 à 2.8 1.
7 à 28 1.
3 à 6 1.
42 8 1.
6 à 24 1.
Anchois à l'huile vierge. 3 à 61.
Olives picholines , baril .
25
Olives farcies aux anchois , pot.
s à 7 1.
3 à 61.
Olives farcie's aux truffes.
3 à 61.
Beurre de la Prévalaye , pot . .6.1.
Sauciffons de Boulogne. 7 1.
Fromage de Rocfort, la livre. 1 l. 12 f. -
Ces vingt-un articles fe confervent de fix à huit
mois.
Le prix des emballages ek compris dans les
ommes ci-deffus,
Le fieur Delavoiepierre adreffera une Notice plus
96 MERCURE
détaillée & plus nombreufe aux Perfonnes qui la
demanderont par une lettre affranchie .
concertans ,
-
NUMÉROS 31 à 40 de la Mufe Lyrique , Journal
de Chant & de Guittare , dont la foufcription eft de
12 liv. & 18 liv. Numéros 18 & 19 du Recueil
d'Airs nouveaux François & Etrangers en Quatuors
ou Journal de Violon , Flûte , Alto &
Baffe. Ces deux Numéros font arrangés par M.
Cambini , ainfi que ceux qui fuivront. On foufcrit
pour ce Journal & pour celui des Délaffemens de
Polymnic qui en fait partie , chez Mme Baillon &
M. Porro , rue du petit Repofoir , près la Place Vic
toire. Prix , 21 & 24 liv. Séparément 2 liv.
L'Editeur avertit les Perfonnes qui defireroient
fe procurer d'avanc le Recueil annuel intitulé :
Étrennes Lyriques pour Chant & Guittare , qu'elles
peuvent s'adreffer dès- à- préient à lui à l'Adreffe
ci-deffus.
TABLE.
VERS & Mme Belli... ,
Impromptu à Mile Denifon , fonne raisonnable & fenfi.
49) Les Loisirs d'une jeune Per.
so ble,
ib. Variétés ,
67
70
Charade, Enigme & Logo- Acad. Royale de Mufiq. 172
Chanfon ,
gryphe ,
62 Comédie halienne ,
Voyages dans les Alpes ,
544Annonces & Notices,
183
APPROBATION.
J'AI lu , par ordre de Mgr. le Garde- des- Sceaux ,
Mercure de France , pour le Samedi 25 Nov. 1786. Je n'y
ai rien trouvé qui puiſſe en empêcher l'impreffion. A
Paris , le 24 Novembre 1786, GUIDI
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 16 DÉCEMBRE 1786.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
MORCEAU far les Serres Chaudes
extrait d'un Ouvrage en vers.
LE rich
LE riche dépravé ne voit qu'avec dédain
Les faifons tour -à- tour féconder fon jardin.
Il préfère , amoureux de vaincre les obftacles
A d'utiles préfens d'infipides miracles.
Par fon ordre la brique au fourneau fe durcit ;
Le Maçon par fon ordre en voûte l'arrondit ;
De fa ferre aux frimats il interdit l'entrée :
Rivale du foleil , la flamme concentrée
Dans des conduits formés par l'art impérieur,
S'introduit , s'évapore & circule en ces lieux.
Là , dans un printemps faux , on voit languirenſemb
Mille fruits attriftés du toit qui les raffemble.
No. 5o , 16 Décembre 1786. E
98 MERCURE
AMATEUR infenfé , tu troubles , tu confonds.
•
Et le voeu des climats & le rang des faifons.
Prodiges impuiffans ! la Nature contrainte
A tes productions refufa fon empreinte.
Ta verdure bâtarde , & tes fruits & tes fleurs ,
Affligent mes regards par leurs ternes couleurs.
PROVOQUE , fi tu veux , tes primeurs adultères ,
J'attends de mon jardin des tributs volontaires ;
L'esclavage jamais ne flétrit mes vergers ,
Et n'exile en mon champ des arbres étrangers.
(Par M. Baudin , Commis des Bureaux de
la Marine à Cherbourg. )
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercure précédent.
LE mot de la Charade eft Fourmi ; celui
de l'Enigme eft Plume ; celui du Logogryphe
eft Craie , où l'on trouve air , raie ( poiffan
) , arc , carie , cire , Caire , Icare, raie,
cri , air ( de mufique ) , race,
CHARADE à mon Ami
LE premier , c'eft monceau de lys
Chez ton aimable & tendre épouſe ;
DE FRANCE. 99
Le fecond qui fouvent vient d'une humeur jalouſe ,
Tourmente un amant bien épris .
Tu possèdes l'entier , & de plus l'avantage
D'être ami vertueux & plein de ſentiment,
La vérité fut toujours mon partage ;
B ... reçois mon juſte hommage ,
C'eft l'amitié qui te le rend.
(Par M. de V....... ancien Moufquetaire. )
ENIGM E.
A L'AIDE de la paille & d'un foible zéphyre ,
Dans les champs de l'air emporté ,
Je plane avec légèreté ;
Et malgré la France en délire ,
Son aréoftat fi vanté,
Que l'on fronde & que l'on admire ,
Me cède au moins l'honneur de la priorité.
Je fuis rond comme lui , comme lui je renferme
Un élément à qui je dois l'activité ;
Si fon enveloppe eft plus ferme ,
Mon volume eſt moins grand , j'ai moins de gravité
Mais il n'eſt point de parité ;
Car , parmi les dangers que le balon effaie ,
Qa fait qu'il peut en feu tomber du firmament ;
Lecteur , je fuis bien différent ,
Puifque je ne tombe qu'en pluie,
(Parun Membre de la Société Littéraire de
Goven en Bretagne. )
Eij
100 MERCURE
JE
LOGO GRYPH E.
E fuis , avec cinq pieds , d'une famille immenſe ;
Qui, fur- tout dans ce temps , s'accroît à toute outrance.
Beaucoup de mes parens vivent avec honneur ;
Mais que le plus grand nombre eft loin d'un tel bonheur
!
On ignore ſouvent jufqu'à leur exiſtence .
Sur quatre pieds je marche avec peu d'affurance ;
Fort fouvent je trébuche , & toujours je balance.
Un pied de moins je fuis connu du Médecin ,
Ou , dans un autre fens , je défigne un chemin.
Sur deux pieds j'appartiens à l'art de Philomèle.
Enfin fur un feul pied je fuis une voyelle.
( Par M. de Liber. )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
NOUVEAUX Synonymes François , Ouvrage
dédié à l'Académie Françoife ; par
M. l'Abbé Roubaud. 4 vol. in - 89. de
400 pages chacun . A Paris , chez Moutard ,
Imprimeur-Libraire , rue des Mathurins ,
hôtel de Cluny,
PUISQU UISQU'IL eft vrai qu'il n'y a point de Synonymes
dans les langues , on devroit s'étonDE
FRANCE. 101
Pour
ner que des Ouvrages deftinés à prouver qu'il
n'en exifte point en effet , foient pourtant
intitulés Synonymes. Ne valoit- il pas mieux
appeler ce travail : Délicateffes du langage ,
ou bien Traité des couleurs & des nuances
de la parole ? Mais l'ufage a prévalu fur la
raifon ; & depuis l'Abbé Girard les différences
des mots s'appellent Synonymes.
bien faifir l'état de la queftion , il faut obferver
que l'homme , en nommant les objets
& leurs qualités , comme lefoleil & la clarté;
&´en nommant enfuite les rapports actifs ou
paffifs que ces objets ont avec lui , comme
quand on dit : Lefoleil m'éclaire ou je mefure
le foleil , il agit fur moi ou j'agis fur lui ; il
faut obferver , dis-je , que l'homme n'a cherché
qu'à s'entendre & à fe faire entendre ; &
pour ne pas équivoquer ou fe furcharger la
mémoire , il n'a donné ftrictement qu'un
nom à chaque objet & à chaque opération ,
dont il eft l'acteur ou le témoin . Comme ces
opérations font repréſentées dans les langues ,
par le mot qu'on appelle verbe , & que , fe
touchant quelquefois de très - près , elles fe
nuancent prefque à l'infini , c'eft fur les verbes
que le Grammairien doit principalement
s'exercer. Les noms qu'on appelle adjectifs
ou épithètes, & qui expriment les qualités
des chofes , font , après les verbes , ceux qui
fervent le plus à former le tableau des langues
, par la variété de leurs nuances . Quant
aux noms même des objets , qu'on appelle
E ii)
102 MERGURE
noms fubftantifs , noms propres & autres , il
eft certain qu'ils offrent quelquefois un faux
air de fynonymie , comme cheval & courfier;
& fouvent une fynonymie prefqu'abſolue ,
comme Hercule & Alcide , Phoebus & Apollon
, &c. C'eft fur quoi il faut s'arrêter , pour
fe bien convaincre que le principe qu'il n'y
a point de Synonymes eft rigoureuſement
vrai. La Fontaine dit : Le courfier à longue
oreille , pour défigner un mulet ; mais il n'auroit
pas dit le cheval à longue oreille ; courfier
& cheval ne font donc pas toujours fynonymes
: leur différence paroît fur-tout de la
profe aux vers ; courfier eft plus générique
que cheval ; il convient à plus d'animaux ;
il eft moins technique & par conféquent
plus poétique , c'eft- à-dire , plus commode
aux verfificateurs ; il en faut dire autant
de reptile & de ver , &c. Mais les noms
5
Hercule & d'Alcide , ou de Jupiter & de
Jupin , ou de Phabus & d'Apollon , &c. fignifiant
la même perfonne , qui croiroit qu'ils
ne font pas fynonymes en effet ? Il eſt pourtant
certain qu'un homme qui diroit Jupin
au lieu de Jupiter , ou bien Alcide au- lieu
d'Hercule , auroit un air d'affectation , &
feroit prefqu'auffi ridicule que s'il difoit de
par le Monarque au- lieu de dire depar le Roi.
Ces deux mots , Roi & Monarque, l'un grec
& l'autre latin , s'appliquent tous deux également
à la perfonne du Souverain ; mais s'ils
ont au fonds une vraie fynonymie , ils n'en
་
DE FRANCE. 103
ont pas dans l'ufage ; & ce n'eft point de par
Vaugelas ou Port-Royal qu'il eft défendu de les
confondre , c'eft fous peine de ridicule : cette
règle en vaut bien une autre.
Faire des fynonymes, n'eft donc autre chofe
que raffembler dans de courtes phrafes
comme en autant de petits tableaux , toutes
les différences plus ou moins fenfibles qu'offrent
des mots dont les acceptions s'avoifinent
affez pour qu'on s'y trompe. C'eft , par
exemple , chercher des nuances entre complot
, confpiration & conjuration , &c. Mais,
dira-t'on , ces differences fe trouvent dans
tous les Livres bien écrits , & on n'a qu'à les
lire . Sans doute elles s'y trouvent , mais éparfes
& fondues; elles font un des grands fecrets
du ftyle. Il faut donc les détacher & les grouper
pour qu'elles deviennent plus frappantes.
Un Livre de Synonymes eft aux belles pages
de la Nouvelle Héloïfe , ou à la Phèdre de
Racine , ce qu'un Traité fur les couleurs feroit
aux belles peintures de Raphaël ou du
Titien. Ce Traité ne feroit jamais un grand
Peintre ; & nous avouons que les Synonymes
de l'Abbé Girard ou de M. l'Abbé Roubaud ,
ne produiront jamais un Écrivain. La Nature
feule donne le talent , & l'Art Poétique de
Boileau , qui fait plaifir à proportion de ce
qu'on eft digne de le lire , ne rend pas Poëte.
Il y a deux manières de faire des fynonymes
; c'eft de les chercher dans les Auteurs
Claffiques , ou de les créer. La première mé
E iv
104 MERCURE
thode eft sèche & imparfaite , quoiqu'elle
paroiffe la plus utile au premier coup- d'oeil.
La feconde dépend de l'efprit & de la fineſſe
qu'on y met. L'Abbé Girard l'a employée , &
quelquefois avec tant de fuccès , fa métaphyfique
eft fouvent fi fubtile & fi vraie à- fas
fois , qu'on pourroit intituler la plupart de
fes fynonymes, Elégances Françoifes. Ses fucceffeurs
, pour avoir trop épargné l'efprit ,
ce fuperflu , chofe fi néceffaire , ont fait des
Livres accablans.
Il faut que ce travail ingénieux , & prefqu'inutile
des Synonymes , ait une forte d'attrait
, puiiqu'on a vu tout Paris s'en occuper ,
& que les Synonymes ont été une des fièvres
du temps.
>
Ce qui diftingue M. l'Abbé Roubaud , ce.
n'eft donc pas l'art de faire des Synonymes ,
puifque cet art eft fi peu de chofe en luimême
; mais c'eft l'heureux choix de fes
exemples ,foit qu'il les crée ou qu'il cite. Dans
ce dernier cas , fon érudition eft d'un choix
piquant & peut feule former un jeune
homme ; & quand M. l'Abbé R……….. parle
d'après lui-même , il gliffe fous l'enveloppe
de fes exemples des leçons de morale & de
politique , dont une tête penfante , un Citoyen
& un honnête homme peuvent faire
leur profit. En effet , qui peut empêcher un
Auteur qui fait des fynonymes , d'y mettre
l'efprit , la profondeur & l'élégance dont le
ciel l'a doué ? Alors ce n'eft plus comme SyDE
FRANCE.
105
nonymes qu'on lit fon Livre , mais comme
Recueil de Maximes & de Penfées . Les titres
de la plupart des Livres ne font qu'un prétexte
pour le génie .
On peut faire deux reproches affez graves
à M. l'Abbé Roubaud ; l'un , de n'être pas
affez précis ; l'autre , de n'être pas toujours
clair. Or , la préciſion & la clarté font indifpenfables
dans un Ouvrage de la nature du
fien. On lui objecte encore l'ufage trop fréquent
des rêveries de M. Gébelin fur les étymologies
des mots ,
Par exemple , dans une courte Épître Dédicatoire
à l'Académie Françoife , M. l'Abbé
R.... débute par une phrafe où l'on peut mettre
le fujet à la place de l'objet , & l'objet à
la place du fujet , fans aucun inconvénient ,
ce qui eft affez fingulier dans un Traité des
Synonymes. Voici la phraſe. " Le defir de
" foumettremon Ouvrage à votre jugement ,
» m'a infpiré le deffein de vous en offrir
33
l'hommage . » Mettez : Le deffein de foumettre
mon Livre à votre jugement , m'a infpiré
le defir de vous en faire hommage ; ou
bien , le defir de vous faire hommage de man
Livre , m'a infpiré le deffein de le foumettre à
votre jugement, & vous aurez le même réfultat.
Vers la fin de l'Épître , l'Auteur dit des
règles de Vaugelas , que l'Académie y fit imprimer
le fceau de fon approbation ; à la rigueur
il faudroit appofer le fceau. Tout ceci
eft fort minutieux .
Ev
106 MERCURE
r
Dans la Préface , M. l'Abbé R.... dit " que
les idées particulières que chaque mot ,
fynonyme d'un autre dans un fens , renferme
dans fes autres acceptions , à l'ex-
» clufion de fon fynonyme , indiquent les
différences fenfibles & diftinctives des deux
» termes , puifqu'elles fuppofent dans l'un
» une propriété que l'autre n'a pas. » Cela
n'eft pas trop clair , quoiqu'inconteftable .
Quand on a des obfervations fubtiles à faire ,
on ne fauroit employer trop d'images ; il feroit
aifé de prouver que le ftyle figuré eft
toujours le plus clair & le plus précis. Otez
l'imagination , l'efprit humain ne vole plus ;
il fe traîne à pas lents fur les objets , & ternit
tout ce qu'il touche.
"
«Je fais , ajoute l'Auteur , la valeur des
» mots , fi on ne me la demande pas ; dès
qu'on me la demande , je ne la fais plus.
Les termes me manquent , les termes pro-
» pres manquent peut - être à la langue pour
exprimer des idées fines d'une manière
claire & nette. Une définition rigoureufe
» fera trop courte , & je ne ferai
"
20
pas
affez
intelligible
: fi je la développe
affez
pour
» la mettre
à portée
de tous
les
efprits
, je
ferai
diffus
. » Voilà
en effet
les pièges
qu'il
faut
éviter
en écrivant
fur
des
fujets
métaphyfiques
. M.
l'Ab
. R.... s'en
eft prefque
tou
jours
tiré
en maître
. On
voit
que
, plein
d'un
véritable
refpect
, & , j'ofe
dire
, d'une
forte
d'amour
pour
la langue
, il voudroit
la défenDE
FRANCE. 107
dre de ces expreffions exagérées que les petits
efprits employent avec une forte de fureur
en parlant des petites chofes. Ce défaut eft
fur- tout remarquable dans les converfations
& dans les Mémoires d'Avocats , & c'eſt ce
qui fait la fauffe éloquence. Il ne faut pas
parler de la mort d'un lapin comme de la
guerre d'Amérique , ou du talent d'un Coëffeur
, comme on parleroit de Racine & de
Voltaire.
La manie des équivoques, nommées calembourgs
, n'a point échappé à M. l'Abbé R....
Cette manie fait qu'il n'y a bientôt plus
de mot innocent dans la langue . Enfin
M. l'Abbé Roubeau parle de l'obfcurité & du
néologiſme , défauts qui diftinguent la plupart
de nos jeunes Écrivains. Mais comment
perfuader à un homme qui a obtenu plus
d'un prix d'éloquence , qu'il eft obfcur &
néologue ? Il eſt au contraire perfuadé qu'il a
fait penfer fon Lecteur , quand il l'a fait fuer.
Il eft pourtant vrai que celui qui ne rend fa
penfée que d'une manièrc louche & entortillée
, propofe réellement un problême , &
que ce problême n'eft réfolu que par celui
qui parvient à la bien exprimer.
Mais , dira- t'on , la penſée a l'air commun
quand elle eft rendue d'une manière commune
; on eft obligé de la rajeunir & de l'orner
par l'expreffion. J'en conviens ; mais c'eſt
le talent qui manque. Sans lui , on ne fait
que des efforts malheureux, Voyez tous les
Evj
168
MERCURE
grands Écrivains , ils n'ont régné que par l'expreffion.
J. J. Rouffeau a fait taire la renommée
de tous ceux qui avoient écrit avant lui
fur les devoirs de la maternité : le génie égorge
ceux qu'il pille .
C'est donc une vérité bien reconnue que
l'expreffion fait tout : elle donne cours aux
idées , en les chargeant de fa puiffante empreinte.
Il y a plus ; c'eft dans la parole que
fe fait la véritable génération de la penfée ;
& pour citer un Ouvrage qui va paroître ,
" Les idées font le tour du monde ; elles roulent
de fiècle en fiècle , de langue en langue
, de vers en profe , jufqu'à ce qu'elles
» tombent dans une attitude heureuſe , dans
» une expreffion vivante & lumineuse qui ne
» les quitte plus ; & c'eſt ainſi qu'elles entrent
» dans le patrimoine du genre - humain.
" "
Les fynonymes les plus piquans font ceux
qui deviennent bons-mots . On a dit de je ne
fais quel Archevêque de Paris , qui ne fongeoit
qu'à une moitié de fon troupeau , qu'il
etoit plus Berger que Pafteur. Voilà les feuls
fynonymes que doive fe permettre l'homme
d'efprit quand il eft dans le monde : tout le
refte vife au pédantiſme , à moins qu'on ne
faffe un véritable travail fur la langue..
Nous ne finirions pas fi nous citions tous
les excellens articles qui fe trouvent dans
M. l'Abbé Roubaud. Comme fes Synonymes
font un de ces Livres qu'il faut avoir , nous
croyons plus utile & plus court de relever ce
DE FRANCE. - 109
qui a pu échapper à fa fagaciré. Il n'eft pas
étonnant qu'entouré d'objets trop reffemblans
, fon oeil ébloui fe foit trompé fur les
nuances.
Par exemple , malgré les détails & les explications
de l'Auteur , je n'entends pas trop
pourquoi l'Empereur Claude eft déteftable ,
Catilina abominable , & Cromwel exécrable.
Il me femble que ces épithètes n'appartiennent
pas à ces trois hommes d'une manière fi
exclufive , & que tous trois ont été dans les
différentes actions de leur vie , tantôt déteftables
, tantôt abominables , tantôt exécra
bles.
"
La gradation de ces trois mots eft plus heureuſement
marquée dans l'exemple fuivant.
Denis le tyran , informé qu'une vieille
femme prioit les Dieux chaque jour de conferver
la vie du Prince , & fort étonné qu'un
de fes Sujets s'intéreſsât à ſon ſalut , interrogea
la vieille fur le motif de fa bienveillance
. Dans mon enfance , lui dit- elle , j'ai vu
régner un Prince déteftable ; je fouhaitai fa
mort ; mais un tyran abominable lui fuccéda.
Je fis contre celui-ci les mêmes voeux ; mais
nous eûmes un tyran pire encore : ce monſtre
exérable , c'eſt toi , je prie les Dieux de ne
pas me montrer ton fucceffeur.
Au fynonyme de parfait & d'accompli ,
l'Auteur cite & loue M. Beauzée , qui nomme
Cartouche un brigand accompli , & Alexandre
un parfait brigand. Ce font de ces phrafes
ΤΙΟ MERCURE
ར
qu'il faut pardonner à un Écrivain eftimable,
mais qu'il ne faut pas louer & donner pour
exemple. M. l'Abbé Roubaud eft plus heureux
dans ce même article , quand il dit que
parmi les Princes parfaits on trouve S. Louis,
& que dans un fiècle plus éclairé il eût été
un Monarque accompli. La différence de ces
deux mots eft obfervée auffi habilement dans
les deux phraſes fuivantes :
39
" Grandiffon eft le héros de Roman le plus
accompli.Pourquoi donc eft- il fi peu goûté?
» parce qu'il eft trop parfait. On dit qu'il n'y
a point d'homme parfait , & tout auffi - tốt
» on vous cite vingt perfonnes accomplies.
» La raiſon a fa langue , & le monde la
» fienne. ·13
Ce que l'Auteur dit de l'acte & de l'action
eft fans réplique ; mais c'eft auffi un peu trop
étendu . L'Abbé Girard fuffifoit , quoiqu'en
dife M. l'Abbé Roubaud. La puiffance en
action produit des actes , &c. Ce n'est pourtant
pas que M. l'Abbé Roubaud ne relève
fouvent l'Abbé Girard avec avantage.
Aux mots d'Agriculteur , de Colon , de
Cultivateur & de Laboureur , on trouve des
idées économiques , préfentées avec intérêt
& modération. Mais j'avoue que dans les
mots defacile & d'aifé , M. l'Abbé Roubaud
& M. Beauzée réunis , ne me paroiffent pas
avoir raifon contre l'Abbé Girard. On dit
d'une maifon que l'entrée en eft facile an
figuré ,,
pour exprimer que les maîtres ne
DE FRANCE. 111
font pas de grandes difficultés à ceux qui fè
préfentent ; & on dit que cette entrée eſt
aifee , quand elle eft large & commode à
paffer. On dit d'une femme qui ne ſe défend
pas , qu'elle eft facile , & d'un habit qui ne
gêne pas , qu'il eft aifé , &c.
Obfervons que toutes ces différences , improprement
appelées fynonymies , fe trouvent
toujours dans le paffage du propre au
figuré , ce double pivot fur qui roulent toutes
les langues. Par exemple , le fang fait les alliances.
La bonne p litique & le patriotifie
font des confédérations ; les guerres civiles &
les fchifmes produifent des ligues. C'eft fort
bien ; mais on dit des alliances de mots , des
´alliances d'idées , & non des confédérations
& des ligues de mots & d'idées . On pourroit
à chaque page des Synonymes , foit de M.
l'Abbé Girard , foit de M. l'Abbé Roubaud ,
ou de M. Beauzéé ou de toute l'Encyclopédie ,
faire de pareilles obfervations fur les différens
effets que produir le paffage des mots
du naturel au figuré. Voilà fur quoi ces Mefhieurs
ont toujours gliffe , & c'eft pourtant làle
grand miftère du langage. Un mot par luimême
n'eft rien qu'un affemblage de lettres ;
mais une expreffion eft tout ; c'eft d'elle que
les mots attendent la vie ; l'expreffion eft une
affemblée plutôt qu'un affemblage de mots ;
elle les réunit & les allie pour peindre un
fentiment , une image , une penfée. « En vain ,
dit Montefquieu , il s'éleva vers le déclin
» de l'empire , des Princes qui repoussèrent
112 MERCURE
พ
» les hordes du Nord ; il falloit bien que ces
barbares , adolfés aux limites du monde ,
refoulaffènt fur l'Empire Romain. » Et
ailleurs : « Attila , dans fa maiſon de bois ,
33
و د
levant des contributions avec les armées ,
» & des foldats avec l'or de l'Empire , faifoit
» ainſi un perpétuel trafic de la frayeur des
» Romains.
Certainement adeffé & trafic font des
mots comme les autres , qu'on trouve dans
tous les Dictionnaires ; mais adoffe aux limi
tes du monde , trafiquer de lafrayeur des Romains
, font des expreffions grandes comme
l'Empire ; des expreffions qu'on trouve dans
Boffuet , Pafcal , Corneille & Racine , & dont
Voltaire eft toujours avare dans fa profe.
J'obferverai à ce fujet que d'Alembert ,
qui a fait quelques fynonymes, & qui étoit
propre à ce genre de travail , étoit fi frugal
dans fon ftyle , que dans la Préface de l'Encyclopédie,
qui porte fon nom , il dit que la
Géographie & la Chronologie font les deux
yeux de l'Hiftoire. Affurément il y a peu de
phrafes plus triviales que celle là , & cette
image eft paffée en proverbe , fans compter
qu'elle évite de longs verbiages pour exprimer
la même idée ; mais le Philofophe, effrayé
du coup hardi qu'il vient de faire , en demande
auffitôt pardon , en ajoutant : s'il eft
permis de s'exprimer ainfi.
Aux fynonymes d'appaifer & de calmer,
on eft d'abord embarraffe par la reffemblance ,
& l'Abbé Girard y a été trompé. Mais en y
DE FRANCE. 113
€
réfléchiſſant , on trouve bientôt les différences.
Nous appaifons Dieu & un juge irrité ,
& nous calmons un coupable agité de remords
; mais la mer s'appaife ou fe calme ,
& les vents fe calment ou s'appaifent , &c.
On eft apprêté dans fes difcours , compofé
dans fon maintien , & affecté dans fon langage
& dans fes manières. Voilà qui eſt juſte.
Mais dire que la précieuſe eft apprêtée , la
prude compofée , la minaudière affectée , c'eft
tomber dans des diftinctions inutiles & fauffes.
La précieuſe eft affectée , compofée ,
apprêtée tout-à-la-fois , & on en peut dire
autant des deux autres. Il eft mieux de dire
que le pédantifme eft apprêté, l'hypocrifie
compofée , & la coquetterie affectée ; encore
eft- ce en général.
A l'article arracher & ravir , M. l'Abbé
Roubaud obferve fort bien qu'on arrache une
'dent & qu'on ravit une fille ; mais on a de la
peine à l'entendre , quand il dit : « qu'Alexan-
ور
dre ayant forcé une ville dans l'Inde , fe
» trouve obligé de combattre les habitans
» pour les fauver , s'il ne veut que par une
mort volontaire & jurée , ils lui raviffent
» la fatisfaction de les traiter en hommes
» libres & en héros. »
On voit bien dans les mots d'attache &
d'attachement , ce paffage du naturel au
figuré , dont nous avons déjà tant parlé. L'astache
fans attachement n'eft qu'esclavage.
Ainfi , l'attache du mariage eft fi forte , qu'il
peut fe paffer d'attachement.
114 MERCURE
L'Abbé Girard a fait un article très- agréable
fur les attraits , les appas & les charmes ,
& M. 1 Abbé Roubayd le rapporte tout entier
; mais les critiques ne nous ont pas femblé
affez motivées.
En traitant des mots complaifance , déférence
& condefcendance , l'Auteur remarque
que tous nos Dictionnaires n'ont d'autre fineffe
que d'expliquer & de définir ces mots les uns
par les autres . Ils difent que la déférence eft
une complaifance , & la complaifance une
condefcendance , & c. Voilà en effet le Lecteur
bien avancé. J'avoue que les définitions
ne font pas aifées à faire , & que les Philofophes
eux- mêmes , tels que La Bruyère , aiment
mieux décrire la complaifance par les effets
· que de la définir, & que les moraliſtes font
de ces trois mots les caractériſtiques du vice
ou de la vertu à volonté ; on n'a qu'à l'effayer.
On fè concilie les coeurs par des complaifances
, & on fe déshonore auffi par des complaifances.
Le verbe défendre n'eft pas fuffifamment
travaillé, il falloit expliquer pourquoi on dit
défendre un Royaume & défendre un jeu ;
l'un avec des armées & l'autre avec des menaces.
Dans le premier cas , c'eft protéger , &
dans le fecond, c'eft prohiber.
L'Auteur indique entre détail & ruine une
forte de conformité qu'on ne foupçonne pas
au premier coup - d'oeil . Leur pluriel a un fens
différent de leur fingulier. Ainfi , la ruine
d'un bâtiment ou fes ruines ; le détail d'une
DE FRANCE.
115
hiftoire ou fes détails , font des chofes abfolument
differentes , comme il eft aifé de s'en
convaincre en y réfléchiffant.
Nous ne pouilerons pas plus loin l'analyfe
de cet important Ouvrage, M. l'Abbe Roubaud
nous pardonnera d'avoir parlé avec un
peu de févérité de quelques -uns de fes articles.
Un Philofophe , qui ne voit dans fes recherches
fur les origines & les analogies des mors,
qu'un moyen de plus de rapprocher les hommes
, en leur ouvrant des communications
nouvelles & faciles , ne peut nous fivoir
mauvais gré d'avoir cherché la vérité avec lui.
Nous aurions pu nous étendre fur la partie
de cet Ouvrage , à laquelle M. l'Abbé Roubaud
femble tenir davantage fur le parti qu'il
a tiré de la termiņaifon des mots , pour en
former leurs caractériſtiques ; mais ce travail
auroit fatigué le Lecteur , qu'on ne fauroit
trop menager, quand on n'a que des chofes
utiles à lui dire.
Nous avons eu auffi l'occafion de parler
du placement des épithètes , avant ou après
le nom , ce qui change totalement le fens
d'une expreffion ; comme honnête homme &
homme honnête ; & de ces épithètes , dont la
place ne fait rien au fens de la phraſe , mais
beaucoup à l'élégance ; comme voilà de confidérables
hommes, au lieu de voilà des hommes
confidérables. Nous aurions pu établir une
règle abfolument neuve à ce fujet , & tirer à
jamais d'embarras les étrangers , les jeunes
gens & les femmes. On fauroit pourquoi on
116 MERCURE
dit également paifibles bois & bois paifibles ,
& non chofes poffibles & poffibles chofes ,
&c. &c. Mais tout cela tient à un fyftême fur
la langue Françoife , que nous développerons
un jour dans un Profpectus fur la manière de
claffer les mots , c'eſt -à- dire , de compofer un
nouveau Dictionnaire , fans pourtant renoncer
à l'ordre alphabétique. On dit que Céfar
avoit entrepris ce travail fur fa propre langue , *
qui étoit à les yeux un métal d'alliage , & dont
les élémens de diverfe nature avoient befoin
d'être fondus & incorporés. Je conçois en
effet que tous les bons efprits , dans tous les
temps , ont dû être fatigués de la bigarrure
de leurs jargons . On peut, fans rien innover,
remédier à ce grand abus , par une nouvelle
forme de Dictionnaire ; mais le moment n'eft
pas heureux ; & peut- être dois- je à une vérité
utile l'égard de ne pas la préſenter moi- même,
puifque je ne puis lui donner un parti.
* Ce grand Homme avoit déjà écrit un Traité de
Analogia verborum.
DE FRANCE. 117
PENSÉES Philofophiques fur la Nature,
l'Homme & la Religion , 4 Vol. in- 18 . A
Paris , chez Royez , Libraire , quai des Auguftins.
Prix , 8 liv. brochés.
UN gros Livre eft fouvent un grand mal,
dit un Ancien ; en voici un qui n'a pas ce
défaut , & qui réunit fous le plus petit format
tout ce qu'il importe à l'homme de connoître.
La Nature y eft préſentée dans fon
vrai jour , & fes divers phénomènes obfervés
avec cet oeil pénétrant qui reconnoît la
vanité des fyftêmes.
L'homme, pour lequel elle eft faite, eft confidéré
fous tous fes afpects : fa fociété , fa légiflation
, fes fciences , fes arts , fon commerce
, fes plaiſirs mêmes , tout eft peſé dans
la balance de la raiſon , & jugé fans prévention
. La Religion , ce rayon célefte , principe
de la grandeur de l'homme , & qui feul l'élève
au deffus de tout ce qui l'environne , eſt ſoumife
à l'examen réfléchi qu'elle mérite : ce
n'eft point une difcuffion aride , ni un fanatıque
enthouſiaſme , mais des vérités de fentiment
, & des convenances immuables qu'on
oppofe aux préjugés qui la contrarient :
l'Ouvrage eft terminé par un Précis qui en
rapproche les parties de l'unique but que
l'eftimable Auteur s'eft propofé , le mérite &
le bonheur de l'homme.
#
Ces Penſées n'ont rien de commun avec
celles d'Ox ... de Did.... ni même avec celles
118 MERCURE
de Pafcal. L'Auteur a une manière de raifon
ner qui n'eft jamais trifte : ami de la lumière ,
il ne voit rien de noir dans la Nature que le
vice. La variété des objets qu'il parcourt foutient
l'attention. Chacune de ces Penfées offre
une idée développée fur laquelle l'efprit fe
repofe , & il eſt entre elles une liaiſon qu'il
faifit fans fatigue. Au refte , les expreffions de
l'Auteur , quoiqu'en général vives & fortes ,
font fimples & fans enflure , & mettent les
plus fublimes vérités à la portée de tous les
efprits.
Ces quatre petits Volumes font un préſent
utile fait à la Société ; ils forment un Cours
complet de Philofophie- pratique ; c'eſt un
petit Manuel qui mérite , ainfi que Cicéron le
difoit des Belles- Lettres , pernoctare nobifcum
rufticari peregrinari.
ÉLEMENS d'Hiftoire Naturelle & de Chimie,
feconde Edition des Leçons élémen
taires fur ces deux Sciences , publiées en
1782 , par M. de Fourcroy , Docteur en
Médecine de la Faculté de Paris , de l'Académie
Royale des Sciences , de la Société
Royale de Médecine , &c. 4 Vol, in- 8°.
Prix , 22 liv. brochés, 28 liv. reliés. A
Paris , chez Cuchet , Libraire , rue & hôtel
Serpente.
CET Ouvrage , fous le nom de Lecons
lémentaires fur l'Hiftoire Naturelle & la
DE FRANCE. 119
Chimie , avoit eu un fuccès mérité. Il eft
tellement changé aujourd'hui , qu'on pourroit
le regarder comme un Ouvrage nouveau
. L'Auteur en a augmenté le nombre
de Volumes , a changé en entier nombre
d'articles , & en a développé beaucoup d'autres.
On n'a pas omis un fon très-important ,
celui de donner, pour ainfi dire , un inventaire
exact & complet de l'état actuel de nos
connoiffances dans les matières dont il eft
queftion , enfin , comme le dit M. de Fourcroy
lui- même , de préfenter un enfemble
de la Science chimique , dans lequel on pût
trouver également & ce qui eft fait & ce qui
refte à faire. Sans préfenter une hiftoire détaillée
de cette Science , il a eu foin de marquer
les principales époques , & l'on trouve dans
fon Ouvrage les noms des Auteurs qui en
om traité, avec une Notice de ce qu'ils ont
écrit : enfin , cet Ouvrage, par la réviſion de
l'Auteur , fe trouve beaucoup plus compler
& mieux rédigé.
# 20 MERCURE
4:10 0 .
VARIÉTÉS.
LETTRE au Rédacteur du Mercure.
MoONSIIEBUURR
f
LES Affiches de Bourgogne , du 26 Septembre
dernier, ont annoncé avec tant d'éloges les Conf
dérations Phyfiques & Aftronomiques fur les Etoiles
fixes , par M. l'Abbé Bernaud ; Dijon . Frantin ,
1786 , qu'elles m'ont fait naître le defir de les lire ;
je ne puis vous exprimer quelle a été ma furprife
lorfque j'ai reconnu que cet Opufcule ne contensit
rien qui ne fût emprunté prefque mot à mot despa
Auteurs les plus modernes. De tout temps un des
"incipaux objets des Ouvrages périodiques fut de
voiler au Public ces larcins littéraires qui ne font
que trop fréquens , je crois qu'il y en a peu d'auffi ..
manifeftes que celui que je vous dénonce; & pour
vous mettre à portée d'en vérifier les preuves , je
vous envoie , Monfieur , cette Brochure , qui peutêtre
ne vous eft pas encore parvenue.
Le célèbre M. Bailly a dit dans fon Aftronomie mo
derne ( Tome II , page 85 ) , en parlant de l'impor
tante découverte du Télefcope , que l'homme fe
trouva en poffeffion d'un nouvel organe pour rapprocher
de lui & ramener à fa portée les chofes qui
échappent àfon ail ou par leur petiteſſe ou par leur
diftanee.
Tel eft le début de l'Auteur de la Brochure , qui
a feulement transformé le nouvel organe en un
nouveau fens.
Pous
DE FRANCE. F21
Pour faire fentir le mérite de cette invention .
M. Bailly fuppofe qu'un Souverain cût ouvert un
Concours en difant : Vous voyez ces Aftres éloignés
de plufieurs millions de lieues , ces Altres , &c. je
demande la manière de les rapprocher de nous.... de
leur donner plus de grandeur & plus d'éclat , le projet
eût paru ridicule .
L'Auteur de la Brochure fait auffi une fuppofition
; mais pour ne pas laiffer trop de reffemblance ,
c'eft un Savant qui élève la voix en difant : Vous
voyez ces Afres filencieux , à ma voix ils vont defcendre
, fe rapprocher de vous , & briller à vos yeux
d'un nouvel éclat , & il obtiënt des couronnes & des
autels.
M. Bailly avoit dit dans le même paragraphe :
Ce n'est que le hafard qui peut produire ces inventions
incfpérées.
Dans la Brochure , on a cru convenable de ne pas
féparer la même idée , & on lit auffi dans la phrafe
fuivante : Nous ne voyons prefque jamais que ce
que le hafard nous montre.
Jacques Métius , dit M. Bailly , s'avifa de regar
der unjour à travers deux verres , dont l'un étoit
convexe & l'autre concave .... placés à la diftance néceffairepourgroffir
les objets .... Le Télescope inventé
fut bientôt conftruit.
L'Auteur de la Brochure répète : Jacques Métius
regarde à travers deux verres , dont l'un eft convexe
&l'autre concave , les objets s'agrandiffent fous fes
yeux , le Télescope eft inventé.
Après l'invention vient l'ufage . On voit dans
l'Hiftoire de l'Aftronomie , que Galilée, devenu l'Inventeur
du Télescope par la perfection qu'il lui
donna , jugeant qu'il ne verroit fur le Globe que des
domaines occupés par les Grands & les Riches
tourna fa lunette vers le Ciel.... qu'il la dirigea vers
Nº. so , 16 Décembre 1786 .
F
122 MERCURE
les Etoilesfixes qu'ilfut bien étonné de ne pas voir
ces Aires agrandis , qu'il n'y vit que des poimis
brillans tels qu'on les voit à la vue fimple.... que les
plus bel es dépouillées de leurs couronnes , rentroient
dans l'égalité
Dans la Brochure , Galilée s'empare du nouvel
Inftrument.... livre le Globe de la terre à les triftes
´habitans , & ne médite rien moins que la conquête du
Ciel. Déjà le Télescope eft dirigé vers les Etoiles
fixes ; mais quei eft l'étonnement du Philofophe en
voyant ces ftres conferver l'humble apparence qu'i's
offrent à la vue fimple .... les plus brillantes dépouil
és fe confondent avec les plus foibles .... Tout
retrace dans le Ciel l'image de cette égalité qui n'a pu
fubfifter fur la terre .
M. Bailly peint enfuite l'étonnement de Galilée
découvrant une maltitude d'Étoiles que le Télefcope ,
crée, pour ainfi dire, dans les champs du Ciel, le plai
fir que lui fit cette conquête .... Ce Monde ajouté au
nôtre,qui ne conta ni trajet de mer orageufe ni perte
d'hommes, &c.
Dans la Brochure , les diferts du Ciel fe peuplent
d'Etoiles inconnues , des Mondes nouveaux s'élè
went au- deffus des arciens : conquête délicieuſe &
pure , qui ne coûte ni larmes ni foupirs.
M. Bailly aveit pofé dans fon premier Volume ,
page 33 , ce grand principe : La comparaison eft le
premier pas de toutes les Sciences.
L'Auteur de la Brochure le traduit aina : La
comparaifon eft la voie de toutes nos connoiffances.
M. Bailly , Tome II , pages 90 & 684 , compare
donc les Etoiles qui ont une lumière flamboyante
avec les Planètes ; il prend pour objet de comparai
fon Syrius la plus belle des Etoiles , qui a plus
d'éclat que Saturne même ; il remarque que la
grandeur apparente diminue par l'éloignement , &
DE FRANCE. 223
s'évanouit quand la diftance eft trop grande ; que fi
la lumière du Soleil étoit envoyée à Syrius , il nous
feroit totalement inconnu ; qu il luit à nos yeux par
fa lumière native ; que fi les Etoiles , affez éloignées
pour n avoir pas de parallaxe , étoient égales
au Soleil , elles nous feroient inconnues. Pour én
juger , l propose de reculer le Soleil par la pensée ,
& termine la phrafe par cette réflexion : Dans
notre fyftême il eft le maître des Aftres , il peut
avoirfes mattres dans l'Univers.
L'Auteur de la Brochure ne s'écarte pas de cette
route. Il compare auffi aux Planètes les Etoiles
qui jettent un éclat flamboyant ; il oppofe aufi
Syrius , la plus brillante des Etoiles , à Saturne , la
plus obfcure des Planetes ; il n'oublie pas que la
lumière s'affoiblit par l'élo gnement , & s'éteint à
une grande diftance.... que la lumière que Syrius
recevroit du Soleil... feroit abfolument infenfible.....
que cet Aftre ne jouit pas d'une lumière précaire &
étrangère.... que le calcul eftime la hauteur à laquelle
Aftre brillant dujour fe déroberoit à nos regards ;
que files Etoiles , rivales du Soleil en éclat , ne lui
étoient fupérieures en grandeur , elles nous feroient
totalement inconnues . Pour la réflexion en voici le
thême en deux façons : Le Soleil a donc auffi des
maîtres; ileft le Roi du Monde , mais il n'eft pas le
Roi de l'Univers.
Je me laffe , Monfieur , de vous copier tous les
paffages des deux Editions ; je me borne à vous indiquer
plus rapidement les fources .
7
Ce qui eft dit à la page 8 de la Brochure , de la
fcintillation des Etoiles , eft pris dans l'Aftronomie de
M. de la Lande , Tome III , page 170 , excepté
pourtant qu'on donne auffi pour caufe de ce tremblement
apparent la petiteffe du diamètre Le célèbre
Académicien n'attribue pas aux Etoiles une espèce
Fij
124
MERCURE
1*
de timidité que la curiofitéfatigue , uneforte defenfi
bilité que les regards outragent.
Vous trouverez , comme de raiſon , à la fuite les
Obfervations relatives de MM . le Gentil , la Condamine
& Garcin. Vous rencontrerez à la page 14 ce
que dit encore M. de la Lande , que les Etoiles font
des Soleils comme le nôtre , qu'elles ont vraisemblablement
un applatiffement vers les Poles.
Pour les pages 10 , 11 , 12 , 14 , 15 & 16 de la
Brochure , reprenez,s'il vous plaît, M. Bailly, Tome I ,
A, page 23 , Tome I , M , page 381 , Tome II ,
pages 33 , 107 , 230 , 236 & 701 , vous reconnoîrez
à qui appartient tout ce qui regarde l'apparition
& difparition des Etoiles, la voie lactée , les Découvertes
de Tycho , de Fabricius , de Képler , de
Maupertuis, &c. &c.; vous remarquerez que ce ne
font pas feulement des faits empruntés , mais les explications
, les réflexions , les expreffions , à quelques
petites variantes près , comme celle- ci de la page 16 :
L'ail encorefatigué de la lumière du jour, fe repofe
avec complaifance fur cette Zone brillante, &c. , aulieu
de : La vue encore fatiguée de la lumière du
jour, erre fur la voûte célefte , & ferepofe avec complaifance
fur cette Zone lumineufe , &c. &c.; comme
cette autre de la page 17 : Herfchel n'a vu dans la
voie lactée que des Mondesfans nombre femés dans
des efpaces fans bornes ; au-lieu de cette penſée de
l'Exorde de M. Bailly dans fon cinquième Diſcours :
La raifon éclairée ne voit plus.... que des Mondes
fans nombre femés dans des espaces fans bornes ,
&c. &c.
Pour fuivre ces tranfcriptions vous ferez obligé ,
Monfieur , de fauter d'une page à l'autre dans l'ori
ginal ; mais quand avec des Volumes in-4 ° .
veut faire qu'une Brochure de 19 pages in 12 ,
u bien laiffer quelque chofe.
on ne
il
DE FRANCE. 25
&
Enfin , ce qui caractériſe encore le plagiat , &
qui n'eſt pas fair pour l'excufer , c'eft que toutes ces
grandes idées , qui font un fi bel effet dans le cadre
d'ou on les a tirées , ne difent plus rien à l'efprit ;
c'eft que l'ensemble de la Bicchure n'a aucun bur ,
n'apprend rien , ne prouve rien que la prévention de
l'Auteur au ftyle , c'eft- à - dire , à furprendre des applaudiffemens
fous'un plumage étranger.
Je fuis , & c.
SPECTACLES.
ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.
EN
N général, nous occupons peu nos lecteurs
des débuts dans tous les genres. Jaloux de
préfenter au Public le réfultat de fes propres
jugemens , plutôt que notre avis particulier ,
nous ne nous preffons pas de rendre compte
des ouvrages nouveaux , quoique deux ou
trois repréfentations fuffifent pour fixer l'opinion
générale à leur égard , d'une manière
durable. A plus forte raifon ne devons -nous
pas nous hâter de prononcer fur des débutans
dont le fuccès , d'un jour à l'autre , eſt
fujet à tant de variations. Combien n'en
avons-nous pas yu , portés aux nues dans les
journaux , parce que le Public les applaudiffoit
au moment où fe compofoit l'article ,
Fiij
126 MERCURE
& qui étoient fifflés par ce même Public ,
le jour où ce pompeux éloge paroilloit ? D'ail
leurs fi le débutant eft bon , il refte au
théâtre , & l'on a toujours le temps de l'y
voir , de l'y juger. On peut alors l'éclairer
fur fes défauts par une critique fage , qui
devient utile pour lui , s'il a un aflez bon
efprit pour réfifter à l'écueil des applaudiffemens.
Si ce débutant eft mauvais ou
médiocre , le Public ne prend aucun intérêt
au compte qu'on lui rend d'un Acteur qu'il
ne verra plus : la critique eft. inutile alors ;
elle ne fert qu'à l'affliger gratuitement , &
peut même lui faire tort dans la Province où
il a deffein de fe préfenter.
Il n'en eft pas ainfi des trois fujets qui
ont rempli les rôles principaux dans l'Opéra
de Roland , le Mardi 28 Novembre. Inftruits
aux frais du Gouvernement , deftinés depuis
long- temps à remplir une place marquée ,
pour ainfi dire , fur le théâtre où ils ont paru ,
ils font les premiers fruits d'une inftitution
ardemment defirée par les véritables ' amateurs
, & dont on a enfin reconnu la néceffité.
L'établiffement de l'Ecole Royale de
chant & de déclamation a fixé l'attention
du Public ; il étoit naturel qu'il attendît avec
empreffement les effets qu'elle devoit produire.
On vouloit moins juger le talent individuel
des élèves, que les travaux des Maîtres ;
c'eft , à proprement parler , l'École elle- même
qui a fait fon début. Ces trois fujets doivent
donc être confidérés fous deux aſpects. On
DE FRANCE.
127
doit juger en eux , & le talent perfonnel
pour favoir de quelle utilité ils pourront êtré
par la fuite , & la manière des Maîtres de
l'Ecole , les principes dont ils font imbus ,
principes dans lefquels doit être inftruit le
jeune effaim qu'on nous prépare. C'eſt- là ce
qui doit fervir à décider , non pas fi une école
eft utile , ce qui eft inconteftable ; mais fi
l'école etablie a tous les avantages qu'on en
doit attendre ; fi fa forme eft la meilleure
poſſible , i les principes font vrais , uniformes
& conftans ; fi enfin nous devons efpérer
de voir fur le théâtre de l'Opéra , la meilleure
méthode de chant établie , ou fi nous avons
encore long- temps à la defirer.
1
Cet examen exigeroit une difcuffion un
peu longue ; l'abondance des matières ne
nous permet pas de l'entreprendre aujourd'hui.
D'ailleurs , rien ne preffe , plufieurs
repréſentations nous mettront encore plus
à portée de demêler dans les nouveaux fujets,
ce qui appartient à leur talent propre , &
ce qu'ils tiennent de leurs Maîtres. Nous
nous bornerons à rendre compte de l'effet
qu'ils ont produit dans un feul rôle & en
deux repréfentations , Nous aurons fans doute
plus d'une occafion de revenir à eux.
M. Lefebvre qui étoit , il y a dix - huit
mois , dans les dragons de Ségur , ne devoit
qu'à une voix claire & agréable , l'efpoir
qu'il a donné de devenir un jour un Acteur.
On conçoit tout le travail qu'on a dû faire
fur lui dans un fi court efpace de temps. On
Fiy
128 MERCURE
fait quelle eft la manière de chanter des
garnifons , & combien l'éducation ordinaire
d'un dragon eft différente de celle qu'on
exige au théâtre. Mais plus M. Lefebvre &
fes inftituteurs ont eu d'obftacles à vaincre ,
& plus on doit d'eftime au travail opiniâtre
qui en a furmonté une partie ; plus même
on doit d'indulgence aux défauts qu'on n'a
pu encore entièrement déraciner. Sa voix ,
du genre de celles qu'on veut appeler en
France hautes contres , a de l'intérêt , &
il en a mis dans la manière dont il a exécuté
le rôle de Médor.
M. Deffaules a chanté celui de Roland.
Sa voix eft une baffe taille , plutôt forte que
timbrée , plutôt groffie qu'étendue dans le
bas . Elle eft fonore cependant & elle a de
la netteté. Son maintien eft noble ; il a du
feu , du mouvement , toutes qualités qui
donnent l'efpoir d'être perfectionnées un jour
par l'ufage . Il a de l'enthoufiafme , il s'y livre
quelquefois outre mefure , & même aux dépens
de la mefure ; mais cet excès eft préférable
à l'excès contraire. Lorfque l'habitude
lui aura appris à régler fes mouvemer.s , à
fentir l'à- plomb de la Scène , ce défaut
même deviendra une qualité,
Mlle Mullot , chargée du rôle d'Angélique,
a une voix charmante , étendue , flexible ,
intéreffante & fraîche. Fatiguée par fix fe
maines d'exercice forcé & par une indifpofition
momentanée , altérée auffi par la
crainte , par l'embarras d'un jour de début ,
DE FRANCE. 129
elle n'a pas peut- être montré toutes ces qualités
à la première repréfentation , mais on
les a fenties davantage à la feconde , & elle ne
fera fans doute par la fuite que les développer
de plus en plus. Elle porte affez bien fa
voix dans le chant proprement dit. Sa manière
de dire le récitatif n'eft pas également
bonne. Celle des deux hommes mérité bien
auff quelques reproches , mais laiffons - les
refpirer , laiffons les jouir d'un triomphe bien
mérité par deux années & plus de travaux.
S'il leur refte quelque chofe à faire encore ,
convenons qu'ils ont beaucoup fait , & plus
même qu'on n'étoit en droit de l'attendre.
4
Ce début a été très-brillant , & l'Opéra
de Roland a été remis avec le plus grand
foin. Les ballets charmans , dignes de M.
Gardel qui les a compofés , ont été parfaitement
exécutés par les premiers fujets de
la danfe. Tous les morceaux de Mufique délicieux
dont cet Ouvrage abonde , ont été vivement
fentis , ils ont paru exciter un enthoufalme
nouveau. Les fpectateurs , revenus
des anciennes difputes muficales , ont paru
croire que le chant pouvoit être effentiel
à la Mulique , & ont applaudi avec transport
un Opéra qui en offre d'un bout à l'autre. On
a même penfé que ce qu'on entend par l'effet
dramatique, conviendroit très-mal au fujet
gracieux de Roland , & que cet effet auquel
le Muficien ne doit peut être jamais faire
un facrifice complet, dépend beaucoup moins
de lui que du poète & de la forme du drame.
Fv
130 MERCURE
A
Le Jeudi 7 , on a donné fur ce théâtre la
première repréfentation des Horaces , Tragédie
lyrique mêlée d'intermèdes.
Camille aime Curiace, dont elle eft aimée.
Elle eft Romaine , Curiace eft Albain , &
dans ce moment Albe & Rome fe font une
guerre cruelle. Camille , incertaine dans fes
voeux , vient confulter l'oracle d'Égérie , qui
lui répond que la guerre va finir , & qu'elle
fera bientôt unie à fon amant. En effet le
vieil Horace vient annoncer la paix. Les deux.
armées ont confenti à remettre les deftins.
de la guerre à trois guerriers de chaque côté.
Pendant qu'on s'occupe à les choifir , le vieil
Horace , pour donner au jeune Curiace une
preuve de fon eftime , l'unit à fa fille , & le
premier Acte finit par l'expreffion de la joie
des deux amans.
Dans l'intermède , le Grand Prêtre de
Rome, accompagné du peuple , offre un faerifice
à Jupiter Capitolin..
Au fecond Acte , tandis que le jeune.
Horace , Curiace & Camille fe félicitent de
leur réunion , on vient annoncer qu'Horace
, & fes deux frères ont été choifis pour les
champions Romains . Horace s'en applaudit ,
& tout le monde prend part à fa gloire ;
mais cette joie eft bien troublée , quand on
apprend que les trois Curiaces ont été de
même choifis par les Albains. L'amant de.
Camille eft au défefpoir ; cependant il proDE
FRANCE.
132
met de fervir fa Patrie. Camille fe défole:
on laiffe Curiace avec elle pour la confoler.
Elle veut en vain attendrir fon époux ; la
voix de l'honneur l'emporte en lui fur celle
de l'amour. Le jeune Horace vient appeler au
combat fon beau- frère , devenu fon ennemi.
Camille fe jette entr'eux. Son frère la repouffe
avec indignation ; ainfi fe termine le
lecend Acte.
L'intermède n'eft plus une fimple cérémonie
, il fait une partie de l'action , & plus
peut- être qu'il ne convient à un intermède.
Les deux armées font en préfence . Le grand
facrificateur leur fait jurer de fubir la loi
du vainqueur. On donne le fignal , les champions
paroiffent ; mais quand on voit que
ce font les trois Curiaces qui doivent combattre
contre les trois Horaces , ( ce que
chaque parti fans doute avoit réciproquement
ignoré )les deux peuples s'indignent également
de ce choix. Ils trouvent atroce d'armer
l'un contre l'autre , des amis , des parens:
ils les féparent malgré leur acharnement &
les reprimandes de leurs chefs . Ils demandentun
autre choix. Enfin on convient de s'en
rapporter aux Dieux .
Acte troifième. Camille , raffurée fur fon
fore , ne peut croire que les Dieux foyent
affez barbares pour armer fon frère contre
fon époux. Elle apprend qu'elle eſt trompée.
dans fon efpérance, & adreffe au ciel des
imprécations contre ce combat. On vient.
dire, comme dans la Tragédie de Corneille ,
Fvj
132 MERCURE
que deux des Horaces font tués ; que le troi- t
fième a pris la fuite. Même défefpoir de la
part du père. Enfin on vient achever le récit
du combat. Horace n'a feint de fuir que
pour difperfer fes adverfaires : il les a tués
tous trois féparément. Camille s'évanouit .
On célèbre la gloire d'Horace. Mais fon
triomphe eft interrompu par le retour de
Camille, qui pleure fur les dépouilles de fon.
amant , & charge fon frère de nouvelles :
imprécations. Celui - ci court à elle pour l'en
punir on l'empêche de la tuer. On l'emporte
fans qu'elle fe tue elle - même ,
malgré l'oracle qui avoit dit qu'elle feroit
réunie à Curiace , & l'Opéra finit par un
divertiffement.
Cer Ouvrage n'a point eu de fuccès . Quelques
vers trop familiers, quelques expreflions.
qu'un goût févère auroit dû rejeter dans un
Drame Lyrique , ont excité des murmures , &
ont empêché de rendre juftice au travail infini
que l'Auteur a dû faire pour tirer parti de ce
fujet. M. Guillard examine dans fa préface, s'il
eft vrai qu'on doive interdire au Théâtre de
l'Opéra, des fujets déjà traités au Théâtre François.
Tout ce qu'il dit à cet égard eft très- juſte ;
feulement il le fonde fur une fauffe hypothèfe.
On n'a jamais prétendu qu'un fujet
antique ne puiffe être traité à l'Opéra , parce
qu'il l'a déjà été par Corneille ou un autre ;
mais on prétend qu'on fait mal & qu'on
court de grands rifques , en prenant la pièce
méme de Corneille , en la mutilant pour
DE FRANCE. 133
Tadapter à la Mufique , & en en confervant
les Scènes principales , qui , déplacées de leur
cadre , ne font plus le même effet. M.
Guillard en a eu la preuve dans le fameux
qu'il mourut d'Horace ; ce mot heureux a
autant déplu dans fon Ouvrage , qu'il fait
d'effet au Théâtre François. Nous croyons
donc que cette chûte doit être plutôt attribuée
à ce fyftême , & fur- tout au vice d'un
fujer fi peu lyrique , qu'au talent de M.
Guillard , qui en a déjà donné des preuves
très- brillantes.
Il faut convenir auffi qu'il n'a pas été fecondé
par la Muſique. On a trouvé dans celleci
peu de chants , d'effets , d'intentions. La
profodie eft fouvent bleffée dans le récitatif
& dans les airs. L'efprit de la Scène ne l'eſt
guères moins. D'après un fyftême captieux
qui veut qu'on marche toujours vers l'action,
l'Auteur ne fuit pas un motif, ne répète pas
une parole. C'eft comme fi on faifoit paſſer
rapidement fous les yeux du fpectateur une
fuite de tableaux , fans lui laiffer le temps
d'en examiner un feul. On feroit ébloui plutôt
que fatisfait. Ce fyftême , qui a quelques
avantages , ne doit pas être pris à la rigueur ,
& M. Gluck , qui l'a mis le premier en pratique
, ne l'exécutoit pas ainfi .
Nous croyons que le Compofiteur eft en
état de faire beaucoup mieux. S'il s'occupe
d'un nouvel ouvrage , il doit fe rappeler qu'il
a une réputation à foutenir , celle de la Mufique
des Danaïdes.
134
MERCURE
COMÉDIE ITALIENNE.
LE Mardi 28 Novembre , on a repréſenté ,
pour la première fois , la Veuve Angloife ,
Comédie en un Acte & en profe .
Miftriff Kepley , veuve , riche , aimable &
jeune , aime unjeune homme nommé Rivers.
Elle vit avec un oncle , homme févère & fufceptible
de prévention , qui n'approuve point
du tout le mariage qu'elle fe propofe de faire.
Rivers a eu une jeuneffe dillipée , on peut
lui reprocher quelques folies . Voilà le motif
de l'éloignement de l'oncle pour fa perfonne .
A un bal où Rivers s'eft trouvé , il s'eft laiffe
féduire par l'aspect de l'or , il a joué , & il a
perdu vingt mille livres fterlings en billets de
banque. Cet événement agite différemment
Rivers , Miftriff Kepley & fon oncle . Celuici
fe réfout à tout employer pour empêcher
ce mariage , l'amant fe décide à partir pour
l'Amérique , & la Veuve lui envoye dans une
lettre un billet conçu en ces termes : « Je
» promets remettre ma fortune & ma main
» au porteur du préſent. » La lettre remiſe à
un Valet nommé John , décachetée , on ne
fait comment , eft interceptée par l'oncle enchanté
, qui la donne à un Quaker de fes amis ,
appelé Thomfon . Celui ci s'en charge , parce
que , dit- il , il faut empêcher que des armes
dangereufes ne foient placées entre les mains
و ز
DE FRANC E. 135
des méchans. La Veuve eft confternee
quand elle voit fon billet au pouvoir d'un
tiers ; elle foupçonne fon amant de perfidie ,
jure qu'elle ne remplira point , avec Thomfon
, les obligations que contient fon biller.
Mais celui -ci eft muni d'un titre , il menace
de le faire valoir , donne à la Veuve une heure
pour faire fes réflexions , & fort en l'appelant
La femme. Rivers va partir , il vient faire fes
adieux : on juge bien que l'explication entre
les amans comble l'un de furprife , & augmente
la colère de l'autre . Heureufement l'arrivée
de John , que la vue d'une épée prête à le
percer force à devenir véridique , juſtifie Rivers
, & dévoile le projet de l'oncle. Le retour
de Thomſon donne quelque eſpérance
à Rivers , qui réclame le billet de Miftriff
; mais la chaleur qu'il met dans fes demandes
ne convient point au caractère tranquille
& froid du Quaker. Le jeune homme ,
après avoir menacé, propofé un duel , le tout
en vain , prend un ton plus doux , & inſpire
quelqu'intérêt à Thomſon , qui fort , en promettant
aux deux amans de revenir bientôt ,
& de fe décider fur le parti qu'il aura à prendre.
Quand l'oncle rentre , il eſt bien étonné
de voir les jeunes gens plus épris que jamais.
Ferme dans fon fyfteme , il ne fe rend aux
follicitations de l'un ni de l'autre , & s'explique
de nouveau avec aigreur fur la folle conduite
de Rivers. Le plus grave de fes reproches
porte fur l'amour du jeu , paffion deftruc
tive de tout principe & de tout honneur.
136 MERCURE
"
Thomfon , qui eft revenu pendant l'explica
tion , reproche à fon tour à fon ami de refufer
fa nièce à un joueur , tandis qu'il veut la don
ner à un autre. En effet , c'eft Thomſon qui
la veille , a joué fous le mafque , contre Ri
vers , & qui lui a gagné 20,000 livres
fterlings. I rougit de s'être expofé par
une cupidité honteufe à ruiner un inconféquent;
il ne remet pas à Rivers fa fortune ,
il ne veut pas l'humilier , c'eft à Miftriff qu'il
la donne. Quant au billet que la Veuve redemande
: Il n'eftpas à toi , lui dit- il , il eft à
Rivers , tu me l'as dit , je le lui rends . Les
amans ne favent comment lui témoigner leur
reconnoiffance ; & l'oncle , déterminé par tout
ce qu'il a vu de généreux dans les procédés
de Thomſon , confent de bon coeur à l'union
des jeunes gens.
Cette Comédie a été vue avec plaisir. L'intérêt
n'en eft pas bien puiffant ; il y en a néanmoins
fuffifamment pour entretenir l'attention
& pour donner une certaine curiofité.
Nous fommes fâchés que toute la Pièce porte
fur une lettre décachetée par un Valet à deffein
ou par hafard , & plus encore qu'un homme
bien né, profite d'une pareille circonftance
, pour ſurprendre les fecrets d'une femme
libre, & ufurper des droits tyranniques.
La prévention & l'animofité des parens fe
permettent quelquefois des excès dont il nous
paroît dangereux de donner des tableaux fur
la Scène ; ils bleffent la bienféance & l'honnêteté
, & c'eſt- là le moindre de leurs inconDE
FRANCE. 137
véniens , quoiqu'il foit affez grave. Tout le
comique de cette Pièce confifte dans le caractère
du Quaker Thomfon. Ce perfonnage eft
bien établi , il a les vertus , la franchiſe & l'originalité
de fa fecte ; & tout ce que fa conduite
a en apparence de dur & d'affligeant pour les
amans , eft motivé par le defir qu'il a de les
éclairer fur leur inconfequence & fur leur
étourderie. Ce rôle eft joué par M. Perigny ,
auquel nous devons depuis long - temps des
éloges. Son talent fe perfectionne de jour en
jour ; il acquiert de la vérité , du naturel & de
l'énergie. Bourru , fenfible & gai dans le
Weftern de Tom Jones à Londres ; auftère ,
menaçant, terrible dans le Wolwikoff de
Novogorodfauvée ; il eft encore brufque ,
impaffible , fpirituel & bon dans le Thomfon
de la Veuve Angloife. L'efpace nous avoit
forcés jufqu'ici de paroître négligens , peutêtre
même injuftes à fon égard ; ainfi en
le louant fur des rôles dont nous aurions
voulu parler plus tôt , c'eft une dette que nous
acquittons.
138 MERCURE
ANNONCES ET NOTICES.
HISTOIRE ISTOIRE générale & particulière de la Grèce ,
contenant l'origine , le progrès & la décadence des
Loix , des Sciences , des Arts , des Lettres , de la
Philofophie , &c. , précédée d'une Defcription géographique
, de Differtations fur la Chronologie ,
les Mefures , la Mythologie , terminée par le parallèle
des Grecs anciens avec les Grecs modernes par
M. Coufin Defpraux , in - 12 , Tomes XII & XIII .
A Paris , chez Durand Neveu , Libraire , 1ue Galan- ´i
de ; Morin , Libraire , rue S. Jacques; Guillot , Libraire
, rue S. Jacques ; Moutard , Imprimeur Lis
braire , rue des Mathurins ; Nyon , Libraire , rue
du Jardiner.
:
LA Franche- Comté ancienne & moderne , in- 12.
A Paris , chez Guillot , Libraire , rue S. Jacques.
HISTOIRF Ecclefiaftique de Bretagne ; dédiée
aux Seigneurs Evêques de cette Province , par M.
Deric , Docteur en Théologie , Vicaire- Général &
Official du Diocèſe , &c. in - 12 , Tome V. A Paris ,
chez la Veuve Valade , Imprimeur Libraire , rue des
Noyers ; à Saint Malo , chez L. H. Hovius fils , Libraire
; & à Rennes , chez E. G. Blouet , rue Royale.
Prix, 1 liv. 15 fois.
2
ANECDOTES intéreffantes de l'Amour conjugal ,
revues & exposées avec précifion , in- 16 de 158
pages . A Londres ; & fe trouve à Paris , chez l'EdiDE
FRANCE. 139
tenr , rue Jacob , vis-à- vis la rue Saint Benoit , Fauxbourg
Saint Germain , n° 26 , & chez Hardouin
& Gattey , Libraires , au Palais Royal.
PORTRAIT de M. J. A. N. de Carital , Marquis
de Condorcet , Secrétaire perpétuel de l'Académie
Royale des Sciences , de l'Académie Françoife,
de l'Inftitut de Bologne , des Académies de Péterf
bourg, de Turin , de Philadelphie & de Padoue
deffiné par J. B. Lemort , gravé par Auguftin de
Saint- Aubin. Se trouve au Bureau du Journal Polytype
, rue Favart ; & au Palais Royal , chez la
Veuve Lagardette , nº. 141 .
Ce Portrait nous a paru auffi bien gravé que reffemblant.
TRAITÉ fur les abus qui fubfiftent dans les Hôpi
taxx du Royaume , & les moyens propres à les réformer
, afin de rendre les Maifons de Charité des
établiffemens utiles à l'humanité & glorieux à la
Nation ; par M. l'Abbé de Recalde , Chanoine de
Comines , in- 12. A Saint- Quentin , chez Fr. Théodore
Hautoy , Imprimeur du Roi ; & à Paris , chez
F. Barrois le jeune , Libraire , quai des Auguftins ,
& Didot fils aîné , Libraire , rue Dauphine.
Cet Ouvrage refpire l'amour de l'humanité , & il
renferme des détails qui fuppofent de la part de fon
Auteur l'obfervation & l'expérience,
ABREGE Méthodique de la Géographie ancienne
& moderne pour l'inftruction de la Jeuneffe , &c. ,
par M. l'Abbé Boutillier , Profeffeur de Belles-
Lettres en l'Univerfité de Paris , un Volume in- 12.
Prix , 3 liv . relié. A Paris , chez Servières , Libraire ,
rue Saint Yere
Saint Jean de Beauvais,
ENTRETIENS d'unjeune Prince avec fon Gow140
MERCURE
·
verneur, Ouvtage divifé en trois Parties , Inftitu
tion nature.le , Inftitution fociale , Inftitution politique
, publié par M. G. L. , de plufieurs Académies ,
4 Vol in- 12 . A Londres ; & le trouve à Paris , chez
Moutard, Imprimeur- Libraire , rue des Mathurins ,
"hôtel de Cluni.
Б
LES Sages du jour , Poëme , par M. Berton
de Chambelle , Brochure de 26 pages . A Paris , chez
Guillot, Libiaire , rue Saint Jacques , & Poinçot ,
Libraire , rue de la Harpe.
Il y a dans cette Brochure des vers qui annoncent
du talent pour la oéfie , & ceux qui aiment
encore cet Art difficile, liront l'Ouvrage avec plaifir
& intérêt.
SERMONS de M Hugh Blair , Docteur en
Théologie , Miniftre de l'Eglife Cathédrale , & Profeffeur
de Belles Lettres dans l'Univerfité d'Edimbourg
, traduits de l'Anglois fur la onzième Édition ,
par M. Froffard , Docteur Honoraire de l'Univerfité
d'Oxford , Miniftre du fain: Evangile , Membre
des Académies & Sociétés Philofophiques de Villefranche
, Bourg en Breffe , Mancheſter , Bath , Correfpondant
de la Société Royaie des Sciences de
Montpellier , &c. Tome III , avec un Difcours
préliminaire fur l'Eloquence de la Chaire , & um
Sermon du Traducteur , in - 8 ° . de 454 pages d'impreffion.
Prix , 4 liv . broché. A Lyon & le trouve
à Paris , chez l'eriffe le jeune , Libraire , fur le
Pont Saint Michel , au Soleil d'or.
N. B. Le même Volume fe trouve auffi chez
Periflè le jeune , d'un format in - 12 de 508 pages
d'impreflion. Prix , a liv. 10 fols broché.
Les deux premiers Volumes de cet Ouvrage ont
obtenu un fuccès mérité , & que nous avions prévu ;
& la célérité avec laquelle ils ont été enlevés a juftiDE
FRANCE. 141
fié nos éloges. Il n'en refte qu'un très - petit nombre
d'Exemplaires chez le même Libraire. Prix , 9 liv .
pour les deux premiers Volumes.
LETTRE d'un Propriétaire à l'Auteur de la
Réponse au Mémoire fur les Corvées , Brochure de
21 pages. A Londres ; & fe trouve à Paris , chez
Cloufier , Imprimeur du Roi , rue de Sorbonne.
La Mentor des Enfans , ou Recueil d'Inftructions
, de Traits d'Hiftoire & de Fables nouvelles
propres à former l'efprit & le coeur des Enfans ; par
M. l'abbé *** , nouvelle Édition , revue , corrigée
& augmentée , in- 12 , Prix , 2 liv. 10 fols relié. A
Paris , chez Charles -Pierre Berton , Libraire , rue
Saint Victor.
Cet Ouvrage avoit paru autrefois fous le titre de
l'Ami des Enfans , même avant celui de M. Berquin
, à qui l'Editeur rend juftice dans fon Avertiffement.
Le Cenfeur du Mentor fait de ce Livre un
jufte éloge lorfqu'il dit : L'Auteur n'a rien négligé
pour le mettre à la portée de ceux qu'il fe
propofe d'inftruire. Il donne aux Enfans des
» leçons bien utiles , & les préfente de la manière la
plus propre à les leur faire fentir & goûter.
"
GALERIE Hiftorique Univerfelle, par M. de
P ** . Prix , 3 liv. 12 fols le Cahier. A Paris , chez
Mérigo: le jeune , Libraire , quai des Auguftins ; &
à Valenciennes , chez Giard & chez les principaux
Libraires du Royaume & de l'Etranger.
Cette fixième Livraiſon contient les Portraits
'Annibal , de l'Arétin , de l'Empereur Augufte , de
Charles Eifen, Peintre , de Jeanne , Reine de France
& de Navarre , de Pierre de Jode , Graveur ,
Cardinal de Richelieu & du Père Sanadero,
du
1
142 MERCURE
ELOGE Hiftorique de Louis XII , ' par M. de la
Croix , Avocat au Parlement, in - 8 °. de 44 pages.
A Paris , chez Deffene , Libraire , au Palais Royal ,
& chez Belin , Libraire , rue Saint Jacques.
E
DÉ S Maladies de la Peau , particulièrement de
celles du vifage , & des affections morales qui les
accompagnent , leurs origines , leurs defcriptions ,
leur traitement ; par M. Retz , Docteur en Méde
cine , Médecin ordinaire du Roi , nouvelle Edition ,
corrigée & augmentée par des réfaltars de nouvelles
obfervations , avec figures , un Volume in 12 .
Prix , 15 fols broché. A Paris , chez Méquignon ,
Libraire , rue des Cordeliers.
IDEES fur les fecours à donner aux pauvres Malades
dans une grande Ville , Brochure de 64 pages.*
Prix , 15 fols . A Philadelphie : & fe trouve à Paris
chez Moutard , Imprimeur- Libraire , rue des Mathurins
, hôtel de Cluni.
Cette Brochure eft une de celles qu'il faut lire dans
ce moment où l'on s'occupe d'un objet fi utile à
T'humanité. Il y a des vues fages & bien rédigées.
"
LES Actions célèbres des grands Hommes de
toutes les Nations , deffinées par les meilleurs Maîtres
& gravées par P. Moithey , accompagnées
d'une Notice biographique & d'un Effai de ftyle
lapidaire , par M. P. Sylvain Maréchal , première!
Livraifon , in-4 ° . Prix , 4 liv. fur beau papier , &
6 liv, fur papier d'Annonay , Eftampes & Texte.
Le but de cet Ouvrage cft de faire connoîtres
chaque grand Homme par la plus belle action , qui
fournit le fujet de chaque Eftampe & d'une Inf.
cription en ftyle lapidaire. Après l'Infcription vient
une Notice qui donne d'autres détails fur la même
Vie. Enée , Scévola , Guillaume Tell & Thomas de
DE FRANCE. 143
Foix ont fourni le fujet des quatre Estampes de cette
première Livraiſon . Enes font gravées avec beaucoup
de foin , & la compofition en eſt agréable ;
elles doivent prévenir très-favorablement pour cette
Collection .
ESSAIS Hiftoriques fur les Moeurs des François ,
ou Traduction abrégée des Auteurs contemporains
depuis Clovis jufqu'à Saint Louis , dédiés au Roi ,
par M. de Sauvigny , Chevalier de Saint Louis , Cenfeur
Royal , &c. , in - 4 ° . A Paris , de l'Imprimerie
Polytype , rue Favart , & chez Cloufier , Imprimeur-
Libraire , rue de Sorbonne , & au Bureau des Effais
Hiftoriques , rue du Bacq , nº . 196.
Il paroît fix nouveaux Cahiers de cette intéreſfante
Collection , dont le fuccès s'affermit de jour
en jour.
LE Panthéon , ou les Figures de la Fable , deffinées
par M. Gois , Sculpteur du Roi , Profeffeur de
fon Académie , & gravées par Simon , avec leurs
Hiftoriques , par M. Sylvain Maréchal . Prix , 6 liv.
par Livraiſon in 4° , & 4 liv . in - 8 ° . A Paris , chez
Simon , rue Pagevin , nº . 16.
2. Cette Livraiſon contient quatre Estampes fort
bien gravées , & qui doivent prévenir très favorablement
pour cette Collection , qu'on recevra franc
de port par tout le Royaume en affranchiffant les
lettres.
L'Hiftorique qui accompagne chaque Eftampe eft
fait par M. Maréchal , qui recueille fur le fujet de cha
que Figure les diverfes opinions des Mythologiftes ,.
dont la difcordance déroute quelquefois les interprétations:
Chacun de ces morceaux nous a paru bien
rédigé,
DEESSA de l'Harmonie , Eftampe d'après
?
144
MERCURE
Mignard , gravée par N. Ranfonnette , Graveur ordinaire
de MONSIEUR . Prix , 3 liv. A Paris , chez
l'Auteur , rue Perdue , Place Maubert , n° . 6.
NUMERO 12 du Journal de Violon , dédié aux
Amateurs , pour deux Violons ou Violoncelles. Prix ,
15 & 18 liv. On foufcrit chez l'Auteur , M. Bornet
l'aîné , Profeur de Mufique & de Violon , rue
Tiquetonne , nº. 10.
NUMEROS 189 & 190 du Journal d'Ariettes
Italiennes , dédié à la Reine , contenant une Scène
del fignor Giordani. Prix , 3 liv. 12 fols , & un
Air del fignor Sarci . Prix , 2 liv . 8 fols. Prix de
l'Abonnement pour vingt-quatre Numéros , 36 &
42 liv. A Paris , chez M. Bailleux , rue Saint Honoré,
près celle de la Lingerie , à la Règle d'or.
TABLE.
MORCEAU fur les Serres Nature ,
chaudes ,
117
97 Elémens d'Hiftoire Nature e
& de Chimie , Charade, Enigms & Logogry
pha > 98 Variétés
1181
120
Nouveaux Synonymes Fran- Académie Roy. de Mufiq. 125
100 Comédie Italienne ,
fois,
Penfées Philofophiques fur la Annonces & Notices ,
PAYla
APPROBATIO N.
134
138
, par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure & France , pour le Samedi 16 Décem. 1786. Je n'y
si neu trouvé ani puido ez empêche , l'impreffion. A
Paris , le 15 Décembre . 1996. GUIDI
MERCURE
DE
FRANCE.
叉
SAMEDI 23
DÉCEMBRE 1786.
PIÈCES
FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
>M. D'A*** à Mme
D'HUICQUE , en
lui préfentant les Étrennes Lyriques .
Das
Étrennes de
Polymnie
Reçois , ma foeur, un nouveau choir ;
Embeliis des fons de ta voix
Ces doux caprices du génie.
Si par hafard dans ce livret
Tu vois , d'une Grâce ingénue
Ou des Amours quelque portrait
Crois que le Peintre t'aura vue
Mais dis , lorfque de l'Amitié
Tu verras le tableau fidèle :
Le Peintre qui l'a copis
A pris mon frère pour modèle.
N°. 51 , 23 Décembre 1786. G
146
MERCURE
QUATRE- VINGT CINQ eft éclipfé ;
Un nouvel an commence à poindre ;
Bientôt à l'an qu'il a chaſſè
Quatre-vingt-fix ira fe joindre.
Déjà deux fois douze printemps
Pour toi fe font hâtés d'éclore.
De tes beaux ans l'aimable aurore
Doit fuir fur les aîles du temps.
Hélas ! tu ferois immortelle
Si l'épouse du noir Plutus
Vouloit , plus jufte & moins cruelle ,
Compter tes jours par tes vertus.
TOUJOURS heureuſe , jeune , aimable
Près d'un époux que tu chéris ,
Parmi les Amours & les Ris ,
Réalifez tous deux la Fable
De Philémon & de Baucis.
Quand le fonge de votre vie
Sera près de s'évanouir ,
Comme eux gardez- vous de mourir ;
Mais trompez la parque ennemie ,
Et renaiffez , jeunes ormeaux ;
A l'Amitié toujours fidelle ,
Que je devienne tourterelle ,
Je gémirai fur tes rameaux.
( Par M. la Befnardière. 》
DE FRANCE. 147
ROMANCE fur la perte d'un Oifeau,
dédiée à mes Soeurs.
AIR de la Romance de Nina.
QUI
U'EST devenul'oiſeau charmant ,
Compagnon de ma folitude ?
Cher moineau , reviens promptement
Diffiper mon inquiétude.....
Ma voix t'appelle.... Hélas ! hélas !
Mon cher Lubin ne revient
pas.
BES careffes & ton amour
Soulageoient ma peine cruelle....
De mes amis , jufqu'à ce jour ,
Lui feul m'étoit refté fidèle:
Mais il s'envole.... Hélas ! revien
Pour mon bonheur & pour le tien.
Tu mourras de faim dans nos champs ;
De frimats la terre eft couverte.
Ton bonheur, aux jours du printemps ,
M'auroit confolé de ta perte....
Dans mon afyle , hélas ! revien ;
As-tu jamais manqué de rien ?
Jusqu'au mois de la volupté ,
Près de moi , reviens dans ta cage ; .
G
148
MERCURE
Puis je te rends la liberté
De faire l'amour au bocage....
En vain j'appelle .... Hélas ! hélas !
L'ingrat Lubin ne m'entend pas.
( ParM, de la Mothe. )
REPONSE A LA QUESTION :
Un homme gai eft- il plus propre qu'un
homme mélancolique à confoler un ami
affligé ?
Jen'aime
I'
E n'aime point à voir , quand le deſtin m'opprime,
Un foi- difant ami conferver fa gaîté ;
Elle aggrave mes maux ; j'ai pour lui moins d'eftime,
Et l'accufe tout bas d'infenfibilité.
Les pleurs de l'amitié font d'un heureux préfage ,
Si mon ami s'afflige , il me montre fon coeur ;
Ma peine eft adoucie alors qu'il la partage ;
Et fa douleur enfin confole ma douleur.
( Par M. de L.... , Ancien Moufquetaire. }
I I.
COMME l'oeil , dans la maladie ,
Ne veut qu'une foible lucur
De m'me la mélancolie
S'accen mode avec la douleur,
(ParM, Dehaufy de Robécourt.")
DE FRANCE. 149
. I. I I.
RAREMENT avec la gaîté
On foulage les peines;
Un bon ami , ( fuis- je attrifté )
Joint fes larmes aux miennes }
J'apperçois même ma douleur
Peinte fur fon viſage :
On n'adoucit notre malheur
Qu'autant qu'on le partage..
(Par M. le Comte de M. ) .
I V.
Pour effuyer les pleurs de votre ami ,
Le moyen le plus sûr eſt d'en répandre auſſi.
Auprès d'un malheureux la joie eft un outrage ;
Mais pleurer avec lui , fur fes maux s'attendrir ,
C'est lui prouver qu'on les partage ,
Et les maux partagés font bien près de finir .
( Par M. Lebrun , Maître de Langues à Lyon. )
V.
D'UNE ame où la douleur a verfé fon poiſon ,
D'un coeur à qui les maux n'accordent nulle trêve ,
Si le mélancolique , avec compaffion ,
Vient commencer la guérifon,j
C'est l'ami joyeux qui l'achève.
( Par M. le Ch. de... Offic. au Corps R. du Génie. )
G ül
9150
MERCURE
VI.
DE VALSAIN la mélancolie
Soulage par fois la douleur
Bont me diſtrait Damon par ſa folic ;
Mes chagrins avec l'un pèſent moins fur mon coeur ,
Avec l'autre je les oublie.
( Par le même.)
NOUVELLE QUESTION A RÉSOUDRE :
Eft - il plus doux d'avoir fa maîtreffe auprès
defoi quand on fe porte bien , que quand
on eft malade?
Explication de la Charade, de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercure précédent.
LE mot de la Charade eft Courage ; celui
de l'Enigme eft Globe de favon ; celui du
Logogryphe eft Livre , où l'on trouve ivre ,
Tueر ré,e.
A
CHARADE.
SES Sujets Louis eft mon premier,
Et le moindre d'entre - eux vivant dans mon dernier ,
Sait combien fa bonté brilla dans mon entier.
DE FRANCE
151
ENIGM E.
PAR contrainte & par violence
Je fors de mon affreux séjours
Et fitôt que je vois le jour ,
Je répands par-tout l'abondance ;
Je fais profpérer les États ,
Je fais le bonheur des Provinces ,
Je fais les délices des Princes
Et la gloire des Potentats.
Chacun fait piteaſe grimace
Si je ne viens à fon fecours ;
Et l'on verroit prefque toujours
Sans moi les Rois à la beface.
( Par un Citoyen de la Ville de N **. )
LOGO GRYPHE
MOBILE des vertus j'enfante des merveilles ;
A ma voix le Héros affronte le danger .
J'anime le Savant dans fes pénibles veilles ;
Je ne me montre à lui que pour l'encourager.
Si vous êtes jaloux , Lecteur , de me connoître ,
Retranchez à mon tout une certaine lettre ,
Il en reftera cinq , gardez -vous d'y changer.
Vous trouverez deux bourgs , une grande rivière. "
Giv
752 MERCURE
Rabattez de ces cinq , & coupez la dernière,
Malgré tous vos efforts je fuis une rivière.
Ne l'abandonnez pas , & cherchez moi fur l'eau
Je la chéris beaucoup en devenant oiſeau.
Trois lettres m'y feront goûter mille délices,
Treis lettres dans mon noin fupportent des caprices.
L'une peut être avant , l'autre peut être après ;
Comme vous l'entendrez , Lecteur , arrangez - les.
Pour moi , j'ufe du droit que le trio me donne ,
Je punis le coupable & monte fur le trône.
(Par M. de M... er de Cucuron. )
NOUVELLES LITTERAIRES.
TABLE AU des Révolutions de la Littérature
ancienne & Moderne , par M. PAbbé de
Cournand , Lecteur du Roi , & Profeffeur
de Littérature Françoife au Collège Royal.
A Paris , chez Buiffon , Libraire , hôtel de
Mefgrigny , 1786.
M. L'ABBÉ DE COURNAND eft connu par
fon Poëme des Styles , & par la Vie de Dom
Henri , Prince de Portugal ; il montre dans
Ce nouvel Ouvrage un goût favant & de
grandes connoiffances dans la Littérature
tant ancienne que moderne , tant étrangère
que nationale . L'Auteur fe préfente de trèsDE
FRANCE. 153
bonne grace , en déclarant qu'il ne parle de
rien d'après des Traductions ; qu'il a pris la
peine d'apprendre la langue de tous les peuples
dont il examine la Littérature ; qu'il a
voulu juger de tout par lui - même ; qu'il
n'aime point à répéter les jugemens d'autrui ;
& que ne fachant pas le Hollandois , il a mieux
aimé ne point parler de la Littérature Hollandoife
que d'en parler fur la parole , même
de ceux qui la connoiffent le mieux. L'Auteur
fait donc , outre le grec & le latin , toutes
les langues modernes qui ont une Littérature ,
à la réferve du hollandois ; & la connoiffance
de tant de langues feroit déjà un très grand
mérite ; mais un mérite beaucoup plus grand,
eft de fe dépouiller entièrement du jugement
d'autrui pour énoncer fon propre jugement :
chofe extrêmement rare ; premièrement, parce
que très- peu de gens ont un jugement à eux ,
& font avertis par un fentiment prompt &
sûr , de ce qui eft bon , de ce qui eft mauvais ,
de ce qui eft médiocre ; fecondement , parce
que les notions des chofes entrent dans notre
tête , accompagnées de jugemens tout portés ,
que nous n'examinons pas , & qui nous fubjuguent
pour toute la vie ; troiſièmement ,
parce que ceux qui pourroient avoir une opinion
à eux , & la motiver avantageufement
n'ont pas même quelquefois le courage de
l'énoncer , lorfqu'elle eft contraire à l'opinion
reçue. Or, une opinion reçue n'eft fouvent
qu'un préjugé général. L'Auteur promer
d'avoir ce courage , & il tient parole ; non pas
"
Gv
154
MERCURE
qu'entraîné par le goût du paradoxe , il prenne
plaifir , comme quelques Écrivains célèbres
, mais en cela peu louables , à combattre
par préférence les opinions établies ; il eft
très- fouvent de l'avis général ; mais il en eft
en effet, on le fent à la manière dont il énonce
cet avis , on fent qu'il en auroit été quand
même il n'y auroit point eu d'avis général ;
& quand il s'en écarte , il dit fes raiſons , fans
déclamer contre l'opinion qu'il attaque &
fans la méprifer.
Chaque Chapitre contient , 1 ° . l'Hiſtoire
des Lettres & de leurs révolutions chez la
Nation qui eft l'objet du Chapitre.
2º. Des jugemens fur les Écrivains les plus
célèbres qui ont fait époque ou révolution
chacun dans leur genre.
M. l'Abbé de Cournand n'ignore pas que
le même fujet avoit été traité en Italie par
M. Denina ; mais fa manière de voir ou de
fentir eft fi différente de celle de M. Denina ,
que la crainte d'écrire après cet Auteur n'a
pas dû le retenir ; ajoutons que la crainte
d'écrire fur un fujet après de bons Auteurs',
ne doit retenir que dans un feul cas , c'eſt lorfqu'on
n'auroit à dire précisément que ce
qu'ils ont dit : toutes les fois qu'on a , ou le
contraire à dire , ou feulement d'autres chofes
, ou des points de vue nouveaux à préfenter
, ou de nouvelles raifons à joindre aux
anciennes pour les confirmer , qu'on écrive
hardiment fur les fujets les plus & les mieux
›
DE FRANCE. 1.55
traités , & que le Public ne foit privé d'aucunes
lumières.
Nous allons parcourir quelques - uns des
jugemens de l'Auteur ; & s'il arrive quelquefois
que nous ne foyons pas de fon avis , nous
aurons comme lui le courage de le dire.
Il obferve que chez les Grecs il n'y a pas eu
d'autre caufe du progrès de la poéfie que leur
génie même. « Nous ne lifons nulle part ,
» dit-il , qu'Héfiode ait eu des encourage-
» mens des Princes & des riches de fon tems.
» On fait la vie pauvre & errante qu'Homère
» menoit dans la Grèce ; nul Troubadour ne
fut auffi malheureux que lui , & cependant
» la Nature eft fi belle & fi riante dans fes
vers , qu'on le croiroit nourri dans cette
opulence , qui peut tout peindre avec grace ,
» parce qu'elle jouit de tout avec profution. »
>>
ود
"
Mais favons nous affez certainement P'Hif
toire d'Héfiode & d'Homère , & des temps
où ils vivoient , pour prononcer fur les différentes
circonstances qui purent ou favorifer
ou traverfer leur génie ? Ce n'eft qu'un doute
que nous propofons ; mais le doute , quand
il s'agit de temps fi éloignés , n'eft jamais déplacé.
Les fucceffeurs d'Alexandre , à l'exception
des Ptolémées , en Égypte , furent peu favorables
aux Lettres. Il n'en fut pas de même
des Rois de Sicile , dit l'Auteur , ils attirèrent
les Arts & les Savans dans leur Ifle.
L'Auteur veut parler des Rois ou Tyrans
de Syracufe , d'Agrigente , &c. , tels que les
G vj
AG MERCURE
Hiérons , &c. Mais ce titre de Rois de Sicile
n'appartient- il pas exclufivement à l'Hiſtoire
Moderne ?
Tous les efprits fages . feront de l'avis de
l'Auteur dans les réflexions qu'il fait fur certaines
perfécutions fufcitées en divers temps.
par des Princes & des Miniftres contre les.
Gens- de-Lettres , & que les Gens- de- Lettres
fe font aufli attirées quelquefois par leur im
prudence & leur malignité. « En quoi on ne
fait , dit il , ce qui doit affliger plus , de
la pufillanimité de ceux- là , ou de l'indif
» crétion de ceux - ci . Quand on aime les Let--
• tres , & qu'on en fuit la carrière avec honneur,
on fe garde bien de fouiller faplume
par des libelles , par ces diffamations té-
» nébreuſes , qui ne font qu'irriter fans cor-
» riger , & dont l'effet ordinaire eft d'aigrir
» contre l'art d'écrire , l'homme puiffant qui
en devient le jouet ou la victime. »
Mais voici une autre idée qui ne fera probablement
pas du goût de tout le monde . En
parlant de la bibliothèque d'Alexandrie : " ce
fut peut-être un mal pour les Lettres , dit
» l'Auteur , que certe immenfe collection de.
Livres , que les Prolémées accumulèrent
→ avec tant de dépenfes & de foins. Je ne:
crains point de paffer pour barbare en
avançant cette efpèce de paradoxe.. Les
» effets font certains ; pourquoi ne pas nom-
» mer la caufe : Le premier intérêt des Lettres
, c'eſt la vérité ; or , la vérité nous
dit que les grands Hommes de la Grèce
ase
DE FRANCE. 157
» n'avoient pas eu befoin de tout ce bagage
» pour arriver à la gloire du génie. Il eſt à
» croire qu'ils lifoient peu ; mais ils obfer-
» voient beaucoup..... Tout fut perdu quand
» la lice ne fut plus remplie que de Compila-
» teurs & d'Erudits. "3
A ce compte nous ne ferions donc pas mat
de brûler toutes nos bibliothèques ; peut- on
le penfer ? Les effets font certains , dit l'Auteur
: quels effets ? Qu'il y a eu des Compilateurs
quand il y a eu des bibliothèques ? Mais
ces Compilateurs ont eu leur utilité ; & d'ailleurs
quel homme , pouvant prétendre à la
gloire du genie , ſe borneroit à être un fimple.
Compilateur ? Ceux donc qui fe font bornés.
à l'être, n'auroient été rien fans l'exiftence des
bibliothèques , & les bibliothèques ont créé
pour eux un genre d'utilité. D'ailleurs , à qui
les bibliothèques ne font elles pas utiles ? Ec
que deviendroient les gens de génie même
fans les livres ? Ils obferveroient , dit l'Au
teur. auroient beau obferver , que de
temps perdu avant que leurs obfervations les
élevaffent àla hauteur d'où les Livres les font
partir! Mais les grands Hommes de la Grèce.
lifoient peu ! Qu'en favons- nous ? Que favonsnous
quis étoient leurs fecours ? Qui peut fe
flatter de diftinguer ce qu'ils devoient à l'obfervation
& ce qu'ils pouvoient devoir aux
Livres H faut étudier & imiter la Nature ;
mais l'exemple de ceux qui l'ont bien imitée:
dirige dans cette imitation . L'Auteur repre
che en general aux Romains un goût d'imitar
158 MERCURE
tion qui lui paroît trop fervile dans de fi
grands hommes ; ils s'alferviffoient à fuivre
prefque en tout les traces des Grecs ; le peuple
le plus audacieux de la terre dans fes entreprifes
militaires fut , dit- il , le plus timide.
dans les Arts. Ceci rappelle le reproche que
M. Marmontel fait à Virgile dans fa Pièce des
Charmes de l'Etude.
Tu peins Didon , & tu n'as pas l'audace
D'aller fans guide à l'immortalité.
Il nous femble que l'Auteur maltraite un peu
Sénèque le Philofophe , l'Écrivain qui , après
tout , fournit le plus de ces maximes qui reviennent
d'elles mêmes dans la converfation ,
& qu'on aime à fe rappeler , & à caufe de
l'idée & à caufe de l'expreffion , Il eft plus favorable
à Quintilien . Il juge que le fiècle qui
a fuivi celui d'Augufte ne lui eft guèrés inférieur
; que Tacite ne l'eft point à Tite - Live &
à Sallufte , qu'il eft auffi grand peintre, & qu'il
l'emporte pour la profondeur. « La poéfie
» même n'étoit pas tellement déchue , qu'il
n'y eût encore des Poëtes très- eftimables ,
» comme Martial pour l'épigramme , où il
» mêle agréablement la naïveté , la fineffe &
la préciſion ; Juvénal , pour la fatyre , où
il est tout au moins le rival d'Horace ; &
la Pharfale n'étincelle-t'elle pas de beautés.
» fublimes ? N'eft elle pas un Poëme digne
" de la majefté de l'ancienne Rome ? Où eft
» donc ici la décadence des Lettres ? Je la
cherche inutilement , & il faut que je res :
"
"
»
20
?
DE FRANCE. 159
» tarde encore d'un fiècle l'époque de la cor-
❞ tuption du goût.
"3 29
M. l'Abbé de Cournand dit que les Cyprien
, les Auguftin , les Jérôme , les Ambroife
s'élevèrent fouvent au- deffus du mauvais
goût de leur fiècle. Nous ne favons fi on
peut dire que Saint- Auguſtin ſe foit élevé
au deffus du goût de fon fiècle & de fon pays ;
ce père eft favant dans la cité de Dieu , éloquent
& touchant dans fes Confeffions ; mais
en général fon ftyle compaffe , fymétrique ,
où prefque toujours le verbe répond au verbe
, le fubftantif au fubftantif, l'adjectif à
l'adjectif, l'adverbe à l'adverbe , eft l'antipode
du goût .
Tout ce que dit l'Auteur fur le Dante &
fur Pétrarque , nous paroît philofophique &
plein de goûr. Il évalue & compare l'influence
que ces deux Écrivains ont eue fur la langue
& fur la Littérature Italienne , & affigne des
caufes très vraisemblables aux divers degrés
d'influence qu'il attribue à l'un & à l'autre.
Dante & Pétrarque ont été contemporains ,
Dante a paru le premier. Plus obfcur dans
fon ftyle , plus bizarre dans la compofi
tion de fes tableaux , plus févère dans fes
images , plus étranger à fa nation par le caractère
même de fes talens, l'enthoufiafine qu'il
excita d'abord céda au plaifir que firent les
fonners & les chanfons de ce Pétrarque , fi
clair , fi doux , fi correct , fi élégant dans fon
ftyle. Pétrarque amoureux , paffionné pour la
belle Laure , donna le ton à l'Italie , parce
160 MERCURE
qu'il avoit celui qui convenoit le plus à l'état
actuel de cette nation ; fa langue , qu'il parla
fi bien , devint à jamais celle de l'amour.
Voilà , dit l'Auteur , à quoi tient fouvent le
génie des nations, à un grand Homme qui leur
imprime fon caractère ; il eft vrai qu'il faut
peut-être qu'il foit aidé , ou qu'au moins il ne
foit pas contrarié par les difpofitions générales
; avec cette feule condition , une nation
prend d'abord tel ou tel caractère , parce que
le génie d'un homme lui a fait goûter de certuins
plaifirs , & elle fe perpétue dans cet état ,
parce que l'imitation de tout un fiècle fortifie
ce caractère primitif, qui devient ineffaçable
quand la langue de cette nation a pris une
confiftance folide. On refte comme on étoit ,
parce qu'on s'eft accoutumé à une forte d'idées
au delà defquelles on ne voit rien de mieux.
Voyez , ajoute l'Auteur , juſqu'où un exemple
fé fuifant peut emporter une nation . Il y a
près de fix fiècles ( il falloit dire un peu plus
de quatre fiècles ) que Pérrarque n'ett plus ,
( il eft mort en 1374) & fon efprit domine
encore dans l'Italie . C'eft lui qui l'a remplie
de fonnets , dont les autres nations ne fe foucient
plus. Le peuple le plus ingénieux de
la terre eft ef lave de la coutume, & ne
" peut point fortir du cercle étroit que le
» Poëte de Vauclufe a tracé autour de lui. La
» deftinée de la langue qu'il parloit fut ba-
» lancée entre lui & le Dante. » Il étoit poffible
que le Dante l'emportâr , s'il avoit mieux.
choifi fon fujet & fait un ouvrage lus régu
«
|
DE FRANCE. 161
""
lier. Alors la langue Italienne auroit eu plus
de force & d'énergie , elle ne fe feroit point
amollie par ces peintures éternelles de l'amour
qui ont occupé depuis ce temps là les Poëtes
de cette nation ; mais Pérrarque enleva tous
les fuffrages , & le Dante n'eut que la feconde
place.
Les Concetti , dit M. l'Abbé de Cournand ,
font la tache originelle des Italiens , & il n'y
a aucun de leurs Poëtes qui en foit exempt.
Ils ont beau dire que chaque nation a fon goût
particulier ; ce qui eft réprouvé des autres
nations porte néceffairement l'empreinte du
mauvais goût .
Bocace , contemporain de Pétrarque , a
formé la profe Italienne , comme Pétrarque
la poélie. « Une eſpèce de fecte qui fe forma
en Italie , dans le quinzième ſiècle , vouloit
» que Cicéron fervit de modale à la
profe.
De là , ces longues périodes que l'on trou
"3 ve dans Bocice. »
23
Non , une fecte née dans le quinzième
fiècle ne peut pas avoir influé fur les Écrits
de Bocace , mort dès le quatorzième ; aufli
'n'eft ce pas là fans doute la penfée de l'Auteur
; mais feulement que le même efprit qui
forma long - temps après cette fete , avoir
animé Bocace , & lui avoit infpiré ces longues
périodes , cette affectation de rejeter les verbes
à la fin de la phraſe , au préjudice de la
précifion & de la clarré .
Le même efprit préfida auffi à la formation
de la profe Françoife ; elle fut , dans Balzac &
162 MERCURE
dans les Écrivains de Port- Royal , trop périodique,
trop nombreuſe , trop embarraffée de
particules conjonctives ou fufpenfives , trop
chargée de membres & d'incifes : on ne ſe
contentoit point des liaiſons qui fe font par
le fens , on vouloit qu'elles fuffent toutes exprimées
par des formules , & peut-être toute
profe fe forme- t'elle d'abord ainfi ; l'exemple
de Cicéron peut y contribuer dans les
langues modernes , ce n'eft que par degrés
qu'elle fe dégage de tout cet attirail embarraffant
, qu'elle fe met plus à fon aife , qu'elle
devient plus libre , & qu'elle s'affranchit des
liaifons grammaticales , en confervant toujours
la liaiſon des idées.
L'Italie précéda dans les Lettres les autres
nations modernes ; ellé recueillir la première
les débris de la Littérature grecque ; mais
comme tout n'eft que révolution , elle déclina
quand les autres nations s'élevèrent ,
M. de Cournand fait à ce fujet la réflexion
fuivante:
« Si les Italiens en général , fi clairvoyans
» fur leurs intérêts , avoient fuivi les progrès
» de la révolution qui s'opéroit en Europe ,
» ils auroient changé de ftyle & lutté avec
les nations qui commençoient à s'éclairer.
» Comme ils étoient plus avancés qu'elles ,
ils auroient foutenu leur prépondérance ,
» & peut-être que leur langue feroit devenue
» la langue univerfelle de l'Europe.
33
'"
Quelques perfonnes attribuent au goût général
de la mufique en Italie, la décadence des
DE FRANCE. 163
Lettres dans cette contrée , & ils regardent
ce goût comme un obftacle à leur rétabliffement.
M. de Voltaire étoit de cet avis , & on
lui a plufieurs fois entendu dire : Voyez ce
que font devenus les Italiens depuis qu'ils fe
font mis à chanter ! On ne voit pas cependant
bien fenfiblement ici la relation de la cauſe à
l'effet , & l'Auteur obferve avec raiſon qu'il
y a un rapport intime entre l'art du chant &
Yes
les ouvrages d'imagination ; que les Grecs
étoient tous Muficiens , ce qui ne les empêchoit
pas d'avoir des Platon , des Xénophon ,
des Sophocle & des Euripide. Il cherche une
autre caufe de cette ſtagnation des talens ; &
cette caufe eft , felon lui , que l'Italie ne forme
plus une grande nation comme du temps des
Romains. Fort bien ; mais dans des temps où
elle ne formoit plus une grande nation , elle
a eu le fiècle de Léon X; auffi l'Auteur ajoutet'il
qu'elle n'a plus d'États puiffans comme la
République de Florence , l'État de l'Églife ,
& celui de Venife au feizième fiècle. Mais
l'état actuel de l'Italie ne diffère pas effentiellement
de ce qu'il étoit au feizième ſiècle ,
& la puiffance relative des divers États qui la
compofent , eft toujours à peu- près la même
Ce n'est donc peut- être pas encore là cette
caufe que nous cherchons. L'Auteur en imagine
encore une autre qu'il n'avance , dit- il ,
qu'en tremblant ; c'eft que les richelles des
Arts , tels que la Peinture, la Sculpture , l'Architecture
, font peut - être un obſtacle au
règne des Lettres en Italie ; on fe partage en
164 MERCURE
$
"
22
Artiftes & en Amateurs ; toute l'attention. fe
porte fur les ftatues & les tableaux ; « il n'en
refte plus pour ces pénibles opérations de
» l'efprit , qui enfantent des chef- d'oeuvres
» fupérieurs aux tableaux & aux ftarues. » A
l'appui de cette conjecture , l'Auteur cite
Corinthe & Rhodes , qui abondoient en Artiftes
& en chef- d'oeuvres des Arts , & qui
ne prirent jamais un certain effor dans les
Lettres. Mais outre qu'on peut répondre à
ces deux exemples par l'exemple d'Athènes ,
qui cultivoit avec un égal fuccès les Arts &
les Lettres , on pourroit oppofer à l'Auteur ce
qu'il a dir plus haut du rapport qui fe trouve
entre les monumens des Arts & les ouvrages
d'imagination. " Ce fut, dit M. le Préfident
» Hénault , ce fut la renaiffance des Lettres
qui , en étendant l'efprit , fit appercevoir
de ce qui manquoit dans tous les genres.
Les Aris fe perfectionnèrent par la culture ,
& leur culture fournit de nouvelles idées ;
on commença à fe trouver trop rellerré;
» à mefure que l'on penfa davantage , on eut
honte du peu dont on s'étoit contenté juf
ques- là ; & quand une fois l'imagination
» fe fut ouverte , elle regagna bien vîte
» tout le temps où elle avoit été enveloppée
» dans les ténèbres de l'ignorance . » C'eſt
ainfi qu'il y a toujours action & réaction des
Lettres fur les Arts , & des Arts fur les Lettres ;
& en effet , nous voyons dans tous les temps
les Arts & les Lettres marcher d'un pas égal
dans leurs fuccès & dans leur décadence.
33
DE FRANCE 165
" Il ne faut point , dit M. l'Abbé de Cour-
» nand , defefpérer d'un peuple qui a fous fes
» yeux les plus précieux reftes des fiècles de
fa gloire. Le feu du génie eft encore dans
» ce pays ; il y eft caché fous la cendre : il ne
faut qu'une étincelle pour le rallumer.
» Alors l'Italie cellera , pour maſquer fon indigence
, d'oppofer aux excellens Livres
» qui ont paru en Europe depuis cinquante
ans , les compilations indigeftes de Mura-
» tori , & c. »
"
Mais l'Italie n'oppofe vraisemblablement
fon Muratori qu'aux Compilateurs des autres
nations ; & dans ce genre Muratori mérite
en effet d'être cité.
23
99
M. l'Abbé de Cournand , en faisant aux
Efpagnols le reproche d'enflure qu'on leur a
toujours fair , obferve avec goût à ce fujerque
le langage le plus pompeux des Romains
n'avoit rien d'enflé ; ils difoient avec fimplicité
ce qu'ils faifoient avec grandeur ; « & fi
quelquefois leur ftyle prend une certaine
emphafe , celà vient de la nature des cho-
» fes , & du fentiment jufte d'une élévation
qui n'a jamais rien eu d'égal fur la terre, Le
populum latè regem , le tu regere imperio ,
» & quelques autres traits femblables de Vir-
" gile n'ont rien d'enflé ; c'eft l'expreffion
fimple de la puifance Romaine ; le mot
» eft au niveau du fujet , & le Poëte n'eft
point gigantefque,
33
"
ور
L'Europe doit aux Eſpagnols les premières
idées du Théâtre ; ils ont été les pères de la
166 MERCURE
>
Tragédie & de la Comédie ; quand ils n'auroient
que cette feule gloire en Littérature
elle leur fuffiroit. Quelle nation moderne
peut produire un plus beau titre que celui- là ?
Les Efpagnols réuffiffent encore dans la poéfie
paftorale. M. l'Abbé de Cournand juge que
Fielding s'étoit propofé Cervantes pour mo
dèle.
Le fonnet s'eft perpétué chez les Eſpagnols
comme dans la patrie de Pétrarque . « Leur
" genre eft fur-tout le mélancolique & le
langoureux pouffe encore plus loin qu'en
Italie , parce que l'Eſpagnol a une teinte
plus forte de ce caractère qui incline à la
trifteffe. »
33
"
"3
"
L'Auteur ne tient pas compte à l'Eſpagne
de ceux de fes Écrivains qui ne font vantés
que par elle ; ce ne font pas , dit- il très -lenfément
, de véritables richeffes , que celles
qui n'ont de cours que dans un pays.
Le Poëme du Camoëns eft un Livre d'éducation
pour le Portugal , comme les Poëmes
d'Homère l'étoient pour la Grèce , " & l'on
» trouveroit dans ce pays - là plus d'un Ci-
" toyen qui partageroit l'indignation de l'Alcibiade
des Grecs , fi ce Poëte national
» étoit négligé ou méconnu quelque part....
» Avec Camoëns s'exhala , pour ainsi dire ,
le dernier foupir de la Littérature Portugaife.
"
"
En traitant de la Littérature Françoiſe
l'Auteur fait cette obfervation fur Amiot :
Il rendit un ſervice important à la nation
$1
":
DE FRANCE 167
par fa Traduction de Plutarque. « On l'a
» retraduit plufieurs fois depuis , & Amiot
» eſt toujours refté . C'eſt qu'Amiot eft plein
» de l'efprit de fon Auteur ; qu'il femble
» avoir vécu dans l'antiquité , & s'être imbu
» des moeurs dont il trace la peinture..... Il a
» même un charme de plus que l'original ,
» une naïveté qui ne fe trouve point dans
Plutarque.
"
" ""
Elle ne s'y trouve point , & elle ne doit
point s'y trouver. Les fujets que traite Plutarque
n'admettent point cette naïveté ; mais
du temps d'Amiot , la naïveté étoit prefque
le feul caractère de la langue Françoife ; &
cette naïveté , appliquée à la traduction de
récits nobles & philofophiques , ont fouvent
l'air d'un badinage & d'une parodie. Autant
elle eſt charmante dans la Traduction des
Amours de Daphnis & Chloé , où elle
donne à cette Traduction l'air d'un original
autant eft- elle quelquefois déplacée dans l'Hif
toire des grands Hommes. Ce n'eſt pas la langue
du fujer comme dans Daphnis & Chloé,
A l'article Malherbe , après avoir donné à
ce Poëte tous les éloges qui peuvent juſtifier
ce mot de Boileau ;
Enfin Malherbe vint.
L'Auteur fait des réflexions bien juftes ;
« Malherbe , dit- il , tourne quelquefois fa
» penſée avec trop d'affectation . Il propoſe
» trop fouvent à fes Héros d'aller détrôner
" le Sultan ou le Sophi ; cela lui fournit des
168
MERCUREA
"
N
trophes où il y a peu de bon lens & de
veritable grandeur , quoique le ſtyle en.
foit pompeux & empoulé. Cette exagéra-
» tion ne choquoit point alors , parce qu'on
» ne fentoit point la jufte meſure des chofes ,
» & que ce ton étoit à la mode chez tous les
» Poëtes. Si ce langage exagéré s'étoit por-
» pétué parmi nous , notre poéfie reflem- :
» bleroit trop à celle des Poetes du Midi", &
» nous n'aurions point ce caractère précieux
qui nous appartient en propre , l'art des
» convenances & la fageffe du ftyle.p
"
"
"
Dans ce même Chapitre de la Littérature
Françoife , l'Auteur revient fur la fameufe
querelle des Anciens & des Modernes . Il n'eftpoint
étonné qu'on préfère Racine à Euripide ,
& Corneille à Sophocle ; " pour Molière ,
dit- il , il n'y a point de comparaifon à faire
» de lui avec Plaute & Térence. Phèdre ne
peut pas foutenir le parallèle avec La Fon
» taine ; Boileau eft tout au moins le rival
d'Horace dans l'Art Poétique ; la profe de
» Boffuet , de Fléchier , de Fénelon , vaut
» bien celle de Démosthène , de Cicéron &
» de Platon. Malebranche , dans fa manière
» d'écrire en philofophie , s'égale aux plus
» grands Hommes de l'antiquité . Pr la
morale , que peut on oppofer à la Rochefoucault
, à Pafcal & à La Bruyère ? Ainfi ,
» la queſtion refte tout au moins indéciſe ,
» & l'on ne me reprochera point de flatter
» ici les modernes. J'aime les anciens , j'en
» ai fait l'étude de toute ma vie ; je crois avoir
35
33
une
1
2
DE FRANCE. 169
» une ame qui fent vivement leurs beautés ,
mais je ne puis me diffimuler à moi -même
» le plaifir que font tant d'heureufes intations
de leur génie , tant d'ouvrages créés
» d'après eux. Je fuis forcé de rendre hom-
» mage à la vérité. L' n'y avoit donc pas tant
» de déraiſon dans l'opinion de La Motte &
» de Fontenelle..
Il y a du mérite dans cette fage & noble
impartialité ; & tel est l'efprit qui préfide à
tout l'Ouvrage . L'article de la Littérature Angloife
, qui étoit fufceptible de partialité ,
nous paroit à l'abri de tout reproche. En général
,fi les idées de l'Auteur méritent quelquefois
d'être combattues , elles méritent toujours
d'etre eftimées , & fes erreurs même
font ingénieuſes.
Le Ayle en général eſt clair , élégant & de
bon goût, on rencontre cependant quelquefois
des tours de phrafe qui tiennent à d'ancieus
ufages , ou peut- être à quelque erreur ,
& dont il eft par confequent néceffaire d'avertir
l'Auteur. Telles font celles - ci :
« Nous avons cru rendre un fervice im-
» portant à nos Lecteurs , que de leur indiquer....
les guides qu'ils doivent fuivre.
Malheureuſement que cet état ne fut pas
de longue durée.
» On auroit cru fe corrompre que d'adop-
» ter les Arts des Grecs. »
Dans toutes ces phraſes on retranche aujourd'hui
le que; & dans la première & dan
la troisième phrafe , on évite ordinairement
No. 51 , 23 Décembre 1786 . H
170
MERCURE
B
l'infinitif; la tournure la plus naturelle eft :
Nous avons cru rendre fervice aux Lec-
» teurs , ' en leur indiquant , &c. . :
"
» On auroit cru fe corrompre en adoptant
les Arts des Grecs.
ور »LesProconfulsRomains,quelquefois
» gens d'efprit , plus fouvent hommes faftueux
& livrés à leurs plaifirs , dédaignoient
» de s'enquérir des peuples qu'ils dépouilloient.
» .3
Peut-on employer ainfi abfolument le mot
s'enquérir , fans dire de quoi on s'enquiert ?
THEATRE Moral , ou Pièces Dramatiques
nouvelles , par M. le Chevalier de Cubières ,
des Académies & SociétésRoyales de Lyon,
Dijon , Marſeille , Rouen , Heffe- Caffel ,
&c. Tome 2. A Paris , chez Cailleau ,
Imprimeur- Libraire , rue Galande, N°. 64;
Bailly , rue S. Honoré , près la rue des Petits-
Champs , & Belin , rue S. Jacques , près
S. Yves .
CE Volume contient cinq Comédies & un
Mélo Drame. Il eft précédé d'un dialogue entre
l'Auteur & un Homme de Goût , dont le
but eft de répondre aux critiques que l'on a
déjà imprimées contre le fyftême Dramatique
de M. le Chevalier de Cubières , & de prévenir
celles que de nouvelles productions
pourroient faire naître encore. Parmi lun
grand nombre de réflexions dont nous examinerons
rapidement quelques - unes dans
DE FRANCE. 171
و د
"
"3
"
ور
le cours de cet article , il faut diftinguer
celle- ci , qui ne regarde point l'Art Dramatique
, & nous la citerons d'avance . « Les
» Journalistes d'aujourd'hui font comme
les dévots d'autrefois ; ils voient par- tout
» des héréfies : de toutes les claffes de Gens-
» de- Lettres , c'ett celle où il y a le plus de
préjugés ; tout s'éclaire autour d'eux , & ils
" reftent dans les ténèbres : l'obſcurité qui
» les environne paroît être une punition de
leur opiniâtreté & de leur intolérance : ils
» injurient ceux qui veulent leur montrer la
» lumière ; il faut les plaindre , continuer de
» la leur montrer , & ne leur point dire d'in-
» jures. » Il feroit facile , en changeant quelques
mots à cette phrafe , de la tourner contre
les novateurs en littérature , & peut- être
l'application en feroit elle piquante ; mais
nous n'employerons point de pareilles armes
contre M. le Chevalier de Cubières. Il s'eſt
fait & il conferve de bonne- foi les principes
qu'il développe dans fes Préfaces , & qui font
la bâfe de fes écrits ; fa perfonne eft eftimable
; fes Ouvrages refpirent l'amour du
bien , de l'honneur & de l'humanité : avec un
homme de ce caractère , il ne faut pas difputer
, il faut raiſonner & s'inftruire . Nous
fommes éloignés de vouloir excufer les excès
que fe permettent certains Journaliſtes ; mais
tous les Critiques fe reffemblent- ils ? N'en
eft- il point parmi eux qui avent des principes
fans préjugés , de la fermeté fans intolérance ,
& qui cherchent à relever , fans injures , ce
Hij
1720562
MERCURE
qu'ils regardent comme des erreurs ? Nous ne
dirons point avec certains fanatiques , que
les principes du goût font éternels ; rien de
fmobile que cette qualité de l'efprit qu'on
appelle goût : elle eft fufceptible de varier fuivant
que les lumières s'éteignent , fe divifent
ou s'agrandiffent , & il eft poffible que le goût
d'un fiècle ne reflemble point du tout à celui
d'un autre. Mais quand fur la foi des Auteurs
les plus juftement célèbres,& d'après l'autorité
des Légiflateurs de notre Parnaffe , nous avons
adopté , en Littérature , des idées généralement
fuivies par les plus illuftres Écrivains de
notre temps ; quand ces idées ont été le fondement
des productions les plus admirées ,
non feulement par nous , mais encore par
toutes les nations à qui notre langue eft familière
, en fuppofant qu'elles foient des erreurs
, faut- il y renoncer au premier ordre
qu'en donne un
Écrivain
qui a le courage de
tout ofer ? Il nous femble que quand il faut
abjurer de vieux principes pour en adopter
de nouveaux , on ne fauroir employer trop de
circonfpe&tion , & qu'on ne doit le réfoudre
à changer qu'après un très-mûr & très long
examen. La miflion des Journaliſtes eft de
donner aux curieux , aux oififs , aux gens détournés
de l'étude de la Littérature , par les
fonctions plus importantes de leur état , une
connoillance exactedes productions nouvelles,
de les apprécier, dedévelopper les principes des
Arts, en s'appuyant fur des autorités univerfellementrefpectées
: yoilà ce qu'on attend d'eux,
DE FRANCE. 173
cequ'on en exige. Ce n'eft point à eux à donner
le fignal des révolutions ; ils doivent feulement
en examiner les caufes , les combiner , en rendre
compte, & ne fe décider pour une innovation
, qu'après qu'ils fe font convaincus qu'elle
doit être indifpenfablement & néceffairement
utile. Nous difons qu'ils doivent fe décider
tard , non pas que nous croyons que
leurs vues foient généralement & fubitement
adoptées , mais parce qu'elles le font
toujours par ceux qui n'en ont point , qui
ont befoin que l'on penfe , que l'on réflé
chiffe pour eux ; enfin parce qu'ils entraînent
les efprits foibles , les gens peu éclairés , &
ceux - ci forment le plus grand nombre.
Ainfi , nous appellerons prudence ce que M.
de Cubières nomme aveuglement , principes
ce qu'il regarde comme des préjugés , & courage
ce qu'il appelle intolérance. C'eft dans ce
fyftême que nous allons jerer un coup - d'oeil
rapide fur les Comédies qui compofent le
Volume dont nous voulons entretenir nos
Lecteurs .
Dans l'Amant garde-malades , Comédie en
trois Actes & en profe , Lindor s'introduit
fous les vêtemens d'une fille , dans la chambre
de Julie , fa maîtreffe ; il la foigne , il la
veille en préſence même de fon père , qui ne le
reconnoît point , & qui lui a refufé la main de
fa fille. Le jeune homme aimoit une Marquife
de Vielhorme , qu'il a quittée pour Julie.
L'orgueil , la haine & la vengeance animent
la Marquife, qui empoifonne une potion que
Hiij
$74 MERCURE
Julie doit prendre. Lindor foupçonne le cri
me, il avale quelques gouttes de la potion ,
dont il ne tarde pas à reffentir les cruels effets.
Heureufement un Médecin , qui joue dans la
Pièce un rêle très- intéreffant , fe trouve- là
tout-à- point pour lui donner un antidote. On
apprend que la Marquife s'eft empoifonnée
après fon forfait ; & le père de Julie , en renonçant
à une haine de famille en faveur du
courage & de l'amour de Lindor , confent à
l'accepter pour gendre .
M. de Cubières appelle cette Pièce une Comédie
, parce que Mme de Sévigné a écrit que
Racinefaifoit des Comédies , ou parce que M.
Diderot a diflingué deux fortes de Comédies ,
la Comédie gaie , qui a pour objet le ridicule
& le vice , & la Comédie ferieufe , qui a pour
objet la vertu & les devoirs de l'homme. L'autorité
de Mine de Sévigné eft au moins hafardée
en matière dramatique , ne nous y arrêtons
pas. Celle de M. Diderot peut avoir
plus de poids ; mais eft- elle ici bien appliquée ?
Et M. Diderot auroit- il appelé Comédie une
Pièce dans laquelle une Mégère vient empoi
fonner fa rivale pour s'empoifonner ellemême
enfuite ? Non fans doute ; il l'auroit
compriſe dans la claffe des Tragédies , qui ;
pour nous fervir de fes expreffions , ont pour
objet nos malheurs domeftiques : ainſi , l'Amant
garde - malades eft tout bonnement une Tragédie
Bourgeoife. Nous n'examinerons pas s'il
eft bien vraisemblable que Lindor refte avec
Julie pendant deux Actes fans qu'elle le reDE
FRANCE. 175
connoiffe ; fi le but que s'eft propofé l'Auteur ,
celui de foudroyer la tyrannie & l'injuflice de
certains pères , eft bien rempli dans cet Quvrage;
mais nous obferverons que le caractère"
de Mme de Vieilhorme eft révoltant ; que
la fituation de Lindor auprès de Julie n'eft
pas dans les bienféances , & qu'il feroit impoflible
de le voir au Théâtre , fans en être)
choqué , s'approcher du lit de fa maîtrelle',
s'en arracher avec une espèce d'égarement
s'écrier : « Un mouvement a dérangé le voile
» qui couvroit fon fein , & tous les tréfors
و د
cr
qu'il renferme ont frappé mes regards brû-
» lans. J'ai pu même , j'ai ofé contempler un
" moment ces enchanteurs redoutables. »
Nous fommes peut être hérétiques ; mais
nous avouerons que nous ne fommes pas affez
éclairés pour trouver cela aufli beau que cela
nous paroît neuf.
Dans la Diligence de Lyon , Comédie en
trois Actes & en profe , le Prince Salvator
voyage incognito , & fe trouve confondu avec
un Maître d'Hôtel , un Coeffeur , un Tailleur ,
une Marchande de Modes , qui font les importans
,&& traitent ce Prince avec beaucoup
#
de dédain . Une Préfidente de Tonanville ,
femme d'un tempérament très - inflammable
, fe prend de belle paffion pour le Prince ,
qui la laiffe berner par fon Ecuyer dans un
rendez- vous nocturne. Pour le venger , la
vieille coquette dénonce le Prince à la juftice
comme un Capitaine de Voleurs . Le Prince a
rencontré dans l'auberge où la diligence s'eſt
Hir
176 MERCURE
arrêtée , une Miladi Semours , qu'il aime depuis
long- temps , & Milord Brumton , fon
oncle. La folie de la Préfidente , & linfolence
du Coeffeur occafionnent entre les amans une
altercation qui fe termine bientôt à l'amiable.
La Juftice arrive ; chacun eft bien furpris
quand on apprend qui font le Prince , Milord
& Miladi . La Préfidente fort furieufe , les
impofteurs font démafqués ; mais le Prince
Kur pardonne , & ils en font quittes pour
alier fe coucher fans fouper.
Cette Comédie eft fans doute du genre
gai ; mais fa gaîté fera t'elle du goût de tout le
monde ? Nous ne le croyons pas . Mlle Pouf,
M. de la Remoulade , M. Frippart & M. de la
Farinière paroîtront à bien des gens des perfonnages
étrangers à la Comédie morale ;
bien des gens ne voudront pas croire qu'une
Pièce telle que la Diligence de Lyon, foit une
leçon de politeffe pour tous les hommes , &
que ce foit en humiliant un Coëffeur , une
Marchande de Modes , un Tailleur & un
Maître d'Hôtel , qu'on puiffe donner une
leçon aufli générale: mais peut- être y a - t'il en
core trop de goût pour qu'il foit facile de fentir
le but de l'Auteur. Neplaignons pas M.de
Cubières , comme il veut qu'on plaigne les
Journaliſtes ; le fentiment de la pitié feroit
très-déplacé avec un homme tel que lui ; étonnons
- nous feulement de le voir fi fouvent ,
avec des lumières , s'écarter de la fin qu'il fe
propofe.
-
L'Épreuve fingulière , Comédie en trois
DE FRANCE. 177
Actes & en profe , eft en effet une très - fingulière
épreuve. Ladi Welton , pour éprouver
le Lord Dambi , fon amant , qui vient de
voyager , fuppofe qu'elle a été obligée , à la
fuite d'une maladie, de fe faire couper une
jambe , & elle feint de ne vouloir plus l'époufer
, dans la crainte qu'il ne devienne infidèle.
Le Lord ne trouve pas de moyen plus capable
de la raffurer que de fe faire couper une
jambe , il s'y détermine ; & dans l'inſtant où
il va forcer un Chirurgien à lui faire l'am
putation , Miladi entre , & fa Femme- dechambre
explique la rufe qu'elle feule a imaginée
& qu'elle a fait approuver par fa maîtreife .
L'Auteur déclare que ce n'eft pas pour engager
les François à faire des facrifices femblables
à celui que veut faire le Lord Dambi ,
qu'il a compofe fa Pièce ; mais pour les
porter à exécuter mille autres projets qui les
couvriroient de gloire , fi c'étoit l'amour qui les
leur dictat. Nous croyons qu'il falloit prendre
une autre route , & que ce n'eft pas l'exemple
d'une extravagance qui peut infpirer
T'amour des grandes actions.
310
Nous ne dirons rien de Galathée , Comédie
en un Acte & en vers , parce qu'elle eft connue
depuis long- temps. Nous ne ferons qu'indiquer
les Bracelets , Comédie en un Acte
& en profe , dont le but eft de prouver qu'il
faut exercer la bienfaifance avec difcernement
, pour ne pas compromettre ceux qu'on
oblige & foi-même.
Le Volume eft terminé par Orefte & les
Hv
" MERCURE 178
Furies , Mélodrame en trois Scènes . M. de
Cubières en a pris le fonds dans les Euménides
d'Efchyle ; mais il a renchéri fur les
idées du Poëte Grec. Il lui a paru inconcevable
qu'un tribunal de fages eût oſé abſoudre
un parricide , que des Auteurs Dramatiques
euffent ofé confacrer le crime & l'expiation
, & il a penfé qu'il n'étoit point de fupplice
affez long , affez cruel pour un fils meurtrier
de fa mère. Il a donc préfenté Orefte
invoquant en vain les hommes & les dieux ,
écrâfé fous le poids de fon crime , & perfécuté
par tout par les furies & par les remords
les plus déchirans , fans pouvoir eſpérer de
pardon. Le but moral de ce Mélodrame eſt
bien fenti , & l'Ouvrage eſt écrit avec cette
chaleur qui annonce une ame fortement pénétrée
de fon fujer.
En général, on peut dire que c'eft le defir
d'être original qui égare le plus fouvent M. de
Cubières , au moins fi on le juge d'après le principes
reçus ; car toutes les fois qu'il ne court
point après des fyftêmes , il a une manière de
voir jufte , fon ftyle eft clair & fa raifon preffante.
Ce qu'il dit de nos Comédies modernes,
qui paroiffent toutes jetées dans le même
moule , & qui ne tendent guères qu'à la même
fin , eft abfolument vrai. Il a apperçu le mal
atta hé depuis long- temps à notre Art Dramatique
, ils'agit de trouver le remède ; mais il
faut le chercher avec patience , multiplier les
eff is avant de vouloir offrir des modèles , &
fur tout ne pas détruire tout ce que nous avons
DE FRANCE. 179
de principes refpectables, pour y fubftituer des
raifonnemens captieux , une poétique à fon
lage & les fyftemes de fon imagination .
( Cet Article eft de M. de Charnois. )
SPECTACLE S.
CONCERT SPIRITUEL
LE dernier Concert fut une eſpèce d'hommage
rendu à la mémoire de Sacchini . On y
exécuta fon Oratoire d'Efther , qui eut un
fuccès plus grand encore , s'il eft poffible ,
que les deux premières fois ; plufieurs.
perfonnes à qui cette Mufique rappeloit
la perte que l'Art a faite de ce grand Homme
, en furent émues jufqu'aux larmes. On
entendit auffi un morceau intitulé : L'Ombre
de Sacchini , paroles de M. Moline, Mufique
de M. l'Abbé Lefueur. Ces paroles ayant été
imprimées dans plufieurs Journaux , le Public
eft à portée de les juger ; nous dirons,
feulement qu'on s'étoit attendu à les voir
traiter dans un genre majeftueux & lugubre ,
& que le Compofiteur, au contraire, a cherché,
à leur donner le ton de l'apothéofe . Cette
diverfité d'opinions a nui à l'effet de la Mufique
mais on ne doit pas en favoir moins de
gré à M. l'Abbé Lefueur des efforts qu'il a
faits pour exprimer fa reconnoiffance envers
un grand Homme , dont il avoit reçu des
marques d'eftime & d'amitié. M. Levaffeur ,
5:
2
Hvj
180
MERCURE
Elève d'abord de M. Cupis, & enfuite de
M. Duport, a joué un Concerto de Violone
celle de ce dernier Maître avec infiniment de
grace & d'intérêt. Il a un très beau fon , un
jeu noble & mâle , & fa jeuneffe , ainſi que
les foins du Maître dont il reçoit encore les
confeils , doivent donner de luiles plusgrandes
efpérances. Nous ne dirons rien de Mlle Silberbaur.
L'extrême rigueur avec laquelle le
Public l'a traitée , prefque avant de l'entendre,
ne nous permet pas d'avoir aucune opinion
fur fon talent. Le Te Deum de M. Philidor ,
exécuté au commencement du Concert , a
été reçu, comme la première fois , avec un
jufte enthoufiafme.
ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.
L'OPERA de Phèdre , dont on continue les
repréſentations , dégage de quelques longueurs
, a enfin ramené tous les fuffrages ,
ainfi que nous ett avions eu l'efpoir. La Mu
fque fimple , naturelle , facile , qui n'employe
pas de moyens violens , exagérés , ne
frappe pas d'abord nos oreilles encore un peur
dures ; il lui faut du temps pour pénétrer jufqu'au
coeur ; mais quand une fois elle y a
réuffi , fon faccès eft plus certain & plus
durable que cet enthoufiafime paffager qu'excite
quelquefois la Mufique bruyante. Le
bruit peut faire naître livreffe ; mais quand
Fivreffe eftpaffée , elle ne laiffe aucune trace
de plaifir.
DE FRANCE. 181
COMÉDIE ITALIENNE
DEPUIS Clariſſe Harlove & le roman de
Tom-Jones , aucune des productions angloifes
de ce genre n'a obtenu en France un fuccès
plus univerfel & plus rapide que Cécilia ,
ou les Mémoires d'une jeune Héritière , par
Miff Burnet. Cet Ouvrage , qui a montré
dans une femme , & dans une femme trèsjeune
, un digne fucceffeur des Richardfon
& des Fielding , eſt également eftimable par
la variété de fes tableaux , par l'oppofition
des caractères , par la peinture des ridicules
& des moeurs , par l'art infini avec lequel
les incidens font enchaînés , par le mou
vement de l'action dont tous les fils fe rapportent
au caractère principal ; enfin , par
Tintérêt qui , après s'être accrû progreffivement
dans tout le cours de l'Ouvrage , prend
à la fin un degré de chaleur plus vif, plus
preffant , & répand fur la cataftrophe la
plus attachante , tout ce que peuvent avoir
de charmes , l'humanité , l'amour , la fenfibilité
, la reconnoiffance & l'amitié. C'eft
dans ce roman qu'un Auteur , qui vient de
débuter dans la carrière dramatique le Jeudi
14 de ce mois , a puifé le fonds de Cécilia ou les
Trois Tuteurs, Comédie en trois Actes & en
profe mêlée d'ariettes. A peine reconnoît- on
dans cette Comédie l'ouvrage de Miff Butnet;
les caractères de fon Roman font tous
182 MERCURE
marqués à grands traits , & les développemens
qui les font connoître , ajoutent à leur
phyfionomie. Rien de plus heureux que le
contrafte des trois Tuteurs. M. Delville , fier
de fes ayeux & de fes titres , fufceptible de
fenfibilité , de raifon , de fagefle , mais orgueilleux
& vain , ne fe rapproche qu'avec
une peine infinie , des perfonnes d'une naiffance
inférieure à la fienne , en attend & en
exige toutes fortes d'égards , & fe croit au
moins compromis quand on ne lui parle
point avec le ton du refpect. M. Bridge eft
remarquable par l'avarice la plus fordide , la
plus ridicule & la plus bizarre ; & l'égoïfine
fingulier de ce perſonnage méchant & fpirituel
, eft extrêmement plaifant. Le goût de
M. Harel pour les plaifirs , pour le luxe ,
pour les fêtes d'éclat , fon infouciance pour
autrui , les moyens qu'il emploie pour fubvenir
à fes dépenfes , la perte de la fortune
& fa mort funefte , donnent à ce perfonnage
un caractère moral frappant , utile & bien
fait pour effrayer ceux que l'habitude du
plaifir & une prodigalité condamnable expofent
tous les jours aux extrémités les plus
facheufes. Dé ces trois Tuteurs , deux feulement
paroiffent dans la Comédie ; le troifième
, arrêté pour dettes , eft retenu en
prifon à fa place , on voit un frère de Mi
Harel , homme eftimable & fenfible , qui
joue à peu- près à côté de Mill Beverley , le
rôle que joue dans ce roman un M. Monckton
, homme d'un caractère fort original
*
DE FRANCE.
183
4
dans fon genre , & dont on ne retrouve
ici
aucune
trace. Les portraits
de M. Delville
& de M. Bridge font très foiblement
efquiffés
& ne confervent
aucun des traits vigoureux
qu'ils préfentent
dans l'Ouvrage
. Au refte ,
peut- être ces traits auroient
ils été déplacés
'
au Théâtre
; & nous fommes
portés
à croire
que la morgue
hautaine
de Delville
&
l'avarice
fordide
de Bridge
n'y auroient
pas produit
un bon effet. Les perfonnages
qui ont le mieux confervé
leur reſſemblance
,'
font ceux de Miff Beverley
& du jeune Delville.
La première
eft toujours
généreuſe
,
délicate
, humaine
& fenfible
; l'autre eft ardent
, vif, emporté
, bon , tendre , & capable
de faire à l'amour
les plus grands
facrifices
.
Il est évident
que l'Auteur
a fait , pour réduire
les quatre
volumes
du roman
dans
fes trois actes , tout ce que fa raifon lui a
inſpiré
; mais fi fon action
a de la fageffe
;
elle eft dénuée
d'intérêt
pendant
les deux
premiers
actes ; & celui qui a fait applaudir
une partie du troifième
acte , notamment
les
Scènes où Mme du Gazon a développé
toutes
les reffources
de fa fenfibilité
& de fon talent
, eft très inférieur
à celui
qu'infpire
'
le dernier
incident
de l'original
. Nous ne
croyons
pas qu'il foit néceffaire
de donner'
une analyfe
de la Pièce ; ce feroit préfenter
le fquélette
de Cécilia. Bornons
-nous à obferver
encore
une fois que tel perfonnage
,
bien placé & très-agréable
dans un roman
eft très déplacé
áu Théâtre
; qu'il eft des ca-
-
2
184 MERCURE
ractères qui ne peuvent devenir intéreffans
que par des développemens très- étendus , &
que tous les développemens ne conviennent
pas à un Ouvrage dramatique. Les Auteurs
de Comédies à ariettes ne fauroient choisir
des actions trop fimples , quand ils veulent
y faire jouer des caractères ; dans un drame
lyrique il doit y avoir plus de maffes que
de détails , plus d'effers que de raifonnemens .
Que l'action foit bien pofée , que la marche
en foit rapide, & que la fin en foit heufeufe
& naturelle , voilà tout ce qu'il faut.
Laiffons à la Comédie du genre noble , la
miffion épineufe & délicate de peindre fes
pallions & de développer les caractères.
La Mufique annonce un homme de mé
rite : on y trouve de l'harmonie , de la douceur
& de beaux effets d'orcheftre ; les morceaux
d'enfemble font bien faits ; mais fi
nous en exceptons l'air de mouvement que
chante Mme du Gazon à la fin du troiſième
acte , les airs proprement dits , font foibles
& dénués de chaleur.
La Pièce n'a eu aucun fuccès ; peut- être
même a telle été traitée avec une rigueur
qu'elle ne méritoit pas abfolument . Il faudroit
favoir diftinguer un effai malheureux
d'un ouvrage abfurde , & c'eft ce que le
Public ne fait pas , ce qu'il ne faura vraifemblablement
jamais. Il ne fait guères que
blâmer avec excès & applaudir avec fureur ,
fur tout celui qui abonde au parterre de la
Comédie Italienne. Ce parterre , qu'il faut
DE FRANCE. 189
-
diftinguer de tous les autres , eft peut-être
le plus mal compofe que l'on puiffe imaginer
, & celui qui ofe le plus d'extravagances.
Fidèle aux principes de vertige dont il eft.
imbu , il n'a pas manqué d'appeler à grands
cris l'Auteur de l'ouvrage qu'il venoit de
profcrire fon opiniâtreté a , pendant un
quart d'heure , rempli la falle de hurlemens
à - peu près femblables à ceux que jette la
populace de Paris , quand elle affifte au noble
fpectacle du taureau mis à mort. L'infouciance
des Comédiens a forcé ces cris à s'atténuer
infenfiblement , & à defcendre progrellivement
jufqu'au filence. Tout étoit devenu
calme , quand un demi tour de quelques
fpectateurs les ayant placés en face de
Famphithéâtre , ils y ont apperçu l'Auteur
des Trois Fermiers , de l'Amant- Bouru , de
Blaife & Babet , d'Alexis & Juftine , des
Amours de Bayard , &c. Alors les efprits
ont été affectés d'une autre manière , & l'afpect
d'un homme de mérite a déterminé
des gens , yvres la feconde d'avant , à devehir
raifonnables & à prodiguer au talent les
acclamations les plus flatteufes. M. Monvel ,
arrêté dans fa fuite par quelques perfonnes
faites pour fentir le prix d'un hommage impromptu
& que rien ne rendoit fufpect , a
répondu avec modeftie aux applaudiffemens
dont il étoit environné . Quelques jours avant
if avoit été demandé au même Spectacle ,
après une repréfentation d'Alexis & Juftine,
comme il l'avoit déjà été , au Théâtre Fran186
MERCURE
çois , à la fuite des Amours de Bayard. Ces
hommages que l'on fe plaît à réitérer , comme
pour dédommager M. Monvel de ceux qu'il
n'a pas reçu en perfonne pendant fix années
d'abfence , nous femblent un peu démentir
le proverbe qui dit : que nul n'eft prophète
en fon pays.
ANNONCES ET NOTICES.
ON mettra en vente Jeudi prochain , 28 , cou
rant , la vingt unième Livraifon de l'Encyclopédie.
Cette Livraifon eft compotée du Tome V des Planches
, du Tome VI . feconde Partie de la Jurifprudence
, & du Tome III , première Partie des Financcs
, par M. Rouffelot de Surgy , ancien premier
Commis des Finances.
Ce cinquième Volume de Planches contient la
fin de la première Partie des Arts & Métiers , mé
chaniques , & toutes les Planches du Dictionnaire
de Marine. %
Le prix de cette Livraiſon eft de 36 liv . 10 fols
brochée , & de 35 liv. en feuilles ...
Le port de chaque Livraifon eft au compte des
Soufcripteurs.
31
COLLECTION Univerfelle des Mémoires particu
liers relatifs à l'Hiftoire de France , Tome XXIII.
A Londres ; & fe trouve à Paris , rue d'Anjou Dau¬
phine , nº. 6 .
Ce Volume termine les Mémoires de Monluc ,
commençant en 1521 , & finiffant en 1574.
THEATRE de M. de Florian , &c. feconde
DE FRANCE. 187
Edition en trois Volumes in 18 , avec figures. Prix ,
18 liv. en papier vélin , & 12 liv. en papier ordinaire.
On a tiré à part le Tome III pour completter
la première Edition de ce Théâtre intéreffant qui
a paru en deux Volumes . Les Perfonnes qui voudroient
y joindre les Estampes les trouveront féparément.
Difcours fur l'Hiftoire Univerfelle , par
Boffuet , en deux Volumes , pour la Collection in-
8 °. de M. le Dauphin , imprimée par ordre du Roi
fur papier vélin. Prx , 30 liv . brochés . A Paris ,
chez Didot l'aîné , Imprimeur du Clergé , rue
Pavée-Saint - André.
Le nom de l'Imprimeur contient l'éloge de la
partie typographique .
EUVRES de Mme de Tencin , contenant les Mémoires
du Comte de Comminges , le Siége de
Calais , les Malheurs de l'Amour , les Anecdotes
d'Edouard II , Roi d'Angleterre , 7 Vol . in 14
petit format , avec le Portrait de l'Auteur . Prix ,
to liv. ro fols brochés , & 14 liv. reliés . A Paris ,
chez Cucher, Libraire , rue & hôtel Serpente ; De
fenne , Libraire , au Palais Royal , & Bailly , Libraire
, rue Saint Honoré , vis - à - vis la Barrière des
Sergens.
"
Mme de Tencin eft une de ces Femmes célèbres
qui tiennent un rang diftingué dans la Littérature ,
& qui font honneur à leur fexe par leur efprit , leur
enjouement leurs connoiffances & la délicateffe
de leur goût. Il étoit temps , il étoit juſte de ro
cueillir , & de placer dans les Bibliothèques des gens
de goût , les OEuvres d'une feinme qui étoit ellemême
le modèle du goût & du fentiment . Ellesdevoient
naturellement fuivre celles de Mme de la
Fayette , que le même Libraire a également le mérite
d'avoir données le premier en 8 petits Vol. in- 12.
188 MERCURE
SANDFORD & Merton, Traduction libre de
Anglois , par M ***. - Le petit Grandiffen ,
Traduction libre, par le même.
Ces deux Ouvrages , que l'on peut mettre au
nombre des plus agréables & des plus utiles que
l'on ait écrits pour les Enfans, formeront enſemble
douze petits Volumes d'environ 144 pages chacun.
La foufcription pour les douze Volumes en papier
fo , dont le premier a été publié le premier Octobre
1786 , & dont il en paroîtra un très -régulièrement
tous les mois , eft de 13 liv. 4 fols pour Paris , & de
16 liv. 4 fols pour la Province port franc par la
pofte
Les Perfonnes qui en foufcrivant pour les douze
Volumes, prendront en même- temps l'Ami des Enfans
& de l'Adolefcence , par M. Berquin , trenteneuf
Volumes , ne payeront les cinquante-un Volumes
en papier ordinaire
que 36 liv . port frarc par
la pofte, & auront de plus un Exemplaire gratis des
Lectures pour les Enfans , cinq Volumes , qui fè
vendent féparément 6 liv
Les trente neuf Volumes de l'Ami des Erfans &
de l'Adolefcence ſe vendent aufli féparément 24 liv.
port franc par la pofte.
Il faut avoir foin d'affranchir le port des lettres &
de l'argent , & s'adreffer à Paris à M. Leprince ,
Directeur du Bureau de l'Ami des Enfans , rue de
'T'Univerfité , nº. 28.
Il paroît déjà trois Volumes de Sandford &
Merton.
&
ETRENNES Françoifes , Tribut d'un Amateur à
Ja Nation , pour l'année 1787. A Paris , chez Royez,
Libraire quai des Auguftins.
Il y a dans cet Almanach des dérails intéreffans ,
& des avis utiles pour les divers de l'année. remps
DE FRANCE.
189
ALMANACH de la Samaritaine , avec ſes prédictions
pour l'année 1787 , à MM. les Parifiens.
Prix , 1 liv. , & liv fols franc de port. Au
Château de la Samaritaine ; & fe trouve à Paris ,
hôtel de Melgrigay , rue des Poitevins , & chez les
Merchands de Nouveautés.
Cer Almanach a le mérite d'être gai . Il eft com
pofé de réflexions, & de réflexions badines fur chaque
mois.
Les Veillées amufantes , ou Recueil de Nouvelles
Hiftoriques , d'Anecdotes & d'Aventures Tragiques
& Comiques , fix Parties ou Volumes in 12 .
Prix , 9 .v. A Amiterdam ; & fe trouve à Paris ,
chez Leroy , Libraire , rue Saint-Jacques , vis - a vis
celle de la Parcheminerie,
Ce Recueil eft affez varié. Les dernières Partics
font plus intéreffantes que les autres.
BOREE & Orythie , peint par M. Vincent ,
Peintre du Roi , & gravé par Jean Bouillard. Prix ,
12 liv. A Paris , chez Auteur , rue Saint Thomas
du Louvre , n ° . 23 .
On retrouve dans la Gravure la chaleur de la
compofition & la fermeté de pinceau qui diftingue
l'Auteu du Tableau du Préfident Molé au milieu
des féd tieux .
M. Bouillard a donné pour Efai quatre jolis
fujets d'après M. L. Lagrenée , ayant pour tire :
L'Education & la Punition de l'Amour. Il eſt un
des Co-opérateurs de l'Entreprife formée pour faire
jouir le Public de la précieufe Collection du Palais
Roya!, pour laquelle on fouferit chez lui à l'adrelle
cicffus.
NOUVEAUX Rafoirs , Couteaux, &c. A Paris ,
190 MERCURE
chez le fieur Lethien , rue Neuve Saint Merry , près
l'hôtel Jaback
Nous nous ferons toujours un devoir & un plaifir
de recommander à l'eftime publique ceux qui cxcellent
dans leur Art , & qui en reculent les limites.
Le fieur Lethien , Maître Coutelier , . vient d'inventer
, 1º . des Rafoirs à fix lames , toutes détachées
, faites avec un acier fondu , raffiné & trempé
avec des fels qui les font réfifter aux barbes les plus
fortes ; ces lames ont un avantage bien précieux fur
celles même d'Angleterre , en ce qu'elles n'ont jamais
befoin d'être repaffées fur la meule , mais feulement
fur la pierre à l'huile ou fur un cuir préparé avec
une compofition nouvelle ; 2 ° . des Rafoirs à rabot ,
avec lefquels on fe rafe fans rifquer de fe couper ;
3 °. des Cuirs renfermant vingt - deux pièces , de
l'invention du fieur Lethien ; 4° . des Couteaux dits
à couliffes en or & en argent , qui fe changent en
trois parties , qui coupent le fer comme le bois ,
étant faits de lames de fabres de Damas , que le
fieur Lethien vient de recevoir de Conftantinople ;
5. des Couteaux à dix pièces qui font parfaitement
renfermées dans le manche ; 6 ° . des Serpettes où il
y a quatre pièces , favoir , une Lame , un Greffoir ,
un Ecuffonnoir & une Scie , qui ne s'engage jamais
dans le bois verd.
L'Auteur eft fi sûr de fa trempe, qu'il les girantit
fix mois à l'épreuve , & ils ont été approuvés par
les Syndics des Maîtres Perruquiers.
On trouve auffi chez lui des Couteaux très légers
& portatifs , contenant Cuiller , Fourchette , Sahère
, Canif, Tire - Bouchon , Lame à fruit & Lame
d'acier ; des Canifs de toute façon en neuf pièces ,
Cachet & Pied de Roi portant Crayon ; des Boîtes à
couliffe pas plus groffes qu'un Domino , fermint à
reffort , contenant un Rafoir à fix Lames , Cileaux ,
Peigne , Compas , Couteau de Toilette , Cuir ,
DE FRANCE. 191
Cifeaux à étui d'acier & des Epingles à chignon
d'or , d'argent & d'acier .
On eft prié d'affranchir le port des lettres.
L'AUTEUR des Cadrans Horifontaux , dont
nous avons fait un éloge très- mérité dans le Mercure
du 4 Novembre dernier , vient d'établir pour
cet Ouvrage , qui eft utile dans les Provinces, quarre
Dépôts où l'on pourra s'en procurer , avec un Im
primé pour la manière de s'en fervir , ainfi qu'une
Pièce particulière pour trouver & vérifier le vrai
midi de chaque endroit , prix à part 6 liv. Ces
Dépôs font à Bayeux en Normandie , chez M.
Cerrès , Négociant ; à Rouen , ch z MM . Gloria
& Dela , Horlogers , à Lille en Flandre , chez M.
Defiré de Mode , Horloger de la Ville . à Metz ,
chez M. Dentu , Horloger , Place d'Armes. Le
prix des Cadrans pour la Province eft le même qu'à
Paris , c'eft à dire , 12 liv. Quand cet eftimable Artifte
aura fini fes opérations pour en fournir à la
partie méridionale de la France , nous l'annoncerons
à nos Lecteurs .
NUMEROS 19 & 20 des Pièces d'Harmonie,
contenant des Ouvertures & Airs d'Opéras & Opéras
comiques pour deux Clarinetes , deux Cois &
deux Baffons , par M. Ozy , Muficien de la Chapelle
& de la Chambre du Roi. Prix , 6 liv.
-- Six
Duos concertans
pour deux Flûtes , par M. J.
Mayer , OEuvre V , troisième
de Duos de Fiûre .
Prix , 7 liv. 4 fols.
Sonate
pour
le Forte-
Piano
, avec
Accompagnement
de Violon
, par
M.
F. Melger
, faifant
le Numéro
35 du Journal
de
Pièces
de Clavecin
par
différens
Aureus
. Prix
,
3 liv.. Dixieme
& dernier
Concerto
pour
la Clarinette
, exécuté
au Concert
Spirituel
, & compofé
197 MERCURE
-
par M. Michel , uyre pofthume. Pix , 4 lix,
16 fols. Six Quatuors concertans pour deuse
Violons , Alto & Violoncelles , par M. A. Stamitz ,
de la Mufique du Roi , huitième Livre de Quatuors.
Prix , Six Trios concertans pour
Violon , Alto & Violoncelle , par M. J. H. Schivetter,
OEuvre III. Prix , 9 liv. Six Duos pour
liv.
9
-
-
deux Violons d'une difficulté progreffive à l'ufage des
Commençans , par M. Cambini , Euvre XLVII ,
premier Livre d'étude dont les Écoliers peuvent fa r
ufage après la gamme Prix , 7 liv. fols. A Paris ,
chez M. Boyer, rue de Richelieu , à la Clef d'or,
Paffage du Café de Foy, & Mme Lemenu , rue du
Roule, à la Clef d'or.
TABLE.
M. d'A*** à Mme d'Hic Littératurc ancienne & mo
que .
Romance,
Réponse à la question ,
Charade, Enigme &
gryphe
Hice! Litera
147 Theatre Moral ,
148 Concert Spirituel ,
137
170
179
Logo Acad Royale de Mufiq. ' 185
150 Comédie Italienne ,
Tableau des Révolutions de la Angonces & Noices,
J'AI
APPROBATIO N.
181
185
AI lu , par ordre de Mgr . le Garde des- Sceaux ,
Mercurede France , pour le Samedi 23 Déc. 1986. Je`p'
ai rien trouvé qui puiffe en erupêcher l'impreffion.
Paris, le 22 Décembre 1786. GUIDI
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 30 DÉCEMBRE 1786 .
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
ÉPIT RE
AM. BALZE , après avoir affiflé à la
lecture de fes Poefies Lyriques , qui n'ont
point encore été publiées.
A Nos voeux ne fois plus rebelle ;
Rends-nous ces vers délicieux
Qu'en un porte-feuille envieux
A confinés ta main cruelle.
Vite , fais briller à nos yeux ,
Sur notre horifon Littéraire ,
Ces mé éores lumineux ;
Qu'il chaffent la vapeur groffière
Dont un gone faux , contagieux ,
N°. 5 , 30 Décembre 1785. E
194
MERCURE
De l'Hélicon fi radieux
A fouillé la pure atmoſphère,
ANIMÉ d'un fublime élan ,
On t'a vu , cher à Melpomène ,
De la tombe où dormoit fa haine ,
Faire fortir Coriolan.
Qu'il parut grand dans fa furie ,
Ce Héros autrefois Romain ! *
Pour adoucir fon ame aigrie ,
Roms & les Dieux parlent en vain ;
Il voit les pleurs de Volumnie ...
Le fer cft tombé de fa main .
Non moins ému , l'affreux Zoïle
Brife fon ftylet inhumain.
Balze , ton triomphe eft certain ;
Pendant que de Rome on exile
Ton illuftre Républicain ,
Le goût , dans fon palais divin ,
A jamais lui donne un afyle.
MAIS Dieux ! quels murmures Aattours
Dans tout l'empire poétique ,
* Allusion à cette belle réponse de Coriolan , dans la
Tragédie de M. Balze .
VOLUMNI E.
Au nom de la patrie ....
CORIOLA N.
Un banni n'en a pas,
DE
195
FRANCE.
Lorfque de leur prifon inique
Sortiront ces vers enchanteurs ,
Enfans dont la Mufe Lyrique
Voulut couronner tes ardeurs!
Dans un cercle étroit de morale ,
Maint rimeur trifte & moribond ,
De l'Ode à la marche inégale ,
A traîné le char vagabond.
Toi , tu dévores la barrière
Quel'on oppofe à ton effort ;
Et quand tu veux prendre l'effor
Le monde entier eft ta carrière.
Ton genie ardent , généreux ,
Soumis au joug de la meſure ,
En eft plus fier , plus vigoureux ;
Il parcourt , libre dans les jeux ,
Tous les tableaux de la Nature.
Dans ton vers noble ou gracieux ,
Rapide ou lent , vif ou nombreux ,
Jamais la raifon ne formeille ;
Par-tout le fon flatte l'oreille ,
Quand l'image féduit les yeur.
En toi fur-tout , en toi j'admire
L'accord du fon & de l'objet.
Le rhithme peint , lorfqu'il te plait,
Le fouffle amoureux de Zéphyre ,
La lutte horrible des Autans ,
Les Vents , Ode.
Iij
196 MERCURE
Des volcans la flamme effrayante ,
Et des mers la vague bruyante ,
Et le fourire du printemps . **
MAIS dans la nature phyfique
Ta Mufe captive gémit ,
Et tu cours , d'un pinceau magique ,
Rival du foleil qui nous luit ,
Aux champs de la métaphyfique
Peindre la pensée & l'efprit. ***
Mon ame eft - elle un vain phoſphore ,
Un corps fubtil & brillanté ,
Un feu léger qui s'évapore
Et fe perd dans l'immenfité ?
Non. Son effence originelle
Offre, ainfi qu'un miroir fidèle,
Ses devoirs & fa liberté ;
Si le néant eft derrière elle ,
Devant eft l'immortalité.
Non , l'Univers , ce globe immenfe
Où règne tant d'ordre & tant d'art ,
N'eft point l'ouvrage du hafard ,
Il eft fils d'une intelligence .
Par un facrilège travers ,
En vain l'athée au coeur pervers
Ode fur le feu.
** Flore , Ode Anacréontique,
*** Ode fur l'Ame.
DE FRANCE. 197
Renverſe Dieu dans fon audace ;
Ton talent vainqueur le replace
Sur le trône de l'Univers.
Delà , propice ou vengereffe ,
Sa main fait defcendre fur nous
Les traits.brûlans de fon courroux
Ou les faveurs de fa tendreffe.
Je l'entends , ce Dieu de Sion , *
Annonçant au bruit du tonnerre
La perte de fa nation.
Sa voix a fait trembler la terre;
Et les ennemis de fon nom
Sont diffipés par la colère ,
Ainfi que la paille légère
Par le fouffle de l'aquilon.
BALZE , ta carrière eft remplie;
Ton talent , dans fon vol altier ,
A rendu l'Univers entier
Tributaire de ton génie ,
Porté fur des aîles de feu ,
Tu viens de parcourir la chaîne **
Qui des corps monte à l'ame humaine ,
Et de l'ame jufques à Dieu.
Mais des hauteurs de cette fphère ,
A peine rendu parmi nous ,
* Odes facrées de M. Balze.
** La Chaîne des Etres , Ode .
Iii
198 MERCURE
Tu veux chanter ce bien fi doux *
Qu'on cherche & qu'on ne trouve guère.
Plus d'un Philofophe rêveur
A differté fur le bonheur ;
Mais cette plante enchantereffe
Germe fur des bords peu connus.
Dans les jardins d'Académus
Charma t'elle autrefois la Grèce ?
Croît- elle parmi les vertus
Dans l'antre obfcur de la fageffe ,
Ou bien au fein de la molleffe,
Dans les boulingrins de Vénus ?
Mon avis fur ces grands débats.
Eft que tout mortel ici bas
Se fait un bonheur à fa guife.
Recueillir des lauriers fanglans
Pour Crillon , c'eſt le bien ſuprême ;
Damis préfère des talens
Le pacifique diadême ;
Life & Titus mettent leurs voeux
A faire toujours des heureux ;
Cléon , à tromper ou médire ;.
Gluck , à charmer par fes concerts 3
Toi, Balze, à faire de beaux vers,
Et toute la France à les lire.
Par M. Morel , Profeffeur d'Eloquence & de
Poéfie au College Royal de Bourbon , à Aïx 】
* Ode für le Bonheur
DE FRANCE. 199
A Mile WARESCOT , en ne lui envoyant
aucun bouquet pour fa Fête.
AIR : Ce fut par la faute du fort.
AUJOURD'HUI 'HUI ne vous Aeurir pas ?
A quels reproches je m'expofe !
On peut ,
même au fein des frimats ,
Dérober à Fløte une rofe ;
Mais je craindrois , avec raison ,
D'attirer l'abeille cruelle ,
E: que fon perfile aiguillon
Ne prit votre bouche pour elle.
( Par M. de la Dixmeric. )
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercureprécédent.
Le mot de la Charade eft Cherbourg ; celui
de l'Enigme eft l'Or ; celui du Logogryphe
eft Gloire , où l'on trouve Loire ( rivière , &
deux bourgs du même nom ) , Loire ( autre ,
rivière ) , oie , loi , Roi.
"
100 MERCURE
CHARADE.
PRIS d'indigeftion , recours à mon premier ;
Pris par le froid , recours à mon dernier;
Pris par l'ennui , recours mon entier.
ENIGM E.
J'AI les dents mille fois plus dures
Que celles des lions , des tigres & des ours ;
Je vas , je viens , je fais cent tours,
Et ne fais aucunes bleffures ;
On me place en un lieu qui n'eft fait que pour moi ;
On a pour moi du foin & de l'exactitude ;
Et ceux qui tombent fous ma loi
N'y font pas fans inquiétude .
Avec moi l'on repofe en toute sûreté ;
Et fans trop vous vanter mon zèle ,
Ce que je garde eft mieux gardé
Que par le chien le plus fidèle.
LOGO GRYPHE
Aune jeune Demoiſelle habitante du Couvent
de Saint- Pantaleon , à Toulouse.
UNE maifon fans moi ne fauroit fe conftruire ;
Par un bizarre fort je fers en même temps
DE FRANCE.
Et les jaloux & les amans ,
Et cependant contre eux quelquefois je conſpire. ,
Par les fecours que je fournis
Je puis également avoir leur confiance ;
Mais c'eft fuivant la circonſtance
Que je les fers ou bien que je leur nuis.
Si l'on décompofe mon être ,
On peut d'abord voir un endroit
Où d'ordinaire on ne fent pas le froid ;
Ce qu'à la ville on voit fous fa fenêtre ;
Certaine noté que le chant
Met en ufage fréquemment ;
De notre efprit une fineffe
Qui nous trabit par fes detours ,
Que l'Amour met en jeu fans ceffe ,
Et que dans Figaro l'on démêle toujours.
Mais c'eft affez , il faut me taire ,
Je ne dois pas , plus bavard que Vert- vert
Iris , vous dire le mystère ,
Quand vous aurez la clef, tout fera découvert.
ENV O I.
7
Le mot dont je vous fais l'envoi ,
Caché fous tant de verbiage',
Vous embarraffera , je gage ;
Mais la chofe de bonne-foi
M'embarraſſe bien davantage
Quand elle eft entre vous & moi,
(Par uneperfonne à qui vous n'êtes pas inconnue . )
Iy
202. MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
HISTOIRE de Provence , Tome IV & dernier,
in 4°. , par M. l'Abbé Papon , de
l'Académie de Marſeille. A Paris , chez
Moutard , Imprimeur de la Reine , rue des
Mathurins , hôtel de Cluni.
་
EN rendant compte du troifième Volume
de cette Hiftoire , nous avons apprécié le
travail de M. l'Abbé Papon , & nous avons
parlé des difficultés fans nombre qu'il a
eu à furmonter. Nous l'avons vu s'approcher
du terme avec facilité , & fe foutenir
dans fa marche avec la même richeffe d'érudition
& la même mefure de critique &
d'impartialité. Ce dernier Volume , moins
abondant en faits principaux , a le mérite de
réunir beaucoup plus de mouvement &
d'action. On voit tous les Nobles du pays ,
Rous fans exception , agir , s'armer , combattre :
& multiplier les factions. Il eft peu de Provinces
qui pulfent offrir depuis 1400 jufqu'en
1660 autant de ſcènes différentes & de
combats privés. Si on ne connoifloit pas allez
le caractère des Provençaux après la lecture
* Voyez le Mercure du 9 Octobre 1784 ,
page 60,
DE FRANCE. 203
des trois premiers Volumes de l'Hiftoire de
M. l'Abbe Papon , il fuffiroit , pour en acquétir
une connoiffance entière , de parcourir cè
dernier Volume. On trouveroit des têtes
exalrées , des furieux , des efprits toujours remuans
& toujours inquiers ; des Nobles toujours
brûlés de la foif de la vengeance , ou
pouffés par des haines fecrettes , & fe mettant
à la tête ou à la fuite d'une faction fins
avoir de grandes vues ni des projets de fortune.
Le fanatifme ou plutôt les principes de
la ligue les rendirent coupables de plufieurs
de ces crimes qui, dans ces tems affreux, couvrirent
de la même tache prefque toutes nos
Provinces. Les payfans Provençaux fe figna
lèrent par leurs cruautés ; l'hiftoire de leurs
ligueurs eft fans contredit la plus affreuſe de
toutes celles qu'on puiffe lire. Ils ne connoiffoient
que les excès dans le mal & dans
le bien ; point de milieu. L'Hiftorien de la
ville de Fréjus nous apprend que ceux qui
étoient de la ligue contre Henri IV, devenu
Roi de France , firent des feux de joie lof
qu'ils apprirent fa mort. Des feux de joie à la
mort de Henri IV ! du meilleur des Rois ! Ici
les réflexions feroient de trop .
Nous allons préfenter rapidement les matières
qui rempliffent ce dernier Volume ,
afin que nos Lecteurs puiffent avoir une idée
de l'importance de cette dernière Partie. La
Provence étoit réunie à la Couronne. Louis XI,
* Tome IV, Livre II , page 257•
Ivy
204
MERCURE
le plus habile de nos Rois , favoit manier l'efprit
de fes nouveaux fujets , & fe maintenir
dans fa poffeflion tantôt en puniffant , tantôt
en défavouant fes propres Officiers , & en
évitant de pouffer les chofes aux dernières
extrémités. Il fut craint , refpecté ; mais il ne
fit rien pour être haï. C'étoit beaucoup pour
lui. Charles VIII rendit les Provençaux utiles
à l'État , & leur fit jouer un rôle dans l'expédition
de Naples , ce qui lie l'Hiftoire provinciale
à l'Hiftoire générale de la France.
Les guerres de François I. avec Charles-
Quint, les projets du Connétable de Bourbon ,
le fiége de Marfeille , les invafions du Duc de
Savoie firent de la Province le théâtre de la
guerre. Son zèle ne fut point équivoque , &
on peut affurer que les habitans ont confervé
la Province au Roi fans le fecours des troupes
Royales. On peut voir dans l'Hiftoire avec
quelle valeur Marſeille foutint le fiége & les
efforts de l'armée du Connérable de Bourbon .
Il n'y avoit ( remarque M. Papon ) que quarante
trois ans que les Marfeillois appartenoient
à la France. C'eft à Marseille que Catherine
de Médicis aborda , & que fon mariage
fut conclu ; union qui a laiffé à la France
de longs & cruels fouvenirs. M. Papon trace
le caractère de cette Princeffe , & obferve
avec vérité que la plupart de fes crimes furent
l'ouvrage d'un fiècle corrompu & ignorant.
L'hérélie des Vaudois , les affreufes exécutions
de Cabrières & de Mérinda font frémir les
Lecteurs. Nous ne fommes point furpris que
DE FRANCE.
205
François I. foit mort rongé de remords . Nous
aurions defiré qu'un efprit d'équité eût conduit
le Miniftre de Henri II dans la révifion
de ces procès . Mais le Duc de Guife ne youloit
que fe venger en ordonnant d'informer
contre tous ceux qui avoient trempé dans ces
exécutions. Le premier Préfident d'Oppède
plaida lui - même fa caufe , & fut abfous.
L'Avocat Général Guérin , qui n'avoit ni crédit
ni partiſans , fut facrifié . Son jugement ne
fut aggravé que par des délits étrangers aux
mallacres des Vaudois , dont le fang cria inutilement
vengeance
.
C'eft en Provence qu'on voit le fangui
naire des Adretz , marquer par le
carnage &
les incendies fes conquêtes & fes victoires.
C'eft à Marseille que San- Piétro égorge de
fes propres mains fa vertueufe époufe. Dans
le même temps on intentoit juridiquement
un procès contre les infectes , tant il eſt vrai
qu'il n'y a point de barbarie fans l'ignorance ,
& que l'une & l'autre marchent toujours de
front. Nous ne parlerons point des partis
que les Catholiques & les Proteftans formerent.
Les uns avoient à leur tête Pontives ,
Comte de Carces ; les autres , qu'on nommoit
Bigarrés , parce qu'ils embraffoient la
querelle de Henri IV , changeoient fouvent de
Chefs , ou en prenoient de plus obfcurs.
D'Épernon fe fouilloit de mille crimes , &
fembloit vouloir s'approprier fon gouvernement.
Averti de l'arrivée de Henri IV , il
permet de dire: Qu'il vienne , je lui ferfe
206 MERCURE
"
virai de Fourrier, non pour marquer , mais
pour brûler les logemens fur-fon paffage. Le
Duc de Guiſe , qui lui fuccède , trouve des
partifans , & foulève la Province contre le
Cardinal de Richelieu , qui vouloit perdre le
Duc. Glandèves de Niozelles conduifoit les
Marfeillois , & arrachoit cette Ville à l'autorité
Royale. On peut fixer à la condamination
& à la fuite de Niozelles la tranquillité de la
Ville & la foumiffion de la Province. C'étoit
en 1660. Cette année fur à - peu - près l'époque
univerfelle où toutes les Provinces cefsèrent
d'avoir , à proprement parler , une
Hiftoire & un caractère. La Puiffance Royale
a tout attiré à elle , & du fein de la Capitale
a imprimé le mouvement jufqu'aux extrémités
du Royaume.
M. Papon ne fe diffimule point que , depuis
1572 jufqu'en 1660 , fon hiftoire eft fans
attrait pour la raison , & fans intérêt pour
les âmes honnêtes . Ce font des combats.
multipliés & des motifs bas & honteux.
On couroit aux armes , fans s'inquiéter fi on
déchiroit ou non la Patrie. Sous ce point de
vue , il n'eft pas douteux qu'on ne doive
defirer que les Provinces foyent toujours
contenues fous une loi uniforme & conftante.
La Provence ne doit regretter ni fes razas,
nifes carciftes , ni fes bigarats ni fesfabreurs,
DE FRANCE. 207
(
qui furent autant de factieux qui la ruinèrent
& la troublèrent fans aucun intervalle.
Le fiége de Toulon en 1707 , eft le feul
événement mémorable que l'hiftoire de la
Province ait à préfenter. Après ce fiége ,
( dit M. Papon ) les annales ne rapportent
aucun fait qui foit digne d'attention . La
pefte déploya tous fes fléaux fur cette Province
en 1720. Il faut lire dans l'Auteur
tous les progrès de cette épidémie , toute fon
horreur & fes fuites affreufes. Ce tableau eft
défolant ; on y voit l'homme aux prifes avec
tous les befoins , fouffrant , délaiffé , gémiffant
, cadavéreux ; tous les noeuds font
rompus. Plus de famille , point de fecours ,
l'homme craint l'homme. Celui qui garde
le malade , tombe & meurt devant le mou
rant. Les rues font jonchées de morts & depeftiférés
qui fe traînent fur les marches des.
églifes , pour mourir devant la porte des
temples , & pour toucher le ciel qui les dévoue
au trépas. On retrouve des traits d'atta
chement rares , & qui touchent au milieu
de cette défolation. Des amans défefpérés:
» s'arrachèrent des bras de leurs parens ,.
ལ་ pour aller foigner leurs amantes malades ;
»
l'amour paternel eut auffi fes martyrs : les
» parens fe donnoient la fépulture les unst
aux autres. Les maris creufoient la foffe
de leurs femmes , les pères , celle de leurs
enfans, & après avoir furvécu à leur famille
, ils reftoient fouvent expofés eux-
» mêmes à la voirie. Un payfan & fa femine,
ท
33
208 MERCURE
"
reftés feuls dans leur maifon , furent attaqués
en même- temps de la pefte , & fe
» regardèrent comme perdus , par l'impoffibilité
de trouver aucun fecours : frappé
de cette idée , le mari creufa deux folles
avant que la maladie eût épuifé í forces.
» Enfuite , quand il fentit approcher la der-
» nière heure , il fit fes adieux à ſa femme,
B
& fe traînant jufqu'à la foffe , il s'y laiffa
» tomber & s'enterra , pour ainsi dire , tout
» vivant. Le trait fuivant est encore plus
remarquable , parce qu'il fut infpiré par
la tendrelle jointe à une rare fermeté.
Une payfanne , durant fa maladie , refufa
» toujours d'être foignée par fon mari , de
» peur de lui communiquer la contagion,
Comme elle jugea qu'après la mort il feroit
obligé de la porter lui-même en terre ,
* & qu'en, lui rendant ce dernier devoir ,
» il recevroit les impreffions de la maladie ,
elle lui demanda une longue corde qu'elle
» s'attacha aux pieds , quand elle vir approcher
fa dernière heure , afin qu'il pût la
» traîner dans la foffe fans aucun danger
pour lui.
-33
! ל כ
و د
M. Papon termine de cette manière touchante
fon tableau. " Le mois de Mai
» vit difparoître les alarmes , & ramena le
» calme avec les beaux jours du printemps.
» Les rues furent peuplées , les femmes fortirent
de leurs rerraites , les affemblées
» furent ouvertes. On le vit , on ſe livra à
» ces tranſports de joie qu'on éprouve lorſDE
FRANCE. 209
"
و ر
و د
qu'on fe rencontre après avoir échappé
» à un grand péril. Le plaifir de s'embrailer.
rempliffoit toutes les âmes ; & fi à cet
empreffement il fe mêloit le fouvenir des.
» pertes qu'on avoit faites , c'étoit pour.
» mieux fentir le bonheur d'y avoir furvécu.
» Les habitans que la crainte avoit chaífés de
la ville , venoient groffir tous les jours le
» nombre de ces hommes fi fatisfaits de fe.
revoir ; mais leur joie n'étoit pas aufli pure
» que celle des autres ; elle étoit troublée à
l'aſpect de ces traces de dévaſtation , de
» ces empreintes de mort auxquelles leurs
" yeux n'étoient point accoutumés. Le mou- ,
» vement que la ville paroiffoit reprendre,,
» ne reffembloit point au mouvement d'un
" corps qu'il avoit laiffé brillant de fanté &
» de force. C'étoient les agitations d'un ma-
» lade à peine convalefcent. Ces maifons
و ر
"
33
و د
qu'ils avoient fréquentées ne leur préfen-
» toient plus leurs anciennes connoiffances.
» Ces jardins , que la préfence de leurs amis
» rendoit fi agréables , étoient abandonnés,
» Ces lieux où ils avoient reçu les embraffe-
» mens de leurs parens , n'offroient qu'un
fpectacle d'horreur : ainfi la trifteffe réprima
bientôt les tranfports de la joie. »
M. Papon finit fon hiftoire après la peſte.
Ses motifs font louables. Nous nous fommes
faits , dit- il , une loi de ne point parler de ce
qui touche de trop près à la génération préfente
, foit en bien foit en mal. Il n'arrive
que trop fouvent dans ce cas là , que mille
13
2
210 . MERCURE
V
1
confidérations fecrettes viennent , à l'infçu
même de l'Auteur , altérer la vérité. Nous
Tavons préfentée dans le cours de cet Ouvrage
avec la plus grande impartialité, ayant
un égal éloignement pour la flatterie & pour
la fatyre. C'eft ainfi que s'exprime l'hommede-
bien. Ce langage honore M. Papon , qui
n'a jamais perdu de vue les grands principes
de l'Hiftorien. Vrai , circonfpect , impartial ,
il a écrit fans diffimuler les crimes & les
fautes , fans métamorphofer l'Hiftoire en
apologie , & fans nuire à la vérité par des
fubtilites ou par ces déclamations qui font
de l'Hiftoire un roman ou un libelle . Ceux
qui auroient été curieux de lire l'anecdote
fcandaleufe ............ de la Cadière , qui ,
grâce à un fiècle tolérant & éclairé , ne finit
point par les fupplices ; ceux qui auroient
voulu en faire ur pendant à celle de Gaufridi
, lui pardonneront une omiffion volon
taire.
Ce volume eft terminé par une liſte des
hommes illuftres de la Province.
DE FRANCE. 211
DISCOURS de M. le Comte de la Taurailles,
deftiné pour être lu à l'Académie de Nancy
le jour de fa réception , le 8 Mai 1786.
L'homme eft de glacé aux vérités ;
Il eft de feu pour le menfonge.
8
VOLT.
A Laufanne ; & fe trouve à Paris , chez
Belin , Libraire , rue Saint Jacques , près
Saint Yves , & chez Bailly , Libraire , rue
Saint Honoré, près la Barrière des Sergens .
AUJOURD'HUI un Difcours Académique a
prefque toujours pour objet une vérité utile.
La Philofophie a fait fentir que le genre d'éloquence
le plus agréable ne doit pas être
frivole. L'Auteur des Lettres Perfaimes ne
pourroit plus dire de nos Académiciens que
" l'éloge va fe placer comme de lui- même
» dans leur babil éternel. » M. le Comte de
la T ***, Directeur Honoraire de la Société
Patriotique de Bretagne , des Académies
de Dijon , de Lyon , de Caffel , ayant été
choisi pour remplacer l'Abbé Millot dans
celle de Nancy, paroît avoir bien fenti que
rien n'eſt plus infipide que ce long tiffu de
complimens, regardés autrefois comme indifpenfables.
Les plus beaux complimens , même
Académiques , ne valent pas la vérité plus
fimple. « La vérité , dit M. le Comte de la
* T ***, page 24 de ce Difcours , fi douce
214 MERCURE
» pour les honnêtes gens , & fi amère pour
» ceux qui ne le font pas. ».
Le Récipiendaire , après une expreflion fimple
& décente de fa fatisfaction & de fa reconnoiffance
, entre dans quelques détails relatifs
à l'Académie qui vient de l'adopter. Sa
véridique philofophie ne néglige point les
précautions oratoires. Il rend dans fon Exorde
un hommage légitime à M. le Maréchal de
Choifeul Stainville , Commandant de la Province,
& fe félicite d'avoir pour Confrère M.
le Comte de G ***, Hiftorien de la Maifon
de Lorraine. « S'il n'a pas , dit-il , la fubline
» caufticité de Tacite , il a l'urbanité véridi-
» que de Pline dans fon Panégyrique de
Trajan , à qui l'on peut comparer plus d'un
>> ancien Souverain de cette Province . » Pais
il ajoute :
"
و د
" Votre Fondateur , Meffieurs , Héritier
des États & des vertus de Léopold - le-
Bienfaifant , comme Cécrops dans l'Atti
» que , fit de fes fujets dans cette Province
" une Colonie nouvelle , plus heureuſe en
core ; & Nancy, comme l'ancienne Athènes,
» devoit être un jour l'afyle de la politeffe &
» des Arts. »
L'Orateur paye enfuite un tribut d'éloges
particulier à la mémoire de fon Prédécefleur,
& trace en peu de mots une idée du genre
d'étude auquel il s'étoit adonné.
و د
ra L'Abbé Millot avoit pour moi de l'amitié
as & de la confiance . Son caractère étoit hon-
» nête & mélancolique ; fon efprit ferme &
DE FRANCE. 213
2
"
laborieux . Je ne prévoyois pas , Meffieurs ,
» lorfqueje lui donnois des foins & des confolations
dans fa dernière maladie , que fa
» place dût être pour moi une fuite de fa
perte . Si je ne puis vous en dédommager,
» du moins je tiendrai de lui le double héri-
» tage de fa confraternité avec vous , & de
» fon zèle pour la gloire de cette Com-
» pagnie.
Ses Écrits refpirent la douceur & la vé-
» rité ; fes Élémens hiftoriques doivent fer-
» vir, pour ainfi dire , de rudiment à la jeuneffe
pour apprendre à lire l'Hiftoire ;
» mais des Élémens ne forment pas plus
» une Hiftoire que des carrières un Palais.
">
و ر
Sans préoccupation & fans charlatanifme ,
» fes récits font fondés fans doute fur des
» Mémoires authentiques ; cependant , fous
» la main même du Rédacteur le plus près
» de nous & le plus fcrupuleux , les faits de-
» viennent quelquefois apocryphes , tant le
» menfonge fe plaît à dominer fur tout ce
» qui fort de la main des homines . »
"
" "
Pourquoi cette obfervation n'eft- elle que
trop vraie ? Eft- ce parce que
L'homme eft de glace aux vérités ;
Il eft de feu pour les menforges.
Non. Ne calomnions pas la nature humaine.
N'est- ce pas plutôt parce que térêt de la
vérité n'eft pas toujours pour l'Hiftorien l'in--
térêt le plus cher & le plus facré? Les Lecteurs
demandent la vérité ; ils ne la craignent
214
MERCURE
pas; mais l'Écrivain pufillanime a peur de la
dire; il la tait ou la déguiſe.
Le Récipiendaire part de là pour établir ,
d'après Voltaire , fon pyrrhoniſme hiſtorique.
Il trace un tableau precis & éloquent de cette
longue fuccellion d'impofteurs depuis les premiers
menteurs de l'Afie jufqu'aux confabulateurs
de la Grèce. Il defcend dans un apperçu
rapide des horreurs hiftoriques du Bas-
Empire , aux convulfions dangereufes des fiècles
qui nous ont précédés , & voit preſque
par- tout le règne de l'erreur & les abus. de
l'ignorance fuperftitieufe. On peut d'ailleurs
improuver fes doutes , quoiqu'ils foient motivés.
Il croit de- là pouvoir conclure qu'on
ne peut trop bénir les progrès de la Philofophie,
ou , pour n'effrayer perfonne , de la rai¬
fon , qui commence à luire de proche enproche
fur tous les États de l'Europe.
" On ne peut affez le redire , Meffieurs ;
c'eft inconteftablement aux affociations
des hommes éclairés , que les peuples doi-
» vent l'inappréciable fécurité de la tolérance
, qui met enfin les Princes à l'abri de
» leurs ennemis, quelquefois devenus, leurs
bourreaux. Ce Louvre qui fut jadis le
théâtre du meurtre.
-
» fert aujourd'hui d'afyle à des Sociétés paifibles
, ingénieufes & favantes ; & le pou
» voir qui ordonnoit autrefois des affaflinats
"
& des Saint- Barthélemy , ne dicte plus que
des arrêts de douceur & de bienfaifance....
» Si des Jongleurs uniformes fe font payer
DE FRANCE.
17215
pour calomnier fans ceffe la douce & paifible
Philofophie , qui ne veut affurément
leur faire aucun mal , mais qui fe joue des
» clameurs du pédantifme; il n'y a là qu'une
raifon de plus pour redoubler les ris des
Démocrites de notre âge , & même pour
les honorer des cenfures monotones de ces
Régens ………. Si la trifte &
lourde anti- philofophie fe permet des improbations
dogmatiques jufques dans de
poétiques Almanachs qui annoncent pofi-
» tivement la décadence des talens poéti-
» ques ; ce n'eft qu'un nouveau motifpour
égayer encore les Mufes de la fagelle , qui
dédaignent de fe fâcher contre les Mules
de la fottife.
ע
· •
"9
Ce Difcours eft dicté d'un bout à l'autre
par une raifon ferme & cultivée. On voit
que l'Auteur eft attaché fincèrement aux
bons principes & aux vrais talens . Ce motif
feul l'a porté fans doute à fe permettre
quelques fincérités , fi éloignées du ton de
ces longs Cantiques de fadeurs dont tous les
Lycées du Royaume ont retenti fi longtemps.
En un mot , cette Harangue fait
honneur au Récipiendaire & à l'Académie
qui fe l'eft affocié.
P. S. Cette Brochure eft dans le même
format & du même caractère que le nouveau
Recueil de gaieté & de philofophie , publié
l'année dernière , & annoncé alors dans
un des Numéros de ce Journal,
216 MERCURE
CÉCILE , fille d'Achmet III , Empereur
des Turcs , née en 1710 , 2 Vol. in - 12 .
Prix, 3 liv. brochés. A Paris , chez Buiffon
, Libraire , hôtel de Mefgrigny , rue
des Poitevins , nº. 13.
CE Roman eft fondé finon fur un fait
bien avéré, du moins fur une aventure probable.
On a connu à Paris cette Cécile Princeffe
, fille d'Achmet III ; elle vit encore.
L'Auteur de cet article l'a vue ; il l'a entendue
rendre compte de fa longue vie , & fe
donner les titres que le Romancier lui confirme.
Si fon hiftoire eft entièrement vraie ,
comme nous fommes très - portés à le
croire , il faut admirer la bizarrerie des deftinées
, qui placent fouvent fi loin de fon berceau
le tombeau de l'être infortuné que le
fort n'a ceffe de perfécuter. Il eft bien vrai
que la fille d'Achmet , qu'on nomme à Paris
la Princeffe Ottomane , a fouvent manqué du
-pain du pauvre , & ce dénouement nous
: étonne encore. Venue en France fur l'invitation
du Régent , préfentée à Louis XV ,
nouvelle Convertie, il nous femble que les
bienfaits du Roi devoient du moins fournir à
tous fes befoins. N'a - t - elle rien demandé ?
La Cour a - t - elle ignoré fon infortune ?
Cette queftion eft naturelle , & nous n'y répondrons
point. Puiffe cette fille extraordinaire
ne pas être privée , dans l'âge de calucité
DE FRANCE. 217
cité des fecours qui lui deviennent encore
plus néceffaires !
L'Auteur du Roman a coufu des épiſodes
au récit principal des aventures de la fille
d'Achmet. Peut- être n'y a- t- il de vrai que fon
évafion du ferrail , & fon arrivée à Rome &
en France. Nous en ferions fàchés , parce que
ce feroit détruire la confiance qu'on n'auroit
point manqué d'avoir pour la vérité. Il pouvoit
fupprimer quelques épiſodes d'amour ,
de duel , d'enlèvement , qui ne font tolérables
que dans la facture d'un Roman proprement
dit , & ne peuvent fervir qu'à bleffèr la
réputation d'une femme honnête qui vit encore.
Quoi qu'il en foit , on lit cet Ouvrage
avec intérêt ; le merveilleux paroît vraifemblable.
Le ton eft celui d'un homme qui
écrit fes Mémoires. Il n'y a point de prétention
; peut-être y en a- t-il trop peu , & le
ftyle s'en reffent quelquefois. Les événemens
font trop preffés dans le fecond Volume. Les
détails manquent entièrement . L'Auteur
abrège , fait partir & revenir trop promptement
fon Héroïne ; il la réduit tout à coup
dans un état au- deffous de la médiocrité. Sa
fortune fe trouve évanouie , on ne fait par
quels moyens. La Princeffe quitte fon père ,
revient à Paris , & n'a plus de reffource. Ici les
convenances ne font pas affez ménagées , &
la vraisemblance eft bleffée.
La Princeffe eft donc enlevée du ferrail par
fa nourrice , qui prend la fuite avec fon amant.
Cette nourrice étoit chrétienne . Son attache-
Nº. 52 , 30 Décembre 1786. K
218
MERCURE
ment pour Cécile & pour fa religion lui infpire
le deffein d'emmener avec elle la fille
du Sultan , & de la rendre Catholique . Tel
eft le fond du Roman. La Princeffe eft élevée
& baptifee à Gènes. Le fecret de fa
naiffance tranſpire. La Cour de France defire
la voir. Elle vient en France , où les principales
fcènes ſe paffent , & d'où elle part pour
aler voir fon père détrôné , & où elle revient
après l'avoir vu , & après avoir refuſé
l'honneurde devenir la Sultanede Mahomet V.
L'Auteur a trouvé , comme nous l'avons
dit , les moyens d'intéreffer & de foutenir
l'attention du Lecteur juſqu'à la fin . Nous le
répétons encore , nous defirerions qu'après
avoir écrit le Roman de la Princeffe , il voulût
bien nous en donner les Mémoires véritables
; car rien n'eft auffi extraordinaire que
la deftinée de la Princeffe Ottomane , qu'on
pourroit affimiler avec la veuve du Czarovitz,
qui , dit on , s'éloigna de la Ruffie , palla en
Amérique , époufa un Commitfaire de la Marine
, & a vécu jufqu'en 1774 dans un village
fur la route de Choify-le- Roi.
DE FRANCE. 119
TABLEAU du travailfait par les Rédacteurs
& Coopérateurs du Mercure de France ,
depuis le 1er Janvier 1786 jufqu'à ce jour.
On n'a jamais tant aimé les Journaux ; jamais
on ne les a lus avec une curiofité plus
avide ; quelques - uns d'entre- eux ont obtenu
un fuccès auffi brillant que rare , & néanmoins
ceux - là même fe trouvent journellement
en butte aux traits de ceux qui frondent
par habitude , par humeur ou par défaut de
réflexion. On voudroit que tous les Cahiers
d'un Journal préfentâffent le même degré
* Cet Ouvrage Périodique , le plus ancien & le
plus varié de tous les Journaux , paroît le Samedi de
chaque femaine . On y a réuni d'abord le Journal.
Politique de Bruxelles , & les Soufcriptions du Journal
François , du Journal des Dames , du Journal
des Spectacles , de la Gazette de Littérature. On
y a joint enfuite le Journal de la Librairie , qu'on
imprime fur les couvertures ; & à la fin de la partie
Politique , la Gazette des Tribunaux abrégée.
On n'a rien changé à la forme ni au plan du
Mercure par cette plus prompte publication , tout y
eft à l'avantage des Soufcripteurs . car , quoique ce
Journal foit au menté de foixante quatre feuilles
par an , & paroifle cinquante- deux fois au- lieu de
feize , le prix en eft comme ci - devant , de 32 liv .
pour la Province pour Paris , la Soufcription cft
de 30 liv & l'on n'a point de port à payer quand
on va paffer plufieurs mois à la campagne ou en
province.
Kij
220 MERCURE
d'intérêt , & l'on ne veut pas fe donner la
peine de voir que cet intérêt peut réfulter feulement
du nombre , du caractère & du mérite
des Ouvrages dont ils ont à rendre compte ;
que tous les objets fur lefquels il faut fixer
l'attention publique , ne font pas d'une égale
importance ; & que toutes les parties d'un
Ouvrage Périodique ne pourroient plaire à
tous les Lecteurs ,, que dans le cas où ils auroient
tous les mêmes goûts , les mêmes principes
, les mêmes connoiffances , la même
manière de fentir , de voir & de penfer. Le
bon La Fontaine a dit , avec la naïveté philofophique
qui le diftinguera de tous les Écrivains
du monde : On ne peut contenter tout le
monde &fon père. Ainfi , puifqu'il eft impoffible
de fixer l'univerfalité des opinions , puifque
dans les caufes qui les dirigent il y en a
toujours qui tiennent à des fenfations perfonnelles
, il faut s'en tenir à ce principe raiſonnable
; que fi la pluralité des fuffrages n'annonce
pas pofitivement qu'on a fait bien ,
elle annonce au moins qu'en a fait du mieux
qu'il étoit poffible ; & il faut en donner des
preuves authentiques .
Le moyen de fournir ces preuves eft fimple
& facile. Chaque année voit éclore un certain
nombre d'Ouvrages, dont un Journal doit
donner à fes Abonnés une connoiffance proportionnée
au degré d'intérêt qu'il peut infpirer.
Si dans un Journal tel que le Mercure
de France , toutes les productions des Arts
ut été fucceffivement publiées par leurs
DE FRANCE. 21
titres à l'article des Annonces ; fi on a fait
fuivre d'une notice claire & fuffifante celles
qui , fans mériter un extrait en forme , étoient
pourtant dignes de quelque attention ; fi la
partie des Nouvelles Littéraires a préfenté
tour-à- tour les articles raifonnés des Ouvrages
les plus fufceptibles de piquer la curiofité
des Lecteurs éclairés ; fi enfin l'article des
Pièces Fugitives & celui des Variétés ont of
fert , dans le plus grand nombre des Cahiers ,
des morceaux de Littérature amufans ou utiles
aux progrès des lumières & de la morale ; certainement
il faudra convenir que ce Journal
aura réellement fait du mieux qu'il étoit poffible
, & qu'il aura rempli fon but. Je ne
connois donc rien de mieux , pour fixer l'opinion
publique fur la manière dont le Mercure
eft fait & rédigé , que de donner annuellement
un tableau des articles de Littérature
de toute eſpèce qui y auront été inférés . Ce
tableau qui , d'un côté, pourra faire connoître
jufqu'à quel point on peut eftimer un Journal
compofé dans les principes de décence &
d'impartialité qui honorent la carrière des
Beaux- Arts , fervira , de l'autre , à rappeler
aux Lecteurs tous les objets dont on les aura
entretenus dans le cours de l'année ; & peutêtre
leur donnera - t'il quelques fouvenirs
agréables. Je vais tracer celui de l'année préfente.
Comme depuis fix ans , à la clôture
des Spectacles , on rend compte du travail.
fait aux Théâtres Royaux , je n'en ferai ici
aucune mention , & il continuera de fe faire
Kiij
222 MERCURE
à fon époque, comme par le paffé. Je diviferai
mon tableau en trois parties ': Pièces
Fugitives , Nouvelles Littéraires , Variétésy
mais avant de le commencer , je ne permettrai
quelques obfervations néceffaires.
- Le Mercure de France eft à la fois le
Journal des Gens de- Lettres & celui des gens
du monde , le Journal de la Capitale & celui
des Provinces ; en un mot , c'eft le Journal de
la Nation. S'il fe bornoit à inftruire , il ne
rempliroit pas fon but , il doit encore amufer
& plaire ; & comme le même genre de délaffement
ne convient pas à tous les efprits , il
doit en offrir de plus d'une eſpèce. C'eſt fur
ce motifque fa diftribution actuelle eft fondée.
Il y a encore à Paris un affez grand nombre
de perfonnes qui mettent une certaine
vanité à trouver le mot des énigmes & à -
décompofer les logogryphes ; il y en a bien
davantage en Province , dans les châteaux
ifclés , dans les retraites écartées des grandes
villes ; c'eft pour cette claffe d'Abonnés qu'on
les a confervés , qu'on y a même ajouté une
charade , eſpèce d'énigme quelquefois piquante
, & toujours affez courte , pour ne
pas remplir un elpace utile. C'eft auffi pour
remplir le voeu de certains Lecteurs dont l'efprit
ou s'amufe à vaincre de petites difficultés
, ou fe plaît à examiner comment elles
ont êté vaincues , qu'on a adopté , depuis
quelque temps , les bouts -rimés , les acrof
tiches & les queftions dans le genre de celles
qui s'agitoient dans les anciennes cours
DE FRANCE. 223
d'amour ; mais on n'en fait qu'un très -fobre
ufage , & les noms que l'on offre aux Amateurs
d'acroftiches font toujours confacrés par
des événemens mémorables ou par des fervices
rendus à la patrie & à l'humanité . Ce
détail pourra faire fourire quelques dédaigneux
; mais il ne déplaira point à ces perfonnes
raifonnables qui trouvent bon qu'un Journal
parle un peu à tous les efprirs , en fe renfermant
dans les bornes du goût & de la
bienséance.
J'obferverai encore que , dans le cours de
cette année , il paru quelques Ouvrages remarquables
dont le Mercure n'a point encore
donné d'extraits. En voici la caufe. Les Ouvrages
élémentaires , les difcuflions polemiques
, les recherches fur l'hiftoire , fur les
fciences , & les autres productions de ce
genre , demandent à être approfondies avant
d'être jugées Piononcer fur de pareils écrits ,
d'après un léger apperçu , c'eft mentir au
Public , aux Arts & à foi - même ; & , dans
tous les cas , mieux vaut bien faire que de
faire vite . Au reste , tout ce qui n'aura point
été placé dans une année , fera toujours remplacé
dans la fuivante. Je paffe au
au tableau que
j'ai promis.
PIÈCES FUGITIVES Omar , Conte traduit de
l'Allemand , par une Abonnée , Nº . 1. Hiftoire de
deux jeunes Amies , par Mme Riccoboni , Nos. 13
& 14. Le Petit Marchand de Laine , Conte , par
-M . Rétif de la Bretonne , N° . 20. L'Amant perdu ,
Conte Turc , par M. de la Marre , No. 19. La
K iv
224 MERCURE
Toilette , Conte poétique , imité de l'Italien , par
M. Bérenger , N° . 35. Alouc- Babouc , Conte Oriental
, par M. Mallet Butini , Nº . 40. Plaifir & Peine ,
Conte , par M. Imbert , Nº . 45 .
N°. 4.
NOUVELLES LITTÉRAIRES , OEuvres de M. le
Chevalier de Bert.... , articles de M. Garat , Nos I
& 2. Lunes du Coufin Jacques , N° . 2. Almanach
des Mafes pour 1786 , art . de M. Imbert , N° . 3 .
Lettres de Name la Comteffe de L.... à M. le Comte
du R.... , art. de M. G ... , de l'A . F. , Lettres
fur l'Egypte , par M. Savary , art, du même ; Dif
fertations critiques , pour fervir à l'Hiftoire des
Juifs , art. de M. Maller du Pan ; Traité de la Cataraste
, par M. de Wenzelfils , art . de M. Framery ,
N° . 5. Mémoire fur la néceffité de reconftruire & de
tranfporter l'Hôtel-Dieu de Paris , art. de M. Mallet
du Pan , Nº . 6. Étrennes Lyriques , art. de M. de
Saint -Ange ; Projet du Nobiliaire de la Haute-
Guyenne ,par M. de la Vaiſſicrre , N° . 7. Eſſai hiftorique
fur les Mours des François , par M. de Sauvigny
; Délaffemens de l'Homme Senfible , par M.
d'Arnaud, art. de M. Imbert ; Eloge de Maximilien-
Jules - Léopold de Brunfwick , par M. de la Cépède ,
art. de M. G.... , de l'A . F. ; Nº . 8. Pièces intéreffantes
& peu connues , par M. D. L. P. , Tome 4 ,
art. de M. Imbert ; Traduction nouvelle des Elégies de
Properce,par M. de la Houffaye ; art . de M. Framery;
ie Mariage inattendu de Chérubin , par Mme de Gouge,
N° .9.Difcours aux enfans de Mgr. le Duc d'Orléans,
par M. l'Abbé Bourlet de Vauxcelles , art. de M.
Imbert ; Etrennes du Parnaſſe , art. de M. de Saint-
Ange ; Caroline , Roman traduit de l'Allemand ,
* Les Articles qui ne portent point ici le nom de leurs
Auteurs , ont été envoyés par des Gens- de -Lettres qui ne
fe font point fait connoître , ou qui ont defiré de n'être
point nommés.
DE FRANCE. 225
art. de M. Mallet du Pan, N° . 10. Hiftoire de France
, Tomes 27 & 28 , par M. Garnier , art. de M.
G.... de l'A. F.; Euphémie , nouvelle , par Mme.... ,
N°. 11. Hiftoire Littéraire du moyen âge , art. de
M. G.. , de l'A. F.; l'Art mufical ramené à ſes vrais
principes , traduit de l'Italien , art. de M. Framery ;
Notice raifonnée des Ouvrages de Gafpard Schott ,
N. 12. Poéfies diverfes de M. Hoffmann , No. 13 .
Effai fur l'Amour , art. de M. G... , de l'A . F.;
Effai de Fables nouvelles , par M. Didot fils , art.
de M. Imbert ; Obfervations fur les caufes qui s'oppofent
aux progrès de l' Anatomie , Nº. 14. Voyage
de M. de Mayer en Suiffe , en 1784 , art. de M.
Mallet du Pan ; Traduction du Plutarque Anglois ,
Tomes 7 & 8 , art. de M. Imbert ; Précis des Conférences
des Commiffaires du Clergé avec les Commiffaires
du Roi , art, de M. de la Cretelle , No. 15.
Eloge de M. Caffiny de Thury , par le Marquis de
Condorcet , art . de M. G ... , de l'A . F.; le Mari
Sentimental , fuivi des Lettres de Miftriff Henley ,
arr. de M. Framery ; Traduction des Faftes d'Ovide,
par M. Bayeux , Tome 2 , N° . 16. Tableau des
Arts & des Sciences depuis les temps les plus reculés
jufqu'au fiècle d'Alexandre- le- Grand traduit de
l'Anglois , arr. de M. G... , de l'A. F. , le Guide des
Officiers particuliers en campagne , par M. de Ceffac ,
No. 17. Camille , ou Lettres de deux Filles de ce
fiècle, traduites de l'Anglois , art . de M. Imbert ;
Dix-huitième Livraison de l'Encyclopédie ; Réception
de M. Sédaine à l'Académie Françoife , N.18 .
Etudes Poétiques , ou Imitations en vers de différens
Auteurs; Théâtre de M. Rochon de Chabannes ,
art. de M. de Charnois , Nº. 19. Difcours prononcés
dans l'AcadémieFrançoife, à la réception deM. l'Abbé
Morellet , art. de M. Garat , No. 20. Eloge deGreffet
, art. de M. Mallet du Pan ; l'Oncle & les Tantes
, Comédie en trois Actes & en vers , par M. le
,
4
Kv
226 MERCURE
M. de la S. art. de M. Imbert ; Entretien Socra
tique fur la fidélité à remplir fes engagemens , traduit
de l'Anglois ; Chanfons nouvelles de M. de
Piis , No. 21. Lettre à MM. de l'Académie Fransoife
, fur l'Eloge de M. de Vauban , art. de M. de
la Croix , No. 22. Collection Univerfelle des Mémoires
relatifs à l'Hiftoire de France , art. de M.
Imbert ; les deux Mentors , traduction libre de l'Anglois
, par M. D. L. P.; Bibliothèque Phyfico- Economique
, Nº. 23. Difcours prononcés dans l'Académie
Françoife , à la Réception de M. de Guibert ,
art. de M. de la Cretelle ; Mémoires d'Anne de
Gonzagues , Princeffe Palatine , art, de M. Meyer ;
PHypocrite démafqué , ou Félix & Colombe , Ro
man , No. 24 Effais : choix de petits Romans , traduits
de l'Allemand , par M. de Bonneville , art.
de M. Mallet du Pan ; OEuvres de M. de Saint-
Marc , art. de M. Imbert , N°. 25. Voyages de M.
le Marquis de Chatellux dans PAmérique Septentrionale
, art. de M. l'A . M. , de l'A . F. l'Exemple
& les Paffions , No. 16 Epitre à l' Amitié , par M.
Ducis , art. de M. le C. de Rivarol , Eloge de M.
Séguier de Nifmes , par M. Dacier , art. de M. G....
de l'A . F. , N° 27. Hiftoire des progrès de la puiffance
navale de l'Angleterre , par M. le Baron de
Sainte- Croix , art , de M. Mallet du Pan Pogonologie
, ou Hiftoire Philofophique de la Barbe , art .
de M. Framery ; Vie de S. Grégoire , Evêque de
Tours , par M. de Sauvigny , No. 28. Difcours
prononcés dans l'Académie Françoife , à la Réception
de M. Sédaine , art . de M. Imbert , Nº.
Oraifon Funèbre de Mgr. le Duc d'Orléans , par
M. l'Abbé de Verninac de Saint-Maur , att . de M.
de Saint- Ange ; les Baifers de Zizi , art . de M.
Garat ; la Vie de Mme de Maintenon . art. de
M. Framery ; Efai fur l'Hiftoire Médico Typographique
de Paris, N°. 30. Leures fur l'Egypte, par
,
29.
DE FRANCE. 227
M. Savary , Tomes 2 & 3 , art . de M. G... , de
l'A. F.; Mémoire couronné à l'Académie de Bordeaux,
fur cette queftion : Quel feroit le meilleur
moyen pour conferver le blé de Maïs , art. de M.
Mallet du Pan ; Hiftoire de Kentucke , traduit de
l'Anglois ; Mémoire fur la fortification perpendiculaire;
Tableau des anciens Grecs , des Romains , &c.
No. 31. Traduction du Théâtre Anglois , depuis
l'origine des Spectacles jufqu'à nos jours , art . de M.
de Charnois ; Recherches fur la Senfibilité ou la Vie
animale , par M. de Seze , art. de M. Rouffel ; Lettres
Philofophiques & Politiques fur l'Hiftoire d'Angleterre
; les Dangers de la Ville , ou Hiftoire d'Urfule
R. art. de M. Imbert , N ° . 32. Le Bonheur dans
les Campagnes , art. de M. G ... , de l'A F.; les
Soirées Provençales , par M. Bérenger ; Etat na-.
turel des Peuples , art . de M. Mallt du Pan ; Eloge
de Louis XII , par M. l'Abbé Michel ; Voyages en
Europe , en Afie & en Afrique , N° . 33. Confidérations
fur l'influence du génie de Vauban dans la
balance des forces de l'Etat , article de M. Mallet
du Pan ; Confeffion générale de l'année 1985 ;
l'Aninte du Taffe , Traduction nouvelle , ar . de
M. Framery ; le Lycée de la Jeuneſſe , par M Mouftelot
, art de M. Imbert . No. 34. Hiftoire d'Hérodote
, traduite du Grec , par M. Larcher , art . de
M. Garat; Effais le deux Anis , par MM. Legouvé
& Laya art . de M. de Saint- Ange ; Séance de
l'Académie Françoife le 25 Août , No. 35. Nouvelle
Defcription des environs de Paris , par M, du
Laure , art. de M. G. de l'A . F. , Nº . 36. De l'Art
de la Comédie , par M. de Cailhavą , art. de M.
Imbert ; les Aventures de Frifo , Ro : des Gangarides
, art . du même , N ° . 37. Hiftoire de France
avant Clovis , par M. Laureau , art . de M. G ... , de
l'A. F ; Bibliothèque choifie de Contes , de Facéties
& de bons mots Nº. 38. Voyage en Italie , par
•"
K vj
228 MERCURE
. . و
M. de la Lande , art. de M. Mallet du Pan ; les
Maurs , Poëme en fept chants art . de M. de Saint-
Ange ; Mes Promenades Champêtres , par M. le
Clerc , art. de M. de Charnois , N° . 39. Les Orangers
, les Vers-à foie & les Abeilles , traduction de
l'Italien, par M. Crignon ; Nouveau Recueil de Plaidoyers
François , par M. l'Abbé le Noir du Parc ;
Difcours fur aivers fujets de Religion , par M. l'Abbé
Affelin; Tratté des Maladies des Enfans du premier
âge , No. 40. Eloge de Greffet , par M. Girouft ,
art . de M. G de l'A. F.; Dictionnaire Univerfel
de Police , par M. Defeffarts , art . de M. Mallet du
Pan , Nº . 41. Mélanges de Littérature étrangère ,
Tomes 3 & 4 , art . de M. de Saint- Ange ; Hiftoire
de la Religion , où l'on accorde la Philofophie avec
le Chriftianifme ; Alexandrine de B** , ou Lettres
de la Princeffe Albertine , traduites de l'Allemand ,
art. de M. Imbert ; Eloge d'Agnès Sorel , par M.
Riboud , art. de M. G ... , de l'A . F.; Lettres à Emilie
fur la Mythologie , par M. de Moustier , art. de
M. de Charnois ; Recueil de procédés & d'expériences
fur les Teintures folides , No. 42. L'Inconftant ,
Comédie en cinq Actes , par M. Collin , art. de M. ,
de Charnois ; Ifmène & Tarfis , ou la Colère de Vénus
, par M.Grainville , art . de M. G... , de l'A . F. ,
N°. 43. Hiftoire du bas- Empire , continuée par M.
Ameilhon , Tomes 23 & 24 , art . de M. G... , de
†A. F.; Virginie , Tragédie , par M. Leblanc
N° . 44. Hiftoire de la Maifon de Bourbon , par M.
Deformeaux , Tome 4 , arr . de M. Mallet du Pan ;
Manuelpour le fervice des Malades , par M. Carrère
, No. 45. Eloge Hiftorique d'Armand de Gontaud
, Baron de Biron , Maréchal de France fous
Henri IV , par M. du Vignau , arr. de M. Garat ;
Numa Pompilius , par M. de Florian , art. de M.
G... , de l'A . F.; de l'Eletricité du corps humain
dans l'état de fanté & de maladie , par M. l'Abbé
DE FRANCE. 229
par
Bertholon ; le Négociant Patriote , No. 46. Voyage
Pittorefque de Naples & de Sicile , art. de M. Garat ;
Effai fur les Facultés de l'Ame , par M. Fabre ;
Quelques Vers , art. de M. de Saint Ange ; Panégyrique
de S. Denis , par M. l'Abbé Balefirier ,
No. 47. Satyres , par M. Cle** ; Traité fur lespropriétés
du Café , art , de M. Imbert , N ° 48. Voyages .
dans les Alpes , par M. de Sauffure , art . de M Malet
du Pan ; les Loisirs d'une jeune Perfonne raisonnable
&fenfible, No. 49. Nouveaux Synonymes François,
M.Abbé Roubaud , art. de M. le C. de Rivarol;
Penfées Philofophiques fur la Nature , l'Homme &
la Religion ; Elémens d'Hiftoire Naturelle & de ›
Chimie , No. 5o . Tableau des Révolutions de la
Littérature Ancienne & Moderne , par M. l'Abbé de
Cournand , art. de M. G... , de l'A. F .; Théâtre
Moral , M. le Chevalier de Cubières , Tome 2 ,
par
article de M. de Charnois , No. 51. Hiftoire de Provence
, Tome 4 , par M. Papon ; Difcours de M. le
Comte de la Tourailles à l'Académie de Nancy ;
Cécile , fille d'Achmet III ; Tableau du travail fait
au Mercure de France , pendant l'année 1786 , art.
de M. de Charnois .
VARIÉTÉS , Lettres de Jenny'de "Bleinmore à"
Caleb , par Mme Monnet , Nos 7 & 8. Lettre fur
la Vie &les Ouvrages de Triftram Shandy , No. 9.
→ Obfervations fur l'Hifloire impartiale de la dernière
guerre , par un Habitant de la Virginie , No. 10.
Morceaux traduits du Rambler , par M. Perrière ,
N°. 11. Réflexions fur le Reman du Marquis de
Rozelle , par M. de la Cretelle, No. 18. Voyage
aux Glaciers de Chamouny , par M., Bérenger ,
Nos 22 & 23. Sur lefecret , Traduction de l'Anglois ,
par M. Perrière , No. 2y. Expofition des Tableaux
des Elèves de la Peinture à la place Dauphine , par
M. de Charnois , Nº . 26. Obfervations fur une
opinion de M. Paw , relative aux Américains "
230
MERCURE
No. 31. Détails Hiftoriques de la Vie du Duc Léopold
de Brunswick , traduits de l'Allemand¸ Ѻ . 36.
Lettre fur les Difcours Académiques , par M. de la
Cretelle , Nº. 37. Obfervations fur l'effai fur le
fluide électrique , No. 38. Tableau analytique &
Synthétique de la Grammaire Françoife , Nº. 40.
Différence entre les Écrits d'un Auteur & fa Converfation
, traduit de l'Anglois , N° . 41. Lettre fur la
Mort de M. Sacchini , par M. Framery , No. 43.
De l'influence que Boileau eut fur l'efprit defonfiècle,
par M. le Marquis de Ximenès , Nº . 48 Sur une
nouvelle fraude Littéraire , No. 49. Lettres fur les
Confidérations Phyfiques & Aftronomiques fur les
étoilesfixes,par M. l'Abbé Bernard , N. s .
Tous les articles qui compofent le tableau
qu'on vient de lire , n'ont pas été faits fur des
Ouvrages faits pour infpirer la même eſtime ,
& ils ne font pas tous également fufceptibles
de piquer la curiofité ; mais il faut confidérer
que les productions excellentes font
d'une extrême rareté , & qu'il eft bien difficile .
que les Ouvrages foibles ou médiocres
puiffent donner lieu à des articles bien piquans
, fur-tout dans un Journal où l'on
rougiroit de captiver l'attention par une
malignité fouvent cruelle , & prefque toujours
déplacée. D'ailleurs , comme je l'ai
déjà fait entendre , tous les extraits ne conviennent
pas à tous les Abonnés ; c'eſt un
inconvénient attaché à tout Ouvrage Périodique
, dont la miffion fera de publier des
obfervations fur tous les Arts & fur toutes les
Sciences . La Poéfie , l'Éloquence , l'Hiftoire ,
la Tactique , la Médecine , la Peinture , l'Art
DE FRANCE. 231-
Dramatique , la Chimie , la Phyfique , l'Anatomie,
l'Agriculture , l'Aftronomie , les Scien
ces exactes & conjecturales , les Livres Afcétiques
même , tout cela eft du reffort du Mercure
; omnibus omnia, voilà ce que doit être cet
Ouvrage & ce qu'il eſt toujours. Aufli ai je
remarqué , & cette obſervation n'aura point
échappé à tout le monde, que dans la rédaction
du Mercure, on avoit l'attention de varier les
matières les unes par les autres , en les oppofant
article par article : ce moyen en bannit
la monotonie ; il fait que fa lecture occupe
fans fatiguer, & qu'elle eft fouvent ainuſante.
Il eft à defirer qu'on ne s'en écarte point ,
qu'on ajoute même, s'il eft poffible , à cette variété,
le premier charme d'un Journal, & j'ofe
croire qu'alors le Mercure pourra imprimer
fur fon titre , fans trouver des contradicteurs ,
utile dulci.
Il faudroit être de bien mauvaiſe foi pour
ne pas convenir que le Propriétaire actuel du
Mercure a fait des facrifices confidérables , &
employé toutes les reffources de fon intelligence
pour le rendre auffi agréable qu'utile.
Si on confidère le grand nombre d'objets intéreffans
qu'on y traite , les articles d'un genre
neuf qu'on y a inférés depuis fix ans , le mérite
de la plus grande partie de fes Coopérateurs
, dont les uns font Membres du premier
des Corps Littéraires François , & les autres
ont déja acquis dans les Lettres une célébrité
honorable , on fe convaincra facilement qu'il
eft peu d'Ouvrages Périodiques dans lefquels
232 MERCURE
on s'occupe avec plus de zèle de tout ce qui
peut fatisfaire les Artiftes , les Connoiffeurs
& le Public. Je ne dirai rien des Rédacteurs ,
je ne veux point reffembler au M. Joffe de
notre grand Molière . Parmi les objets nouveaux
qui ont été réunis au Mercure , j'infifterai
fur la feuille des Profpectus qui y eſt attachée
depuis quelques mois , elle fait corps
avec lui , par conféquent elle les conferve &
les empêche de fe perdre ou de s'égarer
comme cela arrivoit fouvent autrefois, quand
on les publioit fur des feuilles volantes : cet
avantage ne peut tenir qu'à un Journal dont
les Cahiers font volume , & cefferoit d'exifter
pour tout autre qui feroit lui - même une
feuille volante .
Il me reste à parler du Journal Politique de
Bruxelles , qui n'eſt pas la partie la moins intéreflante
du Mercure. Ce Journal tient lieu
de toutes les Gazettes ; il eft compofé fur
toutes les Feuilles Publiques de l'Europe , &
fur des Correfpondances établies dans tous
les pays. Les faits y font enchaînés avec une
méthode fi claire , avec une exactitude fi
fcrupuleufe , que les nouvelles des différens
Royaumes , extraites feuilles par feuilles , préfentent
des matériaux tour préparés pour l'Hiftoire.
C'eft principalement à l'article de l'Angleterre
, le plus varié & le plus intéreffant
de tous , que ce mérite fe fait fentir. Il eft rédigé
par M. Mallet du Pan , homme dont je
ne craindrai point de faire ici l'éloge , qui a
étudié avec fruit le fyftême de toutes les conf
DE FRANCE. 233
titutions politiques , qui a médité profondément
fur les grands intérêts des Peuples , des
États & des Rois , & qui réunit à des connoiffances
immenfes un jugement sûr , un
ftyle ferme & fier , & une logique entraînante
. Je voudrois avoir un nom plus diftingué
dans la Littérature , ce feroit avec bien
plus de plaifir que je rendrois hommage à ſes
talens. On me demandera à quoi bon cette
apologie ? Je répondrai que je ne fuis jamais
jufte avec plus de courage qu'au moment où
je vois l'efprit de parti affigner les rangs
fixer les réputations.
( Cet article eft de M. de Charnois. )
&
ANNONCES ET NOTICES.
MAXIMILIANI STOLL , Medici Doctoris &
Medica praxeos Profefforis publici , pars prima rationis
medendi , in nofocomio practico Vindobonenfi
, nova Editio , très- gros in 8 ° . Parifiis , apud
Petrum - J. Duplain , Bibliopolam , loco gallicè
dicto , Cour du Commerce .
·
Cette Edition des OEuvres de M. Stoll , premier
Médecin de Vienne , & Directeur de l'Hôpital de
cette Ville , réunit en un feul Volume les trois de
celle de Vienne , & eft diftinguée par la correction ,
fon exécution & la Table générale des Matières.
Elle est encore préférable par fon prix , qui eft de
7 liv. 10 fols reliée en un Volume , au-lieu de
14 liv. brochée , priz de l'Edition de Vienne.
234 MERCURE
La Veuve & fon Curé , Eftampe gravée par
J. C. Levaffeur , d'après J. B. Greuze , Peintre du
Roi , dédiée à MM . les Curés qui portent la paix
& la concorde dans les familles. Prix , 16 liv. A.
Paris , chez l'Auteur , rue des Maçons , n°. ız
Le fujet de cette Eftampe eft connu par une lettre
que M. Greuze a adreffée aux Auteurs du Journal
de Paris. Elle eft d'une compofition auffi heureufe
que celle des autres Tableaux de fon célèbre Auteur ,
& le Graveur qui l'a gravée avec un foin qui n'ôte
rien à la force a confervé autant qu'il eft poffible
l'effet du Tableau.
NOUVEAU Calendrier ufuel & perpétuel en une
feule feuille, approuvé par M. Pingré , de l'Acadé
mie Royale des Sciences , & de M. de la Lande , dela
même Académie , & Profeffeur Royal d'Aftronomie.
Ce Calendrier eft orné d'architecture & de figures
allégoriques , & des douze fignes du Zodiaque. Son
ufage eft journalier comme les Almanachs ordinaires
de cabinet . Il commence à l'année 1700 , &
fe prolonge dans l'avenir jufqu'en $ 700. La Grayure
des ornemens & de la lettre a été faite par les
Artiftes les plus célèbres. Le prix fur papier ordinaire
eft de 7 liv. 4 fols , & fur papier vélin 12 liv.
Les feules bonnes épreuves font marquées E D. M.
avec paraphe, & fe trouvent chez l'Auteur , le fieur
Maffon Tue Sain André des Arcs , nº . 26 ; Maſſon,
Libraire , rue Saint Denis , près celle aux Ours ;
Guillot , Libraire de MONSIEUR , rue S. Jacques ;
Belin , Libraire , même rue ; Groufel , Marchand
d'Eftampes , même rue , nº. 144. Au Palais Royal ,
chez Verrier, au prix fixe , & Lenoir , Marchand
d'Eftampes , nº. 43 ; & à Verſailles , chez Blaizot ,
Libraire ordinaire du Roi & de la Reine , rue Satory.
Azaici de l'Hiftoire Univerfelle en Figures ,
DE FRANCE. 215
>
deffinées par M. Marillier , & gravées par le fieur
Duflos le jeune.
Quelques Perfonnes ont paru s'effrayer du nombre
de Cahiers qui fembloient devoir compofer cet
Ouvrage. Il faut avouer que les vingt quatre premiers
Cahiers , tels qu'on les annonçoit , ne pouvoient
former un corps complet d'Histoire Univerfelle
. Les faits choifis pour fujets des Eftampes ,
peu nombreux , laiffoient trop d'intervalle entre les
époques, & les fommaires néceffairement très- ref
ferrés n'offroient aucun moyen de les rapprocher.
Pour remédier à ce double inconvénient fans recu
ler le terme de l'exécution par la multiplicité des
Gravures , on a pris le parti de joindre à chaque
Cahier une feuille in- 8 ° . de feize pages d'impreffion
, qui contiendra un abrégé de l'époque hiftorique
dont on aura tiré les fujets des fix Gravures
fuffifamment expliquées dans un fommaire fort
court au bas de chaque Eltampe.
Le nom de M. Vauvilliers , Profeffeur de Langne
Grecque au Collège Royal , & de l'Académie Royale.
des Infcriptions & Belles - Lettres , qui s'eft chargé
de la rédaction de cette partie hiftorique , doit prévenir
favorablement le Pub'ic.
Par ce moyen , au lieu de cent Cab´ers de Gravures
, l'Hiltoire Univerfelle ancienny , facrée &
profane fe trouvera renfermée dans cinquanté.
Chaque Cahier coûtera vingt fols de plus pour la
feuille d'impreffion qui y fera jointe . En fuppofant
que les feize pages ne fuffifent pas pour quelque
époque , le Supplément ne fera jamais payé . Les
prix énoncés ci- deffous demeureront invariables
Jufqu'à la fin de l'Ouvrage . Chaque Cahier in - 8 °.
avec les feize pages d'Hiftoire coûtera 4 liv. petit
papier , s liv. papier vélin , grande marge , & 6 liv.
in-4° . avec la bordure. On foufcrit à Paris , chez
138 MERCURE
ractère plus ou moins gros plus flatteur à l'oeil , les
Editions les plus jolies .
Cette Collection , la plus variée pour les Auteurs ,
eft auffi la plus variée pour les reliûres dans le goût
Anglois quant à la dorure & à la tranche ; il y en
a en veau- marbre Allemand de diverſes couleurs ,
ou maroquin bleu , vert , rouge , jaune , &c. Elle
eft de cinquante écus. La boëte à part eft de 30 liv. ,
& livrée avec les Volumes elle eft de 24 liv. outre
les cinquante écus des cinquante Volumes qu'elle
contient. Il y a une Collection Angloife dans le
même genre , mais qui n'eſt pas
fi variée ni fi élégante
; elle eft de moitié plus chère On peut comparer
l'une & l'autre Collection chez Royez , Libraire,
quai des Auguftins , à la defcente du Pont-
Neuf.
Le même Libraire a fait relier avec la même
élégance & la même variété une quantité de Livres .
choifis parmi les bons Auteurs claffiques , férieux &
autres , & notamment des Livres propres à l'Education
, des Dictionnaires , & c.
SUITE de cinquante Eftampes destinées à orner
les Editions d'Homère , gravée d'après les Deffins de
M. Marillier par les foins de M. Ponce , Graveur
ordinaire du Cabinet de Mgr. Comte d'Artois , de
l'Académie des Sciences , Belles Lettres & Arts de
Rouen , &c .
Il paroic actuellement une Livraiſon de fix Eftampes
, tirées des fix premiers Chants de l'Iliade ;
elles font gravées par MM. Ponce , de Ghendt ,
Dambrun , Delignon & Trière , & donnent une
bonne idée de la Collection .
Ces Eftampes pourront fervir à toutes les Éditions
d'Homère , en quelque Langue & quelque format
qu'elles foient , excepté in- 12 .
DE FRANCE. 239
Le même Artifte publiera en Janvier prochain
les quatrième , cinquième & fixième Livraiſons des
Illuftres François , compofées des Tableaux Hiftoriques
de Louis XIV , Boffuet , Mme Deshoulières ,
Molière , Montefquieu & Lefueur. La protection
dont Sa Majesté a daigné honorer cet Ouvrage en
foufcrivant pour un grand nombre d'Exemplaires
en àffure le ſuccès , & en accélérera l'exécution.
NOUVEAU CHOCOLAT. La gomme arabique a
éré'connue dans tous les temps comme propre à reméðier
aux maux de poitrine , aux rhumes , à la
toux , & c. On en donne avec fuccès dans la colique
pour amortir l'action des humeurs âcres. On peut
la prendre en fubftance elle fe diffout facilement
dans la bouche . On vient d'en effayer l'ufage d'une
manière auffi agréable que faluraire. Une perfonne
étoit attaquée depuis environ fix mois d'un rhume
qu'elle avoit négligé ; une maigreur & un dépériffement
extrêmes , occafionnés par la fréquence de la
l'avoient mis dans le plus grand danger. On
imagina de lui preferire pour tout régime l'uſage
d'un Chocolat que l'os a combiné avec la gomme
arabique & le baume de Tolu . Ce traitement a eu
le fuccès le plus complet. Comme il eſt effentiel de
s'allurer en pareil cas du choix des fubftances & de
l'exactitude de la préparation , le Médecin s'adreffa
à une personne dont il étoit sûr , au fieur Duthu ,
Marchand Epicier- Droguiſte , rue Saint Denis , visà-
vis Sainte Opportune. C'eft chez lui que fe trouve
ce nouveau Chocolat , qui peut faire beaucoup de
bien , & qui n'eft dangereux dans aucun cas.
Six Sonates pour Violon & Baffe , d'une difficulté
graduelle pour fervir d'étude aux Amateurs , avec
240 MERCURE
des Notes fur le caractère de chaque morceau & le
fyle de leur exécution , par M. G. M. Cambini ,
premier Livre de Sonates . Prix , liv. frane de
port. Numéro 20 du Recueil d'Airs nouveaux
François & Etrangers en Quatuors concertans , ou
Journal de Flûte , Alto & Baffe , par M. Cambini .
Prix , poar vingt- quatre Cahiers 21 & 24 liv. Séparément
2 liv. A ce Journal eft joint celui des Délaffemens
de Polymnie ou les petits Concerts de
Paris, pour lequel on foufcrit auffi moyennant
12 liv. chez M. Porro & Mnie Baillon , rue du
petit Repofoir , près la Place des Victoires , à la
Mufe lyrique.
TABLE.
EPITRE à M. Balze,
A Mile Warefcot ,
199
193 ) Cécile , fille d'Achmet III,
Empereur des Turcs , 216
Tableau du travail fait par
200 les Rédacteurs & Coopéra-
202 teurs du Mercure , 219
Charade , Enige & Logogry
Hiftoire de Provence,
Difcours de M. le Comte de la Annonces & Notices , 232
Tourailles , 211
APPROBATION.
PAT lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France, pour le Samedi 30 Décem. 1986. Je n'y
ai rien trouvé qui puiſſe en empêcher l'impreffion. A
Paris , le 29 Décembre . 1786, GUIDL
SUPPLEMENT
AU MERCURE * .
COURRIER LYRIQUE ET AMUSANT
ou Paffe-temps des Toilettes . Par Mad.
DUFRENOY. Avec Privilége du Roi.
AVIS.
IL paraîtra fans doute étonnant à la majeure
partie du Public , qui penfe que les
Cette Feuille de Supplément eft deſtinée à la publieation
des Profpectus & Avis particuliers de la Librairie.
Au moyen de cette Feuille , les Profpectus qui cidevant
fe perdaient & n'étaient pas lus du Public , fe conferveront
au moins autant que chaque Mercure. Il y a plus ,
leurs frais fe trouveront confidérablement diminués ; une
partie de la compofition , du tirage , du pliage , &c. devenant
une dépenfe commune pour chacun d'eux.
La partie littéraire du Mercure n'étant compofée que de
deux feuilles , on ne pouvait auffi y parler que très -imparfaitement
des Ouvrages concernant les Sciences & les Ares.
On pourra dans les Profpectus s'étendre particulièrement
fur ces objets.
On doit s'adreffer à M. MOUTARD pour l'infertion & le
payement. Les frais pour 2 pages reviennent à 42 liv.
4 pages 84 liv. , &c . Outre le prix ci - deffus , on doit
donner au Rédacteur du Mercure un exemplaire des Livres
nouveaux annoncés dans chaque Profpectus.
Supplém . N°.52 . 30 Décembre 1786. *
( 2 )
occupations des femmes font purement frivoles
, que je veuille me méler non feulement
d'écrire , mais encore de juger les
Ecrits des autres : je ne répondrai à cette
opinion , qu'en cherchant chaque jour à
me rendre digne de fon approbation; mon
travail fera proportionné au défir que j'ai
de lui plaire , & c'eſt dans ce défir infini
que je puiſerai toutes les forces qui pourraient
me manquer. Je ne ferai point partiale
dans les Notices que je ferai des nouveaux
Ouvrages ; l'intérêt & l'amitié même
ne pourront jamais me porter à cacher ma
façon de penfer ; & ma véracité rigide
s'exercera fur-tout à l'égard des meilleurs
Auteurs de notre fiècle , dont la gloire ſerait
ternie par des applaudiffemens qu'ils
fentiraient n'avoir pas mérités . J'avoue enfin,
avec cette franchife dont je fais profeffion ,
que les réflexions auxquelles ma nouvelle
qualité de Journaliſte pourrait donner lieu ,
loin de m'effrayer , ne font qu'augmenter
mon courage pour affronter tous les dangers
oùl'amour irréfiftible des Lettres m'entraîne.
Quant au Courrier lyrique en lui - même ,
je le crois conforme au goût d'une Nation
qui aime à couvrir de l'attrait attachant des
graces l'austérité de la Morale. & la profondeur
de la Philofophie . Depuis qu'il
exiſte , on a vu paraître une quantité prodigieufe
de Recueils d'Anecdotes , preuve
certaine de la prédilection du Public pour
( 3 )
ce genre de lecture ; on a vu les Journaux
& les Almanachs s'empreffer à l'envi de
recueillir les traits qu'il offrait : voilà pour
le fuccès des Anecdotes. Celui de la partie
des Ariettes , Vaudevilles , & c. n'eſt pas plus
furprenant , fi , comme l'a prétendu M. de
Voltaire , nos Chanfons , qui font en grand
nombre , valent mieux que celles d'Anacréon
; cependant , à la variété qui réſulte
de cet affemblage , j'ai obtenu la permiffion
de joindre encore un objet auquel les autres
Rédacteurs de Feuilles n'ont point penfé,
ou qu'ils ont jugé trop incompatible avec
leur gravité. Oferai - je , fans craindre de
compromettre la mienne , annonecr à mes
Soufcripteurs qu'il s'agit de Contredanfes
nouvelles , parmi lesquelles je choiſirai les
meilleures, pour les donner, avec leurs figu
res , dans la Partie des Ariettes ?
Il paraît tous les quinze jours feize pages
, format in-8 °. , de cet Ouvrage pério- .
dique , fous la diftribution de première &
feconde Partie.
L'une , formant huit pages , contient des
Chanfons , des Romances , des Ariettes ,
des Vaudevilles , avec les Airs notés , quand
ils ne font point connus , mais dont les
paroles font toujours choifies de manière
à pouvoir plaire. comme jolies Pièces de
vers , même aux perfonnes qui ne chantent
pas ; enfin des Airs de Contredanſes avec
leurs figures : & l'autre Partie , composée
* ij
( 4 )
auffi de huit pages , offre un répertoire
amufant d'Anecdotes , de bons Mots , de
Traits hiftoriques , &c.
On trouve en outre fur la couverture
l'Almanach de chaque quinzaine , des Notices
de Livres , & des Annonces de Gravures
, de Mufique , & c.
La Mufique eft revue avec la plus grande
attention par un Artifte habile & connu .
MM. les Auteurs ou MM. les Muficiens
qui auront fourni , dans l'année , une douzaine
de Chanfons dont on aura fait uſage ,
recevront la Feuille gratis pendant un an,
On accueillera aufli avec reconnaiffance les
' Anecdotes , les bons Mots , les Traits hiftoriques
, &c. qui feront envoyés : on nommera
même les perfonnes qui le défireront ;
mais on prévient que l'on n'admettera aucuns
morceaux de ce genre , que l'on n'ait
eu la précaution d'indiquer les fources où
on les aura puifes , ou les autorités qui
pourront en conftater la vérité.
C'eſt à Mad. DUFRENOY feule que l'on
doit adreffer les objets relatifs à cet Ouvrage.
On fouferit dès à préfènt , pour le premier
Janvier , chez Mad. DUFRENOY ,
quai de l'Ecole , maifon de M. Dufrenoy ,
Procureur au Châtelet , où l'on pourra s'abonner
en tout temps pour le recevoir
pendant une année , à dater de l'époque
que l'on voudra, choifir : c'eft à elle feule
qu'il faut s'adreffer pour les Collections ,
( 5 )
Le prix de la foufcription eft de 15 liv. pour
Paris , & de 16 liv . 8 f. pour la Province , franc
de
port.
On ne décachetera pas les lettres qui ne ſeront
point affranchies.
"
Le Bureau est toujours ouvert , excepté l'après-
midi des Fêres & Dimanches.
Lu & approuvé , ce 30 Novembre 1786. DE SAUVIGNY.
Vu l'Approbation. Permis d'imprimer , ce 1 Décembre : 786.
DE CROSNE..
L'ESPRIT DES JOURNAUX Français &
Etrangers ; dédié à S. A. S. Monfeigneur le
Prince régnant de la Tour & Taffis , &c . &c.
Par une Société de Gens de Lettres . Avee
Approbation & Privilége du Roi.
Pour toute la France , à Paris , chez la
veuve VALADE , Imprimeur- Libraire,
rue des Noyers , vis- à -vis Saint- Yves.
La foufcription , prife à Paris , eft de 27
liv. , & pour la Province , rendue franche de
port par la Pofte , pour tout le Royaume ,
33 liv.
L'ESPRIT DES JOURNAUX paraît depuis le
mois de Juillet 1772 , & il forme actuellement
une collection de plus de 150 Vo
lumes in- 12 de 432 pages chacun .
L'accueil favorable que le Public a fait à
ce Journal , dès fa naiffance , eft une preuve
inconteftable de fon mérite ; & chaque année
révolue en affure de plus en plus le
*
iij
( 6 )
fuccès. Aufli s'eft- il foutenu avec un avantage
fenfible ; tandis que beaucoup d'Ouvrages
du même genre , annoncés d'abord
avec éclat , n'ont pas tardé à difparaître du
champ de la Littérature .
En effet, un Journal qui donne un précis
raifonné de ce que contiennent les autres
Journaux Français & Etrangers , ne peut
que plaire à toutes les claffes de Lecteurs ,
par l'abondance , la variété , l'intérêt des
matières. Les Français fe procurent ce Journal
, parce que , dans aucun autre Ouvrage
périodique , ils ne trouvent des détails auffi
abondans fur la Littérature étrangère ; & les
Etrangers y fuivent avec intérêt toutes les
productions de la Littérature Françaiſe
Les Rédacteurs de ce Journal ne fe bornent
pas uniquement à offrir aux Lecteurs
l'extrait des Papiers publics qui s'impriment
en France , en Angleterre , en Italie ,
en Allemagne , en Hollande , &c . plufieurs
Hommes de Lettres , d'une réputation dif
tinguée , donnent encore un nouveau mérite
à ce Journal , en y faifant paraître des
Differtations favantes , des Mémoires curieux
ou inftructifs , que l'on ne trouve
imprimés que dans ce Recueil , & qui le
rendent infiniment précieux.
DIVISION DU JOURNAL.
1. EXTRAITS . Sous ce titre on fait connaîtreles
Livres Français , Anglais , Italiens , Allemands
, &c. annoncés dans les Journaux
( 7 )
qui concourent à la rédaction de celui - ci.
On en fait l'analyfe d'après ces Journaux ,
ou d'après l'Ouvrage même , lorfque des
circonftances particulières l'exigent , & l'on
termine cette analyfe par le jugement des
Journaliſtes , en s'éloignant également des
louanges outrées qui enorgueilliffent les
talens médiocres , & de la fatire amère
qui décourage les jeunes Littérateurs &
révolte les honnêtes gens .
II . MÉLANGES . Différens morceaux de
Littérature , épars dans les Ouvrages périodiques
Français & Etrangers , fe trouvent
réunis fous ce titre.
III. POÉSIES FUGITIVES . Cet article eft
compofé des meilleures Productions que
nos Poëtes envoient aux différens Journaux.
IV. ACADÉMIES. SÉANCES DE DIVERSIS
SOCIÉTÉS. On indique , fous ce titre , les
Séances publiques des Académies établies
en Europe , les objets qui y font traités ,
le fujet des Prix que l'on y propofs , les
Mémoires on Differtations qui remportent
ces Prix , les nominations aux places vacante's
, &c .
V. SPECTACLES . On denne dans cet article
, un Extrait on une Notice des Pièces
nouvelles repréfentées fur les Théatres de
Paris , de Londres , en Italie , en Allemagne
, &c. avec l'hiftoire de leur fuccès ou
de leur chute .
VI. HISTOIRE NATURELLE . PHYSIQUE
CHIMIE. BOTANIQUE .
iv
( 8 )
VII. MÉDECINE. CHIRURGIE .
VIII AGRICULTURE . ECONOMIE. INDUS
TRIE. COMMERCE.
Un Journal rédigé d'après tous les Ouvrages
périodiques qui s'impriment en Europe
, devient d'une grande utilité , relativement
aux objets compris fous les trois
articles qui précèdent,
IX . TRAITS DE BIENFAISANCE , DE JUSTICE
ET D'HUMANITÉ.
X. ANECDOTES . SINGULARITÉS .
XI. BIBLIOGRAPHIE DE L'EUROPE.
On fait connaître , fous ce titre , les Ouvrages
nouveaux , publiés en France , en
Italie , en Allemagne , en Hollande , en
Angleterre , &c . La Notice que l'on en
donne , eft fuffifante pour indiquer leur
objet la manière dont il eft rempli.
Lorfque les Cuvrages annoncés dans cette
Bibliographie méritent , par leur importance
, une analyſe particulière , on ſe réferve
à la donner à l'article des Extraits ,
dans quelqu'un des Journaux qui doivent
fuivre.
XII. GRAVURES .
XIII. MUSIQUE.
XIV. GÉOGRAPHIE.
XV. CATALOGUE
VEAUX .
DES LIVRES NOUDans
ce dernièr article , on donne le
titre de tous les Livres annoncés dans les
Journaux , Feuilles hebdomadaires , Gazettes
, Catalogues & Avis particuliers , en at(
9
tendant qu'on puiffe les faire connaître par
des Extraits ou de fimples Notices . On indique
leur prix , leur format , les lieux où
on les trouve les noms & l'adrelle des
Libraires qui les débitent.
>
Il parait exactement tous les mois un
volume in 12 de l'Efprit des Journaux :
chaque volume eft compofé de dix-huit à
dix neuf feuilles , caractère de Philofophie ,
Petit- romain & Petit- texte.
On peut fouferire en tout temps , mais
on eft obligé de prendre l'année entière .
On fouferit chez tous les Libraires de
l'Europe & dans tous les Bureaux des Poftes
du Royaume de France , de l'Allemagne
de l'Italie , des Pays - Bas , de la Hollande , de
l'Angleterre , de la Suifle , & c .
TABLE GÉNÉRALE ET PROSPECTUS
DE L'ESPRIT DES JOURNAUX .
TABLE générale & raifonnée des Matières
contenues dans l'Esprit des Journaux ,
précédée de la Lifte des Auteurs , ftivie
des Titres des Ouvrages dont on a rendu
compte difpofée dans fes trois parties
par ordre alphabétique . Tome premier ,
comprenant les années 1772 , 1773 , 1774
& 1775 , Prix , 50 fols & 3 liv. rendu franc
deport dans toute la France. A Paris , chez
la veuve VALADE ; Imprimeur Libraire,
rue des Noyers , vis - à - vis Saint - Yves .
*
V
( 10 )
34
ی ت
A Liége , pour les Pays étrangers , chez
J. J. TUTOT, Imprimeur-Libraire ,
dans tous les Bureaux des Poftes étrangères
où l'on foufcrit pour l'Eſprit des
Journaux. 1786.
L'OUVUVRAGE périodique dont on publie
la Table générale , forme aujourd'hui une
collection de plus de 150 Volumes in- 12
de 432 pages chacun. Lés Soufcripteurs défiraient
depuis long-temps , & demandaient
avec inftance une Table des Matières qui
épargnat aux Lecteurs des recherches pénibles
, lorfqu'ils veulent retrouver un article
du Journal qu'ils ne fe rappellent que
confufément. Enfin , le premier Volume de
cette Table paraît , le fecond cft fous preffe ,
& les autres fuivront immédiatement &
fans interruption.
Le deuxième comprend les années 1776 ,
1777 , 1778 ; le troifième , 1779 , 1780 ,
1781 ; le quatrième , 1782 , 1783 , 1784 .
Au commencement de 1788 , on publiera
un cinquième Volume , qui s'étendra aux
années 1785 , 1786 , 1787 ; & enfuite , tous
les trois ans , il en paraîtra un nouveau
Volume .
On a fuivi l'ordre alphabétique dans la
rédaction de la Table générale , parce que
c'eft le feul qui convient lorfqu'il s'agit
d'un Ouvrage auffi confidérable , auffi étendu
que l'cft l'Esprit des Journaux , formé d'articles
aufli nombreux , auffi variés . Chacun
( 11 )
connaît , par la propre expérience , la facilité
que procure cet arrangement dans :
une Table des matières. Lorsqu'elle eft
faite avec foin , il fuffit de fe rappeler le
titre d'un- Ouvrage ou le nom de l'Auteur ,
ou feulement l'objet qui y eft traité , pour
avoir à l'inſtant le renvoi au Volume & à
la page que l'on veut confulter. Ces renvois
ne font pas moins utiles lorfqu'il s'agit
de rapprocher des obfervations , des faits:
ifolés en apparence , mais qui fe lient néceffairement
à un fyftême , & qui ont pour
bafe une découverte dans les Sciences &
dans les Arts . On publie une obſervation
importante , on annonce une découverte
utile ou curieufe , & il s'écoule fouvent un
certain nombre d'années avant que l'on fe
foit accordé à l'admettre ou à la rejeter ;
on multiplie les raifons pour ou contre , &
ce n'eft qu'après beaucoup de difcuffions
que l'on le rapproche : on ferait fouvent
cbligé de parcourir un grand nombre de
Volumes pour fuivre ces difcuffions , fi
fi ,
dans une feule page de la Table générale,
on les trouvait indiquées avec quelques.
mots d'explications qui fuffifent pour pofer
l'état de la queftion & les conféquences qui
en dérivent .
Le Public fentira donc toute l'utilité de
la Table de l'Esprit des Journaux , fans.
qu'il foit néceffaire de s'étendre davantage
fur cet objet..
* vj
( 12 )
Avis pour la réimpreffion de l'Esprit des
Journaux , depuis le mois de Juillet 1772
jufqu'à l'année 1786 inclufivement.
QUOIQUE
:
UOIQUE ce Journal ait été tiré à un
nombre confidérable au delà de celui des perfonnes
auxquelles on devait d'abord le fournir
, le Libraire fe trouva bientôt forcé
d'en refufer des collections aux nouveaux
Soufcripteurs. Il n'y avait qu'un moyen de/
les fatisfaire réimprimer les années qui
manquaient. Mais ce moyen devenait onéreux
pour le Libraire ; auffi ne jugea - t- il
pas à propos de l'employer. Cependant on ,
lui fait des demandes répétées des premières
années , afin de fe procurer , fans
lacune , un Ouvrage dont l'établiffement
eft fixé , & qui a pris rang dans les Journaux
les plus répandus en Europe. Le Libraire
ne peut donner une preuve plus fenfible
du défir qu'il a de fatisfaire le Public,
qu'en offrant de réimprimer tous les Volumes
qui ont paru depuis 1772 juſqu'à
1786 , s'il fe préfente feulement quatre cents
Soufcripteurs. Pour peu que l'on ait des
connaillances en Librairie , on verra que
c'eft moins pour fe procurer un avantage
le Libraire fait cette propofition , que
pour faciliter au Public l'acquifition d'un
Ouvrage qu'il a favorablement accueilli.
que
Les années qui manquent à beaucoup
de perfonnes qui follicitent une réimpref
fon , font principalement 1772 juſqu'à
( 13 )
1775 ; mais le nombre des Souferipteurs
ayant augmenté chaque année , il eſt devenu
impoffible de leur fournir les années
fuivantes. En offrant de les réimprimer
aufli , le Libraire fent parfaitement que les
Soufcripteurs défirent être libres de fe procurer
feulement telle ou telle année qui
manque à leur collection , & c'est encore
un facrifice qu'il fera volontiers.
On ne demande aux perfonnes qui foufcriront
pour la réimpreffion des Volumes ,
qu'une promeffe par laquelle elles s'enga
gent à payer 27 liv. pour 12 Volumes ,
formant une année , & 33 liv. rendus francs
de port dans toute la France.
Le Libraire ne s'engage , de fon côté , ` à
remplir fes conditions , que dans le cas oùles
quatre cents fonfcriptions feraient remplies .
:
L'année 1772 commence en Juillet , époque
de la publication de l'Efprit des Journaux
les fix mois de cette année contiennent
huit parties , qui formeront trois Volumes
; l'année 1773 , vingt- quatre parties ,
qui formeront frx Volumes ; l'année 1774 , le
même nonibre de Volumes ; les années 1775
& fuivantes jufqu'à ce jour , douze Volumes,
chacunes de 432 pages.
On adreffera les commiffions pour cet
objer , ainfi que pour la foufcription ordinaire
du Journal , à Paris , chez la veuve
VALADE.
Lu & approuvé, ce 7 Octobre 1786. TERRASSON
La & approuvé , ce 9 Novembre 1786 DE SAUVIENT..
Vules Approbations. Permis d'imprimer , ce 16 Nov. 1785.
DE CROSNE.
( 14 )
ANNALES MUNICIPALES OU ANNALES
DE PARIS. Par M. AMEILHÒN , Hiftoriographe
& Bibliothécaire de la ville ,
& c. & c.
CHARGÉ par le Corps de Ville de compofer
une nouvelle Hiftoire de Paris , depuis
fon origine jufqu'à nos jours , je m'occupe
féricufement de ce travail. Les difficultés que
j'éprouve en remontant d'âge en âge , pour
parvenir à la découverte des anciens monumens
enfevelis dans la nuit des temps , m'ont
fuggéré l'idée d'un Ouvrage qui , par la fuite ,.
épargnera ces pénibles recherches . Il fera intitulé
, Annales de Paris : le titre feul en fair
déjà connaître la nature & l'objet. On prévoit
d'avance que ce doit être un Recueil où
P'on aura foin de raffembler tout ce qui fe
paffera d'intéreffant dans la capitale , pendant
le cours de chaque année ; d'où réfultera
un fonds de matériaux qui n'auront
enfuite befoin que d'être mis en oeuvre, &
de recevoir la forme convenable . Alors
P'Hiftorien ne fera plus obligé de perdre fon
temps à recueillir laborieufement des pièces
éparles de côté & d'autre , & à fouiller
dans des manufcrits ou des livres peu connus
, pour y chercher des lumières que fouvent
il n'y rencontre pas .
D'ailleurs ces Annales , en fatisfaifant plus
promptement la curiofité du Citoyen , continueront
toujours la chaine hiftorique , & ne
( 15 )
laifferont plus pour la fuite de lacune femblable
à celle qui fe trouve maintenant
entre nous & l'époque où l'on a ceffè d'é-
Grire l'Hiftoire de Paris.
Ces matériaux feront rangés fous trois.
chefs ; parce que l'Hiftoire particulière d'une
ville peut fe rapporter à trois grands ob.
jets ; 1 ° à la Topographie ou defcription des
lieux ; 2 ° . au récit des évènemens qui s'y
paffent ; 3. aux perfonnes qui l'habitent.
1. La Defeription des lieux . Depuis plus
de trente ans , Paris a tellement changé de
face , que le local en eft devenu prefque
méconnaiffable . Chaque jour voit de nouveaux
édifices s'élever , de nouvelles rues
s'ouvrir , de nouveaux quartiers & de nouvelles
places fe former. On rendra compte
ici du plan , de l'objet & de l'exécution
de ces travaux publics ; & , pour nous acquitter
avec plus de fuccès de cette tâche ,
nous inviterons MM. les Architectes & Entrepreneurs
, à nous fournir eux - mêmes
des notices de leurs ouvrages . Nous prierons
auffi les perfonnes qui auraient dans l'intérieur
de leurs maifons des reftes de vieux
monumens , & dont la connaiſſance pourrait
être utile à notre Hiftoire , de vouloir
bien nous en inftruire. Il ferait fur-tout à
fouhaiter que ceux qui font démolir des
bâtimens où s'apperçoivent encore quelques
traces d'antiquité , euffent également la conplaifance
de nous en prévenir , avant de
les livrer au marteau deftructeur.
2º . Les évènemens . Depuis qu'une heu(
16 )
reufe & inaltérable tranquillité règne dans
l'Etat ; que tous les Français n'ont plus qu'un
feul intérêt , celui de la Parrie , & qu'une
feule affection , l'amour de leur Souverain ,
Paris a cellé d'être le théatre de ces grandes
& fameufes révolutions dont fen Hiftoire
ancienne n'eft que trop remplie. D'autres
évènemens moins éclatans , mais plus pacifiques
& plus heureux , ont fuccédé . Nous
les rapporterons à mefure que l'occafion les
fera naître. Cet article comprendra autli tous
les établiffemens qui auront pour but l'uti
lité publique. On y rappellera les opéra--
tions des diverfes Adininiftrations qui font
chargées de maintenir le bon ordre , & de
veiller à la sûreté & à la fubfiftance des habitans
de cette grande ville. On y raffemblera
les Réglemens qui émaneront de chia
cunc de ces Adminiftrations , & par conféquent
le Citoyen y trouvera réuni tout ce qu'il
lui importera de connaître , foit pour fe conduire
conformément aux Loix prefcrites par
l'Autorité , foit pour éviter des tranfgreflions
qui pourraient lui attirer des difgraces.
30. Les habitans. Ici l'on recueillera , d'après
ceux de nos papiers publics que le Gouver
nement autotife , les évènemens qui pourront
intéreffer plus particulièrement les divers
Corps , Sociétés ou Compagnies que cette
ville renferme dans fon fein. On y indiquera
les pertes qu'elle aura faites dans le cours
de l'année , de ceux de fes Citoyens que des
talens fupérieurs auront rendus célèbres, furtout
lorfque ces talens fe feront exercés fur
( 17 )
·
des objets d'une utilité reconnue . S'il paraît
un chefd'oeuvre dans les Lettres , s'il
fe fait quelque grande découverte dans les
Sciences ou dans les Arts , nos Annales en
conferveront le fouvenir , parce que le tableau
des progrès de l'efprit , du génie &
de l'induftrie des habitans de la capitale
d'une grande Nation , doit néceffairement
faire partie de leur Hiftoire. Comme notre
intention eft de ne nous arrêter qu'à ce qui
nous paraîtra véritablement digne des regards
de la Poftérité , on conçoit que cet
article ne pourra jamais être par lui même
fort étendu . Pour le foutenir & en quelque
forte l'alimenter , nous y donnerons
fucceffivement les vies de nos plus illuftres
Parifiens.
Dans un article féparé , nous ferons toujours
imprimer quelque Pièce intéreffante
qui n'aura pas encore paru , ou quelque
difcuffion fur des points hiftoriques que
nous, croirons avoir befoin d'être éclaircis ;
ce qui nous difpenfera de charger notre
Hiftoire de Paris d'un trop grand nombre
de pièces justificatives.
Enfin , nous donnerons la notice des Ouvrages
nouveaux , foit hiftoriques , foit géographiques
, qui auront quelque rapport à
la ville de Paris. Nous prendrons même la
liberté de relever , mais toujours avec décence
, les méprifes qui auront pu échapper
à la vigilance des Auteurs. Ce doit être
l'office principal d'un Hiftoriographe en
titre ; il faut , avant tout , qu'il épure les
( 18 )
fources où il pourra puifer. On ne pouffera
pas plus loin ces détails. On comprend aifément
que ce plan fera fucceptible de divers
développemens qui naîtront des circonftances.
Ces Annales feront ce qu'elles doivent
être , fi elles ne contiennent que des faits
avérés , & fi le ftyle en eft fimple & clair.
Nous ofons affurer qu'elles auront ce double
avantage , párce qu'il n'y a point de vanité à
tirer d'un pareil mérite. Le plus grand honneur
que nous attachions à cet Ouvrage , eft
de le faire paraître fous les aufpices d'un
Miniftre fi recommandable parfon zèle pour
tout ce qui peut contribuer au bien & à la
décoration de la première ville du Royaume
& avec l'agrément d'une Compagnie qui
repréſente fi dignement le Corps des Citoyens
, & dont le Chef fait revivre un
.nom déjà cher aux habitans de cette capitale
, celui de l'illuftre Claude le Pelletier ,
à qui Paris doit tant de commodités &
d'embelliffemens.
Les Anales de Paris , à commencer par
l'année 1787 , paraîtront dans les deux preiniers
mois de la fuivante. C'eft l'ordre qu'on
obfervera pour la fuite . Le prix dépendra
du Volume , & le Volume de la richeffe des
matières ; toutes les années ne peuvent être
également abondantes.
Il ne s'agit point ici de Soufcription . Les
feules avances qu'on attend du Public , confiftent
dans les renfeignemens que chaque
Citoyen , bien intentionné pour cette entre(
19 )
prife , pourra fournir. L'Auteur défire que
les Ecrits lui foient adreffés francs de port,
& fur- tout avoués de ceux qui les enverront ,
de forte que , dans le cas où il aurait des
doutes , il pût s'en éclaircir avec eux . On
fent que la loi qu'il s'impofe de ne publier
que des faits dont la vérité foit inattaquable
, ne doit point lui permettre de s'abandonner
à la difcrétion des Anonymes. Il
aura toujours l'attention de faire honneur
à qui il appartiendra , des fecours littéraires
don on voudra bien le gratifier .
La demeure de l'Auteur eft rue des Prêtres-
Saint -Paul , vis- à- vis de la rue des Jardins,
maifon de Saint-Louis.
Lu & approuvé , ce 21 Avril 1786. DE SAUVIGNY.
Vu l'Approbation . Permis d'imprimer , ce 23 Avril 1786.
DE CROSNE.
Avis fur la Soufcription du Journal des Caufes
célèbres.
CET Ouvrage périodique eft dans toutes les
Bibliothèques ; fon objet & fon plan font connus.
L'intérêt que fa lecture infpire , a excité
la cupidité des contrefacteurs étrangers . Une
édition volumineufe eft fortie de leurs preffes .
Heureufement des défenſes févères en ont arrêté
la circulation dans le Royaume.
Depuis deux ans ce Journal paraît tous les
quinze jours. Il n'était compofé avant que de
douze Volumes. Toutes les Caufes célèbres ,
eurieufes & intéreffantes , qui font jugées dans
toutes les Cours Souveraines du Royaume , y
font rapportées avec la plus grande exactitude.
On y trouve fouvent des affaires dont les dé·
( 20 )
tails font auffi attachans que ceux qui piquent
la curicfité dans le Romans , & ils ont un
avantage bien précieux fur les Productions de
l'imagination ; car ces dernières n'ont d'autre
attrait que celui d'une fiction ingénieuſe , tandis
que les Caufes célèbres réuniffent l'intérêt de la
vérité à la bizarrerie des évènemens qui influent
fur la definée des Citoyens .
2
Les perfonnes qui fe propofent de foufcrire
pour ce Journal , font priées d'envoyer leur
abonnement , afin qu'on ait le temps d'imprimer
leur adreffe . On foufcrit chez M. des Effarts
Avocat , Membre de plufieurs Académies , rue
du Théatre Français , la dernière porte cochère
près la place ; & chez Mérigot le jeune , Libraire ,
quai des Auguftins. Le prix de la foufcription ,
pour Paris , eft de 18 livres , & de 24 livres
pour la Province . Il faut avoir foin d'affranchir
le port de l'argent & des lettres d'avis . ^
On trouve au Bureau du Journal , rue du
Théatre Français , les vingt - quatre Volumes de
T'année 1786 , qui renferment entre autres
Caufes célèbres ; le fameux Procès de la fille
Salmon ; ceux de la jeune Payfanne des environs
de Touloufe , accufée de parricide ; d'un
fourd & muet , accufé de viol ; plufieurs queftions
d'état , & c. &c . &c. Ce vingt - quatre Volumes
fe vendent 18 livres à Paris , & vingt- quatre
livres , francs de port , en, Province .
On trouve auffi chez Moutard , Imprimeur
de la Reine , rue des Mathurins , une nouvelle
édition des dix premières années , qui contient
un Choix de Caufes célèbres. Cette édition ”,
qui eft compofée de 15 Volumes de cinq cents
pages chacun , fe vend 37 livres 10 fous broclice
, & 45 livres reliée .
Lu & approuvé , ce 6 Décembre 1786. DE SAUVIGNY.
Vu l'Approbation , Permis d'imprimer , les Décembre 1786.
DE CROSNE.
( 21 )
NOUVEAU LIVRE D'ORDRE , Portefeuille
, Secrétaire , ou Souvenir annuel
pour l'année 1787 , divifé en cinq parties.
Chez le fieur SALMON , Marchand Papetier,
rue Dauphine , No. 26 , vis- àvis
celle d'Anjou .
LA première , réglée à livre ouvert pour
le fouvenir & la dépenfe de chaque jour
de l'année .
La feconde , réglée pour la recette , chaque
page préfentant une ſemaine.
La troifième , réglée à livre ouvert pour
échéances , les rentrées & payemens à terme
fixe.
La quatrième , réglée pour perte & gain .
Ces quatre parties , avec tableau de récapitulation
pour chaque objet de recette.
& dépenfe .
La cinquième contient le répertoire alphabétique
& indicatif : chacune de ces cinq
parties féparée par une affez grande quantité
de feuilles blanches encadrées , pour les
notes & obfervations particulières ou relatives
à chaque objer.
Ce livre réunit au double avantage de
contenir féparément chaque objet de recette
& de dépense , celui de pouvoir y en
ajouter de telle autre nature que ce foit ,
comme payemens & acomptes donnés à
divers Entrepreneurs , Marchands , Fournil(
22 )
feurs & Ouvriers , appointemens , gages des
Officiers & domeftiques , le jour où ils ont
été payés , & celui où il en doit échoir ; enfin
tout ce qui a rapport au détail & à l'adminiftration
d'une maiſon fi confidérable qu'elle
foit , fans être obligé d'avoir recours à d'autres
livres.
La colonne des fouvenirs , faifant partie
de la première , eft de la plus grande utilité ,
en ce qu'elle donne la facilité de donner ou
prendre le jour & l'heure pour tel temps fi
éloigné qu'il foit dans l'année , fans autre
peine que de défigner l'objet , la date & le
jour y étant indiqués en marge ; & chaque
jour amenant ce qui fut promis peu ou beaucoup
de temps auparavant , prévient ce qui
pourrait échapper à la mémoire la plus active
, comme auffi de prendre deux fois le
même jour & la même heure.
Seconde partie. Recette. La recette étant ,
moins détaillée que les dépenfes , occupe auffi
beaucoup moins d'efpace , & dont l'excédant
peut encore fervir à y porter nombre
d'objets divers .
Troifième partie. Rentrées & payemens
à terme fixe. Comme rentes , baux , affermages
, refcriptions , lettres de change ,
traites & remifes , mandats , billets au porteur
, arrêtés de comptes , &c. & généralement
tous les effets dont le terme eft fixe ,
tant pour la recette que pour les payemens .
Cette même partie peut fervir à différentes
fpéculations.
( 23 )
Quatrième partie . Perte & gain. Ce n'eft
point feulement pour le jeu que cette partie
eft deftinée , en ce qu'il eft différentes chofes
qui , par leur produit ou perte, font portées
à cette défignation.
Cinquième partie. Répertoire alphabétique
indicatif. Ce répertoire eft pour rendre les
recherches fur ce livre beaucoup plus
promptes & certaines , en ce que l'on portera
les noms à leurs lettres indicatives .
La date , le jour & l'objet étant indiqués
fur ce livre à ne pouvoir s'y méprendre ,
le rendent très- facile à tenir , préviennent
les doubles emplois , l'équivoque des dates ,
&c. Il finit avec l'année , fans qu'il y ait
de feuillets de moins ni d'inutiles ; le format
eft affez grand pour contenir tous les
objets détaillés ci- deffus fans aucune gêne;
l'ordre avec lequel le fieur SALMON l'a diftribué
, lui a donné la faculté de procurer à
la fois un format agréable & commode.
Il eft imprimé fur de très - bon papier pour
l'écriture . L'on en trouvera chez lui de toutes
lesfortes de reliure, de fermant à clef& fecret ,
de couverts en maroquin , qui y réuniront un
porte-fenille , & autres reliures plus ordinaires.
Il en tiendra de même en feuilles
pour les perfonnes quieraient fupprimer
ou ajouter quelque chofe.
Ce livre paraîtra dans le commencement
de Janvier 1787. Les perfonnes qui défireront
fe le procurer , voudront bien envoyer
( 24)
leurs noms & adreffes au fieur SALMON , qui
leur fera paffer.
L'on en trouvera de même une très- grande
quantité d'autres , de toutes formes , réglés
liv. f. d. recette & dépenfe ; d'autres , une
raie en marge pour copie de lettres , & grands
livres pour doit & avoir , & à l'ufage des Bureaux.
Il y en a de cotés & d'intitulés .
Objets nouveaux d'Etrennes qui fe trouveront
auffi chez le fieur SALMON. Jolis
Portes - feuilles avec néceffaires.
Néceffaire en forme de livres , contenant
beaucoup de pièces différentes ; de jolies écritoires
à néceffaire portatives , tant garnies en
or qu'en argent , acier , &c.
Des boîtes ou coffrets peints , contenant
de joli papier à vignettes & bordé , plumes
de corbeau , cire de toutes couleurs & à
odeurs différentes ; autres acceffoires pour
l'écriture & le deffin ; fait & vend des enveloppes
pour tous les formats & papier à
lettres , & billets du matin. Pour le détail
des autres marchandiſes qui ſe trouvent
chez ledit fieur SALMON , voyez Mercure de
France de la préfente année , 21 Octobre ,
N°. 42 , Supplément , pag. 7 & ſuiv. , auffi
bienque pour l'encre de fa compoſition , tant
en tablettes qu'en bouteilles , approuvée par
l'Académie Royale des Sciences . - Nouveaux
corners en cristal , fermant hermétiquement,
& c. &c.
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
ALLEMAGNE.
DE HAMBOURG , le 15 Novembre.
Ovelle action entre les Tartares -Leghis , &
les Georgiens appuyés des Ruffes, action où
ces de niers ont perdu beaucoup de monde.
Ces efcarmouches renaiffantes coûtent des
frais immenfes & une perte de foldats continuelle
à la Ruffie , fans rebuter les Tartares ,
infatigables à défoler la Georgié , jufqu'à ce
qu'elle ait renoncé à la protection de ſes Auiliaires.
Ce qui accrédite ces facheufes nouvelles
, c'eft le rappel du Lieutenant Général
Paul Potemkin , Commandant en chef
de l'armée du Couban , & qui fera remplacé
par le Général Michelfon .
parle affez pofitivement d'une nou-
Le Baron de Keller , Ambaffadeur extraord
naire & Miniftre plénipotentiaire de
la Cour de Berlin , eft ariivé à Pétersbourg ,
No. 48 , 2 Décembre 1786. a
& a eu la premiere audience de l'Impératrice
& du Grand Duc.
.La Régence de Dantzick a effayé une
démarche auprès du nouveau Roi de Prufe,
qu'elle a fupplié de diminuer les droits qui
gênent le commerce de la République.
Un régiment Ruffe , cantonné dans l'Ukraine
Polonoife , y a commis de fi grands
défordres , que les Nonces des Palatinats
de Kiovie & de Braclaw en ont porté plainte
à la Diete. On a prié le Roi d'envoyer
une Ambaffade à l'Impératrice de Ruffie ,
pour demander le rappel de ce Régiment,
Il n'y a encore rien de décidé à ce fujet.
L'Impératrice de Ruflie projette des augmentations
dans la Marine . Elle fe propofe
d'appeler des conftructeurs étrangers à Riga ,
Revel , Cronftadt & Archangel , & de leur
accorder de grands avantages. On conftruit
à Archangel plufieurs vaiffeaux de guerre,
& on continue à remplir les arfenaux &
magalins de munitions navales. On affure
qu'il fera conftruit un nouveau pont fur la
Neva , & que les travaux feront commencés
le printemps prochain.
Le Lieutenant Egede ; qui eſt reſté en
Inlande , pour continuer le printemps prochain
fes tentatives du côté de l'Eft du
Groenlande , a écrit à Copenhague , qu'il
avoit diftingué le bétail qui pâturoit fur
cette terre perdue . mais que les glaces l'avoient
empêché d'aborder.
L'Elbe a été couvert de glaces pendant
( 3 )
plufieurs jours , & fa navigation interrom
pue.
DE BERLIN , le 14 Novembre .
S. M. eft revenue de Potsdam à Berlin ,
depuis quelques jours. Elle a nommé le célébre
Profeffeur Ferber , fon Confeiller au
département des Mines , & Membre ordinaire
de la claffe de Phylique à l'Académie Royale
des Sciences. Le Roi a également ratifié
l'élection que vient de faire cette Compagnie
, de MM. Meiero to , Recteur du College
de Joachim , du Prédicateur Herman ,
de M. Ancillon , & de M. Magellan à Londres
, comme Affocié extraordinaire.
Le 6 de ce mois , le Prince Henri a célébré
la commémoration de la victoire de
Prague , le 6 Mai 1757 ; victoire à laquelle
S.A. R. eut une grande part, à la tête du régimentd
Itzenblitz , aujourd'hui de Brunswick.
Le Prince a fait inviter à cette fête les Officiers
de ce Régiment qui fe trouverent à la
journée de Prague , & leur a donné à chacun
une médaille d'or. 32 bas Officiers & 42
foldats furent également traités dans le palais
de S. A. , qui fit diftribuer un ducat à
chacun des premiers , & un écu à chaque
foldat. Le Major de Tempelhoff raconte en
ces termes l'un des traits de bravoure du
Prince & de fon Régiment .
» Le régiment d'Itzenblitz ayant rompu la
ligne des ennemis & fe trouvant arrété par
a 2
( 4 )
un foffé rempli d'eau marécageufe , les foldats
effayoient de le pafler un à un fur des
poutres qui fe trouvoient dans le voisinage .
le Prince Henri de Pruffe qui étoit à la te e
de ce régiment ne l'eut pas plutôt vu défiler
ainfi en défordre , que mettant pied à terre
en abandonnant fon cheval , il fe jette le premier
dans le foffé en criant ; Soldats , fuivezmoi.
Auffitôt tout le régiment s'y précipite
à fon exemple , ayant de l'eau juſqu'aux aiffelles
, le franchit heureufement & en bon ordre,
acheve la déroute de l'ennemi. »
Le Roi a conféré le grand Ordre de l'Ai
Noir au Lieutenant Général d'Anhalt.
Le Comte d'Arnim de Boizenbourg a été
nommé Miniftre d'Etat : en même temps ,
6. M. lui a donné la charge de Grand -Veneur
, avec voix & féance au Directoire général.
Le département de l'Accife eft confié
au Baron de Werder , Miniftre d'Etat : toutes
les affaires relatives à cet objet feront
traitées à l'avenir en Allemand. Il eft auffi
queftion de réunir les Gabelles au département
des Mines.
Les trois nouveaux Régimens de Volontaires
prendront le nom d'Infanterie légere .
Le fieur Favre , ancien Secrétaire de légation
à la Cour de Madrid , & connu par fon
démêlé avec le Comte de Gersdorf, Miniftre
de Saxe à la même Cour , vient d'être
nommé premier Lieutenant au régiment
Suiffe de Muller , l'un de ceux qui compofent
cette Infanterie légere.
Le Geur Langhans , Confeiller de Guerṛ :
( 5 )
des Bâtimens , & le fieur Refener , Mécanicien ,
ont exécuté à Breslau un modele de machine à
feu , au moyen de laquelle on peut élever l'eau
à une hauteur confidérable . Ils ont préſenté ce
modele qui differe de toutes les autres machines
de ce genreau Baron de Heinitz , Miniftre d'E
tat & Chef du département des Mines , & au
Comte de Rheden , Confeiller- privé des Finances
& des Mines . La premiere force qui met
la machine en mouvement , eft produite par
l'évaporation de l'eau qui fait mouvoir centra
lement un tuyau horifontal , & affez puiflamment
pour le faire tourner 300 fois dans une
minute ( 1 ) . Dans cette minute on peut élever avec
un chaudron d'un pied de diametre , 28 pieds
cubes d'eau à 18 pieds de hauteur par fix pompes.
Les Inventeurs de cette machine s'occupent
actuellement de la conftruction d'un modele , où
le chaudron aura 18 pouces de diametre ; its
feront enfuite de nouvelles expériences qu'ils
fe propofent de publier avec la defcription de
cette machine.
DE VIENNE , le 14 Novembre.
M. Clément , Réſident de Saxe auprès de
notre Cour , a demandé , au nom de fon
Maître , en fa qualité de Directeur du Corps
Evangélique , l'intervention de l'Empereur ,
en faveur des fujets Proteftans de l'Electeur
Palatin , qui réclament le libre exercice de
leur Religion .
DE FRANCFORT , le 30 Novembre.
Quelques lettres de Manheim ont donné
(1 ) Il y a probablement erreur dans ce chiffre de 300 ,
a 3
( 6 )`
de grandes allarmes fur la vie de S. A. Š .
l'Electrice Palatine , âgée de 65 ans . Cette
Princeffe étoit tombée dangereufement malade
; mais l'on fe flatte qu'elle ne l'étoit pas
au point de laiffer peu d'efpérances de fon
rétabliſſement.
Il s'eft répandu un bruit hafardé , que le
Prince Eugene de Wirtemberg , pere de la
Grande- Ducheffe de Ruffie , & de la Princeffe
Elifabeth , promife à l'Archiduc François
, devoit être nommé Gouverneur gé
néral de l'Autriche intérieure ; & qu'en cette
qualité il réfideroit à Gratz en Stire , avec
, 100,000 florins d'appointemens . Ce Prince
a déja un revenu patrimonial de so , oco fr.
& en reçoit annuellement 20,000 de la
Ruffie.
Nous ne devons négliger aucun trait propre
à jetter des lumieres fur l'adminiſtration intérieure
du dernier Roi de Pruffe . Voici entr'autres
en quels te mes parloit de l'agricul
ture ce Monarque , accufé par des Libe lif
tes d'avoir facrifié l'agriculture. Le 9 Juin
1771 , il écrivit ces mots à M. de Derfchan ,
Miniftre d'Etat. » Mon cher Miniftre d'E-
→ tat de Derfchau , dans les caiffes des villes
» de la Marche Electorale , il refte un fonds
de 100,000 rixdalers que m'offrent les
>> Etats. Comme ce capital a été tiré du pays
» même , & qu'il eft jufte de l'employer à
» fon avantage,je penfe à placer cette fomme
" à 4 pour 100 , pour la faire fervir à intro-
ל כ
( 7 )
» duire la méthode Angloife d'agriculture
» dans les villes agricoles , & dans les villa-
» ges appartenans à des Gentilshommes peu
» opulens. J attends là -deffus votre avis ; fi
» vous ne l'adoptez pas , vous m'en donne-
>> rez d'autres analogues à mes vues.´
Une Feuille Allemande raconte une autre
anecdote non moins mémorable du même
Prince .
"
A la bataille de Torgau , le Roi de Puffe commença
l'attaque de l'armée Autrichienne avec
l'aile gauche de fon armée & la victoire ne
fe décida en fa faveur qu'à nuit tombante ; le
Général de Ziethen s'étant enfin rendu maître
avec l'aile droite , des hauteurs de Siptiz . La
nuit fuivante étoit extrêmement froide : les
troupes Pruffiennes la pafférent fous les armes
auprès d'un grand nombre de feux . A l'aubs
du jour le Roi paffa de l'aile gauche à l'aile
droite. Arrivant auprès de fon régiment des Gar
des à pied , il defcendit de cheval & alia s'af
feoir près du feu , entouré de fes Grenadiers :
on attendoit que le jour parût , pour recommencer
l'attaque si les Autrichiens étoient reftés fur
le champ de bataille . Le Roi caufoit familiérement
avec les Soldats , & faifoit l'éloge du Régiment
qui avoit combattu avec valeur. Les Grenadiers
le preffoient autour de lui , & l'un d'eux
nommé Rubiack avec lequel le Roi aimok à
s'entretenir , & qu'il avoit comblé de préfens ,
ofa lui demander , « où il s'étoit trouvé à la
» bataille ? » « Nous fommes accoutumés ,
» continua - t - i ' , de te voir à notre tête & d'ê-
>tre conduits par toi - même au plus fort de la
mêlée ; mais aujourd'hui nous ne t'avons pas vu.
Ce n'eft pas bien que tu nous abandonneg
,
a 4
( 8 )
>
ainsi. Le Roi répondit au Grenadier;
avec une simplicité touchante , qu'ayant comcommandé
l'aile gauche , il n'avoit pu joindre
fon régiment. Pendant cette converfation , le
Roi , que la chaleur du feu incommodoit , déboutonna
fon furtout bleu & les Grenadiers
remarquérent qu'il tomba de fes habits une balle
de fusil , dont le coup avoit effleuré la poitrine
& percé le furtout & l'uniforme. A cette vue ,
transportés d'enthousiafine , ils s'écrierent tous :
Oui , tu es l'ancien Fritz , ( diminutif allemand
du mot Frédéric ) . Tu aimes à parta
ger tous nos périls ; & nous , nous aimons à
mourir pour toi . Vive le Roi ! Aux Autrichiens
camarades , aux Autrichiens ! En avant ! marche
! Les lignes fe formérent dans un inftant
& les Officiers eurent toutes les peines du monde
à retenir l'ardeur de ces braves foldats , &
à leur faire comprendre qu'il n'étoit pas encore
tems d'aller aux ennemis.
»
On fait que le feu Roi de Pruffe a écrit
un Traité fur la Littérature Allemande
mais on ignoroit jufqu'à préfent les circonftances
qui donnerent lieu à cette production.
Ceux qui defireront de les connoître ,
les trouveront dans l'Hiftoire de la Differta
tion fur la Littérature Allemande , qui vient
de paroître , & qui renferme la correfpondance
que le feu Roi eut à ce fujet avec le
Comte de Hertzberg.
On mande de Rome que l'exécution des
projets de finance du fieur Mi ler a éprouvé
de fi grandes difficultés , que le Gouvernement
a pris le parti de les abandonner , Ce
) و (
reformateur, qui avoit déja éprouvé quelques
dé agrémens en Tofcane , imbu de
principes étrangers , avoit propofé de former
une compagnie de Miquelets armés
qui auroient volé & veillé fur toutes les
frontieres de l'Etat Eccléfiaftique , pour empêcher
la contrebande ; mais comme il ne
donnoit que 15 paules par mois à chacun
de ces lazarrons , le Gouvernement a craint
que cette troupe ne fe convertît bientôt
en une troupe de voleurs ; & le Refcrit du
S. Pere qui la fupprime eft déja publié.
La Gazette de la Haye raconte une aventure
finguliere , arrivée pendant l'un des
derniers incendies de Péra à Conftantinople.
La maifon d'un Interprête grec brûloit.
Il avoit , à l'aide de cinq ou fix Janifaires ,
fauvé prefque tous les effets : mais je ne fais
par quel hazard un de les enfans au berceau
étoit resté oublié on ne pouvoit plus entrer;
tout étoit en feu ; le malheureux pere , au déſefpoir,
croyoit fon enfant la proie des flammes.
Tout- à coup un très gros chien qu'il avoit
paroît , fuyant de la maifon , l'enfant à fa'genle
; il le tenoit par fes langes. On le jette fur
lui ; il ne veut pas l'abandonner ; il échappe à
tous ceux qui l'environnent , il traveric en
courant beaucoup de rues ; & ne s'arrête que
quand il eft arrivé à la porte d'un ami de fon
maître , là il dépofe far le feuil le fardeau précieux
, & rete auprès jufqu'à ce que la porte
s'ouvre. Devineroit-on quelle fut la récompenfe
de ce fidele & généreux ferviteur ? l'interprête
a s
( 10 )
:
grec s'empreffa en effet de lui en donner une ;
mais celle qu'il lui choifit eft auffi affligeante
que bizarre il tua le chien de fa propre main
& le mangea avec fa famille dans un repas fplendide
qu'il donna à cette occafion . Il s'eft trop
bien conduit , difoit-il , pour être la pâture des
vers ; ce font des hommes qui doivent le manger
, & vous ne pouvez vous autres qu'y gagner :
il vous rendra plus bienfaifans .
L'Empereur , écrit on de Vienne , fe trouvera
le 28 de ce mois à Bude , pour y affifter
à l'ouverture de l'Affemblée des Etats.
Le Comte Charles de Colloredo , Général
au fervice , eft mort à Venife , à la fuite
d'une apoplexie.
On écrit auffi de Vienne , que lorsqu'on
eut demandé à l'Empereur de quelle maniere
on devoit punir l'auteur du libelle , compofé
pour la défenfe du Comte de Szekely , S. M.
écrivit au bas de la Note la décision qui fe
trouve au Code de Juftinien , & qui commence
par ces mots : Si quis Imperatori maledixerit
, &c. En voici la traduction . >>
» Si quelqu'un eft parvenu à ce degré d'impu-
>> dence , qu'il s'oublie au point de nous
» infulter par des calomnies & des méchan-
» cetés , ou de critiquer injurieufement
> nos actions fon andace fera vengée
» par le mépris , & non par des punitions.
» Car fi la médifance eft le fruit de la ven-
» geance , elle mérite d'être méprifée ; fi elle
» eft le fruit de l'imbécillité , elle mérite la
» compaffion ; & fi elle eft le fruit de la mé-
?
( 11 )
» chanceté , nous la pardonnons à ce mal-
>> heureux .
On fait que les Electeurs Eccléfiaftiques &
quelques autres Prélats d'Allemagne ont fait rédiger
par des Commiffaires , les griefs de la Nation
Germanique , contre l'autorité abufive de
la Cour de Rome. Ces griefs ont été envoyés
à Rome & à Vienne . Voici en fubftance les propofitions
de ces Prélats. Ils foutiennent dans leur
Mémoire. 1 Que les Concordats des Princes,
les conventions , privileges & libertés des Archevêchés
& Chapitres d'Allemagne font les feules
loix fondamentales , d'après le quelles il faut apprécier
le rapport de l'Eglife Germanique au
Siege Apoftolique , & qu'il ne faut pas recourir
à la collection abufive des Décretales d'Ifidore.
2°. Que les Concordats d'Afchafferbourg n'étoient
qu'un accommodement fecondaire, & qu'ils
ne renfermoient que la confirmation des décifions
du Concile de Bâle , en tant qu'elles ont
été adoptées dans les Concordats des Princes ,
& un arrangement relatif à la taxe pour le pallium,
à la collation des bénéfices dans certains mois
de l'année & aux annates . 3 ° . Que les revenus
du Pape ne devoient durer que jufqu'à ce que
dans un nouveau Concile on en eût ftatué autrement.
4. Que le Pape avoit promis aux
Conciles de Conftance & de Bâle & aux Concordats
des Princes ' d'affembler de dix ans
en dix ans un Concile général ; que depuis
la tenue de celui de Trente en 1563 , il
n'en avoit point convoqué ; que par conféquent il
avoit rompu lefdits Concordats & que cette
circonfiance autorifoit la nation Germanique
de ne plus s'en tenir aux Concordats d'Afchefferbourg.
5 ° . Que les Papes avoient abuſé ma-
"
a 6
( 12 )
nifeftement de la Jurifdiction Eccléfiaftique que
le Concile de Trente leur avoit accordée , &
qu'au lieu d'établir des Juges fynodaux & diocéfains
, ils avoient établi les Tribunaux permanens
de nonciature , fans y être autorifés en
aucune maniere . 6 ° . Que l'Emper ur Jofeph ,
en aboliffant ces Tribunaux , avoit rempli les
devoirs que lui avoient impofé les capitulations
& les lettres collégiales des Electeurs de 1764
& 1769. 79. Que l'Empereur étoit fondé à demander
la convocation d'un Concile général
pour y faire redreffer les griefs de la nation
germanique . 8 ° . Que c'étoit de fa part un ef
fer de pure néceffité s'il regardoit comme va
lables les Concordats d'Afchefferboug , relati
vement aux bénéfices , & 9. Que les Prélats
d'Allemagne attendoient des foins paternels de
l'Empereur , que S. M. Imp. foutiendra l'autorité
& la Jurifdiction des Archevêques & Evê◄
ques d'Allemagne , & qu'elle les protégera contre
les atteintes illégales du Pape.
GRANDE - BRETAGNE;
DE LONDRES , le 18 Novembre.
Un Courier du Cabinet , expédié de Paris
par M. Eden , a apporté la ratification da
Traité de Commerce & de Navigation ,
figné le 26 Septembre dernier. L'échange
s'en eft fait le 10 à Fontainebleau , entre M.
Eden & M. de Rayneva!.
Lord Walfingham , nommé Ambaſſadeur
auprès de la Cour d'Elpagne , a eu l'honneur
, en cette qualité , de baifer la main de
Sa Majesté.
( 13 )
Le Lieutenant - Général Rainsford qui ,
durant la derniere guerre , devoit íuccéder
au Chevalier W. Draper à Port-Mahon , va
s'embarquer inceffamment pour Gibraltar ,
en qualité de Lieutenant - Gouverneur de
cette fortereffe .
La Comteffe Douairiere de Strathmore ,
riche Ecoffoife , époufa , il y a quelques années
, un Gentilhomme Irlandois , nommé
M. Bowes , contre lequel elle a formé depuis
les plaintes les plus graves , en lui intentant
un procès en féparation . Cette Caufe alloit
être jugée , & très-probablement en faveur
de Lady Strathmore , lorfque fon époux , accompagné
de fix affidés , déguifés en Conngtables
, l'a enlevée en plein jour dans la rue
d'Oxford , où elle faifoit quelques emplettes.
Un faux Warrant ( ordre d'arrêter ) , que l'un
des raviffeurs préfenta à Mylady & à ſa ſuite,
facilita cette audacieufe tentative , dont le
fuccès fut très complet . La Comteffe fut
conduite , dans fon propre carroffe , hors de
Londres , & de là dans le nord de l'Angleterre.
A la nouvelle de cette violence , on
dépêcha des Huifliers à la pourfuite de fes
auteurs dont on a atteint la trace au château
de Strickland, près de Durham,& appartenant
la Comteffe. M. Bowes s'y eft renfermé &
retranché avec les complices & fa prole ;
mais celle- ci ayant trouvé le moyen de faire
parvenir une lettre à Londres , les Juges du
Banc du Roi ont décerné un habeas corpus ,
foit un ordre d'amener la Comteffe devant la
( 12 )
nifeftement de la Jurifdiction Eccléfiaftique que
le Concile de Trente leur avoit accordée , &
qu'au lieu d'établir des Juges fynodaux & dio--
céfains , ils avoient établi les Tribunaux permanens
de nonciature , fans y être autorifés en
aucune maniere. 6 ° . Que l'Empereur Jofeph ,
en aboliffant ces Tribunaux , avoit rempli les
devoirs que lui avoient impofé les capitulations
& les lettres collégiales des Electeurs de 1764
& 1769. 79. Que l'Empereur étoit fondé à demander
la convocation d'un Concile général
pour y faire red reffer les griefs de la nation
germanique. 8 ° . Que c'étoit de fa part un effet
de pure néceffité s'il regardoit comme va
lables les Concordats d'Afchefferboug , relati
vement aux bénéfices & 9. Que les Prélats
d'Allemagne attendoient des foins , paternels de
P'Empereur , que S. M. Imp. foutiendra l'autorité
& la Jurifdiction des Archevêques & Evê
ques d'Allemagne , & qu'elle les protégera contre
les atteintes illégales du Pape.
9
GRANDE - BRETAGNE;
DE LONDRES , le 18 Novembre.
Un Courier du Cabinet , expédié de Paris
par M. Eden , a apporté la ratification da
Traité de Commerce & de Navigation ,
figné le 26 Septembre dernier. L'échange
s'en eft fait le 10 à Fontainebleau , entre M.
Eden & M. de Rayneva!.
Lord Walfingham , nommé Ambaſſadeur
auprès de la Cour d'Elpagne , a eu l'honneur
, en cette qualité , de baiſer la main de
Sa Majesté.
713 )
Le Lieutenant - Général Rainsford qui ,
durant la derniere guerre , devoit íuccéder
au Chevalier W. Draper à Port-Mahon , va
s'embarquer inceffamment pour Gibraltar ,
en qualité de Lieutenant - Gouverneur de
cette fortereffe.
La Comteffe Douairiere de Strathmore ,
riche Ecoffoife , époufa , il y a quelques années
, un Gentilhomme Irlandois , nommé
M. Bowes , contre lequel elle a formé depuis
les plaintes les plus graves , en lui intentant
un procès en féparation . Cette Caufe alloit
être jugée , & très -probablement en faveur
de Lady Strathmore , lorfque fon époux , accompagné
de fix affidés , déguifés en Connétables
, l'a enlevée en plein jour dans la rue
d'Oxford , où elle faifoit quelques emplettes.
Un faux Warrant ( ordre d'arrêter ) , que l'un
des raviffeurs préfenta à Mylady & à ſa ſuite,
facilita cette audacieufe tentative , dont le
fuccès fut très complet. La Comteffe fut
conduite , dans fon propre carroffe , hors de
Londres , & de là dans le nord de l'Angleterre.
A la nouvelle de cette violence , on
dépêcha des Huiffiers à la pourfuite de fes
auteurs dont on a atteint la trace au château
de Strickland,près de Durham, & appartenant
la Comteffe. M. Bowes s'y eft renfermé &
retranché avec les complices & fa proie ;
mais celle- ci ayant trouvé le moyen de faire
parvenir une lettre à Londres , les Juges du
Banc du Roi ont décerné un habeas corpus ,
foit un ordre d'amener la Comteffe devant la
·
( 14 }
Cour , & un décret d'information contre fes
raviffeurs. M. Bowes ayant refufé d'ouvrir la
porte du château , lorique les Huiffiers font
venus lui fignifier l'ordre du Tribunal , les
Juges l'ont décrété de prife de corps , fi dans
l'espace de deux jours il ne paroît pas pour
rendre compte de fa conduite. Le château eft
inveſti par les amis , les domeftiques , les Fermiers
de Lady Strathmore , & il fera difficile
que fon perfécuteur échappe à leur vigilance.
La pêche fur les côtes au N. O. du Royaume ,
a employé l'année derniere , depuis la fin d'Août
jufqu'en Novembre , 396 bâtimens , dont 40
étoient Ecoffois , & 356 tant Anglois qu'Irlan
dois. ( Les Ecoffois ont fait un bénéfice net de
10,000 liv. ) Le nombre total de ces vaiffeaux
portoit environ 22,000 tonneaux.
On eftime que le tonneau contient affez de ha
rengs pour remplir dix barrils de 400 harengs
chacun ; ainfi 22,000 tonneaux font 220,000 barrils
ou 88,000,000 de harrengs. Cette quantité
prodigieufe n'étoit cependant que le produit de
15 nuits de pêche.
Le Colonel Cunyngham a affigné l'année dermiere
pour l'encouragement de cette pêche ,
20,000 liv . , & auxquelles le Parlement a ajouté
une fomme pareille prife fur le revenu public ;
& à la derniere ceffion , il a accordé une autre
fomme de 10,000 liv. , applicable aux pêcheries ,
auffitôt que divers particuliers du Comté de
Donnegall en Irlande , auront foufcrit pour une
pareille fomme. Ces 60,000 liv. feront employées
à conftruire des bâtimens de toute efpece , pour
curer & emmagafiner le poiffon , & pour loger les
pêcheurs.
( IS )
Depuis la fignature du Traité de Commerce
, les demandes faites aux Fabricans
de Mancheſter font en fi grand nombre
que les toiles de coton blanches ont renchéri
d'un fchelling & demi par verge.
L'importation de l'avoine , de l'orge &
des pois a été permiſe dans le port de Londres
pour 3 mois , à compter du 23 Octobre.
Cette permiffion fe règle fur le prix commun
des grains , pendant les trois mois précédens , affirmés
fur ferment aux ceffions , par l'Infpecteur
chargé de faire ces rapports. Les prix auxquels
il eft permis d'importer les grains, font ainſi qu'il
fuit :
Avoine..
deffus le quarter .
Orge..
à 16 fchellings & au-
Le feigle , les féves & les pois ......
Le bled...
24.
320
48.
Ce réglement eft conforme au changement que
le Parlement fit il y a trois ans dans les loix
concernant le commerce des grains .
Au refte ce réglement ne comprend que les
Comtés de Kent & d'Effex.
Les Directeurs de la Chambre de Commerce
d'Edimbourg ont pris les Arrêtés fuivans
, le 1er. Novembre , concernant les
changemens à faire dans la légiflation du
commerce des grains.
19. L'opinion de la Chambre eft que la Loi
concernant l'importation & l'exportation des
grains dans les Ports , a été & eft fujette à beau
coup d'abus , & qu'elle exige des modifications.
20. Tout changement dans les Loix fur le com
merce des grains, étant un objet de la derniere
( 16 )
importance , il demande la plus mûre délibéra
tion ; & l'on doit considérer avec la plus ftricte
impartialité dans le changement projetté , les intérêts
du propriétaire de terre , du Fermier ,
du Manufacturier , & du fimple Journalier de
terre .
3º. La Chambre n'adoptera que ceux des changemens
projettés , qui lui fembleront fe concilier
avec le bien général de la nation .
4°. Il fera nommé un Comité pour prendre
en confidération , uniquement dans cet efprit ,
l'objet qui fixe l'attention de la Chambre , & ce
Comité en fera fon rapport à l'Ailemblée générale
des Directeurs , qui fe tiendra le mercredi 6
Décembre .
5. Il fera fait des remercimens à tous ceux
qui ont communiqué à la Chambre leurs obfervations
fur cet objet important , & tous les papiers
qui ont été ou qui pourront par la fuite être
Communiqués , feront mis fous les yeux du Comité
, qui les prendra en confidération.
Dernierement , on a fait à Calcuta des
expériences importantes , relativement à l'influence
de la lune fur les fievres & d'autres
maladies. Voici ce que rapporte une lettre
du Bengale à ce fujet.
Le Docteur Balfour , qui a paffé plus de qua
torze ans au Bengale , a obfervé que l'influence
de cette planete , particulierement fur les fievres
, fe montroit d'une maniere vraiement remarquable
, & plufieurs expériences ont confirmé
les découvertes fuivantes : 1°. qu'au Bengale
une attention fuivie & particulière aux
révolutions de la lune eft de la plus grande conféquence
pour guérir ou prévenir les fievres :
1. que l'influence de la lune fur les fievres a"
( 17)
également lieu dans toutes les parties habitées
du globe , & qu'en conféquente on doit également
y faire attention , comme à une chofe
de la plus grande importance dans la Médecine
pra tique.
L'ingénieux Médecin que nous venons de citer
étoit chargé depuis quelque tems de foigner la fanté
d'un nombreux corps de troupes dans le Bengale
. Les maladies confitoient principalement
en fievres ou en diffenteries fuivies de fievres ,
& il y eut , dans l'efpace du premier mois , plus
de quatre cents hommes frappés de ce féau .
Cependant ces malades furent pour la plus grande
partie débarraffés de leurs fievres dans l'efpace
de huit jours qui intervinrent entre la pleine
lune & fon changement , & à l'aide des fecours
de la Médecine , leur nombre le réduifit même
à foixante-dix ou quatre - vingt au plus ; mais
pendant tout le tems que ce corps refta au
Bengale , le nombre des malades s'accrút conftamment
à chaque pleine lune ou à chaque renouvellement
, de maniere à monter à près du
double ; il retomboit auffi conftamment au premier
nombre durant les huit jours qui interviennent
entre les deux périodes .
Le Docteur Balfour est un homme inftruit &
habile ; il est protégé par M. Haftings , témoin
oculaire des fuccès de cette Pratique , qui fixe
aujourd'hui l'attention des premiers Médecins, de
P'Europe.
FRANCE.
DE VERSAILLES , le 22 Novembre.
Le Roi a nommé le Marquis de Piercourt ,
Sous - Lieutenant au régiment des Carabiniers
( 18 )
de Monfieur , à la charge de Guidon de la
Compagnie des Chevaux- légers de la Garde
ordinaire de S. M. , vacante par la démiffion du
Comte de Treve.ec .
·
-
Le Roi a nommé , le 12 de ce mois , à
P'Abbaye de Saint Jacut , Ordre de Saint-
Benoît , Diocèfe de Dol , l'Abbé d'Andrezel
Vicaire Général de Bordeaux ; à celle de Saint-
Auguftin , Diocèle d'Auxere , l'Abbé de
Villeneuves Tourette , Vicaire général de
Nevers ; à celle de Lantenac , Ordre de Saint-
Benoit , diocèfe de Saint-Brieux , l'Abbé de
Barral , Vicaire - Général de Troyes ; à celle de
la Rochelevis , Ordr de Saint- Augustin , dio.
cèfe de Paris , l'Abbé de Saint Cyr , ancien
Vicaire- Général de Châlons- fur - Marne ; à celle
de Vile - Dieu , Ordre de Prémontré , diocefe
d'Acqs , l'Abbé l'Allemand , Vicaire - général du
même diocèfe ; & à celle de Notre- Dame de
Moncers , même Ordre , diocèfe de Châlonsfur
-Marne , le fieur Parifey , Chanoine régu
lier du même Ordre.
Le Vicomte de la Rochelambert , le Comte
du Haget de Vernon , le Comte de Schomberg
, le Come François de la Pallu ,
le
Marquis de Rigaud , le Marquis de Mengon
& le Marquis de Montferrand , qui avoient
précédemment eu l'honneur d'être préfentés
au Roi , ont eu , le premier le 31 du mois
dernier , & les fix autres le 13 du préfent
celui de monter dans les voitures de S. M. &
de la fuivre à la chaffe .
Le 12 , a Comteffe de Mondeart a eu l'honneur
d'être préfentée au Roi & à la Reine par
Madame , en qualité de Dame pour accompagner
cette Princeffe .
Le fieur des Effarts , Avocat , a eu , le 19 ,
( 19 )
l'honneur de préfenter au Roi le teme II de fon
Ouvrage ayant pour titre : Dictionnaire univerfel
de Police , contenant l'origine & les progrès de
cette partie importante de l'Adminiftration en France ;
les Loix , Réglemens & Arrêts qui y ont rapport ; les
droits, privileges & fonctions des Magiftrats qui exercent
la Police , enfin un Tableau hiftorique de lamaniere
dont elle fe fait chez les principales nations de
l'Europe ( 1 ) , Ouvrage que. Sa Majesté a honoré
de fa foufcription.
Le 21 de ce mois , le Comte de Perelada ,
Grand d'Efpagne de la premiere Claffe fut préfenté
à Leurs Majeftés & à la Famille Royale avec
les cérémonies accoutumées .
Le même jour , le Price Palatin de Birkenfe'd
fut préfenté au Roi & à la Famille Royale
avec les formalités , ordinaires , étant conduit par
le fieur de la Garenne , Introducteur des Ambaffadeurs
, qui avoit conduit avant à l'audience
de Leurs Majeftés , le Duc de Dorset , Ambafladeur
d'Angleterre , qui notifia la mort de la Princeffe
Amélie , Princelle d'Angleterre . Le fieur
de Séqueville , S crétaire ordinaire du Roi pour
la conduite des Ambaffadeurs , précédoit .
Le 25 , la Cour prendra le deuil pour onze
jours à l'occafion de la mort de la Princeſſe Amélie
, tante du Roi d'Angleterre .
DE PARIS , le 28 Novembre.
Nous avions commencé à rapporter ,
d'après les Papiers Anglois , à l'article de
Londres , des fragmens du Traité de Na-
(1 ) Il fe vend chez Moutard , rue des Mathurins , hêg
tel de Clugny.
( 20 )
vigation , conclu récemment entre la France
& la Grande Bretagne . Aujourd'hui , nous
pouvons répondre à l'empreflement de nos
Lecteurs , par un document plus authentique.
Voici la teneur de ce Traité général de
Commerce & de Navigation , l'un des actes
les plus utiles & les plus mémorables du
Droit public des deux Nations.
Louis , par la grace de Dieu , Roi de France
& de Navarre : A tous ceux qui ces préfentes
Lettres verront : SALUT. Comme notre cher &
bien amé le fieur Gérard de Rayneval , notre
Confeiller d'Etat & Chevalier de l'Ordre royal
de Charles III , en vertu du plein- pouvoir què
nous lui en avons donné , auroit conclu , arrêté
& figné le 26 du mois de Septembre dernier ,
2 Verlailles , avec le fieur Eden , Membre des
Confeils privés de notre très- cher & très amé
frere le roi de la Grande-Bretagne , & fon Envoyé
extraordinaire & Minire plénipotentiaire
près de nous , également muni de fon pleinpouvoir
, le Traité de Navigation & de Com
merce , dost la teneur s'enfuit :
Sa Majefté Très- Chrétienne & Sa Majefté
Britannique étant également animées du defir
non -feulement de confolider la bonne harmonie
qui fubfiſte actuellement entr'Elles , mais auffi
d'en étendre les heureux effets fur leurs Sujets
respectifs , ont pensé que les moyens les plus
efficaces pour remplir ces objets , conformément
à l'article XVII du Traité de prix figné le 6
Septembre 1783 , étoient d'adop : er un fyftême
de commerce qui eût pour fondement la réciprocité
& la convenance mutuelle , & qui en
faifant ceffer l'état de prohibition & les droits
prohibitifs qui ont exifté depuis près d'un fiecle
( 21 )
entre les deux Nations , procurât de part &
d'autre les avantages les plus folides aux productions
& à l'inditrie nationales , & détruisit
la contrebande , qui eft auffi nuifible au revenu
public qu'au commerce légitime , qui feul mitice
d'être protégé. Pour cet effet , Leurs i files
Majeftés ont nommé pour leurs Commiffauces
& Plénipotentiaires , favoir le Roi Très-
Chrétien , le fieur Jofeph Mathias Gérard de
Reyneval , Chevalier , Confeiller d'Etat , Chevalier
de l'Ordre royal de Charles III : Et le
Roi de la Grande Bretagne , le feur Guillaume
Eden , Membre de fes Confeils privés dans la
Grande Bretagne & en Irlande , Membre de fon
Parlement Britannique & fon Envoyé extraor
dinaire & Miniftre plénipotentiaire auprès de
Sa Majesté Très - Chrétienne , lefquels , après
avoir échangé leurs pleins-pouvoirs r fpectifs ,
font convenus des articles fuivans :
.
ART. Ier. Il a été convenu & accordé entre le
Séréniffime & Très- Paillant Roi Très Chrétien ,
& le Séréniffime & Très Puiffant Roi de la
Grande- Bretagne , qu'il y ait entre les Sujets
de part & d'autre une liberté réciproque & en
toutes manieres abfolue , de Navigation & de
Commerce , dans tous & chacun des Royaumes ;
Etats , Provinces & Terres de l'obéiffance de
Leurs Majeftés en Europe pour toutes & chacunes
fortes de marchandifes , dans les lieux ,
aux conditions , en la maniere & en la forme
qu'il eft rég é & établi dans les articles fuiyans
.
II. Pour affurer à l'avenir le Commerce &
T'amitié entre les Sujets de Leurdites Majeftis
, & afin que cette bonne correfpon lance
foit à l'abri de tout trouble & de toute inquiétude
, il a été convenu & accordé que fi quel
( 22` )
que jour il furvient quelque mauvaiſe intelli
gence , interruption d'amitié , ou rupture entre
les Couronnes de Leurs Majeftés , ce qu'à Dieu
ne plaife ( laquelle rupture ne fera centée exifter
que lors du rappel ou du renvoi des Ambaffdeurs
& Miniftres refpectifs ) , les Sujets des
deux Parties qui demeureront dans les Etats
l'une de l'autre , auront la faculté d'y continuer
leur féjour & leur négoce fans qu'ils puiffent
être troublés en aucune maniere , tant qu'ils fe
comporteront paisiblement & qu'ils ne fe permettront
rien contre les Loix & les Ordonnances
; & dans le cas où leur conduite les
rendroit fufpects , & que les Gouvernemens
refpectifs fe trouveroient obligés de leur ordonner
de fe retirer , il leur fera accordé pour cette
fin , un terme de douze mois , afin qu'ils puiffent
fe retirer avec leurs effets & leurs facultés confiés
tant aux particuliers qu'au public : bien
entendu que cette faveur ne pourra être réclamée
par ceux qui fe permettront une conduite contraire
à l'ordre public.
III. On eft auffi convenu , & il a été arrêté
que les Sujets & Habitans des Royaumes , Provinces
& Etats de Leurs Majeftés n'exerceront
à l'avenir aucuns actes d'hoftilité ni violences
les uns contre les autres , tant fur mer que fur
terre , fleuves , rivieres , ports & rades , fous
quelque nom & prétexte que ce foit , en forte
que les Sujets de part & d'autre ne pourront
prendre aucune patente , commiffion ou inftruc¬
tion pour armemens particuliers , & faire la
courfe en mer , ni lettres vulgairement appellées
de repréfailles , de quelques Princes ou Etats
ennemis de l'un ou de l'autre , ni troubler , molefter
, empêcher ou endommager en quelque
maniere que ce foit , en vertu , ou fous pré(
23)
texte de telles patentes , commiffions ou lettres
de repréfailles , les Sujets & Habitans fufdits
du Roi Très- Chrétien , ou du Roi de la Grande ,
Bretagne , ni faire ces fortes d'armemens , ou
de s'en fervir pour aller en mer ; & feront à
cette fin , toutes & quantes fois qu'il fera requis
de part & d'autre dans toutes les terres ,
pays & domaines quels qu'ils foient , tant de part
que d'autre , renouvellées & publiées des défenfes
étroites & expreffes d'ufer en aucune maniere
de telles commiffions ou lettres de repréfaillés.
fous les plus grandes peines qui puifient être
ordonnées contre les infracteurs , outre la reftitution
& la fatisfaction entiere dont ils feront
tenus envers ceux auxquels ils auront caufé
quelque dommage ; & ne feront données à l'avenir
par l'une des deux hautes Parties contractantes
, au préjudice & au dommage des Sujets
de l'autre , aucunes lettres de repréfailles , fi ce
n'eft feulement au cas de refus ou de délai de
juftice , lequel refus ou délai de juftice ne fera
pas tenu pour vérifié , fi la requête de celui
qui demande lefdites lettres de repréſailles n'eft
communiquée au Miniftre qui fe trouvera far
les lieux de la part du Prince , centre les Sujets
duquel elles doivent être données , afin que dans
le terme de quatre mois , ou plutôt s'il ſe peut ,
il puiffe faire connoître le contraire , ou procurer
la jufte fatisfaction qui fera due.
IV. Il fera libre aux Sujets & Habitans des
Etats refpectifs des deux Souverains d'entrer &
d'aller librement & sûrement , fans permiffion ni
fauf- conduit général ou fpécial , foit par terre
ou par mer , & enfin par quelque chemin que
ce foit , dans les Royaumes , Etats , Provinces ,
Terres , Ifles , Vi les , Bourgs , Places murées ou
mon murées , fortifiées ou non for.ifiées , Ports
( 24 )
& Domaines de l'un & de l'autre Souverain
fitués en Europe , quels qu'ils puiffent être , &
d'en revenir , d'y féjourner ou d'y paffer & d'y
a heter auffi & acquérir à leur choix toutes les
chotes néceffaires pour leur fubfiftance & pour
leur ufage , & ils feront traités réciproquement
avec toute forte de bienveillance & de faveur ,
b en entendu néanmoins que dans toutes ces cho.
fes ils fe comporteront & fe conduiront conformément
à ce qui eft prefcrit par les Loix & far
les Ordonnances , qu'ils vivront les uns avec les
autres en amis & paifiblement , & qu'ils entretiendront
, par leur bonne intelligence , Lunion
réciproque.
V. Il fera libre & permis aux Sujets de Leurf
dites Majeftés réciproquement , d'aborer avec
leurs Vaiffeaux , auffi - bien qu'avec leurs marchandifes
& les effets dont ils feront chargés , &
dont le commerce & le transport ne font point
défendus par les loix de l'un ou de l'autre
Royaume , & d'entrer dans les terres , Etats ,
villes , ports , lieux & rivieres de part & d'autre
fitués en Europe , d'y fréquenter , féjourner &
demeurer fans aucune limitation de temps , même
d'y louer des maifons , ou de loger ehez d'au.
tres , d'acheter cù ils jugeront à propos toutes
fortes de marchandifes permifes , foit de la premiere
main , foit du marchand , & en quelque
maniere que ce puifle être , foit dans les places
& marchés publics où font expolées les marchandiles
, & dans les foires , foit dans tout au
tre endroit cù ces marchandifes fe fabriquent ou
fe vendent : il leur fera auffi permis de ferier &
de garder dans leurs magalins ou entrepôts les
marchandifes apportées d'ailleurs , & de les expofer
enfuite en vente , fans être obligés en aucune
façon de porter leurs marchandises fufdites
dans
825)
dans les marchés & dans les foires , fi ce n'eft de
leur bon gré & de leur bonne volonté ; & ne
pourront lefdits Sujets pour raifon de la liberté
de Commerce ou pour toute autre caufe que ce
foit , être chargés d'aucun impôt ou droits , à
l'exception de ceux qui devront être payés pour
leurs Navires ou pour leurs marchandiles , conformément
à ce qui eft réglé par le préfent Traité ,
ou de ce qui fera payé par les propres Sujets des
deux Parties contractantes ; il leur fera auffi permis
de fortir de l'un & l'autre royaume quand
ils le voudront , & d'aller où ils le jugeront à
propos par terre ou par mer , par les rivieres &
eaux douces , & auffi ils pourront amener leurs
femmes , enfans , domeftiques , auffi - bien que
leurs marchandifes , facultés , biens & effets
achetés ou apportés , après avoir payé les droits
accoutumés , nonobftant toute loi , privilege ,
conceffion , immunités ou coutumes à ce contraires
, en façon quelconque ; & quant à ce qui
concerne la Religion , les Sujets des deux Cou.
ronnes jouiront d'une entiere liberté ; ils ne pourront
être contraints d'affifter aux Offices divins ,
foit dans les Eglifes ou ailleurs , mais au con
traire il leur fera permis fans aucun empêchement
de faire en particulier dans leur propre
maifon les exercices de leur religion fuivant
leur ufage. On ne refufera point de part ni
d'autre la permiffion d'enterrer dans des lieux
convenables qui feront défignés à cet effet , les
corps des Sujets de l'un & de l'autre royaume ,
décédés dans l'étendue de la domination de l'autre
; & il ne fera apporté aucun troub'e à la fépulture
des morts. Les Loix & les Statuts de l'un
& de l'autre royaume demeurerent dans leur force
& vigueur , & feront exactement exécutés , foit
que ces Loix & Statuts regardent le Commerce
No. 48 , 2 Décembre 1786,
b
( 26 )
& la Navigation , ou qu'ils concernent quelques
autres droits , à la réferve feulement des cas
auxquels il eft dérogé par les articles du préſent
Traité. 7
VI. Pour fixer d'une maniere invariable le
pied fur lequel le commerce fera établi entre les
deux Nations , les deux hautes Parties contrace
tantes ont jugé à propos de régler les droits fur
certaines denrées & marchandifes. Elles ſont
convenues en conféquence du Tarif fuivant ;
favoir : 1º. Les vins de France importés en droi
ture de France dans la Grande-Bretagne , ne
payeront dans aucuns cas , pas de plus gros
droits que ceux que paient préfentement les vins
de Portugal.
Les vins de France importés directement de
France en Irlande ne paieront point de plus
gros droits que ceux qu'ils paient actuelle
ment.
པ ི་
20. Les vinaigres de France au lieu de 67 liv.
5 shillings , 3 fols & 12 vingtiemes de fols fterling
par tonneau qu'ils paient à préfent , ne
paieront à l'avenir , dans la Grande- Bretagne
pas de plus gros droits que 32 liv. 18 shillings.
10 fols & 16 vingtiemes de fols fterling par
Loneau...
3. Les eaux-de-vie de France , au lieu de 9
shillings , 6 fols 12 vingtiemes de fols fterling ,
ne paieront à l'avenir dans la Grande Bretagne ,
que 7 schillings flerling par gallon , faifant 4
quartes , mefure d'Angleterre.
40. Les huiles d'olive venant directement de
France , ne paieront pas à l'avenir un plus fort
droit que paient actuellement celles des Nations
les plus favoritées .
La Suite à l'Ordinaire prochain.
Arrêt du Confeil d'Etat du Roi , du 6 No
!
( 27 )
vembre 1786 , qui ordonne l'effai , pendant
trois ans , de la converfion de la corvée en
une preſtation en argent.
Le Roi , à fon avénement au trône , a porté fes
premiers regards fur l'objet de la construction &
de l'entretien des routes de fon Royaume . Une
loi bienfaifante a fignalé le commencement de
fon regne par l'abolition de la Corvée en nature
, dont l'expérience avoit dévoilé tous les
vices. Si Sa Majefté a cru devoir fufpendre l'exécution
de cette fage difpofition , parce qu'Elle
a fenti les inconvéniens attachés au mode qui
lui avoit été propofé pour remplacer cette charge
publique , Elle a autorifé en même tems les Adminiftrateurs
de fes Provinces à s'aflurer par différens
effais , du moyen le plus propre à remplir
fes vues. Telle eft l'origine de la faculté accordée
, dans une grande partie du Royaume , aux
Communautés , de fe racheter , à prix d'argent ,
de leurs tâches ; méthode plus douce fans doute
& plus favorable qu'un fervice forcé , mais fufceptible
d'une multitude d'abus , & dont l'ufage
a feulement convincu Sa Majesté qu'il n'étoit
point de forme qui ne fût préférable à celle du
travail en nature . Cependant Sa Majeflé ayant reconnu
que ces diverles tentatives faites fuivan : des
méthodes différentes , produifoient des variétés
fans nombre dans une adminiftration dont les principes
doivent être les mêmes pour tout le Royau-
Elle a réfolu d'ordonner un effai uniforme'
& général du nouveau régime qu'Elle a cru devoir
adopter ; & dans la vue de s'affurer davantagé
de la préférence qu'il pourroit mériter , '
Efle a jugé à propos de réunir les avis de tous les
Commiflaires de fon Confeil , chargés de l'exécution
de les ordres dans fes Provinces , lefquels
ont paru unanimement convaincus de la nécefme
,
b 2
( 28 )
fité de profcrire l'ufage de la Corvée , & d'en
foumettre le rachat à des regles fixes . Sa Majeſté
, toujours attentive aux intérêts de ſes ſujets
a confidéré qu'en effet une preftation pécuniaire
Lubftituée à la Corvée , & répartie au marc la
livre des impofitions roturieres , remédieront en
même tems aux inconvéniens attachés au travail
en nature , & à ceux qui auroient réfulté
de la base de répartition indiquée par l'Edit de
1776 : Que cette contribution , purement locale
, ne pouvoit être regardée comme un accroiffement
d'impofitions , puifqu'elle n'étoit que
la repréſentation , fort adoucie , d'une charge
beaucoup plus onéreufe , & qui existe depuis
long tems ; d'ailleurs , en évaluant en argent , au
plus bas prix , les journées de bras & de voitures
, & en calculant d'un autre côté la perte de
tems réſultante , foit de l'efpace que les Communautés
avoient à parcourir pour le rendre fur
les ateliers , foit de la négligence , de l'impéritie
& du défaut de volonté d'ouvriers non falariés
, le Roi a reconnu que la contribution repréſentative
fe porteroit à peine à la moitié du
montant de l'évaluation de ces journées pour la
même quantité d'ouvrages ; qu'en outre ces ouvrages
faits par des Entrepreneurs folvables , fuivant
les principes de l'art , ne donneroient plus
lieu à ces refections multipliées , que la mauvaiſe
exécution des tâches rendoit néceffaires , ce qui
procureroit à fes fujets un foulagement inappréciable
; que cette contribution pécuniaire deviendroit
bien moins fenfible , lorfqu'elle s'étendroit
fur l'univerfalité des Communautés qui
profitent toutes plus ou moins de l'avantage des
routes , tandis que , fuivant le régime des Corvées
, on ne pouvoit appelier aux travaux que
celles qui fe truvoient dans une diſtance déter(
29 )
minée des ateliers : Que non feulement toutes
les Communautés acquiiteroient leur part de la
contribution repréfentative de la Corvée , mais
que cette contribution feroit fupportée par tous
Its fujets taillables indiftin&tement ; au lieu qu'un
nombre confidérable d'entre eux , & les plus
aifés , étoient affranchis de la Corvée , non à
raifon de véritables privileges qui , fuivant la
conftitution de l'Etat , ne font accordés qu'à
quelques claffes diftinguées des fujets de Sa Majefté
, mais à raifon de l'incompatibilité de leurs
profeffions avec le travail corporel . Sa Majesté
voit encore avec fatisfaction que cette contribution
, qui ne pourra jamais excéder la proportion
du fixieme de la taille & de fes acceffoires , mais
qui le trouvera toujours au- deffous , lorfque les
befoins des Provinces feront inférieurs à ce taux ,
non feulement ne fera point une charge accablante
pour ſes peuples , mais deviendra au contraire
un moyen précieux de vivification dans fon
Royaume ; puifque les fonds levés dans chaque
Province , y feront invariablement confommés ;
& opéreront une circulation d'autant plus avantageufe
à la claffe indigente , qu'elle fera encore
favorisée par l'attention de divifer les ouvrages
en autant d'ateliers qu'il fera poffible.
Les principes d'équité & de bienfaiſance qui
dirigent les vues de Sa Majefté , ne peuvent permettre
de douter que fon intention ne foit de
laiffer dans les Provinces tous les fonds qui y font
levés pour les travaux de leurs grandes routes.
Sa Majefté l'a manifefté de la manie- e la plus
frappante , en abandonnant déformais à chaque
Généralité l'emploi de l'impofition qu'elle fupporte
pour les ouvrages d'art des routes ; Elle
n'a point attendu que fa juftice & la bonté fuffent
provoquées fur set objet , pour ordonner que
b 3
( 130 ))
les fonds provenans de ceue impofition fuffent à
l'avenir confommés en totalité dans les Provinces
où ils auroient été levés ; Elle entend , pan
cette difpofition , s'nterdire la faculté d'en appliquer
le produit à un autre ufage , & raflured
fes peuples fur l'inégalité de leur diftribution .
Sa Majesté étend plus loin encore fa prévoyance .
Pour empêcher que la contribution repréfentative
de la Corvée ne puiffe être diftraite , dans
aucun tems , de fa deftination , elle en ordonne
T'emploi fuivant une forme particuliere , qui en
rendra la diſtraction auffi impoffible que celle des
charges locales , puifqu'à mesure que le recouvrement
de la contribution fe fera , il n'entrera
dans les mains des Receveurs , que pour les rem
bourfer de leurs avances , en forte que la dé.
penfe fera faite avant que les fonds deſtinés à la
payer foient levés . Toutes ces confidérations
réunies , mûrement examinées dans le Confeil
de Sa Majefté , & pelées dans fa fageffe , l'ont
perfuadée qu'elle ne pouvoit pourvoir plus effi
cacement au foulagement de fes fujets , qu'en
fubftituant une contribution pécuniaire à la Corvée
en nature : cependant comme l'expérience
peut feule bien conftater les avantages de ce
changement , Sa Majefté a résolu de ne l'établir
que pour un tems limité , pendant lequel
fes fujets auront la liberté de faire connoître leur
voeu fur la méthode qui leur paroîtra la moins
onéreufe ; fe réſervant , après ce délai , de déclarer
définitivement fes intentions fur un objet
tellement lié au bonheur de fes peuples , qu'il
méritera toujours de fa part une attention particuliere.
A quoi voulant pourvoir , & c .
Le difpofitif de cet Arrêt porte en fubftance.
Les fonds levés dans chacune des Généralités du
1
( 34 )
Royaume pour la confection des ouvrages d'art de
fes routes , feront à l'avenir , & à compter du
premier Janvier 1787 , remis à la difpofition des
feurs Intendans & Commiffaires départis , pour
être employés à leur deftination , d'après les états
du Roi dans la forme ordinaire . A commencer
du premier Janvier 1787 , tous les travaux
des grandes routes feront executés dans tout
le Royaume , pendant les années 1787 , 1788 &
1789 , au moyen d'une preſtation ou contribu
tion en argent repréfentative de la Corvée.entend
Ladite contribution fera réglée chaque année , en
raifon des ouvrages qui auront été reconnu néceffaires
, & fera répartie fur toutes les Communautés
de maniere qu'elle ne puiffe jamais excéder
le fixieme de la Taille , des Impofitions acceffoires
, & de la Capitation roturiere réunies
pour les lieux taillables , non plus que les trois
cinquiemes de la Capitation roturiere pour les
Villes ou Communautés franches ou abonnées ,
ainsi que pour les pays de Taille réelle .
Tous les contribuables aflujettis à la Taille ou
à la Capitation roturiere le feront également à
ladite preftation repréfentative de la Corvée ,
& ce nonobftant toute exemption dont ils au
roient joui jufqu'à préfent. Ladite réparti
tion fe fera indiftinctement , & fans exception ,
fur tous les individus taillables ou fujets à la Capitation
roturiere ; les rôles feront vérifiés &
rendus exécutoires par les feurs Intendans &
Commiffaires départis , ou tels de leurs Subdélégués
qu'il leur plaira commettre.
Auffitôt apres la réception de l'Arrêt mentionné
dans l'article précédent , il fera envoyé
par l'Intendant ou fon Subdélégué , à chacune
des Communautés , un mandement ou avertifſement
qui lui indiquerà 1º . le jour de l'adjudib
4
( 32 )
―
sation des ouvrages de l'atelier dans lequel fa
tâche fera compriſe. 2° . le montant de ſa contribution
& de celle des autres Communautés appelées
au même atelier ; 3 ° . la nature & la quantité
des travaux à exécuter ainfi que leur évaluation
en gros.
Au jour indiqué par le fieur
Intendant ou fon Subdélégué , il fera paffé , fans
frais , fur affiches & publications , des adjuditions
publiques & au rabais des ouvrages neufs ,
à la charge par les adjudicataires de ces ouvrages
de les entretenir jufques & compris l'année
1789 ; & quant aux routes anciennement
faites, & en état d'être mifes dès - à- préfent à l'entretien
, il en fera paffé des baux d'entretien pour
trois années , dans la même forme d'adjudications
publiques & au rabais . Ne feront admis aux
adjudications que des Entrepreneurs dont la capacité
& la folvabilité foient reconnues , & quifourniffent
des cautions folvables. Dans le cas où
le rabais des adjudications fur le montant des eftimations
produiroit des revenant bons, le montant
en fera employé la même année , fi faire ſe peut
ou la fuivante , en augmentations d'ouvrages ; &
dans le cas au contraire où l'excédant des adjudications
fur le montant des eftimations produiroit
un déficit , l'Entrepreneur en fera payé fur la contribution
de l'année ſuivante . - Il fera permis
aux Communautés qui auront reconnu , dans le
cours de l'année prochaine ou des deux fuivantes,
que fa contribution en argent eft moins favorable
que le travail en nature , d'adreffer au fieur
Intendant & Commiffaire départi , leurs repréfertations
à cet égard , par une délibération rédigée
dans une affemblée générale tenue fuivant les formalités
requifes. Les deniers provenans de la
contribution de chaque Communauté feront levés
en vertu d'un rôle féparé , par le même Collecteur
chargé du recouvrement des Impofitio ns or-
-
-
7339
dinaires , & remis aux receveurs particuliers des
finances de l'Election , dans les termes prefcrits
par les Réglemens , pour le paiement des autres
Impofitions , fans néanmoins que leur deftination
puifle jamais être confondue fous aucun prétexte ;
& feront les Contribuables en retard contraints
par les mêmes voies & dans la même forme que
pour les charges locales des Communautés.
Il fera impofé en fus dela contribution de chaque
Communauté , dix deniers pour livre, favoir; qua➡
tre deniers pour les taxations des Collecteurs ; trois
deniers pour celles des Receveurs particuliers , &
pareils trois deniers pour tenir lieu aux Receveurs
généraux des finances , de toutes taxations & intérêts
de lenrs avances ; & au moyen de ladite rétribution
; ils feront tenus d'acquitter lefaites er
donnances auffi -tôt qu'elles feront préfentées à
eux ou à leurs Commis à la recette générale
établis dans le chef- lieu de chaque généralité.
1
La forme introduite récemment dans les gé
néralités de Bourges & de Montauban , qui diffère
peu de celle ordonnée par le préfent arrêt , continuera
d'être obfervée pendant les années 1787
1788 & 1789.
Arrêt du Conseil d'Etat du Roi , du 2 No.
vembre 1786 , pour la prise de poffeffion du
bail des Fermes générales , fous le nom de
Jean- Baptifte Mager.
Idem. Du 22 Octobre 1786 , qui fixe le
nombre des quittances que doivent fournir
à leurs payeurs , les Particuliers qui ont fait
des fpéculations en rentes viage. es fur plufieurs
têtes.
Par cet Arrêt , Sa Majefté a ordonné & or .
donne que tous les propriétaires de rentes via
gères qui ont fpéculé ou fpéculeront fur plufieurs
b 5
( 34 )
têtes , feront tenus de fournir à leurs Payeurs
autant de quittances qu'il exiftera de rentiers ,
fuivant l'ancien ufage , foit que le nombre des
contrats foit égal à celui des têtes qui compoferont
l'objet de la ſpéculation : foit que toutes
les têtes le trouvent réunies dans un feul &
même contrat ; Sa Majefté ayant annulle &
annullant les claufes qui auroient pu être inférées
dans quelques contrats de rentes viageres
contre les difpofitions du préfent arrêt . Fait aus
Confeil d'Etat du Roi , Sa Majesté y étant , tenu à
Fontainebleau le vingt- deux octobre mil fept
cent quatre-vingt - fix . Signé le Baron DE BRETEUIL.
Idem . Du 20 Avril 1786 , portant réglement
pour les calfats de Marfeille.
Idem. Du 30 Septembre 1786 , qui permet
aux Adminiftrateurs de la Compagnie des
Indes de faire faire les balanciers & planches
néceffaires pour graver les nouveaux plombs
& bulletins qui doivent fervir à la marque
des mouflelines & toiles de coton que ladite
Compagnie fera vendie à l'avenir.
Le ro de ce mois , la femme d'un Coëtfeur
, nommé Simon , demeurant à la barriere
de Séve , eft accouchée de trois garçons bien
portans. Elle a eu déja quatre enfans , dont
trois vivent encore.
•
La nuit du 6 au 7 d'Octobre , le feu s'étant
déclaré à Pont -à - Mouffon , le Régiment de la
Rochefoucauld , dont M. le Duc de Liancourt eft
Colonel , s'y rendit promptement . L'activité de
ce feu ne put céder que vers fix heures du matin
au travail fans relâche de tous les Dragons , qui
parvinrent à fauver des maifons déjà atteintes &
( 35 )
plus de vingt perfonnes . Quatre Dragons , ont
été bleffés , mais légerement . Parmi le grand
nombre de ceux que leur conduite rend dignes d'éloges
, les fieurs Marchais , Maréchal - des - logis
en chef, & les nommés Perrier , Brigadier , Sanschagrin
, la Liberté & Bertrand , Dragons , méritent
d'être particulierement nommés pour leur
intrépidité. Le Corps de Ville étant venu le
lendemain remercier le régiment & offrir des
Técompenfes en argent aux Dragons , ceux - ci
les refuferent en dilant qu'ils n'avoient fait que
leur devoir : & prierent que ces récompenfes
fuffent diftribuées à ceux qui avoient fouffert de
Fincendie. Quoique les Régimens donnent dans
toutes les occafions des preuves de cette valeur
utile & intrépide , & de ce défintéreſlement
plein de nobleffe & d'honneur , cette
réunion de qualités diftinguées , pour n'être pas
rare parmi eux , n'en mérite pas moins , toutes
les fois qu'elle a lieu , d'être mife fous les yeux
de la nation ."
M. Brion de la Tour , dont les travaux
géographiques font dignes de l'estime qu'ils
ont obtenue , nous a priés de rendre publique
l'obfervation fuivante qu'il a faite fur
la nouvelle Carte de la rade de Cherbourg
Cette carte a été annoncée depuis peu comme
la plus exacte de toutes celles qui ont part
jufqu'à préfent. Cela peut être ; au refte elles
ne font pas en grand nombre . L'Ifle Pelée , die
encore l'Editeur y eft à la vraie pofition ,
( c'eft ce qui paroît inconteftable, ) c'est - à-dire ,
au Nord Eft de Cherbourg; mais felon lui , elle
eft au Nord Oueft dans les autres cartes . Quand
à cet e derniere affertion , elle a dû d'abord
paroître étange à quiconque eft un petr fanib
6
( 36
fiarifé avec la carte de fon pays : en effet , fi
P'on confulte les meilleures cartes du Royaume
& les cartes particulieres de la Normandie , on
trouvera que l'ifle Pelée y eft auffi au Nord-
Eft de Cherbourg. Quand donc l'Editeur ajoute
qu'il eft fingulier que les Géographes n'aient
point relevé cette erreur , qui pourroit fe propager
; il doit être permis de répliquer qu'il eft
bien plus fingulier que lui même ait une maniere
de voir les chofes fi différente de celle des autres
Géographes.
BRION DE LA TOUR.
A la fuite de cette remarque , M. Brion
de la Tour a relevé l'évaluation des revenus
de l'Egypte , que les Gazettes & les Journaux
ont portés , les uns à 16 , les autres à
160 millions de piaftres . Nous fimes fentir ,
il y a un mois , l'abfurdité de ce calcul , ce
qui nous difpenfe de rapporter celui de M.
Brion de la Tour. Redifons néanmoins ,
puifque tous les jours on reparle encore de
ce revenu de 160 millions de piaftres , que
la piaftre du Levant ayant une valeur de
plus de 3 liv . tournois , trois millions d'habitans
, que contient l'Egypte , rendroient au
Grand-Seigneur 480 millions de liv. tournois
par an ; fi l'on réduit cette recette à
16 millions de piaftres , felon l'autre calcul ,
ce feroit un tribut de 48 millions de livres
tournois. Or , la Porte n'a jamais retiré de
l'Egypte plus de fix mille Bourfes qui , à
1500 liv . tournois chacune , donnent neuf
millions de nos livres , ou trois millions de
piaftres.
( 37 )
François- Charles - Xavier de Coriol's de Villeneuve
, Marquis d'Epinouffe & de Courbons,
Beron de Corbiere , eft décédé dans fon Château
de Corbiere , le 21 d'Août dernier. Il étoit fils
de Pierre de Coriolis de Villeneuve , Marquis
d'Epinouffe , Baron de Corbiere , & de Charlotte-
Félicité- Renée de Vintimille du Luc , des
Comtes de Marfeille . Sa famille eft originaire
d'Italie , d'où elle s'y eft tranfplantée vers 1400 ,
anquel temps vivoit Pierre de Coriolis , Général
des Galères de la Religion fous le Grand -Maitre
de Laftic , Commandeur de Trinquetaille & de
Montferrand . Du mariage de Pierre de Coriolis
il refle encore Charles - François Regis , Chevalier-
Profés de l'Ordre de Saint - Jean de
Jérufalem , Commandeur de Lugan , Chef d'E
cade des Armées navales.
Marie- Elifabeth Dillon , foeur du Lord
Henri , Vicomte Dillon , Pair d'Irlande ,
dixiéme Lord de fa Maifon , & de l'Archevêque
de Narbonne , eft morte le 15 du
mois dernier , au château royal de Saint-
Germain- en-Laye.
Marie-Anne Lafaurie de Monbadon , Ducheffe
de Civrac , Dame d'honneur de Madame
Victoire de France , époufe d'Emeric-
Jofeph de Durfort , Duc de Civrac , Baron
de Lalande , Comte de Blaignac , Chevalier
des Ordres du Roi , Chevalier d'honneur de
Madame Victoire de France , ci devant Ambaffadeur
du Roi à Naples, à Venife & à
Vienne , eft morte le 28 du même mois .
Françoife - Armande de Reilhac de St.-
Paul , Baronne de Bouffac, époufe de Melfire
( 38 )
Jean Baptifte de Carbonnieres , Marquife de
St.- Brice , Baron de Bouffac , Seigneur de
Lavigne , Chamberry & autres lieux , demeurant
au Couvent de la Miféricorde , rue
du Vieux Colombier , eft morte le 16 de
Novembre.
Meffire Jean - Alexis de Bois - Linard de
Margou , Chevalier , Grand Croix de l'Ordre
de Malte , Commandeur de Montchamp
, Bailli de Lyon , eft décédé à Lyon ,
le 28 Octobre 1786 , âgé de 101 ans , trois
mois & douze jours.
Suivant la Lifte générale du quatrieme
Tirage de la Loterie Royale établie par Arrêt
du Confeil du Roi , du 25 Avril 1785 ,
fait les 16 , 17 , 18 & 19 Octobre 1786 , les
principaux Lots font échus aux Numéros
fuivans :
Un Lot de 120,000 liv . N° . 7679. Idem
de 60,000 liv. No. 15319. Quatre Lots de
12,000 liv . Numéros 17902 , 18319 , 28014 ,
28082. Quatre Lots de 6000 liv. Numéros
22653 , 22777 , 32768 , 36455. Dix Lots
de 3600 liv . Numéros 8975 , 12899,16191 ,
17702 , 23976 , 23977 , 28010 , 28822 ,
35740, 35989 .
PAYS- BAS.
DE BRUXELLES le 25 Novembre.
9
>
Un Anonyme , qui paroît avoir parcouru
les côtes d'Afrique , nous a fait les obferva
}
( 39 )
tions fuivantes fur le principe de la couleur
des Negres. L'opinion qu'il défend a été
foutenue plus d'une fois ; mais l'autorité
d'un témoin oculaire, tel que l'Obfervateur ,
lui donne un nouveau poids.
Le Pays qu'habitent les Nègres en Afrique ,
commence à la riviere du Sénégal , fituée pat 15
degrés de latitude Nord ; la rive gauche de cette
eft habitée par des Maures Arabes , & la rive
droite par une nation Nègre naturelle du pays
nommé Yolef , peuple du plus beau noir poffible.
Les Maurés , au contraire , qu'on foupçonne avoir
été jadis chaffés des Efpagnes , font de la couleur
des Algériens , Saltins , Tuniffiens , &c . c'eft àdire
, un peu plus bafannés que les Européens ;
cependant ils habitent ce pays depuis près de
deux cents ans & peut-être plus , & n'ont pas
noirci , ni changé de couleur.
En montant dans cette même riviere du Sénégal
, & à 6 lieues de fon embouchure , on trouve
une autre Nation naturelle au pays , nommée les
Foules , qui eft rougeâtre & prefque de la même
teinte des Caraïbes de St. - Vincent en Amérique,
cependant il fait plus chaud chez eux que chez
les Yolof leurs volfins , qui font les hommes lesplus
noirs de l'Afrique : ils fe nourriffent des mêmes
alimens , qui confiftent en farine de millet ,
bled de Turquie , poiffons , poules , boeuf & laitage.
Donc que que ce n'eft ni à la chaleur du
climat , ni à la nourriture qu'il faut attribuer
fa noirceur de cette efpece d'hommes , & les
obfervations fuivantes en feront de nouvelles
preuves.
Gorée , & la Terre- Ferme qui eft par fon trayers
, qui n'en est éloignée que de trois quarts
de lieues , font fituées par les 14 degrés , 14 mi(
401 ད
wutes de latitude Nord : les Peuples qui habitent
ce pays font encore des Yolofs très- noirs ; ſous
la domination du Roi Daniel , & par cette même
latitude , eft fituée l'ifle de la Martinique où
il fait aufli chaud qu'au Sénégal : les Blancs
Créoles y font cependant établis depuis près de
180 ans & n'ont pas dégénéré , puifqu'ils ont le
même teint que les Européens , & les Noirs qu'on
y a porté d'Afrique n'ont pas éprouvé de variation
, même dans leurs defcendans nés dans l'ifle
& après plufieurs dégénérations , puifqu'ils ont
tous la même couleur que leurs peres . Les naturels
de l'Ifle qui ont le teint couleur de cuivre
& les cheveux longs comme les Sauvages de
St.-Vincent , n'ont pas non plus éprouvé de
changement dans leur couleur . Voilà trois ef
peces fur le même fol , qui ont eu une nourriture
commune , fur- tout les dernieres , & qui
ont refté conftamment les mêmes depuis 180 ans .
Les Portugais , depuis la découverte de la côte
d'Afrique , ont des établiffemens à la côte d'Angole
, & ils y ont confervé leur couleur fans variation.
Si , de la côte d'Angole on paffe en Amérique
par la même latitude , on y trouve le Bréfil , où
les mêmes Portugais réunis dans différentes villes
& occupés à la culture des terres , des mines &
autres travaux qui les expofent en plein jour
à la rigueur des chaleurs , n'ont pas dégénéré
& font toujours femblables aux Européens..
L'Auteur des Recherches Philofophiques fur
les Américains , pour donner plus de poids à fen
ópinion , a avancé dans fon Livre , qu'en différens
endroits de la côte d'Afrique on trouvoit
des Portugais abfolument nègres ; comme il n'a
pas vu le fait lui - même , & qu'il a écrit fur les
Mém oires qu'on lui a donnés. Nous nous per
( 41 )
mettrons de lui dire qu'on l'a trompé , à moins
qu'il ne regarde comme Portugais les Nègres
efclaves qui ont paffé fous leur domination , & fur
ce pied là on amalgameroit tous les Nègres des
Colonies Françoifes , Angloifes , & c. aux Européens
, ce qui feroit auffi nouveau que bien
étrange.
On trouve dans les différens établiſſemens européens
des négres affranchis , qui s'étant unis à
des mélifs ou à des blans , ont eu des enfans participas
plus ou moins des deux couleurs ; quelquefois
tenant plus du pere , & quelquefois de la
mere , mais ce n'eft plus un phénomene , c'eft
une marche conftante dans la nature , & ces groductions
tiennent toujours du germe , or il y a
du blanc & noir ici.
Les Indes orientales font habitées par quatre
à cinq peuples , qui different on ne peut pas
davantage. Les uns fon auffi noirs que les plus
noirs d'Afrique , mais à cheveux longs ; d'au
tres , tels que les Lafcards , font couleur de
cuivre , plus ou moins foncée , d'autres fim
plement bafannés comme les Arabes , & d'autres
enfin , prefque blancs , & ſouvent par
les mêmes latitudes , mêmes chaleurs & même
nourriture.
Il femble que , d'après ces obfervations , on
ne peut pas attribuer la caufe de la noirceur
des négres à la chaleur ni à la nourriture , &
que c'eft un fecret encore réfervé à la na
ture.
Extraits des Gazettes Hollandoifes & autres.
La pluralité des Etats de Zélande a fina
( 42 )
lement réfolu , qu'on ne nommeroit point
de Commiffaires de fon Collége d'Amirauté
, pour coopérer aux recherches & au jugement
de l'affaire de Breft , tant que Leurs
Hautes Puiffances les Etats - Généraux exclueroient
de cette commiffion les Députés
du Collège d'Amirauté d'Amfterdam. [ Gazette
de la Haye, no. 139. ]
( La Gazette d'Amfterdam , No. 93 , dit
précifément le coraire ; lequel croire ?
M. le Comte de Goertz , Miniftre d'Etat
& Envoyé Extraordinaire de S. M. le Roi
de Pruffe , a été , il y a quelques jours , en
conférence avec MM. les Penfionnaires des
principales Villes de la Hollande. [ Idem ,
n°. 140. ]
Le Confeil d'Etat , ayant pris une réſolution
par laquelle il a été ordonné au Général Reyfiel
& au Colonel van Pabft de venir rendre compte
des arrangemens pris entre eux, pour les fignaux ,
dont ils étoient convenus , Mr le Colonel a obéi;
mais le Général qui commande les Troupes ,
qui forment le Cordon , a cru n'être refponfable
d'abord , qu'aux Etats de Hollande , ou du moins
n'a pas cru devoir obtempérer au Confeil d'Etat,
fans en avoir donné connoiffance à L. N. & G.
P. Le Confeil d'Etat exige , que le Général
Reyffel lui exhibe l'Ordre des Etats de Hollande;
on n'apprend pas que cet Officier fe foit encore
foumis , mais les Etats de Hollande & de Weftfrie
l'ont pris , lui & toutes les Troupes à fes
Ordres , fous leur immédiate & puiffante Protection
, pour toutes les fuites que cette affaire peut
ayoir, Gazette d'Amfterdam , no, 92.
1
( 43 )
Par une réfolution du 8 Novembre , nos Sei-
-gneurs les Etats de Hollande ont réellement pris
fous leur Protection , le. Major - Général van
Reyffel , Commandant des Troupes , qui forment
le Corfon depuis Naarden jufqu'à Schoonhoven ;
ils lui ont défendu de donner communication de
fes Ordres à qui ce foit . Mrs. de l'Ordre - Equeftres
à l'exception de Mr. de Walenaar de
Staremburg , n'ont pas voulu avoir part
réfolution ; non plus , que les Députés de fix petites
Villes , qui votent toujours avec l'Ordre de
da Nobleffe. Idem, nº. 93 .
>
à cette
Paragraphes extraits des Papiers Anglois & autres.
L'on apprend que la Compagnie des Indes-
Orientales de Hollande a fait deman ter par l'Ambaffadeur
de la République à la Cour de France ,
la permiffion pour le paffage par le territoire de
la France , Four un Régiment de deux mille
hommes de Troupes de Wurtemberg , que ladite
Compagnie prend à fa folde . La moitié fe rendra
le mois prochain , & le refte au mois de Septembre
de l'année 1787 , au cas que ce paffage foit
accordé à Dunkerque pour être tranfporté de là
à Fiefingue.
Le Tréfor de la Chapelle de Maria- Zel , avoit
été en Sequeftre par ordre du Gouvernement ,
Pannée derniere : l'Empereur , en revenant de la
Haute Autriche , a vifité ce lieu de Pé érinage .
& y a fait les dévotions . Cette Chapelle dépoui lée
de fes ornemens les plus précieux & de fes riches
reliquaires , a a tiré l'attention du Monarque , au
point qu'il en a demandé la raifon au Supérieur
des Ecclefiaftiques , qui deffervent la Chapelle ;
celui- ci a répondu : Que tous ces Ornemens
( 44 )
avoient été fequeftrés par ordre de Gouverne
ment ; S. M. Impériale a ordonné , que le Sequeltre
fut levé & que la Chapelle fût décorée à l'ordinaire.
Gazette d'Amfterdam , n°. 92.
La Saifon eft devenue fi rigoureufe à la fin
du voyage de Fontainebleau , que les équipages
de la Chaffe ont été renvoyés. La campagne étoit
déjà couverte de quatre pouces de neige. L'accident
, arrivé à M. le Marquis de Tourzel , femble
avoir achevé de jetter une teinte fombre fur
ce voyage. Ayant été porté dans le petit logement
du Garde , il a été traité avec tous les foins
poffibles ; & le Roi n'a ceffé de donner les plus
grandes marques de fenfibilité & d'intérêt pour
ce jeune Seigneur , qui avoit fept enfans : Elle
ordonna que M. Louftonneau , fon premier Chirurgien
, ne le quittât pas ; & auprès du logement
du Garde , qui eft à fix lieues de Fontainebleau ,
on plaça deux de ces maiſons de bois , à l'ufage
de la Cour , & qui fervirent alors à recevoir Madame
la Marquife de Tourzel & les perſonnes néceffaires
au fervice du bleffé. Mais toutes ces attentions
, ni les foins de l'art , n'ont pu empêcher
la perte , qu'une bleffure des plus dangereufes
failoit redouter dès le commencement; & Mr. de
Tourzel eft mort . Le fpectacle de fes tourmens ,
qui ont duré fix jours , étoit affreux pour ceux
qui en étoient témoins. Cependant une ftupeur
prefque continuelle, accompagnée d'infenfibilité ,
annonçoit une grande altération dans l'organe du
cerveau , & a dû fufpendre pour cet infortuné le
fentiment douloureux de fa cruelle exiflence . Le
Roi a été fenfiblement touché de ſa mort . Pendant
fa maladie on l'avoit engagé à faire une vente
fimulée de fon Régiment , afin d'en conferver le
prix à fa nombreuſe famille. Lorsqu'on a préfenté
cet Afte , Sa Majefté a paru furpriſe & a
( 45 )
ajouté : Eft- ce qu'on ne comptoit pas fur moi ?
Mot touchant , qui peint la bonté , & qui annonce
tout l'attachement du Roi pour la nombreuſe famille
de Mr. de Tourzel. La furvivance de la
Place de Grand - Prévôt de l'Hôtel a été donnée
fur le champ par le Roi au fils aîné de ce Seigneur.
Quant au Régiment Royal des Cravattes,
qu'il avo t , on le croit deftiné au Comte Charles
de Dama Colonel en fecond du Régiment
Dauphin . M. le Marquis de Tourzel étoit fils de
Mr. de Sourches , Grand- Prévôt de l'Hôtel , &
frere de Madame la Ducheffe de Charôt. Le plus
bel éloge , fans contredit , qui ait été fait de lui ,
eft ce mot de la Reine : Il eft peut - être le feul ,
qui n'ait pas fçu le faire des ennemis à la Cour,
-GAZETTE ABRÉGÉE DES TRIBUNAUX ( 1 ) .
Parlement de Paris , Grand Chambre , Inftanee
entre le Sr. M.... Intimé & le Sr. P.... Appellant
. Stellionat prouvé. Don ne donne ouverture au
remboursement.
Le Stellionat eft une espece de larcin , qui fe
commet par celui qui vend ou engage des immeu
bles qui ne lui appartiennent pas , ou qui les
hypotheque comme francs & quittes , quoiqu'ils
ne le foient pas , ou qui les vend comme propriétaire
de leur totalité, quoiqu'il ne le foit que d'une
partie. La mauvaiſe foi qui forme le Stellio-
(1) On fouferie à toute époque pour l'Ouvrage entier
dont le prix eft de 15 liv . par an , chez M. Mars , Ayocar
au Parlement , rue de la Harpe , Nº. 20.
( 46 )
nat, donne au créancier trompé l'exercice d'une ac
tion contre le débiteur, pour exiger le paiement de
la dette , encore qu'il y ait terme , ou quelle ne
foit exigible de fa nature ; telle qu'une fomme'
aliénée à titre de conftitution ; la raison de cette
rigueur eft que la condition de l'engagement ne
fe trouve pas remplie.
Le Stelionat eft retances
:
ત
3
gardé comme un crime fi grave , que l'Ordonnarce
de 1667 , art. 4 , qui défend les contraintes
par corps en matieres civiles , excepté le cas
de Steilionat , affujettit celui qui s'en rend
coupable , à la contrainte par corps , elle n'ex-`
cepte pas même les feptuagénaires , les femmes ,
les enfans , & les filles , pour caufe de Stellio at
procédant de leur fait . Jouffe , dans ton Com
mentaire de l'Ordonnance , donne pour raiſon
que le Stelionat eft un dol pratiqué pour tromper
, par une fauffe déclaration , celui avec qui
l'on contracte. Ces principes ont fervi de baſe à
la décifion de ce Procès , dont voici les circonf
Par ade devant Notaires , au Châtelt
de Paris , le Juin 1774 , le S. P... a
paffé deux Contrats de conftirutions de 1250 liv.
de rentes perpétuelles , au principal de 25000
liv . chacune, au profit du S. L ... C .. pour lui , fs
héritiers & ayans - caufes , lefdites rentes perpétuelles
, payables de fix mois en fix mois , dont,
les premieres écheront au premier Janvier 1775 ,
à prendre fpécialement fur deux Maifons appertenantes
au Sr. P ..., comme les ayant recueillies
des fucceffions de fes pere & mere , & fruées en
corte Ville , lefdites cor fi utions faites à raison
du denier 20 , moyennant les f (dites fommes que *
le Sr. P ... reconnoît avoir reçues du Sr. L... C ...
en effeces fonnantes d'or & d'aagentayant cours ,
comptés & délivrées , dont quittance . Ces rentes ,
ont été exactement payées au Sr. L... C .. jufqu'à
( 47 )
fon décés arrivé en 1778 ; elles ont enfuite paſſé
à fes heritiers , les Srs . H... & M... qui , par l'acte
de partage du 29 Mars 1779 , ont en chacun un
Contrat de rente , à prendre fur le Sr. P...
Le Sr. M... pere , ayant juſtifié au Sr. P .... de fes
titres de propriété , a touché les arrérages de la
rente de 1250 liv. Le Sr. M... eft décédé en
1782 , laiffant fix enfans , dont l'aîné , faifi de fa
fucceffion , aux termes de la Coutume de Bourgogne
, a touché également du S. P... , ou de
fon fondé de pouvoir , les arrérages qui lui étoient
dûs jufqu'au premier Janvier 1782. - A cette
époque plufieurs révolutions s'étoient opérées dans
la fortune du Sr. P... fon office de Payeur de
rentes avoit été fupprimé , fa charge de Receveur
des domaines & bois , avoit paffé au Sr. M... ;
le Sr. M... fe détermina pour lors à mettre oppofition
au fcéau des provifions du nouveau titulaire
; il fut informé que non-feulement il y avoit
quatre oppofitions antérieures à la fienne , & pour
des fommes confidérables ; mais que M. le Procureur
Général de la Chambre des Comptes
avoit fait fignifier au Sr. M... de ne ſe défaifir du
prix de l'office du Sr. P ... qu'entre les mains dú
Tréforier de Monfieur Frere du Roi . Le
Sr. M ... fe voyoit donc privé d'une partie des
hypotheques qui faifoient fa sûreté ; il prit la
réfolution de faire affigner le 13 Août 1782 , le
Sr. P..., pour voir dire qu'il feroit tenu de lui
indiquer les Maifons qui étoient fon gage , le
quartier , la rue , les tenans & aboutiffans , finon
qu'il feroit condamné , & par corps , comme Stellionaire
, à lui payer les 25000 liv. , falfant le fort
principal de fon Contrat , & les arrérages qui en
feroient dûs . ---- Le Sr. P ... ne s'étant pas préfenté
, Sentence par défart a été rendue le 30
Ottobre 1782 qui , faute par lui d'avoir défigné
( 48 )
les Maifons , le condamne & par corps au rem
bourfement ; le Sr. P... y a formé oppofition .
La caufe inftruite contradictoirement , nouvelle
Sentence qui a ordonné que dans huitaine il indiqueroit
les deux Maifons , par lui affectées au
fort principal & arrétages de la rente , finon
feroit fait droit . Le 13 Décembre ſuivant , le Sr.
P... a déclaré que les deux maiſons avoient été
réunies en une feule , fituée fur le Pont - au-Change
, entre un Bureau de Loterie & un Orfévre.
Mais le Sr. M... ayant appris que ces deux Maifoins
n'appartenoient pas au St. P... il l'a fommé
de juftifier de fes titres de propriété , & des baux
faits aux principaux locataires . Le Sr. P... n'ayant
pas fatisfait à la fommation , autre Sentence par
défaut , qui a ordonné que dans la huitaine il
juftifieroit de les titres , finon débouté de fon oppofition
à la Sentence du 30 Octobre. Le
St. P... a interjetté appel en la Cour , & obtenu
arrêt de défenſe de mettre les Sentences à exécution;
enfuite l'affaire inftruite contradictoirement,
le Sr. P... a conclu à l'information , & a foutenu
le Sr. M... non recevable dans fes demandes formées
au Châtelet. Le Sr. M... de fon côté a demandé
que le Sr. P... fût déclaré non recevable
dans fon appel , & fubsidiairement , que l'appel
fut mis au néant , avec amende & dépens ; la
caufe a été appointée , & le Procès inftruit par
écrit. Arrêt du 12 Mai 1785 , rendu au rapport
de M. de la Guillaumie , aujourdhui Intendant
de Corfe , qui a mis l'appellation au néant
avec amende & dépens & condamné le Sr. P...
par corps , à rembourfer les 25000 liv. , portées
au Contrat de conflitution dont il s'agit.
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
DANEMAR CK.
DE COPENHAGUE , le 10 Novembre
O
N continue les travaux commencés pour
nettoyer notre port ; ils feront achevés
dans quelques années : il eft aufli queſtion
d'y joindre quelques fortifications pour fa
sûreté. L'un des plans remis au Miniſtere à
ce fujet , porte la dépenfe de cette conftruction
à 600,000 thalers. Les marchandifes
des Indes Orientales fe vendent ici avec plusde
fuccès qu'à Gothenbourg,
Nous n'avons pas négligé d'annoncer les
différentes tentatives faites par le Gouvernement
Danois pour retrouver l'ancien
Groenland . Cette conquête paroît être faite
aujourd'hui mais peu fructueufe , felon les
premieres apparences . On lira fans doute
avec intérêt lade ation authentique qui vient
d'être rendue publique , de l'expédition des
Lieutenans Egede & Rothe. Ce font eux-
N°. 49. 9 Décembre 1786. с
( 50 )
mêmes qui parlent dans la Lettre ſuivante :
HAVNEFIORD en Iflande , le Iflande , le 30 Octobre 1786.
Le 8 d'août , jour où M. Lovenorn , Capitaine
& Aide- de-camp général , mit à la voile pour
Copenhague , nous levâmés l'ancre & partîmes
de Havnefiord en Iflande , pour exécuter les
ordres qui nous avoient été donnés. Nous dirigeâmes
notre cours au 66 degré nord. Nous
ne vimes point de terre ; nous trouvâmes beaucoup
de glaçons flottans , & fûmes forcés de revirer.
Nous portâmes au 6 , degré 20 minutes
de latitude méridionale . Là nous trouvâmes la
terre que nous cherchions ; nous nous en eftimâmes
à 10 mille de diftance , & comme le tems
étoit ferein , nous l'eûmes continuellement à vue
d'il nous diftinguions une largeur de 16 à 20
milles , bordée de rochers hauts & efcarpés , couverts
de neige & de glaces : nous ciûmes pourtant
appercevoir des endroits fans neige , avec
de l'herbe & de la mouffe ; nous jettâmes la fonde
à plufieurs reprifes , mais à cent braffes point encore
de fond.
Le 7 août nous obfervâmes que la glace bordoit
la côte ; nous avançammes ; nous entendîmes
le bruit des glaçons qui s'entreheurgoient
; ils étoient fi près les uns des autres , qu'aucune
espece de bâtiment n'eût pu s'y faire paffige
, & ils n'étoient pas de nature à pouvoir
être franchis à pied. Comme nous ne trouvâmes
aucune ouverture pour arriver à terre , & que
les glaçons commençoient à s'entaffer autour du
bâtiment , nous fumes obligés de nous en écarter.
Arrivés le 20 Août au C4 degré 50 minutes
de latitude feptentrionale , nous vîmes encore
ane terre qui , felon toute apparence , eft jointe
( 51 )
à celle que nous avions d'abord découverte.
Nous effayâmes d'en approcher ; nous eûmes con
tinuellement devant nous de grands monceaux
de glace ; nous pouflâmes pourtant en avant , &
arrivâmes à une diſtance de 3 milles de la côte.
Là nous primès vue fur une étendue de 16 à 20
milles nous fùmes bientôt obligés de revirer
& portant au fud , nous revinmes à la diftance
d'environ 15 milles de l'endroit que nous venions
de quitter. Nous nous avançâmes à trois
milles de terre , non fans beaucoup de difficulté:
là la mer forme , en s'enfonçant dans les terres
un golfe long & large , dont nous ne pûmes découvrir
l'extrémité. Nous rafâ nes la côte au milieu
des glaçons flottans , jufqu'à ce que , crainte
d'en être enveloppés , nous fumes enfin forces de
larguer en mer.
Parmi les gens de notre équipage , il s'en
trouvoit deux qui avoient été en Groenland , &
qui nous difoient qu'on ne rencontre point au
détroit de Davis des morceaux de glace , ni des
glaçons flottans affi confidérables. Nous tirâmes
à l'eft , puis au nord ; nous effayâmes à
trois reprffes d'entrer dans le golfe , mais tous
nos efforts furent inutiles .
Nous étions affez à l'eft pour nous crire en
fûteté du côté des glaces , quand tout -à- coup
nous nous trouvâmes en danger. Sur le foir
nous nous vîmes par un gros tems d'eft enveloppés
un moment d'une grande quantité de
glaces . La tourmente dura environ trois femaines
pendant tout ce tems , nous manoeuvrames
fans relâche pour nous approcher plus au nord :"
autant nous avançames en 4 à cinq jours au nord,
autant en un feul jour , nous reculâmes au fud .
Le 24 Août , nous effu âme une houle fi violen-"
te , que notre bâtiment fut deux minutes fans pous
C2
( 52 )
voir fe redreffer. Le left avoit changé de place.
La chaloupe , les vergues de rechange , la gefole
, les cordages , tout s'étoit porté d'un feul
côté fous le vent . Les voiles amarrées furent
enlevées par la tempête. Le vaiſſeau marchoit
fur le flanc & la mer rouloit par deffus le pont ,
de la même force qu'elle s'élance par deflus les
rochers .
Le 2 Septembre le vent baiffa & nous pumes
remetre la chaloupe en fa place . Nous travaillâmes
auf à notre left ; mais le vaiffeau panchoit
toujours comme auparavant. Il ne pouvoit
ni porter voiles , ni virer de bord .
Le 6 Septembre , grand vent à baffes- voiles.
Nous effuyâmes des houles violentes.
Le 10 Septembre , nous découvrîmes Jokelen.
Le I gros tems d'eft. Nous portâmes au fud .
Nos voiles furent toutes déchirées. Nous nous
tinmes continuellement à la cape . Notre bâtiment
emporté au gré des vents & des flots , ne
fuivoit plus d'autre direction . La tempête devint
de plus en plus furicufe.
le
Le 18 Septembre , nous jettames l'ancre dans
le port de Holmen ; quoique nous euffions
beaucoup travaillé en mer à notre left ,
bâtiment inclinoit encore de dix dégrés , après
que nous eumes mouillé. Nous le redreffâmes
pendant notre mouillage , & mimes tout en
état.
Le 22 , nous quittâmes le port de Holmen.
Le même jour partit le Capitaine Lorentzen
que nous chargeâmes de nos rapports & de nos
lettres. Sortis du golfe ,, nous eumes le vent
contraire , & ne pouvant regagner la haut ur
de Holmen , nous fumes obligés d'aller mouil(
$3 )
ler dans deux les différentes . Vers la nuit gros
tems d oueft . Il n'y a point de doute que le Capitaine
Lorentzen n'ait péri , car à 3 millas de
nous flo : toient vers la côte , des débris , qui fe
lon toute apparence , étoient de fon navire.
Nous challâmes 'fur deux ancres : nous en jettâmes
une troifieme : nous arrêtâmes près d'un
rocher , de forte que le moindre coup de vent ,
eut pu nous y faire échouer. La même nuit le
bâtiment qui porte cette lettre donna contre la
côre , & manqua de périr. La tourmenté dura
trois jours.
Le 27. Septembre , à l'ancre à Havneford ,
où nos hivernerons. Nous, fommes hébergés
chez le Marchand Nyborg. C'eſt un bien brave
homme.
que la
Tous nos Marins font perfuadés
côte apperçue par MM. Eggie & Rothe eft
celle de l'ancien Groënland .
ALLEMAGNE.
DE HAMBOURG , le 21 Novembre.
Le Projet d'un voyage de l'Impératrice
de Ruflie à Cherfon & dans la Tauride , a
été renvoié autant de fois qu'il a été formé;
enfin le mois de Janvier prochain paroiffoit
l'époque déterminée à laquelle il s'exécuteroit.
En divers lieux de l'Europe , on avoit
envoié de Pétersbourg l'Itinéraire pofitif de
l'Impératrice. ( Nous avons rapporté noumême
une de ces liftes. ) Aujourd'hui il fe.
répand de nouvelles incertitudes fur ce voya
.c 3.
( 54 )
ge , quoiqu'on affecte d'en parler comme
d'un événement indubitable. Le Prince Potemkin
, dit on , devancera fa Souveraine de
quelques jours , & a ordonné tous les préparatifs
de fon départ ; mais ce Prince peut
fort bien fe rendre en Crimée , fans que la
Cour le fuive ; & les irruptions continuelles
des Tartares favorifent cette derniere opinion.
D'après l'extrait que le Docteur Bufching a
donné dans fa feuille Hebdomadaire , de l'Edit
de Impératrice de Ruffie , concernant l'éta-
- bliffement du nouveau Lombard , la derniere
guerre des Ruffes contre les Turcs , l'augmentation
des forces de terre & de mer
l'augmentation des appointemens , la fondation
de nouvelles Villes & d'autres entreprifes faires
pour améliorer Ftat , ont néceffité des emprunts
cor fidérables ; mais ces dettes font
amor es à préfent jufqu'à la fomme de 6,600,000
roubles. L'extinction totale de ces dettes eft un
des principaux objets des foins de l'Impératrice ;
en conféqu'ence S. M. Impériale a ordonné
qu'à commencer de l'année 1789 , on en payeroit
par an un million , & que ces dettes ferofent
acquittées entierement dans l'année 1795 .
-
S. M. a auffi déposé un fonds de 15 mil
lions pour des befoins imprévus ; ce fon is fera
augmenté tous les ans. A commencer de
1788 , les deux banques de l'Empire feront
tenues de publier tous les ans leur billan ,
tous les trois ans le Commerce en choifiga kes
Directeurs.
&
Le Docteur Bufching nous apprend auffi que
par l'ordre de l'Impératrice on a traduit en
( 55
langue Tartare , les Edits , Ordonnances &
Reglemens d'administration , & que l'on im
prime actuellement à Petersbourg le Coran , à
Pufage des Mufulmans , fujets de S. M. Impériale.
La Diete de Pologne continue fes féances
avec beaucoup de tranquillité. Dans un difcours
du Roi à l'Affemblée du 24 Octobre ,
on a remarqué l'émotion avec laquelle il a
prononcé le paffage fuivant.
dit ce
« Il va bientôt s'écouler deux ans
Prince , depuis que je ne vois plus ce Citoyen
( le Prince Adam Czartoryski , Général de
» Podolie ) que j'ai aimé dès mes plus tendres
années ; auquel l'éducation , la plus douce ha-
» bitude une inclination réciproque , tant de
liens m'attachoient , de manière que je croyois
voir en lui un Frere de plus . Je ne le vois p'us
» ici ; & , quand je me rappelle la caufe de fon
éloignement , cette caufe fi furprenante , &
qui jamais n'auroit dû exifter , je ne puis que
» frémir de cette espéce de fatalité plus forte
» que nous , qui divife quelquefois ceux - mêmes ,
90
que la Nature , l'affection , l'eftime , la fym-
" pathie , fembloient devoir unir à jamais.
» Quiconque a fondé mon coeur , quiconque a
» voulu me connoître depuis vingt-deux ans que
j'occupe le Trône , doit avoir reconnu qué
ie fçais prifer le nom d'Ami & de Frere.
Oh! que ne fe peut-il , que ce Citoyen dif-
» tingué , fi chéri de moi & du Public , foit
inftruit en ce moment de mes intentions ! Il
feroit fans doute obligé de convenir , que
dans les idées que je vous ai confiées , M. le
→ Maréchal de l'Ordre Equeftre , eft contenu
·
C 4
( 56 )
as tout ce qui peut concilier la Justice , la Loi ,
» & la tranquillité commune ».
On fa't que depuis l'affaire énigmatique
du Prince Adam Czartoriski , que nous
rapportâmes dans le temps , ce Seigneur a
fixé fa réfidence hors de la Pologne.
D'après le rapport , préfenté dans la Séance
du 25 Octobre , de l'état des Finances du
Tréfor de la Couronne ; il paroît que , déduction
faite de toutes les dépenfes , les
épargnes fe montent à 2,023 , 149 forins,
Les dépenses du Tréfor de Lithuanie ont
monté pour les deux dernieres années à la
fomme de 10,800,670 flor.
DE VIENNE , le 21 Novembre.
On a conluit ici la femaine derniere le
fieur Crumperberger , ci devant Caiflier des
Erats de la Baffe Autriche , qui s'étoit enfui
il y a deux ans , en laiffant dans fa caiffe un
vuide de 144 mille Horins , felon les uns ,
ou de 80 mille florins , felon les autres . Il a
été arrêté à Aug bourg , à la réquiſition du
Miniftre de l'Empereur.
L'efprit de révolte n'eft pas éteint chez les
Valaques , à ce qu'on écrit de la Buckowine;
& les régimens de Caro'i & de Vins ont
ordre d'aller rétablir la tranquillité dans cette
Province.
DE FRANCFORT
le
27 Novembre.
La Principauté de Neufchâtel & Valengin
a prêté foi & hommage au Roi de Pruffe , &
(~57 )
t
le Gouverneur de ce petit Erat fi floriſſant ,
M. de Beville , étoit attendu à Zurich , le
23 , pour y éxécuter une commision fpéciale
de S. M.
Le 15 Octobre on a conduit à Eperies un
Gentilhomme Hongrois & 36 autres prifonniers
, accufés d'avoir fomenté une révolte ,
qui devoit éclater le 18 de ce mois .
-
On vient d'imprimer à Berlin un Ouvrage
très curieux , fous le titre de Statistiche
Uberfich der vorneheuften deutſchen ſtaten , &c .
c'est-à- dire , Coup d'ail ftatitifque fur les
principaux Etats d'Allemagne , &c . L'auteur
a fait ufage des meilleures autorités ; & fur
celle de MM, de Hertzberg, Bufching , Heinitz
, Bork , Winterfeld , Haufen , &c. il préfente
le tableau fuivant de la Population ,
des Revenus , & de l'Armée du Roi de
Pruffe ( 1 ).
POPULATION.
Etats Pruiens en général ..
EN PARTICULIER.
6,000,000
I. Les Etats indépendans .
Le Royaume de Pruffe ..... 1,500,000
Le Duché de Siléfié & le Comté de
Glatz ... ... 1,582,000
Les Principautés de Neufchâtel & de
...
Valengin 40, 00
TOTAL .
3,122,500
(1) Voyez la Note qui termine ce Journal.
c. 5
( 58 )
II. Les Etats qui font partie de l'Empire
Germanique.
La Marche de Brandebourg ,
Le Duché de Poniéranie ....
Le Duché de Magdebourg.
La Principauté d'Halberstadt .
Les pays Veftphaliens .
.... 1,017,000
465,000
280,000
132,000
$90,000
2,524,000
Total général ( en 1784 ) ..... 5,646,500
( En 1785 ) ........ ... 5,735,000
6,000,000
D'après le Mémoire du Comte de
Hertzberg...
L'excédant des naiffances fur les morts dans
l'état civil , depuis 1774 jufques & compris 1785 ,
étoit d'après Bufching de 498,883 .
Accroiffement de la Population.
Population des anciens Etats en
1740 ...
Accroiffement de population dans
ces Etats jufqu'en 1784 ....
Population de la Siléfie , d'Oftfrife
& de la Pruffe Occidentale ..
Total général .... …… .
REVENUS.
2,240,000
1,760,000
2,000,000
6,000,000
22,000,000 rixdlers d'après Buſching.
D'autres Ecrivals les portent plus haut , &
( 59 )
les évaluent ainfi qu'il fuit :
Marche de Brandebourg..
Pruffe ... .....
Pomeranie ..
Magdebourg & Halberstadt .
Veftphalie
Siléfie
millions.
6
4
2
2.
6
WINNIN
Productions du Regne Minéral 779,000 rixd.
Point de dettes d'Etat.
La fomme pour les améliorations dans les
Provinces a monté en 1784 à 85 , à 2,236,156
Et celle de 1785 à 86……….. 2,901,756
Les bienfaits diftribués par le feu Roi dans fest
Etats , depuis 1763 juſqu'en 1784 , étoient les
fuivans ;
SAVOIR :
A la Marche Electorale..
A la nouvelle Marche .
A la Pomeranie ....
rixdalers.
2,674,000
3,002,000
4,828,000
A la Siléfie .. 6,200,000
A la Pruffe Occidentale . 3,000,300
ÉTAT MILITAIRE.
1,923 , 777 hommes en 1785.
Le Complet , SAVOIR :
IN F. CAVAL
Artillerie ..
Pontonniers ..
1,152
29
Dans la Marche .... 39,184 4,930
Dans la Pruffe ..
29,424 11,370
Dans la Poméranie . 10,582 7,669
Dans le Magdebourg . 14,797 3,436
сб
( 60 )
^
Dans la Veftphalie .
Dans la Silée ..
TOTAL
11,909
35,322 12,143
152,829 39,548
En tout 70 Régimens d'Infanterie , compofés
de 188 bataillons , ou de 958 Compagnies , &
en outre 4 Bataillons particuliers . La Cavalerie
eft compofée de 35 Régimens , ou de 233 ef
cadrons & d'un Corps de Chaffeurs.
ITALI E.
DE NAPLES , le 10 Novembre.
Leurs Majeftés font revenues , le premier
de ce mois , de Caferte ; & elles ont affifté
le même foir à la premiere repréſentation de
la Frefcatana , mife en Mufique par le célébre
Paisiello , & à laquelle il a ajouté de
nouveaux morceaux qui ont été généralement
applaudis .
Il s'eft fait le 31 du mois dernier , vers les
cinq heures après midi , une grande éruption
du Véfuve , & la lave s'est étendue à
environ deux milles vers la Cafa del Romito,
qui eft du côté de Naples , & a caufé
beaucoup de frayeur au peuple ; mais peu
de temps après elle a ceflé . Quelques voyageurs
fe font immédiatement tranfportés
fur le lieu .
GRANDE-BRETAGNE.
DE LONDRES , le 25 Novembre.
Le Commodore Elliot' eft arrivé de Terre(
61 )
Neuve à Plymouth , fur le vaiffeau le Salis
bury de so canons . L'Amirauté a fait armer
deux frégates qui doivent renforcer l'efcadre
de la Méditerranée. Elle a auffi réduit le
nombre des vaiffeaux de garde dans différens
ports.
Le paquebot de Lisbonne a apporté la
nouvelle de l'arrivée de Mr. Faulkner dans
cette Capitale du Portugal . On eſpere que
ce Négociateur conclura le nouveau Tra té
avec cette Puiffance , avant la rentrée du Parlement
qui prendra ce Traité en confidération.
On préfume que celui , entamé avec la
Ruffie , fera accéléré par la concluſion du
Traité qui vient d'être figné avec la France .
Sans offrir aucun bénéfice dans la ba'ance
des importations & exportations , bien loin
delà , ce commerce avec la Ruffie n'en feroit
pas moins avantageux par l'efpece des marchandifes
qu'il procure à l'Angleterre. Les
conditions du dernier Traité étoient énoncées
d'une maniere fi obfcure , que l'on ne
favoit fur quoi compter. Il ya tout lieu de
croire que celui auquel on travaille actuellement
, donnera aux Négocians Anglois une
connoiffance plus précife de leurs droits &
de leurs priviléges .
Les recettes de la Douane de la femaine
derniere ont excédé tous les recouvremenз
qui ont été faits jufqu'à préfent , pendant une
( 62)
égale durée. L'augmentation remarquable
qui eut lieu , il y a deux ans , n'étoit pas
auffi forte. Ces faits doivent impofer filence
à ceux qui ofent affurer que les opérations
de M. Pitt , en favo: ifant le commerce , ont
fait baiffer les revenus de l'Etat. Il paroît
par une lettre d'Edimbourg que la naviga .
tion de ce port a augmenté d'une maniere
furprenante. Depuis la S. Martin 1785 , jufqu'à
pareille époque 1786 , il eft arrivé dans
'ce port 1844 vaiffeaux . Ce nombre a excédé
celui des vaiffeaux , entrés l'année précéden-
-te , de 159 .
L'Archevêque de Canterbury trouve un
´moyen légal d'enfermer Lord George Gordon,
à qui le fieur Jenner , Procureur du Tribunal
Eccléfiaftique des Doctors Commons , a fait
paffer , le 22 , l'avis fuivant :
« M. Jenner a l'honneur de faluer Lord
» George Gordon , & de l'informer que Sa
» Seigneurie étant excommuniée depuis plus
» de 6 mois , comme ayant refufé de com-
» paroître devant la Cour privilégiée de Can-
ל כ
terbury, pour être entendue examinée ,
>> en qualité de Témoin dans l'affaire de
» Hendry contre Wid , M. Jenner propofera
» demain à la Cour d'ordonner que la con-
» tumace de Sa Seigneurie foit fignifiée au
» Roi , afin que l'Acte de excommunicato capiendo
puiffe être exécuté contre Sa Sei-
» gneurie. >>
La Compagnie des Indes a publié la liſte
exacte des vaiffeaux qu'elle expédie cette an(
63 )
née.Ils font au nombre de 34 ; la plupart de
800 tonneaux. Les derniers prêts mettront à
la voile en Janvier & Février prochains.
Lady Strathmore eft délivrée de fa captivité.
Son indigne mari étoit parvenu , at
moyen d'un ftratagême , à fe fauver du châ
teau de Strickland , portant Milady en croupe
fur fon cheval. Malgré fes menaces , &
l'épuiſement où la fatigue avoit jetté la Comteffe
, celle ci eut le courage d'appeller à fon
fecours quelques payfans qui fe trouverent
fur la route. Un vieillard d'entr'eux s'élança
fur M. Bowes , un bâton à la main , fans fe
laiffer intimider par la vue d'un piftolet , faint
la bride du cheval , fit fauter le piftolet &
défarçonna le cavalier. D'autres perfonnes
accoururent ; on faifit M. Bowes , & l'on délivra
la Comteffe de Strathmore , qui dit à
fon mari étendu fur terre : Adieu , Monfieur,
que ceci vous apprenne à changer de conduite,
Elle fe rendit immédiatement à Londres
chez fon Procureur , & elle a paru le 23 à
la Cour du Banc du Roi , où elle a fait fes
depofitions. Pendant onze jours , elle a été
à la merci de fes perfécuteurs , & fon état
a excité la compaffion générale. Privée de
l'ufage de fes jambes , on a été obligé de
la porter de fa voiture devant les Juges qui
l'ont fait affeoir . M. Bowes doit être transféré
ici aujourd'hui .
Une découverte très- précieufe dans l'Art de
Teindre , fixe, dit- on , en ce moment l'atten(
64 )
tion du Gouvernement . Si tout ce qui ſe dêbite
à ce fujet eft fondé , il en résultera un grand
avantage pour nos Manufactures de Laine , & en
même temps un puiffant moyen d'économie . Il
s'agit tout à la fois de fubftituer aux plantes que
nous tirons à grands frais de l'étranger pour la
teinture , celles de notre propre crû , & de nous
procurer des couleurs , & plus belles & plus
folides.
1
Le Docteur Michaëlis , Médecin de nos
troupes Allemandes en Amérique , dans une
lettre adreffée au Docteur Forftar , concernantung
and animal inconnu de l'Amérique
feptentrionale , donne un nouveau poids \à
l'autorité du Docteur Hunter , qui avoit nié
que cet animal fût un cheval marin ou un
éléphant. M. Michaëlis dir que , fuivant le
rapport des Indiens , auquel il n'ajoute pas
beaucoup de foi , on trouve encore de nos
jours cet animal dans les parties occidenta'es
de l'Amérique. Le Docteur Hunter
d'après l'exainen des os qu'on lui a envoyés ,
démontre que ces os ne peuvent appartenir
qu'à un animal carnivore, Le Docteur Michaëlis
fe propoſe de donner au Public une
defcription de ces os ; & pour la rendre plus
intellig ble , il l'accompagnera d'une efquiffe
crayonnée .
Le Chevalier Dundas , Baronet , voulant encourager
l'Agriculture , mais particulierement
le Labourage , a donné une fomme d'argent
pour être diftribuée aux trois meilleurs Laboureurs
de fes terres à Clackmannan en Ecoffe .
En conféquence , le 31 Octobre dernier , treize
( 65 )
Laboureurs , tous fils , ou principaux domeftiques
de fes Fermiers , fe font allemblés à la
Ferme de Craigrie , chacun avec une charrue à
deux chevaux , fans conducteur , & après avoir labouré
l'efpace qui leur étoit affigné , les Juges ont
adjugé le premier Prix à Robert Forrefter , de
Wellfield , & deux autres Prix à William Gray
de Lookaboutye , George Duncan de Brothieburn
; après quoi tous les Labou curs & les Fermiers
ont dîné enſemble , & ont paffé la journée
dans l'allégreffe .
Le 9 de ce mois , une autre Joûte de la même
eſpece a eu lieu à la Ferme de Hillend , égale
ment dans les terres du Chevalier Dundas . Les
Concurrens étoient au nombre de vingt-un , &
les Prix ont été adjugés à William Gray de
Lookabouthie , James Mill de Hullend , John
Gray de Jerrytown , & John Warfon de Berk
hillend. Les Fermiers ont vu avec la plus grande
fatisfaction l'émulation que cet Etabliffement a
inſpiré aux Laboureurs , & ils fe propofent de les
encourager de plus en plus.
FRANCE.
DR VERSAILLES , le 29 Novembre.
Le Roi a nommé à l'Abbaye de l'Efterp
Orde de Saint- Auguftin , diocefe de Limoges
, l'Abbé d'Efponches , Vicaire général de
Senlis.
Le 26 , le fieur Mathieu de Lépidor a eu
l'honneur de faire exécuter devant Leurs
Majeftés un Motet de fa compofition.
Le fieur Rigoley de Juvigny , Confeiller
honoraire au Parlement de Metz , a eu l'honneur
de préfenter au Roi fon Ouvrage , intitulé
De la décadence des Lettres & des
( 66 )
Maurs , depuis les Grecs & les Romains juf
qu'à nos jours ( 1 ) , dont Sa Majeſté a bien
voulu, accepter la dédicace.
DE PARIS , le 5 Décembre.
Arrêt du Confeil d'Etat du Roi , du 20
Mars 1736 , portant`Réglement entre les
Pêcheurs François & Etrangers de Marſeille.
Arrêt de la Cour des Monnoies , du 13 Novembre
1786, qui renouvelle très expreffément
les défenſes de faire le billonage des
efpeces d'or & d'argent.
» On a reçu , dit- on , des nouvelles direc-
» tes du vaiffeau la Refolution , commandé
» par M. d'Entrecafteaux ; elles ont été apportées
par le navire la Bretagne , arrivé
›› récemment à l'Orient. Le 6 Mai dernier ,
» la Réfolution étoit mouillée à Pondichery,
avec la frégate la Précieufe & une fûte
» du Roi. M. d'Entrecaftéaux étant parti le
» 31 Octobre 1785 de l'Ile de France pour
» l'ifle de Ceylan , fut accueilli de vents
» contraires , ou faifi de calmes qui le forcerent
de relâcher le 2 Décembre fuivant à
» Bencoolen , fur la côte de Sumatra. Il fit
de l'eau , & il appareilla enfuite de nouveau
pour Ceylan : mais la traversée fut
» encore longue & pen ble ; de forte qu'il
» ne put mouiller à Colombo , que vers la
(1) Cet Ouvrage forme un vol . in - 8 °. qui fe vend
liv, br. il y en a quelques exemplaires fur beau papier
in-49. br. 10 liv, chez Mérigot le jeune , quai des Augufgins
, au coin de la tue Pavée,
( 67 )
› fin de Février : il y fut très bien reçu des
» Hollandois ; & après y avoir pris des ra-
» fraîchiffemens , M. d'Entrecafteaux , con-
» formément à fes inftructions , alla vifiter
»Trinquemalle , qu'il trouva en très bon .
» érat. Après un féjour de trois femaines à
>> Trinquemalle , les deux bâtimens du Roi
>> en ont fait voile de conferve pour Pondi-
» che.y. Ils y attendent la frégate la Vénus ,
» qui en venant de la côte de Malabar , eft
"
allée fe ravitailler à l'Ile de France. On
» croyoit que la Réfolution devoit le rendre
» à Chandernagor dans le Gange , mais il a
» été reconnu que ce vaiffeau prenoit trop
» d'eau pour effayer cette navigation ; &
>> elle n'aura pas lieu . On difoit à bord que
» la divifion de M. d'Entrecafteaux alloit
cingler vers les ifles Andamans , pour voir
» s'il feroit poffible d'y former un établiffe-
» ment , quoique les habitans de ces ifles
» foient très-féroces. Art. envoié.
»
» On fe rappelle , que pendant la derniere
guerre , les vaiffeaux & les trégates d'An-
» gleterre firent ulage d'une nouvelle efpece
» de pieces d'artillerie , appellées Carrona-
» des ( 1 ) . Ces canons courts , d'un gros ca-
» libre , mais plus courts que les autres , jet-
» tent une quantité immenfe de mitrailles ,
» & à peu de diftance peuvent envoyer des
(1) Du nom du lieu de leur fabrication , Carron en
Ecoffe , dont les forges font célébres,
( 68 )
» boulets d'un calibre très gros . Le Miniſtre
22 de la Marine vient de faire fondre de ces
Carronades dans la Fonderie de MM. Per-
» rier à Chaillot , & pour en faire l'épreuve ,
» on a élevé à Vertailles , au bout du canal ,
» un fimulacre de vaiffeau avec tous fes
» agrès , contre lequel le jeu des Carrona-
» des fera dirigé , afin d'en voir & d'en cal-
» culer l'effet. Dimanche dernier , on éprou →
» va la premiere Carronade fondue en fon-
» te : elle fut chargée à triple charge ; & fon
», recul fut d'environ 20 pieds. L'épreuve a
dû être répétée devant le Roi avec la
» charge ordinaire.
"
Suivant des lettres d'Efpagne , le Duc de
Crillon a été nommé à la place de Capitains
Général du Royaume de Valence , vacante
par la mort du Marquis de Croix.
Suite du Traité de Commerce & de Navigation
entre la France & l'Angleterre.
50. La biere palera mutuellement un droit de
30 pour cent de la valeur .
9
60. On claffera les droits fur la quincaillerie
& la tabletterie , ( en Anglois hard- ware
cutlery , cabinet ware and turnery ) & tous les
ouvrages gros & menus , de fer , d'acier , de
cuivre & d'airain , & le plus haut droit ne paffera
pas o pour cent de la valeur .
7°. Les cotons de toutes efpeces , fabriqués
dans les Etats des deux Scuverains en Europe ,
ainfi que les lainages , tant tricotés que tiffus ,
y compris la bonneterie , [ en Anglois hofierie ]
1
( 69 )
payeront de part & d'autre un droit d'entrée de
12 pour 100 de la valeur. On excepte tous les
Ouvrages de coton & de laine melés de foie , lefquels
demeureront prohibés de part & d'autre.
8°. Les toiles de batifte & de linons , [ en Anglois
cambricks and lawns ] payeront de part &
d'autre un droit d'entrée de 5 fchellings , ou 6 1 .
tournois par demi - piece de 7 verges trois quarts
d'Angleterre , [ yards ] & les toiles de lin & de
chanvre , fabriquées dans les Etats des deux Souverains
en Europe , ne payeront point de plus
forts droits , tant en France que dans la Grande-
Bretagne , que les toiles fabriquées en Hollande
& en Flandre , importées dans la Grande Bretagne
, payent actuellement .
Et les toiles de lin & de chanvre fabriquées en
France & en Irlande , ne payeront mutuellement
point de plus forts droits que les toiles fabriquées
en Hollande , importées en Irlande , payei :t à
préfent.
9°. La fellerie payera mutuellement un droit
d'entrée de 15 pour 100 de la valeur.
10° . Les gazes de toutes efpeces payeront mutuellement
10 pour 100 de la valeur.
11. Les modes compotées de mouffelines ,
linons , batiftes , gazes de toutes eípeces , [ en
Angiois mi inery ] & de tous les autres articles
admis par le préient Tarif , /payeront mutuellement
un droit de 12 pour 100 de la valeur ; &
s'il y entre des articles non énoncés audit Tarif,
ils ne payeront pas de plus forts droits que ceux
que payent pour les memes articles les Nations
les plus favoritées .
12. La po célaine , la fayence & la poterie
payeront mutuellement 12 pour too del valeur.
13. Les glaces & la verrerie feront admites de
part & d'autre , moyennant un droit de 12 pour
100 de la valeur.
( 70 )
1 Sa Majefté Britannique fe réferve la faculté
de compenfer par des droits additionnels für les^
marchandiſes ci- deffous énoncées , les droits intérieurs
actuellement impofés fur les Manufactures
ou ceux d'entrée qui font levés fur les matieres
premieres ; favoir , fur les toiles de toutes
efpeces teintes ou peintes , fur la biere , fur la
verrerie , fur les glaces & fur les fers.
Et Sa Majesté Très- Chrétienne fe réſerve auffi
la faculté d'en ufer de même à l'égard des marchandifes
fuivantes ; favoir , fur les cotons , fur
les fers & fur la bierre .
Pour d'autant mieux affurer la perception
exacte des droits énoncés audit Tarif payables ™
fur la valeur , elles conviendront entr'elles nonfeulement
de la forme des déclarations , mais
aufli des moyens propres à prévenir la fraude fur
la véritable valeur defdites denrées & marchan- :
difes.
Et s'il fe trouve par la fuite qu'il s'eft gliffé
dans le Tarif ci deffus des erreurs contraires aux
principes qui lui ont fervi de baſe , les deux
Souverains s'entendront de bonne- foi pour les
redreffer.
VII. Les droits énoncés ci- deffus ne pour- ;
ront être changés que d'un commun accord , &
les marchandifes qui n'y font pas énoncées acquitteronr
dans les Etats des deux Souverains les
droits d'entrée & de fortie dûs dans chacun def--
dits Etats par les Nations Européennes les plus
favorifées à la date du préfent Traité ; & les Navires
appartenans aux fujets defdits Etats auront
auffi dans l'un & dans l'autre tous les privileges
& avantages accordés à ceux des Nations Européennes
les plus favorifées.
Et l'intention des hautes Parties contractintes
étant que leurs fujets relpectifs foient les
( 71 )
ans chez les autres fur un pied auffi avantageux
que ceux des autres Nations Européennes , elles
conviennent que dans le cas où elles accorderoient
dans la fuite de nouveaux avantages de navigation
& de commerce à quelqu'autre nation
Européenne , elles y feront participer mutuellement
leurfdits fujets , fans préjudice toutefois des
avantages qu'elles fe réfervent; favoir , la France
en faveur de l'Espagne , en conféquence de l'Article
XXIV du Pacte de Famille figné le to
Mai 1761 ; & l'Angleterre , felon ce qu'elle a
pratiqué en conformité & en conféquence de la
Convention de 1703 , fignée entre l'Angleterre
& le Portugal.
Et afin que chacun puiffe favoir certainement
en quoi confiftent les fufdits impôts , douanes &
droits d'entrée & de fort'e , quels qu'ils foient , on
eft convenu qu'il y aura dans les lieux publics ,
tant à Rouen & dans les autres villes marchandes
de France , qu'à Londres & dans les autres viiles
marchandes de l'obéiffance du Roi de la Grande-
Bretagne , des Tarifs qui indiquent les impôts ,
douanes & droits accoutumés , afin que l'on y
puiffe avoir recours toutes les fois qu'il s'élevera
quelque différend à l'occafion de ces impôts ,
douanes & droits qui ne pourront fe lever que
conformément à ce qui fera clairement expliqué
dans les fufdits Tarifs & felon leur fens naturel ;
& fi quelqu'Officier ou quelqu'un en fon nom ,
fous quelque prétexte que ce foit , exige & reçoit
pub iquement ou en particulier , d rectement ou
indirectement , d'un Marchand ou d'un autre , au->
cune fomme d'argent ou quelqu'autre chofe jue
ce foit , à raifon de droit dû , d'impôt , de vifites
ou de compenfation , même fous le nom de don
fait volontairement , ou fous quelqu'autre prétexte
que ce foit , au- delà ou autrement qu'il n'est
( 1720)
marqué ci- deſſus ; en ce cas , fi ledit Officier ou
fan Subftitut étant accufé devant le Juge compéi
tent du lieu où la faute a été commife , s'en trouve
convaincu , il donnera une fatisfaction entiere
à la partie lé fée , & il fera même puni de la peine
dûe & prefcrite par les Loix.
VIII, A l'avenir, aucunes des marchandiſes ex>{
portées refpectivement des pays de l'obéiffance de
Leurs Majeftés , ne feront afſujetties à la viſite ou
à la confifcation , fous quelque prétexte que ce
foit , de fraude ou de défectuosité dans la fabrique
ou travail , ou pour quelque défaut que ce foit.
On laiffera une entiere liberté au vendeur & à
l'acheteur de ftipuler & d'en faire le prix , ainfi
qu'i s le trouveront à propos , nonobftant toutes
Loix , Statuts , Édits , Arrêts , Priviléges , conceffions
& ufages.
IX. Comme il y a plufieurs genres de marchandifes
de celles qui feront apportées ou importées
en France par les Sujets de la Grande - Bretagne ,
qui font enfermés dans des tonneaux , dans des
caifles ou dans des emballages , dont les droits fé
paient au poids , on eft convenu qu'en ce cas , lef
dits droits feront feulement exigés par proportion
poids effectif de la marchandiſe , & qu'on fera
une diminution du poids des tonneaux , des caifles
& emballages , de la même maniere qu'il a été ·
pratiqué & qu'il fe pratique actuellement en An
gleterre.
au
X. Il eft encore convenu que fi quelque inade
vertance ou faute avoir été commife par quelque
Maître de Navire , l'Interprête , le Drocureur ou
autre chargé de fes affaires , en faifant la déclara
tion de la cargaifon , le Navire pour cela , ni fa
cargaifon ne feront point fujets à confifi ation ; il
fera méme loifible au propriétaire des effets qui
auront
2
( 73 )
auront été omis dans la liste ou déclaration fournie
par le Maître de Nav.re , en payant les droits
en uſage , fuivant la pancarte , de les retirer
pourvu toutefois qu'il n'y ait pas une apparence
manifefte de fraude ; & pour caufe de cette omif
fion , les Marchands , ni les Maitres de Navires ,
ni les marchandifes ne pourront être ſujets à
aucune peine , pourvu que les effets omis dans la
déclaration n'aient pas encore été mis à terre ,
avant d'avoir fait ladite déclaration.
XI. Dans le cas où l'une des deux hautes Parties
contra&antes jugera à propos d'établir des prohibitions
ou d'augmenter les droits à l'entrée fur
quelque denrée ou marchandiſe du crû ou de la
manufacture de l'autre , non énoncée dans le
Tarif , ces prohibitions ou augmentations feront
générales , & comprendront les mêmes denrées
ou marchandifes des autres Nations Européennes
les plus favoritées , aufli - bien que celles de l'un
ou l'autre Etat ; & dans le cas où l'une des deux
Parties contractantes accordera , foit la fuppreffion
des prohibitions , foit une diminution des droits
en faveur d'une autre Nation Européenne , fur
quelque denrée ou marchandiſe de fon crû ou
manufacture , foit à l'entrée , foit à la fortie , ces
fuppreffions ou diminutions feront communes
aux Sujets de l'autre Partie , à condition que.
celle- ci accordera aux Sujets de l'autre l'entrée
& la fortie des mêmes denrées & marchandifes .
fous les mêmes droits , exceptant toujours les cas
réfervés dans l'article VII du préfent Traité.
XII. Et d'autant qu'il s'eft autrefois établi
un ufage , lequel n'est autorisé par augune loi
dans quelques lieux de la France & de la Grande-
Bretagne , fuivant lequel les François ont payé
en Angleterre une efpece de capitation , nommée.
en langue du pays headmoney, & les Anglois , le
No. 49 9 Décembre 1786.
་ d
( 74 )
même droit en France , fous le titre d'argent du
chef; il eft convenu que cet impôt ne s'exigera
plus de part ni d'autre , ni ſous l'ancien nom , ni
fous quelque autre nom que ce puiffe être .
XIII. Si l'une des hautes Parties contractantes
a accordé ou accorde des primes ( en Anglois
bounties ) pour encourager l'exportation des articles
du crû du fol ou du produit des manufactures
nationales , il fera permis à l'autre d'ajouter aux
droits déjà impofés en vertu du préſent Traité ,
fur lefdites denrées & marchandifes importées
dans fes Etats , un droit d'entrée équivalent à
ladite prime : bien entendu que cette ftipulation
ne s'étendra pas fur la reftitution des droits &
impôts ( en Anglois drawbnck ) , I aquelle a lieu
en cas d'exportation.
XIV. Les avantages accordés par le préſent
Traité aux Sujets de Sa Majefté Britannique ,
auront leur effet , en tant qu'ils concernent le
Royaume de la Grande - Bretagne , auffi- tôt que
des Loix y feront paffées pour affurer aux Sujets
de Sa Majesté Très - Chrétienne la jouiffance réci
proque des avantages qui leur font accordés par
le préfent Traité ; & les avantages accordés par
tous ces articles , excepté le Tarif , auront leur
effet pour ce qui concerne le Royaume d'Irlande ,
auffi - tôt que des Loix y feront paflées , pour affurer
aux Sujets de Sa Majefté Très - Chrétienne la
jouiffance réciproque des avantages qui leur font
accordés par ce Traité ; & pareillement les avantages
accordés par le Tarif , auront leur effet en
tant qu'ils concernent ledit Royaume , auffi - tôt
que des Loix y feront paffées pour donner effet
audit Tarif.
XV. Il a été convenu que les Navires apparrenans
à des Sujets de Sa Majefté Britannique venant
dans les Etats de Sa Majefté Très Chrétienne
des Ports de la Grande- Bretagne , d'Irlande ou
de quelqu'autre Port étranger , ne paieront point
le droit de fret ni aucun autre droit femblable ;
pareillement les Navires François feront exempts
dans les Etats de Sa Majesté Britannique du droit
de cinq shillings , ou de tout autre droit ou charge
femblable .
XVI. Il ne fera pas permis aux Armateurs
étrangers , qui ne feront pas Sujets de l'un ou de
l'autre Couronne , & qui auront commiffion de
quelqu'autre Prince ou Etat ennemi de l'un ou de
l'autre , d'armer leurs Vaiffeaux dans les Ports
de l'un & de l'autre de dits deux Royaumes ,
d'y vendre ce qu'ils auront pris , ou de changer
en quelque maniere que ce foit , ni d'acheter
même d'autres vivres que ceux qui leur
feront néceffaires , pour parvenir au Port le plus
prochain du Prince , dont ils auront chacun des
commiffions.
XVII. Lorfqu'il arrivera quelque différend
entre un Capitaine de Navire & fes Matelots dans
les Ports de l'un ou de l'autre Royaume , pour
raifon de falaires dûs auxdits Matelots ou pour
quelqu'autre caufe civile que ce foit , le Magiftrat
du lieu exigera feulement du défendeur de donner
au demandeur fa déclaration par écrit " atteftée
par le Magiftrat , par laquelle il promettra
de répondre dans fa patrie fur l'affaire dont
il s'agira , par devant un Juge compétent , aut
moyen de quoi il ne fera pas permis aux Matelots
d'abandonner le Vaiffeau ni d'apporter quelque
empêchement au Capitaine du Navire dans
la continuation de fon voyage. Il fera auffi per
mis aux Marchands de l'un ou de l'autre
Royaume , de tenir dans les lieux de leur domicile
, ou par-tout ailleurs où bon leur femble:
a , des livres de compte & de commerce , &
1.
d 2
( 76 )
d'entretenir auffi correfpendance de lettres dans
la langue ou dans l'idiome qu'ils jugeront, a propos
, fans qu'on puille les inquiéter , ni les réchercher
en aucune maniere pour ce ſujet ; &
s'il leur étoit nécetlaire pour terminer quelque
procès ou différend , de produire leurs livres de
comptes ; en ce cas , ils feront obligés de les apporter
en entier en Juffice , fans toutefois qu'il
foit permis au Juge de prendre connoiffance
dans lefdits livres d'autres articles que de ceux
feulement qui regarderont l'affaaire dont il s'agit
, ou qui feront néceffaires pour établir la foi
de ces livres ; & il ne fera pàs permis de les
enlever des mains de leurs Propriétaires , ni
de les retenir fous quelque prétexte que ce
foit , excepté feulement dans le cas de barqueroute.
Les Sujets de la Grande - Bretagne
ne feront pas tenus de fe fervir de papior
timbré pour leurs livres leurs lettres & les
autres piéces qui regarderont le commerce ,
à la réferve de leur Journal , qui , pour faire
foi en Juice , devra être cotté , & paraphé
gratis par le Juge , conformément aux Loix
établies en France , qui y affujettiffent tous les
Marchands.
3
La Suite à l'Ordinaire prochain.
On fait qu'il part annuellement de nos Ports ,
fur- tout de Granville , quantité de Navires pour
la pêche de la Morue à Terre-Neuve ; les travaux
de la pêche une fois terminés , la plupart
des Pêcheurs reviennent en reflac , c'est-à-dire
s'embarquent au nombre de trois ou quatre cens
dir un même Navire, dont la defination of
directe pour le Port d'où ils font partis . On
prétend que l'ufage eft de ne leur donner des
Vivros que pour un mois ; ufage qui , s'il eft
3
( 77°)
vrai , peut entrainer une foule d'inconvéniensi
Quelle certitude peut- on avoir que ces Matelots
arriveront au terme fixe d'un mois , qui eſt
celui de leurs vivres ? Qui peut répondre des
élémens ?
Pendant plus d'un mois , les vents du Nord
ont contrarié la rentrée des Navires dans nos
Poris , ce qui a fait craindre pour les Armateurs
de Granville la plus extrême détrelle
pour plus de trois mille Matelots , attendus
dans ce Port dès la fin du mois dernier , & partis
en reffac . Ils n'ont point encore paru le 19 du
courant.
MM. Clément , des Maifons Perrey , Maire &
Fonteny , ont conçu le projet d'envoyer à la ren
contre de ces mêmes Navires un Bâtiment chargé
de munitions de bouche ; conduite dont les Négo
cians de Nantes donnerent l'exemple l'année paf
fée, en faveur de plufieurs Navires pour lesquels
on craignoit le même fort..
Ce projet , communiqué aux Armateurs , a été
arrêté d'une voix unanime , & exécuté en vingtquatre
heures par l'effet de leur adivité , fecon
dée de celle de M. Mauduit , Commiffaire de la
Marine.
Le Bâtiment qu'ils ont expédié a ordre d'étendre
fa croifiere jufqu'à cent lieues au- delà
d'Oueffant , & de donner des fecours à tous
ceux qui en auront befoin. ( Journal de Normandie
).
Un Journal étranger rapporta dernierement
l'article fuivant. f
On apprend que le Comte Edouard Dillon ,
qui voyageoit en Egypte , fe trouvant au Caire
, projetta d'aller vifiter les ruines de Palmyre
: on lui repréfenta que s'il entreprenoit
d33g
( '78 )
çe voyage fatis une grande efcorte , il couro e
le rifque d'être attaqué , pillé & peut- être maffacré
dans le Défert par les Arabes Bedouins.
Son courage rejetta cette idée ; il crut qu'en fe
metrant en route bien armé , avec fept ou huit
hommes déterminés , il échapperoit à tout danger
; il fe trompa , fa petite troupe fut attaquée
dans la route par un gros pari de Bédouins ,
qui le pillerent , le maltraiterent , lui couperent
les cheveux , & le laifferent abfolument nud
ainfi que les compagnons ; c'est dans cet état
fâcheux que le Comte Edouard Dillon arriva à
Alexandrie , & fe préfenta au Conful de France
dans cette échelle . Ce Conful lui fit donner des
vêtemens , & les fecours dont il avoit befoin , &
manda auffi - tôt au Maréchal de Caftries , Miniftre
de la Marine , les détails de ce qu'il avoit fait
dans cette circonstance .
A ce fujet une perfonne refpectable nous
écrit en ces termes :
» Monfieur , un de mes amis réfidant à
» Conftantinople , me mande que le Comte
» Edouard Dillon vient d'arriver dans cette
Capitale , après avoir parcouru l'Attique ,
» les ifles de l'Archipel , une partie de l'E-
" gypte & de la Syrie , & avoir été dé
Fouillé au milieu du défert , en revenant
ל כ
»
כ כ
de Palmyre. Il m'ajoute qu'on affure que
» ce Seigneur fe difpofe à retourner en Fran-
» par la Ruffie . Cette lettre de Conftan-
» tinople eft da 15 Octobre.
Le Régiment Royil des Cravattes , commandé
par M. de Primereaux Lieutenant - Colonel , a
fait célébrer , le 22 Novembre , dans l'Eglife
Paroiffiale de Thionville , un Service folemnel
( 79 )
pour feu M. le Marquis de Tourzel , Grand -Prévôt
de l'Hôtel , Brigadier des Armées du Roi &
Meftre - de - Camp - Commandant de ce Corps .
Toute la Nobleffe & les Officiers des Corps de
cette garnison ont affifté à ce Service , ainfi que
tous les Ordres Religieux de cette Ville . Au
milieu de l'Eglife , tendue de noir & décorée de
différens emblèmes , chiffres , armoiries & épigraphes
relatifs à la circonftance & au caractere
de M. le Marquis de Tourzel , s'élevoit en face du
Maître-Autel un Catafalque du meilleur genre ,
& parfaitement illuminé. Un difcours fimple &
religieux , prononcé par le Curé , a rappellé
l'image de toutes les vertus de M. le Marquis
de Tourzel , fi tendrement chéri & 1egretté de ton
Régiment. Ce Corps , empreffé de donner à fa
mémoire toutes les preuves du plus rare attachement
, a pris le deuil pour 15 jours , d'après
la permiffion qui lui en a été accordée . Toutes
ces marques d'eftime & de vénération confacrent
affez les qualités de ce refpectable Chef que le
Roi a honoré de fes regrets & du plus tendre
intérêt dont il donne journellement des preuves
à fa famille.
.
Le Comte de la Fare , Brigadier des Armées
du Roi , eft mort le 12 Octobre dernier
, au château de la Fare , en Bas - Languedoc
, dans fa 37e. année. La perte de
ce jeune feigneur laiffe de vifs regrets , a'nfi
qu'on en jugera par la note fuivante dont
on nous demande la publication .
« Le Comte de la Fare , enlesé au milieu
- > d'une carriere brillante , méritoit les regres
dont le public honore fa mémoire . Iffu d'une
ancienne & illuftre famille , il faifoit trouver
» dans fa perfonne les vertus , l'efprit & les
d 4
( 80 )
3
sa talents que fon nom a coutume d'annoncer.
Havoit fait au College des Jefuites à Paris
des études dift.ngućes , Premier Page de feue
Madame la Dauphine , en 1766 , il avoit métité
les bontés & l'intérêt dee cate Princeffe.
Au fortir des Pages , il entra au service en
qualité de Sous Lieutenant de Royal Eranger-
Cavalerie ; & prefqu'aufli - tôt M. le Comte
de Narbonne Fritzlart l'emmena avec lui
en Corfe , pour y faire la guerre , comme fon
20 Aide de camp . y fit , fous cet habile &
so brave Officier , fes campagnes de 1767 & 1768.
Au retour , il obsint dans la Compagnie des
» Gendarmes d'Artois , le même guidon qu'avoit
eu , cent ans avant lui , le célebre Marquis
de la Fare , fon parent . Succeffivement Enfeigne
& Aide- Major , il acquit dans ce corps
renommé les connoiffances profondes de fon
métier ; & par- deffus tout , l'amitié & l'eftime
générales. Ainfi lorfqu'il fut nommé en 1780 ,
Meftre- de- Camp - Commandant du Régiment
de Piémont, la Gendarmerie pleura prefqu'auffi
amerement fa perte , que le Régiment de Piémont
qu'il a commandé pendant fix ans , la
pleure aujourd'hui.
C'eft à fes chefs à faire l'éloge de fes talens
militaires. Ceux avec qui il a vécu , favent
combien il eft rare & difficile de réunir plus
parfaitement qu'il ne le faifoit , les qualités
du coeur & les graces de l'efprit . Il faifoit les
délices de la fociété par fon enjouement &
» ſon aménité. Poëte auffi aimable que le Marquis
de la Fare , il joignoit à la philofophie &
à la fenfibilité douce de celui- ci , une imagi-
» nation plus vive & plus abondante. Littérateur
profond , il étoit verfé dans la connoiffance
particuliere de tout ce que l'antiquité & les
( 81 )
» fiecles modernes ont produit d'intéreſſant jamateur
des fciences , aucune ne lui étoit étrangere.
Auffi apportoit - il dans la fociété tout ce qu'il
faut pour inftruire , plaire & intéreffer. M
On nous fait efpérer que le public pourra
jouir du recueil de fes poéfies , & le public
» juftifiera l'eftime finguliere que fes amis en fai-
» foient.
>
» Le Comte de la Fare avoit époufé Mademoiſelle
de Caraman , & en a eu deux enfans.
» I laiffe un frere , que es grands talens ,
» ainfi que fa haute naiffance , deftinent aux
» premieres places de l'Eglife ; & qui , dans l'adminiftration
générale de la Bourgogne , développe
actuellement le caractere de l'homme
. d'Etat le mieux intentionné «.
"
M. le Baron de Courfet , dont on a vu
dans l'un de nos précédens journaux le zele
pour le progrès & l'utilité des connoiffances
météorologiques , vient de développer & de
juftifier fes vues dans une feconde lettre , dont
nous foumettons le contenu aux naturaliſtes .
Au Château de Courfet en Boulonnois ,
le 13 Novembre 1786.
Il feroit fans doute plus avantageux , Monfieur
, comme vous l'obſervez dans la réponſe à
la Lettre que j'ai eu l'honneur de vous écrire ,
que des météores antérieurs annonçaffent les
froils & les tempêtes , dans les pays d'où le vent
nous les apporte , après qu'ils y ont exercé leur
influence ; & que l'on pût déterminer , avec plus
de précision , le tems qu'ii leur faut pour arriver
jufqu'à nous. Cependant on peut , je crois , fe
paffer de ces obfervations premieres , & prévoir ,
ds.
( 82 )
avec affez d'ex Atude , le nombre de jours que
les nuages mettent à venir dans notre climat ,
pour retirer de ces calculs quelque utilité.
C'auroit été une grande abfurdiré de ma part ,
d'avoir pu penfer que les avis de Petersbourg
puffent vous parvenir auffi vite que le vent. On
ne connoît point de couriers auffi habiles . Mais le
vert , dans l'expofé que j'ai eu l'honneur de vous
faire , n'eft que l'effet d'une cauſe ſeconde , &
un moyen de prévoir. Les vents forts & conf
tants font prefque toujours occafionnés par la
preffion des nuages , cu les révolutions intérieures
de notre globe . Ils en font les précurseurs ;
& ce n'eft que de leur conftance dans le même
rhumb , que l'on peut juger des météores qui les
précédent , & du tems que ceux- ci mettent à nous
parvenir.
Je fuppofe qu'il foit tombé une grande quan.
tité de neige à Petersbourg , & qu'il y faffe un
grand froid. Si le vent pouvoit venir directement
jufqu'à nous , il ne mettroit que trois ou
quatre jours pour parcourir cet efpace ; mais il
doit néceffairement rencontrer , dans ce grani
intervalle , des caufes qui changent la direction ,
& ce ne fera que lorfque les nuages qui le fuiyent
, pouffés eux-mêmes par d'autres vents
feront ; en avançant , une preffion plus forte
que les obftacles qui le détournent dans fa route ;
qu'il deviendra conſtant dans fa direction , & nous
amenera au bout de quelques jours la caufe qui l'a
mis en grande activité.
Les neiges abondantes , les grands froids , ne
font ordinairement précédés que de huit à dix
jours de vent conftant. Ainfi , quoiqu'il fe paffe
trente jours plus ou moins avant que nous reffertions
les froids de la mer Baltique , on ne pour
roit les prévoir par le vent que peu de tems au-
>
( 83 )
piravant , & encore feroit- on dans le doute ;
mais les avis de ces froids ont plus de trois fémaines
pour parvenir à Paris . Le Mercure peut donc,
en recommandant l'exactitude à fes Correfpon-.
dans , affurer nos probabilités par les annonces ,
& nous mettre à même de nous précautionner
contre leur rigueur & leur intenfité .
Si , par exemple , je fuis averti aujourd'hui
13 Novembre par le Mercure , qu'une grande
abondance de neige eft tombée , il y a vingt &
un jour à Vienne , je remarquerai d'abord fi le
vent est tourné de ce côté . S'il eft dans cette direction
, je fuppoferai trois jours environ par
vingt cinq lieues , pour la marche des nuages ,
& non pour celle du vent ; ce qui me donnera
le nombre de 35 à 38 jours. Je jugerai alors que
dans 14 à 17 jours , peut-être moins , fuivant la
nous pourrons avoit notre part
d'une partie des neiges qui font tombées dans
'cette capitale.
force du vent
Je fens bien que Petersbourg eft trop éloigné.
pour ces obfervations ; auffi n'ai- je parié dans ma
Lettre que de deux à trois cents lieues .
Quant à la précifion , par rapport au vent
conftant des derniers jours qui précédent les nuages
, on pourroit en approcher par le moyen
d'un anemometre à aîles , qui fert à mesurer &
connoître le degré de force du vent .
:
Les bornes d'une Lettre ne me permettent pas ,
Monfieur , de m'expliquer davantage à ce fujet ,
& je m'en voudrois d'ailleurs à moi - même de
tenir dans votre Journal une place qui pourroit
être beaucoup mieux remplie mais je finirai
celle ci , fi vous le trouvez bon , par un extrait
très précis des obfervations que j'ai faites l'hyver
dernier , par le moyen des annonces de votre
Journal , comparées aux vents , à la diftance des
d 6
( 84 )
"
lieux , & à l'espace de tems que les froids ont mis
à venir.
Mercure du 4 Février. De Copenhague , le
Janvier. Le Sund couvert de glaces. Influence
ici le 15 Février.
Mercure du 8 Avril . De Copenhague , le 12
Mars. Le thermometre étoit à 13 degrés & demi
fous o. Influence ici le 10 Avril .
Mercure du 22 Avril. L'Elbe encore gelé au
commencement de ce mois. Influence ici le 1 &
le 2 Mai ,
Mercure du 20 Mai. Le Sund rempli de glaces
vers le zo Avril. Influ.nce ici les premiers jours
de Juin.
Cette année . Mercure du 4 Novembre. De
Francfort , le 24 Octobre , le 27 Septembre , il
eft tonbé une quantité confidérable de neige
dans les montagnes de la Heffe. Nous avons eu
ici cette neige les derniers jours d'Otobre & le x
Novembre. Le vent a été à l'Eft Sud - Eft dix
jours avant qu'elle nous arrivâr .
Le Mercure, n'a annoncé cette neige à Francfort
, que lorfqu'elle étoit tombée ici ; mais on
pouvoit le favoir bien avant , puifqu'il ne faut
que huit jours pour avoir des nouvelles de la
Helle.
Vous avez pu voir , Monfieur , par cet apperçu
des froids de l'hiver précédent , qu'il eft poffible
d'en avoir les annonces avant de les reffentir à
Paris & ici ; & qu'un jour peut - être , à force
d'obfervations répétées , on pourra déterminer ,
avec plus de jufteffe , le tems où ils doivent
nous parvenir. Il y a fans doute bien des évenemens
à prévoir , & qui peuvent déranger ces
probabilités . On a pu calculer le cours des altres
avec la plus grande précifion , parce qu'ils font
partie de l'ordre in aaable de l'univers ; mais les
( 85 )
:4
révolutions de notre globe , & leurs effets dans
l'atmosphere , ne peuvent être prévus avec la
même exactitude , parce qu'ils font mûs par les
caufes fecondes , & qu'ils dépendent abfolument
d'un grand nombre de circonftances produites
par les différens climits , la pofition des lieux , &
la nature des pays mêmes.
Baron DE COURSET.
Errata de la premiere Lettre.
Ily a deux évenemens ; lifez , il y a de ces évenemens.
Froids rigoureux ; lifez , des froids rigoureux.
A deux ou trois lieues de diftance ; lifez , à deux
& trois cents lieues de diftance.
M. Hullin de Granville en Baffe- Normandie
, qui s'occupe également d'obfervations
météorologiques , en a remis le détail pour
les années 1782 , 1783 & 1784 , à l'académie
de Breft , qui a approuvé ce travail en
exhortant l'auteur à le continuer. Nous acceptons
avec reconnoifancel'offre obligeante
qu'il nous fait de nous fervir de correfpondant
pour cette partie dans le lieu de fa réfidence.
Il concourra a nfi à l'exécution des
vues de M. le Baron de Courſet , dont il
trouvera l'adreffe au haut de la lettre précédente
.
Le Comte de Trevelec , ancien Guidon de la
Compagnie des Chevaux- légers de la Garde or
dinaire du Roi , eft mort à Nantes.
Les Numéros fortis au Tirage de la
Loteris Royale de France , le 1 de ce
mois , font : 86 , 44 , 2 , 78 , & 71
( 86 )
PAYS- B A S.
DE BRUXELLES , le 2 Décembre,
Nous avons rapporté , d'après quelques
Feuilles publiques , l'hiftoire fabuleufe de la
détention du Chevalier Amadei à Rome , en
fupprimant les réflexions injurieufes que les
Editeurs de ces Feuilles faifoient fur cet événement.
Le Rédacteur du Courrier du Bas-
Rhin , mieux inftruit & plus jufte , vient de
réfuter en ces termes le récit de cette anecdote.
ככ
Après avoir lu dans plufieurs Gazettes , les
éloquentes & lamentables déclamations fur la fin
tragique de l'époufe infortunée du chevalier
Amadei , nous avons été bien étonnés de trouver
dans les lettres de Rome des détails abfolument
contraires aux faits annoncés. Ces lettres affurent
que le chevalier Amadei fut enfermé dans
le château Saint - Ange , pour toute autre raison
que celle du mariage dont on a parlé . Le it
chevalier prit la fui e avec cette femme , qui n'avoit
alors aucune liaifon juridique avec lui , &
quitta fans congé le fervice militaire , où il étoit
employé en qualité de garde - du - corps du Pape ,
qu'on nomme à Rome Lancia Spezzata . On nous
obferve auffi que cette prétendue Demoiselle
qu'on voudroit illuftrer , n'eft que la fille d'un
boucher , & que fes freres continuent encore ce
métier , qu'on regarde en Italie comme une profeffion
vile ; que ce mariage a été déclaré nul, non
feulement à caufe de la grande difproportion des
conditions , mais auffi par défaut des formal the
néceffaires à la validité , d'après ce qui a été décidé
dans le concile de Trente . Il eft faux que l'affaire
da jeune Duc de Rignan ait aucun rap(
87 )
port avec celle du chevalier Amadej . On peut
done affurer que tout ce qui a été écrit à ce
fujet dans plufieurs papiers publics eft faux ; que
ce ne font que des calomnies , imaginées pour
aigrir les efprits contre la cour de Rome , & pour
chercher à flétrir la gloire d'un Pontife , qui il
luftre fen regne par des actes de tolérance , de
juftice , de bienfaifance , & qui fait compter fes
jours par les bienfaits. «
Un Souverain d'Allemagne avoit envoyé
auprès de l'Empereur un Officier fupérieur
, qui , accoutumé à commander une
brigade , s'eft fait auffi une habitute de parler
d'un ton très-élevé. En s'adreffant au
Prince de Kaunitz, de qui il avoit une audience
, il hauffa beaucoup la voix . Le Miniftre
, après l'avoir écouté , lui répondit
avec douceur : Monfieur , j'ai toujours eu
» à me louer de la bonté de votre Cour , &
elle me donne aujourd'hui une preuve
» que je n'ai po'nt démérité auprès d'el'e ,
» par fon attention à envoyer à un vieillard ,
» dont les organes & l'one peuvent être af-
» foiblis , quelqu'un auffi sûr que vous de
» fe faire entendre .
כ כ
Depuis quelque temps des bâtimens , venant
des Pays - Bas Autr chiens , déchargeoient
leurs argaifons dans le Haze Gras ,
perite embouchure & port du Zwin , canal
formé par l'Efcaut à la droite de B'ankenberg.
En conféquence les Etats Généraux
prirent , le 6 du mois dernier , une réfolution
, pour ne perme tre qu'aux navires
(488 )
& bâtimens , venant de la République , de
décharger dans le Haze Gras. Pour fa re
exécuter cette réfolution , on ftationna devant
ce port un bâtiment armé de to can .
& hommes. Cet 75 ordre, que L. H. P. ont
cru fondé fur les Traités fibfiftans , à néanmoins
excité l'a tention de notre Gouvernenient
général de Bruxelles . Nous appre
nons aujourd'hui , que le 10 de ce mois , il
a été envo é de Malines une divifion de
Canoniers , avec 10 pieces de différent calibre,
tirées de notre arlenal , pour affurer
& maintenir le dro't territorial , quele Gouvernement
des Pays Bas croit avoir fur le
petit port de Haze Gras & fon mouillage.
$
Sur la nouvelle que Sa Majefté l'Empereur
a fait marcher quelques troupes du côté du canal ,
nommé le Zwin , & au petit port du Hazegras ,
& de plus , que deux bâtimens ont reçu ordre de
partir d'Oftende , & d'arriver par mer audit port ,
Leurs Hautes Puilances , après mûre délibération
, ont , de leur côté , expédié des ordres à
leurs différens vaiffeaux ftatioanés dans ces parages
, de tenir fermé ledit paffage , & de repouffer
, s'il le faut , la force par la force. Des
Couriers ont été en même temps expédiés à
Bruxelles , à Paris & à Vienne . Les Provinces
de Gueldre & de Frife n'ont point concouru à
ladite Révolution des Eta : s-Généraux. [ Gazete
de la Haye , no. 143. ]
Les Etats de Gueldre ont pris fous leur
protection fpéciale M. le vice Amiral Comte
de Byland , impliqué dans l'affaire de Breft ,
& lui ont défendu de comparoître devant la
~( 89 )
Commiflion nonimée par les Etats- Généraux
pour le jugement de cette affaire . Cette
démarche des Etats de Gueldre a été motivée
par une equête que ledit vice Amiral a
préfentée aux Etats , alléguant que l'Amirauté
d'Amfterdain ayant été exchie de cette
Commiffion , parce que plufieurs de fes
membres ont été inculpés par les informa
tions extrajudiciaires , il ne pouvoit reconnoître
la compétence , vu qu'il dépend de cette
Amirauté , on juge naturel . Idem,
Ileft queftion dans la Province d'Overyffel de
la fuppreffion de l'ancien Réglement , & de
l'introduction d'un nouveau , deftiné à réhabiliter
la Bourgeoisie dans la poffeffion des privileges
qu'e le réclame. Deventer , Campen & Zwol
font les trois grandes Villes de ladite Province ,
où ce projet eft principalement débattu ; mais il
s'en faut de beaucoup que toute la Magiftrature
de Zwol voye d'un bon oeil la révolution à laquelle
on travaille. La Pluralité a déja proteſté
contre l'introduction d'un nouveau Réglement ,
en déclarant que celui de 1674 a été adopté d'une
maniere légale , & que Mgr. le Prince Stadhouder
, Guillaume V , n'en a jamais abufé . La
Minorité a publié auffitôt une contre proteftation
, où elle foutient que ce Réglement ef
abſolument contraire à l'honneur , aux droits ,
aux privileges , & à l'indépendance de la Ville.
Idem.
·
On met aujourd'hui tout en oeuvre pour
jetter la ville de Zirikzée dans la contufion ;
il femble qu'on travaille affiquement à expofer
nos braves Magiftrats à la fureur de
( 90 )
la populace , qu'on ameute contre eux. Les
payfans de notre ifle font en pleine révolte;
ils ont déja paru dans cette ville en troupes ,
décorées de rubans Orange , & pouffant les
cris & les hurlemens de la fédition . Le Magiftrat
rendit le lendemain une publication
qui défend de forter toutes fortes de marques
diftinctives de parti : cette publication
n'intimida aucun de ceux qui font payés
pour mettre la Zélande en défordre . Le jeudi
, jour de marché , les payfans revinrent
en plus grand nombre que le Dimanche , &
fe porterent à des excès , que le Bailli & fes
Recors ne furent pas en état d'arrêter ; le
Bailli fut infulté , repouffé & maltraité. Cet
Officier de Police demanda main forte , &
fur le champ le régiment de May Suiſſe ,
qui eft ici en garnifon , prit les armes , &
diffipa les mutins , après en avoir faifi deux ,
qu'on a raifon de croire être les Chefs de
Bande ces éditieux font au cachot. Le
bruit s'eft répandu que la majeure partie des
payfans a formé le projet de venir les retirer
de prifon en ufant de violence ; les Gardes
fout doubles , les patrouilles fe font avec
exactitude , & les portes de la ville font fermées
. Nos Régens ont demandé à ceux de
Middelbourg un renfort de troupes . On fe
fouvient que la fédition de 1747 & 1748
commença en Zé'ande , & gagna avec la
promptitude de l'éclair , les fept Provinces-
Unies. Gazette d'Amfterdam , n° . 95.
( 91 )
Paragraphes extraits des Papiers Angl. & autres.
Les Négociations avec la France , pour la
confection d'un Traité de commerce , fe conti
nuent ; & l'on s'en promet bientôt une heureuſe
iffue , fur- tout depuis que le Miniftere de Verfailles
a confenti à l'infertion de quelques Arti
cles concernant la neutralité- armée , qui avoient
d'abord paru trop favorables à la Grande - Bretagne
dans le cas d'une guerre. Le Traité de commerce
avec cette derniere Puiffance ne paroît
pas être fi près de fa conclufion ; & les confé
rences , qui y font relatives , ont été entiérement
fufpendues depuis peu de tems. La nouvelle
qu'on a reçue de la fignature d'un Traité de
commerce entre les Cours de Verfailles & de
Londres , n'accélérera pas celui de noire Cour
avec l'Angleterre ; & fi l'on fe rappelle les intérêts
divers & la contrariété de certa nes faveurs
accordées ou à accorder , la raifon de ces
difficultés n'eft pas fort obfcure . En attendant ,
les Négocians Britanniques continuent de jouir
des avantages que leur affuroit en Ruffie le Traité,
qui vient d'expirer. [ Gaz: de la Haye , N ° .93.11
L'on écrit de Dantzick , qu'une affaire , fur
laquelle on a été long- tems en ſuſpens , vient
de s'éclaircir. 11 fe trouvoit , depuis plufieurs
mois dans cette Ville un Particulier , nommé
Trap , Affeffeur d'un des Colleges de la Ruflies
qui s'occupoit à enrôler fets de belles promeffes
, tant à Dantzick même , que dans les environs
, nombre d'habitans de tout âge & de
tout fexe , pour les faire paffer aux Colonies ,
qu'on dit fe former fous les aufpices du Prince
( 92 )
Potemkin à Cherfon & dans la Crimée. Le Ma
giftrat n'avoit pu voir qu'avec peine un nouveau
moyen de dépopulation dans une Vilie , ou déja
le nombre de citoyens diminue fenfiblement ; &
lorfque le fieur Trap eut fait embarquer cent
dix de ces malheureux fur un navire deftiné poor
Riga , la Régence de Dantzick fit retenir le Bâtiment
& fufpendre fon départ , jufqu'à ce qu'el'e
sut fi M. l'Afelleur étoit avoué dans fon opération
par la Cour de Pétersbourg , cu fi l'on pouvoit
le regarder & le traiter comme un fimple
embaucheur. L'affaire a long- tems traîné , & le
Miniftere Ruffe a paru ne vouloir avouer ni désavouer
le procédé du fi : ur Trap. Enfin le Réfident
de Ruilie a déclaré que l'Impératrice verroit
avec plaifir qu'on laiât partir le navire ; & f
eft parti. Mais immédiatement après , le fieur
Trap a comm ncé à faire de nouveaux enrôlemens
pour un fecond tranfport ; & l'on croit qu'à
préfent le Magiftrat de Dantzick, fidele à fon devoir
, lui refufera la permiffion formelle , qu'il
follicite à cet effet. Idem.
Il n'y a encore eu que deux Traités de commerce
entre la Grande- Bretagne & l'Espagne ,
l'un en date du 22 Mai 1667 , & l'autre du 14
Décembre 1715 , & tous deux fignés à Madrid.
Le commerce de cette Puiffance a été pour nous
du plus grand avantage jufqu'ax derniers tems
de Philippe V. c'est- à - dire , jufqu'au moment
où l'inftigation du Duc de Riperda fon premier
Miniftre , encouragea dans les Etats l'établiffement
des manufactures de drap. Le Duc , originaire
de Hollande , appella en Espagne un
grand nombre de Fabricans en drap , tirés des
Provinces-Unies. On accorda à ces Manufacturiers
des privileges confidérables ; & pour exciter
encore davantage leur émulation & favoriter
( 93 )
leurs fuccès , le Roi lui- même s'habilla de leurs
draps , en fit faire des uniformes à fes troupes ,
& prohiba l'importation de tous les draps étran
gers. Cependant les draps d'Angleterre font actuellement
admis à Cadix , & malgré la partialité
du Gouvernement pour les draps François ,
la vente des baies de Colcheſter y produit un
bénéfice confidérable. ( Morning Chronicle .")"
Note pour la page 57...
Depuis deux mois , le Journal de Pavis
ennuie le Public de calculs fur la population
de la Pruffe , & interprete M. de Hertzberg,
au lieu de le citer. Par efprit d'impartialité,
les Editeurs de ce Journal , fans me demander
mon aveu , ont eu la prudence de
communiquernia réponſe fur cet objer , avant
de l'imprimer , à M. L. D. G. qui , par excès
de bonhomie , s'étoit mêlé d'une diſpute à
laquelle toutes fortes de raifons devoient le
rendre étranger. Les Editeurs impartiaux ,
ne m'ont pas fait une pareille faveur , & l'on
s'en doute bien ; mais je fuis loin de m'en
plaindre ; je n'ai pas beſoin de fi miférables
reffources. Il en eft deux cependant dont on
a fait ufage & que je ne puis paffer ſous
filence. L'Anonyme a tenté d'attaquer ma
véracité , en feignant de douter qu'il exiftât un
libelle contre le Roi de Pruffe , fait par des
Economiftes. Que penféra - t -on de cette diffimulation
, en apprenant que depuis douze
jours , j'avois dépofé l'original de ce libelle
( 94 )
entre les mains de ceux-là même qui en
conteftent l'exiſtence ? qu'il y eft encore ?
fes Auteurs ont adreffé à ce même
Journal de Paris , une lettre qu'ils viennent
d'imprimer eux - mêmes dans leur Feuille
périodique , n° . 228 , où en fe glorifiant
d'être les Apôtres du Docteur Quefnay , ils
foutiennent que , la doctrine de ce Docteur
étant irréfutable , leur libelle eft par conféquent
un chet- d'oeuvre de Philofophie.
Les Editeurs du Journal de . Paris ont
partagé ma réponſe à M. L.. D. G. en deux
parties. Il en eft une troifieme qui leur eft
échappée , c'est une addition à cette réponfe
( 1) , qui détruifoit à l'avance tous les
beaux calculs de ce D. G. Il eût été dommage
de perdre fa colonne fi courte & fi
claire ; & pour l'éclaircir davantage , on me
pardonnera de rétablir ici ce paragraphe
oublié.
« Suivant une lifte des morts & naiffances,
» dans chaque Etat de la Monarchie Pruf-
» fienne , en 1784 , jointe à ces additions
» de M. de Hertzberg la population
» des trois nouvelles Provinces feroit de
» 2,437,000 habitans. Or M. de Hertzberg
» ayant perfifté dans fes additions , comme
» il l'a fait poftérieurement dans fon dif-
» cours du mois dé Janvier 1786 , pag. 27,
(1 ) Cette addition a été remife le Lundi matin 27 Novembre,
au Directeur du Bureau du Journal de Paris , &
ma Lettrè n'a paru que le premier Décembre,
( 95 )
» à porter à fix millions de têtes la popula
» tion générale de la Pruffe , il en résulte
» que les anciens Etats doivent en avoir
23,563,000 . Cependant cette même lifte de
» 1784 n'en offre que 3,003,078 . D'où
» vient cette différence ? M. de Hertzberg
» nous l'explique , en avertiffant que tout
» calcul certain réſulte , non de la lifte d'une
» feule année , mais de celle de plufieurs
» années prifes enſemble. C'eſt d'après cette
» obfervation comparée , qu'il a confirmé
» fon eftimation de fix millions d'habitans ,
» l'armée compriſe.
+
ןכ
Dans fa differtation de Janvier 1786 ,
M. de Hertzberg a dit de nouveau : j'ai
démontré que la population Pruſſienne a prefque
triplé pendant les 45 ans du regne du
Roi. Differt. de Janvier 1786 , pag. 37. Je
ne puis donc pas , en confcience , abandonner
cette arithmétique pour celle du D. G.
Qu'on me permette de terminer par une
obfervation cette guerre , pour laquelle j'avois
fuffisamment témoigné ma répugnance,
& dont le but palpable étoit de me fulciter
des ennemis univerfels , en particulier dans
une claffe de laquelle dépend ma fûreté perfonnelle.
Il n'entre dans l'efprit d'aucun Lecteur
équitable, & judicieux , qu'une rédaction
auffi précipitée par fa nature , que l'eft celle
dece Journal , puiffe être foumise à l'exactitude
rigoureufe d'un ouvrage fait avec réflexion.
Si quelques articles excitent des plaintes, ileft ,
( 96 )
entre gens d'honneur, un moyen fimple d'en
épargner au public le fcandale ; c'eſt de les
adreffer au Rédacteur lui même. Jamais ilne
s'eft refufé à des rétractations ni à des
éclairciffemens , lorfqu'on les a demandés
avec des titres raifonnables. S'il fermoit l'oreille
à ces réclamations , alors feulement
on feroit en droit d'imprimer des diatribes
contre fa perfévérance. Je déclare donc une
fois pour toutes , que je ne répondrai déformais
à aucune de ces attaques dans des
Feuilles publiques ; mais que quiconque requerra
juftice dans le Mercure même , fera
foujoursfûr de l'obtenir , à moins qu'on n'ait
des rafons péremptoires de s'y refufer.
M'eût-on demandé , par exemple , fi j'avois´
Tintention d'envelopper le corps des Gens
de Lettres dans le reproche de favorifer des
abus fcandaleux , quelqu'un fe:a - t - il en
doute fur ma réponfe ? A moins d'être fou
ou méchant , pouvoit on donner à cette
phrafe une autre interprétation ? N'y a t-il
pas une méprifable puérilité à envenimer
ainfi de pareils torts ? Et que penfer de ceux
qui , en me le reprochant , ont ofé néances
abus,
préconisés par L. M. , par H. , par V. &c. &c,
moins devenir les apologistes de néan-
MALLET DU PAN.
ERRATA pour le dernier No. Art . Paris : au
ieu de femme Leroy de la Faudignere , lifer
Françoise Leroy.
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
ALLEMAGNE.
DE HAMBOURG , le 29 Novembre.
A pératrice de Ruffie , a luccédé celle des
la note de l'Itinéraire prochain de l'Imprincipaux
Seigneurs qui accompagneront
cette Souveraine en Tauride. On voit fur
cette lifte les Ambafladeurs de France
d'Autriche & d'Angleterre , M. Momonof,
Aide de Camp , particulierement fa
vorifé de l'impératrice , le grand Ecuyer de
Narifchin, le Comte Tzernichef , vice Préfident
de l'Amirauté , deux Comtes de
Schouvalof & divers autres. Le Prince Potemkin
a pris les devans par la Livonie ,; &
a féjourné à Riga. Malgré ces démonftrations
prefque irréfiftibles , un grand nombre
d'incrédules révoquent en doute l'exécution .
de ce voyage .
Le Suédois Baron de Sprengtporten , qui
fervit très utilement le Roi dans la révolu-
No. 50 , 16 Décembre 1786. e
( 98 )
•
4
on de 1772 , & qu'on a vu prefque en mê
me tems Colonel nommé & remercié par la
République de Hollande , eft paffé au fervice
de Ruffie. L'Impératrice l'a nommé
Chambellan & Général Major , en le gratifiant
de 3 mille roubles pour former fes
équipages , & d'une terre de 600 payfans
dans la Ruffie Blanche.
DE BERLIN , le 28 Novembre .
2
Parmi les promotions récentes , on dif
tingue celle de MM. les Barons de Goltz ,
l'un Colonel & Envolé extraordinaire du
Roi à la Cour de France , l'autre Lieutenant
Colonel & Aide de Camp , à la dignité de
Comte. Le Roi a donné auffi des Lettres de
Nobleffe à diverfes perfonnes , entr'autres à
M. de Moulines , de l'Académie des Sciences
, Confeiller privé de Légation , Réfident
du Duc de Brunſwick , & à M. Beguelin
, ancien Inſtituteur de S. M. , & aujourd'hui
Directeur de la claffe de Philofophie à
cette même Académie. Divers membres
nouveaux ont été encore aggrégés à ce Corps
littéraire ; parmi les membres ordinaires fe
trouve le Major de Tempelhoff, très connu
par fon Hiftoire Militaire de la guerre de 7
ans ; & parmi les membres extraordinaires'
le célébre Profeffeur Heyne de Gottingue
M. de Born , Minéralogifte Autrichien , &
le Marquis de Condorcet , Secrétaire perpétuel
de l'Académie des Sciences de Paris.
2
1991
Les Gazettes étrangeres font remplies de
prétendues réformes & changemens dans les
différentes parties de l'Adminiftration de ce
Royaume , réformes dont la plupart font
uniquement l'ouvrage des Nouvellites . On
fe preffe beaucoup moins de changer l'ordre
établi , & l'on ne le fait que dans les cas qui
ont paru exiger cette promptitude . De ce
nombre font quelques branches de l'Accife ,
telles que la ferme du tabac & celle du café .
Le feu Roi avoit confidéré ces deux productions
comme des fuperfluités , fouvent
même très - nuifibles au peuple , par l'ufage
immodéré qu'il en faifoit le café furtout
étoit devenu fa boillon ordinaire. On crut
diminuer cette confommation , en la renchériffant
, & en attribuant fa vente exclufive
aux Fermiers du Fifc ; mais on donna
en même temps un appât prodigieux à la
contrebande : on voulut réprimer celle- ci par
des moyens violens , qui gênerent les citoyens
, beaucoup plus qu'elles ne fupprimerent
la fraude. Par ces motifs , le Roi
vient de fupprimer l'Adminiſtration générale
du tabac , de diminuer les droits fur le café)
& de rendre libre le commerce de ces deux
objets. On parle auffi de la prochaine fuppreffion
de l'Ecole Militaire , établiſſement
trop difpendieux fes éleves feront incorporés
au Corps des Cadets - Nobles .
L'on fe rappelle l'acte de rigueur qu'exerça
le feu Roi envers le Tribunal qui avoit
e 2
( 102 )
tous les cas , qui arriveront du premier Janvier
1787.
En conféquence de cela , nous caffons & fupprimons
toutes les Loix étrangeres auffi bien que
celles du pays fubfiftantes jufqu'à préfent , qui
om quelque rapport aux fujets contenus , dans
cette partie , & défendons de les citer dans aucun
cas provenant à l'avenir en aucune maniere
.
Nous avertiffons en même tems les Juges &
fujets , de fe tenir au vrai & général ſens des termes
de cette loi , & de ne décliner fous aucun
prétexte imaginable de ce que cette Loi ordonne.
Seulement dans un cas qui ne feroit pas décidé
dans cette Loi , il eft permis au juge de demander
notre définition , par le moyen de fon Magif
trat fupérieur .
Denné dans notre réfidence de Vienne le 1er.
novembre l'an 1736 , de notre Empire Romain le 22me.
& des pays héréditaires le 6me. ( Signé ) JOSEPH .
Louis Comte dé Kolowrath , Chancelier fuprême
du Roi de Bohême , premier Chanceler de
Archiduc d'Autriche.
Jean - Rodolphe Comte de Chotek .
Par ordre de S. M. l'Empereur & Rói.
Jean-Wenceflas Baron de Margelik.
DE FRANCFORT, le 4 Décembre.
On lit quelques détails fur le commerce
d'exportation des Etats Autrichiens , dans
un Ouvrage récent fur ce commerce en général.
Le Pays au- deffus & au- deffous de l'Ens , dit
l'Auteur , eft la province la plus riche & la plus
fertile des Etats héréditaires ; mais fa nombreuſe.
( 103 )
population & les befoins de la capitale lui laiffent
peu de productions à exporter ; elle est mê
me obligée de faire venir du blé & du betail
de la Hongrie pour fa propre conſommation.
On exporte du Tyrol , du marbre , du porphyre
, jafpe , granit , albâtre , arbete , crystal ,
de roche , diverfes efpeces de pierres fines , pier
res à aiguifer , fel minéral , dont il paffe par an .
90,000 quintaux dans la Souabe & dans la Suiffe ,
pommes , citrons , oranges , olives , vin , eau ,
de-vie , huile d'herbes , foie écrue , verre , fer ,
acier , aiguilles , fil de fer & de laiton , petites
marchandiſes en fer , tapis de laine , foieries ,
gants de peau , peaux tannées .
La Styrie exporte du fel minéral , dont la plus
grande partie paffe dans l'Autriche , la Carinthie
& la Croatie , vitriol , alun , calamine , cuivre ,
fer & acier ouvré & non ouvré , blé , eau -de - vie ,
vin , 7 à 8000 boeufs , peaux tannées , poiffons ,
gibier , volaille .
L'exportation de la Carinthie confifte en fer ,
armes , faulx , faucilles , cloux , fil de fer , fer.
en tole , plomb , cérufe , calamine , poterie ,
boeufs , chevaux , laine , cuir , blé , lin , chanvre
, draps fins fabriqués à Clagerfurt.
Les articles d'exportation que fournit la Cr
niole font de la toile , le fil , dentelles , cloux , fil
de fer , fer & acier , martres & autres pelleteries,
miel , cire , bétail , poterie , beurre , fromage.
La Bohême exporte des grains & graines dans
la Luface & dans l'Erzgebrig , de la bierre , du
houblon , lin , fruits , fel neutre naturel , foufre ,
cobalt , vitriol , alun , plâtre , eaux minérales
étain , marchandifes de fer , d'acier & de cuivre
des fabriques de Carlsbad , perles artificielles ,
grenats , pierres fines , toutes les especes de verrerie
, chevaux , porcs , poiffons , volaille , plus
e 4
( 104 )
mes , laine , peux de lievres environ 400,000
par an, cuir , & peaux de toute efpece , bois de
conftruatlon , potaffe , fil , toile environ pour
trois millions de florins par an , futaine , papier ,
étoffes de laine , bas & draps , pour 9 millions
de florins par an , chapeaux.
La Moravie exporte des grains , de la toile ,
des draps , laineries , chanvre , cuirs , fafran ,
noix de gale , fruits , fromages , porcs , chevaux ,
boeufs , falpetre , fel , plomb & petites marchandifes
en fer.
La Hongrie , la Croatie & l'Efclavonie fourniffent
au dehors des grains & des graines , riz , cire ,
vins , eau de-vie , tabac , bois de charpente , potaffe
, chevaux , boeufs , environ 100,000 par an
40,000 paffent à Vienne , ) moutons , veaux ,
volaille , porcs , noix de galle , cuirs & peaux ,
favon , beurre , fromages , cire , miel , poiffon ,
cuivre , plomb , antimoine , zinc , laiton , calamine
, fel , vitriol , bleu , falpetre .
t
La Tranfylvanie exporte du fel , de l'antimoine ,
du fer , blé , tabac , lin ; vin , chevaux , laine ,
peaux , cire & miel .
La Gallicie & la Lodomerie exportent du fel
gemme cu minéral environ pour un million de
florins par an , grains , boeufs , moutons , laine ,
miel , cire , bois , lin , chanvre , cuir & peaux
rannées .
On exporte du gouvernement de Trieste , y
compris les comtés de Gorice & de Grad fca
les vins doux connus fous le nom de reforco
foie écrue , étoffes de foie , fruits , rofoli , fucre ,
cire blanche , favon , vif argent .
Les
exportations du Milanais & du Mantonan confil
rent en riz , foie , pour environ trois millions
de florins par an , fromages , fruits fecs & confits ,
huile d'olives , bétail , blé , laine & lin.
( 105 )
ITALI E.
DE VENISE , le 13 Novembre.
L'Amiral Emo a fait contre Sufe une
nouvelle expédition , dont une lettre écrite
à bord de notre efcadre , le 9 Octobre , rend
compte en ces termes :: 1 )
A notre arrivée devant Tunis le 10 feptembre
, l'escadre fe forma fur deux lignes paralleles
, à la côte , & jetta l'ancre . On mit tant
d'activité àdifpofer les batteries , que le zo ont étoit
pret pour l'attaquer ; mais un grand vent du nord
fit perdre l'occafion la plus favorable de battse
la place de Sufe. Elle étoit alors dépourvue de
'troupes & de défenſes ; mais le mauvais tems
nous ayant forcés de refter dans une forte d'inaction
jufqu'au 26 , la ville eut le tems de fe
procurer tous les renforts néceffaires ,
シ
0.1 T
La nuit du 27 à quatre heures , les Bombardes
commencerent leur feu , qui fut fuivi de
celui des barques , excepté des canonieres ,. &
dura jufqu'à huit heures. La ville y répondit
par 180 coups de canon , quichesnous ont caufé
aucun dommage . Les bombes des batteries flottantes
ont porté jufqu'à la ville , mais celles des
bombardes n'ont pu y latteindre. Zas
Le 28 nous recommençames le feu fur les
deux heures & demie jufqu'à fept . La ville mipota
par 150 coups , un defquels tranfperçala
batterie à bombes de 500 , & un autre à mistraiile
, fit une légere bleffure au bras d'un matelot
de, lau barque obuliere la Concorde. Tandis
que nos bombes tomboient dans la ville nos
boulets en abattoient les murs , dont la breche
e s
( 106 )
laiffoit voir les ruines de l'interieur de la place?
Le 29 au foir , le tems étant calme , la flotille
s'approcha de la place , & recommença le feu
depuis deux heures jufqu'à cinq , avec plus de
vivacité que les nuits précédentes. La ville tira
160 coups de canon inutilement.
La nuit du zo le bombardement dura depuis
trois jufqu'à fix heures par les barques canonieres
rendues obufieres , & par une bambarde de
deux mortiers de zoo. La vile fit d'abord une
vigoureufe défenſe , & tira 250 coups de canon,
Deux de nos barques obufieres s'ap rocherent de
la place au fud e la ville , où s'étoit réfugié
beaucoup de monde . Elles firent plufieurs dé
charges très meurtrieres fur les ennemis , dont.
on enten lit les cris lamentables , & la confufion
étoit générale. On vit ans la ville trois
incendies qui durerent quelque tems.
La vio ence du vent empêcha encore les ope
rations de la flotte jufqu'au 3 de ce mois , où
-P'on fit toutes les difpofitions pour deux attaques ,
sdont la premiere, fut faite de deux juſqu'à huse
heures , & la ville fe défendit encore plus vigoureusement
que dans les autres attaques , parce
que le clair de lune leur faifoit découvrir notre
flotille , pourquoi l'ennemi tira environ 3000
coups de canon ; cependant nous n'eumes qu'un
homme tué & deux bl ffés dans cette action....
Le dernier bombardement fut exécuté la nuit
dus , depuis deux heures & demie jufqu'à fix
& demie. La vile y répondit par foixante coups de
canon qui ne nous ont caufé aucun dommage .
Le 6 on fe prépara à lever l'ancre , comme
cela fut exécuté le 17 pendant la nuit , & l'e
cadre prit la route de Malthe.
2
( 171 )
avantages qu'offre le port de Londres font fupé
rieurs à tous ceux que pourroient préfenter toutes
les villes de commerce connues.
Douvres , Shoreham & les autres petits ports
des comtés de Kent & de Suffex , quoique fitués
en face des côtes de France , ne pourront balancer
par aucun avantage les frais de tranſport
par terre des villes manufacturieres . A l'exception
de la ville de Dunkerque que Londres approvifionnera
toujours , les autres villes de France
fituées fur la côte oppofée au Comté de Kent ,
les autres villes ne valent pas la peine d'être
citées. Brightelmftone fait face à Dieppe , & au
moyen des paquebots qui paffent d'un endroit à
l'autre , on pourroit regarder ces deux ports comme
avantageux pour la communication avec Paris.
Cependant Brighteliftone n'a qu'une grève fans
abri , où la lame eft fouvent fi haute , qu'il eft
difficile & même dangereux pour les paffagers
de s'y embarquer ; on fent que cet inconvenient
feroit encore beaucoup plus grand pour les marchandifes.
On doit obferver auffi que le tranfport de
Dieppe à Paris fe fait par terre , & que Dieppe
n'étant pas une place où le commerce foit fort
animé , on trouveroit rarement à fe procurer des
voitures de transport.
Portfmouth, Gofport & Southampton font les points
les plus proches & les plus directs pour la correfpondance
de Paris avec les provinces manufacturieres
de Wiltshire, Somerfetshire , Worcestershire ,
Staffordshire Warwickshire , Cheshire , Lamafhire
& Yorkshire , pourvu que le tranſport puiffe
fe faire convenablement au moyen de canaux ou
chariots ; mais fi ces commodités n'exiftent pas
déja , il y a tout lieu de croire , à en juger d'après
l'efprit entreprenant des Anglois qui ne
( 112 )
•
perdent jamais de vue leur propre intérêt , que
les communications convenables ne tarderont pas
à ére, établies.
Southampton eft fitué fur une riviere, à quelques
milles en remontant dans les terres , à cet égard
cette ville a un avantage fur Portfinouth & fur
Golport , parce que le transport par terre
fera plus court. Mais cet avantage eft balancé
par des inconvéniens ; les quais & les ports ne
font calculés que pour un commerce tout limité ,
& les vaiffeaux ne peuvent arriver & partir que
dans certains tems , à caufe de la marée. Il y a
en tout tems beaucoup d'eau à Portsmouth & à
Gofport , les quais de Portfmouth font étroits &
refferrés du côté du chantier du Roi & des arfenaux
; mais il y a à Gosport un quai trèsétendu
de l'autre côté du Havre ; ce port réu .
nit à cet avantage celui d'avoir des chantiers
marchands qui ont été conftruits depuis peu.
Cette circonstance paroît rendre Gofport préférable
à tous égards à Portsmouth . Il n'y a
pas d'autre baffin pour les vaiffeaux marchands
depuis la Tamife jufqu'à Bristol . Il a été établi
depuis deux ans des paquebots entre Southamp
ton Portsmouth & le Havre de Grace , & on
affure que le nombre en a été augmenté depuis
peu , & qu'ils obfervent en général très - exactement
le tems profcrit pour leur départ, Ces
vaiffeaux pourront fervirà tranfporter directement
& promptement les marchandlies deti nées pour
Paris
A
Poole eft enfuite le aort le plus voifin & le
plus important en avançant veis Oued . Il s'y
fait un grand commerce , & on y trouvera toujours
une grande quantité de vaiffeaux , les marchands
de ce port trouvent que le commerce
avec la France bit dva importance ailez grande
pour les y employer .
( 107)
GRANDE - BRETAGNE
DE LONDRES , le 2 Décembre.
Les derniers vaiffeaux , venus du Canada ,
nous ont appris que Lord Dorcheſter ( cidevant
Sir Guy Carleton ) eft arrivé à Qué
bec le 22 Octobre , fur la frégate la Thiſbe.
Les habitans ont reçu ce Général , leur ancien
Gouverneur , avec les marques de la
plus vive allégreffe . En débarquant , il a été
falué des canons de la Place , & reçu par
toutes les perfonnes notables & par la maltitude
qui s'étoient rendus fur le port. Le
foir , la ville fut illuminée, & S. S. fut complimentée
par les principaux Citoyens . Une
réception , non moins éclatante , a été faite
au Prince Williams - Henri , qu'on apprend
avoir abordé à Hallifax , fur la frégate le Pégafe
, dont il a le commandement.
Le Major- Général Sir William Green , Ingénieur
en chef à Gibraltar , a fuccédé au
Général Braham , mort derniérement , en
qualité de Chef du Génie , en Angleterre.
Mylord Mansfield doit réfigner fa charge.
de Chef Juge du Banc du Roi , dès que l'état
précaire de fa fanté lui permettra de fe rendre
auprès de S. M. Cet illuftre & reſpectable
Magiftrat , qui emporte l'eftime & les regrets
de tous les Partis , aura pour fucceffeur,
à ce qu'on croit , M. Buller, le plus jeune des
quatre Grands- Juges du Banc du Roi , &
e 6 .
( 108 )
dont la voix publique a fixé la réputation .
Lord Mansfield aura occupé , 30 ans révolus
, cette place importante , & l'on remarque
que le plus célebre de fes Prédéceſſeurs , le
vertueux Sir John Holt , fiégea auffi 26 ans
à la tête du Banc du Roi , vers la fin du dernier
fiécle.
M. Pepper Arden , Procureur-Général , &
M. A. Macdonald , Solliciteur Général , ont
remis au Cabinet , la femaine dernie.e , le
Code de Staruts qu'il avoit demandé pour
le futur établiffement de la Baye Botannique
dans la Nouvelle Galles méridionale . Malgré
les doutes affectés de quelques Papiers
publics , il paroît donc certain que ce projet
fera exécute. La flottille deſtinée à cette expédition
, fera compofée de la frégate l'Eole ,
de deux floops , de trois tranfports & de deux
navires munitionnaires. Elle mettra à la voile
de Portſmouth dans trois femaines , & embarquera
des vivres pour deux ans .
Le 2 Septembre , vers le foir , une tempête
affefe a répandu la confternation parmi les
habitans de la Barbade. L'ouragan a été fi
terrible pendant quelques heures , qu'on s'attendoit
à voir renouveller tous les défaftres
caufés par celui de 1780. Sur les 9 heures , le
vent fouffla avec la plus grande force dans
différentes directions , & fa violence alla roujours
en augmentant jufqu'à minuit qu'il fe
modéra peu-à peu . Le lendemain , la Baye de
Carlifle étoit couverte des débris d'une foule
( 109 )
de bâtimens , ou perdus , ou très endommagés.
Plufieurs perfonnes ont péri. La ville
de Bridge-Town a peu fouffert, en comparaifon
de l'intérieur de l'Ifle , où les édifices ,
les grains , les cotoniers , les cannes à fucre ,
& en général , les plantations ont été trèsmaltraités
.
Les dividendes de la Banque , non -réclamés
, feront enfin réellement appliqués à l'ufage
de l'Etat , après Noël . Cette meſure aura
da fanction du Parlement qui s'engagera à
fatisfaire aux réclamations légales qui pourroient
être faites par la fuite. Avec cette caution
, cet arrangement ne peut être qu'avantageux.
On travail'e à l'Hôtel de la Compagnie
des Indes à des dépêches particulieres qui
doivent être envoyées à Porfmouth , le 27
de ce mois. Le Royal George, vaiffeau de la
Compagnie , n'attend que fes dépêches pour
fe rendre à Bombay.
Une lettre de Portsmouth , du 25 Novembre
, porte que le Commodore Elliot eſt arrivé
de Terre Neuve dans ce port , à bord du
Salisbury , accompagné du floop l'Echo . Le
25 , l'efcadre deftinée pour la ftation des Ifles
fous le Vent , n'étoit point encore partie. On
affure que ce délai a été occafionné par quelques
différends qui fe font élevés entre le
Lord Howe & le Chevalier Richard Bickerton
." $
Les variations qu'on a obfervées derniere-
→→ment dans les prix du coton , n'ont pas
été oc(
110 )
cafionnées par le traité de commerce avec la
France. A ce que prétendent quelques - uns de
nos papiers , leur véritable force elt une fpéculation
de la Compagnie des Indes , dont le
but étoit de vendre fes groffes toiles de coton
à des prix exorbitans. Plufieurs maiſons confidérables
font entrées dans ce projet , de maniere
que le coton s'eft trouvé tout d'un coup
dans les mains d'un très-petit nombre de perfonnes.
Ce monopole a eu l'effet qu'on en attendoit
; le coton a monté de 12 à 19 penny
ou deniers fterling . Ces particuliers ayant fait ,
par ce moyen des bénéfices immenfes , la Compagnie
a vendu à fon tour fort cher fes toiles
de coton dont la vente a fini la femaine derniere.
Depuis cette époque le coton a commencé
à reparoître. Le 25 fon prix étoit tombé de
un & demi penny . Cependant il y a lieu de
croire qu'il ne tombera pas davantage , parce
qu'il eft entre les mains de fpéculateurs trèsopulens
, qui pourront le garder des mois
entiers.
Plufieurs de nos Feuilles publiques préfentent
la note fuivante des différens ports
d'Angleterre les plus favorables au commerce
avec la France .
Londres. Ce port étant par la fituation & par
fon opulence le centre où le réuniffent toutes
les productions des manufactures angloiles , particuliérement
celles des provinces du nord &
de l'eft , doit avoir la principale correfpondance
avec tous les ports de France . On y trouvera
toujours l'affortiment le plus complet de toutes
fortes de marchandiſes & des bâtimens de
tout port pour les tranfporter dans toutes les parties
du monde à des conditions raifonnables. Les
( 113 )
Si l'on confidere ce port comme dêpôt , il eft
fort inférieur aux deux dont nous verons de
parler.
Exeter Plimouth & Falmouth. La correfpondance
de ces ports avec la France fera bornée
à l'embarquement des manufactures qui font établies
dans leur voifinage , à l'importation des articles
deftinés à la confommation des provincesqui
les avoifinent ..
Les ports des parties orientales & occidentales
de la G. B. ne peuvent pas tirer d'avantages
immédiats de leur fituation , par rapport au commerce
avec la France , fur- tout avec Paris , mais
très- certainement ils tâcheront d'y participer &
Ouvriront une correfpondance avec Nantes , Bordeaux
& les ports du golfe de Gascogne. Les
ports de la côte occidentale font aufli bien fitués
qu'aucun autre port du royaume , & leurs vaiffeaux
auront l'avantage de pouvoir être conduits
en France par un ſeul vent.
•
FRANCE.
DE VERSAILLES , le 6 Décembre:
Le Marquis de Lafteyric du Saillant , qui
avoit précédemment eu l'honneur d'être préfenté
au Roi , a eu , le 28 du mois dernier,.
celui de monter dans les voitures de S. M.,
& de la fuivre à la chaſſe .
Le Marquis de Caylus , le Comte François
Efterhazy , le Vicomte de Vanoife &
le Baron d'Efparbès , qui avoient précédemment
eu l'honneur d'être préfentés au Roi,
ont eu , le 2 de ce mois , celui de monter
( 114 )
dans les voitures de Sa Majesté & de la fuivre
à la chaffe .
Le lendemain 3 , le Duc de Chartres a
prêté ferment entre les mains du Roi , en
qualité de Gouverneur & Lieutenant général
du Poitou .
DE PARIS , le 12 Décembre.
Le Roi ayant donné à M. Dupont , Che.
valier de l'Ordre de Vafa , Commiffaire général
du Commerce , des Lettres de Confeiller
d'Etat ; il a prêté ferment en cette qualité
entre les mains de M le Garde des
Sceaux , le 6 de ce mois. Cette récompenfe
du mérite perfonnel , des connoiffances &
des travaux utiles d'un fimple Citoyen, fera
fans doute généralement applaudie.
Les lettres d'Angleterre portent que
» l'activité a redoublé dans les atteliers des
» Manufactures , depuis qu'on y eft, inftruit
» de la conclufion du Traité de Commerce.
» D'un autre côté , on mande des Provin-
» ces méridionales de France , que les vins
» ont obtenu un prix de faveur depuis la
>> même époque , & fuivant des lettres par-
» ticulieres de Bordeaux , la piece de vin ,
» qui valoit précédemment 250 liv . , eft ar-
» rhée par des Commerçans François à
» 320 & même à 330 liv.
Un navire venant de S. Domingue ayant
été pouflé par le gros temps du côté de
Cherbourg, a voulu entrer dans ce port :
mais il a , dit- on , donné fur le Cône que la
( 115 )
tempête du 4 Octobre dernier a endommagé
, & dont les flots ont détruit la cîme
qu'ils couvrent actuellement ; de forte qu'il
a péri fur cet écueil . L'équipage a été ſauvé ,
mais la cargaiſon a été prefque totalement
perdue. Ce navire , appartenant au Havre ,
avoit été affuré , & oa alloit même faire afsûrer
fa cargaifon , mais comme il a fait fa
traversée en 35 jours , les Armateurs ont été
furpris par ce court trajet. Les intéreffés fe
récrient fur ce que les balifes qu'on avoit
dû mettre fur le cône tronqué n'étoient pas
apparentes , & n'ont pu garantir le Pilote
de donner fur cet écueil.
ל כ
» La Commiffion du Confeil , nommée
pour juger les conteftations relatives à l'a-
» giotage , vient de rendre un Jugement
» folemnel dans une affaire mue entre deux
Joueurs dans les fonds publics ; ils avoient
fait enfemble un marché à des termes
profcrits par les Loix rendues fur cette,
» matiere. L'un des deux ayant jugé que
» fon marché ne lui étoit pas avantageux ,
» a excipé de la Loi qui le lui interdifoit ,
" pour demander la réfiliation de fa conven-
» tion. La Commiffion a prononcé en effet
» la nullité de ce marché , mais elle a con-
>> damné , aux termes de la Loi , les deux
» Joueurs à une amende de 24 mille liv. par
>> chacun , & cette condamnation a été exé
» cutée , malgré la réfiftance de l'un des
» Joueurs , qui invoquoit en fa faveur une
( 116 )
» exemption tirée de l'état qu'il remplit . Ce
>> Jugement devient une forte d'Arrêt & de
» Réglement propres à arrêter les Joueurs
& les jeux téméraires.
Le Maréchal Duc de Biron vient de donner
un nouvel exemple de bienfaifance &
d'humanité dans les terres en Bourgogne.
Deux orages qui fe font fuivis de près & qui
étoient accompagnés d'une grêle épaiffe &
de l'elpece la plus affreufe , ayant détruit les
récoltes , il s'eft empreffé de venir au fecours
des malheureux ; il a fait remite des rédevances
, & non content de faire diftribuer
les grains néceflaires pour la femence & pour
la nourriture des pauvres , il a étendu fes libéralités
fur tous ceux qui éprouvoient des
befoins. Les Curés de fes terres fe font réunis
, & ont célébré, le 21 du mois dernier,
une Meffe folemnelle , pour demander au
Ciel la confervation des jours d'un Seigneur
qui s'eft montré le pere de fes vaflaux , les
Officiers de fa juftice ont affifté à cette céré
monie à la tête des habitans , dont les voeux
ardens étoient l'expreffion de l'amour & de
la reconnoiffance.
Les Chevaliers de l'ordre de St. Michel fe font .
affemblés au couvent des Cordeliers de cette
ville , & ont tenu un Chapitre auquel a préfidé
pour Sa Majefté , le comte de Vaudreuil , Ches
valier-Commandeur des ordres de St. Michel &
du St. Efprit ; après un difcours prononcé par le
fieur Pourfin de Grandchams , Sécrétaire du Roi ,
Chevalier dudit ordre , nommé par Sa Majefte
pour fuppléer le fieur Coller , Chevalier & Secré
CC
( 117 )
raire perpétuel dudit ordre ; tous les Chevaliers ;
le Comte de Vaudreuil à leur tête , fe font rendus
proceffionnellement en l'églife dudit Couvent,
& ont affifté à la melle de requiem pour les
confreres décédés .
M. Moreau , Médecin , vient de prouver
dans une thefe publique , ce qu'avoient déja
prouvé divers Médecins Anglois & Allemands
, que l'ufage du charbon de terte ,
-loin d'être funefte , portoit dans les pores &
la poitrine une toule de molécules confervatrices
. La chaleur de ces deux combuſtibles
eft également douce & falutaire. Il a ajouté
que la confomption en Angleterre , n'étoit
point le réfultat de la fumée qui couvre les
cités , mais une maladie endémique . Suivant
ce Médecin , les particules ignées , émanées
des deux matieres brûlables font graffes , &
doivent entretenir l'humide radical , au lieu
que l'effet de la confomption eft de le def-
Lécher.
Les habitans de St. Loup en Volges , ont
été , pendant quelques mois , accablés du fléau
d'une maladie épidémique , dont les ravages
effrayant les ouvriers des villages voifins , les
forcerent de s'écarter du foyer de la contagion ;
des familles entieres de Laboureurs , atteintes
de la maladie , fe trouverent hors d'état de
faire leurs récoltes ; ceux des habitans qu'elle
avoit épargnés , fe font offerts à travailler pour
les malades , & ont demandé à leur curé , la
permifion d'employer les jours de dimanches
& de fêtes à enlever & à ferrer les récoltes
de ces infortunés. Les villes offrent fans doute
( 118 )
a
des traits d'humanité plus brillans ; mais il y
de fpectacles plus attendriffans que
ceu de cultivateurs & d'ouvriers accablés de
travaux pendant toute la femaine , fe privant
du feul jour de repos qui leur refte
pour faire du bien à leurs femblables. La
ducheffe de Lorges , dame de cette ancienne baronnie
, s'y eft rendue elle - même le 12 du mois
dernier , & y a paffé quelques momens , qu'elle
a employés à s'informer des malheurs de fes
vaffaux , & à leur offrir tous les fecours que pouvoient
leur procurer fa bienfaiſance & fon humánité.
Le 15 de Novembre , l'Académie royale
des Sciences & Belles- Lettres d'Angers , dans
une Séance publique , a couronné l'Ouvrage
ayant pour titre » Quels font les moyens
» les plus convenables & les moins difpen-
» dieux de pourvoir à la confervation des
» Enfans-Trouvés en France , & de leur
» donner l'éducation la plus utile à l'Etat . »
Une Médaille d'or a été adjugée au Mémoire
qui a pour devife :
Non hic te carmineficto ,
Atque per ambages , & longa exorfa tenebo .
L'Auteur ne s'étant pas fait connaître , on
le prie d'indiquer à M. de Narcé , premier
Secrétaire de l'Académie , les moyens de
faire parvenir la Médaille à celui qui voudra
bien lui communiquer la copie de fon Mémoire
; & dans le cas qu'il veuille n'être pas
connu , d'indiquer l'ufage qu'il defire qu'on
( 119 )
faffe de cette Médaille , ou s'il voudroit
qu'on en donnât la valeur au profit de l'établiffement
des Enfans -Trouvés dans la ville
d'Angers .
›
>> On defire auffi avoir des nouvelles de
» Meffire Jofeph - Marie Gafion de Rofnay ,
ancien Officier d'Infanterie connu fous
» le nom de Chevalier de Rofnay & de.
puis de Comte de Rofnay , qui en 1780
& 1781 habitoit Limoges & la Soutereine.
On s'adreffera à M. Sureau , Procureur au Châtelet
de Paris , rue Chapon , nº . 17 " ,
92
I
Atlas Eccléfiaftique , Civil , Militaire & commerçant
de la France , pour l'année 1787 , enrichi
de tailles-douces & de cartes coloriées . Prix 1 liv.
10 f. A Paris , chez Beauvais , maifon de M. Lambert
, Imprimeur-Libraire , rue de la Harpe , près
St. Côme.
Etrennes Provinciales , ou Tablettes du Citoyen ,
pour l'année 1787 , avec figures . Prix 12 f. à la
même adreſſe .
Ces deux almanachs , rédigés avec intelligence
, méritent d'être diftingués de la foule des productions
de cette espece .
Très-haut & très puiffant Seigneur Henri-
Jofeph Philippe Guiflain , Baron de Fourneaux
& du Saint -Empire Romain , Comte
de Cruquenbourg , Baron de la Chapelle ,
Chambel'an de S. M. l'Empereur Roi , premier
Maréchal héréditaire de Flandres , qui
avoit épousé la fille aînée du dernier Feldt-
Maréchal de Retz , Comte de Chanclos , eſt
mort dernierxment à Bruxelles , âgé de 68
ans.
Frofper-André- Louis - Nicolas Bauyn , Ches
7 :1201 )
eft
valier , Marquis de Perreule , Seigneur de
Perreufe , de Jallais , de la Brinière , de la
Poitevinière & autres lieux , Capitaine de
Dragons au Régiment de Languedoc ,
mort en fon château de Perreufe en Brie ,
le 6 de ce mois , dans la trentieme année de
fon âge.
Suite du Traité de Commerce & de Navigation
entre la France & la Grande - Bretagne...
XVIII. Il a été flatué de plus & l'on eft convenu
qu'il foit entièrement libre à tous les Marchands
, Capitaines de Vaiffeaux & autres Sujets
du Roi de la Grande - Bretagne dans tous les
Etats de Sa Majefté Très - Chrétienne en Europe ,
de traiter leurs affaires par eux mêmes ou d'en
charger qui bon leur femblera , & ils ne feront
tenus de fe fervir d'aucun Intérprete ou Facteur ,
ni de leur payer aucun falaire , fi ce n'eft qu'ils
veulent s'en fervir. En outre , les Maîtres des
Vaiffeaux ne feront point tenus de fe fervir pour
charger ou décharger leurs, Navires , de perfonnes
établies à cet effet par l'autorité publique
foit à Bordeaux , foit ailleurs ; mais il leur fera
entiérement libre de charger ou décharger leurs
Vaiffeaux par eux - mêmes , ou de fe fervir de
ceux qu'il leur plaira pour les charger ou les décharger
, fans payer aucun falaire à quelqu'autre
perfonne que ce puiffe être . Ils ne feront point
tenus auffi de décharger dans les Navires d'autrui
ou de recevoir dans les leurs quelques marchandifes
que ce ( oit , ni d'attendre leur chargement.
plus long- temps qu'ils le jugeront à propos . Et
tous les Sujets du Roi Très Chrétien jouiront pareillement
, & feront en poffeffion des mêmes priviléges
( 121 )
viléges & libertés dans tous les Etats de Sa Majesté
Britannique en Europe."
XIX . On ne pourra obliger les Vaiffeaux
chargés des deux Parties paflant fur les côtes
l'une de l'autre , & que la tempête aura obligés
de relâcher dans les Rades ou Ports , ou qui y
auront pris terre de quelqu'autre maniere que
ce foit , d'y décharger leurs marchandiſes en tout
ou en partie , ou de payer quelques droits , à
moins qu'ils ne les y déchargent de leur bon gré
& qu'ils n'en vendent quelque partie. Il fera
cependant libre , après en avoir obtenu la permiffion
de ceux qui ont la direction des affaires
maritimes , de décharger ou de vendre une petite
partie du chargement , feulement pour acheter
les vivres ou les chofes néceſſaires pour le radoub
du Vaiffeau , & dans ce cas on ne pourra exiger
de droits pour tout le chargement , mais feulenent
pour la petite partie qui aura été déchargée
ou vendue.
XX. Il fera permis à tous les Sujets du Roi
Très .Chrétien & du Roi de la Grande- Bretagne ..
de naviger avec leurs Vaiffeaux en toute fureté
& liberté , & fans diſtinction de ceux à qui les
marchandifes de leurs chargemens appartiendront
de quelque Port que ce foit dans les
lieux qui font déjà , ou qui front ci-après en
guerre avec le Roi Très -Chrétien , ou avec le
Roi de la Grande-Bretagne. Il fera auffi permis
auxdits Sujets de naviger & de négocier avec
leurs vaiffeaux & marchandifes avec la même
liberté & fûreté des lieux , ports & endroits
appartenans aux ennemis des deux Parties ou
de l'une d'Elles , fans être aucunement inquiétés
ni troublés , & d'aller directement , non-feulement
defdits lieux ennemis à un lieu neutre ,
mais encore d'un lieu ennemi à un autre licu
N°. 50 , 16 Décembre 1786. f
( 122 )
ennemi : foit qu'ils foient fous la jurifdifêtion
d'un même ou de différens Princes. Et comme
il a été ftipulé par rapport aux Navires & aux
marchandifes , & que l'on regardera comme
libre tout ce qui fera trouvé fur les Vailleaux
appartenans aux Sujets de l'un & de l'autre
Royaume , quoique tout le chargement , ou
une partie de ce même chargement appartienne
aux ennemis de Leurs Majeftés , à l'exception
cependant des marchandifes de centrebande ,
lefquelles étant interceptées , il fera procédé
conformément à l'efprit des articles fuivans ;
de même il a été convenu que cette même
liberté doit s'étendre auffi aux perfonnes qui navigent
for un. Vaiffeau libre , de maniere que ,
quoiqu'elles foient ennemies des deux Parties ,
ou de l'une d'Elles , elles ne feront point tirées
du Vaiffeau libre , fi ce n'est que ce fuffent des
gens guerre actuellement au fervice defdits
ennemis , & fe tranfportant pour être employés
comme militaires dans leurs Flottes ou dans leurs
Armées.
de
XXI. Cette liberté de navigation & de
commerce s'étendra à toute forte de marchandifes
, à la réſerve feulement de celles qui
feront exprimées dans l'article fuivant , & défi
gnées fous le nom de marchandiſes de contrebande.
XXII . On comprendra fous ce nom de marchandifes
de contrebande ou défendues , les armes
, canons , arquebufes , mortiers , pétards ,
bombes , grenades , fauciffes , cercles poiffés
affûts , fourchettes , bandoulieres , poudre à canon
, mêches , Salpêtre , balles , piques , épées,
morions , cafques , cuiraffes , hallebardes , javelines
, fourreaux de piftolets , baudriers , chevaux
avec leurs harnois ; & tous autres femblables :
"
( 123 )
genres d'armes & d'inftrumens de guerre fervant
à l'ufage des troupes.
>
XXIII . On ne mettra point au nombre des
marchandifes défendues celles qui fuivent ; favoir
, toutes fortes de draps & tous autres ouvrages
de manufacture de laine , de lin , de
foie , de coton & de toute autre matière ; tous
genres d'habillemens avec les chofes qui fervent
ordinairement à les faire ; or , argent monnoyé ,
& non monnoyé , étaim , fer , plomb , cuivre,
laiton , charbon à fourneau , blé , orge , &
toute autre forte de grains & de légumes ; le
tabac , toutes fortes d'aromates , chairs falées
& fumées , poiffons falés , fromages & beurres
biere , huiles , vins , fucre toutes fortes de
fels & de provifions , fervant à la nourriture
& à la fubfiftance des hommes ; tous genres de
coton , cordages , cables , voiles , toile propre
à faire des voiles , chanvre , fuif , goudron ,
brai & réfine ; ancres & parties d'ancres , quelles
qu'elles puiffent être ; mâts de Navires , planches
, madriers , poutres de toutes fortes d'arbres ,
& de toutes les autres chofes néceffaires pour
conftruire ou pour radouber les Vaiffeaux . On
ne regardera pas non plus comme marchandifes
de contrebande , celles qui n'auront pas pris la
forme de quelqu'inftrument ou attirail fervant
à l'ufage de la guerre fur terre ou fur mer , encore
moins celles qui font préparées ou travaillées
pour tout autre ufage . Toutes ces chofes
feront cenfées marchandifes non défendues ,
de même que toutes celles qui ne font pas
comprifes , & fpécialement défignées dans l'article
précédent , en forte qu'elles pourront être,
librement tranfportées par les Sujets des deux,
royaumes, même dans les lieux ennemis , excepté
f 2
( 124 )
feulement dans les places affiégées , bloquées &
invefties,
XXIV. Mais pour éviter & prévenir la
difcorde & toutes fortes d'inimitiés de part &
d'autre , il a été convenu qu'en cas que l'une
des deux Parties fe trouvât engagée en guerre,
les Vaiffeaux & les Bâtimens appartenants aux
Sujets de l'autre Partie devront être munis de
lettres de mer qui contiendront le nom , la propriété
& la grandeur du Vaiffeau , de même que
le nom & le lieu de l'habitation du maître ou
du Capitaine de ce Vaiffeau ; en forte qu'il paroiffe
que ce Vaiffeau appartient véritablement
& réellement aux Sujets de l'une ou de l'autre
Partie : & ces lettres de mer feront accordées
& conçues dans la forme annexée au préſent
Traité. Elles feront auffi renouvellées chaque
année , s'il arrive que le Vaiffeau revienne dans
le cours de l'an. Il a été auffi convenu que ces
fortes de vaiffeaux chargés ne devront pas être
feulement munis des lettres de mer ci- deſſus
mentionnées , mais encore des certificats contemant
les efpeces de la charge , le lien d'où le
Vaiffeau eft parti & celui de fa deſtination
afin que l'on puiffe connoître s'il ne porte
acune des marchandifes défendues , ou de contrabande
fpécifiées dans l'article 22 de ce Traité.
Lefquels certificats feront expédiés par les Officiers
du lieu où le Vaiffeau fortira felon la coufume.
Il fera libre auffi . fi on le defire , & fi on le
juge à propos , d'exprimer dans lefdites lettres à
qui appartiennent les marchandifes.
XXV. Les Vaiffeaux des fujets & Habirans
des Royaumes refpectifs arrivant fur quelque
côté de l'un ou de l'autre , fans cependant
vouloir entrer dans le port , ou y étant entrés
& ne voulant point débarquer ou rompre leurs
( 125 )
charges ; ne feront point obligés de rendre com
pte de leurs chargemens , qu'au cas qu'il y eût
des indices certains qui les rendiffent fufpects
de porter aux ennemis de l'nne des deux Hautes
Parties contractantes , des marchandifes défendues
appellées de contrebande.
>
XXVI. Si les Vaiffeaux defdits Sujets ou
Habitans defdits Etats refpectifs de leurs Séréniffimes
Majefés , étoient rencontrés faiſant route
fur les côtes ou en pleine mer , par quelque
Vaiffeau de guerre de leurs Séréniffimes Majef
tés ou par quelques Vaiffeaux armés par des
particuliers , lefdits Vaiffeaux de guerre ou Armateurs
particuliers , pour éviter tout défordre ,
demeureront hors de la portée du canon &
pourront envoyer leurs chaloupes au bord du
Vaiffeau marchand qu'ils auront rencontré , & y
entrer feulement au nombre de deux ou trois
hommes à qui feront montrées par le maître ou
Capitaine du Vaiffeau du Bâtiment , les lettres
de mer qui contiennent la preuve de la propriété
du Vaiffeau , & conçues dans la forme
annexée au préſent traité ; & il fera libre au
Vaiffeau qui les aura montrées , de poursuivre
fa route , fans qu'il foit permis de le molefter &
viliter en façon quelconque , ou de lui donner
la chaffe , ou de l'obliger à fe détourner du lieu
de fa deftinarion.
XXVII. Le Bâtiment marchand appartenant
aux Sujets de l'une des deux Hautes Parties
contractantes qui aura réfolu d'aller dans un
port ennemi de l'autre , & dont le voyage &
l'efpece de marchan lifes des fon chargement
feront juftement foupçonnés , fera tenu de produire
en pleine mer , auffi bien que lettres de
ports & rades , non - feulement les dans les
mer , mais auffi des certificats qui marquent que
f 3
( 116 )
fes marchandifes ne font pas du nombre de
celles qui ont été défendues , & qui font énoncées
dans l'article 22 de ce Traité.
XXVIII. Si par l'exhibition des certificats
fufdits , contenant un état du chargement, l'autre
Partie y trouve quelques- unes de fes fortes de
marchandifes défendues & déclarées de contrebande
par l'article 22 de ce Traité , & qui
foient deftinées pour un port de l'obéiffance
de fes ennemis , il ne fera pas permis de rompre
ni d'ouvrir les écoutilles , caiffes , coffres , balles,
tonneaux & autres vafes trouvés fur ce Navire
ni d'en détourner la moindre partie des marchandifes
, foit que ce Vaiffeau appartienne aux
Sujets de la France ou à ceux de la Grande-
Bretagne , à moins que fon chargement n'ait
été mis à terre en la préfence des Officiers de
l'Amirauté , & qu'il n'ait été par eux fait inventaire
defdites marchandifes. Elles ne pourront
auffi être vendues , échangées , ou autrement
alénées de quelque maniere que ce puiffe être ,
qu'après que le procès aura été fait dans les
regles & felon les loix & les coutumes , contre ces
marchandifes défendues , & que les Juges de
l'Amirauté refpectivement les auront confifquées
par Sentence , à la réferve néanmoins , tant du
Vaiffeau même que des autres marchandifes qui
y auront été trouvées , & qui , en vertu de ce
Traité , doivent , être cenfées libres , & fans
qu'elles puiffent être retenues fous prétexte
qu'elles feroient chargées avec des marchandifes
défendues , & encore moins être confifquées
comme une prife légitime ; & fuppofé que lef
dites marchandifes de contrebande , ne faifant
qu'une partie de la charge , le Patron du Vaiffeau
agréât , confentît & offrit de les livrer au
Vaiffeau qui les a découvertes , en ce cas celuici
laprès avoir reçu les marchandifes de bon(/
127 )
ne prife , fera tenu de laiffer aller aufi tot
le Bâtiment , & ne l'empêchera en aucune maniere
de pourfuivre fa route vers le lieu de fa
deftination.
XXIX . Il a été au contraire convenu &
accordé que tont ce qui fe trouvera chargé par
les Sujets & Habitans de part & d'autre , en un
Navire appartenant aux ennemis de l'autre, bien
que ce ne fût pas des marchandifes de contrebande
, fera confifqué comme s'il appartenoit
à l'ennemi même , excepté les marchandi fes &
effets qui auront été chargés dans ce Vaiffeau
avant la déclaration de la guerre , ou l'ordre
général des repréfailles , ou même depuis la déclaration
, pourvu que ç'ait été dans les termes
qui fuivent , favoir de deux mois après cette
déclaration ou l'ordre des repréfailles , fi elles
ont été chargées dans quelque port & lieucompris
dans l'efpace qui eft entre Archangel , Saint-
Pétersbourg & les Sorlingues ; & entre les
Sorlingues & la ville de Gibraltar ; de dix femaines
dans la mer méditerranée , & de huit
mois dans tous les autres pays ou lieux du
monde ; de maniere que les marchandifes des
Sujets de l'un & l'autre Prince , tant celles
qui font de contrebanie , que les autres qui
auront été chargées , ainfi qu'il eft dit , fur
quelque Vaiffeau ennemi , avant la guerre ou
même depuis fa déclaration , dans les temps &
les termes fufdits , ne feront en aucune maniere
fujettes à confifcation , mais feront fans
délai & de bonne foi rendues aux propriétaires
qui les demanderent , en forte néanmoins qu'il
ne foit nullement permis de porter enfuite ces
marchandifes dans les ports ennemis , fi elles
font de contrebande.
XXX. Et pour pourvoir plus amplement à
14
( 128 )
?
#
la sûreté réciproque des Sujets de leurs Séréniffimes
Majeftés , afin qu'il ne leur foit fait
aucun préjudice par les Vaiffeaux de guerre de
l'autre Partie , ou par d'autres armés aux dépens
des particuliers , il fera fait défenſe à tous Capitaines
des Vailleaux du Roi très-Chrétien & du
Roi de la Grande - Bretagne , & à tous leurs Su- .
jets , de faire aucun dommage ou infulte à ceux
de l'autre Partie ; & au cas qu'ils y contreviennent
, ils en feront punis , & de plus ils feront
tenus & obligés en leurs perfonnes & en leurs
biens de réparer tous les dommages & intérêts
de quelque nature qu'ils foient & d'y fatisfaire.
XXXI. Et pour cette caufe chaque Capitaine
des Vaiffeaux armés en guerre par des particuliers
fera tenu & obligé à l'avenir , avant
que de recevoir fes patentes ou fes commiffions
fpéciales , de donner par- devant un Juge compétent
, caution bonne & fuffifante de perfonnes
folvables qui n'aient aucun intérêt dans ledit
·Vaiffeau , & qui s'obligent chacune folidairement
pour la fomme de 36,000 livres tournois,
ou de 1500 liv . fterlings ; & fi ce Vaiffeau
eft monté de plus de 50 Matelots ou Soldats ,
pour la fomme de 72,000 livres tournois ,
de 3000 livres fterlings , pour répondre folidairement
de tous les dommages & torts que lui,
fes Officiers ou autres , étant à fon fervice
pourroient faire en leur courfe contre la terreur
du préfent Traité , & contre les Edits faits de
part & d'autre en vertu du même Trai é par
Leurs Séréniffimes Majeflés , fous peine auffi
de révocation & de caffation defdites patentes &
commiffions.
ou
XXXII. Leurs Majeftés fufdites voulant refpectivement
traiter dans leurs Etats les Sujets
( 129 )
l'une de l'autre auffi favorablement que s'ils
étoient leurs propres Sujets , donneront les
ordres néceffaires & efficaces pour faire rendre
les jugemens & arrêts , concernant les prifes ,
dans la Cour de l'Amirauté , felon les règles de la
justice & de l'équité , & conformément à ce
qui eft prefcrit par ce Traité , par des Juges qui
foient au- deffus de tout foupçon , & qui n'aient
aucun intérêt au fait dont il eft queſtion .
XXXIII. Et quand par des lettres de mer
& les certificats , il apparoîtra fuffisamment de
la qualité du Vaiffeau & de celle de fes marchandifes
& de fon Maître , il ne fera point
permis aux Commandans des Vaiffeaux armés
en guerre , fous quelque prétexte que ce foit ,
de faire aucune autre vérification . Mais fi quelque
Navire marchand le trouvoit dépourvu de fes
lettres de mer ou de certificats , il pourra alors
être examiné par un Juge compétent , de façon
cependant que fi par d'autres indices & documens,
il fe trouve qu'il appartienne véritablement
aux Sujets d'un defdits Souverains , & qu'il ne
ww, contienne aucune marchandife de contrebande
deftinée pour l'ennemi de l'un d'eux
il ne
devra point être confifqué , mais il fera relâché
avec fa charge , afin qu'il pourfuive fon voyage,
La Suite à l'Ordinaire prochain.
PAYS- B A S.
•
DE BRUXELLES , le 9 Decembre:
Le Confeil Impérial , nouvellement créé ,
préfidé en chef par M, le Comte de Belgiojofo
, & en fecond par M. de Crumpipen
f s
( 130 )
Secrétaire d'Etat , commencera à fiéger dans
les premiers jours de Janvier 1787. Ce tribunal
, compofé de 9 Membres , ne connoîtra
que des affaires relatives à l'Adminiſtration.
» Le Marquis de Croix , Capitaine géné-
» ral des Armées du Roi d'Eſpagne au
royaume de Valence , & Chevalier de fes
» Ordres , eft mort à Valence , le 28 Octo-
» bre dernier , dans la 85e . année de fon
âge. Il a été le premier Etranger , qui de-
» puis la conquête du Mexique , ait été re-
» vêtu de la dignité de vice-Roi de ce royau-
» me. Le défintéreffement , le zele & l'acti-
» vité dont il a donné des preuves pendant
fept ans qu'il l'a exercée, ont juſtifié ce
choix. Robertfon en a fait une mention
>> honorable dans fon Hiftoire de l'Améri-
» que; mais il s'eft trompé en le nommant
Sainte Croix au lieu de Croix , qui eft le
» nom de fa famille , originaire de Flandres ,
» où elle fubfifte dans la perfonne du Mar-
» quis de Croix , fon neveu , qui a fervi Sa
» Maj. T. C. pendant 25 ans , & celle du
» Comte de Croix , fon petit neveu , Capi-
>> taine de Cavalerie dans le même fervice.
» Le Capitaine général n'ayant point été
>> marié , il ne refte de fon nom que plufieurs
>> neveux , dont un , le Chevalier de Croix ,
» Commandeur de l'Ordre Teutonique ,
» Lieutenant général des Armés du Roi , &
» ci -devant Gouverneur du nouveau Mexiน
K
»
"
? que , eft actuellement více Roi du Pérou .
Par une Lettre de Paris nous venons d'apprendre
» qu'un événement fans exemple vient
de jetter des allarmes dans prefque toute la
Banque. Voici le fait tel qu'on le débite
partout & publiquement : il y a quelques
mois qu'un Particulier alla propofer à
deux maitons de banque de cette ville ,
de dépofer chez elles de bons effets , à la
charge de tirer fur elles jufqu'à la concur-
" rence du dépôt. Les effets dépofés chez
MM. Tourton & Ravel s'élevoient à
1400 mille liv. & chez M. Gallet de San-
» terre à 140 mille liv. Les tireurs fe dépê-
» cherent enfuite de faire des traites de différentes
fommes & à des termes plus ou
» moins éloignés fur les Correſpondans
qu'ils s'étoient faits. Les lettres de change
arrivolent à l'acceptation , venant de
Rouen , de Lille & d'autres Places de
commerce; plufieurs de ces lettres étoient
en petites fommes , depuis 3 , 4 , juſqu'à
1900 liv. , & les autres plus fortes étoient
» conçues en mille liv. Dans le plan formé
> par le Fauffaire de furcharger du mot mille
» le mot cent, & d'ajouter un zéro à la fom-
» me en chiffrequi feplace au haut de la lettre
de change , il avoit eu l'attention d'écrire
» le mot cent , de maniere qu'il pût en faire
→ aiſément & fans furcharge le mot mille ;
» & afin que la friponnerie ne pût être véri-
» fiée par la comparaifon , cette opération
f 6 .
( 132 )
k
» fut faite également fur les lettres à 1000 I.
» & fur les lettres à 100 liv. qu'on étoit dans
le deffen de furcharger. La fuite des événemens
a prouvé la furcharge fur les pe-
> tits effets de 100 liv .; & lorfqu'on a vou-
» lu les comparer avec ceux de 1000 , on a
trouvé qu'ils étoient tous parfaitement
>> uniformes , de forte qu'on ne fait aujour-
» d'hui fi les furcharges ont été faites devant
» ou après les acceptations ; & on ignorera
» juſqu'à l'échéance de toutes les lettres tirées
, & la vérification des livres de ban-
» que, quelle eft la totalité des fommes que
l'adreffe ou la friponnerie ont ajouté au
» montant réel des lettres de change tirées
par le Fauffaire. It eft aifé de comprendre
combien un pareil événement doit caufer
» de troubles dans différentes Maifons de
»commerce , de banque & de finance , qui
»ont des effets auffi adultérés. Le Fauffaire
» eft en fuite en Angleterre , où on affure
» qu'il a été arrêté ( 1 ) deux de fes camta-
» des l'ont été ici ; & la Police eft à la fuite
» de ce complot d'iniquité. On ajoute que
»
:
cette affaire devant donner lieu à beaucoup .
» de procès , dont la Jurifdiction Confulaire
ne peut connoître , attendu que le
» crime de faux n'eft pas de fa compétence ,
» la connoiffance de ces procès a été attri-
» buée aux Requêtes ; enfin on dit que pour
ne plus courir le hafard d'une pareille friponnerie
, les Banquiers dans leurs accep-
(1 ) Il a pu être arrêté en Angleterre , & peut être déenu
en prifon jufqu'à parfait payement,
133 D:
" tations de lettres de change , ftipuleront
» par écrit la fomme de l'acceptation , ce
» qui eft en ufage dans certaines villes de
» commerce du Royaume , & preferit par
l'Ordonnance.
1
A cette verfion , fondée fur le feul bruit
public, nous joindrons la fuivante plus exacre,
qui nous a été fournie par l'un des Inté
reffés.
21 Ceux qu'on accuſe de cette manoeuvre ,
ont dépofé chez MM . Tourton & Ravel des
Actions de la Caifle d'Efcompte fucceffive
ment pour la valeur de is à 1600 mille liv.
Ils ont fait tirer fur ces Meffieurs jufqu'à la
concurrence de 1400 mille livres par des
Banquiers de Lyon , de Rouen & de Bordeaux.
1
Leurs lettres de change étoient , les unes
depuis 400 jufqu'à 1900 , les autres depuis
2000 jufqu'à 19000.
Ces lettres acceptées , ils ont ajouté un
zéro aux centaines ; & le mot cent a difparu
fous le mot mille. Elles paroiffoient done.
valoir 4000 , 1030 & 19000 liv.
Les Fauffaires ont enfuite retiré leurs Ac-,
tions de la Caiffe d'Efcompte , en payant la
valeur de leurs traites. Par ce moyen leur
compte eft au niveau.
Le 30 Novembre , jour de la premiere
échéance, MM . Tourton, Ravel avert's s'apperçurent
de l'infâme manoeuvre. Ne vou
lant , payer aucunes lettres , ils ont déposé le
montant de la fomme acceptée.
་ ་
(( 134 )
Deux acteurs principaux font arrêtés , l'un
à Paris , l'autre à Londres. Cette affaire s'éclaircira
fans peine. 1
Il y a de pareilles traites fur M. Galler de
Santerre , mais feulement pour 100,000 écus .
Le Parlement , à ce qu'on rapporte, a
enregistré ces jours derniers des Lettres Patentes
d'attribution au Châte et , faufl'appel
en la Cour , pour juger cette affaire..
:
»
Le 24 Septembre au matin l'Empereur de
Maroc , écrit - on de Madrid , parut dans fa falle
publique d'audience , où il y avoit une foule trèsconfidérable.
Ayant fait venir le Secrétaire Chiappe
, il lui remit deux lettres , qu'il tira de fa poche
Elles avoient été écrites par un nommé
Cardozo , Juif de nation , que l'Empereur nomma
fon interprête pour la langue Angloife ,
lorfque le fieur Duff , Conful Britannique , fe
trouva derniérement à la Cour. Le Secrétaire
lut ces lettres par l'ordre de Sa Majefté , qui
lui demanda ce qu'il en penfoit . Le fieur Chiappe
connoiffant fans doute une Cour Marocaine , répondit
, Qu'il ne l'ofoit dire ». Vous avez fort
raifon , repartit le Monarque : Qu'on appelle Cardozo.
Cet ipfortuné étant entré dans la Salle ,
l'Empereur , fans dire mot , lui fit jeter une corde
au cou ; l'on finit par le cribler de dix balles
de fufil , & fon corps mort fut : taillé en morceaux
, que l'Empereur fit jetter aux chiens , en
abandonnant le reste à des garçons de la populace
, qui fe divertirent en les jettant dans un feu
dreffé à cet effet. Cette éxécution fait frémir . Le
Juif qui en étoit la victime avoit été employé à Lon
dres dans la Secrétairerie de Mylord Sidney, pour
tenir la correfpondance Arabe : de Londres il étoit
venu à Cadix , où ayant pris un faux nom chrétien
, il s'étoit rendu coupable l'année derniere
( 139 )
d'un crime de faux en fait d'affurance ; & comme
l'on découvrit fon Judaïsme , il fut mis à l'Inquifition
: mais il trouva moyen de s'en évader &
fe réfugia ici. La cornoiffance qu'il avoit de la
langue Arabe , telle qu'elle fe parle en Barbarie ,
ainfi que de plufieurs langues européennes , l'avoit
conduit à la Cour. L'imprudence de fon
frere lui a coûté la vie. Celui ci , ayant eu quelque
différend avec un des Miniftres de l'Empefut
mis en prifon ; & l'on trouva fur lui les
deux lettres en queftion , qu'il avoit mal- à - propos
gardées en poche. Cardozo s'y étoit exprimé
très hardiment fur fa nouvelle patrie
adoptive ; & il y avoit dit entr'autres en efpagnol,
que tous les Maures étoient des coquins ,
& que l'Empereur ne tenoit pas fa parole.
reur ,
>
Les Etats d'Utrecht fe font affemblés , le
17 du courant à Amersfort. Le réfultat de
leurs délibérations a été que la ville d'Utrecht
feroit convoquée pour le 6 Décembre prochain
, mais que les Etats nommeroient les
Bourguemaîtres , deſtinés à repréfenter cette
ville. Idem.
Les Diacres de l'Eglife Catholique de Leyde ,
fe font adreffés aux Régens , pour leur expofer
la détreffe de leurs finances, & l'impoffibilité où
ils fe trouvoient de foulager les individus de
leurcommunion , qui gémiffent dans les horreurs
de la mifere. Les Magiftrats , touchés du zele de
ces Eccléfiaftiques , & de l'infortune de leurs
ouailles , ont publié , le 21 du courant , un placard
, qui fait honneur à leur fenfibilité , à leurs
lumieres & à leur philofophie , & peut-être à la
tolérance du peuple confié à leur adminiftration .
Il y eft ftatué qu'à l'avenir les Diacres Romains
pourront s'adreffer une fois par femaine , à tous
[ 136 )
les Habitans de la Ville , pour folliciter leur
charité. Il faut remarquer , pour bien appré
cier le mérite de cette permiffion , que jufqu'à
préfent les Catholiques ne pouvoient s'adreffer
qu'à ceux de leur communion , pour en obtenir
quelque foulagement en faveur des pauvres attachés
au même culte. ( Gazette de la Haye ,
No. 144).
Les deux vaiffeaux de guerre de 74 can .
chacun , qui ont été conftruits en Frife, &
que la République a deſtiné en préfent à Sa
Maj. T, C. n'ont pu être lancés dans le port
de Harlingue , qu'avec beaucoup de peine .
On a été obligé de conftruire des caifles ,
qu'on a adaptées à la quille des vaiffeaux ,
au moyen defquelles on eft parvenu à les
lancer.
Les Députés de l'Amirauté de Zélande ,
pour l'Enquête judicielle de l'affaire de Breft
font déja arrivés ici : ce grand procès va enfin
commencer à s'inftruire au premier jour.
Gazette d'Amfterdam , nº. 96,
Les Etats de Gueldre ont nominé une
Commiffion de fept Membres pour affifter
comme Médiateurs de la part de cette Province
, aux Conférences propofées par les
Confédérés , pour terminer les différens domeftiques
qui divifent la ville d'Utrecht &
les Etats d'Amersfort . Idem.
Paragraphes extraits des Papiers Anglois & autres.
Il eft paffé par Va fovie , un Courier extraor
( 137 )
"
dinaire allant de Vienne à Pétersbourg , avee
des dépêches relatives à la fituation des affaires
entre la Turquie & la Ruffie . En général on
remarque que l'entrepriſe de l'Impératrice de
fixer fa Puiffance d'une maniere ftable fur les
bords de la Mer Noire , a effuyé depuis quelque-
tems plufieurs revers. La Puiffance Autrichienne
profite à moins de frais de la libre
navigation fur ladite mer. En effet on écrit
de Semlim . que le 13 du mois dernier les
négocians Delazie & Prigatini , y arriverent
avec 6 bâtimens chargés de grains , & deftinés
à paffer par la mer noire & le canal de Conftantinople
dans la Méditerranée , entrepriſe
pour le fuccès de laquelle l'Empereur leur à accordé
de très- grands avantages. Le même jour
un autre Négociant de Turquie , très- connu ,
arriva de Vienne auffi par le Danube à Semlim ,
avec un navire qu'il avoit chargé à ſon compte de
verres de Bohême , de porcelaine de Vienne ,
autres productions des Etats de l'Empereur , le
tout deftiné pour Conftantinople. ( Gazette de la
Haye, N° . 145 ).
Depuis quelques femaines , il fe trouve à Stokolm
un certain M. Baretto , Portugais de
naiffance , & au fervice de la Marine , que
l'on dit être chargé d'une Commiffion fecrette ,
pour l'achat de quelques Vaiffeaux de guerre
& Fregates de cette Couronne , mais on ignore
abfolument pour le compte de quelle Puiffance.
Ce qui a paru accréditer , & même confirmer
ce bruit , c'est que ledit M. Baretto a fuivi le
Roi à Carlscrone , d'où il eft maintenant de retour.
Quoi qu'il en foit de la prétendue commiffion
, il eft certain que cet étranger eft arrivé avec
de fortes lettres de recommandation , & qu'il jouis
( 138 )
iei d'un accueil diftingué. ( Gazette de la Haye
No. 146 ).
" La Coura reçu ainfi que les Ambaffadeurs
de France & de Ruffie , par des exprès de Conf
stantinople , la nouvelle que , fous la médiation
de Sa Majefté Très- Chrétienne , les différends
entre la Porte & la Cour de Pétersbourg ont
été heureufement
terminés , à la fatisfaction
de cette derniere. L'on ne fait pas encore
les conditions de ce nouvel accommodement
,
mais il paroît , que la Porte a promis d'envoyer
aux Pachas de Tichildar & d'Akalfiké
, les ordres les plus précis de réprimer
les incurfions des Tartares Lefghis dans la
Georgie. Gazette de Leyde , no. 97.
ř
Le Confeil d'Etat a écrit la femaine derniere
une lettre à LL, HH. PP. les Seigneurs Etats-
Généraux , pour les avertir des préparatifs hoftiles
qui fe font dans les Pays- Bas- Autrichiens ,
à l'occafion du mouillage dans la baie de Hazegras
, & du paffage par le Canal nommé le
Zwin. Ledit Confeil d'Etat fait envisager ,
dans cette lettre aux Etats Généraux , que
les frontieres de la République font dégarnies
de troupes & de munitions de tout côté.
Leurs Hautes Puiffances ont délibéré le 25
dernier fur cet objet . ( Gazette de la Haye ,
no. 145 )..
GAZETTE ABRÉgée des TriBUNAUX ( 1 ) .
PARLEMENT DE PARIS , TOUTES LES CHAMBRES
ASSIMBLEES .
Le Procès que nous indiquons n'eſt pas feule(
139 )
ment remarquable par la nature des circonftances
qui l'ont fait naître , par la publicité d'un écrit ,
annoncé fous le titre de Mémoire Juftificatif,
pour trois Hommes condamnés à la roue , e .
Le Réquifitoire de M. l'Avocat Général Séguier ,
fuffit pour imprimer à cette affaire un caractere
d'importance , qui lui donnera toujours le premier
rang , pariri les Caufes célebres.
Voici quelques fragmens , & en particulier
l'Exorde de ce Réquifito ire..
Ce jour , les Gens du Roi font entrés , &
après les avoir entendus les 7 & 8 de ce mois ,
» & aujourd'hui 11. Me. Antoine- Louis de Stguier
, portant la parole , ont dit : Meffieurs ,
» les Jugemens de condamnation étoient appellés
par les Romains , Triftes Sententia. Le Magiftrat
fe dépouilloir de la robe de pourpre , en
figne de deuil , & il avoit coutume de fe dire
» à lui- même : J'entrerai dans le Tribunal , non
» en furieux , non en ennemi, mais avec un extérieur
doux & tranquille , & je prononcerai ces
paroles folemnelles , d'un ton plus grave que véhément
, plutôt avecfévérité qu'avec colere. Nous
nous fommes tenu le même langage avant de
paroître dans le fanctuaire de la Juftice , & fi
jamais notre miniftere a eu befoin de toute fa
modération , c'eft dans le compte que nous
allons avoir l'honneur de rendre de l'ouvrage
» confié à notre cenfure ». M. Séguier
parle d'abord de la fenfation extraordinaire qu'a
faite le Mémoire Juftificatif, lorsqu'il a paru.
» La majeure partie du Public , ajoute- t - il , a
cru fur la foi de fon Rédacteur. Tout ce que
» l'Auteur a eu le courage d'avancer , a été
» adopté fans examen ; nullités , contradictions ,
Do défant de procès-verbaux , défaut de confrontation
, variation dans les témoins , variation
"
1
( 140 )
dans les interrogatoires , refus d'admettre les
faits juflificatifs , défaut de preuve du crime,
preuve au contraire de l'innocence ; rien n'a
été omis. La multitude a pris l'exagération
» pour la vérité , le fanatifme pour le zele ,
l'audace pour l'énergie , les fauffes lueurs de
la rhétorique pour le flanibeau de la raifon.
Dans ce moment d'effervefcence , un cri général
s'eft élevé contre l'Ordonnance crimi .
nelle ; on ne l'a plus envifagée que comme un
refte de l'ancienne Barbarie ; les écrits des
» plus fameux Jurifconfultes , ces monumens
de la plus antique Jurifprudence , & les déci
fions des plus fages Légiflateurs , tout a été -
» écrit. Les plus indifférens ont applaudi à l'in-
» trépidité d'un Défenfeur aflez préſomptueux ,
pour entreprendre de déchirer le voile épais ,
9 dont il prétend que la loi eft obfcursie. On a
>> rendu un hommage public à l'homme courageux
qui , fe plaçant entre le trône & la Magiftrature
, n'avoit pas craint de déclarer la
" guerre , en préfence du Souverain , aux er-
495
+
reurs des principes , & qui fe propofoit de
» réconcilier Phumanité avec la légiflation. La
» hardieffe d'une telle entreprife , la rapidité
2 du ftyle de l'écrivain , la vivacité de fes ima-
" ges , la véhémence de fes mouvemens , &
jufqu'à la témérité de les affertions , tout de-
» voit produire la fenfation fubite que cet ouvrage
a excitée. Mais après avoir rendu jufti-
» ce à l'imagination , & à la fécondité de l'Au-
» teur , comme fon bu , pour nous fervir des
propres termes du Procès- verbal qui nous a
» été communiqué , eft de perfuader que la plus
grande partialité a regné dans la Sentence &
dans l'Arrêt , que les Accufés ont été condamnés .
» non-feulement fans preuves , mais même contre
( 141 )
la preuve de leur innocence , que les témoins font
des calomniateurs , & tous les Juges des prévari-
» cateurs ; c'eft à notre Miniftere qu'il eft ré-
>> fervé d'éclairer le public prévenu , de ramener
les efprits prêts à s'égarer , de pofer les
vrais principes , ignorés de la plus grande
partie des Citoyens de tous les ordres & de tous
les rangs , de juftifier la légiflation , de fixer
» le véritable fens de la Loi , de récolter l'autorité
de la Jurifprudence , & en oppofant le
flegme de la réflexion aux fougues de l'imagination
, l'intérêt général au vain defir de la
» célébrité , de faire connoître à la Nation , à
toutes les nations de l'Europe , que la manie
» de la réformation a feule conduit la plume de
l'écrivain ; qu'il n'a entrepris de juftifier des
coupables , que pour calomnier les Magiftrats,
& que l'excès de précaution qu'il introduit
» pour prévenir la condamnation de l'inno-
» cent , devient un moyen efficace d'affurer
'l'impunité aux fcélérats ».
Dans la troifieme partie , il fe rencontre nombre
de morceaux éloquens que nous voudrions
rapporter ; nous nous bornerons à deux : celuici
eft relatif aux Mémoires imprimés. - Les
55
Mémoires , qui dans l'origine , n'ont été admis
» que pour l'inftruction des Sages & du Barreau
, font aujourd'hui , plus que jamais , un
objet d'amufement & de curiofité pour le public
, nous pouvons même dire une affaire de
» Commerce dans la Librairie , & une spéculation
d'intérêt pour les Parties. On les colporte
» dans les places & les promenades publiques ;
on les vend à la porte des jardins & des ſpectacles
; ils font étalés fur les quais & fur les
boutiques des Libraires ; on a foin de les orner
» d'épigraphes & de Sentences qui en annone
80
( 1426)
cent l'efprit , & on a porté l'extravagance juf-
» qu'à les faire accompagner du portrait des
malheureux , pour lefquels ils font rédigés.
Faut -il donc s'étonner fi le ton grave du Barreau
fe perd infenfiblement , la plaifan-
» terie prend la place de la décence , & fi le fiel
» & l'amertume fuecedent à l'honnêteté & à la
» modération ? Autrefois on fe faifoit un de-
» voir de reſpecter l'erreur même des Juges ,"
dont on attaquoit les Jugemens ; très fouvent
aujourd'hui on s'imagine les faire réfor-
» mer , en les accufant de partialité & de pré-
» vention. L'honneur & la probité des Magif
" trats n'étoient jamais compromis . On ne
craint point de les acculer d'injaftice & de
corruption. Les anciens Mémoires ne préfentoient
qu'une narration fimple , naturelle &
» au moins vraisemblable des faits , une expofi-
» tion claire & préciſe , facile & méthodique des
» moyens. Combien n'en avons - nous pas vu de
nos jours , qui ne contiennent que des aven-
» tures romanefques , des épiſodes fabuleux ,
» ou des peintures adroitement voilées , quel-
» quefois même trop licentieufes , ou placées
» avec tant d'art dans un demi - jour favorable ,
so que l'imagination prompte à s'enflammer ,
»
croyoit voir les objets qui n'exiftoient pas
même dans le tableau , & ajoutoit à l'indé-
» cence des perfonnages ! Combien en pourrions-"
» nous citer où l'on s'eft permis de couvrir de
ridicule les Adverfaires qu'il ne falloit que
» combattre ou détromper ! Combien enfin où
» l'on a immolé à la vengeance l'honneur des
» Citoyens ; l'honneur qui ne peut jamais être
confondu avec les torts , & qui doit être toujours
refpe&té ! Puiffe un affreux preffen .
timent ne jamais fe réaliſer ! mais à la vue
( 143 )
» de cet oubli des premiers devoirs d'une pro
" feffion auffi ancienne que la Magiftrature ,
» n'eft-il pas à craindre que la Cour , accou-
35
tumée à voir le premier Barreau de la France
» exercer fur lui - même une difcipline rigou-
» reufe , noble appanage de la liberté , & sûr
3 garant de l'indépendance , qu'il eft fi jaloux de
» conferver ; la Cour qui a de tout temps main-
» tenu l'ordre des Avocats , dans l'honorable
» poffeffion d'être les Cenfeurs de leurs propres
» écrits ; qui , pour l'intérêt même de la Société
, les laiffe s'affujettir au joug volontaire
» des Loix féveres , mais honorables , qu'ils
» regardent comme la prérogative la plus préeieufe
, & la fauve - garde de leur état ; qui
enfin a toujours envisagé avec une vraie la-
» tisfaction les liens de confraternité , feuls pro-
» pres à entretenir l'union des Citoyens , qui fe
confacrent à la défenſe de l'honneur , de la
vie , de la fortune de leurs Concitoyens . N'eftil
pas à craindre , difons - nous , que la Cour
» en établiſſant la cenfure fur les Mémoires
qui fe diftribuent dans l'enceinte du Palais ,
» ne reprenne cette diftinction que la fageffe
» & la confiance avoient méritée aux Jurif
»
ور
confultes de tous les âges , & qu'elle ne faffe
» exercer cette espece d'infpection légale , par
» des Députés choifis dans l'ordre même , pour
lui conferver fes antiques ufages , & rame-
» ner une jenneffe inconfiderée , à cet efprit
» de modération qui a toujours caractériſé une
" affociation libre d'hommes exempts de paffion ,
» & qui attendent leur confidération de l'eftime
» & de la confiance publique » ? Nous termi-.
nerons par un paffage fur l'opinion publique ,
qui nous a paru d'une grande vérité . « Qu'est- ce
que l'opinion publique ? eft- ce le fentiment
d'un Cenfeur qui fe cache au milieu de la
( 144 )
ود
multitude , & qui s'arroge le droit de parler
» en fon nom , qui donne fon aveu particulier
pour le voeu général du public raffemblé ,
qui fe compofe un aréopage ténébreux
dont il ne fort que des décifions marquées au
coin de l'indépendance & de l'animofité ?
Non , fans doute , on ne reconnoîtra jamais
l'opinion publique à ce caractere de partiali
د ر
té:
-
L'opinion publique et le concours
de toutes les réflexions , le réfultat de
tous les fuffrages , la réunion de tous les fentimens
, un concert d'avis uniformes , & en
quelque forte le rapprochement de tous les
efprits. C'eft une voix composée de toutes
les voix qui rendent les mêmes fons , qui
» préfentent les mêmes images , qui rendent au
» même but. C'eft un voeu généralement expimé,
& dont l'autorité eft d'autant plus
forte , que ceux qui le prononcent le trouvent
réunis par la même façon de fenti : & de
penfer, fans s'être confultés , le rapprochent
» fans fe connoître , & s'accordent le plus fou
» vent fans le vouloir. Voilà ce qu'on peut
a appeller l'opinion publique , la feule qu'il
faut confulter , la feule qu'on peut écouter
la feule qu'on doit être jaloux de fixer &
d'obtenir. corps dont l'efence eft
» d'être inviolable dans fes principes , ne fe
livre jamais à ces effervefcences d'un moment
, qui peuvent reffembler quelque - tems
a à l'opinion publique , par la multitude des
» enthoufiaftes qu'elles échauffent , mais done
» la lumiere de la raifon diffipe le faux éclate
L'homme fage , étonné d'avoir été féduit
rejette des maximes qui tiennent de trop
près à l'efprit de parti , & l'efprit de pari ne
» peut jamais être l'efprit général de la Na-
» tion , &c. & c ».
Ün
JOURNAL
POLITIQUE
DE
BRUXELLES.
DANEMARCK.
DE
COPENHAGUE , le 27 Novembre.
N équippe un gros bâtiment de commerce
, qui fe rendra d'abord en Norwege,
& enfuite en lflande , pour foutenir au
Printemps prochain les Lieutenans Egede &
Rothe dans leur nouvelle expédition du côté
de l'Eſt du Groënlande.
Le Roi a agréé le projet d'une nouvelle
Banque qui fera établie à Altona , & de donnet
une autre forme aux efpeces d'argent en
circulation dans les Duchés .
La trégate le Bornholm , qui avoit fervi
de vaiffeau de garde dans le Sund , eft arrivée
à la ade de ce port.
ALLEMAGNE.
DE
HAMBOURG , le 6 Décembre.
La Diete de Pologne a terminé fes Séan-
No. 51 , 23 Décembre 186.
( 146 )
ces le 10 de Novembre , après avoir
figné differentes Loix & Ordonnances fur
des marieres domeftiques , trop particulieres
pour mériter d'être rapportées . La démarcation
des limites de la Siléfis avec la
Cour de Berlin a été terminée avant la ciôture.
La Diete a arrêté entr'autres articles ,
qu'à l'avenir les Chefs des Régimens , & en
général tous les Officiers doivent être tirés
de la Nobleffe palonoife.
C'eft avec joie que l'on a vu le Prince
Adam Czartorisky revenir le 13 à Varlovie.
L'on augure de ce retour, que de ce retour , que les motifs de
Téloignement du Prince fe font affoiblis , &
qu'il en résultera une réconciliation entre le
-Roi & fon illuftre Parent.
S'il en faut croire quelques lettres de Pétersbourg
, l'ancien Kan de Crimée , Schahim
- Gueray , relégué à Kaluga , depuis le
troc de fa dignité contre une penfion de
cent mile roubles , qu'il fit avec l'Impératrice
de Ruflie en 1782 , a obtenu la liberté
de changer de réfidence ; mais on ignore encore
s'il fera maître de fortir de l'Empire. Un
vaiffeau Ruffe de 74 can . a péri à Balaclava
dans une tempête ; heureufement l'équipage
a été fauvé .
DE BERLIN , les Décembre,
Le Roi a conféré la dignité de Grand-
Maréchal du Royaume de Pruffe au Comte
de Donhof, Miniftre privé & de guerre.
( 147 )
M. de Boehmer, que le feu Roi avoit dépaté
à plufieurs Cours d'Allemagne , en
qualité de Miniftre plénipotentiaire , eft de
retour , & il a reçu le plus gracieux accueil
de S. M.
On parle de la création d'un nouvel Ordre
Militaire , qui confifteia en une Médaille
d'or , fur laquelle fera repréfentée une
épée , avec les letties F. R.; & au rever les
barailles de la guerre de fept ans . Tous les
Officiers qui fervent depuis 1756 , en feront,
'dit-on , décorés.
Le Roi continue de témoigner la plus
grande eftime pour le Duc regnant de
Bruntwick , qui , dans le rang même d'un
fimple Particulier , feroit encore l'un des
hommes les plus actifs & les plus éclairés.
Les choix de S. M. tomben : toujours fur le
mérite reconnu. M. de Tempelhoff , qui
vient d'être chargé de l'infraction du Prince
Royal pour les Mathématiques & l'Art Mifitaire
, avec sooo rixdalers l'appointemens ,
eft un des Officiers les plus inftruits & les
plus recommandables par fes qualités. Deux
Confeillers de Cabinet ont éré nouvellement
congédiés .
Pendant le Carnava on donnera ici un
Opéra Italien & un Opéra Allemand. Le
premier fera de la compofition de M. Reichardt
, Maître de Chapelle de S. M. , & le
fecond de Stamitz. Les redoutes feront plus
brillantes , & on y permettra les marques à
caracteres.
g 2
( 148 )
La manufacture de draps va être rendue
libre. Les Fabricans pour ont faire des draps
fins , employer à leur gré les la nes d'Efpagne
, & fournir l'armée de draps groffiers ,
fans être obligés , comme ci devant , de les
envoyer au Dépôt général , qui feul avoit
le privilege de les débiter. La Compagnie
de ce Dépôt & la Maifon des Orphelins de
Potsdam ont réclamé contre ce changement
; la derniere entr'autres , parce qu'elle
tiroit un revenu annuel de 25000 rixda'ers ,
pour les intérêts d'un capital de 500,000
rixdalers qu'elle avoit prêtés à cet établiffement.
Sur cette difficulté , le Roi a répondu
, que s'il n'y avoit pas d'autre moyen de
la lever , il payeroit cet intérêt de fa propre
caffette , plutôt que de tolérer un monopole
onéreux à fes fujets.
Deux jeunes Artiftes de cette Capitale ,
MM. Meltzer & Niefner , ont eu & exécuté
l'idée de repréfenter Frédéric II fous une
tente , converfant avec le Général Ziethen .
La reffemblance des deux Peifonnages eft
frappante. La tête du Roi eft l'ouvrage du
fculpteur Meyer , l'n des premiers Artiftes
de l'Allemagne . Les deux Auteurs de cette
euvre le propofent de la faire voyager dans
plufieurs Cours de l'Europe.
Le Confeiller privé des Finances de Wollner
annonça le 30 Novembre à l'Acadé m'e
des fciences , dans fon difcours de réception,
comme membre ordinaire, que le Roi avoit
( 149 )
permis l'impreffion des oeuvres pofthumes du
Roi lon prédécefleur , & d'en faire des lectures
à l'Académie avant de les donner au
public. Il fit enfuite l'énumération de ces
euvres , favoir , 1 ° . une Hiftoire de la guerre
de fept ans ; un Traité fur l'innocence des
erreurs de l'efprit ; 3 ° . des Confidérations fur
l'état actuel des Etats de l'Europe ; 4° . une
Hiftoire du temps en deux volumes ; 5 ° . des
Mémoires politiques depuis la paix de Hubertsbourg
, jufqu'au Traité de partage de la
Pologne ; 6 , des Mémoires de la gre de
1778 ; 7º. des Poéfies en trois vol.; 8 ° . un
recueil de plufieurs centaines de Le tres que
le feu Roi avoit reçues de plufieurs Savans ,
& Réponfes du Roi.
•
On affure , qu'à commencer de l'année
prochaine , les portes de cette ville de ga nifon
feront fermées le foir à une certaine
heure , & que ceux qui voudront entrer ,
payeront pour l'ouverture un droit qui fera
emploié à l'entretien du pavé.
Le fieur de Diez , qui avo´t réfidé jufqu'à
préfent , en qualité de Chargé d'affaires du
Roi à Conftantinople , vient d'être nommé
fon Envoié extraordinaire près de la Porte
Ottomanne.
DE VIENNE , le 5 Décembre. les
Le premier volume du nouveau Cole
général de Loix Civiles traite , 1. des Loix
83
( 150 )
& des droits des fujets en genéra . 2. Des
Droits refpectits des épous . 3. Des Droits
des peres fur leurs enfans. 4. Des Droits des
erphel ns & des per onnes incapables de
ger leurs affaires. On craint que cetre Légiflation
ne rencontre bien des difficultés
qu'on n'avoit pas prévues. Ce font ces diffi
cultés qu'avoit craint le feu Roi de Pruffe ,
lorfqu'il ordonna de publier fon nouveau .
Code , fous la fimple orme de projer , en
le foumettant à l'examen de toutes les claffes
de l'Et .
L'Archevêque de Saltzbourg a eu plufieurs
conférences fecrettes avec S. M. I. On
ne doute pas que fon voyage n'ait pour objet
l'anéantiffement de la Jurifdiction des
Nonces en Allemagne , anquel le Nonce du
Pape en Baviere s'oppofe avec activité.
La paffion du café eft ici au point parmi
le bas peuple , qu'on a arrêté dernierement
la femme d'un cocher qui fe pendoit , défefpérée
de ce que fon mari lui avoit refufé
13 creutzers par jour ( 10 fous ) , pour acheter
du café.
On mande de la Styrie inférieure un trait
de fanatifme bien inoui.
Un vieux Charron veuf avoit une fille majeure
, dont la fuperftition outrée lui perfuadoit
qu'elle ne pourroit trouver grace devant Dieu
fi elle ne fe purifoit par le feu ; elle communiqua
fon intention à fon pere , qui , auffi fanatique
que fa fille , l'approuva & lui promit même fon
affiftance. Le jour de la Touffaints fut fixé pour
( 151 )
-
l'exécution de cet abominable deffein . La fille
ayant préparé elle -même fon bûcher dès la veille
dans le four , elle y mit le feu au moment où
tout le monde étoit à l'Eglife ; lo : fque le four
fat rouge , cette miférable , le vifage couvert
d'un linceul , & aidée de fon pere , fe fourra
dedans. Dès qu'elle y fut , le pere le ferma , enduifit
le couvercle de terre , mit un Crucifix
devant & fortit de la maison auffi tranquille &
fatisfait , que s'il venoit d'offrir une holocaufte
très agréable au Seigneur. Il difoit à ceux qu'il
rencontroit que fa fille faifoit pénitence dans
le four. On courut auffi têt au bûcher , mais
la victime étoit déjà confumée . Le vieillard a
été pris & conduit à Gleichenberg , où il doit
être interrogé.
Les lettres d'Efclavonie font un tableau
horrible des dégâts & des cruautés que l'ancien
Gouverneur de Scutari a fait à Pechin
& aux-environs . Non content d'avoir mis la
feu aux maifons , ce barbare fit maffacrer
un grand nombre des habitans , jetter au feu
leurs enfans , & emmener leurs filles comme
efclaves.
DE FRANCFORT , le 11 Décembre.
Le Commandeur de Veltheim eft actuellement
Directeur général à Caffel , de tout
ce qui concerne les Lettres & les Arts . Les
études favorites du Landgrave font l'hif
toire d'Allemagne & les Finances . La Société
des Antiquités ne doit plus s'occuper
que des Annales de l'Empire , fur- tout de
celles de la Heffe. Le Landgrave gouverne
g 4
( 152 )
par lui-même ; Caffel eft moins brillant.
mais le pays bien plus heureux .
Le célébre Schloezer , Profeffeur à Gottingue
, l'un des Savans les plus diftingués
de l'Allemagne , vient de publier une Juftification
du Duc Louis de Brunſwick.
A la derniere Foire de S. Michel à Leipfick
, les nouveaux Livres mis en vente ont
été dans la proportion fuivante. Théologie ,
120 ; Jurifprudence , 46; Médecine , 82 ;
Philofophie , 33 ; Claffiques , 44 ; Science
politique , 14 , Sciences économiques , 29 ;
Phyfique , 24 ; Mathématique 11 ; Hiftoire
naturelle , 23 ; Géographie , 46 ; Hiftoire ,
68 ; Beaux Arts , 120 ; concernant les langues
de la Grammaire , 46 ; Hiftoire littéraire
générale , 5 ; Ecrits fur différens fujets ,
157 : lomme totale 858 volumes.
15;
Divers Papiers publics font circuler en ce
moment un Firman du Grand - Seigneur ,
adreffé au Pacha de Bofnie. Quoique cette
piece foit fans date , & préfente plus d'un
carattere de faffeté , nous allons la faire
connoître , telle qu'on la rapporre.
C'est à fon grand déplaifir que le fultan vient
d'apprendre que , non feulement les fujets mécréans
, fur- tout les grecs , mais auffi les muful
mans , s'avifent de tenir des difcours dangereux
, & ont la témérité d'avancer que la fublime
Porte , déchue de fon ancienne fplendeur ;
n'eft plus en état de faire tête aux puiſſances
chrétiennes , par la raifon qu'on a foumis , pour
( 153 )
ainfi dire , la Crimée au joug de la Ruffie &
abandonné toute la Mer-Noire aux chrétiens ,
Quoiqu'il ne tienne qu'à S. H. de punir de mort
fur le champ quiconque ofe avancer de pareils
difcours , elle a pourtant défendu à ſon divan
d'ufer de cette rigueur extrême , fe contentant
de lui ordonner de faire à fes fujets , relative .
ment à la Crimée & à la navigation fur la Mer
no re , la notification qui fuit :
52
Beaucoup de tattares de la Crimée , aveuglés
par les promeffes des ruffes , furent tentes
de trahir leurs co- fujets & leur patrie , & de contribuer
même à ce que les ruffes fuffent mis en
pollefion de tout le pays ; mais nous favons
maintenant de fcience certaine , combien ces
mêmes tartares fe répentent de leur précipitation
à cet égard. D'ailleurs la Porte n'a jamais
approuvé cette prife de poffeffion , & encore
moins fait à la Ruffie la ceffion formelle de la
Crimée. Il eft vrai qu'en cette occafion elle témoigna
une indifférence qui eft fans exemple
& qui excita du mécontentement parmi fes fujets
vrais-croyans . Mais d'un côté , cet évenement
eft lié à des caufes qu'on n'a pu jufqu'ici dévoi
ler au peuple ; de l'autre , la fublime Porte a
cru que la Rufie , convaincue de l'injuftice fi
évidente de la caufe , & afin d'épargner le fang
humain , renonceroit d'elle - même à la nouvelle
poffeffion ; d'autant plus , que les tartares ont
combattu , à différentes fois , ces troupes ruffes
avec un avantage marqué . C'est cette dernière
circonstance & quelques autres , qui ont arrêté
jufqu'ici le bras vengeur de la Porte , & l'ont
empêchée de rompre ouvertement avec les ruffes
; mais fi l'inflexibilité de ces derniers vient à
la forcer de tirer le cimeterre , la fublime Porte
8 S
( 154 )
s'oppofera efficacement , non-feulement à ceuxci
, mais à toute autre ennemi de quelque coin
de la terre qu'il puiffe fe préfenter. En ce cas ,
elle croit pouvoir compter fur la bravoure & le
courage de tous les vrais mufulmans.
"
Quant à la libre navigation de la Mer-
Noire , cette permiffion ne mérite point d'être
centurée ; parce qu'elle a été accordée pour le
bien de l'Empire en général , & pour celui de
la capitale en particulier.
» C'eft à toi , gardien fidele de la Bofnie ,
que nous faifons , par ce firman , connoître la
volonté du grand- feigneur , en te chargeant d'en
informer amplement tous les vrais- croyans , foumis
à ta garde , & c . »
Quelques Journaux préfentent de temps
en temps , pour remplir des vuides , des
extraits d'Almanachs , contenant des calculs
fur la population. Ces prétendues Tables
ftatistiques font ia plupart très - erronnées ,
comme l'a fort b'en obfervé M. le Comte
de Hertzberg , en rapportant l'une de ces
Notices, à laquelle il avertit qu'il ajoute peu
de foi. Pour prévenir les erreurs où des
Journaliſtes inattentifs , peu verfés dans ces
matieres , induiroient le Public , nous allons
préfenter une Table rectifiée de la furface &
de la population des Etats de l'Europe , telle
que vient de la donner , d'après les Ecrits les
plus eftimés , l'Auteur Allemand qui nous a
fo irni , il y a 15 jours , le tableau exact de
la Pruffe. Il faut fe fouvenir , que le mille
d'Allemagne eft à la lieue comm ine de Fran(
155 )
ce , dans le rapport de 15 à 25 ; c'est - à - dire ,
que trois milles d'Allemagne valent cinq de
nos lieues communes.
NOMS DES ETATS.
3
1. Empire d'Allemagne
, depuis le 20º 5'juf.
qu'au 36° 40 ' de longitu
de Occident., & depuis le
45° ra' jufqu'au 55 ° de
latitude feptentrionale.
II. Etats de Danemark,
depuis le 24° 20'
jufqu'au 30° 40' de lon
gitude , & depuis 54° 20
jufqu'au 25° 40 ' de latinde
; Norwege , depuis
53 jufqu'au 71º de latitu
de fept. Iflande , depuis
le 639 jufqu'au 71º de latitude
fept.
0
II. Etats de Suede ;"
le Royaume , depuis le
as jufqu'au 49° de longitude
, & depuis le ssa
jufqu'au 70º de latitude .
IV. Empire de Ruffieen
Europe , depuis le 400
jufqu'au 80 ° de longitude ,
& depuis le 44° 40 ' julqu'au
7° de latitude d'aprè
les anciennes limites
vers l'Eft , d'après les
Houvelles limites de ce
côté.
V. Pologne & Lithua-"
nie, depuis 33 ° jufqu'au
510 de longitude , & depuis
47 ° jufqu'au 57 ° del
Í atitude .
SURFACE POPULA- Nom .
carrés géographique.
en milles TION d'hon
fur un
mille
carré.
26,000,000 2,146. 12,000
11,400 2,200,000 193.
13,057 3.000,000
63,0001
74,656
(1)20,000,000
318
10,050 8,500,000 849.
[ 1 ] Cet article eft exagéré de deux millions , au moins,
g G
(_156 )
VI. Royaume de Pruf
fe , depuis 52 juſqu'au
56° de latitude ſept,
VII. Portugal , depuis
8° 40 ' jufqu'au 22° de
longitude , & depuis 370
jufqu'au 42 " de latitude
Lept.
VIII, Espagne , depuis
8 jufqu'au 21 ° de longit.
& depuis 36° juſqu'au
44° de latitude fept.
IX . France , depuis 12 °,
juqu'au 12 de longitude ,
& depuis 42 jufqu'au 51 °
de latitude.
X. Grande - Bretagne
& Irlande , depuis 7°
jufqu'au 20° de longit.
& depuis so jufqu'au 62°
de latitude . 182°S
· XI . Provinces Unies'
des Pays - Bas , depuis 20º
48' jufqu'au 2 , de longit.
Occid. , & depuis 51 ° 20'
jufqu'au 33 ° 30 ' de latit .,
fept.
XII. Suiffe, depuis 23 °
40 ' jufqu'au 28 ° 10! de
longit. , & depuis 45°
4s! jufqu'au 47° so! de
Latitude.
XIII. Italie, depuis 37 ° *
jufqu'au 46° 30 ' de latit.
fept. , & depuis 23 ° 30'
jufqu'au 36 30 de lon-(
git, occid.
1,384 1,500,000 1,084.
1,711 2,230,000 1,303.
9,278 10,500,000 3213
10,200 25,300,000 2,480.
6,308 11,800,000 1,870 *
625 2,500,000 4,000.
935 2,000,000 2,094.
5.625 16,250,000 2,888,
( 157 )
XIV. Empire Ottoman '
en Europe , depuis 34
jufqu'au 500 de longit. ,
& depuis 34 juſqu'au 49 º
de latitude.
119410
XV. Hongrie , Styrie ,
Tranfylvanie , entre le 44 5,757
& so de latit. ſept.
8,000,000 702.
!,170,000 898.
XVI. Gallicie & Lo-
}
1,280 2,800,000 2,18 %
domerie.
SURFACE en mille carrés géographiques .
163,041 milles carrés d'après les évaluations moyennes ,
D'après Bu ching,
D'après Templeman ,
D'après Kitchin ,
D'après Bergman ”,
D'après Crome ,
POPULATION.
170,000,
171 831.
150,140.
181.632.
174,090,
14%,750,000 ames.
D'après Bufching ,
D'après les évaluations les plus hautes ..
D'après Crome ,
906 individus fur un mille carré.
D'après Bufching ,
D'après les évalutions les plus hautes ,
D'après Crome ,
140 000,000,
150,000,000.
146,362,500 ,
821.
962,
$ 41.
On lit dans l'hiftoire des Mennonites , publiée
récemment à Konigsberg , par Guillaume
Crichton , qu'en 1780 , le nombre de
ces Sectaires montoit dans les Etats Pruffiens
à 12,603 ames. Outre les impofitions
ordinaires , auxquelles ils font affujettis , ils
payent encore la fomme annuelle de soo
( 158 )
$
rixdalers pour l'exemption du fervice militai.
e.
ITALI E.
DE MILAN, le 27 Novembre.
Un Edit , en date du 23 Octobre dernier ,
o:denne , qu'à compter du premier Décembre
de cette année , toutes les Horloges publiques
feront réglées fur le pied des Horloges
de France , pour lesquelles on ptend
pour bafe de chaque comput , les points fr
xes de midi & de minuit. En confequence
on a déja formé un Méridien à l'Eglife Métropolitaine
; & afin de fe procurer des données
plus sûres , on a publié une inftruction
détaillée , fuivie d'un tableau de
compara fon.
DE NAPLES , le 25 Novembre.
S. M. vient de rendre un Edit qui , intéreffant
tout le commerce , mérite d'être rapporté
en entier.
S. M occupée fans relâche de tout ce qui
peut intéreffer le bien & l'avantage de fes filels
fujets , a donné une attention particulière aux
moyens les plus propres à favorifer & étendre
de commerce de fes Etats , confolider les maximes
de la bonne foi & la fidélité des engagemens
, tarir la fource des procès & des chicanes
, & affurer la ponctualité dans l'exécution
des promeffes par la voie d'une justice févere
& impartiale.
( 159 )
L'ail attentif qu'elle porte fur tous ces ob
jets lui ayant fait appercevoir qu'il s'étoit introduit
, tant dans l'un que dans l'autre Royaume ,
quelques relâchemens dans les principes de droit
relatifs à la matiere importante des acceptations
des lettres - de- change , S. M. , par les déclarations
, en date du 8 & 28 Juin , jugea convenable
de ftatuer comme maxime génerale , que
l'acceptation d'une lettre- de- change conftitue
l'accepteur , dans toute l'étendue de fis domaines
, débiteur du contenu de la lettre ; qu'en confequence
, pour éviter tout delai de Juftice ,
dont l'exécution doit être prompe dans les differends
qui s'élevent fur le fait des négociations ,
& pour le maintien de la foi publique , elle
enjo gait à fes Tribunaux & Magiftrats de contraindre
les débiteurs de lettres de change acceptées
au paiement effectif , & non pas au dépôt
des fommes dues , en obligeant feulement
les créanciers à bailler caution de reftituer le
montant de ce qui aura été jugé devoir l'être ,
& ce à l'expiration du terme accordé en conféquence
des exceptions oppofées par les débiteurs
; & à l'effet de déterminer quels genres
d'exceptions oppofées par le débiteur pourro ent
être admis par les Juges & avoir cours en Juftice
, il plut à S. M. de ftatuer fucceffivement
par fa déclaration du 19 Juin 1779 , que l'acceptation
des lettres de change , conftituant les
accepteurs débiteurs du contenu defdites lettres ,
& que demeurant en conféquence obligés en
leur propre & privé nom , après ladire acceptation
faite , nonobftant tout revers éprouvé par
les tireurs , ou évocation d'ordre qui auroit eu
leu tant antérieurement que fubféquemment à
l'acceptation , on adinettroit purement & fimplement
l'exception du dol tramé entre les ti
( 160 )
reurs & le porteur de la lettre , dans la vue de
tromper l'accepteur , laquelle déclaration relative
à l'exception du dol tramé entre le tireur
& le porteur de la lettre , S. M. a jugé à propos
de confirmer par les déclarations en date des
20 Septembre 1782 & 17 Juin 1783 ordonnant
en outre que le contenu en icelles fit obe
fervé à 11 lettre , & fans qu'on pût les inter
preter en aucune maniere , attendu qu'elles devoient
fervir de maximes fondamentales fut le
fait du commerce .
Ces difpofitions générales émanées de l'autorité
fouveraine déterminèrent d'abord l'Avocat
de la nation françoife , & enfuite au nom
de la Cour , l'Ambaffadeur lui - même de S. M.
T. C. à demander à S. M. que ces diverſes difpofitions
fuffent réunies en une feule loi durable
& irrévocab'e , afin d'établir auffi fur le fait
de l'acceptation des lettres de change cette par
faire égalité de droit , & cette exacte réciprocité
de traitement pour la nation françoile , lefquelles
font obfervées à d'autres égards , les
Jufdites perfonnes proteftant de la maniere la
plus folemnelle , que dans toute l'étendue des
domaines de S. M. il n'exifoit aucune i qui
pû difpenfer l'accepteur de payer le contenu
de la lettre de change au jour de l'échéance.
S. M. animée d'un pur defir qu'elle a tou
jours eu de complaire à S. M. T. C. fon trèscher
coufin , ainfi que par le defir de faire Aleurir
de plus en plus le commerce entre les deux
nations , & de maintenir dans toute fon tendue
& dans tous les cas la réciprocité de traitement
entre les deux nations , laquelle de tout
tems a fait & fait la bafe & la regle du droit
public entre elles , n'a pas héfité de ftatuer par
fes déclarations des 1 & 13 Juin de la préfente
( 161 )
année , qu'on envifageoit comme une loi fixe ,
conftante & irrévocable , le principe de ne point
admettre en Juftice d'autre exception de la part
de l'accepteur d'une lettre- de - change contre le
porteur d'icelle , ou celui qui la préfentera , que
celle du dol entre le tireur & celui qui en a
reçu la lettre - de - change , hormis le cas auquel
l'accepteur , taat François que Napolitain , auroit
mis dans l'acceptation quelque reftriction
ou condition .
Pour cet effet , S. M. voulant faire ceffer
toute diftinction entre le jugement exécutoite
& le jugement ordinaire , déclare qu'à l'avenie
il devra toujours s'entendre que le porteur d'une
fettre de-charge , après avoir été payé du con
tenu en icelle , n'aura plus aucun compte à rendre
de la fomme touche , celui qui en a
acquitté la valeur , confervant fimplement fon
recours , dans le cas toutefois où il feroit fondé
dans fes prétentions contre le tireur , & jamais
contre le porteur de la lettre de change , hormis
le cas du dol entre le tireur & celui qui
a reçu la lettre de change du tireur lui -même.
S. M. voulant en outre écarter tous les obf
tacles qui pourroient s'oppo'er à l'exécution de
fa jute décision , a jugé qu'il étoit convenable
que les deux Souverains déterminaffent d'une
manière précife & claire quelles étoient les perfonnes
qui devoient être regardées comme leurs
fujets refpectifs , pour être réciproquement compromis
dans les effets de ce Réglement.
Il a été convenu d'un commun accord &
confentement entre les deux Souverains , que
tous les Banquiers , Négocians , Marchands detoute
dénomination , les Colporteurs , Voya
geurs , & enfin toutes les perfonnes reconnues
par les Confuls & Vice- Confuls refpectifs , &
( 162 )
qui peuvent réclamer la protection de leurs
Ambaffadeurs , feroient reputés fujets refpectifs
des Souverains contractans , & admi à jouir des
effers de ce nouveau . Réglement , fans que les
fujets des autres nations , qui nẹ tom point intervenues
dans la préfente convention , puffent
s'en prévaloir à titre de droit ou d'exemple.
En conféquence de cette convention & Réglement
, S. M. ayant ordonné au Confeil Suprême
de Commerce de former un Edit & de
le publier , pour faire connoî re au Public ce
qui devra s'obferver à l'avenir fur le fait de
Pacceptation des lettres - de change .
A ces caufes , nons conformant aux ordres de
S. M. , & afin qu'on ne puiffe point à l'avenir
prétexter caufe d'ignorance des d foofi ions émanées
de l'Autorité Souveraine , lefquelles ont
été énoncées ci- deffus , nous avons formé le
préfent Edit pour étre pub.ié à fon de trompe
dans les lieux accoutumés de cette ville & de ce
Royaume.
Par le Confeil Suprême du Commerce le 11
b re 1786 .
Signé , ANTONIO SPINELLI , Préfident.
GRANDE - BRETAGNE.
DE LONDRES , le 9 Décembre.
Les deux Chambres du Parlement s'étant
affemblées le 7, en vertu de leur derniere
prorogation , un ordre de S. M. les a prorogées
ultérieurement au 25 Janvier prochain.
Le Miniftre des Etats Unis a préfenté
( 163 )
Lundi dernier à l'Archevêque de Canterbury,
le Docteur White de la Penfylvanie &
le Docteur Prévost de New-Yorck , que fa
Grace doit confacrer Evêques Anglicans
dans les Etats Unis.
Plufieurs Négocians , à ce qu'on rappor
te , ont reçu avis de Pétersbourg , que le
Traité de commerce entre la G. B. & la
Rullie a été figné vers le miler du mois
dernier. Ce nouveau Traité repofe , ajoxte,
t - on , fur les mêmes bafes que le dernier ;
on y a feulement introduit les principes de
la Neutralité armée .
A
Aufficô: que le Traité de Commerce avec
la France a été publié , MM . Neave & Long,
Députés des Négocians qui font le commerce
des Ifles , fe font tian portés chez
M. Pitt , pour lui repréfenter que la réduction
des droits fur les eaux de vie étrangeres
exigeoit une réduction proportionnée fur
les droits auxquels le Rum des Colonies
Angloifes eft affujetti ; on prétend que M.
Pitt répondit, que fon intention n'étoit pas
de diminuer les droits fur le Rum ; la réduction
fur les droits des eaux - de vie avant
été accordée à la France , comme un équivalent
d'aut es conceffions. Peu de jours après
cette réponſe , qui paroît toute entiere de
l'invention de la Minorité , les Députés convoquerent
le Comité des Planteurs & des
Marchands , auquel ils firent leurrapport. Ce
Comité convint d'affembler tout le Corps
( 164 ).
des Planteurs & Marchands des Ifles . Cette
Affemblée générale s'eft tenue le 22 du mois
demier au Bureau de la Société de Marine .
Il a été arrêté , d'une voix unanime , que le
Com'té drefferoit un Mémoire dans les termes
les plus forts , & qu'il le préfenteroit au
Miniftre. Si ce Mémoire ne produit pas d'ef;
fet , l'Affemblée préfentera une Requête au
Parlement.
Le 5 , un Comité du Corps municipal de la
Cité de Londres a pris en confideration le Traité
de commerce avec la France . Ce Comité à
trouvé que le dix - huitieme article du Traité
attaquoit les droits de la . Cité , appelés Pace
kage , Scavage & Bailliage , & les droits de la
Communauté des porteurs & autres portefaix,
ceux des bateliers , patrons d'Alleges , &c .; en
conféquence le Comité doit nominer une députa
tion pour faire des repréfentations au Chancelier
de l'Echiquier , & lui demander que , pour re
médier aux conféquences dangereufes de cet
article du Traité , il foit fait une mention &
récapitulation parculiere des droits & privileges
de la Cité de Londres , dans les taris qui feront
publiés pour régler le commerce avec la
France.
On s'occupe en ce moment, conformé
ment aux ordres des Lords de l'Ami: auté
de la confection d'un nouveau Code de Loix
maritimes. Il fera foumis à l'examen du
Confeil , & enfuite imprimé , publié & mis
en exécution. Les inftructions actuelles de
la Marine , pour l'ulage des Commandans
en Chefs , des Capitaines , Lieutenans , Chi .
rurgiens , & auties Officiers biévetés ou par
( 165 )
commiffion , ainfi que pour celui des Ociers
des troupes de la Marine , ont été rédigées
fous le regne de la Reine Anne , à
l'époque ou le Pince George de Danemarck
, fon époux , étoit Grand- Amiral de
la Grande -Bretagne. Les changemens poſté
rieurs font peu importans , fi l'on en excepte
ceux qui furent adoptés après la malheureufe
affaire de l'Amiral Byng.
Le Gouvernement va former un nouvel
établiffement fur la côte d'Afrique. Le Bélifaire
, de 24 can,, qui doit porte : les premiers
Colons , a mouillé à Gravefend le 1er.
de ce mois. Cet établilfement doit être com →
pofé de Blancs & de Noirs. On y établira un
Gouvernement , tel que celui du Sénégal oi
Cap Coaft. On donne des terreins aux Noirs.
Ils feront protégés par un fort , tel que celui
de Gorée. Sur le vaiffeau dont on vient de
parler , s'embarqueront des Ingénieurs pour
diriger les travaux. Le fort à élever , fera fitué
près du Cap Anne , fur l'un des bancs de la
riviere de Sierra Leona , qui fe jette dans
l'Océan atlantique , à quelques lieues au fud
de Gambie. Le Gouverneur du fort fera revêtu
des pouvoirs civil & mi itaire , & affifté
'd'un Coafeil , fans l'avis duquel il ne pourra
infliger une peine capitale .
On envoie des charettes remplies de prifonniers
à Deptford , pour être embarqués
fur les vaiffeaux qui les tranfporteront à la
Baye-Botanique : 300 fort déjà à bord;
( 166 )
les fept tranſports deſtinés à cette expédition,
font du port d'environ 600 tonneaux , &
ont été conftruits dans le Nord. Chacun
pourra porter plus de 250 criminels avec
leurs femmes , &c. de forte qu'il y aura en
tout environ 1 Soo perfonnes, Ainfi les prifons
vont fe trouver vuides. Les trois vailleaux
de guerre qui doivent efcorter la flotille ,
& les deux munitionnaires , tranfporteront
les troupes , les vivres & les munitions ,
des habillemens , des inftrumens d'agriculture
, des graines de toutes efpeces , des
vaches , des moutons , des cochons & des
oifeaux domestiques. La traveriée ſera néanmoins
fort longue & fort pénible.
Un Capitaine faiſant la navigation des
Ifles , vient d'exécuter une machine pour
embarquer le left à bord des vaiſſeaux. Cette
mach ne ingénieufe , mue par des chevaux ,
par le vent ou par l'eau évaporée , eft
conftruite de maniere que fon activité n'eft
point fufpendue un feul infant. Il ne s'agit
plus maintenant que de trouver aufli un
moyen pour décharger le left des vaiffeaux.
Une femme , condamnée à être tranfportée ,
& qui étoit dans la prifon de Norwich , reçut
orire de fe rendre à Plymouth , pour y être embarquée
pour la nouvelle colonie . Elle avoit un
-enfant âgé de cinq mois dont le pere étoit
dars ia même prifon , & condamné également
à être transporté . Il auroit voulu époufer cette
femme , & l'accompagner dans ce nouvel établiffement
; mais comme il n'étoit pas compris
1
( 167 )
dans le nombre de ceux que l'on avoit ordre
d'envoyer à Plymouth , fa demande fut réjettée .
La mere & l'enfant furent donc conduits
Plymouth fus la garde du fieur Simfon , Geclier.
Le Capitaine du ravire , dans lequel on
renferme les malfaiteurs jufqu'à ce qu'ils foient
mis à bord des navires de tranſport , refufa d'admettre
l'enfant . Le Geolier , qui fut témoin de
la douleur extrême de la mere , fut touché de
compaffion , reprit l'enfant , vint à Londres ,
expofa le cas au Lord Sidney , qui a ordonné
que l'enfant & le pere feroient embarqués à
bord du méme nav re où étoit la mere. Ce fut
le même Geolier qui fut chargé de cette conduite
, & qui a décrit , dans une lettre écrire
à un de fes amis à Bath , les tranſports de joie
de la mere en revoyant fon fils & fon futur
mari.
FRANCE.
DE VERSAILLES , le 13 Décembre.
Le 3 de ce mois , l'Académie royale des
Infcriptions & Belles - Lettres eut l'honneur
de préfenter au Roi , à la Reine & à la Famille
Royale , les volumes XLII & XLIII de
fes Mémoires. L'Abbé Auger , le fieur de
Paftoret , D. Clément , D. Poirier , l'Abbé
Mongez lain , les fieurs Bailly , Camus ,
Hennin , Silveftre de Sacy , reçus à l'Académie
depuis la préſentation des précédens
volumes , eurent en même temps l'honneur
d'être préfentés à Sa Majesté.
Le i de ce mois , le Duc d'Harcourt a
eu l'honneur de faire fes remercîmens au
( 168 )
Roifonr laplace de Gouverneur de Monfeigneur
le Dauphin,
Le Comte de Vaudreuil & le Comte d'Efterhazy
ont auffi eu , le même jour , l'honneur
de faire leurs remercimens à Sa Majesté ;
le premier en qualité de Commandant de la
citadelle de Lille , & le fecond en qualité de
Commandant du Haynault. -
Ce jour , la Comteffe de Ba'chy & la
Comteffe de Sommeri ont eu l'honneur d'être
préfentées à Leurs Majeftés & à la Famille
Royale ; la premiere par la Comteffe
du Cayla , & la feconde par la Marquiſe de
Sommeri.
La Comteffe de Chatellux a , le 12 , prêté
ferment entre les mains du Roi , en qualité
de Dame d'honneur de Madame Victoire de
France.
La Marquife de Circello , Ambaffadrice
de Naples , fut préfentée , le même jour , à
Leurs Majeftés & à la Familre Royale , avec
les formalités accoutumées.
DE PARIS le 19 Décembre.
Lettres-Patentes du Roi , du 28 Juillet
1786 , concernant les Alluvions , Attériffemens
& Relais formés dans les rivieres navigables.
Ces Lettres - Patentes , interprétatives de
celles
( 169 )
celles fur le mênie objer , du 14 Mai dernier,
font terminées par ces mots :
לכ
»Nous avons par ces préfentes , fignées
» de notre main , ordonné & ordonnons ,
» que , lans avoir égard à votre Arrêt du 30
» mai dernier , que nous avons déclaré nul
» & comme non avenu , ainfi que VOS pro-
» teftations , Arrêts & arrêtés précédens ,
l'enregistrement fait de notre très - exprès
» commandement , ledit jour 30 Mai dernier
, concernant la recherche & la vérifi-
» cation des ifles , iflots , atté: iffemens , alluvions
& relais formés dans les rivieres
» de Gironde , Garonne & Dordogne , &
>> fur la côte de Médoc , depuis la pointe
» de la Grange jufqu'à Soulac , fera exécuté
» fuivant fa forme & teneur : ordonnons en
cónféquence au Grand - Maître des eaux
» & forêts de Guyenne , de procéder aux
» procès verbaux & arpentages preferits par
>>
nofdites Lettres patentes , fans néanmoins
» que l'on puiffe en induire que les allu-
» vions , attériffemens & relais formés fur
» les bords defdites rivieres , ni d'aucune ri-
>> viere navigable , puiffent appartenir à d'au-
» tres qu'aux propriétaires des fonds adja-
>> cens à la rive defdites rivieres , & à nous
lofque la rive defdires rivieres fera adjz-
» cente à des fonds de terre faifant partie de
» notre domaine : n'entendens que fous pré-
>> texte de rechercher & de vérifier les ter-
» reins dépendans de notre domaine , on
No. 51, 23 Décembre 1786. h
22
( 170 )
"
trouble les propriétaires dans la poffef
» hon & jouiffance des fiefs , terres , feigneu
» ries & autres propriétés qu'ils poffedent
» d'ancienneté par e ix ou par leurs auteurs ,
» & que rien n'annonce faire partie de no-
» tre domaine , & c .
Déclaration du Roi , du 11 Septembre
1786 , concernant les Privileges & exemptions
tant des Officiers & bas - Officiers Invalides
, & foldats aufli invalides retirés dans
les Provinces , que de ceux retirés du fervice
avec la récompenfe militaire.
Arrêt du Confeil d'Etat du Roi , du 6.
Novembre 1786 , qui rermet au fieur Labarche
d'établir une Compagnie d'Affurances
contre les incendies .
Déclaration du Roi , du 28 Septemb -e
1786 , qui fixe les délais dans lesquels l'Adjudicataire
des Fermes Générales , le Tréforier
des bâtimens , &c. doivent préfenter les
comptes de leurs exercices.
Le 8 de ce mois eft mort à l'Hôtel Royal
des Invalides , M. le Comte de Guibert ,
Lieutenant- Général , Grand- Croix de l'Ordre
de S. Louis , Gouverneur de cet Hôtel
Royal des Invalides , & c. Le Convoi de cerefpectab'e
Militaire a été remarquable par
la douleur profonde de tous les Invalides
alliftans ; ils paroiffoient accompagner leur
pere au tombeau. Il n'eft pas fans doute de
plus fublime Oraifon funebre.
Le 18 de ce mois , M. le Prince Ferdinand
( 171 )
de Rohan , Archevêque Duc de Cambray ,
Préfident né des Etats de Cambray , pays &
Comté de Cambrefis , a fait l'ouverture de
cette Aflemblée en la maniere accoutumée.
Mellieurs les Commilaires du Roi ont prononcé
des difcours ana ogues à la circon
tance.
pas
Ce n'eft fans douleur que nous rapportons
l'extrait fuivant d'une lettre écrite
du Cap - François le 15 Septembre dernier ,
par M. François de Neufchâteau , Procureur-
Général du Confe Supérieur , & paflager
fur le navire le Maréchal de Mouchy. Il n'eft.
sûrement aucun de nos Lecteurs qui ne partage
l'attendriffemen qu'in pire la nouvelle
infortune de l'eftimable Ec ivain qui en trace
le récit en ces termes.
ג כ
i
A
« Peut-être favez- vous déja , Monfieur ,
» le trifte événement qui me force à ous
» écrire , dans le temps même où j'elpérois
» d'aller revoir la France. Tout Bordeaux
» doit en retentir , & le Royaume en gé
» mira comme la Colonie . Le 3 de Se tembre
, je fuis parti du Cap avec l'ivrelle de
» la joie & la fécurité la plus aveugle , fur
» cette fuperbe frégate le Maréchal de Mou-
» chy , commandée par M. Gramont. La ré-
» putation du navire , des Armateurs , des
» Officiers , tout m'avoit décidé . J'ai donc
» mis toute ma fortune fur ce magnifique .
vaiffeau , moi & neuf autres paffagers , un
Efpagnol , entr'autres , riche de 300,00 1. "
h 2
( 172 )
20
»
20
"
» ont imité ma confiance . Hélas ! Monfieur,
3 le croira-t on ? Dans la nuit du Lundi au
» Mardi , s du courant , vers 11 heures ou
» minuit , le navire a été perdu fur les récifs ,
» à la pointe Eft de l'Ile de Mogane. Le
Pacificateur de Bordeaux , & l'Aurore de
» Nantes , partis du Cap le même jour que
» nous , ont débarqué heureuſement. Je ne
» faurois entrer ici dans les détails du naufrage
, dont l'horreur a été bien augmen-
» tée à notre égard , par le pillage & les dé-
» fordres vraiment inconcevables de la
plupart des gens de , l'équipage. Enfin
» Dieu nous a envoyé un brave Caboteur
» Anglois de l'Ile des Bermudes , nommé
» Alexandre Lagon , généreux & fage marin ,
qui nous a reportés dans l'Ifle Saint - Do-
» mingue , le 13 de ce mois , après que nous
» avons fouffert fur l'Ifle Mogane tout ce
» que peuvent réunir de maux & de fléaux ,
la famine , le vol & l'aliénation d'une
troupe fans frein , fans reffources & fans
» Chef. Ce que j'ai éprouvé en mon par-
» ticulier , pafle toute croyance ; je ne me
» ferois jamais cru le courage d'y réfifter
» & fi j'en avois confervé la force , j'aurois
» un terrible pendant à donner , en réalité ,
>> au noir tableau des infortunes de votre cé-
» lèbre Viaud. C'eft beaucoup , direz -vous ,
» d'avoir fauvé ma vie & d'être revenu dans
» un pays cultivé , hofpitalier. Ah ! c'eſt
» beaucoup fans doute ; mais qui pourra
» me rendre mes effets , mes papiers , rous
( 173 )
כ כ
mes travaux , tous mes écrits ( 1 ) , tout le
» fruit de ma vie perdu , difperfé , enfouti
» ou dans le fein de l'Océan , ou dans les
» mains déprédatrices de mes barbares com-
" pagnons Je portois au Miniftre trois
» porte - feuilles tous remplis de mes ré-
» flexions , de mon expérience , de mes vues
» fur la Colonie. Je portois au Public des
Ouvrages nouveaux . Je portois à ma
» femme , à ma famille , à ma patrie , des
» fecours & des experiences dont je compofois
mon bonheur & qui embelliffoient
>> le refte de ma vie ; tout eft évanoui. Je fuis
>> arrivé ici nud , avec une chemife & une
>> grande culotte qu'un matelot m'a prêtée .
>> Il ne me reftoit rien , non , rien que mon
» courage & la conftance néceffaire pour re-
>> commencer s'il le faut , l'édifice qu'un
» fouffle vient de détruire . »
>>
Les Etats de Bretagne ayant demandé l'avis
de l'Académie des Sciences , fur la navigation
intérieure de la Bretagne , cette illuftre
Compagnie a reçu le Rapport de fes
Commiffaires nommés à ces effet , MM. les
Abbés Boffut & Rochon , M. de Foutcroy
& M. le Marquis de Condorcet. Ce Rapport
inftructif & lumineux ne pouvant , à
caufe de fon volume , être rapporté ici en
entier , nous en donnerons feulement l'exorde
& la conclufion.
(1 ) Entr'autres une Traduction en vers de 18 chants de
l'Arioste,
h
3
( 174 )
}
Joindre la Vilaine à la Rance , pour établic
une communication entre les deux côtes oppo
fées de la Bretagne , par un canal qui la traverferoit
dans la plus grande largeur de Saint-
Ma'o à Rennes ; rendre enfuite ravigable la riviere
de Château- lin & l'Hières jufqu'au deffus
de Carhaix ; la joindre au Blavet , pour établir
une communication entre l'Orient & Bieft ; jondre
encore le Blavet à l'Ouft qui tombe dans la
Vilaine au- deffous de Rhedon ; former enfuite un
canal de la Loire à la Vilaine , & par ce moyen ,
établir une navigation qui traverſe la Bretagne ,
dans toute la longueur , & qui ouvre une communication
entre les Provinc、s de l'intérieur du
Royaume & Breft , l'Orient , Saint - Malo.
Tel eft le (yléme général de navigation , fur
lequel les Etats de Bretagne ont fait à l'Académie
l'honneur de lui demander fon avis.
Avant de mettre fous fes yeux les réflexions
que les Mémoires qui nous ont été remis , & nos
propres obfervations , nous ont mis à portée de
faire , nous croyons devoir lui expofer quelques
principes généraux qui nous ont fervi de guides.
La poffibilité de quelques- unes des communications
propofles , eft un des points far lefquels
on a demandé l'avis de l'Académie ; mais il eft
clair qu'on ne peut erten re une poffibilité purement
phyfique ; il est toujours poffible d'établir ,
à plus ou moins de frais , une communication entre
deux points donnés , qui puiffe fervir pour une
navigation plus ou moins active , plus ou moins
urile ; c'eft uniquement de l'impoffibilité des
moyens particuliers , propofés pour l'établir ,
qu'il peut être queftion ; & c'eft en comparant
enfuite les avantages que peut procurer un canal ,
avec la dépense qu'il doit coûter , que l'on peut
prononcer s'il eft utile ou non de le conftruire.
( 1975 )
OnOn peut regarder un canal comme utile à une
Province , toutes les fois que l'augmentation du
revenu territorial qu'il produit excède les intérúis
des fommes que fa conftruction a coûtées , & la
dépense de l'entretien : fi cet avantage n'a lieu
que pour la totalité de l'Etat , & non pour la
Province ifolée , alors le canal eft utile à l'Etat ,
& ne l'efl réellement pour la Province particulie
re , qu'autant que les autres Provinces contribuieroient
à une partie de la dépenfe.
S'il ne paffoit par un canal précisément que la
même quantité de denrées qu'on transporte par
terre , il feroit facile d'évaluer , avec affez de précifion
, la dépenfe qu'il doit épargner , & qui alors
égaleroit les avantages qu'il procure ; mais il a un
autre effet , celui de donner au Commerce plus
d'étendue & d'activité , & cer effet ne peut guères
s'évaluer avec précifion ; cependant , toutes les
fois qu'il ne s'agit pas de ces grandes communications
qui peuvent créer de nouvelles branches
de Commerce , on peut , d'après l'étendue ,
la fertilité , la population , la nature des productions
du pays que traverfe un canal , fixer avec
affez de probabilité les limites plus ou moins
exactes de l'utilité qu'on en peut attendre.
Après avoir traité féparément chacun des
articles de leur travail , les Commiffaires le
terminent , en difant ;
D'après ces réflexions , nous penfons que l'intérêt
de la Bretagne eft de s'occuper d'abord de
ren tre navigables les rivieres d'Aulne & d'Hières,
jufqu'au point cu elles commenceroient à exiger
ds travaux confidérables ; de rendre le Blavet na¬
vigable jufqu'à Pontivi ; de faire enfuite la communication
de Nantes à Rhedon , foit par la vallée
de l'Ifac , foit par celle du Don ; & de lier ces
h 4
( 176 )
travaux avec ceux qui fe font fur la Vilaine ; &
pour cela , de faire lever les plans & faire les devis
néceffaires pour prononcer , en connoiffance de
cauſe , entre les deux projets de former enfuite
la communication par l'Ifle entre Rennes &
Saint-Malo : & c'eft alors feulement , & après que
la Province jouiroit du fruit de fes premières dépenfes
, qu'elle pourroit , fuivant les circonstan
ces , s'occuper de projets plus difpendieux & plus
vaftes .
-
On chercheroit , dans tous ces travaux, à diminuer
, le plus qu'il eft poffible , les ouvrages de
l'Art ; à ne point s'écarter du cours naturel des
rivieres , lorfqu'on n'a d'autre motif que d'abréger
un peu la longueur du chemin , & fur- tout , à ne
rien négliger pour que les canaux , au lieu
d'inonder les terrës voifines , fervent à les deſſécher.
On y trouvera plufieurs avantages , une
économie réelle dans préfque toutes les occafions,
la confervation d'une plus grande quantité d'eau
( & dans aucune de ces communications , an ne
peut fe flatter d'en avoir plus qu'il n'en faudroit
pour une navigation un peu active ) ; enfin , le
bien qui réfulteroit de la falubrité de l'air & de
l'amélioration des terreins : non-feulement l'intérêt
commun l'exige , mais même la juſtice rigoureufe
::
aucun motif d'utilité de commerce ne peut
juftifier des opérations qui condamneroient à la
maladie & à la mort , les malheureux habitans des
terreins fur lesquels on les exécute . Nous infiltons
fur cet objet , parce qu'il a été négligé dans
un grand nombre de travaux publics , & que le
profit qui peut réfulter de l'amélioration de terreins
, dans la plupart des travaux à faire en Bre
tagne , feroit une des premieres utilités de ces
travaux : ce feroit donc , d'après ces principes ,
& en évitant , comme nous l'avons obfervé , de
x{ 177 ) ) .
laiffer dans les mains des particuliers , les moulins
dont les eaux font les mêmes que celles qui
alimentent les canaux ; qu'il faudroit faire de
nouveau les plans & les devis des travaux propolés
.
me ,
Enfin , nous croyons qu'il doit nous être permis
d'ajouter , que pour affurer le fuccès de ces
différens projets , & l'économie dans les dépenfes
très grandes qu'ils entraînent , il feroit utile
d'en confier la direction générale à un feul honà
qui la Province accorderoit une confiance
entiere pour tout ce qui regarde la partie de
l'Art , & qui feroit uniquement attaché à fon
fervice ; c'eft le feul moyen de mettre de l'enfemble
& de l'unité dans les différens travaux
d'éviter une foule de faux - frais , de dépenfes inutiles
qu'entraînent néceffairement les incertitudes
les variations dont il eft impoffible de fe préferver
par un autre moyen. On doit en effet regarder
le fyftême entier de navigation , proposé pour
-la Bretagne comme une opération unique ,
qu'on peut divifer en plufieurs parties , à la vérité
, mais dont chacune eft liée avec toutes les
autres.
>
Suivant le Journal de Guienne , l'on a
importé à S. Domingue en 1785 , 21,652
Negres fur 65 navires , vendus 43,236,216
liv. des Colonies , & au prix moyen de
1996 liv.
,
Il a été expédié des ports de France en
1785 , ajoute le Journaliſte , quatre - vingtdix
navires pour la traite des Negres . Ce
nombre , difoit -on , pouvoit fuffire à introdui
e 40 à 5o mille Negres dans nos Cola .
nie ; l'on s'eft trompé. Les 65 bâtimens vahs
( 178 )
1
T
оп
ns à Saint - Domingue n'ont amené que
21,652 efclaves. En admettant que les 34
autres ont fait des femblables traites , on
peut eftimer que ces 99 bâtimens n'ont importé
dans les Ifles Françoifes que 32,977
Negres , dont Saint Domingue a reçu les
deux tiers. En appréciant ces 3 2,977 Noirs,
le commerce de Guinée a rendu en 1785 , à
la Métropole 65,822,092 liv . de la Colonie
43,881,395 liv. tournois.
La Col nie de Saint Domingie met elle
feule dans la balance du Commerce deux
fos plus que toutes les autres Colonies.
Françoi es enfemble.
Elle eft compofée de 25,000 blancs , &
de près de 300, coo Negres emploiés àla culture
de la terre.
Elle contient 9to fucreries, 700 indigoteries,
3000 cafeyeres, 150 cotonnieres 60
cacaoye es , 420 places à vivre , 180 hattes
ou laces à beftia x , 70 fours à chaux , 82
tuileries , 100 guildeveries ou fabriques de
tafia.
Fin du Traité de Commerce & de Navigation
entre la France & l'Angleterre.
S'il arrive que le maître de Navire dénommé
dans les lettres de mer foit mort , ou qu'ayant
été autrement ôté , il s'en trouve quelqu'autre
à a place , le Vaiffeau ne laiffera pas d'avoir
la même sûreté avec fon chargement , &es let
wres de mer auront la même vertu.
( 179 )
XXXIV. Il a été d'ailleurs réglé & arrêté que
les Bâtimens de l'une des deux Nations repris
par des Arma eurs de l'autre feront rendus au
premier propriétaire , s'ils n'ont pas été en la
puillance de l'ennemi durant l'efpace de vingtquatre
heures , à charge par ledit propriétaire
de payer le tiers de la valeur du Bâtiment repris,
ainsi que de fa cargaifon , canons & apparaux ;
lequel tiers fera eftimé à l'amiable par les Parties
intérellées , finon & faute de pouvoir convenir
entr'elles , elle s'adreſſeront aux Officiers de l'Amiraut
du lieu où le Corfaire repreneur aura
conduit le Bâtiment repris .
Si le Batiment repris a été en la puiffance de
l'ennemi au delà de 24 heures , il appartiendra en
entier à l'Armateur repreneur.
Dans le cas où un Bâtiment aura été repris par
un Vaiffeau ou Bâtiment de guerre appartenant à
Sa Majesté Très - Chrétienne ou à Sa Majesté
Britannique , il fera rendu au premier proprié
taire en payant le trentieme dela valeur du Bâtiment
, de la cargaison , des canons & apparaux,
s'il a été repris dans les 24 heures ; & le 10. s'il
a été repris après les 24 heures ; lefquelles fommes
feront diftribuées à titre de gratification
aux Equipages des Vaiffeaux repreneurs : l'eftimation
des 30.es & 10.es mentionnés ci - deflus
fera réglée , conformément a ce qui eft convenu
au commencement de cet article.
"
XXXV . Toutes les fois que les Ambaffadeurs
de Leurs Majeftés fufdices tant d'une part que
de l'autre , ou quelqu'autre de leurs Miniftres
publics qui réfileront à la Cour de l'autre
Prince , fe plaindront de l'injuftice , des fentences
qui auront été rendues , Leurs Majeftés respective
ment les feront revoir & examiner en leur
Confeil , à moins que ledit Confeil n'en eûs
h6
( 180 )
déjà décidé , afin que l'on connoiffe avec certitude
fi les Ordonnances & les précautions pref
crites au préfent Traité auront été ſuivies &
obfervées. Leurfdites Majeftés auront foin pareillement
d'y faire pourvoir pleinement , &
de faire rendre juftice dans l'espace de trois mois
à chacun de ceux qui la demanderont ; & néan¬
moins avant ou après le premier Jugement ,
& pendant la revifion , les effets qui feront en litige
ne pourront être en aucune maniere vendus
ni déchargés , fi ce n'eft du confentement
des parties intéreflécs , pour éviter toute forte
de dommage , & il fera rendu de part &
d'autre des Loix pour l'exécution du préfent
article .
XXXVI. S'il s'éleve des différends fur la validité
des prifes , en forte qu'il foit néceffaire
d'en, venir à une décision juridique , le Juge
ordonnera que les effets foient déchargés , qu'on
en prenne un inventaire & qu'on en faffe l'eftimation
; & l'on exigera des sûretés refpectivement
, du capteur , de payer les frais , au
cas que le Navire ne fût point trouvé de bonne
prife ; du demandeur , de payer la valeur de la
prife , au cas qu'elle foit trouvée valide ; & ces
sûretés étant données de part & d'autre , la
prife fera livrée au demandeur : mais file de
mmandeur refufe de donner des sûretés fuffifantes,
e Juge ordonnera que la prife ſoir livrée au
lapteur après avoir reçu de fa part des sûretés
onnes & fuffifantes qu'il payera la valeur enbiere
de ladite prife , au cas qu'elle foit jugée il
tlégale ; & l'exécution de la Sentence du Juge
ne pourra point être fufpendue en vertu d'au
cun appel , lorfque la partie contre laquelle un
tel appel fera fait , foit le demandeur , foit le
capteur , aura donné des sûretés fuffifanies, qu'il
( 181 )
reftituera le Vaiffeau , ou les effets , ou b'en la
valeur dudit Vaiffeau ou effe : s , à la partje
appellante , au cas que la Sentence fût rendue
en fa faveur.
XXXVII. S'il arrive que des Vailleaux de
guerre ou des Navires Marchands , contraints par
la tempête ou autres accidens , échouent contre
des rochers ou des écueils fur les côtes
de l'une des Hautes Parties contractantes , qu'ils
s'y bri ent & qu'ils y faffent naufrage , tout çe
qui aura été fauvé des Vaiffeaux , de leurs agres
& apparaux , effets ou marchandifes , ou le prix
qui en fera provenu , le tout étant réclamé par
les propriétaires ou autres ayant charge & pouvoir
de leur part , fera reftitué de bonne foi , en
payant feulement les frais qui auront été faits
pour les fauver , ainfi qu'il aura été réglé par
l'une & l'autre Partie pour le droit de fauve,
tage , fauf cependant les droits & coutumes de
Pune & de l'autre Nation , lefquels on s'occupera
à abolir ou au moins à modifier dans le cas
où ils feroient contraires à ce qui eft convenu par
le préfent article . Et Leurfdites Majeftés , de
part & d'autre , interpoferont leur autorité
pour faire châtier févérement ceux de leurs
Sujets qui auront inhumainement profité d'un
pareil malheur.
XXXVIII. Les Sujets de part & d'autre pourront
ſe ſervir de tels Avocats , Procureurs
Notaires , Solliciteurs & Facteurs que bon leur
femblera , à l'effet de quoi cefdits Avocats &
autres lufdits , feront commis par les Juges crdinaires
lorfqu'il en fera befoin & que lesdits Juges
en feront requis.
XXXIX. Et pour plus grande sûreté & liberté
du commerce & de la navigation , on eft
convenu en outre que ni le Roi Très- Chrétien ,
( 182 )
ni le Roi de la Grande- Bretagne , non-feulement
ne recevront dans aucuns de leurs rades , ports ,
villes ou places , des Pirates on des Forbans quels
qu'ils puiflent être , & ne fouff iront qu'aucun de
leurs Sujets , citoyens & habitans de part & d'autre
, les reçoivent & protegent dans ces mêmes
ports , les retirent dans leurs maifon: où les ai lent
en façon quelconque ; mais ils feront arrêter &
punir toutes ces fortes de Pirates & des Forbans,
& tous ceux qui les auront reçus , cachés ou
aidés , des peines qu'ils auront méritées , pour
infpirer de la crainte & fervir d'exemple aux
aurres ; & tous leurs Vaiffeaux , les effets &
marchan lifes enlevés par eux & conduits dans
les ports de l'un ou de l'autre Royaume , feront
arretés autant qu'il pourra s'en découvrir , &
feront rendus à leurs propriétaires ou à leurs
facteurs ayant leurs pouvoirs ou procuration par
écrit , après avoir prouvé la propriété devant
les Juges de l'Amirauté par des certificats fuffifans
, quand bien même ces effe: s feroient pallès
en d'autres mains par vente , s'il eft prouvé que
les acheteurs ont sû ou dû favoir que c'étoit des
effets enlevés en piraterie ; & généralement tous
les Vailleaux & Marchandifes de quelque nature
qu'ils foient , qui feront pris en pleine mer , feront
conduits dans quelque port de l'un ou de
l'autre Souverain , & feront confiés à la garde
des Officiers de ce même port , pour être rendus
entiers au véritable propriétaire , auffi- tôt
qu'ilfera duement & fuffisamment reconnu .
XL. Les Vaiffeaux de guerre de Leurs Majeftés
✨ - ceux qui auron : été armés en guerre
par leurs Sujers , pourront en toute liberté conduire
ou bon leur fembléra les Vaiffeaux & les
marchandifes qu'ils auront pris fur les ennemis ,
fans stre obligés de payer aucun droit , foit aux
( 183 )
fieurs Amiraux, foit aux Juges quels qu'ils foient;
fans qu'auffi lefaites prifes qui abordent & en-
-trent dans les ports de Leurfdites Majeftés ,
puiffent être arrêtées ou faifies , ni que les Vi-
Steurs ou autres Officiers des lieux puiffent
les vifiter & prendre connoiffance de la vali
dité defdites prifes : en outre il leur fera permis
de mettre à la voile en quelque temps que
ce foit , de parir & d'emmener les prifes au
lieu porté par les commiffions ou patentes que
les Capitaines desdits Navires de guerre feront
obligés de faire apparoir ; & au contraire , il ne
fera donné ni afyle ni retraite dans leurs ports
à ceux qui auront fait des prifes fur les Sujets
de l'une ou de l'autre de Leurs Maieftés ; mais y
étant entrés par néceffité de tempêtes ou de périls
de la mer , on employera fortement les
foins néceffaires , afin qu'ils en fortent & s'en
retirent le plutôt qu'il fera poffible , autant que
cela ne fera point contraire aux Traités antérieurs
faits à cet égard avec d'autres . Souverains
ou Etats.
XLI. Leurfdites Majeftés ne fouffriront point.
que sur les côtes , à la portée du canon , & dans
les ports & rivieres de leur obéiffance , des
Navires & des marchandifes des Sujets de l'autre
foient pris par des Vaiffeaux de
guerre ou
par d'autres qui feront pourvus de patentes de
quelque Prince , Republique ou Ville quelconque
; & au cas que cela arrive , l'une & l'autre
Partie emploieront leurt forces unies pour faire
réparer le dommage caufé.
XLII. Que s'il eft prouvé que celui qui
aura fait une prife ait employé quelque genre
de torture contre le Capitaine , l'équipage ou
autres perlonnes qui fe feront trouvées dans
quelque Vaiffeau appartenant aux Sujets de
( 184 )
F'autre Partie , en ce cas , non- feulement ce
'Vaiffeau & les perfonnes , marchandifes & effets ,
quels qu'ils puiffent être , feront relâchés auffitôt
fans aucun délai , & remis en pleine liberté
; mais même ceux qui feront convaincus
d'un crime fi énorme , auffi bien que leurs
complices , feront punis des plus grandes peines
, & proportionnées à leurs fautes ; ce que
le Roi Très-Chrétien & le Roi de la Grande-
Bretagne s'obligent réciproquement de faire ob→
ferver , fans aucun égard pour quelque per
fonne que ce ſoit.
. XLIII. I fera libre refpectivement à Leurs
Majeftés , d'établir dans les royaumes & pays
de l'une & de l'autre , pour la commodité de
leurs Sujets qui y négocient , des Confuls nationaux
qui jouiront du droit . , immunité &
liberté qui leur appartiennent à raiſon de leurs
exercices & fonctions ; & l'on conviendra dans la
fuite des lieux où l'on pourra établir. defdits
Confuls , ainfi que de la nature & de l'étendue de
leurs fonctions. La Convention relative à cet
objet , fera faite immédiatement après la fignature
du préfent Traité , & fera cenfée en faire
partie.
3
XLIV. II eft aufft convenu que dans tout
ce qui concerne la charge & la décharge des
Vaiffeaux , la sûreté des marchandifes , effers &
biens , les fucceffions des biens mobiliers
comme auffi la protection des individus , leur
liberté perfonnelle & l'adminiftration de la
Juftice , les Sujets des deux Hautes Parties con
tractantes auront dans les Etats refpectifs les
mêmes privileges , libertés & droits que la Nation
la plus favorifée .
XLV. S'il furvenoit à l'avenir , par inadtertance
ou autrement , quelques inobfervations
ou contraventions au préfent Traité de part ou
( 185 )
d'autre , l'amitié & la bonne intelligence ne feront
pas d'abord rompues pour cela ; mais cr
Traité fubfiitera & aura fon entier effet , & l'on
procurera des remedes convenables pour lever
les inconvéniens , comme auffi pour faire réparer
les contraventions ; & fi les Sujets de l'um
ou de l'autre royaume font pris en faute , ils feront
feuls punis & féverement châtiés.
;
XLVI. Sa Majefté Très - Chrétienne & Sa
Majefté Britannique fe font confervé la faculté
de revoir & d'examiner de nouveau les diffé
rentes ftipulations de ce Traité après le terme
de douze années , à compter du jour ou il aura
été palé refpectivement en Angleterre & en
Irlande des loix pour fon exécution ; de propofer
de faire tels changemens que le temps & les
circonftances pourront avoir rendus convenables
ou néceffaires pour les intérêts du commerce
de leurs Sujets refpectifs ; & cette révision devra
être effectuée dans l'efpace de douze mois ,
après lequel temps le préfent Traité fera de nul
, effet , fans cependant que la bonne harmonie
la correfpondance amicale entre les deux Nations
en fouffrent aucune altération .
XLVI. Le préfent Traité fera ratifié &
confirmé par Sa Majefté Très - Chrétienne & par
Sa Majefté Britannique , deux mois ou plus
tôt fi faire le peut , après l'échange des fignatures
entre les Plénipotentiaires.
En foi de quoi , nous fouffignés Commiffaires
& Plénipotentiaires du Roi Très-Chrétien
& du Roi de la Grande- Bretagne , avons figné
le préfent Traité de notre main , & y avons appofé
les cachets de nos armes.
Fait à Versailles le vingt- fix Septembre mil
fe pt cent quatre vingt-fix .
GERARD DE RAYNEVAL.
( L.S. )
W.M EDEN..
( L. S. )
( 186 )
+
Nous , ayant agréable le fufdit Traité de
Navigation & de Commerce , en tous &
chacuns les points & articles qui y font contenus
& déclarés , avons iceux , tant pour
nous que pour nos héritiers , fucceffeurs ,
royaumes, pays , terres , feigneuries & fujets ,
acceptés & approuvés , ratifiés & confirmés ,
& par ces préfentes fignées de notre main ,
acceptons , approuvons , ratifions & confirmons,
& le tout promettons en foi & paro'e
de Roi , fous l'obligation & hypotheque de
tous & un chacun nos biens pré ens & à venir
, garder & obferver inviolablement ,
fans jamais aller ni venir au contraire , directement
ou indirectement, en quelque forte
& maniere que ce foit ; en témoin de quoi
nous avons fait mettre notre fcal à ces préfentes.
Donné à Fontainebleau le dixicme
jour de Novembre , lan de grace mil ſept
cent quatre-vingt - fix , & de notre regne le
treizleme Signé LOUIS . Et plus bas , Par
le Roi. Signé GRAVIER DE VERGEnnes .
FORMULAIRE des Paffeports & Lettres de mer
qui fe doivent donner dans les Amirautés
refpectives des Etats des deux Hautes Parties
contractantes , aux Vaiffeaux & Bâtimens
qui en fortiront, conformément à l'article
24 du préfent Traité.
NN ..... A tous ceux qui verront ces préfentes
Lettres ; SALUT . Faifons favoir que nous
avons donné congé & permiffion à N ..... de la
((687 )
ville ( ou lieu ) de N
• ... •
.... Maitre ou Conduc
teur du Vaiffeau N
appartenant à N ....
du port de N .... tonneaux où environ , étant
à préfent au port & havre de N .... de s'enaller
à N .... chargé de N .... après que la
vifite de fon Vaiffeau aura été faite avant fon départ
, felon la maniere ufitée par les Officiers du
lieu commis pour cela : & ledit N ... ou tel
autre qui fera dans le cas d'occuper fa place , fera
apparoir dans chaque port ou havre où il entrera
avec ledit Vaiffeau, aux Officiers du lieu, du préfent
congé , & leur fera fidele rapport de ce qui
fera fait & paffé durant fon voyage , & portera
les pavillons , armes & enfeignes de N .... durant
fon voyage. En témoin de quoi nous avons
fait appofer notre feing & fcel de nos armes à
ces préfentes , & icelles fait contrefigner par
N .... à .... jour de l'an , &c , &c.
Les Numéros fortis au Tirage de la
Loerie Royale de France , le 16 de ce
mois , font : 55 , 22 , 1 , 58 , & 56.
PAY S - B A S.
DE BRUXELLES , le 16 Décembre .
Le Comte de Belgiojofo , Miniftre Plénipotentiaire
de S. M. I. , doit partir de cette
Capitale , à ce qu'on dit , pour fe rendre a
Vienne où il eft appellé , anfi que M. de
Reuff, Confeiller référendaire au Gouvernement
des Pays Bas.
On affure que le Confeil d'Etat a donné
des ordres aux régimens Suifles , à la folde
particuliere de la Province de Hollande , de
( 188 )
partir pour se rendre à l'Éclufé en Flandre ;
les Etats de Hollande s'y font oppofés par
la même raison que ceux de Gueldre s'oppolent
à la marche des régimens qui font
dans le territoire de leur Province : on voit
par ces contretemps , toujours nuifibles au
fervice , combien il eft néceffaire de donner
des inftructions claires & préciſes au Capitaine
- Général & au Confeil d'Etat , relati
ves à la difpofition des troupes. Gaz. d'Amf.
7°. 98.
Quoiqu'on ait annoncé dans quelques Gazettes
, que le Tribunal délégué pour l'Enquête judicielle
de l'affaire de Breft , avoit déjà commencé
ce travail , il eft certain que cette nouvelle
eft prématurée ; on croit même que la recherche
fur cette grande affaire , ne commencera
pas fitôt. MM. les Etats de Gueldre perfiftent
dans la réfolution extraordinaire prife par
de fouftraire le comte de Byland à la
jurifdiction de ce Tribunal ; & ce qu'il y a de
plus extraordinaire , c'eft que ces mêmes Etats
ont déclaré , dit - on , qu'ils regardent cette
affaire comme finie . Idem.
eux ›
On apprend d'Utrecht , que fur la demande
de la Bourgeoifie de cette ville , le
Confeil de Régence a nommé une Commiffion
de quelques uns de fes Membres ,
pour travailler avec un certain nombre de
Conftitues à un Ultimatum , qui comprenne
les conditions auxquelles la ville acceptera
Ja médiation propofée par les Confédérés ,
& fans lefquelles elle eft décidée de refufer
toute médiation . Idem.
Une Commiffion , compofée de deux Capi
( 189 )
taines , un Lieutenant & un Enfeigne de notre
Bourgeoisie , eft partie hier pour la Haye , où
elle a porté l'adreffe , fignée par feize mille
deux- eens-cinquante- fept Bourgeois & Habitans
de notre Ville : Ce nombre très- conſidérable
en lui - même , malgré les calculs erronés
de quelques Gazetiers mal intentionnés , donne
d'autant plus de poi is à cet acte folemnel de l'approbation
publique pour toutes les mesures prifes
par les Etars de la Province , qu'un trèsgrand
nombre de Négocians les plus refpectables
& autres de rang fe font empreffés de le
figner. Idem.
Des ordres ayant été donnés par les Etats
de Hollande , à l'Auditeur du régiment des
Gardes Dragons en garnifon à Arnhem , de
demander juftice au nom defdits Etats de
Hollande , & d'avoir foin qu'il ne foit pas
demandé d'approbation du Capitaine Général
pour les fentences qui feront prononcées
par les Confeils de guerre , de leur côté
les Etats de Gueldre ont ordonné au Général
Major van Verſchuur , Commandant du
régiment des Gardes Dragons fufdit , de ne
pas obéir aux ordres des Etats de Hollande
auffi long temps qu'il fe trouvera fur le territoire
defdits Etats de Gueldre. Les députés
de ladite Province ont porté cette réfolution
de leurs principaux à l'Affemblée de
I. H. P. les Etats Généraux . Courrier du
Bas-Rhin, n°. 97.
Les Etats de Gueldre ont écrit une Miffive
à ceux d'Overyffel , pour renouveller leurs
plaintes de la violation de leur territoire
lors de la retraite des habitans fugitifs de
( 190 )
Hattem & d'Elbourg. Ils leur demandent
file nouveau fyftême actuellement en vogue
leur donne le droit de juger des affaires domeſtiques
d'une autre Province que la leur ;
ils les prient de renvoyer les Corps francs ,
& de leur donner enfin la fatisfaction qu'ils
ont demandée fur tous ces points . Gazette
de la Haye , n. 150.
Les Etats d'Utrecht fe font tenus à Amerffoort
le 6 , jour auquel ils avoient été convoqués.
On y á vu , outre les Députés ordinaires
des deux premiers Membres , fept anciens
Régens de la ville d'Utrecht , qui y
ont comparu , & après avoir fait un Difcours
analogue aux circonftances & avoir
reçu un compliment de la part du Préfident
de l'Affemblée , ces Régens ont pris féance &
ont voté comme véritables Repréſentans de
la ville d'Utrecht. La ville de Montfort a
perfifté à ne pas envoyer fes Députés à l'Affemblée
defdits Etats . Idem.
On apprend que les Etats- Généraux , d'après
la réception d'une Miffive écrite le 23 Novem-.
bre dernier par le Confeil- d'Etat , portant , qu'étant
venu le même matin à fa connoiffance qu'il
fe faifoit de la part du Gouvernement de Bruxelles
des préparatifs pour des entrepriſes contraires
aux droits & aux intérêts de cette République
dans le tems que les fortereffes dans la Flandre
Hollandoife font pour ainfi dire dépourvues de
garnifons convenables de plus , d'après la réception
d'une etrre écrite par MM. les Bourgmaîtres
& Echevins de l'Eclufe , Waterecht
& Mienwemuyden , en date auffi du 23 Novem
( 191 )
>
bre, par laquelle il eſt donné avis à LL. HH . PP:
de l'arrivée de plufieurs pieces de canon & de Soldats
dans le fort conftruit l'année derniere par
ordre du Gouvernement Autrichien nommé
Hafegrace près du Zwin : de plus encore , une
lettre de MM. les Bourguemaîtres & Echevins de
Ste. Anne Termuyden , du 29 du mois dernier
portant que des Soldats Autrichiens , armés &
non armés , cantonnés tant dans la forterefle de
Hazegras que dans les environs , patrouilloient
dans la jurifdi &ion de leur ville , & ne fe gênoient
point méme de vifiter journellement , fans l'aveu
préalable des propriétaires , les écuries & granges
des habitans pour voir s'il n'y a point de
déferteurs cachés. Leurs Hautes Puiffances ayant
délibéré , il a été réfoiu & arrêté , le 6 du préfent ,
qu'il fera écrit à S. A. S. Mgr. le Capitaine -Général
de l'Union , lequel fera prié de faire mar
cher , fur fes patentes, un bataillon du Régiment
Grifon du Général - Major Smid , Berg-op- Zoom,
& une Compagnie d'Artilleurs de Bois- le - Duc ,
à l'Eclufe en Flandre , pour y tenir garnifon.
Idem . nº 149.
GAZETTE ABRÉGÉE DES TRIBUNAUX (1).
LETTRE AV RÉDACTEUR.
Le Décembre 1786.
J'ai lu , Monfieur , le Mercure de France du
29 Juillet dernier , Nº. 20 ; & dans l'article extrait
de la Gazette des Tribunaux , vous y avez
fait l'expofé d'une caufe jugée au Parlement de
Paris le 16 Décembre 1784. J'é ois une des
Parties : l'on vous a induit en erreur pour ce
qui me regarde , puifque vous avez éctit que
M. fe Marquis de Chevriers , fi l'on en excepte
( 192 )
+
Mademoiselle de Chevriers fa coufine germaine,
le furplus defa famille je divifoit en trois branches
de parens très éloignés , & peut- être même l'amitié
feule lui avoit elle créé une parente imaginaire qui
n'étoit rien moins que conftante , & à laquelle il étoit
également attaché.
#
Je fuis à même de prouver le contraira , ayant
Phonneur d'appartenir à l'ancienne & illuftre famille
de Chevriers par nombre d'alliances ; la plus
rapprochée eft celle qui rendoit mon pere le
Comte de Vallin , coufin iffu de germain de
feu M. le Marquis de Chevriers , deux demoifelles
de Grollier du Soleil , qui étoient/les dernieres
de leur famille , l'une eft entrée dans la
famille de M. le Marquis de Chevriers , & fa
four dans celle de Vallin ; feu M. le Marquis
de Chevriers fut affigné , comme l'un de mes
parens le plus près , pour paroître à l'affemblée
de parens qui fut faite après le décès de mon pere
pour me nommer & à ma foeur un tuteur ; il y
paru par un Procureur nommé de fa étant
pour lors à Paris , l'acte paffé devant M. le Lieutenant-
Général du Bailliage de Vienne l'attefte ;
je fuis trop flattée de toute maniere d'appartenir
part ,
la maifon de Chevriers , pour fouffrir que
yous laiffiez fubfifter dans votre Gazette une
erreur dans laquelle on a sûrement eu des raifons
pour vous induire & ceux qui l'ont lue.
J'avois écrit à M. le Rédacteur du Mercure
de France , & lui faifois les mêmes détails que
je vous fais , le priant de faire imprimer ma
lettre; l'on me fit réponse que l'on vous l'avoit
envoyée. Julqu'à préſent je n'ai rien vu qui détruisît
ce que vous avez écrit . Pour faire con
noître la vérité , je vous prie de faire imprimer
cette lettre dans votre prochain Nº.
J'ai l'honneur d'être , &c. Signé , Vallin
Marquise de LAPOYPE
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLE S.
ALLEMAGNE.
DE HAMBOURG , le 13 Décembre :
Οge
N continue à parler du prochain voyade
l'Impératrice de Ruffie , fixé felon
l'opinion publique , aux premiers jours de
Janvier. Les Princes Alexandre & Conftantin
, petits fils de cette Souveraine , font
aujourd hui fur la lifte des voyageurs. Des
corps d'armée veilleront à la sûreté de ce
brillant cortege , & fe trouveront fur fon
paffage. Le Feidt Maréchal Romantzof doit
commander so mille hommes fous Kiof ; le
Général Kamenskoi les troupes de Crimée ,
le Général Rochbouski à Czernichef; le Général
Dolgoroucki à Cherfon , & le Général
Stvarof dans le Cuban . Toutes les avenues
anfi gardées , on n'aura aucune incurfion
de Tartares à craindre , & le voyage fera
auffi sûr qu'il eſt éclatant.
En congédiant l'Ordre Equeftre , le Roi
No. 52 , 30 Décembre 1786. i
( 194 )
de Pologne a terminé la derniere Séance de
la Diete par la perora fon fuivante.
« A l'époque biennale , dit Sa Majeſté , qui ramene
ce moment , toujours affligeant pourmoi ,
mais indifpenfable, où il faut me féparer de cet Or
dre Equeftre fi chéri , je ne puis me refufer à l'expreffion
des fentimens dont mon ame eft remplie.
Les preuves d'attachement , en fe multipliant ,
augmentent d'autant la meſure de la reconnoiffance.
Je témoigne la mienne avec effufion a
l'illuftre Ordre Equeftre , pour le dévouement
qu'il m'a montré fi clairement dans certè Diette ,
& même dans cette Séance. Des citoyens auffi
éclairés ne placent leur affection que là où ils
ont mis leur eftime . Plus celle - ci eft fans prix
pour moi , & plus je defire que ma Nation conferve
à jamais le fouvenir de ces jours mémorables
du 10 & du 14 mai de l'année 1773 ; de
Ces jours qu'on pourroit bien avec juftice appeller
des jours d épreuve , & dont on a fait mention
dans la féance d'aujourd'hui . Cette Chambre con
tient en ce moment nombre de témoins
? qui
ont vu & entendu ce qui s'eft paffé alors. Nous
n'étions entourés que d'objets de terreur : ma
pofition à cette époque ne me permettoit ni de
menacer , ni de donner , ni même de promettre.
Ainfi la flatterie ne pouvoit y trouver place.
C'est alors cependant que je défiai hardiment
qu'il fe levât quelqu'un qui pût m'objecter une
feule tranfgreffion de mes devoirs. Aucun ne
s'eft levé. Les preuves les plus claires convainquirent
en même- temps cette Diete , que de
tout ce qui avoit été humainement faifable , rien
ne fut négligé pour détourner le malheur de
l'Etat. J'ai donc reçu alors le témoignage avec
lequel , quand mon heure fera venue , je defcendrai
tranquillement au tombeau . Auffi , en
( 195 )
dépit des infinuations faites , & à telle intention
que ce foit , comme s'il avoit été alors imaginé ou
qu'il m'avoit été propofé quelque chofe qui auroit
pu prévenir le démembrement de la Pologne
, j'ai pour témoins ma confcience & ma nation
, que j'ai fervi jufqu'ici ma patrie avec fidélité
& de toute l'étendue de mon pouvoir . Or ,
comme l'on ne voit guere celui dont les cheveux
blancs couvrent déja la tête , changer de principes
ni de manieres , vous pouvez compter ,
Illuftres Etats , que je ferai jufqu'au bout ce que
j'ai été jufqu'ici . Tant que Dieu m'accordera
des jours & des moyens , je ferai le bien , j'en
ferai aux citoyens par- tout où je verrai le mérite
& le befoin . Je ne chercherai point à prévoir fi
je ferai encore des ingrats ; fi ceux que j'aurai
comblés de bienfaits voudront les nier, comme
s'ils en rougiffoient ; s'ils fe laifferont féduire
par l'exemple de ceux qui , fous le voile des
proteftations les plus diffufes d'attachement , pren
nent à tâche de contrarier mes inclinations , mes
avis , & même mes befoins perfonnels . En conféquence
, M. le Maréchal de la Diete , je renou
velle encore aujourd'hui les commiffions que je
vous ai données avant -hier relativement aux propofitions
du Trône & aux projets des confitutions
deſtinées à tranquillifer plufieurs Citoyens.
Et comme il ne faut plus retarder le cours des
délibérations publiques , aliez , M. le Maréchal
guider les pas de l'Ordre Equeftre là où il doit
faire cette récolte fi defirable pour moi & pour
P'Etat.
•
Le froid que nous avions éprouvé ici a
abfoluinent ceffé ; & la navigation a repris
fon cours . Elle a été interrompue fur la Néva
, vers le milieu du mois dernier , à ce qu'on
i 2
( 196 )
écrit de Pétersbourg; plufieurs bâtimens Anglois
étoient pris par les graces . Cette riviere
n'a été navigable que 187 jours de fuite
dans l'année.
Le Roi de Suède eft revenu le 27 Novembre
à Stockholm , de fon voyage à Upfal
. S. M. tint , le 29 , un Chapitre de fes
Ordies , & après y avoir annoncé qu'elle
avoit décoré de l'Ordre des Séraphins le
Prince Royal de Danemarck , elle fit une
promotion nombreufe dans les Ordres des
Séraphins , de l'Epée , de l'Etoile Polaire &
de Wafa.
DE BERLIN
le 12 Décembre.
>
On a publié par ordre du Roi une permiffion
à tous les propriétaires de terres de cultiver
du tabac , fans aucune reſtriction quelconque.
Le Roi vient de charger le Baron de Heiniz
, Miniftre d'Etat & Chef du département
des mines , des affaires du département des
Gabelles , de la Monnole & de la direction
des Provinces de Cleves & de la Marche .
S. M. a nommé les fieurs Ferber & Rofenfiel
, Confeillers Supérieurs au département
des mines & forges .
Le 4 , on fit ici en préfence du Duc Frédéric
de Brunfwick , de plufieurs perfonnes
de condition , une expérience avec les cartons
de pierres , de l'invention du Docteur
Arfvid Faxe , de Carlfcronę. La maison
( 197 )
qu'on avoit conftruite fur garnie de ces car
tons , remplie enfuite de combustibles ; &
malgré un feu ardent , elle ne fut point endommagée.
Ce carton a la propriété de réſiſter
à l'action de l'air & de l'humidité. Le prix
d'une feuille , d'une aulne quarrée , eſt d'un
fchelling & demi , argent de Suède.
DE VIENNE , le 12 Décembre .
L'Archiduc Ferdinand & fon augufte
époufe ont pris congé de S. M. I, & de
l'Archiduc François , le 4 de ce mois , & fe
font mis en route pour Milan.
L'Empereur a fait préfent à la Princeffe
Elifabeth de Virtemberg , le jour de ſa fête
, de plufieurs parures richement garnies
en diamans le même jour , S. M. I. lui
remit auffi l'Ordre de Sainte -Catherine , que
I'Impératrice de Ruffie a envoyé à cette
Princeffe.
:
Le 26 Novembre , le Comte d'Arco ,
nommé précédemment au nouvel Evêché
de Graz , en a pris poffeffion , & a fait l'inftallation
du Chapitre Cathédral.
Il circule ici un état des Colleges actuels
des Jéfuites en Ruffie ; ils font au nombre
de fix ; celui de Polocz eft le plus confidérable
, on y compte foixante dix - hult
individus le total des membres de tous
les Colleges monte à 198.
On a formé le projet de rétablir les anciennes
falines près de la ville de Schlan.
i-3
( 198 )
On fait que les Etats Autrichiens ont du
fel en abondance : on y confomme par an
1,372,000 quintaux de fel gemme, 1,372,000
quintaux de fɔude , & 18,000 quintaux de
fel marin ; l'exportation de cette denrée
dans l'étranger confifte en 530,00o de fel
gemme , & 601,225 idem de foude . La Stirie
, la Carinthie & la Carniole tirent leur fel
de Salzbourg.
Le 27 Novembre , le Confeiller Cetto ,
condamné au pilori , au fouet & à balayer
les rues pendant fix années , pour crime
de faux & de prévarication , a fubi l'exécution
de fon jugement ; l'Empereur lui a
cependant fait grace du pilori & du fouet.
Depuis cinq ans il s'éleve des vapeurs
chaudes d'une colline fituée près du village
de Barana , dans la Seigneurie de Diofgyor
en Hongrie on creufa dernierement dans
cet endroit , & on trouva d'abord du charbon
de terre ; mais en approfondiſſant la
fouille , on toucha à une terre jaune , argilleufe
, & fi brûlante , qu'il fut impoffible
de continuer le travail. On fuppofe qu'il
fe trouve deffous cette terre une matiere
ignée qui par la fuite pourra faire de grands
ravages.
DB FRANCFORT , le 18 Décembre .
Selon des lettres de la Thuringe , le 5 de ce
mois , il s'eft manifefté à Saltzungen , petite
ville appartenante à la maifon de Saxe Mei(
199 )
nungen , un incendie qui a duré 17 heures , &
réduit en cendres le palais Ducal : quatre autres
grands hôtels , les magafins de grains ;
Eglife , l'Hôtel de -ville , les écoles & 150
des principales maiſons. On eft parvenu , à
force de travail , à arrêter le cours des flammes
, à fauver les falines & les maifons fervant
de refuges aux pauvres. Parmi les malheureux
qui ont péri dans cet embrâſement ,
on diftingue un prifonnier & fes deux fils
qui étoient dans la tour de la ville : le nombre
des beftiaux brûlés eft immenfe.
Quelques Feuilles publiques affurent que
la fucceffion aux Etats héréditaires de la
Maifon d'Autriche , vient d'être réglée de la
maniere fuivante , entre l'Empereur & le
Grand Duc de Tolcane. Dans le cas où
l'Archiduc François , fils aîné du Grand-
Duc feroit élu Roi des Romains , il ne pourra
, dit- on , parvenir à la Régence des Etatshéreditaires
d'Autriche , qu'après la mort du
Grand Duc fon pere , qui y fuccéderoit , fi
l'Empereur venoit à mourir avant lui.
On compte environ 12 maiſons de Princes
à Vienne , qui y dépenfent annuellement
chacune , l'une portant l'autre , deux
cent mille florins ; dans ce nombre il en eft
dont la dépenfe annuelle monte de trois à
huit cent mille florins ; ces riches familles
font celles de Lichtenfte'n , d'Efterhazi ,
de Schwarzenberg , de Dietrichftein , de
Lobkowiz , & c .
i 4
( 200 )
Un Journal de Commerce offre la notice
fuivante des Manufactures de la ville de
Munich.
Ces Manufactures font au nombre de dix ,
favoir , 1 °. la Manufacture de Tapifferies de
haute- life ; elle fut établie en 1720 par l'Elecreur
Maximilien Emmanuel ; les Tapifleries que
l'on y fait font magnifiques , & en général cette
Manufacture eft dans un bon état : les Directeurs
actuels font les fieurs Jacques Sentini & Jofeph
Chedeville . 2 ° . La Manufacture de Toiles de coton
de toute efpece ; fon établillement date de
1746 ; les Toiles qu'elle fournit par an montent
de huit à dix mille pieces. 3 ° . La fabrique de
Bas de coton. 4° . La Fabrique de Porcelaine ;
elle fut établie à Nymphenbourg en 1758. Le
nombre des ouvriets , qui étoit au commencement
de deux cents , eft diminué jufqu'à trente.
On évalue à 120,000 florins les marchandiſes
qui fe trouvent dans le magafin . 5 ° . La fabrique
de Tabac ; une Compagnie l'a établie en
1782. La majeure partie du Tabac qu'elle fournit
eft du crû du Palatinat. 6º . La Manufacture
de Ras , d'Etamines & Etoffes femblables de
laine ; le nombre de pieces qui en fortent par
an montent de deux à trois mille ; l'objet principal
de cette Manufacture n'eft point la fabrication
, mais la teinture & l'apprêt . 7 ° . La Fa
brique de Cuirs. 8 °. La Fabrique de lames & de
fil d'or & d'argent . 9º . Celle des Cartes à jouer ;
& 10°. celle des Pinceaux.
Le Comte Charles-Adolphe de Bruhl ,
Lieutenant- Général au fervice de l'Electeur
de Saxe , & Chef d'un Régiment de Carabiniers
, a demandé & obtenu fa démiffion.
( 201 )
On affure qu'il paffe au fervice du Roi de
Pruffe, & même qu'il fera nommé Gouverneur
du Prince Royal & de fon frerele Prince
Louis. Les qualités perfonnelles , les talens &
les connoiffances du Comte de Brulh le feront
regretter en Saxe.
Depuis quelque tems , la Baviere eft infestée
de voleurs & d'affaffins ; dans plufieurs
endroits ils ont cu l'audace de commettre
des effractions & des vols pendant le jour.
On compte quarante - trois affaffinats commis
cette année dans le Bailliage de Landshut.
Les diffenfions regnent toujours à Aix -la-
Chapelle. On fait que le Confeil Aulique a
rendu un décret en faveur de l'ancienne Magiftrature
; la Chambre Impériale de Wetzlar
protege la nouvelle : par fon décret du 20
Novembre , elle a enjoint aux membres abfens
de ne point fe mêler des affaires des finances
de la ville , & ordonné de laiffer les
chofes in ftatu quo juſqu'à la déciſion finale .
Le Profeffeur Schloézer de Gottingue, a inféré
dans le n°. 33 de fon Journal , un état très - détaillé
du produit des Manufactures de draps établies
à Montjoie & Imgenbruch , dans le Duché
de Juliers. I réfulte de cet état que la dépense de
ces manufactures en pays étrangers , pour les diyers
articles ont elles ont beloin , monte par
an à 613,598 rixdalers & neuf vingiemes , &
celles qu'elles font dans le pays même à 146,401
rixdlers & un vingtieme ; que lorsqu'on n'admet
qu'un bénéfice de 8 pour 100 pour ces Manufactures
, elles reçoivent des a.heteurs la fomme
is
( 202 )
.
de 820.799 rixdalers & vingt - trois quinziemes ,
& qu'en déduifant de cette fomme celle pour la
dépense en pays étranger , il en reſte aux Manufactures
& au pays où elles font établies , la
forme de 207 , 201 rixdelers & un centieme .
La majeure partie des draps de ces Manufactures
paffent à l'étranger , & fur-tout en
Italie .
Le Docteur Vogler a publié un mémoire
d'expériences concernant la décompofition
de l'étain à l'ufage de la teinture : il a trouvé
par des effais réitérés que l'efprit frais & trèspur
de falpêtre étoit beaucoup plus efficace
pour cette décompofition que l'eau régale ,
qui laiffe toujours un dépôt. Cet acide ,
allié avec de l'eau diftillée , opéra la décompoſition
de l'étain , fans former de dépôt ; ce
mélange s'étant coagulé , le Docteur Vogler
y ajouta du fel ammoniac ou du fel de cuifine
, & par ce moyen il le rendit fluide &
très- propre à l'allier avec de l'eau de puits.
, un
Le Profeffeur Gmélin , écrit- on de Gottingue ,
lut à la derniere affemblée de la Société Royale
des Sciences , tenue le 21 Octobre dernier
Mémoire dans lequel il rendit compte des effais
qu'il a faits avec l'eau- forte dans la teinture
des laines & foies écarlatter . Le but de M. Gmelin
eft de fubftituer l'eau - forte à la décompefition
d'étain qui eft chere & accompagnée de
beaucoup d'inconvéniens . Il eft vrai que M. Gmélin
n'a fait fes effais qu'en petit , & que la couleur
qu'il a obtenue par fon procédé n'approche
pas en beauté de celle produite par la décompofition
d'étain ; mais il faut efpérer qu'en per
fectionnant fon procédé , & qu'en en faifant un
( 203 )
ufage prudent dans les effais en grand , il parviendra
à rendre fuperflu l'étain pour la teinture
des écarlattes. Voici quelques résultats des
effais de M. Gmélin. Il trempa d'abord la laine
dans de l'eau - forte mêlée avec une décompofition
de terre d'alun , la teignit enfuite dans du
bouillon de cochenille , & la paffa par un pareil
bouillon faturé de quelques gouttes d'eau-forte ;
par ce procédé la laine prit une couleur brune ;
cette couleur devint plus belle lorfqu'il fit
bouillir la laine dans un bouillon où il y avoit de
la cochenille , de l'amidon & de l'eau - forte , &
elle approcha beaucoup de l'écarlatte , lorsqu'il
fuivit la méthode enfeignée par Hellot , en
fubftituant cependant l'eau - forte double à la décompofition
d'étain. Dans cet effai , M. Gmélin
trempa d'abord la laine dans un bouillon où il y
avoit peu de cochenille , autant d'eau-forte , &
autant de tartre purifié , & enfuite il le fit
bouillir dans le fufdit bouillon . M. Gmélin
auffi employé la graine de kermès , & l'a trouvée
efficace , il trempa d'abord la laine dans un
bouillon fait de cette graine , d'eau & de potaffe
, & la porta enfuite dans un autre bouillon
eù il y avoit de la cochenille , de l'amidon & de
l'eau- forte , ou dans un bouillon fimple de cette
graine , faturé de quelques gouttes d'eau - forte.
a
Par le meme procédé , M. Gmélin a donné
la foie une belle couleur de cuivre , & même
celle de cerites ; mais les effais ont été abfolument
infructueux fur la toile & fur le coton .
GRANDE - BRETAGNE.
DE LONDRES , le 10 Décembre.
Dimanche dernier , eft mort dans fa Terre
i 6
( 204 )
de Grove le Comte de Clarendon , l'un des
Grands Maîtres Généraux des Poftes , Membre
du Confeil Privé & du Bureau des Plantations
. Ce Lord , de la Maifon de Williers ,
defcendoit , par les femmes , du fameux Hiftorien
Clarendon , Chancelier de la Grande-
Bretagne. Il est mort âgé , & après avoir
Occupé diverfes places importantes , telles
que celles de Miniftre de George II à
Drefde , de Lord de l'Amirauté en 1748 , de
Chancelier du Duché de Lancaftre , en 1775 .
& en 1783 ; enfin , de Grand- Maître Géné
ral des Poftes.
Il paffe pour certain , & tous nos Papiers
s'accordent à rapporter que le Marquis de
Carmarthen réfigne fa place de Secrétaire
d'Etat des Affaires étrangères. L'état de fa
fanté qui exige un voyage dans le Midi & la
fatigue des Séances Parlementaires , ont déterminé
S. S. à cette réfolution. Mylord
Hawkefbury lui fuccédera , à ce qu'on croit.
Il y auroit encore une vacance dans le Miniftere
, s'il étoit vrai que Lord Sidney ſe proposât
, comme on le dit , de quitter les fonctions
de Secrétaire d'Etat , pour remplacer le
Comte de Clarendon au département des
Poftes. Dans ce cas , on préfume qu'il auroit
pour fucceffeur le Marquis de Buckingham ,
ci- devant Comte Temple.
Il eft auffi queftion d'un Lord célébre par
fon éloquence , fes lumieres & fa grande influence
(vraifemblablement Mylord North )
( 205 )
pour remplir la place de Secrétaire des Affaires
étrangeres . Cette acquifition renforceroit
prodigieufement le parti Ministériel.
Mais les liaifons actuelles de ce prétendu
Candidat ne permettent gueres de croire à
cette nouvelle , quoique l'expérience d'un
fiecle ait dû accoutumer la Nation à des révolutions
plus étonnantes.
Le 16 du mois dernier, nous avons perdu
le Chevalier Horace Mann, mort à Florence ,
où il réfidoit depuis 50 ans , en qualité d'Envoyé
- Extraordinaire de notre Cour. Son
corps a été embaumé & tranfporté dans un
cercueil à bord du navire Anglois l'Ifabelle ,
mouillé à Livourne , & qui le conduira ici.
Suivant une lettre de Cowes , la frégate
Hollandoife la Junon de 36 can . , venant des
Indes orientales , avec un équipage de 250
hommes , a été jettée à la côte de l'Ile de
Wight , le 10 de ce mois.
Les Lords de l'Amirauté ont donné ordre
de reconstruire les vaiffeaux de guerre fuivans.
Le Torbay, de 90 can. , le Cambridge ,
le Revenge , l'Ajax , le Mars, le Dragon , l'Hércule
, le Dublin , le Tigre , l'Ofnabruck & le
Neptune de 74 canons. Ces vaiffeaux feront
conftruits dans les chantiers marchands par
des Entrepreneurs particuliers. Tous les baffins
& tous les chantiers royaux font occupés
par les vaiffeaux en réparation.
L'expédient adopté par le Gouvernement
pour arrêter la contrebande fur les côtes oc(
206 )
cidentales de l'Ir'ande , eſt de ſtationner un
certain nombre de frégates dans les endroits
les plus inteftés par les bâtimens qui font ce
commerce illici - e.
Le Traité de Commerce avec la France a
été foumis à la révifion du Bureau du Commerce
, qui , à ce qu'on prétend , y a déja p : opofé
divers changemens importans. Les plaintes
de divers Corps pourront en occaſionner
d'autres , ou fufciter des embarras aux Miniftres
, & l'on travaille avec ardeur à animer
par-tout cet efprit d'Opposition.
Le 7 de ce mois , le Chevalier Thomas
Halifax , accompagné de plufieurs Aldermans
& d'autres Officiers Municipaux de la
Cité de Londres , s'eft rendu chez M. Pitt
pour lui repréſenter que les différens droits
& priviléges des Corps de Métiers feroient
violés par les termes généraux du Traité de
Commerce conclu avec la France , à moins
qu'ils n'y foient Spécifiés d'une manière particulière.
M. Pitt leur a répondu de la manière
la plus franche , en di'ant : « Meffieurs ,
• quoiqu'il eût été contre l'intention du
» Gouvernement , de porter atteinte aux
>> droits & immunités des Corps & Métiers
» de la Cité , à préfent que je fuis partai-
» tement inftruit de cette circonftance , je
» me ferai un devoir de les protéger de la
» maniere la plus efficace , ainfi que lės droits
» de tout autre Corps , dont le réclama-
>> tions feront auffi juftes que celles des Ci-
»toyens de Londres . >>
ik.
( 207 )
Les plaintes des Colons & Négocians aux
Ifles occidentales , fur le même Traité , paroiffent
fe foutenir avec opiniâtreté .
Il s'eft tenu le 13 de ce mois une très - nombreufe
affemblée de ces Colons & Négocians
relativement à la claufe du dernier Traité qui
diminue les droits fur les eaux- de - vie de France ,
On y a fait lecture du Mémoire que l'Affemblée
doit préfenter. Ce Mémoire expofe dans les termes
les plus forts tout ce que les intéreffés ont
à craindre pour le commerce du rhum , à moins
que la réduction des droits impofés fur cette liqueur
ne forme un équivalent de celle accordée
aux eaux-de- vie de France. Entre plufieurs argumens
à l'appui de cette dem nde , on cite la
Jongueur & le danger du voyage des Ifles comparé
avec celui de France , la perte par le coulage
des futailles , l'effet que, produiroit fur ces
ifles toute méfintelligence ou rupture avec les
Etats d'Amérique ; l'énorme difproportion du
prix de toutes es chofes néceffaires à la vie ,
ainfi que de la main- d'oeuvre , entre les illes d'Amérique
& la France ; mais fur-tour la claufe du
traité , en vertu de laquelle tous les vins du crû
du Portugal paient un droit d'un tiers moins
fort que les vins françois . On demande à cette
occafion pourquoi les Portugais , qui font des
étrangers , font traités plus favorablement pour
l'article de leurs vins que ne le font pour celui
du rhum les fujets Britanniques colons , en faifant
le commerce des ifles angloifes . Tels font en
fubftance les principaux griefs expoíés dans ce
Mémoire , & fur lefquels on demande fatisfaction.
" M. Bailey , l'un des Membres de l'affemblée
prononça enfuite un long difcours où il acheva
( 208 )
de faire connoître toute l'importance de cette
affaire. Selon lui , le rhum des colonies forme une
propriété immenfe. La réduction que l'on le propofe
de faire fur les droirs des eaux- de vie ne
tend à rien moins qu'à anéantir le commerce des
ifles britanniques . Celui du Rhum étoit déja
prodigieufement tombé, M. Bailey produifit à ce
fujet plufieurs fa&ures récentes , où le bénéfice net
n'excede pas dix pences par gallon , quoiqu'il ait
couté quinze à dix- huit pences dans les ifles avant
d'être embarqué pour l'Angleterre . L'Angleterre
ale monopole du rhum ; mais elle n'a pas celui
de l'eau- de-vie . Tous les coups portés au commerce
du rhum retomberont toujours fur les
colonies à fucre , l'un réagiffant néceffairement
fur l'autre. M. Bailey énuméra une infinité
d'autres griefs & préjudices des colons , qui méritoient
l'attention la plus férieufe . En conféquence
, quelque refpectable que fût l'affemblée
, il defireroit , pour y donner aux délibérations
toute l'importance & l'autorité que demande
le fujet , qu'elle fût compofée d'une autre
de citoyens , favoir , des grands propriétaires des
ifles , & de ceux qui font intéreffés dans les plantations
pour des fommes confidérables , claffe
dans laquelle on compte un grand nombre de
Membres des deux Chambres du Parlement. Ces
perfonnages ont tant d'influence dans les difcu
fions parlementaires , que l'on a tout à eſpérer
de leurs repréfentations , lorfqu'ils parleront ferme
au Miniftre. M. Bailay cite à l'appuy de cette obfervation
l'exemple récent du Lord Lonflè , le
Miniftre vouloit mettre un impôt fur les charbons
apportés aux ifles . Le Lord Lonfdale parli ferme
au Miniftre , & la taxe n'eut pas lieu . Voilà ,
ajouta-t-il la maniere dont on doit parler à
préfent qu'il y va de tout notre avoir. En confés
( 209 )
quence il demanda que l'affemblée fût ajournée au
24 Janvier prochain , le lendemain de la convocation
du Parlement , & en même tems que l'on
s'adrefsât aux Membres les plus accrédités des
deux Chambres , pour leur demander appui &
protection.
Toutes les perfonnes qui compofoient cette affemblée
ont été unanimement d'avis de demander
hautement juftice au Parlement , fi le Miniftre
n'a pas égard à leurs jüftes remontrances.
On écrit de Yorkshire , qu'un certain
nombre de Manufacturiers gagnés par le
Gouvernement , ont convoqué une affemblée
générale de Manufacturiers de draps
dans les environs de Leeds , de Wakefieid ,
& qu'ils ont fait jouer tous les refforts de
l'intérêt & de l'éloquence , pour tirer de
cette affemblée une réfolution tendante à
complimenter les Miniftres fur le Traité de
Commerce.
Les Manufacturiers indépendans n'ont
néanmoins pont donné dans le piege , &
ils ont déclaré qu'ils n'étoient pas préparés à
porter un jugement décififfur un objet dont
les conféquences pouvoient devenir trèsallarmantes
non - feulement pour les Manufacturiers
de cette Province en particulier,
mais encore pour l'intérêt général de l'Empire
& ils ont demandé que l'on y donnât
l'attention la plus férieufe . I's ont donc en
attendant pris la réfolution de fufpendre
leur avis , & ils ont ajourné leur affemblée
au mois de Janvier prochain.
Le 14 , M. Eden prit congé de LL. MM.
& il doit partir pour retourner à Paris.
( 210 )
Une Compagnie a , dit- on , propofé au Gou-
、vernement de tranfporter de Falmouth à Fowey ,
le rendez - vous des Paquebots , qui jufqu'ici partoient
de ces Ports. Cette opération promet de
grandes épargnes indépendamment des facilités
que les Paquebots y trouveront pour la Navigation
. Fowey fitué à l'extrêmité du Cornouaille ,
a un Port très-für & très - commode , fort heureufement
placé pour débouquer la Manche. On a vu
des vaiffeaux fortir de Fowey par un vent qui retenoit
tous les bâtimens de Falmouth dans le Porr;
aller dans la Méditerranée & trouver à leur retour
, renfermés dans Falmouth des vaiſſeaux qui
avoient la même deftination qu'eux . Si ce projet
eft adopté, la petite ville de Fowey , fi célébre autrefois
, reprendra fon ancienne fplendeur.
On a enfeveli , la femaine derniere , à Camelford
, une veuve , âgée de 102 ans , qui
laifle 8 fils , 2 filles , 90 petits enfans , & 75
arriere- petits fils ; en tout , une poſtérité de
175 têtes . Cent d'entr'elles accompagnoient
le convoi de la défunte, dont le mari mourut
au même âge l'année derniere.
FRANCE.
DE VERSAILLES , le 20 Décembre.
Le Roi & la Famille Roya'e ont figné , le
1o de ce mois , le contrat de mariage du
Marquis de Faletans , Capitaine de Dragons
au régiment de Durfort , avec Demoiselle
Henriette de Lange: on ; & le 17 , celui du
Comte de Touftain Limefy , Lieutenant en
fecond au régiment du Commiffaire - géné
( 211 )
0.
ral de la Cavalerie , avec Demoiſelle de
Touta'n Virai.
Ce jour, le Duc d'Harcourt a prêté ferment
entre les mains du Roi , en qualité de
Gouverneur de Monfeigneur le Dauphin .
La Ducheffe d'Harcourt a eu , le même
jour , l'honneur de faire fes remercîmens au
Roi , & de faire fes révérences à la Reine &
à la Famille Royale.
La Marquise de Grammont , la Marquife
de Molac & la Marquife de Chambors , ont
eu , ce jour , l'honneur d'être préfentées à
Leurs Majeftés & à la Famille Royale ; la
premiere par la Princeffe de Broglie , la feconde
par la Comteffe de Carcado , & la
troifieme par la Marquile de Sommeri.
La Ducheffe de Pienne a pris , ce jour ,
le Tabouret.
Le fieur Beauzée , de l'Académie Françoife
, a eu l'honneur de préfenter au Roi
une nouvelle traduction de l'Optique de
Newton , dont il eft l'Editeur , & dont S. M.
a daigné accepter la dédicace.
DE PARIS , le 26 Décembre.
Lettres Patentes du Roi , qui prorogent
jufqu'au premier Avril 1787 , le délai accordé
par l'article IX de l'Edit d'Octobre 1785 ,
aux Archers- gardes de la Compagnie du
Prévôt général des Monnoies , dont les Offices
ont été fupprimés , pour opter entre le
remboursement de la finance de leurs Offi
( 212 )
ces & la confervation de la faculté d'exploi
ter. Données à Fontainebleau le 30 Septembre
1786.
Arrêt du Confeil d'Etat du Roi , du ro
Septembre 1786 ; & Lettres Patentes fur
icelui , données à Fontainebleau le 4 Novembre
1786 , regiſtrées en la Chambre des
Comptes , le 16 des mêmes mois & an ; qui
fixent le nombre des Offices des Agens de
change de Paris , leur accordent l'hérédité ,
les autorisent à fe fervir de Commis , & réglent
la quotité des gages qui leur font attribués.
Le Roi étant en fon Confeil , ayant aucune .
ment égard à ladite requête , a ordonné & or
donne que les Officiers d'Agens de change , banque
, finance & commerce , créés par Ï'Edit de
janvier 1723 , & levés en vertu de la Déclara-.
tion du 19 mars 1786 , demeureront irrévocablement
fixés au nombre de foixante , fans pouvoir
être augmentés fous quel prétexte que ce
foit : Qu'au lieu des Commis - courtiers établis ,
par l'article XI de ladite Déclaration , chacun
defdits Agens de change pourra fe faire affifierpar
un Commis , admis feulement fous ce titre , &
dont ledit Agent de change ne tera garant ni
refponfable qu'autant que ledit Commis aura agi
pour & au nom de l'Agent de change auquel les
parties intéreffées fe feront adreflées , que celuici
aura en conféquence foufrit le bordereau de
la négociation , faite par fon Commis : Fait défenfes
Sa Majefté aux its Commis , de faire aucune
négociation du miniftere de l'Agent de
change fans fon aveu & participation , ni de donner
aucun bordereau qu'il ne foit revêtu de là
( 213 )
fignature de celui par lequel il eft employé : Or
donne au furplus Sa Majefté que lefdits foixante
Offices d'Agens de change continueront d'être
poffédés à titre de furvivance , conformément à
ladite Déclaration ; mais que pour la premiére
mutation feulement , il ne fera payé à fes Parties
cafuelles que le vingt - quatrieme denier , au lieu
du feixieme du prix de la finance defdits Offices,
dont il fera libre aux Titulaires de difpofer fous
l'agrément de Sa Majefté. Entend Sa Majesté
que les gages defdits Offices qui avoient été
fixés au denier vingt- cinq par ladite Déclara
tion foient payés auxdits Agens de change , fur
le pied du denier vingt , avec la retenue du
dixieme feulement , & que l'emploi en foit fait
dans l'état de la recette générale des finances
de Paris ; Veut Sa Majefté que les prêteurs des
deniers pour l'acquifition defdits Offices , aient
fur iceux privilege & préférence à tous créan-.
ciers ordinaires , & qu'à cet effet il foit fait les
déclarations requifes dans les quittances de finance
defdits Offices. Et feront fur le préfent
arrêt expédiées toutes Lettres néceffaires , & ce
nonobftant toutes chofes à ce contraires ,
quelles Sa Majeſté a dérogé & déroge , &c.
aux-
Déclaration du Roi , du 13 Décembre
1786 , qui , en interdifant le cours des anciens
Louis , à compter du premier Janvier
1787 , proroge pour quelque temps leur
prix de faveur aux Hôtels des Monnoies &
Changes.
Par nos Lettres patentes du 18 jour dernier
nous avons prorogé jufqu'au 1er . janvier 1778
le cours des anciens louis & leur prix à fept
cent cinquante livres le marc dans nos hôtels des
Monnoies & nos Changes , & comme il n'ea
( 214 )
reſte maintenant que très - peu dans la circulation
il nous paroît inutile d'en permettre le cours
pour une époque plus éloignée ; mais diverſes
circonftances ayant pu empêcher quelques uns
de nos fujets de changer ceux qui font encore
en leur poffeffion , Nous croyons de notre juſtice
de proroger en leur faveur , pour quelque tems
feulement , l'augmentation de valeur que nous
avons accordée fur la converfion de ces especes.
A ces cauſes . & de notre certaine ſcience , pleine
puiffance & autorité royale , nous avons declaré
& ordonné , & par ces préſentes fignées de notre
main , déclarons & ordonnons , voulons & nous
plaît que , conformément à nos Lettrǝs - patentes
du 18 janvier dernier , les louis , doubles louis
& demi- louis anciens ceffent d'avoir cours à compter
du premier janvier 1787 , & que néanmoins
ils continuent d'être reçus & payés à nos hôtels
des Monnoies & Changes fur le pied de fept cent
cinquante livres le marc jufqu'à ce qu'il en foit
par nous autrement ordonné ; dérogeant à cet
égard à nos Lettres patentes dudit jour 18 janvier
dernier , & c.
Arrêt du Confeil d'Etat du Roi , du 17
Décembre 1786 , concernant les Rembourfemens
des Effets de l'Emprunt de trente
millions , fait par les Prévôt des Marchands
& Echevins de la ville de Paris , en exécution
de l'Edit du mois de Septembre dernier.
La ville de Dole en Franche - Comté a
fait célébrer , le 14 de ce mois , l'Anniverfaire
de l'Inauguration de la Statue pédeſtre
du Roi , érigée fur la Place publique. Les
Officiers Municipaux , ceux du Bailliage ,
l'Etat-Major de la Place , la Garnifon , le
( 215 )
Clergé , la Nobleffe , tous les Ordres de
Citoyens ont aflité à cette Cérémonie .
La derniere quinzaine a emporté au tombeau
différentes perfonnes remarquables.
Parmi celles qui laiffent les plus vifs regrets
fetrouve Madame la Marquife de Waftine,fillé
de Madame la Marquife de Sillery , fi célebre
fous le nom de Comteffe de Gentis . Dans
le nombre des autres morts dont nous venons
de parler , il faut citer M. Beaujeon ,
Receveur général des Finances , malade depuis
long-tems , & fameux par l'immenfité
de fes richeffes ; l'Abbé de Boifmont de l'Aca
démie Françoife , connu par quelques morceaux
d'éloquence ; le Vicomte de Talleyran-
Perigord , &c.
Le bruit s'eft répandu , il y a quelques
jours , qu'il étoit éclaté le 10 un incendie
dans les magafins de la Marine à Rochefort,
incendie dont une lettre de ce port , en date
du 11 , parle en ces termes .
» Nous avons eu hier matin une incen-
» die confidérable. Les bureaux des arme-
» mens des revues & des fonds on été brû-
» lés . Il a falu déménager le Contrôle & les
» Claffes , pour en mettre les papiers à l'abri.
» Ce bâtiment n'a pas brûlé. Quant aux regiftres
des autres bureaux ci - deffus nom-
» més , on n'en a rien fauvé. Le feu y avoit
» pris la nuit , & c'eſt à la pointe du jour
qu'on s'en eft apperçu & au moment où
» tout étoit en flamme.
ל כ
>>
( 216 )
M. de Sombreuil , Maréchal de- camp &
Lientenant de Roi à Lille en Flandres , a
été nommé dimanche dernier , Gouverneur
des Invalides ; ce choix eft généralement applaudi.
M. de Sombreuil , ci devant Colonel
en ie.ond du régiment de Huffards de
Eftérazy , jouiffoit dans fon corps de la
confidération la mieux méritée , & il emporta
tous les regrets lorfque fon grade le
força de quitter ce régiment ; à Lille il s'eft
également fait eftimer & aimer de tout le militaire
par fes qualités & par l'amour de l'ordre
qu'il portoit dans tous les détails .
La mort de M. Befner, qui commandoit
à la Guyanne , ayant fait vacquer ce gouvernement
, S. M. vient d'ynommer le Comte
de Villebois , Maréchal de- camp. S. M. à
nommé auffi M. de Martignac , Lieutenant-
Colonel du Régiment de Serche , & Brigadier
, à la place de Lieutenant - de - Roi de
Lilie en Flandre , vacante par la promotion
de M. de Sombreuil au gouvernement
des Invalides. Comme par le dernier réglement
, il a été décidé que les places de
Lieutenant- de - Roi de la premiere claffe feront
deſtinées à des Maréchaux- de-camp , on
croit que M. de Martignac , déja Brigadier
depuis long tems , fera promuà ce grade pour
prendre rang dans la premiere promotion .
On apprend d'Amfterdam que le 13 on y
a arrêté le fieur Bechade de Rouen , principal
tireur des lettres de change fur MM.
Tourton
( 217 )
+
Tourton & Ravel , & fur M. Gallet de
Santere ; il avoit pris le nom de Beaufa
blon ; l'on a faifi tous fes papiers , & l'un
de fes aflociés ou commis nommé Laroche ,
avec lequel il étoit paffé d'Angleterre en
Hollande fur fe paquebot d'Helvæftluys . A
ce fujet une lettre d'Amfterdam dit :
" On a arrêté non - feulement le Sr. Bechade ,
" mais encore le Sr. Laroche fon affocié . Deux
» Commerçans Hollandois intéreffés , à fufpecter
» leur bonne foi , ont provoqué leur déten-
» tion ; cependant ils ont confulté à ces égard un
» Avocat qui a déclaré qu'ils s'expofoient à encourir
une groffe amende fi Bechade & Laroche
n'étoient pas coupables ; les deux Commerçans
ont couru ce danger , & ont donné avis à Paris
» de leur démarche à cet égard ; il leur a été
envoyé d'abord des recommandations très - expreffes
pour les deux prifenniers , & enfuite il
- eft parti pour Amfterdam un Exempt de Po-
» lice chargé de les traduire à Paris . En les arrê-
» tant on leur a trouvé une Malle pleine de let-
1 tres & effets dont la faifie a été faite , & quijet-
-» teront un jour lumineux fur toutes leurs ma-
55
75)
noeuvres.
On écrit de S. Malo , en date du 6 , quel
ques détails affligeans fur le retour d'un
certain nombre de bâtimens , venant de
Terre Neuve.
Vers la fin de novembre dernier , difent ces
lettres , plufieurs navires font arrivés ici de Terre-
Neuve & du Banc , mais dans un état fi trifte &
fi miférable , que rien au monde n'étoit plus
digne de pitié. Ils auroient été plus malheureux
encore , s'ils n'avoient pas été rencontrés par
N°.
1.52 , 30 Décembre 1786. k
( 218 )
des barques chargées de vivres , d'eau & derafraichiffemens
, que leur retardement , occafionné
par le gros tems & par les vents contraires
avoit fait envoyer au- devant d'eux pour les fecourir.
Tous ces navires étoient abfo ument fans
eau , une grande partie des Matelots étoit attaquée
du fcorbut , & un homme n'avoit chaque
jour , pour toute nourriture , qu'un bilcuit .
Quand nos barques les rencontrerent , leur premier
foin fut de hiffer des bariques d'eau à leur
bord. Sur le pont d'un de ces vaiffeaux
barique vint à le défoncer ; à la vue de l'eau
qui fe perdoit , les Matelots fe jetterent tout
d'un coup à plat - ventre pour en boire.
>
une
Il eft auffi arrivé trois à quatre Bricqs & Goëlettes
venant de Miquelon , chargés de morue ,
très-bien conditionnée. Une de ces Goëlettes a
trouvé en pleine mer à la merci des flots , un
Bancquer , qui n'avoit plus que trois hommes en
érat de manoeuvrer ; encore étoient -ils mourans
de faim , & fi fatigués qu'il n'y avoit qu'un courage
comme furnaturel à pouvoir les foutenir.
Quelques Matelots étoient malades & preſque
expirans le plus grand nombre étoit mort du
fcorbut ou d'inanition. Le Capitaine de la Goë-
Tette , touché de la mifere exceſſive des malheureux
qui furvivoient à tant de maux , leur fit
paffer aufitôt des vivres , quelques rafraîchiffemens
, & quatre de íes meilleurs Matelots , avec
un Officier , qui a fait conduire ce navire à Péros
, en Baffe - Bretagne , d'où cet Officier a fait
favoir fon arrivée. 1
Un autre vaifieau venant du Banc , eft arrivé
ici , ayant eu le bonheur d'être rencontré & rafraichi
per la méme Goëlette : cependant , tous
l'équipage , à fon arrivée , atrachoit des larmes
aux coeurs les plus fermes , tant , à le voir , il
( 219 )
étoit aile de juger de l'extrême détreffe où il
avoit été.
Le navire le Préſigny , qui venoit de l'Ile de
Bat , où le gros tems l'avoit forcé de relâcher
s'eft perdu , faifant route vers ce port ; ce malheu
a eu lieu pendant la nuit , ce qui a empêché
de donner tous les fecours néceflaires . Beaucoup
de monde a péri ; & ceux qui fe font fauvés
l'ont fait avec beaucoup de peine.
On attend plufieurs vaiffeaux venant du Banc .
Ce qu'ont éprouvé ceux qui en font arrivés ,
donne pour ces navires les plus grands ſujets de
crainte.
On nous a communiqué de Meaux l'extrait
fuivant d'une Lettre de la Ferté-fous-
Jouarre , le 8 Novembre 1786.
"
« M. B *** , Négociant en meûles , fut
attaqué ces jours derniers fur les cinq heures &
» demie du foir , fur la grande route , en reve-
» nant de Montreuil- aux Lions ; il fe vit tout-à•
coup entouré par quatre coquins qui , d'un
» ton décidé , lui demanderent l'argent qu'il
" portoit , & tout ce qu'il pouvoit avoir de pré-
» cieux for lui. Seul , fans cfpoir de fecours , &
trop foible pour résister à quatre hommes vi
goureux & déterminés , M. B *** fut contraint
d'obéir , & de fe dépouiller de tout ce
» qui flattoit leur cupidité ; la réfiftance & les
» prieres euffent été vaines , il n'en fit point.
» Mais comme la frayeur & le trouble où il
» étoit donnoient à fes mouvemens un air d'embarras
& d'hésitation que ces fcélérats attribuaient
à la répugnance que l'on peut avoir à
» fe défaire ainfi de tout ce que l'on poffede ,
»un d'eux tenant un couteau levé ſur Li poitrine
, le menaçoit d'une mort fûre & promp
59
" k 2
( 220 )
農
و ر
1
te , s'il s'avifoit de défendre ou retenir quelqu'un
de fes effets. Tandis qu'il s'exécutoit ,
» les affafins délibéroient fur les moyens de
couvrir leur crime , & le plus sûr étoit de fe
défaire du feul témoin qui pût les accufer.
» C'étoit l'avis de trois d'entr'eux ; mais la Pro-
» vidence qui veilloit fur M. B *** permit
qu'en des voleurs demandât grace . Les autres
» ne l'accorderent qu'avec peine , puis ramaffant
les objets volés , ils fe difpofoient à s'enfuir ,
quand , après avoir rendu graces au Ciel
d'un protection auffi viſible , M. B *** courant
après celui qui lui avoit fauvé la vie , fe
» jetta à fon col , & l'embraffa en pleurant ; cèlui-
ci , furpris , s'arrête , héfite , lui rend en
> tremblant le baiſer de la reconnoiffance , &
plein de confufion s'éloigne lentement , & en
tournant la tête à plufieurs reprifes pour prolonger
fes regards fur l'homme qui a fait
naître dans fon coeur les douces & paifibles
impreffions du fentiment , au milieu des in-
» quiétudes du crime & du tumulte des re-
» mords ».
ב כ
သ
Les Affiches de Dauphiné rapportent une
lettre non moins finguliere dans un autre
genre , écrite de Chapareilian dans la vallée
de Graifivaudan , au fujet du mariage d'un
nonagénaire .
Louis Truchon , dit Latreille , habitant de ce
lieu , âgé de près de co ans , étant né le 21 Décembre
1696 , vient de contracter un troifieme
mariage le 23 du mois d'Octobre dernier , avec
Jeanne Derbeys , agée feulement de 25 ans.
Cet homme eft le Doyen de ce canton , peutêtre
même de la vallée de Graifivaudan . Il jouit
d'une fanté peu commune à cet âge : il a le
( 221 )
vifage très- frais , de beaux cheveux parfaitement
blancs , & l'ufage de tous fes fens & de
tous les membres : il n'eft fujet à d'autres incommodi
és qu'à celle d'an afthme qu'il éprouve
dans le tems rigoureux de l'hiver . Il fe maria
en 1725 , avec Virginie Droguet , dont il eut
fix enfans. I fe maria en 1739 avec Louiſe
Mazet , de laquelle il n'est aucun enfant . Sa
premiere femme mourut en 1736 , & la feconde
en 1773 , agée de 78 ans. N. Truchan , l'une
de les filles , fut d'abord mariée au nommé Ducros
: devenue veuve , elle fe remaria avec J.
B. Derbeys , qui étoit auffi veuf, & avoit eude
fon premier mariage des enfans , & entre
autres Jeanne Derbeys , qui eft celle que Louis
Truchon vient d'époufer en troifiemes noces. Par
ce moyen ce dernier eft devenu, le gendre de fon
gendre , & par alliance , celui de fa propre
fille . Cet homme a l'efprit très- ga : il a répondu
aux complimens qui lui ont été faits fur fon
troifieme mariage , par des facéties fans nombre,
également originales : mais celle qui excita le
plus à rire , fut la parole d'honneur qu'il donna
au milieu du repas de noces , que dans neuf mois
il auroit un garçon . Sa mémoire eft prodigieufe ;
toutes les circunftances de la vie y font préfentes.
il fe rappelle d'avoir eu l'honneur de faire
dinfer Louis XV fur fes genoux . Cette particularité
eft celle qu'il raconte avec le plus de
plaifir , à peu près en ces termes : « J'étois allé
joindre mon oncle à Verfailles , fous la mino.
rité de ce Prince , me trouvant un jour affis
dans une des cours du château , le jeune Roi,
qui me connoiffoit déja pour m'avoir vu , cou-
» tut à moi : j'ôtai vîte mon chapeau , & je reçus
Sa Majefté fur mes genoux , où elle danfa
quelque tems ; & puis , par après , elle me fit
k
3.
( 222 )
35
donner un louis d'or par M. le Duc de Vil
» leroi , fon Gouverneur , qui étoit préfent.
Elifabeth - Louife de la Rochefoucault ,
époufe de Louis Antoine- Augufte de Rohan
Chabot, Duc de Chabot , Lieutenantgénéral
des Armées du Roi , Chevalier de
fes Ordres , eft morte à Paris , le 13 de ce
mois.
Parmi les différentes conftructions qui fe font
actuellement , tant dans la Capitale que dans les
Provinces , il en eft où l'on emploie des pots de
terre cuite , creux & cylindriques, au milieu de
platras , pour hourder ou remplir les p anchers ens
fer , dont on fait actuellement ufage ; & ce d'après
un exemple des anciens , qui fubfifte à Ravennes
en Palie , dont le dôme eft conftruit avec
de pareils pots ; on vient encore de perfectionner
ce nouveau moyen , en employant la forme quar
rée , ce qui diminue de beaucoup le poids , en
économitant une quantité confidérable de plâtre ,
& en évitant les dangereux effets de la pouffée
qu'il produit.
•
On conftruit auff des routes ogives au lieu
de combles de charpentes , faites avec de pareils
pois de fix pouces quarrés fur quatre de profon
deur , ouverts par un de fes côtés , il y a de
diſtance à autres des ferntes de fer affez éloi❤
gnées & peu difpendieufes , le vide intérieur
que forment ces combles préfente à peu près l'inrérieur
d'une ruche , & la légéreté de ces fortes
de voûtes eft de beaucoup au-deffous du poids
& du prix de la charpente qu'on emploie ordimairement
.
C'eft au zèle & à l'intelligence du fieur Go
Beler , Maître Potier de terre à Paris , rue Copeau
, faubourg Saint- Marcel , qu'eft due la pers
fection à laquelle on eft parvenu à les faire fo-
1
( 223 )
lidement , il s'y eft porté avec empreffement ;
& a fait & fait faire à fes frais une quantité confidérable
d'effais qui lui ont été proposés par plu
feurs Architectes.
On peutvoir chez lui des voûtes , planchers &
combles , qu'il a fait exécuter avec fuccès , & qui
hui ont mérité les f. ffrages de l'Académie & des
connoiffeurs qui ont été visiter les travaux.
La fraude pratiquée dernierement fur des
lettres de change a fait imaginer à un Particulier
un nouveau modele de ces lettres ,
dont il a fait part à l'eftimable Auteur du
Journal général de France , Feuille particu-
Terement recommandable par le grand nom
bre d'articles utiles qu'elle renferme , & par
Tefprit qui anime fon Rédacteur.
Toute ame honnêre , dit ce Particulier ,
doit s'occuper des moyens de prévenir une
fraude d'autant plus préjudiciable a Public
& à MM. les Banquiers , que les uns & les
antres ne peuvent s'en appercevoir qu'au
moment du paiement . Il me femble voir
en cette circonftance , la furpriſe qu'éprouvent
deux performes honnêtes. Leur embarras
excite ma fenfibilité ; & comme ancien
Négociant , j'opere de différentes manieres
pour découvrir un moyen fimple &
en même temps sûr , d'établir un modele
de lettres de change conforme à l'Ordonnance
de 1673 , & qui ne fot fufceptible
d'aucune efpese de faufferé : j'ai à cet effet
adopté de préférence les chiffres de finance
Four le bon defdites lettres , & pour leur
k
4
( 224 )
acceptation . Je n'en donnerai qu'un exempie
, qu'on peut multiplier de toutes façons ;
& on reconnoîtra que les fraudes pratiquées
foit dans l'écriture françoife , foir dans les
chiffres de finance , foit dans l'un & l'autre ,
ne rendront jamais la même fonime , & fe
contrôleront mutuellement.
MODELE d'une Lettre - de-change.
De Paris , le 12 de Déc. Bon pr. la fomme de iiiic 1 , xiij ſ
Meffieurs , au trente de Janvier prochain ,
il vous plaira payer à Monfieur . .... ou ordre
, la fomme de quatre cent livres treize
fols , valeur reçue comptant dudit fieur , &
que je paffe ai à votre compte , fuivant l'avis
de
A Meffieurs ,
Meffieurs....
Nég, à Rouen,
Accepté pour la
Votre très hum-
Somme de quatre ble ferviteur , &c.
cent livres treize
fols.
Bon pr. iiiic. 1. xiij f.
Signé , & c.
Le feur Blin , Maître Imprimeur en tailledouce
, vient de publier les deux premieres livraiſons
de fa Collection des Portraits des Grands
Hommes , Femmes illuftres & Sujets mémorables
de l'Hiftoire de France , gravés & imprimés en
couleur , format in-4°. Chaque Portrait a pour
pendant un Tableau , repréfentant la plus belle
action de l'Homme ou de la Femme célébre qui
en fait l'objet . Chaque livraifon , compofée de
deux Portraits & de deux Tableaux , fe paye
8 liv. à Paris , & 9 liv. en Province , port franc.
( 225 )
Les deux premieres livraifons font juger trèsavantageufement
de cette entreprife ; elles font
exé.utées avec choix , exactitude & élégance , &
accompagnées de Notices précises , très bien faites.
On foufcrit chez le fieur Blin , place Maubert
, no. 17 , & l'on ne paye point d'argent d'avance
. Les foufcripteurs de la Province & de:
l'Etranger peuvent faire paffer leurs remifs à
l'Auteur , foit par leurs, Correfpondans à Paris .
foit par une refcription des Bureaux des Poftes .
: PAYS- B A S.
DE
BRUXELLES , le 23 Decembre.
l'alop
>
Les lettres de Rome portent que
tion des projets de finances du fieur Miller ,
projets qui ont été enfuite abandonnés , ont
caufé une affez vive fecouffe dans toute la
Banque , & la maifon Ranieri a fait une faillite
tres confidérable. L'accueil fait aux,
donneurs de projets en a appellé une quantité
énorme ; & parmi eux il convient de
diftinguer un vieil & pauvre Horloger Savoyard.
Affifté d'un camarade adroit , il alla
trouver le Commandeur du grand Hôpital
du S. Efprit , & lui déclara qu'il avoit un
remede affuré contre toute espece de folie,
Le Commandeur , plein de fens , renvoya
comme fol l'Opérateur Bary , ( car il s'ap
pelle de ce nom ) . Bary ne fe découragea
pas : il préfenta un beau Mémoire au Maître
de Chambre du Palais Apoftolique ; & fa
Requête parvint jufqu'au Souverain . Il y
ks
( 226 )
expo'oit que fon fecret devant appeller à
Rome tous les fonds de PUnivers , il en réfulteroit
un très-grand avantage & une immenfe
population. On crut qu'il convenoit
de faire au moins l'effai de la méthode curative
de M. Bary ; elle fut ordonnée : on la
fit fans fuccès fur deux fous de l'Hôpital du
S. Efprit ; & le prétendu Médecin fut chaſſé;
quelques perfonnes ajoutent qu'on lui a feulement
permis de traiter le fieur Miller , Auteur
infortuné de tous les projets qui ont
fatigué fi long temps l'Etat Eccléſiaſtique.
Il s'étoit élevé il y a quinze jours , une
fédition au Séminaire de Louvain, dont une
Lettre de cette ville raconte en ces termes
les particularités.
Depuis le 15 du mois dernier , le Séminaire
général établi par l'Edit du 15 Octobre précédent
, étoit ouvert . Le bâtiment deſtiné à
cet établiſſement royal n'étant pas achevé , om
l'avoit placé provifionnellement dans trois Colleges
réunis par des communications: on y avoit
pratiqué des logemens autant commodes que le
local pouvoit le permettre , & on ne s'étoit principalement
occupé que de la falubrité du logement
& de la table , qui étoit , de l'aveu de tout
le monde , meilleure qu'elle ne l'avoit été julques
-là dans aucun College de Théologie.
Trois cents Séminariftes ou environ , admis fur
les témoignages de capacité & de moeurs délivrés
par les Evêques refpectifs , paroiffoient ſe plaire
affez dans le nouvel établiſſement. Mais que ne
peut le fanatisme ? les fentimens de confiance, de
foumiffion & de reconnoiffance qui devoient les
animer , ont cédé tour- à- coup aux impulfions du
( 227 )
plus coupable délire. Des plaintes vagues por
tant alternativement fur le régime interne du Séminaire
&fusla doctrine des écoles de Théologie,
dirigées par d'anciens Profeffeurs choifis dans
F'Univerfité même, & par l'Abbé Stoeger , membre
diftingué de l'Univerfité de Vienne , envoyé
par Sa Majesté pour préfiderata Faculté de Tnéologie
& regir le nouveau Séminaire , ont été fuivies
d'une infurre&tion vraiment féditieufe contre
tous les points de la difcipline , il n'y a fortes d'excès
auxquels une troupe audacieufe d'éleves deftinés
aux plus intéreffantes fonctions du facré Miniftere
, ne le foit portée . Meubles détruits , our
trages de toute espece envers les Supérieurs.de
la maison , cris tumultueux , menaces qui n'al
loient pas moins qu'au maffacre de quelques imdividus
, & à un embrafement qui eût pu devenir
général , tout fut employé pour faire éclater un
mécontentement deftitué de tout ſujet raiſonnable
& pour le procuter une licence abfolue
Le Gouvernement - Général inftruit de ces
circonftances , & voulant prévenir dans le principe
les fuites d'un pareille défordre , envoya ici
le 8 de ce mois , un Commiffaire , qui fe rendit
au Séminaire vers les fept heures du foir , eſpéran
que fes exhortations rameneroient cette jeuneffe
turbulente à fon devoir. A peine vouluson
l'écouter ; à des cris tumultueux fuccéda une
grêle de pierres , & ce Commiffaire Royal ne
dut fon falut qu'à fa prudence , il fe retira,
non fans danger imminent de perdre la vie
avec le Recteur Magnifique de l'Univerfité &
d'autres perfonnes qui l'accompagnoient . Le fa
natifme continua à s'exhaler par les éclats les
plus fcandaleux .
Pour veiller à la sûreté publique & foutenir
ay befoin l'autorité royale , les Gouvernementk
6
( 228 )
Général a pris la précaution d'envoyer ici fac
ceffivement un détachement de trente Dragons
du Régiment d'Alberg , un bataillon du Régiment
de Murray en garnison a Bruxelles , deux
autres bataillons du mème Régiment en garnison
à Namur , & une divifion du Régiment d'Arberg
, Dragons , en garcifon à Mons. Les chofes
font restées dans le meme état à peu- près juſqu'à
ce matin vers les cinq heures , qu'une divifion
d'Infanterie a occupé le Collège. Le Subftitut
du Procureur- Général de Brabant s'y eft rendu
à la même heure. On a arrêté tous les Seminarifles
dans leurs chambres pour les interrogatoires
auxquels on eft occupé en ce moment.
On s'eft faili d'un des principaux auteurs du
trouble , & on l'a condeit en prifon..
On s'attend ici à l'arrivée d'une commiffion
de Confeillers du Confeil de Brabant délégues
par le Gouvernement - Général pour juger les
auteurs , les fauteurs & les infligateurs de cette
émeure. Nous aurons foin de vous informez
fucceffivement de ce qui en arrivera .
Conformément à l'Ordonnance fuprême
d1 22 Octobre , concernant la maniere de
tirer parti des peaux des bêtes mortes d'épizootie
, le Gouvernement de la Balfe Autriche
a publié l'avis fuivant .
Toutes les peaux , qu'on âte aux bêtes qui
meurent d'épizootie , peuvent être librement &
fans danger remifes aux payíans pour les vendre
aux Tanneurs & Marchands de cuir pour
les métiers & commerce , à condition que les
formalités fuivantes, feront obfervées . 10. Toutes
les peaux font propres à être employé es felon
le befoin , quand les Bêtes defquelles elles
ont été tirées ne font pas mortes de maladies qui
( 229 )
leur ait laiffé des bubons peftilentiels fur le
corps , ou la gale fur la peau. Quand un de ces
fignes parcit , les bêtes doivent être au plutôt
enfouies profondément avec la peau & le poil .
Ceux qui ôtent la peau à de telles bêtes , mettent
leur vie en danger. Ces peaux ne font pas
feulement envenimées mais encore incapables
d'être tannées , & par conféquent ne peuvent
être d'aucun ufa ge.
"
2º. Par rapport à la grande quantité de bêtes
mortes de contagion , dont les peaux en ufage
peuvent être ôtées fans danger , on doit obfervér
ponctuellement & confcentieufement les précautions
fuivantes , pour éviter les accidens les
plus funeftes , fuite inévitable de la moindre négligence
à cet égard,
3° . Il n'eft pas permis à perfonne d'écorcher
dans ou près de l'étable , une bête tuée pour
caufe de maladie quelconque , ou par autre motif;
à bien plus forte raifon fi la bete eft morte
attaquée de contagion.
4. Sitôt qu'une bête eft morte , elle doit
être emportée hors de l'étable , mife fur une
charrette , & menée à l'endroit où l'on doit
l'enfouir , fans qu'il foit permis de l'y traîner ,
de quelque maniere que ce foit.
5°. La bête ainfi tranfportée , ne fera pas ex--
pofée au foleil , ni à la chaleur ; mais dès qu'om
aura enlevé la peau , le corps fera fur le champ
enterré.
6º. La peau ôtée doit être mife & preffée avec
des pierres , pendant 24 heures , dans une leffive
de cendres , ou dans l'eau falée , ou dans l'eau
aigrie par le vinaigre ou l'alun , fans laquelle
préparation il n'eft permis à qui que ce foit ,
de fécher ni vendre aucun cuir .
7°. Pour empêcher que la contagion ne ſe ma,
( 230 )
nifefte & fe répande dans le pays ou le licu out
il y a quantité de bétail , il faut tenir des tonneaux
de tanneurs , près des places où Fon
écorche les bêtes , pour y lefliver les peaux
les fécher , & les rentre enfuite aux propriétaires
pour être vendues ou employees.
Tout cela doit être ponctuellement obfervé
& exécuté pour prévenir tout malheur : dans ce
cas , le pays , les habitans & le voi finage ferone
hors de tout danger : fi , au contraire , on fe
permet quelque négligence à cet égard , les plus
grands maux font inévitables.
On man le de Corfou , fous la dare du
13 Novembre , que par un bitintent de
commerce venant de l'Archipel , on y avoit
appris que le Capitan Pacha étoit arrivé
avec toute fa flotte , de retour de fon expé
dition en Egypte , dans l'ifle de Scio, Cette
nouvelle détruit abfolument le bruit qu'on
a répandu depuis quelque temps fur la mauvaife
réuffire de cette expédition & la défai e
de ce général par les Beys de cette Province.
On a fu par le même canal , que le Pacha
de Morée avoit été dépofé , & que fon fucceffeur
a eu ordre de mettre toutes les for
tereffes de fon département dans le meilleur
état de détente. Nous avons appris en même
temps par le dernier courrier de Livourne
, que le Chevalier Condulmer , Chefd'efcadre
, parti d'ici à bord du chebec le
Cupidon , pour joindre notre flotte pris de
Malthe , ayant été affailli en mer par un gros
ouragan , avoir été contrains de fe réfugier
dans le Fort de Ferrajo , d'où fon vaiffeau
( 231 ).
qui a eu le malheur de donner fur un banc
de fable , à l'entrée de ce port , fut ramené
à Livourne , pour y être radoubé.
La ville de Haarlem a propofé , dans
FAffemblée des Etats de Hollande , de pro
longer le temps de la Commiflion , tou
chant l'affaire de Breft , jufqu'au mois de
Mai 1788 , donnant pour raifon que , fans
cette mefure , la Commiffion fe fépareroic
peut être avant d'avoir terminé fon objet.
Cette propofition a été prife a referendum
par les villes de Dordrecht , de Delft , & de
Medenblick . Gazette de la Haye, nº . 151 .
La Réponſe des Etats de Gueldre aux
Etats de Hollande eft écrite en termes trèsénergiques.
Les Etats Gueldrois obfervent ,
à l'égard du Régiment des Gardes Dragons,
que les troupes font dépendantes de la géné
ralité ; qu'en ayant prêté ferment dans une
Province , une autre ne peut leur donner
des ordres , maxime qui a toujours été fuivie,
qu'ils ont enjoint en conféquence au Colonel
des Dragons de ne point obéir aux ordres
des Etats de Hollande tant qu'ils ne feront
point fur leur territoire ; qu'ils demandent
à ceux- ci réparation de l'atteinte comnife
fur la fouveraineté de Gueldre , & les
préviennent qu'ils ont donné à leurs dépurés
aux Etats Généraux des inftructions relarives
à cette difficulté , & deftinées à folliciter les
moyens d'empêcher qu'elle ne fe renouvelle.
Les Seigneurs Etats de Hollande ont lu
1232 )
dans leur de niere affemblée la lettre qui
doit fervir de réponſe à celle des Seigneurs-
Etats de Gueldre . ( Gazette de la Haye. n° 153.)
Ladite Province de Gueldre vient de refufer
la médiation de la Zélande, ainſi qu'elle
a décliné il y a quelques femaines celle des
Etats de Gioningue , perfiftant à foutenir
qu'il ne peut y avoir de médiation entre les
Etats & les deux villes rébelles . Idem.
و د
Voici quelques détails ultérieurs fur l'attentat
qui a eu lieu dans le vaiffeau le Borboitein .
Ce navire avoit mis à l'ancre à la hauteur de
Diunt ; le lendemain matin , les recrues pour
la Légion de Luxembourg qui y étoient à bord
pour être transportées à Ceylan , fe mutirerent ,
forcerent le Capitaine de fe lever , & de leur
défigner le lieu où l'argent étoit dépofé ; enfuite
ils l'enfermerent avec les autres officiers & folats
de garde ; ils forcerent les caiffes & enleverent le
plus de Dollars qu'ils purent. Un nombre d'environ
de ces miférables quitta alors le vaiffeau
pour s'embarquer avec le tréfor , fur la
chaloupe . Dans ce moment de confufion , le Ca
pitaine parvint à donner quelques fignaux. Un
Cutter Anglois armé qui fe trouvoit tout près
comprit qu'il fe paffoit fur le Vaiffeau quelque
chofe de contraire au bon ordre ; il s'avança fur
la chaloupe qui fuyoit , en tirant deffus , & la
força d'amener. Ces mutins furent pris , ils
avouerent leur complot , &. furent conduits à
terre , où ils furent mis fous la garde du sie.
Régiment , & conduits au château de Sanhown.
Le Capitaine & les Officiers du Vaifeau Hollando's
avoient profité du moment où le refte
de ces fcélérats me toit la chaloupe en mer, pour
fe dégager de leurs liens ; il s'engagea alors un
>
( 233 )
combat affez vif, oùs des mutins furent tués ;
& entraînés au fond de l'eau , par le poids même
du butin qu'ils vouloient emporter . Plufieurs
s'étoient fauvés fur deux petites chaloupes , mais
neuf ont été arrêtés à Douvres & un à Ramsgate.
Il n'en manque aujourd'hui que trois , que l'ont
pourfuit encore . Il y a au trélor un déficit de
6500 Dollars que l'on croit être tombés dans la
mer. Idem.
M. le Baron de Reifchac , Envoié extraor
dinaire de la Cour de Vienne auprès de Lears
Hates Puiffances , a demandé & obicnu fes
lettres de rappel , au grand regret de tous
ceux qui ont l'honneur de connoître ce Miniftre
refpectable.
L. H. P. ont reçu de leurs Ambaffadeurs à la
Cour de Verfailles , la nouvelle , que Mr. Te
Comte de Vergennes leur auroit communiqué ,
que le Gouvernement - Général des Pays - Bas-
Autrichiens n'avoit aucune vue de mettre en conteftation
les Droits de L, H. P. fur la Navigation
du Swin , qu'au contraire ledit Gouvernement
étoit décidé à s'en tenir exactement à ce qui avoit
été communiqué à L. H. P. par la Régence de
l'Eclufe en Flandres , que les avis , donnés récemment
à L. H. P. ne fe confirmoient en aucune
maniere. Idem .
Paragraphes extraits des Papiers Anglois & autres.
On fait actuellement que le nommé Baretto
qui fe trouve depuis quelque temps à Stockolm ,
n'eft point Portugais , mais Anglois de na f
fance , & que fon véritable nom eft Boltz ;
qu'il a été intéreffé dans les actions de la Com(
234 )
pagnie Orientale de l'Empereur , & qu'il a beau
coup perdu à la faillite de M. Proli. Il n'a point
acheté ici de navires , mais on prétend qu'il a
préfenté au Gouvernement divers projets de
finance , & l'on croit qu'il eft maintenant parti
pour la Hollande. Gazette de la Haye , n° .
153 .
Ο
Les lettres particulieres de Conftantinople re,
ques par le dernier Courier de la Turquie , ne
font, pour ainfi dire, aucune mention de l'accommodement
, fuppofé conclu entre la Ruffie & la
Porte , du moins elles en parlent d'une maniere fi
vague, que fi l'on n'en avoir pas la certitude par une
autre voie , l'on feroit tenté d'en conclure précifément
le contraire. A la vérité , il parcît que
dans tout ce qui a été réglé entre les hauts contractans
, il n'a point été queſtion d'un Traité par
écrit , mais fimplement que le Miniftre Ruffe qui
refide à Conftantinople eft convenu avec le Minis
tere Ottoman , que la Porte donneroit des ordres
très rigoureux aux Pachas des confins de la Geor
gie, pour qu'ils ne foutiennent plus , ni directe
ment ni indirectement , les Tartares du Caucale,
-
Quelques avis portent que lesdits ordres
avoient déjà été expédiés avant l'arrivée du Courier
de France qui apportoit à l'Ambaffadeur de
cette Cour l'ordre d'offrir la médiation du Roi
Très- Chrétien à ce fujet , & qu'en conféquence
ladite médiation n'avoit point été néceffaire.-
Malgré tout cela , lebruit fe répand que le Prince
Heraclius a fait un accomodement avec les Tar
tares . Idem.
Depuis la réception du Courier, arrivé dernierement
de Petresbourg le Grand- ConfeildeDantzick
a été affemblé : le Magiftrat Ini a fait part des réponies
que la cour de Ruffie que celles de Varfovie
& de Berlin ont faites fur différentes propos
( 235 )
fitions de la Ville. La premiere eft des plus fatis
faifantes , contenant l'affurance , « que l'Impéra
trice perfiftoit dans les fentimens favorables à
lon égard , & que la Ville pouvoit compres
fur la protection . La cour de Pologne décla
roit également , a qu'elle ne cefferoit de faire
» tous les efforts , qui dépendent d'elle , afin de
" porter S. M. Pruffienne à délivrer le commer-
» ce de Dantzick & de la Pologne des entraves ,
»
auxquelles il fe trouvoit affajetti » . Notre bonheur
feroit complet , fi la cour de Berlin avoit
répon lu d'une maniere auffi propre à nous tran
quilifer : Mais l'on dit , qu'elle a déclaré , « que
S. M. Pruffienne ne fe départiroit en rien
de ce qui avoit eté flipulé par le Roi , fon prédéceffeur
». Cette déclaration ne nous laiffe
que peu d'efpoir de voir terminer cette affaire au
gré de nos defirs. Une autre nouvelle peu favo
rable , que nous venons de recevoir , c'eût que le
nouveau Monarque Pruffien a permis à fes Sujets
le libre commerce du café & di tabac . Cette
liberté , qui s'étendra auffi à la Pruffe , ne pourre
qu'augmenter la concurrence , au préjudice des
Négocians Danizickois . Gaz, Hel. n . 101 .
Caufe extraite du Journal des Caufes célebres ( 1 ).
Sourd & muet de naiſſance , accufé de viol , E
condamné aux galeres à perpétuitépar les premiers
Juges.
Le viol eft un crime que les loix , protectrices
[t] Le Bureau de ce Journal eft actuellement rue du
Théatre François , la derniere porte cochere près la Place ,
chez M. Defearts , Avocat, & chez Mérigot le jeure ,
Libraire, Quai des Auguftins . Prix , 18 liv, pout Paris
84 liv pour la Province.
( 236 )
des moeurs & de l'honnete é publique , ont , dans.
tous les temps , pusi avec une jufte rigueur. C'eft
fous la fauve garde de ces loix tutélaires que repole
l'honneur d'un fexe que la foibleffe & fes
charmes rendent également intéreffent : les peines
feveres qu'elles prononcent , en mettant un
frein falutaire à la fongue des paffions , affurent
le repos des familles & celui de la fociété entiere.
L'homme qui , élevé dans la connoiffance de ces
loix , les foule aux pieds & brave leurs menaces,
pour affouvir une paffion effrente , doi : fentir
tout le poids de leur vengeance. L'etre infortuné
qui a fouffert de fon infolence brutale , la
fociété dont il a troublé le repo , tout demande
une victime ; mais cette maxime peut - elle s'appliquer
à un fourd & muet de naiffance , dont là
railon altérée par le défordre de fes fens , livrée
à une éducation groffiere , n'a pu être éclairée
des principes de la feciabilité & de l'ordre public,
ni connoitre d'autres loix que celles gravées par
la nature , dans le coeur de l'homme. Ce malheureux
peut être puni pour avoir enfreint
une loi qu'il n'a pas connue ? La loi doit-cls
exercer fir lui fa vengeance , fur- cut lorique le
délit n'a pas été confommé ? ... Quelle caufe p'us
intéreffante & plus digne de fixer l'attention des
magiftrats , que celle où la nature fe trouve apx
prifes avec la loi Ici pour fe reproduire
l'homme apporte , en venant au monde , un penchant
irréfiftible pour tout ce qui tend à remp'ir
ce voeu de la nature . Ce penchant , s'il n'étoit
dirigé , pourroit jeter dans le fyftême focial des
défordres qui en troubleroient l'harmonie ; une
loi infiniment fage , auffi ancienne que la fociété
, lui a fixé des bornes ; mais , comme cette
loi n'eft pas dans l'homme , comme elle ne naft
pas avec lui , on ne peut punir , comme coupable
de fon infraction ', l'être infortuné , qui privé,
( 237 )
en naiffant , d'une partie de fes facultés , ignore
ce que c'est que la fociété , & ne connoît que la
loi du befon & le droit de le fatisfaire . Cependant
une fentence du bailliage de Péronne a condamn
Caulier , feurd & muet de naiffance , aux
peines les plus rigoureufes , pour avoir , en fuivant
l'infint de la nature , enfreint une loi que
la privation de deux organes & le défordre de fes
facultés intellectuelles , ne lui ont jamais permis
de connoître... »
Jofeph Caulier , né de parens pauvres , a encore
eu plus à fe plaindre de la nature que de la
fortune ; privé , dès la naiffance , de la faculté
d'entendre , il l'a été , par fuite , de l'ufage de
la parole . L'éducation , fi néceffaire pour réprimer
les mouvemens de nos paflions , lui a abfo-
Jument manqué. Malgré le vice de la conftitution
, il paroît que Caulier fe livroit aux travaux
de la campagne , & aidoit à foutenir fa mere &
fes freres , qui partagent les infirmités de leur
aîné . Pendant une partie de l'année , Caulier travailloit
en qualité de journalier ; mais comme il
eft une faifon morte pour ces fortes d'ouvriers ,
l'ouvrage lui manquoit en hiver. Alors il parcouroit
les villages voifins de fon habitation , pour
y chercher fa fubfiftance & celle de fa famille.
Dans les derniers jours du mois de décembre
1725 , Caulier fortit de chez lui pour aller ramafler
des branches feches dans un bois voilin ;
en traverfant le chemin qui conduit de Péronne
´au Catelet , il rencontra deux femmes , s'approcha
d'elles , & , fuivant fon ufage , leur demanda
l'aumône ; l'une d'elles , veuve d'un employé
dans les fermes , touchée de fa mifere , ou peutêtre
effrayée par les efforts qu'il faifoit pour exprimer
fes befoins , tira de fa poche 3 liv . 12 f
1238 )
qu'il reçut comme argent de charité. Caulier ne
pouvant exprimer fa reconnoillance par des par
roles , avoit coutume de la témoigner par des
fignes & des Sons mal articulés . L'importance de
l'aumône qu'on venoit de lui faire , redola fa
fenfibilité , & ajouta au defir qu'il avoir de la
faire connoître. Après plufieurs fignes , il prend
le bras de cette femme , le preffe plufieurs fois.
& , par les inflexions de fa voix , s'efforce de lui
prouver la gratitude. La veuve s'effraie , fe laife
tomber ; le défordre rccafionné par la chûte
éveille peut- être dans les fens de Caulier des defirs
dont jufqu'alors i paroilloit n'avoir pas reffenti
l'atteinte , & il femble vouloir abu er de
cette chûte ; mais bientôt , aux cris de cette
femme & de fa compagne , un cavalier de maréchauffée
de leurs parens , qui venoit de les
quitter , accourt à leur fecours avec un ouvrier
qui travailloit dans le bois voisin .
Une plainte renue par le miniftere public ,
accufe Caulier de vol , & d'avoir tenté de violer
la veuve d'un employé furde chemin de Péronne
au Catelet : cette plainte eft fuivie d'une information
, & l'information d'un décret de prife - decorps
; enfin , par une fentence du bailliage de
Péronne , Caulier eft condamné au fouet , à la
marque , & aux galeres à perpétuité.
Il eft facile de prouver l'injustice de cette
condamnation .
:
•
$
Un fourd & muet de naiffance , voit tout ce
qui fe paffe fous les yeux , mais il voit fans comprendre
cette vue même ne fait que porter la
confufion & l'incertitude dans fon efprit . La
contrariété qu'il remarque entre ce qu'il obferve
& ce qu'il fent , le jette dans un état de perplexité
quile tient continuellemenr en défiance contre le
rapport de fes fens ; le tableau de la fociété eft
( 239 )
pour lui ce qu'eft pour nous le fpectacle du morde.
Nous voyons , mais nous ne pouvons ni ap
percevoir la loi qui conduit cet enfemble admirable
, ni calculer les inconvéniens qui en réſu -
teroient fi l'on s'en écartoit un moment . Le
fourd & muer de naiffance ne peut donc prendre,
des chofes mêmes fenfibles , que les notions
les plus imparfaites fi , defcendant en lui même ,
il y cherche le motif des actions dont il eft le
témoin, il s'agite en vain ; ne connoiffant que la
loi du befoin , il y rapporte tout & s'égare .
Un fourd & muet placé dans une claffe ordinaire
, peut cependant prendre quelques notions
de l'ordre focial . L'attention avec laquelle on
Jui fait remarquer ce qui fe paffe fous les yeux ,
ce foin que l'on prend de lui en faire pénétrer le
motifpar des fignes , fupplée , en quelque forte,
au défaut de la nature , & cette elpece d'éducation
lui procure , au moins , les fecours qui lui
font néceffaires pour fe conduire. C'eft ainfi que
le génie induftrieux & bienfaisant d'un eccléfiaftique
vertueux a fu ouvrir à la fcience , à la
vérité , à la vertu des ames qui femb'oient leur
être à jamais fermées & avec un zele autfi act £
que noble & généreux , rend tous les jours à la
fociété des hommes qui étoient perdus pour elle:
nommer ce bienfaiteur de l'humanité ( 1 ) , c'eſt
avoir fait son éloge.
Caulier ne fut pas trouvé dans une pofition
auffi favorable ; placé au milieu d'êtres prefqu'uffi
malheureux que lui , il s'eft vu abandonné
à lui - même. Une main bienfaifante n'eſt
pas venue alléger le poids de fon infortune , & l'aider
à développer fes idées . Pauvre , fans reflource,
( 1 ) M. l'abbé de l'Epée.
( 240 )
le front continuellement courbé vers la terre , il
ne connoît que le fol qu'il cultive . Son travail le
nourrit. Il faut donc labourer ; c'eft le terme de
fes réflexions. Ses bras , les inftrumens dont il fe
fert ; voilà tout ce qui l'intéreffe , voilà tout ce qui
peut fixer fon attention : tout ce qu'il fent, ce font
fes befoins : tout ce qu'il connoit , c'eſt la néceffité
d'y pourvoir ; c'eft le droit de les fatisfaire ..
Enfin il n'a de facultés que celles qui lui font abfolument
indifpenfables pour la confervation de fon
individu .
Ce n'eft cependant encore là qu'une partie des
malheurs qui ont accablé Caulier ; la nature y a
mis le comble. Déjà privé de la faculté d'entendre
, il n'a reçu d'elle qu'un efprit foible & borné ;
fa tête mal organifée a bientôt fucconibé fous le
poidsde fes maux , & il eft dans un état d'imbécillité
dont les fymptômes fe manifeſtent d'une maniere
plus fenfible à certaines époques.
Teleft pourtant l'individu que le miniftere public
défere à la Juice , tel eft celui à qui l'on a
fait un crime de n'avoir pas connu une loi qui n'eſt
que le résultat des rapports les plus compliqués.
Ces moyens de défenſe ont fait & dû faire impreffion
fur l'efprit des Magiftrats ; mais comme
Caulier avoit l'efprit aliéné , les Magiftrats , en
Je déchargeant de toute accufation , n'ont pas cru
devoir lui accorder une liberté dont il auroit pu
abuſer ; en conféquence la Cour , parfon Arrêt
du 18 Août 1785 , a infirmé la Sentence du Bailliage
de Péronne , & néanmoins , a accordé que
Caulier fera enfermé à Bicêtre , pour y être traité
& foigné comme les autres infenfés .
DE FRANCE ,
DEDIE AU ROI ,
PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES,
CONTENANT
Le Journal Politique des principaux événemens de
toutes les Cours ; lès Pièces Fugitives nouvelles
I
en vers & enprofe , l'Annonce & l'Analyſe des
Ouvrages nouveaux ; les Inventions & Décou
vertes dans les Sciences & les Arts ; les Spectacles
; les Caufes Célebres ; les Académies de
Paris & des Provinces ; la Notice des Édits
Arrêts , les Avis particuliers , &c . &c. ,
SAMEDI 2 DÉCEMBRE 1786 .
DU
QHA
TEA!
PARIS
Au Bureau du Mercure , Hôtel de Thou,
rue des Poitevins , No. 17.
Avec Approbation & Brevet du Roi.
TABLE
Du mois de Novembre 1786.
PRICES FUGITIVES.
3 Vers à M. Sorin ,
Efai d'Infcription pour l'Amphitheatre
de Académie
Royalede Chirurgie ,
Couplets à Mefdames de M...
& de B....
Epitre à un Ami ,
Plaifir & Peine , Conte,
4
Hiftoire de la Maifon de Bour
bon,
77
Manuelpour le fervice des Malades
,
و
194
Eloge Hiftorique du Baron
de Biron ,
Numa Pompilius,
122
De l'Electricité du Corps Hu
main ,
ib.
49
132
53
Le Négociant Patriote
Voyage Pittorefque de Naples
97 & de Sicile ,
136
Epitre à Madame la Duckefe
de Narbonne,
Chanfon , 99 151
Epitaphe deM. le Marquis de Eſſai fur les Facultés de l'ATourzel,
145
me ,
Vers à Mme la Marquise de Quelques Vers ,
Į***
172
180
146 Panegyrique de S. Denis , 184
SPECTACLES.
Le Petit Maitre& le Chien ,
Fable , 147 Concert Spirituel,
Charades , Enigmes & Logo- Comedie Françoife ,
92
137
140 gryphes , 4, 74 , 101 , 149 Comédic Italienne ,
NOUVELLES LITTER. Annonces & Notices , 45 , 94
Hiftoire du Bas- Empire , 8
142 ,
Firginie
351
A Paris , de l'Imprimerie de M. LAMBERT ,
zuc del a Harpe , poet : S. Côme,
EW-YOTS
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 2 DÉCEMBRE 1786.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
A
Madame...•• dont une des jouiffances
étoit de foulager les pauvres aveugles.
L'AVEUGLES UGLE, dites- vous , a des droits für votre
ame ;
Toujours à fon aſpect la pitié vous enflamme ;
Il en est un pourtant que vous ne plaignez pas :
C'eft en vain que vers vous il a tendu les bras ;
A fa voix , à fes pleurs yous êtes infenfible.
- Où donc eft cet aveugle , objet de ma rigueur ?
Craignant de fe montrer à votre oeil inflexible ,
Hélas ! l'infortuné s'eft caché dans mon coeur.
-
(Par M. Langeron fils. )
A ij
4 MERCURE
LE MOQUEUR MOQUÉ , Anecdote.
En plein føyer , par forme d'entretien ,
Ces jours paffés , Cléon , Marquis moderne
Apoftrophant un Auteur fubalterne :
Votre Opéra , lui dit- il , ne vaut rien .
Lors le Rimeur , que ce propos afflige
Peut-on favoir ce qu'on y blâme ? .Tout.
Ni plan , ni ſtyle , & pas l'ombre du goût. —
Daignez,Monfieur...- Eh non, eh non, vous dis-je,
Hier , chez moi , dans un fouper exquis
Des gens de nom , gens en qui l'efprit brille ,
Vous ont jugé, Ma foi , Seigneur Marquis
Ce n'étoit pas un fouper de famille.
( Par M. D *** T ***. )
MISANTHROPIE , traduite du Grec de
Ménandre,
SI quelque Dieu fur moi déployant fa clémence ,
Difoit : Meurs , & demain tu reprendras naiſſance ;
» Tu feras dans le monde un animal nouveau ;
Tu feras , à ton gré , cheval , bouc ou corbeau
» Mais longe qu'une fois ta forme bien choisie , 1
» Tu décriras encor le cercle de la vie.
Je répendrpis : Grand Dieu ! fais ce que tu voudras ;
DE FRANCE. S
» Fais- moi naître l'égal des cirons ou des rats ; -
» Change- moi , fi tu veux , en un chétif atôme ,
» Je ferai tout , pourvu que je ne fois point homme.
» L'homme eft des animaux le feul que le deſtin ,
» S’il l'élève le ſoir , terraſſe le matin ;
» Lui feul portant le glaive au coeur d'une victime
»Fait mourir la vertu fur les Buchers du crime.
» Au chien fenfible & dour qui va toujours léchant ,
» L'on prodigué des niets qu'on refufe au méchant.
» Contemple ce courfier tout bouillant de courage ;
» Il voir l'humble poulain lui céder te paffage.
» Sait- il våïïère ? Le coqid le grain le meilleur ,
Et le lache , en tremblait , le reçoit du vainqueur.»
Mais pátini les humains füt- ob la vetta même , a
90
Dans le gouffre du fort ces titres font perdus.
Trois vices valent mieux que toutes les vertus .
Pour la fourbe d'abord mille fleurs font éclofes ,
Et le chemin du rörde eft phileiné de roles.
La pâle calomnie obtient le fecond rang
Le troiſième eſt enfin pour katt du courtilan .
Mieux vaudroit naître encor dans cette claffe obfeute
D'oir Silene jadis a tiré fæ monture 'up-
Que de fe voirl'égal d'un monſite forsené,
Chez qui le plus coupable eft le plus fortund.
Par M&Duchsful , Avocat en Parlement. )
A ii)
6 MERCUREG
Acroftiche qu'on avoit propoſe.
I.
RÉER une marine ; impofer à l'Anglois ;
Humilier l'orgueil de ce fier infulaire ;
tendre nos drapeaux fur un autre hémiſphère ;
amener fur les flots la liberté , la paix ;
w riſer un joug injufte & venger l'Amérique ;
ter aux Rois des mers ce titre fantaſtiques
nir à nos deflins tout un peuple aguerri ;
endre à nos ports l'éclat de leur fplendeur antique ;
rand Roi ! tels,font tes faits , & douze ans t'ont
fuffi
(Par M. Traverfier.) (
I L
combe me?
• jour arrive enfin ! le grand Roi , le Roi juke
Honore nos foyers de fa préfence angufte.
n ces lieux raffemblés , deux cent,mille François
épètent. ...que Louis vive , vive à jamais !
oulevards qu'il forma , tonnez , il va paroîtres
✪ rages , taiſez-vous ; mer , reconnois ton Maître ;
C ne rade , bravant tes flots & les Anglois , :.
ecevra nos vaiffeaux ; c'eſt Louis qui l'ordonne ;
rondes.... mais obéis au pouvoir qui t'étonne.
( Par M. Regnet , Avocat à Briquebet ,
près Cherbourg. )
)
DE FRANCE. 7
1
Acroftiche qu'on propofe.
COMMERCE.
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercureprécédent.
LE mot de la Charade eft Ami ; celui de
l'Enigme eft la Toife ; celui du Logogryphe
eft Moustache , où l'on trouve chat , Thoas
\( Roi de Thráce ) , fac , mouche , Echo , Otus
( fils de Neptune ) , Chamos ( Dieu des Moa
bites ) , tache , mouth ( furnom que les anciens
Efpagnols donnoient à Pluton ) , Eous
(un des chevaux du ſoleil ) , Sao ( Néréide ) ,
chaos , Comus ( Dieu de la bonne chère ) ,
Comus.
CHARADE.
TA bourſe ou tongouffet renferme mon premier ;
Peut-être à ton côté portes- tu mon dernier ;
Au fpectacle ce foir tu peux voir mon entier.
(Par M. Berthier , Officier au Régiment de
Picardie.)
A iv
MERCURE
ENIGM E.
Je fais une fière étrangère
Qui veut toujours le plus haut lieu ,
Et , pour y parvenir , je fouffre fans colère
La corde , le fer & le feu.
Comme la girouette expofée à tout vent ,
Un libre mouvement me donne de la
graces
D'un fexe à l'autre mon corps paffe ,
Sinon toujours , au moins affez fouvent.
( Par un Ecolier de Troisième. )
LOGOGRYPH E.
DANS mon tout s'affied le menfönge,
De mênie que la vérité.
On nous y dit que la vie eſt un ſonge ;
Qu'ici-bas tout eft vanité.
C'eſt auffi- là qu'un pédant nous harangue ,.
Et nous dit , d'un ton magiftral :
Le latin eft la mère-langue;
Qui l'ignore eft un animal
Trop digne de paffer la vie
Parmi les troupeaux d'Arcadie.
Avec cinq pieds , dans le couvent,
On ne me voit plus fi fouvent,
DE FRANCE.
Pourtant j'habite encor les grilles
Où , pour dompter mes cinq preiniers,
Le corps de ces pieufes filles
Sèche fous mes traits meurtriers.
Avec quatre pieds je fuis ville
De Gascogne & des Pays - Bas 3
Et de pius une place utile
Où l'on travaille à tour- de- brass
Un terme de géométrie ;
La couche puptiale enfin
Où le Miniftre de Jupin
Fait des fujets à la patrie.
Avec trois , craignez mes tranfporis ,
J'ai quelquefois peuplé les morts.
En mufique , avec deux , je ne puis faire un rôle ;
A man dernier , Lecteur , il manque la parole.
( Par M. Paineau. )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
SATYRES , par M. Cle ***. A Amfterdam
; & fe trouvent à Paris , chez les Marchands
de Nouveautés , in- 8°. 1786.
CE Volume contient neuf Satyres. Les Perfonnes
qui lifent tout , fe rappellent de les
avoir déjà lues il y a quelques années. M.
C ***, les foumet de nouveau à l'opinion
Av
10 MERCURE
publique , avec des corrections , ou , s'il l'aime
mieux , avec des changemens.
Ces neuf Satyres font fuivies d'un Dialogue
Dramatique intitulé : les Perfifleurs perfifles
, & d'un Réquifitoire contre les foidifans
Philofophes , efpèce d'hommes que
M. C ***, s'eft créée pour fon amusement
particulier. Un Difcours fur la Satyre eſt à la
tête de cette redoutable batterie , & ce Dif
cours , comme de raifon , eft à- la-fois l'éloge
& la poétique du genre.,
Comptant trop ou trop peu fur notre mémoire
, M. C ***. ne nous avertit pas que ce
Difcours eft imprimé depuis quatorze ans à la
fin d'un Livre intitulé : Nouvelles Obfervations
critiques fur différens fujets de Littérature
, par M. Clément . Cette feconde Édition ,
comparée avec la première , offre quelques
changemens . En voici un exemple.
"
ور
сс
Cette critique , fine & fpirituelle , auffi
» féconde en bons mots que l'autre l'eft en
faletés , qui fait allier le bon fens & la
plaifanterie , qui ne s'arme du ridicule que
» pour venger la raiſon , qui fait rire les efprits
les plus délicats , & fatisfait les plus
lévères ; je tiens cette forte de Satyre le
plus difficile des Ouvrages d'efprit. »
"
"
On voit par ce paffage que M. Clément
étoit plus affirmatif que ne l'eft M. C ***.
qui nous dit avec un peu plus de réſerve :
« Cette critique fine & fpirituelle, auffi féconde
en beaux mots que l'autre l'eft en faleés
, qui fait, & c. Je tiens cette forte de Satyre
DE FRANCE. II
le moinsfacilepeut- être des Ouvrages d'efprit...
Des Connoiffeurs prétendent pourtant
qu'il étoit un peu plus difficile de faire Tar
tufe ou Athalie que les belles Satyres de Deſpréaux
lui-même. Lorſqu'un Poëte fatyrique
s'exprime fur fon Art avec cette exagération ,
il mérite ce mot tant de fois appliqué : Vous
êtes Orfèvre, M. Joffe.Il nous femble que M.
C*** eft cet efprit dont parle Voltaire ,
Qui de fon idole adorateur charmé ,
Veut immoler le reſte au Dieu qu'il s'eſt formé.
Dans ce même Difcours M. C *** reproche
à Voltaire d'avoir bleffé le bon fens , lorf
qu'il mit ces paroles dans la bouche d'un
Poëte lyrique.
Tenez , prenez mes cantiques facrés :
Sacrés ils font , car perfonne n'y touche ;
Avec le temps un jour vous les vendrez.
Eft-il felon la convenance que l'Auteur des
cantiques dife de fon propre Ouvrage que
perfonne n'y touche , & qu'on les vendra avec
le temps ?
Nous croyons pouvoir nous difpenfer de
réfurer cette critique vaine ; mais il n'eft pas
inutile de rappeler à M. C *** un exemple.
de ce genre de plaifanterie que Racine lui-:
même fournit dans la Comédie des Plaideurs.
Dandin dit à Chicanneau:
Avez-vous eu le foin de voir mon Secrétaire ?
Allez lui demander fi je fais votre affaire .
Av)
12 MERCURE
Ces vers fi piquans & fi gais furent peut
être critiqués par Vifé & Subligni ; ils difoient ,
comme M. C ***, où eft la convenance ? N
- Des obfervations critiques fur des Ouvrages
modernes , ont prouvé depuis longtemps
le zèle de M. C ***pour les Anciens
& pour les bons principes ; mais fon efprit
fermé , comme il le dit, à l'efprit du fiècle ,
n'a point voulu voir que les Anciens , pour
paroître grands , n'ont pas befoin qu'on faffe
aux Modernes l'injuftice de les rabaiffer.
Cette erreur de M. C *** a influé fur fes
jugemens littéraires ; & c'eft ainfi que de fes
goûts mal raifonnés , l'homme fe forme des.
opinions déraisonnables ...
4
Il y a long temps que les critiques de M.
C *** font appréciées. On a jugé les Obfervations
fur la Traduction des Géorgiques ,
fur le Poëme des Saifons , & fur d'autres Ouvrages
que le Public s'obtine à lire. On a
jugé fes Lettresfons réponse adreffées à l'Auteur
de Mérope fur la Tragédie , par l'Auteur
d'une Medée qui n'a point eu de repréſentations
depuis la première. Il ne nous reste à
préfenter au jugement des Lecteurs que less
Satyres de M. C ***.
Une réflexion que tout le monde a pu
faire , & qu'on nous permettra de répéter ici ,
c'eft que toutes les Satyres de Boileau ont un
motif varié , un plan marqué & un cadre
agréable . Il faut encore obferver qu'elles n'attaquent
les Auteurs en quelque forte que
par occafion ; qu'elles ne femblent point faites
DE FRANCE 13
précifément pour eux , mais qu'eux feuls y
femblent faits pour elles : réſultat favorable,
qui décèle dans le Poëte l'art d'un efprit fupérieur
, & la difcrétion d'un coeur généreux.
Plufieurs même n'offrent qu'un ou deux traits
contré les Poëtes du temps. La Satyre adreffée
à M. de Valincourt eft la plus innocente en ce
genre. On n'y trouve aucun de ces noms que
Boileau
Immoloir au bon goût , quelquefois à la rime.
Mais ce qui frappe le plus dans les Satyres de
Boileau, c'eft cette juftice qui ne l'a abandonné
qu'une feule fois au fujer de Quinault , encore
ne jugeoit il dans ce Poëte que l'Auteurde
quelques mauvaiſes Tragédies . Deux de fes
Satyres font adreffées l'une à Molière , l'autre
à Racine , & l'on fent bien qu'il ne leur parle
pas comme M. C *** la fait parler depuis à
Voltaire. Ségrais , qui avoit auffi traduit Vir
gile, ne fut point affocié à Perrin, qui tradui
foit l'Eneide.......
Il dit dans l'Art poétique , en invitant les
Poëtes à chanter Louis XIV......
Que Ségrais dans l'églogue en charme les forêts,
La Bruyère , qui étoit auffi un Philofophe,
n'entra dans fes vers que pour être loué.
Et Théophrafte même , aidé de la Bruyère ,
Ne m'en pourroit pas faire un plus riche tableaus
Voiture même & Balzac n'étoient point
confondus avec Colletet & Bonnecorfe : enfum
14 MERCURE
Defpréaux avoit dans l'efprit cette jufteffe
qui claffe le talent , & dans le coeur cette
équité qui vaut le génie. L'ami de Racine
fut louer Corneille .
Que Corneille pour lui rallumant ſon audace ,
Soit encor le Corneille & du Cid & d'Horace.
M. C *** n'a pas cru devoir imiter cette
juſtice de Boileau ; il a même pris un parti
tout contraire. C'eſt Voltaire qu'il appelle un
Scudéri nouveau ; c'eft l'Auteur de Mahomet
& de la Henriade qu'il traite d'Auteurfrivole
& vain ; c'eft d'Alembert qu'il accufe poliment
de raifonner de travers. Il feroit trop
long de citer ici tous les vrais talens qu'attaque
la Mufe aux bons mots de M. C *** ;
Voici les bons mots de cette Mufe.
Je ne pourrai trouver d'Alembert précieux ,
Diderot infenfé, C*** ennuyeux,
Et Thomas affommant....
Ces jolies chofes ne coûtent fien à M. C***;
mais nous lui repréfenterons que ces dénominations
, quoique moins groffières que celles
qu'employoit Garaffe , ne font pas plus ingénieufes
; que d'ailleurs il y a quelque légèreté
à parler ainfi de quatre Écrivains qui ont fait
autre chofe que des vers ; & nous lui citerons
quelques vers de Voltaire qu'il appelle un
Auteur léger.
Avec non moins d'orgueil & non moins de folic ,
Un élève d'Euterpe , un enfant de Thale
DE FRANCE. IS
Qui dans les vers pillés nous répète aujourd'hui
Ce qu'on a dit cent fois , & toujours mieux que lui ;
De fa frivole Mufe admirateur unique ,
Conçoit pour tout le refte un dégoût léthargique ,
Prend pour des arpenteurs Archimède & Newton ,
Et voudroit mettre en vers Ariftote & Platon.
Suivant M. C ***, il faut qu'avant tout
la plaifanteriefoit jufte & raisonnable, il faut
qu'elle faffle rire l'efprit & fatisfaffe la raifon.
Il ne fuit point , comme on voit , les leçons
qu'il nous donne. Pour ne pas trop l'inquiéter
fur fes opinions , examinons mainte--
nant fes idées & fon ftyle. Nous en tenir aux
détails de fes Satyres , c'eft le traiter favorablement.
Il nous faura gré fans doute d'une
diſcrétion qui met fes plans à couvert , qui
cache leur fatigante uniformité , & qui, indalgente
autant que généreufe , fe prête à
détourner la critique , & cherche à donner
• des éloges .
D'abord il faut louer M. C *** d'avoir
été docile à quelques critiques qu'un Hommede-
Lettres du premier ordre fit , il y a plufieurs
années , de quelques vers d'une Satyre
de M. C *** fur le luxe. Voici les vers cenfurés
par le goût.
Chacun dans fes excès à l'envi fe furpaffe.
L'un s'en va défier cet orageux efpace
Par qui le Giel croyoit féparer les humains ,
Traverse impatient les liquides chemins's
16 MERCURE
Parcourt affamé d'or centfois le Nouveau- Monde ;
Dudibre Américain trouble la paix profonde ,
Et trafiquant le Nègre ainfi qu'un vil bétail……..
Ĉes vers ont été changés par M. C *** :
ont- ils été corrigés ?
L'un va franchir des mers la barrière impuiffante ,
Dont la bonté du Ciel fépara les humains ,
Traverſe impatient ces orageux chemins ,
Court affouvir fa faim ſur l'or du Nouveau- Monde,
Du libre Américain trouble la paix profonde,
Et trafiquant le Négre....
Á l'exception du quatrième vers , ceux- ci
ne font pas meilleurs que les premiers . Ce
dont au commencement du fecond vers eft
auffi traînant que par qui , & d'ailleurs il
court le rifque d'être un folécifine. L'Auteur
veut dire la barrière qui fépare les humains,
& il dit la barrière dont , c'est - à - dire , de
laquelle les humains font féparés.
Il eft évident que M. C *** ne gagne
rien à être comparé à lui-même. Voyons fi
la comparaifon avec Juvénal , Horace &
Boileau lui fera plus avantageufe. Juvénal
coinmence ainfi fa première Satyre :
Semper ego auditor tantùm ? Nunquam ne reponam ,
Vexatus toties rauci Thefeide Codri? ·
Impunè ergo mihi recitaverit ille togatas,
Hic elegos ? Impunè diem confumpferit ingens
DE FRANCE. 17
Telephus , autfummi plenâjam margine libri
Scriptus , & in tergo nec dum finitus Oreftes ?
Voici de quelle manière M. C *** imite
ee morceau plein de verve & d'originalité.
Quoi ! faudra-t il toujours que muet ſpectateur
J'écoute tant de fots mafqués du nom d'Auteur ?
Si long- temps fatigué da tourment de les lire ,
Parmi tant d'Ecrivains ne puis- je enfin écrite ?
Et leur laiffant le droit de cenfurer mes vers ,
Exercer leur malice en peignant leurs travers ?
Comme les quatre premiers vers rendent
languiffamatent la rapidité des mouvemens
de Juvénal , qui die : Ecouterai -je soujours ?
Ne répliquerai-je jamais ? Remarquez aufli
comme toutes les nuances difparoiffent dans
la copie. Le Satyrique ancien fe plaint d'être
forcé d'entendre la Théféide de l'un , les
Élégies de l'autre. Le Satyrique moderne, que
rien ne force à lire les mauvais vers , confond
toutes les idées. Qu'il fe plaigne de les écou
ter , à la bonne heure ; nous fentons qu'un
Journaliſte feul peut fe plaindre de les lire.
Quelques vers plus bas M. C *** abandonne
Juvénal pour Horace. L'ami de Mécènes
dans la première Satyre du fecond
Livre , fe récrie contre la manie d'écrire fans
étude .
Navem agere ignarus Martis timet ; abrotomum agre
Non audet, nifi qui didicit, dare. Quòd medicorum eft.
3
18
MERCURE
Promittunt medici : tractant fabrilia fabri:
Scribimus indocti doctique poematapaffim.
En s'adreffant aux Rimeurs, M. C *** leur
tient ce langage :
En vort-on comme vous d'un fot orgueil épris ,
S'exercer dans un Art qu'ils n'ont jamais appris.
On ne s'exerce fans doute que pour apprendre.
Il ajoute plus bas :
Le métier le plus vil a ſa difficulté.
Jamais le Batteleur à la Foire exalté,
S'il n'en a pratiqué la routine affidue ,
Viendra-t- il voltiger fur la corde tendue ,
Et s'expofera-t- il , digne projet d'un fou ,
Pour amufer le peuple , à fe rompre le cou.
t
Nous laiffons les Lecteurs juger ces vers
Ils applaudiront fur - tout à cette routine affidue
de la corde , à cette belle chûte du dernier
vers , & à la manière dont M. C ***
imite la préciſion & l'efprit d'Horace.
Autre exemple qui prouve que M. C ***
ne fuit guères les leçons qu'il donnoit autrefois
fur la manière de traduire. Horace , dans
fa belle Ode aux Romains , finit par ces vers:
tas parentum , pejor avis ,
Nos nequiores , mox daturos
Progeniem vitiofiorem .
tulit
Ce trait énergique eft traduit ainfi par M.
€****
DE FRANCE. 19
Nos pères corrompus qu'effrayoit notre audace ,
Ont maudit les excès de leur coupable race ;
Et nos fils plus que nous dans le crime exercés
Par leurs enfans pervers fe verront furpaffés.
Ces vers pèchent à- la- fois par la foibleffe
& l'impropriété des expreffions , par la pefanteur
de leur tournure , & fur- tout par le
Fort de rappeler ceux- ci fans pouvoir les faire
oublier.
Nos pères plus méchans que n'étoient nos ayeux ,
Ont eu pourfucceffeurs des enfans plus coupables ,
Qui feront remplacés par de pires neveux.
L'Auteur n'eft pas plus heureux dans fes
autres imitations de Juvénal & d'Horace
oppofons- lui Boileau.
D'abord M. C *** l'imite au point de paroître
le copier. Si Boileau dit :
Et dont les Cicérons fe font chez Pé- Fournier.
M. C *** dit :
Le Louvre a fes Elus qui fe font chez Climène.
Si Boileau dit :
Le monde à mon avis eft comme un grand théâtre
Où chacun en public l'un par l'autre abufé ,
Souvent à ce qu'il eft joue un rôle opposé.
Cet avis eft auffi celui de M. C ***.
Le monde à mon avis eft une Comédie';
Chacun à s'y tromper s'intrigue & s'étudie,
20 MERCURE
Si Boileau dit :
Où le vice orgueilleux s'érige en fouverain ,
Et va la mître en tête & la croffe à la main.
M. C *** fe hâte de dire : uar
Et l'impiété marche une croffe en main.
A.
290
La feptième Satyre de M. C *** eft com-²
pofée de l'Épître de Boileau à M. de Guille
ragues , & de celle à M.de Lamoignon. Écou
tons Boileau.
J'ai besoin da filence & de l'ombre des boiss
Ma Moſe, qui fe plait dans leurs routes perdues , " ?
Ne fauroit plus marcher fur le pavé des rues, li
Ce n'eft que dans ces bois propres à m'exciter, I
Qu'Apollon quelquefois ,daigne encor m'écouter.
Cela n'empêche pas M. C *** de s'écrier :
Que ma Mufe à Paris , fi lente à m'inspirer so
Avec moi dans ces lieux eft prompte à s'égarer. [
Cette Mufe de M. C *** , qui s'égare, ſuit
pourtant avec obftination celle de Boileau."
Boileau.
Aujourd'hui vieux lion je fuis doux & traitable.
M. C***
mahal )
"
Aujourd'hui fans humeur j'endure leurs outrages 3
Boiledu. !
Je ne fuis plus l'aigreur de ma bile première ,
Et laiffe aux froids Rimeurs une libre carrière.
DE FRANCE. 21
M. C***.
Je ne feas plus en moi cette critique audace
Qui brûloit d'immoler le Tyran du Parnaffe.
Boileau.
Ainfi donc Philofophe à la raifon foumis ,
Mes défauts déformais font mes feuls ennemis.
C'est l'erreur que je fuis , c'est la vertu que j'aime ; .
Je longe à meconnoître, & mecherche en moi- même :
C'eft-là l'unique crude où je veux m'attacher.
M. C*.**.
Par d'utiles leçons ma taifon affermie
Me devient pour moi-même une juſte ennemie ;
C'eft à régler mon ame enfin que je m'inftrui ,
Etje mets à profit jufqu'aux erreurs d'autrui.
Que veut dire M. C *** par fa raifon
affermie qui devient une jufte ennemie ? Boileau
ne lui donne point l'exemple d'une raifonfi
ennemie de la clarté , ni d'une verfification
fi deftituée d'harmonie.
Boileau.
Lamoignon , nous irons , libres d'inquiétude,
Difcourir des vertus dont tu fais ton étude ;
Chercher quels font les biens véritables ou faux ;
Si l'honnête homme en foi doit fouffrir des défauts ;
Quel chemin le plus droit à la gloire nous guide ,
Ou la vaſte ſcience ou la vertu folide.
22 MERCURE
M. C***
Nous aimons à chercher des vérités utiles ;
Si l'amitié de l'ame eft un pur fentiment 3
Ou fi notre intérêt nous entraîne en aimant ;
Si le fouverain bien que promet la richeffe
Ne fe trouve en effet qu'en la feule fageffe.
>
Voyons fi la Mufe de M. C ***, abandonnée
à elle- même, s'égare avec plus de bonheur.
Il dit quelque part.
Je n'aime point les vers dictés par les furies.
Nous le prions de nous dire par qui ont
été dictés ceux-ci qu'il adreffe à Voltaire,
L'ambition , l'orgueil , l'envie ou la vengeance,
Contre les vrais talens arment ta médifance.
A tes lâches noirceurs ton vers eft afſorti ;
Souvent ton Apollon , en Vadé traveſti ,
-Va dans les carrefours , fous les tréteaux des balles ,
Ramaffer un vil tas d'injures triviales ,
De fales quolibets & de plates horreurs ,
Que vomit la canaille en fes baffles fureurs.
M. C ***, eft- ce-là cette critique aufli féconde
en bons mots que l'autre l'eft en faletés
?
Lorfque des détails pittorefques s'offrent à
M. C*** , voici comme il s'en tire.
Loi Flore & Vertumne, & Pomone & Pakes
DE FRANCE. 23
S'uniffent de concert pour égayer Cérès.
Souvent aux doux rayons du jour qui vient d'éclore ,
Je vais à fon réveil faire ma cour à Flore.
Quelle fingulière raifon nous donne M.
C***, de fe mettre en colère dans fes Satyres ?
Ne trouvant nul profit au mal que l'on voit faire ,
L'odieufe injuftice émeut notre colère.
Nous nous défendrons à ce fujer toute ob-
Lervation. Les alliances de mots ne font pas
heureufes dans les vers de M. C ***. Čes
vers que nous prenons au hafard, ne rachètent
point la pauvreté de la penſée par la richeſſe
de l'expreffion.
Soyez riche, & l'argent va blanchir vos forfaits
Sur l'arbre du faux goût les mauvais fruits abondent.
Nous croyons que ce vers même eſt un
de ces fruits là.
Ce feroit à ne point finir fi nous voulions
citer les vers de mauvais goût dont ces Satyres
font remplies. Tenons-nous à quelques
yers dont les fautes plus fingulières peuvent
à-la-fois amufer & inftruire.
Mon cher fils , diront-ils , docte ou non , fol ou fage,
Dévôt ou libertin , l'Égliſe eft ton partage .
Et toi , ma fille, il faut , renonçant à l'Amour ,
Dans un Cloître béni t'exiler fans retour,
Afin que votre aîné , plus riche en votre abſence,
Relève avec éclat ſen rang & fa naiffance,
24 MERCURE
Le Lecteur a fans doute remarqué cette
expreflion en voire abfence fi ridiculement
placée , & cette autre de Cloitre béni , il
nous difpenfe par conféquent de caractériſer
ces vers comme ils le méritent.
Nous nous lalfons de n'avoir qu'à critiquer,
Cherchons , malgré les difficultés , quelques
vers qui réuniffent enfin la beauté de la
penfée & celle de l'expreffion. Celui - ci refte
dans la mémoire fans que le goût s'en plaigne.
Les vices d'autrefois font les moeurs d'aujourd'hui.
Voici des vers très - agréables, malgré quelques
taches.
Déployez ces talens dont le charme invincible
D'un coeur intéressé fait faire un cocus fenfible .
La jeuneſſe a fes droits , fon pouvoir, & fouvent
On aime à lui payer ce qu'à d'autres l'on vend,
Que de Belles ainfi , galantes bienfaitrices ,
Du mérite indigent ardentes protectrices ,
Ont fu , de leurs bienfaits favourant tout le prix ,
Des biens de leurs amans renter leurs favoris.
Voici un morceau dont les idées & même
les plus belles expreffions en rappellent d'autres
du même genre, que des Poëtes critiqués.
par M. C ***, ont trouvées les premiers. Les
vers de M. C *** n'en font pas moins d'une
tournure élégante & facile.
Leurs campagues jadis de moiffons revêtues
Se changent en jardins tout peuplés de ftatues :
Le
DE FRANCE. 25
Le pavillon chinois chaffe le potager ;
Ils livrent à la hache un fertile verger ;
Mais ils font avec foin cultiver des épines ,
Planter des arbres morts & bâtir des ruines.
Nous pourrions citer encore des vers d'une
élégance & d'une correction louables . Tels
font ceux- ci :
L'intrigant Médecin , des femmes fi vanté,
Qui foigne leurs plaifirs bien mieux que leur fanté ,
Et l'élégant Abbé , tout rayonnant de vices ,
De boudoirs en boudoirs courant les Bénéfices.
On attend qu'un bon vent ramène vers la France
Un navire chargé d'une riche espérance.
Ce dernier vers réunit l'harmonie & la
beauté de l'expreffion .
Nous trouvons les vers fuivans très bien
faits.
Mais quel eft mon regret dans un lieu fi charmant
D'entendre murmurer les Naiades plaintives
Contre un tyran jaloux qui les retient captives ,
Emprifonne leur courfe en d'avares canaux ,
Et fait languir ces prés amoureux de leurs eaux.
Mais la juftice nous forceroit auffi de citer
d'autres vers où ſe trouvent tous les défauts ;
No. 48 , 2 Décembre 1786.
B
26 MERCURE
& fous tous les afpects M. C *** n'offriroit
qu'un trifte réfultat . Satyrique , il outrage;
Critique , il régente fes Maîtres ; imitateur efclave
, il n'embellit jamais fes imitations ;
Poëte , fi l'on peut lui donner ce titre , fon expreffion
eft toujours,fans couleur ; Verfificateur
, il n'a que des formes communes ou copiées.
Ce n'étoit point fur ce ton que Boileau
dictoit fes loix au Parnaffe. Si la Tragédie a eu
fes Pradons , il faut qu'on fe fouvienne que la
Satyre a eu fes Gacons. Il faut craindre que
la critique , qui ne peut oublier Boileau fon
immortel favori , ne s'arme contre les prétendus
rivaux de ce redoutable fouvenir ; &
avant de donner des Satyres , il faut dire :
Soyez- vous à vous-même un Critique févère.
TRAITÉ fur les propriétés & les effets du
Café, par M. B. Mofeley , Docteur en
Médecine , Auteur des Obfervations fur
la Dyfenterie des Indes Occidentales
traduit de l'Anglois fur la troifième Édition
, par M. Lebreton , Infpecteur- Général
des Remifes des Capitaineries Royales ,
de l'Académie Royale des Sciences d'Upfal ,
& Correfpondant de la Société Royale
d'Agriculture de Paris , avec les Obfervationsfur
la culture du Café, par M. Fufée-
Aubler. in- 12 . de 120 pages. A Paris , chez
Prault , Impr. du Roi , quai des Auguſtins.
UN Ouvrage qui traite des propriétés &
des effets du Café , n'eſt pas une de ces pro-
?
DE FRANCE. 27
ductions qu'on nous pardonneroit d'avoir
paffées fous filence . Une fi nombreufe claffe ,
parmi nos Lecteurs , prend au Café un fi tendre
intérêt ! eft- ce une boiffon faine ou malfaifante
; voilà une queftion qui doit intéreffer
bien des gens ,-plus qu'une queſtion de
politique ou de morale . On fera curieux de
voir comment l'Auteur la décidera : s'il condamne
l'ufage du Café , on prendra toujours
du Café ; mais s'il le permet ou le confeille ,
on fera charmé de pouvoir accorder les goûts
& fa confcience.
L'Auteur commence par un détail aſſez
curieux , puifé dans un Autcur Arabe , &
qui prouve les mouvemens & les troubles
que fit naître l'introduction du Café chez les
Mahométans. L'ufage en fut à-peu - près regardé
comme une grande innovation dans la
politique , & même dans la religion. Ce tableau
fera naître quelques réflexions , quelques
comparaifons même ; & on fe rappellera
combien font graves quelquefois les caufes
qui troublent le repos des Empires. Nous
allons abréger le récit de l'Auteur Arabe.
Un Gouverneur de la Mecque , Khair Beg,
qui n'avoit jamais pris de Café , trouva un
jour près de la porte de la Moſquée plufieurs
perfonnes qui en prenoient pour paffer la
nuit en prières. Ayant cru que c'étoit du vin ,
fa piété s'en indigna d'abord ; mais ayant appris
enfuite que cette liqueur avoit la propriété
d'exciter la joie, & que l'ufage en étoit
commun dans la Mecque , il convoqua le
Bij
28 MERCURE
lendemain les Magiftrats , les Docteurs de la
Loi , les Prêtres , les hommes les plus éminens
du pays , leur communiqua cette grande
découverte , ajoutant qu'on l'avoit informé
que ces abus étoient fréquens dans les Cafés
publics , & les confulta fur le parti qu'il
devoit prendre. On convint que les Cafés publics
avoient befoin de réglémens , parce
qu'on y portoit fouvent atteinte à la pureté
du Mahométifme ; mais quant au Café , on
s'accorda à dire qu'il falloit là - deffus prendre
l'avis des Médecins.
Deux Médecins Perfans , les plus célèbres
de la Mecque , opinèrent contre le Café , l'accufant
d'être froid , fec & nuifible à lafanté.
Un Docteur de l'affemblée objecta qu'un
ancien Médecin Arabe des plus fameux , avoit
écrit que ces grains étoient chauds &fecs.
Les deux Perfans répliquèrent que cet
ancien Médecin ne fe connoiffoit pas en Café ,
ajoutèrent qu'il pouvoit mener à des actions
illicites, & opinèrent pour le prohiber.
" Cette décifion gagna tous les fuffrages ;
» & plufieurs des convoqués même affir-
>> mèrent que le Café avoit troublé leur cer-
» veau; un des affiftans foutint qu'il enivroit
» comme le vin ; ce qui fit rire toute l'affem-
و د
""
blée , parce qu'un pareil jugement fuppo-
» foit qu'il s'étoit mis à même de faire la
-comparaifon , & qu'il avoit conféquem-
» ment bu du vin ; ce qui eft expreffément
défendu par la loi Mahometane. On lui en
fit la queftion , & il eut l'imprudence de
و ر
و د
DE FRANCE. 29
"2
répondre affirmativement : il fut condamné
fur cet aveu à la baſtonnade. »
Malgré le Mufti qui s'y oppofa , par raifon
cu par goût , le Café fut prohibé dans la
Mecque ; mais le Sultan d'Égypte ayant levé
la défenſe , ordonna au Gouverneur de ne
févir que contre les défordres qui pouvoient
fe gliffer dans les Cafés publics : « Ajoutant
» que quoiqu'il fût poflible d'abufer des meil-
" leures chofes , même de l'eau de la fontaine
» Zéruzem , dans le temple de la Mecque ,
fi eftimée de tous les Mufulmans , ce n'étoit
» pas une raifon de les interdire. »
و ر
"
"3.
Il eſt à obferver ici , pour la gloire de cette
liqueur , que les deux Médecins qui l'avoient
profcrite , périrent malheureufement ; événement
qui , fans doute , fut interprêté par
les uns comme un hafard , & par les autres
comme une vengeance divine.
Le Cafe , ainfi prohibé , fut profcrit de
nouveau, pour être encore rétabli .
Le Sultan d'Égypte ayant confulté les Docteurs
de la Loi fur cette importante affaire ,
leur fuffrage donna au Café plus de crédit &
de vogue qu'il n'en avoit jamais eu au Caire .
Mais il eut encore quelques orages à effuyer.
En 1713 , un Médecin perturbateur , prétendit
que certe liqueur étoit nuifible à la
fanté , & confeilla la prohibition ; mais fon
avis ne prévalur point.
Dix ans après , un Prédicateur cut plus de
fuccès que lui ; il tonna en chaire core le
Café , & fon éloquence fit tant d'effet fur les
Bij
30 MERCURE
efprits , que la populace ameutée fe porta dans
les Cafés publics , brifa les taffes , les foûcoupes
, & prefque les perfonnes qui s'y trouvèrent.
La ville alors fe divifa en deux partis ; le
Juge en chefconvoqua les Docteurs , qui tous
opinèrent en faveur du Café ; & par un dénouement
digne du motif de la convocation ,
le Juge en chef, qui fut de même avis , " or-
» donna fur le champ qu'on fervit du Café à
tous les membres affemblés ; il en prit lui-
» même ; cet exemple appaifa toutes les que-
» relles , & le Café en devint plus à la mode
» qu'auparavant. »
ود
"
Će goût devint fi vif & fi général , que les
Imans & les Officiers des Mofquées fe plaignirent
que leurs temples étoient déferts , tandis
que les Cafés publics étoient toujours pleins .
Les Dervis & les Prêtres , ( par piété fans
doute ) s'élevèrent fortement contre l'ufage
de cette liqueur ; & ils décidèrent que c'étoit
un plus grand péché d'aller dans un café que
de boire du vin. Enfin ils trouvèrent , pour
le profcrire , un biais théologique ; ils foutinrent
que le Café grillé ou rôti étoit une eſpèce
de charbon , & que tout ce qui approchoit
du charbon étoit défendu par la loi de
Mahomet. Sur leur requête , le Mufti prononça
que le Café étoit défendu par la loi de
Mahomet. En conféquence tous les Cafés publics
furent fermés dans Conftantinople.
Aurath III, qui régnoit alors , fut un
peu plus tolérant ; il permit l'ufage du Café
DE FRANCE. 31
dans les maiſons particulières. Les défenſes
n'avoient pu faire perdre le goût pour cette
boiffon ; les Officiers de Police , n'ayant pu
réuffir à en empêcher l'ufage , en permirent
la vente , pourvu que ce ne fût pas en public ,
& moyennant une certaine fomme. Quand on
en buvoit dans les maiſons , il falloit fermer
les portes.
Сс
Enfin un nouveau Mufti , qui avoit
moins de fcrupules ou plus de goût pour le
Café , décida qu'on ne pouvoit pas le regarder
comme un charbon , & que par conféquent
il n'étoit pas defendu par la loi de
Mahomet. Après cette déclaration , les
fanatiques , les prédicateurs , les médecins
, les Gens de Loi & le Mufti même ,
loin de fe récrier contre le Café , en
adoptèrent eux-mêmes l'ufage , & leur
» exemple fut généralement fuivi par la
» Cour & la ville . »
ور
33
.د
Au fond il y avoit de la barbarie à défendre
à-la-fois au même peuple , & le vin
& le Café.
Mais l'hiftorique des diverfes destinées
du Café nous a menés un peu loin . Nous
avons fait languir fans doute plufieurs lecteurs
, impatiens de favoir fi notre Auteur
le confeille ou l'interdit . Difons donc , en
faveur des amateurs timorés de cette liqueur
, qu'il a écrit pour raffurer fur fon
ufage, & qu'il le donne pour une boiffon
auffi faine qu'agreable.
" Le Café bien préparé , dit- il , agit ſur
Biv
32
MERCURE
»
33
و ر
ود
و ر
l'eftomac , comme un excellent tonique
& un très- bon fortifiant.... Il convient
particulièrement aux perfonnes dont l'eftomac
eft naturellement foible. Il leur
fait éprouver une fenfation agréable ; il
accélère le cours de la digeftion ; il corrige
les crudités ; il fait paffer la colique
& diffipe les flatuolités. A fa vertu ftomachique
, il joint l'avantage de répandre
» une chaleur agréable qui convient aux
efprits animaux ; il diffipe la nonchalance
& la langueur chez les perfonnes dont
» le genre nerveux eſt affoibli par les excès ,
par la fatigue ou une conduite irrégulière...
On s'en eft fervi avec grand fuccès dans
l'hydropifie , dans les maladies des vers ,
dans le coma , l'anafarque & plufieurs
autres indifpofitions occafionnées par une
» nourriture malfaine ou par le défaut
d'exercices , la foibleffe des fibres & la
fuppreffion de tranſpiration .
ود
">
" ""
" Les bons effets du Café dans le vertige ,
» la léthargie , le catharre , & les maux de
tête occafionnés par l'obftruction des vaiffeaux
capillaires , font conftatés par une
» très longue expérience.
ود
Enfin , après avoir excepté les cas d'hémorragies
, le crachement , l'expectoration
eu le vomiffement du fang , notre Auteur
conclut que perfonne ne doit abufer du
Café , mais que tout le monde peut en
wfer.
La manière de le préparer , eft de la plus
DE FRANCE. 33
grande importance pour les effets. Outre
qu'il faut foigneufement l'enfermer quand
il est rôti , & ne le réduire en poudre qu'au
moment de s'en fervir , il faut fur-tout , il
faut , lorfque la boiffon eft faite , qu'elle
foit limpide , claire , nullement chargée ni
rendue trouble par les plus petites particules
de la fubftance du Café.
ور
""
" Il y a peu de matières végétales que
» la décoction ou l'infufion dénaturent au-
» tant que le café. Pris en fubſtance , il
oppreffe l'eftomac , il échauffe , il caufe
la naufée & l'indigeftion ; ainfi l'ufage
» continué de fa décoction , dans laquelle
eft contenue une certaine quantité de fa
» fubftance , outre qu'elle la rend défagréable
, tend à produire les mêmes indifpofitions
que la fubftance. Le réfidu du
» grain rôti , lorfqu'on en a extrait les qua-
» lités , n'eft qu'une terre calcaire , & par
» cette raifon feule , ne peut qu'être pernicieufe.
»
وو
"
ע
D'après cela , l'Auteur défend de préparer
le Café au lait au- lieu d'eau , ou d'y ajouter le
lait fur le feu , parce que la ténacité du lait
empêche que la fubftance ne fe précipite ,
& par conféquent que la liqueur ne foit
pure .
Des obfervations fur la culture du Café ,
par M. Fufée Aublet , fuivent & complettent
ce traité , qu'on s'empreffera fans doute de
fe procurer , pour le confulter au befoin ,
ou pour l'oppofer aux détracteurs du Café.
By
34
MERCURE
On doit favoir gré à M. le Breton , à qui
l'on doit déjà des obfervations & des
expériences utiles en Botanique , de nous
avoir fait connoître cet ouvrage , propre
à diffiper bien des fcrupules . Nous ne l'avons
pas lu , fans nous rappeler le mot de
Fontenelle , à qui l'on difoit que le Café
étoit un poifon : C'est donc un poifon lent ,
répondit le philofophe . Fontenelle avoit pris
du Café toute la vie , & il avoit alors plus
de quatre- vingts ans.
( Cet Article eft de M. Imbert. )
VARIÉTÉ
S.
De l'influence que Boileau eut fur l'efprit
de fon fiècle.
BOILEAU OILEAU naquit en 1636 , quelques mois avant
difoit- il agréa- Louis XIV , comme pour annoncer ,
blement , les merveilles de fon Règne. Il entendit
retentir autour de fon berceau les acclamations que
la France prodiguoit à l'Auteur du Cid. Au milieu
de ce concert de louanges , une voix s'éleva . Richelieu
ne put diffimuler fa jaloufie , ni fupporter une
gloire qui fut plus durable que la fienne . Il ordonna
, en Maître , à cette Académie qu'il avoit
fondée , de condamner le premier chef- d'oeuvre de
Pierre Corneille. On fait affez qu'eile ſe tira d'un fi
DE FRANCE.
35
mauvais pas avec plus d'adreffe que de courage ;
mais enfiu le Miniftre- Roi mourut , & Boileau
vengea Corneille.
Tout le monde fut par coeur & fe plut à répétez ,
ces vers devenus l'arrêt de la Poftérité :
J
En vain contre le Cid un Miniftre fe ligue ,
Tout Paris pour Chimène a les yeux de Rodrigue ;
L'Académie en Corps a beau le cenfurer ,
Le Public révolté s'obſtine à l'admirer.
Cependant la Scène Françoife étoit en proie aux
Scudéri & aux Boyer.
Molière avoit la douleur de voir un Montfleuri ,`
avec le Marifans Femme , balancer la réputation du
Mifantrope.
C'étoit Chapelain que confulta Colbert dans la
diftribution des libéralités du Roi .
Boil au s'indigna , & la France apprit qu'elle
avoit auffi un Horace & un Juvénal.
Les véritables Mufes , ce font nos paffions. La'
paffion de Boileau fut l'amour de la vérité . Il
commença par mettre Corneille & Molière à la
place qu'ils méritent , & c'eft depuis ce moment
qu'il peut être regardé comme le Légiflateur du
Parnaffe François.
La Nature fe plut à raffembler dans le cercle
étroit d'un demi- fiècle Corneille , Molière , Racine ,
La Fontaine , Defcartes , Pafcal , Boffuet & Fenéion.
Boileau fut digne d'être leur contemporain .
L'Académie n'avoit pas encore le Roi pour Protecteur
; mais elle comptoit du moins Pierre Corneille
parmi fes Membres. Boileau difant que
Louis XIV « fe plaint de fa grandeur qui l'attache
nau rivage, approcha de l'oreille de fen Maître ,
& le fit paffer de l'amour de la louange à l'amour
des vers . Boileau fut le premier qui eut du goût , &
35
Bvj
46 MERCURE
il infpira à Louis XIV le defir d'en avoir.
Louis XIV le récompenfa en Roi .
L'Edifice que Malherbe avoit commencé , Boileau
l'acheva, & l'Art poétique eft le monument de la
gloire des Mufes autant que de celle de ſon Auteur.
Enfin c'eft Boileau qui forma Racine . On croit
être retourné aux plus beaux jours de la Grèce
& de Rome. L'hommage que rendit Sophocle , fur
le Théâtre d'Athènes , aux mânes d'Euripide fon
Emule & quelque fois fon vainqueur , Boileau le rendit
à Racine vivant.
Ce fut Boileau qui préfenta Racine à Louis XIV,
comme autrefois Virgile donna Horace au jeune
Augufte.
Sans Boileau , la Phèdre de Pradon alloit l'emporter
fur celle de Racine : & l'on demande quelle
influence eut Boileau fur fon fiècle !
Demandez-le à ce Pradon fi méprifé parmi
nous , à ce bienheureux Scudéri qui avoit bravé
Co. neille, à ce pauvre Cottin , dont le nom feul eft
un opprobre. Demandez- le à ce célèbre hôtel de
Rambouillet , où tous les talens venoient recevoir le
prix des mains de la Beauté , où Corneille avoit
fabi des arrêts , où Molière trouvoit , parmi fes cenfeurs
mêmes , les modèles de fes peintures ineffaçables.
Boileau fit en Littérature ce qu'avoit fait Def
cartes en Philofophie ; c'eft à- dire , une révolution
fubite dans les efprits . Mais Defcartes délivra l'ef
prit humain du joug de l'autorité , & Boileau ramena
les modernes à l'étude des anciens modè es .
Dfcartes renverfa l'Ecole d'Ariftote , & Boi'eau
releva les autels d'Homère . Nourri de la lecture des
Anciens , il emprunta d'eux tous les fecrets du grand
Art d'écrire , il s'enrichit de leurs dépouilles , & força
la plus timide des Langues à devenir poétique fous fa
plume. Combien d'études & d'efforts il lui falur
DE FRANCE. 37
pour faire goûter la raiſon ? Il réconcilia , pour un
moment, les François avec elle ; & la route de l'efprit
fut changée par lui , comme l'avoit été celle du commerce
par Gama lorfqu'il eut découvert le Cap de
Boane Efpérance .
Ceft par fon caractère furtout que Boileau fut
digne de dominer fur fon fiècie Il avoit la fierté
de la vertu & il fe montra conftamment fupérieur à
toutes les petiteffes de la vanité.
Que penfer d'un Poëte dont Racine même n'ersita
point la jaloufic ?
·Arnaud perfécuté trouva dans Boileau un défenfeur
courageux ; & le même Monarque qui avoit
eu la foibleffe d'exiler un grand Homme , fut affez
jufte au moins pour honorer Boikau qui n'abandenna
point fon ami .
On reproche à Boileau d'avoir été injuſte envers
Quinault . Il ne fut que févère. La molieffe du ſtyle If
de cet aimable Lyrique ne pouvoit trouver grace
devant le juge incorruptible qui ne pardonnoit pas
au Taffe d'avoir mêlé un peu de clinquant à l'or de
Virgile.
a
Me pardonnera-t on de le dire ? Jamais Boileau
ne fut plus grand que dans ce fiècle raiſonneur . M.
de Voltaire a régné avec plus d'éclat fans doute ;
mais fon empire à cela de commun avec celui d'Alexandre
, qu'il eft déchiré par fes fucceffeurs . Boileau
femble au contraire avoir fondé une Ecole qui
durera autant que la vérité. Oubliera - t - on que ce
fut Boileau qui rendit Fontenelles aux Sciences , &
un fi beau préfent ne mérite t- il pas l'éternelle reconnoiffance
de tous les Philofophes ?
(Par M. le Marquis de Ximenès, )
38
MERCURE
Avertiffement fur la Gazette de France.
LE Miniſtère ayant bien voulu confentir que le
ffeur Panckoucke prît à titre de bail l'exercice du
Privilège de la Gazette de France , à compter du
premier Janvier 1787 , ce Libraire , afin de répondre
à cette marque de confiance , auroit defiré
réalifer dès -à - préfent plufieurs moyens qu'il a en
vue pour l'amélioration de cet Écrit périodique ;
mais le temps ne permettant pas de les mettre à exécution
, on s'eft borné , pour l'inftant , à étendie la
correfpondance. Les mefures ont été prifes en conféquence
, & l'on efpère fe procurer des matériaux
qui mettront à portée de donner un nouveau degré
d'intérêt à ce Papier National.
Dans les nouveaux arrangemens qu'on ſe propofe
, on n'a pas deffein de rien changer au plan , à
la forme ni au prix de la Gazette ; elle continuera
d'avoir le caractère d'authencité & de véracité qui a
toujours fait fon mérite diftinctif, & dont elle ne
s'eft jamais écartée depuis fon origine , qui remonte:
au-delà de 1632.
C'est ce caractère de vérité qui , en temps de paix
comme en temps de guerre , en a toujours fait l'Écrit
politique de l'Europe le plus eftimé. On la regarde
avec raifon comme le Recueil le plus précieux pour
l'Hiftoire , parce qu'il n'a jamais été permis d'y inférer
des faits ha ardés ou des Mémoires fuffects.
Le Bureau général de la Gazette eft toujours rue
Croix des Petits-Champs , hôtel de Beaupréau.
Il faut s'adreffer au fieur Aubry Chef du Burean
, pour le renouvellement des foufcriptions , tant
à Paris qu'en Province & dans les Pays étrangers . On
ne peut foufcrire que pour une année entière ; mais
DE FRANCE. 39
on a la liberté de commencer par tel mois que l'on
defire. Le prix de la foufcription eft de 15 liv. port
franc..
Il faut affranchir le port des lettres & de l'argent.
Le fieur Fontanelle , rue du Petit - Bourbon , Fauxbourg
Saint Germain , eft feul chargé de la rédaction
de la Gazette , & c'eſt à lui qu'on doit s'adreffer
pour tout ce qui concerne cette rédaction .
SPECTACLES.
ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.
QUOIQUE le fujet de Phèdre ſoit extrêmement
connu, nous donnerons cependant
l'analyse du nouvel Opéra qui porte ce titre ,
afin qu'on puiffe comparer la marche du
Poëme lyrique avec celle de la Tragédie de
Racine , & juger des endroits où l'Auteur a
été forcé de s'écarter de fon modèle.
Le Théâtre repréfente une campagne voifine
de Tresène. On y voit un Temple confacré
à Vénus. Le jour eft à fon aurore. Hyppo
lite partant pour la chaffe preffe fes compagnons
, & ils adreffent enfemble une invocation
à Diane pour obtenir fa protection . Une
Prêtrelle de Vénus , en annonçant l'arrivée
prochaine de Phèdre dans le Temple , fait ob
ferver aux chaffeurs que ce lieu ne doit retentir
que du nom de Vénus. Ce nom inf
Dire une forte d'horreur aux fuivans de Diane ,
a ils s'éloignent en recommençant leur
40 MERCURE
hymne. Phèdre paroît , & fes regards prolon
ges fur Hyppolite tout le temps qu'elle peut
le voir , indiquent la paffion dont elle brûle
pour lui. Elle s'adrefle enfuite à la Déeſſe , &
lui redemande le calme qu'un feu dévorant a
banni de fon coeur . On fait un facrifice , & les
Prêtreffes mêlent leurs chants à celui des femmes
de la Cour. Phèdre s'égare dans les voeux
qu'elle forme ; elle fe repréfente les objets
que fa paflion defire , & finit par s'écrier :
Je le vois ... je l'entends ... yoilà le plus vaillant
Des Satellites de Diane.
Le nom de Diane ainfi prononcé dans le Temple
de Vénus indigne fes Prêtreffes ; elles le
répètent avec horreur comme celui de Vénus
a été répété par les chaffeurs attachés à Diane,
Phèdre fent fa faute , s'excufe fur fon délire.
Ses femmes fe jettent au pied de l'autel de la
Déeffe pour implorer fon pardon. La Reine
veut refter feule avec none.
Cette femme qui lui eft tendrement attachée
s'informe de la caufe de fes maux.Phèdre,
honteufe de fes criminels fentimens , laiffe
deviner plutôt qu'elle ne le dit formellement
qu'elle aime, & qu'Hyppolite eft l'objet de fa
paffion. Enone lui en fait fentir les dangers ,
lui rappelle fon époux... A l'inftant on vient
apprendre à la Reine que Théfée , defcendu
dans les royaumes fombres , ne doit plus efpérer
de revoir la clarté du jour . Enone regarde
cet événement comme favorable à
l'amour de Phèdre ; & tandis que le peuple
DE FRA N.CE.
41
l'invite à faire monter fon fils fur le trône afia
d'en ravir l'eſpoir à Hyppolite , cette femme
complaifante fait rentrer l'efpoir dans fon
coeur.
L'Acte fuivant fe paffe dans le Palais . Phèdre
a été nommée par le peuple. Son fils a la Cou
ronne. Hyppolite n'y doit plus prétendre , &
elle s'informe de l'effet que cette nouvelle a
produit fur l'amie de ce jeune Héros. Sa foumillion
l'enflamme encore davantage. Elle
fait part à none du projet qu'elle a de le
couronner. Celle ci , après de foibles remontrances
, non-feulement s'y prête , mais a pris
fur elle de faire venir Hyppolite , devant la
Reine. Phèdre , déjà tourmentée par fes remords
, effrayée méine de l'efpoir qu'elle a
conçu , ne fait fi elle doit l'attendre . Elle veut
le fuir; mais il arrive. Cette fcène eft celle
de la déclaration . Phèdre laiffe échapper peu
à-peu fon fecret ; veut quelquefois le retenir ;
mais enfin quand fa paffion eft bien connue ,
& qu'elle la voit méprifee par celui qui l'inf
pire , elle fe livre alors à toutes les futeurs de
l'amour. Dans ce moment on vient annoncer
P'arrivée de Théfee. C'est un coup de foudre
pour cetre époufe coupable , ainfi que pour
Enone. Hyppelite vole au devant de fon
père, mais en promettant à lui- même de
ne lui rien révésor de cette horreur.
Choeur de peuple qui célèbre l'arrivée inefpérée
du Roi. Théfee jouit de leurs fentimens,
& après un divertitlement, il s'étonne
de ce que Phèdre n'eft pas à leur tête. Il veur
42 MERCURE
voir la Reine, & conduire Hyppolite chez elle .
Ce Prince s'en défend, & demande même àfon
père la permiflion de s'éloigner de fes États
fans lui découvrir fon véritable motif. Théfée,
qui l'attribue à la haine qu'il croit que Phèdre
a conçue pour le fils de l'Amazone , ſe plaint
avec douleur de cette divifion , & prie les
Dieux de faire renaître dans fon Palais le calme
qu'il a rendu à la terre.
Au troisième Acte none, qui a craint l'indifcrétion
d'Hyppolite, a voulu la prévenir en
accufant ce Prince auprès de Théfée d'avoir
voulu attenter à l'honneur de la Reine. Théfée
la croit. L'abfence même de Phèdre , qui
l'évite depuis fon retour , lui paroît confirmer
la vérité de cet attentat . Il implore la puiffance
de Neptune , qui lui a promis d'exaucer
le premier de fes voeux. Son voeu eft le
châtiment de fon fils. Hyppolite vient , eft
furpris du courroux de fon père , qui ne lui
laiffe pas ignorer le crime dont on l'accufe . Sa
juftification n'eft point écoutée. Théfée , toujours
furieux, part en lui ordonnant un éternel
exil . Scène touchante des amis d'Hyppolite
qui ne veulent point l'abandonner. Le Théâtre
refte vuide , & Phèdre paroît feule. Elle
ignore le deftin d'Hyppolite , & n'eft agitée
quede fes remords . none vient lui apprendre
ce qu'elle a fait pour elle , & l'accufation dont
elle a chargé le Prince dans le deffein de la
fauver. Phèdre en eft révoltée , & challe
none avec toutes les marques de fa haine &
de fon indignation. Reftée feule , elle fent
DE FRANCE. 43
une
que la mort eſt ſa feule reſſource , & ne veut
plus vivre que jufqu'à ce qu'elle ait juſtifié
l'innocence. Dans fon défeſpoir elle atteſte les
Dieux & les enfers. Le tonnerre gronde ,
tempête épouvantable s'élève. Le peuple &
Théfée lui-même cherchent à calmer le courroux
du Ciel. Ce Roi craint pour les jours de
fon fils qu'il a lui -même profcrit. On vient .
lui annoncer la mort. Un monftre , envoyé par
Neptune , l'a entraîné avec lui. Phèdre , à
cette nouvelle , ne garde plus de mefure . Elle
déclare fon crime , & fe tue aux pieds de Théfée
, dont le défefpoir a d'autant plus de
violence , qu'il apprend que fon fils étoit innocent.
Cer Ouvrage a eu du fuccès à la première
repréſentation . On a vivement fenti un grand
nombre de beautés muficales qui s'y rencon
trent. On a fu gré à l'Auteur du Poëme de
la fimplicité de fa marche & du parti qu'il a
fu tirer de ce fujet. Le fuccès auroit été plus
grand ( & pourra l'être par la fuite ) fi quelqués
langueurs qu'on a remarquées dans l'action
, & même dans la mufique , n'avoient
pas fouvent rallenti l'intérêt que les beautés
commençoient à infpirer. Mais les Auteurs
ont annoncé , pour les repréfentations fuivantes
, des retranchemens qui ne pourront
être qu'avantageux. Nous parlerons plus en
détail dans le Numéro prochain des chofes
qu'on a le plus admirées dans le poëme & dans
la mufique , ainfi que de celles qu'on y a critiquées.
Tout ce que nous pouvons dire à pré44
MERCURE
fent, c'eft
que M. le Moine , qui nous avoit
déjà donné la mufique d'Electre , paroît avoir
fingulièrement profité des confeils du Public ;
qu'en écartant tout fyftême , & en fe livrant
davantage à l'impulfion naturelle de fon génie
, il prouve un talent le plus précieux ,
qui n'a befoin que d'être encourage.
L'abondance des matières force à remettre
au Mercure prochain , l'article des Méprifes ,
Comédie en trois Actes & en profe mêlée
d'ariettes , repréſentée avec fuccès au Théâtre
Italien , le 16 Novembre dernier .
ANNONCES ET NOTICES.
PATITE Bibliothèque des Théâtres , contenant
un Recueil des meilleures Pièces du Théâtre François
, in 12 , Tom: V , Théâtre Italien , Comédie ,
Tome X, Théâtre François , Comédie. A Paris , au
Bureau , rue des Moulins . Butte Saint Roch . n° . II ,
où l'on foufcrit , ainfi que chez Belin , Libraire , rue
Saint Jacques , & chez Brunet , Libraire , rue de
Marivaux , Place du Théâtre Italien .
L'un de ces deux Volumes renferme la Coquette
corrigée & Obftiné de la Noue ; l'autre contient la
Capricieufe & la Femme jaloufe de Joly , & le
retour de Mays de la Noue . Toutes ces Pièces font
accompagnées de Jugemens , Anecdotes , & c. qui
prouvent que les Editeurs ne fe rallentiffent
Jeurs recherches.
pas dans
DE FRANCE.
45
INSTRUCTION Paftorale de Mgr. l'Évêque
Duc de Langres , fur l'Excellence de la Religion , in-
12. A Paris , chez G. Delprez , Imprimeur du Roi
& du Clergé de France , rue Saint Jacques. Prix ,
2 liv. 10 fols avec Notes , 1 liv . 10 fols fans Notes.
Ce bel & utile Ouvrage a eu le plus grand & le
plus jufte fuccès. C'eft l'Affemblée du Clergé qui
en a demandé l'impreffion .
On trouve chez le même Imprimeur le Précis des
Conférences des Commiffaires du Clergé avec les
Commiffaires du Confeil , concernant la demande
faite aux Bénéficiers de la preſtation des foi& hom .
mages , aveux & dénombremens pour les fiefs dépendans
des bénéfices dans la mouvance du Roi.
HISTOIRE fommaire & chronologique de Cherbourg
, avec le Journal de tout ce qui s'eft paffé au
mois de Juin 1786 , pendant le féjour du Roi en cette
Ville : Brochure in- 8 ° , de se pages. Prix , liv.
10 fols. A Paris , chez Hardouin & Gattey , Libr.
SAINTE Bible traduite en François , avec l'Explication
du fens littéral & du fens fpirituel , tirée
des Saints Pères & des Auteurs Eccléfiaftiques , nouvelle
Edition , in- 8 ° . , Tome XV. A Nifmes , chez
Pierre Baume , Imprimeur- Libraire ; & fe trouve à
Paris , chez Guillaume Defprez , Imprimeur- Libraire,
rue Saint Jacques.
ÉTAT Militaire du Corps Royal de l'Artillerie
de France pour l'année 1786. A Paris , rue Dauphine
, nº . 116 , chez Didot fils aîné & Jombert
jeune , Libraires.
Le Mariage d'Antonin , Divertiffement en un
Ade & en pofe, mêlé d'Ariettes , repréſenté fur le
Théâtre Italien le 29 Juillet 1786 , paroles de Mme
46
MERCURE
de Beaunoir , mufique de Mile Grétry. A Paris , chez
Hardouin & Gattey , Libraires , au Palais Royal.
Cette bagatelle a eu du fuccès. C'eſt une espèce
de fuite à Richard - Coeur- de- Lion .
LETTRES fur l'Aftronomie- pratique , par M.
M **** . A Paris , chez Didot fils & Jombertjeune ,
Libraires , rue Dauphine.
Il feroit inutile de rien ajouter à l'éloge que le
Cenfeur de cet Ouvrage en a fait : « La réputation
» de l'Auteur , dit M. de la Lande , fuffit pour ga-
,» rantir le mérite de cet Ouvrage , & je crois que
» l'impreffion en fera utile & agréable au Public, »
"
COSTUMEEs des anciens Peuples à l'ufage des
Atiftes, par M. Dandré Bardou , nouvelle Etition ,
rédigée par M. Cochin , Chevalier de l'Ordre de
Saint Michel , & Secrétaire de l'Académie Royale
de Peinture , in- 4 ° . A Paris , chez Didot fils & Jombert
jeune , Libraire , rue Dauphine.
Cette quatrième Partie contient les ufages religieux
des Perfes.
HISTOIRE d'Elifabeth , Reine d'Angleterre ,
tirée des Ecrits originaux Anglois , d'Actes , Titres ,
Lettres & autres Pièces manufcrites qui n'ont pas'encore
paru , par Mlle de Kéralio , in-8 ° .
Nous reviendrons fur cet important Ouvrage ,
dont il ne paroît que deux Volumes ; les trois derniers
paroîtront au commencement de l'année.
Ou peut foufcrire chez l'Auteur, rue de Grammont,
n ° . 17, & chez Lagrange , Libraire , au
Palais Royal , côté de la rue des Bons Enfans , & au
mois de Janvier rue Saint Honoré , en face du
Lycée.
Le Roi a bien voulu foufcrire pour un grand ,
nombre d'exemplaires .
DE FRANCE. 47
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l'on difcute les principes des Economiſtes , & où
l'on indique un plan de perception patriotique accompagnées
de Notes , par Jérôme Tifaut de la
Noue , Volume in 8 ° . de 360 pages. Prix , 3 liv.
12 fols broché. A Paris , chez Santus , Libraire ,
quai des Auguftins.
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Sa Majesté à Cherbourg , par M. Foix , in - 4 ° . de
buit pages A Paris , de l'Imprimerie de MONSIEUR,
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Numéros 35 à 43 du Journal de Harpe , par les
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Hebdomadaire
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A Paris , chez Leduc, au Magafin de Muſique &
d'Inftrumens
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Pour ce dernier Journal on prévient les Soufcripteurs
qu'en rapportant les cinquante - deux Livraifons
il leur fera échangé une vingt - unième année
imprimée de fuite avec un feul titre en tête & la
Table des Airs moyennant 3 liv.
A Madame.... ,
TABLE.
3 phe
Le Moqueur moqué , Anec- Satyres , par M. Cle***
dote ,
7
9
4 Traitéfur les propriétés & les
Mifanthropic , traduite du effets du Cafe ,
Grec de Ménandre ,
Acroftiches ,
Variétés,
26
34.38
ib. Kardemie Roy. de Mufq. 39.
Csarade, Enigme & Logogry- Aznonces & Notices , 44
APPROBATION.
J'ATIN , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 2 Décem. 1986. Je n'y
ai rien trouvé qui priffe en empêcher l'impreſſion.
Paris , le 1 Décembre. 1736. GUIDI. I
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDIS DÉCEMBRE 1786.
PIECES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
VERS
A Madame BELLI...... , qui m'a donné
fes jarretières en retour des miennes,
COMBIEN je gagne à ce cadeau brillant ,
Et que mon ame en devient fière !
Je me compare à certain Roi galant
Qui fonda l'Ordre d'Angleterre.
Mais que mon fori eft différent !
Je n'obtiens que la jarretière,
Par M. S..... )
No. 49 , 9 Décembre 1786.
49,9
t
C
MERCURE
IMPROMPTU à Mlle DENISON , chez
qui on admirait un coeur en cheveux percé
de traits.
DENISON eft un petit Ange
Qui vous féduit par fa douceur ;
Mais lorsqu'elle rencontre un coeur ,
Vorià comme elle vous l'arrange .
( Par M. F. G. Voyageur Négociant. )
CHANSON fur le nouveau Traité de
Commerce avec l'Angleterre , contenant
réduction des droitsfur les Vins de France,
pour une Société d'Anglois & de François ,
réunis à la même table.
Sur l'Air ; Le premier du mois de Janvier , &c,
LOUIS Louis calma l'Europe en feu ;
Mais à fon gré c'étoit trop peu
Pour notre bonheur & fa gloire :
Pourfuivant les nobles projets ,
Vergenne à fes heureux Sujets
Préparoit une autre victoire.
A NOS vins , par de doux efforts ,
De l'Anglois il ouvre les ports ,
DE FRANCE.
On s'y bat , mais à coups de
verre ,
Et l'espoir enfin eft permis
Qu'en re- eux les deux Peuples amis
Ne connoîtront plus d'autre guerre,
ANGLOIS , Vous méritez l'honneur
D'être appelés peuple penfeur ,
C'est là votre plus beau partage;
Maîtres de ce jus précieux ,
Vous allez penfer encor mieux
Quand vous en boirez davantage.
QUE fon ufage pour jamais
Entre nous cimente la paix ;
Loin l'amertume & le reproche ;
Goûtons ces biens inefpérés ;
Et , par Neptune féparés ,
Que Bacchus enfin nous rapproche.
A BOIRE aux illuftres Auteurs
Du noeud qui va joindre nos coeurs
Metrons toute la concurrence ;
Sur tout le reſte bien d'accord,
Ici ne cédons qu'au plus fort
Les honneurs de la préférence.
Après la ronde.
AMIS , cet Ouvrage divin
Dut n'être qu'un jeu pour la main
Cij
MERCURE
Qui fit le deftin de la terre ,
Et mieux que Francklin mille fois
Sur , au gré du plus grand des Rois ,
Par-tout enchaîner le tonnerre .
(Par un Abonné Brguignon . )
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercure précédent.
LE mot de la Charade eft Soubrette ; celui
de l'Enigme eft Perruque ; celui du Logogryphe
eft Chaire , où l'on trouve haire
chair , Aire ( villes de Gafcogne & des Pays-
Bas ) , aire ( à battre le bled ) , aire ( terme de
géométrie ) , aire ( nid de l'aigle ) , ire ( ou
colère ) , ré ( en faifant de l'e muet un e fermé.
CHARA DETTE
IL fort de mon premier des mets délicieux ;
On trouve mon fecond dans l'art mélodieux
Où Gluck fur maint Auteur excelle ;
Mon tout , diffigateur , vous offre un beau modèle.
DE FRANCE.
13
ENIG ME.
CELUI qui me porta fervit de nouriture .
Jadis je, le portai moi- même dans les airs.
A préfent fous trois doigts je fuis à la torture ;
Je fers également aux fages , aux pervers" ;
Je fuis l'unique bien de tous gens de juftice ;
Par moi le Procureur ruine fon Client ;
Je fais beaucoup de mal & du bien rarement ;
Lentement par le fer on veut que je pérille ,
Et mon Lecteur fur moi repoſe mollement.
**
(Par M. N. Delife. )
LOGOGRYPHE
Pourles enfans de Mars , même au ſein de la guerre, OUR
Je trace un figne de répos.
Je tiens un rang fort bas parmi les minéraux ;
Et fuis aux Artifans très - ſouvent néceffaire.
Dans mes cinq pieds on trouve un des
Un poiffon des plus abondans :
quatre élémens ;
Une arme de l'Amour ; plus une maladie
Qui dépare toujours une bouche jolie;
D'un aliment exquis les reftes précieux ;
Une ville d'Afrique , & ce morte! fameux
Qui parcourut les airs , guidé par fon courage 3;..
Cij
$4 MERCURE
Puis de mon tout enfin le plus commun ufage ;
Ce qu'arrache par fois la joie & la douleur ;
Ce qui charme l'oreille & qui flatte le coeur ;
Ce qu'en un chien avec foin l'on recherche.
Je finis , cher Lecteur , penfe , rumine , cherche.
( Par Mlle de Malerme , de Bruxelles. )
NOUVELLES LITTERAIRES.
VOYAGES dans les Alpes , précédés d'un
Effai fur l'Hiftoire Naturelle des environs
de Genève , par H. B. de Sauffure , ancien
Profeffeur de Philofophie , & de plufieurs
Académies. A Genève , chez Barde &
Manget , Imprimeurs - Libraires , & fe
trouve à Paris , chez Buillon , Libraire ,
hôtel de Mefgrigny , rue des Poitevins.
Tome fecond in-4° , & Tomes 3 & 4
in- 8°. 1786.
LE premier Volume de ces Voyages fut
imprimé il y a quelques années ; il renfermoit
, outre l'Hiftoire Naturelle des environs
de Genève , du lac qui baigne cette République,
& des montagnes qui s'élèvent près de
fes rivages , un premier Voyage dans cette
vallée de Chamouni , devenue fi intéreſſante
pour les Naturaliftes , comme pour la foule
d'étrangers que lacuriofité y attire chaque Éré.
1
DE FRANCE.
#
On inculpa de féchereffe le premier travail
de M. de Sauffure ; on reprocha à un Phyficien
qui décrivoit des montagnes , cinq cens
pages de définitions lithologiques ; les Lecteurs
frivoles euffent defiré que ce Phyficien
eût fait des hymnes fur les Alpes , au- lieu de
tracer l'hiftoire de leurs rochers.
Gâtés par les deſcriptions romanefques
en ftyle poétique , qu'on avoit données jufqu'alors
de quelques - unes des grandes Alpes ,
les Amateurs ne cherchoient dans les relations
que des fenfations & des événemens .
Un Livre de fcience fur ces grands objets
étoit trop nouveau ; tous alloient dans le Faucigny
admirer le Mont - Blanc ; très- peu de
perfonnes fe foucioient de l'étudier. D'ail
leurs , le premier volume n'étoit que préparatoire
, & cette introduction difant peu de
chofe à l'imagination , on a attendu l'Auteur
à la fuite de fon grand travail.
Dans cette branche de l'Hiftoire Naturelle ,
les ſyſtêmes ont devancé les faits , & ne les
ont pas devinés. Jufqu'à nous , ceux qui tiroient
de la ftructure des montagnes des in
ductions générales fur leur première formation
, reffembloient le plus fouvent au Géographe
qui , en débarquant fur un nouveau
continent , traceroit une carte générale du
pays , d'après le relèvement des côtes . Plufieurs
de ces Savans n'avoient jamais vu de
montagnes ; d'autres ne connoiffoient que
celles de leur Province ; deux ou trois avoient
apperçu les grandes chaînes Alpines des dif-
Civ
56 MERCURE
ferentes parties du monde , fans les fcruter ,
fans les comparer ; & de ces obfervations
précipitées que la nature des lieux rendoit
encore plus incertaines , il n'étoit réſulté que
des erreurs & des hypothèſes fur des erreurs.
Les relations de MM . de la Condamine ,
Bouguer , D. Ulloa, ajoutèrent des faits importans
à l'hiftoire des montagnes primitives ;
mais leurs obfervations fur les Cordillières du
Pérou , ne s'étendirent pas au refte de cette
chaîne immenfe , qui partage tout le Midi de
PAmérique , ils s'occupèrent de cette étude
plutôt en Phyficiens qu'en Naturaliftes ; & déjà
chargés de travaux pénibles , ils fe bornèrent
à décrire les formes extérieures , l'élévation ,
les accidens remarquables qui diftinguent les
Andes Péruviennes . Ils en conftatèrent furtout
une particularité très effentielle , l'exiftence
des Volcans dans les flancs de ces montagnes
, tandis que jufqu'ici on n'en a découvert
aucune trace dans nos Alpes.
M. de Luc , dont les courfes nombreuſes ,
la fagacité & les lumières font connues , a partagé
également fes recherches fur les montagnes
entre beaucoup d'objets divers. Soit
qu'il ait voulu négliger les détails lithologiques
, foit qu'il les ait réfervés pour des Ouvrages
poftérieurs , on ne trouve dans ceux
qu'il a publiés jufqu'à ce jour , aucune analyſe
approfondie des différentes montagnes qu'il
a parcourues avec tant de foin. On peut en
dire de même de quelques Naturaliftes Suiffes
, dont les obfervations ont été partielles ;
DE FRANCE. "$7
quelques -unes même peu exactes , entreautres
celles de Bourguet.
L'un des plus illuftres & le plus infatigable
des Voyageurs , M. Pallas , a expofé dans fa
belle Differtation fur les Montagnes , lue à
P'Académie de Pétersbourg en 1777 , unc
fuite d'obſervations générales , qui font le
réfultat de celles plus particulières , renfermées
dans fon grand Voyage. Il a vifité , avec
fa pénétration & fa patience ordinaires , les
deux fameufes chaînes des Monts Ourals &
Altaïques ; il a comparé les différentes branches
de cette immenfe étendue ; enfin il a déduit
de fes découvertes des vérités , que leur
conformité prefque parfaite avec les obfervations
de M. de Sauflure , peuvent faire regarder
aujourd'hui comme la bafe de toute
théorie des montagnes. L'un & l'autre ont
également détruit l'opinion de Bourguet fur
la correfpondance continue des angles faillans
oppofés aux angles rentrans ; & celle
non moins fauffe de l'horizontalité des couches
dans les montagnes primordiales ; tous
deux ont prouvé qu'elles étoient formées de
granit & non de fable , ou de toute autre
roche ; que ces matières primitives étoient
vitrefcibles & non vitrifiées ; enfin que les
bandes fecondaires qui fuivent les primordiales
n'étant ni de la même nature , ni de
la même conformation , il étoit peu philofophique
de confondre leur origine , en y allignant
une feule caufe. Ce rapport frappant
d'obfervations , à de fi grandes diftances , fur
>
Cv
58
MERCURE
des chaînes de montagnes de même caractère
, entre des Naturaliſtes fans aucune relation
perfonnelle , forme fans doute un puiffant
indice de jufteffe.
On ne peut fe permettre de généralifer les
faits , qu'après en avoir épuiſé la découverte.
La bafe de toute connoiffance certaine en ce
genre , ce font les Voyages , d'où résultent
l'examen des phénomènes réguliers , & celui
des accidens : or , M. de Sauffure eft , avec M.
Pallas , celui des Phyficiens qui a obfervé le
plus fouvent les montagnes , & en plus grand
nombre: vingr- cinq années de fa vie ont été
confacrées à cette étude. Dans cet efpace
de temps , il a traverfé quinze fois la chaîne
entière des Alpes par différens paffages ; il a
pénétré leur centre dans des excurfions encore
plus fréquentes ; il a parcouru le Jura ,
les Volges , les montagnes de la Suiffe &
d'une partie de l'Allemagne , celles d'Angleterre
, d'Italie , de la Sicile & des Ifles voifi ..
nes , de l'Auvergne , du Vivarais , plufieurs
du Dauphiné , du Forez & de la Bourgogne.
Tant de courfes ont été faites le marteau &
le crayon à la main , par un Voyageur robufte
& courageux , qui , n'épargnant ni ſes
dépenfes ni fa fanté , a paffe de fommets en
fommers & de périls en périls avec une émulation
infatigable , en notant fur le champ
outes les obfervations. L'obfervateur ayant
porté d'ailleurs dans fes recherches les connoiffances
qui les facilitent , & qui en affurent
l'exactitude , en même temps qu'un carac
DE FRANCE.
59
tère patient & un efprit appliqué , il a réuni
tous les moyens d'arriver à quelque certitude.
Les douze premiers Chapitres de ce fecond
volume complettent l'Hiftoire naturelle de
la vallée de Chamouny , des glaciers qui y
defcendent , des aiguilles énormes qui la dominent.
Fréquemment l'Auteur a foin de
fixer l'efprit de fes Lecteurs fur les rapports
généraux & fur les réſultats fyftématiques
qui découlent des faits de détail. Par exemple,
dans le Chapitre 18. il ramène en ces termes
, fous un mêine point de vue , les obfervations
fondamentales que préfentent les
montagnes au Sud- Eft de la vallée de Chamouni.
« Elles font compofées de deux par-
» ties diftinctes. L'une eft le maffif non in-
» terrompu & uniforme qui s'élève juſqu'à
" 7 à 800 toifes au-deffus de la vallée ; l'au-
» tre , les aiguilles ou pyramides détachées
» qui dominent ce maflif. La maffe unifor-
» me , inférieure , eft compofée de roches
» feuilletées de divers genres. Les roches font
difpofées par couches très- régulières , peu
» inclinées vers le bas de la montagne , & fe
relèvent graduellement contre la vallée
jufqu'au haut , où elles deviennent exacte-
>> ment verticales . Ces mêmes couches rapprochent
de la nature du granit à mesure
qu'elles s'approchent du haut de la mon-
» tagne. Les pyramides qui furmontent ce
maflif font de granit en maffe. Elles font
flanquées , & même compofées extérieu-
» rement de feuillets pyramidaux , prefque
"
"
و د
و ر
93
"
Covj
MERCURE
93
verticaux , & qui s'appuient , non fur le
» corps même de la vallée , comme les cour
ches inférieures du maffif, mais fur le corps
» même des pyramides. Quant au coeur , foit
» à la partie intérieure de celles ci , elle par
>> roît en quelques endroits n'avoir point de
» ftructure régulière, & n'être divifée que
» par des fentes accidentelles . Au refte , il
» ne faut point s'imaginer que ces pyramides
foyent ailifes fur le maffif qu'elles domir
nent , comme une colonne fur fa bafe ; le
mathif fereit plutôt ailis en partie fur les
» fondemens intérieurs des pyramides.
20
« Cet expolé , ajoute M. de Sauffure , ne
» renferme rien d'hypothétique ; c'eſt le ré-
" faltat pur & fimple de l'obfervation ; les
» Auteurs fyftématiques les concilieront
» comme ils voudront ou comme ils pour-
» ront , avec leurs hypothèfes ; mais ils
» n'ébranleront pas la vérité des faits. »
Quoique l'Auteur ait eu la fagelle de ne
point écrire un Voyage univerfel , & de fe
renfermer exclufivement dans les objets d'hif
toire naturelle , il n'a point négligé les defcriptions
analogues qui peuvent diminuer
Paridité des définitions tecniques. Il a peint
en particulier, en traits auffi intéreffans que
fidèles , les moeurs des habitans de la vallée de
Chamouny. Dans ces folitudes élevées , où
Phomme , encore voifin de la Nature , a la
force du Sauvage , fans en avoir la férocité ;
où, prefque fans communication , il y a 30
ans , avec le reste du genre humain , ces valDE
FRANCE. 61
-
lées offroient encore quelques uns des traits
primitifs de notre elpèce , au moral & au
phyfique , comme on y trouve les premiers
monumens de la création ; dont les habitans ,
ébranlés chaque jour par le fpectacle des plus
grands effets phyfiques , ne participent eu
aucune manière de la ftupidité des êtres
bornés dans leurs befoins comme dans leurs
reffources , les paflions doivent être peu nonbreufes
, & prendre un caractère particulier.
L'une des plus fortes , des plus univerfelles
parmi ces montagnards , eft leur fureur pour
la chaffe du chamois. Ce n'eft point ici un
amufement de Vénerie : ce n'eft pas le plaifir
facile de dépeupler un parc , en courant à
cheval , fans fatigues & fans incertitude de
fuccès . Il faut avoir vu ces intrépides montagnards
des Alpes à la pourfuite du chamois ,
pour comprendre la jouiffance qui réfulte de
l'exercice du courage. Écoutons M. de Sauffure .
22.
Si le vigilant animal apperçoit le chaffeur,
» il s'en fuit avec la plus grande viteffe dans
» les glaciers, fur les neiges & fur les rochers
» les plus efcarpés. Il eft fur tout difficile de
» les approcher lorfqu'ils font réunis . Pendant
que les autres paiffent , l'un d'eux fe
tient en vedette fur la pointe de quelque
» roc ; & dès qu'il apperçoit un objet de
crainte, il pouffe une espèce de fifflement ,
" à l'ovie duquel tous les autres chamois fe
» raffemblent autour de la fentinelle : s
» jugent de la nature du danger ; s'ils voyent
» une bête féroce ou un chaffeur , le plus ex62
MERCURE
و د
périmenté fe met à leur tête , & ils s'en-
» fuient tous à la file dans les lieux les plus
» inacceffibles .
و د
» Là commencent les fatigues du chaffeur ;
emporté par fa paflion , il ne connoît plus
» de danger ; il paffe fur les neiges fans crainte
""
des abymes qu'elles peuvent recéler ; il s'en-
» gage dans les routes les plus périlleuſes ,
» monte, s'élance de rocher en rocher , fans
» favoir comment il en reviendra. Souvent
» la nuit l'arrête au milieu de fa pourſuite;
» mais il n'y renonce pas ; il fe flatte d'attein-
» dre le chamois le lendemain . Il paffe done
nuit , non au pied d'un arbre ni dans un
» antre tapiffé de verdure , mais au pied d'un
roc nud , fouvent même fur des débris
» entaffés. Là , feul , fans feu , fans lumière ,
» il tire de fon fac du fromage & un morceau
» de pain d'avoine ; il fait fon frugal repas ,
met une pierre fous fa tête , & s'endort en
» rêvant à la route du chamois ; mais bien-
» tôt éveillé par la fraîcheur du matin , il
fe lève tranfi de froid , mefure des yeux les
précipices qu'il doit franchir , boit un peu
d'eau- de-vie, remet fon fac fur fon épaule ,
» & va courir de nouveaux hafards.
"
33
و د
22
» J'ai connu , ajoute M. de Sauffure , un
» jeune homme de la Paroiffe de Sixt , bien
fait , d'une jolie figure , qui venoit d'époufer
une femme charmante ; il me difoit :
Mon grand père eft mort à la chaffe , mon
père y eft mort ; je fuis fi perfuadé d'y
» mourir , que cefac queje porte à la chaffe ,
و ر
DE FRANCE. 63
93
je l'appelle mon drap mortuaire , & pour-
" tant fi vous m'offriez une fortune pour re-
» noncer à cette chaffe , je n'y renoncerois
» pas. Cet homme étoit d'une adreffe &
" d'une force étonnantes ; mais fa témérité
» étoit encore plus grande. Deux ans après
» le pied lui manqua au bord d'un précipice ,
» où il fubit la deftinée à laquelle il s'étoit
>> attendu. »
"
>
Comment expliquer cette paffion indéracinable
? La cupidité n'eft pas fon aliment ;
unchamois entier ne fe vend que douze francs
de Piémont ; il eft rare d'en remporter d'autre
dépouille que celle de fa peau , vu la difficulté
de le charger entier au travers d'efpaces auffi
périlleux. D'ailleurs , depuis que le nombre
de ces animaux a diminué , le temps perdu à
en attraper un feul vaut toujours plus de
douze francs ; mais , obferve très - bien le
Voyageur , ces dangers même , cette alternative
de craintes & d'efpérances , l'agitation
continuelle de l'ame au milieu de ces mouvemens
divers , tiennent le chaffeur dans
cet ébranlement qui élève l'homme au- deffus
du fentiment de fa foibleffe , & que partagent
le Joueur , le Guerrier , le Navigateur ,
le Naturalifte des Alpes . Tous ceux qui les
ont parcourues avec quelque attention , doivent
avoir remarqué chez leurs habitans , fi
infenfibles d'ailleurs aux impreffions morales
qui tourmentent les payfans des plaines & les
citadins , une efpèce d'exaltation continue ,
à la vue des objets dont ils font entourés.
64
MERCURE
Cette peuplade de la vallée de Chamounti
ek remarquable encore par d'autres traits que
M. de Saulfure a faifis avec exactitude , &
qu'il a rendus fans exagération . De même que
les habitans des hautes vallées , ceux-ci ne font
ni bien grands , ni d'une très belle figure ;
mais ils font ramaffés , plein de nerf & de
force: il en eft de même des femmes . Rarement
les hommes parviennent- ils à quatrevingts-
ans. Les maladies inflammatoires, dûes
aux tranfpirations fupprimées par les changemens
fubits de temperature , en emportent un
grand nombre . Honnêtes en général , fidèles ,
très - attachés à la pratique des devoirs de leur
religion , ils favent être économes , & en
mêine- temps très-charitables. On ne voit chez
eux ni hôpitaux , ni fondations en faveur des
pauvres ; mais les orphelins & les vieillards
fans moyens de fubfiitance , font nourris &
logés alternativement par chacun des habitans
de la Paroiffe. Si l'âge ou des infirmités mettent
l'un d'eux hors d'état de cultiver fon
champ , fes voisins fe chargent de ce foin.
Leur efprit eft vif, pénétrant ; ils font enclins
'à la raillerie , prompts à faifir les ridicules des
étrangers, pleins d'un bon fens qui étonne ,
lorfqu'on converfe avec eux fur la religion &
la philofophie naturelle. M. de Sauffure en
rapporte divers exemples finguliers , & je me
rappelle une réponse encore plus fingulière
que me fit un jour l'un de ces montagnards ,
auprès d'un four à chaux , dont je comparois
les flammes à celles de l'enfer.
DE FRANCE 65
Les bornes de ce Journal nous réduifent à
indiquer feulement une partie des morceaux
importans de cet Ouvrage , foit aux Phyficiens
, qui y puiferont des lumières sûres , foit
aux Lecteurs que guideroit la fimple curiofité.
De ce genre font le grand & pénible Voyage
de l'Auteur autour du Mont Blanc , de fes
bafes , des montagnes adjacentes , tant du
côté de la Savoye que du côté de l'Italie ; fes
recherches & experiences fur l'électricité atmofpherique
, le Chapitre neuf & profond
fur les caufes du froid dans les montagnes , &
fur la détermination de la hauteur à laquelle
les neiges ceffent de fondre ; Chapitre où
l'Auteur réfute victorieufement les affertions
de Bouguer , de Grüner , de Fatio , de Michely
, & d'où il réfulte qu'en général lesneiges
proprement dites , fans parler des glaciers ,
ne fondent guères au- deffus de 1500 toifes
fur les montagnes , dont la hauteur totale furpalle
à 1600 toifes , ni ne fe confervent
au deffous de 400 toiles , fur les cîmes ifolées
, lorfque la hauteur totale de celles- ci ne
furpaffe pas cette mefure , & qu'elles ne fe
trouvent pas contigues à une chaîne fort
élevée.
On a parlé dans beaucoup de Livres , &
prefque toujours fort inexactement , de ces
individus auffi hideux que dégoûtans , chez
qui les organes de l'entendement & de la fenfibilité
fe trouvent dégénérés comme les facultés
phyfiques , & qui fe nomment des Cretins.
Le Bas-Valais en Suiffe , & la Val- d'Aoft
66 MERCURE
en Italie , font particulièrement affligés de
cette maladie endémique. Jufqu'ici , on a
affigné des caufes trop générales pour expliquer
un phénomène abfolumeut local. M. de
Sauffure a traité cette matière avec beaucoup
de fagacité ; & nous croyons avec lui qu'il
faut attribuer cette dégradation de l'espèce
humaine à la fituation des lieux , à l'air renfermé
dans de profondes vallées , fortement
réchauffé par les rayons du foleil , & contractant
ainfi un genre de corruption qui produit
un relâchement des fibres tendres des
enfans , en occafionnant ces engorgemens goîtreux
, & cette atonie générale du corps humain.
Ce volume eft terminé par un Mémoire
que préfenta M. J. Trembley , en 1781 , à
l'Académie Royale des Sciences , & dont l'objet
eft de mieux déterminer , par une fuite
d'expériences , la mefure des hauteurs avec
le baromètre. L'habile Auteur de cette favante
analyfe y démontre la néceffité de rectifier
, ou plutôt de perfectionner la règle de
M. de Luc. C'eft un fupplément à cette méthode
, & un pas important fait de plus dans
la fcience. On retrouve ici le géine de la géométrie
, & l'efprit étendu d'obfervation qui fe.
font remarquer dans les autres Ouvrages de
M. Trembley.
Quelques perfonnes ont accufé l'Ouvrage
de M. de Sauffure d'un défaut de méthode ;
pèut- être en effet les obfervations générales
font-elles trop intimement mêlées avec la
DE FRANCE. 67
partie deſcriptive ; celle- ci offre quelquefois
un peu de confufion qui tient fans doute à fa
variété. Certains détails pouvoient être abrégés
, ou même fupprimés , & cette précifion
nous paroiffoit d'autant plus utile , que le ſtyle
de M. de Sauffure , toujours clair , n'eft pas
exempt de longueurs . Ón diroit qu'il craint
de ne pas fe faire entendre , & il fe défie trop
peut - être de l'intelligence de fes Lecteurs . La
partie typographique eft fort bien exécutée ;
elle diftingue avantageufement les preſſes des
Éditeurs.
( Cet Article eft de M. Mallet du Pan.)
LES Loisirs d'une jeune Perfonne raisonnable
& fenfibie. A Paris , chez Hardouin &
Gattey , Libraire , au Palais Royal. in- 16.
Prix , i liv. 10 fols br.
Sous ce titre , qui n'eft pas fort clair ,
on donne un Recueil de divers morceaux de
vers & de profe. Il en eft qu'on n'auroit pas
dû recueillir ; il y en a de très-piquans , mais
trop connus ; on eft furpris en effet d'y trouver
Jean quipleure & Jean qui rit de Voltaire ;
une Ode de la Morte à Rouffeau , &c. Enfin
il y en a qu'on voit avec d'autant plus de plaifir
, qu'ils n'avoient pas encore paru au grand
jour. Tel eft le fynonyme fuivant fur les
mots conftant & fidèle , par M. du Morier. »
« On eft conftant lorſque l'on perfévère
dans fon amour. On eft fidèle tant qu'on ne
68 MERCURE
23 1
cherche à plaire qu'à une feule perfonne.
Ainfi , la confiance eft dans les fentimens ,
& la fidélité eft dans l'action.
De deux femmes dont l'amour n'eft pas
également moral , l'une attache le plus grand
prix à la conftance de fon amant , l'autre veut
fur -tout que le fien lui foit fidèle.
L'amant qui ceffe d'aimer eft inconftant;
celui qui fait fa cour ailleurs eft infidèle. Ainfi
un trait d'inconftance peut avoir lieu entre
deux perfonnes ; mais une infidélité en fuppofe
trois.
N'attendez plus d'amour d'un inconftant;
mais vous pouvez efpérer de ramener un
infidèle.
C'eft toujours par une difpofition de coeur
que l'on eft confiant ; mais on peut n'être
fidèle que par principes & par devoir. On dit
des amans qu'ils font conftans , & des maris
qu'ils fontfidèles.
Les preuves de conftance fatisfont plus
l'amour, parce qu'elles ont plus de rapport
avec lui ; mais les preuves de fidélité flattent
plus la vanité , parce qu'elles fe font plus remarquer.
Il eft plus d'un mari dont le bonheur
eft d'être perfuadé de la fidélité de la
femme , & de la confiance de celle dont il eft
amoureux .
Prefque toujours l'infidélité d'une femme
la conduit à l'inconftance ; mais il n'eft pas rare
de voir des hommes infidèles fans conféquence,
& fans fe détacher de l'objet de leur
amour. Ainfi je crois que les femines manDE
FRANCE 69%
quent plus fouvent de conftance , & les hommes
de fidélité.
Enamour n'eft pas conftant qui veut ; c'eſt
un fentiment dont la naiffance & la durée ne
dépendent point de nous ; mais on eft tou
jours maître de fes actions. Ainti on a le droit
de fe plaindre des infidélités de la perſonne
qu'on aime , & l'on n'a que celui de s'affliger
de fon inconftance.
On peut dire que celui qui jure d'être conf
tant, promet toujours plus qu'il ne peut tenir ,
& que celui qui jure d'être fidèle , promet
fouvent plus qu'il ne veut tenir.
Il me paroit que conftant peut
fe
rapporter
à un fentiment qui peut n'être ni partagé ni
même connu de la perfonne qui l'infpire ;
au-lieu que fidèle fuppofe une foi reçue , un
fentiment partagé , ou du moins approuvé.
L'amour conftant qu'on a eu pour une
femme , malgré les rigueurs , n'eſt pas une
preuve qu'on lui auroit été fidèle , fi l'on eût
obtenu du retour.
Fidèle differe de conftant , en ce que le.
fens qu'il préfente amène davantage l'idée
de l'objet aimé . On diroit : Damon , qui peut
douter de votre conftance , lorfque depuis fi
long temps on vous voit fidèle à Cephine >
On dit , il eft conftant dans fon amour , il eft
fidele à la maîtreffe.
Enfin le mot conftant annonce un laps de
temps qui n'a pu détruire l'amour ; & celui
de fidele fuppofe l'occafion d'etre infidèle , à
laquelle on n'a pas fuccombé. Ainit , c'est le
70 % MERCURE
temps qui éprouve la conftance , & les occafions
font l'épreuve de la fidélité. On dit , une
confiance inaltérable , une fidélité à toute
épreuve.
-
Une femme qui veut être aimée conftamment
, ne doit employer pour plaire que des
moyens qui puiffent être toujours en fon
pouvoir. Et celle qui veut que fon mari lui
foit fidèle , doit mettre tout l'art poffible à ne
lui laiffer former que des defirs qu'elle feule
puiffe remplir. »
A
VARIÉTÉS.
PEINE un Ouvrage a obtenu un grand fuccès ,
les Imprimeurs étrangers le contrefont , les Ecrivains
médiocres de toutes les Nations le copient fous
d'autres noms & fous d'autres titres . L'Homme- de-
Lettres fe voit dépouillé de toutes les manières , &
les Loix qui veillent fur tous les Citoyens paroiffent
impuiffantes pour le protéger & pour le défendre. Il
femble que les OEuvres du talent & du génie ne
puiffent pas conftituer une propriété. Heureufement
les efprits diftingués font prefque toujours généreux ;
& s'ils exigent quelque reconnoiffance des hommes
qu'ils éclairent , ce n'eft pas celle qui s'acquitte avec
de l'or & de la fortune; mais ils font exposés à un
genre d'injure auquel ils font plus fenfibles , & qui
peut leur nuire davantage. Ceux qui vivent de
fraudes littéraires , ne prennent pas feulement leurs
Ouvrages pour les faire paroître fous d'autres noms
DE FRANCE 71
on prend leurs noms pour faire paroître des Ouvrages
qu'ils n'ont jamais pu faire. L'Ouvrage fe
vend & fe lit parce qu'il porte un nom célèbre , mais
prefque toujours l'Ouvrage eft au-deffous du médiocre
, & la gloire du nom qu'il ufurpe peut en être
obfcurcie. Le plus fouvent , pour imiter un Ecrivain
qui attaque les préjugés , les erreurs & les oppreffions,
on infulte à la morale, aux loix, aux pouvoirs
les plus légitimes ; & un Philofophe qui a écrit pour
le bien de l'humanité, fe trouve chargé des fcandales
& des inepties de gens qui écrivent pour gagner de
l'argent. Il n'y a pas de manière plus cruelle de nuire
au talent d'un Homme- de - Lettres , & de compromettre
le repos de fa vie. Un Ouvrage qui porte le
titre d'Idées générales fur l'état actuel du Commerce ,
paroît depuis quelque temps , & il porte un autre
titre encore , celui de Supplément à l'Hiftoire politique
& philofophique des deux Indes. On ne pouvoit
pas choifir un meilleur moyen de recommander un
Ouvrage fur le Commerce , & de lui affurer des` .
acheteurs ; mais ce titre eft un menfonge. Voici ce
que nous écrit l'Auteur de l'Hiftoire philofophique
& politique des deux Indes.
32
« On annonce dans des Papiers publics un Supplément
à l'Hiftoire philofophique & politique
des deux Indes , fous le titre d'Idées générales (ur
» l'état actuel du Commerce. Cet Ouvrage, bon ou
» mauvais , m'eft abfolument inconnu . Je déclare
20
que je n'ai ni directement ni indirectement aucune
part à fa compofition ou à fon impreffion.
" A Marſeille , le 8 Novembre 1786. Sign鸻.
» RAYNAL, »
72. MERCURE
SPECTACLES.
ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.
ON a dit par- tour avec raiſon , on a répété
depuis long - temps qu'il y avoit le plus grand
danger às'emparer des Tragédies de nos grands
Maîtres , pour les tranfporter fur la Scène del'Opéra.
Quoiqu'on foit obligé de donner au
nouveau Poëme une marche differente , on
ne peut jamais s'éloigner affez des idées du
Poëte qu'on imite , pour ne pas les rappeler
fouvent. Si on lui prend fes vers tels qu'ils
font , néceflairement on les defigure , tant
par les formes que la mufique exige , que par
le voifinage de ceux qu'on eft obligé d'y ajouter.
Si on s'en tient à fes idées , ces idées font
renaître dans la tête de tout le monde , qui
les fait par coeur , les beaux vers qui ont fervi
à les exprimer. Quel eft l'homme aujourd'hui
qui peut fe croire en état de foutenir cette
lutre , fur - tout lorfque Racine eft le modèle
qu'il a choifi ? Nous ajouterons même que
quand l'imitateur a dans fon ftyle une forte
d'élégance , de la grace , de la facilité , cette
rivalité n'en eft que plus dangereufe , en ce
qu'il invite davantage à la comparaiſon . C'eſt
ce qui eft arrivé à l'Auteur de Phèdre. Sa
poéfie a paru douce , agréable , facile; mais
obligé
DE
FRANCE.
obligé fouvent d'exprimer les mêmes idées
73
que Racine, fes vers n'ont pu fe foutenir à
côté de ceux d'un pareil rival . Nous ne croyons
pas avoir befoin d'étayer cette vérité par des
citations. Nous ne penfons pas que M. ***
lui-même la révoque en doute , ni qu'il ait eu
la prétention de l'emporter fur fon modèle.
Au - deffous de Racine il eft encore des places
qu'on peut être flatté d'occuper.
Au refte , ce défavantage n'eft guères fenfible
qu'à la lecture ; il influe fort peu fur le
fuccès de la
repréſentation . Ce qui nuit davan
tage au nouvel Opéra , c'eſt la lenteur avec
laquelle font conçues quelques Scènes ; c'eſt
qu'il manque fouvent de ces oppoſitions fi
néceffaires à la mufique , & que de ce défaut
réfulte une monotonie qui , au milieu des
plus belles chofes , inſpire la diſtraction , le
refroidiffement & l'ennui. Nous en citerons
des exemples . Hyppolite ouvre la Scène : il
part pour la chaffe ; & comme Diane eft fa
Déeffe tutélaire , il lui adreffe un hymne ,
répété par les
compagnons :
O Diane ! chafte Déeffe , &c.
La même Scène en contient un autre , ou , f
l'on veut , une prière.
Déeffe des
bocages ,
Appelle les Zéphyrs ,
Défends aux noirs orages
De troubler nos plaifirs.
No. 49 , 9 Décembre 1786,
74 MERCURE
La Scène troifième commence par un hymne
à Vénus :
Divine Cithérée , &c.
chanté par
chanté
par les Prêtreffes
:
la Cour de Phèdre , puis celui- ci ,
Vénus , du haut des cieux , &c.
Puis dans la même Scène , lorfque Phèdre indifcrètement
a prononcé le nom de Diane ,
fes femmes adreffent encore une prière à
Vénus :
Pardonne- lui , Déeſſe tutélaire , &c.
?
Hyppolite , au troisième Acte , adreffe encore
une prière à Diane & une invocation à
l'Amitié , Théfée en fait une à Neptune.
Certainement c'eft un manque d'adreffe ,
& qui vient du peu d'habitude de la Scène ,
d'avoir ainfi accumulé coup fur- coup des morceaux
du même genre . Il eft vrai qu'ils auroient
pu du moins ne pas avoir le même caractère
, & il faut convenir que le Compofiteur
mérite des reproches pour n'avoir pas
fait affez cette attention. Son premier hymne
à Diane eft d'un chant délicieux , d'un effet
charmant, & il a été fort applaudi ; mais s'il
convient à la Déeffe à qui on l'adreffe , peutêtre
ne convient- il pas également au caractère
de ceux qui le chantent. Le jeune Hyppolite
, dont le coeur eft encore infenfible
qui ne refpire que les plaifirs bruyans & gais
de la chaffe , devoit s'annoncer peut- être avec
DE FRANCE.
plus d'éclat & de vivacité. Il en feroit réſulté
un contrafte heureux entre cette Scène & la
fuivante. On pouvoit oppofer fon alegreffe
au ton mélancolique de Phèdre, & à celui -là ,
l'expreffion voluptueufe des Prêtreffes de
Vénus.
Mais le plus grand reproche à faire à l'Auteur
du Poëme , c'eft la foibleffe du rôle
d'Hyppolite , & fur - tout la légèreté avec
laquelle Théfée croit l'imputation faite contre
lui . On excuſe à peine ce Roi dans la Tragédie
de Racine , quoiqu'Hyppolite y foit acculé
par Phèdre elle-même , c'est à dire , par
une femme adorée , qui a toute la confiance
de fon époux ; & quoique l'épée d'Hyppolite
, reftée entre fes mains , puiffe paroître
à Théfée une preuve fuffifante de l'attentat
de fon fils. Mais ici , c'eft fur le rapport
d'Enone, d'une nourrice , d'une femme mercenaire,
fans chercher même auprès de Phèdre
à s'allurer de la vérité de cette accufation ;
c'eft fans la voir & fans être ému de la juftification
touchante de fon fils , que ce père ,
qui a paru tendre jufqu'ici , dévoue Hyppolite
à la vengeance de Neptune ! Ce moyen,
qui bleffe toutes les convenances , affoiblit
beaucoup fans doute l'intérêt du dénouement.
Nous avons dit que le ftyle de cet Ouvrage
étoit facile & agréable. On y trouve cependant
des négligences fréquentes. C'eſt une
petite idée que celle d'avoir fait répéter avec
effroi le nom de Vénus par les Chaffeurs , &
Dij
76
MERCURE
celui de Diane par les Prêtreffes de Vénus.
Cette dernière fituation manque même de
jufteffe. Si dans le Temple de Vénus Phèdre
avoit invoqué Diane , c'auroit été en
une profanation ; mais elle ne fait que prononcer
fon nom indirectement ; elle dit feulement
qu'elle voit
Le plus vaillant
Des Satellites de Diane.
Il n'y a pas là de quoi fe facher.
lifet
Les vers fuivans n'ont pas paru d'un ton
Convenable au rang & au caractère de Phèdre.
Oui , c'eſt lui.... Les voilà ces funeftes attraits ;
Je l'entends ; il me dit : coupable , je te hais ;
Je lui réponds : je t'adore.
Enone voulant dire qu'Hyppolite eft encore
infenfible à lamour , dit :
Le doux accent de la Nature
Eft encor muet dans fon coeur,
L'accent de la Nature fignifie plus ordinairement
les fentimens qui naiffent des liaiſons
du fang que ceux de l'amour , & cette expreffion
eft ici d'autant plus équivoque ,
qu'none vient de parler de l'attachement
d'Hyppolite pour fon père , & qu'elle ſemble
contredire ce qu'elle a dit .
On a lieu de s'étonner que cette même
Enone , à l'inftant où elle excite la Reine à
DE FRANCE. 77.
fe livrer à fon penchant , lorfqu'elle l'a enfin
déterminée , s'écrie :
Pardonne-lui , ciel qui viens de l'entendre.
Si elle a befoin du pardon du ciel , cet amour,
eft donc un crime ; fi c'eft un crime , peut- elle
en même temps en convenir & le confeiller?
Il y a auffi quelques incorrections , telles
que ce vers d'Hyppolite :
O Diane , aujourd'hui , quand tu reçus mes voeux?
Il faut quand tu as recu ; l'aorifte eft un
folécifme. Malgré ces taches , on trouve en
général dans cet Opéra , de la grace & beaucoup
de vers heureux. Le monologue de
Phèdre , à la feconde fcène du deuxième acte ,
en eſt un exemple. La Scène de l'aveu fair
par la Reine à none , paroîtroit auffi trèsbien
écrite , fi celle de Racine n'exiftoit pas.
Celle entre Phèdre & Hyppolite eft peutêtre
trop longue pour la Mufique. Il y a
fur-tout un long couplet écrit d'une manière
vague & traînante , qui la refroidit extrê¬
mement , & qu'on fera très- bien de fupprimer
, ou au moins de raccourcir. C'eft celui :
O Ciel , qu'ai-je fair , qu'ai-je dit ?
Tout ce que dit Phèdre depuis ce vers :
Que ne puis- je vous rendre
Tout le plaifir que je goûte à vous voir ;
eft entièrement inutile à l'action , & ne fert
qu'à la rallentir.
Diij
78
MERCURE
1
Le morceau de l'arrivée de Théfée n'eft
pas non plus bien placé. Il n'eft pas naturel
qu'à l'inftant de fon retour , au- lieu de voir,
fa femme & fes enfans , il s'amuſe, à parler
de fes exploits , ni qu'il infifte fur cette ma
xime générale .
Etre aimé , voilà le vrai bonheur.
La Scène du départ d'Hyppolite pour for
exil eft fort touchante ; il faudroit que le
morceau de la fin fût moins longuement
amené.
Réfulte- t- il de ces critiques , peut - être un
peu févères , que le poëme de Phèdre foit
un mauvais ouvrage ? Nous fommes trèsloin
de le penfer. Nous croyons au contraire
que l'Auteur , un peu plus inftruit de la
Marche , des convenances de ce Théâtre ,
plus habitué au joug de la Mufique , eft un
de ceux qui annoncent le plus de talent pour
s'y diftinguer avec éclat , & on ne peut que
Finviter à de nouveaux efforts. Nous n'avons
tant infifté fur les défautsde fon Ouvrage , qu'à
caufe de l'influence qu'ils ont eu fur la mufique.
Il eft certain qu'il y a de la monotonie
dans les premières Scènes , ainfi que nous
l'avons fait remarquer ; elles tiennent en
partie à l'uniformité des morceaux donnés.
par le poëte; mais il faut convenir auffi que
le compofiteur n'a pas fait tout ce qu'il pouvoit
pour les fauver. Le premier Acte eft cependant
celui qui a le plus réuffi ; c'est qu'il
contient beaucoup de morceaux agréables
DE FRANCE. 79
par eux mêmes , & que la lángueur qui naît
de leur trop grande reffemblance ne fe fait
fentir qu'à la longue , & femble ainfi ne
porter que fur les morceaux fuivans.
M. le Moyne a ellayé dans plufieurs Scènes
de remplacer le récitatif, par du chant proprement
dit. Cette idée , conforme à l'opinion
d'un homme de beaucoup d'efprit qui
a écrit fur la Mufique d'une manière trèsingénieuſe
, devoit être en effet plutôt tentée
que difcutée : l'expérience étoit plus propre à
l'éclaircir qu'aucune espèce de raifonnement.
Mais quoiqu'en l'exécutant , M. le Moyne
ait toujours confervé un chint noble , gra
cieux , conforme au caractère & à la dis
gnité des perfonnages , il a prouvé que cette
manière n'eſt pas fans inconvénient. Lorfqu'une
Scène eft un peu longue , & qu'animée
d'une feule paffion elle n'en doit offrir
que le développement , il en résulte que la
fituation long- temps la même , n'offre pas
à la Mufique affez de moyens de variété.
Telle eft la Scène de Phèdre & d'Hyppolite
; celle de Phèdre & d'Enone eft auffi
un peu dans ce cas. Il en faut conclure que
ce moyen ne pourroit guères être employé
que pour des Scènes ou pour des Actes trèsremplis
de mouvement. M. le Moyne a fenti
lui -même ce défaut , & toutes les fois qu'il
a pu trouver des morceaux d'une expreffion
vive , il les a traités de manière à produire
beaucoup d'effet. Ceux qu'on a le plus
diftingués , font l'hymne à Diane , dans la
D iv
80 MERCURE
première Scène , la prière à Vénus , chantée
par les femmes de Phèdre ; l'air de cette
Reine qui termine la quatrième Scène. Le
duo entre Phèdre & fa nourrice au deuxième
Acte , le monologue de Phèdre , l'invocation
de Théfée à Neptune ; la juftification
d'Hyppolite au troiſième Acte ; les
adieux de ce Prince , & fur tout le monologue
de Phedre pourfuivi par fes remords.
Ce morceau n'eft qu'un récitatif, mais la
manière dont il eft conçu , les accens myftérieux
, profonds , terribles de l'Orcheſtre ,
doivent donner la plus haute idée des talens
de M. le Moyne. Si tout l'Ouvrage étoit de
ce mérite , il pourroit déjà prétendre au rang
le plus diftingué à côté des plus grands
Maîtres. Mais affez de morceaux dans cet
Ouvrage doivent lui donner l'efpoir d'y parvenir
un jour , s'il continue d'étudier les reffources
de fon art , dont il nous paroît avoir
le fentiment parfait , & s'il parvient à faire
difparoître une teinte de mélancolie qui fe
répand quelquefois fur les endroits où il
n'eft pas entraîné par une grande expreflion.
Le récitatif, fait avec beaucoup d'efprit
fouvent de la profondeur , a toute la fimplicité
qu'exige ce genre de Mufique ; c'eft
peut-être la feule qualité que le Compofireur
y doive chercher quand il en a bien
conçu la déclamation ; c'eft à l'Acteur à faire
le refte. C'eft de lui feul que dépend , que
doit dépendre toute l'expreffion. Nous averrons
feulement M. le Moyne , qu'il n'eft
DE FRANCE 81
pas plus permis de déformer les vers dans
la déclaination chantée , que dans la déclamation
parlée. Il a fait quelquefois cerre
faute , comme dans les deux premiers vers
qu'il a coupés ainfi :
Le jour paroît ,
Déjà l'aurore a rougi la cîme des monts.
Ce ne font plus des vers. Il falloit appuyer
légèrement fur le mot aurore , pour faire
fentir qu'il termine le vers.
En attribuant à l'Acteur le plus grand
mérite du récitatif , c'eft dire affez combien
celui de Mme Saint - Huberty a paru fublime.
Il eft impoffible d'employer des inflexions
plus vraies , mieux fenties & plus nobles.
Toutes les nuances de la paffion font exprimées
par cette grande Actrice , & elle ne
mérite pas moins d'éloges dans fon chant
que dans fa déclamation . Oferons nous cependant
mêler à ce jufte hommage la voix de la
critique , ou plutôt un fimple confeil ? Tour
ce qui eft au- de- là de la perfection eft un
défaut , l'excès de la vérité lui même en eft
un. Entraînée quelquefois par cette vérité ,
par l'expreffion de la fituation dont elle eſt
vivement pénétrée , il arrive à Mme Saint-
Huberty de quitter la voix muficale pour
prendre la voix parlée. Ce n'eft qu'un cri ,
ce n'eft que pour un moment , mais ce moment
eft défagréable. Elle a pu s'appercevoir
que ces endroits font moins applaudis que
le refte; quand ils le feroient davantage ,
Dv
82 MERCURE
Mme Saint- Huberty eft au- deffus de ce léger
triomphe , elle y devroit renoncer. Dans les
arts d'imitation , il faut que l'art ne foit pas
perdu un feul inftant de vue. Un fuperbe
morceau de fculpture , s'il étoit peint , le fûtil
parfaitement , perdroit tout fon effet . Il
ne faut pas approcher de la nature au- delà
du terme accordé à l'art. Mme Saint - Huberty
a trop approfondi le fien , pour ne pas
être convaincue de cette vérité qu'ilfuffit fans
doute de lui rappeler.
M. Rouffeau a chanté le rôle d'Hyppolite
avec une grâce infinie , une fenfibilité précieuſe.
Chaque jour il acquiert de nouveaux
droits à l'eftime & aux applaudiffemens du
Public. M. Chéron n'en a pas moins mérité
dans le rôle de Théfée , par. la ncbleffe de
fa repréfentation , & par fa voix franche &
fonore , à laquelle fa longue maladie n'a rien
fait perdre de fa beauté. Mlle Gavaudan
mérite auffi les plus grands éloges , pour la
manière dont elle a rendu le rôle d'Enone.
Ily Il y a peu de divertiffemens dans cet Cuvrage
, mais ils font très-bien entendus. Nous
fommes fachés feulement d'avoir à faire un
reproche ( qui pourra paroître un peu extraor
dinaire ) aux Prêtreffes danfeufes de Venus.
Trop pénétrées de la dignité de leur miniſ
tère & de l'acte , religieux qui les occupe ,
elles oublient que c'eft Vénus qu'elles fervent
, & elles affectent une modeftie , une
pudeur, un recueillement qui conviennent mal
aux Initiées de cette déeffe. On les prendroit
DE FRANCE.
pour des vierges de Diane ou de Vefta ; c'eft
ce dont elles doivent bien fe garder. Vénus
eft la déeffe des plaifirs ; fes Prêtreffes en
doivent rappeler l'image . Mlle Guimard devoit
leur fervir de modèle ; fon maintien folâtre
, fans manquer de nobleffe , & volup
tueux fans indécence , annonce affez quelle
eft la Déeffe dont elle deffert en ce moment
les autels.
COMÉDIE ITALIENNE
LES Méprifes par Reffemblance , Comédie
en trois Actes & en profe mélée d'Ariettes ,
qu'on a repréſentée pour la première fois le
Jeudi 16 Noveinbre , offrent, comme les Ménechmes
de Plaute , imités d'abord par Rotrou
, enfuite par Regnard , & enfin par plu
fieurs autres Écrivains , deux Perfonnages que
leur reffemblance place tour- à tour dans des
fituations bizarres & plaifantes , jufqu'à ce
que
D'un fecret tout-à- coup la vérité connue ,
Change tour, donne à tout une face imprévue,
& amène le dénouement.
Le fonds de cette action n'étant pas neuf,
il faut chercher le mérite de l'Auteur dans les
détails de fon intrigue , voir à quoi en tiennent
les fils , comme ils fe croifent , fe nouent &
fe dénouent. Nous allons donc donner une
Dvj
84 MERCURE
analyfe exacte & fuivie de l'Ouvrage , après
quoi nos Lecteurs feront en état de prononcer
fans avoir befoin de nos obfervations.
Acte I. Therefe , fille du Bailli , & Louiſon,
fille de M. Robert , Marchand de Vin , doivent
être inceffamment mariées ; la première à
Sans - Quartier, fils de M. Robert , qui fert le
Roi depuis l'âge de feize ans ; la feconde à
Jacquinot, filleul du Bailli , efpèce d'imbécille
qui deplaît fort à Louifon. Jacquinot vient
d'être vigoureufernent battu par un Grenadier
à la noce d'une de fes parentes , & on attend
le retour du fils de M. Robert . Louifon devoit
époufer un fils du Bailli ; mais on croit ce fils
mort depuis quelques années , & voilà pourquoi
on la deftine à Jacquinot. Deux Grenadiers
, la Tulipe & Sans- Regret , arrivent à
l'infant où les deux jeunes filles viennent
de s'entretenir de leur pofition , & vont
rentrer chez M. Robert. La Tulipe &
Louifon ne peuvent fe voir fans émotion ;
le coeur de la Tulipe fe livre tout entier à
l'amour ; Sans- Regret ne demande qu'à
boire ; & dans ce moment , où il a été
obligé de fuir à jeun & très précipitamment
avec la Tulipe, pour échapper aux pourfuites
d'un homme qu'ils ont battu , il donneroit
toutes les douceurs de l'amour pour un
bon repas. La Tulipe a mis à la loterie. Sans-
Regret gage qu'il a perdu . Sur le vitrage d'un
Café fe trouvent placés les numéros gagnans.
La Tulipe a un terne ; il ouvre fon fac Four
chercher fon billet dans fon porte- feuille ;
DE FRANCE. 85
le fac qu'il ouvre n'eft point le fien ; dans
L'obſcurité il s'eft trompe, & a pris le fac d'un
autre foldat. Sans- Regret fe défole ; mais la
vue de Louion confole la Tulipe , qui s'enflamme
de plus en plus pour elle. Margot,
fervante de M. Robert, apperçoit la Tulipe :
trompée par la reffemblance de la Tulipe
avec le fils de fon Maître , & par l'uniforme
qu'il porte , elle le prend pour Sans-
Quartier ; elle l'appelle fon jeune Maître.
La Tulipe fe défend de l'être ; mais Sans-
Regret, qui vient d'entendre dire que le père
de Sans - Quartier eftun M. Robert , Marchand
de Vin - Traiteur , qui fait noces & feftins ,
allure Margot qu'elle ne fe trompe point, &
Jui dit d'aller annoncer à M. Robert le retour
de fon fils. La Tulipe ne veut point fe prêter
à cette folie , parce que , dit-il , il ne veut
tromper perfonne , & il s'échappe pour courir
après Louifon . Quand M. Robert arrive ,
il ne trouve point fon fils . Sans - Regret ,
pour fe tirer d'embarras , & parvenir à s'introduire
dans la maiſon , fuppofe que le faux
Sans- Quartier perd la mémoire par intervalles
depuis un naufrage qu'il a fait , & qu'il ne
peut la recouvrer qu'à force de boire. Comme
en partant la Tulipe a laiffé fon fac à terre ,
M. Kobert l'ouvre , l'examine , & après avoir
reconnu la cartouche & les papiers de fon
fils , il embraffe Sans Regret , qui ne conçoit
plus rien à ce qu'il voit ni à ce qu'il entend . Ea
Tulipe revient après avoir inutilement couru
après Thérèſe & Louifon. M. Robert l'appelle
86 MERCURE
fon fils , il nie qu'il le foit. Thérèfe & Louifon
reviennent; il eft tranfporté ; Louifon lui
a dit fon nom ; il la nomme. Robert croit
que la mémoire lui revient ; il eft enchanté.
A côté de Louifon la Tulipe eft tout ce qu'on
veut qu'il foit , & tout le monde entre chez
M. Robert , à la grande fatisfaction de Sans-
Regret , pour le réjouir & pour boire.
Acte II. Le Bailli attend fon filleul avec
impatience; il fait l'accident qui lui eft arrivés
il le voit, l'interroge fur la querelle qu'il a
eue, en reçoit les détails, & fe propofe de
faire punir les Grenadiers qui l'ont battu s'ils
font arrêtés par la Maréchauffée , à qui on a
donné leur fignalement , & il fort. Tandis que
Jacquinot réfléchit feul fur l'affront qu'il a reçu,
Sans-Quartierarrive ; il vient frapper fur l'épau
le duniais pour lui demander dans quel endroit
ileft. Jacquinot, qui croit reconnoître en lui un
des Grenadiers qui l'ont étrillé , s'enfuit tout
effrayé. Sans - Quartier n'en peut deviner la
caufe ; il cherche la maifon de fon père ; il
voit Thérèſe fur la porte, lui parle pour s'en
informer. Thérèfe eft frappée de fa reffemblance
avec le Grenadier qui paffe pour le
fils de M. Robert ; elle lui répond comme
une fille modefte qui parle de l'époux qu'on
lui deftine. Sans- Quartier, qui fait le nom de
fa future , qui la voit , qui l'entend , fe prend
d'amour fur- le- champ , & fe réjouit de fon
bonheur. Thérèſe lui en témoigne fa furprife,
& l'affure qu'il fe méprend ; enfin M.
Robert paroît , & Thérèſe lui dit en fe fauDE
FRANCE. 87
vant : Voilà un Monfieur qui vous demande.
Sans- Quartier , très - ému , veut embraffer fon
père. M. Robert le repouffe , quoiqu'il ne foir
pas moins frappé que les autres de la reffemblance
des deux Grenadiers. Sans- Quartier confondu
ne fait à quoi attribuer la réception defon
père.Pendant qu'il fe lamente, il eft de nouveau
apperçu par Jacquinot & par le Bailli , qui le
prenant toujours pour le foldat qui a battu
Jacquinot , le font arrêter un inftant après.
Sans-Quartier demande la raiſon de cette violence
; tout ce qu'on lui dit l'étonne , lui paroît
inconcevable ; il foutient toujours qu'il
s'appelle Sans Quartier , qu'il eft fils de M.
Robert. On lui demande fa cartouche ; il
donne fon fac, & la cartouche portant le nom
de la Tulipe , on fe perfuade qu'il eſt un fripon.
Thérèſe feule témoigne qu'elle prend
intérêt à fon fort. Il s'agit de conduire Sans-
Quartier en prifon ; mais comme celle du
Bourg eft tombée en ruines depuis quelque
temps, on le place dans un vieux bâtiment
fitué au fond du jardin de M. Robert. On
entraîne Sans Quartier , qui tend les bras en
s'écriant: Ah! mon père ! & M. Robert qui
s'attendrit fe reproche d'être trop bon.
Acte III . Sans Quartier eft en prifon. Mé
connu par fon père , déshonoré aux yeux de
celle qu'il aime , for fort lui paroît affreux.
Thérèſe vient le voir en cachette ; fon projet
eft de le faire évader ; il eft fenfible aux bontés
de Thétèfe ; mais il eft innocent ; il veut ref
ter , & prouver fon innocence. On entend da
88 MERCURE
bruit. Sans-Quartier fait cacher Thérèſe dans
un cabinet. La Tulipe vient. Louifon lui a
donné un rendez vous , parce qu'elle le croit
fon frère ; il veut la défabufer . Dans l'obfcurité
il apperçoit Sans-Quartier , & crie : Qui
va là ? Sans-Quartier ne veut point répondre
aux queftions de la Tulipe. Tu as ton fabre
dit- il , &je n'ai pas le mien. La Tulipe jette le
fien par terre. On entend un nouveau bruit.
Sans-Quartier ramaffe le fabre de la Tulipe
pour le lui rendre. A l'inftant le Brigadier
entre , & le fabre que tient Sans-Quartier lat
faifant prendre le change , il trouve mauvais
qu'on laifle parler à fon prifonnier fans fa
permiffion , & met celui ci hors de priſon ,
après avoir tancé l'Archer fur fa négligence.
Sans Quarrier profite de l'erreur , parce
qu'il efpère trouver une autre iffue , & délivrer
Thérèfe , dont la fituation l'inquiette.
On apprend à la Tulipe que M. le Bailli va le
venir interroger fur faquerelle avecfon filleul.
La Tulipe eft tout aufli furpris de favoir que
fa querelle eft connue que de fe voir arrêté.
Le Bailli entre : en vifitant le fac que Sans-
Quartier avoit pris pour le fien , il a trouvé
les papiers du fils qu'il croyoit mort. Il retrouve
ce fils dans la Tulipe , l'embraffe , &
l'engage àgarder prifon jufqu'au foir , où tout
fera arrangé. La Tulipe demeuré feul , entend
du bruit dans le cabinet ; il prend une lumière
pour voir d'où il provient.Thérèle éperdue fe
cache le vifage. La Tulipe veut la raffurer ,
quand Louifon arrive. Ellefe plaint de ce qu'on
DE FRANCE. 89
-
lui donne un rendez- vous pour lui faire jouer
un rôle de confidente ; elle menace d'informer
fon père de ce qui fe paffe , quand on entend
encore du bruit . Louifon éteint la lumière ,
fe cache dans le cabinet , Thérèſe derrière un
rideau. Sans Quartier vient pour délivrer
Thérèſe ; il écoute Sans Regret , le fuit
portant à la main deux bouteilles qu'il vient
cacher. Jacquinot vient à fon teur pour épier
Louifon qu'il a vu paffer , & Margot marche
fur fes pas pour fe venger , en lui faifant
peur, de l'intention qu'elle lui croit de lui
faire chercher fes bouteilles. Tous ces perfonnages
ainfi raffemblés caufent ou éprouvent
en fe rapprochant une frayeur que diffipe
l'entrée du Bailli & de M. Robert . Tout
eft éclairci ; la caufe de l'échange des facs , la
fupercherie de Sans - Regret , les qui-pro-quo
occafionnés par la reffemblance des deux foldats.
On paye à Jacquinot fes coups ; la Tulipe
partage fon terne entre Thérèle & Louifon
; il époufe celle - ci. Sans Quartier embraffe
fon père , & obtient la main de Thérèfe.
Après quoi vient un Vaudeville dont le
refrein eft:
Il vaut mieux , quoiqu'on en gloſe,
Reffembler à quelque chofe
Que de ne reffembler à rien.
L'exactitude de cette analyfe prouve à
nos Lecteurs que l'intrigue des Méprifes eft
très compliquée ; que le premier Acte eft
୨୦ MERCURE
très- gai ; que la couleur du fecond est un peu
trop fombre pour s'accorder heureufement
avec celle du premier , & que le troifième
devient très-obfcur dès que la Tulipe entre
dans la prifon. De ce moment jufqu'à la fin
l'imbroglio du dénouement occupe d'une manière
fatigante. Nous ne parlerons pas des invraisemblances
que nous avons remarquées
dans quelques incidens , parce que ce n'eft pas
dans une Comédie à Ariettes , & fur-tout dans
le genre bouffon qu'on doit apporter une févérité
rigoureufe. La Pièce a fait plaifir ; le premier
Acte fur tout eft plein de chofes gaies ,
adroites , fpirituelles & comiques. Nous defirons
que l'Auteur retravaille fon dénouement
; s'il le laiffoit fubfifter comme il eft .
nous ofons lui prédire que fa Pièce n'auroit
pas tout le fuccès qu'il en peut attendre. La
Mufique eft de M. Grétry , c'eſt dire qu'elle a
tout l'efprit & tout le comique qu'exigent
les fituations où les perfonnages chantans font
placés. La Pièce eft jouée avec foin ; mais nous
devons des éloges particuliers à M. Chenard ,
qui joue & chante le rôle de Sans - Regret avec
une franchife , une gaieté & une intelligence
qui lui font beaucoup d'honneur.
fon
* Les corrections que l'Auteur a faites
dénouement , depuis l'impreffion de cet Article , ne
font pas heureuſes , & elles n'ont point été goûtées :
il est vraisemblable qu'il en fera de nouvelles , &
nous l'y engageons.
DE FRANCE. 91
ANNONCES ET NOTICES.
·
TLAS Ecclefiaftique , Civil , Militaire &
Commerçant de la France , pour l'année 1787 , enrichi
de Taille- Douces & de Cartes coloriées . Prix , 1 liv.
10 fols. A Paris , chez Beauvais , maifon de M.
Lambert, Imprimeur - Libraire , ruc de la Harpe ,
près Saint Côme .
Cet Almanach , d'une utilité journalière , & fort
bien rédigé , doit être diftingué de la foule dé ces
productions éphémères.
TRENNES Provinciales , ou Tablettes du
Citoyen, pour l'année 1787 , avec figure, Prix , 12
fols. A la même Adreffe que ci- deffus .
Cet Almanach offre une compilation agréable ;
c'eft une espèce de Dictionnaire abrégé qui , fous
chaque mot , préfente une définition ou une Anec
dote qu'on lit avec plaifir.
CATALOGUE des Livres du Cabinet de feu M.
d'Ennery , dont la vente fe fera le Lundi 18 Décembre
1786 , & jours fuivans à quatre heures de
relevée , en fa maiſon rue Neuve des Bons - Enfans ,
n° . io , in- 8 ° . de 96 pages . Prix , 12 fols . A
Paris , chez G. Debure l'aîné , Libraire , quai des
Auguftins , n°. 42 , & au mois d'Avril prochain tue
Serpente , hôtel Ferrand , n° . 6.
VOYAGE en Pologne , Ruffie , Suède , Danemarck,
&c. , par M. William Coxe , Membre du
92 MERCURE
.
College Royal à l'Univerfité de Cambridge , de la
Société Royale de Londres , &c . , traduit de l'Anglois
par M. P. H. Mallet , ci devant Profeffeur à
Copenhague , Profeffeur de l'Académie de Genève ,
&c. , Ouvrage orné de Cartes géographiques , Portraits
, Plans & Figure en taille - douce. A Genève ,
& fe trouve à Paris , chez Buiffon , Libraire , rue
des Poitevins , no. 13 , 2 Vol. in- 4° . Prix , 24 liv.
brochés , & 26 liv. franc de port par la pofte; 4 liv,
in-8 ° . , 18 liv. brochés & 20 liv , franc de fort.
Nous reviendrons fur cet important Ouvrage.
AGNES BERNAU , Pièce héroïque en quatre
Actes & en vers libres , repréfentée pour la première
fois à Paris , fur le Théâtre Italien , le 21 Juin
1785 , & fur le Théâtre de Rouen le 19 Juin 1786 ,
par M. de Milcent Prix , 1 liv. 1o fols . A Rouen ,
chez Leboucher le jeune , rue Ganterie ; & à Paris ,
ch: z Brunet & les Marchands de Nouveautés .
CATALOGUE Latin & François des Arbustes &
Plantes qu'on conferve pendant l'hiver dans l'orangerie
& la ferre chaude , faifant fuite au Catalogue
Latin & François des Arbres , Arbustes & Plantes
vivaces qu'on peut cultiver en pleine terre , par M.
Buc'hoz , Médecin Botaniſte de MONSIEUR , ancien
Démonftrateur de Botanique au Jardin Royal des
Plantes de Nancy , un Volume in- 16. Prix , 2 liv.
8 fols. A Londres ; & fe trouve à Paris , chez l'Àuteur
, rue de la Harpe , la première porte-cochère
au- deffus du Collège d'Harcour , nº. 109 .
ر ب
-
La vraie manière d'apprendre une Langue quel
conque, vivante o morte, par le moyen de la Lingue
Françoife , quatrième Partie. Grammaire Angloife
, oxla vraie manière d'apprendre aifement &
Le plus promptement qu'il ef poffible la Langue An-
3694
DE FRANCE. 93
3
gloife , fuppofé que l'on fache parfaitement la Grammaire
Françoife univerfille à l'ufage des Dames ,
publiée pour fervir de baſe à celle- ci, in - 8 ° . Prix ,
liv. broché. A Paris , chez Benoît Morin , Libraire ,
rue Saint Jacques ; Laporte , Imprimeur- Libraire ,
rue des Noyers ; Pichard , Libraire , quai des Théatins
, & chez l'Auteur , rue Sainte Catherine , nº. 16,
près du Luxembourg.
LA première Livraifon des Ouvrages de M.
Marmontel eft actuellement en vente chez Née de
la Rochelle , Libraire , rue du Hurepoix , près du
Pont Saint Michel , n . 13. Elle eft composée des
Contes Moraux & d'un Effai fur le Goût qui n'a
point encore paru , & pinée d'un Portrait de l'Aufeur
, gravé par M. Gaucher. Cette Livraiſon en
quatre Volumes in- 12. Frix , 10 liv . brochés. La
même en quatre Volumes in 8 ° . fur papier d'Angoulême.
Prix , zo liv . brochés. On a tiré pour les
Amateurs quelques Exemplaires format in - 8 °. fur
beau papier d'Annonay. Prix , 36 liv. les quatre
Volumes brochés. On me foufcrit pas pour cette
Collection ; mais on peut fe faire infcrire. On préfume
qu'elle aura feize Volumes.
Nous ne doutons pas que le Public n'accueille
avec empreffement un Recueil d'Ouvrages que les
fuffrages ont confacré & recommandé depuis longtemps.
Les Contes Moraux qui ont fervi de modèle
confervent toujours la même eftime . L'Effai fur le
Gout , qui n'avoit pas encore vu le jour , a reçu les
plus grands applaudiffe mens dans plufieurs Séances
publiques de l'Académie Françoife , & ſuppoſe un
profond Littérateur & un Ecrivain diftingué.
ALCINDOR Pénitent , ou le Triomphe de la
Grace dans l'homme pécheur qui veut rentrer dans le
chemin de la Vertu , Poëme en fix Chants , par
94
MERCURE
"?
M. J. J. Guiller , Clerc tonfuré, in- 8 °. de 52 pag.
A Paris , chez l'Auteur , rue du Bacq , Fauxbourg
Saint Germain , nº . 76 , & chez les Marchands de
Nouveautés.
Ellai trop précoce d'un jeune homme qui ne connoit
pas encore les difficultés de l'Art d'écrire , &
que nous exhortons à travailler en filence avant de
courir à la publicité.
Magafin de Comestibles , chez le fieur Delavoiepierre
à Paris , rue Saint Honoré, hôtel des Américains:
Le fieur Delavoiepierre étant parvenu à réunir
dans fon Magafin les Comeftibles les plus précieux
des différens pays , & depuis plufieurs années en
ayant fourni avec fuccès dans la Capitale , nous
avons cru qu'il pourroit être également agréable
aux Perfonnes de la Province & des Pays étrangers
de leur faire connoître ces différens objets , qu'il
offre de leur faire paffer fuivant leurs demandes.
En faifant tenir l'argent franc de port , on recevra
les marchandifes par les couriers , les diligences
ou autres voitures , fuivant la célérité néceffaire ,
les frais de route à la charge des Commettans.
On trouvera tour l'hiver à fon Magafin , entre
autres Comestibles , ceux qui fuivent ;
Truffes fraîches du Périgord , la livre de 4 à 7 f.
Dindes aux truffes d'Angoulême. Prix , 24 à 30 L
Poulardes aux truffes .
Faifans aux truffes.
Pâtés de foies gras aux truffes.
Pâtés de perdrix rouges aux truffes.
Pâtés de veau de Rouen,
Pâtés de poulardes de Rouen.
Pâtés de mauviettes de Pithiviers.
Tous ces Pâtés en croûte fine .
Ortholans en plumes.
18 à 24 1.
24 à 30 l.
24 ; 48 , 72 L
24 , 481.
7 , 10 , 13 l.
10 , 13 , 19 1.
7 , 10 , 13.1.
2 2 3 1.
DE FRANCE.
95
Perdrix rouges jeunes.
Mauviettes graffes de Pithiviers .
Coqs - faifans dorés .
Poules- faifannes.
Hures cuites de Troye,
Fromages de Meaux en pots.
Marrons du Luc.
Beurre de la Prévalaye en petits pots.
2 à 3 1.
4 à 6 l.
8212
1.
6 à 9 1.
18 à 24 1.
3 à 9 1,
3 1.
6271
Ces dix- huit articles fe confervent vingt - quatre
trente jours.
Pâtés en terrines de deux , quatre & fix perdrix
rouges aux truffes.
Idem de dindes aux truffes..
Idem de faifan aux truffes.
Idem de foies gras aux truffes.
Idem de poulardes aux truffes.
27, 54, 81 1.
36 à 48 1.
36 à 48.1.
48 , 72 , 961.
Pâtés en croûte dure de deux , quatre
drix rouges aux truffes.
Idem de foies gras aux truffes.
Idem de cochon de lait aux truffes.
Idem de canards d'Amiens .
Idem de dindons d'Amiens.
18 à 24 1.
& fix per-
30 , 60 , 90 1.
48 , 72 , 96 1.
Moutarde aux anchois & câpres , pot.
Moutarde aux truffes .
Thon mariné à l'huile vierge ,
48 à 60 l,
7 à 2.8 1.
7 à 28 1.
3 à 6 1.
42 8 1.
6 à 24 1.
Anchois à l'huile vierge. 3 à 61.
Olives picholines , baril .
25
Olives farcies aux anchois , pot.
s à 7 1.
3 à 61.
Olives farcie's aux truffes.
3 à 61.
Beurre de la Prévalaye , pot . .6.1.
Sauciffons de Boulogne. 7 1.
Fromage de Rocfort, la livre. 1 l. 12 f. -
Ces vingt-un articles fe confervent de fix à huit
mois.
Le prix des emballages ek compris dans les
ommes ci-deffus,
Le fieur Delavoiepierre adreffera une Notice plus
96 MERCURE
détaillée & plus nombreufe aux Perfonnes qui la
demanderont par une lettre affranchie .
concertans ,
-
NUMÉROS 31 à 40 de la Mufe Lyrique , Journal
de Chant & de Guittare , dont la foufcription eft de
12 liv. & 18 liv. Numéros 18 & 19 du Recueil
d'Airs nouveaux François & Etrangers en Quatuors
ou Journal de Violon , Flûte , Alto &
Baffe. Ces deux Numéros font arrangés par M.
Cambini , ainfi que ceux qui fuivront. On foufcrit
pour ce Journal & pour celui des Délaffemens de
Polymnic qui en fait partie , chez Mme Baillon &
M. Porro , rue du petit Repofoir , près la Place Vic
toire. Prix , 21 & 24 liv. Séparément 2 liv.
L'Editeur avertit les Perfonnes qui defireroient
fe procurer d'avanc le Recueil annuel intitulé :
Étrennes Lyriques pour Chant & Guittare , qu'elles
peuvent s'adreffer dès- à- préient à lui à l'Adreffe
ci-deffus.
TABLE.
VERS & Mme Belli... ,
Impromptu à Mile Denifon , fonne raisonnable & fenfi.
49) Les Loisirs d'une jeune Per.
so ble,
ib. Variétés ,
67
70
Charade, Enigme & Logo- Acad. Royale de Mufiq. 172
Chanfon ,
gryphe ,
62 Comédie halienne ,
Voyages dans les Alpes ,
544Annonces & Notices,
183
APPROBATION.
J'AI lu , par ordre de Mgr. le Garde- des- Sceaux ,
Mercure de France , pour le Samedi 25 Nov. 1786. Je n'y
ai rien trouvé qui puiſſe en empêcher l'impreffion. A
Paris , le 24 Novembre 1786, GUIDI
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 16 DÉCEMBRE 1786.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
MORCEAU far les Serres Chaudes
extrait d'un Ouvrage en vers.
LE rich
LE riche dépravé ne voit qu'avec dédain
Les faifons tour -à- tour féconder fon jardin.
Il préfère , amoureux de vaincre les obftacles
A d'utiles préfens d'infipides miracles.
Par fon ordre la brique au fourneau fe durcit ;
Le Maçon par fon ordre en voûte l'arrondit ;
De fa ferre aux frimats il interdit l'entrée :
Rivale du foleil , la flamme concentrée
Dans des conduits formés par l'art impérieur,
S'introduit , s'évapore & circule en ces lieux.
Là , dans un printemps faux , on voit languirenſemb
Mille fruits attriftés du toit qui les raffemble.
No. 5o , 16 Décembre 1786. E
98 MERCURE
AMATEUR infenfé , tu troubles , tu confonds.
•
Et le voeu des climats & le rang des faifons.
Prodiges impuiffans ! la Nature contrainte
A tes productions refufa fon empreinte.
Ta verdure bâtarde , & tes fruits & tes fleurs ,
Affligent mes regards par leurs ternes couleurs.
PROVOQUE , fi tu veux , tes primeurs adultères ,
J'attends de mon jardin des tributs volontaires ;
L'esclavage jamais ne flétrit mes vergers ,
Et n'exile en mon champ des arbres étrangers.
(Par M. Baudin , Commis des Bureaux de
la Marine à Cherbourg. )
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercure précédent.
LE mot de la Charade eft Fourmi ; celui
de l'Enigme eft Plume ; celui du Logogryphe
eft Craie , où l'on trouve air , raie ( poiffan
) , arc , carie , cire , Caire , Icare, raie,
cri , air ( de mufique ) , race,
CHARADE à mon Ami
LE premier , c'eft monceau de lys
Chez ton aimable & tendre épouſe ;
DE FRANCE. 99
Le fecond qui fouvent vient d'une humeur jalouſe ,
Tourmente un amant bien épris .
Tu possèdes l'entier , & de plus l'avantage
D'être ami vertueux & plein de ſentiment,
La vérité fut toujours mon partage ;
B ... reçois mon juſte hommage ,
C'eft l'amitié qui te le rend.
(Par M. de V....... ancien Moufquetaire. )
ENIGM E.
A L'AIDE de la paille & d'un foible zéphyre ,
Dans les champs de l'air emporté ,
Je plane avec légèreté ;
Et malgré la France en délire ,
Son aréoftat fi vanté,
Que l'on fronde & que l'on admire ,
Me cède au moins l'honneur de la priorité.
Je fuis rond comme lui , comme lui je renferme
Un élément à qui je dois l'activité ;
Si fon enveloppe eft plus ferme ,
Mon volume eſt moins grand , j'ai moins de gravité
Mais il n'eſt point de parité ;
Car , parmi les dangers que le balon effaie ,
Qa fait qu'il peut en feu tomber du firmament ;
Lecteur , je fuis bien différent ,
Puifque je ne tombe qu'en pluie,
(Parun Membre de la Société Littéraire de
Goven en Bretagne. )
Eij
100 MERCURE
JE
LOGO GRYPH E.
E fuis , avec cinq pieds , d'une famille immenſe ;
Qui, fur- tout dans ce temps , s'accroît à toute outrance.
Beaucoup de mes parens vivent avec honneur ;
Mais que le plus grand nombre eft loin d'un tel bonheur
!
On ignore ſouvent jufqu'à leur exiſtence .
Sur quatre pieds je marche avec peu d'affurance ;
Fort fouvent je trébuche , & toujours je balance.
Un pied de moins je fuis connu du Médecin ,
Ou , dans un autre fens , je défigne un chemin.
Sur deux pieds j'appartiens à l'art de Philomèle.
Enfin fur un feul pied je fuis une voyelle.
( Par M. de Liber. )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
NOUVEAUX Synonymes François , Ouvrage
dédié à l'Académie Françoife ; par
M. l'Abbé Roubaud. 4 vol. in - 89. de
400 pages chacun . A Paris , chez Moutard ,
Imprimeur-Libraire , rue des Mathurins ,
hôtel de Cluny,
PUISQU UISQU'IL eft vrai qu'il n'y a point de Synonymes
dans les langues , on devroit s'étonDE
FRANCE. 101
Pour
ner que des Ouvrages deftinés à prouver qu'il
n'en exifte point en effet , foient pourtant
intitulés Synonymes. Ne valoit- il pas mieux
appeler ce travail : Délicateffes du langage ,
ou bien Traité des couleurs & des nuances
de la parole ? Mais l'ufage a prévalu fur la
raifon ; & depuis l'Abbé Girard les différences
des mots s'appellent Synonymes.
bien faifir l'état de la queftion , il faut obferver
que l'homme , en nommant les objets
& leurs qualités , comme lefoleil & la clarté;
&´en nommant enfuite les rapports actifs ou
paffifs que ces objets ont avec lui , comme
quand on dit : Lefoleil m'éclaire ou je mefure
le foleil , il agit fur moi ou j'agis fur lui ; il
faut obferver , dis-je , que l'homme n'a cherché
qu'à s'entendre & à fe faire entendre ; &
pour ne pas équivoquer ou fe furcharger la
mémoire , il n'a donné ftrictement qu'un
nom à chaque objet & à chaque opération ,
dont il eft l'acteur ou le témoin . Comme ces
opérations font repréſentées dans les langues ,
par le mot qu'on appelle verbe , & que , fe
touchant quelquefois de très - près , elles fe
nuancent prefque à l'infini , c'eft fur les verbes
que le Grammairien doit principalement
s'exercer. Les noms qu'on appelle adjectifs
ou épithètes, & qui expriment les qualités
des chofes , font , après les verbes , ceux qui
fervent le plus à former le tableau des langues
, par la variété de leurs nuances . Quant
aux noms même des objets , qu'on appelle
E ii)
102 MERGURE
noms fubftantifs , noms propres & autres , il
eft certain qu'ils offrent quelquefois un faux
air de fynonymie , comme cheval & courfier;
& fouvent une fynonymie prefqu'abſolue ,
comme Hercule & Alcide , Phoebus & Apollon
, &c. C'eft fur quoi il faut s'arrêter , pour
fe bien convaincre que le principe qu'il n'y
a point de Synonymes eft rigoureuſement
vrai. La Fontaine dit : Le courfier à longue
oreille , pour défigner un mulet ; mais il n'auroit
pas dit le cheval à longue oreille ; courfier
& cheval ne font donc pas toujours fynonymes
: leur différence paroît fur-tout de la
profe aux vers ; courfier eft plus générique
que cheval ; il convient à plus d'animaux ;
il eft moins technique & par conféquent
plus poétique , c'eft- à-dire , plus commode
aux verfificateurs ; il en faut dire autant
de reptile & de ver , &c. Mais les noms
5
Hercule & d'Alcide , ou de Jupiter & de
Jupin , ou de Phabus & d'Apollon , &c. fignifiant
la même perfonne , qui croiroit qu'ils
ne font pas fynonymes en effet ? Il eſt pourtant
certain qu'un homme qui diroit Jupin
au lieu de Jupiter , ou bien Alcide au- lieu
d'Hercule , auroit un air d'affectation , &
feroit prefqu'auffi ridicule que s'il difoit de
par le Monarque au- lieu de dire depar le Roi.
Ces deux mots , Roi & Monarque, l'un grec
& l'autre latin , s'appliquent tous deux également
à la perfonne du Souverain ; mais s'ils
ont au fonds une vraie fynonymie , ils n'en
་
DE FRANCE. 103
ont pas dans l'ufage ; & ce n'eft point de par
Vaugelas ou Port-Royal qu'il eft défendu de les
confondre , c'eft fous peine de ridicule : cette
règle en vaut bien une autre.
Faire des fynonymes, n'eft donc autre chofe
que raffembler dans de courtes phrafes
comme en autant de petits tableaux , toutes
les différences plus ou moins fenfibles qu'offrent
des mots dont les acceptions s'avoifinent
affez pour qu'on s'y trompe. C'eft , par
exemple , chercher des nuances entre complot
, confpiration & conjuration , &c. Mais,
dira-t'on , ces differences fe trouvent dans
tous les Livres bien écrits , & on n'a qu'à les
lire . Sans doute elles s'y trouvent , mais éparfes
& fondues; elles font un des grands fecrets
du ftyle. Il faut donc les détacher & les grouper
pour qu'elles deviennent plus frappantes.
Un Livre de Synonymes eft aux belles pages
de la Nouvelle Héloïfe , ou à la Phèdre de
Racine , ce qu'un Traité fur les couleurs feroit
aux belles peintures de Raphaël ou du
Titien. Ce Traité ne feroit jamais un grand
Peintre ; & nous avouons que les Synonymes
de l'Abbé Girard ou de M. l'Abbé Roubaud ,
ne produiront jamais un Écrivain. La Nature
feule donne le talent , & l'Art Poétique de
Boileau , qui fait plaifir à proportion de ce
qu'on eft digne de le lire , ne rend pas Poëte.
Il y a deux manières de faire des fynonymes
; c'eft de les chercher dans les Auteurs
Claffiques , ou de les créer. La première mé
E iv
104 MERCURE
thode eft sèche & imparfaite , quoiqu'elle
paroiffe la plus utile au premier coup- d'oeil.
La feconde dépend de l'efprit & de la fineſſe
qu'on y met. L'Abbé Girard l'a employée , &
quelquefois avec tant de fuccès , fa métaphyfique
eft fouvent fi fubtile & fi vraie à- fas
fois , qu'on pourroit intituler la plupart de
fes fynonymes, Elégances Françoifes. Ses fucceffeurs
, pour avoir trop épargné l'efprit ,
ce fuperflu , chofe fi néceffaire , ont fait des
Livres accablans.
Il faut que ce travail ingénieux , & prefqu'inutile
des Synonymes , ait une forte d'attrait
, puiiqu'on a vu tout Paris s'en occuper ,
& que les Synonymes ont été une des fièvres
du temps.
>
Ce qui diftingue M. l'Abbé Roubaud , ce.
n'eft donc pas l'art de faire des Synonymes ,
puifque cet art eft fi peu de chofe en luimême
; mais c'eft l'heureux choix de fes
exemples ,foit qu'il les crée ou qu'il cite. Dans
ce dernier cas , fon érudition eft d'un choix
piquant & peut feule former un jeune
homme ; & quand M. l'Abbé R……….. parle
d'après lui-même , il gliffe fous l'enveloppe
de fes exemples des leçons de morale & de
politique , dont une tête penfante , un Citoyen
& un honnête homme peuvent faire
leur profit. En effet , qui peut empêcher un
Auteur qui fait des fynonymes , d'y mettre
l'efprit , la profondeur & l'élégance dont le
ciel l'a doué ? Alors ce n'eft plus comme SyDE
FRANCE.
105
nonymes qu'on lit fon Livre , mais comme
Recueil de Maximes & de Penfées . Les titres
de la plupart des Livres ne font qu'un prétexte
pour le génie .
On peut faire deux reproches affez graves
à M. l'Abbé Roubaud ; l'un , de n'être pas
affez précis ; l'autre , de n'être pas toujours
clair. Or , la préciſion & la clarté font indifpenfables
dans un Ouvrage de la nature du
fien. On lui objecte encore l'ufage trop fréquent
des rêveries de M. Gébelin fur les étymologies
des mots ,
Par exemple , dans une courte Épître Dédicatoire
à l'Académie Françoife , M. l'Abbé
R.... débute par une phrafe où l'on peut mettre
le fujet à la place de l'objet , & l'objet à
la place du fujet , fans aucun inconvénient ,
ce qui eft affez fingulier dans un Traité des
Synonymes. Voici la phraſe. " Le defir de
" foumettremon Ouvrage à votre jugement ,
» m'a infpiré le deffein de vous en offrir
33
l'hommage . » Mettez : Le deffein de foumettre
mon Livre à votre jugement , m'a infpiré
le defir de vous en faire hommage ; ou
bien , le defir de vous faire hommage de man
Livre , m'a infpiré le deffein de le foumettre à
votre jugement, & vous aurez le même réfultat.
Vers la fin de l'Épître , l'Auteur dit des
règles de Vaugelas , que l'Académie y fit imprimer
le fceau de fon approbation ; à la rigueur
il faudroit appofer le fceau. Tout ceci
eft fort minutieux .
Ev
106 MERCURE
r
Dans la Préface , M. l'Abbé R.... dit " que
les idées particulières que chaque mot ,
fynonyme d'un autre dans un fens , renferme
dans fes autres acceptions , à l'ex-
» clufion de fon fynonyme , indiquent les
différences fenfibles & diftinctives des deux
» termes , puifqu'elles fuppofent dans l'un
» une propriété que l'autre n'a pas. » Cela
n'eft pas trop clair , quoiqu'inconteftable .
Quand on a des obfervations fubtiles à faire ,
on ne fauroit employer trop d'images ; il feroit
aifé de prouver que le ftyle figuré eft
toujours le plus clair & le plus précis. Otez
l'imagination , l'efprit humain ne vole plus ;
il fe traîne à pas lents fur les objets , & ternit
tout ce qu'il touche.
"
«Je fais , ajoute l'Auteur , la valeur des
» mots , fi on ne me la demande pas ; dès
qu'on me la demande , je ne la fais plus.
Les termes me manquent , les termes pro-
» pres manquent peut - être à la langue pour
exprimer des idées fines d'une manière
claire & nette. Une définition rigoureufe
» fera trop courte , & je ne ferai
"
20
pas
affez
intelligible
: fi je la développe
affez
pour
» la mettre
à portée
de tous
les
efprits
, je
ferai
diffus
. » Voilà
en effet
les pièges
qu'il
faut
éviter
en écrivant
fur
des
fujets
métaphyfiques
. M.
l'Ab
. R.... s'en
eft prefque
tou
jours
tiré
en maître
. On
voit
que
, plein
d'un
véritable
refpect
, & , j'ofe
dire
, d'une
forte
d'amour
pour
la langue
, il voudroit
la défenDE
FRANCE. 107
dre de ces expreffions exagérées que les petits
efprits employent avec une forte de fureur
en parlant des petites chofes. Ce défaut eft
fur- tout remarquable dans les converfations
& dans les Mémoires d'Avocats , & c'eſt ce
qui fait la fauffe éloquence. Il ne faut pas
parler de la mort d'un lapin comme de la
guerre d'Amérique , ou du talent d'un Coëffeur
, comme on parleroit de Racine & de
Voltaire.
La manie des équivoques, nommées calembourgs
, n'a point échappé à M. l'Abbé R....
Cette manie fait qu'il n'y a bientôt plus
de mot innocent dans la langue . Enfin
M. l'Abbé Roubeau parle de l'obfcurité & du
néologiſme , défauts qui diftinguent la plupart
de nos jeunes Écrivains. Mais comment
perfuader à un homme qui a obtenu plus
d'un prix d'éloquence , qu'il eft obfcur &
néologue ? Il eſt au contraire perfuadé qu'il a
fait penfer fon Lecteur , quand il l'a fait fuer.
Il eft pourtant vrai que celui qui ne rend fa
penfée que d'une manièrc louche & entortillée
, propofe réellement un problême , &
que ce problême n'eft réfolu que par celui
qui parvient à la bien exprimer.
Mais , dira- t'on , la penſée a l'air commun
quand elle eft rendue d'une manière commune
; on eft obligé de la rajeunir & de l'orner
par l'expreffion. J'en conviens ; mais c'eſt
le talent qui manque. Sans lui , on ne fait
que des efforts malheureux, Voyez tous les
Evj
168
MERCURE
grands Écrivains , ils n'ont régné que par l'expreffion.
J. J. Rouffeau a fait taire la renommée
de tous ceux qui avoient écrit avant lui
fur les devoirs de la maternité : le génie égorge
ceux qu'il pille .
C'est donc une vérité bien reconnue que
l'expreffion fait tout : elle donne cours aux
idées , en les chargeant de fa puiffante empreinte.
Il y a plus ; c'eft dans la parole que
fe fait la véritable génération de la penfée ;
& pour citer un Ouvrage qui va paroître ,
" Les idées font le tour du monde ; elles roulent
de fiècle en fiècle , de langue en langue
, de vers en profe , jufqu'à ce qu'elles
» tombent dans une attitude heureuſe , dans
» une expreffion vivante & lumineuse qui ne
» les quitte plus ; & c'eſt ainſi qu'elles entrent
» dans le patrimoine du genre - humain.
" "
Les fynonymes les plus piquans font ceux
qui deviennent bons-mots . On a dit de je ne
fais quel Archevêque de Paris , qui ne fongeoit
qu'à une moitié de fon troupeau , qu'il
etoit plus Berger que Pafteur. Voilà les feuls
fynonymes que doive fe permettre l'homme
d'efprit quand il eft dans le monde : tout le
refte vife au pédantiſme , à moins qu'on ne
faffe un véritable travail fur la langue..
Nous ne finirions pas fi nous citions tous
les excellens articles qui fe trouvent dans
M. l'Abbé Roubaud. Comme fes Synonymes
font un de ces Livres qu'il faut avoir , nous
croyons plus utile & plus court de relever ce
DE FRANCE. - 109
qui a pu échapper à fa fagaciré. Il n'eft pas
étonnant qu'entouré d'objets trop reffemblans
, fon oeil ébloui fe foit trompé fur les
nuances.
Par exemple , malgré les détails & les explications
de l'Auteur , je n'entends pas trop
pourquoi l'Empereur Claude eft déteftable ,
Catilina abominable , & Cromwel exécrable.
Il me femble que ces épithètes n'appartiennent
pas à ces trois hommes d'une manière fi
exclufive , & que tous trois ont été dans les
différentes actions de leur vie , tantôt déteftables
, tantôt abominables , tantôt exécra
bles.
"
La gradation de ces trois mots eft plus heureuſement
marquée dans l'exemple fuivant.
Denis le tyran , informé qu'une vieille
femme prioit les Dieux chaque jour de conferver
la vie du Prince , & fort étonné qu'un
de fes Sujets s'intéreſsât à ſon ſalut , interrogea
la vieille fur le motif de fa bienveillance
. Dans mon enfance , lui dit- elle , j'ai vu
régner un Prince déteftable ; je fouhaitai fa
mort ; mais un tyran abominable lui fuccéda.
Je fis contre celui-ci les mêmes voeux ; mais
nous eûmes un tyran pire encore : ce monſtre
exérable , c'eſt toi , je prie les Dieux de ne
pas me montrer ton fucceffeur.
Au fynonyme de parfait & d'accompli ,
l'Auteur cite & loue M. Beauzée , qui nomme
Cartouche un brigand accompli , & Alexandre
un parfait brigand. Ce font de ces phrafes
ΤΙΟ MERCURE
ར
qu'il faut pardonner à un Écrivain eftimable,
mais qu'il ne faut pas louer & donner pour
exemple. M. l'Abbé Roubaud eft plus heureux
dans ce même article , quand il dit que
parmi les Princes parfaits on trouve S. Louis,
& que dans un fiècle plus éclairé il eût été
un Monarque accompli. La différence de ces
deux mots eft obfervée auffi habilement dans
les deux phraſes fuivantes :
39
" Grandiffon eft le héros de Roman le plus
accompli.Pourquoi donc eft- il fi peu goûté?
» parce qu'il eft trop parfait. On dit qu'il n'y
a point d'homme parfait , & tout auffi - tốt
» on vous cite vingt perfonnes accomplies.
» La raiſon a fa langue , & le monde la
» fienne. ·13
Ce que l'Auteur dit de l'acte & de l'action
eft fans réplique ; mais c'eft auffi un peu trop
étendu . L'Abbé Girard fuffifoit , quoiqu'en
dife M. l'Abbé Roubaud. La puiffance en
action produit des actes , &c. Ce n'est pourtant
pas que M. l'Abbé Roubaud ne relève
fouvent l'Abbé Girard avec avantage.
Aux mots d'Agriculteur , de Colon , de
Cultivateur & de Laboureur , on trouve des
idées économiques , préfentées avec intérêt
& modération. Mais j'avoue que dans les
mots defacile & d'aifé , M. l'Abbé Roubaud
& M. Beauzée réunis , ne me paroiffent pas
avoir raifon contre l'Abbé Girard. On dit
d'une maifon que l'entrée en eft facile an
figuré ,,
pour exprimer que les maîtres ne
DE FRANCE. 111
font pas de grandes difficultés à ceux qui fè
préfentent ; & on dit que cette entrée eſt
aifee , quand elle eft large & commode à
paffer. On dit d'une femme qui ne ſe défend
pas , qu'elle eft facile , & d'un habit qui ne
gêne pas , qu'il eft aifé , &c.
Obfervons que toutes ces différences , improprement
appelées fynonymies , fe trouvent
toujours dans le paffage du propre au
figuré , ce double pivot fur qui roulent toutes
les langues. Par exemple , le fang fait les alliances.
La bonne p litique & le patriotifie
font des confédérations ; les guerres civiles &
les fchifmes produifent des ligues. C'eft fort
bien ; mais on dit des alliances de mots , des
´alliances d'idées , & non des confédérations
& des ligues de mots & d'idées . On pourroit
à chaque page des Synonymes , foit de M.
l'Abbé Girard , foit de M. l'Abbé Roubaud ,
ou de M. Beauzéé ou de toute l'Encyclopédie ,
faire de pareilles obfervations fur les différens
effets que produir le paffage des mots
du naturel au figuré. Voilà fur quoi ces Mefhieurs
ont toujours gliffe , & c'eft pourtant làle
grand miftère du langage. Un mot par luimême
n'eft rien qu'un affemblage de lettres ;
mais une expreffion eft tout ; c'eft d'elle que
les mots attendent la vie ; l'expreffion eft une
affemblée plutôt qu'un affemblage de mots ;
elle les réunit & les allie pour peindre un
fentiment , une image , une penfée. « En vain ,
dit Montefquieu , il s'éleva vers le déclin
» de l'empire , des Princes qui repoussèrent
112 MERCURE
พ
» les hordes du Nord ; il falloit bien que ces
barbares , adolfés aux limites du monde ,
refoulaffènt fur l'Empire Romain. » Et
ailleurs : « Attila , dans fa maiſon de bois ,
33
و د
levant des contributions avec les armées ,
» & des foldats avec l'or de l'Empire , faifoit
» ainſi un perpétuel trafic de la frayeur des
» Romains.
Certainement adeffé & trafic font des
mots comme les autres , qu'on trouve dans
tous les Dictionnaires ; mais adoffe aux limi
tes du monde , trafiquer de lafrayeur des Romains
, font des expreffions grandes comme
l'Empire ; des expreffions qu'on trouve dans
Boffuet , Pafcal , Corneille & Racine , & dont
Voltaire eft toujours avare dans fa profe.
J'obferverai à ce fujet que d'Alembert ,
qui a fait quelques fynonymes, & qui étoit
propre à ce genre de travail , étoit fi frugal
dans fon ftyle , que dans la Préface de l'Encyclopédie,
qui porte fon nom , il dit que la
Géographie & la Chronologie font les deux
yeux de l'Hiftoire. Affurément il y a peu de
phrafes plus triviales que celle là , & cette
image eft paffée en proverbe , fans compter
qu'elle évite de longs verbiages pour exprimer
la même idée ; mais le Philofophe, effrayé
du coup hardi qu'il vient de faire , en demande
auffitôt pardon , en ajoutant : s'il eft
permis de s'exprimer ainfi.
Aux fynonymes d'appaifer & de calmer,
on eft d'abord embarraffe par la reffemblance ,
& l'Abbé Girard y a été trompé. Mais en y
DE FRANCE. 113
€
réfléchiſſant , on trouve bientôt les différences.
Nous appaifons Dieu & un juge irrité ,
& nous calmons un coupable agité de remords
; mais la mer s'appaife ou fe calme ,
& les vents fe calment ou s'appaifent , &c.
On eft apprêté dans fes difcours , compofé
dans fon maintien , & affecté dans fon langage
& dans fes manières. Voilà qui eſt juſte.
Mais dire que la précieuſe eft apprêtée , la
prude compofée , la minaudière affectée , c'eft
tomber dans des diftinctions inutiles & fauffes.
La précieuſe eft affectée , compofée ,
apprêtée tout-à-la-fois , & on en peut dire
autant des deux autres. Il eft mieux de dire
que le pédantifme eft apprêté, l'hypocrifie
compofée , & la coquetterie affectée ; encore
eft- ce en général.
A l'article arracher & ravir , M. l'Abbé
Roubaud obferve fort bien qu'on arrache une
'dent & qu'on ravit une fille ; mais on a de la
peine à l'entendre , quand il dit : « qu'Alexan-
ور
dre ayant forcé une ville dans l'Inde , fe
» trouve obligé de combattre les habitans
» pour les fauver , s'il ne veut que par une
mort volontaire & jurée , ils lui raviffent
» la fatisfaction de les traiter en hommes
» libres & en héros. »
On voit bien dans les mots d'attache &
d'attachement , ce paffage du naturel au
figuré , dont nous avons déjà tant parlé. L'astache
fans attachement n'eft qu'esclavage.
Ainfi , l'attache du mariage eft fi forte , qu'il
peut fe paffer d'attachement.
114 MERCURE
L'Abbé Girard a fait un article très- agréable
fur les attraits , les appas & les charmes ,
& M. 1 Abbé Roubayd le rapporte tout entier
; mais les critiques ne nous ont pas femblé
affez motivées.
En traitant des mots complaifance , déférence
& condefcendance , l'Auteur remarque
que tous nos Dictionnaires n'ont d'autre fineffe
que d'expliquer & de définir ces mots les uns
par les autres . Ils difent que la déférence eft
une complaifance , & la complaifance une
condefcendance , & c. Voilà en effet le Lecteur
bien avancé. J'avoue que les définitions
ne font pas aifées à faire , & que les Philofophes
eux- mêmes , tels que La Bruyère , aiment
mieux décrire la complaifance par les effets
· que de la définir, & que les moraliſtes font
de ces trois mots les caractériſtiques du vice
ou de la vertu à volonté ; on n'a qu'à l'effayer.
On fè concilie les coeurs par des complaifances
, & on fe déshonore auffi par des complaifances.
Le verbe défendre n'eft pas fuffifamment
travaillé, il falloit expliquer pourquoi on dit
défendre un Royaume & défendre un jeu ;
l'un avec des armées & l'autre avec des menaces.
Dans le premier cas , c'eft protéger , &
dans le fecond, c'eft prohiber.
L'Auteur indique entre détail & ruine une
forte de conformité qu'on ne foupçonne pas
au premier coup - d'oeil . Leur pluriel a un fens
différent de leur fingulier. Ainfi , la ruine
d'un bâtiment ou fes ruines ; le détail d'une
DE FRANCE.
115
hiftoire ou fes détails , font des chofes abfolument
differentes , comme il eft aifé de s'en
convaincre en y réfléchiffant.
Nous ne pouilerons pas plus loin l'analyfe
de cet important Ouvrage, M. l'Abbe Roubaud
nous pardonnera d'avoir parlé avec un
peu de févérité de quelques -uns de fes articles.
Un Philofophe , qui ne voit dans fes recherches
fur les origines & les analogies des mors,
qu'un moyen de plus de rapprocher les hommes
, en leur ouvrant des communications
nouvelles & faciles , ne peut nous fivoir
mauvais gré d'avoir cherché la vérité avec lui.
Nous aurions pu nous étendre fur la partie
de cet Ouvrage , à laquelle M. l'Abbé Roubaud
femble tenir davantage fur le parti qu'il
a tiré de la termiņaifon des mots , pour en
former leurs caractériſtiques ; mais ce travail
auroit fatigué le Lecteur , qu'on ne fauroit
trop menager, quand on n'a que des chofes
utiles à lui dire.
Nous avons eu auffi l'occafion de parler
du placement des épithètes , avant ou après
le nom , ce qui change totalement le fens
d'une expreffion ; comme honnête homme &
homme honnête ; & de ces épithètes , dont la
place ne fait rien au fens de la phraſe , mais
beaucoup à l'élégance ; comme voilà de confidérables
hommes, au lieu de voilà des hommes
confidérables. Nous aurions pu établir une
règle abfolument neuve à ce fujet , & tirer à
jamais d'embarras les étrangers , les jeunes
gens & les femmes. On fauroit pourquoi on
116 MERCURE
dit également paifibles bois & bois paifibles ,
& non chofes poffibles & poffibles chofes ,
&c. &c. Mais tout cela tient à un fyftême fur
la langue Françoife , que nous développerons
un jour dans un Profpectus fur la manière de
claffer les mots , c'eſt -à- dire , de compofer un
nouveau Dictionnaire , fans pourtant renoncer
à l'ordre alphabétique. On dit que Céfar
avoit entrepris ce travail fur fa propre langue , *
qui étoit à les yeux un métal d'alliage , & dont
les élémens de diverfe nature avoient befoin
d'être fondus & incorporés. Je conçois en
effet que tous les bons efprits , dans tous les
temps , ont dû être fatigués de la bigarrure
de leurs jargons . On peut, fans rien innover,
remédier à ce grand abus , par une nouvelle
forme de Dictionnaire ; mais le moment n'eft
pas heureux ; & peut- être dois- je à une vérité
utile l'égard de ne pas la préſenter moi- même,
puifque je ne puis lui donner un parti.
* Ce grand Homme avoit déjà écrit un Traité de
Analogia verborum.
DE FRANCE. 117
PENSÉES Philofophiques fur la Nature,
l'Homme & la Religion , 4 Vol. in- 18 . A
Paris , chez Royez , Libraire , quai des Auguftins.
Prix , 8 liv. brochés.
UN gros Livre eft fouvent un grand mal,
dit un Ancien ; en voici un qui n'a pas ce
défaut , & qui réunit fous le plus petit format
tout ce qu'il importe à l'homme de connoître.
La Nature y eft préſentée dans fon
vrai jour , & fes divers phénomènes obfervés
avec cet oeil pénétrant qui reconnoît la
vanité des fyftêmes.
L'homme, pour lequel elle eft faite, eft confidéré
fous tous fes afpects : fa fociété , fa légiflation
, fes fciences , fes arts , fon commerce
, fes plaiſirs mêmes , tout eft peſé dans
la balance de la raiſon , & jugé fans prévention
. La Religion , ce rayon célefte , principe
de la grandeur de l'homme , & qui feul l'élève
au deffus de tout ce qui l'environne , eſt ſoumife
à l'examen réfléchi qu'elle mérite : ce
n'eft point une difcuffion aride , ni un fanatıque
enthouſiaſme , mais des vérités de fentiment
, & des convenances immuables qu'on
oppofe aux préjugés qui la contrarient :
l'Ouvrage eft terminé par un Précis qui en
rapproche les parties de l'unique but que
l'eftimable Auteur s'eft propofé , le mérite &
le bonheur de l'homme.
#
Ces Penſées n'ont rien de commun avec
celles d'Ox ... de Did.... ni même avec celles
118 MERCURE
de Pafcal. L'Auteur a une manière de raifon
ner qui n'eft jamais trifte : ami de la lumière ,
il ne voit rien de noir dans la Nature que le
vice. La variété des objets qu'il parcourt foutient
l'attention. Chacune de ces Penfées offre
une idée développée fur laquelle l'efprit fe
repofe , & il eſt entre elles une liaiſon qu'il
faifit fans fatigue. Au refte , les expreffions de
l'Auteur , quoiqu'en général vives & fortes ,
font fimples & fans enflure , & mettent les
plus fublimes vérités à la portée de tous les
efprits.
Ces quatre petits Volumes font un préſent
utile fait à la Société ; ils forment un Cours
complet de Philofophie- pratique ; c'eſt un
petit Manuel qui mérite , ainfi que Cicéron le
difoit des Belles- Lettres , pernoctare nobifcum
rufticari peregrinari.
ÉLEMENS d'Hiftoire Naturelle & de Chimie,
feconde Edition des Leçons élémen
taires fur ces deux Sciences , publiées en
1782 , par M. de Fourcroy , Docteur en
Médecine de la Faculté de Paris , de l'Académie
Royale des Sciences , de la Société
Royale de Médecine , &c. 4 Vol, in- 8°.
Prix , 22 liv. brochés, 28 liv. reliés. A
Paris , chez Cuchet , Libraire , rue & hôtel
Serpente.
CET Ouvrage , fous le nom de Lecons
lémentaires fur l'Hiftoire Naturelle & la
DE FRANCE. 119
Chimie , avoit eu un fuccès mérité. Il eft
tellement changé aujourd'hui , qu'on pourroit
le regarder comme un Ouvrage nouveau
. L'Auteur en a augmenté le nombre
de Volumes , a changé en entier nombre
d'articles , & en a développé beaucoup d'autres.
On n'a pas omis un fon très-important ,
celui de donner, pour ainfi dire , un inventaire
exact & complet de l'état actuel de nos
connoiffances dans les matières dont il eft
queftion , enfin , comme le dit M. de Fourcroy
lui- même , de préfenter un enfemble
de la Science chimique , dans lequel on pût
trouver également & ce qui eft fait & ce qui
refte à faire. Sans préfenter une hiftoire détaillée
de cette Science , il a eu foin de marquer
les principales époques , & l'on trouve dans
fon Ouvrage les noms des Auteurs qui en
om traité, avec une Notice de ce qu'ils ont
écrit : enfin , cet Ouvrage, par la réviſion de
l'Auteur , fe trouve beaucoup plus compler
& mieux rédigé.
# 20 MERCURE
4:10 0 .
VARIÉTÉS.
LETTRE au Rédacteur du Mercure.
MoONSIIEBUURR
f
LES Affiches de Bourgogne , du 26 Septembre
dernier, ont annoncé avec tant d'éloges les Conf
dérations Phyfiques & Aftronomiques fur les Etoiles
fixes , par M. l'Abbé Bernaud ; Dijon . Frantin ,
1786 , qu'elles m'ont fait naître le defir de les lire ;
je ne puis vous exprimer quelle a été ma furprife
lorfque j'ai reconnu que cet Opufcule ne contensit
rien qui ne fût emprunté prefque mot à mot despa
Auteurs les plus modernes. De tout temps un des
"incipaux objets des Ouvrages périodiques fut de
voiler au Public ces larcins littéraires qui ne font
que trop fréquens , je crois qu'il y en a peu d'auffi ..
manifeftes que celui que je vous dénonce; & pour
vous mettre à portée d'en vérifier les preuves , je
vous envoie , Monfieur , cette Brochure , qui peutêtre
ne vous eft pas encore parvenue.
Le célèbre M. Bailly a dit dans fon Aftronomie mo
derne ( Tome II , page 85 ) , en parlant de l'impor
tante découverte du Télefcope , que l'homme fe
trouva en poffeffion d'un nouvel organe pour rapprocher
de lui & ramener à fa portée les chofes qui
échappent àfon ail ou par leur petiteſſe ou par leur
diftanee.
Tel eft le début de l'Auteur de la Brochure , qui
a feulement transformé le nouvel organe en un
nouveau fens.
Pous
DE FRANCE. F21
Pour faire fentir le mérite de cette invention .
M. Bailly fuppofe qu'un Souverain cût ouvert un
Concours en difant : Vous voyez ces Aftres éloignés
de plufieurs millions de lieues , ces Altres , &c. je
demande la manière de les rapprocher de nous.... de
leur donner plus de grandeur & plus d'éclat , le projet
eût paru ridicule .
L'Auteur de la Brochure fait auffi une fuppofition
; mais pour ne pas laiffer trop de reffemblance ,
c'eft un Savant qui élève la voix en difant : Vous
voyez ces Afres filencieux , à ma voix ils vont defcendre
, fe rapprocher de vous , & briller à vos yeux
d'un nouvel éclat , & il obtiënt des couronnes & des
autels.
M. Bailly avoit dit dans le même paragraphe :
Ce n'est que le hafard qui peut produire ces inventions
incfpérées.
Dans la Brochure , on a cru convenable de ne pas
féparer la même idée , & on lit auffi dans la phrafe
fuivante : Nous ne voyons prefque jamais que ce
que le hafard nous montre.
Jacques Métius , dit M. Bailly , s'avifa de regar
der unjour à travers deux verres , dont l'un étoit
convexe & l'autre concave .... placés à la diftance néceffairepourgroffir
les objets .... Le Télescope inventé
fut bientôt conftruit.
L'Auteur de la Brochure répète : Jacques Métius
regarde à travers deux verres , dont l'un eft convexe
&l'autre concave , les objets s'agrandiffent fous fes
yeux , le Télescope eft inventé.
Après l'invention vient l'ufage . On voit dans
l'Hiftoire de l'Aftronomie , que Galilée, devenu l'Inventeur
du Télescope par la perfection qu'il lui
donna , jugeant qu'il ne verroit fur le Globe que des
domaines occupés par les Grands & les Riches
tourna fa lunette vers le Ciel.... qu'il la dirigea vers
Nº. so , 16 Décembre 1786 .
F
122 MERCURE
les Etoilesfixes qu'ilfut bien étonné de ne pas voir
ces Aires agrandis , qu'il n'y vit que des poimis
brillans tels qu'on les voit à la vue fimple.... que les
plus bel es dépouillées de leurs couronnes , rentroient
dans l'égalité
Dans la Brochure , Galilée s'empare du nouvel
Inftrument.... livre le Globe de la terre à les triftes
´habitans , & ne médite rien moins que la conquête du
Ciel. Déjà le Télescope eft dirigé vers les Etoiles
fixes ; mais quei eft l'étonnement du Philofophe en
voyant ces ftres conferver l'humble apparence qu'i's
offrent à la vue fimple .... les plus brillantes dépouil
és fe confondent avec les plus foibles .... Tout
retrace dans le Ciel l'image de cette égalité qui n'a pu
fubfifter fur la terre .
M. Bailly peint enfuite l'étonnement de Galilée
découvrant une maltitude d'Étoiles que le Télefcope ,
crée, pour ainfi dire, dans les champs du Ciel, le plai
fir que lui fit cette conquête .... Ce Monde ajouté au
nôtre,qui ne conta ni trajet de mer orageufe ni perte
d'hommes, &c.
Dans la Brochure , les diferts du Ciel fe peuplent
d'Etoiles inconnues , des Mondes nouveaux s'élè
went au- deffus des arciens : conquête délicieuſe &
pure , qui ne coûte ni larmes ni foupirs.
M. Bailly aveit pofé dans fon premier Volume ,
page 33 , ce grand principe : La comparaison eft le
premier pas de toutes les Sciences.
L'Auteur de la Brochure le traduit aina : La
comparaifon eft la voie de toutes nos connoiffances.
M. Bailly , Tome II , pages 90 & 684 , compare
donc les Etoiles qui ont une lumière flamboyante
avec les Planètes ; il prend pour objet de comparai
fon Syrius la plus belle des Etoiles , qui a plus
d'éclat que Saturne même ; il remarque que la
grandeur apparente diminue par l'éloignement , &
DE FRANCE. 223
s'évanouit quand la diftance eft trop grande ; que fi
la lumière du Soleil étoit envoyée à Syrius , il nous
feroit totalement inconnu ; qu il luit à nos yeux par
fa lumière native ; que fi les Etoiles , affez éloignées
pour n avoir pas de parallaxe , étoient égales
au Soleil , elles nous feroient inconnues. Pour én
juger , l propose de reculer le Soleil par la pensée ,
& termine la phrafe par cette réflexion : Dans
notre fyftême il eft le maître des Aftres , il peut
avoirfes mattres dans l'Univers.
L'Auteur de la Brochure ne s'écarte pas de cette
route. Il compare auffi aux Planètes les Etoiles
qui jettent un éclat flamboyant ; il oppofe aufi
Syrius , la plus brillante des Etoiles , à Saturne , la
plus obfcure des Planetes ; il n'oublie pas que la
lumière s'affoiblit par l'élo gnement , & s'éteint à
une grande diftance.... que la lumière que Syrius
recevroit du Soleil... feroit abfolument infenfible.....
que cet Aftre ne jouit pas d'une lumière précaire &
étrangère.... que le calcul eftime la hauteur à laquelle
Aftre brillant dujour fe déroberoit à nos regards ;
que files Etoiles , rivales du Soleil en éclat , ne lui
étoient fupérieures en grandeur , elles nous feroient
totalement inconnues . Pour la réflexion en voici le
thême en deux façons : Le Soleil a donc auffi des
maîtres; ileft le Roi du Monde , mais il n'eft pas le
Roi de l'Univers.
Je me laffe , Monfieur , de vous copier tous les
paffages des deux Editions ; je me borne à vous indiquer
plus rapidement les fources .
7
Ce qui eft dit à la page 8 de la Brochure , de la
fcintillation des Etoiles , eft pris dans l'Aftronomie de
M. de la Lande , Tome III , page 170 , excepté
pourtant qu'on donne auffi pour caufe de ce tremblement
apparent la petiteffe du diamètre Le célèbre
Académicien n'attribue pas aux Etoiles une espèce
Fij
124
MERCURE
1*
de timidité que la curiofitéfatigue , uneforte defenfi
bilité que les regards outragent.
Vous trouverez , comme de raiſon , à la fuite les
Obfervations relatives de MM . le Gentil , la Condamine
& Garcin. Vous rencontrerez à la page 14 ce
que dit encore M. de la Lande , que les Etoiles font
des Soleils comme le nôtre , qu'elles ont vraisemblablement
un applatiffement vers les Poles.
Pour les pages 10 , 11 , 12 , 14 , 15 & 16 de la
Brochure , reprenez,s'il vous plaît, M. Bailly, Tome I ,
A, page 23 , Tome I , M , page 381 , Tome II ,
pages 33 , 107 , 230 , 236 & 701 , vous reconnoîrez
à qui appartient tout ce qui regarde l'apparition
& difparition des Etoiles, la voie lactée , les Découvertes
de Tycho , de Fabricius , de Képler , de
Maupertuis, &c. &c.; vous remarquerez que ce ne
font pas feulement des faits empruntés , mais les explications
, les réflexions , les expreffions , à quelques
petites variantes près , comme celle- ci de la page 16 :
L'ail encorefatigué de la lumière du jour, fe repofe
avec complaifance fur cette Zone brillante, &c. , aulieu
de : La vue encore fatiguée de la lumière du
jour, erre fur la voûte célefte , & ferepofe avec complaifance
fur cette Zone lumineufe , &c. &c.; comme
cette autre de la page 17 : Herfchel n'a vu dans la
voie lactée que des Mondesfans nombre femés dans
des efpaces fans bornes ; au-lieu de cette penſée de
l'Exorde de M. Bailly dans fon cinquième Diſcours :
La raifon éclairée ne voit plus.... que des Mondes
fans nombre femés dans des espaces fans bornes ,
&c. &c.
Pour fuivre ces tranfcriptions vous ferez obligé ,
Monfieur , de fauter d'une page à l'autre dans l'ori
ginal ; mais quand avec des Volumes in-4 ° .
veut faire qu'une Brochure de 19 pages in 12 ,
u bien laiffer quelque chofe.
on ne
il
DE FRANCE. 25
&
Enfin , ce qui caractériſe encore le plagiat , &
qui n'eſt pas fair pour l'excufer , c'eft que toutes ces
grandes idées , qui font un fi bel effet dans le cadre
d'ou on les a tirées , ne difent plus rien à l'efprit ;
c'eft que l'ensemble de la Bicchure n'a aucun bur ,
n'apprend rien , ne prouve rien que la prévention de
l'Auteur au ftyle , c'eft- à - dire , à furprendre des applaudiffemens
fous'un plumage étranger.
Je fuis , & c.
SPECTACLES.
ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.
EN
N général, nous occupons peu nos lecteurs
des débuts dans tous les genres. Jaloux de
préfenter au Public le réfultat de fes propres
jugemens , plutôt que notre avis particulier ,
nous ne nous preffons pas de rendre compte
des ouvrages nouveaux , quoique deux ou
trois repréfentations fuffifent pour fixer l'opinion
générale à leur égard , d'une manière
durable. A plus forte raifon ne devons -nous
pas nous hâter de prononcer fur des débutans
dont le fuccès , d'un jour à l'autre , eſt
fujet à tant de variations. Combien n'en
avons-nous pas yu , portés aux nues dans les
journaux , parce que le Public les applaudiffoit
au moment où fe compofoit l'article ,
Fiij
126 MERCURE
& qui étoient fifflés par ce même Public ,
le jour où ce pompeux éloge paroilloit ? D'ail
leurs fi le débutant eft bon , il refte au
théâtre , & l'on a toujours le temps de l'y
voir , de l'y juger. On peut alors l'éclairer
fur fes défauts par une critique fage , qui
devient utile pour lui , s'il a un aflez bon
efprit pour réfifter à l'écueil des applaudiffemens.
Si ce débutant eft mauvais ou
médiocre , le Public ne prend aucun intérêt
au compte qu'on lui rend d'un Acteur qu'il
ne verra plus : la critique eft. inutile alors ;
elle ne fert qu'à l'affliger gratuitement , &
peut même lui faire tort dans la Province où
il a deffein de fe préfenter.
Il n'en eft pas ainfi des trois fujets qui
ont rempli les rôles principaux dans l'Opéra
de Roland , le Mardi 28 Novembre. Inftruits
aux frais du Gouvernement , deftinés depuis
long- temps à remplir une place marquée ,
pour ainfi dire , fur le théâtre où ils ont paru ,
ils font les premiers fruits d'une inftitution
ardemment defirée par les véritables ' amateurs
, & dont on a enfin reconnu la néceffité.
L'établiffement de l'Ecole Royale de
chant & de déclamation a fixé l'attention
du Public ; il étoit naturel qu'il attendît avec
empreffement les effets qu'elle devoit produire.
On vouloit moins juger le talent individuel
des élèves, que les travaux des Maîtres ;
c'eft , à proprement parler , l'École elle- même
qui a fait fon début. Ces trois fujets doivent
donc être confidérés fous deux aſpects. On
DE FRANCE.
127
doit juger en eux , & le talent perfonnel
pour favoir de quelle utilité ils pourront êtré
par la fuite , & la manière des Maîtres de
l'Ecole , les principes dont ils font imbus ,
principes dans lefquels doit être inftruit le
jeune effaim qu'on nous prépare. C'eſt- là ce
qui doit fervir à décider , non pas fi une école
eft utile , ce qui eft inconteftable ; mais fi
l'école etablie a tous les avantages qu'on en
doit attendre ; fi fa forme eft la meilleure
poſſible , i les principes font vrais , uniformes
& conftans ; fi enfin nous devons efpérer
de voir fur le théâtre de l'Opéra , la meilleure
méthode de chant établie , ou fi nous avons
encore long- temps à la defirer.
1
Cet examen exigeroit une difcuffion un
peu longue ; l'abondance des matières ne
nous permet pas de l'entreprendre aujourd'hui.
D'ailleurs , rien ne preffe , plufieurs
repréſentations nous mettront encore plus
à portée de demêler dans les nouveaux fujets,
ce qui appartient à leur talent propre , &
ce qu'ils tiennent de leurs Maîtres. Nous
nous bornerons à rendre compte de l'effet
qu'ils ont produit dans un feul rôle & en
deux repréfentations , Nous aurons fans doute
plus d'une occafion de revenir à eux.
M. Lefebvre qui étoit , il y a dix - huit
mois , dans les dragons de Ségur , ne devoit
qu'à une voix claire & agréable , l'efpoir
qu'il a donné de devenir un jour un Acteur.
On conçoit tout le travail qu'on a dû faire
fur lui dans un fi court efpace de temps. On
Fiy
128 MERCURE
fait quelle eft la manière de chanter des
garnifons , & combien l'éducation ordinaire
d'un dragon eft différente de celle qu'on
exige au théâtre. Mais plus M. Lefebvre &
fes inftituteurs ont eu d'obftacles à vaincre ,
& plus on doit d'eftime au travail opiniâtre
qui en a furmonté une partie ; plus même
on doit d'indulgence aux défauts qu'on n'a
pu encore entièrement déraciner. Sa voix ,
du genre de celles qu'on veut appeler en
France hautes contres , a de l'intérêt , &
il en a mis dans la manière dont il a exécuté
le rôle de Médor.
M. Deffaules a chanté celui de Roland.
Sa voix eft une baffe taille , plutôt forte que
timbrée , plutôt groffie qu'étendue dans le
bas . Elle eft fonore cependant & elle a de
la netteté. Son maintien eft noble ; il a du
feu , du mouvement , toutes qualités qui
donnent l'efpoir d'être perfectionnées un jour
par l'ufage . Il a de l'enthoufiafme , il s'y livre
quelquefois outre mefure , & même aux dépens
de la mefure ; mais cet excès eft préférable
à l'excès contraire. Lorfque l'habitude
lui aura appris à régler fes mouvemer.s , à
fentir l'à- plomb de la Scène , ce défaut
même deviendra une qualité,
Mlle Mullot , chargée du rôle d'Angélique,
a une voix charmante , étendue , flexible ,
intéreffante & fraîche. Fatiguée par fix fe
maines d'exercice forcé & par une indifpofition
momentanée , altérée auffi par la
crainte , par l'embarras d'un jour de début ,
DE FRANCE. 129
elle n'a pas peut- être montré toutes ces qualités
à la première repréfentation , mais on
les a fenties davantage à la feconde , & elle ne
fera fans doute par la fuite que les développer
de plus en plus. Elle porte affez bien fa
voix dans le chant proprement dit. Sa manière
de dire le récitatif n'eft pas également
bonne. Celle des deux hommes mérité bien
auff quelques reproches , mais laiffons - les
refpirer , laiffons les jouir d'un triomphe bien
mérité par deux années & plus de travaux.
S'il leur refte quelque chofe à faire encore ,
convenons qu'ils ont beaucoup fait , & plus
même qu'on n'étoit en droit de l'attendre.
4
Ce début a été très-brillant , & l'Opéra
de Roland a été remis avec le plus grand
foin. Les ballets charmans , dignes de M.
Gardel qui les a compofés , ont été parfaitement
exécutés par les premiers fujets de
la danfe. Tous les morceaux de Mufique délicieux
dont cet Ouvrage abonde , ont été vivement
fentis , ils ont paru exciter un enthoufalme
nouveau. Les fpectateurs , revenus
des anciennes difputes muficales , ont paru
croire que le chant pouvoit être effentiel
à la Mulique , & ont applaudi avec transport
un Opéra qui en offre d'un bout à l'autre. On
a même penfé que ce qu'on entend par l'effet
dramatique, conviendroit très-mal au fujet
gracieux de Roland , & que cet effet auquel
le Muficien ne doit peut être jamais faire
un facrifice complet, dépend beaucoup moins
de lui que du poète & de la forme du drame.
Fv
130 MERCURE
A
Le Jeudi 7 , on a donné fur ce théâtre la
première repréfentation des Horaces , Tragédie
lyrique mêlée d'intermèdes.
Camille aime Curiace, dont elle eft aimée.
Elle eft Romaine , Curiace eft Albain , &
dans ce moment Albe & Rome fe font une
guerre cruelle. Camille , incertaine dans fes
voeux , vient confulter l'oracle d'Égérie , qui
lui répond que la guerre va finir , & qu'elle
fera bientôt unie à fon amant. En effet le
vieil Horace vient annoncer la paix. Les deux.
armées ont confenti à remettre les deftins.
de la guerre à trois guerriers de chaque côté.
Pendant qu'on s'occupe à les choifir , le vieil
Horace , pour donner au jeune Curiace une
preuve de fon eftime , l'unit à fa fille , & le
premier Acte finit par l'expreffion de la joie
des deux amans.
Dans l'intermède , le Grand Prêtre de
Rome, accompagné du peuple , offre un faerifice
à Jupiter Capitolin..
Au fecond Acte , tandis que le jeune.
Horace , Curiace & Camille fe félicitent de
leur réunion , on vient annoncer qu'Horace
, & fes deux frères ont été choifis pour les
champions Romains . Horace s'en applaudit ,
& tout le monde prend part à fa gloire ;
mais cette joie eft bien troublée , quand on
apprend que les trois Curiaces ont été de
même choifis par les Albains. L'amant de.
Camille eft au défefpoir ; cependant il proDE
FRANCE.
132
met de fervir fa Patrie. Camille fe défole:
on laiffe Curiace avec elle pour la confoler.
Elle veut en vain attendrir fon époux ; la
voix de l'honneur l'emporte en lui fur celle
de l'amour. Le jeune Horace vient appeler au
combat fon beau- frère , devenu fon ennemi.
Camille fe jette entr'eux. Son frère la repouffe
avec indignation ; ainfi fe termine le
lecend Acte.
L'intermède n'eft plus une fimple cérémonie
, il fait une partie de l'action , & plus
peut- être qu'il ne convient à un intermède.
Les deux armées font en préfence . Le grand
facrificateur leur fait jurer de fubir la loi
du vainqueur. On donne le fignal , les champions
paroiffent ; mais quand on voit que
ce font les trois Curiaces qui doivent combattre
contre les trois Horaces , ( ce que
chaque parti fans doute avoit réciproquement
ignoré )les deux peuples s'indignent également
de ce choix. Ils trouvent atroce d'armer
l'un contre l'autre , des amis , des parens:
ils les féparent malgré leur acharnement &
les reprimandes de leurs chefs . Ils demandentun
autre choix. Enfin on convient de s'en
rapporter aux Dieux .
Acte troifième. Camille , raffurée fur fon
fore , ne peut croire que les Dieux foyent
affez barbares pour armer fon frère contre
fon époux. Elle apprend qu'elle eſt trompée.
dans fon efpérance, & adreffe au ciel des
imprécations contre ce combat. On vient.
dire, comme dans la Tragédie de Corneille ,
Fvj
132 MERCURE
que deux des Horaces font tués ; que le troi- t
fième a pris la fuite. Même défefpoir de la
part du père. Enfin on vient achever le récit
du combat. Horace n'a feint de fuir que
pour difperfer fes adverfaires : il les a tués
tous trois féparément. Camille s'évanouit .
On célèbre la gloire d'Horace. Mais fon
triomphe eft interrompu par le retour de
Camille, qui pleure fur les dépouilles de fon.
amant , & charge fon frère de nouvelles :
imprécations. Celui - ci court à elle pour l'en
punir on l'empêche de la tuer. On l'emporte
fans qu'elle fe tue elle - même ,
malgré l'oracle qui avoit dit qu'elle feroit
réunie à Curiace , & l'Opéra finit par un
divertiffement.
Cer Ouvrage n'a point eu de fuccès . Quelques
vers trop familiers, quelques expreflions.
qu'un goût févère auroit dû rejeter dans un
Drame Lyrique , ont excité des murmures , &
ont empêché de rendre juftice au travail infini
que l'Auteur a dû faire pour tirer parti de ce
fujet. M. Guillard examine dans fa préface, s'il
eft vrai qu'on doive interdire au Théâtre de
l'Opéra, des fujets déjà traités au Théâtre François.
Tout ce qu'il dit à cet égard eft très- juſte ;
feulement il le fonde fur une fauffe hypothèfe.
On n'a jamais prétendu qu'un fujet
antique ne puiffe être traité à l'Opéra , parce
qu'il l'a déjà été par Corneille ou un autre ;
mais on prétend qu'on fait mal & qu'on
court de grands rifques , en prenant la pièce
méme de Corneille , en la mutilant pour
DE FRANCE. 133
Tadapter à la Mufique , & en en confervant
les Scènes principales , qui , déplacées de leur
cadre , ne font plus le même effet. M.
Guillard en a eu la preuve dans le fameux
qu'il mourut d'Horace ; ce mot heureux a
autant déplu dans fon Ouvrage , qu'il fait
d'effet au Théâtre François. Nous croyons
donc que cette chûte doit être plutôt attribuée
à ce fyftême , & fur- tout au vice d'un
fujer fi peu lyrique , qu'au talent de M.
Guillard , qui en a déjà donné des preuves
très- brillantes.
Il faut convenir auffi qu'il n'a pas été fecondé
par la Muſique. On a trouvé dans celleci
peu de chants , d'effets , d'intentions. La
profodie eft fouvent bleffée dans le récitatif
& dans les airs. L'efprit de la Scène ne l'eſt
guères moins. D'après un fyftême captieux
qui veut qu'on marche toujours vers l'action,
l'Auteur ne fuit pas un motif, ne répète pas
une parole. C'eft comme fi on faifoit paſſer
rapidement fous les yeux du fpectateur une
fuite de tableaux , fans lui laiffer le temps
d'en examiner un feul. On feroit ébloui plutôt
que fatisfait. Ce fyftême , qui a quelques
avantages , ne doit pas être pris à la rigueur ,
& M. Gluck , qui l'a mis le premier en pratique
, ne l'exécutoit pas ainfi .
Nous croyons que le Compofiteur eft en
état de faire beaucoup mieux. S'il s'occupe
d'un nouvel ouvrage , il doit fe rappeler qu'il
a une réputation à foutenir , celle de la Mufique
des Danaïdes.
134
MERCURE
COMÉDIE ITALIENNE.
LE Mardi 28 Novembre , on a repréſenté ,
pour la première fois , la Veuve Angloife ,
Comédie en un Acte & en profe .
Miftriff Kepley , veuve , riche , aimable &
jeune , aime unjeune homme nommé Rivers.
Elle vit avec un oncle , homme févère & fufceptible
de prévention , qui n'approuve point
du tout le mariage qu'elle fe propofe de faire.
Rivers a eu une jeuneffe dillipée , on peut
lui reprocher quelques folies . Voilà le motif
de l'éloignement de l'oncle pour fa perfonne .
A un bal où Rivers s'eft trouvé , il s'eft laiffe
féduire par l'aspect de l'or , il a joué , & il a
perdu vingt mille livres fterlings en billets de
banque. Cet événement agite différemment
Rivers , Miftriff Kepley & fon oncle . Celuici
fe réfout à tout employer pour empêcher
ce mariage , l'amant fe décide à partir pour
l'Amérique , & la Veuve lui envoye dans une
lettre un billet conçu en ces termes : « Je
» promets remettre ma fortune & ma main
» au porteur du préſent. » La lettre remiſe à
un Valet nommé John , décachetée , on ne
fait comment , eft interceptée par l'oncle enchanté
, qui la donne à un Quaker de fes amis ,
appelé Thomfon . Celui ci s'en charge , parce
que , dit- il , il faut empêcher que des armes
dangereufes ne foient placées entre les mains
و ز
DE FRANC E. 135
des méchans. La Veuve eft confternee
quand elle voit fon billet au pouvoir d'un
tiers ; elle foupçonne fon amant de perfidie ,
jure qu'elle ne remplira point , avec Thomfon
, les obligations que contient fon biller.
Mais celui -ci eft muni d'un titre , il menace
de le faire valoir , donne à la Veuve une heure
pour faire fes réflexions , & fort en l'appelant
La femme. Rivers va partir , il vient faire fes
adieux : on juge bien que l'explication entre
les amans comble l'un de furprife , & augmente
la colère de l'autre . Heureufement l'arrivée
de John , que la vue d'une épée prête à le
percer force à devenir véridique , juſtifie Rivers
, & dévoile le projet de l'oncle. Le retour
de Thomſon donne quelque eſpérance
à Rivers , qui réclame le billet de Miftriff
; mais la chaleur qu'il met dans fes demandes
ne convient point au caractère tranquille
& froid du Quaker. Le jeune homme ,
après avoir menacé, propofé un duel , le tout
en vain , prend un ton plus doux , & inſpire
quelqu'intérêt à Thomſon , qui fort , en promettant
aux deux amans de revenir bientôt ,
& de fe décider fur le parti qu'il aura à prendre.
Quand l'oncle rentre , il eſt bien étonné
de voir les jeunes gens plus épris que jamais.
Ferme dans fon fyfteme , il ne fe rend aux
follicitations de l'un ni de l'autre , & s'explique
de nouveau avec aigreur fur la folle conduite
de Rivers. Le plus grave de fes reproches
porte fur l'amour du jeu , paffion deftruc
tive de tout principe & de tout honneur.
136 MERCURE
"
Thomfon , qui eft revenu pendant l'explica
tion , reproche à fon tour à fon ami de refufer
fa nièce à un joueur , tandis qu'il veut la don
ner à un autre. En effet , c'eft Thomſon qui
la veille , a joué fous le mafque , contre Ri
vers , & qui lui a gagné 20,000 livres
fterlings. I rougit de s'être expofé par
une cupidité honteufe à ruiner un inconféquent;
il ne remet pas à Rivers fa fortune ,
il ne veut pas l'humilier , c'eft à Miftriff qu'il
la donne. Quant au billet que la Veuve redemande
: Il n'eftpas à toi , lui dit- il , il eft à
Rivers , tu me l'as dit , je le lui rends . Les
amans ne favent comment lui témoigner leur
reconnoiffance ; & l'oncle , déterminé par tout
ce qu'il a vu de généreux dans les procédés
de Thomſon , confent de bon coeur à l'union
des jeunes gens.
Cette Comédie a été vue avec plaisir. L'intérêt
n'en eft pas bien puiffant ; il y en a néanmoins
fuffifamment pour entretenir l'attention
& pour donner une certaine curiofité.
Nous fommes fâchés que toute la Pièce porte
fur une lettre décachetée par un Valet à deffein
ou par hafard , & plus encore qu'un homme
bien né, profite d'une pareille circonftance
, pour ſurprendre les fecrets d'une femme
libre, & ufurper des droits tyranniques.
La prévention & l'animofité des parens fe
permettent quelquefois des excès dont il nous
paroît dangereux de donner des tableaux fur
la Scène ; ils bleffent la bienféance & l'honnêteté
, & c'eſt- là le moindre de leurs inconDE
FRANCE. 137
véniens , quoiqu'il foit affez grave. Tout le
comique de cette Pièce confifte dans le caractère
du Quaker Thomfon. Ce perfonnage eft
bien établi , il a les vertus , la franchiſe & l'originalité
de fa fecte ; & tout ce que fa conduite
a en apparence de dur & d'affligeant pour les
amans , eft motivé par le defir qu'il a de les
éclairer fur leur inconfequence & fur leur
étourderie. Ce rôle eft joué par M. Perigny ,
auquel nous devons depuis long - temps des
éloges. Son talent fe perfectionne de jour en
jour ; il acquiert de la vérité , du naturel & de
l'énergie. Bourru , fenfible & gai dans le
Weftern de Tom Jones à Londres ; auftère ,
menaçant, terrible dans le Wolwikoff de
Novogorodfauvée ; il eft encore brufque ,
impaffible , fpirituel & bon dans le Thomfon
de la Veuve Angloife. L'efpace nous avoit
forcés jufqu'ici de paroître négligens , peutêtre
même injuftes à fon égard ; ainfi en
le louant fur des rôles dont nous aurions
voulu parler plus tôt , c'eft une dette que nous
acquittons.
138 MERCURE
ANNONCES ET NOTICES.
HISTOIRE ISTOIRE générale & particulière de la Grèce ,
contenant l'origine , le progrès & la décadence des
Loix , des Sciences , des Arts , des Lettres , de la
Philofophie , &c. , précédée d'une Defcription géographique
, de Differtations fur la Chronologie ,
les Mefures , la Mythologie , terminée par le parallèle
des Grecs anciens avec les Grecs modernes par
M. Coufin Defpraux , in - 12 , Tomes XII & XIII .
A Paris , chez Durand Neveu , Libraire , 1ue Galan- ´i
de ; Morin , Libraire , rue S. Jacques; Guillot , Libraire
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LA Franche- Comté ancienne & moderne , in- 12.
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Royale des Sciences , de l'Académie Françoife,
de l'Inftitut de Bologne , des Académies de Péterf
bourg, de Turin , de Philadelphie & de Padoue
deffiné par J. B. Lemort , gravé par Auguftin de
Saint- Aubin. Se trouve au Bureau du Journal Polytype
, rue Favart ; & au Palais Royal , chez la
Veuve Lagardette , nº. 141 .
Ce Portrait nous a paru auffi bien gravé que reffemblant.
TRAITÉ fur les abus qui fubfiftent dans les Hôpi
taxx du Royaume , & les moyens propres à les réformer
, afin de rendre les Maifons de Charité des
établiffemens utiles à l'humanité & glorieux à la
Nation ; par M. l'Abbé de Recalde , Chanoine de
Comines , in- 12. A Saint- Quentin , chez Fr. Théodore
Hautoy , Imprimeur du Roi ; & à Paris , chez
F. Barrois le jeune , Libraire , quai des Auguftins ,
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Cet Ouvrage refpire l'amour de l'humanité , & il
renferme des détails qui fuppofent de la part de fon
Auteur l'obfervation & l'expérience,
ABREGE Méthodique de la Géographie ancienne
& moderne pour l'inftruction de la Jeuneffe , &c. ,
par M. l'Abbé Boutillier , Profeffeur de Belles-
Lettres en l'Univerfité de Paris , un Volume in- 12.
Prix , 3 liv . relié. A Paris , chez Servières , Libraire ,
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tion nature.le , Inftitution fociale , Inftitution politique
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Moutard, Imprimeur- Libraire , rue des Mathurins ,
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de Chambelle , Brochure de 26 pages . A Paris , chez
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Libraire , rue de la Harpe.
Il y a dans cette Brochure des vers qui annoncent
du talent pour la oéfie , & ceux qui aiment
encore cet Art difficile, liront l'Ouvrage avec plaifir
& intérêt.
SERMONS de M Hugh Blair , Docteur en
Théologie , Miniftre de l'Eglife Cathédrale , & Profeffeur
de Belles Lettres dans l'Univerfité d'Edimbourg
, traduits de l'Anglois fur la onzième Édition ,
par M. Froffard , Docteur Honoraire de l'Univerfité
d'Oxford , Miniftre du fain: Evangile , Membre
des Académies & Sociétés Philofophiques de Villefranche
, Bourg en Breffe , Mancheſter , Bath , Correfpondant
de la Société Royaie des Sciences de
Montpellier , &c. Tome III , avec un Difcours
préliminaire fur l'Eloquence de la Chaire , & um
Sermon du Traducteur , in - 8 ° . de 454 pages d'impreffion.
Prix , 4 liv . broché. A Lyon & le trouve
à Paris , chez l'eriffe le jeune , Libraire , fur le
Pont Saint Michel , au Soleil d'or.
N. B. Le même Volume fe trouve auffi chez
Periflè le jeune , d'un format in - 12 de 508 pages
d'impreflion. Prix , a liv. 10 fols broché.
Les deux premiers Volumes de cet Ouvrage ont
obtenu un fuccès mérité , & que nous avions prévu ;
& la célérité avec laquelle ils ont été enlevés a juftiDE
FRANCE. 141
fié nos éloges. Il n'en refte qu'un très - petit nombre
d'Exemplaires chez le même Libraire. Prix , 9 liv .
pour les deux premiers Volumes.
LETTRE d'un Propriétaire à l'Auteur de la
Réponse au Mémoire fur les Corvées , Brochure de
21 pages. A Londres ; & fe trouve à Paris , chez
Cloufier , Imprimeur du Roi , rue de Sorbonne.
La Mentor des Enfans , ou Recueil d'Inftructions
, de Traits d'Hiftoire & de Fables nouvelles
propres à former l'efprit & le coeur des Enfans ; par
M. l'abbé *** , nouvelle Édition , revue , corrigée
& augmentée , in- 12 , Prix , 2 liv. 10 fols relié. A
Paris , chez Charles -Pierre Berton , Libraire , rue
Saint Victor.
Cet Ouvrage avoit paru autrefois fous le titre de
l'Ami des Enfans , même avant celui de M. Berquin
, à qui l'Editeur rend juftice dans fon Avertiffement.
Le Cenfeur du Mentor fait de ce Livre un
jufte éloge lorfqu'il dit : L'Auteur n'a rien négligé
pour le mettre à la portée de ceux qu'il fe
propofe d'inftruire. Il donne aux Enfans des
» leçons bien utiles , & les préfente de la manière la
plus propre à les leur faire fentir & goûter.
"
GALERIE Hiftorique Univerfelle, par M. de
P ** . Prix , 3 liv. 12 fols le Cahier. A Paris , chez
Mérigo: le jeune , Libraire , quai des Auguftins ; &
à Valenciennes , chez Giard & chez les principaux
Libraires du Royaume & de l'Etranger.
Cette fixième Livraiſon contient les Portraits
'Annibal , de l'Arétin , de l'Empereur Augufte , de
Charles Eifen, Peintre , de Jeanne , Reine de France
& de Navarre , de Pierre de Jode , Graveur ,
Cardinal de Richelieu & du Père Sanadero,
du
1
142 MERCURE
ELOGE Hiftorique de Louis XII , ' par M. de la
Croix , Avocat au Parlement, in - 8 °. de 44 pages.
A Paris , chez Deffene , Libraire , au Palais Royal ,
& chez Belin , Libraire , rue Saint Jacques.
E
DÉ S Maladies de la Peau , particulièrement de
celles du vifage , & des affections morales qui les
accompagnent , leurs origines , leurs defcriptions ,
leur traitement ; par M. Retz , Docteur en Méde
cine , Médecin ordinaire du Roi , nouvelle Edition ,
corrigée & augmentée par des réfaltars de nouvelles
obfervations , avec figures , un Volume in 12 .
Prix , 15 fols broché. A Paris , chez Méquignon ,
Libraire , rue des Cordeliers.
IDEES fur les fecours à donner aux pauvres Malades
dans une grande Ville , Brochure de 64 pages.*
Prix , 15 fols . A Philadelphie : & fe trouve à Paris
chez Moutard , Imprimeur- Libraire , rue des Mathurins
, hôtel de Cluni.
Cette Brochure eft une de celles qu'il faut lire dans
ce moment où l'on s'occupe d'un objet fi utile à
T'humanité. Il y a des vues fages & bien rédigées.
"
LES Actions célèbres des grands Hommes de
toutes les Nations , deffinées par les meilleurs Maîtres
& gravées par P. Moithey , accompagnées
d'une Notice biographique & d'un Effai de ftyle
lapidaire , par M. P. Sylvain Maréchal , première!
Livraifon , in-4 ° . Prix , 4 liv. fur beau papier , &
6 liv, fur papier d'Annonay , Eftampes & Texte.
Le but de cet Ouvrage cft de faire connoîtres
chaque grand Homme par la plus belle action , qui
fournit le fujet de chaque Eftampe & d'une Inf.
cription en ftyle lapidaire. Après l'Infcription vient
une Notice qui donne d'autres détails fur la même
Vie. Enée , Scévola , Guillaume Tell & Thomas de
DE FRANCE. 143
Foix ont fourni le fujet des quatre Estampes de cette
première Livraiſon . Enes font gravées avec beaucoup
de foin , & la compofition en eſt agréable ;
elles doivent prévenir très-favorablement pour cette
Collection .
ESSAIS Hiftoriques fur les Moeurs des François ,
ou Traduction abrégée des Auteurs contemporains
depuis Clovis jufqu'à Saint Louis , dédiés au Roi ,
par M. de Sauvigny , Chevalier de Saint Louis , Cenfeur
Royal , &c. , in - 4 ° . A Paris , de l'Imprimerie
Polytype , rue Favart , & chez Cloufier , Imprimeur-
Libraire , rue de Sorbonne , & au Bureau des Effais
Hiftoriques , rue du Bacq , nº . 196.
Il paroît fix nouveaux Cahiers de cette intéreſfante
Collection , dont le fuccès s'affermit de jour
en jour.
LE Panthéon , ou les Figures de la Fable , deffinées
par M. Gois , Sculpteur du Roi , Profeffeur de
fon Académie , & gravées par Simon , avec leurs
Hiftoriques , par M. Sylvain Maréchal . Prix , 6 liv.
par Livraiſon in 4° , & 4 liv . in - 8 ° . A Paris , chez
Simon , rue Pagevin , nº . 16.
2. Cette Livraiſon contient quatre Estampes fort
bien gravées , & qui doivent prévenir très favorablement
pour cette Collection , qu'on recevra franc
de port par tout le Royaume en affranchiffant les
lettres.
L'Hiftorique qui accompagne chaque Eftampe eft
fait par M. Maréchal , qui recueille fur le fujet de cha
que Figure les diverfes opinions des Mythologiftes ,.
dont la difcordance déroute quelquefois les interprétations:
Chacun de ces morceaux nous a paru bien
rédigé,
DEESSA de l'Harmonie , Eftampe d'après
?
144
MERCURE
Mignard , gravée par N. Ranfonnette , Graveur ordinaire
de MONSIEUR . Prix , 3 liv. A Paris , chez
l'Auteur , rue Perdue , Place Maubert , n° . 6.
NUMERO 12 du Journal de Violon , dédié aux
Amateurs , pour deux Violons ou Violoncelles. Prix ,
15 & 18 liv. On foufcrit chez l'Auteur , M. Bornet
l'aîné , Profeur de Mufique & de Violon , rue
Tiquetonne , nº. 10.
NUMEROS 189 & 190 du Journal d'Ariettes
Italiennes , dédié à la Reine , contenant une Scène
del fignor Giordani. Prix , 3 liv. 12 fols , & un
Air del fignor Sarci . Prix , 2 liv . 8 fols. Prix de
l'Abonnement pour vingt-quatre Numéros , 36 &
42 liv. A Paris , chez M. Bailleux , rue Saint Honoré,
près celle de la Lingerie , à la Règle d'or.
TABLE.
MORCEAU fur les Serres Nature ,
chaudes ,
117
97 Elémens d'Hiftoire Nature e
& de Chimie , Charade, Enigms & Logogry
pha > 98 Variétés
1181
120
Nouveaux Synonymes Fran- Académie Roy. de Mufiq. 125
100 Comédie Italienne ,
fois,
Penfées Philofophiques fur la Annonces & Notices ,
PAYla
APPROBATIO N.
134
138
, par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure & France , pour le Samedi 16 Décem. 1786. Je n'y
si neu trouvé ani puido ez empêche , l'impreffion. A
Paris , le 15 Décembre . 1996. GUIDI
MERCURE
DE
FRANCE.
叉
SAMEDI 23
DÉCEMBRE 1786.
PIÈCES
FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
>M. D'A*** à Mme
D'HUICQUE , en
lui préfentant les Étrennes Lyriques .
Das
Étrennes de
Polymnie
Reçois , ma foeur, un nouveau choir ;
Embeliis des fons de ta voix
Ces doux caprices du génie.
Si par hafard dans ce livret
Tu vois , d'une Grâce ingénue
Ou des Amours quelque portrait
Crois que le Peintre t'aura vue
Mais dis , lorfque de l'Amitié
Tu verras le tableau fidèle :
Le Peintre qui l'a copis
A pris mon frère pour modèle.
N°. 51 , 23 Décembre 1786. G
146
MERCURE
QUATRE- VINGT CINQ eft éclipfé ;
Un nouvel an commence à poindre ;
Bientôt à l'an qu'il a chaſſè
Quatre-vingt-fix ira fe joindre.
Déjà deux fois douze printemps
Pour toi fe font hâtés d'éclore.
De tes beaux ans l'aimable aurore
Doit fuir fur les aîles du temps.
Hélas ! tu ferois immortelle
Si l'épouse du noir Plutus
Vouloit , plus jufte & moins cruelle ,
Compter tes jours par tes vertus.
TOUJOURS heureuſe , jeune , aimable
Près d'un époux que tu chéris ,
Parmi les Amours & les Ris ,
Réalifez tous deux la Fable
De Philémon & de Baucis.
Quand le fonge de votre vie
Sera près de s'évanouir ,
Comme eux gardez- vous de mourir ;
Mais trompez la parque ennemie ,
Et renaiffez , jeunes ormeaux ;
A l'Amitié toujours fidelle ,
Que je devienne tourterelle ,
Je gémirai fur tes rameaux.
( Par M. la Befnardière. 》
DE FRANCE. 147
ROMANCE fur la perte d'un Oifeau,
dédiée à mes Soeurs.
AIR de la Romance de Nina.
QUI
U'EST devenul'oiſeau charmant ,
Compagnon de ma folitude ?
Cher moineau , reviens promptement
Diffiper mon inquiétude.....
Ma voix t'appelle.... Hélas ! hélas !
Mon cher Lubin ne revient
pas.
BES careffes & ton amour
Soulageoient ma peine cruelle....
De mes amis , jufqu'à ce jour ,
Lui feul m'étoit refté fidèle:
Mais il s'envole.... Hélas ! revien
Pour mon bonheur & pour le tien.
Tu mourras de faim dans nos champs ;
De frimats la terre eft couverte.
Ton bonheur, aux jours du printemps ,
M'auroit confolé de ta perte....
Dans mon afyle , hélas ! revien ;
As-tu jamais manqué de rien ?
Jusqu'au mois de la volupté ,
Près de moi , reviens dans ta cage ; .
G
148
MERCURE
Puis je te rends la liberté
De faire l'amour au bocage....
En vain j'appelle .... Hélas ! hélas !
L'ingrat Lubin ne m'entend pas.
( ParM, de la Mothe. )
REPONSE A LA QUESTION :
Un homme gai eft- il plus propre qu'un
homme mélancolique à confoler un ami
affligé ?
Jen'aime
I'
E n'aime point à voir , quand le deſtin m'opprime,
Un foi- difant ami conferver fa gaîté ;
Elle aggrave mes maux ; j'ai pour lui moins d'eftime,
Et l'accufe tout bas d'infenfibilité.
Les pleurs de l'amitié font d'un heureux préfage ,
Si mon ami s'afflige , il me montre fon coeur ;
Ma peine eft adoucie alors qu'il la partage ;
Et fa douleur enfin confole ma douleur.
( Par M. de L.... , Ancien Moufquetaire. }
I I.
COMME l'oeil , dans la maladie ,
Ne veut qu'une foible lucur
De m'me la mélancolie
S'accen mode avec la douleur,
(ParM, Dehaufy de Robécourt.")
DE FRANCE. 149
. I. I I.
RAREMENT avec la gaîté
On foulage les peines;
Un bon ami , ( fuis- je attrifté )
Joint fes larmes aux miennes }
J'apperçois même ma douleur
Peinte fur fon viſage :
On n'adoucit notre malheur
Qu'autant qu'on le partage..
(Par M. le Comte de M. ) .
I V.
Pour effuyer les pleurs de votre ami ,
Le moyen le plus sûr eſt d'en répandre auſſi.
Auprès d'un malheureux la joie eft un outrage ;
Mais pleurer avec lui , fur fes maux s'attendrir ,
C'est lui prouver qu'on les partage ,
Et les maux partagés font bien près de finir .
( Par M. Lebrun , Maître de Langues à Lyon. )
V.
D'UNE ame où la douleur a verfé fon poiſon ,
D'un coeur à qui les maux n'accordent nulle trêve ,
Si le mélancolique , avec compaffion ,
Vient commencer la guérifon,j
C'est l'ami joyeux qui l'achève.
( Par M. le Ch. de... Offic. au Corps R. du Génie. )
G ül
9150
MERCURE
VI.
DE VALSAIN la mélancolie
Soulage par fois la douleur
Bont me diſtrait Damon par ſa folic ;
Mes chagrins avec l'un pèſent moins fur mon coeur ,
Avec l'autre je les oublie.
( Par le même.)
NOUVELLE QUESTION A RÉSOUDRE :
Eft - il plus doux d'avoir fa maîtreffe auprès
defoi quand on fe porte bien , que quand
on eft malade?
Explication de la Charade, de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercure précédent.
LE mot de la Charade eft Courage ; celui
de l'Enigme eft Globe de favon ; celui du
Logogryphe eft Livre , où l'on trouve ivre ,
Tueر ré,e.
A
CHARADE.
SES Sujets Louis eft mon premier,
Et le moindre d'entre - eux vivant dans mon dernier ,
Sait combien fa bonté brilla dans mon entier.
DE FRANCE
151
ENIGM E.
PAR contrainte & par violence
Je fors de mon affreux séjours
Et fitôt que je vois le jour ,
Je répands par-tout l'abondance ;
Je fais profpérer les États ,
Je fais le bonheur des Provinces ,
Je fais les délices des Princes
Et la gloire des Potentats.
Chacun fait piteaſe grimace
Si je ne viens à fon fecours ;
Et l'on verroit prefque toujours
Sans moi les Rois à la beface.
( Par un Citoyen de la Ville de N **. )
LOGO GRYPHE
MOBILE des vertus j'enfante des merveilles ;
A ma voix le Héros affronte le danger .
J'anime le Savant dans fes pénibles veilles ;
Je ne me montre à lui que pour l'encourager.
Si vous êtes jaloux , Lecteur , de me connoître ,
Retranchez à mon tout une certaine lettre ,
Il en reftera cinq , gardez -vous d'y changer.
Vous trouverez deux bourgs , une grande rivière. "
Giv
752 MERCURE
Rabattez de ces cinq , & coupez la dernière,
Malgré tous vos efforts je fuis une rivière.
Ne l'abandonnez pas , & cherchez moi fur l'eau
Je la chéris beaucoup en devenant oiſeau.
Trois lettres m'y feront goûter mille délices,
Treis lettres dans mon noin fupportent des caprices.
L'une peut être avant , l'autre peut être après ;
Comme vous l'entendrez , Lecteur , arrangez - les.
Pour moi , j'ufe du droit que le trio me donne ,
Je punis le coupable & monte fur le trône.
(Par M. de M... er de Cucuron. )
NOUVELLES LITTERAIRES.
TABLE AU des Révolutions de la Littérature
ancienne & Moderne , par M. PAbbé de
Cournand , Lecteur du Roi , & Profeffeur
de Littérature Françoife au Collège Royal.
A Paris , chez Buiffon , Libraire , hôtel de
Mefgrigny , 1786.
M. L'ABBÉ DE COURNAND eft connu par
fon Poëme des Styles , & par la Vie de Dom
Henri , Prince de Portugal ; il montre dans
Ce nouvel Ouvrage un goût favant & de
grandes connoiffances dans la Littérature
tant ancienne que moderne , tant étrangère
que nationale . L'Auteur fe préfente de trèsDE
FRANCE. 153
bonne grace , en déclarant qu'il ne parle de
rien d'après des Traductions ; qu'il a pris la
peine d'apprendre la langue de tous les peuples
dont il examine la Littérature ; qu'il a
voulu juger de tout par lui - même ; qu'il
n'aime point à répéter les jugemens d'autrui ;
& que ne fachant pas le Hollandois , il a mieux
aimé ne point parler de la Littérature Hollandoife
que d'en parler fur la parole , même
de ceux qui la connoiffent le mieux. L'Auteur
fait donc , outre le grec & le latin , toutes
les langues modernes qui ont une Littérature ,
à la réferve du hollandois ; & la connoiffance
de tant de langues feroit déjà un très grand
mérite ; mais un mérite beaucoup plus grand,
eft de fe dépouiller entièrement du jugement
d'autrui pour énoncer fon propre jugement :
chofe extrêmement rare ; premièrement, parce
que très- peu de gens ont un jugement à eux ,
& font avertis par un fentiment prompt &
sûr , de ce qui eft bon , de ce qui eft mauvais ,
de ce qui eft médiocre ; fecondement , parce
que les notions des chofes entrent dans notre
tête , accompagnées de jugemens tout portés ,
que nous n'examinons pas , & qui nous fubjuguent
pour toute la vie ; troiſièmement ,
parce que ceux qui pourroient avoir une opinion
à eux , & la motiver avantageufement
n'ont pas même quelquefois le courage de
l'énoncer , lorfqu'elle eft contraire à l'opinion
reçue. Or, une opinion reçue n'eft fouvent
qu'un préjugé général. L'Auteur promer
d'avoir ce courage , & il tient parole ; non pas
"
Gv
154
MERCURE
qu'entraîné par le goût du paradoxe , il prenne
plaifir , comme quelques Écrivains célèbres
, mais en cela peu louables , à combattre
par préférence les opinions établies ; il eft
très- fouvent de l'avis général ; mais il en eft
en effet, on le fent à la manière dont il énonce
cet avis , on fent qu'il en auroit été quand
même il n'y auroit point eu d'avis général ;
& quand il s'en écarte , il dit fes raiſons , fans
déclamer contre l'opinion qu'il attaque &
fans la méprifer.
Chaque Chapitre contient , 1 ° . l'Hiſtoire
des Lettres & de leurs révolutions chez la
Nation qui eft l'objet du Chapitre.
2º. Des jugemens fur les Écrivains les plus
célèbres qui ont fait époque ou révolution
chacun dans leur genre.
M. l'Abbé de Cournand n'ignore pas que
le même fujet avoit été traité en Italie par
M. Denina ; mais fa manière de voir ou de
fentir eft fi différente de celle de M. Denina ,
que la crainte d'écrire après cet Auteur n'a
pas dû le retenir ; ajoutons que la crainte
d'écrire fur un fujet après de bons Auteurs',
ne doit retenir que dans un feul cas , c'eſt lorfqu'on
n'auroit à dire précisément que ce
qu'ils ont dit : toutes les fois qu'on a , ou le
contraire à dire , ou feulement d'autres chofes
, ou des points de vue nouveaux à préfenter
, ou de nouvelles raifons à joindre aux
anciennes pour les confirmer , qu'on écrive
hardiment fur les fujets les plus & les mieux
›
DE FRANCE. 1.55
traités , & que le Public ne foit privé d'aucunes
lumières.
Nous allons parcourir quelques - uns des
jugemens de l'Auteur ; & s'il arrive quelquefois
que nous ne foyons pas de fon avis , nous
aurons comme lui le courage de le dire.
Il obferve que chez les Grecs il n'y a pas eu
d'autre caufe du progrès de la poéfie que leur
génie même. « Nous ne lifons nulle part ,
» dit-il , qu'Héfiode ait eu des encourage-
» mens des Princes & des riches de fon tems.
» On fait la vie pauvre & errante qu'Homère
» menoit dans la Grèce ; nul Troubadour ne
fut auffi malheureux que lui , & cependant
» la Nature eft fi belle & fi riante dans fes
vers , qu'on le croiroit nourri dans cette
opulence , qui peut tout peindre avec grace ,
» parce qu'elle jouit de tout avec profution. »
>>
ود
"
Mais favons nous affez certainement P'Hif
toire d'Héfiode & d'Homère , & des temps
où ils vivoient , pour prononcer fur les différentes
circonstances qui purent ou favorifer
ou traverfer leur génie ? Ce n'eft qu'un doute
que nous propofons ; mais le doute , quand
il s'agit de temps fi éloignés , n'eft jamais déplacé.
Les fucceffeurs d'Alexandre , à l'exception
des Ptolémées , en Égypte , furent peu favorables
aux Lettres. Il n'en fut pas de même
des Rois de Sicile , dit l'Auteur , ils attirèrent
les Arts & les Savans dans leur Ifle.
L'Auteur veut parler des Rois ou Tyrans
de Syracufe , d'Agrigente , &c. , tels que les
G vj
AG MERCURE
Hiérons , &c. Mais ce titre de Rois de Sicile
n'appartient- il pas exclufivement à l'Hiſtoire
Moderne ?
Tous les efprits fages . feront de l'avis de
l'Auteur dans les réflexions qu'il fait fur certaines
perfécutions fufcitées en divers temps.
par des Princes & des Miniftres contre les.
Gens- de-Lettres , & que les Gens- de- Lettres
fe font aufli attirées quelquefois par leur im
prudence & leur malignité. « En quoi on ne
fait , dit il , ce qui doit affliger plus , de
la pufillanimité de ceux- là , ou de l'indif
» crétion de ceux - ci . Quand on aime les Let--
• tres , & qu'on en fuit la carrière avec honneur,
on fe garde bien de fouiller faplume
par des libelles , par ces diffamations té-
» nébreuſes , qui ne font qu'irriter fans cor-
» riger , & dont l'effet ordinaire eft d'aigrir
» contre l'art d'écrire , l'homme puiffant qui
en devient le jouet ou la victime. »
Mais voici une autre idée qui ne fera probablement
pas du goût de tout le monde . En
parlant de la bibliothèque d'Alexandrie : " ce
fut peut-être un mal pour les Lettres , dit
» l'Auteur , que certe immenfe collection de.
Livres , que les Prolémées accumulèrent
→ avec tant de dépenfes & de foins. Je ne:
crains point de paffer pour barbare en
avançant cette efpèce de paradoxe.. Les
» effets font certains ; pourquoi ne pas nom-
» mer la caufe : Le premier intérêt des Lettres
, c'eſt la vérité ; or , la vérité nous
dit que les grands Hommes de la Grèce
ase
DE FRANCE. 157
» n'avoient pas eu befoin de tout ce bagage
» pour arriver à la gloire du génie. Il eſt à
» croire qu'ils lifoient peu ; mais ils obfer-
» voient beaucoup..... Tout fut perdu quand
» la lice ne fut plus remplie que de Compila-
» teurs & d'Erudits. "3
A ce compte nous ne ferions donc pas mat
de brûler toutes nos bibliothèques ; peut- on
le penfer ? Les effets font certains , dit l'Auteur
: quels effets ? Qu'il y a eu des Compilateurs
quand il y a eu des bibliothèques ? Mais
ces Compilateurs ont eu leur utilité ; & d'ailleurs
quel homme , pouvant prétendre à la
gloire du genie , ſe borneroit à être un fimple.
Compilateur ? Ceux donc qui fe font bornés.
à l'être, n'auroient été rien fans l'exiftence des
bibliothèques , & les bibliothèques ont créé
pour eux un genre d'utilité. D'ailleurs , à qui
les bibliothèques ne font elles pas utiles ? Ec
que deviendroient les gens de génie même
fans les livres ? Ils obferveroient , dit l'Au
teur. auroient beau obferver , que de
temps perdu avant que leurs obfervations les
élevaffent àla hauteur d'où les Livres les font
partir! Mais les grands Hommes de la Grèce.
lifoient peu ! Qu'en favons- nous ? Que favonsnous
quis étoient leurs fecours ? Qui peut fe
flatter de diftinguer ce qu'ils devoient à l'obfervation
& ce qu'ils pouvoient devoir aux
Livres H faut étudier & imiter la Nature ;
mais l'exemple de ceux qui l'ont bien imitée:
dirige dans cette imitation . L'Auteur repre
che en general aux Romains un goût d'imitar
158 MERCURE
tion qui lui paroît trop fervile dans de fi
grands hommes ; ils s'alferviffoient à fuivre
prefque en tout les traces des Grecs ; le peuple
le plus audacieux de la terre dans fes entreprifes
militaires fut , dit- il , le plus timide.
dans les Arts. Ceci rappelle le reproche que
M. Marmontel fait à Virgile dans fa Pièce des
Charmes de l'Etude.
Tu peins Didon , & tu n'as pas l'audace
D'aller fans guide à l'immortalité.
Il nous femble que l'Auteur maltraite un peu
Sénèque le Philofophe , l'Écrivain qui , après
tout , fournit le plus de ces maximes qui reviennent
d'elles mêmes dans la converfation ,
& qu'on aime à fe rappeler , & à caufe de
l'idée & à caufe de l'expreffion , Il eft plus favorable
à Quintilien . Il juge que le fiècle qui
a fuivi celui d'Augufte ne lui eft guèrés inférieur
; que Tacite ne l'eft point à Tite - Live &
à Sallufte , qu'il eft auffi grand peintre, & qu'il
l'emporte pour la profondeur. « La poéfie
» même n'étoit pas tellement déchue , qu'il
n'y eût encore des Poëtes très- eftimables ,
» comme Martial pour l'épigramme , où il
» mêle agréablement la naïveté , la fineffe &
la préciſion ; Juvénal , pour la fatyre , où
il est tout au moins le rival d'Horace ; &
la Pharfale n'étincelle-t'elle pas de beautés.
» fublimes ? N'eft elle pas un Poëme digne
" de la majefté de l'ancienne Rome ? Où eft
» donc ici la décadence des Lettres ? Je la
cherche inutilement , & il faut que je res :
"
"
»
20
?
DE FRANCE. 159
» tarde encore d'un fiècle l'époque de la cor-
❞ tuption du goût.
"3 29
M. l'Abbé de Cournand dit que les Cyprien
, les Auguftin , les Jérôme , les Ambroife
s'élevèrent fouvent au- deffus du mauvais
goût de leur fiècle. Nous ne favons fi on
peut dire que Saint- Auguſtin ſe foit élevé
au deffus du goût de fon fiècle & de fon pays ;
ce père eft favant dans la cité de Dieu , éloquent
& touchant dans fes Confeffions ; mais
en général fon ftyle compaffe , fymétrique ,
où prefque toujours le verbe répond au verbe
, le fubftantif au fubftantif, l'adjectif à
l'adjectif, l'adverbe à l'adverbe , eft l'antipode
du goût .
Tout ce que dit l'Auteur fur le Dante &
fur Pétrarque , nous paroît philofophique &
plein de goûr. Il évalue & compare l'influence
que ces deux Écrivains ont eue fur la langue
& fur la Littérature Italienne , & affigne des
caufes très vraisemblables aux divers degrés
d'influence qu'il attribue à l'un & à l'autre.
Dante & Pétrarque ont été contemporains ,
Dante a paru le premier. Plus obfcur dans
fon ftyle , plus bizarre dans la compofi
tion de fes tableaux , plus févère dans fes
images , plus étranger à fa nation par le caractère
même de fes talens, l'enthoufiafine qu'il
excita d'abord céda au plaifir que firent les
fonners & les chanfons de ce Pétrarque , fi
clair , fi doux , fi correct , fi élégant dans fon
ftyle. Pétrarque amoureux , paffionné pour la
belle Laure , donna le ton à l'Italie , parce
160 MERCURE
qu'il avoit celui qui convenoit le plus à l'état
actuel de cette nation ; fa langue , qu'il parla
fi bien , devint à jamais celle de l'amour.
Voilà , dit l'Auteur , à quoi tient fouvent le
génie des nations, à un grand Homme qui leur
imprime fon caractère ; il eft vrai qu'il faut
peut-être qu'il foit aidé , ou qu'au moins il ne
foit pas contrarié par les difpofitions générales
; avec cette feule condition , une nation
prend d'abord tel ou tel caractère , parce que
le génie d'un homme lui a fait goûter de certuins
plaifirs , & elle fe perpétue dans cet état ,
parce que l'imitation de tout un fiècle fortifie
ce caractère primitif, qui devient ineffaçable
quand la langue de cette nation a pris une
confiftance folide. On refte comme on étoit ,
parce qu'on s'eft accoutumé à une forte d'idées
au delà defquelles on ne voit rien de mieux.
Voyez , ajoute l'Auteur , juſqu'où un exemple
fé fuifant peut emporter une nation . Il y a
près de fix fiècles ( il falloit dire un peu plus
de quatre fiècles ) que Pérrarque n'ett plus ,
( il eft mort en 1374) & fon efprit domine
encore dans l'Italie . C'eft lui qui l'a remplie
de fonnets , dont les autres nations ne fe foucient
plus. Le peuple le plus ingénieux de
la terre eft ef lave de la coutume, & ne
" peut point fortir du cercle étroit que le
» Poëte de Vauclufe a tracé autour de lui. La
» deftinée de la langue qu'il parloit fut ba-
» lancée entre lui & le Dante. » Il étoit poffible
que le Dante l'emportâr , s'il avoit mieux.
choifi fon fujet & fait un ouvrage lus régu
«
|
DE FRANCE. 161
""
lier. Alors la langue Italienne auroit eu plus
de force & d'énergie , elle ne fe feroit point
amollie par ces peintures éternelles de l'amour
qui ont occupé depuis ce temps là les Poëtes
de cette nation ; mais Pérrarque enleva tous
les fuffrages , & le Dante n'eut que la feconde
place.
Les Concetti , dit M. l'Abbé de Cournand ,
font la tache originelle des Italiens , & il n'y
a aucun de leurs Poëtes qui en foit exempt.
Ils ont beau dire que chaque nation a fon goût
particulier ; ce qui eft réprouvé des autres
nations porte néceffairement l'empreinte du
mauvais goût .
Bocace , contemporain de Pétrarque , a
formé la profe Italienne , comme Pétrarque
la poélie. « Une eſpèce de fecte qui fe forma
en Italie , dans le quinzième ſiècle , vouloit
» que Cicéron fervit de modale à la
profe.
De là , ces longues périodes que l'on trou
"3 ve dans Bocice. »
23
Non , une fecte née dans le quinzième
fiècle ne peut pas avoir influé fur les Écrits
de Bocace , mort dès le quatorzième ; aufli
'n'eft ce pas là fans doute la penfée de l'Auteur
; mais feulement que le même efprit qui
forma long - temps après cette fete , avoir
animé Bocace , & lui avoit infpiré ces longues
périodes , cette affectation de rejeter les verbes
à la fin de la phraſe , au préjudice de la
précifion & de la clarré .
Le même efprit préfida auffi à la formation
de la profe Françoife ; elle fut , dans Balzac &
162 MERCURE
dans les Écrivains de Port- Royal , trop périodique,
trop nombreuſe , trop embarraffée de
particules conjonctives ou fufpenfives , trop
chargée de membres & d'incifes : on ne ſe
contentoit point des liaiſons qui fe font par
le fens , on vouloit qu'elles fuffent toutes exprimées
par des formules , & peut-être toute
profe fe forme- t'elle d'abord ainfi ; l'exemple
de Cicéron peut y contribuer dans les
langues modernes , ce n'eft que par degrés
qu'elle fe dégage de tout cet attirail embarraffant
, qu'elle fe met plus à fon aife , qu'elle
devient plus libre , & qu'elle s'affranchit des
liaifons grammaticales , en confervant toujours
la liaiſon des idées.
L'Italie précéda dans les Lettres les autres
nations modernes ; ellé recueillir la première
les débris de la Littérature grecque ; mais
comme tout n'eft que révolution , elle déclina
quand les autres nations s'élevèrent ,
M. de Cournand fait à ce fujet la réflexion
fuivante:
« Si les Italiens en général , fi clairvoyans
» fur leurs intérêts , avoient fuivi les progrès
» de la révolution qui s'opéroit en Europe ,
» ils auroient changé de ftyle & lutté avec
les nations qui commençoient à s'éclairer.
» Comme ils étoient plus avancés qu'elles ,
ils auroient foutenu leur prépondérance ,
» & peut-être que leur langue feroit devenue
» la langue univerfelle de l'Europe.
33
'"
Quelques perfonnes attribuent au goût général
de la mufique en Italie, la décadence des
DE FRANCE. 163
Lettres dans cette contrée , & ils regardent
ce goût comme un obftacle à leur rétabliffement.
M. de Voltaire étoit de cet avis , & on
lui a plufieurs fois entendu dire : Voyez ce
que font devenus les Italiens depuis qu'ils fe
font mis à chanter ! On ne voit pas cependant
bien fenfiblement ici la relation de la cauſe à
l'effet , & l'Auteur obferve avec raiſon qu'il
y a un rapport intime entre l'art du chant &
Yes
les ouvrages d'imagination ; que les Grecs
étoient tous Muficiens , ce qui ne les empêchoit
pas d'avoir des Platon , des Xénophon ,
des Sophocle & des Euripide. Il cherche une
autre caufe de cette ſtagnation des talens ; &
cette caufe eft , felon lui , que l'Italie ne forme
plus une grande nation comme du temps des
Romains. Fort bien ; mais dans des temps où
elle ne formoit plus une grande nation , elle
a eu le fiècle de Léon X; auffi l'Auteur ajoutet'il
qu'elle n'a plus d'États puiffans comme la
République de Florence , l'État de l'Églife ,
& celui de Venife au feizième fiècle. Mais
l'état actuel de l'Italie ne diffère pas effentiellement
de ce qu'il étoit au feizième ſiècle ,
& la puiffance relative des divers États qui la
compofent , eft toujours à peu- près la même
Ce n'est donc peut- être pas encore là cette
caufe que nous cherchons. L'Auteur en imagine
encore une autre qu'il n'avance , dit- il ,
qu'en tremblant ; c'eft que les richelles des
Arts , tels que la Peinture, la Sculpture , l'Architecture
, font peut - être un obſtacle au
règne des Lettres en Italie ; on fe partage en
164 MERCURE
$
"
22
Artiftes & en Amateurs ; toute l'attention. fe
porte fur les ftatues & les tableaux ; « il n'en
refte plus pour ces pénibles opérations de
» l'efprit , qui enfantent des chef- d'oeuvres
» fupérieurs aux tableaux & aux ftarues. » A
l'appui de cette conjecture , l'Auteur cite
Corinthe & Rhodes , qui abondoient en Artiftes
& en chef- d'oeuvres des Arts , & qui
ne prirent jamais un certain effor dans les
Lettres. Mais outre qu'on peut répondre à
ces deux exemples par l'exemple d'Athènes ,
qui cultivoit avec un égal fuccès les Arts &
les Lettres , on pourroit oppofer à l'Auteur ce
qu'il a dir plus haut du rapport qui fe trouve
entre les monumens des Arts & les ouvrages
d'imagination. " Ce fut, dit M. le Préfident
» Hénault , ce fut la renaiffance des Lettres
qui , en étendant l'efprit , fit appercevoir
de ce qui manquoit dans tous les genres.
Les Aris fe perfectionnèrent par la culture ,
& leur culture fournit de nouvelles idées ;
on commença à fe trouver trop rellerré;
» à mefure que l'on penfa davantage , on eut
honte du peu dont on s'étoit contenté juf
ques- là ; & quand une fois l'imagination
» fe fut ouverte , elle regagna bien vîte
» tout le temps où elle avoit été enveloppée
» dans les ténèbres de l'ignorance . » C'eſt
ainfi qu'il y a toujours action & réaction des
Lettres fur les Arts , & des Arts fur les Lettres ;
& en effet , nous voyons dans tous les temps
les Arts & les Lettres marcher d'un pas égal
dans leurs fuccès & dans leur décadence.
33
DE FRANCE 165
" Il ne faut point , dit M. l'Abbé de Cour-
» nand , defefpérer d'un peuple qui a fous fes
» yeux les plus précieux reftes des fiècles de
fa gloire. Le feu du génie eft encore dans
» ce pays ; il y eft caché fous la cendre : il ne
faut qu'une étincelle pour le rallumer.
» Alors l'Italie cellera , pour maſquer fon indigence
, d'oppofer aux excellens Livres
» qui ont paru en Europe depuis cinquante
ans , les compilations indigeftes de Mura-
» tori , & c. »
"
Mais l'Italie n'oppofe vraisemblablement
fon Muratori qu'aux Compilateurs des autres
nations ; & dans ce genre Muratori mérite
en effet d'être cité.
23
99
M. l'Abbé de Cournand , en faisant aux
Efpagnols le reproche d'enflure qu'on leur a
toujours fair , obferve avec goût à ce fujerque
le langage le plus pompeux des Romains
n'avoit rien d'enflé ; ils difoient avec fimplicité
ce qu'ils faifoient avec grandeur ; « & fi
quelquefois leur ftyle prend une certaine
emphafe , celà vient de la nature des cho-
» fes , & du fentiment jufte d'une élévation
qui n'a jamais rien eu d'égal fur la terre, Le
populum latè regem , le tu regere imperio ,
» & quelques autres traits femblables de Vir-
" gile n'ont rien d'enflé ; c'eft l'expreffion
fimple de la puifance Romaine ; le mot
» eft au niveau du fujet , & le Poëte n'eft
point gigantefque,
33
"
ور
L'Europe doit aux Eſpagnols les premières
idées du Théâtre ; ils ont été les pères de la
166 MERCURE
>
Tragédie & de la Comédie ; quand ils n'auroient
que cette feule gloire en Littérature
elle leur fuffiroit. Quelle nation moderne
peut produire un plus beau titre que celui- là ?
Les Efpagnols réuffiffent encore dans la poéfie
paftorale. M. l'Abbé de Cournand juge que
Fielding s'étoit propofé Cervantes pour mo
dèle.
Le fonnet s'eft perpétué chez les Eſpagnols
comme dans la patrie de Pétrarque . « Leur
" genre eft fur-tout le mélancolique & le
langoureux pouffe encore plus loin qu'en
Italie , parce que l'Eſpagnol a une teinte
plus forte de ce caractère qui incline à la
trifteffe. »
33
"
"3
"
L'Auteur ne tient pas compte à l'Eſpagne
de ceux de fes Écrivains qui ne font vantés
que par elle ; ce ne font pas , dit- il très -lenfément
, de véritables richeffes , que celles
qui n'ont de cours que dans un pays.
Le Poëme du Camoëns eft un Livre d'éducation
pour le Portugal , comme les Poëmes
d'Homère l'étoient pour la Grèce , " & l'on
» trouveroit dans ce pays - là plus d'un Ci-
" toyen qui partageroit l'indignation de l'Alcibiade
des Grecs , fi ce Poëte national
» étoit négligé ou méconnu quelque part....
» Avec Camoëns s'exhala , pour ainsi dire ,
le dernier foupir de la Littérature Portugaife.
"
"
En traitant de la Littérature Françoiſe
l'Auteur fait cette obfervation fur Amiot :
Il rendit un ſervice important à la nation
$1
":
DE FRANCE 167
par fa Traduction de Plutarque. « On l'a
» retraduit plufieurs fois depuis , & Amiot
» eſt toujours refté . C'eſt qu'Amiot eft plein
» de l'efprit de fon Auteur ; qu'il femble
» avoir vécu dans l'antiquité , & s'être imbu
» des moeurs dont il trace la peinture..... Il a
» même un charme de plus que l'original ,
» une naïveté qui ne fe trouve point dans
Plutarque.
"
" ""
Elle ne s'y trouve point , & elle ne doit
point s'y trouver. Les fujets que traite Plutarque
n'admettent point cette naïveté ; mais
du temps d'Amiot , la naïveté étoit prefque
le feul caractère de la langue Françoife ; &
cette naïveté , appliquée à la traduction de
récits nobles & philofophiques , ont fouvent
l'air d'un badinage & d'une parodie. Autant
elle eſt charmante dans la Traduction des
Amours de Daphnis & Chloé , où elle
donne à cette Traduction l'air d'un original
autant eft- elle quelquefois déplacée dans l'Hif
toire des grands Hommes. Ce n'eſt pas la langue
du fujer comme dans Daphnis & Chloé,
A l'article Malherbe , après avoir donné à
ce Poëte tous les éloges qui peuvent juſtifier
ce mot de Boileau ;
Enfin Malherbe vint.
L'Auteur fait des réflexions bien juftes ;
« Malherbe , dit- il , tourne quelquefois fa
» penſée avec trop d'affectation . Il propoſe
» trop fouvent à fes Héros d'aller détrôner
" le Sultan ou le Sophi ; cela lui fournit des
168
MERCUREA
"
N
trophes où il y a peu de bon lens & de
veritable grandeur , quoique le ſtyle en.
foit pompeux & empoulé. Cette exagéra-
» tion ne choquoit point alors , parce qu'on
» ne fentoit point la jufte meſure des chofes ,
» & que ce ton étoit à la mode chez tous les
» Poëtes. Si ce langage exagéré s'étoit por-
» pétué parmi nous , notre poéfie reflem- :
» bleroit trop à celle des Poetes du Midi", &
» nous n'aurions point ce caractère précieux
qui nous appartient en propre , l'art des
» convenances & la fageffe du ftyle.p
"
"
"
Dans ce même Chapitre de la Littérature
Françoife , l'Auteur revient fur la fameufe
querelle des Anciens & des Modernes . Il n'eftpoint
étonné qu'on préfère Racine à Euripide ,
& Corneille à Sophocle ; " pour Molière ,
dit- il , il n'y a point de comparaifon à faire
» de lui avec Plaute & Térence. Phèdre ne
peut pas foutenir le parallèle avec La Fon
» taine ; Boileau eft tout au moins le rival
d'Horace dans l'Art Poétique ; la profe de
» Boffuet , de Fléchier , de Fénelon , vaut
» bien celle de Démosthène , de Cicéron &
» de Platon. Malebranche , dans fa manière
» d'écrire en philofophie , s'égale aux plus
» grands Hommes de l'antiquité . Pr la
morale , que peut on oppofer à la Rochefoucault
, à Pafcal & à La Bruyère ? Ainfi ,
» la queſtion refte tout au moins indéciſe ,
» & l'on ne me reprochera point de flatter
» ici les modernes. J'aime les anciens , j'en
» ai fait l'étude de toute ma vie ; je crois avoir
35
33
une
1
2
DE FRANCE. 169
» une ame qui fent vivement leurs beautés ,
mais je ne puis me diffimuler à moi -même
» le plaifir que font tant d'heureufes intations
de leur génie , tant d'ouvrages créés
» d'après eux. Je fuis forcé de rendre hom-
» mage à la vérité. L' n'y avoit donc pas tant
» de déraiſon dans l'opinion de La Motte &
» de Fontenelle..
Il y a du mérite dans cette fage & noble
impartialité ; & tel est l'efprit qui préfide à
tout l'Ouvrage . L'article de la Littérature Angloife
, qui étoit fufceptible de partialité ,
nous paroit à l'abri de tout reproche. En général
,fi les idées de l'Auteur méritent quelquefois
d'être combattues , elles méritent toujours
d'etre eftimées , & fes erreurs même
font ingénieuſes.
Le Ayle en général eſt clair , élégant & de
bon goût, on rencontre cependant quelquefois
des tours de phrafe qui tiennent à d'ancieus
ufages , ou peut- être à quelque erreur ,
& dont il eft par confequent néceffaire d'avertir
l'Auteur. Telles font celles - ci :
« Nous avons cru rendre un fervice im-
» portant à nos Lecteurs , que de leur indiquer....
les guides qu'ils doivent fuivre.
Malheureuſement que cet état ne fut pas
de longue durée.
» On auroit cru fe corrompre que d'adop-
» ter les Arts des Grecs. »
Dans toutes ces phraſes on retranche aujourd'hui
le que; & dans la première & dan
la troisième phrafe , on évite ordinairement
No. 51 , 23 Décembre 1786 . H
170
MERCURE
B
l'infinitif; la tournure la plus naturelle eft :
Nous avons cru rendre fervice aux Lec-
» teurs , ' en leur indiquant , &c. . :
"
» On auroit cru fe corrompre en adoptant
les Arts des Grecs.
ور »LesProconfulsRomains,quelquefois
» gens d'efprit , plus fouvent hommes faftueux
& livrés à leurs plaifirs , dédaignoient
» de s'enquérir des peuples qu'ils dépouilloient.
» .3
Peut-on employer ainfi abfolument le mot
s'enquérir , fans dire de quoi on s'enquiert ?
THEATRE Moral , ou Pièces Dramatiques
nouvelles , par M. le Chevalier de Cubières ,
des Académies & SociétésRoyales de Lyon,
Dijon , Marſeille , Rouen , Heffe- Caffel ,
&c. Tome 2. A Paris , chez Cailleau ,
Imprimeur- Libraire , rue Galande, N°. 64;
Bailly , rue S. Honoré , près la rue des Petits-
Champs , & Belin , rue S. Jacques , près
S. Yves .
CE Volume contient cinq Comédies & un
Mélo Drame. Il eft précédé d'un dialogue entre
l'Auteur & un Homme de Goût , dont le
but eft de répondre aux critiques que l'on a
déjà imprimées contre le fyftême Dramatique
de M. le Chevalier de Cubières , & de prévenir
celles que de nouvelles productions
pourroient faire naître encore. Parmi lun
grand nombre de réflexions dont nous examinerons
rapidement quelques - unes dans
DE FRANCE. 171
و د
"
"3
"
ور
le cours de cet article , il faut diftinguer
celle- ci , qui ne regarde point l'Art Dramatique
, & nous la citerons d'avance . « Les
» Journalistes d'aujourd'hui font comme
les dévots d'autrefois ; ils voient par- tout
» des héréfies : de toutes les claffes de Gens-
» de- Lettres , c'ett celle où il y a le plus de
préjugés ; tout s'éclaire autour d'eux , & ils
" reftent dans les ténèbres : l'obſcurité qui
» les environne paroît être une punition de
leur opiniâtreté & de leur intolérance : ils
» injurient ceux qui veulent leur montrer la
» lumière ; il faut les plaindre , continuer de
» la leur montrer , & ne leur point dire d'in-
» jures. » Il feroit facile , en changeant quelques
mots à cette phrafe , de la tourner contre
les novateurs en littérature , & peut- être
l'application en feroit elle piquante ; mais
nous n'employerons point de pareilles armes
contre M. le Chevalier de Cubières. Il s'eſt
fait & il conferve de bonne- foi les principes
qu'il développe dans fes Préfaces , & qui font
la bâfe de fes écrits ; fa perfonne eft eftimable
; fes Ouvrages refpirent l'amour du
bien , de l'honneur & de l'humanité : avec un
homme de ce caractère , il ne faut pas difputer
, il faut raiſonner & s'inftruire . Nous
fommes éloignés de vouloir excufer les excès
que fe permettent certains Journaliſtes ; mais
tous les Critiques fe reffemblent- ils ? N'en
eft- il point parmi eux qui avent des principes
fans préjugés , de la fermeté fans intolérance ,
& qui cherchent à relever , fans injures , ce
Hij
1720562
MERCURE
qu'ils regardent comme des erreurs ? Nous ne
dirons point avec certains fanatiques , que
les principes du goût font éternels ; rien de
fmobile que cette qualité de l'efprit qu'on
appelle goût : elle eft fufceptible de varier fuivant
que les lumières s'éteignent , fe divifent
ou s'agrandiffent , & il eft poffible que le goût
d'un fiècle ne reflemble point du tout à celui
d'un autre. Mais quand fur la foi des Auteurs
les plus juftement célèbres,& d'après l'autorité
des Légiflateurs de notre Parnaffe , nous avons
adopté , en Littérature , des idées généralement
fuivies par les plus illuftres Écrivains de
notre temps ; quand ces idées ont été le fondement
des productions les plus admirées ,
non feulement par nous , mais encore par
toutes les nations à qui notre langue eft familière
, en fuppofant qu'elles foient des erreurs
, faut- il y renoncer au premier ordre
qu'en donne un
Écrivain
qui a le courage de
tout ofer ? Il nous femble que quand il faut
abjurer de vieux principes pour en adopter
de nouveaux , on ne fauroir employer trop de
circonfpe&tion , & qu'on ne doit le réfoudre
à changer qu'après un très-mûr & très long
examen. La miflion des Journaliſtes eft de
donner aux curieux , aux oififs , aux gens détournés
de l'étude de la Littérature , par les
fonctions plus importantes de leur état , une
connoillance exactedes productions nouvelles,
de les apprécier, dedévelopper les principes des
Arts, en s'appuyant fur des autorités univerfellementrefpectées
: yoilà ce qu'on attend d'eux,
DE FRANCE. 173
cequ'on en exige. Ce n'eft point à eux à donner
le fignal des révolutions ; ils doivent feulement
en examiner les caufes , les combiner , en rendre
compte, & ne fe décider pour une innovation
, qu'après qu'ils fe font convaincus qu'elle
doit être indifpenfablement & néceffairement
utile. Nous difons qu'ils doivent fe décider
tard , non pas que nous croyons que
leurs vues foient généralement & fubitement
adoptées , mais parce qu'elles le font
toujours par ceux qui n'en ont point , qui
ont befoin que l'on penfe , que l'on réflé
chiffe pour eux ; enfin parce qu'ils entraînent
les efprits foibles , les gens peu éclairés , &
ceux - ci forment le plus grand nombre.
Ainfi , nous appellerons prudence ce que M.
de Cubières nomme aveuglement , principes
ce qu'il regarde comme des préjugés , & courage
ce qu'il appelle intolérance. C'eft dans ce
fyftême que nous allons jerer un coup - d'oeil
rapide fur les Comédies qui compofent le
Volume dont nous voulons entretenir nos
Lecteurs .
Dans l'Amant garde-malades , Comédie en
trois Actes & en profe , Lindor s'introduit
fous les vêtemens d'une fille , dans la chambre
de Julie , fa maîtreffe ; il la foigne , il la
veille en préſence même de fon père , qui ne le
reconnoît point , & qui lui a refufé la main de
fa fille. Le jeune homme aimoit une Marquife
de Vielhorme , qu'il a quittée pour Julie.
L'orgueil , la haine & la vengeance animent
la Marquife, qui empoifonne une potion que
Hiij
$74 MERCURE
Julie doit prendre. Lindor foupçonne le cri
me, il avale quelques gouttes de la potion ,
dont il ne tarde pas à reffentir les cruels effets.
Heureufement un Médecin , qui joue dans la
Pièce un rêle très- intéreffant , fe trouve- là
tout-à- point pour lui donner un antidote. On
apprend que la Marquife s'eft empoifonnée
après fon forfait ; & le père de Julie , en renonçant
à une haine de famille en faveur du
courage & de l'amour de Lindor , confent à
l'accepter pour gendre .
M. de Cubières appelle cette Pièce une Comédie
, parce que Mme de Sévigné a écrit que
Racinefaifoit des Comédies , ou parce que M.
Diderot a diflingué deux fortes de Comédies ,
la Comédie gaie , qui a pour objet le ridicule
& le vice , & la Comédie ferieufe , qui a pour
objet la vertu & les devoirs de l'homme. L'autorité
de Mine de Sévigné eft au moins hafardée
en matière dramatique , ne nous y arrêtons
pas. Celle de M. Diderot peut avoir
plus de poids ; mais eft- elle ici bien appliquée ?
Et M. Diderot auroit- il appelé Comédie une
Pièce dans laquelle une Mégère vient empoi
fonner fa rivale pour s'empoifonner ellemême
enfuite ? Non fans doute ; il l'auroit
compriſe dans la claffe des Tragédies , qui ;
pour nous fervir de fes expreffions , ont pour
objet nos malheurs domeftiques : ainſi , l'Amant
garde - malades eft tout bonnement une Tragédie
Bourgeoife. Nous n'examinerons pas s'il
eft bien vraisemblable que Lindor refte avec
Julie pendant deux Actes fans qu'elle le reDE
FRANCE. 175
connoiffe ; fi le but que s'eft propofé l'Auteur ,
celui de foudroyer la tyrannie & l'injuflice de
certains pères , eft bien rempli dans cet Quvrage;
mais nous obferverons que le caractère"
de Mme de Vieilhorme eft révoltant ; que
la fituation de Lindor auprès de Julie n'eft
pas dans les bienféances , & qu'il feroit impoflible
de le voir au Théâtre , fans en être)
choqué , s'approcher du lit de fa maîtrelle',
s'en arracher avec une espèce d'égarement
s'écrier : « Un mouvement a dérangé le voile
» qui couvroit fon fein , & tous les tréfors
و د
cr
qu'il renferme ont frappé mes regards brû-
» lans. J'ai pu même , j'ai ofé contempler un
" moment ces enchanteurs redoutables. »
Nous fommes peut être hérétiques ; mais
nous avouerons que nous ne fommes pas affez
éclairés pour trouver cela aufli beau que cela
nous paroît neuf.
Dans la Diligence de Lyon , Comédie en
trois Actes & en profe , le Prince Salvator
voyage incognito , & fe trouve confondu avec
un Maître d'Hôtel , un Coeffeur , un Tailleur ,
une Marchande de Modes , qui font les importans
,&& traitent ce Prince avec beaucoup
#
de dédain . Une Préfidente de Tonanville ,
femme d'un tempérament très - inflammable
, fe prend de belle paffion pour le Prince ,
qui la laiffe berner par fon Ecuyer dans un
rendez- vous nocturne. Pour le venger , la
vieille coquette dénonce le Prince à la juftice
comme un Capitaine de Voleurs . Le Prince a
rencontré dans l'auberge où la diligence s'eſt
Hir
176 MERCURE
arrêtée , une Miladi Semours , qu'il aime depuis
long- temps , & Milord Brumton , fon
oncle. La folie de la Préfidente , & linfolence
du Coeffeur occafionnent entre les amans une
altercation qui fe termine bientôt à l'amiable.
La Juftice arrive ; chacun eft bien furpris
quand on apprend qui font le Prince , Milord
& Miladi . La Préfidente fort furieufe , les
impofteurs font démafqués ; mais le Prince
Kur pardonne , & ils en font quittes pour
alier fe coucher fans fouper.
Cette Comédie eft fans doute du genre
gai ; mais fa gaîté fera t'elle du goût de tout le
monde ? Nous ne le croyons pas . Mlle Pouf,
M. de la Remoulade , M. Frippart & M. de la
Farinière paroîtront à bien des gens des perfonnages
étrangers à la Comédie morale ;
bien des gens ne voudront pas croire qu'une
Pièce telle que la Diligence de Lyon, foit une
leçon de politeffe pour tous les hommes , &
que ce foit en humiliant un Coëffeur , une
Marchande de Modes , un Tailleur & un
Maître d'Hôtel , qu'on puiffe donner une
leçon aufli générale: mais peut- être y a - t'il en
core trop de goût pour qu'il foit facile de fentir
le but de l'Auteur. Neplaignons pas M.de
Cubières , comme il veut qu'on plaigne les
Journaliſtes ; le fentiment de la pitié feroit
très-déplacé avec un homme tel que lui ; étonnons
- nous feulement de le voir fi fouvent ,
avec des lumières , s'écarter de la fin qu'il fe
propofe.
-
L'Épreuve fingulière , Comédie en trois
DE FRANCE. 177
Actes & en profe , eft en effet une très - fingulière
épreuve. Ladi Welton , pour éprouver
le Lord Dambi , fon amant , qui vient de
voyager , fuppofe qu'elle a été obligée , à la
fuite d'une maladie, de fe faire couper une
jambe , & elle feint de ne vouloir plus l'époufer
, dans la crainte qu'il ne devienne infidèle.
Le Lord ne trouve pas de moyen plus capable
de la raffurer que de fe faire couper une
jambe , il s'y détermine ; & dans l'inſtant où
il va forcer un Chirurgien à lui faire l'am
putation , Miladi entre , & fa Femme- dechambre
explique la rufe qu'elle feule a imaginée
& qu'elle a fait approuver par fa maîtreife .
L'Auteur déclare que ce n'eft pas pour engager
les François à faire des facrifices femblables
à celui que veut faire le Lord Dambi ,
qu'il a compofe fa Pièce ; mais pour les
porter à exécuter mille autres projets qui les
couvriroient de gloire , fi c'étoit l'amour qui les
leur dictat. Nous croyons qu'il falloit prendre
une autre route , & que ce n'eft pas l'exemple
d'une extravagance qui peut infpirer
T'amour des grandes actions.
310
Nous ne dirons rien de Galathée , Comédie
en un Acte & en vers , parce qu'elle eft connue
depuis long- temps. Nous ne ferons qu'indiquer
les Bracelets , Comédie en un Acte
& en profe , dont le but eft de prouver qu'il
faut exercer la bienfaifance avec difcernement
, pour ne pas compromettre ceux qu'on
oblige & foi-même.
Le Volume eft terminé par Orefte & les
Hv
" MERCURE 178
Furies , Mélodrame en trois Scènes . M. de
Cubières en a pris le fonds dans les Euménides
d'Efchyle ; mais il a renchéri fur les
idées du Poëte Grec. Il lui a paru inconcevable
qu'un tribunal de fages eût oſé abſoudre
un parricide , que des Auteurs Dramatiques
euffent ofé confacrer le crime & l'expiation
, & il a penfé qu'il n'étoit point de fupplice
affez long , affez cruel pour un fils meurtrier
de fa mère. Il a donc préfenté Orefte
invoquant en vain les hommes & les dieux ,
écrâfé fous le poids de fon crime , & perfécuté
par tout par les furies & par les remords
les plus déchirans , fans pouvoir eſpérer de
pardon. Le but moral de ce Mélodrame eſt
bien fenti , & l'Ouvrage eſt écrit avec cette
chaleur qui annonce une ame fortement pénétrée
de fon fujer.
En général, on peut dire que c'eft le defir
d'être original qui égare le plus fouvent M. de
Cubières , au moins fi on le juge d'après le principes
reçus ; car toutes les fois qu'il ne court
point après des fyftêmes , il a une manière de
voir jufte , fon ftyle eft clair & fa raifon preffante.
Ce qu'il dit de nos Comédies modernes,
qui paroiffent toutes jetées dans le même
moule , & qui ne tendent guères qu'à la même
fin , eft abfolument vrai. Il a apperçu le mal
atta hé depuis long- temps à notre Art Dramatique
, ils'agit de trouver le remède ; mais il
faut le chercher avec patience , multiplier les
eff is avant de vouloir offrir des modèles , &
fur tout ne pas détruire tout ce que nous avons
DE FRANCE. 179
de principes refpectables, pour y fubftituer des
raifonnemens captieux , une poétique à fon
lage & les fyftemes de fon imagination .
( Cet Article eft de M. de Charnois. )
SPECTACLE S.
CONCERT SPIRITUEL
LE dernier Concert fut une eſpèce d'hommage
rendu à la mémoire de Sacchini . On y
exécuta fon Oratoire d'Efther , qui eut un
fuccès plus grand encore , s'il eft poffible ,
que les deux premières fois ; plufieurs.
perfonnes à qui cette Mufique rappeloit
la perte que l'Art a faite de ce grand Homme
, en furent émues jufqu'aux larmes. On
entendit auffi un morceau intitulé : L'Ombre
de Sacchini , paroles de M. Moline, Mufique
de M. l'Abbé Lefueur. Ces paroles ayant été
imprimées dans plufieurs Journaux , le Public
eft à portée de les juger ; nous dirons,
feulement qu'on s'étoit attendu à les voir
traiter dans un genre majeftueux & lugubre ,
& que le Compofiteur, au contraire, a cherché,
à leur donner le ton de l'apothéofe . Cette
diverfité d'opinions a nui à l'effet de la Mufique
mais on ne doit pas en favoir moins de
gré à M. l'Abbé Lefueur des efforts qu'il a
faits pour exprimer fa reconnoiffance envers
un grand Homme , dont il avoit reçu des
marques d'eftime & d'amitié. M. Levaffeur ,
5:
2
Hvj
180
MERCURE
Elève d'abord de M. Cupis, & enfuite de
M. Duport, a joué un Concerto de Violone
celle de ce dernier Maître avec infiniment de
grace & d'intérêt. Il a un très beau fon , un
jeu noble & mâle , & fa jeuneffe , ainſi que
les foins du Maître dont il reçoit encore les
confeils , doivent donner de luiles plusgrandes
efpérances. Nous ne dirons rien de Mlle Silberbaur.
L'extrême rigueur avec laquelle le
Public l'a traitée , prefque avant de l'entendre,
ne nous permet pas d'avoir aucune opinion
fur fon talent. Le Te Deum de M. Philidor ,
exécuté au commencement du Concert , a
été reçu, comme la première fois , avec un
jufte enthoufiafme.
ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.
L'OPERA de Phèdre , dont on continue les
repréſentations , dégage de quelques longueurs
, a enfin ramené tous les fuffrages ,
ainfi que nous ett avions eu l'efpoir. La Mu
fque fimple , naturelle , facile , qui n'employe
pas de moyens violens , exagérés , ne
frappe pas d'abord nos oreilles encore un peur
dures ; il lui faut du temps pour pénétrer jufqu'au
coeur ; mais quand une fois elle y a
réuffi , fon faccès eft plus certain & plus
durable que cet enthoufiafime paffager qu'excite
quelquefois la Mufique bruyante. Le
bruit peut faire naître livreffe ; mais quand
Fivreffe eftpaffée , elle ne laiffe aucune trace
de plaifir.
DE FRANCE. 181
COMÉDIE ITALIENNE
DEPUIS Clariſſe Harlove & le roman de
Tom-Jones , aucune des productions angloifes
de ce genre n'a obtenu en France un fuccès
plus univerfel & plus rapide que Cécilia ,
ou les Mémoires d'une jeune Héritière , par
Miff Burnet. Cet Ouvrage , qui a montré
dans une femme , & dans une femme trèsjeune
, un digne fucceffeur des Richardfon
& des Fielding , eſt également eftimable par
la variété de fes tableaux , par l'oppofition
des caractères , par la peinture des ridicules
& des moeurs , par l'art infini avec lequel
les incidens font enchaînés , par le mou
vement de l'action dont tous les fils fe rapportent
au caractère principal ; enfin , par
Tintérêt qui , après s'être accrû progreffivement
dans tout le cours de l'Ouvrage , prend
à la fin un degré de chaleur plus vif, plus
preffant , & répand fur la cataftrophe la
plus attachante , tout ce que peuvent avoir
de charmes , l'humanité , l'amour , la fenfibilité
, la reconnoiffance & l'amitié. C'eft
dans ce roman qu'un Auteur , qui vient de
débuter dans la carrière dramatique le Jeudi
14 de ce mois , a puifé le fonds de Cécilia ou les
Trois Tuteurs, Comédie en trois Actes & en
profe mêlée d'ariettes. A peine reconnoît- on
dans cette Comédie l'ouvrage de Miff Butnet;
les caractères de fon Roman font tous
182 MERCURE
marqués à grands traits , & les développemens
qui les font connoître , ajoutent à leur
phyfionomie. Rien de plus heureux que le
contrafte des trois Tuteurs. M. Delville , fier
de fes ayeux & de fes titres , fufceptible de
fenfibilité , de raifon , de fagefle , mais orgueilleux
& vain , ne fe rapproche qu'avec
une peine infinie , des perfonnes d'une naiffance
inférieure à la fienne , en attend & en
exige toutes fortes d'égards , & fe croit au
moins compromis quand on ne lui parle
point avec le ton du refpect. M. Bridge eft
remarquable par l'avarice la plus fordide , la
plus ridicule & la plus bizarre ; & l'égoïfine
fingulier de ce perſonnage méchant & fpirituel
, eft extrêmement plaifant. Le goût de
M. Harel pour les plaifirs , pour le luxe ,
pour les fêtes d'éclat , fon infouciance pour
autrui , les moyens qu'il emploie pour fubvenir
à fes dépenfes , la perte de la fortune
& fa mort funefte , donnent à ce perfonnage
un caractère moral frappant , utile & bien
fait pour effrayer ceux que l'habitude du
plaifir & une prodigalité condamnable expofent
tous les jours aux extrémités les plus
facheufes. Dé ces trois Tuteurs , deux feulement
paroiffent dans la Comédie ; le troifième
, arrêté pour dettes , eft retenu en
prifon à fa place , on voit un frère de Mi
Harel , homme eftimable & fenfible , qui
joue à peu- près à côté de Mill Beverley , le
rôle que joue dans ce roman un M. Monckton
, homme d'un caractère fort original
*
DE FRANCE.
183
4
dans fon genre , & dont on ne retrouve
ici
aucune
trace. Les portraits
de M. Delville
& de M. Bridge font très foiblement
efquiffés
& ne confervent
aucun des traits vigoureux
qu'ils préfentent
dans l'Ouvrage
. Au refte ,
peut- être ces traits auroient
ils été déplacés
'
au Théâtre
; & nous fommes
portés
à croire
que la morgue
hautaine
de Delville
&
l'avarice
fordide
de Bridge
n'y auroient
pas produit
un bon effet. Les perfonnages
qui ont le mieux confervé
leur reſſemblance
,'
font ceux de Miff Beverley
& du jeune Delville.
La première
eft toujours
généreuſe
,
délicate
, humaine
& fenfible
; l'autre eft ardent
, vif, emporté
, bon , tendre , & capable
de faire à l'amour
les plus grands
facrifices
.
Il est évident
que l'Auteur
a fait , pour réduire
les quatre
volumes
du roman
dans
fes trois actes , tout ce que fa raifon lui a
inſpiré
; mais fi fon action
a de la fageffe
;
elle eft dénuée
d'intérêt
pendant
les deux
premiers
actes ; & celui qui a fait applaudir
une partie du troifième
acte , notamment
les
Scènes où Mme du Gazon a développé
toutes
les reffources
de fa fenfibilité
& de fon talent
, eft très inférieur
à celui
qu'infpire
'
le dernier
incident
de l'original
. Nous ne
croyons
pas qu'il foit néceffaire
de donner'
une analyfe
de la Pièce ; ce feroit préfenter
le fquélette
de Cécilia. Bornons
-nous à obferver
encore
une fois que tel perfonnage
,
bien placé & très-agréable
dans un roman
eft très déplacé
áu Théâtre
; qu'il eft des ca-
-
2
184 MERCURE
ractères qui ne peuvent devenir intéreffans
que par des développemens très- étendus , &
que tous les développemens ne conviennent
pas à un Ouvrage dramatique. Les Auteurs
de Comédies à ariettes ne fauroient choisir
des actions trop fimples , quand ils veulent
y faire jouer des caractères ; dans un drame
lyrique il doit y avoir plus de maffes que
de détails , plus d'effers que de raifonnemens .
Que l'action foit bien pofée , que la marche
en foit rapide, & que la fin en foit heufeufe
& naturelle , voilà tout ce qu'il faut.
Laiffons à la Comédie du genre noble , la
miffion épineufe & délicate de peindre fes
pallions & de développer les caractères.
La Mufique annonce un homme de mé
rite : on y trouve de l'harmonie , de la douceur
& de beaux effets d'orcheftre ; les morceaux
d'enfemble font bien faits ; mais fi
nous en exceptons l'air de mouvement que
chante Mme du Gazon à la fin du troiſième
acte , les airs proprement dits , font foibles
& dénués de chaleur.
La Pièce n'a eu aucun fuccès ; peut- être
même a telle été traitée avec une rigueur
qu'elle ne méritoit pas abfolument . Il faudroit
favoir diftinguer un effai malheureux
d'un ouvrage abfurde , & c'eft ce que le
Public ne fait pas , ce qu'il ne faura vraifemblablement
jamais. Il ne fait guères que
blâmer avec excès & applaudir avec fureur ,
fur tout celui qui abonde au parterre de la
Comédie Italienne. Ce parterre , qu'il faut
DE FRANCE. 189
-
diftinguer de tous les autres , eft peut-être
le plus mal compofe que l'on puiffe imaginer
, & celui qui ofe le plus d'extravagances.
Fidèle aux principes de vertige dont il eft.
imbu , il n'a pas manqué d'appeler à grands
cris l'Auteur de l'ouvrage qu'il venoit de
profcrire fon opiniâtreté a , pendant un
quart d'heure , rempli la falle de hurlemens
à - peu près femblables à ceux que jette la
populace de Paris , quand elle affifte au noble
fpectacle du taureau mis à mort. L'infouciance
des Comédiens a forcé ces cris à s'atténuer
infenfiblement , & à defcendre progrellivement
jufqu'au filence. Tout étoit devenu
calme , quand un demi tour de quelques
fpectateurs les ayant placés en face de
Famphithéâtre , ils y ont apperçu l'Auteur
des Trois Fermiers , de l'Amant- Bouru , de
Blaife & Babet , d'Alexis & Juftine , des
Amours de Bayard , &c. Alors les efprits
ont été affectés d'une autre manière , & l'afpect
d'un homme de mérite a déterminé
des gens , yvres la feconde d'avant , à devehir
raifonnables & à prodiguer au talent les
acclamations les plus flatteufes. M. Monvel ,
arrêté dans fa fuite par quelques perfonnes
faites pour fentir le prix d'un hommage impromptu
& que rien ne rendoit fufpect , a
répondu avec modeftie aux applaudiffemens
dont il étoit environné . Quelques jours avant
if avoit été demandé au même Spectacle ,
après une repréfentation d'Alexis & Juftine,
comme il l'avoit déjà été , au Théâtre Fran186
MERCURE
çois , à la fuite des Amours de Bayard. Ces
hommages que l'on fe plaît à réitérer , comme
pour dédommager M. Monvel de ceux qu'il
n'a pas reçu en perfonne pendant fix années
d'abfence , nous femblent un peu démentir
le proverbe qui dit : que nul n'eft prophète
en fon pays.
ANNONCES ET NOTICES.
ON mettra en vente Jeudi prochain , 28 , cou
rant , la vingt unième Livraifon de l'Encyclopédie.
Cette Livraifon eft compotée du Tome V des Planches
, du Tome VI . feconde Partie de la Jurifprudence
, & du Tome III , première Partie des Financcs
, par M. Rouffelot de Surgy , ancien premier
Commis des Finances.
Ce cinquième Volume de Planches contient la
fin de la première Partie des Arts & Métiers , mé
chaniques , & toutes les Planches du Dictionnaire
de Marine. %
Le prix de cette Livraiſon eft de 36 liv . 10 fols
brochée , & de 35 liv. en feuilles ...
Le port de chaque Livraifon eft au compte des
Soufcripteurs.
31
COLLECTION Univerfelle des Mémoires particu
liers relatifs à l'Hiftoire de France , Tome XXIII.
A Londres ; & fe trouve à Paris , rue d'Anjou Dau¬
phine , nº. 6 .
Ce Volume termine les Mémoires de Monluc ,
commençant en 1521 , & finiffant en 1574.
THEATRE de M. de Florian , &c. feconde
DE FRANCE. 187
Edition en trois Volumes in 18 , avec figures. Prix ,
18 liv. en papier vélin , & 12 liv. en papier ordinaire.
On a tiré à part le Tome III pour completter
la première Edition de ce Théâtre intéreffant qui
a paru en deux Volumes . Les Perfonnes qui voudroient
y joindre les Estampes les trouveront féparément.
Difcours fur l'Hiftoire Univerfelle , par
Boffuet , en deux Volumes , pour la Collection in-
8 °. de M. le Dauphin , imprimée par ordre du Roi
fur papier vélin. Prx , 30 liv . brochés . A Paris ,
chez Didot l'aîné , Imprimeur du Clergé , rue
Pavée-Saint - André.
Le nom de l'Imprimeur contient l'éloge de la
partie typographique .
EUVRES de Mme de Tencin , contenant les Mémoires
du Comte de Comminges , le Siége de
Calais , les Malheurs de l'Amour , les Anecdotes
d'Edouard II , Roi d'Angleterre , 7 Vol . in 14
petit format , avec le Portrait de l'Auteur . Prix ,
to liv. ro fols brochés , & 14 liv. reliés . A Paris ,
chez Cucher, Libraire , rue & hôtel Serpente ; De
fenne , Libraire , au Palais Royal , & Bailly , Libraire
, rue Saint Honoré , vis - à - vis la Barrière des
Sergens.
"
Mme de Tencin eft une de ces Femmes célèbres
qui tiennent un rang diftingué dans la Littérature ,
& qui font honneur à leur fexe par leur efprit , leur
enjouement leurs connoiffances & la délicateffe
de leur goût. Il étoit temps , il étoit juſte de ro
cueillir , & de placer dans les Bibliothèques des gens
de goût , les OEuvres d'une feinme qui étoit ellemême
le modèle du goût & du fentiment . Ellesdevoient
naturellement fuivre celles de Mme de la
Fayette , que le même Libraire a également le mérite
d'avoir données le premier en 8 petits Vol. in- 12.
188 MERCURE
SANDFORD & Merton, Traduction libre de
Anglois , par M ***. - Le petit Grandiffen ,
Traduction libre, par le même.
Ces deux Ouvrages , que l'on peut mettre au
nombre des plus agréables & des plus utiles que
l'on ait écrits pour les Enfans, formeront enſemble
douze petits Volumes d'environ 144 pages chacun.
La foufcription pour les douze Volumes en papier
fo , dont le premier a été publié le premier Octobre
1786 , & dont il en paroîtra un très -régulièrement
tous les mois , eft de 13 liv. 4 fols pour Paris , & de
16 liv. 4 fols pour la Province port franc par la
pofte
Les Perfonnes qui en foufcrivant pour les douze
Volumes, prendront en même- temps l'Ami des Enfans
& de l'Adolefcence , par M. Berquin , trenteneuf
Volumes , ne payeront les cinquante-un Volumes
en papier ordinaire
que 36 liv . port frarc par
la pofte, & auront de plus un Exemplaire gratis des
Lectures pour les Enfans , cinq Volumes , qui fè
vendent féparément 6 liv
Les trente neuf Volumes de l'Ami des Erfans &
de l'Adolefcence ſe vendent aufli féparément 24 liv.
port franc par la pofte.
Il faut avoir foin d'affranchir le port des lettres &
de l'argent , & s'adreffer à Paris à M. Leprince ,
Directeur du Bureau de l'Ami des Enfans , rue de
'T'Univerfité , nº. 28.
Il paroît déjà trois Volumes de Sandford &
Merton.
&
ETRENNES Françoifes , Tribut d'un Amateur à
Ja Nation , pour l'année 1787. A Paris , chez Royez,
Libraire quai des Auguftins.
Il y a dans cet Almanach des dérails intéreffans ,
& des avis utiles pour les divers de l'année. remps
DE FRANCE.
189
ALMANACH de la Samaritaine , avec ſes prédictions
pour l'année 1787 , à MM. les Parifiens.
Prix , 1 liv. , & liv fols franc de port. Au
Château de la Samaritaine ; & fe trouve à Paris ,
hôtel de Melgrigay , rue des Poitevins , & chez les
Merchands de Nouveautés.
Cer Almanach a le mérite d'être gai . Il eft com
pofé de réflexions, & de réflexions badines fur chaque
mois.
Les Veillées amufantes , ou Recueil de Nouvelles
Hiftoriques , d'Anecdotes & d'Aventures Tragiques
& Comiques , fix Parties ou Volumes in 12 .
Prix , 9 .v. A Amiterdam ; & fe trouve à Paris ,
chez Leroy , Libraire , rue Saint-Jacques , vis - a vis
celle de la Parcheminerie,
Ce Recueil eft affez varié. Les dernières Partics
font plus intéreffantes que les autres.
BOREE & Orythie , peint par M. Vincent ,
Peintre du Roi , & gravé par Jean Bouillard. Prix ,
12 liv. A Paris , chez Auteur , rue Saint Thomas
du Louvre , n ° . 23 .
On retrouve dans la Gravure la chaleur de la
compofition & la fermeté de pinceau qui diftingue
l'Auteu du Tableau du Préfident Molé au milieu
des féd tieux .
M. Bouillard a donné pour Efai quatre jolis
fujets d'après M. L. Lagrenée , ayant pour tire :
L'Education & la Punition de l'Amour. Il eſt un
des Co-opérateurs de l'Entreprife formée pour faire
jouir le Public de la précieufe Collection du Palais
Roya!, pour laquelle on fouferit chez lui à l'adrelle
cicffus.
NOUVEAUX Rafoirs , Couteaux, &c. A Paris ,
190 MERCURE
chez le fieur Lethien , rue Neuve Saint Merry , près
l'hôtel Jaback
Nous nous ferons toujours un devoir & un plaifir
de recommander à l'eftime publique ceux qui cxcellent
dans leur Art , & qui en reculent les limites.
Le fieur Lethien , Maître Coutelier , . vient d'inventer
, 1º . des Rafoirs à fix lames , toutes détachées
, faites avec un acier fondu , raffiné & trempé
avec des fels qui les font réfifter aux barbes les plus
fortes ; ces lames ont un avantage bien précieux fur
celles même d'Angleterre , en ce qu'elles n'ont jamais
befoin d'être repaffées fur la meule , mais feulement
fur la pierre à l'huile ou fur un cuir préparé avec
une compofition nouvelle ; 2 ° . des Rafoirs à rabot ,
avec lefquels on fe rafe fans rifquer de fe couper ;
3 °. des Cuirs renfermant vingt - deux pièces , de
l'invention du fieur Lethien ; 4° . des Couteaux dits
à couliffes en or & en argent , qui fe changent en
trois parties , qui coupent le fer comme le bois ,
étant faits de lames de fabres de Damas , que le
fieur Lethien vient de recevoir de Conftantinople ;
5. des Couteaux à dix pièces qui font parfaitement
renfermées dans le manche ; 6 ° . des Serpettes où il
y a quatre pièces , favoir , une Lame , un Greffoir ,
un Ecuffonnoir & une Scie , qui ne s'engage jamais
dans le bois verd.
L'Auteur eft fi sûr de fa trempe, qu'il les girantit
fix mois à l'épreuve , & ils ont été approuvés par
les Syndics des Maîtres Perruquiers.
On trouve auffi chez lui des Couteaux très légers
& portatifs , contenant Cuiller , Fourchette , Sahère
, Canif, Tire - Bouchon , Lame à fruit & Lame
d'acier ; des Canifs de toute façon en neuf pièces ,
Cachet & Pied de Roi portant Crayon ; des Boîtes à
couliffe pas plus groffes qu'un Domino , fermint à
reffort , contenant un Rafoir à fix Lames , Cileaux ,
Peigne , Compas , Couteau de Toilette , Cuir ,
DE FRANCE. 191
Cifeaux à étui d'acier & des Epingles à chignon
d'or , d'argent & d'acier .
On eft prié d'affranchir le port des lettres.
L'AUTEUR des Cadrans Horifontaux , dont
nous avons fait un éloge très- mérité dans le Mercure
du 4 Novembre dernier , vient d'établir pour
cet Ouvrage , qui eft utile dans les Provinces, quarre
Dépôts où l'on pourra s'en procurer , avec un Im
primé pour la manière de s'en fervir , ainfi qu'une
Pièce particulière pour trouver & vérifier le vrai
midi de chaque endroit , prix à part 6 liv. Ces
Dépôs font à Bayeux en Normandie , chez M.
Cerrès , Négociant ; à Rouen , ch z MM . Gloria
& Dela , Horlogers , à Lille en Flandre , chez M.
Defiré de Mode , Horloger de la Ville . à Metz ,
chez M. Dentu , Horloger , Place d'Armes. Le
prix des Cadrans pour la Province eft le même qu'à
Paris , c'eft à dire , 12 liv. Quand cet eftimable Artifte
aura fini fes opérations pour en fournir à la
partie méridionale de la France , nous l'annoncerons
à nos Lecteurs .
NUMEROS 19 & 20 des Pièces d'Harmonie,
contenant des Ouvertures & Airs d'Opéras & Opéras
comiques pour deux Clarinetes , deux Cois &
deux Baffons , par M. Ozy , Muficien de la Chapelle
& de la Chambre du Roi. Prix , 6 liv.
-- Six
Duos concertans
pour deux Flûtes , par M. J.
Mayer , OEuvre V , troisième
de Duos de Fiûre .
Prix , 7 liv. 4 fols.
Sonate
pour
le Forte-
Piano
, avec
Accompagnement
de Violon
, par
M.
F. Melger
, faifant
le Numéro
35 du Journal
de
Pièces
de Clavecin
par
différens
Aureus
. Prix
,
3 liv.. Dixieme
& dernier
Concerto
pour
la Clarinette
, exécuté
au Concert
Spirituel
, & compofé
197 MERCURE
-
par M. Michel , uyre pofthume. Pix , 4 lix,
16 fols. Six Quatuors concertans pour deuse
Violons , Alto & Violoncelles , par M. A. Stamitz ,
de la Mufique du Roi , huitième Livre de Quatuors.
Prix , Six Trios concertans pour
Violon , Alto & Violoncelle , par M. J. H. Schivetter,
OEuvre III. Prix , 9 liv. Six Duos pour
liv.
9
-
-
deux Violons d'une difficulté progreffive à l'ufage des
Commençans , par M. Cambini , Euvre XLVII ,
premier Livre d'étude dont les Écoliers peuvent fa r
ufage après la gamme Prix , 7 liv. fols. A Paris ,
chez M. Boyer, rue de Richelieu , à la Clef d'or,
Paffage du Café de Foy, & Mme Lemenu , rue du
Roule, à la Clef d'or.
TABLE.
M. d'A*** à Mme d'Hic Littératurc ancienne & mo
que .
Romance,
Réponse à la question ,
Charade, Enigme &
gryphe
Hice! Litera
147 Theatre Moral ,
148 Concert Spirituel ,
137
170
179
Logo Acad Royale de Mufiq. ' 185
150 Comédie Italienne ,
Tableau des Révolutions de la Angonces & Noices,
J'AI
APPROBATIO N.
181
185
AI lu , par ordre de Mgr . le Garde des- Sceaux ,
Mercurede France , pour le Samedi 23 Déc. 1986. Je`p'
ai rien trouvé qui puiffe en erupêcher l'impreffion.
Paris, le 22 Décembre 1786. GUIDI
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 30 DÉCEMBRE 1786 .
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
ÉPIT RE
AM. BALZE , après avoir affiflé à la
lecture de fes Poefies Lyriques , qui n'ont
point encore été publiées.
A Nos voeux ne fois plus rebelle ;
Rends-nous ces vers délicieux
Qu'en un porte-feuille envieux
A confinés ta main cruelle.
Vite , fais briller à nos yeux ,
Sur notre horifon Littéraire ,
Ces mé éores lumineux ;
Qu'il chaffent la vapeur groffière
Dont un gone faux , contagieux ,
N°. 5 , 30 Décembre 1785. E
194
MERCURE
De l'Hélicon fi radieux
A fouillé la pure atmoſphère,
ANIMÉ d'un fublime élan ,
On t'a vu , cher à Melpomène ,
De la tombe où dormoit fa haine ,
Faire fortir Coriolan.
Qu'il parut grand dans fa furie ,
Ce Héros autrefois Romain ! *
Pour adoucir fon ame aigrie ,
Roms & les Dieux parlent en vain ;
Il voit les pleurs de Volumnie ...
Le fer cft tombé de fa main .
Non moins ému , l'affreux Zoïle
Brife fon ftylet inhumain.
Balze , ton triomphe eft certain ;
Pendant que de Rome on exile
Ton illuftre Républicain ,
Le goût , dans fon palais divin ,
A jamais lui donne un afyle.
MAIS Dieux ! quels murmures Aattours
Dans tout l'empire poétique ,
* Allusion à cette belle réponse de Coriolan , dans la
Tragédie de M. Balze .
VOLUMNI E.
Au nom de la patrie ....
CORIOLA N.
Un banni n'en a pas,
DE
195
FRANCE.
Lorfque de leur prifon inique
Sortiront ces vers enchanteurs ,
Enfans dont la Mufe Lyrique
Voulut couronner tes ardeurs!
Dans un cercle étroit de morale ,
Maint rimeur trifte & moribond ,
De l'Ode à la marche inégale ,
A traîné le char vagabond.
Toi , tu dévores la barrière
Quel'on oppofe à ton effort ;
Et quand tu veux prendre l'effor
Le monde entier eft ta carrière.
Ton genie ardent , généreux ,
Soumis au joug de la meſure ,
En eft plus fier , plus vigoureux ;
Il parcourt , libre dans les jeux ,
Tous les tableaux de la Nature.
Dans ton vers noble ou gracieux ,
Rapide ou lent , vif ou nombreux ,
Jamais la raifon ne formeille ;
Par-tout le fon flatte l'oreille ,
Quand l'image féduit les yeur.
En toi fur-tout , en toi j'admire
L'accord du fon & de l'objet.
Le rhithme peint , lorfqu'il te plait,
Le fouffle amoureux de Zéphyre ,
La lutte horrible des Autans ,
Les Vents , Ode.
Iij
196 MERCURE
Des volcans la flamme effrayante ,
Et des mers la vague bruyante ,
Et le fourire du printemps . **
MAIS dans la nature phyfique
Ta Mufe captive gémit ,
Et tu cours , d'un pinceau magique ,
Rival du foleil qui nous luit ,
Aux champs de la métaphyfique
Peindre la pensée & l'efprit. ***
Mon ame eft - elle un vain phoſphore ,
Un corps fubtil & brillanté ,
Un feu léger qui s'évapore
Et fe perd dans l'immenfité ?
Non. Son effence originelle
Offre, ainfi qu'un miroir fidèle,
Ses devoirs & fa liberté ;
Si le néant eft derrière elle ,
Devant eft l'immortalité.
Non , l'Univers , ce globe immenfe
Où règne tant d'ordre & tant d'art ,
N'eft point l'ouvrage du hafard ,
Il eft fils d'une intelligence .
Par un facrilège travers ,
En vain l'athée au coeur pervers
Ode fur le feu.
** Flore , Ode Anacréontique,
*** Ode fur l'Ame.
DE FRANCE. 197
Renverſe Dieu dans fon audace ;
Ton talent vainqueur le replace
Sur le trône de l'Univers.
Delà , propice ou vengereffe ,
Sa main fait defcendre fur nous
Les traits.brûlans de fon courroux
Ou les faveurs de fa tendreffe.
Je l'entends , ce Dieu de Sion , *
Annonçant au bruit du tonnerre
La perte de fa nation.
Sa voix a fait trembler la terre;
Et les ennemis de fon nom
Sont diffipés par la colère ,
Ainfi que la paille légère
Par le fouffle de l'aquilon.
BALZE , ta carrière eft remplie;
Ton talent , dans fon vol altier ,
A rendu l'Univers entier
Tributaire de ton génie ,
Porté fur des aîles de feu ,
Tu viens de parcourir la chaîne **
Qui des corps monte à l'ame humaine ,
Et de l'ame jufques à Dieu.
Mais des hauteurs de cette fphère ,
A peine rendu parmi nous ,
* Odes facrées de M. Balze.
** La Chaîne des Etres , Ode .
Iii
198 MERCURE
Tu veux chanter ce bien fi doux *
Qu'on cherche & qu'on ne trouve guère.
Plus d'un Philofophe rêveur
A differté fur le bonheur ;
Mais cette plante enchantereffe
Germe fur des bords peu connus.
Dans les jardins d'Académus
Charma t'elle autrefois la Grèce ?
Croît- elle parmi les vertus
Dans l'antre obfcur de la fageffe ,
Ou bien au fein de la molleffe,
Dans les boulingrins de Vénus ?
Mon avis fur ces grands débats.
Eft que tout mortel ici bas
Se fait un bonheur à fa guife.
Recueillir des lauriers fanglans
Pour Crillon , c'eſt le bien ſuprême ;
Damis préfère des talens
Le pacifique diadême ;
Life & Titus mettent leurs voeux
A faire toujours des heureux ;
Cléon , à tromper ou médire ;.
Gluck , à charmer par fes concerts 3
Toi, Balze, à faire de beaux vers,
Et toute la France à les lire.
Par M. Morel , Profeffeur d'Eloquence & de
Poéfie au College Royal de Bourbon , à Aïx 】
* Ode für le Bonheur
DE FRANCE. 199
A Mile WARESCOT , en ne lui envoyant
aucun bouquet pour fa Fête.
AIR : Ce fut par la faute du fort.
AUJOURD'HUI 'HUI ne vous Aeurir pas ?
A quels reproches je m'expofe !
On peut ,
même au fein des frimats ,
Dérober à Fløte une rofe ;
Mais je craindrois , avec raison ,
D'attirer l'abeille cruelle ,
E: que fon perfile aiguillon
Ne prit votre bouche pour elle.
( Par M. de la Dixmeric. )
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercureprécédent.
Le mot de la Charade eft Cherbourg ; celui
de l'Enigme eft l'Or ; celui du Logogryphe
eft Gloire , où l'on trouve Loire ( rivière , &
deux bourgs du même nom ) , Loire ( autre ,
rivière ) , oie , loi , Roi.
"
100 MERCURE
CHARADE.
PRIS d'indigeftion , recours à mon premier ;
Pris par le froid , recours à mon dernier;
Pris par l'ennui , recours mon entier.
ENIGM E.
J'AI les dents mille fois plus dures
Que celles des lions , des tigres & des ours ;
Je vas , je viens , je fais cent tours,
Et ne fais aucunes bleffures ;
On me place en un lieu qui n'eft fait que pour moi ;
On a pour moi du foin & de l'exactitude ;
Et ceux qui tombent fous ma loi
N'y font pas fans inquiétude .
Avec moi l'on repofe en toute sûreté ;
Et fans trop vous vanter mon zèle ,
Ce que je garde eft mieux gardé
Que par le chien le plus fidèle.
LOGO GRYPHE
Aune jeune Demoiſelle habitante du Couvent
de Saint- Pantaleon , à Toulouse.
UNE maifon fans moi ne fauroit fe conftruire ;
Par un bizarre fort je fers en même temps
DE FRANCE.
Et les jaloux & les amans ,
Et cependant contre eux quelquefois je conſpire. ,
Par les fecours que je fournis
Je puis également avoir leur confiance ;
Mais c'eft fuivant la circonſtance
Que je les fers ou bien que je leur nuis.
Si l'on décompofe mon être ,
On peut d'abord voir un endroit
Où d'ordinaire on ne fent pas le froid ;
Ce qu'à la ville on voit fous fa fenêtre ;
Certaine noté que le chant
Met en ufage fréquemment ;
De notre efprit une fineffe
Qui nous trabit par fes detours ,
Que l'Amour met en jeu fans ceffe ,
Et que dans Figaro l'on démêle toujours.
Mais c'eft affez , il faut me taire ,
Je ne dois pas , plus bavard que Vert- vert
Iris , vous dire le mystère ,
Quand vous aurez la clef, tout fera découvert.
ENV O I.
7
Le mot dont je vous fais l'envoi ,
Caché fous tant de verbiage',
Vous embarraffera , je gage ;
Mais la chofe de bonne-foi
M'embarraſſe bien davantage
Quand elle eft entre vous & moi,
(Par uneperfonne à qui vous n'êtes pas inconnue . )
Iy
202. MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
HISTOIRE de Provence , Tome IV & dernier,
in 4°. , par M. l'Abbé Papon , de
l'Académie de Marſeille. A Paris , chez
Moutard , Imprimeur de la Reine , rue des
Mathurins , hôtel de Cluni.
་
EN rendant compte du troifième Volume
de cette Hiftoire , nous avons apprécié le
travail de M. l'Abbé Papon , & nous avons
parlé des difficultés fans nombre qu'il a
eu à furmonter. Nous l'avons vu s'approcher
du terme avec facilité , & fe foutenir
dans fa marche avec la même richeffe d'érudition
& la même mefure de critique &
d'impartialité. Ce dernier Volume , moins
abondant en faits principaux , a le mérite de
réunir beaucoup plus de mouvement &
d'action. On voit tous les Nobles du pays ,
Rous fans exception , agir , s'armer , combattre :
& multiplier les factions. Il eft peu de Provinces
qui pulfent offrir depuis 1400 jufqu'en
1660 autant de ſcènes différentes & de
combats privés. Si on ne connoifloit pas allez
le caractère des Provençaux après la lecture
* Voyez le Mercure du 9 Octobre 1784 ,
page 60,
DE FRANCE. 203
des trois premiers Volumes de l'Hiftoire de
M. l'Abbe Papon , il fuffiroit , pour en acquétir
une connoiffance entière , de parcourir cè
dernier Volume. On trouveroit des têtes
exalrées , des furieux , des efprits toujours remuans
& toujours inquiers ; des Nobles toujours
brûlés de la foif de la vengeance , ou
pouffés par des haines fecrettes , & fe mettant
à la tête ou à la fuite d'une faction fins
avoir de grandes vues ni des projets de fortune.
Le fanatifme ou plutôt les principes de
la ligue les rendirent coupables de plufieurs
de ces crimes qui, dans ces tems affreux, couvrirent
de la même tache prefque toutes nos
Provinces. Les payfans Provençaux fe figna
lèrent par leurs cruautés ; l'hiftoire de leurs
ligueurs eft fans contredit la plus affreuſe de
toutes celles qu'on puiffe lire. Ils ne connoiffoient
que les excès dans le mal & dans
le bien ; point de milieu. L'Hiftorien de la
ville de Fréjus nous apprend que ceux qui
étoient de la ligue contre Henri IV, devenu
Roi de France , firent des feux de joie lof
qu'ils apprirent fa mort. Des feux de joie à la
mort de Henri IV ! du meilleur des Rois ! Ici
les réflexions feroient de trop .
Nous allons préfenter rapidement les matières
qui rempliffent ce dernier Volume ,
afin que nos Lecteurs puiffent avoir une idée
de l'importance de cette dernière Partie. La
Provence étoit réunie à la Couronne. Louis XI,
* Tome IV, Livre II , page 257•
Ivy
204
MERCURE
le plus habile de nos Rois , favoit manier l'efprit
de fes nouveaux fujets , & fe maintenir
dans fa poffeflion tantôt en puniffant , tantôt
en défavouant fes propres Officiers , & en
évitant de pouffer les chofes aux dernières
extrémités. Il fut craint , refpecté ; mais il ne
fit rien pour être haï. C'étoit beaucoup pour
lui. Charles VIII rendit les Provençaux utiles
à l'État , & leur fit jouer un rôle dans l'expédition
de Naples , ce qui lie l'Hiftoire provinciale
à l'Hiftoire générale de la France.
Les guerres de François I. avec Charles-
Quint, les projets du Connétable de Bourbon ,
le fiége de Marfeille , les invafions du Duc de
Savoie firent de la Province le théâtre de la
guerre. Son zèle ne fut point équivoque , &
on peut affurer que les habitans ont confervé
la Province au Roi fans le fecours des troupes
Royales. On peut voir dans l'Hiftoire avec
quelle valeur Marſeille foutint le fiége & les
efforts de l'armée du Connérable de Bourbon .
Il n'y avoit ( remarque M. Papon ) que quarante
trois ans que les Marfeillois appartenoient
à la France. C'eft à Marseille que Catherine
de Médicis aborda , & que fon mariage
fut conclu ; union qui a laiffé à la France
de longs & cruels fouvenirs. M. Papon trace
le caractère de cette Princeffe , & obferve
avec vérité que la plupart de fes crimes furent
l'ouvrage d'un fiècle corrompu & ignorant.
L'hérélie des Vaudois , les affreufes exécutions
de Cabrières & de Mérinda font frémir les
Lecteurs. Nous ne fommes point furpris que
DE FRANCE.
205
François I. foit mort rongé de remords . Nous
aurions defiré qu'un efprit d'équité eût conduit
le Miniftre de Henri II dans la révifion
de ces procès . Mais le Duc de Guife ne youloit
que fe venger en ordonnant d'informer
contre tous ceux qui avoient trempé dans ces
exécutions. Le premier Préfident d'Oppède
plaida lui - même fa caufe , & fut abfous.
L'Avocat Général Guérin , qui n'avoit ni crédit
ni partiſans , fut facrifié . Son jugement ne
fut aggravé que par des délits étrangers aux
mallacres des Vaudois , dont le fang cria inutilement
vengeance
.
C'eft en Provence qu'on voit le fangui
naire des Adretz , marquer par le
carnage &
les incendies fes conquêtes & fes victoires.
C'eft à Marseille que San- Piétro égorge de
fes propres mains fa vertueufe époufe. Dans
le même temps on intentoit juridiquement
un procès contre les infectes , tant il eſt vrai
qu'il n'y a point de barbarie fans l'ignorance ,
& que l'une & l'autre marchent toujours de
front. Nous ne parlerons point des partis
que les Catholiques & les Proteftans formerent.
Les uns avoient à leur tête Pontives ,
Comte de Carces ; les autres , qu'on nommoit
Bigarrés , parce qu'ils embraffoient la
querelle de Henri IV , changeoient fouvent de
Chefs , ou en prenoient de plus obfcurs.
D'Épernon fe fouilloit de mille crimes , &
fembloit vouloir s'approprier fon gouvernement.
Averti de l'arrivée de Henri IV , il
permet de dire: Qu'il vienne , je lui ferfe
206 MERCURE
"
virai de Fourrier, non pour marquer , mais
pour brûler les logemens fur-fon paffage. Le
Duc de Guiſe , qui lui fuccède , trouve des
partifans , & foulève la Province contre le
Cardinal de Richelieu , qui vouloit perdre le
Duc. Glandèves de Niozelles conduifoit les
Marfeillois , & arrachoit cette Ville à l'autorité
Royale. On peut fixer à la condamination
& à la fuite de Niozelles la tranquillité de la
Ville & la foumiffion de la Province. C'étoit
en 1660. Cette année fur à - peu - près l'époque
univerfelle où toutes les Provinces cefsèrent
d'avoir , à proprement parler , une
Hiftoire & un caractère. La Puiffance Royale
a tout attiré à elle , & du fein de la Capitale
a imprimé le mouvement jufqu'aux extrémités
du Royaume.
M. Papon ne fe diffimule point que , depuis
1572 jufqu'en 1660 , fon hiftoire eft fans
attrait pour la raison , & fans intérêt pour
les âmes honnêtes . Ce font des combats.
multipliés & des motifs bas & honteux.
On couroit aux armes , fans s'inquiéter fi on
déchiroit ou non la Patrie. Sous ce point de
vue , il n'eft pas douteux qu'on ne doive
defirer que les Provinces foyent toujours
contenues fous une loi uniforme & conftante.
La Provence ne doit regretter ni fes razas,
nifes carciftes , ni fes bigarats ni fesfabreurs,
DE FRANCE. 207
(
qui furent autant de factieux qui la ruinèrent
& la troublèrent fans aucun intervalle.
Le fiége de Toulon en 1707 , eft le feul
événement mémorable que l'hiftoire de la
Province ait à préfenter. Après ce fiége ,
( dit M. Papon ) les annales ne rapportent
aucun fait qui foit digne d'attention . La
pefte déploya tous fes fléaux fur cette Province
en 1720. Il faut lire dans l'Auteur
tous les progrès de cette épidémie , toute fon
horreur & fes fuites affreufes. Ce tableau eft
défolant ; on y voit l'homme aux prifes avec
tous les befoins , fouffrant , délaiffé , gémiffant
, cadavéreux ; tous les noeuds font
rompus. Plus de famille , point de fecours ,
l'homme craint l'homme. Celui qui garde
le malade , tombe & meurt devant le mou
rant. Les rues font jonchées de morts & depeftiférés
qui fe traînent fur les marches des.
églifes , pour mourir devant la porte des
temples , & pour toucher le ciel qui les dévoue
au trépas. On retrouve des traits d'atta
chement rares , & qui touchent au milieu
de cette défolation. Des amans défefpérés:
» s'arrachèrent des bras de leurs parens ,.
ལ་ pour aller foigner leurs amantes malades ;
»
l'amour paternel eut auffi fes martyrs : les
» parens fe donnoient la fépulture les unst
aux autres. Les maris creufoient la foffe
de leurs femmes , les pères , celle de leurs
enfans, & après avoir furvécu à leur famille
, ils reftoient fouvent expofés eux-
» mêmes à la voirie. Un payfan & fa femine,
ท
33
208 MERCURE
"
reftés feuls dans leur maifon , furent attaqués
en même- temps de la pefte , & fe
» regardèrent comme perdus , par l'impoffibilité
de trouver aucun fecours : frappé
de cette idée , le mari creufa deux folles
avant que la maladie eût épuifé í forces.
» Enfuite , quand il fentit approcher la der-
» nière heure , il fit fes adieux à ſa femme,
B
& fe traînant jufqu'à la foffe , il s'y laiffa
» tomber & s'enterra , pour ainsi dire , tout
» vivant. Le trait fuivant est encore plus
remarquable , parce qu'il fut infpiré par
la tendrelle jointe à une rare fermeté.
Une payfanne , durant fa maladie , refufa
» toujours d'être foignée par fon mari , de
» peur de lui communiquer la contagion,
Comme elle jugea qu'après la mort il feroit
obligé de la porter lui-même en terre ,
* & qu'en, lui rendant ce dernier devoir ,
» il recevroit les impreffions de la maladie ,
elle lui demanda une longue corde qu'elle
» s'attacha aux pieds , quand elle vir approcher
fa dernière heure , afin qu'il pût la
» traîner dans la foffe fans aucun danger
pour lui.
-33
! ל כ
و د
M. Papon termine de cette manière touchante
fon tableau. " Le mois de Mai
» vit difparoître les alarmes , & ramena le
» calme avec les beaux jours du printemps.
» Les rues furent peuplées , les femmes fortirent
de leurs rerraites , les affemblées
» furent ouvertes. On le vit , on ſe livra à
» ces tranſports de joie qu'on éprouve lorſDE
FRANCE. 209
"
و ر
و د
qu'on fe rencontre après avoir échappé
» à un grand péril. Le plaifir de s'embrailer.
rempliffoit toutes les âmes ; & fi à cet
empreffement il fe mêloit le fouvenir des.
» pertes qu'on avoit faites , c'étoit pour.
» mieux fentir le bonheur d'y avoir furvécu.
» Les habitans que la crainte avoit chaífés de
la ville , venoient groffir tous les jours le
» nombre de ces hommes fi fatisfaits de fe.
revoir ; mais leur joie n'étoit pas aufli pure
» que celle des autres ; elle étoit troublée à
l'aſpect de ces traces de dévaſtation , de
» ces empreintes de mort auxquelles leurs
" yeux n'étoient point accoutumés. Le mou- ,
» vement que la ville paroiffoit reprendre,,
» ne reffembloit point au mouvement d'un
" corps qu'il avoit laiffé brillant de fanté &
» de force. C'étoient les agitations d'un ma-
» lade à peine convalefcent. Ces maifons
و ر
"
33
و د
qu'ils avoient fréquentées ne leur préfen-
» toient plus leurs anciennes connoiffances.
» Ces jardins , que la préfence de leurs amis
» rendoit fi agréables , étoient abandonnés,
» Ces lieux où ils avoient reçu les embraffe-
» mens de leurs parens , n'offroient qu'un
fpectacle d'horreur : ainfi la trifteffe réprima
bientôt les tranfports de la joie. »
M. Papon finit fon hiftoire après la peſte.
Ses motifs font louables. Nous nous fommes
faits , dit- il , une loi de ne point parler de ce
qui touche de trop près à la génération préfente
, foit en bien foit en mal. Il n'arrive
que trop fouvent dans ce cas là , que mille
13
2
210 . MERCURE
V
1
confidérations fecrettes viennent , à l'infçu
même de l'Auteur , altérer la vérité. Nous
Tavons préfentée dans le cours de cet Ouvrage
avec la plus grande impartialité, ayant
un égal éloignement pour la flatterie & pour
la fatyre. C'eft ainfi que s'exprime l'hommede-
bien. Ce langage honore M. Papon , qui
n'a jamais perdu de vue les grands principes
de l'Hiftorien. Vrai , circonfpect , impartial ,
il a écrit fans diffimuler les crimes & les
fautes , fans métamorphofer l'Hiftoire en
apologie , & fans nuire à la vérité par des
fubtilites ou par ces déclamations qui font
de l'Hiftoire un roman ou un libelle . Ceux
qui auroient été curieux de lire l'anecdote
fcandaleufe ............ de la Cadière , qui ,
grâce à un fiècle tolérant & éclairé , ne finit
point par les fupplices ; ceux qui auroient
voulu en faire ur pendant à celle de Gaufridi
, lui pardonneront une omiffion volon
taire.
Ce volume eft terminé par une liſte des
hommes illuftres de la Province.
DE FRANCE. 211
DISCOURS de M. le Comte de la Taurailles,
deftiné pour être lu à l'Académie de Nancy
le jour de fa réception , le 8 Mai 1786.
L'homme eft de glacé aux vérités ;
Il eft de feu pour le menfonge.
8
VOLT.
A Laufanne ; & fe trouve à Paris , chez
Belin , Libraire , rue Saint Jacques , près
Saint Yves , & chez Bailly , Libraire , rue
Saint Honoré, près la Barrière des Sergens .
AUJOURD'HUI un Difcours Académique a
prefque toujours pour objet une vérité utile.
La Philofophie a fait fentir que le genre d'éloquence
le plus agréable ne doit pas être
frivole. L'Auteur des Lettres Perfaimes ne
pourroit plus dire de nos Académiciens que
" l'éloge va fe placer comme de lui- même
» dans leur babil éternel. » M. le Comte de
la T ***, Directeur Honoraire de la Société
Patriotique de Bretagne , des Académies
de Dijon , de Lyon , de Caffel , ayant été
choisi pour remplacer l'Abbé Millot dans
celle de Nancy, paroît avoir bien fenti que
rien n'eſt plus infipide que ce long tiffu de
complimens, regardés autrefois comme indifpenfables.
Les plus beaux complimens , même
Académiques , ne valent pas la vérité plus
fimple. « La vérité , dit M. le Comte de la
* T ***, page 24 de ce Difcours , fi douce
214 MERCURE
» pour les honnêtes gens , & fi amère pour
» ceux qui ne le font pas. ».
Le Récipiendaire , après une expreflion fimple
& décente de fa fatisfaction & de fa reconnoiffance
, entre dans quelques détails relatifs
à l'Académie qui vient de l'adopter. Sa
véridique philofophie ne néglige point les
précautions oratoires. Il rend dans fon Exorde
un hommage légitime à M. le Maréchal de
Choifeul Stainville , Commandant de la Province,
& fe félicite d'avoir pour Confrère M.
le Comte de G ***, Hiftorien de la Maifon
de Lorraine. « S'il n'a pas , dit-il , la fubline
» caufticité de Tacite , il a l'urbanité véridi-
» que de Pline dans fon Panégyrique de
Trajan , à qui l'on peut comparer plus d'un
>> ancien Souverain de cette Province . » Pais
il ajoute :
"
و د
" Votre Fondateur , Meffieurs , Héritier
des États & des vertus de Léopold - le-
Bienfaifant , comme Cécrops dans l'Atti
» que , fit de fes fujets dans cette Province
" une Colonie nouvelle , plus heureuſe en
core ; & Nancy, comme l'ancienne Athènes,
» devoit être un jour l'afyle de la politeffe &
» des Arts. »
L'Orateur paye enfuite un tribut d'éloges
particulier à la mémoire de fon Prédécefleur,
& trace en peu de mots une idée du genre
d'étude auquel il s'étoit adonné.
و د
ra L'Abbé Millot avoit pour moi de l'amitié
as & de la confiance . Son caractère étoit hon-
» nête & mélancolique ; fon efprit ferme &
DE FRANCE. 213
2
"
laborieux . Je ne prévoyois pas , Meffieurs ,
» lorfqueje lui donnois des foins & des confolations
dans fa dernière maladie , que fa
» place dût être pour moi une fuite de fa
perte . Si je ne puis vous en dédommager,
» du moins je tiendrai de lui le double héri-
» tage de fa confraternité avec vous , & de
» fon zèle pour la gloire de cette Com-
» pagnie.
Ses Écrits refpirent la douceur & la vé-
» rité ; fes Élémens hiftoriques doivent fer-
» vir, pour ainfi dire , de rudiment à la jeuneffe
pour apprendre à lire l'Hiftoire ;
» mais des Élémens ne forment pas plus
» une Hiftoire que des carrières un Palais.
">
و ر
Sans préoccupation & fans charlatanifme ,
» fes récits font fondés fans doute fur des
» Mémoires authentiques ; cependant , fous
» la main même du Rédacteur le plus près
» de nous & le plus fcrupuleux , les faits de-
» viennent quelquefois apocryphes , tant le
» menfonge fe plaît à dominer fur tout ce
» qui fort de la main des homines . »
"
" "
Pourquoi cette obfervation n'eft- elle que
trop vraie ? Eft- ce parce que
L'homme eft de glace aux vérités ;
Il eft de feu pour les menforges.
Non. Ne calomnions pas la nature humaine.
N'est- ce pas plutôt parce que térêt de la
vérité n'eft pas toujours pour l'Hiftorien l'in--
térêt le plus cher & le plus facré? Les Lecteurs
demandent la vérité ; ils ne la craignent
214
MERCURE
pas; mais l'Écrivain pufillanime a peur de la
dire; il la tait ou la déguiſe.
Le Récipiendaire part de là pour établir ,
d'après Voltaire , fon pyrrhoniſme hiſtorique.
Il trace un tableau precis & éloquent de cette
longue fuccellion d'impofteurs depuis les premiers
menteurs de l'Afie jufqu'aux confabulateurs
de la Grèce. Il defcend dans un apperçu
rapide des horreurs hiftoriques du Bas-
Empire , aux convulfions dangereufes des fiècles
qui nous ont précédés , & voit preſque
par- tout le règne de l'erreur & les abus. de
l'ignorance fuperftitieufe. On peut d'ailleurs
improuver fes doutes , quoiqu'ils foient motivés.
Il croit de- là pouvoir conclure qu'on
ne peut trop bénir les progrès de la Philofophie,
ou , pour n'effrayer perfonne , de la rai¬
fon , qui commence à luire de proche enproche
fur tous les États de l'Europe.
" On ne peut affez le redire , Meffieurs ;
c'eft inconteftablement aux affociations
des hommes éclairés , que les peuples doi-
» vent l'inappréciable fécurité de la tolérance
, qui met enfin les Princes à l'abri de
» leurs ennemis, quelquefois devenus, leurs
bourreaux. Ce Louvre qui fut jadis le
théâtre du meurtre.
-
» fert aujourd'hui d'afyle à des Sociétés paifibles
, ingénieufes & favantes ; & le pou
» voir qui ordonnoit autrefois des affaflinats
"
& des Saint- Barthélemy , ne dicte plus que
des arrêts de douceur & de bienfaifance....
» Si des Jongleurs uniformes fe font payer
DE FRANCE.
17215
pour calomnier fans ceffe la douce & paifible
Philofophie , qui ne veut affurément
leur faire aucun mal , mais qui fe joue des
» clameurs du pédantifme; il n'y a là qu'une
raifon de plus pour redoubler les ris des
Démocrites de notre âge , & même pour
les honorer des cenfures monotones de ces
Régens ………. Si la trifte &
lourde anti- philofophie fe permet des improbations
dogmatiques jufques dans de
poétiques Almanachs qui annoncent pofi-
» tivement la décadence des talens poéti-
» ques ; ce n'eft qu'un nouveau motifpour
égayer encore les Mufes de la fagelle , qui
dédaignent de fe fâcher contre les Mules
de la fottife.
ע
· •
"9
Ce Difcours eft dicté d'un bout à l'autre
par une raifon ferme & cultivée. On voit
que l'Auteur eft attaché fincèrement aux
bons principes & aux vrais talens . Ce motif
feul l'a porté fans doute à fe permettre
quelques fincérités , fi éloignées du ton de
ces longs Cantiques de fadeurs dont tous les
Lycées du Royaume ont retenti fi longtemps.
En un mot , cette Harangue fait
honneur au Récipiendaire & à l'Académie
qui fe l'eft affocié.
P. S. Cette Brochure eft dans le même
format & du même caractère que le nouveau
Recueil de gaieté & de philofophie , publié
l'année dernière , & annoncé alors dans
un des Numéros de ce Journal,
216 MERCURE
CÉCILE , fille d'Achmet III , Empereur
des Turcs , née en 1710 , 2 Vol. in - 12 .
Prix, 3 liv. brochés. A Paris , chez Buiffon
, Libraire , hôtel de Mefgrigny , rue
des Poitevins , nº. 13.
CE Roman eft fondé finon fur un fait
bien avéré, du moins fur une aventure probable.
On a connu à Paris cette Cécile Princeffe
, fille d'Achmet III ; elle vit encore.
L'Auteur de cet article l'a vue ; il l'a entendue
rendre compte de fa longue vie , & fe
donner les titres que le Romancier lui confirme.
Si fon hiftoire eft entièrement vraie ,
comme nous fommes très - portés à le
croire , il faut admirer la bizarrerie des deftinées
, qui placent fouvent fi loin de fon berceau
le tombeau de l'être infortuné que le
fort n'a ceffe de perfécuter. Il eft bien vrai
que la fille d'Achmet , qu'on nomme à Paris
la Princeffe Ottomane , a fouvent manqué du
-pain du pauvre , & ce dénouement nous
: étonne encore. Venue en France fur l'invitation
du Régent , préfentée à Louis XV ,
nouvelle Convertie, il nous femble que les
bienfaits du Roi devoient du moins fournir à
tous fes befoins. N'a - t - elle rien demandé ?
La Cour a - t - elle ignoré fon infortune ?
Cette queftion eft naturelle , & nous n'y répondrons
point. Puiffe cette fille extraordinaire
ne pas être privée , dans l'âge de calucité
DE FRANCE. 217
cité des fecours qui lui deviennent encore
plus néceffaires !
L'Auteur du Roman a coufu des épiſodes
au récit principal des aventures de la fille
d'Achmet. Peut- être n'y a- t- il de vrai que fon
évafion du ferrail , & fon arrivée à Rome &
en France. Nous en ferions fàchés , parce que
ce feroit détruire la confiance qu'on n'auroit
point manqué d'avoir pour la vérité. Il pouvoit
fupprimer quelques épiſodes d'amour ,
de duel , d'enlèvement , qui ne font tolérables
que dans la facture d'un Roman proprement
dit , & ne peuvent fervir qu'à bleffèr la
réputation d'une femme honnête qui vit encore.
Quoi qu'il en foit , on lit cet Ouvrage
avec intérêt ; le merveilleux paroît vraifemblable.
Le ton eft celui d'un homme qui
écrit fes Mémoires. Il n'y a point de prétention
; peut-être y en a- t-il trop peu , & le
ftyle s'en reffent quelquefois. Les événemens
font trop preffés dans le fecond Volume. Les
détails manquent entièrement . L'Auteur
abrège , fait partir & revenir trop promptement
fon Héroïne ; il la réduit tout à coup
dans un état au- deffous de la médiocrité. Sa
fortune fe trouve évanouie , on ne fait par
quels moyens. La Princeffe quitte fon père ,
revient à Paris , & n'a plus de reffource. Ici les
convenances ne font pas affez ménagées , &
la vraisemblance eft bleffée.
La Princeffe eft donc enlevée du ferrail par
fa nourrice , qui prend la fuite avec fon amant.
Cette nourrice étoit chrétienne . Son attache-
Nº. 52 , 30 Décembre 1786. K
218
MERCURE
ment pour Cécile & pour fa religion lui infpire
le deffein d'emmener avec elle la fille
du Sultan , & de la rendre Catholique . Tel
eft le fond du Roman. La Princeffe eft élevée
& baptifee à Gènes. Le fecret de fa
naiffance tranſpire. La Cour de France defire
la voir. Elle vient en France , où les principales
fcènes ſe paffent , & d'où elle part pour
aler voir fon père détrôné , & où elle revient
après l'avoir vu , & après avoir refuſé
l'honneurde devenir la Sultanede Mahomet V.
L'Auteur a trouvé , comme nous l'avons
dit , les moyens d'intéreffer & de foutenir
l'attention du Lecteur juſqu'à la fin . Nous le
répétons encore , nous defirerions qu'après
avoir écrit le Roman de la Princeffe , il voulût
bien nous en donner les Mémoires véritables
; car rien n'eft auffi extraordinaire que
la deftinée de la Princeffe Ottomane , qu'on
pourroit affimiler avec la veuve du Czarovitz,
qui , dit on , s'éloigna de la Ruffie , palla en
Amérique , époufa un Commitfaire de la Marine
, & a vécu jufqu'en 1774 dans un village
fur la route de Choify-le- Roi.
DE FRANCE. 119
TABLEAU du travailfait par les Rédacteurs
& Coopérateurs du Mercure de France ,
depuis le 1er Janvier 1786 jufqu'à ce jour.
On n'a jamais tant aimé les Journaux ; jamais
on ne les a lus avec une curiofité plus
avide ; quelques - uns d'entre- eux ont obtenu
un fuccès auffi brillant que rare , & néanmoins
ceux - là même fe trouvent journellement
en butte aux traits de ceux qui frondent
par habitude , par humeur ou par défaut de
réflexion. On voudroit que tous les Cahiers
d'un Journal préfentâffent le même degré
* Cet Ouvrage Périodique , le plus ancien & le
plus varié de tous les Journaux , paroît le Samedi de
chaque femaine . On y a réuni d'abord le Journal.
Politique de Bruxelles , & les Soufcriptions du Journal
François , du Journal des Dames , du Journal
des Spectacles , de la Gazette de Littérature. On
y a joint enfuite le Journal de la Librairie , qu'on
imprime fur les couvertures ; & à la fin de la partie
Politique , la Gazette des Tribunaux abrégée.
On n'a rien changé à la forme ni au plan du
Mercure par cette plus prompte publication , tout y
eft à l'avantage des Soufcripteurs . car , quoique ce
Journal foit au menté de foixante quatre feuilles
par an , & paroifle cinquante- deux fois au- lieu de
feize , le prix en eft comme ci - devant , de 32 liv .
pour la Province pour Paris , la Soufcription cft
de 30 liv & l'on n'a point de port à payer quand
on va paffer plufieurs mois à la campagne ou en
province.
Kij
220 MERCURE
d'intérêt , & l'on ne veut pas fe donner la
peine de voir que cet intérêt peut réfulter feulement
du nombre , du caractère & du mérite
des Ouvrages dont ils ont à rendre compte ;
que tous les objets fur lefquels il faut fixer
l'attention publique , ne font pas d'une égale
importance ; & que toutes les parties d'un
Ouvrage Périodique ne pourroient plaire à
tous les Lecteurs ,, que dans le cas où ils auroient
tous les mêmes goûts , les mêmes principes
, les mêmes connoiffances , la même
manière de fentir , de voir & de penfer. Le
bon La Fontaine a dit , avec la naïveté philofophique
qui le diftinguera de tous les Écrivains
du monde : On ne peut contenter tout le
monde &fon père. Ainfi , puifqu'il eft impoffible
de fixer l'univerfalité des opinions , puifque
dans les caufes qui les dirigent il y en a
toujours qui tiennent à des fenfations perfonnelles
, il faut s'en tenir à ce principe raiſonnable
; que fi la pluralité des fuffrages n'annonce
pas pofitivement qu'on a fait bien ,
elle annonce au moins qu'en a fait du mieux
qu'il étoit poffible ; & il faut en donner des
preuves authentiques .
Le moyen de fournir ces preuves eft fimple
& facile. Chaque année voit éclore un certain
nombre d'Ouvrages, dont un Journal doit
donner à fes Abonnés une connoiffance proportionnée
au degré d'intérêt qu'il peut infpirer.
Si dans un Journal tel que le Mercure
de France , toutes les productions des Arts
ut été fucceffivement publiées par leurs
DE FRANCE. 21
titres à l'article des Annonces ; fi on a fait
fuivre d'une notice claire & fuffifante celles
qui , fans mériter un extrait en forme , étoient
pourtant dignes de quelque attention ; fi la
partie des Nouvelles Littéraires a préfenté
tour-à- tour les articles raifonnés des Ouvrages
les plus fufceptibles de piquer la curiofité
des Lecteurs éclairés ; fi enfin l'article des
Pièces Fugitives & celui des Variétés ont of
fert , dans le plus grand nombre des Cahiers ,
des morceaux de Littérature amufans ou utiles
aux progrès des lumières & de la morale ; certainement
il faudra convenir que ce Journal
aura réellement fait du mieux qu'il étoit poffible
, & qu'il aura rempli fon but. Je ne
connois donc rien de mieux , pour fixer l'opinion
publique fur la manière dont le Mercure
eft fait & rédigé , que de donner annuellement
un tableau des articles de Littérature
de toute eſpèce qui y auront été inférés . Ce
tableau qui , d'un côté, pourra faire connoître
jufqu'à quel point on peut eftimer un Journal
compofé dans les principes de décence &
d'impartialité qui honorent la carrière des
Beaux- Arts , fervira , de l'autre , à rappeler
aux Lecteurs tous les objets dont on les aura
entretenus dans le cours de l'année ; & peutêtre
leur donnera - t'il quelques fouvenirs
agréables. Je vais tracer celui de l'année préfente.
Comme depuis fix ans , à la clôture
des Spectacles , on rend compte du travail.
fait aux Théâtres Royaux , je n'en ferai ici
aucune mention , & il continuera de fe faire
Kiij
222 MERCURE
à fon époque, comme par le paffé. Je diviferai
mon tableau en trois parties ': Pièces
Fugitives , Nouvelles Littéraires , Variétésy
mais avant de le commencer , je ne permettrai
quelques obfervations néceffaires.
- Le Mercure de France eft à la fois le
Journal des Gens de- Lettres & celui des gens
du monde , le Journal de la Capitale & celui
des Provinces ; en un mot , c'eft le Journal de
la Nation. S'il fe bornoit à inftruire , il ne
rempliroit pas fon but , il doit encore amufer
& plaire ; & comme le même genre de délaffement
ne convient pas à tous les efprits , il
doit en offrir de plus d'une eſpèce. C'eſt fur
ce motifque fa diftribution actuelle eft fondée.
Il y a encore à Paris un affez grand nombre
de perfonnes qui mettent une certaine
vanité à trouver le mot des énigmes & à -
décompofer les logogryphes ; il y en a bien
davantage en Province , dans les châteaux
ifclés , dans les retraites écartées des grandes
villes ; c'eft pour cette claffe d'Abonnés qu'on
les a confervés , qu'on y a même ajouté une
charade , eſpèce d'énigme quelquefois piquante
, & toujours affez courte , pour ne
pas remplir un elpace utile. C'eft auffi pour
remplir le voeu de certains Lecteurs dont l'efprit
ou s'amufe à vaincre de petites difficultés
, ou fe plaît à examiner comment elles
ont êté vaincues , qu'on a adopté , depuis
quelque temps , les bouts -rimés , les acrof
tiches & les queftions dans le genre de celles
qui s'agitoient dans les anciennes cours
DE FRANCE. 223
d'amour ; mais on n'en fait qu'un très -fobre
ufage , & les noms que l'on offre aux Amateurs
d'acroftiches font toujours confacrés par
des événemens mémorables ou par des fervices
rendus à la patrie & à l'humanité . Ce
détail pourra faire fourire quelques dédaigneux
; mais il ne déplaira point à ces perfonnes
raifonnables qui trouvent bon qu'un Journal
parle un peu à tous les efprirs , en fe renfermant
dans les bornes du goût & de la
bienséance.
J'obferverai encore que , dans le cours de
cette année , il paru quelques Ouvrages remarquables
dont le Mercure n'a point encore
donné d'extraits. En voici la caufe. Les Ouvrages
élémentaires , les difcuflions polemiques
, les recherches fur l'hiftoire , fur les
fciences , & les autres productions de ce
genre , demandent à être approfondies avant
d'être jugées Piononcer fur de pareils écrits ,
d'après un léger apperçu , c'eft mentir au
Public , aux Arts & à foi - même ; & , dans
tous les cas , mieux vaut bien faire que de
faire vite . Au reste , tout ce qui n'aura point
été placé dans une année , fera toujours remplacé
dans la fuivante. Je paffe au
au tableau que
j'ai promis.
PIÈCES FUGITIVES Omar , Conte traduit de
l'Allemand , par une Abonnée , Nº . 1. Hiftoire de
deux jeunes Amies , par Mme Riccoboni , Nos. 13
& 14. Le Petit Marchand de Laine , Conte , par
-M . Rétif de la Bretonne , N° . 20. L'Amant perdu ,
Conte Turc , par M. de la Marre , No. 19. La
K iv
224 MERCURE
Toilette , Conte poétique , imité de l'Italien , par
M. Bérenger , N° . 35. Alouc- Babouc , Conte Oriental
, par M. Mallet Butini , Nº . 40. Plaifir & Peine ,
Conte , par M. Imbert , Nº . 45 .
N°. 4.
NOUVELLES LITTÉRAIRES , OEuvres de M. le
Chevalier de Bert.... , articles de M. Garat , Nos I
& 2. Lunes du Coufin Jacques , N° . 2. Almanach
des Mafes pour 1786 , art . de M. Imbert , N° . 3 .
Lettres de Name la Comteffe de L.... à M. le Comte
du R.... , art. de M. G ... , de l'A . F. , Lettres
fur l'Egypte , par M. Savary , art, du même ; Dif
fertations critiques , pour fervir à l'Hiftoire des
Juifs , art. de M. Maller du Pan ; Traité de la Cataraste
, par M. de Wenzelfils , art . de M. Framery ,
N° . 5. Mémoire fur la néceffité de reconftruire & de
tranfporter l'Hôtel-Dieu de Paris , art. de M. Mallet
du Pan , Nº . 6. Étrennes Lyriques , art. de M. de
Saint -Ange ; Projet du Nobiliaire de la Haute-
Guyenne ,par M. de la Vaiſſicrre , N° . 7. Eſſai hiftorique
fur les Mours des François , par M. de Sauvigny
; Délaffemens de l'Homme Senfible , par M.
d'Arnaud, art. de M. Imbert ; Eloge de Maximilien-
Jules - Léopold de Brunfwick , par M. de la Cépède ,
art. de M. G.... , de l'A . F. ; Nº . 8. Pièces intéreffantes
& peu connues , par M. D. L. P. , Tome 4 ,
art. de M. Imbert ; Traduction nouvelle des Elégies de
Properce,par M. de la Houffaye ; art . de M. Framery;
ie Mariage inattendu de Chérubin , par Mme de Gouge,
N° .9.Difcours aux enfans de Mgr. le Duc d'Orléans,
par M. l'Abbé Bourlet de Vauxcelles , art. de M.
Imbert ; Etrennes du Parnaſſe , art. de M. de Saint-
Ange ; Caroline , Roman traduit de l'Allemand ,
* Les Articles qui ne portent point ici le nom de leurs
Auteurs , ont été envoyés par des Gens- de -Lettres qui ne
fe font point fait connoître , ou qui ont defiré de n'être
point nommés.
DE FRANCE. 225
art. de M. Mallet du Pan, N° . 10. Hiftoire de France
, Tomes 27 & 28 , par M. Garnier , art. de M.
G.... de l'A. F.; Euphémie , nouvelle , par Mme.... ,
N°. 11. Hiftoire Littéraire du moyen âge , art. de
M. G.. , de l'A. F.; l'Art mufical ramené à ſes vrais
principes , traduit de l'Italien , art. de M. Framery ;
Notice raifonnée des Ouvrages de Gafpard Schott ,
N. 12. Poéfies diverfes de M. Hoffmann , No. 13 .
Effai fur l'Amour , art. de M. G... , de l'A . F.;
Effai de Fables nouvelles , par M. Didot fils , art.
de M. Imbert ; Obfervations fur les caufes qui s'oppofent
aux progrès de l' Anatomie , Nº. 14. Voyage
de M. de Mayer en Suiffe , en 1784 , art. de M.
Mallet du Pan ; Traduction du Plutarque Anglois ,
Tomes 7 & 8 , art. de M. Imbert ; Précis des Conférences
des Commiffaires du Clergé avec les Commiffaires
du Roi , art, de M. de la Cretelle , No. 15.
Eloge de M. Caffiny de Thury , par le Marquis de
Condorcet , art . de M. G ... , de l'A . F.; le Mari
Sentimental , fuivi des Lettres de Miftriff Henley ,
arr. de M. Framery ; Traduction des Faftes d'Ovide,
par M. Bayeux , Tome 2 , N° . 16. Tableau des
Arts & des Sciences depuis les temps les plus reculés
jufqu'au fiècle d'Alexandre- le- Grand traduit de
l'Anglois , arr. de M. G... , de l'A. F. , le Guide des
Officiers particuliers en campagne , par M. de Ceffac ,
No. 17. Camille , ou Lettres de deux Filles de ce
fiècle, traduites de l'Anglois , art . de M. Imbert ;
Dix-huitième Livraison de l'Encyclopédie ; Réception
de M. Sédaine à l'Académie Françoife , N.18 .
Etudes Poétiques , ou Imitations en vers de différens
Auteurs; Théâtre de M. Rochon de Chabannes ,
art. de M. de Charnois , Nº. 19. Difcours prononcés
dans l'AcadémieFrançoife, à la réception deM. l'Abbé
Morellet , art. de M. Garat , No. 20. Eloge deGreffet
, art. de M. Mallet du Pan ; l'Oncle & les Tantes
, Comédie en trois Actes & en vers , par M. le
,
4
Kv
226 MERCURE
M. de la S. art. de M. Imbert ; Entretien Socra
tique fur la fidélité à remplir fes engagemens , traduit
de l'Anglois ; Chanfons nouvelles de M. de
Piis , No. 21. Lettre à MM. de l'Académie Fransoife
, fur l'Eloge de M. de Vauban , art. de M. de
la Croix , No. 22. Collection Univerfelle des Mémoires
relatifs à l'Hiftoire de France , art. de M.
Imbert ; les deux Mentors , traduction libre de l'Anglois
, par M. D. L. P.; Bibliothèque Phyfico- Economique
, Nº. 23. Difcours prononcés dans l'Académie
Françoife , à la Réception de M. de Guibert ,
art. de M. de la Cretelle ; Mémoires d'Anne de
Gonzagues , Princeffe Palatine , art, de M. Meyer ;
PHypocrite démafqué , ou Félix & Colombe , Ro
man , No. 24 Effais : choix de petits Romans , traduits
de l'Allemand , par M. de Bonneville , art.
de M. Mallet du Pan ; OEuvres de M. de Saint-
Marc , art. de M. Imbert , N°. 25. Voyages de M.
le Marquis de Chatellux dans PAmérique Septentrionale
, art. de M. l'A . M. , de l'A . F. l'Exemple
& les Paffions , No. 16 Epitre à l' Amitié , par M.
Ducis , art. de M. le C. de Rivarol , Eloge de M.
Séguier de Nifmes , par M. Dacier , art. de M. G....
de l'A . F. , N° 27. Hiftoire des progrès de la puiffance
navale de l'Angleterre , par M. le Baron de
Sainte- Croix , art , de M. Mallet du Pan Pogonologie
, ou Hiftoire Philofophique de la Barbe , art .
de M. Framery ; Vie de S. Grégoire , Evêque de
Tours , par M. de Sauvigny , No. 28. Difcours
prononcés dans l'Académie Françoife , à la Réception
de M. Sédaine , art . de M. Imbert , Nº.
Oraifon Funèbre de Mgr. le Duc d'Orléans , par
M. l'Abbé de Verninac de Saint-Maur , att . de M.
de Saint- Ange ; les Baifers de Zizi , art . de M.
Garat ; la Vie de Mme de Maintenon . art. de
M. Framery ; Efai fur l'Hiftoire Médico Typographique
de Paris, N°. 30. Leures fur l'Egypte, par
,
29.
DE FRANCE. 227
M. Savary , Tomes 2 & 3 , art . de M. G... , de
l'A. F.; Mémoire couronné à l'Académie de Bordeaux,
fur cette queftion : Quel feroit le meilleur
moyen pour conferver le blé de Maïs , art. de M.
Mallet du Pan ; Hiftoire de Kentucke , traduit de
l'Anglois ; Mémoire fur la fortification perpendiculaire;
Tableau des anciens Grecs , des Romains , &c.
No. 31. Traduction du Théâtre Anglois , depuis
l'origine des Spectacles jufqu'à nos jours , art . de M.
de Charnois ; Recherches fur la Senfibilité ou la Vie
animale , par M. de Seze , art. de M. Rouffel ; Lettres
Philofophiques & Politiques fur l'Hiftoire d'Angleterre
; les Dangers de la Ville , ou Hiftoire d'Urfule
R. art. de M. Imbert , N ° . 32. Le Bonheur dans
les Campagnes , art. de M. G ... , de l'A F.; les
Soirées Provençales , par M. Bérenger ; Etat na-.
turel des Peuples , art . de M. Mallt du Pan ; Eloge
de Louis XII , par M. l'Abbé Michel ; Voyages en
Europe , en Afie & en Afrique , N° . 33. Confidérations
fur l'influence du génie de Vauban dans la
balance des forces de l'Etat , article de M. Mallet
du Pan ; Confeffion générale de l'année 1985 ;
l'Aninte du Taffe , Traduction nouvelle , ar . de
M. Framery ; le Lycée de la Jeuneſſe , par M Mouftelot
, art de M. Imbert . No. 34. Hiftoire d'Hérodote
, traduite du Grec , par M. Larcher , art . de
M. Garat; Effais le deux Anis , par MM. Legouvé
& Laya art . de M. de Saint- Ange ; Séance de
l'Académie Françoife le 25 Août , No. 35. Nouvelle
Defcription des environs de Paris , par M, du
Laure , art. de M. G. de l'A . F. , Nº . 36. De l'Art
de la Comédie , par M. de Cailhavą , art. de M.
Imbert ; les Aventures de Frifo , Ro : des Gangarides
, art . du même , N ° . 37. Hiftoire de France
avant Clovis , par M. Laureau , art . de M. G ... , de
l'A. F ; Bibliothèque choifie de Contes , de Facéties
& de bons mots Nº. 38. Voyage en Italie , par
•"
K vj
228 MERCURE
. . و
M. de la Lande , art. de M. Mallet du Pan ; les
Maurs , Poëme en fept chants art . de M. de Saint-
Ange ; Mes Promenades Champêtres , par M. le
Clerc , art. de M. de Charnois , N° . 39. Les Orangers
, les Vers-à foie & les Abeilles , traduction de
l'Italien, par M. Crignon ; Nouveau Recueil de Plaidoyers
François , par M. l'Abbé le Noir du Parc ;
Difcours fur aivers fujets de Religion , par M. l'Abbé
Affelin; Tratté des Maladies des Enfans du premier
âge , No. 40. Eloge de Greffet , par M. Girouft ,
art . de M. G de l'A. F.; Dictionnaire Univerfel
de Police , par M. Defeffarts , art . de M. Mallet du
Pan , Nº . 41. Mélanges de Littérature étrangère ,
Tomes 3 & 4 , art . de M. de Saint- Ange ; Hiftoire
de la Religion , où l'on accorde la Philofophie avec
le Chriftianifme ; Alexandrine de B** , ou Lettres
de la Princeffe Albertine , traduites de l'Allemand ,
art. de M. Imbert ; Eloge d'Agnès Sorel , par M.
Riboud , art. de M. G ... , de l'A . F.; Lettres à Emilie
fur la Mythologie , par M. de Moustier , art. de
M. de Charnois ; Recueil de procédés & d'expériences
fur les Teintures folides , No. 42. L'Inconftant ,
Comédie en cinq Actes , par M. Collin , art. de M. ,
de Charnois ; Ifmène & Tarfis , ou la Colère de Vénus
, par M.Grainville , art . de M. G... , de l'A . F. ,
N°. 43. Hiftoire du bas- Empire , continuée par M.
Ameilhon , Tomes 23 & 24 , art . de M. G... , de
†A. F.; Virginie , Tragédie , par M. Leblanc
N° . 44. Hiftoire de la Maifon de Bourbon , par M.
Deformeaux , Tome 4 , arr . de M. Mallet du Pan ;
Manuelpour le fervice des Malades , par M. Carrère
, No. 45. Eloge Hiftorique d'Armand de Gontaud
, Baron de Biron , Maréchal de France fous
Henri IV , par M. du Vignau , arr. de M. Garat ;
Numa Pompilius , par M. de Florian , art. de M.
G... , de l'A . F.; de l'Eletricité du corps humain
dans l'état de fanté & de maladie , par M. l'Abbé
DE FRANCE. 229
par
Bertholon ; le Négociant Patriote , No. 46. Voyage
Pittorefque de Naples & de Sicile , art. de M. Garat ;
Effai fur les Facultés de l'Ame , par M. Fabre ;
Quelques Vers , art. de M. de Saint Ange ; Panégyrique
de S. Denis , par M. l'Abbé Balefirier ,
No. 47. Satyres , par M. Cle** ; Traité fur lespropriétés
du Café , art , de M. Imbert , N ° 48. Voyages .
dans les Alpes , par M. de Sauffure , art . de M Malet
du Pan ; les Loisirs d'une jeune Perfonne raisonnable
&fenfible, No. 49. Nouveaux Synonymes François,
M.Abbé Roubaud , art. de M. le C. de Rivarol;
Penfées Philofophiques fur la Nature , l'Homme &
la Religion ; Elémens d'Hiftoire Naturelle & de ›
Chimie , No. 5o . Tableau des Révolutions de la
Littérature Ancienne & Moderne , par M. l'Abbé de
Cournand , art. de M. G... , de l'A. F .; Théâtre
Moral , M. le Chevalier de Cubières , Tome 2 ,
par
article de M. de Charnois , No. 51. Hiftoire de Provence
, Tome 4 , par M. Papon ; Difcours de M. le
Comte de la Tourailles à l'Académie de Nancy ;
Cécile , fille d'Achmet III ; Tableau du travail fait
au Mercure de France , pendant l'année 1786 , art.
de M. de Charnois .
VARIÉTÉS , Lettres de Jenny'de "Bleinmore à"
Caleb , par Mme Monnet , Nos 7 & 8. Lettre fur
la Vie &les Ouvrages de Triftram Shandy , No. 9.
→ Obfervations fur l'Hifloire impartiale de la dernière
guerre , par un Habitant de la Virginie , No. 10.
Morceaux traduits du Rambler , par M. Perrière ,
N°. 11. Réflexions fur le Reman du Marquis de
Rozelle , par M. de la Cretelle, No. 18. Voyage
aux Glaciers de Chamouny , par M., Bérenger ,
Nos 22 & 23. Sur lefecret , Traduction de l'Anglois ,
par M. Perrière , No. 2y. Expofition des Tableaux
des Elèves de la Peinture à la place Dauphine , par
M. de Charnois , Nº . 26. Obfervations fur une
opinion de M. Paw , relative aux Américains "
230
MERCURE
No. 31. Détails Hiftoriques de la Vie du Duc Léopold
de Brunswick , traduits de l'Allemand¸ Ѻ . 36.
Lettre fur les Difcours Académiques , par M. de la
Cretelle , Nº. 37. Obfervations fur l'effai fur le
fluide électrique , No. 38. Tableau analytique &
Synthétique de la Grammaire Françoife , Nº. 40.
Différence entre les Écrits d'un Auteur & fa Converfation
, traduit de l'Anglois , N° . 41. Lettre fur la
Mort de M. Sacchini , par M. Framery , No. 43.
De l'influence que Boileau eut fur l'efprit defonfiècle,
par M. le Marquis de Ximenès , Nº . 48 Sur une
nouvelle fraude Littéraire , No. 49. Lettres fur les
Confidérations Phyfiques & Aftronomiques fur les
étoilesfixes,par M. l'Abbé Bernard , N. s .
Tous les articles qui compofent le tableau
qu'on vient de lire , n'ont pas été faits fur des
Ouvrages faits pour infpirer la même eſtime ,
& ils ne font pas tous également fufceptibles
de piquer la curiofité ; mais il faut confidérer
que les productions excellentes font
d'une extrême rareté , & qu'il eft bien difficile .
que les Ouvrages foibles ou médiocres
puiffent donner lieu à des articles bien piquans
, fur-tout dans un Journal où l'on
rougiroit de captiver l'attention par une
malignité fouvent cruelle , & prefque toujours
déplacée. D'ailleurs , comme je l'ai
déjà fait entendre , tous les extraits ne conviennent
pas à tous les Abonnés ; c'eſt un
inconvénient attaché à tout Ouvrage Périodique
, dont la miffion fera de publier des
obfervations fur tous les Arts & fur toutes les
Sciences . La Poéfie , l'Éloquence , l'Hiftoire ,
la Tactique , la Médecine , la Peinture , l'Art
DE FRANCE. 231-
Dramatique , la Chimie , la Phyfique , l'Anatomie,
l'Agriculture , l'Aftronomie , les Scien
ces exactes & conjecturales , les Livres Afcétiques
même , tout cela eft du reffort du Mercure
; omnibus omnia, voilà ce que doit être cet
Ouvrage & ce qu'il eſt toujours. Aufli ai je
remarqué , & cette obſervation n'aura point
échappé à tout le monde, que dans la rédaction
du Mercure, on avoit l'attention de varier les
matières les unes par les autres , en les oppofant
article par article : ce moyen en bannit
la monotonie ; il fait que fa lecture occupe
fans fatiguer, & qu'elle eft fouvent ainuſante.
Il eft à defirer qu'on ne s'en écarte point ,
qu'on ajoute même, s'il eft poffible , à cette variété,
le premier charme d'un Journal, & j'ofe
croire qu'alors le Mercure pourra imprimer
fur fon titre , fans trouver des contradicteurs ,
utile dulci.
Il faudroit être de bien mauvaiſe foi pour
ne pas convenir que le Propriétaire actuel du
Mercure a fait des facrifices confidérables , &
employé toutes les reffources de fon intelligence
pour le rendre auffi agréable qu'utile.
Si on confidère le grand nombre d'objets intéreffans
qu'on y traite , les articles d'un genre
neuf qu'on y a inférés depuis fix ans , le mérite
de la plus grande partie de fes Coopérateurs
, dont les uns font Membres du premier
des Corps Littéraires François , & les autres
ont déja acquis dans les Lettres une célébrité
honorable , on fe convaincra facilement qu'il
eft peu d'Ouvrages Périodiques dans lefquels
232 MERCURE
on s'occupe avec plus de zèle de tout ce qui
peut fatisfaire les Artiftes , les Connoiffeurs
& le Public. Je ne dirai rien des Rédacteurs ,
je ne veux point reffembler au M. Joffe de
notre grand Molière . Parmi les objets nouveaux
qui ont été réunis au Mercure , j'infifterai
fur la feuille des Profpectus qui y eſt attachée
depuis quelques mois , elle fait corps
avec lui , par conféquent elle les conferve &
les empêche de fe perdre ou de s'égarer
comme cela arrivoit fouvent autrefois, quand
on les publioit fur des feuilles volantes : cet
avantage ne peut tenir qu'à un Journal dont
les Cahiers font volume , & cefferoit d'exifter
pour tout autre qui feroit lui - même une
feuille volante .
Il me reste à parler du Journal Politique de
Bruxelles , qui n'eſt pas la partie la moins intéreflante
du Mercure. Ce Journal tient lieu
de toutes les Gazettes ; il eft compofé fur
toutes les Feuilles Publiques de l'Europe , &
fur des Correfpondances établies dans tous
les pays. Les faits y font enchaînés avec une
méthode fi claire , avec une exactitude fi
fcrupuleufe , que les nouvelles des différens
Royaumes , extraites feuilles par feuilles , préfentent
des matériaux tour préparés pour l'Hiftoire.
C'eft principalement à l'article de l'Angleterre
, le plus varié & le plus intéreffant
de tous , que ce mérite fe fait fentir. Il eft rédigé
par M. Mallet du Pan , homme dont je
ne craindrai point de faire ici l'éloge , qui a
étudié avec fruit le fyftême de toutes les conf
DE FRANCE. 233
titutions politiques , qui a médité profondément
fur les grands intérêts des Peuples , des
États & des Rois , & qui réunit à des connoiffances
immenfes un jugement sûr , un
ftyle ferme & fier , & une logique entraînante
. Je voudrois avoir un nom plus diftingué
dans la Littérature , ce feroit avec bien
plus de plaifir que je rendrois hommage à ſes
talens. On me demandera à quoi bon cette
apologie ? Je répondrai que je ne fuis jamais
jufte avec plus de courage qu'au moment où
je vois l'efprit de parti affigner les rangs
fixer les réputations.
( Cet article eft de M. de Charnois. )
&
ANNONCES ET NOTICES.
MAXIMILIANI STOLL , Medici Doctoris &
Medica praxeos Profefforis publici , pars prima rationis
medendi , in nofocomio practico Vindobonenfi
, nova Editio , très- gros in 8 ° . Parifiis , apud
Petrum - J. Duplain , Bibliopolam , loco gallicè
dicto , Cour du Commerce .
·
Cette Edition des OEuvres de M. Stoll , premier
Médecin de Vienne , & Directeur de l'Hôpital de
cette Ville , réunit en un feul Volume les trois de
celle de Vienne , & eft diftinguée par la correction ,
fon exécution & la Table générale des Matières.
Elle est encore préférable par fon prix , qui eft de
7 liv. 10 fols reliée en un Volume , au-lieu de
14 liv. brochée , priz de l'Edition de Vienne.
234 MERCURE
La Veuve & fon Curé , Eftampe gravée par
J. C. Levaffeur , d'après J. B. Greuze , Peintre du
Roi , dédiée à MM . les Curés qui portent la paix
& la concorde dans les familles. Prix , 16 liv. A.
Paris , chez l'Auteur , rue des Maçons , n°. ız
Le fujet de cette Eftampe eft connu par une lettre
que M. Greuze a adreffée aux Auteurs du Journal
de Paris. Elle eft d'une compofition auffi heureufe
que celle des autres Tableaux de fon célèbre Auteur ,
& le Graveur qui l'a gravée avec un foin qui n'ôte
rien à la force a confervé autant qu'il eft poffible
l'effet du Tableau.
NOUVEAU Calendrier ufuel & perpétuel en une
feule feuille, approuvé par M. Pingré , de l'Acadé
mie Royale des Sciences , & de M. de la Lande , dela
même Académie , & Profeffeur Royal d'Aftronomie.
Ce Calendrier eft orné d'architecture & de figures
allégoriques , & des douze fignes du Zodiaque. Son
ufage eft journalier comme les Almanachs ordinaires
de cabinet . Il commence à l'année 1700 , &
fe prolonge dans l'avenir jufqu'en $ 700. La Grayure
des ornemens & de la lettre a été faite par les
Artiftes les plus célèbres. Le prix fur papier ordinaire
eft de 7 liv. 4 fols , & fur papier vélin 12 liv.
Les feules bonnes épreuves font marquées E D. M.
avec paraphe, & fe trouvent chez l'Auteur , le fieur
Maffon Tue Sain André des Arcs , nº . 26 ; Maſſon,
Libraire , rue Saint Denis , près celle aux Ours ;
Guillot , Libraire de MONSIEUR , rue S. Jacques ;
Belin , Libraire , même rue ; Groufel , Marchand
d'Eftampes , même rue , nº. 144. Au Palais Royal ,
chez Verrier, au prix fixe , & Lenoir , Marchand
d'Eftampes , nº. 43 ; & à Verſailles , chez Blaizot ,
Libraire ordinaire du Roi & de la Reine , rue Satory.
Azaici de l'Hiftoire Univerfelle en Figures ,
DE FRANCE. 215
>
deffinées par M. Marillier , & gravées par le fieur
Duflos le jeune.
Quelques Perfonnes ont paru s'effrayer du nombre
de Cahiers qui fembloient devoir compofer cet
Ouvrage. Il faut avouer que les vingt quatre premiers
Cahiers , tels qu'on les annonçoit , ne pouvoient
former un corps complet d'Histoire Univerfelle
. Les faits choifis pour fujets des Eftampes ,
peu nombreux , laiffoient trop d'intervalle entre les
époques, & les fommaires néceffairement très- ref
ferrés n'offroient aucun moyen de les rapprocher.
Pour remédier à ce double inconvénient fans recu
ler le terme de l'exécution par la multiplicité des
Gravures , on a pris le parti de joindre à chaque
Cahier une feuille in- 8 ° . de feize pages d'impreffion
, qui contiendra un abrégé de l'époque hiftorique
dont on aura tiré les fujets des fix Gravures
fuffifamment expliquées dans un fommaire fort
court au bas de chaque Eltampe.
Le nom de M. Vauvilliers , Profeffeur de Langne
Grecque au Collège Royal , & de l'Académie Royale.
des Infcriptions & Belles - Lettres , qui s'eft chargé
de la rédaction de cette partie hiftorique , doit prévenir
favorablement le Pub'ic.
Par ce moyen , au lieu de cent Cab´ers de Gravures
, l'Hiltoire Univerfelle ancienny , facrée &
profane fe trouvera renfermée dans cinquanté.
Chaque Cahier coûtera vingt fols de plus pour la
feuille d'impreffion qui y fera jointe . En fuppofant
que les feize pages ne fuffifent pas pour quelque
époque , le Supplément ne fera jamais payé . Les
prix énoncés ci- deffous demeureront invariables
Jufqu'à la fin de l'Ouvrage . Chaque Cahier in - 8 °.
avec les feize pages d'Hiftoire coûtera 4 liv. petit
papier , s liv. papier vélin , grande marge , & 6 liv.
in-4° . avec la bordure. On foufcrit à Paris , chez
138 MERCURE
ractère plus ou moins gros plus flatteur à l'oeil , les
Editions les plus jolies .
Cette Collection , la plus variée pour les Auteurs ,
eft auffi la plus variée pour les reliûres dans le goût
Anglois quant à la dorure & à la tranche ; il y en
a en veau- marbre Allemand de diverſes couleurs ,
ou maroquin bleu , vert , rouge , jaune , &c. Elle
eft de cinquante écus. La boëte à part eft de 30 liv. ,
& livrée avec les Volumes elle eft de 24 liv. outre
les cinquante écus des cinquante Volumes qu'elle
contient. Il y a une Collection Angloife dans le
même genre , mais qui n'eſt pas
fi variée ni fi élégante
; elle eft de moitié plus chère On peut comparer
l'une & l'autre Collection chez Royez , Libraire,
quai des Auguftins , à la defcente du Pont-
Neuf.
Le même Libraire a fait relier avec la même
élégance & la même variété une quantité de Livres .
choifis parmi les bons Auteurs claffiques , férieux &
autres , & notamment des Livres propres à l'Education
, des Dictionnaires , & c.
SUITE de cinquante Eftampes destinées à orner
les Editions d'Homère , gravée d'après les Deffins de
M. Marillier par les foins de M. Ponce , Graveur
ordinaire du Cabinet de Mgr. Comte d'Artois , de
l'Académie des Sciences , Belles Lettres & Arts de
Rouen , &c .
Il paroic actuellement une Livraiſon de fix Eftampes
, tirées des fix premiers Chants de l'Iliade ;
elles font gravées par MM. Ponce , de Ghendt ,
Dambrun , Delignon & Trière , & donnent une
bonne idée de la Collection .
Ces Eftampes pourront fervir à toutes les Éditions
d'Homère , en quelque Langue & quelque format
qu'elles foient , excepté in- 12 .
DE FRANCE. 239
Le même Artifte publiera en Janvier prochain
les quatrième , cinquième & fixième Livraiſons des
Illuftres François , compofées des Tableaux Hiftoriques
de Louis XIV , Boffuet , Mme Deshoulières ,
Molière , Montefquieu & Lefueur. La protection
dont Sa Majesté a daigné honorer cet Ouvrage en
foufcrivant pour un grand nombre d'Exemplaires
en àffure le ſuccès , & en accélérera l'exécution.
NOUVEAU CHOCOLAT. La gomme arabique a
éré'connue dans tous les temps comme propre à reméðier
aux maux de poitrine , aux rhumes , à la
toux , & c. On en donne avec fuccès dans la colique
pour amortir l'action des humeurs âcres. On peut
la prendre en fubftance elle fe diffout facilement
dans la bouche . On vient d'en effayer l'ufage d'une
manière auffi agréable que faluraire. Une perfonne
étoit attaquée depuis environ fix mois d'un rhume
qu'elle avoit négligé ; une maigreur & un dépériffement
extrêmes , occafionnés par la fréquence de la
l'avoient mis dans le plus grand danger. On
imagina de lui preferire pour tout régime l'uſage
d'un Chocolat que l'os a combiné avec la gomme
arabique & le baume de Tolu . Ce traitement a eu
le fuccès le plus complet. Comme il eſt effentiel de
s'allurer en pareil cas du choix des fubftances & de
l'exactitude de la préparation , le Médecin s'adreffa
à une personne dont il étoit sûr , au fieur Duthu ,
Marchand Epicier- Droguiſte , rue Saint Denis , visà-
vis Sainte Opportune. C'eft chez lui que fe trouve
ce nouveau Chocolat , qui peut faire beaucoup de
bien , & qui n'eft dangereux dans aucun cas.
Six Sonates pour Violon & Baffe , d'une difficulté
graduelle pour fervir d'étude aux Amateurs , avec
240 MERCURE
des Notes fur le caractère de chaque morceau & le
fyle de leur exécution , par M. G. M. Cambini ,
premier Livre de Sonates . Prix , liv. frane de
port. Numéro 20 du Recueil d'Airs nouveaux
François & Etrangers en Quatuors concertans , ou
Journal de Flûte , Alto & Baffe , par M. Cambini .
Prix , poar vingt- quatre Cahiers 21 & 24 liv. Séparément
2 liv. A ce Journal eft joint celui des Délaffemens
de Polymnie ou les petits Concerts de
Paris, pour lequel on foufcrit auffi moyennant
12 liv. chez M. Porro & Mnie Baillon , rue du
petit Repofoir , près la Place des Victoires , à la
Mufe lyrique.
TABLE.
EPITRE à M. Balze,
A Mile Warefcot ,
199
193 ) Cécile , fille d'Achmet III,
Empereur des Turcs , 216
Tableau du travail fait par
200 les Rédacteurs & Coopéra-
202 teurs du Mercure , 219
Charade , Enige & Logogry
Hiftoire de Provence,
Difcours de M. le Comte de la Annonces & Notices , 232
Tourailles , 211
APPROBATION.
PAT lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France, pour le Samedi 30 Décem. 1986. Je n'y
ai rien trouvé qui puiſſe en empêcher l'impreffion. A
Paris , le 29 Décembre . 1786, GUIDL
SUPPLEMENT
AU MERCURE * .
COURRIER LYRIQUE ET AMUSANT
ou Paffe-temps des Toilettes . Par Mad.
DUFRENOY. Avec Privilége du Roi.
AVIS.
IL paraîtra fans doute étonnant à la majeure
partie du Public , qui penfe que les
Cette Feuille de Supplément eft deſtinée à la publieation
des Profpectus & Avis particuliers de la Librairie.
Au moyen de cette Feuille , les Profpectus qui cidevant
fe perdaient & n'étaient pas lus du Public , fe conferveront
au moins autant que chaque Mercure. Il y a plus ,
leurs frais fe trouveront confidérablement diminués ; une
partie de la compofition , du tirage , du pliage , &c. devenant
une dépenfe commune pour chacun d'eux.
La partie littéraire du Mercure n'étant compofée que de
deux feuilles , on ne pouvait auffi y parler que très -imparfaitement
des Ouvrages concernant les Sciences & les Ares.
On pourra dans les Profpectus s'étendre particulièrement
fur ces objets.
On doit s'adreffer à M. MOUTARD pour l'infertion & le
payement. Les frais pour 2 pages reviennent à 42 liv.
4 pages 84 liv. , &c . Outre le prix ci - deffus , on doit
donner au Rédacteur du Mercure un exemplaire des Livres
nouveaux annoncés dans chaque Profpectus.
Supplém . N°.52 . 30 Décembre 1786. *
( 2 )
occupations des femmes font purement frivoles
, que je veuille me méler non feulement
d'écrire , mais encore de juger les
Ecrits des autres : je ne répondrai à cette
opinion , qu'en cherchant chaque jour à
me rendre digne de fon approbation; mon
travail fera proportionné au défir que j'ai
de lui plaire , & c'eſt dans ce défir infini
que je puiſerai toutes les forces qui pourraient
me manquer. Je ne ferai point partiale
dans les Notices que je ferai des nouveaux
Ouvrages ; l'intérêt & l'amitié même
ne pourront jamais me porter à cacher ma
façon de penfer ; & ma véracité rigide
s'exercera fur-tout à l'égard des meilleurs
Auteurs de notre fiècle , dont la gloire ſerait
ternie par des applaudiffemens qu'ils
fentiraient n'avoir pas mérités . J'avoue enfin,
avec cette franchife dont je fais profeffion ,
que les réflexions auxquelles ma nouvelle
qualité de Journaliſte pourrait donner lieu ,
loin de m'effrayer , ne font qu'augmenter
mon courage pour affronter tous les dangers
oùl'amour irréfiftible des Lettres m'entraîne.
Quant au Courrier lyrique en lui - même ,
je le crois conforme au goût d'une Nation
qui aime à couvrir de l'attrait attachant des
graces l'austérité de la Morale. & la profondeur
de la Philofophie . Depuis qu'il
exiſte , on a vu paraître une quantité prodigieufe
de Recueils d'Anecdotes , preuve
certaine de la prédilection du Public pour
( 3 )
ce genre de lecture ; on a vu les Journaux
& les Almanachs s'empreffer à l'envi de
recueillir les traits qu'il offrait : voilà pour
le fuccès des Anecdotes. Celui de la partie
des Ariettes , Vaudevilles , & c. n'eſt pas plus
furprenant , fi , comme l'a prétendu M. de
Voltaire , nos Chanfons , qui font en grand
nombre , valent mieux que celles d'Anacréon
; cependant , à la variété qui réſulte
de cet affemblage , j'ai obtenu la permiffion
de joindre encore un objet auquel les autres
Rédacteurs de Feuilles n'ont point penfé,
ou qu'ils ont jugé trop incompatible avec
leur gravité. Oferai - je , fans craindre de
compromettre la mienne , annonecr à mes
Soufcripteurs qu'il s'agit de Contredanfes
nouvelles , parmi lesquelles je choiſirai les
meilleures, pour les donner, avec leurs figu
res , dans la Partie des Ariettes ?
Il paraît tous les quinze jours feize pages
, format in-8 °. , de cet Ouvrage pério- .
dique , fous la diftribution de première &
feconde Partie.
L'une , formant huit pages , contient des
Chanfons , des Romances , des Ariettes ,
des Vaudevilles , avec les Airs notés , quand
ils ne font point connus , mais dont les
paroles font toujours choifies de manière
à pouvoir plaire. comme jolies Pièces de
vers , même aux perfonnes qui ne chantent
pas ; enfin des Airs de Contredanſes avec
leurs figures : & l'autre Partie , composée
* ij
( 4 )
auffi de huit pages , offre un répertoire
amufant d'Anecdotes , de bons Mots , de
Traits hiftoriques , &c.
On trouve en outre fur la couverture
l'Almanach de chaque quinzaine , des Notices
de Livres , & des Annonces de Gravures
, de Mufique , & c.
La Mufique eft revue avec la plus grande
attention par un Artifte habile & connu .
MM. les Auteurs ou MM. les Muficiens
qui auront fourni , dans l'année , une douzaine
de Chanfons dont on aura fait uſage ,
recevront la Feuille gratis pendant un an,
On accueillera aufli avec reconnaiffance les
' Anecdotes , les bons Mots , les Traits hiftoriques
, &c. qui feront envoyés : on nommera
même les perfonnes qui le défireront ;
mais on prévient que l'on n'admettera aucuns
morceaux de ce genre , que l'on n'ait
eu la précaution d'indiquer les fources où
on les aura puifes , ou les autorités qui
pourront en conftater la vérité.
C'eſt à Mad. DUFRENOY feule que l'on
doit adreffer les objets relatifs à cet Ouvrage.
On fouferit dès à préfènt , pour le premier
Janvier , chez Mad. DUFRENOY ,
quai de l'Ecole , maifon de M. Dufrenoy ,
Procureur au Châtelet , où l'on pourra s'abonner
en tout temps pour le recevoir
pendant une année , à dater de l'époque
que l'on voudra, choifir : c'eft à elle feule
qu'il faut s'adreffer pour les Collections ,
( 5 )
Le prix de la foufcription eft de 15 liv. pour
Paris , & de 16 liv . 8 f. pour la Province , franc
de
port.
On ne décachetera pas les lettres qui ne ſeront
point affranchies.
"
Le Bureau est toujours ouvert , excepté l'après-
midi des Fêres & Dimanches.
Lu & approuvé , ce 30 Novembre 1786. DE SAUVIGNY.
Vu l'Approbation. Permis d'imprimer , ce 1 Décembre : 786.
DE CROSNE..
L'ESPRIT DES JOURNAUX Français &
Etrangers ; dédié à S. A. S. Monfeigneur le
Prince régnant de la Tour & Taffis , &c . &c.
Par une Société de Gens de Lettres . Avee
Approbation & Privilége du Roi.
Pour toute la France , à Paris , chez la
veuve VALADE , Imprimeur- Libraire,
rue des Noyers , vis- à -vis Saint- Yves.
La foufcription , prife à Paris , eft de 27
liv. , & pour la Province , rendue franche de
port par la Pofte , pour tout le Royaume ,
33 liv.
L'ESPRIT DES JOURNAUX paraît depuis le
mois de Juillet 1772 , & il forme actuellement
une collection de plus de 150 Vo
lumes in- 12 de 432 pages chacun .
L'accueil favorable que le Public a fait à
ce Journal , dès fa naiffance , eft une preuve
inconteftable de fon mérite ; & chaque année
révolue en affure de plus en plus le
*
iij
( 6 )
fuccès. Aufli s'eft- il foutenu avec un avantage
fenfible ; tandis que beaucoup d'Ouvrages
du même genre , annoncés d'abord
avec éclat , n'ont pas tardé à difparaître du
champ de la Littérature .
En effet, un Journal qui donne un précis
raifonné de ce que contiennent les autres
Journaux Français & Etrangers , ne peut
que plaire à toutes les claffes de Lecteurs ,
par l'abondance , la variété , l'intérêt des
matières. Les Français fe procurent ce Journal
, parce que , dans aucun autre Ouvrage
périodique , ils ne trouvent des détails auffi
abondans fur la Littérature étrangère ; & les
Etrangers y fuivent avec intérêt toutes les
productions de la Littérature Françaiſe
Les Rédacteurs de ce Journal ne fe bornent
pas uniquement à offrir aux Lecteurs
l'extrait des Papiers publics qui s'impriment
en France , en Angleterre , en Italie ,
en Allemagne , en Hollande , &c . plufieurs
Hommes de Lettres , d'une réputation dif
tinguée , donnent encore un nouveau mérite
à ce Journal , en y faifant paraître des
Differtations favantes , des Mémoires curieux
ou inftructifs , que l'on ne trouve
imprimés que dans ce Recueil , & qui le
rendent infiniment précieux.
DIVISION DU JOURNAL.
1. EXTRAITS . Sous ce titre on fait connaîtreles
Livres Français , Anglais , Italiens , Allemands
, &c. annoncés dans les Journaux
( 7 )
qui concourent à la rédaction de celui - ci.
On en fait l'analyfe d'après ces Journaux ,
ou d'après l'Ouvrage même , lorfque des
circonftances particulières l'exigent , & l'on
termine cette analyfe par le jugement des
Journaliſtes , en s'éloignant également des
louanges outrées qui enorgueilliffent les
talens médiocres , & de la fatire amère
qui décourage les jeunes Littérateurs &
révolte les honnêtes gens .
II . MÉLANGES . Différens morceaux de
Littérature , épars dans les Ouvrages périodiques
Français & Etrangers , fe trouvent
réunis fous ce titre.
III. POÉSIES FUGITIVES . Cet article eft
compofé des meilleures Productions que
nos Poëtes envoient aux différens Journaux.
IV. ACADÉMIES. SÉANCES DE DIVERSIS
SOCIÉTÉS. On indique , fous ce titre , les
Séances publiques des Académies établies
en Europe , les objets qui y font traités ,
le fujet des Prix que l'on y propofs , les
Mémoires on Differtations qui remportent
ces Prix , les nominations aux places vacante's
, &c .
V. SPECTACLES . On denne dans cet article
, un Extrait on une Notice des Pièces
nouvelles repréfentées fur les Théatres de
Paris , de Londres , en Italie , en Allemagne
, &c. avec l'hiftoire de leur fuccès ou
de leur chute .
VI. HISTOIRE NATURELLE . PHYSIQUE
CHIMIE. BOTANIQUE .
iv
( 8 )
VII. MÉDECINE. CHIRURGIE .
VIII AGRICULTURE . ECONOMIE. INDUS
TRIE. COMMERCE.
Un Journal rédigé d'après tous les Ouvrages
périodiques qui s'impriment en Europe
, devient d'une grande utilité , relativement
aux objets compris fous les trois
articles qui précèdent,
IX . TRAITS DE BIENFAISANCE , DE JUSTICE
ET D'HUMANITÉ.
X. ANECDOTES . SINGULARITÉS .
XI. BIBLIOGRAPHIE DE L'EUROPE.
On fait connaître , fous ce titre , les Ouvrages
nouveaux , publiés en France , en
Italie , en Allemagne , en Hollande , en
Angleterre , &c . La Notice que l'on en
donne , eft fuffifante pour indiquer leur
objet la manière dont il eft rempli.
Lorfque les Cuvrages annoncés dans cette
Bibliographie méritent , par leur importance
, une analyſe particulière , on ſe réferve
à la donner à l'article des Extraits ,
dans quelqu'un des Journaux qui doivent
fuivre.
XII. GRAVURES .
XIII. MUSIQUE.
XIV. GÉOGRAPHIE.
XV. CATALOGUE
VEAUX .
DES LIVRES NOUDans
ce dernièr article , on donne le
titre de tous les Livres annoncés dans les
Journaux , Feuilles hebdomadaires , Gazettes
, Catalogues & Avis particuliers , en at(
9
tendant qu'on puiffe les faire connaître par
des Extraits ou de fimples Notices . On indique
leur prix , leur format , les lieux où
on les trouve les noms & l'adrelle des
Libraires qui les débitent.
>
Il parait exactement tous les mois un
volume in 12 de l'Efprit des Journaux :
chaque volume eft compofé de dix-huit à
dix neuf feuilles , caractère de Philofophie ,
Petit- romain & Petit- texte.
On peut fouferire en tout temps , mais
on eft obligé de prendre l'année entière .
On fouferit chez tous les Libraires de
l'Europe & dans tous les Bureaux des Poftes
du Royaume de France , de l'Allemagne
de l'Italie , des Pays - Bas , de la Hollande , de
l'Angleterre , de la Suifle , & c .
TABLE GÉNÉRALE ET PROSPECTUS
DE L'ESPRIT DES JOURNAUX .
TABLE générale & raifonnée des Matières
contenues dans l'Esprit des Journaux ,
précédée de la Lifte des Auteurs , ftivie
des Titres des Ouvrages dont on a rendu
compte difpofée dans fes trois parties
par ordre alphabétique . Tome premier ,
comprenant les années 1772 , 1773 , 1774
& 1775 , Prix , 50 fols & 3 liv. rendu franc
deport dans toute la France. A Paris , chez
la veuve VALADE ; Imprimeur Libraire,
rue des Noyers , vis - à - vis Saint - Yves .
*
V
( 10 )
34
ی ت
A Liége , pour les Pays étrangers , chez
J. J. TUTOT, Imprimeur-Libraire ,
dans tous les Bureaux des Poftes étrangères
où l'on foufcrit pour l'Eſprit des
Journaux. 1786.
L'OUVUVRAGE périodique dont on publie
la Table générale , forme aujourd'hui une
collection de plus de 150 Volumes in- 12
de 432 pages chacun. Lés Soufcripteurs défiraient
depuis long-temps , & demandaient
avec inftance une Table des Matières qui
épargnat aux Lecteurs des recherches pénibles
, lorfqu'ils veulent retrouver un article
du Journal qu'ils ne fe rappellent que
confufément. Enfin , le premier Volume de
cette Table paraît , le fecond cft fous preffe ,
& les autres fuivront immédiatement &
fans interruption.
Le deuxième comprend les années 1776 ,
1777 , 1778 ; le troifième , 1779 , 1780 ,
1781 ; le quatrième , 1782 , 1783 , 1784 .
Au commencement de 1788 , on publiera
un cinquième Volume , qui s'étendra aux
années 1785 , 1786 , 1787 ; & enfuite , tous
les trois ans , il en paraîtra un nouveau
Volume .
On a fuivi l'ordre alphabétique dans la
rédaction de la Table générale , parce que
c'eft le feul qui convient lorfqu'il s'agit
d'un Ouvrage auffi confidérable , auffi étendu
que l'cft l'Esprit des Journaux , formé d'articles
aufli nombreux , auffi variés . Chacun
( 11 )
connaît , par la propre expérience , la facilité
que procure cet arrangement dans :
une Table des matières. Lorsqu'elle eft
faite avec foin , il fuffit de fe rappeler le
titre d'un- Ouvrage ou le nom de l'Auteur ,
ou feulement l'objet qui y eft traité , pour
avoir à l'inſtant le renvoi au Volume & à
la page que l'on veut confulter. Ces renvois
ne font pas moins utiles lorfqu'il s'agit
de rapprocher des obfervations , des faits:
ifolés en apparence , mais qui fe lient néceffairement
à un fyftême , & qui ont pour
bafe une découverte dans les Sciences &
dans les Arts . On publie une obſervation
importante , on annonce une découverte
utile ou curieufe , & il s'écoule fouvent un
certain nombre d'années avant que l'on fe
foit accordé à l'admettre ou à la rejeter ;
on multiplie les raifons pour ou contre , &
ce n'eft qu'après beaucoup de difcuffions
que l'on le rapproche : on ferait fouvent
cbligé de parcourir un grand nombre de
Volumes pour fuivre ces difcuffions , fi
fi ,
dans une feule page de la Table générale,
on les trouvait indiquées avec quelques.
mots d'explications qui fuffifent pour pofer
l'état de la queftion & les conféquences qui
en dérivent .
Le Public fentira donc toute l'utilité de
la Table de l'Esprit des Journaux , fans.
qu'il foit néceffaire de s'étendre davantage
fur cet objet..
* vj
( 12 )
Avis pour la réimpreffion de l'Esprit des
Journaux , depuis le mois de Juillet 1772
jufqu'à l'année 1786 inclufivement.
QUOIQUE
:
UOIQUE ce Journal ait été tiré à un
nombre confidérable au delà de celui des perfonnes
auxquelles on devait d'abord le fournir
, le Libraire fe trouva bientôt forcé
d'en refufer des collections aux nouveaux
Soufcripteurs. Il n'y avait qu'un moyen de/
les fatisfaire réimprimer les années qui
manquaient. Mais ce moyen devenait onéreux
pour le Libraire ; auffi ne jugea - t- il
pas à propos de l'employer. Cependant on ,
lui fait des demandes répétées des premières
années , afin de fe procurer , fans
lacune , un Ouvrage dont l'établiffement
eft fixé , & qui a pris rang dans les Journaux
les plus répandus en Europe. Le Libraire
ne peut donner une preuve plus fenfible
du défir qu'il a de fatisfaire le Public,
qu'en offrant de réimprimer tous les Volumes
qui ont paru depuis 1772 juſqu'à
1786 , s'il fe préfente feulement quatre cents
Soufcripteurs. Pour peu que l'on ait des
connaillances en Librairie , on verra que
c'eft moins pour fe procurer un avantage
le Libraire fait cette propofition , que
pour faciliter au Public l'acquifition d'un
Ouvrage qu'il a favorablement accueilli.
que
Les années qui manquent à beaucoup
de perfonnes qui follicitent une réimpref
fon , font principalement 1772 juſqu'à
( 13 )
1775 ; mais le nombre des Souferipteurs
ayant augmenté chaque année , il eſt devenu
impoffible de leur fournir les années
fuivantes. En offrant de les réimprimer
aufli , le Libraire fent parfaitement que les
Soufcripteurs défirent être libres de fe procurer
feulement telle ou telle année qui
manque à leur collection , & c'est encore
un facrifice qu'il fera volontiers.
On ne demande aux perfonnes qui foufcriront
pour la réimpreffion des Volumes ,
qu'une promeffe par laquelle elles s'enga
gent à payer 27 liv. pour 12 Volumes ,
formant une année , & 33 liv. rendus francs
de port dans toute la France.
Le Libraire ne s'engage , de fon côté , ` à
remplir fes conditions , que dans le cas oùles
quatre cents fonfcriptions feraient remplies .
:
L'année 1772 commence en Juillet , époque
de la publication de l'Efprit des Journaux
les fix mois de cette année contiennent
huit parties , qui formeront trois Volumes
; l'année 1773 , vingt- quatre parties ,
qui formeront frx Volumes ; l'année 1774 , le
même nonibre de Volumes ; les années 1775
& fuivantes jufqu'à ce jour , douze Volumes,
chacunes de 432 pages.
On adreffera les commiffions pour cet
objer , ainfi que pour la foufcription ordinaire
du Journal , à Paris , chez la veuve
VALADE.
Lu & approuvé, ce 7 Octobre 1786. TERRASSON
La & approuvé , ce 9 Novembre 1786 DE SAUVIENT..
Vules Approbations. Permis d'imprimer , ce 16 Nov. 1785.
DE CROSNE.
( 14 )
ANNALES MUNICIPALES OU ANNALES
DE PARIS. Par M. AMEILHÒN , Hiftoriographe
& Bibliothécaire de la ville ,
& c. & c.
CHARGÉ par le Corps de Ville de compofer
une nouvelle Hiftoire de Paris , depuis
fon origine jufqu'à nos jours , je m'occupe
féricufement de ce travail. Les difficultés que
j'éprouve en remontant d'âge en âge , pour
parvenir à la découverte des anciens monumens
enfevelis dans la nuit des temps , m'ont
fuggéré l'idée d'un Ouvrage qui , par la fuite ,.
épargnera ces pénibles recherches . Il fera intitulé
, Annales de Paris : le titre feul en fair
déjà connaître la nature & l'objet. On prévoit
d'avance que ce doit être un Recueil où
P'on aura foin de raffembler tout ce qui fe
paffera d'intéreffant dans la capitale , pendant
le cours de chaque année ; d'où réfultera
un fonds de matériaux qui n'auront
enfuite befoin que d'être mis en oeuvre, &
de recevoir la forme convenable . Alors
P'Hiftorien ne fera plus obligé de perdre fon
temps à recueillir laborieufement des pièces
éparles de côté & d'autre , & à fouiller
dans des manufcrits ou des livres peu connus
, pour y chercher des lumières que fouvent
il n'y rencontre pas .
D'ailleurs ces Annales , en fatisfaifant plus
promptement la curiofité du Citoyen , continueront
toujours la chaine hiftorique , & ne
( 15 )
laifferont plus pour la fuite de lacune femblable
à celle qui fe trouve maintenant
entre nous & l'époque où l'on a ceffè d'é-
Grire l'Hiftoire de Paris.
Ces matériaux feront rangés fous trois.
chefs ; parce que l'Hiftoire particulière d'une
ville peut fe rapporter à trois grands ob.
jets ; 1 ° à la Topographie ou defcription des
lieux ; 2 ° . au récit des évènemens qui s'y
paffent ; 3. aux perfonnes qui l'habitent.
1. La Defeription des lieux . Depuis plus
de trente ans , Paris a tellement changé de
face , que le local en eft devenu prefque
méconnaiffable . Chaque jour voit de nouveaux
édifices s'élever , de nouvelles rues
s'ouvrir , de nouveaux quartiers & de nouvelles
places fe former. On rendra compte
ici du plan , de l'objet & de l'exécution
de ces travaux publics ; & , pour nous acquitter
avec plus de fuccès de cette tâche ,
nous inviterons MM. les Architectes & Entrepreneurs
, à nous fournir eux - mêmes
des notices de leurs ouvrages . Nous prierons
auffi les perfonnes qui auraient dans l'intérieur
de leurs maifons des reftes de vieux
monumens , & dont la connaiſſance pourrait
être utile à notre Hiftoire , de vouloir
bien nous en inftruire. Il ferait fur-tout à
fouhaiter que ceux qui font démolir des
bâtimens où s'apperçoivent encore quelques
traces d'antiquité , euffent également la conplaifance
de nous en prévenir , avant de
les livrer au marteau deftructeur.
2º . Les évènemens . Depuis qu'une heu(
16 )
reufe & inaltérable tranquillité règne dans
l'Etat ; que tous les Français n'ont plus qu'un
feul intérêt , celui de la Parrie , & qu'une
feule affection , l'amour de leur Souverain ,
Paris a cellé d'être le théatre de ces grandes
& fameufes révolutions dont fen Hiftoire
ancienne n'eft que trop remplie. D'autres
évènemens moins éclatans , mais plus pacifiques
& plus heureux , ont fuccédé . Nous
les rapporterons à mefure que l'occafion les
fera naître. Cet article comprendra autli tous
les établiffemens qui auront pour but l'uti
lité publique. On y rappellera les opéra--
tions des diverfes Adininiftrations qui font
chargées de maintenir le bon ordre , & de
veiller à la sûreté & à la fubfiftance des habitans
de cette grande ville. On y raffemblera
les Réglemens qui émaneront de chia
cunc de ces Adminiftrations , & par conféquent
le Citoyen y trouvera réuni tout ce qu'il
lui importera de connaître , foit pour fe conduire
conformément aux Loix prefcrites par
l'Autorité , foit pour éviter des tranfgreflions
qui pourraient lui attirer des difgraces.
30. Les habitans. Ici l'on recueillera , d'après
ceux de nos papiers publics que le Gouver
nement autotife , les évènemens qui pourront
intéreffer plus particulièrement les divers
Corps , Sociétés ou Compagnies que cette
ville renferme dans fon fein. On y indiquera
les pertes qu'elle aura faites dans le cours
de l'année , de ceux de fes Citoyens que des
talens fupérieurs auront rendus célèbres, furtout
lorfque ces talens fe feront exercés fur
( 17 )
·
des objets d'une utilité reconnue . S'il paraît
un chefd'oeuvre dans les Lettres , s'il
fe fait quelque grande découverte dans les
Sciences ou dans les Arts , nos Annales en
conferveront le fouvenir , parce que le tableau
des progrès de l'efprit , du génie &
de l'induftrie des habitans de la capitale
d'une grande Nation , doit néceffairement
faire partie de leur Hiftoire. Comme notre
intention eft de ne nous arrêter qu'à ce qui
nous paraîtra véritablement digne des regards
de la Poftérité , on conçoit que cet
article ne pourra jamais être par lui même
fort étendu . Pour le foutenir & en quelque
forte l'alimenter , nous y donnerons
fucceffivement les vies de nos plus illuftres
Parifiens.
Dans un article féparé , nous ferons toujours
imprimer quelque Pièce intéreffante
qui n'aura pas encore paru , ou quelque
difcuffion fur des points hiftoriques que
nous, croirons avoir befoin d'être éclaircis ;
ce qui nous difpenfera de charger notre
Hiftoire de Paris d'un trop grand nombre
de pièces justificatives.
Enfin , nous donnerons la notice des Ouvrages
nouveaux , foit hiftoriques , foit géographiques
, qui auront quelque rapport à
la ville de Paris. Nous prendrons même la
liberté de relever , mais toujours avec décence
, les méprifes qui auront pu échapper
à la vigilance des Auteurs. Ce doit être
l'office principal d'un Hiftoriographe en
titre ; il faut , avant tout , qu'il épure les
( 18 )
fources où il pourra puifer. On ne pouffera
pas plus loin ces détails. On comprend aifément
que ce plan fera fucceptible de divers
développemens qui naîtront des circonftances.
Ces Annales feront ce qu'elles doivent
être , fi elles ne contiennent que des faits
avérés , & fi le ftyle en eft fimple & clair.
Nous ofons affurer qu'elles auront ce double
avantage , párce qu'il n'y a point de vanité à
tirer d'un pareil mérite. Le plus grand honneur
que nous attachions à cet Ouvrage , eft
de le faire paraître fous les aufpices d'un
Miniftre fi recommandable parfon zèle pour
tout ce qui peut contribuer au bien & à la
décoration de la première ville du Royaume
& avec l'agrément d'une Compagnie qui
repréſente fi dignement le Corps des Citoyens
, & dont le Chef fait revivre un
.nom déjà cher aux habitans de cette capitale
, celui de l'illuftre Claude le Pelletier ,
à qui Paris doit tant de commodités &
d'embelliffemens.
Les Anales de Paris , à commencer par
l'année 1787 , paraîtront dans les deux preiniers
mois de la fuivante. C'eft l'ordre qu'on
obfervera pour la fuite . Le prix dépendra
du Volume , & le Volume de la richeffe des
matières ; toutes les années ne peuvent être
également abondantes.
Il ne s'agit point ici de Soufcription . Les
feules avances qu'on attend du Public , confiftent
dans les renfeignemens que chaque
Citoyen , bien intentionné pour cette entre(
19 )
prife , pourra fournir. L'Auteur défire que
les Ecrits lui foient adreffés francs de port,
& fur- tout avoués de ceux qui les enverront ,
de forte que , dans le cas où il aurait des
doutes , il pût s'en éclaircir avec eux . On
fent que la loi qu'il s'impofe de ne publier
que des faits dont la vérité foit inattaquable
, ne doit point lui permettre de s'abandonner
à la difcrétion des Anonymes. Il
aura toujours l'attention de faire honneur
à qui il appartiendra , des fecours littéraires
don on voudra bien le gratifier .
La demeure de l'Auteur eft rue des Prêtres-
Saint -Paul , vis- à- vis de la rue des Jardins,
maifon de Saint-Louis.
Lu & approuvé , ce 21 Avril 1786. DE SAUVIGNY.
Vu l'Approbation . Permis d'imprimer , ce 23 Avril 1786.
DE CROSNE.
Avis fur la Soufcription du Journal des Caufes
célèbres.
CET Ouvrage périodique eft dans toutes les
Bibliothèques ; fon objet & fon plan font connus.
L'intérêt que fa lecture infpire , a excité
la cupidité des contrefacteurs étrangers . Une
édition volumineufe eft fortie de leurs preffes .
Heureufement des défenſes févères en ont arrêté
la circulation dans le Royaume.
Depuis deux ans ce Journal paraît tous les
quinze jours. Il n'était compofé avant que de
douze Volumes. Toutes les Caufes célèbres ,
eurieufes & intéreffantes , qui font jugées dans
toutes les Cours Souveraines du Royaume , y
font rapportées avec la plus grande exactitude.
On y trouve fouvent des affaires dont les dé·
( 20 )
tails font auffi attachans que ceux qui piquent
la curicfité dans le Romans , & ils ont un
avantage bien précieux fur les Productions de
l'imagination ; car ces dernières n'ont d'autre
attrait que celui d'une fiction ingénieuſe , tandis
que les Caufes célèbres réuniffent l'intérêt de la
vérité à la bizarrerie des évènemens qui influent
fur la definée des Citoyens .
2
Les perfonnes qui fe propofent de foufcrire
pour ce Journal , font priées d'envoyer leur
abonnement , afin qu'on ait le temps d'imprimer
leur adreffe . On foufcrit chez M. des Effarts
Avocat , Membre de plufieurs Académies , rue
du Théatre Français , la dernière porte cochère
près la place ; & chez Mérigot le jeune , Libraire ,
quai des Auguftins. Le prix de la foufcription ,
pour Paris , eft de 18 livres , & de 24 livres
pour la Province . Il faut avoir foin d'affranchir
le port de l'argent & des lettres d'avis . ^
On trouve au Bureau du Journal , rue du
Théatre Français , les vingt - quatre Volumes de
T'année 1786 , qui renferment entre autres
Caufes célèbres ; le fameux Procès de la fille
Salmon ; ceux de la jeune Payfanne des environs
de Touloufe , accufée de parricide ; d'un
fourd & muet , accufé de viol ; plufieurs queftions
d'état , & c. &c . &c. Ce vingt - quatre Volumes
fe vendent 18 livres à Paris , & vingt- quatre
livres , francs de port , en, Province .
On trouve auffi chez Moutard , Imprimeur
de la Reine , rue des Mathurins , une nouvelle
édition des dix premières années , qui contient
un Choix de Caufes célèbres. Cette édition ”,
qui eft compofée de 15 Volumes de cinq cents
pages chacun , fe vend 37 livres 10 fous broclice
, & 45 livres reliée .
Lu & approuvé , ce 6 Décembre 1786. DE SAUVIGNY.
Vu l'Approbation , Permis d'imprimer , les Décembre 1786.
DE CROSNE.
( 21 )
NOUVEAU LIVRE D'ORDRE , Portefeuille
, Secrétaire , ou Souvenir annuel
pour l'année 1787 , divifé en cinq parties.
Chez le fieur SALMON , Marchand Papetier,
rue Dauphine , No. 26 , vis- àvis
celle d'Anjou .
LA première , réglée à livre ouvert pour
le fouvenir & la dépenfe de chaque jour
de l'année .
La feconde , réglée pour la recette , chaque
page préfentant une ſemaine.
La troifième , réglée à livre ouvert pour
échéances , les rentrées & payemens à terme
fixe.
La quatrième , réglée pour perte & gain .
Ces quatre parties , avec tableau de récapitulation
pour chaque objet de recette.
& dépenfe .
La cinquième contient le répertoire alphabétique
& indicatif : chacune de ces cinq
parties féparée par une affez grande quantité
de feuilles blanches encadrées , pour les
notes & obfervations particulières ou relatives
à chaque objer.
Ce livre réunit au double avantage de
contenir féparément chaque objet de recette
& de dépense , celui de pouvoir y en
ajouter de telle autre nature que ce foit ,
comme payemens & acomptes donnés à
divers Entrepreneurs , Marchands , Fournil(
22 )
feurs & Ouvriers , appointemens , gages des
Officiers & domeftiques , le jour où ils ont
été payés , & celui où il en doit échoir ; enfin
tout ce qui a rapport au détail & à l'adminiftration
d'une maiſon fi confidérable qu'elle
foit , fans être obligé d'avoir recours à d'autres
livres.
La colonne des fouvenirs , faifant partie
de la première , eft de la plus grande utilité ,
en ce qu'elle donne la facilité de donner ou
prendre le jour & l'heure pour tel temps fi
éloigné qu'il foit dans l'année , fans autre
peine que de défigner l'objet , la date & le
jour y étant indiqués en marge ; & chaque
jour amenant ce qui fut promis peu ou beaucoup
de temps auparavant , prévient ce qui
pourrait échapper à la mémoire la plus active
, comme auffi de prendre deux fois le
même jour & la même heure.
Seconde partie. Recette. La recette étant ,
moins détaillée que les dépenfes , occupe auffi
beaucoup moins d'efpace , & dont l'excédant
peut encore fervir à y porter nombre
d'objets divers .
Troifième partie. Rentrées & payemens
à terme fixe. Comme rentes , baux , affermages
, refcriptions , lettres de change ,
traites & remifes , mandats , billets au porteur
, arrêtés de comptes , &c. & généralement
tous les effets dont le terme eft fixe ,
tant pour la recette que pour les payemens .
Cette même partie peut fervir à différentes
fpéculations.
( 23 )
Quatrième partie . Perte & gain. Ce n'eft
point feulement pour le jeu que cette partie
eft deftinée , en ce qu'il eft différentes chofes
qui , par leur produit ou perte, font portées
à cette défignation.
Cinquième partie. Répertoire alphabétique
indicatif. Ce répertoire eft pour rendre les
recherches fur ce livre beaucoup plus
promptes & certaines , en ce que l'on portera
les noms à leurs lettres indicatives .
La date , le jour & l'objet étant indiqués
fur ce livre à ne pouvoir s'y méprendre ,
le rendent très- facile à tenir , préviennent
les doubles emplois , l'équivoque des dates ,
&c. Il finit avec l'année , fans qu'il y ait
de feuillets de moins ni d'inutiles ; le format
eft affez grand pour contenir tous les
objets détaillés ci- deffus fans aucune gêne;
l'ordre avec lequel le fieur SALMON l'a diftribué
, lui a donné la faculté de procurer à
la fois un format agréable & commode.
Il eft imprimé fur de très - bon papier pour
l'écriture . L'on en trouvera chez lui de toutes
lesfortes de reliure, de fermant à clef& fecret ,
de couverts en maroquin , qui y réuniront un
porte-fenille , & autres reliures plus ordinaires.
Il en tiendra de même en feuilles
pour les perfonnes quieraient fupprimer
ou ajouter quelque chofe.
Ce livre paraîtra dans le commencement
de Janvier 1787. Les perfonnes qui défireront
fe le procurer , voudront bien envoyer
( 24)
leurs noms & adreffes au fieur SALMON , qui
leur fera paffer.
L'on en trouvera de même une très- grande
quantité d'autres , de toutes formes , réglés
liv. f. d. recette & dépenfe ; d'autres , une
raie en marge pour copie de lettres , & grands
livres pour doit & avoir , & à l'ufage des Bureaux.
Il y en a de cotés & d'intitulés .
Objets nouveaux d'Etrennes qui fe trouveront
auffi chez le fieur SALMON. Jolis
Portes - feuilles avec néceffaires.
Néceffaire en forme de livres , contenant
beaucoup de pièces différentes ; de jolies écritoires
à néceffaire portatives , tant garnies en
or qu'en argent , acier , &c.
Des boîtes ou coffrets peints , contenant
de joli papier à vignettes & bordé , plumes
de corbeau , cire de toutes couleurs & à
odeurs différentes ; autres acceffoires pour
l'écriture & le deffin ; fait & vend des enveloppes
pour tous les formats & papier à
lettres , & billets du matin. Pour le détail
des autres marchandiſes qui ſe trouvent
chez ledit fieur SALMON , voyez Mercure de
France de la préfente année , 21 Octobre ,
N°. 42 , Supplément , pag. 7 & ſuiv. , auffi
bienque pour l'encre de fa compoſition , tant
en tablettes qu'en bouteilles , approuvée par
l'Académie Royale des Sciences . - Nouveaux
corners en cristal , fermant hermétiquement,
& c. &c.
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
ALLEMAGNE.
DE HAMBOURG , le 15 Novembre.
Ovelle action entre les Tartares -Leghis , &
les Georgiens appuyés des Ruffes, action où
ces de niers ont perdu beaucoup de monde.
Ces efcarmouches renaiffantes coûtent des
frais immenfes & une perte de foldats continuelle
à la Ruffie , fans rebuter les Tartares ,
infatigables à défoler la Georgié , jufqu'à ce
qu'elle ait renoncé à la protection de ſes Auiliaires.
Ce qui accrédite ces facheufes nouvelles
, c'eft le rappel du Lieutenant Général
Paul Potemkin , Commandant en chef
de l'armée du Couban , & qui fera remplacé
par le Général Michelfon .
parle affez pofitivement d'une nou-
Le Baron de Keller , Ambaffadeur extraord
naire & Miniftre plénipotentiaire de
la Cour de Berlin , eft ariivé à Pétersbourg ,
No. 48 , 2 Décembre 1786. a
& a eu la premiere audience de l'Impératrice
& du Grand Duc.
.La Régence de Dantzick a effayé une
démarche auprès du nouveau Roi de Prufe,
qu'elle a fupplié de diminuer les droits qui
gênent le commerce de la République.
Un régiment Ruffe , cantonné dans l'Ukraine
Polonoife , y a commis de fi grands
défordres , que les Nonces des Palatinats
de Kiovie & de Braclaw en ont porté plainte
à la Diete. On a prié le Roi d'envoyer
une Ambaffade à l'Impératrice de Ruffie ,
pour demander le rappel de ce Régiment,
Il n'y a encore rien de décidé à ce fujet.
L'Impératrice de Ruflie projette des augmentations
dans la Marine . Elle fe propofe
d'appeler des conftructeurs étrangers à Riga ,
Revel , Cronftadt & Archangel , & de leur
accorder de grands avantages. On conftruit
à Archangel plufieurs vaiffeaux de guerre,
& on continue à remplir les arfenaux &
magalins de munitions navales. On affure
qu'il fera conftruit un nouveau pont fur la
Neva , & que les travaux feront commencés
le printemps prochain.
Le Lieutenant Egede ; qui eſt reſté en
Inlande , pour continuer le printemps prochain
fes tentatives du côté de l'Eft du
Groenlande , a écrit à Copenhague , qu'il
avoit diftingué le bétail qui pâturoit fur
cette terre perdue . mais que les glaces l'avoient
empêché d'aborder.
L'Elbe a été couvert de glaces pendant
( 3 )
plufieurs jours , & fa navigation interrom
pue.
DE BERLIN , le 14 Novembre .
S. M. eft revenue de Potsdam à Berlin ,
depuis quelques jours. Elle a nommé le célébre
Profeffeur Ferber , fon Confeiller au
département des Mines , & Membre ordinaire
de la claffe de Phylique à l'Académie Royale
des Sciences. Le Roi a également ratifié
l'élection que vient de faire cette Compagnie
, de MM. Meiero to , Recteur du College
de Joachim , du Prédicateur Herman ,
de M. Ancillon , & de M. Magellan à Londres
, comme Affocié extraordinaire.
Le 6 de ce mois , le Prince Henri a célébré
la commémoration de la victoire de
Prague , le 6 Mai 1757 ; victoire à laquelle
S.A. R. eut une grande part, à la tête du régimentd
Itzenblitz , aujourd'hui de Brunswick.
Le Prince a fait inviter à cette fête les Officiers
de ce Régiment qui fe trouverent à la
journée de Prague , & leur a donné à chacun
une médaille d'or. 32 bas Officiers & 42
foldats furent également traités dans le palais
de S. A. , qui fit diftribuer un ducat à
chacun des premiers , & un écu à chaque
foldat. Le Major de Tempelhoff raconte en
ces termes l'un des traits de bravoure du
Prince & de fon Régiment .
» Le régiment d'Itzenblitz ayant rompu la
ligne des ennemis & fe trouvant arrété par
a 2
( 4 )
un foffé rempli d'eau marécageufe , les foldats
effayoient de le pafler un à un fur des
poutres qui fe trouvoient dans le voisinage .
le Prince Henri de Pruffe qui étoit à la te e
de ce régiment ne l'eut pas plutôt vu défiler
ainfi en défordre , que mettant pied à terre
en abandonnant fon cheval , il fe jette le premier
dans le foffé en criant ; Soldats , fuivezmoi.
Auffitôt tout le régiment s'y précipite
à fon exemple , ayant de l'eau juſqu'aux aiffelles
, le franchit heureufement & en bon ordre,
acheve la déroute de l'ennemi. »
Le Roi a conféré le grand Ordre de l'Ai
Noir au Lieutenant Général d'Anhalt.
Le Comte d'Arnim de Boizenbourg a été
nommé Miniftre d'Etat : en même temps ,
6. M. lui a donné la charge de Grand -Veneur
, avec voix & féance au Directoire général.
Le département de l'Accife eft confié
au Baron de Werder , Miniftre d'Etat : toutes
les affaires relatives à cet objet feront
traitées à l'avenir en Allemand. Il eft auffi
queftion de réunir les Gabelles au département
des Mines.
Les trois nouveaux Régimens de Volontaires
prendront le nom d'Infanterie légere .
Le fieur Favre , ancien Secrétaire de légation
à la Cour de Madrid , & connu par fon
démêlé avec le Comte de Gersdorf, Miniftre
de Saxe à la même Cour , vient d'être
nommé premier Lieutenant au régiment
Suiffe de Muller , l'un de ceux qui compofent
cette Infanterie légere.
Le Geur Langhans , Confeiller de Guerṛ :
( 5 )
des Bâtimens , & le fieur Refener , Mécanicien ,
ont exécuté à Breslau un modele de machine à
feu , au moyen de laquelle on peut élever l'eau
à une hauteur confidérable . Ils ont préſenté ce
modele qui differe de toutes les autres machines
de ce genreau Baron de Heinitz , Miniftre d'E
tat & Chef du département des Mines , & au
Comte de Rheden , Confeiller- privé des Finances
& des Mines . La premiere force qui met
la machine en mouvement , eft produite par
l'évaporation de l'eau qui fait mouvoir centra
lement un tuyau horifontal , & affez puiflamment
pour le faire tourner 300 fois dans une
minute ( 1 ) . Dans cette minute on peut élever avec
un chaudron d'un pied de diametre , 28 pieds
cubes d'eau à 18 pieds de hauteur par fix pompes.
Les Inventeurs de cette machine s'occupent
actuellement de la conftruction d'un modele , où
le chaudron aura 18 pouces de diametre ; its
feront enfuite de nouvelles expériences qu'ils
fe propofent de publier avec la defcription de
cette machine.
DE VIENNE , le 14 Novembre.
M. Clément , Réſident de Saxe auprès de
notre Cour , a demandé , au nom de fon
Maître , en fa qualité de Directeur du Corps
Evangélique , l'intervention de l'Empereur ,
en faveur des fujets Proteftans de l'Electeur
Palatin , qui réclament le libre exercice de
leur Religion .
DE FRANCFORT , le 30 Novembre.
Quelques lettres de Manheim ont donné
(1 ) Il y a probablement erreur dans ce chiffre de 300 ,
a 3
( 6 )`
de grandes allarmes fur la vie de S. A. Š .
l'Electrice Palatine , âgée de 65 ans . Cette
Princeffe étoit tombée dangereufement malade
; mais l'on fe flatte qu'elle ne l'étoit pas
au point de laiffer peu d'efpérances de fon
rétabliſſement.
Il s'eft répandu un bruit hafardé , que le
Prince Eugene de Wirtemberg , pere de la
Grande- Ducheffe de Ruffie , & de la Princeffe
Elifabeth , promife à l'Archiduc François
, devoit être nommé Gouverneur gé
néral de l'Autriche intérieure ; & qu'en cette
qualité il réfideroit à Gratz en Stire , avec
, 100,000 florins d'appointemens . Ce Prince
a déja un revenu patrimonial de so , oco fr.
& en reçoit annuellement 20,000 de la
Ruffie.
Nous ne devons négliger aucun trait propre
à jetter des lumieres fur l'adminiſtration intérieure
du dernier Roi de Pruffe . Voici entr'autres
en quels te mes parloit de l'agricul
ture ce Monarque , accufé par des Libe lif
tes d'avoir facrifié l'agriculture. Le 9 Juin
1771 , il écrivit ces mots à M. de Derfchan ,
Miniftre d'Etat. » Mon cher Miniftre d'E-
→ tat de Derfchau , dans les caiffes des villes
» de la Marche Electorale , il refte un fonds
de 100,000 rixdalers que m'offrent les
>> Etats. Comme ce capital a été tiré du pays
» même , & qu'il eft jufte de l'employer à
» fon avantage,je penfe à placer cette fomme
" à 4 pour 100 , pour la faire fervir à intro-
ל כ
( 7 )
» duire la méthode Angloife d'agriculture
» dans les villes agricoles , & dans les villa-
» ges appartenans à des Gentilshommes peu
» opulens. J attends là -deffus votre avis ; fi
» vous ne l'adoptez pas , vous m'en donne-
>> rez d'autres analogues à mes vues.´
Une Feuille Allemande raconte une autre
anecdote non moins mémorable du même
Prince .
"
A la bataille de Torgau , le Roi de Puffe commença
l'attaque de l'armée Autrichienne avec
l'aile gauche de fon armée & la victoire ne
fe décida en fa faveur qu'à nuit tombante ; le
Général de Ziethen s'étant enfin rendu maître
avec l'aile droite , des hauteurs de Siptiz . La
nuit fuivante étoit extrêmement froide : les
troupes Pruffiennes la pafférent fous les armes
auprès d'un grand nombre de feux . A l'aubs
du jour le Roi paffa de l'aile gauche à l'aile
droite. Arrivant auprès de fon régiment des Gar
des à pied , il defcendit de cheval & alia s'af
feoir près du feu , entouré de fes Grenadiers :
on attendoit que le jour parût , pour recommencer
l'attaque si les Autrichiens étoient reftés fur
le champ de bataille . Le Roi caufoit familiérement
avec les Soldats , & faifoit l'éloge du Régiment
qui avoit combattu avec valeur. Les Grenadiers
le preffoient autour de lui , & l'un d'eux
nommé Rubiack avec lequel le Roi aimok à
s'entretenir , & qu'il avoit comblé de préfens ,
ofa lui demander , « où il s'étoit trouvé à la
» bataille ? » « Nous fommes accoutumés ,
» continua - t - i ' , de te voir à notre tête & d'ê-
>tre conduits par toi - même au plus fort de la
mêlée ; mais aujourd'hui nous ne t'avons pas vu.
Ce n'eft pas bien que tu nous abandonneg
,
a 4
( 8 )
>
ainsi. Le Roi répondit au Grenadier;
avec une simplicité touchante , qu'ayant comcommandé
l'aile gauche , il n'avoit pu joindre
fon régiment. Pendant cette converfation , le
Roi , que la chaleur du feu incommodoit , déboutonna
fon furtout bleu & les Grenadiers
remarquérent qu'il tomba de fes habits une balle
de fusil , dont le coup avoit effleuré la poitrine
& percé le furtout & l'uniforme. A cette vue ,
transportés d'enthousiafine , ils s'écrierent tous :
Oui , tu es l'ancien Fritz , ( diminutif allemand
du mot Frédéric ) . Tu aimes à parta
ger tous nos périls ; & nous , nous aimons à
mourir pour toi . Vive le Roi ! Aux Autrichiens
camarades , aux Autrichiens ! En avant ! marche
! Les lignes fe formérent dans un inftant
& les Officiers eurent toutes les peines du monde
à retenir l'ardeur de ces braves foldats , &
à leur faire comprendre qu'il n'étoit pas encore
tems d'aller aux ennemis.
»
On fait que le feu Roi de Pruffe a écrit
un Traité fur la Littérature Allemande
mais on ignoroit jufqu'à préfent les circonftances
qui donnerent lieu à cette production.
Ceux qui defireront de les connoître ,
les trouveront dans l'Hiftoire de la Differta
tion fur la Littérature Allemande , qui vient
de paroître , & qui renferme la correfpondance
que le feu Roi eut à ce fujet avec le
Comte de Hertzberg.
On mande de Rome que l'exécution des
projets de finance du fieur Mi ler a éprouvé
de fi grandes difficultés , que le Gouvernement
a pris le parti de les abandonner , Ce
) و (
reformateur, qui avoit déja éprouvé quelques
dé agrémens en Tofcane , imbu de
principes étrangers , avoit propofé de former
une compagnie de Miquelets armés
qui auroient volé & veillé fur toutes les
frontieres de l'Etat Eccléfiaftique , pour empêcher
la contrebande ; mais comme il ne
donnoit que 15 paules par mois à chacun
de ces lazarrons , le Gouvernement a craint
que cette troupe ne fe convertît bientôt
en une troupe de voleurs ; & le Refcrit du
S. Pere qui la fupprime eft déja publié.
La Gazette de la Haye raconte une aventure
finguliere , arrivée pendant l'un des
derniers incendies de Péra à Conftantinople.
La maifon d'un Interprête grec brûloit.
Il avoit , à l'aide de cinq ou fix Janifaires ,
fauvé prefque tous les effets : mais je ne fais
par quel hazard un de les enfans au berceau
étoit resté oublié on ne pouvoit plus entrer;
tout étoit en feu ; le malheureux pere , au déſefpoir,
croyoit fon enfant la proie des flammes.
Tout- à coup un très gros chien qu'il avoit
paroît , fuyant de la maifon , l'enfant à fa'genle
; il le tenoit par fes langes. On le jette fur
lui ; il ne veut pas l'abandonner ; il échappe à
tous ceux qui l'environnent , il traveric en
courant beaucoup de rues ; & ne s'arrête que
quand il eft arrivé à la porte d'un ami de fon
maître , là il dépofe far le feuil le fardeau précieux
, & rete auprès jufqu'à ce que la porte
s'ouvre. Devineroit-on quelle fut la récompenfe
de ce fidele & généreux ferviteur ? l'interprête
a s
( 10 )
:
grec s'empreffa en effet de lui en donner une ;
mais celle qu'il lui choifit eft auffi affligeante
que bizarre il tua le chien de fa propre main
& le mangea avec fa famille dans un repas fplendide
qu'il donna à cette occafion . Il s'eft trop
bien conduit , difoit-il , pour être la pâture des
vers ; ce font des hommes qui doivent le manger
, & vous ne pouvez vous autres qu'y gagner :
il vous rendra plus bienfaifans .
L'Empereur , écrit on de Vienne , fe trouvera
le 28 de ce mois à Bude , pour y affifter
à l'ouverture de l'Affemblée des Etats.
Le Comte Charles de Colloredo , Général
au fervice , eft mort à Venife , à la fuite
d'une apoplexie.
On écrit auffi de Vienne , que lorsqu'on
eut demandé à l'Empereur de quelle maniere
on devoit punir l'auteur du libelle , compofé
pour la défenfe du Comte de Szekely , S. M.
écrivit au bas de la Note la décision qui fe
trouve au Code de Juftinien , & qui commence
par ces mots : Si quis Imperatori maledixerit
, &c. En voici la traduction . >>
» Si quelqu'un eft parvenu à ce degré d'impu-
>> dence , qu'il s'oublie au point de nous
» infulter par des calomnies & des méchan-
» cetés , ou de critiquer injurieufement
> nos actions fon andace fera vengée
» par le mépris , & non par des punitions.
» Car fi la médifance eft le fruit de la ven-
» geance , elle mérite d'être méprifée ; fi elle
» eft le fruit de l'imbécillité , elle mérite la
» compaffion ; & fi elle eft le fruit de la mé-
?
( 11 )
» chanceté , nous la pardonnons à ce mal-
>> heureux .
On fait que les Electeurs Eccléfiaftiques &
quelques autres Prélats d'Allemagne ont fait rédiger
par des Commiffaires , les griefs de la Nation
Germanique , contre l'autorité abufive de
la Cour de Rome. Ces griefs ont été envoyés
à Rome & à Vienne . Voici en fubftance les propofitions
de ces Prélats. Ils foutiennent dans leur
Mémoire. 1 Que les Concordats des Princes,
les conventions , privileges & libertés des Archevêchés
& Chapitres d'Allemagne font les feules
loix fondamentales , d'après le quelles il faut apprécier
le rapport de l'Eglife Germanique au
Siege Apoftolique , & qu'il ne faut pas recourir
à la collection abufive des Décretales d'Ifidore.
2°. Que les Concordats d'Afchafferbourg n'étoient
qu'un accommodement fecondaire, & qu'ils
ne renfermoient que la confirmation des décifions
du Concile de Bâle , en tant qu'elles ont
été adoptées dans les Concordats des Princes ,
& un arrangement relatif à la taxe pour le pallium,
à la collation des bénéfices dans certains mois
de l'année & aux annates . 3 ° . Que les revenus
du Pape ne devoient durer que jufqu'à ce que
dans un nouveau Concile on en eût ftatué autrement.
4. Que le Pape avoit promis aux
Conciles de Conftance & de Bâle & aux Concordats
des Princes ' d'affembler de dix ans
en dix ans un Concile général ; que depuis
la tenue de celui de Trente en 1563 , il
n'en avoit point convoqué ; que par conféquent il
avoit rompu lefdits Concordats & que cette
circonfiance autorifoit la nation Germanique
de ne plus s'en tenir aux Concordats d'Afchefferbourg.
5 ° . Que les Papes avoient abuſé ma-
"
a 6
( 12 )
nifeftement de la Jurifdiction Eccléfiaftique que
le Concile de Trente leur avoit accordée , &
qu'au lieu d'établir des Juges fynodaux & diocéfains
, ils avoient établi les Tribunaux permanens
de nonciature , fans y être autorifés en
aucune maniere . 6 ° . Que l'Emper ur Jofeph ,
en aboliffant ces Tribunaux , avoit rempli les
devoirs que lui avoient impofé les capitulations
& les lettres collégiales des Electeurs de 1764
& 1769. 79. Que l'Empereur étoit fondé à demander
la convocation d'un Concile général
pour y faire redreffer les griefs de la nation
germanique . 8 ° . Que c'étoit de fa part un ef
fer de pure néceffité s'il regardoit comme va
lables les Concordats d'Afchefferboug , relati
vement aux bénéfices , & 9. Que les Prélats
d'Allemagne attendoient des foins paternels de
l'Empereur , que S. M. Imp. foutiendra l'autorité
& la Jurifdiction des Archevêques & Evê◄
ques d'Allemagne , & qu'elle les protégera contre
les atteintes illégales du Pape.
GRANDE - BRETAGNE;
DE LONDRES , le 18 Novembre.
Un Courier du Cabinet , expédié de Paris
par M. Eden , a apporté la ratification da
Traité de Commerce & de Navigation ,
figné le 26 Septembre dernier. L'échange
s'en eft fait le 10 à Fontainebleau , entre M.
Eden & M. de Rayneva!.
Lord Walfingham , nommé Ambaſſadeur
auprès de la Cour d'Elpagne , a eu l'honneur
, en cette qualité , de baifer la main de
Sa Majesté.
( 13 )
Le Lieutenant - Général Rainsford qui ,
durant la derniere guerre , devoit íuccéder
au Chevalier W. Draper à Port-Mahon , va
s'embarquer inceffamment pour Gibraltar ,
en qualité de Lieutenant - Gouverneur de
cette fortereffe .
La Comteffe Douairiere de Strathmore ,
riche Ecoffoife , époufa , il y a quelques années
, un Gentilhomme Irlandois , nommé
M. Bowes , contre lequel elle a formé depuis
les plaintes les plus graves , en lui intentant
un procès en féparation . Cette Caufe alloit
être jugée , & très-probablement en faveur
de Lady Strathmore , lorfque fon époux , accompagné
de fix affidés , déguifés en Conngtables
, l'a enlevée en plein jour dans la rue
d'Oxford , où elle faifoit quelques emplettes.
Un faux Warrant ( ordre d'arrêter ) , que l'un
des raviffeurs préfenta à Mylady & à ſa ſuite,
facilita cette audacieufe tentative , dont le
fuccès fut très complet . La Comteffe fut
conduite , dans fon propre carroffe , hors de
Londres , & de là dans le nord de l'Angleterre.
A la nouvelle de cette violence , on
dépêcha des Huifliers à la pourfuite de fes
auteurs dont on a atteint la trace au château
de Strickland, près de Durham,& appartenant
la Comteffe. M. Bowes s'y eft renfermé &
retranché avec les complices & fa prole ;
mais celle- ci ayant trouvé le moyen de faire
parvenir une lettre à Londres , les Juges du
Banc du Roi ont décerné un habeas corpus ,
foit un ordre d'amener la Comteffe devant la
( 12 )
nifeftement de la Jurifdiction Eccléfiaftique que
le Concile de Trente leur avoit accordée , &
qu'au lieu d'établir des Juges fynodaux & dio--
céfains , ils avoient établi les Tribunaux permanens
de nonciature , fans y être autorifés en
aucune maniere. 6 ° . Que l'Empereur Jofeph ,
en aboliffant ces Tribunaux , avoit rempli les
devoirs que lui avoient impofé les capitulations
& les lettres collégiales des Electeurs de 1764
& 1769. 79. Que l'Empereur étoit fondé à demander
la convocation d'un Concile général
pour y faire red reffer les griefs de la nation
germanique. 8 ° . Que c'étoit de fa part un effet
de pure néceffité s'il regardoit comme va
lables les Concordats d'Afchefferboug , relati
vement aux bénéfices & 9. Que les Prélats
d'Allemagne attendoient des foins , paternels de
P'Empereur , que S. M. Imp. foutiendra l'autorité
& la Jurifdiction des Archevêques & Evê
ques d'Allemagne , & qu'elle les protégera contre
les atteintes illégales du Pape.
9
GRANDE - BRETAGNE;
DE LONDRES , le 18 Novembre.
Un Courier du Cabinet , expédié de Paris
par M. Eden , a apporté la ratification da
Traité de Commerce & de Navigation ,
figné le 26 Septembre dernier. L'échange
s'en eft fait le 10 à Fontainebleau , entre M.
Eden & M. de Rayneva!.
Lord Walfingham , nommé Ambaſſadeur
auprès de la Cour d'Elpagne , a eu l'honneur
, en cette qualité , de baiſer la main de
Sa Majesté.
713 )
Le Lieutenant - Général Rainsford qui ,
durant la derniere guerre , devoit íuccéder
au Chevalier W. Draper à Port-Mahon , va
s'embarquer inceffamment pour Gibraltar ,
en qualité de Lieutenant - Gouverneur de
cette fortereffe.
La Comteffe Douairiere de Strathmore ,
riche Ecoffoife , époufa , il y a quelques années
, un Gentilhomme Irlandois , nommé
M. Bowes , contre lequel elle a formé depuis
les plaintes les plus graves , en lui intentant
un procès en féparation . Cette Caufe alloit
être jugée , & très -probablement en faveur
de Lady Strathmore , lorfque fon époux , accompagné
de fix affidés , déguifés en Connétables
, l'a enlevée en plein jour dans la rue
d'Oxford , où elle faifoit quelques emplettes.
Un faux Warrant ( ordre d'arrêter ) , que l'un
des raviffeurs préfenta à Mylady & à ſa ſuite,
facilita cette audacieufe tentative , dont le
fuccès fut très complet. La Comteffe fut
conduite , dans fon propre carroffe , hors de
Londres , & de là dans le nord de l'Angleterre.
A la nouvelle de cette violence , on
dépêcha des Huiffiers à la pourfuite de fes
auteurs dont on a atteint la trace au château
de Strickland,près de Durham, & appartenant
la Comteffe. M. Bowes s'y eft renfermé &
retranché avec les complices & fa proie ;
mais celle- ci ayant trouvé le moyen de faire
parvenir une lettre à Londres , les Juges du
Banc du Roi ont décerné un habeas corpus ,
foit un ordre d'amener la Comteffe devant la
·
( 14 }
Cour , & un décret d'information contre fes
raviffeurs. M. Bowes ayant refufé d'ouvrir la
porte du château , lorique les Huiffiers font
venus lui fignifier l'ordre du Tribunal , les
Juges l'ont décrété de prife de corps , fi dans
l'espace de deux jours il ne paroît pas pour
rendre compte de fa conduite. Le château eft
inveſti par les amis , les domeftiques , les Fermiers
de Lady Strathmore , & il fera difficile
que fon perfécuteur échappe à leur vigilance.
La pêche fur les côtes au N. O. du Royaume ,
a employé l'année derniere , depuis la fin d'Août
jufqu'en Novembre , 396 bâtimens , dont 40
étoient Ecoffois , & 356 tant Anglois qu'Irlan
dois. ( Les Ecoffois ont fait un bénéfice net de
10,000 liv. ) Le nombre total de ces vaiffeaux
portoit environ 22,000 tonneaux.
On eftime que le tonneau contient affez de ha
rengs pour remplir dix barrils de 400 harengs
chacun ; ainfi 22,000 tonneaux font 220,000 barrils
ou 88,000,000 de harrengs. Cette quantité
prodigieufe n'étoit cependant que le produit de
15 nuits de pêche.
Le Colonel Cunyngham a affigné l'année dermiere
pour l'encouragement de cette pêche ,
20,000 liv . , & auxquelles le Parlement a ajouté
une fomme pareille prife fur le revenu public ;
& à la derniere ceffion , il a accordé une autre
fomme de 10,000 liv. , applicable aux pêcheries ,
auffitôt que divers particuliers du Comté de
Donnegall en Irlande , auront foufcrit pour une
pareille fomme. Ces 60,000 liv. feront employées
à conftruire des bâtimens de toute efpece , pour
curer & emmagafiner le poiffon , & pour loger les
pêcheurs.
( IS )
Depuis la fignature du Traité de Commerce
, les demandes faites aux Fabricans
de Mancheſter font en fi grand nombre
que les toiles de coton blanches ont renchéri
d'un fchelling & demi par verge.
L'importation de l'avoine , de l'orge &
des pois a été permiſe dans le port de Londres
pour 3 mois , à compter du 23 Octobre.
Cette permiffion fe règle fur le prix commun
des grains , pendant les trois mois précédens , affirmés
fur ferment aux ceffions , par l'Infpecteur
chargé de faire ces rapports. Les prix auxquels
il eft permis d'importer les grains, font ainſi qu'il
fuit :
Avoine..
deffus le quarter .
Orge..
à 16 fchellings & au-
Le feigle , les féves & les pois ......
Le bled...
24.
320
48.
Ce réglement eft conforme au changement que
le Parlement fit il y a trois ans dans les loix
concernant le commerce des grains .
Au refte ce réglement ne comprend que les
Comtés de Kent & d'Effex.
Les Directeurs de la Chambre de Commerce
d'Edimbourg ont pris les Arrêtés fuivans
, le 1er. Novembre , concernant les
changemens à faire dans la légiflation du
commerce des grains.
19. L'opinion de la Chambre eft que la Loi
concernant l'importation & l'exportation des
grains dans les Ports , a été & eft fujette à beau
coup d'abus , & qu'elle exige des modifications.
20. Tout changement dans les Loix fur le com
merce des grains, étant un objet de la derniere
( 16 )
importance , il demande la plus mûre délibéra
tion ; & l'on doit considérer avec la plus ftricte
impartialité dans le changement projetté , les intérêts
du propriétaire de terre , du Fermier ,
du Manufacturier , & du fimple Journalier de
terre .
3º. La Chambre n'adoptera que ceux des changemens
projettés , qui lui fembleront fe concilier
avec le bien général de la nation .
4°. Il fera nommé un Comité pour prendre
en confidération , uniquement dans cet efprit ,
l'objet qui fixe l'attention de la Chambre , & ce
Comité en fera fon rapport à l'Ailemblée générale
des Directeurs , qui fe tiendra le mercredi 6
Décembre .
5. Il fera fait des remercimens à tous ceux
qui ont communiqué à la Chambre leurs obfervations
fur cet objet important , & tous les papiers
qui ont été ou qui pourront par la fuite être
Communiqués , feront mis fous les yeux du Comité
, qui les prendra en confidération.
Dernierement , on a fait à Calcuta des
expériences importantes , relativement à l'influence
de la lune fur les fievres & d'autres
maladies. Voici ce que rapporte une lettre
du Bengale à ce fujet.
Le Docteur Balfour , qui a paffé plus de qua
torze ans au Bengale , a obfervé que l'influence
de cette planete , particulierement fur les fievres
, fe montroit d'une maniere vraiement remarquable
, & plufieurs expériences ont confirmé
les découvertes fuivantes : 1°. qu'au Bengale
une attention fuivie & particulière aux
révolutions de la lune eft de la plus grande conféquence
pour guérir ou prévenir les fievres :
1. que l'influence de la lune fur les fievres a"
( 17)
également lieu dans toutes les parties habitées
du globe , & qu'en conféquente on doit également
y faire attention , comme à une chofe
de la plus grande importance dans la Médecine
pra tique.
L'ingénieux Médecin que nous venons de citer
étoit chargé depuis quelque tems de foigner la fanté
d'un nombreux corps de troupes dans le Bengale
. Les maladies confitoient principalement
en fievres ou en diffenteries fuivies de fievres ,
& il y eut , dans l'efpace du premier mois , plus
de quatre cents hommes frappés de ce féau .
Cependant ces malades furent pour la plus grande
partie débarraffés de leurs fievres dans l'efpace
de huit jours qui intervinrent entre la pleine
lune & fon changement , & à l'aide des fecours
de la Médecine , leur nombre le réduifit même
à foixante-dix ou quatre - vingt au plus ; mais
pendant tout le tems que ce corps refta au
Bengale , le nombre des malades s'accrút conftamment
à chaque pleine lune ou à chaque renouvellement
, de maniere à monter à près du
double ; il retomboit auffi conftamment au premier
nombre durant les huit jours qui interviennent
entre les deux périodes .
Le Docteur Balfour est un homme inftruit &
habile ; il est protégé par M. Haftings , témoin
oculaire des fuccès de cette Pratique , qui fixe
aujourd'hui l'attention des premiers Médecins, de
P'Europe.
FRANCE.
DE VERSAILLES , le 22 Novembre.
Le Roi a nommé le Marquis de Piercourt ,
Sous - Lieutenant au régiment des Carabiniers
( 18 )
de Monfieur , à la charge de Guidon de la
Compagnie des Chevaux- légers de la Garde
ordinaire de S. M. , vacante par la démiffion du
Comte de Treve.ec .
·
-
Le Roi a nommé , le 12 de ce mois , à
P'Abbaye de Saint Jacut , Ordre de Saint-
Benoît , Diocèfe de Dol , l'Abbé d'Andrezel
Vicaire Général de Bordeaux ; à celle de Saint-
Auguftin , Diocèle d'Auxere , l'Abbé de
Villeneuves Tourette , Vicaire général de
Nevers ; à celle de Lantenac , Ordre de Saint-
Benoit , diocèfe de Saint-Brieux , l'Abbé de
Barral , Vicaire - Général de Troyes ; à celle de
la Rochelevis , Ordr de Saint- Augustin , dio.
cèfe de Paris , l'Abbé de Saint Cyr , ancien
Vicaire- Général de Châlons- fur - Marne ; à celle
de Vile - Dieu , Ordre de Prémontré , diocefe
d'Acqs , l'Abbé l'Allemand , Vicaire - général du
même diocèfe ; & à celle de Notre- Dame de
Moncers , même Ordre , diocèfe de Châlonsfur
-Marne , le fieur Parifey , Chanoine régu
lier du même Ordre.
Le Vicomte de la Rochelambert , le Comte
du Haget de Vernon , le Comte de Schomberg
, le Come François de la Pallu ,
le
Marquis de Rigaud , le Marquis de Mengon
& le Marquis de Montferrand , qui avoient
précédemment eu l'honneur d'être préfentés
au Roi , ont eu , le premier le 31 du mois
dernier , & les fix autres le 13 du préfent
celui de monter dans les voitures de S. M. &
de la fuivre à la chaffe .
Le 12 , a Comteffe de Mondeart a eu l'honneur
d'être préfentée au Roi & à la Reine par
Madame , en qualité de Dame pour accompagner
cette Princeffe .
Le fieur des Effarts , Avocat , a eu , le 19 ,
( 19 )
l'honneur de préfenter au Roi le teme II de fon
Ouvrage ayant pour titre : Dictionnaire univerfel
de Police , contenant l'origine & les progrès de
cette partie importante de l'Adminiftration en France ;
les Loix , Réglemens & Arrêts qui y ont rapport ; les
droits, privileges & fonctions des Magiftrats qui exercent
la Police , enfin un Tableau hiftorique de lamaniere
dont elle fe fait chez les principales nations de
l'Europe ( 1 ) , Ouvrage que. Sa Majesté a honoré
de fa foufcription.
Le 21 de ce mois , le Comte de Perelada ,
Grand d'Efpagne de la premiere Claffe fut préfenté
à Leurs Majeftés & à la Famille Royale avec
les cérémonies accoutumées .
Le même jour , le Price Palatin de Birkenfe'd
fut préfenté au Roi & à la Famille Royale
avec les formalités , ordinaires , étant conduit par
le fieur de la Garenne , Introducteur des Ambaffadeurs
, qui avoit conduit avant à l'audience
de Leurs Majeftés , le Duc de Dorset , Ambafladeur
d'Angleterre , qui notifia la mort de la Princeffe
Amélie , Princelle d'Angleterre . Le fieur
de Séqueville , S crétaire ordinaire du Roi pour
la conduite des Ambaffadeurs , précédoit .
Le 25 , la Cour prendra le deuil pour onze
jours à l'occafion de la mort de la Princeſſe Amélie
, tante du Roi d'Angleterre .
DE PARIS , le 28 Novembre.
Nous avions commencé à rapporter ,
d'après les Papiers Anglois , à l'article de
Londres , des fragmens du Traité de Na-
(1 ) Il fe vend chez Moutard , rue des Mathurins , hêg
tel de Clugny.
( 20 )
vigation , conclu récemment entre la France
& la Grande Bretagne . Aujourd'hui , nous
pouvons répondre à l'empreflement de nos
Lecteurs , par un document plus authentique.
Voici la teneur de ce Traité général de
Commerce & de Navigation , l'un des actes
les plus utiles & les plus mémorables du
Droit public des deux Nations.
Louis , par la grace de Dieu , Roi de France
& de Navarre : A tous ceux qui ces préfentes
Lettres verront : SALUT. Comme notre cher &
bien amé le fieur Gérard de Rayneval , notre
Confeiller d'Etat & Chevalier de l'Ordre royal
de Charles III , en vertu du plein- pouvoir què
nous lui en avons donné , auroit conclu , arrêté
& figné le 26 du mois de Septembre dernier ,
2 Verlailles , avec le fieur Eden , Membre des
Confeils privés de notre très- cher & très amé
frere le roi de la Grande-Bretagne , & fon Envoyé
extraordinaire & Minire plénipotentiaire
près de nous , également muni de fon pleinpouvoir
, le Traité de Navigation & de Com
merce , dost la teneur s'enfuit :
Sa Majefté Très- Chrétienne & Sa Majefté
Britannique étant également animées du defir
non -feulement de confolider la bonne harmonie
qui fubfiſte actuellement entr'Elles , mais auffi
d'en étendre les heureux effets fur leurs Sujets
respectifs , ont pensé que les moyens les plus
efficaces pour remplir ces objets , conformément
à l'article XVII du Traité de prix figné le 6
Septembre 1783 , étoient d'adop : er un fyftême
de commerce qui eût pour fondement la réciprocité
& la convenance mutuelle , & qui en
faifant ceffer l'état de prohibition & les droits
prohibitifs qui ont exifté depuis près d'un fiecle
( 21 )
entre les deux Nations , procurât de part &
d'autre les avantages les plus folides aux productions
& à l'inditrie nationales , & détruisit
la contrebande , qui eft auffi nuifible au revenu
public qu'au commerce légitime , qui feul mitice
d'être protégé. Pour cet effet , Leurs i files
Majeftés ont nommé pour leurs Commiffauces
& Plénipotentiaires , favoir le Roi Très-
Chrétien , le fieur Jofeph Mathias Gérard de
Reyneval , Chevalier , Confeiller d'Etat , Chevalier
de l'Ordre royal de Charles III : Et le
Roi de la Grande Bretagne , le feur Guillaume
Eden , Membre de fes Confeils privés dans la
Grande Bretagne & en Irlande , Membre de fon
Parlement Britannique & fon Envoyé extraor
dinaire & Miniftre plénipotentiaire auprès de
Sa Majesté Très - Chrétienne , lefquels , après
avoir échangé leurs pleins-pouvoirs r fpectifs ,
font convenus des articles fuivans :
.
ART. Ier. Il a été convenu & accordé entre le
Séréniffime & Très- Paillant Roi Très Chrétien ,
& le Séréniffime & Très Puiffant Roi de la
Grande- Bretagne , qu'il y ait entre les Sujets
de part & d'autre une liberté réciproque & en
toutes manieres abfolue , de Navigation & de
Commerce , dans tous & chacun des Royaumes ;
Etats , Provinces & Terres de l'obéiffance de
Leurs Majeftés en Europe pour toutes & chacunes
fortes de marchandifes , dans les lieux ,
aux conditions , en la maniere & en la forme
qu'il eft rég é & établi dans les articles fuiyans
.
II. Pour affurer à l'avenir le Commerce &
T'amitié entre les Sujets de Leurdites Majeftis
, & afin que cette bonne correfpon lance
foit à l'abri de tout trouble & de toute inquiétude
, il a été convenu & accordé que fi quel
( 22` )
que jour il furvient quelque mauvaiſe intelli
gence , interruption d'amitié , ou rupture entre
les Couronnes de Leurs Majeftés , ce qu'à Dieu
ne plaife ( laquelle rupture ne fera centée exifter
que lors du rappel ou du renvoi des Ambaffdeurs
& Miniftres refpectifs ) , les Sujets des
deux Parties qui demeureront dans les Etats
l'une de l'autre , auront la faculté d'y continuer
leur féjour & leur négoce fans qu'ils puiffent
être troublés en aucune maniere , tant qu'ils fe
comporteront paisiblement & qu'ils ne fe permettront
rien contre les Loix & les Ordonnances
; & dans le cas où leur conduite les
rendroit fufpects , & que les Gouvernemens
refpectifs fe trouveroient obligés de leur ordonner
de fe retirer , il leur fera accordé pour cette
fin , un terme de douze mois , afin qu'ils puiffent
fe retirer avec leurs effets & leurs facultés confiés
tant aux particuliers qu'au public : bien
entendu que cette faveur ne pourra être réclamée
par ceux qui fe permettront une conduite contraire
à l'ordre public.
III. On eft auffi convenu , & il a été arrêté
que les Sujets & Habitans des Royaumes , Provinces
& Etats de Leurs Majeftés n'exerceront
à l'avenir aucuns actes d'hoftilité ni violences
les uns contre les autres , tant fur mer que fur
terre , fleuves , rivieres , ports & rades , fous
quelque nom & prétexte que ce foit , en forte
que les Sujets de part & d'autre ne pourront
prendre aucune patente , commiffion ou inftruc¬
tion pour armemens particuliers , & faire la
courfe en mer , ni lettres vulgairement appellées
de repréfailles , de quelques Princes ou Etats
ennemis de l'un ou de l'autre , ni troubler , molefter
, empêcher ou endommager en quelque
maniere que ce foit , en vertu , ou fous pré(
23)
texte de telles patentes , commiffions ou lettres
de repréfailles , les Sujets & Habitans fufdits
du Roi Très- Chrétien , ou du Roi de la Grande ,
Bretagne , ni faire ces fortes d'armemens , ou
de s'en fervir pour aller en mer ; & feront à
cette fin , toutes & quantes fois qu'il fera requis
de part & d'autre dans toutes les terres ,
pays & domaines quels qu'ils foient , tant de part
que d'autre , renouvellées & publiées des défenfes
étroites & expreffes d'ufer en aucune maniere
de telles commiffions ou lettres de repréfaillés.
fous les plus grandes peines qui puifient être
ordonnées contre les infracteurs , outre la reftitution
& la fatisfaction entiere dont ils feront
tenus envers ceux auxquels ils auront caufé
quelque dommage ; & ne feront données à l'avenir
par l'une des deux hautes Parties contractantes
, au préjudice & au dommage des Sujets
de l'autre , aucunes lettres de repréfailles , fi ce
n'eft feulement au cas de refus ou de délai de
juftice , lequel refus ou délai de juftice ne fera
pas tenu pour vérifié , fi la requête de celui
qui demande lefdites lettres de repréſailles n'eft
communiquée au Miniftre qui fe trouvera far
les lieux de la part du Prince , centre les Sujets
duquel elles doivent être données , afin que dans
le terme de quatre mois , ou plutôt s'il ſe peut ,
il puiffe faire connoître le contraire , ou procurer
la jufte fatisfaction qui fera due.
IV. Il fera libre aux Sujets & Habitans des
Etats refpectifs des deux Souverains d'entrer &
d'aller librement & sûrement , fans permiffion ni
fauf- conduit général ou fpécial , foit par terre
ou par mer , & enfin par quelque chemin que
ce foit , dans les Royaumes , Etats , Provinces ,
Terres , Ifles , Vi les , Bourgs , Places murées ou
mon murées , fortifiées ou non for.ifiées , Ports
( 24 )
& Domaines de l'un & de l'autre Souverain
fitués en Europe , quels qu'ils puiffent être , &
d'en revenir , d'y féjourner ou d'y paffer & d'y
a heter auffi & acquérir à leur choix toutes les
chotes néceffaires pour leur fubfiftance & pour
leur ufage , & ils feront traités réciproquement
avec toute forte de bienveillance & de faveur ,
b en entendu néanmoins que dans toutes ces cho.
fes ils fe comporteront & fe conduiront conformément
à ce qui eft prefcrit par les Loix & far
les Ordonnances , qu'ils vivront les uns avec les
autres en amis & paifiblement , & qu'ils entretiendront
, par leur bonne intelligence , Lunion
réciproque.
V. Il fera libre & permis aux Sujets de Leurf
dites Majeftés réciproquement , d'aborer avec
leurs Vaiffeaux , auffi - bien qu'avec leurs marchandifes
& les effets dont ils feront chargés , &
dont le commerce & le transport ne font point
défendus par les loix de l'un ou de l'autre
Royaume , & d'entrer dans les terres , Etats ,
villes , ports , lieux & rivieres de part & d'autre
fitués en Europe , d'y fréquenter , féjourner &
demeurer fans aucune limitation de temps , même
d'y louer des maifons , ou de loger ehez d'au.
tres , d'acheter cù ils jugeront à propos toutes
fortes de marchandifes permifes , foit de la premiere
main , foit du marchand , & en quelque
maniere que ce puifle être , foit dans les places
& marchés publics où font expolées les marchandiles
, & dans les foires , foit dans tout au
tre endroit cù ces marchandifes fe fabriquent ou
fe vendent : il leur fera auffi permis de ferier &
de garder dans leurs magalins ou entrepôts les
marchandifes apportées d'ailleurs , & de les expofer
enfuite en vente , fans être obligés en aucune
façon de porter leurs marchandises fufdites
dans
825)
dans les marchés & dans les foires , fi ce n'eft de
leur bon gré & de leur bonne volonté ; & ne
pourront lefdits Sujets pour raifon de la liberté
de Commerce ou pour toute autre caufe que ce
foit , être chargés d'aucun impôt ou droits , à
l'exception de ceux qui devront être payés pour
leurs Navires ou pour leurs marchandiles , conformément
à ce qui eft réglé par le préfent Traité ,
ou de ce qui fera payé par les propres Sujets des
deux Parties contractantes ; il leur fera auffi permis
de fortir de l'un & l'autre royaume quand
ils le voudront , & d'aller où ils le jugeront à
propos par terre ou par mer , par les rivieres &
eaux douces , & auffi ils pourront amener leurs
femmes , enfans , domeftiques , auffi - bien que
leurs marchandifes , facultés , biens & effets
achetés ou apportés , après avoir payé les droits
accoutumés , nonobftant toute loi , privilege ,
conceffion , immunités ou coutumes à ce contraires
, en façon quelconque ; & quant à ce qui
concerne la Religion , les Sujets des deux Cou.
ronnes jouiront d'une entiere liberté ; ils ne pourront
être contraints d'affifter aux Offices divins ,
foit dans les Eglifes ou ailleurs , mais au con
traire il leur fera permis fans aucun empêchement
de faire en particulier dans leur propre
maifon les exercices de leur religion fuivant
leur ufage. On ne refufera point de part ni
d'autre la permiffion d'enterrer dans des lieux
convenables qui feront défignés à cet effet , les
corps des Sujets de l'un & de l'autre royaume ,
décédés dans l'étendue de la domination de l'autre
; & il ne fera apporté aucun troub'e à la fépulture
des morts. Les Loix & les Statuts de l'un
& de l'autre royaume demeurerent dans leur force
& vigueur , & feront exactement exécutés , foit
que ces Loix & Statuts regardent le Commerce
No. 48 , 2 Décembre 1786,
b
( 26 )
& la Navigation , ou qu'ils concernent quelques
autres droits , à la réferve feulement des cas
auxquels il eft dérogé par les articles du préſent
Traité. 7
VI. Pour fixer d'une maniere invariable le
pied fur lequel le commerce fera établi entre les
deux Nations , les deux hautes Parties contrace
tantes ont jugé à propos de régler les droits fur
certaines denrées & marchandifes. Elles ſont
convenues en conféquence du Tarif fuivant ;
favoir : 1º. Les vins de France importés en droi
ture de France dans la Grande-Bretagne , ne
payeront dans aucuns cas , pas de plus gros
droits que ceux que paient préfentement les vins
de Portugal.
Les vins de France importés directement de
France en Irlande ne paieront point de plus
gros droits que ceux qu'ils paient actuelle
ment.
པ ི་
20. Les vinaigres de France au lieu de 67 liv.
5 shillings , 3 fols & 12 vingtiemes de fols fterling
par tonneau qu'ils paient à préfent , ne
paieront à l'avenir , dans la Grande- Bretagne
pas de plus gros droits que 32 liv. 18 shillings.
10 fols & 16 vingtiemes de fols fterling par
Loneau...
3. Les eaux-de-vie de France , au lieu de 9
shillings , 6 fols 12 vingtiemes de fols fterling ,
ne paieront à l'avenir dans la Grande Bretagne ,
que 7 schillings flerling par gallon , faifant 4
quartes , mefure d'Angleterre.
40. Les huiles d'olive venant directement de
France , ne paieront pas à l'avenir un plus fort
droit que paient actuellement celles des Nations
les plus favoritées .
La Suite à l'Ordinaire prochain.
Arrêt du Confeil d'Etat du Roi , du 6 No
!
( 27 )
vembre 1786 , qui ordonne l'effai , pendant
trois ans , de la converfion de la corvée en
une preſtation en argent.
Le Roi , à fon avénement au trône , a porté fes
premiers regards fur l'objet de la construction &
de l'entretien des routes de fon Royaume . Une
loi bienfaifante a fignalé le commencement de
fon regne par l'abolition de la Corvée en nature
, dont l'expérience avoit dévoilé tous les
vices. Si Sa Majefté a cru devoir fufpendre l'exécution
de cette fage difpofition , parce qu'Elle
a fenti les inconvéniens attachés au mode qui
lui avoit été propofé pour remplacer cette charge
publique , Elle a autorifé en même tems les Adminiftrateurs
de fes Provinces à s'aflurer par différens
effais , du moyen le plus propre à remplir
fes vues. Telle eft l'origine de la faculté accordée
, dans une grande partie du Royaume , aux
Communautés , de fe racheter , à prix d'argent ,
de leurs tâches ; méthode plus douce fans doute
& plus favorable qu'un fervice forcé , mais fufceptible
d'une multitude d'abus , & dont l'ufage
a feulement convincu Sa Majesté qu'il n'étoit
point de forme qui ne fût préférable à celle du
travail en nature . Cependant Sa Majeflé ayant reconnu
que ces diverles tentatives faites fuivan : des
méthodes différentes , produifoient des variétés
fans nombre dans une adminiftration dont les principes
doivent être les mêmes pour tout le Royau-
Elle a réfolu d'ordonner un effai uniforme'
& général du nouveau régime qu'Elle a cru devoir
adopter ; & dans la vue de s'affurer davantagé
de la préférence qu'il pourroit mériter , '
Efle a jugé à propos de réunir les avis de tous les
Commiflaires de fon Confeil , chargés de l'exécution
de les ordres dans fes Provinces , lefquels
ont paru unanimement convaincus de la nécefme
,
b 2
( 28 )
fité de profcrire l'ufage de la Corvée , & d'en
foumettre le rachat à des regles fixes . Sa Majeſté
, toujours attentive aux intérêts de ſes ſujets
a confidéré qu'en effet une preftation pécuniaire
Lubftituée à la Corvée , & répartie au marc la
livre des impofitions roturieres , remédieront en
même tems aux inconvéniens attachés au travail
en nature , & à ceux qui auroient réfulté
de la base de répartition indiquée par l'Edit de
1776 : Que cette contribution , purement locale
, ne pouvoit être regardée comme un accroiffement
d'impofitions , puifqu'elle n'étoit que
la repréſentation , fort adoucie , d'une charge
beaucoup plus onéreufe , & qui existe depuis
long tems ; d'ailleurs , en évaluant en argent , au
plus bas prix , les journées de bras & de voitures
, & en calculant d'un autre côté la perte de
tems réſultante , foit de l'efpace que les Communautés
avoient à parcourir pour le rendre fur
les ateliers , foit de la négligence , de l'impéritie
& du défaut de volonté d'ouvriers non falariés
, le Roi a reconnu que la contribution repréſentative
fe porteroit à peine à la moitié du
montant de l'évaluation de ces journées pour la
même quantité d'ouvrages ; qu'en outre ces ouvrages
faits par des Entrepreneurs folvables , fuivant
les principes de l'art , ne donneroient plus
lieu à ces refections multipliées , que la mauvaiſe
exécution des tâches rendoit néceffaires , ce qui
procureroit à fes fujets un foulagement inappréciable
; que cette contribution pécuniaire deviendroit
bien moins fenfible , lorfqu'elle s'étendroit
fur l'univerfalité des Communautés qui
profitent toutes plus ou moins de l'avantage des
routes , tandis que , fuivant le régime des Corvées
, on ne pouvoit appelier aux travaux que
celles qui fe truvoient dans une diſtance déter(
29 )
minée des ateliers : Que non feulement toutes
les Communautés acquiiteroient leur part de la
contribution repréfentative de la Corvée , mais
que cette contribution feroit fupportée par tous
Its fujets taillables indiftin&tement ; au lieu qu'un
nombre confidérable d'entre eux , & les plus
aifés , étoient affranchis de la Corvée , non à
raifon de véritables privileges qui , fuivant la
conftitution de l'Etat , ne font accordés qu'à
quelques claffes diftinguées des fujets de Sa Majefté
, mais à raifon de l'incompatibilité de leurs
profeffions avec le travail corporel . Sa Majesté
voit encore avec fatisfaction que cette contribution
, qui ne pourra jamais excéder la proportion
du fixieme de la taille & de fes acceffoires , mais
qui le trouvera toujours au- deffous , lorfque les
befoins des Provinces feront inférieurs à ce taux ,
non feulement ne fera point une charge accablante
pour ſes peuples , mais deviendra au contraire
un moyen précieux de vivification dans fon
Royaume ; puifque les fonds levés dans chaque
Province , y feront invariablement confommés ;
& opéreront une circulation d'autant plus avantageufe
à la claffe indigente , qu'elle fera encore
favorisée par l'attention de divifer les ouvrages
en autant d'ateliers qu'il fera poffible.
Les principes d'équité & de bienfaiſance qui
dirigent les vues de Sa Majefté , ne peuvent permettre
de douter que fon intention ne foit de
laiffer dans les Provinces tous les fonds qui y font
levés pour les travaux de leurs grandes routes.
Sa Majefté l'a manifefté de la manie- e la plus
frappante , en abandonnant déformais à chaque
Généralité l'emploi de l'impofition qu'elle fupporte
pour les ouvrages d'art des routes ; Elle
n'a point attendu que fa juftice & la bonté fuffent
provoquées fur set objet , pour ordonner que
b 3
( 130 ))
les fonds provenans de ceue impofition fuffent à
l'avenir confommés en totalité dans les Provinces
où ils auroient été levés ; Elle entend , pan
cette difpofition , s'nterdire la faculté d'en appliquer
le produit à un autre ufage , & raflured
fes peuples fur l'inégalité de leur diftribution .
Sa Majesté étend plus loin encore fa prévoyance .
Pour empêcher que la contribution repréfentative
de la Corvée ne puiffe être diftraite , dans
aucun tems , de fa deftination , elle en ordonne
T'emploi fuivant une forme particuliere , qui en
rendra la diſtraction auffi impoffible que celle des
charges locales , puifqu'à mesure que le recouvrement
de la contribution fe fera , il n'entrera
dans les mains des Receveurs , que pour les rem
bourfer de leurs avances , en forte que la dé.
penfe fera faite avant que les fonds deſtinés à la
payer foient levés . Toutes ces confidérations
réunies , mûrement examinées dans le Confeil
de Sa Majefté , & pelées dans fa fageffe , l'ont
perfuadée qu'elle ne pouvoit pourvoir plus effi
cacement au foulagement de fes fujets , qu'en
fubftituant une contribution pécuniaire à la Corvée
en nature : cependant comme l'expérience
peut feule bien conftater les avantages de ce
changement , Sa Majefté a résolu de ne l'établir
que pour un tems limité , pendant lequel
fes fujets auront la liberté de faire connoître leur
voeu fur la méthode qui leur paroîtra la moins
onéreufe ; fe réſervant , après ce délai , de déclarer
définitivement fes intentions fur un objet
tellement lié au bonheur de fes peuples , qu'il
méritera toujours de fa part une attention particuliere.
A quoi voulant pourvoir , & c .
Le difpofitif de cet Arrêt porte en fubftance.
Les fonds levés dans chacune des Généralités du
1
( 34 )
Royaume pour la confection des ouvrages d'art de
fes routes , feront à l'avenir , & à compter du
premier Janvier 1787 , remis à la difpofition des
feurs Intendans & Commiffaires départis , pour
être employés à leur deftination , d'après les états
du Roi dans la forme ordinaire . A commencer
du premier Janvier 1787 , tous les travaux
des grandes routes feront executés dans tout
le Royaume , pendant les années 1787 , 1788 &
1789 , au moyen d'une preſtation ou contribu
tion en argent repréfentative de la Corvée.entend
Ladite contribution fera réglée chaque année , en
raifon des ouvrages qui auront été reconnu néceffaires
, & fera répartie fur toutes les Communautés
de maniere qu'elle ne puiffe jamais excéder
le fixieme de la Taille , des Impofitions acceffoires
, & de la Capitation roturiere réunies
pour les lieux taillables , non plus que les trois
cinquiemes de la Capitation roturiere pour les
Villes ou Communautés franches ou abonnées ,
ainsi que pour les pays de Taille réelle .
Tous les contribuables aflujettis à la Taille ou
à la Capitation roturiere le feront également à
ladite preftation repréfentative de la Corvée ,
& ce nonobftant toute exemption dont ils au
roient joui jufqu'à préfent. Ladite réparti
tion fe fera indiftinctement , & fans exception ,
fur tous les individus taillables ou fujets à la Capitation
roturiere ; les rôles feront vérifiés &
rendus exécutoires par les feurs Intendans &
Commiffaires départis , ou tels de leurs Subdélégués
qu'il leur plaira commettre.
Auffitôt apres la réception de l'Arrêt mentionné
dans l'article précédent , il fera envoyé
par l'Intendant ou fon Subdélégué , à chacune
des Communautés , un mandement ou avertifſement
qui lui indiquerà 1º . le jour de l'adjudib
4
( 32 )
―
sation des ouvrages de l'atelier dans lequel fa
tâche fera compriſe. 2° . le montant de ſa contribution
& de celle des autres Communautés appelées
au même atelier ; 3 ° . la nature & la quantité
des travaux à exécuter ainfi que leur évaluation
en gros.
Au jour indiqué par le fieur
Intendant ou fon Subdélégué , il fera paffé , fans
frais , fur affiches & publications , des adjuditions
publiques & au rabais des ouvrages neufs ,
à la charge par les adjudicataires de ces ouvrages
de les entretenir jufques & compris l'année
1789 ; & quant aux routes anciennement
faites, & en état d'être mifes dès - à- préfent à l'entretien
, il en fera paffé des baux d'entretien pour
trois années , dans la même forme d'adjudications
publiques & au rabais . Ne feront admis aux
adjudications que des Entrepreneurs dont la capacité
& la folvabilité foient reconnues , & quifourniffent
des cautions folvables. Dans le cas où
le rabais des adjudications fur le montant des eftimations
produiroit des revenant bons, le montant
en fera employé la même année , fi faire ſe peut
ou la fuivante , en augmentations d'ouvrages ; &
dans le cas au contraire où l'excédant des adjudications
fur le montant des eftimations produiroit
un déficit , l'Entrepreneur en fera payé fur la contribution
de l'année ſuivante . - Il fera permis
aux Communautés qui auront reconnu , dans le
cours de l'année prochaine ou des deux fuivantes,
que fa contribution en argent eft moins favorable
que le travail en nature , d'adreffer au fieur
Intendant & Commiffaire départi , leurs repréfertations
à cet égard , par une délibération rédigée
dans une affemblée générale tenue fuivant les formalités
requifes. Les deniers provenans de la
contribution de chaque Communauté feront levés
en vertu d'un rôle féparé , par le même Collecteur
chargé du recouvrement des Impofitio ns or-
-
-
7339
dinaires , & remis aux receveurs particuliers des
finances de l'Election , dans les termes prefcrits
par les Réglemens , pour le paiement des autres
Impofitions , fans néanmoins que leur deftination
puifle jamais être confondue fous aucun prétexte ;
& feront les Contribuables en retard contraints
par les mêmes voies & dans la même forme que
pour les charges locales des Communautés.
Il fera impofé en fus dela contribution de chaque
Communauté , dix deniers pour livre, favoir; qua➡
tre deniers pour les taxations des Collecteurs ; trois
deniers pour celles des Receveurs particuliers , &
pareils trois deniers pour tenir lieu aux Receveurs
généraux des finances , de toutes taxations & intérêts
de lenrs avances ; & au moyen de ladite rétribution
; ils feront tenus d'acquitter lefaites er
donnances auffi -tôt qu'elles feront préfentées à
eux ou à leurs Commis à la recette générale
établis dans le chef- lieu de chaque généralité.
1
La forme introduite récemment dans les gé
néralités de Bourges & de Montauban , qui diffère
peu de celle ordonnée par le préfent arrêt , continuera
d'être obfervée pendant les années 1787
1788 & 1789.
Arrêt du Conseil d'Etat du Roi , du 2 No.
vembre 1786 , pour la prise de poffeffion du
bail des Fermes générales , fous le nom de
Jean- Baptifte Mager.
Idem. Du 22 Octobre 1786 , qui fixe le
nombre des quittances que doivent fournir
à leurs payeurs , les Particuliers qui ont fait
des fpéculations en rentes viage. es fur plufieurs
têtes.
Par cet Arrêt , Sa Majefté a ordonné & or .
donne que tous les propriétaires de rentes via
gères qui ont fpéculé ou fpéculeront fur plufieurs
b 5
( 34 )
têtes , feront tenus de fournir à leurs Payeurs
autant de quittances qu'il exiftera de rentiers ,
fuivant l'ancien ufage , foit que le nombre des
contrats foit égal à celui des têtes qui compoferont
l'objet de la ſpéculation : foit que toutes
les têtes le trouvent réunies dans un feul &
même contrat ; Sa Majefté ayant annulle &
annullant les claufes qui auroient pu être inférées
dans quelques contrats de rentes viageres
contre les difpofitions du préfent arrêt . Fait aus
Confeil d'Etat du Roi , Sa Majesté y étant , tenu à
Fontainebleau le vingt- deux octobre mil fept
cent quatre-vingt - fix . Signé le Baron DE BRETEUIL.
Idem . Du 20 Avril 1786 , portant réglement
pour les calfats de Marfeille.
Idem. Du 30 Septembre 1786 , qui permet
aux Adminiftrateurs de la Compagnie des
Indes de faire faire les balanciers & planches
néceffaires pour graver les nouveaux plombs
& bulletins qui doivent fervir à la marque
des mouflelines & toiles de coton que ladite
Compagnie fera vendie à l'avenir.
Le ro de ce mois , la femme d'un Coëtfeur
, nommé Simon , demeurant à la barriere
de Séve , eft accouchée de trois garçons bien
portans. Elle a eu déja quatre enfans , dont
trois vivent encore.
•
La nuit du 6 au 7 d'Octobre , le feu s'étant
déclaré à Pont -à - Mouffon , le Régiment de la
Rochefoucauld , dont M. le Duc de Liancourt eft
Colonel , s'y rendit promptement . L'activité de
ce feu ne put céder que vers fix heures du matin
au travail fans relâche de tous les Dragons , qui
parvinrent à fauver des maifons déjà atteintes &
( 35 )
plus de vingt perfonnes . Quatre Dragons , ont
été bleffés , mais légerement . Parmi le grand
nombre de ceux que leur conduite rend dignes d'éloges
, les fieurs Marchais , Maréchal - des - logis
en chef, & les nommés Perrier , Brigadier , Sanschagrin
, la Liberté & Bertrand , Dragons , méritent
d'être particulierement nommés pour leur
intrépidité. Le Corps de Ville étant venu le
lendemain remercier le régiment & offrir des
Técompenfes en argent aux Dragons , ceux - ci
les refuferent en dilant qu'ils n'avoient fait que
leur devoir : & prierent que ces récompenfes
fuffent diftribuées à ceux qui avoient fouffert de
Fincendie. Quoique les Régimens donnent dans
toutes les occafions des preuves de cette valeur
utile & intrépide , & de ce défintéreſlement
plein de nobleffe & d'honneur , cette
réunion de qualités diftinguées , pour n'être pas
rare parmi eux , n'en mérite pas moins , toutes
les fois qu'elle a lieu , d'être mife fous les yeux
de la nation ."
M. Brion de la Tour , dont les travaux
géographiques font dignes de l'estime qu'ils
ont obtenue , nous a priés de rendre publique
l'obfervation fuivante qu'il a faite fur
la nouvelle Carte de la rade de Cherbourg
Cette carte a été annoncée depuis peu comme
la plus exacte de toutes celles qui ont part
jufqu'à préfent. Cela peut être ; au refte elles
ne font pas en grand nombre . L'Ifle Pelée , die
encore l'Editeur y eft à la vraie pofition ,
( c'eft ce qui paroît inconteftable, ) c'est - à-dire ,
au Nord Eft de Cherbourg; mais felon lui , elle
eft au Nord Oueft dans les autres cartes . Quand
à cet e derniere affertion , elle a dû d'abord
paroître étange à quiconque eft un petr fanib
6
( 36
fiarifé avec la carte de fon pays : en effet , fi
P'on confulte les meilleures cartes du Royaume
& les cartes particulieres de la Normandie , on
trouvera que l'ifle Pelée y eft auffi au Nord-
Eft de Cherbourg. Quand donc l'Editeur ajoute
qu'il eft fingulier que les Géographes n'aient
point relevé cette erreur , qui pourroit fe propager
; il doit être permis de répliquer qu'il eft
bien plus fingulier que lui même ait une maniere
de voir les chofes fi différente de celle des autres
Géographes.
BRION DE LA TOUR.
A la fuite de cette remarque , M. Brion
de la Tour a relevé l'évaluation des revenus
de l'Egypte , que les Gazettes & les Journaux
ont portés , les uns à 16 , les autres à
160 millions de piaftres . Nous fimes fentir ,
il y a un mois , l'abfurdité de ce calcul , ce
qui nous difpenfe de rapporter celui de M.
Brion de la Tour. Redifons néanmoins ,
puifque tous les jours on reparle encore de
ce revenu de 160 millions de piaftres , que
la piaftre du Levant ayant une valeur de
plus de 3 liv . tournois , trois millions d'habitans
, que contient l'Egypte , rendroient au
Grand-Seigneur 480 millions de liv. tournois
par an ; fi l'on réduit cette recette à
16 millions de piaftres , felon l'autre calcul ,
ce feroit un tribut de 48 millions de livres
tournois. Or , la Porte n'a jamais retiré de
l'Egypte plus de fix mille Bourfes qui , à
1500 liv . tournois chacune , donnent neuf
millions de nos livres , ou trois millions de
piaftres.
( 37 )
François- Charles - Xavier de Coriol's de Villeneuve
, Marquis d'Epinouffe & de Courbons,
Beron de Corbiere , eft décédé dans fon Château
de Corbiere , le 21 d'Août dernier. Il étoit fils
de Pierre de Coriolis de Villeneuve , Marquis
d'Epinouffe , Baron de Corbiere , & de Charlotte-
Félicité- Renée de Vintimille du Luc , des
Comtes de Marfeille . Sa famille eft originaire
d'Italie , d'où elle s'y eft tranfplantée vers 1400 ,
anquel temps vivoit Pierre de Coriolis , Général
des Galères de la Religion fous le Grand -Maitre
de Laftic , Commandeur de Trinquetaille & de
Montferrand . Du mariage de Pierre de Coriolis
il refle encore Charles - François Regis , Chevalier-
Profés de l'Ordre de Saint - Jean de
Jérufalem , Commandeur de Lugan , Chef d'E
cade des Armées navales.
Marie- Elifabeth Dillon , foeur du Lord
Henri , Vicomte Dillon , Pair d'Irlande ,
dixiéme Lord de fa Maifon , & de l'Archevêque
de Narbonne , eft morte le 15 du
mois dernier , au château royal de Saint-
Germain- en-Laye.
Marie-Anne Lafaurie de Monbadon , Ducheffe
de Civrac , Dame d'honneur de Madame
Victoire de France , époufe d'Emeric-
Jofeph de Durfort , Duc de Civrac , Baron
de Lalande , Comte de Blaignac , Chevalier
des Ordres du Roi , Chevalier d'honneur de
Madame Victoire de France , ci devant Ambaffadeur
du Roi à Naples, à Venife & à
Vienne , eft morte le 28 du même mois .
Françoife - Armande de Reilhac de St.-
Paul , Baronne de Bouffac, époufe de Melfire
( 38 )
Jean Baptifte de Carbonnieres , Marquife de
St.- Brice , Baron de Bouffac , Seigneur de
Lavigne , Chamberry & autres lieux , demeurant
au Couvent de la Miféricorde , rue
du Vieux Colombier , eft morte le 16 de
Novembre.
Meffire Jean - Alexis de Bois - Linard de
Margou , Chevalier , Grand Croix de l'Ordre
de Malte , Commandeur de Montchamp
, Bailli de Lyon , eft décédé à Lyon ,
le 28 Octobre 1786 , âgé de 101 ans , trois
mois & douze jours.
Suivant la Lifte générale du quatrieme
Tirage de la Loterie Royale établie par Arrêt
du Confeil du Roi , du 25 Avril 1785 ,
fait les 16 , 17 , 18 & 19 Octobre 1786 , les
principaux Lots font échus aux Numéros
fuivans :
Un Lot de 120,000 liv . N° . 7679. Idem
de 60,000 liv. No. 15319. Quatre Lots de
12,000 liv . Numéros 17902 , 18319 , 28014 ,
28082. Quatre Lots de 6000 liv. Numéros
22653 , 22777 , 32768 , 36455. Dix Lots
de 3600 liv . Numéros 8975 , 12899,16191 ,
17702 , 23976 , 23977 , 28010 , 28822 ,
35740, 35989 .
PAYS- BAS.
DE BRUXELLES le 25 Novembre.
9
>
Un Anonyme , qui paroît avoir parcouru
les côtes d'Afrique , nous a fait les obferva
}
( 39 )
tions fuivantes fur le principe de la couleur
des Negres. L'opinion qu'il défend a été
foutenue plus d'une fois ; mais l'autorité
d'un témoin oculaire, tel que l'Obfervateur ,
lui donne un nouveau poids.
Le Pays qu'habitent les Nègres en Afrique ,
commence à la riviere du Sénégal , fituée pat 15
degrés de latitude Nord ; la rive gauche de cette
eft habitée par des Maures Arabes , & la rive
droite par une nation Nègre naturelle du pays
nommé Yolef , peuple du plus beau noir poffible.
Les Maurés , au contraire , qu'on foupçonne avoir
été jadis chaffés des Efpagnes , font de la couleur
des Algériens , Saltins , Tuniffiens , &c . c'eft àdire
, un peu plus bafannés que les Européens ;
cependant ils habitent ce pays depuis près de
deux cents ans & peut-être plus , & n'ont pas
noirci , ni changé de couleur.
En montant dans cette même riviere du Sénégal
, & à 6 lieues de fon embouchure , on trouve
une autre Nation naturelle au pays , nommée les
Foules , qui eft rougeâtre & prefque de la même
teinte des Caraïbes de St. - Vincent en Amérique,
cependant il fait plus chaud chez eux que chez
les Yolof leurs volfins , qui font les hommes lesplus
noirs de l'Afrique : ils fe nourriffent des mêmes
alimens , qui confiftent en farine de millet ,
bled de Turquie , poiffons , poules , boeuf & laitage.
Donc que que ce n'eft ni à la chaleur du
climat , ni à la nourriture qu'il faut attribuer
fa noirceur de cette efpece d'hommes , & les
obfervations fuivantes en feront de nouvelles
preuves.
Gorée , & la Terre- Ferme qui eft par fon trayers
, qui n'en est éloignée que de trois quarts
de lieues , font fituées par les 14 degrés , 14 mi(
401 ད
wutes de latitude Nord : les Peuples qui habitent
ce pays font encore des Yolofs très- noirs ; ſous
la domination du Roi Daniel , & par cette même
latitude , eft fituée l'ifle de la Martinique où
il fait aufli chaud qu'au Sénégal : les Blancs
Créoles y font cependant établis depuis près de
180 ans & n'ont pas dégénéré , puifqu'ils ont le
même teint que les Européens , & les Noirs qu'on
y a porté d'Afrique n'ont pas éprouvé de variation
, même dans leurs defcendans nés dans l'ifle
& après plufieurs dégénérations , puifqu'ils ont
tous la même couleur que leurs peres . Les naturels
de l'Ifle qui ont le teint couleur de cuivre
& les cheveux longs comme les Sauvages de
St.-Vincent , n'ont pas non plus éprouvé de
changement dans leur couleur . Voilà trois ef
peces fur le même fol , qui ont eu une nourriture
commune , fur- tout les dernieres , & qui
ont refté conftamment les mêmes depuis 180 ans .
Les Portugais , depuis la découverte de la côte
d'Afrique , ont des établiffemens à la côte d'Angole
, & ils y ont confervé leur couleur fans variation.
Si , de la côte d'Angole on paffe en Amérique
par la même latitude , on y trouve le Bréfil , où
les mêmes Portugais réunis dans différentes villes
& occupés à la culture des terres , des mines &
autres travaux qui les expofent en plein jour
à la rigueur des chaleurs , n'ont pas dégénéré
& font toujours femblables aux Européens..
L'Auteur des Recherches Philofophiques fur
les Américains , pour donner plus de poids à fen
ópinion , a avancé dans fon Livre , qu'en différens
endroits de la côte d'Afrique on trouvoit
des Portugais abfolument nègres ; comme il n'a
pas vu le fait lui - même , & qu'il a écrit fur les
Mém oires qu'on lui a donnés. Nous nous per
( 41 )
mettrons de lui dire qu'on l'a trompé , à moins
qu'il ne regarde comme Portugais les Nègres
efclaves qui ont paffé fous leur domination , & fur
ce pied là on amalgameroit tous les Nègres des
Colonies Françoifes , Angloifes , & c. aux Européens
, ce qui feroit auffi nouveau que bien
étrange.
On trouve dans les différens établiſſemens européens
des négres affranchis , qui s'étant unis à
des mélifs ou à des blans , ont eu des enfans participas
plus ou moins des deux couleurs ; quelquefois
tenant plus du pere , & quelquefois de la
mere , mais ce n'eft plus un phénomene , c'eft
une marche conftante dans la nature , & ces groductions
tiennent toujours du germe , or il y a
du blanc & noir ici.
Les Indes orientales font habitées par quatre
à cinq peuples , qui different on ne peut pas
davantage. Les uns fon auffi noirs que les plus
noirs d'Afrique , mais à cheveux longs ; d'au
tres , tels que les Lafcards , font couleur de
cuivre , plus ou moins foncée , d'autres fim
plement bafannés comme les Arabes , & d'autres
enfin , prefque blancs , & ſouvent par
les mêmes latitudes , mêmes chaleurs & même
nourriture.
Il femble que , d'après ces obfervations , on
ne peut pas attribuer la caufe de la noirceur
des négres à la chaleur ni à la nourriture , &
que c'eft un fecret encore réfervé à la na
ture.
Extraits des Gazettes Hollandoifes & autres.
La pluralité des Etats de Zélande a fina
( 42 )
lement réfolu , qu'on ne nommeroit point
de Commiffaires de fon Collége d'Amirauté
, pour coopérer aux recherches & au jugement
de l'affaire de Breft , tant que Leurs
Hautes Puiffances les Etats - Généraux exclueroient
de cette commiffion les Députés
du Collège d'Amirauté d'Amfterdam. [ Gazette
de la Haye, no. 139. ]
( La Gazette d'Amfterdam , No. 93 , dit
précifément le coraire ; lequel croire ?
M. le Comte de Goertz , Miniftre d'Etat
& Envoyé Extraordinaire de S. M. le Roi
de Pruffe , a été , il y a quelques jours , en
conférence avec MM. les Penfionnaires des
principales Villes de la Hollande. [ Idem ,
n°. 140. ]
Le Confeil d'Etat , ayant pris une réſolution
par laquelle il a été ordonné au Général Reyfiel
& au Colonel van Pabft de venir rendre compte
des arrangemens pris entre eux, pour les fignaux ,
dont ils étoient convenus , Mr le Colonel a obéi;
mais le Général qui commande les Troupes ,
qui forment le Cordon , a cru n'être refponfable
d'abord , qu'aux Etats de Hollande , ou du moins
n'a pas cru devoir obtempérer au Confeil d'Etat,
fans en avoir donné connoiffance à L. N. & G.
P. Le Confeil d'Etat exige , que le Général
Reyffel lui exhibe l'Ordre des Etats de Hollande;
on n'apprend pas que cet Officier fe foit encore
foumis , mais les Etats de Hollande & de Weftfrie
l'ont pris , lui & toutes les Troupes à fes
Ordres , fous leur immédiate & puiffante Protection
, pour toutes les fuites que cette affaire peut
ayoir, Gazette d'Amfterdam , no, 92.
1
( 43 )
Par une réfolution du 8 Novembre , nos Sei-
-gneurs les Etats de Hollande ont réellement pris
fous leur Protection , le. Major - Général van
Reyffel , Commandant des Troupes , qui forment
le Corfon depuis Naarden jufqu'à Schoonhoven ;
ils lui ont défendu de donner communication de
fes Ordres à qui ce foit . Mrs. de l'Ordre - Equeftres
à l'exception de Mr. de Walenaar de
Staremburg , n'ont pas voulu avoir part
réfolution ; non plus , que les Députés de fix petites
Villes , qui votent toujours avec l'Ordre de
da Nobleffe. Idem, nº. 93 .
>
à cette
Paragraphes extraits des Papiers Anglois & autres.
L'on apprend que la Compagnie des Indes-
Orientales de Hollande a fait deman ter par l'Ambaffadeur
de la République à la Cour de France ,
la permiffion pour le paffage par le territoire de
la France , Four un Régiment de deux mille
hommes de Troupes de Wurtemberg , que ladite
Compagnie prend à fa folde . La moitié fe rendra
le mois prochain , & le refte au mois de Septembre
de l'année 1787 , au cas que ce paffage foit
accordé à Dunkerque pour être tranfporté de là
à Fiefingue.
Le Tréfor de la Chapelle de Maria- Zel , avoit
été en Sequeftre par ordre du Gouvernement ,
Pannée derniere : l'Empereur , en revenant de la
Haute Autriche , a vifité ce lieu de Pé érinage .
& y a fait les dévotions . Cette Chapelle dépoui lée
de fes ornemens les plus précieux & de fes riches
reliquaires , a a tiré l'attention du Monarque , au
point qu'il en a demandé la raifon au Supérieur
des Ecclefiaftiques , qui deffervent la Chapelle ;
celui- ci a répondu : Que tous ces Ornemens
( 44 )
avoient été fequeftrés par ordre de Gouverne
ment ; S. M. Impériale a ordonné , que le Sequeltre
fut levé & que la Chapelle fût décorée à l'ordinaire.
Gazette d'Amfterdam , n°. 92.
La Saifon eft devenue fi rigoureufe à la fin
du voyage de Fontainebleau , que les équipages
de la Chaffe ont été renvoyés. La campagne étoit
déjà couverte de quatre pouces de neige. L'accident
, arrivé à M. le Marquis de Tourzel , femble
avoir achevé de jetter une teinte fombre fur
ce voyage. Ayant été porté dans le petit logement
du Garde , il a été traité avec tous les foins
poffibles ; & le Roi n'a ceffé de donner les plus
grandes marques de fenfibilité & d'intérêt pour
ce jeune Seigneur , qui avoit fept enfans : Elle
ordonna que M. Louftonneau , fon premier Chirurgien
, ne le quittât pas ; & auprès du logement
du Garde , qui eft à fix lieues de Fontainebleau ,
on plaça deux de ces maiſons de bois , à l'ufage
de la Cour , & qui fervirent alors à recevoir Madame
la Marquife de Tourzel & les perſonnes néceffaires
au fervice du bleffé. Mais toutes ces attentions
, ni les foins de l'art , n'ont pu empêcher
la perte , qu'une bleffure des plus dangereufes
failoit redouter dès le commencement; & Mr. de
Tourzel eft mort . Le fpectacle de fes tourmens ,
qui ont duré fix jours , étoit affreux pour ceux
qui en étoient témoins. Cependant une ftupeur
prefque continuelle, accompagnée d'infenfibilité ,
annonçoit une grande altération dans l'organe du
cerveau , & a dû fufpendre pour cet infortuné le
fentiment douloureux de fa cruelle exiflence . Le
Roi a été fenfiblement touché de ſa mort . Pendant
fa maladie on l'avoit engagé à faire une vente
fimulée de fon Régiment , afin d'en conferver le
prix à fa nombreuſe famille. Lorsqu'on a préfenté
cet Afte , Sa Majefté a paru furpriſe & a
( 45 )
ajouté : Eft- ce qu'on ne comptoit pas fur moi ?
Mot touchant , qui peint la bonté , & qui annonce
tout l'attachement du Roi pour la nombreuſe famille
de Mr. de Tourzel. La furvivance de la
Place de Grand - Prévôt de l'Hôtel a été donnée
fur le champ par le Roi au fils aîné de ce Seigneur.
Quant au Régiment Royal des Cravattes,
qu'il avo t , on le croit deftiné au Comte Charles
de Dama Colonel en fecond du Régiment
Dauphin . M. le Marquis de Tourzel étoit fils de
Mr. de Sourches , Grand- Prévôt de l'Hôtel , &
frere de Madame la Ducheffe de Charôt. Le plus
bel éloge , fans contredit , qui ait été fait de lui ,
eft ce mot de la Reine : Il eft peut - être le feul ,
qui n'ait pas fçu le faire des ennemis à la Cour,
-GAZETTE ABRÉGÉE DES TRIBUNAUX ( 1 ) .
Parlement de Paris , Grand Chambre , Inftanee
entre le Sr. M.... Intimé & le Sr. P.... Appellant
. Stellionat prouvé. Don ne donne ouverture au
remboursement.
Le Stellionat eft une espece de larcin , qui fe
commet par celui qui vend ou engage des immeu
bles qui ne lui appartiennent pas , ou qui les
hypotheque comme francs & quittes , quoiqu'ils
ne le foient pas , ou qui les vend comme propriétaire
de leur totalité, quoiqu'il ne le foit que d'une
partie. La mauvaiſe foi qui forme le Stellio-
(1) On fouferie à toute époque pour l'Ouvrage entier
dont le prix eft de 15 liv . par an , chez M. Mars , Ayocar
au Parlement , rue de la Harpe , Nº. 20.
( 46 )
nat, donne au créancier trompé l'exercice d'une ac
tion contre le débiteur, pour exiger le paiement de
la dette , encore qu'il y ait terme , ou quelle ne
foit exigible de fa nature ; telle qu'une fomme'
aliénée à titre de conftitution ; la raison de cette
rigueur eft que la condition de l'engagement ne
fe trouve pas remplie.
Le Stelionat eft retances
:
ત
3
gardé comme un crime fi grave , que l'Ordonnarce
de 1667 , art. 4 , qui défend les contraintes
par corps en matieres civiles , excepté le cas
de Steilionat , affujettit celui qui s'en rend
coupable , à la contrainte par corps , elle n'ex-`
cepte pas même les feptuagénaires , les femmes ,
les enfans , & les filles , pour caufe de Stellio at
procédant de leur fait . Jouffe , dans ton Com
mentaire de l'Ordonnance , donne pour raiſon
que le Stelionat eft un dol pratiqué pour tromper
, par une fauffe déclaration , celui avec qui
l'on contracte. Ces principes ont fervi de baſe à
la décifion de ce Procès , dont voici les circonf
Par ade devant Notaires , au Châtelt
de Paris , le Juin 1774 , le S. P... a
paffé deux Contrats de conftirutions de 1250 liv.
de rentes perpétuelles , au principal de 25000
liv . chacune, au profit du S. L ... C .. pour lui , fs
héritiers & ayans - caufes , lefdites rentes perpétuelles
, payables de fix mois en fix mois , dont,
les premieres écheront au premier Janvier 1775 ,
à prendre fpécialement fur deux Maifons appertenantes
au Sr. P ..., comme les ayant recueillies
des fucceffions de fes pere & mere , & fruées en
corte Ville , lefdites cor fi utions faites à raison
du denier 20 , moyennant les f (dites fommes que *
le Sr. P ... reconnoît avoir reçues du Sr. L... C ...
en effeces fonnantes d'or & d'aagentayant cours ,
comptés & délivrées , dont quittance . Ces rentes ,
ont été exactement payées au Sr. L... C .. jufqu'à
( 47 )
fon décés arrivé en 1778 ; elles ont enfuite paſſé
à fes heritiers , les Srs . H... & M... qui , par l'acte
de partage du 29 Mars 1779 , ont en chacun un
Contrat de rente , à prendre fur le Sr. P...
Le Sr. M... pere , ayant juſtifié au Sr. P .... de fes
titres de propriété , a touché les arrérages de la
rente de 1250 liv. Le Sr. M... eft décédé en
1782 , laiffant fix enfans , dont l'aîné , faifi de fa
fucceffion , aux termes de la Coutume de Bourgogne
, a touché également du S. P... , ou de
fon fondé de pouvoir , les arrérages qui lui étoient
dûs jufqu'au premier Janvier 1782. - A cette
époque plufieurs révolutions s'étoient opérées dans
la fortune du Sr. P... fon office de Payeur de
rentes avoit été fupprimé , fa charge de Receveur
des domaines & bois , avoit paffé au Sr. M... ;
le Sr. M... fe détermina pour lors à mettre oppofition
au fcéau des provifions du nouveau titulaire
; il fut informé que non-feulement il y avoit
quatre oppofitions antérieures à la fienne , & pour
des fommes confidérables ; mais que M. le Procureur
Général de la Chambre des Comptes
avoit fait fignifier au Sr. M... de ne ſe défaifir du
prix de l'office du Sr. P ... qu'entre les mains dú
Tréforier de Monfieur Frere du Roi . Le
Sr. M ... fe voyoit donc privé d'une partie des
hypotheques qui faifoient fa sûreté ; il prit la
réfolution de faire affigner le 13 Août 1782 , le
Sr. P..., pour voir dire qu'il feroit tenu de lui
indiquer les Maifons qui étoient fon gage , le
quartier , la rue , les tenans & aboutiffans , finon
qu'il feroit condamné , & par corps , comme Stellionaire
, à lui payer les 25000 liv. , falfant le fort
principal de fon Contrat , & les arrérages qui en
feroient dûs . ---- Le Sr. P ... ne s'étant pas préfenté
, Sentence par défart a été rendue le 30
Ottobre 1782 qui , faute par lui d'avoir défigné
( 48 )
les Maifons , le condamne & par corps au rem
bourfement ; le Sr. P... y a formé oppofition .
La caufe inftruite contradictoirement , nouvelle
Sentence qui a ordonné que dans huitaine il indiqueroit
les deux Maifons , par lui affectées au
fort principal & arrétages de la rente , finon
feroit fait droit . Le 13 Décembre ſuivant , le Sr.
P... a déclaré que les deux maiſons avoient été
réunies en une feule , fituée fur le Pont - au-Change
, entre un Bureau de Loterie & un Orfévre.
Mais le Sr. M... ayant appris que ces deux Maifoins
n'appartenoient pas au St. P... il l'a fommé
de juftifier de fes titres de propriété , & des baux
faits aux principaux locataires . Le Sr. P... n'ayant
pas fatisfait à la fommation , autre Sentence par
défaut , qui a ordonné que dans la huitaine il
juftifieroit de les titres , finon débouté de fon oppofition
à la Sentence du 30 Octobre. Le
St. P... a interjetté appel en la Cour , & obtenu
arrêt de défenſe de mettre les Sentences à exécution;
enfuite l'affaire inftruite contradictoirement,
le Sr. P... a conclu à l'information , & a foutenu
le Sr. M... non recevable dans fes demandes formées
au Châtelet. Le Sr. M... de fon côté a demandé
que le Sr. P... fût déclaré non recevable
dans fon appel , & fubsidiairement , que l'appel
fut mis au néant , avec amende & dépens ; la
caufe a été appointée , & le Procès inftruit par
écrit. Arrêt du 12 Mai 1785 , rendu au rapport
de M. de la Guillaumie , aujourdhui Intendant
de Corfe , qui a mis l'appellation au néant
avec amende & dépens & condamné le Sr. P...
par corps , à rembourfer les 25000 liv. , portées
au Contrat de conflitution dont il s'agit.
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
DANEMAR CK.
DE COPENHAGUE , le 10 Novembre
O
N continue les travaux commencés pour
nettoyer notre port ; ils feront achevés
dans quelques années : il eft aufli queſtion
d'y joindre quelques fortifications pour fa
sûreté. L'un des plans remis au Miniſtere à
ce fujet , porte la dépenfe de cette conftruction
à 600,000 thalers. Les marchandifes
des Indes Orientales fe vendent ici avec plusde
fuccès qu'à Gothenbourg,
Nous n'avons pas négligé d'annoncer les
différentes tentatives faites par le Gouvernement
Danois pour retrouver l'ancien
Groenland . Cette conquête paroît être faite
aujourd'hui mais peu fructueufe , felon les
premieres apparences . On lira fans doute
avec intérêt lade ation authentique qui vient
d'être rendue publique , de l'expédition des
Lieutenans Egede & Rothe. Ce font eux-
N°. 49. 9 Décembre 1786. с
( 50 )
mêmes qui parlent dans la Lettre ſuivante :
HAVNEFIORD en Iflande , le Iflande , le 30 Octobre 1786.
Le 8 d'août , jour où M. Lovenorn , Capitaine
& Aide- de-camp général , mit à la voile pour
Copenhague , nous levâmés l'ancre & partîmes
de Havnefiord en Iflande , pour exécuter les
ordres qui nous avoient été donnés. Nous dirigeâmes
notre cours au 66 degré nord. Nous
ne vimes point de terre ; nous trouvâmes beaucoup
de glaçons flottans , & fûmes forcés de revirer.
Nous portâmes au 6 , degré 20 minutes
de latitude méridionale . Là nous trouvâmes la
terre que nous cherchions ; nous nous en eftimâmes
à 10 mille de diftance , & comme le tems
étoit ferein , nous l'eûmes continuellement à vue
d'il nous diftinguions une largeur de 16 à 20
milles , bordée de rochers hauts & efcarpés , couverts
de neige & de glaces : nous ciûmes pourtant
appercevoir des endroits fans neige , avec
de l'herbe & de la mouffe ; nous jettâmes la fonde
à plufieurs reprifes , mais à cent braffes point encore
de fond.
Le 7 août nous obfervâmes que la glace bordoit
la côte ; nous avançammes ; nous entendîmes
le bruit des glaçons qui s'entreheurgoient
; ils étoient fi près les uns des autres , qu'aucune
espece de bâtiment n'eût pu s'y faire paffige
, & ils n'étoient pas de nature à pouvoir
être franchis à pied. Comme nous ne trouvâmes
aucune ouverture pour arriver à terre , & que
les glaçons commençoient à s'entaffer autour du
bâtiment , nous fumes obligés de nous en écarter.
Arrivés le 20 Août au C4 degré 50 minutes
de latitude feptentrionale , nous vîmes encore
ane terre qui , felon toute apparence , eft jointe
( 51 )
à celle que nous avions d'abord découverte.
Nous effayâmes d'en approcher ; nous eûmes con
tinuellement devant nous de grands monceaux
de glace ; nous pouflâmes pourtant en avant , &
arrivâmes à une diſtance de 3 milles de la côte.
Là nous primès vue fur une étendue de 16 à 20
milles nous fùmes bientôt obligés de revirer
& portant au fud , nous revinmes à la diftance
d'environ 15 milles de l'endroit que nous venions
de quitter. Nous nous avançâmes à trois
milles de terre , non fans beaucoup de difficulté:
là la mer forme , en s'enfonçant dans les terres
un golfe long & large , dont nous ne pûmes découvrir
l'extrémité. Nous rafâ nes la côte au milieu
des glaçons flottans , jufqu'à ce que , crainte
d'en être enveloppés , nous fumes enfin forces de
larguer en mer.
Parmi les gens de notre équipage , il s'en
trouvoit deux qui avoient été en Groenland , &
qui nous difoient qu'on ne rencontre point au
détroit de Davis des morceaux de glace , ni des
glaçons flottans affi confidérables. Nous tirâmes
à l'eft , puis au nord ; nous effayâmes à
trois reprffes d'entrer dans le golfe , mais tous
nos efforts furent inutiles .
Nous étions affez à l'eft pour nous crire en
fûteté du côté des glaces , quand tout -à- coup
nous nous trouvâmes en danger. Sur le foir
nous nous vîmes par un gros tems d'eft enveloppés
un moment d'une grande quantité de
glaces . La tourmente dura environ trois femaines
pendant tout ce tems , nous manoeuvrames
fans relâche pour nous approcher plus au nord :"
autant nous avançames en 4 à cinq jours au nord,
autant en un feul jour , nous reculâmes au fud .
Le 24 Août , nous effu âme une houle fi violen-"
te , que notre bâtiment fut deux minutes fans pous
C2
( 52 )
voir fe redreffer. Le left avoit changé de place.
La chaloupe , les vergues de rechange , la gefole
, les cordages , tout s'étoit porté d'un feul
côté fous le vent . Les voiles amarrées furent
enlevées par la tempête. Le vaiſſeau marchoit
fur le flanc & la mer rouloit par deffus le pont ,
de la même force qu'elle s'élance par deflus les
rochers .
Le 2 Septembre le vent baiffa & nous pumes
remetre la chaloupe en fa place . Nous travaillâmes
auf à notre left ; mais le vaiffeau panchoit
toujours comme auparavant. Il ne pouvoit
ni porter voiles , ni virer de bord .
Le 6 Septembre , grand vent à baffes- voiles.
Nous effuyâmes des houles violentes.
Le 10 Septembre , nous découvrîmes Jokelen.
Le I gros tems d'eft. Nous portâmes au fud .
Nos voiles furent toutes déchirées. Nous nous
tinmes continuellement à la cape . Notre bâtiment
emporté au gré des vents & des flots , ne
fuivoit plus d'autre direction . La tempête devint
de plus en plus furicufe.
le
Le 18 Septembre , nous jettames l'ancre dans
le port de Holmen ; quoique nous euffions
beaucoup travaillé en mer à notre left ,
bâtiment inclinoit encore de dix dégrés , après
que nous eumes mouillé. Nous le redreffâmes
pendant notre mouillage , & mimes tout en
état.
Le 22 , nous quittâmes le port de Holmen.
Le même jour partit le Capitaine Lorentzen
que nous chargeâmes de nos rapports & de nos
lettres. Sortis du golfe ,, nous eumes le vent
contraire , & ne pouvant regagner la haut ur
de Holmen , nous fumes obligés d'aller mouil(
$3 )
ler dans deux les différentes . Vers la nuit gros
tems d oueft . Il n'y a point de doute que le Capitaine
Lorentzen n'ait péri , car à 3 millas de
nous flo : toient vers la côte , des débris , qui fe
lon toute apparence , étoient de fon navire.
Nous challâmes 'fur deux ancres : nous en jettâmes
une troifieme : nous arrêtâmes près d'un
rocher , de forte que le moindre coup de vent ,
eut pu nous y faire échouer. La même nuit le
bâtiment qui porte cette lettre donna contre la
côre , & manqua de périr. La tourmenté dura
trois jours.
Le 27. Septembre , à l'ancre à Havneford ,
où nos hivernerons. Nous, fommes hébergés
chez le Marchand Nyborg. C'eſt un bien brave
homme.
que la
Tous nos Marins font perfuadés
côte apperçue par MM. Eggie & Rothe eft
celle de l'ancien Groënland .
ALLEMAGNE.
DE HAMBOURG , le 21 Novembre.
Le Projet d'un voyage de l'Impératrice
de Ruflie à Cherfon & dans la Tauride , a
été renvoié autant de fois qu'il a été formé;
enfin le mois de Janvier prochain paroiffoit
l'époque déterminée à laquelle il s'exécuteroit.
En divers lieux de l'Europe , on avoit
envoié de Pétersbourg l'Itinéraire pofitif de
l'Impératrice. ( Nous avons rapporté noumême
une de ces liftes. ) Aujourd'hui il fe.
répand de nouvelles incertitudes fur ce voya
.c 3.
( 54 )
ge , quoiqu'on affecte d'en parler comme
d'un événement indubitable. Le Prince Potemkin
, dit on , devancera fa Souveraine de
quelques jours , & a ordonné tous les préparatifs
de fon départ ; mais ce Prince peut
fort bien fe rendre en Crimée , fans que la
Cour le fuive ; & les irruptions continuelles
des Tartares favorifent cette derniere opinion.
D'après l'extrait que le Docteur Bufching a
donné dans fa feuille Hebdomadaire , de l'Edit
de Impératrice de Ruffie , concernant l'éta-
- bliffement du nouveau Lombard , la derniere
guerre des Ruffes contre les Turcs , l'augmentation
des forces de terre & de mer
l'augmentation des appointemens , la fondation
de nouvelles Villes & d'autres entreprifes faires
pour améliorer Ftat , ont néceffité des emprunts
cor fidérables ; mais ces dettes font
amor es à préfent jufqu'à la fomme de 6,600,000
roubles. L'extinction totale de ces dettes eft un
des principaux objets des foins de l'Impératrice ;
en conféqu'ence S. M. Impériale a ordonné
qu'à commencer de l'année 1789 , on en payeroit
par an un million , & que ces dettes ferofent
acquittées entierement dans l'année 1795 .
-
S. M. a auffi déposé un fonds de 15 mil
lions pour des befoins imprévus ; ce fon is fera
augmenté tous les ans. A commencer de
1788 , les deux banques de l'Empire feront
tenues de publier tous les ans leur billan ,
tous les trois ans le Commerce en choifiga kes
Directeurs.
&
Le Docteur Bufching nous apprend auffi que
par l'ordre de l'Impératrice on a traduit en
( 55
langue Tartare , les Edits , Ordonnances &
Reglemens d'administration , & que l'on im
prime actuellement à Petersbourg le Coran , à
Pufage des Mufulmans , fujets de S. M. Impériale.
La Diete de Pologne continue fes féances
avec beaucoup de tranquillité. Dans un difcours
du Roi à l'Affemblée du 24 Octobre ,
on a remarqué l'émotion avec laquelle il a
prononcé le paffage fuivant.
dit ce
« Il va bientôt s'écouler deux ans
Prince , depuis que je ne vois plus ce Citoyen
( le Prince Adam Czartoryski , Général de
» Podolie ) que j'ai aimé dès mes plus tendres
années ; auquel l'éducation , la plus douce ha-
» bitude une inclination réciproque , tant de
liens m'attachoient , de manière que je croyois
voir en lui un Frere de plus . Je ne le vois p'us
» ici ; & , quand je me rappelle la caufe de fon
éloignement , cette caufe fi furprenante , &
qui jamais n'auroit dû exifter , je ne puis que
» frémir de cette espéce de fatalité plus forte
» que nous , qui divife quelquefois ceux - mêmes ,
90
que la Nature , l'affection , l'eftime , la fym-
" pathie , fembloient devoir unir à jamais.
» Quiconque a fondé mon coeur , quiconque a
» voulu me connoître depuis vingt-deux ans que
j'occupe le Trône , doit avoir reconnu qué
ie fçais prifer le nom d'Ami & de Frere.
Oh! que ne fe peut-il , que ce Citoyen dif-
» tingué , fi chéri de moi & du Public , foit
inftruit en ce moment de mes intentions ! Il
feroit fans doute obligé de convenir , que
dans les idées que je vous ai confiées , M. le
→ Maréchal de l'Ordre Equeftre , eft contenu
·
C 4
( 56 )
as tout ce qui peut concilier la Justice , la Loi ,
» & la tranquillité commune ».
On fa't que depuis l'affaire énigmatique
du Prince Adam Czartoriski , que nous
rapportâmes dans le temps , ce Seigneur a
fixé fa réfidence hors de la Pologne.
D'après le rapport , préfenté dans la Séance
du 25 Octobre , de l'état des Finances du
Tréfor de la Couronne ; il paroît que , déduction
faite de toutes les dépenfes , les
épargnes fe montent à 2,023 , 149 forins,
Les dépenses du Tréfor de Lithuanie ont
monté pour les deux dernieres années à la
fomme de 10,800,670 flor.
DE VIENNE , le 21 Novembre.
On a conluit ici la femaine derniere le
fieur Crumperberger , ci devant Caiflier des
Erats de la Baffe Autriche , qui s'étoit enfui
il y a deux ans , en laiffant dans fa caiffe un
vuide de 144 mille Horins , felon les uns ,
ou de 80 mille florins , felon les autres . Il a
été arrêté à Aug bourg , à la réquiſition du
Miniftre de l'Empereur.
L'efprit de révolte n'eft pas éteint chez les
Valaques , à ce qu'on écrit de la Buckowine;
& les régimens de Caro'i & de Vins ont
ordre d'aller rétablir la tranquillité dans cette
Province.
DE FRANCFORT
le
27 Novembre.
La Principauté de Neufchâtel & Valengin
a prêté foi & hommage au Roi de Pruffe , &
(~57 )
t
le Gouverneur de ce petit Erat fi floriſſant ,
M. de Beville , étoit attendu à Zurich , le
23 , pour y éxécuter une commision fpéciale
de S. M.
Le 15 Octobre on a conduit à Eperies un
Gentilhomme Hongrois & 36 autres prifonniers
, accufés d'avoir fomenté une révolte ,
qui devoit éclater le 18 de ce mois .
-
On vient d'imprimer à Berlin un Ouvrage
très curieux , fous le titre de Statistiche
Uberfich der vorneheuften deutſchen ſtaten , &c .
c'est-à- dire , Coup d'ail ftatitifque fur les
principaux Etats d'Allemagne , &c . L'auteur
a fait ufage des meilleures autorités ; & fur
celle de MM, de Hertzberg, Bufching , Heinitz
, Bork , Winterfeld , Haufen , &c. il préfente
le tableau fuivant de la Population ,
des Revenus , & de l'Armée du Roi de
Pruffe ( 1 ).
POPULATION.
Etats Pruiens en général ..
EN PARTICULIER.
6,000,000
I. Les Etats indépendans .
Le Royaume de Pruffe ..... 1,500,000
Le Duché de Siléfié & le Comté de
Glatz ... ... 1,582,000
Les Principautés de Neufchâtel & de
...
Valengin 40, 00
TOTAL .
3,122,500
(1) Voyez la Note qui termine ce Journal.
c. 5
( 58 )
II. Les Etats qui font partie de l'Empire
Germanique.
La Marche de Brandebourg ,
Le Duché de Poniéranie ....
Le Duché de Magdebourg.
La Principauté d'Halberstadt .
Les pays Veftphaliens .
.... 1,017,000
465,000
280,000
132,000
$90,000
2,524,000
Total général ( en 1784 ) ..... 5,646,500
( En 1785 ) ........ ... 5,735,000
6,000,000
D'après le Mémoire du Comte de
Hertzberg...
L'excédant des naiffances fur les morts dans
l'état civil , depuis 1774 jufques & compris 1785 ,
étoit d'après Bufching de 498,883 .
Accroiffement de la Population.
Population des anciens Etats en
1740 ...
Accroiffement de population dans
ces Etats jufqu'en 1784 ....
Population de la Siléfie , d'Oftfrife
& de la Pruffe Occidentale ..
Total général .... …… .
REVENUS.
2,240,000
1,760,000
2,000,000
6,000,000
22,000,000 rixdlers d'après Buſching.
D'autres Ecrivals les portent plus haut , &
( 59 )
les évaluent ainfi qu'il fuit :
Marche de Brandebourg..
Pruffe ... .....
Pomeranie ..
Magdebourg & Halberstadt .
Veftphalie
Siléfie
millions.
6
4
2
2.
6
WINNIN
Productions du Regne Minéral 779,000 rixd.
Point de dettes d'Etat.
La fomme pour les améliorations dans les
Provinces a monté en 1784 à 85 , à 2,236,156
Et celle de 1785 à 86……….. 2,901,756
Les bienfaits diftribués par le feu Roi dans fest
Etats , depuis 1763 juſqu'en 1784 , étoient les
fuivans ;
SAVOIR :
A la Marche Electorale..
A la nouvelle Marche .
A la Pomeranie ....
rixdalers.
2,674,000
3,002,000
4,828,000
A la Siléfie .. 6,200,000
A la Pruffe Occidentale . 3,000,300
ÉTAT MILITAIRE.
1,923 , 777 hommes en 1785.
Le Complet , SAVOIR :
IN F. CAVAL
Artillerie ..
Pontonniers ..
1,152
29
Dans la Marche .... 39,184 4,930
Dans la Pruffe ..
29,424 11,370
Dans la Poméranie . 10,582 7,669
Dans le Magdebourg . 14,797 3,436
сб
( 60 )
^
Dans la Veftphalie .
Dans la Silée ..
TOTAL
11,909
35,322 12,143
152,829 39,548
En tout 70 Régimens d'Infanterie , compofés
de 188 bataillons , ou de 958 Compagnies , &
en outre 4 Bataillons particuliers . La Cavalerie
eft compofée de 35 Régimens , ou de 233 ef
cadrons & d'un Corps de Chaffeurs.
ITALI E.
DE NAPLES , le 10 Novembre.
Leurs Majeftés font revenues , le premier
de ce mois , de Caferte ; & elles ont affifté
le même foir à la premiere repréſentation de
la Frefcatana , mife en Mufique par le célébre
Paisiello , & à laquelle il a ajouté de
nouveaux morceaux qui ont été généralement
applaudis .
Il s'eft fait le 31 du mois dernier , vers les
cinq heures après midi , une grande éruption
du Véfuve , & la lave s'est étendue à
environ deux milles vers la Cafa del Romito,
qui eft du côté de Naples , & a caufé
beaucoup de frayeur au peuple ; mais peu
de temps après elle a ceflé . Quelques voyageurs
fe font immédiatement tranfportés
fur le lieu .
GRANDE-BRETAGNE.
DE LONDRES , le 25 Novembre.
Le Commodore Elliot' eft arrivé de Terre(
61 )
Neuve à Plymouth , fur le vaiffeau le Salis
bury de so canons . L'Amirauté a fait armer
deux frégates qui doivent renforcer l'efcadre
de la Méditerranée. Elle a auffi réduit le
nombre des vaiffeaux de garde dans différens
ports.
Le paquebot de Lisbonne a apporté la
nouvelle de l'arrivée de Mr. Faulkner dans
cette Capitale du Portugal . On eſpere que
ce Négociateur conclura le nouveau Tra té
avec cette Puiffance , avant la rentrée du Parlement
qui prendra ce Traité en confidération.
On préfume que celui , entamé avec la
Ruffie , fera accéléré par la concluſion du
Traité qui vient d'être figné avec la France .
Sans offrir aucun bénéfice dans la ba'ance
des importations & exportations , bien loin
delà , ce commerce avec la Ruffie n'en feroit
pas moins avantageux par l'efpece des marchandifes
qu'il procure à l'Angleterre. Les
conditions du dernier Traité étoient énoncées
d'une maniere fi obfcure , que l'on ne
favoit fur quoi compter. Il ya tout lieu de
croire que celui auquel on travaille actuellement
, donnera aux Négocians Anglois une
connoiffance plus précife de leurs droits &
de leurs priviléges .
Les recettes de la Douane de la femaine
derniere ont excédé tous les recouvremenз
qui ont été faits jufqu'à préfent , pendant une
( 62)
égale durée. L'augmentation remarquable
qui eut lieu , il y a deux ans , n'étoit pas
auffi forte. Ces faits doivent impofer filence
à ceux qui ofent affurer que les opérations
de M. Pitt , en favo: ifant le commerce , ont
fait baiffer les revenus de l'Etat. Il paroît
par une lettre d'Edimbourg que la naviga .
tion de ce port a augmenté d'une maniere
furprenante. Depuis la S. Martin 1785 , jufqu'à
pareille époque 1786 , il eft arrivé dans
'ce port 1844 vaiffeaux . Ce nombre a excédé
celui des vaiffeaux , entrés l'année précéden-
-te , de 159 .
L'Archevêque de Canterbury trouve un
´moyen légal d'enfermer Lord George Gordon,
à qui le fieur Jenner , Procureur du Tribunal
Eccléfiaftique des Doctors Commons , a fait
paffer , le 22 , l'avis fuivant :
« M. Jenner a l'honneur de faluer Lord
» George Gordon , & de l'informer que Sa
» Seigneurie étant excommuniée depuis plus
» de 6 mois , comme ayant refufé de com-
» paroître devant la Cour privilégiée de Can-
ל כ
terbury, pour être entendue examinée ,
>> en qualité de Témoin dans l'affaire de
» Hendry contre Wid , M. Jenner propofera
» demain à la Cour d'ordonner que la con-
» tumace de Sa Seigneurie foit fignifiée au
» Roi , afin que l'Acte de excommunicato capiendo
puiffe être exécuté contre Sa Sei-
» gneurie. >>
La Compagnie des Indes a publié la liſte
exacte des vaiffeaux qu'elle expédie cette an(
63 )
née.Ils font au nombre de 34 ; la plupart de
800 tonneaux. Les derniers prêts mettront à
la voile en Janvier & Février prochains.
Lady Strathmore eft délivrée de fa captivité.
Son indigne mari étoit parvenu , at
moyen d'un ftratagême , à fe fauver du châ
teau de Strickland , portant Milady en croupe
fur fon cheval. Malgré fes menaces , &
l'épuiſement où la fatigue avoit jetté la Comteffe
, celle ci eut le courage d'appeller à fon
fecours quelques payfans qui fe trouverent
fur la route. Un vieillard d'entr'eux s'élança
fur M. Bowes , un bâton à la main , fans fe
laiffer intimider par la vue d'un piftolet , faint
la bride du cheval , fit fauter le piftolet &
défarçonna le cavalier. D'autres perfonnes
accoururent ; on faifit M. Bowes , & l'on délivra
la Comteffe de Strathmore , qui dit à
fon mari étendu fur terre : Adieu , Monfieur,
que ceci vous apprenne à changer de conduite,
Elle fe rendit immédiatement à Londres
chez fon Procureur , & elle a paru le 23 à
la Cour du Banc du Roi , où elle a fait fes
depofitions. Pendant onze jours , elle a été
à la merci de fes perfécuteurs , & fon état
a excité la compaffion générale. Privée de
l'ufage de fes jambes , on a été obligé de
la porter de fa voiture devant les Juges qui
l'ont fait affeoir . M. Bowes doit être transféré
ici aujourd'hui .
Une découverte très- précieufe dans l'Art de
Teindre , fixe, dit- on , en ce moment l'atten(
64 )
tion du Gouvernement . Si tout ce qui ſe dêbite
à ce fujet eft fondé , il en résultera un grand
avantage pour nos Manufactures de Laine , & en
même temps un puiffant moyen d'économie . Il
s'agit tout à la fois de fubftituer aux plantes que
nous tirons à grands frais de l'étranger pour la
teinture , celles de notre propre crû , & de nous
procurer des couleurs , & plus belles & plus
folides.
1
Le Docteur Michaëlis , Médecin de nos
troupes Allemandes en Amérique , dans une
lettre adreffée au Docteur Forftar , concernantung
and animal inconnu de l'Amérique
feptentrionale , donne un nouveau poids \à
l'autorité du Docteur Hunter , qui avoit nié
que cet animal fût un cheval marin ou un
éléphant. M. Michaëlis dir que , fuivant le
rapport des Indiens , auquel il n'ajoute pas
beaucoup de foi , on trouve encore de nos
jours cet animal dans les parties occidenta'es
de l'Amérique. Le Docteur Hunter
d'après l'exainen des os qu'on lui a envoyés ,
démontre que ces os ne peuvent appartenir
qu'à un animal carnivore, Le Docteur Michaëlis
fe propoſe de donner au Public une
defcription de ces os ; & pour la rendre plus
intellig ble , il l'accompagnera d'une efquiffe
crayonnée .
Le Chevalier Dundas , Baronet , voulant encourager
l'Agriculture , mais particulierement
le Labourage , a donné une fomme d'argent
pour être diftribuée aux trois meilleurs Laboureurs
de fes terres à Clackmannan en Ecoffe .
En conféquence , le 31 Octobre dernier , treize
( 65 )
Laboureurs , tous fils , ou principaux domeftiques
de fes Fermiers , fe font allemblés à la
Ferme de Craigrie , chacun avec une charrue à
deux chevaux , fans conducteur , & après avoir labouré
l'efpace qui leur étoit affigné , les Juges ont
adjugé le premier Prix à Robert Forrefter , de
Wellfield , & deux autres Prix à William Gray
de Lookaboutye , George Duncan de Brothieburn
; après quoi tous les Labou curs & les Fermiers
ont dîné enſemble , & ont paffé la journée
dans l'allégreffe .
Le 9 de ce mois , une autre Joûte de la même
eſpece a eu lieu à la Ferme de Hillend , égale
ment dans les terres du Chevalier Dundas . Les
Concurrens étoient au nombre de vingt-un , &
les Prix ont été adjugés à William Gray de
Lookabouthie , James Mill de Hullend , John
Gray de Jerrytown , & John Warfon de Berk
hillend. Les Fermiers ont vu avec la plus grande
fatisfaction l'émulation que cet Etabliffement a
inſpiré aux Laboureurs , & ils fe propofent de les
encourager de plus en plus.
FRANCE.
DR VERSAILLES , le 29 Novembre.
Le Roi a nommé à l'Abbaye de l'Efterp
Orde de Saint- Auguftin , diocefe de Limoges
, l'Abbé d'Efponches , Vicaire général de
Senlis.
Le 26 , le fieur Mathieu de Lépidor a eu
l'honneur de faire exécuter devant Leurs
Majeftés un Motet de fa compofition.
Le fieur Rigoley de Juvigny , Confeiller
honoraire au Parlement de Metz , a eu l'honneur
de préfenter au Roi fon Ouvrage , intitulé
De la décadence des Lettres & des
( 66 )
Maurs , depuis les Grecs & les Romains juf
qu'à nos jours ( 1 ) , dont Sa Majeſté a bien
voulu, accepter la dédicace.
DE PARIS , le 5 Décembre.
Arrêt du Confeil d'Etat du Roi , du 20
Mars 1736 , portant`Réglement entre les
Pêcheurs François & Etrangers de Marſeille.
Arrêt de la Cour des Monnoies , du 13 Novembre
1786, qui renouvelle très expreffément
les défenſes de faire le billonage des
efpeces d'or & d'argent.
» On a reçu , dit- on , des nouvelles direc-
» tes du vaiffeau la Refolution , commandé
» par M. d'Entrecafteaux ; elles ont été apportées
par le navire la Bretagne , arrivé
›› récemment à l'Orient. Le 6 Mai dernier ,
» la Réfolution étoit mouillée à Pondichery,
avec la frégate la Précieufe & une fûte
» du Roi. M. d'Entrecaftéaux étant parti le
» 31 Octobre 1785 de l'Ile de France pour
» l'ifle de Ceylan , fut accueilli de vents
» contraires , ou faifi de calmes qui le forcerent
de relâcher le 2 Décembre fuivant à
» Bencoolen , fur la côte de Sumatra. Il fit
de l'eau , & il appareilla enfuite de nouveau
pour Ceylan : mais la traversée fut
» encore longue & pen ble ; de forte qu'il
» ne put mouiller à Colombo , que vers la
(1) Cet Ouvrage forme un vol . in - 8 °. qui fe vend
liv, br. il y en a quelques exemplaires fur beau papier
in-49. br. 10 liv, chez Mérigot le jeune , quai des Augufgins
, au coin de la tue Pavée,
( 67 )
› fin de Février : il y fut très bien reçu des
» Hollandois ; & après y avoir pris des ra-
» fraîchiffemens , M. d'Entrecafteaux , con-
» formément à fes inftructions , alla vifiter
»Trinquemalle , qu'il trouva en très bon .
» érat. Après un féjour de trois femaines à
>> Trinquemalle , les deux bâtimens du Roi
>> en ont fait voile de conferve pour Pondi-
» che.y. Ils y attendent la frégate la Vénus ,
» qui en venant de la côte de Malabar , eft
"
allée fe ravitailler à l'Ile de France. On
» croyoit que la Réfolution devoit le rendre
» à Chandernagor dans le Gange , mais il a
» été reconnu que ce vaiffeau prenoit trop
» d'eau pour effayer cette navigation ; &
>> elle n'aura pas lieu . On difoit à bord que
» la divifion de M. d'Entrecafteaux alloit
cingler vers les ifles Andamans , pour voir
» s'il feroit poffible d'y former un établiffe-
» ment , quoique les habitans de ces ifles
» foient très-féroces. Art. envoié.
»
» On fe rappelle , que pendant la derniere
guerre , les vaiffeaux & les trégates d'An-
» gleterre firent ulage d'une nouvelle efpece
» de pieces d'artillerie , appellées Carrona-
» des ( 1 ) . Ces canons courts , d'un gros ca-
» libre , mais plus courts que les autres , jet-
» tent une quantité immenfe de mitrailles ,
» & à peu de diftance peuvent envoyer des
(1) Du nom du lieu de leur fabrication , Carron en
Ecoffe , dont les forges font célébres,
( 68 )
» boulets d'un calibre très gros . Le Miniſtre
22 de la Marine vient de faire fondre de ces
Carronades dans la Fonderie de MM. Per-
» rier à Chaillot , & pour en faire l'épreuve ,
» on a élevé à Vertailles , au bout du canal ,
» un fimulacre de vaiffeau avec tous fes
» agrès , contre lequel le jeu des Carrona-
» des fera dirigé , afin d'en voir & d'en cal-
» culer l'effet. Dimanche dernier , on éprou →
» va la premiere Carronade fondue en fon-
» te : elle fut chargée à triple charge ; & fon
», recul fut d'environ 20 pieds. L'épreuve a
dû être répétée devant le Roi avec la
» charge ordinaire.
"
Suivant des lettres d'Efpagne , le Duc de
Crillon a été nommé à la place de Capitains
Général du Royaume de Valence , vacante
par la mort du Marquis de Croix.
Suite du Traité de Commerce & de Navigation
entre la France & l'Angleterre.
50. La biere palera mutuellement un droit de
30 pour cent de la valeur .
9
60. On claffera les droits fur la quincaillerie
& la tabletterie , ( en Anglois hard- ware
cutlery , cabinet ware and turnery ) & tous les
ouvrages gros & menus , de fer , d'acier , de
cuivre & d'airain , & le plus haut droit ne paffera
pas o pour cent de la valeur .
7°. Les cotons de toutes efpeces , fabriqués
dans les Etats des deux Scuverains en Europe ,
ainfi que les lainages , tant tricotés que tiffus ,
y compris la bonneterie , [ en Anglois hofierie ]
1
( 69 )
payeront de part & d'autre un droit d'entrée de
12 pour 100 de la valeur. On excepte tous les
Ouvrages de coton & de laine melés de foie , lefquels
demeureront prohibés de part & d'autre.
8°. Les toiles de batifte & de linons , [ en Anglois
cambricks and lawns ] payeront de part &
d'autre un droit d'entrée de 5 fchellings , ou 6 1 .
tournois par demi - piece de 7 verges trois quarts
d'Angleterre , [ yards ] & les toiles de lin & de
chanvre , fabriquées dans les Etats des deux Souverains
en Europe , ne payeront point de plus
forts droits , tant en France que dans la Grande-
Bretagne , que les toiles fabriquées en Hollande
& en Flandre , importées dans la Grande Bretagne
, payent actuellement .
Et les toiles de lin & de chanvre fabriquées en
France & en Irlande , ne payeront mutuellement
point de plus forts droits que les toiles fabriquées
en Hollande , importées en Irlande , payei :t à
préfent.
9°. La fellerie payera mutuellement un droit
d'entrée de 15 pour 100 de la valeur.
10° . Les gazes de toutes efpeces payeront mutuellement
10 pour 100 de la valeur.
11. Les modes compotées de mouffelines ,
linons , batiftes , gazes de toutes eípeces , [ en
Angiois mi inery ] & de tous les autres articles
admis par le préient Tarif , /payeront mutuellement
un droit de 12 pour 100 de la valeur ; &
s'il y entre des articles non énoncés audit Tarif,
ils ne payeront pas de plus forts droits que ceux
que payent pour les memes articles les Nations
les plus favoritées .
12. La po célaine , la fayence & la poterie
payeront mutuellement 12 pour too del valeur.
13. Les glaces & la verrerie feront admites de
part & d'autre , moyennant un droit de 12 pour
100 de la valeur.
( 70 )
1 Sa Majefté Britannique fe réferve la faculté
de compenfer par des droits additionnels für les^
marchandiſes ci- deffous énoncées , les droits intérieurs
actuellement impofés fur les Manufactures
ou ceux d'entrée qui font levés fur les matieres
premieres ; favoir , fur les toiles de toutes
efpeces teintes ou peintes , fur la biere , fur la
verrerie , fur les glaces & fur les fers.
Et Sa Majesté Très- Chrétienne fe réſerve auffi
la faculté d'en ufer de même à l'égard des marchandifes
fuivantes ; favoir , fur les cotons , fur
les fers & fur la bierre .
Pour d'autant mieux affurer la perception
exacte des droits énoncés audit Tarif payables ™
fur la valeur , elles conviendront entr'elles nonfeulement
de la forme des déclarations , mais
aufli des moyens propres à prévenir la fraude fur
la véritable valeur defdites denrées & marchan- :
difes.
Et s'il fe trouve par la fuite qu'il s'eft gliffé
dans le Tarif ci deffus des erreurs contraires aux
principes qui lui ont fervi de baſe , les deux
Souverains s'entendront de bonne- foi pour les
redreffer.
VII. Les droits énoncés ci- deffus ne pour- ;
ront être changés que d'un commun accord , &
les marchandifes qui n'y font pas énoncées acquitteronr
dans les Etats des deux Souverains les
droits d'entrée & de fortie dûs dans chacun def--
dits Etats par les Nations Européennes les plus
favorifées à la date du préfent Traité ; & les Navires
appartenans aux fujets defdits Etats auront
auffi dans l'un & dans l'autre tous les privileges
& avantages accordés à ceux des Nations Européennes
les plus favorifées.
Et l'intention des hautes Parties contractintes
étant que leurs fujets relpectifs foient les
( 71 )
ans chez les autres fur un pied auffi avantageux
que ceux des autres Nations Européennes , elles
conviennent que dans le cas où elles accorderoient
dans la fuite de nouveaux avantages de navigation
& de commerce à quelqu'autre nation
Européenne , elles y feront participer mutuellement
leurfdits fujets , fans préjudice toutefois des
avantages qu'elles fe réfervent; favoir , la France
en faveur de l'Espagne , en conféquence de l'Article
XXIV du Pacte de Famille figné le to
Mai 1761 ; & l'Angleterre , felon ce qu'elle a
pratiqué en conformité & en conféquence de la
Convention de 1703 , fignée entre l'Angleterre
& le Portugal.
Et afin que chacun puiffe favoir certainement
en quoi confiftent les fufdits impôts , douanes &
droits d'entrée & de fort'e , quels qu'ils foient , on
eft convenu qu'il y aura dans les lieux publics ,
tant à Rouen & dans les autres villes marchandes
de France , qu'à Londres & dans les autres viiles
marchandes de l'obéiffance du Roi de la Grande-
Bretagne , des Tarifs qui indiquent les impôts ,
douanes & droits accoutumés , afin que l'on y
puiffe avoir recours toutes les fois qu'il s'élevera
quelque différend à l'occafion de ces impôts ,
douanes & droits qui ne pourront fe lever que
conformément à ce qui fera clairement expliqué
dans les fufdits Tarifs & felon leur fens naturel ;
& fi quelqu'Officier ou quelqu'un en fon nom ,
fous quelque prétexte que ce foit , exige & reçoit
pub iquement ou en particulier , d rectement ou
indirectement , d'un Marchand ou d'un autre , au->
cune fomme d'argent ou quelqu'autre chofe jue
ce foit , à raifon de droit dû , d'impôt , de vifites
ou de compenfation , même fous le nom de don
fait volontairement , ou fous quelqu'autre prétexte
que ce foit , au- delà ou autrement qu'il n'est
( 1720)
marqué ci- deſſus ; en ce cas , fi ledit Officier ou
fan Subftitut étant accufé devant le Juge compéi
tent du lieu où la faute a été commife , s'en trouve
convaincu , il donnera une fatisfaction entiere
à la partie lé fée , & il fera même puni de la peine
dûe & prefcrite par les Loix.
VIII, A l'avenir, aucunes des marchandiſes ex>{
portées refpectivement des pays de l'obéiffance de
Leurs Majeftés , ne feront afſujetties à la viſite ou
à la confifcation , fous quelque prétexte que ce
foit , de fraude ou de défectuosité dans la fabrique
ou travail , ou pour quelque défaut que ce foit.
On laiffera une entiere liberté au vendeur & à
l'acheteur de ftipuler & d'en faire le prix , ainfi
qu'i s le trouveront à propos , nonobftant toutes
Loix , Statuts , Édits , Arrêts , Priviléges , conceffions
& ufages.
IX. Comme il y a plufieurs genres de marchandifes
de celles qui feront apportées ou importées
en France par les Sujets de la Grande - Bretagne ,
qui font enfermés dans des tonneaux , dans des
caifles ou dans des emballages , dont les droits fé
paient au poids , on eft convenu qu'en ce cas , lef
dits droits feront feulement exigés par proportion
poids effectif de la marchandiſe , & qu'on fera
une diminution du poids des tonneaux , des caifles
& emballages , de la même maniere qu'il a été ·
pratiqué & qu'il fe pratique actuellement en An
gleterre.
au
X. Il eft encore convenu que fi quelque inade
vertance ou faute avoir été commife par quelque
Maître de Navire , l'Interprête , le Drocureur ou
autre chargé de fes affaires , en faifant la déclara
tion de la cargaifon , le Navire pour cela , ni fa
cargaifon ne feront point fujets à confifi ation ; il
fera méme loifible au propriétaire des effets qui
auront
2
( 73 )
auront été omis dans la liste ou déclaration fournie
par le Maître de Nav.re , en payant les droits
en uſage , fuivant la pancarte , de les retirer
pourvu toutefois qu'il n'y ait pas une apparence
manifefte de fraude ; & pour caufe de cette omif
fion , les Marchands , ni les Maitres de Navires ,
ni les marchandifes ne pourront être ſujets à
aucune peine , pourvu que les effets omis dans la
déclaration n'aient pas encore été mis à terre ,
avant d'avoir fait ladite déclaration.
XI. Dans le cas où l'une des deux hautes Parties
contra&antes jugera à propos d'établir des prohibitions
ou d'augmenter les droits à l'entrée fur
quelque denrée ou marchandiſe du crû ou de la
manufacture de l'autre , non énoncée dans le
Tarif , ces prohibitions ou augmentations feront
générales , & comprendront les mêmes denrées
ou marchandifes des autres Nations Européennes
les plus favoritées , aufli - bien que celles de l'un
ou l'autre Etat ; & dans le cas où l'une des deux
Parties contractantes accordera , foit la fuppreffion
des prohibitions , foit une diminution des droits
en faveur d'une autre Nation Européenne , fur
quelque denrée ou marchandiſe de fon crû ou
manufacture , foit à l'entrée , foit à la fortie , ces
fuppreffions ou diminutions feront communes
aux Sujets de l'autre Partie , à condition que.
celle- ci accordera aux Sujets de l'autre l'entrée
& la fortie des mêmes denrées & marchandifes .
fous les mêmes droits , exceptant toujours les cas
réfervés dans l'article VII du préfent Traité.
XII. Et d'autant qu'il s'eft autrefois établi
un ufage , lequel n'est autorisé par augune loi
dans quelques lieux de la France & de la Grande-
Bretagne , fuivant lequel les François ont payé
en Angleterre une efpece de capitation , nommée.
en langue du pays headmoney, & les Anglois , le
No. 49 9 Décembre 1786.
་ d
( 74 )
même droit en France , fous le titre d'argent du
chef; il eft convenu que cet impôt ne s'exigera
plus de part ni d'autre , ni ſous l'ancien nom , ni
fous quelque autre nom que ce puiffe être .
XIII. Si l'une des hautes Parties contractantes
a accordé ou accorde des primes ( en Anglois
bounties ) pour encourager l'exportation des articles
du crû du fol ou du produit des manufactures
nationales , il fera permis à l'autre d'ajouter aux
droits déjà impofés en vertu du préſent Traité ,
fur lefdites denrées & marchandifes importées
dans fes Etats , un droit d'entrée équivalent à
ladite prime : bien entendu que cette ftipulation
ne s'étendra pas fur la reftitution des droits &
impôts ( en Anglois drawbnck ) , I aquelle a lieu
en cas d'exportation.
XIV. Les avantages accordés par le préſent
Traité aux Sujets de Sa Majefté Britannique ,
auront leur effet , en tant qu'ils concernent le
Royaume de la Grande - Bretagne , auffi- tôt que
des Loix y feront paffées pour affurer aux Sujets
de Sa Majesté Très - Chrétienne la jouiffance réci
proque des avantages qui leur font accordés par
le préfent Traité ; & les avantages accordés par
tous ces articles , excepté le Tarif , auront leur
effet pour ce qui concerne le Royaume d'Irlande ,
auffi - tôt que des Loix y feront paflées , pour affurer
aux Sujets de Sa Majefté Très - Chrétienne la
jouiffance réciproque des avantages qui leur font
accordés par ce Traité ; & pareillement les avantages
accordés par le Tarif , auront leur effet en
tant qu'ils concernent ledit Royaume , auffi - tôt
que des Loix y feront paffées pour donner effet
audit Tarif.
XV. Il a été convenu que les Navires apparrenans
à des Sujets de Sa Majefté Britannique venant
dans les Etats de Sa Majefté Très Chrétienne
des Ports de la Grande- Bretagne , d'Irlande ou
de quelqu'autre Port étranger , ne paieront point
le droit de fret ni aucun autre droit femblable ;
pareillement les Navires François feront exempts
dans les Etats de Sa Majesté Britannique du droit
de cinq shillings , ou de tout autre droit ou charge
femblable .
XVI. Il ne fera pas permis aux Armateurs
étrangers , qui ne feront pas Sujets de l'un ou de
l'autre Couronne , & qui auront commiffion de
quelqu'autre Prince ou Etat ennemi de l'un ou de
l'autre , d'armer leurs Vaiffeaux dans les Ports
de l'un & de l'autre de dits deux Royaumes ,
d'y vendre ce qu'ils auront pris , ou de changer
en quelque maniere que ce foit , ni d'acheter
même d'autres vivres que ceux qui leur
feront néceffaires , pour parvenir au Port le plus
prochain du Prince , dont ils auront chacun des
commiffions.
XVII. Lorfqu'il arrivera quelque différend
entre un Capitaine de Navire & fes Matelots dans
les Ports de l'un ou de l'autre Royaume , pour
raifon de falaires dûs auxdits Matelots ou pour
quelqu'autre caufe civile que ce foit , le Magiftrat
du lieu exigera feulement du défendeur de donner
au demandeur fa déclaration par écrit " atteftée
par le Magiftrat , par laquelle il promettra
de répondre dans fa patrie fur l'affaire dont
il s'agira , par devant un Juge compétent , aut
moyen de quoi il ne fera pas permis aux Matelots
d'abandonner le Vaiffeau ni d'apporter quelque
empêchement au Capitaine du Navire dans
la continuation de fon voyage. Il fera auffi per
mis aux Marchands de l'un ou de l'autre
Royaume , de tenir dans les lieux de leur domicile
, ou par-tout ailleurs où bon leur femble:
a , des livres de compte & de commerce , &
1.
d 2
( 76 )
d'entretenir auffi correfpendance de lettres dans
la langue ou dans l'idiome qu'ils jugeront, a propos
, fans qu'on puille les inquiéter , ni les réchercher
en aucune maniere pour ce ſujet ; &
s'il leur étoit nécetlaire pour terminer quelque
procès ou différend , de produire leurs livres de
comptes ; en ce cas , ils feront obligés de les apporter
en entier en Juffice , fans toutefois qu'il
foit permis au Juge de prendre connoiffance
dans lefdits livres d'autres articles que de ceux
feulement qui regarderont l'affaaire dont il s'agit
, ou qui feront néceffaires pour établir la foi
de ces livres ; & il ne fera pàs permis de les
enlever des mains de leurs Propriétaires , ni
de les retenir fous quelque prétexte que ce
foit , excepté feulement dans le cas de barqueroute.
Les Sujets de la Grande - Bretagne
ne feront pas tenus de fe fervir de papior
timbré pour leurs livres leurs lettres & les
autres piéces qui regarderont le commerce ,
à la réferve de leur Journal , qui , pour faire
foi en Juice , devra être cotté , & paraphé
gratis par le Juge , conformément aux Loix
établies en France , qui y affujettiffent tous les
Marchands.
3
La Suite à l'Ordinaire prochain.
On fait qu'il part annuellement de nos Ports ,
fur- tout de Granville , quantité de Navires pour
la pêche de la Morue à Terre-Neuve ; les travaux
de la pêche une fois terminés , la plupart
des Pêcheurs reviennent en reflac , c'est-à-dire
s'embarquent au nombre de trois ou quatre cens
dir un même Navire, dont la defination of
directe pour le Port d'où ils font partis . On
prétend que l'ufage eft de ne leur donner des
Vivros que pour un mois ; ufage qui , s'il eft
3
( 77°)
vrai , peut entrainer une foule d'inconvéniensi
Quelle certitude peut- on avoir que ces Matelots
arriveront au terme fixe d'un mois , qui eſt
celui de leurs vivres ? Qui peut répondre des
élémens ?
Pendant plus d'un mois , les vents du Nord
ont contrarié la rentrée des Navires dans nos
Poris , ce qui a fait craindre pour les Armateurs
de Granville la plus extrême détrelle
pour plus de trois mille Matelots , attendus
dans ce Port dès la fin du mois dernier , & partis
en reffac . Ils n'ont point encore paru le 19 du
courant.
MM. Clément , des Maifons Perrey , Maire &
Fonteny , ont conçu le projet d'envoyer à la ren
contre de ces mêmes Navires un Bâtiment chargé
de munitions de bouche ; conduite dont les Négo
cians de Nantes donnerent l'exemple l'année paf
fée, en faveur de plufieurs Navires pour lesquels
on craignoit le même fort..
Ce projet , communiqué aux Armateurs , a été
arrêté d'une voix unanime , & exécuté en vingtquatre
heures par l'effet de leur adivité , fecon
dée de celle de M. Mauduit , Commiffaire de la
Marine.
Le Bâtiment qu'ils ont expédié a ordre d'étendre
fa croifiere jufqu'à cent lieues au- delà
d'Oueffant , & de donner des fecours à tous
ceux qui en auront befoin. ( Journal de Normandie
).
Un Journal étranger rapporta dernierement
l'article fuivant. f
On apprend que le Comte Edouard Dillon ,
qui voyageoit en Egypte , fe trouvant au Caire
, projetta d'aller vifiter les ruines de Palmyre
: on lui repréfenta que s'il entreprenoit
d33g
( '78 )
çe voyage fatis une grande efcorte , il couro e
le rifque d'être attaqué , pillé & peut- être maffacré
dans le Défert par les Arabes Bedouins.
Son courage rejetta cette idée ; il crut qu'en fe
metrant en route bien armé , avec fept ou huit
hommes déterminés , il échapperoit à tout danger
; il fe trompa , fa petite troupe fut attaquée
dans la route par un gros pari de Bédouins ,
qui le pillerent , le maltraiterent , lui couperent
les cheveux , & le laifferent abfolument nud
ainfi que les compagnons ; c'est dans cet état
fâcheux que le Comte Edouard Dillon arriva à
Alexandrie , & fe préfenta au Conful de France
dans cette échelle . Ce Conful lui fit donner des
vêtemens , & les fecours dont il avoit befoin , &
manda auffi - tôt au Maréchal de Caftries , Miniftre
de la Marine , les détails de ce qu'il avoit fait
dans cette circonstance .
A ce fujet une perfonne refpectable nous
écrit en ces termes :
» Monfieur , un de mes amis réfidant à
» Conftantinople , me mande que le Comte
» Edouard Dillon vient d'arriver dans cette
Capitale , après avoir parcouru l'Attique ,
» les ifles de l'Archipel , une partie de l'E-
" gypte & de la Syrie , & avoir été dé
Fouillé au milieu du défert , en revenant
ל כ
»
כ כ
de Palmyre. Il m'ajoute qu'on affure que
» ce Seigneur fe difpofe à retourner en Fran-
» par la Ruffie . Cette lettre de Conftan-
» tinople eft da 15 Octobre.
Le Régiment Royil des Cravattes , commandé
par M. de Primereaux Lieutenant - Colonel , a
fait célébrer , le 22 Novembre , dans l'Eglife
Paroiffiale de Thionville , un Service folemnel
( 79 )
pour feu M. le Marquis de Tourzel , Grand -Prévôt
de l'Hôtel , Brigadier des Armées du Roi &
Meftre - de - Camp - Commandant de ce Corps .
Toute la Nobleffe & les Officiers des Corps de
cette garnison ont affifté à ce Service , ainfi que
tous les Ordres Religieux de cette Ville . Au
milieu de l'Eglife , tendue de noir & décorée de
différens emblèmes , chiffres , armoiries & épigraphes
relatifs à la circonftance & au caractere
de M. le Marquis de Tourzel , s'élevoit en face du
Maître-Autel un Catafalque du meilleur genre ,
& parfaitement illuminé. Un difcours fimple &
religieux , prononcé par le Curé , a rappellé
l'image de toutes les vertus de M. le Marquis
de Tourzel , fi tendrement chéri & 1egretté de ton
Régiment. Ce Corps , empreffé de donner à fa
mémoire toutes les preuves du plus rare attachement
, a pris le deuil pour 15 jours , d'après
la permiffion qui lui en a été accordée . Toutes
ces marques d'eftime & de vénération confacrent
affez les qualités de ce refpectable Chef que le
Roi a honoré de fes regrets & du plus tendre
intérêt dont il donne journellement des preuves
à fa famille.
.
Le Comte de la Fare , Brigadier des Armées
du Roi , eft mort le 12 Octobre dernier
, au château de la Fare , en Bas - Languedoc
, dans fa 37e. année. La perte de
ce jeune feigneur laiffe de vifs regrets , a'nfi
qu'on en jugera par la note fuivante dont
on nous demande la publication .
« Le Comte de la Fare , enlesé au milieu
- > d'une carriere brillante , méritoit les regres
dont le public honore fa mémoire . Iffu d'une
ancienne & illuftre famille , il faifoit trouver
» dans fa perfonne les vertus , l'efprit & les
d 4
( 80 )
3
sa talents que fon nom a coutume d'annoncer.
Havoit fait au College des Jefuites à Paris
des études dift.ngućes , Premier Page de feue
Madame la Dauphine , en 1766 , il avoit métité
les bontés & l'intérêt dee cate Princeffe.
Au fortir des Pages , il entra au service en
qualité de Sous Lieutenant de Royal Eranger-
Cavalerie ; & prefqu'aufli - tôt M. le Comte
de Narbonne Fritzlart l'emmena avec lui
en Corfe , pour y faire la guerre , comme fon
20 Aide de camp . y fit , fous cet habile &
so brave Officier , fes campagnes de 1767 & 1768.
Au retour , il obsint dans la Compagnie des
» Gendarmes d'Artois , le même guidon qu'avoit
eu , cent ans avant lui , le célebre Marquis
de la Fare , fon parent . Succeffivement Enfeigne
& Aide- Major , il acquit dans ce corps
renommé les connoiffances profondes de fon
métier ; & par- deffus tout , l'amitié & l'eftime
générales. Ainfi lorfqu'il fut nommé en 1780 ,
Meftre- de- Camp - Commandant du Régiment
de Piémont, la Gendarmerie pleura prefqu'auffi
amerement fa perte , que le Régiment de Piémont
qu'il a commandé pendant fix ans , la
pleure aujourd'hui.
C'eft à fes chefs à faire l'éloge de fes talens
militaires. Ceux avec qui il a vécu , favent
combien il eft rare & difficile de réunir plus
parfaitement qu'il ne le faifoit , les qualités
du coeur & les graces de l'efprit . Il faifoit les
délices de la fociété par fon enjouement &
» ſon aménité. Poëte auffi aimable que le Marquis
de la Fare , il joignoit à la philofophie &
à la fenfibilité douce de celui- ci , une imagi-
» nation plus vive & plus abondante. Littérateur
profond , il étoit verfé dans la connoiffance
particuliere de tout ce que l'antiquité & les
( 81 )
» fiecles modernes ont produit d'intéreſſant jamateur
des fciences , aucune ne lui étoit étrangere.
Auffi apportoit - il dans la fociété tout ce qu'il
faut pour inftruire , plaire & intéreffer. M
On nous fait efpérer que le public pourra
jouir du recueil de fes poéfies , & le public
» juftifiera l'eftime finguliere que fes amis en fai-
» foient.
>
» Le Comte de la Fare avoit époufé Mademoiſelle
de Caraman , & en a eu deux enfans.
» I laiffe un frere , que es grands talens ,
» ainfi que fa haute naiffance , deftinent aux
» premieres places de l'Eglife ; & qui , dans l'adminiftration
générale de la Bourgogne , développe
actuellement le caractere de l'homme
. d'Etat le mieux intentionné «.
"
M. le Baron de Courfet , dont on a vu
dans l'un de nos précédens journaux le zele
pour le progrès & l'utilité des connoiffances
météorologiques , vient de développer & de
juftifier fes vues dans une feconde lettre , dont
nous foumettons le contenu aux naturaliſtes .
Au Château de Courfet en Boulonnois ,
le 13 Novembre 1786.
Il feroit fans doute plus avantageux , Monfieur
, comme vous l'obſervez dans la réponſe à
la Lettre que j'ai eu l'honneur de vous écrire ,
que des météores antérieurs annonçaffent les
froils & les tempêtes , dans les pays d'où le vent
nous les apporte , après qu'ils y ont exercé leur
influence ; & que l'on pût déterminer , avec plus
de précision , le tems qu'ii leur faut pour arriver
jufqu'à nous. Cependant on peut , je crois , fe
paffer de ces obfervations premieres , & prévoir ,
ds.
( 82 )
avec affez d'ex Atude , le nombre de jours que
les nuages mettent à venir dans notre climat ,
pour retirer de ces calculs quelque utilité.
C'auroit été une grande abfurdiré de ma part ,
d'avoir pu penfer que les avis de Petersbourg
puffent vous parvenir auffi vite que le vent. On
ne connoît point de couriers auffi habiles . Mais le
vert , dans l'expofé que j'ai eu l'honneur de vous
faire , n'eft que l'effet d'une cauſe ſeconde , &
un moyen de prévoir. Les vents forts & conf
tants font prefque toujours occafionnés par la
preffion des nuages , cu les révolutions intérieures
de notre globe . Ils en font les précurseurs ;
& ce n'eft que de leur conftance dans le même
rhumb , que l'on peut juger des météores qui les
précédent , & du tems que ceux- ci mettent à nous
parvenir.
Je fuppofe qu'il foit tombé une grande quan.
tité de neige à Petersbourg , & qu'il y faffe un
grand froid. Si le vent pouvoit venir directement
jufqu'à nous , il ne mettroit que trois ou
quatre jours pour parcourir cet efpace ; mais il
doit néceffairement rencontrer , dans ce grani
intervalle , des caufes qui changent la direction ,
& ce ne fera que lorfque les nuages qui le fuiyent
, pouffés eux-mêmes par d'autres vents
feront ; en avançant , une preffion plus forte
que les obftacles qui le détournent dans fa route ;
qu'il deviendra conſtant dans fa direction , & nous
amenera au bout de quelques jours la caufe qui l'a
mis en grande activité.
Les neiges abondantes , les grands froids , ne
font ordinairement précédés que de huit à dix
jours de vent conftant. Ainfi , quoiqu'il fe paffe
trente jours plus ou moins avant que nous reffertions
les froids de la mer Baltique , on ne pour
roit les prévoir par le vent que peu de tems au-
>
( 83 )
piravant , & encore feroit- on dans le doute ;
mais les avis de ces froids ont plus de trois fémaines
pour parvenir à Paris . Le Mercure peut donc,
en recommandant l'exactitude à fes Correfpon-.
dans , affurer nos probabilités par les annonces ,
& nous mettre à même de nous précautionner
contre leur rigueur & leur intenfité .
Si , par exemple , je fuis averti aujourd'hui
13 Novembre par le Mercure , qu'une grande
abondance de neige eft tombée , il y a vingt &
un jour à Vienne , je remarquerai d'abord fi le
vent est tourné de ce côté . S'il eft dans cette direction
, je fuppoferai trois jours environ par
vingt cinq lieues , pour la marche des nuages ,
& non pour celle du vent ; ce qui me donnera
le nombre de 35 à 38 jours. Je jugerai alors que
dans 14 à 17 jours , peut-être moins , fuivant la
nous pourrons avoit notre part
d'une partie des neiges qui font tombées dans
'cette capitale.
force du vent
Je fens bien que Petersbourg eft trop éloigné.
pour ces obfervations ; auffi n'ai- je parié dans ma
Lettre que de deux à trois cents lieues .
Quant à la précifion , par rapport au vent
conftant des derniers jours qui précédent les nuages
, on pourroit en approcher par le moyen
d'un anemometre à aîles , qui fert à mesurer &
connoître le degré de force du vent .
:
Les bornes d'une Lettre ne me permettent pas ,
Monfieur , de m'expliquer davantage à ce fujet ,
& je m'en voudrois d'ailleurs à moi - même de
tenir dans votre Journal une place qui pourroit
être beaucoup mieux remplie mais je finirai
celle ci , fi vous le trouvez bon , par un extrait
très précis des obfervations que j'ai faites l'hyver
dernier , par le moyen des annonces de votre
Journal , comparées aux vents , à la diftance des
d 6
( 84 )
"
lieux , & à l'espace de tems que les froids ont mis
à venir.
Mercure du 4 Février. De Copenhague , le
Janvier. Le Sund couvert de glaces. Influence
ici le 15 Février.
Mercure du 8 Avril . De Copenhague , le 12
Mars. Le thermometre étoit à 13 degrés & demi
fous o. Influence ici le 10 Avril .
Mercure du 22 Avril. L'Elbe encore gelé au
commencement de ce mois. Influence ici le 1 &
le 2 Mai ,
Mercure du 20 Mai. Le Sund rempli de glaces
vers le zo Avril. Influ.nce ici les premiers jours
de Juin.
Cette année . Mercure du 4 Novembre. De
Francfort , le 24 Octobre , le 27 Septembre , il
eft tonbé une quantité confidérable de neige
dans les montagnes de la Heffe. Nous avons eu
ici cette neige les derniers jours d'Otobre & le x
Novembre. Le vent a été à l'Eft Sud - Eft dix
jours avant qu'elle nous arrivâr .
Le Mercure, n'a annoncé cette neige à Francfort
, que lorfqu'elle étoit tombée ici ; mais on
pouvoit le favoir bien avant , puifqu'il ne faut
que huit jours pour avoir des nouvelles de la
Helle.
Vous avez pu voir , Monfieur , par cet apperçu
des froids de l'hiver précédent , qu'il eft poffible
d'en avoir les annonces avant de les reffentir à
Paris & ici ; & qu'un jour peut - être , à force
d'obfervations répétées , on pourra déterminer ,
avec plus de jufteffe , le tems où ils doivent
nous parvenir. Il y a fans doute bien des évenemens
à prévoir , & qui peuvent déranger ces
probabilités . On a pu calculer le cours des altres
avec la plus grande précifion , parce qu'ils font
partie de l'ordre in aaable de l'univers ; mais les
( 85 )
:4
révolutions de notre globe , & leurs effets dans
l'atmosphere , ne peuvent être prévus avec la
même exactitude , parce qu'ils font mûs par les
caufes fecondes , & qu'ils dépendent abfolument
d'un grand nombre de circonftances produites
par les différens climits , la pofition des lieux , &
la nature des pays mêmes.
Baron DE COURSET.
Errata de la premiere Lettre.
Ily a deux évenemens ; lifez , il y a de ces évenemens.
Froids rigoureux ; lifez , des froids rigoureux.
A deux ou trois lieues de diftance ; lifez , à deux
& trois cents lieues de diftance.
M. Hullin de Granville en Baffe- Normandie
, qui s'occupe également d'obfervations
météorologiques , en a remis le détail pour
les années 1782 , 1783 & 1784 , à l'académie
de Breft , qui a approuvé ce travail en
exhortant l'auteur à le continuer. Nous acceptons
avec reconnoifancel'offre obligeante
qu'il nous fait de nous fervir de correfpondant
pour cette partie dans le lieu de fa réfidence.
Il concourra a nfi à l'exécution des
vues de M. le Baron de Courſet , dont il
trouvera l'adreffe au haut de la lettre précédente
.
Le Comte de Trevelec , ancien Guidon de la
Compagnie des Chevaux- légers de la Garde or
dinaire du Roi , eft mort à Nantes.
Les Numéros fortis au Tirage de la
Loteris Royale de France , le 1 de ce
mois , font : 86 , 44 , 2 , 78 , & 71
( 86 )
PAYS- B A S.
DE BRUXELLES , le 2 Décembre,
Nous avons rapporté , d'après quelques
Feuilles publiques , l'hiftoire fabuleufe de la
détention du Chevalier Amadei à Rome , en
fupprimant les réflexions injurieufes que les
Editeurs de ces Feuilles faifoient fur cet événement.
Le Rédacteur du Courrier du Bas-
Rhin , mieux inftruit & plus jufte , vient de
réfuter en ces termes le récit de cette anecdote.
ככ
Après avoir lu dans plufieurs Gazettes , les
éloquentes & lamentables déclamations fur la fin
tragique de l'époufe infortunée du chevalier
Amadei , nous avons été bien étonnés de trouver
dans les lettres de Rome des détails abfolument
contraires aux faits annoncés. Ces lettres affurent
que le chevalier Amadei fut enfermé dans
le château Saint - Ange , pour toute autre raison
que celle du mariage dont on a parlé . Le it
chevalier prit la fui e avec cette femme , qui n'avoit
alors aucune liaifon juridique avec lui , &
quitta fans congé le fervice militaire , où il étoit
employé en qualité de garde - du - corps du Pape ,
qu'on nomme à Rome Lancia Spezzata . On nous
obferve auffi que cette prétendue Demoiselle
qu'on voudroit illuftrer , n'eft que la fille d'un
boucher , & que fes freres continuent encore ce
métier , qu'on regarde en Italie comme une profeffion
vile ; que ce mariage a été déclaré nul, non
feulement à caufe de la grande difproportion des
conditions , mais auffi par défaut des formal the
néceffaires à la validité , d'après ce qui a été décidé
dans le concile de Trente . Il eft faux que l'affaire
da jeune Duc de Rignan ait aucun rap(
87 )
port avec celle du chevalier Amadej . On peut
done affurer que tout ce qui a été écrit à ce
fujet dans plufieurs papiers publics eft faux ; que
ce ne font que des calomnies , imaginées pour
aigrir les efprits contre la cour de Rome , & pour
chercher à flétrir la gloire d'un Pontife , qui il
luftre fen regne par des actes de tolérance , de
juftice , de bienfaifance , & qui fait compter fes
jours par les bienfaits. «
Un Souverain d'Allemagne avoit envoyé
auprès de l'Empereur un Officier fupérieur
, qui , accoutumé à commander une
brigade , s'eft fait auffi une habitute de parler
d'un ton très-élevé. En s'adreffant au
Prince de Kaunitz, de qui il avoit une audience
, il hauffa beaucoup la voix . Le Miniftre
, après l'avoir écouté , lui répondit
avec douceur : Monfieur , j'ai toujours eu
» à me louer de la bonté de votre Cour , &
elle me donne aujourd'hui une preuve
» que je n'ai po'nt démérité auprès d'el'e ,
» par fon attention à envoyer à un vieillard ,
» dont les organes & l'one peuvent être af-
» foiblis , quelqu'un auffi sûr que vous de
» fe faire entendre .
כ כ
Depuis quelque temps des bâtimens , venant
des Pays - Bas Autr chiens , déchargeoient
leurs argaifons dans le Haze Gras ,
perite embouchure & port du Zwin , canal
formé par l'Efcaut à la droite de B'ankenberg.
En conféquence les Etats Généraux
prirent , le 6 du mois dernier , une réfolution
, pour ne perme tre qu'aux navires
(488 )
& bâtimens , venant de la République , de
décharger dans le Haze Gras. Pour fa re
exécuter cette réfolution , on ftationna devant
ce port un bâtiment armé de to can .
& hommes. Cet 75 ordre, que L. H. P. ont
cru fondé fur les Traités fibfiftans , à néanmoins
excité l'a tention de notre Gouvernenient
général de Bruxelles . Nous appre
nons aujourd'hui , que le 10 de ce mois , il
a été envo é de Malines une divifion de
Canoniers , avec 10 pieces de différent calibre,
tirées de notre arlenal , pour affurer
& maintenir le dro't territorial , quele Gouvernement
des Pays Bas croit avoir fur le
petit port de Haze Gras & fon mouillage.
$
Sur la nouvelle que Sa Majefté l'Empereur
a fait marcher quelques troupes du côté du canal ,
nommé le Zwin , & au petit port du Hazegras ,
& de plus , que deux bâtimens ont reçu ordre de
partir d'Oftende , & d'arriver par mer audit port ,
Leurs Hautes Puilances , après mûre délibération
, ont , de leur côté , expédié des ordres à
leurs différens vaiffeaux ftatioanés dans ces parages
, de tenir fermé ledit paffage , & de repouffer
, s'il le faut , la force par la force. Des
Couriers ont été en même temps expédiés à
Bruxelles , à Paris & à Vienne . Les Provinces
de Gueldre & de Frife n'ont point concouru à
ladite Révolution des Eta : s-Généraux. [ Gazete
de la Haye , no. 143. ]
Les Etats de Gueldre ont pris fous leur
protection fpéciale M. le vice Amiral Comte
de Byland , impliqué dans l'affaire de Breft ,
& lui ont défendu de comparoître devant la
~( 89 )
Commiflion nonimée par les Etats- Généraux
pour le jugement de cette affaire . Cette
démarche des Etats de Gueldre a été motivée
par une equête que ledit vice Amiral a
préfentée aux Etats , alléguant que l'Amirauté
d'Amfterdain ayant été exchie de cette
Commiffion , parce que plufieurs de fes
membres ont été inculpés par les informa
tions extrajudiciaires , il ne pouvoit reconnoître
la compétence , vu qu'il dépend de cette
Amirauté , on juge naturel . Idem,
Ileft queftion dans la Province d'Overyffel de
la fuppreffion de l'ancien Réglement , & de
l'introduction d'un nouveau , deftiné à réhabiliter
la Bourgeoisie dans la poffeffion des privileges
qu'e le réclame. Deventer , Campen & Zwol
font les trois grandes Villes de ladite Province ,
où ce projet eft principalement débattu ; mais il
s'en faut de beaucoup que toute la Magiftrature
de Zwol voye d'un bon oeil la révolution à laquelle
on travaille. La Pluralité a déja proteſté
contre l'introduction d'un nouveau Réglement ,
en déclarant que celui de 1674 a été adopté d'une
maniere légale , & que Mgr. le Prince Stadhouder
, Guillaume V , n'en a jamais abufé . La
Minorité a publié auffitôt une contre proteftation
, où elle foutient que ce Réglement ef
abſolument contraire à l'honneur , aux droits ,
aux privileges , & à l'indépendance de la Ville.
Idem.
·
On met aujourd'hui tout en oeuvre pour
jetter la ville de Zirikzée dans la contufion ;
il femble qu'on travaille affiquement à expofer
nos braves Magiftrats à la fureur de
( 90 )
la populace , qu'on ameute contre eux. Les
payfans de notre ifle font en pleine révolte;
ils ont déja paru dans cette ville en troupes ,
décorées de rubans Orange , & pouffant les
cris & les hurlemens de la fédition . Le Magiftrat
rendit le lendemain une publication
qui défend de forter toutes fortes de marques
diftinctives de parti : cette publication
n'intimida aucun de ceux qui font payés
pour mettre la Zélande en défordre . Le jeudi
, jour de marché , les payfans revinrent
en plus grand nombre que le Dimanche , &
fe porterent à des excès , que le Bailli & fes
Recors ne furent pas en état d'arrêter ; le
Bailli fut infulté , repouffé & maltraité. Cet
Officier de Police demanda main forte , &
fur le champ le régiment de May Suiſſe ,
qui eft ici en garnifon , prit les armes , &
diffipa les mutins , après en avoir faifi deux ,
qu'on a raifon de croire être les Chefs de
Bande ces éditieux font au cachot. Le
bruit s'eft répandu que la majeure partie des
payfans a formé le projet de venir les retirer
de prifon en ufant de violence ; les Gardes
fout doubles , les patrouilles fe font avec
exactitude , & les portes de la ville font fermées
. Nos Régens ont demandé à ceux de
Middelbourg un renfort de troupes . On fe
fouvient que la fédition de 1747 & 1748
commença en Zé'ande , & gagna avec la
promptitude de l'éclair , les fept Provinces-
Unies. Gazette d'Amfterdam , n° . 95.
( 91 )
Paragraphes extraits des Papiers Angl. & autres.
Les Négociations avec la France , pour la
confection d'un Traité de commerce , fe conti
nuent ; & l'on s'en promet bientôt une heureuſe
iffue , fur- tout depuis que le Miniftere de Verfailles
a confenti à l'infertion de quelques Arti
cles concernant la neutralité- armée , qui avoient
d'abord paru trop favorables à la Grande - Bretagne
dans le cas d'une guerre. Le Traité de commerce
avec cette derniere Puiffance ne paroît
pas être fi près de fa conclufion ; & les confé
rences , qui y font relatives , ont été entiérement
fufpendues depuis peu de tems. La nouvelle
qu'on a reçue de la fignature d'un Traité de
commerce entre les Cours de Verfailles & de
Londres , n'accélérera pas celui de noire Cour
avec l'Angleterre ; & fi l'on fe rappelle les intérêts
divers & la contrariété de certa nes faveurs
accordées ou à accorder , la raifon de ces
difficultés n'eft pas fort obfcure . En attendant ,
les Négocians Britanniques continuent de jouir
des avantages que leur affuroit en Ruffie le Traité,
qui vient d'expirer. [ Gaz: de la Haye , N ° .93.11
L'on écrit de Dantzick , qu'une affaire , fur
laquelle on a été long- tems en ſuſpens , vient
de s'éclaircir. 11 fe trouvoit , depuis plufieurs
mois dans cette Ville un Particulier , nommé
Trap , Affeffeur d'un des Colleges de la Ruflies
qui s'occupoit à enrôler fets de belles promeffes
, tant à Dantzick même , que dans les environs
, nombre d'habitans de tout âge & de
tout fexe , pour les faire paffer aux Colonies ,
qu'on dit fe former fous les aufpices du Prince
( 92 )
Potemkin à Cherfon & dans la Crimée. Le Ma
giftrat n'avoit pu voir qu'avec peine un nouveau
moyen de dépopulation dans une Vilie , ou déja
le nombre de citoyens diminue fenfiblement ; &
lorfque le fieur Trap eut fait embarquer cent
dix de ces malheureux fur un navire deftiné poor
Riga , la Régence de Dantzick fit retenir le Bâtiment
& fufpendre fon départ , jufqu'à ce qu'el'e
sut fi M. l'Afelleur étoit avoué dans fon opération
par la Cour de Pétersbourg , cu fi l'on pouvoit
le regarder & le traiter comme un fimple
embaucheur. L'affaire a long- tems traîné , & le
Miniftere Ruffe a paru ne vouloir avouer ni désavouer
le procédé du fi : ur Trap. Enfin le Réfident
de Ruilie a déclaré que l'Impératrice verroit
avec plaifir qu'on laiât partir le navire ; & f
eft parti. Mais immédiatement après , le fieur
Trap a comm ncé à faire de nouveaux enrôlemens
pour un fecond tranfport ; & l'on croit qu'à
préfent le Magiftrat de Dantzick, fidele à fon devoir
, lui refufera la permiffion formelle , qu'il
follicite à cet effet. Idem.
Il n'y a encore eu que deux Traités de commerce
entre la Grande- Bretagne & l'Espagne ,
l'un en date du 22 Mai 1667 , & l'autre du 14
Décembre 1715 , & tous deux fignés à Madrid.
Le commerce de cette Puiffance a été pour nous
du plus grand avantage jufqu'ax derniers tems
de Philippe V. c'est- à - dire , jufqu'au moment
où l'inftigation du Duc de Riperda fon premier
Miniftre , encouragea dans les Etats l'établiffement
des manufactures de drap. Le Duc , originaire
de Hollande , appella en Espagne un
grand nombre de Fabricans en drap , tirés des
Provinces-Unies. On accorda à ces Manufacturiers
des privileges confidérables ; & pour exciter
encore davantage leur émulation & favoriter
( 93 )
leurs fuccès , le Roi lui- même s'habilla de leurs
draps , en fit faire des uniformes à fes troupes ,
& prohiba l'importation de tous les draps étran
gers. Cependant les draps d'Angleterre font actuellement
admis à Cadix , & malgré la partialité
du Gouvernement pour les draps François ,
la vente des baies de Colcheſter y produit un
bénéfice confidérable. ( Morning Chronicle .")"
Note pour la page 57...
Depuis deux mois , le Journal de Pavis
ennuie le Public de calculs fur la population
de la Pruffe , & interprete M. de Hertzberg,
au lieu de le citer. Par efprit d'impartialité,
les Editeurs de ce Journal , fans me demander
mon aveu , ont eu la prudence de
communiquernia réponſe fur cet objer , avant
de l'imprimer , à M. L. D. G. qui , par excès
de bonhomie , s'étoit mêlé d'une diſpute à
laquelle toutes fortes de raifons devoient le
rendre étranger. Les Editeurs impartiaux ,
ne m'ont pas fait une pareille faveur , & l'on
s'en doute bien ; mais je fuis loin de m'en
plaindre ; je n'ai pas beſoin de fi miférables
reffources. Il en eft deux cependant dont on
a fait ufage & que je ne puis paffer ſous
filence. L'Anonyme a tenté d'attaquer ma
véracité , en feignant de douter qu'il exiftât un
libelle contre le Roi de Pruffe , fait par des
Economiftes. Que penféra - t -on de cette diffimulation
, en apprenant que depuis douze
jours , j'avois dépofé l'original de ce libelle
( 94 )
entre les mains de ceux-là même qui en
conteftent l'exiſtence ? qu'il y eft encore ?
fes Auteurs ont adreffé à ce même
Journal de Paris , une lettre qu'ils viennent
d'imprimer eux - mêmes dans leur Feuille
périodique , n° . 228 , où en fe glorifiant
d'être les Apôtres du Docteur Quefnay , ils
foutiennent que , la doctrine de ce Docteur
étant irréfutable , leur libelle eft par conféquent
un chet- d'oeuvre de Philofophie.
Les Editeurs du Journal de . Paris ont
partagé ma réponſe à M. L.. D. G. en deux
parties. Il en eft une troifieme qui leur eft
échappée , c'est une addition à cette réponfe
( 1) , qui détruifoit à l'avance tous les
beaux calculs de ce D. G. Il eût été dommage
de perdre fa colonne fi courte & fi
claire ; & pour l'éclaircir davantage , on me
pardonnera de rétablir ici ce paragraphe
oublié.
« Suivant une lifte des morts & naiffances,
» dans chaque Etat de la Monarchie Pruf-
» fienne , en 1784 , jointe à ces additions
» de M. de Hertzberg la population
» des trois nouvelles Provinces feroit de
» 2,437,000 habitans. Or M. de Hertzberg
» ayant perfifté dans fes additions , comme
» il l'a fait poftérieurement dans fon dif-
» cours du mois dé Janvier 1786 , pag. 27,
(1 ) Cette addition a été remife le Lundi matin 27 Novembre,
au Directeur du Bureau du Journal de Paris , &
ma Lettrè n'a paru que le premier Décembre,
( 95 )
» à porter à fix millions de têtes la popula
» tion générale de la Pruffe , il en résulte
» que les anciens Etats doivent en avoir
23,563,000 . Cependant cette même lifte de
» 1784 n'en offre que 3,003,078 . D'où
» vient cette différence ? M. de Hertzberg
» nous l'explique , en avertiffant que tout
» calcul certain réſulte , non de la lifte d'une
» feule année , mais de celle de plufieurs
» années prifes enſemble. C'eſt d'après cette
» obfervation comparée , qu'il a confirmé
» fon eftimation de fix millions d'habitans ,
» l'armée compriſe.
+
ןכ
Dans fa differtation de Janvier 1786 ,
M. de Hertzberg a dit de nouveau : j'ai
démontré que la population Pruſſienne a prefque
triplé pendant les 45 ans du regne du
Roi. Differt. de Janvier 1786 , pag. 37. Je
ne puis donc pas , en confcience , abandonner
cette arithmétique pour celle du D. G.
Qu'on me permette de terminer par une
obfervation cette guerre , pour laquelle j'avois
fuffisamment témoigné ma répugnance,
& dont le but palpable étoit de me fulciter
des ennemis univerfels , en particulier dans
une claffe de laquelle dépend ma fûreté perfonnelle.
Il n'entre dans l'efprit d'aucun Lecteur
équitable, & judicieux , qu'une rédaction
auffi précipitée par fa nature , que l'eft celle
dece Journal , puiffe être foumise à l'exactitude
rigoureufe d'un ouvrage fait avec réflexion.
Si quelques articles excitent des plaintes, ileft ,
( 96 )
entre gens d'honneur, un moyen fimple d'en
épargner au public le fcandale ; c'eſt de les
adreffer au Rédacteur lui même. Jamais ilne
s'eft refufé à des rétractations ni à des
éclairciffemens , lorfqu'on les a demandés
avec des titres raifonnables. S'il fermoit l'oreille
à ces réclamations , alors feulement
on feroit en droit d'imprimer des diatribes
contre fa perfévérance. Je déclare donc une
fois pour toutes , que je ne répondrai déformais
à aucune de ces attaques dans des
Feuilles publiques ; mais que quiconque requerra
juftice dans le Mercure même , fera
foujoursfûr de l'obtenir , à moins qu'on n'ait
des rafons péremptoires de s'y refufer.
M'eût-on demandé , par exemple , fi j'avois´
Tintention d'envelopper le corps des Gens
de Lettres dans le reproche de favorifer des
abus fcandaleux , quelqu'un fe:a - t - il en
doute fur ma réponfe ? A moins d'être fou
ou méchant , pouvoit on donner à cette
phrafe une autre interprétation ? N'y a t-il
pas une méprifable puérilité à envenimer
ainfi de pareils torts ? Et que penfer de ceux
qui , en me le reprochant , ont ofé néances
abus,
préconisés par L. M. , par H. , par V. &c. &c,
moins devenir les apologistes de néan-
MALLET DU PAN.
ERRATA pour le dernier No. Art . Paris : au
ieu de femme Leroy de la Faudignere , lifer
Françoise Leroy.
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
ALLEMAGNE.
DE HAMBOURG , le 29 Novembre.
A pératrice de Ruffie , a luccédé celle des
la note de l'Itinéraire prochain de l'Imprincipaux
Seigneurs qui accompagneront
cette Souveraine en Tauride. On voit fur
cette lifte les Ambafladeurs de France
d'Autriche & d'Angleterre , M. Momonof,
Aide de Camp , particulierement fa
vorifé de l'impératrice , le grand Ecuyer de
Narifchin, le Comte Tzernichef , vice Préfident
de l'Amirauté , deux Comtes de
Schouvalof & divers autres. Le Prince Potemkin
a pris les devans par la Livonie ,; &
a féjourné à Riga. Malgré ces démonftrations
prefque irréfiftibles , un grand nombre
d'incrédules révoquent en doute l'exécution .
de ce voyage .
Le Suédois Baron de Sprengtporten , qui
fervit très utilement le Roi dans la révolu-
No. 50 , 16 Décembre 1786. e
( 98 )
•
4
on de 1772 , & qu'on a vu prefque en mê
me tems Colonel nommé & remercié par la
République de Hollande , eft paffé au fervice
de Ruffie. L'Impératrice l'a nommé
Chambellan & Général Major , en le gratifiant
de 3 mille roubles pour former fes
équipages , & d'une terre de 600 payfans
dans la Ruffie Blanche.
DE BERLIN , le 28 Novembre .
2
Parmi les promotions récentes , on dif
tingue celle de MM. les Barons de Goltz ,
l'un Colonel & Envolé extraordinaire du
Roi à la Cour de France , l'autre Lieutenant
Colonel & Aide de Camp , à la dignité de
Comte. Le Roi a donné auffi des Lettres de
Nobleffe à diverfes perfonnes , entr'autres à
M. de Moulines , de l'Académie des Sciences
, Confeiller privé de Légation , Réfident
du Duc de Brunſwick , & à M. Beguelin
, ancien Inſtituteur de S. M. , & aujourd'hui
Directeur de la claffe de Philofophie à
cette même Académie. Divers membres
nouveaux ont été encore aggrégés à ce Corps
littéraire ; parmi les membres ordinaires fe
trouve le Major de Tempelhoff, très connu
par fon Hiftoire Militaire de la guerre de 7
ans ; & parmi les membres extraordinaires'
le célébre Profeffeur Heyne de Gottingue
M. de Born , Minéralogifte Autrichien , &
le Marquis de Condorcet , Secrétaire perpétuel
de l'Académie des Sciences de Paris.
2
1991
Les Gazettes étrangeres font remplies de
prétendues réformes & changemens dans les
différentes parties de l'Adminiftration de ce
Royaume , réformes dont la plupart font
uniquement l'ouvrage des Nouvellites . On
fe preffe beaucoup moins de changer l'ordre
établi , & l'on ne le fait que dans les cas qui
ont paru exiger cette promptitude . De ce
nombre font quelques branches de l'Accife ,
telles que la ferme du tabac & celle du café .
Le feu Roi avoit confidéré ces deux productions
comme des fuperfluités , fouvent
même très - nuifibles au peuple , par l'ufage
immodéré qu'il en faifoit le café furtout
étoit devenu fa boillon ordinaire. On crut
diminuer cette confommation , en la renchériffant
, & en attribuant fa vente exclufive
aux Fermiers du Fifc ; mais on donna
en même temps un appât prodigieux à la
contrebande : on voulut réprimer celle- ci par
des moyens violens , qui gênerent les citoyens
, beaucoup plus qu'elles ne fupprimerent
la fraude. Par ces motifs , le Roi
vient de fupprimer l'Adminiſtration générale
du tabac , de diminuer les droits fur le café)
& de rendre libre le commerce de ces deux
objets. On parle auffi de la prochaine fuppreffion
de l'Ecole Militaire , établiſſement
trop difpendieux fes éleves feront incorporés
au Corps des Cadets - Nobles .
L'on fe rappelle l'acte de rigueur qu'exerça
le feu Roi envers le Tribunal qui avoit
e 2
( 102 )
tous les cas , qui arriveront du premier Janvier
1787.
En conféquence de cela , nous caffons & fupprimons
toutes les Loix étrangeres auffi bien que
celles du pays fubfiftantes jufqu'à préfent , qui
om quelque rapport aux fujets contenus , dans
cette partie , & défendons de les citer dans aucun
cas provenant à l'avenir en aucune maniere
.
Nous avertiffons en même tems les Juges &
fujets , de fe tenir au vrai & général ſens des termes
de cette loi , & de ne décliner fous aucun
prétexte imaginable de ce que cette Loi ordonne.
Seulement dans un cas qui ne feroit pas décidé
dans cette Loi , il eft permis au juge de demander
notre définition , par le moyen de fon Magif
trat fupérieur .
Denné dans notre réfidence de Vienne le 1er.
novembre l'an 1736 , de notre Empire Romain le 22me.
& des pays héréditaires le 6me. ( Signé ) JOSEPH .
Louis Comte dé Kolowrath , Chancelier fuprême
du Roi de Bohême , premier Chanceler de
Archiduc d'Autriche.
Jean - Rodolphe Comte de Chotek .
Par ordre de S. M. l'Empereur & Rói.
Jean-Wenceflas Baron de Margelik.
DE FRANCFORT, le 4 Décembre.
On lit quelques détails fur le commerce
d'exportation des Etats Autrichiens , dans
un Ouvrage récent fur ce commerce en général.
Le Pays au- deffus & au- deffous de l'Ens , dit
l'Auteur , eft la province la plus riche & la plus
fertile des Etats héréditaires ; mais fa nombreuſe.
( 103 )
population & les befoins de la capitale lui laiffent
peu de productions à exporter ; elle est mê
me obligée de faire venir du blé & du betail
de la Hongrie pour fa propre conſommation.
On exporte du Tyrol , du marbre , du porphyre
, jafpe , granit , albâtre , arbete , crystal ,
de roche , diverfes efpeces de pierres fines , pier
res à aiguifer , fel minéral , dont il paffe par an .
90,000 quintaux dans la Souabe & dans la Suiffe ,
pommes , citrons , oranges , olives , vin , eau ,
de-vie , huile d'herbes , foie écrue , verre , fer ,
acier , aiguilles , fil de fer & de laiton , petites
marchandiſes en fer , tapis de laine , foieries ,
gants de peau , peaux tannées .
La Styrie exporte du fel minéral , dont la plus
grande partie paffe dans l'Autriche , la Carinthie
& la Croatie , vitriol , alun , calamine , cuivre ,
fer & acier ouvré & non ouvré , blé , eau -de - vie ,
vin , 7 à 8000 boeufs , peaux tannées , poiffons ,
gibier , volaille .
L'exportation de la Carinthie confifte en fer ,
armes , faulx , faucilles , cloux , fil de fer , fer.
en tole , plomb , cérufe , calamine , poterie ,
boeufs , chevaux , laine , cuir , blé , lin , chanvre
, draps fins fabriqués à Clagerfurt.
Les articles d'exportation que fournit la Cr
niole font de la toile , le fil , dentelles , cloux , fil
de fer , fer & acier , martres & autres pelleteries,
miel , cire , bétail , poterie , beurre , fromage.
La Bohême exporte des grains & graines dans
la Luface & dans l'Erzgebrig , de la bierre , du
houblon , lin , fruits , fel neutre naturel , foufre ,
cobalt , vitriol , alun , plâtre , eaux minérales
étain , marchandifes de fer , d'acier & de cuivre
des fabriques de Carlsbad , perles artificielles ,
grenats , pierres fines , toutes les especes de verrerie
, chevaux , porcs , poiffons , volaille , plus
e 4
( 104 )
mes , laine , peux de lievres environ 400,000
par an, cuir , & peaux de toute efpece , bois de
conftruatlon , potaffe , fil , toile environ pour
trois millions de florins par an , futaine , papier ,
étoffes de laine , bas & draps , pour 9 millions
de florins par an , chapeaux.
La Moravie exporte des grains , de la toile ,
des draps , laineries , chanvre , cuirs , fafran ,
noix de gale , fruits , fromages , porcs , chevaux ,
boeufs , falpetre , fel , plomb & petites marchandifes
en fer.
La Hongrie , la Croatie & l'Efclavonie fourniffent
au dehors des grains & des graines , riz , cire ,
vins , eau de-vie , tabac , bois de charpente , potaffe
, chevaux , boeufs , environ 100,000 par an
40,000 paffent à Vienne , ) moutons , veaux ,
volaille , porcs , noix de galle , cuirs & peaux ,
favon , beurre , fromages , cire , miel , poiffon ,
cuivre , plomb , antimoine , zinc , laiton , calamine
, fel , vitriol , bleu , falpetre .
t
La Tranfylvanie exporte du fel , de l'antimoine ,
du fer , blé , tabac , lin ; vin , chevaux , laine ,
peaux , cire & miel .
La Gallicie & la Lodomerie exportent du fel
gemme cu minéral environ pour un million de
florins par an , grains , boeufs , moutons , laine ,
miel , cire , bois , lin , chanvre , cuir & peaux
rannées .
On exporte du gouvernement de Trieste , y
compris les comtés de Gorice & de Grad fca
les vins doux connus fous le nom de reforco
foie écrue , étoffes de foie , fruits , rofoli , fucre ,
cire blanche , favon , vif argent .
Les
exportations du Milanais & du Mantonan confil
rent en riz , foie , pour environ trois millions
de florins par an , fromages , fruits fecs & confits ,
huile d'olives , bétail , blé , laine & lin.
( 105 )
ITALI E.
DE VENISE , le 13 Novembre.
L'Amiral Emo a fait contre Sufe une
nouvelle expédition , dont une lettre écrite
à bord de notre efcadre , le 9 Octobre , rend
compte en ces termes :: 1 )
A notre arrivée devant Tunis le 10 feptembre
, l'escadre fe forma fur deux lignes paralleles
, à la côte , & jetta l'ancre . On mit tant
d'activité àdifpofer les batteries , que le zo ont étoit
pret pour l'attaquer ; mais un grand vent du nord
fit perdre l'occafion la plus favorable de battse
la place de Sufe. Elle étoit alors dépourvue de
'troupes & de défenſes ; mais le mauvais tems
nous ayant forcés de refter dans une forte d'inaction
jufqu'au 26 , la ville eut le tems de fe
procurer tous les renforts néceffaires ,
シ
0.1 T
La nuit du 27 à quatre heures , les Bombardes
commencerent leur feu , qui fut fuivi de
celui des barques , excepté des canonieres ,. &
dura jufqu'à huit heures. La ville y répondit
par 180 coups de canon , quichesnous ont caufé
aucun dommage . Les bombes des batteries flottantes
ont porté jufqu'à la ville , mais celles des
bombardes n'ont pu y latteindre. Zas
Le 28 nous recommençames le feu fur les
deux heures & demie jufqu'à fept . La ville mipota
par 150 coups , un defquels tranfperçala
batterie à bombes de 500 , & un autre à mistraiile
, fit une légere bleffure au bras d'un matelot
de, lau barque obuliere la Concorde. Tandis
que nos bombes tomboient dans la ville nos
boulets en abattoient les murs , dont la breche
e s
( 106 )
laiffoit voir les ruines de l'interieur de la place?
Le 29 au foir , le tems étant calme , la flotille
s'approcha de la place , & recommença le feu
depuis deux heures jufqu'à cinq , avec plus de
vivacité que les nuits précédentes. La ville tira
160 coups de canon inutilement.
La nuit du zo le bombardement dura depuis
trois jufqu'à fix heures par les barques canonieres
rendues obufieres , & par une bambarde de
deux mortiers de zoo. La vile fit d'abord une
vigoureufe défenſe , & tira 250 coups de canon,
Deux de nos barques obufieres s'ap rocherent de
la place au fud e la ville , où s'étoit réfugié
beaucoup de monde . Elles firent plufieurs dé
charges très meurtrieres fur les ennemis , dont.
on enten lit les cris lamentables , & la confufion
étoit générale. On vit ans la ville trois
incendies qui durerent quelque tems.
La vio ence du vent empêcha encore les ope
rations de la flotte jufqu'au 3 de ce mois , où
-P'on fit toutes les difpofitions pour deux attaques ,
sdont la premiere, fut faite de deux juſqu'à huse
heures , & la ville fe défendit encore plus vigoureusement
que dans les autres attaques , parce
que le clair de lune leur faifoit découvrir notre
flotille , pourquoi l'ennemi tira environ 3000
coups de canon ; cependant nous n'eumes qu'un
homme tué & deux bl ffés dans cette action....
Le dernier bombardement fut exécuté la nuit
dus , depuis deux heures & demie jufqu'à fix
& demie. La vile y répondit par foixante coups de
canon qui ne nous ont caufé aucun dommage .
Le 6 on fe prépara à lever l'ancre , comme
cela fut exécuté le 17 pendant la nuit , & l'e
cadre prit la route de Malthe.
2
( 171 )
avantages qu'offre le port de Londres font fupé
rieurs à tous ceux que pourroient préfenter toutes
les villes de commerce connues.
Douvres , Shoreham & les autres petits ports
des comtés de Kent & de Suffex , quoique fitués
en face des côtes de France , ne pourront balancer
par aucun avantage les frais de tranſport
par terre des villes manufacturieres . A l'exception
de la ville de Dunkerque que Londres approvifionnera
toujours , les autres villes de France
fituées fur la côte oppofée au Comté de Kent ,
les autres villes ne valent pas la peine d'être
citées. Brightelmftone fait face à Dieppe , & au
moyen des paquebots qui paffent d'un endroit à
l'autre , on pourroit regarder ces deux ports comme
avantageux pour la communication avec Paris.
Cependant Brighteliftone n'a qu'une grève fans
abri , où la lame eft fouvent fi haute , qu'il eft
difficile & même dangereux pour les paffagers
de s'y embarquer ; on fent que cet inconvenient
feroit encore beaucoup plus grand pour les marchandifes.
On doit obferver auffi que le tranfport de
Dieppe à Paris fe fait par terre , & que Dieppe
n'étant pas une place où le commerce foit fort
animé , on trouveroit rarement à fe procurer des
voitures de transport.
Portfmouth, Gofport & Southampton font les points
les plus proches & les plus directs pour la correfpondance
de Paris avec les provinces manufacturieres
de Wiltshire, Somerfetshire , Worcestershire ,
Staffordshire Warwickshire , Cheshire , Lamafhire
& Yorkshire , pourvu que le tranſport puiffe
fe faire convenablement au moyen de canaux ou
chariots ; mais fi ces commodités n'exiftent pas
déja , il y a tout lieu de croire , à en juger d'après
l'efprit entreprenant des Anglois qui ne
( 112 )
•
perdent jamais de vue leur propre intérêt , que
les communications convenables ne tarderont pas
à ére, établies.
Southampton eft fitué fur une riviere, à quelques
milles en remontant dans les terres , à cet égard
cette ville a un avantage fur Portfinouth & fur
Golport , parce que le transport par terre
fera plus court. Mais cet avantage eft balancé
par des inconvéniens ; les quais & les ports ne
font calculés que pour un commerce tout limité ,
& les vaiffeaux ne peuvent arriver & partir que
dans certains tems , à caufe de la marée. Il y a
en tout tems beaucoup d'eau à Portsmouth & à
Gofport , les quais de Portfmouth font étroits &
refferrés du côté du chantier du Roi & des arfenaux
; mais il y a à Gosport un quai trèsétendu
de l'autre côté du Havre ; ce port réu .
nit à cet avantage celui d'avoir des chantiers
marchands qui ont été conftruits depuis peu.
Cette circonstance paroît rendre Gofport préférable
à tous égards à Portsmouth . Il n'y a
pas d'autre baffin pour les vaiffeaux marchands
depuis la Tamife jufqu'à Bristol . Il a été établi
depuis deux ans des paquebots entre Southamp
ton Portsmouth & le Havre de Grace , & on
affure que le nombre en a été augmenté depuis
peu , & qu'ils obfervent en général très - exactement
le tems profcrit pour leur départ, Ces
vaiffeaux pourront fervirà tranfporter directement
& promptement les marchandlies deti nées pour
Paris
A
Poole eft enfuite le aort le plus voifin & le
plus important en avançant veis Oued . Il s'y
fait un grand commerce , & on y trouvera toujours
une grande quantité de vaiffeaux , les marchands
de ce port trouvent que le commerce
avec la France bit dva importance ailez grande
pour les y employer .
( 107)
GRANDE - BRETAGNE
DE LONDRES , le 2 Décembre.
Les derniers vaiffeaux , venus du Canada ,
nous ont appris que Lord Dorcheſter ( cidevant
Sir Guy Carleton ) eft arrivé à Qué
bec le 22 Octobre , fur la frégate la Thiſbe.
Les habitans ont reçu ce Général , leur ancien
Gouverneur , avec les marques de la
plus vive allégreffe . En débarquant , il a été
falué des canons de la Place , & reçu par
toutes les perfonnes notables & par la maltitude
qui s'étoient rendus fur le port. Le
foir , la ville fut illuminée, & S. S. fut complimentée
par les principaux Citoyens . Une
réception , non moins éclatante , a été faite
au Prince Williams - Henri , qu'on apprend
avoir abordé à Hallifax , fur la frégate le Pégafe
, dont il a le commandement.
Le Major- Général Sir William Green , Ingénieur
en chef à Gibraltar , a fuccédé au
Général Braham , mort derniérement , en
qualité de Chef du Génie , en Angleterre.
Mylord Mansfield doit réfigner fa charge.
de Chef Juge du Banc du Roi , dès que l'état
précaire de fa fanté lui permettra de fe rendre
auprès de S. M. Cet illuftre & reſpectable
Magiftrat , qui emporte l'eftime & les regrets
de tous les Partis , aura pour fucceffeur,
à ce qu'on croit , M. Buller, le plus jeune des
quatre Grands- Juges du Banc du Roi , &
e 6 .
( 108 )
dont la voix publique a fixé la réputation .
Lord Mansfield aura occupé , 30 ans révolus
, cette place importante , & l'on remarque
que le plus célebre de fes Prédéceſſeurs , le
vertueux Sir John Holt , fiégea auffi 26 ans
à la tête du Banc du Roi , vers la fin du dernier
fiécle.
M. Pepper Arden , Procureur-Général , &
M. A. Macdonald , Solliciteur Général , ont
remis au Cabinet , la femaine dernie.e , le
Code de Staruts qu'il avoit demandé pour
le futur établiffement de la Baye Botannique
dans la Nouvelle Galles méridionale . Malgré
les doutes affectés de quelques Papiers
publics , il paroît donc certain que ce projet
fera exécute. La flottille deſtinée à cette expédition
, fera compofée de la frégate l'Eole ,
de deux floops , de trois tranfports & de deux
navires munitionnaires. Elle mettra à la voile
de Portſmouth dans trois femaines , & embarquera
des vivres pour deux ans .
Le 2 Septembre , vers le foir , une tempête
affefe a répandu la confternation parmi les
habitans de la Barbade. L'ouragan a été fi
terrible pendant quelques heures , qu'on s'attendoit
à voir renouveller tous les défaftres
caufés par celui de 1780. Sur les 9 heures , le
vent fouffla avec la plus grande force dans
différentes directions , & fa violence alla roujours
en augmentant jufqu'à minuit qu'il fe
modéra peu-à peu . Le lendemain , la Baye de
Carlifle étoit couverte des débris d'une foule
( 109 )
de bâtimens , ou perdus , ou très endommagés.
Plufieurs perfonnes ont péri. La ville
de Bridge-Town a peu fouffert, en comparaifon
de l'intérieur de l'Ifle , où les édifices ,
les grains , les cotoniers , les cannes à fucre ,
& en général , les plantations ont été trèsmaltraités
.
Les dividendes de la Banque , non -réclamés
, feront enfin réellement appliqués à l'ufage
de l'Etat , après Noël . Cette meſure aura
da fanction du Parlement qui s'engagera à
fatisfaire aux réclamations légales qui pourroient
être faites par la fuite. Avec cette caution
, cet arrangement ne peut être qu'avantageux.
On travail'e à l'Hôtel de la Compagnie
des Indes à des dépêches particulieres qui
doivent être envoyées à Porfmouth , le 27
de ce mois. Le Royal George, vaiffeau de la
Compagnie , n'attend que fes dépêches pour
fe rendre à Bombay.
Une lettre de Portsmouth , du 25 Novembre
, porte que le Commodore Elliot eſt arrivé
de Terre Neuve dans ce port , à bord du
Salisbury , accompagné du floop l'Echo . Le
25 , l'efcadre deftinée pour la ftation des Ifles
fous le Vent , n'étoit point encore partie. On
affure que ce délai a été occafionné par quelques
différends qui fe font élevés entre le
Lord Howe & le Chevalier Richard Bickerton
." $
Les variations qu'on a obfervées derniere-
→→ment dans les prix du coton , n'ont pas
été oc(
110 )
cafionnées par le traité de commerce avec la
France. A ce que prétendent quelques - uns de
nos papiers , leur véritable force elt une fpéculation
de la Compagnie des Indes , dont le
but étoit de vendre fes groffes toiles de coton
à des prix exorbitans. Plufieurs maiſons confidérables
font entrées dans ce projet , de maniere
que le coton s'eft trouvé tout d'un coup
dans les mains d'un très-petit nombre de perfonnes.
Ce monopole a eu l'effet qu'on en attendoit
; le coton a monté de 12 à 19 penny
ou deniers fterling . Ces particuliers ayant fait ,
par ce moyen des bénéfices immenfes , la Compagnie
a vendu à fon tour fort cher fes toiles
de coton dont la vente a fini la femaine derniere.
Depuis cette époque le coton a commencé
à reparoître. Le 25 fon prix étoit tombé de
un & demi penny . Cependant il y a lieu de
croire qu'il ne tombera pas davantage , parce
qu'il eft entre les mains de fpéculateurs trèsopulens
, qui pourront le garder des mois
entiers.
Plufieurs de nos Feuilles publiques préfentent
la note fuivante des différens ports
d'Angleterre les plus favorables au commerce
avec la France .
Londres. Ce port étant par la fituation & par
fon opulence le centre où le réuniffent toutes
les productions des manufactures angloiles , particuliérement
celles des provinces du nord &
de l'eft , doit avoir la principale correfpondance
avec tous les ports de France . On y trouvera
toujours l'affortiment le plus complet de toutes
fortes de marchandiſes & des bâtimens de
tout port pour les tranfporter dans toutes les parties
du monde à des conditions raifonnables. Les
( 113 )
Si l'on confidere ce port comme dêpôt , il eft
fort inférieur aux deux dont nous verons de
parler.
Exeter Plimouth & Falmouth. La correfpondance
de ces ports avec la France fera bornée
à l'embarquement des manufactures qui font établies
dans leur voifinage , à l'importation des articles
deftinés à la confommation des provincesqui
les avoifinent ..
Les ports des parties orientales & occidentales
de la G. B. ne peuvent pas tirer d'avantages
immédiats de leur fituation , par rapport au commerce
avec la France , fur- tout avec Paris , mais
très- certainement ils tâcheront d'y participer &
Ouvriront une correfpondance avec Nantes , Bordeaux
& les ports du golfe de Gascogne. Les
ports de la côte occidentale font aufli bien fitués
qu'aucun autre port du royaume , & leurs vaiffeaux
auront l'avantage de pouvoir être conduits
en France par un ſeul vent.
•
FRANCE.
DE VERSAILLES , le 6 Décembre:
Le Marquis de Lafteyric du Saillant , qui
avoit précédemment eu l'honneur d'être préfenté
au Roi , a eu , le 28 du mois dernier,.
celui de monter dans les voitures de S. M.,
& de la fuivre à la chaſſe .
Le Marquis de Caylus , le Comte François
Efterhazy , le Vicomte de Vanoife &
le Baron d'Efparbès , qui avoient précédemment
eu l'honneur d'être préfentés au Roi,
ont eu , le 2 de ce mois , celui de monter
( 114 )
dans les voitures de Sa Majesté & de la fuivre
à la chaffe .
Le lendemain 3 , le Duc de Chartres a
prêté ferment entre les mains du Roi , en
qualité de Gouverneur & Lieutenant général
du Poitou .
DE PARIS , le 12 Décembre.
Le Roi ayant donné à M. Dupont , Che.
valier de l'Ordre de Vafa , Commiffaire général
du Commerce , des Lettres de Confeiller
d'Etat ; il a prêté ferment en cette qualité
entre les mains de M le Garde des
Sceaux , le 6 de ce mois. Cette récompenfe
du mérite perfonnel , des connoiffances &
des travaux utiles d'un fimple Citoyen, fera
fans doute généralement applaudie.
Les lettres d'Angleterre portent que
» l'activité a redoublé dans les atteliers des
» Manufactures , depuis qu'on y eft, inftruit
» de la conclufion du Traité de Commerce.
» D'un autre côté , on mande des Provin-
» ces méridionales de France , que les vins
» ont obtenu un prix de faveur depuis la
>> même époque , & fuivant des lettres par-
» ticulieres de Bordeaux , la piece de vin ,
» qui valoit précédemment 250 liv . , eft ar-
» rhée par des Commerçans François à
» 320 & même à 330 liv.
Un navire venant de S. Domingue ayant
été pouflé par le gros temps du côté de
Cherbourg, a voulu entrer dans ce port :
mais il a , dit- on , donné fur le Cône que la
( 115 )
tempête du 4 Octobre dernier a endommagé
, & dont les flots ont détruit la cîme
qu'ils couvrent actuellement ; de forte qu'il
a péri fur cet écueil . L'équipage a été ſauvé ,
mais la cargaiſon a été prefque totalement
perdue. Ce navire , appartenant au Havre ,
avoit été affuré , & oa alloit même faire afsûrer
fa cargaifon , mais comme il a fait fa
traversée en 35 jours , les Armateurs ont été
furpris par ce court trajet. Les intéreffés fe
récrient fur ce que les balifes qu'on avoit
dû mettre fur le cône tronqué n'étoient pas
apparentes , & n'ont pu garantir le Pilote
de donner fur cet écueil.
ל כ
» La Commiffion du Confeil , nommée
pour juger les conteftations relatives à l'a-
» giotage , vient de rendre un Jugement
» folemnel dans une affaire mue entre deux
Joueurs dans les fonds publics ; ils avoient
fait enfemble un marché à des termes
profcrits par les Loix rendues fur cette,
» matiere. L'un des deux ayant jugé que
» fon marché ne lui étoit pas avantageux ,
» a excipé de la Loi qui le lui interdifoit ,
" pour demander la réfiliation de fa conven-
» tion. La Commiffion a prononcé en effet
» la nullité de ce marché , mais elle a con-
>> damné , aux termes de la Loi , les deux
» Joueurs à une amende de 24 mille liv. par
>> chacun , & cette condamnation a été exé
» cutée , malgré la réfiftance de l'un des
» Joueurs , qui invoquoit en fa faveur une
( 116 )
» exemption tirée de l'état qu'il remplit . Ce
>> Jugement devient une forte d'Arrêt & de
» Réglement propres à arrêter les Joueurs
& les jeux téméraires.
Le Maréchal Duc de Biron vient de donner
un nouvel exemple de bienfaifance &
d'humanité dans les terres en Bourgogne.
Deux orages qui fe font fuivis de près & qui
étoient accompagnés d'une grêle épaiffe &
de l'elpece la plus affreufe , ayant détruit les
récoltes , il s'eft empreffé de venir au fecours
des malheureux ; il a fait remite des rédevances
, & non content de faire diftribuer
les grains néceflaires pour la femence & pour
la nourriture des pauvres , il a étendu fes libéralités
fur tous ceux qui éprouvoient des
befoins. Les Curés de fes terres fe font réunis
, & ont célébré, le 21 du mois dernier,
une Meffe folemnelle , pour demander au
Ciel la confervation des jours d'un Seigneur
qui s'eft montré le pere de fes vaflaux , les
Officiers de fa juftice ont affifté à cette céré
monie à la tête des habitans , dont les voeux
ardens étoient l'expreffion de l'amour & de
la reconnoiffance.
Les Chevaliers de l'ordre de St. Michel fe font .
affemblés au couvent des Cordeliers de cette
ville , & ont tenu un Chapitre auquel a préfidé
pour Sa Majefté , le comte de Vaudreuil , Ches
valier-Commandeur des ordres de St. Michel &
du St. Efprit ; après un difcours prononcé par le
fieur Pourfin de Grandchams , Sécrétaire du Roi ,
Chevalier dudit ordre , nommé par Sa Majefte
pour fuppléer le fieur Coller , Chevalier & Secré
CC
( 117 )
raire perpétuel dudit ordre ; tous les Chevaliers ;
le Comte de Vaudreuil à leur tête , fe font rendus
proceffionnellement en l'églife dudit Couvent,
& ont affifté à la melle de requiem pour les
confreres décédés .
M. Moreau , Médecin , vient de prouver
dans une thefe publique , ce qu'avoient déja
prouvé divers Médecins Anglois & Allemands
, que l'ufage du charbon de terte ,
-loin d'être funefte , portoit dans les pores &
la poitrine une toule de molécules confervatrices
. La chaleur de ces deux combuſtibles
eft également douce & falutaire. Il a ajouté
que la confomption en Angleterre , n'étoit
point le réfultat de la fumée qui couvre les
cités , mais une maladie endémique . Suivant
ce Médecin , les particules ignées , émanées
des deux matieres brûlables font graffes , &
doivent entretenir l'humide radical , au lieu
que l'effet de la confomption eft de le def-
Lécher.
Les habitans de St. Loup en Volges , ont
été , pendant quelques mois , accablés du fléau
d'une maladie épidémique , dont les ravages
effrayant les ouvriers des villages voifins , les
forcerent de s'écarter du foyer de la contagion ;
des familles entieres de Laboureurs , atteintes
de la maladie , fe trouverent hors d'état de
faire leurs récoltes ; ceux des habitans qu'elle
avoit épargnés , fe font offerts à travailler pour
les malades , & ont demandé à leur curé , la
permifion d'employer les jours de dimanches
& de fêtes à enlever & à ferrer les récoltes
de ces infortunés. Les villes offrent fans doute
( 118 )
a
des traits d'humanité plus brillans ; mais il y
de fpectacles plus attendriffans que
ceu de cultivateurs & d'ouvriers accablés de
travaux pendant toute la femaine , fe privant
du feul jour de repos qui leur refte
pour faire du bien à leurs femblables. La
ducheffe de Lorges , dame de cette ancienne baronnie
, s'y eft rendue elle - même le 12 du mois
dernier , & y a paffé quelques momens , qu'elle
a employés à s'informer des malheurs de fes
vaffaux , & à leur offrir tous les fecours que pouvoient
leur procurer fa bienfaiſance & fon humánité.
Le 15 de Novembre , l'Académie royale
des Sciences & Belles- Lettres d'Angers , dans
une Séance publique , a couronné l'Ouvrage
ayant pour titre » Quels font les moyens
» les plus convenables & les moins difpen-
» dieux de pourvoir à la confervation des
» Enfans-Trouvés en France , & de leur
» donner l'éducation la plus utile à l'Etat . »
Une Médaille d'or a été adjugée au Mémoire
qui a pour devife :
Non hic te carmineficto ,
Atque per ambages , & longa exorfa tenebo .
L'Auteur ne s'étant pas fait connaître , on
le prie d'indiquer à M. de Narcé , premier
Secrétaire de l'Académie , les moyens de
faire parvenir la Médaille à celui qui voudra
bien lui communiquer la copie de fon Mémoire
; & dans le cas qu'il veuille n'être pas
connu , d'indiquer l'ufage qu'il defire qu'on
( 119 )
faffe de cette Médaille , ou s'il voudroit
qu'on en donnât la valeur au profit de l'établiffement
des Enfans -Trouvés dans la ville
d'Angers .
›
>> On defire auffi avoir des nouvelles de
» Meffire Jofeph - Marie Gafion de Rofnay ,
ancien Officier d'Infanterie connu fous
» le nom de Chevalier de Rofnay & de.
puis de Comte de Rofnay , qui en 1780
& 1781 habitoit Limoges & la Soutereine.
On s'adreffera à M. Sureau , Procureur au Châtelet
de Paris , rue Chapon , nº . 17 " ,
92
I
Atlas Eccléfiaftique , Civil , Militaire & commerçant
de la France , pour l'année 1787 , enrichi
de tailles-douces & de cartes coloriées . Prix 1 liv.
10 f. A Paris , chez Beauvais , maifon de M. Lambert
, Imprimeur-Libraire , rue de la Harpe , près
St. Côme.
Etrennes Provinciales , ou Tablettes du Citoyen ,
pour l'année 1787 , avec figures . Prix 12 f. à la
même adreſſe .
Ces deux almanachs , rédigés avec intelligence
, méritent d'être diftingués de la foule des productions
de cette espece .
Très-haut & très puiffant Seigneur Henri-
Jofeph Philippe Guiflain , Baron de Fourneaux
& du Saint -Empire Romain , Comte
de Cruquenbourg , Baron de la Chapelle ,
Chambel'an de S. M. l'Empereur Roi , premier
Maréchal héréditaire de Flandres , qui
avoit épousé la fille aînée du dernier Feldt-
Maréchal de Retz , Comte de Chanclos , eſt
mort dernierxment à Bruxelles , âgé de 68
ans.
Frofper-André- Louis - Nicolas Bauyn , Ches
7 :1201 )
eft
valier , Marquis de Perreule , Seigneur de
Perreufe , de Jallais , de la Brinière , de la
Poitevinière & autres lieux , Capitaine de
Dragons au Régiment de Languedoc ,
mort en fon château de Perreufe en Brie ,
le 6 de ce mois , dans la trentieme année de
fon âge.
Suite du Traité de Commerce & de Navigation
entre la France & la Grande - Bretagne...
XVIII. Il a été flatué de plus & l'on eft convenu
qu'il foit entièrement libre à tous les Marchands
, Capitaines de Vaiffeaux & autres Sujets
du Roi de la Grande - Bretagne dans tous les
Etats de Sa Majefté Très - Chrétienne en Europe ,
de traiter leurs affaires par eux mêmes ou d'en
charger qui bon leur femblera , & ils ne feront
tenus de fe fervir d'aucun Intérprete ou Facteur ,
ni de leur payer aucun falaire , fi ce n'eft qu'ils
veulent s'en fervir. En outre , les Maîtres des
Vaiffeaux ne feront point tenus de fe fervir pour
charger ou décharger leurs, Navires , de perfonnes
établies à cet effet par l'autorité publique
foit à Bordeaux , foit ailleurs ; mais il leur fera
entiérement libre de charger ou décharger leurs
Vaiffeaux par eux - mêmes , ou de fe fervir de
ceux qu'il leur plaira pour les charger ou les décharger
, fans payer aucun falaire à quelqu'autre
perfonne que ce puiffe être . Ils ne feront point
tenus auffi de décharger dans les Navires d'autrui
ou de recevoir dans les leurs quelques marchandifes
que ce ( oit , ni d'attendre leur chargement.
plus long- temps qu'ils le jugeront à propos . Et
tous les Sujets du Roi Très Chrétien jouiront pareillement
, & feront en poffeffion des mêmes priviléges
( 121 )
viléges & libertés dans tous les Etats de Sa Majesté
Britannique en Europe."
XIX . On ne pourra obliger les Vaiffeaux
chargés des deux Parties paflant fur les côtes
l'une de l'autre , & que la tempête aura obligés
de relâcher dans les Rades ou Ports , ou qui y
auront pris terre de quelqu'autre maniere que
ce foit , d'y décharger leurs marchandiſes en tout
ou en partie , ou de payer quelques droits , à
moins qu'ils ne les y déchargent de leur bon gré
& qu'ils n'en vendent quelque partie. Il fera
cependant libre , après en avoir obtenu la permiffion
de ceux qui ont la direction des affaires
maritimes , de décharger ou de vendre une petite
partie du chargement , feulement pour acheter
les vivres ou les chofes néceſſaires pour le radoub
du Vaiffeau , & dans ce cas on ne pourra exiger
de droits pour tout le chargement , mais feulenent
pour la petite partie qui aura été déchargée
ou vendue.
XX. Il fera permis à tous les Sujets du Roi
Très .Chrétien & du Roi de la Grande- Bretagne ..
de naviger avec leurs Vaiffeaux en toute fureté
& liberté , & fans diſtinction de ceux à qui les
marchandifes de leurs chargemens appartiendront
de quelque Port que ce foit dans les
lieux qui font déjà , ou qui front ci-après en
guerre avec le Roi Très -Chrétien , ou avec le
Roi de la Grande-Bretagne. Il fera auffi permis
auxdits Sujets de naviger & de négocier avec
leurs vaiffeaux & marchandifes avec la même
liberté & fûreté des lieux , ports & endroits
appartenans aux ennemis des deux Parties ou
de l'une d'Elles , fans être aucunement inquiétés
ni troublés , & d'aller directement , non-feulement
defdits lieux ennemis à un lieu neutre ,
mais encore d'un lieu ennemi à un autre licu
N°. 50 , 16 Décembre 1786. f
( 122 )
ennemi : foit qu'ils foient fous la jurifdifêtion
d'un même ou de différens Princes. Et comme
il a été ftipulé par rapport aux Navires & aux
marchandifes , & que l'on regardera comme
libre tout ce qui fera trouvé fur les Vailleaux
appartenans aux Sujets de l'un & de l'autre
Royaume , quoique tout le chargement , ou
une partie de ce même chargement appartienne
aux ennemis de Leurs Majeftés , à l'exception
cependant des marchandifes de centrebande ,
lefquelles étant interceptées , il fera procédé
conformément à l'efprit des articles fuivans ;
de même il a été convenu que cette même
liberté doit s'étendre auffi aux perfonnes qui navigent
for un. Vaiffeau libre , de maniere que ,
quoiqu'elles foient ennemies des deux Parties ,
ou de l'une d'Elles , elles ne feront point tirées
du Vaiffeau libre , fi ce n'est que ce fuffent des
gens guerre actuellement au fervice defdits
ennemis , & fe tranfportant pour être employés
comme militaires dans leurs Flottes ou dans leurs
Armées.
de
XXI. Cette liberté de navigation & de
commerce s'étendra à toute forte de marchandifes
, à la réſerve feulement de celles qui
feront exprimées dans l'article fuivant , & défi
gnées fous le nom de marchandiſes de contrebande.
XXII . On comprendra fous ce nom de marchandifes
de contrebande ou défendues , les armes
, canons , arquebufes , mortiers , pétards ,
bombes , grenades , fauciffes , cercles poiffés
affûts , fourchettes , bandoulieres , poudre à canon
, mêches , Salpêtre , balles , piques , épées,
morions , cafques , cuiraffes , hallebardes , javelines
, fourreaux de piftolets , baudriers , chevaux
avec leurs harnois ; & tous autres femblables :
"
( 123 )
genres d'armes & d'inftrumens de guerre fervant
à l'ufage des troupes.
>
XXIII . On ne mettra point au nombre des
marchandifes défendues celles qui fuivent ; favoir
, toutes fortes de draps & tous autres ouvrages
de manufacture de laine , de lin , de
foie , de coton & de toute autre matière ; tous
genres d'habillemens avec les chofes qui fervent
ordinairement à les faire ; or , argent monnoyé ,
& non monnoyé , étaim , fer , plomb , cuivre,
laiton , charbon à fourneau , blé , orge , &
toute autre forte de grains & de légumes ; le
tabac , toutes fortes d'aromates , chairs falées
& fumées , poiffons falés , fromages & beurres
biere , huiles , vins , fucre toutes fortes de
fels & de provifions , fervant à la nourriture
& à la fubfiftance des hommes ; tous genres de
coton , cordages , cables , voiles , toile propre
à faire des voiles , chanvre , fuif , goudron ,
brai & réfine ; ancres & parties d'ancres , quelles
qu'elles puiffent être ; mâts de Navires , planches
, madriers , poutres de toutes fortes d'arbres ,
& de toutes les autres chofes néceffaires pour
conftruire ou pour radouber les Vaiffeaux . On
ne regardera pas non plus comme marchandifes
de contrebande , celles qui n'auront pas pris la
forme de quelqu'inftrument ou attirail fervant
à l'ufage de la guerre fur terre ou fur mer , encore
moins celles qui font préparées ou travaillées
pour tout autre ufage . Toutes ces chofes
feront cenfées marchandifes non défendues ,
de même que toutes celles qui ne font pas
comprifes , & fpécialement défignées dans l'article
précédent , en forte qu'elles pourront être,
librement tranfportées par les Sujets des deux,
royaumes, même dans les lieux ennemis , excepté
f 2
( 124 )
feulement dans les places affiégées , bloquées &
invefties,
XXIV. Mais pour éviter & prévenir la
difcorde & toutes fortes d'inimitiés de part &
d'autre , il a été convenu qu'en cas que l'une
des deux Parties fe trouvât engagée en guerre,
les Vaiffeaux & les Bâtimens appartenants aux
Sujets de l'autre Partie devront être munis de
lettres de mer qui contiendront le nom , la propriété
& la grandeur du Vaiffeau , de même que
le nom & le lieu de l'habitation du maître ou
du Capitaine de ce Vaiffeau ; en forte qu'il paroiffe
que ce Vaiffeau appartient véritablement
& réellement aux Sujets de l'une ou de l'autre
Partie : & ces lettres de mer feront accordées
& conçues dans la forme annexée au préſent
Traité. Elles feront auffi renouvellées chaque
année , s'il arrive que le Vaiffeau revienne dans
le cours de l'an. Il a été auffi convenu que ces
fortes de vaiffeaux chargés ne devront pas être
feulement munis des lettres de mer ci- deſſus
mentionnées , mais encore des certificats contemant
les efpeces de la charge , le lien d'où le
Vaiffeau eft parti & celui de fa deſtination
afin que l'on puiffe connoître s'il ne porte
acune des marchandifes défendues , ou de contrabande
fpécifiées dans l'article 22 de ce Traité.
Lefquels certificats feront expédiés par les Officiers
du lieu où le Vaiffeau fortira felon la coufume.
Il fera libre auffi . fi on le defire , & fi on le
juge à propos , d'exprimer dans lefdites lettres à
qui appartiennent les marchandifes.
XXV. Les Vaiffeaux des fujets & Habirans
des Royaumes refpectifs arrivant fur quelque
côté de l'un ou de l'autre , fans cependant
vouloir entrer dans le port , ou y étant entrés
& ne voulant point débarquer ou rompre leurs
( 125 )
charges ; ne feront point obligés de rendre com
pte de leurs chargemens , qu'au cas qu'il y eût
des indices certains qui les rendiffent fufpects
de porter aux ennemis de l'nne des deux Hautes
Parties contractantes , des marchandifes défendues
appellées de contrebande.
>
XXVI. Si les Vaiffeaux defdits Sujets ou
Habitans defdits Etats refpectifs de leurs Séréniffimes
Majefés , étoient rencontrés faiſant route
fur les côtes ou en pleine mer , par quelque
Vaiffeau de guerre de leurs Séréniffimes Majef
tés ou par quelques Vaiffeaux armés par des
particuliers , lefdits Vaiffeaux de guerre ou Armateurs
particuliers , pour éviter tout défordre ,
demeureront hors de la portée du canon &
pourront envoyer leurs chaloupes au bord du
Vaiffeau marchand qu'ils auront rencontré , & y
entrer feulement au nombre de deux ou trois
hommes à qui feront montrées par le maître ou
Capitaine du Vaiffeau du Bâtiment , les lettres
de mer qui contiennent la preuve de la propriété
du Vaiffeau , & conçues dans la forme
annexée au préſent traité ; & il fera libre au
Vaiffeau qui les aura montrées , de poursuivre
fa route , fans qu'il foit permis de le molefter &
viliter en façon quelconque , ou de lui donner
la chaffe , ou de l'obliger à fe détourner du lieu
de fa deftinarion.
XXVII. Le Bâtiment marchand appartenant
aux Sujets de l'une des deux Hautes Parties
contractantes qui aura réfolu d'aller dans un
port ennemi de l'autre , & dont le voyage &
l'efpece de marchan lifes des fon chargement
feront juftement foupçonnés , fera tenu de produire
en pleine mer , auffi bien que lettres de
ports & rades , non - feulement les dans les
mer , mais auffi des certificats qui marquent que
f 3
( 116 )
fes marchandifes ne font pas du nombre de
celles qui ont été défendues , & qui font énoncées
dans l'article 22 de ce Traité.
XXVIII. Si par l'exhibition des certificats
fufdits , contenant un état du chargement, l'autre
Partie y trouve quelques- unes de fes fortes de
marchandifes défendues & déclarées de contrebande
par l'article 22 de ce Traité , & qui
foient deftinées pour un port de l'obéiffance
de fes ennemis , il ne fera pas permis de rompre
ni d'ouvrir les écoutilles , caiffes , coffres , balles,
tonneaux & autres vafes trouvés fur ce Navire
ni d'en détourner la moindre partie des marchandifes
, foit que ce Vaiffeau appartienne aux
Sujets de la France ou à ceux de la Grande-
Bretagne , à moins que fon chargement n'ait
été mis à terre en la préfence des Officiers de
l'Amirauté , & qu'il n'ait été par eux fait inventaire
defdites marchandifes. Elles ne pourront
auffi être vendues , échangées , ou autrement
alénées de quelque maniere que ce puiffe être ,
qu'après que le procès aura été fait dans les
regles & felon les loix & les coutumes , contre ces
marchandifes défendues , & que les Juges de
l'Amirauté refpectivement les auront confifquées
par Sentence , à la réferve néanmoins , tant du
Vaiffeau même que des autres marchandifes qui
y auront été trouvées , & qui , en vertu de ce
Traité , doivent , être cenfées libres , & fans
qu'elles puiffent être retenues fous prétexte
qu'elles feroient chargées avec des marchandifes
défendues , & encore moins être confifquées
comme une prife légitime ; & fuppofé que lef
dites marchandifes de contrebande , ne faifant
qu'une partie de la charge , le Patron du Vaiffeau
agréât , confentît & offrit de les livrer au
Vaiffeau qui les a découvertes , en ce cas celuici
laprès avoir reçu les marchandifes de bon(/
127 )
ne prife , fera tenu de laiffer aller aufi tot
le Bâtiment , & ne l'empêchera en aucune maniere
de pourfuivre fa route vers le lieu de fa
deftination.
XXIX . Il a été au contraire convenu &
accordé que tont ce qui fe trouvera chargé par
les Sujets & Habitans de part & d'autre , en un
Navire appartenant aux ennemis de l'autre, bien
que ce ne fût pas des marchandifes de contrebande
, fera confifqué comme s'il appartenoit
à l'ennemi même , excepté les marchandi fes &
effets qui auront été chargés dans ce Vaiffeau
avant la déclaration de la guerre , ou l'ordre
général des repréfailles , ou même depuis la déclaration
, pourvu que ç'ait été dans les termes
qui fuivent , favoir de deux mois après cette
déclaration ou l'ordre des repréfailles , fi elles
ont été chargées dans quelque port & lieucompris
dans l'efpace qui eft entre Archangel , Saint-
Pétersbourg & les Sorlingues ; & entre les
Sorlingues & la ville de Gibraltar ; de dix femaines
dans la mer méditerranée , & de huit
mois dans tous les autres pays ou lieux du
monde ; de maniere que les marchandifes des
Sujets de l'un & l'autre Prince , tant celles
qui font de contrebanie , que les autres qui
auront été chargées , ainfi qu'il eft dit , fur
quelque Vaiffeau ennemi , avant la guerre ou
même depuis fa déclaration , dans les temps &
les termes fufdits , ne feront en aucune maniere
fujettes à confifcation , mais feront fans
délai & de bonne foi rendues aux propriétaires
qui les demanderent , en forte néanmoins qu'il
ne foit nullement permis de porter enfuite ces
marchandifes dans les ports ennemis , fi elles
font de contrebande.
XXX. Et pour pourvoir plus amplement à
14
( 128 )
?
#
la sûreté réciproque des Sujets de leurs Séréniffimes
Majeftés , afin qu'il ne leur foit fait
aucun préjudice par les Vaiffeaux de guerre de
l'autre Partie , ou par d'autres armés aux dépens
des particuliers , il fera fait défenſe à tous Capitaines
des Vailleaux du Roi très-Chrétien & du
Roi de la Grande - Bretagne , & à tous leurs Su- .
jets , de faire aucun dommage ou infulte à ceux
de l'autre Partie ; & au cas qu'ils y contreviennent
, ils en feront punis , & de plus ils feront
tenus & obligés en leurs perfonnes & en leurs
biens de réparer tous les dommages & intérêts
de quelque nature qu'ils foient & d'y fatisfaire.
XXXI. Et pour cette caufe chaque Capitaine
des Vaiffeaux armés en guerre par des particuliers
fera tenu & obligé à l'avenir , avant
que de recevoir fes patentes ou fes commiffions
fpéciales , de donner par- devant un Juge compétent
, caution bonne & fuffifante de perfonnes
folvables qui n'aient aucun intérêt dans ledit
·Vaiffeau , & qui s'obligent chacune folidairement
pour la fomme de 36,000 livres tournois,
ou de 1500 liv . fterlings ; & fi ce Vaiffeau
eft monté de plus de 50 Matelots ou Soldats ,
pour la fomme de 72,000 livres tournois ,
de 3000 livres fterlings , pour répondre folidairement
de tous les dommages & torts que lui,
fes Officiers ou autres , étant à fon fervice
pourroient faire en leur courfe contre la terreur
du préfent Traité , & contre les Edits faits de
part & d'autre en vertu du même Trai é par
Leurs Séréniffimes Majeflés , fous peine auffi
de révocation & de caffation defdites patentes &
commiffions.
ou
XXXII. Leurs Majeftés fufdites voulant refpectivement
traiter dans leurs Etats les Sujets
( 129 )
l'une de l'autre auffi favorablement que s'ils
étoient leurs propres Sujets , donneront les
ordres néceffaires & efficaces pour faire rendre
les jugemens & arrêts , concernant les prifes ,
dans la Cour de l'Amirauté , felon les règles de la
justice & de l'équité , & conformément à ce
qui eft prefcrit par ce Traité , par des Juges qui
foient au- deffus de tout foupçon , & qui n'aient
aucun intérêt au fait dont il eft queſtion .
XXXIII. Et quand par des lettres de mer
& les certificats , il apparoîtra fuffisamment de
la qualité du Vaiffeau & de celle de fes marchandifes
& de fon Maître , il ne fera point
permis aux Commandans des Vaiffeaux armés
en guerre , fous quelque prétexte que ce foit ,
de faire aucune autre vérification . Mais fi quelque
Navire marchand le trouvoit dépourvu de fes
lettres de mer ou de certificats , il pourra alors
être examiné par un Juge compétent , de façon
cependant que fi par d'autres indices & documens,
il fe trouve qu'il appartienne véritablement
aux Sujets d'un defdits Souverains , & qu'il ne
ww, contienne aucune marchandife de contrebande
deftinée pour l'ennemi de l'un d'eux
il ne
devra point être confifqué , mais il fera relâché
avec fa charge , afin qu'il pourfuive fon voyage,
La Suite à l'Ordinaire prochain.
PAYS- B A S.
•
DE BRUXELLES , le 9 Decembre:
Le Confeil Impérial , nouvellement créé ,
préfidé en chef par M, le Comte de Belgiojofo
, & en fecond par M. de Crumpipen
f s
( 130 )
Secrétaire d'Etat , commencera à fiéger dans
les premiers jours de Janvier 1787. Ce tribunal
, compofé de 9 Membres , ne connoîtra
que des affaires relatives à l'Adminiſtration.
» Le Marquis de Croix , Capitaine géné-
» ral des Armées du Roi d'Eſpagne au
royaume de Valence , & Chevalier de fes
» Ordres , eft mort à Valence , le 28 Octo-
» bre dernier , dans la 85e . année de fon
âge. Il a été le premier Etranger , qui de-
» puis la conquête du Mexique , ait été re-
» vêtu de la dignité de vice-Roi de ce royau-
» me. Le défintéreffement , le zele & l'acti-
» vité dont il a donné des preuves pendant
fept ans qu'il l'a exercée, ont juſtifié ce
choix. Robertfon en a fait une mention
>> honorable dans fon Hiftoire de l'Améri-
» que; mais il s'eft trompé en le nommant
Sainte Croix au lieu de Croix , qui eft le
» nom de fa famille , originaire de Flandres ,
» où elle fubfifte dans la perfonne du Mar-
» quis de Croix , fon neveu , qui a fervi Sa
» Maj. T. C. pendant 25 ans , & celle du
» Comte de Croix , fon petit neveu , Capi-
>> taine de Cavalerie dans le même fervice.
» Le Capitaine général n'ayant point été
>> marié , il ne refte de fon nom que plufieurs
>> neveux , dont un , le Chevalier de Croix ,
» Commandeur de l'Ordre Teutonique ,
» Lieutenant général des Armés du Roi , &
» ci -devant Gouverneur du nouveau Mexiน
K
»
"
? que , eft actuellement více Roi du Pérou .
Par une Lettre de Paris nous venons d'apprendre
» qu'un événement fans exemple vient
de jetter des allarmes dans prefque toute la
Banque. Voici le fait tel qu'on le débite
partout & publiquement : il y a quelques
mois qu'un Particulier alla propofer à
deux maitons de banque de cette ville ,
de dépofer chez elles de bons effets , à la
charge de tirer fur elles jufqu'à la concur-
" rence du dépôt. Les effets dépofés chez
MM. Tourton & Ravel s'élevoient à
1400 mille liv. & chez M. Gallet de San-
» terre à 140 mille liv. Les tireurs fe dépê-
» cherent enfuite de faire des traites de différentes
fommes & à des termes plus ou
» moins éloignés fur les Correſpondans
qu'ils s'étoient faits. Les lettres de change
arrivolent à l'acceptation , venant de
Rouen , de Lille & d'autres Places de
commerce; plufieurs de ces lettres étoient
en petites fommes , depuis 3 , 4 , juſqu'à
1900 liv. , & les autres plus fortes étoient
» conçues en mille liv. Dans le plan formé
> par le Fauffaire de furcharger du mot mille
» le mot cent, & d'ajouter un zéro à la fom-
» me en chiffrequi feplace au haut de la lettre
de change , il avoit eu l'attention d'écrire
» le mot cent , de maniere qu'il pût en faire
→ aiſément & fans furcharge le mot mille ;
» & afin que la friponnerie ne pût être véri-
» fiée par la comparaifon , cette opération
f 6 .
( 132 )
k
» fut faite également fur les lettres à 1000 I.
» & fur les lettres à 100 liv. qu'on étoit dans
le deffen de furcharger. La fuite des événemens
a prouvé la furcharge fur les pe-
> tits effets de 100 liv .; & lorfqu'on a vou-
» lu les comparer avec ceux de 1000 , on a
trouvé qu'ils étoient tous parfaitement
>> uniformes , de forte qu'on ne fait aujour-
» d'hui fi les furcharges ont été faites devant
» ou après les acceptations ; & on ignorera
» juſqu'à l'échéance de toutes les lettres tirées
, & la vérification des livres de ban-
» que, quelle eft la totalité des fommes que
l'adreffe ou la friponnerie ont ajouté au
» montant réel des lettres de change tirées
par le Fauffaire. It eft aifé de comprendre
combien un pareil événement doit caufer
» de troubles dans différentes Maifons de
»commerce , de banque & de finance , qui
»ont des effets auffi adultérés. Le Fauffaire
» eft en fuite en Angleterre , où on affure
» qu'il a été arrêté ( 1 ) deux de fes camta-
» des l'ont été ici ; & la Police eft à la fuite
» de ce complot d'iniquité. On ajoute que
»
:
cette affaire devant donner lieu à beaucoup .
» de procès , dont la Jurifdiction Confulaire
ne peut connoître , attendu que le
» crime de faux n'eft pas de fa compétence ,
» la connoiffance de ces procès a été attri-
» buée aux Requêtes ; enfin on dit que pour
ne plus courir le hafard d'une pareille friponnerie
, les Banquiers dans leurs accep-
(1 ) Il a pu être arrêté en Angleterre , & peut être déenu
en prifon jufqu'à parfait payement,
133 D:
" tations de lettres de change , ftipuleront
» par écrit la fomme de l'acceptation , ce
» qui eft en ufage dans certaines villes de
» commerce du Royaume , & preferit par
l'Ordonnance.
1
A cette verfion , fondée fur le feul bruit
public, nous joindrons la fuivante plus exacre,
qui nous a été fournie par l'un des Inté
reffés.
21 Ceux qu'on accuſe de cette manoeuvre ,
ont dépofé chez MM . Tourton & Ravel des
Actions de la Caifle d'Efcompte fucceffive
ment pour la valeur de is à 1600 mille liv.
Ils ont fait tirer fur ces Meffieurs jufqu'à la
concurrence de 1400 mille livres par des
Banquiers de Lyon , de Rouen & de Bordeaux.
1
Leurs lettres de change étoient , les unes
depuis 400 jufqu'à 1900 , les autres depuis
2000 jufqu'à 19000.
Ces lettres acceptées , ils ont ajouté un
zéro aux centaines ; & le mot cent a difparu
fous le mot mille. Elles paroiffoient done.
valoir 4000 , 1030 & 19000 liv.
Les Fauffaires ont enfuite retiré leurs Ac-,
tions de la Caiffe d'Efcompte , en payant la
valeur de leurs traites. Par ce moyen leur
compte eft au niveau.
Le 30 Novembre , jour de la premiere
échéance, MM . Tourton, Ravel avert's s'apperçurent
de l'infâme manoeuvre. Ne vou
lant , payer aucunes lettres , ils ont déposé le
montant de la fomme acceptée.
་ ་
(( 134 )
Deux acteurs principaux font arrêtés , l'un
à Paris , l'autre à Londres. Cette affaire s'éclaircira
fans peine. 1
Il y a de pareilles traites fur M. Galler de
Santerre , mais feulement pour 100,000 écus .
Le Parlement , à ce qu'on rapporte, a
enregistré ces jours derniers des Lettres Patentes
d'attribution au Châte et , faufl'appel
en la Cour , pour juger cette affaire..
:
»
Le 24 Septembre au matin l'Empereur de
Maroc , écrit - on de Madrid , parut dans fa falle
publique d'audience , où il y avoit une foule trèsconfidérable.
Ayant fait venir le Secrétaire Chiappe
, il lui remit deux lettres , qu'il tira de fa poche
Elles avoient été écrites par un nommé
Cardozo , Juif de nation , que l'Empereur nomma
fon interprête pour la langue Angloife ,
lorfque le fieur Duff , Conful Britannique , fe
trouva derniérement à la Cour. Le Secrétaire
lut ces lettres par l'ordre de Sa Majefté , qui
lui demanda ce qu'il en penfoit . Le fieur Chiappe
connoiffant fans doute une Cour Marocaine , répondit
, Qu'il ne l'ofoit dire ». Vous avez fort
raifon , repartit le Monarque : Qu'on appelle Cardozo.
Cet ipfortuné étant entré dans la Salle ,
l'Empereur , fans dire mot , lui fit jeter une corde
au cou ; l'on finit par le cribler de dix balles
de fufil , & fon corps mort fut : taillé en morceaux
, que l'Empereur fit jetter aux chiens , en
abandonnant le reste à des garçons de la populace
, qui fe divertirent en les jettant dans un feu
dreffé à cet effet. Cette éxécution fait frémir . Le
Juif qui en étoit la victime avoit été employé à Lon
dres dans la Secrétairerie de Mylord Sidney, pour
tenir la correfpondance Arabe : de Londres il étoit
venu à Cadix , où ayant pris un faux nom chrétien
, il s'étoit rendu coupable l'année derniere
( 139 )
d'un crime de faux en fait d'affurance ; & comme
l'on découvrit fon Judaïsme , il fut mis à l'Inquifition
: mais il trouva moyen de s'en évader &
fe réfugia ici. La cornoiffance qu'il avoit de la
langue Arabe , telle qu'elle fe parle en Barbarie ,
ainfi que de plufieurs langues européennes , l'avoit
conduit à la Cour. L'imprudence de fon
frere lui a coûté la vie. Celui ci , ayant eu quelque
différend avec un des Miniftres de l'Empefut
mis en prifon ; & l'on trouva fur lui les
deux lettres en queftion , qu'il avoit mal- à - propos
gardées en poche. Cardozo s'y étoit exprimé
très hardiment fur fa nouvelle patrie
adoptive ; & il y avoit dit entr'autres en efpagnol,
que tous les Maures étoient des coquins ,
& que l'Empereur ne tenoit pas fa parole.
reur ,
>
Les Etats d'Utrecht fe font affemblés , le
17 du courant à Amersfort. Le réfultat de
leurs délibérations a été que la ville d'Utrecht
feroit convoquée pour le 6 Décembre prochain
, mais que les Etats nommeroient les
Bourguemaîtres , deſtinés à repréfenter cette
ville. Idem.
Les Diacres de l'Eglife Catholique de Leyde ,
fe font adreffés aux Régens , pour leur expofer
la détreffe de leurs finances, & l'impoffibilité où
ils fe trouvoient de foulager les individus de
leurcommunion , qui gémiffent dans les horreurs
de la mifere. Les Magiftrats , touchés du zele de
ces Eccléfiaftiques , & de l'infortune de leurs
ouailles , ont publié , le 21 du courant , un placard
, qui fait honneur à leur fenfibilité , à leurs
lumieres & à leur philofophie , & peut-être à la
tolérance du peuple confié à leur adminiftration .
Il y eft ftatué qu'à l'avenir les Diacres Romains
pourront s'adreffer une fois par femaine , à tous
[ 136 )
les Habitans de la Ville , pour folliciter leur
charité. Il faut remarquer , pour bien appré
cier le mérite de cette permiffion , que jufqu'à
préfent les Catholiques ne pouvoient s'adreffer
qu'à ceux de leur communion , pour en obtenir
quelque foulagement en faveur des pauvres attachés
au même culte. ( Gazette de la Haye ,
No. 144).
Les deux vaiffeaux de guerre de 74 can .
chacun , qui ont été conftruits en Frife, &
que la République a deſtiné en préfent à Sa
Maj. T, C. n'ont pu être lancés dans le port
de Harlingue , qu'avec beaucoup de peine .
On a été obligé de conftruire des caifles ,
qu'on a adaptées à la quille des vaiffeaux ,
au moyen defquelles on eft parvenu à les
lancer.
Les Députés de l'Amirauté de Zélande ,
pour l'Enquête judicielle de l'affaire de Breft
font déja arrivés ici : ce grand procès va enfin
commencer à s'inftruire au premier jour.
Gazette d'Amfterdam , nº. 96,
Les Etats de Gueldre ont nominé une
Commiffion de fept Membres pour affifter
comme Médiateurs de la part de cette Province
, aux Conférences propofées par les
Confédérés , pour terminer les différens domeftiques
qui divifent la ville d'Utrecht &
les Etats d'Amersfort . Idem.
Paragraphes extraits des Papiers Anglois & autres.
Il eft paffé par Va fovie , un Courier extraor
( 137 )
"
dinaire allant de Vienne à Pétersbourg , avee
des dépêches relatives à la fituation des affaires
entre la Turquie & la Ruffie . En général on
remarque que l'entrepriſe de l'Impératrice de
fixer fa Puiffance d'une maniere ftable fur les
bords de la Mer Noire , a effuyé depuis quelque-
tems plufieurs revers. La Puiffance Autrichienne
profite à moins de frais de la libre
navigation fur ladite mer. En effet on écrit
de Semlim . que le 13 du mois dernier les
négocians Delazie & Prigatini , y arriverent
avec 6 bâtimens chargés de grains , & deftinés
à paffer par la mer noire & le canal de Conftantinople
dans la Méditerranée , entrepriſe
pour le fuccès de laquelle l'Empereur leur à accordé
de très- grands avantages. Le même jour
un autre Négociant de Turquie , très- connu ,
arriva de Vienne auffi par le Danube à Semlim ,
avec un navire qu'il avoit chargé à ſon compte de
verres de Bohême , de porcelaine de Vienne ,
autres productions des Etats de l'Empereur , le
tout deftiné pour Conftantinople. ( Gazette de la
Haye, N° . 145 ).
Depuis quelques femaines , il fe trouve à Stokolm
un certain M. Baretto , Portugais de
naiffance , & au fervice de la Marine , que
l'on dit être chargé d'une Commiffion fecrette ,
pour l'achat de quelques Vaiffeaux de guerre
& Fregates de cette Couronne , mais on ignore
abfolument pour le compte de quelle Puiffance.
Ce qui a paru accréditer , & même confirmer
ce bruit , c'est que ledit M. Baretto a fuivi le
Roi à Carlscrone , d'où il eft maintenant de retour.
Quoi qu'il en foit de la prétendue commiffion
, il eft certain que cet étranger eft arrivé avec
de fortes lettres de recommandation , & qu'il jouis
( 138 )
iei d'un accueil diftingué. ( Gazette de la Haye
No. 146 ).
" La Coura reçu ainfi que les Ambaffadeurs
de France & de Ruffie , par des exprès de Conf
stantinople , la nouvelle que , fous la médiation
de Sa Majefté Très- Chrétienne , les différends
entre la Porte & la Cour de Pétersbourg ont
été heureufement
terminés , à la fatisfaction
de cette derniere. L'on ne fait pas encore
les conditions de ce nouvel accommodement
,
mais il paroît , que la Porte a promis d'envoyer
aux Pachas de Tichildar & d'Akalfiké
, les ordres les plus précis de réprimer
les incurfions des Tartares Lefghis dans la
Georgie. Gazette de Leyde , no. 97.
ř
Le Confeil d'Etat a écrit la femaine derniere
une lettre à LL, HH. PP. les Seigneurs Etats-
Généraux , pour les avertir des préparatifs hoftiles
qui fe font dans les Pays- Bas- Autrichiens ,
à l'occafion du mouillage dans la baie de Hazegras
, & du paffage par le Canal nommé le
Zwin. Ledit Confeil d'Etat fait envisager ,
dans cette lettre aux Etats Généraux , que
les frontieres de la République font dégarnies
de troupes & de munitions de tout côté.
Leurs Hautes Puiffances ont délibéré le 25
dernier fur cet objet . ( Gazette de la Haye ,
no. 145 )..
GAZETTE ABRÉgée des TriBUNAUX ( 1 ) .
PARLEMENT DE PARIS , TOUTES LES CHAMBRES
ASSIMBLEES .
Le Procès que nous indiquons n'eſt pas feule(
139 )
ment remarquable par la nature des circonftances
qui l'ont fait naître , par la publicité d'un écrit ,
annoncé fous le titre de Mémoire Juftificatif,
pour trois Hommes condamnés à la roue , e .
Le Réquifitoire de M. l'Avocat Général Séguier ,
fuffit pour imprimer à cette affaire un caractere
d'importance , qui lui donnera toujours le premier
rang , pariri les Caufes célebres.
Voici quelques fragmens , & en particulier
l'Exorde de ce Réquifito ire..
Ce jour , les Gens du Roi font entrés , &
après les avoir entendus les 7 & 8 de ce mois ,
» & aujourd'hui 11. Me. Antoine- Louis de Stguier
, portant la parole , ont dit : Meffieurs ,
» les Jugemens de condamnation étoient appellés
par les Romains , Triftes Sententia. Le Magiftrat
fe dépouilloir de la robe de pourpre , en
figne de deuil , & il avoit coutume de fe dire
» à lui- même : J'entrerai dans le Tribunal , non
» en furieux , non en ennemi, mais avec un extérieur
doux & tranquille , & je prononcerai ces
paroles folemnelles , d'un ton plus grave que véhément
, plutôt avecfévérité qu'avec colere. Nous
nous fommes tenu le même langage avant de
paroître dans le fanctuaire de la Juftice , & fi
jamais notre miniftere a eu befoin de toute fa
modération , c'eft dans le compte que nous
allons avoir l'honneur de rendre de l'ouvrage
» confié à notre cenfure ». M. Séguier
parle d'abord de la fenfation extraordinaire qu'a
faite le Mémoire Juftificatif, lorsqu'il a paru.
» La majeure partie du Public , ajoute- t - il , a
cru fur la foi de fon Rédacteur. Tout ce que
» l'Auteur a eu le courage d'avancer , a été
» adopté fans examen ; nullités , contradictions ,
Do défant de procès-verbaux , défaut de confrontation
, variation dans les témoins , variation
"
1
( 140 )
dans les interrogatoires , refus d'admettre les
faits juflificatifs , défaut de preuve du crime,
preuve au contraire de l'innocence ; rien n'a
été omis. La multitude a pris l'exagération
» pour la vérité , le fanatifme pour le zele ,
l'audace pour l'énergie , les fauffes lueurs de
la rhétorique pour le flanibeau de la raifon.
Dans ce moment d'effervefcence , un cri général
s'eft élevé contre l'Ordonnance crimi .
nelle ; on ne l'a plus envifagée que comme un
refte de l'ancienne Barbarie ; les écrits des
» plus fameux Jurifconfultes , ces monumens
de la plus antique Jurifprudence , & les déci
fions des plus fages Légiflateurs , tout a été -
» écrit. Les plus indifférens ont applaudi à l'in-
» trépidité d'un Défenfeur aflez préſomptueux ,
pour entreprendre de déchirer le voile épais ,
9 dont il prétend que la loi eft obfcursie. On a
>> rendu un hommage public à l'homme courageux
qui , fe plaçant entre le trône & la Magiftrature
, n'avoit pas craint de déclarer la
" guerre , en préfence du Souverain , aux er-
495
+
reurs des principes , & qui fe propofoit de
» réconcilier Phumanité avec la légiflation. La
» hardieffe d'une telle entreprife , la rapidité
2 du ftyle de l'écrivain , la vivacité de fes ima-
" ges , la véhémence de fes mouvemens , &
jufqu'à la témérité de les affertions , tout de-
» voit produire la fenfation fubite que cet ouvrage
a excitée. Mais après avoir rendu jufti-
» ce à l'imagination , & à la fécondité de l'Au-
» teur , comme fon bu , pour nous fervir des
propres termes du Procès- verbal qui nous a
» été communiqué , eft de perfuader que la plus
grande partialité a regné dans la Sentence &
dans l'Arrêt , que les Accufés ont été condamnés .
» non-feulement fans preuves , mais même contre
( 141 )
la preuve de leur innocence , que les témoins font
des calomniateurs , & tous les Juges des prévari-
» cateurs ; c'eft à notre Miniftere qu'il eft ré-
>> fervé d'éclairer le public prévenu , de ramener
les efprits prêts à s'égarer , de pofer les
vrais principes , ignorés de la plus grande
partie des Citoyens de tous les ordres & de tous
les rangs , de juftifier la légiflation , de fixer
» le véritable fens de la Loi , de récolter l'autorité
de la Jurifprudence , & en oppofant le
flegme de la réflexion aux fougues de l'imagination
, l'intérêt général au vain defir de la
» célébrité , de faire connoître à la Nation , à
toutes les nations de l'Europe , que la manie
» de la réformation a feule conduit la plume de
l'écrivain ; qu'il n'a entrepris de juftifier des
coupables , que pour calomnier les Magiftrats,
& que l'excès de précaution qu'il introduit
» pour prévenir la condamnation de l'inno-
» cent , devient un moyen efficace d'affurer
'l'impunité aux fcélérats ».
Dans la troifieme partie , il fe rencontre nombre
de morceaux éloquens que nous voudrions
rapporter ; nous nous bornerons à deux : celuici
eft relatif aux Mémoires imprimés. - Les
55
Mémoires , qui dans l'origine , n'ont été admis
» que pour l'inftruction des Sages & du Barreau
, font aujourd'hui , plus que jamais , un
objet d'amufement & de curiofité pour le public
, nous pouvons même dire une affaire de
» Commerce dans la Librairie , & une spéculation
d'intérêt pour les Parties. On les colporte
» dans les places & les promenades publiques ;
on les vend à la porte des jardins & des ſpectacles
; ils font étalés fur les quais & fur les
boutiques des Libraires ; on a foin de les orner
» d'épigraphes & de Sentences qui en annone
80
( 1426)
cent l'efprit , & on a porté l'extravagance juf-
» qu'à les faire accompagner du portrait des
malheureux , pour lefquels ils font rédigés.
Faut -il donc s'étonner fi le ton grave du Barreau
fe perd infenfiblement , la plaifan-
» terie prend la place de la décence , & fi le fiel
» & l'amertume fuecedent à l'honnêteté & à la
» modération ? Autrefois on fe faifoit un de-
» voir de reſpecter l'erreur même des Juges ,"
dont on attaquoit les Jugemens ; très fouvent
aujourd'hui on s'imagine les faire réfor-
» mer , en les accufant de partialité & de pré-
» vention. L'honneur & la probité des Magif
" trats n'étoient jamais compromis . On ne
craint point de les acculer d'injaftice & de
corruption. Les anciens Mémoires ne préfentoient
qu'une narration fimple , naturelle &
» au moins vraisemblable des faits , une expofi-
» tion claire & préciſe , facile & méthodique des
» moyens. Combien n'en avons - nous pas vu de
nos jours , qui ne contiennent que des aven-
» tures romanefques , des épiſodes fabuleux ,
» ou des peintures adroitement voilées , quel-
» quefois même trop licentieufes , ou placées
» avec tant d'art dans un demi - jour favorable ,
so que l'imagination prompte à s'enflammer ,
»
croyoit voir les objets qui n'exiftoient pas
même dans le tableau , & ajoutoit à l'indé-
» cence des perfonnages ! Combien en pourrions-"
» nous citer où l'on s'eft permis de couvrir de
ridicule les Adverfaires qu'il ne falloit que
» combattre ou détromper ! Combien enfin où
» l'on a immolé à la vengeance l'honneur des
» Citoyens ; l'honneur qui ne peut jamais être
confondu avec les torts , & qui doit être toujours
refpe&té ! Puiffe un affreux preffen .
timent ne jamais fe réaliſer ! mais à la vue
( 143 )
» de cet oubli des premiers devoirs d'une pro
" feffion auffi ancienne que la Magiftrature ,
» n'eft-il pas à craindre que la Cour , accou-
35
tumée à voir le premier Barreau de la France
» exercer fur lui - même une difcipline rigou-
» reufe , noble appanage de la liberté , & sûr
3 garant de l'indépendance , qu'il eft fi jaloux de
» conferver ; la Cour qui a de tout temps main-
» tenu l'ordre des Avocats , dans l'honorable
» poffeffion d'être les Cenfeurs de leurs propres
» écrits ; qui , pour l'intérêt même de la Société
, les laiffe s'affujettir au joug volontaire
» des Loix féveres , mais honorables , qu'ils
» regardent comme la prérogative la plus préeieufe
, & la fauve - garde de leur état ; qui
enfin a toujours envisagé avec une vraie la-
» tisfaction les liens de confraternité , feuls pro-
» pres à entretenir l'union des Citoyens , qui fe
confacrent à la défenſe de l'honneur , de la
vie , de la fortune de leurs Concitoyens . N'eftil
pas à craindre , difons - nous , que la Cour
» en établiſſant la cenfure fur les Mémoires
qui fe diftribuent dans l'enceinte du Palais ,
» ne reprenne cette diftinction que la fageffe
» & la confiance avoient méritée aux Jurif
»
ور
confultes de tous les âges , & qu'elle ne faffe
» exercer cette espece d'infpection légale , par
» des Députés choifis dans l'ordre même , pour
lui conferver fes antiques ufages , & rame-
» ner une jenneffe inconfiderée , à cet efprit
» de modération qui a toujours caractériſé une
" affociation libre d'hommes exempts de paffion ,
» & qui attendent leur confidération de l'eftime
» & de la confiance publique » ? Nous termi-.
nerons par un paffage fur l'opinion publique ,
qui nous a paru d'une grande vérité . « Qu'est- ce
que l'opinion publique ? eft- ce le fentiment
d'un Cenfeur qui fe cache au milieu de la
( 144 )
ود
multitude , & qui s'arroge le droit de parler
» en fon nom , qui donne fon aveu particulier
pour le voeu général du public raffemblé ,
qui fe compofe un aréopage ténébreux
dont il ne fort que des décifions marquées au
coin de l'indépendance & de l'animofité ?
Non , fans doute , on ne reconnoîtra jamais
l'opinion publique à ce caractere de partiali
د ر
té:
-
L'opinion publique et le concours
de toutes les réflexions , le réfultat de
tous les fuffrages , la réunion de tous les fentimens
, un concert d'avis uniformes , & en
quelque forte le rapprochement de tous les
efprits. C'eft une voix composée de toutes
les voix qui rendent les mêmes fons , qui
» préfentent les mêmes images , qui rendent au
» même but. C'eft un voeu généralement expimé,
& dont l'autorité eft d'autant plus
forte , que ceux qui le prononcent le trouvent
réunis par la même façon de fenti : & de
penfer, fans s'être confultés , le rapprochent
» fans fe connoître , & s'accordent le plus fou
» vent fans le vouloir. Voilà ce qu'on peut
a appeller l'opinion publique , la feule qu'il
faut confulter , la feule qu'on peut écouter
la feule qu'on doit être jaloux de fixer &
d'obtenir. corps dont l'efence eft
» d'être inviolable dans fes principes , ne fe
livre jamais à ces effervefcences d'un moment
, qui peuvent reffembler quelque - tems
a à l'opinion publique , par la multitude des
» enthoufiaftes qu'elles échauffent , mais done
» la lumiere de la raifon diffipe le faux éclate
L'homme fage , étonné d'avoir été féduit
rejette des maximes qui tiennent de trop
près à l'efprit de parti , & l'efprit de pari ne
» peut jamais être l'efprit général de la Na-
» tion , &c. & c ».
Ün
JOURNAL
POLITIQUE
DE
BRUXELLES.
DANEMARCK.
DE
COPENHAGUE , le 27 Novembre.
N équippe un gros bâtiment de commerce
, qui fe rendra d'abord en Norwege,
& enfuite en lflande , pour foutenir au
Printemps prochain les Lieutenans Egede &
Rothe dans leur nouvelle expédition du côté
de l'Eſt du Groënlande.
Le Roi a agréé le projet d'une nouvelle
Banque qui fera établie à Altona , & de donnet
une autre forme aux efpeces d'argent en
circulation dans les Duchés .
La trégate le Bornholm , qui avoit fervi
de vaiffeau de garde dans le Sund , eft arrivée
à la ade de ce port.
ALLEMAGNE.
DE
HAMBOURG , le 6 Décembre.
La Diete de Pologne a terminé fes Séan-
No. 51 , 23 Décembre 186.
( 146 )
ces le 10 de Novembre , après avoir
figné differentes Loix & Ordonnances fur
des marieres domeftiques , trop particulieres
pour mériter d'être rapportées . La démarcation
des limites de la Siléfis avec la
Cour de Berlin a été terminée avant la ciôture.
La Diete a arrêté entr'autres articles ,
qu'à l'avenir les Chefs des Régimens , & en
général tous les Officiers doivent être tirés
de la Nobleffe palonoife.
C'eft avec joie que l'on a vu le Prince
Adam Czartorisky revenir le 13 à Varlovie.
L'on augure de ce retour, que de ce retour , que les motifs de
Téloignement du Prince fe font affoiblis , &
qu'il en résultera une réconciliation entre le
-Roi & fon illuftre Parent.
S'il en faut croire quelques lettres de Pétersbourg
, l'ancien Kan de Crimée , Schahim
- Gueray , relégué à Kaluga , depuis le
troc de fa dignité contre une penfion de
cent mile roubles , qu'il fit avec l'Impératrice
de Ruflie en 1782 , a obtenu la liberté
de changer de réfidence ; mais on ignore encore
s'il fera maître de fortir de l'Empire. Un
vaiffeau Ruffe de 74 can . a péri à Balaclava
dans une tempête ; heureufement l'équipage
a été fauvé .
DE BERLIN , les Décembre,
Le Roi a conféré la dignité de Grand-
Maréchal du Royaume de Pruffe au Comte
de Donhof, Miniftre privé & de guerre.
( 147 )
M. de Boehmer, que le feu Roi avoit dépaté
à plufieurs Cours d'Allemagne , en
qualité de Miniftre plénipotentiaire , eft de
retour , & il a reçu le plus gracieux accueil
de S. M.
On parle de la création d'un nouvel Ordre
Militaire , qui confifteia en une Médaille
d'or , fur laquelle fera repréfentée une
épée , avec les letties F. R.; & au rever les
barailles de la guerre de fept ans . Tous les
Officiers qui fervent depuis 1756 , en feront,
'dit-on , décorés.
Le Roi continue de témoigner la plus
grande eftime pour le Duc regnant de
Bruntwick , qui , dans le rang même d'un
fimple Particulier , feroit encore l'un des
hommes les plus actifs & les plus éclairés.
Les choix de S. M. tomben : toujours fur le
mérite reconnu. M. de Tempelhoff , qui
vient d'être chargé de l'infraction du Prince
Royal pour les Mathématiques & l'Art Mifitaire
, avec sooo rixdalers l'appointemens ,
eft un des Officiers les plus inftruits & les
plus recommandables par fes qualités. Deux
Confeillers de Cabinet ont éré nouvellement
congédiés .
Pendant le Carnava on donnera ici un
Opéra Italien & un Opéra Allemand. Le
premier fera de la compofition de M. Reichardt
, Maître de Chapelle de S. M. , & le
fecond de Stamitz. Les redoutes feront plus
brillantes , & on y permettra les marques à
caracteres.
g 2
( 148 )
La manufacture de draps va être rendue
libre. Les Fabricans pour ont faire des draps
fins , employer à leur gré les la nes d'Efpagne
, & fournir l'armée de draps groffiers ,
fans être obligés , comme ci devant , de les
envoyer au Dépôt général , qui feul avoit
le privilege de les débiter. La Compagnie
de ce Dépôt & la Maifon des Orphelins de
Potsdam ont réclamé contre ce changement
; la derniere entr'autres , parce qu'elle
tiroit un revenu annuel de 25000 rixda'ers ,
pour les intérêts d'un capital de 500,000
rixdalers qu'elle avoit prêtés à cet établiffement.
Sur cette difficulté , le Roi a répondu
, que s'il n'y avoit pas d'autre moyen de
la lever , il payeroit cet intérêt de fa propre
caffette , plutôt que de tolérer un monopole
onéreux à fes fujets.
Deux jeunes Artiftes de cette Capitale ,
MM. Meltzer & Niefner , ont eu & exécuté
l'idée de repréfenter Frédéric II fous une
tente , converfant avec le Général Ziethen .
La reffemblance des deux Peifonnages eft
frappante. La tête du Roi eft l'ouvrage du
fculpteur Meyer , l'n des premiers Artiftes
de l'Allemagne . Les deux Auteurs de cette
euvre le propofent de la faire voyager dans
plufieurs Cours de l'Europe.
Le Confeiller privé des Finances de Wollner
annonça le 30 Novembre à l'Acadé m'e
des fciences , dans fon difcours de réception,
comme membre ordinaire, que le Roi avoit
( 149 )
permis l'impreffion des oeuvres pofthumes du
Roi lon prédécefleur , & d'en faire des lectures
à l'Académie avant de les donner au
public. Il fit enfuite l'énumération de ces
euvres , favoir , 1 ° . une Hiftoire de la guerre
de fept ans ; un Traité fur l'innocence des
erreurs de l'efprit ; 3 ° . des Confidérations fur
l'état actuel des Etats de l'Europe ; 4° . une
Hiftoire du temps en deux volumes ; 5 ° . des
Mémoires politiques depuis la paix de Hubertsbourg
, jufqu'au Traité de partage de la
Pologne ; 6 , des Mémoires de la gre de
1778 ; 7º. des Poéfies en trois vol.; 8 ° . un
recueil de plufieurs centaines de Le tres que
le feu Roi avoit reçues de plufieurs Savans ,
& Réponfes du Roi.
•
On affure , qu'à commencer de l'année
prochaine , les portes de cette ville de ga nifon
feront fermées le foir à une certaine
heure , & que ceux qui voudront entrer ,
payeront pour l'ouverture un droit qui fera
emploié à l'entretien du pavé.
Le fieur de Diez , qui avo´t réfidé jufqu'à
préfent , en qualité de Chargé d'affaires du
Roi à Conftantinople , vient d'être nommé
fon Envoié extraordinaire près de la Porte
Ottomanne.
DE VIENNE , le 5 Décembre. les
Le premier volume du nouveau Cole
général de Loix Civiles traite , 1. des Loix
83
( 150 )
& des droits des fujets en genéra . 2. Des
Droits refpectits des épous . 3. Des Droits
des peres fur leurs enfans. 4. Des Droits des
erphel ns & des per onnes incapables de
ger leurs affaires. On craint que cetre Légiflation
ne rencontre bien des difficultés
qu'on n'avoit pas prévues. Ce font ces diffi
cultés qu'avoit craint le feu Roi de Pruffe ,
lorfqu'il ordonna de publier fon nouveau .
Code , fous la fimple orme de projer , en
le foumettant à l'examen de toutes les claffes
de l'Et .
L'Archevêque de Saltzbourg a eu plufieurs
conférences fecrettes avec S. M. I. On
ne doute pas que fon voyage n'ait pour objet
l'anéantiffement de la Jurifdiction des
Nonces en Allemagne , anquel le Nonce du
Pape en Baviere s'oppofe avec activité.
La paffion du café eft ici au point parmi
le bas peuple , qu'on a arrêté dernierement
la femme d'un cocher qui fe pendoit , défefpérée
de ce que fon mari lui avoit refufé
13 creutzers par jour ( 10 fous ) , pour acheter
du café.
On mande de la Styrie inférieure un trait
de fanatifme bien inoui.
Un vieux Charron veuf avoit une fille majeure
, dont la fuperftition outrée lui perfuadoit
qu'elle ne pourroit trouver grace devant Dieu
fi elle ne fe purifoit par le feu ; elle communiqua
fon intention à fon pere , qui , auffi fanatique
que fa fille , l'approuva & lui promit même fon
affiftance. Le jour de la Touffaints fut fixé pour
( 151 )
-
l'exécution de cet abominable deffein . La fille
ayant préparé elle -même fon bûcher dès la veille
dans le four , elle y mit le feu au moment où
tout le monde étoit à l'Eglife ; lo : fque le four
fat rouge , cette miférable , le vifage couvert
d'un linceul , & aidée de fon pere , fe fourra
dedans. Dès qu'elle y fut , le pere le ferma , enduifit
le couvercle de terre , mit un Crucifix
devant & fortit de la maison auffi tranquille &
fatisfait , que s'il venoit d'offrir une holocaufte
très agréable au Seigneur. Il difoit à ceux qu'il
rencontroit que fa fille faifoit pénitence dans
le four. On courut auffi têt au bûcher , mais
la victime étoit déjà confumée . Le vieillard a
été pris & conduit à Gleichenberg , où il doit
être interrogé.
Les lettres d'Efclavonie font un tableau
horrible des dégâts & des cruautés que l'ancien
Gouverneur de Scutari a fait à Pechin
& aux-environs . Non content d'avoir mis la
feu aux maifons , ce barbare fit maffacrer
un grand nombre des habitans , jetter au feu
leurs enfans , & emmener leurs filles comme
efclaves.
DE FRANCFORT , le 11 Décembre.
Le Commandeur de Veltheim eft actuellement
Directeur général à Caffel , de tout
ce qui concerne les Lettres & les Arts . Les
études favorites du Landgrave font l'hif
toire d'Allemagne & les Finances . La Société
des Antiquités ne doit plus s'occuper
que des Annales de l'Empire , fur- tout de
celles de la Heffe. Le Landgrave gouverne
g 4
( 152 )
par lui-même ; Caffel eft moins brillant.
mais le pays bien plus heureux .
Le célébre Schloezer , Profeffeur à Gottingue
, l'un des Savans les plus diftingués
de l'Allemagne , vient de publier une Juftification
du Duc Louis de Brunſwick.
A la derniere Foire de S. Michel à Leipfick
, les nouveaux Livres mis en vente ont
été dans la proportion fuivante. Théologie ,
120 ; Jurifprudence , 46; Médecine , 82 ;
Philofophie , 33 ; Claffiques , 44 ; Science
politique , 14 , Sciences économiques , 29 ;
Phyfique , 24 ; Mathématique 11 ; Hiftoire
naturelle , 23 ; Géographie , 46 ; Hiftoire ,
68 ; Beaux Arts , 120 ; concernant les langues
de la Grammaire , 46 ; Hiftoire littéraire
générale , 5 ; Ecrits fur différens fujets ,
157 : lomme totale 858 volumes.
15;
Divers Papiers publics font circuler en ce
moment un Firman du Grand - Seigneur ,
adreffé au Pacha de Bofnie. Quoique cette
piece foit fans date , & préfente plus d'un
carattere de faffeté , nous allons la faire
connoître , telle qu'on la rapporre.
C'est à fon grand déplaifir que le fultan vient
d'apprendre que , non feulement les fujets mécréans
, fur- tout les grecs , mais auffi les muful
mans , s'avifent de tenir des difcours dangereux
, & ont la témérité d'avancer que la fublime
Porte , déchue de fon ancienne fplendeur ;
n'eft plus en état de faire tête aux puiſſances
chrétiennes , par la raifon qu'on a foumis , pour
( 153 )
ainfi dire , la Crimée au joug de la Ruffie &
abandonné toute la Mer-Noire aux chrétiens ,
Quoiqu'il ne tienne qu'à S. H. de punir de mort
fur le champ quiconque ofe avancer de pareils
difcours , elle a pourtant défendu à ſon divan
d'ufer de cette rigueur extrême , fe contentant
de lui ordonner de faire à fes fujets , relative .
ment à la Crimée & à la navigation fur la Mer
no re , la notification qui fuit :
52
Beaucoup de tattares de la Crimée , aveuglés
par les promeffes des ruffes , furent tentes
de trahir leurs co- fujets & leur patrie , & de contribuer
même à ce que les ruffes fuffent mis en
pollefion de tout le pays ; mais nous favons
maintenant de fcience certaine , combien ces
mêmes tartares fe répentent de leur précipitation
à cet égard. D'ailleurs la Porte n'a jamais
approuvé cette prife de poffeffion , & encore
moins fait à la Ruffie la ceffion formelle de la
Crimée. Il eft vrai qu'en cette occafion elle témoigna
une indifférence qui eft fans exemple
& qui excita du mécontentement parmi fes fujets
vrais-croyans . Mais d'un côté , cet évenement
eft lié à des caufes qu'on n'a pu jufqu'ici dévoi
ler au peuple ; de l'autre , la fublime Porte a
cru que la Rufie , convaincue de l'injuftice fi
évidente de la caufe , & afin d'épargner le fang
humain , renonceroit d'elle - même à la nouvelle
poffeffion ; d'autant plus , que les tartares ont
combattu , à différentes fois , ces troupes ruffes
avec un avantage marqué . C'est cette dernière
circonstance & quelques autres , qui ont arrêté
jufqu'ici le bras vengeur de la Porte , & l'ont
empêchée de rompre ouvertement avec les ruffes
; mais fi l'inflexibilité de ces derniers vient à
la forcer de tirer le cimeterre , la fublime Porte
8 S
( 154 )
s'oppofera efficacement , non-feulement à ceuxci
, mais à toute autre ennemi de quelque coin
de la terre qu'il puiffe fe préfenter. En ce cas ,
elle croit pouvoir compter fur la bravoure & le
courage de tous les vrais mufulmans.
"
Quant à la libre navigation de la Mer-
Noire , cette permiffion ne mérite point d'être
centurée ; parce qu'elle a été accordée pour le
bien de l'Empire en général , & pour celui de
la capitale en particulier.
» C'eft à toi , gardien fidele de la Bofnie ,
que nous faifons , par ce firman , connoître la
volonté du grand- feigneur , en te chargeant d'en
informer amplement tous les vrais- croyans , foumis
à ta garde , & c . »
Quelques Journaux préfentent de temps
en temps , pour remplir des vuides , des
extraits d'Almanachs , contenant des calculs
fur la population. Ces prétendues Tables
ftatistiques font ia plupart très - erronnées ,
comme l'a fort b'en obfervé M. le Comte
de Hertzberg , en rapportant l'une de ces
Notices, à laquelle il avertit qu'il ajoute peu
de foi. Pour prévenir les erreurs où des
Journaliſtes inattentifs , peu verfés dans ces
matieres , induiroient le Public , nous allons
préfenter une Table rectifiée de la furface &
de la population des Etats de l'Europe , telle
que vient de la donner , d'après les Ecrits les
plus eftimés , l'Auteur Allemand qui nous a
fo irni , il y a 15 jours , le tableau exact de
la Pruffe. Il faut fe fouvenir , que le mille
d'Allemagne eft à la lieue comm ine de Fran(
155 )
ce , dans le rapport de 15 à 25 ; c'est - à - dire ,
que trois milles d'Allemagne valent cinq de
nos lieues communes.
NOMS DES ETATS.
3
1. Empire d'Allemagne
, depuis le 20º 5'juf.
qu'au 36° 40 ' de longitu
de Occident., & depuis le
45° ra' jufqu'au 55 ° de
latitude feptentrionale.
II. Etats de Danemark,
depuis le 24° 20'
jufqu'au 30° 40' de lon
gitude , & depuis 54° 20
jufqu'au 25° 40 ' de latinde
; Norwege , depuis
53 jufqu'au 71º de latitu
de fept. Iflande , depuis
le 639 jufqu'au 71º de latitude
fept.
0
II. Etats de Suede ;"
le Royaume , depuis le
as jufqu'au 49° de longitude
, & depuis le ssa
jufqu'au 70º de latitude .
IV. Empire de Ruffieen
Europe , depuis le 400
jufqu'au 80 ° de longitude ,
& depuis le 44° 40 ' julqu'au
7° de latitude d'aprè
les anciennes limites
vers l'Eft , d'après les
Houvelles limites de ce
côté.
V. Pologne & Lithua-"
nie, depuis 33 ° jufqu'au
510 de longitude , & depuis
47 ° jufqu'au 57 ° del
Í atitude .
SURFACE POPULA- Nom .
carrés géographique.
en milles TION d'hon
fur un
mille
carré.
26,000,000 2,146. 12,000
11,400 2,200,000 193.
13,057 3.000,000
63,0001
74,656
(1)20,000,000
318
10,050 8,500,000 849.
[ 1 ] Cet article eft exagéré de deux millions , au moins,
g G
(_156 )
VI. Royaume de Pruf
fe , depuis 52 juſqu'au
56° de latitude ſept,
VII. Portugal , depuis
8° 40 ' jufqu'au 22° de
longitude , & depuis 370
jufqu'au 42 " de latitude
Lept.
VIII, Espagne , depuis
8 jufqu'au 21 ° de longit.
& depuis 36° juſqu'au
44° de latitude fept.
IX . France , depuis 12 °,
juqu'au 12 de longitude ,
& depuis 42 jufqu'au 51 °
de latitude.
X. Grande - Bretagne
& Irlande , depuis 7°
jufqu'au 20° de longit.
& depuis so jufqu'au 62°
de latitude . 182°S
· XI . Provinces Unies'
des Pays - Bas , depuis 20º
48' jufqu'au 2 , de longit.
Occid. , & depuis 51 ° 20'
jufqu'au 33 ° 30 ' de latit .,
fept.
XII. Suiffe, depuis 23 °
40 ' jufqu'au 28 ° 10! de
longit. , & depuis 45°
4s! jufqu'au 47° so! de
Latitude.
XIII. Italie, depuis 37 ° *
jufqu'au 46° 30 ' de latit.
fept. , & depuis 23 ° 30'
jufqu'au 36 30 de lon-(
git, occid.
1,384 1,500,000 1,084.
1,711 2,230,000 1,303.
9,278 10,500,000 3213
10,200 25,300,000 2,480.
6,308 11,800,000 1,870 *
625 2,500,000 4,000.
935 2,000,000 2,094.
5.625 16,250,000 2,888,
( 157 )
XIV. Empire Ottoman '
en Europe , depuis 34
jufqu'au 500 de longit. ,
& depuis 34 juſqu'au 49 º
de latitude.
119410
XV. Hongrie , Styrie ,
Tranfylvanie , entre le 44 5,757
& so de latit. ſept.
8,000,000 702.
!,170,000 898.
XVI. Gallicie & Lo-
}
1,280 2,800,000 2,18 %
domerie.
SURFACE en mille carrés géographiques .
163,041 milles carrés d'après les évaluations moyennes ,
D'après Bu ching,
D'après Templeman ,
D'après Kitchin ,
D'après Bergman ”,
D'après Crome ,
POPULATION.
170,000,
171 831.
150,140.
181.632.
174,090,
14%,750,000 ames.
D'après Bufching ,
D'après les évaluations les plus hautes ..
D'après Crome ,
906 individus fur un mille carré.
D'après Bufching ,
D'après les évalutions les plus hautes ,
D'après Crome ,
140 000,000,
150,000,000.
146,362,500 ,
821.
962,
$ 41.
On lit dans l'hiftoire des Mennonites , publiée
récemment à Konigsberg , par Guillaume
Crichton , qu'en 1780 , le nombre de
ces Sectaires montoit dans les Etats Pruffiens
à 12,603 ames. Outre les impofitions
ordinaires , auxquelles ils font affujettis , ils
payent encore la fomme annuelle de soo
( 158 )
$
rixdalers pour l'exemption du fervice militai.
e.
ITALI E.
DE MILAN, le 27 Novembre.
Un Edit , en date du 23 Octobre dernier ,
o:denne , qu'à compter du premier Décembre
de cette année , toutes les Horloges publiques
feront réglées fur le pied des Horloges
de France , pour lesquelles on ptend
pour bafe de chaque comput , les points fr
xes de midi & de minuit. En confequence
on a déja formé un Méridien à l'Eglife Métropolitaine
; & afin de fe procurer des données
plus sûres , on a publié une inftruction
détaillée , fuivie d'un tableau de
compara fon.
DE NAPLES , le 25 Novembre.
S. M. vient de rendre un Edit qui , intéreffant
tout le commerce , mérite d'être rapporté
en entier.
S. M occupée fans relâche de tout ce qui
peut intéreffer le bien & l'avantage de fes filels
fujets , a donné une attention particulière aux
moyens les plus propres à favorifer & étendre
de commerce de fes Etats , confolider les maximes
de la bonne foi & la fidélité des engagemens
, tarir la fource des procès & des chicanes
, & affurer la ponctualité dans l'exécution
des promeffes par la voie d'une justice févere
& impartiale.
( 159 )
L'ail attentif qu'elle porte fur tous ces ob
jets lui ayant fait appercevoir qu'il s'étoit introduit
, tant dans l'un que dans l'autre Royaume ,
quelques relâchemens dans les principes de droit
relatifs à la matiere importante des acceptations
des lettres - de- change , S. M. , par les déclarations
, en date du 8 & 28 Juin , jugea convenable
de ftatuer comme maxime génerale , que
l'acceptation d'une lettre- de- change conftitue
l'accepteur , dans toute l'étendue de fis domaines
, débiteur du contenu de la lettre ; qu'en confequence
, pour éviter tout delai de Juftice ,
dont l'exécution doit être prompe dans les differends
qui s'élevent fur le fait des négociations ,
& pour le maintien de la foi publique , elle
enjo gait à fes Tribunaux & Magiftrats de contraindre
les débiteurs de lettres de change acceptées
au paiement effectif , & non pas au dépôt
des fommes dues , en obligeant feulement
les créanciers à bailler caution de reftituer le
montant de ce qui aura été jugé devoir l'être ,
& ce à l'expiration du terme accordé en conféquence
des exceptions oppofées par les débiteurs
; & à l'effet de déterminer quels genres
d'exceptions oppofées par le débiteur pourro ent
être admis par les Juges & avoir cours en Juftice
, il plut à S. M. de ftatuer fucceffivement
par fa déclaration du 19 Juin 1779 , que l'acceptation
des lettres de change , conftituant les
accepteurs débiteurs du contenu defdites lettres ,
& que demeurant en conféquence obligés en
leur propre & privé nom , après ladire acceptation
faite , nonobftant tout revers éprouvé par
les tireurs , ou évocation d'ordre qui auroit eu
leu tant antérieurement que fubféquemment à
l'acceptation , on adinettroit purement & fimplement
l'exception du dol tramé entre les ti
( 160 )
reurs & le porteur de la lettre , dans la vue de
tromper l'accepteur , laquelle déclaration relative
à l'exception du dol tramé entre le tireur
& le porteur de la lettre , S. M. a jugé à propos
de confirmer par les déclarations en date des
20 Septembre 1782 & 17 Juin 1783 ordonnant
en outre que le contenu en icelles fit obe
fervé à 11 lettre , & fans qu'on pût les inter
preter en aucune maniere , attendu qu'elles devoient
fervir de maximes fondamentales fut le
fait du commerce .
Ces difpofitions générales émanées de l'autorité
fouveraine déterminèrent d'abord l'Avocat
de la nation françoife , & enfuite au nom
de la Cour , l'Ambaffadeur lui - même de S. M.
T. C. à demander à S. M. que ces diverſes difpofitions
fuffent réunies en une feule loi durable
& irrévocab'e , afin d'établir auffi fur le fait
de l'acceptation des lettres de change cette par
faire égalité de droit , & cette exacte réciprocité
de traitement pour la nation françoile , lefquelles
font obfervées à d'autres égards , les
Jufdites perfonnes proteftant de la maniere la
plus folemnelle , que dans toute l'étendue des
domaines de S. M. il n'exifoit aucune i qui
pû difpenfer l'accepteur de payer le contenu
de la lettre de change au jour de l'échéance.
S. M. animée d'un pur defir qu'elle a tou
jours eu de complaire à S. M. T. C. fon trèscher
coufin , ainfi que par le defir de faire Aleurir
de plus en plus le commerce entre les deux
nations , & de maintenir dans toute fon tendue
& dans tous les cas la réciprocité de traitement
entre les deux nations , laquelle de tout
tems a fait & fait la bafe & la regle du droit
public entre elles , n'a pas héfité de ftatuer par
fes déclarations des 1 & 13 Juin de la préfente
( 161 )
année , qu'on envifageoit comme une loi fixe ,
conftante & irrévocable , le principe de ne point
admettre en Juftice d'autre exception de la part
de l'accepteur d'une lettre- de - change contre le
porteur d'icelle , ou celui qui la préfentera , que
celle du dol entre le tireur & celui qui en a
reçu la lettre - de - change , hormis le cas auquel
l'accepteur , taat François que Napolitain , auroit
mis dans l'acceptation quelque reftriction
ou condition .
Pour cet effet , S. M. voulant faire ceffer
toute diftinction entre le jugement exécutoite
& le jugement ordinaire , déclare qu'à l'avenie
il devra toujours s'entendre que le porteur d'une
fettre de-charge , après avoir été payé du con
tenu en icelle , n'aura plus aucun compte à rendre
de la fomme touche , celui qui en a
acquitté la valeur , confervant fimplement fon
recours , dans le cas toutefois où il feroit fondé
dans fes prétentions contre le tireur , & jamais
contre le porteur de la lettre de change , hormis
le cas du dol entre le tireur & celui qui
a reçu la lettre de change du tireur lui -même.
S. M. voulant en outre écarter tous les obf
tacles qui pourroient s'oppo'er à l'exécution de
fa jute décision , a jugé qu'il étoit convenable
que les deux Souverains déterminaffent d'une
manière précife & claire quelles étoient les perfonnes
qui devoient être regardées comme leurs
fujets refpectifs , pour être réciproquement compromis
dans les effets de ce Réglement.
Il a été convenu d'un commun accord &
confentement entre les deux Souverains , que
tous les Banquiers , Négocians , Marchands detoute
dénomination , les Colporteurs , Voya
geurs , & enfin toutes les perfonnes reconnues
par les Confuls & Vice- Confuls refpectifs , &
( 162 )
qui peuvent réclamer la protection de leurs
Ambaffadeurs , feroient reputés fujets refpectifs
des Souverains contractans , & admi à jouir des
effers de ce nouveau . Réglement , fans que les
fujets des autres nations , qui nẹ tom point intervenues
dans la préfente convention , puffent
s'en prévaloir à titre de droit ou d'exemple.
En conféquence de cette convention & Réglement
, S. M. ayant ordonné au Confeil Suprême
de Commerce de former un Edit & de
le publier , pour faire connoî re au Public ce
qui devra s'obferver à l'avenir fur le fait de
Pacceptation des lettres - de change .
A ces caufes , nons conformant aux ordres de
S. M. , & afin qu'on ne puiffe point à l'avenir
prétexter caufe d'ignorance des d foofi ions émanées
de l'Autorité Souveraine , lefquelles ont
été énoncées ci- deffus , nous avons formé le
préfent Edit pour étre pub.ié à fon de trompe
dans les lieux accoutumés de cette ville & de ce
Royaume.
Par le Confeil Suprême du Commerce le 11
b re 1786 .
Signé , ANTONIO SPINELLI , Préfident.
GRANDE - BRETAGNE.
DE LONDRES , le 9 Décembre.
Les deux Chambres du Parlement s'étant
affemblées le 7, en vertu de leur derniere
prorogation , un ordre de S. M. les a prorogées
ultérieurement au 25 Janvier prochain.
Le Miniftre des Etats Unis a préfenté
( 163 )
Lundi dernier à l'Archevêque de Canterbury,
le Docteur White de la Penfylvanie &
le Docteur Prévost de New-Yorck , que fa
Grace doit confacrer Evêques Anglicans
dans les Etats Unis.
Plufieurs Négocians , à ce qu'on rappor
te , ont reçu avis de Pétersbourg , que le
Traité de commerce entre la G. B. & la
Rullie a été figné vers le miler du mois
dernier. Ce nouveau Traité repofe , ajoxte,
t - on , fur les mêmes bafes que le dernier ;
on y a feulement introduit les principes de
la Neutralité armée .
A
Aufficô: que le Traité de Commerce avec
la France a été publié , MM . Neave & Long,
Députés des Négocians qui font le commerce
des Ifles , fe font tian portés chez
M. Pitt , pour lui repréfenter que la réduction
des droits fur les eaux de vie étrangeres
exigeoit une réduction proportionnée fur
les droits auxquels le Rum des Colonies
Angloifes eft affujetti ; on prétend que M.
Pitt répondit, que fon intention n'étoit pas
de diminuer les droits fur le Rum ; la réduction
fur les droits des eaux - de vie avant
été accordée à la France , comme un équivalent
d'aut es conceffions. Peu de jours après
cette réponſe , qui paroît toute entiere de
l'invention de la Minorité , les Députés convoquerent
le Comité des Planteurs & des
Marchands , auquel ils firent leurrapport. Ce
Comité convint d'affembler tout le Corps
( 164 ).
des Planteurs & Marchands des Ifles . Cette
Affemblée générale s'eft tenue le 22 du mois
demier au Bureau de la Société de Marine .
Il a été arrêté , d'une voix unanime , que le
Com'té drefferoit un Mémoire dans les termes
les plus forts , & qu'il le préfenteroit au
Miniftre. Si ce Mémoire ne produit pas d'ef;
fet , l'Affemblée préfentera une Requête au
Parlement.
Le 5 , un Comité du Corps municipal de la
Cité de Londres a pris en confideration le Traité
de commerce avec la France . Ce Comité à
trouvé que le dix - huitieme article du Traité
attaquoit les droits de la . Cité , appelés Pace
kage , Scavage & Bailliage , & les droits de la
Communauté des porteurs & autres portefaix,
ceux des bateliers , patrons d'Alleges , &c .; en
conféquence le Comité doit nominer une députa
tion pour faire des repréfentations au Chancelier
de l'Echiquier , & lui demander que , pour re
médier aux conféquences dangereufes de cet
article du Traité , il foit fait une mention &
récapitulation parculiere des droits & privileges
de la Cité de Londres , dans les taris qui feront
publiés pour régler le commerce avec la
France.
On s'occupe en ce moment, conformé
ment aux ordres des Lords de l'Ami: auté
de la confection d'un nouveau Code de Loix
maritimes. Il fera foumis à l'examen du
Confeil , & enfuite imprimé , publié & mis
en exécution. Les inftructions actuelles de
la Marine , pour l'ulage des Commandans
en Chefs , des Capitaines , Lieutenans , Chi .
rurgiens , & auties Officiers biévetés ou par
( 165 )
commiffion , ainfi que pour celui des Ociers
des troupes de la Marine , ont été rédigées
fous le regne de la Reine Anne , à
l'époque ou le Pince George de Danemarck
, fon époux , étoit Grand- Amiral de
la Grande -Bretagne. Les changemens poſté
rieurs font peu importans , fi l'on en excepte
ceux qui furent adoptés après la malheureufe
affaire de l'Amiral Byng.
Le Gouvernement va former un nouvel
établiffement fur la côte d'Afrique. Le Bélifaire
, de 24 can,, qui doit porte : les premiers
Colons , a mouillé à Gravefend le 1er.
de ce mois. Cet établilfement doit être com →
pofé de Blancs & de Noirs. On y établira un
Gouvernement , tel que celui du Sénégal oi
Cap Coaft. On donne des terreins aux Noirs.
Ils feront protégés par un fort , tel que celui
de Gorée. Sur le vaiffeau dont on vient de
parler , s'embarqueront des Ingénieurs pour
diriger les travaux. Le fort à élever , fera fitué
près du Cap Anne , fur l'un des bancs de la
riviere de Sierra Leona , qui fe jette dans
l'Océan atlantique , à quelques lieues au fud
de Gambie. Le Gouverneur du fort fera revêtu
des pouvoirs civil & mi itaire , & affifté
'd'un Coafeil , fans l'avis duquel il ne pourra
infliger une peine capitale .
On envoie des charettes remplies de prifonniers
à Deptford , pour être embarqués
fur les vaiffeaux qui les tranfporteront à la
Baye-Botanique : 300 fort déjà à bord;
( 166 )
les fept tranſports deſtinés à cette expédition,
font du port d'environ 600 tonneaux , &
ont été conftruits dans le Nord. Chacun
pourra porter plus de 250 criminels avec
leurs femmes , &c. de forte qu'il y aura en
tout environ 1 Soo perfonnes, Ainfi les prifons
vont fe trouver vuides. Les trois vailleaux
de guerre qui doivent efcorter la flotille ,
& les deux munitionnaires , tranfporteront
les troupes , les vivres & les munitions ,
des habillemens , des inftrumens d'agriculture
, des graines de toutes efpeces , des
vaches , des moutons , des cochons & des
oifeaux domestiques. La traveriée ſera néanmoins
fort longue & fort pénible.
Un Capitaine faiſant la navigation des
Ifles , vient d'exécuter une machine pour
embarquer le left à bord des vaiſſeaux. Cette
mach ne ingénieufe , mue par des chevaux ,
par le vent ou par l'eau évaporée , eft
conftruite de maniere que fon activité n'eft
point fufpendue un feul infant. Il ne s'agit
plus maintenant que de trouver aufli un
moyen pour décharger le left des vaiffeaux.
Une femme , condamnée à être tranfportée ,
& qui étoit dans la prifon de Norwich , reçut
orire de fe rendre à Plymouth , pour y être embarquée
pour la nouvelle colonie . Elle avoit un
-enfant âgé de cinq mois dont le pere étoit
dars ia même prifon , & condamné également
à être transporté . Il auroit voulu époufer cette
femme , & l'accompagner dans ce nouvel établiffement
; mais comme il n'étoit pas compris
1
( 167 )
dans le nombre de ceux que l'on avoit ordre
d'envoyer à Plymouth , fa demande fut réjettée .
La mere & l'enfant furent donc conduits
Plymouth fus la garde du fieur Simfon , Geclier.
Le Capitaine du ravire , dans lequel on
renferme les malfaiteurs jufqu'à ce qu'ils foient
mis à bord des navires de tranſport , refufa d'admettre
l'enfant . Le Geolier , qui fut témoin de
la douleur extrême de la mere , fut touché de
compaffion , reprit l'enfant , vint à Londres ,
expofa le cas au Lord Sidney , qui a ordonné
que l'enfant & le pere feroient embarqués à
bord du méme nav re où étoit la mere. Ce fut
le même Geolier qui fut chargé de cette conduite
, & qui a décrit , dans une lettre écrire
à un de fes amis à Bath , les tranſports de joie
de la mere en revoyant fon fils & fon futur
mari.
FRANCE.
DE VERSAILLES , le 13 Décembre.
Le 3 de ce mois , l'Académie royale des
Infcriptions & Belles - Lettres eut l'honneur
de préfenter au Roi , à la Reine & à la Famille
Royale , les volumes XLII & XLIII de
fes Mémoires. L'Abbé Auger , le fieur de
Paftoret , D. Clément , D. Poirier , l'Abbé
Mongez lain , les fieurs Bailly , Camus ,
Hennin , Silveftre de Sacy , reçus à l'Académie
depuis la préſentation des précédens
volumes , eurent en même temps l'honneur
d'être préfentés à Sa Majesté.
Le i de ce mois , le Duc d'Harcourt a
eu l'honneur de faire fes remercîmens au
( 168 )
Roifonr laplace de Gouverneur de Monfeigneur
le Dauphin,
Le Comte de Vaudreuil & le Comte d'Efterhazy
ont auffi eu , le même jour , l'honneur
de faire leurs remercimens à Sa Majesté ;
le premier en qualité de Commandant de la
citadelle de Lille , & le fecond en qualité de
Commandant du Haynault. -
Ce jour , la Comteffe de Ba'chy & la
Comteffe de Sommeri ont eu l'honneur d'être
préfentées à Leurs Majeftés & à la Famille
Royale ; la premiere par la Comteffe
du Cayla , & la feconde par la Marquiſe de
Sommeri.
La Comteffe de Chatellux a , le 12 , prêté
ferment entre les mains du Roi , en qualité
de Dame d'honneur de Madame Victoire de
France.
La Marquife de Circello , Ambaffadrice
de Naples , fut préfentée , le même jour , à
Leurs Majeftés & à la Familre Royale , avec
les formalités accoutumées.
DE PARIS le 19 Décembre.
Lettres-Patentes du Roi , du 28 Juillet
1786 , concernant les Alluvions , Attériffemens
& Relais formés dans les rivieres navigables.
Ces Lettres - Patentes , interprétatives de
celles
( 169 )
celles fur le mênie objer , du 14 Mai dernier,
font terminées par ces mots :
לכ
»Nous avons par ces préfentes , fignées
» de notre main , ordonné & ordonnons ,
» que , lans avoir égard à votre Arrêt du 30
» mai dernier , que nous avons déclaré nul
» & comme non avenu , ainfi que VOS pro-
» teftations , Arrêts & arrêtés précédens ,
l'enregistrement fait de notre très - exprès
» commandement , ledit jour 30 Mai dernier
, concernant la recherche & la vérifi-
» cation des ifles , iflots , atté: iffemens , alluvions
& relais formés dans les rivieres
» de Gironde , Garonne & Dordogne , &
>> fur la côte de Médoc , depuis la pointe
» de la Grange jufqu'à Soulac , fera exécuté
» fuivant fa forme & teneur : ordonnons en
cónféquence au Grand - Maître des eaux
» & forêts de Guyenne , de procéder aux
» procès verbaux & arpentages preferits par
>>
nofdites Lettres patentes , fans néanmoins
» que l'on puiffe en induire que les allu-
» vions , attériffemens & relais formés fur
» les bords defdites rivieres , ni d'aucune ri-
>> viere navigable , puiffent appartenir à d'au-
» tres qu'aux propriétaires des fonds adja-
>> cens à la rive defdites rivieres , & à nous
lofque la rive defdires rivieres fera adjz-
» cente à des fonds de terre faifant partie de
» notre domaine : n'entendens que fous pré-
>> texte de rechercher & de vérifier les ter-
» reins dépendans de notre domaine , on
No. 51, 23 Décembre 1786. h
22
( 170 )
"
trouble les propriétaires dans la poffef
» hon & jouiffance des fiefs , terres , feigneu
» ries & autres propriétés qu'ils poffedent
» d'ancienneté par e ix ou par leurs auteurs ,
» & que rien n'annonce faire partie de no-
» tre domaine , & c .
Déclaration du Roi , du 11 Septembre
1786 , concernant les Privileges & exemptions
tant des Officiers & bas - Officiers Invalides
, & foldats aufli invalides retirés dans
les Provinces , que de ceux retirés du fervice
avec la récompenfe militaire.
Arrêt du Confeil d'Etat du Roi , du 6.
Novembre 1786 , qui rermet au fieur Labarche
d'établir une Compagnie d'Affurances
contre les incendies .
Déclaration du Roi , du 28 Septemb -e
1786 , qui fixe les délais dans lesquels l'Adjudicataire
des Fermes Générales , le Tréforier
des bâtimens , &c. doivent préfenter les
comptes de leurs exercices.
Le 8 de ce mois eft mort à l'Hôtel Royal
des Invalides , M. le Comte de Guibert ,
Lieutenant- Général , Grand- Croix de l'Ordre
de S. Louis , Gouverneur de cet Hôtel
Royal des Invalides , & c. Le Convoi de cerefpectab'e
Militaire a été remarquable par
la douleur profonde de tous les Invalides
alliftans ; ils paroiffoient accompagner leur
pere au tombeau. Il n'eft pas fans doute de
plus fublime Oraifon funebre.
Le 18 de ce mois , M. le Prince Ferdinand
( 171 )
de Rohan , Archevêque Duc de Cambray ,
Préfident né des Etats de Cambray , pays &
Comté de Cambrefis , a fait l'ouverture de
cette Aflemblée en la maniere accoutumée.
Mellieurs les Commilaires du Roi ont prononcé
des difcours ana ogues à la circon
tance.
pas
Ce n'eft fans douleur que nous rapportons
l'extrait fuivant d'une lettre écrite
du Cap - François le 15 Septembre dernier ,
par M. François de Neufchâteau , Procureur-
Général du Confe Supérieur , & paflager
fur le navire le Maréchal de Mouchy. Il n'eft.
sûrement aucun de nos Lecteurs qui ne partage
l'attendriffemen qu'in pire la nouvelle
infortune de l'eftimable Ec ivain qui en trace
le récit en ces termes.
ג כ
i
A
« Peut-être favez- vous déja , Monfieur ,
» le trifte événement qui me force à ous
» écrire , dans le temps même où j'elpérois
» d'aller revoir la France. Tout Bordeaux
» doit en retentir , & le Royaume en gé
» mira comme la Colonie . Le 3 de Se tembre
, je fuis parti du Cap avec l'ivrelle de
» la joie & la fécurité la plus aveugle , fur
» cette fuperbe frégate le Maréchal de Mou-
» chy , commandée par M. Gramont. La ré-
» putation du navire , des Armateurs , des
» Officiers , tout m'avoit décidé . J'ai donc
» mis toute ma fortune fur ce magnifique .
vaiffeau , moi & neuf autres paffagers , un
Efpagnol , entr'autres , riche de 300,00 1. "
h 2
( 172 )
20
»
20
"
» ont imité ma confiance . Hélas ! Monfieur,
3 le croira-t on ? Dans la nuit du Lundi au
» Mardi , s du courant , vers 11 heures ou
» minuit , le navire a été perdu fur les récifs ,
» à la pointe Eft de l'Ile de Mogane. Le
Pacificateur de Bordeaux , & l'Aurore de
» Nantes , partis du Cap le même jour que
» nous , ont débarqué heureuſement. Je ne
» faurois entrer ici dans les détails du naufrage
, dont l'horreur a été bien augmen-
» tée à notre égard , par le pillage & les dé-
» fordres vraiment inconcevables de la
plupart des gens de , l'équipage. Enfin
» Dieu nous a envoyé un brave Caboteur
» Anglois de l'Ile des Bermudes , nommé
» Alexandre Lagon , généreux & fage marin ,
qui nous a reportés dans l'Ifle Saint - Do-
» mingue , le 13 de ce mois , après que nous
» avons fouffert fur l'Ifle Mogane tout ce
» que peuvent réunir de maux & de fléaux ,
la famine , le vol & l'aliénation d'une
troupe fans frein , fans reffources & fans
» Chef. Ce que j'ai éprouvé en mon par-
» ticulier , pafle toute croyance ; je ne me
» ferois jamais cru le courage d'y réfifter
» & fi j'en avois confervé la force , j'aurois
» un terrible pendant à donner , en réalité ,
>> au noir tableau des infortunes de votre cé-
» lèbre Viaud. C'eft beaucoup , direz -vous ,
» d'avoir fauvé ma vie & d'être revenu dans
» un pays cultivé , hofpitalier. Ah ! c'eſt
» beaucoup fans doute ; mais qui pourra
» me rendre mes effets , mes papiers , rous
( 173 )
כ כ
mes travaux , tous mes écrits ( 1 ) , tout le
» fruit de ma vie perdu , difperfé , enfouti
» ou dans le fein de l'Océan , ou dans les
» mains déprédatrices de mes barbares com-
" pagnons Je portois au Miniftre trois
» porte - feuilles tous remplis de mes ré-
» flexions , de mon expérience , de mes vues
» fur la Colonie. Je portois au Public des
Ouvrages nouveaux . Je portois à ma
» femme , à ma famille , à ma patrie , des
» fecours & des experiences dont je compofois
mon bonheur & qui embelliffoient
>> le refte de ma vie ; tout eft évanoui. Je fuis
>> arrivé ici nud , avec une chemife & une
>> grande culotte qu'un matelot m'a prêtée .
>> Il ne me reftoit rien , non , rien que mon
» courage & la conftance néceffaire pour re-
>> commencer s'il le faut , l'édifice qu'un
» fouffle vient de détruire . »
>>
Les Etats de Bretagne ayant demandé l'avis
de l'Académie des Sciences , fur la navigation
intérieure de la Bretagne , cette illuftre
Compagnie a reçu le Rapport de fes
Commiffaires nommés à ces effet , MM. les
Abbés Boffut & Rochon , M. de Foutcroy
& M. le Marquis de Condorcet. Ce Rapport
inftructif & lumineux ne pouvant , à
caufe de fon volume , être rapporté ici en
entier , nous en donnerons feulement l'exorde
& la conclufion.
(1 ) Entr'autres une Traduction en vers de 18 chants de
l'Arioste,
h
3
( 174 )
}
Joindre la Vilaine à la Rance , pour établic
une communication entre les deux côtes oppo
fées de la Bretagne , par un canal qui la traverferoit
dans la plus grande largeur de Saint-
Ma'o à Rennes ; rendre enfuite ravigable la riviere
de Château- lin & l'Hières jufqu'au deffus
de Carhaix ; la joindre au Blavet , pour établir
une communication entre l'Orient & Bieft ; jondre
encore le Blavet à l'Ouft qui tombe dans la
Vilaine au- deffous de Rhedon ; former enfuite un
canal de la Loire à la Vilaine , & par ce moyen ,
établir une navigation qui traverſe la Bretagne ,
dans toute la longueur , & qui ouvre une communication
entre les Provinc、s de l'intérieur du
Royaume & Breft , l'Orient , Saint - Malo.
Tel eft le (yléme général de navigation , fur
lequel les Etats de Bretagne ont fait à l'Académie
l'honneur de lui demander fon avis.
Avant de mettre fous fes yeux les réflexions
que les Mémoires qui nous ont été remis , & nos
propres obfervations , nous ont mis à portée de
faire , nous croyons devoir lui expofer quelques
principes généraux qui nous ont fervi de guides.
La poffibilité de quelques- unes des communications
propofles , eft un des points far lefquels
on a demandé l'avis de l'Académie ; mais il eft
clair qu'on ne peut erten re une poffibilité purement
phyfique ; il est toujours poffible d'établir ,
à plus ou moins de frais , une communication entre
deux points donnés , qui puiffe fervir pour une
navigation plus ou moins active , plus ou moins
urile ; c'eft uniquement de l'impoffibilité des
moyens particuliers , propofés pour l'établir ,
qu'il peut être queftion ; & c'eft en comparant
enfuite les avantages que peut procurer un canal ,
avec la dépense qu'il doit coûter , que l'on peut
prononcer s'il eft utile ou non de le conftruire.
( 1975 )
OnOn peut regarder un canal comme utile à une
Province , toutes les fois que l'augmentation du
revenu territorial qu'il produit excède les intérúis
des fommes que fa conftruction a coûtées , & la
dépense de l'entretien : fi cet avantage n'a lieu
que pour la totalité de l'Etat , & non pour la
Province ifolée , alors le canal eft utile à l'Etat ,
& ne l'efl réellement pour la Province particulie
re , qu'autant que les autres Provinces contribuieroient
à une partie de la dépenfe.
S'il ne paffoit par un canal précisément que la
même quantité de denrées qu'on transporte par
terre , il feroit facile d'évaluer , avec affez de précifion
, la dépenfe qu'il doit épargner , & qui alors
égaleroit les avantages qu'il procure ; mais il a un
autre effet , celui de donner au Commerce plus
d'étendue & d'activité , & cer effet ne peut guères
s'évaluer avec précifion ; cependant , toutes les
fois qu'il ne s'agit pas de ces grandes communications
qui peuvent créer de nouvelles branches
de Commerce , on peut , d'après l'étendue ,
la fertilité , la population , la nature des productions
du pays que traverfe un canal , fixer avec
affez de probabilité les limites plus ou moins
exactes de l'utilité qu'on en peut attendre.
Après avoir traité féparément chacun des
articles de leur travail , les Commiffaires le
terminent , en difant ;
D'après ces réflexions , nous penfons que l'intérêt
de la Bretagne eft de s'occuper d'abord de
ren tre navigables les rivieres d'Aulne & d'Hières,
jufqu'au point cu elles commenceroient à exiger
ds travaux confidérables ; de rendre le Blavet na¬
vigable jufqu'à Pontivi ; de faire enfuite la communication
de Nantes à Rhedon , foit par la vallée
de l'Ifac , foit par celle du Don ; & de lier ces
h 4
( 176 )
travaux avec ceux qui fe font fur la Vilaine ; &
pour cela , de faire lever les plans & faire les devis
néceffaires pour prononcer , en connoiffance de
cauſe , entre les deux projets de former enfuite
la communication par l'Ifle entre Rennes &
Saint-Malo : & c'eft alors feulement , & après que
la Province jouiroit du fruit de fes premières dépenfes
, qu'elle pourroit , fuivant les circonstan
ces , s'occuper de projets plus difpendieux & plus
vaftes .
-
On chercheroit , dans tous ces travaux, à diminuer
, le plus qu'il eft poffible , les ouvrages de
l'Art ; à ne point s'écarter du cours naturel des
rivieres , lorfqu'on n'a d'autre motif que d'abréger
un peu la longueur du chemin , & fur- tout , à ne
rien négliger pour que les canaux , au lieu
d'inonder les terrës voifines , fervent à les deſſécher.
On y trouvera plufieurs avantages , une
économie réelle dans préfque toutes les occafions,
la confervation d'une plus grande quantité d'eau
( & dans aucune de ces communications , an ne
peut fe flatter d'en avoir plus qu'il n'en faudroit
pour une navigation un peu active ) ; enfin , le
bien qui réfulteroit de la falubrité de l'air & de
l'amélioration des terreins : non-feulement l'intérêt
commun l'exige , mais même la juſtice rigoureufe
::
aucun motif d'utilité de commerce ne peut
juftifier des opérations qui condamneroient à la
maladie & à la mort , les malheureux habitans des
terreins fur lesquels on les exécute . Nous infiltons
fur cet objet , parce qu'il a été négligé dans
un grand nombre de travaux publics , & que le
profit qui peut réfulter de l'amélioration de terreins
, dans la plupart des travaux à faire en Bre
tagne , feroit une des premieres utilités de ces
travaux : ce feroit donc , d'après ces principes ,
& en évitant , comme nous l'avons obfervé , de
x{ 177 ) ) .
laiffer dans les mains des particuliers , les moulins
dont les eaux font les mêmes que celles qui
alimentent les canaux ; qu'il faudroit faire de
nouveau les plans & les devis des travaux propolés
.
me ,
Enfin , nous croyons qu'il doit nous être permis
d'ajouter , que pour affurer le fuccès de ces
différens projets , & l'économie dans les dépenfes
très grandes qu'ils entraînent , il feroit utile
d'en confier la direction générale à un feul honà
qui la Province accorderoit une confiance
entiere pour tout ce qui regarde la partie de
l'Art , & qui feroit uniquement attaché à fon
fervice ; c'eft le feul moyen de mettre de l'enfemble
& de l'unité dans les différens travaux
d'éviter une foule de faux - frais , de dépenfes inutiles
qu'entraînent néceffairement les incertitudes
les variations dont il eft impoffible de fe préferver
par un autre moyen. On doit en effet regarder
le fyftême entier de navigation , proposé pour
-la Bretagne comme une opération unique ,
qu'on peut divifer en plufieurs parties , à la vérité
, mais dont chacune eft liée avec toutes les
autres.
>
Suivant le Journal de Guienne , l'on a
importé à S. Domingue en 1785 , 21,652
Negres fur 65 navires , vendus 43,236,216
liv. des Colonies , & au prix moyen de
1996 liv.
,
Il a été expédié des ports de France en
1785 , ajoute le Journaliſte , quatre - vingtdix
navires pour la traite des Negres . Ce
nombre , difoit -on , pouvoit fuffire à introdui
e 40 à 5o mille Negres dans nos Cola .
nie ; l'on s'eft trompé. Les 65 bâtimens vahs
( 178 )
1
T
оп
ns à Saint - Domingue n'ont amené que
21,652 efclaves. En admettant que les 34
autres ont fait des femblables traites , on
peut eftimer que ces 99 bâtimens n'ont importé
dans les Ifles Françoifes que 32,977
Negres , dont Saint Domingue a reçu les
deux tiers. En appréciant ces 3 2,977 Noirs,
le commerce de Guinée a rendu en 1785 , à
la Métropole 65,822,092 liv . de la Colonie
43,881,395 liv. tournois.
La Col nie de Saint Domingie met elle
feule dans la balance du Commerce deux
fos plus que toutes les autres Colonies.
Françoi es enfemble.
Elle eft compofée de 25,000 blancs , &
de près de 300, coo Negres emploiés àla culture
de la terre.
Elle contient 9to fucreries, 700 indigoteries,
3000 cafeyeres, 150 cotonnieres 60
cacaoye es , 420 places à vivre , 180 hattes
ou laces à beftia x , 70 fours à chaux , 82
tuileries , 100 guildeveries ou fabriques de
tafia.
Fin du Traité de Commerce & de Navigation
entre la France & l'Angleterre.
S'il arrive que le maître de Navire dénommé
dans les lettres de mer foit mort , ou qu'ayant
été autrement ôté , il s'en trouve quelqu'autre
à a place , le Vaiffeau ne laiffera pas d'avoir
la même sûreté avec fon chargement , &es let
wres de mer auront la même vertu.
( 179 )
XXXIV. Il a été d'ailleurs réglé & arrêté que
les Bâtimens de l'une des deux Nations repris
par des Arma eurs de l'autre feront rendus au
premier propriétaire , s'ils n'ont pas été en la
puillance de l'ennemi durant l'efpace de vingtquatre
heures , à charge par ledit propriétaire
de payer le tiers de la valeur du Bâtiment repris,
ainsi que de fa cargaifon , canons & apparaux ;
lequel tiers fera eftimé à l'amiable par les Parties
intérellées , finon & faute de pouvoir convenir
entr'elles , elle s'adreſſeront aux Officiers de l'Amiraut
du lieu où le Corfaire repreneur aura
conduit le Bâtiment repris .
Si le Batiment repris a été en la puiffance de
l'ennemi au delà de 24 heures , il appartiendra en
entier à l'Armateur repreneur.
Dans le cas où un Bâtiment aura été repris par
un Vaiffeau ou Bâtiment de guerre appartenant à
Sa Majesté Très - Chrétienne ou à Sa Majesté
Britannique , il fera rendu au premier proprié
taire en payant le trentieme dela valeur du Bâtiment
, de la cargaison , des canons & apparaux,
s'il a été repris dans les 24 heures ; & le 10. s'il
a été repris après les 24 heures ; lefquelles fommes
feront diftribuées à titre de gratification
aux Equipages des Vaiffeaux repreneurs : l'eftimation
des 30.es & 10.es mentionnés ci - deflus
fera réglée , conformément a ce qui eft convenu
au commencement de cet article.
"
XXXV . Toutes les fois que les Ambaffadeurs
de Leurs Majeftés fufdices tant d'une part que
de l'autre , ou quelqu'autre de leurs Miniftres
publics qui réfileront à la Cour de l'autre
Prince , fe plaindront de l'injuftice , des fentences
qui auront été rendues , Leurs Majeftés respective
ment les feront revoir & examiner en leur
Confeil , à moins que ledit Confeil n'en eûs
h6
( 180 )
déjà décidé , afin que l'on connoiffe avec certitude
fi les Ordonnances & les précautions pref
crites au préfent Traité auront été ſuivies &
obfervées. Leurfdites Majeftés auront foin pareillement
d'y faire pourvoir pleinement , &
de faire rendre juftice dans l'espace de trois mois
à chacun de ceux qui la demanderont ; & néan¬
moins avant ou après le premier Jugement ,
& pendant la revifion , les effets qui feront en litige
ne pourront être en aucune maniere vendus
ni déchargés , fi ce n'eft du confentement
des parties intéreflécs , pour éviter toute forte
de dommage , & il fera rendu de part &
d'autre des Loix pour l'exécution du préfent
article .
XXXVI. S'il s'éleve des différends fur la validité
des prifes , en forte qu'il foit néceffaire
d'en, venir à une décision juridique , le Juge
ordonnera que les effets foient déchargés , qu'on
en prenne un inventaire & qu'on en faffe l'eftimation
; & l'on exigera des sûretés refpectivement
, du capteur , de payer les frais , au
cas que le Navire ne fût point trouvé de bonne
prife ; du demandeur , de payer la valeur de la
prife , au cas qu'elle foit trouvée valide ; & ces
sûretés étant données de part & d'autre , la
prife fera livrée au demandeur : mais file de
mmandeur refufe de donner des sûretés fuffifantes,
e Juge ordonnera que la prife ſoir livrée au
lapteur après avoir reçu de fa part des sûretés
onnes & fuffifantes qu'il payera la valeur enbiere
de ladite prife , au cas qu'elle foit jugée il
tlégale ; & l'exécution de la Sentence du Juge
ne pourra point être fufpendue en vertu d'au
cun appel , lorfque la partie contre laquelle un
tel appel fera fait , foit le demandeur , foit le
capteur , aura donné des sûretés fuffifanies, qu'il
( 181 )
reftituera le Vaiffeau , ou les effets , ou b'en la
valeur dudit Vaiffeau ou effe : s , à la partje
appellante , au cas que la Sentence fût rendue
en fa faveur.
XXXVII. S'il arrive que des Vailleaux de
guerre ou des Navires Marchands , contraints par
la tempête ou autres accidens , échouent contre
des rochers ou des écueils fur les côtes
de l'une des Hautes Parties contractantes , qu'ils
s'y bri ent & qu'ils y faffent naufrage , tout çe
qui aura été fauvé des Vaiffeaux , de leurs agres
& apparaux , effets ou marchandifes , ou le prix
qui en fera provenu , le tout étant réclamé par
les propriétaires ou autres ayant charge & pouvoir
de leur part , fera reftitué de bonne foi , en
payant feulement les frais qui auront été faits
pour les fauver , ainfi qu'il aura été réglé par
l'une & l'autre Partie pour le droit de fauve,
tage , fauf cependant les droits & coutumes de
Pune & de l'autre Nation , lefquels on s'occupera
à abolir ou au moins à modifier dans le cas
où ils feroient contraires à ce qui eft convenu par
le préfent article . Et Leurfdites Majeftés , de
part & d'autre , interpoferont leur autorité
pour faire châtier févérement ceux de leurs
Sujets qui auront inhumainement profité d'un
pareil malheur.
XXXVIII. Les Sujets de part & d'autre pourront
ſe ſervir de tels Avocats , Procureurs
Notaires , Solliciteurs & Facteurs que bon leur
femblera , à l'effet de quoi cefdits Avocats &
autres lufdits , feront commis par les Juges crdinaires
lorfqu'il en fera befoin & que lesdits Juges
en feront requis.
XXXIX. Et pour plus grande sûreté & liberté
du commerce & de la navigation , on eft
convenu en outre que ni le Roi Très- Chrétien ,
( 182 )
ni le Roi de la Grande- Bretagne , non-feulement
ne recevront dans aucuns de leurs rades , ports ,
villes ou places , des Pirates on des Forbans quels
qu'ils puiflent être , & ne fouff iront qu'aucun de
leurs Sujets , citoyens & habitans de part & d'autre
, les reçoivent & protegent dans ces mêmes
ports , les retirent dans leurs maifon: où les ai lent
en façon quelconque ; mais ils feront arrêter &
punir toutes ces fortes de Pirates & des Forbans,
& tous ceux qui les auront reçus , cachés ou
aidés , des peines qu'ils auront méritées , pour
infpirer de la crainte & fervir d'exemple aux
aurres ; & tous leurs Vaiffeaux , les effets &
marchan lifes enlevés par eux & conduits dans
les ports de l'un ou de l'autre Royaume , feront
arretés autant qu'il pourra s'en découvrir , &
feront rendus à leurs propriétaires ou à leurs
facteurs ayant leurs pouvoirs ou procuration par
écrit , après avoir prouvé la propriété devant
les Juges de l'Amirauté par des certificats fuffifans
, quand bien même ces effe: s feroient pallès
en d'autres mains par vente , s'il eft prouvé que
les acheteurs ont sû ou dû favoir que c'étoit des
effets enlevés en piraterie ; & généralement tous
les Vailleaux & Marchandifes de quelque nature
qu'ils foient , qui feront pris en pleine mer , feront
conduits dans quelque port de l'un ou de
l'autre Souverain , & feront confiés à la garde
des Officiers de ce même port , pour être rendus
entiers au véritable propriétaire , auffi- tôt
qu'ilfera duement & fuffisamment reconnu .
XL. Les Vaiffeaux de guerre de Leurs Majeftés
✨ - ceux qui auron : été armés en guerre
par leurs Sujers , pourront en toute liberté conduire
ou bon leur fembléra les Vaiffeaux & les
marchandifes qu'ils auront pris fur les ennemis ,
fans stre obligés de payer aucun droit , foit aux
( 183 )
fieurs Amiraux, foit aux Juges quels qu'ils foient;
fans qu'auffi lefaites prifes qui abordent & en-
-trent dans les ports de Leurfdites Majeftés ,
puiffent être arrêtées ou faifies , ni que les Vi-
Steurs ou autres Officiers des lieux puiffent
les vifiter & prendre connoiffance de la vali
dité defdites prifes : en outre il leur fera permis
de mettre à la voile en quelque temps que
ce foit , de parir & d'emmener les prifes au
lieu porté par les commiffions ou patentes que
les Capitaines desdits Navires de guerre feront
obligés de faire apparoir ; & au contraire , il ne
fera donné ni afyle ni retraite dans leurs ports
à ceux qui auront fait des prifes fur les Sujets
de l'une ou de l'autre de Leurs Maieftés ; mais y
étant entrés par néceffité de tempêtes ou de périls
de la mer , on employera fortement les
foins néceffaires , afin qu'ils en fortent & s'en
retirent le plutôt qu'il fera poffible , autant que
cela ne fera point contraire aux Traités antérieurs
faits à cet égard avec d'autres . Souverains
ou Etats.
XLI. Leurfdites Majeftés ne fouffriront point.
que sur les côtes , à la portée du canon , & dans
les ports & rivieres de leur obéiffance , des
Navires & des marchandifes des Sujets de l'autre
foient pris par des Vaiffeaux de
guerre ou
par d'autres qui feront pourvus de patentes de
quelque Prince , Republique ou Ville quelconque
; & au cas que cela arrive , l'une & l'autre
Partie emploieront leurt forces unies pour faire
réparer le dommage caufé.
XLII. Que s'il eft prouvé que celui qui
aura fait une prife ait employé quelque genre
de torture contre le Capitaine , l'équipage ou
autres perlonnes qui fe feront trouvées dans
quelque Vaiffeau appartenant aux Sujets de
( 184 )
F'autre Partie , en ce cas , non- feulement ce
'Vaiffeau & les perfonnes , marchandifes & effets ,
quels qu'ils puiffent être , feront relâchés auffitôt
fans aucun délai , & remis en pleine liberté
; mais même ceux qui feront convaincus
d'un crime fi énorme , auffi bien que leurs
complices , feront punis des plus grandes peines
, & proportionnées à leurs fautes ; ce que
le Roi Très-Chrétien & le Roi de la Grande-
Bretagne s'obligent réciproquement de faire ob→
ferver , fans aucun égard pour quelque per
fonne que ce ſoit.
. XLIII. I fera libre refpectivement à Leurs
Majeftés , d'établir dans les royaumes & pays
de l'une & de l'autre , pour la commodité de
leurs Sujets qui y négocient , des Confuls nationaux
qui jouiront du droit . , immunité &
liberté qui leur appartiennent à raiſon de leurs
exercices & fonctions ; & l'on conviendra dans la
fuite des lieux où l'on pourra établir. defdits
Confuls , ainfi que de la nature & de l'étendue de
leurs fonctions. La Convention relative à cet
objet , fera faite immédiatement après la fignature
du préfent Traité , & fera cenfée en faire
partie.
3
XLIV. II eft aufft convenu que dans tout
ce qui concerne la charge & la décharge des
Vaiffeaux , la sûreté des marchandifes , effers &
biens , les fucceffions des biens mobiliers
comme auffi la protection des individus , leur
liberté perfonnelle & l'adminiftration de la
Juftice , les Sujets des deux Hautes Parties con
tractantes auront dans les Etats refpectifs les
mêmes privileges , libertés & droits que la Nation
la plus favorifée .
XLV. S'il furvenoit à l'avenir , par inadtertance
ou autrement , quelques inobfervations
ou contraventions au préfent Traité de part ou
( 185 )
d'autre , l'amitié & la bonne intelligence ne feront
pas d'abord rompues pour cela ; mais cr
Traité fubfiitera & aura fon entier effet , & l'on
procurera des remedes convenables pour lever
les inconvéniens , comme auffi pour faire réparer
les contraventions ; & fi les Sujets de l'um
ou de l'autre royaume font pris en faute , ils feront
feuls punis & féverement châtiés.
;
XLVI. Sa Majefté Très - Chrétienne & Sa
Majefté Britannique fe font confervé la faculté
de revoir & d'examiner de nouveau les diffé
rentes ftipulations de ce Traité après le terme
de douze années , à compter du jour ou il aura
été palé refpectivement en Angleterre & en
Irlande des loix pour fon exécution ; de propofer
de faire tels changemens que le temps & les
circonftances pourront avoir rendus convenables
ou néceffaires pour les intérêts du commerce
de leurs Sujets refpectifs ; & cette révision devra
être effectuée dans l'efpace de douze mois ,
après lequel temps le préfent Traité fera de nul
, effet , fans cependant que la bonne harmonie
la correfpondance amicale entre les deux Nations
en fouffrent aucune altération .
XLVI. Le préfent Traité fera ratifié &
confirmé par Sa Majefté Très - Chrétienne & par
Sa Majefté Britannique , deux mois ou plus
tôt fi faire le peut , après l'échange des fignatures
entre les Plénipotentiaires.
En foi de quoi , nous fouffignés Commiffaires
& Plénipotentiaires du Roi Très-Chrétien
& du Roi de la Grande- Bretagne , avons figné
le préfent Traité de notre main , & y avons appofé
les cachets de nos armes.
Fait à Versailles le vingt- fix Septembre mil
fe pt cent quatre vingt-fix .
GERARD DE RAYNEVAL.
( L.S. )
W.M EDEN..
( L. S. )
( 186 )
+
Nous , ayant agréable le fufdit Traité de
Navigation & de Commerce , en tous &
chacuns les points & articles qui y font contenus
& déclarés , avons iceux , tant pour
nous que pour nos héritiers , fucceffeurs ,
royaumes, pays , terres , feigneuries & fujets ,
acceptés & approuvés , ratifiés & confirmés ,
& par ces préfentes fignées de notre main ,
acceptons , approuvons , ratifions & confirmons,
& le tout promettons en foi & paro'e
de Roi , fous l'obligation & hypotheque de
tous & un chacun nos biens pré ens & à venir
, garder & obferver inviolablement ,
fans jamais aller ni venir au contraire , directement
ou indirectement, en quelque forte
& maniere que ce foit ; en témoin de quoi
nous avons fait mettre notre fcal à ces préfentes.
Donné à Fontainebleau le dixicme
jour de Novembre , lan de grace mil ſept
cent quatre-vingt - fix , & de notre regne le
treizleme Signé LOUIS . Et plus bas , Par
le Roi. Signé GRAVIER DE VERGEnnes .
FORMULAIRE des Paffeports & Lettres de mer
qui fe doivent donner dans les Amirautés
refpectives des Etats des deux Hautes Parties
contractantes , aux Vaiffeaux & Bâtimens
qui en fortiront, conformément à l'article
24 du préfent Traité.
NN ..... A tous ceux qui verront ces préfentes
Lettres ; SALUT . Faifons favoir que nous
avons donné congé & permiffion à N ..... de la
((687 )
ville ( ou lieu ) de N
• ... •
.... Maitre ou Conduc
teur du Vaiffeau N
appartenant à N ....
du port de N .... tonneaux où environ , étant
à préfent au port & havre de N .... de s'enaller
à N .... chargé de N .... après que la
vifite de fon Vaiffeau aura été faite avant fon départ
, felon la maniere ufitée par les Officiers du
lieu commis pour cela : & ledit N ... ou tel
autre qui fera dans le cas d'occuper fa place , fera
apparoir dans chaque port ou havre où il entrera
avec ledit Vaiffeau, aux Officiers du lieu, du préfent
congé , & leur fera fidele rapport de ce qui
fera fait & paffé durant fon voyage , & portera
les pavillons , armes & enfeignes de N .... durant
fon voyage. En témoin de quoi nous avons
fait appofer notre feing & fcel de nos armes à
ces préfentes , & icelles fait contrefigner par
N .... à .... jour de l'an , &c , &c.
Les Numéros fortis au Tirage de la
Loerie Royale de France , le 16 de ce
mois , font : 55 , 22 , 1 , 58 , & 56.
PAY S - B A S.
DE BRUXELLES , le 16 Décembre .
Le Comte de Belgiojofo , Miniftre Plénipotentiaire
de S. M. I. , doit partir de cette
Capitale , à ce qu'on dit , pour fe rendre a
Vienne où il eft appellé , anfi que M. de
Reuff, Confeiller référendaire au Gouvernement
des Pays Bas.
On affure que le Confeil d'Etat a donné
des ordres aux régimens Suifles , à la folde
particuliere de la Province de Hollande , de
( 188 )
partir pour se rendre à l'Éclufé en Flandre ;
les Etats de Hollande s'y font oppofés par
la même raison que ceux de Gueldre s'oppolent
à la marche des régimens qui font
dans le territoire de leur Province : on voit
par ces contretemps , toujours nuifibles au
fervice , combien il eft néceffaire de donner
des inftructions claires & préciſes au Capitaine
- Général & au Confeil d'Etat , relati
ves à la difpofition des troupes. Gaz. d'Amf.
7°. 98.
Quoiqu'on ait annoncé dans quelques Gazettes
, que le Tribunal délégué pour l'Enquête judicielle
de l'affaire de Breft , avoit déjà commencé
ce travail , il eft certain que cette nouvelle
eft prématurée ; on croit même que la recherche
fur cette grande affaire , ne commencera
pas fitôt. MM. les Etats de Gueldre perfiftent
dans la réfolution extraordinaire prife par
de fouftraire le comte de Byland à la
jurifdiction de ce Tribunal ; & ce qu'il y a de
plus extraordinaire , c'eft que ces mêmes Etats
ont déclaré , dit - on , qu'ils regardent cette
affaire comme finie . Idem.
eux ›
On apprend d'Utrecht , que fur la demande
de la Bourgeoifie de cette ville , le
Confeil de Régence a nommé une Commiffion
de quelques uns de fes Membres ,
pour travailler avec un certain nombre de
Conftitues à un Ultimatum , qui comprenne
les conditions auxquelles la ville acceptera
Ja médiation propofée par les Confédérés ,
& fans lefquelles elle eft décidée de refufer
toute médiation . Idem.
Une Commiffion , compofée de deux Capi
( 189 )
taines , un Lieutenant & un Enfeigne de notre
Bourgeoisie , eft partie hier pour la Haye , où
elle a porté l'adreffe , fignée par feize mille
deux- eens-cinquante- fept Bourgeois & Habitans
de notre Ville : Ce nombre très- conſidérable
en lui - même , malgré les calculs erronés
de quelques Gazetiers mal intentionnés , donne
d'autant plus de poi is à cet acte folemnel de l'approbation
publique pour toutes les mesures prifes
par les Etars de la Province , qu'un trèsgrand
nombre de Négocians les plus refpectables
& autres de rang fe font empreffés de le
figner. Idem.
Des ordres ayant été donnés par les Etats
de Hollande , à l'Auditeur du régiment des
Gardes Dragons en garnifon à Arnhem , de
demander juftice au nom defdits Etats de
Hollande , & d'avoir foin qu'il ne foit pas
demandé d'approbation du Capitaine Général
pour les fentences qui feront prononcées
par les Confeils de guerre , de leur côté
les Etats de Gueldre ont ordonné au Général
Major van Verſchuur , Commandant du
régiment des Gardes Dragons fufdit , de ne
pas obéir aux ordres des Etats de Hollande
auffi long temps qu'il fe trouvera fur le territoire
defdits Etats de Gueldre. Les députés
de ladite Province ont porté cette réfolution
de leurs principaux à l'Affemblée de
I. H. P. les Etats Généraux . Courrier du
Bas-Rhin, n°. 97.
Les Etats de Gueldre ont écrit une Miffive
à ceux d'Overyffel , pour renouveller leurs
plaintes de la violation de leur territoire
lors de la retraite des habitans fugitifs de
( 190 )
Hattem & d'Elbourg. Ils leur demandent
file nouveau fyftême actuellement en vogue
leur donne le droit de juger des affaires domeſtiques
d'une autre Province que la leur ;
ils les prient de renvoyer les Corps francs ,
& de leur donner enfin la fatisfaction qu'ils
ont demandée fur tous ces points . Gazette
de la Haye , n. 150.
Les Etats d'Utrecht fe font tenus à Amerffoort
le 6 , jour auquel ils avoient été convoqués.
On y á vu , outre les Députés ordinaires
des deux premiers Membres , fept anciens
Régens de la ville d'Utrecht , qui y
ont comparu , & après avoir fait un Difcours
analogue aux circonftances & avoir
reçu un compliment de la part du Préfident
de l'Affemblée , ces Régens ont pris féance &
ont voté comme véritables Repréſentans de
la ville d'Utrecht. La ville de Montfort a
perfifté à ne pas envoyer fes Députés à l'Affemblée
defdits Etats . Idem.
On apprend que les Etats- Généraux , d'après
la réception d'une Miffive écrite le 23 Novem-.
bre dernier par le Confeil- d'Etat , portant , qu'étant
venu le même matin à fa connoiffance qu'il
fe faifoit de la part du Gouvernement de Bruxelles
des préparatifs pour des entrepriſes contraires
aux droits & aux intérêts de cette République
dans le tems que les fortereffes dans la Flandre
Hollandoife font pour ainfi dire dépourvues de
garnifons convenables de plus , d'après la réception
d'une etrre écrite par MM. les Bourgmaîtres
& Echevins de l'Eclufe , Waterecht
& Mienwemuyden , en date auffi du 23 Novem
( 191 )
>
bre, par laquelle il eſt donné avis à LL. HH . PP:
de l'arrivée de plufieurs pieces de canon & de Soldats
dans le fort conftruit l'année derniere par
ordre du Gouvernement Autrichien nommé
Hafegrace près du Zwin : de plus encore , une
lettre de MM. les Bourguemaîtres & Echevins de
Ste. Anne Termuyden , du 29 du mois dernier
portant que des Soldats Autrichiens , armés &
non armés , cantonnés tant dans la forterefle de
Hazegras que dans les environs , patrouilloient
dans la jurifdi &ion de leur ville , & ne fe gênoient
point méme de vifiter journellement , fans l'aveu
préalable des propriétaires , les écuries & granges
des habitans pour voir s'il n'y a point de
déferteurs cachés. Leurs Hautes Puiffances ayant
délibéré , il a été réfoiu & arrêté , le 6 du préfent ,
qu'il fera écrit à S. A. S. Mgr. le Capitaine -Général
de l'Union , lequel fera prié de faire mar
cher , fur fes patentes, un bataillon du Régiment
Grifon du Général - Major Smid , Berg-op- Zoom,
& une Compagnie d'Artilleurs de Bois- le - Duc ,
à l'Eclufe en Flandre , pour y tenir garnifon.
Idem . nº 149.
GAZETTE ABRÉGÉE DES TRIBUNAUX (1).
LETTRE AV RÉDACTEUR.
Le Décembre 1786.
J'ai lu , Monfieur , le Mercure de France du
29 Juillet dernier , Nº. 20 ; & dans l'article extrait
de la Gazette des Tribunaux , vous y avez
fait l'expofé d'une caufe jugée au Parlement de
Paris le 16 Décembre 1784. J'é ois une des
Parties : l'on vous a induit en erreur pour ce
qui me regarde , puifque vous avez éctit que
M. fe Marquis de Chevriers , fi l'on en excepte
( 192 )
+
Mademoiselle de Chevriers fa coufine germaine,
le furplus defa famille je divifoit en trois branches
de parens très éloignés , & peut- être même l'amitié
feule lui avoit elle créé une parente imaginaire qui
n'étoit rien moins que conftante , & à laquelle il étoit
également attaché.
#
Je fuis à même de prouver le contraira , ayant
Phonneur d'appartenir à l'ancienne & illuftre famille
de Chevriers par nombre d'alliances ; la plus
rapprochée eft celle qui rendoit mon pere le
Comte de Vallin , coufin iffu de germain de
feu M. le Marquis de Chevriers , deux demoifelles
de Grollier du Soleil , qui étoient/les dernieres
de leur famille , l'une eft entrée dans la
famille de M. le Marquis de Chevriers , & fa
four dans celle de Vallin ; feu M. le Marquis
de Chevriers fut affigné , comme l'un de mes
parens le plus près , pour paroître à l'affemblée
de parens qui fut faite après le décès de mon pere
pour me nommer & à ma foeur un tuteur ; il y
paru par un Procureur nommé de fa étant
pour lors à Paris , l'acte paffé devant M. le Lieutenant-
Général du Bailliage de Vienne l'attefte ;
je fuis trop flattée de toute maniere d'appartenir
part ,
la maifon de Chevriers , pour fouffrir que
yous laiffiez fubfifter dans votre Gazette une
erreur dans laquelle on a sûrement eu des raifons
pour vous induire & ceux qui l'ont lue.
J'avois écrit à M. le Rédacteur du Mercure
de France , & lui faifois les mêmes détails que
je vous fais , le priant de faire imprimer ma
lettre; l'on me fit réponse que l'on vous l'avoit
envoyée. Julqu'à préſent je n'ai rien vu qui détruisît
ce que vous avez écrit . Pour faire con
noître la vérité , je vous prie de faire imprimer
cette lettre dans votre prochain Nº.
J'ai l'honneur d'être , &c. Signé , Vallin
Marquise de LAPOYPE
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLE S.
ALLEMAGNE.
DE HAMBOURG , le 13 Décembre :
Οge
N continue à parler du prochain voyade
l'Impératrice de Ruffie , fixé felon
l'opinion publique , aux premiers jours de
Janvier. Les Princes Alexandre & Conftantin
, petits fils de cette Souveraine , font
aujourd hui fur la lifte des voyageurs. Des
corps d'armée veilleront à la sûreté de ce
brillant cortege , & fe trouveront fur fon
paffage. Le Feidt Maréchal Romantzof doit
commander so mille hommes fous Kiof ; le
Général Kamenskoi les troupes de Crimée ,
le Général Rochbouski à Czernichef; le Général
Dolgoroucki à Cherfon , & le Général
Stvarof dans le Cuban . Toutes les avenues
anfi gardées , on n'aura aucune incurfion
de Tartares à craindre , & le voyage fera
auffi sûr qu'il eſt éclatant.
En congédiant l'Ordre Equeftre , le Roi
No. 52 , 30 Décembre 1786. i
( 194 )
de Pologne a terminé la derniere Séance de
la Diete par la perora fon fuivante.
« A l'époque biennale , dit Sa Majeſté , qui ramene
ce moment , toujours affligeant pourmoi ,
mais indifpenfable, où il faut me féparer de cet Or
dre Equeftre fi chéri , je ne puis me refufer à l'expreffion
des fentimens dont mon ame eft remplie.
Les preuves d'attachement , en fe multipliant ,
augmentent d'autant la meſure de la reconnoiffance.
Je témoigne la mienne avec effufion a
l'illuftre Ordre Equeftre , pour le dévouement
qu'il m'a montré fi clairement dans certè Diette ,
& même dans cette Séance. Des citoyens auffi
éclairés ne placent leur affection que là où ils
ont mis leur eftime . Plus celle - ci eft fans prix
pour moi , & plus je defire que ma Nation conferve
à jamais le fouvenir de ces jours mémorables
du 10 & du 14 mai de l'année 1773 ; de
Ces jours qu'on pourroit bien avec juftice appeller
des jours d épreuve , & dont on a fait mention
dans la féance d'aujourd'hui . Cette Chambre con
tient en ce moment nombre de témoins
? qui
ont vu & entendu ce qui s'eft paffé alors. Nous
n'étions entourés que d'objets de terreur : ma
pofition à cette époque ne me permettoit ni de
menacer , ni de donner , ni même de promettre.
Ainfi la flatterie ne pouvoit y trouver place.
C'est alors cependant que je défiai hardiment
qu'il fe levât quelqu'un qui pût m'objecter une
feule tranfgreffion de mes devoirs. Aucun ne
s'eft levé. Les preuves les plus claires convainquirent
en même- temps cette Diete , que de
tout ce qui avoit été humainement faifable , rien
ne fut négligé pour détourner le malheur de
l'Etat. J'ai donc reçu alors le témoignage avec
lequel , quand mon heure fera venue , je defcendrai
tranquillement au tombeau . Auffi , en
( 195 )
dépit des infinuations faites , & à telle intention
que ce foit , comme s'il avoit été alors imaginé ou
qu'il m'avoit été propofé quelque chofe qui auroit
pu prévenir le démembrement de la Pologne
, j'ai pour témoins ma confcience & ma nation
, que j'ai fervi jufqu'ici ma patrie avec fidélité
& de toute l'étendue de mon pouvoir . Or ,
comme l'on ne voit guere celui dont les cheveux
blancs couvrent déja la tête , changer de principes
ni de manieres , vous pouvez compter ,
Illuftres Etats , que je ferai jufqu'au bout ce que
j'ai été jufqu'ici . Tant que Dieu m'accordera
des jours & des moyens , je ferai le bien , j'en
ferai aux citoyens par- tout où je verrai le mérite
& le befoin . Je ne chercherai point à prévoir fi
je ferai encore des ingrats ; fi ceux que j'aurai
comblés de bienfaits voudront les nier, comme
s'ils en rougiffoient ; s'ils fe laifferont féduire
par l'exemple de ceux qui , fous le voile des
proteftations les plus diffufes d'attachement , pren
nent à tâche de contrarier mes inclinations , mes
avis , & même mes befoins perfonnels . En conféquence
, M. le Maréchal de la Diete , je renou
velle encore aujourd'hui les commiffions que je
vous ai données avant -hier relativement aux propofitions
du Trône & aux projets des confitutions
deſtinées à tranquillifer plufieurs Citoyens.
Et comme il ne faut plus retarder le cours des
délibérations publiques , aliez , M. le Maréchal
guider les pas de l'Ordre Equeftre là où il doit
faire cette récolte fi defirable pour moi & pour
P'Etat.
•
Le froid que nous avions éprouvé ici a
abfoluinent ceffé ; & la navigation a repris
fon cours . Elle a été interrompue fur la Néva
, vers le milieu du mois dernier , à ce qu'on
i 2
( 196 )
écrit de Pétersbourg; plufieurs bâtimens Anglois
étoient pris par les graces . Cette riviere
n'a été navigable que 187 jours de fuite
dans l'année.
Le Roi de Suède eft revenu le 27 Novembre
à Stockholm , de fon voyage à Upfal
. S. M. tint , le 29 , un Chapitre de fes
Ordies , & après y avoir annoncé qu'elle
avoit décoré de l'Ordre des Séraphins le
Prince Royal de Danemarck , elle fit une
promotion nombreufe dans les Ordres des
Séraphins , de l'Epée , de l'Etoile Polaire &
de Wafa.
DE BERLIN
le 12 Décembre.
>
On a publié par ordre du Roi une permiffion
à tous les propriétaires de terres de cultiver
du tabac , fans aucune reſtriction quelconque.
Le Roi vient de charger le Baron de Heiniz
, Miniftre d'Etat & Chef du département
des mines , des affaires du département des
Gabelles , de la Monnole & de la direction
des Provinces de Cleves & de la Marche .
S. M. a nommé les fieurs Ferber & Rofenfiel
, Confeillers Supérieurs au département
des mines & forges .
Le 4 , on fit ici en préfence du Duc Frédéric
de Brunfwick , de plufieurs perfonnes
de condition , une expérience avec les cartons
de pierres , de l'invention du Docteur
Arfvid Faxe , de Carlfcronę. La maison
( 197 )
qu'on avoit conftruite fur garnie de ces car
tons , remplie enfuite de combustibles ; &
malgré un feu ardent , elle ne fut point endommagée.
Ce carton a la propriété de réſiſter
à l'action de l'air & de l'humidité. Le prix
d'une feuille , d'une aulne quarrée , eſt d'un
fchelling & demi , argent de Suède.
DE VIENNE , le 12 Décembre .
L'Archiduc Ferdinand & fon augufte
époufe ont pris congé de S. M. I, & de
l'Archiduc François , le 4 de ce mois , & fe
font mis en route pour Milan.
L'Empereur a fait préfent à la Princeffe
Elifabeth de Virtemberg , le jour de ſa fête
, de plufieurs parures richement garnies
en diamans le même jour , S. M. I. lui
remit auffi l'Ordre de Sainte -Catherine , que
I'Impératrice de Ruffie a envoyé à cette
Princeffe.
:
Le 26 Novembre , le Comte d'Arco ,
nommé précédemment au nouvel Evêché
de Graz , en a pris poffeffion , & a fait l'inftallation
du Chapitre Cathédral.
Il circule ici un état des Colleges actuels
des Jéfuites en Ruffie ; ils font au nombre
de fix ; celui de Polocz eft le plus confidérable
, on y compte foixante dix - hult
individus le total des membres de tous
les Colleges monte à 198.
On a formé le projet de rétablir les anciennes
falines près de la ville de Schlan.
i-3
( 198 )
On fait que les Etats Autrichiens ont du
fel en abondance : on y confomme par an
1,372,000 quintaux de fel gemme, 1,372,000
quintaux de fɔude , & 18,000 quintaux de
fel marin ; l'exportation de cette denrée
dans l'étranger confifte en 530,00o de fel
gemme , & 601,225 idem de foude . La Stirie
, la Carinthie & la Carniole tirent leur fel
de Salzbourg.
Le 27 Novembre , le Confeiller Cetto ,
condamné au pilori , au fouet & à balayer
les rues pendant fix années , pour crime
de faux & de prévarication , a fubi l'exécution
de fon jugement ; l'Empereur lui a
cependant fait grace du pilori & du fouet.
Depuis cinq ans il s'éleve des vapeurs
chaudes d'une colline fituée près du village
de Barana , dans la Seigneurie de Diofgyor
en Hongrie on creufa dernierement dans
cet endroit , & on trouva d'abord du charbon
de terre ; mais en approfondiſſant la
fouille , on toucha à une terre jaune , argilleufe
, & fi brûlante , qu'il fut impoffible
de continuer le travail. On fuppofe qu'il
fe trouve deffous cette terre une matiere
ignée qui par la fuite pourra faire de grands
ravages.
DB FRANCFORT , le 18 Décembre .
Selon des lettres de la Thuringe , le 5 de ce
mois , il s'eft manifefté à Saltzungen , petite
ville appartenante à la maifon de Saxe Mei(
199 )
nungen , un incendie qui a duré 17 heures , &
réduit en cendres le palais Ducal : quatre autres
grands hôtels , les magafins de grains ;
Eglife , l'Hôtel de -ville , les écoles & 150
des principales maiſons. On eft parvenu , à
force de travail , à arrêter le cours des flammes
, à fauver les falines & les maifons fervant
de refuges aux pauvres. Parmi les malheureux
qui ont péri dans cet embrâſement ,
on diftingue un prifonnier & fes deux fils
qui étoient dans la tour de la ville : le nombre
des beftiaux brûlés eft immenfe.
Quelques Feuilles publiques affurent que
la fucceffion aux Etats héréditaires de la
Maifon d'Autriche , vient d'être réglée de la
maniere fuivante , entre l'Empereur & le
Grand Duc de Tolcane. Dans le cas où
l'Archiduc François , fils aîné du Grand-
Duc feroit élu Roi des Romains , il ne pourra
, dit- on , parvenir à la Régence des Etatshéreditaires
d'Autriche , qu'après la mort du
Grand Duc fon pere , qui y fuccéderoit , fi
l'Empereur venoit à mourir avant lui.
On compte environ 12 maiſons de Princes
à Vienne , qui y dépenfent annuellement
chacune , l'une portant l'autre , deux
cent mille florins ; dans ce nombre il en eft
dont la dépenfe annuelle monte de trois à
huit cent mille florins ; ces riches familles
font celles de Lichtenfte'n , d'Efterhazi ,
de Schwarzenberg , de Dietrichftein , de
Lobkowiz , & c .
i 4
( 200 )
Un Journal de Commerce offre la notice
fuivante des Manufactures de la ville de
Munich.
Ces Manufactures font au nombre de dix ,
favoir , 1 °. la Manufacture de Tapifferies de
haute- life ; elle fut établie en 1720 par l'Elecreur
Maximilien Emmanuel ; les Tapifleries que
l'on y fait font magnifiques , & en général cette
Manufacture eft dans un bon état : les Directeurs
actuels font les fieurs Jacques Sentini & Jofeph
Chedeville . 2 ° . La Manufacture de Toiles de coton
de toute efpece ; fon établillement date de
1746 ; les Toiles qu'elle fournit par an montent
de huit à dix mille pieces. 3 ° . La fabrique de
Bas de coton. 4° . La Fabrique de Porcelaine ;
elle fut établie à Nymphenbourg en 1758. Le
nombre des ouvriets , qui étoit au commencement
de deux cents , eft diminué jufqu'à trente.
On évalue à 120,000 florins les marchandiſes
qui fe trouvent dans le magafin . 5 ° . La fabrique
de Tabac ; une Compagnie l'a établie en
1782. La majeure partie du Tabac qu'elle fournit
eft du crû du Palatinat. 6º . La Manufacture
de Ras , d'Etamines & Etoffes femblables de
laine ; le nombre de pieces qui en fortent par
an montent de deux à trois mille ; l'objet principal
de cette Manufacture n'eft point la fabrication
, mais la teinture & l'apprêt . 7 ° . La Fa
brique de Cuirs. 8 °. La Fabrique de lames & de
fil d'or & d'argent . 9º . Celle des Cartes à jouer ;
& 10°. celle des Pinceaux.
Le Comte Charles-Adolphe de Bruhl ,
Lieutenant- Général au fervice de l'Electeur
de Saxe , & Chef d'un Régiment de Carabiniers
, a demandé & obtenu fa démiffion.
( 201 )
On affure qu'il paffe au fervice du Roi de
Pruffe, & même qu'il fera nommé Gouverneur
du Prince Royal & de fon frerele Prince
Louis. Les qualités perfonnelles , les talens &
les connoiffances du Comte de Brulh le feront
regretter en Saxe.
Depuis quelque tems , la Baviere eft infestée
de voleurs & d'affaffins ; dans plufieurs
endroits ils ont cu l'audace de commettre
des effractions & des vols pendant le jour.
On compte quarante - trois affaffinats commis
cette année dans le Bailliage de Landshut.
Les diffenfions regnent toujours à Aix -la-
Chapelle. On fait que le Confeil Aulique a
rendu un décret en faveur de l'ancienne Magiftrature
; la Chambre Impériale de Wetzlar
protege la nouvelle : par fon décret du 20
Novembre , elle a enjoint aux membres abfens
de ne point fe mêler des affaires des finances
de la ville , & ordonné de laiffer les
chofes in ftatu quo juſqu'à la déciſion finale .
Le Profeffeur Schloézer de Gottingue, a inféré
dans le n°. 33 de fon Journal , un état très - détaillé
du produit des Manufactures de draps établies
à Montjoie & Imgenbruch , dans le Duché
de Juliers. I réfulte de cet état que la dépense de
ces manufactures en pays étrangers , pour les diyers
articles ont elles ont beloin , monte par
an à 613,598 rixdalers & neuf vingiemes , &
celles qu'elles font dans le pays même à 146,401
rixdlers & un vingtieme ; que lorsqu'on n'admet
qu'un bénéfice de 8 pour 100 pour ces Manufactures
, elles reçoivent des a.heteurs la fomme
is
( 202 )
.
de 820.799 rixdalers & vingt - trois quinziemes ,
& qu'en déduifant de cette fomme celle pour la
dépense en pays étranger , il en reſte aux Manufactures
& au pays où elles font établies , la
forme de 207 , 201 rixdelers & un centieme .
La majeure partie des draps de ces Manufactures
paffent à l'étranger , & fur-tout en
Italie .
Le Docteur Vogler a publié un mémoire
d'expériences concernant la décompofition
de l'étain à l'ufage de la teinture : il a trouvé
par des effais réitérés que l'efprit frais & trèspur
de falpêtre étoit beaucoup plus efficace
pour cette décompofition que l'eau régale ,
qui laiffe toujours un dépôt. Cet acide ,
allié avec de l'eau diftillée , opéra la décompoſition
de l'étain , fans former de dépôt ; ce
mélange s'étant coagulé , le Docteur Vogler
y ajouta du fel ammoniac ou du fel de cuifine
, & par ce moyen il le rendit fluide &
très- propre à l'allier avec de l'eau de puits.
, un
Le Profeffeur Gmélin , écrit- on de Gottingue ,
lut à la derniere affemblée de la Société Royale
des Sciences , tenue le 21 Octobre dernier
Mémoire dans lequel il rendit compte des effais
qu'il a faits avec l'eau- forte dans la teinture
des laines & foies écarlatter . Le but de M. Gmelin
eft de fubftituer l'eau - forte à la décompefition
d'étain qui eft chere & accompagnée de
beaucoup d'inconvéniens . Il eft vrai que M. Gmélin
n'a fait fes effais qu'en petit , & que la couleur
qu'il a obtenue par fon procédé n'approche
pas en beauté de celle produite par la décompofition
d'étain ; mais il faut efpérer qu'en per
fectionnant fon procédé , & qu'en en faifant un
( 203 )
ufage prudent dans les effais en grand , il parviendra
à rendre fuperflu l'étain pour la teinture
des écarlattes. Voici quelques résultats des
effais de M. Gmélin. Il trempa d'abord la laine
dans de l'eau - forte mêlée avec une décompofition
de terre d'alun , la teignit enfuite dans du
bouillon de cochenille , & la paffa par un pareil
bouillon faturé de quelques gouttes d'eau-forte ;
par ce procédé la laine prit une couleur brune ;
cette couleur devint plus belle lorfqu'il fit
bouillir la laine dans un bouillon où il y avoit de
la cochenille , de l'amidon & de l'eau - forte , &
elle approcha beaucoup de l'écarlatte , lorsqu'il
fuivit la méthode enfeignée par Hellot , en
fubftituant cependant l'eau - forte double à la décompofition
d'étain. Dans cet effai , M. Gmélin
trempa d'abord la laine dans un bouillon où il y
avoit peu de cochenille , autant d'eau-forte , &
autant de tartre purifié , & enfuite il le fit
bouillir dans le fufdit bouillon . M. Gmélin
auffi employé la graine de kermès , & l'a trouvée
efficace , il trempa d'abord la laine dans un
bouillon fait de cette graine , d'eau & de potaffe
, & la porta enfuite dans un autre bouillon
eù il y avoit de la cochenille , de l'amidon & de
l'eau- forte , ou dans un bouillon fimple de cette
graine , faturé de quelques gouttes d'eau - forte.
a
Par le meme procédé , M. Gmélin a donné
la foie une belle couleur de cuivre , & même
celle de cerites ; mais les effais ont été abfolument
infructueux fur la toile & fur le coton .
GRANDE - BRETAGNE.
DE LONDRES , le 10 Décembre.
Dimanche dernier , eft mort dans fa Terre
i 6
( 204 )
de Grove le Comte de Clarendon , l'un des
Grands Maîtres Généraux des Poftes , Membre
du Confeil Privé & du Bureau des Plantations
. Ce Lord , de la Maifon de Williers ,
defcendoit , par les femmes , du fameux Hiftorien
Clarendon , Chancelier de la Grande-
Bretagne. Il est mort âgé , & après avoir
Occupé diverfes places importantes , telles
que celles de Miniftre de George II à
Drefde , de Lord de l'Amirauté en 1748 , de
Chancelier du Duché de Lancaftre , en 1775 .
& en 1783 ; enfin , de Grand- Maître Géné
ral des Poftes.
Il paffe pour certain , & tous nos Papiers
s'accordent à rapporter que le Marquis de
Carmarthen réfigne fa place de Secrétaire
d'Etat des Affaires étrangères. L'état de fa
fanté qui exige un voyage dans le Midi & la
fatigue des Séances Parlementaires , ont déterminé
S. S. à cette réfolution. Mylord
Hawkefbury lui fuccédera , à ce qu'on croit.
Il y auroit encore une vacance dans le Miniftere
, s'il étoit vrai que Lord Sidney ſe proposât
, comme on le dit , de quitter les fonctions
de Secrétaire d'Etat , pour remplacer le
Comte de Clarendon au département des
Poftes. Dans ce cas , on préfume qu'il auroit
pour fucceffeur le Marquis de Buckingham ,
ci- devant Comte Temple.
Il eft auffi queftion d'un Lord célébre par
fon éloquence , fes lumieres & fa grande influence
(vraifemblablement Mylord North )
( 205 )
pour remplir la place de Secrétaire des Affaires
étrangeres . Cette acquifition renforceroit
prodigieufement le parti Ministériel.
Mais les liaifons actuelles de ce prétendu
Candidat ne permettent gueres de croire à
cette nouvelle , quoique l'expérience d'un
fiecle ait dû accoutumer la Nation à des révolutions
plus étonnantes.
Le 16 du mois dernier, nous avons perdu
le Chevalier Horace Mann, mort à Florence ,
où il réfidoit depuis 50 ans , en qualité d'Envoyé
- Extraordinaire de notre Cour. Son
corps a été embaumé & tranfporté dans un
cercueil à bord du navire Anglois l'Ifabelle ,
mouillé à Livourne , & qui le conduira ici.
Suivant une lettre de Cowes , la frégate
Hollandoife la Junon de 36 can . , venant des
Indes orientales , avec un équipage de 250
hommes , a été jettée à la côte de l'Ile de
Wight , le 10 de ce mois.
Les Lords de l'Amirauté ont donné ordre
de reconstruire les vaiffeaux de guerre fuivans.
Le Torbay, de 90 can. , le Cambridge ,
le Revenge , l'Ajax , le Mars, le Dragon , l'Hércule
, le Dublin , le Tigre , l'Ofnabruck & le
Neptune de 74 canons. Ces vaiffeaux feront
conftruits dans les chantiers marchands par
des Entrepreneurs particuliers. Tous les baffins
& tous les chantiers royaux font occupés
par les vaiffeaux en réparation.
L'expédient adopté par le Gouvernement
pour arrêter la contrebande fur les côtes oc(
206 )
cidentales de l'Ir'ande , eſt de ſtationner un
certain nombre de frégates dans les endroits
les plus inteftés par les bâtimens qui font ce
commerce illici - e.
Le Traité de Commerce avec la France a
été foumis à la révifion du Bureau du Commerce
, qui , à ce qu'on prétend , y a déja p : opofé
divers changemens importans. Les plaintes
de divers Corps pourront en occaſionner
d'autres , ou fufciter des embarras aux Miniftres
, & l'on travaille avec ardeur à animer
par-tout cet efprit d'Opposition.
Le 7 de ce mois , le Chevalier Thomas
Halifax , accompagné de plufieurs Aldermans
& d'autres Officiers Municipaux de la
Cité de Londres , s'eft rendu chez M. Pitt
pour lui repréſenter que les différens droits
& priviléges des Corps de Métiers feroient
violés par les termes généraux du Traité de
Commerce conclu avec la France , à moins
qu'ils n'y foient Spécifiés d'une manière particulière.
M. Pitt leur a répondu de la manière
la plus franche , en di'ant : « Meffieurs ,
• quoiqu'il eût été contre l'intention du
» Gouvernement , de porter atteinte aux
>> droits & immunités des Corps & Métiers
» de la Cité , à préfent que je fuis partai-
» tement inftruit de cette circonftance , je
» me ferai un devoir de les protéger de la
» maniere la plus efficace , ainfi que lės droits
» de tout autre Corps , dont le réclama-
>> tions feront auffi juftes que celles des Ci-
»toyens de Londres . >>
ik.
( 207 )
Les plaintes des Colons & Négocians aux
Ifles occidentales , fur le même Traité , paroiffent
fe foutenir avec opiniâtreté .
Il s'eft tenu le 13 de ce mois une très - nombreufe
affemblée de ces Colons & Négocians
relativement à la claufe du dernier Traité qui
diminue les droits fur les eaux- de - vie de France ,
On y a fait lecture du Mémoire que l'Affemblée
doit préfenter. Ce Mémoire expofe dans les termes
les plus forts tout ce que les intéreffés ont
à craindre pour le commerce du rhum , à moins
que la réduction des droits impofés fur cette liqueur
ne forme un équivalent de celle accordée
aux eaux-de- vie de France. Entre plufieurs argumens
à l'appui de cette dem nde , on cite la
Jongueur & le danger du voyage des Ifles comparé
avec celui de France , la perte par le coulage
des futailles , l'effet que, produiroit fur ces
ifles toute méfintelligence ou rupture avec les
Etats d'Amérique ; l'énorme difproportion du
prix de toutes es chofes néceffaires à la vie ,
ainfi que de la main- d'oeuvre , entre les illes d'Amérique
& la France ; mais fur-tour la claufe du
traité , en vertu de laquelle tous les vins du crû
du Portugal paient un droit d'un tiers moins
fort que les vins françois . On demande à cette
occafion pourquoi les Portugais , qui font des
étrangers , font traités plus favorablement pour
l'article de leurs vins que ne le font pour celui
du rhum les fujets Britanniques colons , en faifant
le commerce des ifles angloifes . Tels font en
fubftance les principaux griefs expoíés dans ce
Mémoire , & fur lefquels on demande fatisfaction.
" M. Bailey , l'un des Membres de l'affemblée
prononça enfuite un long difcours où il acheva
( 208 )
de faire connoître toute l'importance de cette
affaire. Selon lui , le rhum des colonies forme une
propriété immenfe. La réduction que l'on le propofe
de faire fur les droirs des eaux- de vie ne
tend à rien moins qu'à anéantir le commerce des
ifles britanniques . Celui du Rhum étoit déja
prodigieufement tombé, M. Bailey produifit à ce
fujet plufieurs fa&ures récentes , où le bénéfice net
n'excede pas dix pences par gallon , quoiqu'il ait
couté quinze à dix- huit pences dans les ifles avant
d'être embarqué pour l'Angleterre . L'Angleterre
ale monopole du rhum ; mais elle n'a pas celui
de l'eau- de-vie . Tous les coups portés au commerce
du rhum retomberont toujours fur les
colonies à fucre , l'un réagiffant néceffairement
fur l'autre. M. Bailey énuméra une infinité
d'autres griefs & préjudices des colons , qui méritoient
l'attention la plus férieufe . En conféquence
, quelque refpectable que fût l'affemblée
, il defireroit , pour y donner aux délibérations
toute l'importance & l'autorité que demande
le fujet , qu'elle fût compofée d'une autre
de citoyens , favoir , des grands propriétaires des
ifles , & de ceux qui font intéreffés dans les plantations
pour des fommes confidérables , claffe
dans laquelle on compte un grand nombre de
Membres des deux Chambres du Parlement. Ces
perfonnages ont tant d'influence dans les difcu
fions parlementaires , que l'on a tout à eſpérer
de leurs repréfentations , lorfqu'ils parleront ferme
au Miniftre. M. Bailay cite à l'appuy de cette obfervation
l'exemple récent du Lord Lonflè , le
Miniftre vouloit mettre un impôt fur les charbons
apportés aux ifles . Le Lord Lonfdale parli ferme
au Miniftre , & la taxe n'eut pas lieu . Voilà ,
ajouta-t-il la maniere dont on doit parler à
préfent qu'il y va de tout notre avoir. En confés
( 209 )
quence il demanda que l'affemblée fût ajournée au
24 Janvier prochain , le lendemain de la convocation
du Parlement , & en même tems que l'on
s'adrefsât aux Membres les plus accrédités des
deux Chambres , pour leur demander appui &
protection.
Toutes les perfonnes qui compofoient cette affemblée
ont été unanimement d'avis de demander
hautement juftice au Parlement , fi le Miniftre
n'a pas égard à leurs jüftes remontrances.
On écrit de Yorkshire , qu'un certain
nombre de Manufacturiers gagnés par le
Gouvernement , ont convoqué une affemblée
générale de Manufacturiers de draps
dans les environs de Leeds , de Wakefieid ,
& qu'ils ont fait jouer tous les refforts de
l'intérêt & de l'éloquence , pour tirer de
cette affemblée une réfolution tendante à
complimenter les Miniftres fur le Traité de
Commerce.
Les Manufacturiers indépendans n'ont
néanmoins pont donné dans le piege , &
ils ont déclaré qu'ils n'étoient pas préparés à
porter un jugement décififfur un objet dont
les conféquences pouvoient devenir trèsallarmantes
non - feulement pour les Manufacturiers
de cette Province en particulier,
mais encore pour l'intérêt général de l'Empire
& ils ont demandé que l'on y donnât
l'attention la plus férieufe . I's ont donc en
attendant pris la réfolution de fufpendre
leur avis , & ils ont ajourné leur affemblée
au mois de Janvier prochain.
Le 14 , M. Eden prit congé de LL. MM.
& il doit partir pour retourner à Paris.
( 210 )
Une Compagnie a , dit- on , propofé au Gou-
、vernement de tranfporter de Falmouth à Fowey ,
le rendez - vous des Paquebots , qui jufqu'ici partoient
de ces Ports. Cette opération promet de
grandes épargnes indépendamment des facilités
que les Paquebots y trouveront pour la Navigation
. Fowey fitué à l'extrêmité du Cornouaille ,
a un Port très-für & très - commode , fort heureufement
placé pour débouquer la Manche. On a vu
des vaiffeaux fortir de Fowey par un vent qui retenoit
tous les bâtimens de Falmouth dans le Porr;
aller dans la Méditerranée & trouver à leur retour
, renfermés dans Falmouth des vaiſſeaux qui
avoient la même deftination qu'eux . Si ce projet
eft adopté, la petite ville de Fowey , fi célébre autrefois
, reprendra fon ancienne fplendeur.
On a enfeveli , la femaine derniere , à Camelford
, une veuve , âgée de 102 ans , qui
laifle 8 fils , 2 filles , 90 petits enfans , & 75
arriere- petits fils ; en tout , une poſtérité de
175 têtes . Cent d'entr'elles accompagnoient
le convoi de la défunte, dont le mari mourut
au même âge l'année derniere.
FRANCE.
DE VERSAILLES , le 20 Décembre.
Le Roi & la Famille Roya'e ont figné , le
1o de ce mois , le contrat de mariage du
Marquis de Faletans , Capitaine de Dragons
au régiment de Durfort , avec Demoiselle
Henriette de Lange: on ; & le 17 , celui du
Comte de Touftain Limefy , Lieutenant en
fecond au régiment du Commiffaire - géné
( 211 )
0.
ral de la Cavalerie , avec Demoiſelle de
Touta'n Virai.
Ce jour, le Duc d'Harcourt a prêté ferment
entre les mains du Roi , en qualité de
Gouverneur de Monfeigneur le Dauphin .
La Ducheffe d'Harcourt a eu , le même
jour , l'honneur de faire fes remercîmens au
Roi , & de faire fes révérences à la Reine &
à la Famille Royale.
La Marquise de Grammont , la Marquife
de Molac & la Marquife de Chambors , ont
eu , ce jour , l'honneur d'être préfentées à
Leurs Majeftés & à la Famille Royale ; la
premiere par la Princeffe de Broglie , la feconde
par la Comteffe de Carcado , & la
troifieme par la Marquile de Sommeri.
La Ducheffe de Pienne a pris , ce jour ,
le Tabouret.
Le fieur Beauzée , de l'Académie Françoife
, a eu l'honneur de préfenter au Roi
une nouvelle traduction de l'Optique de
Newton , dont il eft l'Editeur , & dont S. M.
a daigné accepter la dédicace.
DE PARIS , le 26 Décembre.
Lettres Patentes du Roi , qui prorogent
jufqu'au premier Avril 1787 , le délai accordé
par l'article IX de l'Edit d'Octobre 1785 ,
aux Archers- gardes de la Compagnie du
Prévôt général des Monnoies , dont les Offices
ont été fupprimés , pour opter entre le
remboursement de la finance de leurs Offi
( 212 )
ces & la confervation de la faculté d'exploi
ter. Données à Fontainebleau le 30 Septembre
1786.
Arrêt du Confeil d'Etat du Roi , du ro
Septembre 1786 ; & Lettres Patentes fur
icelui , données à Fontainebleau le 4 Novembre
1786 , regiſtrées en la Chambre des
Comptes , le 16 des mêmes mois & an ; qui
fixent le nombre des Offices des Agens de
change de Paris , leur accordent l'hérédité ,
les autorisent à fe fervir de Commis , & réglent
la quotité des gages qui leur font attribués.
Le Roi étant en fon Confeil , ayant aucune .
ment égard à ladite requête , a ordonné & or
donne que les Officiers d'Agens de change , banque
, finance & commerce , créés par Ï'Edit de
janvier 1723 , & levés en vertu de la Déclara-.
tion du 19 mars 1786 , demeureront irrévocablement
fixés au nombre de foixante , fans pouvoir
être augmentés fous quel prétexte que ce
foit : Qu'au lieu des Commis - courtiers établis ,
par l'article XI de ladite Déclaration , chacun
defdits Agens de change pourra fe faire affifierpar
un Commis , admis feulement fous ce titre , &
dont ledit Agent de change ne tera garant ni
refponfable qu'autant que ledit Commis aura agi
pour & au nom de l'Agent de change auquel les
parties intéreffées fe feront adreflées , que celuici
aura en conféquence foufrit le bordereau de
la négociation , faite par fon Commis : Fait défenfes
Sa Majefté aux its Commis , de faire aucune
négociation du miniftere de l'Agent de
change fans fon aveu & participation , ni de donner
aucun bordereau qu'il ne foit revêtu de là
( 213 )
fignature de celui par lequel il eft employé : Or
donne au furplus Sa Majefté que lefdits foixante
Offices d'Agens de change continueront d'être
poffédés à titre de furvivance , conformément à
ladite Déclaration ; mais que pour la premiére
mutation feulement , il ne fera payé à fes Parties
cafuelles que le vingt - quatrieme denier , au lieu
du feixieme du prix de la finance defdits Offices,
dont il fera libre aux Titulaires de difpofer fous
l'agrément de Sa Majefté. Entend Sa Majesté
que les gages defdits Offices qui avoient été
fixés au denier vingt- cinq par ladite Déclara
tion foient payés auxdits Agens de change , fur
le pied du denier vingt , avec la retenue du
dixieme feulement , & que l'emploi en foit fait
dans l'état de la recette générale des finances
de Paris ; Veut Sa Majefté que les prêteurs des
deniers pour l'acquifition defdits Offices , aient
fur iceux privilege & préférence à tous créan-.
ciers ordinaires , & qu'à cet effet il foit fait les
déclarations requifes dans les quittances de finance
defdits Offices. Et feront fur le préfent
arrêt expédiées toutes Lettres néceffaires , & ce
nonobftant toutes chofes à ce contraires ,
quelles Sa Majeſté a dérogé & déroge , &c.
aux-
Déclaration du Roi , du 13 Décembre
1786 , qui , en interdifant le cours des anciens
Louis , à compter du premier Janvier
1787 , proroge pour quelque temps leur
prix de faveur aux Hôtels des Monnoies &
Changes.
Par nos Lettres patentes du 18 jour dernier
nous avons prorogé jufqu'au 1er . janvier 1778
le cours des anciens louis & leur prix à fept
cent cinquante livres le marc dans nos hôtels des
Monnoies & nos Changes , & comme il n'ea
( 214 )
reſte maintenant que très - peu dans la circulation
il nous paroît inutile d'en permettre le cours
pour une époque plus éloignée ; mais diverſes
circonftances ayant pu empêcher quelques uns
de nos fujets de changer ceux qui font encore
en leur poffeffion , Nous croyons de notre juſtice
de proroger en leur faveur , pour quelque tems
feulement , l'augmentation de valeur que nous
avons accordée fur la converfion de ces especes.
A ces cauſes . & de notre certaine ſcience , pleine
puiffance & autorité royale , nous avons declaré
& ordonné , & par ces préſentes fignées de notre
main , déclarons & ordonnons , voulons & nous
plaît que , conformément à nos Lettrǝs - patentes
du 18 janvier dernier , les louis , doubles louis
& demi- louis anciens ceffent d'avoir cours à compter
du premier janvier 1787 , & que néanmoins
ils continuent d'être reçus & payés à nos hôtels
des Monnoies & Changes fur le pied de fept cent
cinquante livres le marc jufqu'à ce qu'il en foit
par nous autrement ordonné ; dérogeant à cet
égard à nos Lettres patentes dudit jour 18 janvier
dernier , & c.
Arrêt du Confeil d'Etat du Roi , du 17
Décembre 1786 , concernant les Rembourfemens
des Effets de l'Emprunt de trente
millions , fait par les Prévôt des Marchands
& Echevins de la ville de Paris , en exécution
de l'Edit du mois de Septembre dernier.
La ville de Dole en Franche - Comté a
fait célébrer , le 14 de ce mois , l'Anniverfaire
de l'Inauguration de la Statue pédeſtre
du Roi , érigée fur la Place publique. Les
Officiers Municipaux , ceux du Bailliage ,
l'Etat-Major de la Place , la Garnifon , le
( 215 )
Clergé , la Nobleffe , tous les Ordres de
Citoyens ont aflité à cette Cérémonie .
La derniere quinzaine a emporté au tombeau
différentes perfonnes remarquables.
Parmi celles qui laiffent les plus vifs regrets
fetrouve Madame la Marquife de Waftine,fillé
de Madame la Marquife de Sillery , fi célebre
fous le nom de Comteffe de Gentis . Dans
le nombre des autres morts dont nous venons
de parler , il faut citer M. Beaujeon ,
Receveur général des Finances , malade depuis
long-tems , & fameux par l'immenfité
de fes richeffes ; l'Abbé de Boifmont de l'Aca
démie Françoife , connu par quelques morceaux
d'éloquence ; le Vicomte de Talleyran-
Perigord , &c.
Le bruit s'eft répandu , il y a quelques
jours , qu'il étoit éclaté le 10 un incendie
dans les magafins de la Marine à Rochefort,
incendie dont une lettre de ce port , en date
du 11 , parle en ces termes .
» Nous avons eu hier matin une incen-
» die confidérable. Les bureaux des arme-
» mens des revues & des fonds on été brû-
» lés . Il a falu déménager le Contrôle & les
» Claffes , pour en mettre les papiers à l'abri.
» Ce bâtiment n'a pas brûlé. Quant aux regiftres
des autres bureaux ci - deffus nom-
» més , on n'en a rien fauvé. Le feu y avoit
» pris la nuit , & c'eſt à la pointe du jour
qu'on s'en eft apperçu & au moment où
» tout étoit en flamme.
ל כ
>>
( 216 )
M. de Sombreuil , Maréchal de- camp &
Lientenant de Roi à Lille en Flandres , a
été nommé dimanche dernier , Gouverneur
des Invalides ; ce choix eft généralement applaudi.
M. de Sombreuil , ci devant Colonel
en ie.ond du régiment de Huffards de
Eftérazy , jouiffoit dans fon corps de la
confidération la mieux méritée , & il emporta
tous les regrets lorfque fon grade le
força de quitter ce régiment ; à Lille il s'eft
également fait eftimer & aimer de tout le militaire
par fes qualités & par l'amour de l'ordre
qu'il portoit dans tous les détails .
La mort de M. Befner, qui commandoit
à la Guyanne , ayant fait vacquer ce gouvernement
, S. M. vient d'ynommer le Comte
de Villebois , Maréchal de- camp. S. M. à
nommé auffi M. de Martignac , Lieutenant-
Colonel du Régiment de Serche , & Brigadier
, à la place de Lieutenant - de - Roi de
Lilie en Flandre , vacante par la promotion
de M. de Sombreuil au gouvernement
des Invalides. Comme par le dernier réglement
, il a été décidé que les places de
Lieutenant- de - Roi de la premiere claffe feront
deſtinées à des Maréchaux- de-camp , on
croit que M. de Martignac , déja Brigadier
depuis long tems , fera promuà ce grade pour
prendre rang dans la premiere promotion .
On apprend d'Amfterdam que le 13 on y
a arrêté le fieur Bechade de Rouen , principal
tireur des lettres de change fur MM.
Tourton
( 217 )
+
Tourton & Ravel , & fur M. Gallet de
Santere ; il avoit pris le nom de Beaufa
blon ; l'on a faifi tous fes papiers , & l'un
de fes aflociés ou commis nommé Laroche ,
avec lequel il étoit paffé d'Angleterre en
Hollande fur fe paquebot d'Helvæftluys . A
ce fujet une lettre d'Amfterdam dit :
" On a arrêté non - feulement le Sr. Bechade ,
" mais encore le Sr. Laroche fon affocié . Deux
» Commerçans Hollandois intéreffés , à fufpecter
» leur bonne foi , ont provoqué leur déten-
» tion ; cependant ils ont confulté à ces égard un
» Avocat qui a déclaré qu'ils s'expofoient à encourir
une groffe amende fi Bechade & Laroche
n'étoient pas coupables ; les deux Commerçans
ont couru ce danger , & ont donné avis à Paris
» de leur démarche à cet égard ; il leur a été
envoyé d'abord des recommandations très - expreffes
pour les deux prifenniers , & enfuite il
- eft parti pour Amfterdam un Exempt de Po-
» lice chargé de les traduire à Paris . En les arrê-
» tant on leur a trouvé une Malle pleine de let-
1 tres & effets dont la faifie a été faite , & quijet-
-» teront un jour lumineux fur toutes leurs ma-
55
75)
noeuvres.
On écrit de S. Malo , en date du 6 , quel
ques détails affligeans fur le retour d'un
certain nombre de bâtimens , venant de
Terre Neuve.
Vers la fin de novembre dernier , difent ces
lettres , plufieurs navires font arrivés ici de Terre-
Neuve & du Banc , mais dans un état fi trifte &
fi miférable , que rien au monde n'étoit plus
digne de pitié. Ils auroient été plus malheureux
encore , s'ils n'avoient pas été rencontrés par
N°.
1.52 , 30 Décembre 1786. k
( 218 )
des barques chargées de vivres , d'eau & derafraichiffemens
, que leur retardement , occafionné
par le gros tems & par les vents contraires
avoit fait envoyer au- devant d'eux pour les fecourir.
Tous ces navires étoient abfo ument fans
eau , une grande partie des Matelots étoit attaquée
du fcorbut , & un homme n'avoit chaque
jour , pour toute nourriture , qu'un bilcuit .
Quand nos barques les rencontrerent , leur premier
foin fut de hiffer des bariques d'eau à leur
bord. Sur le pont d'un de ces vaiffeaux
barique vint à le défoncer ; à la vue de l'eau
qui fe perdoit , les Matelots fe jetterent tout
d'un coup à plat - ventre pour en boire.
>
une
Il eft auffi arrivé trois à quatre Bricqs & Goëlettes
venant de Miquelon , chargés de morue ,
très-bien conditionnée. Une de ces Goëlettes a
trouvé en pleine mer à la merci des flots , un
Bancquer , qui n'avoit plus que trois hommes en
érat de manoeuvrer ; encore étoient -ils mourans
de faim , & fi fatigués qu'il n'y avoit qu'un courage
comme furnaturel à pouvoir les foutenir.
Quelques Matelots étoient malades & preſque
expirans le plus grand nombre étoit mort du
fcorbut ou d'inanition. Le Capitaine de la Goë-
Tette , touché de la mifere exceſſive des malheureux
qui furvivoient à tant de maux , leur fit
paffer aufitôt des vivres , quelques rafraîchiffemens
, & quatre de íes meilleurs Matelots , avec
un Officier , qui a fait conduire ce navire à Péros
, en Baffe - Bretagne , d'où cet Officier a fait
favoir fon arrivée. 1
Un autre vaifieau venant du Banc , eft arrivé
ici , ayant eu le bonheur d'être rencontré & rafraichi
per la méme Goëlette : cependant , tous
l'équipage , à fon arrivée , atrachoit des larmes
aux coeurs les plus fermes , tant , à le voir , il
( 219 )
étoit aile de juger de l'extrême détreffe où il
avoit été.
Le navire le Préſigny , qui venoit de l'Ile de
Bat , où le gros tems l'avoit forcé de relâcher
s'eft perdu , faifant route vers ce port ; ce malheu
a eu lieu pendant la nuit , ce qui a empêché
de donner tous les fecours néceflaires . Beaucoup
de monde a péri ; & ceux qui fe font fauvés
l'ont fait avec beaucoup de peine.
On attend plufieurs vaiffeaux venant du Banc .
Ce qu'ont éprouvé ceux qui en font arrivés ,
donne pour ces navires les plus grands ſujets de
crainte.
On nous a communiqué de Meaux l'extrait
fuivant d'une Lettre de la Ferté-fous-
Jouarre , le 8 Novembre 1786.
"
« M. B *** , Négociant en meûles , fut
attaqué ces jours derniers fur les cinq heures &
» demie du foir , fur la grande route , en reve-
» nant de Montreuil- aux Lions ; il fe vit tout-à•
coup entouré par quatre coquins qui , d'un
» ton décidé , lui demanderent l'argent qu'il
" portoit , & tout ce qu'il pouvoit avoir de pré-
» cieux for lui. Seul , fans cfpoir de fecours , &
trop foible pour résister à quatre hommes vi
goureux & déterminés , M. B *** fut contraint
d'obéir , & de fe dépouiller de tout ce
» qui flattoit leur cupidité ; la réfiftance & les
» prieres euffent été vaines , il n'en fit point.
» Mais comme la frayeur & le trouble où il
» étoit donnoient à fes mouvemens un air d'embarras
& d'hésitation que ces fcélérats attribuaient
à la répugnance que l'on peut avoir à
» fe défaire ainfi de tout ce que l'on poffede ,
»un d'eux tenant un couteau levé ſur Li poitrine
, le menaçoit d'une mort fûre & promp
59
" k 2
( 220 )
農
و ر
1
te , s'il s'avifoit de défendre ou retenir quelqu'un
de fes effets. Tandis qu'il s'exécutoit ,
» les affafins délibéroient fur les moyens de
couvrir leur crime , & le plus sûr étoit de fe
défaire du feul témoin qui pût les accufer.
» C'étoit l'avis de trois d'entr'eux ; mais la Pro-
» vidence qui veilloit fur M. B *** permit
qu'en des voleurs demandât grace . Les autres
» ne l'accorderent qu'avec peine , puis ramaffant
les objets volés , ils fe difpofoient à s'enfuir ,
quand , après avoir rendu graces au Ciel
d'un protection auffi viſible , M. B *** courant
après celui qui lui avoit fauvé la vie , fe
» jetta à fon col , & l'embraffa en pleurant ; cèlui-
ci , furpris , s'arrête , héfite , lui rend en
> tremblant le baiſer de la reconnoiffance , &
plein de confufion s'éloigne lentement , & en
tournant la tête à plufieurs reprifes pour prolonger
fes regards fur l'homme qui a fait
naître dans fon coeur les douces & paifibles
impreffions du fentiment , au milieu des in-
» quiétudes du crime & du tumulte des re-
» mords ».
ב כ
သ
Les Affiches de Dauphiné rapportent une
lettre non moins finguliere dans un autre
genre , écrite de Chapareilian dans la vallée
de Graifivaudan , au fujet du mariage d'un
nonagénaire .
Louis Truchon , dit Latreille , habitant de ce
lieu , âgé de près de co ans , étant né le 21 Décembre
1696 , vient de contracter un troifieme
mariage le 23 du mois d'Octobre dernier , avec
Jeanne Derbeys , agée feulement de 25 ans.
Cet homme eft le Doyen de ce canton , peutêtre
même de la vallée de Graifivaudan . Il jouit
d'une fanté peu commune à cet âge : il a le
( 221 )
vifage très- frais , de beaux cheveux parfaitement
blancs , & l'ufage de tous fes fens & de
tous les membres : il n'eft fujet à d'autres incommodi
és qu'à celle d'an afthme qu'il éprouve
dans le tems rigoureux de l'hiver . Il fe maria
en 1725 , avec Virginie Droguet , dont il eut
fix enfans. I fe maria en 1739 avec Louiſe
Mazet , de laquelle il n'est aucun enfant . Sa
premiere femme mourut en 1736 , & la feconde
en 1773 , agée de 78 ans. N. Truchan , l'une
de les filles , fut d'abord mariée au nommé Ducros
: devenue veuve , elle fe remaria avec J.
B. Derbeys , qui étoit auffi veuf, & avoit eude
fon premier mariage des enfans , & entre
autres Jeanne Derbeys , qui eft celle que Louis
Truchon vient d'époufer en troifiemes noces. Par
ce moyen ce dernier eft devenu, le gendre de fon
gendre , & par alliance , celui de fa propre
fille . Cet homme a l'efprit très- ga : il a répondu
aux complimens qui lui ont été faits fur fon
troifieme mariage , par des facéties fans nombre,
également originales : mais celle qui excita le
plus à rire , fut la parole d'honneur qu'il donna
au milieu du repas de noces , que dans neuf mois
il auroit un garçon . Sa mémoire eft prodigieufe ;
toutes les circunftances de la vie y font préfentes.
il fe rappelle d'avoir eu l'honneur de faire
dinfer Louis XV fur fes genoux . Cette particularité
eft celle qu'il raconte avec le plus de
plaifir , à peu près en ces termes : « J'étois allé
joindre mon oncle à Verfailles , fous la mino.
rité de ce Prince , me trouvant un jour affis
dans une des cours du château , le jeune Roi,
qui me connoiffoit déja pour m'avoir vu , cou-
» tut à moi : j'ôtai vîte mon chapeau , & je reçus
Sa Majefté fur mes genoux , où elle danfa
quelque tems ; & puis , par après , elle me fit
k
3.
( 222 )
35
donner un louis d'or par M. le Duc de Vil
» leroi , fon Gouverneur , qui étoit préfent.
Elifabeth - Louife de la Rochefoucault ,
époufe de Louis Antoine- Augufte de Rohan
Chabot, Duc de Chabot , Lieutenantgénéral
des Armées du Roi , Chevalier de
fes Ordres , eft morte à Paris , le 13 de ce
mois.
Parmi les différentes conftructions qui fe font
actuellement , tant dans la Capitale que dans les
Provinces , il en eft où l'on emploie des pots de
terre cuite , creux & cylindriques, au milieu de
platras , pour hourder ou remplir les p anchers ens
fer , dont on fait actuellement ufage ; & ce d'après
un exemple des anciens , qui fubfifte à Ravennes
en Palie , dont le dôme eft conftruit avec
de pareils pots ; on vient encore de perfectionner
ce nouveau moyen , en employant la forme quar
rée , ce qui diminue de beaucoup le poids , en
économitant une quantité confidérable de plâtre ,
& en évitant les dangereux effets de la pouffée
qu'il produit.
•
On conftruit auff des routes ogives au lieu
de combles de charpentes , faites avec de pareils
pois de fix pouces quarrés fur quatre de profon
deur , ouverts par un de fes côtés , il y a de
diſtance à autres des ferntes de fer affez éloi❤
gnées & peu difpendieufes , le vide intérieur
que forment ces combles préfente à peu près l'inrérieur
d'une ruche , & la légéreté de ces fortes
de voûtes eft de beaucoup au-deffous du poids
& du prix de la charpente qu'on emploie ordimairement
.
C'eft au zèle & à l'intelligence du fieur Go
Beler , Maître Potier de terre à Paris , rue Copeau
, faubourg Saint- Marcel , qu'eft due la pers
fection à laquelle on eft parvenu à les faire fo-
1
( 223 )
lidement , il s'y eft porté avec empreffement ;
& a fait & fait faire à fes frais une quantité confidérable
d'effais qui lui ont été proposés par plu
feurs Architectes.
On peutvoir chez lui des voûtes , planchers &
combles , qu'il a fait exécuter avec fuccès , & qui
hui ont mérité les f. ffrages de l'Académie & des
connoiffeurs qui ont été visiter les travaux.
La fraude pratiquée dernierement fur des
lettres de change a fait imaginer à un Particulier
un nouveau modele de ces lettres ,
dont il a fait part à l'eftimable Auteur du
Journal général de France , Feuille particu-
Terement recommandable par le grand nom
bre d'articles utiles qu'elle renferme , & par
Tefprit qui anime fon Rédacteur.
Toute ame honnêre , dit ce Particulier ,
doit s'occuper des moyens de prévenir une
fraude d'autant plus préjudiciable a Public
& à MM. les Banquiers , que les uns & les
antres ne peuvent s'en appercevoir qu'au
moment du paiement . Il me femble voir
en cette circonftance , la furpriſe qu'éprouvent
deux performes honnêtes. Leur embarras
excite ma fenfibilité ; & comme ancien
Négociant , j'opere de différentes manieres
pour découvrir un moyen fimple &
en même temps sûr , d'établir un modele
de lettres de change conforme à l'Ordonnance
de 1673 , & qui ne fot fufceptible
d'aucune efpese de faufferé : j'ai à cet effet
adopté de préférence les chiffres de finance
Four le bon defdites lettres , & pour leur
k
4
( 224 )
acceptation . Je n'en donnerai qu'un exempie
, qu'on peut multiplier de toutes façons ;
& on reconnoîtra que les fraudes pratiquées
foit dans l'écriture françoife , foir dans les
chiffres de finance , foit dans l'un & l'autre ,
ne rendront jamais la même fonime , & fe
contrôleront mutuellement.
MODELE d'une Lettre - de-change.
De Paris , le 12 de Déc. Bon pr. la fomme de iiiic 1 , xiij ſ
Meffieurs , au trente de Janvier prochain ,
il vous plaira payer à Monfieur . .... ou ordre
, la fomme de quatre cent livres treize
fols , valeur reçue comptant dudit fieur , &
que je paffe ai à votre compte , fuivant l'avis
de
A Meffieurs ,
Meffieurs....
Nég, à Rouen,
Accepté pour la
Votre très hum-
Somme de quatre ble ferviteur , &c.
cent livres treize
fols.
Bon pr. iiiic. 1. xiij f.
Signé , & c.
Le feur Blin , Maître Imprimeur en tailledouce
, vient de publier les deux premieres livraiſons
de fa Collection des Portraits des Grands
Hommes , Femmes illuftres & Sujets mémorables
de l'Hiftoire de France , gravés & imprimés en
couleur , format in-4°. Chaque Portrait a pour
pendant un Tableau , repréfentant la plus belle
action de l'Homme ou de la Femme célébre qui
en fait l'objet . Chaque livraifon , compofée de
deux Portraits & de deux Tableaux , fe paye
8 liv. à Paris , & 9 liv. en Province , port franc.
( 225 )
Les deux premieres livraifons font juger trèsavantageufement
de cette entreprife ; elles font
exé.utées avec choix , exactitude & élégance , &
accompagnées de Notices précises , très bien faites.
On foufcrit chez le fieur Blin , place Maubert
, no. 17 , & l'on ne paye point d'argent d'avance
. Les foufcripteurs de la Province & de:
l'Etranger peuvent faire paffer leurs remifs à
l'Auteur , foit par leurs, Correfpondans à Paris .
foit par une refcription des Bureaux des Poftes .
: PAYS- B A S.
DE
BRUXELLES , le 23 Decembre.
l'alop
>
Les lettres de Rome portent que
tion des projets de finances du fieur Miller ,
projets qui ont été enfuite abandonnés , ont
caufé une affez vive fecouffe dans toute la
Banque , & la maifon Ranieri a fait une faillite
tres confidérable. L'accueil fait aux,
donneurs de projets en a appellé une quantité
énorme ; & parmi eux il convient de
diftinguer un vieil & pauvre Horloger Savoyard.
Affifté d'un camarade adroit , il alla
trouver le Commandeur du grand Hôpital
du S. Efprit , & lui déclara qu'il avoit un
remede affuré contre toute espece de folie,
Le Commandeur , plein de fens , renvoya
comme fol l'Opérateur Bary , ( car il s'ap
pelle de ce nom ) . Bary ne fe découragea
pas : il préfenta un beau Mémoire au Maître
de Chambre du Palais Apoftolique ; & fa
Requête parvint jufqu'au Souverain . Il y
ks
( 226 )
expo'oit que fon fecret devant appeller à
Rome tous les fonds de PUnivers , il en réfulteroit
un très-grand avantage & une immenfe
population. On crut qu'il convenoit
de faire au moins l'effai de la méthode curative
de M. Bary ; elle fut ordonnée : on la
fit fans fuccès fur deux fous de l'Hôpital du
S. Efprit ; & le prétendu Médecin fut chaſſé;
quelques perfonnes ajoutent qu'on lui a feulement
permis de traiter le fieur Miller , Auteur
infortuné de tous les projets qui ont
fatigué fi long temps l'Etat Eccléſiaſtique.
Il s'étoit élevé il y a quinze jours , une
fédition au Séminaire de Louvain, dont une
Lettre de cette ville raconte en ces termes
les particularités.
Depuis le 15 du mois dernier , le Séminaire
général établi par l'Edit du 15 Octobre précédent
, étoit ouvert . Le bâtiment deſtiné à
cet établiſſement royal n'étant pas achevé , om
l'avoit placé provifionnellement dans trois Colleges
réunis par des communications: on y avoit
pratiqué des logemens autant commodes que le
local pouvoit le permettre , & on ne s'étoit principalement
occupé que de la falubrité du logement
& de la table , qui étoit , de l'aveu de tout
le monde , meilleure qu'elle ne l'avoit été julques
-là dans aucun College de Théologie.
Trois cents Séminariftes ou environ , admis fur
les témoignages de capacité & de moeurs délivrés
par les Evêques refpectifs , paroiffoient ſe plaire
affez dans le nouvel établiſſement. Mais que ne
peut le fanatisme ? les fentimens de confiance, de
foumiffion & de reconnoiffance qui devoient les
animer , ont cédé tour- à- coup aux impulfions du
( 227 )
plus coupable délire. Des plaintes vagues por
tant alternativement fur le régime interne du Séminaire
&fusla doctrine des écoles de Théologie,
dirigées par d'anciens Profeffeurs choifis dans
F'Univerfité même, & par l'Abbé Stoeger , membre
diftingué de l'Univerfité de Vienne , envoyé
par Sa Majesté pour préfiderata Faculté de Tnéologie
& regir le nouveau Séminaire , ont été fuivies
d'une infurre&tion vraiment féditieufe contre
tous les points de la difcipline , il n'y a fortes d'excès
auxquels une troupe audacieufe d'éleves deftinés
aux plus intéreffantes fonctions du facré Miniftere
, ne le foit portée . Meubles détruits , our
trages de toute espece envers les Supérieurs.de
la maison , cris tumultueux , menaces qui n'al
loient pas moins qu'au maffacre de quelques imdividus
, & à un embrafement qui eût pu devenir
général , tout fut employé pour faire éclater un
mécontentement deftitué de tout ſujet raiſonnable
& pour le procuter une licence abfolue
Le Gouvernement - Général inftruit de ces
circonftances , & voulant prévenir dans le principe
les fuites d'un pareille défordre , envoya ici
le 8 de ce mois , un Commiffaire , qui fe rendit
au Séminaire vers les fept heures du foir , eſpéran
que fes exhortations rameneroient cette jeuneffe
turbulente à fon devoir. A peine vouluson
l'écouter ; à des cris tumultueux fuccéda une
grêle de pierres , & ce Commiffaire Royal ne
dut fon falut qu'à fa prudence , il fe retira,
non fans danger imminent de perdre la vie
avec le Recteur Magnifique de l'Univerfité &
d'autres perfonnes qui l'accompagnoient . Le fa
natifme continua à s'exhaler par les éclats les
plus fcandaleux .
Pour veiller à la sûreté publique & foutenir
ay befoin l'autorité royale , les Gouvernementk
6
( 228 )
Général a pris la précaution d'envoyer ici fac
ceffivement un détachement de trente Dragons
du Régiment d'Alberg , un bataillon du Régiment
de Murray en garnison a Bruxelles , deux
autres bataillons du mème Régiment en garnison
à Namur , & une divifion du Régiment d'Arberg
, Dragons , en garcifon à Mons. Les chofes
font restées dans le meme état à peu- près juſqu'à
ce matin vers les cinq heures , qu'une divifion
d'Infanterie a occupé le Collège. Le Subftitut
du Procureur- Général de Brabant s'y eft rendu
à la même heure. On a arrêté tous les Seminarifles
dans leurs chambres pour les interrogatoires
auxquels on eft occupé en ce moment.
On s'eft faili d'un des principaux auteurs du
trouble , & on l'a condeit en prifon..
On s'attend ici à l'arrivée d'une commiffion
de Confeillers du Confeil de Brabant délégues
par le Gouvernement - Général pour juger les
auteurs , les fauteurs & les infligateurs de cette
émeure. Nous aurons foin de vous informez
fucceffivement de ce qui en arrivera .
Conformément à l'Ordonnance fuprême
d1 22 Octobre , concernant la maniere de
tirer parti des peaux des bêtes mortes d'épizootie
, le Gouvernement de la Balfe Autriche
a publié l'avis fuivant .
Toutes les peaux , qu'on âte aux bêtes qui
meurent d'épizootie , peuvent être librement &
fans danger remifes aux payíans pour les vendre
aux Tanneurs & Marchands de cuir pour
les métiers & commerce , à condition que les
formalités fuivantes, feront obfervées . 10. Toutes
les peaux font propres à être employé es felon
le befoin , quand les Bêtes defquelles elles
ont été tirées ne font pas mortes de maladies qui
( 229 )
leur ait laiffé des bubons peftilentiels fur le
corps , ou la gale fur la peau. Quand un de ces
fignes parcit , les bêtes doivent être au plutôt
enfouies profondément avec la peau & le poil .
Ceux qui ôtent la peau à de telles bêtes , mettent
leur vie en danger. Ces peaux ne font pas
feulement envenimées mais encore incapables
d'être tannées , & par conféquent ne peuvent
être d'aucun ufa ge.
"
2º. Par rapport à la grande quantité de bêtes
mortes de contagion , dont les peaux en ufage
peuvent être ôtées fans danger , on doit obfervér
ponctuellement & confcentieufement les précautions
fuivantes , pour éviter les accidens les
plus funeftes , fuite inévitable de la moindre négligence
à cet égard,
3° . Il n'eft pas permis à perfonne d'écorcher
dans ou près de l'étable , une bête tuée pour
caufe de maladie quelconque , ou par autre motif;
à bien plus forte raifon fi la bete eft morte
attaquée de contagion.
4. Sitôt qu'une bête eft morte , elle doit
être emportée hors de l'étable , mife fur une
charrette , & menée à l'endroit où l'on doit
l'enfouir , fans qu'il foit permis de l'y traîner ,
de quelque maniere que ce foit.
5°. La bête ainfi tranfportée , ne fera pas ex--
pofée au foleil , ni à la chaleur ; mais dès qu'om
aura enlevé la peau , le corps fera fur le champ
enterré.
6º. La peau ôtée doit être mife & preffée avec
des pierres , pendant 24 heures , dans une leffive
de cendres , ou dans l'eau falée , ou dans l'eau
aigrie par le vinaigre ou l'alun , fans laquelle
préparation il n'eft permis à qui que ce foit ,
de fécher ni vendre aucun cuir .
7°. Pour empêcher que la contagion ne ſe ma,
( 230 )
nifefte & fe répande dans le pays ou le licu out
il y a quantité de bétail , il faut tenir des tonneaux
de tanneurs , près des places où Fon
écorche les bêtes , pour y lefliver les peaux
les fécher , & les rentre enfuite aux propriétaires
pour être vendues ou employees.
Tout cela doit être ponctuellement obfervé
& exécuté pour prévenir tout malheur : dans ce
cas , le pays , les habitans & le voi finage ferone
hors de tout danger : fi , au contraire , on fe
permet quelque négligence à cet égard , les plus
grands maux font inévitables.
On man le de Corfou , fous la dare du
13 Novembre , que par un bitintent de
commerce venant de l'Archipel , on y avoit
appris que le Capitan Pacha étoit arrivé
avec toute fa flotte , de retour de fon expé
dition en Egypte , dans l'ifle de Scio, Cette
nouvelle détruit abfolument le bruit qu'on
a répandu depuis quelque temps fur la mauvaife
réuffire de cette expédition & la défai e
de ce général par les Beys de cette Province.
On a fu par le même canal , que le Pacha
de Morée avoit été dépofé , & que fon fucceffeur
a eu ordre de mettre toutes les for
tereffes de fon département dans le meilleur
état de détente. Nous avons appris en même
temps par le dernier courrier de Livourne
, que le Chevalier Condulmer , Chefd'efcadre
, parti d'ici à bord du chebec le
Cupidon , pour joindre notre flotte pris de
Malthe , ayant été affailli en mer par un gros
ouragan , avoir été contrains de fe réfugier
dans le Fort de Ferrajo , d'où fon vaiffeau
( 231 ).
qui a eu le malheur de donner fur un banc
de fable , à l'entrée de ce port , fut ramené
à Livourne , pour y être radoubé.
La ville de Haarlem a propofé , dans
FAffemblée des Etats de Hollande , de pro
longer le temps de la Commiflion , tou
chant l'affaire de Breft , jufqu'au mois de
Mai 1788 , donnant pour raifon que , fans
cette mefure , la Commiffion fe fépareroic
peut être avant d'avoir terminé fon objet.
Cette propofition a été prife a referendum
par les villes de Dordrecht , de Delft , & de
Medenblick . Gazette de la Haye, nº . 151 .
La Réponſe des Etats de Gueldre aux
Etats de Hollande eft écrite en termes trèsénergiques.
Les Etats Gueldrois obfervent ,
à l'égard du Régiment des Gardes Dragons,
que les troupes font dépendantes de la géné
ralité ; qu'en ayant prêté ferment dans une
Province , une autre ne peut leur donner
des ordres , maxime qui a toujours été fuivie,
qu'ils ont enjoint en conféquence au Colonel
des Dragons de ne point obéir aux ordres
des Etats de Hollande tant qu'ils ne feront
point fur leur territoire ; qu'ils demandent
à ceux- ci réparation de l'atteinte comnife
fur la fouveraineté de Gueldre , & les
préviennent qu'ils ont donné à leurs dépurés
aux Etats Généraux des inftructions relarives
à cette difficulté , & deftinées à folliciter les
moyens d'empêcher qu'elle ne fe renouvelle.
Les Seigneurs Etats de Hollande ont lu
1232 )
dans leur de niere affemblée la lettre qui
doit fervir de réponſe à celle des Seigneurs-
Etats de Gueldre . ( Gazette de la Haye. n° 153.)
Ladite Province de Gueldre vient de refufer
la médiation de la Zélande, ainſi qu'elle
a décliné il y a quelques femaines celle des
Etats de Gioningue , perfiftant à foutenir
qu'il ne peut y avoir de médiation entre les
Etats & les deux villes rébelles . Idem.
و د
Voici quelques détails ultérieurs fur l'attentat
qui a eu lieu dans le vaiffeau le Borboitein .
Ce navire avoit mis à l'ancre à la hauteur de
Diunt ; le lendemain matin , les recrues pour
la Légion de Luxembourg qui y étoient à bord
pour être transportées à Ceylan , fe mutirerent ,
forcerent le Capitaine de fe lever , & de leur
défigner le lieu où l'argent étoit dépofé ; enfuite
ils l'enfermerent avec les autres officiers & folats
de garde ; ils forcerent les caiffes & enleverent le
plus de Dollars qu'ils purent. Un nombre d'environ
de ces miférables quitta alors le vaiffeau
pour s'embarquer avec le tréfor , fur la
chaloupe . Dans ce moment de confufion , le Ca
pitaine parvint à donner quelques fignaux. Un
Cutter Anglois armé qui fe trouvoit tout près
comprit qu'il fe paffoit fur le Vaiffeau quelque
chofe de contraire au bon ordre ; il s'avança fur
la chaloupe qui fuyoit , en tirant deffus , & la
força d'amener. Ces mutins furent pris , ils
avouerent leur complot , &. furent conduits à
terre , où ils furent mis fous la garde du sie.
Régiment , & conduits au château de Sanhown.
Le Capitaine & les Officiers du Vaifeau Hollando's
avoient profité du moment où le refte
de ces fcélérats me toit la chaloupe en mer, pour
fe dégager de leurs liens ; il s'engagea alors un
>
( 233 )
combat affez vif, oùs des mutins furent tués ;
& entraînés au fond de l'eau , par le poids même
du butin qu'ils vouloient emporter . Plufieurs
s'étoient fauvés fur deux petites chaloupes , mais
neuf ont été arrêtés à Douvres & un à Ramsgate.
Il n'en manque aujourd'hui que trois , que l'ont
pourfuit encore . Il y a au trélor un déficit de
6500 Dollars que l'on croit être tombés dans la
mer. Idem.
M. le Baron de Reifchac , Envoié extraor
dinaire de la Cour de Vienne auprès de Lears
Hates Puiffances , a demandé & obicnu fes
lettres de rappel , au grand regret de tous
ceux qui ont l'honneur de connoître ce Miniftre
refpectable.
L. H. P. ont reçu de leurs Ambaffadeurs à la
Cour de Verfailles , la nouvelle , que Mr. Te
Comte de Vergennes leur auroit communiqué ,
que le Gouvernement - Général des Pays - Bas-
Autrichiens n'avoit aucune vue de mettre en conteftation
les Droits de L, H. P. fur la Navigation
du Swin , qu'au contraire ledit Gouvernement
étoit décidé à s'en tenir exactement à ce qui avoit
été communiqué à L. H. P. par la Régence de
l'Eclufe en Flandres , que les avis , donnés récemment
à L. H. P. ne fe confirmoient en aucune
maniere. Idem .
Paragraphes extraits des Papiers Anglois & autres.
On fait actuellement que le nommé Baretto
qui fe trouve depuis quelque temps à Stockolm ,
n'eft point Portugais , mais Anglois de na f
fance , & que fon véritable nom eft Boltz ;
qu'il a été intéreffé dans les actions de la Com(
234 )
pagnie Orientale de l'Empereur , & qu'il a beau
coup perdu à la faillite de M. Proli. Il n'a point
acheté ici de navires , mais on prétend qu'il a
préfenté au Gouvernement divers projets de
finance , & l'on croit qu'il eft maintenant parti
pour la Hollande. Gazette de la Haye , n° .
153 .
Ο
Les lettres particulieres de Conftantinople re,
ques par le dernier Courier de la Turquie , ne
font, pour ainfi dire, aucune mention de l'accommodement
, fuppofé conclu entre la Ruffie & la
Porte , du moins elles en parlent d'une maniere fi
vague, que fi l'on n'en avoir pas la certitude par une
autre voie , l'on feroit tenté d'en conclure précifément
le contraire. A la vérité , il parcît que
dans tout ce qui a été réglé entre les hauts contractans
, il n'a point été queſtion d'un Traité par
écrit , mais fimplement que le Miniftre Ruffe qui
refide à Conftantinople eft convenu avec le Minis
tere Ottoman , que la Porte donneroit des ordres
très rigoureux aux Pachas des confins de la Geor
gie, pour qu'ils ne foutiennent plus , ni directe
ment ni indirectement , les Tartares du Caucale,
-
Quelques avis portent que lesdits ordres
avoient déjà été expédiés avant l'arrivée du Courier
de France qui apportoit à l'Ambaffadeur de
cette Cour l'ordre d'offrir la médiation du Roi
Très- Chrétien à ce fujet , & qu'en conféquence
ladite médiation n'avoit point été néceffaire.-
Malgré tout cela , lebruit fe répand que le Prince
Heraclius a fait un accomodement avec les Tar
tares . Idem.
Depuis la réception du Courier, arrivé dernierement
de Petresbourg le Grand- ConfeildeDantzick
a été affemblé : le Magiftrat Ini a fait part des réponies
que la cour de Ruffie que celles de Varfovie
& de Berlin ont faites fur différentes propos
( 235 )
fitions de la Ville. La premiere eft des plus fatis
faifantes , contenant l'affurance , « que l'Impéra
trice perfiftoit dans les fentimens favorables à
lon égard , & que la Ville pouvoit compres
fur la protection . La cour de Pologne décla
roit également , a qu'elle ne cefferoit de faire
» tous les efforts , qui dépendent d'elle , afin de
" porter S. M. Pruffienne à délivrer le commer-
» ce de Dantzick & de la Pologne des entraves ,
»
auxquelles il fe trouvoit affajetti » . Notre bonheur
feroit complet , fi la cour de Berlin avoit
répon lu d'une maniere auffi propre à nous tran
quilifer : Mais l'on dit , qu'elle a déclaré , « que
S. M. Pruffienne ne fe départiroit en rien
de ce qui avoit eté flipulé par le Roi , fon prédéceffeur
». Cette déclaration ne nous laiffe
que peu d'efpoir de voir terminer cette affaire au
gré de nos defirs. Une autre nouvelle peu favo
rable , que nous venons de recevoir , c'eût que le
nouveau Monarque Pruffien a permis à fes Sujets
le libre commerce du café & di tabac . Cette
liberté , qui s'étendra auffi à la Pruffe , ne pourre
qu'augmenter la concurrence , au préjudice des
Négocians Danizickois . Gaz, Hel. n . 101 .
Caufe extraite du Journal des Caufes célebres ( 1 ).
Sourd & muet de naiſſance , accufé de viol , E
condamné aux galeres à perpétuitépar les premiers
Juges.
Le viol eft un crime que les loix , protectrices
[t] Le Bureau de ce Journal eft actuellement rue du
Théatre François , la derniere porte cochere près la Place ,
chez M. Defearts , Avocat, & chez Mérigot le jeure ,
Libraire, Quai des Auguftins . Prix , 18 liv, pout Paris
84 liv pour la Province.
( 236 )
des moeurs & de l'honnete é publique , ont , dans.
tous les temps , pusi avec une jufte rigueur. C'eft
fous la fauve garde de ces loix tutélaires que repole
l'honneur d'un fexe que la foibleffe & fes
charmes rendent également intéreffent : les peines
feveres qu'elles prononcent , en mettant un
frein falutaire à la fongue des paffions , affurent
le repos des familles & celui de la fociété entiere.
L'homme qui , élevé dans la connoiffance de ces
loix , les foule aux pieds & brave leurs menaces,
pour affouvir une paffion effrente , doi : fentir
tout le poids de leur vengeance. L'etre infortuné
qui a fouffert de fon infolence brutale , la
fociété dont il a troublé le repo , tout demande
une victime ; mais cette maxime peut - elle s'appliquer
à un fourd & muet de naiffance , dont là
railon altérée par le défordre de fes fens , livrée
à une éducation groffiere , n'a pu être éclairée
des principes de la feciabilité & de l'ordre public,
ni connoitre d'autres loix que celles gravées par
la nature , dans le coeur de l'homme. Ce malheureux
peut être puni pour avoir enfreint
une loi qu'il n'a pas connue ? La loi doit-cls
exercer fir lui fa vengeance , fur- cut lorique le
délit n'a pas été confommé ? ... Quelle caufe p'us
intéreffante & plus digne de fixer l'attention des
magiftrats , que celle où la nature fe trouve apx
prifes avec la loi Ici pour fe reproduire
l'homme apporte , en venant au monde , un penchant
irréfiftible pour tout ce qui tend à remp'ir
ce voeu de la nature . Ce penchant , s'il n'étoit
dirigé , pourroit jeter dans le fyftême focial des
défordres qui en troubleroient l'harmonie ; une
loi infiniment fage , auffi ancienne que la fociété
, lui a fixé des bornes ; mais , comme cette
loi n'eft pas dans l'homme , comme elle ne naft
pas avec lui , on ne peut punir , comme coupable
de fon infraction ', l'être infortuné , qui privé,
( 237 )
en naiffant , d'une partie de fes facultés , ignore
ce que c'est que la fociété , & ne connoît que la
loi du befon & le droit de le fatisfaire . Cependant
une fentence du bailliage de Péronne a condamn
Caulier , feurd & muet de naiffance , aux
peines les plus rigoureufes , pour avoir , en fuivant
l'infint de la nature , enfreint une loi que
la privation de deux organes & le défordre de fes
facultés intellectuelles , ne lui ont jamais permis
de connoître... »
Jofeph Caulier , né de parens pauvres , a encore
eu plus à fe plaindre de la nature que de la
fortune ; privé , dès la naiffance , de la faculté
d'entendre , il l'a été , par fuite , de l'ufage de
la parole . L'éducation , fi néceffaire pour réprimer
les mouvemens de nos paflions , lui a abfo-
Jument manqué. Malgré le vice de la conftitution
, il paroît que Caulier fe livroit aux travaux
de la campagne , & aidoit à foutenir fa mere &
fes freres , qui partagent les infirmités de leur
aîné . Pendant une partie de l'année , Caulier travailloit
en qualité de journalier ; mais comme il
eft une faifon morte pour ces fortes d'ouvriers ,
l'ouvrage lui manquoit en hiver. Alors il parcouroit
les villages voifins de fon habitation , pour
y chercher fa fubfiftance & celle de fa famille.
Dans les derniers jours du mois de décembre
1725 , Caulier fortit de chez lui pour aller ramafler
des branches feches dans un bois voilin ;
en traverfant le chemin qui conduit de Péronne
´au Catelet , il rencontra deux femmes , s'approcha
d'elles , & , fuivant fon ufage , leur demanda
l'aumône ; l'une d'elles , veuve d'un employé
dans les fermes , touchée de fa mifere , ou peutêtre
effrayée par les efforts qu'il faifoit pour exprimer
fes befoins , tira de fa poche 3 liv . 12 f
1238 )
qu'il reçut comme argent de charité. Caulier ne
pouvant exprimer fa reconnoillance par des par
roles , avoit coutume de la témoigner par des
fignes & des Sons mal articulés . L'importance de
l'aumône qu'on venoit de lui faire , redola fa
fenfibilité , & ajouta au defir qu'il avoir de la
faire connoître. Après plufieurs fignes , il prend
le bras de cette femme , le preffe plufieurs fois.
& , par les inflexions de fa voix , s'efforce de lui
prouver la gratitude. La veuve s'effraie , fe laife
tomber ; le défordre rccafionné par la chûte
éveille peut- être dans les fens de Caulier des defirs
dont jufqu'alors i paroilloit n'avoir pas reffenti
l'atteinte , & il femble vouloir abu er de
cette chûte ; mais bientôt , aux cris de cette
femme & de fa compagne , un cavalier de maréchauffée
de leurs parens , qui venoit de les
quitter , accourt à leur fecours avec un ouvrier
qui travailloit dans le bois voisin .
Une plainte renue par le miniftere public ,
accufe Caulier de vol , & d'avoir tenté de violer
la veuve d'un employé furde chemin de Péronne
au Catelet : cette plainte eft fuivie d'une information
, & l'information d'un décret de prife - decorps
; enfin , par une fentence du bailliage de
Péronne , Caulier eft condamné au fouet , à la
marque , & aux galeres à perpétuité.
Il eft facile de prouver l'injustice de cette
condamnation .
:
•
$
Un fourd & muet de naiffance , voit tout ce
qui fe paffe fous les yeux , mais il voit fans comprendre
cette vue même ne fait que porter la
confufion & l'incertitude dans fon efprit . La
contrariété qu'il remarque entre ce qu'il obferve
& ce qu'il fent , le jette dans un état de perplexité
quile tient continuellemenr en défiance contre le
rapport de fes fens ; le tableau de la fociété eft
( 239 )
pour lui ce qu'eft pour nous le fpectacle du morde.
Nous voyons , mais nous ne pouvons ni ap
percevoir la loi qui conduit cet enfemble admirable
, ni calculer les inconvéniens qui en réſu -
teroient fi l'on s'en écartoit un moment . Le
fourd & muer de naiffance ne peut donc prendre,
des chofes mêmes fenfibles , que les notions
les plus imparfaites fi , defcendant en lui même ,
il y cherche le motif des actions dont il eft le
témoin, il s'agite en vain ; ne connoiffant que la
loi du befoin , il y rapporte tout & s'égare .
Un fourd & muet placé dans une claffe ordinaire
, peut cependant prendre quelques notions
de l'ordre focial . L'attention avec laquelle on
Jui fait remarquer ce qui fe paffe fous les yeux ,
ce foin que l'on prend de lui en faire pénétrer le
motifpar des fignes , fupplée , en quelque forte,
au défaut de la nature , & cette elpece d'éducation
lui procure , au moins , les fecours qui lui
font néceffaires pour fe conduire. C'eft ainfi que
le génie induftrieux & bienfaisant d'un eccléfiaftique
vertueux a fu ouvrir à la fcience , à la
vérité , à la vertu des ames qui femb'oient leur
être à jamais fermées & avec un zele autfi act £
que noble & généreux , rend tous les jours à la
fociété des hommes qui étoient perdus pour elle:
nommer ce bienfaiteur de l'humanité ( 1 ) , c'eſt
avoir fait son éloge.
Caulier ne fut pas trouvé dans une pofition
auffi favorable ; placé au milieu d'êtres prefqu'uffi
malheureux que lui , il s'eft vu abandonné
à lui - même. Une main bienfaifante n'eſt
pas venue alléger le poids de fon infortune , & l'aider
à développer fes idées . Pauvre , fans reflource,
( 1 ) M. l'abbé de l'Epée.
( 240 )
le front continuellement courbé vers la terre , il
ne connoît que le fol qu'il cultive . Son travail le
nourrit. Il faut donc labourer ; c'eft le terme de
fes réflexions. Ses bras , les inftrumens dont il fe
fert ; voilà tout ce qui l'intéreffe , voilà tout ce qui
peut fixer fon attention : tout ce qu'il fent, ce font
fes befoins : tout ce qu'il connoit , c'eſt la néceffité
d'y pourvoir ; c'eft le droit de les fatisfaire ..
Enfin il n'a de facultés que celles qui lui font abfolument
indifpenfables pour la confervation de fon
individu .
Ce n'eft cependant encore là qu'une partie des
malheurs qui ont accablé Caulier ; la nature y a
mis le comble. Déjà privé de la faculté d'entendre
, il n'a reçu d'elle qu'un efprit foible & borné ;
fa tête mal organifée a bientôt fucconibé fous le
poidsde fes maux , & il eft dans un état d'imbécillité
dont les fymptômes fe manifeſtent d'une maniere
plus fenfible à certaines époques.
Teleft pourtant l'individu que le miniftere public
défere à la Juice , tel eft celui à qui l'on a
fait un crime de n'avoir pas connu une loi qui n'eſt
que le résultat des rapports les plus compliqués.
Ces moyens de défenſe ont fait & dû faire impreffion
fur l'efprit des Magiftrats ; mais comme
Caulier avoit l'efprit aliéné , les Magiftrats , en
Je déchargeant de toute accufation , n'ont pas cru
devoir lui accorder une liberté dont il auroit pu
abuſer ; en conféquence la Cour , parfon Arrêt
du 18 Août 1785 , a infirmé la Sentence du Bailliage
de Péronne , & néanmoins , a accordé que
Caulier fera enfermé à Bicêtre , pour y être traité
& foigné comme les autres infenfés .
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