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Nom du fichier
1785, 04, n. 14-15, 16 (partie littéraire), 17-18 (2, 9, 16, 23, 30 avril)
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17.00 Mo
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407
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Texte
MERCURE
DE FRANCE
DÉDIÉ AU ROI ,
PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES ,
CONTENANT
Le Journal Politique des principaux événemens de
toutes les Cours; les Piècesfugitives nouvelles ca
vers & en prose ; l'Annonce & l'Analyse des
Ouvrages nouveaux ; les Inventions & Découvertes
dans les Sciences & les Arts;les Spectacles.
les Causes célebres; les AcadémiesdeParis & des
Provinces ; la Notice des Édits, Arrêts; lesAvis
particuliers ,&c. &c.
1
SAMEDI 2 AVRIL 1785 .

A PARIS;
Chez PANCKOUCKE , Hôtel de Thou
rue des Poitevins .
AvecApprobation & Brevet du Roi.,
P
TABLE
Du mois de Mars 1785.
IÈCES FUGITIVES . des Inferiptions & Belles-
Epitre à Mlle Em . de P** , 3
Lettres , 26
Impromptu,
6Tableau de la fituation ac
Epître à Mme la Comteffe tuelle des Anglois dans les
Gabrielle Digoine ,
49 Indes Orientales .
34
dan cadette , 51
Mot de Coclès ,
Epître, 13.
Vers adreffés à Mile Gavau- Morceaux extraits de l'Histoire
Couplets à M. Blanchard , 53 Littérature ,
L'Origine de l' Inconstance, 99 L'Enfer des Peuples Anciens ,
Naturelle de Pline , 57
12Recueil de quelques Pièces de
67
97 Histoire Univerſelle , 76
Epigramme , 100 129
AunejeuneDemoiselle , ibid. Pièces intéreſſantes & peu
Lecouragede l'Amour & de la connues , 154
• Nature , Anecdote , 101 Principes généraux de Belles-
Le Zéphyr & l'Aquilon , Lettres 166
Fable, 145 Manuel du Minéralogiſte ,
Conte, 146 172
Romance. 147 La dernière Héloïſe , 175
Réponſes à une Queſtion, 151 Variétés , 36.79 , 132 , 136
Charades , Enigmes & Logo- Académie Françoise ,
gryphes , 7, 15 , 121, 152 SPECTACLES.
131
NOUVELLES LITTER. Concert Spirituel , 178
Apologues & Contes Orien- Comédie Françoise , 179
taux , 9 Comédie Italienne , 183
Differtation qui a remporté le Annonces & Notices , 41 , 88,
Prix de l'Académie Royale 141, 185
A' Paris , de l'Imprimerie de M. LAMBERT ,
rve de la Harpe , près S. Côme.
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI: 2 AVRIL 1785 .
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
ÉPITRE
A M. SABATIER DE CAVAILLON ,
fur un Article d'un Journal , où il lougit
beaucoup un demes Ouvrages.
A
MI , la vapeur dangereuſe
Dont s'eſt enivré mon orgueil ,
N'étoit qu'une amorce trompeuſe
Qui m'attiroit vers un écueil.
Dité par la voix du génie,
Sans doute un éloge flatteur
Eft pour l'oreille& pour le coeur
Une agréable mélodie ;
Mais le ferpent dort ſous la fleur ;
Trop ſouvent la cruelle cavic
:
A ij
MERCURE

S'éveille à ce bruit ſéducteur.
Apeine , au littéraire empire ,
Mes vers ſont annoncés par toi ,
Et déjà fiffle contre moi
L'affreux dragonde la fatire.
Vois ce reptile meurtrier ,
Mon petit ſuccès le déſole :
Il viendra flétrir le laurier
Dont, grâce à ta main bénévole,
S'énorgueillit mon jeune front;
Et dans les flots d'un noir poiſon ,
De ma poétique auréole
Éteindre enfin chaque rayon.
LA GLOIRE eſt une enchantereſſe
Perfide comme la beauté;
Le caprice , la cruauté
Suivent la courde la Déeſſe;
Souvent fa plus tendre careſſe
Annonce une infidélité.
A
Ah! fi d'une angoiffe éternelle " of
Son ſouris veut être acheté ,
Si de maint rival irrité
Le poignard doit payer mon zèle ,
Toi , ſon amant toujours fété
Vole au ſéjour de l'immortelle ;
Ma fervitude eſt trop cruelle
L
Moi, je reprends ma liberté si zie.A
De te ſuivre aux Lieux où tu planes,
A
DEFRANCE. S
2
Je n'aurai point l'ambition ;
Ami , l'air de cet horizon
Elt trop fabtil pour mes organes.
Ama Mufe un vallon ſuffit':
Elle a les moeurs d'une Bergère ;
Le théâtre qu'elle chérit ,
C'eſt un petit bois ſolitaire ,
Où, ſous l'ombrage du myſtère ,
Son luth refónne à petit bruit.
Sans doute au Temple de mémoire
Son nom ne ſera point écrit;
Mais ſi Sabatier lui ſourit ,
2
ما
Doit-elle envier d'autre gloire ?
Onne verra point ſon portrait
Ala tête d'un mince Ouvrage
Se pavanant d'un air coquet ,
Du Lecteur ſéduit , ſtupéfait ,
D'avance obtteenniirr le fuffrage.
Mais qu'importe une vaine image ?
Dans ſon ami vivre en effet ,
:
::
:
Eſt la félicité du ſage..
Laiſſe-ladonc fuir à ſon gré
Une lice en proie àl'orage :
؟!
Sentier fleuri , bien refferré ,
Plaît à ſon goût , fied à ſon âge;
C
Entre deux remparts de feuillage ,
Telun ruiſſeau coule ignoré.
(ParM. Morel , d'Aix. )
Aiij
6 MERCURE
RÉPONSE aux Vers de M. BURET , inférés
dans le N° . 4 du Mercure de France.
ENNFFAANS de laſincérité
1
Vos vers dictés par la Nature
Offrent une moralité
Dont toutbas ſe plaint l'impoſture ,
Et qui flatte ma vanité.
De votre coeur novice encore ,
016
20
Et de votre Muſe au berceau,
Si le double hommage m'honore ,
Philinte , du jour le plus beau
Il eſt auſſi pour vous l'aurore .
Cultivez ce jeune roſier
Où les boutons en abondance
Étonnent l'oeil du Jardinier;
:
Jardiniert
Et livrez- vous à l'eſpérance
De le voir devenir laurier.
Mais voulez-vous que Mnémoſyne
Et votre Lecteur fatisfait,
Reſpirent l'odeur d'un bouquet
Cueilli ſur la docte colline ?
:
Je vais vous donner un ſecret :
" N'y laiſſez pas la moindre épine. »
De Juvénal , de Deſpréaux
L'Univers connoît le mérite;
Toutefois leurs brûlans pinceaux
DE FRANCE. 7
1
N'ont pas fait un ſeal profélite.
Sur l'amour-propre révolté
Le talent perd tout fon empire;
Le zèle ſans l'aménité
N'obtiendra jamais un ſourire.
Aux beaux jours du peuple Romain,
Temps heureux qui ne dura guère ,
Croyez-vous qu'on fût plus fincère,
Et moins flatteur & plus humain ?
Moi , j'ai la preuve du contraire.
A Janus , ce Dieu reſpecté ,
Etnéchez ces prétendus ſages ,
Auroit-on prêtédeux viſages
1
Si la candeur, la vérité jso
Euſſent habité leurs rivages ?
Dans le phyſique & le moral ,
Jadis , comme au fiècle où nous ſommes ,
** Le bien fut à côté du mal :
Ainſi les Dieux ont fait les hommes.
Ceffons des regrets ſuperflus :
Des régions non moins ingrates
Eurent leurs Nérons , leurs Titus :
De tous temps on vit les Socrates
Contemporains des Anitus.
Pourquoi porterions-nous envie
Aces mortels trop célébrés ?
Les Vertus , les Arts , le Génie
Dans nos foyers font honorés.
Aiv
MERCURE
LeTibre eut Horace , Virgile ,
Pline , Antonin , Burrhus , Caton;
La Seine a Vergennes , Delille ,
Louis , Suffren , Breteuil , Buffon.
Satisfaits de notre partage ,
Sachons mieux nous apprécier ;
Laiſſons les Zoïles crier ;
Le filepseoft la voix du ſage.or 1
(Par M. l'Abbé Dourneau )
1
NOUVELLE QUESTION A RÉSOUDRE.
Lequel des deux prouve plus d'amour ,
celui qui quitte le Trône pour fa maîtreſſe ,
ou celui qui veut conquérir une Couronne pour
la lui offrir.
م
1
L
1
10000
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercure précédent.
Le mot de la Charade eſt Sourire ; celui
de l'Enigme eſt Lanterne; celui du Logogryphe
eſt Harpie , où l'on trouve phare ,
pie, épi, répi , hier raie , api, haie ,harpe.
DE FRANCE.
9
CHARADE.
J
MON
ON premier , belle Iris , eſt le tems des Amours ;
Mon ſecond , avec art, flotte ſur vos atours ;
Ah! ſoyez donc mon tout pour embellir mes jours.
J
ENIGME.
AI le viſage long&la mine naïve;
Je ſuis fans fineſſe & ſans art ;
Mon teint eſt fort uni , la couleur affez vive ,
: なEtje ne mets jamais de fard.
Mon abord eſt civil; j'ai la bouche riante ,
Et mes yeux ont mille douceurs.
Mais quoique je fois belle , agréable & charmante ,
Je règne ſurbien peu de coeurs.
On me proteſte aſſez , &preſque tous les hommes
Se vantent de ſuivre mes loix.
را
Mais que j'en connois peu dans le ſiècle, où nous
fommes در
نا
Dont le coeur réponde à ma voix !
Ceux que je fais aimer d'une flamme fidelle ,
Me font l'objet de tous leurs foins ;
Etquoiqueje vicilliffe , ils me trouvent plus belle,
Et ne m'en eſtiment pas moins.
Onm'accufe pourtant d'aimer trop à paroître
Qù l'on voit la proſpérité;
Av
10 MERCURE
Lorſqu'il eſt vrai qu'on ne me peut connoître
Qu'au milieu de l'adverſité.
J
(Par M. l'Abbé Métrail, Aumônier de
l'Hospice Royal..)
LOGOGRYPHE.
Eſuis un remède puiſſant
Pour mettre fin aux larmes d'un enfant.
Avec cing pieds l'on me compoſe ;
Veut-on les retourner ? je ſuis la même choſe.
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
:
T
LA Poetique de la Musique , par M. le
Comte de la Cépède , des Académies &
Sociétés Royales de Dijon , Lyon , Toulouſe
, Rome , Stockholm , Heſſe , Hombourg
, Munich , &c. La fenfibilité fait
tout notre génie , Piron. 2 vol. in-8°. De
Imprimerie de MONSIEUR. A Paris
chez Didot jeune , Mérigot jeunel, &
Théophile Barrois , Libraires , Quai des
Auguſtins ; la Veuve Eſprit , au Palais
Royal ; Belin , rue S. Jacques , & Viffe ,
rue de laHarpe.
I
ii.
L'ART de la Mufique est bien jeune en
France , en le conſidérant du côté de ſes
DE FRANCE. 11
liaiſons avec l'Art Dramatique. On ſe rappelle
ſa première époque , & il n'eſt encore
qu'à ſa troiſième. Les Spectacles Lyriques
floriffoient en Italie: Louis XIV, qui encourageoit
tous les Arts , ne voulut pas que
celni de la Muſique fût négligé ; & l'Italien
Lulli , ſecondé merveilleuſement par les talens
de Quinault, fonda fur notre Scène la
mélodie de ſon pays , qu'il tâcha d'ajuſter
avec nos paroles. Mais tandis que cet Art
indigène en Italie,y prenoit un accroiſſement
rapide , il ſembloit qu'exotique en France ,
il fût condamné à y demeurer dans l'état où
il étoit lorſqu'il y fut tranſplanté. Bientôt
les deux mélodies , ſi ſemblables dans leur
origine , devinrent tout-à-fait différentes ;
mais l'orgueil national ne voulut pas voir
que cette différence venoit des progrès de
l'une &de l'inertie de l'autre; il aima mieux
ſe perfuader qu'il avoit une muſique particulière
, & la préférer à ſa rivale.
D
Rameau vint , & ce grand Homme , dont
le génie ne demandoit qu'à s'étendre , tira en
partie notre muſique de ſon état de langueur.
Il donna plus de vigueur à l'harmonie
, dont il avoit ſimplifié l'étrude ; il lui
fraya des routes nouvelles , en multiplia
les effets , donna enfin à nos Ouvrages Lyriques
une meilleure forme , & malgré les
contrariétés qu'éprouve tout novateur , il
fit faire un pas immenſe à l'Art , refté immobile
juſqu'à lui. Mais ſes efforts n'avoient
ofé s'étendre que ſur les choeurs & la fym12
MERCURET
phonia. Le chant François lui parut l'idole
facrée de la Nation; il crut, comme les autres
, que la langue en avoit invinciblement
déterminé la forme, & quoique né avec un
génie mélodieux , comme il l'a prouvé dans
ſes airs de danſe , il laiſſa notre Scène en
proie à ces éternels récitatifs , d'un chant
trop foutenu pour de la déclamation , &
trop froids, trop languifſans , trop uniformes
pour exprimer jamais le véritable accent des
paflions.
i 11
Enfin, les bouffons Italiens deſfillèrent les
yeux de la France. Leurs Ouvrages Drama- -
tiques ne pouvoient réuffir long temps chez
une Nation qui , plus que toute autre , a fu
perfectionner cet Art ; mais leur muſique
avoit plu ; des hommes remplis de goût ,
de zèle & de patience, effayèrent d'y adapter
des paroles Françoiſes , & le plus grand
ſuccès couronna leurs efforts. On put dèslors,
s'appercevoir que fi notre poéſie avoit
paru réſiſter à la mélodie Italienne, la faute
devoit en être attribuée, non à l'inflexibilité
de la langue , mais à la pareffe ou à l'or
gueil des Auteurs qui ne vouloient pas pren
dre la peine de lui donner les formes que
la muſique exige , ou qui croyoient que cet
Art devoit plier fous le leur.
Reléguée ſur nos Théâtres Comiques, Polymnie
s'y retranchoit , s'y fortifioit , &
ſembloit attendre qu'une occafion heureufe
lui facilitât la conquête de la capitale de fon
empire. Un François , l'Auteur d'Erne
DE FRANCE. 13
linde , tenta le premier ce hardi projer,
on applaudit à ſon audace ; mais ſon pays
ne fut point converti. Un homme d'un
génie ardent , plus heureux , & qui peutêtre
avoit mieux médité les changemens
néceſſaires ; qui , en portant des coups plus
sûrs & plus profonds , ménageoit davantage
les préjugés reçus; qui , connoiffant le goût
dramatique de la Nation , s'en étoit habilement
ſervi pour faire adopter les réformes
muſicales , & payoit ainſi , par des beautés
des deux genres, les ſacrifices qu'il exigeoit ,
M. Gluck fit à lui ſeul toute la révolution ;
bientôt les plus grands Maîtres de l'Italie embellirent
ſon ſyſtême , & par leurs talens
réunis, l'art lyrico-dramatiqueeſt maintenant
fixé parmi nous.
C'eſt à cette époque que devoit paroître
une poétique de la mufique. Quand un Art
eſt encore inculte , le génie apperçoit bien
le point où il veut atteindre , mais il ne voit
pas le chemin qu'il doit ſuivre ſous les
brouſſailles dont il eſt couvert. Il. les effaye
tous , écarte ou détruit les obſtacles qui l'arrêtent
; & à force de conſtance & de fatigués
, arrive enfin au but defiré. L'homme
de goût épie alors ſa marche , diftingue ſes
veſtiges ſur le ſentier qu'il a tracé , en forme
une carte fidelle , & l'offre pour guide
aux jeunes Artiſtes qui veulent ſuivre la
même carrière.
Mais pour ofer indiquer la route des Arts,
14 MERCURE
!
il faut ſoi-même être digne d'y marcher. It
falloit être Horace pour donner aux Latins
une poérique ; il falloit être Boileau pour
en donner une aux François. Quoique les
titres de M. le Comte de la Cépède ne ſoient
pas encore aufli bien conſtatés que ceux de
ces grands Hommes , il n'en eſt pas moins
vrai que ſes talens & ſes connoiſſances en
muſique , lui donnent ledroit de raſſembler
enun corps les règles de cet Art que lui ont
fait découvrir ſes obſervations.
Le fond de cet Ouvrage eſt très - neuf;
par tout où la muſique eſt cultivée, il
exiſte un nombre prodigieux de traités de
compoſition , livres preſque toujours infuffifans,
qui n'enſeignent que les loix de l'harmonie
, & qui ſont à la muſique ce que les
grammaires ſont aux langues. Une rhétorique
, l'art d'écrire , de ſe former un ſtyle
pur & correct , varié ſuivant les genres différens
, ſeroit ſans doute un Ouvrage trèsutile
, mais on ne l'a point encore tenté. Ce
n'eſt pas - là le but de M. de la Cépède ;
il fuppoſe ces connoiffances acquiſes , &
s'attache principalement à leur connexion
avec la poéfie , & fur-tout à l'application
qu'on en peut faire à l'Art Dramatique.
J'ai dit que ce ſujet étoit neuf; cependant
pluſieurs Auteurs en ont déjà traité quelques
parties. On trouve des idées relatives à cet
objet dans le petit Traité de d'Alembert fur
les libertés de la muſique ; on a vû autrefois
un Ouvrage de M. le Chevalier de Ch. fur
A
DE FRANCE. 15
:
l'union de la Poésie & de la Muſique , Livre
rempli de vûes excellentes , qui malheureuſement
n'existe plus , qui parut dans un
temps où peu de perſonnes étoient encore
en état de l'entendre , d'en ſentir tout le mérite
, & qui manque maintenant à nos
Poëtes Lyriques , lorſqu'il leur ſeroit de la
plus grande utilité. On connoît encore des
obfervations ſur la Muſique & ſur la Métaphyſique
de cet Art , par M. de C. Le Dictionnaire
de Rouſſeau offre auffi pluſieurs
articles épars qui ont rapport à l'objet que
traite M. de la C.; mais aucun autre avant
lui n'avoit raſſemblé un corps d'obſervations
&de principes pour en compoſer unſyſtême.
S'il eſt avantageux de parler le premier
d'un Art à l'inſtant où il ſe forme , il y a
bien auſſi quelques inconvéniens. Cet Art
n'a point alors de nomenclature ; on eſt pauvre
de phraſes qui puiſſent exprimer des
idées nouvelles ; on eſt obligé d'en emprunter
aux autres Arts; & comme la convention
n'eſt point encore établie , l'expreffion
eſt toujours vague & douteuſe , on eft obfcut
malgré foi. L'Auteur économe dans fa
diſette , craignant d'épuiſer bientôt ſes reffources
précaires , revient ſouvent aux mêmes
tours de phrafes; il en réſulte des répétitions
fatigantes , de la monotonie , du dégoût. Il
faut avouer que cet inconvénient ſe fait
ſentir dans l'Ouvrage de M. de la C.; mais
il eſt à propos de le faire connoître avant
que d'en porter un jugement.
16 MERCURE
1 Il traite d'abord de l'origine de la Mu
fique; & pour préſenter ſes idées ſous une
forme plus agréable , il emploie une fiction'
ingénieuſe. Il ſuppoſe dans le climat le plus
fortuné , l'homme & ſa compagne jouillant
d'abord d'un bonheur ſans mêlange; les accens
ordinaires ne peuvent fuffire à l'expreffion
de la félicité ; ſa voix ſe déploie & foutient
des fons qu'il élève & rabaiffe avec rapidité
; ſa démarche s'anime , il faute de
joie; & pour mêler moins de fatigue à l'ex
preffion de ſes tranſports , il ſe laiſſe retomber
par intervalles égaux , ſes ſauts font accompagnés
de ſes chants, auxquels il ajufte
desparoles coupées avec ordre ,& analogues
au bonheur de ſa ſituation': ainſi naiſſent à .
la fois la chanſon , la danſe & la poéfie.b
Mais le bonheur durable n'a jamais été le
partage de l'homme ; il perd ſa compagne,
&l'expreffion de ſes regrets , de fa douleur
, ſes plaintes, les cris , ſes tranſports de
crainte&d'eſpérance , enfin toutes les paf
fions qui l'agitent , donnent naiſſance à la
vraiemuſique,qui , née au milieu des pleurs,
dit M. de la C. , ne peint bien que les évé
nemens triftes , les ſentimens fombres &
profonds , & n'exprime qu'à demi la joie&
la férénité. Cette opinion de l'Auteur le
conduit à une idée fine & heureufel
>> faut , dit-il , aveir dans l'âme une der-
>> taine candeur pour goûter tous les char-
> mes de cet Art céleste. Tout ce qui housi
>> attriſte, tout ce qui réveille en nous des
DEFRANCE 87
idées ſombres , porte naturellement l'âme
• àſe replier ſur elle-même. Si l'on ne peut
>> ſupporter qu'avec peine la vue de ſon
>> coeur , on fuira tout ce qui oblige à l'examiner:
l'homme vertueux pourra done
>> feul goûter ſans trouble les tendres émo-
» tions que la vraie muſique inſpire. L'en-
>>nemi de la vertu ne doit chercher que la
>>gaîté & les chanfons.>>
Cependant l'homme a retrouvé ſa compagne
; le bonheur renaît pour lui, maisnon
pas auſſi pur qu'il le goûtoit auparavant,
L'inquiétude l'altère , il peut perdre encore
le bien qu'il a déjà perdu. Ainfi, l'accent qui
exprime ſes ſentimens eft encore celui de ia
vraie muſique. Cette compagne chérie , qui
partagea ſa peine , partage auſſi ſa félicitédu
moment. Elle exprime ſes tranſports de la
même manière , & voilà le premier duo.
Bientôt leur retraite eſt violée par une troupebarbare
qui y pénètre les armes à la main ,
& ſépare le couple heureux. Leurs adieux
leurs efforts pour ſe réunir forment un duo
pathétique.Une tempête a épouvanté les habitans
rares de ces contrées ; le calme ramène
dans les cooeurs l'eſpérance& la joie; ils
élèvent leurs voix & leurs actions de grâces
vers le ciel , & forment le premier choeur de
joie, comme ils ont formé le premier choeur
religieux pendant leur effroi. C'eſt ainſi que
M. de la C. décrit l'origine des différens
genres de muſique , & même celle des di
vers inſtrumens.
1
18 ... MERCURE
Le Chapitre ſuivant traite de la nature
de la muſique , de la partie phyſique , de ſa
compoſition , indépendamment des goûts &
des ſtyles divers , ainſi que des différentes
applications qu'on en peut faire. Cet article
contient plufieurs propoſitions qui mériteroient
d'être difcutées ; mais ces diſcuſſions
formeroient elles-mêmes un Livre , & ne
peuvent entrer dans un extrait. Au refte ,
comme la variété d'opinions ſur les caufes ,
n'infque en rien ſur la réalité des effets , ce
Chapitre me paroît l'un de ceux dont on
peut tirer le plus de fruit. L'Auteur y analyſe
très-bien les loix de la mélodie, la formation
des phrases muſicales , leurs proportions,
enfin tout ce qui doit conftituer des
airs, ce qu'il appelle avec raifon un morceau
de muſique par excellence.
M. de la C. traite enfuite des effets de la
muſique. Ce qu'il dit à ce ſujet eſt prefque
toujours très-juſte , très bien fenti; mais
peut-être s'est -il trop livré aux idées métas
phyſiques ; elles enveloppent tous les préceptes
, qui , dans une pareille matière , ne
pouvoient être exprimés trop clairement.
Les tableaux poétiques que l'Auteur a prodigués
dans fon Ouvrage , loin d'en rendre
la lecture plus amuſante , comme il l'a cru
fans doute , ne la rendent que plus fatigante.
L'eſprit de recherche qui anime le
Lecteur , est étonné , fâché de ſe voir diſtrait
par des peintures brillantes qu'il n'a point
defirées. L'oeil qui cherche péniblement un
1
1
DE FRANCE. 19
point imperceptible , ſe trouve bleſſé de
l'éclat d'un beau jour qui le récréeroit dans
un autre temps. Familier avec ſes idées , M.
de la C. , bien sûr de les retrouver quand
il le voudroit , a pu ſe livrer ſans danger aux
écarts de ſon imagination ; mais comment
ſes Lecteurs reconnoîtroient-ils les routes
de ce labyrinthe ſi nouvelles pour eux ,
après que leur attention en a été fi fort détournée?
: i
On en peut dire autant de ſon ſecond
Livre, où il traite de la Tragédie Lyrique ,
de ſon enſemble , des paflions, des carac
tères que le Muſicien y doit peindre. Le
Chapitre des paſſions eſt fur-tout profondement
ſenti ; mais -M. de la C. en a plutôt
tracé les tableaux , qu'il n'a réellement indiqué
au Compoſiteur la manière de les rendre.
C'eſt-là fur-tout que se fait ſentir la
difette d'expreffions convenues entre l'Écrivain
&le Lecteur. Voici un exemple. » Pour
>> peindre la HAINE , que le Muſicien cher-
>>che les couleurs les plus noires, les accords
>> les plus horribles , les chants les plus pro-
>> pres à inſpirer la conſternation & l'effroi :
>> que la mélodie porte ce caractère ſom-
>>bre qui déſigne le tourment ſecret& les
>> ſiniſtres projets de la haine , que les ac-
>> compagnemens peignent en même temps
>> le feu cruel qui la brûle elle- même , feu
» qu'elle n'avoit allumé que pour con-
>> fumer l'objet de ſes penſées funeſtes
» qu'elle n'a pu jeter ſur une tête inno20
MERCURE
>> cente , mais ennemie , & qui ne pouvant
>>ſuſpendre ſon action , la dévore elle-même
ſans jamais l'anéantir ; que de temps en
>> temps des cris échappés dans l'orchestre
>> de grandes maffes d'une harmonie hori
rible, amenées quelquefois d'un mouve
ment affez lent , annoncent les tranſports
» de la haine , qui cherche à éclater , & fa
>> voix qui , ne pouvant être toujours rete
» nue , frappe l'air de cris aigus ; & lorf
» qu'enfin le jour tertible eſt arrivé, dorf-
>> que la haine ne ſe contient plus , lorſque
>> ſes horribles ferpens fifflent fur la tête
» qu'elle allume ſes brandons , & que ta
>> fureur conduit ſes pas précipités , que le
• Muſicien ſe ſerve pour la peindre des
moyens indiqués pour repréſenter la fu
reur; mais qu'il n'oublie jamais les reintes
noires , horribles & effrayantes qui doi
vent caractériſer la haine.
On fent combien tout ce qu'il y a de pré
ceptes dans ce morceau eſt vague & indé
terminé; il étoit difficile de faire autrement ;
l'Auteur en avertit lui-même;mais ce défant
de clarté ne vient-il pas un peu de celui de
préciſion ? Si au lieu de décrire d'une manière
ff emphatique & fi diffuſe , la haine & fes
effets , l'Auteur s'en étoit rapporté à l'ima
gination & aux connoiffances morales du
Muficien; s'il lui avoit en place développé
les procédés , pour ainſi dire méchaniques
qui doivent être employés à la rendre , fi
fur-tout il s'eroit appuyé fur des exemples
DE FRANCE. 21
connus, s'il eût analyſé quelques morceaux ,
-de ceux qui ſont entre les mains de tout le
monde , je crois que ſon Ouvrage auroit un
bienplus grand mérite d'utilité. Il cite à la
vérité pluſieurs exemples dans les Chapitres
qui traitent du récitatif, des airs , des duos ,
des trios , &c. mais ces exemples fe bornent
à des Opéras que probablement M. de laCo
amis lui-même en musique , & qui ne font
pas encore contius du Public, Comme les
Lecteurs ne peuvent vérifier la citation , ni
faire ainſi l'application du précepte , comme
elle n'offre aucune image à leurs yeux , elle
ne leur fert preſqu'à rien .
Le morceau que nous venons de tranfcrite,
peut encore donner une idée du ſtyle
deM. de la.C. Atravers ſa prétention on y
Verra pourtant de la négligence. On y verra
que l'Ouvrage, conçu & médité longuement,
a peut-être été écrit trop vite, que l'expreſ
fron qui devoit y être ſi naturelle ,eſt pref
que toujours vague à force d'être recherchée,
Entend-t'on d'une manière bien nette ce que
c'eſt que des accords horribles ,une harmonie
horrible , & c. Cette épithète, favorite de
l'Auteur est employée avec profuſion ſans
jamais donner d'idée plus préciſe. Il peut
s'appercevoir lui-même de, la gêne de fon
ſtyle , par la fréquence des répétitions des
mêmes phrafes , des mêmes idées qu'on y
rencontre ſans en voir la néceffré
Les mêmesdéfauts obſcurciſſent d'excellens
préceptes dans les Chapitres durécitatif, des
22 MERCURE
airs , des duos , des choeurs , des ouvertures
de Tragédies Lyriques. Et quoique les matières
y foient traitées avec une abondance
qui reſſemble à la profuſion , beaucoup d'objets
cependant y manquent du développement
dont ils auroient beſoin. Ce que l'Auteur
y dit du rhythme , par exemple ,ene
me paroît pas affez approfondi. Il me femble
que M. de la C. n'a pas affez fenti l'influence
que doit avoir le thythine poétique
fur le rhythme muſical. Ge ſujet , à peine
indiqué, méritoit à lui ſeul un Chapitre; mais
avant de le faire , je l'inviterai à lire le petit
Ouvrage de M. de Ch. dont j'ai déjà parlé.
L'Auteur jette enſuite un ſimple: coupd'oeil
ſur la Comédie Lyrique , fur la Paſto
rale , ſur la Mufique ſacrée & ſur la mutique
de chambre ; il renvoie , pour les détails
plus érendus , à ce qu'il a dit de la Tragédie
Lyrique , qui eſt , avec raiſon , ſon principal
objet. L'article de la Paftorale ne contient
qu'un canevas d'une action théâtrale fort
tragique & fort noire , qu'il propoſe au
Poëte , ſans s'occuper beaucoup du parti
qu'en pourroit tirer le Muſicien.
Telle eſt la marche de cet Ouvrage , dans
lequel on trouve d'excellens principes , des
vûes très - juſtes , des préceptes très - vrais ,
mais étouffés ſous le poids des deſcriptions,
mais préſentés d'une manière beaucoup trop
diffuſe & indiſtincte. M. de la C. a trop fou
vent oublié qu'il parloit à des Muſiciens ,
& que des Muſiciens ne ſont pas ordinaireJOURNAL
POLITIQUE,
DE BRUXELLES .
TURQUIE.
DE CONSTANTINOPLE , le 24 Février .
0
N dit que les Boſniaques s'oppoſent à
la fixation des limites entre la Porte &
l'Empereur , & qu'ils ont demandé la permiffion
de foutenir leurs droits les armes à
la main. Pour réponſe , le Grand- Vifir ,
ſuivant les mêmes bruits , a fait étrangler
les députés de la Boſnie : rigueur qui a occaſionné
une révolte générale , s'il faut en
croire quelques feuilles publiques.
Le gouvernement , à ce qu'on débite , a
donné ordre d'ajouter à notre marine 40
barques canonnieres , & un grand nombre
de bombardes .
Le nouvel Hoſpodar de Moldavie a eu
le 22 Janvier ſa premiere audience du
Grand Seigneur.
3,
:
ALLEMAGNE.
DE HAMBOURG , le 16 Mars .
La convention de la ville de Dantzick
N°. 14, 2 Avril 1785 . a
( 2 )
avec le Roi de Pruſſe a été enfin ratifiée par
ce Monarque , le 8 de ce mois. Dans la
correſpondance reſpective , qui a cu lieu à
cette occaſion entre les parties contractanres
, S. M. P. dit au Magiſtrat de Dantzick
qu'elle a accordé de fon propre mouvement
des conditions que ſes droits légitimes l'autoriſoient
à refuſer ; qu'elle n'a regardé qu'à
l'équité & qu'aux avantages mutuels du
commerce , & que ſi de part & d'autre les
clautes de cet accord font fidelement obfervées
, Dantzick ſe convaincra qu'elle n'a
rien perdu au changement de maître de la
Prufie Polonoife.
Voici la teneur de cette convention définitive
, aujourd'hui publiée officiellement.
1. Le Magiſtrat de la ville de Dantzik reconnoît
que le procédé de cette derniere envers S. M.
ainſi qu'à l'égard de ſes ſujets , a été outré &
porté juſqu'à l'offenſe par erreur ou préoccupation
d'eſprit ; & qu'après cet aveu il ſe croit dans
l'obligation de faire des excuſes du paffé à S. M.
au nom de ladite ville , avec promeffe qu'à l'avenir
il réglera ſa conduitede manière à ne plus
donner aucun ſujet de mécontentement à S. M.
ni de plainte fondée à ſes ſujets .
II. » Le commerce & le paſſage libres des
ſujets royaux , tant par eau que par terre , par le
territoire de la ville de Dantzig , ayant formé le
point principal de la conteſtation , le Magiſtrat
déciare par la préſente , & s'engage ſolemnellement
, au nom de ladite ville & de tous les ordres
, à accorder dorénavant à tous les ſujets du
Roi , foit par eau ou par terre& fur tous les bras
que forment la Viſtule , la méme liberté de com
( 3 )
merce &de navigation par le territoirede la ville
à l'égard de tout ce qu'ils jugeront à propos de
tranſporter d'une partie des Etats du Roi dans
l'autre , que celle dont jouiſſent les habitans
mêmes de Dantzit , ſoit en naviguant fur la
Viſtule , foit en tranſpor ant par terre leurs
marchandiſes , par les Etats dépendans de S. M.
ladite ville s'engageant en outre à rétablir le
chemin & le paſlage par le Ganſekrug , & à en
permettre l'ufage aux ſujets du Roi , à la réſerve
cependant à ſa volonté de ſéparer ce chemin dans
les endroits , où il s'approche trop des fortifi
cations , ou fi cela n'étoit pas faiſable , d'y établir
des barrieres qui ſe fermeroient la nuit ,&
n'en permettroient l'ouverture que de jour , en
yattachant un droit de paſſage , en conformité
de ceux perçus dans d'autres endroits , & auxquels
les ſujets du Roi feront aſſujettis fur un
pied d'égalité avec les habitans de la ville.
III . En revanche, le Roi ayant fincerement
à coeur le bien-être de la ville de Dantzik , &
ſouhaitant de lui conſerver particulierement le
commerce des marchandises de Pologne , S. M.
lui abandonne excluſivement ledit commerce
d'exportation ſur mer entant qu'il peutſe faire
fur la Vistule par la ville & le territoire de
Dantzik , de maniere que les habitans de cette
ville jouiront ſeuls du droit de tranſporter fur
la Viſtule toutes les productions de la Pologne
& autres marchandises quelconques deſtinées
pour Dantzik , & à être exportées au - delà ſur
mer.
<<En conféquence S. M. ordonne ſérieuſement
à ſes ſujets de s'abſtenir de tout commerce exportatif
de mer par la voie de Dantzik & du
Fabrwaſſer ; & afin qu'on ſe conforme d'autant
plus à ſon intention à ce ſujet, elle donnera
22
( 4 )
les ordres les plus meſurés aux Officiers du bureau
de péage au Neu -Fabarwaffer pour y veiller
exactement , & ne permettre à aucun de ſes ſujets
de ſe mêler du commerce d'exportation fur
mer. De plus , le Roi permettra à la ville de
Dantzak d'y conſtituer pour elle & de ſa part
un agent qui puiſſe avoir l'oeil à ce qu'il ne ſe
commette aucune contravention à cet égard , &
qu'il n'y foit exercé aucun commerce de mer
par les ſujets pruffiens , foit en productions de
Po ogne, foit en celles de Pruſſe,
>>Mais , pour prévenir tout déſordre , diſpute
ou querelle qui pourroient réſulter des viſites
que ce Commiſſaire ſe croiroit en droitde faire
fur les navires pruſſiens , il ne ſera point autoriſé
à en faire ; mais il ſe contentera dans
tous les cas où il pourra remarquer ou ſoupçonner
quelque exportation ſur mer par un ba
tment praffien , de faire fon rapport à ce ſujet
aux Officiers du bureaudes péages , qui y remédieront
ſur le champ; finon it en donnera avis
au Magiſtrat même de Dantzik , qui ſe fera
rendre juſtice par la voie du Réſident du Roi ,
ou par celle du Miniftere , s'il le jugeoit néceſſaire
, lequel ne manquera pas de redreſſer
promptement tout ce qui aura pu être commis
en contraventionde cet article.
La ville de Dantzik étant ainſi ſuffisamment
paffusée contre toute exportation ſur mer de la
part des ſujets pruffiens , ceux-ci en revanche ,
jouiront de la liberté de ſe procurer toutes leurs
néceffités , effers , marchandises de quels lieux
qu'ils jugeront à propos , & de les tranſporter
librement par le territoire de la ville de Dantzik;
comme celle-ci reconnoît avec gratitude
les fentimens de générosité de S. M. à ton égard,
elle promet de ne pas charger lesdites mar
-
( 5 )
-
chandiſes ou effets des sujets du Roi enpaffant
par le territoire de la ville, des droits & péages
excédans ceux que fes propres habitans ont coutume
de payer en pareils cas.
IV. » Le commerce d'importation par mer du
côté de Fabrwaſſer fera libre aux ſujets des
deux parties contractantes ; mais afin d'obſerver
une jufte balance , S. M.confent que fur tous
les effets & marchandises appartenans aux ſujets
pruffiens & importés du côté de la mer , le Magiſtrat
de Dantzik ſoit autorisé à faire percevoir
tels droits d'entrée & de tranfit par le Fabewaffer;
qu'il jugera à propos , pourvu toute-fois qu'ils
n'excedent point ceux qu'on a coutume de payer
aux bureaux de péages pruffiens. En revanche
ledit Magistrat promet de faire lever les droits
ſuſdits au Bickhaus & non dans la ville , afin
que les bâtimens pruffiens ne foient plus dans
le cas de décharger leurs cargaiſons , ni forcés
d'entrer dans la ville : confent en outre ledit Magiftrat
que les connoiſſemens que produiront les
maîtres de ces mêmes navires aux Douaniers
Dantzikois , folent reçus & reconnus par ceux- ci
comme des documens valables , & leurs cargai .
lons exemptes de toute vifire .
ככ Mais dans le cas d'un foupçon fondé que
pourroit former le Magiftrat for Tinfidélité de
ces connoiſſemens , par laquelle ces douanes ſeroient
injuftement fraudées des droits qui leur
ſont dûs , il ſera en ce cas autorifé à faire arrêter
au Blockhaus le navire ſuſpecté , pour lui
faire fubir la viſite ſelon l'ordre preſcrit ,à la
quelle cependant doit affifter néceſſairement le
Réſident du Roi , & au défaut de celui - ci , fon
chargé d'affaires , leſquels auront été préalable
ment avertis , afin d'empêcher par leur préfence
tout déſordre ou violence , & écarterl
23
( 6 ).
partialité qui accompagne d'ordinaire une pareille
vihe.
Le Magistrat de Dantzik promet de plus d'accorder
le paſſage libre & exempt de tous droits
de péage & de tranfit à tous les effets & biens
appartenant en propre à S. M. Prusienne , tels
que les ſels communs , porcelaine , fer , tabac ,
uniformes de troupes , fufils , poudre , & généralement
toutes les munitions & armes de
toutes efpeces qu'exigent l'entretien de ſes armées
, ainſi qu'aux tranſports des ſels appartenans
à la compagnie ou commerce maritime ,
qui feront munis de paſſeports fignés par le miniſtere
de Pruffe .
La Suite à l'Ordinaire prochain.
M. le Baron de Caché , chargé d'affaires
de l'Empereur à Varſovie , a préſenté le 19
Février au conſeil permanent , une note
concernant les plaintes du prince Czartoriski
, général de Podolie. Par cette note ,
dans laquelle le prince eſt nommé Vaſſal ,
Général & Capitaine des Gardes de l'Empereur
, on demande que le comte de Malachowski
, chef du département des affaires
étrangeres , faffe examiner par ſon tribunal
le procès criminel actuellement inſtant.
Comme les cas de cette nature relevent du
tribunal du Feld- Maréchal de la Couron
ne , cette demande éprouvera de grandes
difficultés . Elle a été diſcutée au conſeil
permanent , & le fera encore.
Le Docteur Bufching porte dans fa feuille hebdomadaire
le nombre des maiſons contribuables
dans le Comté de Bentheim , des cercles du Bas-
Rhin & de Westphalie ,á 1458 ; ſavoir , 339 dans
( 7 )
leBailliage de Bentheim , 173 dans celui d'Emblitheim
, 260 dans ceux de Neuenhans & de
Velthaufen , 185 dans celui de Nordhorn , 255
dans celui de Schuttorf, 224 dans celui de Vel
ſen , & 22 dans celui de Wietmerſch. La contribution
de ces maiſons monte par mois un peu audela
de 1773 thalers .
On évalue la population aquelle de la ville de
Francfort-fur-l'Oder , á 10,000 ames .
Un journal de commerce porte l'exportation
annuelle du froment du royaume de
Sicile à 500,000 ſalmas , dont 10 & demi
font un laſt d'Amſterdam. Ce commerce
ſeul procure au pays une fomme d'environ
un million & deini de Ducats.
Parmi les Fabriques du royaume de Suede ,
les Fonderies & les Forges de fer font les plus
confidérables. On porte à 400,000 ſchifpfunds le
fer tiré des diverſes Provinces de ce Royaume.
3000,000 à 320,000 (chifpfunds de ce fer paffent
par an à l'étranger ; l'Angleterre & la Hollande
en reçoivent les deux tiers , & le reſte eſt envoyé
en France &en Eſpagne. Les ports de Stockolm
&de Gothembourg font les principaux entrepôις
de cette marchandife . Le meilleur fer de ce
Royaume eſt appellé le fer d'Oeregrund ; il eft
tiré des mines & forges de la Province de Rofslag
& exporté , la plupart pour l'Angleterre , du port
d'Oeregrund. La ſeconde forte de fer eftappellée
Eytra ; ce fera la même longueur & la même ſolidité
que la premiere forte , mais il eſt moins
large ; on en fait annuellement des envois confidérables
à la côte de Guinée. Indépendamment
de ces deux fortes de fer , on fabrique encore du
fer en barres minces , de 17 à 18 pieds de long
24
( S )

&c. &c. Les clous fabriqués annuellement enSuede
, montent à 15 juſqu'à 20,000 ſchifpfunds, dont
10,000 font exportés à l'étranger ; les ancres à
1,000 ſcifpfunds, dont 5 à 600 paſſent dans l'étranger
& les canons de fer exportés , à 10,000
ſchipfunds. La France tire'de la Sueds beaucoup
de fer-blanc étamé ; le tonneau en contient 450
feuilles & peſe I ſchifpfund I quart, La plupart
des marchandiſes d'acierfabriquées enSuede,
fontd'acier natif; on en fait peu d'acier cémentatoiré
; il ſeroit cependant à defirer pour l'intérêt
de ce Royaume, qu'on y fabriquât davantage
de cette derniere eſpèce d'acier , & qu'on parvint
à la préparer à la maniere des Anglois. Le
meilleur acier de Suede eſt celui de Forſmark ;
ilenpaſſe paran à Rouen environ 700 faiſſeaux,
dont chacun peſe 169 livres de Suede. La meilleure
eſpece d'acier cémentatoire eſt fabriquée à
Ofterby; & eft connue ſous le nom d'acier de Venife;
la plupart de cet acier eft exporté enEſpagne
on porte à environ 30,000 quintaux l'acier cémentatoire
fabriqué dans ce Royaume ; la Ruffie
en tire par an 3,000 ,
Suivant des lettres de Pétersbourg , l'Impératrice
ſe propoſe de nouveaux changemens
dans l'armée. Les Compagnies de réſerve
pour chaque Régiment d'Infanterie ,
qui furent fupprimées en 1764 , feront rétablies;
les Compagnies des Grenadiers formeront
des brigades particulieres , &les Corps
desChaffeurs feront répartis en 20 Régimens,
dont chacun fera compofé de 700 hommes.
Onn'a parléque très- imparfaitement de l'attention
qu'a portée la derniere diete de Pologne
fur l'autoritéroyale : cepouvoira reçu de
) و (
nouvelles limites , qu'on afſſure avoir été
déterminées en fix articles .
: Le Roi , qui autrefois avoit le droit de conférer
toutes les dignités & places , comme la nomination
des Evêques , des Sénateurs , des Palatins ,
des Caftellans , &c. &c . y a renoncé , & il ne lui
reſte plus que la prérogative de choiſir un des
trois Candidats propoſés par le Conſeil permanent.
:
2°. Les autres emplois civils ſont reftés à la nos
mination du Roi , mais il ne peut rien faire dans
les quatre Départemens pendant l'intervalle d'une
diete à l'autre ; les places vacantes pendant
cet intervalle ſeront à la nomination du Conſeil
permanent qui y procédera par la voie du ſcru
tin.
3°. Le Roi a renoncé au droit de nommer aux
emplois militaires . L'avancement ſe fera ſelon
l'ancienneté ; & quant à la nomination auGénéralat
, le Roi propoſera alors au Conſeil permas
nent le plus ancien Officier avec l'Officier qui a
le mieux mérité de l'Etat ,
4° . Les Miniſtres -d'Etat feront regardés com
me Sénateurs & pourront être nommés à la Diéte
membres du Confeil permanent.
5 °. Le Roi a renoncé au droit de diſpenſer les
revenus royaux , à condition qu'ils feront employés
pour le bien de l'Etat de la maniere la plus
avantageuſe.
6°. La Diéte a excluſivement le pouvoir de
nommer par la voie du ſcrutin les membres du
Confeil parmanent .
CesArticles avoient déjà été projettés àl'avantderniere
Diéte , mais l'oppoſition du Roi & de
ſon parti en empêcha la ſanction. A la derniere
Diéte ils ont été agréés, unanimement & inférés
dans la Matricule du Royaume .
25
( 10 )
DE VIENNE , le 16 Mars.
C'eſt le Pere provincial des Freres de la
Charité , qui a inſtruit l'Empereur des abus
&des défordres qui regnent dans le nouvel
établiſſement de l'Hôpital général . Les
malades , à ce qu'on préſume , vont être
repartis dans différens hofpices aux fauxbourgs
, c'est-à-dire , qu'on remettra les
chotes, à peu de choſe près , ſur l'ancien
pied. L'immenſe hôpital général ſera diviſé
en deux parties ; l'une réſervée aux malades
ſera confiée aux freres de la Charité , &
L'autre fera transformée en cafernes..
Le comte Joſeph de Kaunitz Rittberg ,
Ambaſſadeur de S. M. I. à la cour de
Madrid , & fils du Chancelier Prince
de Kaunitz , eſt mort le 3 Février , à
l'âge de 41 ans. Ayant obtenu un congé:
pour venir enAllemagne rétablir ſa ſanté .
il s'étoit embarqué à Alicante pour paſſer à
Marſeille,& il eſt expiré pendant la traverſée.
George Krifchan, ce troiſieme chef des
rébelles Valaques , dont nous avons parlé ,
s'eſt étranglé dans ſa priſon avec ſa ceinture.
Ses membres ont été expoſés au deffus
des portes de Carlsbourg , à Deva , à
Hunyad, 150 autres priſonniers ſont actuellement
entre les mains des commiſſaires
-pour être jugés ſuivant les regles du pays.
Un Eccléſiaſtique éclairé nommé Adamowich,
durant le dernier ſoulevement des Valaques en
Tranfilvanie , a donné un exemple remarquable à
fes collegues & à leur troupeau, Lorſque les chefs
( 14 )
des révoltés voulurent l'entraîner dans leur parti ,
ſous prétexte que l'Empereur leur avoit ordonné
d'exterminer la Nobleſſe de Hongrie ; ce digne
Eccléſiaſtique répliqua :«Je n'ai d'ordre ni verbal
ni par écrit de mon Supérieur ; je connois
>> l'Empereur pour un Prince trop humain , pour
croire qu'il ait donné des pouvoirs ſemblables.
> Suppoſé même que l'intention du Monarque
fût de vous aſſiſter , il m'eſt impoſſible de
>> croire qu'il vous chargeât d'ordres auffi fan-
>> guinaires , qui font diametralement oppoſées
>> à ſa Religion & à ſon caractere humain. Sans
> vouloir écouter davantage vos propoſitions ,
>> je vous déclare que ni moi ni aucun de mes
paroiffiens ne contribueront à la réuſſite de
>> vos projets . Dès que l'Empereur eut été informé
du procédé de cet Eccléſiaſtique , S. M.
ordonna au Commiſſaire Impérial de lui remettre
une médaille d'or , ſur laquelle eſt empreinte
l'effigie du Monarque.
Une Gazette allemande parle en ces termes
de la faillite de la compagnie Aſiatique
&de la fuite du Comte de Proli.
Cette chûte vient très - mal- à-propos dans l'état
actuel de notre différend avec la Hollande ;
il n'y a pas d'apparence que no re Cour prête
du ſecours à cette compagnie , d'autant plus que
celle- ci lui doit une ſomme de 180 mille florins
pour des planches de cuivre qu'elle a vendues
en Eſpagne , au lieu de les envoyer pour le
compte de la Cour en Amérique. On a admiré
la générofité du Comte de Fries , qui inſtruit ,.
il y a quinze jours , de l'état chancelant de cette
compagnie , n'a pas laiffé d'accepter une de ſes
lettres de change de 10 mille florins. On dit
que les Hollandois ont accéléré l'époque de cette
faillite, en faiſant préſenter dans un teul jour à
a6
( 12 )
la Compagnie pour plus de 800 mille livres de
lettres de change de Paris , qui ont été prote
tées faute de paiement.
Cette derniere aſſertion n'eût pas été
omiſe par les gazettes Flamandes , fi elle
avoit eu aucun fondement.
Il faut ranger dans la même claſſe des
bruits fufpects l'article ſuivant , donné avec
confiance par quelques papiers publics.
Ou fait de bonne part , que l'Empereur eft
décidé à entretenir conftamment à l'avenir un
corps de 20,000 hommes dans la Lombardie ; ce
n'eſt pas qu'il y ait quelque choſe à craindre de
ce côté , mais cet arrangement eſt une ſuite
du nouveau ſyſteme de S. M. , qui veut toujours
avoir en temps de paix un corps de troupes dans
ſes provinces éloignées , prêt à tout événement.
La Galicie ſera pourvue d'un pareil corps.
Dans l'ignorance où l'on eſt des véritables
cauſes , qui de nouveau ont fait ſuſpendre
le départ de l'Empereur pour les Pays
Bas , on imagine que la crainte du dégel du
Danube & des accidens qui peuvent en réfulter,
a déterminé cette réſolution. Les
neiges ont rendu les routes impraticables :
ainfi , quoique le conſeil aulique de guerre
ait expédié 14 eſtafettes pour ordonner à
divers régimens de ſe préparer à leur départ,
ce voyage ne peut être ſubit , & les
événemens ultérieurs le rendront peut- être
inutile.
M. de Born vient de faire en grand l'eſſai
de fon invention , pour ſéparer l'or & l'argent,
en préſence d'une commiflion impés
( 13 )
riale ; & il a prouvé , ſelon ſa promeſſe ,
qu'avec ſa méthode on obtient en douze
heures autant d'argent , qu'en ſix ſemaines
par le procédé ordinaire.
Un pauvre ouvrier qui avoit reçu des fecours
de l'Inſtitut des pauvres , déclara à la
derniere répartition des aumônes que ſa
conſcience ne lui permettoit pas d'y participer
, vu qu'il venoit de recevoir une fomme
qui lui étoit due , & qu'elle lui ſuffiſoit
pour ſa ſubſiſtance; enſuite il reſtitua à l'Inftitut
les diverſes charités qui lui avoient été
données pour le ſoulagement de ſa vieilleſſe.
La conduite du Hoſpodar de Moldavie
envers les cours de Vienne & de Pétersbourg
a caufé , dit on , ſa dépoſition. Il refuſoit
de livrer les déſerteurs des deux puifſances
, ce qui donna lieu à des plaintesde
leur part. On parle d'un grand nombre de
troupes Ottomanes qui ſe raſſemblent près
de Siliſtrie , pour fortifier les garnisons de
Belgrade , d'Orfowa & de Wihacz.
On vient de conſigner dans un Journal
Allemand l'anecdote ſuivante , écrite de
Prague.
Le Révérend François-Xavier-Cafimir-Strachowtrhy
de Arachowice , Conſeiller intime de
P'Empereur , premier Prélat du Royaume de Bohême
, &c. &c . , força ſouvent les habitans du
voiſinage à prendre la bierre braffée fur ſes terres.
Parmi ces acheteurs forcés , ſe trouva une veuve
avec trois petits enfans , laquelle , par pluſieurs
malheurs imprévus , étoit réduite à devoir 12
( B4 )
Horins au Prélat , qu'elle ne pouvoit payer fur
le champ. Elle le ſupplia d'avoir patience pendant
quelques ſemaines , pendant leſquelles elle
eſpéroit gagner par ſon travail de quoi le contenter.
Le Prélat , fourd àſes prières , la fit jetter
en priſon , où elle gémit pendant cinq ſemaines :
elle y ſeroit reſtée plus long-temps , fi une dame
connue par ſes bienfaits , ne l'avoit délivrée. La
Comteſſe Douairiere , Anne de Martinits , née
Comteffe de Sternberg , eſt accoutumée de vifiter
les priſons avant la Semaine- Sainte , &de
s'informer auprès des priſonniers de la cauſe de
leur emprisonnement , elle rencontra à ſa derniereviſit,
e la veuve malheureuſe , qui lui raconta
la cauſe de ſa détention . La Comteſſe ne
ſe fiant point au récit de la veuve , envoya quel.
qu'un au Prélat pour demander ſi cette femme
avoit dit la vérité ; celui-ci ne rougit pointd'as
vouer la choſe; la Comteffe le pria inſtamment
de mettre en libetté ſa priſonniere , qui étoit
prête d'accoucher. Le Prélat aſſura qu'elle reſteroit
en prifon juſqu'à ce qu'elle eût payé. La
Comteſſe paya pour elle. Les revenus du Prélat
montent à 30,000 florins.
Le ſieur Pinkman a eſſayé en grand la
culture de la rhubarbe dans le diſtrict de
Sambor , & l'on eſpere qu'elle réullira parfaitement.
Des Lettres de Trieſte diſent que
l'exportation du Tabac de Hongrie , qui
avoit diminué depuis la paix avec les Américains
, a augmenté aujourd'hui confidérablement.
On doit ce nouvel avantage à
la maison de Commerce de Graffin - Vita-
Levi. Pluſieurs Négocians de Trieſte ſe
ront réunis pour former une nouvelle So-
-
( 15 )
ciété de Commerce ; ils ont remis leur plan
au Gouvernement , dont ils attendent l'agrément.
DE FRANCFORT , le 21 Mars.
Le premier de ce mois , MM. Sulzer &
Oertel de Géra ont réuffi par le froid factice
de neige & de Salpêtre , à congeler le mercure
entre 7 & 8 heures du matin , le thermometre
de Réaumur étant à 24 degrés audeflous
de zéro . Ceux qui ont dit que c'é
toit-là le premier eſſai de ce genre qui eût
réuffi , ignoroient fans doute , qu'en 1783 ,
la Société royale de Londres décerna la
médaille annuelle donnée par le Chevalier
Godfrey Copley à M. Hurchins , qui avoit
déterminé exactement le degré de froid , où
commence la congélation du Mercure..Ces
expériences avoient été antérieurement &
très-exactement exécutées à Pétersbourg..
Son Alteſſe Electorale , le Duc de Baviere
, vient de défendre dans toute l'éten
due de ce Duché toutes les aſſemblées des
Francs-Maçons, autrement dits, les Illuminés.
On doune pour raiſon de cette défenſe que
ce corps eft déchu de ſon premier inſtitut,
& qu'il eſt de la ſaine politique de le ſupprimer
, parce que dans fon état actuel il ne
peut qu'occaſionner des déſordres , exciter
une défiance générale & fomenter des factions
dans le ſecret des aſſemblées. En confé--
féquence , il lui est défendu dorénavantdere--
cevoir aucun Aſſocié. Il eſt expreffément
enjoint à tout Gouverneur ou Comman
:
( 16 )
:
dant des places de veiller exactement à
l'exécution de cette ordonnance. On confiſquera
à l'avenir tout l'argent & autres
effets qu'on pourra ſurprendre. La moitié
en ſera diſtribuée aux pauvres , & l'autre
ſera la récompenſe des dénonciateurs.
Des inculpations auſſi vagues , à l'aide
deſquelles on ne cite aucun fait contraire à
la notoriété publique , indiquent ſuffifamment
qu'on a ſurpris la Religion du Prince ,
ou , ce qui eſt plus probable , que la confrairie
de ces Illuminés n'eſt point de la même
nature que la Franc- Maçonnerie.
A quelques lieues de Fribourg en Brifgau
, on a vu juſqu'à 40 pieds de neige accumulés
les premiers jours de Mars. Une
partie des rochers , qui forment la cataracte
du Rhin à Clauſanbourg , eſt à découvert ,
ce qui n'eſt pas arrivé depuis 30 ans. On
perpétua alors la mémoire de cet abaiflement
des eaux du fleuve , en gravant ſur les
rochers l'année de cet événement. Ceux qui
ont demandé pourquoi l'on ne profitoit pas
de cette circonſtance pour couper ces rocs
qui interceptent la navigation , n'ont sûrement
jamais été ſur les lieux , & auroient
dû fentir qu'on ne découpe pas des montagnes
en 8 jours comme on fait ſauter un
caillou dans un champ avec de la poudre
àcanon.
Le Rhin étoit ſi bas à Manheim , le 2 de
ce mois , qu'on l'a vu à 10 pieds&fix pouces
au-deſſous de ſa hauteur moyenne. Juf-
-
( 17 )
qu'au 15 le Mein a charié des glaçons .
L'on a appris que dans le conſiſtoire du 14
tenu à Rome , le Pape accorda , d'après des
inſtances réitérées , le Pallium à l'Archevêque
, Electeur de Cologne , & à l'Archevêque
de Gneſne , à ceux de Ravenne & de
Tarragone.
On a compté , en 1782 , dans la partie
du Duché de Gueldre , appartenante au
Roi de Pruffe , une population de 47,278
ames , & , dans la principauté d'Oftfriſe ,
102,594 ames. Le Militaire n'eſt pas compris
dans cette énumération.
La population de Potzdam , lit-on dans une
feuille périodique , étoit en 1781 de 20,530 perſonnes
de l'Etat civil , & de 8,326 de l'Etat militaire.
La recette de l'acciſe montoit à 95,00
rixdalers , & celle de la Douane à 30,000.
La même feuille périodique porte à 96,052 rixdales
l'entretien ordinaire & annuel d'un régiment
de Cavalerie du Roi de Pruſſe , le traitement
du Meſtre-de -camp eſt de 3,254 rixdalers
& celui du Meſtre - de - camp - Lieutenant de
698.
La perte des droits d'acciſe pendant les 3 foires
qui ſe tiennent à Francfort ſur l'Oder , fait pour
la Chambre des Finances un objet annuel de
10,750 rixdalers .
ITALI E.
:
DE MODENE , le 4 Mars.
Nous apprenons que l'évaſion du Marquis
Davia ,des priſons de l'inquiſition de Bolo(
18 )
م
1
gne où il étoit détenu , & qui paſſe actuellement
ici ſes jours dans la plus grande tranquillité
, a ranimé le zele de ce Tribunal ,
même contre des innocens. L'Inquifiteur de
Faenza , ayant appris la nouveile de cetre
évaſion , ſe tranſporta auffi-tôt à Bologne
pour entamer le procès. Un nommé Louis
Fayallé , âgé d'environ trente ans , attaché
au Saint-Office en qualité de Camerier , fut
foupçonné d'avoir facilité l'évaſion du Marquis;
il fut arrêté chez lui , dans la nuit du
27 Décembre dernier, par un grand nombre
d'archers, qui leconduiſirentchargédechaînes
à Faenza , & l'emprifonnerent. Après deux
mois d'examens les plus rigoureux , fon innocence
fut enfin clairement prouvée , & il
recouvra ſa liberté , & revint à Bologne portant
fur fon viſage& fur toute ſa perſonne les
marques des fouffrances qu'on lui avoit fait
effuyer. On attend impatiemment l'iſſue
d'une affaire conduite avec tant d'éclat ;
les ſoupçons portent aujourd'hui ſur un Religieux
Convers , que l'intérêt ſeul adéterminé
trahir le Saint-Office.
DE FLORENCE, le 10 Mars.
Les Docteurs Giorgi&Cioni, Médecins de
cette ville , qui s'occupent depuis quelque
tems à faire l'analyſe de l'eau , & à chercher
à la changer en air ſuivant les procédés de
MM. Meunier& Lavoifier , ayant obtenudes
réſultats très-différens de ceux de ces Chy
( 19 )
miſtes , viennent de publier le Proſpectus
d'un ouvrage fur cette matiere.
Voici l'extrait d'une lettre d'Alger , écrite
à Livourne , en date du 15 Février.
«La défenſe à laquelle cette régence ſe prépare
paroît incroyable aux Européens ; l'eſprit
de patriotiſme de tous nos habitans & leur indignation
contre le joug que nos ennemis voudroient
nous impofer , l'emporte ſur la haine implacable
que le deſpotiſme des chefs du Gouvernement
a inſpiré aux particuliers. Leur fureur
contre les Eſpagnols étouffe en eux ce reſſentiment
& ſuſpend l'exécution d'une vengeance
terrible , dont la mémoire eût paſſé à la poſtérité.
L'amour de la patrie ſe reveille dans tous les
coeurs & nous nous préparons à la défendre vaillamment.
Il paroît que nos ennemis projettent
de venir avec toutes leurs forces nous exterminer
à la prochaine ſaiſon. Nous nous attendons
bien à cette attaque. On a déjà commencé ſur
noschantiers laconſtruction de 20 Chaloupes canonieres
, & de 6 Batteries flottantes . Ces dernie
res ſuffiront pour faire face à l'Eſcadre Eſpagno -
le. En attendant nous penſons à envoyer la nôtre
en croifiere. Soyez donc certain que cette année
la force décidera cette criſe & qu'elle fera notre
perte ou nous rendra la tranquillité , &c .
Le ſieur François -Antoine Tavelli , Architecte
de l'Empereur , très-habile minéralogiſte
, a découvert dans des montagnes
du territoire vénitien certaines matieres foffiles
qui donnent un véritable ſel catartique ,
très-ſemblable aux ſels d'Epſom , de Seidlitz
, de Seitſutz , &c. , ſi eſtimés en médecine.
Ce fel eſt plus doux & ſupérieur au
( 20 )

ſel dont on fait uſage dans les Pharmacies
ſous le nom de fel d'Angleterre .
DE ROME le 6 Mars .
د
Les Commiſſaires chargés de trouver des
remedes à la rareté d'eſpeces & aux abus qui
en réſultent , ont pris les arrêtés ſuivans.
4
1º. Il est défendu à tout Particulier de faire le
trafic d'argent monnoyé , & le Privilége exclufif
en fera conféré au Mont-de Piété. 2°. Il ſera mis
en circulation un certain nombre de billets de la
valeur de cinq juſqu'à dix écus Romains , & les
billets dont la valeur excédera cette ſomme ſeront
payés en une monnoie dite Plateale . 3. Tous
les gages portés au Mont-de-Piété & ſur lesquels
il fera prêté plus de dix écus , ſeront affujettis à
un intérêt de cinq pour cent. Cette diſpoſition
étoit néceſſaire pour mettre un frein aux ſpécu
lations de pluſieurs riches particuliers qui portoient
leur vaiffelle au Mont de -Piété pour faire
valoir les fonds qui leur étoient avancés fur le
gage. 4°. Il ſera battu pour fix mille écus Romains
de monnoies formée d'un argent de basalloi
, & pour deux mille écus de monnoie d'or ,
& ces ſommes feront employées à l'extinction
des billets. 5º. Les Débiteurs du Mont de Piété
feront tenus de liquider leurs dettes dans l'espace
de fix années. 6°. La Chambre de la Monnoie
& le Mont-de-Piété feront toutes les diligences
néceſſaires pour réaliſer tous les capitaux. 7" . II
ſera fait choix de nouveaux Commiſſaires pour
travailler à la confection des Loix ſomp
tuaires.
ESPAGNE.
DE CADIx , le 1 Mars.
Des lettres de Tanger , du 12 Janvier ,
contiennent le détail ſuivant :
1
( 21 )
Avanthier vers midi , une grande frégate à
trois mars ,appellée la Citta Vienna, échoua en
naviguant à pleines voiles dans cette Baye. Parti
le premier Octobre , ſous Pavillon Impérial , de
Smirne pour Amſterdam , ce vaiſſeau arriva le 25
Novembre à Gibraltar , avec 15 Paſſagers Maures .
Après y avoir ſubi une Quarantaine de 48 jours ,
le Chirurgien-Major de laGarniſon vifica , par
ordre du Gouverneur Elliot , l'Equipage entier
& le trouva en parfaite ſanté. Mais comme cena,
vire avoit 200 balles de coton à bord , & que Gibraltar
manque de lazaret , le Général Elliot ne
voulut pas le recevoir. Le malheur ſurvenu à ce
vaiſſeau , a été occaſionné par les Maures qui ſe
trouvoient à bord . Deffrant rentrer dans leur
pays natal , ils prierent le Capitaine de vouloir ,
en paſſant le long de la cote , les mettre à terre.
Rempliffant leur demande & voulant donner à la
chaloupe , qui avoit porté les Maures ſur le rivage
, le tems de revenir à bord , la marée forte ,
accompagnée du vent ſoufflant de l'Eſt , le repouffa
furun écueil près de la montagne, nommée
Apenberg , à l'oppoſite de Gibraltar , ſur lequel
ce navire toucha avec tant de violence , qu'il y
eut fur le champ fix pieds d'eau à fond de cale .
Ce ne fut donc qu'avec beaucoup de travail que
le Capitaine put faire échouer ſon navire fur le
ſable , dans l'endroit le moins profond de la
Baye . L'équipage , au nombre de 25 , ſe jetta
avec précipitation dans la chaloupe , tandis qu'à
force de rame il gagnoit la côte : le vaiſſeau ſe
renverſa & fut fubmergé ſous l'eau , juſqu'au mất
d'artimont. Ces infortunés , après avoir lutté
affez long tems contre la violence du vent , arriverent
enfin ſur le rivage. Epuiſés de fatigue &
preſque mourans , on leur demanda d'où ils venoient
? Ils répondirent , de Smirne. Mais n'ayant
( 22 )
pas avec eux la Lettre de ſantéduGénéral Elliot ,
ils exhiberent une eſpece de Lettre circulaire du
même Général , adreſſée à tous les vaiſſeaux Impériaux
, pour les avertir de la rupture redoutée
entre l'Empereur & les Hollandois. Il en réſulta
qu'on ne voulut pas les admettre , que malgré
leurs humbles ſupplications , on les affaillit d'une
grêle de pierres , dont pluſieurs gens de l'équipage
furent bleſſés . Quoique la Mer fût très-irritée &
extrêmement haute , ils furent forcés de ſortir à
la rame , de la Baye , fans ſavoir où aller. Alors ,
parun bonheur ineſpéré pour ces malheureux
tro's barques Eipagnoles entrerent dans la Baye
pour s'y mettre à l'abri , & la moins grande de
ces barques les reçut tous à ſon bord.
Aujourd'hui , le Conſul d'Eſpagne a envoyé
Ton Secrétaire & fon Dragoman à bord de la barque
où ces infortunés s'étoient réfugiés . C'eſt à
leur rapport qu'on doit les particularités énoncées
ci-deſlus. LeCon'ul Hollandois ayant appris que
ce navire avoit été deſtiné pour Amſterdam , fit
venir ſur le rivage le Capitaine , appellé Lubibratich
. Ce Capitaine ayant amené avec lui fon
Ecrivain & ſon Pilote , tous les trois déclarerent ,
en préſence des autres Confuls : que leur navire
avoit été chargé par des Maiſons Hollandoiſes ,
Imperiales &Grecques à Smirne , pour compte
de Négociants à Amſterdam , qu'ils ne connoifſoient
pas , vu qu'étourdis par la terreur , ils
avoient oublié les polices à bord ; qu'ils ſavaient
néanmoins fort bien d'être adreſſés à M. Antonio
Curtowiſch , Négociant à Amſterdam ; qu'il leur
avoit été ordonné de ne pas faire leur Quarantaine
à Gibraltar , mais de faire voile pour l'Angleterre
, pour y attendre un changement heureux
du différend exiſtant entre l'Empereur &
L. H. P.
( 23 )
GRANDE- BRETAGNE.
DE LONDRES , le 16 Mars.
La lettre du Chevalier Edward Hughes
au Gouvernement , apportée de l'Inde par
la Frégate la Junon, contient en ſubſtance
ce qui fuit :
:
L'Amiral a fait voile de Bombay le 12 Mars de
l'année derniere , avec le Sultan de 74 canons , à
bord duquel il avoit arboré ſon pavillon ; la Défensede
74, l'Aigle & le Worcester de 64 ; leBristol
de so ; l'Active & la Junon de 32 ; l'Eurydice de 28 ,
& le Lizard, cutter de 14 canons. Dans la vue
d'éviter les dépenfes qu'occaſionneroient les Bâ
timens de tranſport , it fit embarquer fur les vaif
ſeauxquelques troupes dont on avoit le plus grand
beſoin , à la côte de Coromandel , leſquelles montoientà
plus de 1100 hommes ; il ſe procura des
provifions en abondance pour le voyage qui fut
de fix ſemaines; les vaiſſeaux n'ont éprouvé aucun
accident , & les équipages ontjoui de la meilleure
fanté. L'Amiral eſt entré dans la rade de Madraff
le 23 Avril au ſoir. Deux jours après , il fit partic
une des frégates pour le Bengale , avec des lettres
pour le Gouverneur-Général & le Conſeil. L'Amiral
apprend que ſon intention eſt de ſe rendre
à Trinquemale , dans un tems convenable pour
terminer , en conféquence de ſes inſtructions , les
objets qui n'avoient pas encore été réglés avec le
Commandant François .
L'article de la lettre de l'Amiral , où il eſt
parlé des François & des Puiſſances de l'Inde , &c.
&c. , eſt tenu fort fecret.
Sept nouveaux vaiſſeaux de la Compagnie
des Indes ſe rendront cette année en Afie.
Quatre de ces vaiſſeaux, qui ſont deftinés
(24 )
pour la Chine , en reviendront le plutôt
poſſible après avoir fait leur chargement ,
afin de fournir de thé les Marchés de la
Grande-Bretagne.
On a commencé le 14 , à 9 heures du matin,
la vente du thé à l'Hôtel de la Compagnie des
Indes. Le nombre dés acheteurs a été confidérable
, & il n'y a pas eu , comme autrefois , de
maltóte dans la maniere de diriger cette vente. II
n'a été vendu que des caiſſes de thé verd , dont le
premier prix qui étoit de 2 sols ſterlings 4 deniers
par livre , eſt monté à 3 fols 1 denier. Le théde
la premiere qualité n'a pas été vendu plus de 3 ſols
2& demi deniers la liv. Il n'y a point eud'altercation
entre les Marchands de thé & les Directeurs
qui ont préſidé à cette vente.
Lord Balcarras , nommé en ſecond pour
commander l'armée dans l'Inde fous le Général
Sloper , en a fait le 11 de ce mois ſes
remercîmens à S. M.
Les Miniſtres ont décidé qu'il n'y auroit point
d'entrevue entre M. Hastings & le Lord Macartney
, ſon ſucceſſeur auGouvernement du Bengale.
M. Hastings paſſant pour l'ennemi du noble
Lord , il pourroit réſulter des conféquences de
leur conférence. Pour éviter cet inconvénient ,
M. Haſtings remettra ſonGouvernement au Confeil
à ſa prochaine aſſemblée ; & lors du départ de
l'Ex-Gouverneur , le Conſeil enverra des dépêches
à Madraff an Lord Macartney pour lui annoncer
cette nouvelle .
Les Planteurs & les Négocians intéreſſés
au commerce des Ifles , ne s'oppoſent pas
au traité de commerce entre l'Angleterre &
l'Irlande. Ils ont eu les conférences les plus
fatisfaiſantes
t
( 25 )
fatisfaiſantes avec M. Pitt , & moyennant
quelques réglemens particuliers que ce Miniſtre
leur a promis de propoſer aux Légis
lateurs des deux Royaumes , pour empêcher
l'introduction frauduleuſe des ſucres étrangers
, ils ont pris la réſolution de ne point
préſenter de requête au Parlement , & de s'en
rapporter uniquement au zele & à l'honnêtetédu
premier Miniftre.
Voici le ſommaire des, demandes & des
réponſes qui ont eu lieu entre le Miniſtre &
les Négocians des Iſles , dans leurs conféfrences.
1 °. L'Aſſemblée peut-elle être aſſurée que le
Parlement adoptera les réglemens les plus propres
à empêcher l'introduction des denrées coloniales
de l'Etranger dans nos Ifles.
Réponse. Oui , autant que cela dépendra de
moi.
,
2°. L'aſſemb'ée peut-elle eſpérer que l'Ir-
Jande ſe conformera à l'acte de Navigation , relativement
aux bâtimens venant des Ifles
de ſorte qu'il n'y ait que les bâtimens anglois
Irlandois qui ſoient reçus dans les Ports d'Irlande?
Réponse. L'acte de Navigation eſt déjà en
vigueur en Irlande. Je ne doute point que l'Irlande
ne ſe conforme aux nouveaux réglemens
qui pourront paroître convenables.
,
39. L'aſſemblée peut-elle être aſſurée que
laDouane d'Islande ſera aſſujettie aux mêmes
réglemens que celle de la Grande Bretagne
rélativement aux certificats dont doivent être
munis les bâtimens venant des Ifles , & que
l'Irlande ſera ſoumiſe à tous autres réglemens
N°, 14 , 2.Avril 1.785.
b
( 26 )
qui ſeront jugés convenables pour empêcher
l'importation des denrées coloniales del'Etranger
dans l'un & l'autre pays ?
Réponse. J'aurai ſoin que l'on prenne à cet
égard, des meſures efficaces.
4. L'aſſemblée peut-elle être afſurée que
les productions des Iſles angloiſes & autres Ifles
de l'Amérique ſeront aſſujetties , dans le cas
de leur importation en Irlande , à des droits
égaux à ceux payés dans la Grande- Bretagne ,
& que les loix paffées à cet égard en Irlande ,
ſeront rendues permanentes ?
Réponse. Je n'ai aucun lieu de douter que
P'on établiſſe cette parité de droits.
5°. L'aſſemblée peut- elle être aſſurée que l'on
adoptera , rélativement à l'exportation des ſucres
rafinés de l'Irlande , les mêmes réglemens obſervés
dans la Grande- Bretagne , dans le cas de
J'exportation de cet article , afin d'empêcher
qu'il ne paſſe en contrebande dans la Grande-
Bretagne , après en avoir obtenu la gratification
?
6°. L'aſſemblée peut-elle être aſſurée que
l'Irlande adoptera les réglemens actuellement
en vigueur dans la Grande Bretagne contre les
bâtimens faiſant la contrebande ?
Réponse. Je pense que les deux ſuſditesdifpoſitions
ne ſont ſuſceptibles d'aucune difficulté.
7°. Peut- on prendre de telles meſures pour
que , dans le cas où les ſuſdits réglemens ſeroient
enfreints par l'Irlande , les conceffions actuelles
de laGrande-Bretagne à l'égard du commerce
des Ifles, foient annullées ? bu
: Réponse. Qui , fuper
Les Manufacturiers ont eu auf des conférences
avec M. Pitt fur ce ſujet fi important&
fi délicat, ſans être auſſi ſatisfaits que
lesPlanteurs.
7
( 27 )
Ils ont ſupplié le Miniſtre de modifier ſon ſyttême
à l'égard des Manufactures. Ils lui en ont
repréſenté les dangers ; mais M. Pitt leur a répondu
de la maniere la plus poſitive , qu'il lui
étoit impoſſible de propoſer aux Légiflateurs de
l'Angleterre &de l'Irlande , de faire le moindre
changement au plan agréé par le Parlement d'Irlande
, & que cette Législature conſidéroit comme
la baſe du Traité de Commerce. Il ajouta
qu'il falloit que ce plan paſsat en entier dans le
Parlement d'Angleterre ou bien qu'il fût rejetté.
D'après cette déclaration , les Manufacturiers
de la Cité de Londres ont préſenté une Requête
à la Chambre des Communes , pour s'oppoſer au
Traité de Commerce qui eſt actuellement ſous
les yeux de cette Chambre. Ces Manufacturiers
ne ſont point les premiers qui ayent fait entendre
leurs griefs à la Chambre baffe ; ceux du Comté
de Lancaster & de la ville de Briſtol ont déjá
préſenté au Parlement une Requête tendante au
même objet. La Requête de Bristol étoit fignée
par 50,000 perſonnes. On a calculé que les Requêtes
de Mancheſter , de Birmingham & de
Sheffield , qui ne ſont point encore arrivées ,
ſeront fignées au moins par 150,000 Manufacturiers
. M. Pitt , à ce qu'on aſſure , avoit deſiré
calmer cette fermentation , en faiſant quelques
modifications à ſon plan , on prétend même qu'il
en a fait la propoſition au Gouvernement d'Itlande;
mais que le Vice-Roi a répondu qu'il aimeroit
mieux ſe démettre de ſa place que d'entreprendre
de faire conſentir le Parlement d'Irlande
au moindre changement dans le plan qu'il
avoit adopté.
Le 14 Mars , la Chambre-Baſſe examina
l'importante queſtion des fortifications à ajou
ba
L
( 28 )
ter aux ouvrages actuels de Portsmouth&
de Plymouth : il n'eſt pas indifférent de connoître
les motifs de l'oppoſition de vues qui
regne à ce ſujet.
M. Gilbert mit ſous les yeux de la Chambre le
Rapport du Comité des Subſides relativement aux
eflimations de l'Artillerie .
M. Bastard rappella à la Chambre que dans un
des débats précédens on avoit paſſé une motion
tendanteà ce que ce Rapport fût examiné de nouveau
par le Comité . Il fit à cet égard quelques
obſervations , & opina encore pour que leRapport
fût renvoyé à l'examen .
Le Capitaine Lutrell s'oppoſa à cette motion.
Il obſerva que l'établiſſement des fortifications de
Portsmouth & de Plymouth ne nuiroit en rien aux
forces maritimes , puiſqu'on n'en armeroit pas un
ſeul Vaiſſeau de moins pour cela. Au contraire ,
dit- il , c'eſt envain que nous chercherons à augmenter
le nombre de nos Vaiſſeaux , fi par de
ſemblables fortifications nous ne leur laiſſons la
liberté d'agir , nous ne les empêchons de ſervir
dans nos ports de défenſes ſtationaires. Quel eſt
P'homme qui s'oppoſera à ce qu'on éléve ces fortifications
, s'il ſe rappelle le danger où se trouverent
nos chantiers dans la guerre derniere. On
vit Portsmouth réduit à la néceſſité d'enlever les
bouées qui en marquoient l'entrée , commeſi
Portsmouth eût été un port de l'Iſle d'Otaïhiti ,
connu ſeulementdes naturels. Si nous augmentons
nos Eſcadres , la France , l'Eſpagne & la Hol .
lande en font autant. Si nous conſtruiſons des
Vaiſſeaux au-delà d'un certain nombre , il nous
devient impoſſible de trouver des hommes pour
former leurs équipages . On l'a aſſez éprouvé dans
Ja guerre derniere. Les Ports qu'on propoſe de
:
( 29 )
fortifier ſont tellement ſitués que n'ayant point d'avantagede
ſituation á prendre , il faut pour les
défendre une Eſcadre auſſi forte que celle qui les
attaque. Ces fortifications permettront à l'Eſcadre
de la Manche de s'abſenter occaſionnellement
toutes les fois que des convois demanderont ſon
eſcorte. Ces fortifications ſeront defendues par des
hommes qui ſeroient inutiles étant fur nos Eſca:
dres en parade devant l'Ennemi. A ſuppoſer même
que l'Ennemi s'emparât de ces fortifications, il
ne pourroit y tenir long-temps & elles ſeroient
bientôt repriſes par les forces du Pays. Dix mille
hommes ſuffiroient pour défendre Portſmouth ,
15,000 pour défendre Plymouth , & quant àChatham
, il ſuffiroit d'un petit nombre d'hommes ,
vu ſa proximité de la Capitale. Le Capitaine Luttrell
entra enſuite dans le détail des dépenſes ſuppoſées
qui ſelon lui étoient beaucoup moins fortes
qu'on ne l'avoit repréſenté , particulierement
pour l'article des terres achetées qu'on avoit porté
à 100,000 liv. , quoiqu'on n'eût dépenſé pour cet
objet que 55,000 livres. Il finit ſondiſcours par
un long éloge du Duc de Richmond , Grand
Maître de l'Artillerie , & dit que ſes talens reconmus
prouvoient qu'il étoit injuſte de condamner
ſes plans en général juſqu'à ce qu'on eût reconnu
eneuxdesvices rééls.
Le Capitaine Macbride ſoutint fortement la mo
tion. Il eſt étrange , dit-il , que dans une affaire fi
importante on n'ait pas pris l'avis des Gens de
l'art . Le Plan auroit du être examiné & formé ſur
les lieux , & une fois arrêté il ne devroit pas dé .
pendre de l'inſpection du Grand-Maître de l'Artillerie.....
M. Courtney preſſa ces divers argumens & en
préſenta de nouveaux , mêlés de beaucoup de ſarcafmes
contre l'adminiſtration actuelle de l'Artillerie.
b3
( 30 )
,
Dans la conftruction d'ouvrages de cette nature
, dit- il , & vu leur importance , s'ils font
convenablement exécutés , il eſt ſurprenant que
le noble Duc n'ait conſulté perſonne. Il auroit
dû prendre l'avis , non ſeulement des Officiers
Ingénieurs , mais encore des Officiers de Marine ;
& relativement à l'étendue des fortifications ,
quelque Officier Général , d'un mérite reconnu ,
auroit pu donner ſes idées. Tout cela a cependent
été négligé. Je prendrai la liberté de le
demander au noble Duc ; le Lord Hood
le Lord Howe , le Comte Cornwallis , le Chevalier
William Draper ont-ils été confultés ?
Le noble Duc a ſoumis à la Chambre dans le
rapport qui a été fait des réparations , un Mémoire
qui paroiſſoit plutôt être le protêt de la
Chambre Haute. On nous a expoſe , comme
un des motifs qui doivent aſſurer ce plan , la
crainte de voir nos chantiers brûlés , ou de voir
nos ennemis débarquer ſur nos côtes ; c'eſt ainſi
qu'on a voulu engager lesCommunes à ledéfaire
de leur argent ; mais i l'on confidere les dépenſes
prodigieuſes de ces fortifications , peutêtre
vaudroit il mieux courir les riſques d'un
bombardement. Les bois peuvent être mis à flot
dans les baffins , la réſine & le goudron peuvent
ſans inconvénient ſe couler bas : il n'y a donc de
matiere combustible que le chanvre qui ne peut
pas être abrité par ce moyen. On peut alors leplacerdans
un lieu à l'épreuve de la bombe , ce qui
dans un Port eſt très - facile à faire avec des billots
de bois & du goudron. Que penſeroit- on d'un
Marchand qui , au lieu d'enmagaſiner ſes marchandiſes
, payeroit quatre ou cinq cents hommes
pour les garder ſur les quais?
Tout le monde ſait que les ouvrages de fortifications
coûtent toujours beaucoup plus qu'ils
n'ont été eſtimés.
( 31 )
Il faudra faire aux fortifications des réparations
qui , avec l'interêt de l'argent , coûteroient à la
nation au moins 80,000 liv. par an ; lomme qui
n'eſt point à mépriſer , quand elle ne ferviroit
qu'à établir un fonds pour l'amortiſſement de la
dette nationale .
On dit , continua M. Courtney , que les plans
propoſés ont été approuvés par un Comité d'Ingénieurs
; ce n'eſt pas que je veuille jetter le
moindre blâme ſur le Corps que j'eſtime beaucoup
; mais il me ſemble que ſon approbation
dans ce cas peut être notée de partialité J'ai ovr
dire que l'avis des Membres du Comité a été diviſé.
Le noble Duc , néanmoins , n'a pas jugé
à propos d'en faire mention. On pourroit demander
à ſa Grace ſi le Colonel Debbeig a été
confulté ? Certainement , il n'eſt perſonne en
Angleterre , peut - être même en Europe , de
plus capable que lui de donner des lumieres fur
cette affaire. Il eſt encore pluſieurs autres Officiers
diftingués qui n'ont pas été confuités . Comment
le noble Duc pourra t- il concilier cette
conduite avec le défir quih profeffe de travailler
au bien de la Nation ?
Enfin , après une quantité d'obſervations vi
goureuſes , M. Courtney termina ſon diſcours
par opiner fortement pour le ré examen du
rapport.
LeColonel Barré, aujourd'hui abſolument
aveugle , & qui ne s'étoit point fait entendre
depuis très-long- temps , prit enſuite la parole
, & la Chambre prêta la plus grande
attention à ce reſpectable vieillard , qu'on fut
très-furpris de voir d'un avis contraire à celui
desMiniftres.
Après quelques obſervations générales ſur l'im
b4
4
( 32 )
portance de l'objet des débats actuels , le Colonel
Barré obſerva que depuis 25 années qu'il avoit
l'honneur de fiéger en Parlement , il avoit toujours
obſervé du myſtere dans les tranſactions de
la Chambre d'Artillerie ; qu'il avoit toujours
regardé d'un oeil jaloux cette obſcurité dans les
procédés , & qu'il étoit charmé de voir le même
eſprit de défiance parmi les Membres des Communes.
Ici , il fit un tableau des dépenſes de l'Artilleriedans
le tems paſſé , & démontra leur excès
actuel .
L'honorable Membre qui a ouvert le débat ,
continua leColonel Barré , a fait un éloge pompeux
du nobleDuc. Les louanges faites indiſtinetement
font un hommage à la puiſſance. Aufſi ,
n'ai-je jamais vu deGrand-Maître d'Artillerie ,
qu'on nedî : être un homme à talent. Mais ce que je
puis certifier , ce ſont les grandes qualités du dernier
Grand- Maître. * J'ai eu l'honneur de ſervir
avec lui ; je fais qu'il cherchoit les occafions de fe
fignaler dans le ſervice , & fi jamais homme en
place s'en eſtdémis les mains nettes , c'eſt bien de
lui qu'on peut le dire. Le noble Duc , à la tête de
ce Département , a-t- il des droits aux lauriers
militaires ?A- t il jamais cherché ledanger ?a- t- il
jamais conduit les drapeaux de la victoire ? ſans
doute,jeconnois les vertus de ce Lord dans la vie
privée, & je le crois affez déſintéreſſé pour me
pardonner cette ſortie , puiſqu'elle a pour but le
biende mapatrie.
T
Après avoirfait l'éloge du Corps des Ingénieurs,
ildemanda au noble Duc pourquoi il avoit exercé
ſes rigueurs économiques ſur ceCorps ſi méritanr.
Il ſemble , continua-t-il , que le noble Duc ait
voulu auſſi impoſer une taxe ſur les talens . Il a
tellement aſſujetti ce Corps , qu'aucun de ſes individus
n'oſe haſarderdes opinions contraires à ſes
Le Vicomte Thowſend.
( 33 )
meſures. Non-ſeulement il a réduit le nombre des
Ingénieurs en pied , mais il a encore limité leur
paye. Le Colonel Barré fit enſuite un examen fort
détaillé des plans de fortifications projettés par le
noble Duc , & les blama avec rigueur. J'eſpere ,
ajouta- t - il , que mon très- honorable ami , qui eft
à la tête de la tréſorerie , & dont je révere l'intégrité
& les lumieres, ne ſe ſoumettra point aveuglément
aux demandes du Grand- Maître de l'Artillerie
, & qu'il emploiera ſon patriotiſme ordinaire
pour empêcher que les fonds publics ne ſoient
mal employés. Il finit par faire le plus bel éloge
des talens militaires du Colonel Debbeig , en ſe
plaignant de cequ'ils étoient négligés & opprimés.
M. Pitt entreprit la défenſe du ſyſteme du
Grand-Maître de l'Artillerie. Il applaudit aux
vertus de ce Lord , & reprocha vivement au Colonel
Barré la part qu'il avoit priſe aux débats de ce
jour.
M. Bastard dit enſuite que rien ne lui paroiſſoit
plus juſte que de faire examiner cette affaire par
des Officiers-Généraux , & que fi M. Pitt vouloit
s'engager à faire faire cet examen , il retireroit ſa
motion , & M. Pitt prit cet engagement .
Nous obſerverons , à l'occaſion de ces
débats , qu'on nous a fait paſſer l'avertiſſement
que le récit donné dans le Journal
du 22 Janvier , au ſujet du démêlé entre le
Duc de Richmond & le Colonel Debbeig ,
eſt véritable , & que par conséquent l'expoſé
qui l'avoit précédé n'étoit pas exact.
Les nouvelles que nous venons de recevoir
d'Eſpagne , concernant nos établiſſemens à la
baye des Muſquites ſont de la nature la plus
allarmante. Les Eſpagnols ont demandé catégoriquement
que les Colons Anglois euſſent à
3 bs
( 34 )
abandonner leurs poffeffions ; &commeil s n'ont
point reçu de réponſe fatisfaiſante , ils donnent
pour raiſon de leur demande , qu'ils n'ont point
nommé d'Ambaſſadeur à notre Cour; ils ont en
même temps envoyé de Savannah des forces
ſuffiſantes pour chaffer de la baye des Muſquites
les Anglois qui s'y trouvent ſous la protection
d'une frégate envoyée de la ſtation de la Jamaïque.
Ce qui donne lieu à ce différend , c'eſt
l'ambiguité ſuppoſée de l'article du traité de
paix , où il eſt parlé de la baie des Muſquites.
Un Correfpondant météorologique nous
informe , d'après une observation exacte , que
depuis le 18 Octobre juſqu'à ce moment ,
ce qui forme une période de 149 jours , il
y en a eu 26 ſeulement où le thermometre
n'aitpoint été en Angleterre de 1 à 18 degrés
au-deſſous du point de congélation. On n'a
jamais vu , dans ce climat, une ſuite aufli
conſtante d'un froid auffi rigoureux.
Nous avons eu pendant l'année
derniere
Pendant l'année 1779 ....
• 89 j . de gelé .
84.
.94. Pendant l'année 1763
Pendant l'hiver remarquable de
... l'année 1739 103 j . feulem.
Ce qui fait 46 jours de moins que depuis
le commencement de l'hiver actuel juſqu'à
ce jour, que vient de commencer le dégel.
L'on aſſure que le Comte de Dunmore ,
l'un des ſeize Pairs Ecoſſais actuellement
fiégeans au Parlement , & ancien Gouverneur
de la Virginie , avant la révolution
d'Amérique , a été nommé au gouvernement
de la Jamaïque.
!
1
( 35 )
FRANCE.
DE VERSAILLES , le 23 Mars.
Le ComteHyppolite de Livry , le Comte
Charles de Menou & le Comte Amédée de
Calonne - Courtebonne , qui avoient eu
l'honneur d'être préſentés au Roi , ont eu ,
le 17 , celui de monter dans les voitures de
Sa Majesté & de la ſuivre à la chaſſe.
Le Dimanche des Rameaux , le Roi ,
accompagné de Monfieur , de Madame , de
Monſeigneur Comte & de Madame Com
teffe d'Artois , & de Madame Elifabeth de
France, s'eft rendu à la Chapelle du Châ
teau , où , après avoir aſſiſté à la bénédic
tion des palmes & à la proceffion , il a entendu
laGrandMeſſe chantée par la Mufique&
célébrée par l'Abbé de Ganderatz ,
Chapelain de la grande Chapelle de Sa
Majefté. Meſdames Adelaïde & Victoire de
France ont afifté , dans une des Chapelles
collatérales , à la grand'Meſſe , à laquelle la
Vicomtefle de Blangis a fait la quête.
Le même jour , la Vicomteſſe de Lome
nie, la Comteſſe de Canoé & la Comteffe
Charles de Menou , ont eu l'honneur d'être
préſentées à Leurs Majestés &à la Famille
Royale ; la premiere par la Comteſſe de
Brienne ; la feconde par la Comteffe d'Harville
; & la troiſieme par la Marquiſe de
Menou,
( 36 )
Ce jour, le Duc de la Vauguyon , que
le Roi a nommé ſon Ambaſſadeur extraordinaire
& plénipotentiaire près Sa Majeſté
Catholique , a eu l'honneur de prendre
congé de Sa Majeſté pour ſe rendre en Efpagne
, étant préſenté par le Comte de Vergennes
, Chef du Conſeil royal des finances
, Miniftre & Secrétaire d'Etat ayant le
département des affaires étrangeres.
Le 21 , Madame s'eft rendue en cérémonie
à l'Eglife de la paroiſſe Notre-Dame , où
elle a communié des mains de l'Abbé de
Moſtuejouls , fon premier Aumônier ; la
Ducheſſe de la Vauguyon, ſa Dame d'Honneur
, & la Comteſſe de la Tour-d'Auvergne,
Dame pour accompagner cette Princeffe
, tenant la nappe.
Madame Adelaïde de France s'eſt auffi
rendue en cérémonie, le même jour , à la
même Eglife , où elle a communié des mains
de l'Evêque de Pergame , ſon premier Aumônier
; la Ducheſſe de Laval , ſa Dame
d'Atours , & la Ducheſſe de Beauvilliers ,
premiere douairiere , Dame pour accompagner
cette Princeſſe , tenant la nappe.
Madame Victoire de France s'y eſt également
rendue , & a communié des mains
de l'Evêque d'Evreux , ſon premier Aumônier
; la Princeſſe de Chimay, douairiere ,
& la Princeſſe de Guiſtel , Dames pour accompagner
cette Princeſſe , tenant lanappe.
( 37 )
DE PARIS , le 30 Mars:
Le 27 de ce mois, à 7heures moins unquart
du ſoir , la Reine eſt accouchée très heureuſement
d'un Prince , que le Roi a nommé
LOUIS CHARLES, & titré Duc de Normandie.
Il a été nommé au Baptême le même jour , à
huit heures&demie du ſoir, par MONSIEUR ,
frere du Roi , & par Madame ELISABETH ,
pour la Reine de Naples. Le canon a annoncé
ici cette heureuſe nouvelle au public ,
qui a témoigné dans cette occaſion les ſentimens
dont il eſt animé pour ſes Souverains.
Le 28 au foir , il y a eu une illumination
générale de la Capitale. La ſanté de la
Reine eſt auſſi bonne que le comporte ſa
ſituation , & le Prince nouveau né eſt bien
portant.
Les Lettres ont perdu M. l'abbé Millot ,
de l'Académie Françoiſe , precepteur de
M. le Duc d'Enghien , & auteur de traductions
& d'ouvrages hiſtoriques eſtimés.
Quoique le froid n'ait été ici ni bien rigoureux
, ni bien long , & qu'il ſoit tombé
très peu de neige , d'autres provinces ont
été moins heureuſes, comme on en jugera
par une lettre du haut Bourbonnois , que
nous venons de recevoir.
Une neige prodigieuſe , ſoufflée par tous les
ventsàla fois, & en tourbillons continuels même
impétueux , a duré au moins 20heures,d'une nuit
à l'autre , fans aucune interruption. Chacun a été
enfermé chez ſoi ; l'accès aux Temples pour le
culte divin très-difficile , & les chemins tous fer
( 38 )
i
més aux voyageurs. Ce qui fait juger que cette
neige étoit précipitée& emportée par tourbillons,
c'eſt que dans toutes les régions & directions , au,
midi , comme au nord , au levant , comme au couchant
, au fud- est , comme au nord- ouest, & du
nord-eſt au ſud-ouest , &c. par-tout l'on trouve
des tas prodigieux de neiges amoncelés des 2 à z
pieds communément, &quelquefois des 4 à 6pieds ,
ſur des eſpaces de 3 , 4 à 5 toiſes de largeur &de
longueur. Dans les environs de ces monceaux ,
en quelques endroits , une neige comme à l'ordinaire
, de 6 à 8 pouces ; & en d'autres , beaucoup
plus fréquens , il n'y en a point du tout , d'où réſulte
la plus finguliere bigarrure. De mémoire
d'hommes , on n'a vu en ce pays tempéré une fi
affreuſe journée , niune ſemblable chûte de neiges .'
Le tems au furplus , dès le lendemain & tous les
jours , a été très ferein, & le froid très -vif.
Une autre lettre d'Amiens nous apprend
un fait touchant , dont nous ne faurions
mieux rendre compte , qu'en conſervant les
propres expreſſions de l'écrivain.
Monfieur , mes affaires m'avoient appellé à
notre Hôtel -de -Ville ; parvenu dans une des
falles principales de cet édifice , i'y trouvai beaucoup
de monde réuni. Je ne tardai point à être
inſtruit que le tirage de la Milice étoit la cauſe
de certe aſſemblée , & que les jeunes gens d'un
des quartiers de la ville alloient tirer. Déjà tout
étoit préparé pour certe cérémonie ; l'ordre dans
lequel le tirage devoit ſe faire étoit arrété ; le fatal
billet noir avoit été déposé dans le chapeau
&mèle & confondu avec les billets blancs ; un
morne filence s'obſervoit dans cette afſemblée
nombreuſe , une ſorte de vénération religieuſe
étoit imprimée ſur la figure des jeunes gens qui
( 39 )
alloient fubir la loi du fort; les meres étouffoient
leurs fanglots , & elles paroiſſoient plus inquiétes
de l'événement que leurs enfans qu'il regardoit
perſonnellement ; le ſignal étoit donné , & le premier
de la file ſe diſpoſoit à mettre la main au
chapeau , lorſqu'un vieillard vénérable ſe préſenta
au milieu du cercle.Après avoir ſalué lesMagiſtrats
, il adreſſa la parole aux jeunes gens en ces
termes : « Mes amis , nous ſommes du même
>>>quartier , & vous me connoiſſez tous. Vous
>> ſçavez que j'ai travaillé tant que mes forces
>> me l'ont permis. Vous n'ignorez point que les
>> infirmités de ma femme Pont réduite à l'im-
>> puiſſance degagner ſa vie , & que mon fils , qui
>> eſt parmi vous , eſt notre gagne pain & notre
>> unique reſſource. Je viens vous prier de con-
>> ſentir qu'il ſoit exempt du tirage , & j'ai affez
>> bonne opinion de vous pour croire que vous ne
>> me refuſerez point.>>>
A peine le bon vieillard eut-il achevé ſa perite
harangue ,que tous les jeunes gens s'écrient d'une
voix unanime : Oui , oui , nous confentons qu'il
ne tire point. Alors il alla prendre fon fils , &
les bras enlaffés dans les ſiens , il alla rendre l'efpoir
& la vie à ſa vieille épouſe.
Cetrait prouve que le feu facré n'eſt point encore
totalement éteint; mais obſervez , Monfieur,
que quand il s'en échappe de temps en temps
quelques étincelles , c'eſt très- ſouvent dans les
dernieres claſſes de nos concitoyens . Il y a longtemps
que Virgile en a dir la raiſon. Non ignora
mali , miferis fuccurrere difo.
Henri - Charles Comte de Senecterre ,
ſeul mâle de la maiſon de Senecterre , eſt
décédé en cette villé , le 9 de ce mois , dans
ſa ſoixante- onzieme année.
Marguerite-Benoît de Blemont , née à
( 40 )
Limoges , le 31 Janvier 1684, y est décédée
le 15 Février 1785 , âgée de 101 ans&
15 jours. Elle avoit paffé toute ſa vie dans
la plus grande dévotion , jeûnant au pain&
à l'eau & couchant ſur la paille; elle n'a
perdu l'uſage de ſa raiſon que deux jours
avant ſa mort.
Jeanne Lavalade, veuve de Jacques Chazelle
, Laboureur , habitant de la ville de
Saint-Ferme en Bazadois , eſt morte le 2 de
ce mois , âgée de 105 ans , ſans avoir éprouvé
la moindre infirmité pendant le cours
d'une ſi longue vie; lorſqu'elle perdit fon
mari , celui-ci étoit âgé de 100 ans.
Louis -Alexandre , Comte d'Auger, Lieutenant
général des Armées du Roi, Commandeur
de l'Ordre de Saint- Louis , ancien
Lieutenant des Gardes du Corps , eſt mort
le 18 Février , en fon château de Fleuri-la-
Forêt en Normandie , âgé de 83 ans .
Etienne-François , Comte de la Porte ,
ancien Meſtre-de-camp en ſecond du régiment
de Viennois , & enſuite de celui de
Royal-Normandie Cavalerie , Chevalier de
Saint- Louis , eſt mort à Vienne en Dauphiné
, le 19 Février , âgé de 42 ans.
N. B. On peut s'adreſſer pour le nouveau
métier à bas dont nous avons parlé , à M.
Meiſſon , eccléſiaſtique à Uzès en Languedoc;
les perſonnes de la capitale qui deſireront
ſe procurer le nouveau métier à bas ,
peuvent , juſqu'à nouvel ordre , faire parvenir
leurs demandes à M. Lanſel , inſpecteur
( 1 )
général des Manufactures de la province de
Languedoc , qui les fera parvenir à l'auteur.
PROVINCES UNIES.
DE LA HAYE , le 27 Mars.
Le coup d'autorité de la Bourgeoifie
d'Utrecht contre la régence , dont nous
avons rendu compte le Nº. dernier , étant
le prélude d'une révolution plus ou moins
prochaine dans la conſtitution de la république
, il eſt bon d'en fixer les circonſtances.
Voici de quelle maniere s'eſt paffé cet
acte démocratique.
Le 2 de ce mois le Conſeil de la Ville ayant
diſpoſé à la pluralité des voix , de la place de
Conſeiller , vacante par la mort de M. Coekengen
de Veeilcoop , en faveur de M. Sigterman
, & cette élection déplaiſant à une partie
de la bourgeoiſie , une députation à la tête de
laquelle étoit M. Ondoatje qui portoit la parole ,
demanda que ladite élection fût annullée. Le
Confeil s'aſſembla extraordinairement le 10 à
ce ſujet ; & ſur la déduction remiſe par M. Sigterman
, tendant à foutenir la légitimité de l'élection
, le Conſeil réſolut qu'elle ſeroit tenue
pour bonne & valable : mais que pour donner
contentement à la bourgeoiſie , le ferment &
l'inſtallation en ſeroient différés , juſqu'à ce que
les points ſur les plaintes de la bourgeoifie
fuſſent réglés . Cette Réſolution leur ayant été
communiquée , les bourgeois détacherent une
Commiſſion , demandant pour le même ſoir
une aſſemblée extraordinaire du Conſeil : le
même M. Ondaatje y porta la parole dans les
(42 )
termes ſuivans : >> Je parle au nom de 1215
>>>Bourgeois & Commités de la Bourgeoifie. Sur
>> les instances ſérieuſes ultérieures de nos principaux
, nous ſommes ebligés de proteſter
>> avec la minorité contre la conclufion priſe
>> ce matin à la majorité , la tenant pour illégitime
& déſagréable à la Bourgeoifie ; nous
>>>refuſons par cette raifon de reconnoître ja-
>> mais M. Sigterman pour membre du Conſeil ,
>> proteftant de plus contre la ſurſéance de
>> l'inſtallation , & inſiſtant à ce que pendant la
>>> durée de cette aſſemblée il ſoit pris une
>>>Réſolution finale pendant laquelle M. Sig-
> terman ſoit déclaré non élu , & qu'il ſoit
• fixé un terme pour une autre élection plus
>> ſelon le goût de la Bourgoiſie. Ce diſcours
fiņi , la Commiſſion Bourgeoiſe s'étant retirée
dans une chambre ſéparée , le Conſeil délibéra
quelque temps ; enfin la Commiſſion ayant été
réintroduite dans la falle , il lui fut communiqué
que le Conſeil ſe voyant forcé , conſentoit ,
pour fatisfaire les Bourgeois , d'annuller l'élecde
M. Sigterman , que lundi prochain il ſeroit
fixé un jour pour nommer un autre membre.
Cette Réſolution fut en même temps annoncée
à la multitude aſſemblée devant la Maiſon-de-
Ville , qui alors ſe retira. Depuis ce jour , 19
des Confeillers ont pris leur démiſſion ; mais
une Commiſſion particulieredu reſte du Conſeil
s'eſt rendue auprès de ces MM. pour les prierde
ne point perſiſter dans ce deſſein.
A la nouvelle de ces 19 démiſſions , les
- députés de la bourgeoifie , étonnés apparemment
de cette réſiſtance , en ont appréhendé
les fuites. Ils ont remis aux bourgmeſtres
une propoſition par écrit , où en
( 43 )
témoignant , ſuivant le ſtyſe uſité , leur zele
ardent pour le retour de l'harmonie , ils ont
prié les Magiftrats de nommer une commiffion
avec laquelle on pût concerter des
moyens d'arrangement. Dans ces entrefaites
, la députation des Etats de la province
en a convoqué en ces termes une aſſemblée
extraordinaire.
Comme il s'eſt commis en cette Ville de
grands défordres & de maniere que l'on n'a pas
craint d'offenſer exceffivement la Régence légitime
, d'interrompre ſes délibérations , & de la
forcer à prendre une Réſolution , en abuſant du
nom du peuple : d'où il s'eſt enſuivi que nombre
de Régens ne pouvant ſupporter cette atteinte
pnblique contre la Régence légitime , & contre
tout le Corps de la Bourgecifie qu'elle repréſente
, ont pris le parti de ſe démettre d'où il
pourroit arriver que la Ville reſteroit ſans Ré.
gence , ſans juſtice & fans protection , au déſavantage
du repos & de la sûreté des habitans :
Etant ainſi hautement néceſſaire qu'il y ſoit
inceſſamment pourvu ; & de plus , les circonftances
critiques où ſe trouve la patrie , rendant
indiſpenſables les ſecours & conſeils de tant de
braves & habiles Régens : nous avons cru devoir
convoquer extraordinairement les Etats de cette
Province le vendredi 18 du courant , à 11 heures
avant midi , à la ſalle ordinaire à Utrecht ,
pour délibérer & résoudre ſur les moyens les
plus propres à rétablir en cette Ville l'ordre ,
l'union , le confiance & le repes . Vous
priant de vouloir bien y aſſiſter aux jour &
heure indiqués.
Le Comte d'Athlone , grand-bailli d'Utrecht
, ayant appris que le Conſeil avoit
( 44 )
enregiſtré la caſſation de l'élection faite ,
comme y ayant été contraint par la force ,
a demandé d'office la communication de
ſes regiſtres qu'on lui a refuſé. Pour prévenir
cependant les mouvemens ultérieurs qui
pourroient nuire à la tranquillité publique ,
les Etats feront mettre ſous les armes quatre
compagnies de cavalerie qui forment la
garniſon d'Utrecht.
M. le comte de Maillebois eſt arrivé be
20 au ſoir dans cette réſidence.
Le 18 , cinq des payſans arrêtés pour
cauſe de révolte contre la prohibition des
couleurs Orange , ont été rigoureuſement
punis : trois du fouet , & les deux autres
condamnés à.paroître ſur l'échaffaud.
Le Marquis deVerac , Ambaſſadeur de Sa
Majesté Très Chrétienne , vient de remettre
à L. H. P. un mémoire contenant ce que
les directeurs de la compagnie des Indes-
Occidentales & les directeurs de la colonic
de Berbice doivent à la caiſſe de Marine &
des colonies du Roi , ſon maître , pour des
objets à eux remis , durant la poſſeffion
d'Eſſequebo , de Demerary & de Berbice
par les troupes Françoiſes , avec réquisition
que cette avance montant à 60535 florins
quatre ſols douze deniers, ſoit acquittée le
plutôt poſſible.
Plus de 300 Officiers , dit- on , s'étoient préſentés
pour ſervir dans la Légion de Maillebois.
Ceux qui ont été choiſis , ſont preſque tous
d'anciens militaires qui ont ſervi avec diftinction.
Cette Légion qui ſubſiſtera , que la guerre
( 45 )
ait lieu ou non , doit être complette le 1er. de
Mai ; elle est compoſée de 3000 hommes ſavoir :
900 hommes de cavalerie , nommés chaſſeurs à
cheval , 1000 chaſſeurs à pied , 1000 fufiliers ,
& 100 hommes d'artillerie. Les principaux
Chefs font Mrs de Caſſini , le Baron de Bourſec
. le Comte d'Amarat , & le Baron de Clemberg,
tous ayant le grade de Colonel en France ,
&Chevalier de St. Louis.
La légion de Matha , dont la levée ſe fait
à Liege & aux environs , a déja 400 recrues
; il lui en faut encore 800 pour la
completter. Ce ſont en général des hommes
forts & bien faits.
On conjecture , on affirme , ou on devine
, que S. M. I. a réduit les conditions
d'un arrangement avec la république aux
huit articles ſuivans.
1º . L'envoi d'une commiſſion de députés à
Vienne , pour faire des excuſes.
2°. La ſouveraineté abſolue de l'Eſcaut depuis
Anvers juſqu'à Safringen , & par conséquent
la liberté de navigation & de commerce dans
toute cette étendue du fleuve , ſans qu'il puiſſe
y être perçu aucun droit de péage.
3º. Seize millions de florins de Hollande
en forme de compenfation pour la Ville de
Maestricht , à laquelle l'Empereur renoncera à
ce prix.
4°. La ceffion du comté de Vroenhoven &
du pays d'Outre-Meuſe.
5°.Que les fortsde Kruisſchans &de Fréderic-
Henri foient démolis.
6°. La ceſſion& rénonciation à S. M. I
forts de Lillo & de Liefkenshock,
( 46 )
:
4
7°. Que l'on remette à S. M. I. les écluſes
en Flandres & ſur la Meuſe , afin que nous
ne ſoyons plus dans le cas d'inonder ſon territoire.
8°. L'indemniſation des dommages cauſés
-à ſes ſujets par les inondations.
PAYS - BAS.
DE BRUXELLES , le 30 Mars.
On dit que les ſoumiſſions pour le nou-
<vel emprunt ſont déja portées au delà de
la ſomme demandée. Deux commiſſaires
font partis pour aller au-devant des troupes
attendues d'Allemagne , & pour examiner
les routes qu'elles doivent ſuivre.
Il eſt queſtion , à ce qu'on prétend , de
former au mois de Mai un camp dans l'endroit
appellé les trouées des cinq étoiles ; la
droite en ſeroit appuiée à l'Ormeau au
deſſus de Sauvenir , & la gauche à Nielle
Saint-Vincent.
L'armée ſera ſur deux lignes , la cavalerie fur
:les aîles ; les dragons formeront une troiſieme
ligne. La brigade d'Alton ſera placée en avant
de la gauche entre le village de St. Paul &
celui de Tourines- les-Ourdons , où logera un
orps de Houlans : un eſcadron de Wurmſer
gardera Sart à Walbem , & le bois en avant du
centre. Le reſte du corps avec celui d'Eſterhaſy
couvrira la droite. Pluſieurs redoutes maſqueront
les deux Trouées : dans cette poſition avantageuſe
, les forces Impériales feront libres de
ſe porter ſoit ſur Maestricht , ou de paſſer la
Meuſe àMaſeick ; elles pourront en même temps
( 47 )
donner de l'inquiétude à leur ennemi pour
Hulst , Breda & le fort de Crevecoeur.
Une lettre de Paris dit que : e :
Mr. Bottineau , ancien Employé du Roi &
de la Compagnie des Indes aux Ifles de France
& de Bourbon , vient de préſenter un Mémoire
fur la découverte d'un moyen Phyſique qui
annonce les vaiſſeaux & les terres juſqu'à 250
lieues de diſtance . Les épreuves de cette découverte
ont été ſoumiſes par ſon Auteur , au
jugement de plufieurs Gouverneurs , Intendans
vérificateurs de la Marine , dont les certificats
ſont rapportés au bas de ce Mémoire.
GAZETTE ABRÉGEE DES TRIBUNAUX .
PARLEMENT DE PARIS.
Droits des CurésſurlesPenſionnairesdemeurants dans
les Couvens , pour leur adminiftrer les Sacremens
& la Sepulture.
L'impreſcriptibilité des DroitsCuriaux , relatie
vement aux objets dontil s'agit ,a été jugée plufieurs
fois,&les exemples en ont étédéja rapportés
dans nos Feuilles : elle vient encore de l'être tout
récemment en faveur du Curé de Saint Firmin de
la ville d'Amiens , contre les Soeurs-Griſes de la
même ville. Elles prétendoient avoir le droit de
faire adminiſtrer les Sacremens & la Sépulture par
leur Chapelain à leurs Penſionnaires , Tourrieres
&Domeſtiques, Elles ſe fondoient ſur différens
concordats & transactions paſſés entre les PrédéceſſeursCurés
de la Paroiſſe de Saint Firmin , le
Curé actuel lui -même , & les Supérieures de leur
Couvent. Une Sentence contradictoire , rendue
par les Juges d'Abbeville en 1779 , entre le
Curé de Saint Firmin & les Soeurs Grites , à l'occafion
d'une difficulté élevée , quele Curé , relati-
*vement à la mort d'une Penſionnaire , prétendoit
avoir droit d'Inhumer , avoit jugé , conformément
4
( 48 )
4
à ces concordats & wantactions, &débouté le Curé
de ſa demande , avec dépens. Le Curé avoit payé
les frais , & n'avoit pas interjetté appel de la Sentence
, ce qui faisoit un acquiefcement formel;
cependant , poſtérieurement à cette Sentence,
le même Cuté a refuſé de percevoir une redevance
annuelle de 12 liv. qu'on lui payoit par forme
d'indemnité , & ayant eu connoiſſance du décès
d'une Penſionnaire dans le Couvent des Soeurs-
Griſes ,il a renouvellé ſa prétention ; il a fait affigner
les Religieuſes pour voir dire , que défenſes
Jeur ſeroient faites d'enterrer ladite Penſionnaire ,
& qu'elles ſeroient tenues de l'expoſer ſous la
porte de leur Couvent , pour , par ledit Curé ,
aller faire la levée du corps , & l'inhumerdans fon
•Egliſe , & ledit Curé maintenu dans le droit de ſépulture
ſur leſdites Penſionnaires , Tourrieres &
Domeſtiques , avec défenſes aux Religieuſes de le
troubler dans l'exercice de ſes droits .- Sur cette
demande, Sentence des Juges d'Abbeville qui accueillit
la demande du Curé.-Appel en laCour
&Arrêt du 18 Août 1784 , qui a reçu M. le Procureur-
Général Appellant, tantde la Sentencede
1779 , que de celle de 1783. Ce faiſant , a mis
l'appellation au néant , maintenu le Curé dans
l'exercice de ſes Droits Curiaux & Parochiaux ,
notamment en celuid'adminiſtrer les Sacremens&
• la Sépulture aux Penſionnaires , Tourrieres &Domeſtiques
, demeurants dans le Couvent des Soeurs-
Griſes , avec défenſes auxdites Religieuſes de l'y
troubler ; en conféquence , a ordonné que, le décès
arrivant d'une Penfionnaire, Tourriere ou Domeſtique,
le corps de la défunte ſeroit expoſé ſous
laportedu Couvent,, pour par le CurédeS.Firmin
, en venir faire la levée , & enſuite le faire
porterdans ſa Paroiſſe pour en faire l'inhumation,
&condamné lesReligieuſes aux dépens.
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 9 AVRIL 1785 .
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE
A MAMAN , pour sa Fête.
CEST ta fête , ô Maman! le plusbeau jour dee
miens ,
Er meş bras careſſans n'entourent pas les tiens !
Vertu,s filles de l'âme , arrangez maguirlande;
Voeux ardens de mon coeur , vous ferez monoffrando:
Tu n'auras point de moi la roſe ni l'oeillet ;
Cent baifers , ô Maman , formeront ton bouquet!
Reçois-les ces baiſers qu'un pur amour t'envoie ;
De ton enfant chéri reçois- les avec joie :
Ilsme ſemblent trop donx pour n'être qu'une erreur ,
Que perdus pour ton ſein , ils paſſentdans ton coeur ,
Dans ce coeur vertueux qui fut mon premier temple .
Qui me fert de modèle & m'inſtruiſit d'exemple ;
Nº. 15 , 9 Avril 1785 . C
50
MERCURE
Dans ce coeur qui du mien ſentit les premiers feux ;
Dans ce coeur qui du mien aura les derniers voeux.
O ſouvenir ft cher à ma reconnoiſſance !
Maman , rappelle-toi les jours de mon enfance ;
Ainſi de notre abſence abuſons le tourment ,
Et trompons ſes ennuis avec le ſentiment.
Songe à ces jours d'eſpoir où par tes mains forméc
Mon âme ſe ſentoit par la tienne animée ;
Mêne en les ignorant je chériſſois tes loix ,
Repoſant dans tes bras je croiſſois à ta voix ;
Et par un tendre inſtinct , vers toi tonjours guidée ,
Je bégayois ton nom fans en avoir l'idée ;
Ne pouvant concevoir , & fachant mieux ſentir ,
J'éprouvois de la peine à te déſobéir.
Ainſi qu'aux coeurs émus un Dieu peint ſa puiſſance ,
De même à tes bienfaits je ſenteis ta préſence.
Souviens-toi de ce jour où de vives douleurs ,
En laſſant ta conſtance , arrachèrent mes pleurs ;
Cetrait fut un éclair pour ton âme charmée ,
Tu vis alors , tu vis que tu ſerois aimée.
Tu quittas les plaiſirs , je fis mieux ton bonheur ;
Tu formas , tu nourris , tu fécondas mon coeur ;
Et dès ce même inſtant tu ne fus occupée
Qu'à hâter ma raiſon d'un voile enveloppée.
Doux rayon de lumière ! inftant d'étonnement ,
Qu l'âme ſe conçoit & s'ouvre au ſentiment !
Moment de l'existence , où l'humaine nature
Eſt déjà ſi ſublime & ſe trouve encor pure,
:
DE
SI
FRANCE.
14
Eſprit rapide & prompt , reconnoiſſance , amour !
Maman , je te dois tout! .... des vertus & le jour .
Alors tu m'échauffas de la plus ſainte Aamme;
Alors tu répandis ton âme dans mon âme ,
Tes ſecrets , tes plaiſirs, tes peines , tes ennuis ;
Tu me fis ta compagne & tout ce que je ſuis.
Sois heureuſe à ton tour , & qu'une main ſi chère
Recueille les doux fruits de mon ardeur ſincère ;
Que tes jours fortunés , comme ils font vertueux ,
Surpaſſent en bonheur le nombre de mes voeux ;
Que l'Amitié te ſoit ce que tu fus pour elle ,
Plus ſolide , plus ſainte & toujours plus fidelle ;
Que tes plus chers objets , que tes autres enfans
De ta félicité ſoient les heureux garans ;
Que ta vieilleſſe , longue & toujours honorée,
Soitcomme tes beaux jours de nous tous entourée;
Que les doux ſentimens écartent les douleurs ,
Er que tes derniers jours foient parſemés de fleurs.
ENVO 1.
Pour te mieux célébrer , il faudroit moins ſentir;
Enfans de mon amour & non de mon loifir ,
Ces vers ont l'abandon de mon âme attendrie.
Adieu , digne Maman , adicu , ma noble amie ,
Pardonne au mouvement qui s'empare de moi ;
Eft il un nom plus cher ? je l'emploîrai pour toi.
Cij
52 MERCURE
LUCAS , PERRETTE ET LES MOUTONS ,
J
Fable.
Ene peux pas ſouffrir ta conduite , Perrette :
(Celui qui ſe plaignoit , c'eſt Lucas , ſon mari )
Toujours glorieuſe & coquette ,
Tu ne prends de moi nul ſouci ;
Tu dépenſes , Dieu ſait ! tu vis en diffipée ,
Tu ne me ſers à rien , pas plus qu'une poupée.
Saplainte eſt debon ſens , dirent pluſieurs Moutons :
Cette femme , il eſt vrai , ne paroît occupée
Que de coëffes & de pompons.
Non , ce n'eſt pas ainſi qu'on conduit un ménage.
Mon Dieu , dit Perrette , j'enrage
D'être en butte aux diſcours d'un ſaugrenu d'époux
Jaloux.
Du village , entends -tu ? moi , je ſuis la plus riche ,
Le Seigneur , mon parrein , a débourſé ma dot ;
Ne paroîtrois- je pas ou ridicule ou chiche ,
En m'habillant comme Margot ?
Mais , dirent les Moutons , ceci change la note ;
Oh! ſon époux n'y connoît rien ;
Il devroit abjurer la mauvaiſe marotte
De gronder , comme il fait , une femme de bien.
Quoi , répondit Lucas d'un ton plein de colère ,
Veux- tu parler encor de ce maudit Seigneur ?
Ne verrai jejamais ſortir de cette terre
DE FRANCE.
53
Ce déteſtable corrupteur
Qui te ſéduit , te déshonore ,
Etqu'il faut reſpecter encore!
Périfſeton parrein ! Les Moutons ébaubis ,
Des chagrins de Lucas parurent bien marris.
Du fond du coeur ils le plaignirent ,
Sur tous ſes maux ils s'attendrirent ,
Et déteſtèrent le parrein.
Ciel , le méchant mari ! me faire un pareil train ,
Reprit Perrette , à moi fidelle & vertueuſe !
En vérité je ſuis bien malheureuſe !
Oh bien, ſéparons-nous , vis comme tu voudras.
La demande eſt fort légitime ,
Diſoient tous nos Moutons. Innocente victime
D'un malotru ! pauvie Perrette ,hélas !
Ainſi tous ces Moutons flottoient dans leur langage;
Mais l'homme , par ma foi , n'eſt pas toujours plus
fage.
Combien d'hommes Moutons ! combien de maîtres
fots ,
Dudernier qui leur parle , imbécilles échos !
(Par M. Butini. )
Ciij
54
MERCURE
ÉPIGRAMME.
MONDOR, vous m'avez dit cent fois :
« Tu ne ſais pas combien je t'aime ! ....
לכ Digne ami ! ...-Mondor , je vous crois ,
Et.... - Ce m'eſt un plaifir extrême
De t'obliger ! - Que je vous dois
De....- Sois chez moi maître ſuprême.
- Fort bien , mais ....-Tout ſuivra tes loix.
-Bon ! ....- Mes valets , ma femme même...
-C'eſt être par trop obligeant ;
Il ne me faut.... - Te ſatisfaire
Eſt mon bonheur ! ....-Qu'un peu d'argent.
-Oh! l'argent.... c'eſt une autre affaire.
0
(Parle Confin Jacques.)
MADRIGAL.
SI comme moi les amans
Concevoient le bonheur des tendres tourterelles ,
On ne verroit plus d'inconftans ,
Et tous les coeurs ſeroient fidèles.
(Par M. le Marquis de C.... v..)
1
DE FRANCE. 55
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercure précédent.
Le mot de la Charade eſt Matureſſe ; celui
de l'énigme eſt l'Amitié; celui au Logogryphe
eſt Nanan.
CHARADE.
Tour our homme , s'iloſoit, vous feroitmapremière;
Un vieillard s'y croiroit à la fleur du ſecond :
Mon tout , en prodiges fécond ,
Eſt l'ami des vertus & l'amant de la guerre.
J'HABITE
(ParM. *** )
ÉNIGME.
'HABITE au milieu des airs ,
Etcependant mademeure eſt ſolide ;
Il n'eſt dans ce vaſte Univers
Que moi qui marche autant qu'on me tire la bride.
Le caprice pourtant n'eſt pas ce qui me guide ,
Je fais la volonté du maître que je ſers ;
Sans jamais fortir de ma place ,
1
Civ
$6 MERCURE
J'ai le ſecretde marcher quand il faut ;
Et fi je fors , on a foin quand je paffe
De s'humilier auffitôt.
tous ces traits , Lecteur , vois-tu qui je puis être?
Peut-être oui , peut-être non ;
Écoute , un mot ſuffit pour me faire connoître :
Je porte peut - être ton nom.
( Par M. R. D. B.)
1
LOGOGRYPHE.
H
VIT lettres de montout compoſent la ſubſtance.
Demonumens fameux &dignes des Romains ,
Il embellit la France.
Ontrouve će métal ſi chéri des humains ,
En arrangeant mes pieds de diverſes manières;
Le contraire de peu ; l'un des quatre élémens ;
L'aſyle d'où l'on brave& la vague & les vents ;
Ces champs fleuris que baignent les rivières;
Ce fleuve qu'en ſa chûte embrâſa Phaeton ;
-L'Aute ur voluptueux qui nous peignitNéron ;
Le mortel dont tu tiens le préſent de la vie;
Un mot fréquent dans la chronologie ;
Cet être qui parfois au ſeptième gîté ,
Se repaît de l'eſpoir de l'immortalité,
Et rêve en ſon heureux délire
Qu'à ſa ſtatue en France on érige un autel.
-
DE FRANCE.
17
Enfin, Lecteur , cet ouvrage immortel
Qu'au ſuperbe Neuilly le Voyageur admire. 4
(ParM. Buffon. )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
HISTOIRE de la Ruſſie Moderne , par MM.
Leclerc , père & fils ; Tome II. A Paris ,
chez Froullé , Libraire , Quai des Auguſ
tins; à Versailles , chez Blaizot , Libraire.
Ouvrage propoſé par Souſcription.
CE
nouveau volume nous prouve que
les Auteurs n'ont pas cru devoir mettre
à profit nos réflexions ſur les précédens.
Ce ſont les mêmes défauts & le même ſtyle.
Nous n'avons presque rien trouvé dans les
quatre règnes qui ſont contenus dans ce
Tome , qui fût affez développé. Les cauſes y
font foiblement indiquées. On y defire trop
ſouvent cette critique ſi néceſſaire à l'Hiftorien;
ces rapprochemens qui préſentent toutes
les Nations liées à la Nation dont on lit
ici les faſtes , par les liens de la politique ,
par ceux du commerce, de l'amitié , ou
tourmentées par elle , au gré de ſes desirs ,
ou par l'aſcendant de ſa renommée. Cependant
, combien d'événemens ont troublé le
Nord depuis 1725 ! la Suède , la Pruſſe ,
1
"
Cv
58 MERCURE
1
l'Empire , la Ruffie , la France , & juſqu'à la
Peaſe , toutes les Puiſſances ſe ſont mues
avec la Ruſſie; elle a eu dans toutes ces
fecouffes , une criſe ou un branlement .
Les Auteurs étoient arrivés à la plus agićable
partie de leur tâche; ils n'avoient plus
deschroniqucs à compulſer , des traductions
pénibles à entreprendre , des origines à débrouiller.
Ils ne créoient plus l'hiſtoire , ils
la copioient. C'eſt quand l'Hiftorien eſt parvenu
à ces époques où les contemporains
ont multiplié les matériaux , que le Ayle ,
l'eloquence, l'agrément, la philoſophie luideviennent
des qualités plus effentielles. Sidans
nos deux précédentes analyſes , nous fumes
plus indulgens , ce fut en raiſon du travail
des Auteurs ; & fi nous sommes aujourd'hui
plus ſévères , c'eſt en raison de la multiplicité
de leurs moyens. Tout ce qu'ils écrivent
adéjà été écrit. Après une foule de Mémoires,
eſt venue une Hiſtoire écrite par un, Écri
vain , qui , s'il péchoit quelquefois contre
la vérité , ſavoit du moins éclairer tous ſes
Écrits du flambeau de la philofophie.
On peut accuſer les nouveaux Auteurs
d'avoir pris trop ſouvent des pages entières
dans les autres Écrivains. C'est un double
emploi de tranſcrire ce qu'un autre a dir.
Sans doute les vers tiennent une place diftinguée
parmi les productions Littéraires ;
mais l'Hiſtoire ne parle qu'en proſe; elle
demande de la nobleſſe , de la majeſté, de
la correction & de la profondeur dans les
DE FRANCE. 59
développemens du coeur humain. Avec ces
qualités , elle est sûre d'obtenir la prééminence
dans le temple des Muſes : elle ne
veut point être bigarrée ; les vers qu'on la
forceroit de recevoir la gâteroient & la rendroient
ridicule. Pourquoi trouve-t'on des
vers dans celle de Ruſſie ? Une Hiſtoire n'eſt
pas non plus un eſſai de morale , quoique
fon but foit certainement très-moral. M.
d'Arnaud , ſouvent cité par les Auteurs , a
mis dans ſes Romans les plus touchantes
moralités ; mais un Romancier a- t'il jamais
prêté des ſecours à l'Hiſtorien ? Voilà ſans
doute des reproches graves.
Voici ce qui peut preſque les racheter.
Beaucoup de bonne-foi , un ton fimple &
uni , de la vérité , de la ſageſſe dans les jugemens
, jamais une intention méchante , une
morale douce , toujours l'expreſſion d'un
homme honnête , de la timidité , mais fans
baffeſſe oſent effrayer les tyrans, mais qui ne
les flattent point , qui quelquefois les montrent
du doigt, ſe repoſant volontiers & longuement
ſur la meilleure des Impératrices ,&
s'abandonnant au plaiſir fi doux pour l'Écrivain
vertueux , de louer une Souveraine clémente
& bonne. C'eſt le fils qui prend la
plumequand ſon père l'a quittée ; c'eſt le père
qui eſt l'aſſocié de ſon fils. Ils parlent d'eux
avec cette bonhommie qui annonce les bons
nes moeurs. L'an & l'autre ont des connoiſſanees
étendues; tousles deux ont beaucoup lu ,
beaucoup vu; ſouvent très bien vu. C'eſt
Cvj ,
60 MERCURE
dommage qu'il manque au jeune homme la
chaleur de ſon âge; au père le talent d'écrire ,
& à tous les deux l'art de préſenter leurs
marières. Nous invitons nos Lecteurs à ſe
procurer leur Ouvrage.
Paffons maintenant à l'Histoire. Si on
nous demandoit ce que nous penſons de la
Nation , voici quelle ſeroit notre réponſe.
Pierre-le-Grand entreprit de grandes choſes.
Il avoit dreffé une carte immenſe , que les
Ruſſes devoient remplir avec promptitude ,
par des prodiges. Son vafte génie traçoit des
plans hardis ; mais il ne put ſe procurer que
des manoeuvres. Ils exécutoient ſervilement ,
fans concevoir ce qu'ils exécutoient. Il ſemble
que le génie Kufſe ſoir porté à l'imitas
tion , & qu'il ait renoncé à la faculté de
produire. Elle a toujours trop hâté ſa marche;
elle a ( c'eſt le proverbe ) toujours
voulu moiffonner quandil eût fallu ſemer.
Le deſporiſme le plus outré fait courber
toutes les têtes ſous le caprice du deſpote
mâle ou femelle qui règne. Le trône y ſemble
mis à l'encan. Aucun peuple n'offre des
révolutions auſſi fréquentes. Nulle part on
ne voit autant de Souverains détionés , &
par d'auſſi foibles moyens. Trente Gardes
fuffiſent à l'ambitieuſe Princeſſe qui veut
monter ſur le trône. Pendant la nuit , ceux
qui règnent font enlevés , & leurs propres
gardes s'arment contre eux. Le peuple n'y
eſt pour rien. Il s'y prête ſans y gagner. Sou
DE FRANCE. 61.
vent il n'apprend que tard la révolution ,
& il l'approuve. C'eſt par les Nobles , c'eſt
dans l'intérieur du Palais que les intrigues ſe
trament & s'exécutent. En Orient , on trouve
moins de facilité à renverſer le Sultan ,
& le Sultan eſt moins deſpore à ſon tour
qu'en Ruſſie , où la Religion n'eſt pas même
un obſtacle contre les volontes. Le peuple
ne connoît ni ne regrette ſa liberté.
Les Arts que Catherine II a appelés dans
ſes États , qu'elle encourage avec magnificence
, auxquels elle donne une confideration
brillante , ſemblent encore étrangers
à ce peuple. Il ne les a point naturaliſes dans
ſes foyers. Cette partie hiſtorique , & qui
couvre d'une gloire permanente le règne
de Catherine II, manque à l'Hiſtoire de MM.
Leclerc , qui ſe ſont arrêtés là, où ce règne
commence. Il paroît que c'eſt à Frédéric
Guillaume , Roi de Pruffe , que la Ruffie
doit ſa tactique & ſa diſcipline militaire.
Nous allons tranfcrire quelques paſſages,
qui donneront une idée du ſtyle des Auteurs
& du caractère de la Nation. Le premier
exemple indique le peu de progrès que le
goût a fait en Ruffie. Aux noces du Duc de
Brunswick & de la Princeſſe Anne ( 1739 )
ontravailla pendant plus d'un an aux habits
& aux équipages qui devoient paroître le
jour de cette cérémonie; c'étoit ( dit le Général
Manſtein ) du faſte ſans goût , & des
dépenfes exceſſives ſans magnificence. L'habit
le plus riche étoit ſouvent accompagné
62 MERCURE
de la perruque la plus mal peignée ; un homme
ſuperbement vêtu ſe trouvoit dans une
mauvaiſe voiture , traînée par des roffes.
L'habillement des Dames répondoit à celui
des hommes ; elles étoient defigurées par les
moles étrangères , & cachoient la mal- propreté
ſous des étoffes riches: elles étoient
couvertes de diamans & manquoient de
fouliers.
Veut-on un exemple de l'excès que le
deſpotiſme ſe permer, il ſuffit de rapporter
l'anecdote ſuivante : " Le Prince Galit-
» zin, âgé de quarante ans, fut fait Page &
>> Bouffon , pour le punir d'avoir embraffé
ود la Religion Romaine dans ſes voyages.
» L'Impératrice Anne le maria à une fille
ود du Peuple , & fit les frais de cette noce
>> pendant l'hiver rigoureux de 1740. C'é-
>> toit un Palais de glace, où les époux furent
ود conduits dans une cage portée ſur un élé-
>> phant , & ſuivis d'un cortège de quatre
>> cent perſonnes montées ſur des chameaux
>> ou traînées par des boucs , des cochons ,
ود des chiens , des rennes. Les mariés furent
> obligés de paſſer la nuit dans un lit de
>> glace , d'où ils ne purent ſortir avant le
- jour. Des canons de glace & deux mor-
>> tiers tirèrent pluſieurs coups ſans crever.
20 Le lit de glace étoi au ſoixantième degré.
» La même Impératrice fit brûler vif le
>> Prince Voznitkin , foupçonné de profeffer
* la Religion Judaïque. >>
Voici de quelle manière ſe font les révo-
-
1
1
DE FRANCE. 63
lutions. " La Princeſſe Elizabeth manqua
>> de courage dans l'inſtant où la conjura-
>>tion alloit eclater , & ce ne fut pas fans
>>peine que Leſtocq lui inſpira la hardieſſe
ود néceſſaire pour conſommer cette grande
>> entrepriſe. Après avoir imploré le Ciel à
>> ſon ſecours devant un Tableau de la
>> Vierge , elle ſe décora de l'Ordre de Sainte
» Catherine. Le Comte Voronzoff & Lef-
• tocq la placèrent dans un traîneau , der-
➤ rière lequel ils ſe mirent. Les trente grenadiers
qui étoient de ſon parti eurent
ordre de ſe rendre promptement à la
■ Chancellerie du Régiment de Préobra-
ود
genski, pour gagner la garde & la préve-
> nir de l'arrivée de la Princeffe. Ils n'eu-
>>rent pas de peine à attirer dans leur parti
» juſqu'à trois cent hommes, tant bas-Offi-
> ciers que Soldats. Élizabeth arrive , &
dità cette troupe dévouée : Mes enfans ,
>> vous ſavez de qui je ſuis fille ; venez
> avec moi. Nous sommes tous prêts, ré-
>> pondirent les Soldats ; nous les tuerons
20 tous.- Si vous voulez agir de la forte ,
» je n'irai pas avec vous .-A votre volonté
&à celle de Dieu. "
ود
ود
ود Leur première expédition fut d'arrê-
>> ter l'Ecoffois Grewff, Officier de Grenadiers,
qui couchoit dans les cafernes. Cela
fait, ils prêtèrent ferment de fidélité à la
Princeffe , qui ſe mit à leur tête , & marcha
droit au Palais d'hiver. Elle entra
>>>avec un parti de ſa ſuite dans la chambre
ود
ود
:
64 MERCURE
ود du corps-de-garde ſans trouver la moindre
réſiſtance , même de la part des Offi-
>>ciers. On plaça des ſentinelles à toutes les
>> portes , à toutes les avenues. Leſtocq &
Voronzoff reſtèrent auprès de la Princeffe.
Trente Grenadiers eurent ordre de
>> monter dans les appartemens pour arrê-
» ter la Famille Ducale. Les Soldats en-
ود
ود
ود trèrent tumultueuſement dans la cham-
>>>bre où les deux époux étoient couchés; ils
>> ordonnèrent à la Régente , au nom d'Eli-
>> zabeth , de ſe lever pour les fuivre. On
>> lui permit ſeulement de ſe couvrir pour
>> ſe garantir du froid. Tandis qu'on l'em-
>>menoit, elle demanda la permiffion de
>> parler à ſa tante ; mais cette confolation
>> lui fut refuſée.
" Le Prince Ulric , abandonné à toute
>> l'horreur de ſon fort, fut tiré de ſon lit
>> par deux Grenadiers qui , l'ayant enve-
>>loppé dans ſes couvertures , le portèrent
» dans un traîneau. Pendant que ceux ci
>> enlevoient le Duc & la Ducheffe , d'au-
>> tres entrès ent dans la chambre du jeune
>> Empereur , qui dormoit ; & comme ils
>>> avoient ordre de ne point l'éveiller , ils
>> entourèrent ſon berceau en filence juf-
» qu'au moment de ſon réveil , qui arriva
>> une heure après. Tous à l'envi voulurent-
99 s'en emparer. Effrayé à la vue des Sol-
> dars , le jeune Prince pouffa des cris. Sa
>> nourrice , réveillée en ſurfaut , accourut
>> tremblante , & le prit dans les bras. Alors
:
DE FRANCE 65
>>les Grenadiers les enlevèrent vers les trois
heures du matin. Elizabeth, en retournant
à ſon Palais, fit annoncer au Marquis de la
>> Chétardie l'heureux ſuccès de ſon entrepriſe.
» ود
Cette grande révolution avoit été terminée
dans moins de quatre heures ; elle ne
fut point ſignalée , ſuivant l'uſage , par des
ſupplices , parce qu'Eliſabeth ne voulut pas
que fon élévation coûtât la vie à perſonne ;
elle déclara dans la ſuite que les travaux publics
& l'exil remplaceroient la peine de
mort. Cet acte d'humanité fut accueilli comme
un acte de clémence , & Elifabeth acquit
le ſurnoin de Clémente. Elle le mérita.
Elle eut des favoris (diſent les Auteurs.)
L'amour étoit devenu un beſoin pour elle ,
& depuis quatre règnes le titre de favori
étoit devenu comme une charge dans l'Etat.
Le favori Biren avoit un aſcendant terrible
fur l'Impératrice Anne. Je l'ai vue pleurer ,
diſoit le Maréchal de Munich , fur ce que
Biren fu'minoit &menaçoit de ne plus fer-
⚫vir ſi on ne lui ſacrifioit Valinski , ainſi des
autres. La Princeſſe Anne , Grande-Ducheſſe,
eut le Comte de Lynar pour favori. Quand
celui - ci étoit auprès d'elle , le Prince de
Brunswich , époux de la Princeffe , ne pouvoit
entrer.
..
...... Née d'un ſang voluptueux , la
ſenſible Elifabeth étoit voluptuenſe à l'excès.
Elle diſeit ſouvent à ſes confidentes : Je
66 MERCURE
1
1
1
1
{
ne ſuis contente qu'autant que je fuis amoureuſe.
Elle laiſſoit agir les perſonnes favoriſées
au gré de leurs intérêts perſonnels : de
là un grand déſordre dans les finances , &
tant de particuliers enrichis dans un temps
où la Couronne manquoit d'argent : de là
des monopoles ruineux , des douanes affreuſes
, le mauvais état de la lotte , du canal de
Ladoga , les ruines de Kronſtadt, les défordres
dans l'exploitation des mines de la
Sibérie , le prix énorme auquel on vend
l'eau-de vie , le ſel , le tabac dont la Nation
ne fauroit ſe paffer , & pour lesquels tant de
milliers de perſonnes ont enduré la queftion
,& ont été réduites à l'indigence. Tout
cela doit paroître étonnant ſous le règne
d'une Princeſſe qui aimoit l'humanité , qui
verſoit des larmes ſur les lauriers de ſes
Généraux , & qui regardoit comme un malheur
une gloire achetée par le ſang de ſes
fujers.
Ces traits peignent fidellement les déſordres
d'une Cour où les favoris jouent un
rôle auſſi ſingulier. Elifabeth maria le 21
Août 1744, fon neveu avec la Princeſſe Sophie-
Auguste d'Anhalt - Zerbſt , qui a pris
le nom de Catherine II. Le naturel du
Prince de Holſtein (diſent les Auteurs ) n'étoit
pas mauvais ; mais la manière dont il
futélevé lui aigrit le caractère , & lui inſpira
autant d'indifférence &peut-être de dégoût
pour les Sciences & les Beaux-Arts , que de
1
DE FRANCE. 67
L
د
penchant pour les exercices militaires. Elifabeth
lui fit préſent du château d'Oranienbaum;
c'eſt- là que le Prince cherchoit à ſe
dédommager de la contrainte qu'il éprouvoit
à la Cour,avec de jeunes Officiers ſans
éducation , ſans principes , ſans moeurs , qui
confondoient la liberté avec la licence , &
faifoient confifter le plaiſir dans la débauche.
Les bières fortes, le vin, les liqueurs ,
le tabac à fumer , le jeu , les femmes rempliffoient
les intervalles des exercices militaires.
Ses liaiſons de débauche avec des
Etrangers augmentoient ſa haine pour les
Ruſſes. Tandis qu'il perdoit ainſi ſon temps,
laGrande-Duchetſe ſon Epouſe l'emplovoit
utilement à s'inſtruire du caractère de la Nation
, des uſages , des coutumes & des loix
de l'Empire. La lecture des bons Ouvrages .
ladédommageoit de toutes les autres privations.
Il y avoit plus à gagner pour cette
Princeſſe de s'entretenir avec les Hommes
célèbres qui n'étoient plus,que de converſer
avec les vivans. Elle devint enceinte après
neuf mois de mariage ; elle accoucha heureuſement
d'un Prince , qui reçut au bap.
tême le nom de Paul Petrowitz , & qui fut
déclaré Prince héréditaire de la Couronne
Impériale.
Au moment où Elifabeth monta fur le
Trône , la crainte s'empara d'elle. Tout lui
donnoit de l'ombrage. Les actions les plus ordinaires
de la vie ſe faisoient avec un air de
myſtère. Les heures des repas , le lieu défi-
!
68 MERCURE
gné pour les prendre , varioient preſque
chaque jour. Elle ne couchoit pas deux nuits
dans la même chambre. Son lit étoit un
ſecret dont l'intimité ſeule avoit connoiffance.
Nous avons ajouté ce dernier trait , &
nous n'en avions peut- être pas besoin pour
prouver que les Deſpotes font , de tous les
Potentats , les ſeuls qui doivent trembler fur
le Trône. Elifabeth donna à Catherine II
des exemples qu'elle a fitellement ſuivis.
Elle réforma des abus atroces , fit des fondations
utiles , ſoulagea ſon Peuple. Catherine
a marché ſur ſes traces , & à des établiffemens
de bienfaiſance , elle a ajouté une
protection déclarée en faveur des Beaux-
Arts , des Savans & des Artiſtes.
Le volume eſt terminé par l'Hiſtoire des
Gouvernemens de la Ruffie. C'eſt un tableau
des différentes Provinces , & qui rapproche
heureuſement les différens climats ,
&les différentes productions de la Ruffie.
Il paroît que ce vaſte Empire , trop peu
peuplé pour ſon étendue , produit toutes
lesdenrées connues & ufuelles. On y voit
le ſol de l'Italie & ſes vins , les bois & le
fer du Nord , & tous les fruits des Pays plus
tempérés. On retrouve les origines des peuples
qui font réduits maintenant en Provinces
, &les variations ſingulières qui diſtinguent
les uns des autres. On lit dans le Gouvernement
de Pétersbourg tout ce que Catherine
II a exécuté pour la ſplendeur des

DE FRANCE. 69
Arts. Il faut convenir qu'elle a porté dans
les dépôts des Sciences un luxe magnifique
&néceſſaire pour les rendre honorables aux
yeux d'un peuple encoretrop peu éclairé.MM.
le Clerc donneront dans un Supplément la
deſcription des Gouvernemens qui n'ont pas
pu être compris dans ce volume. Il reſte
(diſent-ils ) une deſcription des Gouvernemens
de Orenbourg , Kafan , Tobolsk
Irkoutzki , le Kamthatka. L'Hiftoire des
Peuples de l'Aſie Septentrionale , un précis
du Commerce des Ruſſes , la Géographie
ancienne de la Ruffie , comparée avec la
moderne , feront la matière d'un voluine de
ſupplément.
Nous terminerons cette analyſe par une
citation qu'il importe de rendre publique.
" Les Voyageurs (diſent MM. le Clerc) & les
>>Hiftoriens ont écrit que les Georgiens , les
>>Circaffiens & d'autres peuples qui les avoi-
>> finent font un grand commerce de leurs
>>plus belles filles avec Conſtantinople.
>> Cette aſſertion eſt haſardée. Les Circaf-
>> ſiens & les Kabardiniens ont horreur d'un
>>ſemblable commerce , qui eſt contraire à
>>leurs principes & à leur Religion. Si l'on
>> trouve quelques belles Circaffiennes &
>>Kabardiniènes dans les Sérails de Couſtan-
>>tinople , ce ſont des enlèvemens faits par
>> des Georgiens, qui ont vendu ces filles aux
Arméniens comme des eſclaves Chré-
» tiennes. Ces Arméniens avides les ont re-
>> vendues chèrement aux Turcs. Les Min70
MERCURE
>gréliens font les ſeuls qui méritent le reproche
dont il s'agit. On les a confondus
>> ſans doute avec les Georgiens , parce qu'ils
>> ſemblent former une même race. »
Om lit à la fin du même volume , les
conjectures du Capitaine King , ſur l'impoffibilité
de trouver un paflage dans le Nord ,
& fur la firuation des côtes des deux continens
, au-delà du 71º degré de latitude.
Cette livraiſon eſt accompagnée d'une
magnifique deſcription , en pluſieurs planches
ſupérieurement gravées, de tous les
monumens qui décorent Saint - Petersbourg.
,
CLEOPATRE , Tragédie , par M. Marmontel
, Secrétaire Perpétuel de l'Académie
Françoiſe & Hiftoriographe de
France. A Paris, chez Moutard , Imprimeur-
Libraire , rue des Mathurins , hôtel
de Cluni.
Il a été queſtion dans ce Journal de la repréſentation
de cette Tragédie ; & la manière
dont il en a été parlé , a paru aux perſonnes
indifférentes , d'une juftice qui ſe
rapprochoit plutôt de la ſévérité que de l'indulgence.
Ce dernier ſentiment dans cette
occaſion eût été auſſi injurieux qu'inutile. Il
y a des cas où la ſévérité écrâſe l'homme ;
il y a des hommes dont la réputation & le
mérite triomphent de la plus grande ſévérité.
DE FRANCE.
71
M. Marmonrel , content d'un ſuccès d'eſtime
, a retiré ſa Pièce en la faiſant imprimer
; & loin de ſubir le ſott ordinaire aux
Ouvrages qu'on appelle Pièces à ſuccès ,la
lecture lui a été plus favorable que la repréſentation.
La Pièce marche ſans fracas ; c'eſt
un grand défaut pour les Modernes Spectateurs;
mais les Juges du cabinet ſavent quelquefois
s'en paſſer ; & ceux-là ont vû & ſenti
les beautés nombreuſes de la Tragédie de
Cléopâtre.
Nous croyons inutile de répéter ici les
critiques que nous nous sommes permiſes
dans le temps ; mais nous ne croyons pas
devoir priver nos Lecteurs de quelques citations
qui, en contribuant à leurs plaiſirs ,
juftifieront les éloges que nous avons donnés
à cette Tragédie.
Dès le commencement on voit un
Écrivain qui connoît profondément l'état
politique des Romains , à l'époque où il a
choiſi ſon action , & qui fait l'exprimer en
beaux vers.
VENTIDIUS.
Rome n'eſt plus , Madame.
Ce que n'ont pu le temps , ni le fer , ni la flamme ,
Nos vices l'ont produit. O Céſar ! ô Brutus !
Vous avez , dans la tombe , emporté nos vertus.
CLÉOPATRI.
Brutus avec Céfar! Quel indigne aſſemblage !
:
1.
72 MERCURE
VENTIDIUS.
Madame, à deux Héros je rends un juſte hommage.
Céſar dompta le monde, & Brutus l'a vengé.
Si Brutus l'eût ſoumis , Céſar l'eûrdégagé :
Le deſtin a tout fait. Ils font morts ; & leur chûte
Amille obſcurs Tyrans a laiſſé Rome en butte :
Reſtes pernicieux de ces fameux partis
Qui , pour la déchirer , de ſes flancs ſont ſortis.
Un Sénat , que ſon luxe a rendu mercenaire ,
Un peuple dépravé , ſervile & ſanguinaire ,
Des Grands , qui , de ce peuple infâmes ſuborneurs,
Par mille indignités s'élèvent aux honneurs :
Voilà Rome. Livrée à des paſſions viles ,
Elle n'a plus l'orgueil de ſes guerres civiles;
Et le malheur des temps s'eſt accrû juſques-là,
Qu'il nous fait regretter Marius & Sylla .
De tels hommes du moins honoroient leur patrie:
Elle étoit opprimée , & n'étoit point flétrie ;
Mais perdant à la fois ſa gloire & fon repos ,
Rome a des oppreſſeurs , & n'a plus de Héros.
Un ſeul , ſi la prudence eût guidé ſon courage ,
Pouvoit de ſa grandeur réparer le naufrage :
Le vengeur de Céſar avoit ſur nous des droits ;
Et Rome , enfin réduite àpaſſer ſous des Rois ,
Indigne d'être libre , eût du moins eu pour Maître
Celui que notre eſtime autoriſoit à l'être.
Mais d'un poiſon funeſte Antoine eſt enivré ;
Tandis qu'à d'autres ſoins utilement livré ,
Avec
:
DE FRANCE. 73
Avec cet art profond dont il fait ſon étude ,
Octave en dévoûment change la ſervitude ,
Et d'une main légère enchaînant l'Univers ,
Flatte Rome, & l'endort ſous le poids de ſes fers.
On ſent combien la difficulté du ſujet
étoit augmentée par le perſonnage d'Octavie ,
que l'Auteur a introduit dans la Pièce en la
retouchant. La ſituation d'une femme placée
entre ſon époux & la maîtreſſe de ſon époux ,
eût été bien moins hafardée chez le peuple
qui a fourni le ſujet de cette Tragédie , parce
qu'elle eût eré moins étrangère aux moeurs
& à la politique, mais à Paris , où ſans doute
ou reprochera long-temps encore aux Specrateurs
d'enchaîner leur imagination dans
l'enceinte qui les renferme , & où peut-être
on ne s'eſt accoutumé qu'avec peine à voir
desVandales & des Turcs autrement habillés
qu'à la Françoiſe; cette idée devoit trouver
des contradictions. Sans décider ſi M. Marmontel
a eu tort des'impoſer cette difficulté
nouvelle , il faudra convenir qu'il étoit difficile
de la mieux ſurmonter : les plus févères
Spectateurs n'ont pu s'empêcher
d'applaudir vivement au théâtre , & de
rendre par-tout juſtice à ces vers fi touchans
d'Octavie :
Quel est donc à vos yeux mon crime involontaire ?
J'ai vécu loin de vous obfcure & folitaire ,
Sans laiſſer éelater ni plainte ni regret.
Quelquefois j'ai pleuré, mais toujours en ſecret.
No. 15 , 9 Avril 1785 . D
1
74
MERCURE.
1
Mon frère a vû pour vous ines trop juſtes alarmes ;
Mais jamais dans ſon ſein je n'ai verſé mes larmes.
J'ai fait gloire avec lui d'oublier mon malheur ;
J'ai mis tout mon courage à cacher ma douleur ;
Aux yeux de mes enfans je l'ai diſſimulée ;
Et ſi par mes ſoupirs quelquefois décelée ,
Elle a troublé la paix de leur coeur innocent ,
Je n'ai dit qu'un ſeul mot: Votre père est abfent.
La Scène de Cléopâtre & d'Octave eft
une de çelles qui devoient le plus gagner à la
lecture. L'adreſſe qui y règne , & qu'on a
pu prendre pour un manége de coquetterie ,
n'eſt qu'une ruſe que l'amour ſuggère à cette
Reine pour ſauver fon amant , en effrayant
Octave juſques ſur ſon char de victoire.
CLEOPATRE.
J'aime , & j'en fais l'aveu ſans honte & fans douleur,
Le remords naît du crime & non pas du malheur,
Je connois de vos moeurs la rigueur inflexible ;
Mais pour être Romain , faut-il être inſenſible ?
Céſar , qui de la gloire a bien connu le prix ,
N'avoit point pour l'amour ce fuperbe mépris.
Et quelle âme guerrière , aux travaux endurcie,
Par le plaifir d'aimer ne fût point adoucie ?
C'eſt cemélange heureux de force & de bonté
Qui rapproche un mortel de la Divinité :
C'eſt par-là qu'à mes yeux Antoine eut tant dechar
mes ,
Comme César , terrible au milieu des alarmes ,
DE FRANCE. 75
Comme lui doux & tendre à l'ombre du repos ,
Et non moins digne amant qu'intrépide Héros.
Trop heureux, il est vrai , s'il ne m'eût point ſuivie !
Hélas ! nous ſommes loin d'être dignes d'envie .
Cette ville , mon peuple , encor quelques vaiſſeaux ,
Quelques amis , peut-être , épars ſous vos drapeaux ,
Et que peut ramener un moment favorable :
Voilà de ſa grandeur le reſte déplorable.
Mais je l'aime , il m'adore ; il ſe laiſſe flatter
De quelques vains projets qu'on dit près d'éclater ;
Et l'amour & l'eſpoir élevant ſon courage ,
Il croit toucher au port au moment du naufrage.
Tout ce qu'ajoute Cléopâtre dans cette
Scène, ne fait que développer l'idée des derniers
vers de cette tirade , qui eſt plus remarquable
encore par l'adreſſe que par l'éclat
de la verſification.
Paſſons à la Scène d'Otave & d'Antoine,
non pas pour citer tout ce qu'il y a de vraiment
beau dans la Pièce , ce qui nous meneroit
aſſurément beaucoup trop loin , mais
ſeulement pour varier nos citations. Tout le
monde y a admiré le profond développement
des moeurs & de l'hiſtoire des Romains
, & le choc des caractères du fougueux
Antoine &du politique Octave.
Antoine, après avoir dit à ce dernier que
ſa victoire n'eſt peut-être pas auſſi aſſurée
qu'il l'imagine , ajoute :
Après cela , parlez , mais parlez ſans détour.
Dif
76 MERCURE
H
1
OCTAVE .
Qui nous a diviſés ?
ΑΝΤΟΙΝΕ .
L'ambition.
OCTAVE.
L'amour.
Octavie eſt ma ſoeur; vous l'avez offenſée .
ΑΝΤΟINE.
Et qu'importe à ſa gloire une flamme inſenſée?
Non, à tant de vertus rien n'eſt injurieux.
Sa conſtance a rendu ſon malheur glorieux :
Elle en eſt plus touchante ; elle en eſt plus auguſte ;
Ma honte eft à moi ſeul , & je ſens qu'elle eft juſte.
Mais par un grand effort je puis me ſignaler.
Voulez- vous l'obtenir ? voulez-vous m'égaler ?
L'un& l'autre , à l'envi,montrons-nousmagnanimes ;
D'un orgueil tyrannique abjurons les imaximes;
Tous deux ufurpateurs & tous deux inhumains ,
Tous deux ſouillésdes pleurs &du ſang des Romains ,
-Étouffons tant d'horreurs dans leur ſource féconde;
Avec la liberté rendons la paix au monde ;
Renvoyons au Sénat vos drapeaux & les miens ,
Et paroiſſons à Rome en ſimples citoyens.
OCTAVE.
Quel accord! est-ce à moi qu'Antoine le propoſe ?
ANTOINE.
Oubliez-vous la loi qu'à ce prix je m'impoſe ?
DE FRANCE . 77
OCTAVE.
Nous ! devant le Sénat paroître défarmés !
ΝΤΟΙNE .
Pourquoi de ſon aſpect ſerions-nous alarmés ?
OCTAVE.
Et ne voyez-vous pas , inſenſé que vous êtes ,
La hache du Liteur pendante ſur nos têtes ?
ΑΝΤΟINI .
Ce ſuperbe Conſul , ce ſanglant Dictateur ,
Sylla , n'eſt point tombé ſous le fer du Licteur.
Dépoſons comme lui la puiſſance uſurpée ;
Faiſons ce que Céſar propoſoit à Pompée ,
Etque dans ſes vengeurs ontrouve des verais
Qui faffent pardonner aux vainqueurs deBrutus.
OCTAVE.
Antoine citoyen ! n'eſt-il donc plus le même
Qui voulut à Céſar ceindre le diadême ?
Après avoir fait l'éloge de Céſar , Antoine
paſſe au portrait d'Octave :
Muni du Sacerdoce , armé du Tribunat ,
Libéral au Forum & modeſte au Sénať ,
Au-dehors revêtu du pouvoir conſulaire ,
Au-dedans Souverain paiſible & populaire ,
Avec l'art de ſéduire & vos talens chéris ,
Vous pallirez les maux que Céſar eût guéris.
Vous les rendrez plus doux , mais auſſi plus durables.
Diij
78 MERCURE
Bientôt , grâce à vos ſoins , ils ſeront incurables ;
Et d'un peuple abuſé dangereux corrupteur ,
Vous paſſerez encor pour ſon libérateur.
Ce portrait eſt achevé par Octave luimême
, en retraçant les bleſſures de Rome ,
& les remèdes qui peuvent les guérir.
Et rendrez - vous à Rome , avec la liberté ,
Cette antique vertu , cette mâle fierté ,
Ces moeurs d'un peuple libre , enfin , pour la patrie ,
Cet amour exalté juſqu'à l'idolatrie ,
Qui dominoit lui ſeul toutes les paſſions,
Ditlipoit les complots , calmoit les factions ,
Étouffoit dans les coeurs la vengeance & la haine,
Et tenant Rome entière attachée à ſa chaîne ,
Dévouoit en victime au ſalut de l'État ,
Le Tribun,le Conful , le Peuple & le Sénat ,
Tous rivaux de puiſſance au ſein de leurs murailles,
Tous compagnons de gloire au ſignal des batailles ?
Que feroit ce , grands Dieux ! pour un peuple avili,
Que cette liberté qu'il a miſe en oubli ?
Eſclave , malgré nous , il iroit aux Comices
La vendre , au prix de l'or , aliment de ſes vices,
L'or a tout corrompu , l'or a tout diviſé;
De l'intérêt public le reſſort eſt briſé ;
Le reſpect pour les loix, la difcipline auſtère ,
De la pudeur enfin le ſacré caractère ,
Tout a péri. Cherchez dans Rome un Plébéïen ,
Cherchez un Sénateur encor vrai citoyen ;
:
DE FRANCE. 79
Et depuis que le luxe a mis à l'opulence
Un prix à qui tout cède , & que rien ne balance ,
Voyez s'il en eſt un qui ne laiſsat régner
Le Tyran libéral qui voudroit le gagner.
Nous les aurions proſcrits s'il en reſtoit encore
Et celui dont la mort tous deux nous deshonore ,
Indigné , mais ſoumis à la commune loi ,
Cicéron , comme un autre eût fléchi devant moi.
L'Univers eſt dompté ; Rome à ſon tour doit l'être.
Souveraine du monde , elle a beſoin d'un Maître ;
Et l'on verroit bientôt, du ſein de ſes remparts ,
Naître des Marius , au défaut des Céfars.
Ceſſez donc , vous , dont l'âge a mûri la prudence ,
De vouloir , comme un bien', rendre l'indépendance
Aqui n'en eſt plus digne , à qui s'en eſt laſſé ,
Aqui dans l'avenir craint de voir le paffé.
Le repos , l'abondance , un paiſible eſclavage,
Un règne qui des temps répare le ravage ,
Pour l'orgueil du Sénat un accueil careſſant ,
Dans les jeux , pour le peuple , un faſte éblouiſſant,
Une Cour , où des arts la foule réunie
Vienne embellir la paix des tributs du génie , ...
Au-dehors des combats , des triomphes nouveaux ,
Pour éloigner , diſtraire , occuper nos rivaux ,
Et des plus factieux trompant l'inquiétude ,
Leur faire d'obéir une noble habitude ;
Voilà ce que les temps ſemblent me commander,
Ce que Rome à genoux ſemble me demander ,
:
Div
80- MERCURE
Etce que ma fortune oſe enfin me promettre.
Pour réformér l'État, je prétends le ſoumettre.
Lorſqu'il en fera temps , ſi , pour le rendre heureux ,
Ilmanquoit à ma gloire un effort généreux ;
Après avoir aux loix rendu tout leur empire ,
Digne de ma fortune & du rang où j'aſpire ,
J'en deſcendrois peut-être , & j'oſe me flatter
D'entendre Rome alors en regrets éclater.
Juſque-là ,renoncer à la grandeur ſuprême ,
Ce feroit trahir Rome , & me trahir moi-même.
Pour me laver du ſang qu'il a fallu verſer ,
J'ai beſoin du pouvoir que je vais exercer ,
J'ai beſoin d'un long règne & d'un amas de gloire
Qui des proſcriptions abſorbe la mémoire ,
Et qui du Triumvir rachetant les forfaits,
Fafſe du vienx Monarque adorer les bienfaits.
ANTOINE.
Quel est donc le projet qu'Octave me propoſe?
Veut- il que ſous mes loix l'Orient ſe repoſe ,
Tandis que loin du Nil ſon heureux aſcendant
Ira captiver Rome & dompter l'Occident ?
OCTAVE.
Non, mais venez remplir la place que Pompée ,
Au-deſſousdeCélar , ſans honte cût occupée.
ΑΝΤΟΙNE.
Antoine citoyen , ſous Octave Empereur !
A peine à ce diſcours je retiens ma fureur.
DE FRANCE. 81
Depuis quandme crois-tu fi foible &fi timide ?
Octave penſe-t'il traiter avec Lépide ?
L'Univers eſt à nous. Veux-tu le partager ?
Le gouverner enſemble ? ou bien le dégager ?
Choifis , &c.
Nous manquons d'eſpace& non de matière
pour prolonger nos citations ; nous
croyons que nos Lecteurs partageront nos
regrets ; & ce qu'il nous a été permis de
rapporter , ſuffira pour leur inſpirer l'envie
de recourir à l'Ouvrage même. Cette eſtimable
production ne peut que faire honneur
à ſon Auteur , à qui un Ouvrage qui
n'eût été que médiocre , auroit pu faire tort ,
vû le rang qu'il occupe , & qu'il a mérité
par ſes talens Littéraires.
ÉLOGE de M. l'Abbé de Guafco ,
par M. Dacier.
M. l'Abbé de Guaſco étoit Aſſocié libre
étranger de l'Académie des Belles-Lettres , où
il avoit remporté trois Prix. C'eſt à ce titre
que ſonéloge a été fait par M. Dacier, Secrétaire
perpétuel de cette Académie. C'eſt le
troiſième que M. Dacier ait prononcé depuis
qu'il eſt chargé de cet honorable emploi, qu'il
remplit avec tant de diſtinction.Nous avons
rendu compre des éloges de M. d'Anville &
de M. l'Abbé de Canaye. Un goût pur , une
fimplicité décente&mêlée de fineſſe, la ſcience
Dv
82 MERCURE
1
desconvenances caractériſent ces éloges; l'Auteur
yprofite de tous ſesavantages,& ne perd
pasune occaſion de montrer une philoſophie
douce & à demi- voilée, qui ſe fait ſentir ſans
ſe faire trop appercevoir, & fans avertir la critique&
l'envie.
L'Abbé deGuaſco,dans ſa jeuneffe , penſa
perdre la vue ; il la perdit même pendant pluſieurs
mois, " autant par le funeſte effet des re-
>>mèdes employés pour le guérir, que par la
>> violence de la maladie. Mais enfin la Na-
>>ture , triomphant du mal & du Médecin ,
> lui ſauva un oeil, qui,heureuſementpour lui,
>>avoit été traité plus négligerament que l'au-
>> tre , parce qu'on en déſeſpéroit. »
Quelques étrangers, particulièrement les
Italiens ( M. l'Abbé de Guaſco étoit Italien )
tirent un grand parti dans nos ſociétés du peu
d'uſage qu'ils ontde notre langue&de la pantomime
par laquelle ils ſuppléent à ce défaut
d'aſage; & M. Dacier tire un grand parti de
ces petites circonstances , en rendant compte
des ſuccès qu'eut M. l'Abbé deGuafco àParis,
lorſqu'il y vint en 1738 .
• Des connoiffances dont il n'étoit point
» avare , beaucoup de vivacité, un grand defir
>> deplaire,un langage moitié François, moitié
>>Italien, foutenude cettepantomime expref-
>>five, qui ,partageant l'attention entrelesyeux
»& les oreilles, rend celles-ci plus indulgen-
>> tes , ſupplée ce qui manque à la propriété
:
1
> destermes, détermine le ſens des expreſſions
>> vagues , ajoute à la force ou à la fineffe des
DE FRANCE. 83
>>penſées , & donne plus d'intérêt au récit,
en le mettant pour ainſi dire en action , le
>> firent réuſſir dans la Société , au-delà de ſes
>>eſpérances. »
M. l'Abbé de Guaſco n'eſt pas le ſeul ſavant
Italien que ce joli tableau deſigne d'une manière
frappante , & qui puiſſe ſe reconnoître
avec plaifir à ce portrait.
La plupart des Ouvrages de M. l'Abbé de
Guaſco ſont des differtations ſavantes , dont
M. Dacier rend un très bon compte , & pré
ſente avec beaucoup de préciſion le réſultat
utile. Nous ne nous arrêterons qu'à deux de
ces Ouvrages, le traité ſur lesaſyles, tant ſacrés
que politiques , & l'eſſai hiſtorique ſur l'uſage
des ſtatues chez les Anciens.
Lcs aſyles auſſi nombreux autrefois, qu'ils
font rares aujourd'hui , étoient uniquement
établis, dans l'origine, pour protéger l'inno-
>>cent opprimé , le foible perſécuté , le mal-
>>heureux que le fort, non ſavolonté, a rendu
>>coupable,&nullement pour mettre les vé-
>> ritables criminels à l'abri de la jufte rigueur
>> des Loix; & fi quelquefois ils y ont trouvé
>>l'impunité , il faut l'imputer à l'abus & non
>>à l'eſprit de l'inftitution, qui, malgré cet ind
>> convénient , paroît à M. l'Abbé de Guaſco
>»,avoir été beaucoup plus utile à l'humanité,
» en ſauvant des milliers d'innocens , qu'elle
» ne lui a été nuiſible , en dérobant quelques
>>criminels au ſupplice. >>
Quant aux ſtatues ,M. l'Abbé deGuafco enviſage
principalement ce ſujet ſous un point
Dvj
84 MERCURE
de vue philoſophique ; il s'attache àmontrer
quel étoit le rapport des ſtatues avec la Religion,
les moeurs, le Gouvernement, l'amour
de la Patrie; combien ſouvent elles ont trans- .
formé en héros des hommes , qui , " ſans la
noble émulation de mériter que leur image
- fût conſacréeàla vénération publique, n'auroient
peut-être eu que des vertus ordinai-
>> res; enfin, combien elles ont contribué à la
>>gloire& à la proſpérité des Etats, tant qu'ils
> ont réſervé cet honneur.... aux hommes qui
» en étoient véritablement dignes. „
La plus grande gloire de M. de Guaſco, eſt
d'avoir eu conſtamment pour ami l'illuſtre
Monteſquieu.
Il eut auſſi le méritede ranimer en Italie
pluſieurs Académies tombéesdans la langueur
&dont une lui adéféré les honneurs d'une
Oraiſon funèbre , prononcée par un de ſes
Membres; elle contient une énumération édifiantedes
bonnes oeuvres de l'Abbé deGuaſco ;
&, ce qu'il n'est pas inutile de remarquer, dit
M. Dacier , il les a preſque toutes faites plufieurs
années avant la mort.
" Son amitié fidelle ſurvivoit aux amis qu'il
>>avoit perdus , & ne s'éteignoit point dans
>> leur tombeau; il ne prononçoit preſque ja-
>> mais, même dans les dernières années de ſa
» vie, le nom deMontesquieu ſans attendrif-
> ſement. Il pouvoit ſans doute être fier d'a-
» voit eu un pateil ami; mais l'amitié ſeule
30 faifoit couler ſeslarmes: la vaniténe pleure
» que lorſqu'on l'humilie.
DE FRANCE: 85
> Sufceptible d'impreſſions profondes ,les
>> ſervices , les bons procédés ne s'effaçoient
>> point de ſon ſouvenir ; mais par une ſuite
>> de ce caractère , il conſervoit auffi un long
>> reffentiment des offenſes; & la vérité que
> nous devons honorer avant la cendre des
» morts , nous défend de diffimuler que dans
>> une occafion il s'eſt vengé avec peu de mefure
& de délicateſſe.
>> Hâtons-nous d'ajouter , pour contre-ba-
>> lancer l'affligeant aveu que nous avons été
>>forcés de faire , que le même homme qui
>>ne pouvoit pardonner une injure , a eu la
»générofité de pardonner à un ingrat qui lui
>> devoit de l'attachement,&qui avoit attenté
» àſa vie.
Nous citons aveccoinplaiſance cemorceau
comme un modèle de ces précautions oratoires
, dont l'effet eſt de dire ſans inconvénient
ce qu'on nepourroit diffimuler ſans foibleſſe ,
deconſerver par-là les droits facrés de la vérité,&
detirer d'un éloge même une cenfure
utile ; c'eſt avec cet art qu'il faut faire précéder&
fuivre le fait peu honorable , d'autres
faits qui l'excuſent , l'effacent ou l'expient ;
àpeu près comme Racine entouroit urie expreffion
commune qu'il vouloit ennoblir ,
d'expreffions brillantes & fublimes , qui lui
communiquoient leur éclat & leur nobleffe.
V
:
86 MERCURE
Du Gouvernement des Moeurs . A Lausanne,
chez Jules-Henri Pott , & à Paris , chez
Demonville Imprimeur - Libraire de
l'Académie Françoiſe , rue Chriſtine. Prix ,
3 liv. broché.
د
On ne ſauroit trop louer les perſonnes
qui conſacrent leurs talens & leurs loiſirs à
la défenſe des moeurs , fur- tout lorſqu'elles
employent des moyens auſſi doux & auſſi
falutaires que ceux qui forment la baſe
de l'Ouvrage que nous annonçons. L'Auteur
y peint les douceurs des bonnes moeurs
&les inconvéniens des mauvaiſes , avec des
couleurs faites pour plaire à tous les Lecteurs
raiſonnables & ſenſibles; il paffe en revue
à peu-près tous les objets qui ont quelque
rapport avec les moeurs , & qui font
ſuſceptibles de diſcuſſion ; de ce genre font
l'opinion , la mode , le commerce desfemmes ,
l'autorité , l'instruction , les ſpectacles , les
lieux publics , le luxe , les peines , les récompenfes
, la Religion , &c. Dans tous les différens
Chapitres on trouvera de bonnes
vûes , des conſeils ſages , des portraits intéreſſans
ou odieux , ſuivant les objets que
l'Auteur veut faire déteſter ou chérir : un
ſtyle clair , ſimple , & ſouvent élégant ,
ajoute un mérite de plus à cet Ouvrage ; on
en verra la preuve dans la deſcription desplaiſirs
innocens que goûte une famille vertueuſe.
" Heureux l'homme qui , ſous la
DE FRANCE. 87
▸ garde d'une confcience pure & d'une tête
ود bien organiſée , doué d'ailleurs d'une ima-
>> gination féconde & riante , d'une mémoi-
>> re richement meublée , de quelques talens
>>agréables , n'a pas beſoin d'aller chercher
>> hors de ſoi les moyens d'écarter l'ennui ;
>> qui toujours bonne compagnie pour lui-
» même , ne connoiffant point de meilleure
> ſociété que la ſienne, peut ſe paſſer aifé- .
> ment de celle d'autrui , & affaiſonner ces
» plaiſirs des charmes de l'indépendance ;
>> heureux , en un mot, l'homme qui fait
être ſeul ; mais plus heureux encore celui
» qui , dans le ſein d'une famille vertueuſe
» & unie par les mêmes goûts , trouve jour-
>>nellement tout ce qui peut lui rendre ſon .
ود exiſtence agréable , & embellir tous les
> momens de ſa vie. Il n'a pas beſoin , pour
» entretenir la joie dans ſon coeur , de ces
>>amuſemens recherchés & achetés par une
> multitude d'embarras , ni de ces fêtes
> d'éclat arrangées par le faſte dont on veut
>> qu'il ſoit parlé , & dont on ne parle le
>> plus ſouvent que pour s'en moquer ou
- pour s'en plaindre , ni en un mot de ces
>> plaifirs qui traînent toujours à leur fuite
>> l'envie , la critique & la ſatire ; non , le
» vrai caractère des plaiſirs domeftiques ,
>> c'eſt d'être ſimples & tranquilles , tout
>> fracas les dérange , toute oftentation les
>>corrompt& les dénature : voyez cette famille
dans laquelle chacun s'empreſſe de
>> contribuer au bien-aiſe commun & à la
ود
88 MERCURE
>> gaîté de tous , par ſa bonne humeur,par
>> ſes talens , par mille petits ſervices mu-
>> tuels & toujours rendus de bonne grâce ,
» &c . Ajoutez à cela que chaque devoir s'y
>>change en plaiſir , chaque occupation en
>>amusement ; chacun enfin y regarde ſa
demeure comme le lieu le plus agréable ,
>> celui où il paſſe les plus doux momens de
>> ſa vie ; voilà ce que j'appelle la félicité
>> domeſtique. »
Après avoir mis ſous les yeux des Lecteurs
,& particulièrement de ceux qui font
appelés à gouverner les hommes , les différens
refforts qu'ils ont entre les mains,&
qu'ils peuvent employer au gouvernement
des moeurs , l'Auteur indique divers moyens ,
à l'aide deſquels on peut parvenir à les pré-
Server, à les encourager&àles contenir. Il
donne quelques idées ſur la manière de mettre
en oeuvre ces moyens , & il établit quelques
règles ſur l'art de manier ces différens
refforts. Nous n'avons rien remarqué de
neuf dans tout cela ; nous croyons même
que le reproche le plus fondé qu'on puiſſe
faire à l'Auteur de cet Ouvrage , c'eſt de
s'être trop aftreint aux idées reçues , d'avoir
montré un peu trop de condeſcendance pour
les uſages établis , & d'avoir craint d'en dire
trop fur certains articles. On peut lui reprocher
encore d'avoir propoſé contre certains
abus des remèdés qui , quoique dans
la claſſe des choſes poſſibles , font , pour
ainſi dire , impraticables ; mais même dans
DF FRANCE. 89
ces cas-là , on pourra dire de ſes idées ce
qu'on a dit de celles du fameux Académicien:
ce ſont les rêves d'un bon Citoyen.
L'Auteur voudroit qu'on établit des Loix
Prémiales comme l'on a établi les Loix Pénales
, & par conséquent des Tribunaux
pour connoître des actions vertueuſes &
pour les récompenfer , comme il y en a pour
connoître & punir les crimes.
Cet Ouvrage en général fait aimer la
vertu , haïr le vice , & il eſt fait d'une manière
à laiffer croire que l'Auteur , en écrivant
, n'a eu beſoin que de confulter ſon
propre coeur.
ANNONCES ET NOTICES.
REPERTOIRE Univerſel & Raisonné de Jurispru
dence , mis en ordre & publié par M. Guyot; nouvelleEdition
corrigée & augmentée. A Paris, chez
Viſſe , rue de la Harpe , & chez les principaux Libraires
des Provinces .
On vient de publier le Tome IX de cetOuvrage ,
qui eft compoſé de 17 volumes in-4º. Il en paroît
un volume chaque mois ; ainſi le douzième , qui ſera
le dernier que les Souſcripteurs auront à payer , paroîtra
au mois de Juin de la préſente année ; les cinq
antres paorîtront enſemble vers la fin de l'été prochain;
&juſqu'à cette époque , on recevra des Soufcriptions
conformément au Profpectus , qui ſe diftribue
gratis.
Le Nouveau Robinson , pour fervir à l'amufe
१० MERCURE
ment & à l'instruction des enfans de l'un & de l'autre
Sexe. Ouvrage traduit de l'Allemand , & orné de
trente gravures. 2 vol. in- 12. A Londres , & fe
trouve à Verſailles , chez Poinçot , Libraire , ruc
Dauphine; & à Paris , chez Nyon le jeune , Libraire ,
près du Collège des Quatre Nations.
L'Auteur original eſt M. Campe , & l'Ouvrage a
eu beaucoup de ſuccès. Par le ſujet & le plan , il
remplit l'idée qu'avoit J. J. Rouſſeau dans ſon Emile,
d'un Ouvrage fait pour inſtruire véritablement la
jeuneſſe en l'amuſant. C'eſt le Roman Anglois rectifié
dans ce qui peut le rendre plus utile ; l'Auteur a
adopté la forme du dialogue; &l'on ne peut que
ſavoir gré à l'Anonyme qui vientde nous en donner
une nouvelle Traduction; ce ſont des Ouvrages
qu'on ne fauroit trop faire connoître.
IMPROMPTU du Cousin Jacques , à l'occafion
deMonseigneur le Duc de Normandie, lejour de
Pâques 1785. A Paris , chez Leſclapart, pont N. D.
Cet Impromptu, compoſé de pluſieurs Couplets, a
été fait lejour même de l'accouchement de la Reine.
Il y a de la gaîté & un ton original . Voici un des
Couplets qui nous ont fait le plus de plaifir.
AIR : Du Droit du Seigneur.
Si pourtant , comm' ça s'pouvoit bien ,
C'n'eût été qu'eun' Princeffe ,
De c'côté là tout c'qui nous vient
A drcit à not' tendreſſe :
J'irions la volr .... j'li dirions tout crûment :
<<< Mam'felle ! mam'felle ! mam'felle !
>>> On est tout comme eſt vot' maman ,
>> Quand on est bonne & belle. »
Le Recueil des Ouvrages du même Auteur ſe
trouve à la même Adreffe.
CLEOMENE OU Tableau abrégé des paffions , ex-
;
DE FRANCE. 91
trait d'un manuscrit trouvé chez les Caloyers du
Mont-Athos. Petit format. Prix 3 liv. br. AParis, de
l'Imprimerie de Monfieur ; chez Didot le jeune , Libraire
, quai des Auguſtins.
En attendant que nous ayons lû cet ouvrage , on
peut louer l'édition , qui en eſt jolie , aufli bien que
celle du nouveau Manuel d'Epictete , que le même
Libraire vient de mettre en vente ; 2 petits vol. Prix
sliv. br. Il y en a quelques exemplaires en papier
fin. Prix 8 liv . brochés.
NOUVELLE Carte de l'Évêché & Principauté de
Liége , avec toutes ſes ſubdiviſions & enclaves , qui
fe trouventfituées dans les pays voisins ; dreſſée par
Dézauche , Géographe , Succeſſeur des ſieurs Delifle
&Phil. Buache, premiersGéographes du Roi , & de
l'Académie Royaledes Sciences. Prix 1 liv. 10 fols
Il nous manquoit une carte exacte de cette Principauté
, par la raiſon qu'on avoit trouvé difficile de
donner les divifions de ces différentes parties; celle-ci
nous a paru exacte. A Paris, chez l'Auteur , rue des
Noyers.
L'ontrouve chez le même la Carte Topographique
des Pays - Bas , en 25 fenilles , par M. le
Comte de Ferrary ; le Comté de Namur , en 12
feuilles ; le Duché de Luxembourg , en 4 feuilles ; &
généralement toutes les Cartes ſervant aux détails
des Pays - Bas &de l'Allemagne.
Vue pittoresque d'une place projetée devant la
Colonnade du Louvre , à la gloire de Louis XVI ;
dédiée à M. le Comte de Vaudreuil , Grand Fauconnier
de France;par Ch . Doucet, Architecte ; gravée
par M. J. J. Leveau ; imprimée ſur fort papier vélin,
toutes les épreuves ſignées de M. Doucet , pour éviter
les contrefaçons . Se vend 3 liv. , chez M. Baſan,
rue & Hôtel Serpente ; chez Chereau , rue des Ma92
MERCURE
1
thurins , aux deux Piliers d'or ; chez Elnaut & Rapilly
,& les frères Campion , rue Saint-Jacques ; &
chez ledit Architecte , Cloître de Saint- Germainl'Auxerrois
, où l'on verra le modèle en relief , depuis
10 heures juſqu'à deux.
Cette place ſera de forme circulaire ; deux pavillons
parallèles aux pavillons d'angle des colonnades
la termineront , fix rnes y aboutiront , & de
leurs extrémités on découvrira Louis XVI , placé
aumilieu des plus grands Rois , dont les Statues rempliront
le vuide des niches du périſtile du Louvre.
On trouvera de plus grands détails au bas du plan
gravé, qui prévient favorablement pour le projet
de l'Auteur.
HISTOIRE des Cardinaux François , jusqu'à nos
jours, ornée de leurs portraits ; dédiée au Roi, Par
M. l'Abbé Roy , Avocat au Parlement , Cenſeur
Royal, de l'Académie de Rome , de la Société Royale
dePhyſique , d'Hiſtoire Naturelle & des Arts d'Orléans
, & de celle d'émulation , des Arts & Belles-
Lettres de Liège , &c. &c. 10 vol . in-8.: propoſée
par ſouſcription.
Ducheſne a donné un volume de l'Hiſtoire des
Cardinaux François , qui ne va que juſqu'à l'année
1382. M. l'Abbé Roy s'eſt propoſé de continuer
cette Hiſtoire , & de rectifier même le travail de
Duchefire dans ce qu'il peut avoir de défectueux.
Conditions de la ſouſcription. On payera en
ſouſcrivant, pour l'in- 8º. broché , 18 liv. , pour
l'in-4° . broché 36 liv. Chacun des volumes, orné de
portraits, fera payé à meſure qu'ils paroîtront,à raiſon,
pour l'in- 8 ° . broché , de 6 liv. Pour l'in-4º. broché
12 liv. On tiendra ccoonmpte de la ſomme avancée
en ſouſcrivant , ſur les derniers volumes. Ceux
qui auront négligé de ſouſcrire , payeront le volume
in-8°. enfeuilles ,7liv. L'in-49. en feuilles , 14 liv.
DEFRANCE.
93
La ſouſcription eſt ouverte chez Guillot, Libraire
de MONSIEUR , rue Saint-Jacques , vis-à- vis celle
des Mathurins ; chez les principaux Libraires du
Royaume , & chez l'Auteur , ( M. l'Abbé le Roy ,
Cenſeur Royal , &c. ) rue Guénégaud , no. 20 , auquel
feront adreſſées toutes lettres , mémoires & avis
relatifs à l'Hiſtoire des Cardinaux François , &c.
On tirera quelques exemplaires en papier vélin ,
qui ſerontpayés à raiſon de 12 liv. chacun , in. 80. ;
24 liv. chacun, in-4 ° . , & pour leſquels on payera ,
en ſouſcrivant, 36liv. pour l'in 8 ° . , & pour l'in -4 ° .
72 liv.
Aucune quittance de ſouſcription ne vaudra ſans
la fignature paraphée de l'Auteur.
LE Porte- Feuille des Enfans , Mélange intéref-
Sant d'Animaux , Fruits , Fleurs , Habillemens ,
Plans , Cartes & autres Objets deſſinés ſuivant des
réductions comparatives , & ſous la direction, de
M. Cochin , avec de courtes Explications & divers
Tableaux élémentaires ; rédigé par une Société
d'Amateurs , Nos.
Nous avons parlé de cet Ouvrage avec de juſtes
éloges que mérite encore ce Numéro. Il a été retardé
par la petite Carte des environs de Paris qu'on
a voulu faire exécuter avec ſoin ..
L'ART de connoître & d'employer les Médicamens
dans les Maladies qui attaquent le corps humain
, par M. de Fourcroi , Docteur en Médecine
de la Faculté de Paris , de la Société Royale de Médecine
, Cenſeur Royal , Profeſſeur de Chimie au
Jardin du Roi , &c . 2 Vol. in - 12. Prix , s liv . brochés
, 6 liv. reliés . A Paris , rue & hôtel Serpente.
L'eftime que M. de Fourcroi s'eſt juſtement acquiſe
ne peut qu'augmenter par la publication de
cet Ouvrage. Il ſera utile à tous ceux qui entrent
94
MERCURE
dans la carrière de la Médecine , & il rendra -en
même - temps un grand ſervice à cette Science par la
raiſon qu'il éclaircit bien des chofes , & en ſupprime
d'inutiles & même de dangereufes dans la
manière de la pratiquer.
MÉMOIRE fur l'établiſſement des Ecoles deMédetine-
Pratique à former dans les principaux Hôpi
taux civils de la France , à l'instar de celle de
Vienne, pour perfectionner l'Art de la Médecine-
Pratique , & la faciliter auxjeunes Médecins , par
M. Wurtz , Docteur en Médecine de la Faculté de
Strasbourg , Membre du Collège des Médecins de
la même Ville , &c . A Paris , chez Didot le jeune ,
Imprimeur - Libraire , & chez Barrois le jeune , Libraire
; & à Strasbourg, chez Treuttel , Libraire.
Ce Mémoire a été lû avec ſuccès dans une Affemblée
de la Société Royale de Médecine. Il eſt recommandable
par de bonnes vûes & fon objet
d'utilité.
PRÉCIS d'une nouvelle Théorie des Maladies
Chroniques , ſpécialement des Purulentes & Scorbuziques
, par M. Labaftays.
CetOuvrage renferme des idées neuves , & paroît
propre à répandre du jour ſur des maladies peu
connues. L'Auteur prétend qu'il règne une eſpèce
de phlogiſtique dans les ſubſtances & liqueurs animales
comme dans les métaux ; que celui qui ſe
trouve dans le ſang conſiſte dans une matière glutineuſe
qui ſert à lier les principes dont ce fluide eſt
compoſé , & fait la baſe de leur aggrégation ; que
' de même que la diſſipation de cet agent fait tomber
les métaux en ronille , & entraîne leur destruction ,
demême aufli la perte du phlogiſtique animal décompoſe
le ſang & les autres fluides. Il paroît prouver
l'analogie qu'il établit entre le phlogiſtique miDE
FRANCE. 95
néral , & l'agent qui en approche dans l'économie
animale, en faiſant voir que les mêmes cauſes peuvent
les détruire , &que les mêmes cauſes ſont capables
de les régénérer l'un & l'autre. Suivant cette
doctrine , la partie onctueuſe & oléagineuſe des
alimens, eſt celle qui combine les principes élémentaires
de nos humeurs. La même matière , répandue
dans toute la Nature, produit le phlogiſtique des minéraux.
Les ſels ſimples & compoſés , ainſi que
l'action vive du fen , détruiſent ces deux agens. Il eſt
évident que la chaleur n'a pas beſoin d'être aufli
violente pour altérer les fluides du corps humain que
pour décompoſer les métaux. 1
Cette production ne peut qu'augmenter la réputation
dont jouit déjà M. Labaſtays dans le traitement
des maladies cutanées & de celles qui proviennent
de la décompoſition du ſang. L'Ouvrage
en un Volume in- 12 ſe trouve à Paris, chez l'Auteur
, rue Pavée- Saint- Sauveur , n° . 16 , & chez
Didot jeune , Imprimeur - Libraire , quai des Au
guftins.
DEUXIÈME Suite des Plaiſirs de la Société ,
fixième Recueil des meilleurs Ariettes d'Opéra &
autres , pour le Clavecin , Violon ad libitum , par
M. Foignet. Prix , 7 liv. 4 ſols port franc par la poſte.
A Paris , chez Leduc , fucceffeur & propriétaire du
fond de M. de la Chevardière , rue du Roule , à la
Croix d'or.
OUVERTURE & quatre Airs de Danse de Pa
-nurge , arrangés pour le Clavecin & Violon , par
M. Grétry. Prix , 2 liv. 8 fols . A Paris , chez l'Auteur
, rue Poiffonnière , vis- à-vis celle de Beauregard.
Nous avons ſouvent l'occaſion de parler contre
tous ces arrangemens de muſique , faits ſans la participation
de l'Auteur ,véritable brigandage , dont les
49 MERCURE
Artiſtes ,& ſouvent même le Public , ſont également
dupes. M. Grétry vient auſſi de s'en plaindre publiquement.
Il eſt à defirer qu'à force de réclamatious ,
il s'établiſſe un nouvel ordre qui metre en sûreté la
propriété des Auteurs. Nous croyons que le plus sûr
moyen eſt que les Auteurs ſe chargent eux- mêmes à
l'avenir de ces arrangemens , qui mériteront alors
aux yeux du Public une entière préférence.
NUMÉROS 12 & 13 du Journal de Harpe , par
les meilleurs Maîtres. Prix de l'abonnement pour
12 Livraiſons port franc is livres , léparément 12
fols. A Paris , chez Leduc , ſucceſſeur de M. de la
Chevardière , rue du Roule , à la Croix d'or , nº . 6.
-Numéro 3 du Journal de Clavecin , par les meilleurs
Maîtres. Abonnement is liv. auſſi port franc ,
ſéparément 3 liv. Même Adreſſe .
TABLE.
A Maman , pour ſa Fête, Histoire dela Ruſſie Moderne,
49
Lucas , Perrette & les Mou- Cléopâtre , Tragédie,
57
70
52 Eloge de M. l'Abbé de Guaf- tons , Fable ,
Epigramme , 54
81
co ,
Madrigal , ibid. Du Gouvernement des Maurs ,
Charade, Enigme & Logogry- 86
phe , 55 Annonces & Notices , 89
APPROBATΙΟΝ.
JAI lu, par ordre de Mgr le Garde desSceaux, le
Mercure de France , pour le Samedi 9 Avril. Je n'y ai
rien trouvé qui puiſſe en empêcher l'impreſſion . A Paris ,
lesAvril 1785. GUIDL
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
-
RUSSIE.
DE PÉTERSBOURG , le 2 Mars.
E 6 de Janvier , fête de la bénédiction
Ides eaux , le Prélat Iwan Pamfilo , confeſſeur
de l'Impératrice , donna un grand
dîner aux eccléſiaſtiques de tous les rits &
de tous les cultes tolérés à Pétersbourg.
Parmi les convives ſe trouverent l'Archevêque
Ruſſe de Polocz, le Patriarche de
Grufinie, pluſieurs Archimandrites , un Evêque
, un Prieur & pluſieurs Religieux catholiques,
6 prédicateurs Luthériens , &ceux
des Eglifes réformées Angloiſe , Françoiſe ,
Allemande & Hollandoife.
Ce repas de tolérance , ſi honorable pour
la Souveraine à laquelle il doit ſon origine ,
n'eſtpas, comme on l'a rapporté dans quel- -
ques feuilles publiques , le premier de ce
genre , célébré à Pétersbourg : on le répete
toutes les années dans la même circonstance;
No. 15 , 9 Avril 1785 . C
( 50 )
1
mais fon inſtitution eſt ſeulement du regne
actuel.
Quant à la bénédiction des eaux , voici
fabrégé de cette cérémonie. Lorique la
Newa eſt abſolument gelée , des prêtres
Grecs ſe rendent fur le fleuve, en percent la
glace, & béniſſent l'eau qui furgit au- deſſus :
le peuple en foule apporte ſes enfans pour
les faire baptiler de cette eau bénie : toute
la garniſon de Pétersbourg & une multitude
de ſpectateurs de tout ordre aſſiſtent à
cette cérémonie, qui fe fait ſous les fenêtres
du palais de limpératrice.
Il est queſtion , dans le public ſeulement ,
d'une armée de 80 mille hommes , qui ſe
raſſemblera au printemps fous la fortereiſe
de Pultawa : elle paſſera le Boriſthene à
Kiof, & fera poſtée au mois de Mai le long
dit fleuve , pour veiller fur les mouvemens
des Turcs. Une autre armée de 90 mille
hommes occupera toute la Pologne.
ALLEMAGNE.
DE HAMBOURG , le 23 Mars.
Voici la fin de la convention ratifiée entre
le Roide Pruſſe & la ville de Dantzick .
VI. Comme on a élévé quelque doute au ſujet
du ſens & de l'explication de la convention
conclue le 8 Janvier 1771 entre S. M. Pruffienne
& la ville de Dantzick , en vertu de laquelle le
Magiftrat de cette ville s'eſt engagé à ne point re
( st )
cevoir dans l'enceinte de la ville , ni ſur ſon ter
toire, tous lujets ou cantoniſtes Prumens, transfuges
ou autre perſonnes ayant abandonné illicitement
lesEtats de Sa Majesté , & qu'on a prétendu
juſqu'ici , que le ſens & l'obligation de ladite
convention ne portent que ſur les anciennes Provinces
de la domination de S. M. & tout au plus
fur la Province de la Pruffe-Occidentale , dont
l'acquiſition a été faite poſtérieurement , les deux
parties contractantes , pour éviter à l'avenir toute
ambiguité à ce ſujet , ſont convenues que toutes
les clauſes & conditions ſtipulées dans la convention
du 8 Janvier 1771 , feront par extenfion applicables
, à commencerdu jour de la ſignature de
la préſente convention , à la Province entiere de
la Pruſſe -Occidentale; ledit Magiftrat promettant
au nom dela ville &de tous fes ordres , d'obſerver
& de remplir pontuellement les engagemens
qu'il a pris dans la ſudite convention tant
àl'égard de la Pruſſe -Occidentale que relativement
à tous les autres Etats dépendans de Sa Majeſté
».
,
VII. «Par réciprocité& pour donner une nouvelle
marque de ſa bienveillance à la ville de D.
S. M. veut bien permettre que dorénavant & à
commencer de la date de la préſente convention
, tout transfuge ou habitant ayant quitté illé.
galement la vi le & le territoire de D. , ſoit dans
tous les cas traduit à la réquisition qui en ſera
faite de la part du Magifurat'; en outre S. M. promet
, pour le plus grand foulagement de la ville ,
d'en retirer auffi-tót après la fignature de la préſente
convention , le détachment des recruteurs
Pruffiens qui a été établi juſqu'ici » .
VIII. « Les Juifs privilégiés & jouiſſant de la
protection Pruffienne feront regardés & traités
dans la villede D. &ſur ſon territoire fur le pod
1
C2
( 52 )
1
i
i
des autres Juifs d'Allemagne ; bien entendu qu'ils
s'y abſtiendront de tout commerce ou négoce
illicite & prohibé parles loix de police de cette
ville » .
IX. « Le Magiſtrat de Dantzick ayant aing accepté
au nom de la ville & de fes habitans , &
furtout avec l'agrément de S. M. le Roi de Pologne
, dont l'acte de ratification ſera annexé à la
préſenté convention , toutes les clauſes & articles
ci-deſſus mentionnés avec promeſſe de les obſerver
ſcrupuleuſement , S. M. le Roi de Pruſſe ,par
cène confidération veut bien perdre àjamais le
ſouvenir de tout ce qui s'eſt commis d'offendantà
fon égard& au préjudice de ſes ſujets durant la
facheuſe conteſtation paffée; promettant de plus
de favorifer & de protéger dans tous les cas convenables
le commerce de la ville de D. , de remétier
en toute rencontre aux plaintes ou griefs
fondés qui feront dûment portés à ſa connoillince
dela part de cette derniere à cet égard , & enfin
de faire les défenſes les plus rigoureuſes à ſes ſujets
d'uf & d'aucuns moyens oppreffi's ou préjudice des
habitans de D. & deleur commerce » .
X. S'il arrivoit que , pour mieux conftwer
&éclaircir les clauſes & conditions ci-deſſus mentionnées
, il en fût Aipulé d'autres fur les lieux relativement
à des arrangemens locaux à prendre ,
par des Comm flaires munis de pleins pouvoirs requis
pour cet effet , ces clauſes & conditions au
Foient alors la même force , & feroient auſli obligatoiresque
ſielles étoient inférées mot à motdans
La préſente convention. En foi de quoi les Commiſſaires
plénipotentiaires reſpectifs l'ont fignée &
y ont appofé l'empreinte de leurs armes ; & Sa
Majesté l'Impératrice de toutes les Ruffies , à la
très-humble follicitation de la part de la villede
Dangzick , ainſi qu'avec l'agrément de la Cour de
( 53 )
Berlin a accepté la garantie de tous les points,
claufes & conditions contenus dans la préſente
convention » . Fait à Varſovie , le 22 Février
1785.
(Signé) Henri- Louis de Bucholiz
Jean-Guillaume Weickhmann.
Charles Frederik Gratath.
Entre les pieces annexées à cette convention
, on diftingue la réponſe de S. M. P. a
la Régence de Dantzick, réponſe conçue en
ces termes :
« Il nous a été agréable d'apprendre par votre
lettredu II de ce mois que vous vous êtes enfin
déterminés à accepter l'accommodement que nous
vous avons fait propoſer par notre réſident de
Bucholtz à Varfovie , pour mettre fin à une conteſtation
auffi frivole par ſa nature que préjudiciable
aux deux parties par ſes ſuites. Ce n'eſt pas
fans fondement que vous reconnoiſſez que fi vo
tre ville veut s'aſſurer d'un commerce floriffant
elle doit néceſſairement le combiner avec celui
de nos Etats dont e le eſt environnée de tous cotés.
C'eſt auſſi ce qui a formé confiamment l'ob
jet de noire attention , & nous avons toujours
conſidéré le bien étre de votre ville & de fon commerce
, fi intimément lié avec celui de nos ſujets
& fi effentiellement avantageux à mos propres
Etats , que fans nous arrêter à des motifs d'intérêtperſonnel1,,
& fans nous abandonner à dejultes
reſſentimens par rapport à la conduite de quel.
ques-uns de vos concitoyens à notre égard , nous
vous avons fait propoſer de notre propre mouve
ment&fans autres ques étrangeres des conditions
accommodement qui prouvent évidemment
combien nous nous ſommes départis de la rigueur
denos droits &de nos juſtes prétentions; condis
c3
( 54 )
tions que la ſeule équité nous a dictées pour la
combinaiſon des avantages mutuels qui doivent
réſulter du commerce de nos ſujets &des habitans
de votre ville , dont les intérêts reſpectifs
ne font aucunement incompatibles : C'eſt ce que
le calme de la réflexion & un examen mûr &
raffis de vos véritables intérêts vous démontreront
manifeftement , en vous faiſant connoître
que les avantages qui vous font accordés ne peuvent
que furpaſſer vos prétentions & vos eſpérances.
Nous eſpérons que l'expérience du paſſe
& celle de l'avenir vous convaincront de plus en
plus de ces vérités ; & que par une conduite plus
équitable , plus amicale & moins intéreſſée tant
de votre part que de celle de vos concitoyens ,
vous nous mettrez dans le cas de vous donner en
bon voiſin , des marques conftantesde notre faveur
& affection royales .
A Berlin , le 17 Janvier 1785 .
(Signé) FREDERIC.
L'ambre jaune que l'on trouve ſur les
côtes de la Pruſſe orientale fait un objet annuel
de commerce d'environ 14,000 rixdal.
La ferme de cette marchandiſe depuis 1656
juſqu'en 1664 , en avoit payé annuellement
à la chambre des finances 10,000 rixdalers ,
& la régie depuis 1665 juſqu'en 1675 , a
rapporté par an au delà du taux de la ferme
la ſomme de 3,959 rixdalers .
Au commencement du mois de Février ,
écrit- on de Stockolm , on a reſſenti dans la
Weſtrogothie pluſieurs ſecouſſes de tremblement
de terre. Le temps fut doux jufqu'au
milieu du mois , mais il eſt devenu
( 55 )
très rigoureux , & il eſt tombé une prodigieuſe
quantité de neige.
Le commerce du Royaume de Pruſſe a fait
des progrès étonnants depuis un fiecle On fait
qu'avant 1684 , il n'y avoit aucune eſpece de
manufactures. Voici un réſultat du commerce
de foierie & de lainerie du département de la
Pruſſe orientale pendant l'année 1784. Les diverfes_
marchandises de ſoie consommées dans
le pays ont monté à 223,632 aunes , 7381 mouchoirs
, & 133 paires de bas ; celles qui ont été
exportées montoient à 100,780 aunes , 1840
mouchoirs , & 51 paires de bas ; celles qui ont
payé le tranfit venant ſur-tout de la France
montoient à 665,926 aunes , 471 paires de bas ,
158 paires de gands , 1519 mouchoirs , & 553
livres de foie pour coudre. Les draps fabriqués
dans le pays montoient à 37,387 pieces , dont
13,530 ont été exportées, & le reſte a été conſommé
dans le pays.
,
Depuis 1771 juſqu'en 1783 on a conftruit
à Konigsberg 120 bâtimens marchands
de divers tonnages. Leur valeur monte à
1,105,450 rixdalers ; on en a vendu à l'étranger
pour la fomme de 241,667 rixdai .
Les matelots employés dans les ports de
Konigsberg , de Memel& de Pillau font au
nombre de 970. Le bénéfice du fret fait en
1731 eſt monté à la fomme de 298,648 rixd .
& en 1782 à celle de 278,042 . Comme la
Pruffe fournit les matériaux pour la conftruction
des bâtimens , les ſommes tirées de
la vente des bâtimens ſont du gain net pour
le pays.
C
( 56 )
DE VIENNE , le 24 Mars.
Le 28 Février , Horiah & Kloska fon
complice , ont été roués vifs à Carlsbourg ,
puis écartelés après leur mort. On ne dit
point l'effet qu'a produit ſur les Valaques
cette terrible exécution , ni les véritables
circonstances qui l'ont accompagnée. Au
défaut d'anecdotes certaines à ce ſujet , on
a inventé la ſuivante .
Kloska a montre la plus grande intrépiditéjulqu'au
dernier moment. L'exécuteur en l'étendant
fur la roue, cruz lui dire quelques mots de confolation
, en l'exhortant à ne rien craindre , qu'il
'auroit ce jour même le bonheur de manger à la
table du Seigneur. Le patient lui répondit avec
un Eng-froid étonnant & un ton de politeſſe peu
connu des Valaq es : Mon ami , je vous cede volontiers
ma place à la table du Seigneur ; pour moi je
jeûne aujourd'hui .
Au milieu des ordres & contr'ordres ,
marches & contremarches militaires qui ſo
fuccédent depuis quelque temps , il eſt difficile
de ſavoir au juſte s'il part ou non de
nouvelles troupes pour les Pays-Bas , ou
pour d'autres lieux. Il paroît certain néanmoins
que les Houlans font partis ; car l'on
raconte un incident fâcheux qui a ſuivi leur
premier mouvement. Neuf d'entr'eux déſerterent
: le commandant du corps , M.
Wilhorski , eſpérant de les ramener , les
pourſuivit accompagné de deux officiers ;
mais les fuyards réſiſterent , tuerent le commandant
, & bleſſerent à mort les deux offi
( 57 )
ciers. Comme il n'est pas vraiſemblable que
trois hommes imaginent d'en faifir neuf
bien armés , & que des déſerteurs affaffinent
des officiers qui ne cherchent pas à les ramener
par la violence , il faut attendre la
confirmation des circonstances de cet événement.
On dit auſſi que le corps franc d'Eſclavoniens
eſt parti de Waradin pour ſe rerrdie
ici , d'où il continuera fa roure juſqu'aux
frontieres de la Baviere. Les officiers du régiment
de Migazzi ont permiſſion de vendre
leurs chevaux , & l'on ajoute que le
régiment lui - même va retourner de Fribourg
à Inſpruck.
Il arriva , il y à huit jours , des dépêches de
Petersbourg; un gentil-homme de la Garde nobleHongroiſe
les avoir apportées juſques à Varſovie
, où il fut obligé de s'arrêter , le froid lui
ayant gélé les pieds dans la route ; comme il lui
avoit été ordonné de faire la plus grande diligence,
il informa le Prince Czartorinky de ſon acci
dent : celui ci fit partir fur le champ un de ſes
aides de Camp , qui fit dans quatre jours le che.
min de Varſovie à Vienne : on n'a pas d'exemple
d'une pareille diligence.
Voici les noms des Cercles & des Comitats
, d'après la nouvelle répartition du
royaume de Hongrie , ordonnée par l'Empereur
, le 11 Février dernier.
1°. Cercle de Neutra ; dans ſon reſſort font les
Comirats de Presbourg , de Neutra , de Trentshia
&deBarſch.
2°. Cercle de Neuſol ; dans ſon reffort ſe troucs
( 58 )
vent les Comitats de Thurz de Solines , de
Hont , de Liptau , de Gomoer & d'Oran.
3°. Cercle de Kaſchau ; les Comitats de ſon.
refſont ſont ceux de Zips , de Scharosch , d'Abau--
juar, de Torn &de Semplin.
4°. Cercle de Mungatich ; les Comitats de fon
reffort font ceux d'Ungh , de Beregh , d'Ugotſch ,,
de Sathmær & de Marmarofch,
5. Cercle de Groſwardein ; les Comitats de
fon reffort font ceux de Sabotſch , de Bihar , de
Bekeſch , d'Arad , de Kſchanad , de Zichangrad'
&de la petite Kumanie.
6°. Cercle de Temeſwar; les Comitats de ſons
reffort font ceux de Temeſwar , de Kraffov , de
Tronton & de Batſch
7°. Cercle de Peft ; les Comitats de ſon ref--
fort ſont ceux de Peſt , de Hewcs , de Neograd
, de Borſched , de Stulwiſſembourg , de la
grande Kumanie& de Jazis.
8º. Cercle de Raab ; les Comitats de fon refſſort.
font ceux de Wieſelbourg , d'Edenbourg , de
Raab , d'Eiſenbourg , de Weſprim & de Comorn.
9. Cercle de Fünfkirchen ou cinq Eglifes ; les
Comitats de ſon reffort font ceux de Tollnok , de
Barany,de Sirmie , de Werowitiz & de Schimegh
.
10º. Cercle d'Agram ; Les Comitats de ſon
reffort font ceux de Salad , de Waraſdin ,de Creiz,
de Poſcheg , de Swerim & d'Agram .
L'Empereur a ordonné par un decret dit
20 Février dernier , que les 9 couvens des
Récolets établis dans l'Autriche intérieure :
favoir , dans la Stirie , la Carinthie & là
Carniole foient détachés de ceux de la baſſe
( 59 )
, Autriche & forment dorénavant une
province particuliere de l'ordre.
La quêre de Religieux a été fupprimée
ſucceſſivement dans tous les états de S. M. I.
& on a affigné à chaque individu un certain
fonds payable par la caiſſe de religion.
Un de nos Négocians a reçu une lettre de'
la compagnie privilégiée de Fiume & de Trieste ,
dont voici la reneur. Nous sommes dans la plus
grande défolation ; hier vers les onze heures du
matin ; le feu a prs à l'hôtel de la compagnie;
comme le vent étoit très-impétueux , l'incendie
a fait de tels progrès , que malgré les fecours
des militaires & des bourgeois , le bâtiment a
été réduit en cendre en peu de temps. On a
heureuſement eu le temps de ſauver tous les
régiſtres & papiers d'importance , ainſi que tout
le fucre rafiné qui s'y trouvoit. Par un bonheur
fingulier le feu n'a pas gagné les fix raffinerie
de la compagnie , qui ſont contigues à
fon hôtel ; on évalue à 40000 florins les dommages
qu'a cauſé cet incendie : on croit que
quelques étincelles échappés des fabriques voifines
, & qui ſe ſont portées ſur quelques matieres
inflammables du bâtiment, ont caufé
cet'embraſement. Des mal- intentionnés ne manqueront
pas d'exagérer nos pertes ; mais nous
affurons que cet événement n'occaſionnera pas
la moindre interruption dans nos opérations de
commerce.
Nos vieillards ne ſe rappellent pas d'avoir
vu un hiver auſſi rigoureux & audi long.
La neige a ici 8 à 9 pieds de hauteur ; &
dans les endroits où le vent l'a accumulée ,
elle en a juſqu'à dix. Toute communication
06
( 60 )
:
eſt arrêtée entre l'Autriche & Salsbourg.
De Commotau ici , il n'y a que deux
milles , & la meſſagerie a été trois jours &
demi en route. Pluſieurs loups ont paru
fur les grands chemins ; ils ont même attaqué
quelques voyageurs , & dévoré pluſieurs
chevaux : un phyſicien prétend que
nous n'avons pas de grands débordemens
à craindre cette année , parce que la neige
contient très peu d'eau ; & que pour un
pied cube de neige , on obtient à peine un
pouce cube d'eau.
La direction des Invalides a reçu l'ordre
de faire un état des Invalides qui pourroient
encore être employées comme troupes de
garnifor.
Le régiment de Haddick , huſſards , &
un régiment de cuiraſſiers ont reçu l'ordre
de ſe rendre dans la Bohême , pour y remplacer
les régimens de Wurmfer & de Cobourg
, qui ſont actuellement dans les Pays-
Bas .
Le Frofeffeur Deluca a publié le dénombrement
ſuivant de la population de quelques Etats
Autrichiens dans l'année 1775. Il a porté celle
de la Bohême à 2,401,115 ames , celle de la
Maravie à 1,128,827 , celle de la Siléfio à
247,813 , celle d'Autriche au deſſus & audeſſous
de l'Ens à 1,556,489 , celle de l'Autriche
intérieure à 1,568,825 , & celle de l'Anriche
antérieure à 1,058,898 , ce qui forme
un total de 7,961,967 ames .
Le montant de la caiſſe de pauvres étoit
àla fin du mois de Février de 17,963 flor. ,
( 61 )
:
1
1
dont 8625 ont été diſtribués parmi les
penſionnaires de cette caiſſe. Leur nombre
à la fin du mois eſt monté à 5530 perſonnes .
DE FRANCFORT , le 28 Mars..
Des lettres de Conſtantinople , dont on
laiſſe ignorer la date , parlent , ſuivant quelques
gazettes , d'une nouvelle révolte dans
la capitale de l'empire Ottoman , où plus
de 3000 perſonnes ont péri.
On préfume que le corps franc du Bannat
, commandé par M. de Brentano , arrivera
à Luxembourg les premiers jours d'Avril.
Le rer. de ce mois , une incendie affreux
a réduit en cendres 112 maiſons à Bockenem
près d'Aildesheim : le froid exceſſif qu'il faiſoit
ce jour-là , rendit inutiles tous les inſtrumens
deſtinés à arrêter les progrès du feu ; preſque
tous ceux qui étoient accourus au ſecours , ont
les membres gélés de maniere à faire craindre
qu'ils ne puiffent plus en faire uſage. Plus de
500 perſonnes font réduites à la mendicité.
Dernierement le Roi de Pruſſe a créé
Baron , l'un de ſes ſujets , M. de Pury, de
la principauté de Neuchâtel en Suiffe , &
tenant à Lisbonne une des plus riches maifons
de commerce de l'Europe. Ce reſpec
table citoyen rappelle les beaux temps de
la Grece vertueuſe , les Barnard, les Gresham
, les Midleton en Angleterre , & autres
patriotes animés par l'eſprit publ.c. En
1
( 62 )
1779, M. de Pury fit à la ville de Neuchâ
tel ſa patrie , un préſent de 400,000 livres
tournois : il en donna autant en 1780 &
en 1781. De cette ſomme on a bâti un hôpital
, avec cette inſcription ſimple & noble
, Civis , pauperibus ( un citoyen aux
pauvres ). En 1783 , M. de Pury fit un préfent
de 100,000 liv. pour la conftruction
- d'une Eglife , & chaque année il diſtribue à
laChambre de charité de Neuchâtel 2400 1.
& aux pauvres honteux 4800 liv . C'eſt lorfqu'on
s'illuftre par une pareille munificence .
qu'il eſt permis de parler de ſa bienfaiſance ,
de fon amour pour le bien public ; voilà
les traits qu'il faut préſenter en exemple ,
& célébrer. M. de Pury fit deſſiner & graver
à ſes frais en 1770 la belle eſtampe où
le Marquis de Pombal eſt repréſenté donnant
ſes ordres pour l'embarquement des
Jéfuites.
Une lettre de Steiemarkt Leoben , parle
en ces termes d'un phénomene que nous
préſumons être raconté peu exactement.
Nons venons d'être témoins d'un ſpectacle
qui doit réveiller la curiofité des naturaliſtes.
Une nuée de petits inſectes volans s'eſt abattue
hier dans la campagne ; ils ont couvert plus de
is toiſes de terrein , où ils ſe font accumulés
à près de fix pieds de hauteur. Ces infectes
tirent fur le noir, ils ont de petites cornes affez
femblables à celles des cerfs volans ; leurs pieds
dederriere ſont très- ongs & très - agiles , & leur
groffeur approche affez de celle d'une puce,
Comme la campagne eſt couverte de plus de
( 63 )

trois pieds de neige , il eſt évident que ces
infectes ne font point fortis de la terre,
Le Prince Edouard eſt attendu de Lon
dres à Hanovre . Il ſe rendra enſuite à l'Académie
noble de Lunebourg. Le colonel de
Wangenheim l'y accompagnera en qualité
de Gouverneur.
Des lettres de Vienne aſſurent poſitivement
, que le Confiſtoire proteftant àTefchen
ſera tranféré dans la capitale. L'Empereur
en a conféré la préſidence au comte
d'Aversperg ,& nommé Conſeillers les deux
Miniſtres proteftans de cette ville..
Depuis quelques ſemaines on fait partir
deVienne beaucoup de munitions de guerre
pour la Boheme , & fur-tout pour la fortereſſe
de Konisgræz .
On écrit de Worms , que des officiers
Pruſſiens y font des levées d'hommes pour
en former un corps de. Volontaires & un
corps de huſſards.
Il eſt certain que le corps des Volontaires
levés par le Colonel de Brentano s'eſt mis
en marche , vers le milieu du mois de Février
, pour ſe rendre dans les Pays-Bas pars
Ia Stirie , l'Archevêché de Salzbourg , la
ville de Ratisbonne , &c. It elt composé de
12 compagnies d'infanterie , chacune de
20c hommes , & de 400 hommes de cas
valerie:
Le coton importé en Eſpagne , en 1783
pour les fabriques de Barcelone , monte à
77,488 arrobes , dont 9,554. de coton non filé
( 64 )
ont été tirés du levant , & 54,487 de coton
filé de l'Iſſe de. Malthe. De ce coton ont été
fabriqués 250,00 pièces d'étoffes , dont on pert
porter la valeur au moins à 40 milions de réaux.--
On porte à 30 milions de réaux la toile
fabriquée dans la meme année.
PORTUGAL.
DE LISBONNE , le 25 Février.
Dans le cours de l'année paſſée , il eſt
entré dans notre port 1006 navires étrangers
, de dinérentes grandeurs , ſans compter
les autres petits bâtimens : favoir , un
navire de Maroc, un de Naples , un de Lubeck
, un de Dantzick , un de Gênes , 2
de Brême , 3 de Ruffie, 6 de Pruſſe , 10
Autrichiens , II d'Eſpagne , 11 de Hambourg
, 12 de Ragufe , 18 de Veniſe , 23
Américains , 70 Danois , 77 Hollandois ,
80 Suedois , 89 François , 252 Anglois &
337 Portugais.
Il a paru dernierement dans le Tage deux
Baleines , l'une très groffe & l'autre affez petite ;
ellas ſe ſontmêmeapprochées très près du rivage ;
on ne ſe rappelle pas d'avoir vu jamais de ces
poiffons morſtrueux dans ces parages . On a
réuffi à s'en emparer.
Nous apprenons que le Gouverneur de
Vifur , dans la province de Beira , s'eſt pendu
dernierement dans la cour du Palais , à
une cloche de fer , où il avoit coutume
d'attacher fon cheval ..
1
( 65 )
Le gouvernement d'Eſpagne voulant
inſtruire la nation de l'état actif & paflif du
commerce aux Indes occidentales , ſe propoſe
de publie chaque année, àl'exemple des
Anglois , le tableau des exportations des divers
ports d'Eſpagne & celui des importations.
Celui de 1784 offre le réſultat fuivant
La valeur totale des exportations de l'année
1784 , monte à 434,808,580 réaux de vellons ,
dont il y a eu pour 195,885,361 en marchandiſes
d'Eſpagne , & pour 238,923,219 en marchandiſes
étrangeres , ce qui porte à 43,037.858
reaux la balance en faveur de ces dernieres . Les
droirs payés au Roi montent à 17,080,415
réaux.
Lavaleurdesimportationsa étéde 1,263,517,782
de réaux de vellons , dont 929, 123,894 en or &
argentmonnoyé ou en lingots , & 334-393,886 en
marchandiſes. Les droits payés au Roi ſur tous
ces objets ont fait la ſomme de 52,742,372
de reaux,
ITALI Ε.
DE LIVOURNE , le 15 Mars.
Différens avis particuliers font mention
d'une déclaration de guerre faite par le Bey
d'Alger à la République de Veniſe.
On ne peut plus révoquer en doute la
nouvelle expédition projettée par les Eſpagnols
contre Alger. Il a été envoyé à cet
effet des ordres poſitits à Carthagene , à
Malaga , à Alicante & à Barcelone , pour
( 66 )
que tous les bâtimens deſtinés à cette expédition
ſe trouvent en état d'appareiller le
premier Mai prochain. On doit embarquer
dix mille hommes pour tenter après le débarquement
un affaut par terre pendant que
les vaiſſeaux battront la place par mer. Les
Portugais ſe rendront àCarthagene , & l'ifle
de Minorque fera le point de réunion pour
les bâtimens Napolitains , Malthois & Génois.
On ne fait pas encore ſi le Général
Emo ſe joindra à l'eſcadre combinée..
Une lettre d'Alger du 25 Février contient
en ſubſtance ce qui fuit :
Les armémens que font les différentes puiffances
de l'Europe pour être employés contre
cette place font connus du gouvernement dans
les plus petits détails , & le Bey prend toutes
les peines imaginables pour rendre le port
inacceffible , & repouſſer toute attaque quelconque.
Le nombre de canóns , & des autres
inſtrumens de guerre des batteries ordinaires ,
a été augmenté, & on en conſtruit deux autres
qui ſe croiſent en tirant ſur les vaiſſeauxennemis.
On a auſſi donné des ordres pour la conf
truction de quelques barques ſemblables aux
chaloupes canonieres , mais qui doivent être
employées enſemble à envoyer des boulets
souges contre les vaiſſeaux ennemis . Enfin , tout
eſt en mouvement , comme ſi la place étoit à la
veille d'être affiégée , & il a été ordonné d'établir
un vafte magaſin dans la partie la plus
reculée & la plus ſure de la ville , pour y dé
pafer les effets les plus précieux ; on fait auffi
des approvifionnemens extraordinaires de bouche
&de guerre.
( 67 )
DE NAPLES , le 10 Mars.
Les difficultés à l'exploitation du nitre
qu'on a trouvé dans la mine de Molfetta .
dans la Pouille , ſe trouvant aujourd'hu' applanies
, on a commencé les travaux & on
travaille en ce moment ſur quatre chaudieres.
La ſaiſon a été fi inconſtante ces jours
derniers que toutes nos montagnes ſe font
recouvertes d'une quantité prodigieſe de
neige ; la montagne de Somma qui eſt la
plus proche de la ville offre le ſpectacle le
plus extraordinaire: au milieu de la neige
on voit couler la lave enflammée.
DE MODENE , le 14 Mars.
S. E. le Marquis Degli-Obizzi , Amateur des
Beaux- arts & particulierement de l'antiquité ,
ayant fait faire à ſes dépens une excavation dans
le château antique de la ville d'Eſt , a trouvé un
grand nombre de vaſes fictiles , en parcie ſépulchraux
, en partie culinaires , de diverſes formes
&de diverſes couleurs , & compoſés de differentes
terres; des vaſes de verre , &une quantité de
lanternes , partie ornées de figure , & p'rtie chargées
d'écriture ; pluſieurs candelabres fictiles de
différentesformes. Le nombre de ces vaſes monte
à 200. Trois entr'autres , font chargés d'inſcriptions
Etruſques. On a également trouvé un ſépulchre
d'un marbre qu'on connoît ſous le nom
de Lapis acheronticus , orné de deux files d'infcriptions
en ces mêmes caracteres ; une quantité
( 68 )
prodigieuſe de boucles , de petites chaines , &
autres ornemens , dont une grande partie en
ivoire. Un nombre d'inſtrumens de fer & autres
métaux , tels que des bracelets , des anneaux ,
des colliers , des aigrettes & autres curiofitésan -
tiques , entre leſquelles on diftingue quatre hameçons
de pêcheurs en métal , d'une forme extraordinaire.
Mais des pieces plus précieuſes
encore , ce ſont quatorze urnes ſépulcrales en
métal , parte chargées d'ornemens , & partie
toutes unies. Pluſieurs font une coudée & demi
Vénitienne de haut ; un fuperbe Cymbalum de
métal , & enfin un vaſe fumigatoire avec ſon
couvercle à jour du même métal.
DE VENISE , le II Mars.
La Victoria , Vaiſſeau neuf de ligne de
74 canons , monté par le Capitaine Joſeph
Zambella ; eſt ſorti le 27 du mois dernier
de l'arfenal public. L'Eolo commandé par le
Capitaine Joſeph Colovich , & la Gueriera
par le Capitaine Antoine Jedich , deux vaifſeaux
neufsdoivent fortir auſſi de l'arſenal la
ſemaine prochaine.
GRANDE-BRETAGNE.
DE LONDRES , le 26 Mars.
Le bruit de quelques changemens prochains
dans l'Adminiſtration ſemble ſe fortifier.
Les circonstances politiques où ſe
trouve le Continent , les arrangemens com
( 69 )
merciaux à régleravec l'Irlande , arrangemens
tellement avancés qu'on ne peut plus les refuſer
ſans peril , ni les admettre lans ruine ,
tant d'objets importans perfuadent le public
d'une altération dans le Ministere. Perſonne
ne révoque en doute les bonnes intentions
de M. Pitt ; mais ſon expérience,
quoiqu'étonnante vu ſa jeuneſſe , et peutêtre
au- deſſous de la ſituation des affaires
publiques : ſa candeur l'expoſe à ſe laiſſer
ſurprendre par quelques hommes artificieux;
il eſt crompé , dit- on , même par des gens
qu'il ſuppoſe être ſes amis. Quoi qu'il en
foit de ces conjectures , on prétend que
M. Pitt conſervera fa place de Chancelier
de l'Echiquier , & que le Marquis de Lanfdown
ſera créé premier Lord de la Tréſorerie.
La Chambre des Communes reçoit tous
les jours de nouvelles requêtes contre le
ſyſtême de commerce de M. Pitt. A Briftol
99 négocians ſur 100 ont ſigné que le
commerce de cette ville feroit ruiné , fi le
traité avoit lieu , conformément au plan
agréé par l'Irlande , & propoſé par M. Pitt
au Parlement d'Angleterre. Les requêtes de
Birmingham , de Liverpool, de Mancheſter ,
d'Yorck , de Glasgow , de Dumbarton , de
Wolverhampton , de Nottingham , affirment
toutes la même chose , relativement
au commerce particulier de chacune de ces
villes. A ces repréſentations on affure que
( 70 )
vontbientôt ſe joindre celles des capitaliſtes
qui ont placé leur argent dans les fonds
publics. Ces créanciers de l'Etat craignent
que l'Angleterre , en affociant l'Irlande à
fon commerce , ne diminue ſes revenus qui
ſuffifoient à peine pour payer les intérêts de
Ja dette nationale. Ces alarmes ont fait baiffer
les effets publics. Les 3 pour cent conſolidés
qui étoient à 57 au commencement
du mois de Février , font tombés aujourd'hui
à 54 .
Cependant le Parlement ni le Miniſtre ne
précipitent point leur déciſion. Toutes les
petitions des Villes de commerce font reçues
, examinées , approfondies. On prend
tous les moyens d'inftruction fur cet objet ,
afin d'éviter des erreurs préjudiciables. C'eſt
ici qu'on peut reconnoître l'avantage d'un
Corps législatif ſubordonné à l'opinion publique,
compofé de maniere à réunir tous les
talens & toutes les volontés , forcé à de longues
& lentes délibérations avant de former
une loi ,&qui ne préſente point les inconvéniens
des affemblées purement populaires où
les actes légiflatifs font trop ſouvent l'ouvragede
la légéreté& des paflions.
L'influence du peuple étant toujours immenſe
, quoi qu'en diſent les Déclamateurs ,
fon oppofition fuffit pour arrêter la volonté
du miniftere& le conſentement de la Chambre
des Communes. Cette Chambre s'eſt for-
:mée en grand Comité pour écouter& inter(
71 ) 1
roger elle-même les députés des Villes de
commerce ; ellen'a pas cru indigne de Sa Majeſté
de defcendre dans les moindres détails
avec de fimples Fabricans , de peſer leurs témoignages
, & d'apprendre de ces utiles &
Timples Citoyens , des vérités que les maxi.
mes des livres & la rhétorique des orateurs
ne feront jamais connoître qu'imparfaitement.
Les détails de cet examen de quelques
Manufacturiers par-devant la Chambre des
Communes font auſſi curieux qu'inſtructifs.
Ils prouvent à la fois & les grandes lumieres
des membres de la Chambre & celles de nos
Négocians. Nous rapporterions quelques partiesde
cet examen intéreſſant , ſi nous n'étions
convaincus que perſonne nenous liroit. Pour
épargner toute fatigue d'eſprit & d'attention
au lecteur , nous nous bornerons à rapporter
que juſqu'ici la Chambre des Commmes à
entendu des Négocians & des Fabricans en
pluſieurs genres , notamment de Libraires ,
des Fabricans de toiles peintes & d'étoffes de
coton.
Dans l'interrogatoire auquel furent foumis
quatreLibraires éminens , l'ondemanda à l'un
d'entr'eux , M. Caddell , ſi le droit de copie
payé aux Auteurs par les Libraires , formoit
un objet conſidérable ; il répondit que ſa
maiſon ſeule avoit payé dans l'eſpace de 18
ans , 39,000 1. fterlings , c'est-à-dire , près de
neufcens mille livres tournoisà différens Auteurs.
M. Péele , fabricant de toiles peintes
( 72 )
zfirma qu'il occupoit 7000 Ouvriers dans ſa
Manufacture, payés l'un dans l'autre, y compris
les femmes & les enfans , au prix moyen
de huit ſchelings & demi par ſemaine , &
qu'il payoit à l'Excise , par aunée , 27,000 1 .
ſterlings de droits . M. Smith , autre fabricant
de toiles peintes déclara qu'il employoit
8,800 Ouvriers au même prix , & qu'il
payoit annuellement 30,000 1. ſterlings de

droits.
,
Pluſieurs autres Manufacturiers de cette
opulence furent entendus tous s'accorderent
à avancer que vu la différence du prix
de la main-d'oeuvre , des taxes , des dépenſes
premieres , l'Irlande auroit un avantage
évident fur les Fabriques d'Angleterre , &
que les Propriétaires de celle- ci préféreroient
alors de porter leurs capitaux & leur induftrie
en Irlande. On leur fit beaucoup de
queſtions ſur les machines employées dans
diverſes Manufactures , ſur leur débit dans
l'Etranger , ſur la concurrence qu'elles pouvoient
craindre en France & ailleurs ; mais
nous en avons déjà trop dit , & nous finiſſons
ce réſumé dont nous invitons les Economiſtes
politiques à confulter les matériaux.
Il faut obſerver que les Fabriques de draps
conferveroient leurs avantages , vu que les
belles laines des Comtés d'Hertford , de
Suſſex , de Shrop , de Somertfet , feront
toujours moins cheres en Angleterre qu'en
Irlande.
On
( 73 )
-
On peut compter, diſent tous nos papiers, fur
Pauthenticité du fait ſuivant. Le Grand-
Maître de l'artillerie , voyant qu'on avoit réſolu
de faire examiner ſes plans par un Comité d'Ofmciers
,ainſi que le Colonel Barré l'avoit propoſé ;
envoya au bureau de la Guerre une lifte dos
Officiers dont il defiroit que le Comité fût formé.
Il ne mit point à cette démarche tout le ſecret
poſſible , de maniere que le Colonel en ayant
été inſtruit , alla trouver le Miniſtre de la guerre ,
& lui fignifia que ſi on nommoit un Comité
partial envers le Grand-Maître , par égard à
certaines recommandations , il porteroit l'affaire
au Parlement. Le Comité en conféquence ſera
entiérement compoſé d'Officiers indépendans ,
tels que MM. Hewe , Clinton, Burgoyne , Cornwallis
, & Guy Carleton. Ces Officiers tiendront
leurs aſſemblées à la Tour pendant les vacances
du Parlement ; & d'après l'examen qu'ils
feront de tous les ouvrages projettés , ils préſenteront
au Roi leur rapport.
Il s'eſt établi à Londres un Comité général
du Commerce du Royaume. Ce Comité
Teſt compoſé des Délégués de toutes les
villes qui s'oppoſent au Traité de Commerce
avec l'Irlande. Il doit veiller à tout
cequi ſepaſſera dans le Parlement de relatif
au Commerce , & agir en conféquence des
inſtructions qu'il recevra des villes.
Le Roi ſerendit en pompe le 24à la Chambre
des Pairs , pour donner ſon confentement aux
Bills qui ontpaffé dans les deux Chambres depuis
le commencement de la ſeſſion . La Chambre des
Pairs s'eſt ajournée après les vacances de Pâques ;
celle des Communes ne s'eſt point encore ajournée,
parce qu'il ne s'eſt pas trouvé le 24 un nom.
No. 15, 9 Avril 1785. d
( 74 )
1 .
brede Membres ſuffifant pour noumerun Comité,
Juge de l'Electionconteſtée du Buckinghamshire.
Cette affaire avoit été indiquée pour le 24 , &
d'après les loix de M. Grenville , la Chambre ne
peut ni s'ajourner , ni procéder à aucune affaire ,
qu'elle n'ait pris une déciſion ſur les objets relatifs
aux Elections entamées. S'il ne ſe trouve donc
point ces jours ci un nombre de Membres ſuffifant
pour nommer un Comité , l'Orateur, pendant
la ſemaine de Pâques , fera obligé de ſe rendre
tous les jours , pour la forme , à la Chambre des
Communes , & d'envoyer dans les cafés & dans les
Lavernes de Londres , l'Huiffier de la Chambre ,
ſommer les Membres de ſe rendre au Parlement,
Cet événement fingulier , dont il n'y a point encore
eu d'exemple , vient de ce que l'on a pris un
jour trop rapproché des vacances pour juger l'affaire
du Buckinghamshire. Preſque tous lesMembres
du Parlement font partis pour leurs terres &
ne reviendront qu'après les Fêtes .
Le Parlement d'Irlande , en conféquence
des propoſitions de M. Orde , a impofé de
nouvelles taxes pour la fomme de 56 mille
liv. fterl. Cette affaire paſſa dans un moment
de bonne humeur ; mais fi les propoſitions
du ſyſtême de commerce avec l'Angleterre
éprouvent quelque altération importante, il
ſe formera en Irlande une oppoſition ſi formidable
, que le Duc de Rutland a écrit au
Miniſtre pour demander ſon rappel dans le
cas où cet événement arriveroit , ou fi l'affaire
n'étoit point finie pendant les ſeſſions
actuelles .
On pourra ſe former une idée de la richeſſe
de l'Angleterre , dit un Correfpondant
inftruit, lorſqu'on ſaura que dans le
( 75 )
courant de l'année derniere , il a été enregiſtré
au Bureau des Aflurances pour cent
quarante millions ſterlings de propriétés de
diverſe nature .
Suivant nos Papiers , il eſt fort queſtion
dans la bonne Compagnie , d'un mariage
futur entre Mlle. Necker , fille du célebre
Administrateur de ce nom , & M. Georges
Pitt , fils de Lord Rivers . On trouve dans
cette union , les convenances de fortune ,
d'eſprit & de religion , &c. & c .
La ſemaine derniere on a relevé dans la
baye de Ramſay de l'iſle de Man , une groſſe
ancre de vaiſſeau , du poids de vingt-cinq
quintaux , qu'on ſuppoſe avoir appartenu à
l'eſcadre du brave & infortuné Thurot .
Le 23 de ce mois , le comte Zambeccari ,
accompagné du contr'Amiral Edward Vernon,
s'eſt élevé à Tottenham , dans un aëroſtat
de 34 pieds de diametre. La jeune
Miff Grift , très- attachée au Comte Zambeccari,
devoit être du voyage ; elle monta
même dans la gondole ; mais fon poids
ayant fait redeſcendre le ballon , elle dut
fe réſigner , quoiqu'inconfolable , à refter à
terre. Les voyageurs ſe ſont élevés à une
hauteur prodigieufe , & ont parcouru 40
mille dans trois quarts d'heure environ.
Quelques jours après la diſgrace de la
derniere adminiſtration , M. Fox jugea à
propos de faire ſa cour à la Reine. Sa
Majesté fut fi troublée par ſa préſence ,
d2
( 76 )
que laDame qui l'accompagnoit s'en apperçut
, & lui demanda la cauſe de ſon agitation.
Comment, lui répondit la Reine, pourrois-
je étre tranquille en voyant l'homme qui
a corrompu les moeurs de monfils , qui a troublé
la paix de mon Epoux , & m'a moi-méme
presque réduite au désespoir?
ETATS-UNIS DE L'AMÉRIQUE.
DE NEW- YORCK , le 12 Janvier.
Le 9 de Décembre , il fut réſolu dans le
Congrès , que l'Aſſemblée ſe formeroit en
grand comité , pour recevoir le Marquis
de la Fayette , & pour l'aſſurer des voeux &
de la reconnoiſſance des Etats -Unis. Le ri
on harangua le Marquis de la Fayette, conformément
aux inſtructions données ; fur
quoi , le Marquis répondit en ces termes ,
traduits littéralement.
Au moment où les Etats-Unis en Congrès,
daignent me recevoir avec tant de bonté , je ne
puis allez exprimer tous les ſentimens d'un coeur
qui jouit avec délices , & de leur fituation pré-
Lente,&decette nouvelle marque de leur eſtime.
Depuis que je joignis l'étendard de la Liberté ,
juſquà ce jour ſi defiré , où je viens vous féliciter
moi- même ; j'ai vu les enfans de l'Amérique ſe
dftinguer parde fi belles actions , de fi grandes
vertus , que dans l'inſtant de mon premier intérêt
pour eux , je n'avois éprouvé qu'une partie de
l'amour& du reſpect qui me dévouent aujourd'hui
cet Empire naillant.
Dans le cours de notre glorieuſe révolution ,
fai obtenu cette confiance indulgente& fansbornes,
que je ſuis également fier & heureux de reconnoître
,elle remonte au tems ,où jeune&fans
( 77 )
expérience , je ne pouvois faire valoir que l'adop
tion paternelle de mon reſpectable ami ; elle m'a
été continnée dans toutes les circonstances politiques&
militaires , & l'amitié du peuple pour moi
m'a ſouvent ſervi de rempart dans les dangers de
la République. Tandis que dans cette occafion
folemnelle je témoigne une reconnoiffance au
Congrès , aux différens Etats , à toute la Nation,
permettez -moi auſſi de rappeller mes chers compagnons
d'armes , à qui leur pays a tant d'obligations.
Ayant joui doublement , & du ſecours de ma
patrie , venu fi à propos , & du zèle qu'un Roi
chéri lui a fait jouer dans la cauſe de l'humanité ,
jevois avec plaisir que l'affection mutuelle , l'intérêt
, & même la ſituation locale cimentent cette
alliance. Le paffé l'aſſura , l'avenir ne fait qu'agrandir
la perſpective , & l'on verra tous les jours
le multiplier ces rapports entre les particuliers ,
qu'un commerce indépendant & avantageuxdoit
produire , en proportion de ce qu'il ſera mieux
connu.
Vivement occupé du bonheur de l'Amérique,
il m'eſt doux d'obſerver la difpofition répandue
dans le peuple pour reſſerrer la confédération ,
préſerver la foi publique , faire des réglemens
fur le commerce , & par un établiſſement con
venable pour la garde des Forts &des Magaſins ,
parunbon ſyſtême de milice commun à tous les
Etats,parune attention prévoyante à la Marine
de réunir toute eſpece de sûreté civile & politique.
Puiſſe ce temple immenſe , bâti à la Liberté ,
ſubſiſter àjamais , comme une leçon aux opprefſeurs
, un exemple aux opprimés , un ſanctuaire
pour les droits de l'humanité : & puiſſent ces Erats
heureux & unis atteindre ce degré de ſplendeur
&de proſpérité qui faſſe honneur aux principes
d 3
( 78 )
de leur Gouvernement , & dans les fiécles ávenir ,
rejouiſſe les mânes de ſes fondateurs .
Un diſcours trop long , M. , abuſeroit d'un
tems précieux ; mais il m'eſt néceſſaire de remercier
encore une fois le Congrès de ſes der-'
nieres faveurs , & jamais il ne peut m'obliger
autant , qu'en me mettant à portée dans toutes
les parties du monde , dans tous les inftans de ma
vie, de fatisfaire l'attachement, qui pour toujours
me placera parmi les plus zélés & reſpectueux
ſerviteurs des Etats - Unis.
Une lettre de l'honorable J. Mc . H. porte
ce qui fuit :
Les nouvelles publiques vous apprendront que
le Congrès a voté 1000,000 dollars pour commencer
la Ville foedérative : on eſpere que les
différens Etats vont s'occuper d'y conſtruire des
maiſons pour leurs Repréſentans , & en atten
dant nous nous ſommes établis à New-Yorck.
Par les dernières lettres du Mariland , j'apprends
que leGénéral Washington &leGénéral Gattes
s'y ſont rendus au nom de l'Etat de Virginie ,
pour convenir d'un plan pour ouvrir la navigation
du Portowmack . Notre Aſſemblée vient de
donner le droit de Citoyen au Marquis de la
Fayette & à ſa postérité. Ce droit eſt dégagé
de toute propriété. Car , malgré ſes grands facrifices
pécuniaires à notre révolution , le Marquis
a repouffé toute idée d'appointemens , de
penſion ou de conceffion quelconque , même
dans les vaſtes Comtés qui portent fon nom .
Quant aux autres Européens qui ont ſervi les
Etats-Unis , vous ſavez probablement que leurs
comptes ont été arrêtés , & j'efpere qu'ils ſeront
fatisfaits de la maniere dont ils font trai(
79 )
tés ; l'intérêt de ce qui leur eſt dû leur ſera
payé de Janvier 1784. La partie de l'autre côté
des montagnes ſe peuple avec une rapidité prodigieuſe.
FRANCE.
DE VERSAILLES , le 30 Mars.
La Reine eſt auſſi bien que l'on peut le
defirer pour ſon état.
Le jour de Pâques , le Roi , accompagné
de Monfieur, de Madame, de Monſeigneur
Comte&de Madame Comteſſe d'Artois ,
de Madame Élizabeth de France , & de
la Princeſſe de Lamballe , aſſiſta , dans
la Chapelle du Château , à la grande
Meſſe qui fut chantée par ſa Muſique.
L'Évêque de Tulles y oficia pontificalement
, & la Vicomteſſe de Vaudreuil fit
la quête. L'après- midi , le Roi , accompagné
comme le matin , après avoir entendu le
Sermon, aſſiſta aux Vêpres. Meſdames Adélaïde
& Victoire de France aſſiſterent , ce
jour , à l'Office dans une des travées ,
Hier , le Roi s'eſt rendu en cérémonie à
l'Égliſe de la paroiſſe Notre-Dame , où il a
communiédes mains du Cardinal-Prince de
Rohan , Grand-Aumônier de France ; le
Duc de Coigny & le Maréchal de Mouchy
tenant la nappe du côté du Roi ; l'Évêque
de Senlis , Premier Aumônier de Sa Mad4
( 80 )
jefté , & l'Aumônier de quartier du côté
de l'Autel .
Le 29 , le Margrave d'Anſpach , ſous le
nom de Comte de Sayn , prit conge du
Roi , & de la Famille Royale avec les formalités
accoutumées , étant conduit par le
fieur Lalive de la Briche , Introducteur des
Ambaſſadeurs ; & le ſieur de Séqueville ,
Secrétaire ordinaire du Roi pour la conduite
des Ambaſſadeurs , précédont
La rélationde ce qui s'eſt paſſé à Verfailles
à l'occaſion des Couches de la Reine
/&de la Naiſſance de Mgr. le Duc de Normandie
, le 27 Mars 1785 eſt dans les termes
fuivans ..
Le 27 de ce mois , la Reine ayant ſenti dans la
journée quelques douleurs quiannonçoient qu'eile
ne tarderoit pas à accoucher , la Princeſſede Lamballe
, Surintendante de la Maiſon de la Reine , ſe
rendit auprès de S. M. qui avoit ordonné qu'on
allât l'avertir.
La Princeſſe de Lamballe étant arrivée , donna
ordre qu'on allât avertir Monfieur , Madame ,
Mgr. Comte d'Artois , Madame Comteffe d'Artois
, Mesdames Adélaïde & Victoire de France ,
qui ſe rendirent aufli-tôt chez la Reine. Cette
Princeſſe envoya auſſi avertir les Princes & Princeſſes
du Sang.
LeRoi ne fut point averti, parce qu'il étoit déja
auprès de S. M.
LeGarde des Sceaux de France & tous les Miniftres
& Secrétaires d'Etat , qui avoient été également
avertis , ſe rendirent auſſi dans le grand
Cabinet de la Reine , dont l'Appartement fut à
( 81 )
4
l'inſtant rempli des Seigneurs & Dames de la
Cour. S. M. , après un travail fort court , accoucha
très- heureuſement , à ſept heures moins un quart
du foir , d'un Prince , dont la force & la ſanté
donnent les plus grandes eſpérances pour la confervation
de les jours .
Le Roi , qui étoit reſté près de la Reine juſqu'à
ce que S. M. fût accouchée , & qui n'avoit ceſſe
de luidonnerdes preuves de tendreſſe ,parut dans
le moment de la naiſſance de Mgr. le Duc de
Normandie , touché de la joie la plus pure& la
plus attendrifſſante ; elle étoit peinte ſur le viſage
de S. M., qui fut témoin de cellede toute làCour,
&des voeux qu'elle faisoit pour fon bonheur &
pour celui de la Reine.
Après que l'on eut donné , en préſence du Roi ,
les premiers foins à Mgr. le Duc de Normandie ,
le Roi rentra chez la Reine & lui annonça qu'Elle
étoit accouchée d'un Prince. S. M. ayant auffi-tot
demandé à le voir , il lui fut apporté par la Ducheſſe
de Polignac , Gouvernante des Enfans de
France ,accompagnée des trois Sous-Gouvernantes.
En fortant de chez la Reine , la Ducheffe
de Polignac porta dans ſonAppartement Mgr. le
Duc de Normandie , que le Duc d'Ayen , Capitaine
des Gardes-du- Corps du Roi en quartier , y
conduifit , conformément aux ordres que le Roi
lui avoit donnés de quitter ſon ſervice près fa
Perſonne pour accompagner ce Prince.
Cejour , vers les huit heures & demie du foir,
Mgr. le Duc de Normandie fut baptifé par le
Cardinal-Prince de Rohan , Grand-Aumônier de
France , en préſence du ſieur de Broquevieille
Curéde la Paroiſſe Notre-Dame , & tenu ſur les
Fonts de Baptême par Monfieur & Madame Elifabeth
de France , au nom de la Reine de Naples ,
leRoi étant préſent , ainſi que le Ducde Chartres,
( 82 )
les autres Princes & Princeſſes n'ayant pas pu ſe
rendre affez-tôt pour s'y trouver.
Mgr. le Duc de Normandie a été nommé Louis-
Charles. Après le Baptême , ce Prince ayant été
reconduit dans ſon Appartement , le ſieur de
Calonne , Miniſtre d'Etat , Contrôleur-Général
des Finances , Grand-Tréſorier des Ordres du
Roi , lui porta le Cordon & la Croix de l'Ordre du
Saint -Elprit , conformément aux ordres qu'il
avoit reçus du Roi.
S. M. , ainſi que toute la Cour , aſſiſta , après le
Baptême , au Te Deum de la compoſition du ſieur
Girouſt , Surintendant de la Muſique du Roi , &
qui fut chanté à cette occafion dans la Chapelle
du Château , par la Muſique de S. M.
Auſfi-tôt que la Reine fut accouchée , le Comte
de Saint -Aulaire , Lieutenant des Gardes-du-
Corps du Roi , de la Compagnie de Villeroi , de
ſervice auprès de la Reine , alla à Paris, par ordre
du Roi , annoncer cette heureuſe nouvelle au
Corps-de-Ville, qui s'étoit déja aſſemblé , d'après
les ordres que S. M. lui en avoit envoyés peu de
tems auparavant .
Le Comte de Vergennes , Chef du Conſeil
Royal des Finances , Miniſtre & Secrétaire d'Etat ,
ayant le département des Affaires étrangeres ,
étant rentré chez lui , dépêcha des Couriers extraordinaires
aux Ambaſſadeurs & aux Miniſtres
du Roi dans les Cours étrangeres , pour leur faire
part de cettenouvelle ; tous ces Couriers partirent
àneufheures & demie du ſoir. Le Miniſtre de la
Marine, ainſi que les autres Miniſtres , ont également
fait part de cette nouvelle dans leurs dépar
temens .
Le tendemain , les Princes du Sang ont eu l'honneurde
faire leur cour au Roi à l'occaſion de l'ac
t
( 83 )
couchement de la Reine& de la naiſſance deMgr.
leDuc de Normandie .
Le même jour , vers les neuf heures du foir , on
tira dans la Place d'Armes un très-beau feu d'ar
tifice , que le Roi vit du balcon de ſon appartement
, ainſi que toute la Cour ; ce feu fut ſuivi
d'une illumination générale dans la ville .
DE PARIS , le 6 Avril.
La naiſſance de Mgr. le Duc de Normandie
a été célébrée ici par toutes les marques de réjouiſſances
naturelles à un Peuple , connu & diftingué
par fon attachement pour ſes Maîtres. Le
Corpsd- e- Ville , prévenu le 27 du mois dernier ,
vers les huit heures du ſoir , que la Reine épro
voit des douleurs , reçut la nouvelle de ſon heureux
accouchement à huit heures dix minutes ;
elle lui fut apportée par le Comte de Saint-Au-
Jaire , Lieutenant des Gardes du- Corps de S. M.,
de ſervice près la Reine. Il fit fonner auffi-tôt le
tocin qui continua toute la nuit , faire une décharge
de l'artillerie de la Ville , tirer des fuſées
volantes , illuminer l'Hôtel-de-Ville , ainſi que
les hôtels & maiſons de chacun de ſes Membres .
Le lendemain , à fix heures du matin , il y eut
une nouvelle décharge d'artillerie ; à neuf heures,
le Corps-de-Ville ſe rendit au Parlement , qui
donna un Arrêt pourdes illuminations qui eurent
lieu le foir de ce jour. A fix heures & demie , le
Gouverneur vint à l'Hôtel-de-Ville , & à ſept
heures , on alluma en cérémonie un feu de fagots
autour duquel leGouverneur, le Corps-de Ville,
précédédesGardesduGouverneur, firent laproceffion
d'uſage. On établit quatre orchestres &
quatre fontaines de vin , où l'on diſtribua du pain
&des cervelas auPeuple.
:
₫ 6
( 34 )
1
Le 30 , le ſieur de Nantouillet , Maître des
Cérémonies , apporta au Corps-de- Ville une lettre
du Roi , par laquelle S. M. fixoit au ler. de ce
mois le Te Deum qui devoit étre chanté dans
l'Eglife Métropolitaine , en actions de graces de
Theureuſe naiſſance de Mgr. le Duc de Normandie.
Le 1er. de ce mois , les Compagnies ſupérieures
ayant été invitées précédemment à ſe trouver au
Te Deum , par le Maître des Cérémonies , qui
leur avoit en conféquence remis les lettres de
cachet , S. M. partt de Verſailles à trois heures
&demie après- midi , accompagnée dans ſon carroffe
de Monteur , de Mgr. Comte d'Artois , du
Duc de Chartres , du Prince de Condé , du Dac
deBourbon , précédée & ſuivie des Grands Oitciers
de ſa Maiſon & des Seigneurs de fa Cour ,
&arriva ici vers les cinq heures.
Une falve de l'Artillerie de la Ville , établie à
la place de Louis XV & des canons des Invalides,
annonça l'entrée du Roi dans cette Capitale. Sa
Majefté entra dans Paris accompagnée des Gardes-
du -Corps & de leurs Officiers , dans les places
qui leur font marquées , précédée du Guet,
desGendarmes , des Chevaux-légers , de ſa Fauconnerie&
du Vol du Cabinet , commandé par
le Chevalierde Forget ; les régimens des Gardes-
françoiſes& Suiſſes , formoient unehaie , de
puis l'ancienne portede la Conférence , juſqu'à
Notre-Dame.
Le Roi qui avoit ordonné que les chevaux n'allaſſent
qu'au pas , pour donner à ſon Peuple le
tempsde le voir , arriva à fix heures moins. un
quart à l'Egliſe Métropolitaine ; Sa Majesté y
trouva le Parlement , la Chambre des Comptes &
la Cour des Aides; le Garde des Sceaux de France
( 85 )
yétoit, accompagnédes Conſeillers d'Etat&des
Maîtres des Requêtes. Ala porte de l'Eglife , Sa
Majesté fut reçue & complimentée par l'Archevêque
, accompagné de tout ſon Clergé , &y entra
au bruit des Trompettes& des Hautbois de la
Chambre , précédée du Maître des Cérémonies ,
devant lequel marchoient le Roi & les Hérautsd'Armes.
Sa Majefté s'étant placée au milieu du
choeur ſur un prie- dieu , au-deſſus duquel étoit
un dais; & Monfieur , Mgr. Comte d'Artois , le
Duc de Chartres , le Prince de Condé , le Duc
de Bourbon , le Prince de Conti , le Duc de Penthièvre
, le Cardinal de Rohan , les Officiers de
la Couronne , les principaux Officiers de Sa Ma-
Joſté , & les Seigneurs de la Cour ayant place auprès
d'Elle , ainſi que le Clergé , les Cours Souveraines
& le Corps-de-Ville en robes de cérémonie
, on chanta un Te Deum en muſique au
bruit d'une ſalve générale des canons de la Baftille
, des Invalides , de l'Arſena! & de la Ville.
Après le Te Deum , le Roi fut reconduit à la
porte de l'Egliſe avec les cérémonies qui avoient
été obſervées à ſon entrée. Sa Majesté érant remontée
dans ſon caroſſe au bruit des acclamations
publiques & des cris répétés de vive le Roi ,
trouva dans ſa route toutes les maiſons illuminées
, & fit jetter de l'argent au Peuple comme
Elle avoit fait à fon arrivée.
Le Corps-de-Ville revenu à l'Hôtel-de-Ville
avec le Gouverneur , fit tirer à huit heures &un
quart le feu d'artifice qu'il avoit fait préparer
L'illumination fut généraledans laVille ; les boutiques
avoient été fermées pendant le jour , &
on ouvrit des buffets & des orchefſtres qu'on
avoit établis au nombre de 15 dans différens endroits.
L'un des derniers Couriers de Londres ,
( 86 )
nous a un peu tranquilité ſur M. le Comte
d'Adhemar , notre Ambaſſadeur à la Cour
d'Angleterre , qui le 20 du mois dernier
ſe trouva mal ſubitement au Palais St.
James , & qui reſſentit une attaque de
paralyfie. S. E. a recouvré aſſez de forces
pour avoir pû écrire ,& l'on efpere fon rétabliſſement
prochain.
Toutes les nouvellesde pluſieurs contrées
voiſines du Royaume & de quelques Provinces
, s'accordent ſur la prodigieuſe abondance
de neige , tombée dans le commencement
de Mars. Une let're de Mirbeau en
Poitou , nous apprend en ces termes les
ravages occaſionnés par cette chûte de neiges
fi fubite.
Samedi douze de Mars , & dans la nuit du
Dimanche , il tomba aux environs de Mirbeau
en Poitou , une ſi grande quantité de neige ,
qu'elle a été en pluffeurs endroits de huit, douze
&quinze pieds. La Paroiſſe de Cubon , ſituée dans
une vaſte plaine , a le plus fouffert . Elie y a été
fi abondante , qu'elle a arrêté le cours d'une petite
riviere appellée la Dive , & qui prend ſa ſource
dans cette Paroiffe. Le cours que la riviere a pris
à quelque diſtance de ſon lit ordinaire , a occafionné
les plus grands dommages aux bleds ,
qu'elle a déracinés , emporté les engrais d'une
vaſte prairie , en a couvert une partie de terre ,
a mis les moulins dans l'impoffibilité de rouler
pendant quatre jours , & a enfin jetté la conſternation
parmi les habitans . M. Chaveneau , Curé
de la Paroiffe, immédiatement après la derniere
Mefle , engagea ſes paroiffiens à travailler avec
lui à faire rentrer la riviere en partie dans for
lit ordinaire , & à fournir à l'autre partieun dé
( 87 )
bouché , pour éviter de nouveaux dégâts. Plus
de trois cens perſonnes ont travaillé ſans relâche
pendant trois jours à cette pénible entrepriſe.
L'allarme commence à ſe diſſiper , & les moulins
commencent à travailler d'aujourd'hui.
Nous avons dit plus d'une fois que nous
n'admettions à l'article de Paris que des
Lettres ou Annonces ſignées. Cette précaution
ne garantit pas des ſurpriſes , puifqu'on
ne rougit point de ſuppoſer des fignatures.
C'eſt un faux de ce genre que s'eſt
permis l'Auteur d'une Lettre inféree dans
l'un de nos précédens Nos , fur la meilleure
méthode d'attacher les chevaux, & fignée le
Chevalier de Marne , Lieutenant de Cavalerie.
Cet Officierjuſtementindigné, vient de réclamer
auprèsdenous contre cette ufurpation
de ſa ſignature , ufurpation qu'il nous étoit
d'autant moins facile de prévoir , qu'it l'eft
peu de deviner le but de cette impofture.
Quoi qu'il en ſoit, voici une réponte intéreſſante
à la queſtion propoſée dans cette
Lettre; Réponſe adreſſée au prétendu Chevalier
de Marne .
J'ai ſouvent remarqué comme vous , Monfieur ,
que l'uſage du licol , tel qu'il ſoit , n'étoit pas
fuffifant pour contenir certains chevaux ; j'en ai
vu même qui , ſoit par adreſſe , méchanceté ou
vigueur , s'étant échappés malgré la vigilance
des gardes d'écurie , avoient fair enfuite beaucoup
de déſordre. Et ſans toutefois attaquer
Puſage qui ſe pratique enFrance & dans toute
l'Europe , d'attacher les chevaux par la tête ,
jajouterai avoir remarqué pendant tout le temps
que j'ai ſervi dans l'Inde , où les chevaux ne font
( 88 )
point attachés avec des licols , qu'aucun neparvenoit
à s'échapper comme ici. La cavalerie du
Nabad Typoo Saïb eſt cependant la plus hargneuſe
&la plus ruante cavalerie ; d'ailleurs vous ſavez
peut être auffi bien que moi, que les Musulmans
Indiens & les Marattes ne font point difficulté
de mettre au piquet , & de monter indiſtinctement
les chevaux entiers à côté des jumens , &
qu'il tient aux préjugés de cette nation de ne
point faire la guerre fur des chevaux hongres.
J'ai cru devoir vous citer par la voie du Journal ,
les moyens que j'ai vu employer dans l'Inde pour
contenir au piquet, malgré tous leurs efforts ,
des chevaux entiers ardens & fougueux à côté
desjuments , auxquelles le climat affatique donne
en tout temps l'humeur fort agaçante.
>> L'on enfonce en terre , en avant du cheval
>> que l'on veut attacher , un petit piquet de
>> tente , auquel tient une longe de corde d'en-
>viron deux ou trois pieds de long; au bout
>de cette longe eſt une entrave de cuir , la-
>> quelle , par le moyen d'une boucle ou d'un
>> lien quelconque , embraſſe au cheval le patu-
> ron d'un pied de devant.
>> Chaque pied de derriere eſt tenn auſſi à
l'endroit du paturon , par une ſemblable en-
>>trave , au bout de laquelle eſt une longe ,
dont la longueur doit être proportionnée au
>> terrein; les deux longes des pieds de derriere
>> ſe réuniffent en une ſeule , pour être attachées
>> à un ſeul & même piquet , derriere le che-
>> val ».
Quelques cavaliers Maures ſont dans l'uſage
d'empêcher leurs chevaux de ſe coucher , en tenant
la longe de devant & les deux de derriere
fort tendues. Mais , ſi l'on a attention que les
longes ne foient pas tendues à un certain point ,
le cheval aura toujours la facilité de ſe coucher
( 89 )
&ſe relever alternativement tant qu'il voudra.
Les Indiens nous prouvent que ce moyen peut
s'employer avec le même ſuccès dans nos écuries
, puiſqu'eux mêmes n'en employent pas
d'autre pour attacher leurs chevaux ſous les pandales
ou hangards qu'ils conſtruifent pour les
mettre à couvert pendant la ſaiſon des pluies.
Lesdétails de cavalerie dont je me fuis occupé
dans ce pays- là , m'ont mis à portée de convenir
qu'indépendamment d'une infinité d'accidens que
l'on a l'avantage de prévenir en attachant les
chevaux de certe maniere , il en réſulte encore
qu'ils n'ont jamais la tête ni écorchée ni dégarnie
de poil , comme il arrive ſouvent par le frottement
du licol; ce qui rend un cheval défectueux
& ſouvent difficile à brider , & même à
approcher , à cauſe de la ſenſibilité qu'il éprouve.
J'ai vu auffi employer ce même moyen avec
ſuccès à notre armée & à celle des Anglois , dans
l'Inde; cependant je ne me perniers pas de le
propofer généralement en France; mais ne voyant
que du bien à en faire uſage pour certains chevaux
, tels que celui qui a cauſe la perte du
vôtre , j'ajoute au détail que je viens de vous
faire de la maniere fûre dont les Indiensattachent
leurs chevaux , que , ſi vous êtes curieux d'en faire
l'épreuve , je me chargerai avec grand plaifir
de vous faire parvenir , par- tout où vous m'indiquerez
, une garnitute d'entraves ſemblables à
celles de l'Inde , dont j'ai rapporté un modele.
Autant j'ai de plaifir à ſaiſir l'occafion de faire
la méme offre à toutes les perſonnes qui voudront
de cette maniere prévenir les fréquens
accidens qui arrivent , autant j'ai de regret de
n'avoir pas été en meſure de prévenir le võire.
AUBINEAU DUPLESSIS , Capitaine deCavalerie ,
A.de-Major réformé du Corps Indien attaché
) وه (
au Régiment de Lamarck , hôtel Franklin';
rue des Saints- Petes , à Paris .
Les Numéros fortis au Tirage de la
Lorerie Royale de France , le i de ce
mois , font : 10 , 19 , 18 , 23 , & 85 .
PROVINCES - UNIES.
LA HAYE , le 3 Avril.
L'affaire d'Utrecht occupe toujours les
eſprits de la Province , & toute la République.
Juſqu'ici l'intervention des Etats n'a
abouti qu'à des délibérations ; les 19 Magiftrats
, formant la pluralité du Confeil
qui ont donné leur démiſſions , font follicités
de reprendre leurs places : on eſt encore
incertain fur leur réſolution , ainſi que
fur le parti que prendra la Régence de foutenir
ſes droits ou de les abandonner. Ces
droits repoſoient fur un contrat fait au dernier
fiecle entre les cinq Egliſes , la Ville &
les Stathouders ; & comme le contrat a été
violé à l'égard du Stathouder actuel , on
ne voit pas trop pourquoi le peuple feroit
tenu de le reſpecter. Au reſte , il n'eſt pas
un Citoyen honnête , pas un eſprit juſte ,
pas un Politique tant ſoit peu clairvoyant
qui n'ait prévu cette conféquence des troubles
actuels , qui ne tarderont pas à être à
leur dernier période. Le tort de M. Sigterman
, Conſeiller élu & rejetté eſt des
plus graves ; modéré , raiſonnable & ferme
( نوہ (
dans ſa modération , il n'a voulu ſe prêter
à aucun excès : fon fort eſt celui de tous
les Citoyens vertueux qui n'ont pas la lacheté
d'être les eſclaves des factions & de
ſervir d'inſtrumens à leur fureur.
On pourra juger du ſtyle & des principes
des Infurgens d'Utrecht par le difcours
de leur Député dans l'Aſſemblée du
Conſeil. Il dit :
« Que c'étoit préſentement la criſe des affaires :
>> qu'il falloit qu'il ſe décidat actuellement ſi la
>> voix du peuple ſeroit écoutée,&s'ils réuſſiroient
כל
dans leurs demandes raiſonnables , ou bien s'ils
>> ſeroient rebutés , auquel cas non-ſeulement la
>> Ville & la Province , mais même toute la Ré-
>> publique s'en reſſentiroient. Que la Bourgeoifieétoit
en agitation ,&avoit obligé les Con-
>> ſtitués à continuer leur aſſemblée de ce jour
>> depuis huit heures le matin juſques au moment
> où il parloit; qu'ils vouloient abſolument la
>> déciſion de l'affaire de M. Sigterman ; que les
>>> avenues de la Maiſon - de - Ville étoient fer-
» mécs de tous les côtés par une grande affluence
> de monde , qui , quoique non armés ne souffri-
>> roient point que le Conſeil quittat la Maiſon-
>> de-Ville à moins que l'on n'eût renoncé à l'é-
>> lection de M. Sigterman , ou bien qu'on l'eût
>> finalement inſtallé ; que dans le dernier cas ,
» eux Conſtitués ne vouloient point être reſpon-
>> fables des triſtes ſuites qu'entraîneroit une
/ telle conclufion ,& qu'ils prioient que le Con-
> ſeil communiquât immédiatement fa Réſolu-
>> tion au peuple , & non aux Conſtitués , d'au-
>> tant qu'ils le refuſoient , & ne vouloient plus
>> dorénavant paroître comme médiateurs; que le
>> peuple déclaroit que ſes yeux étoient ouverts ,
( 92 )
• &qu'il ſçauroit faire valolr ſes droits&les ſoutenir
, non comme ceux de l'année 1784, mais
comme il convient en 1785 .
M. le Comte de Maillebois eut le zi
une audience du Stathouder & de la Princeffe
, & le 22 , il prêta ferment aux Etats
Généraux , en qualité de Général d'Infanterie.
On parle de lui donner 60,000 florins
pour ſes frais de voyage , 20,000 florins
pour fon établiſſement & 60,000 florins
d'appointemens annuels.
LeChevalier Harris , Ambaſſadeur d'Angletterre
, que les Gazettes envoyoient à
Londres pour de grandes raiſons politiques
y fait un court voyage , occaſionné par la
mort de ſa belle mere , &il ne tardera
pas à être de retour de la Haye.
Sur la demande de l'Ambaladeur Impérial
auprès de la Cour de France , les
Etats Généraux ont acquiefcé à l'évacuation
des eaux falées qui inondent les polders
Autrichiens , pourvu qu'on y ſubſt.tute des
eaux douces , ou qu'on garantiſſe la Ré
publique contre toute attaque de ce côté là.
Un Courier de Berlin a apporté ici , à
ce qu'on rapporte , une explication de S. M.
P. au ſujet de ce qu'on l'a faite intervenir
très indifcrettement dans l'accufation d'un
complot contre Maſtricht. Le Roi de Pruſſe
à ce qu'on dit , nie d'avoir jamais rien dit
de poſitif à cet égard au Rhingrave de
Salm , qui lui-même ſoutient n'avoir parlé
de certe affaire qu'à des amis , ſans doute
( 93 )
peu difcrets. On attend avec empreſſement
l'iſſue de cette nouvelle ſcène qui ne fera
pas le dernier fruit de l'échauffement exceffif
où se trouvent les eſprits.
PAYS-BAS.
DE BRUXELLES , le 6 Avril.
Le bois & le charbon de terre ayant
manqué à Cologne où le froid ſe prolonge
comme ailleurs ,le peuple a beaucoup foutfert
de cette diſette. Pour la foulager , des
Patriotes bienfaiſans ont fait vendre au prix
de 30 fols , la meſure qui leur en avoit couté
12. On efpere être bientôt délivré des ſecours
de ces charitables amis de l'humanité,
Une lettre de Prague du 19 du mois
dernier rapporte le trait ſuivant.
Il vient de ſe paſſer une ſcene affreuſe dans
la forêt de Gaſcheovitz diſtrict du Piſeck . Quatre
bouchers étoient en chemin pour aller acheter
du bétail , chacun avoit autour du corps un
ceinturon rempli d'argent. Comme le temps
étoit clair , ils ſe hazarderent à marcher une
partie de la nuit. Lorsqu'ils traverſoient le bois ,
ils fûrent tous aſſaillis par ſept voleurs , qui
après les avoir percés de mille coups , s'emparerent
de leur argent , & rentrerent dans l'epail
ſeur du bois. Trois de ces infortunés étoient
morts; mais le quatrieme au bout de quelque
temps revint à lui , & ſe traina avec beaucoup
de peine juſqu'au village prochain. Un paylan
êveillé par ſon chien qui aboyoit , lui demande
ce qu'il veut ; le bleſſé trouve encore affez de
( 94 )
f
voix pour lui conter fon malheur. Auffitôt le
payſan répand l'allarme dans tout le village.
Plus de 70 hommes ſe raffemblent , & armés
de fourches & de pieux , ils ſe portent ſur l'heure
même vers la forêt. Ils forment au tour du bois
un cercle qui décroît à meſure qu'ils s'approchent
du centre; les voleurs s'y étoient juſtement
raffemblés près d'un feu qu'ils avoient
allumé , & partageoient déjà l'argent qu'ils ve.
noient de voler. Auſſitôt qu'ils apperçurent les
payſans , ils ſe leverent , & ſe mirent en défenſe.
Mais voyant que la réſiſtance étoit inutile , ils
eurent recours à la ruſe ; & commencerent à
jetter à pleines mains l'argent des ceinturons à
la tête des payſans , croyant exciter par là leur
cupidité & s'échaper par ce moyen. Mais les
braves campagnards ne donnerent point dans
le panneau , & ſe précipiterent avec impétuoſité
fur ces brigands. Alors il ſe livra un grand
combat , où il y eut du ſang répandu ; mais
enfin les payſans fûrent vainqueurs , ſe ſaiſirent
des ſcélérats qu'ils garoterent avec des cordes ,
&les conduifirent à la juſtice de Piſecke, après
avoir ramaſſé l'argent répandu ça & là ſur la
neige.
GAZETTE ABRÉGÉE DES TRIBUNAUX ( 1 ) .
PARLEMENT DE PARIS , GRAND CHAMBRE.
Appel comme d'abus du mariage de la dame Cottin
par les enfans du premier lit duſieur Cottin.
La dame Cottin ayant perdu ſon mari , après
(1) On ſouſerit pour l'Ouvrage entier , dont l'abonnement
eſt de is liv. par an, chez M. Mars , Avocat, rue
&Hôtel de Serpente,
( 95 )
-
environ 25 ans de mariage , s'eſt vu forcée par
des refus auxquels elle ne devoit pas s'attendre ,
d'actionner ſes enfans du premier lit pour avoir ſa
dot & les avantages matrimoniaux , & erre autoriſée
à reprendre ce qui lui appartenoit perſonnellement
dans la ſucceſſion de ſon mari . Les
enfans , pourſe ſouſtraire à tes demandes , imaginerent
de conteſter la validité de ſon mariage , &
de lui oppoſer pour moyen que la célébration
avoit été faite à Palaiseau , où , ni elle , ni leur pere
n'avoient de domicile . Ils prétendirent que
leur pere ayant conſenti à donner à une niece de
la dame Cottin 30,000 liv . pour ſon établiſſement,
en déduction de la dot de 50,000 liv . qu'il avoit
reçue , leur belle- mere ne pouvoit pas réclamer
les 20,000 liv. reſtant , parce que cette ſomme
devoit être compensée avec les intérêts des
30,000 liv . qu'il avoit ceffé de toucherdepuis le
mariage de la niece de la dame Cottin , c'est- àdire
, depuis 1765. Ils ſoutinrent auffi que la
dame Cottin n'étoit pas autoriſée à réclamer les
ſommes que le ſieur Cottin avoit reçues , provenantes
des revenus d'une Terre appartenante à la
dame Cottin ,séparée de biens. Enfin , ils répétoient
contre leur belle- mere plus de 120 mille liv. pour
des prétendues améliorations & réparations qu'ils
diſoient avoir été faites par leur pere , & de ſes
deniers , dans une des Terres de la dame Cottin .
Il parcît que ſes adverſaires , oubliant qu'elle
avoit été l'épouſe de leur pere , qu'elle leur avoir -
donné les ſoins d'une véritable mere , s'étoient
permis de l'outrager dans ſon exiſtence honorable.
La dame Cottin leur répliqua , quant à la
validité de ſon mariage , par des actes émanés
d'eux , dans lesquels ils l'avoient reconnue pour
l'épouſe légitime du fieur Cottin , & par leurs propres
extraits de mariage , qui conſtatoient qu'eux(
96 )
H
!
1
memes avoient été mariés à Palaiseau , & que leur
peren'avoit pas d'autre domicile que celui ſur lequel
ils fondoient leur appel commed'abus.
Al'égard de ſa demande en reſtitution de dot,
ladameCottin leur oppoſa ſon contrat de mariage
&leconfentement volontaire de leur pere , qui ,
de ſon chef, avoit bien voulu ſe priver du revenu
de 30,000 liv. pour favoriſer l'établiſſementd'une
niece qu'il cheriſſoit . - Pour ce qui concerne
les ſommes que le ſieur Cottin avoit reçues , elle
produiſoit des quittances qui conſtatoient que ces
tommes provenoient des revenus d'une Terre qui
n'appartenoit qu'à elle. - Elle écarroit leur
demande en reſtitution de 121 mille ), employées,
ſuivant eux , en réparations & améliorations , en
démontrantque tous les changemens & augmentations
de bâtimens qu'il avoit plu au fieur Cottin
de faire dans une Terre qu'il habitoit , loin d'en
avoir accru la valeur , n'en avoient qu'augmenté
-les charges& l'entretien.-Par Arrêt du 31 Août
1784 , les enfans Cottin ont été déclarés non- recevablesdans
leur appel comme d'abus , condamnés
àtenir compte à la dame Cottin des avantages
portés dans ſon contrat de mariage , à lui rendre
les 20,000 liv. qui lui reſtoient dûes de ſa dot , à
lui rembourſer les ſommes que leur pere avoit
touchées , provenantes des revenus de la Terre de
laBellangerie , déboutés de leur demande en reftitution
des prétendues améliorations faites au
Château de la Bellangerie , & condamnés aux fept
huitiemes des dépens . Tous les termes injurieux
ont été fupprimés. -Les enfans Cottin ſe ſont
pourvus au Conſeil contre cet Arrêt , & leur
Requête a été rejettée; ainſi a été terminée cene
affaire qui intéreſſe le repos & l'exiftence de plufieurs
familles du Royaume.
5
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 16 AVRIL 1785.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
VERS
Sur la Naiſſance de Monseigneur le DucDE
J
۱
NORMANDIE .
UPITER eut pour fils&Mars&Cupidon :
Il eut l'un de Vénus & l'autre de Junon,
Antoinette& Louis ont fait plus ſur la terre
Que dans les cieux le Dieu qui lance le tonnerre ;
Car ils donnent eux ſeuls aux bienheureux François,
UnDauphin , Charles & la Paix .
( Par M. de Varenne, au College de Lisieux.
Nº. 16 , 16 Avril 1785. E
98 MERCURE
AUX CANONS DE LA VILLE.
DuU ſentiment& du plaifir
Organes bienfaiſans , j'aime votre exiſtence.
La fureur des combats ne vient point vous faifir.
Vos frères ont plus d'importance ;
Mais leur ſuccès s'apprend-t'il ſans frémir ?
Sous leurs coups on entend gémir;
Les pleurs de la douleur coulent en abondance ,
Et vous ne nous offrez que des biens à ſentir.
Le Peuple autour de vous boit , mange , chante &
danſe :
De ſes yeux ſi l'on voit quelques larmes ſortir ,
Ce ſontdes pleurs de joie ou de reconnoiſſance :
Toujours d'accord avec notre defir ,
Fêter la Saint-Louis , une heureuſe naiſſance ,
Eſt l'emploi de votre loiſir .
Ces foudres de la guerre , en rompant le filence,
Avertiſſent qu'il faut mourir.
Avec leurs feux la mort s'élance ,
Ardente , & prompte à parcourir ,
Pour atteindre ſa proie , un intervalle immenfe.
A l'Amour plus qu'à Mars , heureux d'appartenir ,
Dès que vous frappez l'air , le plus beau jour commence
;
On s'éveille pour vous bénir.
C'eſt , en un mot , la différence
DE
99
FRANCE.
4
D'un tyran détesté qui feroit tout périr ,
A notre aimable Roi , le bonheur de la France ,
Etqu'elle ſait ſi bien chérir.
( Par M. le Marquis de Fulvy. )
IMPROMPTU fait enſoupant chez M. D***,
le 27 Mars , jour de Pâques..
QUEL fon dans les airs s'élance !
Écoutons bien ...... C'eſt le bruit du canon ;
Il annonce un nouveau Bourbon ,
C'eſt annoncer la Bienfaiſance.
(Par M. Mayeur de Saint-Paul. )
IMPROMPTU DES HALLES.
AIR : De tous les Capucins du Monde.
EN accolant ta Catherine ,
Viens- lui payer double chopine.
Audiable foit ton air grognon !
Eh ! y allons gai , mon ami Jacques :
La Reine , avec un biau garçon ,
Nous a donné nos oeufs de Pâques.
( Par M. D. L. P. )
*
Eij
130 MERCURE
AMme la Comteffe DE GEN LIS, par
les Enfans qui ont repréſentéſa Comédie
des Flacons.,
O! LA meilleure des Mamans ,
Qui par- tout avez des enfans ;
Enfans à vous par droit de bienfaiſance ,
Enfans à vous par la reconnoiſſance !
Si vous réuniſſez tant de rares talens ,
Tant de ſageſſe & d'élégance ,
Tant de charmes & de décence ,
Tantde mérite & d'agrémens ,
Tant de fraîcheur & de prudence ;
Si l'on retrouve en vous & Minerve & Vénus ,
Et les Grâces & les Vertus ,
Nous en devinons hien la cauſe :
Quand vous étiez encore enfant ,
La Nature vous fit préfent
De fon flacon couleur de roſe ,
La Raiſon , de ſon flacon blanc,
(AMontbart , du Palais de la Vérité. )
LE PROVERBE APPLIQUÉ
UN Curé viſitoit ſouvent
Une Philofophe mondaine,
DE FRANCE. ΙΟΙ
Et lui diſoit ſévèrement :
Devenez donc bonne Chrétienne.
Le Paſteur fut enfin congédié ,
Et ne parut plus chez la Dame.
Depuis trente ans il étoit oublié
Lorſqu'on le rappela pour recevoir ſon âme.
Hélas ! moncher Paſteur , ayez de moi pitié ,
Je ſuis toujours de la Paroiſſe ,
Sur le chemin de l'amitié
Il nefaut pas que l'herbe croiſſe.
Elle a bien crû depuis trente ans ,
Lui dit le Prêtre avec franchiſe ;
Et grâce à tous vos mécréans ,
Elle paſſe déjà le ſommet de l'égliſe.
(ParM. de Beaufleury , de l'Académie desArcades
deRome& du Musée de Paris. )
Explication de la Charade, de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercure précédent.
Le mot de la Charade eſt Courage ; celui
de l'Enigme eſt Cloche; celui du Logogryphe
eſt Perronet , où l'on trouve or trop
terre , port , pré , Po , Pétrone , père, ère
Poëte,pont.
د
Eiij
102 MERCURE
CHARADE.
MON
on premier , bien ſouvent flatte la vanité,
Beaucoup plus qu'il ne ſert à la commodité ;
Mon ſecond plaît toujours , ou fimple ou magnifique ;
Quant à montout , Lecteur , qui s'y frotte s'y pique.
(Par un vieux Caporal du Régiment dela Fère. )
ENIGME.
DANS ma courſe brillante
Je creuſe mon tombeau ;
Le grand air m'épouvante,
Et j'appréhende l'eau .
Le ſoir je ſuis d'uſage
Chez les Rois , chez les Grands;
Je naquis au village.
Je finis , tu m'entends.
( Par Mile Brunet la cadette ,
de Fontenay- le-Comte. )
DE FRANCE. 103
LOGOGRYPH Ε.
SANS
Ans parler de mon origine ,
Qui n'eſt françoiſe ni latine ,
Pour te tirer d'embarras ,
Ami Lecteur , tu ſauras
Qu'à tes yeux ſouvent l'on m'expoſe.
Bon , mauvais , qu'importe la choſe ,
J'occupeun moment ton loiſir !
Voudrois - tu me définir ?
Je ſuis de plaiſante eſpèce :
On me tronque , on me dépèce
Sans aucun ménagement ;
Mais un fait plus étonnant ,
C'eſt que cette barbarie
Doit enfin me donner la vie.
Me ſuis-je affez dévoilé ?
Faudra-t'il auffi t'apprendre
Que je marche avec dix pieds ? .....
Si tu n'as pu me comprendre ,
Avec ſoin décompoſe-moi ! ....
Je recelle en maint endroit
Des Franc - Maçons le vain myſtère ;
Et ſans changer mon caractère ,
Je coûte cher à l'Opéra ;
Joins fi tu veux à cela
1
Eiv
104
MERCURE
Un inſtrument de muſique ,
D'uſage & d'origine antique ;
Je nourris auffi quelquefois
Le miſérable Villageois ;
Par une marche meſurée ,
Du temps je règle la durée ;
Je contiens encore un métal
Rare , précieux & fatal ;
Si l'on me donne une forme nouvelle,
Je vais occuper la ſequelle
Des Coquettes & des Acteurs ,
Des Notaires & Procureurs ;
Suivant la diverſe occurrence ,
Je rendsun corps plus ou moins denſe.
Enfin , Lecteur , je vais finir ;
Quoique je puſſe encor long-temps t'entretenir.
(Par M. le Chevalier de Breuvery ,
Officier de Blaifois. )
*
DE FRANCE.
105
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
L'ILIADE D'HOMÈRE , traduite en vers
François , avec des Remarques à la fin de
chaque Chant , & ornée de gravures , par
M. Dobremès . 3 vol. in-8°. Prix , 12 liv.
brochés. A Paris , de l'Imprimerie du
Cabinet du Roi , & ſe trouve chez la
Veuve Ducheſne , rue Saint Jacques ;
Berton', rue S. Victor ; Froullé , quai
des Auguſtins ; Nyon le jeune , place des
Quatre-Nations ; Onfroy , quai des Auguſtins
; Jombert le jeune , rue Dauphine.
>
ON prétend que Racine & Boileau avoient
projeté de traduire l'Iliade; & quels hommes
en étoient plus capables ? Pourquoi
néanmoins n'osèrent-ils l'entreprendre ? C'eſt
qu'ils ſentirent combien cette tâche étoit
longue & pénible; c'eſt qu'ils désespérèrent
de rendre à la fois la force , la chaleur ,
& la fimplicité d'Homère, ſimplicité qui
tient beaucoup à celle des moeurs qu'il avoit
à peindre, & qu'il eſt bien difficile de faire
goûter à des Lecteurs François. Homère eft
le premier des Poëtes ; mais les Héros du
temps paffé & les nôtres font bien différens:
ni leur vie , ni leurs coutumes , ni
leur manière de combatte, ne ſe reſſemblent
1
Ev
106 T MERCURE
en aucune forte. Autrefois la Grèce ne ſe
ſcandaliſoit point de voir comparer de
vaillans hommes à un âne au milieu d'un
blé verd , ou à une mouche dans une cuifine
. M. Dobremès penſe que le goût, dans
ce cas , permet de paraphrafer de la manière
ſuivante : il ſe trompe. Dans toutes
les Langues , ou mortes ou vivantes , ſoit
que l'on invente , ſoit que l'on traduiſe ,
le goût condamnera les vers ci-après :
Comme on voit eet objet de nos mépris injuftes ,
Cet esclave de l'homme aux accens ſi robustes ,
Ce quadrupède utile , obſtiné , pareſſeux ,
Compagnon dédaigné de nos courſiersfougueux
Que l'avare Cybèle , en des bords aquatiques ,
Nourrit de roſeaux verds & de chardons ruſtiques.
Ces deux vers ne ſont pas dans Homère ,
mais du moins ils ne ſont ni un horsd'oeuvre
, ni un contre-ſens à l'idée principale
, & de plus ils ſont poétiques. Continuons
:
Pénétrertout-à-coup pour vengerſes affronts ,
Dans les épis dorés des flottantes moiſſons ,
Remplirfes vaftes flancs d'un froment falutaire ,
Etfouler àsespieds les trésors de la terre ;
;
Vainement ſur ſon dos une troupe d'enfans
Fait mugirles bâtons ou les fouets réfonnans :
Toujours ferme , tranquille au milieu de l'orage ,
Il dévaſte à ſon gré ce fertile héritage,
DE FRANCE. 107
Etne ſemble quitter cesfucculens côteaux ,
Que par le feul beſoin du pur cryſtal des eaux.
La comparaiſon d'Homère ne peut paffer
que par ſon extrêmejuſteſſe. La voici : " Aihfi
» qu'un onagre opiniâtre , entré dans un
>>champ fertile, fait parmi les blés verds
» un degât affreux , malgré les coups mul-
>> tip'iés dont l'accable une troupe d'en-
ود
ود
ود
fans armés de bâtons ; il mépriſe leur
foibleffe , & ne fort que lorſqu'il eſt
raffafié. Ainſi ſe retire Ajax , malgré les
» javelots des Troyens & de leurs Alliés. »
Cette verſion fidelle ſuffit pour faire deviner
le mérite de l'original , & pour faire
appercevoir tout ce que M. Dobremès y
amis de défectueux & au moins d'inutile.
Je ne parle pas des fautes nombreuſes du
ſtyle.
Ce n'eſt pas que M. Dobremès ne paroiſſe
ſentir vivement le génie d'Homère ;
on retrouve dans ſon imitation la force
& la chaleur du Poëte Grec, mais trop
ſouvent aux dépens du naturel & de l'élégance
, deux qualités ſans leſquelles il ne
faut pas eſſayer de traduire les Anciens ,
* & fur-tout l'Iliade. Homère, en s'élevant ,
ne fort point de la ſimplicité , & cette finplicité
eſt encore plus fon caractère que
l'élévation. C'eſt un Géant qui marche à
grands pas , mais naturellement . Son génie
ſe meſure à la hauteur des objets les plus
fublimes , & ſe trouve, pour ainſi dire, d'une
E vj
108 MERCURE
t
:
1
1
grandeur proportionnée pour y atteindre
ſans jamais ſe hauffer.
Le premier livre de l'Iliade eſt un des
plus beaux de ce Poëme. Il s'ouvre par une
ſcène auſſi ſimple , auſſi naturelle , qu'elle
eſt grande & impoſante. L'ouverture de la
mort de Pompée , ſi admirée par Voltaire ,
n'eſt pas aufli belle ; celle de l'Iliade eſt
aufſi noble , auſſi dramatique , & a bien
plus de mouvement . * Jamais , depuis Ho-
» mère , obſerve un Critique , on n'a vu
ود
*
د
de Poëte affez fort , affez ſûr de ſes for-
» ces , pour ouvrir un Poëme épique par
>> un tableau auſſi frappant , auſſi varié
auſſi plein de mouvemens dramatiques .
C'eſt le chef-d'oeuvre de l'épopée.... Vous
» entrez rapidement dans le ſujet : ce n'eſt
» pas le Poëte , ce ſont les paſſions qui vous
>> y introduiſent. La terre & l'Olympe font
K
ود
ور
d'abord en mouvement : déjà le mer-
>> veilleux & l'héroïque s'uniſſent; déjà le
» dramatique ſe mêle avec chaleur aux
>> deſcriptions. Quelle ſimplicité ! quelle
>> majeſte ! quelle variété ! quelle rapidité !
>> Toute l'économie de l'épopée s'annonce,
» ſe développe preſque en quarante - huit
» vers. Ils reſteroient ſeuls de tout l'ou
>> vrage d'Homère , qu'un vrai connoiffeur
ود
ود ydécouvriroit encore le plus grand de
>> tous les Poëtes épiques. »
* M. Clément, très - juſte appréciateur des Anciens ,
&très - injuſte détracteur des Écrivains vivans.
DE FRANCE.
109
1
1
Comme notre objet doit être ici moins
de critiquer M. Dobremès , que de mettre
à portée d'apprécier au juſte ſon travail ,
nous nous contenterons d'oppoſer à ſa traduction
celle deM. de Rochefort , déjà jugée
depuis long-tems,&l'eſquiſſe que nous avons
publiée nous-même , il y a quelques années ,
des deux cent premiers vers de l'Iliade . Ce
parallèle peut être agréable , & nous laiffe .
rons tout entier aux Lecteurs le plaiſir de
décider & de juger par eux-mêmes.
Déeſſe, célébrez la colère d'Achille ;
Chantez cette colère en malheurs ſi fertile ,
Qui , plongeant aux enfers tant de jeunes Héros ,
Prolongea les affronts &de Sparte &d'Argos.
Tel fut de Jupiter le décret immuable ,
Depuis qu'aux champs Troyensla diſcorde implacable
Eut marquéde ſon ſceau les fronts impérieux
D'Atride , Roi des Rois , d'Achille , enfant des Dieux.
Quel Dieu de ces mortels rompit l'intelligence ?
Apollon , ce fut vous : pour venger une offenſe ,
On vous vit de la haine empruntant le poiſon ,
Invoquer le trépas & la contagion ,
Livrer un peuple entier aux rigueurs de la Parque ,
Etpunir les ſujets des fautes du Monarque.
Voilà la façon de M. Dobremès; voici
celledeM.de Rochefort :
Déeſſe, inſpirez-moi : chantez , Muſe immortelle ,
La colère d'Achille & fa haine cruelle ,
110 MERCURE
Qui , verſant ſur les Grecs un déluge de maux ,
Envoya chez les morts tant de jeunes Héros ,
Dont les corps déchirés, laiſſés ſans ſépulture ,
Aux oiſeaux dévorans ſervirent de pâture.
Ainfi , de Jupiter le décret s'accomplit.
Depuis que la diſcorde & l'aveugle dépit
Eurent empoiſonné , par leur ſouffle homicide ,
L'impatient Achille & l'orgueilleux Atride
Quel Dieu mit tant de haine à leur coeur offenſé ?
Le fils de Jupiter , Apollon courroucé
Des indignes mépris qu'eſſuya fon Grand- Prêtre ,
Fit expier aux Grecs le crime de leur maître.
Les peuples gémiſſoient , & la contagion
Déployoit ſa fureur au camp d'Agamemnon.
Voici la nôtre , très - poſtérieure à la précédente
, mais très - antérieure à celle de M.
Dobremès.
Chante , fille du ciel , Achille & ſa colère :
Dis par combien de pleurs , de ſang & de misère ,
LesGrecs ont devant Troye expié ſon repos ;
Combien avant le temps périrent de Héros ,
Dont les reſtes épars , privés de ſépulture ,
Aux vautours de Phrygie ont ſervi de pâture ,
Dujour qui fut témoin des débats odieux
D'Atride , Roi des Rois , d'Achille , fils des Dieux.
Quel Dieu de ces Héros alluma la querelle ?
Apollon , ce fut toi . Ta vengeance cruelle
;
L
DE III FRANCE.
Puniſſoit les ſujets du crime de leur Roi.
Telle étoit du deſtin l'inévitable loi .
M. Dobremès.
Chrysès , du blond Phébus Pontife révéré ,
La Thiare à la main, baiſſant ſon front ſacré,
Préſentoit des tréſors & fupplioit la Grèce
De lui rendre ſa fille , appui de ſa vieilleſſe .
" Que les Dieux , diſoit- il , pour prix de ce bienfait ,
>> De l'injuſte Ilion puniſſent le forfait ;
» Retournez'en vainqueurs ſur vos heureux rivages. >>
Le Prêtre par ces mots eût gagné les ſuffrages ;
Mais Atride craignant la pitié des Héros :
« Vieillard, lui répond-t'il ,vas, fors de mes vaiſſeaux;
>> La Thiare du Dieu que dans Chryſe on encenſe ,
>> Ici net'offriroit qu'une foible défenfe.
• Ta fille, ſous Bellønne , a changé de deſtins ;
» Le fuſeau dans Argos occupera ſes mains.
» Toi , fi tu veux revoir ton temple & ta Patrie ,
>> Ne viens point de ſon maître irriter la furie.
M. de Rochefort.
Le Pontife Chrysès , accablé de triſteſſe ,
Pour racheter ſa fille , objet de ſa tendreſſe ,
Portoit aux vaiſſeaux Grecs un précieux trefox ,
Dans ſes tremblantes mains tenant ſon ſceptre d'or ,
Et la ſainte couronne à ſon Dieu conſacrée ,
Il imploroit les Grecs & les deux fils d'Atrée.
1
112 MERCURE
« Atrides , & vous Grecs , que les Dieux immortels ,
>> Détruiſant d'Ilion les remparts criminels ,
» Vous ramènent bientôt dans l'heureuſe Achaïe.
» Acceptez la rançon de ma fille chérie ;
>> Daignez la rendre aux voeux de mon coeur paternel,
>> Et révérez le Dieudont j'encenſe l'autel. >>
L'arméeavec tranſport applaudit ſa prière ;
Mais Atride s'irrite ; & d'une voix altière :
* Vas , fors de mes vaiſſeaux , téméraire vieillard,
>> Dit- il , & ne viens plus t'offrir à mon regard.
>> Le ſceptre de ton Dieu , ton ſacré diadême
>> Ne te ſauveroient pas de mon courroux extrême.
>> Ta fille a pour jamais perdu ſa liberté ,
>> Juſqu'au jour où le temps flétrira ſabeauté.
• Et loin de ſon pays , ou contente ou plaintive ,
» Je prétends dans Argos conduire ma captive.
>> Eſclave deſtinée àmes embraſſemens ,
>> Le travail & l'amour remplirent ſes momens.
>> Vas donc, délivre-moi d'un aſpect qui m'offenſe. >>
Troisième Verſion.
L'orgueil d'Agamemnon, par le plus dur outrage ,
Du Pontife Chrysès avoit inſulté l'âge ,
Lorſque le front couvert d'un bandeau révéré ,
Humiliant le ſceptre à ſon Dieu conſacré ,
Il vint , chargé de dons , vers les Chefs de la Grèce
Redemander ſa fille , appui de ſa vieilleſſe.
• Atride , diſoit- il , & vous , Grecs généreux ,
DE FRANCE.
113
> Puiffent les Immortels combler enfin vos voeux ;
> Puiffiez-vous , enrichis des dépouilles de Trøye ,
>> Au ſein de vos foyers retourner avec joie ;
>> Mais aux larmes d'un père accordez Chryféis ,
> Acceptez ſa rançon ; j'en apporte le prix ;
> Ou ſi mes dons , mes pleurs , vous trouvoient in-
," flexibles , :
>> CraignezleDieudeChryſe&ſes flèches terribles.
La douleur du Pontife & ſon auguſte aſpect ,
Attendriſſent les coeurs ſaiſis d'un ſaint reſpect;
Mais Atride aux refus ajoutant la menace:
a Vieillard , ſi tu ne veux payer cher ton audace,
» Fuis , & loin de mon camp précipite tes pas ;
>>>Le ſceptre d'Apollon ne te ſauveroit pas .
>>>Au lit de ſon vainqueur , eſclave deſtinée ,
> Attendant qu'aux fuſeaux l'âge l'ait condamnée ,
>> Ta fille , dans Argos , gémira loinde toi.
>> Fuis , ton or ni tes pleurs ne peuventrien ſurmoi.»
Ces citations ſont très-ſuffiſantes pour
faire apprécier la manière de traduire &
de verſifier de M. Dobremès. Nous ne ferons
aucunes obſervations. Il fait qu'en général
on lui a reproché d'avoir plutôt ſenti
les beautés d'Homère , que de les avoir rendues.
Des tours forcés , des expreſſions triviales,
des termes vagues , des métaphores
uſées& rebattues; enfin , pas affez de reſpect
pour la Langue & pour les règles de la
verſification: tels ſont les vices que l'on a
114 MERCURE
remarqués dans ſon ſtyle , & qui frapperont
ſi viſiblement tous ſes Lecteurs , qu'il ne
nous a pas été permis de les paſſer entièrement
ſous filence. Il penſe qu'il eſt permis
tour-à-tour d'abréger ou d'allonger fon original.
Nous voulons bien lui accorder ce
principe , qui pourroit, dans une autre ren
contre, être ſujet àdiſcuſſion. Mais quand
il s'agit d'Homère, ſoit que l'on imite , foit
que l'on traduiſe , il ſera toujours indiſpenſable
d'écrire en beaux vers . Ce n'eſt pas
que l'on n'en remarque beaucoup dans l'Ouvrage
de M. Dobremès. Les ſuivans prouvent
que s'il eût confulté des gens de goûr,
&que s'il ſe fût occupé davantage de l'art
du ſtyle , ſa traduction feroit beaucoup
moins défectueuſe. Neſtor exhorte Antiloque
fon fils à la courſe des chars, dans les jeux
funèbres en l'honneur de Patrocle.
Mon fils , lui dit Neſtor ,je ſais que Jupiter ,
Que Neptune fur-tout , dans les jeux de la Grèce ,
Aconduire les chars ont inſtruit ta jeuneſſe.
Il eſt peu de leçons qu'on puiſſe te donner ;
Tu ſaiſis bien la borne , & tu fais y tourner.
Mais tes chevaux ſont lents ; néjadis pour la gloire ,
Ce couple appeſanti peut manquer la victoire.
Corrige ce défaut en ſage conducteur ;
Triomphe par l'adreſſe & non par la vigueur.
C'eſt l'adreſſe quifait qu'un Charpentier habile
Au contour des vaiſſeaux plie un arbre indocile.
C'eſt l'adreſſe quifait qu'un Pilote éclairé ,
:
DE FRANCE. 121
1
;
notre cauſe eſt appuyée d'un grand nombre
de fuffrages , il eſt aſſez naturel que nous la
débattions. Tout ce qu'on peut exiger de
nous , c'eſt uune très grande bonne-foi , &
nous ofons y prétendre; nous ne diffimulerons
aucun des argumens de nos adverſaires ;
nous ne chercherons jamais à les affoiblir.
Il y a eu peu de nouveautés pendant cette
quinzaine , & ce n'eſt pas un reproche à
faire au Directeur de ce Concert. Il a ſuffiſamment
prouvé que ſon zèle n'épargne jamais
ni ſoins ni dépenses pour fatisfaire le
Public ; mais l'attention de ce même Public ,
abſorbée par la ſenſation que produiſoit
M. David , l'auroit rendu inſenſible à tout
ce qu'on lui auroit préſenté de nouveau dans
un autre genre. C'eût été riſquer une diverfion
déſagréable & nuiſible , même aux talens
qui ſe ſeroient trouvés en concurrence.
On a cependant diftingué parmi les compoſitions
nouvelles , une Ode de J. B. Roufſeau
, miſe en muſique par M. l'Abbé le
Sueur . Il falloit déjà beaucoup de talent pour
introduire de la variété dans un ſujet auſſi
monotone , pour plier aux formes muſicales
une verſification aufſi rétive; car il faut ofer
l'affirmer , rien n'eſt ſi peu lyrique que la
poéfie qui prenoit ce titre dans le ſiècle paffé.
M.l'Abbé le Sueur a vaincu ces obſtacles.Son
chant eſt agréable & plein d'expreffion ;
fon harmonie pure , & fon orcheſtre ſurtout
fort brillant. On voit qu'il s'eft nourri
Nº. 16 , 16 Avril 1785. F
122 MERCURE
d'excellens modèles. Il en avoir déjà donné
des preuves dans un Stabat , qu'il a fait
entendre l'année dernière à l'Égliſe des Innocens
, dont il eſt Maître de Muſique.
Pourroit- on lui reprocher de ne pas toujours
atteindre à la gravité de ſon ſujet , quand
on en eſt dédommagé par des formes plus
gracieuſes & plus intéreſſantes. Cet Ode
a eu en général beaucoup de ſuccès ; &
on paroît s'accorder à regarder M. l'Abbé le
Sueur comme l'un de nos jeunes Compofiteurs
dont on doit attendre le plus . On a
auſſi applaudi un Oratoire de Mlle Beaumeſnil
, déjà entendu à ce Concert , &
qu'une exécution beaucoup meilleure a laiſſe
juger avec plus d'avantage ; un Hyérodrame
de M. l'Abbé Lepreux , dans lequel on a
trouvé beaucoup de mérite , & le retour de
Tobie Oratoire de M. Chardiny , auquel
on n'a peut- être à reprocher que quelques
longueurs. Ce léger défaut , qui prouve
moins le manque de talent que le peu d'habitude
de ſe faire entendre , peut être ailément
corrigé ſi l'Auteur reçoit des encouragemens
, & cet eſſat nous a paru prouver
que M. Chardiny en mérite. Nous ne pafferons
pas fous filence une ſymphonie de M.
Janſon l'aîné , dans laquelle on trouve une
belle harmonie & beaucoup d'effers.
د
MM. Guérillot &Gervais ſur le violon ,
ont reçu les témoignages les plus flatteurs de
la bienveillance du Public. MM. le Brun ,
de Vienne , Sallentin , également en pofDE
FRANCE. 123
ſeſſion de lui plaire , ont acquis de nouveaux
droits à ſes applaudiſſemens dans
différentes ſymphonies concertantes de
MM. de Vienne & Bréval , où le mérite de
la compoſition ſe trouvoit réuni à celui
de la manière la plus ſéduiſante. Nous
nous contenterions de répéter à M. Duport
les éloges qu'il a tant de fois mérités
, ſi dans le Concerto qu'il a joué le
jour du Vendredi-Saint , il n'avoit encore
paru ſupérieur à lui-même, à moins que
la perfection de fon jeu ne faffe toujours
naître ce ſentiment de l'exécution la
dernière fois qu'on l'entend. Un éloge peutêtre
plus flatteur pour lui , & non moins
mérité , eft celui que nous devons à ſa jeune
nièce , Mlle Landrin , âgée de neuf ans , &
qui a fait entendre ſur le Forté-Piano , des
talens auſſi précieux que prématurés .. On
ne ſent en elle ni la foibleſſe , ni la froideur
de l'enfance , & elle fait un honneur
infini à Mlle Bertheau , maîtreffe de clavecin
dont elle est l'Elève , & qui n'a pu ,
fans beaucoup d'adreſſe , tirer un tel parti
de les heureuſes diſpoſitions. Un Artiſte ,
qui , ſur ce même inſtrument, mérite une
mention particulière , c'eſt M. Vion , de
l'Académie Royale de Muſique , auquel un
jeu très-brillant & très-net , & beaucoup
plus d'expreſſion que l'inſtrument n'en paroît
ſuſceptible , ont mérité les plus vifs
applaudiſſemens. On auroit deſiré ſeulement
d'avoir plus ſouvent l'occaſion de lui en
Fij
124 MERCURE
donner de ſemblables. Nous renouvellons
avec plaifir les éloges que nous avons
donnés plus d'une fois à M. Coufineau fur
la harpe , & à Mme Gautherot ſur le violon.
Cette virtuoſe, d'un talent rare , &
que beaucoup d'Artiſtes auroient raiſon
d'envier , n'a pas beſoin de l'indulgence
dûe à ſon ſexe pour faire le plus grand
plaiſir.
Il nous reſte à parler des chanteurs.
On a continué d'admirer la belle voix de
Mlle Buret , & de deſirer que Mlle Windling
exerçât davantage la fienne. M. Beauvalet
a chanté le Stabat avec M. David , & a
eudu ſuccès à côté de ce redoutable rival.
MM. Rouſſeau , Cheron & Laïs , dont les
talens ſont univerſellement eſtimés & chéris,
en ont donné de nouvelles preuves dans
les différens moters & oratoires qu'ils ont
exécutés. Nous inſiſterons davantage fur le
dernier , parce qu'il s'eſt trouvé dans une
circonſtance particulière.
Quelques mauvais eſprits , de ceux qui
aiment mieux troubler la gloire des Artiſtes
, que de jouir de leurs talens, ſe ſont
aviſés de mettre M. Laïs en oppoſition avec
M. David, comme fi la différence de genre, de
méthode , de langage , de convenances nationales
, n'avoient pasdû détruire entr'eux toute
eſpèce de comparaiſon. Ne feroit-il pas ridicule
de comparer à M. Veſtris le plus ha
bile des danſeurs Indiens , lorſque l'art de
la danſe eſt appuyé ſur des opinions très-
A
DE FRANCE.
P25
différentes en Europe & en Afie? Il n'eft
réſulté de ce parallèle peu convenable ,
que beaucoup d'animoſité entre les deux
Partis . Une autre circonſtance eſt venue
à la traverſe. Il eſt d'antique uſage d'exécuter
, le Vendredi-Saint , le Stabat de Pergolesi;
M. le Gros n'avoit pu s'y conformer
cette année ; il lui manquoit deux perſonnes
pour le chanter : le Public qui n'a pas ſu , qui
n'a pas voulu ſavoir la cauſe de cet obſtacle ,
ou qui n'en a tenu compre , en a témoigné
fon humeur de cette manière peu décente
qui commence malheureuſement à s'intro
duire à ce ſpectacle comme aux autres.
C'eſt pendant le Stabat de M. Hayden , que
le mécontentement s'eſt manifeſté ; on s'en
eſt pris à cet Ouvrage , qu'un ſuccès de
pluſieurs années auroit dû mettre à l'abri
de toutes diſgraces; c'eſt pendant un des
plus beaux morceaux, chanté ſupérieurement
par M. Laïs ; mais peu de jours auparavant ,
M. Laïs y avoit obtenu lui-même des applaudiſſemens
auſſi univerſels que mérités : il étoit
donc impoſſible qu'il s'attribuât ces murmures
, il étoit impoſſible que le ſuccès de
M. David y influât en rien. M. Laïs a trop
de preuves de l'eſtime du Public , pour que
la manière de ce virtuoſe étranger , qui eſt
& qui doit être ſi différente de la ſienne ,
aitpu l'altérer un moment .
Parlons maintenant de M. David , & tâchons
d'obtenir de nos Lecteurs une diftinction
, que beaucoup de ſes Auditeurs n'ont
Fii
126 MERCURE
pas voulu faire; celle de l'accent de fa langue
, de la méthodede ſon école , des convenances
nationales , du goût du peuple fur
lequel cet Artiſte s'eſt formé. Iln'eſt pas douteux
que ſi M. David ſe préſentoit tel qu'il
eſt ſur notre ſcène lyrique , qu'il y chantât
le Cantabile françois ,comme il nous a fait
entendre au Concert le Cantabile italien , il
n'eſt pas douteux qu'il ne méritât des repro-:
ches. Mais ſi l'on veut bien faire attention
qu'il eſt Iralien , qu'il chante de la muſique
italienne, faite ſur des paroles italiennes,&
qu'il doit y mettre par conféquent l'accent
que cette langue & que cette muſique exigent
; que ne pouvant créer le goût de ſon
pays , c'eſt à lui de s'y conformer ; que le
goût de l'école actuelle demande , de la part
du chanteur , non-ſeulement beaucoup d'habileté
, d'adreſſe &de facilité dans l'exécu
tion des paſſages , mais encore de multiplier
ces paſſages mêmes pour donner de plus
grandes preuves de talent ; ſi l'on fait attention
àtoutes ces choſes , on jugera peut être
M. David d'une manière plus juſte ; on n'examinera
pas s'il a raiſon de faire ce qu'il fait,
mais ſeulement s'il le fait bien. C'eſt ſurtout
de la part des Tenori qu'on exige cette manière
; parce que leur voix n'ayant pas le
timbre flatteur & intéreſſant des Deffus, on
veutqu'ils rachettent, à force d'ornemens, ce **
qu'on trouve qui leur manque du côté de
l'expreſſion. C'eſt ſurtout dans le Cantabile
que cette manière doit être admife. Dans les
DE FRANCE. 127
morceaux d'un mouvement vif , s'ils font
d'expreffion , les ornemens y ſeroient déplacés;
s'ils font de bravoure , le Compofiteur
atout fait,il ne reſte preſque plus rien à faire
au chanteur. Le Cantabile , au contraire , eſt
fait tout exprès par le Compoſiteur , pour
laiffer à la voix une liberté entière. Le mouvement
en eſt lent , pour qu'il en puiſſe rem
plir les intervalles par toutes les broderies
que ſon génie lui fournira ; les accompagnemens
en font très simples , afin de ne pas
couvrir & abſorber cette multitude de notes
que le chanteur est obligé d'y répandre.
Un Cantabile Italien exécuté tout nud , ſeroit
d'un ennui inſupportable; il ne plaît que
par la variété qu'y introduit le chanteur. Le
mot ſeul de Cantabile l'indique , c'eſt un
morceau chantable , c'eſt à dire , où l'ondéploie
toutes les reſſources du chant.Gardonsnousdoncbien
d'y attacher uneidée de pathé
tique, qui ne convient qu'au Cantabile François,
c'eſt de cette confufion de mots , de
l'ignorancede la valeur des termes, que naiſ
ſent les plus grands reproches qu'on ait faits
à M. David. " Mais , dira-t on , les paroles
> ſont pathétiques , elles expriment la plus
>> vive douleur ; la Muſique a dû les expri-
» mer comme elles : le Chanteur a donc
>> tort toutes les fois qu'il dénature cette ex-
>> preffion. >> Cette objection ſpécieuſe nous
meneroit ici trop loin , & doit être examinée
dans une differtation particulière ; nous
nous contenterons de dire ici , que ſi ce re-
Fiv
128 MERCURE
: proche eſt fondé , c'eſt aux peuples de l'Italie
qu'il faut s'en prendre&non aux chanteurs
obligés de ſe plier à leur goût. C'eſt ainſi que
M. David doit être jugé , il doit l'être d'après
les conventions de ſon pays , & non
d'après les nôtres. Sa manière a excité le plus
vif enthouſiaſme parmi le plus grand nombre
de ſes auditeurs , il a dû la conſerver ;
s'il eût chanté plus ſimplement , il eût eu
d'autres partiſans , mais probablement en
moins grand nombre. Au reſte , il a prouvé à
tous qu'il pouvoit auſſi chanter ſimplement ,
&avec la plus profonde expreffion. C'eſt
ainſi qu'il a rendu le premier duo du Stabat,
&le Viditfuum , dont la teinte lugubre ne
paroiſſoit pas admettre d'ornemens. Ila , non
pas brodé, mais créé le verſet Qua marebat.
Il a montré dans ce morceau une habileté
rare ,& une tête prodigieuſement féconde ,
en établiſſant , in promptu , fur une harmonie
donnée , un chant très-différent de celui
qui eſt écrit.Le chant que Pergolefia fait gracieux
,mais ſansexpreſſion déterminée , eſt il
affez ſaillant pour avoir dû être regretté ?
N'est-ce pas-là le cas où l'adreſſe de l'exécu
tion remplaceheureuſement les foibleſſes de
laMuſique ?
Ainſi donc , en ne parlant que de ce qui
eſt perſonnel à M. David , en ne le regardant
point comme législateur dans l'art du
chant , mais comme ſoumis aux loix adoptées
par ſa nation , nous ne pouvons nous
empêcher de le reconnoîtie comme le plus
DE FRANCE. 129
grand Profeſſeur qui ſe ſoit encore fait entendre
ici. Ce n'eſt pas pourtant qu'il ſoſt ſans dé -
faut. Le medium de ſa voix n'eſt pas toujours
agréable ; il appuie peut-être avec trop d'affectation
ſur les ſons graves ; peut-être emploie-
t-il trop ſouventun ou deux paffages
de ſons dégradés en deſcendant , qui feroient
un meilleur effet s'il enétoit plus fobre ; mais
par quelle habileté ne rachette-t-il pas ces
défauts légers ? Quelle méthode excellente !
quellejuſteſſe ! quelle ſûreté d'organe ! quelle
préciſion étonnante ! avec quel à- plomb ne
retombe-t-il pas dans les meſures les plus lentes
ſur chacun des tems qu'il veut marquer !
Nous ne conſeillerions à perſonne d'introduire
fa manière de chanter ſur nos théâtres
, ſans contredit , elle y ſeroit déplacée ;
mais quandnos Virtuoſes , même les plushabiles,
s'exerceroient dimiter la légereté de ſon
exécution , à acquérir la flexibilité de fon organe
, nousſommes perſuades qu'ils ne pourroient
qu'y gagner , & que la facilité qu'ils
ſe procureroient , trouveroit toujours bien
ſa place. C'eſt dans ce ſens ſurtout qu'il eſt
intereſſant pour "eux d'entendre ſouvent de
bons modèles, qu'ils ne ſont pas obligés de copier
ſervilement , mais qui leur fourniffent
des études, dont ils peuvent tirer un excellent
parti.
;
1
1
Fv
130 MERCURE
COMÉDIE FRANÇOISE.
CE Spectacle n'a fait ni pertes ni acquifitions
dans le cours de l'année dernière. Il y
a paru quelques Débutans , dont les eſſais
n'ont pas eu l'avantage d'obtenir de grands
ſuccès . Un ſeul a fixé un moment l'attention
générale; mais comme , malgré les pompeux .
éloges dont on l'a comblé d'abord , les avis
des Connoiffeurs ſe ſont enſuite partagés fur
fon compte , nous attendrons encore quel- .
que temps avant de parler publiquement des
défauts qu'il montre , des qualités qu'il
laiſſe entrevoir & des eſpérances qu'il peut
donner.
Nous croyons devoir dire ici deux mots
du célèbre Grandval , * mort le vingt - cinq
Septembre de l'année dernière. On fait
que cet Acteur débuta pour la première
fois en 1729, à l'âge de dix-huit ans , &
qu'il ſe retira en 1762 ; que deux ans après ,
c'est-à-dire , en 1764 , il remonta ſur le
Théâtre , qu'il quitta , pour la dernière fois ,
en 1768. Peu de Comédiens ont joui d'une
plus grande réputation. Son talent pour la
Tragédie étoit fort ſubordonné à celui qu'il
* Charles- François-Nicolas Racot de Grandval ,
fils de Charles Racot de Grandval , Muficien &
Poëte , a fait imprimer quelques Comédies d'un
genre très- libre , mais où l'on trouve ſouvent de
P'efprit, de la gaîté & du talent pour la critique
يف
DE FRANCE. 131
montroit dans la Comédie ; mais auſſi dane
cedernier genre étoit-ild'une ſupériorité rare
dont on ſe ſouvient encore. De la nobleſſe ,
de la grâce , de l'eſprit , de l'intelligence , de
la fentibilité , & fur-tout dans le maintien ,
-dans la démarche , & dans la gefticulation
une décence preſque perdue aujourd'hui fur
notre Scène Françoiſe : telles étoient les qualités
distinctives de Grandval. Lorſqu'il ſe
retira en 1762 , il emporta les regrets de
tous les Amateurs du Théâtre. Lorſqu'il reparut
en 1764 , il eut le chagrin de ne pas
reunir le même nombre de ſuffrages qu'il
s'étoit d'abord conciliés , & ne laiſſa guères ,
lorsde ſa ſeconde retraite, que lamémoiredes
ſuccès qu'il avoit obtenus avant la première.
Exemple frappant pour tous les Comédiens
d'un grand merite, que le ſouvenir de l'éclat
de leurs premières années aveugle ſur la foibleſſe
de leurs dernières ; & qui non-ſeulement
s'expoſent à éprouver la rigueur de ce
même Public dons ils ont excité l'enthous
fiaſme , mais encore à ſe retirer ſans répu
tation & à mourir tout entiers.
Le Mardis de ce mois , l'ouverture de
ce Spectacle s'eſt faite par une repréfentation
de Britannicus , Tragedie de Racine ,
& l'un des chef d'oeuvres de ce grand Poëtë,
ſuivie de l'École des Maris , Comédie de
Molière , en trois Actes & en vers.
Avant la première Pièce , M. Saint-Prix
s'eft préſenté pour prononcer le Diſcours
fuivant.
Fiv
132
MERCURE F
i
:
MESSIEURS ,
Les circonstances qui ſuſpendent pour un tems
l'activité de ce Théâtre , conſacré au premier de
tous les Arts , n'a pas rallenti nos travaux : il n'y a
pasde repos pour le zèle , & l'étude doit remplir le
loiſir du talent ; nous rentrons dans la carrière
animés d'une ardeur nouvelle, &diſpoſés à redoubler
d'efforts pour mériter vos bontés.
Mais, Meffieurs , notre zèle a beſoin d'être à la
fois encouragé &dirigé ; vous êtes nos Maîtres &
nos Juges ; votre cenſure nous éclaire , votre indulgence
excite nos efforts , votre ſévérité même eſt
Louvent un bienfait.
Le Théâtre François eſt devenu le Théâtre de
l'Europe , & fa gloire fait une des plus belles parties
de la gloire nationale.
C'eſt ànous qu'eſt confié le ſoin d'en maintenir
la ſplendeur , & nous ſentons toute l'importance
d'un dépôt ſi précieux ; mais vous favez auſſi ,
Meſſieurs , combien ſont difficiles à remplir les
devoirs qu'il nous impoſe.
Legénie des Corneille & des Molière, des Racine,
des Voltaire , vit ſans doute dans leurs ouvrages ;
mais ces chef-d'oeuvres immortels n'éclaireroient ,
ne charmeroient qu'un certain nombre d'efprits cultivés
par l'étude & polis par le goût , ſi l'art du
Comédien ne leur donnoit , pour ainſi dire , une vie
plus brillante & plus active en étendant leur influence
fur ces multitudes d'hommes raſſemblés , où
lesimpreſſions de chacun , exaltées par les impreſſions
de tous , prennent le caractère de la paſſion & de
l'enthousiasme.
C'eſt au Comédien à s'élever à la hauteur des
conceptions du Poëte , à ſe pénétrer du ſentiment
qui l'inſpiroit , à s'approprier ſes pensées , à leur
DE FRANCE.
133
donnerdes accens & des geſtes , & à peindre aux
ſens de l'Auditeur les traits qui ne parloient qu'à
l'eſprit du Lecteur.
Que d'études à faire , que d'obstacles à vaincre
pour parvenir à ce but ! La Nature n'offre au Comédien
que des formes fugitives , que des traits
épars àfaifir & à rapprocher. Les grands Acteurs
qui , avant lui , ont perfectionné l'art , ne peuvent
lui fervir de modèle , leurs talens ſont perdus pour
leurs ſucceſſeurs .
Ceux qui font aujourd'hui l'ornement de notre
Théâtre,&font en poſſeſſion d'obtenir vos ſuffrages,
en excitant l'émulation de l'Acteur plus jeune &
moins exercé , lui inſpirenten même-tems une juſte
timidité ; il craint de s'égarer en s'écartant des
routes qu'ils ont ſuivies avec ſuccès , & s'il marche
de trop près ſur leurs traces , il renonce à cette originalité
, qui ſeule conſtitue le vrai talent ,& mène
àla célébrité.
Vous ſeuls , Meſſieurs , pouvez éclairer sa route
entre ces deux écueils ; c'eſt à vous à encourager les
tentatives du zèle en reprimant ſes écarts; à couronner
le talent conſommé par des ſuffrages qui
font fon bonheur & fa gloire , & à exciter par
votre indulgence le talent naiſſant à mériter un jour
le même ſuccès. >>
On ne peut pas dire que le Public ait applaudi
ce Difcours , puiſqu'il lui a été impoſſible
de l'entendre. Soit timidité , ſoit
défaut de mémoire , M. Saint-Prix l'a débité
d'une manière découſue. Les Spectateurs ſe
ſont efforcés de l'encourager par des applaudiſſemens
réitérés. Cette preuve de l'intérêt
qu'on prend à lui , doit l'engager à s'en montrer
digne , & à faire les études qui peuvent
134
MERCURE
le mettre en état de répondre à la haute opinion
qu'on a conçue de fes talens , & à
laquelle il n'a encore répondu que d'une
manière bien foible.
Nous ne ferons pas de longues obſervations
ſur ce Diſcours, dont les idées ne ſont
pas toutes d'une grande juſteſſe , & qui n'eſt
pas toujours écrit avec beaucoup de clarté.
Nous dirons ſeulement que ſi l'Art Dramatique
eſt un Art difficile , s'il a un but noble,
utile& moral , il n'eſt pas pour cela lepremier
de tous lesArts. Nous croyons bien que
lesimpreffions exaltées de certaines multitudes
d'hommes raſſemblées , peuvent ſe laiſſer entraîner
par de pareilles exagérations ; mais
nous croyons auſſi que ces exagérations ne
peuvent que déplaire à ceux qui ne penſent
pas comme ces multitudes , & qui ſavent
affigner à chaque choſe ſa place & fon rang.
Quelques plaiſans ont remarqué que le Maître
de Muſique du Bourgeois Gentilhomme
s'exprimoit à peu- près avec le même enthou
fiaſme ſur l'excellence de fon Art ; mais que
le Parterre n'étoit pas toujours fi facile à induire
en erreur que le bon M. Jourdain,
COMÉDIE ITALIENNE.
ON a ouvert ce Théâtre , le même jour
s Avril , par une repréſentation du Bon
Ménage, Comédie de M. de Florian , fuivie
de la Femme Jalouse , Comédie de M. Desforges
, en cinq Actes & en vers.
:
1
1
DEFRANCE.
135
Avant la première Pièce , M. Granger,
dont les talens acquièrent tous les jours de
nouveaux droits , non-ſeulement ſur l'eſtime
publique , mais encore fur celle des Amateurs
les plus exigeans, a prononcé le Diſcours
qui fuit.-
MESSIEURS ,
•La reconnoiſſance s'exprime ſimplement ; elle
ne veut pas éblouir , elle aime mieux perfuader :
puiſſe la nôtre avoir cet avantage auprès de vous !
Eh ! cominent pourriez- vous douter de ſa fincérité ,
Meffieurs ?Quel Théâtre a plus éprouvé vos bontés ?
Quel genre n'avez- vous pas encouragé parmi nous ?
Dès long- tems les piècesà ariettes reçoivent de vous
un accueil flatteur. Des compoſitions ingénieuſes &
brillantes , une heureuſe exécution , fruit d'un travail
guidé par votre goût & vos lumières , ont établi
leur fuccès, & ſemblent en garantir la durée. >>
>> Les applaudiſſemens que vous avez accordés
récemment à des Auteurs dont les talens vous ont
toujours éré chers , confirment cet eſpoir. >>
>> Le Vaudeville a reparu ſur la Scène ,& fa gaîte
vous plaît comme autrefois : enfin , Meſſieurs , vous
avez vu avec intérêt le rétabliſſement du genre
françois fur ce Théâtre : vous vous êtes plû à nous
ſuivre dans cette nouvelle carrière dont vous connoiffiez
les difficultés : vous nous avez renu compre
au moins des efforts ; & ſi l'événement a quelquefois
trompé notre attente , votre indulgence a toujours
adouci nos regrets. Dans des jours plus heureux
chacun de nos progrès a été un plaifir pour vous :
vous nous l'avez prouvé , Meffieurs , en daignant
accueillir pluſieurs ouvrages Dramatiques dans le
cours de l'année dernière ;& fi celui que nous vous
136 MERCURE
offrons encore aujourd'hui * vous a paru digne
d'eſtime , fi nous vous le rappellons en ce moment ,
c'eſt moins pour nous enorgueillir de ſon ſuccès ,
que pour vous en faire hommage. Oui , Meſſieurs ,
nous vous devons tout ; mais nous aimerons toujours
ànous le rappeler : toujours occupés de varier vos
plaifirs , nous continuerons à vous offrir des Nouveautés
dans tous les genres ; nous ne pouvons le
faire qu'en nous livrant à un travail conſtant &
pénible : mais quoi qu'il en puiſſe coûter pour
mériter vos fuffrages , on l'oublie aisément quand
on a le bonheur de les obtenir. >>
CeDiſcours a été très-bien accueilli. Il a
été prononcé par ſon Auteur avec une affurance
refpectueuſe & noble. Le ton fimple
&modeſte qui le caractériſe , convenoit par.
faitement à la circonſtance ; il nous paroît
très-préférable à ce ton ſententieux & didactique
dont on pourroit citer des exemples ,
&qui eſt d'autant plus pidicule qu'il annonce
autant de vanité que de prétention .
Ce Spectacle n'a éprouvé aucune révolution
, & refte cette année dans la poſition
où il étoit l'année dernière. On y prépare
Agnès Bernau , Drame Héroïque en trois
Actes , imité de l'Allemand.
* La Femme Jalouſe.
DE FRANCE 137
ANNONCES ET NOTICES:
Après le décès du ſieur Buy de Mornas , Ingenicur-
Géographe du Roi & des Enfans de France ,
Auteur de l'Atlas Méthodique & Elémentaire de
Géographie&d'Histoire , le ſieur Deſnos , Ingénieur-
Géographe, à Paris , rue S. Jacques , au globe, a été
ſonAſſocié pour la compoſition & l'exécution de cet
Atlas , annonce que c'eſt à lui qu'en appartiennent
actuellement les Planches ,& que c'eft chez lui ſeul
qu'on pourra ſe le procurer. Cet Atlas , compoſé de
266 Cartes , ſe diviſe en quatre parties , formant
quatre volumes , qui peuvent ſe détacher , & qui ſe
vendent (éparément; il offre un cours complet de
ſphère , deGéographie , de Chronologie & d'Hiftoire.
Les Livraiſons de cet Ouvrage n'ayant pas répondu
à l'empreſſement du Public, pluſieurs perſonnes
en ont eu les deux premières Parties ſans
avoir pu ſe procurer les troiſième & quatrième. Le
fieur Defnos les propoſe au prix de la première Soufcription
, qui eſt d'un quart moins que l'Auteur ne
les vendoit , pendant l'eſpace de trois mois. Les 4
volumes reliés en carton , dos de veau , ſe vendront ,
grand papier 200 liv. , moyen 160 liv. , petit
papier 130 livres. Le ſieur Deſnos , propoſe à
ceux qui ont acquis les quatre volumes de cet
Atlas , qui complettent toute la Géographie ancienne
depuis la création du monde , un cinquième
volume ſervantde fuite aux précédens , lequel contient
la Géographie Moderne , Politique & Hiftorique
en 66 Cartes , par M. Brion de la Tour , Ingénieur-
Géographe du Roi , Auteur de l'Atlas deftinéàl'inſtruction
de la jeune Nobieffe de l'École
138 MERCURE
i
Royale Militaire ,avec un Diſcours imprimé en
marge de chacune , par M. Maclot , Profeſſeur de
Coſmographie & d'Histoire. Ce Volume ſe vend
féparément en grand papier se livres , moyen papier
42 livres , petit papier 36 livres , & in-4° .
27 livres. Le Proſpectus très- détaillé de cet Ouvrage
ſe diſtribue gratuitement chez le ſieur Deſnos.
Atlas Cofmographique , Méthodique & Élémenzaire,
Traité complet qui réunit aux connoiſſances
dela Phyſique & de l'Hiftoire Naturelle , celles des
différentes parties de l'Univers , ſpécialement de la
Terre que nous habitons , la nature , l'ordre , la
diſpoſition, le mouvement des Aftres ; enfin tout ce
qui a rapport à l'explication des Globes Terreftre
&Céleste , avec Difcours gravé en marge de chaque
Carte, par le ſieur Buy de Mornas , première partie
de fon Atlas, qui ſe vend ſéparément pour l'uſage
des Colléges , Penſions & de toutes les Perſonnes
qui étudient ou enſeignent la Géographie ou l'Hiftoire,
en 57 Cartes , Volume in-folio, petit papier
28 livres , moyen papier 36- livres , grand papier44
liv.
Atlas de laGéographie ancienne , ſuivi d'un Tableau
de l'Hiſtoire ancienne tant Sacrée que Profane
, ou Précis Chronologique des principaux évè
nemens depuis la Création juſqu'à Jéſus Chriſt ,
petit in folio , en 28 Cartes , 24 livres , & avec la
Géographie Moderne , faiſant 96 Cartes , reliées
enſemble 60 liv.
LES Quatre Saiſons Littéraires , Recueil Périodique.
Ce Recueil paroîtra quatre fois par an comme
Paunonce le titre , afin de rapprocher davantage la
publicité de chaque Pièce de l'occafion qui l'aura
fait naître. Chaque Recueil contiendra , 1°: les
Chanfons les plus nouvelles & les plus piquantes,
-
DE FRANCE.
139
-
ou même quelques anciennes qui ne feroient pas
connues; 2 °. quelques Poéſies fugitives ; 3 °. ( pour
y jeter plus de variété ) des morceaux de Profe , tels
que Diſcours , Contes , Differtations , Diſcuſſions
Littéraires, &c ; 4°. enfin le Recueil ſera terminé
par la Nomenclature des Ouvrages en vers & en
proſe qui paroîtront dans chaque Saiſon. Le premier
Volume de ce Recueil paroît en même temps
que le Proſpectus ; il contient entr'autres choſes
deux morceaux de Proſe célèbres de feu M. l'Abbé
Arnault , de l'Académie Françoiſe , dont l'un a pour
titre : Portrait de Jules Céfar , & l'autre , Eloge
d'Homère , plufieurs Pièces de Voltaire qui n'ont
point été imprimées , des Chanfons & des Vers de
différentes Perſonnes de la Cour , & des Pièces de
Gens de Lettres très-diftingués , &c. &c. &c.
Ce Recueil paroîtra régulièrement au commencement
de chaque Saiſon , c'est-à-dire , le 21 Mars
pour le Printemps , le 21 Juin pour l'Été , le 21 Septembre
pour l'Automne , & le 21 Décembre pour
Hiver.
Il faut s'adreffer à M. Desfontaines de la Vallée,
Propriétaire & Rédacteur de l'Ouvrage , hôtel de
Rouen , rue Saint Benoît, nº. 16.
L'Ouvrage ſe trouve à la même adreſſe à raifon
de I livre 10 ſols le Volume . La Collection entière
de l'année, qui ſera de quatre Volumes , ſe payera
6 livres. Les Perſonnes qui voudront ſe la procurer,
peuvent faire paffer cette foimme au Rédacteur , qui
ſechargera d'envoyer exactement chaque Volume à
ſon époque , port franc , foit à Paris, ſoit en Province.
OEUVRES de Plutarque , traduites du Grec , par
Jacques Amyot , quinzième& feizième Livraiſons ,
faiſant les Tomes premier & ſecond du Supplément
140 MERCURE
in-8°. & in - 4°. , papiers d'Angoulême , d'Hollande
&vélin.
Ces deux Volumes renferment les Vies d'Annibal
&Scipion , Epaminondas , Philippus Maced. Dionyfius
, Oct. César , Miltiades , Paufanias , Thrafibulus
, Conon , Iphicrates , Galbus , Timotheus ,
Datanus , Hamilcar , Ariſtippus , Æneas , Tullus
Hostilius , Ariftomenes , Tarquinius Vet. L. J.
Bratus , Gélon , Cyrus , Jafon , avec les Indices
Chronologiques& la Table des Matières à chaque
Volume.
Toutes les Vies de ces Hommes Illuſtres ont été
traduites des Langues Grecque , Latine & Angloiſe
par différens Auteurs.
Le troiſième & dernier Volume de Supplément ,
contenant la Décade ou Vies de dix Empereurs célèbres
, paroîtra dans le courant de Mai prochain ,
avec la dix-huitième & dernière Livraiſon , contenant
la Table des OEuvres de Plutarque & les cartons
pour remettre dans les Volumes précédens.
On ſouſcrit pour cet Ouvrage à Paris , chez
J. Fr. Baftien , Libraire & Éditeur , rue S. Hyacinthe
, Place Saint Michel , & chez les principaux Libraires
de l'Europe.
LA Morale de Jésus- Christ & des Apôtres, ou
la Vie& les Instructions de Jésus - Chrift, tirées du
Nouveau - Teftament , 2 Volumes in - 18 , imprimés
avec les nouveaux caractères de Didot l'aîné , fur
papier vélin d'Annonay. Prix , 6 livres brochés
La même ſur papier ordinaire , 2 Volumes. Prix ,
3 liv. reliés en bazanne. A Paris , chez Didot l'aîné ,
Imprimeur- Libraire , rue Pavée-Saint-André.
-
Le plan adopté par l'Auteur eſt ſage & propre à
remplir le but qu'il s'eſt propoſé. L'Ouvrage eft
diviſé en deux Parties. La première comprend la
Vie de Jésus-Chriſt par l'ordre des temps ; le Dif-
1
1
DE FRANCE
141
1
cours en eſt pris dans les quatre Évangéliſtes , & ne
contient rienqui ne ſe trouve dans les Textes ſacrés.
La ſeconde Partie contient des Règles de conduite
pour les Chrétiens , toutes tirées des Épîtres des
Apôtres. Pour y répandre plus de clarté, on les a
rangées ſous différens titres.
L'Auteur préſume avec raiſon que le Public ſera
charmé d'avoir en un corps d'Hiſtoire tout le Nouveau-
Teftament ſans un mot de changé dans le
Texte.
Quant à l'exécution typographique, nous avons
tout dit en tranſcrivant le titre , puiſque le nom de
M. Didot s'y trouve. Afin que l'Ouvrage pût ſervir
dans les Écoles , dans les Catéchifmes , l'Édition a
été miſe àbon marché , vû la groſſeur des Volumes.
BIBLIOTHÈQUE Univerſelle des Dames.
Voyages. Tome I. A Paris , rue d'Anjou , la deuxième
porte - cochère à gauche en entrant par la rue
Dauphine.
Il paroît deux Volumes par mois de cet Ouvrage.
Le prix de la ſouſcription est de 72 liv. pour
vingt- quatre Volumes reliés , & 61 liv. 4 fols franc
de port par la poſte pour la Province. On ne pourra
s'abonner que pour une demi-année. On imprime
ſur le frontiſpice le nom de la perſonne qui ſouſcrit.
DISCOURSfur la grandeur & l'importance de la
révolution qui vient de s'opérer dans l'Amérique
Septentrionale , ſujet proposé par l'Académie des
Jeux Floraux , par M. le Chevalier Deflandes , Capitaine
au Régiment de Bretagne , Correſpondant
du Musée de Paris . A Francfort ; & ſe trouve à
Paris , chez Durand neveu , Libraire , rue Galande ,
•&Mufier , Libraire, quai des Auguftins .
L'Auteur de ce Diſcours , dont une moitié a'a
12 MERGURE
preſque aucun rapport avec le titre , paroît avoir
voulu prendre pour inddele l'Auteur célèbre du Difcours
ſur l'Hiſtoire Univerſelle ; un coup - d'oeil rapide
fur les événemens remarquables qui ſe ſont
paſſes ſur la ſurface du Globe , forme la première
Partie de ce Difcours.
Cetableau est tracé avec chaleur ; & fi on n'a
rien appris après qu'on l'a lu , il faut convenir qu'on
ne s'eſt point ennuyé à le lire.
On ajoint à cela quelques Pièces Fugitives affez
intéreſſantes, ce ſont des Délibérations du Congrès
fur les honneurs rendus aux Officiers Américains
tués en défendant leur patrie , & un Extrait de
l'Oraiſon funèbre du Major General Waren , par
M. Franklin.
COLLECTION des Coutumes générales, particulières&
locales qui régiſſent les personnes & biens
de la Province du Berry,par M. Pallet, Avocat en
Parlement, Hiſtoriographe du Berry , de la Société
Royale de Phyſique , d'Hiftoire Naturelle &
des Arts d'Orléans.
*Ces Coutumes générales , particulières & locales ,
font rares &preſque inconnues aux perſonnes qu'elles
intéreſſent. Il manquoit à notre Jutiſprudence de les
trouver raffemblées dans un même corps. Cet Ouvragepropoſépar
ſouſcription formera trois Volumes
in-8° . Le prix ſera de is liv. brochés. On payera en
fouſcrivant 9 livres , & 6 liv. en retirant les Volumes
qui feront délivrés enſemble dans le cours du mois
de Mai 1785. La ſouſcription ſera fermée dans le
courant d'Avril. Cette ſouſcription remplie les
Exemplaires excédens ſeront vendus 18 livres brochés.
On ſouſcrit à Bourges , chez. J. B. Prevoſt ,
Libraire; & à Paris , chez Monori , Libraire , rue de
la Comédie Françoiſe , & Legras , Libraire , quai de
Conti , en face du Pont-Neuf.
,
DE FRANCE.
143
DORS, DORS.... Jolie Eſtampe gravée par
N. F. Regnault , d'après le Tableau peint par luimême
, pour ſervir de pendant à celle que nous
avons annoncée le 27 Mars 1784 , Nº. 13 , ſous le
titre de: Ah, s'il s'éveilloit !
Cette Eſtampe ne le cède en rien à la première ;
elle ajoute aux eſpérances qu'a fait concevoir cet
Artiſte dans le nouveau genre qu'il a introduit en
Gravure. On la trouve, ainſi que le pendant , à
Paris , chez l'Auteur , rue de Montmorency, nº. 22 ,
&chez Delalande, Graveur , même maiſon. Prix ,
3 liv. chacune.
JOURNAL de Muſique Militaire , ou Pièces
d'Harmonie composées & arrangées par les meilleurs
Maîtres pour Clarinettes , Cors , Baſſons , &c.
Prix , 3 livres , & 3 liv . 12 fols chaque Cahier franc
de port. A Strasbourg , chez J. Reinard Storck , Luthier
, Marchand de Muſique , près le Pont du
Corbeau.
NUMÉROS 20, 21, 22 & 23 des Feuilles deTerpſychore
, ou nouvelle Etude de Harpe & de Clavecin
, dédiée aux Dames. Il paroît tous les Lundis une
Feuille pour chaque Inſtrument. Prix, 1 liv. 4fols.
On s'abonne auſſi pour l'année chez Coufineau père
& fils , Luthiers de la Reine , rue des Poulies , &
Salomon , Luthier , Place de l'École.
SIX Quatuors pour deux Violons , Alto &
Baffe, par M, Chartrain , OEuvre XXII , dédié à
Mlle Caroline de Matignon Prix , 9 liv. A Paris, chez
l'Auteur , rue de Buffy, maiſon du Receveur de Loteries,
& chez Mlle Castagnery , rue des Prouvaires.
CesQuatuors nous ont paru dignes de la réputation
de l'Auteur .
144 MERCURE
NUMÉRO 4 du Journal de Violon , dédié aux
Amateurs , compoſé deux Violons ou deux
ote pour
Violoncelles. On ſouſcrit à Paris moyennant 15 &
18 livres , chez le ſieur Bornet l'aîné , Profeſſeur de
Muſique , rue des Prouvaires , près S. Eustache , au
Bureau de Loteric .
SONATE à quatre mains pour lePiano-Forte ,
par M. l'Abbé Vogler. Prix , 3 livres , formant le
Numéro 16 du Journal de Pièces de Clavecin par
différens Auteurs. Abonnement pour douze Numéros
24 & 30 liv. A Paris , chez M. Boyer , rue
de Richelieu , ancien Café de Foy , & chez Mme
Lemenu , rue du Roule , à la Clef d'or.
Pour les Annonces des Titres de la Gravure ,
de la Musique& des Livres nouveaux voyez les
Couvertures.
TABLE.
VERS fur la Naiſſance de' Charade . Enigme & Loge-
Mgr. le Duc de Norman- gryphe , 102
die,
97 L'Iliaded'Homère , 105
Aux Canons de la Ville , 98 Lettrefur Athènes , 115
Impromptu , 99 Concert Spirituel ,
120
Idem.
AMmede Genlis ,
LeProverbe appliqué ,
ibid. Comédie Françoise,
100 Comédie Italienne,
ibib. Annonces & Notices ,
130
134
137
APPROBATION.
J'AI lu
, par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 16 Avril 1785. Je n'y
ai rien trouvé qui puiſſe en empêcher l'impreſſion. A
Paris , le 15 Avril 1785. GUIDL .
رپ
MERCURE
i
DE FRANCE.
SAMEDI 23 AVRIL 1785 .
PIÈCES FUGITIVES ..
EN VERS ET EN PROSE.
A Madame DE ** fur fon départ pour
la Provence.
Tuvas revoir les champs de l'antique Provence ,
Ces champs où le commerce, ami de l'abondance ,
Appelle l'Étranger des bouts de l'Univers ;
Où, ſenſibles à la cadence,
Nos Troubadoursgalans chantoient ces premiers vers,
Enfans d'une aimable indolence.
Que ne puis-je , guidé par les mêmes deſtins ,
Contempler avec toi ces campagnes riantes ,
Ces orangersen fleurs , les cieux toujours ſereins ,
Ces plaines odoriférantes ,
Ces arbres que Minerve a plantés de ſes mains,
Et ces plaiſirs naïfs , ces danſes innocentes ,
Ν°. 17 , 23 Avril 1785 . G
146 MERCURE
Heureux amuſemens des tranquilles humains !
Que ne puis -je te ſuivre en ces douces retraites ,
M'enivrer des plaiſirs qui naiſſent ſous tes pas !
ChèreÉlife .
Je verrois chaque jour rajeunir tes appas.
Mais foumis en naiſſant aux loix de la fortune ,
Il nous faut obéir à ſa voix importune :
Envain le malheureux eſpère la fléchir ,
Elle eſt ſourde à nos pleurs , & ſe rit d'un ſoupir ;
ce monſtre arme d'un glaive ,
Marchant ſur les débris des trônes abattus ,
D'un coup imprévu nous enlève
Et les plaiſirs & les vertus.
Ih quoi ! mes yeux fixés ſur les beaux yeux que
j'aime ,
Ne verſeront donc plus ces pleurs , ces tendres pleurs
Qui de l'amour heureux font le charme ſuprême ?
Tout mortel , je le vois , eſt né pour les douleurs.
Quand le ciel , du chaos rappelant la lumière ,
De l'homme ſur ce globe eut marqué la carrière ,
Il voulut qu'enchaîné dès l'inſtant du berceau ,
Il trainât fans pâlir ſes fers juſqu'au tombeau.
'Sachons fléchir tous deux ſous ſa main rigoureuſe ;
Mais toi , dont les deſtins feront moins inconſtans ,
Jette toujours des fleurs ſur les traces du temps :
Mes jours feront trop beaux ſi ta vie est heureuſe.
(ParM. le Chevalier du Puy- des- Islets
Chevau- Léger. )
DE FRANCE.
147
LES REGRETS DU PREMIER AGE ,
Romance.
BE
AIR : Félicité paffée.
EA u fongede l'enfance ,
Quelle étoit tadouceur !
L'âge de l'innocence
Eſt celui du bonheur.
Félicité paffée ,
•Qui ne peux revenir ;
Tourment de îna penſée ,
Que n'ai-je en te perdant , perdu le ſouvenir!
C'est alors qu'on ignore
Les criminels penchans ,
Et qu'on n'a point encore
Pleuré ſur les méchans.
Félicité paſſée , &c.
Vous , dont lamain légère
Ofe nous éclairer ,
De l'erreur la plus chère
Pourquoi donc nous tirer ?
Félicité paffée , &c.
Dès qu'on voit ſans nuage
Votre faufſe grandeur ,
1
Gi
148 MERCURE
Acette affreuſe image
On ſent mourir ſon coeur.
Félicité paſſée , &c.
:
LUMIÈRE qui m'accables ,
Tu ravis à mes yeux
Les preſtiges aimables
Accordés par les Dieux.
Félicité paſſée, &c.
J'AI donc perdu tes charmes ,
O céleste bandeau !
Puiſſent du moins mes larmes
Obſcurcir le flambeau,
Félicité paſſée ,
Qui ne peux revenir ;
Tourment de ma penſée ,
:
Que n'ai-je en te perdant , perdu le ſouvenir !
(ParMmela Comteffe de Beauharnois. )
La VÉRITÉ ET L'ENVIE ,
LA
Fable Allégorique.
AVérité franche , mais indulgente ,
Vint s'établir en imprudente
Dans une brillante Cité ,
Dont je tairai le nom. A cette Déïté
Onvint faire ſa cour ;pour réuſſir à plaire ,
DE
149
FRANCE.
Elle ne montra point ce front trifte & ſévère
Que l'amour-propre épouvanté ,
Redoute & fuit. A l'honnête étrangère
Tout promettoit la paix &la tranquillité ,
Quand ſa plus cruelle ennemie ,
La lâche , l'odieuſe Envie ,
Près d'elle agita ſes ſerpens.
Ses Miniſtres , vils & rampans ,
Enveloppés d'un voile ſombre ,
La cherchent , lui portent dans l'ombre
Mille coups , dont pas un n'atteint
L'auguſte & paiſible Déefſe.
Trompés dans leurs projets , honteux de leur bafſeſſe,
Ils ſemblent héſiter ; mais l'orgueil les contraint
A ſuivre leur noire entrepriſe.
Ontient conſeil , on ſe diviſe ,
On ſe rallie.... Enfin , qui triompha ? ....
La Vérité n'en parut que plus belle :
Chacun , des envieux , mépriſa la ſéquelle ,
Et l'Envie en fureur ſous le maſque étouffa.
( Par M. le Chevalier de Limoges , Lieutenant
des Maréchaux de France. )
Giij
150
MERCURE
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercure précédent.
LEmot de la Charade eſt Chardon ; celui
de l'énigme eſt Bougie; celui du Logogryphe
eft Logogryphe , où l'on trouve loge ,
lyre, orge, horloge, or role pore , gorge.
CHARADE.
EN
Nmuſique aisément on trouve monpremier ;
Mon ſecond dans un ſiège eft craint de tout Guerrier;
Un fléau redoutable annonce mon entier.
( Par M. Robert des Roches ,
deFontenay-le-Comte. )
ÉNIGME.
SOUVENT OUVENT un mortel amoureux
Mecharge d'exprimer les tourmens qu'il endure ;
Souvent j'ajoute à la parure
De l'aimable objet de ſes feux.
De la légèreté , ſymbolique peinture ,
Je ſuis néceſſaire en tous lieux ;
De mes traits quelquefois on reſſent la bleſſure;
Mais d'un ſeul trait auſſi je puis faire un heureux.
(ParM. H. F. )
DE FRANCE .
LOGOGRYPHE .
JE fuis , cher Lecteur , tour- à-tour
Et temple de la Haine & temple de l'Amour.
Sans être oiſeau je vis dans une cage
Que j'ai conſtruit moi-même en mon bas-âge ,
Et que j'entretiens chaque jour .
? Eſt-on amant , on parle mon langage ?
Eſt - on époux , il eſt bien peu d'uſage :
Il eſt proſcrit , dit-on , en Cour.
Si par haſard on m'analyſe ,
En mes cinq pieds on trouvera
Ce qu'on montre quand on s'en va ;
Ceque voudroit avoir maint & maint Clercd'Égliſe ;
Un lieu ſans couverture & renfermé de murs ;
Un léger mal fréquent chez la coquette ;
Ce qui porte le chef; un des corps les plus durs ;
Ce qu'on demande en payant une dette ;
Une plante qui ſert dans les pâles couleurs ;
Ceque font les dindons auprès de leur poulette;
L'inſtrument muſical que portent les Chaffeurs ;
Ceque promet la Médecine
Aumalade qui ſe chagrine ;
L'endroit où l'on n'a pas , dit- on , un ſeul ami ;
Une pièce d'argent; la note entre ut & mi ,
Et ce métal moteur des cervelles humaines,
Qui tient tout l'Univers aſſervi ſous ſes chaînes.
(Par le Docteur Lamarques de S. Jean-d'Angely.)
Giv
152 MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
SUITE des Éloges lûs dans les Séances
publiques de la SociétéRoyale de Médecine ,
par M. Vicq d'Azyr , Secrétaire Perpétuel
de la Société. Quatrième Cahier. A Paris ,
de l'Imprimerie de MONSIEUR.
CE quatrième Cahier contient les Éloges
de MM. Fothergill , de Montigny , Duhamel
, Pringle , Guillaume Hunter & Sanchez ,
& une notice plus courte ſur la Vie & les
Ouvrages de MM. Harmant , Butter & Vetillart
du Ribert, Preſque tous ces noms
font célèbres , & tous ſont ici dignement
célébrés. Ce Recueil d'Éloges devient de plus
en plus précieux , 1º . par le fond des choſes.
L'analyſe des Ouvrages des meilleurs Médecins
, l'expoſition de leurs découvertes ,
de leurs idées , de leurs conteftations , de
leurs erreurs même , forment une Hiſtoire
favante & intéreſſante de la Médecine. 2º .
Par la Philofophie douce , humaine , aimable
, pleine de grâces , ſouvent fine , ſouvent
profonde de l'Auteur. Nous en citerons pluſieurs
traits , & nous renverrons à l'Ouvrage
même pour ce qui concerne les notions médicinales
, qui ne pourroient que perdre à
153 DE FRANCE.
être trop abrégées. L'Auteur ſépare avec goût
la partie de ces notions , qui , ne demandant
qu'une expoſition courte & rapide , peut
entrer dans le texte , & celle qui , exigeant
des développemens , devoit être renvoyée
dans les notes , & par cette ſage diſpenſation
, il ſe ménage les moyens de faire à la
fois, pour les uns un Ouvrage ſavant , pour
les autres un Ouvrage agréable , pour tous
un Ouvrage utile.
M. Fothergill , Médecin Anglois , de la
Secte des Quakers , paroît avoir été diftingué
dès l'enfance par ſa ſenſibilité. « Si l'enfant
>> que vous obſervez , dit à ſon ſujet M.
Vicq d'Azyr , s'émeut au récit des belles
>> actions , ſi ſes yeux ſe baignent de pleurs
>> auprès des malheureux , fi la peine ou la
>> joie de ſes proches s'étendent juſqu'à lui ,
>> n'en doutez point , ſon âme éprouvera
» cette réaction , cette ſympathie , ſi pro-
> pres à diminuer le poids de nos chagrins ,
- qui s'affoibliſſent en ſe partageant , & à
>> multiplier nos plaiſirs , qui s'accroiffent
>> au contraire par la communication. »
:
Ce ſeul mot : Nos chagrins s'affoibliſſent
enſe partageant , nos plaisirs s'accroiffent en
ſe communiquant , ſuffit pour faire ſentir les
avantages de la ſociété ,&fur-tout le prix
de l'amitié.
Ce fut cette ſenſibilité de M. Fothergill qui
lui fit choiſir l'état de Médecin, comme celui
où il auroit le plus d'occaſionsde ſervir utilement
l'humanité. Il ſe dévoua tour entier au
Gv
MERCURE
154
foulagement des pauvres. " Si les fonctions
>> de Medecin ſont belles, c'eſt moins dans
> les palais & parmi les grandeurs , où les
- motifs , ſoit apparens , ſoit réels de l'inté-
>> rêt , ne laiſſent aucune place à ceux de
» l'humanité , que dans la demeure étroite
• & mal ſaine du pauvre. Là , point de
• protecteur , point de cupidité ; la renom-
ود
ود
mée n'approche point de ces aſyles : tout
» s'y tait , hormis la douleur qui les fait fi
ſouvent retentir de ſes ſanglots ; les victi-
> mes de la misère , celles de la maladie &
de la mort , entaſſees , confondues , y of
frent un tableau déchirant & terrible :
> c'eſt-là où il eſt poſſible de faire le bien ,
* où l'homme peur ſecourir l'homme ſans
- concours , & même ſans témoins ; c'eſt-là
ود
ود où ſe plaiſent la générofité, la vraie bienfaiſance
, la tendre pitié; c'eſt-là où l'on
eſt sûr de trouver des larmes à effuyer ,
>> des infortunés àplaindre. »
ود
L'Auteur rend aux Médecins le témoignage
qu'aucun ordre de Citoyens ne remplit
ces devoirs auguſtes avec autant de zèle
&de courage.
En rendant compte des obſervations , des
découvertes faites enMédecine par M. Fethergill
, il examine s'il eſt vrai , comme tant
de gens le répètent au hafard , que cette
ſcience ne fafſe pas de progrès ; & il conclud
qu'on a lieu d'être étonné , au contraire , de
l'immenfité , de la multitude des faits ,
DE FRANCE. 155
dont la Médecine s'eſt enrichie depuis Hippocrate.
M. Fothergill prenoit un véritable intérêt
àla ſanté de ſes malades , & étoit inſtruit par
fon coeur de tous les ménagemens que leur
état exige.
" Peu d'hommes favent mourir , a dit la
>> Bruyère : ne pourroit - on pas ajouter qu'il
> y en a moins encore qui ſachent comment
>> la mort doit être traitée dans leurs fem-
>> blables ? Ces pleurs que l'on verſe avec
>> une forte d'empreſſement , ces ſanglots
que l'on étouffe avec bruit , tout cet ap-
* pareil , que préſente-t'il , finon le tableau
» d'une mort prochaine , mis ſous les yeux
» de celui qui en eſt menacé ? Ne ſemble-t'il
>> pas que l'on cherche des applaudiſſemens
>> pour prix de ſes larmes , ſans ſonger combien
elles font amères à celui qui en eſt le
>> ſujet ? Dans ce moment , comme dans
>> tant d'autres , nous ne demandons qu'à
ود être trompés , pour être moins malheu-
» reux. Obſervez ce malade ; ſes yeux fui-
>> vent les vêtres pour y trouver de l'eſpé-
» rance. Panfez ſes bleſſures avec le même
> ſoin que s'il pouvoit être guéri ...... & que
" le dernier regard de votre ami foit calme
» & ſans effroi. >>
M. Vion d'Azyr vante , avec raifon , l'utilitédes
tables dans leſquelles on fait mention
des cauſes de mort; il envie cet uſage à
l'Angleterre & à la Hollande ; il y a quelques-
unes de ces maladies que les familles
Gvj
156 MERCURE
croyent avoir intérêt de cacher ; & quel intérêt
encore , & quelle petite idée comparée
à l'intérêt général ! de quel droit s'efforceroiton
de voiler celui de tous nos inſtans qui
eſt le moins à nous ? L'homme en ſociété ne
naît ni ne meurt pour lui ſeul.
Un des projets de M. Fothergill avoit été
de proſcrire la traite des Nègres. Ce grand
crime des peuples commerçans , dit M.
Vicq d'Azyr , ne peut être détruit que par
les Souverains. M. Fothergill avoit prouvé
que les mêmes vûes de commerce & de culture
pouvoient être remplies , fans qu'on
eût recours à cette reſſource inhumaine. La
canne à fucre , objet de la traite des nègres ,
eſtpeut-être originaire d'Afie & d'Afrique ,
au moins elle y croît de temps immémorial;
c'eſt delà qu'elle a été tranſportée en
Eſpagne , aux Ifles Canaries , & enfin en
Amérique ; de ſorte que , par une combinaiſon
de circonstances fingulières l'avidité
Européenne a tranſporté à grands frais des
végétaux & des Colons étrangers dans le
nouveau Continent , au lieu d'employer les
uns & les autres dans celui qui leur étoit
propre. M. Fothergill propoſoit de rétablir
cet ordre , en faiſant cultiver la canne à fucre
enAfrique.
Né le 8 Mars 1712 , il mourut le 26 Décembre
1780. Nous connoiffons peu d'épiraphes
auffi belles & auſſi ſimples que celle
qui a été gravée ſur ſa tombe . Ci-git leDocteur
Fothergill, qui dépensa deux cent mille
DE FRANCE. 157
guinées pour lefoulagement des malheureux.
M. Mignot de Montigny , Tréſorier de
France , avoit voyagé utilement en Italie &
en Suiffe. Ses liaiſons avec M. Trudaine ,
dont le nom ſera toujours ſi cher aux Arts ,
lui fournirent l'occaſion de rendre les plus
grands ſervices à ſa Patrie. Pluſieurs manufactures
languiſſoient en France ; le Gouvernement
chargea M. de Montigny de les remettre
en activité. M. de Machault étoit alors
Contrôleur-Général. " On le compte parmi
» le petit nombre d'hommes d'État qui ont ,
>> dans leur retraite , deux grands motifs de
ود confolation , l'eſtime du peuple & leurs
>> vertus . Le Public eſt , pour les Miniftres
>> qui ſurvivent à leurs fonctions,un juge ſé-
ود vère , mais équitable , qui leur prononce
> d'avance l'arrêt de la poſtérité ; c'eſt pour
>> eux ſur-tout que la ſouange eſt permiſe ,
>> parce qu'elle n'eſt point intéreſſée. » :
M. de Machault avoit donné à M. de
Montigny un Coopérateur utile , & qui eut
part avec lui à une révolution heureuſe qui
ſe fit dans le commerce & dans les Arts.
C'étoit M. Olker , Officier Anglois ; il avoit
été fait priſonnier à la bataille de Culloden ,
où il combattoit pour le Prince Édouard.
Mis à la tour de Londres avec un de ſes amis ,
M. March , il n'attendoit que la mort. Ils
trouvèrent le moyen de percer le mur de
leur priſon ;M. March fortit le premier ; mais
l'ouverture étant trop étroite pour ſon ami ,
il eut le couragede rentrer dans ſa prifon
158 MERCURE
pour aider M. Olker à ſe ſauver ; ils vinrent
en France , & M. Olker ſe vengea de fes
perſécuteurs , en révélant les ſecrets de leurs
Arts, dont la France profita. C'eſt dans l'Ouvrage
même qu'il faut voir le détail de tous
les ſervices qu'ont rendus M. Olker & M. de
Montigny , des différentes branches d'induftrie
qu'ils ont créées ou ranimées , des fabriques
dont ils ont perfectionné le mécaniſme
, &c.
M. de Montigny étoit d'un caractère doux
& tranquille , qui n'étoit pas ſans fermeté.
Il mourut avec courage dans le cours d'une
maladie affez longue : ( c'étoit une hydropiſie
univerſelle ) il diſoit fouvent à Meſdames
de Meller & de Sabran , ſes nièces : Voilà
encore une bonne journée de paſſsée , grâce à
vos foins. Dans ſes derniers momens , il
exigea qu'elles fortiffent de ſon appartement
: Recevez mes derniers adieux , leur
dit-il , je sens qu'il est heure pour tout le
monde deſe retirer.
" Le mal dont il étoit atteint contribueit ,
>> par ſa nature , à rendre ſes ſouffrances
>> plus ſupportables. Dans les perſonnes
dont les ſenſations ſont vives & le fang
>> allumé , le flambeau de la vie s'éteint en
>> s'agitant & en ſe conſumant d'une ma-
> nière violente & précipitée dans ceux
"
an contraire d'une conftitution froide
dont les fibres relâchées ſe pénètrent de
fucs & s'engorgent , ſa flamme , comme
>> ſuffoquée par les eaux qui l'environnent ,
"
i
1
1
:
DE FRANCE. 159
1
» perd à chaque inſtant une partie de ſa
>> clarté , & diſparoît enfin après avoir
>> paffé par toutes les nuances qui peuvent
>> exiſter entre la vie & la mort .
M. de Montigny eſt mort le 9 Mai 1782.
Pour louer dignement M. Duhamel , il a
fallu le décompoſer , il a fallu dire ſéparément
tout ce qu'il a fait : 1º. en général
pour l'agriculture , & en particulier pour
les jardins , pour les champs , pour la conſervation
des grains , pour les arbres & les
forêts. 2°. Pour la Phyſique , & , en fubdiviſant
encore cet objet , pour la Phyſique
générale , la Chimie , l'Anatomie , la Médecine
, l'Hiſtoire des Arts , &c. 3 °. Pour
la Marine , & en particulier pour l'art de la
Corderie , l'art de la conſtruction des Vaiffeaux,
l'art de conſerver la ſanté des gens
de mer , l'art de la Pêche , &c. " J'ai re-
" cueilli avec refpect , dit ſon Hiſtorien ,
>> les principales époques d'une vie auffi utilement
employée, &je me ſuis efforcé de
réunir en un feul foyer tous les rayons de
>> ſa gloire. >>
Le parallèle de M. Duhamel & de M. de
Denainvilliers , ſon frère , eft plein d'intérêt
&de vérité.
• Ces deux hommes , quoique d'un ca-
» ractère très-différent , étoient néceſſaires
» à l'exiftence l'un de l'autre: le premier
partageoit fon temps &fon activité entre
ſes travaux & ſes voyages. M. de Denain-
» villiers concentroit dans faTerre fon nom
160 MERCURE
» & ſes plaiſirs; s'il travailloit , ce n'étoit
ود que pour ſonfrère , qu'il préféroit à tout,
» même à la gloire , puiſqu'il a fait pour
>> lui ce qu'il n'a jamais voulu entrepren-
>>dre pour elle. M. Duhamel apprenoit
>>avec joie que ſes vaſſaux étoient heureux ;
>> il applaudiſſoit , ſans ſe diſtraire de ſes
>>travaux , à tout ce qui pouvoit accroître
>> leur félicité ; mais M. de Denainvilliers en
>> étoit l'inſtrument ; il s'étoit réſervé le
>>plaifir & les détails de la bienfaiſance ,
>> dont les réſultats ſuffifoient à M. Duha-
>> mel. C'étoit M. de Denainvilliers qui
>> diſtribuoit les vêtemens aux pauvres au
>> commencement de l'hiver , & qui les
nourriffant dans la ſaiſon la plus rigoureuſe
, leur donnoit quelques emplois
» pour leur faire croire qu'ils tenoient de ſa
>>juſtice ce qu'ils ne devoient qu'à ſa géné-
ود
ود
n rofité. M. Duhamel étoit affligé lorſqu'il
>> voyoit ſes cultivateurs , diviſés par la dif-
>>corde , conſommer le produit de leurs
>> moiſſons dans des procédures diſpen-
>> dieuſes ; mais c'étoit M. de Denainvilliers
>>qui jugeoit leurs querelles , & chacun
>> d'eux avoit en lui un ami commun qui
>> rendoit leur accommodement facile. M.
>>Duhamel joignoit ſans doute les qua-
>>lités du coeur à celles de l'eſprit ; mais ce
>> dernier étoit en lui le plus exercé : dans
M. de Denainvilliers , le coeur l'étoit davan
> tage. L'un ſera célébré dans les faſtes des
>> Sciences; l'autre a été chanté par un Poëte
DE FRANCE. 161
>> ſenſible , & fon nom vivra dans les faſtes
» de l'humanité. » C'eſt de lui que Colardeau
a dit , dans une Épître qu'il lui avoit
adreſſée :
Nouveau Titus , affis fur un trône de fleurs ,
Citoyen couronné , tu règnes ſur les coeurs.
Déjà n'entends-tu pas , au ſein de tes domaines ,
Ce peuple qui cultive & féconde tes plaines ,
Tranquille ſous les toits que tu viens d'achever ,
Bénir le bienfaiteur qui les fit élever ?
M. Duhamel n'étoit point un homme qui
ſe piquât de bons mots ni de réparties heureuſes
, mais les étourdis donnent quelque ,
fois ſi beau jeu aux ſages , que ceux-ci ont
de la peine à ſe refuſer à l'occaſion . M. Duhamel
ayant été nommé Inſpecteur de la
Marine , rencontra un jeune Officier qui tâchoit
d'expliquer un phénomène , dont M.
Duhamel avoua ingénuement qu'il ignoroit
la cauſe. Le jeune homme lui demanda ironiquement
à quoi donc il ſervoit d'être de
l'Académie. Ony apprend , répartit M. Duhamel
, à ne parler que de ce que l'onfait.
Un Philoſophe , à qui un Empereur , ami
des Lettres , avoit donné une place Littéraire
importante , répondoit ſouvent aux queſtions
qu'on lui faiſoit : Je n'en fais rien , parce
que c'étoit un vrai Savant. Un ignorant lui
dit un jour : L'Empereur vous paye pour le
Savoir.- L'Empereur , répliqua le Philoſophe
, me paye pour ce quejefais; s'il me
162 MERCURE
1
payoit pour ce que j'ignore, tous les tréſors
del'Empire n'ysuffiroient pas.
M. Duhamel mourut dans le mois d'Août
1781 . :
Onfait tout ce que M. Pringle , ſavant
Médecin Écoſſois , a fait pour la Médecine
des Hôpitaux & des Armées ; il donnoit
beaucoup à l'expérience , qui lui avoit beaucoup
donné. Lorſqu'il s'informoit dans le
cours de ſes voyages, de l'état de la Médecine
dans chaque pays , il demandoit , non
quelle méthode on ſuivoit, mais quels remèdes
on y employoit dans le traitement
des maladies. L'empyriſme lui paroiſſoit le
moyen le plus efficace pour l'avancementde
cette ſcience. Qu'il foit au moins raisonné
cet empyrisme,lui diſoit unde ſes confrères.
Le moins qu'il ſe pourra , répondit M. Pringle
, c'est en raifonnant que nous avons tout
gâté.
L'épitaphe ſuivante donne une juſte idée
des talens , des lumières &des vertus de M.
Pringle , lequel eſt mort le 18 Janvier 1782.
M. S.
Viri egregii Joannis Pringle , Baronetti ;
Quem exercitus Britannicus ,
Celfiffima Wallia Principeſſa ,
Regina Sereniffima ,
Ipfius denique Regis Majestas ,
Medicum fibi comprobavit
Experientiffimum , Sagacem , Arenuum :
DE FRANCE: 163
Quem , ftudiis Academicis Florentem
Edimburgenfes olim fui ,
In cathedrâ disciplina eshica dicatâ
Adhucjuvenem collocârunt :
Quem pofteà , atate ac fcientiâ provedum ,
Primum perhonorifico ornavit pramio ,
Deindè adfummam apudſe dignitatem evexit
Societas Regia Londinenfis.
Qualis fuerit medendi artifex ,
Quali rerum comprehenfione praditus ,
Materiamfuam multiplicem
Quamſcienter explicuerit & illuftraverit ,
Scripta viri dočtiſſimi teſtentur
PerEuropam omnem diſſeminata ,
Necforis minùs quàm domi nota.
Quâ autem fide & integritate fuerit ,
Quàm veri tenax & inimicus fraudi ,
Quàm conftansfupremi numinis cultor ,
Ii quibufcum vixit , teftesfunto.
L'Éloge de M. Guillaume Hunter , Préfident
de la Société de Médecine de Londres ,
intéreſſe particulièrement l'Anatomie & l'Art
des Accouchemens.
L'Éloge de M. Sanchez intéreſſe tout le
monde ; l'Auteur nous en a lui - même fourni
l'extrait dans ſon exorde , & nous ferions
fcrupule d'en employer un autre. " Un home
me , dit-il , d'une conſtitution foible &
délicate , preſque toujours ſouffrant , d'un
1
164 MERCURE
> caractère timide & doux, qui , plein d'ar-
´ deur pour l'étude , n'a aucun defir de la
» célébrité , qui ne fait nul cas des richeſſes ,
» & qui , fur-tout , eſt très -éloigné de tout
>> eſprit d'affaires & d'intrigues ; cet homme
» entre dans une carrière dont il ne connoît
> ni les fatigues ni les dangers ; il parcourt
» les climats glacés du Nord , y eſt témoin
» des guerres les plus ſanglantes , s'y diftin-
>>gue par ſes ſervices dans le traitement
>> des épidémies les plus déſaſtreuſes , eſt
>> porté par ſes ſuccès à une des Cours les
> plus brillantes de l'Europe , y eft comblé
» d'honneurs , & compromis enfin dans la
> querelle des Rois ; il perd tout au milieu
» de la tempête ; il tremble même pour ſes
» jours ; mais la fortune , qui veut plutôt
>> l'inftruire que l'affliger , lui rend le calme ,
>> dont ſes revers lui font ſentir tout le prix.
» Pour cette fois , les leçons de l'expérien-
» ce & du malheur ne ſont point perdues.
» Cet homme eſtimable , à l'abri de toute
• ſecouffe , vit tranquille , réunit ſes obfer-
>> vations , les écrit ou les publie , & ne
• meurt qu'après avoir été long-temps un
> modèle de bienfaiſance &de vertu. »
On peut , par ce précis , juger de l'intérêt
de l'Éloge entier : il faut le voir dans l'Auteur
; nous ne voulons ni ne pouvons ſuppléer
ſon Ouvrage , nous ne devons qu'avertir
nos Lecteurs de ce qu'il renferme , &
leur prouver combien il mérite d'être lû.
L'Auteur penſe beaucoup , écrit bien ; & en
DE FRANCE. 165
peignant l'âme pure & vertueuse des vrais
Savans , il fait connoître , aimer & reſpecter
la ſienne..
LE JALOUX , Comédie en cinq Actes & en
vers libres , par M. Rochon de Chabannes ,
repréſentée pour la première fois , ſur le
Théâtre de la Nation , le 11 Mars 1784,
& le 16 du même mois à la Cour. A
Paris , chez la Veuve Ducheſne , Libraire ,
rue S. Jacques.
C'ÉTOIT un projet hardi , que celui de
porter au Théâtre le caractère du Jaloux. Si le
ſuccès promettoit de la gloire , il devoit rencontrer
mille difficultés , une , entre-autres ,
preſqu'inſurmontable, l'opinion. On fait que
Molière a échoué dans le Prince Jaloux , &
que depuis cet homme immortel , pluſieurs
Ecrivains ont vainement tenté de réuſſir dans
une entrepriſe où ce premier des Poëtes Comiques
du monde n'a pas été heureux.
M. Rochon de Chabannes a eu le courage
de braver le préjugé défavorable que tant
d'inutiles effais avoient élevé ; il s'eſt préſenté
dans la carrière , & les applaudiſſemens
qu'il a reçus ont prouvé qu'il n'eſt pas toujours
impoffible de vaincre de vieilles préventions.
Avant d'examiner comment il a
traité ſon ſujet , & les moyens qu'il a employés
pour parvenir à plaire , jetons un
coup d'oeil rapide ſur quelques-uns des Drames
qui ont précédé le ſien , &dans leſquels
1
166 MERCURE
Γ
on s'eft propoſé de peindre lajaloufie comme
caractère principal. Nous ne citerons point le
Jaloux honteux de Dufresny , repréſenté au
Théâtre François en 1708 , ni le Jaloux de
Beauchamps , joué à la Comédie Italienne
en 1723 ; nous ne parlerons quedes Ouvrages
qui pourroient entrer en comparaiſon avec
celui dont nous voulons rendre compte.
Don Garcie de Navarre , ou le Prince
Jaloux , Comédie Heroïque de Molière ,
n'eut aucun ſuccès. Ce n'eſt pas que cette
production ſoit indigne d'eſtime ; au contraire
, on y reconnoît le Philoſophe , l'obſervateur
profond , & le coup-d'oeil d'un
homme habitué à deviner les ſecrets les plus
cachés du coeur humain. Le caractère deDon
Garcie eft tracé de main de Maître: tous les
mouvemens que peut exciter une paffion indomptable
, & fans ceffe renaifſante , y font
développés avec autant de vérité que d'énergie;
mais la jalouſiey eſt repréſentée ſous un
aſpect ſérieux & même triſte ; & cette efpèce
de dignité, que ſur tout , au Théâtre ,
il faut prêter aux moindres actions des
Grands , n'a pas permis à Molière de donner
à ſon principal caractère la teinte de ridicule&
de comique, ſans laquelle un Jaloux
ne fauroit plaire à la Scène. L'intrigue de la
Pièce eft froide & lente , & l'attention qui
devroit ſe fixer ſur le principal perſonnage ,
en eſt trop ſouvent détournée par des intérêts
qui appartiennent plus au genre Tragique
qu'à la Comédie.
DE FRANCE. 167
Le Jaloux de Baron n'a conſervé aucune
eſtime. Il eſt mal écrit , mal intrigué , & fans
aucun intérêt. Il ſeroit difficile de trouver
au Théâtre un caractère auſſi emporté , diſons
mieux , un frénétique aufli décidé que
Moncade. Ceux qui aiment qu'un tempé
rament jaloux s'annonce par des actes de
violence , ſeront ſatisfaits fans doute de ce
bizarre perſonnage. En entrant ſur la Scène ,
il fait une queſtion à Paſquin , ſon Valet ;
&pour le remercier de lui avoir répondu ,
il le jette par terre d'un coup de pied ; enſuite
il lui donne un ſoufflet , parce qu'il ne
lui répond pas ; & parce que le miférable
ſe plaint d'un traitement auffi cruel , il veut
lui paſſer ſon épée au travers du corps. Il
n'eſt guères plus décent avec Mariane , ſa
maîtreffe , & néanmoins il l'époule à la fin
de la Pièce.
Le Jaloux Défabufé, de Campiſtron , ne
répond point à fon titre. Dorante n'eſt point
réellement jaloux . On projette de le forcer
à conſentir au mariage de ſa ſoeur Julie ,
avec un jeune homme nommé Clitandre ;
pour cet effet , on lui donne des inquiétudes
fur les vûes de ceux qui entourent ſa femme
Célie. Dans un des accès de ſon humeur jalouſe
, il conſent à l'union des amans , &
propoſe à ſa femme de quitter Paris , pour
le ſuivre dans une de ſes terres. Alors , on
l'inſtruit du deſſein qu'on a formé, & il s'apperçoit
qu'il a été la dupe d'un ſtratagême ,
imaginé ſeulement pour vaincre fon opi-
1
168 MERCURE
niâtreté. Il y a au reſte du mérite dans cette
Comédie , & elle a un but véritablement
moral , quoiqu'il ſoit étranger à ſon titre.
L'Auteur de la Double Extravagance a
mis auſſi au Théâtre François une Comédie
en trois Actes & en vers , intitulée le Jaloux.
Cet Ouvrage manque de comique & d'intérêt.
Il eſt aſſez raiſonnablement conduit ;
mais les motifs de la jalouſie de Verville ont
été généralement déſapprouvés. Un certain
Lindor a aimé avant lui Orphiſe, ſa maîtreſſe ,
lui a fait inutilement la cour , & eſt mort en
l'adorant ; & voilà l'extravagant Verville qui
s'imagine que Lindor a été aimé , qui le regarde
comme un rival, & qui devient jaloux
de ſes mânes. On peut convenir que ſi la
jalouſie mène ſouvent à la démence , jamais
elle n'a fait extravaguer perſonne plus complettement
que Verville. Il ne faut qu'un
vice de cette eſpèce pour décréditer abſolument
un Ouvrage , & c'eſt celui qui a le
plus nui au ſuccès du Jaloux dont nous
parlons.
M. Rochon de Chabannes a ſuivi une
route tout-à-fait étrangère à cellede ſes prédéceffeurs.
Il a ſu rendre le Chevalier de Belgarde
intéreſſant &conique ; il eu a fait un
homme de bonne compagnie, tendre, ſenſible
, délicat , généreux , mais fans ceffe emporté
par un tempérament jaloux , inquiet ,
timide& ſoupçonneux ,& réaliſant ainſi par
l'effervescence de ſon imagination trop active,
toutes les chimères de la jalouſie. Voilà
fans
DE FRANCE. 169
fans doute les reſſorts qu'il falloit faire
mouvoir pour plaire à des Spectateurs François.
Nous ne donnerons point ici une nouvelle
analyſe de cette Comédie , dont l'action
devient un peu lente au troiſième
Acte ; c'est-à dire , à l'inſtant où elle doit
acquérir beaucoup de chaleur ; elle eſt affez
connue pour que nous nous en diſpenſions:
nous allons ſeulement examiner comment le
caractère du Jaloux eſt établi , comment il eſt
mis en Scène , & comment il ſe développe
depuis l'expoſition juſqu'au dénouement.
"La Scène eſt à la campagne , dans un château
du Baron, oncle de la Marquiſe. L'humeur
inégale & chagrine du Chevalier , en a banni
toutes les perſonnes qui s'y étoient rendues.
Rien de ce qui a juſqu'alors excité
ſa jalouſie n'a pu réſiſter à ſes boutades :
tout à fui . Cet éclat a donné à la Marquiſe
une humeur légitime , qui a produit
entre les amans une Scène affez vive.
Valfain , un parent de la Marquiſe , vient
lui rendre viſite , & paffer quelque temps
au château du Baron. Les politeſſes d'uſige
que la Marquiſe lui fait à ſon arrivée , alarment
d'abord le Chevalier , & de ce moment
il confidère Valſain comme un amant à qui
on le facrifi .Tout devient pour lui matière
à ſoupçon. Un geſte, un ſigne, un regard jettent
le trouble dans ſon âme. Aufli amoureux
que jaloux , il force bientôt Valíain à
s'expliquer fur ce qu'il penſe de ſa parente;
& très- étonné de ce qu'elle ne lui a pas inf
Νο. 17 , 23 Avril 15 . H
170 MERCURE.
piré le plus violent amour , il s'in ligne de ce
qu'il appelle l'inſenſibilité de celui que
cinq minutes auparavant il regardoit comme
un rival , & il s'en indigne au point
qu'il eſt prêt à lui propoſer un défi, s'il ne
conſent à rendre juſtice aux charmes de fa
belle; Scène très-piquante, où par une inconféquence
bien digne d'un homme amoureux
& jaloux , tour-a-tour il craint qu'on
aime & ſe dépite de ce qu'on n'aime pas
ſa maîtreffe. On ne peut que ſavoir gré à
l'Auteur d'avoir ainſi rapproché toute l'ivreffe
de l'amour de l'excès de la jalousie. On eſt
porté à excufer un Jaloux quand on le voit
ainſi idolâtrer , divinifer fa maîtreffe. Par le
délire dont on fent qu'il eſt pénérré , on juge
du prix qu'il attache à la poſſeſſion de ce
qu'il aime , on devine que ſa jaloufie provient
enpartie de la crainte de ne pas être
digne d'occuper tout entier un oblet fait pour
être adoré; & fi cette confidération ne fauve
pas tout-à- fait un amant du ridicule attaché
à la jalousie, au moins force - t'elle à lui accorder
de l'intérêt.
Le Chevalier inſpire très-vivement cette
eſpèce d'intérêt ,fur-tout dans la Scène trois
fième du ſecond Acte , où il laiſſe éclater
route ſa tendreffe, & motive les cauſes de ſes
fréquentes inquiétudes. Eh voilà donc, dit la
Marquife ,
: Eh voilà done mon eſclavage ,
Les ſcènes de dépit& les ſcènes d'humeur
DE FRANCE. 171
Que j'eſſuyerois dans mon ménage ,
Si j'avois le bonheur d'être unie à Monfieur.
LE CHEVALIER.
Si vous étiez ma femme ! ah ! pouvez - vous , cruelle
Douter un ſeul inſtant des ſoins d'un coeur fidèle !
Vous ſeriez ma divinité ;
Vos ordres , vos deſirs , tout ſeroit reſpecté ;
Et dans une extaſe éternelle
Je jouirois de ma félicité.,
Comparez- vous le ſort d'un époux fans alarmes ,
Jouiſſant du bonheur de poſſéder vos charmes ,
Acelui d'un amant plein de trouble & d'ennui ,
Qui voit juſqu'à l'eſpoir s'envoler loin de lui ;
Quimême tous lesjours , à chaque inſtant , Madame ,
Se perd auprès de vous par l'excès de ſa flamme ?
Tout ce que vous valez , & le peu que je vaux ,
M'inſpirent malgré moi de la mélancolie :
Je ne faurois vous voir , de tout point accomplie
Sans redouter mille rivaux ;
Et vous éprouveriez la même jalouſie
Sij'avois en partage aſſez de qualités
:
Pour inſpirer à vos ſens agités
Lamême paſſion dont mon âme eſt remplie.
On fent qu'un homme qui aime , qui
penſe & qui s'exprime ainfi , fait néceſſairement
oublier ſes torts,quand ils n'ont point
encore compromis l'objet de ſa tendreffe;
auſſi la Marquiſe pardonne-t'elle , & le Che
Hij
172
: MERCURE
;
valier ſe propoſe de ne jamais céder à'fes
foupçons jaloux. Mais ces beaux projets ſont
bientôt oubliés. Une Comteſſe de Valleroy ,
femme comme on en voit aujourd'hui quelques-
unes , qui aime les chiens , les chevaux ,
la chaffe , en un mot tous les exercices qui
conviennent à notre ſexe , eſt préſentée au
Baron & à la Marquiſe. Vêtue d'abord en
amazone , elle quitte bientôt ce coſtume
pour en prendre un qui la gêne moins , &
qu'elle affectionne particulièrement , un uniforme
de Dragons. Cette extravagance démonte
tout-à-coup la tête du pauvre Che
valier. Il fait que la Comteſſe de Valleroy a
un frère qui lui reffemble beaucoup :
Le beau Comte de Florimon ,
Un Adonis moulé ſur celui de la fable ,
Dont le teint, la fraîcheur , les grâces & le ton
Sont d'une belle & non pas d'un Alcide ;
Et l'on conte à Paris cent tours de ſa façon
Joués à la faveur de ce minois perfide .
Il ſe perfuade donc que la Comteffe n'eſt
autre que ce Florimon , qui eſt devenu amoureux
de la Marquiſe , qui a mis Valſain dans
ſa confidence , s'est fait préſenter par lui , &
a formé le projet de ſe faire aimer , après
avoir ſupplanté un rival. Il ſe pénètre ſi fortement
de cette idée , que rien de ce qu'on
peut faire & dire ne le peur tirer de fon
'erreur. Mille fois plus inquiet qu'il n'a jamais
été, il ne refpecte rien, trouble juſqu'au
:
1
DE FRANCE. 173
repos de la Marquiſe pour laiffer éclater de
nouvelles folies à l'inſtant même où celle- ci ,
ſeule avec ſa Femme-de- Chambre , qui n'eſt
point dans les intérêts du Chevalier , vient
d'excuſer ſa jaloufie avec l'attendriſſement
&l'indulgence dontun coeur bien épris peut
ſeul être capable. Ce défaut , diſoit-elle ,
... Ce défaut , ſans doute inſupportable ,
Avec un coeur fi tendre eſt peut- être excuſable.
Le Jaloux fans amour * qu'aigrit la vanité ,
L'homme qui n'a brûlé que de légères flammes ,
Jugeant ſur ſes erreurs l'innocente beauté ,
Sont de lâches tyrans qui révoltent nos âmes .
Mais ces hommes ardens , inquiets , véhémens ,
Cédant à leurs tranſports , à leurs emportemens ,
Par un éxcès d'amour qui troublent tous leurs ſens,
Intéreſſent toujours les femmes.
La plus extrême indulgence a ſes bornes ,
* Ce caractère a été mis au Théâtre en 1781 ,
parl'ingénieuxAuteur du Jugement de Paris. LePublic
a traité ſonOuvrage, nous ne diſons pas avec rigueur ,
mais avec une injustice dont , trop malheureuſement ,
onvoit de tenips en temps quelques exemples.On ne
peut que defirer de voir remettre cette Comédie ,
digne d'un meilleur fort ; fur- tout fi M. Imbert , en
abjurant une complaiſance dont il a été la victime ,
fait repréſenter ſon Jaloux comme il l'a fait , &
purgé de tous les changemens , corrections & additions
que des conſeils, au moins indiſcrets , l'ont forcé
de faire à fon premier plan.
Hiij
174 MERCURE
1
:
:
& la Marquiſe finit par ſe révolter contre
l'audace de fon Jaloux ; elle refuſe d'entendre
: Les graves petits faits qui le glacent d'effroi .
Et ce refus , joint aux civilités dont elle honore
le prétendu Comte , confirmé dans l'efprit
du Chevalier l'idée qu'il eft trahi. Mais
l'inſtant où il eſt tout-à-fait exalté, eſt celuioù
il voit dans un appartement voiſin de celui de
laMarquiſe, une robe de chambre d'homme
étendue ſur une chaife , & où , quelques minutes
après, un mot qu'il interprête à fon déſavantage
, lui fait croire qu'on veut s'amufer
à ſes dépens. Il s'élance dans l'appartement
par une fenêtre du jardin , met les
femmes en fuite par ſon impétueuſe appatition.
Il eſt en proie aux tourmens de la jaloufie
dans toute ſa fureur, ſon délire eft à
fon comble.
Je ſuis ( dit-il) épouvanté moi-même & furieux
D'une action auffi hardie.
Mes cheveux hériffés ſur mon front pâliſſant ,
Sont tout inondés d'eau qui couvre mon viſage ;
Et ma langue épaiſſie en mon palais brûlant,
Ne fauroit exhaler les tranſports de ma rage.
Cette citation nous rappelle lejeu fublime
de M. Molé dans cette Scène brûlante , &
c'eſt avec un vrai plaifir que nous réitérons
ici les éloges que nous lui avons déjà donnés
dans ce Journal.
:
DE FRANCE.
175
La fin de tous les emportemens du Che
valier le conduit à la plus haute de toutes les
folies , à celle qui le couvre de ridicule, & qui
le perd dans l'eſprit de laMarquiſe. Il adreffe
un cartel à la Comteſſe , & le lui fait porter,
par ſon Valer. Cette ſituation eſt d'un bon
comique & d'une grande gaîté ; elle contraſte
parfaitement avec l'attirude douloureuſe
où l'on vient de voir le Chevalier , &
l'âme affaiffée par le ſpectacle fâcheux des
erreurs d'un homme aimable & honnête ,
> mais devenu réellement coupable , ſe repoſe
avec plaifir ſur un incident agréable & neuf.
Quand la Comteſſe reçoit le cartel , elle,
s'imagine tout ſimplement que c'eſt un billet
galant ; & comme elle a trouvé le Chevalier
très-aimable , elle ne ſe fâche pas trop de
fon indifcrétion . Elle est très-étonnée quand
elle apprend ce qu'on lui propoſe ; elle ſe
pique , & puis tourne la choſe en plaifanterie
:
J'accepte le cartel : c'eſt la ſeule folie
Qui puiſſe bien répondre à ſon étourderie.
Ah ! ce défi me rend toute ma bonne humeur :
Il va cauſer ici la plus vive rumeur ,
Charger le Chevalier , pour prix de ſa mépriſe ,
De l'indignation de ſa chère Marquiſe ,
Me venger de tous deux , dérouter les railleurs ,
Et faire de mon bord paſſer tous les rieurs.
Appelons le valet de mon fier adverſaire ;
Mais prenons devant lui l'air leſte & raſſuré
Hiv
176 MERCURE
D'un Cavalier , d'un Militaire
Toujours aux combats préparé.
Valſain,le Baron, la Marquiſe ſont témoins
du fingulier rendez vous. En vain la Comteffe
cherche encore à éclairer le Chevalier ;
foins inutiles: il ne reſpire que la vengeance ,
&preſſe l'épée à la main ſon prétendu rival ,
qui , heureuſement , ne court aucun riſque ,
parce que Valfain eſt là pour ne laiſſer aller
les choſes que juſqu'à un certain point. On
ſépare les combattans ; & c'eſt avec beancoup
de peine qu'on force le Chevalier à ſe
convaincre que la Comteſſe eſt réellement
une femme. C'eſt-elle qui , enfin , le défabuſe
, en lui parlant ainfi :
Je conviens avec vous que je ſuis un peu folle ,
Que je ſaiſis vos airs & votre ton frivole;
Mais comment ai-je pu troubler votre raiſon ?
Et quand j'ai pris tantôt la fuite à votre vûe ,
Quand, tout-à-l'heure encor,là,nonmoins éperdue,
J'évitois , Chevalier, ce combat inégal
Que vous me préfentiez en Cavalier loyal ,
Pouviez - vous à ces traits néconnoître une femme ?
Reprenez vos eſprits.
T
LE CHEVALIER.
Se pourroit il , Madame ! ....
VALSAΙΝ.
Bon! il en doute encor.
DEFRANCE. 177
LA COMTESSE , en riant.
Je ne puis , en honneur,
Aller plus loin pour vous tirer d'erreur.
Ce dernier trait ouvre les yeux du Chevalier
; mais il l'éclaire en même temps ſur
tous les inconvéniens attachés àſon caractère
jaloux. Auſſi dit- il à la Marquiſe ,
Je n'entreprendrai pas d'excuſer ma foibleſſe ,
Si malgré vos vertus , votre délicateſſe
Je n'ai pu vous aimer ſans trouble& fans effroi.
Rien ne peut me changer , &je ſens que je doi
Renoncer à l'amour , qui n'est pas fait pour moi.
Quoique le Chevalier inſpire véritablement
de l'intérêt , néanmoins on eft bienaiſe
de le voir forcé de renoncer à l'hymen
de la Marquiſe. La jalouſie eſt un de ces vices
que la raiſon , les réſolutions les plus fortes
ne peuvent vaincre abſolument; & toute
femme qui ſe détermine à épouſer un homme
jaloux par tempérament , ne fait naître
d'autre penſée que celle d'un mariage malheureux.
M. Rochon a donc bien fait d'éloigner
ſon Chevalier ; par ce moyen , il a rempli
le but moral que doit ſe propoſer tout
Auteur Dramatique , but qui a été oublié
par preſque tous ceux qui , avant lui , ont
peint le caractère du Jaloux.
Les détails dans lesquels nous ſommes
entrés doivent avoir prouvé à nos Lecteurs
que M. Rochon a bien vû , bien ſaiſi & bien
Hv
178 MERCURE
exécuté le caractère qu'il s'étoit proposé de
tracer. Quelques perſonnes ont deſapprouvé
le mouvement qui porte le Chevalier à efcalader
la fenêtre de la Marquise ; & nous
nous permettrons de ne pas être de leur avis.
En voici la raiſon. La Comteſſe doit coucher
auprès de l'appartement de la Marquiſe , il
s'eſt perfuadé qu'elle eſt un hommes que
l'honneur de fa maîtreſſe court les plus
grands dangers , ou qu'elle le trompe. Exalté
par ces idées , il a perdu décidément la tête ,
il ne peut être arrêté par aucun frein. Avertir
ou démaſquer la Marquiſe , voilà tout ce
qu'il peut ſe propoſer. Il entre par la fenêtre ,
parce que les portes font fermées. L'excès
qu'il ſe permet bleffe les convenances fociales
,&tant mieux; car il faut que le Chevalier
foit fidèle à fon caractère , & qu'il
devienne coupable ; mais il ne bleſſe aucunement
les convenances du Théâtre. Il n'y a
dans fon procédé , tout condamnable qu'il
eſt, ni brutalité ni indécence. Voilà ce qu'on
peut appeler atteindre au but , fans toucher
laborne.
La critique qu'on s'eſt permiſe du traveftiffement
de la Comteffe ne nous paroît pas
mieux fondée. Ceux qui l'ont faite n'ont pas
fongé que , dans ſon Prince Jaloux , Molière
s'eft fervi d'un moyen tout ſemblable ,
&que perfonne ne l'a blâmé , parce que les
motifs fur lesquels il eſt établi ſont vraiſemblables
. Ceux de M. Rochon ne le font pas
moins , puis qu'ils font tirés de nos moeurs
DE FRANCE.
179
actuelles . Comme le but de la Comédie eft
de corriger les uſages vicieux , l'Auteur ne
manque point de s'élever contre un abus
dangereux.
LE BARON .
On a toujours tort d'armer la calomnie.
VALSAIN.
Comment , pour s'habiller en homine !
LEBARON.
Mon ami,
Je ne ſuis point frondeur & du ſexe ennemi :
Mais ce goût va ſouvent bien plus loinqu'on ne penſe;
On veut avoir nos airs , notre ton , notre aiſance .
Voilà , dans ce ſexe charmant
Qui perd de ſa candeur ſous notre habillement ,
Où le ridicule commence .
Il faut être de bien mauvaiſe humeur pour
blâmer un reffort , dont il reſulte une morale
vraie & des effets comiques.
L'intrigué de cette Comédie eſt très-fimple
, & nous penſons que ce n'eſt pas un défaut.
La Comédie de caractère nous ſemble
ne pas demander une intrigue trop compliquée.
Un nombre fuffifant de ſituations &
d'incidens capables de mettre en action le
caractère qui fait le fonds de l'Ouvrage ,
voilà tout ce qu'il faut , à notre avis, à la
Comédie de ce genre ; & ſi , dans ce cas , un
Auteur s'embarraſſoit dans les fils d'une in-
Hvi
180 MERCURE
trigue un peu ferrée , ou il nuiroit aux déve
loppemens qui peuvent mettre ſa principale
phyſionomie dans un jour fait pour frapper
tous les yeux , ou il fatigueroit l'attention
du Spectareur , & feroit un exercice pénible
d'un délaſſement agréable & inftructif.Qu'on
examine la marche du Misantrope , & l'on
ſe convaincra que notre opinion eſt fondéc
ſur une grande autorité.
Apropos du Miſantrope , nous obferve
rons que quelques obſervateurs ont dit que
ce perſonnage eſt jaloux , & que Molière lui
adonné une coquette pour maîtreffe . On est
parti delà pour reprocher à M. Rochon de
n'avoir pas donné un peu de coquetterie à
la Marquiſe. Ce reproche eſt bien frivole.
Dabord , fi la Marquiſe étoit coquette , le
Chevalier ſeroit juſtement jaloux , & M. Rochon
auroit peint un homme ſenſible , &
non un homme injuſte , & c'étoit le dernier
qu'il falloit peindre. Enfuire ce n'eſt pas
parce qu'Alceſte eſt jaloux que Molière le
rend amoureux d'une coquette , c'eſt parce
qu'il eſt miſantrope , & que cette foibleffe
fait reffortir davantage la bruſque inconféquence
, la fauvage & ridicule rudeſſe de ſon
perſonnage.
Ce que nous en avons cité , prouve que
nous avons eu raiſon de faire l'éloge du ſtyle
de cet Ouvrage , auquel on ne peut reprocher
que de très- légères négligences , un peu
d'uniformité dans le mouvement , & quelques
répétitionsdont on nes'apperçoit guères
DE FRANCE. 181
qu'à la ſuite d'une lecture réfléchie. Le dialogue
eſt vif, ferré , naturel; les détails en ſont
brillans , & leur éclat n'exclud ni le goût ,
ni la facilité , ni la grâce. Mérite rare , aujourd'hui
ſur-tout que le bel eſprit étouffe
le bon eſprit , & que le clinquant eſt ſubſtitué
à l'or pur.
Cette Comédie n'a point eu , le jour de
ſa première repréſentation , la réufſite qu'elle
méritoit. On s'eſt attaché a critiquer quelques
détails , au fond inutiles , & par conſéquent
faciles à retrancher. L'Auteur , docile
& courageux , a fait diſparoître tout ce
qui avoit déplu , & s'eſt ainſi aſſuré un ſuccès
durable. Il eſt le ſeul de nos Écrivains
Modernes qui puiſſe meſurer fes triomphes
au nombre de ſes Ouvrages ; & fi l'on defcendoit
dans l'arène dramatique avec une
bannière, il pourroit écrire ſur la fienne ,
par alluſion à ſes ſuccès : Necpluribus impar.
(Cet Article est de M. de Charnois. )
SPECTACLES.
ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.
L'OUVERTURE de ce Théâtre s'est faite,
Mardis de ce mois , par une repréſentation
de Panurge , qu'on a continue le Vendredi
& le Mardi fuivans. Le ſuccès de cet Opéra
182 MERCURE
ſe confirme par l'affluence qu'il continue
d'attirer , & par les applaudiſſemens qu'il a
constamment obtenus .
Dimanche , 10 , on a donné une repréſentation
d'Iphigénie en Aulide , dans laquelle
Mlle Saint- Huberti a joué le rôle de Clytemnestre
, & Mlle Dozon celui d'Iphigénie.
Cette nouveauté étoit bien faite pour exciter
la curioſité & l'empreſſement du Public;
mais nous ne pouvons pas diffimuler
que ſon attente n'a pas été remplie , & que
l'effet n'a pas répondu à l'idée , peut -être exagérée
, qu'on s'en étoit faite.
Il étoit impoſſible que Mlle Saint-Huberti,
avec l'intelligence ſupérieure dont elle a
donné tant de preuves , n'eût pas conçu le
caractère général & les détails du rôle de Clytemneſtre
avec autant d'énergie que de vérité ;
mais ſes moyens n'ont pas toujours rempli
Itoute l'étendue de ſes intentions. Sa voix
n'a peut-être pas toutes les qualités qu'exigeroit
l'exécution du genre de muſique propreà
ſon rôle ; mais avant que de prononcer
fur le parti qu'elle ſaura en tirer , il faut attendre
que quelques repréſentations l'ayent
miſe en état d'établir dans ſon jeu & dans fon
chant , l'accord , la préciſion & l'enſemble
qu'il eſtprefqueimpoſſiblede ſaiſir au premier
ellaid'un rôle dont le caractère eſt ſi différent
de ceux dont elle a été chargés juſqu'ici. Elle
s'eſt montrée à la ſeconde repréſentation ſi ſupérieure
à ce qu'elle a été dans la première ,
qu'il n'y a rien qu'on ne puiffe attendre de
1
:
DF FRANCE. 183
ſon talent dans les ſuivantes. Elle a joué fon
⚫rôle avec autant de chaleur que de vérité ;
elle en a rendu quelques ſituatiens d'une
manière tout- à-fait neuve , & quelquefois
fublime. C'eſt dans le chant ſeul qu'elle a
laiſſé quelque choſe à deſirer. Nous croyons
que l'excès de chaleur & de mouvement
qu'elle met dans ſon action , ſur-tout au troiſième
Acte , a nui aur timbre & au déve
loppement de ſa voix , & qu'en ſacrifiant
quelque choſe de l'action à la pureté & à
la rondeur des ſons, elle obtiendroit aiſément
de plus beaux effets.
Mlle Dozon a donné fi peu de voix à la
première repréſentation , qu'à peine a-t'on entendu
la moitié de son rôle; & l'on a craint
que sa voix ne fût affoiblie. Mais on a jugé à
la ſeconde que le défaut qu'on lui avoit reproché,
n'étoit que l'effet d'une intention bien conçue
, mais portée à l'excès. Elle avoit cru ,
fans doute avec raiſon , que dans ce rôle toujours
ingénu , ſenſible & modefte , caractère
ſi bien exprimé par la Muſique , elle ne pou
voit en conferver la grace & la pureté ,
qu'en donnant à ſa voix le moins de force
&d'eclat poffible; mais elle avoit porté trop
loin cette vérité. A la ſeconde repréfentation
, ſa voix a eu plus de timbre , & fon
chant plus d'effer. Peut-être même que dans
quelques endroits, comme dans les adieux d'Iphigénie
, elle pourroit encore développer
davantage fon organe ſans manquer à la
vérité du rôle & de la fituation. Nous lui
184 MERCURE
obſerverons aufli que l'attention qu'el'e
porre à rendre tous les détails indiqués pat
les paroles , nuit quelquefois à l'abandon
&à la chaleur; effet plus précieux que celui
qui réſulte de la vérité des nuances & des
details. D'ailleurs , il eſt impoflible de n'être
pas vivement frappé de l'intelligence rare ,
de la fenſibilité naturelle & vraie , de la
juſteſſe des mouvemens , de l'attention continuelle
à la ſcène, qu'elle montre dans toutes
les parties de ce rôle , & quand on fait
attention que c'eſt le troiſième qu'elle ait
jamais joué , on ſentira combien un talent
ſi précieux mérite d'être diftingué & encouragé.
Nous ne doutons pas qu'aux repréſentations
ſuivantes, elle ne ſe montre
encore fupérieure à ce que l'on a vue à la
feconde.
-
L'Opéra a été très-bien exécuté dans ſes
différentes parties. Les Ballers fur tout
ont été mis avec un ſoin qu'on avoit trop
nég'igé depuis quelques années. Mile Saunier
& le ſieur Gardel ont danſe le pas
de deux du ſecond Acte avec un enſemble ,
une élégance & une préciſion , qui ont mé
rité des app'audiffemens univerfels. Mlle
Langlois& le fieur Veftris ont exécuté avec
la force & la légèreté qu'on leur connoît
le pas de deux de l'entrée des filles de
Lesbos, & y ont été reçus avec tranfport.
Le Public a vu, avec le plus grand
plaifir , rétablir le Ballet qui termine cet
Opéra , & auquel on a ſubſtitué quelque-
1
DE FRANCE. 185
fois , ſans raiſon , des Ballets étrangers à
l'action. Mlle Guimard a fait le plus grand
-plaifir dans l'entrée ſeule qu'elle y danſe :
on a applaudi univerſellement se pas charmant
, ainſi que l'air à deux parties qu'elle.
danſe avec Mlle Langlois.
VARIÉTÉS.
ON vient de trouver le moyen de ſoumettre le
papier le plus nouvellement imprimé , à un apprêt
tel que les feuilles ainſi préparées ne peuvent admettre
la comparaiſon de celles qui ne l'ont pas été.
Les procédés connus de Manufactures qui uniffent ,
adouciffent , compriment du papier blanc , font évidemment
inſuffiſans pour unir, adoucir & comprimer
du papier imprimé au point de le rétablir dans le
même état où il étoit avant l'impreffion ; c'eſt cependant
là le but & le ſuccès du nouvel apprêt que
nons annonçons.
Pour en faire ſentir tout le prix , il fuffit d'analyſer
les moyens que nous poffédons , le cylindre&
les marteaux des Relieurs. Car à l'égard de la liffe ,
nous n'avons pas même l'idée qu'elle puiffe être appliquéeà
cet usage.
Le cylindre ternit l'éclat du papier , altère fes
qualités , donne une trop grande extenfion aux traits
des le tres ; & comme il en développe juſqu'aux
moindres défauts , il ſuppoſe , pour en faire uſage ,
une perfection dans l'impreſſion à laquelle il eſt bien
difficile d'atteindre ; & c'eſt pour cette raiſon qu'il
ne peut pas être employé ſur des feuilles fraîchement.
imprimées. D'ailleurs , les Anglois même qui s'en
ſont ſervi avec le plus d'avantage , en ont reconna
186 MERCURE
l'uſage comme long , difficile & même diſpendieur.
On en a depuis réitéré des eſſais en France , qui ont
eu encore moins de ſuccès.
Les marteaux des Relieurs ne peuvent non plus
s'exercer ſur des feuilles récemment imprimées. A
ce défaut , qui leur est commun avec le cylindre ,
s'en joint un autre qui en rend l'uſage encore plus
vicieux . Ces marteaux n'ayant qu'environ trois pouces
en carré de ſurface , ne peuvent agir que partiellement
ſur celle d'une feuille de papier , & même ſur
celle d'un feuillet de livre , & chaque fois avec une
force auſſi irrégulière que les mouvemens qui la
produiſent: dela réſultent néceſſairement les godes
&les enfoncemens que les meilleurs Relicurs ne peuvent
faire diſparoître dans les volumes de grand
format; & qu'ils ne parviennent à rendre quelquefois
peu ſenſibles dans les petits volumes , qu'en les
battant à pluſieurs repriſes.
Par le nouveau procédé , les feuilles fortant de
deſſous la preſſe , peuvent, ſans inconvénient , é-re
apprêtées ; les qualités du papier font toutes conſervées
, il acquiert même un plus bel éclat , l'encre
noircit , les lettres confervent leur forme , & un
volume ainſi apprêté eſt réduit à une épaiſſeur parfaitement
égale , & plus irréductible encore que par
le marteau du Relieur ; il n'eſt pourtant ni cylindré
ni battu. Cette nouvelle découverte eſt dûe aux ſoins
& aux recherches de M. Aniſſon le fils , Directeur
de l'Imprimerie Royale en ſurvivance * , qui ,
aſſuré de ſes ſuccès par les expériences réitérées qu'il
a faites depuis long-temps , a bien voulu donner
* C'eſt à tort que quelques perſonnes ont cru , pour
participer aux avantages de cette découverte , devoir s'adreſſer
à l'Imprimerie Royale , avec laquelle elle n'a rien de
commun.
DE FRANCE. 187
:
connoiſſance de ſes procédés à une Compagnie
qui s'occupe dans ce moment-ci à élever un Établifſement
où le Public fera inceſſamment admis & invité
à apporter toute eſpèce de volume , non relié ,
pour y recevoir ce nouvel apprêt , dont on eſpère
que le prix ſera proportionné à celui que coûte un
livre mal ployé & mal battu .
Nous en avons vû des échantillons,qui nous font
defirer d'être bientôt à portée d'y participer nousmêmes.
Les propriétaires des Bibliothèques nombieuſes
, les Bibliomanes même s'empreſſeront ſans
doute de ſoumettre leurs Livres à ce nouvel apprêt ,
qui réduit d'un cinquième , & même d'un quart de
plus les Livres que les reliûres ordinaires , & qui en
rend les feuillets tellement cohérens , qu'ils deviennent
inacceſſibles à la moindre pouffière.
ANNONCES ET NOTICES.
CHOIX de nouvelles Causes célebres , avec les
jugomens qui les ont décidées , extraites du Journal
des Causes célèbres depuis fon origine jusques &
compris 1782 , Tome I , Volume in- 12 d'environ
500 pages. A Paris , chez Moutard , Imprimeur de
la Reine , hôtel de Cluny , rue des Mathurins.
CeChoix eſt fair pour avoir le plus grand ſuccès.
Il remplace les Collections épuiſées du Journal des
Cauſes célèbres , qui devient chaque jour plus intéreffant
par la manière dont il eſt rédigé. L'Edition
annoncée par le ſieur Moutard étoit defirée depuis
long-temps , & l'on doit lui ſavoir gré d'avoir
réimprimé cet Ouvrage preſque claſſique pour toutes
les Perſonnes attachées au Barreau. C'eſt une Galerie
où les individus de toutes les claſſes de la Société
trouvent des portraits reſſemblans de la géné188
MERCURE
ration préſente , &des ſcènes morales qui peuvent ,
en les inſtruiſant , leur épargner bien des chagrins
&ſouvent des malheurs. Si on lit avec avidité les
Romans , on doit éprouver encore plus de plaiſir à
parcourir des hiſtoires qui ont pour baſe la vérité ,
&qui font auſſi attachantes par leurs détails que les
fictions les plus ingénieuſes. On trouve ſouvent en
effet dans les Cauſes célèbres des événemens plus
curieux & plus piquans que dans les Romans. Nous
croyons done que le Choix annoncé par le ſieur
Moutard, obtiendra l'accueil favorable qu'il mérite.
Il ſera composé de quinze Volumes in 12 de
soo pages, dont il en paroîtra ſucceſſivement un
chaque mois, à compter du premier Avtil dernier.
Le prix de la ſouſcription pour ces quinze Volumes
eftde 37 liv. 10 ſols pour Patis , & pour la Province
de 45 liv. francs de port. On ſouſcrit chez le
fieur Moutard , Imprimeur de la Reine , hôtel de
Cluny , rue des Mathurins , & chez M. Deſeſſarts ,
Avocat, Membre de pluſieurs Académies , rue Dawphine
, hôtel de Mouy. On trouvera également chez
lefieur Moutard & chez M. Deſeſſarts, le nouveau
Choix&les Voluines qui ont paru depuis 1781, &
qui fontla fuite des quinze Volumes de Choix.
,
COMETOGRAPHIE , ou Traité Historique &
Théorique des Comètes, par M. Pingré, Chanoine
Régulier & Bibliothécaire de Sainte Geneviève
Chancelierde FUniverſité de Paris , de l'Académie
Royale des Sciences , 2 Vol. in 4º, Irix , 24 liv. br.
De l'Imprimerie Royale & ſe trouve à Paris , chez
Moutard , Imprimeur - Libraire , rue des Mathurins ,
hôtel de Cluny.
La connoiſſance des Comètes eſt une partie des
plus intéreſſantes de l'Aſtronomie. Les Perſonnes
qui s'intéreſſent à cette Science , liront avec plaifir le
favantOuvrage que nous annonçons. Il y a même
DE FRANCE. 189
une partie qui n'eſt pas dénuée d'agrément , c'eſt
l'hiſtoire des opinions des anciens Philoſophes ſur la
nature des Comètes , dont on a eu fi long - temps des
notions fauffes , & qui a fi long-temps donné l'éveil
àla ſuperſtition.
Cet Ouvrage eſt diviſé en quatre Parties. La première
expoſe l'es progrès qu'on a faits dans la connoiſſance
des Coinètes ; la deuxième contient l'hiftoire
de toutes les Comètes dont les Philoſophes ou
les Hiſtoriens ont fait mention ; la troiſième traite
des différentes queſtions relatives aux Comètes,
comme de leur retour , de leur queunee , &c.; la
théorie du mouvement des Comètes forme la quatrième
& dernière Partie...
HONNEURS rendus au Connétable du Gueſclin.
Cette Eſtampe nationale de vingt- deux pouces &
demi de large , ſur dix- huit & demi de haut eſt gravée
d'après le Tableau de Brenet , Peintre du Roi ,
par B. L. Henriquez , Graveur du Roi & de S. M. I.
de routes les Ruffies , Membre de l'Académie Impériale
de Saint-Pétersbourg. A Paris , chez Henriquez
, rue de la Vieille Bouclerie, la porte- cochère
près la rue Mâcon, nº. 18. Prix , 12 liv.
Cette Eſtampe répond à la réputation del'Auteur.
:
Les Saifons , Poëme , par M. de Saint Lambert
, de l'Académie Françoiſe , nouvelle Édition ,
in-12 . Prix , 3 liv relié. A Paris , chez. Piffor , Libraire
, quai des Auguſtins.
Les Éditions fréquentes qui ſe font de cet Ouvrage
prouvent qu'il n'a pas eu un ſuccès du mo
ment,& promettent à l'Auteur une gloire durable,
qui n'est pas toujours le fort des Ouvrages qui
fontleplusgrand bruit.
RÉFLEXIONS fur divers ſujets , pour feruin de
190
MERCURE
fuite à celles qui ont été publiées , par M***. A
Londres; & ſe trouve à Paris , chez Belin , Libraire
, rue S. Jacques , & au Palais Royal.
L'objet de ces Réflexions eſt important , & l'Auteur
eſt connu par des productions eftimables .
:
GALATÉE , Roman Pastoral, imité de Cervantes
, par M. de Florian , Capitaine de Dragons ,
&Gentilhomme de S. A. S. Mgr. le Duc de Penthièvre
, des Académies de Madrid , de Lyon , &c.
quatrième Edition , in- 18 , avec figures. Prix , 6 liv.
papier vélin broché , & 4 liv. papier ordinaire. A
Paris, chez Didot l'aîné , Imprimeur-Libraire , rue
Pavée-SaintAndré , & Debure l'aîné , Libraire ,
quai des Auguſtins.
Les Editions multipliées de ce charmant Ouvrage,
justifient bien les éloges que nous lui avons
donnés dans ſa nouveauté,
LEÇONS Elémentaires de Calcul infinitéſimal ,
pour fervir de fuite au Livre de M. Mazéas &
d'introductions aux Sciences Physico -Mathématiques
, par M. l'Abbé Raymond - Roux , Profefſfeur
de Philoſophie en l'Univerſité de Paris au Collège
des Graffins. A Paris , chez P. D. Brocas , Libraire ,
rue S. Jacques . Prix , 4 liv. 4 ſols broché.
On connoît l'importance du calcul qui fait la matière
de cet Ouvrage , & la manière dont il eſt fait
nous a paru ne laiſſer rien à deſirer.
ANTI-DICTIONNAIRE Philofophique pour fervir
de Commentaire & de Correctif au Dictionnaire
Philofophique & aux autres Livres qui ont paru de
nos jours contre le Chriftianisme ; Ouvrage dans
lequel on donne en abrégé les preuves de la Religion
, & la réponſe aux objections de ſes adverfaires,
quatrième Edition, 2 gros Volumes in-80.
DE FRANCE. 191
AAvignon ; & ſe trouve à Paris , chez Pichard ,
quai & près des Théatins.
REMARQUES d'un François , ou Examen impartial
du Livre de M. Necker fur l' Administration des
Finances , pourfervirde Supplément & de Correctif
àfon Ouvrage , in- 8 ° . A Genève ; & ſe trouve à
Paris , chez l'Éditeur , rue de Seine , n° . 65 , & chez
les Marchands de Nouveautés. Prix , 2 liv. 10 fols.
MÉTHODE nouvelle & raiſonnée pour la Clarinette
, où l'on donne une explication claire & fuccinte
de la manière de tenir cet Inſtrument , de fon
érendue, de ſon embouchure , de la qualité des
anches que les Commençans doivent employer , du
vrai ſon , du coup de langue , & en général de tout
ce qui a rapport à la Clarinette. Cette Méthode renferme
auſſi quelques Leçons où les différens coups
de langue ſont mis en pratique , douze petits Airs
& fix Duos très-propres à former les Élèves , par
M. Van-der-Hagen , Muſicien des Gardes - Françoiſes.
Prix , 9 liv. A Paris , chez M. Boyer , ancien
café de Foy , rue de Richelieu , & Mme Lemenu ,
rue du Roule , à la clefd'or,
NUMÉRO 22, 23 & 24 des Feuilles de Terpsychore
pour laHarpe & pour le Clavecin. Prix , chaque Feuille
liv. 4 ſols. On s'abonne auſſi pour l'année chez
Coufineau père & fils , Luthiers de la Reine , rue
des Poulies , & chez Salomon , Luthier , Place de
l'École Ces Feuilles paroiſſent tous les Lundis.
:
SIX Quatuors concertans à deux Violons ,
Alto & Baffe , par M. Hoffmeiſter , OEuvre VII ,
Prix , 9 liv. - Huitième Concerto à Clarinette principale
, deux Violons , Alto & Baſſe obligés , Cors
& Hautbois ad libitum , compoſés & exécutés au
192 MERCURE
Concert Spirituel par MM. Michel & Vogel. Prix,
4liv. 4 fols. A Paris , chez Imbault, rue & vis-àvis
le Cloître S. Honoré , maiſon du Chandelier.
RECUEIL de Romances & d'Ariettes , avec Ac
compagnement de Clavecin , par M. Darondeau ,
OEuvre IV. Prix , 7 liv. 4 ſols. A Paris , chez l'Auteur
, rue des Moulins , Butte S. Roch , no. 9 .
ERRATA . Dans l'avant- dernier Numéro , on a
oublié de mettre à la Pièce de Vers intitulée :
Maman , pour le jour deſa Fête , le nom de l'Auteur.
C'eſt Mlle de Saint-Léger.
TABLE.
AMadame de **,
Les Regrets du premier Age ,
Romance ,
145 Séances publiques de la Société
Royalede Médecine ,
147 152
165 La Vérité & l'Envic , Fable Le Jaloux , Comédie ,
148 Acad. Roy. de Musique , 181
Charade, Enigme& Logogry Variétés ,
Allégorique ,
185
phe 150 Annonces & Notices , 187
uite des Éloges lûs dans les
APPROBATIΟΝ.
J'AI In , par ordre de Mgr leGarde desSceaux, le
Mercure de France , pour le Samedi 12 Avril. Je n'ai
rien trouvé qui puiſſe en empêcher l'impreſſion . A Paris ,
lea; Avril 1789. GUIDL
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES..
TURQUI E.
DE CONSTANTINOPLE, le 28 Février.
Lfulté par
E Conſul de Ruſſie àSinope qui fut inla
populace, au moment où il
arboroit fon pavillon ſur ſon hôtel , eſt
venu ici informer de cette avanie le Minis
tre de ſa Souveraine , qui en a demandé ſatisfaction
: elle lui a été accordée , & l'on a
envoyé des ordres au Juge de Sinope , par
leſquels il lui eſt enjoint de prévenir & de
punir de pareils défordres.
Le Capitan Bacha eſt attaqué d'une pleuréſie
qui a fait craindre pour ſa vie. La Porte
perdroit en lui le meilleur , & peut- être le
ſeul officier de ſa marine. Ses travaux , fon
activité , ſes talens & fa hardieſſe l'euſſent
fait regretter de tout l'Empire ; mais on le
regarde comme hors de danger.
La caravanne de la Mecque , après avoir
été haraſſée par les Arabes Bedouins , eſt
No. 17, 23 Awil 1785. 8
( 146 )
arrivée à Damas , dont elle a calmé les inquiétudes.
Comme les pélerins ſe ſontplaints
de la difette de vivres pendant la route , le
Grand- Seigneur a ôté le gouvernement de
Damas au Pacha qui conduit cette caravanne
, & lui a donné pour fucceſſeur le
Pacha de S. Jean d'Acre.
La révolte dont on a parlé dans quelques
gazettes d'Europe étoit imaginaire : mais un
nouvel incendie , promptement éteint , ſe
déclara il y a peu de jours, dans le quartier
de Balata.
DANEMARCK.
DE COPENHAGUE , le 2 Avril.
Un placard royal du 16 Mars permet
l'importation de l'huile de baleine venant de
l'étranger dans les Duchés de Slefwic & de
Holſtein ,le Comté de Ranzan & la feigneurie
de Pinneberg & Altona , moyennant
un droit de douane de 8 ſchellings &
un acciſe de 24 ſchellings par tonne..
Une lettre de Tranquebar , du 7 Septembre
1784 , apprend qu'à cette époque il ſe
trouvoit au Bengale 13 bâtimens Danois ,
qui retourneront tous en Europe au mois
d'Octobre prochain. Deux bâtimens Danois
font à Batavia.
La glace eſt encore inébranlable près de
Corfoer , mais il roule beaucoup de glaçons
du côté de Sprogoe.
( 147 )
ALLEMAGNE.
DE HAMBOURG ,le 7 Avril.
Le 25 de ce mois , fix bâtimens font partis
du port de Cuxhafen ſur l'Elbe , pour
aller faire la pêche de la baleine.
Les droits des exportations de Péterfbourg
, pendant l'année derniere , ſont montés
à la ſomme de 1,330,141 roubles & 98
copeiks. Pendant la même année il eſt entré
au port de Cronſtadt 858 bâtimens ; il y
avoit dans ce nombre 365 anglois & 107
Danois.
: Par les tables d'importation &d'exportation
en Iſlande, depuis 1624 juſqu'en 1779 ,
on voit que l'uſage du tabac n'eſt devenu
commun dans cette ifle qu'en 1748 , &
celui du café , du thé , du ſucre , qu'entre
les années 1764 & 1772 .
On lit dans la ſavante feuille hebdomadaire
du docteur Bufching , l'extrait ſuivant
concernant la véritable rhubarbe de la province
de Schidscher dans l'empire de la
Chine.
Il exiſte dans la Province de Schidſcher , une
montagne qui renferme , à ce que l'on prétend ,
des mines d'argent , d'or & de pierres précieuſes .
Cette montagne, dont la couche ſupérieure eft
de terre rouge & pierreuſe , eſt couverte de
neige pendant l'hiver & l'été : deſſous la neige
&dans une terre noire , vient ſans aucune culture
, la meilleure rhubarbe , d'un jaune d'or ,
ayant cependant des endroits qui tirent vers le
82
( 148 )
blanc : la tige eſt longue & épaiſſe; les feuilles
font grandes , ovales &dentelées , & la graine
en eit ronde & groſſe, A 1oo werſtes de
cette montagne , vers le ſud , eſt la ville de
Gandsheu , dans le voiſinage de laquelle ſe
trouve une montagne de terre glaiſe blanche;
C'eſt ici que croît la rhubarbe d'un jaune de
fafran. Cette eſpece de rhubarbe eſt plus aſtringente
que la premiere ; mais elle lui reſſemble
quant à la tige & à la graine, A 300 werſtes
de Grandsheu eſt ſituéela ville de Landsheu ,
prèsdelaquelle eſt une montagne couverte de roches&
d'une terre noire rougeâtre,dans cetteterre
vient 'a rhubarbe de pierre , dont la tige & les
feuilles ont la même forme que celle des deux
eſpeces précédentes ; mais ſa graine eſt rouge
& plus dure. Les Buchads , qui demeurent dans
ces villes & dans cellesde Senin , réſidence du
Gouverneur , font le commerce avec ces eſpeces
de rhubarbe , & les vendent aux Ruſſes. A cent
werſtes de Senin croît une eſpece de rhapontique
brun , oblong , boiſeux & à larges raies ;
il eſt plus aftringent & plus amer que la véritable
rhubarbe , & a une odeur qui approche
* de celle du cuirde Ruffie. Sa tige, ſes feuilles
&la graine ſont plus petites & plus rouges que
celles de la véritable rhubarbe. Les Tangures
tirent de la terre ce rhapontique , en fontdes
paquets &les attachent aux branches d'arbres
pour les éventer, Lorſqu'ils en ont amaſſé une
quantité aſſez conſidérable , ils en chargent des
boeufs , des mulets & des ânes , & les vendent.
anx Buchards ; ceux-ci font enſuite des trous
dans les racines & les ſechent ; & quand elles
ſont ſuffisamment ſeches , ils en chargent
des chameaux , chacun de 10 à 12 ponds , & les
transportent ainsi à Kieta fur les frontieres de
JaRuffie,
149 )
La myſtérieuſe affaire du Prince Adam
Czartoriski feroit entierement éclaircie , fi
l'on pouvoit ajouter une foi entiere aux circonftances
rapportées dans une lettre de
Varſovie du 21 Mars. Voici de quelle maniere
eſt racontée l'hiſtoire de ce complot.
Ileſt hors dedoute aujourd'hui que la délatrice
, la nommée Ouvragrumoff ( ou Ugramow) ,
eſt une aventuriere notée déjà précédemment
pour diverſes impoſtures , nommément pour
celles qu'elle avoit avancées , pendant le ſéjour
du Roi à Grodno , à la charge du Prince Adam
Czatoryski , Général de Podolie. Accoutumée
à répandre les calomnies les plus atroces & les
plus invraiſemblables , uniquement par des vues
d'intérêt , elle avoit mis alors à la charge du
PrinceAdam Czatoryski le mêmegenre d'accufation
d'une prétendue trame , formée contre le
Roi , ſur le même pied qu'elle adébité enfuite
au Prince Czatoryski , une calomnie ſemblable à
la charge de M. le Général Komazewski & du
fieur Ryx , Valet-de-chambre du Roi. Les fictions
de cette femme , à Grodno , n'en impoſerent
point , & on ne les releva pas. Cependant elle ne
ceſſoit de revenir à la charge : elle offroit même
de fournir des preuves de ſon accufation ; & au
retour du Roi à Varſovie elle engagea M.le
Général Komarzewski & le ſieur Ryx à ſe rendre
chez elle , pour prendre connoiſſance des prétendues
preuves , qu'elle promettoit. Piquée
alors de ce que ſes infinuations n'avoient pas
produit leur effet , & ne lui avoient pas procuré
les avantages qu'elle en attendoit , qu'enfin on
perſiſtoit à lui demander des preuves, cette femme
forgea un projet tout- à- fait oppoſé , celui de
s'adreſſer au Prince Adam Czatoryzki lui -même
$ 3
( 150 )
pour lui en impoſer aux dépens de ceux contre
qui elle avoit conçu la plusvive rancune : elle
lui dénonça une prétendue trame formée contre
ſa vie ; & pour appuyer cette dénonciation , elle
reſolut de ſe ſervir des relations qu'elle s'étoit
ménagée avec M. le Général Komarzewski &
avec le fieur Ryx. Dès - lors toutes ſes démarches
furent combinées pour donner le change aux
deux parties ; ſon billet d'invitation au ſieur
Ryx fut à double ſens : il y étoit dit qu'elle s'acquitteroit
enfin de ce qu'on avoit exigé d'elle. Ce
billet pour le fieux Ryx ne pouvoit être interprété
par lui , finon relativement aux preuves
& indices ultérieurs d'une trame formée contre
le Roi , qu'elle vouloit développer & fournir.
pour lePrinceAdam Czatoryski le même billet
avoit une toute autre ſignification : il ſuppoſoit
à ſes yeux qu'il s'agiſſoit de l'exécution de la
trame formée contre ce Prince. Ougrumof fit
plus , elle détermina le jour & l'heure que le
fieur Ryx ſeroit chez elle , ce qui lui étoit fort
aifé à exécuter de la maniere dont elle s'y étoit
priſe : elle demanda que deux perſonnes de la
part du PrinceAdam Czatoryski fuſſent aux écoutes
pour épier ſa converſation avec le ſieur Ryx.
On choifit , pour cet effet , de la part du Prince ,
Général de Podolie , deux perſonnes ; ſavoir,
M. le Comte Staniſlas Potocki & le fieur Taylor,
Cedernier eſt un Négociant Anglois, qui , ayant
fait faillite à Londres , s'eſt évadé ici & a fait un
affez long séjour en cette Capitale , fans avoir
d'état fixe : ſes liaiſons avec la nommée Ougrumoff
font très- intimes , & , ſelon toutes les pro
babilités , il a concerté avec elle toute la ſcene .
Les arrangemens ayant été pris , comme nous
venons de le dire, l'accufatrice fut fi bien jouer
ſon rôle , que M. le Comte Staniflas Potocki.
( 151 ).
crut que véritablement rien ne manquoit à la
certitude des preuves. Ougramoff commença
fon dialogue avec le fieur Ryx en lui demandant
pourquoi M.le Général Komarzewski n'étoit pas
venu avec lui ? C'est que je ne l'ai pas trouvé
chez lui , répondit Ryx.-Eh bien ! j'ai finalement
la perfonne du Prince Adam Czatoryski
dans ma manche , poursuivit cette femme intrigante
, j'en puis faire tout ce qu'on voudra. -
Sur ce propos & autres de ce genre , le ſieur Ryx
qui rapportoit le tout aux promeſſes infidieuſes
que cette femme avoit faites de fournir les preuves
de la trame formée contre le Roi , eſt accusé
d'avoir prononcé dans ce moment le mot d'app'audiſſement
, bravo , tandis que lui-même prétend
avoir modifié l'expreſſion de cet applaudiffement
par la réponſe , fort bien , Madame. Quoi
qu'il en ſoit fur ces mots , fans ſe donner le temps
néceffaire pour éclaircir mieux le fond de la
conversation, M. le Comte Stanifl's Potocki &
le fitur Tavlor entrerent bruſquement dans la
chambre où ſe tenoit ce pourparler , taifirent le
fieur Ryx , & le dénoncerent comme criminel à
la Juftice.
:
>>Telle eſt toute cette hiſtoire ,qui dès le commencement
a paru ſuſpecte aux gens les plus
éclairés , & qu'on a néanmoins repréſentée dans
l'Etranger comme fondée ſur des faits au deſſus
de tout ſoupçon. Juſqu'ici cependant aucun fait
n'a été prouvé en Juſtice , qui ait pu donner le
moindre poids á l'impoſture atroce de cette
femme contre ceux qu'elle a accuſés en dernier
lieu. D'un autre côté les témoignages les plus
avérés ont prouvé , qu'à Grodno cette même
femme avoit fait une dénonciation également ca-
Jomnieuſe d'une prétendue conſpiration contre
la Perſonne du Roi. En conséquence , la Jurifg4
( 152 )
diction du Grand-Maréchal , convaincue évidemment
que toute l'accufation ne rouloit que
ſur un fingulier mal- entendu , ménagé adroitement
par la nommée Ougrumoff ; voyant de
plus que toutes ſes allégations étoient incohérentes
, contradictoires & fans preuves , tandis ..
que les impoſtures , dont ſa vie eſt remplie , ne
font ſujettes à aucun doute , cette Jurisdiction
a fait lever les arrêts du ſieur Ryx , & garder
la ſeule perſonne véritablement coupable; ſcavoir,
la nommée Gugrumoff. Les dépoſitions
faites par M. le Comte Staniſlas Potoki , par
le fieur Taylor & par la femme Ougramoff,
ont été quies avec ſoin : Mais le témoignage
formel de ces perſonnes n'a pas été admis ; celui
deM. leComte) Staniſtas Potocki à cauſe de ſa
parenté avec le Prince-Général de Podolie , de
plus parce qu'il étoit en même temps partie
intéreſſée dans le procès , & ajourné par-devant
le méme Tribunal pour avoir ſaiſi le ſieur Ryx
avant de recourir en Juſtice ; celui du ſieur
Taylor , par nombre de raiſons graves ,&parce
qu'étant auffi dans la complicité dellaaſaiſiedu
ſieur Ryx , il étoit intéreſſé à ce que ce dernier
fût coupable. Le témoignage de la délatrice n'a
pu être admis à cauſe des fauſſes dépoſitions ,
qui ſe ſont déjà manifeſtées de ſa part , & de
toutes les impoſtures dont elle eſt notée ».
Après ce prononcé de la Jurifdition du
Grand Maréchal , aucunes preuves d'ailleurs
n'exiſtant contre les Accuſés, le Prince-Général
de Podolie a renoncé à la pourſuite ultérieure
du procès ; & l'attention du Public eſt fixée
maintenant ſur le Decret définitif, qui concernera
la femme dont l'impoſture a occaſionné
tout ce procès.
Si ces détails font vrais , il faut convenir
que la marchande de conſpirations a Varſo-
/
( 153 )
vie, eſt bien la plus imbécile des créatures.
La ſeule démence peut s'aviſer d'un pareil
rôle , en le jouant avec autant d'ineptie.
DE VIENNE , le 8 Avril.
Le Prince Joſeph de Lobkowitz a été
nommé par l'Empereur Capitaine de la
Garde-Noble Allemande, & le Comte de
Noſtiz Capitaine de la Garde à pied.
Le 28 Mars , l'Empereur ſe rendit à l'Egliſe
de la Cour , accompagné du Cardinal
Migazzi , Archevêque de Vienne , que les
gazettes avoient mis à l'agonie. Après le
fervice , S. M. aſſiſe ſous un baldaquin , revêtit
avec les cérémonies uſitées , de la
barette de Cardinal , le Prélat Garampi ,
Nonce Apoftolique.
Ondoit faire partir de cette ville un des
régimens qui en forment la garniſon , pour
ſerendre en Bohême où il ſera remplacé par
un des régimens actuellement en Hongrie.
On écrit de Lemberg , en date du 13-
Mars, que 2 régimens de Cavalerie ont ordre
de ſe tenir prêts à marcher , & que les
abfens par congé des différens corps militaires
en Gallicie ons été rappellés. Dans la
même province on a interdit aux Juits de
prendre à ferme des biens ſeigneuriaux , des
biens de roture qu'ils ne cultiveroient pas
"eux-mêmes , des moulins , des communes ,
des dixmes , l'exportation du ſel , &c . &c.
Le 31 du mois dernier , S. M. I. donna
audience à pluſieurs Miniſtres étrangers , entr'autres
au Miniſtre de Veniſe qui lui a an(
154)
noncé l'état actuel de la flotte de la République
, & à l'Envoyé du Roi d'Angleterre,
comme Electeur d'Hanovre , qui l'a informée
de l'augmentation de troupes ordonnée
dans cet Electorat.
L'Empereur a fait remettre par ſon Conful
général en Valachie , une lettre à l'Hofpodar
, où il remercie ce Prince de fon empreſſement
à renvoyer dans le temps ceux
des rébelles de Tranſylvanie qui s'étoient
réfugiés ſur ſon territoire.
La glace du Danube a commencé à ſe
rompre ; les glaçons roulent ſans obſtacle
dans ce fleuve , de forte qu'il y a lieu d'efpérer
qu'il n'arrivera aucun malheur.
Le froid diminue auſſi ; le 2 de ce mois à
8 heures , le thermometre de Réaumur étoit
à 1 degré & demi au-deſſus de zéro : il n'eſt
pas deſcendu depuis.
On apprend de Clagenfurt , que le 13
du mois de Mars il eſt tombé une ſi prodigieuſe
quantité de neige , que les routes en
font devenues impraticables.
On écris de Presbourg, que dans la nuit
du 21 au 22 Mars le Danube a commencé à
charier des glaçons , & qu'on eſpere que ce
fleuve en ſera bientôt débarraſfé.
Des lettres de Conſtantinople portent
qu'il y eſt arrivé il y a quelque temps un
bâtiment de Tanger , chargé de 3200 tonneaux
de poudre à canon , &de 1200 quintaux
de ſalpêtre , & un autre bâtiment de
!
( 153 )
Raguſe, avec une cargaiſon de chanvre &
de cordage.
: On écrit de la Bohême qu'une famille entiere
, le mari , la femme &trois enfans ont
été trouvés morts de froid dans une cabane
à quelques lieues de Zurch; ils furent furpris
par le froid dans lemoment où ils étoient
a table , &le préparoient à manger du foin
haché & bouilli ; l'abondance de neige qui
interceptoit toute communication , ne leur
ayant pas permis depuis pluſieurs jours de
fortir de leur cabane pour ſe procurer des
vivres.
DE FRANCFORT , le 11 Avril.
On eſt toujours à Vienne dans l'incertitude,
relativement aux affaires publiques.
Il ſe confirme que l'Ambaſſadeur d'Angleterre
a de fréquentes conférences avec le
Chancelier d'Etat. Des lettres de Tropau
aſſurent qu'on y a publié une amniſtie générale
pour les déſerteurs Pruffiens.
Le Comte Fink de Finkenstein , Lieutenant
général de cavalerie,& chef d'un régiment
de dragons en Pruſſe , eſt mort dans
la 76e. année de ſon âge. Il avoit ſervi le
Roi pendant 58 ans.
Suivant une lettre de bas Rengersdorf,
près deGorliz , le 28 Février , entre 6 & 7
heures du matin , le thermometre de Réau
mur y avoit marqué 32 degrés au -deſſous
du point de congélation. C'eſt le plus grand
g6
( 156 )
froid que l'on ait jamais éprouvé en Allemagne.
Quelques lettres de Pétersbourg font
mention en ces termes d'une nouvelle bien
ſérieuſe , ſi elle eſt authentique , & qu'on
prétend tenir de Géorgie & d'Aſtracan.
,
Nous ſommes menacés de quelques incurfions
de la part des hordes vagabondes de la Grande-
Tartarie indignée de la conquête de la Petite-
Tartaric dont ils ont toujours regardé les
habitans comme leurs freres. Les Tartares Urbecks
, réunis aux Turcomans qui habitent entre
le Mont Taurus & le Caucaſe ,ſe ſont aſſemblés
pour délibérer de quel côté ils feroient
leurs invaſions au printemps : leurs Chefs ſem .
blent avoir choiſi à cet effet les campagnes
fertiles arroſées par le Volga , après avoir ravagé
celles de la Georgie , dont les Princes ſont devenus
les objets de leur haine , depuis qu'ils
ſe font foumis à la Ruffie . Le Sultan de Samarcande
a envoyé des émiſſaires dans la Petite-
Bulgarie , pour engager les Chefs de cette nation
féroce à ſe porter fur nos terres Hyperboréennes
, tandis qu'il s'avanceroit à la tête de 300
mille hommes du côté de la mer Caſpienne.
Ces nouvelles alarmantes , ajoute-t-on , ont
donné lieu à un conſeil ſecret , où il a été
réſolu de faire paſſer de ce côté les troupes
qu'on deſtinoit pour l'Europe .
Une autre nouvelle toute auſſi ſuſpecte ,
eſt celle-ci qu'on écrit de Veniſe :
On affure ici qu'une des plus grandes puiffances
de l'Europe vient de propoſer à notre
Sénat un plan d'alliance , par lequel nous nous
engagerions à lui fournir 40 vaiſſeaux de ligne
tout équipés , dont deux de 80 canons , un de
( 157 )
100 , & les autres de 74 & de 64 , & nombre
de frégates à proportion. Elle nous donneroit
en compenſation tous les revenus des pays qu'elle
poſſede en Italie , qui montent à un million
&demi de ducats , auxquels Elle ajouteroit 15
millions de florins d'Allemagne. Par un autre
article , nous ſerions tenus d'augmenter notre
militaire de 12000 hommes qui s'uniroient à
35000 des ſiens pour tenir en échec différentes
Cours d'Italie. Les 40 vaiſſeaux de ligne ſe
porteroient dans toutes les parties du monde où
la puiſſance requérante jugera à propos ; excepté
cependant enAmérique au-delàdes tropiques , &c.
Comme les cruautés des Gentilshommes
Tranſylvains fur leurs vaſſaux ont été la
principale cauſe de la rébellion des Valaques,
l'Empereur a ordonné des recherches&une
punition ſévere des coupables. Le Baron de
Veſſelins , qui s'étoit permis d'énormes vexations
, vient d'être ſaiſi & emprisonné
dans la fortereſſe de Kufſtein.
Les ennemis de M. l'Abbé Diesbach , Précepteur
de l'Archiduc François , ont témoigné ouvertement
, moins cepennddaanntt par haine contre lui ,
quecontre fon ordre , combien il étoit dangereux
de confier l'éducation de ce jeune Prince à un
Ex-Jéſuite , ils préſenterent même au Monarque
un Ecrit , qui indiquoit la méthode obſervée par
l'Abbé Diesbach , pour inftruire l'Archiduc dans
la Religion. L'Empereur garda cet Ecrit deux
jours , & le troiſieme jour il le leur renvoya ,
après avoir mis ces mots au bas : Ceft dans ces
principes que je veux qu'on éleve l'Archiduc .
L'Electeur de Baviere a tenu dernierement
le Chapitre de l'Ordre de S. Hubert , & a
( 158 )
créé huit nouveaux Chevaliers , entre lefquels
ſe trouvent deux Seigneurs Flamands ,
le Duc Louis d'Aremberg & Louis Lamoral
Prince de Ligne. Cet Ordre créé en 1444 ,
eſt undes plus diftingués en Europe , & ne
ſedonne à peu près qu'à des Princes de maifons
ſouveraines , ou Princes d'Empire.
ITALIE.
DE VENISE , le 24 Mars.
Le 19 de ce mois , le feu a pris, on ne
fait comment , à l'un des trois vaiſſeaux de
ligne deſtinés contre Tunis. Ce bâtiment
étoit récemment forti des chantiers , & fe
trouvoit au quai des Eſclavons vis à vis la
Piété. Lorſque le feu prit , il n'y avoit à
bord que quelques matelots , & malgré
tous les ſecours polibles , le vaiſſeau a été
totalement incendié. Heureuſement qu'étant
forti des chantiers depuis peu , il n'étoit
point encore entiereinent armé. La perte a
éré par conféquent moins conſidérable. Le
Sénat a fait arrêter le Capitaine , quoiqu'il
fût abſent lors de cet événement. Il s'eft
trouvé à côté du vaiſſeau un bâtiment marchand
, deftiné pout Conftantinople , avec
une cargaiſon de so mille ducats , qui a
également été preſqu'entierement confumé.
Il a été publié à Trieſte , par ordre du Gouvernement
, le decret ſuivant de S. M. Impériale
en date du 26 Février.
S. M. I. & R. Apoftolique , ayant confidéré
qu'aucun Ecclefiatique , foit Evêque ou Capisulaire
, fans exception , ne peut vaquer à deux
( 159 )
emplois ſans que l'un ou l'autre ne ſoit négligé
, Elle a daigné ordonner en conféquence le
10 Février dernier que chacun des Eccléſiaſtiques
qui jouiſſent de deux Emplois dont l'un toit
une Cure , ait à la réſigner pour que l'on y
nomme quelqu'autre Eccléſiaſtique en état de
la deſſervir. On peut être aſſuré qu'il ſera fait
les recherches les plus rigoureuſes pour découvrir
les contrevenans , auxquels ou infligera
le châtiment convenable.
DE NAPLES , le 27 Mars.
LeRoi ayant ordonné d'ériger des cimetieres
hors de la ville , on a commencé à
établir le premier hors de la grotte qui conduit
à Pozzuoli ; & pour fournir aux dé.
penſes , le Roi a appliqué à cet ufage le revenu
de la riche Abbaye, dite du Charbon ,
qui a été déclarée de droit patronage royal .
A peine la frégate la Cérès a-t- elle été
lancée , qu'on a commencé la conſtruction
d'une autre , que le Roi a nommé la Pallas.
Outre le vaiſſeau de 74 canons , appellé
la Partenope , actuellement en conſtruction
àCaſtelamare , & qui ſera achevé au mois
de Novembre , il y a encore fur les chantiers
deux corvettes de 18 can , nommées la
Flora & la Stabbia.
ESPAGNE.
DE MADRID , le 1. Avril.
Le 27 de ce mois , D. Henrique de Meneses
, Marquis de Lourizal , Ambaſſadeur
extraordinaire deS. M. T. F. , a fait ici ſon
entrée publique, pour demander folemnellement
en mariage au Roi la Sereniffime
( 160 )
Infante Dona Carloto Joaquina , ſa petitefille
, pour l'Infant de Portugal D. Juan :
l'après midi le Roi, le Prince & la Princeſſe
des Aſturies , & les ſéréniſſimes Infants d'une
part , & M. l'Ambaſſadeur de Portugal de
Pautre , comme chargé de pouvoirs de Leurs
Majeſtés Très-Fideles & de l'Infant Don
Juan , ont ſigné les articles du contrat de
mariage. Enfuite ſe font faites les fiançailles
de leurs Alteſſes , dans lesquelles le Roi a
repréſenté l'Infant de Portugal, & le Prince
&la Princeſſe des Aſturies ont été pareins.
Le ſoir même , M. l'Ambaſſadeur a donné
en ſon hôtel une fête magnifique , & les
jours ſuivans ont été également fêtés .
Pendant le cours de l'année derniere il eſt
entré dans lePort de Deva 160 Bâtimens , dont
trois de la Marine Royale , un Anglois , un
Danois , cinq François , dont le plus fort de
205 tonneaux , &de reſte nationaux. Sur ce
nombre 65 ont chargé des bois de constuction
deſtinés pour Cadix & le Ferrol , pour le compte
du Roi , & les autres du bled deſtiné pour
l'approvisionnement de la Marine & de l'armée ,
au compte de la Banque nationale ; quelques-uns
avoient à bord des affûts de canons pour les
Fabriques Royales de Placentia ; d'autres du
ſucre , du bois de campêche , des cuirs de Buenos-
Ayres , du Minerai, & des marchandiſes ſeches
our le commerce de Victoria & d'autres particuliers.
: GRANDE - BRETAGNE, I
DE LONDRES , le 9 Avril.
Les Lordsde l'Amirauté viennentde mettre
fix nouvelles frégates en commiſſion , en
( 161 )
ordonnant de les équiper en toute diligence.
Il eſt décidé que le Chevalier Ed. Hugues ,
Commandant de la marine Anglaiſe dans
l'Inde , quittera cette ſtation auſſitôt l'affaire
de Trinquemale terminée. Il ramenera deux
vaiſſeaux de ligne , avec une frégate , & il
laiſſera dans l'Inde deux vaiſſeaux de ligne
un de so canons , une frégate , deux corvettes
& un floop .
Tous les chantiers de la Marine Royale
ainſi que les chantiers particuliers où l'on
conſtruit pour le compte du Roi , ſont dans
la plus grande activité. L'on prétend qu'avant
la fin de l'été , on lancera un vaiſſeau
de 110 canons , un de 98 , un de 90 , trois
de 74 , un de so , un de 44 & dix frégates.
Conformément aux liſtes remiſes au bureau
de l'amirauté par les Commiſſaires des
différens chantiers , il ſe trouve actuellement
à l'ordinaire , c'eſt à dire en magaſin , à Plymouth
, 31 vaiſſeaux de ligne ,deux de so
canons , 11 frégates & 4 floops. A Portf
mouth , 46 vaiſſeaux de ligne , un de so
canons , 23 frégates & huit floops. A Shcerneft
, un vaiſſeau de ligne , deux de so
canons , dix frégates & 9 floops. A Chatam
24vaiſſeaux de ligne , 7 de so canons ,
dix frégates &-4 floops. A Woolwich , &
Deptford , trois vaiſſeaux de ligne , 37 frégates
& 17 floops.
On a fait dernierement à Chatam une
expérience très- importante ; elle conſiſte à
verſer ſur les bois & fur les planches em(
162)
ployées à la conſtruction des vaiſſeaux ,une
compofition de liqueur ſaline , qui rend les
bâtimens , une fois imprégnés de ce liquide,
impénétrables aux attaques des vers. Les bois
du nouveau vaiſſeau de 100 canons , le
Royal George , ſont préparés fuivant cette
méthode , qu'on va employer également
pour la Reine Charlotte , autre vaiſſeau de
100 canons prêt à être mis ſur le chantier.
Les planches de l'Imprenable de 90 canons
ſont ſaturées de la même liqueur.
On ſera peu furpris du nombre des nouvelles
conſtructious navales , lorſqu'on obſervera
qu'on a dépecé ou vendu une tresgrande
quantité de vieux bâtimens qu'il s'agit
de remplacer , enſorte qu'en peu de tems
notre marine fera preſque entierement remontée
à neuf.
La Chambre des Communes s'eſt aſſemblée
le 4 , & a nommé un Comité pour
juger l'élection du Bukinghamshire. Cette
affaire n'a point été ſeule traitée dans cette
féance. M. Pitt a entamé & terminé le même
jour l'affaire du commerce de l'Amérique.
Il a propoſé de renouveller pour un an les
pouvoirs donnés au Roi pour régler proviſoirement
, & felon les loix de la navigation
, le commerce avec les Etats-Unis de
l'Amérique. Cette motion a paſſé , & le bill
qui renferme ces pouvoirs ayant été lu trois
fois , fut renvoyé à la Chambre des Pairs.
La fameuſe réforme parlementaire ſera
:
i
( 163 )
décidément propoſée par M. Pitt dans is
jours. Ce premier Miniſtre , vers la fin de
la ſéance du 4 , annonça qu'il mettroit dans
huit jours fon plan ſous les yeux de la
Chambre ; mais M. Eden ayant obſervé
que ce terme étoit trop court & trop rapproché
des vacances , & ayant engagé M.
Pitt à le prolonger , celui- ci y confentit.
ſans balancer , & il fut enjoint à tous les
Membres de ſe rendre le18 à la Chambre ,
ſous peine d'être écroués.
M. Grenville , de même nom & famille
que le célebre Auteur des loix relatives aux
élections des Membres du Parlement , a
reconnu que les loix de ce Légiſlateur étoient
défectueuſes à pluſieurs égards , & qu'elles
faifoient naître beaucoup de querelles &
de procès , dont l'examen faſtidieux empêchoit
la Chambre de s'occuper des affaires
de l'Etat en conféquence il a demandé le
7à la Chambre des Communes la permiffion
de lui préſenter un bill pour modifier &
corriger les loix relatives aux élections. Cette
propoſition , après quelques débats , fut
agréée.
On ne doit pas s'étonner , dit- il , qu'un fyftème
auſſi compliqué exige des modifications. Les
changemens que j'ai à propoſer ſont de telle nature
, qu'ils auroient mérité le ſuffragede l'Autear
même du bill , s'il eût vécu affezlong -tems
pour reconnoître ce que ce bill a de défectueux .
L'un de ſes principaux inconvéniens eſt le délai
qu'éprouvent les affaires publiques. Cette circonſtance
exige la plus ſérieuſe attention.
(164 )
La Chambre doit s'occuper en premier lieu
des moyens de couper court à toutes ces requêtes
qui lui ſont préſentées lors d'une élection contettée
; cet abus eſt parvenu depuis peu à un degré
allarmant. Les prétextes les plus frivoles
donnent lieu à des requêtes qui tendent nonſeulement
à moleſter le membre élu légalement
&à lui occafionner des dépenſes énormes , mais
auſſi à détourner pluſieurs Electeurs de leurs occupations
& à caufer un embarras inutile à la
Chambre. Je penſe que ſi les deux parties s'engageoient
réciproquement à rembourſer les fraisde
la procédure à la perſonne dont l'élection ſeroit
reconnue valide , les requêtes de certe nature ſeroient
alors moins multipliées. Un autre
objet qui intéreſſe également la dignité de la
Chambre eſt la maniere actuelle de conſtater les
droits des Electeurs ; cet abus eſt ſi frappant , que
toute preuve à cet égard ſeroit ſurabondante.
Il eſtdonc à defirer que l'on adopte quelque me-
Lure à la faveur de laquelle on puiffe éviter les
inconvéniens & les frais qui font la ſuite des
procédures du Comité , chargé à Londres de prononcer
ſur la validité des droits des Electeurs .
- M. Grenville obſerva enſuite que les Comités
étoient à la vérité autoriſés à punir les
Officiers qui préſident aux élections , lorſque
leur conduite avoit été repréhenſible , mais qu'il
étoit bien rare que ces Comités uſaſſent de ce
pouvoir ; qu'en conféquence il ſeroit convenable
qu'il fut enjoint au Comité de faire connoître à
la Chambre l'opinion qu'il a de la conduite des
ſuſdits Officiers , afin qu'ils soient punis ſi le
cas y échet.
Quant au nombre de Membres , dit - il , né--
ceſſaire actuellement pour qu'on puiſſe balotter
( 165 )
un Comité , la Chambre , ſelon moi , devroit
ſtatuer que , dans le cas où il n'y auroit que
39 Membres propres à être élus , ce nombre
ſuffiroit , au lieu qu'à prétent il en faut 49 en
vertu du bill . - M. Grenville finit par une
obſervation . On fait , dit- il , que tout Comité
eſt diſſous lorſque le Parlement eſt prorogé. Ne
devroient- ils pas être autoriſés à fiéger juſqu'à ce
que l'affaire qui les occupe ait été terminée.
La motion de M. Grenville fut ſecondée par
M. Montagne , & agréée à l'unanimité de la
Chambre .
Ona appris , par des Lettres du Portugal ,
que le Gouvernement de ce Royaume étoit
ſur le point d'ôter les droits impoſes ſur les
marchandiſes irlandoiſes. Dans ce cas , les
Irlandois ſupprimerent de leur côté les droits
qu'ils viennent de mettre ſur le vin de Portugal.
Ce droit , qui monte à 30 1. ſterl. par
tonne , avoit déjà fingulièrement favoriſé en
Irlande l'importation des vins de France .
LaChambre des Communes reçoit tous
les jours des nouvelles requêtes contre le
ſyſteme de commerce de M. Pitt , & elle
des renvoye au Comité chargé de lui en
faire le rapport. L'univerſalité des villes de
commerce eſt aujourd'hui ſoulevée contre
l'arrangement tel qu'il a été propoſé par le
Miniſtre. Dans un des principaux magaſins
de Mancheſter on a pris la réſolution de ne
laiſſer fortir aucun ouvrage de fabrique , tant
que les nouveaux droits impoſés l'année der
niere ſubſiſteront.
Dans une des dernieres aſſemblées de la com.
pagniedes Fabriquans en ſoierie il a été prouvé
( 166 )
;
3
que le commerce des rubans emploie plus de
40,000 perſonnes , & qu'un quart du produit
des Fabriques paſſe chez l'Etranger. Par conféquent
, ſi l'on permet aux Irlandois de fournir de
cet article les marchés étrangers à meilleur
marché que nous , ce qui arrivera immanquablement
, ſi l'arrangement propoſé a licu , il
faudra que 10,000 perſonnes paſſent ou qu'elles
reſtent a charge à leurs Paroiſſes reſpectives.
L'on affirme poſitivement depuis quelques
jours que ni le Lord Landſdhown ,
ni leMarquis de Buckingham ne rentreront
dans le miniſtere. Le premier , à ce qu'on
rapporte , eut une conférence au Palais de
la Reine avec le Chancelier qui employa
tous fes efforts pour l'engager à reprendre
place dans le Cabiner. Ces inſtances furent
inutiles , le Marquis de Lanſdown ayantmis
à ſa condeſcendance des conditions inacceptables:
le principal étoit que le Duc de
Richemond , Grand-Maître de l'Artillerie
fût exclu du Cabinet. Cette opinion particuliere
de Lord Lansdown a été clairement
manifeſtée dans la Chambre des Communes
par ſon ami & confident intime le Colonel
Barré.
Le Brigadier général Nelſon , maintenant
à Bombay , a été confirmé dans la Préſidence
de cetre place par les directeurs de
la Compagnie des Indes. Les autres Candidats
étoient les Colonels Braithwaite &
Keating & le Lieut. Col. Haittrey.
Le 65eme Régiment, commandé par Lord
-
( 167 )
Harrington , doit s'embarquer pour le Canada,
au lieu du 6eme Régiment , d'abord
deſtiné à ce ſervice. Peu de Seigneurs & de
Colonels donnent un auſti bel exemple de
zele & d'attachement à leur devoir , que
Lord Harrington. It leva fon régiment à ſes
propres dépens dans la deniere guerre ; il
l'a conduit ſucceſſivement ſur les côtes brûlantes
de l'Afrique , fous le dangereux climat
de la Jamaïque , & aujourd'hui , il va le
ſuivre dans les régions glacées du Canada.
Il eſt le véritable tuteur de ſes ſoldats : on
ne voit point ce Seigneur livré à une folle
&honteuſe diffipation ,ni pafler ſa vie chez
des courtiſanes ou dans des académies de
jeu. La Comteffe d'Harrington eft la fidele
compagne de fon époux dans tous fes
voyages , &elle va le ſuivre au Canada avec
ſes enans.
Le 4 de ce mois , le Club des Whigs a tenu
fon affemblée de tous les mois à la Taverne de
Londres ; elle a été compolée d'environ 120
Seigneurs ou Gent Islommes , préſidés par le
Duc de Portland. Les Cavendish , les Bentinck ,
les Keppel , les Spencer , & autres Membres des
familles d'anciens Whigs étoient prétens . On y but
diverſes ſantés , entr'autres à la glorieute mémoire
de Guillaume III, à la Conſtitution , telle
qu'elle fut réglée par la révolution , aux amis
de la Liberté dans tout le globe , à la Cauſe ,
en faveur de laquelle Hampden verla ſon ſang
fur le champ de bataille & Sydney ſur l'échafaud.
Par les dernieres nouvelles reques de la
Jamaïque, en date du 22 Janvier , l'on apprend
que le bruit couroit d'ordres expédiés
( 168 )
:
au Commandant de l'ifle d'envoyer des
forces ſuffiſantes ſur la côte des Muſquites ,
&de repouſſer la force par la force , en cas
que les Eſpagnols s'y portaſſent à quelques
violences contre les ſujets de la Grande-
Bretagne. En conféquence , on a dépêché
le ſloop le Swan à la côte des Muſquites ,
pour y prendre des informations ſur les procédés&
fur les forces des Eſpagnols.
Les mêmes lettres font mention, d'avis
allarmans , reçus , dit on , à la Havanne ,
&tenus fecrets , par leſquels le vice Roi du
Mexique informe le Gouverneur de Cuba
de nouvelles commotions de la part des
Naturels.
Le décroiſſement de la population de l'Amérique
depuis le commencement de la derniere
guerre eſt actuellement avoué par le congrès
Leur premier calcul fut publié en 1775 , pour
établir une taxation proportionnelle dans chacun
des Etats. Il ſe montoit à 3,137,809 ames. En
Janvier 1784 , on a fait une nouvelle computation
dans laquelle on n'a trouvé que 2,389,000,
ames: de maniere qu'en un eſpace de ſeulement
neuf années , il paroît que la population de l'As
mérique a diminué de 748,569 perſonnes.
Cette diminution apparente tient probablement
aux dénombremens enflés préſentés
par le Congrès en 1775 , dans des vues
politiques. Il importoit alors d'exagérer les
forces & la population des Etats -Unis. La
guerre , & l'expatriation des Royaliſtes ont
enlevéſans doute un grand nombre d'habitans,
que les émigrans d'Europe ne tarderont
pas à remplacer. Le
( 169 )
Le Bureau de l'Artillerie évalue dans ſon
expoſé , les dépenſes néceſſaires aux diverſes
conſtructions ou fortifications projettées ,
aux ſommes ſuivantes .
Un fort près de Stokes-
Bay, tracé ſur le terrein ,
& d'après l'arpentage ,
eftimé devoir couter ...
C'eſt d'après l'eſtimation
ci-deſſus que les ſuivantes
ont été calculées.
Un fort près Frater-
Lake , ..
Un fort près des lignes
de Hilfea , ..... ..

Un fort ſur les hauteurs
de Maker ( Maker-
Heigshs) avec des ouvrages
avancés , • ...
Un fort à Merryfields ,
avec des ouvrages avancés
, ....
Total des nouveaux
135,920 1.13 sh. 11 d.
110,000
110,000
110,000
१०,०००
ccce
CCCC
ccec
CCEC
-
ouvrages projettés , .. 535,920 1. 13 sh. 11 d.
Pour l'achat des terres .
Les terres pour les forts
de Stokes-Bay & de Maker-
Heigths font achetées
, mais point encore
payées.
Les terres de Stokes-
No. 17 , 23 Avril 1785 . h
( 170 )
Bay , y compris le terrein
fur lequel eſt élevé le
fort Monckten , & l'arrérage
des rentes depuis
cinq années , montent à... 11,747
16 74
• 13,245 7
6
.
Les terres à Maker-
Heigths coutent ,
L'achat d'autres terres
devant dépendre de la valeur
que lesJurés- Experts
jugeront à propos d'y
mettre , on ne peut pas
l'évaluer juſte ; mais la
quantité de terrein dont
on aura beſoin à Merryfield
, fera probablement -
à peu près la même qu'à
Maker-Heigths , & peut
être évaluée à
....
14,000 cc ८८८८
Le terrein dont on a
beſoin à Frater - Lake ,
n'est pas ſi conſidérable
que les terreins achetés
à Stokes - Bay & Fort
Monckton , & ne paffera
vraiſemblablement pas ... 10,000 CCCC CCEC
Le terrein dont on a
beſoin à Hilſea eſt fort
pau de choſe , & ne paffera
pas de ..
..... 5,000
Valeur totale des terres
dont on a beſoin , ..... .... $4,693 4
Pour les changemens
& la réédification d'an-
:
( 171 )
ciens ouvrages , & pour
achever ceux qui ont été
commencés avant ou pendant
la derniere guerre ,
&qui ſont conſidérablement
avancés ,
Pour des changemens
& ainéliorations jugées
néceſſaires au Fort de
Cumberland , .....
Pour la reconſtruction
du château de South-
Sea , • • •
Pour achever le Fort
Monckton , eſtimé d'après
25,000
1
eccc
6,7000 cccc
le dernier arpentage , ... 42,407 17
Pour achever les ouvrages
qui couvrent le
chantier de Porſtmouth ,
autant qu'il ſera jugé néceſſaire
, ſi les fortificetions
projettées ontlieu , 27,790 II I
Total de la ſomme néceſſaire
pour changer ,
reconftruire & finir les
..
Total de celle pour

31
anciens ouvrages , 101,898 3 4
l'achat des terrrs , ... 54,963 4 1
Total de celle pour les
TOTAL général des
ſommes néceſſaires pour
défendre les chantiers de
fortifications nouvelles, 535,970 13 H
Porſtmouch & Plimouth, 692,562 15
h2
( 172 )
FRANCE.
DE VERSAILLES , le 15 Avril.
Le Comte de Thy , qui avoit précédemment
eu l'honneur d'être préſenté au Roi ,
a eu , le y de ce mois , celui de monter dans
les voitures de Sa Majesté & de la ſuivre à
la chaffe.
Monſeigneur Comte d'Artois & Madame
Comteffe d'Artois ont tenu , le 3 du même
mois , fur les fonts de Baptême , dans la
Chapelle du Château , la fille du Comte de
Fougieres , Maréchal des Camps & Armées
du Roi , Lieutenant général de la province
de Bourbonnois , ancien Sous-gouverneur
du Roi & des Enfans de France , & Premier
Maître - d'hôtel de Monſeigneur Comte
d'Artois. Les cérémonies du Baptême ont
été ſuppléées à l'enfant , qui a été nommée
Charlotte -Théreſe , par l'Evêque de Saint-
Omer , Premier Aumônier du Prince , en
préſence du ſieur Brocquevielle , Curé de
la paroiſſe Notre-Dame.
Le Roi & la Famille Royale ont ſigné ,
le 10 de ce mois, le contrat de mariage du
Chevalier de Saint Georges , ſous le nom
du Baron de Bar, Lieutenant de vaiſſeau ,
ayec Demoiſelle de la Rochebouſſeau.
La Reine , qui continue à être toujours
auſſi bien que ſon état le permet , a vu , le
12 du même mois, toutes les perſonnes qui
ont les entrées de la chambre , tant chez le
Roi que chez Sa Majeſté.
( 173 )
DE PARIS , le 21 Avril.
Il eſt queſtion , comme d'une entrepriſe
aujourd'hui autoriſée , de l'établiſſement
prochain d'un nouveau pont de pierres ſur
la Seine , projetté depuis long- temps , visà
vis la place de Louis XV. L'habile Ingénieur
, qui a dirigé le pont de Neuilly , eſt
chargé de cette nouvelle conſtruction : ce
pont, à ce qu'on dit , ſera nommé le Pont
triomphal , épithete dont on ne voit pas
bien l'étymologie. Au lieu de piles il ſera
foutenu par des colonnes , ſans doute à l'imitationdu
magnifique pontdeBlack's Friars
à Londres , & l'on en évalue la dépenſe à
3 millions.
La belle température du Printemps au
mois de Mai a fuccédé aux froids du mois
dernier. Depuis quinze jours , le vent de
Nord-Nord-Est permanent a maintenu le
ciel ſerein , & le ſoleil dans tout fon éclat.
Au milieu du jour, le thermometre a été
ſouvent à 10 & à 12 degrés au deſſus de la
glace. La durée du vent de Nord & de la
féchereſſe retarde les progrès de la végétation
, & furtout celle des pâturages. Dans
pluſieurs provinces , la difette de foins eſt au
dernier degré , & le malheureux payfan a
été obligé, en divers endroits , de tuer ſes
beftiaux, faute d'herbages.
Le fomnambulisme magnétique a attiré
juſqu'à ces jours derniers un concours étonnant
d'amateurs diftingués. Ce phénomene
h3
( 174 )
fans pareil a opéré beaucoupde converfions ;
la malice des douteurs paroifſoit confondue ;
des perſonnes de tout rang , & d'états où le
bon ſens ne doit pas être rare , font convaincues
qu'une fille ENDORMIE devinoit
leurs penſées les plus ſecrettes. La célébrité
de la jeune fille , ſi heureuſement née, qui
ſe livroit à ces inſpirations , a tout-à-coup
diminué à l'occaſion de quelques remarques ,
ſans doute téméraires , & auxquelles nous
nous gardons bien de donner créance. On
a prétendu qu'elle répondoit au geſté horifontal
, parce que dans cette poſition , le
bandeau qui couvre les yeux de l'inſpirée ,
lui permettoit un coup d'oeil furtif; mais
qu'elle manquoit aux ordres , lorſque le
geſte vertical ſe faiſoit du haut en bas. Une
Dame de la plus haute condition , & auſſi
diftinguée par ſes lumieres que par ſa naifſance
, a trouvé , à ce qu'on ajoute , un
moyen ingénieux de déconcerter la fomnambule:
ce moyen conſiſtoit à parcourir
des yeux deux ou trois phraſes d'un livre ,
à montrer le paſſage avec ſa main , & à
dire , devinez , Mademoiselle , voilà ma penſée.
La pauvre fille , ſelon le cri public, eſt
toujours reſtée muette. Cependant les deux
conditions eſſentielles, la penſée & un geſte
quelconque , ſe rencontroient dans cette facheuſe
épreuve.
Le corps de la Marine à Breſt a célébré
par des réjouiſſances l'heureux accouche
( 175 )
ment de la Reine & la naiſſance de M. le
Duc de Normandie.
Vendredi , rer Avril , M. le Comte d'Hector
, Commandant de la Marine , reçut la Lettre
du Roi , qui lui annonçoit l'heureux accouchement
de la Reine , & la naiſſance de Monfeigneur
le Duc de Normandie . Il fit tirer auffi- tôt
19 coups de canons de la Batterie Royale , pour
l'annoncer au Port & à la Rode , & il fit part de
cette nouvelle intéreſſante au Corps aſſemblé à
fon Comité.
Le 6 , à dix heures & demi , le Corps de la
Marine s'eſt aſſemblé chez lui , ainſi que MM. les
Officiers retirés du ſervice , le Corps de l'Adminiſtration
, les Corps municipaux , de Juſtice
& de l'Amirauté , & même M le Comte de
Moynier , Commandant de la Place avec fon
Etat-Major , les Chefs & une partie des Officiers
de la Garnison , qu'il avoit invités à ſe
rendre à bord du Royal Louis , pour y aſſiſter
au Te Deum . Ils ont eu l'honnêteté de ſe rendre
chez M. le Comte d'Hector , & de l'accom .
pagner à bord de ce vaiſſeau , où on la chanté.
Il a arboré le Pavillon amiral , & a été pavoiſé ,
ainſi que tous les Bâtimens qui font armés dans le
Port. Pour faciliter l'abord de ce vaiſſeau , on
avoit fait un pont de radeaux , vaſte , commode
& sûr , qui aboutiſſoit à la calle neuve du baſſin
deBreft.
Le Corps Royal de Marine , dans la plus fuperbe
tenue , étoit en bataille devant le Magafin
général , où il a fait trois décharges de moufqueterie
pendant qu'on chantoit le Te Deum :
cette ſa've a été ſuivie ſucceſſivement de 21 boîtes
tirées devant le Magafin de l'Artillerie , & de
21 coups de canon tirés de la Batterie Royale,
Les vaiſſeaux qui étoient en rade , pavoiſés
h4
( 176 )
comme ceux qui étoient dans le Port, ont fait les
mêmes ſalves de mouſqueterie & de canon .
Pendant la Meſſe , Madame la Vicomteſſe de
Langle a fait la quête , & ce qu'elle a produit ,
a été diftribué aux pauvres appartenans à la
Marine.
د
Les Marins & habitans qui bordoient le
Quai, & qui rempliſſoient les maiſons & les bâtimens
du port & voiſins du Port , ont crié des
vive le Roi multipliés , qui exprimoient vivement
leur fatisfaction , & leur fincère & refpectueux
attachement pour le-Souverain bienfaiſant
à qui ils doivent leur bonheur , & pour le
ſervice duquel ils brûlent d'avoir des occaſions
d'employer tous leurs talens , & même de ſacrifier
leurs vies .
1
M. le Comte d'Hector a donné à díner à
40 perſonnes , Officiers-Généraux & Chefs des
détails de la Marine &des Corps étrangers ; pendant
le repas , l'excellente Muſique du Corps
Royal de Marine a exercé ſes talens , & lorfqu'on
a porté les ſantés du Roi , de la Reine &
de Monseigneur le Duc de Normandie , elles ont
été ſaluées de 21 coups de boîtes tirées ſur le
Quai de l'Artillerie , de 21 coups de canon de
la Batterie Royale & des mêmes ſalves des Batimens
qui ſont en rade.
A la ſortie du ſpectacle , on a tiré un feu
d'artifice ſur la terraſſe de l'hôtel du Comman .
dant de la Marine , dans lequel les ſpectateurs
nombreux , qui rempliſſoient le champ de bataille
& les maiſons voiſines , ont diftingué avec
joie , vive Monſeigneur le Duc de Normandie. Il
a été ſuivi de l'illumination générale de tous.
les bâtimens fitués dans la ville qui appartiennent
au Roi & des maiſons des particuliers qui
tiennent à la Marine , & qui ont vou'u donner
ce témoignage public de leur fatisfaction .
1
( 177 )
Le peuple de. Breſt , compoſé , pour la plupart
, de Marins militaires ou deſtinés à l'étre ,
accoutumés aux cris de vive le Roi pour les
moindres circonstances , faits par état pour manifeſter
dans les quatre parties du monde , ſa
puiſſance , ſes bontés pour lui , leur attachement
pour ſa Perſonne , peuvent être regardés comme
les ſujets les plus fideles & les plus zélés pour
ſon ſervice , & dans cette circonstance ſi intéreffante
, ils ont témoigné la joie qu'ils reffentoient
de voir perpétuer & augmenter fon augufte
Famille avec uue effuſion de caur qui
démontre évidemment la fincérité & l'étendue
de leurs fentiments patriotiques , le vifdefir qu'ils
ont d'avoir des occafions d'en donner des preuves.
L'on aura lu dans quelques Feuilles publiques
la reſtitution faite par le Capitaine
P. J. au Comte de S. en Ecoſſe , de la vaiffelle
qui lui fut enlevée par ce Capitaine ,
pendan: la derniere guerre. Nous recevons à
ce ſujet les détails ſuivans qu'on nous donne
comme authentiques.
Le Capitaine P... J... fit une defcente en
Ecoffe pour s'emparer de quelques Gentilshommes
Anglois , à l'effet d'inſpirer la crainte de
repréſailles. Suppoſé que l'Angleterre eût agi
avec trop de rigueur envers les priſonniers américains.
Après avoir enlevé d'emblée deux Forts
garnis de 36 pieces de canon , qui auroient pы
l'incommoder dans ſon rembarquement, il chercha
des ôtages. Pluſieurs Seigneurs , dont on
fouilla les Châteaux , avoient difparu ; la Troupe
trouva dans l'un une caiſſe d'argenterie , qu'elle
emporta à bord , & qui étoit de bonne priſe.
L'allarme fut donnée , & le Capisaine P... J...
obligé de ſe rembarquer , continua ſa croifiere ,
h
( 178 )
perſonne n'ignore les détails de ſes belles actions
pendant la durée de la guerre .
A la paix , cet Officier , devenu ſeul propriétaire
de la caiffe d'argenterie , par le rembourſement
qu'il avoit fait des parts de ſon équipage ,
écrivit à Madame la Comteſſe de S.. « Qu'il
étoit bien faché qu'elle eût été privée de ſon
argenterie pendant la guerre , qu'il la prioit de
lui indiquer à Londres une perſonne à laquelle
il put l'adreſſer , & de la recevoir fans aucune
condition » .
,
Sur la réponſe que fit cette Dame , remplie
des ſentimens de reconnoiffance , le Capitaine
P... J ... demanda à M. le Comte de V... la
permiffion de faire paſſer cette caiſſe de l'Orient
à Calais en exemption de droits. Ce Miniſtre
renvoya ſa demande à M. le C. G. , qui
fit réponſe au Cap. P... J... en ces termes : <<< J'ai
reçu M. &c. , je ſuis flatté de concourir à une
auffi belle action , je viens , en conféquence
de donner des ordres aux Fermiers - Généraux ;
ce trait me prouve que la vraie valeur eſt inféparable
de l'humanité & de la généroſité , &c. » .
Il falloit encore prendre la même précaution
pour faire entrer cette argenterie en Angleterre.
M. le Duc de D. Ambaſſadeur de S. M. R. ,
flatté de répondre aux vues généreuſes du Cap .
P... J ... fit appoſer ſon cachetur cette caiffe ,
qui eft préſentement à Londres pour être remiſe
à ſes anciens propriétaires , ſans aucuns frais .
Nous ajouterons à ce récit une circonftance
qui ne diminue rien du mérite de cette
action , & probablement ignorée du Capi .
taine P. J.; c'eſt que le Comte de Selkirck ,
dont il eſt ici queſtion , étoit le feul Pair
Ecoſſais qui eût épousé la cauſe de l'Améri .
que; qu'il l'avoit épousée avec la plus grande
1
( 179 )
chaleur , & qu'il fut très malheureux pour
lui que le ha ard eût ſi mal fervi les intentions
du brave Commandant dans le choix
de la deſcente .
Nous avons fait connoître dans le Nº. 9
de ce Journal l'établiſſement des baliſes ,
formé à l'Ifle d'Oleron par Mr. Compère
Laubier , Négociant. Une lettre qu'il vient
de recevoir , conſtate l'utilité de cette formation.
Ce ſeroit manquer à la reconnoiſſance que
je vous dois , ſi je laiſſois paſſer ſous filence
l'événement arrivé à mon Bâtiment l'Utile-
Maître- Chevalier , lequel ſe trouvant en pêche ,
a été ſurpris par la tempête que nous avons
reſſentie la nuit du 12 au 13 Mars , il prit le
parti de courir ſa bordée ſur votre Ifle avec le
peu de voiles que la violence du vent lui permettoit
de porter , & prêt à périr à tout inſtant
par l'impé uoſité de la mer , il a eu connoiffance
fur les 5 heures de l'anſe de la Peroche ,
au moyen des deux balifes que Sa Majesté y a
fait me tre après les mémoires que vous avez
préſentés ; il y a mouillé , & paffé la nuit ; il
étoit temps qu'il trouvât ce refuge , car il y avoit
trois pieds d'eau dans la Calle , & l'équipage
n'avoit plus de force pour manoeuvrer. Ainfi
c'eſt à vous , Monfieur , à qui je dois le ſalut
de mon Bâriment , & de trois chefs d'aſſez
nombreuſes familles.
Signé DECHEZEAU.
I.es afiches de Dauphiné renferment l'extrait
d'une lettre écrite d'Eſpagne fur un objet
important de police publique , & dont le
contenu mérite d'être rapporté.
h6
( 180 )
۲
Madrid eſt diſtribué en pluſieurs quartiers
fubdiviſés eux- mêmes en différens districts .
M. le Comte de Florida-Blanca jugea à propos
, il y a quelques années , de former dans
chacun de ces diſtricts un Bureau composé des
perſonnes les plus reſpectables , tant par leurs
moeurs que par leurs lumieres , & choifies indifféremment
parmi le Clergé & parmi les Laïcs.
Le but principal de leur inſtitut , eſt de viſiter
journellement & de ſoulager les familles réellement
pauvres , en procurant de l'ouvrage à
celles qui peuvent travailler , & des ſecours à
celles qui , par des maladies & d'autres accidens
, ſont tombées dans la miſere . Il s'en
trouve parmi ces dernieres , qui ſe laiſſeroient
périr dans l'oubli plutôt que de ſe réſoudre à
quitter leur réſidence. Il regne dans ces Bureaux
de charité une ardeur & une émulation
vraiment admirables , dans les emplois que les
membres exercent alternativement , ſans autre
récompenſe que les applaudiſſemens de ſes
compatriotes & les bénédictions des infortunés
qu'ils ſoulagent.. Les uns font infatigables à
recueillir dans chaque diſtrict les moyens de
pourvoir aux néceſſités des indigens. Le Roi &
la famille royale y contribuent très-généreuſement.
Les autres s'occupent à maintenir quantite
de petits établiſſemens , où l'on voit avec
joie la jeuneſſe abandonner ſes occupations frivoles
, pour chercher à s'inſtruire dans des vrais
principes de la Religion & de l'amour du bien
public. D'autres enfin font chargés de porter
chez eux aux malades dépourvus d'aſſiſtance ,
tous les ſecours néceſſaires , au lieu de les faiffer
tranſporter dans les Hôpitaux. Nous allons
donner le dernier rapport d'un de nos Baillis ,
M. Manuel Cisternes , qui s'explique en ces
( 181 )
1
, nous
termes : « Ayant reconnu l'extrême répugnance
qu'ont en général les pauvres malades à ſe
laiffer transporter dans les Hôpitaux
nous ſommes appliqués à mettre leurs femmes ,
ou leurs familles , à même de leur procurer
la p'us grande aiſance & tous les fecours poffibles
dans leurs propres maiſons. Les huit Bureaux
de Charité de mon quartier , ( qui n'eſt
pas le plus conſidérable de cette Ville ) ont
réuſſi , avec les fecours généreux des habitans ,
à ſoulager tous les pauvres malades dans le ſein
de leurs familles , à leur donner des Médecins ,
Chirurgiens , Apothicaires , lits , &c. &c. enforte
que dans le courant de l'année derniere ,
nous avons adminiſtré dans notre quartier toute
l'aſſiſtance imaginable à 305 malades , dont 12
ſeulement ſont morts. Les ſommes employées
àcette oeuvre ſi louable , ſont montées à 28438 .
réaux de veillons. En ſuivant cette méthode ,
nous tâcherons d'éviter les conféquences funeſtes
qui réſultent de l'entaſſement des malades dans
un même bâtiment , qui , malgré toutes les
précautions que l'on peut prendre pour empêcher
l'air infecté des Hôpitaux , aggravent au lieu
de ſoulager les maux des infortunés qui ſont
raſſemblés dans ces monumens d'oftentation
dont les apparences ſont ſi trompeuſes. >>
,
Ces établiſſemens ont été imités avec le plus
grand ſuccès dans toutes les provinces ; ce qui ,
plus qu'aucun autre expédient , a diminué de
beaucoup la mendicité . Selon toutes les apparences
, notre fameux Hôpital -général , & beaucoup
d'autres , ne ſerviront plus qu'aux étrangers
, que nos Bureaux ne pourront pas renvoyer
d'abord à l'endroit de leur réſidence ordinaire
, ainſi qu'ils le fontgénéralement de tous
les pauvres inconnus qui y ſont portés.
( 182 )
Sur laRequête préſentée au Roi en fonConſeil,
par les fleurs Martin , Fieſſelle & Lamy , contenant,
que les Fabriques Angloiſes de Bas , Toiles
& Velours de Coton , ne doivent la ſupériorité
qu'elles ont fur celles de France , qu'à la perfe&ion
de la filature opérée par une Machine que l'on fait
mouvoir ; que juſqu'à préſent cette Machine
n'avoit point été connue en France , & que ce
n'est qu'a force de dépenſes , de voyages , même
dedanger , que le ſieur Martin eſt enfin parvenu à
en découvrir le méchaniſme , & à en avoir les
plans ; qu'il eſt en état d'en établir une pareille en
France , & de la perfectionner , tant pour la filature
du coton , que pour celle de la laine ; que
cette Mach ne préſente des avantages précieux
pour tout le Royaume , en ce qu'e'le tend à perfectionner
la qualité des marchandiſes, de maniere
à entrer en concurrence avec celles d'Angleterre
& de l'Inde ; mais qu'il falloit pour l'établir &
l'entretenir , des dépenſes au deſſus des facultés
des ſieurs Martin , Fleiſelle & Lamy. Requéroient
àces caufes les Supplians , qu'il plût à S. M. autoriſer
l'établiſſement d'une Marufatore Royale au
lien de l'Epine , ſur la riviere de June , près Arpajon
,G néralité de Paris , avec permiffion de ſe
ſervir d'un plomb particulier , & de faire circuler
leurs marchandiſes fabriquées & filarures dans tout
le Royaume , & les exporter à l'Etranger, fans étre
tenus de les préſenter aux Bureaux de viſite & de
marque , à l'effet d'être revêtues de celles prefcrites
par l- Réglemens , accorder aux Supplians,
pendant l'eſpace de 12 ans , le privilége exclufif
pour la conſtruction & l'usage de la Machine
qu'ils ont introduite en France , & qui a pour
objet la filature continue du coton & de la laine ,
y compris les Machines à préparer , carder en
rubans , tirer , filer en gros , filer en fin , doabler
& retordre en même tems ; ordonner qu'il leur
1
( 1843 )
foit payé, à titre de gratification , ſur les fonds à
ce deſtinés , une ſomme de 30,000 livres ; faire
défenſes à tous particuliers de contrefaire ou imiter
pendant ledit tems de 12 années ladite Machine,
ſous peine de confiſcation des Machines de
filatures ,& de 50,000 liv. de dommages & intérêts,
au profit des Supplians ; ordonner que les engagemens
qui feront contractés entre leſdits Entrepreneurs
& leurs Ouvriers , feront exécutés selon leur
forme & teneur ; accorder l'exemption de M.lice&
de logemens de gens de Guerre aux Entrepreneurs
ou Directeurs , & aux quatre principaux Ouvriers
de ladite Machine ; enjoindre au ſieur Intendant &
Commiffaire départi en laGénéralité de Paris , de
tenir la main à l'exécution de l'Arrêt à intervenir .
Vu ladite Requête : Qui le rapport du ſieur de
Calonne , Confeiller Ordinaire au ConfeilRoval,
Contrôleur-Général des Finances , LE ROI EN
SON CONSEIL , a autorité & autorite l'établiſſement
d'une Manufacture de filature , F brique de
mouffeline & autres étoffes en coton ; a accordé
& accorde auxdirs ſieurs Fleſfelle , Martin &
Lamy, pendant l'eſpace de 12 années , un Privi
lége excluſif pour la conftection & l'ufage de la
Machine qu'ils ont introduite en France , & qui
a pour objet la filature du coton & de la laine ,
y compris les Machines à préparer carder en rubans
, tirer , filer en gros , filer en fin , doubler
& retor dre en même tems ; à la charge toutesfois
de ne pouvoir , en raiſon dudit Privilége ,
inquiéter , ni rechercher les établiſſemens du
même genre , qui auroient été formés précédemment,
fi aucuns ſe trouvoient ; ordonne qu'il fera
payé auxdits ſieurs Fielfelie , Martin & Lamy ,
à titre de gratification ſur les fond à ce deftinés
, une ſomme de 30,000 liv. pendant lesdites
cinq années , en cinq paiemens égaux , d'année
en année ; fait S. M. défenſes à tous particuliers ,
( 184 )
de contrefaire ou imiter pendant ledit tems de
12 ans , laditeMachine , ſous peinede confiſcation
des Machines de filatures , & de telles autres
peines qu'il appartiendra ; accorde aux Entrepreneurs
, aux Directeurs , & aux deux principaux
Ouvriers de ladite Manufacture , l'exemption de
Milice&de celle du logement de gens deGuerre,
pour l'intérieur de l'établiſſement ſeulement. Enjoint
S. M. audit ſieur Intendant & Commiſſaire
départi en la Généralité de Paris , de tenir lamain
à l'exécution du préſent Arrêt. Fait au Conſeil
d'Etat du Roi, tenu à Verſailles , le 18 Mai 1784.
Sizné , LE MAÎTRE.
Vu le préſent Arrêt , Nous ordonnons qu'il ſera
exécuté felon ſa forme & reneur, ſouflexemption
de Milice fur laquelle nous nous propoſons de
faire des repréſentations. A Paris , ce 23 Février
1785. Signé , BERTIER.
Les Numéros fortis au Tirage de la
Loerie Royale de France , le 16 de ce
mois , font : 84,3 , 39 , 23 , & $ 4.
PAYS- BAS.
DE BRUXELLES , le 20 Avril.
Le 2 de ce mois, la Marguerite , navire
Pruffien , a été jetté à la côte près de Nieuport
, avec une cargaiſon pour Amſterdam ,
de vin , d'eau -de-vie & de café , qu'on efpere
de ſauver en totalité.
L. H. P. , dit-on , viennent de faire remettre
à M. de Maillebois un tableau exact
de la population de la Hollande , ſelon lequel
les Provinces-Unies contiennent :
En hommes & en garçons au derfous
de 20 ans .
En femmes & filles au-deſſus de
610,123
( 185 )

En hommes & garçons entre 20 &
20 ans.
50 ans.
610,826
598,114
En femmes & filles de même âge. 600,198
En hommes & en garçons entre
50 & 65 ans. 120,000
En femines & en filles de cet âge. 121,315
En hommes & en garçons entre
65 & 80 ans .
En femmes & en filles de cet âge.
En hommes & garçons au-deſſous
de 80 ans. •
En femmes & en filles.
La population eſt donc de.
51,518
51,826
7,300
7,412
2,758632
L'armée hollandoiſe , par les dernieres
1éſolutions de L. H. P. , eſt portéeàss mille
hommes de troupes réglées , & à 12 mille
hommes de troupes légeres diviſées par légions
, tant à pied qu'à cheval. Il paroît que
les compagnies de fuſiliers de quelques - uns
de ces derniers corps ne feront pas en état
d'entrer cette année en campagne ; quant
aux dragons , aux huſſards , aux grenadiers ,
ils feront prêts à marcher au premier fignal.
M. de Maillebois a propoſé aux Etats-
Généraux de renouveller l'uſage des canons
de cuir , ſemblables à ceux dont Gustave
Adolphe ſe ſervit en Allemagne lorſqu'il en
fit la conquête ; en remédiant cependant aux
défauts qui les avoient fait abandonner.
Cette artillerie légere & portative feroit furtout
très utile dans un pays , comme la
( 186 )
Hollande , entrecoupé de canaux &de foffés
, & pourroit ſervir à écarter les nuées de
Pandoures , de Croates & de Montenegrins
qui , en cas d'invaſion , ne manqueroient
pas de ſe jetter fur le territoire des Provinces-
Unies pour y exercer le pillage.
,
Undes fils de feu M. de Muſqniz, ancien Miniſtre
des Finances de ce Royaume , eſt attendu de
jour à autre dans certe Capitale , dit une lettre
de Madrid , pour rég'er avec le reſte de la famille
les affaires de ſa ſucceſſion. On ne ſera
pas peu étonné lorſqu'on ſaura que cette Succeffion
d'un homme , qui a été pendant 18 ans
Miniſtre des Finances d'un grand Royaume , &
en même temps chargé pendant quatre années
du Département de la Guerre ne monte
qu'à 200 mille liv. de notre Monnoie en Capital
. Mr. J. Musquiz laiſſe quatre enfans Ainfi
c'eſt so mille liv. pour chacun ; il eſt vrai
que l'Aîné ſera plus riche , comme héritier de ſa
Mere. Cet exemple, qui rappelle les beauxjours
d'Athenes ou de Rome , où ceux qui avoient
gouverné la République ne laiſſoient pas quelquefois
affez de bien pour ſe faire enterrer , eft
communen Eſpagne. On cite à ce ſujet D. F.
Arriaga , qui mourut il y a huit ou dix ans.
Ce Miniſtre , qui avoit eu les Charges les plus
lucratives , comme celles de Gouverneur de Caraques
, de Préſident de Contraction de Cadix ,
&c. qui fut vingt ans Miniftre , mourut fi pauvre
, que deux de ſes ſoeurs , retirées dans un
Couventde Valladolid ,n'auroient pas eu de quoi
ſubſiſter, fi le Roi n'avoit continué de leur faire
une penſion de 700 liv. telle que ces demoiſelles
la tenoient de leur frere pendant ſa vie.
Les Amirautés reſpectives de Hollande
ont repréſenté aux Etats Généraux la nécef-
1
( 187 )
fitéurgente d'équiper une Eſcadre additionnelle
,pour relever les Vaiſſeaux qui croiſent
dans la Méditerranée , ſous les ordres du
Contre Amiral Van Kinsbergen , cette Efcadre
n'étant avitaillée que juſqu'au mois
d'Octobre prochain. Il faudra remplacer auſſi
quelques Vaiſſeaux de guerre , qui fervent de
Convoi aux Navires Marchands. Cette nouvelle
Eſcadre doit être compoſée de quinze
Navires; ſavoir , fix Vaiſſeaux de 60 canons ,
quatre de so , & de cinq Frégates de 36 à 40
canons. Les Amirautés requierent L. H. P.
de faire parvenir ſans délai cette propofition
aux Confédérés , pour qu'ilsy donnent leur
conſentement le plutôt poſſible , & qu'ils autorifent
le Conſeil d'Etat à former laPétition
néceſſaire à cet effet.
On s'occupe , écrit on de Malines , à préparer
deux équipages de fiége. On a déja enmagafiné
2millions 500 mille livres de poudre. Dès que
les ports de la Baltique ſeront ouverts , nous recevrons
de Ruffie 250 pieces de canon de 24 &
beaucoup d'autres de 12 &de moindre calibre ,
ainſi qu'un grand nombre d'obus , de mortiers &
de pierriers. Nous attendons d'un moment à l'autreun
grand Seigneur de Vienne pour concerter
les plans de la campagne prochaine. Au premier
jouron fera couper dans les forêts royales tous
les bois néceſſaires à la conſtruction de pluſieurs
redoutes flottantes. On va conſtruire auffi plufieurs
bateaux qui contiendront 70 hommes , &
porteront 2 pieces de canon: ils ne prendront pas
plus d'un pied & demi d'eau. Il nous arrive de
toutes parts des inſtrumens de pionniers ; on en
(188 )
a commandé 80 mille. Tous ces préparatifs doi
vent être faits pour le 15 du mois prochain.
Heureuſement ce que l'on fait avec certitude
de l'état des négociations fait eſpérer
que ces préparatifs feront inutiles .
M. le Baron d'Enfiedel , Gentilhomme Saxon ,
a obtenu , dit-on, du Roi de France , la permiffion
de s'embarquer avec deux de ſes freres & pluſieurs
de ſes compatriotes , ſur un bâtiment frété par
S. M. , qui le conduira au Sénégal Le projet de
M. d'Enfiedel eſt de remonter le fleuve de се
Royaume auſſi haut qu'il lui ſera poſſible ; de
s'enfoncer enfuite dans les terres , & d'aboutir
dans l'Abyſinie , d'où , en deſcendant le Nil , il
paſſera en Egypte & au Caire. L'imagination eſt
effrayée de la hardieffe de ce projet , dont aucun
voyageur n'a encore tenté l'exécution . Le climat,
les bêtes féroces , les hommes , les fables , tout
offre des dangers effrayans. Si M. d'Enfiedel réulfit
, ce voyage ſera un des plus mémorables qui
aientjamais été faits . On fait combien l'intérieur
de l'Afrique est peu connu.On fait en même tems
que cet intérieur récele de la poudre d'or qui en
eſt tirée , par le Sénégal d'un côté , & de l'autre ,
par les caravanes du Caire.
Articles divers tirés des Papiers Anglois& autres.
Le Gouvernement d'Eſpagne paroît décidé à
abolir l'inquifition. Il doit paroître ſous peu un
ouvrage , où ſeront expoſés les inconvéniens &
les dangers de ce tribunal odieux , où la voix
du fanatiſme prononce d'une maniere ſi arbitraire
& fi irrévocable contre la vie & la liberté
du citoyen. Nouvell. d'Allemagne , nº 57 .
Les différents préparatifs qui ſe font en Ukraine
& en Lithuanie , où doit ſe raſſembler une
armée Ruſſe , ont excité l'attention d'une cer .
taine Cour à un tel point , qu'elle a auſſi - tôt
( 189 )
envoyé ordre à fon Ambatladeur à St. Péterf
bourg de s'informer ſans délai près des Miniftres
de S. M. l'Impératrice , de la cauſe & du
but de ces mouvemens : la réponſe qu'il a reque
, eſt dit - on , que des raiſons particulieres
exigeoient de la part de cette Cour un telle
conduite. Gazette des Deux- Ponts , n° 29,
Caufe extraite du Journal des Caufſes célébres.
Défenses faites à un Charlatan de continuer Son
:
métier..
Cette affaire qui a été jugée depuis peu en
'Allemagne , offre un exemple d'une juſte ſévérité
contre une claſſe d'hommes , plus dangereux
que les maux qu'ils prétendent guérir.
Avant de rendre compte des faits particuliers
du procès du Charlatan étranger , nous croyons
que nos Lecteurs nous ſauront gré de rappeller en
peu de mots , l'hiſtoire des plus fameux Charlatans
modernes qui ont paru ſur la ſcène du
monde pour le malheur du genre humain.
Tous les fiecles& tous les peuples ont eu des
charlatans . Nous ne remonterons point aux premieres
époques de l'hiſtoire des Nations , pour
citer des exemples , nous nous bornerons à rappeller
les noms de ceux qui ont paru depuis la
fin du dernier fiecle .
Le premier que nous voyons paroître en Fran.
ce, à cette époque , eſt un certain Marquis Italien
qui avoit un ſpécifique qu'il vendoit deux
louis la goutte. Il étoit bien difficile qu'un remede
auſſi cher ne fût pas excellent ; auſſi eut-il
laplus grande réputation. Il étoit univerſel. II
guériſſoit toutes les maladies , excepté de la
mort ; maisle Charlatan prétendoit que la mort
[1 ] On ſcuſcrit en tout temps pour le Journal des
Cauſes célebres , chez M. Deſeſſarts , Avocat , rue Dauphine
,Hôtel de Mouy , chez Mérigot le jeune , Libraire , &
Quai des Auguftins. Prix 18 liv, pour Paris , & 84 liv.
pour la Province.
د
( 190 )
n'étoit pas une maladie. Anſi , ſon ſpécifique
faiſoit les plus belles cures toutes les fois qu'on
ne devoit pas mourir.
Au Marquis Italien , ſuccederent deux Capucins
qui annoncerent qu'ils apportoient des pays
étrangers des ſecrets merveilleux. On les accueillit
& on les combla de préſens. Les malades
, les plus défeſpérés , s'adreſſerent aux deux
charlatans , & aucun ne guérit ; mais on reconnut
bientôt que les deux Capucins étoient
des impoſteurs qui avoient voulu tromper le
public.
Un Charlatan , nommé le Médecin des boeufs ,
attira , peu de temps après , les regards de la
Capitale. Il étoit établi à Seignelay , bourg du
comté d'Auxerre. Il prétendoit connoître toutes
fortes de maladies par l'inſpection des urines ;
charlatannerie facile , uſée& de tout pays. Il paſſa
pendant quelque tems pour un oracle ; mais on
l'inſtruit mal , il ſe trompa tant de fois , que
les urines oublierent le chemin de Seignelay.
Un Cordelier ayant lu , dans un livre de
chymie, la préparation de quelques médicamens ,
obtint de ſes ſupérieurs la liberté de les vendre
&d'engarder le profit , à condition d'en fournir
gratis à ceux du couvent qui en auroient beſoin.
Un Prince eſſaya de ſes remedes ; mais ils produiſirent
de ſi mauvais effets , que le nouveau
chymiſte perdit ſon crédit.
Un Apothicaire du Comtat d'Avignon , ſe
mit ſur les rangs , avec une paſtille qui guérifſoit
radicalement toutes les maladies . Ce remede
merveilleux , qui n'étoit qu'une compofition
d'arſénic & de ſucre , produiſit les effets
les plus funeſtes. La paſtille & lon inventeur
furent bientôt expoſés au mépris public.
Un Capucin , qui avoit été autrefois garçon
Apothicaire , crut , di- on , avoir fait la décou
( 191 )
verte la plus précieuſe à l'humanité , en com
poſant une eſpece de ſel végétal , & un ſyrop
qu'il appelloit méſentérique. Il diftribuoit ce remede
pour toutes les maladies , & prétendoit
qu'il avoit la propriété de purger avec choix les
humeurs qu'il falloit évacuer. On affure que ce
Capucin étoit de bonne foi ; mais il n'en étoit
pas moins un ignorant & un charlatan.
Un Prêtre Normand ſe fit annoncer comm
ayant trouvé le ſecret de purger toutes les
humeurs nuiſfibles ; mais les mauvais effets de
ſon purgatif ne tarderent pas à lui enlever la
confiance qu'il avoit uſurpée..
A ce Prêtre fucceda un particulier qui prétendoit
avoir découvert une huile qui rendoit
les gens immortels. On imagine aisément que
cette huile fut promptement en vogue; mais
l'inventeur étant mort lui-même quelques mois
après , ſon prétendu ſecret tomba dans l'oubli.
Tout le monde a entendu parler du Médecin
de Chaudrais .
Enfin , un faiſeurde pillules qui produiſoient
des effets ſupprenans dans les coliques inflammatoires
, ſe montra fur la ſcène ; mais malheureuſement
pour lui , & pour la fortune de
ſon remede , il fut attaqué d'une colique inflammatoire
, & ſes pillules augmenterent tellement
ſes douleurs , qu'il mourut en quatre jours. Cet
événement fit oublier le remede & celui qui
l'avoit inventé,
L'Angleterre n'eſt pas plus exempte que la
France de la vermine des charlatans ; mais ils
s'y préfentent ſous des dehors différens. C'eſt
preſque toujours dans les places publiques qu'ils
diftribuent leurs remedes. Lorſqu'ils te font annorcer
, ils aſſurent qu'ils guériſſent toutes les
maladies avec leurs ſpécifiques & la bénédiction
de Dieu.
( 192 )
Comme rien n'eit plus propre à en impoſer
au vulgaire que d'étonner ſon imagination ; les
charlatans des Ifles Britanniques ſe font annon.
cer ſous le titre de docteurs nouvellement arrivés
de leurs voyages , dans lesquels ils ont
exercé la médecine & la chirurgie par terre &
par mer , en Europe & en Amérique , où ils
ont appris des fecrets ſurprenans , & d'où ils
apportent des drogues d'une valeur inestimable
pour toutes fortes de maladies.
L'Allemagne a également ſes charlatans.Celui
dont nous allons rapporter le procès y exerçoit
encore , l'année derniere , ſes funeſſes talens.
Ce charlatan s'étoit fait annoncer comme
ayant acquis les ſecrets les plus merveilleux
pendant un voyage qu'il avoit fait en Afie. II
avoit rapporté un remede unique , qui ſuivant
lui , guériſſoit tous les maux. Les Magiftrats
de la ville ayant reçu pluſieurs plaintes contre
ce particulier , ordonnerent que ſon remede
ſeroit foumis à l'examen des gens de l'art. Ceuxci
découvrirent qu'il étoit composé de drogues
violentes & nuiſibles , altérées & préſentées ſous
une forme inconnue. Le magiſtrat chargé de
veiller à la ſûreté publique , fit arrêter le charlatan
, & l'on inſtruifit ſon procès. Ayant été
interrogé , il répondit qu'il étoit vrai qu'il en
avoit impoſé au public , & qu'il tenoit fon remede
d'un charlatan étranger, qui lui avoit communiqué
ſon ſecret.
Par jugement du mois d'Octobre 1784 , il a
été fait défenſes au charlatan de continuer ſon
métier , ſous peine d'être puni corporellement.
Ce jugement a ſauvé l'humanité d'un de ſes
fléaux.
1
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 30 AVRIL 1785 .
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
COUPLETfur la Naiſſance de Monseigneur
le Duc DE NORMANDIE.
AIR: La foi que vous m'avez promife.
Qu'une Famille auguſte & chère
Long-temps donne des Rejetons ;
Jamais pour parfumer la terre ,
T
T
A
4
La Roſe n'eut trop de Boutons ;
Le Laurier des Vertus le gage , 13
Et l'apanage des Héros ,
Pour les couvrir de ſon ombrage . I
N'aura jamais trop de rameaux.
Nº. 18 , 30 Avril 1785.
T
I
194
MERCURE
A Mile V *** , qui avoit prêté à l'Auteur
les oeuvres de M. le Marquis de Villette.
GRARCACEESS à vous, dans ce Recueil charmant
J'ai fait mon cours de goût & de philoſophie ;
*Il eſt pour moi le code du génie ,
Et les tablettes du talent.
5
VILLETTE s'eſt ouvert un chemin à la gloire ,
Mais ſans s'aſſujétir toujours au même ton :
Il touche tour-à-tour le pinceau de l'Hiſtoire
Et la lyre d'Anacreon.
AVEC quel goût , quelle foupleſſe ,
Par quel preſtige , & quel art enchanteur ,
Il fait donner à la ſageſſe
Un air piquant & féducteur !
Dans ſes Écrits je reconnois Tibulle ,
Peignant la volupté dans les bras de l'Amour :
Ou c'eſt Ovide , ou c'eſt Catulle
A qui j'applaudis tour-à tour.
SA Muſe, agréable & légère ,
Peu contente de ſes attraits ,
Pour nous charmer & pour nous plaire ,
De la ſéduction emprunte tous les traits,
Tantôt orgueilleuſe coquette ,
Elle prend roſes , diamans ,
:
DE FRANCE.
195
Tout l'attirail des ornemens
Pour s'aſſurer de ſa conquête.
Tantôt belle par ſa fraîcheur ,
Comme la tendre Bergerette ,
Simple ruban & fimple fleur
Font tous les frais de ſa toilette .
POURSUIS , Marquis , ta brillante carrière ;
Fête l'Amour , célèbre les Héros ;
Et , d'une main délicate & légère ,
Répands des fleurs ſur leurs tombeaux.
Joins à la palme Littéraire
Le myrte heureux qu'on moiſſonne à Paphos.
Embellis tout ſous tes rians pinceaux .
(Par M. Bas...t. ).
A Madame B..... , qui me reprochoit de
ne lui avoir point adreſſé de Vers.
Si j'étois honame , maChloé,
Je ſens que ma plus douce envie
Seroit de peindre ta beauté ,
Tes grâces & ta modeſtie.
Je paſſerois auprès de toi
Les jours fortunés de ma vie ;
En la ſoumettant à ta loi ,
L
I ij
196 MERCURE
i
i
Je la trouverois embellie;
Mon bonheur ſeroit de t'aimer ,
D'être ſans ceſſe à te le dire :
Dun mot tu ſaurois me charmer ,
Me rendre heureux par un fourire ;
Je ſaurois plus que t'adorer .
Mais le fort , qui de nous diſpoſe ,
Me créa bien pour t'admirer ,
(Par Mme Dufrenoy. )
LÉ Rendez - Vous Manqué , ou l'Amant
qui va & vient.
AIR : De Mapon Giroux,
VIENDRAS-TU , dis-moi , de grace ?
..... Oh ! oui , tu viendras ! .....
Cependant le temps ſe paſſe;
..... Tu ne viendras pas ' .....
Tu n'es pourtant pas volage! .....
Oh! oui , tu viendras ! .....
Le temps eſt paffé ; j'enrage.....
Tu ne viendras pas !
(Par le Coufin Jacques:)
DE FRANCE.
197
CONTE.
D
Ans ces temps ſi vantés , où le ſéjour céleste
Étoit peuplé de trois cens Dieux ,
Les plus doux paſſe-temps des habitans des cieux
Étoient le vol , l'adultère & l'inceſte.
Dans ces jours fortunés d'innocence & de paix ,
Onbâtit des temples aux vices 5
Et les hommes dans leurs forfaits
Avoient toujours des patrons pour complices.
Vous penſez que la vérité
Alors étoit fort incommode ,
Aufſi , par-tout la fauſſeté
étoit la déeſſe à la mode.
Mais le père des Dieux , l'inexorable temps ,
Qui dévore tous ſes enfans ,
Laffé de leurs mauvais exemples ,
Anéantit cepeuple de brigands ,
Renverſa leurs autels , disperſa leur encens,
Et laiſſa ſeulement ſubſiſter quelques Temples ,
De ſa vengeance antiques monumens .
Ainſi périt cette race immortelle,
On m'a dit cependant (je ne l'affure pas )
Quedans la chûte univerſelle
La fauſſeté put feule échapper au trépas.
Quand elle vit le temps s'avancer pas à pas ,
I ii)
298 MERCURE
Et lever l'arme meurtrière , ملا
On croit qu'elle a ſu s'y ſouſtraire
Par un beau compliment que le dieu crut ſincère ,
Et fit tomber la faulx de ſon terrible bras .
Mais elle abandonna la céleste contrée ;
Seule elle s'ennuyoit ſous la voûte azurée ,
Et vint ſe loger à Paris ,
Qui fut pour elle un nouvel empirée.
Chez les Grands & chez les petits ,
Chez les fots & les beaux-eſprits
Aufſitôt elle fut admiſe ;
A fon accent , à ſon ſouris ,
On la prenoit pour la franchiſe.
Ceux qui m'ont fait ce conte ont encore ajouté
Que pour régner en fûreté
Sur un peuple ſouple & volage ,
Elle quitta depuis le nom de fauſſeté,
Qu'elle ſe farda davantage ,
Et se nomma l'honnêteté.
1
(Par M. Hoffman. )
)
DE FRANCE.
199
Explication de la Charade , de l'énigme &
du Logogryphe du Mercure précédent.
LE mot de la Charade eſt Famine ; celui
de l'énigme eſt Plume; celui du Logogryphe
eſt Coeur , où l'on trouve cu , cure ,
cour cor , courocrecu ,rue roue و cor
Cure , Cour , écure or
CHARADE.
ESPÈRE , ami Lecteur , que tu me connoîtras :
L'article indéfini fait mon premier partage ;
Mon ſecond au piquet donne un grand avantage ;
Mais qui nomme mon tout, nomme ce qui n'eſt pas.
( Par M. l'Abbé de C..... )
JE
ÉNIGME.
E ne ſuis rien encor , mais à la veille d'être ;
Que ne puis-je à tous ceux qui doivent me connoître
Promettre également des plaiſirs aſſurés !
Trop inutile voeu ! dès qu'on m'aura vû naître,
Je ferai des heureux & des déſeſpérés.
Tout le monde m'attend , & cependant , peut- être ,
Tel ſonge à m'employer , qui n'en ſera pas maître :
On m'appelle d'un nom que je perds en naiffant;
I iv
220 MERCURE
Mon futur ſucceſſeur à l'inſtant s'en enipare.
Ainsi ,jamais préſent , par un deſtin bizarre
Mon nom meurt & renaît dans le même moment.
J
(Par le même. )
LOGOGRYPHE.
E ſuis le mot chéri de la pareſſe ,
L'efpoir & le tourment des cooeurs ambitieux ;
Toujours à redouter pour qui ſe trouve heureux ;
Souvent à defirer pour qui ſent la détreſſe.
J'ai fix pieds , cher Lecteur , combine , déſunis ,
Tu trouverasen moi la ſource des richeſſes ;
Le mois cher aux Amours ; celle de nos Déeſſes
Qui voyoit par trois noms trois cultes réunis ;
Le timide gibier qui fuyoit devant elle ;
De tous nos Orémus la finale éternelle ;
Ce que Phébus ramène à la fin de ſon cours;
Un Prêtre Muſulman; un courfier d'Arcadie ;
Ce que preux Chevalier adorera toujours ;
Cequi meut notre corps & nous donne la vie ;
Ce qu'on donne à l'autel alors qu'on fe marie.
En eſt- ce aſſez , Lecteur ? Tiens , j'ai pitié de toi ;
En te lifant le ſoir, on eſt plus près de moi.
( Par le même. )
DE FRANCE. 201
:
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
HISTOIRE d'Abdalmazour , fuite des Contes
Orientaux . Troiſième récit du fage Caleb ,
Voyageur Perfan , par Mme Mo.....
in- 12. de 170 pages. A Conſtantinople ,
& ſe trouve à Paris , chez P. Fr. Gueffier ,
Imprimeur-Libraire , rue de la Harpe.
L'AUTEUR de cette Hiſtoire d'Abdalmazour
, avoit donné , ſous le nom de Mlle
Mor.... , il y a quelques années , une première
partie des Contes Orientaux qui réuffit
, & qui méritoit ſon ſuccès. En le réimprimant
, Mme Mo ..... a publié cette fe
conde partie , dont nous avons grand plaiſir
à entretenir nos Lecteurs , bien convaincus
que ce plaifir ſera partagé par eux .
Le cadre choiſi par l'Auteur, c'eſt un ſage ,
vertueux & fenfible vieillard, Caleb, qui fait
divers récits à ceux qui ſont ſes amis,& qui mérite
d'être écouté par ceux qui ne le ſont pas.
Mine Mo ..... a fort bien faiſi le ſtyle fleuri ,
le ton oriental qui convient au genre qu'elle
avoit adopté. Mais les fleurs de l'imagination
n'excluent point chez elle les fruits de
la morale , & la morale ne nuit point à l'intérêt
de ſa narration , parce que le goût la
diftribue ſagement , & ne l'épuiſe jamais.
Iv
202 MERCURE
Cette feconde Partie des Contes Orientaux
ne contient qu'un ſeul récit , c'eſt l'hiſtoire
du jeune Abdalmazour. « Le ciel , dit
>> Caleb , qui le revêtit d'une force furna-
ود turelle , qui lui prodigua l'eſprit qui ſé-
>> duit , & la beauté qui enchante , ſe plut
ود à le donner pour exemple au monde , en
>> verſant ſur ſa tête , juſqu'à la dernière
>> goutte , la coupe de l'infortune. »
ود
Cette annonce eſt parfaitement juftifiée
par les aventures d'Abdalmazour, auffi étonnantes
que variées. Expoſé en naiſſant dans
une corbeille devant la porte d'un payſan,
qui ne le recueille que pour avoir fa riche
dépouille , élevé par des mains étrangères
qui finiffent par le chaffer , reçu enfuite par
le vénérable Hermite Maferael , il prend à
fon école une profonde connoiſſance des
fimples& de tous les ſecrets de la nature ; il
acquiert fous lui d'autres talens encore.
Delà il paffe chez le farouche Tuteur de
la belle Nadine, qui l'a recueilli bleffé &
mourant,& qui de ſes doigts délicats à panſé
ſes bleſſures elle- même. Ce Tuteur , qu'on
nomme Caldec , étoit plus favant encore
que Maferael; mais il n'étoit ni auſſi ſenſible
ni auffi bienfaiſant que lui. Il ſurprend des
fignes d'une tendre intelligence entre Nadine
Abdalmazour. Chaſſe par lui , ce dernier revient
entraîné par ſon amour ; mais il eft
encore furpris par Caldec, qui force les deux
amans d'avaler un breuvage empoiſonné
on'il leur préſente. Abdalmazour voit les
DE FRANCE.
203
yeux de ſa chère Nadine fermés par la
mort ; & lui-même tenu pour expiré , eſt
traîné par les eſclaves de Caldec loin de ſa
maiſon. La force de ſon tempérament le
rappelle à la vie; mais ſes yeux ne s'ouvrent
que pour voir le corps de ſa Nadine porté
par une eſpèce de convoi , entrer dans une
tour dont la porte ſe ferme auſſitor.
Abdalmazour , frappé du plus affreux déſeſpoir
, eft encore recueilli par un pêcheur,
le bienfaiſant Balbac , qui se trouve fon
père , & dont la fille , Thamir , devient ſa
tendre ſoeur. Là il apprend qu'il eſt fils de
Chedelbec, fille du Grand Vizir Mazouf,
homme ambitieux , & dont la grande fortune
n'a pas empêché que ſa fille ne ſe mariât
ſecretement malgré lui. Balbac , de Général
d'armée étoit devenu ſimple pêcheur.
La mort enlève bientôt le père d'Abdalmazour
, & ce malheur eſt ſuivi d'une nouvelle
infortune qu'il faut laiſſer raconter par Abdalmazour
lui -même. Je pêchois ſeul , dit-il.
" Mes filets reſtèrent vuides : auſſi ſurpris
>> que conſterné , je les jette de nouveau en
>> m'éloignant toujours ; je les trouve auffi
> légers , je m'anime à la pourſuite du poif-
>>ſon qui me fuit , & je me trouve à plu-
>> ſieurs milles de ma cabanne. Hélas ! les
" timides habitans des eaux plus habiles
>>que moi , ſentoient l'orage prêt à fondre
>>fur ma tête ; ils fuyoient ces bords défaf-
>> treux ; ils demeuroient amoncelés , faifis
>> d'effroi , immobiles au fonds du fleuve.
و
I vj
204 MERCURE
1
>> Nous étions dans la ſaiſon des orages ; le
>> ſoleil devenu plus ardent , avoit abandon-
>> né l'écreviſſe ; & des flancs embraſés du
>> Ciron illançoit des faiſceaux de feux ,
>> des dards entlainmés ſur les montagnes de
» l'Arménie ; la neige qui couvre leurs fom-
" inets , coule par torrens dans les vallees ;
>>le Tygre épouvanté les, reçoit dans ſon
> ſein ; des ondes étrangères ſe mêlent à ſes
>>>ondes , & les eaux du ciel à celles des
> montagnes. Le ficuve s'en charge , les en-
- traîne avec lui , les répand dans les cam-
>>pagnes couvertes de moiffons ; fubmer
>> ge des rives fleuries , & ravage la plaine
>> qu'il rendoit fertile ....... J'errai toute la
>>n>uit au gré des vents& des flots : le jour
>> parut , les nuages ſe diffipèrent , la pluie
>> ceſſa , le temps devint plus calme , &
» commençant à m'aider d'une rame , juf-
> ques-là devenue inutile , j'aborde au ri-
>> vage. Je marche comme un infenſe dans
>> les campagnes inondées ; je cours , je m'é-
>> lance comme la biche défólée qui cherche
>>ſes petits , & bravant les fatigues , les
>> périls & la mort , je m'ouvre à la fin au
>>travers des eaux & de la fange , un paffage
>> juſqu'à ma ſoeur. Les ombres de la nuit&
>> du trépas l'environnoient ; cependant je
>>fuis reconnu de Thamir; fes mains gla-
» cées s'étendent vers moi , je les baiſe & les
> ſerre dans les miennes ; je la ſoulève dou-
>> cement , je la preſſe ſur mon coeur &
>>ſoudain ſes beaux yeux ſe ferment , ſes
,
:
DE FRANCE. 205
>> couleurs s'effacent , ſa tête charmante fe
>> penche & s'abbat ſur ſon ſein qui ſe flé-
>>trit ; elle expire dans mes bras. »
Enfin , un grand bonheur vient ſe mêler
aux infortunes d'Abdalmazour. Il retrouve
ſa chère Nadine qui n'avoit pas perdu le jour ;
il devient fon époux , & partage avec elle
l'immenfe héritage de Caldec. Ecoutons encore
l'Auteur lui-même qui fait parler la
tendre Nadine. " Nadine fourit,avec grace ,
>> rougit avec plus de grace encore , & fe
>> preffa de répondre : ſéparée d'Abdalma-
» zour, je ne vivois que pour lui.... Qu'à pré-
১১
ود
ود
ود
ſent ſa demeure ſoit ma demeure , qu'un
même toit couvre la tête & la mienne :
fois mon maître , fais mes deſtins ; mène
moi dans cet aſyle que l'amour a préparé ;
> que fans ceſſe ta douce voix y répète mon
» nom , & que tes yeux , auffi tendres que
>> ceux des colombes amoureuſes m'y cher-
ود chent continuellement ! .. Saint Prophète!
>> punis moi , ſi je ceſſe de rapporter mes
» deſirs & mes penſées à mon bien-aimé !
>> Que les voûtes élevées par ſes ſoins , s'é-
>> branlent fur ma tête ; que leurs pierres
ود croulent l'une fur l'autre , frappent tou-
>> tes mon coeur , & l'écrafent à la fois !
» Qu'Abdalmazour fente ſous les décombres
> mes men bres encore palpitans repouffer
ود fon pied; qu'il entende mondernier ſou-
>> pir , & ne s'inquiète pas ſi j'expire ſous
>> ces ruines. ود
Tandis qu'Abdalmazour jouit du bon:
206 MERCURE
heur qu'il doit à l'amour , des plaiſirs que
fes richeſſes lui procurent , & de la confidération
que lui attire ſa ſcience , la flamme
vient dévorer toute ſa fortune. Nous_ne
priverons point nos Lecteurs de l'énergique
'tableau que l'Auteur a tracé de ce funeſte
incendie. " D'innombrables tourbillons de
ود feux brûlent nos yeux , & reproduiſent
» au milieu de la nuit la vraie clarté du jour.
>> J'appelle des ſecours de toutes parts ; on
>> en apporte , on eſſaye de les rendre uti-
>> les , on s'empreſſe ; mais de l'orient , qui
» commence à blanchir , s'élève un vent
*>> furieux qui rend tout travail inutile ; il
>> il amoncèle & diviſe les flammes , courbe
> leurs fommets ondoyans , & les porte
>> bien loin ſur les maiſons voiſines. De
>> longs traits de feux s'échappent des croi-
>> ſées , ferpentent ſur les murs , fillon-
» nent les toits , s'y attachent , les dévo-
>> rent, les confument , & les combles em-
>> brafés croulent avec un bruit horrible
>> dans les ſouterrains enfoncés. A des tor-
» rens de feux ſuccède une montagne de
>> fumée ; des cendres brûlantes , des char-
>> bons enflammés , d'énormes tiſons s'élan-
>> cent de fon ſein , & retombent en pluie
>> ardente dans le gouffre qui les a vomis. »
Après cet affreux déſaſtre Abdalmazour
appellé à la Cour du Roi d'Achem, guérit ce
Monarque , retrouve toutes ſes richeſſes , &
part ſur un vaiſſeau magnifiquement équip-
, pour aller rejoindre ſa chère Nadine ;
i
i
DE FRANCE. 207
mais l'avarice tente le Capitaine , qui pour
s'emparer detous les tréſors que la reconnoiffance
du Monarque a prodigués à Abdalmazour
, l'abandonne dans une Ifle déſerte &
ſauvage. Enfin , il a épuisé la coupe du malheur
; il retrouve ſa mère , ſa ſoeur , Nadine
, & un trône ; & il coule des jours
vertueux& conſtamment fortunés .
Tel eſt le fonds des aventures d'Abdalmazour
, dont nous n'avons pu qu'affoiblir
l'intérêt , en les abrégeant. Le peu que nous
avons cité , doit donner une idée avantageuſe
du ſtyle de l'Auteur qui poſsède parfaitement
ſa langue , & qui écrit avec efprit &
ſenſibilité. On a pu s'appercevoir que ſa manière
a de la fermeté , même de la force ;
nous ſommes loin d'inférer de-là que Mme
M *** n'a pas aſſez ſacrifié aux graces de
ſon ſexe ; nous en conclurons ſeulement
que le talent n'a point de ſexe. A des tableaux
gracieux qui flatent l'imagination du
Lecteur ſuccédent ſouvent des traits de morale
qui exercent ſa raiſon. Telle eſt la réflexion
ſuivante par laquelle nous allons
terminer cet article : " ô abîme impénétrable
! la vie de l'homme eſt comme un
>> Livre , dont les premières pages ſe déta-
>> chent à mesure qu'elles paffent fous les
>> yeux. On ne peut en recommencer la lec-
>> ture , ni la ralentir , ni la précipiter : il
eſt également impoffible de deviner au-
> jourd'hui la page du lendemain ; & c'eſt
>>le déſeſpoir des mortels. >>
208 MERCURE
MÉMOIREfur les Tremblemens de Terre de
la Calabre , pendant l'année 1783 , par
le Commandeur Deodat de Dolomieu. A
Patis , rue & hôtel Serpente.
L'AUTEUR de cet Ouvrage n'a point prétendu
donner le journal des tremblemens de
terre de la Calabre , ni l'état de la population
& des pertes de chaque lieu en particulier
; il s'attache à une partie qui paroît
avoir eté négligée par ceux qui ont écrit les
relations de ce funeſte événement , c'est- àdire
, à faire connoître la nature du fol , &
à en déduire les principaux phénomènes qui
ont accompagné les ſecouffes. M. de Dolomieu
paroît encore avoir cherché à détruire
toute idée de merveilleux , que les premières
relations ont paru autorifer; les faits recucillis
dans ce Mémoire atteſteront long-temps
les circonstances locales , & pourront dans
tous les tems intéreſſer & éclairer les Phyſiciens&
les Naturaliſtes ; voilà en quoi l'Quvrage
de M. de Dolomieu nous a paru principalement
utile.
Ildonne enſuite ſon ſyſtême ſur la cauſe
de ces défaftres , qu'il attribue à l'Etna ; ſa
théorie nous a paru très claire ; elle est fondée
ſur la faite des faits , & les explique
tous d'une manière fatisfaiſante.
L'Auteur a joint à ſon Ouvrage quelques
notes hiſtoriques qui ne font point rigoureufement
de fon fujet , mais qu'on feroit bien
DE FRANCE. 209
V
fâché de n'y point trouver. Elles font tracées
avec franchiſe : on n'a point cherché
à embellir les faits ; mais ils n'en ſont ni
mons curieux ni moins intéreſfans .
"Un quart des victimes du tremblement
de terre dus Février , dit l'Auteur , auroit
ſurvécu , ſi l'on avoit pu leur porter de
prompts ſecours ; mais les bras manquoient;
chacun étoit occupé de ſes malheurs particuliers
ou de ceux de ſa famille ; on vit dans
le même temps des exemples uniques de
dévouement & de tendreffe , de cruauté &
d'atrocité. Pendant qu'une mère échevelée
&couverte de ſang venoit demander à ces
ruines encore tremblantes , le fils qu'elle
emportoit entre ſes bras , & qui lui avoit
été arraché par la chûte d'une pièce de charpente
, on voyoit des monftres ſe précipiter
au milieu des murs chancelans , fouler aux
pieds des hommes moitié enſevelis qui réclamoient
leurs ſecours , pour aller piller la
maiſon du riche. Ils dépouilloient encore
vivans des malheureux qui leur auroient
donné les plus fortes récompenfes , s'ils leur
avoient tendu une inain charitable ; j'ai logé
à Poliſtena , dans la barraque d'un galant
homme , qui fut enterré ſous les ruines de
ſa maiſon; ſes jambes en l'air paroiffoient
au-deſſus; fon domestique vint lui dérober
ſes boucles d'argent, & le ſauva enſuite ſans
vouloir l'aider à ſe dégager.
M. de Dolomieu n'avance aucun fait
relatif à ſes obſervations lithologiques ,
210 MERCURE
:
:
qu'après avoir vû ; ſon voyage a été fait en
Mars & Avril de l'année 1784 ; il a été accompagné
par M. le Chevalier de Godechart
, jeune homme plein d'ardeur , de zèle
& de ſenſibilité ; il a été d'un grand ſecours
à M. de Dolomieu dans ſes recherches , dont
il a partagé les fatigues avec beaucoup de
patience & de courage; & nous le nommons
ici afin qu'il partage aufli la reconnoiſſance
du Public pour un Ouvrage auſſi
utile qu'intéreſſant .
NOUVEAUX Mêlanges de Philosophie & de
Littérature , ou Analyse raisonnée des
connoiſſances les plus utiles à l'Homme &
au Citoyen , dédiés au Roi , par M. Gin ,
Confeiller au Grand- Confeil. A Paris ,
chez Gueffier , Imprimeur-Libraire , rue
de la Harpe ; Moutard , Imprimeur - Libraire
, rue des Mathurins , & Servières ,
Libraire , rue S. Jean-de-Beauvais.
EXCITER la ſerveur des fidèles en développant
à leurs yeux les principes de la morale ,
ou offrir aux incrédules quelques nouvelles
preuves de la Religion , voilà quels font les
motifs des perſonnes qui écrivent ſur cette
matière. L'Auteur de ces Mélanges s'eſt propoſé
de réunir quelques vérités premières
que nous apprennent le ſens intime , qui
nous inſtruit de notre existence & de nos
facultés , le ſpectacle de la nature , les traditions
des anciens peuples ,& les faits les
1
:
DE FRANCE. 211
moins ſuſceptibles de conteſtation , & de
lier ces vérités par la chaîne des conféquences
qui en réſultent le plus naturellement.
Cet Ouvrage n'est qu'un abrégé de celui
du même Auteur , intitulé Traité de la Religionpar
un homme du monde , qui parut il
yaquelques années , ens vol. in 8 ° . Il a eu
foin de retrancher de ces Mélanges des citations
trop multipliées qui chargeoient fon
grand Ouvrage ; & l'on verra avec plaiſir
réuni dans un volume ce que les cinq autres
pouvoient contenir de plus intéreſſant.
Parmi pluſieurs Chapitres , dans lesquels
ſe trouvent ſouvent réunis l'agrément &
l'inſtruction , on diſtinguera ſans peine celui
qui traite de l'origine des langues & de
l'abus des mots; celui qui préſente le tableau
du mal phyſique & du mal moral; le paragraphe
intitulé des faits , &c. Mais le Dif
cours Préliminaire nous a paru principale
ment mériter des éloges par la deſcription
brillante& juſte de la gloire du ſiècle , depuis
Malebranche & Paſcal juſques à M. de
Buffon. Nous nous refuſons au defir d'en
tranſcrire ici quelques morceaux , afin d'engager
nos Lecteurs à lire ce tableau dans
l'Ouvrage même. On y verra la juſteſſe
avec laquelle ſont appréciés tous nos grands
Ecrivains ; & l'on reconnoîtra , en voyant la
manière dont ſont claſſfés les Ouvrages , que
l'Auteur , en faiſant preuve de goût , s'eſt
toujours montré d'une parfaire impartialité.
Quoique M. Gin n'ait pas toujours ré212
MERCURE
pondu victorieuſement aux objections desfameux
Philoſophes Sceptiques,tels que Bayle,
Rouffeau , &c. on lui doit néanmoins des
éloges ſur le zèle qu'il a mis à les combattre ;
l'Ouvrage eſt écrit avec clarté & avec méthode
, & eſt bien fait pour faire honneur à
M. Gin , déja connu par des Ouvrages d'un
autre genre.
LES OEuvres d'Héfiode , Traduction nouvelle,
dédiee au Roi , enrichie de Notes , &
du Combat d'Homère & d'Héfiode , par
: M. Gin , Conſeiller au Grand - Confeil.
A Paris , chez les mêmes Libraires.
HÉSIODE eſt le plus ancien Poëte Grec
après Homère. Une Pièce contenue dans le
Recueil que nous annonçons ſembleroit
prouver que ces deux Poëtes furent contemporains,
Cette Pièce , que l'Auteur dit n'avoir
point été traduite juſqu'ici dans notre langue ,
eft intitulée : Combat d'Homère& d'Héfiode
auxfunérailles d'Amphidamas. Quoiqu'il en
ſoit de cette opinion , l'opuſcule qui a pu
ydonner lieu , nous a paru affez intéreffant.
: Les trois principales Pièces qui nous reftent
de ce Poëte , préſentent pluſieurs genres
également intéreſſans; ceux qui cherchent
la force & le gracieux des images , les trouveront
dans le prologue des Travaux & des
Jours,&dans les trois Fables qui le ſuivent ,
dans le prologue de la Thergonie , dans le
combat desTitans &dans la deſcription du
DE FRANCE.
213
Tartare. Ceux qui s'attachent aux principes
d'économie domeſtique , d'agriculture & de
commerce, les trouveront dans les Travaux
&les Jours.
Cette Traduction nouvelle que nous annonçons,
répond à l'idée que M. Gin a donnée
de ſon talent par ſa Traduction d'Homère.
On en a tiré 300 exemplaires ſur papier
vélin-d'Annonay. Prix , 6 liv . reliés en carton .
MÉMOIRE fur les Ciseaux à incifion , par
M. Percy , Chirurgien-Major du Régiment
de Berri , Cavalerie , Docteur en Médecine
, Membre & Correſpondant de pluſieurs
Académies , Sociétés Littéraires ,
Inſtiturs Patriotiques; couronné par l'Académie
Royale de Chirurgie en 1783. in-4°.
avec trois grandes planches gravées en
taille - douce. A Paris , chez Michel
Lambert Imprimeur de l'Académie
Royale de Chirurgie, rue de la Harpe ,
près S. Côme,
,
:
L'ACADÉMIE avoit proposé , pour le Prix
de cette année 1785 , la queſtion qui fuit :
En quel cas les ciſeaux à incifion , dont la
pratique vulgaire a tant abufé , peuvent être
confervés dans l'exercice de l'Art ; quelles en
Jont tes formes variées relatives à différens
procédés opératoires ; quellesfont les raiſons
depréférer ces instrumens à d'autres qui peuvent
également diviſer la continuité des par-
۱
214 MERCURE
:
ties, & quellesfont les diverſes méthodes d'en
faire usage.
Il n'y a guères plus de cent ans que les
Ciſeaux font devenus d'un uſage ordinaire
dans la pratique des opérations de Chirurgie.
On en eut de courbes pour qu'une des
lames pût être introduite facilement dans
la cavité des plaies & des abſcès. Leur conftruction
matérielle , & la grande courbure .
n'ont été diminuées que par degrés ſucceſſifs ,
& amenées au point de prétendue perfection
, ſous laquelle Garengeot les a décrits
dans ſon traité des inſtrumens . Ce ſont ces
corrections qui en ont maintenu & conſacré
l'uſage contre toute règle & raifon.
L'ignorance & l'impéritie ont introduit
les ciſeaux dans la Chirurgie. La fatalité
des circonstances fit admettre à l'exercice
d'une profeſſion ſcientifique des ſujets
illitérés , qui avoient abuſivement acquis le
droit de faire des faignées & quelques panſemens
aifés à mettre en pratique. Occupés
journellement à exercer la légèreté de leur
main , en faiſant gliſſer un inſtrument tranchant
fur la peau du viſage ſans l'entamer,
comment auroient- ils acquis la dextérité néceffaire
pour l'exercice des opérations ?
C'eſt par la décompoſition méthodique
du corps humain qu'on peut parvenir
à le connoître ; & c'eſt en le décompoſant
avec art , & par la dextérité néceffaire aux
travaux anatomiques , qu'on apprend à fe
fervir utilement d'un biſtouri dans l'exerDE
FRANCE. 215
cice des opérations Chirurgicales. Rien n'eſt
ſi oppoſe à l'action de la main d'un Chirurgien-
Opérateur , que le mouvement du
poignet des Barbiers. Il n'eſt donc pas étonnant
qu'ils ayent ſi peu fait d'uſage de cer
inſtrument dans la pratique de ' a Chirurgie ;
ils y ont introduit celui des ciſeaux , par la
raiſon des contraires , ce qui donne un exemple
frappant de la vérité de l'axiôme de la
philofophie de l'école , contrariorum eadem
eft ratio.
)
Il ne faut pas confondre les temps , & juger
du paffé par le préſent. Avant que le luxe
eût donné naiſſance à une communauté manufacturière
& marchande , qui fait orner
les têtes de chevelures poſtiches , modifiées
en tant de façons , pour réparer des ans l'irréparable
outrage , il exiſtoit un Corps compoſé
de gens qui avoient l'habitude de manier
les ciſeaux avec art pour tailler les cheveux
, la barbe & les moustaches , & leur
donner la tournure la plus avantageuſe à
l'air du viſage & au goût de chaque particulier.
Intrus dans l'exercice de la Chiturgie
, pour le malheur de l'humanité , ils y
ont admis l'outil dont ils avoient courume
de ſe ſervir avec adreffe , & négligé
l'uſage de l'inſtrument qui exigeoit une habitude
qu'ils n'avoient point acquiſe.
Il étoit impoſſible de ſe diffimuler que le
biſtouri , en un clin- d'oeil , diviſoit d'un
ſeul trait ce qu'on ne pouvoit couper quel
quefois qu'avec cinq ou fix coups de ciſeaux;
1
216 MERCURE
que l'action de cet inſtrument meurtrit les
parties d'une manière très douloureuſe. Au
lieu de le proſcrire dans les cas où il n'eſt
pas abſolument néceſſaire , on a cherché , à
l'abri de quelques perfections , à le conferver&
à l'accréditer. Il faut entendre ſur l'action
mécanique des ciſeaux à inciſion , l'Auteur
mêine du Mémoire.
Il juſtifie ce que l'on a dit ſur les cauſes
qui ont fi fort accrédité les ciſeaux dans la
pratique moderne , & dont l'uſage étoit ſi
borné dans l'ancienne Chirurgie. On imagineroit
qu'ayant été mis en vogue par l'ignorance
, le génie a dû en prononcer la profcription:
le contraire eſt arrivé ; c'eſt depuis
que la Chirurgie a été cultivée avec le plus
de ſoins , & que la lumière , fruit de l'émulation
& du progrès général dans tous les
genres de connoiſſances , a été réfléchie fur
l'art le plus important à la conſervation des
hommes , qu'on a cru qu'il étoit utile de multiplier
cet inſtrument ſous des formes diverſes
, propres à remplir les vûes pour
leſquelles on les a ingénieuſement inmaginées.
L'Auteur ne laiſſe rien à defirer ſur le
ſujet qu'il avoit à traiter. Il examine la conftruction
des ciſeaux & les moyens de la perfectionner.
Les formes ſucceſſives qu'ils ont
reçues & les nombreuſes variétés qui en
exiſtent , leur action mécanique & fes effets
fur les parties vivantes , les uſages généraux
&particuliers de cet inſtrument, font l'objet
des
DE FRANCE: 217
des différens Chapitres de cette differtation ,
ornée des figures néceſſaires.
COLLECTION Univerſelle des Mémoires
particuliers relatifs à l'Histoire de France.
Tomes I & II , in 8°. A Londres , & fe
trouve à Paris , rue d'Anjou , la feconde
porte-cochère à gauche en entrant par la
rue Dauphine. Prix, 48 liv. les 12 vol.
pour Paris , & 55 liv. 4 ſols pour la Province
, francs de port.
DEPUIS long-temps on a reproché , avec
raison , à nos Hiſtoriens de négliger ces faits
particuliers , recueillis avec tantde complai
Lance par les Hiſtoriens Latins , & qui jettent
tant d'intérêt dans leurs narrations.Cet
inconvénient eſt difficile , preſque impoſſible
à éviter, en écrivant l'Hiftoire d'une Monarchie.
La riche collection dont nous annonçons
les deux premiers Volumes , étoit peut-être
le ſeul moyen de nous donner un corps
d'Hiſtoire nationale , exempt de ce défaur .
Elle ouvrira aux Hiſtoriens une ſource de
richeſſes , en offrantà leurs Lecteurs un nouveau
degré d'intérêt. C'eſt dans les Mémoires
particuliers , qu'il faut chercher ces détails
intéreſlans , qui plaiſent davantage à l'imagination,
endépouillant la vérité de ce qu'elle
a quelquefois de trop impoſant dans les
grandes Hiſtoires; c'eſt là ſur- tout qu'on
peut voirde petits intérêts opérer les grandes
N°. 18 , 35 Avril 1785. K
21S MERCURE
révolutions: on voit dans les Hiſtoriens,
exécuter en public les grands événemens ;
les Auteurs de Mémoires nous montrent
les fils ſecrets qui en ont formé la
trame.
Mais en avouant l'utilité decegenre d'Ouvrage
, on ne peut ſe diſſimuler ledanger
qui l'accompagne. Les Auteurs de Mémoires
ayant été Acteurs eux-mêmes dans les Scènes
qu'ils racontent , leur témoignage peut n'être
pas déſintéreſſe; ils peuvent avoir plutôt écrit
d'après leurs paſſions que d'après la vérité ;
ils peuvent avoir flaté un parti , & calomnić
l'autre.
Voilà tout ce qui eſt à craindre de la
part de ces Écrivains ; & ce danger eſt ſauvé
par le plan qu'ont adopté les Editeurs ; car
ils doivent placer à la tête de chaque Ouvrage
qu'ils donneront , une notice de la
vie privée & publique de ſon Auteur. En
apprenant cequ'il a été, on ſaura quel degré
de croyance on doit accorder à ſon témoignage.
Ce n'eſt pas là la ſeule meſure que les
Éditeurs ont priſe pour rendre ce recueil
utile à ceux qui liſent l'Hiſtoire , & à ceux
qui ſe propoſent de l'écrire : ils conftontent
les Mémoires qu'ils impriment avec les Manuſcrits
qui ſe trouvent dans les diverſes
Bibliothèques; ils rectifient. ce qui peut avoir
été altéré , & choiſiſſent les meilleures éditions;
ils élaguent ſans rien changer , quand
la prolixité ou ledéfaut d'ordre nuit à l'inDE
FRANCE.
219
térêt des Ouvrages qu'ils publient; ils portent
l'oeil de la diſcuſſion & de la critique
fur les morceaux qui doivent accompagner
chaque Mémoire , & qui deviennent par-là
des Pièces juftificatives; enfin ils promettent
la publication de quelques Manufcrits , au
moins par extrait: avec un femblable plan ,
iln'eſt pas étonnant que l'annonce de cette
collection ait excité le plus grand intérêt ;
& nous ne doutons pas que ſon ſuccès ne
furpaffe même l'eſpérance des Éditeurs . ८८
La collection commence par le naïf, l'intéreffant
Joinville , qui fait donner à l'Hiltoire
le ton de la fenfibilité , & à la vérité
tout l'intérêt du Roman. Ceux qui n'aiment
pas le vieux ſtyle , liront ces deux premiers
Volumes avec moins de plaifir; mais ils favent
que l'ordre chronologique , adopté par
les Éditeurs, leur faiſoit une loi de commencer
par les plus anciensMémoires. Quant aux
Lecteurs qui ſont ſenſibles aux agrémens de
la naïveté , ils ſeront charniés de la lecture
du bon Sire de Joinville. Nous ne citerons
, pour terminer cet article , que la
manière dont il raconte la mort de ſon
Aumônier; on ne lit pas cette Anecdote, fans
aimer tout-à-la-fois l'Homme & l'Hiſtorien.
* Et ſi j'eftoye bien malade, pareillement
>>l'eſtoit monpauvre Prebſtre. Car ung jour
>>advint , ainſi qu'il chantoit Meſſe devant
» moy, moy eſtant au lit malade , quand il
>> fuſt à l'endroit de ſon Sacrement , je l'ap-
>> perceu fi trez-malade , que viſiblement je
ود
Kij
220 MERCURE
>>le veoye paſmer ;&quand je vyqu'il ſe vo-
" loitlaiſſer tomber en terre, je me jectéhors
>> de mon lit tout malade comme j'eſtoye,&
>> prins ma corte,&l'allé embraffer par dar-
» rière, & luidis qu'il fiſt tout à ſon aiſe ,&
» en paix , & qu'il prinſiſt courage & fiance
» en celui qu'il devoit tenir entre ſes mains;
» & adonc s'en revint ung peu,& ne le leflé
juſques ad ce qu'il euſt achevé ſon Sacre-
» ment, ce qu'il fiſt; & auſſi acheva-il decé-
>">lébrer ſaMeſſe,&oncques plus ne chanta,
» & mouruft . Dieu en ayt l'ame. »
L'exécution typographique de cetOuvrage
eſt ſoignée; il en paroîtunVol. tous les mois.
Le Comte de Valmont , ou Égaremens de la
Raifon; Lettres recueillies & publiées par
M...... Septième Édition. AParis , chez
Moutard, Imprimeur-Libraire de la Reine,
rue des Mathurins. 5 vol. in-12. avec fig.
Prix, 15 liv. rel.
LORSQUE cet Ouvrage parut pour la première
fois , il fut annoncé dans ce Journal
comme diftingué par ce double caractère
d'agrément & d'utilité, que tout Auteur doit
ſe propoſer , comme un Code de principes
pourtoutesfortes de personnes , & un manuel
propre à tous les états , à tous les âges , &
principalement à lajeuneſſe. ( Voyez leMercure
de Juillet 1774. ) Six éditions épuiſees
en très peu d'années , & la ſeptième que
nous annonçons aujourd'hui , démontrent
DE FRANCE. 22-2
۱
hautement la justice de cet éloge , & nous
diſpenſent d'entrer dans de nouveaux détails
fur le plan de l'Ouvrage ; mais un pareil
ſuccès eſt une eſpèce de phénomène Littéraire;
eſſayons d'en indiquer les cauſes , il
paroîtra moins étonnant.
D'abord , M. l'Abbé Gérard a donné à
ſon Ouvrage la forme la plus propre à le
faire rechercher , même par les Lecteurs les
plus diffipes & les moins capables d'une
attention foutenue. Le Comte de Valmont
n'eſt pas ſans doute un vrai Roman , mais
il en a tous les agrémens. La vérité y eſt miſe
en action, les ſituations y font variées , intereffantes
& bien liées. L'art avec lequel il
fait contraſter ſes perſonnages , ajoute encore
à l'intérêt qu'ils inſpirent. Le Comte de
Valmon nous retrace une foule de jeunes
gens égarés par les plaiſirs , entraînés par les
paffions , feduirs par une fauſſe philofophie ,
mais qui , confervant une certaine droiture
dans le coeur au milieu de leurs égaremens ,
& un certain amour pour la vérité , ne font
pasabſolument indignes de la connoître. Le
Marquis eſt un de ces hommes qui font
honneur à l'humanité par la force de leur
âme , la ſolidité de leur raiſon , l'étendue de
leurs lumières , & le conſtant atrachement à
leurs devoirs. LeVicomte de Lauſane eſt un
de ces êtres légers&charmans que l'on s'arrache
à la Cour & à la Ville , parce qu'i's
ont tout l'eſprit qu'il faut pour plaire , mais
qui, ſans foi , ſans moeurs,ſans religion, ſont
Kiij
222 MERCURE
ce que l'on appelle aujourd'hui des aimables
roués. La Comteſſede Valmont attendrit par
ſes malheurs & ſes vertus; on l'aiune prefqu'autant
qu'elle aime ſon mari & ſes enfans ;
mais on l'eſtime autant qu'on la reſpecte.
Ces Perſonnages ne font mis en action
que pour développer à propos tout ce que
la vertu a d'aimable , le vice d'odieux , la
ſcience d'eſtimable , la morale fur-tout de
plus pur & de plus ſain. Nos grands Traités
fur cette ſcience , ſur la Religion & l'éducation
, n'inſtruiſent pas mieux & plaiſent
moins. Le Marquis differte ſur les objets
les plus importans ; mais quelle différence
de ſes leçons à celles de nos lourds & fecs
Démonstrateurs , dont la sèche & peſante
didactique dégoûte le Lecteur dès les premières
pages ! La vérité a dans ſa bouche
le ton qu'elle doit prendre dans un homme
de Cour , qui a connu le monde & ſes erreurs
, mais qui plaint ſes victimes , & ne
peut les haïr; dans un père toujours fenfir
ble& tendre , qui n'inſtruit que parce qu'il
aime , qui n'appelle à la vertu qu'en la faifant
aimer. S'il peut être utile de vivre dans
le grand monde , c'eſt ſur - tout quand on
en rapporte ce que nous appelons le ton de
la bonne compagnie , & ce ton règne d'un
bout à l'autre dans le Comte de Valmont.
Ajoutons à cela un grand fond de ſenſibilité
, une vraie connoiſſance du coeur humain
, un ſtyle coulant , facile & correct ,
des morceaux pleins de force & de chaleur ,
DE FRANCE.
223
de la clarté , de l'évidence dans les raiſonnemens
; & tout ce qui peut en retarder la
marche, rejeté dans des Notes ſouvent trèsinſtructives
, toujours intéreſſantes ; nous
aurons reconnu du moins en partie la cauſe
du fuccès de cet Ouvrage , ce qui en a fi fort
multiplié les Editions , & ce qui fait eſpérer
que celle - ci ſera encore ſuivie de bien
d'autres.
VARIÉTÉS.
LETTRE à M. FRAMERY.
MONSIE ONSIEUR ,
C'eſt à la campagne qu'on lit les Ouvrages Pé
riodiques avec le plus de plaifir & le plus d'attention.
Je viens d'y recevoir le Mercure du 2 Avril , où ſe
trouve inféré l'excellent extrait que vous avez fait
du Livre intitulé : Poétique de la Musique. L'amour
des Beaux-Arts , & ce ſentiment , trop rarement
éprouvé qu'excite tout Ouvrage , de quelque nature,
&de quelque dimenſion qu'il ſoit , où on en parle
avec jaſtice& avec jufteſſe , où le bon goût fe'fait
également fentir & dans les idées & dans la manière
de les exprimer , fuffiroient , Menfieur , pour
m'engager à vous rendre un hommage public , fi je
pouvois penfer que mon foffrage eſt affez de valeur
pour ſe faire remarquer. Mais comme je ſuis loin
d'avoir une parcille précomprion , je me hâte de
vous faire connoître le motif perſonnel qui m'autorife
à vous entretenir de votre propre Ouvrage. Vous
Kiv
224 MERCURE
avez bien voulu , Monfieur , y parler avec Goge
d'un Effuifur l'union de la Poésie & de la Musique ,
que j'ai fait imprimer il y a juſtement vingt ans.
Cette petite Brochure, qui pouvoit contenir 150
pages au plus , fut bientôt débitée& tellement difperfée
, que je n'en poſsède pas même un exemplaire.
Quelques Amateurs , quelques Compoſiteurs ,
& fur tout des Compofiteurs étrangers , en ont recouvré
un petit nombre, & les ont confervés; ils
ont même cu affez d'indulgence pour dire du bien
de l'Ouvrage , & aſſez de modeſtie pour croire qu'il
leur avoit été utile. Depuis que cet Eſſai a paru &
diſparu , il a été cité ſouvent,&de manière àflatter
l'amour propre de l'Auteur , qui vous doit, plus
qu'à un autre , Monfieur , l'aveu que les fuffrages .
des véritables amis des Arts , lui feront toujours infiniment
précieux. Il ſeroit donc très-fâché qu'on
imaginât , ou qu'il n'y fût pas aſſez ſenſible , ou que
d'austes occupations euſſent ralenti en lui l'amour
des Beaux-Arts , avec lesquels il en eſt peu qut re
foient très- compatibles. En effet , on a demandé plufieurs
fois pourquoi je ne donnois pas une ſeconde
Éditionde cet Ouvrage. Afſurément ce n'auroit pas
éréune tâche longue ni difficile. Mais j'eſpère auffi
qu'on ne déſapprouvera pas les motifs qui m'en ont
empêché; je ne puis , Monfieur , faifir une meilleure
occaſion de les expliquer.
1º. Cette petite Brochure n'a d'autre mérite que
d'avoir énoncé la première , quelques idées qui
n'exiſtoient que d'une manière vague & indéterminée
dans la penſée d'un petit nombre d'Amateurs
, & dont ils n'avoient pas encore imaginé de
former un fyſtème mieux lié & mieux ſuiv . 2°.
L'époque même où cet Effai a paru , eft celle où la
muſque a fait des pas de géant , où MM. Grétry ,
Philidor ,Monfigry , &c. orncient la Scène Italienne
de toutes les beautés qui lui étoient propres,
L
DE FRANCE. 225
&en montreient de temps en temps quelques-unes
d'ungenre plus élevé , qui indiquoient affez l'uſage
qu'on en pouvoit faire ailleurs. Que manquoit- il
pour que l'Art fit un pas de plus ? Des PoëtesLyriques;
& les Brochures , les Livres même ont - ils
ledroit d'en créer ? M. Philidor prit le parti de s'en
paffer. Il fit de grandes & de belles choſes avec le
plus anti -lyrique des Poëtes , qui pourtant avoit ſu
préparer des effets , & avoit du moins fourni des
cadres , ne pouvant faire des tableaux. M. Gluck
vint; & pour employer ſes talens , il fallut mettre à
contribution le Théâtre des Grecs, & celui des Racine
&des Corneille. Alors quelques Critiques ſévères
, quelques perſonnes difficiles , comme vous &
moi , trouvèrent qu'il y avoit peut- être trop de dramatique
dans la muſique , trop de Tragédie dans
l'Opéra . M. Piccini parut à ſon tour , & les manes
de Quinault furent évoquées avec ſuccès. Il débuta
par des Pièces d'un genre mitoyen , plus gracieuſes
que terribles , plus héroïques que tragiques , & alors
ontrouva queles émotions n'étoient pas affez fortes ,
qu'il y avoit trop d'Opéra dans la Tragédie ; mais
dans ce combat entre deux immortels rivaux , les
Compoſiteurs étoient en première ligne , & paroiffoient
ſeuls, tandis que derrière eux étoient d'un côté
Quinault, & de l'autre Sophocle , Euripide , Racine ,
&c . Tout cela ne marquoit pas encore le complément
de la révolution. Didon en a été l'époque :
Poëme neuf , muſique neuve , le tout compoſé en
France & pour les François , joué par des Acteurs
déjà formés , & devant un Public déjà inſtruit ; riem
n'a manqué à cet Ouvrage. Omne tulit punctum.....
Et lorſque la muſique théâtrale a atteint ce comble
de perfection , dont aucune Scène étrangère ne peut
fournir de modèle , on croiroit encore avoir beſoin
d'imprimer! ch Monfieur , vous ſavez mieux que
perſonne quels font les véritables ſervices qu'on peut
Kv
216 MERCURE
rendre à la muſique ; vous avez mis le Public à
portéede connoître , d'entendre des chef d'oeuvres.
Voilà la vraie poétique dont on a beſoin ; voilà comment
on accélère le progrès des Arts. I a critique ,
quoique toujours utile, eft de peu d'importance
tant qu'ils avancent. C'est lorſqu'ils commencent à
rétrograder qu'elle doit élever la voix ; qu'elle doit
s'efforcer d'en prévenir la décadence. Si cette décadence
étoit prochaine; fi notre Nation , qui va fi
vite en tout ſens , avoit atteint le terme de ſes progrès
, & qu'il re s'agit plus que de lui en conſerver
lajouiffance,, nous ne manquerions pas demoyens
pour remplir cet objet , & c'eſt la troiſième raifon
qui m'empêchede riea imprimer ou réimprimer.Nous
trouverons une excellente poétique muſicaledans les
Articles que M. Marmomel a faits pour la nouvelle
Encyclopédie , articles dont on peut juger
d'avance par ceux qu'il a déjà inférés dans le Supplé
ment de l'ancienne. Là, on pourra acquérir des notions
juſtes, & préciſes ſans que la patience ou
l'amour-propre foient rebutés par l'appareil d'un Ouvrage
didactique ; & fi cependant on defire que des
idées éparſes , quoique aiſées à raſſembler , ſoient
réunies dans un feul corps d'Ouvrage ; fi l'on témoigne
le même empreffement pour une poétique
muſicale , qu'on a montré pour une poétique Littéraire
, tirée également des articles que le même Auteur
a fournis à l'Encyclopédie , il y a lieu de croire
que nous ne tarderons pas à être fatisfaits. M. Marmontel
n'a pas dédaignéddee faire uſage de l'Eſſai for
P'union de la Poéfie & de la Mufique. C'est un petit
arbrifſeau qui ſe trouve enté ſur un tronc robufte.
Je le vois avec plaifir acquérir une étendue & ure
vigueur que je n'aurois pu luidonner. On n'a pas
même oublié de retracer fon origine. Vous voyez ,
Monfieur , que l'Art charmant que vous favez ſi bien
aimer & fervir , n'est pas compromis ; vous voyez
DE FRANCE.
227
quemon ainour-propre même n'a fait que gagner an
fort demon Ouvrage. Que de bonnes raitons pour
ſe taire , & en est-il jamais de mauvaiſes pour prendre
ce parti ? Cette réflexion , qui vient peut-être
un peu trop tard , m'avertit de finir ma lature , & de
m'interdire juſqu'au plaisir de vous répérer combien
j'applaudis à la juſteſſe de vos réflexions & à l'élégance
de votre ſtyle .
J'ai l'honneur d'être très-parfaitement , Monfieur ,
Votre très-humb'e & très- obéiflant
ferviteur ,leMarquis de Ch .
P. S: Depuis ma lettre écrire , j'ai lû , Monfieur ,
avec autant de plaisir que d'avidité , le Livre que
M. de Chabanon vient de publier. Nouvelle raifon
pour garder le filence. Cet Ouvrage ne traite pas
feulement de l'union de la Poéſic & de la Muſique ,
mais il eſt lui -méme le produit d'une heureuſe union
entre l'eſprit , la ſcience & les talens. Parmi nombre
d'obſervations très-juſtes & très -fines , celles-là feront
particulièrement utiles à la muſique. 1 ° . Que la
mélodie en eſt l'âme & en fait le charme. 2. Que
l'imitation n'eſt pas ſon principal objet ni l'unique
ſourcedes plaifirs qu'on lui doit. Ce dernier principe ,
que M. de Chabanon a parfaitement développé , je
l'avois indiqué ſuperficiellement dans ma réponſe au
Traité du Mélodrame , imprimé dans un Mercure
de l'année 1771 ; & dans l'article Beau Idéal du
Supplément de l'Encyclopédie ; j'ai ofé l'appliquer à
la peinture même. En voulant prouver que l'Artiſte ,
dans la compofition de fes tableaux , fans en excepter
les payfages , étoit obligé de rechercher ,
d'imaginer même les effets dont l'impreffion feroir
plus agréable à l'oeil , j'ai avancé que ceux là ne
connoiffent pas les véritables principes des Beaux-
Arts , qui attribuent à l'imitation ſeule les grands
effets produits par la musique fur nos Théâtres &
4
Kvj
228 MERCURE
dans nos Concerts , & par la poéfie même , dans nos
plus belles Tragédies. Que de préjugéc , que d'opinions
ſauſſes exiftent encore dans ce fiècle de Jumière&
du goût ! que de ronces continuent de croître
dans les ſentiers de la vérité! mais auſſi avec quelle
grâce & quelie facilité M. de Chabanon les a-til
écartées! il me semble que fon opinion eft preſque
toujours la mienne , & que j'en ſuis encore bien
près lorſque j'en diffère. Je crois cependant, & fur
ce point, Monfieur , votre jugement affirmera le
mien ; je crois qu'il ne donne pas affez d'importance
au rhythme & au mêtre des vers lyriques. Ik
auroit dû obfervar que les dues & trias dialogués
ontbeſoin d'être écrits en vers égaux ou correfpondans.
Il pouvoit avouer auffi , s'il eût éré moins
frappé des richefſſes de la mufique , que dans la
Langue Italienne le rhythme a ſouvent ſuggéré au
Muficien des motifs qu'il n'auroit pas trouvés fans
cela. Comme :
Ombra che squallida
Fai quifoggiorno
Larva che pallida
Mi giri interno...
Quel barbaro che fprezzi
Nonplacheran ivezzi s
Ne crederà l'inganno
Quel barbaro da te.
Si ces dactyles , revenant toujours à la même
place, & fi fortement fentis , n'ont rien ſuggéré au
Muficien , je ſuis bien trompé. D'ailleurs ,les vers
que les Italiens employent dans leurs airs ont communément
leur ascent , les uns à la troiſeme , les
autres à la ſeconde fyllabe. Comme :
Vofoleando un mar crudele
Senga vete,Senzafarce .....
1
DE FRANCE 229
Jo veggo in contananza
Frà l'ombre del timor....
Se poſſono tanto
Dueluci vezzoſe....
Ces accens n'aident- ils pas le Compoſiteur à frapper
la meſure ſur une ſyllabe fortement ſentie , à
mieux arranger ſa phraſe muſicale ? Sur cet objet ,
que j'ai toujours eu à coeur , je ne m'obſtine pas,
mais je perfifte. Qui prendre pour juge ? M. de
Chabanon lui même ,
SPECTACLES.
COMÉDIE FRANÇOISE.
LE Jeudi 7 de ce mois , Mile Devienne
Actrice de la Troupe de Bruxelles , a débuté
dans l'emploi des Soubrettes , par les rôles
de Dorine , dans le Tartuffe , & de Claudine
, dans le Colin Maillard : elle a continué
ſon début par les rôles les plus brillans
de cet emploi.
Peu d'Actrices ont paru avec plus d'éclat
fur le premier Théâtre de la France ; c'est-àdire
, ont réum , ſur le champ, un plus grand
nombre de fuffrages. Une jolie figure , une
taille ſvelte , élégante & fouple , beaucoup
de jeu dans la phyſionomie , de la vivacité ,
de la fineſſe , une intelligence non - ſeulement
affez étendue , mais encore affez facile
230 MERCURE
1
pour annoncer un certain uſage du Théâtre :
voilà ce qui a ſeduit le Public , ce qui l'a
entraîné ſouvent juſqu'à l'enthouſiaſme. Ces
qualités , fans doute , ſont dignes d eloges ;
mais elles font accompagnées de défauts
affez graves , fi fon peut appeler ainſi un
débit marqué au coin de l'affectation & de
la recherche ; un maintien , des attitudes &
une geſticulation maniérés; enfin un jeu trèsrarement
naturel. C'eſt principalement dans
la Martine des Femmes Savantes , que les
gens fans paffion ont remarqué ces défauts ,
que nous ſommes éloignés de regarder comme
incurables , mais que de longs efforts
& un travail opiniâtre peuvent ſeuls faire
difparoître , fur-tout aujourd'hui que Mile
Devienne paroît en avoir contracté Thabitude.
Le malheur de tous les Débutans ,
principalement des Débutantes , qui annoncent
des diſpoſitions aux talens , eſt de s'en
rapporter preſqueexcluſivementà la bruyante
admiration de quelques efprits bouillans , qui
ſe contentant d'abord de quelques apparences
brillantes , crient au miracle , font
circuler l'enthousiasme dont ils font pénétrés
, le répandent , établiſſent ainfi à leurs
idoles une réputation paffagère , ſe refioidiffent
enfuite , & leur font payer , par une
ferérité tout auſſi condamnable que leur extrême
complaiſance , les applaudiſſemens
qu'ils leur ont prodigués. Il vaudroit micux
certainement , pour l'avantage de l'Art & du
Public, voir d'un coeil égal le mérite & es
{
1
DE FRANCE.
235
défauts d'un Comédien , applaudir l'un ,
l'avertir des autres , & le conduire ainfi fur
le chemin des progrès; que de l'aveugler
fur ce qui lui manque , de lui donner de
lui- même une opinion exagérée , par conſéquent
, de le rendre rébelle aux avis utiles.
Nous entendons tous les jours le Public fe
plaindre de quelques Sujets attachés à nos
Theâtres Royaux. Pourquoi , difent les
mécontens , a - t'on reçu tel ou telle ? Eh!
c'eſt vous qui l'avez voulu. Quand tel a
paru pour la première fois devant vous ,
&pendant tout le cours de fon Début, vous
l'avez vanté comme une merveille , vous lui
avez prodigué vos fuffrages ; non contentde
l'applaudir dans ſes rôles , vous l'avez fait
paroître à la fin du Spectacle , afin de vous
raffafier du plaifir de le voir à votre aife.
Que difiez- vous alors aux Supérieurs de nos
grands Theatres? Voilà le ſujet qu'il nous
faut,qu'on lereçoive. On l'a reçu , & vous
vous plaignez. Vous avez torr. Moins d'enthoufiafme,
plus de goût&de raiſon dans vos
choix; & vous ne vous plaindrez plus. Revenons
àMile Devienne , & refumons. De la
diſpoſition au vrai talent , des qualités effentielles
, quelques vices capitaux : qu'elle ait
le courage de ne point écouter ſon amourpropre,
d'étouffer, d'anéantir ce qu'elle a de
répréhenſible , & elle fera digne de cut ce
qu'elle vient d'obtenir de ſuccès,
232 MERCURE
Le Mardi 1. Avril , on a joué , pour la
première fois , les Deux Frères, Comedie en
cing Actes & en vers , par M. de Rochefort.
Une Anecdote , tirée du Spectateur Anglois,
a fourni le fonds de cette Coinédie ,
qui n'a pas joui d'un heureux ſuccès.
Un père nevoit pas toujours les défauts de
ceux qui lui doivent la vie. Il réſulte quelquefoisde
cet aveuglementunetrès mauvaiſe éducation.
Pour obvier à cet inconvénient trop
commun , deux frères font l'échange de leurs
enfans. L'un a un fils, l'autre une fille. Les
jeunes gens ſe voient , ſe prennent de paffion
l'un pour l'autre. On fait l'épreuve de
leurs caractères par des demi confidences qui
les déſeſpèrent; enfin on les éclaire ſur leur
deftinée , & on les unit. Des incidens brufqués,
des ſituations fauſſes ,& un défaut prefqu'abſo'u
d'intérêt : voilàles cauſesde lachûte
de cette Comédie. La réputation que M. de
Rocheforts'eſt acquiſe par d'autres Ouvrages
juſtement eſtimés,ne ſauroit en ſouffrir aucune
atteinte. Tout le monde n'eſt point appelé
à faire des Pièces de Théâtre :
Chacun ſon lot, nul n'a tout en partage
*
DE FRANCE.
233
ANNONCES ET NOTICES,
S
ECONDE Suite de l'Aventurier François, contenant
les Mémoires de Cataudin , Chevalier de Roſamène,
fils de Grégoire Merveil , Tomes I & II.
A Paris , chez l'Auteur , hôtelde Malte , rue Chriftine;
Quillau l'aîné , Libraire, rue Chriſtine; la
Veuve Ducheſne , Libraire , rue S. Jacques ; Mérigot
le jeune , Libraire , quai des Auguſtins ;Deſenne,
au Palais Royal.
La viedu fils deGrégoire Merveil n'eſtpas moins
intéreſſante&moins curieuſe que celle de ſon père ,
&il éprouve des aventures du même genre. C'eft
un jeune homme qui cède àl'aſcendant des circonftances,
qui en eſt toujours puni , & qui nous peint
ſes remords , leçon continuelle pour les jeunes gens,
qui ne sont que trop portés à s'applaudir des bonnes
fortunes dont celui ei gémit. « Il eſt à-peu-près en
>> homme, dit l'Auteur , ce qu'eſt en femmeManon
>> Leſcaut. >> Il lui adonné , comme à ſon père , le
nom d'Aventurier François , parce que cette nouvelle
Partie de l'Ouvrage eſt intimement liée avec
les précédentes , & qu'elle fait entièrement corps
avec elles .
TABLEAU Historique de l'esprit & du caractère
des Littérateurs François depuis la renaissance des
Lettres jusqu'en 1785 , ou Recueil des traits d'efprit,
debons mots&anecdotes Littéraires , parM.
T** , Avocar en Parlement , Tréſorier de la Guerre ,
& Subdélégué de l'Intendance de Champagne. A
Verſailles , chez Poinçot , Libraire , rue Dauphine ;
& à Paris, chez Nyon , Libraire, près le Collége
des Quatre Nations .
234 MERCURE
L'Auteur de cette compilation a eu le projet de
confacrer ſon travail à la gloire des Lettres , ce
qui doit intéreffer ceux qui les cultivent. Le plan
qu'il a ſuivi, c'eſt de raſſembler dans un ſeul article
tout ce qui a rapport à un même Ecrivain , & chaque
Ecrivain s'y trouve claſſe ſelon la date de ſa mort.
COLLECTION Complette des Fabuliftes , dédiée à
M. le Comte de Vaudreuil , Chevalier des Ordres
du Roi , Maréchal de ſes Camps & Armées , Grand
Fauconnier de France , par une Société de Gens de
Lettres; propofée par ſouſcription. A Paris , chez les
Auteurs , rue des Nonaindières , 31 ; Petit, Libraire
, quai de Gêvres .
La plupart des Fabuliſtes , ſoit par leur rareté,
ſoit par le défaut des Traducteurs , étoient oubliés
ou n'étoient point arrivés juſqu'à nous ; c'eſt enrichir
la Littérature que de lui rendre une ſuite de
productions morales & intéreſſantes qui l'honorent
en inſpirant la ſageſſe & l'amour de la vertu.
Les Apologues Arabes , Grecs , Perſans , Latins ,
Allemands , Anglois , Italiens , &c. traduits en
François,y feront inférés , on y joindra les Fables
Françoiſes . Mais comme on ne prétend point affigner
les rangs , on s'aſſervira à l'ordre chronologique.
Une Notice hiſtorique des Ouvrages & de la
vie de l'Auteur, précédera les Fables qu'il aura compoſées.
La Collection ſera terminée par les meilleures
Fables qu'on aura extraites des Poëtes qui ,
n'étant point Fabuliſtes , ſe ſont eſſayés dans ce
genre. Cette Collection formera environ vingtquatre
Volumes in-8°. de 4 à 5oo pages chacun,
mêmes format , papier & caractère que leProfpectus.
Le premier paroîtra au mois de Juin prochain ,
&les autres fucceffivement de deux en deux mois.
En ſouſcrivant en payera 12 livres , & 4 livres en
DE FRANCE.
235
recevant chaque Volume broché , excepté les trois
derniers , qui ſe trouveront payés par la ſouſcription.
On foufcrit aux adreſſes du Frontiſpice.
COURIER Lyrique & Amusant , ou Paffe- Temps
des Toilettes.
Il paroîtra tous les quinze jours , à dater du premier
Juin 1785 , ſeize pages in- 80. de cet Ouvrage
, ſous la diſtribution de première & ſeconde
Parties. L'une , compoſée de huit pages à chaque
époque , contiendra des Chanfons , des Romances ,
des Ariettes & des Vaudevilles avec les airs notés
quand ils ne feront point connus ; on promet que les
paroles feront toujours choifies de manière à pouvoirplaire
, comme jolies pièces de vers , même aux
perſonnes qui ne chantent pas. Et l'autre , formant
auſſi huit pages , offrira un répertoire amuſant
d'Anecdotes , de bons Mots , de Traits Hiſtoriques
, &c.
La Muſique ſera revue avec la plus grande attention
par M. Greffet , Compofiteur agréable , connu
par pluſieurs Airs légers , & qui ſe propoſe de répandre
dans cette Collection tous ſes plus jolis
Morceaux.
Le choix des Anecdotes de la ſeconde Partie &
celui des paroles de la première ſera fait par un
Hemmede Lettres d'un goût exercé , mais qui gardera
l'anonyme ; & MM. les Auteurs ou MM. les
Muſiciens qui auront fourni dans l'année une douzaine
de Chanſons dont on aura fait uſage recevront
la Feuille gratis pendant un an au même
titre qui les fait jouir de leurs entrées dans nos Spectacles
quand ils y ont fait repréſenter quelques-unes
de leurs Pièces . On accueillera auffi avec reconnoifſance
les Anecdotes , les bons Mots , les Traits Hil
toriques , &c. qui feront envoyés. On nommera
236 MERCURE
i
même les Perſonnes qui le deſireront; mais en prévient
que l'on n'admettra aucuns morceaux de ce
genre que l'on n'ait eu la précaution d'indiquer les
fources où on les aura puiſés , ou les autorités qui
pourront enconftater la vérité. C'eſt à M. Knapen
fils ſeulque l'on eſt prié d'adreſſer les objets relatifs
àcet Ouvrage. Le prix de la ſouſcription eſt de
14 liv . pour Paris , & de 16 liv. 8 ſols pour la Province.
On ſouſcrit dès-à-préſent chez Knapen &
fils , Libraires-Imprimeurs , rue S. André-des-Arcs , à
Paris;mais en quelque temps qu'on le faffe , on recevra
lesNuméros de l'année qui auront paru précédemment,
de manière qu'elle finira & commencera
à la même époque pour tout le monde.
Cet Ouvragebien exécuté peutêtre agréable , &
doit avoirdu ſuccès.
CHEF- D'GUVRES de IAntiquitéfur les Beaux-
Arts, Ouvrage orné d'un grand nombre de Planches
en taille-douce, dont ſoixante-dix ont été gravées
par Bernard Picart , nº. 4. Prix , 18 liv. le
Cahier. L'Ouvrage comprendra cinq Cahiers , qui
ſe relieront en deux Volumes. A Paris , chez l'Auteur
, rue Garencière , & chez Royez , quai des Augustins.
Nous avons parlé des autres Cahiers de cet important
Ouvrage, qui mérite encore des éloges par
la célérité des Livraiſons.
De la Musique conſidérée en elle-même & dans
fes rapports avec la parole, les Langues , la Poefie
& le Théâtre. Prix , 3 liv. 12 fois broché. A Paris ,
chez Piffet , Libraire , quai des Auguftins.
Nous rendrons compte de cet Ouvrage , qui paroît
réunir les fuffrages des Gens de Lettres & des
Perſonnes qui s'intéreſſent à l'Art dont il traite.
Le même Libraire vient de mettre en vente une
DE FRANCE
237
nouvelle Édition du Ministre de Wakefield , par
Goldsinith , traduit de l'Anglois, in-12. Prix, 3 l.rel.
Précis de Recherches & Obfervations fur
divers objets relatifs à la Navigation intérieure de
laProvincede Bretagne , par M. Obelin de Kgal. A
Rennes , chez Nicolas-Paul Vatar , Imprimeur de
Nofſoigneurs les États de Bretagne.
Cet Ouvrage , qui n'eſt point ſuſceptible d'être
anatylédans ce Journal , annonce dans ſon Auteur
l'amour du bien public; & les lumières que l'étude &
l'expérience lui ont acquiſes peuvent être utiles à
l'objet dont il traite. Il a obtenu un ſuccès mérité
dans la Province que l'Ouvrage intéreſſe plus particulièrement.
LE Bureau Littéraire ouvert au Public chez
Royez , quai des Auguſtins, n'effre plus en lecture
les Gazettes politiques ; mais il aura l'avantage particulier
de conſerver le dépôt des Papiers publics en
diverſes Langues les plus propres à faire connoître
la Littérature étrangère. C'eſt avec ce ſecours toujoars
prompt, toujours renouvelé , ainſi que par le
Recueil des Catalogues des meilleurs Libraires de
l'Europe, qu'il deſire prouver ſon zèle aux Amateurs.
Il fait venir & il a déjà quelques Recueils
d'Académies étrangères. Outre les Livres anciens
&nouveaux, il a actuellement en vente les ſuises
complettesdes Journaux les plus propres aux grandes
Bibliothèques , la Gazette de France depuis l'origine,
&autres Collections utiles,
:
LesÉpreuves, Comédie en un Alte & en vers ,
repréſentée au Théâtre François le 29 Janvier 1783 ,
& le 10 Février ſuivant à Verſailles , devant Leurs
Majestés , par.M. Forgeot, Prix, 1 liv. 4 fols. A
238 MERCURE
Paris , chez Prault , Imprimeur du Roi , quai des
Auguſtins.
Cette petite Pièce mérite d'autant plus le ſuccès
dont elle jouit dans ce moment même , qu'étant
faite furun fonds léger , elle avoit beſoin du charme
dudialogue & de la force comique , dont l'Auteur
avoit déjà donné des preuves dans d'autres Ouvrages.
OEUVRES Choisies de l'Abbé Prevost , avec
figures, onzième & dernière Livraiſon , contenant
les trois derniers Volumes de la Vie de Cicéron . A
Paris ,chez Cuchet, Libraire , rue & hôtel Serpente.
Ces OEuvres ſont actuellement finies , & contiennent
trente-neuf Volumes in- 8 ° . , qui ſe vendent
conjointement avec les OEuvres de le Sage , qui en
forment dix- ſept , en tout cinquante-quatre Volumes
pour les deux Auteurs , au prix de 3 liv. 12 ſols le
Volume broché,&4 liv. 10 fols relié.
Nous ne doutons pas que cette Edition , dont il
reſte très-peu d'Exemplaires, ne devienne rare , &
n'augmente de prix dans les ventes publiques , à
cauſede la difficulté de réimprimer cinquante quatre
Volumes. Le Libraire, en invitant les Perſonnes qui
n'achètent jamais les corps d'Ouvrages que lorfqu'ils
font achevés, à ſe procurer inceſſamment lefdites
OEuvres , offre à ceux que l'acquiſition des
cinquante quatre Volumes à la-fois pourroitgêner,
de les leurdonner dans l'ordre des livraiſons , c'eftà-
dire , par trois & quatre Volumes , en prenant
alternativement une livraiſon de le Sage & une
livraiſon de l'Abbé Prevoſt. Cette faveur n'aura
lieu que juſqu'à la fin de Mai prochain.
On a tiré quelques Exemplaires ſur papier de
Hollande à 12 liv. le Volume broché. Il en reſte
très-peu.
1
Nous ne pouvons qu'applaudir au ſuccès de cetre
Edition, dont les, Livraiſons n'ont nullement fait
i
DE FRANCE.
239
languir l'impatience du Public. L'exactitude & la
rapidité avec laquelle elle a été terminée, eſt unpréjugé
bien favorable poouurr la nouvelle Entrepriſe
qu'annonce le même Libraire. C'eſt une Collection
des Contes des Fées. Il ſe propoſe de la faire
affez volumineuſe pour qu'elle puiſſe, renfermer
tout ce qu'il y a de vraiment bon dans ce genre ,
&pas affez pour la rendre monotone & difpendieuſe.
LE Danger d'une première Foute , Hiftoire Angloiſe,
par J. H. D. B.... Auteur du nouveau petit
Pompée. A Londres ; & ſe trouve à Paris , chez Couturier
, Imprimeur- Libraire , quai des Auguſtins.
Le Lord William, pour n'avoir pas ſu ſoutenir
une plaifanterie en préſence de ſonPrince , comme
une indiſcrétion dont les ſuites l'expoſent aux plus
grands dangers & aux plus grands malheurs. Cette
idée , qui n'eſt pas nouvelle , a fourni à l'Auteur
quelques ſituations qui ne ſont pas dénuées d'intérêt
, mais qui manquent de développemens.
Le Paysan mécontent , peint par Borel , gravé
par J. B. Morret. A Paris , chez Morret , Graveur ,
rue des deux Portes Saint Sauveur , n ° . 18 .
CetteEſtampe a de la vérité& de l'effet.
J
PREMIER Recueil d'Ariettes , avec Accompagnement
de Harpe , par M. Renaudin , Maître de
Harpe. Prix , 7 liv. 4 ſols. A Paris , chez l'Auteur ,
rue Mauconſeil , vis-à-vis la Halle aux Cuirs ; Cou--
fineau père & fils , Luthiers de la Reine , rue des
Poulies , & Salomon , Luthier , Place de l'Ecole.
M. Renaudin , Auteur d'un Plexichronomètre ,
dont ce Journal , ainſi que les Feuilles de Paris ont
donné la deſcription , a cru devoir s'occuper d'un
Inſtrument qui réunit une partie des mêmes avan1
240 MERCURE
tages , & qui , moins difpendicux , pût être d'un
avantage plus général. C'eft une boule de métal fufpendue
à un fil de foie , où les différens degrés de
tous les mouvemens font indiqués affez clairement
pour que d'un bout à l'autre de l'empire muſical , les
Compoſiteurs puiſſent faire parvenir leurs intentions
préciſes , toujours vaguement exprimées par
les mots d'Allegro , d'Andante. Tout le monde ſear
l'avantage de cette pratique ſi elle étoit admife. Il
eft fâcheux que quelques Muficiens ayent un amourpropre
affez mal entendu pour s'y oppofer. C'eſt
aux Compofiteurs à les convertir. Les morceaux de
ce Recueil portent l'indication du Chronomètre fimple
de M. Renaudin , Inſtrument très-portatif, qui
ſe vend 6 liv. àl'Adreſſe ci-deſfus .
TABLE.
COOPLETfur la Naiſſance NouveauxMélanges dePhilodeMgr.
leDuc de Norman- fophie & deLittérature, 210
die , 193 Les Cuvres d'Héfiode , 212
194 Mémoirefur les Ciseaux à in-
213
LeRendez-vousmanqué, 196. Collection des Mémoires rela--
• A Mile V*** ,
AMadameB..... , 195 cifion,
Conte, 197 tifs à l'Histoire de France,
217
gryphe 199 LeComte de Valmon , 220
283
229
233
Charade , Enigme & Logo-
Hiftoired'Abdalmazour , 201 Variétés
Mémoirefur les Tremblemens Comédie Françoise,..
deTerrede la Calabre , 208 Annonces &Notices ,
FAI
APPROBATION.
,par ordre de Mgr le Garde des Sceaux,
Mercurede France , pour le Samedi 30 Avril 1785. Je n'y
ai rien trouvé qui puiſſe en empêcher l'impreſſion. A
Faris , le 29 Avril 1985. GUIDL
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
RUSSIE.
DE PÉTERSBOURG , le 27 Mars.
L
A ſanté de l'Impératrice ſemble s'améliorer
depuis quelque temps. Cette Princeſſe
viſite fréquemment la Maifon d'éducation
qu'elle a fondée pour les Demoiſelles
de qualité , à l'imitation de l'établiſſement
de S. Cyr en France.
Le Comte de Ségur , nouvel Ambaſſadeur
de France à notre Cour , a eu , le 21 ,
ſa premiere audience de S. M. &de Leurs
Alteſſes Impériales.
Le Comte de Bruce , Commandant en
chef à Moſcou , a informé la Cour qu'on
obferva le 2 de ce mois , par un temps clair
& froid , un Parhélie remarquable , qu'il
décrit de la maniere ſuivante.
Le ſoleil luiſant dans ſa plus grande ſplendeur
, un cercle très-clair & d'une groſſeur médiocre
parut l'environner. Un ſecond cercle plus
No. 18 , 30 Avril 1785 1
( 194 )
,
gros coupoit le ſoleil ; & dans l'enceinte de ce
cercle l'on voyoit cinq météores , en forme de
petits ſoleils , dont deux à côté du ſoleil , de
façon que le même cercle , qui coupoit ce'uici
, coupoit également le météore , qui en étoit
Je plus proche. Les trois autres petits ſoleils
étoient placés dans l'enceinte de la partie inférieur
du gros cercle : Celui du milieu étoit dans
une ligne perpendiculaire ſous le ſoleil ; & les
autres à côté à une petite diſtance . Vers le
centre du gros cercle , perpendiculairement ſous
le ſoleil , l'on voyoit un arc fort clair , ſemblable
à la lune , dont les cornes étoient tournées
en bas. Ce phénomene dura auffi long - temps
que la ſplendeur du ſoleil & diminua avec
elle; Il reſta néanmoins une lueur du cercle
ainſi que des ſoleils collatéraux , viſible juſqu'à
fix heures du ſoir, Suivant un rapport , qu'a
envoyé le Général d'Aſcharow , le même phénomene
a été obſervé , le même jour 2 Mars ,
àUſtuſchna & à Tſcherepow. Dans le premier
de ces endroits , on le remarqua au iever du
ſoleil , & à Tícherepow à dix heures du matin.
A Uſtuſchna , l'on vit trois cercles fort clairs
autour du ſoleil , dont les deux cercles intérieurs
étoient entiers : Le troiſieme offroit une
grande variété de couleurs ; mais il n'étoit pas
complet , & l'on n'en voyoit que la moitié audeſlus
du ſoleil. Le diametre du plus petit de
ces cercles étoit deux fois moindre & celui du
cercle extérieur deux fois plus grand que le
diametre du cercle du milieu. Le reſte du phénomene
étoit précisément le même qu'on l'a
obſervé à Moſcou. Sa phaſe à Tſcherepow ne
différoit de celle d'Uitaſchna qu'en ce que ſur
le gros cercle il n'y avoit point de cinquieme
foleil collatéral , ni au - deſſous du ſoleil un
( 195 )
arc ſemblable à la lune. L'on prétend auſſi qu'à
Uſtaſchna le phénomene a été viſible au lever
de la lune , & que dans celle - ci l'on voyoit
une croix. A Jaroflaw, la phaſe étoit précisément .
la même qu'à Tſcherepow .
1. Il est très-poſſible qu'un paraſelène ait
accompagné le premier phenomene. Quant.
à la croix dans la lune, la phyſique ne ſe
mêle point d'expliquer cette forte d'apparition.
Quoiqu'on repréſente ce parhélie dans
pluſieurs feuilles publiques , comme la choſe
du monde la plus extraordinaire , chacun
fait qu'elle ne l'eſt nullement ; entr'autres en
1629 , le 29 Mars, on obſerva à Rome 4
parhélies en même temps.
3
1
La Crimée eſt parfaitement tranquille , &
gardée d'une maniere ſi formidable , que les
Turcs feront peu tentés de la reconquérir. Cette
irruption de Tartares , de Turcomans , d'un Sulran
de Samarcande , à la tête de 300,000
hommes , dont les gazettes nous menacent , eſt
regardée ici comme une plaifanterie digne de
Sir Politick .
ALLEMAGNE,
DE HAMBOURG , le 14 Avril.
Il eſt tombé une ſi prodigieuſe quantité
de neige dans les Duchés de Pomeranie &
de Caſſubie , que les grandes routes en font
entierement couvertes & impraticables. Les
voyageurs font obligés de ſe frayer des
chemins ſur des montagnes , & d'expofer
ainſi leur vie au danger le plus éminent.
i 2
( 196 )
Depuis le 20 juſqu'au 26 Mars on a paflé à
pied le Sund entre Helsingor & Helſingbourg.
Le 27 , la glace ſe rompit , & la chaloupe de
poſte ne put arriver à Helſingor ce jour- là à
cauſe des glaçons. Trois Bâtiments Dantzikois
&unDanois furent enfermés par les glaces du
côté de la Suede.
:
Le paſſage des Belts eſt ouvert actuellement
, & les yachts peuvent y paſſer. Le 3 ,
fix bâtimens , qui avoient été dans les glaces
près de Swederoë , ont été emportés par
les glaçons dans la mer du Nord. :
C'eſt une particularité , digne de remarque
, qu'à Bergen en Norwege , on n'a
point reſſenti de froid extraordinaire , &
que la navigation de ce côté-là n'a pas été
interrompue.
Un de nos Ecrivains politiques obſerve que ,
depuis que les petites villes de province , &
même les villages ont attiré des commerçans
& des métiers , les commerces des grandes
villes a diminué d'une maniere ſenſible .
Cette ville , entr'autres , peut ſervir de preuve
de la justice de cette obſervation ; ſon commerce
étoit autrefois beaucoup plus floriſſant
qu'il n'eſt actuellement. Il y a des rues entieres où
l'on. ne voit plus de trace de Commerçans , &
dans leſquelles autrefois tous les rez-de chauffées
étoient occupés par eux. La diminution du
commerce dans les autres grandes villes a peutêtre
la même cauſe que celle du commerce de
Hambourg.
On voit toujours défiler des troupes
Ruſſes vers l'Ukraine , & il en est arrivé dans
laLivonie,
( 197 )
:
DE VIENNE , le 15 Avril.
Un quatrieme chef des Valaques révol
tés , nommé Inezar , a été dénoncé au gouvernement
par les Popes du pays , & emprifonné.
Une remarque qu'on ne doit pas
omettre , eſt , qu'on n'a pas trouvé un ſeul
Grec - uni dans le nombre des rébelles .
Quant au Baron de Weſſelins ou Weſſelingi
, enfermé dans la fortereſſe de Kufſtein,
ainſi que nous l'avons rapporté l'ordinaire
dernier , c'eſt un Gentilhomme proteftant,
très-riche , très-dur envers ſes vaſſaux , &
très tarbulent. On s'eſt aſſuré pareillement
de ſon épouſe, élevée dans le catholiciſme,
& qui avoit embraſſé la Réforme , à l'inftigation
de ſon mari. On l'a confiée à des
Religieuſes chargées de la ramener dans le
giron de l'Eglife. Pour ſe tirer d'affaire , le
Baron a préſenté ſon apologie , dont le
point le plus concluant eſt l'offre de lever
trois compagnies de huſſards à ſes dépens ,
pour le ſervice de l'Empereur. Une maladie
épidémique fait d'aſſez grands ravages
à Carlsbourg & dans ſes environs.
Le corps franc du Bannat, ſous les ordres
du colonel Brentano , a fait une grande diligence
malgre la rigueur de la ſaiſon. A fon
arrivée à Laxembourg , où il a ſe ourné 24
heures , on lui a donné un nouvel Uniforme;
il a enfuite paſſé en revue près de cette
capitale, d'où il a pourſuivi ſa route vers les
13
( 198 )
Pays-Bas. Il eft compoſe de 2500 fantaflins
&de cos hulards.
L'Empereur , accompagné du Prince
Charies de Lichtenstein , a vu défiler les
deux colonnes de ce Regiment.
La corebondance entre notre cour &
cele de R. Le et tres active depa's quelque
temps. A la faire d'une conférence
d'une heure entre Empereur & le Prince
Galitzin , Ambaladear Rinfe, on expédia ,
ilya peu dejours un courrier a1 Baron de
Herbert, notre Ministre à Conftantinople.
Le même metlager fut chargéde depêches
pour M. de Raizewich , Conful général de
S. M. L. à Bucharest. Chacun raiſonne &
coniectare fur le contenu de ces deux paquets.
Dans le premier on ſuppoſe que nothe
cour demande une explication à la Porte
fur ſes préparatifs, fur la marche de fes troupes
versles frontieres , fur les magatins raffemblés
à Siliftrie, à Belgrade, à Andrinople.
La feconde dépêche, à ce qu'on croit,
eit un avertiilement donné au Conful général
de veiller attentivement fur le Prince
de Moldavie.
Le Chevalier Foscarini, Ambaſſadeur de
Verife, a remis de la part du Sénat à l'Envoyé
de Pruiſe, une note hiftorique & explicative
au ſujet du différend entre la République
& la Hollande.
Le jour de Pâques dernier, les habitans du
fauxbourg de Wieden donnerent une fère aux
pauvres : 226 pauvres & 20 enfans furent trai
( 199 )
tés aux dépens des Paroikiens qui avoient fait
entr'eux une collecte à cette intention. Les femmes
inême des principaux bourgeois ne dédai
gnerent pas de préparer le diner ; le Paſteur de
la Paroiffe & les autres Religieux avec plu
fieurs bourgeois voulurent bien eux mêmes ſervir
la table qu'on avoit préparée à cet effet
dans le Couvent qui ſert de Paroiſſe. Un cha
ricable bienfaiteur avoit fait mettre en outre
une piece d'argent ſous chaque couvert.
Les rigueurs de l'hiver ont occaſſonné
une foule de déſaſtres particuliers . L'on
écrit de Likka , qu'un habitant de cette
contrée , poſſeſſeur d'un troupeau de 200
moutons , qu'il ne pouvoit plus nourrir ,
faute de fourrages , prit le parti de les faire
tondre , & de les abandonner enfuite dans
les montagnes , où ils périrent tous.
Les deux derniers hivers ayant néceſſité
une conſommation effrayante de bois de
chauffage , on a calculé que dans vingt ans
la corde de bois coûteroit ici 20 florins. Les
forêts voiſines ſont épuisées , & les autres
trop éloignées pour ſe procurer du bois ,
ſans de très-grands frais.
Quelques avis de Presbourg font mention
d'une nouvelle exécution Ottomane ,
près de nos frontieres .
Le fameux Abdul Baſſa , marié avec une
Sultanne , avoit,à l'inſu de la Sublime Porte ,
raffemblé pluieurs Troupes en Boſnie , d'où eft
réſultée une augmentation des Troupes Autri
chiennes poſtées dans la Croatie ; ce Baila n'a
pas tardé à être la victime de fon imprudence.
i
( 200 )
Un Noir , accompagné de trois autres perſonnes
tous envoyés de Conftantinople , lui a apporté
un Firman , & , en ſe diſant chargé de lui declaver
que , par une faveur particuliere , Sa Hauteſſe
lui laiſfoit le choix , de mourir par le fabre , par
be cordon , ou par les effets de cette liqueur ( qu'il lui
préſenta dans une petite phiole ). Le Baſſa préféra
la liqueur , l'avala ſur le champ , & expira
au bout d'une demi-heure.
: Le Prince Adam Czartoriski , Général
d'Artillerie , & Capitaine de la Garde Noble
de Gallicie , eft arrivé ici le 3 , venant de
Varſovie.
On apprend de Hermanſtadt que le 15 Mars
on y a commencé la conſcription de la Tranſylvanie
, & qu'on s'occupe à augmenter le
nomtre des Régimens de frontiere. Il ſera levé
un fixieme Régiment ſur les frontieres vers
la Domination Ottomanne. En 1779 , le
nombre des Troupesde frontiere étoit de 10,000
hommes; il ſera porté actuellement à 20,000 .
L'entretien d'un Régiment de frontiere
coûte par an 81 000 florins moins que celui
d'un autre Régiment .
-
L'Empereur a fait remettre à l'établiſſement
des pauvres une ſomme de 37000 flor.
On affure que , depuis le nouveau réglement
de commerce , la recette des Donanes a diminué
conſidérablement.
•Pluſieurs articles , qui avoient été prohibés ,
mais que les Etats Autrichiens ne fourniſſent
pas encore en affez grande quantité , viennent
d'être exceptés de la regle générale , & peuvent
de nouveau être importés en payant les anciens
droits .
DE FRANCFORT , le 18 Avril.
Nous parlâmes , ily a quelque temps , du
( 201 )
magnifique projet de réunir par un Canal le
Rhin au Danube ; projet qui feroit communiquer
la Mer noire à la Mer d'Allemagne ,
& à la Baltique. Voici quelques détails ultérieurs
au ſujet de ce plan , qui occupe ſérieufement
la Cour de Vienne .
Charlemagne , en 792 & 793 , entreprit d'unit
le Danube au Rhin par le Meyn , l'Altmat & la
Reignitz. Ce grand Monarque n'abandonna ce
projet qu'à cauſe des pluies continuelles qui somberent
dans ces années là , & de la qualité marécageuſe
du fond. On est autorisé á croire que la
direction qu'on avoit réſolu de donner alors à ce
canal , n'étoit ni la plus courte , ni la meilleure ,
ni la moins coûteuſe. Le canal dont il eſt actuellement
queſtion , n'auroit qu'environ 30 lieues de
longueur ; 38 écluſes ſuffiroient pour le foutenir
dans tout fon cours. De ces 38 écluſes qui de
vroient être d'une nouvelle forme , nommées
écluſes à bascule, 14 porteroient ſur elles mêmes
un pont affez grand & affez fort pour que la voiture
la plus chargée y puitſe paſſer fansdanger.
Pour ouvrir & fermer de ſemblables écluſes , la
force d'un ſeul homme ſuffit . Chacune d'elles
coûtera 20 mille florins ; du nombre des 20 ecluſes
reſtantes , il n'y en auroit que 14 qui devroient
encore, ſuivant la diſpoſition du terrein , porter
un pont pour paſſer à pied ou à cheval . La dépense
pour la confection de ces dernieres n'eſt évaluée
qu'à 9000 florins : le tems néceſſaire pour l'excа-
vation de ce canal ne tetoit que de 8 années. Le
tarifdes droits de péage monteroit , ſuivant l'Auteur
, à environ 896000 florins par an.
4
La Gazette de Berlin , du 6 Avril contient
un article énoncé en ces termes .
« On a lu ici avec ſurpriſe tout ce que le
( 202 )
1
» Gazerier de Leyde a débité dans le Supplément
>>>de ſa Feuille , No. 26 , touchant un certain avis
>> donné par le Rhingrave de Salm ; & on a été
particulièrement furpris de la hardiefſe avec
>> laquelle il annonce : Que les Etats-Généraux
- avoient écrit au Roi par un Courier envoyé à Berlin
, pour demander des éclairciffemensfur cette
> matiere ; & que L.H P. avoient reçu une réponſe
-affirmative de S. M. Or, on peut affurer comme
» un fait certain qu'il n'eſt arrivé , depuis peu ,
> aucun courier HollandoisàBerlin;que les Etats-
>> Généraux n'ont pas écrit au Roi ſur la matiere
» en quelion , & que S. M. n'y a pas répondu
>> non plus. Qu'on juge par cet échantillon de la
>> véracité du reſte ! >>>
Une autre Feuille de l'Empire interprête
de la maniere ſuivante les explications qu'on
dit avoir eu lieu entre les Cours de Petersbourg
& de Berlin.
Un certain projet , dont tous lesPapiers publics
ont parlé , a donné à la Cour de Prufſe l'occafon
de manifeſter ſes ſentimens ſur l'état actuel du
corps politique , & même de prendre part à la
cauſe importante dans laquelle une partie de
l'Europe eft intéreſſée. Elle a en conféquence fait
faire des repréſentations ſérieuſes à la Cour de
Ruffie ſur divers objets , & principalement fur
l'élection d'un Roi des Romains, & la création d'un
neuvieme Electeur. Comme la réponſe qui a été
faite à ce ſujet au Comte de Goetz par le Ministere
de Ruffie , n'a point fatisfait le Roi de Pruffe , ce
Monarque , dans une conférence qu'il a eve avec
lePrince d'Olgorucki , lui a témoigné a qu'il étoit
> aſſez évident , d'après les démarches de laRuſſie,
>> que cette Cour paroiffoit moins occupée du repos
de l'Europe & du maintien de la balance ,
> que des intérêts de la Cour de Vienne ; qu'il ſe
( 203 )
> croyoit en conféquence obligé, commeMembre
> duCorpsGermanique , comme garant de la sûreté
>> de ſa conſtitution ; enfin comme partie intéref
>> ſée dans le corps politique de l'Europe , de pro-
>> teſter contre tout ce qui pourroit porter quelque
>> atteinte à la sûreté deſdits corps ; & qu'en con-
>> ſéquence , il ſe croyoit obligé de ſe mettre en état
> de défendre les droits publics & particuliers de
>> ſa couronne. »
Le Princed Olgorucki répondit , d'après ſes
inſtructions « que l'Impératrice ne connoifſſoit à
» l'Empereur aucunes vues qui puſſent tendre à
>>>altérer la conſtitution du Corps Germanique ; que
S.M. Pruffienne avoit pu être induite en erreur
> à cet égard par des avis faux & controuvés ; que
> s'il y avoit quelque choſe de ſurprenant & de
>> révoltant dans la ſituation actuelle du corps politique
de l'Europe , c'étoit l'opiniâtreté desHol-
>> landois, & l'éloignement qu'ils montroient pour
> un accommodement , auquel S. M. Imp. paroif-
> ſoit fi diſpoſée ; qu'il n'étoit pas moins étonnant
>> que S. M. Prufſienne non- feulement approuvât ,
>>mais cherchất même à entretenir & fortifier
>cette opiniâtreté des Holandois. Que , quant à
>> la démarcation des limites entre l'Empereur&
la Porte , quoique S. M. Prufienne eût paru
>déſapprouver la conduite de ſon précédentAm-
>>baſſadeur , le ſucceſſeur de celui-ci ne laiſſoit
>> pas de ſuivre le même ſyſtême , & ne cherchoit
rienmoins que de concourir à ce que ladite dé-
> marcation eût un prompt ſuccès . Qu'enfin , on
> ne pouvoit attribuer les diſpoſitions hoftiles &
>> les préparatifs des Turcs , qu'à la froideur que
2 S. Maj. Pruffienne montroit dans cette affaire.
>>Qu'en contéquence , l'Impératrice de Ruffie ſe
>>croyoit de ſon côté autoriſée à proteſter contre
>> cette conduite de S. M. , & à faire ſes diſpoſi-
16
(204)
!
>>t>ionsdemaniereàêtre prête àtoutévénement.
On ſe plaint à Munich de diverſes réglemens
, pour gêner en Baviere la liberté d'écrire&
de penſer; réglemens qui s'exécutent
avec rigueur. Une Commiſſion eſt inveſtie
du droit d'entrer dans les maiſons , & d'y
fouiller à l'improvifte les livres , papiers ,
écrits quelconques , ſoupçonnés d'être contraires
à la Religion ou à l'Etat ; mais l'on
eſpere qu'une fois inſtruit des abus de cette
Inquifition , l'Electeur en réformera les parties
les plus dangereuſes.
L'Electeur de Mayence , malade depuis
quelque temps , eſt aujourd'hui dans un érat
prelque déſeſpéré. Ce Prince , né en 1719 ,
n'eſt pas très âgé. Deja l'on remarque beaucoup
de mouvemens parmi les Compétiteurs
à la dignité electorale. Le public paroîtjetter
les yeux fur le Comte d'Alberg ,
diftingué par ſes connoiſſances , par ſes
qualités perſonnelles & par fon habileté
dans les affaires d'adminiſtration .
Le Roi de Pruſſe a été , & eft encore
affez incommodé par des abcès dans les
jambes , qui , ſans être d'un caractere dan
gereux , ont donné de l'inquiétude. Depuis
que la goutte s'eſt déclarée , S. M. P. a été
un peu foulagée ; cependant elle ne reçoit
perfonne encore.
Le Duc régnant de Brunswick a linſpection
générale des Régimens Pruffiens d'Infanterie , en
garnifon à Halberstadt , Magdebourg , & dans
P'ancienneMarche. LeGénéral Gaudi eftnom(
205 )
mé Inspecteur des Régimens dans la Weſtphalie.
Les ſoldats abſens parcongé , arrivent ſucceſſivement
à leurs Régimens. Beaucoup ſont
arrivés à Berlin (ur des traîneaux.
On écrit de Vienne que le Cardinal-Archevêque
a pris la réſolution de quitter
pour jamais cette capitale , & de ſe retirer
dans fon Evêché de Waizen, pour y paffer
le reſte de ſa vie.
L'Empereur , dit- on , a fait préſent d'une
terre noble au Conſeiller de Born , auteur
de la nouvelle méthode de ſéparer l'or &
l'argent du minerai qui les renferme.
On apprend de Nordenſtadt , dans le Landgraviat
de Darmſtadt , que le 2 de mois , à quatre
heures 20 minutes du matin , ony a reſſenti une
forte ſecouſſe de tremblement de terre , qui cependant
n'a occafionné aucun dommage.
ITALI E.
DE NAPLES , le 3 Avril.
On travaille dans ce port avec toute l'ac
tivité poſſible à l'équipement de l'eſcadre
deſtinée pour le voyage des auguſtes
Souverains : elle fera commandée par D.
François Bologna. Leurs Majeftés auront
avec elles l'Infante leur fille aînée. La Reine
ſera accompagnée par la Ducheſſe deCorigliano
,&paarr quatre femmes de chambre.
Le Marquis de Curleto , Don Vincent
Montalto , Don Onorato Gaetani & le
Prince Belmonte Pignatelli feront de la fuit
te du Roi .
On obſerva , le 13de ce mois au matin , un
des phénomenes les plus finguliers fur la riviere
( 206 )
deMajuri , dans la Province de Salerne. On vit
s'élever une grande colonne de feu , environnée
d'un brouillard très épais , & on entendit en
même tems un grand bruit , ſemblable à celui
d'un coup de canon ; après quoi , le phénomene
di parur. Alors les eaux de la riviere , au- lieu de
ſuivre leur ancien cours , ſe précipiterent tout-àcoup
dans un goufre qui s'eſt ouvert à l'inſtant
même.
Les éruptions du Véſuve augmentent
tous les jours. La lave adéja coulé à deux
mille dans la plaine ; & pendant la nuit elle
répand une telle clarté, qu'elle éclaire mê
me les murs des maiſons de cette ville.
• GRANDE-BRETAGNE.
DE LONDRES , le 17 Avril.
Les diſcuſſions , les débats , les requêtes ,
les aſſemblées , les imprimés au ſujet de la
grande affaire du commerce d'Irlande ne
discontinuent point. Tous les partis font
d'accord ſur la queſtion théorétique ; mais
on ne l'eſt pas ſur la queſtion de fait: ſavoir,
fi le prix ctuel&les charges des fabrications
Angloiſes peuvent foutenir ſans rifques
l'égalité avec l'Irlande. Comme les erreurs
fur cette matiere entraîneroient une
fubverfion plus ou moins complette des
manufactures Britanniques , il eſt bon que .
les difficultés oppoſées de part & d'autre
foient miſes au grand jour, afin que les
bons eſprits puiſſent en décider. Au reſte ,
quoiqu'un très -grand nombre de villes manufacturieres
s'élevent contre le plan du Miniftre
, il faut bien ſe garder de prendre ces
1
( 207 )
réclamations au pied de la lettre. Pluſieurs
de ces pétitions font abſolument l'ouvrage
des ennemis du miniſtere ; d'autres font dictées
par l'eſprit de monopole & de cupidité
qui attaque les états commerçans une fois
devenus riches : de troiſièmes font l'effet de
terreurs anticipées , & de l'ébranlement machinal
qu'occaſionnent dans tout le royaume
les manufactures véritablement menacées.
Quoi qu'il en ſoit, on ne peut croire
M. Pitt affez imprudent pour braver des
oppoſitions auffi reſpectables , & pour s'être
décidé au parti qu'on lui attribue en ces termes
, dans le GénéralAdvertiser.
Malgré les requêtes dont le Bureau de la Chambre
des Communes eſt ſurchargé , malgré les
témoignages clairs & fatisfaifans que les Manufacturiers
ont donné à la Barre , en dépit des
manoeuvres de M. Jenkinson , & de l'oppoſition
unanime qui ſe manifeſte tous les jours par le
moyen de la preſſe , même dans les feuilles dévouées
au miniftere , le Populaire M. Pitt eft
déterminé , par un effet de ſon reſpect profond
pour les Communes de ce Royaume , à terminer
l'affaire de l'arrangement de commerce avec
l'Irlande le plutôt poſſible. Il a dépêché , i y
a quelques jours , M. Orde pour affurerles Ir-
Jandois de leur triomphe certain. La nation n'a
plus qu'une reſſource : il faut que les grandes
villes de commerce & les villes à manufactures
intruiſent leurs Repréſentans de la maniere la
plus péremptoire. Pluſieurs villes ont déjà remercié
dans la derniere élection leurs anciens Repréſentans
, parce qu'ils conſentoient à ce que
( 208 )
Les Communes d'Angleterre réſignaſlent leurs
privileges en faveur de la Couronne. Il faut
aujourd'hui qu'elles forcent leurs nouveaux Délégués
à voter en faveur du peuple contre le
miniftere.
Le Comité général des manufacturiers ,
qui s'eſt établi à Londres , doit ſervir d'exemple
à tous les autres corps qui s'oppoſent
aux meſures du Gouvernement. Ce Comité
arepouílé conftamment tout ce qui pouvoit
tendre à la ſédition , ou être inſpiré par l'efprit
de parti. Un particulier, d'un caractere
violent , s'étant emporté un jour dans la
Chambre , elle le reprimanda fortement en
lui impofant filence. Cette ſageſſe donne
du crédit &de la ſtabilité à cet établiffement.
La ſéance de la Chambre des Communes
, le 11 de ce mois , fut très intéreſſante
par l'expoſé que fit le Chancelier de l'Echiquier
de l'état actuel de nos finances , de
nos charges & de nos reſſources , de nos
eſpérances &des moyens de les réalifer.
Selon le Miniſtre , les taxes de la derniere
année avoient rendu au-delà de ce qu'on pou
voit s'en promettre. Il ſe flattoit , qu'en adhérant
au ſyſteme d'économie , dont on avoit
éprouvé les heureux effets , l'on parviendroit à
éteindre inſenſiblement la dette nationale. II
propoſadans cette vue d'établir un fonds d'amortiſſement
d'un million par année. Je fuis per
fuadé , dit - il , qu'avec la feule reſſource des
taxes actuelles , je pourrai ajouter un million
cotte année au fonds d'amortiſſement. Le produitdes
taxesmontera à Is millions & demi , &
( 209 )
50
les dépenſes nationales , autant que je puis en
jugerpardes calculs que rien ne ſemble démentir,
n'excéderont pas 14 millions mille liv. fterl .
Je ne doute point qu'à l'aide des ſages meſures
, qui ont été & feront adoptées , le Royaume
ne recouvre l'ancienne conſidération dont il
jouiſſoit parmi les Puiſſances de l'Europe.
M. Pitt fit enfuite une motion tendante à ce
qu'on mit ſur le Bureau un état du produit net
des taxes depuis la S. Michel 1783 juſqu'a Noël
de la même année , & depuis cette derniere
époque juſqu'au 5 Avril 1785 , ainſi qu'un érat
du produit des taxes pendant les mêmes périodes
en 1784.
M. Sheridan fonda quelques doutes fur ce que
le Trimestre indiqué par M. Pitt étoit préciſément
celui où les taxes montoient à une ſomme
plus forte que celle qui provenoit des taxes
levées pendant les trois autres périodes de l'année.
Cette circonstance devoit s'attribuer à la taxe
des chevaux , à celle ſur les Chaſſeurs , à celle
fur les chapeaux , &c. , qui étoient payées tous
les ans en une ſeule fois pendant le trimestre
choiſi par M. Pitt.-
M. Pitt réfuta l'aſſertion de M. Sheridan , en
diſant qu'il ſe faiſoit des verſemens continuels
à l'Echiquier , provenans de la taxe ſur les chapeaux
, & que la taxe ſur les chevaux promettoit
de rendre plus qu'on ne l'avoit penſé.
M. Fox ſe permit enſuite quelques ironies ;
M. Eden raiſonna ſur cette matiere avec beaucoup
d'intelligence & de modération , ainſi que
M. Dempster ; après quoi la motion de M. Pite
paſſa unanimement.
On prendra une idée encore plus exacte
du bilan des finances angloiſes , de la recette&
de la dépenſe , & des augmentations
( 216 )
du revenu public , effectives ou probables,
en lifant avec un peu d'attention le réſumé
ſuivant du Compte rendu de M. Pitt ,
dans fon difcours du II Avril.
Ce Miniſtre établit que l'intérêt de la dette
publique lorſqu'elle aura été fondée en entier )
avec les dépenſes probables de l'établiſſement de
paix , monte à environ . • L.ft. 14,000,000.
D'un autre côté , le produit net
一个
des taxes pendant le dernier quartier
finiſſant au 5 Janvier 1785 , a
été de • • 2,738,000.
Et celui du quartier finiſſant au
s Avril 1785 , a été de. . • 3,066,000.
5,804,000.
Leproduit des mêmes quartiers
de l'année précédente fut , tavoir ,
au premier Janvier 1784 , de . • 2,585,000.
Au 5 Avril 1784 de . ... 2,198,000.
4,783,000 .
1
Par conséquent le produit des taxes , pendant
les fix derniers mois qui viennent de s'écouler à
été plus fort de plus d'un million que celui des
taxes pendant les mêmes ſix mois de l'année précédent
. Le produit ſeul du quartier finiſſant au
5Avril dernier, ſurpafſe de près de 870,0001.
le produit du même quartier de l'année 1781.
Dans cette fomme , à la vérité , ſont compriſes
environ 190,000 liv. ſt. qui ſont le produit
des taxes impoſées l'année derniere ; ainſi les
680,000 1. reſtantes ſeulement proviennent des
taxes qui ſubſiſtoient avant la derniere ſeſſion .
Ilfaut encore obſerver que le produit des Douan
(211 )
1
nes pendant le dernier quartier , adoublé& fort
au- delà celui des Douannes au même quartier de
l'année précédente. Augmentation prodigieuſe ,
due principalement aux différentes meſures adoptées
, & aux bills paſſées en Parlement l'année
derniere pour prévenir la contrebande. Les effets
de ces meſures , indépendamment de ceux que
l'on obtiendra parde nouvelles réformes , mettent
le revenu public , non ſeulement à même
de ſuffire aux intérêts de la dette nationale ,&
aux dépenſes de l'établiſſement de paix , mais à
fournir de plus un excédent applicable à l'amortiſſement
de la dette nationale. Car , ſuppoſons
que les deux quartiers prochains produiſent en
proportion les mêmes ſommes que les deux derniers
, le revenu de l'année finiſſant à la St. Michel
1735 , fera ainſi qu'il fuit.
Quartier finillant au 5 Janvier
1785 . • .: 2,738,000.
Dito , Avril • • 3,066,000.
Les deux quartiers ſuivans 6,132,000.
11,936,000
Acette ſomme il faut ajouter le
produit de la taxe des terres & de la
taxe annuelle de la drêche , ci • 2,450,000.
14,386,000 .
Cette ſomme eſt ſuffiſante pour l'intéret de la
dette publique , tant fondée que non fonlée , &
pour les dépenſes de l'établiſſementde paix.
4 Mais ſi nous jettons un coup d'oeil ſur l'année
prochaine , & fi nous voulons eſtimer notre revenu
annuel d'après le dernier quartier , nous
verrons qu'il nous préſente le tableau ſuivant.
Produit annuel des taxes. L. ft. 12,264,000.
A
(212)
Produit de la taxe des terres&de
celle de la drêche • 2,450,000
i
14,714,000.
!
Il nous reſte donc un excédent de 300,000 1.
par an pour nous libérer de la dette nationale.
Si nous ſuppoſons encore que le produit des
deux quartiers reſtantde cette année , conferve
avec celui des deux derniers quartiers , la même
proportion que les mêmes quartiers de l'année
derniere avoient entr'eux , le total des taxes de
cette année ſera de 12.600,000 1.Acette ſomme
il faut y ajouter comme ci-devant le produit de
la taxe des terres & de la drêche , qui eſt de
2,450,000 1. Alors notre revenu total ſe monteraà
15,050,000 1. ce qui nousdonne650,000 1.
pour le fonds d'amortiſſement.
Que ſi les deux quartiers reſtans de cette année
confervent , avec les deux derniers quartiers , la
même proportion qu'offrent ceux- ci avec les
mêmes quartiers de l'année derniere , le produit
de toutes les taxes ſera de 16,240,000 1. & nous
aurons un excédent de 1,840,000 1. pour le fonds
d'amortiſſement.
Le produit de toutes les taxes , excepté celles
fur les terres& ſur la drêche, pendant l'annee qui
a fini à la St. Michel 1784 a été de 10,400,000 1.
ſeulement; l'accroiſſement du revenu public cette
année , au taux le plus modéré , ſera d'un million
& demi ; & il y a tout lieu de croire qu'il
fera beaucoupplus conſidérable encore .
D'après les calculs précédens , il paroît que
tout nous porte à eſpérer que l'année prochaine
on ſera en état d'établir un fonds réel pour l'amortiſſement
de la dette nationale , & que certe
meſure falutaire pourra être opérée avec la ſente
:
1
1
1
( 213 )
addition de très- légeres taxes néceſſaires pour
rembourſer l'emprunt modique de cette année
&pour conftituer le reſtant non fondé de la dette
nationale.
Le nombre de vols qui ſe commettent
tous les jours à Londres , ont enfin déterminé
le gouvernement à faire propoſer à la
Chambre des Communes de paffer un bill
pour régler la police de cette ville. M. Selwyn
s'eſt chargé de cette motion importante
; & il a prévenu la Chambre , qu'il
lui foumettroit inceſſamment un bill contre
lequel il eſpéroit que perſonne n'éléveroit la
voix.
Un Vaiſſeaude 50 canons & deux Frégates
ſont er armement pour l'Inde , & conduiront
dans cette ſtation l'Officier qui doit fuccéder au
Chevalier Hughes. Ce ſucceſſeur n'eſt cependant
pas encore connu , ni probablement nommé,
parce que l'armement ne partira qu'après le retour
de fir Edward Hughes actuellement en route
pour l'Europe , à bord du Sultan , de 74 canons,
qu'on attend vers la mi-Juin. L'Amiral Byron &
fir Edmund Affleck , ledernier de nos Amiraux,
ont déjà été déſignés; mais comme les François
n'ont qu'un Chef- d'Eſcadre dans l'Inde , on n'y
enverra qu'unOfficier de même rang. Ce ſera une
économie pour la nation .
Dans quelques ſemaines , on lancera à
Harwich l'Excellent , de 74 can. & la frégate
le Castor , de 38 can. L'un & l'autre
de ces bâtimens ſont conſtruits avec des
bois impregnés de la liqueur ſalée dont nous
avons parlé , & feront doublés en cuivre.
Oncroyoit que le goudron extrait du char
(214)
bon de terre , & dout les beaux établiſſemens
de Lord Dundonald en Ecoffe fourniflent
notre marine , étoit de qualité à prévenir
la vermoulure ; mais cet avantage
n'étoit qu'idéal , puiſqu'on recourt actuellement
à une méthode qu'on préſume être
plus efficace.
Selon des lettres de Gibraltar , arrivées à
Portsmouth en 22 jours , les Algériens
avoient commencé des hoftilités envers les
Anglois, en prenant deux bâtimens de cette
nation , qu'ils ont conduit dans leurs ports.
I.e Conſul Anglois à Livourne , inftruitde
cet événement , en fit part au Chevalier
Lindſay , qui depêcha une caiche pour s'informer
des circonstances & demander la
reſtitution des bâtimens. On ajoure que la
Régence n'ayant pas donné de fatisfaction ,
on a dépêché un ſecond vaiſſeau.
2

Il ya dans cemoment 5.40 prifonniers ,
dont 49 criminels condamnés à mort , &
180 deſtinés à la tranſportation.
L'Iſle cù l'on doit transporter ces malfaiteurs ,
eft , dit- on , fruée dans la riviere de Gambie , à
environ 60 milles de fon embouchure . Elle eſt totalement
inhabitée. Le Capitaine Moore , qui a
examiné le cours de ce fleuve juſqu'à la grande
cataracte , à 100 lienes dans les terres , parle de
cette Ifle comme ayant 20 milles de long ſur 6 ou
7de large. Vers ſa pointe orientale , s'éleve une
montagne extraordinairement haute& très-boiſée.
Lefol en eft extrêmement fertile , & n'attend que
main du cultivateur. Les bois ſont remplis de
cocos & de châtaigniers. Comme l'Iſle git par les
( 215 )
13degrés de latitude ſeptentrionale, les chaleurs
font très fortes dans les mois de Juillet & d'Août ,
&vers l'équinoxe , on y éprouve des orages affreux.
Le pays des deux côtés delariviere eftpeuplé
par des Negres guerriers , qui ſacrifient à leurs
Idoles tous les Blancs qui tombent entre leurs
mains , & les dévorent enfuite. On eſpere que
cette circonſtance empêchera las nouveaux Colons
de déſerter.
Le Major Scott qui s'étoit mis ſur les
rangs pour l'élection des ſix nouveaux Directeurs
de la Compagnie des Indes , cette
année , a échoué , par une pluralité de plus
de 100 fuffrages contre lui.
• Le Comité d'Officiers nommés pour examiner
le plan des fortifications , tant actuelles que projettées,&
en faire ſon rapport , a fait une vive
impreſſion dans l'eſprit de la Nation. Le Duc de
Richemond , qui a réſolu les énormes dépenſes
dont on s'eſt plaint avec tant de raiſon , eſt luimême
du nombre des Officiers choiſis pour examiner
les propres projets . Il doit préſider les trois
plus anciens Officiers. Son frere eſt auſſi l'un des
Inſpecteurs ;& pour ajouter à la régularité du procédé,
le Comité ne s'aſſemblera que dans les tems &
lieux qu'il plaira à ſa Grice de choifir. De forte que
fi M. le Duc entrevoit que le Comité puiſſe réprouver
ſon plan , il pourra , comme le Docteur
dont parloit le Lord North , prendre fon jour.
L'auteur de ce paragraphe auroit dû obſerver
également , que ce Bureau n'eſt pas
compoſé du ſeul Duc de Richmond &de
fon frere le Lord George Lenox , mais encoredu
Lord Thownsend & des Généraux
Amherst & Conway , tous trois oppoſés
( 216 )
,
d'opinions au Duc de Richmond, de dix
Lieutenans généraux entre leſquels , les
Chevaliers Guy Carleton , Draper , Boyd,
Gray & le Lord Cornwallis , & de ſept
Majors généraux , au nombre deſquels ,
MM. Pattifon , Greene , Roi , Campbell ,
c'eſt à dire , ce que l'Angleterre a d'Officiers
les plus indépendans , & les mieux inſtruits.
On ne fauroit donner trop d'éloge , dit le
Morning Poſt , au Grand-Maître de l'Artillerie ,
de fonéconomie dans toutes les affaires qui intéreſſent
le bien public ; il s'occupe fort peu
de flatter la vanité de la nation en confervant
ſes monumens d'antiquité les plus précieux ,
pourvu qu'en les détruiſant il puiſſe faire une
épargne de quelques liv. ſterlings. Il propoſa
derniérement de démolir la tour de Jules-Céfar
dans le Château de Douvres pour employer
les décombres à la réconſtruction des anciennes
murailles . Le Lord North , en ſa qualité de
Gouverneur de ce Château & de Lord Gardien
des cinq Ports , s'eft oppoſé fortement á ſa propoſition
, & l'on aſſure qu'il a engagé un de
ſes amis à la Chambre des Communes d'en parler
avant la clôture des Seſſions , par maniere de
plainte contre le Grand-Maître,
Lorſque les habitans de Douvres apprirent l'intentionduGrand-
Maître de l'Artillerie , de faire
démolir la tourde César, ils ignoroient encore que
le LordGardien des cinq Ports s'y oppeſeroit auffi
fortement qu'il l'a fait. En conséquence , ils
avoient déja réſolu de raſſembler une ſomme par
ſouſcription pour acheter des matériaux en même
quantité que ceux que leGrand- Maître comptoit
retirer
( 217 )
retirer de la four , & les lui livrer' pour la réparation
des murailles du Château .
L'incendie de la maison de M. Lovel
Stanhope dans May-Fair, la ſemaine derniere
, a donné lieu à deux traits héroïques ,
Tun d'amitié , l'autre d'amour maternel . La
maifon du Comte de Marchmont , abfent
ainſi que fa famille , touchoit celle de M.
Stanhope : Lord Elphinston , ami intime de
-Mylord Marchmont, apprend l'incendie, vole
-aufecours, pénetre dans la maiſon, & fervant
lui même les pompes avec intelligence , parvient
à préferver l'édifice. Lady Stanh. , ſauvée
avec grande peine de l'incendie , ne
voyant point fon enfant autour d'elle , ſe
précipita dans la maiſon prête à s'écrouler ,
pour le chercher au milieu de l'embrâfement
: on ne la tira du milieu des flammes ,
où elle alloit périr , qu'en l'aſſurant que l'enfant
avoit été mis en sûreté dès le commencement
de l'incendie.
: Le carroſſe de cérémonie du célebre Duc de
-Marlborough , i fameux ſous le regne de la Reine
Anne, étoit au nombre des curiofités détruites par
l'incendie qui a confumé la maiſon de Lord Spencer
à Wimbledon. Ce fut dans cette voiture qu'il
emmena le Maréchal de Tallard , lorſque ce dernier
tombá entre les mains de l'armée combinée,
après la bataille de Blenheim. Les dépêches du
Duc en cetre occafion font remarquables par leur
briéverė. St lettre à la Reine étoit conçue'en oes
termes :
co Nous avons combattu , & la victoire a été
pour nous. J'ai en ce moment avec moi , dans ma
Nº. 18 , 30 Avril 1785 . k
( 218 )
voiture , M. le Maréchal de Tallard. Voilà tout ce
que peut en apprendre actuellement Vorre Maj.
Elle en recevra les détails le plutôt poffible. »
Onapprend par une lettre de M. Stephen Fuller,
Agent de la Jamaïque , que la ville de Spanish-
Town va faire élever dans ſa place d'armes une
ſtatue au Lord Rodney.M. Bacon , Sculpteur chargéde
ſon exécution , en a déja préfenté le modele.
Cette ſtatue en marbre fera foutenue par un
piédeſtal , orné de bas-reliefs. Sur l'un d'eux , ſera
repréſenté un vaiſſeau amenant fon pavillondevant
Lord Rodney. Un autre bas- relief repréſentera
l'Iſle de la Jamaïque , aſſiſe ſur un rocher au
milieu de la mer , implorant la protection de la
Grande Bretagne. Sur la quatrieme face dupiédeftal
, ſe trouvera l'inſcription. La ſtatue aura environ
huit pieds de haut.
Le Morning Héraldt rapporte une anecdote
affez plaiſante fur George II .
Ala ſuite du tumulte , dans lequel le Capitaine
Porteus fut pendu par la populace d'Edimbourg , il
fut délibéré dans le Confeil , à S. James , ſi l'on
ôteroit , à cette Capitale de l'Ecoffe , ſes droits de
franchiſe. Apeine le Duc d'Argyle , très jaloux de
laconſervationdes priviléges des citoyens d'Edimbourg,
eut-il appris que cette queſtion étoit agitée,
qu'il fe rendit fur le champ à la Cour , où il s'oppoſaavecvéhémence
à l'exéution d'un pareil projet.
Il irrita tellementGeorge II, par fon importunité&
par la hardieſſe de ſes repréſentations ,
que ce Monarque , perdant toute patience , lui
jetta fon chapeau au vifage. LeDuc ſe retira alors
très-déconcerté de ce qui venoit de lui arriver.
Comme il deſcendoit l'escalier , il rencontra Sir
Robert Walpole , qui l'acoſta avec ſa politefle ordinairede
courtiſan , & lui demanda quel pouvoit
étrele ſujet de ſon mécontentement; le Duc rée
( 219
pondit que le Roi lui avoit jetté ſon chapeau au
vitage. «Bagatelle ! repliqua le Chevalier ; il m'a
>> battu trèssouvent , & il me bat même encore de
tems entems. »- « Oui , reprit le Pair , mais
vous n'êtes pas le Duc d'Argyle . »
La premiere ſemaine de Mars , en creu
ſantune foſſe dans l'Egliſe de Charmouth ,
on trouva une épé fort antique , que l'on
ſuppoſe être celle du Général Dudda , dont
le corps fut déposé en ce lieu il y a 952 ans.
1.'hiſtoire nous apprend que l'an 833 , le
Roi Egbert attaqua les Danois ſur la riviere
deChar, près de cette ville ; & quoique la
victoire ne fût point parfaitement complette
de foncôté, néanmoins le champ de bataille
lui reſta. Le Général Dudda & les Evêques
de Winchester & de Sherborne , l'un appellé
Hereford & l'autre Wigfort furent du nombre
des tués. Leurs corps furent enterrés
dans cette Eglife , où on les conſerve ſoigneuſement.
FRANCE.
DE VERSAILLES , le 20 Avril.
Le ſieur Dorayde Longrais , Officier de
Cavalerie , a eu , le 15 de ce mois l'honneur
de préſenter au Roi une pendule de ſon invention
, & qui a été exécutée par le ſieur
Lamy- Gouge , Horloger à Versailles. Le
globe, qui renferme cette Pendule, repréfente
une Montgolfiere qui , tous les Di
k2
( 220 )
manches , au demier coup de midi , s'éleve
au-deſſus d'un focle de marbre qui lui fert
d'échafaud , & enleve une galerie dans laquelle
font placés deux Voyageurs aëriens.
Cet Ouvrage réunit au mérite de l'invention
celui de l'exécution la plus parfaite.
Le Comte de Faudcas , qui avoit précédemment
eu l'honneur d'etre préſenté au Roi , a cu ,
le 16 de ce mois , celui de monter dans les voitures
de Sa Majefté & de la ſuivre à la chaſſe.
Le lendemain , le Roi & la Famille-Royale
ont figné le contratde mariage du Vicomte de
Gand , Meſtre-de-camp- Commandant du Régiment
de Champagne , avec Demoiselle de la
Rochefoucanid Bayers ; & celui du Comte de
Beaunay , Garde du Pavillon, Amiral de France,
avec Demoiselle Bacon de la Che valerie .
Le même jour le Marquis de Fouquet a prêté
ferment entre les mains du Roi pour la Lieutenance
générale du Pays Meſſin , vacante par la
mort du Comte de Fouquet ſon pere.
DE PARIS , le 28 Avril,
7
L'on ſe rappelle les volumineuſes difcuffions
qui eurent lieu , il y a dix ans , au ſujet
de la liberté du commerce de l'Inde.
M. l'Abbé Morellet attaqua les privileges ,
&l'existence de toute compagnie , défendus
d'un autre côté par M. Necker & par
M. le comte de Lauragais. On épuiſa dans
cette difpute tous les fophifmes de l'eſprit
*de ſyſteme & les raiſonnemens économiques
les plus abſtrus. L'expérience ſeule pou
( 221 )
voit être la pierre-de-touche des différentes
opinions , & l'expérience a condamné celle
des adverfaires d'une compagnie exclufive ,
puiſque le Roi vient de rétablir celle - ci par
un Arrêt du Conseil d'Etat , du 14 de ce
mois . Le préambule de cet Arrêt eſt un
expoſé des inconvéniens prévus lors de la
fuppreffion de l'ancienne compagnie , & fur
leſquels le temps a éclairé l'Adminiſtration.
Sa Majefté , par le compre qu'elle s'eſt fait
rendre du réſultat des exportations de fon
royaume , & des retours d'Afie depuis la ſuſpenſion
du privilege de la Compagnie des Indes ,
afeconnu que la concurrence , utile pour d'autres
branches de coinmerce , ne pouvoit qu'être nuifible
dans celle- ci ; qu'en effet l'expérience avoit
fait voir que les cargaiſons de l'Europe n'étant
pas combinées entr'elles , ni proportionnées aux
beſoins des Deux de Jeur deſtination , s'y vendoient
à bas prix , tandis que le concours des
ſujets de Sa Majesté , dans les marchés de l'Inde ,
y furhauffoit le prix des achats : Que d'un autre
côté les importations en retours , compoſées de
marchandites de mêmes eſpeces , fans meſure ni
affortimens , avec excès dans quelques articles ,
& manque total ſur d'autres , étoient auſſi déſavantageuſes
aux Négocians , qu'anfuffilantes pour
l'approvisionnement du Royaume.En confiderant
qu'a ces inconvéniens réſultans du défaut d'enſemble
, ſe joint l'impoſſibilité que des particuliers
aient des moyens affez étendus pour foutenir
les haſards d'un Commerce auſſi éloigné , & les
longues avances qu'il exige , Sa Majesté s'eſt
convaincue qu'il n'y avoit qu'une Compagnie
privilégiée , qui par ſes reſſources , lon crédit ,
&l'appui d'une protection particuliere , pût faire
k3
(222 )
utilement le Commerce des Indes & de la Chine;
Elle a en conféquence accepté la propoſition qui
lui a été faite par une affociation de Négocians
&de capitaliftes dont les facuités , le zele &d'intelligence
lui font connus , d'exploiter ſeule ,
pendant untemps limité , le Commerce de l'Afie
, ſuivant les ſtipulations du dernier traité de
paix, qui l'ont maintenu libre, für & indépendant.
Les ſoins politiques , les frais de ſouveraineté
& les genes d'une adminiſtration trop
compliquée , ayant été les principales cauſes des
pertes que l'ancienne Compagnie a fouffertes ,
il a paru convenable que la nouvelle en fût etiérement
dégagée , que rien ne pût diſtraire ni
fon attention ni ſes fonds , de l'objet de ſon
Commerce , & qu'elle fût régie librement par
ſes propres Intéreſſés : Sa Majeſté s'eſt occupée
en même temps des moyens de conſerver aux
Iſles de France & de Bourbon , tous les avantages
compatibles avec l'exercice du privilege qui
fonde l'existence d'une Compagnie ; Elle leur a
permis le Commerce d'Inde en Inde , la traite
des Noirs , le libre échange de leurs productions
avec celles de l'Europe , & tout ce qui a paru
néceſſaire pour affurer l'approviſionnement & le
ſoutien de cette Colonie intéreſſante.
Les diſpoſitions de cet Arrêt forment 57
articles , dont voici le précis très-abrégé.
Le privilege de la nouvelle Compagnie durera
ſept ans de paix , à compter du départ de
ſa premiere expédition ; en cas qu'il s'éleve une
guerre , les années de guerre de feront pas
comptées. Les ſujets du Roi des divers ports du
Royaume pourrent appro iſionner les Illes de
France & de Bourbon , qui ne ſeront point.
compriſes dans le privilege exclufif de la Compagnie
, & qui pourront faire le Commerce d'Inde
en Inde. Il eſt accordé à tous les armémens
( 223 )
t
commencés , complettés & en route pour les
mers de l'Inde , à compter du jour du départ
de leur port d'armement , 24 mois de délai
pour faire leur Commerce & retour au feul port
de l'Orient , où la nouvelle Compagnie fera
auſſi les fiens . Le Roi lui cede & accorde gratuitement
la jouiſſance de ce port , des hôtels ,
magaſins , chantiers , corderies , uſtenfiles , &c .
qui lui feront remis aprés avoir été réparés aux
frais de Sa Majesté , qui ſe charge auffi de leur
entretien pour ce qui concerne les groſſes réparations
Les fonds de la nouvelle Compagnie
font fixés à 20 millions , dont 6 millions feront
fournis par les douze Adminiſtrateurs , à raifon
de 500,000 liv. chacun ; les 14 millions de
furplus feront diviſés en 14,000 portions de 1000
liv. chaque , pour lesquelles il fera donné des
reconnoiffances aux pertonnes qui voudront s'intérefler
dans fon Commerce.
La fixation du dividende n'aura lieu qu'après
la remiſe du bilan général annual , à com
mencer du mois de Décembre 1787. La
Compagnie ſera autoritée à arrêter les réglemens
néceſſaires à ſon régime intérieur & à la
conduite de ſon commerce , dont S. M. maintiendra
la liberté entiere , même par la force
des armes , s'il en eſt befoin.
La gabarre le Barbot va partir ſous les
ordres de M. de Suzannet , chargé d'examiner
les propriétés d'un nouvel inſtrument
pour déterminer le filtage des vaiſleaux : la
Cérès , commandée par M. de Roquefeuille ,
a la même deſtination.
Les travaux de Cherbourg ſe continuent avec
activité. On travaille à terre fans relâche , &
on compte placer pluſieurs cônes cette année,
k 4
( 224 )
F
1
L'hiver , dit on , a raffermi ceux qui ſont déjà
jettés. Avec le temps , les bois , les pierres ſe
réuniront par le ſediment de la vaſe , par les
coquillages & les plantes marines , de maniere
à former un rocher inébranlable .
Les lettres de Londres nous apprennent
que la convalefcence de M. le Comte
d'Adhémar eſt aſſez avancée , pour avoir
permis à cet Ambaſſadeur le voyage de
Bath , dont il va eſſayer les eaux.
L'on évalue à 14 millions le devis de la
dépenſe pour la conſtruction du nouveau
Pont fur la Seine , pour la démolition des
édifices qui deshonorent les anciens ponts ,
& pour l'établiſſement de nouveaux quais.
Pluſieurs régimens de Cavalerie ont été
obligés de changer de quartiers , à cauſe de
la difette de fourrages. Heureuſement la
pluie , quoique peu abondante, a fuccédé
en ce moment à la ſéchereſſe, & permet
encore d'eſpérer une récolte.
On mande de Pont- Chateau en Bretagne ,
Terre appartenante à M. le Comte de Menon,
Commandant à Nantes , qu'on y a chanté un
Te Deum pour la délivrance de la Reine : cent
habitans de cette Paroiſſe avoient en le malheur
de perdre par une incendie , le 13 Mars , leurs
grains , leurs fourages , tous leurs menbles &
vêtemens. Cet événement ayant été mis ſous les
yeux du Roi par M. le Contrôleur Général à
qui M. l'Intendant de la Province en avoit
rendu compte, Sa Majesté a accordé à ces
malheureux incendiés une ſomme de douze mille
francs. !
(225 )
:
On voit actuellement la traduction Françõiſe
des étonnantes expériences de l'illuftre
Abbé Spallanzani fur la génération : cette
traduction eſt l'ouvrage d'un de ſes amis ,
fon émule dans un autre genre , M. Sénébier
, Bibliothécaire public à Geneve. Ces
obfervations , dont on parloit ici depuis
quelque temps , pour en faire un texte de
mauvaiſes plaifanteries , de vers & de calembourgs
infipides , ne ſont point telles
que les rapportoit la légereté publique. Depuis
long- temps l'Hiſtoire naturelle n'a point
offert de découvertes auſſi admirables , &
appuyées ſur une pareille certitude. L'Abbé
Spallanzani préſenta une ſuite de faits , dont
les conféquences nepeuvent être problématiques.
Tout obfervateur peut répéter ces expériences
; mais avant tout il doit ſe pénétrer
de la néceſſité d'une patience à l'épreuve,
d'une pénétration foutenue , d'une logique
& d'un eſprit philoſophique , dont le
Profeffeur de Pavie offre un fi beau modele.
Quoique ces fameuſes, expériences.
ſemblent établir d'une maniere indiſputable
l'opinion de la préexiſtence des germes
dans les ovaires de la femelle , & develop- .
pés enſuite par la fécondation , il reſte encore
quelques objections & quelques doutes
en faveur des ſyſtêmes oppofés .
L'uſage de l'acide nitreux ou de l'eau- forte
dans les atteliers a occafionné pluſieurs accidens
: en voici un nouvel exemple .
ks
( 226 )
Le fils du ſieur Guenon , Relieur , âgé de 29
mois , demande à boire : la fille de tervice apperçoit
ſur la cheminée un verre à moitié plein
d'une liqueur qu'elle prend pour de l'eau ; c'étoit
de l'eau - forte pure ; l'enfant en boit environ
trois cuillerées. Le pere accourt au bruit de
ce masheureux , qui bientôt a un vomiffement
d'une prodigieuſe quantité de ſang co gulé.
L'Apothica.re appellé prépare une potion com.
poſée de quatre onces d'eau , d'une once de
firop de guimauve , d'un gros de magnéfie
&de trois gros de ſavon. On adminiftre cette
potion à la dote de trois cuillerées tous les demiquarts
d'heure ; le vomiſſement ſe calme; P'après-
midi il ceffe. Alors on tubſtitua a la potion
un looch fait avec l'huile d'amandes douces ,
le firop de guimauve , la gomme arabique , la
magnésie & l'eau diſtilée. Le lendemain matin
les accidens étoient diffipés , à l'exception d'une
ſanvation , que les parens ont eſtimée etre d'une
pinte par vingt-quatre heures , & qui dura jufqu'au
quatrieme jour. Ce traitement a été ratifié
par M. Andry , Médecin de la Faculté , qui avoit
été appellé le lendemain de l'accident.
Une Feuille de Province atteſte la vérité
du fait ſuivant , que ſa ſingularité nous engage
à rapporter.
Un Négociant , natif d'Angers , & actuellement
établi à Nantes , ayant épouté
Mademoiselle N*** , en eut une fille : fon
épouſe , redevenant enceinte , fit une chute
à l'époque du ſeptieme mois , & mourut
avec l'enfant ( c'étoit une fille ) qu'elle portoit
: cet homme , pénétré de regrets , ne
trouve d'autre moyen de réparer la peite
:
1
(227)
qu'il vient de faire , qu'en épouſant la ſoeur
même de celle dont il pleure la mort. Il
obtient des diſpenſes ; au bout de quelques
mois ſa nouvelle épouſe devient enceinte ,
& parvenie heureuſement au terme de ſa
groſſeffe , elle accouche d'une fille. Enſuite
elle redevient enceinte , & au terme de ſept
mois , elle tait une chute au même endroit ,
le même mois & le même jour que ſa ſoeur ,
ſe bleide & meurt , ainſi que l'enfant ( c'étoit
demêmeune fille) qu'elle portoitdans ſon ſein.
M. Cannebier , ancien Profeffeur de Mathémathiques
à l'Ecole Royale - Militaire , ayant
ſoumis aux lumierés de l'Académie des Sciences ,
unemachine planétaire de ſon invention , fur le
rapport de MM les Commiſſaires nommés pour
Fexaminer , cette Compagnie a jugé >> que le
moyen employé par l'Auteur étoit fimple ,
>>ingénieux , & propre à remplir le but qu'il
>> s'eſt propoſé , qui eſt de faciliter aux jeunes
> gens l'intelligence des phénomènes qui réſultent
du mouvement annuel & diurne de
>la terre dans ſon orbite en confervant le paralléliſme
de ſon axe ; & qu'elle méritoit
>> l'approbation de l'Académie. >>
Cette machine eſt effectivement très- ſimple ,
à ce qu'on dit , & ſes effers évidens. Avec une
feule roue & un pignon , l'Auteur a trouvé le
moyen de faire éxécuter le mouvement annuel
de la terre dans un orbite écliptiptique & douze
révolutions ſur ſon axe , qui donnent une idée
claire du mouvement diurne de cette planette
; tandis que les machines les plus récentes
n'exécutent avectrois roues que le mouvement
annuel , & dans un cercle.
k6
( 228 )
!
1
Outre cet avantage , la nouvelle machine en
offre un bien plus précieux encore , en ce que
la terre en conſervant le paralléliſme de ſon
axe , ne prend d'autre mouvement que les deux
qui exiftent dans la nature , au lieu que les machines
à trois roues , même les plus nouvelles ,
donnent à la terre un mouvement ſur elle-même
d'orient en occident abſolument contraire aux
idées reçues , defaut d'autant plus notable , qu'il
tend à donner aux jeunes gens une idée précifément
oppoſée au but qu'on ſe propoſe , qui
eft de leur apprendre que les deux mouvemens
de la terre annuel & diurne , s'exécutent dans
la nature d'occident en orient ; que de leur
combinaiſon réſultent les phénomènes du mouvement,
diurne de tous les aſtres d'orient en
occident , le mouvement annuel du ſoleil d'oc
cident , les faiſons , &c. &c .
Le modele qui avoit été mis ſous les yeux
de l'Académie exécute 365 révolutions diurnes
, tandis que la terre parcourt ſon orbite :
mais comme douze révolutions ſur l'axe ont
paru fuffifantes à l'Auteur pour rendre raiſon
des phénomènes , il en a fait exécuter de
pareilles , qu'on peut ſe procurer au College
d'Harcourt rue de la Harpe , pour le prix
de 48 liv.
Si quelques perſonnes defiroient en avoir ,
foit pour l'ornement des bibliotheques , ſoit
pour leur propre fatisfaction , qui exécutaſſent
les 365 révolutions diurnes , L'Auteur ſe feroit
un plaifir de les faire exécuter , & d'y faire
adapter un mouvement de pendule ſelon ſon
goût & le choix des perſonnes.
Le Parlement de Normandie vient d'homologuer
un établiſſement de charité , formé
dans la paroiſſe de Ș. Denis près d'Alen-
1
1
( 229 )
çon , depuis l'an 1767. Cet établiſſement
eft celui d'un Bureau d'aſſiſtance , chargé
de diftribuer des ſecours aux indigens. Plufieurs
Miniftres ont deſiré qu'on en formât
de pareils dans chaque paroiſſe. M. Colombet,
Curé de celle de S. Denis , nous adreſſe
à ce ſujet une lettre , dont voici la ſubſtance
:
Nous n'avons point de mendians ; on ne trouvera
point dans aucun des dépôts du Royaume
aucuns des habitans de St. Denis . Nous avons
preſque réuffi à bannir entiérement l'eſprit de
chicane. Nous n'avons point de fainéans . Je ne
crains pas de vous avancer que depuis plus de
trente ans que je fuis Curé , je n'ai rien négligé
pour inſpirer aux plus petits enfans le goût du
travail . Je fais moi-même les Catéchifmes & je
je répete ſouvent au Catéchiſme & au Prône que
que je fais tous les Dimanches , que je ſerois
bien fâché de recevoir à la premiere Communion
une fille qui ne fauroit ni coudre ni filer , & un
garçon qui n'iroit pas auffi- tôt travailler avec
fon pere. D'après ces principes , je reçois les
enfans de très-bonne heure pour la premiere
Communion. Je peux vous aſſurer qu'ils font
inſtruits & qu'ils ne connoiffent point le mal .
Je continue de donner des prix d'Agriculture
aux Cultivateurs de ma Paroiffe, La diftribution
s'en fait tous les ans , la ſeconde fêre de Pâques ,
ala fin d'un repas que je donne aux Commiflaires
, aux Experts , à tous ceux qui ont mérité
les prix , & aux principaux laboureurs .
Par l'art. 4 du réglement de ce Bureau
de charité , il est très - fagement défendu
d'aſſiſter nifainéans ni plaideurs .
L'Académie de Lyon a fait annoncer
( 230 )
dans ſa ſéance publique du 12 de ce mois ,
que le délai , accordé pour le concours du
prix , propoſé fur la direction des Aëroſtats ,
a encore donné lieu à l'admiſſion de pluſieurs
mémoires & d'un grand nombre de
fupplémens , & qu'après avoir entendu un
nouveau rapport de fes conimiſſaires , elle a
prononcé la clôture abfolue da concours ,
& arrêté qu'elle publieroit ſon jugement
définitif, fans aut e délai , dans la Séance
publique qu'elle doit tenir après la fête de
S. Louis prochaine , pour la diftribution
ordinaire des prix.
ROVINCES UNIES.
DE LA HAVE , le 25 Avril.
Le 17 de ce mois , M. le Comte de Maillebois
aſſiſta pour la premiere fois aux Exercices
de la Parade , à laquelle ſe trouverent
ani le Prince d'Orange , & un grand nombre
d'Orciers de la nouvelle Légion , qui
portera le nom du Général François. Ondit
que le Stathouder lui céde la maiſon de
Rifwick , pour y recevoir & pour y exercer
les Recrues du Corps qu'il va former.
M. Cornet , Envoyé extraordinaire de l'Electeur
Palatin , a été en conférence avec le
Preſident des Etats Généraux , à l'occaſion
d'un événement fort fingulier. On prétend
que le Baron de Monster , Gouverneur de
Grave , a inondé tous les environs de cette
place pour la rendre inattaquable. Sept villages
du comté de Ravenſtein appartenant
1
(231 )
à l'Electeur Palatin ont été fubmergés dans
cette bruſque opération , dont Wi. Cornet a
porté des plaintes légitimes.
M. Torniello , Réſident de Veniſe , a demandé
une réponſe déciſive ſur le mémoire
qu'il a remis à LL. HH. PP. au mois de
Décembre dernier , de la part de ſa République.
Il a accompagné cette demande
d'une nouvelle note affez myſtérieuſe po ur
le grand nombre de lecteurs , par laquelle il
repréſente que , depuis ſon premier mémoire,
il n'a été fait aucune propoſition du
côté de ſa République , ni de la part des
Etats Généraux , & où il s'éleve contre les
interprétations à double-fens qu'on pourroit
donner à de ſimples entretiens.
,
La Légion Françoire , propotée par M. le Comte
de Maillebois , fera compoſée de 16 comра-
gnies de Chaſſeurs à cheval , de 60hommes chacine
; de quatre compagnies de Chaſſeurs à pied ,
de 103 hommes chacune ; de ſeize compagnies
de Fufiliers , de 113 hommes chacune ; & d'une
compagnie d'Artillerie , de 120 hommes : faifant
en tout 3108 hommes. Pour l'érection de
cette Légion l'Etat fournira une ſomme de
514,904 florins. Elle ſera complette le 15 Septembre
prochain. Ala ſignature de la capitulation
, elle tirrera la demi-paie , & an 15 Septembre
, la paie entiere. Le Comte de Maillebois
ſe réſerve pour lui deux compagnies de chaque
corps. Elle fera miſe ſur le pied des Régimens
nationaux ; & dans le cas de réduction , les Officiers
jouiront d'une penfion proportionnée à leur
rang , juſqu'à ce qu'ils puiſſent être płacés ailleurs
convenablement.
( 232 ))
Le cinquieme bataillon de Waldeck , à la
folde de la République , a traverſé le pays
de Munſter pour ſe rendre en garnison à
Coeverder , d'après la demande de la Province
d'Overyilel .
Il eſt arrivé à Bréda deux bateaux chargés
de canons & de morriers , deſtinés à garnir
la ligne qu'on forme autour de cette place ,
où font a tendus plusieurs navires , avec des
munitions de toure eſpece .
Une lettre de l'Ecluſe en Flandre rend
compte en ces termes , de l'évaſion d'un parti
de déſerteurs autrichiens .
Le 6 de ce mois , vers les huit heures du foir ,
quatorze déſertears Autrichiens ſe ſont préſentés
à la barrriere du Kruiſchans : ayant commencé
par leur faire rendre leurs armes , on les a fait
entrer avec les précautions convenables , & mis
en lieu de sûreté . Le lendemain matin . il en eſt
eſt encore arrivé quinze autres du même complot,
tous du régiment du Prince de Ligne , ayant à
Jeur tête un déſerteur du régiment de la brigade
Ecoſſoiſe de Houſton , qui à ſon arrivée a dit,
que c'étoit la premiere occaſion qu'il avoit trouvée
de pouvoir revenir. Suivant leur rapport ,
ils étoient arrivés le premier de ce mois aux environs
de Lilte , & partis le même jour à 7 heudu
foir , au nombre de 25 ; ils avoient paſſé deux
gardes miliraires & deux gardes de payſans , qui
ont tiré tur eux , & auxquels ils répondirent pour
ſe ſauver ; ils penſoient que quatre d'entr'eux,
avoient été tués , que le Prince de Salms les
avoitpouraivis & qu'ils croyoient l'avoir vu
tomber de ton cheval , mais qu'ils ignorcient s'il
éton bleifé , & fi cette chute avoit été occaſionnée
,
1
1
1
( 233 )
para ou par celui des payſins ; ils ont apec
eux heit fufils & deux fabres . Ils ont
aduits par parties à Lillo , ed le Commandas,
ies a fait embarquer ſur un navire au fer-
`vice de LL. HH. PP. fous le commandement
d'un Officer , de deux Sergens , deux Caporaux-
& vingt Soldats , pour les mener au Capitaine
Haringman ,Commandant le vaiſſeau de guerre
Hollandois en ſtation près de Saftingen , pour
les engager ſur ſon Vaſſeau , s'ils vouloient
prendre ce parti , ou pour les faire embarquer
pour la Hollande , où ils doivent actuellement
étre arrivés .
Quelqu'apparente , & l'on peut ajouter ,
quelque décidée que foit la conſervation
de la paix, on confirme la formation d'un
camp entre Berg-op- zoom &Bois - le-Duc ,
poury exercer les Troupes .
Les affaires intérieures ſont de plus en
plus envenimées. On a répandu , il y a
quinze jours , pendant la nuit , un libelle
dans les rues d'Utrecht , ayant pour titre :
Avis au Peuple d'Utrecht ; la Princeſſe d'Orange
& la Régence d'Utrecht y étoient
ſpécialement traités comme l'on traite depuis
quelques années tout ce que l'Etat a de plus
reſpectable , dans des pamphlets, des harangues,
des feuilles périodiques. Le Magiftrat
d'Utrecht a promis une récompenſe de
1500 florins à quiconque découvrira l'Auteur
de cette production patriotique , &
1000 florins à qui en dénoncera l'Imprimeur.
Si dans l'origine on avoit eu la ſageſſe d'ufer
de cette ſévérité , on ne feroit pas réduit
à l'employer aujourd'hui très-inutilement.
( 234)
1
Les Etats de Gueldres , peu to ichés des
beaux difcours de quelques-uns de leurs
Membres , & des diſpoſitions de quelques
autres Provinces , viennent d'afficher le
ſchiſme te plus éclatant. Ils ont réſolu de refufer
toutes Requêtes tendantes à l'armement
du pays plat, à la réforme du Réglement de
Régence établi en 1750 , à l'ouverture de la
Caiſſe de la Généralité au sujet de l'acte de
confultation entre le Prince d'Orange & le
Duc de Brunswick ; ainſi que celles relatives
auplan dedéfense , & à la réſolution à prendre
contre le Seigneur Duc de Brunswick. En
conféquence on a expédié des ordres aux
Baillifs & aux Magiſtrats , de rechercher
tous ceux qui ont ſigné ces Requêtes , d'en
exiger les motifs ,&le compte des inſtigations
, promeſſes ou menaces qui les ont
produites. L'une de ces requêtes étoit ſignée
d'environ 4000 habitans. Cette méthode des
fignatures , profcrite même dans les démocraties
ſages , mettroit la conſtitution &
l'Etat à la merci du premier Citoyen qui ,
pour quelques écus & pour quelques bouteilles
de vin , détermineroit la multitude
à figner , s'il le falloit , ſa condamnation temporelle
& éternelle.
MM. Capelle de Marsch , Lynden de Oldenaller&
de Nyveldt , oppofans à la pluralité
des Membres de l'Etat , ont déclaré que ,
puiſqu'ils ne pouvoient emporter la caſſation
du Réglement de 1750 , ils ſe dégageojent
de l'obéiſſance : de maniere que ,
( 235 )
ſi leur avis prévaut jamais , leurs adverſaires
à leur tour pourront refuſer d'obéir à la nouvelle
loi . C'eſt une maniere commode de
reſpecter la Puiſſance législative .
PAYS - BAS.
DE BRUXELLES , le 26 Avril.
Selon quelques avis apocryphes du Haut-
Rhin , les Troupes du Roi de Pruffe tormeront
trois armées ſous le commandement
du Prince Royal , du Prince Henri & du
Duc régnant de Brunswick.
On a imprimé dans les Feuilles publiques
de Hollande , que LL. HH. PP. avoient
écrit au Roi de Pruſſe , au ſujet des rapports
attribués au Rhingrave de Salm , touchantle
complotcontre Mastricht , & qu'elles
avoient reçu une réponſe de S. M. dont
les mêmes Feuilles ont donné la Relation :
La Cour de Berlin a porté plaintes de ces afſertions
au Miniſtre de la République , &
M. de Thulmeïer , Enyoyé extraordinaire
de la même Cour à la Haye , a reçu ordre
de témoigner aux Etats-Généraux le mécontentement
de S. M. P. , compromiſe indécemment
par ces impoſtitres.
Les mêmes Gazettes de Holande , qui
avoient affirmé ſi peremptoirement la découverte
de lettres chiffrées du Ducde Brunfwick
, trouvées chez le Vice Grand-Maye ir
de Maſtricht , viennent de ſe rétracter de
( 236 )
cette calomnie , qui n'en avoit impoſé à
aucune perfonne judicieume. On ſe retranche
aujourd'hui à dire que piuſieurs des lettres
non chiffrées ont un fens qu'il n'est pas facile
de déterminer ; ce qui difpenfe te lecteur
de le déterminer lui même , en lui donnant
une idée juſte de linestimable avantage des
amphigouris .
Aticles divers tirés des Papiers anglois & autres .
On apprend de Beltz , dans la Moldavie , que
deux Turcs ayant pris querelle enſemble , &
lâché l'un fur l'autre leurs piſtolets , la garniſon
, composée de 700 hommes , prit tellement
l'épouvante au bruit de cette décharge , qu'elle
ſe mit a fair dans la forêt voiſine , croyant
avoir les Rufſes à ſes trouſſes . Nouvelle d'Alemagne
, nº. 59 .
-On affure que l'Impératrice de Ruſſie a derechef
écrit à l'Empereur que , dans le cas où
ſon différend avec la Hollande ne pourroit ſe
terminer que par la voie des armes , & lui occafionneroit
une rupture avec quelqu'autre Puifſance
, elte ſeule ſe préparoit à tenir tête à
la Porte , ſi celle - ci vouloit profiter des circonftances
pour attaquer quelques poſſeſſions de
S. M. I. Idem .
Quelqu'un parloit un jour au Duc de Brunf,
wick de l'inſolence d'un Gazetier à ſon égard,
& vouloit lui prouver qu'elle n'étoit pas tolérable
dans un pays police . Bon , dit dédaigneuſement
le Duc , ceux qui connoiffent ce Gazetier
ne le croiront pas ; ceux qui me connoiffent
, le croiront moins encore : de plus ,
c'eſt la poſtérité qui me jugera , & les feuilles ,
de cette Ecrivain n'y pafferont pas. Idem. Supplément.
!
( 237 )
Le 18 , M. Pitt a préſenté à la Chambre des
Communes ſon Bill de Réforme parlementaire ,
en l'accompagnant d'un di cours plein d'idées &
d'éloquence : malgré ſes efforts , le Bill a été rejetté
par une majorité de 74 voix : 248 membres
ayant voté contre , & 174 pour le Minifire.
MM. Powis , Fox , Burke , Lord North ont attaqué
le Bill défendu par MM. Duncombe , Wilberforce
, & par le Procureur-Général .
L'on apprend de la Jamaïque , que les Eſpagnols
ont fignifié au Major Lowrie , qui commande
ſur la cote des Moſquites , de ſe retirer
avec les troupes & les habitans au mois de Mars ,
fars quoi on l'en expulſeroit par la force. Le
Mejor Lowrie a fait tous les préparatifs de défenſe
, en demandant des ſecours au Gouverneur
de la Jamaïque , qui a fait embarquer 230 foldats
du ze. Régiment , ſous la conduite du Capitaine
Ingledon , & envoyé ſur la côte des Moſquites
des armes , des vaiſſeaux & des munitions.
GAZETTE ABRÉGÉE DES TRIBUNAUX.
PRÉSIDIAL DE LIMOGES.
Cause entre Antoine Chavigner , Marchand forain ,
& Lazare Richard & Sa femme , Aubergiftes au
bourg de Domnezal en Limosin. - Le dépofilaire
volontaire est responsable de ſa négligence,
&devient garant de la valeur de lachofe voléepar
Safaute.
Chavigner , Auvergnac d'origine , & Colporteur
par état , roule dans certains cantons du
Périgord & du Limofin , limitrophes de la ville
de Thiviers ; chaque année il retourne dans fon
pays vers la fin de Juin , & dépoſe ordinairement
ſes marchandiſes chez un Aubergiſte à Douma
( 238 )
zat ; deux malles fermant àclef, un ballot plein
de marchandises & le bât de ſon cheval . Chavigner
& la Servante de Richard monterent ces
marchandiſes dans undes greniers de la maifon.
Chavigner part , emporte les clefs de tes malles ,
ayant refuſe de te charger des clefs , & aſſuré
qu'elle ſavoitque les malles étoient pleines ; il
revient en Décembre ; à fon arrivée , la femme
Richard lui dit : vous favez où vous avez mis vos
effers, montez les chercher. Chavigner monte
au grenier , il netrouve qu'une deſes malles&
lebât de fon cheval. Il deſcend , il demande ce
qu'on a fait de l'autre malle & du ballot : les
Richard étonnés , montent au grenier avec Chavigner
, lui dirent que c'eſt ſa faute s'il a été volé
&qu'il auroit dû laiſſer ſes effets dans le cellier
qui ferme à clef. Chavigner répond que le cellier
eſt humide, qu'il fert de dépôt aux allans & venans,
& que ſes marchandises y auroient été
expoſées à la curiofité de tout le monde ; enfin
après nombre de propos , on demande à Chavigner
quelles marchandises contenoient la malle
&le ballot volés , il en donne l'état , & il les
évalue 1600 liv. Les Richard ne conteſtent pas
cette évaluation , & s'occupent à découvrir les
voleurs. On apprend que ſur la fin de Septembre
unnommé Deſchamps s'étoit rendu de Dournazat
à Thiviers , avec une malle & un ballot , qu'il
yavoit vendu beaucoup de marchandiſes. Les Ri.
chard engagent Chavigner d'aller avec eux à
Thiviers pour prendre des informations & reconnoître
les marchandises. Chavigner s'y rend ,
il reconnoît chez différens particuliert pluſieurs
de ſes articles : tout fait préſumer que Deschamps
les a volés ; mais les Richard qui doivent en ſupporter
la perte , parlent d'arrangement , enſuite
il neveulent remettre que la malle & le bat. Enfin
( 239 )
Chavigner ennuyé de propos inutiles , fait affigner
Richard & ſa femme en reftitution de deux
malles & du bât dans le même & ſemblable état
qu'il les avoit confiés à leur garde , le25 ou26
Juin précedent , finon qu'ils ſeroient condamnés
à lui payer une somme de 1600 liv. à laquelle il
déclare teſtreindre leur valeur , avec intérêts &
dépens . Richard& ſa femme conviennentdu dépót
, ne conteſtent point ſa valeur ; ils difent
qu'ils ne peuvent être garants du vol , qu'ils ſe
ſont chargés volontairement du dépôt. Ils offrent
de remettre la malle & le ballot qui reſtent , &
foutiennent Chavigner non- recevable dans la demande
de la malle & du ballot volé , parce qu'ils
ſuppoſent le droit de Chavigner couvert par la
recherche qu'il a faite avec eux du voleur. Ils
hatardent malicieusement de dire que Chavigner
étoit complice du voleur , qu'il lui avoit donné
la clef de la malie , & i's mettent en fait que
Chevigner avoit voulu abfolument monter ſes
effets dans le grenier , malgré les repréſentations
que l' i avoit fait la femme Richard que le grenier
ne fermoit pas à clef , & qu'elle ne vouloit
le charger du dépôt que dans le cas où il les
laifſeroit dans le cellier ; que Chavigner avoit
dit qu'il avoit intérêt de tenir ce dépôt ſecret ,
àcauſe de ſes créanciers , & qu'il lui importoit
de le cacher dans le grenier ; qu'il étoit convenu
de courir tous les riſques , & leur avoit promis
de ne pas les rendre garans. Ils demanderent
àprouver les faits. Chavigner repouffe ces
allégations , ſoutient que la preuve ne doit pas
enetre admiſe , néanmoins dans le cas où elle
ſeroit ordonnée , il offre de prouver de fon côté
qu'il demanda à placer les effets dans le grenier ,
parceque le cellier étoit trop humide ; qu'il repréſentaque
ſiſes effets reſtoient dans le cebier
( 240 )
ils ſeroient à la merci du premier venu ;
qu'il les monta dans le grenier , du con-
1entement & au vu & ſu de la femme Richard;
enfinil ſoutient qu'il n'a fait aucune convention
relative aux accidens , & rend plainte à
raiſon de l'imputation de complicité avec le voleur.
Le. 4 Mai , Appointement de contrariêté
ſur les faits articulés par les Parties. Chavigner
proteſte contre l'Appointement , & ne
fait ſa preuve que pour obéir à Juſtice. It ne réſulte
des enquêtes aucun indice de complicité
entre Chavigner & le voleur ; il eſt établi qu'il a
coutume de dépoſer ſes marchandiſes chez Richard
; qu'il n'a mis aucune conſtitution à ſon
dépôt ; que le cellier eſt humide. Les Richard ne
produiſent que des témoins iſolés & incertains
fur les faits par eux articulés , & des témoins
dignes de reproches , à cause de l'habitude
qu'ils ont de venir dans leur auberge. = Le 17
Juin 781 , Jugement définitif& contradictoire
de l'Ordinaire de Chalus , qui condamne Rchard&
fa femine , ſolidairement à payer à Chavigner
800 liv. pour la valeurdes effets volés ,
àla charge par lui de ſe purger , par ferment ,
qu'ils font réellement de cette valeur ; comme
auſſi , ſuivant leurs offres , à remettre la malle
&le bất qui ſont en leur pouvoir ; met hors
de Cour fur les autres fins & conclufions
des Parties , ſans préjudice à Richard & la
femme de ſe pourvoir contre le voleur ainfi
qu'ils aviſeront ; condamne leſdits Richard
aux trois quarts des dépens , l'autre quart
compenfé. = Appel par Richard & fa femme.
Le 6 Septembre 1783 , Sentence Préfidiale ,
portant qu'il a été bien jugé par l'Ordinaire de
Chalus , mal & fans griefs appellé ; condamne
Richard & la femme à l'amende & aux dépens .
3
d

( 240 )
1
ils ſeroient à la merci du premier venu ;
qu'il les monta dans le grenier , du con-
1entement & au vu & ſu de la femme Richard;
enfin il ſoutient qu'il n'a fait aucune convention
relative aux accidens , & rend plainte à
raiſon de l'imputation de complicité avec le voleur.
Le. 4 Mai , Appointement de contrariêté
ſur les faits articulés par les Parties. Chavigner
proteſte contre l'Appointement , & ne
fait ſa preuve que pour obéir à Juſtice. I ne réſulte
des enquêtes aucun indice de complicité
entre Chavigner & le voleur ; il eſt établi qu'il a
coutume de dépoſer ſes marchandiſes chez Richard
; qu'il n'a mis aucune conſtitution à ſon
dépôt ; que le cellier eſt humide. Les Richard ne
produiſent que des témoins iſolés & incertains
fur les faits par eux articulés , & des témoins
dignes de reproches , à cause de l'habitude
qu'ils ont de venir dans leur auberge. = Le 17
Juin 1781 , Jugement définitif & contradictoire
de l'Ordinaire de Chalus , qui condamne Rchard&
ſa femine , ſolidairement à payer à Chavigner
800 liv. pour la valeurdes effets volés ,
à lacharge par lui de ſe purger , par ferment ,
qu'ils font réellement de cette valeur ; comme
auſſi ſuivant leurs offres , à remettre la malle
&le bât qui ſont en leur pouvoir ; met hors
de Cour fur les autres fins & conclufions
des Parties ſans préjudice à Richard & fa
femme de ſe pourvoir contre le voleur ainfi
qu'ils aviſeront ; condamne leſdits Richard
aux trois quarts des dépens , l'autre quart
compenfé . = Appel par Richard& fa femme.
Le 6 Septembre 1783 , Sentence Préfidiale ,
portant qu'il a été bien jugé par l'Ordinaire de
Chalus , mal & fans griefs appellé ; cendamne
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le