→ Vous voyez ici les données brutes du contenu. Basculez vers l'affichage optimisé.
Nom du fichier
1783, 10, n. 40-43 (4, 11, 18, 25 octobre)
Taille
16.60 Mo
Format
Nombre de pages
419
Source
Année de téléchargement
Texte
Jer . 138.
MERCURE
DE FRANCE .
( N ° . 40. )
SAMED14 OCTOBRE 1783 .
A PAR I S.
JOURNAL DE LA LIBRAIRIE.
LIVRES NATIONAUX. & des arrêts , ou nouvelle édition
Breve auguftinianum , feu Ordu dictionnaire de Brillon , condivini
officii recitandi Miffam- nu fous le titrede Dictionnaire
que celebrandi , juxtà ritum bre- des arrêts & jurifprudence univerviarii
ac miffalis romani , pro felle des Parlemens de France &
auno biffextili 1784 , Pafchâ oc- autres Tribunaux , augmentée des
currente 1 Aprilis , juxtà epac- matières du droit naturel , du
tam gregorianam , & lectionem droit des gens, du droit public .
martyrologii. Huic , in quo finit, du droit médico-légal , &c. par
menulanatio detur ; 6 f. Parifiis, M. Proft de Royer,ancien Lieuapud
A. M. Lotrin , Biblio-Typo- tenant général de Police de Lyon:
graphum Regis & Urbis , via San- t . III , in 4° . On foufcrit à Paris ,
Jacobæâ , fub Signo galli. chez Periffe le jeune , Libr. rae du

Nouveau Commentaire fur Marché-neuf.
l'Ordonnance civile de 1667 ; par Differtation fur les brouillards
M. Dumont , Prévôt royal de fecs de la fin du mois de Juin &
Vimeu, Auteur du Style erimi- de Juillet 1783 ; par M. *** ; br.
nel in 12.3 liv. 12 fols. A Pa- in- 8 ° de 32 pag. 15 fols. A Pais
, cher C. P. Berton , Libr. rue ris , chez Guillot , Libr. rue dela
5. Pidor; & au Palais , chez Harpe.
Duruis , Libr Effais fur le récit , ou Entre-
Dictionnaire de jurisprudence tiens fur la manière de raconter s
par M. l'Abbé Berardier de Batut
: in- 12 . 3 1..12 fals.
Du même Auteur : Précis de
l'hiftoile univerfelle , avec des
Béflexions ; in 12, 3 ¡ìv. A Faris ,
shez Ch. P. Berton , Libr. rue S.
Victor.
Nora. Le même Libr. vient
acquérir,du fonds de M. Cloufer
& Leprieur , les deux livres
fuivans :
de l'Abbé Prévôt „ d Paris , chez.
Cuchet, Lib.rue & Kotel Serpente z
& chez les principaux, Libr. de
l'Europe.
La vie , les aventures & le
portrait de Marlborough , ſuivis
de quelques variétés & de tablettes
économiques , Almanach ,
pour l'année 1784 , relié en maroquin,
& fermé d'un ftyler pour
écrire : 4 liv. 10 f. A Paris , chez
Tractatus de Incarnatione Ver- Defnes , Libr. rue S. Jacques.
AVIS.
On trouve à Paris , chez Laporte,
Libr. rue des Noyers ,
les Sermons du Père Lejeune ,
dit l'Aveugle , de l'Oratoire , fun
les plus importantes matières de
ARRÊT S.
hi divini , autore Legrand , uno
Parifienfibus Theologis : 3 vol.
12. br. 7 1. 10 f.
Supplementum prima editionis
tractatus de IncarnationeVerbi
divini , autore Legrand , una
è Parifienfibus Theologis : in-12. | la morale chrétienne, à l'ufago,
br. Iliv. 10f. de ceux qui s'appliquent aux mif-
Leçons phyfico-géographiques, fions , & de ceux qui travaillent
l'ufage des jeunes gens cu- dans les Paroiffes : 10 vol. in- 12
Lieux de joindre aux connoiffan- br. 25 liv. & reliés 30 1.
ces géographiques ordinaires' ,
celles des points les plus intéref-
Arrêt de la Cour de Parle
fans de la phyfique du globe ter- ment, portant réglement pour
reftre, à l'ufage des maifons d'é- l'adminiftration des biens & reducation
; par M. l'Abbé Billy venus de lafabrique de la Parciffo
in- 8 °. sliv. Chezle même. de Notre Dame de la ville de
Le livre des enfans & des jeu- Mortagne ; extrait des regiftres
nes gens , on Idées générales & du Parlement, du 29 Acût 1783.
définitions des choles dont les A Paris , chez P. G. Simen & N
enfans doivent être inftruits: pe- H. Nyon, Impr-Libr, rue Migres
ait in-12 l. 10f. Chez le même. S. André- des-Arcs,
Principes généraux de jurifpru
dence fur les droits de chaffe &
de pêche, fuivant le droit commun
de la France , à l'ufage des
Seigneurs & de leurs Officiers ;
par M*** , Avocat en Farlem .
à Dun,en Argonne : petit in- 22.
liv. 10f. Chez le même,
Déclaration du Roi,
révocation de l'exemption du
portant
droit d'indemnité , accordée par
l'art. VIII de la Déclaration du
10 Mars 1776 , fur les acquifi
tions de terreins pour des cime-.
[ tières , & qui le convertit en
exemption de droit de lods &
Quvres choifies de le Sage , ventes , centième denier & amoravec
fig. feconde livraifon , con tiffement ; donnée à Verfailles.
tenant Gufman d'Alfarache : 2 le 10 Mars 1783 , registrée en
vol. in-8 le Bachelier de Sala- Parlement le 29 Août audit an..
manque, Lvol. in- 8°. & troifiè- A Paris , chez les mêmes.
me livraiſon , contenant Roland
Déclaration du Roi , portant.
Lamoureux , 2 vol. in s .; Efte- fuppreflion du titre de l'office de
vanille de Gonzalez, 1 vol . in- 8 °. Concierge-Buverier des requêtes ,
Onfoufcrit pour lefdites u- de l'Hôtel ; donnée à Verfailles .
res , conjointement avec celles le 23 Juillet 1783., regiſtrée en
Jer. 135.
MERCURE
DE FRANCE .
( No. 41. )
SAMEDI 11 OCTOBRE 1783 .
A PAR I S.
JOURNAL DE LA LIBRAIRIE
LIVRES NATIONAUX. 36 liv. franc de port par tout le
Royaume. Nouvel avis aux mères qui
veulent nourrir ;par M. C. On fouferit à Paris , chez Be-
Gaultier de Claubry , Chirurgien lin , Libr. rue S. Jacques , près
de S. A. R. Mgr le Comte d'Ar- S. Yves; & chez Brunet , Libr. rue
tois , Membre du Collège royal de Marivaux , place du Théâtre
de Chirurgie , & Accoucheur , Italien
fols.
&c. 1 vol. in 12. de 273 pages. I La Erebis entre deux Loups ,
A Paris , shy Auteur , rue de Comédie proverbe en un acte &
Grenelle S. Honoré, vis- à - vis l'hô- | en profe, repréſentée pour la pretel
des Fermes da Roi ; & chemière fois à Paris , fur le theatre
Lottin lejeune , Libr. rue Saint- des Variétés amufautes , le Sa-
Jacques.
medi 2 Août 1783 : 1 liv.
Petite Bibliothèque des théâ- A Paris , chez Cailleau , Libr.-
tres , contenant un recueil des Impr . rue Galande.
meilleures pieces du théâtre Fran
çois,tragique , comique, lyrique
& bouffon , depuis l'origine des
fpectacles jufqu'à nos jours
n°. I, in 18.
:
Changez moi cette tête , on
Luftucru au falon , Dialogue
entre le Duc de Marlborough ,
un Marquis françois & Luttucru:
br. de 42 pag. d'impreflion 18 f.
A Paris , chez Belin , Libr, rue S. Le prix de la fouſcription pour
Paris cit de 33 livres , & dej Jacques,
}
Collection complette du Journal
des Savans , depuis fon origine
, en 1665 , jufqu'à ce jour ,
avec des tables pour toutes les
années : 373 vol. in- 12. reliés uniformément
& tout neufs.'
Il eft difficile de former un
exemplaire auffi précieux que
celui-ci. Tous les volumes font
de l'édition de hollande , dans
laquelle fe trouve refondu le
Journal de Trévoux & les différens
Jonrnaux étrangers.
4
tome II , in- 8 , fervant de fuite
à l'édition faite à Paris en 1755
& -1769 , en 10 vol . même format
, même papier, même caractère
: br.4 liv.
Les perfonnes qui ont eu le
papier de hollande , en trouveront
un petit nombre d'exemplaires
au prix de 6 livres. Le
douzième & dernier volume pareîtra
au mois de Novembre pre
chain , & complettera l'édition
faite à Paris en 1755.
· en
Les même OEuvres inédites de
l'Abbé Pietro Metaftalio
Italien , tome VII , format petit
in -12 faifant fuite à l'édition de
Paris 1773 , en 6 vol. 3 liv.
Le huitième & dernier parof
tra auffi en Novembre prochain.
A Paris , chez Molini , Libr, rue
du Jardinet, quartier S. André-des-
Arcs.
Il n'y en a qu'un feul exemplaire
à vendre. A Paris , chez
Lamy , Libr. quai des Auguftins .
Examen de la physique du
monde de M. de Marivetz : br.
in 4 , de 26 pag . ornée d'une
planche. liv. fols. A Paris
chez F. F. Didot le jeune , Libr.-
Impr . quai des Auguftins ; & chez
Les Libr. qui vendent les nouveautés.
Géographie comparée, ou Ana- Manuel des rentes, ou Tableau
lyfe de la géographie ancienne & général de la diftribution actuelle
moderne des peuples de tous les des rentes de l'Hôtel- de - Ville de
pays & de tous les âges , accom- Paris , & autres ; par M. Maſſac,
pagnée de tableaux analytiques Ecuyer : nouvelle édit . revue
& d'un grand nombre de cartes , corrigée & augm . in-8 °. br. 4 liv,
les unes comparatives de l'étatan- 10 fois. A Paris , chez l'Auteur ,
cien & de l'état actuel des pays ; rue des Noyers, nº. 13.
les autres plus détaillées, & re- Mémoire fur la vertu répulfive
préfentant ces pays dans leur état du feu , confidérée comme agent
ancien , ou dans leur état mo- principal de la nature , & appli
derne ; par M. Mentelle , Hifcation de ce principe à la formatoriographe
de Mgr le Comte tion des vapeurs , à leur éléva
d'Artois , Penfionnaire du Roi , tion , & à quelques- uns des prindédiée
à Mad . la Comefe de cipaux phénomènes qui en reful-
Genlis feptième livraifon , Ef tent ; par M. D. M. br. de sop.
pagne moderne ; pour les Souf d'imprefion. 12 fols. A Paris ,
cripteurs 7 liv. 4 fols : & pour chez Quillau , Libr . rue Chriftine ,
les perfonnes qui n'ont pas foufcrit:
8 liv. 10 fols. A Paris , chez
l'Auteur, à l'Hôtel de Mayence,
rue de Scine fauxh . 8. Germain ;
Nyon l'atné , Libr. rue du Jardi.
net ; & Nyonjeune, Libr . quai des
Quatre- Nations.
:
Le Mouton , le Canard & la
Cog , Fable dialoguée ; par M.
C *** : br. in- 12 . de 32 pag. 12 f.
A Paris , chez Hardouin , Libr.
rue des Préares , cloître S. Ger
main -l'Auxerrois,
Les Ombres anciennes & mo-
Le Opere inedite dell' Abate dernes , ou les Champs Elyféos ,
Pietro Metafiafio il teme II, in- Comédie-épifedique en un acte
8. Les OEuvres inédites de l'Ab- & en vers , par M. *** ¿ reprébé
Pierre Metaftafio , en italien , ' fentée pour la première fois
Yer : 135 .
RS
MERCURE
DE FRANCE .
(
No.
42. )
SAMEDI 18 OCTOBRE 1783.
A PARIS.
JOURNAL DE LA LIBRAIRIE
LIVRES NATIONAUX. Durand neveu , Libr. rue Ca'en-
L'Ami des enfans, par M. Ber- de ; & chez Efpri :, Libr. au Paquin
, vol . de Sept. 1783 , No. 9. lais royal.
Ón fouferit à Paris, au Bureau
du Journal , rue de l'Univerfité ,
au coin de celle du Bacq , N° . 28 .
S'adreffer à M. le Prince , Direct
La fonfcription eft de 13 liv.
4f. pour Paris , & de 16 liv. 4 fols
pour la Province .
Eavres de Plutarque , traduites
du grec par Jacques Amyot :
tome il des vies des hommes
illuftres : in - 8 °. & in - 4º.
Qa fouferit à Paris , chez
Bastien , Libr. & Editeur , rve S.
Hyacinthe , la porte- cochère à
droite en entrant par la place S.
Michel.
vres complettes de M. l'Ab
bé Métakafe , dédiées à la Reine :
12 volumes , enrichis de trente- Phytonomototechrie univerfept
gravure & du portrait de felle , c'eft- à- dire , l'Art de don-
P'Auteur: i 4 ° . pap de Hollan- ner aux plantes des noms tirés
de , 14 louis in - 8° . fur papier de leurs caractères ; propofé par
grand raifio , liv. & fol- jufqu'à foufcription par M. Bergeret :
la fin de Décembreprochain ; au cinq ie de cahier, On Cubit
dela de ce terme , le prix ferade à Paris , chez l'Auteur, vod’AA
132 liv. A Paris , chez M. Martin ; Dilot jeune , La Imar,
tini , Graveur , rue de So bo me ; quai des Anglus ; & Py
Molini , Libr. rue du Jardinct; ¡ Graveur , cubre S. Hoové
AVIS.
On trouve chez Dehanfy , Lib .
pont au Change à Paris , les livres
fuivans , provenans du fonds
de M. Lottin l'aîné.
Meffe grecque , notée , qui fe
chante en l'Abbaye de S. Denis ,
le 16 Octob.e , avec la Meffe latine
qu'on chante le jour de la
fête , & dans l'octave : in- 12 , br .
I liv fols. 4
I
La méine , avec la prononciation
exprimée en caractères vulgaires
in 12. br. 1 liv. 4 fols .
Sentimens de piété pour chaque
jour du mois , ou Journée
Chrétienne : in- 24. Is f
Les mêmes : in- 18 1 liv.
Arrêt dn Confeil d'Etat du
Roi , du 4 Octobre 178;, qui
ordonne l'ouverture d'un emprunt
de 24 millions , en deniers
comptans & en billets de
la caiffe d'efcompte. A Paris ,
de l'Impr. Royale.
Déclaration du Roi , donnée
à Verfailles le 25 Juillet 1783 ,
registrée en la Cour des Monnoies
le 3 Septembre audit an ,
concernant la répartition des épices
& émolumens entre les Ciénéraux
provinciaux fubfidiaires
& les Juges - Gardes des Monnoies
. De Impr. Royale.
du Procureur du Roi , en PAmirauté
de Vannes , pour refider
à l'Orient , avec fixation du
diftrict de ladite Amirauté. De
l'Impr. Royale
Lettres-Patentes du Roi, données
à Versailles le 11 Janvier
ARRET S. 1783 , regiftrées au Parlement de
Arrêt du Confeil d'Etat du Rennes , le 21 Juin audit an ,
Roi , du 10 Août 1783 , qui or - portant création d'un Subftitut
donne que les enfans qui auront
appris un métier dans l'hôpital
de la Trinite , feront reçus dans
les Communautés d'Arts & Mé
tiers de la ville de Paris , en
payant feulement moitié des
droits fixés par l'Edit d'Août
1776. A Paris, de l'Impr. Royale.
Arrêt du Confeil d'Etat du
Roi , du 13 Août 1783 , qui impofe
un droit uniforme de dix
pour cent de la valeur , fur les
treffes , rubans & cordons de
laine & de fil de chèvre venant
de l'étranger , & fixe leur valeur
600 liv. le quintal. A Paris ,
de impr. Rovale.
Arrêt du Confeil d'Etat du
Roi , du 27 Septembre 1783 ,
concernant la caiffe d'efcompte.
A Paris , de l'Impr. Royale.
Arrêt du Confeil d'État du
Roi , du 30 Septembre 1783
concernant le transport des efpèces
d'or & d'argent. A Paris ,
del Impr. Royale.
Arrêt de la Cour de Parlement
, portant réglement pour
l'adminiftration des biens & res
venus de la fabrique de la paroiffe
de Mezy près Meulan ; extrait
des regiftres du Farlement , du
vingt- neuf Août 1783. A Paris
, chez P. G. Simon & N. H.
Nyon , Libr.- Impr. rue Mignon S.
André-des Arcs .
Arrêt de la Cour de Parlement
, portant réglement pour
l'adminiftration de la fabrique &
des revenus de la charité de la
Paroiffe de Neuville aux- leges ;
extrait des regiftres du Parle
ment , da 5 Septembre 1783 .
A Paris , chez les mêmes.
Arrêt de la Cour du. Parlement
, qui homologue use Or
donnance du Siege de la Poli-
Arrêt du Confeil d'Etat duce de la ville de Tours , concer-
Roi , du 4 Octobre 1783 , con nant les ouvriers garçons &
cernant les paiemens de la caifle compagnons des différens états ,
d'efcompte. Paris , de l'Impr. arts , manufactures & metiers ,
en communauté ou non en com-
Royale.
MERCURE
DE FRANCE .
( No. 43. )
SAMEDI 25 OCTOBRE 1783 .
A PAR I S.
JOURNAL DE LA LIBRAIRIE
LIVRES NATIONAUX.
Les Après-Toupers de la fociété
, petic Théâtre lyrique & moral
fur les aventures du jour :
dix neuvième cahier , tome
VA Paris chez l'Auteur ,
rue des Bons- Enfans , la porte
cochère vis-à vis la cour des Fon
taines , au Palais Royal.
Cérémonies, & coutumes religieufes
de tous les peuples du
monde : douzième livrai 101 .
L'ouvrage entier ſera compoſé
de 1 livraifons in-fol. qu'on
pourra faire relier en 4 volumes.
Nota. On prie MM les Sout
cripteurs de faire retirer les livraifons
à far & à meture qu'elles fe
diftribuent ; le Libraire ne pro
set pas de completier ceux qui
auront négligé de les retirer.
La quinzième livraiſon , qui
terminera l'ouvrage , paroîtra en
Décembre prochain.
On peut s'adreffer encore pour
cet ouvrage , dont il ne refte
que très peu d'exemplaires , d
Paris , chez Laporte , "Libr. rue
des Novers.
N. B. On prévient que paffé le
1 Déc. prochain , les exemplaires
qui resteront de cet ouvrage , fe
paieront 12 liv. le cahier ; ce qui
fait 180 liv. pour tout l'ouvrage
entier , au lieu de So liv.
Le petit Chanfonnier François:
tome III , in-8 ° . br. 3 liv.
Les trois vol. in-8 . br . 9 liv.
Le fecond volume fe vend féparément
3 liv. A Paris , chez la
veuve Duchefne , Libr. rue Saint-
Jacques.
Chimène & Rodrigue , ou le
Cid , Opéra en trois actes ; par
8
M. de Rochefort , de l'Acadé- ¡ & de quelques autres prières ,
mie Royale des Infcriptions &
Belles Lettres : in- 8° . br. 11.4f.
A Paris , chez Lambert & Beaudouin,
Imp. -Lib rue de la Harpe.
Choix des meilleurs médicamens
pour les maladies les plus
défefperées , recueillis par M.
Buc'hoz , Méd. deMONSIEUR,
&c. 1 vol. in- 12. A Paris , chez
l'Auteur, rue de la Harpe.
Confidérations fur le globe
aéroftatique ; par M. D ***
broch. de 16 p. d'impr. avec fig.
12 fols. A Paris , chez Lejay,
Lib. rue neuve des Petits Champs,
près celle de Richelieu
Effais fur la vie & fur les ta
bleaux du Pouffin : in-8°. de 38
pages. A Paris , cheq le même.
Supplément à la première par
tie du catalogue des livres de la
bibliothèque de feu M. le Duc
de la Valière , dont la vente fe
fera ,fans autre délai , le 12 Janvier
1784. in- 8° . de 100 pag. A
Paris , chez G. Debure alné, Lib.
quai des Auguftins.
On délivrera ce Supplément
gratis à ceux qui repréfenteront
le premier volume du catalogue,
ou enverront la moitié de la
reconnoiffance pour les prix imprimés
, qui ſe trouve à la tête de
Ce premier volum.
AVIS.
Livres nouvellement acquis
par Mérigot le jeune , Libr . quai
des Auguftins , au coin de la rue
Pavée.
1. Lettres d'un ferviteur de
Dieu , contenant une courte inftruction
pour tendre sûrement à
la perfection chrétienne : in- 12 ,
rel. I liv.
2. Les Stations de Jérufalem &
du Calvaire , pour fervir d'entretiens
fur la paffion de Notre-Seigneur
Jéfns-Christ ; par M. Farvilliers:
nouv. édit. augm. de
l'ordinaire de la Meffe, d'un exercice
pour l'entendre dévotement ,
ornée de dix - huit fig. in- 12. rel.
1 liv. 10 fols.
3. Les Exercices fpirituels de S.
Ignace , traduits en François par
M. Clément : in- 12. rel. al. 10f.
4. Conduite chrétienne , tirée
de l'écriture-fainte & des pères de
l'églife, touchant la confeffion &
la fainte communion : nouv. édition
augmentée des exercices de
l'âme pénitente ; dédiée à Mame
la Chancelière : petit in- 12.
rel. 1 liv . 4 fols.
5. Catéchisme pratique : in- 12.
br . 12 fols.
On trouve à Paris , au Cabinet
littéraire , quai des Auguftins
près la rue Dauphine , les livres
fuivans :
Etat général du commerce de
l'Europe,avec les noms des principaux
Négocians : 1783 , i vol
in- 8° . br. 4 liv. rel . s liv.
Etat des Cours de l'Europe ,
contenant les noms de tous es
Gens en place , Miniftres , AN
baffadeurs connus , &c. 1783 ,
vol . in -8°. br. 4 liv.
Tableau du commerce des Européens
en Afié & en Afrique :
1783 , 2 vol. in- 12. br. 41 4fols.
Traité général du commerce
d'Amérique , de fes productions ,
échanges , & de ceux des cotes
d'Afrique , avec les édits, déclarations
, & des cartes géogra
phiques ; par un ancien Receveur
des Fermes du Roi : 1783 ,
2 vol. in 4°. 30 liv.
Exercice des Commerçans
avec tout ce qui a rapport à l'inftraction
fur les ordonnances de
commerce , les chambres confu
laires, les billets , les banqueroutes,
& c. 1 vol . in-4° . rel. 8 liv.
Traité des affurances & des
contrats à la groffe ; par M.
Emérigon : 1783 , 2 vol in-4°.
br. 24 liv.
GRAVURES.
Premier Age de l'Amour , &
MERCURE
2 .
DE FRANCE
DÉDIÉ AU ROI,
PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES ,
CONTEN AN T
Le Journal Politique des principaux événemens de
toutes les Cours; les Pièces fugitives nouvelles en
Annonce & Analyse des
1
vers &e
en profe ;
Ouvrages nouveaux ;
les Inventions & Découvertes
dans les Sciences & les Arts ; les SpeЯacles ,
les Caufes célèbres ; les Académies de Paris & des
Provinces ; la Notice des Edits , Arrêts ; les Avis
particuliers , &c. &c.
SAMEDI 4 OCTOBRE 1783 .
A PARIS
Chez PANCKOUCKE , Hôtel de Thou ;
rue des Poitevins .
Avec Approbation & Breves du Roi.
TABLE
Du mois de Septembre 1783 .
PIÈCES
FUGITIVES .
3 Le Diable , Conte ,
Couplers à M. Grignon ,
Le Souperfentimental , Conte ,
4
5
Le Public & le Globe Terreftre
, Dialogue ,
L'Abfence ,
Le bon Confeil,
A un Novice au
de ***
69
Table Chronologique des Diplômes
, &c.
Examen de la Queftion : Siles
Infcriptions des Monumens
publics doivent être en lan
gue Nationale?
Fontenellejugé parfes Pairs ,
73
49
116 50
52 Les Géorgiques de Virgile , en
Couvent vers François , 151
ib.
" 97
98
A Mme de Bourdic ,
A Mile Simonet ,
Epitaphe de Diane , Chienne
de Chaffe , $9
Vers à Mlle de Gaudin , 100
Lettre de M. de la Harpe au
Rédacteur du Mercure, IOI
170 L'Ifle Inconnue ,
Phyfique du Monde , 175
Choix de Pièces du Théâtre
François , chef d'Euvres de
Dancourt
Nécrologie ,
Académie Françoise ,
SPECTACLES.
A Mme la Princeffe de Cra- , Concert Spirituel ,
covie ,
A Mlle de Saint P ** ,
Vers & Rofe ,
145 Acad. R. de Mufiq.
146 Comédie Françoife ,
147 Comédie Italienne ,
Le moment de la Recette , ibid.
180
182
25
135
30,89
40
136
SCIENCES ET ARTS.
L'Automne & le Printemps , Expofition des Peintures , &c.
Fable ,
Charades , Enigmes & Logogryphes
, 15 , 54 › 114 ,
150
S.
149 de MM. de l'Académie
Royale, en 1783 , 122 , 186
VARI É T
Réponse de M. Garat àla Lettre
inférée dans le Mercure
No. 35 ,
Annonces & Notices , 45 , 91 ,
NOUVELLES LITTER.
L'Iliade & l'Odyffée d'Homère
,
17
Vie de Michel-Ange Buonar
roti ,
561
78
142 , 187
A Paris de l'Imprimerie de M. LAMBERT & F. J.
BAUDOUIN , rue de la Harpe , près S. Côme.
BIBLIOTHECA
REGLA
MONACE XIOTS
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 4
4 OCTOBRE
1783 .
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
VERS faits pendant mon féjour à Anet.
VALLON délicieux , afyle du repos ,
Bocages toujours verds , où l'onde la plus pure
Roule paisiblement fes flots ,
Et vient mêler fon doux murmure .
Aux tendres concerts des oifeaux , -
Que mon coeur eft éma de vos beautés champêtres !
J'aime à me rappeler , fous ces rians berceaux ,
Qu'en tout temps Anet eut pour Maîtres
Ou des Belles ou des Héros .
Henri bâtit ces murs , monument de tendreffe ;
Ily grava par-tout le nom de fa Maitrefie ,
Chaque pierre offie encor des croifans , des carquois ,
Et nous dit que Diane ici donna des loix.
Vendôme , couronné des mains de la Victoire ,
A ij
MERCURE
Sous ces antiques peupliers
A long - temps repofé fa gloire ;
Et lorfque de Philippe il guidoit les Guerriers,
Qu'il faifoit fuir l'Anglois & foumettoit l'Ibère ,
Accablé fous le poids des grandeurs , des lauriers ,
Vendôme , feul foutien d'une Cour étrangère ,
A regretté d'Anet le vallon folitaire .
Enfin , de ce beau lieu Penthièvre eft poffeffeur :
Avec lui la bonté , la douce bienfaifance
Dans le palais d'Anet habitent en filence ;
Les vains plaifirs ont fui , mais non pas le bonheur.
Bourbon n'invite point les folâtres Bergères
A s'affembler fous les ormeaux ,
Il ne fe mêle point à leurs danfes légères ,
Mais il leur donne des troupeaux.
Maîtreffe dans l'art de féduire ,
Diane l'apprit dans ces lieux.:
Vendôme y méditoit l'art cruel de détruire :
Penthièvre exerce l'art de faire des heureux.
Que ton orgueil fur ces titres fe fonde ;
D'avoir changé de Maître , Anet , te plaindrois-tu ?
Toi fun ! tu poflédas tous les biens de ce monde ,
L'Amour, la Gloire & la Vertu.
(Par M. le Chevalier de Florian. )
DE FRANCE.
S
A M. DUPRÉ DE SAINT - MAUR ,
Intendant de Bordeaux.
Vous tenez dans vos mains la balance & la lyre ,
Et vous favez tout-à-la-fois ,
Par de favans Écrits, & par de fages Loix ,
Nous rendre heureux & nous inftruire .
( Par M. Latour de la Montagne. )
INVITATION à dîner à ALBINE ,
Chienne de Madame AD ****.
LORSQU'HIER ORSQU'HIER la jeune Dorine
Vint embellir mon horiſon ,
Quoi , fans pitié , ma pauvre Albine
On t'a laiſſée à la maiſon ? '
Du mal de la quitter je fais la violence ,
Le vuide , le néant qui fuivent fes adieux ;
"
Et je fens ta même fouffrance
Lorfque le voile de l'abfence
M'ôre la clarté de fes yeux.
AH ! quelle rigueur inhumaine !
Nous féparer dans un commun bonheur!
En le goûtant j'ai mieux fenti ta peine ,
J'entendois ton cri dans mon coeur ,
Je crois l'entendre encor ce doux cri qui l'appelle;
A iij
6 MERCURE
Je te vois t'agiter , courir , gémir , errer ,
Sur fa trace la refpirer.
Je te vois te faifir de ce qui refte d'elle ;
De ce qui la toucha la moindre baga : elle
Aux lieux qu'elle a quittés tient fa place à tes yeux.,
Albine , c'eft ainfi que nous trompons tous deux
Les maux d'une abfence cruelle.
Mon bonheur ne tint plus fouvent qu'à des cheveux
Que m'abandonna l'infidelle
En revolant à d'autres noeuds.
Sur les voiles épars long-temps ton choix héfite ,
Ta vas , tu viens , tu fens pour te chercher un gîte
Où calmer les maux de ton coeur.
C'eft fur les jupons qu'il palpite
Avec un peu moins de douleur.
Tu crois de fon giron refpirer la chaleur.
La voilà de retour. Va tourner autour d'elle ,
Baife fes jolis piés , pleure , gémis , obtien
De la fuivre chez moi . Que ta voix lui rappelle
L'inftant de m'abréger une abfence cruelle.
Ah ! viens , tout mon bonheur s'augmentera du tien.
Dieux ! comme un coeur fenfible abonde quand il aime!
Sur les moindres objets que je goûte un doux bien
A rejeter l'excès qui furcharge le mien !
Que dis-je , Albine , quel blafphême !
Eft-il rien que l'Amour n'élève au rang fuprême !
Le Chien d'une maîtreffe eft -il encor un Chien ?
C'eft un ami . Pour le traiter de même ,
DE FRANCE. 7
Albine , on n'épargnera rien.
Sur des carreaux couverts de deux nappes bien nettes ,
Je te ferai fervir demain ,
Dans le crystal brillant tu boiras de ma main ;
Et je t'invite à des gimblettes .
( Par M. le Baron de T ***.)
Explication de l'Enigme & du Logogryphe
du Mercure précédent.
LE mot de l'Enigme eft Gravier , ( fable )
& Gravier de Vergennes ; celui du Logogryphe
eft Amer , où l'on trouve âme , arme ,
rame , mer , mare.
CHARA D E.
JE fois fleur , & ma tête , ami , vit de ina queue .
( Par M. *** , de Beaumont le Vicomte. )
ENIG ME.
SANS que je fois un arbriſſeau ,
Deux branches forment tout mon être.
L'art fait de ma tête un fourneau
Où le feu meurt au lieu de naître .
Cependant mon premier devoir
Eft de l'entretenir fans ceffe ;
A iv
8 MERCURE
Vefta ne pouvoit pas avoir
De plus vigilante Prêtreffe.
Sur ma voiline en certain cas
J'opère une cure nouvelle ;
En lui mettant le chef en bas ,
Je la rends plus vive & plus belle.
On ne me voit guère à la Cour ;
Mais il eft rare en récompenfe
Que j'aille établir mon féjour
Sous l'humble toit de l'indigence.
Enfin , pour parler fans détour ,
De la nuit , compagne fidelle ,
Je ne fais rien pendant le jour ,
Mais je travaille à la chandelle.
( Par M. Bl... , d'Arras )
LOGOGRYPHE A GRÉGOIRE.
UNE cuifine eft mon pofte ordinaire .
Accepte , ami Grégoire , un paffable repas .
Je t'attends fur dix pieds . Pour épicer les plats
J'aurai recours à ma Mercière .
Une raie , un ramier feront mes premiers mets ,
Je donnerai ma crême après .
Si tu n'as plus de dents , je t'offre de la mie ;
Le vin me manque , hélas ! je n'ai que de la lie.
Tu me diras peut - être : « ô tu n'as point de vin !
» Comment puis -je manger fans boire ?
DE
9
FRANCE.

» Ami , tu connois peu Grégoire ; :
ככ
» Garde pour ta Mercière un repas fi mefquin . »
( Par M. Bouvet , à Gifors. )
NOUVELLES LITTÉRAIRES .
ERREURS Populaires fur la Médecine ,
Ouvrage composé pour l'inftruction de ceux
qui ne profeffent pas cette Science , avec
l'explication des termes de l'Art dont on
n'a pas pu fe difpenfer de fe fervir , par
M. d'Iharce , Écuyer , Docteur en Médecine
, & Médecin Breveté du Roi . A Paris ,
chez l'Auteur , rue de Viarmes , No. 5 ,
ou rue S. Jacques , au Collège Dupleffis ;
& chez Méquignon l'aîné , Libraire , rue
des Cordeliers.
C'EST depuis que les Sciences ont abandonné
le langage mystérieux dans lequel
elles s'enveloppoient , qu'elles ont fait les
plus grands progrès. La Médecine , fur- tout ,
paroît avoir beaucoup gagné à devenir populaire
& à parler les langues vivantes. Quelques
Médecins , il eft vrai , ont condamné
ceux de leurs Confrères qui font fortis de
leur Gree & de leur Latin pour fe faire entendre
de tout le monde , & pour s'entendre
eux-mêmes ; ils ont feint de penfer qu'il
étoit dangereux de mettre la Médecine à la
A v
10 MERCURE
portée de tout le monde , parce que de mauvais
efprits & le peuple peuvent en abufer.
Cette crainte eft bien mal fondée , le peuple
fe fait une Médecine quand il ne connoît
point la vraic ; il adopte celle des Charlatans
& des vieilles femmes . Quel bien n'a
point produit l'Avis au Peuplefurfa fanté,
de M. Tillot ! des Decteurs en Medecine
lui en ont fait prefqu'un crime ; tout le
monde , difent ils , fe croit Médecin avec ce
Livre ; on le traite foi même , & on fe tue ,
on veut traiter les autres , & on les affaffine ;
mais ces Docteurs font , je crois , dans une
erreur très grande.; Il y a toujours un certain
nombre de perfonnes qui , fans avoir
rien lû , ont la fureur de faire la Medecine ,
& ce Livre ne fert qu'à rendre leur manié
moins dangereuſe . Il a éclairé la charité , fou
vent funefte de ceux qui foignent & veillent
les malades . Il a appris la Médecine aux
Chirurgiens qui la pratiquent dans les campagnes
fans l'avoir jamais étudiée ; les Médecins
eux- mêmes y trouvent , dans un ordre
clair & facile , des principes qu'ils ont
fouvent mal compris dans les Écoles ; il eft
poffible d'avoir reçu le bonnet de Docteur ,
& de ne pas avoir encore une auffi bonne
tête que celle qui a écrit l'Avis au Peuple
furfa fanté. Nous fonames perfuadés que ce
Livre de M. Tiffor a beaucoup diminué les
erreurs populaires fur la Médecine.
Plufieurs Médecins ont écrit fur les erreurs
populaires ; mais leurs Ouvrages , qui porDE
FRANCE. II
tent le même titre , n'ont guère d'ailleurs,
d'autre reffemblance. Le premier , qui parut
dans le fixième fiècle , eft celui de Laurent
Joubert , Médecin du Roi. Il eut dans
le temps un prodigieux fuccès , & mérite
d'être eftimé encore. Joubert étoit un de ces
hommes dont le fens droit faifit toujours ce
qu'il y a de plus vrai & de plus vraiſemblable
dans les connoiffances du fiècle où ils
vivent ; mais les queftions qu'il traite , dans
fa naïveté un peu gauloife , nous paroî
troient aujourd'hui plus gaies qu'importantes.
Nous pouvons êrre tentés de rire lorfqu'il
examine comment fe doit entendre qu'une
heure pius tôt ou plus tard on engendre fils
ou fille ; il eft difficile de garder le férieux
lorfqu'il difcute gravement fi cela fait à la
délivrance que lafemme étant en travail dife
trois fois , en remuantfort víte le pouce :j'ai
froid, j'ai chaud. Le bon Laurent Jonbert
traite beaucoup d'autres queſtions du même
genre , & les détails font quelquefois fi
naïfs , qu'en lifant un Traité de Medecine ,
on croit lire un Conte de la Reine de
Navarre.
Primerofe , Médecin de Bordeaux , donna
plufieurs années après un Ouvrage en latin ,
fous le même titre : ( De vulgi erroribus in
Medicina. ) L'Art depuis Joubert avoit fair
des progrès , & Primerofe avoit plus de génie.
L'Ouvrage eft plus court & plus com
plot ; en combattant les erreurs du vulgaire ,
l'Auteur établit les principes les plus certains
A vj
12 MERCURE
-
de la Science. Il penfe avec vigueur , & s'exprime
avec une précifion très- claire. C'étoit
un homme de la trempe des Hippocrate , des
Boerrhaave , des Duffault , des Bordeu. Zacutus
Lufitanus vouloit que le Livre de
Vulgi erroribus , fut toujours dans les mains
des Médecins. Mais Primerofe a paru trop
tôt pour déployer tout fon génie . On peut ,
par une feule citation , prouver combien , de
fon temps, l'Art de la Médecine étoit encore
dans fon enfance ; il confacre tout un Chapitre
à démontrer contre l'autorité même de
plufieurs Médecins que les fièvres tierces ne
font pas incurables.
Thomas Brown a écrit auffi un Effai en
deux Volumes fur les Erreurs Populaires ;
mais cet Ouvrage d'un Médecin n'eft pas un
Livre de Médecine ; Brown relève en Métaphyfieien
les erreurs de la morale , de l'hiftoire,
de la phyfique. Ce qu'il y a de curieux,
c'eft que l'Auteur , qui connoît à merveille
toutes les folies de l'entendement humain ,
croit lui -même aux forciers, aux revenans ; on
croit être aux Petites Maifons , & entendre cet.
homme , qui , après avoir fait promener un
étranger dans toutes les loges, après lui avoir
expliqué avec beaucoup de raifon & de fens
le genre de démence & de délire de chaque
fou , finit par lui dire : Voyez- vous celui - ci ?
c'est le plus étrange de tous ; ilfe croit Jéfus-
Chrift; & moi qui fuis le Père Éternel , je
fais bien qu'il n'eft pas monfils.
Il y a quelques années que M. de Brainville,
1
DE FRANCE. 13
Médecin Hollandois , publia un Volume.
fous le même titre. A la chaleur du ftyle ,
on croit reconnoître un jeune homme qui
rend compte de fes études plutôt que des
réfultats de fon expérience . C'eft l'Ouvrage
d'un Philofophe & d'un homme de bien ,
qui a vu que la bonne morale étoit la meilleure
des Hygiènes ; mais fi on le confidère
relativement aux lumières que le Public doit,
attendre d'un Médecin , on peut le trouver
incomplet & infuffifant ; c'eft plutôt un bon
plan qu'un bon Ouvrage.
Enfin, il y a près d'un demi fiècle que parut
en Angleterre , fous un autre titre , mais fur
le même fujet , fur l'Hygiène , un Ouvrage
qui fit beaucoup de bruit parmi les Médecins
& parmi les gens du monde , un Effai
fur la nature & fur le choix des alimens. Cet
Ouvrage eft du Docteur Arbuthnot , homme
de Lettres aimable , & grand Médecin ,
qui travailloit au Spectateur avec Addiffon ,
& vouloit créer une Médecine fondée toute
entière fur fes propres obfervations. Ceux,
même qui ne le connoiffent point par fes
Écrits , le connoiffent par l'excellente Épître
que lui adreffa Pope. On le nommoit à Londres
le Machaon du nouvel Homère. Pope
avoit coutume de dire , c'eft Arbuthnot qui
me fait vivre , fentir & penfer ; s'il y a quelque
verve & quelque bon fens dans mes
vers , je dois à mon ami Arbuthnot mon
génie & ma gloire , & mes Lecteurs lui doivent
les plaifirs que je leur donne . L'Ouvrage
14
MERCURE
dont nous parlons eft fondé fur une idée
qui , par la hardieffe , dûr porter un grand
étonnement dans la Médecine. Arbuthnot
analyſe en Chimifte les principes des humeurs
du corps humain , & les élémens de.
tout ce qui peut fervir d'aliment à l'homme ,
végétaux , liqueurs , animaux ; il rapproche
les réſultats de ces deux analyfes , & croit y
découvrir tous les rapports des fubftances
alimentaires avec le corps humain: le tempérament
de l'homme , & l'efpèce d'aliment
donné , Arbuthnot annonce les séfultats
d'une digeftion avec autant de certitude que
MM. 'Darcet & de Morveau ceux d'une opération
Chimique , dont leurs yeux auront
fuivi vingt fois tous les accidens dans les
fourneaux. C'eft voir en grand ; mais la Nature
, qui femble vouloir humilier l'orgueil
de l'efprit humain , ne fe dévoile guère à
ceux qui l'obfervent avec tant de confiance &
d'audace ; on diroit qu'elle réſerve ſes plus
importans fecrets à ceux qui fuivent les traces
avec le plus de timidité & le plus de modeftie.
Arbuthnot produit plus d'étonnement
que de confiance ; & après l'avoir lû ,
on refte perfuadé que les loix de la digeſtion ,
font encore auffi ignorées que celles de la génération
; on finit toujouts par le dire : nous
naiffons , nous vivons , nous mourons fans
favoir comment.
L'Ouvrage de M. d'Iharce , qui paroît fous
le même titre que plufieurs de ceux dont
nous venons de parler , renferme cependant
DE FRANCE.
If
beaucoup de chofes neuves , & celles même
qui ne le font point, font vûes & dites d'une
manière nouvelle , non nova , fed novè.
La chofe la plus néceffaire dans l'état de
fanté , c'eft de connoître les alimens & les
habitudes de vie qui maintiennent cet état.
Dans la maladie , c'eft de favoir à quels
fignes nous reconnoîtrons le Médecin qui
mérite qu'on remette entre fes mains le
dépôt de fa vie.
Ce double point de vûe a difpofé tout le
plan de l'Ouvrage de M. d'Iharce.
Dans la première Partie , qui eft une Hygiène
, il établit fur la théorie de la diverfité
des tempéramens , & fur l'analyse des alimens
que nous prenons , les principes d'un
régime propre à conferver la fanté & à prolonger
la vie. Dans la feconde , il trace le
tableau des études , des connoiffances & des
talens qui conftituent le vrai Médecin.
Il nous cft impoffible de fuivre M. d'Iharce
dans tous les Chapitres de ces deux Parties.
On verra par tour un très bon efprit , nourri
de connoiffances très étendues , & doué du
talent de l'obfervation . Tous les Médecins
Théoriftes ont parlé des influences de l'air,
des eaux , de toutes les caufes qu'ils appellent
naturelles. M. d'Iharce en parle comme
eux ; mais ce n'eft pas d'après eux. Il enrichit
cette partie de l'Hygiène, qui tient à la
phyfique générale , des vues & des découvertes
nouvelles fur la nature des eaux , des
airs , du feu , fur ce qu'il y a de plus mo16
MERCURE
derne dans la Chimie & dans la Phyfique expérimentale
. On voit qu'il porte fur tous les
détails de notre manière de vivre cette at¬
tention fcrupuleufe qui , dans de petits objets
, apperçoit fouvent des vérités importantes.
Il obferve , par exemple , à l'occa
fion de l'ufage fi commun de boire des eaux
filtrées , que dans les filtres étroits par où on
les fait paffer , les eaux dépofent une partie
de l'air qu'elles contiennent , & dont elles
fe chargent dans les rivières en roulant expofées
à l'action de l'atmosphère : c'eft cet
air qui rend les eaux de rivière fi préférables
aux eaux de fource ; mais le filtre le leur
enlève , elles deviennent plus pures à l'oeil
& moins faines au corps. On comprendra
combien toutes les obfervations qu'on fait
fur cet élément font importantes , fi l'on
fonge que plufieurs grands Médecins , parmi
lefquels on doit diftinguer Hoffman , ont
regardé l'eau comme un remède univerfel ,
comme une véritable panacée pour toutes les
maladies des premières voies.
M. d'Iharce , qui fent combien les principes
généraux exigent de modifications dans
prefque tous les cas , les applique toujours
ainfi à l'état actuel de nos moeurs , à nos
paffions dominantes , à notre manière de
vivre.
Beaucoup de gens , après s'être enfin laiffé
démontrer que les excès dans le manger font
la caufe du plus grand nombre de nos maux ,
imaginant que , pour être fobre , il fuffifoit
DE FRANCE. 17
de ne faire qu'un feul repas , ont transporté
dans un dîné la gourmandife de toute la
journée. M. d'Iharce potte fur leur erreur
une lumière qui doit les faire trembler.
Nous exhortons tous ces habitués de table
d'hôte , qui , mettant tout l'intérêt & toutes
les penfées de leur vie au feul repas qu'ils
font par jour , le promenent le matin pour
s'y préparer , & tout le refte du temps pour
le digerer , nous les exhortons à lire dans
l'Ouvrage de M. d'Iharce le Chapitre de ceux
qui ne font qu'un feul repas par jour , & ils
verront à combien de dangers ils expofent
chaque jour leur fanté , par cet unique repas
qu'ils prennent pour une preuve de leur.
tempérance. Ce noble Vénitien , qui prolongea
fi long temps fa vie , & qui eft di-.
venu immortel par fon régime , le célèbre
·Cornaro mangeoit plufieurs fois le jour ;
mais ce qu'il mangeoit dans un mois entier ,
ne fuffiroit pas à ce qu'on mange dans ce
feal repas établi par la fobriété de nos jours .
M. d'Iharce examine aufli avec un grand
foin la nature & les effets de ces liqueurs ali-.
mentaires dont nous faifons un fi grand ufage,
depuis un fiècle , du café , du thé , du chocolat
. Plusieurs Médecins ont voulu les prof .
crire comme des poifons dont les climats
étrangers ont infecté l'Europe . Cette colère
eft queleuefois dans les Médecins une politique
habile. Comme les moraliftes , ils
réuffiffent également auprès des hommes par
la grande févérité & par l'extrême facilité
18 MERCURE
*
des principes , en faisant trembler ou en
raffurant . Souvent auffi leur avertion pour
les productions étrangères , vient de ce
qu'ils les regardent comme des chofes non
naturelles ; comme fi elles n'étoient point
naturelles au climat qui les voient naître
ou que ces climats fuffent hors de la Nature!
comme i la Nature n'avoit point placé
la fièvre en nos climats & le remède en Amérique
! Un Médecin foutenoit devant Fontenelle
que le café eft un poifon lent. Oui ,
lui dit Fontenelle , bien lent , Docteur , car il
ya quatre vingt ans que j'en prends tous les
jours. M. Tiflot femble être le Médecin de
ce fiècle qui s'eft élevé avec le plus de force
contre l'ufage de ces boiffons ; c'eft une grande
autorité , mais il faut la refpecter & l'examiner.
Ce qui paroît prouvé à M. d'Iharce ,
c'eft que ces boiffons ont en général une action
prompte & vive fur nos liqueurs & furnos
organes ; que la Médecine doit regarder
tout ce qui agit fur le corps humain comme
des inftrumens de fon Art, qu'elle doit fe féliciter
fur-tout de pouvoir agir par des alimens
plutôt que par des remèdes. Il analyfe
les dangers & les avantages du cafe , du thé ,
da chocolat , fuivant la diverfité des circonftances
& des tempéramens ; il tient la ba
lance , & on la voit pencher tantôt du côté
du mal , tantôt du côté du bien .
Il foumer à la même analyſe les alimens
même dont la bonté ne peut guère être un
fujet de doute , le pain entre- autres ; & à ce
DE FRANCE. 19
fujet il rapporte une opinion de M. Linguet ,
qui , dans le temps , parut fort extraordinaire.
On peut fe fouvenir que cet Avocat
célèbre a fait contre le pain un Factum écrit ,
avec beaucoup de vehemence : Nous mangeons
du pain , nous autres Occidentaux
difoit M. Linguet avec émotion . On ne cou
teftoit point le fait à M. Linguet , mais on,
tâchoit de lui faire comprendre que parmi
ces pauvres Occidentaux qui mangent du
pain , il n'y a de malheureux que ceux qui
n'en ont point à manger. M. d'Iharce ne
réfute pas précisément M, Linguet , mais il
met les affertions de cet Écrivain à côté de
l'analyfe chimique de cet aliment ; & quand
il s'agit de juger la nature du pain , la rhétorique
d'un Avocat fait un plaifant effet à
côté d'une analyſe chimique. Il y a du bon
goût dans cette manière de combattre une
erreur ; le Chapitre eft écrit d'ailleurs avec
beaucoup de modération ; M. d'Iharce , en
rappelant les paradoxes de M. Linguer , paroît
auffi fe fouvenir de fes malheurs. Nous
croyons cependant qu'il eût été mieux encore
de ne point parler de l'Ouvrage d'un
Avocat dans un Livre de Médecine , & d'ous
blier , comme le Public , ces opinions , qui
ne doivent un moment d'éclat qu'à cette bizarrerie
même qui les condamne bientôt à
un oubli éternel.
Le tableau que trace M. d'Iharce , dans
la feconde Partie de fon Ouvrage , des études
& des connoiffances qui conftituent le vé20
MERCURE
ritable Médecin , attefte la haute idée qu'il
s'eft faite de fon Art ; la manière dont il en
parle fait prefumer qu'il a fuivi lui - même
le plan qu'il trace aux autres. Qu'il nous per-.
mette cependant de lui faire quelques obfer-.
vations qui ne feront dictées que par le refpect
même de l'Art , dont il parle avec tant
de chaleur & tant de zèle.
Pour guérir le corps humain , il faut fans
doute le connoître , & le Medecin doit être
Anatomiste , pour ordonner fans danger un
remède tiré des végétaux & des mineraux ,
il faut connoître les principes qui les conftituent
, & le Médecin doit être Chimiste ;
L'Hydraudinamique devroit auffi lui révéler
,toutes les loix du mouvemant des fluides &
des folides ; car la fanté & la vie dépendent
fouvent de la régularité du frottement des
folides & du cours des fluides . Mais eft il
vrai que ces Sciences , dans l'état où elles
font aujourd'hui , ayent fait affez de progrès
pour être d'une grande utilité à la pratique
de la Médecine ? Etudiez , dit M. d'Iharce ,
aux jeunes Élèves d'Hippocrate , l'Anatomie,
la Chimie, l'Hidraudinamique. Mais où , dans
quel Livre , dans quelle École iront - ils les
étudier ? On diroit qu'il y a une Anatomie
& une Chimie qui font par tout les mêmes,
& qui par tout enfeignent également au
Médecin tout ce qu'il a befoin d'apprendre
d'elles. Mais il en eft bien autrement : la
Chimie de Boerrhaave a été détruite par celle
de Sthal , & celle de Sthal ne fe foutient
DE FRANCE. 21
plus , dit- on , contre les nouvelles découvertes.
Laquelle choisir ? Et quand on prendroit
dans toutes les vérités démontrées
que chacune profeffe , quels fervices toutes
enfemble pourront elles rendre au Médecin
qui eft à côté du lit d'un malade mourant ?
Newton & d'Alembert fe four immortalifes
par leurs découvertes far les loix du mouvement
des fluides & des,folides , mais les folides
& les fluides dans le corps humain ne
font pas foumis aux mêmes loix que dans
l'Univers ; le fang ne coule pas dans mes
artères & dans mes veines , comme un fleuve
dans fes rives. Demandez à d'Alembert fi
parmi les Médecins qui connoiffent le mieux
fes belles découvertes fur l'Hydraudinamique,
il en a trouvé un qui y ait appris à le gué
rir des douleurs que lui fait fouffrir le fluide
qui coule dans fes reins & dans fa veffie ?
Il faut l'avouer , toutes les connoiffances
de Statique & d'Hydraulique fervent trop
peu lorfqu'il s'agit de réparer la machine
humaine.
>
Sthal , frappé de l'impoffibilité d'expliquer
par la mécanique les mouvemens de
la vie , a placé une âme dans chacun de nos
organes. En , cela , femblable à peu près à
ces Mages , premiers obfervateurs du ciel
qui , ne pouvant expliquer par des loix
matérielles le mouvement régulier , & harmonieux
des planètes , placèrent dans chacune
un génie qui en dirigeoit le cours
& en tenoit les rênes. Ce fyftême de Sthal
22 MERCURE
eft trop fpirituel pour être beaucoup du
goût de notre fiècle ; nous ne fommes pas
très-difpofes à croire à tant d'âmes. Mais
lifez les Ecrits de Bordeu , ce genie original
, qui a trouvé tant de vâes nouvelles
en fuivant les traces de Sthal ; lifez
cet Ouvrage plein de charmes & de
philofophie , que M. Rouffel , jeune encore
, a écrit fur la conftitution phyfique
& morale de la femme vous ferez étonné
du degré de probabilité & de vraisemblance
que prend un fyftême qui révolte nos fens ,
& fait trembler notre timide philofophie.
Il vous fera prouvé du moins que ce qui
vit fuit d'autres loix que ce qui ne fait
que le mouvoir ; que les corps animés demandent
une autre mécanique & une autre
hydraulique , & qu'enfin il ne faudra
parler des loix du mouvement en Medecine
, que lorfque la Médecine aura eu
un Newton qui expliquera par de nouveaux
principes mécaniques ce que Sthal
a voulu expliquer par des âmes & des génies .
L'Anatomie , même dans fon état actuel
, peut rendre fans doute de plus grands
fervices à la Médecine ; mais qu'on le rappelle
le mot d'un Anatomifte célèbre :
Nous autres Anatomifes , nous fommes
comme les Savoyards de Paris , qui connoiffent
très bien les rues , & ne javent jamais
ce qui je paffe dans les maifons. Quel aveu !
L'Anatomie s'il eft permis de fuivre la
même comparaifon , eft-elle montée de-
ر
DE FRANCE. 23
puis , des rues dans les maifons ? A- t- elle
franchi l'intervalle qui fépare le corps
mort fur lequel elle opère , du corps vivant
qu'elle doit connoître ? Il a paru des
hommes qui fe font illuftrés depuis dans
la même fcience.
Pat l'éloquent Petit vous êtes confolé ,
Il fait l'art de guérir autant que l'art de plaire ;
Demandez à Petit par quel fecret myſtère
Ce pain , cet aliment dans mon corps digéré ,
Se transforme en un lait doucement préparé ;
Et fe filtrant toujours par des routes certaines ,
En longs ruiffeaux de pourpre il court enfler mes
veines ,
A mes refforts ufés rend un pouvoir nouveau ,
Fait palpiter mon coeur & penfer mon cerveau ?
Il ne le faura point , il s'incline , il s'écrie :
Demandez-le à ce Dieu qui nous donna la vie !
Heureux encore fi eet Anatomifte qui a
porté fur le corps humain un tact fi fin ,
fi prompt & fi sûr , avoit donné au Public
toutes les lumières ! mais il ne les a
communiquées qu'à quelques Elèves dans
les leçons toujours un peu tumultueufes d'une
Ecole publique. Si on en excepte quelques
Mémoires publiés dans le Recueil de l'Acadérnie
des Sciences , le Docteur Petit n'a
rien imprimé fur l'Anatomie , qui attendoit
de lui de fi grands progrès. On ne peut
fez déplorer un tel malheur ; on ne fau
af24
MERCURE
roit lui faire des reproches trop graves
fi les fervices qu'il rend tous les jours à
l'humanité par fa pratique , n'expioient la
pareffe prefque coupable de fa plume. Que
dis -je ? Il vit , il eft encore parmi nous.
Son filence feroit - il donc irréparable ?
Homme celèbre , la vieilleffe , en le repofant
fur ta tête , a pu fans doute affoiblir
l'éclat de cette imagination brillante.
qui devinoit avant de voir , & fe foumettoit
pourtant à voir après avoir deviné
tes mains peuvent avoir perdu quelque
chofe de ce tact délicat , de cette foupleffe
fenfible , qui voyoit tout ce qu'elle
touchoit , qui , en quelque forte , plaçoit
au bout de tes doigts un nouvel organe
de la vue le temps des découvertes &
des créations eft paffe ; mais auffi l'âge des
paffions n'eft plus , & le repos qu'elles
laiffent enfin à ta vieilleffe peut être fécond
encore . On ne te demande plus de
penfer , mais de jeter fur le papier tes
anciennes penfées. Vois l'homme voluptueux
parvenu à l'âge qui le rend inhabile
aux plaifirs des fens ; fa mémoire jouit
encore de tous ceux qu'il a perdus ; comme
Chaulieu ,
Il fait mettre , en dépit de l'âge qui le glace ,
Ses fouvenirs à la place
De l'ardeur de fes plaifirs.
Le génie n'auroit- il donc pas le même pouvoir
DE FRANCE .
25
voir que la volupté ? Rappelle les fouvenirs
de ton efprit ; dis nons ce que tu as
penfé dans la force de l'âge , comme
Chaulieu , déjà fexagénaire , peignoit en
traits de flamme les voluptés qu'il avoit
goûtées à trente ans dans les bras de fa
maîtreffe. Quand je me promenerai à tes
côtés dans ta jolie retraite de Fontenai · aux.
rofes , permets moi de tourmenter ta pareffe
, de la forcer à laiffer fortir de ta
mémoire les vérités ou les vûes qu'elle y
recèle. Publier tes penfées , ce fera les
créer une feconde fois ; tu donneras de
nouveau des leçons de ton Art , non plus
dans l'enceinte étroite d'une Ecole , mais
devant l'Europe entière , & la postérité
même fera un de tes Elèves.
Ce que nous demandons ici au Docteur
Petit, la France peut l'attendre également
de quelques Anatomiftes déjà célèbres dans
l'Europe , quoiqu'ils foient encore dans
l'âge de la force & des découvertes . Les
Connoiffeurs ont admiré comme un chefd'oeuvre
l'analyfe Anatomique du cerveau
par M. Vicq d'Azir les plus grandes efpérances
de l'Anatomie fe fondent aujourd'hui
fur ce Médecin , qui , ennemi des
conjcctures , des fyftêmes , étonné plus pir
ce qu'il trouve , que les autres par ce qu'ils
imaginent qui embraffe par l'étendue &
l'activité de fon efprit autant d'objets que
les autres par l'imagination la plus ardente.
Mais interrogaz le Docteur Petit , inter-
N°. 40 , 4 Octobre 1753.
B
26
MERCURE
"
>
rogez M. Vicq d'Azir fur ce que l'Anatomie
, telle qu'elle eft dans nos Livres
peut faire aujourd'hui pour la Médecine ;
je doute qu'ils en attendent autant de fecours
& de merveilles que M. d'Iharce.
Les fciences compofées de plufieurs fciences
doivent marcher plns lentement que
les autres , & telle eft la Médecine . Dans
fes plus grands fuccès même , elle ne fera
guère qu'un empyrifme plus ou moins heureux
, jufqu'à ce que toutes les Sciences naturelles
ayent fait leurs plus grands progrès.
M. d'fharce , à beaucoup d'égards , paroît
lui même convaincu de cette vérité ,
& c'eft en elle fans doute qu'il puife furtout
cette haine vigoureufe qu'il fait éclater
dans fon Livre contre les Charlatans de
toute efpèce. Les plus dangereux & les
plus méprifables ne lui paroiffent pas ceux
qui raffemblent la canaille autour de leurs
tréteaux il peint de , couleurs plus effrayantes
ceux qui , ayant quelques connoiffances
de Médecine , s'en fervent pour
couvrir leurs impoftures , & faire entrer
des gens éclairés parmi leurs dupes . Il fétrit
d'un mépris également jufte & ineffaçable
, & ceux qui vantent des fecrets qu'ils
n'ont point , & ceux qui , ayant fait des
découvertes , les tiennent cachées & fecrettes.
Il n'eft pas impoffible , en effet,
que parmi tous les agens de la Nature qui
nous font inconnus , par hafard ou par fes
recherches , un homme ne trouve un agent
DE FRANCE. 27
qui ait la plus grande influence , & même
la plus heureufe , fur nos organcs. Si le
quinquina & l'émétique n'étoient connus
que d'un feul Médecin , qui les employeroit
comme un fecret , cet homme opéreroit
des cures qui pafferoient pour des
miracles , & ne feroient que des chofes
très-naturelles. Mais quel eft l'homme qui
cacheroit long temps à l'humanité fouffrante
le bienfait d'une pareille découverte
; qui , pour gagner quelques écus
de plus , laifferoit périr dans la douleur
des milliers de fes femblables que fon remède
auroit pu fauver , employé par tous
les Médecins ? Je conçois que dans ces
arts qui ne fervent qu'à nos plaifirs & à
nos voluptés , que dans tous les arts de
luxe , un Artifte faffe une découverte &
la tienne fecrette fans regret & fans remords
; ce qu'il nous cache nous donneroit
probablement plus de vices encore que
de jouiffances. Mais annoncer une découverte
que l'on dit importante pour la vie
des hommes , avec laquelle on prétend guérir
les maladies les plus affreufes & les
plus incurables , & la tenir fecrette , ne
pas la publier à l'inftant , ne pas la faire
pénétrer fur le champ par- tout où il y a
des hommes qui fouffrent & qui meurent ;
c'eft déclarer aux hommes qu'on a le moyen
de foulager leurs maux, mais qu'on fe foucie
fort peu de leur vie & de leur bonheur :
c'est le rendre coupable de la mort de
Bij
28 MERCURE
tous les infortunés , à qui la publication
de la découverte auroit confervé l'exiftence.
Mais tant de genie & cette baffe &
crue le avidité ne peuvent guère ſe rencontrer
enfemble : il n'y a point d'exemple
d'une découverte glorieule à fon Auteur
& utile à l'humanité , qui foit reſtée
long temps fecrette ; l'âme la plus commune
prend de la grandeur & de la
generolité au moment qu'elle a un grand
bienfait à répandre fur les hommes ;
elle eft impatiente de jouir de leur bonheur
, de leur reconnoiffance & de fa
gloire . Et celle même à qui il faudroit
un autre prix & une autre récompenfe ,
celle qui feroit affez vile pour porter fes
voeux en ce moment fur la fortune , la
verroit prête à combler tous les defirs
de fa baffeffe . On pourroit , au nom de
tous les Gouvernemens , lui affurer qu'il
n'y en a aucun aujourd'hui dans l'Europe
éclairée qui ne versât les richeffes fur celui
qui voudroit avilir un pareil bienfait
en le vendant à l'humanité. Il faut donc
conclure que , fi , dans ce genre iill yy a
des gens qui gardent long temps un fecret
, c'eft qu'ils n'ont point de découverte ;
leur voile ne cache rien , & c'est pour
cela qu'ils ne le lèvent jamais ; ou s'il cache
quelque chofe , c'eft feulement leurs
impoftures. En vain mille récits étalent les
prodiges qu'ils opèrent ; en vain on racontecomme
des miracles les vapeurs qu'ils
>
DE FRANCE 29
ont données à des femmes vaporeufes , les
convulfions qui tourmentent en leur préfence
des épileptiques , les fueurs que fait
fortir leur Agent des corps chez lefquels
la nature est toujours au moment d'une
crife ; l'imagination des foibles , c'est-àdire
de prefque tous les hommes , fera toujours
un Agent qui produira quelquefois
des merveilles dans les mains mêmes des
Charlatans & des impofteurs . Mais ces
merveilles ne donneront la fanté à perfonne
, & la feront perdre à beaucoup de
gens ; elles rempliront les efprits d'idées
vagues & fuperftitieufes , & nuifont aux
progrès du véritable Art de guérir , en humiliant
les Médecins , & en dégradant la
Médecine. Une découverte eft quelquefois
d'un grand homme ; mais un fecret eft
toujours d'un Charlatan.
و
Qu'on pardonne cette digreffion au fentiment
que nous a communiqué l'Ouvrage
de M. d'lharce ; fon livre , qui eft d'un excellent
efprit eft aufli d'une ame pleine
de candeur & de fincérité. Il montre la
plus vive confiance pour fon Art , mais il
en connoît trop les reffources pour les
exagérer , & le mot de Montague , que
faisje ? cft auffi fouvent fon mot.
Bil
730
MERCURE
HISTOIRE Littéraire de la Ville d'Amiens.
A Amiens , chez les Libraires de la
Ville ; à Paris , chez Durand , Mérigot ,
Barrois & Delalain le jeune , Libraires ,
1 Volume in 4° . Prix , 10 livres 4 fols
broché.
IL s'en faut bien que nous dédaignions
ces entrepriſes Littéraires dont le but cft de
préfenter l'hiftoire de chaque Ville . Cette
efpèce d'apothéofe élevé par le Citoyen, fur le
berceau du Citoyen qui n'eft plus , a quelque
chofe de plus relatif à chaque individu . Les
faftes nationaux n'ont fouvent qu'une petite
plice à confacrer à un nom ; les Annales de
la Province ont des pages entières à offrir à
l'Homme célèbre , & cette perspective eft
encourageante . Nos grandes & longues
hiftoires devroient fe borner à peindre le
génie des Peuples , fon mouvement d'accélération
ou rétrograde à chaque règne , fes
inftans de langueur & fes variantes dans fon
régime . Il eft jufte que les Provinces qui
fournirent des Soldats , des Héros , des Artiftes
, & qui furent les théâtres de nos guerres,'
ayent des Hiftoriens , & puiffent célébrer
leurs Citoyens . L'émulation ne pourroit
qu'y gagner. Nos chroniques feroient confervées
, les monumers respectés , l'enfant
apprendroit à l'école du Bourg le catéchisme
hiftorique des grands Hommes de la contrée.
Pourquoi l'Italie ne nous fert elle point
DE FRANCE. 31

encore de modèle : Toutes fes Bourgades
offrent au Voyageur un agenda , un manuel
hiftorique où, depuis leur fondation , tous les
monumens , tous les Hommes célèbres ainfi
que l'indication des chef- d'oeuvres font rapprochés
avec un afferviffement fcrupuleux à
la chronologie . Ce font des espèces d'Appendices
de l'hiftoire ancienne & moderne
de Rome. L'Étranger a bientôt connu le fol
qu'il vient vifiter , & il le parcourt avec des
fentimens d'eftime.
On commence d'écrire ces hiftoires particulières.
Quelques unes ont le mérite du
genre , d'autres font à recommencer . L'envie
de faire des Volumes empêche qu'on ne
réduife à peu de feuilles une hiftoire aride
de laquelle il ne falloit rapporter que les
faftes. Quelques - unes en font restées au
défrichement laborieux de l'Écrivain médiocre
à qui il a manqué du génie & une
bonne critique. Une fotte crédulité eft en
général le cachet de ces faifeurs d'hiftoires
de Province . Ils admirent tout , croient tout,
recueillent tout & expliquent tout. Quelques
bienféances dont l'Écrivain fupérieur
fait s'affranchir , ne manquent jamais de les
arrêter ; ils ralentiffent leur marche par des
differtations complaifantes fur les prérogatives
de l'échevinage, d'une Collégiale, & fur
les généalogies des Nobles du canton . Leur
travail , qui eût été intéreſſant , devient partial
, fufpect & puérile .
Ces réflexions peuvent s'appliquer à l'hif-
Biv
32 MERCURE

toire d'Amiens . Il nous femble qu'un Ouvrage
dans lequel il n'y a point d'époques
diftinctes , point de chaîne dans les faits , cù
on ne trouve ni defcription géographique ,
ri tableau hiftorique , ni chronologie, en
un mot rien de ce qui peut marquer le fite ,
la population , la richeffe , l'induſtrie , l'adminiftration
d'une Province , ne peut s'appeler
une hiftoire. Il nous femble qu'un
Livre qui ne renferme que des noms d'Artiftes
& de Poëtes médiocres féparés par des
alinea remplis de notices d'ouvrages inconnus
& de manufcrits qu'on ne lira jamais , à
la fuite defquels fe trouvent les ftatuts des
fix Corps & Métiers , les noms des Baillis ,
Sénéchaux , Échevins & Marchands , n'eft
qu'un Almanach dont l'utilité eft incontef
table; mais d'un Almanach à une Hiſtoire
il y a une diſtance un peu grande .
Nous obferverons à l'occafion des épitaphes
, dont l'Auteur a recueilli une trop
grande quantité , que cette recherche exige
beaucoup de choix & beaucoup de fobriété.
L'épitaphe que la piété d'un fils vient graver
fur le tombeau de fon père , bien honnête
homme & bien obfcur , n'eft honorable que
pour lui. Il faut la laiffer fur le plomb ,
d'où la lime du temps faura la faire difparoître.
Il en eft de même de celles que l'adulation
( car on eft flatteur auffi dans les Provinces
) confacre aux Élus , aux Préfidens ,
aux Officiers municipaux , à des Doyens de
Chapitre & à quelques Évêques. Nous pen-
1
DE FRANCE.
33
fons que l'infcription qui n'indique point
un événement public , qui ne marque pas la
place où gît l'homme illuftre , doit être laiffée
fans honneur fur les murs noircis du
cimetière où elle fut pofée. Malgré le mérite
de la fculpture & la dorure de l'écuffon ,
les Hiftoriens judicieux ont toujours dedaigné
cette afférerie. Les François ont peutêtre
auffi un peu trop négligé le genre lapidaire
que la Grèce & Rome avoient rendu
fi énergique & fi concis. Nous avons cependant
des Héros & de grands Homines .
Pourquoi la Nation , qui fut trouver cette
infcription fi belle à Louis XIV après fa
mort n'a-t-elle pu graver fur la tombe du
meilleur des Miniftres que ces inois : Ci-git
Suger ? Pourquoi fes épitaphes font - elles .
fi verbeufes pourquoi les prodigue - t- elle
tant , & pourquoi en eft elle quelquefois fi
avare ? Où font les épitaphes de Duquesne ,
de Lhôpital , de Carinat & de tant d'autres ?
Faut- il que les Anglois nous offrent aujour
d'hui des modèles dans ce genre?
Nous allons citer quelques- unes des anecdotes
contenues dans cette nouvelle hiftoire.
C'eft dans le douzième fiècle que les
Églifes de France & celles d'Amiens commencèrent
de chanter au Peuple les Épires
farcies , Epiftola cum farfiá. « C'étoit l'Épî-
» tre du jour , dont le texte latin étoit en-
» tremêlé , phrafe à phrafe , d'une explica-
" tion paraphrafée en langue vulgaire. Du
» haut de la Tribune ou du Jubé , le Scu-
"
Br
34
MERCURE
diacre chantoit le texte facré , & un ou
deux Enfans de choeur chantoient l'explica-
» tion . On voit des monumens de cet ufage
» dans l'ancien Ordinaire de Soiffons , fous
l'Évêque Nivelon I. » "
La métaphyfique d'amour qui étoit géné
rale en France en 1275 , avoit aufli fes Bacheliers
& fes Docteurs à Amiens. On foutenoit
dans des thèses des queftions auffi
oifeufes que la fuivante : « Si l'on aime-
» roit mieux que fa femme sût que fon
» mari la fait wihote , & qu'elle en fût
jaloufe , ou qu'elle le fit wihot fans
qu'il en sût rien. Pas un de ces Argumentans
n'avoit fu trouver la réponſe
charmante de La Fontaine :
""
ور
13
Quand on l'ignore ce n'eft rien ,
Quand on le fait c'eft peu de choſe.
Les Conciles , les Mandemens des Évêques,
les vieux Sermons font des Archives dans
lefquelles l'Hiftorien retrouve une peinture
fidelle des vices de chaque fiècle. Il ne
manque jamais de les confulter. A coupsûr
une réforme auftère n'est qu'un remède
employé à un mal violent. Les Ordonnances
de François de Puiffeleur , Évêque d'Amiens
en 1546 , donnent une idée des défordres
du Clergé de France. Ce Prélat ordonne
aux Prêtres de fon Diocèfe " de porter une
foutane qui defcende jufqu'aux talons ; il
» défend les fouliers à jour , découpés ou
garnis de brillans & de petits miroirs ,
"
1
DE FRANCE.
35
99
ود
»
ور
» calceos feneftratos ; il leur prefcrit de ne
» pas forur fans chaperons ni bonnets ,
finè caputiis ; il oblige les Prêtres mer-
» cenaires à affifter aux Offices de Paroiffe ;
il défend à tous le concubinage , le com-
" merce , l'exercice des Profeffions de No-
» taires , d'Avocat ou de Procureur ; il or-
» donne aux Curés de lire au Prône les
Prières communes qui commençoient par
bonnes gens . Défenfes étoient faites de
baptifer l'enfant dans le ventre de ſa mère
» s'il n'en paroît rien au- dehors , d'avoir
» des Hiftrions , des Muficiens , des danfes
» au repas d'une première Meffe. Quicon-
» que ne communioit pas à Pâques étoit
" privé de la fépulture. » De femblables
Réglemens prouvent beaucoup plus contre
les moeurs du Clergé du feizième ſiècle , que
ne fauroient faire des déclamateurs violens
ou fufpects. François Faure , Évêque en
1655 , fut obligé de défendre de confeffer
plus tard que le foleil couché , à moins de
prendre des lumières . On conçoit aisément
la caufe de cette prohibition ; mais il eft difficile
d'imaginer les motifs qui ont porté cet
Évêque à défendre aux Prêtres l'ufage du
tabac.
--
On fait que le Savant eftimable que Dom
Mabillon appeloit fon Maître , le célèbre
Ducange , eft né à Amiens. Greffer y reçut
auffi le jour en 1705. Les vers de ce Peëre
ingénieux & facile ont affuré fa renommée.
L'Auteur que nous fuivons nous apprend
B vj
36
MERCURE
!
que ce Poëte acheva fa carrière par un Couplet
à une Dame qu'il engageoit à ne plus
veiller. L'anecdote étoit , comme on voit ,
très intérefante. Un abfcès crevé dans la poitrine
l'enleva en 1777. Le deuil fut mené
pompeufement par le Maire de la Ville. Ces
honneurs rendus au Poëte , honorent encore
plus ceux qui furent fentir qu'ils devoient
ces égards à l'Homme célèbre qui en mourant
laiffoit à fa patrie un fouvenir dont
elle alloit s'énorgueillir . Nous n'avons ce
pendant point oublié avec quelle diftinction
le Corps municipal d'Amiens reçut le
malheureux J. J. Rouffeau , qui fuyoit pourfuivi
par un décret , & qui dut la liberté au
Prince de Conti , qui veilloit fur lui bien.
plus en ami qu'en protecteur. Le Magiftrat
en robe longue offroit au Philofophe l'hommage
qu'il n'accorde qu'aux Princes , aux
Rois & aux Commiffaires du Monarque ;
c'étoit le prefent qu'on appelle le vin de
Ville. Greffer accompagnoit le Magiftrat.
L'Auteur affure que ce Poëte étoit Chrétien ,
ce qui fans doute fignifie pieux . Un M. de
Rodes , bel efprit de la Ville , va plus loin ,
& prouve ainfi la fainteté de Gieffet. Vertu,
dit il, dont on s'apperçoit aifement.
L'odeur de fainteté par-tout fe communique
Comme un bel inftrument en falle de mufique
Par-tout le fait entendre & fait impreffion.
Ce mênie bel efprit vouloit qu'Apollon fe
rendît propriétaire de la maifon de Greffet ,
1
DE FRANCE. 37
& qu'on y vît une cafcade d'eau qui fans
doute représenteroit le Permeffe .
Nous apprenons dans cette hiftoire que
M. Legrand , Rédacteur des Fabliaux , & qui
a effayé d'enlever aux Troubadours Provençaux
l'antique fceptre de la Littérature pour
le remettre dans les mains des Trouveres
Picards plus modernes , eft né à Amiens . Il
n'eft pas étonnant qu'il ait fuccombé au
defir fi puiffant d'honorer fa patrie . Nous
lui pardonnons fa prévention . Peut être au
roit- il dû en faire l'aveu au rifque de paroître
juge & partie . Nous avons rendu compte
dans fa nouveauté de l'Édition des Fabliaux ,
dont nous fomines bien éloignés de contef
ter le merite.
Nous finirons par le Quatrain fuivant ,
qui appartient à M. Clergé , & qui fut
adreffé à M. Martin de Bonnaire :
Qu'en ce jour mille fleurs couronnent votre tête ;
Votre coeur fut toujours le fiége des vertus ;
Et fi le vrai mérite avoit un nom de fête ,
Vous auriez un patron de
plus.
Cette penſée a été reffaffée par bien des
Poëtes ; nous ne décelerons point les plagiats
; c'eft à nos Lecteurs à nommer les
Plagiaires.
38 MERCURE
DIPE , Tragédie de Sénèque , Traduction
nouvelle , fuivie d'une comparaison de
différentes Pièces fur lefujet d'Edipe , par
M. de Limes . Prix , 1 liv. 4 fois. A Amfterdam
,& fe trouve à Paris , chez Cailleau ,
Imprimeur Libraire , rue Galande , visà
vis celle du Fouarre.
M. de Limes donne cet Edipe pour fonder
le goût du Public fur une Traduction
entière qu'il veut publier de Sénèque. Cette
Tragédie eft trop connue pour en donner
ici l'analyfe ; nous n'avons qu'un mot à dire
du ſtyle du nouveau Traducteur. Il nous paroît
avoir vivement fenti les beautés de fon
original , & il ne cherche pas à en diffimuler
les défauts. Son projet a été de traduire avec
une exacte fidélité. « La Traduction , dit-il ,
» eft une copie qui ne peut mieux reffem-
» bler que lorfqu'elle eft calquée fur l'ori-
و ر
ginal. Mais peut être faudroit- il s'entendre
un peu mieux fur ce mot calquée. Sou-·
vent rien n'eft plus infidèle qu'une Traduction
littérale , parce qu'un accouplement de
certains mots , qui eft naturel dans une langue
, devient plus d'une fois monftrueux
dans une autre. On ne peut donc quelquefois
calquer le caractère d'un Autenr qu'en cherchant
des expreffions qui correfpondent fans
reffembler.
L'oubli de ce principe a fait tomber le Tra
ducteur dans quelques tournures bizarres ;
DE FRANCE. 39
mais en général il nous a paru pénétré de l'efprit
de fon Auteur , qu'il veut rendre avec les
beautés & fes défauts ; & la Traduction mérite
des éloges.
On trouve à la fin de cette Pièce , ( & le
projet de M. de Limes eft d'en faire aurant
pour toutes les Tragédies de Sénèque ) une
comparaifon de celles qu'on a faites fur le
fujet d'OEdipe. Il loue avec enthouſiaſme.
celui de Sophocle ; & nous croyons cet enthoufiafme
plus jufte que la manière dont
il parle de l'Edipe de Voltaire. Il nous a
paru juger cette dernière Tragédie , qui n'eft
pas fans défauts , avec un peu trop de févérité.
SPECTACLES.
COMÉDIE ITALIENNE.
IE Vendredi 19 Septembre , on a donné
la première repréfentation d'Amélie &
Monrofe , Drame en quatre Actes & en
profe.
Monrofe & Surrey aiment Amélie . Le
premier a quitté l'Angleterre , après avoir
vû fon père tomber fous le fer des bourreaux
de Charles Premier. Le fecond , ami
de Monrofe & favori de Cromwel , a obtenu
le confentement de Suffolk , père d'Amelie
, & l'un des partiſans de l'ufurpateur :
40 MERCURE
mais c'eft en vain que Suffolk veut engager
fa fille à epoufer Surrey ; fidelle à ſon amant ,
elle refufe d'obéir à fon père. Cependant
Monrofe eft revenu fecrètement en Angleterre
; il fe rend auprès d'Amelie , & lui
propofe de s'embarquer avec lui pour la
France. Après avoir réfifté quelque temps
aux inftances d'un amant fenfible & malheureux
, elle confent à le fuivre . Monrofe
a fait inftruire Surrey de fon retour . Celuici
, emporté par l'amour & par la jaloufie ,
confie ce mystère à Sadley , perfonnage à
peu près femblable au Cecil du Comte
d'Effex , & plus méprifable que lui. Sadley
offre à Surrey de le venger , en dénonçant
Monrofe à Cromwel ; mais cette propofition
eft rejetée avec horreur. Monrofe
ignore que Surrey eft fon rival , fon âme
franche & confiante fe déploie toute entière
tous les yeux de Surrey . Il lui confie
fon amour , fes projets de fuite , & l'engage
à les fervir. Surrey eft en proie à des mouvemens
de jaloufie , qui font combattus dans
fon coeur par le fentiment de l'amitié. Il ne
peut fe déterminer à favorifer la fuite d'Amélie
, ni à trahir fon rival. Sadley vient
trouver Suffolk , & lui demande un entretien
particulier dont il eft facile de deviner
la caufe. En effet , tandis qu'Amélie , Fanni
fa Gouvernanre , & l'amoureux Monrofe fe
préparent à fuir , Suffolk reparoît. On fe
faifit de l'amaat infortuné , on le défarme ,
on l'entraîne ; mais il eft bientôt réclamé par
7
DE FRANCE. 41
Cromwel , que Sadley a informé de fon retour.
Surrey ne refpire que la vengeance , &
foit dans l'intention de percer le coeur du
lâche qui a caufe le malheur de fon amı. Ici
la Scène , qui , pendant les deux premiers
Actes , a représente une campagne fituee aux
environs de Londres , fait place à une prifon
dans laquelle on a conduit Monrofe . L'amant
d'Amélie y reçoit les confolations de Suffolk ,
d'un vieux Domeftique qui a fervi fon père ,
& qui rappelle un peu le Jarvis de Beverley .
Surrey s'y rend auffi . Il a puni le criminel
Sadley ; mais c'cft en vain qu'il a voulu fléchir
Cromwel. Le barbare ufurpateur eft
avide du fang du proferit , & la mort de
Monrofe eft réfolue . Tout ce que Surrey
peut faire encore , c'eft de fervir tout - à - lafois
l'amitié , & de fe punir de fon indifcrétion
, en prenant la place de fon ami. Enveloppé
dans le manteau dont Surrey étoit
Couvert , Monrofe peut échapper à l'oeil de
fes Gardes ; mais il ne veut point accepter
cette propofition : Surrey infifte ; enfin ,
après un long combat , où l'amitié s'impute
un facrifice dont elle a donné plus d'un
exemple , Monrofe confent à partir. Ici la
Scène change encore , & repréfente l'appartement
de Suffolk . Amélie veut aller trouver
fon amant dans fa prifon , & partager les
maux ; il vient fe jeter à fes pieds , lai apprendre
le dévonement noble & courageux
del héroïque Surrey ; mais content de l'avoir
vûe , & de lui avoir rendu fon dernier hom
42 MERCURE
mage , il va brifer les fers de Surrey , & porter
fa tête à Cromwel . Cette fituation , qui
augmente l'infortune d'Amélie , dont l'âme
s'étoit ouverte à l'efpérance , eft fuivie du
retour inopiné de Surrey. C'eft à l'amour du
peuple qu'il a dû fa délivrance . On a fu la
détention de Monrofe , fa caufe , le facrifice
de fon ami : toutes les âmes ont été entraînées
, & toutes les voix fe font élevées en
faveur de l'infortuné. Ennemi implacable ,
mais politique fin & délié , Cromwel a facrifié
fa haine à la néceffité de paroître clément .
Surrey engage Suffolk à unir Amélie &
Monrofe , il les exhorte à fe rendre promptement
auprès de leur Koi légitime. L'amour
& l'amitié triomphent.
Ce Drame a eu un très grand fuccès. Il
feroit facile de démontrer qu'il manque quelquefois
de vraisemblance ; que les Scènes
ne font pas liées ; que les fituations , nous
parlons de celles qui font vraiment intéreffantes
, n'ont pas le mérite de la nouveauté ;
que le ftyle eft diffus , haché , quelquefois
même obfcur ; enfin , on pourroit , par la
réuffite même de ce Drame , prouver que le
Public s'accoutume de plus en plus à confondre
tous les genres ; & qu'aujourd'hui
l'on voit , fans furprife , fubftituer aux tableaux
dramatiques , les tableaux qu'un goût
plus pur & plus févère faifoit autrefois reléguer
dans les Romans. Cette difcuffion , qui
donneroir lieu à de très - longs détails , feroit à
peu près inutile. Aujourd'hui, on ne demande
DE FRANCE. 43
pas fi un Ouvrage eft bien fait ; on demande
s'il a plu. Et que dire à des Spectateurs engoués
, que dire au Public , quand il prouve
le plaifir qu'il reffent , tant par les applau
diffemens qu'il prodigue , que par les mouvemens
dont il eft agité ? Rien. Tout l'art
de l'Auteur d'Amélic , & c'en est un puiffant
, eft d'attacher & d'intéreffer. Surrey ,
favori de Cromwel , ami de Monrofe , amant
d'Amélie , emporté par les fureurs de la jaloufie
jufqu'à trahir le fecret de l'amitié ,
mais revenant à lui- même , honteux de fon
égarement , facrifiant fon amour , & même
fa vie , au defir de fe punir d'une erreur ,
offre un caractère aufli touchant que noble.
C'est le premier , peut- être même le feul ,
qui foit bien foutenu dans tout le cours du
Drame , & c'eft lui qui en a fait le fuccès.
ANNONCES ET NOTICES.
Cinquième Livraifon de l'Encyclopédie , par ordre
de Matières, premier Octobre 1783.
LA CINQUIÈME Livraiſon de l'Encyclopédie
eft actuellement en vente . Cette cinquième Livraifon
eft compofée du Tome premier , feconde Par
tie de l'Hiftoire Naturelle , contenant les Oifeaux ;
du Tome troifième , première Partie de la Jurifprudence
; du Tome fecond , première Partie du
Commerce ; du Tome premier , première Partie
de la Marine.
Cette Partie des Oiseaux , par M. Mauduit ,
44
MERCURE
eft précédée de plufieurs Difcours : 1 ° . du
Plan de l'Ouvrage : 2º. d'un premier Difcours
fur l'organiſation des Oifeaux , leurs fens , facultés
, habitudes : 3 ° . d'un fecond Difcours fur la
néceffité de chaffer les Oifeaux , & fur les Auturs
de l'Ornithologie : 4°. d'un troifième Difcours
fur le parallèle des Oifeaux des diverfes
Contrées , fentimens fur leurs émigrations ou le
paffage des Oifeaux : 59. d'un quatrième Difcours
fur la durée de la vie des Oifeaux , leurs maladies ,
la manière de les tranfporter vivans , les Collections
d'Oiseaux difféqués ou empaillés.
Le Volume de la Marine , par MM . Blondeau
& Vial du Clairbois , eft précédé d'un Difcours
& fuivi d'un Tableau Analytique ou Systême
Encyclopédique de Marine , indiquant l'ordre
fuivant lequel doivent être lus les articles de
ce Dctionnaire pour en tirer le fruit d'un Traité ;
il eft fuivi de l'Arbre Encyclopédique de la Marine
. On fera le même travail fur toutes les autres
Farties qui en feront fufceptibles , ainfi qu'on s'y eſt
engagé par le Profpectus ; mais la plupart des
Ouvrages exigent que ces Tableaux & ces Arbres
Encyclopédiques ne foient mis qu'à la fin de
chacun d'eux, Le prix en feuilles de cette Livraiſon
eft de 22 liv. broché , 24 liv . Le port est au compté
des Soufcripteurs.
Il y a actuellement 18 Parties fous preffe de ce
grand Ouvrage.
La fixième Livraiſon , compofée d'un Volume
de Planches & d'un Volume de Difcours , paroîtra
en Décembre.
JOURNAL d'Education , par M Luneau de Boisjermain.
A Paris , chez l'Auteur ; rue S. André des
Arcs , près la rue Contrefcarpe.
Parmi les Journaux qui ont un objet réel & direct
DE FRANCE. 45
d'utilité , on doit compter celui que nous annonçons.
Il traitera fucceffivement de tous les objets qui intéreffent
l'Éducation phyfique & morale des jeunes
perfonnes ; l'étude des langues étrangères , de l'Hiftoire
ancienne & moderne , de la Géographie , de la
Phyfique & de l'Hiftoire Naturelle , de la Morale ,
des Belles- Lettres , des principes & des manoeuvres
des Arts.
Il paroît déjà les quatre premiers Cahiers du cours
de la langue Italienne. Par la méthode de l'Auteur ,
qui eft de joindre au texte Italien une Traduction
interlinéaire & littérale , on pourra en très-peu de
temps , fans maître , fans dictionnaire & fans grammaire
, fe mettre en état de lire tous les Ouvrages
écrits dans cette langue. Il en fera autant pour les
autres langues étrangères.
On foufcrit chez l'Auteur , & l'on paye actuellement
Is liv. pour les huit Cahiers qui completreront
le Cours de Langue Italienne. Le dernier Cahier paroîtra
à la fin de Novembre.
EUVRES choifies de le Sage , avec figures , troi
fième Livraiſon , contenant Roland l'amoureux , 2
vol. in- 8 ° . Eftevanille de Gonzalez , 1 vol. in- 8 ° .
Théâtre François , 1 vol. in 8 °.
On foufcrit pour lefdites OEuvres , conjointement
avec celles de l'Abbé Prévost , à Paris , rue &
hôtel Serpente , & chez les principaux Libraires.
de l'Europe. Le prix de la Soufcription eft de 3 liv.
12 fols le vol. br. , & fera maintenu ainſi juſqu'à la
fin de Décembre prochain ; paffé lequel temps , on
ne pourra plus foufcrire , & les volumes feront alors
du prix des liv. br. , & 6 liv. rel . La quatrième Livraiſon
fe fera à la fin du préfent mois de Septembre ,
& fera compofée de 4 vol.
L'Éditeur vient de donner une nouvelle preuve de
fon zèle , en envoyant aux Souſcripteurs dos cartons
46 MERCURE
1
pour quelques fautes qui fe font gliffées dans la première
Livraiſon.
CARTE Topographyque de la partie Septentrionale
de l'Empire Ottoman , par M. Rizzi Zannony . Prix ,
12 liv. A Paris , chez Verrier , Géographe du Roi &
des Enfans de France , rue des Quatre-Fils , au
marais.
Cette Carte , d'une partie intéreffante du Globe ,
eft divifée en trois feues.
des
GEOGRAPHIE Comparée , ou Analyfe de la Géographie
ancienne & moderne des Peuples de tous les
pays & de tous les âges , accompagnée de Tableaux
Analytiques & d'un grand nombre de Cartes , les
unes comparatives de l'état ancien & de l'état actuel
pays ; les autres plus détaillées , & repréſentant
ces pays dans leur état ancien ou dans leur état
moderne ; par M. Mentelle , Hiftoriographe de Mgr.
le Comte d'Artois , Penfionnaire du Roi , Profeffeur
Émérite d'Hiftoire & de Géographie à l'École Royale
Militaire , de l'Académie des Sciences & Belles - Lettres
de Rouen , de l'Académie Royal de la Hiftoria
de Madrid , Cenfeur Royal , &c. A Paris ,
l'Auteur , à l'hôtel de Mayence , près du Notaire ,
rue de Seine , F. S. Germain ; Nyon l'aîné , Libraire ,
rue du Jardinet , & Nyon le jeune , quai des Quatre
Nations.
Ce Vol. , qui vient de paroître avec fept planches ,
traite de l'Espagne moderne , & fe vend pour les
Soufcripteurs 7 liv. 4 fols. L'exécution de cet important
Ouvrage eft trop difficile & trop pénible , &
l'Auteur y apporte trop de foins pour qu'il puiffe ,
par la célérité , fatisfaire à l'impatience du Public.
M. Mentelle , connu par fes profondes connoiffances
en Géographie , y travaille avec la plus fcrupuleufe
attention ; outre les lumières qu'il implore dans tous
DE FRANCE. 47
les pays dont il s'occupe , il envoye fouvent fon manufcrit
fur les lieux même avant de le livrer à l'impreffion
, afin de pouvoir être averti des moindres
erreurs qui peuvent lui échapper. Le volume qui paroît
aujourd'hui fur l'Espagne moderne , avec celui
qui avoit précédé fur l'Espagne ancienne , forme la
defcription la plus exacte & la plus complette qui ait
encore paru fur ce Royaume. Ces deux Parties fe
vendront léparément 15 liv ..
M. Mentelle avoit fait graver une Vûe de Gibraltar;
mais ayant reconnu qu'elle n'étoit pas exacte >
il l'a fupprimée pour en faire graver une autre d'après
un original qu'on lui a promis.
Après avoir donné la Defcription du Portugal ,
dont il a envoyé le manufcrit à Lisbonne , pour y
être examiné , il paffera à la Géographie des Pays-
Bas & des Provinces- Unies.
La réimpreffion de la feconde Livraiſon vient
d'être achevée ; les perfonnes qui ne l'ont pas reçue
font priées d'en écrire à l'Auteur,
LETTRE écrite de Palerme , relative'au défaftre
de Meffine , traduite de l'Italien . A Paris chez
Cailleau , Impr. Libr. rue Galande.

Cette Lettre eft écrite avec chaleur , & annonce
une imagination vive & ardente.
LETTRE de l'Auteur du Monde Primitifà MM,
fes Souferipteurs , in- 4 ° . de 47 pages.
L'Auteur de cette Brochure s'excuſe de n'avoir pas
publié cette année le dixième volume du Monde
Primitif à caufe de ſa mauvaiſe ſanté. Il entre enſuite
dans divers détails fur une découverte intéreſfance
à laquelle il doit fon rétabliſſement. Voici les
questions qu'il le fait. « Ai- je été malade ? Ai- je été
guéri ? Suis-je mieux ? A qui dois -je ce micux?
48
MERCURE
» &c. &c. » La manière dont il répond à toutes
ces queftions eft très -piquante & très curieufe.
23
Quatre Pots pourris , arrangés & Dialogués pour
deux Violons , par M. Thiémé , ci- devant Maître de
Mufique de la Con.édie de Rouen , & premier Violon
du Concert , OEuvre quatrième . Prix , 7 livres
4 fols . A Paris , chez Mile Caftagnery , rue des
Prouvaires ; & à Rouen , chez l'Auteur , rue du
Petit Enfer.
AIR de Malboroug , arrangé ' per due Flauto o
Violono. ( il eft vraisemblable qu'on a voulu dire
pour deux Flûtes ou Violons , ) avec trente-trois vàriations
, par M. **** . Prix , 2 liv . & fols. A
Paris , chez Mlle Girard , rue de la Monnoie.
Pour les Annonces des Titres de la Gravure ,
de la Mufique & des Livres nouveaux , voyez les
Couvertures.
TABLE.
VER
ERS faits pendant mon fé- Erreurs Populaires fur la Mèjour
à Anet , 3 decine ,
30
AM. Dupré de Saint-Maur, Hiftoire Littéraire de la Ville
Invitation à dîner à Albine
Chienne de Mme Ad** . ib .
Charade , Enigme & Logogry
phe ,
d'Amiens,
dipe , Trag de Sénèque , 38
Comédie Italienne,
7 Annonces & Notices ,
APPROBATION.
1
39
43
J'AII lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 4 Octobre. Je n'y ai
rien trouvé qui puiffe en empêcher l'umpreiñon. A Paris ,
le 3 Octobre 1783. GUIDI
P
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI II OCTOBRE 1783 .
PIÈCES FUGITIVES.
EN VERS ET EN PROSE.
L'ÉLECTRICITÉ , Ode.
To1 qui fuis une route obſcure ,
Guidé par de foibles lueurs ,
Et qui prétends de la Nature
Sonder les vaftes profondeurs ,
Si ta màin ſouvent téméraire ,
De fon ténébreux fanctuaire
Ofa foulever le rideau ,
Éclaire ma raifon bornée ,
Satisfais mon âme étonnée
Sur ce phénomène nouveau.
QUEL enchantement ! quel preftige
* Cette Ode a été lûe à la Séance publique du Musée
de Paris , le premier du mois de Septembre.
Nº. 41 , 11 Octobre 1783 .
C
So
MERCURE
Captive mes regards furpris !
Quelle cft la caufe du prodige
Qui frappe mes fens interdits ?
D'où vient cette force rapide
Qui contraint un ardent fluide
A s'élancer de tous les corps.
Il paroît , fuit , revient fans ceffe ,
Il attire , il repouffe , il preffe
Par de mystérieux refforts..
CET être inconnu , dont j'admire
L'inépuisable activité ,
Anime tout ce qui refpire ,
Donne à tout la fécondité ;
Lui feul pénétrant la matière
De fes feux & de fa lumière ,
Remplit l'eau , la terre & les airs ;
De la Nature agent fuprême ,
C'eft le fouffle pur de Dieu même,
Et l'âme de cet Univers.
AINSI la Fable a peint Protée ,
Qui fuit dans fes antres fecrets ,
Et fous une forme empruntée ,
Échappe aux mortels indiſcrets.
Ici , le pétillant fluide ,
Jufqu'au milieu même du vuide ,
Jaillit en faifceaux radieux ;
Là , porté dans le fein d'un vafe,
HALIOTHECA
REGIA
MONAGENTS
DE FRANCE.
Il agite l'air , il l'embrâfe ,
Et vomit la flamme à mes yeux.
SANS doute il nourrit , il allume
Dans ces effroyables volcans
Le foufre ardent , le noir bitumè
Qui coulent en flots dévorans ,
Quand les entrailles de la terre ,
Qu'ébranle une inteftine guerre ,
Frémiffent de crainte & d'horreur ;
Lorfque les villes englouties
Sous l'herbe font ensevelies ,
N'en accufez que fa fureur.
QU'ENTENDS- JE ? Quel bruit formidable
A glacé tout-à- coup mes lens ?
Une Puiance redoutable
Trouble l'ordre des élémens.
Toute la Nature eft émue :
Les flancs ténébreux de la nue
Sont fillonnés par les éclairs ;
Les longs fifflemens des tempêtes ,
Mille feux roulans fur nos têtes
Viennent menacer l'Univers .....
DISPAROISSEZ , vaines alarmes.
Contre ce fléau deftructeur
Francklin a fu créer des armes ,
Il ofe enchaîner fa fureur :
Ce bienfait raffure la terre ;
Cij
52 MERCURE
Nous pouvons braver ce tonnerre ,
Tyran des mortels effrayés ;
Et la foudre , aujourd'hui docile ,
N'eft qu'une vapeur inutile
Qui s'évanouit à nos piés.
Dr Japet le fils téméraire ,
Au mépris du courroux des Dieux ,
Franchit les bornes de la terre ,
Et déroba le feu des cieux ;
Mais fon audace fut punie.
Jupiter lui laiffa la vie
Pour éternifer fes tourmens ;
Et lorfque Francklin le défarme ,
Le Dieu vaincu cède à fon charme ,
Et fes carreaux font impuiffans.
C'EST ainfi que par le génie.
L'homme s'égale aux Immortels.
Feu facré, divine énergie ,
Tu lui mérites des autels.
Au milieu de Rome naiffante ,
De Numa la voix impofante
A fes peuples dicta des loix ,
Et l'étude de la Nature
Le tira de la foule obfcure
Où font confondus tant de Rois.
UN champ fi fécond en merveilles
Vous offre de nouveaux progrès ;
DE FRANCE.
53
Savans , dont les pénibles veilles
Nous ont valu ces grands fecrets.
Dans une heureufe folitude
Que vos jours , remplis par l'étude ,
Soient voués à l'humanité ,
Et vos noms chers à la Patrie ,
Portés fur l'aile du génie ,
Iront à l'immortalité.
( Par M. Bodard. }
RÉPONSE aux l'ers qui m'ont été adreffés
dans le N°. du 20 Septembre 1783.
JE onpois
E ne reconnois pas mes rimes dans les vôtres ;
Vous volez mon pinceau , mais c'eft pour l'embellir.
J'y gagne de la gloire & beaucoup de plaifir ;
Vos larcins , différens des autres ,
Enrichiffent loin d'appauvrir.
( Par Mlle de Gaudin. )
Chacun afes goûts ; à Chloé , qui prétendoit
que je n'en avois aucun.
Qu'au gré de fes defirs , cherchant à nous inſtruire,
U'AU
Tout moderne conteur aille dans les forêts ,
Prétant aux animaux le fiel de la fatyre ,
Nous faire fermonner fur nos penchans fecrets.
Pour dégrader des traits formés par la Nature ,
"
C iij
54
MERCURE
Qu'un Peintre ingénieux , au gré de ſon pinceau ,
Vole à Flore des fleurs , à Vénus fa ceinture ;
Afin de mieux groupper fon magique tableau.
Peu jaloux de l'éclat de leur gloire immortelle,
Si jamais je prenois ma plume ou mes crayons ,
De Chloé je ferois une Grâce nouvelle ;
Et pour endoctriner nos jeunes Apollons ,.
Je leur dirois à tous : voilà votre modèle ;
Faites de fes vertus l'objet de vos leçons.
EN VOI.
Si les traits échappés des mains d'un Milantrope ,
A tes yeux délicats manquoient de coloris ,
Je dirois ce n'eft point : aux forges d'un Cyclope
Qu'on broya les couleurs des tableaux de Cypris.
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercure précédent.
LE mot de la Charade eft Chevre -feuille ;
celui de l'Enigme eft Mouchettes ; celui du
Logogryphe eft Cremaillière , où l'on trouve
Mercière , raie , ramier , crême , mie , lie.
ILL
DE FRANCE.
55
CHARADE.
MON dernier du premier affoiblit les ardeurs ,
Et mon tout ceint l'Amour d'épines ou de fleurs.
JE
ÉNIGME.
E fuis Latin , François ; en veux-tu voir la preuve ?
Latin , je donne rien ; François , je donne un fleuve .
( Par M. Barraud. )
LOGO GRYPH E.
ONZE pieds de mon nom compoſent la ſtructure .
En le décompofant , on trouve à l'aventure
Un animal utile & pourtant décrié ;
Ce qui met à l'abri le Pilote effrayé ;
Des mortels paffagers l'immortel apanage' ;
Deux mots qu'Amour met fouvent en ufage ;
Le nom d'une Bergère , & celui d'une fleur ;
Un fruit qui des vents froids redoute la rigueur ;
Ce qu'à Toulon fait mouvoir l'efclavage.
T'apprendre mon féjour , c'eſt décliner mon nom .
N'importe, il faut t'aider : j'habite l'Acheron .
(Par M. Berthier , Officier au Régiment
de Picardie. )
Civ
$6
MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
HISTOIRE Phyfique , Morale , Civile &
Politique de la Ruffie ancienne & moderne ,
par M. le Clerc , Chevalier de l'Ordre du
Roi. Tome 1er de l'Hiftoire Ancienne &
Tome 1er de l'Hiftoire Moderne . Ouvrage
propofé par Soufcription.
Nous n'avions fur la Ruffie que des Mémoires
, des Cartes , & les Lettres de quelques
Voyageurs . Deux François ont entrepris
l'Hiftoire de cet Empire étendu &
qui pèfe maintenant dans le bailin de la balancé
de l'Europe. Nous avons rendu compte
des travaux de M. Levêque. M. le Clerc
marche fur fes traces , ou , pour parler plus
jufte , eft fon rival. Son Ouvrage , qui doit
avoir cinq volumes in 4°. eft enrichi de
cartes & de gravures . Il paroît que M. le
Clerc n'a voulu épargner ni l'argent ni les
foins. Une Hiftoire feroit en effet un monument
bien plus durable que ces maffes de
pierre que la Sculpture ennoblit & taille au
milieu de nos places publiques , fi elle rempliffoit
entièrement la tâche , vaſte & glorienfe.
Cette réflexion nous conduit à l'examen
de celle de M. le Clerc . A t'il , n'a t'il
pas rempli cette tâche dans toute fon étendue
?
DE FRANCE.
37
Sans doute nous femmes bien éloignés de
vouloir qu'un Hiftorien s'enferme dans le
cadre étroit.ou vuide de chaque règne , pour
n'en jamais fortit , & prenne le Heros ou
le Tyran , ou l'imbécille Monarque des le
berceau , pour ne le quitter que dans la
tombe. Cette manière longue , sèche &
froide , qui ne fait connoître que des Princes
fouvent peu dignes d'être connus , étourdit
l'oreille par le bruit répété des barailies ; l'efprit
du Lecteur le repoſe à peine fur de
courts inftans de paix ; il cherche en vain ces
analyſes importantes du Code National .
Comme on a trop parlé du Prince , on femble
n'avoir plus de place pour s'occuper du
peuple. Il eft telle Hiftoire où on feroit embarraffé
de connoître le fol, le climat , l'étendue
, le degré , la richeffe d'une Nation ,
fon génie & fes revenus.
M. le Clerc s'eft écarté de ce plan. Les
matériaux de l'Hiſtoire , dit il , font les tempéramens
, les caractères des peuples , les
refforts fecrets des paffions , la légiflation
qui les enchaîne , les principes & les vûes
de la politique , les vices & les vertus des
peuples , felon qu'ils font bien ou mal gouvernés
; l'invention , la perfection , le rapport
des Sciences & des Arts pour l'utilité
& l'agrément de la vie ; les écarts de l'imagination
, les monumens de la folie , ceux
du génie & de la fageffe ; l'influence de l'ordre
, des lumières & des moeurs fur la félicité
publique & particulière.
Cv
58
MERCURE
Oui , telle eft la conduite d'un bon Hiftorien.
M, le Clerc , qui l'a très bien devinée
, l'a t'il exactement renue ? , Oui & non,
Rien ne manque dans fon Hiftoire. Il eft
defcendu dans tous les détails ; peut- être en
a - t'il trop mis , & de ceux qui font trop
au- deffous de l'importance de fon fujet ,
peut être s'eft il longuement appefanti fur
des parties qui ne demandoient qu'un léger
coup d'ail.
Voici la coupe des deux Volumes , dont
l'un eft le premier de l'Hiftoire Ancienne ,
& l'autre le premier de l'Hiftoire Moderne .
Chaque règne eft divifé par Section . Ces Sections
font courtes ; il n'eft pas long temps
queftion du Monarque dont on voit le por
trait gravé , il eft très peu parlé des guerres
& des peuples voifins : quelques troubles intérieurs
, voilà l'Hiftoire des Souverains de
la Rullie. Le ftyle eft fouvent gâté par des
métaphores , & des comparaifons qu'un
goût févère auroit dû rejeter . Jamais Nation
ne combatrit fi long temps contre les
voifins que les Ruffes ; à peine connoiffonsnous
dans cette Hiftoire quels étoient les intérêts
des Grecs , des Bulgares , des Mogols
& des Tatars qui combattoient . De Rouvik
jufqu'à Volodimir , & de ce Prince jufqu'à
Olgovitz , on est étonné de ne lire rien d intérellant
fur l'Empire Ruffe. Parmi tant de
Princes, ou uforpateurs ou de rônés , parmi
tant de guerres civiles qui ont fait , fuivant
l'expreffion de M. le Clerc , de la Rullic une
DE
59
FRANCE,
boucherie , on n'eft frappé d'aucun de ces
traits qui éclairent chez toutes les Nations'
le grand tableau de l'Hiftoire . Les crifes répétées
ne produifent ni des monftres ni des
Heros. On parle de rébelles , on ne voit ni
Chef, ni conjuration ; on conduit un Roi
dans un Monaftère , où il eft maffacré deux
ans après , on ne fait pourquoi.
Nous rendrions un mauvais fervice à M.
le Clerc fi nous bornions à ces obfervations
l'analyse de fon Ouvrage . Il faut dire maintenant
ce qu'il contient d'eftimable , & qui
a dû exiger des recherches , de l'opiniâtreté
& des vues . Mais ici nous devons changer le
nom , & nous ferons parfaitement d'accord ;
s'il veut qu'on accueille fon travail comme
des Mémoires , ou un Recueil de Traités
fur chaque partie de la Conftitution , de la
Police & de la Légiflation de l'Empire de
Kullie , on n'a que des éloges à lui donner.
Chaque Traité ou Difcours nous a paru
complet ; M. le Clerc ne laiffe rien à defirer
fur les fuiets qu'il embraffe . Mais nous
croyons qu'il a trop étendu fon plan , en entrant
dans des détails qui appartiennent à la
Botanique & à la Medecine . L'Hiftoire peut
& doit parler des maladies de l'efprit; la
morale eft toute entière de fon teffort ; mais
les maux phyfiques & leurs remèdes n'en
font plus. Si une Nation ( & elle n'en feroit
pas plus à plaindre pour cela ) ne devoit
avoir qu'un feul Livre , fans doute il faudroit
que ce Livre fût univerfel. Mais comme cha
C vj
60 MERCURE
que Science a droit auffi d'avoir les archives
, fes Profefleurs , fes Dictionnaires & fes
chef d'oeuvres , il eft effentiel de voir dans une
Hiftoire les indigeftions du Compilateur.
Nous ne fuppofons point que nos obfer.
vations empêchent le Public de fe procurer
cer Ouvrage , qui ( nous l'avons déjà dit ) ne
laiffe rien à defirer du côté de l'inftruction.
L'Empire peut avancer ou rétrograder , quelque
grands que foient fes pas , il ne changera
point jufqu'à rendre méconnoiffable ,
comme il arrive à bien des Hiftoriens , le
portrait que M. le Clerc en a tracé. Il à tout
calculé , dépenfes , revenus , excédent, population
, numéraire , troupes , charges , commerce
, bénéfice , rapports avec les étrangers
; fes befoins phyfiques ou artificiels , fes
chaînes , fes loix , le fol , le climat , les maladies
particulières à la Nation , les remèdes ,
les mines , le cadaftre des temps ; il a tout
dit. Et il faut avouer qu'on ne peut rien demander
de plus. Il faut convenir qu'il eft
peu d'Hiftoriens qui ayent embraffé , comme
M. le Clerc , une Nation dans toute fa plénitude.
Il a rejeté ces fables abfurdes qui
naiffoient dans l'oifiveté des cloîtres , où des
Moines ignorans jugeoient les Rois en raifon
de leur dévotion , non de leurs lumières.
Il a fuivi cette chaîne des moeurs , des ufages
& des coftumes , qui eft pour un Hiſtorien
Philofophe le fil conducteur dans le dédale
des vieilles chroniques , des fables & des
origines.
>.
DE FRANCE. 61
Nous allons préfenter à nos Lecteurs quel
ques faits intéreffans. Il paroît , par l'Hiftoire
de M. le Clerc , que la population de
la Ruffie fe monte à dix neuf millions d'âmes.
L'Empire embraffe neuf cent quarante- neuf
mille trois cent foixante- quinze lieues quarrées
. C'eft trop peu d'habitans pour une fi
grande étendue. A cette dépopulation , fi
l'on ajoute la levée de quatre cent mille
hommes qui compofent les Troupes régulières
& irrégulières , on ver que la Ruffie
eft , de tous les États , le moins peuplé. Les
revenus fe montent à 103,097,840 liv . 3 fols
den. argent de France. Les dépenfes font
portées à 45,425,884 liv. 13 fols 6 den.; les
revenus excèdent de $ 7,671,955 liv. 10 fols
9 den. Ce calcul fait à coup sûr l'éloge de
Catherine , Impératrice régnante , s'il eft
vrai que l'excédent foit employé à des monumens
de luxe , qui rendent une Nation
chère aux Arts & refpectable à la postérité.
La balance de fon commerce eft à dix- fept
millions de bénéfice annuel fait fur l'étranger.
M. le Clerc prétend prouver par les rapports
entre les productions du fol , des ininéraux
, des foffiles , que l'Amérique étoit
jointe autrefois avec l'Afie Septentrionale
& que celle- ci a conféquemment peuplé
Pautre. La côte de l'Afie Septentrionale n'eft
éloignée au plus que de fept lieues de celle
du Nord - Oueft de l'Amérique . Dans les
temps anciens , la Ruffie & la Pologne for62
MERCURE
moient enſemble la Scythie. Rouvik eft le
premier Roi que l'Empire ait connu , & c'eſt
lui qui forgea le premier anneau de la fervitude.
Les premières Loix datent de l'an
1016. L'invafion des Mogols , que nous n'avons
point trouvée affez développée , eut
licu en 1237. Le feu Grégeois , employé par
les Grecs , avoit été lancé en 15 contre la
flotte d'lgor. Les Ruffes ont toujours été
enclins a une parfaite foumiflion . On ne
voit point que la Religion ait enfanté le fanatifme
; il cft vrai qu'on ne voit point
qu'ils tinffent beaucoup à leur Religion . Vo
lodimir fe fait Chretien , les Rufies reçoivent
avec empreffement le baptême , & difent : fi
cela n'étoit pas bien , le Prince & les Boyards
ne l'auroient pas fait. Ils fe bornoient à en
tendre la Melle, les Dimanches & les Fêtes ;
& après avoir rempli ce devoir , ils ouvroient
leurs boutiques & travailloient. Ce n'eft
que depuis le Patriarche Nilion que les
Ruffes célèbrent en plein les Dimanches &
les Fêtes. Volodimir avoit eu cinq épouses
& trois cent concubines. Il fut en Ruffie ce
que Clovis avoit été en France . Il étendit le
pouvoir du Clergé , créa les dixmes , & affermit
l'autorité fpirituelle. Lorfque les
" Princes Ruffes vouloient fe marier , ils
» faifoient publier un Oukaz , par lequel il
» étoit ordonné à tous les pères de famille
» de conduire à la Cour leurs filles nubiles ,
و د
و د
..
en cas qu'elles fuffent affez belles pour
» pretendre au choix du Souverain. ArriDE
FRANCE. 63
"3
» vées dans la Capitale , la grande Maîtreffe
» de la Cour les recevoit chez elle , les logeoit
feparément , & les faifoit manger
» toutes enfemble. Le Prince les voyoit , ou
» fous un nom emprunté , ou fous un déguifement.
Pendant la nuit on les examinoit
» attentivement. Celles qui avoient le fommeil
inquiet , des rêves turbulens , étoient
» exclues du choix. Le jour du mariage
étoit fixé fans que le choix du Prince fût
» connu. On préfentoit un habit de noce à
» celle qui étoit choisie. » Cette coutume
39
"
ramenoit du moins un peu cette égalité primitive
, qui paroît aux Souverains une fable
populaire. Les Ruffes fe marioient comme
leur oi , fans connoître leurs épouses ,
même de figure. Les filles & les femmes vivoient
à la mode Afiatique , enfermées &
voilées. Pierre le - Grand voulut qu'on fe
connût au moins fix femaines avant le mariage.
Les jeunes mariées déchauffoient leurs
époux le premier jour de leurs noces. Les
pères & les mères ont fur leurs enfans la
même autorité que les Loix Romaines accordoient
aux chefs de familles .
Le .uffe a payé , comme les autres peuples
, un tribut à la fuperftition & aux fables.
Quand le tonnerre fe faifoit entendre ,
il croyoit que le Prophère Élie rouloit carroffe.
Il étoit Chrétien comme les Saxons
l'étoient fous Charlemagne . Quand je trouve
fous ma main quelque chofe qui me convient
, difoit un Ruffe , pourquoi ne le pren64
MERCURE
מ
و د
33
و ر
drois- je pas ? Il faut pécher fi l'on veut que
Dieu pardonne. Me prenez vous pour un
chien ou pour un payen , difoit un Voleur à
fes Juges , j'ai maffacré beaucoup d'hommes ,
pris tout ce que j'ai pu prendre ; mais Dieu
fait que je n'ai jamais mangé de viande les
jours maigres. " Les Ruffes , à la mort , dif
» tribuent du thé, du vin , du café, de l'eau devie,
du punch à tous les affiftans du convoi
» funéraire ; on boit autour du mort , qui
» eſt raſé , friſé ; le cercucil eft ordinairement
peint , & quelquefois doré ou argenté ,
» & doublé de fatin ou d'autres étoffes de
foie , felon le rang , la dignité , la fortune
» du mort , qui eft revêtu de fes plus riches
habits ; on lui met aux mains des gants
blancs , & il tient une croix , un paffe-
» port, & un bouquet.Ce paffeport eft adreffé
» directement à S. Nicolas , qui doit rece-
» voir l'âme du mort , & l'introduire en
» Paradis. Des pleureufes fuivent le convoi ,
" & vendent leurs larmes. » Les Ruffes , defcendus
originairement des Slaves , avoient
eu une Mythologie calquée fur celle des
Grecs. Ils reconnoiffoient le feu facré , ils
avoient le Dieu des eaux , le Dieu protecteur
des troupeaux , des efprits domeftiques , la
Déeffe de la chaffe , le Zéphyr , le Dieu des
productions de la terre , une Vénus , dont
les temples étoient riches . Ils avoient des
Magiciens , & croyoient à la divination ; ils
reconnoiffoient un Dieu blanc & n Dieu
noir , un Dieu fuprême , un Plutus , un Dieu
""
DE FRANCE. 65
fort , un Dieu des bois & des fonges , des
Divinités inférieures des eaux & des bois :
Bellone étoit leur Divinité infernale , la
femme d'or ou la mère des Dieux. Leurs facrifices
étoient courts.
Ufebold eft le premier Prince Ruffe qui
ait ajouté le nom de fon père au fien , &
cet uſage , né en 1078 , s'eft perpétué. Le
nom propre du fils , terminé par celui du
père , y eft regardé comme une marque de
diftinction particulière aux Nobles , aux
Grands , aux Princes & aux Princeffes du
Sang Impérial. Le reproche de lâcheté étoit
le plus fenfible de tous les affronts. Boleflas ,
vaincu par la défertion du Vaivode Ufebold
qui l'avoit abandonné lâchement , ne fe vengea
de cette perfidie qu'en lui envoyant une
peau de lièvre , une quenouille & un fufeau.
Le Vaivode , outré de ce reproche , ſe donna
la mort , pour ne pas furvivre à fa honte.
La Littérature Ruffe tient une place confidérable
dans le premier Volume de l'Hif
toire Moderne . La langue Ruffe , dit M. le
Clerc , fille de la langue Slave , belle , riche ,
renferme un grand nombre de ces mots imitatifs
qui peignent les chofes par le fon.
Elle a les augmentatifs & les diminutifs du
Latin & de l'Italien. La prononciation eft
douce. Le commerce a étendu la fphère des
idées du peuple ; fon langage eft animé , &
toujours fuivi du gefte. L'étonnement &
l'admiration dont fon ignorance le rend fufceptible
, l'entraînent violemment à l'exagé66
MERCURE
ration. La langue des Livres diffère beaucoup
du langage. Elle a confervé l'ancienne
majefté des langues mères . Les Rufles tutoyent
leur Prince , les Saints & leur Dieu.
Ils ont adopté le plus grand nombre des caractères
Grecs.
Leurs faftes littéraires remontent vers la
fin du dixième fiècle. Alors ils avoient des
chanfons. Dès le onzième ſiècle ils traduifirent
la Bible , & furent le premier peuple
moderne qui osât prier Dieu dans la langue
maternelle. Leur premier Hiftorien naquit
en 1056 ; & un demi- fiècle auparavant i's
avoient eu quelque connoiffance de la fonte
des métaux & de la fculpture en bois. Trois
fiècles s'ecolèrent avant qu'elle eût fait un
pas de plus ; & il paroît que jufqu'en 1700
il eft inutile de chercher des Littérateurs
dans la Ruffie ; elle eft cependant , dit M. le
Clerc, par fa pofition & par fon étendue ,
à portée d'entretenir un commerce réglé avec
prefque toute l'Afie , & de faire paffer en
Europe les richeffes Littéraires d'une multitude
de peuples , dont à peine nous favons
les noms . Le ftyle oriental fe retrouve dans
la plupart des poéfies Ruffes modernes . Le
premier Profeffeur d'Eloquence , qui luimême
donna le premier des règles fur la
poéfie Ruffe , n'a été établi qu'en 1745. Le
renouvellement des Lettres en Ruffie eft dû
au Prince Kantemir , qui cultiva les Mufes ,
& enrichit fa Littérature par des Traductions
des meilleures Auteurs François.
DE FRANCE. 67
Nous defirons que M. le Clerc s'occupe
davantage de la politique des Ruffes ; nous
efpérons qu'il detlinera à grands traits les
têres du Czar Pierre & celle de Catherine.
Il peut animer fes narrations , & abréger les
réflexions , dont il eft un peu trop prodigue.
Son Ouvrage eft de nature à orner les bibliothèques
, ou comme des Mémoires ou
comme une Hiftoire. Un Hiftorien qui a vû
& a vécu long- temps dans le pays dont il
rédige les faftes , a bien des avantages ; M.
le Clerc eft plus capable qu'un autre de
mettre en oeuvre fes connoiffances locales.
On voit d'ailleurs que c'eſt un homme trèsinftruit
, & dans plus d'un genre.
Le prix de la Soufcription eft de 120 liv.
& celui de l'Ouvrage de 160 liv. pour ceux
qui n'auront pas fouferit.
30
Les Soufcriptions fe payeront d'avance ,
ou en quatre termes ; favoir : liv. en
foufcrivant , 30 liv. en retirant les deux premiers
volumes , 30 liv. en recevant le troifième
, & 30 liv. en retirant les deux derniers.
> On foufcrit à Verfailles , chez Blaizot ,
Libraire du Roi & de la Famille Royale ; á
Paris , chez Frouflé , Libraire , Pont Notre-
Dame , vis - à - vis le Quai de Gêvies.
68 MERCURE
#
ESS AI fur l'Hiftoire de la Société Civile
par M. Adam Ferguson , Profeffeur de
Philofophie Morale à l'Univerfité d'Édimbourg
; Ouvrage traduit de l'Anglois par
M. Bergier. 2 vol. in 12. A Paris , chez
la Veuve Defaint , Libraire , rue du Foin
S. Jacques.
Les différens fyftêmes fur la nature de
l'homme , fur l'origine des Sociétés , fur les
progrès de la civilifation , ne nous ont rien
appris fur l'état réel de l'homme dans les premiers
temps de fon existence. Les uns l'ont
dégradé jufqu'à le borner à une fenfibilité
purement animale , & l'ont privé d'idées , de
fentimens & de paffions ; les autres l'ont
placé dans un état de guerre continuelle , entretenu
par l'intérêt & l'ambition du pouvoir.
Les Poëtes ont imaginé l'âge d'or , dans
lequel il n'avoit que des plaifirs , & ne trouvoit
aucun obſtacle à fon bonheur. Toutes
ces hypothèſes font autant de Romans qui
ne nous préfentent l'homme que comme
leurs Auteurs l'ont voulu faire pour l'ajuſter
à leurs opinions. Les archives de l'hiftoire ,
les obfervations des Philofophes , les relations
, tant anciennes que modernes , de
toutes les parties du monde , nous montrent
l'espèce humaine raffemblée dans tous les
temps par troupe , & l'individu lié d'affection
à une Société . C'eft fur cette affociation
immémoriale que M. Ferguſon établit toute
DE FRANCE 69
fon Hiftoire ; c'eft d'après les hommes en
maffe , & non d'après l'être ifolé , qu'on
peur appercevoir les progrès de la civilifation
: il eft facile alors de fuivre le chemin
qu'elle a fait , & de remonter juſqu'à ces
temps inconnus où les monumens & la tradition
nous abandonnent , & où les commencemens
de cette fcène , pleine de merveilles
, font effacés . « En étudiant l'homme
" dans fa vie & dans fes penchans , on trouve
» la fociété auffi ancienne que lui - même ,
l'ufage de la parole auffi univerfel que
» celui des mains & des pieds. S'il fut un
» temps où il dût fe lier avec fon efpèce , où
» il eut des facultés à acquérir , il ne refte
» aucun veftige de ce temps , & nos opi-
» nions à cet égard ne peuvent aboutir à
rien , étant deftituées de toute certitude. »
»
39
L'homme eft né en Société , dit Montelquieu
, & il y refte. Que de motifs d'intérêt
l'y attachent que d'attraits puiffans l'y re
tiennent ! Le commerce de fes femblables
eft un befoin qui naît avec lui ; que fa foible
ffe , fes rapports , fes liens , le fouvenir
de ce qu'il en a reçu , de ce qu'il en eſpère ,
entretiennent. Pour prouver que les hommes
ne tiennent pas à la Société , feulement
par les avantages qu'ils y trouvent , M. Fergufon
montre que cette affection n'a jamais
plus d'activité que lorfqu'elle rencontre les
plus grands obftacles. Il cite celle d'un père
lorfqu'il voit fon enfant dans le danger ,
celle d'un homme affecté des malheurs de
70 MERCURE
fon ami , ou des défaftres de fon pays , l'attachement
du Sauvage pour la Tribu , l'amour
exclufif des Grecs , & le patriotifme
exalté des anciens Romains. Il compare ces
exemples à l'effet que produit l'efprit qui
règne dans un État commerçant , où l'intérêt
relâche fans ceffe les liens de la Société.
"
L'Auteur Anglois adopte les qualités caractéristiques
que Montefquieu a données
aux différens Gouvernemens établis parmi
nous & il rend hommage aux grandes
vûes & aux profondes méditations de ce
genie légiflateur ; il recherche les caufes qui
affoibliffent , modifient , rapprochent ou décompofent
, par des gradations fouvent imperceptibles
, les formes de ces Gouvernemens.
Ces changemens , quels qu'ils foient ,
fe trouvent plus ou moins compris fous les
Chefs de République , de Monarchie , de
Defpotifme , fuivant les divers degrés d'influence
qu'ils donnent à la vertu , à l'honneur
, à la crainte fur les actions des hommes
, & la théorie générale eft plus ou moins
applicable aux circonftances particulières
qu'ils offrent. Par exemple : « Le Defpotif
» me & la Démocratie parfaite femblent
» être les extrêmes oppofés auxquels les
» Conflitutions aboutiffent quelquefois.
» L'une exige une vertu parfaite , l'autre
ود
ود
fuppofe une corruption totale . Cepen-
» dant , à l'égard de la forme feulement ,
» comme il n'y a ni dans l'un ni dans l'autre
rien de fixe par rapport aux rangs , &
DE FRANCE. 71
39
qu'on n'y connoît de diftinétions que celle
» que donne la poffeflion accidentelle &
و د
"
momentanée du pouvoir , les Sociétés paf
» fent ailement d'une fituation où tous les
» individus ont un égal droit de cominander,
» à une fituation où tous font également
» deftinés à fervir. Dans l'une & dans I au-
» tre , les mêmes qualités , le courage , l'efprit
populaire , l'affabilité , l'adreffe , les
talens militaires élèvent l'ambitieux à la
prééminence. Avec ces qualités , fouvent
» le Citoyen ou l'Efclave fort des rangs
» pour prendre le commandement d'une
armée , & paffe fubitement d'un pofte
obfcur fur un théâtre brillant . Dans l'une
» & dans l'autre , une feule perfonne peut
» gouverner avec une autorité fans bornes ,
» & la populace peut également renverfer
» les barrières de l'ordre , & rompre le frein
39
"
و د
» des loix . "
Après avoir établi les principes généraux
qui ont donné la première forme à la Société
, M. Fergufon s'occupe dans la feconde
Partie de l'Hiftoire des Nations Sauvages .
L'origine des peuples a été la même ; on voit
aifement la marche lente & graduelle de
leur civilifation. Les Grecs , fi célèbres par
leurs Arts & par leur politeffe ; les Romains,
fi puiffans par leurs conquêtes ; les Gaulois ,
les Germains , les habitans de la Grande-
Bretagne, n'étoient , à bien des égards , que ce
que font aujourd'hui les naturels de l'Amérique-
Septentrionale : comme eux , ils igno72
MERCURE
1
1
L
,
roient l'Agriculture , fe peignoient le corps ,
& ne connoiffoient d'autres vêtemens que
les peaux de bêtes. L'amour de la patrie
l'intrépidité dans les dangers , le mépris des
richeffes , la conftance à fupporter les fatigues
& les calamités , ont été l'apanage des
Nations fimples ; & c'eft delà que nous devons
commencer nos recherches fur le caractère
original de l'efpèce humaine. Les
antiquités domeftiques & les traditions populaires
peuvent nous guider ; mais ce ne
doit être qu'avec une extrême circonfpection
: elles ne font fouvent que des fictions
des âges poftérieurs ; elles préfentent l'empreinte
, non des temps qu'elles décrivent ,
mais de ceux par lefquels la tradition les a
fait circuler. Les légendes d'Hercule , d'OE-
dipe , de Théfée , l'Illiade , l'Ody ffée ne fauroient
fervir d'autorité en matière de faits ,
mais on peut les citer pour faire connoître.
la manière de penfer & de fentir des fiècles
d'où nous viennent ces productions, & pour
caractériſer le génie du peuple au goût duquel
elles furent afforties ; c'eft ainfi que les
Fables des Grecs répandent de la clarté fur
un période de temps dont il ne reſte aucune
autre tradition . Les Romains qui nous ont
laiffé les feules notions hiftoriques que nous
ayons , fe font occupés à déprimer nos ancêtres
, à qui ils n'avoient à reprocher que
de reffembler aux leurs ; ils nous ont donné
cependant les feules connoiffances authentiques
que nous ayons des Tribus dont nous
defcendons ;
DE FRANCE. 73
defcendons ; & c'eft ainfi que les premières
Nations civilifées ont laiffe aux peuples , qui
ne font parvenus que très tard à l'état de
civilifation , les traits de leur exiftence primitive.
Si jamais une Horde Arabe , ou un
peuple Américain parvenoit à fe civiliſer ,
ce feroit dans les relations de nos Voyageurs ,
qu'après plufieurs fiècles ces peuples feroient
obligés de chercher les matériaux de leur
Hiftoire. Il eft difficile de diftinguer un
Germain , un Breton , d'un Américain , dans
les manières , dans les idées , dans l'extérieur
même. Tacite & Charlevoix , nous
peignent les mêmes hommes. L'Auteur
Anglois traite , dans les deux Chapitres qui
terminent ce Livre , des Nations groffières
avant & après l'établiffement de la propriété;
il diftingue l'état Sauvage , où l'idée de propriété
elt encore inconnue , & l'état de Barbarie
, où la propriété , quoiqu'elle ne foit
pas garantie par des Loix , eft un objet capital
de defir & de foins. Il obferve la marche
lente & pénible de la civilifation , depuis
l'homme qui ne fubfifte que de la pêche , de
la chaffe , & des productions naturelles du
fol , jufqu'aux peuples qui , raffemblés en
Horde guerrière , & obéiffant à un Chef,
furent fubjugés par la police & la difcipline
des Romains. Il trouve dans les moeurs de
ces peuples , dans l'influence du climat , dans
la liberté des paffions , les caufes des différens
établiffemens que les befoins , la force
& l'induftrie formèrent fucceflivement , &
No. 4 , 11 Octobre 1783 .
D
74
MERCURE
des gradations par lesquelles les affociations
humaines pafsèrent pour parvenir à la formarion
de tel ou tel Gouvernement.
Ayant enfin trouvé un point fixe pour
pouvoir avancer avec clarté dans l'Hiftoire
de l'efpèce humaine , M. Ferguſon ſe fert
avec avantage des matériaux abondans que
lui préfentent la population , la richeffe , la
force , la liberté , le commerce , les Arts ,
&c. Le troisième Livre de fon Ouvrage eft
curieux par les développemens & les moyens
de fociabilité qu'il préfente . Il eft perfuadé
que ces inoyens font plus particuliers à certaines
contrées & à certaines races d'hommes.
Il eft conftant , dit il , que c'eſt lous
la Zône tempérée que l'homme a toujours
atteint le plus haut degré de perfection
» dont il foit capable : les Arts qu'il a inventés
à plufieurs repriſes , l'étendue de fa
» raifon , la fécondité de fon imagination ,
» la force de fon génie pour les Lettres , la
police & la guerre , prouvent affez ou un
» avantage confidérable du côté de la fitua-
» tion , ou une fupériorité naturelle dans les
efprits. » Ici M. Fergufon met en parallèle
la marche de l'efpèce humaine & celle
de l'individu dans les différens climats qu'il
´habite ; & c'eft à cet agent naturel qu'il attribue
les variétés de caractères , de goûts , de
talens qui ont toujours mis tant de différence
entre l'Arabe & le Lapon , entre le
cheval & la renne. C'eſt chez les peuples
méridionaux qu'on trouve cette mythologie
DE FRANCE.
75
ingénieufe , ces traditions embellies , cet efprit
chevalerefque , produit d'une imagination
brillante. Dans le Nord , l'induftrie &
les fciences ont fait les plus rapides progrès
, & les bords de la Baltique le font illuftrés
par les Copernic , les Tycobrahé , les
Képler , tandis que ceux de la Méditerranée
abondoient en Poëtes , en Hiftoriens , en
Orateurs. Les paffions ont la même progreffion
à la Louifiane , les femmes règnent
par le double afcendant de la ſuperkition &
de la paffion ; en Canada , elles font efclaves
; on ne les confidère que par leurs travaux
& par le fervice domeftique. En parcourant
l'équateur , on voit toutes les variations
du tempérament & du caractere ; les
fureurs de l'amour & les tourmens de la
jaloufie règnent dans les férails de l'Afie &
de l'Afrique ; lorfque la chaleur diminue ,
ces paflions fe changent en un fentiment
momentané qui s'empare de l'âme fans l'af
foiblir , & qui la porte à des faits romanefques,
Plus avant dans le Nord , c'eft une
galanterie de moeurs qui occupe plus l'imagination
que le coeur ; en s'éloignant du foleil
, cette paffion n'en eft plus une , c'eſt une
habitude à peine fuffifante pour former les
liens de la Société. La terre préfente à notre
Obfervateur Philofophe les différences qu'il
y a entre les peuples qui habitent les mêmes
parallèles, & que produifent la nature du ſol,
la pofition des lieux , l'éloignement ou le
voiſinage de la mer , les grandes maffes d'eau ,
1.
Dij
76 MERCURE
les vaftes forêts qui , en affectant l'atmofphère
, doivent avoir des effets marqués fur
l'économie animale. Il ne veut pas expliquer
par là comment le climat peut influer fur
le tempérament & former le génie des peu
ples. Il faudroit , pour réfoudre ce problême ,
pouvoir connoître la ftructure de ces organes
fi déliés dont dépendent les opérations
de l'âme. On peut feulement indiquer les
particularités qui , dans la pofition d'un
peuple , le conduifent aux objets de fon attention
& de fes pourfuites , décident fes
habitudes & fon genre de vie , lui donnent
un plan réfléchi d'actions & d'effets , dont
la liaifon eft plus familière & plus connue.
C'est ainsi qu'on peut expliquer comment
le Hollandois , qui eft fi actif & fi induftrieux
en Europe , devient nonchalant &
pareffeux dans l'Inde .
M. Ferguſon reprend l'Hiftoire de la Civilifation
, & il prouve que c'eft le haſard ,
ou , fi l'on veut , une fuite de circonstances
momentanées & de fituations qui a formé
les Gouvernemens qu'on admire ; il ôte à
Lycargue , à Romulus , & aux autres Légiſla
teurs, tout leur mérite confacré par les fiècles .
On joint perpétuellement l'auteur à l'ou-
» vrage , comme on joint l'effet à la caufe
» & l'on regarde comme les fruits de la fageffe
ce qui ne fut probablement que les
conféquences de la fituation antérieure ,
» & d'une longue fuite d'évenemens. » Dans
les affociations naiffantes , il cherche les
وو
93
DE FRANCE.
77.
caufes qui firent adopter la Démocratie aux
unes , le Monarchifme aux autres ; qui , dans
des âges poftérieurs & des pofitions différentes
, conduifirent les hommes à former
de ces conftitutions fimples , ce mêlange de
tous les pouvoirs qui a donné naiſſance à
cette variété de formes politiques qu'on voit
répandues fur le globe , & il parvient à nous
montrer comment les Nations de l'Europe
font arrivées à l'état de ftabilité où nous les
voyons. La défenfe nationale , l'adminiftration
de la juſtice , la confervation & la profpérité
intérieure , une fois établies fur une bafe
folide, les Nations adoptèrent quelques points
de vûe favoris , certains objets de prédilection
qui les diftingua & qui produifit des différences
dans leurs moeurs comme dans leurs
inftitutions . Les Romains durent leur puiffance
à leur force militaire , & leurs richeffes
à leurs conquêtes ; les peuples modernes
nefe font agrandis , & n'ont acquis un pouvoir
prépondérant que par le commerce :
delà leur population & leurs richeffes . Il fait
voir le danger qui peut réfulter pour un
corps politique , de la rendance générale des
efprits vers les fpéculations d'intérêt ; il parle
enfuite de la défenfe Nationale & de la conquête
, de la liberté civile , de l'hiftoire des
Arts & de la littérature. Ce n'eft que lorfque
la Société eft entièrement formée que
les Arts & les Sciences s'y perfectionnent ;
leurs progrès font en raifon de la civilifation
; mais ils reftent concentrés dans la Na-
Diij
58 MERCURE
tion qui en jouit , tant que les peuples voi
fins ne font pas arrivés au même degré de
fociabilité , on voit qu'ils ne franchirent que
lentement les limites des Colonies Grecques.
Marſeille étoit une école d'inftruction & de
goût , & les Gaules étoient encore barbares ;
les Romains adoptoient les Arts de la Grèce ,
& les Thraces , les Illyriens continuoient à
les regarder d'un oeil indifférent . Les Colonies
Romaines les répandirent peu - à - peu
jufqu'à l'extrêmité de l'Empire. Les races
modernes qui s'emparèrent de ces Provinces
cultivées , ne confervèrent que les Arts né
ceffaires à leur manière de vivre & qu'ils
connoiffoient déjà : ils détruifirent tout le
refte ; les Générations fuivantes furent obli
gées de créer de nouveau , & de recourir
aux modèles qui avoient échappé à la barbarie
on imita , on érudia ces débris . Les
effais informes de poéfie des Provençaux &
des Italiens , reffemblent à ceux des Grecs
& des anciens Romains. « Quelles euffent
و د
30
وو
été nos productions , à quel degré de
» mérite feroient elles parvenues , fi , deftituées
de modèle , elles fe fuffent perfectionnées
fucceffivement ? Avons nous
plus gagné à imiter que nous n'avons
» perdu à nous éloigner du fyftême original
» de nos idées , de notre tour d'eſprit , de
» notre goût de fiction ? Ce font là des queftions
qu'il faut abandonner aux conjec-
.tures. "
Dans toutes les Nations où les Arts ont
DE FRANCE.
79
concouru au perfectionnement de la Societé
, la poélie a toujours fait des progrès
plus rapides que les autres genres de Littérature
, foit parce qu'elle a été cultivée la
première , foit qu'elle ait un attrait particulier
pour les imaginations vives , qui font
aufli les plus propres à perfectionner l'éloquence
de leur langue naturelle . " Sophocle
» & Euripide précédèrent les Hiftoriens &
» les Moraliftes ; Ennius & Mævius , qui
» écrivent en vers l'Hiftoire de Rome ,
» Lucilius , Plaute , Térence , furent anté-
" reurs à Cicéron , à Sallufte , à Célar . Le
» Dante & Pétrarque faifoient les délices
"
de l'Italie avant qu'elle eût un bon Écri-
» vain en profe ; Corneille & Racine com-
» mencent le beau fiècle des compofitions
» en tout genre , & l'Angleterre avoit fes
Chaucer , fes Spencer , fes Shakeſpear ,
» fes Milton , tandis que l'Hiftoire & la
» Science étoient encore dans l'enfance. C'eft
» un fait remarquable , que non ſeulement
» dans les pays où tous les genres de com-
30
pofition font indigènes , mais même à
» Rome , & dans l'Europe moderne , où ils
sne fe font introduits que d'après des mo-
» dèles étrangers , on trouve dans toutes les
» langues, des Poëtes qu'on lit avec plaiſir ,
» tandis que les Profateurs contemporains
» ne méritent aucune attention . » L'Auteur
Anglois prouve , par l'exemple de la
Grèce , de Rome , & des peuples modernes ,
que la tranquillité , le loifir , la retraite ne
DAV
80
MERCURE
.
font pas l'état le plus favorable à la culture.
des talens Littéraires : ce fut au milieu des
troubles de l'Italie qu'elle fe ranima ; elle
pénétra dans le Nord , & fe répandit avec le
même efprit qui renverfa l'édifice de la police
gothique. " L'expérience prouve affez
que les faveurs verfées fur des Sociétés
favantes , & le loifir dont elles jouiffent ,
» ne font pas les moyens les plus sûrs pour
féconder le génie . » Cette opinion de
M. Ferguſon , trouvera fans doute des contradicteurs
; mais . elle aura auffi des partifans
.
*
La Société , parvenue enfin au plus haut
degré de perfectibilité , eft bien près alors
de fa dégradation , de fa décompofition
même. Dans les deux dernières Parties de
fon Ouvrage , qui traitent du déclin des
Nations , le Profeffeur d'Édimbourg en
cherche & en affigne les caufes . Les Empires
d'Afie , Carthage & Rome lui fourniffent
des preuves inconteſtables du retour
des Puiffances politiques à l'état de foibleſſe ,
d'obfcurité , & enfin de deftruction ; il recherche
en même temps les motifs de cette
inftabilité , les fources de cette décadence
intérieure , à laquelle la conftitution la plus
parfaite eft affujétie , le principe de cette
corruption finale qui anéantit les talens &
l'induftrie , qui ôte au Citoyen l'occaſion
d'agir comme membre du corps politique ,
qui écrafe fon efprit , étouffe fon activité ,
avilit fes fentimens , & le rend incapable
DE FRANCE. S
'de toute fonction fociale. Il l'attribue à une
grande étendue de territoire qui divife &
affoiblit la vigueur nationale ; à un long état
de paix qui derend les refforts politiques ; à
un goûr général pour les Arts de commerce ,
qui ne donne de prix qu'aux richeſſes : toures
ces caufes ifolent le Citoyen , relâchent les
liens communs de la Société , & produifent
cet égoïfme qui abforbe tout fentiment d'af
fection publique , qui répand la corruption
des moeurs dans toutes les conditions , &
multiplie les beſoins impérieux du luxe qui
bouleverfent les fortunes & décomposent la
Société. Ce relâchement des efprits , cette
dégradation de l'âme , cette débilité nationale,
conduifent à l'esclavage politique. Ce réfultat
eft le dernier objet des réflexions de l'Auteur.
Le fort des Nations à ce période n'offre
plus rien aux recherches du Moralifte & de
Ï'Obfervateur.
Un extrait ne peut faire connoître qu'imparfaitement
un Ouvrage qui contient l'Hif
toire de l'Homme , depuis le développement
de fes facultés & de fes penchans , jufqu'à
fes premières liaiſons avec fes femblables
, & depuis les premiers progrès de la
Société jufqu'à une entière & parfaite civilifation.
Cette carrière eft immenſe , & M.
Ferguſon l'a parcourue , non en fe livrant à
des fyftêmes , mais en s'appuyant fur des
faits . Cette production peut être regardée
comme un très beau périftile placé devant
le vafte monument que Montefquieu a élevé
D v
82 MERCURE
à la gloire de fa Nation & de l'efprit humain
. On defiroit depuis long- temps de poffeder
dans notre langue un Effai fi bien
conçu . M. Bergier mérite infiniment de nous
l'avoir traduit avec fidélité & avec élégance ;
il n'a point mêlé fes idées avec celles de fon
original ; il n'a point critiqué certaines opinions
de fon Auteur , qui ont pû lui paroître
ou paradoxales ou fingulières. Il s'eft contenté
de nous faire connoître l'âme , l'eſprit & la
morale douce & bienfaifante de M. Fergufon
, avec la manière facile , animée &
pleine d'images qu'il a employée lui - même
dans les Chapitres les plus abftraits de fon
Ouvrage. Il fe propofe de donner bientôt ,
conjointement avec M. Demeunier , la Traduction
d'une Hiftoire des progrès & de la
deftruction de l'Empire Romain , que l'Auteur
Anglois vient de publier depuis peu .
VARIÉTÉS.
RÉPONSE au premier Extrait des Doutes ,
qui a paru dans le Mercure du Samedi
23 Août 1783 .
LES ES Critiques de M. de la C..... , fuffent-elles
beaucoup moins mefurées & beaucoup moins honnêtes
, il pourroit encore être sûr que je n'en ferois
pas bleffée ; & par la juftice que je rends à fes inten-
Nota. Les endroits guillemetés font tirés du Livre des
Doutes.
DE FRANCE. 83
tions droites & obligeantes , & parce que je trouve
très fimple que l'on voie & que l'on penfe différemment
que moi ; c'eft dong fans aucun fentiment mécontent
ou chagrin , que je vais effayer de défendre
la plupart des opinions qu'il attaque .
« Tout eft médiocre dans l'homme médiocre , le
» coeur , l'âme , l'efprit ; il eft fans vertus comme il
» eft fans vices ; il n'eft acceffible ni aux émotions
de la joie ni aux angoiffes de la douleur ; il eft
» content ou il eft mécontent , rien au- delà . On
peut l'incommoder , mais on ne l'ennuie pas ; on
lui convient facilement ; on ne lui plaît jamais ;
» on ne l'amufe point , il eft inamuſable ; il n'eſt
pas trifte , il n'eft pas gai ; il pleure par politeffe ;
» il rit par complaifance ; il fourit par maintien ; il
approuve peu , car les beautés fimples lui parcif-
» fent communes ; les beautés fortes lui femblent
exagérées ; il n'entend pas ce qui eft fin , pe fent
point ce qui eft délicat , & ne goûte pas ce qui
» eft fpirituel. »
و د
20
за
"
Critique qui en a étéfaite.
Il me femble
que la plupart
de ces traits
ne conviennent
point
à l'objet
. On peut êne médiocre
à la
fois dans l'âme
& dans l'efprit
; mais on peut l'être
auffi
dans
l'un fans l'être
dans
l'autre
. Un parfait
honnéte
homme
fe trouve
fouvent
être un génie
borné
; un coeur
foible
& bas eft ſouvent
joint
avec
un efprit
très -vafte
& très - élevé . Pourquoi
d'ailleurs
ôter à l'homine
médiocre
des vices & des vertus
( 1 )
tout ce qui eft grand
ne lui convient
pas ; mais
il y
a des vertus
faciles
( 2 ) & des vices bas qui vont à
l'homme
médiocre
beaucoup
mieux
qu'à tout autre.
(1) Notes de l'Auteur . C'eft par cette raifon qu'il ne peut
avoir ni vectus ni vices.
(2) Je n'en connois point de cette eſpèce.
D vi
84
MERCURE
Je conçois encore moins pourquoi il n'éprouveroit
ni joie ni douleur , & c . cela convient à l'imbécille ;
mais il y a loin de l'imbécille à l'homme médiocre.
Réponse Je crois que' , généralement parlant , la
médiocrité de l'efprit entraîne toutes les autres ; mais
lorfque par une exception rare , on rencontre dans
un homme d'un médiocre efprit , foit un coeur no
ble , foit une âme généreufe , cet homme affurément
eft à une haute distance de la médiocrité. Je
n'entends donc par homme médiocre , que l'homme
dont la médiocrité eft completre , l'homme fans
vûes , fans énergie , fans refforts , dont l'exiſtence ,
entièrement pallive , le rend'incapable , & des efforts
que coûte la vertu , & de l'activité que demande le
Vice Un tel homme ne peut donc avoir que des qualités
& des défauts auffi peu prononcés que fon caractère
, & qui ne peuvent prendre le titre important
de vice ou de vertu. Son âme sèche ne peut
recevoir ni les émotions vives ni les impreffions violentes.
Son efprit froid ne fait ni goûter la joie , ni
approfondir le malheur ; les faillies de la gaîté lui
font étrangères ; il n'en peut fentir ni l'agrément ni
la fineffe. On l'avertit lorfqu'il faut pleurer ou lorfqu'il
faut rire ; il fait ce que font les autres ; va,
comme dit Sénèque , non où il faut aller , mais où
l'on va.
Tour ceci n'affimile point l'homme médiocre à
l'imbécille ; il y aura toujours entre - eux une diſtance
réelle : celle de peu à rien.
"Apartir d'après les fots jugemens de la Société ,
bon & bête femblent être fynonymes ; on diroit
» `que la bêtife eft un brevet de bonté.
Critique. Il en a peut- être été ainfi autrefois ; il
me femble que cela eft changé , & il faut faire juftice
à fon fiècle en bien comme en mal . On commence
à fentir ce qu'il y a de touchant , & même
d'honorable dans la bonté , &c . & c. &c.
DE FRANCE. 85
Réponse. J'aurois dû écrire bête & bon femblent
fynonymes , & M. de la C. .... n'en auroit pas conclu
que j'accufois la Société de faire peu de cas de
la bonté ; elle la doit prifer depuis l'inftant où elle
a eu befoin d'elle , & cette époque doit être reculée.
Je ne reproche ici à la Société que de profaner let
titre de bon en l'accordant à toutes les pécores.
« En ne difant du mal que 'des gens de mérite ,
» on ne paffe guère pour être méchant , & je le
conçois , c'eft ne dire du mal que de fort peu de
» monde ; & d'ailleurs la critique du mérite trouve:
beaucoup d'approbateurs. »
20
Critique. L'Auteur ne s'eft- il pas laiffé prendre
ici à l'éclat d'un fophifme ? Cherchons toujours la
vérité de ces chofes- ci dans l'expérience du monde ,'
& e. & c. & c.
Réponse. Ici l'expérience de M. de la C..... fe
trouve en contradiction avec la mienne ; il n'y a
point à difputer là - deffus.
ל כ
" Beaucoup de gens s'excufent du mauvais choix
» de leur Société fur la néceffité de recevoir habi-
» tuellement chez eux des parens fort mauffades.
» J'avoue que, père & mère exceptés , je ne fens pas
l'obligation de facrifier fon goût & de livrer fon
১১ bon fens à la bêtife de fa famille. Une femme
difoit à une de fes amies qui avoit perpétuelle-
» ment chez elle une troupe de couſins fort fots &
» fort gauches: Si j'avois même des frères & des
» foeurs de cette eſpèce , tout ce que je pourrois en
» faveur du fang , feroit de leur donner à dîner le
» jour des Rois. »
33
*
Critique. On fent à quoi il faut réduire cette plaifanterie
, dont l'exagération fait le fel ; mais plaifanterie
à part , l'Auteur avouera fans doute qu'il
faut mettre des bornes à tout , même à la haine des .
fots . Il eft bon de favoir quelquefois fecouer le joug
importun des coufins & des coufines ; mais il fereir
86 MERCURE
odieux ( 1 ) de les exclure de fa maiſon . Celui qui les
éloigne , prouve un goût difficile ; celui qui les fupporte
, prouve de l'indulgence & de la vertu , & c .
&c. &c. Pour moi , j'avoue que j'aime à voir un
homme d'efprit defcendre de fa hauteur , & fe faire
petit avec les petits ; ( 2 ) & c'eſt d'ailleurs le meilleur
parti qu'il ait à prendre .
сс
L'efprit naturel eft l'efprit le plus aimable ; l'eſprit
facile eft l'efprit le plus rare. »
Critique, Je dirois : l'efprit facile eft l'efprit le
moins rare ; & il me femble que cela fe prouveroit
aifément. J'entends par la facilité , une manière de
penfer , d'écrire & de parler qui fatisfaffe l'attention
fans beaucoup l'exercer ; c'eft -là certainement une
qualité très-heureufe ; & celui qui en manqueroit
totalement , manqueroit de quelque chofe d'effentiel.
Tout ce qui eft pénible ne peut être entièrement
beau , parce que ce qui eft doux & agréable fait
partie du beau ; mais il eft queftion ici de perfonnes
chez qui la facilité eft la qualité dominante ; &
parmi les hommes d'efprit & de talens , ce font
ceux qui me paroiffent les moins rares . A quoi tient
cette facilité ? A une conception très - vive , à une
comparaiſon rapide des objets ou des idées , à une
mémoire sûre & féconde ; or , il eft naturel que ces
qualités , d'ailleurs fi heureufes , excluent un peu la
forte méditation & le profond enthoufiafine d'où
naiffent les grandes idées & les grands fentimens .
( 1) Odieux ! c'eft fans doute rigoureux que M. de la
C. ... a voulu dire.
(2 ) Se rapetiffer , à la bonne heure ; mais fe fottifier
pour fes coufins , quel dévouement à fa famille ! L'indul
gence & la fenfibilité de M. de la C ..... l'abufent ; & je
faffure qu'il feroit moins touché qu'il ne penfe du fpectacle
que lui donneroit un homme d'efprit , qui , defcendant
de fa hauteur , fe feroit fo: avec les fats , ces fots
fuffent -ils même fes oncles.
DE FRANCE. 87
Auffi , quoique la facilité fe foit fouvent alliée à
l'originalité , jamais elle ne fut le premier caractère
du génie. La Fontaine plaît par elle ; c'eſt par d'autres
qualités qu'il eft fi délicieux & fi admirable.
Lorfque Voltaire eft fi grand dans les belles Tragédies
, il cft encore plus paffionné que facile. La
facilité d'ailleurs appartient bien plus au fentiment
qu'à la penſée. Les fentimens entient dans l'âme
bien plus ailément que les idées dans l'efprit. Auffi
le grand moyen , pour les penfeurs originaux , d'obte
nir le charme de la facilité, c'eft de réveiller beaucoup
de fentimens dans l'expofition de leurs idées , & c.
Lorfque Montefquieu a combiné plufieurs idées qu'il
veut renfermer dans une ſeule phraſe , il ne cherche
pas un tour aifé , les expreffions qui s'appellent &
s'uniffent le plus naturellement ; une pensée fi pleine
ne peut s'imprimer dans le langage fans de puiflans
efforts ; il faut qu'elle fubjugue les mots avant de les
adopter ; qu'elle les plie fous cette analogie hardie
qui la compofe elle- même ; qu'elle les arme de force
& de précision , & qu'elle forte plus nette & plus
vivante de cet accord forcé des fignes qui la repro--
duifent. Il vous montre tout fon travail , mais vous
l'admirez ; il vous paye de la peine par une plus
grande fatisfaction de lui & de vous - même . Il en
eft ainfi des efprits légers & aimables dans la Société
, ils en font l'agrément le plus continuel ; mais
les ámes fortes & les efprits énergiques y font bien
une autre impreffion lorſqu'ils ſe réveillent & s'animent.
De tout cela je crois pouvoir conclure qu'à
aucun égard , les efprits faciles ne font ni les premiers
ni´les plus rares.
Réponse. Il paroît que M. de la C..... confond
la facilité de l'efprit avec la légèreté de l'efprit ;
mais quelqu'analogie qu'ayent ces deux qualités ,
elles font néanmoins très-diftinctes ; & fi fouvent
elles fe réuniffent , quelquefois auffi elles le féparent.
88 MERCURE
La légèreté ne fuppofe qu'une facilité fort limitée.
Tour ce qui eft agrément , répartie vive , plaifantere
fine , raillerie piquante , flatterie délicate , eft
le domaine le plus étendu qu'on puiffe lui accorder.
Celui de la facilité , infiniment plus riche , ne fe
borne qu'où le poflible s'arrête , car au moral comme
au phyfique , c'eft de la force que provient la facilité.
Je conviens que tous les efprits faciles ne font
pas toujours , à beaucoup près , ufage de toutes leurs .
forces que le plus fouvent ils font présomptueux &
pare fleux ; que trop preffés de jouir ou de paroître ,
ils abandonnent à des efprits moins heureux , mais
plus laborieux , la gloire d'aller , non auffi loin qu ils
pouvoient aller , mais plus loin qu'ils ne vont ; &
Racine eft peut- être le feul génie fupérieurement facile
, qui , ne fe fiant pas trop à fa facilité , femble
avoir été prefque auffi loin que les forces.
M. de la C......ne penfe pas que la facilité fût
l'avantage dominant de l'efprit de Racine ; & il
fondé fon opinion fur ce que Racine employoit un
temps confidérable à la compofition de fes Ouvrages.
Mais a t'on l'exemple qu'use Tragédie ( de toutes
les productions du talent , la plus haute , la plus difficile
) a-t'on , dis - je , l'exemple qu'une Tragédie
auffi parfaite que celle d'Athalie , d'Iphigénie ,
même de Britannicus , ait été faite dans un temps
plus court? D'ailleurs , fi la promptitude eft un des
avantages de la facilité , elle n'en eft pas le premier.
Être ouvert à toutes les Sciences , propre à tous les
genres , acceffible à tous les tons , fenfible à tous les
goûts , flexible à toutes les formes , difpofer , finon
également , du moins habituellement de fes talens &
de fon efprit , travailler avec le moins d'effort penfer
avec le moins de fatigue , méditer avec le moins
de contrainte , trouver avec le plus de bonheur ;
voilà quels font les prodigieux avantages de l'émimente
facilité. Je perfifte donc à croire que l'efprit
DE FRANCE. 89%
facile eft l'efprit le plus précieux & le plus rare.
M. de la C..... finit ce premier extrait par des
réflexions fur le goût , le talent & l'efprit , faites
pour être lûes , goûtées , applaudies par les perfonnes
les plus difficiles.
Il faut , dit enfin M. de la C ..... , que
l'Auteur fe foit fait d'une belle converfation , un
modèle idéal , pour trouver qu'elle appelle tous les
genres d'efprit , & qu'elle ne peut appartenir qu'au
talent le plus rare , & c & c. &c.
C'eft parce que j'ai quelquefois joui de toutes
les délices d'une converfation excellente & fublime
; c'eft parce que j'ai joui quelquefois encore
de tous les charmes d'une converfation agréable &
légère ; enfin c'eſt auffi parce que j'ai quelquefois
joui de ces converfations animées & piquantes , dont
l'enjouement & la vivacité conduisent à ces débauches
d'efprit & d'imagination fi plaifantes & fi
gaies ; que je tiens une bonne converſation , pour
le plus utile , le plus féduifant & le plus entraînant
de tous les plaifirs. C'eft de même parce que dans
le cours d'une vie déjà longue , la converfation m'a
fi peu fouvent offert ces différens attraits , que je
regarde le talent de la converſation comme un des
plus rares. Eh ! comment M. de la C..... le peut - il
eftimer fi commun , lorfque , de fon aveu , le plus
grand nombre des gens d'efprit , & même de génie ,
ne le possèdent pas ! Il en donne , il eft viai , la
raifon & l'excufe ; mais ni l'une ni l'autre ne prouve
contre moi.
Que l'efprit contemplatif, dont je veux bien iefpecter
jufqu'aux rêveries , s'abaiffe & fe plie auffi
peu à écouter des propos fots ou frivoles qu'à y
répondre , je le conçois , mais pourquoi le plus habituellement
dédaigne- t'il d'en écouter de bons ?
Pourquoi n'en tient - il pas de meilleurs ? Si le noble
taient de penfer avec profondeur , exclud celui de
90
MERCURE
parler fagement avec facilité , l'aimable talent de
bien parler lui doit être préféré , car l'expérience
m'a prouvé qu'on ne parloit parfaitement bien que
lorfque l'on penfoit encore mieux . Quel feroit donc
le mérite d'une converfation fans idées , fans fagacité
, fans jufteffe ? Suffit-il pour bien caufer d'avoir
la facilité de dire une nouvelle , ou de faire un petit
conte en termes polis ; parfaitement cauſer , c'eft
clairement raiſonner ; c'eft vivement & naturellement
conter, finement & ingénieufement plaifanter ;
promptement entendre , fubitement répliquer ; c'eft ,
en un mot , favoir occuper , intéreffer , amufer ,
plaire. Or , toutes ces chofes appellent & exercent
l'âme & l'efprit , la raifon & le goût. Le talent de la
converſation eft celui de cet efprit facile que je crois
-le premier & le plus rare de tous les efprits , parce
que c'eft le feul qui foit propre à tout , qui fache
monter & defcendre , courir & marcher , parce que
c'eſt celui qui , par le plus heureux contrafte , a le
plus de variété & le moins d'inégalité , puifque fes
facultés le fuivent par- tout , dans le monde & dans
la folitude , dans le filence & dans le bruit . Sans en
moins refpecter ces génies fi diftans des efprits même
les plus eftimables , ces génies que les extafes de
la contemplation exilent de la Société , j'avoue qu'ils
me repréfentent ces Magiciens , qui , confumant le
temps à évoquer les ombres , n'obtenoient une apparition
qu'à force de fumigations , de conjurations ,
d'exorcifmes.
Au refte , fi j'attache un fi grand prix au talent
de la converſation ; fi j'ofe foutenir qu'il en eft peu
d'auffi rares , je n'ai jamais prétendu dire ni qu'il fût
auffi rare , ni qu'il égalât celui de la Tragédie , de la
Comédie , du Poëme Érique , ni même defcriptif,
tout ennuyeux qu'il eft. J'ai honte de me défendre
férieufement d'une telle abfurdité.
DE FRANCE. 91
ANNONCES ET NOTICES.
P.STITE ETITE Bibliothèque des Théâtres , contenant un
Recueil des meilleures Pièces du Théâtre François ,
Trogique , Comique , Lyrique & Bouffon , depuis
l'origine des Spectacles en France jufqu'à nosjours.
A Paris , au Bureau , rue des Moulins , Butte S. Roch ,
N°. 11 , où l'on foufcrit.
Le premier Volume de cette précieufe Collection
remplit complettement l'idée que le Profpectus ea
avoit donnée , & fatisfait aux engagemens contractés
par le Rédacteur . L'exactitude Littéraire & la beauté
Typographique ne laiffent rien à defirer. Le Rédacteur
donne même plus qu'il n'avoit promis ; les
Pièces font précédées des jugemens qu'on en avoit
portés ; & la Vie des Auteurs eft fuivie de la lifte
de leurs Ouvrages Dramatiques . Ce Volume contient
la Sophonisbe de Mairet , & le Scévole de Duryer.
La Sophonisbe de Mairet eft ia première Pièce de
Théâtre où la règle des vingt-quatre heures foit ob.
fervée ; elle eut foixante repréſentations.
Le fecond Volume fera composé de Comédies
du Théâtre François ; le troisième , de Comédies du
Théâtre Italien , c'est- à- dire , des premières Pièces
Françoiles de ce Théâtre ; le quatrième recommencera
par des Tragédies , &c . Chaque partie de cette
Collection fera précédée d'un Effai hiftorique qui
offrira l'origine des progrès de l'Art Dramatique en
France ; il fera délivré gratis aux Soufcripteurs . Il
paroîtra 12 Volumes par an , & un treizième gratis ,
fous le titre d'Etrennes d'Apollon , compofé des
plus jolies Ariettes , Romances , Chanfons , & des
Vaudevilles les plus en vogue , avec les airs gravés.
La Soulcription pour Paris eft de 33 liv. , & pous
92 MERCURE
la Province , de 36 liv. franc de port par- tout le
Royaume.
PARAPHRASE des Litanies de Notre-Dame de
Lorette , par un Serviteur de Marie. A Augsbourg ,
& le trouve à Paris , chez Leſclapart , Libraire de
MONSIEUR , Pont Notre- Dame. Prix , 6 liv.
Cet Ouvrage curieux eft orné de grand nombre
d'Eftampes allégoriques . Parmi ces figures , il y en
a de fort fingulières par le genre des allégories ; il
y a dans plufieurs une imagination qui n'eft pas
commune.
Momus au Salon , Comédie Critique en vers &
Vaudevilles , fuivie de Notes critiques . Brochure de
70 pages. Prix , 1 liv. 10 fols . A Paris , chez Hardouin
, Libraire , rue des Prêtres Saint Germainl'Auxerrois.
Les circonftances qui intéreffent le bien public
ou qui excitent la curiofité , donnent maiſſance à
tant d'Ecrits apologétiques , & fur- tout critiques ,
qu'il feroit auffi long qu'inutile d'en donner même
une fimple annonce. Mais le Public a droit d'exiger
qu'on fafle mention de ceux qu'il a diſtingués dans
la foule ; tel eft l'Ouvrage que nous annonçons . C'eſt
une Comédie à tiroirs , mêlée de Vaudevilles , compofée
de Scènes Épifodiques & fans intrigue. Il n'étoit
guère poflible de traiter autrement un pareil fujet.
Ce font divers perfonnages , tels que Mercure , deux
Payfans , une Marquife , un Abbé , un Peintre , un
Poëte , &c. qui fe rencontrent au Salon , & qui s'entretiennent
fur les tableaux qu'ils parcourent . Cet
Ouvrage ne peut que fe refentir un peu de la viteffe
avec laquelle il a été fait ; mais il y auroit
trop
de févérité à lui reprocher gravement une facilité
trop prolixe , quelques fauffes times , des vers même
qui n'ont pas le nombre de pieds néceffaires , tels
DF FRANCE.
93
que , Il immortalifa fes Ouvrages , qui ne peut
jamais faire un vers régulier. Au refte , il y a de la
facilité & de la grâce. Nous allons en tranſcrire un
Couplet.
AIR: Avec les Jeux dans le Village.
LA MARQUISE
Que j'aime la touche moëlleuſe
Qu'on apperçoit dans ce tableau !
LE CHEVALIER.
L'attitude eft voluptueuſe ,
L'ABBÉ.
Le coloris en eft fort beau.
LA MARQUIS E.
Mais pour peindre ces immortelles ,
L'Abbé , je ne peux concevoir
Où Lebrun a pris fes modèles ?
L'ABBÉ.
Eh ! n'a-t'elle pas fon miroir ?
MÉTHODE Élémentaire pour apprendre facilement
la Langue Latine ; précédée des premières
Notions dela Langue Françoife. Par M. Thevenot ,
Maître de Penfion à Troyes ; feconde Edition, chez
A. P. F. André , Imprimeur - Libraire du Collége ,
Grand'rue , vis - à - vis la belle Croix .
Le fuccès de la première Edition de cet Ouvrage
n'a fervi qu'à engager l'Auteur à de nouveaux
efforts pour le rendre plus parfait & plus
utile ; il l'a revu avec le plus grand ſoin , & l'a
confidérablement augmenté.
EXPÉRIENCE & Obfervation fur différentes
Branches de la Phyfique , avec une Continuation
94 MERCURE
des Obfervations fur l'Air ; Ouvrage traduit de
l'Anglois , de M. J. Priestley , Docteur en Droit ,
Membre de la Société Royale de Londres , tom. 3 ,
Prix , 3 liv. 12 fols relié. A Paris , chez Nyon l'aîné,
Libraire , rue du Jardinet , quartier Saint- Andrédes-
Arcs.
Les deux premiers volumes de cet utile Ouvrage
ont été accueillis comme ils devoient l'être ; il eſt
à préfumer que celui - ci n'aura pas moins de fuccès .
Des Ecrits fur la nature de l'Air , deviennent aujourd'hui
plus intéreflans que jamais , vû les Expériences
réitérées dont on a rendu témoin la Capitale
, & celles qu'on nous promet encore.
La Semaine d'un Enfant de la Joie , & les Efcapades
de l'Amour , Septième & huitième Parties
d'Anacréon en Belle Humeur , ou du plus joli Chanfonnier
François ; élite de Chanfons , Romances ,
Vaudevilles , &c. des Auteurs connus en ce genre.
Prix , 1 liv . chacune brochée. A Paris , chez Defnos ,
Libraire , rue S. Jacques.
I
Le même Libraire annonce aux Libraires du
Royaume & des Pays Étrangers , qu'il vient de mettre
en vente douze Almanachs nouveaux pour l'année
1784 , lefquels réunis à fa Collection , la portent à
120 fortes , toutes ornées de 12 eſtampes , & ſuivies
d'un perte & gain & de tablettes économiques d'un
papier fur lequel on peut écrire , avec un ftylet qui
en fait la fermeture . Chacun de ces Almanachs ,
relié en maroquin , fe vend 4 liv. 1o fols . En s'adref
fant au fieur Defnos , on aura une remiſe avanta▾
geufe & proportionnée à ce qui lui en ſera demandé.
L'analyfe raifonnée des objets qui compofent cette
nombreuſe Collection , brochure de 150 pages ,
offrant un choix de jolies Chaufons , fous le titre
de Bijou dujour de l'An , fe délivrera gratuitement
aux perfonnes qui feront acquiſition de quelqu'un de
DE FRANCE.
95
ces Almanachs , autrement elle fe vendra 1 liv. 41.
port franc par-tout le Royaume.
HERBIER de la France , ou Collection des Plantes
du Royaume , par M. Bulliard . Prix , 3 liv . A Paris ,
chez l'Auteur , rue des Poftes , au coin de celle du
Cheval verd ; P. Fr. Didot le jeune , Libraire , quai
des Auguftins ; Th . Barrois le jeune , quai des Auguftins;
& Belin , Libraire , rue S. Jacques.
Chaque Plante de cette intéreffante Collection eft
deffinée d'après nature , décrite fuivant les principes
de l'art , & coloriée au moyen de l'impreffion &
fans le fecours du pinceau. Il en paroît un Cahier
tous les mois . L'Introduction à cet Ouvrage fe dif
tribue féparément , fous le titre de Dictionnaire Élémentaire
de Botanique , avec dix planches. Prix ,
Is liv.
NOUVEAU Plan de Paris , avec les augmentations
& changemens qui ont été faits pour fon embelliffement
, par M. Brion de la Tour , Ingénieur- Géographe
du Roi A Paris , chez les Frères Campions ,
rue S. Jacques , à la Ville de Rouen . Prix , 1 liv. f.
On a joint à ce Plan un autre Plan de Versailles
en petit,
PROSPECTUS d'une nouvelle Méthode de Mufique ,
en deux parties , compofée par le fieur Rodolphe ,
Muficien du Roi. La première contient toute la
théorie de la mufique fars exception , des remarques
utiles , des articles préliminaires & indifpenfables
pour ceux qui voudront apprendre l'accompagnement
& même la compofition , des leçons fimples &
faciles dans un nouvel ordre à la portée des Écoliers
les moins avancés Pour plus de facilité cette première
partie eft difpofée par demandes & par réponfes.
La feconde contient un Solfège d'un nou
96
MERCURE
veau genre , & d'autant plus inftructif que MM . les
Maîtres & les Écoliers y trouveront l'ordre & la gradation
qu'ils ont paru defirer juſqu'à préſent.
On foufcrit chez M. Houbaut , Marchand de
Mufique , rue de Marivaux , place du Théâtre Italien
, & chez M. Leroy , place du Palais Royal , près
le café de la Régence , lequel grave l'Ouvrage avec
beaucoup de foin . La Soulcription est de 12 liv . ,
dont moitié en foufcrivant & le refte en recevant
l'Ouvrage complet , qui fera mis au jour le 25 Novembre
prochain , temps où la Soufcription fera
fermée , & l'Ouvrage alors coûtera 15 liv . M. Rodolphe
annonce qu'au mois de Février prochain , il
donnera une théorie d'accompagnement.
Voyez, pour les Annonces des Livres , de la
Mufique & des Eftampes , le Journal de la Librairie
fur la Couverture,
TABLE.
$
L'Electricité , Ode , 49 Hiftoire de la Ruffie ,
ciété civile ,
56
Réponse aux Vers de Mlle de Effaisfur l'Hift ire de la So-
Gaudin ,
Chacun afes goûts ,
gryphe ,
53
ib. Reponfes au premier Extrait
Charade , Enigme & Logo- des Doutes,
55 Annonces & Notices ,
AP PROBATION.
68
82
91
JAX lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 11 Octobre , Je n'y ai
rien trouvé qui puiffe en empêcher l'impreffion A Paris ,
le 1 Octobre 1783. GUIDI.
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 18 OCTOBRE 1783 .
PIECES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
LA MORT DU PAUVRE ,
Fable imitée de l'Allemand.
CERTAIN Vicaire de Paroiſſe ,
Dans un hameau défert fut un foir appelé ;
Il y court que voit if ? Un vieillard iſolé ,
Luttant contre la mort & fa dernière angoiffe.
Là , ſeul , ce malheureux défailloit fans eſpoir
Dans une couche affreufe & toute délâbrée.
Près d'une table démembrée
On voyoit un vieux coffre noir ;
Sur un mur enfumé pendoit un arrofoir ,
Une bêche luifante , une fcie acérée,

Et c'étoit- là tout fon avoir.
Le Prêtre , en contemplant ce funèbre manoir
Sentit fon âme déchirée.
No. 42 , 18 Octobre 1783 . E
98
MERCURE
རཱཛ……ཙྩཝི
V
Oh ! mon ami ! lui dit-il auffi- tôt ,
Reprenez courage , hon père !
Quel est votre bonheur ! vous fortirez bientôt
De la prifon du monde & de votre misère !
`Quittons ce lieu d'exil , quittons ce lieu de pleurs
Où dans la peine nous vécûmes ;
Ce monde n'eft pas fait pour attacher nos coeurs ,
Vous en avez fenti toutes les amertumes ,
Hélas ! & jamais fes douceurs !
- Raffurez - vous , j'ai peu connu la peine ,
Répondit le giffant, j'ai bien vécu toujours ;
Et d'auffi loin qu'il me fouvienne ,
Je n'ai manqué de rien , & j'ai coulé des jours
Dont l'amitié charma le cours.
Mon coeur n'a pas connu le tourment de la haine ,
L'envie encore moins ; fans une grande gêne ,
J'ai dû ma ſubſiſtance au travail de mes mains ;
Mes outils que voilà , ma bêche & ma coignée ,
Me gagnoient tous les matins
L'entretien de la journée.
Né d'un fort tempérament ,
Sans dettes , mon propre maître ,
Que me manquoit-il donc ? Oh ! rien affurément ,
Et je dois n'en aller ſatisfait & content.
Un tel difcours furprend le Prêtre .
Quoi! vous n'avez enfin nul regret de mourir ,
Vous ne reffentez nulle crainte ?
Pourquoi, dit le Vieillard d'une voix prefqu'éteinte,
KIRJOTERCA
REGIA
MOPIACENSIS.
DE FRANCE.
99
Pourquoi donc ce regret ? A quoi peut-il fervir ?
Dieu m'a , vous le voyez , fi long - temps fait jouir
Du fpectacle des cieux , du bienfait de la vie ,
Et de ce beau foleil fon image chérie !
Je ferois bien ingrat de ne pas le bénir !
D'ailleurs à ce bon père , après ma maladie ,
Ne vais- je pas me réunir ?
Ce n'eft qu'au feul méchant à craindre l'avenir ?
Il dit & meurt. -
O mort digne d'envie !
( Par M. Couret de Villeneuve. )
A Mile DU CH *** , fur ce qu'elle a exigé
que, fur le champ , j'écriviffe en vers à
une Dame de fa connoiffance.
L'AIMABLE du Ch*** m'a pris au dépourvu.
Elle parle , commande , & veut être obéie ! ....
Vîte , dit-elle , an impromptu.
Sur fon front à ces mots la gaze m'a paru
Se changer en turban , & moi je me ſuis cru
Aux piés de Sa Hauteffe ,humble elclave en Turquie :
J'ai fait tout ce qu'elle a voulu .
Du CH *** s'y prend mal , je le vois : elle ignore
Qu'elle n'a pas befoin de ce ton abfolu.
Le defir lui fuffit , & ce defir encore
Eft fait pour être prévenu.
( Par M. Félix-Nogaret, },
E ij
100 MERCURE
1
CHANSON fur le Globe Aëoroftatique.
AIR: Eh ! mais oui - dà.
L'EMPER ' EMPEREUR de la Chine
Attendoit l'autre foir
La burlefque machine
Qu'enfin il n'a pu voir.
Eh ! mais oui-dà ,
Comment peut- on trouver du mal à çà ?
PAR trop grande vitcffe ,
Dans une heure de temps ,
Elle fut dans Gonefle
Étonner les Savans.
Eh ! mais , & c.
MAIS , chofe bien plus drôle!
Blanchard , fans s'effrayer ,
Du Cabinet d'Éole
Veut être le Courier,
Eh ! mais , & c.
I n'a pour attelage
Qu'un modefte zéphyr,
Ah! le joli voyage !
On revient fans partir,
Eh! mais , & c.
1.
DE FRANCE. 101
SUR un Globe bizarre ,
Chacun dorénavant ,
Plus affuré qu'Icare ,
Dirigera le vent.
Eh ! mais , &c.
O si l'Académic
Peut un jour s'y loger ,
Nul vaiffeau , je parie ,
Ne fera fi léger.
Eh ! mais , & c.
LES Curés de Village
Sauront , par le Journal ,
Qu'un Globe qui voyage
N'eft pas un animal.
Eh ! mais , & c.
MALBOROUG rentre en terre
Et nos efprits flottans
Vont au fein du tonnerre
Chercher leurs paffe-tems.
Eh! mais , &c.
2
TOUT Globe eft fait pour plaire ;
N'en foyez pas furpris ,
Ce qu'on aime à Cythère
On l'aime dans Paris.
Eh ! nais , &c.
༤༢ :
E iij
'102 MERCURE
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercure précédent.
LE mot de la Charade eſt Mariage ; celui
de l'Enigme eft Nil ; celui du Logogryphe
eft Radamanthe , Juge des Enfers , où l'on
trouve âne , rade , ame ; amant & amante ,
amaranthe , amande , rame.
CHARADE à Mlle
Vous n'avez jamais fait ni connu mon premier ,
Et fon contraire a pour vous des appas ;
En vous voyant on devient mon dernier ;
On eft mon tout quand on ne vous voit pas.
( Par M. Tarteron , de Ganges. )
AMI
ENIG ME.
MI Lecteur , je fuis hermaphrodite ;
Si je fuis mafculin , par fois j'ai du mérite ,
Par fois aufli je fuis plein de fadeur ;
Mais vois un peu que mon fort eft bizarre ,
J'en deviens précieux en devenant plus rare.
Féminin , j'ai fouvent plus de poids , de valeur ,
De mes enfans je tiens mon exiftence ,
J'en ai bien plus quand je fuis à Paris ,
DE FRANCE. 103
J'en ai bien moins quand je fuis en Provence .
Je fuis d'ufage en preſque tous pays.
Eh bien , Lecteur , tu me connois , je gage.
Je pourrois bien en dire davantage ;
Mais c'eft affez tourmenter ton efprit ,
Peut-être même ai -je déjà trop dit.
(Par un Habitant de Ménil- Montant. )
LOGO GRYPH E.
COMME l'aîné detous mes frères ,
Je fuis toujours le plus fêté ;
Jamais aucuns foins mercenaires
Ne troublent mon oifiveté.
Tout à la parure , au plaifir ,
Le repos eft ma loi fuprême.
Je vois pourtant que pour me découvrir
Il faut , Lecteur , prendre un autre lystême ;
Or , le voici : huit pieds forment mon être.
Les fix derniers te montreront d'abord
Une mer que tu peux connoître ,
Et qui baigne la France au Nord.
En me décompofant , c'eſt une autre fabrique ,
Où tu dois façonner un pronom perſonnel ;
Un repas ; un ton de muſique ;
Un air qui n'eft point naturel ;
Du pain une partie ; une Province en France ;
Un fidèle animal ; d'un arbre le fommet ;
E iv
104
MERCURE
En Afie un Empire immenfe ;
Un Miniftre de Mahomet ;
Un titre prodigué ; la Déeffe légère
Qui métamorphofa l'indifcret A&téon ;
Le mois , Lecteur , qui verdit la fougère ,
Et l'inftrument qui sème ta moiffon.
(Par un Officier de Royal Étranger. )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
ÉLOGE de Bernard de Fontenelle , l'un des
Quarante de l'Académie Françoife , Penfionaire
de celle des Infcriptions , &
Secrétaire Perpétuel de celle des Sciences.
A Paris , chez les Libraires qui vendent
les Nouveautés .
L'ACADÉMIE Françoife avoit propofé ce
fujet pour fon Prix d'Éloquence de cetre
année. Elle n'a pas trouvé le fujet rempli , &
elle a remis le Prix à l'année prochaine , en
propofant encore le même Éloge. Ceux qui
donnent une certaine attention aux événemens
de notre Littérature , ont obfervé que
la couronne poétique étoit rarement adjugée
dans chaque concours , au lieu que
depuis très long temps la couronne d'éloquence
n'avoit pas été remife . Si l'on vouloit
expliquer cette différence , on remarqueroit
que communément les ſujets de
DE FRANCE.
poélie font traités par de jeunes gens dont le`
talent n'a pas encore atteint toute la maturité
, au lieu que les fujets d'éloquence exigeant
davantage , ne font guères entrepris
que par des hommes qui ont déjà fait un
emploi férieux de leurs forces . Delà vient
qu'il y a fouvent foixante Pièces dans le
concours de poélie , fans qu'on puiffe trouver
dans une feule la meſure de talent &
de goût néceffaire pour mériter le Prix ,
tandis qu'entre fept à huit Difcours , on en
trouve ordinairement un digne du Prix , &
plufieurs autres qui en ont approché. On ne
peut attribuer qu'à des caufes étrangères &
accidentelles l'impoffibilité où s'eft trouvée
l'Académie de couronner un Éloge de Fontenelle.
On ne peut croire que ce fujet n'ait
pas tenté les talens dignes de le traiter. Si
Fontenelle n'eft pas un des premiers hommes
dans les Sciences & dans les Lettres , c'eft
au moins un des plus remarquables . Le
genre de fon talent , l'influence qu'il a eue ,
l'époque où il s'eft trouvé placé , fon carac
tère perfonnel , tout le réunit pour le rendre
un objet fingulièrement piquant à peindre
& à apprécier. Mais cet Éloge eft en
même temps très difficile ; il appartient
peu à l'âme , Fontenelle n'offre rien à
l'enthoufiafme , il plaît fans enchanter , il
étonne l'imagination fans la frapper vivement
; il enrichit la penfée fans l'elever. Ce
fujet n'appartient pas non plus uniquement
à l'efprit. Il y a une foule de choſes dont l'ef-
E v
106 MERCURE

prit feul ne feroit pas un bon juge , & l'Éloge
de Fontenelle en préfente de ce genre. Comment
juger fa manière d'écrire , la philofophie
de fes idées & celle de fa conduite , fi
on ne les compare pas à des principes différens
en morale & en littérature ? On a dit
que pour bien louer Fontenelle , il faudroit
un fecond Fontenelle. Je ne crois cette idée
vraie qu'à moitié. Perfonne ne pourroit
mieux connoître & peindre un tel talent &
un tel caractère. Mais trop étranger à tous
les dons de l'âme & de l'imagination , renfermé
dans certaines qualités heureufes &
brillantes , ce fecond Fontenelle feroit comme
forcé de les préférer intérieurement , &
il lui feroit impoffible d'entrer bien avant
dans les fecrets d'une autre manière de penfer
& de fentir. L'Éloge de cet Écrivain exigeroit
donc une philofophie & un goût auxquels
un efprit auffi éminent & auffi exquis
que le fien n'a pu s'élever. Il demanderoit
auffi un ton de ftyle , qui , fans admettre les
grands mouvemens de l'âme & les riches
couleurs de l'imagination , en empruntant à
Fontenelle ces apperçus fi juftes & fi fins qui
le caractérifent , & l'heureufe fingularité de
fes expreffions , en reproduifant dans tout
le Difcours ce calme actif & profond d'une
âme qui s'abandonne à tous les objets fans
s'en laiffer dominer , s'éleveroit quelquefois
à cette dignité avec laquelle on doit pro
noncer entre les talens & les gloires , & à
cette éloquence néceffaire pour reconquérir
DE FRANCE. 107
aux Arts & à la vertu même l'énergie des
pallions & la chaleur de l'enthoufialine. If
eft aifé fans doute de concevoir tout ce que
demande un tel fujet. La grande difficulté
eft de réunir & de bien employer tant de
qualités qui s'excluent peut- être , loin de
s'appeler. Auffi , lorfqu'on fait ou lorsqu'on
lit des plans d'Ouvrages tels que celui que je
trace ici , on doit toujours ſe tenir tout prêt
à reconnoître encore un grand mérite dans
un Écrit qui ne raffembleroit pas toutes les
qualités qu'on avoit defirées .
Comme il eft plufieurs manières d'écrire
un Éloge , il en eft auffi plufieurs d'en envifager
le fujet , & les unes & les autres ont
leur prix. Quelquefois on veut l'approfondir
, s'expliquer à foi- même , & révéler aux
autres tout ce qu'un grand Homme nous a
fait fentir , & par quels moyens fe font
opérés tous les prodiges de fon génie. D'autres
fois on fe contente de recueillir ce qu'il
ya de plus vif dans nos propres impreffions ,
ce qu'il y a de plus mûr dans les opinions des
bons juges ; on attache l'efprit par des idees
évidentes , plutôt qu'on ne l'exerce par des
vûes nouvelles ; on agrandit moins- la réputation
de celui qu'on loue , on perfuade
mieux fa gloire. L'un de ces genres d'Ouvrages
convient davantage au talent qui fent
le befoin de raffembler toutes les forces , &
qui peut encore profiter de tous fes efforts ;
l'autre convient mieux à un efprit qui jout
déjà de toutes fes richeffes ; il appartient
E vj
108 MERCURE
fur tout à la reconnoiffance & à l'amitié ,
qui ne veulent que s'épancher.
L'Eloge de Fontenelle , que j'annonce ici ,
eft de ce dernier genre.
n
Voici l'Avertiffement qui le précède.
Un vieillard retiré dans fa Province , &
qui , dès l'année 1717 , a joui ſouvent du
bonheur de voir & d'écouter feu M. de
Fontenelle , defire rendre un foible hom-
» mage à fa mémoire .
"
""
Ayant appris par les Papiers publics que
» l'Académie Françoife a propofe pour le
» Prix de l'Éloquence, l'Éloge de M. de Fon
» tenelle , ce vieillard n'a pas affez préfumé
de fes forces pour ofer envoyer ce foible
Ouvrage au concours ; mais le reſpect ,
l'amour , la reconnoiffance même qu'il
» conferve pour celui qui mérita véritable-
» ment le nom de fage , le preffe d'élever
» un moment fur fes bras l'urne de M. de
Fontenelle , tandis qu'il voit préparer la
» fienne.
و د
و ر
و ر
Malgré le voile fous lequel le vieillard a
voulu le cacher , tout le monde l'a reconnu .
On n'a pas été obligé de le chercher au fond
d'une Province , on l'a trouvé au fein de la
Capitale , où fon nom , chéri des Sciences &
des Lettres , brille fur la lifte de deux Académies.
L'époque de fes liaiſons avec Fontenelle
l'eût feule rendu bien intéreffant . On
aime à voir & à entendre un contemporain
de ces grands Honimes , qui , nés fous l'autre
fiècle , ont illuftré le nôtre , & qui , en
DE FRANCE. 109
difparoiffant de jour en jour , femblent
rendre la génération préfente etrangère à ces
chef d'oeuvres qu'ils ont laiffés au milieu de
nous. Le Public paroiffoit pénétré de ce
tendre & douloureux fentiment , lorfqu'à la
dernière Séance de l'Académie , M. l'Archevêque
d'Aix , faifant les fonctions de Directeur
, dans un Difcours plein d'idées juftes
& délicates , a défigné l'Auteur de cet Éloge.
Il étoit préfent , & tous les regards fe font
arrêtés fur cette vieilleffe , ornée de toutes
ces grâces de l'efprit dont les hommes au
milieu defquels il s'eft formé furent les meil
leurs modèles , & confolée par les douces
Occupations de la Littérature. Les plus vifs
applaudiffemens fe font mêlés à l'intérêt ,
quand on a joint à l'idée d'un ancien Dif
ciple de Fontenelle & de Voltaire , celle de
l'Auteur de tant de charmans Ouvrages , &
qui aura pour mérite diftinctif auprès de la
poftérité, d'avoir confervé à nos Arts les nobles
& gracieuſes folies des temps chevalerefques
, qui font les temps poétiques de notre
Hiftoire , dans une époque où il étoit dangereux
que la raifon ne leur imposât des formes
trop févères.
66
M. le Comte de Treffan confidère Fontenelle
fous trois rapports heureufement faifis
& féparés. Savant , Homme de Lettres ,
Philofophe profond & aimable , ce font
les trois caractères diftinctifs de M. de
» Fontenelle ; c'est donc fous ces trois différens
afpects qu'il doit être conſidéré ;
و د
"
110 MERCURE
"
» mais ma main ne peut donner qu'une
foible efquiffe de ce Sage & de fes Ou-
» vrages. Celui de fes fucceffeurs qui possède
» les crayons & les couleurs brillantes qui
donnèrent l'immortalité aux Éloges de
» Pierre le Grand , de M. d'Argenfon & de
Léitbnitz , ferpit bien plus digne que moi
» de le célébrer. Je le répète , Meffieurs ,
mes mains appeſanties par l'âge , ne peu-
» vent retracer ici qu'une partie de ce que
» les Sciences & les Arts dûrent à fa lu-
» mière féconde , & ce que la Société géné-
» rale doit à fon exemple & à fes inftruc-
» tives leçons. "
""
"
Nous ne fuivrons pas l'Auteur dans fes
trois divifions ; fon Ouvrage gagne beaucoup
plus à être lû qu'à être extrait . Contentons-
nous de citer les morceaux qui fe
détachent le mieux. Il parle ainfi des perfécutions
que Fontenelle effuya pour l'Hif
toire des Oracles .
"
" ,
"Bientôt quelques Auteurs obfcurs , mais
toujours dangereux par la plume empoi-
» fonnée dont ils fe fervent s'élevèrent
» contre M. de Fontenelle ; ils employèrent
» contre lui ces fottes d'armes dont il eft
fi lâche de fe fervir , & qu'on voit encore
bien plus fouvent entre les mains de
l'homme vindicatif & pervers , que du
" vrai fanatique : les Augrus de ce temps
» osèrent dénoncer comme irreligieux l'Ou-
» vrage le plus fage & le plus lumineux que
و د
ود
و د
DE FRANCE. IIF
» la philofophie eût offert depuis long-
» temps à la Société éclairée. »
"
M. le Comte de Treffan ajoute enfuite :
" L'Auteur conferva fa tranquillité ; l'Ou-
» vrage conferva toute fa gloire.
C'eſt
peindre en un feul trait le réſultat de toutes
les perfécutions contre les bons Ouvrages &
le caractère particulier de Fontenelle .
Ce morceau fur les Lettres galantes de
Fontenelle, nous paroît d'une très - bonne
critique :
و ر
" Ces Lettres pourroient cependant être
» encore une efpèce de problême pour des
» gens éclairés. On ne peut nier que le goût
jufte & épuré , & que l'âme vraiment fen
fible ne doivent les profcrire ; mais on ne
peut s'empêcher , en les profcrivant , d'y
» regretter l'efprit , les excellentes plaifan-
" teries & la parfaite connoiffance des hom-
" mes , qui règne dans ces Lettres ; on pour-
» roit même être tenté de les excufer , fi
» elles n'avoient pas été nuifibles à la jeu-
» neffe de l'autre fiècle , & fi leur ftyle trop
recherché , fi des jeux de mots & fi des
penfées trop fubtiles n'avoient eu & n'a-
» voient encore tant de mauvais imita-
ور
"
» teurs. "
Il me femble que la troisième Partie de
cet Éloge eft celle qu'on lit avec le plus de
plaifir ; c'eft qu'en confidérant Fontenelle
dans les moeurs & fon caractère , M. le
Comte de Treffan trouve naturellement
l'occafion d'épancher fes fentimens pour
1
112 MERCURE
l'homme aimable qu'il louc , & d'en parler
aux amis de fa jeuneffe qu'il a connus auprès
de Fontenelle lui même. Je ne puis me
refufer au plaifir de tranfcrire ce morceau
tout entier.
" Je l'ai vû , & je ne peux me le rappeler
» qu'avec le plus jufte attendriffement ; je
» l'ai vû careffer l'enfance , la conduire par
» la main dans fes premières études , & lui
» donner l'eſpèce d'émulation qui lui étoit .
" propre ; je l'ai vû quelquefois concilier
» des caractères & des intérêts perfonnels
les plus oppofés ; je l'ai vû fouvent cal
و د
mer avec adreffe la vivacité du feu qui dé-
» voroit le jeune Auteur de la Henriade ;
» mais il rendoit encore ce feu plus bril
lant , & c'étoit en lui montrant la ten-
» dreffe d'un père, qu'il effayoit quelquefois
à diriger le vol de ce puiffant génie.
»
و د
» M. de Fontenelle fut toujours la lumière
, le lien de toutes les Sociétés dont
» il faifoit le charme ; il y donnoit prefque
toujours le ton ; mais c'étoit fans y prétendre
, fans avoir l'air de s'en apperce-
» voir les regrets donnés à ſa perte fui-
» vront juſqu'au tombeau ceux qui ont joui
» du bonheur de vivre avec lui pendant les
» trente dernières années de fa vic : il en
" refte peu ; mais qu'on juge du ton & de
» la douce philofophie pratique que fes
amis ont reçus de lui , par tout ce qu'ils
» nous font encore relpecter & aimer.
O vous , que les grâces formèrent fur leur
93
DE FRANCE. 113
ور
» modèle , & qui nous fîtes toujours ado-
» rer celles de votre efprit ! Vous que jë
» n'ofe nommer dans cet Éloge , & qui fites
ور
"
la confolation & le bonheur des dernières
» années de M. de Fontenelle , puiffiez - vous
être attendrie en lifant ce que j'écris !
» Puiffe la Société que vous rendez heureufe
, & qui vous rend des hommages
journaliers , vous reconnoître à des traits
" gravés dans mon âme , & tracés par mon
» foible pinceau .
ور
و ر
و د
» Et vous , qui sûres fi bien jouir dans vos
» beaux jours de la fociété intime de M. de
Fontenelle , vous que tant de vertus rendent
utile , cher & refpectable , jouiffez
long temps de l'amour & de l'hommage
» de tous les gens fupérieurs de votre fiècle :
» l'ami de Fontenelle eſt un point de réunion
» pour eux ; ils aiment à fe dire en vous
voyant Voilà l'Élève & le plus fidèle
Difciple d'un Sage ; voilà l'ami que le génie
» fublime de Voltaire fe cheifit , confulta ,
» & qu'il fit jouir de ce commerce intime
» qui s'établir fans effort entre les âmes &
» les efprits d'un ordre ſupérieur .
ود
و ر
ود
( Cet Article eft de M. de L. C. )
7
114
MERCURE
LES Quvres d'Horace , traduites en François
, par M. Binet , ancien Kecteur de
l'Univerfité de Paris , Profeffeur de Rhétorique
au Collège du Pleffis- Sorbonne.
2 Vol. in- 12 . Prix , ƒ liv . reliés . A Paris ,
chez l'Auteur , rue S. Jacques, au Collège du
Pleffis ; Colas , Libraire , place Sorbonne ;
& chez les principaux Libraires de France.
Il n'y a peut-être pas un feul Biographe
qui connoiffe toutes les Traductions qu'on
nous a données d'Horace. M. Binet difcute
encore , fuivant l'ufage , fi l'on doit traduire
en profe ou en vers les Poëtes qui ont écrit
dans des langues mortes. Nous ne reffafferons
pas tous les raiſonnémens pour & contre
qui furchargent toutes les Préfaces des
Traducteurs. Nous nous bornerons , non à
décider , mais à penfer qu'un Auteur qui a
écrit en vers doit être traduit en vers. Le
rhythme & l'harmonie ne peuvent être confervés
en profe ; & c'est ce qui conſtitue en
partie le charme des vers. Racine mis en
profe perdroit beaucoup quand il ne perdroit
que fes belles formes. La difficulté de
traduire en vers un Poëte , ne détruit nullement
cette opinion , comme elle ne détruit
pas à la vérité le mérite d'une bonne Traduction
en profe.
Nous croyons avoir donné de juftes éloges
à M. de Reganhac , qui a traduit une partie
du même Poëte. La Traduction de M. Binet
mérite auffi le fuffrage des connoiſſeurs ,
DE FRANCE. !!S
1
quoiqu'elle foit femée de quelques négligences
, de ces taches qui ne paroiffent guère
qu'au grand jour de l'impreffion . Son ftyle
n'eft point gêné ; il a toute la facilité que
peut avoir une Traduction. M. Binet ne
traduit point littéralement ; mais il s'éloigne
du tour de fon Auteur , quand le goût femble
lui en faire un devoir ; il écrit avec affez
d'élégance , à quelques endroits près , tels
que celui- ci , dans l'ode : Odi profanum vulgus
: il traduit Carmina non priùs audita ,
par des vers que l'oreille n'a point encore entendus.
Cette verfion nous paroît manquer
un peu d'élégance. Peut- être , l'oreille des
hommes auroit plus de nobleffe. Examinons
plus en détail l'Ode dix - huitième ,
Divitiis mores corrumpi ; on y trouvera de
l'élégance , des tours heureux ; en un mot ,
ce qui juftifie les éloges que nous croyons
devoir à cet eftimable Profeffeur ; mais il
nous permettra de relever quelques expreffions
qui déparent de temps en temps fon
Ouvrage. Voici d'abord l'original :
Intactis opulentior
Thefauris Arabum , & divitis India ,
Camentis licet occupes
Tyrrhenum omne tuis , & mare Apulicum ;
Sifigit adamantinos
Summis verticibus dira Neceffitas
Clavos ; non animum metu ,
Non mortis laqueis expedies caput.
Campeftres meliùs Scytha,
116 MERCURE
Quorum plauftra vagas rite trahunt domos ,
Vivunt, & rigidi Geta ,
Immetata quibus jugera liberas
Fruges , & Cererem ferunt :
K
Nec cultura placet longior annuâ ,
Defunctumque laboribus
$
Equali recreatforte vicarius.
Illic matre carentibus
Privignis mulier temperat innocens :
Nec dotata regit virum
Conjux; nec nitido fidit adultero.
Dos eft magna parentium
Virtus , & metuens alterius viri
Certofoedere caftitas :
Et peccare nefas , aut pretium mori.
O quifquis volet impias
Cades , & rabiem tollere civicam ;
Si quaret Pater urbium
Subfcribi ftatis , indomitam audeat
Refranare licentiam ,
Clarus poftgenitis ; quatenus ( heu nefas ! )
Virtutem incolumem odimus ,
Sublatam ex oculis quarimus invidi.
Traduction.
» Avec plus dericheffe que n'en renferment
les tréfors encore entiers de l'Arabie & de
l'Inde ; quand vous couvririez de vos palais
les rivages de nos deux mers , fi la fatale nécellité
appuie fur votre tête fes clous de dia,
mans , jamais vous ne dégagerez votre âme
DE FRANCE.
117
de la crainte , ni vos pieds des filets de la mort.
Heureux les Scythes habitans des campagnes
, où ils traînent fur des charriots leursmaifons
errantes ; heureux les Gêtes auſtères ,
qui , fans connoître les limites du champ
qu'ils labourent , y recueillent en liberté les
dons de Cérès ? Encore n'aiment ils à les cultiver
qu'une année. Quittes de leurs travaux
, un fucceffeur vient prendre leur place
aux mêmes conditions. Chez eux , l'innocente
belle - mère ne fait point fentir fa haine
aux orphelins du premier lit. L'épouſe richement
dotée , n'ufurpe point l'empire fur
fon époux , & ne fe laiffe point furprendre
aux difcours de l'élégant adultère . Sa dot la
plus précieuſe , c'eft la vertu de fes parens ;
c'eft une chafteté fidelle aux loix de l'hymen ,
& redoutant l'aspect de tout autre homme;
c'eft enfin de regarder l'infidélité comme un
crime dont la mort eft le prix.
O vous , qui defirez d'éteindre la rage
des guerres civiles , & d'arrêter le cours de
nos parricides , voulez - vous que des ſtatues
élevées en votre honneur , joignent à votre
nom celui de père de la patrie ? Ofez mettre
un frein à la licence indomptée , & foyez
sûr des hommages de la poftérité , puifqu'helas
! nos yeux jaloux ne peuvent fouffrir
la vertu , vivante , & la cherchent quand
elle n'eft plus ! f
Appuiefur votre têtefes clous de diamans ,
il nous femble qu'appuie rend bien foiblement
figit.
118 MERCURE

Sans connoître les limites du champ qu'ils
labourent , ne rend pas non plus jugera immetata.
Horace dit , fans avoir pris la peine
de mesurer leur champ , ce qui peint bien
mieux la libre infouciance des peuples dont
il parle .
L'afpect de tout autre homme n'eſt point
élégant ; ce n'eft pas que cette expreflion
ne puiffe entrer peut - être dans la profe noble;
mais la Traduction d'un Poëte n'eft
guère lûe que par les Amateurs de la Poésie ,
& les Amateurs de la poéfie ne rencontrent
qu'avec peine de pareilles expreffions . Voilà
même un de ces détails qui peuvent fournir
des inductions contre le fyftême des Traductions
en profe . Mais nous regrettons furtout
que le Traducteur n'ait pas confervé la
fineffe dutour latin, qui fait allufion à Augufte:
O quifquis volet impias
Cades, & rabiem tollere civicam.
O vous qui defirez d'éteindre la rage , &c .
lui fait perdre toute fa grâce ; M. Biner en
fait une apoftrophe directe , au lieu qu'Ho`
race dit avec bien plus de délicateffe : O
» qui que ce foit qui voudra éteindre , & c.
qu'il ofe mettre un frein , & c. » Pour peu
qu'on y réfléchiffe , on verra que la tournure
de l'original a une fineſſe & une grâce
qui ne fe trouvent point dans le François.
"
3>
Voulez vous que des ftatues élevées en votre
honneur joignent à votre nom celui de , &c.
forme une faulle métaphore. Comment des
DE FRANCE. 119
ftatues peuvent - elles joindre un nom à un
autre ?
Hélas , ne rend pas heu nefas. Nefas renferme
un fentiment d'indignation que le
Traducteur a fait difparoitte.
Toutes ces obfervations , & d'autres que ,
nous pourrions y joindre , n'empêchent point
que cette Traduction ne falle honneur à
M. Binet. Elle annonce dans fon Auteur une
parfaite intelligence de l'original , & une
grande connoiffance de fa propre langue.
LES Deux Soeurs , Comédie en un Acte &
en profe , repréfentée aux Variétés Amufantes
, par Mile de Saint - Léger . A Paris ,
chez les Libraires qui vendent les Nouveautés.
*
CETTE Pièce a attiré au Théâtre où elle
a été repréſentée , cette claffe choisie de
Spectateurs qui cherche des émotions douces
& honnêtes. L'Auteur eft une jeune Dlle
déjà avantageufement connue par d'autres
Ouvrages ; & ce petit Drame ne peut que
fairé honneur à fon coeur & à fon efprit.
Un but moral , & qu'il feroit à fouhaiter
que les mères de famille euffent toujours
* Nous nous fommes fait une loi de ne point par
ler des Pièces jouées aux petits Spectacles , parce que
leur nombre nous meneroit trop loin . Nous y dérogeons
aujourd'hui en faveur du mérite de l'Ouvrage
& du fexe de fon Auteur ; mais ce fera fans confé
quence.
120 MERCURE
1
devant les yeux , un dialogue plein de ná
turel , de fentiment & de fineffe , un contrafte
heureux de caractères : voilà ce qui
conftitue cette Pièce , qui a fait tant de plaifir
à la repréſentation , & qui ne perd rien à
la lecture. Le fujet eft cette prédilection des
mères , trop commune pour une fille , qui ,
le plus fouvent , en eft la moins digne , au
préjudice de fa foeur , & les fuites prefque
toujours funeftes de cet aveuglément. Z
Madame de Melcour , riche Veure , a
deux filles . Rofette , l'aînée , âgée de 14 ans ,.
eft la bien aimée. Elle a fu plaire à fa mère
par de la vivacité , de la flatterie & des careffes
continuelles. Eugénie , plus jeune d'un
an que fa four , eft plus réfervée , plus foumife
& plus timide. Mme de Melcour a
pris cette timidité pour de la froideur ; au
heu de fe rapprocher d'Eugénie par des
avances encourageantes , elle s'éloigne d'elle ,
& fe plaint fans ceffe de fonpen de confiance.
Rofette , feus la conduite de la Femmede-
Chambre de fa mère , a été à un bal , où,
pour la première fois , elle a rencontré un
Petit- Maître nommé Verfac , qui eft devenu
amoureux d'elle à la première vûe , & qui a
afé lui écrire deux fois à l'aide de cette Liferre
, qu'il a fu mettre dans fes intérêts.
Verfac , qui met fon bonheur à fe vanter de ,
fes conquêtes , raconte fa ' nouvelle intrigue
à M. de Florval , fils d'un ancien ami de
Mine de Melcour , & qui afpire à la main.
d'Eugénie. Cependant Mme de Melcour def
tine
DE FRANCE. 121
tine Roferte à Florval ; & le regardant déjà
comme fon gendre , elle lui apprend fon
chagrin de ne pouvoir gagner la confiance
de fa fille cadette , ni vaincre ce qu'elle croit
fon infenfibilité. Elle le charge de lui annoncer
qu'elle a deffein de la réleguer dans un
Couvent , pour voir fi la menace de cette
féparation fera fenfible à fa fille . Forval
fouffre d'être obligé de faire fubir cette af-
Aligeante épreuve à fa chère Eugénie ; mais la
fatisfaction de Mme de Melcour en dépend :
il obéit. Eugénie vient avec fa timidité ordinaire
; il la lui reproche tendrement.
FLOR VA I.
« Chère Eugénie ! eh ! quoi , me craignez-
» vous donc anffi ? Une mère fi bonne , un
" ami qui ne fonge qu'à vous , font- ils donc
» des objets de contrainte & de défiance ?
"
90
EUGENI E.
» J'ai bien des défauts , fans doute ; mais
je ne fuis point ingrate.
FLOR VA L.
» Non , vous ne l'êtes point. Mais pourquoi
vous refufer une confolation fi
douce ? Je ne vous vis jamais embraſſer vo
» tre mère. Ces careffes de l'innocence....
EUGEN I E.
" Ah ! quand Rolette cft dans les bras de
maman , que ne puis je être feulement à
fes piés , je me croirois trop heureuſe !
Nº. 42 , 18 Octobre 1783 .
F
Î22 MERCURE
"
P
1

FLOR VAL.
Et vous la laiffez dans l'erreur ? Affligée
» de votre mélancolie , ne fachant comment
» y remédier , que fais - je ? par excès de dé-
» licateffe vous foupçonnant de froideur
» peut - être , elle fe trouve réduite à prendre
un parti qui lui coûte beaucoup : ju-
» gez en vous même. Malgré l'amertume
qu'elle trouve dans l'exécution d'un tel
projet , elle fe propofe de vous mettre in-
» ceffamment au Convent.
39
ود
ور
30
30
EUGÉNIE.
Je ne la verrai donc plus tous les jours ! ...
» Hélas ! tant mieux : maman fera plus
tranquille . Je m'apperçois fouvent que
» je l'embarraffe , que ma préfence lui eſt
» importune ; elle en fera délivrée ; quand
je reviendrai , je me ferai peut - être rendue
plus digne de lui plaire.
"
29
FLOR VAL.
Croyez qu'elle fentira bien vivement la
privation où elle fera de fon Eugénie .
- EUGENIE.
" Son Eugénie ! vous venez de prononcer
" ce mot- là d'une manière..... Ah ! maman
» ne m'a jamais appelée fon Eugénie.
FLOR VAL.
» Plus je lis dans votre âme , & plus je
» vois combien il vous feroit facile de faire
le bonheur d'une mère qui vous aime.
39
""
EUGENI E.
» Je fais ce que je peux. Elle defire beauDE
FRANCE. 123
33
coup que ina foeur s'occupe , & tous les
jours j'avance en fecret fon ouvrage. De
» même quand maman a été bien malade
Kolette étoit un peu plus raffurée que
moi fur l'état de fa fanté ; & comme j'allois
plus fouvent qu'elle dans la chambre
de maman , fitôt qu'elle me difoit avec
" bonté: Eft ce donc vous , ma fille ? Je dé-
» guifois ma voix , & lui répondois tout
» doucement : Oui , ma chère maman , c'eft
» moi , c'eft Rofette ; & elle étoit contente.
Cela faifoit du bien à fa fanté ; & quand
je m'en allois je pleurois.
39 "
On peut juger par cette Scène de l'intérêt
que Mile de Saint Léger a fu répandre dans
fon dialogue . Mme de Melcour n'écoutant
toujours que fa fauffe prévention , prend
pour de l'indifférence la rélignation d'Eugé
nie ; mais Florval demande à faire fubir
une feconde épreuve également à Roſette &
à Eugénie. La mère y confent, & fe cache dans
un cabinet , afin de tout entendre .
"9
<<
Rofette arrive en cherchant fa mère ; elle
rencontre Florval : Où donc eft maman ?
je ne la vois point ici ? Ma foeur pleure.
» Ah ! je voudrois bien que vous me difiez
pourquoi . Vous le favez , fans doute ;
» mais vous ne me direz rien .
30
FLORVA L.
» Si j'avois des fecrets pour vous , ce le-
" roit par la feule crainte de vous faire de
» la peine , en vous les découvrant . La
Fij
124 MERCURE
» beauté ne devroit jamais répandre de
» larmes.
"
"
ROSETT E.
( Apart. ) Il faut le connoître ce M.
» Florval , il eft plus aimable que je ne
croyois. ( Haut. ) Vous m'apprendrez donc
tout ce que vous favez fi je vous en prie
» bien fort?
20
و ر
"
FLORVA L.
Affurément , je ne pourrai réfifter à vos
prières. La première nouvelle & la moins
» affligeante , c'eft qu'on va mettre Eugénie
» au Couvent .
ROSETTE .
» Au Couvent ? Eft- ce bien vrai ? Et cela
» vous fait- il de la peine , Monfieur ?
FLORVA L.
» Nullement.
ROSETTE.
» M'aimeroit- il donc auffi ?
FLOR VA L.
» Je crois qu'elle partira demain.
ROSETTE.
„ Ce féjour la diffipera . Elle eft fi peu
faite pour le monde , ma pauvre petite
four ! oh ! c'eft bon. J'étois déjà l'enfant
gâté , je ferai la fille unique.
12
DE FRANCE. 125
Elle le preffe de lui apprendre ce qu'il
feint de vouloir lui laiffer ignorer. Il cède
enfin , & lui dit que fa mère eft ruinée . Rofette
eft au défefpoir ; elle ne peut foutenir
l'idée de la pauvreté.
" Ah ! Monfieur , priez maman de me
» mettre au Couvent comme ma foeur.
(Eugénieparoit.)Ah ! pleurez à préfent, vous
» en avez fujet. Maman eft ruinée! (Ellefort.)
"
33
"
EUGEN I E.
Quoi? maman... elle a des malheurs ?
FLOR VA L.
» Je ne puis vous les cacher , ma chère
Eugénie. Un homme qui paffoit pour la
» probité même , & qui depuis le veuvage
» de Mme de Melcour avoit toute fa for-
» tune entre les mains , vient de faire ban.
" queroute, & de l'envelopper dans fa ruine.
EUGENI E.
99
"
» Maman ! maman ! elle eft donc bien
affligée. Et vous la laiffez feule , vous ,
Monfieur , vous fon ami ? ( Elle défait fes
» boucles d'oreilles &fon collier. Monfieur
» de Florval , vous m'avez toujours obligée ;
» vendez mes bijoux , vendez les tous . Don-
» nez en l'argent à maman. Mais quelle
» foible reffource ! Allons , je broderai fi
bien , je travaillerai tant. Obtenez une
grâce. C'eft à vous que je la demande . Ob-
» tenez de ma mère que je n'aille plus au
» Couvent. Je lui ferai utile aux travaux de
ور
n
"
i )
126
MERCURE
la maiſon. Je fuis forte , quoique je paroiffe
délicate . Ma foeur la confolera
» s'occupera du foin de lui plaire ; & moi
je la fervirai. » "
La mère accourt embraffer Eugénie. Elle
s'accufe & fe plaint de fa funefte erreur . Elle
fonge à Rolette. ( Elle paroît. ) « La voici , ditelle
; ah ! je l'aimois avec idolâtrie. Elle lui
23
"
"
montre la lettre de Verfae , qu'elle a fu
" retirer des mains de la Femme de Cham-
" bre : Lifez ma honte & la vôtre . Au refte ,
je ne m'en étonne plus . A quelles vertus
» peut - on prétendie en n'aimant pas fa
» mère ?. Viens , toi , ma chère Eugénie ,
viens tout efperer , tout attendre de ton
pouvoir fur mon coeur . Quels dédomma-
" gemens pourront jamais réparer mes torts
envers toi. J'ai pu te méconnoître. Or
donne , parle , qu'exige tu de matendreffe ?
EUGENI E.
39
ور
"
و د
"
" Oh ! maman ! la grâce de ma foeur. » La
mère pardonne & embraffe fes denx filles . "
Tel eft le dénouement de cette intéreffante
Comédie. Chaque perfonnage y eft
dans fa véritable fituation , & ne parle jamais
que le langage qui lui eft propre . Un Aca
démicien , après la première repréſentation ,
dit à l'Auteur : « qu'elle étoit bien modeſte
de fe borner aux petites maiſons de
Thalie , quand elle eft faite pour brillér
dans fon plus beau falon .
»
" "3
DE FRANCE. 127
S
VOYAGE aux Ifles de Lipari fait en 1781
ou Notices fur les Iles Eoliennes , pour
fervir à l'Hiftoire des Volcans ; fuivi d'un
Mémoire fur une espèce de volcan d'air ,
& d'un autre fur la température du climat
de Malte , &fur la différence de la chaleur
réelle & de la chaleurfenfible ; par M. le
Commandeur Déodat de Dolomier ,
Correfpondant de l'Académie des Sciences,
& c. A Paris , rue & hôtel Serpente.
1 Vol; in 8º.
M. LE Commandeur de Dolomier , connu
par fon zèle pour les Sciences , & par l'exac-
Fitude de fes obfervations , n'a point oublié ,
en parcourant la Sicile , de vifiter les Ifles de
Lipari , fi négligées par les Voyageurs , & fi
intereffantes pour le Phyficien & pour le Naturalifte
. Cet amas de volcans , fitué entre
Ja Sicile & l'Italie , eft environné d'une mer
orageufe , & de Corfaires Barbarefque qui
en éloignent les curieux ; & la Nature n'y préfente
rien qui puiffe dédommager des dangers
de la navigation . Il n'y a qu'un defirardent
de connoître tous les matériaux qui peuvent
fervir à l'hiftoire de la Nature , qui
faffe braver les obftacles , gravir les monts
enflammés , & trouver du plaifir à obferver
les débris du globe , & les caufes de fes
grands bouleverfemens. Ces îles , qui font au
nombre de dix , font le produit des feux fouterrains.
" Elles fe font élevées par accumu-
Fiv
118 MERCURE
ود
ود
و د
99
"
» lation au milieu de la mer ; mais les violentes
éruptions qui les ont produites ou en
» femble ou fucceffivement , font sûrement
» antérieures aux temps de l'Hiftoire , puifqu'aucun
Hiftorien ne dit rien de leur origine.
Cependant leur formation a dû être
précédée de chocs violens , & de tremblemens
de terre qui doivent avoir ébranlé la
» Sicile & la partie de l'Italie qui en eſt voi-
» fine ». M. de Dolomier parcourt toutes ces
îles avec l'attention d'un Obfervateur exercé;
il s'arrête plus particulièrement à celles
de Vulcano , de Lipari & de Stromboli , parce
que ce font celles qui préfentent à la curiofité
éclairée plus d'objets d'étude & de recherches.
La première eft un volcan dans fa
plus grande activité ; la feconde est couverte
de débris volcaniques , de bains chauds , d'étuves
bouillonnantes : il paroît que le foyer
des volcans de ces deux îles leur eft commun
, puifque , depuis l'extinction de celui
de Lipari , la fermentation du Vulcano eft
augmentée. L'opinion populaire des Liparotes
fortifie cette conjecture ; ils font dans les
plus vives appréhenfions lorfque le volcan
animé ne fume point , parce qu'ils craignent
que les feux de Lipari ne fe renouvellent.
Cette île eft l'immenſe magafin qui fournit les
pierres ponces à toute l'Europe. Ce réfidu
volcanique eft néceffaire à plufieurs Arts ; on
en a ouvert de vaftes carrières dans les montagnes
& dans les vallées qui les féparent ; &
cette fubftance fingulière femble être la bafe
DE FRANCE. 119
de l'île entière. Quoiqu'elle foit fort répandue
dans l'Europe , elle eft une de celles qui
font le moins connues des Naturaliftes , qui
n'ont rien dit ni fur fa nature , ni fur ſa formation.
Le favant Voyageur , qui ne croit
pas que cette production foit une fcorie des
volcans , ou doive fon origine aux asbeſtes
& aux amiantes altérées par le feu , & qui
étoit plus à portée d'en étudier les principes,
ne doure point , d'après les expériences qu'il
a faites , que la roche feuilletée , graniteufe
micacée , & le granit lui - même ne foient
les matières premières , à l'altération def
quelles on doit attribuer la formation de
pierres ponces.
Le Stromboli eft le feul volcan connu qui
n'ait aucun temps de tranquillité ; fes explofions
ne reffemblent point à celles des autres
volcans ; il lance continuellement , mais par
intervalles réglés de fept ou huit minutes ,
des pierres enflammées qui s'élèvent à plus de
cent pieds de hauteur , formant des rayons
un peu divergens , mais retombant cependant
en grande partie dans le cratère.
Chaque explofion eft accompagnée d'une
bouffée de flammes rouges , & fuivie d'un
bruit fourd femblable à celui d'une mine
qui éprouve peu de réfiftance . Les Poëtes
anciens ont fait de Stromboli , la demeure
d'Éole , quoique les tempêtes n'y
foient pas plus fréquentes que dans les autres
fles volcaniques. C'eft fans doute parce que
les habitans prédifoient trois jours d'avance ,
Ev
130 MERCURE
par l'activité du volcan & la direction de la
fumée , les changemens de temps. M. de
Dolomier eft difpofé à croire que les feux de
Lipari ont une communication établie entre
l'Etna & le Véfuve , non qu'ils aient un foyer
commun , mais par des évents qui fervent
de paffages aux vapeurs élastiques , & par.
des canaux qui , faifant l'effet des foufflets fur
les différens foyers , rendent très - fenfibles
les effets de la fermentation du volcan en
travail.
*
Un phénomène plus fingulier encore a mérité
d'être étudié par le favant Naturaliſte qui
nous le décrit ; c'eft un volcan d'air , qui a ,
comme ceux que le fen produit , fes calmes
& fes convulfions , fes fecouffes & fes mu
giffemens , fes exploſions enfin , qui élèvent
à plus de trois cent pieds les matières qu'elles
lancent. Cette montagne, qui eft placée entre
Arragona & Girgenti en Sicile , & qu'on
nomme Macaluba , n'eft qu'un amas de
boue argilleufe de cent cinquante pieds d'élévation
; il a fur fon fommet un très - grand
nombre de perits cônes tronqués , qui font
comme autant de petits crateres. Le fol fur
lequel ils font placés eft une argille defféchée
& gercée en tous les fens. Le grand balancement
que l'on éprouve en marchant fur
la plaine qui termine cette montagne , annonce
qu'on eft fur un vafte & immenſe
gouffre de boue , dans lequel on court le plus
* Nom Arabe qui fignifie renversé , bouleversé.
DE FRANCE. 131
"

"
و ر
ور
"
k
grand rifque d'être englouti. « L'intérieur de
chacun de ces petits cratères eft toujours humide
, & on y apperçoit un mouvement
» continuel : il s'élève à chaque inftant du
» fond de cette eſpèce d'entonnoir une argille .
grife , delayee , à furface convexe , qui ,
» en s'arrondiffant , arrive aux lèvres du cratère
, qu'elle furmonte enfuite en forme de
» demi globe. Cette espèce de fphère s'ouvre
pour laiffer éclater une bulle d'airs
» cette bulle , en fe crevant , rend un bruit
» femblable à celui d'une bouteille qu'on débouche,
rejette hors du cratère l'argile dont
elle étoit enveloppée, & cette argille coule à
» la manière des laves , fur les flancs du mon-
» ticule ; elle en gagne la baſe , & s'étend
à plus ou moins de diftance. Lorfque l'air
» s'eft dégagé , le refte de l'argille fe précipite
» au fond du crater , qui reprend & gaide fa
» première forme , jufqu'à ce qu'une nou-
» velle bulle monte & s'échappe. Il y adonc
» un mouvement continuel d'abaiffement &
» d'élévation plus ou moins précipité , &
» dont l'intermittence eft de deux ou trois mi-
» nutes. On l'accélère en donnant des fe-
» couffes à la croûte d'argille fur laquelle on
» marche. Ce volcan qui étoit inconnu ,
a les crifes & fes éruptions ; elles arrivent
plus particulièrement en automne , lorfque
l'été a été fec & long ; fes mouvemens de
fermentation répandent la terreur dans tous
les lieux voifins ; fes bruits fouterrains
ſes tonnerres intérieurs annoncent fon tra
"
30
33 ود
,
F vj
732 MERCURE
vail : le bruit , par une augmentation progreffive
, amène une explofion violente ,
qui élève avec bruit , quelquefois à plus
de deux cent pieds , une gerbe de terre ,
de boue , d'argille detrempée , mêlée de
quelques pierres . En hiver , les pluies décompofent
& délayent cet amas de boue &
d'air , & les monticules coniques qui couvrent
fon fommet ; la furface devient entièrement
unie , & le tout ne préfente plus
qu'une vafte maffe de boue , d'argille détrempee
, dont on ne connoît pas la profondeur :
il eft dangereux d'en approcher . Un bouillonnement
continuel couvre cette furface liquide
; l'air qui le produit n'a plus de paffage
particulier , & vient éclater indiftinctement
dans tout cet efpace . Autant la Nature étonne
par fes prodiges , autant le Philofophe eft
empreffe à les deviner. M. de Dolomier ,
après avoir foigneufement examiné les effets
de ce volcan , voulut en connoître les caн-
fes. Il s'affura que les divers mouvemens de
ce phénomène , foit dans ſon érat ordinaire ,
foit dans les accès , n'avoient point le feu
pour agent principal , & il reconnut facileavec
le fecours de l'expérience , que
l'air fixe éroit l'unique moteur des fingulari .
tés qu'il obfervoit . Il explique d'une manière
ingénieufe & vraisemblable la manière dont
cer air qui fe dégage , tant de la vaſe délayée
que de l'eau , peut produire tous ces accidens
qui furprennent tous ces bruits , toutes
ces exploſions qui effrayent. Cette explicament
,
DE FRANCE. 133
tion rend le phénomène moins furprenant.
Le Volume que nous annonçons eft terminé
par des obfervations fur la température de
lile de Malte , & fur les fenfations qu elle
produit. Quoique les chaleurs y foient extrê
mes , le thermomètre de Réaumur y eft ordinairement
au- deffous du 25 me degré ; &
pendant le froid le plus pénétrant , il n'eft jamais
au deffous de huit degrés . Quelles font
les caufes du peu de rapport qu'il y a entre
nos fenfations & les inftrumens qui me
furent la température de l'air , entre la chaleur
fenfible & la chaleur réelle ? La vraie
température de l'atmosphère eft- elle la cauſe
première & unique des effets que l'on éprou
ve en état de fanté , & fans accélération dans
fes mouvemens M. de Dolomier cherche
à réfoudre ces questions qui intéreffent le
Phyficien , qui n'ont pas été traitées.
Il prouve par le raifonnement que la fenfation
du froid & du chaud n'eft point
uniquement relative à la température de
l'atmosphère , mais qu'elle dépend encore
de fa pureté & de fon mouvement. Il faut
lire dans le Mémoire l'application des principes
de l'Auteur au climat de Malte , &
l'explication du contrafte qu'on éprouve
entre les fenfations & la vraie température
de l'air ambiant. Il appuie fes conjectures
fur l'expérience . Cette Differtation eft remplie
d'idées neuves , de réſultats farisfaifans
, & d'obfervations non- feulement curicufes
, mais utiles à la fanté. En général ,
134
MERCURE
l'Ouvrage de M. le Commandeur de Dolomier
eft d'un Naturalifte éclairé d'un
Obfervateur exact , accoutumé à fcruter la
Nature , & à lui furprendre fes fecrets. Ce
Volume intéreflant fait defirer que des circonftances
plus favorables au Lecteur qui veut
s'inftruire , lui permettent de publier fon
Voyage de Sicile , qui nous fera certainement
mieux connoître ce pays , le plus
curieux de l'Univers , & fur lequel on a
écrit depuis peu d'une manière aufli agréa
ble qu'inexacte.
NECROLOGIE.
A PEINE avions - nous annoncé au Public
la perte que le Théâtre Italien venoit de
faire de la Dame Billioni , que nous avons
appris la mort d'un Acteur auffi célèbre
qu'intéreffant , Carlin Bertinazzi
ޅ
qui
a joué pendant 42 ans le rôle d'Arlequin
avec un fuccès auffi brillant que foutenu .
L'homme à talent que la mort nous ravit
dans la fleur de fon âge , & celui qui nous
eft enlevé au bout de fa carrière , excitent à
peu-près les mêmes regrets , en réveillant
des fentimens divers . Dans le premier cas ,
c'eft l'amour de nous mêmes qui nous fait
regretter celui qui devoit ajouter à nos plaifirs
; dans le fecond , c'eft la reconnoiffance
qui nous fait donner des larmes à l'homme
qui nous a compofé un long cercle de jouiffances
par la magie de fes talens.
DE FRANCE. 135
Heureux au moins l'Acteur qui ne fe
furvit pas à lui même , ou , pour mieux dire ,
qui ne compromet pas fa gloire en montrant
un talent à qui l'âge ordonne le repes
fous peine du ridicule ; qui ne va pas étaler
fon déclin fur le théâtre de fes triomphes
& qui n'expofe point fon intacte célébrité
au caprice d'un Public ingrat , à qui la fenfation
du moment fait oublier trente ans de
jouiflance , toujours exigeant , ne prenant
jamais le paffé en compenfation du préfent ,
& voulant toujours qu'on rempliffe à fon
entière fatisfaction le moment qu'il vient
d'acheter. Ce malheur n'eft point arrivé au
célèbre Acteur dont nous déplorons la perte ;
nous avons eu le bonheur de le poffeder longtemps
, & il a eu celui de conferver la jeuneffe
de fon talent dans l'âge le plus avancé.
Son premier Début ne fut pas heureux .
Son genre , purement Italien , étoit oppofé à
celui du fameux Thomaffin , qui étoit en
poffeffion de plaire au Public ; mais il n'eut
befoin que d'être averti : dès le fecond jour
il changea fa manière , & il entraîna tous
les fuffrages. Depuis ce temps là , on l'a
toujours vû avec plaifir , quoique fon emploi
fût peu goûté , & que les Pièces Italiennes
fuffent peu fuivies. On nous a raconté à
cette occafion une anecdote qu'on ne fera
pas fâché de trouver ici . Dans un de ces momens
où les Italiens étoient à pen - près abandonnés
, ils fe trouvèrent un foir obligés de
jouer pour deux Spectateurs feulement. On
136 MERCURE
juge bien qu'avec une pareille folitude le
SpeЯacle ne dût pas être bien chaud ; fi une
affemblee de deux Spectateurs n'eft pas faite
pour intimider des Acteurs , elle neft guère
faite non plus pour les encourager. Quoi
qu'il en foir , quand on fut arrivé au dénouement
, Carlin , avec fa gaîté toujours nouvelle
& fon efprit toujours préfent , s'avance
vers le bord du Théâtre , fait figne à l'un des
deux Spectateurs , en le priant de s'approcher;
& quand ils furent près l'un de l'autre :
Monfieur , lui dit - il tout bas avec cette grâce
qui lui étoit fi naturelle , fi vous rencontrez
quelqu'un enfortant d'ici , faites moi le plaifir
de lui dire que nous donnons demain une repréfentation
d' Arlequin , &c.
Ce qui diftinguoit fon talent , c'étoit la naïveté
de fon débit , & la vérité de fa pantomime.
Il pouffoit ces deux qualites jufqu'à la
perfection. Ce n'eft pas que tout ce qu'il
avoit à dire fût admirable ; mais tout ce qu'il
difoit faifoit plaifir , parce que la manière
dont il le difoit faifoit illufion ; & trèsfouvent
on croyoit applaudir un mot , quand
on n'applaudiffoit que le ton dont il étoit
prononcé.
Quant à la vérité de fa pantomime , elle
étoit telle qu'on étoit toujours la dupe , malgré
foi , de les moindres mouvemens. Si ,
par un des lazzi affectes à fon emploi d'Arlequin
, il faifoit une gliffadefur le théâtre , on
frémi foir de la peur de le voir tomber. Si ,
dans une fcène nocturne , il étoit de fon rôle
DE FRANCE. 137
de fe heurter contre quelque porte ou quelque
mur , on étoit prêt à s'écrier. Par- tout
l'illution étoit complette.
Cette diction fi naïve , cette pantomime
fi vraie , éloignoient fi fort l'idée de l'Art ,
qu'on s'imaginoit plutôt être le témoin d'une
action réelle , que le fpectateur d'une repréfentation
dramatique. Cela eft fi vrai , que
nous avons vu des enfans , amenés à ce fpectacle,
fe mêler à la converfation des Acteurs ,
& du haut de leur loge , entrer en scène avec
Carlin , qui , de fon côté , profitant des
privilèges de fon rôle , étoit enchanté d'établir
un dialogue entre eux & lui , & amenoit
par- là une digreffion très amufante ,
qu'il avoit l'art de coudre à la fcène . C'eſt
un fait dont nous avons été témoins plus
d'une fois .
Joignez à cela une grâce qu'il a fu confer
ver , malgré fon embonpoint. En mefurant
des yeux fa rotondité , on étoit furpris de
voir des attitudes auffi gracieuſes & une allure
auffi légère. Tous les mouvemens arrondis ,
fes mièvreries de ton & de gefte lui prê
toient un charme indéfiniffable ; ce qui ,
joint à fon accent & au jargon qui lui étoit
particulier , formoit un enfemble piquant &
original. Ses pofitions étoient toujours fi
vraies & fi expreflives , qu'on voyoir , pour ,
ainfi dire , fa phyfionomie à travers fon maf
quenoir.
Toutes ces qualités , il les a confervées
jufqu'à fon dernier moment , c'eft à- dire
138 MERCURE
jufqu'à l'âge de 76 ans ; ce qui paroîtra invraisemblable
à ceux qui ne l'ont pas vu à la
fin de fa carrière. On oublioit d'autant mieux
fon âge au théâtre , que , ne jouant pas à
vifage découvert , fon mafque , fans dérober
, comme nous l'avons dit , l'expreflion
de fa figure , ne fervoit qu'à cacher fon âge.
Depuis la fuppreflion des Pièces Italiennes
il avoit bien moins d'occafions de paroître
en public ; mais il étoit toujours reçu avec
une acclamation qui atteftoit l'amour & la
reconnoiffance. Il improvifoit avec plus de
plaifir qu'il ne jouoit les rêles écrits ; fon ta-.
lent étoit plus fait pour fe livrer à fon imagination
, que pour s'aflujétir à fa mémoire.
Peu de jours avant de mourir , il avoit paru
fur la Scène , & toujours avec les mêmes applaudiffemens.
Sa mort à fait une véritable ſenſation . Il a
été d'autant plus regretté , qu'il fe faifoit aimer
dans la fociété , autant qu'il fe faifoit admirer
fur la Scène. Il avoit une bonhomie
qui rappeloit la naïveté de fon jeu. Bon mari
, bon père , il remplifoit tous les devoirs
de l'amitié. Il y a peu de temps qu'il
avoit eu occafion d'exercer fa philofophie.
Une perte de cinquante mille livres emporta
une partie de fes épargnes , qu'il
deftinoit à l'établiffement de fa famille. Il
fut confolé par l'amitié & par les fuccès.
Enfin , fi fa mort mérite nos regrets , il faut
avouer auffi que fa carrière a été digne d'envie.
Sa fanté ne l'a quitté qu'à l'inſtant de fa
DE FRANCE. 139
mort ; il a eu de longs fuccès & une courte
agonie.
( Cet Article eft de M. Imbert. )
ANNONCES ET NOTICES.
ESSAI fur les Obligations Civiles des Frères envers
leurs Soeurs , fuivant la Coutume de Normandie,
par M. Vaſtel , Docteur en Droit , Avocat au Parlement
de Normandie. A Rouen , de l'Imprimerie de
la Veuve Laurent Dumefnil , rue Neuve Saint -Lô ,
vis-à vis le Prieuré ; & fe vend chez Leboucher le
jeune , Libraire , rue Ganterie ; & à Paris , chez
Durand neveu , Libraire , rue Galande.
Les Jurifconfultes avoient laiffé jufqu'ici dans
d'épaiffes ténèbres l'objet qui eft traité dans cet Ouvrage
; & l'on fe perdoit dans leurs décifions fouvent
contradictoires . M. Vaftel a tâché de jeter
quelques lumières fur une matière auffi intéreffante.
Son effai , qui paroît l'Ouvrage le plus complet que
nous ayons dans ce genre , eft fait avec clarté , &
épargnera beaucoup de recherches à ceux qui auront
à difcuter ce principe de Droit. Si quelquefois il
s'éloigne des opinions & des ufages reçus , il préfente
fes idées avec une modeftic qui les feroit excufer
de ceux même qui croiroient devoir les combattre.
CINQUIÈME Cahier de la Phytonomatotechnie
Univerfelle , par M. Bergeret , in-folio de 24 pages ,
& douze planches très - bien deffinées & très - bien
coloriécs.
Ce cinquième Cahier contient l'Hydne Sinué
le Bolet Verniffé , l'Agarie Androfacé , l'Agarie
140 MERCURE
Gercé , la Clavaire Cornue , le Politrie des arbres , le
Bry à Balais , la Morelle à fruits noir , la Douce
amère , le Mouron des champs , le Céraifte vulgaire ,
le Lamium pourpré. On ſouſcrit chez l'Auteur , rue
d'Antin , Didot le jeune , Imprimeur - Libraire , Quai
des Auguftins ; Poiffon , Graveur , Cloître S. Honoré.
La Soufcription pour fix Cahiers eft de 108 liv . en
papier d'Hollande , de 54 liv. pour le papier ordinaire
, figures coloriées ; 27 liv. pour le même en
noir.
rue
ÉTAT de la France , ou les vrais Marquis ,
Comtes , Vicomtes & Barons , par M. de Combles ,
Officier d'Infanterie. A Paris , chez l'Auteur ,
Jacob , Nº . 41. ; chez la Veuve Duchefne , rue Saint
Jacques ; l'Esclapart , Pont Notre-Dame ; Esprit , au
Palais Royal . En s'adreffant à l'Auteur , on recevra
cet Ouvrage , franc de port dans tout le Royaume ,
en affranchiffant les lettres & le port de l'argent .
Prix , 2 liv . broché.
TRAITE des Devifes Hierldiques , de leur oririgine
& de leur ufage , avec un Recueil des Armes
de toutes les Mailons qui en portent enfemble un
précis fur leur origine , & un Recueil de faits qui
leur font particuliers & qui ne font pas encore
connus , enrichi de gravures , le tout pour fervir d'introduction
à l'Etat de la France , par M. de Combles
. Prix , 4 liv. 12 fols. Aux mêmes Adreſſes que
ci- deffus .
LE Mouton , le Canard & le Coq , Fable dialoguée.
Brochure in - 12 de 32 pages. A Fruxe.les , &
fe trouve à Paris , chez Hardouin , Libraire , rue
des Prêtres , Cloitre S. Germain- l'Auxerrois .
Le Interlocuteurs de cette longue Fable en profe
font le Mouton , le Canard & le Coq qu'on a fait
DE FRANCE.
141
voyager avec le Globe de M. de Montgolfier , qui
fe rendent compte de leurs obfervations , & qui raifonnent
à leur manière fur ce genre de voyage.
L'idée & le cadre en font heureux , & les perfonnages
s'expriment affez fuivant leurs caractères. On
peut feulement reprocher au Coq d'être un peu trop
raifonneur , & de parler en Coq plus inftruit qu'il ne
doit l'être. Au refte , ce badinage n'attaque nullement
l'expérience qui y a donné lieu ; il eft à regretter
qu'il n'ait aucun but , & qu'il n'offre aucun réſultats
foit de morale , foit de plaifanterie.
LETTRE à M. de *** , fur fon projet de voyager
avec la Sphère Aëroftatique de M. de Montgolfier,
16 pages , avec figure. A Acropolis , fur la place
des Nues , chez Zéphirin le jeune , Imprimeur-
Libraire & Relieur de S. Majefté Aiglonne ; & fe
trouve à Paris , chez les Marchands de Feuilles volantes
, l'an de la lune ....
C'eſt encore le Globe volant qui a fait naître cette
Brochure. Mais elle n'eft nullement apologétique ;
l'Auteur emploie contre cette nouvelle invention le
farcafime & la plaifanterie. Il la représente à peuprès
comme inutile & comme impoffible à perfectionner.
Au refte , il y a dans cette bagatelle de l'efprit
& de l'imagination . Mais l'Auteur ne fe renferme
pas toujours dans l'ironie. Quelquefois la
chaleur l'emporte , & il parle férieufement , comme
dans la tirade que nous allons tranſcrire.
" O futilité ! ô François , qui te fais des hochets
» avec des charbons ardens ! peux tu pla fanter
fur des objets auffi graves ? Arrête , infenfé ! Si
» cette machine , dont tu prétends démontrer l'impoffibilité
par tes farcalmes étoit exécutable , dis ,
-> l'entreprendrois - tu ? Où feroit alors un afyle con-
» tre les fruits de notre corruption en tout genre ?
Quelles ferrures affureroient nos propriétés ?
142 MERCURE
"
ور
Quels tours garantiroient l'honneur de nos filles ?
Quelles Maréchauffées arrêteroient les meurtres
& les brigandages : Je vois nos moiffons & nos
» villes en feu , nos forêts en ruines , nos flottes
» embrâfées , nos Rois tremblans ou écrâfés au
» milieu de cent mille bras armés pour les défendre...
Je ne vois plus qu'un remède à nos maux :
il faudra nous réduire à vivre fous terre comme
» les renards & les blaircaux , avec cette différence
» pourtant que ceux- ci laiffent leur porte ouverte ,
» & que les nôtres ne pourront être trop herméti-
» quement fermées . La Nature ne nous a donc pas
» affez libéralement difpenfé nos maux ? Ceux qu'elle
ne nous a point donnés , nous les avons faits ;
» aucun heureufement ne doit à la Nation Fran-
» çoiſe fon horrible exiftence : nous fommes lé-
» gers , nous ne fommes point méchans , Nous n'a-
30
VORS à nous reprocher ni machine infernale , ni
» poudre à canon , ni bayonnette . Avec quelle horreur
Louis XV n'a- t'il pas rejeté , & le feu inertinguible
& les verres incendians d'Archimède ,
» & dans un temps où ils nous cuffent été d'un grand
fecours contre un enremi redoutable , qui peut-
» être eût été meins délicat ? Si les hommes font
jamais aſſez malheureux pour parvenir à voyager
» dans les airs , à Dieu ne plaife , ô ma Patrie ! que
ce foit un François à qui l'on en doive l'infernale
» découverte. »
.39
--
L'INSTANT de la mort de l'Amiral Coligny , à
Paris , rue Bétify, la nuit du 23 au 24 Août 1572% ,
fous le règne de Charles IX. L'inftant de la mort
du Duc de Guife , à Blois , le 23 Décembre 1588 ,
fous le règne de Henri 111 ; fujets de deux Eftampes
faifant pendans , de la grandeur de celle qui repréfentoit
la mort du Général Wolfe , gravée à Londres
par Woolette , c'est- à- dire , ayant Is pouces
DE FRANCE. 143
10 lignes de haut , fur 1 pied 9 pouces 11 lig res de
large ; propofees par Soufcription.
Ces deux Eftampes , dont la Gravure à la manière
Angloife eft commencée , & fera finie par le fieur
Parifet , feront délivrées aux Soufcripteurs en payant
2 liv. en retirant chaque Eftampe , ( au moyen
des 6 1. qu'on aura données en foufcrivant ) la pre-
-mière en Janvier 1785 , & la deuxième en Janvier
1787. Le fieur Parifet a refté dix ans à Londres , où
il s'eft formé fous les plus habiles Maîtres en Gravure
à la manière Angloife , & il y a coupéré à
quantité d'Eftampes qui ont fait la réputation des
Graveurs titulaires.
La Soufcription fera ouverte tous les jours , excepté
les Fêtes & Dimanches , enclos du Temple ,
maifon de Mme Mouffu , chez la Demoiſelle Pariſet
cadette , à qui le fieur Parifet fon père a cédé letdites
deux Planches & le Privilège qu'il en a obtenu
. On y verra les deffins d'après lefquels fe gravent
les deux fujets fus annoncés , dans lesquels on
a confervé le coftume des habillemens & des chambres
où ces deux Seigneurs ont reçu la mort. Dans le
cas où ces Eftampes feroient mifes au jour avant
les délais annoncés on en informera le Public
par
la voie des Journaux. La préfente Soufcription ne
fera ouverte que jufqu'au premier Avril prochain ;
après ce temps , lesdites Eftampes feront de 36 liv.
chacune pour ceux qui n'auroient point foufcrit.
PREMIER Concerto pour le Clavecin , Violon ,
Alto & Baffe , par M. N. N. le Pin , & exécuté par
l'Auteur au Concert Spirituel. Prix , ; . liv . 12 fols.
A Paris , chez l'Auteur , rue de la Tifferanderie , au
coin de celle des Deux Portes.
Nous avons eu occafion dans le temps de faire
l'éloge des talens de ce jeune Artife pour la compo144
MERCURE
fition & pour l'exécution. Ce Concerto eft très - propre
à le confirmer.
L'INFANTE de Zamora , Opéra - Comique en
quatre Actes , parodié fur la mufique de Signor Paifiello
. Prix broché , 1 liv. 10 fols . A Paris , chez
l'Auteur , rue Nenve des Petits Champs , vis- à- vis
celle de Chabanois , Nº. 127 .
On trouve à la même adreffe : 1 ° . les Airs détachés
du même Opéra ; prix , 1 liv. 4 fols . 2 ° . La Partition
complette du même ; prix , 30 liv. 3 ° . Les
Parties féparées du même ; piix , 12 liv . 4° . La Partition
de la Colonie , mufique de M. Sacchini ; prix ,
24 liv. 5°. Cellede l'Olympiade , mufique du même ;
prix , 24 liv. C'eft- là que doivent s'adreffer déformais
les Marchands de Province qui defirent tirer
ces Ouvrages directement de l'Editeur.
Nota. On grave maintenant la Partition des deux
Comteffes , de M. Paifiëllo. Elle paroîtra dans le
courant de Décembre prochain .
Pour les Annonces des Titres de la Gravure ,
de la Mufique & des Livres nouveaux , voyez les
Couvertures.
4
TABLE.
LA Mort du Pauvre ,
A Mile Ch ***
Chanfonfur le Globe Aëorofta Les Deux Soeurs ,
tique,
97 Eloge de Fontenelle ,
104
99. Les Euvres d'Horace , 114
119
134
1; 6
100 Voyage aux Ifles de Lipari, 127
Charade , Enigme & Logogry Nécrologie,
202 Annonces & Notices ,
phe ,
APPROBATION.
J'AI lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 18 Octobre . Je n'y ai
rien trouvé qui puiffe en empêcher l'impreſſion. A Paris ,
je 17 Octobre 1783. GUIDI.
MERCURE
1
DE FRANCE.
SAMEDI 25 OCTOBRE 1783 .
PIÈCES FUGITIVES .
.
EN VERS ET EN PROSE.
NicÉ , ou la parfaite Indifférence ,
Imitation de Métaftafe.
Pour cette fois , Nicé , je fors de l'esclavage,
J'échappe à tes attraits , je ne fuis plus jaloux ;
Tu peux , fans me fâcher , paroître encor volage,
Je n'en reffentirai ni dépit ni courroux.
QUE ton nom mille fois fe dife en ma préſence ,
D'un trouble involontaire il ne m'agite plus ;
Je goûte le repos de mon indifférence ,
Etunes fens à ta vûe ont ceffé d'être émus.
Tu n'es plus au matin l'objet de ma penſée ;
La nuit tu ne viens plus agiter mon fommeil ;
De mon coeur pour jamais je te fens effacée :
Mon amour fut un fonge , & je fuis au réveil.
N° . 43 , 25 Octobre 1783 .
G
146 MERCURE
1
SANS en être touché je parlé de tes charmes ;
Je ne fuis près de toi ni gêné ni confus ;
Tu n'as pour m'attaquer que d'impuiſſantes armes :
Des attraits , fans un coeur , font pour moi fuperflus.
Que je fois trifte ou gai ce n'eft plus ton ouvrage ;
Je puis trouver fans toi de fortunés momens ;
Je crois même à préfent trouver fur ton viſage
Des défauts que je crus être des agrémens .
Je puis voir d'un même ceil ton mépris ou ta haine ;
Reprends , fi tu le veux , ta perfide douceur !
Ma victoire , crois moi , n'en eft pas moins certaine :
favent plus le chemin de mon coeur.
Tes yeux ne
De ton amour trompeur , de tes promeffes vaines ,
Par un fiucère oubli je fuis affez vengé ;
Et fi je me fouviens du fardeau de mes chaînes ,
C'est pour mieux m'applaudir d'en être dégagé.
Jɛ quitte un coeur ingrat , tu perds un coeur fenfible ;
Qui de nous deux , Nicé , doit gémir en ce jour ? ,
De remplacer le tien il n'eft que trop poffible :
Trouveras- tu jamais un plus fidèle amour ?
( Par M. Lemaire. )
MELIOTECA
NEGIA
WACENSIS,
DE FRANCE. 147
A Madame la Marquife DE MONTCHAL ,
qui avoit apprivoijé, dans fon château de
Noyen, un Aigle qui s'eft envolé.
' OISEAU de Jupiter , las de porter la foudre ,
Avoit quitté les cieux ; il erroit ici bas .
Ne fachant à quoi le réfoudre ,
Aux rives de la Seine il dirige fes pas.
Contre les dangers qu'il ignore ,
Les Dieux qu'il ne voit plus le protègent encore.
Couverte d'un nuage épais ,
Minerve en tous lieux l'accompagne
Et lui dit que pour vivre en paix
Il faut habiter la campagne,
Las de la Ville & de la Cour ,
De tous les importuns qui volent fur les traces ;
A Noyen il s'arrête ; & dans ce beau féjour ,
Sous les traits de Montchal il reconnoît les Grâces.
Enchanté de tout ce qu'il voit ,
De tant d'attraits fi doux & de talens fi rares ,
Il s'apprivoife , mange & boit.
L'honneur de figurer fur des drapeaux barbares
Vaut-il les baifers qu'il reçoit ?
Lui qui , fans fourciller , dès fa tendre jeuneſſe
Arrêtoit les regards fur le flambeau des cieux ,
Ne peut de fa belle maîtreſſe
Soutenir l'aspect radieux ;
ފ
Gij
148 MERCURE
L'Aigle eft fier ; il reprend le chemin de la nue ,
Rêve aux charmes qu'il a connus ,
Et s'envole aux pieds de Vénus
Pour repofer un peu fa vûe.
( Par M. de la Louptière. )
CHANSON.
Que digne enfant de Mégère,
Un vil Zoïle en furcur ,
Déchire l'heureux vainqueur
Et de Sophocle & d'Homère :
Hé ! qu'est-ce que ça me fait à moi ;
J'aime , je lis mon Voltaire.
Hé ! qu'est- ce que ça me fait à moi ,
Quand je chante & quand je boi.
QUE Life paffe en caprices
L'efprit le plus à l'envers ;
Qu'aux plus finguliers travers
Chloé joigne tous les vices :
Hé ! qu'est-ce que ça me fait à moi ;
Rofette fait mes délices .
Hé ! qu'est-ce que ça me fait à moi ,
Quand je chante & quand je boi,
QU'UN riche habit à la mode
Soit le paffe -port d'un fat ;
Qu'un élégant Magiſtrat
DE FRANCE. 149
J
Des Loix ignore le Code :
Hé ! qu'est- ce que ça me fait à moi ;
Moi , des plaideurs l'antipode.
Hé ! qu'est- ce que ça me fait à moi ,
Quand je chante & quand je boi.
QU'UNE Confeillère aimable
Pour amie ait pris Laïs ;
Que d'un tel écart furpris
Son mari la donne au diable :
Hé ! qu'est-ce que ça me fait à moi ;
Chacun aime fon femblable .
Hé! qu'est- ce que ça me fait à moi ,
Quand je chante & quand je boi.
QU'A trente ans , au fond de l'âme ,
Mainte fille à qui l'Hymen
Ne dira jamais Amen ,
Contre le fiècle déclame :
Hé ! qu'est- ce que ça me fait à moi :
Je vis fi joyeux fans femme.
Hé! qu'eft- ce que ça me fait à moi ,
Quand je chante & quand je boi .
QUE fur la Scène divine ,
Où fix efprits immortels
Auront toujours des autels ,
Le goût des Drames domine :
Hé! qu'est- ce que ça me fait moi ;
}
J'y vois Molière & Racine .
G iij
150
MERCURE
F
Hé ! qu'est- ce que ça me fait à moi ,
Quand je chante & quand je boi.
QUE tout claque Gabrielle
Quand fon cuifinier lui fert ,
Dans une fauffe à robert ,
Le coeur d'un amant fidèle :
Hé ! qu'eft- ce que ça me fait à moi ;
Je fiffle une horreur fi belle.
Hé! qu'est- ce que ça me fait à moi ,
Quand je chante & quand je boi.
QU'UN fot , chez qui l'or abonde ,
Soit par-tout chéri , fêté ;
Qu'un Aftronome vanté
En rêvant creux nous inonde :
Hé ! qu'est-ce que ça ne fait à moi ,
Qu'un fou fubmerge le monde .
Hé ! qu'est-ce que ça me fait à moi ,
Quand je chante & quand je boi.
QUE l'entretien de Fanchette
Coûte au vieux Duc un mont d'or ;
Que la fine mouche encor
Plume un Midas en cachette :
Hé ! qu'est- ce que ça me fait à moi ;
L'Amour m'a donné Rofette.
Hé ! qu'est ce que ça me fait à moi ,
Quand je chante & quand je boi
DE FRANCE
1st
QU'UN Éditeur que j'eftime ,
En recevant ma chanſon ,
Ou la brûle fans façon ,
Ou dans fon Journal l'imprime :
Hé qu'eft-ce que ça me fait à moi ,
Rofette la croit fublime.
Hé! qu'est - ce que ça me fait à moi ,
Quand je chante & quand je boi .
LE MODELE DES FRÈRES , Conte.
BLIMONT avoit fait comme tant d'autres :
jeune , aimable , né avec des pallions vives
il avoit aimé ; mais il n'avoit pas voulu fe
lier par d'autres noeuds que ceux de l'amour.
Ayant plus d'indulgence pour la Nature que
de refpect pour les Loix , il étoit devenu
père. Peut être ce fentiment l'eût il emporté
dans fon coeur fur l'amour de la liberté ;
peut être eût-il confenti à devenir époux ,
afin de pouvoir être père authentiquement ,
d'en remplir plus fructueufement les devoirs
, d'en favourer mieux les délices. Mais
la jaloutie , peut être l'inconftance , loin de
lui permettre les noeuds de l'hymen , l'avoit
arraché à ceux même de l'amour. Il avoit
quitté Léonore , celle à qui il devoit le titre
de père. Il l'avoit foupçonnée d'infidélité ; &
il avoit rompu avec elle fans l'avoir convaincue.
Long temps les remontrances , les
Giv
152 MERCURE
menaces de fa famille , qui craignoit les
fuites de cette intrigue , avoient combattu
vainement fon amour ; un feul foupçon en
avoit triomphé; encore ce foupçon étoit- il
injufte ; mais comme il étoit d'un caractère
violent , emporté , il n'avoit voulu écouter
aucun éclairciffement , & il avoit réfifté à
tous les efforts directs ou indirects de l'infortunée
Léonore . Sa famille , qui avoit pris
pour un acte d'obéiffance une rupture qui
n'étoit que l'effet d'un caprice , ou plutôt
d'une injuftice , lui avoit rendu fes bonnes
grâces , & lui avoit bientôt propofé la main
d'une jeune héritière qu'il avoit acceptée. Il
étoit devenu père une feconde fois ; & le
fecond fils que l'hymen lui avoit donné, n'avoit
pas deux ans de moins que celui de Léonore.
Celui- ci avoit été enveloppé dans la
difgrâce de fa mère , il avoit été délaiffé , oublié
, d'ailleurs Léonore , par dépit ou par
fierté , n'ayant pu réuffir à fe juftifier , avoit
réfolu d'oublier un ingrat ; & elle s'étoit
éloignée de lui , fans lui faire connoître l'afyle
où elle alloit cacher fa honte & fon chagrin.
Elle avoit emmené fon fils avec elle . Comme
elle n'avoit aucun rang à lui donner dans la Société
, elle avoit cru qu'il la connoîtroit affez
tôt; elle avoit cru pouvoir différer de lui faire
voir des honneurs auxquels il ne devoit point
prétendre , & de lui montrer le fpectacle des
richeffes dont elle ne pouvoit le faire jouir.
Dailleurs , il étoit encore fort jeune ; & elle
s'étoit chargée feule de fon éducation .
DE FRANCE.
153
- De fon côté , Blimont faifoit auffi élever
fon fecond fils , qu'il regardoit comme fon
fils unique. Ce fils commençoit à grandir ,
& fon père ne l'avoit pas encore revu . Voici
pourquoi. Blimont avoit un parent fort riche
, mais qui étoit bien au moins auffi
original . Ce parent , qu'on appeloit Minville ,
vivoit feul dans une Terre fort éloignée de
Paris . Ayant reçu quelques mécontentemens
dans le monde , il avoit réfolu de le quitter.
Il avoit trouvé , ce qui n'étoit pas une rare
découverte , des amis faux & des maîtreffes
infidelles ; d'autres auroient oublié les faux
amis , & fe feroient vengés des maîtreffes
infidelles en les imitant : Minville avoit
mieux aimé leur céder la place . Mais il
n'avoit pas voulu leur pardonner. Pour le
venger des hommes , il avoit réfolu d'être
milantrope . Vous fentez ce que c'eft qu'une
milantropie en projet ! comme s'il fuffifoit
de dire, haïlfons les hommes , pour les hair!
Ce pauvre Minville n'avoit pas l'énergie dont
il avoit befoin pour le rôle qu'il avoit pris ,
& qu'iljouoit pourtant de fon mieux . Il vouloit
oublier le monde ; mais il aimoit à voir
quelqu'un qui le lui rappelât. Il avoit même
été tenté de fe marier ; mais il avoit cru un
pareil acte contraire à fon projet ; & il s'en
étoit abftenu par logique. Néanmoins , en
haïffant tous les hommes , il fentoit qu'il auroit
quelque jour befoin d'en aimer un par
exception . Cette haine étoit le résultat de fes
principes , & cet amour le befoin de fon
Gv
154 MERCURE
F
coeur. Du refte , c'étoit un homme d'une
probité incorruptible. Ses vertus avoient des
formes fingulières ; mais le fonds en étoit
réel & folide . Il avoit même des lumières &
de l'efprit ; & il n'eût tenu qu'à lui de plaire
en fe faifant eftimer ; mais il eût rougi d'être
aimable .
Minville ne crut donc pas déroger à fa
demi - mifantropie , en demandant à Blimont
fon fils , pour l'élever & legarder auprès de
lui . Blimont ne doutoit point que le vieux
Minville ne fût capable de donner à fon fils
une bonne éducation ; d'ailleurs le bonhomme
étoit fort riche ; on prétendoit à fon héritage
; & ce motif fait taire bien des fcrupules
. Quoi qu'il en foit , le fils de Blimont ,
peine forti de l'enfance , fut envoyé à
Minville , qui jugea en le voyant qu'il falloit
hair le monde entier , mais que cet enfantlà
pouvoit devenir très aimable. Ce fut
même pour lui une occafion de voir un peu
de monde ; mais il raffuroit fa confcience
milantropique , en fe difant qu'il ne voyoit
ce monde - là que pour fon élève.
Un hafard fingulier fit que l'afyle qu'avoit
choifi la trifte Léonore avec fon fils , fe
trouva voifin de la retraite de Minville. Un
hafard moins extraordinaire fit que les deux
jeunes gens fe rencontrèrent ; & Minville ,
foit que ce fût encore- là une infidélité faite
à fa milantropie , foit que la Nature lui
parlât pour cet enfant inconnu , foit encore
qu'il crût devoir donner à fon élève un comDE
FRANCE. 155
pagnon , pria la mère de les laiffer fouvent
jouer enſemble . Les études & les plaifirs devinrent
communs entre eux ; leur liaifon
devint un fentiment avec les années ; ils ne
pouvoient plus fe quitter ; & ils s'aimèrent
comme s'ils s'étoient connus.
L'élève de Minville ( je l'appellerai d'Éper.
ny , & ſon jeune ami , Maurice ) , d'Éperny
donc approchoit de fa quinzième année , &
par conféquent Maurice en étoit forti à
peine. D'Éperny étoit de beaucoup au- deffus
de fon âge ; fes difcours annonçoient un efprit
& une raifon rares ; & toutes les actions
prouvoient la fenfibilité la plus inté
reffante . Il étoit aux petits foins avec Maurice
; il craignoit toujours de ne pas deviner
fes befoins. On eût dit que la Nature avoit
éclairé fon coeur ; qu'il avoit appris qu'il
poffédoit feul une fortune que Maurice avoit
naturellement droit de partager avec lui ,
& qu'il cherchoit à réparer l'injuftice de fon
père. Il est vrai que Maurice étoit digne de
fon amitié , & qu'il répondoit à fes foins
par une tendreffe auffi défintéreffée qu'attentive.
De fon côté , Minville , tout courroucé
qu'il étoit contre les hommes , n'avoit pas
pu s'empêcher de parler à Léonore ; il n'avoit
pas pu lui parler fans l'interroger fur fon
fort; fes queftions avoient amené des aveux ;
Minville attiroit la confiance ; enfin Léonore
lui raconta fon hiftoire , qui attendrit notre
milantrope ; mais malheureufement fon cha
Gvj
856
MERCURE
grin étoit un mal fans remède , vû l'engagement
qu'avoit contracté Blimont.
Ce fecret ne demeura pas entre Minville
& Léonore. Soit par quelque imprudence ,"
foit par une confidence volontaire , les deux
frères furent inftruits de leur fort . Le modefte
Maurice fembla prefque honteux d'être
le frère de d'Éperny; & le fenfible d'Éperny
parur tout fier de fe trouver le frère de Maurice.
Ils ne s'aimèrent pas davantage ; mais
ils fe trouvèrent plus heureux. Minville s'occupoit
toujours du malheur de Léonore , ou
plutôt il étoit défolé de n'y voir aucun remède.
Il défendit au moins à d'Éperny de
faire part à fon père de la découverte qu'il
avoit faite. Une année s'écoula ainfi ; Minville
plaignant toujours en vain Léonore , &
les deux frères s'aimant toujours avec la
même tendreſſe.
Un jour d'Éperny conçoit un projet bien
fingulier , intéreffant , rare , & qui demandoit
un coeur auffi fenfible & une raifon
auffi prématurée . Il veut dédommager Maurice
de l'injuftice du fort & de la févérité
des Loix. Il a feul conçu le projet , il veut
feul l'exécuter ; il ne follicite aucune mé
diation ; il ne demande que la liberté de retourner
dans la maifon paternelle . Mais
pour cela il faut s'ouvrir à Minville . D'Éperny
va le trouver un matin. « Mon bienfaiteur
, dit-il , ( c'eft ainfi qu'il l'appeloit )
» il faut aujourd'hui mettre le comble à vos
bienfaits . Maurice a retrouvé fon frère ;
DE FRANCE. 157
s
n
ود
» ce n'eft pas tout , il faut que je lui rende
» un père. Alors il communique fon projet
à Minville , qui demeure un moment
muet de ſurpriſe & d'attendriffement , &
qui l'embraffe en pleurant de tendreffe . En
faveur de ce trait , fi dans ce moment- là le
genre humain avoit demandé grâce à Minville
, Minville lui auroit pardonné fans reftriction.
On juge bien d'après cela , qu'il
n'eut pas de peine à condefcendre à ce que
lui demandoit l'ardent d'Éperny . Celui - ci
avoit befoin d'être fecondé par une difcrétion
invincible , & par un filence courageux ;
& il profita de l'intérêt qu'il avoit infpiré ,
pour engager Minville à fe lier par fa parole
d'honneur , & même par un ferment.
La réfolution que venoit de prendre d'Éperny
n'étoit pas un de ces mouvemens de
générofité imitative & paffagère , d'un enfan
qui jette des biens dont il ne fent point la
jouiffance , & dont il ne connoît point la
privation ; c'étoit un projet enfanté par une
raifon forte & par un fentiment profond.
Ce qu'il eut plus de peine à obtenir , ce fut
le confentement de Maurice , qui , en reprenant
une place que la Nature lui avoit marquée
, fe croyoit coupable d'ufurpation.
Mais d'Éperry employa toute l'éloquence
de l'amitié il lui prouva fi vivement que du
fuccès de cette entreprife dépendoir fon
bonkeur , fa vie même , que Maurice effrayé
premit tout , foufcrivit à tout ; & il y mit
tant de zèle , qu'il avoir l'air de fervir fon
1,8 MERCURE
ami en travaillant à fa propre fortune ; de
façon qu'on auroit pu dire qu'il avoit l'air
interelle par un excès de definterellement.
Quand tout fut arrangé , ayant dit adieu à
Minville , les deux frères fe mettent en
route , arrivent à Paris , & fe préfentent
chez Blimont. Il eft tems de dire ici que Blimont
, d'après tout ce qu'il avoit appris de
d'Éperny , d'après les lettres qu'il en recevoit
, avoit conçu pour lui une tendretfe
inexprimable. Il ne l'avoit pas fait venir encore
auprès de lui , de peur d'affliger ce bon
Minville ; & il n'étoit pas alle le voir , parce
que des occupations , des affaires habituelles
qu'il ne pouvoit fufpendre , le retenoient efclave
à Paris.
"
« Mon père , dit d'Éperny en entrant , le
même titre & le même intérêt nous amè-
» nent ici . Si je porte la parole , c'est fans
» avoir aucun motif de plus pour vous par-
» ler. L'amitié & un ferment facré rendent
"
33
notre fort commun & inféparable. L'un
» de nous deux eft d'Éperny , & tous deux
» nous fommes vos fils. L'un a été délaiffé ,
» abandonné par vous ; l'autre vous eft cher ,
& il eft comblé de vos bienfaits . L'un de
» nous eft d'Éperny ; mais il ne fe fera ja-
» mais connoître ; & , quelques demarches ,
quelques efforts que vous faffiez , vous
ne parviendrez jamais à le découvrir.
Voyez maintenant fi en choififfant l'un
» de nous deux vous voulez vous expofer
à chaffer le fils qui vous eft cher
29
ور
»
DE FRANCE. 759
» & pour qui vous avez tour fait. »
Qu'on le figure à ce difcours l'éronnement
de Blimont . Pendant un moment , il regarde ,
il écoute , fans rien voir & fans rien entendre.
Ses yeux ont beau parcourir l'un &
l'autre , fon embarras eft toujours le même.
Enfin il ne fait que répondre. Il les reçoit
tous deux en attendant , & il les quitte pour
écrire à Minville , qui , lié par fon ferment
& par fon amitié pour d'Éperny , répond à
Blimont qu'il eft complice du projet , &
qu'il n'eft pas naturel de fe déceler foimême.
Cette réponse , comme on voit , n'étoit
pas propre à éclairer Blimont , qui d'ailleurs ,
après avoir réfléchi , avoit moins befoin de
l'être pour le déterminer. Touché d'une générofité
fi rare , il avoit cru que d'Éperny ,
quel qu'il fût des deux , méritoit la grâce de
fon frère ; & il adopta l'un & l'autre. Cependant
, fans avoir envie de changer cette
dernière réfolution , il fentoit de temps en
temps le plus violent defir de connoître d'Éperny.
A chaque inftant il les mettoit l'un &
l'autre àune nouvelle épreuve, mais la tendref
fe toujours ingénieufe de d'Éperny prévoyoit
tout , paroît à tout. Il oppofoit aux tentatives
de Blimont toutes les rufes innocentes
que fon coeur pouvoit lui fuggérer . Maurice
heureufement pouvoit rivalifer avec lui en
talens & en vertus ; d'ailleurs , ce qu'il ne
pouvoit pas faire , d'Éperny le faifoit pour
lui. A la fin tous les deux parvinrent à fe
160 MERCURE
faire aimer de Blimont ; d'Éperny craignit
moius que fon frère ne fût renvoyé ; mais il
craignoit toujours que fi fon père venoit à
le reconnoître , il ne lui marquât plus d'amitié
& que cette préférence ne rendit malheureux
Maurice ; aufli fon amitié ne s'endormoit
jamais ; & fon ingénieufe délicatelle
n'oublioit rien pour empêcher d'entr'ouvrir
le voile qui le déroboit à l'oeil paternel.
Il est vrai que l'heureux naturel de
Maurice le fecondoit bien ; il fit tant auprès
de Blimont , il fut fi bien gagner fon coeur ,
que ce père trop heureux finit par defirer
de ne pénétrer jamais ce fecret. Il réfolut de
partager aveuglément entre eux fon coeur
comme fa fortune ; bien perfuadé qu'après fa
mort , le partage de fes biens fe feroit fans
que la Loi eût befoin de s'en mêler . Bientôt
il fut difficile de décider lequel des trois
étoit le plus heureux . Que dis je l'un des
trois ne pouvoit trouver fon bonheur parfait
. Maurice ne pouvoit oublier que la mère
vivoit dans un abandon ignominieux ; &
cette idée venoit l'attrifter dans les plus heafeux
inftans . Il étouffoit fes plaintes , fes
foupirs ; mais il fe taifoit en vain : les coeurs
de d'Eperny & de Maurice n'avoient pas
befoin de l'organe de la parole ; ils s'entendoient
, ils fe devinoient . La trifteffe de
Maurice affligeoit d'autant plus d'Éperny ,
qu'il ne pouvoit le confoler que par de vains
difcours . Ce n'eft pas fur la fortune de Léonore
qu'on gemiffoit ; Blimont , en adoptant
DE FRANCE. 161
Maurice fans le connoître , avoit foudain répandu
fes bienfaits fur fa mère , dont on lui
avoit découvert l'afyle. Mais l'or confolet'il
de tous les malheurs ?
Que faifoit cependant Minville ? Il s'ennuyoit
, quand il croyoit philofopher. Dans
toutes les lettres , dans tous les écrits qu'il
lifoit , il ne voyoit que le erime & la fottife.
Le chagrin d'être feparé de d'Éperny
compofoit feul toute fon humeur , & il
croyoit que la haine des hommes y entroit
pour plus des trois quarts. Au milieu de fes
ennuis , quand il écrivoit à Blimont , il le
trouvoit fort malheureux ; il le plaignoit dé
vivre avec des fots & des méchans.
Ce motif n'étoit pas capable de faire le
malheur de Blimont ; mais un évenément
vint troubler fon bonheur. Il perdit fa
ferme , pour laquelle il avoit , finon de
l'amour , au moins de l'eftime & de l'amitié.
Quoiqu'elle eût vécu prefque toujours abfente
, à caufe de fa fanté , elle n'emporta pas
moins de regrets ; & le deuil fufpendit un
moment le bonheur de toute la maifon.
Quand d'Éperny eut payé le tribut de
pleurs qu'il devoit à la Nature ; quand fa
tendreffe & celle de Maurice eurent efluyé les
larmes de Blimont , celui - ci n'ayant plus
d'autres devoirs à remplir , n'eut plus à s'occuper
que du bonheur d'être père. Il refpecta
toujours le mystère qui étoit répandu
fur fes deux fils ; il eût tremblé de foulever
ce voile qui ajoutoit à fon bonheur ; il ai162
MERCURE
moit enfin à voir les deux enfans confondus
à fes yeux par leur nom , comme ils l'étoient
dans fon coeur par l'amour paternel .
Mais le coeur de d'Éperny avoit été trop affigé
pour n'avoir pas befoin d'être confolé
par quelque acte de bienfaifance ou d'amitié.
Sa fenfibilité toujours active avoit tou-.
jours quelque jouiffance à lui procurer. Un
jour il va trouver Maurice , & l'ayant inf
truit d'un nouveau projet , le fomine de le
fuivre pour lui aider à l'exécuter. Maurice
fe jette dans les bras en pleurant de joie &
de tendrelle , & marche avec lui. Ils entrent
tous deux chez Blimont , & tombent enfemble
à fes genoux fans rien dire. Qu'avez
vous , mes enfans , leur dit Blimont ; que
venez vous me demander ? Parlez . O mon
père , s'écria d'Éperny ! l'un de nous deux
étoit orphelin , abandonné , malheureux.
Vous avez daigné jeter fur lui un regard
de bonté & de bienfaifance ; vos bras , votre
coeur fe font r'ouverts pour lui ; vous
l'avez comblé de bienfaits ; vous lui avez
rendu un père ; enfin tout ce que vous avez
pu faire pour lui , vous l'avez fait : il ne defiroir
plus rien , parce qu'il n'avoit plus rien
à demander qui pût lui être accordé par
vous. Aujourd'hui qu'un nouvel espoir s'eſt
gliffé dans fon âme , il redevient malheureux
fi vous ne daignez le remplir. Malheureux ,
interrompt Blimont ! eh ! que lui manquet'il
donc ? Ce qui lui manque , s'écrièrent
les deux frères avec une voix qui eût attendri
DE FRANCE. 163
--
le coeur d'un barbare? Il lui manque une mère.
Comment , dit Blimont tout troublé ! —
Oui , une femme infortunée que vous avez
aimée , qui vous aime encore ....
A ces
mots Blimont tombe dans un fauteuil , cas
che fon vifage dans fes mains , & appuyé
fur une table , il y demeure comme muet
& accable. Enfin reprenant fes efprits & fon
courage : O mes enfans , leur dit- il , en fe
penchant fur eux , je vous pardonne votre
demande ; mais vous ne favez pas que vous
demandez ce qu'il m'eft impoffible de vous
accorder. Puillez vous l'ignorer toujours !
Impoflible , s'écrie d'Éperny ! quoi ! il vous
feroit impoflible d'être père tout à fait , de
mettre le comble à vos bontés ! Non ; vous
calomniez votre coeur , votre fenfibilité ,
votre juftice. Alors Blimont les prenant tous
deux par la main : Eh bien ! vous m'y forcez ,
leur dit- il , je vais affliger l'un de vous deux ;
je vais déchirer fon coeur . Mais vous m'ac
cufez ; il faut que je me juftifie. Ce que
vous regardez de ma part comme un abandon
, n'eft qu'un acte de juftice ; ce qui vous
paroît un malheur digne de pitié , n'eſt qu'un
jufte châtiment . Certe mère que vous réclamez
l'un & l'autre , s'eft fermé mon coeur
volontairement ; elle a outragé l'amour , &
l'honneur m'a fait un devoir de la vengeance.
Un moment , je vous prie, interrompt d'Éper
ny avec une noble fermeté : voici ma réponſe.
En même temps il tira de fa poche
des papiers qui renfermoient une juftifica164
MERCURE
tion complette de Léonore. A ce trait inattendu
( car Maurice lui même n'étoit pas
dans la confidence de ces papiers que d'Éperny
s'étoit procurés en fecret , ) Blimont
fe tait , & jette les yeux fur les écrits qu'on
lui préfente. Il ne peut fe refufer à l'évidence ;
il reconnoît fon erreur , fon injuftice ; il
tombe dans les bras de fes deux fils , en fondant
en larmes. O mes enfans , leur dit- il !
qu'elle vienne cette mère , cette victime ; je
fuis prêt à réparer tout , fi elle confent à tout
pardonner. Mais , que dis - je ? réparer ! le
puis -je ? Oui , vous le pouvez , s'écrient les
deux frères avec tranſport. Alors ils fe jettent
tous deux à fon cou , & le couvrent de bai
fers & de larmes de joie . Enfin il confent à
époufer Léonore.
C'eft ainfi que le tendre d'Éperny , par
fon intéreffante fenfibilité , redevint le frète
de Maurice , lui rendit un père , & donna un
époux à Léonore . Pour combler la joie qu'il
en eur, il demanda la periniffion d'aller la chercher
lui-même , & de l'amener dans les bras
d'un époux qu'elle ne s'attendoit plus à pofféder
; & Blimont ne put lui refufer cette
jouillance. Enfin il partit, & revint bien vite
avec Léonore , dont le mariage fut célébiét
avec une joie également fentie par les deux
époux & par les deux fils de Blimont.
Minville apprit cette nouvelle ; il s'en réjouit
en bon parent ; en bon parent , il vint
vifiter cette heureufe familie. Il paffa avec
eux un mois qui lui donna l'envie d'y en
DE FRANCE. 165
paffer encore un autre. Il aima comme de
raifon fes parens , puis les parens de fes parens
, puis leurs amis , puis d'autres perfonnes
encore. Enfin il redevint ce qu'il étoit né , &
il fe délaffa par le rôle de bonhomme , de fa
grimace milantropique.
( ParM: Imbert. )
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercure précédent.
E mor de la Charade eft Malheureux ;
celui de l'Enigme eft Livre ; celui du Logogryphe
eft Dimanche , où l'on trouve manche,
me, diné, mi , mine , mie , Maine ,
chien , cime , Chine , Iman , ami , Diane ,
Mai , main.
CHARADE.
PLUS d'un Négociant en faiſant mon premier ,
Pour aller à mon tout fe trace mon dernier.
( Par M. Juhel , à Mayenne . )
ÉNIGM E.
AVEC cinq pieds fouvent je fais ravage ;
Avec trois je peux rendre une tête plus fage ;
Avec deux je fais des heureux ;
Avec quatre un mal furieux.
(Par Mlle Bri...L'aînée , de Saint- Dizier. )
166 MERCURE
LOGO GRYPH E.
J'AI plus d'un père à qui je dois mon exiſtence ,
Et j'ai pour uère la Science ;
J'embraffe tout par mon ſavoir.
Qui me connoît fait quel eft mon pouvoir ;
Plus d'un Savant me chérit , me careffe ;
Je charme fon ennui , je calme ſa trifteffe ;
Et fur non tout fi l'on jette un coup - d'oeil ,
On admire mon noble orgueil.
Sur trois fois quatre piés j'avance , je recule......
On trouve auffi - tôt dans mon fein
Un defcendant de l'invincible Hercule ;
La demeure du Sage , où fon heureux deſtin
Le conduit dans une autre vie ;
Une Nymphe qui fut chérie
Du plus puiffant de tous les Dieux ;
Un ornement à de beaux yeux ;
Un point principal de la terre ;
Ce Héros, ce fils vertueux ,
Qui fur fon dos porta fon père ;
Un compagnon du forgeron Vulcain ;
Un membre utile au genre humain ;
Trois fleuves ; une montagne aux Mufes confacrée ;
Deux volatils , dont l'un eft femelle rufée ;
Un arbre , trois Cités ; bref , une docte foeur.
Peut-être fous tes yeux fuis - je , mon cher Lecteur.
( Par la même. ).
DE FRANCE. 167
NOUVELLES LITTERAIRES.
MÉMOIRE concernant unè eſpèce de Colique
obfervée fur les Vaiffeaux , lû à l'Affemblée
publique de la Faculté de Médecine de
Paris , tenue le premier Septembre 1783 ,
par M. de Gardanne , Docteur Régent de
la Faculté de Médecine de Paris , Médecin
de Montpellier , Cenfeur Royal , Aſſocié
& Correfpondant de plufieurs Académies.
A Paris , de l'Imprimerie de Quillau ,
Imprimeur de la Faculté de Médecine ,
rue du Fouarre.
Tous les hommes defirent la vérité ; il y
en a peu qui la cherchent ; il y en a moins
encore qui parviennent à la découvrir . Ce
défaut de fuccès peut être attribué à deux
caufes contraires ; fi les uns font trop peu
d'efforts pour la trouver , les autres auffi
vont la chercher quelquefois beaucoup trop
loin . En effet , il y a de ces vérités fimples
qu'on pourfuit long - temps , & qu'on eſt
étonné , après leur découverte , d'avoir eu ,
pour ainfi dire , fous fa main , fans les failir.
Telle eft celle qui paroît réfulrer du Mémoire
que M. de Gardanne vient de publier
, & que nous allons faire connoître en
peu de mots.
Ce Mémoire a été lû avec grand fuccès à
168 MERCURE
!
l'Affemblée publique de la Faculté de Mé
decine, du premier Septembre 1783. Il traite
de la Colique des Gens de Mer ; & il eft
divifé en deux Parties dans l'une , il eft
queftion de la caufe ; & dans l'autre , du
traitement & du préſervatif.
M. de Gardanne commence par rapporter
les fymptômes de cette maladie , tels qu'ils
ont été dépeints par ceux qui en ont parlé
avant lui. Peu content de l'explication qu'on
en avoit donnée , il a fait de nouvelles obfervations
, & il s'eft arrêté à un réſultat des
plus fimples. Ayant trouvé dans les fymptômes
& les effets de cette colique des Gens
de Mer , une parfaite analogie avec celle
qu'on nomme la colique des Peintres , il a
été tenté de croire , & il s'eft convaincu que
c'étoit la même maladie , vû que la canfe
qui produit la colique des Peintres, fe retrouve
fur les vaiffeaux , c'eft- à - dire , les exhalaifons
de la peinture. Dès lors tout s'explique
naturellement ; & ce qui avoit fervi de
preuve en faveur du fyftême qui taxoit cette
maladie de colique billieufe , s'applique avec
la plus grande vraisemblance au nouveau.
principe de M. de Gardanne. « La peinture
une fois reconnue , dit il , pour la caufe
» de cette colique , il eft facile d'expliquer
pourquoi les Officiers en font plutôt attaqués
que les Matelots . Ces derniers cou-
» chant dans le premier entre- pont , qui
» n'eft point peint , doivent néceffairement
و ر
20
en être exempts , tandis que les Officiers
» qui

DE FRANCE. 169
وو
و ر
"
qui s'y trouvent fans ceffe expofés en font
» atteints. Par la même raifon les Officiers
qu'elle affecte plutôt & plus gravement ,"
» font toujours ceux qui ont féjourné trop
long temps dans leur chambre , au lieu de'
» venir prendre l'air fur les gaillards ; & fi
» l'on voit cette maladie fe manifefter plus
» à la fin de la campagne qu'au commence-
» ment , c'eſt qu'à cette époque , ennuyés
» par la longueur de la navigation , ils fe
» réuniffent bien plus fouvent dans les lieux
» definés à les raffembler , & que , foit par
» la confufion des diverfes haleines , foit aufli
» par le nombre des bougies qu'ils tiennent
» allumées , fur- tout en hiver , au défaut
» du feu expreffément défendu , de ma-
» nière ou d'autre , la chaleur qu'ils excitent
, volatilife davantage les molécules
faturnines dont le mauvais effet augmente
en proportion . »
39
.
Dans la feconde Partie , où il eft queftion
du traitement , l'Auteur obferve que
la colique dés Gens de Mer étant la même
que celle des Peintres , on doit lui appliquer
les mêmes remèdes qui conviennent
à celle - ci ; c'eft à dire , que les remèdes
doux font contraires à la guérifon. Il faut.
lire dans l'Ouvrage même ceux que prefcrit
M. de Gardanne; fi la maladie réfifte ,
il y ajoute d'autres procédés qui doivent être
combinés avec le fluide électrique , dont
l'efficacité eft reconnue contre les ma
No. 43 , 25 Octobre 1783. H®
170 MERCURE
to
1
ladies nerveufes. L'Auteur lui - même en
avoit parlé dans fes conjectures fur l'électricité
médicale , où il avoit publié plufieurs
eures qu'il avoit opérées par ce moyen- là.
"
"
Quant au préfervatif , M. de Gardanne
propofe de fupprimer pour l'intérieur des
vaiffeaux la peinture que les Marins euxmêmes
regardent plutôt comme un objet de
propreté que comme un moyen de conferver
le bois. Il confeille en même temps de
fubftituer aux toiles que l'on peint , des
toiles de coton teintes qui ne laiffent à
craindre aucun danger, « On a vû , ajoutet'il
, dans cette guerre , les cloifons qui
font ordinairement faites en planches ,
remplacées par des cuirs préparés . Le but
» de ce changement étoit d'éviter le danger
» des éclats de ce bois léger. On pourroit ,
en temps de paix, fe fervir du mên e
moyen , qui , n'exigeant aucune peinture ,
» réuniroit ce fecond avantage au premier."
Ce Mémoire eft écrit avec beaucoup de
clarté ; & quand la découverte qu'il renferme
laifferoit des doutes fur fon évidence .
i en réfulteroit toujours un grand objer
d'utilité , celui de dénoncer un ufage vraiment
dangereux , l'ufage de la peinture , &
d'en folliciter la fuppreffion avec un zèle
vraiment patriotique.
Cet objet d'utilité , & cet efprit de patriotifme
ont préfidé à tous les Ouvrages que
M de Gardanne a publiés jufqu'ici , Parmi
DE FRANCE. 171
>
ees Ouvrages , que nous ne chercherons pas
à faire connoître , parce qu'ils font connus
par leur fuccès , mais qu'on peut rappeler
au Public , on doit compter fes conjectures
fur l'Électricité Médicale , une Traduction
du Traité de la Putréfaction , par Becker ,
des Obfervations fur la meilleure manière.
d'inoculer la Petite- Vérole , & un Mémoire
pour démontrer l'impoffibilité de l'anéantir.
M. de Gardanne s'eft occupé enfuite de la manière
dont on pouvoit fecourir le peuple
contre les maladies qu'on gagne en fecret
& qu'on cherche à guérir de même ; ce qui
produifit plufieurs Ouvrages qui eurent
beaucoup de fuccès , & qui furent traduits
dans toutes les langues. Tout le monde connoît
fon Avis au Peuple fur les Afphixies ,
& fon Catéchifme fur les Afphixies , qui font
d'un ufage & d'un utilité habituelle. Nous
paffons fous filence beaucoup d'autres Ouvrages
imprimés féparément , ou dans divers
Journaux ; ceux que nous avons cités fuffifent
pour démontrer les droits de M. de
Gardanne à l'eftime des Savans & à la recon
noiffance du Public.
Hit
172
MERCURE
DISSERTATION fur les Brouillards fecs
de la fin du mois de Juin & de Juillet 1783 ,
tendant à éclaircir davantage cephénomène ,
& à en développer les veritables cauſes
fur lefquelles on n'a formé encore que quelques
conjectures: Ouvrage mis à la portée
des Dames , par M. *** . A Paris , chez
Guillot , Libraire de MONSIEUR , Frère du
Roi , rue S. Jacques , vis- à - vis celle des
Mathurins .
Cette Brochure fait partie d'un plus grand
Ouvrage , dans lequel l'Auteur fe propoſe
d'expliquer la plupart des phénomènes de la
Nature. Il en a détaché ce fragment pour
l'appliquer aux circonftances actuelles . Après
avoir rappelé les diverfes obfervations qu'on
a publiées fur les brouillards de l'été dernier
, l'Anonyme propofe fon opinion.
Ayant diftingué les brouillards fecs & les
brouillards humides , il trouve naturel que
différens effets ayent des caufes différentes ;
il attribue donc ces brouillards fecs , aux
tremblemens de terre qui ont tourmenté la
Calabre & Meffine . Après avoir donné une
defcription des volcans , il explique comment
les effets des tremblemens de terre
qu'ils occafionnent , peuvent fe faire fentir
auffi loin du foyer commun . Il cite des temps
antérieurs où le même phénomène s'est fait
remarquer. Mais comme les brouillards fecs
qui ont régné dans ces temps- là ont été de
3
DE FRANCE. 173
moindre durée , il donne encore les raifons
de cette différence. Les tremblemens de
terre que la Calabre vient d'effuyer font
beaucoup plus confidérables que tous ceux
qu'elle avoit foufferts jufqu'alors ; l'Auteur
en conclut que les brouillards , c'eft- à dire ,
les effets de cette caufe primitive , ont dû
être auffi plus confidérables.
" Comme ce font d'une part , dit- il , les
matières volcaniques & embrâfées dans le
foyer d'un volcan , après avoir miné & brûlé
les pilles ou fupports de la voûte qui les couvroit
, qui la font furbaiffer fur elle - même
& que de l'autre ce furbaiffement eft la
caufe qu'il pénètre de l'eau jufqu'à la matière
volcanique , qui , en s'imbibant dans
les terres , fert à éteindre ou à étouffer la
plus grande partie des matières embrâfées
que le volcan renfermoit avant le tremblement
de terre , il eft clair & évident que les
terres humides qui ont fervi à étouffer les
matières volcaniques , ayant dû conferver
leur humidité long- temps après le tremblement
, & acquérir un très- grand degré de
chaleur , cette humidité & cette chaleur ne
doivent pas toujours refter en terre ; & que
fi elles peuvent caufer une partie des pluies
quifurviennent ordinairement après un tremblement
de terre , il doit s'en être beaucoup
échappé dans les canaux ou conduits fouterrains
qui entourent un volcan & qui lui
fervent de foupiraux . 99
» Et comme il faut bien enfuite que cette
H iij
174
MERCURE
humidité & cette chaleur fouterraines fortent
de ces canaux ou conduits , & qu'elles
fe diffipent dans les airs , ces brouillards fecs
ne font donc autre chofe que l'évaporation
de certe chaleur & de cette humidité , ou ,
fi l'on veut , des vapeurs volcaniques que les
tremblemens de cette année ont occafionnées
, & qu'ils ont fait refluer de tous côtés
dans les entrailles de la terre qui environnoit
les volcans ; lefquelles n'ayant pu partir
que d'une extrême profondeur , auront perdu
infenfiblement leur qualité humide , en fe
fublimant au travers des couches de terre
qu'elles ont eu à pailer , & en ne confervant
plus que leur caractère de chaleur qui
a donné à ces brouillards la qualité sèche
qu'on leur a apperçue. »
VARIÉTÉ
S.
LETTRE aux Auteurs du Mercure.
VOoUuSs donnez , Meffieurs , l'exemple de l'hontous
les Journêteté
qui devroit régner dans
haux ; on va vous combattre jufques fur votre
terrein , & vous le trouvez, très -bon : vous donnez
place parmi vous à ceux qui réfutent vos opinions
& vos jugemens. On peut , il eft vrai
foupçonner un peu d'orgueil dans la fierté de
craint pas
ces procédés généreux : fi on
d'être attaqué , c'eft qu'on efpère bien répondres
mais l'orgueil nous élève fouvent jufqu'à l'opinion
qu'il nous donne de nous-mêmes ; en rêvant de
ne
DE FRANCE 178
grandes chofes , il en infpire ; & je fuis fâché
qu'on prenne tant de foins de l'étouffer , fur- tout
parmi ces âmes fenfibles & un peu exaltées , à qui
la Nature a fait fentir le befoin de la gloire. Tant
que le Mercure fera fait par de véritables Gens
de Lettres , par des hommes dont la réputation
eft fondée non fur des articles , mais fur des Ouvrages
, on peut être sûr que le talent y fera
refpecté ; mais il ne fera plus qu'un Journal ,
comme tous les autres , fi on l'abandonne jamais
à des gens qui ne feront que Journaliſtes . Alors
le talent y fera outragé , & ne pourra pas s'y
défendre. Des Juges équitables font toujours prêts
à donner les motifs de leurs jugemens ; mais des
affaffins n'aiment pas à être interrogés fur leurs
crimes.
Je n'ai , Meffieurs , ni à me plaindre , ni à
me louer de vous : ce n'eft pas pour moi que
je vais écrire. Mais je viens de lire dans votre
dernier Numéro des chofes qui me paroiffent avoir
befoin de rétractation , ou d'explication tout au
moins. C'eft à l'occafion de l'Eloge de Fontenelle
par M. le Chevalier de Cubières : ce n'eft pas
au moins fur les éloges que vous lui avez donnés
que je veux vous faire expliquer ou rétracter.
Si en effet M. le Chevalier de Cubières , qui
eft certainement un homme d'efprit , a fait un des
plus beaux morceaux de profe de notre Langue
je lui en fais mon compliment. Il est heureux
pour notre fiècle de trouver tout-à - coup un rival des
Boffuet , des Voltaire , des Rouffeau & des Thomas ,
dans un Ecrivain qui n'a été connu jufqu'à préfent
que par des vers heureux & faciles. Mais
en élevant fi fort la gloire de M. le Chevalier
de Cubières , il ne falloit pas d'un trait de plume
retrancher la moitié de la gloire de Fontenelle.
L'Hiſtoire de l'Académie des Sciences , dites-vous ,
Hiv
176 MERCURE.
:
Meffieurs , n'eft pas , comme on fait , de Fontenelle
elle eft de Fontenelle , comme tout le
monde doit le favoir. * Les Mémoires n'en font
point , mais l'Hiftoire en eft très-certainement . Cette
Hiftoire n'eft le plus fouvent qu'un Recueil d'extraits
; mais ces extraits , fort au- deffus quelquefois
des Ouvrages dont ils font l'analyfe , font l'ouvrage
de Fontenelle le plus généralement eftimé ; c'eſt fon
chef- d'oeuvre , & la partie de fa gloire que l'envie
n'a point conteftée , parce qu'à l'époque où
Fontenelle écrivit cette Hiftoire , la gloire des Sa- .
vans étoit prefqu'entièrement renfermée dans l'Académie
des Sciences . Aujourd'hui ceux qui lifent
les Extraits de Fontenelle font en auffi grand nombre
que ceux qui lifent les Odes de Rouffeau . Mais
alors tous , les jeunes gens récitoient en cadence
les Stances harmonieufes à M. Duluc & aux Princes
Chrétiens ; & très- peu de gens jetoient les yeux
fur l'Hiftoire de l'Académie. Rouffeau ne faifcit
point d'Epigrammes contre l'Hiftorien des Sciences;
il en laiffoit la gloire en paix , parce qu'il
voyoit cette Hiftoire prefqu'auffi ignorée de tout
le monde que de lui -même. Enfin Meffieurs ,
on a tout difputé à Fontenelle , hors le mérite
de cet Ouvrage , jufqu'au moment où vous lui
difputez l'Ouvrage même. C'eft une erreur , c'eft
une méprife qui ne doit pas fubfifter dans un
Journal tel que le vôtre ; & je fuis perfuadé
Meffieurs , que vous vous hâterez de la rétracter.
Permettez- moi , Meffieurs , quelques autres obfervations
fur le même article.
>
>
Vous affurez qu'il ne faut que de la jufteffe pour
faire l'éloge de Fontenelle . Je préfume qu'il faut
autre chofe encore pour bien louer un efprit fi fin , fi
* Note du Rédacteur . Ce que relève ici l'Auteur de cette
Lettre eft une faute typographique , qui a été corrigée dans
Ferrata du Numéro fuivant.
DE FRANCE. 177
piquant & fi étendu je fuis porté à croire que
pour louer parfaitement un Ecrivain , il faudroit
approcher , autant qu'il feroit poffible , de toute
les qualités d'efprit & de talent qui en ont fait la
gloire. Ce ne feroit pas trop peut- être de MM.
d'Alembert , de Condorcet & Thomas , pour célébrer
dignement l'Auteur des Mondes , de l'Hiftoire
des Oracles , & des Eloges des Savans. Quand
l'un de ces trois Académiciens , quand M. Thomas
a parlé de Fontenelle dans fon Effai fur les
Eloges , l'un des Ouvrages dont notre fiècle doive
le plus s'honorer , la jufteffe ne lui a point manqué
, mais certes il a montré autre chofe que de
la jufteffe. C'eft le Chapitre de M. Thomas fur
Fontenelle , qu'il fera difficile de vaincre , d'égaler
ou d'approcher dans le grand concours du Public
& de la poftérité. Que ceux qui veulent
louer Fontenelle ne jettent point les yeux fur ce
Chapitre , la plume leur tombera des mains , ou
ils ne feront que répéter les idées ingénieuſes &
fublimes dont cet Ecrivain éloquent obſédera leur
imagination .
>
Vous appuyez cependant votre affertion , MM .
de beaucoup d'autres où il eft impoffible de
trouver plus de vérité & d'exactitude . Voilà peutêtre
pourquoi , dites- vous , le concours de cette année
a été fi peu nombreux fi le talent qui produit
eft commun , le talent qui apprécie eft rare.
Je fuis perfuadé au contraire que le concours eût
été très-nombreux , fi la juſteſſe eût fuffi pour y
entrer , & que le prix même eût été remporté
fi l'Académie n'avoit eu à couronner que la jufteffe.
Les efprits juftes ne font pas très- rares dans les
temps très-éclairés ; mais les efprits fins fans être
fubtils , élevés fans emphafe , profonds tans obfcurité
, étendus fans être vagues , font infiniment
rares dans tous les fiècles , & peut-être davantage
Hy
*
178 MERCURE
·
encore dans les plus éclairés , parce que les lumières
générales qui exemptent des grands efforts ,
peuvent arrêter le génie même dans un repos
dont la douceur conduit à la pareffe & de la pareffe
à la médiocrité. Je fais que les Rhéreurs
ont affigné à la corruption du goût une caufe.
toute contraire , & qu'ils l'attribuent fur- tout aux
efforts pénibles & recherchés par lefquels on veut
s'élever au deffus de ce qui eft fublime mais
je parle ici non de ce qui corrompt le goût , mais .
de ce qui éteint le génie ; effet bien plus commun
& bien plus fâcheux des fiècles de lumière
& de philofophie . N'aimez-vous pas mieux croire ,
Meffieurs , que c'eft la difficulté de réunir toutes
ces qualités d'efprit , prefque toutes indiſpenſables
pour un bon Eloge de Fontenelie , qui a rendu
le concours de cette année fi peu nombreux ?
J'entrevois d'autres raifons encore & il peut
être utile de les connoître , parce qu'elles tiennent
probablement à l'état actuel de notre Littérature.
Lorfque Fontenelle régnoit fur les Lettres &
fur les Sciences , car il a exercé un moment ce
double empire , tout le monde prétendoit aux
qualités d'efprit qui le rendoient célèbre dans
l'Europe. Les efprits les plus fecs & les plus chagrins
vouloient plaire comme l'Auteur des Mondes
, & badiner avec les Grâces dans les fujets
les plus auftères de la Philofophie. Maupertuis
faifoit fur les moyens par lefquels Harvey , Harfoetker
& Leuwenoech ont tâché d'expliquer la
réproduction de l'eſpèce humaine , un Ouvrage qu'il
appeloit la Vénus phyfique ; il vouloit être lu de
Lycoris même * , & croyoit apparemment que
des fyftemes fur la génération pouvoient toucher
* On fait que la Vénus Phyſique a pour épigraphe : Sed
que legat ipfa Lycoris.
DE FRANCE. 179
,
la Beauté autant que les tableaux paffionnés de
l'amour. Marivaux , au contraire né avec une
âme très-fenfible , puifqu'il a fait le Roman de
Marianne & la Lettre du Vieillard abandonné par
fon fils , mettoit fon efprit à la torture pour le
rendre piquant lorsqu'il l'avoit naturellement aimable
, & gâtoit à chaque inftant par des réflexions
forcées de bel- efprit , le langage fimple &
naif du coeur. Tous étoient plus occupés à étonner
par des chofes inattendues , qu'à toucher par
des chofes naturelles . Et , ce qu'il y a de remarquable
, c'eft qu'en recherchant toujours les agrémens
& les grâces , ils avoient grand foin d'éviter
les beautés fenfibles & paffionnées du ftyle.
Le ftyle paffionné & l'éloquence étoient pour eux
des erreurs dont la Philofophie les avoit défabufés
; il ne falloit y donner qu'à fon corps défendant
, & il faut avouer que prefque tous s'en
défendoient avec un grand fuccès .
Aujourd'hui, c'eft tout le contraire ; dans le monde
& dans les écrits , la grande prétention aujourd'hui
, eft celle de la fenfibilité , des paffions , de
l'enthoufiafme on s'eft un peu moqué du ſtyle
chaud , & l'on parle moins de chaleur ; mais la
même prétention fe reproduit fous le nom deftyle
paffionné , & l'on veut paffionner le ſtyle d'une
Lettre , d'une Differtation . Il faut parler des plus
grands objets , mais rapidement , & fans y laiffer
la plus légère trace de réflexion , parce que , comme
on fait , les grands Écrivains n'ont jamais réfléchi
, que l'imagination émue ne donne aux objets
qu'un coup- d'oeil prompt & rapide , & qu'on
n'a rien , on n'a pas une imagination émue.
Gardez de vous arrêter un inftant fur les queftions
même où l'on agite tout le fort de l'humanité ;
vous ne devez écrire fur le bonheur des peuples
que pour amufer le goût inquiet & mobile,
à rien
H vj -
180 MERCURE
2
de quelques dififs dont le goût.ufé s'appelle le bon
goût. Si vous trouvez quelque vûe neuve , & que
vous la développiez avec l'intérêt que fon imporcance
infpire , fût-ce dans les Arts ou dans la
Morale , fuffiez-vous éloquent comme Paſcal &
Boffuet , ce fera de la métaphysique , & ce terrible
mot , le fignal du ralliement entre les Lecteurs
fans attention & les Écrivains fans génie , vous
reléguera dans la claffe des Auteurs eftimables
c'est- à-dire , de ceux qu'on n'eftime pas. Mais furtout
il faut être paffionné dès la première ligne ,
porter le trouble dans l'âme avant que l'efprit fache
ce qu'on veut lui dire ; fe mettre dans une
grande attitude , quand on ne feroit profondément
rempli que de chofes très- communes ; donner à
chaque inftant des convulfions à fon ftyle par des
mouvemens qui ne naiffent ni de l'idée ni du
fentiment qu'on exprime ; méprifer une marche
variée , mais facile ; dédaigner les nuances ,
les
agrémens & les grâces de ftyle , comme des beautés
de bel -efprit ; oublier que dans les arts , comme
dans la nature , avant de toucher , il faut plaire ,
& que c'eft par la douce impreffion des grâces.
que l'âme eft mife dans cette fituation où elle
s'ouvre d'elle-même aux effets des grandes paffions.
Voilà ce qu'on prefcrit à nos jeunes Écrivains
& ce qu'eux- mêmes prétendent fur - tout ,
c'est d'être toujours fenfibles & paffionnés. Comment
, avec cette prétention trouver quelques
qualités louables dans Fontenelle , dans un Écrivain
qui éclaire & plaît toujours , & qui ne fe paffionne
jamais ? Comment louer une gloire dont on ne
voudroit pas pour foi même ? Ne feroit - ce pas
trop compromettre fes prétentions au génie , que
de célébrer le bel - efprit de Fontenelle & faire
mal préfumer de la fenfibilité de fon âme , que
de fe montrer parmi les Panegyriftes d'un homme
<
DE FRANCE. 181
:
qui ne parla jamais de la fienne ? Qu'on ouvre
un concours pour l'éloge de Rouffeau , & je promets
à l'Académie Françoife deux ou trois cent,
concurrens , & deux ou trois beaux ouvrages . Elle
verra arriver des Difcours en foule de la Capi- ·
tale & des Provinces : des femmes même fe mêleront
parmi les combattans ; elles voudront couronner
de leurs guirlandes le génie qui , en créant
Julie & Saint Preux , donna une nouvelle énergie .
& des charmes nouveaux à la paffion qu'elles
infpirent des jeunes gens qu'il a enivrés du double
enthoufiafme de l'amour des femmes & de
l'amour de la liberté , pour célébrer les Ouvrages
où ils apprirent à fentir & à penfer , abandon-.
neront à fon effor une âme qu'ils n'ofoient eſſayer
encore , & fe hâteront de confacrer les prémices
de leur talent au génie qui l'a fait naître . L'éloge
de Ronfleau fera dans les Lettres l'époque de la
naiffance de plufieurs hommes éloquens . Ce concours
, il eft vrai , fera peut- être un combat. Il
ne faudroit pas s'attendre que la mémoire de cet
homme qui a infpiré des haines & des admirations
égales , & dont les amis & les ennemis vivent
encore , fût paifiblement célébrée ; la voix du détracteur
viendra contredire celle de l'enthouſiafte :
les voûtes paisibles du Lycée Académique , qui
n'ont jamais entendu que les fons doux & flat-
Leurs du panégyrique , feront frappées pour la première
fois des cris violens de la haine & de l'accufation.
Mais qu'importe ? Seroit - ce un fi grandmalheur
que ce fpectacle , fi grand & fi nouveau
dans notre Littérature , de la poftérité qui balance
& difcute fes opinions , avant de prononcer le jugement
de tous les âges ? Pourquoi profcrire parmi nous
ces combats des talens , fi propres à en déployer la vi
gueur & la foupleffe ? Prefque toutes nos opinions
nous divifent , prefque tous nos fentimens font
182 MERCURE
des germes de haine , comme nos prétentions
& nos rivalités ; & l'on nous impoferoit la loi
de renfermer ces funeftes levins dans nos ames !
Non , s'il y a quelque moyen d'annoblir
nos honteufes paffions , c'eft de leur permettre
de paroître avec franchiſe dans toute leur violence ;
puifque nous n'avons pas affez de vertu pour renoncer
à nos haines , faifons-les fervir du moins
à nos talens ; qu'elles élèvent nos eſprits maniérés
aux mouvemens fublimes , aux luttes vigoureufes
de l'Éloquence ; & on ne les verra plus fe
combattre fourdement dans les vils manèges de
l'intrigue. Je n'ai point la manic de comparer les
petites chofes aux grandes ; mais le plus fouvent
elles fe reffemblent. Que produifoient les haines
& les rivalités d'ambition dans les Républiques anciennes
, où elles combattoient ouvertement devant
les Loix & des Peuples Souverains ? Une
foule d'Orateurs & d'hommes, d'État , des Diſcours
de la plus haute éloquence. Quand la liberté fut
anéantie dans Rome , ces mêmes fentimens , auxquels
on défendoit de troubler , par leurs éclats , la
paix de l'Empire , firent naître dans la Cour &
dans le Sénat des Néron , ce peuple de délateurs
parmi lesquels le filence étoit tour-à- tour un crime
& une accufation , & où des ennemis , avec des
dehors paisibles , s'envoyoient à l'exil & fur l'échafaud
, par des geftes qui n'étoient apperçus que
des Tyrans & des Licteurs . Il étoit beau d'entendre
Efchile & Démosthène , attaquant & défendant
le Décret de Ctéfiphon devant la Grèce
entière accourue au combat de leur éloquence.
Seroit-il moins intéreffant d'entendre M. D..... ac
cufant devant la Poftérité la mémoire de fon ancien
ami Rouſſeau , & un homme tel que M. Thomas
, par exemple , défendant le caractère & l'âme
de l'Auteur d'Emile & du Contrat focial ? Avec

DE FRANCE. 183
des concurrens même , dont les noms & les talens
feroient moins célèbres , l'éloge de Rouffeau
proposé par l'Académie , feroit l'occafion d'un fpectacle
très-nouveau dans notre Littérature . Il faudroit
feulement avoir ſoin de doubler la Garde &
les barrières de l'Académie à la Saint-Louis ; je
ne répondrois point que ceux qui feroient fans billet
n'euffent la fantaiſie d'enfoncer la Garde & les portes.
>
Je voudrois , Meffieurs , que vous puſhez me
dire dans quel temps & dans quel genre vous
avez vu le talent qui produit fi commun , & le
talent qui apprécie fi rare. L'opinion contraire me
paroît très-généralement établie, & , pour cette fois,
je crois que l'opinion générale eft la vraie. Comment
fe diffimuler , en effet , que le génie eft
plus rare que le goût , que l'Art eft plus difficile
que la critique , & que , pour un Écrivain fupérieur,
il y a cent Juges éclairés au moins ? Je conçois
cependant qu'il y a une manière d'apprécier le talent
qui en demande beaucoup elle-même. Le Critique
qui , en rendant compte des productions du
génie, joint une fenfibilité exquife à une analyſe
profonde , difcute avec fagacité , écrit avec grâce ,
& flatte le goût de fes Lecteurs , en exprimant
les jugemens du fien ; qui juge non-feulement les
phrafes d'un Ouvrage , mais tout le talent d'un
Autenr , apperçoit dans chaque Écrivain à quelle
qualité d'efprit & d'âme , à quelle manière de fentir
& de voir, à quel caractère , à quelles moeurs
tiennent les beautés & les défauts de fes Ouvrages
, & pénètre ainfi jufqu'aux fecrets même de la
Nature dans la formation du génie ; qui découvre
dans un fujer ce que l'Orateur & le Poëte n'y ont
pas vu , & leur montre non- feulement les règles qu'ils
ont violées , mais les beautés qu'ils ont laiffé échap
per ; qui , en étendant & en élevant les appréciations
de fon goût , de la critique des Auteurs
184 MERCURE
>
à celle des fiècles , marque par des rraits ſublimes
les caractères divers & dominans de leurs productions
; dévoile les fources mêmes de ces variétés
fait voir comment , dans chaque âge des
Arts , les progrès fucceffifs de l'efprit humain , les
Religions , les Gouvernemens ont imprimé leur in-
Auence fur les talens de tous les genres ont fait
prédominer l'imagination dans les uns , la penfée
dans les autre ; & par quels moyens peut- être des
fiècles & des génies plus heureux pourroient réunir
toutes les qualités d'efprit & de talent déve
loppées fucceffivement par ceux qui les ont précé-'
dés ; je conviens que ce Critique approcheroit de
très-près fa gloire de celle de tous les talens qu'il
apprécieroit de la forte ; mais apprécier ainfi , c'eſt
produire , & ces jugemens du goût ne peuvent être
prononcés que par le génie. Je ne vois pas feule-`
ment pourquoi ce genre de production feroit plus
difficile au génie que tous les autres , pourquoi il
feroit plus rare. Je ne découvre pas une bonne
raifon d'où l'on puiffe conclure que l'efprit humain
, dans fes ouvrages , foit plus difficile à apprécier
& à peindre que le coeur humain , par exemple
, dans fes paffions . Le moyen de croire qu'Homère
foit au- deffous d'Ariftote , Virgile au deffous
de Quintilien , & que les meilleurs éloges de Rai
cine & de Voltaire puiffent être mis à côté de
Phèdre & de Mahomet !
Que de Tragédies bonnes ou mauvaiſes , ajoutez-
vous cependant , ont paru depuis la renaiffance
des Lettres en France ! A- t- il paru beaucoup
d'Ouvrages comme les Mondes & le Difcours
préliminaire de l'Encyclopédie ?
Je vous demanderai d'abord ce que le Dif
cours de M. d'Alembert & les Mondes de Fon- >
tenelle ont de commun avec ces Ouvrages de
critique où l'on apprécie les talens ? Il eût été .
DE FRANCE. 185
,
plus convenable de citer les éloges de ces deux
Ecrivains. Si votre intention en préférant les
Mondes & la Préface de l'Encyclopédie , a été
de faire entendre que le génie philofophique eft
plus rare que le génie poétique , c'est une autre
queftion ; & quoiqu'un , Ecolier qui vient de
faire une Tragédie , fe mette faus nulle difficulté
au- deffus de Newton & de Leibnitz , au- deffus
de M. d'Alembert & de Fontenelle ; quoique de
nos jours on ait prétendu qu'il n'y a de difficile
àfaire qu'une Tragédie , que le titre de génie appartient
exclufivement à celui qui crée des images
, & ne peut convenir jamais à celui qui crée
des idées ; cette queftion pourroit être agitée , cependant
, & faire naître de nouvelles lumières fur
l'efprit humain mais c'en étoit une autre que
vous difcutiez tout- à - l'heure. C'eſt le même homme
, mais ce n'eft pas le même talent qui a fait
le Difcours préliminaire de l'Encyclopédie & les
Éloges des Académiciens . Je conviens avec vous
qu'il a paru beaucoup de Tragédies bonnes ou
mauvaiſes ; mais dans cette foule , ce font les mauvaifes
qui font le grand nombre ; celui des bonnes
eft toujours très- petit. On eft un peu furpris
de les voir confondues enfemble avec
indifférence . On n'a pas plus fait de Tragédies
comme Britannicus , que de livres comme les
Mondes ; l'excellent eft rare dans tous les genres ,
& le médiocre , commun .
:
cette
C'eft avoir bien de l'eftime pour vous , MM. ,
que de vous arrêter fi long- temps fur des reproches
que je vous fais ; mais vous m'avez fait fentir
vous- même combien la jufteffe eft néceffaire ,
& j'ai cru qu'il vous étoit arrivé d'en manquer
une fois. Si la jufteffe fcule ne peut fuffire qu'à
bien peu de chofes , il n'eft rien qui puiffe s'en
186 MERCURE
paffer ; tout ce qui eft vrai n'eft pas beau , mais
rien n'eft beau que le vrai ,
J'ai l'honneur d'être , & c,
Le 10 Octobre , & c.
ANNONCES ET NOTICES.
Avis concernant le Répertoire univerfel & raifonné
de Jurifprudence Civile , Criminelle , Canonique
& Bénéficiale.
Les quatre derniers Volumes de cet Ouvrage ,
c'eft-à-dire , les Tomes 61 à 64 , qui , fuivant les
avis inférés aux frontifpices des Tomes 27 & 52 ,
doivent être délivrés gratis aux Soufcripteurs , feront
imprimés pour la fin du préfent mois d'Octobre.
On prévient d'ailleurs les Perfonnes qui ont un
certain nombre de Volumes du même Ouvrage, que
fi elles veulent en retirer les fuites , il eft néceffaire
qu'elles le faffent d'ici au 25 Décembre prochain.
A cette époque il ne fera plus livré de Volumes détachés
, & l'on ne pourra fe procurer que des Excmplaires
complets , dont chacun coûtera 300 liv. broché
& 364 liv. relié.
NOUVEAU Théâtre Allemand , ou Recueil des
Pièces représentées avec fuccès fur les Théâtres des
Capitales de l'Allemagne. Les fept premiers Volumes
fe vendent 28 liv. port franc par la pofte , & fe
trouvent au Bureau de l'Ami des Enfans , rue de
l'Univerfité , N°. 28. S'adreffer à M. Leprince , Directeur
, & à Barrois le jeune, Libraire , quai des
Auguftins . On les trouve au Cabinet de Littérature
Allemande , rue S. Honoré , au coin de la rue de
Richelieu ; chez la Veuve Duchefne , Libraire , rue
S. Jacques ; Couturier fils , Imprimeur- Libraire ,
DE FRANCE. 187
quai des Auguftins ; Nyon l'aîné, Libraire, rue du
Jardinet. Le nombre des Volumes de cet Ouvrage
eft fixé à douze. Chaque Volume ſe vend féparément
4 liv. franc de port par la pofte. Le feptième Volume
qui vient de paroître contient Nathan le Sage , Tragédie
repréfentée à Berlin, Leffing ; & Philotas , Tragédie
, par le même.
Cet Ouvrage , dont il paroît régulièrement un
Volume tous les trois mois , a été commencé par M.
Friedel le premier Janvier 1782 , & continué depuis
le troisième Volume par MM . Friedel & de Bonneville
, Auteur de quelques Effais de Poéfie publiés
dans les Almanachs des Mufes 1782 & 1783 ;
le Bonheur champêtre , quelques Fragmens du Livre
de Job, & une Prophétie contre Tyr.
COURS complet d'Agriculture théorique , pratique,
économique & de Médecine rurale & vétérinaire
, fuivi d'une Méthode pour étudier l'Agricul
ture par principes, ou Dictionnaire univerfel d'Agriculture
; par une Société d'Agriculteurs , & rédigé par
M. l'Abbé Rofier , Prieur - Commendataire de Nanteuil-
le-Haudouin , Seigneur de Chevreville , Membre
de plufieurs Académies , &c. Tome IV. A Paris ,
rue & hôtel Serpente .
Cet Ouvrage eft fait pour être recueilli avec empreffement;
il répand de grandes lumières fur la matière
dont il traite ; & ce Volume nous a paru auf
intéreffant que ceux qui l'ont précédé.
ANTIQUITÉS d'Herculanum , Tome V & dernier
des Peintures ; gravées par F. A. David , avec
leurs explications , par P. Sylvain Maréchal. A
Paris , chez David , Graveur , rue des Noyers , en
face de celle des Anglois.
On doit favoir gré à M. David d'avoir réduit à
un moindre format , c'eft-à - dire , à un prix raiſon188
MERCURE
7

nable un Ouvrage d'un très grand mérite , mais qu
étoit d'un prix exceflif à caufe de fon format infolio
; il y joint l'avantage de l'exactitude dans
la gravure & dans les livraiſons .
EUVRES de Plutarque , traduites du Grec , par
Jacques Amiot , Tome III . A Paris , chez Jean-
François Baftien , Libraire , rue Saint Hyacinthe , la
première porte- cochère à droite en entrant par la
Place S. Michel.
Cet Ouvrage toujours auffi bien exécuté qu'exactement
livré jouit de tout le fuccès qu'il mérite . Ce
Volume contient les Vies de Pélopidas & de Marcellus
, d'Ariftide & de Cato , de Philopcemen & de
T. Q. Flaminius , de Pyrrus & de C. Marius.
MANUEL Religieux , ou Recueil de confidérations
, affections & pratiques pieufès à l'ulage des
Perfonnes confacrées à Dieu par les voeux de religion
, précédé d'un Difcours fur l'excellence de l'état
Religieux , & d'un autre Difcours compofé pour le
jour de la Profeffion de Madame Louife- Marie de
France dans le Monastère des Religieufes Carmélites
de Saint Denis en France ; par un Religieux Bénéditin
de la Congrégation de Saint - Maur , de l'Abbaye
de Saint Germain -des- Prés . A Paris chez
Jean- François Baftien , Libraire , rue Saint Hyacinte,
la première porte - cochère à droite en entrant
par la Place S. Michel.
Cet Ouvrage , qui préfente aux Gens d'Eglife le
code de leurs devoirs , ne devroit peut--être pas être
néceffaire ; mais fans doute il fera utile . Le choix des
Pièces qui compofent ce Volume édifiant nous a
paru fait avec goût & avec fageffe.
TROISIEME fuite de Pièces d'Harmonie , contenant
des Ouvertures & des Airs d'Opéras férieux &
DE FRANCE. 189
Comiques , arrangés pour deux Clarinettes , deux
Cors & deux Baſſons , par M. Ozy , Muficien de
S. A. Mgr. le Duc d'Orléans. Prix , 6 liv. A Paris ,
chez M. Boyer , au magafin de Mufique , rue Neuve
des Petits Champs , près celle S. Roch , No. 83 , &`
chez Mme Lemenu , rue du Roule , à la Clef d'or.
Cette fuite fe continue avec le même avantage.
CHOIX des meilleurs Médicamens pour les maladies
les plus défeſpérées , recueilli par M. Buchoz ,
Médecin de MONSIEUR , ancien Médecin ordinaire
de Mgr. le Comte d'Artois , & de feu Sa Majeſté le
Roi de Pologne. A Paris , chez l'Auteur , rue de la
Harpe.
C'eft ici le neuvième des Ouvrages économiques ,
de M. Buchez. Il fe propofe de donner chaque
année un Recueil des remèdes qu'il aura pu découvrir
, & dont il aura reconnu l'efficacité.
L'AM des Enfans , par M. Berquin , Septembre
1783 , Nº . 9. A Paris , au Bureau de l'Ami des
Enfans , rue de l'Univerfité , au coin de celle du
Bacq. S'adreffer à M. le Prince , Directeur.
Cet utile Ouvrage eft toujours fait avec le même
foin, & paroît infpirer un intérêt toujours plus vif.
MANUEL des Rentes , ou Tableau général de la
diftribution actuelle des Rentes de l'Hôtel de Ville de
Paris , & autres , par M. de Mafſac , Écuyer.
Nouvelle Édition , revue , corrigée & augmentée,
Prix 4 liv. 10 fols broché. A Paris , chez l'Auteur ,
rue des Noyers , au coin de celle de S. Jean - de-
Beauvais , No. 13.
Cet Ouvrage intéreffe un très-grand nombre de
perfonnes ; & l'ordre , la clarté & la précision qui y
règnent devoient naturellement en affurer le fuccès .
190
MERCURE
LA Punition de l'Amour , & le premier Age de
Amour, deux Eftampes gravées par J. Bouillard ,
d'après deux tableaux de I .. Lagrenée. Prix , 2 liv.
chacune. A Paris , chez J. Couché , rue S. Hyacinte
, la troisième porte-cochère à droite par la place
S. Michel.
Ces deux Eftampes font fuite à deux autres que
nous avons annoncées il y a quelques mois , & qui
avoient pour titre l'Education de l'Amour.
La Mort de Toiras & le Lit de la Victoire , deux
Eftampes deffinées par Fauvel , gravées par J. Gouché.
Prix , 1 liv. 4 fols chacune ; même adreffe que
ci-deffus.
La première de ces deux Eftampes , dont l'Auteur
nous promet une fuite , repréfente Jean de Saint-
Bonnet , Seigneur de Toiras , & Maréchal de France ,
tué devant la Fortereffe de Fontanette , dans le Milanois.
Les Soldats trempoient leurs mouchoirs dans
fon fang , en difant que tant qu'ils les porteroient
fur eux , ils vaincroient leurs ennemis.
La feconde repréſente Philippe Vaprès la journée
de Villa -Viciofa au milieu du champ de bataille ,
témoignant au Duc de Vendôme l'extrême befoin
qu'il a de dormir. « Sire , lui dit le Duc , je vais
» vous faire arranger le meilleur & le plus beau lit
» qu'un Roi ait jamais eu. » Dans le même inftant on
place fous un arbre les drapeaux qu'on venoit de
Frendre ; le Roi fe jette deffus tout botté , & y dort
quatre ou cinq heures.
Ces deux Eftampes , tant pour le deffin que pour
la gravure , font defirer celles qui doivent fuivre.
LE Sieur L. Prieur , Sculpteur , Cifeleur & Doreur
du Roi , Enclos du Temple , à Paris , vient de
graver à l'eau-forte , & dans un beau ftyle , la Voiure
du Sacre du Roi , dont les bronzes ont été exé→
DF FRANCE. 191
cutés d'après fes deffins ; ainfi qu'une première fuite
de Fleurons , de Rinceaux & de Deffus de Portes
dans un genre tout nouveau . Il en a fait tirer des
Exemplaires au crayon noir , rouge & au biſtre ;
fe vendent chez lui & aux adreſſes ordinaires .
ils
BOUQUET du Père de Famille , Divertiſſement
en un Acte & en profe , par Mlle de Saint- Léger. A
Paris , chez Bailly , Libraire , Barrière des Sergens ;
la Veuve Efprit , Libraire , au Palais Royal ; la Veuve
Duchefne , Libraire , rue S. Jacques , & chez les
Marchands de Nouveautés.
Cette petite Pièce eſt relative à la Fête du Roi ;
des raifons particulières n'en ont pas permis la
repréſentation.
COURS d'Education de Clavecin , oupiano -forte ,
divifé en trois Parties , chacune de 8 liv . , par M. L.
Felix Defpreaux. A Paris , chez l'Anteur , rue Comteffe
d'Artois , vis-à- vis celle Mauconfeil , & aux
Adreffes ordinaires.
La première Partie de cet Ouvrage contient les
premiers Principes de la Mufique , qui nous ont paru
développés avec beaucoup d'ordre & de clarté,
L'Avertiffement eft rempli de réflexions extrêmement
judicieuſes fur la manière d'enfeigner. L'Aureur
veut qu'on occupe féparément l'Écolier des trois
études qui conftituent la Mafique ; favoir , le nom
& la pofition des notes , leur intonation & leur valeur
, d'où naît la jufteffe de la meſure. Il nous paroît
avoir parfaitement raifon. C'eft l'inobſervation
de ce précepte qui rend l'étude de la Mufique & pénible
& fi longue.
La feconde Partie contient les Principes du doigté
de Clavecin , fuivis de fes Leçons compofées de
Mufettes , Menuets , Contredanfes , Aixs de Ballets ,
Ouvertures , &c. préſentant une difficulté gr.duelle.
192 MERCURE
La troifième contient les Principes de l'Accompagnement
, fuivi de trente Leçons pour s'exercer &
d'Ariettes avec la Baffe chiffrée .
QUATRE Duos pour deux Harpes , dans lefquels
l'Auteur a inféré des Airs connus , par M.
Hinner , Officier de la Chambre de la Reine , &
Maître de Harpe de Sa Majeſté , OEuvre X. Prix ,
9 livres . A Paris , chez M. Nadermann , Maître Luthier
, Facteur de Harpe ordinaire du fervice de la
Reine , rue d'Argenteuil , Butte S. Roch .
ERRATA. Au Numéro derrier , Article Voyage
aux Ifles de Lipari , on a imprimé M. le Commandeur
de Dolomier , lifez : M. le Commandeur de
Dolomieu.
Voyez, pour les Annonces des Livres , de la
Mufique & des Eftampes , le Journal de la Librairie
fur la Couverture.
TABLE.
Nici ou la parfaite indifférence,
gryphe ,
165
145 Memoirefurla Colique , 167
A Madame la Marquife de Difertation fur les Brouil- :
Montchal ,
Chanfon ,
147 lards fecs , 172
148 Lettre aux Auteurs du Mer-
Le Modèle des Frères , Conte , | cure ,
151 Annonces & Notices ,
Charade , Enigme & Logo-
AP PROBATION.
174
1869
JAT tu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 25 Octobre Je n'y ai
rien trouvé qui puiffe en empêcher l'impreffion A Paris,
le 24 Octobre 1783. GUID I.
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
TURQUI E,
DE CONSTANTINOPLE , le 15 Août.
S
NOUS
OUS ignorons encore ici , ce qui fera
décidé relativement à la paix ou à la
guerre , mais le Divan eft fort occupé , &
les préparatifs que nous faifons , & qui font
immenſes ne font point rallentis . La conftruction
des Navires fe pouffe avec la plus
grande activité ; il arrive fans ceffe des troupes
de l'Afie , qui défilent fur le champ du
côté des frontieres , où il fe raffemble des
forces qui font déja très- conſidérables . Les
Bachas ont reçu ordre de fortifier , & de
mettre dans le meilleur état de défenſe poffible
les places qui leur font confiées ; &
tous les jours , quelquefois même deux fois
par jour , il part d'ici des trains formidables
d'artillerie , & des tranfports prodigieux de
munitions de guerre de toute efpece. Le
peuple demande la guerre à grands cris , il
N°. 40. 4 Octobre 1783 .
a
( 2 )
eft animé par le motif le plus puiffant , celui
de la religion , & les gens de loi paroiffent
regarder comme un attentat aux décrets du
Prophete , le démembrement de la Crimée
qui eft foumife à l'autorité du Calife.
Le bruit qui s'étoit répandu du rappel du
Miniftre Autrichien n'a aucun fondement ;
ce Miniftre eſt toujours ici , & envoie
prefque chaque femaine deux à trois Couriers
à fa Cour , qui lui en expédie à fon
tour prefque autant. Le Miniftere Ottoman
manifefte d'une maniere' marquée le deſir
qu'il a de vivre en bonne intelligence avec
cette Puiffance , à laquelle il vient , dit- on ,
d'accorder encore de grands avantages pour
le commerce de fes Sujets ; mais on ne fait
pas en quoi ils confiftent .
La pefte exerce toujours fes ravages dans
cette Capitale , chaque jour elle enleve un
grand nombre de victimes , parmi lesquelles
on compte la fille du Médecin de S. H. Ce
fléau ne fe fait pas fentir moins vivement.
dans les environs.
POLOGNE.
DE VARSOVIE , le 28 Août.
Le Comte de Raczinsky , nouvellement
élu Maréchal de la Couronne & de la Cour ,
prêta ferment le 23 de ce mois entre les
mains du Roi , ainfi que le Prince Jérôme
de Radzivill , nommé Marechal de la Cour
de Lithuanie.
( 3. )
Les lettres de Conftantinople annoncent
toujours la guerre ; s'il faut les en croire , les
Turcs tenteront inceffamment une entrepriſe
fur la Crimée ; les fpéculations qui ne font
pas moins nombreufes dans cette Capitale
qu'ailleurs , arrangent ainfi le plan de la campagne
qu'ils croient devoir s'ouvrir inceffamment.
» Le Grand-Vifir , à la tête d'une armée compofée
de l'élite des troupes Ottomanes , fuivra les
mouvemens des Ruffes , de maniere à s'opposer à
ce qu'ils paffent le Dniefter , & à couvrir par conféquent
la fortereffe de Chozcim. En même tems
le Capitan - Bacha mettra à la voile avec fon efca
dre , qu'on renforcera , le plus qu'il fera poffible ,
pour aller mettre obftacle à la réunion des forces
Ruffes fur la mer Noire , & les retenir dans les
divers ports de la Crimée , où elles font féparées ;
il effaiera de les détruire , s'il eft poffible , avant
qu'elles puiffent nuire ou agir de concert avec les
forces qu'elles attendent de la Méditerranée. On
raffemblera auffi , fous les ordres d'un nouveau
Khan , ceux des Tartares de la Crimée qui ont
réfifté aux promeffes & aux menaces de la Ruffie ;
on y joindra ceux du Cuban , du Budziac & des
bords du Kopa , & on les emploiera à inquiéter
de tout leur pouvoir les troupes Ruffes qui avoifineront
la Crimée & celles qui l'occupent déjà , à
rendre leur fubfiftance difficile & précaire , à bra
ler les fourrages , & à les harceler fans ceffe . C'eft
un beau plan , fans doute ; mais il reste à l'exé-
2
cuter cc.
... DAN NEMARCK.
DE COPENHAGUE , le 4 Septembre..
Le Général d'Eichstedt , Miniftre d'Etat
a 2
( 4 )
le Baron de Rofencron , Miniftre des Affaires
étrangeres , Confeiller de conférence , B
M. Colbiorfen , Confeiller de Juftice , viennent
d'être nommés Directeurs de la Banque
royale , à la place de M. de Nuntzen
le Comte de Reventlau , M. Stampe & le
Comte de Schimmelmann qui ont donné
leur démiffion.
" Des bâtimens arrivés le premier de ce mois
de l'ifle d'lflande , ont apporté la nouvelle de l'irruption
de plufieurs nouveaux volcans , dans le
diri de Scaptefield , aux environs du mont
Hecla. Ils vomiffent une quantité prodigieufe de
Jave , qui a déjà emporté trois Eglifes & d'autres
édifices. Elle couvre , dans le voisinage de la riviere
de Skaptaa , une étendue de pays de 15 milles de
Jong fur 7 milles de large . Une vapeur épaiffe ,
remplie d'une pouffiere très - fine & fulfureufe ,
occupe l'athmofphere & obfcurcit le foleil. L'ifle
nouvellement fortie de la mer , près de Reikenos ,
reçoit tous les jours des accroiffemens ; il s'en
exhale continuellement du feu & de la fumée.
D'après ces circonstances , & ce qui s'eft paffé dans
la Sicile , il faut conclure que les deux principaux
foyers renfermés dans le fein de la terre , au nord
& au midi de l'Europe , font aujourd'hui dans une
activité plus qu'ordinaire «,
On mande d'Helfingor qu'il vient de
mouiller dans ce port deux Vaiffeaux de
guerre Ruffles de 60 Canons , conftruits
nouvellement à Archangel , & fe rendant à
Cronstadt. On écrit auffi qu'il y a dans le
prême port un Navire Anglois fur lequel ſe
( $)
trouvent 16 Officiers & 20 Chirurgiens de
cette nation qui fe font engagés au fervice
de l'Impératrice de Ruffie .
ALLEMAGNE.
DE VIENNE , le 13 Août.
Le mauvais temps qui regne depuis quel
que temps a fufpendu les grandes manduvres
du camp de Hlaupietin en Bohême ;
elles ont commencé feulement le 9 de ce mois .
On dit que le Prévôt du Chapitre de
Neutra a encouru la difgrace de S. M. I. qui
l'a privé de fa dignité , & des autres bénéfices
qu'il avoit. Parmi les chofes qu'on lui
impute , il y en a de très-giaves & de trèsétranges.
Telle eft l'imprudence qu'il a eue
de fe préfenter, dit- on , à la Cour de Lisbonne
, comme ayant une commiffion particuliere
& fecrette de la part de l'Empereur.
Il paroît décidé qu'on exécutera dans peu
l'ancien projet d'incorporer les diftricts de la
Hongrie en-deçà de la Raab à l'Autriche , &
ceux qui font limitrophes à la Moravie à
cette derniere province. De cette maniere la
Hongrie fera féparée de l'Autriche & de la
Moravie par la Raab en- deçà du Danube
& au- delà par la Waag. Presbourg deviendra
une ville d'Autriche , & Bude fera regardée
comme la capitale de ce royaume.
Les corps de baleine viennent d'être défendus
dans les maifons d'éducation pour
les Demoifelles.
a 3
( 6 )
DE HAMBOURG , le 16 Septembre.
Rien de plus incertain & de plus contradictoire
que les nouvelles relatives aux armemens
des deux Cours Impériales & des
Turcs.
» On écrit de Carlstadt , lit - on dans quelquesuns
de nos papiers , que le 20 du mois dernier il y
eut un rude combat entre les Turcs , fur les frontieres
de la Croatie ; il paroît que des divifions internes
, parmi des troupes indifciplinées , & l'efprit
de mutinerie , long- temps & difficilement
contenu , n'en ont pas été la caufe. Les corps
Afiatiques & Européens faifant dans la nuit la
vifite du cordon , fe prirent , en fe rencontrant ,
pour un parti étranger ; le feu dura , dit - on , juf
qu'au jour. Il y eut un grand carnage , & plufieurs
Officiers furent maffacrés en voulant rétablir la
tranquillité «.
Selon quelques-uns de ces papiers , on
attribue la dépofition de Nicolas Caraggia ,
Hofpodar de la Valachie , à des liaiſons fecrettes
qu'on lui fuppofoit avec la Ruffie. Si
elles exiftoient en effet , elles ne pouvoient
être vues de bon oeil par le Gouvernement
Ottoman fur-tout dans un moment où l'on
regarde ce qui vient de fe paffer en Crimée
comme une fuite de celles de Sahim Gheray
avec la même Cour.
Selon les avis de Pologne , un corps confidérable
de Ruffes s'eft avancé vers la fortereffe
d'Oczakow , & on porte à 100,000
le nombre des troupes de cette nation qui
eft entrée fur les terres de la République .
( 7 )
On prétend qu'outre les armées Ruffes déja
en mouvement de divers côtés , il y en a
une autre conſidérable,mais partagée en plufieurs
petites divifions , en marche par les
frontieres de la Perfe , & on ne manque pas
d'annoncer que fi la guerre éclate , les Perfans
ne resteront point fpectateurs oififs.
Mais on a toujours lieu de croire que la Cour
de Pétersbourg évitera d'ufer la premiere
des voies de fait , pour être en droit de réclamer
, lors d'une attaque des Ottomans ,
le fecours qui lui eft promis dans ce cas par
fon traité avec la Cour de Vienne.
Les difpofitions de la maifon d'Autriche
dans cette circonftance font toujours un
myftere ; elle a fait des préparatifs immenfes
, & qui lui ont coûté fort cher , puifqu'on
les évalue à fix millions de florins audelà
de ce que lui coûte fon état de guerre
ordinaire. Ón remarque que fes prépartifs
augmentent , que les embarquemens de munitions
fur le Danube fe renouvellent tous
Jes jours ; que fes troupes s'avancent vers les
frontieres ; on dit même que l'armée s'affemblera
bientôt dans le bannat de Témeſwar.
Ce qu'on avoit dit ici de l'entrevue que l'Empereur
devoit avoir avec le Roi de Pruffe eft
totalement tombé. Cette entrevue n'a point
eu lieu , & on apprend de Berlin que S. M.
eft arrivée à Potzdam le 2 de ce mois.
Nos papiers , en attendant des lumieres
moins incertaines fur la tournure que prendront
les démêlés entre la Ruffie & la Porte,
2 4
( 8 )
préfentent quelques obfervations fur les ef.
fets de l'occupation de la Crimée , de l'iſle
de Taman & du Cuban.
Selon eux , elle affure à la Puiffance qui s'en eft
emparée , l'empire de la mer Noire , & de grands
avantages pour la pêche & le commerce avec
l'Italie . L'importation feule du poiffon dans cette
contrée , a valu , difent ils , des millions aux Anglos
& aux Hollandois , qui l'ont faite pendant
long-temps. Cette poffeffion ouvre aux Ruffes
l'entrée de la Méditerranée , & les Turcs ne peuvent
guere y mettre obftacle , puifqu'il eft facile
à une efcadre d'entrer , quelque vent qu'il faffe ,
de la mer Noire dans le canal de Conftantinople ;
elle leur procure encore du bois de conftruction
du fer , tous les matériaux néceffaires & deux
ports excellens ; elle offre auffi à leur commerce
une route nouvelle & intéreffante , tant pour la
Perfe que pour les Indes orientales , & elle donne
enfin à l'Impératrice près de 2,000,000+ de nouveaux
Sujets , & environ 3,000,000 d'écus de
revenu .
ESPAGNE.
DE MADRID , le 12 Septembre.
On prépare à Carthagene deux Vaiffeaux
de ligne qui , fous les ordres du Brigadier
Anftizabal , iront à Conftantinople porter les
préfens que l'on eft dans l'uſage de faire après
la conclufion d'un traité tel que celui que
nous avons fait avec le Grand-Seigneur.
..D. Antonio Barcelo eft ici depuis quelques
jours , il a été à S. Ildéphonfe où il a
été très- bien accueilli. Nous attendons un
autre Général qui ne fera pas moins bien
9 )
reçu , c'eft D. Bernard de Galvez. On a
appris par un Courier qu'il vient de mouiller
à Cadix ; il revient de la Havane qu'il a
quittée le 16 Juillet à bord du Saint - Jean-
Népomucene ; il a ramené la plus grande
partie de nos troupes qui font arrivées avec
lui fur 36 Bâtimens de tranfport. Un Bâtiment
qui avoit paru quelques jours avane
lui , nous avoit annoncé fon départ , & nous
avoit donné en même-temps la fâcheufe
nouvelle de la perte du Dragon , de 60 Canons,
qui a péri fur les bas fonds de Campêche.
Par bonheur ce Vaiffeau étoit accompagné
de deux autres qui font parvenus à
fauver prefque tout l'équipage. Le Dragon
alloit à la Vera-Cruz chercher des fruits &
de l'argent. Avant le départ de D. Galvez ,
la Frégate la Sainte Lucie étoit arrivée à la
Havane avec deux millions de piaftres pour
le Commerce qu'elle avoit apportées de la
Vera - Cruz , & qui furent embarquées fur
le champ à bord du Saint-Jean-Nepomucene.
Les enfans nouvellement nés , dont la Princeffe
des Afturies eft accouchée les de ce
mois , fe portent à merveille , ainfi que leur
mere. Ils furent baptifés le mênie jour , &
eurent le Roi pour parrein . Le premier né a
reçu les noms de Charles -François de Paule-
Dominique Antoine - Jofeph-Raimond- Diegue
-Vincent-Ferrier- Jean - Népomucene - Ifidore-
Pafchal- Pierre - Pierre- d'Alcantara- Ferdinand-
Philippe-Louis - Cajetan- Grégoire-
Joachim - Laurent-Juftinien & Julien ; le fe
as
( 10 )
cond a reçu les noms de Philippe-Françoisde
Paule , & tous les autres noms déja donnés
à fon frere .
On vient d'éprouver , écrit- on d'Alméria , un
événement terrible , qui fembloit devoir être plus
funefte , & dans lequel heureuſement perfonne
n'a péri. Le 18 Août , à cinq heures du matin
une flammeche est tombée fur la tour du château
de la Roquette , où eft placé le magafin à poudre ;
elle y a mis le feu , & une partie des bâtimens à
été ruinée. Le Lieutenant- Alcade D. Tomas
Abad , eft refté enseveli fous les ruines ainfi que
fa famille. Contre toute eſpérance , on eft parvenu
à les retirer de deffous les décombres , & à les
trouver légerement bleffés . Deux hommes appartenant
à la Marine , & qui , au moment de l'explofion
, s'étoient réfugiés fous les murs ,'ont eu le
même bonheur . Les murs extérieurs font ouverts
en plufieurs endroits & en attendant qu'ils
foient réparés , on a pris les mesures nécéffaires
pour la garde & la fureté du château .
"
Le même jour la ville de Malaga a été expofée
à un pareil défaftre ; c'eft ainfi qu'une
lettre du 19 en préfente les détails.
« Le Magafin a poudre de cette ville fitué autrefois
au centre du château de Gibralfaro , qui
Ja domine , a été éloigné depuis deux ans , à
une lieue d'ici , fur les repréſentations du Ma .
giftrat , qui craignoit l'effet d'un accident qui y
eut mis le feu. Il ne reftoit dans l'ancien emplacement
que quelques artifices & des grenades
chargées. Hier on a éprouvé combien la précaution
qu'on avoit prife étoit prudente ; on a effuyé
un orage violent , pendant lequel la foudre
eft tombée fur ce magafin ; les ruines caufées par
l'explosion ont été heureufement portées au nord,
( 11 )
d'un côté où il n'y avoit point d'habitations &
perfonne n'a été bléffé , pas même parmi les foldats
qui étoient de garde dans le château . Si le
magafin avoit contenu toute la poudre qui y étoit
il y a deux ans , ce qu'on évalue à 6 milliers ,
c'en étoit fait de cette ville. Le tonnerre eft tombé
en fix endroits différens ; mais il n'a caufé
aucun dommage ; il a feulement bléffé légerement
deux femmes : comme l'orage a duré toute
la nuit avec la plus grande violence , on a craint
pour les campagnes , mais on ignore le dommage
qu'ila pú y caufer . »
ANGLETERRE.
DE LONDRES , le 23 Septembre.
*
S'il faut en croire quelques lettres de New-
Yorck adreffées à un Marchand de Dublin ,
les Loyaliſtes ne défefperent pas encore d'obtenir
quelque adouciffement aux réſolutions
rigoureufes prifes contr'eux dans tous les
Etats Unis. Malgré la vive oppofition de
quelques-uns des délégués au Congrès , la
majorité , dit -on , a été dans une des dernieres
affemblées pour confeiller de l'indulgence
en faveur de ceux qui , pendant la
guerre , ont cherché un afyle fous la protection
Britannique. Elle n'exclut , ajoutet-
on , que ceux qui ont accepté des commiffions
militaires , & fe font rendus coupables
d'excès , devexations & de cruautés
envers les fujets des Erats - Unis . Cependant
toutes les autres levres , tous les papiers de
l'Amérique feptentrionale ne préfentent rien
a 6
( 12 )
qui puiffe fonder cette efpérance ; elles annoncent
que par-tout les Loyaliſtes font rejettés
, & qu'on n'a pas même permis le plus
court féjour à ceux qui ont cru pouvoir ſe
rendre dans quelques endroits.
On a lu dans plufieurs papiers publics:
que les Américains fongeant à fe donner un
code de loix avoient confulté plufieurs favans
étrangers ; un citoyen de la nouvelle
République, pourprouver qu'elle a des hommes
en état de la fervir àcet égard , & qu'elle
n'a pas befoin de recourir au-dehors , & d'y
chercher des fecours , a publié la déclaration
des droits dreffée par M. George Mafon ,.
un des citoyens les plus diftingués de Virginie
, & fur laquelle tous les Etats -Unis
fonderent en 1776 leurs gouvernemens. Leur
code a été rédigé enfuite , & la même déclaration
des droits lui a fervi de fondement ;
elle eft conçue ainfi :
1. Tous les hommes créés également libres &
indépendans , ont certains droits naturels & inhérents
, dont ils ne fçauroient priver ni dépouiller
leur poftérité fous aucuns prétexte : parmi ces
droits font la jouiffance de la vie & de la liberté ,
les moyens d'acquérir & de pofféder des biens ,
de poursuivre & d'obtenir leur bien-être & leur
füreté. 1. Tout pouvoir étant donné par Dieu
& la nature au peuple , e'eft ce dernier qui en eft
Ja fource les Magiftrats ne font que les dépofitaires
de celui qu'il leur a confié ; ils font les Serviteurs
, refponfables à lui en tout tems. 3º . Tout
Gouvernement eft ou. doit être inftitué pour l'avantage
commun , la protection & la fûreté du
peuple , de la nation , ou la communauté : des
( 13 )
différentes efpeces ou formes de Gouvernement, la
meilleure eft celle qui produit le plus de bien- être
& de fûreté , & qui affure contre le danger d'une
mauvaiſe adminiftration : toutes les fois qu'un
Gouvernement fe trouve infuffifant ou contraire
à ce but , la majorité de la Communauté a un
droit indubitable , inaliénable & imprefcriptible ,
de le reformer , l'altérer , l'abolir . 4° . Aucun
homme ni claffe d'hommes n'a droit à des avantages
ou priviléges exclufifs ou diftincts de la
Communauté , finon en confidération de fervices
publics , lefquels ne paffant point de pere en Fils ,
les charges de Magiftrat , de Législateur , ou de
Juge ne doivent pas non plus être héréditaires.
5°. Les Puiffances Légiflative & Exécutrice de
l'Etat doivent être féparées & diftin &tes de la Puiffance
de juger ; les Membres des deux premieres
n'opprimeront point , quand ils partageront les
fardeaux du Peuple ; ils doivent donc à des époques
fixes , être réduits à l'état de fimples particuliers
, rentrer dans le corps d'où ils avoient été
tirés originairement ; & les places vacantes doivent
être remplies par des élections fréquentes
certaines , & régulieres . 6. Les Elections des repréfentans
du peuple dans le Corps Légiſlatif ,
doivent être libres; & tous les hommes qui auront
évidemment un intérêt commun avec la Société .
peuvent réclamer le droit de fuffrage ; ils ne
fçauroient être taxés ni dépouillés de leur propriété
pour des ufages publics , fans leur confentement
ou celui de leur repréſentans élus de cette
maniere , ni liés par aucune loi , à laquelle ils
n'auroient pas confenti de la même manière pour
le bien commun. 7 °. Tout pouvoir de fufpendre
des Loix ou leur exécution fans le confentement
des repréfentans du peuple , eft léfif pour fea
droits & ne doit pas s'exercer. 8 °. Dans toutes
"
( 14 )
procédures capitales ou criminelles un homme a
droit de demander , qu'on lui déclare la cauſe &
la nature de fon accufation , & qu'on le confronte
avec les accufateurs & les témoins ; d'appeller des
témoins à fa décharge ; & de réclamer un Jugement
prompt par un Juré impartial de fon voifinage
, fans le confentement unanime duquel il
ne fçauroit être déclaré coupable : on ne peut le
forcer à donner témoignage contre lui - même ;
& aucun homme ne peut être privé de ſa liberté ,
finon en vertu de la loi du pays ou du Jugement
de fes Pairs . 9°. Il ne faut pas exiger des cautions
exceffives , ni impofer des amendes exorbitantes
, ni infliger des peines cruelles & inufitées.
10°. Dans des queftions concernant la propriété
, & dans des procès entre homme & homme,
l'ancien Jugement par Juré eft préférable à tout
autre & doit être tenu pour facré . 11 ° . La liberté
de la preffe eft l'un des grands boulevards de la
liberté , & elle ne fçauroit jamais être refireinte
que par des Gouvernemens defpotiques . 12. Une
Milice bien réglée , compofée du corps du peuple
, exercée au maniment des armes , eft la défenfe
fure , propre , & naturelle d'un Etat libre :
des armées permanentes en tems de paix doivent
être évitées comme dangereufes pour la liberté ;
& dans tous les cas les Militaires doivent être fous
une fubordination rigoureufe au pouvoir Civil &
gouvernés par lui. 130. Aucun Gouvernement
libre , ni la liberté , ne fçauroient être confervés
par aucun Peuple , fans une adhéſion ferme à la
justice , à la modération , à la tempérance , à la
frugalité , & à la vertu , & d'un recours frequent
aux principes fondamentaux. 14° La Religion
ou le culte que nous devons à notre Créateur ,
ainfi que
la maniere de remplir ce devoir , ne
fçauroit être dirigée que par la raiſon & la
( 15 )
conviction , & non par la force ou la violence ;
par conféquent tous les hommes doivent jouirde la
folérance la plus complette dans l'exercice dela Religion,
conformément à ce que leur dicte leur confcience
,fans être punis ni reftreints par le Magiftrat
, à moins que fous prétexte de Religion quelqu'un
ne troublât le repos , le bien , ou lafûreté de
la Société : & c'eft le devoir réciproque de tous
les Hommes de pratiquer la patience , l'amour
& la charité Chrétienne l'un envers l'autre.
L'établiffement des Loyaliſtes dans la nouvelle
Ecoffe peut faire défirer quelques détails
fur cette province ; nous nous emprefferons
d'en placer ici quelques- uns.
La Nouvelle- Ecoffe embraffe une étendue de
plus de 300 lieues . Elle eft très- propre par la
pofition à fervir d'afyle aux bâtimens qui viennent
des Antilles , à caufe du grand nombre de
fes Ports , où l'on entre & d'où l'on fort par tous
les vents. Ses rivages offrent beaucoup de morue
on en trouve encore une plus grande quantité
fur de petits bancs qui n'en font éloignés que
de quelques lieues. Cette prefqu'Ifle peut faire
aifément le commerce des Pelleteries . Ses Côtés
arides préfentent un gravier excellent pour fe
cher le poiffon ; la bonté des terres intérieures
invite à toute espece de culture . Ses bois font
propres à tous les ufages . On y éprouve des chaleurs
exceffives, & de grands froids ; mais les brouillards
qui durent prefque toute l'année , temperent
la chaleur & le froid , & en rendent le
féjour affez fain. Le premier établiſſemeut y fut
fondé en 1604 par des Français , qui lui donnerent
le nom d'Acadie . Ils n'avaient en vue
que d'y former un Entrepôt pour les Pelleteries
du Canada ; voilà ce qui leur fit élever leurs
( 16 )
Cabanes à l'Oueft dans la partie la moins avanta
geufe. La Colonie étoit à fon berceau , lorf
que les Anglais fonderent dans fon Voifinage.
les premiers établiffemens de la Nouvelle-Angleterre.
La rivalité s'éleva bientôt entr'eux.
Les Français furent mettre de leur Parti les
Abenaquis Sauvages , leurs voifins , qui commirent
beaucoup de cruautés contre les Anglais.
Mais ceux - ci fe rendirent à la fin Maîtres de
Port-Royal , qui prit le nom d'Annapolis. Depuis
cette époque il fe forma une Colonie d'hommes
neutres dans l'intérieur des terres , qui ne
reconnoiffoit point le Gouvernement Anglois
mais qui lui étoit utile. En 1749 Elle comptoit
18,000 ames . Ce fut à cet époque que les An
glais fonderent une nouvelle Ville à l'Eft dans
un endroit appellé Chibenoton . Ils lui donnerent
le nom d'Hallifax . Le gouvernement procura
mille encouragemens. Plus de 3000 Perfonnes
vinrent d'une feule fois l'habiter. Hallifax
une fois fortifié , voulut faire la loi à la Peuplade
neutre , dont partie déferta & ſe rendit
dans la Nouvelle-France. L'Angleterre fit périr
le reste de ces François neutres pour qu'ils
ne retournaſſent pas à la France. C'est une atrocité
à joindre à la lifte de celles que les Européens
ont commifes dans le nouveau Monde.
Depuis ce tems , il s'en faut que Hallifax ait
profpéré ; cependant le gouvernement lui a donné
tous les ans au moins 40000 livres sterling ; en
1757 , fes richeffes mobilieres & immobilieres
étoient eftimées à près de 3000,000 livres fter
ling. Il s'eft formé dans la même prefqu'Ifle une
autre Colonie d'Allemands , qui ont appellé leur
établiſſement Lunebourg. Cette peuplade prof
pére. Il eft à espérer que la ville de Shelburne
aura le même fort. Elle va être habitée par des
( 17 )
gens actifs & induftrieux , qui ne manqueron
pas de tirer parti de fon fol excellent , de fes
Ports nombreux & de les pêches » .
Le Lieutenant- Colonel Thomas écrivit
ainfi fon teſtament la veille du jour de fon
combat avec le Colonel Gordon .
» J'ai reçu un appel ; la loi que l'on appelle
honneur m'oblige de l'accepter . Dieu feul fçait
quelle en fera l'iffue ; je fçais feulement que j'ai
fait mon devoir. J'écris en conféquence ce tef
tament , par lequel je révoque & j'anéantis tous
ceux que j'ai faits en différens temps . J'abandonne
d'abord mon ame à Dieu ; je me confie en fa miféricorde
& j'implore d'avance fon pardon pour
l'acte criminel que je vais commettre en obéiſſant
à une coutume coupable , établie par un monde
pervers. Je laifle 150 liv. fterling , jointes
ici en billets de banque , à mon frere Jean
Thomas , Ecuyer des Gardes , à la réserve d'une
fomme fuffifante pour payer mes dettes , qui ſont
peu de chofes . Je lui donne également tous mes
livres , mon mobilier , & tout ce que je poffede.
Je legue à mon valet Thomas Hobber 50 liv . ,
que je prie mon frere de lui payer , ainfi que
d'acquitter fur le champ le peu de dettes que je
puis avoir. Ce 3 Septembre 1783.
Cette piece montre quelles étoient les difpofitions
du Lieutenant- Colonel Thomas
& fa répugnance en fe préfentant au combat.
Le fait a été mal repréſenté dans notre
dernier Journal ; le voici tel qu'il eft .
Le Confeil de guerre tenu à New-Yorck
le 4 Septembre 1782 ayant déchargé , comme
nous l'avons dit , M, Gordon de toute
accufation intentée contre lui , il exigea de
( 18 )
M. Thomas qu'il fe rétractât , ou du moins
qu'il lui fit quelque excufe . Sur le refus de
celui- ci , M. Gordon en demanda raiſon
deux fois , d'abord en Amérique , & enfuite
en Angleterre. Mais M. Thomas éluda la
demande toutes les deux fois fous différens
ptétextes. La querelle de ces deux Officiers
devint alors un affaire de corps , & le duel
fut inévitable. Ils tirerent trois coups à la
diſtance de huit pas l'un de l'autre . Au premier
coup le piftolet de Thomas rata ; Gordon
lui permit de tirer de nouveau , & de
tirer feul , & fut bleffé à la cuiffe . Le fécond
coup fut manqué des deux côtés . Au troifieme
, M. Thomas reçut une bleffure qué
M. Gordon fit panfer fur le champ par un
Chirurgien Major qu'il avoit amené avec
lui ; M. Thomas mourut le lendemain . A
l'enquête du Coroner, Officier de Juſtice en
Angleterre , député pour connoître en premiere
inftance du cas de mort violente , le
Juré prononça que M. Gordon étoit coupable
d'avoir tué Thomas , & cela fondé
fur la dépofition de deux témoins , dont le
premier, valet-de- chambre du défunt, déclara
qu'il avoit vu tomber fon maître , en conféquence
d'un coup de piftolet tiré par M.
Gordon , & l'autre , Chirurgien , que la bleffure
reque de ce coup étoit la caufe de mort.
M. Barolett , Suiffe de nation , ayant vécu
plufieurs années à Yarmouth, avec MM . Cotton
& Gorch , négocians de cette ville , fut
envoié à Bruges , pour y terminer quelques
( 19 )
affrires. Peu de jours après fon arrivée , il fut
arrêté & conduit en prifon , comme étant
réellement un certain Durand , qui avoit été
convaincu d'avoir commis un aſſaſſinat , le
22 Septembre 1782 , condamné à mort , &
qui s'étoit échappé de fon cachot. Ce qu'il
y eut de plus fingulier , c'eſt que le Juge qui
avoit interrogé Durand , jura que M. Barolett
étoit le même qu'il avoit jugé ; le géolier
& 5 autres perfonnes fortifioient ce témoignage
; & malgré les proteftations qu'il étoit
un autre homme , il devoit être exécuté le
jour fuivant , fi le lord Torrington , qui fe
trouvoit à Bruges , n'eût follicité & obtenu
avec beaucoup de peine un furfis , & procuré
à M. Barolett les moyens d'envoyer à
Yarmouth, pour en faire venir fa juftification.
M. Cotton , à l'arrivée de cette nouvelle , fe
procura tous les certificats , prouvant que
M. Barolett étoit à Yarmouth, dans le temps
où le meurtre fut commis à Bruges , & qu'il
n'avoit pas quitté cette ville jufqu'au mo
ment où il avoit été envoié pour affaires.
Ces certificats ne furent pas trouvés fuffifans
: le Juge dit qu'ils prouvoient feulement
que M. Barolett étoit alors à Yarmouth, mais
non que celui qui prenoit ce nom , ne fût pas
Durand. Le lord Torrington fut obligé de
folliciter encore un furfis . M. Gorch s'eft
rendu lui -même à Bruges , pour prouver l'identité
de la perfonne : il a emporté les li
vres que M. Barolett a tenus plufieurs mois ,
( 20 )
1
1
avant & après le crime , où il n'y a pas une
ligne d'une autre main que de la fienne. On
ne doute pas que ces pieces ne foient victo
rieuſes. M. Barolett fera relâché : mais quel
dédommagement accordera-t-on à l'infortuné
que la Juftice a accablé , traité en criminel
, & qu'elle auroit égorgé fans le lord Torrington
, parce que la nature , par un jeu fingulier
& bien funefte pour lui , a produit une
reffemblance fi parfaite entre lui & Durand.
Les dernieres dépêches reçues de l'Inde
par
la voie de terre ont donné la confirmation
de la paix avec les Marattes. Elle fut
conclue le 17 Mai 1782 , ratifiée au fort
William le 6 Juin fuivant , & fut échangéeenfin
avec toutes les formalités publiques
entre M. Anderſon & Madajée Sindia le 24
Février dernier.
La Cour des Directeurs de la Compagnie
s'eft affemblée fur ces dépêches dont elle n'a
publié aucun détail ; nos papiers fuppléens
ainfi à fon filence.
Les troupes , difent-ils , après divers avantages
, fous les ordres du Général Mathews & du
Colonel M' Leod , fe font emparées de Mangalor
le 6 Mars dernier. Cette Place eft fur la
Côte de Malabar , à 50 lieues environ du Sud
d'Onore , qui avoit été prile le 5 Janvier précédent.
C'eſtune des principales villes de Tipofaïb,
mais non fa Capitale , qui eft Seringa -Patnam ,.
éloignée d'environ 60 milles de Mangalor. Tipofaib
étoit dans cette Place lorfque le fiége en fut
commencé , & il ne la quirta que quelques jours
avant la reddition, Ayant que les Portugais fe
( 21 )
fuffent établis à Goa , dont ils ont fait leur principal
établiffement , Mangalor étoit la Capitale de
l'ancien Royaume de Vilapour , qui a plus de 3co
milles d'étendue ; cette Ville eft dans la même latitude
que Madraff, au côté opposé de la pref
qu'î'e occidentale de l'inde , & la diſtance entr'el .
les eft de 400 milles. On attribue principalement
le fuccès à la prudence du Général Mathews
, qui pour avancer fur l'ennemi & lui livrer
bataille , faifit le moment où la mort d'Hyder.
Ali venoit d'ètre généralement connue , & ou
refprit de défection qui en étoit la fuite naturelle
s'étoit généralement répandu, - Selon les
mêmes Dépêches , la Flotte de l'Amiral Hugues,
eft partie de Bombay le 17 Mars dernier ; elle
confiftoit en un Vaiffeau de 80 canons , quatre
de 74 , deux de 70 , fix de 64 , deux de 50 ,
une Frégate , un Brulot , deux Bombardes , &
trois Vailleaux armés en Flutte. Elle devoit toucher
à Goa pour y prendre trois Vaiffeaux qui
s'y réparoient. A cette époque l'Efcadre , françaife
étoit encore mouillée à Tranquebal ».
·
On a reçu d'autres nouvelles de l'Inde par
un Vaiffeau arrivé à Limeria , & parti
de Bengale le 23 Avril dernier ; elles confiftent
principalement en une gazette dé
Calcutta en date du inois de Mars , contenant
des détails des événemens qui ont pré
cédé la prife de Mangalor.
Tout le pays de Benador étoit en la poffeffion
du Général Matthew le 27 Janvier dernier ; le
Gouverneur Indien avoit offert de remettre le
pays à nos troupes , & les conditions les plus avantageufes
pour la Compagnie , puifqu'il fecoue la
dépendance de Typpo -faio , qu'i paiera la protection
des Anglois par un trib annuel de 15 laks
de pagodes , & qu'il leur remettra , pour gage de
( 22 )
1
1
fa fidélité , les places fortes du pays.
Ces détails
font fuivis d'une lettre de S. Georges en date du
9 Mars , qui confirme la prife faite par l'ennemi ,
de la frégate le Coventry. Le Capitaine Light ,
qui la commandoit , ayant obtenu la liberté , eft
revenu à S. Georges fur un vaiffeau Portugais . Il
rapporte que lorsqu'il a quitté M. de Suffren , ce
Commandant , qui avoit 12 vaiffeaux de ligne &
3 frégates , dont une feule en mauvais état , & le
refte dans le meilleur ordre , bien équipé , avoit
reçu à Trinquemale 2 autres frégates & 300 hommes
de troupes , & il attendoit du Cap de - Bonne-
Efpérance 5 vaiffeaux françois , 5 Hollandois &
quelques frégates , avec 4000 hommes ; le Général
François faifoit réparer une de fes prifes ,
conftruite à Bombay, & la faifoit monter de 50
canons ; il étoit arrivé un vaiffeau Hollandois de
so , avec des provifions , & on ignoroit fi on le
mettroit en ligne . M. de Buffy étoit attendu à
chaque inftant avec 3 vaiffeaux de ligne & 2 frégates
, 28 tranfports avec des troupes . Le Vengeur
avoit été complettement réparé & doublé en cuivre
à Trinquemale . La Subtile y étoit arrivée avec
des mâts , des bois & des planches. La même
Gazette offre une lettre de Madras , du 10 Mars ,
où l'on lit que M. de Suffren ayant envoyé le Coventry
à Pondichéry pour prendre des informations
, avoit appris que , dans le coup de vent qui
eut lieu en Octobre , quatre des vaiſſeaux de Sir
Edouard Hugues avoient péri , 2 autres manquoient.
Les François ne doutoient point de cette
nouvelle , & ils n'attendoient que l'arrivée de
M. de Buffy pour aller à Madras . Le Paquebot le
Rodney a été pris ainfi que le Vengrur , qui a été
réparé. On craint auffi qu'ils ne fe fuffent emparé
de l'Haftings , Capitaine Jamiefon , qui étoit le
Laurifton , à qui nous avons donné ce nom après
l'avoir armé. Ce qui feul entretient l'incertitude
-
( 23 )
& nos espérances , c'eft qu'on a reçu une lettre de
ce Capitaine , qui marque qu'il fe propofoit de
prendre fa route par le Pegu ; & s'il l'a fait , il
n'eft pas étonnant qu'on n'en ait point de nouvelles.
Le paquebot parti dernierement pour les
Indes Orientales y porte les traités définitifs
de paix , & des ordres pour le retour des
vaiffeaux de guerre & des troupes à qui on
avoit déja envoyé celui de revenir , & qu'on
dit devoir être en plus grand nombre ; on
laiffera moins de vaiffeaux danscette ftation.
Le Baptême de la Princeffe dont la Reine
eft accouchée , a eu lieu le 18 de ce mois à
7 heures du foir. Les Pairs , les Miniftres
étrangers avec leurs époufes , qui y furent
préfens , furent introduits dans la chambre
du Grand-Confeil , où la Reine étoit couchée
fur un lit de fatin blanc , fous un dais de velours
cramoifi brodé en or. Le Roi étoit à
côté, le Prince de Galles aux pieds , avec la
Princeffe Royale & la Princeffe Augufte ;
des deux côtés étoient les autres enfans du
Roi chacun fuivant fon âge. Le Docteur
Moore , Archevêque de Cantorbery , fit la
cérémonie . Le Prince de Galles , la Princeffe
Royale & la Princeffe Augufte , tinrent fur
les Fonts la jeune Princeffe qui fut nommée
Amelie.
Le Public paroît généralement fatisfait des conditions
de la paix avec la Hollande , & fur - tout
de la conſervation de Negapatnam . Cette place
par fa pofition avantageufe coupe toute communication
entre les Hollandois & les Indiens , &
( 24 )
:
met les Employés de la Compagnie a portée
d'épier toutes les négotiations & les mefures qui
pourroient être contraires aux intérêts de la G. B.
Négapatnam fait d'ailleurs uncommerce intérieur
très riche fur les deux rivieres qui baignent les
murs , & d'ailleurs cette place commande le pays
de Tanjaour , ainfi que les poffeffions du Nabab
d'Arcate , qui doivent être furveillés de près tant
que l'Angleterre voudra avoir des poffeffions territoriales
dans l'Inde.
La paix ne fera proclamée publiquement
avec les formalités ordinaires , que lorfque
le Traité définitif avec la Hollande fera figné ,
& on affure que cela ne fera pas long.

Le choix que la Cour a fait du Chevalier
Linefay pour commander dans la méditerranée
eft univerfellement approuvé. Cet Officier a
beaucoup de fortune , l'efprit des affaires & une
grande expérience comme marin . Le jour de
fon départ n'eft point encore fixé ; mais toutes
les lettres des ports difent qu'on travaille fans
relache à l'armement des vaifleaux qui n'ont pas
encore joint l'efcaire à Spithead . Les troupe s
qui doivent paffer à Gibraltar font raffemblées
& prefque toutes embarquées : les Colonels ont
fait tout ce qu'ils ont pu pour porter Jeur corps
au complet avant leur départ . Les lettres de
Portſmoulth du 9 parlent d'un Seigneur Ruffe qui
a déjà paffé quelque temps dans ce port , & qui
fe propofe , difent - elles d'aller bientôt à
Lisbone. On attend , dit- on à Gibraltar l'efcadre
de Cronftad ; & le Gouvernement déter .
miné à garder la neutralité la plus ftrice entre
la Ruffie & la Porte , a envoyé dans ce port l'ordre
de donner aux vaiffeaux de l'Impérarrice
tous les fecours compatibles à cette réſolution .
( 25 )
Le traité de commerce entre l'Angleterre &
cette puiffance expire cette année ; on s'occupe
à préfent de le renouveller .
Selon des lettres de Gibraltar , les débris
des batteries flottantes qui ont coulé bas ne
fe trouvant que cinq ou fix pieds fous l'eau ,
le mouillage du vieux mole elt devenu trèsdangereux
.
La pêche de Groenland a eu cette année un fuccès
peu commun, & fort au- deffus de celui qu'elle
avoit eu dans aucune faifon pendant les 40 dernieres
années. On en peut juger par le nombre
des baleines prifes par les vaiffeaux Anglois employés
à cette pêcherie. Ni les Hollandois , ni les
François , ni les Danois , ni aucune autre Nation
n'ont fi bien reufli ; on l'attribue à la perfection .
que nous avons donnée à la maniere d'équiper les
vaiffeaux & d'employer les harpons . Le nombre
des vailleaux & des baleines prifes eft le fuivant ,
19 batimens de Londres ont pris 107 baleines ;
5 de Newcastle 26 ; 2 de Hull 11 ; 3 de Liverpool
19 ; 1 de Topsham 7 ; 5 de Briſtol 27 ;
de Lancaſter 9 ; i de l'Ifle de Mann 8 ; 1 de
Dartmouth ; 6 de Leith 34 ; 3 de Dundée 29 ;
2 d'Aderdcen 16 ; 2 de Borowiłowneff 12 ; 1 de
Glafgow; 2 d'Orkney 11. Totaux , so bâtimens,&
330 poiffons . Cette pêche mérite l'attention
du Gouvernement ; à la faifon prochaine on
peut augmenter le nombre des vaiffeaux , & employer
à ce commerce feul près de 2000 Matelots .
Parmi les traits finguliers que préfentent
quelquefois ces papiers , en voici un qui s'eft
paffé derniérement au Tribunal du Old Bailey.
La nommée Marie Lewis , condamnée à mort
comme complice de faux monnoyeurs , a ob-
No. 40. 4 Octobre 1783 .
b
( 26 )
tenu fa grace , fous condition d'être transportée
pour 7 ans ; lorfqu'on lui a annoncé cette faveur
, elle a déclaré qu'elle y renonçoit , &
qu'elle aimoit mieux mourir que de quitter fon
pays natal pour aller vivre dans un autre dont
les habitans lui feroient étrangers . Les Juges
l'ont renvoyée en prifon pour lui donner le
temps de réfléchir fur le choix qu'elle a à faire ;
& on trouve affez fingulier qu'elle héſite entre
la tranſportation & la potence . Le nombre des voleurs
eft prodigicufement augmenté depuis quelque
temps ; en parcourant les regiftres du Old
Bailey on ne voit aucun exemple d'un fi grand
nombre de coupables jugés & condamnés à ce
Tribunal que pendant la feffion actuelle .
Peu d'étrangers étant informés que l'on
ne vend rien en Angleterre qu'à force d'avertiffemens
; que ces avertiffemens coûtant
beaucoup , les perfonnes qu'ils chargent de
vendre pour leur compte les épargnent , ce
qui nuit au débit : on les prévient qu'il va
s'établir à Londres un entrepôt , où , indépendamment
de la vente de toutes fortes de
marchandifes étrangeres , on fe chargera
d'ouvrir des foufcriptions pour les objets qui
en font fufceptibles , tels que Nouveautés
en eſtampes , Livres &c . qui feront annoncés
fans frais avec tous les articles que l'entrepôt
annonce pour fon compte. Pour participer
à cet avantage , on s'adreffera à M. de
la Boulie à Calais , en affranchiffant les lettres .
FRANC E.
DE VERSAILLES , le 30 Septembre.
La Comteffe de Malet a eu l'honneus
( 27 )
d'être préfentée à L. M. & à la Famille
Royale par la Comteffe de Mellet.
Le Prince héréditaire de Heffe - Darmſtadt
a eu , le 23 de ce mois , l'honneur d'être préfenté
au Roi par le Comte de Vergennes ,
Chef du Confeil Royal des Finances , Miniftre
& Secrétaire d'Etat ayant le département
des affaires étrangeres , & a eu de S. M.
une audience particuliere à laquelle il a été
conduit par le fieur de Tolozan , Introducteur
des Ambaffadeurs.
DE PARIS , le 30 Septembre.
Le départ de la Cour pour Choify eft fixé
au 4 du mois prochain ; de-là elle ira à Fontainebleau
, & la Reine s'y rendra par cau
dans le yacht de M. le Duc d'Orléans , qui
eft plus commode que les gondoles de Choify.
Madame , fille du Roi , eft du voyage ; Monfeigneur
le Dauphin le paffera à la Muette.
Le premier Spectacle fur le théatre de Fontainebleau
eft fixé au 11 , en attendant les
répétitions des Operas de MM. Piccini &
Sacchini fe font aux menus plaiſirs , où elles
attirent beaucoup de monde.
M. le Chevalier de Vigny s'eft rendu , diton
, à Morlaix pour purger fa contumace ; &
il produit fes moyens de défenfes pour la
réviſion de fon procès. Le Confeil de guerre
del'Orient , ſera retardé juſqu'après que cette
affaire aura été décidée .
On a renvoié au 10 du mois prochain , c'eſt - àdire,
à une autre marée , écrit on de Cherbourg ,
b 2
( 28 )
le tranfport de la grande cage , préparée ici pour
être coulée à une lieue en mer dans l'endroit où
doit s'élever un fort qui protégera la rade . Le
mauvais temps a empêché les gabarres & autres
bâtimens , qui devoient fervir au tranſport de
cette grande machine , de fortir du Havre à la
derniere marée . Le fuccès de cette entrepriſe ,
auffi hardie que difpendieule , paroît toujours
douteux à bien des gens ; mais il fera toujours
beau de l'avoir tentée . Celle de Rome pour le
déplacement des chevaux du Quirinal paroifloit
folle auffi , furtout lorfque le premier effai eut
manqué ; il n'y eut forte de pafquinades qu'on
ne fe permit contre l'archite&te & contre les pro
tecteurs. Cependant on vient d'apprendre qu'un
nouvel effai , fait le 1 de ce mois , a complettement
réuffi : l'Architecte a tenu parole ; & pourquoi
n'auroit-on pas le même fuccès à Cherbourg?
>
M. le Dru , plus connu fous le nom de
Comus , ayant continué fes cures merveilleufes
, par le moyen de l'électricité , dans le
petit Hofpice que M. le Lieutenant- Général
de Police lui avoit procuré , va former , par
la munificence du Roi un établiſſement
fixe . S. M. lui a donné , pour bâtir un hôpital
, les terreins vagues près l'ancienne maifon
des Célestins près l'Arfenal. On fait que ,
l'épilepfie ne réfifte pas à fon traitement , il
la guérit radicalement quelque invétérée
qu'elle foit. La médecine n'avoit obtenu
que rarement de pareils fuccès .
Selon des lettres d'Efpagne , le Courier ,
porteur du Traité de paix , arriva à S. Ildefonfe
le Lundi 8 de ce mois au matin , c'eftà-
dire , en 4 jours & 20 heures ; cela paroit
( 29 )
au moins extraordinaire lorfqu'en calculant
la longueur du chemin on voit qu'il a fallu
qu'il ait fait à- peu- près trois lieues par heure.
L'Exprès qui nous a anoncé le déſaſtre des
batteries flottantes , vint de Madrid en 4
jours 22 heures ; & il y a environ 26 ans ,
qu'on en vit arriver un en 4 jours 9 heures.
Voilà, dit- on,les feuls exemples d'une courfe
ſi longue faite , ainfi que celle d'aujourd'hui ,
avec une viteffe auffi extraordinaire .
Le 20 Août dernier , entre 7 & 8 heures du
matin , la foudre tomba fur la maifon Curiale
de la Paroiffe de Troches ; elle la parcourut ,
endommagea la couverture & les murs , fans faire
aucun mal à neuf perfonnes qui s'y trouvoient
dans différens appartemens. La foutre en tombant
fur la maison paroît s'être partagée en deux ,
puifqu'elle a fait deux ouvertures fur les toe ,
féparés par un tuyau de cheminée ; elle a brité
d'un côté trois chevrons , a fendu le mur , a pénétré
dans une chambre au- deffous du grenier ,
a fracaffé un ciel de lit , & paffé par la fenêtre
qui donne fur la place. L'autre partie de la foudre
a brifé un chevron qu'elle fuivi jufqu'au
mur , qu'elle a fendu auffi dans une autre partie
, eft defcendue dans la même chambre , a
paffé derriere la chaife du Curé , affis le long
du mur avec trois femmes occupées à charpir de
la laine. En fortant de cette chambre , elle eſt
defcendue dans le falon , paffant entre le mur
& la tapifferie , est entrée dans la cuiſine où étoient
quatre perfonnes , a paffé fous la chaife du V.-
caire , à qui elle a donné une commotion aux
jambes , a mis toute la cuifine en feu ; rentrée
dans le falon , & de- là dans la chambre cù
étoit le Curé qui faifoit fes prieres , & à qui elle
b3
( 30 )
ne fit d'autre mal qu'une frayeur dont il n'a pu
revenir encore elle laiffa partout une puanteur
infupportable. Ce moment paffé toutes les perfonnes
fe réunirent au Curé pour rendre à Dieu
des actions de graces d'avoir échappé auffi heureufement
à un fi terrible évenement.
M. l'Evêque de Boulogne- fur- Mer a faifi
la premiere occafion qui s'eft préſentée de
faire l'éloge de Benoît-Joſeph Labre , né dans
fon Diocèfe , & mort , il y a trois mois , à
Rome , en odeur de fainteté. C'eſt dans un
Mandement où il ordonne des Prieres publiques
pour la confervation des biens de
la terre , qu'on trouve quelques articles concernant
ce faint perfonnage ( 1) .
A la fuite de ce Mandement , on lit la traduction
françoire de l'infcription latine , mife avec
l'approbation du S. Siege , fur le cercueil de
B. J. Labre , & 2 lettres écrites à M. l'évêque de
Boulogne par M. Fontaine , chargé à Rome des
affaires de la Congrégation de la Miffion dont il
eft membre. Il dit dans la derniere , datée du 4
Juin de cette année , qu'on parle d'une multitude
innombrable de miracles opérés fur le tombeau
du ferviteur de Dieu , & par l'application de fes
images ; qu'un événement , qui peut être regardé
comme le plus grand & le plus précieux de
tous les miracles , et la converfion d'un Anglois ,
ci -devant miniftre à Boſton , homme très - inftruit
(1 ) L'ouvrage favori de B. J. Labe étoit le recueil
des fermons du P. Jeune , dit l'Aveugle . On en trouve
des exemplaires chez le fieur LAPORTE , rue des
Noyers , 10 vol. in - 12 , br . 25 liv, & 30 liv. reliés .
( 31 )
& très éclairé , qui ayant pouffé la curiofité juf
qu au point de rechercher par lui -même les preu
ves ie plufieurs guérilons opérées par l'interceffion
de ce terviteur de Dieu , étoit arrivé à ſe
convaincre de la réalité de plufieurs ; qu'en conféquence
il s'étoit fait inftruire , & qu'il avoit
fait abjuration , le dimanche avant la date de
cette leitre . M. Fontaine ajoute qu'on avoit commencé
, le 4 Juin , le procès de béatification , &
qu'il étoit étonnant de voir le zele avec lequel
le public s'empreffoit de contribuer aux dépens
fes néceffaires pour les informations .
Le College de Pharmacie , dans fa Séance
publique du 4 de ce mois , a fait à fes Eleves
la diftribution des Prix fondés par M. Le
Noir , Lieutenant-Général de Police.
Celui de Chymie a été donné à M. Louis-Jean
Hardy , de Val - Saint Pere , dioceſe d'Amiens ,
éleve de M. Guiard ; celui d'hiftoire naturelle à
M. Vincent Rebouel de Montpellier , éleve de
M. Mitouard , qui avoit eu l'année derniere le
feul prix qui fut diftribué , & qui étoit celui de
Chymie ; le premier de Botanique a été donné
à M. Jean - Baptifte Rouffeau de S. Yrien en Limofin
, éleve de M. Guiard , dont le fils a obtenu
le fecond .
Dans cette Séance , il a été fait plufieurs
lectures intéreffantes. M. Quinquet , entr'autres
, en a fait une d'un Mémoire fur des expériences
très - curieufes , fur lefquelles on
nous faura gré d'entrer dans quelques détails .
L'objet de fes expériences eft de former la
pluie , le givre , la neige & la grêle , par le
moyen de l'électricité . Elle eft la caufe du tonb
4
( 32 )
nerre. On avoit conjecturé , & entr'autres M. Argand
, Phyficien de Geneve , qu'elle était également
la caufe de la grêle ; mais il reftoit à le
démontrer , c'est ce que fait M. Quinquet. Lorfqu'il
fe rencontre deux nuages électrifés , l'un en
plus l'autre en moins , la tendance du fluide élec
trique à fe mettre en équilibre fait que le nuage
électrifé en plus décharge la furabondance qu'il
a de matiere électrique dans le nuage électrifé
en moins , & les deux nuages fe confondent. C'eft
ce choc , cette réunion , cette reftitution fubite
qu'un nuage fait à l'autre de la furabondance
de matiere électrique , qui produit tous les météores
aqueux. Si l'effet a lieu dans la région
moyenne & chaude , il en résulte de la pluie . Si
F'eau eft dans l'état de vapeurs au lieu d'être en
maffe comme elle l'est dans les nuages , alors it
fe forme du givre , de la neige & quelquefois de
la neige & de la grêle tout enfemble. Maintenant
paffons aux expériences & voyons tous ces
météores formés non pas dans l'atmoſphere ,
dans l'appareil électrique de M. Quinquet . Il a un
bain d'eau froide à 18 dégrés & demi au - deffous
de zéro. Il y place un vafe de cryſtal rempli
d'eau. Il y décharge une grande quantité de matiere
électrique , que fur le champ il foutire pour
la reftituer au réfervoir commun , c'est- à-dire
bain d'eau froide ; enforte que la matiere électrique
n'a fait que paffer à travers l'eau du vafe.
C'eft cette intromiffion & cette fouftraction , enfin
ce paffage fubit du fluide êlectrique dans
l'eau , qui en opere la converfion en grêle . Ce
vaiffeau contient abfolument le même réſultat
que fi , dans un tems de grêle , on l'eût placé
au milieu de l'atmosphere ; il feroit empli de
grêlon & d'eau . C'eft de la pluie qu'on obtiendra
au lieu de grêle , fi l'expérience fe fait dans
mais
au
( 33 )
une température moyenne. M. Quinquet imbibe
d'eau à cet effet une corde de coton , ce qui repréfente
l'eau foutenue dans le nuage. Il foumet
cette corde au fluide électrique , & du moment
où il a déchargé la furabondance de fa matiere
électrique fur ( ce nuage artificiel , le coton fe
refferre & exprime fon eau fous forme de pluie.
pour imiter le givre , il a fait paffer de l'eau réduite
en vapeur dans un récipient , expofé dans
le bain froid à 18 dég .. A l'inftant l'intérieur
du récipient a été couvert de véritable givre ;
dans le progrès de l'expérience il s'eft formé une
quantité de neige telle que le vaiffeau n'a pas
tardé à en être rempli , & fur le champ cette
neige a été convertie en grêle, en déchargeant ,
comme dans les expérience précédentes , une
quantité de matiere électrique à travers le vaiffeau
qui contenoit cette neige . Sur treize expériences
pour la converfion de l'eau en grêle , il
n'y en a que deux qui aient complettement réuffi ,
il en eft peut être de même , & fort heureuſement
, dans la nature , c'eft à dire qu'il y a pour
elle , comme pour le Phyficien , un mode diffi .
cile à faifir dans cette reftitution de la matiere
élefrique d'un nuage à l'autre , mode dans lequel
la grêle n'a pas lieu . Une conféquence que M.
Quinquet tire de fes expériences , eft que nous
pouvons, par le moyen du paratonnerre , préſerver
nos édifices de la foudre ; mais ces pointes qui
fuffisent pour foutirer la matiere électrique des
nuées ne peuvent pas agir jufques dans les régions
plus élevées où fe forment les orages . Peut - être
a Machine Aëroftatique de MM. de Montgolfier ,
difpofée de maniere à faire conducteur , pourroit-
elle , fufceptible comme -elle l'eft de s'élever
à des hauteurs confidérables , aller fouftraire aux
nuages les plus exhauffés leur matiere électrique
bs
( 34 )
13
qu'elle rapporteroit dans un baffin , un puits , un
ruiffeau , une riviere , qui ferviroient de réſervoir
à la matiere électrique , & préferver par ce moyen
nos vignobles , nos champs des effets de la grêle ,
plus dommageables cent fois que ceux du tonnerre.
Cette application , fi des expériences en grand.
en juftifient le fuccès , eft déjà une réponſe à cette
demande à quoi bon la Machine de MM. de
Montgolfier ?
Cette queftion fur l'utilité de la machine
aëroftatique fe fera vraiſemblablement encore
long -temps. Et on ne doit pas en être étonné,
fi l'on confidere la fermentation qu'elle caufe
dans bien des têtes , & les fpéculations auxquelles
elle donne lieu ; les vrais Phyficiens
s'attachent à fuivre les expériences , & à réfléchirfur
leurs réfultats. Les imaginations vives,
à qui il ne faut que des preuves données,vont
plus loin , & forment des fpéculations . Plufieurs
ne voient dans le fecret de s'élever en
l'air qu'une poflibilité d'y naviguer.Cette idée
paroît avoir féduit déjà bien du monde ; & le
nombre de ceux qui s'offrent pour s'expofer
les premiers à cette expérience délicate & périlleufe,
augmente tous les jours ; un homme
inftruit , après avoir raiſonné fur la machine ,
préfente ainfi les applications qu'il croit qu'on
en peut faire.
» Puifque le Globe s'éleve avec affez de force
pour porter avec lui un autre corps pefant ,
effayons de mettre à profit cette force fuperflue ;
fuivons ce Globe dans les airs , faiſons- en augmenter
& diminuer le volume à volonté , & nous
parviendrons à monter & de cendre fans inconvésient
dirigeons enfin la marche de ce Globe ,
( 35 )
profitons du calme & du vent , & nous pourrons
facilement nous tranfporter d'un pays dans un
autre ; voici les moyens qui me paroiffent devoir
réuffir. Pourremplir le premier objet , il fuffira de
fixer un fort tuyau de cuir aux deux parties fupérieure
& inférieure du Globe ; ce tuyau foutenu
par quatre cordages , dans toute la longueur ,
fera prolongé , dans la partie inférieure hors du
globe ; c'eft - là qu'il fera divifé en quatre rameaux
, dont chacun fera également foutenu par
quatre petites cordes ; mais la partie qui traverfera
diamétralement le Globe , fera percée d'une
multitude de trous , afin que le gaz ou la fumée
puiffe s'introduire & fortir librement du Globe.
Les quatre rameaux aboutiront dans un réſervoir
établi au fond d'un léger vaiffeau cylindrique ;
dans ce réſervoir hermétiquement fermé , feront
pratiqués deux corps de pompes , fort légers ,
afpirans & foulans , à doubles pédales ; deux des
rameaux ferviront à évacuer à l'aide des pompes
& des foupapes , l'air du Globe , & le porter dans
le réſervoir du vaiffeau cylindrique ; & quand on
voudra le reftituer au Globe , on n'aura qu'à ouvrir
à volonté un ou deux robinets qui feront fixés
aux deux autres tuyaux. On pourra fixer une loupape
de fureté , qui eft indifpenfable dans tous
les cas à la partie fupérieure du grand tuyau de
cuir , nourricier de la machine. Le moyen
de fe diriger fera d'adapter fixement au vaiffeau
cylindrique un long gouvernail , fitué verticalement
fur la hauteur du vaiffeau ; ce gouvernail
qui fera la fonction d'une girouette , tiendra tou
jours la ligne du vent : un fecond gouvernail
beaucoup moins grand , fera pofé hors du vaiffeau
cylindrique , diamétralement en face du premier ;
ce dernier fera mobile & armé d'un petit levier
qui agira horizontalement fur un arc divifé , &
b 6
( 36 )
1
fervira à aller obliquement , fuivant les vents ;de
forte qu'il fera poffible d'aller avec le même vent
auffi bien deParis àLondres , que de Paris àVienne.
Quant au moyen de profiter du tems calme, il fuffira
de défaire le gouvernail de l'avant , & de l'enchaîner
de maniere que le Globe qu'on chargera d'air à
volonté , venant à s'élever , y tiendra une ligne
oblique , proportionnée à l'élévation verticale
du gouvernail ; & lorfqu'on voudra defcendre ,
afin de continuer route , on changera le gouvernail
dans une inclinaifon oppofée à la premiere ,
& on pompera l'air : de cette maniere , on ira
très-vite & où l'on voudra , par un tems calme .
Quant au moyen de fe préferver de l'effet de l'air:
on pourra furmonter le vaiffeau cylindrique d'un
vitrage , pouvant s'ouvrir & fe fermer à volonté ;
& fi l'on fait ufage , dans la maifon cylindrique
d'un ventillateur , dont je donnerai le détail , on
pourra fe procurer une température à - peu - prèségale
à toutes les hauteurs , en infpirant ou expirant
à volonté l'air atmosphérique. Ma propoff
ion trouvera des antagonistes mais fi Fon
veut en faire la dépenfe , j'offre de faire établir
la machine , & d'en conflater par moi - même le
fuccès aux yeux de la nation .
Il faut joindre à un grand goût pour les
progrès des fciences & des découvertes , un
courage qui mérite fans doute des éloges
pour s'expofer à cet effai ; l'accident arrivé au
coq qui étoit dans la cage attachée au globe
qui a fervi à l'expérience de Verſailles le 19
de ce mois , peut être à craindre. En attendant
que cet enfant nouveau - né ait reçu l'éducation
qu'il doit avoir , & avant laquelle , felon
un homme célebre , on auroit tort de juger
( 37 )
s'il vaudra quelque chofe ou rien , nous placerons
ici une fable charmante & pleine d'un
grand fens , qui eft la meilleure réponſe que
l'on puiffe faire à toutes les ſpéculations de
ce genre . Elle a pour titre , la Carpe & l'Oie.
Une Oie , un jour , toute ébahie ,
A la Carpe s'en vint conter
Qu'on avoit vu dans l'air certain vaiffeau monter ;
Que cette région alloit être envahie.
C'est l'homme , il n'en faut point douter ,
Qui conftruit de telles machines :
Les Oiseaux , ma Commere , ont tout à redouter ,
S'il peut de près fur eux exercer les rapines.
La Carpe avoit trente ans ; c'est l'âge de raiſon
Ou jamais. Va , lui dit cette bonne cervelle ,
Va confier ta peur , ma mie , à quelque Oiſon .
Au haut des airs la machine tient - elle ?
Oh ! non.
Elle vole & retombe , encore telle quelle :
Du moins , chacun dansde canton ,
Rapporte ainfi la chofe. Eh bien donc , que
craint-on ?
Autant vaudroit que l'homme , avec quelque
machine ,
Effayât de voguer , ma mie , entre deux eaux !
De ce vafte élément nous fommes les oiſeaux :
Qui fait jufqu'où va l'autre & ce qui le termine ?
Partant , demeurez en repos.
Si , comme fur le dos de la plaine liquide ,
Ce Tyran fur celui de l'air
Il
Parvenoit à conſtruire un bâtiment folide ,
feroit porté , comme il l'eft par la mer ,
Lorfque l'avarice l'y guide.
y
Mais , quoique dans l'air il foit né ,
Ainfi que nous au fein de l'onde ,
Quoiqu'il s'ofe vanter d'être le Roi du monde ,
( 38 )
Il eft par fa nature à la terre enchaîné ;
Et , plus que vous & nous borné ,
Loin qu'il puiffe de l'air atteindre la furface ,
D'en franchir feulement un médiocre efpace ,
Le pouvoir , comme à vous , ne lui fut pas donné.
Pour remplir les defirs , auffi trompeurs qu'avides ,
Il plonge quelquefois dans nos grottes humides ,
Je le fais ; mais voit-on qu'il y refte long- temps ?
Va , crois que , malgré fon audace,
S'il prétend pénétrer la région des vents ,
Il n'y tiendra pas plus en place.
DE BRUXELLES , le 30 Septembre.
On mande de Zutphen que lorfque les
Etats de cette province affemblés extraordinairement
eurent accédé à la réſolution de la
province d'Hollande relativement à la paix ,
M. Chapelle de Marfch en laiffant paffer
cette réfolution , fit infcrire fur les regiſtres
des délibérations la note fuivante qui fut également
fignée par le Baron de Nyvenheim
& fes deux fils , les Barons de Lynden ,
d'Oldenaller , & Zuylen de Nyeveld .
» Vu la fituation critique & déplorable , où la
République fe trouve plongée , & qui doit uniquement
fon origine à la perfide influence que
la G. B. a fu fe procurer fur tout notre système
polit que , ( influence , qui ébranle encore aujourd'hui
notre conftitution jufques dans fes fondemens
, & qui , fi elle n'eft arrêtée efficacemert
& anéantie par cette nation trop long-tems
irritée , entraînera certainement la ruine affurée
de notre patrie ) ; la continuation d'une guerre
jufte de notre part , mais qui nous a été déclarée
de la maniere la plus injufte , feroit fans doute
( 39 )
le moyen le plus propre à réprimer un ennemi
étranger , déja épuifé par une longue guerre ,
& pour écrafer à jamais cette cabale pernicieuſe ,
qui , fixée au milieu de nous , a concouru avec
lui à couper l'artère vitale à notre liberté & à
notre bien être . Pour cet effet , notre nation auroit
affez de courage & affez de reſſources : Oui ,
notre république fe trouveroit abondamment en
état d'y fuffire , fi la même influence ruineufe ne
faifant échouer toutes les mesures qu'on prendroit.
dans ce deffein ; c'est pourquoi il ne reste à notre
patrie tourmentée & maltraitée d'autre parti ,
que d'accepter dès ce moment la paix , telle
qu'elle eft préfcrite , & déja arrêtée entre les
puiffances belligérantes , pour prévenir une alternative
encore plus pernicieufe , notamment le
renouvellement des anciens traités avec l'Angleterre.
Quant à nous , nous laifferons paffer , fans
donner notre fuffrage , la conclufion pour le joindre
à cet égard à la réfolution de la Hollande :
mais , refponfables à la nation , aux générations
préfente & future , nous ne faurions jamais donner
notre aveu à la fignature d'une paix fi ruineufe
& fi flêtriffante. Et à cet égard , N. &
P. S. , nous agiffons conformément au fyftême ,
que nous avons déclaré fi fouvent en cette affemblée
, relativement à l'adminiſtration des affaires.
De concert avec d'autres membres de la confédération
, nous n'avons ceffé d'infifter , pour
qu'il fût effectué une alliance formelle avec la
France ; alliance , qui , fi elle eût pû avoir lieu ,
nous auroit garanti d'une fituation auffi humiliante
nous avons préfagé les fuites , qui réfulteroient
de la réfolution d'accorder les convois
avec limitation , ainfi que du délai qu'on a mis à
accéder à la neutralité- armée qui nous avoit été
offerte ; 'nous avons fait des plaintes itératives fur
( 40 )
-
l'inactivité fi furprenante , & fur la mauvatfe
direction de notre marine , dont l'effet devoit
être naturellement , qu'on mît l'ennemi à même
d'exécuter fes deffeins : à l'égard de la non-exécution
de l'expédition pour Breft , nous nous
fommes déja expliqués dans le temps ; & nous
avons confidéré la défobéiffance qui a eu lieu en
cette occafion , comme le fymptôme du danger ,
dont un pareil procédé menaçoit la dignité , le
falut même de la république , à moins qu'on ne
prît ſur le champ les mefures les plus efficaces
à ce fujet. Mais qu'eft-il befoin de parler plus
au long de cette direction de la marine , qui a vifiblement
choqué toutes les regles ? Ce qui vient
de fe paffer tout récemment , en mettant plufieurs
vaiffeaux de guerre hors de commiffion , & en
congédiant un nombre confidérable de matelots
experts , au moment que la république étoit encore
en guerre contre un ennemi perfide ,
procédé prouve plus que fuffifamment , que les
Toupçons de la nation entiere ne font que trop .
bien fondés . Nous laiffons donc les fuites de cette
malheureuſe paix pour le compte de ceux qui en
ont été les caufes premieres. Que ceux- là juftifient
leur conduite près de la nation , qui ne fe
laiffe pas contenter par des juftifications volumineuſes
, mais forcées , & qui fait apprécier à leur
jufte valeur tous les efforts finceres pour le falut
de la patrie ! Pour nous , nous aurons foin de laver
notre conduite devant fon tribuual ; & à cette
fin nous réservons notre annotation ultérieure.
- се
La République , qui n'attribue les malheurs
de la derniere guerre & les traitemens
qu'elle a effuyés qu'à la foibleffe dans laquelle
fe trouva d'abord fa marine , & enfuite à la
mauvaiſe direction de ce Département , fe
propofe d'y remédier pendant la paix.
( 41 )
Les Etats de Hollande , par leur réfolution
du 27 Août dernier , avoient ordonné aux Colleges
d'Amirautés réfidants dans la province , de
rendre compte à L, N. & G. P. le plus promptement
poffible , de l'é at actuel de la Marine , tant
pour ce qui regarde le nombre & le rang
des
vaiffeaux , que leurs équipages , des raifons pour
lefquelles on a congédié 1200 marins , & en vertu
de quel ordre on l'a fait avant qu'on fût certain
de l'iffue des négociations de paix . Le College
de l'Amirauté de la Meufe a fatisfait fur le champ
à cette requifition ; il a montré qu'il avoit encore
en fervice , & bien équipés , & vaiffeaux de 60
canons , I de 50 , 3 de 40 , 3 de 36 , un de zo ,
I briq de même force , 2 corvettes de 20 canons
auffi , & une de 12 ; il n'a défarmé que les vaiffeau
de garde , conformément à la réfőlution de
L. H. P. Quant à l'Amirauté d'Amfterdam , elle
n'a fait qu'une réponſe évafive , en difant qu'il
ne lui étoit pas poffible de fatisfaire auffi - tôt
qu'elle l'auroit défiré aux ordres de.L. N. & G.
P. , vû la quantité de papiers qu'elle avoit à
extraire. Les Etats de Hollande ont en conféquence
écrit à ce College de répondre , dans la
huitaine à leur réfolution da 27 Août , & particulierement
fur l'article du licentiement des
marelots. >>
Selon d'autres lettres de la Haye , on dit
que les articles préliminaires entre l'Angleterte
& la République feront inférés dans le
traité de paix , & que dans trois ou quatre
femaines tout fera conclu entre les deux
Priflances.
Il circule ici des copies d'une lettre de
Varfovie en date du 25 Août , que nous
nous contenterons de tranfcrire.
( 42 ) t
« Les papiers publics vous ont appris que les
Ruffes ont occupé la Crimée , le Cuban & l'Ifle
de Taman ; les armemens des Turcs n'en vont
pas plus vite , & les Ruffes fe préparent à une
campagne d'hiver. Les troupes Impériales font
également en mouvement & en marche vers les
frontieres de la Turquie ; les Ottomans continuent
d'être circonfpects , & évitent de donner aucuns
prétextes plaufibles de les attaquer . Ils ont ra
femblés en Afie 100 , 000 hommes qui marchent
par la Géorgie , & fe dirigent vers la mer noire
on compte ici que dans le moment actuel , il y
a eu des coups de fufil tirés & des têtes coupées :
car le Prince de Repnin a , dit-on , ordre de marcher
à Andrinople , avec un corps de 30 , 000
hommes , fans s'arrêter à aucunes fortereffes ; il
fera approvifionné par les Autrichiens , au moyen
du Danube. 30 , ooo hommes font devant Oczakow
, & une armée d'obſervation occupe cette
contrée ; une autre attend les Turcs qui viennent
d'Afie. P. S. Dans l'inſtant Vannrende la
confirmation du projet incroyable dont on veut
que le Prince de epnin foit chargé. Le Comte
de Soltikow doit affurer les derrieres ; mais il y
a à Oczakow , à Bender , Choczim & dans les
fortereffes fur le Danube plus de troupes qu'il
n'en faut pour s'oppofer â la marche de ce corps ,
& le harceler de tous côtés.

PRÉCIS des Gazettes Angl. autres étrangeres.
Plufieurs Papiers prétendent que le Cabinet
eft divifé au fujet de la Guerre qui paroit prête à
éclater entre les Ruffes & les Turcs ; ils difent
que M. Fox , dans un moment où il fe livroit
à fa gaieté avec les amis a laiffé échapper
quelques mots , d'après lefquels on a conclu qu'il
étoit feul d'avis dans le Confeil qu'on aidât la
Ruffie du mieux qu'on pourroit.

( 43 )
On affare quil eft abfolument faux que les négociations
pour le Traité de Commerce avec
l'Amérique foient rompues. M. Hartley est donc
venu à Londres pour prendre de nouvelles inf
tructions fur un point de difcuffion ; il eft certain
qu'il partira fous peu de jours. Il y a toute
apparence que cette affaire fera terminée dans
peu , & à ce qu'on efpere d'une maniere favorable
aux intérêts de l'Angleterre .
Le Vaiffeau le Financier , Capitaine Lobeck ,
a coulé bas auprès de Scilly. On raconte de ce
Vaiffeau qu'il portoit ci - devant le nom de Lord
North arrivé à Charles Town , ce nom a bleffe
les oreilles des Américains , qui ont exigé du
Capitaine qu'il le changeât, & celui - ci a été obli
gé d'y confentir pour obtenir la permiffion de
débarquer fes marchandiles , avec le quelles ,
fans cette complaifance , il auroit été obligé de
s'en retourner.
La Compagnie des Indes reclame , dit on , une
fomme de 7000 liv . fteriings fur la fucceffion du
malheureux Ryland .
Sa Majefté prenant un jour de la ſemaine derniere
l'air à cheval , à environ cinq milles de
Windſor , rencontra une meute de chiens au
milieu de la forêt ; c'étoit une Chaffe ; elle voulut
y prendre part ; en la fuivant elle s'approcha
d'une riviere peu- large , mais profonde , dont le
pont n'avoit qu'un parapet ufé ; fon cheval fauta
dans l'eau , & avec fon fardeau précieux fur le
dos ; le danger étoit éminent , par la profondeur
& la rapidité du courant ; mais les fecours du
zele & de l'attachement furent prompts , & cet
accident n'eut heureuſement d'autre fuite que
celle de caufer beaucoup d'effroi aux affiſtans .
Morning poft.
Le bruit fe répand qu'en conféquence des diffé(
44 )
>
rens élevés entrela Courde Naples & la république
de Ragufe ; la Chambre Royale à propofé de chaf
fer des Deux Siciles tous ceux de fes fujets qui
s'y font établis & d'interdire tout commerce
avec la république , commerce qui ne conſiſte
qu'en manteaux de Marinier qu'elle vend , &
pour lesquels elle ne prend en retour que de l'argent.
Gazette Univerfale de Florence Ѻ . 70 .
Dupuis 15 jours on parle ici ( à Madrid ) d'une
nouvelle alliance que le Portugal a contractée
avec la Maifon de Bourbon ; on avoit cru d'abord
que le traité conclu le 9 & le 13 Août n'avoit été
figné que par le Comte de Monmorin , Ambaffadeur
de France & le Marquis de Lourical, Miniftre
de S. M. T. F. Mais on prétend à préfent que
l'Eſpagne eft auffi une des Parties contractantes ;
le contenu du traité doit , dit-on , être encore tenu
fecret pendant 2 mois ; en attendant on affure que
c'en est un d'alliance & de commerce , par lequel
la Cour de Portugal en fe réuniffant à la Maiſon
de Bourbon accorde tous les avantages
dont la nation Angloife jouiffoit dans les prêts à
l'exclufion de toutes les autres nations. Même
Gazette.
Le bruit court que le Prince Evêque de Paffau
veut reliquer , & retourner à fon Evêché de
Gurck. Nouvellifte politique d'Allemagne , nº 147 .
GAZETTE
DES TRIBUNAUX
ABRÉGÉE ( 1).
PARLEMENT
DE PARIS , GRAND'CHAMBRE
.
Caufe entre la Marquife des Barres , la Vicomteffe de
la Bedoyere , & le Chevalier des Barres . Un
fils , après avoir exécuté pendant long- temps le
teftament de fon psre , en avoir requis l'homolo
garion en Juftice , eft -il recevable à l'arguer de
nullité ? En Bourgogne , les pres & meres
peuvent- ils difpofer inégalement de leurs biens par
-
( 45 )
teftament , & quelles formes font - ils obligés de
fuvre dans cet acte ?
Telles font les queftions importantes qui ont
été agitées dans cette Cauſe. Le Comte des
Barres , d'une très- ancienne Mailon de Bourgogne
, de la fucceffion de Cujus , eut de fon mariage
avec la Demoiſelle de Saint-Chamand trois
enfans mâles , Antoine - Claude , Marquis des
Barres , pere de la Vicomtelle de k Bedoyere ,
Partie au procès ; Jacques- Gabriel - Philippe des
Barres , Bailli de l'Ordre de Malthe , & Paul-
Henri- François des Barres , Chevalier non - profès
du même Ordre. Tourmenté du défir natu-
>
rel de laiffer un héritier de fon nom , capable
par fa fortune d'en foutenir l'éclat , il choifit le
Marquis des Barres , fon fils aîné , porta les deux
puînés dans l'Ordre de Malthe , maria l'aîné de
ce nom , lui fit , par contrat de mariage du s
Novembre 1747 , donation des Terres de Cuffigny
, Moua , Moutol & Priffey , lous referve
d'ufufruit ; & pour indemnité de la fufpenfion
de la jouiffance , lui donna la Terre de Riviere ,
fituée en Champagne , s'obligeant de loger ,
nourrir , & défrayer de tout dans fon Château
de Cuffigny , lui , fa femme , leurs enfants
leurs domeftiques & chevaux. Il fit enfuite , le
11 Avril 1749 , le teftament , dont le Chevalier
des Barres demande la nullité. - Par ce
teftament , il legue à la Dame , fon épouſe , l'ufufruit
de fes propres , fes acquets , fes meubles ,
fon argenterie , & tous les effets mobiliers , a
la charge , par elle , de payer les arrérages échus
& à échoir de ce qui fera dû à fon décès , &
de nourrir & entretenir , dans le Château de
Cuffigny , le Marquis des Barres , conformément
aux claufes de fon contrat de mariage ; enfuite
il a légué à Jacques Gabriel - Philippe , fon fe(
46 )
cond fils , 20000 liv. , pareil legs à Paul - Henri ,
fon troifieme fils , le Chevalier des Barres , &
inftitue Antoine-Henri - Claude des Barres , fon
fils aîné , ton héritier univerfel . Far un codicile
du 10 O &obre 1753 , le Comte des Barres ,
confirmant & approuvant fon teftament , réduifit
à 15000 liv . le legs qu'il a fait à fon fecond
& troifieme fils , à raifon , dit -il , des fommes
qu'il leur a payées pour leur acheter une
Compagnie . Il eft mort au mois de Juin 1755.
Le fecond fils ayant fait Profeffion dans l'Ordre
de Malthe , il n'y avoit plus que deux héritiers
habiles à fuccéder. Le troifieme fils , le
Chevalier des Barres , étoit alors à Malthe . Inftruit
de la mort de fon pere , il repaffa en
France ; mais déjà le Marquis , fon frere , avoit
fait lever les fcellés , mis fur les effets de la
fucceffion , & jouiffoit de tout fans avoir fait inventaire.
N Le Chevalier des Barres , de retour
, préfente , conjointement avec la Dame ,
fa mere , & le Marquis , fon frere , uue requête
au Bailliage de Nuits , par laquelle ils demandent
acte de leur confentement à ce que le teftament
& le codicile foient homologués & exécutés
fentence qui donne acte defdits confentemens
; ce faifant , après ia publication des actes,
déclare qu'ils demeureront homologués pour être
exécutés felon leur forme & teneur , & regiftrés
fur le registre. En 1759 , inventaire fait à
l'amiable entre la mere & fes enfans , tous majeurs.
Partage & liquidation tant des droits
& reprifes de la mere , que des droits des enfans :
liquidation , notamment des droits légitimaires
du Chevalier des Barres , qui donne quittance
des fommes qu'il reçoit . Mort de la Comteffe
des Barres en Juin 1764 , nouveaux actes de partage
& liquidation de tous les droits ouverts par
( 47 )
cette fucceffion , contenant de nouveaux acquiefcemens
& ratification des précédens & de la volonté
de la Dame des Barres , mere , qui legue
au Chevalier , pour fa portion légitimaire , la
meme fomme léguée par le pere. Quittance des
arrérages des principaux dûs pour lefdits droits
légitimaires , donnée purement & fimplement
par le Chevalier à fon frere aîné , depuis lef
dites époques jufqu'à la mort dudit frere aîné ,
arrivée en 1772. Le Chevalier des Barres , projettant
de revenir contre ces divers actes , ceffa
de donner à la veuve de fon frere des quittances
pures & fimples ; ce qui la força à le faire affigner
, pour voir ordonner l'exécution des actes
de partage & liquidation , & le payement des
arrérages , fur des quittances pures & fimples ,
finon ladite Dame autorifée à configner les fommes
qu'elle pourroit devoir. Pour réponse , le
Chevalier forma , le 16 Décembre 1772 , au Bailliage
de Nuits , une demande en ouverture & partage
de tous les biens délaiffés par le feu Comte
des Barres , fon pere , pour être , fa part héréditaire
, fixée & liquidée , d'après tous les inventaires
& titres dépendans de la fucceffion . -L'affignation
donnée au Bailliage de Nuits fut revoquée
au Châtelet , où , après les défenſes fournies
de part & d'autre , la nomination du Chevalier
des Barres au Prieuré de Sexte-Fontaine
le détermina en 1773 a ſe défifter jde ſes prétentions
: il écrivit à la belle- four , pour lui annon❤
cer fon défiftement , qu'il promit fous la parole
d'honneur. En 1780 , la perte de fes neveux
qui , feuls , pouvoient perpétuer fon nom , lui
fit concevoir un projet de mariage avec fa niece ,
pour empêcher l'extinction de fa Maifon ; mais
la difproportion d'âges y mit obftacle. Alors le
Chevalier fit revivre fes premieres prétentions ,
-
( 48 )
il commença par obtenir , le 16 Mars 1781 , une
Tentence du Châtelet , qui déclara l'instance de
1772 entre fa foeur & lui périe , & le 17 Mars
de la même année , il fit affigner fa belle- four,
au Parlement de Dijon. Sur l'appel par lui interjetté
de la fentence du Bailliage de Nuits ,
il en demanda l'infirmation , la nullité du teftament
& codicile de fon pere , & le partage de
fa fucceflion , ab inteftat . Alors la Com effe des
Barres interjetta appel de la fentence du Châtelet
de Paris , qui avoit déclaré l'inſtance de 1772
périe , & obtint Arrêt qui la déclara fubfiftante .
Elle obtint ainfi un fecond Arrêt du Parlement
de Paris , qui ordonna qu'il feroit procédé devant
lui fur l'appel de la fentence du Bailliage .
de Nuits ce qui fit naître une inftance , en
réglement des Juges , qui fut terminée par un
Arrêt du Confeil , du 28 Février 1782 , qui
renvoya les Parties en la Cour. A cette époque ,
mariage de la Demoifelle des Barres avec le Vicomte
de la Bedoyere : Arrêt d'évocation de la
demande formée au Châtelet par la Marquife
des Barres , belle-foeur : la cauſe ainfi en état ,
fut jugée le 15 Avril 1783 , en la Grand'-
Chambre , où il intervint Arrêt , qui , fans s'arrêter
aux requêtes & défenfes du Chevalier des
Barres , dont il eſt débouté , faiſant droic fur l'ap
pel de la fentence du Bailliage de Nuits , évoqué
en la Cour par Arrêt du Confeil , enſemble
fur celle du Châtelet de Paris , rendue en 1772,
déclare ledit Chevalier des Barres non -recevable
; ordonne l'exécution du teftament du Marquis
des Barres , enfemble de tous les actes de
partage & liquidation de la portion légitimaire
du Chevalier , fait , en conféquence , & conformément
à la fentence du Bailliage de Nuits ,
homologation dudit teftament , & rendue fur le
confentement mutuel des Parties , & condamne
le Chevalier des Barres aux dépens. 33815
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
DANNEMARCK.
D'HELSINGOR, les Septembre.
La parte Sund pours unter la Bal-
E premier de ce mois une Frégate Ruſſe
tique , & le 2 elle a été fuivie par deux Vaiffeaux
de guerre neufs de 60 Canons & 2
Frégates de 32 , venant d'Archangel & fe
rendant à Conftadt.
Les Commis de la Douane ont voulu
exiger des fix Navires François arrivés de
Riga le paiement des droits pour le bois
qu'ils avoient à bord ; mais le Conful de
France ayant refufé d'y fatisfaire , parce que
ce font des Vaiffeaux de guerre , qui comme
tels n'en doivent payer aucun , il n'a pas
été infifté.
On dit que le Roi de Suede , lorfqu'il partira
pour l'Italie , paffera à Copenhague , &
qu'il y fera une vifite à S. M. On affure que
dans ce cas , malgré l'incognito qu'il compte .
N°. 41. 11 Octobre 1783 .
1
( 50 )
garder , la Cour fe propofe de lui donne
des fêtes brillantes.
SUE DE..
DE STOCKOLM , le 6 Septembre.
On travaille aux équipages du Roi dont
le voyage pour l'Italie eft décidé , & paroît
fixé au premier du mois prochain. La fuite
de S. M. n'eft pas encore nommée ; elle gardera
le plus grand incognito . On fait qu'Elle
paffera par Hambourg , mais on ignore fi
Elle dirigera enfuite fa route fur Vienne ou
fur Triefte.
S. M. vient de donner une nouvelle preuve
de fon amour & de fes égards pour les Sciences
, en nommant le Prince Royal Chancelier
de l'Univerfité d'Upfal . En attendant
que le Prince foit en âge d'en faire les fonctions
, elles feront remplies par M. le Comte
de Creutz , Sénateur & Préfident de la Chan-→
cellerie du Royaume.
POLOG NE.
DE VARSOVIE , le 8 Septembre.
Le Roi a affifté derniérement à l'examen
d'ufage à la fin de l'année des études , des
éleves du College des Nobles de cette ville.
Il a diftingué particuliérement trois d'entre
x dont les progrès ont été les plus remarqiables
, par le don d'une médaille d'or avec
cette infcription : Diligentice .
On mande de Buchareft que le nouve nouvel
Hofpodar y eft arrivé , & qu'il a fignalé fon
avénement au Gouvernement de la Walachie
, par divers réglemens qui ont été reçus
avec beaucoup de fatisfaction & de reconnoiffance
de la part de fes fujets , & qui leur
donnent l'efpérance d'être heureux fous fes
loix .
Le Prince de Repnin ne s'eft point avancé
, comme on l'avoit dit , il a toujours fon
quartier-général à Nemirow & à Human .
Les Agens Ruffes ont fait de nouveaux contrats
pour la fourniture des vivres ; ce qui
ne fait pas préfumer qu'ils penfent encore
à quitter ce royaume.
ALLEMAGNE.
*
DE VIENNE , le 21 Septembre:
L'Empereur n'eft point encore de retour
dans cette capitale. Le camp de Bohême
s'eft féparé le 12 , & les Troupes qui le
compofoient ont repris chacune la route de
leurs Quartiers refpectifs . Le 13 & le 15 S.
M. I. a fait à Prague la cérémonie de l'in ·
veftiture des fiefs de ce royaume ; & le 18
elle a quitté cette ville pour aller vifiter les
fortereffes de Théréfienftadt & de Plefs.
Le 14 de ce mois on a fait ici la grande
proceffion en action de graces de la levée
du fiege de cette ville en 1683. Comme le
fiecle eft actuellement révolu , cette cérémonie
a eu lieu pour la derniere fois. La Cour
62
( 52 )
a été repréſentée dans cette occafion par le
Prince de Stahremberg , Grand - Maître de
la Maiſon Impériale , & par le Comte de
Seilern , Chef de la Juftice Suprême. M.
Stuwer donna le foir du même jour au Pratter
, en préſence de plus de 12000 fpectateurs
, un Feu d'artifice , dont l'exécution lui
a fait le plus grand honneur.
Il a paru ici un nouveau Reglement de monnoie
daté du premier de ce mois , par lequel
S. M. I. a jugé à propos de hauffer la valeur
des efpeces d'or & d'argent fpécifiées ci - deffous
& de les porter au taux fuivant. Savoir les fequins
de Milan , ceux de Venife & les gigliati
de Florence à 4 florins 22 kreuzers ; les ducats
impériaux , ceux de Baviere & de Salsbourg du
même titre à 4 florins 20 kreuzers ; les ducats
d'Hollande & les autres de l'Empire du même
titre à 4 florins 18 kreuzers ; les fouverains d'or
double des Pays- Bas Autrichiens à 12 florins
51 kreuzers & les fimples à fix florins 25
kreuzers ; les doppies doubles de Milan à 14 florins
24 kreuzers & les fimples à 7 florins 12 kreuzers
; les louis d'or à 9 florins 12 kreuzers ; les
ducatons des Pays- Bas à 2 florins 32 kreuzers
& les écus à couronne à 2 florins 14 kreuzers .
>
Quant aux autres efpeces d'or étrangeres on
le conformera au Reglement du 17 Août 1763.
Toutes les Confréries Religieufes font actuellement
fupprimées , & leurs biens-fonds
donnés à l'établiffement des pauvres.
#
DẸ HAM BOURG , le 16 Septembre.
Les nouvelles du Nord & celles de la
( 53 )
Turquie n'offrent encore que des détails de
préparatifs qui annoncent toujours la guerre ,
mais non l'époque où elle éclatera. Les Ruffes
maîtres de la Crimée y font toutes les difpofitions
néceffaires pour y bien recevoir
les Ottomans , s'ils veulent , comme on leur
en fuppofe le deffein , faire quelque tentative
de ce côté. Ils ont fortifié l'ifthme de
Précop , de maniere à en rendre l'entrée prefque
impraticable. Les meilleures places de la
péninfule qui font en leur poffeffion ont été
miſes en état de défenſe. Les Turcs nepeuvent
gueres fe flatter de quelque fuccès , s'ils n'ont
pas des intelligences & un parti parmi les
Tartares , & il eft vraisemblable que la révolution
que ce pays vient d'éprouver , n'eft
pas vue du mème ceil par tous les habitans ,
que leurs moeurs , leurs ufages , leur religion
même doivent leur faire fupporter impatiemment
une domination chrétienne . Ces difpofitions
peuvent influer fur les événemens
dans cette partie du théâtre de la guerre , fi
elle éclate , comme il y a beaucoup d'apparence
.
Le dernier courier de Conftantinople arrivé
ici le 26 Août , écrit- on de Vienne , a apporté
plufieurs lettres dans lesquelles il eft dit que les
préparatifs de guerre y font continués avec une
nouvelle vivacité ; le peuple excité & encouragé
par les gens de loi la demande à grands
cris ; & peut-être dans cette fermentation univerfelle
fe feroit-il révolté contre le Sultan , s'il
n'avoit pas pris le parti de paroître en public
& de déclarer hautement qu'il ne fouffrira jamais
c 3
( 54 )
que les Ruffes reffent en poffeffion de la Crimée
& des autres pays dont ils viennent de s'empafer.
matite
déclaration
a été reçue
avec
accla
mation , & fi le grand Seigneur s'y eft réellement
engagé , & qu'il ait le deffein de la foutenir ,
la guerre eft inévitable .
On prétend que parmi les Tartares il y en
a plufieurs qui ont pris du fervice dans les
Troupes Impériales de Ruffie ; mais cette
armée de socoo hommes , qu'on difoit affemblée
pour défendre fes nouveaux maîtres
, paroît fe réduire à quelques Mirzas, qui
ayant trop peu de monde pour faire un corps
feparé , ont été incorporés dans des Régimens
de Cavalerie.
Tout ce que l'on débite au fujet la Crimée ;
lit-on dans quelques papiers , eft très- vague &
très - confus ; on n'a guere de nouvelles que
celles que veulent bien laiffer paffer les conquérans
de cette belle contrée ; & elles font au moins
très rares ; les Généraux'n'écrivent qu'à leur Cour ,
il n'y a pas d'autres couriers que ceux qu'ils y envoyent
& ceux qu'ils en recoivent , c'eft var eux
que les particuliers font paffer leurs lettres ; &
il s'en répand peu de celles qui peuvent contenir
des nouvelles . On n'a donc que des bruits.
& des conjectures que faute de mieux on recueille
affez généralement.. Parmi les détails de cette efpece
on trouve que la Ruffie vient de conclure
avec le Schah de Perle un traité de commerce
qu'on dit très - avantageaux , & ce qui eft auffi
intéreffant dans la circonftance préſente , une al-
Lance offenfive & défenſive . En attendant on
dit que Gianikli - Ali- Pacha eft avec une armée
confidérable , campé au delà du Bog & vis àvis
de Choczim ; & on porte à plus de 100,000
( 35 ))
hommes les troupes que les Ottomans ont à Bender
, à Jaffy , & à Bucharest ; par - tout les Bachas
qui commandent des places fur les fron
tieres ont reçu ordre de les mettre dans le meil
leur état de défenſe poffible » .
Les mouvemens des armées Autrichiennes
ne font point ralentis : & comme on ne
peut les fuppofer fans but , on ne manque
pas de conjecturer que cette Puiffance prendra
part aux événemens qui fe préparent.
(
сс
« Tous nos régimeas , écrit- on de Vienne ,
font en mouvemens ; les uns marchent vers la
Croatie , d'autres quittent la Hongrie , & ſe rendent
en Boheme & en Moravie , plufieurs doivent
, dit-on , fe rendre dans les Pays-Bas . Depuis
le 25 du mois dernier , il est parti fur le
Danube plufieurs bâtimens chargés de pontons
d'artillerie & d'autres munitions de guerre . Perfonne
ne devine la raifon de ces marches ; mais
prefque tout le monde eft d'accord fur les apparences
d'une guerre prochaine. Cependant La
Porte ne paroit rien négliger pour éviter de
nous donner du mécontentement. L'Iternonce
de cette Cour à Conftantinople y préfenta il y
a quelque tems un mémoire dans lequel il demandoit
au grand Seigneur au nom de fon maître.
1 ° , que S. H. garantit tous les bâtimens fous:
Pavilion Autrichien qui feroient pris par les corfaires
des Régences d'Afrique ; 29 qu'elle payât
fur le champ & argent comptant auffi -tôt
qu'elle en feroit requife le montant du dommage
réfultant des prifes qui pourroienr être
faites. 3. Le Miniftre déclaroit que dans le cas
où cette indemniré ferbit refufée , S, M. I. en
treroit fur le territoire Turc pour fe la procurer
elle-même. Cette demande répétée plufieurs
C 4
( 56 )
fois ,vient , dit- on , d'être accordée ».
On voit par tous ces détails exagérés peutêtre
, mais dont le fond eft vrai , combien le
Gouvernement Ottoman apporte d'attention
à ménager la Cour Impériale , & à écarter
tout prétexte de plainte de fa part.
« La prudence & la fermeté du Grand- Vifir
& du Capitan Bacha , écrit - on de Conftantinoplet
l'ardeur avec laquelle les Officiers étrangers travaillent
à difeipliner nos troupes , les leçons que
nous avons reçues pendant la derniere guerre ,
tout nous fait eſpérer qu'une nation innombrable
comme la nôtre , naturellement brave &
ardente peut devenir tout à coup très - formidable.
Qu'étoient les Ruffes fous Pierre le Grand ?
Eft-il impoffible qu'il naiffe un réformateur dans
l'enceinte du Serrail ? Charles XII n'a- t -il pas
contribué à l'établiffement de la difcipline parmi
les Ruffes plus que le Czar lui - même ? Un trèsbeau
pays qui a environ 10 millions d'habitans en
Europe , plus de 20 millions de piaftres , point
de dette nationnale , eft certainement à crain
dre , la difcipline eft le fruit du temps ; elle
s'établit en faifant la guerre. Nous avons fur
pied environ 360,000 hommes , & 50,000 matelots
; nous pouvons au befoin augmenter nos
troupes de terre. Il ne fera pas tout-à-fait auffi
aifé qu'on paroît le croire de nous reléguer en
Afie , fi l'on confidere fur-tout que ceci reffemble
beaucoup à une guerre de religion » .
DE FRANCFO RT , le 17 Septembre.
Les armemens qui continuent dans tous
des Etats héréditaires de l'Empereur ; l'armée
qui eft déjà raffemblée fur les frontieres , &:
qu'on porte à 130,000 hommes ; la feconde
( 57 )
qu'on dit qu'on affemble , encore dans le
Bannat, la quantité de pieces de canon qu'on
raffemble & qu'on fait partir fucceflivement
pour les lieux où les troupes font prêtes à marcher
; les nouvelles levées qu'on affure avoir
été ordonnées , tout fait craindre qu'il ne foit
impoffible d'arranger les affaires du Nord ,
fans répandre du fang.
Selon les lettres de Vienne , l'Empereur a
accordé aux Juifs de cette Capitale la permiffion
d'acheter un terrein fitué hors des
fauxbourgs de la ville , d'y bâtir des maiſons,
des boutiques, & d'y trafiquer.
}
Le fpectacle de troubles inteftins & de divifions
entre la Bourgeoifie & la Magiftrature , dont la
ville de Geneve a offert plufieurs exemples ,
vient de fe renouveller dans une ville Impériale
d'Allemagne. On mande de Wympfen que les
divifions y font montées à un tel degré , que le
Directoire du cercle de Souabe a jugé néceffaire
d'y envoyer des Troupes pour tâcher d'y réta
blir l'ordre. Huit Bourgeois factieux y ont été
arrêtés ; on a cru que cela rameneroit les autres
à la modération ; ils ont continué de fe plaindre
, & cette détention même les a portés à le
faire avec plus de vivacité . Plufieurs ont quitté
la ville ; ceux qui y font reftés fe font permis
de nouveaux murmures , qui ont fait juger qu'il
étoit néceffaire de renforcer les Troupes. On
ignore encore quelle fera l'iffue de ces troubles
qui peuvent être funeftes à la ville qui les
éprouve ».
ITALI E.
DE LIVOURNE , le 8 Septembre.
On apprend de Pefero que les Membres
cs
( 58 )
de la Confrérie de S. Gaëtan , qui occupoit
l'Eglife de la Congrégation fupprimée de
S. Antoine Abbé , voyant que l'Eglife manquoit
d'ornemens , d'orgues , &c. pour fervir
à leurs affemblées religieufes , ont réfolu ,
cette année , après la célébration de la Fête:
de leur Saint , de vendre tout ce qui exiſtoit:
dans leur Sacriftie , & d'en diftribuer le produit
aux pauvres. Ils l'ont exécuté avec l'approbation
générale , & leur Congrégation
eft ainfi également fupprimée.
"
Parmi les effets finguliers du tonnerre , il y en
a peu d'auffi étranges que ceux- ci qu'on mande de
Roveredo. On y efluya également un orage le 13
de ce mois ; la foudre tomba fur l'Eglife paroiffiale
de Saint-Marc , qu'elle parcourut dans toute
fon étendue ouvrant toutes les armoires , les
portes & les fenêtres. Elle renverfa fur l'autel
le calice dont fe fervoit un Prétre qui difoit la
meffe , & qui tomba de frayeur. On trouva fes
chauffons brûlés fans que fon pied , fes bas ni fes
fouliers füffent endommagés ; la ceinture de fes:
caleçons & un morceau de fa chemife étoient
également brûlés ; il n'avoit d'autre mal qu'une
legere bleffure à la tête , & qui avoit été cauſée
par fa chûte. Ce qu'il y a de plus extraordi--
naire , c'est que cet Eccléfiaftique âgé de 84-
ans , remis à préfent de fa frayeur , le porte ,
non- feulement à merveille , mais on dit que depuis
cet accident , il n'a plus befoin de lunettes
dont il faifoit auparavant ufage ; qu'il marche
d'une maniere plus ferme , qn'il fe fent plus de
force qu'il n'en avoit depuis plufieurs années ,
& qu'il fe trouve en quelque forte ranimé.
J
Les Phénomenes, qui alarment le midi de
( 59 )
l'Europe ne font pas étrangers à la partie du
monde dont nous ne fommes féparés que
par la mer.
Le 20 Juillet , écrit-on de Tripoli de Syrie , on
éprouva ici deux lecouffes très- violentes de tremblement
deterre. Elles fe firent fentir à deux repriles
& fe fuccederent rapidement , & durerent enfemble
environ 8 à 10 fecondes; elles furent précé
dées d'un bruit fourd femblable à celui du mugiffement
des flots qu'on entend de loin ; la veille
il avoit plu à verle , ce qui eft extraordinaire
dans cette faifon. Depuis près d'un mois une
brume épaiffe couvre la terre & la mer ; les vents
foufflent avec autant de violence que pendant
l'hyver. Le foleil ne fe montre que rarement ,
& toujours avec une couleur fanguinolente ; phénomenes
inconnus jufqu'à préfent en Syrie. Le
tremblement de terre s'eft fait fentir également
dans le Liban : un village près de Napouloufe a
été enseveli fous un rocher qui s'est écroulé .
Les Turcs informés du défaftre de Meffine font
dans la plus grande confternation .
ANGLETERRE.
DE LONDRES , le 30 Septembre.
Selon les dernieres nouvelles de New-
Yorck , cette place , la citadelle , les différens
ouvrages qui en dépendent , & que nos
Troupes y ont conftruits pendant leur féjour
pour leur fureté & leur défenfe , doivent
être livrés aux Américains dans la matinée
du 9 du mois prochain. Le Générali
Carleton , ajoute- t-on , prend toutes les me
fures néceffaires pour l'évacuer à cette épo
que.
C 6
( 60 ) ·
On lit dans les papiers Américains que
nous avons reçus , la lifte fuivante des Gouverneurs
actuels des Treize Etats-Unis.
«Ce font pour New-Hampshire MM Mesheck
Weare ; pour Maffachuffett John Hancock ; pour
Rhode- Inland William Greene ; pour Connecticut
John Trumball ; pour New-Yorck George
Clinton ; pour New- Jerfey William Livingſton ;
pour la Penſylvanie John Dickinſon ; pour Delaware
Nicolas Van Dyke ; pour Maryland William
Paca ; pour Virginie Benjamin Harriſon ;
pour la Caroline feptentrionale Alexandre Martin
; pour la Méridionale Benjamin Guerard ;
pous la Géorgie Lyman Hall.
Parmi les anecdotes que prefentent ces
papiers , où elles tiennent à préfent la place
des événemens qui ont fixé long-temps l'attention
& la curiofité de l'Europe , en voici
une bien étrange. C'eft un exemple atroce
de fuicide commis avec une réflexion & un
fang-froid extraordinaires. Il prouve à quel
excès peut fe porter l'homme qui a eu le malheur
de fecouer tout frein moral & religieux .
Le 11 Décembre , au foleil levant , il s'eft
paffé à Wetherfield un événement de l'efpece
le plus étrange & la plus étonnante. William
Beadle , né au midi de l'Angleterre , qui a réfidé
vingt ans en Amérique , & près de 10
à Wetherfield , s'étoit marié à Fairfield à une
femme aimable , d'une bonne famille , dont il
avoit quatre enfans dont il dirigeoit lui -même
l'éducation avec un foin & une vigilance extrêmes
, & il paroiffoit être un excellent pere
& un bon mari . Ses affaires de commerce déclinant
depuis quelques années , il ſe livra à la
( 61 )
-
lecture , & , malheureufement , il goûta de préférence
les livres qui ont été faits contre le culte
établi ; il en adopta tous les principes , écarta
toute idée de bien & de mal moral , & regarda
les hommes comme de fimples machines . Il fe
crut en droit de difpofer de fa vie & de celles
de fa famille. On a trouvé dans fes Papiers , &
dans plufieurs Lettres , écrites à des perfonnes
de fa connoiffance , peu de jours avant la mort
qu'il y avoit trois ans qu'il s'occupoit de la
funefte catastrophe à laquelle il a procédé avec
la plus grande réflexion . Au lever du foleil
, il envoya fa domestique , la feule perfonne
de fa maifon qui ait furvêcu , porter une Lettre
dans le voifinage , à un ami auquel il annonçoit
fon horrible réfolution , en lui déclarant
qu'avant qu'il en eut achevé la lecture il feroit
avec fa femme & fes enfans dans un état plus
heureux ; il le prioit de prendre avec lui deux
perfonnes , & de venir à fa maiſon fans alar
mer fes voifins , & d'apporter autant de tranquillité
d'efprit qu'il en avoit lui- même. A la
reception de cette Lettre l'ami vola ; mais il étoit
trop tard. Le malheureux avoit employe le poignard
, la hache & le piftolet ; il s'étoit fervi
des premieres armes pour détruire fa famille ,
& il avoit tourné la derniere contre lui . Il y
avoit quelques femaines qu'il gardoit ces inftru
mens meurtriers dans fa chambre , fous prétexte
qu'il en avoit befoin pour le défendre des voleurs.
C'eft avec le plus grand fecret , & fans
être pénétré par perfonne , qu'il a mis fin à la
vie d'une femme aimable au milieu de fa carriere
, & à celle de quatre enfans commençant
la leur , dont l'aîné avoit douze ans , & dans le
temps qu'ils dormoient paisiblement . Il paroit
par plufieurs circonstances qu'avant qu'ils allaf
( 64 )
t fent au lit il leur av oit donné de l'opium ; il
a terminé cette fanglatte tragédie en fe tuant
lui-même. On lit dans une des Lettres qu'il
avoit écrites auparavant : C'eſt par humanité ,
c'est par tendreffe , car aucun pere ne fut auffi fenfible
que moi , que je prépare la mort de fix per-
Jonnes. Le Juré après une enquête a condamné
fa mémoire ; fon corps a été expolé à l'opprobre
public , & jetté à la voirie . On a enterré la
femme & les enfans avec décence. Les coeurs
humains & fenfibles ont verfé des larmes fur le
fort de cette famille , & déploré les funeftes
principes qui ont fait un barbare d'un homme ,
qui , avant fon égarement , avoit mérité l'eftime
de fes concitoyens ”. V :
Le Parlement vient d'éprouver encore
une courte prorogation ; il ne fe raffemblera
que le 11 Novembre pour s'occuper des affaires
qui doivent être foumifes à fa confidération.
Parmi ces affaires on parle d'un
nouveau plan de finances , qui eſt , dit- on ,
l'ouvrage du premier Lord de la Tréſorerie ,
& qui fera, dit-on fort avantageux à la nation
en général ; mais on ne croit pas , s'il a
pour objet des économies , qu'il le foit également
aux particuliers . On convient que la
fuppreffion de plufieurs places , la diminution
des émolumens de quelques autres , font les
opérations par lefquelles on devoit commen
cer. ; il y a long- temps que le peuple défire
cette réforme , & que ceux qui font intéreffés
à ce qu'elle n'ait pas lieu , s'y font oppor
fés avec fuccés .
La néceffité d'une réforme & celle du rétabliffement
de l'ordre dans différentes parties. des
( G3 )
-
"
finances , dit un de nos papiers , n'ont jamais été
fi généralement fenties. La dette non fondée
exige fur-tout l'attention prompte de l'adminif
tation ; elle monte à la fomme énorme de 33
millions fterling , qui en coutent annuellement
à l'Etat 1,514,000 . On peut en juger par l'ap- "
perçu fuivant , dont les calculs , loin d'être exagérés
, font peut- être au- deffous de la réalité.
Les annuités temporelles qui ont été accordées
pour 77 ans , à compter du 5 Janvier dernier
montent annuellement à 80, oco liv. fterling.
Les annuités perpétuelles accordées dans le même
temps font un objet de 480,000 liv . — L'intérêt
de 10 millions de billets de l'échiquier à
3p. eft de 350,000 liv . - Celui de 13 millions
de billets de marine & d'artillerie qu'on
peut fonder à 4 p. va à 585,000 . Il en coutera
annuellement en dépenfes extraordinaires,.
fi l'on conferve en circulation les 30 millions
de l'échiquier 4000 liv. fterling. Et les nouvelles
charges de la banque relatives au fardeau
de cette année , & à celui qui réfultera du parti
qu'il faudra prendre enfin , de fonder les billets
de la marine & de l'artillerie , feront de 15,000
liv. fterling: Telle eft la nature & l'étendue dela
dette non fondée. Il eft à defirer qujon la mette
en ordre auffi-tôt qu'il fera poffible ; car tant
qu'elle restera dans cet état , on ne fauroit mettre
en exécution aucun plan tendant à foulagerla
nation de fes charges pefantes qui ne fauroient
être diminuées trop tôt.
Nos papiers , depuis la publication des
préliminaires de la paix avec la Hollande ,
qu'oncroit devoir être bientôt fuivis du Trai
té définitif entre notre Cour & cette: Puiffance,,
ne font remplis que de: paragraphes
( 64 )
,
>
qui vantent les avantages que ces conditions
doivent procurer à notre commerce.
Les Hollandois difent- ils , ne conferveront
pas toujours le privilege exclufif de la vente
des épiceries ; la liberté qu'auront nos Vaiffeaux
de s'approcher des ifles qui portent cette denrée
précieuſe , nous mettra tôt ou tard en état de
nous paffer d'eux pour nous en approvifionner.
Les expériences que les François ont faites fur
la culture de la noix mufcade & des autres épiceries
dans leurs établiflemens, feront imitées fans
doute par toutes les autres Puiffances qui feront
à portée de le faire . On lit dans une lettre
de la Barbade adreffée par un Planteur à un de
fes correfpondans à Dublin qu'on va y faire un
effai pour cultiver la noix mufcade. C'eft un Hollandois
de Tabago , qui deſcend , dit - on , du
premier Gouverneur Européen qui fut envoyé
dans cette ifle , qui va tenter cet effai . Il a , diton
, obtenu une Patente pour cet effet , il s'eft
engagé à cultiver la noix mufcade , & à la rendre
égale en qualité à celles qui croiffent fur le fol
de l'ifle de Ceylan . S'il a eu le fuccès qu'il efpere
, on doit s'attendre qu'on ne ſe bornera pas
à cette plante.
On ignore encore quand la Paix fera publiée.
Le Roi , par une Proclamation du
26 de ce mois , a annoncé cet événement
à fes fujets , en leur déclarant que fa volonté
eft qu'ils obfervent fidélement les conditions
des Traités avec la France & l'Espagne , tant
fur terre que fur mer. Il n'eft pas queſtion
"des Américains ni des Hollandois , parce que
les ratifications des premiers ne font pas encore
arrivées , & que le Traité définitif n'eft
pas encore conclu avec les derniers . C'eſt ce
( 65 )
qui retarde fans doute la publication formelle
de cet événement ; plufieurs perfonnes
ont demandé des informations au Bureau
des Héraults fur l'époque où elle aura lieu ;
ils ont répondu qu'ils n'avoient reçu à ce
fujet que l'ordre général de fe tenir prêts.
Il paroît à préfent que cette cérémonie n'aura
lieu qu'après que le Traité définitif avec la
Hollande aura été figné.
La contrebande , écrit - on de Fowey , eft telle
dans cette partie , que fi l'on ne prend des me
fures efficaces pour s'y oppoſer , ou peut s'attendre
aux plus facheufes conféquences . On auroit
befoin de quelques détachemens de Dragons pour
veiller fur la côte , fans cela il fera impoffible
aux Officiers des revenus de recueillir les impôts
, & ils ont befoin de cette protection contre
les Contrebandiers qui font très- nombreux , &
devant lefquels ils n'ofent pas fe préfenter. On
les voit braver les Employés en plein jour , débarquer
à main armée leurs marchandifes , éloigner
les furveillans par la violence , & les retenir
, pendant qu'ils font paffer leurs denrées dans
les dépôts dont ils ne fe foucient pas de leur donner
la connoiffance.
· Dans un moment où l'imagination de
quelques perfonnes , travaillant fur les nouvelles
découvertes de la Phyfique , s'occupe
en France de la poffibilité de voyager dans
les airs au moyen de la machine aëroſtatique,
on s'occupe ici des moyens de marcher dans
l'eau , opération qui n'eft fans doute pas
moins merveilleufe. S'il faut en croire nos
papiers , cette entrepriſe eft très - avancée ,
& c'eft ainfi qu'ils en parlent.
( 66 )
Un génie extraordinaire , M. Wright , a
conftruit une machine très-ingénieufe , qu'il appelle
habit à plongeur , & qui eft bien fupérieure
à toutes les cloches inventées jufqu'ici , & qui
n'ont été que le cercueil des plongeurs infenfés
qui ont rifqué de s'y confier. Les dangers de
fe noyer & d'être fuffoqué font rendus impoffibles
par cette machine. L'appareil entier ne peſe
que 2 livres & .7 onces. On le place au- tour
du col , & il n'enveloppe que la tête , laiffant
les bras & les pieds du plongeur parfaitement
libres . Plufieurs membres de la fociété royale aux
quels il la montrée en parlent avec enthouſiaſme.
Il en fit l'effai dans la riviere de Nen qui coule
de Wisbeck à Northampton dans l'endroit appellé
Peerless - Pool , où elle eft profonde de 29 pieds
& il demeura fous l'eau 3 heures & 17 minu
tes marchant en long & en large un eſpace éva •
lué à 2 milles , ramaffant les foffiles qu'il trou
voit , & qu'il faifait paffer à la furface de l'eau
par le moyen d'une corde fine de crin qu'il lâchoit
à volonté , & qui furnageoit auffi-tôt ; il
amufa ainfi la foule nombreufe des fpecta
Leurs par diveries expériences en marchant dans
un élément dans lequel aucun homme avant lui
n'avait pu vivre ; la conflruction de fa machine
lui donne la forme d'un globe ; elle a 12 pouces
de diametre avec des verres qui lui permettent
de voir devant lui . Au fommet font
deux tuyeaux de cuir , avec des anneaux dans
l'intérieur qui préviennent l'inconvénient de la
preffion . Ces tuyeaux ont l'étendue néceffaire pour
flotter fur la furface de l'eau ; il y a pratiqué
des foupapes qui font difpofées de maniere à
ouvrir le paffage à l'air , & à le fermer à l'eau .
On peut attendre d'hommes tels que MM.
Wright & Mongolfier les moyens de voler jufqu'à
( 67 )
la lune , & de voyager à pied de Douvres à
Calais avec auffi peu d'embarras que fi nous
étions fur terre.
Aux détails de cette découverte , au moins
finguliere , mais qui eft encore un enfant
naiffant à élever , & qui ne tiendra peut-être
pas tout ce qu'on s'en promet , nous joindrons
une anecdote d'un autre genre ; on la
préſente comme un fait , & elle n'en paroîtra
pas moins étrange à nos Lecteurs.
Je vous enverrai aujourd'hui , écrit - on de
Dublin , une rélation très - finguliere. Un capitaine
, un lieutenant , un enfeigne & 80 hommes
furent envoyés en 1769 de quelque partie de,
l'Amérique , & on préfume que c'eft du Canada ,
dans un autre endroit de cet immenfe continent .
mais fort loin au Nord , pour protéger une forêt
très-vafte que les Indiens du veifinage vouloient ,
détruire. L'officier & fa compagnie abfolument
étrangers au pays , furent guidés jufques-là à.
travers des routes fauvages & défertes par un
petit nombre d'Indiens amis. A leur arrivée , ils
1-44 0. !! . 9724 10 LA
toncerent un sur , o ' cleverçiɩ all svar 193 walim
mens dont ils avoient befoin , & fe défendirent
eux-mêmes & la place comme ils purent , tant
qu'ils conferverent l'efpérance de recevoir les
fecours , les matériaux & les provifions qu'on leur
avoit promis . Heureufement le capitaine & fon
monde perfuadés que le meilleur moyen de for
mer leur établiſſement dans cet endroit étoit de
fe concilier les fauvages voifins , fe conduisirent
en conféquence ; fans cela ils euffent été tous
maffacrés. Leurs difpofitions pacifiques les firent
bien recevoir ; on les aida même lorfque les pro
vifions leur manquerent ; on leur enfeigna à vivre
à la maniere des Indiens , & après avoir vu que
*
( 68 )
toutes les tentatives qu'ils avoient faites pour
faire paffer de leurs nouvelles à ceux qui les
avoient envoyés là , étoient inutiles , qu'ils étoient
abandonnés , ils fongerent à ceder à la néceffité
& à vivre en fauvages avec les fauvages . Ils fe
mêlerent avec eux , prirent part à leurs tra
vaux , à leurs chaffes , à leurs guerres ; plufieurs
périrent dans ces différens exercices , foit par le
climat , foit par le changement de maniere de
vivre , foit par les fleches des Indiens ennemis
de la peuplade à laquelle ils s'étoient alliés. Ils font
reftés dans cette fituation jufqu'au mois d'Avail
dernier , & ils étoient réduits au capitaine &
à 14 hommes. Le hafard leur préſenta à cette
époque quelques Indiens qui leur offrirent, de les
conduire dans le Canada. Ils s'emprefferent de
profiter de cette occafion , avec la permiffion de
leurs amis avec lefquels ils avoient veçu près
de 14 ans. Ils arriverent à Quebec fans aucun
aceident & fans perdre un feul homme ; y ayant
trouvé un vaiffeau prêt à mettre à la voile pour
l'Irlande , ils s'y embarquerent , & font arrivés
à Corke Le capitaine y a laiffé fon monde &
a été à Dublin , d'où il fe propofe de venir à
Londres expofer au roi fes avantures , fa fitua—
tion & celle de fes compagnons : la fingularité
de leurs fouffrances , leur fituation déplorable font
faites pour toucher un prince fenfible & généreux
qui les dédommagera fans doute de toutes leurs
peines paffées.
Le Traité de Paix conclu par la Compagnie
des Indes avec les Marattes , contient en
fubftance.
1. Tous les pays, places , cités& forts , y compris
Baffeen , &c. pris fur le Peshwa pendant la guerre
qui s'eft allumée depuis le traité conclu par le Colonel
Upton , leur feront rendus dans l'eſpace de
( 69 )
eux mois après la conclufion de ce traité .
2. Salfette & les Ifles d'Elephanta , Caranja &
Hog , refter ont à perpétuité dans la poffeffion des
Anglois . Si pendant la guerre il en a été pris
quelques autres, elles feront rendues au Peshwa.
- Le Peshwa & les Chefs de l'Etat Maratte
cédent pour jamais à la Compagnie tous droits &
titres fur la ville de Baroach. 4°. Les Anglois
renoncent au pays de trois lacks de roupies que
le Peshwa étoit convenu de leur céder dans le
traité du Colonel Upton. -5°. Pour prévenir
toute difpute fur le pays donné aux Anglois par
Seeagee & Fully Sing Gwickwar , dont il eft fait
mention dans, l'article VII du Traité du Colonel
Upton , le rendront au Gwickwar , s'il fait partie
de fon territoire , & au Peshwa s'il fait partie du
fien.-6 . LesAnglois ayant accordéà Ragonaut.
Row un terme de quatre mois , pour fixer le lieu
de fa réfidence , après ce terme ne lui accorderont
aucun appui , protection ou affiſtance , & ne
lui fourniront point d'argent , & le Peshwa promet
que fi Ragonot Row veut le rendre volontairement
pres de Maha Rajach Madhoo Row Scindia,
& réfider paifiblement avec lui , il lui fera payé
Tous les mois 25000 roupies pour fon entretien
&c. Chaque partie fera la paix
avec les alliés de l'autre de la maniere ci - après.
—8°. Le territoire que Fully Gwickwar poſfédoit
au commencement de la guerre ,
reftera en
fa poffeffion fur le pied ordinaire , il payera au
Peshwa le tribut d'ufage avant la guerre. Le
Nabab Hyder Ally Cawn ayant conclu un Traité
avec le Peshwa , troublé & pris poffeffion de
territoires appartenans aux Anglois & à leurs
alliés ; le Peshwa s'engage à l'obliger à les reftig
tuer. Les prifonniers faits de part & d'autres feront
élargis , & l'on forcera Hyder Ally Cawn à
6

( 70 )
évacuer ceux des territoires appartenans à la
Compagnie & à fes alliés, qu'il peut avoir pris depuis
le 9 du mois de Ramzam , dans l'année
1180, date de fon Traité avec le Peshwa, ils feront
en conféquence rendus fix mois après le Traité;
& les Anglois auffi longtemps qu'Hyder Ally
Cawn s'abftiendra d'hoftilités contre eux & leurs
Alliés , & qu'il vivra en amitié avec le Peshwa ,
ne fe conduiront point hoftilement envers lui .
--
1 °. Le Peshwa promet , tant en fon nom
qu'en celui de fes Alliés, de maintenir la paix
envers les Anglois & leurs Alliés qui font la
même promeffe . 11 °. La navigation des navires
refpectifs ne fera point troublée. 12 °. Les Anglois
jouiront du privilege du commerce comme
ci- devant dans les territoires des Marattes. Les
fujets du Peshwa jouiront de la réciprocité dans
ceux des Anglois. 13 ° . Le Peshwa promet
de ne fouffrir qu'aucunes factoreries européennes
s'établiffent fur fes territoires , ou fur ceux des
chefs qui dépendent de lui , à la feule exception
de celles qui font déja établies par les Porrugais
; qu'il n'aura aucun commerce d'amitié
avec aucune autre nation européenne ; & les Anglois
promettent de ne donner d'affiftance à aucune
nation du Decan & de l'Indoſtan en inimitié
avec le Peshwa.
14. Les Anglois & le
Peshwa conviennent mutuellement de ne donner
aucune espece d'affiftance aux ennemis reſpectifs,
15° . Les fujets de part & d'autre n'agiront
point d'une maniere contraire à ce traité.
16°. La compagnie & le Peshwa , ayant la plus
entiere confiance dans Maha Rajah Subadar
Madhoo Row Scindia Behader , l'ont requis d'être
garant de ce traité ; en conféquence il s'eft
chargé de la garantie mutuelle ; & dans le cas
où l'une des parties en enfreindroit les condi-
1
( 71 )
sions , il fe rangera du côté de l'autre partie.
17. Tous territoires , forts ou cités du
Guzzerat , cédés aux Anglois par Ragonaut Row
avant le traité du Colonel Upton , & dont la
reftitution a été ftipulée dans l'article VII dudit
traité , feront reftitués . Ce traité confiftant
en 17 articles eft conclu à Salbey , dans le camp
de Maha Rajah Subadar Mahomed Row Scindia ,
le 4 du mois Jemmad ul Saany , dans l'année
1187 de l'Hégire , laquelle correfpond avec le
11 Mai 1782 , de l'ere chrétienne , par ledit
Maha Rajah & M. David Anderfon.
FRANCE.
DE VERSAILLES , le 7 Octobre:
Le Marquis de Noailles , nommé précé+
demment Ambaffadeur Extraordinaire à la
Cour de l'Empereur , ſe préparant à ſe rendre
à fa deftination , a eu l'honneur de prendre
congé de S. M. , à laquelle il a été préfenté
par le Comte de Vergennes , Chefdu Confeil
Royal des Finances & Secretaire d'Etat ,
ayant leDépartement des Affaires étrangeres.
M. Migneron , Auteur de l'amélioration
& ceintrage des bois , a eu l'honneur d'être
préſenté à S. M. par le Comte d'Angivilliers ,
Directeur & Ordonnateur Général des Bâtimens
du Roi , & de mettre fous fes yeux un
modele de pont en bois ceintrés , qui peut
être exécuté d'une feule arche fur toutes les
rivieres ; il a démontré en même tems à S. M.
l'avantage que l'on peut tirer pour la conftruction
des Bâtimens , de l'emploi de ces
bois améliorés & ceintrés ( 1) .
(1) Les découvertes que M. Migneron préſente au pu
( 72 )
Dom Guillaume Coutans , Bénédictin de
l'Abbaye de Lagny-fur-Marne , a eu l'honneur
de préfenter à L. M. & à la Famille
Royale la 9 fuite du Tabeau topographique,
dont le Roi a bien voulu agréer la dédicace.
Le chevalier de Seytres-Čaumont , chargé
des affaires du Roi à Malte , de retour en
cette Cour par congé , a eu le 14 de ce
mois l'honneur d'être préfenté à Sa Majesté
par le maréchal de Caftries , Miniftre &
Secrétaire d'Etat ayant le département de
la Marine.
La Cour eft partie d'ici , le 6 de ce
mois , pour aller au Château de Choify ,
d'où elle fe rendra , le 9 à Fontainebleau .
Monfeigneur le Dauphin ira au Château
de la Muette , pour y refter pendant le fé .
jour de la Cour à Fontainebleau , où Mefdames
Adelaïde & Victoire de France fe
rendront auffi le 10.
DE PARIS , le 77. Octobre.
M. le Duc de Crillon & de Mahon vient
de donner à l'occafion de la naiffance des
deux Infants jumeaux dont la Princeffe des
Afturies eft accouchée , une fête à laquelle il
a invité tout ce que la Cour & la Ville offrent
de plus diftingué.
cc Cette fête a eu lieu le 1 de ce mois dans
le bois de Boulogne ; les perfonnes invitées fu¬
blic font appuyées des témoignages rendus à l'Académie
des Sciences par M. Peronnet , premier Ingénieur des
Ponts & Chauffées , & l'Abbé Boffut , Commiffaires nom
més par l'Académie , pour vérifier la folidité de ces fortes
de ponts.
rent
( 73 )
1
rent reçues dans le château de la Muette ; on
en fortit pour le rendre à la falle des fpectacles ,
où les Comédiens François repréſenterent l'Anglo's
à Bordeaux & le proverbe des trois Aveugles.
A un feu d'artifice fuccéda un ſouper ſervi
fur différentes tables dreffées dans la falle de
Ranelag . On lança enfuite un ballon de 6 piés
de diamettre , auquel on avoit fufpendu un panier
entouré de quelques bougies ; on ne l'abandonna
à lui-même qu'après l'avoir laiffé fufpendu
quelque temps à 25 à 30 piés , pour
qu'on pût lire les devifes & les vers dont il étoit
chargé. Comme le temps étoit fort ferein , on
ne le perdit de vue que long - temps après qu'il
fe fut élevé , & on a fu enfuite qu'il étoit tombé
à Boulogne. La fête fut terminée par un bal qui fut
prolongé jufques vers les 7 heures du matin.
L'ordre & le goût qui ont régné dans cette fête
la variété des amuſemens qu'elle prefentoit , le.
concours des plus jolies femmes & de la compagnie
la mieux choifie tout a fecondé l'intention
de l'ordonnateur & a paru digne de rappeller
l'heureux événement qu'il vouloit célébrer.
Nous ne pouvons refufer l'infertion de la
lettre fuivante que nous avons reçue ; c'eſt
une erreur que nous rectifions , & une fatisfaction
que nous devons à un pere , qui reclame
ce titre fur un fils qui a fervi avec
gloire & avec diſtinction , & auquel il doit
être fatisfait d'avoir donné le jour.
« Vous vous êtes trompé , M. , en faisant M.
Bouvet , arrivé de l'Inde le 24 Août dernier , fils
de M. Bouvet , Capitaine de vaiffeau du Roi . Il
eft fils d'un ingénieur de la marine de Saint-
Servant prés Saint- Malo. Quoique ce foit la
même famille , le pere juge à propos de récla-
N°..441 . 11 Octobre 1783 . d
( 74)
mer fon fils avec d'autant plus d'empreffement
& de tendreffe , que c'eft le feul qui lui refte
de quatre qu'il a eu enfemble comme auxiliaires
au ſervice du Roi , dont 3 ont péri dans cette
guerre , en montrant autant de courage & de
zele pour la gloire de la nation , que leur aîné
dont il eft question .
- Tous les Officiers qui devoient s'affembler
le 20 du mois dernier à l'Orient , pour
le Confeil de Guerre qui doit s'y tenir , y
étoient arrivés avant cette époque ; mais
M. le Comte de Guichen ayant été obligé
de retourner à Morlaix pour revoir le Procès
de M. le Chevalier de Vigny , les premieres
féances du Confeil de Guerre de l'Orient
font remiſes , dit- on , au 10 de ce mois.
On a commencé à Cherbourg à jetter en
mer les caiffes qui doivent fervir aux fondemens
des Forts. On n'ofe pas encore fe
promettre un plein fuccès , & on craint que
le fond ne foit pas affez bon pour fournir
des maffes auffi lourdes , & qu'un cop de
mer ne détruiſe encore ces grands travaux .
Parmi les grandes entreprifes il ne faut pas
oublier celle qu'ont en vue les Etats de Languedoc.
Depuis long- temps ils defirent de mettre
le port d'Agde en état de recevoir des vaiffeaux
comme par le paflé . Le Gouvernement a
chargé M. Groignard de fe rendre fur les lieux
pour examiner fi la chofe eft praticable . Cet
Ingénieur général de la marine a été reçu à
Agde comme un Dieu tutélaire , & il a récompenfé
les citoyens de l'affection & de la confidération
qu'ils lui ont témoignées , en les affurant
qu'il leur donnera 17 piés d'eau à l'entrée .
de leur port , ce qui feroit fuffifant pour y ad(
75 )
-
mettre des fluttes & des gabarres de 1000 à 1200 ,
tonneaux ; il ne s'agit plus actuellement que de
trouver les fonds néceffaires pour cet objet , &
il paroît que la Province eft difpofée à en fournir
la plusgrande partie. Ce port , par fa proximité
avec le canal de Languedoc , deviendra
bientôt l'entrepôt de Marſeille , de l'Espagne , de
la côte de Barbarie , &c. Ce n'eft pas feule
ment en France que les grands talents de M.
Greignard font connus , appréciés & employés ;
on l'a demandé en Hollande pour le charger
des travaux de quelques uns des ports de la République
, qui comme celui d'Agde fe trouvant
bouchés par les atterriffemens , ne peuvent
plus recevoir de gros vaiffeaux .
"
Les chaleurs exceffives de l'été , & la pro-.
digieufe quantité de fruits , bien plus que la
mauvaife qualité qu'on leur fuppofe en divers
endroits , ont occafionné depuis deux mois ,
& principalement dans les campagnes , des
maladies putrides & des fievres de toute efpece
; elles ont attaqué M. le Duc d'Orléans
à Sainte-Affife , où ce Prince paffe la belle
faiſon . A la premiere nouvelle de ſon indifpofition
, Madame la Ducheffe de Chartres
a volé auprès de lui ; les accès n'ont pas été
longs ; le Prince a été en état de fortir &
de chaffer , il y a quelques jours , en caleche.
Les expérience de M. de Mongolfier vont bientot
recommencer ; on travaile à la réparation
de la grande machine , à laquelle on ajoute quelaunes
de toiles pour l'agrandir ; on en double
le haut , parce qu'on s'eft apperçu que c'eſt- là
où le fait le plus grand effort du gaz. Un homme
s'élévera , dit - on , avec la machine dans les pre
d 2
( 76 )
mieres expériences . On établira dans la cage
qui le contiendra un fourneau propre à former
du gaz , à mesure qu'il y aura déperdition de
celui renfermé dans la machine : lorfqu'il vou
dra defcendre , il ouvrira une foupape qu'on
prépare à cet effet , pour donner entrée à l'air
atmotfphérique : ce fera , dit - on , l'un des ouvriers
les plus intelligens qu'on choifira pour cela . Cet
homme avoit déjà fait les plus fortes inftances
pour accompagner celle qui s'éléva aux yeux du
Roi ; on fe refufa à fes defirs , & comme le Roi
a voulu qu'on prit foin dans fa ménagerie du
mouton qui fervit à cette expérience . « Voyezvous
, dit cet homme , quelle fortune je faifois , fi
l'on m'eût permis de me mettre à fa place comme
je le demandois ; & le Roi , qui s'eft intéressé au
fort d'un animal , qui lui affure une nourriture certaine
& une vie tranquille , n'auroit pas dédaigné
d'enfaire autant pour un pauvre ouvrier.
сс
Ön lit dans diverfes feuilles une anecdote
affez plaifante fur ces nouvelles machines ,
peut-être n'eft- elle en effet qu'une plaifanterie.
Quoi qu'il en foit , nous la tranfcrirons,
On nous mande de Péronne , qu'un Marchand
de Bruxelles , ayant commandé so Ballons d'air
inflammable , à fon Commiffionnaire de Paris ,
ce dernier les lui a expédiés auffi- tôt par une voiture
publique. Etant arrivés au Bureau des Fermes
du Roi de cette premiere Ville , les Commis
voulurent s'affurer fi la caiffe qui contenoit ces
Ballons ne receloit rien qui dût payer les droits
prefcrits dans leur tarif. Le Facteur de la Diligence
eut beau leur dire que c'étoit des Ballons
remplis d'air inflammable , ils ne voulurent point
le croire fur la parole & ouvrirent la caiffe : dans
l'inftant ces Ballons commencerent à s'ébranler
prirent leur effor & s'élevérent dans les airs , au
.
( ラフ)
grand étonnement des Vifiteurs , qui prirent la
fuite de frayeur.
La lettre que nous venons de recevoir
ne peut que faire plaifir à ceux qui s'occu
pent des ballons aéroftatiques , des moyens
de les perfectionner , & des applications qu'on
peut en faire.
Comme dans ce moment le Public & les Sa
vans paroiffent fort occupés des Ballons Aero ftatiques
& des moyens de naviguer dans les airs .
J'ai cru que vous voudriez bien annoncer dans
votre Journal qu'il exifte dans des ouvrages and
ciens des recherches qui ont les mêmes expériences
pour objet ; on les trouvera raffemblées dans
un livre publié en 1700 , fous le double titre de
Inventa Nov antiqua , le frontispice porte Georgit
Pafchii Gedanenfis Phil. D. ejufdem que in Academa
que Kiloni Holfatorum eft Prof. ord . de novis
inventis , quorum accuratiori cultui facem prætulit
antiquitas. &c. Editio fecunda Lipfie 1700 , 1 vol.
in-4. A la page 625 , §. XXVI , on trouvera
qu'un Pere Lana , Religieux Italien , paroît
avoir le premier imaginé des moyens de s'élever
dans les airs , & de s'y foutenir par un art que
l'Auteur appelle Ars Aëro - nautica . Le P. Lana
a publié fa diſſertation fur cette matiere , en Italien
, à Brescia en 1670 , dans un recueil , fous
le titre de Del prodromo premesso all'arte maeftra,
où ce Pere traite fort au long au Chapitre VI.
de la navigation Aërienne. Pafchius a inféré dans
fon livre cette differtation entiere du Pere Lana ,
traduite en latin , elle occupe environ dîx pages :
il v a joint au § XXVII. les témoignages de
plufieurs Savans Auteurs qui ont cru que l'on ne
devoit pas regarder l'art de voler comme une
chofe à laquelle il eft impoffible de parvenir.
Je fuis &c . Signé, v'H.
D 3
( 78 )
Une lettre de Clermont en Auvergne
contient les détails fuivans.
Le 19 Septembre , à trois heures après midi ,
le feu prit dans Montferrand , à une grange qui
contenoit environ 25 mille gerbes de différens
grains ; le progrès en fut fi rapide , que trois
payfans qui y travailloient purent à peine fe fauver.
L'activité des fecours adminiftrés par les Cavaliers
du Régiment Royal - Navarre , fecondés de
La Compagnie des Pompiers de la Ville , arrêta
cet incendie , qui s'étant déia communiqué au
toit des maifons voifines , in piroit les plus vives
alarmes . A dix heures du foir , on crut être
parvenu à avoir tout éteint , mais fans la précaution
que l'on eût d'y laiffer un corps de garde
de Cavalerie & de Pompiers , la Ville entiere eût
été embrafée ; lefeu , qui avoit miné fous un
gerbier énorme , fe man fefta encore à minuit ; le
vent qui foufloit en ce moment , faifoit craindre
que les pailles enftammées ne portaffent
le feu dans toute la Ville , fi le gerbier avoit le
temps de s'allumer en entier. Les Cavaliers le
chargerent de la commiffion délicate & dangereufe
de retirer de la grange toutes les gerbes que
les pompes éteignirent à mesure qu'ils les arrachoient
enflammées du tas , pour les porter à
une place écartée ; cela fut exécuté avec tant de
rapidité & d'ordre , qu'on en a fauvé une partie
confidérable de grains , mais fi pénétrés d'eau &
de fumée que les beftiaux refufent de les manger.
Cet acte de zele où la plupart des Cavaliers
ont brûlé leurs fouliers & avarié leurs hardes , a
été fuivi de leur part d'un trait qui leur fait encore
plus d'honneur. Les Officiers Municipaux ,
après s'être acquittés le lendemain des remercimens
qu'ils devoient aux Officiers , avoient cru
devoir envoyer aux Cavaliers une gratification de
--
( 79 )
100 liv. - Cette fomme ayant été diſtribuée aux
Chefs de chambrée , & par eux préſentée aux
Cavaliers , tous unanimement s'écrierent qu'ils ne
vouloient d'autre récompenfe que la fatisfaction
de s'être rendus utiles , & prierent d'appliquer
cette fomme aux malheureux qui avoient fouffert
de l'incendie . Trois particuliers qui avoient
perdu toute leur récolte , appellés pour prendre
part à cette diftribution , répondirent que leur
économie & leur travail les mettoient en état de
·
fe paffer de ce fecours pour vivre , Mais que се
malheur les réduitant à l'impoffibilité abfolue
d'aider des orphelins & trois familles indigentes &
nombreuſes , avec qui ils partageoient ordinaiment
leur pain , ils demandoient qu'on leur appli
quât leur quote part , ce qui fut fait fur le champ
par les Députés des Cavaliers du Régiment .
Parmi les ufages anciens il en eft de trèsfinguliers
, & qui ne font pas indignes de
la curiofité de l'Obfervateur & du Philofophe.
La fource la plus fûre dans laquelle, on
puiffe les puifer , eft le dépôt des Réglemens
de Police ; ils tiennent aux ufages , ils n'en
condamnent aucun qui n'ait exifié .
· Nous avons dans nos archives , écrit on de
Troyes une Ordonnance de Police du 12 Août
1612 , dont quelques extraits pourront paroître
piquans. Je les préfenterai fans y joindre aucune
réflexion . Par cette ordonnance publiée
dans tous les carrefours de la ville , les revendeurs
, tant aux changes , qu'au petit marché
près Notre Dame , devoient à l'Exécuteur de
de la Haute Juftice fes étrennes en fruits à leur
difcrétion. Les patiffiers qui s'établiffoient alors
tous les Samedis de carêmes tant aux changes
qu'au même petit marché , lui devoient chacun
d +
( 80 )
tous les Samedis , deux maillées d'échaudés , &
le jour de l'an autant . Par la même ordonnance
les filles joyeufes ufant de leurs droits lui devoient
chacune cinq fols une fois feulement. Les ladres
qui fe pourchaffoient en cette ville lui en devoient
autane pour leur bienvenue , & ils étoient obligés
de lui donner un liard aux quatre bons jours de
l'année , s'ils fe trouvoient à Troyes.
On mande de Metz un exemple de fécondité
bien extraordinaire.
Un cep de chaffelas me parut l'année derniere
chargé d'une fi grande quantité de grappes ,
que j'eus la curiofité de les faire compter exactement
; il s'en trouva 543. Cette année même
curiofité , on en compte 561. Il n'y a que sans
que le cep a été planté , & a remplacé un abricotier
fur la face de la maifon de mon vigneron
, Jean Darange à Juffy , à l'expofition
du levant , la maiſon n'a environ que 4 toifes de
face.
» L'Académie des Sciences , Arts & Belles-
Lettres de Châlons fur- marne , tint le 25 du
mois dernier fa féance publique dans laquelle
elie distribua trois Prix. Le premier , fur les
moyens de rendre la Juftice en France avec le plus
de célérité & le moins de frais poffibles , fut adjugé
à M. Buquet , Procureur du Roi honoraire
au Préfidial de Beauvais , dent le Mémoire
l'a remporté fur douze qui avoient été préfentés
au concours. Le fecond , fur les moyens
d'améliorer en France la condition des Laboureurs ,
des Journaliers & hommes de peine , vivant dans
Les Campagnes , & celle de leurs femmes & de leurs
enfans , fut accordé à un Mémoire dont l'Auteur
ne s'eft pas fait connoître. Le Troifieme ,
qui avoit pour fujet les moyens de perfectionner
Péducation des femmes en France , fut donné à
( 81 )
M. Dumas , Avocat à Lons - le-Saunier. L'Académie
propofe pour fujet du Prix qu'elle adjugera
le 25 Août 1785 , les moyens de faciliter &
a'encourager les Mariages en France , conciliés
avec le refpest dû à la Religion & aux Mairs publiques.
Elle adjugera dans la même aſſemblée un
Prix extraordinaire de 1200 liv. , fur les moyens
d'animer le Commerce en Champagne , & particuliérement
dans la ville de Châlons. Les Mémoires
écrits en françois ou en latin feront adreffés ,
francs de ports , à M. Sabbathier , Secrétaire
perpétuel de l'Académie , avant le 1 Mars 1785 .
La même Académie a déjà prévenu le Public
qu'elle adjugeroit un autre Prix le 25 Août 1784 ,
fur les moyens de perfectionner l'Education des Col
léges en France .
L'Académie des Sciences , Infcriptions & Belles-
Lettres de Touloufe , a adjugé le prix fur
l'influence de FERMAT fur fon fiecle , relativement
aux progrès de la haute Géométrie & du
calcul , & l'avantage que les Mathématiques ont
retiré depuis , & peuvent retirer encore de fes
ouvrages à M. Genty , Docteur Agrégé en l'Univerfité
de Paris , de la Société Royale d'Agriculture
d'Orléans , Profeffeur de Philofophie au
College Royal de la même Ville . Elle a remis
à l'année 1785 le fecond prix , dont le fujet
eft de déterminer tous les moyens les plus avantageux
de conduire dans la ville de Touloufe
une quantité d'eau fuffifante , foit des fources
éparles dans le territoire de cette ville , foit du
fleuve qui baigne fes murs , pour fournir en tout
temps dans les différens quartiers , aux beſoins
domestiques , aux incendies & à l'arroſement des
rues , des places , des quais & des promenades. II
fera de 400. Elle propoſe pour le fujet du
prix qu'elle diftribuera en 1786 , de déterminer
ds
( 82 )
les moyens de conftruire un pont de charpente de
24 piés de voie , & d'un feul jer , c'eft - àdire , fans
piles , fur une riviere de 450 piés de largeur
dont les rives font fupérieures d'environ 25 piés
au niveau des eaux ordinaires . Le fujet du
prix de 1784 eft toujours d'affigner les effets de
l'air & des fluides aériformes , introduits ou pro .
duits dans le corps humain , relativement à l'économie
animale. Le prix fera de cent piftoles.
Pour le prix ordinaire de 1785 , qui fera de 500l .
elle propofe d'expofer les principales révolutions
que le commerce de Touloufe a effuyées ; & les
moyens de l'animer, de l'étendre & de détruire les
obftacles , foit moraux , foit phyfiques , s'il en eft
qui s'opposent à fon activité & à fes progrès.
Les ouvrages adreffés à M. l'Abbé de Rey ,
Se
crétaire perpétuel à Touloufe , ne front reçus
que jufqu'au dernier de Janvier des années pour
les prix defquelles ils auront été composés.
un
Le Dimanche 3 Août 1783 , fur les trois
heures après midi écrit- on de S. Bohaire ,
erage extraordinaire venant du S. O. ayant fa
direction au N. E. parcourut en moins d'une
heure & demie , plus de zo lieues de terrein en
longueur , fur la largeur d'environ une lieue .
-
Tout ce qui s'eft rencontré fur fon paffage ,
comme maifons , arbres , grains , &c. a été défruit
en tout ou en partie. La partie de la
baffe Beauce , voifine de la riviere de Loire a
le plus fouffert. La pluye , la grêle de la groffeur
du poace , étoient fi abondantes , & le vent fi
impétueux , qu'en 5 minutes de temps en chaque
endroit les habitans virent périr leurs récotes
qu'ils commençolent à moiffonner. La
Paroiffe Saint Bohaire Diocèfe de Blois , dépen
dante de laterre de Foffé , dont M. le Chevalier de
Bolleve , ancien Major de Brest , eft Seigneur , a
( 83 )
-
fur-tout éprouvé un défaftre affreux ; fur les trois
heures & demie un foudre de vent précédé de
quelques fecondes d'une pluye & d'une grêle abons:
dantes , a dans fa courfe arraché ou caffé les
arbres , dépouillé les vignes , emporté les grains .
coupés , perdu ceux qui étoient fur pied , renverfé
les cheminées , enlevé les toits en tout ou
en partie ; de 40 maifons , fermes & moulins qui
compofent - le Village , aucune n'a été intacte ,
même plufieurs fermes voifines appartenantes au
Seigneur , ont été endom :nagées confidérableinent.
Ce qu'il y a de plus déplorable , c'eft'
la deftruction entiere de la charpente & couverture
de l'Eglife de 56 pieds de long fur 24 de
large , & 19 de hauteur de fêtage. Cette charpente
de chataignier quoique conftruite en 1555
n'en étoit pas moins três belle & bonne. Elle
a été renversée partie en dehors , & le refte
en dedans de l'Eglife ; c'étoit le jour du Patron
& pendant les Vêpres. 40 perfonnes ont
été bleffées ; 1c8 n'ont du leur falut qu'à la
bonté du lambris qui a retenu la plus grande
partie de la charpente. On ne put peindre
l'image effrayante de ce moment défaftreux .
Les malheureufes victimes qui ne font pas reftées
fous les décombres couvertes de fang , &
toutes fingeufes allofent au pied de l'autel du
Seigneur offrir un refte de vie très - douteux . On
ne voyoit de tout côté que le fang couler , &
l'on entendoit des cris lamentables ; plufieurs
perfonnes retirées des décombres ont été admi
niftrées dans l'Eglife."
Il femble que la providence a veillé à la
confervation de tant de malheureux en danger.
Un feul jeune homme de 21 ans a été tué ſur
la place. Il y a peu de fractures , mais pr {-
que toutes les playes ont des découvertes d'os

d 6
( 84 )
la plupart caufées par la chute des ardoifes. On
n'en a pas trouvé un demi cent d'entieres. Il n'y
a pas une latte qui foit restée attachée au che-
Vron . Tout ce dégat a été fait dans l'espace de
4 ou 5 minutes. →→→→→→→ M. l'Evêque de Blois dort
la bienfaifance & le zele pour les pauvres font >
fi connus a fur le champ pourvu aux premiers
befoins des malheureux , & donné des ordres
pour que rien ne leur manquât M. l'Inzendant
d'Orléans n'a pas plutôt été inftruit de
ce défaftre qu'il a écrit au Prieur du lieu une
lettre de confolation pour lui & fes Paroiffiens
avec promeffe de venir à leurs fecours . Son coeur
tendre & compâtiflant n'a pas borné fon zele
à des paroles ; peu de jours après , il s'eft tranfporté
fur les lieux ; y a pris une connoiffance
détaillée des malheureux & de leur perte , a répandu
quelques largeffes , promis des fecours plus
étendus , & fait efpérer un prompt rétabliffement
de l'Eglife .
Jean Auguftin de Fretat de Sarra , Evêque
de Nantes , eft mort fubitement le 20 Septembre
dans fa ville épifcopale , âgé de 57
ans, Une charité fans bornes , jointe à la
pratique la plus conftante de tous les devoirs
de l'Epifcopat , lui avoit mérité l'eftime générale
, & juftifie les regrets unanimes de
toute la Province de Bretagne.
Jacques-Marie de Caritat de Condorcet ,
né à Condorcet en Dauphiné , le 11 Novembre
1703 , & nommé Evêque de Gap en
1741 , d'Auxerre en 1754 , & de Lizieux en
1761 , eft mort en cette derniere ville le 21
Septembre dernier , dans la 80 °. année de
fon âge. Ce digne Prélat , refpectable par fa
( 85 )
bienfaifance , donnoit tous les ans les deux
tiers de fes revenus aux pauvres.
Victor- Leon de Fera Rouville , Prêtre ,
Prieur Commendataire de Saint Dizier de
Langres , eft mort à Donnemarie en Montois
, le 21 Septembre , âgé de 74 ans.
Madeleine de Treffemanes-Brunet , mariée
le 20 Septembre 1750 à Louis de Felix la
Regnarde, Baron d'Olieres de Saint- Maime ,
Dauphin , Seigneur Comte de Grignan , &
autres lieux , eft inorte dans fes Terres en
Provence , le 23 Septembre , âgé de 58 ans.
Ses vertus & fes qualités perfonnelles la font
regretter de tout ce qui la connoiffoit.
François - Marie - Léonor de la Madeleine
de Ragny , Vicomte de la Madeleine , &c. ,
eft mort à Clermont en Auvergne le 8 Juillet
dernier. Il avoit pour cinquieme aïeul François
de la Madeleine , Marquis de Ragny
Chevalier de l'Ordre du Roi à la promotion
de 1595.
Arrêt du Confeil d'Etat du Roi , concernant la
Caiffe d'Efcompte. Du 27 Septembre 1783 .
La rareté du numéraire opérée par les circonftances
de la guerre , qui ont empêché l'importation
annuelle & réguliere des matieres d'or
& d'argent , en même temps que les elpeces
ont été exportées au loin , a forcé le Commerce
, & fur tout celui de la ville de Paris
à recourir à la reffource que le Gouvernement
a voulu lui ménager , en autorifant l'établiffe
ment de la Gaiffe d'Efcompte .
Les Adminiftrateurs , empreffés de fecourir
le Commerce , ont efcompté autant de Lettres
( 86 )
de change & de bons Effets fur Particuliers
qu'il s'en eft préfenté ; admis à payer ces Lettres
de change en argent ou en Billets de Caiffe
au Porteur , la confiance du Public , les a mis
dans le cas d'augmenter le nombre deſdits Billets
en proportion des befoins des Commerçans
; mais la reffource fur laquelle on a dû
compter pour remettre du numéraire dans la
circulation , fe trouvant retardée dans les effets ,
i en réulteroit pour la Caifle d'Efcompte un
embarras momentané de continuer au Public
la facilité des Efcomptes , dans l'impoffibilité de
payer en efpeces , & même de rembourfer en
argent comptant fes Billets lorfqu'ils lui font
préfentés en trop grande quantité , s'il n'y étoit
pourvu par S. M. Dans la néceffité d'attendre
tout l'effet des reffources que prétente le retour
de la Paix , & de continuer leur fervice , ils
ne voient point de moyen plus affuré que d'être
autorifés jufqu'au 1 Janvier prochain , époque
où la circulation des elpeces fera parfaitement
rétablie , à faire payer en Lettres de change
& bons Effets fur Particuliers , exiflans dans la
Caiffe , les Billets de ladite Caiſſe , à ceux des
Porteurs qui ne voudront pas les laiffer dans
le commerce , aux offres qu'ils font d'en bonifier
l'efcompte , s'il plaifoit au Roi , moyennant
lesdites offres , de défendre juſqu'à ladite
époque du 1 Janvier , toute pourfuite contre
qui que ce foit , pour raifon defdits Billets au
Porteur , & d'ordonner qu'ils continueront d'avoir
cours , & d'être reçus & donnés pour comptant
dans toutes les Caifles générales & particulieres
dans la ville de Paris feulement. A quoi
voulant pouvoir , &c.
Autre , du 4 Octobre , qui ordonne l'ouver
ture d'un emprunt de vingt - quatre millions , en
( 87 )
deniers comptans ou en Billets de la Caiffe d'E
compte. Cet emprunt , en forme de lotterie
fera ouvert au Tréfor Royal immédiatement
après la publication dudit Arrêt ; elle fera de
60000 billets , à 400 liv . chacun , avec beaucoup
de chances de fortune , & l'affurance au
moins de la rentrée du capital & de l'intérêt
annuel. Le premier tirage , qui fera fait au mois
d'Avril 1784 , fera de 4000 billets , faifant
1,961000 liv. payables en Octobre fuivant. Le
deuxieme , en 1785 , de 5000 billets , & de
2,522000 liv. Le troifieme , en 1786 , de 6000
billets , & de 3,121800 liv. Le quatrieme , en
1787 , de 7000 billets , & 3,919600 liv. Le
cinquieme , en 1788 , de 8000. billets , & de
4,652600 liv. Le fixieme , en 1789 , de 9000
billets , & de 5,402800 liv . Le feptieme , en
1790 de 10000 billets , & de 6,243400 liv.
Et le huitieme , en 1791 , de 11000 billets ,
& de 7,200000 liv.
"

Autre , du 4 O&obre , concernant les Payemens
de la Caifle d'Efcompte.
- Le Roi s'é
tant fait repréſenter le procès- verbal dreffé le
3 de ce mois , en vertu de fes ordres , de la
vérification faite de l'état de la Caiffe d Efcompte :
& ayant reconnu que toutes déductions faites
des Billets de ladite Caiffe , payables aux porteurs
, qui circulent dans le Public , il lui refle
en Lettres de change & bans Effets fur particuliers
, outre la valeur des douze millions , à
quoi les fonds ont été fxés par l'Arrét du 22
Septembre 1776 , pour étre employés en totalité
à fes opérations une fomme affez forte
reflant des bénéfices que les Actionnaires ne fe
font paint encore répartis ; S. M. a trouvé qu'il
"étoit de fa juftice , & de l'intérêt du Commerce ,
de manifefter ce que ce réfultat préfente de fa¬
( 88 )
tisfaisant , & de donner aux Adminiftrateurs de
la Caiffe d'Efcompte , une preuve de fa confiance
, en leur laiffant la liberté de n'ufer , en
faveur de ladite Caiffe , de l'autorité des Ar
rêts des 27 & 30 du mois paffé , que de la
maniere qu'ils trouveront eux-mêmes la plus
convenable , en faisant les payemens en deniers ,
à meſure des recouvremens , ainfi qu'ils y font
déjà autorifés par l'Arrêt du 30 Septembre ; &
en leur continuant la faculté d'efcompter les
Effets commerçables quand ils le jugeront à
propos , fuivant la poffibilité de ladite Caiffe &
les befoins du Commerce,
Les Numéros fortis au tirage de la Loterie
Royale de France , font : 85 , 84 , 68 , 48 &
9.
DE BRUXELLES , le 7 Octobre.
Le refus dans lequel perfifte la province
de Frife de payer une partie de fon contingent
, & le rapport qu'a fait de cette affaire
aux Etats- Généraux le Comité de L. H. P.
pour emprunter , à la charge de la province ,
la fomme néceffaire pour remplir le déficit
& pour employer l'exécution contr'elle , fi
elle ne confent pas à acquitter cet emprunt ,
font toujours beaucoup de bruit en Hollande.
Les Etats de Frife ont écrit au Stadhouder
, pour lui demander fon opinion
fur cette mefure , qu'en qualité de Stadhouder
il doit être chargé d'exécutèr. Il leur a
répondu , en déclarant d'abord qu'il ne fe
croyoit nullement dans l'obligation de leur
rendre aucun compte des avis qu'il donnoit
dans le Confeil d'Etat , mais qu'il étoit dif
( 89 )
pofé à leur donner quelque ouverture fur ce
fujet , comme une preuve de fa déférence.
Sa lettre contient en général des exhortations
& des voeux pour la confervation de
l'union , & le maintien de l'efprit de concorde
entre les confédérés. Il cite entr'autres
l'exemple d'un rapport femblable à celui
dont fe plaignent les Etats Frife , & qui fut
fait avec leur attache le 17 Octobre 1771
contre les Etats de Zélande.

« Les Etats de Frife, écrit-on de la Haye ,
n'ont point encore répliqué à cette lettre ; on
s'attend qu'ils feront voir la différence qui fe
trouve entre le cas où ils fe trouvent & l'exemple
qu'on leur oppoſe. Ces différences font très vi-
Gibles ; on fe rappelle que le rapport des Com
miffaires de L. H. P. & l'avis qu'ils confeilloient
n'eurent aucun effet en 1771 , & que
cette province refufa conftamment aux autres
Confédérés l'examen du véritable état de fes
finances. En attendant les habitans de la
Frife ont préfenté aux Etats de la province une
adreffe fur cet objet ; elle contient de plaintes
très-graves contre le rapport des Commiffaires ,
& fur- tout de la propofition faite par eux de
requérir pour une exécution le pouvoir & l'au
torité du Stadhouder du premier Officier
d'Etat de la Province , en qualité de fon Stadhouder
, & qui en même temps , comme fon
Capitaine Général , eſt ſubordonné fous ces deux
titres à l'autorité fuprême de L. N. & G. P. ,
devroit le mettre le premier à la breche pour
les garantir de toute attaque & de toute violence
On s'étend auffi dans cette adreffe fur l'état des
finances de la Province , fur les efforts qu'elle
( 90 )
a faits , & qui la mettent hors d'état de les
continuer. Cette pétition a été fignée par un
très- grand nombre de citoyens de Leuwarde ,
& préfentée le 19 à L. N. & G. P. On en a
envoyé des copies dans les 19 autres villes &
dans les 30 diftricts où l'on s'eft empre.ffé de la
Ligner auffi .
L'Envoyé extraordinaire de Pruffe auprès
des Etats-Généraux leur a préfenté un mémoire
, dans lequel il infifte fur la réduction
du droit de left en veil geld , ( defret &
de tonnage ) , que les Navires Pruffiens paient
dans les ports de la République , comme
tous les autres , en conféquence de la réfolution
de L. H. P. qui avoit doublé ce
droit pour fubvenir aux dépenfes de la Marine.
La ville d'Utrecht a écrit derniérement
au Stadhouder , pour le prier de ne plus y
envoyer de troupes , dans le cas où il auroit
le deffein d'en augmenter la garnifon ,
ce qui ne lui paroit pas néceffaire , & pour
l'engager , dans le cas où il voudroit la chan
ger , de donner des ordres pour que la nouvelle
garnifon n'entrât dans la ville , que
lorfque celle qu'elle doit relever en fera
fortie.
On croit que le choix des Provinces -Unies
pour leur Ambaffadeur à la Cour d'Angleterre
, tombera fur M. de Lynden , qui a
déja rempli l'Ambaffade de Suede.

PRÉCIS DES GAZETTES ANGL . ET AUTRES .
On a demandé fouvent dans nos papiers pu(
༡ )
blics de quelle utilité pouvoit nous étre Gibraltar
qui nous coute des formes immenfes. Pour
moi je redoute ces fortes de queftions , parce.
qu'elles font craindre que les Miniftres ne cher
chent à fonder les fentimens du public fur cet
objet , dans le cas où il feroient tentés de rendre
cette fortereffe .
Les Colonies Françoifes ont rapporté dans les
marchés de France pendant l'année 1782 les
fommes fuivantes , argent d'Angleterre . Saint-
Domingue , 4,126,000 liv . fterling ; la Martinique
, 1,140,000 ; la Guadeloupe , 1,450,500;
Surinam & Cayenne " &c. , 460,000 ; Ile de
France , 1,60,000 ; Ifle de Bourbon , 800,000.
Total , 9,636,500 . liv . L'Amirauté a réglé
ainfi le complet des équipages des vaiffeaux de
garde dans les divers ports . Pour les vaiffeaux de
90 canons , 650 ; pour ceux de 74 , 520 ; pour
ceux de 64 , 460. Sur ce pied l'Angleterre aura
toujours une efcadre préte à mettre à la voile .
•Les vaiffeaux qui avoient été vus à la hauteur
de Spithead le 22 Septembre au foir , &
que d'abord on préfumoit être un efcadre ruffe,
ne font que quelques bâtimens hollandois venant
de la pêche du Groenland ; leur groffeur les avoit
fait prendre pour des vaiffeaux de guerre.
On a des lettres d'un Officier éttanger qui eft
en Crimée fous un nom & un habit tartare ;
il obferve ce qui fe paffe dans cette prefqu'ifle .
Il marque que la Porte a un parti très puiffant
parmi ces peuples , & qu'il s'en faut de beaucoup
que la domination ruffe y foit folidement
établie . Il ne manque , dit-il qu'un chef & des
munitions aux Tartares pour obliger les troupes
ruffes à fe replier , & pour aller attaquer même
les frontieres de la Rie. Courier du bas Rhin,
n°. 77.
( 92 )
Il n'eft pas douteux que le changement de
l'Hoſpodar de Walachie ne déplaiſe infiniment
à la Ruffie ; peut-être elle ou fes alliés auroientils
pu l'engager à abdiquer comme Sahim - Ghe
ray, ou à livrer fa province comme le fit dans
la guerre derniere Ghliga Ghika. On efpere
beaucoup de Drako Suzo ; ila , dit - on , de l'efprit
& du mérite , & les Vaffaux de l'Empire ,
qui fe flattent peut-être en fecret de profiter de
la foibleffe du Gouvernement Ottoman , pour
fe rendre independans ; paroiffent bien résolus
de fe défendre contre les invafions étrangeres.
Gazette de Cologne , n ° . 154 .
>
Quoique les préparatifs de guerre continuent
dans les provinces Autrichiennes , on n'ofe pourtant
rien encore affurer fur la guerre. Lorfque
S. M. I. avant fon voyage en Moravie , parloit
de différens arrangements pour mettre le pays
en état de défenfe on fit attention qu'il dit
pofitivement en parlant à un Magnat de Hongrie
: mais quand la guerre avec la Turquie aura
lieu , il nous faudra fufpendre tous ces changemens.
Je ne fais pas encore pour certain fi j'aurai
la guerre ; mais ce qui eft sûr , c'eft que la
Fufée doit fe démêler au commencement de
Novembre. Supplément à la Gazette d'Amſterdam
n°. 77
Selon quelques feuilles étrangeres la République
de Venife a fait avec l'Impératrice de
Ruffie un traité offenfif & défenfif de 20 ans ,
fuivant lequel les Vénitiens doivent armer dix
vaiffeaux de ligne & un nombre proportionné
de frégates & de galeres qui fe joindront aux
efcadres Ruffes contre celle des Turcs. La République
de Venife s'oblige en outre par ce traité
à recevoir dans fes ports les vaiffeaux de guerre
Ruffes , & à leur donner tous les fecours dont
( 93 )
ils pourront avoir befoin ; & l'Impératrice de
Ruffie s'engage de fon côté à mettre les Vénitiens
en poffeffion de la Dalmatie & de toutes
les Illes qui en dependent. La petite république
de Ragufe qui eft dans le Golfe de Venife
reftera feule indépendante comme auparavant. Selon
les mêmes feuilles étrangeres , une Cour
d'Allemagne a garanti ce nouveau traité aux
Vénitiens. Gazette d'Utrecht nº 77.
Les Princes Héraclius , & Salomon qui regnent
en Georgie , viennent de le déclarer volontairement
valfaux de l'Empire de toutes les Ruffies.
Supplément à la même Gazette.
GAZETTE DES TRIBUNAUX ABRÉGÉE ( 1 ) .
PARLEMENT DE PARIS , GRAND'CHAMBRE.
La dixme des vins eft - elle groffe dixme.
" Le fieur Pliffon , Curé de la Paroiffe de Saint
Martin des Champs , près Mantes , a effayé de
foutenir la négative. Les groffes dixmes de
la Paroiffe dont il s'agit appartiennent indivifément
au Curé , à l'Abbaye royale de Saint- Corentin
-les-Mantes , & au Séminaire de Chartres ;
d'après le privilege particulier qu'a le Curé d'être
Fermier des dixmes fans payer de taille , les Abbeffes
lui ont de tout temps affermé leurs dixmes.
Les différens baux ont tous énoncé celle
des vins. Le dernier Titulaire étant mort au
commencement d'un bail des dixmes que l'Abbaye
venoit de lui paffer , fon héritier en a
continué l'exploitation . Le fieur Pliffon , nommé
à la Cure en 1776 , a voulu tirer avantage
de cette poffeffion precieuſe de ſes Prédéceffeurs
, pour le faire un titre exclufif fur la
dixme des vins . Il a fait affigner , le 17 Octobre
1778 , le Fermier de l'Abbaye , pour voir
dire qu'il feroit maintenu dans le droit de percevoir
, feul , en fa qualité de Curé , à l'ex(
94 )
clufion de tous autres , la dixme des vins crás
& recoltés fur le territoire de fa Paroife ; avec
défenſe au Fermier de l'y troubler , fous peine
de 100 liv. d'amende , & reftitution de la dixme
perçue en 1778 , & dépens. Une Sentence par
défaut , du 28 Octobre 1778 , rendue au Siege
de Monfort -Lamaury , lui avoit adjugé les conclufions
, appel du Fermier. Arrêt du 12
Eévrier 1783 , qui a mis l'appellation & ce au
néant , déchargé le Fermier des condamnations
contre lui prononcées , & débouté le Curé de
fa demande , avec dépens
33.
GRAND'CHAMBRE.
Inftance entre le fieur le Grand , Fabriquant de
Gazes , & le fieur de Roncerai , Commiffion
naire de Voitures . Commiffionnaire , garant
des avaries qui furviennent aux marchandifes qu'il
fe charge de tranſporter.
-
L'avantage & la sûreté du Commerce exigent
cette garantie , à laquelle le Commiffionnaire
cherche toujours à fe fouftraire . Le fieur le
Grand , voulant faire paffer à la Foire de Francfort
une partie confidérable de Gazes , s'adreffa
au fieur de Roncerai , pour fire parvenir
à Strasbourg une caiffe de 316 Pieces de Gaze
à l'adreffe du fieur Eberts , fils , fon Correfpondant
, & en reçut , comme il eft d'ufage , une
Lettre de Voiture , qui portoit que le nommé
Duboc , Voiturier , étoit chargé de la caiffe.
-Elle fut néanmoins confiée fucceffivement à
différens Voituriers , & finalement la Charette
ayant verfé dans un ruiffeau , les Gazes furent
mouillées. Le fieur le Grand fit affigner aux
Confuls le fieur de Roncerai , pour le faire condamner
à lui payer 11145 liv . 7 fols 6 deniers ,
valeur de la Gaze , & autres fommes pour cailles ,
( 95 )
-
Appel
Arrêt
cartons , défaut de vente , & dommages & intérêts
, & fut déclaré non recevable.
en la Cour de la part du fieur le Grand.
du 6 Avril 1783 , qui a infirmé là Sentence ,
déchargé le fieur le Grand des condamnations
prononcées contre lui , & condamné le fieur de
Roncerai , par corps , à payer au fieur le Grand
la valeur des marchandifes , avec intérêts du
jour de la demande & dépens. Faifant droit fur
la demande en garantie du fieur de Roncerai
contre Michel André , Voiturier de Sainte- Marie-
aux-Mines a condamné ce dernier à l'acquitter
, garantir , & indemnifer de tout ce que
deffus ; fur le furplus des demandés des Parties ,?

les a mis hors de Cour.
Teftament mystique.
....9
Il s'agit dans cette Caufe du teftament myſ- '
tique du fieur Nicolas D. , Notaire royal à ,
par lequel il a avantagé un de fes neveux , au
préjudice des autres. Les Parties mécontentes
ont cherché à le faire anéantir , parce que le
Notaire avoit oublié , dans l'acte de fufcription ,
d'intérer en la déclaration que le teſtament étoit
figné du teftateur. Sentence des Juges de Mâcon
qui en a prononcé la nullité. Arrêt confirmatif
du 30 Août 1783 .
>
PARLEMENT DI PROVENCE.
Le fieur M. , Prêtre , réfidant à Marseille
poffede , dans le Quartier de Saint- Barthélemy
de cette Ville , un domaine qui touche celui de
la dame B. , veuve du fieur G. , ancien Cour
tier de Marfeille. Le chemin qui conduit à ces
domaines et bordé de murailles ; fa largeur eft
de huit , neuf , & même douze pans .
Le
fieur M. ayant imaginé que la voiture de la dame
G. endommageoit fes murailles , s'eft pourvu ,
le 18 Mars 1779 , devant le Lieutenant au Siege
de Marfeille , pour que défenfes fuffent faites
( 96 )
de paffer en voiture dans le chemin dont eft
queftion , & d'y faire paffer des charettes ou
tombereaux , à peine de tous dépens , dommages
& intérêts. La dame G. défendit à cette
demande , & le fieur M. en fut débouté par
fentence. Sur l'appel , Arrêt du 4 Mai 1783
qui déboute le fieur M. de fa demande , & le
Condamne aux dépens . Cet Arrêt juge que
les chemins vicinaux font publics , & qu'on
peut y paffer à cheval ou avec des voitures
pourvu qu'il y ait poffibilité phyſique .
PARLEMENT DE FLANDRES .
Portion congrue, provifion.
?
Le Curé de Fourmiers en Hainaut , n'ayant
qu'un gros de Cure très- modique , l'abandonna ,
& conclut contre les Abbés & Religieux de
Lieffies à une portion congrue , telle que le
Parlement de Flandres la fixeroit . De leur côté
les Abbés & Religieux déclarerent qu'ils abandonnoient
leur dixme & leur titre de Curé primitif.
Les chofes en cet état , la Communauté
de Fourmiers fut miſe en caufe , & le Curé
prétendit qu'elle devoit , moyennant la rétroceffion
qu'il lui faifoit , tant de fon gros de
Cure que des objets abandonnés par l'Abbaye ,
fupporter la charge de la portion congrue . La
Communauté ayant foutenu que cette charge .
ne pouvoit la concerner , même ſubfidiairement ,
le Curé demanda la provifion à la charge de
qui il appartiendroit. Queſtion de favoir qui de
l'Abbaye ou de la Communauté devoit cette
proviſion ? Arrêt du 11 Août 1783 , au
rapport de M. le Boucq , qui , avant faire droit
au principal , ordonne aux Parties de contefter
plus amplement ; & par provifion , condamne
l'Abbaye de Lieffies à payer au Curé une portion
congrue de 500 florins , fauf a augmenter
ou diminuer en définitive , & en la moitié
des dépens envers routes les Parties , l'autre
moitié réfervée .
-
JOURNAL POLITIQUE

· DE BRUXELLES.
TURQUI E.
DE CONSTANTINOPLE , le 4 Septembre.
ES bruits qui fe font répandus dans l'é-
Ltranger d'une révolution dans cette Capitale
contre l'Empereur regnant, en faveur du
Sultan Selim , font deftitués de tout fonde-'
ment: il en eft de même des grands changemens
dans l'adminiftration qu'on a dit devoir
avoir lieu après la fête du Bairam ; le Grand-
Vifir & le Capitan-Bacha continuent d'avoir
la plus grande influence dans les affaires de
l'Etat ; & il paroît que la flotte Ottomane ne
tardera pas à mettre à la voile. Le Divan ,
qui jufqu'à préfent avoit paru répugner à la
guerre , y femble maintenant décidé, furtout
depuis qu'il fait qu'il exifte encore dans la
Crimée un parti nombreux , qui joindra volontiers
fes efforts aux nôtres , pour le fouftraire
à la domination Ruffe.
L'Anglo-Turc , Muftapha , Chef du corps
No. 42 18. Octobre 1783. e
( 98 )
d'Artillerie , eft continuellement occupé à
fondre des canons ; ces pieces font véritablement
belles & fortes ; elles n'ont befoin que ,
de bras formés à les manoeuvrer , & on s'occupe
avec beaucoup de foin à en exercer.
On a mis les Dardanelles dans un état de
défenſe , qui rend le paffage de l'Archipel ici
impraticable à quiconque voudroit entreprendre
de le forcer ; c'eft un Ingénieur
étranger qui a été chargé de ce travail : il y a
établi des batteries flottantes , garnies de canons
de la plus grande force , de 32 , de 48
& de 60 livres ; & on travaille à mettre dans
unétat auffi refpectable les Ifles de l'Archipel
La pefte qui continue toujours fes ravages
, force à mettre un peu de lenteur dans
l'exécution de ces travaux ; mais , on écrit que
ce feau terrible commence à fe rallentir ; &
on efpere que l'Automne qui s'approche , le
fera entierement ceffer.
:
RUSSIE.
DE PÉTERSBOURG , le 5 Septembre.
L'Impératrice a fait remettre au Duc de
S. Nicolas , Miniftre de Naples , avant fon
départ , une boîte avec fon chiffre en brillans
; elle a en même temps exempté de tousdroits
de douane 4 bâtimens Hallandois qui
ont chargé ici des munitions navales pour le
compte du Roi des deux Siciles. On ne
doute pas que notre efcadre dans la Méditerranée
ne trouve en revanche toute l'affif(
99 )
tance & les fecours dont elle pourra avoir befoin
dans les ports de S. M. S.
21.
Le Prince de Jouffoupoff, que S. M. I. a
nommé fon Miniftre à la Cour de Turin, eft
parti d'ici jeudi dernier pour fe rendre à fa
deftination .
On vient d'apprendre que les Princes Héraclius
& Salomon de Géorgie fe font déclarés
volontairement vallaux de cet Empire ;
cet événement, préparé fans doute de longue
main , comme toutes les autres parties
du plan formé contre la puiffance Ottomane
,' acheve de rendre la Ruffie maitreffe des
bords feptentrionaux & orientaux de la mer
Noire. M. Tamara , dépêché par le Prince
Potemkin , pour apporter ici cette nouvelle
intéreffante, a été élevé au grade de Colonel.
L'efcadre fortie de Cronftad pour faire
une croifiere dans la Baltique , ne confifte
qu'en 6 vaiffeaux & 2 frégates ; il refte encore
dans le port 9 vaiffeaux de ligne , 6 frégates
& 4 galiottes à bombes."
DANNEMARCK.
" ཐཱ་
DE COPENHAGUE , le 14 Septembre.
Une lettre de Holmens - Hafen en Iflande,
contient les détails fuivans fur les phénomenes
qui fe font manifeftés cette année dans
cette ifle.
Le premier jour de la Pentecôte de cette année
, il s'eft formé dans le Mont Skaftan fitué
dans le diftrict de Skaftefield , un volcan qui s'eft
tellement développé que tout le lac appellé
e 2
( 100
Skaftawe , a été defléché , & ne forme plus qu'un
terrein pierreux . Deux Eglifes & huit maifons de
Payfans ont été brûlées à la fois & ne font plus
qu'une maffe de pierres calcinées ; fuivant les
rapports qu'on en reçoit , la flamme rouloit comme
une mer agitée , & embrafoit tout ce qu'elle rencontroit
, de maniere que terre , pierre , tout
étoit enflamé ; on auroit dit un feu violent qui
tantôt fe répand avec impétuofité , tantôt ne fuit
fa marche qu'avec lenteur. D'après ces derniers
avis , ce terrein de feu s'étend de plus en plus ,
de forte qu'on peut dire avec certitude qu'il a
déja envahi un espace de terrein de plus de fept
milles de large fur quatorze de long. Ce
n'eft pas à cela que fe réduit le mal ; on peut
préfumer avec beaucoup de vraisemblance qu'il
eft beaucoup plus confidérable ; les vapeurs de
fouffre , de falpetre , de cendres & de fable exhalées
de laàtterre , ont tellement obfcurci l'athmofphere
, que tout le pays eft abymé dans les
horreurs d'épaiffes ténébres. Depuis le huitieme
jour après la Pentecôte il a été impoffible de
voir & de diftinguer le foleil fi ce n'eft à fon lever
a fon coucher ; & alors il paroiffoit comme une
maffe de fer rougie au feu & environnée d'une
vapeur épaiffe. Cette terrible nuit empêche
d'avoir des détails plus circonftanciés ; & l'on ne
fait pas encore pofitivement combien de nouveaux
volcans fe feront formés , & fur quelle étendue
de terrein ce phenomene terrible de la nature fe
fera développé. Ce qui mérite d'être remarqué ,
c'eft que l'on diftingue des éminences & de hau
tes montagnes mèmes , dans les lieux où il n'y
avoir ci - devant que des plaines. L'Ife nouvelle
fortie du fein des flots près des côtes de Kugleskiares
, s'étend de plus en plus , & brûle contimuellement
, les pierres calcinées qui s'en élevent
I
( 101 )
font lancées jufque fur le rivage oppofé . On ne
peut pénétrer ce qui réfultera de ces phenomenes
nouveaux ; mais on penfe avec effroi aux fuites
funeftes qu'ils paroiffent annoncer.
SUÈDE.
DE STOCKHOLM , le 12 Septembre. '
On mande de Gothembourg que les commiffions
de l'étranger font fi nombreuſes ,
que la meilleure & la plus grande partie des
cargaifons apportées en dernier lieu par les
navires de notre Compagnie des Indes
Orientales , fortira du royaume, & paffera
en d'autres lieux.
Quelques Négocians de cette Ville , ayant , par
une fpéculation de commerce, expédié un Navire
Saint- Domingue , ce bâtiment eft revenu depuis
quelques jours avec une riche cargaifon de café.
On en attend un autre qu'ils avoient fait partir
pour Surinam. Quoique le commerce de ce
Royaume en général , ait du beaucoup fouffrir
de la ceffation des hoftilités , & que le prix d'achat
desNavires ait baiffé confidérablement, les fréteurs
ont cependant durant le cours de l'été paffé ,
retiré des profits confidérables par le tranſport
des grains avidement recherchés partout ; ce qui
maintenant le fret à un prix affez haut , augmente
encore fi fort la rareté des bâtimens folidement
conftruits , que l'artillerie fondue dans ce pays
pour le compte du College d'Amirauté de Zélande
, n'a pu être chargée & expédiée pour fa
destination que depuis peu de jours.
POLOGNE.
DE VARSOVIE, le 15 Septembre. les
La quantité conſidérable de Juifs qui font
e 3
( 102 )
établis dans cette Capitale , excite l'attention
du Gouvernement , & l'on tient à ce fujet
des conférences multipliées de la part de la
Jurifdiction du Maréchal de la Couronne.
Quelques-uns de fes membres feroient d'avis
de faire fortir cette nation de la ville ; d'autres
préféreroient de limiter le nombre des familles
qu'on peut y tolérer ; & quelques autres
voudroient qu'on leur affignât un emplace
ment de l'autre côté de la Viftule , pour y
élever une ville dans laquelle ils pourroient
feuls demeurer.
Il est beaucoup queftion de former des
confédérations depuis quelque temps. Leur
objet feroit de veiller à la protection de la
République , & d'écarter la guerre de fon
territoire , fur lequel les Ruffes & les Turcs
pourront , lorfqu'ils feront aux prifes , porter
quelquefois la défolation & le carnage , &
faire fouffrir les habitans d'une guerre qui
leur eft abfolument étrangere. ,
ALLEMAGNE.-
DE DANTZICK , le 16 Septembre.
Lorfque le Roi de Pruffe fit élever le fort
de Langenfuhrt fur la Viftule , le commerce
de cette ville craignit avec raifon qu'un jour
cet établiſſement ne lui fît quelque tort : cependant
la bonne intelligence avoit jufqu'ici
fubfifté entre notre adminiſtration & la régence
Pruffienne. Notre Magiſtrar à réclamé
aujourd'hui fon droit d'étape , & a demandé
( 103 )
que les bâtimens Pruffiens , qui paffent à
Dantzick , le payent comme les autres ; la
régence Pruffienne s'y eft oppofée , & a fait
garnir les deux bords de la Viftule au- deffus
de la ville de Canons , qui empêchent le
paffage à tout bâtiment Dantzickois , tandis
qu'il devroit l'être encore pour les navires
des Puiffances étrangeres. Cependant ces
derniers ne le font point ; les navires Pruffiens
même ne font pas exempts de la regle
générale. Il y en a beaucoup de retenus
Le 7 de ce mois deux Dantzikois ont été tués
fur notre territoire par des Pruffiens . Le Réfident
de Pruffe remit auffi -tôt au Magiftrat un
Mémoire dans lequel cet acccident étoit repréfenté
comme une fuite de la grande animofité
du peuple de part & d'autre , & il le preffa
de rétablir la tranquillisé . Des ordres furent publiés
en conféquence pour défendre les attroupemens
& les émeutes fous des peines févéres ,
& peu de jours après le Major Pirch eft venu
dans la Ville fans que fa préfence ait occafionné
le moindre tumulte ; il n'y en auroit point eu
s'il n'étoit point venu armé . Le 8 le Réfident
Pruffien reçut des dépêches de fa Cour ; le 9 il
remit un nouveau Mémoire au Magiftrat , par
lequel il lui demande s'il veut entrer en négo
ciation au fujet du paffage des vaiffeaux du Roi ,
s'il veut déclarer ce paffage libre ad interim falvo,
jure , & il promet au nom du Roi , de lever
tous les obftacles , il vouloit avoir réponſe dans
deux fois vingt quatre heures ; mais le
Magiftrat qui a déja réclamé l'appui de la Pologne
& celui de la Ruffie , n'a pu le fatisfaire
fi promptement , les chofes font toujours
au même état.
·
e. 4
( 104 )
DE VIENNE , le 27 Septembre.
Depuis qu'il s'agit de rendre libres le commerce
& l'induftrie , en faveur de tous les
habitans de cette ville en général , le bruit
s'eft répandu que le Gouvernement fera rembourfer
à ceux qui ont des privileges exclufifs
, ce qu'il leur en a coûté pour les obtenir.
Une boutique de Perruquier fe payoit cidevant
8 à 10,000 florins , celle d'un Apothicaire
30,000 , le droit d'avoir un caffé
12 à 16,000 , celui de vendre des fruits ,
12,000.
On a parlé de l'Ordonnance de l'Empereur
contre les corps de baleine , dont l'uſage
immémorial chez le beau Sexe eft accompa
gné , de tant de danger.
11 eft non- feulement contraire à la nature , en
ce qu'il nuit fenfiblement à la propagation , mais
il est encore funeſte à la ſanté des femmes & des
filles , dont il gêne abfolument le développement
des organes la maigreur , les obftructions , les
étranglemens des vifceres , la foibleffe habituelle ,
enfin une infinité de maux font les fuites inévitables
de ce ridicule ufage , que l'entêtement maintient
depuis filong- temps. On peut encore ajouter
que les corps ne font pas moins contraires au bon
goût. Les graces y perdent infiniment ; pour acquérir
ce qu'on appelle une belle taille , on renonce
à l'aifance & à la fraîcheur de la fanté. Les
femmes ne font point faites pour être coupées en
deux comme les guêpes , & ce n'eſt point ainfi
que font modelées les belles ftatues de l'ancienne
Grece, qui offrent aux yeux des contours fi gracieux.
L'Empereur , en profcrivant ces cuiraffes dans
( 105 )
les maifons d'éducation , ordonne à la Faculté de.
Médecine de compofer un petit Traité clair & à la
portée de tout le monde , touchant le danger des
corps pour la fanté , l'accroiffement & la bonne
difpofition du fexe . Ce Traité fera répandu dans
le Public , pour l'inftruction des parens.
DE BERLIN , le 20 Septembre.
S. M. a donné ordre d'abattre dans la
Marche électorale une certaine quantité de
mafures qu'elle fe propoſe de faire reconftruire
à fes frais ; on commencera par les
villes de Furftenwald & de Spandau ; elle a
alligné 80,000 écus pour l'embelliffement de
la premiere. On va conftruire ici de nouvelles
cafernes pour les régimens de Bornftedt
& de Waldeck .
Le roi , toujours ennemi des abus , & toujours
prêt à les faire ceffer , vient de faire publier une
ordonnance , deftinée à fervir de regle aux Confuls
& aux Navigateurs ; fon objet eft d'obliger
ces derniers à payer , dans les mers éloignées , les
droits qu'ils refufent quelquefois , & d'empêcher
les premiers d'en exiger de trop forts . Ces droits
feront d'un écu dans les ports de la Baltique ,
jufqu'à Elfeneur , & de deux écus dans les ports
hors de la Baltique , comme en Hollande , en
Angleterre , en France , en Portugal , en Espagne ,
en Italie , en Afie , en Afrique & en Amérique ,
pour l'exhibition & la lecture d'un paffe - port ;
mais quand les Navigateurs Pruffiens voudront
charger le Conful de leurs affaires particulieres
& de leurs commiffions , ce fera un arrangement
à faire entr'eux : l'intérêt des Confuls , pour fe
procurer des avantages dans leur état , eft de gagner
la confiance des Navigateurs,
es
( 106 )
DE HAMBOURG , le 22 Septembre.
Les mouvemens des Turcs & ceux du
Nord ne fe ralentiffent point ; & on croit
toucher inceffamment à l'inftant qui diffipera
les incertitudes dans lefquelles reftoit
l'Europe d'après les mouvemens que n'interrompent
point les négociations qui continuent
toujours.
L'accord qui paroît régner entre les deux
Cours Impériales , dit un de nos papiers , n'a
jamais été plus ouvert ni plus marqué ; il y a
long-temps qu'il fixe l'attention des autres Puiffances
, intéreffées à conferver l'équilibre général
pour la fûreté du commerce. Elles ne font certai
nement pas restées oifives ; mais quel eft le réfultat
de leurs mouvemens politiques ? c'eft ce que
l'on ignore encore , & ce que l'on croit qui ne
tardera pas à être éclairci . Le temps approche à
grands pas , où les grands événemens entrevus
depuis fi long - temps , vont enfin éclater ; de fi
grands préparatifs militaires vont fe développer
d'une maniere étonnante , & peut être le 19 de
ce mois a-t- il levé le rideau & décidé cette grande
affaire . On mande de Vienne , que 200 canons
de batterie , embarqués à bord de 10 bateaux
, viennent d'être tran portés , par le Danube
, à Semlin . Le grand cordon impérial , qui
s'étend depuis la Buccowine jufques dans la Styrie
, eft composé de 183,000 hommes & de 800
pieces de canon . Le Danube , vis - à- vis de Pantzowa
& de Mahadia , ainfi que la Save , eft de 50
en 50 pas garni de piquets foutenus par des
détachemens ; & fur la rive opposée de ces deux
fleuves , il y a une foule prodigieufe de Turcs ,
-
"
( 107 )
en partie campés , & en partie logés dans les maifons
».
Selon quelques lettres , la Chancellerie de
guerre de Vienne s'eft fait remettre ces jours
derniers tous les plans levés fous le Prince
Eugene , & qui étoient gardés jufqu'à préfent
dans la Bibliotheque Impériale ; & le
Confeil de guerre commence à faire des contrats
pour la livraiſon du vinaigre & de la
paille , &c. néceffaires aux troupes.
On dit auffi que 15 à 20 régimens Ruffes
ont paffé le Nieper pour entrer dans la Moldavie.
Toutes les Gazettes annoncent le parti
qu'ont pris les Princes de Géorgie , Héraclius
& Salomon , de fe déclarer vallaux de la
Ruffie & l'empreffement de plufieurs Tartares
à fuivre cet exemple , & à fe foumettre
à la même domination.
» Cette derniere nouvelle eft trop extraordinaire
pour être vraisemblable , lit - on dans une
lettre ; il eft par conféquent prudent d'attendre que
le temps ou d'autres avis , qui ne viennent pas de
Ruffie , la confirment. Les moeurs , les ufages ,
la religion , les préjugés de tous les peuples ,
qui fuivent l'iflamifme , font des obftacles à
tous les projets qu'on leur prêtera de reconnoître
un Souverain étranger ; ils en offriront même de
très grands à ceux qui entreprendront de les réduire
malgré eux , & il faudra fans ceffe employer
pour les contenir , la force , qui finit par rendre
odieux le pouvoir auquel on ne peut réfifter , &
contre lequel on lutte fans ceffe . Il ne faut donc
pas croire fi légerement que les Tartares fouffrent
patiemment la domination Ruffe ; ceux qui tien(
108 )

nent à leur fol , gémiffent en attendant une occas
fion favorable pour fecouer leur nouveau joug
mais les familles les plus confidérables & les plus
riches défertent le pays , & arrivent en foule à
Conftantinople ; elles ne contribuent pas médiocrement
à exciter le peuple à la vengeance.
- IL
ne paroît pas non plus qu'on doive compter davantage
fur l'amitié des peuples de Georgie. H
eft vrai que le Prince Heraclius , flatté des avances
qu'on lui a faites , du fceptre & de la couronne
d'or qu'on lui a envoyés , a bien voulu fe mettte
fous la protection de l'Impératrice , & fe déclarer
fon vaffal. Mais le Prince Salomon a refufé les
mêmes préfens , & déclaré qu'il ne vouloit dépendre
que de fon cimeterre. Voilà en général toutes
les nouvelles qu'on a de Conftantinople ; car
comme on l'a dit , il ne faut rien attendre de
Pétersbourg ni des armées , par les foins que l'on
a pris de fupprimer toutes les correfpondances
particulieres qui peuvent nous inftruire de l'état
des chofes.
Selon une autre Lettre , l'efcadre fortie de
Cronfta 1 , le 15 & le 18 Août, eft réellement
deftinée pour la Méditerranée ; comme
elle eft mal équippée , on a dit avec affez de
vraifemblance , qu'elle ne feroit que croifer
dans la Baltique. Il eſt difficile en effet qu'elle
aille plus loin dans l'état où elle eft , à moins
qu'on ne l'ait mal armée que pour cacher fa
marche , & qu'on efpere de la pourvoir
dans les ports d'Angleterre des équipages &
& des munitions dont elle a befoin pour
une fi longue campagne.
«On raconte un trait où l'équité de l'Empereur
fe fait autant admirer, que le crime auquel
1
( 109 )
il a infligé une punition mérite d'horreur . En
Moravie , unLieutenant à ſon ſervice abufoit fouvent
de la facilité de fon pere pour en tirer l'argent
que lui coûtoient fes plaifirs . Celui- ci étoit directeur
d'une caifle publique ; un jour le Lieutenant
vint lui annoncer que fon honneur & fon état dépendoient
d'une fomme de 600 florins , dont il
avoit le befoin le plus préffant. Le pere allegua
une impoffibilité abfolue ; le fils joua le déſeſpoir :
puifqu'il faut cette fomme , dit le pere en ouvrant,
la caiffe dont il étoit dépofitaire , je vais donc me
P
rdre pour toi: il tira les 600 florins de cette caiffe
les remit à fon fils ; mais dès que celui - ci fut parti
il remplit ce vuide ; il n'avoit feint de prendre dans
ce dépôt que dans l'efpérance d'effrayer fon fils ,
& de mettre des bornes à fa diffipation. L'Empereur
venant à paffer par cette ville , le Lieutenant
alla fe jetter à fes pieds: Sire , lui dit-il , vos
droits font plus facrés que ceux demon pere même.
Son imprudence m'oblige à devenir fon délateur.
Il vient de prêter à quelqu'un une fomme de 600
florins de la caiffe que V. M. a daigné lui confier.
L'Empereur le renvoye & fait venir le pere : la
vérité ne tarda pas à être connue. Le Lieutenaut
a été caffé avec infamie , & condamné à 10 ans
de maifon de force. Il a été donné au pere une
augmentation de gages , pour adoucir apparemment
fa douleur d'avoir un fils que l'espoir d'une
récompenſe a pu porter à une action fi atroce.
ITALIE.
DE LIVOURNE , le 14 Septembre.
On apprend de Milan , que l'Empereur a
nommé M. Philippe Viſconti , Prévoft de la
Métropole , à l'Archevèché de cette ville ; 2
( 110 )
que l'Archiduc & l'Archiducheffe Ferdinand
y étoient attendus le 13 de ce mois , & l'Archiducheffe
de Modene le 25 .
Le Roi , écrit - on de Naples , a réſolu de mettre
les forces maritimes des deux Siciles fur le
pied le plus refpectable . Pour cet objet on a dreffé
un plan pour un grand arfenal & un chantier
royal , & on va s'occuper inceffament des travaux
relatifs à cet objet , pour lefquels S. M. a donné
200,000 écus. Son deffein eft d'équiper une efcadre
deftinée à protéger le commerce & la navigation
de fes fujets contre les corlaires barbarelques
, & de donner à fon Royaume toute l'importance
à laquelle il eft en droit de prétendre
auprès des puiffances maritimes. 11 femble
qu'il y ait une fatalité attachée à la plupart des
entrepriſes formées par les Puiffances Européennes
contre les Etats Barbárefques pour faire ceffer
leurs pirateries & leur infolence . L'histoire en
fournit plufieurs preuves , entr'autres celle - ci
qu'on lit dans un papier public . Les Etats de ces
pirates , qui font fur la méditéranée , formoient
autrefois le Royaume de Mauritanie & la République
de Carthage . Les habitans modernes de ces
Etats font aufli entreprenans , auffi inconftans ,
auffi cruels & auffi traitres que leurs ancêtres ,
dont les Hiftoriens Romains nous ont laiffé de fideles
portraits. Vers le commencement du 18 .
fiecle , le fameux Barbe Rouffe , par fa conduite
& fon courage , les rendit formidables aux Puiffances
Européennes , qui ont (ouvent tenté , mais
en vain , de détruire leurs établiffemens . En 1541 ,
l'Empereur Charles Quint , â la tête de 26000
hommes de très- belles troupes , fit , contre l'opinion
de fes Alliés , une deſcente fur les côtes
d'Alger , qui n'étoient défendues que par 800
1
( 111 )
Turcs & sooo Maures ; mais une violente tempễ,
te étant furvenue , tous les vaiffeaux fur lesquels
étoient les vivres de fon armée perdirent leurs ancres
, & dans l'espace de 24 heures , il périt 15
vaiffeaux de ligne , 140 bâtimens de transport &
8000 Matelots. Ce malheur obligea Charles-
Quintà fe retirer ; & les troupes , dans cette retraite
, furent réduites à n'avoir pour toute nourriturre
que de la chair de cheval . Plufieurs de fes
Soldats furent noyés en traverfant les rivieres
d'autres périrent faute d'alimens ; mais le plus
grand nombre fut tué par les Algériens , qui harafferent
jour & nuit les malheureux reftes de l'armée
espagnole. Charles- Quint eut à peine embarqué
les débris de fes troupes , qu'il eſſuya une autre
tempête. En un mot , les vaiffeaux n'arriverent
en différens ports d'Efpagne & d'Italie , qu'après
avoir été vingt fois à la veille d'être englou
tis.
7
;
Les Lettres de Rome portent que , par
ordre du gouvernement Apoftolique, un ouvrage
écrit en langue Françoife , contenant
4 feuilles d'impreffion , & ayant pour titre :
Extrait de deux Lettres en guife de brevets ,
envoyés aux Evêques de France , le 19 Avril
1783 , a été brûlé par la main du bourreau ;
cette production a été profcrite comme mal
fonnante , impie , & remplie de fauffetés
groffieres ; il eft défendu fous des peines trèsgraves,
dela vendre, débiter , ou tenir chez foi .
ESPAGNE.
DE MADRID, le 26 Septembre.
On croyoit que le S. Jean Nepomucene ,
( 112 )
qui a raníené D. Bernard Galvez en Europe',
y apporteroit l'argent appartenant au Roi ,
qui étoit à la Havane , & celui pour le commerce
, que la frégate la Sainte- Lucie avoit
apporté quelques jours avant fon départ ; il
avoit été d'abord décidé qu'on les chargeroit
fur ce vaiffeau : mais l'adminiſtration a
changé de fentimens ; cette partie du tréfor
ne viendra qu'avec le tréfor même , qu'on
n'attend que vers le mois de Février de l'année
prochaine , & qui fera , dit-on , au moins
de 40 millions de piaftres . Ce long retard
peut influer fur les opérations des principales
places de l'Europe , qui , à l'inftant de la paix ,
s'attendoient à recevoir les fonds que la
guerre avoit retenus en Amérique.
On attend ici avec la plus grande impatience
les nouvelles d'Alger ; on eft curieux
de favoir jufqu'à quel point cette ville a fouffert.
En attendant , D. Antonio Barcelo eſt
fort fêté par le Roi & par toute la Cour. La
Princeffe des Afturies , malgré fa fituation &
la rigueur de notre étiquette , a voulu le
voir , & ce Général lui a été préfenté , la
Princeffe n'étant pas encore relevée de fes
couches, ce qui n'eft pas encore un médiocre
honneur.
ANGLETERRE
DE LONDRES , le 7 Octobre.
La proclamation publique de la paix
qu'on croyoit reculée après le Traité définitif
1
( 113 )
avec la Hollande , & l'arrivée des ratifications
de l'Amérique , a eu lieu hier matin ;
on connoît la forme de ces cérémonies qui
n'ajoutent rien à la fanction des engagemens ,
& qui ne font que des fêtes pour le peuple .
On a remarqué que dans cette proclamation
il n'eft queftion que de la paix avec la France
& l'Eſpagne ; on n'eft pas étonné qu'il n'ait
pas été dit un mot de celle de la Hollande ,
parce qu'il n'y a que les préliminaires d'arrétés
, & que le Traité refte à conclure ; mais
il n'en eft pas de même de celle avec l'Amérique
; le Traité définitif eft exactement le
traité préliminaire qui a été ratifié depuis
long- temps , de forte que ce n'eft plus qu'une
formalité que la ratification qu'on en attend
fous fa nouvelle forme ( 1 ) .
« Comme la proclamation de la paix n'a parlé
que de celle de la France & de l'Eſpagne fans
y comprendre l'Amérique , nous croyons que la
paix de celle- ci ne fera pas publiée fi folemnellement
; il en coute fans doute d'annoncer avec
des fanfares que nos fujets que nous n'avons
pu ramener à l'obéiffance font devenus indépendans
& ont traité d'égal à égal avec nous. Quelque
fatisfaction que la paix cauſe en général ,
on ne laiffe pas de fe permettre des plaifanteries ;
la folemnité d'hier en a fourni quelques-unes
le Magiftrat de la ville qui étoit obligé d'y alfifter
, en attendant la cavalcade, s'étoit établi pour
"
(1) Voyez notre Journal du 15 Février dernier , où
nous avons inféré le Traité préliminaire en entier , page
113 & fuivantes , ce qui nous difpenfe de le tranfcrire de
nouveau 97 98
( 114 )
être plus commodément dans une taverne à
l'enfeigne du diable ; & les plaifans fe font empreffés
de dire : voilà une paix damnable ; car
le Lord Maire , les Aldermans , la compagnie
d'artillerie , les Officiers de la Cité & tous ceux
qui ont quelque part à la publication font déjà
tous allés au diable » .
Les différentes Lettres arrivées de New-
Yorc , nous préparent à l'évacuation prochaine
de cette place , & nous annoncent la
continuation des mefures rigoureuſes prifes
dans tous les Etats-Unis contre les Loyalif
tes , qui ne paroiffent plus avoir aucune efpérance
de rentrer dans leur pays , & dont
les poffeffions commencent à être vendues
partout. Le produit qu'on retire de ces ventes
, fera employé aux befoins particuliers
de chaque Etat , où l'on s'occupe de la Légiflation
intérieure , & des moyens de faire
Heurir & d'étendre le commerce.
« L'été dernier , écrit- on , de Montréal a été
un des plus chauds dont on fe fouvienne , la plupart
des petites rivieres ont été tellement taries
que les canots des Indiens n'ont pu les defcendre
comme ils faifoient les années précédentes ,
de forte que les fauvages ont été réduits à venir
par terre. Cette raifon a fait qu'il y a eu
moins de pelleteries & de fourures dans les marchés
, & que par conféquent le prix en a été
beaucoup plus confidérable. D'après les articles
du traité préliminaire de paix que nous connoiffons
dans le Canada , nous craignons bien que les
Américains ne partagent au moins avec nous
ce commerce intéreflant . Ils ne manqueront pas
fans doute de reclamer tout ce qui fe trouvera
1
( ars )
dans l'enceinte de leurs limites , & il ne leur
fera pas difficile d'attirer les Indiens du Nord
& de les engager à visiter leurs marchés de préférence
aux notres . Leurs grandes rivieres toujours
navigables leur offrent des facilités. On dit qu'ils
projettent de faire des établiffemens dans l'Ifle
Royale & dans celle de Phelippeaux , dans cette
partie du lac fupérieur qui eft comprife dans
leurs limites , & d'y former de petits gouvernemens
dépendans de l'Etat qui en eft le plus
voifin. Il eft à fouhaiter que le gouvernement
Britannique forme à fon tour quelque plan pa
reil dans l'Ile de Maurepas & de Pont - Chartrain
; il n'y a que la vigilance la plus active
& l'attention la plus jaloufe qui puiffe les empêcher
de réaffir ».
A la place des nouvelles politiques d'Amérique
qui nous manquent , nous placerons
ici l'anecdote fuivante , que nous fourniffent
les papiers du Nouveau-Monde , & qu'ils
donnent comme un fait.
Un Indien qui n'avoit pas eu de fuccès dans
fa chaffe , erroit dans le voisinage d'une plantation
fituée fur les établiffemens de derriere de
la Virginie ; il s'approcha de cette plantation,
& voyant le Propriétaire affis à fa porte , il lui
dit qu'il avoit grand faim , & lui demanda un
morceau de pain ; fur le refus qu'il reçut en rée
ponſe , il demanda un verre de bierre ; même
refus ; mais je meurs de foif reprit le Sauvage ,
donnez moi au moins un peu d'eau. Retite toi
chien d'Indien , dit le Planteur , tu n'auras rien
ici . Il arriva quelques jours après que ce Plani
teur inhumain chaffant dans un bois avec
quelques amis , s'écarta d'eux en fuivant une
piece de gibier qu'il ne put joindre , & ne
"
( 116 )
fut plus retrouver les compagnons. Après avoir
erré toute la journée , accablé de fatigue , &
n'en pouvant plus de faim & de foif, il apperçut
une cabanne de Sauvages ; il y courut &
demanda en grace qu'on le conduifit à la plantation
Européenne la plus prochaine . Îl eft
trop tard lui dit le Sauvage maître de la cabanne
, pour pouvoir efpérer d'y arrivèr avant
la nuit , reftez ici , vous y ferez le bien venu ,
& demain il fera jour. Il lui préfenta enfuite
un morceau de venaifon & d'autres rafraichiffemens
dont il avoit befoin ; enfuite ayant étendu
plufieurs peaux pour lui faire un lit , il le fit
coucher en lui difant de fe repofer tranquillement
, lui promettant de le réveiller le lendemain
de bonneheure & de le conduire fur le
chemin qu'il devoit faire . La nuit fe paffa , le
Sauvage tint parole à fon hôte , & l'accompagna
jufqu'à ce qu'il reconnut les lieux & fa
route. Au moment où il alloit s'en séparer &
lui dire adieu , il voit le Sauvage s'arrêter l'envifager
, & lui demander : me reconnois- tu ? Le
Planteur frémit en le reconnoiffant en ce moment
pour le même Indien qu'il avoit renvoyé
autrefois avec tant de dureté. Il avoua en
tremblant qu'il reconnoiffoit fes traits , & il
commençoit à excufer fa conduite brutale ,
lorfque le Sauvage l'interrompit & lui dit froidement
: quand tu verras un pauvre Indien mourant
de foif & demandant un verre d'eau , donne
le lui , & ne lui dis plus : va-t-en chien d'Indien.
Après cet avis il lui fouhaita bon voyage & le
quitta. left inutile de demander lequel de
l'Indien ou du Planteúr méritoit le nom de
Sauvage.. 44
Nos nouvelles de l'Inde , s'il faut en
croire nos papiers , ne fauroient être plus
( 117 )
favorables. Mais , fans entrer dans des détails
, ils fe contentent d'annoncer que Tipofaib
a évacué Arcate , qu'il a quitté entiérement
le Carnate , & que le colonel Eyre
Coote eft parti du Bengale avec de l'artillerie
& de l'argent pour pourfuivre fes
avantages. On ajoute qu'on eft occupé
d'un nouveau traité avec les Marattes dont
le but eft , d'augmenter le pouvoir de la
compagnie dans PInde , & d'affoiblir celui
de Tipofaïb. Toutes ces nouvelles demandent
des détails qu'on n'a point encore ;
ceux que nous avons de ce qui fe pafle
dans ces contrées , font d'une date antérieure.
Tels font ceux que nous trouvons
dans la lettre fuivante de Madras .
en date du 31 Janvier dernier.
La Frégate la Médée qui avoit mis à la voile il
y a quelque jours , pour Goudelour , eft revenue
ce foir avec un Vaiſſeau Hollandois de 54 canons
, dont elle s'eft emparée fous les batteries
établies fur le rivage à Goudelour , après un
combat d'une heure vingt minutes . Il y a eu plus
Geurs tués à bord du Vaiſſeau Hollandois ; la
Médée a eu deux ou trois hommes légérement
bleffés. Le Vaiffeau Hollandois venoit de Batavia
; il étoit chargé de Provifions dont il avoit
débarqué une partie. La prife de la Médée peut
monter 50 canons. Elle en avoit 100 à bord ,
lefquels appartenoient au Bizarre , qui a péri.
Le Capitaine Hollandois étoit à terre. Il s'étoit
adreffé au Commandant François pour avoir quelques
troupes pour la défenſe de fon Vaiffeau
On les lui avoit refufées parce qu'on imaginoit
qu'il étoit en parfaite fûreté ſous le canon du
11 4
( 118 )
1
Fort. Le Lieutenant du Vaiffeau en étoit fi bien
perfuadé qu'il avoit négligé de charger les canons
de ce côté. La Médée s'avança hardiment
entre le Fort & de Vaiffeau , & commença une
attaque très - vive. Les canons du Fort firent plus
de mal au Vaiffeau Hollandois qu'à la Médée.
Après un combat d'une heure , le Vaiffeau Hol
Jandois amena. Le Lieutenant de ce Vaiffeau
avoit formé le projet de faire côte , mais le Capitaine
Gorc s'en étant apperçu , déclara qu'il
aborderoit le Vaiffeau , & qu'il palleroit tout
l'équipage au fil de l'épée , fi l'on tentoir cette
manoeuvre. Cette menace produifit fon effet. II
y avoit à bord quatre Officiers François ; & fi
la Médée fut venue une heure plus tard , il eft
probable que la plus grande partie des Officiers
de la Garnifon qui devoient diner à bord ce
jour-là , feroit tombée au pouvoir de la Médée.
Avec les Lettres de l'Inde il en eft arrivé
une du Gouverneur général du Bengale
M. Haftings , qui contient une longue juftification
de fa conduite , qui a été fi amerement
cenfurée en Europe il y a quelque
temps , & qui enfuite a été jugée plus favorablement;
lorfqu'il l'a écrite , il n'étoit inftruit
que de la cenfure , qui fembloit devoir être
fuivie immédiatement de fon rappel . M. Haftings
, quoiqu'affecté de ces impreffions défagréables
, n'a point mis dans fa défenſe une
humeur qui auroit pu être excufée , il n'y a
mis que
de la tranquillité , de la nobleffe &
du fang-froid. Nous ne donnerons qu'un
précis de cette Lettre , qui à paru dans tous
nos papiers , & qui produit dans les efprits
tout l'effet qu'il s'en eft pu promettre.
» Il a été informé des charges formées contre
( 119 )
lui ; elles portent en fubftance , que la compagnie
s'étoit engagée envers Rajah Cheything , à lui confirmer
& à lui garantir , ainfi qu'à fes héritiers ,
pour toujours le Zemindar de Benares & de fes
dépendances , à n'exercer , dans l'étendue de ces
poffeffions , aucune jurifdiction , aucune autorité ,
tant qu'il rempliroit lui-même les engagemens
qu'il avoit pris , & à n'exiger jamais rien de lui ;
on reproche au Gouverneur général d'avoir , au
mépris de cet engagement , & fur-tout de la déclaration
qu'il avoit faite lui-même au Rajah le 5
Juillet 1775 , demandé qu'il entretînt un corps
de 2000 hommes ; on établit enfuite que Cheytfing
n'étoit tenu , envers la compagnie , que de
Jui payer fon tribut , & qu'il étoit un Prince Indien.
M. Haftings répond à ces différens chefs ,
que la compagnie n'a pris aucun des engagemens
qu'on lui fuppofe ; qu'il n'a point fait la déclaration
qu'on lui prête , & qu'il s'étoit contenté de
déclarer que les troupes entretenues par le Rajah
ne feroient employées qu'au fervice de l'Etat ;
qu'outre le tribut qu'il devoit , il étoit foumis
encore au devoir de vaffal fidele , & que tous les
traités faits avec lui conſtatent ſa vaſſalité & la
fouveraineté de la Compagnie ; quant au titre de
Prince Indien qu'on lui donne en Europe , il fe
roit bien étonné fi l'on étoit inftruit de la grande
opinion qu'on a de lui ; il n'eft réellement que le
fils d'un Collecteur de revenus , qui , à la mort
de Sujah Dowlah , fut , par fon adreffe , faire convertir
en propriété héréditaire un emploi auparavant
amovible . Après avoir débattu d'une maniere
folide toutes ces accufations , M. Haftings
vient à ce qui lui eft perfonnel ; il fe plaint du
jugement précipité porté à fon égard , de ce
qu'on a envoyé le jugement dans l'Inde , de ce
que l'on y a annoncé fon rappel , des ordres
dongés au Confeil de ne plus lui obéir ; il fait
( 120 )
voir la conféquence d'un pareil ordre ; dans le
moment où l'on étoit en guerre , & lorſqu'on
n'avoit point envoyé fon fucceffeur . Forcé par
les circonstances , il a retenu l'autorité qu'on
vouloit lui ravir , il en a fait ufage pour le fervice
de la Compagnie ; il la confervera tant
qu'elle fera utile , & il ne la remettra qu'à la
paix , ou à celui qui viendra le remplacer : juſqu'à
ce moment il faut qu'elle foit dans quelques
mains , & elle reftera dans les fiennes x.
Cette Lettre a ramené tous les efprits en
fa faveur ; & on le regarde comme le fauveur
de la Compagnie dans la guerre dangereufe
qu'elle vient d'effuyer.
Les Lettres d'Irlande annoncent toujours
beaucoup de fermentation dans ce Royaume
; & quoiqu'on en dife , on doute que les
Miniftres fe foient affurés beaucoup d'influence
dans le nouveau Parlement.
« Je vous envoie , écrit - on de Strabane , un
détail exact de nos procédés à Dunganom le plan
d'une réforme parlementaire que le Commité a
foumis à la confidération de l'affemblée , & qui
eft renvoyé à une affemblée nationale , confifte à
propofer des Parlemens annuels , de Elections
par ballots , les bourgs déchus , privés de repréfentans
, les patronages compenfés , les repréfentans
pour les Comtés doivent être augmentés
auffi bien que ceux des grandes villes qui en envoient
au Parlement ; les villes qui ne font pas
repréſentées le feront . Outre les francs tenanciers
, tous les proteftans qui auront 20 livres
fterling , en quelqu'efpece de propriétés que ce
foit , ou vivant dans des maifons en ferme qui
paient ou qui valent 5 livres fterling de rente
feront électeurs . Les Catholiques Romains dont
l'affemblée
.
( 121 )
l'affemblée défignera les moyens & l'espece , le
feront aufli . Chaque Electeur , outre le ferment"
contre la corruption , jurera qu'il ne donnera fa
veix qu'au Candidat qu'il jugera le plus propre
à foutenir les libertés du peuple au Parlement.
Chaque membre , avant d'occuper fa place , jurera
que ni lui ni perfonne pour lui , n'a , à fa
connoiffance , ufé de corruption pour obtenir fon
élection . Toute affaire d'élection fera jugée par
un Jurédu Comté , au lieu de l'être par la Chambre.
Pour que les Electeurs Catholiques Romains
n'éprouvent aucun tort à l'expiration de
leurs baux , quand les Seigneurs ou les propriétaires
changeront de Fermiers , ou en prendront
de Proteftans qui par la loi ont feuls le
droit de fuffrages , chaque Electeur jurera , s'il en
eft requis , que depuis la derniere élection , il n'a
déplacé aucun Catholique Romain , dans la vue
de créer cette efpece de tenans , qui font Electeurs
de droit ; & chaque Candidat fera le même ferment.
>
Quelques perfonnes craignent , que cet
efprit d'indépendance prédominant n'ait des
fuites.. Quelques - uurs de nos Papiers ſe ſont
empreffés de publier que le Gouvernement
alloit prendre des mefures pour en prévenir
les effets ; ils ont dit qu'il avoir ordonné aux
6 , 10 , 13 , 20 , 21 , 26 , 47 , 51 , 61 & 65es.
Régimens de fe rendre en Irlande ; ils prétendent
que l'on a voulu employer contre ce
peuple des moyens coercitifs. Il n'eft pas
vraisemblable qu'après l'exemple récent de
l'effet de ces moyens en Amérique , on
voulût les effayer ailleurs. Une obfervation ,
qu'on ne fait pas , & qui détruit toutes ces
No. 42. 18 Octobre 1783.
f
( 122 )
conjectures abfurdes , c'eft que ces Régimens
remplacent exactement les dix qu'on a tirés
de l'Irlande pendant la guerre , qu'ils ne font
avec les troupes qui font déja dans le royaume
, que fon établiffement ordinaire de paix ,
& qu'il eft très-fimple qu'on le complette ,
puifque le Parlement fait tous les ans les
fonas de fon entretien.
« Les fonds , lit- on dans nos papiers , font toujours
très - bas ; on ne conçoit pas qu'ils ne fe relevent
point depuis la fignature de la paix . On
efperoit que le paiement qui s'est fait des billers
de la marine produiroit cet effet ; mais malheureufement
ce paiement ne fe fait pas comme on
s'y attendoit on ne donne pour ces billets que 40,
pour 100 comptant , & le reſte en billiers de l'échiquier;
il en résulte que ce n'est qu'un échange
d'une fureté contre une autre ; & on obferve
ue c'est à peu- près le cas des jeunes gens de famille
qui ont abufé de leur crédit , & qui finiffent
par le défaire des billets étrangers qu'ils ont entre
les mains , auffi -tôt qu'on ne veut plus de leur
propre fignature.
Nous avons parlé de la méprife malheureufe
, qui a failli à être fi funeſte à M.
Barolet , dans le voyage qu'il avoit fait
à Bruges , pour terminer quelques affaires
de la maifon Angloife , au fervice de laquelle
il cft employé ; on vient d'en apprendre les
détails ultérieurs fuivans.
a M. Gooch eft revenu de Bruges où il avoit
été pour délivrer M. Barolet. A fon arrivée , les
Juges s'affemblerent ; entres autre queftions qu'ils
lui firent , ils lui demanderent s'il reconnoîtroit
fon Commis à la lumiere des fla mbeaux ; il répon(
123 )

Zit que dans les ténébres même pourvu qu'on le
fit parler , il en reconnoîtroit la voix ; on le conduifit
dans la priſon ; où , à la lueur des flambeaux
il reconnut l'infortuné chargé de fers , dont on le
fit débarraffer ; mais il n'a pas encore été remis
en liberté ; les juges prétendent qu'ils ne peuvent
le faire fans inftruire la Cour de Bruxelles
de ce qui s'eft paflé ; ils ont envoyé un exprès
pour prendre les ordres , & ils ont retenu le livre
que M. Barolet tenoit dans la maifon de M.
Gooch.
On lit dans nos papiers le trait fuivant ,
qui eft bien extraordinaire , & qui prouve
que le crime , quelque précaution que prenne
le coupable , ne peut jamais être caché , ni
échapper au châtiment.
Il s'eft commis dans le Comté de Stafford un
nouveau meurtre , qui eft le troifieme depuis 20
jours. Un homme qui tient une auberge à la campagne
, envoya une après midi fa fiile à la ville
pour payer une dette , & lui remit l'argent néceffaire
en préfence de quelques perfonnes qui
buvoient dans fa maifon. L'une de ces perfonnes
fortit peu après fous quelque prétexte , fuivit la
fille , la tua & prit l'argent. Le ſcélérat retourna
enfuite au cabaret joindre fes compagnons pour ne
donner aucun foupçon. Il arriva qu'un voyageur
paffant à cheval auprès du corps , vit un chien
occupé à fuccer le fang qui couloit encore de fes
bleffures. Il imagina aufli - tôt que le chien étoit
celui du meurtrier ; il fe décida à en obſerver
tous les mouvemens. Le chien ayant quitté le
cadavre & fe retirant , l'étranger le fuivit & arriva
avec lui à l'auberge dans laquelle fon
maître buvoit ; il lui donna un coup de fouet ,
bien perfuadé que fi le maître étoit préfent , il le
f£ *
( 124 )
trouvéroit mauvais , & fe feroit connoître. C'eft
ce qui eut lieu en effet ; le propriétaire du chien
fe leva en jurant & demanda pourquoi on le bartoit
; l'étranger lui demanda fi en effet il lui appartenoit
, & fur la réponſe qui fut confirmée par
fes compagnons , il lui fit des excuſes , tira l'hôte
dans une autre chambre , lui fit part de ce qu'il
avoit vu , de fes réflexions , & l'engagea à envoyer
chercher un Connétable. Cela fut fait ; &
le maître du chien fut arrêté , & alors on envoya
enlever le corps ; on déclara au coupable qu'il
étoit accufé de ce meurtre , & que fon chien étoit
fon délateur. Il fut fi étourdi du coup , qu'il n'eut
pas le courage de rien nier , & il fut conduit dans
les prifons de Stafford , où fon procès lui fera fait
aux affifes prochaines.
On prétend que le Roi, s'entretenant dernierement
avec fir Jofeph Banks , de la Machine
aéroftatique de M. de Mongolfier , lui
demandafi l'on enpouvoit tirer quelque avan
tage, & que , dans ce cas , il feroit volontiers
les frais des expériences que la Société royale
voudroit faire & diriger elle-même. M.
Banks fit part de cette propofition à la So →
ciété , qui , dit- on , a répondu que toutes ces
expériences n'aboutiroient à rien d'utile , &
que les propriétés de ces globes étoient actuellement
auffi bien connues que fi l'on en
avoit fait cent expériences. Quoi qu'il en foit
de cette réponſe dont nos papiers feuls font
les garans , les fentimens qu'elle exprime ,
font au moins vraisemblables ; & ce font
ceux d'un Phyficien François eftimable , qui
avoit développé fon opinion dans une lettre
qui fe lit ainfi dans tous nos Papiers.
( 125 )
*
L'utilité d'un globe afcendant ne peut être
admife qu'en établiſſant préalablement la poffibilité
de trouver dans la fuite un moyen de di❤
riger ce globe à volonté , pour le rendre une
voie de communication prompte avec les pays
éloignés , ou faire des découvertes importantes
fur l'état de la partie la plus élevée de l'athmofphère
: or, voici les raifons d'après lefquelles
je crois pouvoir avancer qu'aucun de ces deux
objets ne sçauroit être rempli . Un globe dans
lequel il y a de l'air inflammable ne peut prendre
de lui-même fa direction du bas en haut
que parce que cet air inflammable , ſpécifiquele
ment plus léger que l'air qui l'environne ,
porte néceffairement à s'élever au-deffus de lui .
Cette élévation doit toujours être perpendiculaire
, & ce corps afcendant ne fçauroit s'éloi
gner de cette direction perpendiculaire que par
l'intervention d'un courant d'air très-agité , qui
l'en écarte & ralentit la vélocité de fon élévation
, dans la même proportion qu'il s'éloigne de
fa premiere direction . Il réfulte de ce principe ,
que , quelque machine qu'on adapte au globe
d'air inflammable pour lui donner une direction
horizontale , qui deviendroit nuifible à fon afcenfion
, le globe ne fera plus alors qu'un corps
en l'air , qui ne pourra ni monter , puifque
dans cette hypothèſe , il fera arrêté par la ma→
chine dirigeante , ni procéder horizontalement ,
puifque ce globe , à chaque point de diſtance
qu'on l'obligera de parcourir , fera effort pour
reprendre fa direction perpendiculaire . L'objet
des découvertes à faire dans la partie la plus
élevée de l'atmosphère eft en apparence plus
aifé à remplir , puifqu'il femble qu'il ne faut
pour cela , qu'abandonner le globe à fa propre
direction ; néamoins , en examinant la chofe de
f3
( 126 )
près , on va voir que l'un n'eft pas plus poffible
que l'autre . Le globe afcendant , comme
je viens de l'obferver , ne s'éleve que parce qu'il
eft plus léger que l'air qui l'environne . Pour
fuppofer donc qu'il continue toujours à s'élever ,
il faut admettre que l'état de l'air par lequel il
paffe , au -deffus duquel il s'éleve , est toujours
le même que celui du point d'où il eft parti .
Or , cette fuppofition eft abfolument fauffe .
Plus le globe afcendant s'éleve , plus il trouve
l'air raréfié , plus il rencontre , par conféquent ,
un air difpofé à fe mettre en équilibre avec
lui. L'air fupérieur de l'atmosphère commence
lui- même à devenir air inflammable , puifqu'il
eft le réſervoir de toutes les exhalaifons & matières
inflammables qui partent de la terre . Je
fuppofe donc que l'air inflammable du globe foit
à celui de la partie fupérieure de l'atmosphère
dans la proportion de 12 à 4 : le globe continuera
fans doute à s'élever , mais plus lentement
, jufqu'à ce qu'il parvienne à rencontrer
l'air de l'atmofphère enflammé au même degré
, c'est - à - dire , auffi léger ; alors la caufe de
la réfiftance étant égale à la caufe de l'afcenfion
, d'après les loix du mouvement , le globe
doit refter en équilibre. Il fuit de ces obfervations
que tout l'effet de la découverte annoncée
avec tant d'appareil fe bornera à avoir trouvé
un moyen d'élever un corps dans l'atmosphère .
Dans ce cas , tout le mérite de l'invention fera
de préfenter aux aftronomes un obfervatoire
d'un nouveau genre , d'où , s'ils voulaient étre
du voyage , ils pourroient plus infailliblement
obferver le mouvement des planetes , & prédire
les cometes. & c . & c . »
Les Méchaniciens qui s'occupent de machines
avec lesquelles ils efperent parvenir à
( 127 )
Voyager dans les airs , doivent lire le trait
fuivant, qui peut leur fervir d'avis .
Uu homme , perfuadé de la poffibilité de bâtir
une machine volante , s'étoit occupé pendant
plufieurs années de cet objet ; il avoit commencé
par pefer les carcaffes de tous les oifeaux qu'il
avoit pu fe procurer , & par mesurer l'envergure
de leurs ailes , pour découvrir la proportion de
l'une à l'autre . Après avoir achevé la machine ,
il n'en a obtenu d'autre effet que celui de parcourir
environ cent verges , en prenant fon effor
d'une hauteur , & toujours en defcendant ; dans
un de les derniers effais , il fut un peu contrarié
par un coup de vent , qui l'écarta de fa direction
& le porta à l'embouchure d'un puits , dans lequel
l'étendue de fes ailes l'empêcha de tomber.
FRANCE.
DE VERSAILLES , le 10 Octobre.
Les de ce mois , L. M. & la Famille
Royale ont figné le contrat de mariage du
Marquis d'Yzarn de Valady , Officier aux
Gardes Françoifes , avec Mademoiſelle de
Vaudreuil.
M. Jeaurat , de l'Académie Royale des
Sciences de Paris , de celle de Boſton , &c .
ancien Profeffeur de Mathématiques , &
Penfionnaire de l'Ecole Royale Militaire ,
chargé par l'Académie de calculer chaque
année la connoiffance des mouvemens cé
leftes , pour l'ufage des Aftronomes & des
Navigateurs , eut l'honneur de préſenter à
Sa Majefté , Dimanche 28 Septembre , le
Volume de l'année 1786 : ce volume eft le
£ 4
( 128 )
108e. que l'Académie publie fans interruption
depuis l'année 1679 , & comme les
Navigateurs ont befoin de ſe pourvoir de cet
ouvrage plufieurs années d'avance , M. Jeaurat
continue d'accélérer la publication de ces
Volumes. Celui - ci pour 1786 eft le dixieme
qu'il publie depuis l'année 1775 , époque où
il a été chargé de ce travail par l'Académie.
DE PARIS , le 14 Octobre.
On attend avec impatience en France &
en Angleterre des nouvelles de l'Inde ; on
fait que les efcadres des deux Puiffances , à
peu près de même force , fe cherchoient dans
ces mers , au commencement du mois de
Mai , de forte qu'un combat paroiffoit inévitable
, & affurément il aura été très- vif;
quand même elles ne fe feroient pas rencontrées
alors , elles auront eu encore tout le
mois de Juin pour ſe chercher & fe combattre.
Le malheur a voulu que les deux
exprès François & Anglois , dépêchés dans
ces contrées , n'aient pas fait une grande diligence
, puifqu'ils étoient , dit- on , encore à
Baffora le 28 Juin : ce n'eft donc que vers la
fin de Juillet au plutôt , qu'on aura pu être
inftruit de la paix fur la côte de Coromandel.
Les Miniftres qui font intervenus dans la
fignature du Traité de paix , ceux de Vienne
& de Pétersbourg , ont reçu les préfens d'ufage
de celles de Verfailles & de Madrid ;
ceux de la Cour de Londres ne font
core arrivés .
pas en(
129 )
L'Intendant d'Amiens a écrit la Lettrefuivante
à la Chambre de commerce de Picardie
, le 21 du mois dernier.
» Plufieurs Chambres de commerce , M.
ayant follicité un nouvel état d'évaluation
pour la perception des droits du Domaine d'Occident
, fur les denrées des Colonies , je crois
devoir vous informer que M. le Contrôleur-
Général vient de charger les députés du commerce
de travailler de concert avec la Ferme
générale à la rédaction de ce nouvel état pour
fixer la perception des droits du Domaine d'Occident
pendant le fémeftre de cette année
& que le Miniftre a décidé que les droits qui
ont été ou qui feront payés depuis le premier
Juillet dernier fur l'ancienne évaluation , feront
confidérés comme confignation , & que
perception réelle fera réglée d'après la prochaine
évaluation . Je vous prie d'informer de cette
difpofition les Commerçans de Picardie, »
>
la
Cet Intendant a encore écrit une feconde
Lettre , qui porte la même date , à cette même
Chambre.
·
» M. le Contrôleur Général ayant été informé
que la pêche nationale peut actuellement
fournir des huiles de poiffon en quantité fuffifante
, pour les befoins des manufactures du
Royaume , ce Miniftre a décidé que la modération
de moitié des droits accordée pendant la
guerre à ces matieres provenant de l'Etranger
demeureroit fupprimée , & que les droits de tarif
de 1667 feront perçus à compter du premier
Octobre prochain, avec les exemptions portées par
des traités de commerce en faveur de différentes
Nations. Je vous prie d'informer de ces difpo
fitions les Négocians de Picardie , &c.
( 130 )
La caiffe d'Efcompte a remboursé cesjours
derniers beaucoup de billets rouges ; & comme
il lui rentre des fonds à chaque inftant ,
le montant de ces billets , qu'on porte à cinq
millions , fera bientôt entierement rembourfé.
C'étoient les effets les plus répandus parmi
les Marchands, & les Artifans , à caufe de
leur petite valeur. Les billets noirs ne font
gueres que dans les grandes caiffes & dans
les mains des d'affaires & des gens riches
; & ce ne font pas ceux -là qui ont pris
Fallarme. Elle n'a eu lieu qu'auprès des perfonnes
peu inftruites du regime de cette
caiffe , qui n'en jouira pas moins de fa bonne
réputation , puifque fes, actions n'ont point
baiffé
gens
Le Chapitre de la Congrégation de faint-
Maur , tenu à faint - Denis , a nommé Général
de cet Ordre , Dom Chevreux , ci - devant
Vifiteur de la Province de Bretagne.
Le Globe , lancé à la fête de M. le Duc
de Crillon , à une heure après minuit, n'eſt
tombé que 11 heures après dans les rues de
Boulogne , c'eft à-dire , à une demi- lieue
feulement du point de fon départ. Il faut quece
Globe fe foit élevé bien au - deffus des plus
hauts nuages , & ait resté long-temps en
équilibre dans un air auffi raréfié que le gaz
qu'il contenoit. La grande Machine de M.
de Mongolfier fera achevée dans la femaine ;
on difpofe autour une galerie de 19 pieds de
diametre : elle communiquera à la cage , où
fera le fourneau pour faire du gaz ; on die.
"
30 t
( 131 )
toujours qu'un ouvrier , & peut- être l'Inventeur
lui- même fe propofent de s'élever avec
la machine.
9
? Le 25 du mois dernier M. Dartis de la
Fontelle , Juge Châtelain du Pont- de- tempde ,
près Brioudes en Auvergne , âgé de 80 ans , &
fon époufe âgée de 72 ans renouvellerent leur
Mariage après 50 a ns de la plus heureuſe union ;
ce couple refpecta ble jouit de la vénération générale
; leurs enfa ns dont tous jouiffent dans le
Barreau de la Capitale , de la confidération la
mieux méritée , font accourus pour jetter quelques
fleurs fur la vieilleffe de leurs dignes parens.
Cette fête qui a été celle du fentiment
a été couronnée par une aumône abondante.
>
Parmi les Méchaniques fingulieres en
voici une très-curieufe, & qui peut être trèsutile.
La difficulté de faire remonter aux bateaux
chargés la riviere , & les frais de cordages qu'exige
ce tranfport , les embarras qui fe préfentent du
côté du halage , les rencontres des autres , grands
ou petits , le retard des traverfées , la quantité de¨
chevaux qu'il faut , ont fait imaginer au ficur
Delarue une machine montée fur un chaffis qui
peut fe démonter & s'adapter à tout autre bateau
compofée de rames que deux hommes font mouvoir
avec des manivelles , & par le moyen defquelles
on remonte la riviere en très- peu de tems
la traversée s'en fait fans dérive , ce qui eft trèseffentiel
pour les paffages d'eau de la Ville , où
l'on eft obligé de prendre hauteur dans les grandes
eaux pour arriver au port : par ce moyen, ON!.
feroit trois traverfées contre une ; de même pour
les bacs établis , un cirque & un cheval feroient
deux fois plus ; de même pour les coches & dili
gences d'eau , un cirque & deux chevaux feront
£ 6
( 132 )
le travail de dix chevaux de halage . Le fieur
Delarue en donne la preuve par fa méchanique ,
qui eft actuellement à la pompe , au bout de la
terraffe des Tuileries , en face de la fentinelle ;
elle eft fuffifante pour démontrer qu'on peut établir
, fur la riviere , de petites poftes , faifant deux ,
lieues à la montée , en y établiſſant une double
manivelle , & quatre fois plus vite à la defcente.
L'eflai de cette machine a été déjà fait plufieurs
fois devant des témoins inftruits , qui en atteftent
le fuccès , & où l'on a mis 17 minutes à monter
& 3 ou 4 à defcendre. La machine établie
par l'Auteur eft compofée de 12 roues , favoir ,
2 faifant l'office de rames , 4 à droite & 4 à gauche
, formant échelles ; au centre de ces échelles ,
eft placée une grande roue , à l'extrémité de
laquelle s'en trouve une autre , qui s'engrene
dans la grande , que deux hommes tournent par
le moyen de 2 manivelles : cette derniere fait
tout aller.
---
La diftribution folemnelle des prix accordés
par le Corps de la ville de Tours aux
élevés des Ecoles gratuites de Deffin de
cette ville , a été précédée par un difcours
prononcé par le Maire , & dans lequel on a
entendu avec autant de fatisfaction que de
fenfibilité l'éloge d'un Magiftrat , dont le
nom fera toujours cher à la ville qui vient de
le perdre. Les pleurs que l'Orateur a répandu
fur la tombe de M. Duclufel , Intendant de
Tours , font celles de la reconnoiffance ; &
il n'avoit pas un auditeur qui ne les partageât
bien fincerement. Il a rappellé à des hommes
, au milieu defquels il a vécu pendant
17 années , les principaux traits de fon ad(
133 )
miniftration . Ce tableau intéreffant , dont
on ne peut rien effacer , mérite quelques détails.
Nous nous ferons toujours un plaifir &
un devoir d'arrêter , lorfque nous le pourrons
, les yeux de nos Lecteurs fur celui de
la vertu dans l'homme en place .
M. Ducluzel fut nommé à l'Intendance de
Tours en 1766 , après s'être diftingué pendant
plufieurs années dans les Confeils du Roi . Il s'annonça
dans fa généralité par cette affabilité & ces
manieres obligeantes qui féduifent & prévienent
toujours ; des deffeins auffi fages que prompts ,
manifefterent ſes vaftes connoiffances , la jufteffe
de fon efprit ; & quel homme ! le plus aimable
dans la focieté , étoit auffi le Magiftrat le plus inftruit
. Parmi les établiffemens dont la Province ,
& la ville de Tours en particulier , lui ont l'obligation
, ceux qui tendirent au bonheur de l'humanité
fixerent les premiers fon attention. « Des
atteliers de charité , dont il fuggera l'idée au Miniftre
, dit l'Orateur , que nous laifferons parler ,
pour occuper les vieillards , les femmes , les enfans ,
les artifans défoeuvrés , & procurer des comunications
avec les grandes routes ; des Cours fur
l'Art des Accouchemens , jufques là G négl gé ,
pour la claffe des Citoyens la plus intéreffante
le peuples des villes & des campagnes ; des fecours
à donner aux noyés ; des moyens de faire germer
les talens , profpérer le commerce , l'agriculture
& les arts ; des reffources aux victimes & aux fruits
malheureux de la débauche ; des travaux utiles
dans les Hopitaux : tels furent ceux qu'il enviſagea
avec le plus d'intérêt , auxquels il fe livra
avec le plus d'ardeur , qu'il fe propofoit de multiplier
, lorfque la mort nous l'a enlevé ; & quelle
préférence ne leur donna - t-il pas fur les décorations
extérieures qu'il a fçû procurer à la capi(
134 )
tale de fa généralité ! .... Naturellement grand
& libéral , jufqu'à verfer dans le fein des pauvres
des fommes confidérables 6 ainfi que le
Bureau d'aumônes de cette ville peut l'attefter *
il fût économe des deniers publics pour ce qui
pouvoit l'intéreffer perfonnellement. Notre ville
eft embellie des bâtimens qu'il éleva ; mais l'Hôtel
de l'intendance eft bien éloigné de répondre
par fa fituation , fon étendue , fa diftribution aux
befoins qui fe renouvellent fans ceffe dans la ville
du plus grand paffage , à ceux qui lui étoient perfonnels.
Tout excitoit à clranger cet Hotel ; des
emplacemens vaftes s'offroient ; la décoration de
la ville eût été pour tout autre un prétexte ; longtems
follicité , toujours il réfifte ; en multipliant
Tes belles chofes pour le public , il les dédaigne
pour lui dès qu'elles devoient être à la charge dur
peuple. C'est par les hommes en place que la
Société fe gouverne & qu'elle est heureuſe ; M.
Ducluzel ne travailloit qu'à fon bonheur de là ,
le zele qu'il témoigna pour relever la Magiftrature
, qu'une négligence , peut être coupable ,
laiffe dans l'oubli. De tous ceux qui mériterent
à quelque titre que ce foit , fa confiance , ou qu'il
faire élever dans toutes les villes de fa Généralité
à la Magiftrature civile ou municipale , it
n'en eft peut - être pas un qui n'ait juftifié for
choix éloge bien flatteur pour quiconque participe
à l'adminiftration . Connoître les hommes
les employer fuivant leurs talens , c'eft fe montrer
fupérieur à tous. Obligé comme Inter
put
-
:
dant d'exécuter les ordres de l'adminiftration , it
fembla n'avoir été envoyé dans la Touraine que
pour la protéger ; aucuns plans ne furent préfentés
par lui, qui ne tendiffent au bonheur de fa
Généralité Souvent il fçut faire modifier les ordres,
qui lui étoient adreffés , en préfentant les objets
( 135 )
fous leur véritable point de vue
.
en diminuant
ce que l'intérêt ou le befoin groffiffoit aux yeux
du Gouvernement. De toutes les fonctions dont
il fut chargé , ce fut la plus délicate , peut-être
ce fut celle qu'il remplit avec le plus de courage ,
avec le plus de plaifir ; il jouit par ce moyen tout
à la fois de la confiance du Confeil & de l'amour
du peuple..... Pendant 17 années d'adminiftration
d'une des plus grandes Généralités du royaume
, & quoiqu'il ait opéré de grands changemens ,
il ne s'éleva pas une plainte contre lui ; fon grand
art fut de cacher l'autorité , de ne montrer que
la justice & la raifon ; mais il fçut en même tems
la maintenir par une fermeté fage. Si dans la vie
publique , il fut Magiftrat inftruit &judicieux , adminiftrateur
fage & humain ; c'eft dans la vie privée
qu'il fit connoître toutes les qualités de fon coeur :
fils attaché , mari fidele , pere tendre , ami fincere
, maître doux & compatiflant ; il gagna l'affection
de tous ceux qui eurent le bonheur de vivre
avec lui .... Ce font ces eftimables qualités
qui firent naître fans doute & qui ont perpétué.
Fattachement héroïque que lui a témoigné, même
au-dela du dernier foupir, une époufe chérie , le:
modele des meres & des femmes vertueufes .
Puiffe cette mere refpe&table , pour laquelle il
n'eft plus de bonheur que dans les gages de fon
union , trouver au moins quelque foulagement
en confondant fes larmes avec celles que la piété
filiale fait couler ! puiffe- t- elle voir fe perpétuer
dans fa poftérité les principes qu'elle & fon époux
fe font plûr à lui inspirer ! puiffe cette foible efquiffe
, que la vérité s'eft . hâtée de crayonner , ap.
prendre à ceux qui occupent de grandes places ,,
qu'ils font toujours les maîtres d'être aimés ; que,
s'ils n'ont pas toujours les moyens de faire le bien ,
il dépend toujours d'eux d'être juftes & de témoi--
..
21
( 136 )
gner de la bonté. Vous me pardonnerez MM.
cette digreffion qui foulage mon coeur & fatisfait
le votre. Nous jouiffons par l'espérance , nous
jouiffons encore par le fouvenir ; l'un & l'autre
il est vrai , ne font qu'un fantôme ; mais qu'il eft
doux au moins de l'embraffer , lorſque la réalité
nous échappe.
Une Lettre de Grenoble , en date du 22
du mois dernier , contient les détails fuivans .
Depuis plus de deux mois nous avons des pluies
prefqes continuelles , & qui tombent avec trop
d'abondance pour pouvoir s'écouler par leurs caneaux
ordinaires. Il s'eft formé , à plufieurs reprifes
, dans toutes nos montagnes , des ravins
qui en ont détaché des maffes énormes de pierres,
de terre , & de graviers , qui font allés couvrir
les fonds de la plaine . Les fonds les plus élevés
ont été emportés , & le dépôt s'en eft fait fur
les fonds les plus bas ; les uns & les autres font
également perdus . Parmi ces accidents qui nous
ont fait entendre de toutes parts le cri de l'allarme
& de la douleur , c'eft celui qui a été
la fuite des pluies du 10 & du 11 Septembre ,
qui a eu les effets les plus affreux . Toutes les
routes qui partent de Grenoble ont été interceptées
au même inftant , & prefque tous les
moulins qui fe trouvoient fur les ruiffeaux - ordinaires
ont été emportés ou engravés , & les
prifes d'eau détruites . Les fcies à eau & les autres
artifices n'ont pas été plus épargnés . Une partie
du Village de Vaulnaveys , à trois lieues de cette
Ville , a fouffert encore davantage. Un foudre
d'eau tombé fur les montagnes de Prémol a
détaché le terrein & le gravier des fonds cul-
Livés fur la hauteur , & ds blocs de plus de
deux toiles cubes ont roulé juſques dans de baf(
137 )

fin même de ce Village , où ils couvrent une
grande partie de fonds , qui , par leur nature
étoient des plus précieux de la Province . Deux
Hameaux entiers , qui étoient bâtis à mi - cô.
teaux le long de deux ruiffeaux , dont les
eaux fertilifoient les bords , & faifoient mouvoir
fucceffivement un nombre confidérable de
moulins , batoirs , & autres artifices , ont été
entierement détruits . Beaucoup de maifons ont
difparu . Celles qui étoient plus éloignées du ruif
feau ont éte emportées à moitié , une infinité
d'autres ont été reniplies de vafes & de gravier.
La perte fe montre tous les jours plus confidérable
, parce que on n'a d'abord calculé que
les recoltes emportées par les torrents . Celles
qui ont été mouilliées , & la quantité en eft
immenfe , ont germé deux jours après , & font
de même entierement perdues L'irruption du
torrent s'annonça avec un bruit qui porta l'allarme
à plus d'une lieue de pays , & des habitans
des côteaux oppofés , élevés de plus de
cent toifes fur le baffin , ne fe croyant pas en
sûreté , ont emporté leurs effets les plus précieux
fur le plus haut de la montagne. Le
terrein des deux Hameaux des Roues & de la
Gorge , prefque tout planté en arbres fruitiers
ainfi que le fol de leurs maifons , fe trouve enfeveli
fous plus de vingt pieds de décombres , &
-fans elpérance de racheter l'un ni l'autre ; les
Ingénieurs font effrayés des travaux néceffaires
pour prévenir les fuites de cet accident &
empêcher qu'une premiere crue d'eau n'entraîne
dans la plaine les amas de pierres & de
graviers que la retraite des eaux a déposés à
mi- côteaux. Le bruit affreux du torrent dans la
montagne avertit heureuſement les malheureux
habitans de ces Hameaux du danger qui les me-
>
( 138 )
naçoit , & l'effroi qui les difperfa les garantit
d'être enfevelis fous les ruines de leurs maiſons.
Il n'a péri que deux perfonnes ; mais les maux
qu'elles ont foufferts , une fievre épidémique
qui les confume , & l'état affreux dans lequel
ces malheureux font réduits , malgré les fecours
qu'on a cherché à leur tendre , les menacent
d'une maniere bien plus affreuſe encore.
"
Parmi les entreprifes intéreffantes des arts ,
nous ne devons pas oublier celle que vient de
former M. Helman Graveur de M. le Duc de
Chartres , & éleve de M. le Bas. C'eft une fuite
des 16 eftampes repréfentant les conquêtes de
I'Empereur de la Chine , que ce Prince avoir fait
deffiner à Pekin & qu'il avoit envoyées en
France pour les y faire graver par les plus célebres
artistes . Ladirection de ces planches fut confiée
à M. Cochin fils ; & elles furent gravées par
MM. Mafquelier , Aliamet , de S. Aubin , le
Bas , Née , Prévost , Choffard & Delaunay. On
n'en tira que 100 exemplaires qui furent envoyés
à la Chine avec les planches , à la réſerve d'un
très petit nombre pour le Roi , la Famille
Royale & la Bibliotheque de S. M. Elles font
très rares ; & quand il s'en trouve quelquefois
un exemplaire , il fe vend 800 livres . M. Hel.
man a entrepris de les réduire & de les graver de
nouveau ; elles formeront 16 eftampes , au bas
defquelles on mettra les titres & les explications ,
tels qu'on les trouve manufcrits au bas de chacune
de celles qui font dans le cabinet du Roi,
Cette fuite intéreffante tient à l'hiſtoire de l'Empire
de la Chine dans ces derniers temps ; elle
offre un tableau piquant d'ufage , de moeurs , de
coftume qui nous font étrangers , une idée de la
maniere de conftruire , de camper , de s'armer &
de fe battre à la Chine. Les quatre premieres qui.
-
( 139 )
paroiffent repréfentent l'Empereur Kien- Long recevant
les hommages des Eleuttes , & leur donnant
pour Roi Amour Sana ; la feconde , l'inftallation
d'Amour- Sana ; la troifieme , la victoire
remportée fur Pan T1 & Ta Oua- Tfi ; & la quatrieme
, la révolte d'Amour Sana. Ce Prince révolté
, après avoir tenté plufieurs fois le fort des
combats , fe fauva chez les Ruffes , & occafionna
entre ces deux Empires une méfintelligence qui
auroit pu avoir des fuites , s'il ne fût pas mort
peu après de la petite vérole. Le prix de cette
fuite intéreflante cft de 48 livres ; elle fe diftribuera
en quatre livraifons de 4 mois en 4 mois
& de quatre eftampes . Chaque livraiſon ſe payera
12 liv ( 1 ).
Louise - Elifabeth Texier d'Hautefeuile
veuve du Comte de Mouchy , Sénéchal
& Gouverneur de Ponthieu , eft morte le
15 du mois dernier , à Abbeville en Picardie
, dans la 82 ° année de fon âge.
DE BRUXELLES , le 14 Octobre.
Les Lettres de Hollande annoncent tous
jours beaucoup de mécontentemens , au fujet
de la Paix ; les conditions préliminaires
ont cependant été ratifiées par les Etats de
toutes les Provinces ; & elles ferviront vraifemblablement
de bafe au Traité définitif
dont on s'occupe , & qu'on croit ne devoir
pas tarder à être conclu.
a Au nombre des maneges dont , les partifans
(1) On trouve la premiere Livrai fon chezl'Auteur vis - àvis
l'hôtel de Noailles , rue S. Honoré , & M. Pence , graveur
de Monfeigneur le Comte d'Artois , rue S. Hyacin
the , maifon de M. de Bure , à côté du Foureur,
( 140 )
britanniques , écrit-on de La Haie , fe font fervis
dans notre République pour parvenir à leurs fins ,
on doit compter fur- tout les faux bruits répandus
dans la vue de femer la défiance entr'elle &
la France ; c'eft ainſi qu'on a affuré que cette derniere
feroit payer cher à notre Etat la reſtitution
des poffeffions qu'elle a gardées ou reconquifes
pour la République . On a même fixé dans des papiers
imprimés le nombre des millions que la Cour
de Verfailles demandoit. Cet artifice vient d'être
confondu aujourd'hui : le 23 du mois dernier , les
Etats Généraux ont reçu de leurs Ambaſſadeurs à
Paris des lettres qui portent que M. le Comte de
Vergennes leur avoit communiqué ministériellement
au nom du Roi fon maître , que S. M. étoit
prête à rendre à la République toutes les poffeffions
que fes forces avoient reconquifes fur les
Anglois ou gardées pour la République , fans
exiger aucune compenfation ni indemnité quelconque
; S M. priant L. H. P. de donner les or
dres néceffaires pour recevoir de fes Officiers la
reftitution de ces poffeffions . On ajoute qu'il a
été donné en même temps à nos Ambaffadeurs
l'avertiffement amical de faire enforte qu'au moment
où les Commiffaires François livreront
Trinquemale aux Commiffaires Anglois , il y
eût des Commiffaires Hollandois prêts à recevoir
la place de ces derniers.
Selon d'autres Lettres de la Haye , le
Prince de Naffau Weilbourg eut le 10 du
mois dernier , une conférence avec le Préfident
de femaine , dans laquelle il demanda
fa démiflion de toutes les charges & emplois
militaires qu'il occupe au fervice de la République.
Mais après une commiffion fpé
ciale de L. H. P. qui conféra avec lui le len(
141 )
demain fur ce fujet , relativement aux motifs
de cette démarche , il s'eft, dit-on , défifté de
fa demande.
PRÉCIS DES GAZETTES ANGL. ET AUTRES .
Si la France prétend à l'honneur de l'invention
des globes aëroftatiques , on fe flatte en Angle
terre de celui d'en faire les meilleures applications
; on dit déjà que le Docteur Priestley a fait
plufieurs découvertes intéreffantes fur ce fujet
& on annonce qu'elles exciteront plus d'admiration
que l'invention même.
En Espagne tout eft tranquile , & les affaires
fuivent leur cours comme s'il n'y avoit point
eu de guerre. En Hollande on eft mécontent ;
on devoreroit volontiers chaque Anglois qu'on
rencontre le parti François prévaut & prévaudra
tant qu'on confervera le fouvenir des dernieres
hoftilités .
La Cour de Lisbonne a conclu dernierement
un traité avec la Maifon de Bourbon : mais comme
elle en a fait part à la Cour de Londres , il paroit
qu'il n'y a rien contre la teneur de ceux que
nous avons avec cette puiffance ; l'état du commerce
entre les deux pays eft tel , que l'Angleterre
tire à elle feule plus de vins de ce Royaume que
tous les autres Etats de l'Europe enſemble ; s'il
vouloit détruire fes premiers engagements avec
nous , il feroit en notre pouvoir de nous en venger
en faisant ceffer nos demandes de vins.
L'Empereur n'eft pas attendu fitôt à Vienne ,
& lorsqu'il y fera arrivé , il n'y reftera pas long-
-temps ; on affure qu'il retournera en Hongrie,
& on prétend que l'objet de ce voyage fera de
rentrer en poffeffion des Provinces perdues par
la paix de Belgrade ; c'est - à - dire , la Servie ,
Ja Walachie & Bofnie, Si les Turcs font réfil(
142 )
tance ; les conquêtes de les armes iront fans
doute au - delà. Supplem. à la Gazette d'Utrech.
B°. 78.
On a reçu divers avis de la Pologne fuivant
lefquels il paroît que 12 Régimens Autrichiens
font entrés dans la Moldavie . La premiere
pofte nous apportera la confirmation ou le défaveu
de cette nouvelle trop importante pour être
adoptée précipitamment . Suivant les mêmes
lettres , 20 autres Régimens fe font mis en
marche ; le Commandant de Kaminiec fe tient
dit - on , fur les gardes dans la crainte affez fondée
que les troupes Ruffes poftées aux environs au
nombre de 50000 hommes au moins , ne tentent
contre elle quelque entreprile. Gazette de
La Haye , no . 99 .
Le bruit fe répand que tout le Corps d'Artillerie
doit être transporté de Budweis en Hongrie ,
ce qui femble annoncer en termes clairs &
diftin&ts , que nous ferons la guerre aux Turcs
fans avoir rien à craindre des Pruffiens & des
Saxons. Tous les Régimens Allemans quittent
la Hongrie ; il s'y trouve affez de troupes nationales
; ainfi il feroit inutile de facrifier les
premiers aux inclémences de l'air mal-fain de
ce Royaume. D'ailleurs fi on avoit quelque chofe
à redouter d'un autre côté , ces Régimens fe
porteront dans les Pays - bas Autrichiens . Supplé
ment à la Gazette d'Amfterdam . n°. 78 .
,
Tout ce qu'on peut conclure des nouvelles
du Nord & de l'Allemagne , reçues cet ord
naire , c'eft que la guerre contre les Turcs eft
prefque certaine non-feulement de la part de
la Ruffie ; mais auffi de la part de l'Empereur.
Les dépêches que s'adreffent les deux Cours
Impériales font remifes en mains propres des
Souverains refpe&tifs , & le fecret eft inviolablement
gardé. Supplément à la Gazette de Leyde.
n , 78.
( 143 )
Plufieurs Politiques prétendent que la condelcendance
des Turcs au defir de la Ruffie , quelque
grande qu'elle foit , ne conjurera pas l'orage
prêt à fondre fur l'Empire Ottoman. Ils mettent
en avant pour étayer leur fyftême , les revendications
que l'Empereur eft à la veille de
faire contre la Porte, l'énormité des préparatifs
faits par les deux Cours Impériales , & le filence
du Roi de Pruffe fur tout ce qui a annoncé
depuis fi long-temps un projet d'invafion . Gazette
d'Amflerdam , n°. 79.
GAZETTE DES TRIBUNAUX ABRÉGÉE ( 1 ) .
PARLEMENT DE PARIS , IIIe . CHAMBRE DES
ENQUETES.
Inftance entre le figur de Pierreclos , Seigneur de Berzé-
le- Chatel , la Communauté des habitans de Soligny
en Maconnois , & les fieur 5 dame de
Montluzon. -Exécutions des arrêts des grands
jours de Clermont , concernant la réduction des
mefures particulieres & exceives des Seigneurs ,
à celles du plus prochain Marché .
Par Arrêt du 15 Octobre 1665 , la Cour ordonna
que tous les Seigneurs rapporteront les
titres en vertu defquels ils prétendroient leurs
droits ; & , à faute de ce faire , dans le délai
prefcrit , elle leur fit défenfes de les lever , à
peine de concuffion . Par un fecond arrêt ,
la Cour ordonna que toutes les mesures feroient
réputées conformes à celles du plus prochain
Marché des lieux , & à l'égard de celles dont
il y auroit titres , qu'elles ne pourroient excéder
le quinzieme du feptier de celles du plus
prochain Marché : elle ordonna en outre qu'à
l'avenir tous les poids & mefures dont on fe
1erviroit , feroient étalonnées , & les matrices remifes
ès mains des Juges & Officiers commis
pour la police , avec défenfes à toutes perfonnes
( 144 )
-
-
d'en garder & referver aucunes : Plufieurs Seigneurs
ont tâché d'éluder les difpofitions de ces
arrèts. Le fieur de Pierreclos , Seigneur de Brezé-
le - Chatel , a voulu percevoir les cens à une
.mefure particuliere , autre que celle de Cluny ,
plus prochain Marché royal. Cette mefure ,
comparée à la matrice de Cluny en 1777 , a
produit vingt- huit livres quatre onces ; & celle
de Cluny n'a produit que vingt - fix livres fix
onces. Le fieur de Pierreclos a voulu percevoir
néanmoins fur fa melure particuliere
les cens qui lui étoient dûs par les fieur & dame
de Montburon , même d'après un traité particulier
paffé entre leurs auteurs & le Seigneur
de Brezé- le Chatel. · Contestation à ce sujet
' eft élevée au Baillage de Macon , dans laquelle
la Communauté des habitans de Soligny
eft intervenue : fentence qui , en exécution des
arréts des grands jours de Clermont , a pronon-
'cé que le Seigneur feroit tenu de réduire les
mefures en grains & en vins à celles de Clu
ny , & l'a condamné aux dépens.
Le 24
Juillet 1783 , arrêt confirmatif.
-
PARLEMENT DE FLANDRES.
Portion congrue.
On a dit dans le Répertoire de Jurifprudence
, au mot Portion congrue , que le Parlement
de Flandres eft autorité , par une Déclaration
du 26 Juin 1686 , à fixer , ſuivant les circonftances
, les portions congrues de chaque Curé.
On en a vu obtenir juſqu'à 1000 liv . Arrêt du
5 Mars 1782 qui a fixé à ce taux celle du Curé
d'Eftræungt. Un autre arrêt du 25 Juillet a
adjugé au Curé de Caftignis une portion congrue
de 750 florins : enfin un arrêt du 21 Mai
1783 a adjugé au Vicaire de la Rouillie une
penfion congrue de 350 liv.
JOURNAL
POLITIQUE
DE
BRUXELLES.
RUSSI E.
DE
PÉTERSBOURG , le 12 Septembre.
A Cour reviendra de Czarsko Zelo le 26
L de ce mois ; S. M. I. y a été un peu indifpofée
; mais elle eft à préfent rétablie . Le
Marquis de Verac , Ambaffadeur
de France ,
prendra congé de cette Princeffe , pour aller
faire un voyage à Paris, où il eft rappellé par
fes affaires
particulieres ; M. Cayard, fon Secrétaire
de Légation , reftera chargé des intérêts
de S. M. T. C. pendant fon abſence.
Outre le préfent ordinaire de 3000 roubles
,
l'Ambaſſadeur de Naples a reçu de
l'Impératrice une riche tabatiere d'or , ornée
du portrait de S. M. I.
L'Ambaffadrice ,
fon épouſe , a été gratifiée d'un collier de
diamans , & fa foeur d'une aigrette . On affure
qu'à fon retour à Naples , il fera décoré, avec
la permiffion du Roi fon maître , de l'ordre
Ruffe de S. Alexandre Newsl
y .
L'Amiral Tfchit chat goff, écrit- on de Revel ,
Nº. 43.25
Octobre
1783
.
g
1
( 146 )
eft arrivé dans ce Port le 30 du mois dernier ,
à bord de l'Alexandre , Vaiffeau de 70 canons
& accompapagné de 1 autres , tant de lignes que
frégates . On dit que cette efcadre eft deſtinée
pour la Méditerranée ; mais elle ne mettra à
la voile qu'après avoir reçu des ordres ultérieurs
de la Cour ; en attendant qu'ils arrivent les
vaiffeaux profitent du tems pour charger des munitions
navales dont ils manquoient & qu'on leur
fournit de notre Arfenal .
DANNEMARCK.
DE COPENHAGUE , le 23 Septembre .
La Cour eft toujours au château de Friedensbourg,
où elle jouit d'une parfaite fanté
, & où le Prince héréditaire eft revenu
dernierement d'Helfingor , où il avoit été
vifiter le château de Cronenbourg.
Le vaiffeau l'Oldembourg , qui , fous les ordres
du Comte de Molkte , a fait le voyage
d'Alger , où il a été porter les préfens de cette
Cour , eft revenu dans le Sund , où il a
mouillé le 21 de ce mois.
» Le 2 de ce mois , écrit - on de Carlſcron
on a lancé ici un Vaiſſeau de 60 canons & une
Frégate de 40 , conftruits nouvellement en fix
femaines de temps. On en a conftruit dans nos
chantiers en moins de deux mois , en comprenant
ces deux nouveaux Vaiffeaux , 4 de 60 canons
& 4 Frégates de 40 ; une de ces dernieres à
même deja mis en mer ; en général les travaux
de ce genre font pouffés avec la plus grande
vivacité. »
On apprend que dans les dernieres tempê
( 147 )
tes il a péri fur les côtes de Marftrand & de
Norwege , 16 bâtimens marchands , & que
plus de 20 autres ont été fort endommagés.
POLOGNE.
осси-
DE VARSOVIE , le 25 Septembre.
Les dernieres lettres de l'Ukraine Polonaiſe
portent que les troupes Ruffes y occupent
toujours leurs premiers cantonnemens ,
où elles font prêtes à fe mettre en mouvemens
au premier ordre. On débite cependant
depuis hier , qu'elles ont traverfé le
Dniefter ; mais fi cela eft , les Turcs ont pris
des précautions pour les gêner dans leurs fubfiftances.
Ils ont enlevé toutes les provifions
qui fe trouvoient dans les environs de Choc .
zim ; & on a pris les mêmes précautions dans
la Moldavie.
Le Corps aux ordres du prince de Repnin
, commence , dit - on , à fe porter vers
Balta fur le Bog , & celui aux ordres du prince
de Soltikoff doit établir fon camp auprès
de Mohilow.
On affure qu'il a été jetté un pont fur le
Dnieper , auprès de Zaleszcyen , pour faire
paffer ce fleuve aux troupes de l'Empereur.
On a reçu la confirmation de la nouvelle ,
que le prince Heraclius s'eft mis fous la protection
de l'Impératrice de Ruffie ; mais on
ne fcait pas encore quelles font les conditions
de cette foumiffion.
Il vient de fe manifefter à Cracovie une mas
g 2
( 148 )
ladie contagieufe que les Médecins . appellent .
une fievre pourprée & qui fait beaucoup de ravages
. On prend toutes les précautions d'ufage
pour l'empêcher de s'étendre , & toute communication
eft coupée entre cette Ville & cette
capitale . On prétend qu'elle a été apportée par
des voyageurs venant de la Turquie , & c'eſt ce
qui augmente les allarmes du peuple qui la prend
pour la pefte , & qui croit qu'on n'en deguife
le nom que pour calmer fes terreurs .
ALLEMAGNE.
DE VIENNE , le 8 Octobre.
Le Général Comte de Siskewitz commandera
, dit- on , l'armée en Hongrie , &
aura fous lui le Général Comte de Wedenz .
Le Confeil Aulique de guerre vient de
donner des ordres pour faire des engagemens
avec des charretiers .
L'Empereur eft de retour de fon voyage
en Bohême ; on dit qu'il fe propoſe de faire
bâtir une nouvelle fortereffe entre Memes &
Munchengratz , & qu'il fe rendra inceffamment
en Hongrie.
Les nouvelles de ce Royaume ſemblent ne
plus laiffer de doute fur la proximité d'une
guerre. Des voyageurs qui arrivent de Triefte ,
rapportent que les routes jufqu'à Carlſtadt , font
remplies de Soldats ; la marche des Troupes a
retardé dans certains endroits les Voituriers . On
a ceffé les exercices militaires à Gratz , & les
Troupes y ont recu l'ordre de marcher. Chaque
Compagnie ne peut emmener que trois femmes
pour la cuifine & le blanchiffage. -Le cordon
( 149 )
des Troupes Impériales eft composé de plus de
60000 Croates , fans compter les autres Troupes
de frontieres , & de 12000 hommes de Troupes régulieres
; on a placé 800 pieces de campagne
de diftance en diftance ; le cordon s'étend , ajoutet-
on , depuis la Buckowine jufqu'en Strie.
Selon les lettres de Stockolm , le Roi de
Suede a dû fe mettre en route le de ce
mois , pour fe rendre en Italie ; on fe flattoit
qu'il pafferoit par cette capitale , & qu'il pourroit
s'y arrêter quelques jours ; les appartemens
qu'on avoit préparés au palais Impérial ,
appellé le Burg , fortifioient cette eſpérance ;
mais on commence à croire qu'il prendra une
autre route.
DE HAMBOURG , le 28 Septembre.
Les mouvemens des Puiffances qui menacent
l'Empire Ottoman , préparent toujours
à la guerre ; felon les lettres de Vienne , les
tranſports de munition continuent fans relâche
pour la Hongrie ; 800 pieces de canon
´ont été retirées des remparts de cette ville
pour prendre la même deftination . Les enrô-
Temens pour les troupes légeres fe font avec
fuccès dans les fauxbourgs de cette Capitale.
Les corps de Chaffeurs doivent être augmentés
; & il eft arrivé pluſieurs Officiers
Suédois qui fe propofent de fervir en qualité
de Volontaires dans l'armée de Hongrie.
Le 9 de ce mois , ajoutent ces lettres , il eft
arrivé un courrier de Conftantinople avec des
depêches pour la Cour ; on ignore leur contenu
mais parmi les avis qu'elles portent ,
que fe trouve celui d'une grande fer-
9
on dit
8 3-
( 150 )
mentation parmi le peuple de la capitale de
l'Empire Ottoman , qui n'étoit pas entiérement
étouffée au moment du départ du courrier ; le
miniftre de l'Empereur & celui de l'Impératrice
de Ruffie avoient tenu leurs hôtels fermés pendant
quelques jours. On ne parle ici que
de guerre , & le bruit fe répand qu'il fera af
femblé dans les Pays- Bas une armée de 60000
hommes. Si la guerre éclate en effet , on dit
que le Roi de Pruffe obfervera une neutralité
exacte ; & que tout eft convenu pour cet effet.
-
Quelques nouvelles font cependant eſpérer
que l'incendie prêt à s'allumer ſera encore
retardé.
Les projets des puiffances qui menacent
les Turcs n'éclatent point encore , & on doit
en inférer qu'ils ne font pas encore parvenus
à leur maturité , & qu'ils rencontrent dans les
mouvemens politiques des cabinets des obftacles
qu'on n'attendoit pas & qui ne font point aifés à
lever. On peut préfumer que les difpofitions de
la cour de Berlin ne font point telles qu'on les
annonce dans quelques papiers ; on prétend même
depuis peu de jours que les apparences pour
la guerre diminuent . On juge en général que
P'Impératrice de Ruffie contente de la belle
campagne qu'elle vient de faire fans tirer un
coup de canon , n'eft pas éloignée de defirer
d'en refter là , & il fe pourroit que le refte de
cette année fe paffât fans aucune hoftilité. Les
préparatifs immenfes, écrit - on de l'Autriche , peuvent
faire defirer à cette cour un dédomagement &
l'emploi des moyens qu'elle a de fe le procurer
; mais il fe peut qu'elle n'en ufe pas avant
l'année prochaine. On dit qu'elle doit réclamer
par un manifefte la Servie , la Walachie , juſ
qu'à la riviere d'Aluta . & la partie de la Bolnie
qui s'étend jufqu'à Bocca - di - Cataro vers Ra·
2
( 151 )
gufe. S'il faut en croire des lettres du Danube ;
L'ambaffadeur de Ruffie à Conftantinople , a notifié
au Divan l'alliance offenfive & défenſive
entre les deux cours de Vienne & de Pétesbourg
».
.
On affure qu'un certain nombre de troupes
Impériales en Italie , s'eft mis en marche
pour la Carniole & l'Efclavonie.
cc
Jufqu'à préfent , dit un de nos papiers ,
l'empereur n'a encore rien demandé à la Porte ;
les géographes politiques prévoyent dejà tout ce
qu'il pourra demander ; il n'eft queftion pour
cela que d'examiner les ceffions qui furent faites
au Grand Seigneur par la paix de 1739 ;
mais outre les reftitutions à exiger , on parle
encore d'une indemnité à demander pour les
frais faits jufqu'ici ; on les porte , dit-on , à 10
millions de florins ; on prétend ajoute ce papier
que l'Internonce Impérial à Conftantinople receyra
inceffament ordre de demander à la fois
au Divan la reftitution des pays cédés par la
paix de 1739 , & l'indemnité des frais faits pour
rendre efficace cette demande en reftitution .
On laiffera au Divan la liberté de folder ce
grand compte en territoire ou en argent . On
penfe affez généralement que ces demandes fuc
ceffives faites à la Porte à mesure qu'elle en a
accordé quelques- unes , conduiront infailliblement
à des hoftilités , & fourniront aux cours des
raifons plaufibles pour attaquer les Ottomans ».
Des lettres de Conftantinople viennent à
l'appui de cette conjecture.
сс Le baron de Herbert a fait notifier à tous
les négocians Autrichiens qui font à Conftantinople
, qu'ils ayent à ne plus payer à l'avenir ,
fous peine d'encourir la difgrace de S. M. I. qu'un
84
( 152 )
droit unique de 3 pour 100 fur toutes les
marchandifes qu'ils feront venir des pays héréditaires
; l'intention de l'Empereur étant de les
faire jouir de l'avantage accordé aux Ruffes par
le traité de commerce conclu le 21 Juin entre
l'Empereur & la Porte. L'Intendant de la douane
Ottomane a fait part auffitôt de cette notification
au Divan , & a demandé des ordres pour
fe conduire à cet égard ; mais il ne les a pas
encore reçus . Nous defirerions , ajoutent ces lettres
, que notre Miniſtere voulût ſouſcrire à toutes
les demandes de l'Empereur d'Allemagne , fi
nous pouvions nous flatter que notre condefcendance
ne le déterminât pas à en faire de nouvelles
& fur-tout qu'elle pût l'engager à rompre ſes
engagemens avec la Ruffie . Nous ne pouvons
nous repaître de ces idées chimériques. Nous
nous attendons à voir ces deux puiffances formidables
réunir toutes leurs forces contre nous :
Mais nous ne nous croyons cependant pas encore
perdus. S'il y a ici des hommes abbatus , ce n'eft
pas du tout par les approches de la guerre la
pefte feule a laiffé des fymptômes de foibleffe
& de langueur fur les phyfionomies de ceux qui
en ont été attaqués , & qui y ont échappé. Le
reffentiment de toutes les claffes de la nation
eft toujours le même. Tous les fujets de cet
Empire ne refpirent que la vengeance ; & ils
espérent tout du Grand Vifir qui à la tête de
l'élite de nos troupes eft fur le bord du Dnieſter
& ils ne penfent pas avoir rien à rédouter
de la marine Ruffe tant que le Capitan
Bacha fera à la tête de la nôtre. Comme
l'efcadre Ruffe à Azoff eft beaucoup plus forte
qu'on ne l'avoit cru , le Divan vient d'ordonner
de préparer avec toute la diligence poffible
fix autres vaiffeaux pour la Mer Noire ; en moins
-
( 153 )
de trois ans les Ruffes ont lancé à l'eau plus de
huit vaiffeaux neufs dans le feul port d'Azoff ,
mais fi notre miniftere perfifte dans les difpoftions
à mettre la marine Ottomane fur un pied
refpectable , avant la fin du printemps prochain
le nombre de nos vaiffeaux neufs excédera de
beaucoup celui des bâtimens ruffes de même
genre.
Le démêlé de la ville de Dantzick avec le
Roi de Pruffe n'eft point encore arrangé :
tous les détails qu'on en a donnés jufqu'ici ,
viennent de cette ville même ; en voici d'autres
qui viennent de la Pruffe occidentale ,
& qui peuvent donner une jufte idée de fa
nature.
La ville de Dantzig s'eft arrogé depuis un tems
immémorial le droit d'étape , Jus Emporii. Il n'eft
point queftion ici du Jus ftapulæ , que cette ville
a avoué elle -même dans fon Mémoire , remis le
20 Février 1767 à M. le Réfident de Junck , n'être
pas autorisée d'exercer contre les fujets du Roi
de Pruffe. Conformément à ce premier droit ,
elle prétendoit avoir le privilege d'arrêter les
navires venant du côté de la mer & d'affurer à
fes habitans l'achat exclufif de leurs cargaifons ,
mais fans aucune preuve. Aucun Roi de Pologne
ou de Pruffe ne le lui avoit jamais accordé ou
confirmé ; & elle ne pouvoit alléguer aucun fait ,
dont l'authenticité ne fut contredite . Les Dantzicois
, pour appuyer leur prétendu droit , difent
que leur ville fut bâtie fur les bords de la Viftule,
uniquement pour le commerce ; mais quelle
preuve en donnent- ils ? Ce principe , quand il
feroit démontré , pourroit - il être obligatoire
pour tout autre que pour leur propre Souverain
; & tout autre Souverain d'une contrée
g S
( 154 )
fituée fur les bords de ce fleuve , ne feroit il pas
autorisé en ce cas à faire valoir le même droit
en fa faveur ? Le Roi n'a infifté juſqu'ici fur la
navigation libre de ce fleuve , que pour affurer
la fubfiftance & fournir aux befoins de fes propres
fuiets. Le feul & principal argument des Dantzicois
, c'eft la ligue Anféatique , avec laquelle ils
étoient jadis affociés. Comment cette alliance at-
elle pu leur donner des droits exclufifs au préjudice
d'un tiers & de leurs cofujets ; alliance
d'ailleurs éreinte depuis plus de deux fiecles , fi
l'on excepte celle des villes de Hambourg , Breme
& Lubeck . C'eft fur ce feul fondement que la
ville de Dantzig a tâché de juſtifier & d'exercer
de tems en tems fon prétendu Jus Emporii , &
qu'elle s'eft hafardée d'ajouter autrefois fon Jus
Stapulce. Mais il eft de notoriété publique que ce
droit chimérique n'a jamais été reconnu par la
République de Pologne , ni par aucune autre
puiffance. Aucun procédé attentatoire ne paroîtra
plus invraisemblable que celui que le Magiftrat
de Dantzig vient de hafarder contre les fujets
Pruffiens : les villages de Vieille & de Nouvelle
Ecoffe , Stoltzenberg , Schidlitz & Langfuhr
, fitués ſur le long des côtes de la mer , & qui
avoient été nommés autrefois les fauxbourgs de
Dantzig , mais qui , en vertu du Traitè de 1772,
furent cédés au Roi de Pruffe , comme appartenant
à la Couronne de Pologne , ne fauroient
être approvifionnés de bleds que par la rade de
Marienbourg ; le côté de la Pommérelie n'étant
pas affez fertile pour y fuffire : Tous les bâtimens
Pruffiens employés pour cet effet ont paffé juf
qu'ici fans aucun obftacle à côté de Dantzig
pour fe rendre à ces villages , & ce ne fut qu'au
mois d'Avril dernier , que le Magiftrat de
serre ville s'avila de faire valoir fon prêtendy
( ess )
droit de Stupel - Recht ; & au lieu de s'adreffer
directement au Roi , de lui faire des remontrances
fur des droits qu'il prétendoit avoir
négligés , il commença , fans aucune déclaration
préalable , par faire arrêter par des bâtimens
armés tous les navires pruffiens qui fe trouvoient
ſur la Viſtule , dont les deux bords dans une
grande étendue depuis la mer Baltique jufqu'aux
frontieres de la Pologne , ainfi que fon embouchure
dépendent de la juriſdiction pruffienne,
&de forcer leurs propriétaires de vendre leurs
Cargaifons aux Marchands Dantzicois aux prix
que ceux- ci y avoient mis , en laiſſant au bon
gré & à la volonté des Sujets Pruffiens , établis
le long de la côte , de venir racheter des mains
des Négocians Dantzicois les mémes marchandifes
aux prix fixés par ces derniers. Un procédé
auffi violent mit les Sujets Pruffiens dans le plus
grand embarras , les uns par la perte de leur navigation
, la modicité des prix qu'on mit à leurs
denrées , ne permettant pas de la continuer , &
les autres par une dépendance qui les menaçoit
de la difette . Ils porterent leurs plaintes aux
pieds du Monarque , qui donna auffi- tôt les or
dres à fon Réfident à Dantzig , de faire des repréſentations
à ce fujet au Magiftrat ; elles furent
infru&ueuſes . Plufieurs refcrits de la part
du Miniftere lui furent remis pour le même
fujet ; mais aux folides raifons qu'ils contenoient
& auxquelles il n'y avoit pas de réplique , le
Magiftrat de Dantzig répondit en des termes
vigues & ambigus ; jamais on mettoit fous
les yeux du public la correfpondance en queſtion,
on n'y verroit qu'avec la derniere ſurpriſe un
contrafte frappant de folidité , de dignité & de
modération d'un côté , & le procédé le plus in-
Conféquent & le plus infenfé des l'autre. On a
g 6
( 156 )
fait représenter à différentes repriſes au Magiftrat
de Dantzig , que fuivant le droit naturel & civil
, ſuivant tous les anciens traités avec la Pologne
& la Pruffe , & felon les principes même
dudit Magiftrat , la navigation de la Viftule doit
être libre & exempte de toutes entraves ; & que
de même que le Roi a accordé aux Dantzicois
un libre paffage dans toute l'étendue où la Viftule
parcourt les Etats , il étoit en droit de demander
la liberté en faveur de fes Sujets pour
l'étendue beaucoup moins confidérable où ce
fleuve baigne le territoire de Dantzig. On a
fouvent propofé au Magiftrat d'accorder la liberté
de navigation , fans préjudice de fes droits ,
aux Sujets du Roi , jufqu'à ce qu'on eût examiné
les droits réciproques , qu'en ce cas toutes
repréfailles feroient auffi- tôt fufpendues , mais en
vain ; on fe contentera de répondre fimplement ,
& fans vouloir entrer dans aucun éclairciffement,
que la ville avoit abandonné fes droits & fon
fort au Roi de Pologne , fon légitime Souverain;
tandis qu'en une autre rencontre elle méconnoît
cette fouveraineté , comme on pourroit le prouver
par plus d'un exemple. Cependant les Sujets
du Roi font arrêtés par terre & par eau , fouvent
maltraités & forcés à des ventes défavantageuſes
; & leur commerce avec cette ville eft
abfolument anéanti . Jufqu'ici le Roi a montré
une modération dont l'Hiftoire ne fournit aucun
exemple. Aujourd'hui fa dignité & fon devoir
envers fes Sujets exigent de garantir ceux- ci de
l'oppreffion ; mais parmi les moyens qu'il a en
main pour cette fin , il n'a même choifi que les
plus doux , efpérant qu'ils engageront la ville
de Dantzig à rentrer en elle - même. Mais la
douceur de ces juftes repréfailles n'a point produit
l'effet defiré , & on s'eft vu forcé d'arrêter
( 157 )
ainfi que
leur commerce de terre , leurs navires
qui fe trouvoient dans le port de Fahir- Vaffer .
Mais ils femblent vouloir épuifer la patience du
Roi , & leur entêtement exigera vraisemblablement
des mefures plus rigoureufes . Croira -t -on
que pendant ces entrefaites un fage Magiftrat a
vu avec indifférence la populace attroupée infulter
de la maniere la plus indigne un Officier
du Roi qui fans aucune vue hoftile a
paffé dans cette ville avec une troupe de foldats
à fes ordres ? Quelles feront les fuites de cette
conduite incompréhensible ? Eft- il bien difficile
de les prévoir , & ne temble t- il pas que tous
fes habitans aient oublié tous les principes d'une
faine logique ?
DE FRANCFORT , le 3 Octobre.
L'affaire de l'Evêché de Paffau n'ayant pu
être terminée à Vienne , va , dit- on être portée
à la Diete de l'Empire ; en attendant, les
revenus qui appartiennent à cet Evêché , &
qui font fitués dans les domaines Autrichiens ,
font adminiftrés par une commiffion Impériale
.
«Dans la Capitale d'une des Provinces Héréditaires
de la Maifon d'Autriche , lis - on dans un
de nos papiers ; on a été témoin d'un événement
bien cruel , un Soldat avoit été condamné à
paffer huit fois par les baguettes ; après avoir été
conduit dans les rangs , il s'eft arrêté comme
paroiffant déterminé à ne point courir. Le Capitaine
commandant l'exécution , s'approche l'épée
à la main ; alors le malheureux s'élance fur lui ,
le renverfe , & lui plonge cinq fois dans le fein
un couteau dont il fe trouvoit muni , on ne fait
comment. L'Officier eft refté mort fur la place ,
( 158 )
il paffoit pour un homme fort dur ; & le Soldat
a été puni avec la rigueur que prefcrivent les
loix Militaires ».
Le trouble regne toujours à Dantzick , &
le fort de eette ville paroît maintenant être
dans fa crife .
сс
Depuis le 24 du mois dernier , toutes les avenues
qui conduiſent à Dantzick font fermées ; &
les feuls effets que laiffent paffer les Troupes
Pruffiennes , font ceux qui font de fabrique de
leur pays , ceux qui appartiennent aux Miniftres
Etrangers qui y réfident , ceux qui font deſtinés
pour l'Empire Ruffe , & ceux enfin qui fervent
aux Voyageurs . Les Officiers de la Douane ont
reçu , & exécutent les ordres les plus rigoureux
relativement à tous les autres articles . Deux
Efcadrons de Huffards Pruffiens font poftés dans
les environs , & les Régimens de Blumenthal
de Mewe , d'Egloffitein , d'Elbing , de Finckenſtein
& de Riefenberg s'avanchent des garnifons
voisines avec du canon . Cependant malgré
la fombre perfpective de l'orage qui fe forme lur
leur tête , l'opiniâtreté des Dantzikois femble
augmenter ; ils font , difent - ils , déterminés à
tout conferver ou à tout perdre ; un détachement
de Huffards qui y fut envoyé en dernier lieu ,
fut reçu par la populace avec des pierres ; mais
il paroît avoir eu l'ordre de ne point répondre
par la force à cette violence , & il fe retira
fans tirer un coup de fufil . Le Magiftrat met la
Ville en défenfe , & il augmente la garnifon de
80 hommes par compagnie ; on craint que fi
quelque intervention puiffante n'écarte pas la
fcene qui fe prépare , il n'y ait du fang répandu.
On attend avec impatience à Dantzick la réponſe
aux repréſentations que le Magiftrat a adreffées
à la Cour de Ruffie ».
( 159 )
ITALI E.
DE GENES , le 18 Septembre.
Il eſt arrivé dans ce port deux frégates &
2 cutters Anglois de Gibraltar. Ce font les
premiers vaiſleaux de guerre de cette nation
que nous aions vu ici depuis 7 ans : les officiers
ont été ces jours derniers rendre leurs
devoirs au Doge ; on croit qu'ils remettront
inceffamment à la voile , pour fe rendre à
Livourne.
Les Lettres de Venife & de Naples portent
qu'on y fait des armemens maritimes ;
on remarque en général dans toute l'Italie
des mouvemens relatifs à la Marine : les
changemens qui peuvent avoir lieu bientôt
dans la navigation & le commerce du Levant
, exigent en effet que les Puiffances qui
bordent la Méditerranée , prennent enfemble
des meſures , afin que les intérêts de leurs
fujets ne foient pas léfés par un nouvel ordte
de chofes.
сс
« Après différentes épreuves , écrit - on de
Rome , pour retirer de l'huile des pepins de
raifins , il a été établi une manufacture de cette
production nouvelle , avec l'approbation de S. S.
qui a ordonné en même temps qu'on publiat ce
procédé de M. Antoine Chinozzi , qui eft l'Auteur
de la machine propre à extraire cette huile.
Cette nouvelle découverte eft de la plus grande
utilité pour la capitale & pour l'état Eccléfiaftique
, vu la quantité de vignobles , & la
grande quantité d'huile qu'on étoit ci - devant
obligé de tirer à grands frais de l'Etranger.
( 160 )
ANGLETERRE.
DE LONDRES , le 14 Octobre."
Les derniers Papiers Américains qu'on a
reçus contiennent quantité d'adreffes au Congrès
de la part de différens Corps , qui défaprouvent
tous généralement les procédés
dont fe font rendues coupables quelquesunes
des troupes à Philadelphie , & qui ont
déterminé cette affemblée des Etats - Unis
à quitter cette ville , & à fe tranſporter à
Prince -Town , où elle eft encore , en attendant
qu'elle ait défigné le lieu où elle s'établira
à l'avenir ; c'eft au mois de Novembre
prochain , qu'elle s'occupera , dit-on , de cet
objet.
En attendant elle a requis la préſence du
Général Washington à Prince -Town , où il
s'eft rendu à la fin du mois d'Août ; le 26 il
fe préfenta à la fale du Congrès , où ayant
été introduit par deux de fes membres , le
Préfident lui adreffa le Difcours fuivant.
fi brillant .
» M. , le Congrès éprouve une fatisfaction
inexprimable à voir V. E. & à la féliciter ſur le
fuccès d'une guerre où vous avez joué un rôle
Les Etats -Unis s'eftiment finguliérement
heureux que pendant une guerre
fi longue , fi dangereufe , fi importante , la
Providence ait pris le foin de conferver les jours
d'un Général qui n'a ceffé de mériter & de
pofféder la confiance & l'affection de fes concitoyens.
Chez d'autres Nations plufieurs grands
Perfonnages ut mérité & reçu les remercimens
de l'Etat , mais il vous eft dû , Monfieur ,
un remerciment particulier en ce que vos fer(
161 )
-
vices ayant infiniment contribué à obtenir & à
établir la liberté & l'indépendance de votre Pays,
exigent qu'une Nation libre & indépendante vous
donne des témoignages de fa reconnoiffance ,
& le Congrès fe félicite d'être en ce momentci
l'interprete des fentimens de cette Nation
auprès de V. E. Les hoftilités font ceffées ,
mais votre Pays a encore befoin de vos fervices.
11 défire de profiter de vos lumieres par
rapport aux arrangemens qu'il fera obligé de
prendre pendant la paix , & c'eft pour cette
raifon que votre préfence au Congrés a été
requife . On a nommé un Comité pour conférer
avec V. E. , & pour prendre vos confeils
fur la formation & la difpofition des plans relatifs
à ces objets importans »,
Le Général fit la réponſe fuivante à cé
Difcours.
» M. le Préfident , je fuis trop fenfible à la
réception flateufe dont vous m'honorez pour que
je ne fois pas pénétré des fentimens de la plus
vive reconnoiffance, Quoique le Congrès
paroiffe attacher à la confervation de mes jours
un prix bien au- deffus des fervices que j'ai pu
rendre aux Etats-Unis , je regarde la fageffe &
l'unanimité de nos Confeils Nationaux , la fermeté
de nos Concitoyens , ainfi que la conftance
& la bravoure de nos Troupes , qui ont
mis une fin fi glorieufe à la guerre , comme
l'effet le plus éclatant de l'interpofition divine
& comme le préfage le plus certain de notre
bonheur futur. Pleinement fatisfait des fentimens
favorables que le Congrès a bien voulu
manifefter relativement à ma conduite paffée ,
& amplement récompenfé par la confiance &
par l'affection de mes chers concitoyens , je
n'hésite point de contribuer de tous mes efforts
-
( 162 )
1
à l'établiffement d'une sûreté nationale , de quelque
maniere que le fouverain pouvoir juger à
propos de l'ordonner , jufqu'à ce que la ratification
du Traité de Paix définitif ou que l'évacuation
du Pays par les Troupes Britanniques
ait eu lieu. Après l'un de ces deux événemens
je demanderai la permiffion de me retirer pour
jouir tranquillement des douceurs d'une vie privée.
Peut- être , Monfieur , n'aurai - je jamais
d'occafion plus favorable que celle - ci de rendre
mes humbles actions de graces à l'Etre Tout-
Puiffant & de manifefter à mon Pays l'étendue
& la vivacité de ma reconnoiffance pour les fecours
prodigieux & conftans que j'ai reçus dans
les viciffitudes de la fortune & pour tous les
titres honorables que le Congrès a bien voulu
me conférer pendant le cours de la guerre » .
Les lettres particulieres nous inftruiſent ,
que les conférences entre le Général & le
Comitté du Congrès ont commencé auffitôt
, & qu'il y a été arrêté que le premier fe
rendroit fur les frontieres du Nord , pour
choifir les lieux les plus propres à bâtir des
forts , qui ferviroient en même tems à leur
défenſe & à la protection du commerce des
fourrures ; il fe difpofoit en conféquence à
partir pour remplir cette commiffion avec le
Général Major Baron de Stauben.
On ignore encore ici l'époque véritable
de l'évacuation de New-Yorck : nos papiers
prétendent que le Gouvernement vient feulement
d'envoyer l'ordre de rendre cette
place : en Amérique on prétend qu'il y a déjà
été expédié précédement.
« Le Chevalier Carletos , lit- on dans un pa(
163 )
pier de Philadelphie , en date du 28 Août , a
informé le Congrès qu'il avoit ordre d'évacuer
New-Yorck ; mais il obferve dans fa lettre , que
les délibérations du peuple des Etats - Unis qui
s'opposent à l'admiffion des Réfugiés fur le Continent
, retarderont néceffairement fes mouve
mens , parce qu'il fe trouve obligé d'emmener
avec lui un nombre prodigieux d'habitans de
tous les âges & de tous les rangs . Il reste encore ,
dit - on , près de 19000 Loyaliftes à transporter
dans la nouvelle Ecoffe. On croit cependant que
la ville de New- Yorck fera rendue aux Etats-
Unis le 9 Octobre . Six régimens Anglois ont
ordre de fe rendre dans la nouvelle Ecoffe , & le
refte retournera en Europe ».
Les Gazettes de New-Yorck nous offrent
la lettre fuivante de Royal-Annapolis , dans
la baie de Fundy , en date du 13 Août, écrite
par un Loyalifteàun de fes amis à Long- Iſland,
« Je vous écris felon ma promeffe , & avec
plus de fatisfaction que je ne l'efpérois quand je
vous ai quitté. Je fuis arrivé ici , après un
paffage de douze jours , & j'ai trouvé les chofes
beaucoup mieux que je ne me les repréfentois :
c'eft un très beau pays , & il n'y a pas moins de
500 familles établies depuis long-temps dans cette
Ville. Le terrein eft trés - bon , & il y a beaucoup
de bois ; le climat eft fain & les eaux poiffonneuses .
Nous avons tiré , mes compagnons & moi , nos
lots du terrein deftiné à notre Ville ; il eft d'un
acre & demi pour chacun ; l'emplacement eft à
18 milles d'Annapolis , & il y a déjà environ 75
maifons bâties par quelques-uns de nos plus célebres
Loyaliftes ; il en arrive journellement ; notre
havre est un des meilleurs que j'aie vus , & il
nous fervira à rendre cette Ville une des plus
( 164 )
1
commerçantes de l'Amérique . Il n'y a aucune des
productions qui croiffent en Penfilvanie qui ne fe
trouvent ici. Les grains d'hyver y viennent auffi
bien que dans aucune partie du monde. Nous
nous partageons les terres deftinées à nos plantations.
Depuis mon arrivée le prix en est monté
de 100 p.. Les chevaux , les vaches , les cochons
, les brebis font plus abondans que dans
Long-Ifland.
Le Comitté , chargé de régler ici le fort
des Loyaliſtes , s'affemble , & continue fon
travail fur ce fujet ; ceux qui ont quelques réclamations
à faire , doivent les porter devant
ce Comitté ; & ils ont jufqu'au 25 Mars
de l'année prochaine , pour préfenter les mémoires
dans lefquels ils indiqueront leurs
pertes , d'après lefquelles on leur fixera les
dédommagemens qu'il fera trouvé jufte &
convenable de leur accorder.
Le vaiffeau de la Compagnie , la Britannia,
Capitaine Cumming , eft arrivé dernierement
à Portſmouth. On évalue fa cargaifon
& celle de l'Effex , qui avoit mouillé
quelque temps auparavant dans nos ports ,
à 200000 liv . fterling. Parmi les Officiers qu'il
a ramenés en Europe , fe trouvent fir Hector
Munro , & le Capitaine M'Dowall , qui
commandoit à Trinquemalle , lorfque le
Commandeur de Suffren s'empara de cette
place , le 30 Août de l'année derniere . On
fait que laconduite de M. M'Dowal a été examinée
dans un Confeil de guerre tenu à Madraff
, & que le Jugement rendu à cet effet ,
le 29 Janvier de cette année , l'a acquitté
( 165 )
honorablement ; lorfqu'il a quitté cette ville ,
il alloit s'y affembler un no iveau Tribunal
militaire pour le Colonel Humberstone : il
en réfulte que la guerre qui vient de finir , a
donné lieu à bien des procédures de ce genre
fur les événemens qui fe font paffés dans
les 4 parties du monde. Les nouvelles qui
nous font arrivées par cette voie , ſe réduiſent
aux détails fuivans.
Nos affaires , écrit-on du Fort Villianı dans les
Indes orientales , commencent à prendre l'afpect
le plus favorable depuis que nous avons
fait la paix avec les Marattes ; l'armée qui étoit
contre eux , eft entrée dans le pays de Tippofaib
, fous les ordres du Général Mathews , où
elle a déja eu des fuccès . Elle a dabord battu
une grande armée & pris Onore & Mangalore ,
deux Forts refpectables. Le tréfor qui a été pris
auffi monte à 6 millions d'argent. En conféquence
de ce changement , les vieux héritiers du
trône déposés par Hyder Aly , ont ſaifi l'occaſion
de fe révolter. Ayant raffemblé leurs partifans.
ils ont commencé par élargir nos prifonniers au
nombre de 1300 , & ils ont pris poffeffion de
Siryngapatnam , la Capitale d'Hyder , une place
de très -grande force , où ils ont attendu notre
armée. On dit que trois jours avant cette révolution
, le Colonel Baily mourut . Tipofaïb qui
a fuccédé à Hyder , a évacué le Carnate peu
après cet événement. Il y avoit un traité ſur pied
auparavant ; mais les chofes ayant changé , les
conditions n'ont pu étre les mêmes , & on n'a
pas été d'accord. Il offroit 4 millions en argent;
mais la compagnie en demandoit 8 , qu'il rendit
outre cela les revenus qu'il avoit tirés de
Carnate pendant 3 ans , & qu'il payât les dé(
166 )
Н
14
pentes de l'armée depuis le commencement de
la guerre ; on vouloit encore un tribut annuel
de 15 laks de pagodes , qui fait un demi million
= Nous fuppofons que notre flotte eft à
préſent fur la côte , parce qu'elle quitta Bombay
le 15 du mois dernier.Elle confifte en 15 vaiſſeaux
de ligne ; on dit celle de nos ennemis forte de
17; mais nous croyons nos vaifleaux mieux réparés
, mieux équippés , ce qui fait efperer que
s'ils fe rencontroient , la partie fera au moins
égale.
On dit que le Traité définitif de paix avec
la Hollande fera figné inceffamment , & que
ce qui le retarde , c'eft l'affaire de la reftitution
de Negapatnam à la République ; ce
qui rend notre Miniftere très - difficile fur ce
point; & ce qui lui fait rejetter tous les objets
d'échange qu'on lui propofe , c'eſt la pofition
de cette place qui nous met en état de
furveiller le Rajah de Tanjaour & le Nabab
d'Arcate , dont cet établifiement domine les
poffeffions .
La paix , dit un de nos papiers , a été publiée
ici & par-tout où il y a un corps municipal
avec toutes les formalités & les cérémonies d'ufage
en pareille circonftance . Il a paru un peu
étrange qu'on ait fongé à remplir cette formaltié ,
puifqu'on n'avoit pas fongé à remplir celle d'une
proclamation folemnelle de guerre . Mais on
affure qu la politique exigeoit que la paix fût
revêtue de toutes les formalités , & qu'on lui
donnât le plus d'éclat qu'il étoit poffible , dans
un moment où plufieurs puiffances ne paroiffoient
point entiérement convaincues des difpo
fitions pacifiques de notre miniftere.
( 167 )
On a publié par autorité les Traités définitifs
de Paix avec la France & l'Eſpagne ; lepremier
contient 24 articles , & le fecond 12 ;
ils font l'un & l'autre conformes aux articles
préliminaires. Les préambules offrent feulement
les formalités particulieres que la ratification
des parties , & la médiation des deux
Cours Impériales qui ne font intervenues que
quand tout a été conclu , ont rendu néceffaires
; celui avec la France eft fuivi de 2 articles
féparés , relatifs à la langue employée dans la
rédaction du Traité , qui eft la françoife , & à
quelques-uns des titres employés par les Parties
contractantes , qui ne font pas généralement
reconnus , tels que celui de Roi de
France , pris par le Roi d'Angleterre , & c.
Après ces articles fe trouvent une déclaration
du Duc de Mancheſter , & une contre déclaration
du Comte de Vergennes , pour fixer
d'une maniere précife , & qui prévienne
toute difpute à l'avenir la pêche de Terre-
Neuve , & la faculté d'entourer Chandernagor
d'un foflé , &c. Il y a également une déclaration
, & une contre-déclaration à la fuite
du Traité avec l'Eſpagne ( 1 ).
(1 ) Nous nous propofions de donner aujourd'hui ces
Traités ; mais ils ont été rédigés originairement en francais
; nous n'en avons fous les yeux qu'une traduction
anglaife ; en les faifant repaffer dans notre langue , nous ne
ferions que donner une traduction d'une traduction. Les gazettes
étrangeres ne inanqueront pas de faire ce travail, qui ,
quelque foin qu'on y apporte , s'écartera toujours de l'original
, qu'une traduction & une retraduction ne peuvent
que défigurer, Nous défirons donner ces piéces dans toute
feur exactitude , & nous eſpérons avoir l'original ſous peu
( 168 )
Il importe peu , lit- on dans un de nos papiers
, que les différens potentats publient les
articles des traités de paix qu'ils ont conclu ;
ils n'en inftruiront pas mieux le public ; il y a
toujours quelques articles féparés & importans
qui restent un fecret pour les nations qu'ils intéreffent
, ce myftere d'ufage a fouvent excité
ici des reclamations ; & c'eft en vain qu'on
a efpéré des miniftres qu'ils ne cacheroient
au peuple aucun des arrangemens particuliers
qu'ils ont pu prendre : fi la chambre des Communes
ufoit de fes droits & rempliffoit fon devoir
, ces fujets de plainte n'auroient jamais lieu .
On a un exemple affez fingulier de ces articles
fecrets à la fin de la guerre précédente , &
qui ne font venus à la connoiffance du public
que par hafard & quelques années après . La convention
fecrette avec la maifon de Bourbon
étoit que l'Angleterre n'auroit jamais plus d'un
vaiffeau de guerre à la fois dans la méditerranée
, tellement que deux auroient été regardés
comme une déclaration de guerre . Cette
convention nous fit perdre notre importance
au-delà du détroit , & fut la vraie raiſon qui empêcha
d'envoyer une efcadre pour furveiller
celle qu'on équipoit à Toulon pour l'Amérique .
Le miniftere ne vouloit pas commencer une
guerre avec la France & l'Espagne , pendant
qu'il étoit engagé fi chaudement avec nos colonies.
Il eft à fouhaiter que cet exemple ne
foit pas répété & qu'il n'y ait pas des arrande
jours. Si , ce qui ne paroit pas vraisemblable , cela ne
nous étoit pas poffible , nous ferions toujours à temps de
revenir à la traduction de ces pieces , qui doivent avoir
place dans ce Journal , & dont nous ne fufpendons la publ
cation , que pour les mettre telles qu'elles font fous les
yeux de nos lecteurs.
gemens
( 169 )
gemens particuliers & inconnus avec ces puif
Lances & les Hollandois . 3
Les amis du miniftere actuel , dit un autre
de nos papiers , font un grand éloge des conditions
relatives à la pêche de Terre - Neuve ;
mais la lecture du traité nous préfente quantité
de conceffions qui doivent finir par ruiner
celle que nous faifons dans ces parages ; ce n'eft
cependant pas à lui qu'il faut s'en prendre ,
mais à ceux qui ont fait la paix originairement.
Saint- Pierre & Miquelon ont été cédés.
Les François y élevent des fortifications qui
les rendront inacceffibles à tous les efforts que
nous pourrions faire, Cela fut prévu dans la
chambre haute pendant les débats qui eurent lieu
fur les préliminaires. Mais ce qui ne nous fera
pas moins funefte , c'eft la liberté prefque illimitée
accordée aux Américains. Cette pêche
étapt fur leurs côtes , leur depenfe pour la faire
fera moindre de la moitié de celle que fera
l'Angleterre ; ils feront en état de nous vendre
à nous fur le Continent , & fi on leur permet
d'approvifionner nos marchés d'Europe , ils
le feront à la moitié du prix que nous ne pourions
le faire.
Selon nos papiers il eft question d'un projet
formé par les Directeurs de la Banque ,
& dont l'exécution doit , dit-on, relever les
fonds publics, qui continuent de baiffer. I
Il est à fouhaiter dit-on à cette occafion que
ce plan foit tel qu'on le dit , & qu'en effet il ait
l'eu ; cela raffurera toujours la nation fur le
bruit qui s'eft répandu que l'on alloit mettre
une taxe fur les fonds publics ; affurément
ne produiroit pas l'effet de les relever ; &
elle
quand un tiers des propriétés
particulieres eft
Nº. 42. 25 Octobre 1783. h
( 170 )
déjà anéanti , il feroir bien affreux qu'on ne jouit
pas paifiblement du refte . L'affaire de la
vente des bois , des bruyeres & des communes
eft toujours en délibération ; le gouvernement
penche à l'ordonner , parce qu'il voit en fpéculation
un produit de 5 millions fterl . pour
lui ; affurément cette fomme feroit très - interef
fantes dans les circonftances actuelles ; mais en
faifant un bien momentanné à l'adminiſtration ,
ce projet feroit un grand tort aux particuliers ,
& fur tout à ceux qui jouiffent du droit des
Communes ; il en eft réſulté déja un grand mal
pour les propriétés foncieres qui ont baiffé d'un
huitieme de leur valeur depuis qu'on parle de
cette révolution .
! Les affaires d'Irlande embarraffent beaucoup
les Miniftres , qui ne font point encore
d'accord fur les moyens à prendre pour l'adminiftration
de ce Royaume. L'efprit d'indépendance
des Volontaires , loin de s'affoiblir
, prend chaque jour plus de force ; &
felon nos papiers , ils font encore échauffés
par l'Evêque de Derry , Comte de Briſtol.
Les lettres d'Irlande cependant ne préfentent
pas les chofes fous un point de vue auffi
grave.
T
« On fe meprend fort , difent-elles , dans l'opinion
qu'on fe forme des difpofitions & de l'efprit
d'infurgence qu'on attribue à nos volontaires ;
ils viennent de prendre une réfolution qui doit
en donner une meilleure & une plus jufte idée
c'eft celle de foumettre à la décifion des neuf
Juges la queftion fuivante : l'affemblée d'un Congrès
d'hommes armés , délégués par des affociations
armées elles -mêmes , dans le deffein de
procurer un changement falutaire & néceffaire
( 171 )
dans la conftitution , eſt - elle contraire à nos loix ?
On affure que fi les Juges décident pour l'affirmative
, nos volontaires font déterminés à fe
féparer & à prendre le parti de s'adreffer au Parlement
par la voie des requêtes. On voit par ce
procédé leur refpect pour les loix , & qu'ils ne
font animés d'aucun autre efprit que de celui du
bien de leur pays ».
On dit que l'Evêque d'Ofnabruk , auffi-tôt
qu'il aura atteint fa majorité , ce qui aura lieu
le 16 Août de l'année prochaine , fera fait
premier Lord de la Régence d'Hanovre ; enconféquence
, il fixera fa réfidence en Allemagne,
& il n'aura point de titre en Angleterre
qui lui donne le droit de fiéger au Parlement
parmi les Pairs. Les revenus attachés
à cette place font de 3000 liv. fterl. ; & on
prétend que cette fomme dans le pays où il
eft , peut lui procurer autant d'aifance que le
triple lui en donneroit en Angleterre ; ce fera
une addition au revenu qu'il a déjà de fon
Evêché. Les Lords de cette Régence font au
nombre de cinq. Le Prince deMecklenbourg
en eft un. Le titre de Duc d'Yorck eft deſtiné
au Prince Guillaume-Henri , & celui de Duc
de Lancaftre au Prince Edouard .
« L'Adminiftration a chargé la Société Royale
de choifir trois Savans qu'elle deftine à accompagner
l'Ambaffadeur que l'Impératrice de Ruf
fie envoie à Pekin ; elle ne fait exécuter en cela
que le projet qu'avoit déja conçu le Lord Shelburne
, qui avoit nommé , pendant qu'il étoit à
la tête du Miniftere , deux fujets qui lui avoient
été recommandés par les Univerfités de Cambridge
& d'Oxford . Ce Seigneur , afſure - t - on ,
h 2
( 172 )
fera partir à fes frais ces deux fujets , & il fe
charge de les pourvoir de tous les inftrumens néceffaires
pour faire des obfervations aftronomiques
& phyfiques dans leur route. Ceux que nommera
la Société Royale feront le voyage aux frais du
Roi ».
?
On écrit de la Haye que les Etats - Généraux
ont publié un Placard , par lequel ils
défendent de négocier en Hollande aucun
nouvel emprunt pour le compte de quelque
Puiffance étrangere que ce foit , pendant 12
mois , à compter du jour où celui des Américains
fera complet.
>
Dans les derniers Jugemens rendus à Guildhall,
on a remarqué unfait affez fingulier. Un Marinier
fut traduit devant l'Alderman Hart , accufé par
un Publicain de Hull dans le Comté d'York , de
lui avoir volé quantité d'articles , confiftant en
linge & en vaiffelle , que le prifonnier avoit empaquettés
& portés à Londres , où , fuivi par le
Publicain , il avoir été arrêté faifi des effets volés.
Le Matelot ne nia point qu'il n'eût porté ces effets
; mais il dit qu'il les avoit eus de la femme
du Publicain qui l'avoit chargé de les remettre
à une adreffe qu'elle lui avoit donnée à
Londres ; il le certifia par l'adreffe qu'il en avoit
reçue , & qui portoit qu'on lui remettroit tant
pour le de fa peine. La femme fut mandée
, & déclara que c'étoit elle qui avoit enlevé
les objets que fon mari difoit qu'on lui avoit volés
: elle déchargea pleinement le Matelot . Cela
amena une icene fort étrange qui fit rire l'affemblée
; parce que malheureufement
on s'égaie toujours
de ce qui intéreffe les moeurs . Le mari , en
ceffant de fe plaindre , s'adreffa à fa tendre moitié
pour l'engager à renoncer au deffein qu'elle fempayer
( 173 )
bloit avoir formé de l'abandonner ; il lui jura qu'il
oublioit le paffé , & lui tint des difcours qui auroient
paru naturels de la part d'un jeune homme
fort empreffé auprès d'une jeune perſonne à laquelle
il afpire à s'unir ; cela fut trouvé un peu
étrange à fon âge & dans fa fituation ; les dédains
de la dame , fon obftination à refufer de vivre avec
lui , ne femblerent pas moins extraordinaires. Les
Juges , les perfonnes de quelque poids qui fe
trouvoient préfentes , furent obligés de prendre
le parti du Publicain , de joindre leurs follicitations
aux fiennes , & n'obtinrent pas fans peine
un confentement qu'elle donna enfin de très- mauvaife
grace , mais qui parut le bonheur fuprême
à fon bénévole époux «.
FRANCE.
DE FONTAINEBLEAU , le 21 Octobre.
Le Roi a nommé à l'Abbaye de Chezy',
Ordre de S. Benoît , diocefe de Soiffons ,
l'Abbé de Montazet , aumônier de S. M.;
à celle de d'Hautefeille , Ordre de Cîteaux ,
diocefe de Nancy , l'Abbé de Cambis, aumônier
de la Reine ; & à celle de S. Julien ;
ordre de S. Benoît , diocefe d'Auxerre , la
dame de Jaucourt , Religieufe Profeffe &
Prieure de la même Abbaye.
DE PARIS , le 21 Octobre.
On apprend de Fontainebleau qu'il y arri
ve journellement des étrangers , & principalement
des Anglois. Les principaux & les
plus riches d'entre eux ont loué un hôtel en
commun , où ils ont établi une table de 80'
h3
( 174 )
couverts , ouverte tous les jours aux perſonnes
de leur connoiffance.
Quelques perfonnes prétendent que le
Duc & la Ducheffe de Glocefter iront auffi
à Fontainebleau. On fait qu'ils font en France
; le 4 de ce mois ils étoient à Avignon ,
où ils ne font reſtés que jufqu'aus , qu'ils en
font partis pour fe rendre à Aix ; ceux qui
prétendent qu'ils viendront à Fontainebleau ,
difent que le 17 de ce mois , ils étoient déjà
à Lyon.
Il n'y a rien de nouveau de nos ports ; on
dit feulement , qu'on continue de préparer
à Toulon les agrêts & les apparaux néceffaires
pour l'armement d'une efcadre ; les vaiffeaux,
qui font tous doublés en cuivre n'ont
pas befoin de carêne.
A peine les gabarres , venus de Riga ,
ont- elles mouillé à Breft , & déchargé leurs
bois , qu'elles ont reçu ordre d'aller à Bayonne
chercher auffi tous les bois de conftruction
qui s'y trouvent.
Le dernier Jugement du Confeil de guerre
, tenu à Morlaix , ne differe du premier ,
qui avoit été déjà rendudans la même affaire ,
qu'en ce qu'il a modéré la peine de prifon
de quinze ans à fix. Le Chevalier de Vigny
a été en conféquence ramené au château
du Taureau où il a été renfermé.
Les dernieres nouvelles de Madrid portent ,
qu'on y attendoit à tout moment D. B. Galvez ,
parti de Cadix , le 26 Septembre . Son oncle , le
Miniftre des Indes , lui avoit fait préparer un
( 175 )
hôtel & un équipage brillant . Les Poftes de Madrid
à Cadix réuffiflent à merveille ; & on travaille
à établir celles de Bayonne à Madrid. Alors il fera
permis de traverfer l'Espagne d'un bout à l'autre
, autrement qu'à franc - étrier ; car on fait que
jufqu'ici il n'y avoit point de chevaux de poftes
pour les voitures & les chaifes.
On parle depuis long- temps des travaux
ordonnés & commencés à Cherbourg. L'extrait
de la lettre fuivante , qui peut donner
une idée de cette entreprife impofante &
prodigieufe , ne peut qu'être bien reçu des
nos Lecteurs .
«Il avoit été préfenté plufieurs Mémoires fur
la néceffité de préferer la rade de Cherbourg à
toute autre pour en faire un Port de relâche dans
la manche pour la marine du Roi ; M. de la
Bretonniere , Capitaine de Vaiffeau , a joint aux
inftances du Commandant & à celles de tous,
les gens fenfés de la Province une idée fublime ;
c'eft de former une rade deux fois plus grande
qu'elle n'eft à préfent , en projettant trois moles
ou trois branches de moles féparées par
quatre paffes ; les deux moles des extrémités de.
quatre cens cinquante toiles chacun,, appuyant ,
par la droite à l'Ile Pelée , & par la gauche
au Fort de Querqueville , & celui du milieu
fait en chevron pour couvrir deux paffes de 300.
toifes chacune ; chacune des deux premieres
branches de mole doit avoir 800 toifes de long,
& celle du milieu 900; elles porteront des batteries .
redoutables à chacune de leurs extrémités . Ce
projet eft en effet grand & fublime ; mais il pa
roît effrayant & gigantefque ; car enfin il ne
s'agit de rien moins pour l'executer , que de
fonder 2600 toifes de jettée en mer à Go pieds
h 4
( 176 )
de profondeur , fans l'apuyer à la terre ,ferme ,
& dans une mer prefque toujours houleufe ,
très-orageufe pendant l'hiver , où il y a des
courans & des coups de vents très -impétueux .
Tout le monde en defiroit l'exécution , mais
perfonne ne croyoit qu'elle fut poffible. On a
écrit , on a propofé aux Ingénieurs , aux Artiftes
les plus expérimentés de donner des moyens ;
les uns vouloient conftruire à pierres perdues ;
mais les courans les auroient diſperſées dans la
rade où elles fe feroient perdues ; d'autres propofoient
de couler des Vaiffeaux ; mais comment
en faire une bafe réguliere , & comment
conftruire deffus ? d'autres enfin vouloit conf
truire des batteaux- caiffes , les mâçonner à moitié
, les conduire en rade , les couler & conftruire
deffus ; mais la moindre inégalité dans les fonds
eût crevé & déverfé ces caifles ; il y a encore
bien des inconvéniens qui rendent ce moyen impraticable
, outre l'énorme dépenſe . M. de
Ceffart , ingénieur en chef des Ponts & chauf
fées & Infpecteur , homme de mérite & de
génie a imaginé une caiffe à jour en forme de
cône , de telle hauteur que l'on voudra. Comme
elle n'a point de fond , on doit la conftruire à
terre , la lancer à la mer & la remorquer julqu'au
lieu où elle doit être coulée ; ces 3 opérations
ont été effayées dans la rade du Havre ,
& ont réuffi . Le Commandant de Cherbourg
qui fut l'hiver dernier à Paris fit le rapport
de ces différens projets ; celui de M. de Ceffar t
qui a été trouvé le plus fimple a obtenu la préférence
; avec trois millions par an , dans dix
années il aura coulé roo cônes , dont 33 formeront
chacune des deux parties latérales , &
34 la partie centrale ; les fix cônes des extrémimirés
feront doubles des autres par la largeur ,
( 177 )
& d'un tiers en fus de hauteur , afin de pouvoir
conftruire deffus des batteries. Les cônes ne fe
touchant pas par leur partie fupétieure , il y aura
entre chacun 15 toifes d'intervalle . Un confeil
de marine a décidé que cette claire voie ne nuiroit
en rien à la bonté de la rade , parce que la
mer ſe briſant autour de ces cônes , perd fon
courant & devient tranquille. Si cette grande
entrepriſe réuffit , il en résultera les plus grands
avantages ; c'eft une dépenſe de so millions pour
avoir une rade capable de contenir 100 Vaiffeaux
de ligne , défendue en dehors & en dedans par
10 à 12 Forts inattaquables , à l'abri de tous
les vents , facile pour entrer & pour fortir , &c.
Nous n'avons annoncé que bien vaguement
les premiers effais faits pour l'exécution
de cette grande & importante entrepriſe ; la
lettre fuivante contient des détails que nous
nous emprefferons de tranſcrire.
« Pour faire flotter un cône pefant 1500 milliers
on avoit préparé 110 tonnes rangées
tout autour dont 42 en dedans , le refte en
dehors fous deux rangées , & foutenu par des
ceintures & des foupentes de gros cables de
12 pouces. Les tonnes avoient 12 pieds de long
& 6 de haut ; chacune pefoit 4500 livres , &
portoit , en s'élevant fur l'eau , épreuve faite
un poids de 28 milliers ainfi en diminuant
fon poids chaque tonne faifoit effort de 23
milliers & demi ; ce qui pour la flottaiſon donnoit
2585 milliers de force , par conféquent un
millier de plus qu'il ne falloit . Tout étoit prêt
le 30 Août. Une tempête qui eft furvenue a
coupé quelques cables & fracaffé quelques tonnes
; la morte-eau eft venue , il a fait mauvais
temps jufqu'au 10 Septembre. On s'eft reparé ;
9
hs
( 178 )
ib
mais les avaries ont conduit jufqu'au 15 ; ce
jour-là la mer ne donnoit que 11 pieds
en falloit 14 pour que le cóne s'enleva de deffus
des pilots de z pieds qui entouroient fa forme
; cependant il a flotté , mais il n'a pu furmonter
les pilots ; d'ailleurs la ceinture des cables
s'eft un peu lâchée ; les tonnes flottoient
en dedans du coloffe au lieu de fubmerger , &
ne donnoient qu'une partie de leur force . Quatre
chaloupes canonieres de 40 rames , une gabarre
de 700 tonneaux , & 37 bâtimens de différentes
grandeurs étoient placés & mouillés à des diftances
convenables , pour remorquer le cône &
le conduire à fon pofte où 4 groffes ancres de
5 milliers l'attendoient pour le fixer , pendant
que l'on couperoit les foupentes pour lâcher les
tonnes graduellement , afin de le laiffer enfoncer
pied par pied. On devoit enfuite envoyer des
bâtimens chargés de pierres , vuider leurs charges
dans le cône , au moyen de fceaux montans
& defcendans établis fur leurs ponts dont
chacun portoit 400 livres de pierres ; on eſpéroit
dans les deux marées en jetter à peu près
50 toiles cubes , qui tombant fur un grillage de
cables établi au fond du cône , l'auroient fixé
fur le fond , outre qu'il portoit dejà autour de
lui 300 milliers de pierre pour fon left . Heureulement
le cône ne put fortir ce jour- là de
fa forme ; il faifoit calme quand on l'effaya ; on
devoit naviguer au Nord -Eft & contre le jurant.
Sur les 2 heures les vents pafferent au Nord-
Eft , & furent toujours en fraîchiffant. Pendant
la nuit une tempête affreufe du Nord - Eft
s'éleva & dura jufqu'au 19. Si l'on étoit parti ,
jamais on n'auroit pu aller jufqu'au point balifé.
pour le coulage du cône , qui étoit à 1700
soifes du point de partance. Il eut fallu mouiller
( 179 )
>
,
en rade ; le cône eut préfenté 47 pieds de furface
aux vents & tout fon poids à la marée
frappé par haut & par bas du même côté d'où
il feroit parti , & s'y feroit brifé ; on n'eut pas
manqué de jetter fur cette machine ce qui n'eut
été que le vice de la faifon ; quoiqu'on n'eût
rien tenté , tous les cables fufpendans les tonnes
furent coupés & 30 de l'interieur mifes en
pieces ; mais le cône n'a pas eu la moindre ava
rie. Quoiqu'il en foit , cet événement a procuré
des connoiffances infinies ; il en résulte qu'il
faut fimplifier les moyens de navigation qui
font trop compliqués & infuffifans ; quoique
l'invention en foit fublime ; il est prouvé que
le cône eft élaftique , flottant & très- folide
qu'en deux mois on peut faire une pareille
caiffe , & 10 en décuplant les moyens ; que
chacun placé , coulé & plein de pierres ne cou-,
tera que 200000 liv. , & qu'il n'en faut que
80 pour former la rade depuis Querqueville,
jufqu'à l'ile Pelée. C'eft dejà beaucoup que
d'avoir appris tout cela . Maintenant nous allons
nous corriger , perfectionner notre gréement
réparer nos avaries , & au printemps prochain.
nous espérons réuffir ; tous les calculs font
pour nous.
Le temps calme dont nous jouiffons depuis
10 à 12 jours , a permis à M. de Mongolfier
de continuer fes expériences ; elles
ont eu peu de témoins ; un a'eux nous en a
donné les détails fuivans .
La Machine , toujours retenue par des cordes ,
s'eft élevée à 30 ou 40, & jufqu'à so pieds . Un
des ouvriers , ainfi que M. Pilatre du Rofier &
M. de Mongolfier lui -même , fe font élevés
quelquefois avec elle. M. le Duc de Chartres ,
h 6
( 180 )
témoin un jour de ces expériences , voulut auffi
monter dans la galerie ; mais , quoiqu'il n'y eut
arcun danger à courir , on s'oppofa à fon defir ;
& M. de Dillon prit fa place avec un autre Officier
ils furent élevés à la hauteur d'environ 40
pieds ; & au moment qu'on s'apperçut que la machine
alloit defcendre , on lacha les cordes , &
elle fut tomber au bout du jardin , à cent pas du
lieu de fon départ , mais fi doucement qu'elle
étoit déjà à terre , que M. de Dillon ne s'appercevoit
pas qu'elle y touchât. M. Pilatre du Rofier
eft fouvent monté feul depuis ce temps-là
pour alimenter le fourneau , en y jettant de la
paille ; il en faur près de deux bottes par minute
, pour prévenir la condenfation du gaz ; & le
1s de ce mois il a fi bien réuffi , qu'il eſt reſté à
deux différentes fois près de 2 minutes en l'air :
on voyoit la machine s'élever de 12 à 15 pieds ,
toutes les fois qu'on lui fourniffoit une nouvelle
chaleur : voila , où en font , les expériences . On
fait donc aujourd'hui monter & defcendre la machine
à volonté ; il faut actuellement trouver le
fecret de lui faire parcourir une ligne horifontale
, & furtout le moyen de renouveller le gaz
avec une matiere qui donne une flamme vive
elaire , fans aucune fumée , & qui foit un peu
plus durable que celle produite par la paille. Du
refte , cette grande machine eft chargée en 5
minutes .
Quelque foit le parti qu'on puiffe tirer un
jour de cette découverte , fi l'on parvient à la
perfectionner , elle n'en fera pas moins un
honneur infini à fes inventeurs . M. Houdon ,
fculpteur du Roi , a fait un bas - relief deftiné
à fervir à la médaille qui a été frappée pour
MM. de Mongolfier ; il repréfente les têtes
des deux Freres, Etienne & Jofeph de Mon(
181 )
golfier , inventeurs en fociété du Globe aëroftatique.
M. Delaunay le jeune, éleve du
célebre Graveur de ce nom , l'a deffiné &
gravé avec beaucoup de goût ; les deux têtes
offrent la reffemblance la plus parfaite ; &
gravure fait honneur au burin d'un Artiſte
quiporte un nom cher aux Arts. On lit au bas
les vers fuivans.
la
8
Mongolfier , que l'Europe entiere
Ne fauroit affez révérer ,
A des airs franchi la carriere ,
Quand l'oeil de fes rivaux cherche à la meſurer (1 ) .
M. Didot l'aîné , chargé par le Roi de l'impreffion
des Auteurs claffiques , françois &
latins , deſtinés à l'éducation de Mgr le Dauphin
, a fait fuivre fa fuperbe édition de Télémaque
, de celle des Euvres de Racine , dont
le 1er volume qui vient de paroître , eft des
mêmes format , caractere & papier que l'Ouvrage
précédent. Nous ne répéterons pas ici
ce que nous avons dit plufieurs fois des productions
forties des preffes de M. Didot ;
tous les gens de goût ont reconnu la juftice
de nos éloges , & les efforts impuiſſans de la
jaloufie n'en ont rien rabattu ; nous préférerons
de tranſcrire ici le Brevet par lequel
S. M. lui a ordonné l'impreffion de cette Collection.
Le choix du Roi, les motifs qui l'ont
déterminé , feront notre unique réponſe aux
détracteurs de M. Didot (2).
(1 ) Cette Eftampe fe trouve chez l'Auteur , & porte
S. Jacques , No. 112. Le prix en eft de 1 liv. 4 f. I
( 2) Cet Ouvrage n'eft tiré qu'à 200 exemplaires comme
le Télémaque , & fe, trouve à Paris chez M , Didot l'aîné ,
rue Pavée Saint-André- des - Arts. Il formera 3 vol in- 4.
Le prix de chacun eſt de 36 liv.
( 182 )
a Aujourd'hui premier Avril 1783 , le Roi
étant à Versailles , bien informé de la beauté
des éditions forties des preffes du fieur Didot l'aîné
; & voulant récompenfer & encourager les
foins qu'il s'eft donnés pour perfectionner en
France la gravûre des caractères d'Imprimerie
& la fabrication des papiers , l'a choisi pour faire
les Editions des Ouvrages deftinés à l'éducation
de Mgr. le Dauphin , & lui ordonne en conféquence
d'imprimer , fous les formats in -4° , in-
8°. & in- 18 , les principaux Auteurs nationnaux
& Latins , en commençant par le Télémaque dont
S. M agrée la dédicace : à la charge , par le
fieur Didot l'aîné , que chacune des éditions qui
fortiront de fes preffes pour cet objet , foient
faites avec des caractères & des papiers fabriqués
dans le Royaume ; & qu'en outre , le fieur Didot
l'aîné indemnifera , ſuivant l'eſtimation , ceux de
fes confrères qui pourroient avoir la propriété de
l'impreffion de quelques - uns des Ouvrages que
S. M. defire former partie de la collection deftinée
à l'éducation de Mgr. le Dauphin. Mande
S. M. au fieur Lenoir , Lieutenant - général de
Police , & Commiffaire du Confeil pour la Librairie
, de tenir la main à ce que le fieur Didot
l'aîné n'éprouve aucuns troubles ni empêchemens
: & pour affûrance de fa volonté , Elle lui
a fait expédier le préfent Brevet qu'Elle a figné
de fa main , & fait contrefigner par moi , Confeiller-
Secrétaire d'Etat & de fes Commandemens
& Finances, Signé , LOUIS : & plus bas ,
AMFLOT cc.
Nous avons annoncé le profpectus de la petite
Bibliotheque des Théâtres. Le premier volume
de cette collection intéreffante , qui manquoit encore
, & que l'on defiroit , vient de paroitre ; il
commence comme il devoit commencer , par la
piece qui a fait époque fur le théâtre de France ,
( 183 )
comme fur celui d'Italie , la Sophonisbe de Mairet
elle eft fuivie du Scevola de du Ryer. Le
plan des Auteurs , qui eft de préfenter alternativement
les pieces des différens théâtres , répandra
dans la diftribution de leurs volumes une variété
piquante . En annonçant celui-ci , nous ne
devons pas oublier la partie typographique ; elle
ne peut être plus agréable , plus foignée ; elle
prouve les progrês que fait tous les jours cet art
intéreffant , la perfection qu'il acquiert , le zele ,
les foins & l'intelligence de M. Valade ( 1 ) .
Nous avons annoncé dans le temps les
refforts à une feule feuille du fieur Heriffon
; l'expérience en a prouvé la folidité.
Cependant comme quelques perfonnes paroiffent
effrayées d'être portées fur des refforts
fi légers , en comparaifon de ceux qu'on
employe ordinairement , le fieur Heriffon ,
par
le confeil de feu M. de Vaucanfon , a
ajouté au -deffous de chacun de ces refforts ,
7
(1 ) Cet Ouvrage ſe trouve au bureau rue des Moulins ,
butte S, Roch , No. 11 , chez Belin , rue S. Jacques , & Brunet , rue de Marivaux , place du Théâtre Italien. Le
33 liv.
prix de la foufcription pour l'année entiere eft de
pour Paris , & de 36 pour la Province , port franc. On
ne détachera aucune piece , ni aucun volume , à caufe
de l'inconvénient de décompletter les collections . On
donnera aux Soufcripteurs un treizieme volume gratis
fous le titre d'Etrennes d'Apollon , ' compofé des plus
jolies romances , ariettes , chanfons , avec les airs gravés, Cet ouvrage , imprimé chez M. Valade , eft du format
de la jolie Collection des Poëtes François , fortie des
mêmes preffes , & qui vient d'ètre augmentée des chefs- d'oeuvre de Corneille , s vol .; des oeuvres choifies de
P'Abbé de S. Réal , 4 vol.; les ouvrages , ainfi que la
Collection entiere dont ils font partie
chez M. Valade , rue des Noyers , & à Reims , chez
M, Cafin.
ſe trouvent
( 184 )
un cric , au moyen duquel , quand un ou
plufieurs des refforts viendroient à manquer,
la voiture ne baifferoit que d'environ un
pouce , pourroit être relevée fur le champ ,
& continuer une longne route , fans avoir
beaucoup perdu de fa douceur. MM . de Vandermonde
& Briffon , nommés par l'Académie
des Sciences , pour examiner ces refforts
, en ont rendu le rapport fuivant.
: ;
» Au mois de Juin 1780 , M. de Vandermonde
& moi avons rendu compte à l'Académie , des
refforts de voiture d'une feule feuille adaptés
aux voitures par le fieur Hériffon , Arquebufier ;
les épreuves que nous leur fimes fubir alors , en
prouverent la douceur & la folidité ; & en effet
ils fe font depuis ce temps là bien foutenus ;
mais pour rafſurer encore davantage les gens qui
en veulent faire ufage , & pour leur ôter toute
crainte fur la rupture du reffort , le fieur Heriffon
a par le Confeil de M. de Vaucanfon ,
adapté fous chacun de fes refforts un cric mobile
à l'axe duquel eft placé un levier à double
branche ; à la moitié de la longueur de ces branches
eft placé le cliquet qui retient le cric. Les
deux fou-pentes font portées fur ces quatre crics,
& paffent entre les deux branches des deux doubles
léviers. Les branches font réunies à leur
extrémité par une barre qui en portant fur la
fou-pente ferre le cliquet & empêche le cric de
fe dérouler. Pour faire que la caiffe porte
fr is rellorts , on a ajouté quatre petites portions
de fou- pente qui paffent d'une part fous
les barres dont nous venons de parler , & d'autre
part dans les anneaux qui font à l'extrémité des
refforts ; cela fouleve un peu la caiſſe ; en lâchant
une de ces portions de fou pente , nous avons
-
( 185 )

produit le même effet que fi le reffort fe fut
rompu , la barre a fur le champ porté fur la
fou pente , & la caiffe n'eft defcendue de ce côté
que d'un pouce & demi ; elle peut être relevée
fur le champ , en remontant le cric de deux
ou trois dents , & l'on peut en sûreté continuer
fa route ; la voiture n'en eſt guerre moins
douce , de forte qu'un reffort peut caffer fans
aucun danger & fans retarder la marche ; nous
croyons même pouvoir dire qu'en fuppofant que'
les quatre refforts caffaffent à la fois , la caiffe
ne defcendroit que d'une petite quantité , on
pourroit continuer fa route ; & la caiffe feroit
alors réduite à l'état qui feroit fimplement portée
fur des fou-pentes ; mais on peut bien regarder
comme certain que jamais les quatre refforts ne
cafferont à la fois. -
Cela nous engage à conclure
que ces crics réunis aux refforts du fieur Heriffon
font capables de prévenir tous dangers , &
doivent raffurer pleinement ceux qui en feront
ufage ( 1 ) .
Les Numéros fortis au Tirage de la Loterie
Royale de France , font : 63 , 30 , 56 ,
I , & 74.
DE BRUXELLES , le 21 Septembre.
Selon les lettres de Hollande , les Directeurs
de la Compagnie des Indes , & ceux de
la Colonie des Berbices ont été prévenus par
les Etats -Généraux d'expédier le plutôt poffible
, les ordres néceffaires pour recevoir les
établiffemens occupés par les troupes Françoifes
, & ceux qui pourroient fe trouver en-
(1) On peut voir tous les jours chez le fieur Hariffon , rue
du bout du Monde , N°. 21. une voiture montée de fes
refforts & cries .
( 186 )
core entre les mains des Anglois , & qui doivent
être reftitués.
<< Les Etats de Hollande & de Weſtfriſe ajoutent
ces Lettres , ont approuvé à une très - grande
pluralité les propofitions des villes de Dordrecht
& de Schoonove , en vertu defquelles il ne fera
plus permis d'admettre des Officiers étrangers
dans les Régimens nationnaux qui font fur la
répartition de cette Province , de vendre les
emplois Militaires , ni de confier des grades qui
feront purement titulaires . On s'attend avoir
L. N. & G. P. délibérer inceffamment fur la
propofition faite par la ville de Gouda , le 13
Septembre dernier , & qui infifte fur la néceffité
d'envoyer inceffamment dans l'Inde , & même
encore avant l'hiver des renforts de forces de
Terre & de Mer , pour empêcher les Anglois
d'y abufer de l'article des préliminaires , par
lequel la République s'eft engagée à ne point
gêner leur navigation dans les Mers d'Afie . La
même propofition tend auffi à avifer aux moyens
de mettre les Etabliffemens de la République
aux Indes dans l'état de défenſe le plus refpectable
,
Les Etats de Frife fe font aſſemblés extraordinairement
, il y a quelque temps , fur
la réponſe qui leur a été faite par le Stadhouder
, au fujet de fon opinion particuliere , relativement
aux voies de fait à employer contre
cette province , fi elle refuſe de payer fon
contingent ; les villes ont trouvé que cette
réponſe ne contient point les éclairciffemens
qu'on demandoit : elles ont préſenté une
adreffe aux Etats , pour leur demander la
permiffion d'armer & d'exercer le corps des
( 187 )
Volontaires qui s'eft formé dans la Capitale
de la province ; & en attendant qu'ils aient .
pris une réfolution définitive , tant fur cet
objet que fur quelques autres , on a fourni à
ce corps , des magafins publics , & de la part
des Etats , 400 armes pour en faire uſage pendant
une demie année.
« Notre vénérable Magiftrat , écrit - on d'Utrecht
, inftruit de la difpofition où étoit le
Stadhouder de changer cette garni on , l'avoit
prié de concerter les ordr s , de maniere que le
nouveau bataillon ne fut introduit dans la Ville
que lorsque l'ancien feroit forti . Le Prince a ,
dit -on , répondu qu'il ne pouvoit rien conclure
à ce fujet jufqu'à ce que le Magiftrat eut allégué
les raifons qui avoient infpiré des allarmes contre
les Troupes ; & pendant les délibérations fur ce
fujet , ce Prince a ordonné au Commandant du
bataillon de Wardenbroek de fortir , lorsque le
bata llon de Pain feroit entré. Le Confeil de la
Ville ayant eu vent de cet ordre , a fait en forte
que S. A. S. fut priée de la part des Etats de
le changer & d'accorder quelque chofe aux opinions
de la bourgeoifie ; on n'a point encore de
réponſe fur cet objet. On dit que le Confeil
a envoyé auffi un p'an au Stadhouder , pour
une collation à tour de rôle des commiffions ,
& pour faire dans le ferment du Confeil le changement
que cet arrangement rendoit néceſſaire.
Le Prince ayant répondu qu'il ne pouvoit approu
ver le plan , mais qu'il condefcendoit au changement
dans le ferment , il a été , dit- on , réfolu de lui
repliquer qu'on n'avoit pas voulu lui demander
fon avis , mais lui en donner un afin qu'il expé
diât au grand Officier l'ordre de fe régler en
conféquence , lorfqu'on prendroit le ferment des
-
( 188 )

nouveaux Confeillers. On ajoute qu'il lui a été
expédié à cette occafion la derniere requête
fignée par 1414 bourgeois , & qui contient les
raifons de leurs inquiétudes. On attend avec
impatience le réſultat de cette conteftation , &,
fur - tout ce qui fera décidé fur l'entrée des
Troupes ».
PRÉCIS DES GAZETTES ANGL . ET AUTRES .
La deftination vraie ou prétendue de l'efcadre
de Cronstadt , a donné lieu aux réflexions fuivantes
Il ne fuffit pas de mettre en mer des
flottes puiffantes , il faut des ports & des chantiers
fur l'Océan , pour les réparer & les entretenir
; fans cela il faut s'attendre à les voir s'anéantir
& s'épuifer , comme cela eft arrivé à celles
des Ruffes pendant la derniere guerre elles ne
firent , depuis 1771 , plus rien qui répondit aux
dépenfes énormes qu'elles couterent. Les vaiffeaux
étoient tellement endommagés , qu'ils ne valoient
pas les frais du radoub. Les réglemens étant défavorables
aux marins étrangers , les officiers &
les matelots Anglois furent moins utiles . Les
fuccès fe réduifirent à ruiner le commerce du
levant ; les tentatives fur Chypre & Candie
échouerent peut- être l'éloignement des Puiffances
de la Méditerranée à recevoir ces flottes dans
leurs ports , eft-il fondé. On n'a pas oublié qu'elles
établirent pendant la derniere guerre , dans l'Etat
de Veniſe , & à l'embouchure de la mer Adriatique
, des batteries , qu'elles prirent poffeffion
des havres , qu'elles s'emparerent des vaiffeaux
Chrétiens , fous prétexte qu'ils alloient dans les
ports Turcs , que la ville de Marseille & le commerce
du levant prétendent avoir perdu plus que
les Turs mêmes . Un homme d'état , qui a confervé
fon franc parler dans le Confeil de Pétersbourg,
y difoit il y a quelque temps : Vous voilà
( 189 )
bien embarraffes ; ce n'eft pas ma faute : pourquoi
avez- vous manqué Mahon qu'on vous jetoit à la tête ?
a
La femaine derniere l'Agent de Ruffie
freté quatre gros bâtimens fur la Tamiſe , pour
porter des munitions à l'Efcadre Ruffe qui va
dans la Méditerranée. Ces bâtimens fervoient cidevant
de Vaiffeaux munitionnaires pour l'Artillerie
, & ils montent 24 canons chacun » .
LC
L'Impératrice de Ruffie a écrit une Lettre
de fa main à M. Fox , pour le remercier de fon
opinion relativement à fon Empire ; dans la même
Lettre cette Souveraine entre dans beaucoup de
détails fur ce qu'elle appelle les vrais intérêts de
la Grande Bretagne » .
« On étoit convenu que les deux Cours ( de
France & d'Angleterre ) enverroient de concert
dans l'Inde deux exprès chargés des préliminaires
de la paix ; à Strasbourg , le Major Gayles déroba,
dit- on , deux jours de marche à l'Officier François
, fon compagnon ; il arrive à Conftantinople
avant lui ; il en part avant lui . Porteur des
Duplicatas des dépêches Françoiſes , il paroît
vouloir le prevenir , & profiter des inftructions
qu'elles peuvent donner aux Généraux de fa
Nation ; mais l'Officier François ayant fait la
plus grande diligence dans le défert , a retrouvé
le Major Gayles à Baffora , les du mois de Juin ,
où le manque de Vaiffeau le faifoit attendre.
Suppl. à la Gazette de Leyde , n° . 81 ».
сс
Qui n'auroit penté après les conceffions fans
nombre faites par l'Angleterre à l'Irlande , que
les Volontaires de ce dernier Royaume fe montreroient
enfin fatisfaits ? Cependant on apprend
que non-feulement ils ne le font pas , mais même
que ce corps turbulent vient de s'augmenter luimême
de 4 compagnies de plus. Un Ecrivain
Anglois prétend que cet exemple , & celui des
( 190 )
Turcs vis-à- vis des Ruffes , doivent à jamais
dégouter les Gouvernemens de faire des conceffions
à ceux qui leur en demandent . Courier
d'Avignon , nº. 80 ».
« Le fyftème du Miniftere Anglois de refter
neutre pendant les événemens qui vont fe paffer
à l'Orient , eft fort applaudi par la Nation. On
compte déja plus de 300 Officiers de la Marine
Angloife qui font paffés au ſervice de l'Impératrice.
On croit qu'un pareil fecours ne fera pas
perdu dans la fuite ; & que fi jamais le pavillon
Ruffe eft élevé fur les murs de Conftantinople ,
le commerce de l'Angleterre dans le Levant
reprendra bientôt fa premiere fplendeur . Même
Gazette ».
« On dit qu'auffi - tôt que Pondichery aura été
rendu aux François , S. M. T. C. y enverra
pour Gouverneur le Général Conway , qui s'eft
beaucoup diftingué en Amérique , où il a eu le
rang de Major Général , & d'où il partit en
1778. Ce brave Irlandois a été Officier dans
le Régiment de B.rwick au fervice de France ;
il commande maintenant les Troupes Françoifes
au Cap de Bonne- Efpérance. Nouvellifte Politique
d'Alemagne , nº. 160 ».
-
« Un Officier étranger qui a fervi en Amérique
pendant la derniere guerre , & qui eft arrivé
à Conftantinople dans le mois d'Août , a obtenu ,
dit-on , le commandement du Gallipoli Vaiffeau
neuf de 62 canons , fur lequel il a paffé auffitôt
avec environ 300 Matelots qu'il avoit emmenés
avec lui . On ajoute que la Porte lui deftine
une Eſcadre qu'elle fe propofe de faire croiſer
dans l'Archipel. Même Gazette ».
« Les bruits de Guerre deviennent de jour en
jour plus univerfels . On lit dans une feuille
publique que Belgrade pourra bien être entre
( 191 )
les mains des Autrichiens , au moment qu'on y
penfera le moins. Courier du Bas Rhin , nº . 79 ».
« Le bruit eft général que l'Espagne , le
Danemarck & la Suéde vont réunir une partie
de leurs forces pour exterminer une bonne fois les
Pirates Algériens. Gazette de Vienne , n °. 80 ».
GAZETTE DES TRIBUNAUX ABRÉGÉE ( 1 ) .
PARLEMENT DE PARIS , GRAND'CHAMBRE.
Un Curé doit être payé de la penfion qu'il s'eft refervée
en permutant avec un autre Curé.
→→→→→
Le 12 Mars 1772 il fut paflé un concordat de
permutation de la Cure de Saint Antoine de
Bourcet , dont le fieur Ladevie étoit Curé ,
avec celie de Saint Fériol d'Eglife- neuve-fur-
Bellon , poffédée par le fieur Bernard Antignac ,
fous la referve d'une penſion de 200 liv . fur la
Cure de Bourcet. Le 31 du même mois ,
on obtint en Cour de Rome des fignatures
d'admiffion de ladite permutation , & de la création
de ladite penfion le 9 Mai fuivant , jugement
dexequatur fur les provifions. Le 25 ,
autre jugement de la Commiffion établie à
Clermont , qui homologue le bref de la Cour
de Rome. Le fieur Antignac mourut fubitement.
Il paroît que le fieur Bartomeuf, qui lui
fuccéda dans la Cure de Bourcet , paya pendant
plufieurs années la penfion au fieur Ladevie
, & qu'enfuite il refufa de la continuer ; ce
qui donna lieu au fieur Ladevie de l'affigner
en la Cour. Le fieur Bartomeuf s'eſt rendu appellant
comme d'abus de la fignature de Cour
de Rome. Le 5 Septembre 1783 , arrêt , qui ,
en ce qui touche l'appel comme d'abus , a prononcé
qu'il n'y avoit abus ; & en ce qui touche
l'oppofition du fieur Bartomeuf au jugement
d'homologation rendue en la Commiffion de
Clermont- Ferrand le 25 Mars 1772 , l'en a dé
-
-
( 192 )
bouté , & a ordonné l'exécution dudit Juge
ment .
PARLEMENT DE NORMANDI E. ›
4
Ce jour , ( 28 juin 1783 , ) les Gens du Roi
font entrés , & LA COUR faifant droit fur leur
réquifitoire , a renouvellé & renouvelle , en tant
que de befoin , les difpofitions de fon arrêt du
28 Mai 1716 , de la Déclaration du Roi du
27 Juin de la même année , des Lettres patentes
du 25 Mai 1725 ; en conféquence a fait ,
& fait très-expreffes défenfes à toutes perfonnes
de quelque qualité & condition qu'elles foient ,
de méfaire ni médire aux Commis & Employés
dans la France aux Régies de S. M. , à peine
de 500 liv. d'amende & de punition corporelle ;
défend , fous les mêmes peines , tous attroupemens
& a&tes tendans à interrompre & troubler
directement ou indire&ement lefdits Commis
dans l'exercice de leurs fonctions , même
fous peine de la vie , en cas de force ouverte
& fédition . Enjoint pareillement à toutes perfonnes
, de quelque qualité & condition qu'elles
foient de s'arrêter , eux , leurs gens & voitures ,
aux portes , à la premiere réquifition des
Commis , & d'y fouffrir leur viſite , &c ,
apporter aucun empêchement , aux peines aux
cas appartenans. Enjoint aux Commis de fe
comporter avec circonfpection & décence à
peine de punition exemplaire.
C'est par erreur que dans an Ouvrage intitulé , Prémices
de Dévotion envers le Vénérable JOSEPH LABRE , & enfuite
dans divers Papiers publics , on a mis le prix des Sermone
du P. Le Jeune en 10 vol . à 25 fols au lieu de 25 liv. broché
, & 30 fols au lieu de 30 liv. relié, Ce Recueil fe
trouve toujours chez LAPORTE , Libraire à Paris , rue des
Noyers,
|
fu Jarlement les Septembre audit res follicitations de la Folie ,
an. A Paris , chez les mêmes. jet d'une Eftainpe colorice , gra-
Déclaration du Roi , par la- vée par Rofe Lenoir , d'après
quelle Sa Majefté proroge pour Angelica Kauffmann : 6 livres.
dix ans , à compter du 1 Janvier A Paris , chez Lenoir, au Louvre;
1784 , les droits établis en fa- & rue du Coq S. Honore..
veur de la ville de Paris , par Eftampe du Maufolée deM. le
la Déclaration du 25 Novem Maréchal de Saxe : 6.1. A Paris
bre 1762 , & pourvoir , tant aux chez Cochin , Graveur du Roi ,
dépenfes , qu'à la libération des cax galeries du Louvre.
dettes de ladite ville ; donnée à Etamperepréfentant une Vier-
Verfailles le 23 Août 1783 , re- ge en pied , gravée par Fernando
giftrée en Parlement le 5 Sep- Selma , d'après le tableau de Ra
tembre audit an . Chez les mêmes. phaël d'Urbin : 15-liv. A Paris
Edit du Roi , pour autorifer chez Cresjonnier , Libr. quai des
les Officiers des Maîtrifes à juger Auguffins.
en dernier reffort les caufes pour
vente de bois , non excédantes
la femme de cinquante livres
donnée àVerfaill. au mois d'Aofit
1783 , regiftré en Parlement le
Septembre audit an. Chez les
mêmes.
Efter couronnée par Affuérus
, deffinée & gravée par J.
Beauvarler , Graveur du Roi ,
d'après le tableau peint par F. de-
Troy : 16 liv. A Paris, chez l'Auur
, rue de Tournon , près le
Luxembourg
.
Edit du Roi , qui fupprime
Six feuilles de frifes & bárons
l'office de Maître général des bårempus, dans un nouveau genre,
timens , & celui de Maître des
euvres de charpenterie de la
ville de Paris; denné à Veraill.
au mais d'Acût. 1783 , regiftré
en Parlementle 5 Septembre audit
an. A Paris , chez les mêmes.
CARTE S.
Atlas cofinographique, méthodique
& élémentaire , &c. par
feu Buy de Mornas , Géographe
du Roi & des Enfans de France :
première partie de fon Atlas ,
laquelle fe vend féparément ,
pour l'ufage des Colleges &
Inftituteurs, en $ 7 cartes : vel.
in-fol. potit pap. rel . 28 1. mayen
pap . 36 liv.
Autre Atlas général , mého
dique & élémentaire ; par M.
Brion de la Tour , même format
de l'Atlas cofmographique : pet.
pap. 36 liv. moyen pap. 42 liv.
A Paris , chez Defnos , Ingen.
Géographe , rue S. Jacques.
propes aux Architectes , Sculp
4Cs & Cileleurs, imprimés fur
papier grandtaifa , compotés &
gravés par M. Lemoyne , Pein
tre : 1 liv 16 iols. A Paris , chez
Fafquer , rue S. Jacques.
Deux Vies du port de Mor
laix ,formant les trente- cinquiè
me & trente-sixième planches de
la collection des ports de France,
deffinées pour le Rei , par le
ficur Ozaune : la pièce 1 1. 10 f.
A Paris , chez le Gokaze , Gra❤
veur , rue S. Hyasinthe , porte S..
Michel , • 4..
MUSIQUE.
Premier Concerto pour le
bafion , compofé & exécuté plufieurs
fois au Conceit fprituel
par M. Ozi,Mufie en de S. A. S..
Monfeigreur le Duc d'Orleans .
Euvre III. 4 livres 4 fols. A
Paris , chez Boyer , au magasin
de mufique rue neuve des Petits-
Champs , nº. 83.5 6. chez Mad.
La Beauté , confeillée par la Lemeru , rue du Roule,
Prudence , rejette avec mépris Six Duos deux.violons
GRAVURES.
pour
4
compofés par M. Blains le jeune: [ on le piano- forté , avec accom
Euvre I7 livres 4 fols . A Paris
, chez Imbault , rue & vis - à-vis
le cloitre S. Honoré , & chez lefieur
Sieber, rue S Honoré, entre la rue
d'Orléans & celle des vieiles Etuves,
chez Apothicaire.
pagueirent de violon , dédiées
MM. Montagu & Bourgoyne ,
par Valentino Nicolai : OEuvre
VII , port franc par la poſte 6 L.
Chez le même.
Méthode de guittare pour ap
Six Duos pour violon & alto , prendre feul à jouer de cet inftru
par L. Lebrun: Euvre IV, portment ; & c. par M. Corbelin ,
franc par la polte. 7 liv. 4 fols. A Maître de Guittare ; dédiée à
Paris, chezLeduc , rue Traverfière Mad. de *** . 12 liv. A Paris
S. Honoré , au Magafin de Muſiq, chez l'Auteur , place S. Michel ;
Deux OEuvres contenant cha- Verfailles , chez Blaizot , rue
cun trois fonates pour le Clave- Satory.
cin ou le forté-piano , le premier Sixième Recueil compoféd'aavec
accompagnement de violon riettes choifies de Blaife & Babet,
oblige , & le fecond accompagne- on la Suite des trois Fermiers , de
ment de violon ad libitum; dédiés Péronne fauvée , de Renaud , du
25. A. S. Mad. Ja Ducheffe ré- Corfaire , de la nouvelle Omgnante
des Deux- Ponts, parM. le phale, de P'Eclipſe torale , & an-
Baren de Rumiling, chac. port tres , aree accompagnement de
frar cpar lapofte 61. Chezlemême. Įguitare ; par M.Corbelin ; Mat
Six Quatuors concertans pour tede Guitare : Chyles mêmes.
fare ,violon , alteo & baffe , Quauer pour le fone-piano ,
diés à S A. S. & E. Mgr. le Car- violon alto & violoncel'e
dinal de Rom Devicune le compofé & exécuté au Concert
jeune , la Chambre de la Reine , par M. l'Abbé
de S. A. pres Lovre de qua- Valger : 3 liv. A Paris, chez
tvors,pon ti par la pofte, 91 Foyer , rue n. des Petit- Champs,
Chez le rême in². 83; & chez Mod. Lemenu , ruE
Trois Souates pour le Clavecin du Roule.
dé-
On foufetit féparément pour le JOURNAL DE LA LIBRAIRIE ,
chez FH.-D. PIERRES , Imprimeur Ordinaire du Roi , rue Saint-
Jacques . Lepas de l'abonnement est de 7 liv, 4 fols par année , avce
la Table.
On s'abonne en tout temps , à Paris , Hôtel de
THcu , rue des Poitevins. Le prix eft , pour Paris ,
de trente livres , & pour la Province , port franc,
trente deux livres , que l'on remettra à la Pofte
en affranchiffant le Port de l'argent & la letre
d'avis.
Meffieurs les Soufcripteurs du mois de Novembre font
priés de renouveler de bonne heure leur AbonnemeRI.
Paris , fur le théâtre des Variétés
anufantes , le 9 Septembre 1783 .
1 liv. 4 fols. A Paris , chez Cailleau
, Libr.-Impr. rue Galande.
Le Salon à l'encan , Rêve pittorefque
, mélé de vaudevilles :
broc. de 36 pag. d'impreffion.
A Paris , chez Nyon , Libr. rue
du Jardiner.
Les Têtes changées, Comédieparade
, prefque philofophique
en un acte & en profe ; par Mad.
de Beaunoir , Auteur de Thalie ,
La Foire & les Pointus ; repréfentée
pour la première fois à Paris,
fur le théâtre des Variétés amufantes
, le 7 Août 1783. 1 liv. 41.
AParis , chez Cailleau , Libr.rue
Galande.
AVIS.
L
Livres nouveaux que Piffot ,
Libr. quai des Auguftins , vient
de recevoir de Londres :
fards , & pour mettre fur pied le
régiment du Colonel-géneral des
Huffards. A Paris , de l'imp. R.
CARTE S.
Carte topographique dela partie
feptentrionale de l'empire Ot
toman , en trois feuilles; par M.
Rizzi Zannony ; 12 liv. A Paris,
chez Ferrier, Géographe du Roi ,
rue des Quatre - Fils , au matais.
Nouveau plan routier de la
ville de Paris , avec augmentations
& les nouveaux projets :
en feuille : 1 liv. 4 fols. Collé
avec fon étui, 3 liv . Collé & colorié
avec fon étui, s livres, A
Paris , chez Alibert , Marchand
d'Estampes , rue Froid-Manteau
au Cardin du Palais Royal , &
paffage de l'hôtel de Penthièvre.
GRAVURES.
L'Antropophage , Eftampe
gravée par J. Mathieu , d'après
. B. Hilaire, A Paris , chez
Mathieu , rue de la Harpe , près
la rue Serpente.
The general exchanger comprehending
the principal dire&
and eroff exchanges of Europe ,
with tables and rules shewing Frontifpice de la fuite des
the value of any fum of money jeftampes des événemens de la
at the différent rates , defcribing guerre, huitième fujet , avec un
the monies of moft countries , précis hiftorique : 1 liv. 16 fols.
and in what manner theirbooks A Paris , chez Ponce , Graveur
and accounts are Kept , and rueS. Hyacinthe , Nº . 19; & chez
bills are drawn, &c. to which M. Godefroy , rue des Francsis
prefixed a fummary of the Bourgeois , place S. Michel.
law , cuftom , and ufages ; in
bills of exchange , promiffary and
Banker's notes , by Egani vol .
in-4° . Lond,
MUSIQUE.
·
Cours d'éducation de clavecin
ou piano- forté , troifième partie,
contenant les principes de l'ac
Epiftolæ commerciales , or , compagnement , fuivi de trente
commercial letters , in five lan- leçons pour s'exercer , & d'aguages
, viz , italian , english , riettes avec la baffe chiffrées
french, Spanish , and portugueſe, le tout arrangé d'ane difficulté
&c. to which are added mer- greduelle ; par L. Felix Defcantile
and maritime vocabula préaux : 8 liv . A Paris, chez l'Auries
of each tongue , by Wife- teur , rue Comtefe-d'Ariois ; &
man : I vol. in-8 ° . Lond. aux adrefes ordinaires de mufique.
Hill's Review of the works of
the royal fociety of Leaden :
vol. in 4. Lond.
ARRET S.
Ordonnance du Roi , du 31
Juillet 1783 , concernant les huf
Journal de Clavecin , par les
meilleurs Maîtres , avec accompaguement
de violon ad libitum :
deuxième année , N°. 9 : 2 liv.
81. Chez Leduc , rue Traverfière
S. H. au Magafin de Mufique,
L'Heureufe, Erreur, Comédie
LIVRES ETRANGERS. fciences en Grèce & à Rome ;
Defcription de la galerie roya - par M. C. Meiners : tome II ,
le de Florence ; par M. François grand in- 8 ° . de 846 pag. 1782 ,A
Zacchiroll : in- 8 . 1783. A Fio- Lemgo , chez les Litr. qui vendent
rence , chez Allegrini. des nouveautés.
El hombre feliz , &c . L'homme
heureux indépendamment en profe , par J. Patrat; repréfendu
monde & de la fortune , ou tée pour la première fois par les
l'Art de vivre content malgré Comédiens Italiens ordinaires
toutes fortes de traverfes , dé du Roi , le 22 Juillet 1783 : 1 liv.
dié à la Séréniffime Infante 4 fols. A Paris , chez Brunet, Lib.
Charlotte Joachine ; ouvrage rue de Marivaux , à côté de la
écrit en Portugais par le P. Théo- Comédie Italienne.
dore d'Almeida , de la congréga- Memorias , &c. Mémoires hiftion
de l'Oratoire , & traduitpar toriques fur la dernière guerre
D. Jofeph -François Monferratte avec la Grande - Bretagne , depuis
Y Urbina , Prêtre & Docteur en fon commencement jufqu'à fa
théologie : 3 vol . in- 82 . 1783. A fin : tome I , 1783. A Madrid ,
Madrid , chez Mafco , Godos & chez Lopez, Efcamilla & Copin.
Munita, Libr.
Gefchichte des ursprungs ,
fortvangs und verfalles der wiffenfchaften
in Griechenland und
Rom , & c. Hiftoire de l'origine ,
des progrès & de la décadence des
Vida , &c. Vie de S. Thomas
d'Aquin ; par le P. François-Jean
Briz , de l'Ordre de S. Domini .
que : in- 8 ° . 1783. A Madrid , au
Couvent de cet Oráre.
On fouferit féparément pour le JOURNAL DE LA LIBRAIRIE ,
chez PH . D. PIERRES , Imprimeur Ordinaire du Roi , rue Saint-
Jacques. Le prix de l'abonnement eft de 7 liv . 4fols par année , avee
la Table.
On s'abonne en tout temps , à Paris , Hôtel de
THOU , rue des Poitevins. Le prix eft , pour Paris ,
de trente livres , & pour la Province , port franc ,
trente deux livres , que l'on remettra à la Pofte ,
en affranchiffant le Port de l'argent & la lettre
d'avis.
"
Meffieurs les Soufcripteurs du mois de Novembre font
priés de renouveler de bonne cure leur Abonnement.
munauté ; extrait des regiftres du
Parlement , dus Sept. 1783. A
Paris , chez les mêmes.
Arêt de la Cour de Parlement
, portant réglement pour
l'adminiftration des revenus des
fondations faites à la fabrique
de la paroiffe de Neuville-aux-
Loges ; extrait des registres du
Parlement , du 6 Septembre 1783 .
A Paris, chez les mêmes.
GRAVURES.
& varié pour violoncelle & baffe,
ou violon & violoncelle; par J. B.
Breval : Opera XIII : 1 liv . 4 fols.
A Paris , chez l'Auteur , rue Fay
deau .
Chaconne de l'Union de l'Amour
& des Arts , arrangée pour
le piano forté , le clavecin ou la
harpe , avec accompagnement
de violon ad libitum ; par M.
Gobert : 4 1. 4. A Paris , chez
l'Auteur, rue de Chabanois , nº . 8 .
Premier Concerto pour le cla-
Ivecin ou le piano forte , avec ac-
Cahier de fix tombeaux d'un
bon genre d'architecture & bien
variés , nouvellement gravés : 1 cempagnement de deux violons ,
livre 4 fols. A Paris , chez Gait- alto & baffe , par H. N. le Pin :
te , Graveur , rue des Foffés S. 3 liv . 12 fols. A Paris , chez l'Au-
Germain - des-Prés. teur , rue de la Tifferanderie.
Six Duos dialogués pour violon
& alto , compofés par R.
Kreutzer : Euvre 11 : 7 liv. 4 f.
Quatrième Cahier de différens
caractères , deffinés par M. J.
B. Greuze , Peintre du Roi , &
gravés par C. F. Letellier. I liv . A Paris , chez Buyer , au Ma-
4fols. A Paris , chez Letelier , gafin de musique , rue neuve des
rue des vieilles- Etuves S. Honoré. Petits-Champs , nº , 83 ; & chez
La Mort de Toias , & le Lit Mad. Lemenu , rue du Roule.
de la victoire , deux Eftanpes
gravées par Couché , d'après
Fauvel : chacune , 1 liv 4 fols. A
Paris , chez l'Auteur , rue S. Hyacinthe.
Pertrait de Jofeph Ménier , né
à Perpignan le 21 Décemb . 1752,
reçu à la Comédie Italienne en
1775 , gravé en couleur par F.
Coutellier: 3 liv . A Paris , chez
l'Auteur , rue de la Juiverie.
Recueil de jardins Anglois &
Chinois , compofés par le fieur
Panferon , Architecte : ſecond
volume , premier cahier : 1 liv.
4fols . A Paris , chez l'Auteur ,
rue des Magers , près la Sorbonne.
Vue de Dunkerque du côté
de la mer , dédiée à S. A. S.
Mgr. le Duc de Penthièvre ,
Vice Amiral de France , gravée
par Dufos, d'après Royer : 3 liv .
A Paris , chez Bradel , rue S. Jac
ques , maifon de M. Defprez , Imprimeur
du Roi.
MUSIQUE.
Air de Marlborough , arrangé
Ouverture de la Mélomanie ,
arrangée pour le clavecin ou le
piano- forte liv. 16 fols. A Paris
, chz Mile Caftagnery , rue
des Prouvaires .
Ouverture du Savetier & le
Financier , & plufieurs Airs de
differens operas , formant le nº .
III de la nouvelle fuite d'harmonie
, pour deux cors , deux clarinettes
& deux baffons ; par
M. Ozi : 6 livres. A Paris , chez
Boyer , rue n. des Petu - Champs ,
4² . 83 ; & chez Mad. Lemenu , rue
jdu Roule.
Second Pot-pourri fur le départ
& la mort de M. de Marlborough
, arrangé pour le clavecis,
ou le forté piano ; par Mad.
mermann : 2 liv . 8 fols . A Paris
, chez l'Auteur , rue Royale ■
plece de Louis XV.-
Profpectus d'une nouvelle méthode
de mufique , en deux parties
, compofee par le ficar Rodelphe
, prop fée par foufcription
. On fouierra chez M. Houble
Auteur du Remercie.nent
Dona Paludefia , par Auguftin
Alphonie : 1783 .
De Bononienfi fcientiarum &
baut , Marchand de Mufique, rue
de Marivaux ; &chez M. Leroy ,
place duPalais Royal , moyennant
12 1. payables , moitié en foufcrivant
, & moitié en recevant l'ou - artium inftituto atque academia
vrage , quifera délivré le 25 Novembre
prochain.
• Cinquième Recueil compoſé
d'arieties choifies , avec accompagnement
de harpe Far M,
Corbelin. A Paris, chez l'Auteur,
place S. Michel.
commentarii : tome VI , in-4º,
1782.
Job. Henr. Jungii , & c. Recherches
fur les reliques profanes
& facrées & fur leur culte ;
par M. Jung, in- 4° . 1783.
Nummorum veterum popu
lorum & urbium qui Mufxo
Guillelmi Hunter affervantur ,
defcriptio figuris illuftrata ,
operâ & ftudio Caroli Combe.
in- 4° . 1783 .
LIVRES ETRANGERS.
Les Anes de B ***** , Hiftoriettes
très - plaifantes , avec leur
explication ; par M. A. T. C. D.
L.P. E. petite br . de 34. pages .
12 fols. A Paris , chez Moutard , Summa theologica D. Tho
Libr -Impr. rue des Mathurins. mæ Aquinatis , in fex tomos
Anthologie, recueillie des meil- divifa , ac differtationibus in
leurs écrivains françois , par M.
J. H. Erneft ; in-so.
Carta , & c. Lettre au véritafingulos
à Bernardo - Maria de
Rubeis illuftrata : editio nova
Matritenfis ann . 1782 & 1783 .
On foulcrit féparément pour le JOURNAL DE LA LIBRAIRIE ,
chez PH.-D. PIERRES , Impriment Ordinaire du Roi , rue Saint-
Jacques. Le prix de l'abonnement eft de 7 liv. 4 fols par année , avec
la Table.
On s'abonne en tout temps , à Paris , Hôtel de
THOU , rue des Poitevins. Le prix eft , pour Paris ,
de trente livres , & pour la Province , port franc ,
trente deux livres , que l'on remettra à la Rofte ,
en affranchiffant le Port de l'argent & la lettre
d'avis.
Meffieurs les Soufcripteurs du mois Novembre font
priés de renouveler de bonne heure ieur Abonnement.
<
Punition de l'Amour , deux Eftampes
faifant pendant , gravées
par J. Bouilliard , d'après L. La
grénée : chacune 2 liv. Paris ,
chez J. Couché , rue S.Hyacinthe ,
la troisième porte à droite par la
place S. Michel.
La Fidélité & la Tendreffe ,
deux Eftampes en manière rouge,
& faifant pendant , gravées par
Renault , d'après Lagrenée. A
Paris, chez Delalande , rue de
Montmorency,
Le Globe aéroftatique , conftruit
à Versailles fous la direction
de M. de Montgolfier : 12
fols. A Paris, chez les frères Campion
, Marchands d'Estampes , rue
S. Jacques.
Portrait de Meffire Jean -Denis
Cochin , Docteur en Théologie
de la Faculté de Paris , né ler
Janvier 1726, Curé de S. Jacques
du-haut- pas en Déc. 1716 , décé
dé le 3 Juin 1783 ; dédié à M.
Claude Denis Cochin fon père ,
Ecuyer , Doyen des anciens
Echevins , & c. 3 liv. A Paris ,
chez l'Auteur, P. Plée ,fauxbourg
S. Jacques , près la rue de la Bourbe;
& chez Mondharre , rue S. Jacques.
ouvrage , compofé de fix eahiers
, le vend 12 livres.
Et chaque cahier féparément
3 liv. A Paris , chez l'Auteur , rue
Montmartre , 30.
LIVRES ETRANGERS.
A Catalogue of the manuf
cripts preferved in the british
Mufcum , & c. Catalogue des
manufcrits confervés dans le Mufée
britannique , & dont on
n'avoit point jufqu'ici donné la
defcription ; par M. Samuel
Ayscough : 2 vol . in- 4 , 1782. A
Londres , chez Rivington.
Account of a new method
of treating joints of the knee
and elhow , &c. Expofé d'une
nouvelle méthode de traiter les
fungus des articles au geneu
& au coude , dans une lettre
à M. Pott , par M. H. Park
de Liverpool in- 8 ° . 1783. A
Londres , chez Johnson.
Al primer tapon zuzappas ,
&c. Au premier Bouchon la lie.
Avis fur la première lettre de
D. Touffaint-Emmanuel Pariente
y Célis ; par le Docteur D.
Emmanuel Altamirano y Vaur
ragas : 1783. A Madrid , cheg
Doblado , & chez Barco.
MUSIQUE. Differtations on ſelect ſubjects
Airs détachés d'Alexandre aux ' in chemistry and medecine , &c.
Indes, Opéra en troisades , mis
en mufique par N.J. de Mereaux:
1 liv. 16 fols. A Paris , chez Bignon
, place du Louvre , ou à la
Salle de l'Opéra ; & aux adreſſes
ordinaires de musique.
Differtations fur desiujets choiis
en chymie & en médecine ;
par M. Martin Wal , Docteur
en médecine : in 8° . 1983. A
Londres , chez Cadeil
Il dominio , & c. Le Domai
ne fpirituel & temporel du Pape
, ou Recherches fur le Vicaire
de J.C. & le Prince de Rome :
in 8º. de 83 pag. 1783. A Florence
, chez les Libr. qui vendent
les nouveautés.
Journal de harpe , par les
meilleurs Maitres , avec accompagnement
de violon ad libitum :
numero 10. 2 livres & fols. A
Paris , chez Leduc, rue Traverfière
S. Honoré , au Magafin de Mufiq.
Troisième Recueil de pièces ! Lettre à l'Auteur de l'apperçu
& d'airs choisis , avec accompa- fur la réunion des deux marines
gnement de harpe ; dédié à S. en France , ou l'impoffibilité de
A. S. Madame la Princeffe de cette réunion : br. in- 12. de 47
Lamballe par François Petrini : pages d'impreffion : 12 fols. A
Quvre XIX , Numéro 6. Cet Bruxelles , & le trouve à Pa

¡
1/
ris , chez Wiffe , rue de la Harpe , kindermords , & c. Moyens d'éviprès
celle Serpente. ter l'infanticide, publiés à l'occa
Mémoire qui a remporté le fron du prix proposé par l'Acadéprix
de l'Académie Impériale mie de Manheim , ainfi que pour
& Royale des Sciences & Belles- enconrager à la vertu en général ,
Lettres de Bruxelles , en 1732 , avec des confiderations fur la mo.
fur cette queftion : Depuis quand ralité & les peines ; par M Go
le droit romain eft- il connu dans | tlieb Schlegel , Pafteur à Riga ,
les provinces des Pays- Bas au- & Infpecteur du college chapi
trichiens , & depuis quand y a tral de la même ville : in - gª.
t'il force de loi avec des notes , 1783. A Defjau , dans la Libraiun
tableau de l'influence que , rie des Savans.
depuis le quinzième fiècle , le Oratio , &c. Difcours pronondroit
romain a eue dans le droit cé le 12 Juin 1782 , dans l'affem
commun des différentes provin - blée de l'Univerfité de Williamsces
, villes & diſtricts qui combourg en préfence de l'arinée
pofent les Pays Bas autrichiens , Françoife ; par M. Cofte , pre-
& dans celui des villes & dif- mier Médecin de cette armée
tries limitrophes , & c. par M. & c . & c. pour fon aggrégation
Ferdinand Rapedius de Berg , la même Univerfité en qualité-
Ecuyer , Amman de Bruxelles : de Médecin honoraire ; in 6º.
in-4°. 1983. A Bruxelles , de de 103 pag. 1783 , A Leyde , chez
Imprimerie Académique. les Libr. qui vendent des nouveau .
Mittel zur verhütung des tés.
"
On fouferit féparément pour le JOURNAL DE LA LIBRAIRIE ,
chez PH.D PIERRES , Imprimeur Ordinaire du Roi , rue Saint-
Jacques. Le prixde l'abonnement eft de 7 liv. 4fols par année , avee
la Table,
On s'abonne en tour temps , à Paris , Hôtel de
THOU , te des Poitevins . Le prix eft pour Paris ,
de trente livres , & pour la Province , port franc ,
trente deux livres , que l'on remettra à la Pofte
en affranchiffant le Port de l'argent & la lettre
d'avis.
Meffieurs les Soufcripteurs du mois de Novembre fons
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le