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1781, 01, n. 1-4 (6, 13, 20, 27 janvier)
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Texte
MERCURE
DE
FRANCE
DÉDIÉ
AU
ROI,
PAR UNE
SOCIÉTÉ DE GENS DE
LETTRES,
CONTENANT
Le Journal
Politique des
principaux
événemens de
toutes les Cours ; les Pièces
fugitives
nouvelles en
vers & en profe ;
Annonce &
Analyse des
Ouvrages
nouveaux ; les
Inventions & Découvertes
dans les
Sciences & les Arts ; les
Spectacles ;
les Caufes célèbres ; les
Académies de Paris & des
Provinces ; la Notice des Édits , Arrêts ; les Avis
particuliers, &c. &c .
this
SAMEDI 6
JANVIER
1781 .
THATKAL
DEC
PARI
PATAS
ROYAL
Chez
PANCKOUCKE , Hôtel
a
hou
rue des Poitevins.
Avec Approbation & Brevet du RoiTON
LIBRARY
TABLE
Du mois de Décembre 1780.
PIÈCES FUGITIVES.
Le Songe heureux, Conte, 3
Le Mûrier , Conte, 49
Réponse de M. Rigaud à la
Les Récréations Dramatiques,
premierExtrait ,
Second Extrait ,
SPECTACLES.
161
199
Lettre fur le Canal fouter- Académie Roy. de Muſiq. 84,
rain de Picardie ,
'La Confultation ,
Air de M. Hinner ,
216
53
97
101
Comédie Françoiſe , 39 , 86 ,
223
1
224
Qui l'ett Penfe, Conte , 103 Comédie Italienne , 88 , 133 ,
Vers fur la Mort de l'Impératrice
- Reine de Hongrie,
VARIÉTÉS .
145 Lettre au Rédacteur du Mer-
Reflexions fur les Journaux , cure ,
43
146 Repone de M. de Charnois, 91
Réplique pour M. de Voltaire ,
194 contre M. de Charnois , 137
Réflexions fur la derniere
Séance de l'Académie de
Bordeaux ,
Vers à Mlle de Béthune , 193
A Mile Laguerre ,
Enigmes & Logogryphes , 16 ,
63 , 100 , 158 , 196
NOUVELLES LITTÉR.
Roland Furieux , Poëme Héroïque
de l'Ariofte ,
Annales Poétiques,
Les Loix Criminelles de France
,
17
66
226
44
SCIENCES ET ARTS .
Lettre de M. D *** , à M.
Rigaud ,
Lettre au Rédacteur du Mer-
71 cure ,
Seconde Lettre de M. Rigaud
fur le Canalfouterrain
de Picardie ,
Gravures .
III
139
181
Les deux Oncles , Comédie , 77
Réflexionsfur l'état actuel de
Agriculture ,
La Henriade de Voltaire , 115 46,93 , 141
Mémoires de Clarence Welldo- Annonces Littéraires , 48, 95 ,
ne,
127 142 , 191 , 236
De l'Imprimerie de MICHEL LAMBERT,
rue de la Harpe , près Saint- Côme.
MERCURE
DE
FRANCE.
SAMEDI 6
JANVIER 1781.
PIÈCES
FUGITIVES
EN
VERS ET EN
PROSE.
VERS
A
l'Ombre de
l'Impératrice-Reine de
Hongrie
LA plus
augufte
Souveraine
Et la plus digne de nos
pleurs ,
Sur fes
heureux États
répandit fes
faveurs ;
Le
Temps , de fa faulx
inhumaine ,
Vient de
trancher le fil de fes
beaux jours.
Gloire &
fécondité
couronnèrent la vie;
Par fes Vertus ,
THÉRÈSE fut chérie ;
Par fes
Exploits , on la
craignit
toujours.
(Par M. Mouret de Saint -Firmin , Ancien
Commiffaire de la Marine. )
*
A i
MERCURE
ÉPITRE à M. le Baron DE Grenaut
fur le choix qu'ont fait de lui , pour leur
Capitaine , MM. de la Compagnie de l'Arc
de Dijon , le 30 Avril 1780 , jour du
Tirage de l'Oifeau.
Sous l'aspect riant des Gémeaux ,
Dans ces beaux lieux
que de fes eaux
L'Ouche amoureux baigne & careffe
Ou -le Plaifir , les Jeux , l'Amour ,
Doivent , des hameaux d'alentour ,
Conduire une vive jeuneſſe
Au fon du fifre & du tambour ;
C'eft aujourd'hui qu'un trait rapide ,
Lancé dans le vague de l'air ,
A travers fon plumage verd ,
Ira frapper l'oifeau timide.
CONSERVATEUR refpectueux
D'un exercice utile & fage ,
Que chériffoient nos bons ayeur ,
Souffrons que leurs fils généreux
Nous en tracent la noble image.
Cet Art de tous fut le premier
Qui , du Chaffeur & du Guerrier ,
Venoit inftruire le courage,
DE
FRANCE.
Aing vit-on l'un des Hemis. *
Placés au Trône
d'Angleterre ,
A l'Arc donner encor du prix ,
Quoique déjà de longs fufils
Fiffent entendre leur tonnerre.
Il est bien vrai , l'Arc en ce jour
N'offreplus rien de
redoutable ,
N'eft plus une arme
formidable
Que dans les mains du tendre Amour ;
Et dans vos
agréables fêtes ,
O mes
aimables
Chevaliers ,
Ce font des fleurs , non des lauriers
Qui viennent
couronner vos têtes,
De nos Beautés heureux
vainqueurs ,
Vous ne voulez d'autres
conquêtes
Que la conquête de leurs coeurs .
On ne voit point dans vos trophées
D'amas fanglant de durs cimiers ,
De cuiraffes , de
boucliers ;
Il vous fuffit que ,
redreffées ,
Les plumes de votre
chapeau
Galamment
s'offrent
réhauffées
Des aîles du
tranquille oiſeau
Que vos flèches auront percées.
MAIS n'eft-ce que pour fignaler
Dans le coup-d'oeil votre juftefle ,
* Henrí VIII favorifa
fingulièrement cet exercice.
A iij
MERCURE
Et vôtre force & vôtre adreffe ,
Qu'on voit ces Jeux vous raffembler
Je fais un motif plus fublime :
Avec le nom de Citoyens ,
Cette union , de votre eſtime
Refferre encore les liens.
AINSI voulant goûter les charmes
D'une aimable Société ,
Nos Chevaliers , loin des alarmes ,
O Baron plein d'aménité !
Vous ont fait le Chef de leurs armes
Certains que votre urbanité ,
Dans fon influence nouvelle ,
Va donner de nouveaux attraits
A l'amitié douce & fidelle ,
Et leur offrir le vrai modèle
De la concorde & de la paix.
MAIS déjà le moment s'avance ,
Où partageant le haut des cieux
Phébus voit commencer vos Jeux.
Marchez les vents, ont fait filence ; :
Puiffe leur fouffle impétueux *
Ne point écarter de leur route
Vos traits lancés avec vigueur !
Puiffe Diane qui m'écoute ,
* Jufqu'à ce jour le temps avoit été fort pluvieux , &
les vents n'avoient ceffé de fouffler
DE
FRANCE.
En diriger le coup vainqueur !
Puiffions-nous , par fes foins propices ,
Voir dans ces murs , fous vos aufpices ,
Entrer ce foir un Empereur ,
Dont le palais fur la façade
S'éclaire en longs filets de feux , *
Laiffe , des flancs d'un chêne creux ,
Le vin s'échappant en caſcade ,
Enivrer un peuple nombreux ,
Parmi les chants , les fauts joyeux
Et du Faune & de la Menade !
A Madame DE LA PORTE , Intendante
de Lorraine.
AIR: Laire-la-laire-lan-laire , laire- la , laire-lan -la.
LORSQU'ON veut par tous les
mortels
Se faire ériger des Autels
>
La Porte apprend ce qu'il faut faire;
Laire, la , laire- lan- laire ,
Laire-la ,
Laire-lan-la.
DES plus grands Hommes les vertus
Et tous les attraits de Vénus ;
Voilà ſes vrais moyens de plaire ;
Laire , &c.
* Illumination qui eft d'uſage , avec le haut-bois & le
tambour que l'on donne au peuple.
A iv
& MERCURE
SON efprit folide & brillant ,
Comme le foleil bienfaiſant ,
Jamais ne nuit , toujours éclaire.
Laire , & c. 1
POUR fes amis elle fera
Plus que l'on n'en demandera.
Pour des amans , c'eſt le contraire.
Laire , & c.
SON éloge feroit complet
Si ma Mufe en ces vers rimoit
Ce qu'en dit la Province entière.
Laire-la , &c.
( Par M. le Comte de Viermes.)
Explication de l'Enigme & du Logogryphe
du Mercure précédent.
LE
E mot de l'Énigme eft l'Enigme ; celui
du Logogryphe eft Pincette , où le trouvent
pin , Pet , pie, Pie , peine , pinte , pêne
pince , pic , pic , ( de Teneriffe ) pente , petit,
été, Nicée, Nice , ( en Provence ) cep , épi ,
inepte , net , le Tien , type , tête , teint, Cité,
épice , Cene , tic , cent.
DE FRANCE.
9
ÉNIGM E.
POURSUIVI ,
OURSUIVI
, recherché
, vois quelle
eft ma
misère.
Parmi quatre mortels je fuis fignal de guerre ;
Un feul m'accueille-t-il ? les trois autres jaloux ,
A l'inftant contre moi vont ſe réunir tous.
Ma perte eft réfolue , & pourtant incertaine ;
Étant bien fecondé, je me défends fans peine ;
De tel qui me pourfuit , je puis avoir raiſon ;
Je vais rarement ſeul , & fuis un peu poltron ,
Mais fans manquer de coeur. Ceci te paroît rare ,
Oh ! je fuis , je l'avoue , un être fort bifarre ,
Comiquement conftruit , prefque tout contrefait ;
Placé dans un rang vil , en un mot un valet.
( Par M. C. D. G. , Officier au Régiment
de Boulonnois. )
LOGO GRYPHE.
Mon père , pour les biens qu'il procure aux
ON
mortels ,
Chez plus d'un peuple eut jadis des Autels ;
Moi , fa compagne inféparable ,
Je n'offre aux yeux rien d'adorable ;
Même pour eux je deviens un fléau
Quand l'aquilon fauvage ,
A v
10 MERCURE
Soufflant fur mon paffage ,
Me fait rentrer dans mon tuyau.
Au refte , je préfente au fage
Des vanités du monde une légère image.
Mais admirez un prodige nouveau !
Dars mon fein je porte non père ,
Sans pouvoir devenir ſa mère ;
Même il arrive affez fouvent ,
Qu'exerçant fur lui ma puiſſance ,
Je l'étouffe au moment qu'il reçoit la naiſſance ,
S'il n'eft fecouru par le vent.
Item , chez moi loge une enchantereffe ,
Qui n'eft ni femme ni Déeffe ;
Être fans réalité ,
Qui n'a jamais exifté
Que dans ces Contes ridicules
Que lifent des enfans crédules.
Trouvez encor le logement
D'un volatile ;
-Puis une ville
Qu'habite le Normand ;
Et puis encore ,
Si je fubis un changement léger,
Lecteur , je t'offre un mets dont Pythagore
Ne vouloit pas manger.
( Par M. P. D. , de Dol en Bretagne. ).
DE FRANCE
. II
NOUVELLES
LITTÉRAIRES
.
LETTRE
d'un Membre
du Congrès
Américain à divers Membres du Parlement
d'Angleterre
. A Philadelphie
; & fe trouve
à Paris , chez l'Auteur , maifon de M.. Bertin , rue S. Martin , au coin de celle
Grenier-Saint-Lazare .
C'₁st dans les Mémoires & dans les Lettres des Contemporains
, que l'étude de l'Hiftoire
eft furtout
intéreffante
. Les Auteurs des Mémoires
& des Lettres ont été fouvent Acteurs dans les faits qu'ils racontent ; ils en ont été prefque toujours
les té- moins leurs récits font pleins des impreffions
que produifoient
les événemens
au moment
qu'ils arri- voient ; ces impreffions
font une partie de l'Hiftoire même , & c'eft celle qui répand le plus d'intérêt
fur
les paffions des Contoutes
les autres. On a cru que temporains
devoient
rendre leurs récits fufpects , & cela eft vrai fans doute à certains
égards ; mais
leurs paffions dévoilent
bien plus de vérités qu'elles
n'en cachent. Les Hiftoriens
en ont une dont il faut fe défier davantage
, c'eft celle de montrer
du talent, de produire de l'effet & d'obtenir
une grande réputation
. Avec cette paffion , ils cherchent
dans l'Hiftoire
non ce qui eft vrai , mais ce qui prête davantage
au talent , & il s'en faut bien que ces
deux chofes-là s'accordent
toujours
enſemble
. Dans les Mémoires
& dans les Lettres des Contemporains
,
où l'on cherche peu le talent , c'eft toujours la vérité qui a le plus d'intérêt ; même avec un talent mé
A vj
12 MERCURE
diocre on fait un grand plaifir . Le Lecteur croit toujours
qu'on lui dévoile des fecrets , & l'on fait combien
nous aimons à recevoir des confidences. Sans
en excepter même le Cardinal de Rets & Madame
de Sévigné , Voltaire a certainement plus de talent
que tous ceux qui nous ont laiffé des Lettres & des
Ménioires fur le dix-feptième fiècle. Je doute cependant
que la lecture du fiècle de Louis XIV par
Voltaire , faffe autant de plaifir que celle des Mémoires
du Cardinal de Rets , de M. de la Rochefoucault
, de Madame de la Fayette , de l'Abbé de
Choifi , que la lecture fur tout des Lettres de Madame
de Maintenon & de Madame de Sévigné. Il peut fe
faire que le grand talent & le génie même ne foient
pas toujours ce qui fait le plus de plaifir dans les
Ouvrages.
C'est un moyen de donner plus d'intérêt à l’Hiftoire,
que de l'écrire fous cette forme, fingulièrement
attachante, des Lettres & des Mémoires ; & fi l'Ecrivain
a de la foupleffe dans l'imagination & de la
variété dans le talent , cet artifice lui réuffira , furtout
dans des Lettres qu'il fuppofera écrites par de
grands Perfonnages. Les Mémoires reffemblent encore
un peu trop aux Hiftoires. On les adreffe à des
amis , mais on les écrit pour la poftérité . Cette prétention
ne fe fuppofe guère dans des Lettres , &
l'on croit volontiers que c'eft le fentiment du moment
qui les a dictées .
Les Lettres fur les Américains , dont nous allons
rendre compte, paroiffent avoir été écrites d'après
des vues femblables. L'Auteur fuppofe une corref
pondance entre un Membre du Congrès Américain
& quelques Membres du Parlement d'Angleterre.
Les Perfonnages font bien choifis ; ils peuvent à -lafois
& raconter les événemens qui fe paffent fous
leurs yeux , & en trouver les caufes dans les principes
des Corps législatifs dont ils font Membres. L'EcriDE
FRANCE. 13'
vain qui a imaginé cette correfpondance , avoit un
modèle d'autant plus précieux qu'il n'a pas été imaginé
, c'eft le Recueil de Lettres connu fous le
nom de Lettres de Cicéron , quoiqu'elles ne foient
pas toutes de ce grand Homme. Ceux qui étudient
les Anciens , favent que c'eft un des monumens les
plus curieux & les plus intéreffans de l'Antiquité.
On y lit des Lettres où quelques amis s'entretiennent
familièrement entr'eux , fans autre objet que d'épancher
leurs fentimens & d'énoncer leurs opinions ; &
les opinions & les fentimens qu'ils expriment , font
les caufes qui vont changer la deftinée d'une partie
du Monde ; ils ont l'air de ne parler que de leurs
affaires , & ce font celles de prefque tout l'Univers ;
ils écrivent comme ils parloient , tout annonce qu'ils
ne travailloient pas plus leurs lettres que leur converfation
; mais ce que Brutus & Cicéron n'ont écrit
que pour Atticus , mérite l'admiration de tous les
fecles ; plufieurs de ces Lettres font des chefd'oeuvres
d'éloquence , & rien ne prouve mieux que
les expreffions les plus fimples fuffifent pour montrer
une grande ame & un génie éloquent .
On doit êtrejufte. Il étoit impoffible de s'élever ,
par l'imagination feule , auton de ces hommes qui
s'entretiennent entr'eux de la deftinée du Monde
dont ils étoient les Arbitres . Les objets même dont
il eft queftion dans ces Lettres, n'ont pas encore affez
de grandeur pour offrir des fcènes femblables à
l'imagination . Le Congrès Américain n'eft pas encore
ft impofant que le Sénat de Rome. Les Tyrans
de l'Amérique ne montrent pas le génie & le
caractère de Céfar ; mais il eft utile au talent dé
fe propofer les plus grands modèles , pourvu que
le goût fache donner de juftes proportions aux
choles que l'on traite..
Dans les premières Lettres de ce Recueil , le Mem
bre du Congrès trace le tableau des premiers mou14
MERCURE
vemens qui ont féparé l'Amérique de l'Angleterre,
On y trouve à-peu-près toute l'Hiftoire des effets
du Bil fur le thé , celle des campagnes de Burgoyne..
Les Américains , dit le Membre du Congrès , favent
qu'on fe moque d'eux en Angleterre . On les opprime
& on les plaifante ; on trouve fur -tout trèsplaifant
qu'ils ofent former des armées de foldats .
fans uniforme , & d'hommes prefque nuds. Il eſt
bien vrai que beaucoup d'Américains manquent
d'habits , mais ils ne font pas nuds , ils font vêtus de
leurs armes. Le Membre du Congrès compare les
Anglois aux Athéniens . Les Athéniens fe moquoient
beaucoup de Philippe , qui étoit borgne. Philippe
leur fit voir à Chéronée que s'il lui manquoit un
oeil, il ne lui manquoit pas au moins des bras. Cette
comparaifon n'eft peut- être pas d'une grande jufteffe.
Les Anglois en général fe battent mieux qu'ils
ne plaifantent ; ils reflemblent peu aux Athéniens ;
& dans cette affaire , s'il y a quelqu'un qui joue le
rôle de Philippe , c'eft affurément les Anglois.
2
Le Membre du Parlement d'Angleterre parle à
fon tour de tout ce que les Anglois penfent de cette
guerre. Il peint affez bien le choc des opinions
& des intérêts ; & c'eft dans ces combats du parti de
la Liberté contre le parti de la Couronne,que le coeur
humain tout entier fe montre aux regards du Philofophe
; c'eſt dans des intérêts auffi grands que tous
les vices & toutes les vertus fe développent ; mais de
pareils tableaux demandent les pinceaux de Tacite ;
ceux de Hume ont paru fouvent trop. foibles dans
l'Hiftoire d'Angleterre , & Hume eft cependant
un très grand Hiftorien.
Les P'erfonnages de cette correfpondance , fufpendent
fouvent les récits des faits qui fe paffent fous
leurs yeux, pour agiter des queftions de politique &
de légiflation.
L'Efpagne & la France ne s'étoient pas encore
DE FRANCE IS
déclarées en faveur de l'Amérique , & nos Correfpondans
cherchent à deviner le parti que prendront
ces deux Empires ; ils devinent ce qui eft arrivé.
L'intérêt de la Nation Françoiſe , celui de l'Europe ,
difent-ils , doir forcer le Cabinet de Versailles à
former un Traité d'Alliance avec les Américains.
En vain les Anglois fe plaindront qu'on attente à
leurs droits , & qu'on viole les Traités qui maintenoient
la paix entr'eux & la France. En allant por
ter la guerre en Amérique , ils la font fur leur
route à tous les Vaiffeaux de l'Europe. Tous les Pavillons
font infultés par leurs Pavillons . Des Nations
nobles & généreuses n'ont pu , dans leurs Traités,
donner aux Anglois le droit d'affecter la domination
& l'empire. La paix qu'ils réclament ne feroit
qu'une guerre dans laquelle ils attaqueroient toujours
fans qu'on les attaquât jamais. Des prétentions
auffi injuftes ne pourront en impoſer au Minif.
tre fage & éclairé qui fait refpecter & aimer le Cabinet
de Verſailles dans tous les Cabinets de l'Europe
; & fi le Roi de France déclaroit la guerre à
cette Puiffance , ennemie de toutes les Puiffances qui
ne veulent pas fe foumettre à fon orgueil , quelle
que fût l'iffue de cette guerre, il feroit toujours glo
rieux de l'avoir entrepriſe , & la France mériteroit
la reconnoiffance de toute l'Europe.
On établit un parallèle entre les principes que
les Peuples modernes & les Peuples anciens ont
fuivis avec leurs Colonies .
Le Membre du Congrès prétend que l'Angleterre,
après la perte de fes Colones , qu'on fuppofe inévitable,
fera précifément dans la même pofition ou
fe trouva Carthage après avoir évacué l'Espagne.
Les Alliés de Carthage l'abandonnèrent : les armées
qu'elle foudoyoit fe vendoient à des Puiffances qui
pouvoient mieux les payer ; elle perdit fes richefles
en perdant fes Colonies ; ſa gloire & fạ puiliance
16 MERCURE
en perdant fes richeffes. Sans examiner cette prédiction
en particulier , nous obferverons que toutes
celles qui font fondées fur de femblables rapprochemens,
n'ont jamais un affez grand dégré de certitude.
Quelques rapports qu'il y ait entre un peu-'
ple ancien & un peuple moderne , il y a fûrement
entr'eux beaucoup plus de différences encore , & li
plus légère fuffic fouvent pour faire à deux peuples
qui fe reffemblent beaucoup , des deſtinées très- différentes.
Un des Correfpondans fait entendre que les malheurs
dont l'Angleterre eft menacée , viennent furtout
de ce que le génie & l'audace du Lord Chatam
l'ont élevée à une fortune qu'elle n'a pas de
quoi foutenir par elle-même ; il compare Chatain à
un Monarque qui n'eft puiffant que par fon génie ,
& qui ruine les Etats pour avoir voulu les élever à
la hauteur de fon caractère. On doit être jufte ,
même envers des ennemis , & cette générofité doit
être facile à des François. La puiffance de l'Angleterre
n'a jamais dépendu des talens d'un de fes
citoyens ; elle a fon principe dans le caractère même
de la Nation , dans la nature de fon gouvernement,
qui doit la rendre puiffante lors même qu'elle ne
peut pas la rendre heureufe. Des hommes tels que
Milord Chatam font fans doute beaucoup pour l'élévation
de l'Angleterre ; mais c'eft l'Angleterre qui
fait des hommes tels que Milord Chatam. C'étoient
les Paal Emile & les Lucullus qui faifoient la conquête
du Monde ; c'étoit Rome qui faifoit les
Lucullus & les Paul Emile.
L'Auteur de cet Ouvrage en avoit fait imprimer
un autre quelque temps avant la guerre de la Grande-
Bretagne avec fes Colonies ; il y prédifoit cette
guerre , & il eft dans celui- ci l'Hiftorien des événemens
qu'il a prédits dans l'autre . Sans vouloir dimi
nuer en rien l'honneur que cette prédiction fait à fa
DE FRANCE. 17
fagacité , nous oferons dire qu'elle n'a rien qui
tienne du prodige . Pour être prophête dans cette
affaire , il fuffifoit de connoître les rapports dans
lefquels l'Angleterre étoit avec fes Colonies , &
toute l'Europe connoiffoit ces rapports. L'avenir fe,
laifle voir quelquefois de la manière la plus fenfible
dans le préfent qui doit le faire naître.
Si tu te trouves embarraffé fur quelque point de,
légiflation , dit un des Membres du Parlement d'Angleterre
au Membre du Congrès , ouvre l'Efprit des
Loix : c'eft la France qui a produit le Philofophe qui
a été le plus digne d'être notre Législateur & le
vôtre. Heureux le génie de Montefquieu préfide
aux deftinées de l'Amérique !
que
L'Auteur de ces Lettres montre par-tout le plus
grand refpect pour le nom de Montefquieu ; & par
malheur c'eft une chofe l'on doit remarquer
aujourd'hui parmi les Écrivains François. Perfonne ..
ne peut ignorer la vénération que les Anglois ont
Boujours eue pour l'Auteur de l'Efprit des Loix :
mais l'Auteur des Lettres fur les Américains, rapporte
un fait
que nous n'avons trouvé nulle part. Dans
toutes les Séances du Parlement d'Angleterre , dit- il ,,
on pofe l'Esprit des loix fur une table on le confulte
s'il arrive qu'on foit embarraffé for quelque,
point de la Conſtitution ; & quand on s'est bien ;
affuré de l'avis de Montefquien , ceux des Députés
de la Nation Angloife font rarement partagés .
L'Auteur auroit du dire où il a pris ce fait. Il ne
nous paroît pas vraisemblable , quoique nous fa-;
chions qu'on cite fouvent l'Efprit des Loix dans
le Parlement d'Angleterre.
Ces Leures fe font lire avec plaifir. Le ſtyle
manque fouvent de correction & toujours d'élégance
; mais il a quelquefois de l'énergie , & prefque
toujours du naturel . L'Auteur a des connoiffan
18 MERCURE
ces ; il n'eft pas même étranger à ce fentiment de
liberté qui eft comme une efpèce de vertu qui confacre
les Ouvrages , & qui , prefque inconnu des
modernes , eft dans la légiflation ce que le goût ,
qu'on appelle antique , eft dans l'Eloquence &
dans la Poéfie. L'Auteur cite beaucoup Montef
quieu , qu'il paroît avoir affez bien étudié ; il tâche
même d'en imiter le ftyle, & il a tort en cela :
on ne prend pas plus le ftyle que le génie d'un grand
Ecrivain : il n'y a que les Ecrivains médiocres qu'il
foit poffible d'imiter , & cela prouve affez bien
qu'il ne faut imiter perfonne.
Quant à la manière dont l'Auteur a envifagé
fon fujet , il n'en a sûrement pas vu toutes les reffources.
Qu'on nous permette ici de la confidérer avec
quelqu'étendue ; nous pafferons les bornes d'un extrait
, mais il fera moins queftion de l'Ouvrage que
de fon fujet. Tout ce qui regarde l'Angleterre &
l'Amérique a un grand intérêt aujourd'hui pour
tous les François ; & s'il eft quelque moyen d'inté
reffer les hommes , c'eft fans doute de leur parler
de leurs ennemis & de leurs amis.
L'Auteur ne préfente les faits qu'en réſultats , & la
nature , auffi bien que la forme de fon Ouvrage, demandoit
qu'il en développât tous les détails ; tous les
détails font intéreffans & importans pour les Contemporains
; la poftérité ne les rejette que parce
qu'elle ne cherche dans l'Hiftoire que des lumières ,
& qu'elle n'a befoin que des réfultats qui l'éclairent.
On efpère trouver dans ces Lettres des faits qui
pourront nous faire mieux connoître tous ceux qui
fe font rendu célèbres en défendant la liberté de
l'Amérique , les Washington , les Lée , les Francklin
& les Hancock ; l'Auteur ne nous apprend rien de
particulier fur tous ces hommes , qu'on eft fi avide
de connoître. Il pouvoit nous conduire fur le tom@
DE FRANCE 19
de nous
beau de Montgomery , nous tracer le tableau des
honneurs rendus par l'Amérique à cette victime
illuftre de la liberté ; il a négligé ce moyen
offrir une fcène antique dans une hiftoire de nos
jours un homme de talent & d'une imagination
fenfible , auroit pu nous faire verfer des larmes fur
un tombeau élevé en Amérique.
L'Auteur ne nomme pas le Docteur Francklin
fans refpect ; mais pour Îni rendre un digne hommage
, il falloit peindre fes talens , fes vertus & fon
caractère. C'étoit un affez beau portrait à tracer ,
que celui d'un homme dont le génie , également
propre à donner des lois à une Société , & à deviner
celles de la Nature , a mérité à la fois la gloire des
Solon & des Licurgue , & celle des Képler & des
Newton ; gloire unique , peut-être , & qui réunit ce
que le génie des anciens & des modernes a eu de
plus beau. Il falloit peindre encore dans fon efprit
la fineffe du goût moderne , & dans ſon caractère
la fimplicité des moeurs antiques.
Les Contemporains devroient fe montrer jaloux ,
ce me femble , de dérober quelquefois à l'Hiftoire
l'honneur de tracer de pareils portraits.
L'Auteur n'a pas tiré non plus affez de parti de
cette circonftance fi glorieufe pour la France , des
fecours qu'elle a donnés à l'Amérique ; ce fera une
belle chofe dans l'hiftoire de nos Rois d'avoir ,
dans l'intervalle de deux fiécles, défendu deux peuples
de l'oppreffion , & d'avoir fait ufage d'une Puiffance
prefqu'abfolue pour établir des Républiques. Un
Ecrivain qui paroît aimer la liberté, devoit un hommage
particulier à ces deux Rois , dont le premier eft
Henri IV. On eût dû tâcher de nous apprendre encore
comment les Troupes d'un Monarque s'étoient conduites
dans les armées d'un peuple libre : il falloit
nous montrer les Soldats de la France fous les drapeaux
du Congrès ; les Poëtes fe fervent de ces
20 MERCURE
contraftes pour frapper l'imagination ; les Philofophes
pour éclairer l'efprit. En lifant un Ouvrage fur
l'Amérique , des Lecteurs François devoient defirer
fur-tout qu'on leur parlât beaucoup de ce jeune
homme qui , le premier , s'eft dérobé à fa patrie
pour ouvrir une nouvelle route de gloire à fes compatriotes
; l'enthoufiafme chevalerefque de M. de
la Fayette a rechauffé plus d'une fois l'enthoufiafme
de la liberté dans le coeur des Américains ; & l'on
eft affligé de ne voir preſque jamais M. de la Fayette
dans des Lettres fur l'Amérique.
ز
Une chofe qui pouvoit répandre encore un grand
intérêt fur cet Ouvrage , c'eſt le tableau des Hordes
Sauvages mêlées aux Troupes de l'Europe dans la
guerre de l'Amérique . De ces hommes qui ont tous
également prefque toute l'indépendance de la Nature
: les uns font fortis de leurs forêts pour prêter
à la Liberté le fecours de leurs flèches & de leurs
maffues les autres ont employé ces armes du
Sauvage en faveur de la tyrannie. On auroit aimé
à retrouver ici leur Difcours remplis des images
de la Nature , dont ils ont toute l'énergie ; leurs
harangues auroient formé un beau contrafte avec
le langage froid & fubtil des Européens ; avec
ces Difcours travaillés , où l'on s'étudie à retenir
tous les mouvemens de l'ame , de peur , ce femble ,
d'en laiffer échapper la vérité. L'homme Sauvage
devient tous les jours plus rare fur le globe . A peine
il y a deux fiècles , il poffédoit encore un monde
prefque tout entier : il ne lui en refte plus que quelques
coins ; & on l'y pourfuit encore. Il eſt probable
qu'il fera enfin chaffé de par-tout , & qu'il difparoîtra
. Mais il importe extrêmement d'en multiplier
les portraits , & fur-tout d'en avoir des portraits
reffemblans. Dans nos temps modernes , nous ne
connoiffons plus que par des relations , & l'homme
tel que le fait la Nature , & l'homme tel que faDE
FRANCE. 24
voient le faire les grands Législateurs de l'antiquité.
Voila , fans doute , ce qu'on eût du faire pour ne
point mériter le reproche de n'avoir pas faifi ce que
le fujet préfentoit au premier coup-d'oeil ; mais que
d'objets plus intéreffans encore on eût pu trouver
dans le même fujet , en l'étendant par la méditation
!
:
La Conftitution d'Angleterre femble menacée de
fa chûte , & des Conftitutions libres s'élèvent en
Amérique. Quel moment pour un Écrivain qui a
médité fur les Lois , & qui fait en parler ! L'Hif
toire des Empires n'a point d'époques plus intéreffantes
que celles de leur chûte & de leur naiſſance ;
& lorfque dans le même moment , les uns commencent
& les autres finiffent , les malheurs du peuple
qui tombe , font des leçons pour les Peuples qui
s'élèvent c'eft le moment de recueillir & de femer
des lumières ; la voix du Philofophe , prefque tou
jours entendue avec indifférence , fe fait alors écou→
ter avec autorité. L'imagination des Peuples , frappée
des grands événemens qui les agitent , s'ouvre
aux vérités qui leur promettent des jours plus heueux
& plus tranquilles. C'eft au moment où plufeurs
villes de l'Italie combattoient pour leur liberté ,
que les difcours de Machiavel fur Tite -Live ,
nèrent aux Italiens quelques -uns de ces grands principes
des Anciens fur les Conſtitutions & fur les Lois ;
c'eftdans la révolution qui chaffoit Jacques II de fon
trône , que le vertueux Syney & le fage Locke combattirent
les principes du lâche Filmer , & apprirent
aux Anglois à mieux connoître leurs Droits &
leur Conſtitution : le Philofophe alors exerce l'empire
d'un Législateur ; tous les Peuples font comme
les Romains , dans les grands malheurs ils ſe fou
mettent à la dictature du génie.
don-
C'eft dans une de ces époques qu'a écrit l'Auteur
dé, ces Lettres.
22 MERCURE
Ce n'eft pas le moment , fans doute , où l'on
doive admirer davantage la Conftitution de l'Angleterre
; mais c'eſt celui peut-être où l'on peut mieux
la connoître. C'eft lorsqu'un édifice paroît s'ébranler
, qu'il faut en fonder les fondemens ; les
refforts & la compofition d'une machine fe dérobent
à nos regards dans fes mouvemens réguliers
& rapides ; mais fi le mouvement s'arrête , le
rallentit ou fe défordonne , tous les refforts expofés
à nos yeux , laiffent voir quel en eft le méchaniſme.
C'étoit le moment de décomposer la Conftitution
d'Angleterre , & de juger fi elle eft en effet
prête à fe détruire , ou fi elle a en elle-même de
quoi fe remonter , & reprendre la régularité de
fes mouvemens. Cette grande queftion s'agite tous
les jours dans le Corps légiflatif de cette Conftitution
; mais c'eft par les paffions & par les intérêts
qu'elle y eft débattue on y débite de beaux
plaidoiers ; mais des Orateurs éloquens peuvent être
aifément de mauvais Juges. Il eût été digne d'un
Ecrivain Philofophe de prononcer le jugement que
doivent en porter les Nations de l'Europe. Déjà ,
il eft vrai , des Philofophes ont ofé promettre une
durée fans fin à la Conftitution d'Angleterre ; ils
n'ont pas craint de dire qu'il y a actuellement fur
la terre un Ouvrage de l'homme qui fera éternel ;
mais quoiqu'énoncée par des Philofophes , cette
opinion femble bien peu philofophique. La Conftitution
d'Angleterre a réfifté aux attaques violentes
d'Henri VIII , au defpotifme heureux & brillant
d'Eliſahẹth , aux principes abfolus , mais imprudens
, des Stuarts. Ne peut- elle pas fuccomber fi
elle eft attaquée par des Princes , qui n'auront ni
l'imprudence des Stuarts , ni la grandeur & les talens
d'Eliſabeth , ni la férocité d'Henri VIII ? Les
imprudences d'un Prince , font méprifer le pouvoir
qu'il veut rendre abſolu ; fa grandeur perſonnelle
DE FRANCE.
23
:
nourrit & entretient la fierté du Peuple qu'il foumet
fa cruauté même peut élever le courage de
ceux qu'il opprime ce n'eft pas au milieu des
bourreaux & des bûchers qu'une Nation fière devient
eſclave. La Dictature fanglante de Sylla fit
revivre un moment la liberté de Rome. Mais le
Chef d'une Conftitution libre , peut être à la fois
adroit dans fa politique , & médiocre dans fes talens
& dans fes vices ; cette réunion n'eft pas
rare dans les hommes : & voilà l'homme le plus
dangereux pour la Conftitution d'un Peuple. Le
règne d'un Prince médiocre abaiſſe naturellement le
caractère de fa Nation ; elle perdra d'abord fa
grandeurs & défendra mal enfuite fa liberté. Elle
verra toujours le Prince qui eft foible , & ne verra
pas la puiffance qui fera abfolue : le Prince fera
élevé au pouvoir fuprême par la médiocrité même
de fes talens. Jufqu'à préfent , la liberté des Anglois
a été invincible en Angleterre : lorfqu'elle a
paru abattue , elle s'eft relevée plus fière que
jamais , en touchant le fol de cette Ifle orageufe.
Mais fi on l'attaque en Amérique , fe défendrat-
elle de même ; fi les Américains font foumis
leurs fers ne feront-ils pas portés bientôt par les
Anglois Le Philofophe qui a taut de peine à
découvrir les caufes des événemens paffés , ofe à
peine porter fes yeux fur l'avenir. Mais tel eft cependant
l'avantage des Sociétés gouvernées par des
Loix fixes & conftantes ; celui qui connoît bien ces
Loix , peut prédire leurs révolutions , comme celui
qui connoît les loix du mouvement & de la Nature
, peut prédire les révolutions des corps céleftes.
>
L'efpérance qui embellit la jeuneffe des Empires
comme celle de l'homme , offroit à l'Auteur de ces
Lettres , des objets plus intéreffans encore en Amé
rique,
MERCURE
D'abord , l'examen des droits des Colonies Angloifes
, méritoit d'être plus approfondi qu'il ne
l'a été jufqu'à préfent. Je fais qu'on a peine à en
trer dans l'analyle & dans l'étude aride d'une multitude
de chartes ; je fais qu'on doit répugner à
chercher les droits de l'homme dans des titres donnés
& reçus prefqu'au hafard ; mais telle eft pourtant
la manière la plus univerfelle de juger ; ce
que nous avons écrit dans nos Codes , nous paroît
plus facré que ce que la Nature a gravé dans
nos ames. Nos droits éternels font les derniers
qu'il faut réclamer.
Mais les Américains ont-ils ce courage & cette
énergie de caractère , qui font à la fois la meilleure
preuve & la plus sûre défenfe des droits de l'homme
a la Liberté ? Nous le croyons ; mais tel eft leur malheur
, que depuis dix ans qu'ils font fous les armes ,
leur courage en Europe eft un problême pour beaucoup
de gens. On voit qu'ils connoiffent le prix de la
Liberté , mais on doute qu'ils en aient l'amour &
T'enthouſiaſme . On les pourfuit le fer & la flamme à
la main pour les affervir à une Puiffance irritée , &
'ils fe battent avec prudence dans cette pofition qui
pevroit les réduire au défefpoir. Ils femblent fe
confier moins en leur courage que dans la diftance
qui les fépare de l'Angleterre , & qui force
leurs ennemis à les aller chercher à travers un
Océan couvert d'orages. Dans cette caufe où la
juftice du Ciel paroît intéreffée à les défendre , ils
femblent croire que c'eſt aux vents & aux tempê
tes à détruire leurs ennemis ; ce. fentiment feroit
beau , mais il eft plus beau encore à l'homme libre
de fe croire lui-même l'inftrument & le fléau dont
le Ciel veut fe fervir pour détruire les tyrans &
la tyrannie. Il ne faut pas prendre pour un fuccès ,
l'adreffe qui échappe à une défaite ; celui qui veut
vaincre , fait bien que c'eſt un art qu'il faut apprendre
dans
DE FRANCE.
25
dans les défaites , & il paie volontiers de fon fang de
pareilles leçons. Quandon ne combat que pour défendre
quelques portions de terre , quelques jouillan
ces peu néceffaires , on peut ne pas fentir le befoin
d'oppofer toutes les forces à fon ennemi : mais
celui qui combat pour fa liberté , ne meſure pas
ainfi fon courage ; il en montrera beaucoup plus
même qu'il ne lui en faut pour vaincre. Il ne
lui fuffit pas d'échapper aux týrans , il veut les
exterminer. Il ne veut pas feulement vivre libre ,
il veut mourir pour la Liberté ; ce fentiment ne
paroît pas naturel ; auffi a - t -il produit des prodiges
toutes les fois qu'il s'eft trouvé dans l'homme. C'eft
ce qui a transformé rapidement des Peuples pafteurs
, agricoles & marchands , en des Peuples de
Héros , c'eft ce qui a fair fuir plus d'une fois des
troupes difciplinées & couvertes de fer , devant des
hommes nuds & fans difcipline. Eh ! comment
les Américains fentiroient-ils ce befoin fublime de
faire à la Liberté le facrifice de leurs vies , lorſque
leurs femmes ne favent pas lui faire le facrifice des
voluptés & des fantaifies du luxe ? On affure que des
vaiffeaux Américains font fortis de nos ports , chargés
uniquement des objets qui fervent à la parare
de nos femmes. Les modes de Paris font entrées
dans l'Amérique menacée d'être efclave , & tavagée
par les féaux d'une guerre civile. On voit
d'autres exemples dans l'Hiftoire des Républiques
anciennes. Là , au moindre befoin de la Patrie ,
toutes les citoyennes lui offroient avec joie le facrifice
de tous leurs ornemens ; & les diamans , les
pierres précieufes qui paroient les femmes , étoient ,
dans tous les tems , regardés par la République ,
comme une partie de fon tréfor. Quelle parure
pour les femmes Romaines , que le deuil qu'elles
prirent toutes à la mort de Brutus ! Les Améri
cains ne fe paffionneront jamais pour la Liberté , fi
Sam, 6 Janvier 1781 .
B
26 MERCURE
leurs femmes la regardent avec indifférence. C'eft
donc à elles que leurs Légiflateurs doivent d'abord
s'adreffer. On a beau faire , la Nature a voulu que
l'homme préférât à tout , le bonheur que les femmes
lui donnent; il y a en nous un fentiment dont elles
fe ferviront toujours , d'une manière sûre pour nous
inſpirer tous ceux qu'elles ont intérêt de nous don
ner. Elles ont l'empire d'une paffion avec laquelle
elles fe rendront toujours maîtreffes de toutes les
autres. Les plus belles Conftitutions tomberont rapidement
, fi les Légiflateurs n'ont pas eu la fageffe de
placer le plus grand intérêt des femmes dans la
Liberté & dans les vertus qui les maintiennent. C'eſt
par elles qu'ils peuvent être sûrs de conferver le
pouvoir des Lois fur les hommes : ce n'eft même
que par elles qu'ils peuvent l'obtenir. L'homme eft
naturellement indocile & rébelle ; il falloit qu'il fûr
fort , & fa force & fa fierté ferment (on ame à
tout ce qui veut y pénétrer pour modérer les paffions
& fes volontés. Mais il eft un Etre doux
& facile , que la Nature femble avoir fait pour
la foumiffion , & que le Législateur peut former &
façonner à fon gré. Affez foible pour recevoir tou
tes les impreffions qu'on veur lui donner , elle eft
toute puiffante pour communiquer enfuite à l'homme
toutes celles qu'elle aura reçues. Ce mêlange
furprenant de force & de foibleffe , eft sûrement une
des grandes Lois de la Nature dans les vues & dans
fon plan fur l'efpèce humaine ; c'eft fur cente Loi
naturelle que doit être élevé tout le ſyſtème de la
Légiflation fociale . Je n'ai point de goût pour les
idées fingulières ; & je fuis perfuadé que le génie
même n'eft qu'un bon fens très-fort , très rapide &
très -étendu : mais ce ne feroit pas , je crois , unparadoxe
, de dire que fans une certaine foibleffe que
la Nature a mife dans le coeur & dans l'imagina
tion des femmes , il n'y auroit jamais eu ni morale
ni légiſlation. « Que parlez - vous de juſtice & de
DE FRANCE.
27
35
Lois , difoient les Athéniens encore barbares
leurs premiers Législateurs ; défendez le vol &
la violence à ceux qui n'ont ni le courage de
» braver les périls , ni la force de les vaincre ; la
» juftice & la vertu peuvent être très - bonnes , mais
c'eft pour la foibleffe la gloire de l'homme eſt
» de s'en paffer. Ces barbares auroient probable.
ment toujours raiſonné de mênie , fi Théfée n'avoir
pas fu infpirer d'autres idées aux jeunes femmes
de l'Artique ; & , fi on lit avec attention l'Hif
toire de Poligonne dans la vie de ce Héros : l'on
remarque les adorations & les hommages que rece
voit la beauté dans cette ville d'Athènes confacrée à
une Déeffe , qui étoit la Divinité de la Sageffe , on
reconnoîtra peut-être fans peine , combien les femmes
ont contribué à la civilifation & à la Liberté des Athé
niens ,le Peuple à la fois le plus libre & le plus poli qui
ait exifté fer la terre : on verra quels étoient les moyens
des Légiflateurs pour prendre de l'empire fur les femmes,
& , par les femmes , enfuite fur les hommes.
Communément nous ne croyons devoir aux feme
mes que notre bonheur on voit questinous leur
fommes encore redevables de nos vertus ; mais ces
choſes n'ont été bien comprifes que par les Légiſla
teurs de l'antiquité. Parmi nous un Écrivain qui ,
dans la pureté de fes intentions , parle avec reconnoiffance
des bienfaits que nous recevons d'elles , &
avec juſtice de ceux qu'elles ont droit d'attendre de
nous , eft exposé au reproche de vouloir leur plaire:
aux dépens de la raiſon & de la vérité. On l'accufe
de galanterie , lorsqu'il ne conſulte ſon coeur quel
pour y trouver les mouvemens des premiers fentimens
de la Nature : on eft prêt à dire qu'il a voulu
faire fa cour aux femmes dans une differtation fur
les Lois. Nos Politiques modernes , qui profeffent le
plus grand mépris pour ces vieilles Légiflations out
l'on s'occupoit de moeurs & de vertus ne voient
abgeftej ne won alang (PBjy
28 MERCURE.
pas fans pitié le Législateur Licurgue s'occuper profondément
de la manière dont les jeunes Lacédémonienes
recevront les careffes de leurs époux . Mais Licurque
favoit que le Législateur eft , pour ainfi direy
un Prométhée qui doit créer des homme , & que
l'amour est le feu du Ciel dont il doit fe fervir dans
cette création,
S'il étoit vrai qu'il manquât aux Américains quelque
chofe de cette vigueur néceffaire à des Peuples
qui défendent leur Liberté , de deux chofes l'une , ou
la caufe en feroit dans le commerce qui les a pref
qu'oniquement occuppés jufqu'à cette guerre ; dans
le caractère & dans les moeurs de leurs femmes ;
dans quelques-unes enfin de leurs inftitutions civiles &
politiques; ou c'eft l'influence du climat qu'il faudroit
en accufer. Dans le premier cas , le remède ne feroit
peut- être pas très-difficile. Le mal produit par des
Inſtitutions , peut être corrigé par des Inftitutions
nouvelles ; exaltées d'abord elles- mêmes par la Légiflation
, les femmes pourront exalter les courages
qu'elles ont amollis. Dans le fecond cas , il feroit
peut-être inutile de tenter aucun remède. Les Lois
de l'homme ne peuvent pas être oppofées à celle de
la Nature. Une caufe qui agit à chaque inftant , qui
agit pendant des fiècles , toujours de la même maière
, toujours néceffairement , ne peut pas être
arrêtée & détruite par des caufes qui , de leur nature
ne peuvent agir , ni avec la même conftance , ni
avec la même force. Les hommes fe laffent , fe végligent
; ils ne font pas faits pour lutter contre les
immuables Lois de la néceffité. Mais alors quelle
découverte que celle de Chriftophe Colomb ! il
auroit découvert un monde pour les tyrans ; en faudroit-
il davantage pour décider la queftion qu'un
de nos premiers Philofophes vient de faire propofer
par l'Académie de Lyon ?
Après avoir examiné fi les Américains , par leur
caractère , font dignes d'avoir des Conftitutions libres,
DE FRANCE. 29
2
il faudroit examiner leurs Conftitutions mêmes elles
ne font pas encore entièrement fixées , & ils en ont
répandu les plans dans l'Europe. On diroit qu'avant
de leur donner la dernière fanction , ils ont voulu
expofer leurs Tables de Lois à l'examen & à la critique
des hommes éclairés , comme autrefois le Sénat
de Rome expofa les Tables des Décemvirs à l'exas
men de toute la République. Il feroit beau de voir
les lumières répandues chez toutes les Nations ,
confultées & raffemblées pour la Légiflation d'un feul
Peuple. Le premier , le plus grand objet de toutes
les Légiftations , eft de dérober l'homme à l'empire
de l'homme , pour le mettre fous l'empire de la Loi ;
mais ce n'eft que par les hommes que
les Lois peu
vent être exercées , & l'empire même de la Loi
ramène celui de l'homme. Jufqu'à préfent aucun Peu
ple ne paroît avoir trouvé les meilleurs moyens pour
fortir de ce cercle vicieux qui femble naître de la
nature des chofes. C'eft-là le grand problême de
toutes les Légiflations. Dans les Monarchies , c'eſt la
vertu du Prince qui réfout ce problême ; & pour
qu'il n'y ait là d'autre empire que celui des Lois , il
ne faut qu'une feule chofe ; il faut feulement que
tous les Princes aient les vertus des Trajan & des
Marc-Aurèle. Dans les Républiques où les vertus
font fi néceffaires , on a cependant moins de confiance
dans la vertu . Là , on ne fait le confier aux
hommes , que lorfqu'on les a tous mis également dans
l'impuillance d'attenter aux Lois. Le,problême,comme
on voit , s'y complique & s'y embarraffe davantage.
Ce n'eft même guère que dans les Républiques qu'il
eft queftion de ce problême. Éclairés des lumières &
de l'expérience de tant de fiècles , les Législateurs du
nouveau Monde font- ils parvenus à le réfoudre ? S'ils
y ont réuffi , il falloit apprendre aux hommes cette
découverte elle leur feroit bien plus utile que celle
du nouveau Monde où elle auroit été faite. Mais li
:
+
Biij
30
MERCURE
cer
fes Légiflateurs de l'Amérique n'ont pas été ples
heureux que ceux de la Grèce & de Rome , il falloit
analyfer & juger leur Ouvrage ; & peut-être quelques
feuilles imprimées à Paris , auroient fait effa-
& graver des Lois dans les Codes du nouvea
Monde ; & la France auroit eu la double gloire de
fecourir l'Amérique de fes lumières & de fes for
ces. Quel Ouvrage que la Conftitution d'un Peuple
libre ! elle ne fait pas feulement , pendant plufieurs
fiècles , la deftinée de tous les hommes qui naiffent
fous fon empire , elle affermit ou ébranle les droits
du genre humain. L'exemple le plus dangereux pour
la terre , eft celui des malheurs d'un Peuple libre.
Alors les tyrans perdent leurs remords , & les efcla
ves en ont , s'ils ofent gémir. Alors les Écrivains
fans confcience , cherchent à donner à la tyrannie
l'autorité de la raiſon ; & les Lois n'ont plus même
en leur faveur , les réclamations impuiffantes des
malheureux & des fages.
D
FLORE FRANÇOISE , ou Defcription fuccincte
de toutes les Plantes qui croiffent
naturellement en France , difpofce fuivant
une nouvelle méthode d'analyſe , & d
laquelle on a joint la citation de leurs vertus
les moins équivoques en Médecine , &
de leur utilité dans les Arts ; par M. le
Chevalier de la Marck. A Paris , de l'Imprimerie
Royale , 3 vol. in - 8 . , avec
huit Planches de gravures en taille- douce.
Prix , 21 liv. broché , & 24 liv . relié. Se
vend à Paris , chez Gogué & Née de la
Rochelle , Libraires , quai des Auguſtins,
près le Pont Saint Michel .
Tout ce qui végète eft le fujer de la BoDE
FRANCE.
31
+
tanique cette Science embraffe l'Univers.
La terre & les eaux fervent également de
foutien aux Plantes . Au milieu des déſerts
on apperçoit la pointe du jonc qui perce les
fables arides , & quelque foin que nous
prenions pour étouffer leurs germes dans
nos habitations , les herbes rempliffent les
intervalles de nos pavés ; elles croiffent fur
le toît de nos maiſons , & l'activité vivante
dont la Nature jouit à la furface du globe,
fe reproduit par- tout avec une fécondité
dont le règne végétal donne l'exemple le
plus frappant. La Science qui apprend à
connoître les fleurs dont nos prairies font
émaillées , les fruits qui enrichiffent nos
campagnes , les arbres dont les branches
entrelacées nous offrent leur ombrage , ne
doit-elle pas être la plus agréable de toutes
celles que l'homme peut cultiver ? C'eſt
fous cet afpect que le Philofophe confidère
l'étude des plantes ; mais quelle furpriſe ,
lorfqu'en approchant de plus près , il en
cherche les principes dans les Aureurs ? Tout
le charme difparoît ; il n'y trouve que des
détails arides , que des divifions fans fin ,
des defcriptions inintelligibles & tronquées ,
un langage barbare , en un mot, des catalogues
froids & infipides , au lieu d'obfervations.
On a trop multiplié les difficultés. Il étoit
temps qu'une main fecourable fe préfentâr
pour aider ceux qui fe deftinent à étudier
cette partie de la Nature ; l'Ouvrage de M.
Le Chevalier de la Marck remplir ces vues
5
Biv
332
MERCURE
Avant que cet Académicien eût écrit , pous
reconnoître une plante , il falloit apprendre
plufieurs fyftêmes & en choifir un , avoir
préfente à la mémoire la diftribution des
elaffes , des ordres , & la formation arbitraire
des genres , retenir un nombre immenſe
de caractères. Aujourd'hui la fimple
intelligence des termes de l'art , expliquées
dans le premier Volume de la Flore Françoife
, dirige l'étudiant dans fa marche ;
C'est un fil qui ne l'abandonne plus , & au
moyen duquel il parcourt sûrement toutes
les routes de ce labyrinthe. Les réflexions
fuivantes le feront aifément connoître.
L'Ouvrage qui offre un moyen pour parvenir
à la connoillance des plantes , & au
quel l'Auteur a donné le nom de Méthode
Analytique , eft fondé tout entier fur ce
principe : Qu'un affemblage quelconque de
plantes peut toujours être divifé en deux à
l'aide de deux caractères faillans , dont l'un
conviendra exclufivement à tout le premier
membre de divifion , & l'autre à tout le
fecond. D'après ce principe , l'Auteur , par
une première opération , partage en deux
groupes, bien diftincts, la totalité des plantes
qui entrent dans fon plan. Il fubdivife en--
fuite chaque groupe en deux autres moins
compofés , & pourfuit cette eſpèce de
méthode continue, jufqu'à ce qu'il foit par
venu à ifoler toutes les plantes fur lefquelles
il opère. Il réfulte de ces recherches un tableau
, dans lequel tous les caractères que
DE FRANCE.
33
l'Auteur a employés fe trouvent oppoles
deux à deux dans autant d'accolades . L'Obfervateur
eft conduit d'une accolade à l'autre
par un numéro de renvoi ; & s'il a fuivi
exactement la marche qui lui eft tracée , en
choififfant toujours entre les deux caractères
celui qui convient à la plante obfervée
, il parvient d'abord au nom du genre ,
où il trouve une nouvelle analyfe qui le
mène au nom de l'efpèce. L'Auteur a joint à
fa Nomenclature particulière , celle de MM .
Tournefort & Linnée. Au-deffous de cette
Nomenclature fe trouve la defcription de
tout ce qu'il y a de plus remarquable dans le
port de la Plante.
Les autres Botanistes , gênés par les caracṛ
tères , qui fervent comine de bafe à leurs
fyftêines ou méthodes , ont été obligés d'employer
ces caractères même dans les cas où
leur existence eft équivoque , & où ils jettent
l'Obfervateur dans l'incertitude . M. de
la Marck , par la liberté qu'il s'eft donnée
de combiner indifféremment tous les carac
tères les uns avec les autres, à dû choifir tonjours
les plus faillans & les moins fufceptibles
d'égarer.
Ceux qui fuiventles fyftêmes ou méthodes
ordinaires , font , à la vérité , un ou deux
premiers pas qui font éclairés , en fuppofant
qu'ils arrivent facilement à la claffe , & enfuite
à l'ordre auquel appartient la Plante ,
ce qui n'eft pas toujours vrai ; mais on fe
trouve enfuite tranfporté au milien d'une
Bv
34
MERCURE
C
multitude de genres dont les définitions
n'ont rien de bien faillant , au rifque de les
lire toutes , fi la Plante que l'on obferve apr
partient au dernier de ces gentes. M. de la
Marckne propofe jamais à choisir qu'entre
deux caractères oppofés , & qui impliquent
contradiction dans le même individu.
Enfin ,ceux qui opèrent d'après fa méthode
ont encore l'avantage de faire eux - mêmes ,
dans le cours de l'analyfe , la defcription de
la Plante , & de pefer , pour ainfi dire , fur
chacun de fes
Caractères , enforte qu'il eft
impoffible d'avoir fait ufage de cette Me
thode pendant un certain tems , fans s'être
gravé dans la mémoire les traits les plus
propres à caractériſer les Plantes , & lans
avoir acquis des connoiffances de Botanique
auffi folides qu'étendues.
L'Auteur de la Flore Françoife a donc eu
le louable deffein de fimplifier l'etude la plus
compliquée , & il a eu le mérite d'y réuffir
complétement en plufieurs points. On convient
que fon procédé peut conduire d'une
manière affez facile à la connoiffance des
Plantes ; mais on lui reproche d'en laiffer
ignorer la fcience ; on appelle fans doute de
te non le méchanifme des fyftêmes & l'enfemble
de leurs rapports ; mais celui qui
feta venu à bout de connoître les Plantes
avec le Livre de M. le Chevalier de la Marck,
apprendra enfuite facilement & en peu de
tems les divifions méthodiques faites pour
Jes Auteurs ; & n'aura- t-il pas beaucoup
DE FRANCE.
35
gagné , fi la marche a été plus rapide & plus
ailee ?
Tous ceux qui s'intéreffent vraiment aux
progrès de cette Science , applaudiffent aux
recherches immenfes dont le travail de M.
de la Marck eft lesfruit , & ils font des
voeux pour que cet Académicien , & le Savant
auquel les Julieu ont tranfmis leur
nom & leurs talens , rendent enfin la Botanique
auffi intéreffante qu'elle eft utile. L. N.
1
4
Almanach Littéraire , ou Etrennes d'Apollon ,
1781 , petit in- 12 de 248 pages. Prix 1 liv.
fols broché. A Paris , chez la Veuve
Duchefne , Libraire , rue S. Jacques ;
Piffot, quai des Auguftins ; Durand neveu,
rue Galande ; Efprit , au Palais Royal , &c.
2 une
CE Recueil , commencé en 1777 5 fe
perfectionne d'année en année. On trouvera
dans le Volume que nous annonçons ,
un mêlange fort agréable. A de jolies
pièces de vers , à des morceaux de profe
très intéreffans , fuccèdent des anecdotes
attachantes , des variétés curieufes
notice raifonnée des principaux Ouvrages.
Chacune de ces notices offre pour
l'ordinaire un trait faillant , & l'on y voir
régner le ton le plus honnête. Pour entrer
dans quelques détails fur cet Almanach
dont le fuccès paroît affuré nous dirons
qu'on lira avec plaifir Felicie , nouvelle
B vj
36
MERCURE
par M. d'Arnaud, que Diane & Endymion ,
Conte en vers , par M. la Dixmerie , eft
plein de détails agréables. En voici la fin :
Le fourire de la beauté
Fait d'un amant trembleur un Héros intrépide.
Endymion le deviendra ; pl
Déjà Diane en voit le doux préſage ;
On ne dit point ce qu'il fit par delà ;
Mais fi la Fable eft un sûr témoignage ,
La nuit fut longue ce jour- là.
رهش
On nous faura encore gré de tranfcrire les
Bouts-rimés remplis à table , par M. Feutry :
ce ne font pas les moins heureux que l'on
ait faits.
On découvre ſouvent dans les antiques Fables
De confolantes vérités ,
Même au préfent fiècle applicables..
Rappelons-nous d'Augias les étables,
Dabord les environs en furent infectés.
Ces mortelles vapeurs empoifonnoient l'Elider
Arrivé un demi - Dieu ; c'étoit le grand Alcide
Du fleuve Alphee il détourne le cours
L'onde emporte les immondices.
Par ces travaux pénibles & propices ,
D'un peuple entier il conferve les jours.
Tels nous voyons chez le François volage
Du Necker les flots introduits
Enlever les abus par le vice produits :
Eh bien ! P'Alphée en fit-il davantage ?
DE FRANCE.
37
Il nous refte à parcourir les anecdotes &
les variétés , elles font bien choilies. Nous
les prendrons au hafard ...
" Voltaire faifoit beaucoup plus de cas
de la poetique de certain Écrivain cé-
» lèbre , que des Poelies compofées' par
le même. Cet Auteur , difoit- il , eft com-
» me Moyfe , qui conduifoit les autres à la
terre promife , quoiqu'il ne lui fût pas
permis d'y entrer. »
"Fontenelle, qui avoit fort connu le Car
» dinal de Fleuri avant fon Ministère , fur-.
» pris , dans une vifite qu'il lui fit quelques
années après , de lui voir la même férénité
& la même gaîté , lui dit : mais ,
Monfeigneur , eft- ce que vous feriez encore
heureux ?
ود
ᎥᎢ . cc
« Un homme très- médiocre ayant pré-
» fenté un jour à l'ancien Evêque de Mirepoix
, ( Boyer ) un Livre contre l'Incrédulité
, ce Prélat lui dit vivement : ah !
Monfieur , que m'apportez -vous là , &
de quoi vous êtes vous avifé ? Savez- vous
» qu'il faut être un Boffuer ou un Pafchal
pour attaquer les Incrédules , fur - tout
aujourd'hui , & qu'il ne fuffir "3
un Saint
"
pas d'être
Piron difoit , en parlante de Corneille
» & de Racine : je voudrois être Racine , &
→ avoir été Corneille . arab
t. Un jeune Commis qui avoit fait de
» bonnes études , s'occupa , dans les momens
» de loifir que lui laiffoit fon emploi , à com38
MERCURE
"
» pofer une Tragédie. Il connoiffoit l'Abbé
» de Voifenon , & foumit l'Ouvrage à fon
Jugement. Mon cher ani , lui répondit
» en fouriant l'Abbé de Voifenon , la pou-
" dre des Bureaux eft mortelle pour les
» Mufes. "
»
Lorfque M. de Bougainville , homine
de Lettres eftimable , & connu fur- tout
par fa Traduction de l'Anti- Lucrèce du
Cardinal de Polignac , fe préfenta pour
être reçu de l'Académie Françoilev la
» fanté de cet Écrivain étoit en fort mauvais
état . Dans le cours de fes vifites , ou
» il ne manqua pas de parler de ſa frêle
exiſtence , il ne trouva de contradicteur
que chez Duclos. Monfieur , lui dit - il ,
» on peut d'autant mieux me faire entrer
dans l'Académie , qu'avec une fanté aufli
miférable que la mienne , je ferai bien-
» tôt placè à un autre ; vous devez vous
appercevoir que je n'ai pas long-tems
» encore à vivre. Votre raifon n'eft pas
» excellente , répondit affez durement Du
clos. Sachez donc , Monfieur , qu'il n'eſt
pas du reffort de l'Académie de donner
» l'extrême- onction . » SM op
»
« Frédéric le Grand , paffant dans fa grande
falle à Sans- Souci avec un de fes Géné
» raux : Général , lui dit le Roi , vous dînerez
ici dans deux jours avec trois cens
Chambellans. Sire , je ne croyois pas
» que vous en cuffiez autant. Je ne parle
#pas de ces espèces qui portent la clé dos,
»
DE FRANCE.
39
mais de mes braves Chambellans qui
m'ouvriront les portes de la Siléfie . »
En voilà affez pour établir le mérite de
l'Ouvrage que nous annonçons ; mais il en a
un autre qui doit être d'un grand poids pour
les admirateurs de Voltaire & quel est l'hon
me qui ne l'eft pas ) c'eft qu'il raffemble
une quantité de Lettres & de pièces fugitives
de la jeuneffe du Virgile François , morceaux
précieux qui n'avoient pas encore vu
le jour.
1101
SPECTACLE S.'
CONCERT SPIRITUEL
SELON Fufage , on a donné des Concerts
au Château des Tuileries , le jour & la veille
de la Nativité. Ony a entendu des Symphonies
de Hayden ; des Symphonies concertantes
exécutées par MM. Perignon &
Guénin ; des Concerto de Violon & de
Violoncelle , par MM. Duport & Capron ,
Virtuofes qu'il fuffit de nommer pour en
faire l'éloge un très beau Concerto de
Bach , que Mlle Duverger a exécuté fur la
harpe , & dans lequel elle a fu déployer la
légèreté , l'adreffe & les grâces de fon fexe;
un Oratorio fur la Nativité , par M. Goffec
Ouvrage dont nous avons déjà rendu compre ,
& qu'on entend encore avec plaifir ; plufieurs
40.
MERCURE
·
airs de bravoure de Sacchini & de Piccini ,
très -favorables au développement de la voix
légère & brillante de Mlle Duchâteau ; un
grand air plein d'expreffion du Chevalier
Gluck , qu'a très- bien rendu Mlle Sainte- /
Huberti. La manière de cette Cantatrice , eft
un mélange de goût François , Italien &
Allemand , fort analogue au ftyle de l'Auteur
d'Orphée & d'Iphigénie. Il refte feulement
à delirer qu'elle s'applique à détacher les
fyllabes de fes mots , en les articulant d'une
manière plus marquée : on a dû lui dire
qu'il eft fouvent difficile de favoir dans
quelle langue elle chante.
Nous croyons , avec un grand nombred'Amateurs
, qu'on pourroit varier davantage
ce Concert : on y voit trop fouvent reparoître
les mêmes chofes. Le Directeur de
vroit aufli donner plus d'attention au choix
des morceaux qu'on y exécute , & le fouvenir
que la Malique de chambre perd tous
fes charmes , dès qu'on la tranfporte fur un
grand Théâtre. Les compofitions musicales
ont leur perfpective comme celles de la Peinture
& de l'Architecture : telle mélodie qui
paroit riche & feduifante dans un falon de
trente pieds , devient pauvre & infipide dans
une enceinte de vingt toifes.
DE FRANCE.
41
ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.
CE Théâtre vient de perdre un de ſes plus
intéreffans Sujets , dans la perfonne de Mlle
Durancy, morte le 28 Décembre dernier ,
âgée de près de 34 ans.
Fille d'un Comédien & d'une Comédienne
qui ont joui , tant à Paris qu'en Province , de
quelque réputation , Mile Durancy parut
fur la Scène dès fa plus tendre enfance , &
fit éclater , dès lors , les premières lueurs
de cette intelligence fupérieure qu'elle a déployée
depuis avec tant d'avantage fur les
principaux Théâtres de la France . Après
avoir mérité en Province des fuccès déjà
diftingués , elle débuta pour la première
fois à la Comédie Françoife , dans l'emploi
des Soubrettes , le 19 Juillet 1759 , par le
rôle de Dorine , dans le Tartuffe , elle n'avoir
pas encore atteint fa treizième année. N'ayant
pu refter à ce Spectacle , elle débuta à l'Opéra
le 19 Juin 1762 , par le rôle de Cléopâtre ,
dans les Fêtes Grecques & Romaines. Quelques
années après , Mlle Clairon quitta le
Théâtre ; on voulut donner un Double à
l'Actrice qui lui fuccédoit comme chef
d'emploi , & Mlle Durancy fur choiſie ; en
conféquence elle rentra à la Comédie , le
13 Octobre 1766 , par le rôle de Pulchérie ,
dans Héraclius. Quelques tracafferies, dont
nous dirons deux mots l'ayant forcée à quitter
42
MERCURE
ee Spectacle une feconde fois , elle reparut à
POpéra le 23 Octobre 1757, & y eft reftée
jufqu'à fa mort , quoique le voeu des Amateurs
la rappelât fans ceffe à la Scène de la
Nation.
Peu de Comédiens ont eu plus à fe plaindre
des circonstances que cette Actrice ,
trop peu connue , & qui , par cette raifon ,
fera fans doute trop peu regrettée ; on peut
même dire qu'il ne lui a manqué que d'être
plus jolie pour exciter un enthoufiafme pareil
à celui qu'ont fait naître quelques Comé
diennes plus éloignées d'elle , cent fois , par les
talens que par la figure. Si une femme de
Théâtre peut être réputée pour laide quand , à
de très beaux yeux , elle joint un malque
très - mobile , une phyfionomie pleine de
tout ce que l'expreffion théâtrale demande
de nuances & de vérité , Mlle Durancy étoit
laide , mais on peut avancer que les connoiffeurs
ne lui ont jamais fait ce reproche;
& que fi elle le méritoit , la nobletfe de fa
démarche , la grâce de fon maintien , la vérité
de fes geftes , l'intelligence de fon jeu ,
la fenfibilité de fon ame étoient des
titres plus que fuffifans pour faire oublier
ce que les agréables, qui voltigeoient dans les
couliffes & dans les foyers , appeloient fa
laideur. La juftice que nous lui rendons , au
moment où elle vient d'expirer , eft appuyée
fur le témoignage des connoiffeurs les plus
refpectables ; nous n'en citerons qu'un
quoiqu'il ne foir plus ; & nous le citons),
>
DE FRANCE. 43
parce que nous pouvons montrer aux performes
qui voudront s'en affurer par ellesmêmes
, les preuves de ce que nous avançons
, écrites de la main de ce Juge éclairé
des talens dramatiques : nous voulons parler
du célèbre le Kain. Chargé d'être le médiateur
entre une Actrice morte il y a quelque- tems
& Mile Durancy , qui fe difputoient certains
rôles des Tragédies de M. de Voltaire , il fut
tellement indigné de voir la feconde facrifiée
aux brigues de la première , qu'il copia toute
la correfpondance relative à certe querelle ,
qu'il la certifia véritable , & qu'il voulutqu'elle
fût remife entre les mains d'un homme doué
d'affez de courage pour rendre dans l'occa
fion une juftice authentique au talent perfécuté.
C'eft dans plusieurs Lettres de cette
correfpondance que ce fublime Acteur parlé
de Mlle Durancy comme d'un fujet fait pour
honorer la Scène Françoife. C'eft encore à
propos des injuftices dont cette infortunée
avoit à fe plaindre, que M. deVoltaire éctivoit
à le Kain : « Je mourrai bientôt , & ce fera
>> avec le regret d'avoir vu le plus beau des
» Arts vilipendé & tombé en France. » Étayé
du fuffrage de ces deux Hommes illuftres ,
nous ne craignons pas d'élever notre voix
pour fatisfaire en quelque façon , aux
manes d'une femme qui , pendant fa vie ,
n'a éprouvé que des perfecutions , même à
Opéra , dont elle étoit , au titre de Comédienne
, le fujer le plus diftingué. Avec une
figure très marquée , elle trouvoit le fecret
44
MERCURE
de plaire dans le rôle de Colette : tendre &
noble dans Ernelinde , elle étoit fublime dans
Clytemnestre, & fe faifoit encore admirer
dans les rôles de la Haine & de Méduse. Ce
qui prouve jufqu'à quel point elle connoiffoit
les effets que le Théâtre exige , c'eft que
dans ces deux derniers perfonnages , elle
avoit le talent de rendre leurs caractères
fans effaroucher le Spectateur par une imitation
trop vraie , par conféquent trop rer
pouffante ; car il en eft de la Tragédie
comme du genre de l'Hiftoire dans la Peinture
; il faut préfenter la Nature toujours
embellie , toujours perfectionnée par les
conventions de l'Art. Tel étoit , fans aucune
exagération , le talent de Mlle Durancy , à
qui nous ne pouvons , comme Chanteufe,
accorder les mêmes éloges. Quant à fes droits
à l'eftime , on peut dire qu'elle en eut de
réels. Spirituelle & maligne fans méchan
ceré , raiſonnable fans prétention , fenfible ,
généreufe , fille pleine de tendreffe & de refpect
, amie délicate & courageufe . Voilà quel
fut fon caractèrd ; malgré ces qualités fi rares,
bien capables , fans doute , de faire oublier
quelques défauts , elle fut malheureuſe & perfécutée
: n'étoit-elle pas digne d'un meilleu
fort ?
NOUTE.
GRAVURES.
OUVEAUX Globes Célefte & Terreftre d'un
pied de diamètre. A Paris , chez le fieur Fortin , InDE
FRANCE.
45
génieur & Mécanicien du Roi pour les Globes &
Sphères , rue de la Harpe , près la rue du Foin. 1781 .
Le Globe Céleste eft de M. Meffier , Aftronome
de la Marine , de l'Académie Royale des Sciences ,
&c. Ce Globe a été fait, dirigé & exécuté fous fes
yeux Toutes les pofitions des Étoiles y font rapportées
à l'année 1800.
M. Meffier a rapporté auffi fur fon Globe toutes
les nébuleuſes & les amas d'Étoiles qu'il a pu découvrir
fur l'horizon de Paris , & dont les pofitions ont
été déterminées , airfi que le contour de la voie
lactée , qui y eft tracé avec foin ; & on a fait donner
aux Conftellations le plus de légèreté qu'il a été
poffible , pour qu'on puiffe voir diftinctement toutes
les Etoiles , & reconnoître aiférent leur grandeur.
Le Globe Terreftre eft donné par M. Fortin ; il
contient beaucoup de détails , ainfi que toutes les
nouvelles découvertes connues jufqu'à préfent. Les
pofitions des principaux lieux font affujéties aux Obfervations
Aftronomiques . Les Voyages du Capitaine
Cook faits depuis 1768 jufqu'à 1775 , y; font tracés
avec foin.
En général , ces nouveaux Globes font parfaite
ment bien exécutés. Leur prix varie fuivant la richeffe
des montures. On en trouve à 84 liv. montés
à méridien de cuivre , bouffole , cercle vertical &
pied à quatre colonnes verni ; & montés avec méridien
de carton & pied noir , 40 livres , ou 48 livres
avec des pieds vernis .
ANNONCES LITTÉRAIRES.
OPUSCUL
PUSCULES Mathématiques de M. d'Alembert,
Tomes VII & VIII , in - 4° . , chacun d'environ 400
pages. A Paris , chez Jombert l'aîné, Libraire , ruc
Dauphine. Nous rendrons compte de cet Ouvrage.
46
MERCURE
Almanach Iconologique , année 1781 , dix - feptième
& dernière fuite , par M. Cochin. Prix , 8 liv.
relié en maroquin , & 6 liv . broché. A Paris , chez
Lattré , Graveur , rue Saint Jacques , vis- à- vis la rue
de la Parchemineiie.
Vues Phyfiologiques fur l'organisation animale
& végétale , par M. de la Metherie , Docteur en'
Médecine , Volume in - 12. Prix , 2 livres 8 fols. A
Paris , chez Didot jeune , Imprimeur- Libraire , quai
des Auguftins.
Les Livres fuivans fe trouvent chez Moutard,
Imprimeur-Libraire , rue des Mathurins, 1 °. Entretiens
Philofophiques fur la Religion , Volumes
in 12. 2 ° . Mémoires de Berwick , écrits par luiméme
, 2 Volumes in- 12. 3 °. De la lecture des
Livres François , feptième Partie , grandes Affaires
Plaidoyers du feizième liècle , Volume in- 8° .
Traité du Globe , rédigé d'une manière nouvelle ,
à la portée des Enfans , par M. Lemoine , Inftitureur
, Brochure in- 12, Prix , 1 liv. 16 fols. A Paris ,
chez l'Auteur , grille de Chaillot , & chez Belin , Li-s
braire , rue Saint Jacques.
Differtationfur le Charbon malin de la Bourgo-,
gne , ou de la Puftule maligne , Ouvrage couronné
par l'Académie de Dijon , par M. Thomaffin , Chirurgien
de Dôle , &c. Brochure in- 8° . A Paris , chez
Didot jeune , Imprimeur-Libraire, quai des Auguf
tins . On trouve à la même adreſſe un Ouvrage fur
Électricité du corps humain dans l'état de fanté &
de maladie, couronné par l'Académie de Lyon.
L'Auteur eft M. l'Abbé Bertholon , Volume in- 12 .
1
en
Voyage minéralogique fait en Hongrie &
Tranfilvanie , par M. de Born , traduit de l'Allemand
avec quelques Notes , par M. Monnet
DE FRANCE.
47
Volume in-12, Prix , ; livres relié . A Paris , rue &
Hôtel Serpente..
3
On trouve les Ouvrages fuivans à Paris , chez
Baltien , Libraire , rue du petit Lion. 1 ° . Placide à
Malcovie fur les Scrupules , nouvelle Edition , revue
& augmentée , par Dom Jamin , Bénédictin ,
Volume in- 12. Prix , 2 liv. 10 fols . 2. Anti-Dic
tionnaire Philofophique , quatrième Edition ,
Volumes in-8 ° . Prix , 9 liv. 3. Mémoires fecrets
Avantures galantes de Mahomet , deux Parties.
Prix , 1 liv. 16 fols broché. 4° . La fainte Confrairie
de Notre-Dame- Auxiliatrice , Volume in- 12.
Prix , 15 fols.
Analyfe des Eaux Minérales de Saint-Vincent
& de Courmayeur, dans le Duché d'Aofte , avec un
Appendice fur les Eaux de la Saxe , de Pré- Saint-
Didier & de Fontaine - Merte, par M. Gianetti ,
Médecin de Turin, A Turin , chez Briolo,
"
La chûte de Ruffin , Poëme en deux chants ,
in-8 °. A Bouillon , & à Paris , chez les Marchands
de Nouveautés.
Elémens de Métaphysique facrée & profane , ou
Abrégé du Cours complet de Métaphysique , de la
Philofophie & de la Religion , par M. l'Abbé
Para , Volume in - 8 ° . A Paris , chez Cellot , Imprimeur-
Libraire , rue Dauphine.
Billets de Vifites , de Mariages , ornés de Vignet
tes allégoriques. A Paris , chez Madame Colefon ,
rue de la Tixeranderie , maifon des trois Couronnes
. Le prix de ces Billets eft depuis 20 jufqu'à
39 liv. le cent.
Etat de la Nobleffe , année 1781 , pour ferviz,
de continuation aux neuf premiers Volumes , par
4 MERCURE
M. de la Chenaye-Desbois. Prix , 3 livres broche
A Paris , chez Onfroi & Lamy , Libraires , quai
des Auguftins.
9
Etrennes du Parnaffe , par M. Prévoft d'Exmes.
Prix , 1 livre 10 fols . A Paris , chez Fétil , Libraire ,
rue Mazarine , & chez Couturier fils , Libraire ,
quai des Auguftins.
Almanach Mythologique & Poétique , orné de
douze figures. A Paris , chez Mérigot père , Libraire
, quai des Auguftios.
Almanach de Reims. Prix , 1-2 fals. A Paris , cchez
Gogué & Née de la Rochelle , Libraires , quai deş
Auguftins..
Le bon Jardinier, par M. de Grace. Prix , 1 livre
16 fols. A Paris , chez Onfroi , Libraire , rue du
Hurepoix.
TABLE.
VERS à l'Ombre de l'Impératrice-
Reine,
Américain ,
3 Flore Françoise ,
Almanach Littéraire ,
Concert Spirituel ,va
Epitre à M. le Baron de Grenaut
,
A Mde de la Porte
Enigme & Logogryphe ,
30.
35
32
7 Académie Roy. de Mufiq. 41
9 Gravures ,>
Lettre d'un Membre du Congrès Annonces Littéraires ,
44
APPROBATION.
JAI lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 6 Jan vier. Je n'y ai
rien trouvé qui puiffe en empêcher l'impreflion. A Paris ,
le Janvier 1781 DE SANCY,
MERCURE
DE
FRANCE.
SAMEDI 13
JANVIER 1781 .
PIÈCES
FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
ÉPITRE A
L'ÉDITEUR DU FAKIR
DOCTEÉDITEUR , grand-merci de vos vers ;
Un tour facile , un peu de négligence ,
Dans vos récits invite à
l'indulgence ;
Et j'aimerois de vos Acteurs divers
Le choix , le ton , les portraits , le bien dire ,
Si trop d'horreur ne détruifoit moitié
De l'intérêt , de la tendre pitié
Que fans effort un doux objet inſpire ,
Quand l'infortune embellit la beauté.
De fes malheurs le fpectacle a des charmes §
Mais on frémit s'il eſt enſanglanté ;
On veut trouver du plaifir à ſes larmes.
N'auriez-vous pas mieux fatisfait nos coeurs ,
Sam. 13 Janvier 1781 . C
50
MERCURE
Si , du Fakir puniffant les fureurs , ( 1 )
Vous nous laiffiez l'innocente victime
Se confolant , dans les bras de l'eſtime ,
D'un accident ( fi du moins c'en eſt un )
Très -pardonnable , & de plus fi commun !
Pourquoi mourir ? Étoit- elle coupable
Des attentats d'un brutal raviffeur ?
La douce Agnès fit mieux en cas ſemblable.
Parlons de vous : (2 ) conteur , prôneur , penfeur,
Vous voulez- donc louer Ariftophane !
D'autres diroient .
Mais moi , qui fuis le renom d'un cenfeur ,
Je n'ai qu'un mot : eft- ce là votre rôle ?
Eh! croyez-moi , ne tenez point parole ;
Reftez en paix , & laiſſez - y les morts ,
( Ceci foit dit fans morgue fatyrique. )
'Ah ! que plutôt , fi du panégyrique
Vous reffentez les fublimes tranſports ,
Que votre main d'apothéose avide
Sème des fleurs fur les cendres d'Ovide ! ( 3 )
Senfible & doux , careffé tour-à- tour
Par l'Amitié , les Mufes & l'Amour ,
Dans Amathonte il fut long- temps célèbre :
Et le Plaifir qui creuſa ſon tombeau
rue des
(1 ) Voyez le Fakir , Conte , chez l'Éditeur ,
Champs- Éliſées , & Deffene , Libraire , au Palais Royal.
(2) Voyez la Préface du Fakir.
(3 ) Feu M. Dorat,
DE FRANCE.
Verfa des plears fur fon urne funèbre.
Le jour , où de fes ans s'éteignit le flambeau ,
Les Grâces gémiffoient dans les bois d'Idalie ,
Le Pinde vit pleurer Thalie ,
Le luth d'Anacréon foupira fous les doigts ,
Et l'aimable Érato qui peignit Rofabelle , ( 1 )
Célébra de l'ami qui n'étoit plus pour elle ,
Les mânes confolés aux accens de la voix.
Oui : partagez fans honte , fans mystère ,
De l'amitié le noble miniſtère :
....
Il nous honore , il honora des Rois,
Et Frédéric a célébré Voltaire . . .
Mais terminons : grave Célibataire ,
Vous allez donc penfer fur le plaifir ! (2)
Le point , je crois , feroit de le faifir ,
De le goûter , & fur-tout de s'en taire.
Mais puifqu'enfin Philofophe aujourd'hui ,
Vous le trouvez à differter de lui ,
A vous permis d'en paffer la folie ;
Et puiffiez-vous n'y pas trouver l'ennui !
Mais feulement ici je vous ſupplie
D'affecter moins un ton particulier ;
Et s'il eft vrai qu'en homme fingulier
(1 ) Héroïne de l'Abeilard Suppofé , Roman de Mde la
Comteffe de B....
( 2) M. G. D. L. R. s'occupe , depuis long- temps , d'ùa
Ouvrage intitulé : Réflexions Philofophiques fur le Pla fir ,
par un Célibataire. Cet Ouvrage doit paroître vers le mois
de Février 1781. 曩
Cij
52
MERCURE
De traits mordans vous menacez nos Dames ,
Jeune Caton , refpectez mieux les femmes ,
Ou contre vous je fuis leur Chevalier.
Ah ! mon ami , j'ai trouvé dans leurs chaînes
Bien d'heureux jours , fouvent bien du fouci ,
Et de bon coeur je leur dis grand-merci
Pour mes plaifirs , & même pour nos peines.
( Par M. L. C. D. L. )
26
COUPLET S chantés à M. & Mde.....
lejour qu'ils ont célébré la Cinquantième
année de leur Mariage.
Sur l'Air : Elle aime à rire , elle aime à boire ,
elle aime à chanter comme nous.
JAAMMAAIISS,, jamais les Dieux profpères
N'ont amené de jour plus beau.
L'Hymen ralume fon flambeau
Pour le meilleur de tous les pères.
Quvrons nos coeurs dans ce feftin
Au couple heureux qui nous raffemble.
Enfans , amis , chantons enſemble
Et nos plaifirs & leur deſtin.
Vous qui caufez notre allégreſſe ,
Objets du plus doux fentiment,
En qui l'eftime conſtamment
Fut l'aliment de la tendreffe ;
}
bis.
DE FRANCE NCE.
S3 .
A côté l'un de l'autre affis ,
A ce banquet de la Nature ,
Vous nous retracez la peinture
De Philémon & de Baucis.
Du fpectacle qui nous enchante
Que tous les traits font précieux !
Je vois s'exprimer en vos yeux
Une férénité touchante. {
L'hiver de vos ans eft paré
Des fleurs qu'en été l'on moiffonne .
La Vertu même vous couronne
Du myrthe qu'elle a préparé.
DEPUIS l'inftant où l'Hyménée
Afon Autel forma vos noeuds ,
Non , rien n'a trompé dans fes voeux
Votre Famille fortunée .
Doutera-t- elle que toujours
Son étoile ne fût la même ?
Il eft prouvé que le Ciel l'aime ,
Puifqu'il a pris foin de vos jours.
Des bons Citoyens le modèle ,
Mon père , on voit encore en vous
Le plus fenfible des époux ,
Et des amis le plus fidèle.
Que vos defirs foient fatisfaits
Du fort qui fait votre partage.
}bis.
}
bis.
}bis.
C iig
34
MERCURE
Vous recevez ici l'hommage
De coeurs heureux par vos bienfaits.
PAR fa beauté , par fon ombrage ,
Un chêne prime en nos forêts ;
De jeunes plants croiffent auprès ;
Il les garantit de l'orage.
Ainfi nous défions les maux.
Que notre confiance eft jufte !
Papa , vous êtes l'arbre augufte
Qui nous couvrez de vos rameaux.
PAR fa puiffance , ou fa fortune
Souvent un mortel eft cité.
Vous l'êtes , vous , par la bonté ,
Par la candour la moins commune.
Ah! que vos deftins triomphans
Méritent d'exciter l'envie ,
Si le bonheur de votre vie
Tient à l'amour de vos enfans !
Des moeurs & de la bienfaiſance ,
Époux , le prix vous étoit dû.
Vous avez tous deux entendu
Le cri de la reconnoiffance .
Mais d'un zèle pur tour-à-tour
En vain nous avons peint les flammes ;
Il faut lire au fond de nos ames
Pour bien juger de notre amour.
}
bis.
}bis
bis.
}
•bise
}
bis.
DE FRANCE.
DEs doux tranfports de ta Famille ,
Ami, tu jouiras long-temps.
Ainfi qu'aux jours de ton printemps
Certain feu dans ton oeil pétille.
Toi , Maman , toujours puiffes-tu
Dire aux Confidens du ménage :
Ses Cinquante ans de Mariage
N'ont point affoibli ſa vertu .
}
bis.
( Par M. le Comte de Laurencin. )
Explication de l'Enigme & du Logogryphe
du Mercure précédent.
LE mot de l'énigme eft Quinola ; celui
du Logogryphe eft Fumée , où le trouvent
feu, Fée , mue ( efpèce de cage où l'on engraiffe
la volaille ) , Eu , fève.
ÉNIGM e.
JE fuis le bien & la richeſſe
De ceux qui ne poſsèdent rien ;
Je fuis la force & le foutien
Du malheureux dans fa détrefle :
Oui , fans moi , d'un bras furieux,
On le verroit de fes jours odieux
Terminer le cours déplorable.
Mais au moment où tout l'accable ,
Civ
$6.
MERCURE
*
Je parois ; mon aſpect vainqueue
Ramène le calme en fon coeur.
Lorfque l'adverfité te preffe ,
Lecteur , & que malgré la foi
L'amitié même te délaiffe,
Je refte feule auprès de tok
Enfin , pour me faire connoître,
Et te peindre en deux mots mon être,
Je ne vis que dans l'avenir ;
Qui me perd n'a plus qu'à mourir,
( Par M Compan:)
LOGOGRYPHE.
Du langage François , équivoque bizarre , U
J'habite l'air , & l'onde , & la terre & le feu
Je fuis un vêtement dont tout fexe fe pare ,
Tantôt aftre brillant & tantôt demi- Dieu ,
Qu quadrupède adroit en Europe très- rare.
Cher Lecteur , d'après cet aveu ,
Vous allez bientôt me connoître ,
Si les fix pieds qui compofent mon être ,
Sont par vous mûs en tous les fens.
D'abord vous y verrez ce qui de la Sorbonne
Reçoit la fanction , occupe les inftans;
Un inftrument dont la forêt réfonne ;
Le vieux Jupin des peuples Allemands ;
Le nom d'un Franciſcain de ſcience ſubtile ,
DE FRANCE.
57
L'habit des anciens Pénitens ;
Et ce métal funefte autant qu'il eft utile.
A votre efprit fi vous donnez l'effor ,
Certain trotte-menu doit s'y trouver encor ,
Ainfi que du Japon une petite ville ;
Ce fer qui de Cérès nous prépare les dons ¿
Un terme de fauconnerie ;
Trois grands Hommes qui font honneur à l'Ibérie,
Le digne émule des dindons ,
S'y montreront au gré de votre envie ,
Accompagnés de treize mots Latins ;
Le fynonyme de fortune ,
Et chez les antiques Romains
Une monnoie affez commune ,
Y figurent auffi ; de notre humanité
La bafe enfin & la folidité.
( Par M. l'Abbé Dourneau. }
*
Cy
$8
MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
,
OEUVRES DE M. BOSC D'ANTIC , Docteur
en Médecine , Médecin du Roi
par
quartier , ancien Correfpondant de l'Academie
Royale des Sciences Membre
de l'Académie de Dijon , de la Société Littéraire
de Clermont Ferrand , & de la Société
des Arts de Londres . 2 vol . in- 12.
A Paris , rue Serpente , Hôtel Serpente.
CE Recueil contient fix Mémoires. Le
premier traite de la caufe des bulles qui fe
trouvent dans le verre. M. d'Antic prouve ,
par un grand nombre d'expériences , que ces
bulles font produites par le fel de verre ,
le tartre vitriolé , le fel de glauber , & le
fei marin. Il explique d'une manière trèsfatisfaifante
le phénomène des larmes bataviques
, & démontre que les bulles qu'on y
voit ordinairement , n'ont aucune part à ce
phénomène , comme on l'avoit cru.
Le deuxième renferme des recherches
fur la caufe des foufflures des métaux coulés
ou jetés. L'Auteur fait voir que ces foufflures
font dûes à une vapeur qui s'échappe de la
matière du moule & du baffin , à l'inftant
de l'embiafement caufé par le métal en
fufion. Il propofe différens moyens de perDE
FRANCE.
19
fection & d'économie fur la fonte des canons
, & une méthode fimple & peu difpendieufe
de faire des tables de cuivre allié ,
fans foufflures & de telle grandeur qu'on
puiffe defirer , pour couler des glaces à
miroir.
Le troisième , a pour objet la perfection
de l'Artde la Verrerie. Ce Mémoire fut couronné
en 1760 par l'Académie Royale des
Sciences de Paris. Il peut être divifé en cinq
Parties . Dans la première , l'Auteur donne
une idée de l'état de la Verrerie en Europe.
Dans la feconde , il traite , en homme confommé
, des fourneaux & des creufets.
Dans la troifième , il donne la vraie compofition
des terres. Dans la quatrième , il fait
connoître les matières les plus propres à être
converties en verre ; & dans la cinquième
iljette un coup- d'oeil rapide & intérellant fur
les Arts qui dépendent de celui de laVerrerie.
L'Aft de la Verrerie étoit livré à la routime.
M. d'Antic en a , le premier , développé
les vrais principes . Auffi , depuis la pubiication
de fon Mémoire , il s'eft foriné dans
le Royaume un grand nombre d'établiffemens
de Verreries , & le verre de toute
efpèce est beaucoup moins cher.
Des notes auffi curieufes qu'utiles fur le
Mémoire précédent , forment la 4e Pièce du
volume.
Le cinquième Mémoire a pour titre :
Obfervations fur l'Art de la Fayencerie. On
peut le divifer en trois parties . Dans la pre-
C vj
60 MERCURE
mière , l'Auteur donne une idée de l'Art de
la Fayencerie en France ; dans la feconde ,
il traite du choix , de la préparation & de
la compofition des terres dont on fabrique
le bifcuit de fayence ; & dans la troiſième
de la préparation , des proportions & du
mélange des matières dont on forme le blanc
ou l'émail , de la fufion , de la pulvérisation
& de l'emploi du blanc , & c. D'après ce
Mémoire , il feroit aifé de former avanta
geufement une Fayencerie..
Enfin , le fixième Memoire eft destiné d
découvrir la nature de la matière électrique. M.
d'Antic effaye de prouver, par un grand nom
bre d'expériences , que la matière électrique
n'eft autre chofe que le principe colorant,
le phlogistique modifié par l'acide du phofphore.
Il a établi aufli d'une manière inconteftable
, que le verre n'eft pas électrique
par lui-même , qu'il doit fon électricité aus
principe colorant qui lui eft ordinairement
uni . L'Auteur donne le moyen de rendre à
volonté le verre électrique ou non électrique.
Ce Mémoire peut être regardé comme
un modèle d'analyfe.
Le fecond volume eft compofé de dixneuf
pièces. La première , eft un Mémoire
fur la fauffe Emeraude d'Auvergne . L'Auteur
trouve à la fauffe Eméraude tous les caractères
du fpath fufible. Il prouve que les
cryftallifations tirent leur vertu phofphorique
du principe colorant très- atténué &
volatil dont elles font teintes.Elles paroiffent
DE FRANCE. 61
chargées d'une plus grande quantité de principe
colorant fi fixe , qu'il foutient la vitri
fication . Elles font fuíibles par elles- mêmes.
Ces deux découvertes ont mis M. d'Antic en
état de fubftituer , avec un grand avantage
pour les Maîtres de Verrerie , le fpath fufible
à la chaux dans les compofitions du
verre ; il en a fait d'autres heureufes appli
cations aux Arts utiles.
La feconde , eft un examen , fait avec le
plus grand foin, des Eaux thermales de Chau
dès-Aigues.Ces eaux jouiffent d'une grande ré
putation . D'après l'analyſe de notre Auteur,
elles n'ont prefque d'autre vertu que celle
qu'elles tirent de 60 degrés de chaleur au
thermomètre de Reaumur.
La troisième, a pour titre : Obfervation fur
les Creufets d'Auvergne. On fair combien il
eft important d'avoir de bons creufets , &
combien il eft difficile de s'en procurer. M..
d'Antic n'a rien négligé pour que l'Auvergne
pût nous en fournir à plus bas prix & de meilleure
qualité que ceux d'Ipfen & de Heffe .
Des Obfervations fur l'Art d'effayer les
mines par lefeu , forment la quatrième Pièce.
Ces Obfervations peuvent être divifées en
deux Parties. Dans la première , l'Auteur ,
après avoir fait fentir l'utilité de la Docima
tie , prouve évidemment que cet Art précieux
a fait très- peu de progrès , qu'il eft
encore très-imparfait ; & dans la feconde ,
62 MERCURE
il propofe des moyens fimples pour le rendre
auffi fûr qu'il foit poflible . Ces Obfervations
nous ont paru très- intéreffantes , &
fuppofent dans l'Auteur un grand fond de
connoiffances Chimiques , Minéralogiques
& Métallurgiques .
ز ا
La cinquième , eft une Lettrefur les Afphi
xies. L'Auteur les attribue à la ſtagnation
de l'air méphitique dans les poumons ;
eft un des premiers qui ait propofé contre
l'afphixie , fans exclure les autres moyens
connus , l'ufage de l'efprit de fel volatil .
Dans une note curieufe , il démontre que
l'alkali volatil n'agit ni en neutraliſant ni
en ftimulant.
La fixième , renferme des Obfervations
fur laVaiffelle & Batterie de cuifine ordinaire.
On avoit infpiré au Public les plus vives
alarmes fur l'ufage des uftenfiles de cuifine
& de ménage ordinaire. M. d'Antic connoiffant
à fond cette matière , en appréciant les
inconvéniens & en indiquant les moyens d'y
obvier , eft parvenu à rétablir la tranquillité
dans les efprits . Les Auteurs de la Gazette
de Santé lui ont donné les plus grands éloges
à cet égard.
La huitième , eft un examen critique des
expériences faitesfur les fpaths féléniteux &
vitreux. Le but de l'Auteur eſt d'établir les
differences effentielles qu'il y a entre ces
deux efpèces de pierre , & de diffiper la confufion
qui règne à cet égard dans la MinéraDE
FRANCE. 63
logie. Il prouve auffi que la découverte d'un
acide particulier dans le fpath vitreux , eft
due à M. Margraff.
Des Obfervationsfur lafabrication & fur le
commerce de la Potaffe , forment la neuvième
Pièce.L'Auteur examine, 1.quels font les bois
& lesplantes qui , reduits en cendres , donnent
le plus de fel alkali fixe ou le plus pur ?
2º . Quel eft le tems le plus convenable à
l'incinération ? 3. De quelle manière on
doit faire l'incinération ? 4° . Quels ſoins demandent
les cendres avant la lixiviation ?
5°. Comment on doit procéder à la lixiviation
? 6. De quelle manière on doit faire
l'évaporation ou la formation de la potaffe
rouge ? 7. Quelles attentions demande la
converfion de la potaffe rouge en potaffe
blanche. Tous ces articles font traités de
main de maître. On trouvera fans doute
curieufe & utile l'obfervation que fait M,
d'Antic , que la vermoulure & le tan naturel
pris avant que l'arbre foit complettementdefféché
ou mort fur pied , fe convertit
, par la combuftion , prefque entièrement
en fel alkali fixe ; & qu'il en eft à - peu-près
de même des loupes ou excroiffances , furtout
des arbres réfineux .
La Dixième Pièce a pour objet la fabrica
tton des verres en table , facon de Bohême.
Notre Auteur diftingue trois efpèces de verre
à vitres appelées à bondine , à queue de morue
, & en table ou glaces façon de Bohême :
MERCURE
3
2º. Il traite de la manière d'employer ce
verre , d'en fouffler des manchons , des cylin
dres creux les plus avantageux ; & ; ° . de la
manière de les déployer , de les étendre dans
un fourneau fans leur faire perdre leur poli
M. d'Antic ne paroît avoir rien négligé fur
cette curieuſe & importante fabrication.
Le fujet de la onzième Pièce eft de la plus
grande importance : ce font des recherches
fur la caufe matérielle de la pefte & des épifooties.
N'y a t-il , dit l'Auteur , qu'une
feule caufe materielle de la pefte & des épifooties
? Sont elles produites par un fimple
levain ? Ce levain agit - il uniquement par
contagion , de manière que , fi l'on pouvoit
parvenir à l'anéantir , il ne fût plus dans la
poffibilité de fe rétablir. Eft-il contagieux par
le feul contact du corps fain avec le corps
malade ou infecté , ou par une atmosphère
chargée de fes corpufcules , ou par la refpiration
, ou par fon mêlange avec la lymphe
& le fang , ou par inoculation , ou par
la déglutition , ou par tous ces moyens réunis
? M. d'Antic examine toutes ces queftions
, & conclut que ces terribles maladies
doivent être attribuées à l'alkalefcence des
fucs digeftifs , & conféquemment , que
quand même on parviendroit à anéantir
tout le levain de ces affreufes maladies ,
on n'en tariroit pas la fource , puifque
plufieurs autres caufes peuvent les produire.
L'Auteur termine fon favant Mémoire
DE FRANCE. 69
par l'hiſtoire & le traitement d'une épifootie
dont il a arrêté les progrès.
La douzième eft un Mémoire fur les Ma
nufactures àfeu du Royaume. L'Auteur divife
ces Manufactures en trois claffes . Il fait le
tableau de leur état actuel , & il propofe
différens moyens de les perfectionner. II
traite en maître cette intéreffante matière .
La treizième a pour titre : Moyen auffi
fimple que peu difpendieux de rendre le Commerce
de Bordeaux plus floriffant. M. d'Antic
n'a prêté que fa plume à M. de l'Hortez ,
Capitaine de Navire. Ce Mémoire nous a
paru intéreffant.
Une Obfervation fur l'évaporation de l'eau
jetée fur le verre en fufion , fait le fujet de
la quatorzième. M. Deflandes & plufieurs
Phyficiens avoient cru voir que l'eau ne s'é
vaporoit pas fur le verre en fufion. M. d'Antie
démontre que l'eau s'évapore fur le verre
en fufion , comme à un moindre degré dé
chaleur.
La quinzième , eft un extrait de l'excellent
Mémoire fur l'airfixe du célèbre M. Berg
man.
L'Art de guérir les Hernies fait lefujet de
la feizième. C'eft une favante expofition de
la méthode du fieur Maget , que l'Auteur
préfère à toutes les autres méthode qui
paroît réunir les fuffrages des Médecins &
des Chirurgiens.
La dix -feptième , eft un Mémoire fur les
différens états de l'acide dans l'économie ani
66 MERCURE
male. Sujet neuf & de la plus grande importance.
L'Auteur prouve que l'acide fetrouve
dans les folides ou dans les fluides des animaux
; 1º . dans l'état concret de la plus
grande fixité ; 2 ° . dans l'état glutineux &
de la plus grande fixité ; 3 °. dans l'état de
liquidité & de la plus grande fixité , que n'en
a l'eau dans laquelle il eft diffous ; 4 ° . dans
l'état fixé , quoique virtuellement élastique ;
. dans l'état actuel de l'élafticité ; 6 ° . dans
l'état inflammable ; 7 ° . que ce font différentes
manières d'être d'un feul & même acide.
8°. Enfin que cet acide n'eft aucun
des trois acides minéraux. Ce Mémoire nous.
paroît jeter beaucoup de lumières fur la
théorie & fur la pratique de la Médecine .
,
La dix-huitième Pièce eft un Mémoire fur
la nature & la caufe des différentes greffes du
verre. L'Auteur diftingue cinq espèces de
greffes du verre. Il les attribue toutes à
une feule caufe différemment modifiée.
La dix -neuvième a pour titre : Moyen
de claffer tous les fers communs . Ce Mémoire
nous a paru bien propre à piquer la curiofiré.
L'Auteur y donne un moyen certain
de juger , même au tact , & les yeux fermés ,
de la pureté & de la bonté des différentes
efpèces de fer & d'acier.
Ce Recueil fe fera lire avec intérêt ; on y
trouvera réunies la clarté & la précifion. M.
d'Antic a porté l'efprit d'analyfe dans toutes
fes recherches. Auffi a- t- il fait un grand nom
bre d'utiles découvertes .
DE FRANCE
. 67
L'Auteur fe propofe de donner un troi
fième volume , qui traitera uniquement des
laits répandus, & des moyens d'en détruire les
accidens & de les prévenir. On fait que M.
d'Antic a fait à cet égard des cures fort
extraordinaires.
LE GÉNIE VENGE , Poëme , par M.
Guyétand. A la Haye , & fe trouve à
Paris , chez les Marchands de Nouveautés.
1780.
La première Partie de ce petit Ouvrage
eft une espèce de Satyre des Satyres. L'Auteur
l'annonce affez lui- même par les vers
fuivans , dont la tournure eft à la fois fimple
& forte.
Et fi le ciel en moi ne mit point cette flamme ,
Qui forme le génie , & qui feule en eft l'ame ,
Archiloque , c'eft toi que j'invoque en ces vers.
Viens de nos vils Griffons châtier les travers :
Viens , prends pour les guérir de l'orgueil qui les
berce ,
Le fouet de Juvénal & l'aiguillon de Perfe.
La feconde Partie eft une espèce d'apologie
des Gens de Lettres les plus diftingués de ce
fiècle. Celle-ci nous a femblé très -fupérieure
à la première , qui ne contient guères que
des plaifanteries cent fois redites & répétées
encore fans que l'Auteur y ait ajouté aucune
grâce nouvelle. Il y a plus , il les a fouvent
68 MERCU.RE
défigurées par des expreffions baffes & tri
viales. Telles font celles- ci entre mille autres.
Si Defpréaux n'eutpincé, repincé les Cotins ;
un athlete , c'est - à - dire le fublime Abbé
Sabatier , qui eft l'Avocat du Diable , & qui
aboye les Auteurs ; un Livre Abecedaire ;
un Auteur par A , B, C. & tout cela en
rime pour plus grande élégance.
Cette familiarité triviale dans le ftyle gâte
encore la reffemblance du portrait qu'il trace
d'un Satyrique moderne.
Gilbert, d'un front d'airain, Gilbert, de porte en porte,
S'en va corner les vers ; ayant en ce métier
Colletet pour exemple , & Boileau pour croupier ,
Et prédicant gagé que l'intérêt anime
Vend à deniers comptans fa haine & fon eftime.
M..
Guyérand peut dire pour fe défendre
que corner eft ici le mot propre; cela peutêtre
; mais hurler étoit le mot
Poëtique ; &
il falloit le préférer. Au refte , il eft fans
excufe
d'avoir
affocié
Boileau à Colletet , &
encore
plus d'ofer en faire le croupier
d'un
Satyrique
qui
afſurément
n'aura
jamais
rien
de
commun
avec l'Auteur
de l'Art
Poëtique .
C'eft bleffer à la fois le goût , la raison &
la
bienſéance . Les Vers
fuivans
préfentent
un contraſte
agréable
, & l'Auteur , fans fortir
du ton libre & aifé de la Satyre , y prend
en même tems le ton du Poëte.
Oh , j'eftime bien plus ce ruftre bazanné
Qui foumet à la bêche un fol abandonné,
DE FRANCE. 69
Et fait germer le grain dont la faveur heureufe
Ranime du courfier la fougue impétueufe ,
Qui va dans les forêts , armé d'un large fer ,
L'été , couper le bois qui me chauffe l'hiver ,
•
Ou qui vient de ma route , à grands coups de maſſue ,
En cailloux incruftés parqueter l'étendue .
Citoyen en tout temps utile à ſa patrie ,
En tout temps il la fert , & jamais ne l'ennuie .
On y reconnoît un imitateur heureux du
ftyle fimple & familièrement Poëtique de
Defpréaux dans fes Satyres. Beaucoup de
gens préfèrent les Epîtres , fans doute parce
que le ftyle en eft plus noble & plus élevé ;
on devroit néanmoins favoir gré à ce Poëte
du goût & de la raifon, qui avoit en principe
de diftinguer fcrupuleufement chaque genre ,
d'avoir alors abaiffé exprès le ton de fa
Poëfie , d'après les leçons & l'exemple
d'Horace ,
Interdum urbani parcentis viribus , atque
Extenuantis eas confulto.
Immédiatement après le morceau que nous
venons de citer , M. Guyétand revient encore
à ces Littérateurs envieux qui s'irritent
à l'apparition d'un bon Ouvrage. Il leur
applique une comparaiſon neuve & jufte.
Tel on voit un hibou frappé de la clarté ,
Sous un épais fourcil où la flamme étincelle ,
70
MERCURE
Rouler
obliquement une louche prunelle,
Et d'un cri déſaſtreux foudain remplir les airs.
Il rend enfuite
hommage , comme nous l'avons
déjà annoncé aux hommes célébres de
ce fiècle ; & d'abord il loue M.
d'Alembert
par apostrophe.
Archimède nouveau , fils aîné d'Uranie,
D'Alembert, c'eft ainfi que les traits de l'envie
Ont jufques dans tes mains ébranlé tou compas ;
Mais pardonne : il eſt beau d'éclairer des ingrats ;
Et ce Globe étonné dont tu traças l'orbite ,
Eft le Livre immortel où ta gloire eft écrite.
L'idée
renfermée dans ces deux derniers
vers n'eft pas jufte. L'orbite de la terre étoit
connu long- tems avant M.
d'Alembert , &
même avant Newton . Peut -être aufli ébran
der n'eft-il pas le mot propre : on
n'ébranle
que ce qui porte fur une bafe.
Au refte , ce font des fautes de réflexion
bien plutôt que de goût ; & nous l'obfervons
d'autant plus volontiers , que l'Auteur
mérite d'être
encouragé. Il y en a
pluſieurs
de ce genre dans le refte de
l'Ouvrage . Par
exemple , on eft fàché de voir dans le même
vers & pour le même éloge, le nom de
Réaumur affocié à celui de M.
Francklin ,
qui eft bien un autre homme. Réaumur étoit
un
refpectable Citoyen , qui paffoit fon
tems à toujours regarder , & dont le nom
ne reftera guères que fur les
Baromètres &
DE FRANCE. 71
fur les Thermomètres pour lesquels on a
adopté en France fa divifion des degrés. Ce
défaut de jufteffe fe trouve encore dans les
vers fuivans :
Molière a vu Regnard , Deftouches & Piron ,
Dérober dans fes mains fon maſque & ſon crayon.
Chacun de ces Poëtes célèbres a fon maf-"
que & fon crayon. Piron furtout , dans la
Métromanie , paroît avoir faifi de bien près
la touche franche & comique de Molière.
Malgré cela on ne peut pas dire que l'on ait
rien dérobé à Molière . Il eſt affis tout feul
à fa place.
Bernis fur un luth d'or , monté pour les Horaces ,
A chanté les faifons , les heures & les grâces.
Voilà encore un rapprochement qui n'eft
pas fondé en raifon. Tout le monde chante
les grâces , mais il n'y a que Chaulieu, Voltaire
, & quelquefois Greffer qui les chantent
fur le luth d'Horace . Il ne faut pas confondre
le vernis d'un Peintre Eventaillifte avec
le coloris de l'Albane.
Au furplus , il y a du mérite à avoir fait
le petit Poëme que nous annonçons ; nous
ne pouvons citer tous les vers piquans qui
font répandus , ni tous les beaux endroits.
L'Eloge de la Czarine régnante eft bien travaillé.
Celui du Roi n'eft pas à beaucoup
près auffi heureux . Nous invitons M. Guyey
72
MERCURE
tand à ne jamais perdre de vue ce précepte
de
Defpreaux ;
Le ſtyle le moins noble a pourtant fa nobleffe.
à ne pas prendre le bas & le trivial pour le
fimple & le naturel , enfin , à fe défendre de
la manie de forger de
nouveaux mots , tels
que fréromanie , verfififeurs. Tout cela n'eft
point de bon goût , & nos grands Ecrivains
n'ont jamais ufé de pareilles reffources. On
doit l'avertir encore qu'on ne doit plus fe
fervir à préfent du nom de Tabarin , parce
qu'il eft inconnu depuis long- tems ; & que
d'ailleurs il faut laiffer le mot à celui qui , de
fon tems , l'a trouvé , & qui feul lui a donné
du fel.
LE Grand Euvre de
l'Agriculture, ou l'Art
de régénérer lesfurfaces & les très-fonds ,
accompagné de
Découvertes
intéreſſantes
fur
l'Agriculture & la Guerre , préſenté au
Roi & à la Famille
Royale , par M.
Montagne , Marquis de Poncins , Ancien
Officier aux
Gardes -
Françoifes , avec
cette
épigraphe : Et
renovabis faciem terra ,
Pf. 103 , v. 32. A Paris , chez la Veuve
Duchefne ,
Libraire , rue S.
Jacques.
L'AUTEUR de cet
Ouvrage nous
apprend
dans fa
Préface , " qu'il eft des
defcendans
» de
Montagne » ,
quoiqu'il ne porte que
le nom de fa Terre , & ne
s'appelle pas
Eiquem , comme ce
Gentilhomme
Philofophe.
DE FRANCE. 73
-39
fophe. Il nous prévient encore que , certains
efprits pourront regarder fon Ou-
» vrage comme prématuré , qu'il git beau-
» coup en expérience , » & qu'il paroît qu'il
en eût dû à attendre l'entier réfultat pour en
pouvoir rendre compte. » Mais il invite
fes Lecteurs à ne le juger definitivement
qu'après avoir expérimentéfes pratiques .
Il donne dans fon premier Chapitre une
idée de la manière dont il fait valoir fes
Terres en Forez par quarante Familles de
Journaliers qu'il tient à fes gages , & fait
manoeuvrer avec une forte de difcipline militaire.
Son fecond Chapitre eft intitulé : de la
création & transformation des fols par l'exportation
des Terres. Ce que M. de Poncins
appelle l'exportation des terres , efi l'opération
de tranfporter de bonnes terres fur un
fol ingrat pour l'améliorer. Pour exécuter
cette opération , qu il n'a , jufqu'à préſent ,
faite comme tout le monde qu'avec des tombereaux
, il expofe , page 57 , « que la ma-
» nière la plus rapide feroit de lancer à coups
» de canon des globes de terre paitris en
forme de boulet , & comprimés dans le
» canon , fi toutefois on pouvoit rendre
la poudre moins chère. »
و د
Il propofe d'employer de grandes bêches
de dix-huitpouces de longueur , qui en effet ,
avec des Ouvriers fuffifamment forts pour
s'en fervir , remueroient une grande quantité
de terre dans les fols qui ont un pié &
Sam. 13 Janvier 1781 .
D
$74
MERCURE
demi de profondeur. M. de Poncins a cepen
dant la précaution , pour rendre plus maniable
cette longue bêche , d'en diminuer la
largeur.
Il propofe « de confier , en temps de paix,
» aux propriétaires des terres , lorfqu'ils le
» demanderoient , des détachemens de Ca
و ر
و د
ود
valerie pour le tranfport des terres , &
» des Dragons & de l'Infanterie pour le
» travail de main. Les Propriétaires feroient
» tenus de nourrir les chevaux à la ration
» ordonnée par le Gouvernement , qui dé
» termineroit aufli le poids de terre que
» devroit recevoir chaque voiture , le nom-
» bre de chevaux employés , & le nombre
de voyages que chaque voiture, devroit
faire par jour felon la nature du travail .»
Son Chapitre cinquième , qui traite des
prairies artificielles , contient plufieurs vérités
que l'on trouve auffi dans d'autres Ouvrages
d'Agriculture.
99
Il adopte le fyftêine de culture de M.
Tull , propofé par M. Duhamel. On fait que
cette culture confifte à laiffer entre chaque
fillon un fentier que l'on puiffe labourer
pendant que le blé pouffe. M. Tull a cru
que ces labours fuppléeroient même à l'engrais.
M. de Poncins penfe que la moitié du
terrain qui fe trouve femée par cette méthode,
produira quatre fois plus que les deux
portions enfemble , fi elles avoient été culrivées
& femées à l'ancienne manière : Nos
bons Laboureurs de Flandre , de la Brie &
DE FRANCE. 75
duValois n'ont pas encore adopté cette méthode.
M. de Poncins n'a pas cru devoir fe borner
à publier fes idées fur l'Agriculture. Il y
a joint depuis la page 359 jufqu'à la page 365,
des obfervations fur le mal de dents ; & il
y a ajouté un Chapitre d'inventions Militaires.
La première confifte " à cacher des
» Détachemens , des Régimens , & même
» des Divifions entières d'Infanterie , dans
» des folles fouterraines de fept à huit piés
» de profondeur , » qu'on recouvriroit de
chevrons , de lattes , de faſcines & de terre.
Si l'ennemi n'étoit pas averti , par fes efpions
, de cette manière de cacher des Trou.
pes dans un camp qu'on auroit quité , & fi
les remuemens de terre ne lui donnoient
aucun foupçon , il eft clair qu'il pourroit être
furpris.
M. de Poncins propoſe encore « d'avoir
» une certaine provifion de pantins de gran-
» deur naturelle & de différens uniformes
" que l'on feroit danfer à la vue de l'ennemi
» dans des poftes d'un accès difficile , dont
» on retireroit les Troupes pour les employer
ailleurs. Il a eu l'attention de
faire graver une planche pour figurer aux
ود
yeux cette manoeuvre.
Enfin , il a envoyé fon Ouvrage au Roi
de Pruffe , à M. le Comte de Maurepas , à
M.de Comte de Vergennes & à M. de Sartine,
&il a ajouté quelques feuilles au furplus de
Dij
76 MERCURE
l'édition , pour y joindre les lettres de remer
ciemens qui lui ont été adreffées.
LES Amours & la Mort de Didon , Poëme ,
traduit de Virgile. A Paris , chez Esprit ,
Libraire , au Palais Royal.
Aujourd'hui que des Poëtes d'un talent
reconnu ont entrepris de traduire les Anciens,
on doit s'attendre à voir une tourbe nombreuſe
d'imitateurs imitatores fervum
pecus , regratter les images de la poéfie antique
fur des verfions en profe , & s'imaginer
être auffi des Traducteurs. Mais pour
prétendre à ce titre , il faut avoir le fentiment
le plus vif des beautés des Anciens, une connoiffance
exquife de leur langue , avoir dans
la fienne fon expreffion formée, joindre la flexibilité
de l'imagination à l'élégance du ſtyle,
en un mot , réunir diverfes párties du talent
dont l'affemblage n'eft pas toujours néceffaire
pour compofer des vers de fantaiſie . Le
nouveau Traducteur des Amours de Didon
nous paroît bien loin de poffèder quelquesunes
de ces qualités . On en va juger par la
defcription de la Renommée.
Soudain la Renommée à l'aîle , aux piés agiles ,
Du rivage Africain va parcourant les villes :
Il n'eft point de fléau plus rapide en fon cours.
De ce monftre en allant la force croît toujours ;
Foible d'abord , la peur en fon effor l'arrête ;
DE FRANCE.
77
*
Mais dans les airs bientôt il élance ſa tête.
Il enjambe la terre & fe perd dans les cieux.
On dit qu'en fon courroux , pour fe venger des
Dieux ,
Après l'horrible Cée & l'Encelade informe ,
La terre l'enfanta. Monftre affreux , monftre
énorme !
Sur fon corps chaque plume , ô prodige étonnant !
Cache , organe fecret , un oeil toujours veillant ,
Une bouche tonnante , une oreille dreffée .
De ce monftre jamais la paupière abaiffée
Ne retint le fommeil. Au milieu de la nuit ,
Comprimé fous fon vol l'air s'écarte avec bruit ,
Et les arbres plaintifs Ye courbent vers la terre.
Le jour il eft affis , fentinelle févère ,
Aux faîtes des palais , fur le fommet des tours ,
Et remplit de terreur les Cités & les Cours.
Le faux comme le vrai , tout par lui fe public.
Nous ne rapprocherons point le Latin de
cetre imitation. Il nous fuffit de dire qu'en
général elle eft fidelle. C'eft aux Lecteurs à
juger fi elle est élégante.
D iij
78 MERCURE
HISTOIRE Univerfelle des Théâtres de
toutes les Nations , depuis Thefpis jufqu'à
nos jours , par une Société de Gens de
Lettres . Tomes 1er , 2 Partie. Tomes 2 ,
3 , 4 , 5 , 6 , 7 , 8 , 9 , 10 & 11. A Paris ,
chez les Auteurs , rue Ticquetonne , la
première porte - cochère à gauche en
entrant par la rue Montmartre ; la Veuve
Duchefne , Libraire , rue S. Jacques ; &
Cloufier, Imprimeur-Libraire , même rue.
ON a rendu compte de la première Partie
du premier Volume de cet utile Ouvrage ,
dans le Mercure du 15 Février 1779. Nous
allons jeter un coup-d'oeil rapide fur les livraiſons
qui en ont été faites depuis ce jour
jufqu'au moment où nous écrivons cet
article.
La feconde Partie du premier Volume
contient un court traité de l'origine de la
Tragédie , quelques idées fur les Danfes des
Grecs , fur leur Mufique & fur leurs
Choeurs ; un extrait de la vie d'Efchyle , &
l'analyse des fept Tragédies qui nous reftent
des quatre-vingt-dix ou cent dont cet homme
de génie fut l'Auteur. On trouve enfuite une
notice fur trois Dramatiques Grecs , Philoclès
, Aftydamas & Pratinas. Des fept Ouvrages
de Sophocle , qui font venus jufqu'à
nous , fix font extraits dans cette feconde
Partie , le feptième , Électre , a été rapproché
de celui d'Euripide , qui porte le
DE FRANCE
.
79.
même nom. Le Volume eft terminé par une
note fur les prix qu'on accordoit aux Poëtes
& aux Muficiens vainqueurs dans les concours.
Les Tragédies d'Euripide analyfées , un
extrait du Cyclope , pièce fatyrique de cet
Ecrivain ; deux differtations : l'une fur le
genre fatyrique , l'autre fur les mafques qui
fervoient aux repréſentations dramatiques ;
enfin , une nomenclature des Poëtes Tragiques
, qui ont été contemporains ou fucceffeurs
d'Euripide , compofent le fecond Volume.
On trouve dans le troifième un examen de
l'origine de la Comédie ; trois nomenclatures
: la première contient les Poëtes Comiques
qui ont précédé Ariftophane , ou qui
ont vécu de fon temps , la feconde parle de
ceux qui ont été fes contemporains ou qui ont
vécu après lui ; la troisième traite des Poëtes
qui ont été contemporains ou fucceffeurs de
Ménandre. On y trouve encore un abrégé de
la vie de ces deux illuftres Auteurs , l'extrait ,
des Ouvrages du premier , & les fragmens .
qui nous font parvenus des productions de .
l'autre , une notice fur la vie d'Ariftote , un
coup-d'oeil fur la poétique , & quelques idées
fur Homère.
Le quatrième Volume traite des Jeux &
des Fêtes des Romains , de leurs cirques , des
armes de leurs Athlètes , de leurs cérémonies
religieufes , de leurs facrifices de leurs
loix. On y remarque aufli un Abrégé hifto
Div
80 MERCURE
rique des Spectacles donnés au peuple par
les Empereurs , ainfi que des principaux
triomphes , avec une defcription des chars.
La première Partie du cinquième Volume
contient des détails relatifs aux mariages ,
aux loix funéraires , aux tombeaux , aux
Théâtres des Romains ; des obfervations fur
leurs danfes & fur leur mufique. La feconde
Partie de ce Volume & la première du
fixième, font compofées de l'analyfe des Co
médies de Plaute , de plufieurs notices fur
quelques Dramatiques Latins , & de l'extrait
de quatre des fix Drames de Térence. Les
deux derniers forment le commencement
de la feconde Partie du fixième Volumé.
Une nomenclature des Poëtes Tragiques &
Comiques qui ont été contemporains de
Térence ou qui lui ont fuccédé , la vie de Sénèque
, quelques obfervations fur les Tragé
dies , & leur traduction complette , forment
la fin de cette deuxième Partie , le
feptième Volume en entier , & la première
Partie du huitième. Nous ferons un article
à part de la traduction des Pièces de Sénèque.
L'Hiftoire de la Chevalerie , tous les détails
relatifs à fon inftitution , à fon utilité ,
à fes abus , à fa chute ; les cours d'amour ,
les ftatuts & réglemens des Chevaliers de la
Table Ronde , un choix d'anciens fabliaux ,
des notes fur les Spectacles Militaires & les
fêtes populaires des François ; les tournois ,
les carouſels , les naumachies , les cérémo
DE FRANCE.
nies employées lors des inaugurations des
Rois de prefque tous les peuples du monde :
tous ces objets, & quelques autres qui concer-
.nent les entrées de nos Souverains, leurs mariages
, &c. compofent la feconde partie du
huitième , le neuvième & le dixième Vol.
Au Volume onzième commence l'hiſtoire
de notre Théâtre. On y fait connoître les
differentes troupes qui donnèrent les premiers
Spectacles à Paris , comme les Confrères
de la Paffion , la Bazoche , les Enfans
Sans fouci , & c. On y donne d'affez grands
détails fur la Fête des foux , fur la Compagnie
de ce même nom , & les Analyfes de
quelques Mystères , farces ou foties dont
plufieurs ne fe trouvoient point dans les
nomenclatures les plus connues.
Les Gravures dont font garnis preſque
tous ces volumes , en font un des principaux
ornemens. Elles confiftent dans les Portraits
qu'on a pu fe procurer des plus illuftres
Auteurs des Théâtres Grec & Latin ,
en un affez grand nombre de figures copiées
d'après l'antique , & dont l'étude peut
rendre au coftume négligé toute la vérité
dont il a befoin ; les deffins du grand Cirque
, de l'Hypodrôme ,. des Théâtres de
Bacchus & de Rome , & c. Elles font en
général traitées avec beaucoup de foin .
Si l'on confidère les recherches immenfes
& de toute eſpèce qu'exige un Ouvrage de
cette importance , la multitude d'Auteurs
de Commentateurs & de Critiques qu'il
Dv
$2
MERCURE
faut lire & comparer , en un mot , toutes
les difficultés qui y font attachées ; on fentira
que le defir feul d'être utile a pu donner
l'idée d'un pareil projet, & que fon exécution
demande autant de conftance que de courage :
on fentira encore qu'il doit s'y trouver des erreurs,
& que ce n'eftpas actuellement qu'une
Hiftoire auffi étendue , & dont les matériaux
étoient épars ou cachés , peut être portée à ſa
perfection . Il feroit donc injufte de faire de
trop vifs reproches à ceux qui l'ont entrepriſe ;
on doit d'autant moins les en affliger , qu'ils
ont eu la noble franchiſe de publier euxmêmes
les obfervations qu'on leur a adreffées,
de convenir de leurs torts , & de les réparer
autant qu'ils l'ont pu. Nous ne pouvons cependant
nous difpenfer de les engager à foigner
davantage leur ftyle , fouvent trop négligé
nous aurons occafion de leur en fournir
des exemples , en rendant compte de la
traduction de Sénèque. Nous les invitons
encore à ne pas laiffer échapper des fautes
en apparence peu graves , & qui le deviennent
par la raifon que tout le monde eft
dans le cas de leur en faire le reproche. En
parlant des Adelphes de Térence , ils ont
cité l'École des Pères , Comédie du Théâtre
François , imitée du Drame Latin , & ils
l'ont attribuée à le Grand . Cette faute eft répétée
cinq fois en treize pages , ce qui la
rend plus remarquable. Les Auteurs de l'Hiftoire
des Théâtres n'ignorent pas plus que
nous que l'École des Pères eft du Comédien
DE FRANCE. 83.
Baron : on ne peut regarder une telle erreur
que comme une négligence , mais il feroit.
délagréable qu'on en rencontrât , beaucoup
de cette espèce.
On vient de publier tout récemment un
fecond Profpectus de cet Ouvrage ; les Auteurs
y promettent de nouveaux moyens de
rendre leur Hiftoire intérefante. Leur in-.
tention eft de fubftituer aux analyfes qu'ils
auroient été obligés de faire des Pièces de
Théâtre , les réflexions fingulières d'un M. le
Bon , dont l'occupation unique fut de fré-:
quenter alternativement les trois Spectacles.
Royaux de la Capitale , de rendre compte,
de fes idées fur chacune des repréfentations
dont il avoit été le témoin , & de les comparer
avec les divers jugemens qu'en portoient
les Écrivains Polémiques. Ils prétendent
qu'on leur a remis les mémoires de
cer homme , jufqu'ici très - inconnu : quelques
perfonnes les croiront fuppofés par les
Hiftoriens ; mais qu'ils le foient ou qu'ils ne
le foient pas , ce cadre eft très heureux , &
peut devenir très - piquant.
L'affluence des Spectateurs aux Théâtres
des Boulevards , le fuccès de quelques - uns.
des Drames qu'on y repréfente , ont donné
l'idée de les faire connoître féparément. Ils
peuvent en effet préfenter des détails
intéreffans ; mais on ne fauroit trop engager
les Auteurs à être avares de citations , & à
faire préfider le goût le plus févère au choix
des Ouvrages dont ils parleront ; car, pour
D vj
84
MERCURE
une production un peu paffable que l'on y
rencontre par hafard , combien ne s'en
trouve- t'il pas dont l'analyfe la plus courte
produiroit tout à la fois le dégoût & l'ennui?
Un objet qui doit fixer leur attention , c'eſt
la liberté qu'on s'eft permife de s'emparer de
quelques Pièces du Théâtre François , d'en
changer les titres , d'en placer les perfonnages
dans des conditions bailes, & de les porter
enfuite fur les tréteaux des Boulevards . Une.
chofe non moins piquante feroit l'examen des
raifons qui font abandonner la Scène de la
Nation pour des Baladins fans talent , qui
portent à applaudir chez Nicolet le Prétendu
fans lefavoir, tandis qu'on repréſente devant
un très petit nombre de Spectateurs la Pupille
de Fagan , dont la farce que nous avons citée
n'eft qu'une platte imitation . Nous engageons
les Hiftoriens à profiter des idées que
nous leur préfentons ; elles peuvent jeter un
grand jour fur les caufes de la décadence de
l'Art Dramatique , & faire connoître pourquoi
parmi tant d'Auteurs, de Comédiens, &
de prétendus Connoiffeurs , il va fi peu de
talens & un fi grand nombre de mauvais
Juges.
( Cet Article eft de M. de Charnois. }
DE FRANCE
. 35
SPECTACLES
.
ACADEMIE ROYALE DE MUSIQUE.
ON continue les repréſentations
du SeigneurBienfaifant
; & le fuccès de cet Opéra ,
qui a celle dêtre équivoque
après les retranchemens
faits au troiième Acte , augmente
de jour en jour d'une manière trèsmarquée.
La caufe en eft fimple ; l'intérêt eft
le reffort le plus puiffant de tous ceux que
peuvent employer les Auteurs Dramatiques
,
& on en trouve beaucoup dans ce petit Ouvrage.
On a murmuré long - temps , l'on
s'élève encore quelquefois
contre le trop
grand ufage de ce qu'on eft convenu d'appeller
des effets , & l'on ne peut qu'approu
ver ces murmures : cependant , il faut diftinguer
les Scènes , & convenir que fi l'ont
a raifon de blâmer les Auteurs qui fubftituent
le preftige de la Pantomime
aux beaux
développemens
qu'exige le Théâtre de la raifon
, on doit des éloges à ceux qui ont le bon
efprit de porter des fituations brillantes .
agréables en même-tems à l'oeil , à l'ame &
à l'efprit , dans un ſpectacle ,
Où les beaux Vers , la Danfe , la Mufique ,
L'Artde tromper les yeux par les couleurs,
"
86 MERCURE
L'Art plus heureux de féduire les coeurs ,
De cent plaifirs font un plaifir unique.
Le Seigneur -
Bienfaifant eft du genre de
ce qu'on nomme en France l'Opéra Comique
; mais c'est le genre anobli , & preſenté
avec tous les
acceffoires qui font du reffort
de l'Opéra , & qu'on a droit d'y exiger . Cet
effai , dont les fuites font
heureuſes , prouve
que le Théâtre de
l'Académie Royale de
Mufique , eft
fufceptible de
repréſenter avec
fuccès les
Ouvrages de tous les genres , qu'il
ne lui manque que des Auteurs capables de
l'enrichir de
Drames dont il a befoin , &
que même une intrigue comique , mais fimple
, gaie fans
bouffonnerie ,
ménagée , conduite
avec art ,
pourroit y
recevoir un accueil
favorable. Il fe
trouveroit peut - être
quelques
Littérateurs affez
courageux pour
tenter une pareille
entreprife ; mais où trou
ver un
Muficien qui veuille
deſcendre jufqu'à
la Comédie ,
aujourd'hui que le démon
tragique s'eft emparé de toutes les têtes muficales
, & leur infpire du mépris pour tous
les fujets qui ne
portent pas avec eux la
terreur ou la pitié ? Quand ferons- nous donc
affez fages pour enrichir nos Arts des découvertes
que nous
apportent les
étrangers
fans céder à la manie bizarre
d'abandonner
le
caractère que la Nature nous a donné ,
pour en revêtir d'autres qui nous font étran
gers , & qui ne font de nous que des finges.
mal-adroits &
ridicules ?
DE FRANCE
, 87
COMÉDIE
ITALIENNE
.
ON a repréſenté
à ce Théâtre deux Ouvra- ges nouveaux
. L'un eftune Comédie
en quatre
Actes & en Profe , ayant pour titre le Dormeur
Éveillé. Comme
l'Auteur
y fait des changemens
confidérables
, nous n'en parle- rons que quand on l'aura remis fous les
yeux du Public. La févérité
des Spectateurs
n'a point effarouché
la docilité
de l'Auteur
& cette conduite
fi louable, fi peu d'uſage parmi nos Artiſtes , nous fait une loi de
l'indulgence
.
-
L'autre eft un Opéra
Comique
en trois Actes , & en Vaudevilles
, intitulé : les Etrennes
de Mercure, ou le Bonnet Magique
. Un M. Géronte
reçoit des Etrennes
de la part de Jupiter ; elles lui font apportées
par Mercure
, & confiftent
en un Bonnet
ma- gique. Toutes les fois qu'il en fera coëffé ceux qui lui parleront
feront obligés , mal- gré eux , de s'expliquer
fans fard. Sa fa- tale curiofité
lui coûte cher , & lui fait trouver
de la perfidie
dans le coeur de ceux qu'il croyoit
les plus attachés
à ſa perfonne
.
Voilà en deux mots l'idée des nouvelles
Etrennes
. Ce cadre n'eft pas neuf, & la Pièce n'a point eu de fuccès ; l'efprit
& la gaîté qu'on a remarqués
dans plufieurs
couplets n'ont pas empêché
le Public de témoigner du mécontenteinent
fur certaines
plaifame88
MERCURE
ries , qu'on auroit voulu voir couvertes
d'une gaze plus fine & plus épaiffe . Il faut
efpérer que cette petite difgrace engagera
les deux Auteurs de cette bagatelle , à mettre
plus de travail & de circonfpection dans
les autres Ouvrages qu'ils fe propofent de
porter fur le même Théâtre.
VARIÉTÉ S.
MEDAILLE CARAIBE , frappée à Londres en
1773 , pour l'Ile de Saint Vincent , conquile en
1778 par les armes du Roi.
Cette Médaille , dont la poffeffion devient un trophée
à la gloire du Roi , a été mife fous les yeux de
Sa Majefté par M. le Comte de Maurepas , à qui
M. de Montdenoix , Intendant de la Guadeloupe, a
eu l'honneur de l'adreffer.
D'un côté on voit la figure de Georges 111,
Roi d'Angleterre ; fur le revers, un Caraibe , dans
une poſture humble & foumife , fes armes aux
pieds de Minerve , qui lui préfente une branche d'oli
vier , avec ces mots Anglois : Peace and profperity
to Saint-Vincentz ; & au bas , M. DCC. LXXIII .
A l'ombre des lauriers de France ,
Saint- Vincent , grâce à nos exploits ,
Goûte le calme & l'abondance
Qu'on lui promit fous d'autres lois,
DE cette heureufe deftinée
Londre avoirle preffentiment:
On s'en convaincra par l'année
De fon faftueux monument.
DE FRANCE. 89
SCIENCES ET ARTS.
DÉCOUVERTES.
JUSQU'A préfent les Phyficiens ont
cru
que les corps électrifés fe répouffent après s'être
attirés ; ils déduifent cet effet d'une force répulfive
effentielle aux globules électriques , principe
fondé en apparence fur des phénomènesinvariables ;
M. Marat eft parvenu à reconnoître que ce principe
, univerfellement admis , eft deftitué de fondement.
Voici de quelle manière. Après avoir ifolé
fur des cordons de foie neuve un gros fil-d'archal
terminé par des boutons , il y fufpend deux boules
de liége à des fils égaux , de manière qu'elles fe touchent
, & que les fils foient perpendiculaires ; enfuite
il met en contact, avec un des boutons du fil - d'archal
, le crocher de la bouteille de Leyde bien chargée
. A l'inſtant les boules s'écartent , puis elles reftent
en contact , quoique la bouteille ne foit pas
déchargée . Or , conclut l'Auteur , fi la répulfion des
corps électrifés venoit d'une force répulfive effentielle
aux globules électriques , le rapprochement des
boules feroit impoffible tant que la bouteille continue
d'être électriſée , parce qu'une caufe conftante
a néceſſairement un effet conftant. Mais il ne borne
pas -là fes preuves. Après avoir fufpendu de la même
manière les boules de liége à un petit cylindre
arrondi par les bouts , & viffé tranfverfalement à
l'extrémité d'un gros fil - d'archal introduit à travers
un bouchon dans un grand récipient de verre
il fixe l'autre extrémité dans un trou pratiqué au
>
༡༠ MERCURE
bouton du conducteur , puis il interdit tout paffage
à l'air au moyen d'un enduit de cire appliqué au
bouchon enfin , il fait le vuide. Dès qu'on électrife
le fil- d'archal , les boules s'écartent beaucoup
moins qu'en plein air. Si le vuide eſt porté à un
haut degré , quelque violemment qu'on électrife le
fil-d'archal , les boules ne s'écartent point du tout
durant quinze à vingt fecondes. Si leur repulfion
venoit de la cauſe à laquelle on l'attribue , conclut
encore M. Marat , elle devroit être plus marquée
dans le vuide qu'en plein air , parce que cette caufe
n'y eft pas contre - balancée comme dans l'atinolphère
: ainfi , libres de compreffion , les globules élec
triques devroient s'écarter beaucoup plus . Puis donc
que les boules reftent unies, quoique fortement élec
trifées , le fluide électrique n'eft pas doué d'une
force répulfive effentielle à fes globules.
Après avoir démontré que ces globules ne fe repouffent
pas , M. Marat prouve qu'ils s'attirent , &
toujours à l'aide d'expériences faites dans le vuide ;
ainfi , au lieu d'être en contact , fi , ces boules font
efpacées d'une ligne , dès qu'on viendra à électrifer
le fil- d'archal , elles s'attireront jufqu'à fe toucher."
Si elles font efpacées de fix lignes , elles s'attireront
& fe rapprocheront de la moitié de l'efpace intermédiaire.
Vient- on à diminuer la quantité de fluide
électrique qui afflue aux boules, fimplement en approchant
du fil - d'archal le bout du doigt fans toutes
fois tirer l'étincelle , les boules s'attireront avec
violence & fe toucheront à l'inftant ; ce qu'il y a
d'étrange , c'eft qu'elles fe touchent au moment
où l'on approche le doigt & au moment où on le
retire .
Il femble donc hors de doute que les globules
électriques s'attirent mutuellement, loin de fe repouffer
; mais M. Marat ajoute que la divergence
des rayons d'une aigrette n'eft produite que par la
DE FRANCE.
réfiftance de l'air ambiant ; & la raison qu'il en
donne, c'est que dans le vuide porté à certain point,
ces rayons le réuniffent , & forment toujours des
jets continus de même groffeur : or , le contraire
devroit néceffairement arriver fi leur divergence
venoit d'une force répulfive effentielle aux globules
électriques ; car plus l'air eft raréfié , moins il oppoferoit
de réfiftance à ces globules , s'ils tendoient à
s'écarter l'un de l'autre.
Conféquence de cette Découverte.
On fait que les Phyficiens ont coutume de déduire
les phénomènes de l'électricité & de l'attraction des'
globules électriques par toute autre matière , & de
la répulfion réciproque de ces globules. En renfermant
la fcience dans les bornes du vrai , cette
découverte facilitera les moyens de ramener les
effets à leurs caufes , & fimplifiera fingulièrement
les explications . Perfonne n'ignore que ce qui, juf
qu'à préfent, s'eft le plus oppofé à une connoiffance,
exacte de la nature du fluide électrique , c'eft qu'il
échappe toujours à l'examen de l'Obfervateur , ou ,
s'il vient à briller à les yeux , c'est pour un inftant
fi court , qu'il eft impoffible de l'obferver. Or , les
Phyficiens n'ont trouvé d'autre moyen d'obvier à
get inconvénient , que d'augmenter le volume de
leur appareil , expédient inutile ; car pour avoir accumulé
une plus grande quantité de fluide fur un
corps , ils ne diminuent pas la vélocité de fon mouvement.
Mais dans les expériences par lefquelles
M. Marat démontre que les globules électriques
s'attirent , ce fluide forme fous les yeux du fpectateur
des courans continuels qu'il peut examiner à fon
aife , & foumettre à toutes fortes d'épreuves durant
des heures entières .
Parmi les inftrumens inventés par M. Marat , il
92 MERCURE
en eft un dont les effets font auffi fimples que fur
prenans. C'eft un nouvel électromètre fait d'un petit
vale de verre blanc , doublé d'une feuille d'étain aux
deux furfaces jufqu'à trois lignes du collet , & bouché
avec du liége recouvert de cire molle . Au milieu
du bouchon pafle un crochet , dont l'extrémité
inférieure communique avec la doublure interne ,
& l'extrémité fupérieure fe termine en bouton. Le
vafe fe pofe fur un pied- d'eftal en bois doublé d'étain.
De ce pied & le long du vafe s'élève un tuyau de laiton
, où coule une tige graduée légèrement recourbée
, & terminée par un bouton qui correfpond à
celui du crochet , s'en approche à volonté , & fe
fixe à l'aide d'une vis de preffion . Dès que le crochet
eft en contact avec le conducteur , le vafe fe
charge conftamment au même point par un même
nombre de tours de roue , puis il le décharge de
lui -même en plein air plus ou moins vîte , à raison
de la diftance où font ces boutons l'un de l'autre.
Ainfi , marquant à l'oreille le réſultat de chaque expérience
, il devient une eſpèce de répétition électrique.
Cet inftrument ne forme pas feulement l'élec
tromètre le plus fimple , le plus exact , le plus propre
à comparer la force de différentes machines
électriques placées dans un même lieu , mais il
devient l'électromètre le plus commode ; car pour
être en expérience , il n'a befoin que d'être fucceffivement
mis en contact avec les différens conducteurs
, & il n'exige pas que l'Obfervateur foit dans
l'inaction.
très
On conçoit bien que cet inftrument eft de même
propre à déterminer les temps & les climats les
plus favorables à l'électricité ; mais fon utilité ne
fe borne pas-là . En adaptant au crochet des pointes
plus ou moins aigües , il fert à mefurer avec préci
fion leur fphère d'activité. En changeant la groffeur
& la diftance de fes boutons , il fert auffi à détermiDE
FRANCE. 93
ner l'action de l'air fur le fluide électrique . En comparant
la diftance de fes boutons à la hauteur du
mercure dans le tube de Torricelli , il fert encore à
déterminer la quantité de ce fluide dans les différentes
régions de l'atmosphère . Enfin , en variant la
forme de fes boutons , il fert à déterminer la pref-.
fion de l'air fur ce fluide accumulé dans des corps
dimenfions données.
de
Puifqu'il détonne toujours à une distance d'autant
plus grande qu'il eft armé de plus petits boutons , il
eft hors de doute que c'eft par la preffion de l'air
ambiant que le fluide électrique eft retenu fur les
corps où il s'accumule. Pour paffer en maffe d'un
corps à un autre , il doit donc déplacer la colonne
d'air interpofée ; plus cette colonne eft confidérable
moins elle eft déplacée aifément. De ce principe fi
Simple décoale clairement toute la théorie des pointes
, théorie encore fi obfcure pour les Phyficiens.
Moins l'air ambiant a de denſité , moins il s'oppofe
au paffage du fluide électrique . Farvenu à certain
degré de raréfaction , il ceffe même de s'y oppofer
efficacement , d'où il fuit que ce n'eft qu'en
vertu de la preffion de l'air que la bouteille de Leyde
détonne ; ainfi les phénomènes de la détonnation ne
doivent point avoir lieu dans les couches fupérieures
de l'atmosphère ; & d'après les expériences de l'Auteur
, il eft conftant que la bouteille ne fauroit fe
charger ni détonner fur le femmet des plus hautes.
montagnes. On voit du premier coup d'oeil le
grand jour que ces nouveaux principes doivent répandre
fur la théorie de la foudre , théorie que l'Auteur
fe propofe de donner au Public fous peu de
temps.
94
MERCURE
GRAVURES.
CINQUIÈME INQUIÈME Livraifon de la Defcription particulière
de la France , Département du Nord , Gouvernement
de Bourgogne , troisième Cahier. A Paris ,
chez les fieurs Née & Mafquelier , rue des Francs-
Bourgeois. Les Éditeurs préviennent le Public que
la première Partie du texte de cet Ouvrage eft im
primée , & que la diftribution n'en a été fufpendue
qu'à caufe de la gravure des Vignettes : on y joindra
la lifte des Soufcripteurs. On prie les Perfonnes
qui voudront y être infcrites , d'envoyer leurs noms ,
qualités & demeures d'ici au 15 de ce mois.
A
ANNONCES LITTÉRAIRES.
LMANACH néceffaire , ou Porte - feuille de
tous les jours , pour l'année 1781 , in 12. Prix ,
3 liv . A Paris , chez Piffot père & fils , Libraires ,
& chez Didot , Imprimeur Libraire , quai des Auguftins.
Cet Ouvrage , vraiment digne de fon titre ,
a paru pour la première fois en 1780. Dans le Volume
de cette année on trouve plufieurs articles
nouveaux qui ajoutent à fon utilité tels font le
Tarif des Diamans , le Tarif du prix des Carroffes
de place & des Voitures des environs de Paris jufqu'a
fix & fept lieues ; le Tableau comparé des
poids & mefures de Paris avec ceux des principales
Villes de l'Europe ; des connoiffances fur les Billets ,
les Lettres- de-change , les Payemens , les Protêts & les
ufages de la Jurifdiction Confulaire de Paris , &c. &c.
Avec ce Livre , les Particuliers feront difpenfés de
DE FRANCE.
95
7
recourir aux lumières des Gens - d'affaires dans un
grand nombre de circonſtances.
Réflexions Philofophiques fur la* Civilisation ,
par M. de la Croix , in- 8 ° . n° . 4. Prix , 1 liv.
A Paris , chez Belin , Libraire , rue S. Jacques.
L'Art d'effayer l'or & l'argent , avec figures , par
M. Sage , in-8 ° . Prix , 2 liv . 8 fols . A Paris , chez
Didot le jeune, Imprimeur-Libraire , quai des Auguſtins.
Naufrage & Aventures de M. Pierre Vimet ,
Capitaine de Navire , nouvelle Édition , Volume
in- 12 . Prix , 2 liv. A Paris , chez Lejay , Libraire ,
rue Neuve des Petits - Champs.
Les Deux Billets , Comédie en un Acte. - Jeannot
& Colin , Comédie en trois Actes & en profe ,
repréfentées par les Comédiens Italiens . in- 8 ° Prix ,
1 liv. 4 fols chacun. A Paris , chez la Veuve Ducheſne ,
Libraire , rue S. Jacques.
Effai fur la conftruction des Voitures à transpor
ter les lourds fardeaux dans Paris , avec figures ,
publié par M. Feutri , in-4º . A Paris , chez Lamy ,
Libraire , quai des Auguſtins.
Dictionnaire étymologique & raifonné des Racines
Latines à l'ufage des jeunes Gens par M.
Court de Gibelin , Volume in- 8 ° . A Paris , chez
l'Auteur , rue Poupée , & chez Saugrain , Libraire ,
quai des Auguftins. Le Dictionnaire étymologique
de la Langue Grecque & Françoife , par le
même Auteur , eft fous preffe ; il fera dans peu
diftribué aux Soufcripteurs.
Théâtre de M. Cailhava , 2 Volumes in - 8 °.
Prix , 6 liv. A Paris , chez la veuve Duchefne ,
Libraire , rue S. Jacques ; Efprit ; Libraire , au Pa
$ 6 MERCURE.
lais Royal ; Barrois le jeune , Libraire , quai des
Auguftins ; & Jombert le jeune , Libraire , rue Dauphine.
L'Amour Conjugal , in- 8 ° . A Paris , chez Efclapart,
Libraire , Pont Notre- Dame.
Quinzième Nuit d'Young , traduite en vers
François , par M. L. de Limoges , in- 12 . A Limoges
, chez Chapouland , Libraire.
Les Etrennes du Goût , ou l'Art d'embellir les
Dames A Paris , chez Defventes , Libraire , rue
Jacob , & à Meaux , chez Prudhomme.
Hiftoire des Hommes , ou Hiftoire nouvelle de
tous les Peuples du Monde , Partie de l'Hiftoire
ancienne , Tome IX , in- 12 . A Paris , chez M.
de la Chapelle, rue Baffe , Porte Saint Denis .
EPITRE
Fakir ,
TABLE.
à l'Éditeur du Les Amours & la Mort de
49 Didon , Poëme , 76
Couplets chantés à M. & Hiftoire Univerfelle des Thea
Mde..
Enigme & Logogryphe ,
Euvres de M. Boje d'Antic ,
Le GénieVengé ,
Comédie Italienne ,
52 tres de toutes les Nations , 78
ss Académie Roy. de Mufiq. 85
87
58 Variétés ,
88
67 Découvertes ,
8.9
94
72 Annonces Littéraires . ib.
Le Grand Euvre de l'Agri- Gravures ,
culture ,
APPROBATION.
J'AI lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 13 Janvier. Je n'y ai
rien trouvé qui puiſſe en empêcher l'impreffion. A Paris ,
le 12 Janvier 1781. DE SANCY.
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 20 JANVIER 1781 .
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
RETOUR DE PROVENCE ,
A l'Auteur de l'Hymne au Soleil.
JE les ai parcourus , ces vallons enchanteurs ,
Où la figue mûrit fous fon ample feuillage ;
J'admirois ce beau ciel , plus large & fans nuage , *
Où flottent les parfums des orangers en fleurs.
Mais fon éclat trop vif a fatigué ma vue ;
De l'effort de mes fens mon ame eft abattue .
Je regrettois le jour d'un plus doux horizon ,
Les détours des ruiffeaux que borde un frais gazon ;
Nos lointains , terminés en vaſte amphithéâtre ,
L'aſpect fuyant des monts & leur chaîne bleuâtre...
TRIANON , Saint- Germain , Bellevue & Meudon ,
Hic largior ather. VIRG.
Sam. 20 Janvier 1781. E
98 MERCURE
Séjours dignes des Dieux & des Fils d'Henri- Quatre,
Que je vous defirois ! ô mon pays , pardon !
Tes rochers calcinés , à la cîme grisâtre ,
Attriſtoient mes regards , effrayoient ma railon,
Tes monts font des volcans antiques , formidables,
Solitaires déferts , dont les triftes échos
Ne répondent jamais à la voix des troupeaux.
Ces abyfmes noircis , fombres , inhabitables ,
Tous ces rocs entaffés , image du chaos ,
Furent en proie aux feux , ou creufés par
les flote
J'y vois de l'Océan les empreintes durables ,
Et les conques des mers parmi tous les métaux :
Mais l'oeil y cherche en vain d'utiles végétaux.
Là , fur l'aride ſein d'une terre durcie,
Eft éteint pour jamais le germe de la vie ;
Là des buiffons fans sève , & de foibles rameaux
Sont les fruits malheureux d'un fol fans énergie.
OH ! que j'aime bien mieux nos champêtres coteaux ,
Nos rians boulingrins , la fcène des villages ! .....
Ces bois harmonieux , où mille & mille oifeaux
Des fruits de leurs amours fufpendant les berceaux ,
Par la variété du verd de leurs feuillages
Embelliffent les fonds de ces charmans tableaux ,
Qu'il eft doux d'habiter les riches païlages
Qui de Blois au de Tours couronnent les rivages !
Ces rivages bordés de jardins , de châteaux ,
Où refpirent encor les touchantes images.
Des plus rares Beautés & des plus grands Héros !
DE FRANCE. 99
#
Que j'aime à m'égarer vers les fombres bocages
Que recèle Mélé dans fon fuperbe enclos ,
Et promener mes pas autour de ces hameaux ,
Où Dufort, digne ami des Arts qu'il encourage ,
Du fein de Chiverny , magnifique apanage ,
Eft l'efpoir & l'amour des plus heureux vaſſaux !
Aux flots dévastateurs , qui grondent vers les plages ,
A ces immenfes mers , empire des orages ,
Que peuplent , il eft vrai , d'officieux vaiffeaux ,
Mais trop fouvent , hélas ! couvertes de naufrages ,
Marſeille ! je préfère , ( excufe ces aveux )
Nos lacs profonds & clairs , où fur l'azur des cieux
Se peignent renversés les mobiles ombrages ,
Et le pêcheur tranquille , aflis fur nos rivages,
Aux habitans des eaux tendant un piége heureux
Et nos troupeaux , cachés dans de gras pâturages ,
Et nos bleds ondoyans , & nos hameaux nombreux.
De ces piquans afpects que mon ame eſt charmée !
J'ai revu , fans plaifir , le fileux olivier,
Qui prête fi peu d'ombre à la Bergère aimée ,
Le luxe infructueux des palmes d'Idumée
Et les jets odorans du ftérile laurier.
La terraffe brûlante , & l'aride gravier
Où rougit du muſcat la grappe parfumée ,
Près de quelques cédras , & d'un verd citronier ,
Les jardins refferrés où l'or de la Caffic
E ij
100 MERCURE
Se marie à l'argent du jafmin d'Ibérie ;
La Grenade & fes fleurs , l'épineux jujubier ,
Valent-ils ces beaux parcs , où l'Art & la Nature
Frappent le ſentiment autfitôt que les yeux ?
Valent-ils ces berceaux , ces bois délicieux
Qui voûtent dans les airs leur tremblante verdure ?
Quand je vais y rêver , au retour du printemps ,
Un charme univerfel fe répand fur mes fens ,
Il les enchante tous , il en confond l'ufage ;
Avant de la fentir je crois voir la fraîcheur.
La lumière moins dure , à travers le feuillage ,
Adoucit fon éclat , tempère fon ardeur:
Les branchages fleuris du chevrefeuil fauvage ,
Les fucs du peuplier , la menthe du rivage ,
Exhalent dans les airs la plus fuave odeur ;
Enfin , l'enchantement paffant jufqu'à mon coeur ,
D'un bonheur qui n'eft plus ces lieux m'offrent
l'image ,
Et de doux fouvenirs font encor mon bonheur.
PLATANES élancés , chênes , troncs féculaires ,
Vénérables ormeaux , fycomores pompeux ,
Salut ; je vous revois , forêts hofpitalières ,
Daignez me recevoir fous vos toits fpacieux ;
Qu'à tout fenfible coeur vos retraites font chères !
Ici le Laboureur , les troupeaux , leurs Bergères ,
De l'été devorant viennent braver les feux.
Votre filence plaît aux amans malheureux .
Le fage fuit en paix vos fentiers folitaires ;
DE ΙΟΙ FRANCE...
Satisfait d'être feul loin des penfers vulgaires ,
Le Poëte y reffent le fouffle infpirateur ;
Pour moi , ( de fon penchant on fuit l'attrait van-
·¡ queur )
Je viens y déplorer les humaines misères ,
Méditer la Nature , approfondir mon coeur.
J'y détefte , en pleurant , la démence des guerres ,
Ces grands affaffinats des peuples en fureur,
Long & tragique deuil pour les deux hémisphères ;
Et je m'écrie : heureux qui jouit , loin des camps ,
Des charmes du repos , des douceurs de l'aifance ,
De loi-même , des arts , & des plaifirs touchans ,
Des céleftes plaifirs , fruits de la bienfaisance !
Je possède ces biens fi purs , fi confolans ;
J'entends la douce voix de la reconnoiffance ;
Mes amis , avec moi , cultivent les talens.
Leurs fuccès font les miens , & les feuls où j'aſpire ,
Pourvu qu'en mes écrits l'honnêteté refpire ,
Qu'ils peignent les objets de mes goûts innocens ,
Que la Porte les life , & leur daigne fourire ,
La Porte , dont le goût dicte les jugemens ,
Je méprife les traits de l'obfcure fatyre.
EH ! qu'importe , en effet , que d'une foible main ,
Timon , pour fatisfaire à fon beſoin de nuire ,
Au bord de fon tombeau , tende un arc incertain
Pour percer un Auteur qu'en fecret il admire !
Ses efforts impuiffans excitent la pitié ,
Et l'on rit d'un jaloux , rimeur o &ogénaire ,
E iij
102 MERCURE
T
Qui, cédant aux tranfports d'un zèle atrabilaire,
Infulte en mauvais vers le goût & Famitić.
AH! loin des froids pedans , artifans de cenfures,
Dont l'effet eft d'aigrir , & le but d'offenfer ,
Heureux l'Auteur, qui joint dans fes doctes peintures,
Au don de bien ſentir , au grand art de penfer ,
Le goût des voluptés délicates & pures,
Et le talent exquis de nous les retracer !
L'imagination , qu'il a tendre- & flexible ,
» A tous les yeux charmés rend fon ame viſible.
A peindre ce qu'il aime occupant fes loisirs,
» Il arrive à la gloire en chantant fes plaifirs. »
Four lui , dans ces tableaux que fon pinceau nuance ,
Le travail de produire eft une jouiffance.
Comme il touche nos coeurs lorsqu'il répand le fien!
L'amour de la vertu devient fon éloquence.
S'il raconte les jeux de fon heureuſe enfance ,
J'en jouis avec lui , fon bonheur eſt le mien ;
Ses chants , faits pour charmer l'amitié confidente,
Sans prétendre à l'éclat de la célébrité,
Ses chants , pleins des douceurs de fa vie innocente,
Seront tous entendus de la poftérité.
Voilà l'Auteur aimé , le fage , l'honnête homme:
Tule cherches, Reirac , & ma Mufe te nomme.
( Par M. Bérenger. )
DE FRANCE
103
AVIS AUX PEINTRES.
VOULEZOULEZ
-VOUS , à la fois , faire un tableau fidèle ,
Intéreffant, moral fans être moins galant ?
Préparez vos couleurs ; peignez , rivaux d'Apelle ,
Peignez. L'occafion est belle
Pour honorer votre talent.
UNE Nymphe au fvelte corfage ,
Plus de charme que de beauté,
D'air noble que de majeſté ,
Voilà quel eft le perſonnage
Dont le premier plan de l'Ouvrage
Doit offrir le portrait au regard enchanté.
Sur fon front couronné des mains de Terpfycore ,
Vous ferez refpirer encore
Et la décence & la gaieté.
Les Grâces , à l'envi , s'uniront avec elle.
D'un côté Melpomène , & ſa folâtre ſoeur ,
Recevant de la Nymphe un fourire flatteur ,
Paroîtront s'affurer d'une gloire nouvelle. *
Que de l'autre , l'Amour , avec un air vainqueur ,
L'Arc & la flèche en main , foit mis en fentinelle.
Que fur-tout , au fond du tableau ,
Vers de ruftiques toits , votre ſavant pinceau
* Ballets de Médée , de Ninette , &c.
E iv
104
MERCURE
Repréſente la Bienfaiſance ,
Prodiguant des fecours à mille malheureux ,
Qui , pour jufte tribut de leur reconnoiffance ,
Adreffent à la Nymphe , & leurs pleurs & leurs voeux.
AVEC ces attributs , croyez , fans méfiance ,
Que le portrait doit plaire à la Nature , à l'Art.
N'eût-il point d'autre reffemblance ,
On y reconnoîtra Guimard.
( Par M. de Saint- Marc. )
Note de l'Auteur. Ceux qui connoiffent les talens
fupérieurs de Mlle Guimard , s'ils ont auffi connu fon
ame ou mon caractère , attefteront la vérité de ce tableau.
Explication de l'Enigme & du Logogryphe
du Mercure précédent.
LE mot de
l'Enigme eft
l'Espérance ;
celui du
Logogryphe eft Caftor, où le trou
vent cas , cor, tor, Scot, fac , or , rat , tofa,
foc ,for, Caftro , fot , cras , rofa , tros , at,
cor , aft, rota , fat , ros , fator, os , caro ,
Cato , fort , as , OS.
ÉNIGM E.
CONFIDEN VONFIDENTE Sûre & fidelle
De l'Amour & de l'Amitié ,
Ne craignez point que je révèle
Le fecret qui m'eſt confié.
DE FRANCE. 105
Quelquefois pourtant je babille
Tout autant ou plus qu'une fille ;
Mais mon fecret n'en fouffre rien.
Par mon babil jamais il ne tranſpire ,
Je me ferois hacher plutôt que de le dire ;
Et
pour l'avoir , il faut m'ouvrir le fein .
Mais voici bien d'autres merveilles :
Muette & bavarde à la fois ,
Je m'exprime fans bouche, & fans langue & fans voix,
pour m'entendre il ne faut point d'oreilles. Et
Par M. P. , de Brie Comte Robert. }
LOGO GRYPH E.
MON tout , qu'un cerveau défoeuvré
Ici décompofe & mutile ,
Vaudroit beaucoup mieux préparé
Par quelque Cuifinier habile.
De mes fept pieds le chef ôté ,
Je fais un habit ufité
Dans mainte Églife & maint Chapitre ;
Mais en n'ôtant que le dernier ,
Je fais ce qui , dans un moûtier ,
Tourne bien plus que le pupitre..
( Par M. Guérin , Mare Perruquier. )
Ev
106 MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
HISTOIRE des Gouvernemens du Nord,
ou de l'origine & des progrès du Gouver
nement des Provinces Unies , du Danemarck,
de la Suède , de la Ruffie & de la
Pologne, jufqu'en 17775 Ouvrage traduit
de l'Anglois de M. Williams , dans
lequel on développe les reffources &
l'état actuel des Gouvernemens du Nord,
Vol. in- 12 . A Paris , chez Pillot , Libraire,
Quai des. Auguftins.
CE n'eft point ici une de ces Hiftoires
compofées avec d'autres Hiftoires ou Annales
, ou Mémoires particuliers , par un de
ces Écrivains fédentaires qui n'ont jamais vu
ni les Pays , ni les Peuples , ni les Perfonnages
dont ils parlent. M. Williams , Auteur
de cet Ouvrage , a imité les anciens
Hiftoriens qui voyageoient dans les lieux
qu'ils vouloient décrire , & qui avoient été
le théâtre des événemens qu'ils avoient à
développer. Ha commencé par confacrer
cinq années de fa vie à voyager en Hollande
, en Danemarck , en Suède , en Ruffie
& en Pologne. Pendant un fr long intervalle
, dit-il dans une Introduction trèsbien
faite, je n'ai jamais perdu cet Ouvrage
de vue ; je me fuis occupé conftamment de
DE FRANCE. 107
l'étude de ces cinq Nations ; j'ai voulu tout
voir & tout obferver , & j'ai tâché enfuite
de raiſonner fans prévention & fans partialité
fur les faits & les obfervations que
j'avois recueillis . Je me fuis attaché , pourfuit-
il , à fuivre les progrès du Commerce
& de la Richeffe , du développement & de
la puiffance des États du Nord , à montrer
l'effet des Adminiftrations foibles ou violentes
, de la corruption & du défordre des
Peuples , de la faction & de l'entêtement des
Princes qui renverfent les Gouvernemens
les mieux établis. Je me propofe d'expofer
l'origine , les progrès & l'état actuel des
Gouvernemens du Nord , d'approfondir la
nature & la conftitution de ces différens
Etats , de montrer ce que la pofition , le caractère
national & la Religion produisent de
particulier à chacun , d'examiner le Commerce
& fes fources, les ufages du Peuple ,
les forces & les revenus qui ont aggrandi
chaque Gouvernement en particulier , & les
circonftances qui ont contribué aux différentes
révolutions.
L'Auteur indique les fources où il a puilé,
les Livres originaux qu'il a confultés , les
Hommes d'État avec lefquels il a vécu , &
qui lui ont donné des fecours & des lumières.
Il s'eft ouvert non - feulement les
Bibliothèques les plus curieufes , mais quelquefois
même des Amirautés , des Douanes ,
des Colleges de Finance , des Archives , & c.
&c. en un mot, il n'a rien oublié de ce qui
E vi
MERCURE
7
pouvoit rendre fon Ouvrage utile & inf
tructif.
On fent qu'un Ouvrage de cette impor
tance ne fauroit être fufceptible d'un extrait.
Ce font pour ainfi dire cinq Hiftoires différentes
qui mériteroient chacune le leur..
Mais il fuffit de faire connoître un Livre
qu'on pourroit appeler l'Hiftoire Philofophique
& Politique du Nord , où l'Auteur
remplit toutes les promeffes qu'il a faites
à fon Lecteur dans fon Introduction , qui
joint au mérite d'avoir bien traité les Épo
ques les plus brillantes de l'Hiftoire ancienne
des Contrées Septentrionales , le mérite
plus piquant de conduire le fil hiftorique
jufqu'à l'année 1777 , d'entrer dans le
détail des plus grands événemens dont la
Ruffie , la Suède & la Pologne ont été le
théâtre , & où l'Auteur , afant avec décence
de la liberté d'un Philofophe Anglois , fait
accorder le refpect dû à des Noms auguftes
avec celui qu'on doit à la vérité.
THEATRE DE M. CAILHAVA , 2 Vol.
in-8° . Prix , 6 liv . A Paris , chez la Veuve
Duchefne , Libraire , rue S. Jacques ;
Jombert fils , rue Dauphine ; Eſprit , au
Palais Royal.
Le premier Volume de cette Collection
renferme le Jeune Préfomptueux , Comédie
en cing Actes & en vers , le Tuteur dupé ,
Comédie en cinq Actes & en profe , les
DE FRANCE. 109
Etrennes de l'Amour, Comédie- Ballet en un
Acte , en profe , le Mariage Interrompu ,
Comédie en trois Actes & en vers ; toutes
ces Pièces ont été reprefentées fur le Théâtre
François.
Dans le fecond Volume on trouve Arlequin
Mahomet , ou le Cabriolet Volant ,
Drame Philofophi Comi - Tragique - Extravagant
, en quatre Actes & en profe ; Arlequin
cru Fou , Sultane & Mahomet , Drame
en trois Actes & en profe , dans le genre du
précédent , dont il eft la fuite ; le Nouveau
Marié , ou les Importuns , Opéra- Comique
en un Acte; la Bonne Fille , Opéra Comique
en trois Actes. Ces quatre Pièces ont été
données au Théâtre Italien . On trouve enfuite
un Traité des caufes de la décadence du
Théatre , & des moyens de le faire refleurir.
Ce Voluine eft terminé par l'Egoifme , Comédie
en cinq Actes & en vers , jouée au
Théâtre François , & par un petit morceau
de profe intitulé : Difcours prononcé par
Molière , lors de fa réception à l'Académie
Françoife.
Cette Collection , de la plus confidérable
partie des OEuvres de M. Cailhava , eft
précédée d'une efpèce de Difcours préliminaire
que l'Auteur intitule , Mémoire hiforiquefur
mes Pièces ; morceau curieux .
Nous nous bornerons à quelques détails
fur les principales Pièces qui compofent les
deux Volumes que nous annonçons.
Le Jeune Préfomptueux , ou le Nouveau
110 MERCURE
Débarqué , fut repréfenté le 2 Août 1764
Ce coup d'effai d'un jeune homme nouvellement
débarqué lui-même , ne fut pas heureux.
C'eſt au Lecteur à décider s'il méritoit
de l'être ; mais nous croyons pouvoir affurer
qu'on trouvera dans cette Pièce des Scènes
& des morceaux dignes d'être confervés.
.
Le fuccès du Tuteur Dupé, qui fut joué
quelque temps après , confola pleinement
M. Cailhava. Cette Pièce eft bien intriguée.
Le comique reffort uniquement de fon intrigue
, & le foutient jufqu'à la fin fans le
fecours d'aucun ornement étranger. L'intrigue
eft fondée , comme celles de nos anciens
Comiques , fur une reffemblance & un
déguilement , & conduite par les fourberies
d'un Valet non moins adroit qu'intrigant ;
mais une particularité bien glorieuse pour
fon Auteur , la diftingue de toutes les
Pièces intriguées par les Valets , c'eſt que
dans celle-ci , le Valet qui fait le noeud , fair
auffi le dénouement ; perfection qui manquoit
à toutes les Pièces de ce genre qu'on
avoit données avant celle- ci. Le fond de cette
Pièce eft tiré du Soldat Fanfaron , de Plaute.
M. Cailhava s'applaudit , avec raiſon , de
cette heureufe imitation. Le Tuteur Dupé a
toujours été rejoué avec fuccès à Paris comme
à la Cour , & cet Ouvrage eft du petir nombre
de ceux qui , de nos jours , ont mérité
de refter au Théâtre.
Les Étrennes de l'Amour ne font autre
hofe que quelques Scènes allégories
DE FRANCE
qu'on appelle à tiroir , ornées de chant & de
danfe. M. Cailhava avoue lui -même , que
les épigrammes , les madrigaux , les calembourgs
galans dont ce genre vit , font incompatibles
avec la bonne Comédie ».
Cette bagatelle a toujours fait plaiſir à la
repréſentation.
22
22
Le Mariage Interrompu eft tiré en partie
de l'Épidique de Plaute. C'eft encore une
Pièce dont toute l'intrigue roule fur les fourberies
d'un Valet. Elle réuflit complertement.
On pourra voir , dans les Mémoires que
nous avons annoncés ci - deffus , comment
elle n'eft point reftée au Théâtre . Le ſtyle de
cet Ouvrage eft fimple , facile & naturel,
On pourroit cependant defirer dans cette
Pièce , toute d'intrigue , que le dénouement
fût, ainfi que dans le Tuteur Dupé, une fuite
néceffaire des différens refforts que l'intrigant
fait mouvoir. La réponſe à certe obfervation
eft , peut- être , que dans le Tuteur
Dupé , le Valet intrigue pour tromper un
homme injufte , tyrannique & ridicule , qui ,
dans les principes de toute faine morale
doit être puni de fes injuftices ; au lieu que
dans le Mariage Interrompu , le Valet fe
joue de deux honnêtes gens que la bienséance
ne permettoit pas de rendre jufqu'à la fin
fes dupes ; en forte que le dénouement naturel
de cette Pièce doit néceffairement être
la découverte de toutes les fourberies de
Pintrigant,
A l'égard de l'Egoisme , fi quelques fitua
,
112 MERCURE
›
tions , dont les unes- font hardies & les autres
femblent hafardées , ont rendu douteux
le fuccès des premières repréſentations ,
celles qui ont fuivi ont de plus en plus mérité
à l'Auteur l'eftime & l'approbation des
connoiffeurs. Quand , dans un Ouvrage ,
tel qu'une Comédie de caractères en cinq
Actes , la fomme des beautés l'emporte
fur celle des défauts , la balance doit pen
cher du côté du Poëte.
Arlequin Mahomet ou le Cabriolet
Volant, & la fuite de ce Drame burleſque ,
font des Pièces dans le genre des canevas que
les Acteurs Italiens repréfentoient en improvifant.
M. Cailhava n'eft pas le premier
qui ait effayé fes talens dans ce qu'on appelle
des Arlequinades ; plufieurs de nos Auteurs
célèbres , Regnard , Dufreni , &c. nous
en ont laiffe. Quoiqu'on ne life guère ces fortes
de Pièces , il nous femble cependant qu'on
lira avec plaifir celles que notre Auteur
a rifquées dans ce genre.
La Bonne- Fille eft une imitation de la
Buona Figliola du célèbre Goldoni ; c'eſt
au foin que M. de Cailhava s'eft donné de
traduire cet Ouvrage en François , que le
Public doit le plaifir d'entendre la Mufique
que M. Piccini a faite en Italie fur cette
Pièce. Si l'on confidéroit ce qu'il a fallu
de travail à l'Auteur pour faire difparoître
les plus grands défauts de la Pièce
Italienne , on reconnoîtroit aisément que de
toutes fes productions , c'eft celle qui lui a
DE FRANCE. 113
du couter le plus. Mais fi l'on s'arrête fimplément
aux imperfections qui tiennent à
T'Ouvrage même , & qu'on n'en a , par conféquent,
pu faire difparoître , on penfera que
cette production eft la plus foible de toutes
celles de M. Cailhava . Cependant, il obferve
que la Bonne-Fille eft , de toutes les Pièces de
Théâtre , celle qui lui a rapporté le plus d'argent.
Qu'on juge après cela , ajouta- t'il plaifamment
, du mérite d'une Pièce par la recette.
Nous croyons devoir dire ici quelque
chofe du Traité des caufes de la décadence
du Théâtre , & des moyens de le faire refleurir.
Ce morceau eft le dernier Chapitre de
l'Art de la Comédie , en 4 Vol. , que M.
Cailhava fit imprimer il y a quelques années ,
& qui parut auffi féparément. L'Auteur ,
après un tableau de l'état où fe trouvoit
alors le Théâtre François , dégénéré de nouveau
, comme on fait , par des pertes bien
triftes , & des acquifitions plus triftes encore
, prouve que le feul moyen d'apporter
remède à tous les maux qu'il vient de détailler
, eft l'établiffement d'une feconde Troupe
de Comédiens François dans la Capitale.
Cette idée révolta les Comédiens Ordinaires
du Roi , comme on peut croire , & depuis
ils fe font toujours oppofés au fuccès d'un
projet auffi fage. On a peine à en concevoir
une bonne raifon ; car il eft certain que peu
de temps après qu'il aura reçu fon exécution
, ce qui ne peut manquer d'arriver tô
114
MERCURE
ou tard , l'état de Comédien fera plus eftimé
& plus eftimable ; les Comédiens , plus honnêtes
& plus laborieux , feront plus aimés
& plus fuivis , & cet événement , qu'ils
s'obſtinent à confidérer comme la fource de
leur ruine , feroit au contraire l'époque de
leur gloire & de leurs fuccès . Nous n'entrerons
dans le détail d'aucune des raifons qui
démontrent cette vérité. Le plan de M. Cailhava
a été fi généralement goûté. Plufieurs
Gens de Lettres, jaloux de participer à la gloire
qu'il ne peut manquer de recueillir quelque
jour , en voyant s'effectuer la révolution
qu'il a confeillée , ou craignant que les idées
à ce fujet ne fuffent pas affez généralement
répandues , fe font empreffés de les copier
ou de les modifier à leur manière , dans plufieurs
Brochures qui fe font fuccédées depuis
quelque temps ; nous nous contenterons
donc de rapporter quelques réflexions
nouvelles que l'Auteur a ajoutées à fa differtation,
que les circonftances ont fait naître,
& qui viennent d'elles-mêmes à l'appui de
la vérité dont il veut démontrer l'évidence.
-
« La néceffité , généralement reconnue , dit
» M. Cailhava , d'avoir plufieurs Spectacles
dans une ville immenfe , a fait établir fur
» le boulevard dix petits Theâtres , ( ce
» nombre eſt un peu exagéré ) que le Public
» s'eft peu à-peu accoutumé à confondre
» avec les grands , & que maintenant il leur
"
préfère : il n'eft aucun de ces tripots où
» le Public ne croie voir trois ou quatre
DE FRANCE.
Acteurs faits pour briller parmi les Co-
» médiens du Roi.
9)
ช
» Les Italiens fe font noblement chargés
de leur enlever leurs Acteurs ; le Crifpin
du Bois de Boulogne a débuté fur leur
Théâtre , le fameux Jeannot des Variétés
Amufantes eft paffé fur leur Théâtre.
са
» Les Comédiens François ont fait plus
» ils ont accueilli , avec la plus grande diftinction
, l'Auteur de C'en eft, de ça n'en
eft pas ; ils ont reçu avec acclamation
plufieurs de fes Pièces , ils l'ont jugé digne
» d'avoir le pas fur quarante Auteurs , dont
» les Ouvrages , reçus depuis dix ans , atten-
" doient les honneurs de la repréfentation ;
" ils ont donné deux de fes Comédies dans
moins d'un mois , & ils n'ont pas dédaigné.
de jouer dans la dernière les mêmes Scènes,
a peu- près, qui font aux Variétés Amufantes
l'ornement d'une parade. Ces
» mêmes Scenes, dérobées au boulevard , &
applaudies fur un de fes Théâtres durant
trois ou quatre cent repréſentations, ont
» été fifflées au Louvre , de forte que nos
Comédiens femblent n'avoir affecté de fe
rapprocher de nos Batteleurs , & ne s'être
déclarés leurs émules que pour en demeu
» rer vaincus. >>
"
33
116 MERCURE
+
LA FRANCE ILLUSTRE , ou le Plutarque
François , par M. Turpin , Citoyen de
Saint -Malo. No. 3. A Paris , chez Valade ,
Imprimenr-Libraire , rue des Noyers. #[
GASPARD DE COLIGNI perdit quatre batailles
, défola fa patrie , s'arma prefque
toujours contre fon Roi , & ita la réputation
d'un homme de bien , & l'hiftoire le place
au rang des grands Capitaines ; c'eft que
fans doute
✔
Ses vertus font de lui , fes défauts font de nous.
Il parut dans un fiècle où le flambeau des
Arts ne donnoit encore à la France qu'une
lueur pâle & incertaine ; dans ce fiècle d'hé
roïfme & de férocité , où le généreux lå
Châtenaye fit faire fix balles d'or pour tuer
Charles- Quint dans la mêlée , perfuadé qu'il
feroit indécent de tuer un Empereur avec
des balles de plomb ; où un Colonel Allemand
, au fac de Rome , s'étoit muni d'une
corde de fil d'or pour étrangler le Pape d'une
manière moins vulgaire ; où enfin , la plaifanterie
des Soldats étoit encore d'enfermer
le mari dans la huche , tandis qu'ils violoient
la femme fur le couvercle. Témoins de tant
de crimes atroces , il conçut le projet de réformer
une milice compofée de brigands,
de ribaux , de ruftres & de pillards. Il ofa
efpérer de faire des Citoyens de ces hommes
vils & flétris , que la politique avoit tirés des
DE FRANCE. 117
cachots , pour prodiguér leur fang dans les
combats , parce qu'elle étoit laffe de le répandre
fans fruit fur les échafauds. Tous
ces brigands n'étoient pas fans courage : à
l'exemple de ces anciens Bretons , ils fe peignoient
le vifage , & s'étudioient à fe rendre
difformes pour infpirer plus d'effroi . Leur
malpropreté étoit une efpèce d'art & de
fcience militaire. Ils n'avoient pour vêtement
qu'une chemife à longues manches , d'une
toile ou d'une étoffe groffière , qu'ils ne
quittoient que quand elle étoit ufée. Leur
vanité étoit de découvrir ce que la pudeur
prefcrit de voiler. Les Réitres étoient les
plus ingénieux à défigurer leurs traits .... Les
femmes & les enfans les prenoient pour des
démons fortis des enfers.... Prefque tous Luthériens
, au fac de Rome , ils profanèrent
ce qu'il y avoit de plus facré ; après avoir
violé les femmes de tout âge & de tout
rang , après avoir fouillé les demeures divines
par leur lubricité , après avoir mutilé
ou détruit les ftatues & tous les chef- d'oeu¬
vres de l'art , ils fe promenèrent dans les
rues , vêtus en Cardinaux , qu'ils forçoient
à coup de fabre de leur fervir d'eftafiers &
de laquais , vêtus en bouffons. L'exemple du
mal eft contagieux. On vit les mêmes fcènes
en France , lorfque Cahors fur furpriſe . Les
Huguenots , vainqueurs infolens , alloient
abreuver leurs chevaux vêtus des chapes des
Eglifes , en chantant les Litanies. Celui qui
marchoit le dernier étoit coëffé d'une mître ,
118 MERCURE
& faifoit les fonctions d'Évêque avec des
dérifions infenfées. »
La licence étoit fi invétérée , qu'il falloit
un bras vigoureux pour frapper tant de
coupables. Coligni fe chargea de ce miniltère
de fang. Bientôt on vit , dit Brantome ,
plus de foldats que d'oifeaux pendus aux
branchés. C'étoit fans humeur & fans caprice
qu'il dictoit ces arrêts de mort. Le
foldat avoit coutume de dire : Dieu nous
préferve du cure- dent de notre Général ; il
en avoit toujours un à la bouche , fur - tout
quand il interrogeoit les coupables . Peutêtre
s'égara - t - il par l'idée que la rigueur
exceflive eft un frein falutaire ; & par fon
principe, qu'on ne peut opérer le bien fans
commencer par faire le mal : mais n'ou
blions pas qu'il a annobli une Milice dégradée
, qui fait aujourd'hui la force & l'ornement
de nos Armées ,
Quoiqu'occupé à faire obferver fes ordonnances
, il ne fe difpenfoit d'aucune des
opérations périlleufes . Ce fut lui qui , à la
tête d'une foible garnifon , defendit Saint :
Quentin , dont le Duc de Savoye , Généra
fiffime des Armées de l'Empereur , formoit
le fiége. Coligni , incap ble de confeil & de
crainte , déterminé à s'enfevelir fous les
ruines des remparts , fit jurer à tous les habitans
de tuer le lâche qui propoferoit de fe
rendre. Comme le courage ne fixe pas toujours
la victoire , il fut fait prifonnier , &
conduit dans la citadelle d'Anvers. Pour
1
DE FRANCE 119
diffiper fes ennuis , il demanda une Bible,
où il crut appercevoir la condamnation des
dogmes Catholiques. Sa raifon ébranlée par
ces Livres , où le poifon de l'erreur eft caché
fous les fleurs de l'éloquence , le précipita
dans le parti de l'erreur. Quoiqu'il pût jouir
de fa gloire & de la faveur de fon Maître ,
dégoûté des intrigues & des meeurs volup
tucufes de la Cour , il fe retira dans fes
terres , & c'eft là peut- être qu'il jeta les fondemens
de cette faction redoutable dont il
devint le chef & la victime. Dandelot , fon
frère , s'attacha , comme lui , à la Secte nouvelle,
& même , incapable de déguiſement ,
if manifeftoit fes fentimens au milieu de la
Cour. « L'on avoit intercepté plufieurs de
fes lettres , où il parloit de la Meffe en ter- .
mes fcandaleux. Henri II l'appela pendant
qu'il dînoit pour favoir la vérité par fa
propre bouche ; il lui dit : Dandelot , vous
favez que je vous ai toujours aimé , il court
certains bruits qui m'affligent ; & comme
j'ai pour vous les fentimens que méritent
vos fervices , je veux que vous me difiez
avec ingénuité ce que vous penfez de la
Meffe. Sire , répondit- il , je la regarde comme
une impiété. Le Roi furieux de ce blafphême
fe lève de table, prend un plat, & en voulant
le lui jeter à la tête, il bleffa le Dauphin,
On donna auffi-tôt des ordres pour le conduire
dans une citadelle. La Religion
n'admet guère cette manière de raifonner
& de perfuader. Ce fut celle du Duc de
»
£20. MERCURE
Guife , de ce bon Catholique qui auroit
voulu rompre la tête à tous les Réformés ,
& fur- tout à Coligni , quoique l'amitié la
plus étroite les eût unis pendant plus de fix
ans. Ils avoient été inféparables , avoient
participé aux mêmes divertiffemens , couché
dans le même lit , paru dans les Fêtes & dans
les Tournois , avec les mêmes habits , & toutà-
coup ils furent ennemis implacables. La
caufe de leur refroidiffement fait honneur à
l'un d'eux. Le Duc ayant confulté Coligni
fur le mariage du Duc d'Aumale avec la
fille de la Ducheffe de Valentinois , celui- ci
crut ne pouvoir mieux juftifier cette confiance
qu'en parlant le langage de la verité ::
j'aime mieux , dit- il , une bonne renom .
mée, que toutes les richeffes qu'une femme
pourroit apporter dans ma maifon. Le Duc
interprêta mal la franchiſe de fon ami ; il la
regarda comme la cenfure de fon peu de
délicateffe , ou comme un piège tendu pour
le faire tomber dans la difgrace ; & bientôt,
la caufe du Ciel devint le prétexte de fa,
vengeance. Il fe trouva le Chef de ces lâches ,
ennemis qui achetèrent des affaffins pour
attenter à fa vie. « L'Amiral avoit dans fa
domefticité un jeune homme , d'une famille
honnête , qu'il avoit chargé du détail
de fes affaires ; on intercepta une de fes
Lettres , par laquelle il mandoit à des perfonnes
de la Cour , que la potion qui devoit
les délivrer de leur ennemi étoit préparée.
Coligni l'ayant appelé , lui ordonna d'écrire
Сс
quelques
7
1
DE FRANCE. 121
quelques lignes fous fa dictée : il confronte
les deux écritures & reconnoît le coupable.
Le jeune homme convaincu , fe profterne à
fes genoux , les embraffe , fait l'aveu de fon
crime & en follicite un pardon qu'il obtient.
Quoique fans ceffe environné d'affaffins ,
il marchoit toujours mal accompagné ; &
quand on lui en remontroit le péril , il avoit
coutume de répondre je ferai la moitié de
la peur à quiconque ofera m'attaquer. Un
Gentilhomme Italien , qui depuis long tems
fervoit dans nos armées , & dont la réputation
n'étoit pas bien pure , fe plaignit à lui
de ce qu'on faifoit courir le bruit qu'il étoit
payé pour le tuer. L'Amiral lui répondit
d'un ton dédaigneux je vous crois moins
capable que qui ce foit d'un coup auffi
hardi. "
C'étoit dans l'adverfité que ce grand homme
développoit fon génie fécond en moyens :
calme & prefque impaffible , fon ame étoit
fupérieure aux événemens , dans le moment
même où le Parlement de Paris promettoit
une fomme de cinquante mille écus d'or à
quiconque le repréfenteroit mort ou vif.
Quoique prévoyant , il avoit un fond de
candeur qui ne lui permettoit pas de croire
les hommes méchans. Enfin , la cloche du
Palais à minuit fonna le tocfin : une armée
de bourreaux parcourt les rues. La porte de
l'Amiral eft enfoncée. Un domeſtique du
Sam. 20 Janvier 1781 .
F
122 MERCURE
Duc de Guife , armé d'un pieu , fe préfente.
Coligni lui crie : jeune- homme , tu devrois
reſpecter mes cheveux blancs : fais ce que tu
voudras , tu ne m'abrégéras la vie que de
fort peu de jours. Befme , fans être ému ,
lui enfonce fon pieu dans la poitrine , & il
expire fous les poignards. Ce premier coup
eft le fignal du carnage. Les eaux de la Seine
font teintes de fang. Le Roi , qui montre
l'exemple , crie d'une fenêtre du Louvre ,
tuez , tuez ces Hérétiques.
Un Roi qui veut le crime eft bientôt obéi.
Plus de deux mille François tombent fous
fes yeux. Un feul Boucher , en montrant
fon poignard , fe vante d'en avoir égorgé
trois cens. Mais jetons un voile épais fur
ce théâtre fanglant où le fanatifme , fous:
le mafque de la Religion , fans pitié ni pour
la nature ni pour l'humanité , enfonça fon
poignard dans le fein de la France,
pas
L'intérêt que nous prenons à la gloire des
Lettres , aux plaifirs du Public & à la répu
tation de M. Turpin , nous donne le droit
de faire quelques légers reproches à l'Hiftorien
de Coligni. Son ftyle ne nous
paru affez foigné ; il y a des incorrections ,
de la monotonie dans les tournures , & per
de variété dans le choix des expreffions. Ne..
pourroit- on pas exiger quelques réflexions
fortes & profondes du Philofophe qui peint
Ja journée execrable de la S. Barthélemy
DE FRANCE. 123
Mais fi M. Turpin peut avoir quelquefois
befoin de confeils , fes talens doivent le difpenfer
de recevoir des leçons.
Le Soldat Citoyen , ou Vues Patriotiques fur
la manière la plus avantageufe de pourvoir
à la défenfe du Royaume. Gros in- 8 ° . A
Neufchatel ; & fe trouve à Paris , chez
Efprit , au Palais-Royal.
L'OUVRAGE que nous annonçons eft celui
d'un Militaire , excellent Citoyen , qui
après avoir médité pendant vingt ans fur les
principes qu'il vouloit développer , expoſe
avec l'efprit , la franchife & la loyauté
d'un homme de guerre très-inftruit , fa façon
de penfer fur les abus de fa profeffion ,
& fur les moyens de les réformer.
σε
Voici comme il débute. « Citoyens , vous
» n'avez encore rien vu de moi . Aujourd'hui
j'ofe me faire imprimer. Veuillez
accueillir les effais de mon zèle. Applau-
» diffez à ce que j'aurai pu dire de bien ;
» & inftruifez-moi fur ce que j'aurois dû
» dire de mieux. »
"
"
L'Auteur commence fes réflexions préliininaires
par une remarque très - vraie
& fur laquelle on s'eft trop peu arrêté juf
qu'à préfent ; c'eft que tous ceux qui ont
traité de l'Art Militaire , fuppofant prefque
toujours de bons foldats & des armées bien
Fij
124 MERCURE
difciplinées , n'ont porté leurs vues que fur
la tactique , tandis qu'il faudroit examiner
d'abord fi nous avons ces foldats & ces
armées , & les moyens de fe les procurer.
L'objet des Ecrivains qui l'ont précédé , a
donc toujours été de perfectionner l'Art
Militaire ; le fien feroit de perfectionner les
inftrumens de l'Art , c'eft-à-dire , les Soldats
.
Mais quelles font les caufes qui forment
les foldats dans chaque Nation ? L'Auteur
les borne à trois : le caractère national , l'éducation
, le Gouvernement. Parcourant
enfuite rapidement l'Hiftoire Militaire de
toutes les Nations guerrières ; il prouve fes
affertions par des faits & d'excellentes obfervations
; & après avoir examiné les cauſes
qui fervirent à former les foldats de l'Afie ,
de la Grèce & de Rome , il femble conduire
& arrêter le Lecteur à cette importante
vérité : « Que la crainte & l'efpérance , dirigées
avec fageffe , une excellente éducation
réglée par un Gouvernement fage &
prudent , concourrent à créer un carac-
» tère national , & ces caufes réunies , às
former des défenfeurs à la Patrie. »
و ر
29
Il expofe dans l'Avant-Propos le tableau
des révolutions fans nombre qu'a effuyées
notre Milice , & des abus qu'ont entraînés
ces viciffitudes . Il faut lire l'Ouvrage pour
fe convaincre des funeftes effets de cette inftabilité
, & de quelle importance il eft de
DE FRANCE. 125
remédier aux maux qui s'en font toujours
enfuivis,
Dans le premier Livre , il s'occupe de
fixer le nombre d'hommes néceffaires pour
la défenfe d'un Royaume. 2 ° . La manière
de lever les foldats. 3 ° . Quelles devroient
être leurs qualités phyfiques & morales. 4º .
Quels moyens de rendre les enrôlemens fûrs.
5. Les formalités nécellaires pour enrôler.
6°. Le fondement du contrat d'enrôlement
& fon étendue. 7. Les peines dont fa violation
peut être légitimement punie. 8 ° . La
manière de donner à ce contrat plus de force
& d'authenticité. Tous ces objets intérellans
annoncent à la fois un Militaire éclairé & un
Citoyen fenfible. « Pourra- t - on , dit-il ,
» s'en occuper avec indifférence ? Il s'agit
de la liberté , de la vie même des Citoyens
qui fe dévouent au fervice & à la défenfe
de la Patrie . »
و ر
22
»
Сс
Le fecond Livre traite de la fubfiftance
des troupes. Cet objet étant , fans contredit,
le plus onéreux , & en même tems le plus
effentiel , l'Auteur propofe de diminuer confidérablement
les dépenfes , & de pourvoir
beaucoup mieux à la fubfiftance des foldats.
Ce grand fecret eft celui des Romains , celui
encore ufité en Suéde , de les rendre cultivateurs.
Il en prouve la néceffité , les avantages
, la facilité. De-là fuivent des détails
fur la nourriture , la guérifon , le vêtement
& le logement des foldats. L'Auteur entre
Fiij
726 MERCURE
fur tous ces objets dans les détails les plus
intéreffans .
Après avoir enrôlé des hommes & s'être
occupé de leur fubfiftance , il faut les employer.
C'eft le fujet du troifième Livre.
I
L'Auteur confidère ces hommes fous
trois points de vue ; comme Enfans ,
comme Citoyens , comme Soldats. Comme
Enfans , il faut lcs élever : néceflité
d'une éducation nationale. 1 ° . Éducation
phyfique ; exercice occafionné par le devoir ;
inutilité du danger de nos exercices militaires
; exercices comme jeux. 2 ° . Éducation
morale ; moyens d'éclairer l'efprit ; moyens
de former le coeur. Comme Citoyens , il
faut s'en fervit utilement pour l'État ; avantage
d'employer les foldats aux travaux publics
; travaux auxquels on pourroit employer
les foldats ; dans quel tems , & comment.
Comme Soldats , il faut s'en fervir
avantageuſement pour la guerre ; nouvelle
formation des troupes ; comment faut- il les
armer ? Quels font les développemens &
les principes dont s'occupe la tactique élémentaire
? Quelles font les applications que
l'on doit faire de la tactique élémentaire à la
grande tactique ? Quelle doit être la diftribution
des différens exercices auxquels on
doit employer le foldat , relativement à l'une
& l'autre tactique ?
Il falloit lier différentes parties de la conftitution
militaire que l'on propofoit. Alors
DE FRANCE. 127
l'Auteur traite de la Diſcipline , & en fait le
fujet du quatrième & dernier Livre. Il la
préfente d'abord menaçante , & intimidant
les ames foibles qui ne font le bien que par
crainte : il fixe en même- tems les limites des
peines. Souvent intimider , rarement punir ,
voilà fa règle. Viennent enfuite les récompenfes
des grades , des diftinctions , des
foins pendant le fervice , & des retraites
affurées lorfqu'on eft forcé de le quitter.
Des Notes en grand nombre , & toutes intéreffantes
,terminent cet Ouvrage, trop difficile
à extraire , & dont on ne peut bien
juger qu'en le lifant avec attention d'un bout
à l'autre.
SPECTACLES.
COMÉDIE FRANÇOISE.
LE Lundi 8 de ce mois , on a joué pour
la première fois le Jaloux fans Amour ,
Comédie en cinq Actes & en vers libres.
Lié
par les noeuds facrés de l'hymen à
un objet doué de toutes les qualités capables
de fixer la tendreffe & l'eftime , le
Comte d'Orfon ne connoît pas fon bonheur.
Affez malheureux pour ne pas aimer fa
femme , il eft encore affez injufte pour
éprouver une jaloufie auffi mal fondée que
Fiv
128 MERCURE
les fuites en font cruelles. L'amour qu'il
refufe à la Comteffe , il le proftitue à une
de ces filles complaifantes , dont on achette
les faveurs au poids de l'or. Trompé par
les apparences , le Marquis de Rinville, fon
oncle , croit que fa jaloufie eft la fuite d'un
amour très-tendre ; mais le Chevalier d'Elcour
, jeune homme étourdi en apparence ,
& dans le fond plein d'honneur & de
vertu , connoît l'erreur de d'Orfon. Amou
reux de la jeune foeur du Comte ,
il rifque de perdre l'efpoir d'épouſer fon
amante , s'il trahit le fecret dufrère ; mais le
defir de mettre fin au malheur de la Comteffe
bannit toute autre confidération . Il fait à fon
indigne rivale des propofitions éblouiffantes ,
celle- ci les accepte, il vient à bout d'en obtenir
la preuve , & la remet entre les mains de
fon ami. Pendant qu'il agiffoit , d'Orlon ,
fur des foupçons légers , faifoit éprouver à
fa femme toutes les fureurs de fa jaloufie.
Les explications dans lefquelles on entre ,
Jui font voir combien fes torts font affreux.
Honteux , pénétré de remords , il fe précipite
aux genoux de la Comteffe , qui lui
pardonne , & d'Elcour époufe Mlle d'Orfon.
Nous avons vu peu de repréſentations plus
fcandaleufement orageufes que la première de
cet Ouvrage. L'action, rallentie par des détails
beaucoup trop étendus , a paru plus chaude
dès qu'ils ont été fupprimés : on a apperçu
le but moral ; & les détails brillans qu'on
remarque dans toutes les Scènes , ont ob
DE FRANCE. 129
tenu des applaudiffemens qui ont été plus
univerfels encore à la troisième repréfentation
, après laquelle nous écrivons cet article.
Nous entrerons dans de plus grands
détails quand cette Comédie fera imprimée .
COMÉDIE ITALIENNE.
DEPUIS quelques années les Théâtres de
cetteCapitale ont fait des pertes conſidérables .
On a vu tour-à- tour difparoître nos meilleurs
Comédiens , & les Auteurs les plus
diftingués , au moment où la décadence du
goût fe faifoit le plus fentir , par conféquent
dans le tems même que leurs talens nous
étoient le plus néceffaires. Les uns laffés des
perfécutions qu'ils effuyoient , ont pris le
parti de la retraite , la mort nous a ravi les
autres. La Comédie que l'on continue , on
ne fait pourquoi , d'appeler Italienne , vient
de fe reffentir de la fatalité qui femble s'attacher
à l'Art Dramatique , en perdant une
de fes meilleures Actrices , & un Ecrivain
auquel elle avoit déjà de très-grandes obligations.
L'Actrice eft Louife -Frédéric - Skreuderf
époufe de M. Moulinghen . Fille d'un Directeur
de Comédie , la jeune Louife parut de
bonne-heure fur la Scène , & y obtint des
fuccès , ce qui n'eft pas étonnant. L'enfance
porte prefque toujours avec elle un intérêt
qui double le prix de l'effet que produiſent
Fv
130
MERCURE
>
fes difpofitions à l'intelligence. Après avoir
débuté au Théâtre Italien , comme Danfeufc
en 1766 , elle s'y préfenta eomme Comédien
neen 1776.Quoique fa voix fût un peu élevée
dans le Dialogue , défaut affez ordinaire aux
Chanteufes , quoiqu'elle phrasât difficile
ment les vers , les Connoiffeurs lui trouvèrent
un talent décidé , & prévirent qu'elle
mériteroit une réputation : ils ne fe trompèrent
pas. Une belle entente de la Scène , une
connoiffance étendue du jeu muet , beaucoup
de gaîté , de chaleur , de naturel , une
foumiffion exacte au coftume , du zèle
de l'ardeur , une activité prefqu'infatigable,
lui concilièrent tous les fuffrages , & la rendirént
bientôt auffi chère à fes Camarades
qu'au Public : éloge flatteur , bien rarement
mérité , & qui fait autant d'honneur au caractère
qu'aux talens de Madame Moulinghen.
Une maladie peu grave , mais mal
foignée , dit- on , l'a enlevée le 25 Novembre
dernier au Théâtre Italien , aux Amateurs
qui la regrettent ; enfin , ce qui , fans
doute eft plus fâcheux encore , à un mari
qui l'aimoit tendrement , & dont elle faifoit
le bonheur.
,
>
La Société Lyri- comique ne doit pas de
moindres regrets à M. Thomas d'Hèle ,
Ecuyer mort le 27 Décembre dernier ,
âgé d'environ quarante ans. Né dans le Comté
de Glocefter, d'une famille diftinguée , il commença
par fervir dans les troupes Angloifes,
& fut envoyé à la Jamaïque, où il reſta juſqu'à
DE FRANCE. 131
la fin de la dernière guerre. Curieux de con
noitre les Nations de l'Europe les plus diftinguées,
il quitta bientôt fa famille & fon Pays,
& fe rendit en Italie. La beauté du climat, la
réunion des merveilles que tous les Arts y
ont raffemblées , ne pouvoient que captiver
l'attention d'un homme avide d'acquérir des
connoiffances , & qui vouloit s'inftruire à
la fource du vrai beau : M. d'Hèle y refta plufieurs
années. Enfin , le defir de voir la France
le conduifit à Paris vers l'année 1770. Après
avoir examiné nos Arts avec beaucoup de
curiofité , il fit une étude particulière de nos
Spectacles ; la Comédie Italienne fixa fes
regards , & il réfolur de travailler pour elle.
Le Jugement de Midas fut fon premier Ouvrage.
Cette Comédie , relative à la révolution
que notre Mufique venoit d'éprouver ,
eut beaucoup de fuccès ; mais l'Amant Jaloux
qui lui fuccéda en eut davantage. Les
Évènemens imprévus effuyèrent quelques re
proches. Docile & de bonne foi , M. d'Hèle les
retira, répondit à fes Critiques en profitant dė
leurs avis , fit reparoître fon Ouvrage , & eut
le plaifir de le voir prefque généralement
goûté. En général , les Comédies de cet
Auteur font fortement intriguées , l'action
en eft vive & chaude & l'intérêt en eft
agréable. Ses Vers font un peu lâches , le ſtyle
de fa Profe n'eft pas toujours très- pur , mais
fon dialogue eft naturel & preffé. Loin
de croire qu'il eût atteint la perfection dans
le genre qu'il avoit introduit au Spectacle
و
F vj
132 MERCUREST
Italien, M. d'Hèle parloit fouvent des défauts
qu'il y avoit remarqués & fe propofoit de les
faire difparoître dans les Ouvrages qu'il avoit
projetés , quand une maladie de poitrine le
conduifit au tombeau , à la fleur de fon âge.
Quoiqu'il ait peu travaillé , ce qu'il nous a
laiffé mérite d'être étudié par les jeunes
Auteurs qui fe deftinent au même genre que
lui ; & fi l'on veut être jufte , on conviendra
que l'art de fixer la curiofité & l'intérêt
par une intrigue amufante & gaie, fans indé
cence, vaut mieux que les moyens employés
trop long-temps dans les Pièces à Ariètes ,
& qui font grimacer Thalie en lui prêtant .
les habitudes de fa foeur Melpomène .
SCIENCES ET ARTS.
RÉPONSE de M. CAROUGE DES BORNES,
à la Lettre d'un Anonyme , inférée dans
un des derniers Numéro du Mercure.
QUOI! Uo1 ! toujours des Anonymes , toujours avoir
à combattre dans les ténèbres ! Certain Héros ne
demandoit qu'à voir fes ennemis pour les vaincre.
Nous ferons mieux encore ; nous espérons vaincre
les nôtres fans les voir. C'eft à vous M. le Défenfeur
anonyme d'un favant Académicien , qui , après
s'être montré affailant , s'eft etiré fubitement du
combat ; c'eft à vous , dis-je , que j'adreffe aujourd'hui
cette réponſe. J'en devois une troisième à cerDE
FRANCE. 133
tain Adverfaire dont l'attaque a été plus régulière ;
mieux combinée , par conféquent plus dangereufe
que la vôtre ; mais je le préfume trop galant homme
pour exiger que je prête en même- temps le collet à
deux champions. Je crois d'ailleurs qu'en bonne règle
de Tactique , on doit ne marcher aux troupes
régulières qu'après avoir difperfé les huffards qui
caracolent.
été
En effet , Monfieur , quel a été l'objet de votre
démarche hoftile contre M. Ling & moi ? Vous,
êtes contraint d'avouer que M. l'Académicien
dont vous devenez l'athlète auxiliaire , a
l'Approbateur , le Défenfeur même de notre entreprife
, & que tout l'objet de fa follicitude fe réduit
à recommander qu'on ne faffe point ufage de notre
charbon au milieu d'une chambre. Tel fut , en
effet , le réſultat d'une feconde Lettre inférée par lui
dans l'un des Mercures du mois de Mai dernier.
Il s'étoit montré plus menaçant par une première
Lettre inférée dans le même Journal au mois de Février
précédent. Mais , enfin , il eft permis , il eft
très-lcuable de fe rectifier. On ne doit ni rougir
d'une telle démarche , ni fur- tout paroître s'en repentir.
Notez bien , Monfieur , que nous n'avons jamais
confeillé à perfonne d'ufer de notre charbon au
milieu d'une chambre. Nous ne croyons cependant
point cet ufage dangereux , mais feulement incommode.
On fait d'ailleurs que le milieu d'une chambre
n'eft pas l'endroit le plus opportun pour placer
un foyer. Si c'eft un poële , nulle difficulté à cer
égard ; il est accompagné d'un tuyau qui laiffe un
libre cours à l'air. On pourroit même y brûler du
charbon de bois fans aucun péril.
Mais je vous entends vous écrier Et les foupapes
que vous adoptez fi témérairement ? .
A ce début , Monfieur , je devine que vous n'a
134
MERCURE
vez jamais vu une feule des foupapes que vous
cenfurez , autrement vous fauriez qu'elles n'arrêtent
point le courant d'air ; elles n'ont d'autre objet que
de refferrer un peu l'efpace qui lui fert d'illue , afin
de procurer au feu plus d'activité ; elles ajoutent
même à celle du courant d'air , puifque fa véhémence
redouble en raison de cette efpèce de contrainte
: c'eft un principe trivial en Phyfique ; il eft
bien furprenant que j'en fois réduit à l'apprendre au
Défenfeur d'un grand Phyficien. Au furplus , Monfieur,
que ne l'interrogiez -vous fur la forme de nos
foupapes ? Il fait à quoi s'en tenir fur ce point
comme fur leur utilité. J'avoue qu'il avoit commencé
, comme vous , par les blâmer fans les con→
noître. J'obtins auffi la gloire de diffiper fon erreur.
Nous étions l'un & l'autre au milieu d'une nombreuſe
Aſſemblée. C'étoit du charbon épuré qui
échauffoit la falle . Je m'approchai de M. M ....
qu'on venoit de m'indiquer. Il n'étoit qu'à peu de
diftance de la cheminéc . Monfieur , lui dis - je en
m'inclinant , que penfcz - vous de la beauté de ce
foyer , de la grande chaleur qui en réfulte , & des
reffources que la découverte du charbon épuré offre
à la France dans un temps où le bois renchérit de
toutes parts , & menace de nous manquer bientôt ?
Monfieur, me répondit-il du ton le plus augufte &
le plus compofé , je fuis un de vos plus zélés partifans.
Rien de plus flatteur pour moi & ma Compagnie
qu'un pareil fuffrage. Vous avez encore
befoin de mes leçons. Très - volontiers , fi elles
peuvent nous rendre encore plus utiles. J'ai écrit
des volumes fur le charbon. Je n'ai point le
bonheur de les connoître. Par exemple , à quoi
fert cette foupape ? Il faut laiffer un libre cours à
l'air. Monfieur , cette foupape ne ferme qu'à
moitié ; ainfi , le cours de l'air n'eft nullement
gêné par elle : jugez - en par vous - même. Alors je
-
*
--
--
-
DE FRANCE. 135
lui fis voir les dimenfions de cette foupape.
M. M .... l'examina avec attention , ne me répondit
pas un mot , & fortit brufquement de l'Affemblée.
Elle avoit tout vu , tout entendu , elle parut
très-furprife de cette incartade filencieuſe.
Quelque temps après M. M ... . écrivit les deux
Leures dont j'ai déjà fait mention. La feconde
comme on l'a vu , détruit la première . La follicitude
doctorale du favant Académicien , fe réduit à confeiller
au Public de ne point faire ufage de notre
charbon au milieu d'une chambre. Mais nous
l'avions encore prévenu à cet égard. Nous difons
expreffément , dans un avis imprimé depuis notre
avis aux Maîtres de Forges , qu'il eft à propos
de ne pas ufer de ce charbon dans un pocle
roulant. N'étoit - ce pas dire , & d'une manière
affez claire , qu'il falloit ne l'employer autre part
que
dans une cheminée ou un poële à tuyau ? Voilà
donc le courant d'air bien établi ; voilà donc l'ob
fervation de M. M .... démontrée au moins inutile
: eh ! que devient la vôtre , Monfieur ? que
deviennent vos argumens contre une foupape dont
vous ne connoiffez pas même la forme ? Un léger
coup-d'oeil vous eût épargné une méprife , une injuſtice
, beaucoup d'érudition déplacée , & à moi la
peine de vous prouver que vous avez jugé fur l'étiquette
du fac.
Vous n'êtes pas plus heureux dans vos autres
affertions. Vous nous accufez , le fieur Ling & moi ,
de nous être approprié une découverte précieuſe ,
qui , felon vous , appartient réellement à M. le
Comte de Stuart , ainfi qu'à MM. de Jenfanne &
Jars felon vous , dis-je , ils font les premiers qui
ayent épuré le charbon de terre en France. Vous ou
bliez fans doute que M. de Jenfanne a été obligé
d'abandonner les charbons qu'il avoit voulu épurer
dans les Cévennes. On n'a même jamais pu s'en
་
136 MERCURE
fervir dans les fourneaux conftruits , à fa prière & à
grands frais , dans cette contrée par les États de Languedoc.
M. Jars n'a pas été plus heureux . Sa méthode ne
lui a fervi qu'à faire griller fes mines de cuivre.
Quant à M. le Cointe de Stuart , il eft , non le
Maître , mais bien l'Élève du ficur Ling. En voulezvous
la preuve , Monfieur ? Vous la trouverez chez
M. Chavet , Notaire à Paris. Il eſt dépofitaire d'un
acte paffé à Sarbruck entre M. le Comte de Stuart
& le fieur Ling. Cet acte dément votre accufation
d'une manière bien formelle. Il y eft dit : Que
M. le Comte de Stuart s'engage cc de donner à
" Paters Ling le fixième de tous les bénéfices de
» la préparation du charbon de terre ; & en revanche
, porte le même acte , moi Peters Ling m'en-
» gage de donner , fans détour , au fieur Comte de
» Stuart , fur ma parole d'honneur , la parfaite
connoiffance de préparer le charbon de terre ».
Qu'en dites vous , Monfieur ? quel est celui des
deux qui s'oblige d'inftruire l'autre ? Quel eft le
Maître ? quel eft le Difciple : Vous ne pouvez rien
oppofer à cette preuve ; ainfi votre aſſertion tombe
d'elle- même ; ainfi il n'eſt pas vrai que nous nous
foyons appropriés une découverte qui ne nous appartenoit
pas. L'imputation eft grave ; mais puifqu'elle
eft fauffe , & que nous le démontrons , ce
n'eft point à nous , je penfe , qu'elle doit porter
préjudice.
Vous ajoutez que divers Savans ont écrit fur l'épurement
de la houille. Je ne l'ignore pas ; mais
Ieurs écrits feroient peut-être encore bien ignorés
fans le fuccès de notre entreprife. Je fais auffi qu'on
épure depuis foixante ans en Angleterre ; que l'on
épuroit aufli , il y a quinze ans , à Salz Back. Quel
avantage en réfultoit - il pour nous ? Ce fecret n'avoit
paffé ni le Rhin ni les mers pour venir à notre
DE FRANCE. 137
fecours. C'étoit même un mystère impénétrable
pour le favant Académicien que vous eſſayez de
défendre. Il ne propoſoit aux Parifiens que da charbon
brut ; il n'effaya de mettre en oeuvre que le
charbon brut ; il annonça à toute la France , étayé
de prefque toutes nos Facultés de Médecine , que
l'ufage de la houille brute étoit auffi falubre qu'économique.
Il n'étoit point alors agité de ces terreurs
charitables qui lui ont mis la plume à la main pour
écrire contre le charbon épuré. . . . En un mot, les
écrits des Savans dont vous parlez dans votre Lettre,
n'avoient encore produit en France que des tentatives
fuperflues jufqu'à l'arrivée du fieur Ling. C'eft
ce qui eft rappelé avec juftice dans les Lettres-Patentes
qui conftituent fon privilège. On y lit : « Que
plufieurs Perfonnes ont tenté d'épurer le charbon
» de terre ; mais qu'aucune d'elles n'ayant atteint le
degré d'épurement comme Jean - Pierre Ling , Sa
Majefté lui accorde le privilège , & c.
ג כ
לכ
Il eft donc reconnu, Monfieur, même par le
Confeil , que le fieur Ling eft le premier qui air apporté
en Frauce le véritable fecret d'épurer le charbon
de terre . Il nous a tranfmis cette découverte , &
j'ofe ajouter que je l'ai mife en vigueur.
Il vous déplaît que cette entreprife , qu'apparemment
vous jugez lucrative , ne foit pas confiée aux
Médecins. Vous êtes Orfèvre, M.Joffe ; mais voyez
où vous entraîne votre affertion ? Il falloit donc ,
depuis long-temps , confier à nos Facultés de Méde
cine la fabrique & la diftribution du charbon de
bois , reconnu fi dangereux , la préparation & la
diftribution de plufieurs comeftibles qui peuvent le
devenir. Dès - lors on ne fe feroit plus Médecin pour
fuivre l'honorable carrière des Vernage , des Laf
fone , des Bouvart , &c. &c. &c . on brigueroit le
bonnet Doctoral pour avoir le droit d'ouvrir une
Boucherie , un Cabaret.... Nos Maîtres Queulx
138 MERCURE
feroient obligés de prendre leurs grades , nos Boulangers
de foutenir thèse avant que d'apprendre à
paîtrir leur pâte & à chauffer un four....
P. S. J'oubliois , Monfieur , que votre Lettre
eft terminée par une efpèce de cartel. Vous nous
offrez le combat , combat à la plume , s'entend. La
lice vous eft ouverte.
Chacun à ce métier
Pent perdre impunément de l'encre & du papier.
Je vous préviens cependant, Monfieur, que je
ne vous répondrai qu'autant que vous aurez dit
quelque chofe. C'est trop que d'avoir à parcourir les
différentes Provinces du Royaume , d'y prodiguer
les expériences , comme je le fais par-tout avec fuc
cès , & d'avoir de plus à foutenir une difcuffion qui,
ne portant fur rien, deviendroit interminable.
Nota . Pour la conſtruction des cheminées & des
poëles , on pourra s'adreffer au ficur Simonet , Maître
Maçon , à Paris , rue S. Victor , vis - à vis la rue de
Verfailles.
GRAVURES.
ANTIQUITÉs d'Herculanum , avec leurs expli
cations en François. La cherté du grand in -folio ,
qui renferme les Antiquités d'Herculanum , a fait
réduire cet Ouvrage en in- 8 ° . La première Livraison
que vient de publier le Sieur David , contient fix
planches fort bien exécutées. Le prix eft de 3 liv,
Au premier Avril il en publiera un fecond, compofé
de 12 planches Prix , 12 liv. Les perfonnes qui
voudront avoir de bonnes épreuves , font priées de le
faire inferire chez le Sieur David , Graveur , rue des
DE FRANCE. 139
Noyers, en face de celle des Anglois. La Livraiton
fe fera fuivant l'ordre d'enregistrement,
Neptune Américo - Septentrional , contenant les
Côtes , Ifles & Bancs , les Baies , Ports & Mouillages
, & les Sondes des Mers de cette partie du
Monde , depuis le Groenland inclufivement , jufques
& compris le Golfe du Mexique , avec les Ifles de
Sous-le-Vent & du Vent , accompagné de Plans particuliers
des Ports les plus fréquentés ; ou Recueil de
Cartes Hydrographiques à l'ufage des Vaiffeaux du
Roi , rédigé d'après les Cartes Françoiles & Étrangères
les plus eftimées , rectifié d'après des Plats
manufcrits authentiques & affujéti aux Obfervations
aftronomiques , dreffé au Dépôt général des Cartes ,
Plans & Journaux de la Marine , & publié par ordre
du Roi.
Quoique ce Neptune ne foit pas encore terminé,
on a penfé que , pour répondre à l'empreffement du
Public & des Navigateurs , il convenoit de publier
la partie de cet Ouvrage qui eft déjà exécutée , &
les circonftances de la guerre actuelle rendent
intéreffante. Cette Partie contient :
que
I. Carte réduite des côtes orientales de l'Amérique
Septentrionale , contenant celles des Provinces de
New-York & de la Nouvelle - Angleterre , celles de
l'Acadie ou Nouvelle-Ecoffe , de l'Ile-Royale , de
I'Ifle Saint-Jean , avec l'intérieur du pays. Prix , 3 liv.
II Carte réduite des côtes orientales de l'Amérique
Septentrionale , contenant partie du Nouveau-
Jerfey , la Penfylvanic , le Maryland , la Virginie ,
la Caroline Septentrionale , la Caroline Méridionale
& la Georgie. Prix , 3 liv.
III. Plan de l'Ifle Saint- Jean au Nord de l'Acadie
, & dans le Sud du Golfe Saint-Laurent. Carte
de la Baie des Chaleurs , à la côte occidentale du
140 MERCURE
Golfe de Saint Laurent.
gouche. Prix , 3 liv ..
Plan du Havre de Rifti-
Plans par.
IV. Carte réduite de l'Ile -Royale .
ticuliers dépendans de l'Ile- Royale ; 1. Plan du
Port & des Ifles au Jufte - au - corps ; 2 ° . Plan de la
Baie de Morienne ; 3. Plan de la Rade & de la
Baie de Chatecan ; 4 ° . Plan de l'entrée de la rivière
au Saumon ; 5. Plan de la Baie des Efpagnols
; 6. Plan du Havre d'Afpé. Prix , 3 liv.
V. Plan de la Ville & du Port de Louisbourg ,
Prix , I liv. 16 fols .
VI. Plan de la Baie de Gabarus , fituée à la côte
Sul- Eft de l'Ifle - Royale. Plan de la Baie de Nérichac
, à la côte du Sud de l'Ile Madame ; Plan du
Port Toulouſe , à la côte du Sud de l'Ifle - Royale.
Prix , 3 liv .
VII. Plan du Fort Dauphin & de la Rade de
Sainte Anne , de l'entrée de Labrador , & de la
Baie de Niganiche. Prix , 1 liv. 16. fols.
·
VIII. Plan du Port de Chibouctou , à la côte de
l'acadie , avec les Ifles voifines .
--
-- Plan du Port de
la Rivière Saint -Jean , fituée à la côte feptentrionale
de la Baie Françoiſe de l'Acadie. Plan du Port de
la Hève , à la côte méridionale de l'Acadie , Plan
du Port Rochelois , à la côte méridionale de l'Acadie.
Prix , 3 liv .
--
IX . Plan de l'Ifthme de l'Acadie , comprenant le
beau baffin, avec une partie de la Baie-verte . - Plan
de la Baie & du Hâvre de Cafco & des Ifles adjacentes.
Prix , 3 liv.
X Plan du Baffin & de la Rivière du Port-Royal ,
ou Annopolis dans l'Acadie , fur la côte orientale
de la Baie Françoiſe. Prix , 1 liv . 16 fols ,
les
XI. Carte particulière du Havre de Boſton , avec
les fondes , les bancs de fable , les rochers ,
amaies , & les autres directions utiles à la navigasion.
Prix , 3 liv."
DE FRANCE. 141
•
XII. Plan de la Baie de Narraganfet , dans la
Nouvelle Angleterre , avec toutes les lles qu'elle
renferme , parmi lefquelles fe trouve Rhode- Iſland
& l'Ifle de Connecticut. Prix , 1 liv. 16 fols.
XIII . Carte de la Baie & Rivière de la Delawarre ,
depuis les Caps James & Mai , jufqu'à Philadelphie..
Carte de l'entrée de la rivière d'Hudfon , depuis
Sandi -Hook jufqu'à New-Yorck , avec les bancs ,
fondes , marques de navigation. Prix , 3 liv .
XIV. Carte de la Baie de Chéfapeake , & de la
partie navigable des Rivières James , Yorck , Pasowmak
, Patuxen , Patapfco , North- Eaft , Choptank
& Pokomak.. Plan de la Baie Herring , en
Maryland. Prix , 3 liv.
--
XV. Plan de la Rivière du Cap Fear depuis la
Barre jufqu'à Brunſwick . Plan de la Barre & du
Havre de Charles - Town . Prix , 3 liv.
XVI. Plan du Port-Royal , de la Rivière & du
Détroit d'Aufoskée , à la côte de la Caroline méridionale
. Prix , 3 liv.
XVII. Plan de la Barre & du Port d'Amelia , à la
côte de la Floride orientale . Plan de l'Ile d'Amelia
, à la côte de la Floride orientale . Prix , 1 l . 16 f.
XVIII . Carte d'une partie des côtes de la Floride
& de la Louifiane , contenant les embouchurès
du Miffiffipi , l'entrée de la Mobile , & les
Baies de Penfacola , de Sainte Rofe & de Saint-
Jofeph. Carte réduite des côtes & de l'intérieur
de la prefqu'ifle de la Floride , avec le Détroit de
cette prefqu'ifle & le Canal de Bahama. Prix , 3 liv.
Ces Cartes fe trouvent à Paris , chez Dezauche ,
fucceffeur & poffeffeur du Fonds Géographique
des fieurs Delife & Buache , premiers Géographes
du Roi , & chargé de l'entrepôt général des Cartes
de la Marine du Roi , rue des Neyers , près celle
des Anglois.
142 MERCURE
ANNONCES LITTÉRAIRES.
THEATRE
HEATRE François , on Recueil des meilleures
Pièces Dramatiques faites en France depuis Rotrou ,
jufqu'à nosjours : propofé par foufcription . On nous
a donné fucceffivement , eft il dit dans le Profpectus
, les Théâtres Italien , Eſpagnol , Allemand ; &
la France , dont la Scène le difpute à celle d'Athènes,,
fi même elle ne l'efface pas , n'a jamais eu l'avantage .
de voir raffembler fes Chef- d'oeuvres Dramatiques .
en un corps d'Ouvrage. Cependant , s'il exiftoit un
monument capable d'attefter notre fupériorité aux
yeux de l'Europe , ce feroit le Recueil des produc
tions immortelles de notre génie dramatique.
Ce monument va donc être élevé par une Société
de Gens-de-Lettres , qui eft bien éloignée de vouloir
tranſcrire des Pièces de Théâtre à côté d'autres
Pièces de Théâtre , & d'exécuter une entreprise de
Librairie plutôt qu'une entreprife de Littérature. Le
Profpectus annonce un plan fage , des vues louables
& des motifs d'utilité réelle . Cette Collection ne
reffemblera en rien à toutes celles qu'on a déjà pu
bliées dans le même genre. Ce fera l'hiftoire géné
rale du Théâtre François depuis fon origine jufqu'à
fa décadence , c'eft-à - dire , depuis Arnaud Daniel ,
Anfelme , Faydit jufqu'à Voltaire. On nous promet
de ne point fouiller dans les décombres des an
ciennes Pièces pour en retirer des Ouvrages informes,
& qui ennuyeroient les Lecteurs fans utilité.
Rotrou peut être regardé comme le père de l'Art
Dramatique en France , & c'eft à lui qu'on doit
s'arrêter. On prévoit fans doute que les Auteurs ne
manqueront point de prendre la feule manière qui
puiffe faire valoir leur travail , celle des parallèles,
1
T
DE FRANCE. 143
amenés avec circonfpection & fagacité. Afin de
faire fentir le beau moment où le génie s'éleva , &
l'inflant où il s'éteignit , l'ordre chronologique a
été adopté de préférence , & c'étoit en effet le plus
convenable & le plus clair à l'Hiftoire du Théâtre.
On promet de joindre celle des Auteurs , qui doit
être courte , parce que le cercle d'un Homme de
Lettres qui aima le travail eft très- circonfcrit.
Le Recueil fera divifé en trois Parties , dont chacune
aura fa chronologie. La première fera confacrée
aux Myſtères , aux Tragédies , aux grands Mélodrames.
On trouvera dans la feconde les anciennes
farces défignées fous le titre de Sotties , les Comédies
& les Mélodrames du petit genre connus fous
le nom d'Opéras- Comiques . La troifième embraffera
les anciennes Moralités , les Drames , les Paftorales
& jufqu'aux Proverbes. Les Auteurs ont l'attention
de prévenir le Public que leur but eft d'étendre la
carrière de l'Art , & non de faire des Volumes. Ce
ne font pas , difent-ils , les Ouvrages
que les Gens
de goût favent par coeur,qu'il faut particulièrement
s'occuper à raffembler
, ce font ceux qui , fans être de la première claffe , étincellent
cependant
dans les détails de grandes beautés
qui ont reculé d'un pas les bornes de l'Art Dramatique
. La Collection
en- tière fera renfermée
dans environ quarante Volumes
, qui n'auront pas moins de cinq cent pages. Le prix du Volume eft de 4 liv. 10 fols broché , franc de port. On payera en foufcrivant
6 livres, dont il
fera tenu
compre fur la dernière livraiſon
; & en recevant
les premier
& fecond Volumes
on payera 9 livres , & ainfi à chaque livraifon
double , qui fe fera régulièrement
tous les deux mois.
On fouferit à Lyon , chez Sulpice Grabir , Libraire
, rue Mercière.
Suites des Nouvelles Hiftoriques , par M. d'Ag
144 MERCURE
naud. Tome fecond . Deuxième nouvelle , la Ducheffe
de Châtillon. Vol. in- 89 . Prix , 3 liv. A Paris , chez.
Delalain , Libraire , rue S. Jacques,
2
Hiftoire Générale & Particulière de la Grèce , par
M. Coufin Defpréaux . Tomes 1 , 2 3 & 4. 21-12.
Prix , 10 liv. broché . A Paris , chez Durand neveu ,
Libraire , rue Galande ; Benoît Morin , Imprimeur
Libraire , rue S. Jacques ; & à Rouen , chez le Boucher
le jeune.
Les Métamorphofes d Ovide en vers François ,
Livre fecond , Traduction nouvelle , avec des notes ,
par M. de Saint -Ange . Vol . in- 8 ° . Prix , 1 liv . 10.f
A Paris , chez l'Auteur , maifon de M. le Sage , rue
des Foffés Saint Germain - des - Prez ; s'adreffer au
Relieur , dans la Cour , ou chez la Veuve Duchesne,
Libraire , rue S. Jacques ; & Piffot , Libraire , quai
desAujuftins.
TABLE.
RETOUR de Provence à La France Illuftre,
l'Auteur de l'Hymne au So- Le Soldat Citoyen,
leil ,
Avis aux Peintres ,
Enigme & Logogriphe ,
97 Comédie Françoife ,
163 Comédie Italienne ,
IIG
123
127
129
104 Réponse de M. Carouge des
Bornes , Hiftoire des Gouvernemens du
Nord ,
Théâtre de M. Cailhava
AI
106 Gravures ,
108 J Annonces Littéraires
APPROBATION.
132
138
J'ai lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux ; le
Mercure de France , pour le Samedi 20 Janvier . Je n'y ai
rien trouvé qui puiffe en empêcher l'impreffion. A Paris
le 19 Janvier 1781. DE SANCY,
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 27 JANVIER 1781 .
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
VERS.
Sur la Mort de MARIE- THÉRÈSE
Archiducheffe d'Autriche , Impératrice-
Douairière, Reine de Hongrie, & Electrice
de Bohême.
THÉRÈSE
HÉRÈSE n'eft donc plus ! Elle a fini ſes jours.
O Parque inflexible & cruelle !
Les malheureux ont perdu leur fecours ,
Et les Souverains leur modèle.
( Par M. Betton de Chambelle . )
Sam. 27 Janvier 1781.
》
146 MERCURE
IMPROMPTU fur la nouvelle de la
Maladie de M. GRÉTRY.
ARRIVÉ près des fombres bords ,
Déjà GRÉTRY touchoit à la barque fatale ;
Quand foudain la troupe infernale
Accourt au bruit de fes accords.
Mais Caron s'écria , dans ſa fureur brutale :
93
Que viens-tu faire chez les morts?
» Rival d'Orphée , il devroit te fuffire
» De foumettre la terre à tes enchantemens :
» Retire-toi. S'ils écoutoient ta lyre ,
Ces malheureux oublîroient leurs tourmens. »
(Par M. Reynier , de la Société d'Émulation
de Liégé. )
A M. PRÉVILLE , pendant fon Séjour
à M **.
LE grand Homme à qui la Nature
Apprit tous les fecrets de l'Art ,
Toujours vrai dans fon impoſture,
Plein de génie & fans écart ,
Dans cette Grèce énorgueillie
De fes talens & de fes lois ,
Nommé Grand-Prêtre de Thalie ,
Ainfi que tous ceux d'autrefois ,
DE FRANCE. 147
Eût de fa Déeffe jolie
Partagé l'encens & les droits ,
Et fait expliquer par la voix
L'oracle de la Comédie.
PINDARE l'eût au haut des cieux
Forté fur les aîles d'une Ode ;
Phidias , le Sculpteur des Dieux ,
Eût mit le Bramine en Pagode ;
Mais fans tout ce culte payen ,
Dans ces temps de Philofophie ,
On peut être un homme divin.
De la Scène immortel foutien ,
Oui , la raiſon vous déïfie.
Du nom de Molière rempli ,
S'ouvre le Temple de Mémoire ;
Voyez- le votre recueilli
Tout auprès du fien par la Gloire ,
Ainfi qu'on place dans l'Hiſtoire
Henri-Quatre auprès de Sulli.
Du mafque changeant de la Fable ,
De Protée imitant les jeux ,
Le vôtre , moins capricieux ,
Offre un miroir plus agréable ;
Et lorsqu'il tombe , fous nos yeux
Il refte toujours l'homme aimable.
le verre à la main ,
C'eſt lui que ,
Nous
attendons
avec mystère
.
Venez
vous amufer
& plaire ;
Gij
14
MERCURE
A vos lauriers , venez enfin
Ajouter quelques brins de lierre.
Duffiez-vous faifir nos travers :
Affez bien dignes d'épigrammes
,
Vous aurez connu nos defferts ,
Nos beaux efprits , nos belles femmes ,
Nos grands vins & nos petits vers.L
(Par M. de Choi * .) .
TROP JUSTE MENACE
,
A Mademoiselle
B *****
POURQUOI
peindre toujours l'Amour comme un
enfant?
Je pense que la Fable en cela déraifonne,
Eaque
ce Dieu feroit au moins auffi charmant
Dans un été , même dans ſon automne ,
Qu'en un printemps capricieux ,
Qui bien qu'offrant en apparence
Tout ce qui peut féduire & le coeur & les yeux,
Eft fi fujet à l'inconftance,
SUR les bourafques de l'Amour , IAT
Ainfi s'entretenoit Thémire ,
Tremblanté de ſe voir un jour
Affujétie à fonempire.
Elle atteignoit l'âge où le coeur reffent
in
Ces mouveniens fecrets qu'a produits la Nature,
DE 149 FRANCE.
Et qui dans l'ame la plus pure
Font naître les defirs d'un tendre engagement ;
Mais les réflexions , aliment de fa crainte,
" Détruifoient ce defir naiſſant ;
Et fon coeur, qui d'ailleurs n'aimoit pas la contrainte ,
Se promit bien de vivre indifférent.
Cependant les amans s'empreffoient à lui plaire ;
Un fourire eût été
7
pour eux une faveur ;
Mais rien ne touchoit la Bergère ,
Soupirs , fermens , propos flatteur ,
Les foins les plus fuivis , la cour la plus fidelle ,
Rien enfin ne pouvoit adoucir fa rigueur ;
Toujours l'indifférence étoit en fentinelle ,
Et gardoit avec foin la porte de fon coeur.
Ennuyé, comme l'on peut croire ,
L'Amour n'oublia point cet acte de mépris ; et live
Ce Dicu fut de tout temps trop jaloux de fa gloire
Pour ne pas la venger , if n'importe à quel prix.
Thémire vit fa cour changée en folitude ;
Au plaifir fuccéda l'ennui .
Ainfi de fe venger ce Dieu fait ſon étude :
Il ne veut pas qu'on le paffe de lui.
TEL fut le fort de la Bergère sed col me
Qui fans fruit perdit fes beaux jours ,
Pour avoir , dans l'âge de plaire ,
Dédaigné conſtamment l'offrande des Amours.
L'hiftoire de cette vengeance
Donne au Lecteur un falutaire avise
Gij
150 MERCURE
Que filles , pour trouver maris ,
Doivent chaffer l'indifférence.
LETTRE à M. GARAT.
PIRMETTEZ , Monfieur , qu'un Compatriote
de M. Mirabaud prenne fa défenſe
à l'occafion de l'Extrait de la nouvelle traduction
de l'Ariofte , inférée dans le Mercure
de France , No. 49 , & qui porte
votre nom. Perfonne n'honore plus que
moi les talens & la perfonne de M. le
Comte de Treffan ; mais fon nom , fon
rang , fes qualités ne doivent point en impoler
aux Gens de Lettres lorfqu'il eft queftion
d'apprécier fes Ouvrages. Vous devez
compte au Public des jugemens que vous
portez ; & parmi les Auteurs du Mercure ,
vous êtes un de ceux qui rendent cet Ouvrage
intéreffant par l'élégance & la force
de votre ftyle , & par la critique judicieuſe
que vous favez y répandre. Dans cette occafion
vous dégradez furieufement M. Mirabaud
pour relever la gloire du nouveau
Traducteur. Il s'en faut bien que je fois de
votre avis ; & pour ne pas me jeter dans
une difcuffion ennuyeufe , je vais tâcher de
juftifier mon opinion par les deux feuls
morceaux de comparaifon que vous citez
vous-même :
LE Donne , i Cavalier , l'arme , gli amori ,
Le cortefie . l'audaci imprefe , io Canto ,
DE FRANCE. TSL
Che furo al tempo , che paffaro i mori
D'Africa il mare , e in Francia nocquer tanto ,
Seguendo l'ire , e i giovenil furori
D'Agramente l'or rè , che fi die vanto
Di vendicar la morte di Trojano
Sopra rè Carlo Imperator Romano.
DIRò d'Orlando in un medeſmo tratto
Cofa non detta in profa mai , ne in rima ,
31 Che per amor venne in furore , e matto ,
D'uom , che fi faggio era ftimato prima ;
Si da colei , che tal quafi m'ha fatto ,
Che'l poco ingegno ad or ad or mi lima ;
Me ne farà però tanto conceffo ,
Che mi bafti a finir quanto ho promeflo,
M. Mirabaud traduit :
"Je chante les Dames & les Chevaliers ,
les Amours & les Combats , la galanterie
& la valeur de ces Guerriers qui
" vivoient au temps où les Sarrazins paf-
» sèrent d'Afrique en Europe , & firent
» tant de maux à la France. Agramant , leur
» Roi , s'étoit vanté hautement qu'il venge-
» roit fur l'Empereur Charlemagne la mort
» de Trojan fon père. Ce Prince , pouffé
" par fon reffentiment , & plein d'une ardeur
qu'infpire la bouillante jeuneffe , fut
" celui qui engagea les Infidèles dans cette
" guerre . Je raconterai auffi de Roland des
chofes qui n'ont point encore été dites "
.
Giv
MERCURE
Li
7
sni en vers ni en profe. Je ferai voir de
» quelle manière l'Amour rendit infenfé &
furieux ce Paladin , qui avoit été juf-
» qu'alors fr fage , pourvu néanmoins que
19 celle qui m'a mis au même état que lui ,
& quife plaît à affoiblir chaque jour en
» moi le peu de raifon qui me refte , veuille
» bien m'en laiffer allez pour finir mon
entreprife. namusing agons d'e
و د
و ر
Ce peu de mots , dites-vous , fuffiroit
peut-être pour faire voir que Mirabaud
ne fentoit pas du tout le génie de l'Ariofte
» qu'il a voulu traduire . Ce n'eft pas avec
» cette profe lâche , traînante & fans cou-
ود
leur qu'il faut chanter les Dames , les
2 , Chevaliers , les Amours & les Combats ».
Mais M. Mirabaud ne chante pas les Dames,
les Chevaliers , les Amours & les Combats;
traduit le texte tel qu'il eft avec une
'élégance convenable. Ce n'eft pas fa faute
ffon Auteur débute avec cette fimplicité.
* Devoit- il lui attribuer le défaut d'enflure
dans lequel l'Ariofte s'eft bien gardé de
tomber? La profe n'eft ici ni fade ni traimante
; elle eft fans prétention comme le
début du Poème. Mais voyons la traduction
de M. le Comte de Trellan . 21509
gha Sexe enchanteur ! fiers Paladins !
Amours ! Combats ! Galanterie c'eft
vous que je chante ; que mes vers bapprennent
auffi quelle fut l'entrepriſe audacieufe
d'Agramant , lorfqu'emporté par
» la fureur d'une jeuneſſe bouillante, il for,
13
DE FRANCE. 153
tit de l'Afrique avec une armée innombrable
de Maures , & traverfa le Détroit pour
» venger fur Charles , Empereur des Ro-
3. mains , la mort de fon père Trojan. Je
dois dire en même temps du célèbre
» Roland ce que ni la poéfie ni la profe ne
nous avoient point encore appris , &
» comment un Héros auffi fage fut emporté
" par un amour malheureux jufqu'à la folie
* la plus furieufe ; mais , hélas! ferai - je en
état de tenir tout ce que je promets , &
of celle qui fe fait un jeu de, troubler ma
raifon , m'en laiffera - t- elle affez pour con-
» tinuer mes Chants ? »
2
Que fignifie , Monfieur , tout ce fracas ?
M. de Treffan , dites-vous , ajoute plus de
mouvement & de vivacité au début de
l'Ariofte ; mais pourquoi l'ajouter 2 pourquoi
toutes ces épithètes accumulées que
l'Ariofte ne s'eft jamais permifes , & qu'il
auroit encore moins employées au commencement
de fon Poëme ? Vous admirez
fexe enchanteur au lieu des Dames, Le Donne;
mais ce fexe enchanteur me paroît une
faute, Vous qui avez lu le Poëme , vous
favez bien que toutes les Héroïnes que le
Poëte a introduites, ne font pas du fexe enachanteur
; car il y en a de vilaines & de
Boméchantes d'ailleurs , étoit - il néceffaire
d'ajouter au texte : Que mes vers apprennent
auffic .. emporté par la fureur d'une
jeuneſſe bouillante traverfa le Détroit
un Héros auffi yage fut emporté
Gv
154
MERCURE
par un amour malheureux jufqu'à la folie la
plus furieufe. Voilà deux emporté bien près
T'un de l'autre. Croyez-vous qu'il foit bien
exact d'écrire qu'un homme eft emporté
par un amour jufqu'à la folie ? Vous applaudiffez
encore à cette tournure : mais , hélas !
ferai-je en état , &c. Il me femble que l'expreffion
du Poëte a bien plus de fentiment
: Si cependant celle qui m'a mis dans
le même état que lui , & c. me permet de
tenir ma promeffe , & non de continuer
mes Chants ; car pour les continuer il faudroit
en avoir déjà achevé un au moins.
Je trouve comme vous , Monfieur , ce
début plein de chaleur & de fentiment ;
mais je dis que c'eft une imitation , heu
reufe fi vous voulez , & non une traduction
de l'Ariófte ; & en convenant qu'il y a quel
que chofe à defirer dans le morceau précédent
de M. Mirabaud , je lui donne la préférence
fur ce nouveau Traducteur.
LA Verginella è fimile alla rofa ;
Ch'in bel giardin fu la nativa ſpina ,
Mentre fola , e ficura fi ripofa ,
Ne gregge , ne paſtor ſe le avvicina ;
L'aura foave , e l'alba rugiadofa ,
L'acqua , la terra al fuo favor s'inchina ,
Giovani vaghi , e Donne innamorate ,
Amano averne e feni , e tempie ornate.
MA non fi tofto dal materno ftelo
Rimoffa vienne , e dal fuo ceppo verde ,
DE FRANCE
. 155
"
ور
33
"
Che quanto avea dagli nomini , e dal cielo ,
Favor , grazia , e bellezza , tutto perde.
La Vergine che'l flor , di che più zelo ,
Che de begli occhi , e della vita aver de' ,
Lafcia altrui corre , il preggio , ch'avea innanti
Perde nel cor di tulti gli altri amanti .
SIA vile agli altri , e da quel ſolo amata ,
A cui di fe fece fi larga copia.
M. de Mirabaud,
"Une jeune fille reffemble à la rofe nouvelle.
Tandis que cette aimable fleur ,
folitaire & tranquille dans un jardin , eft
» encore attachée à l'épine qui l'a vue nai-
» tre , & que les troupeaux & les Bergers
» n'en ont point approché ; la terre , l'eau ,
» le zéphir, la rofee , tout confpire à l'em-
» bellir. Les jeunes hommes & leurs Maitreffes
la defirent pour en orner ou leur
» tête ou leur fein; mais dès qu'on l'a cueil-
» lie , dès qu'elle eft féparée de la tige qui
» la portoit, le Ciel ceffe de la favorifer
» les hommes n'en font plus de cas : faveurs,
defirs , agrément , tout eft perdu pour » elle . Il en eft de même d'une fille dès
qu'elle a laiffé cueillir à un de fes Amans
» cette fleur qui lui doit être plus chère
» que fes yeux & que fa vie , elle part
auffi - tôt la tendreffe de tous les autres.
Qu'importe, après tout , que les autres
"3.
ود
و ر
>
G vj
156 MERCURE
Amans la dédaignent , pourvu qu'elle foit
» tendrement aimée de celui à qui elle fe
livre fans réſerve. »
ور
"
"
"3
M. le Comte de Treffan traduit :
« La
La jeune vierge eft femblable à la naiffante
rofe qui brilHlee &&atfee repofe fur la
branche épineufe dont elle eft nourrie ;
» tant que le troupeau ni fon Berger n'en
approchent pas , le zéphir , les pleurs de
Paurore , l'eau qui baigne le pied du rofier
, la terre même qui le porte , tout
,, contribue à lui conferver fon état & fa
» fraîcheur. La jeuneffe de l'un & l'autre
» fexe l'admire & la defire ; l'une veur en
parer fon fein , l'autre veut la placer dans.
fa coeffure , mais bientôt elle perd tous
» ces avantages lorfqu'on l'enlève de la
» branche verte & pliante dont les petits
dards n'ont pu la defendre. La jeune fille ,
femblable à cette fleur , doit donc bien fe
garder de fe laiffer enlever la rofe qu'elle
" a reçue de la Nature. Un feul Amant
qu'elle a eu la foibleffe de rendre heureux,
» lui fait perdre le coeur de tous les autres.
د ر
ود
و ر
Heureufe encore de refter aimée par celui
» qui lui ravit tous les trésors de fon fein...
Comparons à préfent les deux traductions..
1º. Une jeune fille eft beaucoup mieux
que la jeune vierge ; ce dernier mos n'eft
prefque plus employé que dans les Sermons
& les Livres de morale chrétienne ; il eft
prefque ridicule dans les converfations ordimaires,
& fur- tout dans le genre de poélie
275
DE FRANCE.
dont il s'agit. Les Italiens difent très - élégamment
verginella ; mais aucun Auteur
eftimé ne le traduira par jeune vierge.
2º. J'aime mieux rofe nouvelle que naiffante
rofe qui brille &fe repofe fur la branche épineufe
dont elle eft nourrie. L'Ariofte n'a pas
dit, & auroit mal fait de dire , que la rofe
eft nourrie de la branche épineufe. Le
texte de M. Mirabaud eft plus exact , plus
élégant & plus conforme au texte , qui ne
parle pas non plus de l'eau qui baigne le
• rofter , ni de la terte qui porte ce
rofier. Je pas me tromper , Monheur
, mais cette phrafe , la terre , l'eau , le
zephir , la rofée , tout confpire à l'embellir,
à bien plus de precifion & de mouvement
que le zéphir , les pleurs de l'aurore , l'eau
qui baigne le pied du tofier , la terre même
qui le porte , tout confpire à but conferver fon
pied
dune
crois
éclat & fa fraicheur. Comme ente
long !
c'eft une periphrafe , & non une traduction .
J'en dirai autant de ces mots , lorsqu'on l'enlève
de la branche verte & pliante dont les
petits dards n'ont pu la défendre. Tout cela
n'eft point dans l'original. Dès qu'on la
cueille , dit beaucoup mieux M. Mirabaud ,
dès qu'elle eft feparée de la tige qui la
foutenoit Pourquoi mettre en fentence
la fuité de cette comparaifon , la
jeunefille doit donc bien fe garder de fe taiffer
enlever &c. . Heureufe encore de refter
aimée par celui qui lui ravit tous les trefors
de fon fein ... outre qu'on ne dit pas .
A
#
158
و ر
و ر
MERCURE
refter aimé par quelqu'un , & que l'Ariofte
ne parle pas des trefors de fon fein. Cette
phrafe exprime foiblement le fentiment que
le Poëte a voulu peindre. « Qu'elle foit méprifée
de les autres Amans , pourvu qu'elle
foit tendrement
aimée de celui à qui elle
» a fu plaire ou plutôt, comme traduit
M. Mirabaud , qu'importe , après tout , que
fes autres Amans la dédaignent , pourvu qu'elle foit tendrement aimée de celui à qui
elle fe livre fans réferve.
وو
En voilà affez , Monfieur , pour prouver
que vous n'avez pas affez rendu de juſtice à
M. Mirabaud , qui ne peut vous répondre.
Je ne prétends pas faire la critique de M. le
Comte de Treffan ; ce feroit fort mal payer
le plaifir que j'ai toujours eu à lire fes Ouvrages.
Sa traduction eft ce qu'il a voulu
qu'elle fût , une traduction libre ou une
imitation agréable, pleine de vie & de chaleur
, du fublime Poëte Italien .
J'ai l'honneur d'être , &c.
है.
Explication de l'Enigme & du Logogryphe
du Mercure précédent.
LE mot de l'Enigme eft Lettre miſſive ;
celui du Logogrypheeft Brochet , où le
trouvent rochet & broche.
A
deling as carved mo , man sa nol A
DE FRANCE. i59
ÉNIGM E.
UOIQUI fouvent très -impofteurs ,
Nous fommes les grands précepteurs
Par qui la vérité ſe manifeſte aux honimes.
Nous fumes en naiffant de bien grands féducteurs
Et par- là devînmes auteurs
Du mal que produifit la plus belle des pommes.
19 Que tout mortel aime à fuivre nos loix !
Nous fommes en effet de fi charmans Apôtres bap
Mais qui fe livre à nous fans prudence & fans choix ,
Qui n'écoute que notre voix ,
Nous faitfouvent mourir les uns après les autres ,
Souvent même tous à la fois.
( Par M. de Laroque , Capitaine en Second
au Régiment de Baffigni. )
LOGOGRYPHE.
SANS être fphère , ou le globe du monde ,
Je fais comme eux de forme ronde.
On me fait parcourir , par jeu , par paffe - temps ,
Un chemin verd , dans tous les fens.
On uſe contre moi d'une rigueur extrême ,
Et cependant au fond l'on m'aime ;
Malgré cela l'on me mène au bâton
Et l'on me met fort fouvent en prifon,
>
T
160
MERCURE
Lecteur, fi tu me décompenfes , q
Tu ne trouveras pas un grand nombre de chofes
De quoi te nourrir cependant ;
Ce qui t'incommode fouvent ;
1
Ce qui fait loi dans l'Angleterre ;
Enfin , le nom qu'on donne à cette terre.
NOUVELLES
LITTÉRAIRES
.
992697. asb außsbaЯ indh
ÉTRENNES
DU PARNASSE , ou Choix de
Poéfies , par M. le Prévolt d'Exmes. A
Paris , chez Couturier fils , Libraire ,
Quai des Auguſtins , au Coq.b
OTTE Collection , qui fe
dil
avec
1.6
exactitude depuis douze ans , à la fin du
mois de Décembre , peut être regardée
comme un fupplément
à l'Almanach des
Mufes. Elle fut d'abord deftinée à recueillir
les Pièces Fugitives qui ne pouvoient trouver
place dans ce dernier , & les premiers
volumes n'ont en effet rien de commun avec
lui. Mais après la mort du premier Rédacteur
, étant paffee fucceflivement
en plufieurs
mains , elle ceffa d'être rédigée dans
cette vue , & les deux Recueils ont fréquemment
admis les mêmes morceaux à la même
époque. Il étoit en effet très difficile que
cela ne fût pas ainfi fur tour depuis que les
Journaux en fe multipliant , ont fourni >
DE FRANCE. 161
-
plus d'occafions de rendre publiques les
jolies bagatelles qui échappent de temps en
temps à nos Poëtes agréables. Malgré cette
reffource , les Étrennes du Parnaffe font
reftées très inférieures à l'Almanach des
Mules , qui , par les foins du Rédacteur ,
préfente toujours un grandsunombre de
Pièces choifies le plus fouvent avec goût,
& qui y joignent encore un mérite plus
piquant , pour ainfi dire , celui de la nouveauté.
M. le Prévoft d'Exmes , aujourd'hui
Rédacteur des Etrennes , fe propofe
de choifir dans tous les Journaux connus
les Opufcules qui y auront été imprimés
, de tirer , des analyfes que font
les Journaliſtes , les meilleurs morceaux
des Ouvrages de Poéfie dont ils rendent
compte & d'en compofer en partie fa
Collection . Ce projet a deux inconvéniens :
le premier , de ne mettre fous les yeux du
Public que des objets déjà connus ou médiocres.
Le fecond regarde les fragmens
tirés des extraits des Journaliſtes. Il eft bien
rare que leur intelligence ne tienne pas à
quelques vers de liaifon qui les fuivent ou
les précèdent , & dont le Critique donne
lidée dans fon analyfe. Quel agrément
pourroir t'on trouver dans la lecture
de lambeaux découfus , ne préfentant
que des pensées vagues , ou qui auroient befoin
d'être éclairées par une longue notice ?
Aucun , fans doute de la fatigue & de
l'ennui , voilà ce qu'on éprouvera. Un moyen
162 MERCURE
7
plus heureux , eft celui de joindre aux tra
ductions des Poéfies Italiennes , qui font,
depuis quelques années , une grande partie
de ce Recueil , les imitations ou traductions
qu'on pourra fe procurer des Poëtes de
toutes les Nations , de les diftribuer de manière
que le génie de chacun d'eux forme
un contrafte piquant , & capable de fixer
la curiofité ; mais nous engageons M. le
Prévoft d'Exmes à ne pas faire , comme dans
le Recueil de cette année , ufage des traductionsfoibles
, fous le prétexte de donner à connoître
les Pièces originales qui méritent d'être
diftinguées ; car ceux qui fe font inftruits
des langues étrangères formant le plus petit
nombre de Lecteurs , ne peuvent faire pencher
la balance en leur faveur , & les autres
ne peuvent tirer de ces imitations qu'une
idée imparfaite ; & fouvent fauffe , des Poëtes
dont la langue leur eft inconnue. Nous ef
pérons que nos remarques pourront être
utiles à M. le Prévoft d'Exmes, pour la fuite de
fon choix de Poéfies . Nous favons que celui de
cette année a été fait à la hâte ; & que le Rédacteur,
preffe par le peu de temps qui lui reftoit,
n'a puy donner tout le foin dont il eft capable
; qu'il fe propofe d'employer doréna
vant beaucoup plus de févérité ; en un mot ,
de rendre les Étrennes du Parnaffe dignes
des regards des gens de goût. Il paroît chaque
année une fi grande quantité de poéfies fugitives
, qu'il n'eft pas impoffible qu'on en
forme tous les ans deux Recueils agréables.
3
DE FRANCE. 163
L'intelligence de M. le Prévoft d'Exmes lui
indiquera fans doute les moyens d'enrichir
fes Etrennes de morceaux recommandables
par les idées & par le ftyle , & de les rendre
dignes de leur titre .
Les perfonnes qui defireront y faire inférer
leurs Opufcules , font priées de lès
adreffer , francs de port , avant le premier
Novembre , à M. Fétil , Libraire , rue Mazarine
, au Parnaffe Italien , ou à l'Editeur ,
rue des Poulies , hôtel Impérial.
›
Parmi les Pièces qui compofent le Recueil
de cette année , on diftingue de jolis vers à
Mde de la M. , qui , à vingt- trois ans , fe
plaignoit de vieillir , par M. de Choify ; une
Epitre à l'Ombre d'un Ami , par Mde la
Comteffe de D.; de jolis Couplets de M.
Moreau , ayant pour titre , l'Heureux Minif
tres une vieille Epigramme rajuftée à la moderne;
la Chanfon de Roland , imitée de
l'Italien , par M. le M. de P.; le Temple de
la Mort , imité de l'Anglois , par M. le
Comte d'Hartig ; & le Mort parlant, Conte ,
tiré des facéties du Pogge , par M. Harduin.
-A la fin du Volume des Etrennes du Parnaffe
qui parut au mois de Décembre 1779 ,
on trouve des Notices fur quelques Poëtes
Italiens . Ces Notices étoient trop courtes
pour être intéreffantes ; d'ailleurs , elles ne
donnoient qu'une connoiffance sèche de
quelques Auteurs , fans parler de l'hiſtoire
& des progrès de la Poéfie Italienne . L'Editeur
en a refondu une partie dans des Effais
164
MERCURE
hiftoriques , qui commencent
le Recueil
dont nous venons de rendre compte , & le
propofe de les refondre toutes fucceffivement
dans la fuite de ces Effais , qui paroîtront
tour-à-tour d'année en année. Les
treize Poëtes dont il eft queſtion aujourd'hui,
n'offrent point de détails piquans ; au moment
où il ont écrit , la langue Italienne
n'étoit pas encore formée , par conféquent
la poélie étoit dans fon enfance . On ne
peut donc qu'inviter M. le Prévoft d'Exies
à paffer rápidement
fur les objets qui ne
font pas fufceptibles de donner de l'intérêt à
fon entreprife , & à nous rapprocher , le
plus tôt qu'il lui fera poflible , du temps
le goût fe repofe avec plaifir fur les richeffes
du Parnaffe Italien . Qu'il n'oublie pas furtout
que dans un Ouvrage de la nature du
fien , il eft tout aufli effentiel de plaire &
d'amufer que d'inftruire . ipf
1
Cet Article eft de M. de Charnois. )
où
arky anom sup
boboloh 20s 197
*Chupitud l
M.st. curare.boar
dunt of co
alingesw0, and vast dinti
DE FRANCE. 165
20.
LETTRES de M. William Coxe , à M. W.
Melmoth , fur l'état Politique , Civil &
Naturelde la Suiffe , traduires de l'Anglois ,
& augmentées des Obfervations faites dans
le même pays , par le Traducteur , avec
cette épigraphe : Là , habite un peuple
fimple , bienfaifant , brave , ennemi du
fafte , ami du travail , ne cherchant point
d'efclaves & ne voulant point de maîtres.
De Méhégan , Tableau de l'Hift. Moderne.
1 Vol. in- 8 ° . de 26 pages. Prix , 3 liv.
A Paris chez Belin , Libraire rue
S. Jacques.
>
LA relation que M. Coxe a publiée de fon
Voyage en Suiffe , dit M. Kamond , Traducteur
de cet Ouvrage , a eu du fuccès en
Angleterre , & me paroît faite pour être
bien reçue en France je me fuis cruen
droit de la traduire , parce que j'ai moimême
parcouru le pays qu'il décrit .....
J'ai voyagé à pied avec un feul compagnon
né dans la région que nous parcourions....
& nous avons vécu en égaux avec les Bergers
que nous vifitions..... Avec ces titres , continue
M. Ramond , il
me
le
permis d'ajouter
aux defcriptions du Voyageur Anglois .
La phyfique & la morale font l'objet des
recherches de M. R. & de M, C.; les fources
du Danube , de la Reuff , de l'Aar &
du Rhône , les cataractes du Rhin , les lacs ,
les vallées & les glaciers , font très - bien
décrits dans leur Ouvrage. La vie privée des
- 166 MERCURE
1
Suiffes n'eft pas un des objets les moins intéreffant
, on y trouve un tarif du prix
des comeſtibles dans plufieurs cantons de la
Suiffe.
On eft faifi d'attendriffement & d'admirationen
lifant la defcription que fait M.
R. des Affemblées générales du Canton de
Glarus , qui jouit du pouvoir légiflatif. Une
vafte prairie eft le théâtre ordinaire de fes
Affemblées ; un quadruple rang de bancs y
forme un cercle de plus de trois cent pieds
de diamètre les Magiftrats occupent le
cercle intérieur ; le Peuple , compofe d'environ
quatre mille hommes , tous armés ,
occupe les autres bancs , & l'on donne aux
Curés du Canton des fiéges à côté des Magiftrats.
Le Préſident debout , appuyé fur un
long & lourd cimeterre , qui fervit jadis à
repouffer les Autrichiens , eft placé près du
centre du cercle , avec le Greffier & deux
Sergens à la livrée du Canton.
30
""
66
Que l'on imagine , dit M. R. , qui a
affifté à l'un de ces Comices , quelque
chofe de plus impofant que ce fpectacle ,
» & de plus refpectable qu'une Affemblée
» d'hommes libres réunis pour difcuter leurs
» intérêts communs , affis fur la terre qui
les a vu naître , qui les nourrit , & qu'ils
ont défendue contre le joug de domination
qui pèfe fur le monde , ayant devant eux
» leurs enfans qui s'enflamment déjà au
» nom de la liberté , & qui apprennent
d'eux à la tranſmettre intacte à leur pof-
و د
30
DE FRANCE
167
33
و ر
térité. Quel édifice auroit la majefté de
» cette vallée , protégée par les boulevards
» naturels du pays , parfemée de cabanes &
» couverte de troupeaux ? Tout me fembloit
» ici digne des prémiers âges des peuples .
» Tels étoient les anciens Romains & les
Républicains de la Grèce. Tels étoient ces
» vertueux Gaulois & ces braves Germains ,
» nos refpectables pères.... trule
""
ور
"
» Le Préfident propofa la ratification que
l'Ambafladeur de France attendoit à Soleure.
Un objet d'auffi grande importance
» devoit être décidé à la pluralité des voix. >>
" Toute l'Affemblée s'écria unanimement
qu'il étoit inutile de lescompter , & que s'il
» exiſtoit un Citoyen qui ne fût pas l'ami des
François, il ne falloit pas qu'il fût connu. »
Dans la même Affemblée , deux payfans ,
plus que fexagénaires , vinrent demandera
au peuple des difpenfes pour époufer des
parentes orphelines & pauvres ; plufieurs
voix s'élevoient en leur faveur
quand un Curé prit la parole pour repréfenter
les droits du Clergé ; il fit un
difcours plein d'érudition , pour prouver
qu'il n'appartenoit point à un Corps politique
de s'immifcer dans les affaires religieufes
il demandoit au peuple le renvoi de
cette affaire au Confiftoire Eccléfiaftique.
Une oppofition s'éleva : elle partoit d'un
fimple Berger. Il diftingua dans les degrés :
prohibés ceux qui le font de droit divin , &
ceux qui le font de droit humain ; quant aux
ུ་
26
168 MERCURE
premiers , dit- il , l'Eglife n'a pas plus de
pouvoir que les Laïcs pour en lever l'obl
tacle ; mais les feconds peuvent l'être par le
Souverain. Le Berger , par cette diftinction ,
conclut contre le Curé , que l'Affemblée
pouvoit prononcer fur cette efpèce de difpute
: vraisemblablement il n'avoit étudié
ni fcholaftique ni dialectique.
M. Coxe & fon Traducteur , peuvent être
mis au rang des meilleurs Peintres des
Alpes.
ALMANACH des Mufes , 1781. A Paris ,
chez Delalain l'aîné , Libraire , rue Saint
Jacques , vis-à-vis la rue du Plâtre.
IL paroît d'abord furprenant que l'Almanach
des Mufes foit fi foible cette année ,
puifque jamais la lifte des Auteurs qui ont ,
pour ainfi dire , fourni leur redevance annuelle
, n'a été fi nombreufe. Mais la furpriſe
ceffe lorfqu'on fait attention que parmi tant
d'Auteurs on ne trouve ni M. de Saint-
Lambert , ni M. de la Harpe , ni M. l'Abbé
de Lille , ni M. Barthe , ni M. de Chamfort
, ni M. Paliffot , ni M. Marmontel , ni
M. Ducis , ni M. le Ch. de Boufflers , ni
M. le Ch. Bertin * , ni M. le Ch. de Cubières
, &c. &c.
>
* Auteur d'un joli Recueil de Pièces Érotiques ,
intitulé : Les Amours , Elégies , en 3 Livres . Recueil
qui doit fervir de pendant aux Opufcules de M. le
Ch. de Parni. C'eft affez en faire l'éloge,
ROA
DE FRANCE. 169
On conçoit facilement que la Collection
doit être d'autant plus foible qu'elle eft plus
volumineufe. Trop de complaifance pour
les Auteurs , qui en effet font très - honorés
d'être inférés dans l'Almanach des Mufes
trop de prévention , ou du moins trop peu
d'empreffement à l'égard de ceux qui ne
pourroient que Phonorer : voilà les deux
reproches que l'on peut faire à l'Éditeur ,
& ce qui rend fi médiocre fon choix de
Poélies . Avant de mettre fous les yeux de nos
Lecteurs ce que ce Recueil offre de plus piquant
& de plus agréable . Nous parlerons de
la Pièce , fans contredit , la plus mauvaife ,
parce qu'elle eft attribuée à Voltaire. Ce
font desvers foi-difant adreffés à M. Rivarol,
en Janvier 1777. Les voici.
EN vain ma Mufe furannées
Youdroit
, ainfi que vous , rimer des vers ailés.
Je fens que ma force eft bornée ,
Ma chaleur eſt éteinte & mes fens font ufés.
Mais vous brillez à votre aurores
Vous êtes l'ami des Neuf Soeurs
Et je vois vos talens éclore
Avec lesplus belles couleurs.
luftres brifent mon être ,
Je refpire avec peine l'air;
Mais vous commencez à paroître ;
Et .l'on voit le printemps renaître
Des triftes débris de l'hiver.
Sam. 27 Janvier 1781 , H
170 MERCURE
Il eft vifible que Voltaire n'a jamais pu
faire de pareils vers , ni défigurer , d'une manière
auffi maladroite & aufli grotesque , fa
réponse à M. François , alors âgé de 19 ans.
Voltaire n'eût jamais dit , ni en profe ni en
vers, feize luftres brifent mon être , fans parler
du refte .
Une petite Pièce bien digne de lui , c'eſt
celle de M. le Duc de Nivernois , fur Ermenonville.
DE 200 JE ne traiterai plus de fables
Ce qu'on nous dit de ces beaux lieux ,
Où les mortels , devenus prefque Dieux
Goûtent fans fin des douceurs ineffables.
De l'Elysée , où tout eft volupté,
Je regardois le favorable afyle
Comme un beau rêve à plaifir inventé.
Mais je l'ai vu , ce féjour enchanté ;
Oui ,je l'ai vu je viens d'Ermenonville.
Voilà des vers d'un très bon goût ; ce
n'eft point- là du bel-efprit faux & recherché!
Voici une autre Pièce d'un autre ton :
la
naïveté en fait tout le fel . Elle a pour titre ,
la Bonne Journée.
UN pauvre Clerce du Parlement,
Arraché du lit brufquement
Comme il dormoit profondément ,
Gague l'étude triftement.
hose ?
DE FRANCE. 171
Y griffonne un appointement,
Def .Qu'il ofe interrompre un moment
Pour déjeuner fommairement;
En revanche écrit longuement ,
Dine à trois heures fobrement,
Sort au deffert difcrètement ,
Reprend la plume promptement
Jufqu'à dix heures feulement ;
Lors va fouper légèrement ,
Grimpe & fe couche froidement,
Dans un lit fait négligemment ,
Dort , & n'eft heureux qu'en dormant.
Ah ! pauvre Clerc du Parlement !
On fe rappelle peut- être d'avoir lu , dans
une des Feuilles du jour , fous le nom de
M. l'Abbé Delaunai , une Pièce intitulée :
Train de Vie d'un Poëte fur fon déclin . L'Auteur
de cet article reconnut le ftyle de feu
M. Dorat à la fimple lecture ; les Journaliftes
de Paris n'y virent que le bon Abbé.
Quoi qu'il en foit , elle a donné occafion aux
jolis vers que l'on va lire.
QUO ! vous faites de jolis vers ,
Et vous ofez impunément vous plaindre ?
Quand on tient d'Apollon tous les trésors ouverts ,
Un créancier n'eft point à craindre ;
Des vers coulans , des vers bien faits ,
Valent bien , croyez -moi , la plus fonnante eſpèce.
Puifez , puifez aux fources du Permeffe ,
Hij
472 MERCURE...
Vous acquitterez vos billets.
Loin du maître des Dieux , chaffé de fon empire ,
Sur ce globe qu'il égaya ,
Phébus fes créanciers paya
Par les fons enchanteurs qu'il tiroit de fa lyre.
Vous , cher Abbé , qui fur d'aimables tons
Montez fon luth & vous faites connoître ,
Imitez l'exemple du maître;
Payez auffi par des chanfons.
Parmi les Pièces à diftinguer dans l'Almanach
des Muſes , on remarque beaucoup
d'Épigrammes. Voici la meilleure.
CE Monfieur Bos , il -fue , il fe travaille ,
Et dans fon feu voyez comme il eft froid !
Ce Monfieur Bos veut agrandir fa taille ,
Et chaque jour il décroît , il décroît.
Profaïfant & rimant par furcroît ,
Ce Monfieur Bos fi gai , fi lourd , m'affomme
Ah ! que n'eft-il du moins ce qu'il ſe croit !
Midas ! ce feroit un grand homme.
De par
Voilà le bon genre de l'Epigramme , le
genre de Jean-Baptifte & de Piron. Celle-ci,
de M. le Ch. de la Loge , eft encore très
bien tournée,
HATE-TOI , Vole , imbécille Damon :
Paffe les mers : hûme dans Albion
L'épais brouillard des bords de la Tamife
DE FRANGE. 1731
Fais plus encor : parcours avec éclat
Pékin , Moſcow , Vienne , Rome , Veniſe; -
Et nous dirons : ô merveille ! ô ſurpriſe !
Il partit fot ; il eft revenu fat.
Le même Auteur à fait de très- jolis vers
pour être attachés au col d'un perroquet.
HEUREUX oifeau , vole auprès de Thémire ;
Répète-lui ces noms fi doux à prononcer ,
Ces noms charmans dont j'aimais à t'inftruire.
Tu les diras fans les penfer ;
Etje les penfe fans les dire.
La Pièce de M. Selis , cette année , eft une
Eglogue aux Miniftres actuels. Elle nous a
paru un peu foible.
DAPHNI S.
Ainfi dans nos hameaux te voilà de retour !
Qu'as-tu vu , cher Ménalque , à Paris , à la Cour ?
MENAL QUE,
Dans les murs de Verfailles un Roi fenfible & fage ,
A fa jeune gaîté joint les moeurs du vieil âge.
Il eft bon : j'ai cru voir un Berger careffant
Autour de qui s'ébat fon troupeau floriſſant,
Tout refpire en ces lieux la naïve allégreffe.
Des Miniftres zélés fecondent fa tendreffe.
Oh ! de quel ton Paris célèbre leurs travaux !
Au furplus , le refte de l'Eglogue vaut beau
coup mieux ; ony remarque des vers bien faits.
Hij
174 MERCURE
Au Palais de Plutus l'auftère économien velponD
Veille à l'argent facré que prête la Patrie.
Ces chemins qu'en pleurant conftruifoit l'indigence ,
Nous paieront nos fueurs & leur magnificence.
Et de tant de bienfaits , ô furprife ! ô bonheur !
Nul impôt odieux ne trouble la douceur.
MÉNAL QUE
La ville s'applaudit d'une faveur égale :
Tandis que pour abattre une fière rivale
Cent vaiffeaux font partis chargés de légions
DAPHNI S.
by
Quoi la France eft enguerte ? Ami , nous l'ignorions.
Ce dernier trait fur-tout eft heureux.
Les vers de M. de la Louptière à Sophie ,
& fes triolets fur l'Amour & l'Amitié font
très agréables , & nous nous ferions un
vrai plaifir de les tranfcrire , fi les uns n'avoient
pas déjà été inférés dans ce Journal ,
& les autres ne fe trouvoient pas
dans le petit Chanfonnier François & ailleurs.
Son Épître à une nouvelle Catholique
nous a paru ingénieufe mais un peu négligée,
au moins pour le ftyle .
Le Poëme de M. Maréchal fur l'enfance ,
annonce qu'il n'a pas le talent des grands
vers. On peut rimer avec grace & correction
trente bagatelles poétiques , & être
incapable de compofer de fuite trente beaux
vers alexandrins.
*
DE FRANCE. 175
Les Pièces de feu M. Dorat , de M. le
Chevalier de Parni & de M. Imbert doivent
être particulièrement diftinguées . Ce
dernier annonce qu'il va publier un Recueil
de Contes , dont quelques-uns ont déjà
paru dans le Mercure. Nous ofons l'exhorter
à les abréger beaucoup. Lorfqu'il les a inférés
dans ce Journal , il n'a peut être pas eu
temps de les faire plus courts : aujourd'hui
cette excufe ne feroit plus valable.
le
L'Epître à Damis , par M. Garnier , nous
a paru la plus jolie des Poéfies qui , dans ce
Recueil , ont une certaine étendue. Elle mérite
d'être lue toute entière , & nous regrettons
de ne pouvoir donner ce plaifir à nos Lecteurs.
Nous leur copierons du moins les
vers de M. le Marquis de Villette , pour le
portrait de M. d'Alembert.
S'IL parle , il fait prendre le ton
De Théophrafte dans Athène ;
S'il tient la plume , c'eſt Platon ,
Avec le compas , c'eſt Newton ;
Quand on le voit, c'eft La Fontaine,
Cette jolie bagatelle fait defirer que l'Editeur
eût recueilli d'autres Pièces d'une Mufe
aulli facile & auffi ingénieufe .
Nous ne finirons point cet article fans
rendre hommage à nos modernes Deshoulieres,
Mde de Bourdic, Mde la Marquife
de la Férandière , & Mde la Comteffe de
Hix
176
MERCURE
Beauharnois. Les Mufes ne font jamais plut
intéreffantes que lorfqu'elles n'ont poinchangé
de fexe. Nous regrettons de ne pou,
voir citer l'Épître à un habitant de la Cour
de Mde de la Férandière , & celle de Mde
de Beauharnois à M. Bailli ; mais nous citedu
moins en partie , celle de Mde de
Bourdic à une de fes amies qui étoit allés
aux eaux de Lan guedoc.
rons ,
Je ne viens pas , belle Comteffe ,
Sur un ton fade & langoureux
Ergsol es u
Vous conter l'ennui , la triſteſſe
Que nous refpirons dans ces lieux :
Il faut bien quand V ** nous laiffe ,
Nous voir abandonnées des Plaifirs & des Jeux
Si l'Amour eft inconfolable ,
Si l'amitié verfe des pleurs ,
Ce font-là les petits malheurs
Que caufe toute femme aimable.
Quelle Belle n'a pas l'honneur
De faire quelque miférable ,
Et d'affliger un tendre coeur ?
Après tout , qu'a- t'on à vous dire ?
Vénus change bien de climats :
Comme Vénus n'avez-vous pas
Des droits fur tout ce qui refpire ?
L'Univers , voilà votre Empire.
Que Céphife , dans Aubenas ,
Petite Ville qu'habitoit alors l'Auteur.
DE FRANCE 177
Végète & refte enfevelie ,
Ce n'eft rien : il faut qu'ici- bas
Les laides dérobent leur vie :
Elles font nulles dans l'état .
Toute la fphère eft pour les Belles :
Rien n'eft plus jufte : hélas ! fans elles
Ce monde auroit il tant d'éclat ?
Auffi , jeune Églé , je parie
Qu'en vous voyant dans le Septimanie ,
Nos empreffés Batons ont fait mainte folie.
Tout en lorgnant votre gentil minois ,
L'un dira : Dieux ! qu'elle est belle !
L'autre : eft- ce bien une mortelle ?
Que fon fourire eft gracieux !
Comme l'amour eft dans les yeux !
Qu'il eft doux d'en avoir pour elle ! &c.
P. S. Le foi difant Secrétaire des Mufes
continue à donner une Notice de tous les
Ouvrages de Poéfie qui ont paru dans l'année
, & contre lefquels il prononce un arrêt
fans appel en deux , trois ou quatre lignes.
Son ton eft toujours le même , c'est-à- dire ,
très-curieux. Par exemple , M. Roucher a ,
felon lui , une manière large. On ne fait pas
bien ce que fignifie cette manière large , à
moins qu'il n'ait voulu dire que M. Rou
cher avoit de fréquens écarts.
Voici encore comment il juge le Poëme
Hv
178
MERCURE !
ود
de Tangu & Félime , par M. de la Harpe.
Manière fouvent très- sèche , & dans
quelques endroits une gaiétégrimacée. » *
Sans parler de ce ftyle fec & grimacé , il eft
bien étrange qu'un homme qui n'a rien fait ,
ne fait rien , & vraisemblablement ne fera
rien , prononce fur les plus grands talens
avec cette morgue doctorale.
OPUSCULES
Mathématiques de M.
d'Alembert , Tomes VII & VIII , in-4º . ,
A Paris , chez Jombert , l'aîné , Libraire ,
rue Dauphine.
CES deux nouveaux Volumes font le
quinzième & le feizième de la Collection
des Ouvrages Mathématiques de M. d'Alembert.
Les Géomètres favent que c'eft à fon
génie qu'ils doivent une grande partie des
progrès que les Sciences ont faits en -ce
genre depuis quarante ans. Il a donné le
premier un principe général de Dynamique,
indépendant de toute loi de convenance, &
de toute hypothèſe métaphyſique , il a
fu l'étendre le premier aux mouvemens
des corps finis , qui , juſqu'à lui , n'avoient
pu être foumis au calcul . Enfin , il l'a
même appliqué aux fluides , dont , jul-
* Ce Poëme , qu'on lit & relit avec un charme
toujours nouveau , fe trouve à Paris , chez Lambert
& Baudoin , rue de la Harpe.
DE FRANCE. 179
qu'alors , on n'avoit pu calculer les mouvemens
que d'après des hypothèſes plus ou
moins plaufibles , mais toujours bien éloignées
d'être fufceptibles d'une preuve rigou
reufe.
Ainfi , tous les problêmes des Sciences
Phylico- Mathématiques , que l'état actuel
de l'Analyfe, & la connoiffance des loix de
la nature , permettoient de réfoudre , fe font
trouvés réfolus. Ceux qui intéreffoient les
corps fluides ou flexibles demandoient une
analyfe nouvelle , & le même Géomètre qui
avoit trouvé ces principes , eft encore celui
qui a découvert cette nouvelle branche de
calcul.
Mais , 2 quelque grands que foient les
premiers pas du premier inventeur , il s'en
faut beaucoup qu'il atteigne au bout de la
carrière. Lui-même , plus que perfonne, ſait
combien il lui refte à faire. Ainfi , les Opufcules
de M. d'Alembert font , en grande
partie , le fupplément de fes premiers Ouvrages.
Il s'y eft occupé de développer les
conféquences importantes des principes &
des methodes nouvelles qu'il a inventées
de multiplier les applications de fes principes
, & de perfectionner ou de généralifer
les méthodes.
>
L'Aftronomie phyfique doit beaucoup à
M. d'Alembert. Nous avons de lui une folution
du Problême des trois corps , par
une méthode auffi sûre & auffi exacte
que nos connoiffances analytiques puiffent
H vj
188 . MERCURE
le permettre. Des recherches profondes fur
la figure de la terre , où cette importante
queftion eft traitée dans fa plus grande gé
néralité ; une méthode de calculer les perturbations
des Comètes très-ingénieufe ,
qui s'étend à tous fes cas ; enfin , une folu
tion du Problême de la proceffion des
Équinoxes , Problême qu'il a réſolu le
premier , par un de ces nouveaux principes
de méchanique dont il a enrichi les Sciences.
M. d'Alembert s'eft occupé auffi de l'Optique
, & fur-tout de deux branches de
cette Science , celle qui explique les phé
nomènes de la vifion , & celle qui , foumettant
aux calculs les loix de la réfraction
& de la difperfion de la lumière , donne la
théorie des lunettes acromatiques.
2
Le calcul des probabilités devoit plaire
un Géomètre Philofophe. Aufli cette partie
des Mathématiques at- elle été plus d'une
fois le fujet de méditation de M. d'Alembert.
Comme grand Géomètre , il a foumis
au calcul plufieurs queftions intéreffantes
de cette partie de l'analyſe , & entre -autres
celle des avantages de l'inoculation ; comme
Philofophe , il a examiné les principes mér
mes de la fcience fur lefquels les premiers
Géomètres qui s'en étoient occupés , char
més des réſultats ingénieux & piquans où le
calcul les conduifoit , fembloient avoir
évité de les rendre trop difficiles .
Il n'y a aucun de ces objets fur lequel ces
deux nouveaux volumes ne renferment des
DE FRANCE 781
recherches dignes du nom & du génie de
l'Auteur.
1
Ainfi , l'on trouve dans ces deux volumes
des recherches profondes fur l'analyfe pure,
fur le mouvement des corps folides ; des
Mémoires fur la théorie des refforts , fur
les loix générales de l'équilibre & du mouvement
des fluides , fur les perturbations
des Comètes , & fur la figure de la terre ; de
nouvelles réflexions fur l'Optique , & une"
folution particulière d'un Problême fur les
Probabilités , célèbre parmi les Géomètres ,
dont il a exercé la fagacité , fous le nom du
Problême de Pétersbourg.
La liaifon que les différens Mémoires
qui forment ces Opufcules , ont avec les ob
jets qui font Traités dans les Volumes pré
cédens , & avec les traités particuliers où
l'Auteur a établi les fondemens des grandes
théories dont il a augmenté la maffe de nos
connoiffances , ne permet guères de donner
dans un extrait une idée jufte de ce qu'ils
renferment.
D'ailleurs , le nom de M. d'Alembert eft
fi juftement illuftre parmi les Savans , qu'il
fuffit qu'il foit à la tête d'un Ouvrage pour
exciter leur intérêt, & pour qu'ils foient sûrs
d'y trouver de quoi s'inftruire. A la vérité ,
quelques hommes , les uns bleffés de fa
gloire , les autres plus bleffés encore de fon
zèle pour les progrès des lumières utiles ,
ont , depuis quelques années , attaqué fa
réputation comme Géomètre , & lui
}
182 MERCURE
ont difputé le rang où le petit nombre de
fes contemporains , dignes de l'apprécier
l'a placé d'une voix unanime. Mais une partie
de ces Critiques ignoroient abfolument la
Géométrie , & ne favoient pas même que
l'existence du génie d'un Géomètre n'eft pas
une affaire d'opinion , mais un point de fait
fufceptible de preuves rigoureufes ; & fi on
a vu dans le nombre de ces détracteurs quelques
Géomètres médiocres , ils ne fe font
point apperçu fans doute que , par cette ma
nière de juger un grand Homme , ils donnoient
la preuve la plus décifive & la plus
complette de leur médiocrité, du moins aux
yeux de ceux qui leur faifoient l'honneur
de ne pas douter de leur bonne-foi.
L'ART du Fabricant de Velours de Coton ,
par M. Roland de la Plâtrière, Infpecteur
Général des Manufactures de Picardie,
Vol. in fol. avec Figures. A Paris , chez
Moutard , Imprimeur-Libraire , rue des
Mathurins.
L'USAGE des Velours de Coton , répandu
en France depuis 25 à 30 ans , y forme
aujourd'hui une branche de Commerce trèsconfidérable
, fans être cependant aufli avantageux
à l'induftrie nationale qu'il le paroît
au premier coup - d'oeil. L'Auteur, à qui nous
devons ce Traité précieux , obferve que fi
jufqu'à préfent nos Velours font à un plus
haut prix que ceux d'Angleterre , il faut l'atDE
FRANCE. 183 1
, que ,
tribuer au défaut de concurrence , & au
myftère que les Fabricans ont fu mettre dans
ce genre de travail. La publicité des opérations
peut feule étendre la main - d'oeuvre ,
& établir une concurrence de travail & de
prix , elfentielle à l'utilité publique. On ne
compte parmi nous , dit l'Auteur
quatre ou cinq Fabriques de Velours de Coton;
les Entrepreneurs foutiennent ces Etoffes à un
prix fi haut , qu'il en résulte une introduction
confiderable en contrebande de celles d'Angleterre
, quoique la main - d'oeuvre foit
beaucoup plus chère en Angleterre qu'en
France , & qu'elle tire , ainfi que nous , les
matières premières des Colonies.
Si depuis vingt ans M. de la Plâtrière eût
publié les favantes recherches , il eft à préfumer
que nous aurions aujourd'hui une
multitude de Manufactures en ce genre , &
qu'on n'auroit plus à craindre de concurrence
étrangère. Son Ouvrage eft accompagné
d'une Differtation fur la nature , le choix &
la préparation des matières , & d'un Traité
de la Teinture & de l'impreffion de ces mêmes
matières.
Il feroit à defirer que tous nos Infpecteurs
de Manufactures pullent juftifier ainsi ,
aux yeux du Public , le choix du Gouvernement
, & la confiance dont il les honore.
184 MERCURE T
VARIÉTÉ S.
LETTRE à M. DE MONGÉS, fur une
Fête qu'on célèbre annuellement à Troyes.
CIST une illusion, Monfieur , que d'imaginer
5 que la réduction , un peu tardive , de notre ville
de Troyes fous l'obéiſſance du bon Henri * foit l'objet
d'une fête dont la fplendeur & la gaieté répondent
aux fentimens dont toute la nation paroît aujour→
d'hui pénétrée pour le Chef de la Maifon regnante.
Cette fête fe réduit à une Proceffion , invariablement
fixée au Mardi-faint , parce que la ré
duction qui en eft l'objet , date du 26 Mars de
l'année 1594 , dans laquelle l'âques tomboit au
3r de ce mois.
Deux files de croix voilées , le Clergé fuivant
fur deux lignes , en vifages de carême encamaillés
, un reliquaire de la vraie Croix , porté fur un
brancard par deux gens d'égliſe revêtus de dalmatiques
ou cháppes de la couleur que prend l'Eglife
dans la Semaine-fainte , des antiennes em
pruntées de l'office de cette femaine & de celui
des Rogations , chantées fur le ton lamentable
de ces folennités , quelques gens du Corps Municipal
fermant la marche , deux cloches fonnant
triftement à la fortie & à la rentrée de la Proceffion
: tel eft l'appareil de cette fête , què la nou-
* Lors de cet événement , un Aubergifte de Troyes
avoit pris pour enſeigne le Bon Henri. Cette auberge ſubfiftoit
encore en 1760. Le nom en eft demeuré à la famille
qui l'ouvrit : elle porte , par contraction , le nom de
Banry.
DE FRANCE 18px
velle génération n'a point vu honorée de la préfence
des Evéques ; fête qui femble annoncer la
commémoraifon douloureufe de la prife de Troyes
par un Conquérant barbare qui l'auroit mife à
feu & à fang, & non le retour de cette ville
dans les bras d'un bon & tendre père à qui elle
difoit , comme S. Auguftin à Dieu : Serò cognovite,
6 bonitas infinita !
Il eft fans doute étonnant que cette folennité
ait êté fixée au Mardi-faint. Si on l'eût attachée
au 26 Mars , dans plus de la moitié des années
que Pâques parcourt , du 22 Mars au 15 Avril ,
elle feroit tombée après Pâques. Alors la commémoraifon
de fa réfurrection concourant avec celle
de N. S. , Troyes auroit pu fe livrer à l'alegreffe
& à la joie que provoque l'Eglife elle - même "
dans l'antienne la plus fréquente de l'office pafchal
(Haec dies , &c. ) . Il auroit pu même arriver que
foit par raifon de cette alegreffe , foit pour débarraffer
la Semaine-fainte d'une fête qui lui feroit
devenue peu afſortie , on l'eût remife après
Pâques , lorfque le 26 Mars feroit tombé en
tême.
}
L'arrangement contraire fut l'ouvrage de l'efprit
de la Ligue , qui , dans quelques corps & chez
quelques particuliers , avoit furvécu à la deftruetion
de ce monftre. Il fe perpétua dans une Congrégation
formée entre des chanoines & d'autres
prêtres , & dans laquelle les Jéfuites trouverent
les plus ardens promoteurs de leurs deffeins fur
Troyes. Il fubfiftoit encore en 1637 , & nous
lui devons le petit S. Lambert placé fur nos remparts
, au-deffus de la glacière , en mémoire de la
* Voyez les Mémoires pour fervir à l'Hiftoire des Jéfuites
à Troyes , & le premier vol. de mes Mémoires für
Troyes , page 367.
186 MERCURE ?
déconvenue d'un parti détaché par Henri IV , quie
en 1590 , le jour de la fête de S. Lambert , introduit
à Troyes par le Préfident de Mefgrigny,
& n'ayant pu tenir contre la bourgeoific armée ,
avoit pris la fuite , & laissé un grand nombre de
morts & de prifonniers. *
On imagine aifément , d'après l'influence de
ce parti dans le réglement des cérémonies , qu'il
ne négligea rien pour répandre un voile lugubre
fur celle que devoit conferver à la postérité la
victoire de Henri IV , & pour en faire la dou
blure du fpectacle que donnent , dans la Satyres
Menippée , les Launay , les Garipus , les Cully
& les Aubri , tombant à genoux devant la croixo
du Légat , & entonnant à haute voix , entrecoupéel,
de fanglots :
"
O crux , ave, fpes unica ,
Hacpaffionis tempore ! **
C'est en effet ce que chantent les antiennes prefcrites
d'après le Proceffionnal renouvelé par M.
Boffuet en 1739. La première, Exurge, empruntée des
rogations , a pour objet de détourner la colère de
Dieu. La deuxième, Salvanos, faite pour le Dimanche
des Rameaux , demande à Dieu qu'il fauve fon peuple,
pour
le mettre en état de confeffer fon faint nom.
La troisième eſt un répons du Dimanche de la Paffion :
il implore les fecours de Dieu contre les machinations
& les confpirations des ennemis , en rap-
* Cette incurfion coûta la vie à l'oncle d'une de mes
trifaïeules paternelles de fon nom , Yves le Tartier
Doyen de S. Étienne : accouru pour défendre l'entrée de
fon Cloître contre le Béarnois , & donnant fes ordres , la
curaffe fur le dos , le cafque en tête & la lance au poing,
il fut percé d'une arquebufade .
** Satyre Ménippée , édition des Elzevirs , page 80
DE FRANCE.
18,71
pelant celle des Princes & des Pharifiens contre
J. C. Or , toutes ces antiennes qui , fuivant le
Proceffionnal, Cantantur fine Alleluia & Gloria patri,
s'expliquent d'elles-mêmes à ceux qui connoiffent
l'efprit de la Ligue , & l'inimitié contre Henri IV ,
dont il ne put fe défaire.
會
Tous les coeurs , aujourd'hui réunis par l'attachement
& par la tendreffe pour la mémoire de ce
Prince , femblent demander que l'on répande fur
la fêre dont il eft le coriphée , l'air & le ton de
joie , de jubilation & d'alegreffe qu'elle auroit
dû prendre des fon inftitution ; & qu'en la tranf
férant après Pâques , dans les années où le 26 Mars
tombe en carême , on l'accompagne de motets
& d'antiennes affortis , pour le chant & pour les
paroles , aux fentimens de ceux qui la célèbrent.
Jufqu'en 1750, la Proceffion du Mardi-Sainr étoit
précédée d'un fermon prononcé par un orateur
du Diocèfe. Un grand faifeur , par les mains
de qui paffoient alors toutes nos affaires publiques
, vit dans ce fermon une amende honorable ,
& il en ordonna la fuppreffion.
Dars le tems où M. le Comte de Mefgrigny-
Villebertain honora la Mairie en la remplifant , il:
avoit rétabli ce fermon , qui depuis eft tombé en
défuétude. L'éloge de Henri IV , celui de Troyes
& des hommes qu'elle a donnés à l'églife , à la
robe , à l'épée , aux arts & aux fciences, entroient
dans ce difcours , dont le texte étoit : Deum timete,
Regem honorate , & l'objet , le devoir des fujets
envers les Rois. Il offroit un fujet d'émulation aux
jeunes clercs ; il leur mettoit fous les yeux une
matière dont les féminaires s'occupent peu ; enfin ,
il leur infpiroit quelque intérêt pour les connoiffances
relatives à leur patrie & à fon hiftoire. Ne
concluricz-vous pas auffi à fon rétabliſſement 2
Je fuis , &c. GROSLEY.
MERCURE
SCIENCES ET ARTS.
DÉCOUVERTES.
LE SIEUR TROUSSIER , Marchand Chapelier ,
très-zélé pour
fon Art , eft parvenu la perfection de
à établir une Manufacture -de plufieurs espèces de
Chapeaux qui méritent d'être connus du Public. La
matière qu'il employe leur donne plus de douceur ,
ordide
fineffe & de légèreté que n'en a le calorur
II
naire ; ils réfiftent à la pluie , ne fe graiffent jamais ,
& deviennent plus fins à mesure qu'on les porte.
en fabrique de toutes qualités , pour les Maîtres
comme pour les Domeftiques. Il en a de blancs
l'ufage des Dames , mais qui l'emportent fur ceux
d'Angleterre par la blancheur & la légèreté. On
fait que ces derniers font préférables à tous les
autres pendant les grandes chaleurs de l'été.
Pour rendre toute efpèce de Chapeaux abfolu
ment impénétrables à l'eau , le fieur Trouffier pofmle
sède le fecret de les vernir * & de leur donner
toutes les couleurs qu'on pourra defirer. Cette précaution
au reſte eft abfolument inutile à l'égard des
fiens ; il les garantit pour réfifter aux pluies les plus
fortes. Le fieur Trouffier nous femble d'autant plus
digne de la confiance du Public , qu'ayant foumis
fes découvertes à l'examen de Académie des
Sciences , il en a obtenu le fuffrage le plus flatteur.
Voici l'Extrait tité des Regiftres de cette Compagnie
favante.
*
* L'ufage de ces chapeaux eft fort dangereux au foleil ,
caufe des émanations que répand le vernis.
DE 189 魔FRANCE
95
« Les Commiffaires chargés de fuivre les opérations
du fieur Trouffier dans les différentes manipulations
qu'il a inventées , rapportent qu'il
» eft parvenu à former une étoffe précieufe d'une
matière beaucoup plus fine que le caftor , dont le
travail eft plus difficile , ce qui annonce que le
fieur Trouffier à une grande intelligence dans
» l'Art de la Chapelerie....
$
·
» Le fieur Trouffier a fait part en même-temps
» d'une nouvelle méthode qu'il a fuivie dans la
compofition des trois quarts caftors , demi- caf
tors & des autres Chapeaux où il entre des mê-
» langes ; il nous en a montré très fenfiblement
les bons effets ; & en comparant fa compofition à
» ceux de la compofition ordinaire , nous avons
» été convaincus
quefa nouvelle méthode contribue
à donner plus de folidité au corps de l'étoffe .
Signé , de Montigny, Tillet , Defmarets . Certifié
le préfent Extrait conforme à l'original &
au jugement de l'Académie. Signé , le Marquis
» de Condorcet. »
Le fieur Trouffier demeure à Paris , rue Planche-
Mibraye , vis-à-vis celle de la Vannerie , près de
Saint Jacques de la Boucherie.
GRAVURES.
TABLEAU des Mathématiques , avec son explication
, par L. C. E. Delifle , Maître d'Hydrographie
& de Mathématique. A Paris , chez le fieur
Fortin , Ingénieur Mécanicien du Roi , rue de la
Harpe. Prix , 4 liv. Cet Ouvrage a deux Parties.
1. le Tableau ou Carte Générale des Mathématiques
; c'eft un efpèce d'arbre dreffé fur une feuille
de papier que l'on nomme grand Aigle , détachée
du Livre d'Explication ; 2 ° , l'Explication , Bro190
MERCURE
chure in -8 , d'environ cent pages , avec figures.
Ce Tableau & fon Explication donnent une idée
fimple , méthodique & inftructive des différentes
branches des Mathématiques & de leurs ramifications.
Dans la première Partie , fur chaque pierre
d'un portique , dont la voûte couronne les branches
de l'arbre , on trouve le précis du rameau qui
s'y termine ; dans la feconde , chaque article y eft
repris avec quelques détails . Les proportions & les
règles de trois , quoiqu'en abrégé comme toutes les
autres Parties , y font traitées de manière que les
Perfonnes qui ne favent que les quatre premières
règles de l'Arithmétique, y trouveront les inftruc
tions néceffaires pour réfoudre les queftions curieufes
& intéreffantes qui font inférées dans différentes
Parties.
Cet Abrégé , propre à infpirer le goût des Ma
thématiques à tous ceux qui craignent d'y rencontrer
des épines , eft néceffaire à ceux qui ayant
déjà des connoiffances veulent s'en rappeler les
principes.
Nota. Dans peu il paroîtra chez le même
des Loto Géographiques , compofés chacun de
quatorze Tableaux ou Cartes & d'un Globe , avec
une Inftruction . Ce Jeu fera d'autant plus intéreſ
fant , qu'en amufant il aura l'avantage d'apprendre
la Géographie fans aucun travail , & , pour ains
dire , fans s'en appercevoir.
Portrait de la Reine Jeanne , Fondatrice du Collége
de Navarre , gravé par Louis Jogan. Prix ,
I liv 4. A Paris, chez Ingouf, Graveur , rue de la
Parcheminerie , vis - à- vis le paffage Saint Severin.
Portrait de Fontenelle , deffiné & gravé par Savart
, d'après le bufte de M. Lemoine , appartenant
à l'Académie des Sciences. Prix , 3 liv. A Paris ,
chez Chereau , rue des Mathuring.
Carte Minéralogique de France , deffinée fur les
DE FRANCE. ΤΟΙ
obfervations de M. Guettard , gravée, par M. Dupain-
Triel père. Prix , 2 liv. 8` fols. A Paris , chez
-Dupain- Triel , Cloitre Notre- Dame.
ANNONCES LITTÉRAIRES..
COSMOGRAPHIE
ÓSMOGRAPHIE Élémentaire , divifée en partie
Aftronomique & Géographique , avec des Planches
& des Cartes , par M. Mentelle , Volume in-8 ° .
Prix, 5 liv. broché. A Paris , chez l'Auteur , rue de
Seine , Hôtel de Mayence.
L'Architecture , Poëme en trois Chants , par
M. Maillier , Architecte , Volume in - 8 ° . Prix ,
2 liv. 10 fols , & en très-beau papier , 4 liv. 4 fols.
A Paris , rue de la grande Troanderie , maifon de
M. Dumefnil, Apothicaire.
Poëme fur la Mort de l'Impératrice-Reine , par
M. de Rochefort, de l'Académie des Infcriptions ,
-in - 4° . A Paris , chez Lambert & Baudouin, Impr.-
Libraires , rue de la Harpe , & Efprit , au Palais
Royal bredag leve , se
Joannis Razoux , Nemaufenfis , Differtatio Epiftolaris
, de Cicata, Stramonio , Hyofciamo & Aconito
, Vol. in- 8 ° . Nemauft, ad Petrum Beaume ,
Typographum.
Réflexions importantes fur les éloges de Voltaire
qui ont concouru pour le prix de l'Académie Franfeile
, par M. Laus de Boiffy , in-8 ° . A Paris , chez
Valleyre T'aîné , Imprimeur Libraire , rue de la
vieille Bouclerie.
Clémentine & Déformes , Drame en cinq Actes &
en profe , par M. Monvel , repréſenté par les Comédiens
François le 14 Décembre 1780 , in-8 ° .
Prix , livre to fols. A Paris , chez la Veuve Duchefue,
Libraire , rue Saint Jacques,
190 MERCURE
chure in- 8 , d'environ cent pages , avec figures.
Ce Tableau & fon Explication donnent une idée
fimple , méthodique & inftructive des différentes
branches des Mathématiques & de leurs ramifications.
Dans la première Partie , fur chaque pierre
d'un portique , dont la voûte couronne les branches
de l'arbre , on trouve le précis du rameau qui
s'y termine dans la feconde, chaque article y eft
repris avec quelques détails . Les proportions & les
règles de trois , quoiqu'en abrégé comme toutes les
autres Parties , y font traitées de manière que les
Perfonnes qui ne favent que les quatre premières
règles de l'Arithmétique , y trouveront les inftruc
tions néceffaires pour réfoudre les queſtions curieufes
& intéreffantes qui font inférées dans différentes
Parties.
Cet Abrégé, propre à infpirer le goût des Ma
thématiques à tous ceux qui craignent d'y rencontrer
des épines , eft néceffaire à ceux qui ayant
déjà des connoiffances veulent s'en rappeler les
principes.
Nota. Dans peu il paroîtra chez le même
des Loto Géographiques , compofés chacun de
quatorze Tableaux ou Cartes & d'un Globe , avec
une Inftruction . Ce Jeu fera d'autant plus intéreſ
fant, qu'en amufant il aura l'avantage d'apprendre
la Géographie fans aucun travail , & , pour ain
dire, fans s'en appercevoir.
Portrait de la Reine Jeanne , Fondatrice du Collége
de Navarre , gravé par Louis Jogan. Prix ,
I liv 4 f. A Paris, chez Ingouf, Graveur , rue de la
Parcheminerie , vis -à-vis le paffage Saint Severin .
Portrait de Fontenelle , deffiné & gravé par Savart
, d'après le bufte de M. Lemoine , appartenant
à l'Académie des Sciences. Prix , 3 liv. A Paris ,
chez Chereau , rue des Mathuring.
Carte Minéralogique de France , deffinée fur les
DE FRANCE
. 191
obfervations de M. Guettard , gravée par M. Du-
-pain-Triel père. Prix , 2 liv. 8 fols. A Paris , chez
-Dupain-Triel , Cloitre Notre-Dame.
ANNONCES
LITTÉRAIRES
..
COSMOGRA ÓSMÓGRAPHIE Élémentaire , divifée en partie
Aftronomique & Géographique , avec des Planches
& des Cartes , par M. Mentelle , Volume in-8° .
Prix , 5 liv. broché. A Paris , chez l'Auteur , rue de
Seine , Hôtel de Mayence .
L'Architecture , Poëme en trois Chants , par
M. Maillier , Architecte , Volume in - 8° . Prix ,
2 4 fols.
A Paris , rue de la grande Truanderie , maifon de
M. Dumefnil , Apothicaire.
liv. 1e fols , & en très-beau
papier,
4maifon de
Poëme fur la Mort de l'Impératrice-Reine , par
M. de Rochefort , de l'Académie des Infcriptions ,
in - 4° . A Paris , chez Lambert & Baudouin, Impr.-
Libraires , rue de la Harpe , & Efprit , au Palais
Royal simman eve
Joannis Razoux , Nemaufenfis , Differtatio Epiftolaris
, de Cicuta , Stramonio , Hyofciamo & Aconito
, Vol. in-8 °. Nemauft, ad Petrum Beaume ,
Typographum.
Réflexions importantes fur les éloges de Voltaire
qui ont concouru pour le prix de l'Académie Francoife
, par M. Laus de Boiffy , in- 8 °. A Paris , chez
Valleyre l'aîné , Imprimeur Libraire , rue de la
vieille Bouclerie .
Clémentine & Déformes, Drame en cinq Actes &
en profe, par M. Monvel , repréfenté par les Comédiens
François le 14 Décembre 1780 , in-8 °.
Prix , livre to fols. A Paris , chez la Veuve Duchefae,
Libraire , rue Saint Jacques,
1.
192 MERCURE
Le bon Ami , en un Acte & en profe , repréſenté
par les Comédiens François le 17 Novembre 1780 ,
in - 8 °. Prix , 1 livre 4 fols. A Paris , chez la Veuve
Duchefne , Libraire , rue Saint Jacques . 1
Hiftoire Univerfelle , traduite de l'Anglois ,
Volume in-8 ° . Tome XXII. A Paris , chez Moutard
, Imprimeur-Libraire , rue des Mathurins.
Hiftoire Naturelle de la France Méridionale,
par M. l'Abbé Giraud-Soulavie , in-89 . Tome II.
A Paris , chez l'Auteur , à l'Hôtel de Venife , Cloitre
Saint Benoît ; Mérigot l'aîné , Libraire , quai des
Auguftins ; Belin , Libraire , rue Saint Jacques.
Le Microfcope moderne , pour débrouiller la
Nature par le filtre d'un nouvel alembic chimique ,
par M. Rabiqueau , Volume in-8 ° . Prix , liv. A
Paris , chez l'Auteur , Parvis Notre- Dame, à côté
du Bureau de l'Hôtel - Dieu , & Demonville , Imprimeur-
Libraire , rue Chriftine.
TABLE.
Versfur la Mort de la Reine Almanach des Mufes . 168
de Hongrie, 145 Opuscules Mathématiques de
Impromptufur la Maladie de M. d'Alembert , 178
M. Gretry,
A M. Préville
A Mile B ***
Lettre à M. Garat ,
Enigme & Logogryphe ,.
146 L'Art du Fabricant de Velours
146 de Coton ,
" 182
148 Lettre à M. de Monges , 184
Riso Découvertes ,
159 Gravures 2
Etrennes du Parnaffe , 160 Annonces Littéraires
Lettres de M. William Coxe,
165
APPROBATION.
*
188
189
191
J'AI lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 27 Janvier . Je n'y ai
rien trouvé qui puiffe en empêcher l'impreffion . A Paris ,
te 26 Janvier 1781. DE SANCY.
TABLEAU POLITIQUE
DE L'EUROPE , 1780 ( 1 ).
EN réfumant , à la fin de chaque année , les principaux
évènemens dont nous avons rendu compte
nous avons effayé de donner, une idée de l'état de
l'Europe à cette époque , des mouvemens de fa politique
& de leurs effets ; nous avons tenté de faifir
la fituation refpective de chaque Puiffance , fes
intérêts fouvent fi mobiles , & qui femblent varier
quelquefois d'une année à l'autre. Ils n'ont point
préfenté dans celle - ci de changemens fenfibles ; &
pour ne pas étendre nos Tableaux en y ramenant
fans ceffe les mêmes objets , fous le même point de
vue , nous ne nous arrêterons qu'aux Etats qui ont
pris une part plus ou moins active aux faits que
nous avons eus fous les yeux.
Pendant l'année qui vient de s'écouler , les opérations
des Cabinets ont fuivi le cours qu'elles avoient
pris dans les deux précédentes . C'est toujours de
l'occident qu'elles paroiffent avoir reçu cette impulfion
vigoureufe , qui s'eft étendue jufqu'au Nord
(1) Notre objet dans ces Tableaux eft de raffembler fous
un même point de vue les principaux évènemens de l'année
, pour la commodité de ceux de nos Lecteurs qui font
bien-aifes de fe les rappeller , & fur- tout pour celle de nos
nouveaux Abonnés qu'ils peuvent mettre au courant des
faits , & de l'efprit dans lequel ils font rédigés. Leur fuite
depuis 1776 offre année par année , le précis de l'hiftoire du
tems. Nous nous propofons , à la fin de la guerre actuelle ,
de les réunir & d'en former un feul qui préfentera le Tableau
de la grande révolution dont nous fommes les témoins
, & qui fera peut-être une des plus intéreffantes à
Laifir dans fes principes & dans fes effets .
6 Janvier 1781.
( 2 )
d'où elle a réagi fur tous les autres points de l'Europe.
vues
L'affoibliffement de l'Angleterre eft enfin ouver
tement devenu le voeu général . Préparé par fes querelles
avec les Colonies , il doit être effectué par la
guerre qui s'eft allumée d'abord dans le Nouveau-
Monde , d'où l'embrafement s'eft communiqué à
l'ancien ; une politique fage , conftante dans fest
& marchant toujours à fon but , s'eft atta
chée à en concentrer le théâtre fur les mers,
La postérité répètera les juftes éloges que la re
connoiffance de l'Europe donne aujourd'hui au
génie profond & bienfaifant à qui nous devons
la paix de Conftantinople. Le Pacificateur de
Orient a privé l'ennemi de la France des ref
fources qu'eût pu lui procurer la guerre d'Alle
magne , pour l'aider à retenir le fceptre des mers
qui vient de lui échapper ; & la chûte des
maîtres impérieux qui les dominoient , doit les
rendre libres & communes à toutes les Nations empreffées
d'en profiter , fans rencontrer les barrières
que leur oppofoient l'ufurpation & la tyrannje.
1
Après les avoir convaincues que leur intérêt feul
avoit armé la France , qui fupportoit tout le poids
d'une guerre dont elles partageroient les fruits, il falloit
les déterminer à fe les affurer. Les prétentions
excellives de l'Angleterre , fes procédés arbitraires ,
l'abus qu'elle faifoit de la force , avoient bien ex
cité déjà des réclamations ; mais, par - tout on s'é
toit borné à des plaintes , & on négligeoit le feul
moyen qui pouvoit les faire écouter .
La loi générale des Nations univerfellement obfervée
& reconnue , prefcrit aux Puiffances qui ont
recours aux armes , pour terminer leurs différends,
de refpecter les neutres qui , étrangères à leurs dé
mêlés , ne doivent point à leur tour en favorifer
une au détriment de l'autre. Celles - ci continuent
( 3 )
1
d'être liées par leurs anciens Traités reſpectifs ; &
l'état de guerre entre deux Nations ne change rien
à l'état de paix de la troisième avec elles . Elle refte
libre de porter à toutes deux les objets fur lesquels
eft fondé leur commerce réciproque . Elle ne s'eft
point engagée dans ce cas à interrompre toutes fes
liaifons avec l'une ou avec l'autre. Une pareille
clauſe ne fauroit avoir été exigée ni accordée ;
c'eût été conſentir à fermer fes magafins & fes
ports , auffi-tôt que les peuples qui les fréquentent
en paix avec elle , feroient en guerre entr'eux.
C'est pourtant ce que l'Angleterre a prétendu
établir. Egarée par fon orgueil , & peut - être encouragée
par les réclamations même , qui font toujours
inutiles, lorfqu'elles ne font pas appuyées de l'ap
pareil d'une vengeance prompte ; elle a été jufqu'à
ordonner à fes vaiffeaux de s'emparer de tout navire
neutre portant en France ou en Espagne , nonfeulement
des munitions de guerre , mais même des
marchandifes de quelqu'efpèce qu'elles foient . C'étoit
dire aux Peuples neutres : Ne commercez plus
avec mes ennemis . Si fes ennemis avoient eu autant
de démence , ils leur auroient interdit auffi
toute liaison avec l'Angleterre ; & la France , l'Efpagne
& la Grande- Bretagne , chaque fois qu'elles
auroient été en guerre , auroient pu arrêter ainfi
tout le commerce de l'Europe , qui eût langui jufqu'au
moment où en faisant la paix , elles lui auroient
permis de reprendre fon cours .
>
Cette idée , au moins extraordinaire dans le dixhuitième
fiècle , & la conduite qui en a été la conféquence
, ont , plus que toute autre chofe , favo
rifé une négociation entrepriſe pour l'avantage général.
Il s'agiffoit de porter les Nations neutres à
fortir de l'efpèce d'indifférence où les retenoit depuis
long- tems l'habitude , à rejetter la loi que l'Angleterre
ofoit leur impofer , & dont leur filence l'aa
2
( 4 )
voit accoutumée à ſe faire un droit. Il a fallu
qu'au milieu des embarras de la guerre , une des
Pulances belligérantes ait éveillé les autres fur
leurs intérêts ; que la première , elle leur en ait fait
fentir l'importance , & qu'elle les ait dirigées vers
celle qui pouvoit protéger leurs titres & les faire
valoir.
,
Depuis long- tems les Anglois humiliés cherchant
par- tout , mais en vain , des alliés & de l'appui ,
mettoient toute lettr efpérance dans la principale Puiffance
du Nord . Ils annonçoient les fecours qu'ils
en arrendoient en hommes & en vaiffeaux avec
une confiance qui n'en impofoit plus depuis le traité
de Conftantinople. On auroit en effet perfuadé
difficilement qu'elle oublieroit l'intérêt qu'elle avoità
refter neutre dans des démêlés , dont l'iffue , fi elle
répond au voeu de l'Europe , ne peut que lui affurer de
nouveaux avantages . Maitreffe du commerce du
Levant par la Mer-Noire , elle ne fauroit être in-
-différente à celui de l'Océan . Les Anglois qui ont
traité de bonne heure avec elle , fe font emparés
de tout ce dernier. Ils ont profité de l'état impofant
de leur marine militaire & marchande qui fe
foutiennent l'une & l'autre, pour obtenir des pré-
*férences exclufives ; & par-là même onéreuſes au
peuple avec lequel ils contractoient , & qui récla
me l'égalité dont le rétabliſſement eft tôt ou tard
infaillible. L'Augufte Souveraine de la Ruffie , fans
ceffe occupée du bonheur de fon Empire , a achevé
& perfectionné ce qu'ont fait les prédéceffeurs ,
dont auffi fouvent elle a rectifié les opérations.
Les yeux de l'Europe fe font tournés vers elle
pour affurer fur des fondemens folides la liberté
des mers. Son génie fait pour faifir & exécuter les
plus grandes chofes , s'eft empreffé d'adopter un
plan fi digne d'elle , dont l'objet eft l'intérêt géné
ral pour le préfent & pour l'avenir , & dans lequel
( S )
le fien eft le moindre , puifque le nombre des
vaiſſeaux que fon commerce occupe fur l'Océan ,
eft encore peu confidérable. C'est pour le bien de
toutes qu'elle a entrepris de réunir les Puiflances
maritimes , & qu'elle s'eft mife à la tête de leur
confédération .
Le Danemarck & la Suède font les premiers
Etats , qui , fur fon invitation , ſe font armés pour
la caufe commune.
,
mais
Le Portugal enchaîné à l'Angleterre , par l'habi -
tude plus que par les traités , quoiqu'il n'ignorât pas
combien ils lui étoient onéreux a paru balancer
long-tems. Les ménagemens qu'on avoit pour lai,
ont influé fans doute dans fa circonfpection
;
il ne les devoit qu'au befoin que la Grande Bretagne
avoit de fes ports , qui lui offroient des ſtations
commodes pour troubler le commerce des Efpagnols
, & des afyles. ou fes Amateurs pouvoient
retirer leurs prifes . Il a bientôt fenti qu'il valoit
mieux fe faire un droit au refpect , que de le devoir
à la complaifance toujours peu durable & dépen
lante des circonftances qui la détruifènt comme
elles la font naître.
La Hollande a mis encore plus de lenteur à
décider ; on l'a vue , exhortée en vain à faire relpecter
fa neutralité , négocier lorfqu'elle devoit
agir , & fe borner à des plaintes ftériles au milieu
des pertes caufées à fon commerce , des violences
exercées contre fon territoire ,
même & des outrages
faits à fon pavillon . Elle étoit la plus intéreffée à
cette confédération , qui doit principalement fon
exiftence à l'indignation qu'a excitée par tout la nanière dont on l'a traitée ; elle a été la dernière
à y accéder ; & il paroît maintenant qu'elle ne tirera
pas de cette démarche tardive les avantages
qu'elle lui eût procurés , fi elle avoit été faite à
teins.
Cet évènement important préparé avec fageffe
a 3
( 6 )
& exécuté avec fuccès , ouvre un nouvel ordre de
chofes. Il a pu confterner l'Angleterre , mais il n'a
pas dû l'étonner. Elle ne fauroit fe diffimuler que
fa conduite feule l'a occafionné . Quand on fuit
F'origine & les progrès des évènemens , on a de la
peine à concevoir que les Confeils de cette Nation
n'aient pas prévu une révolution qu'ils auroient
facilement prévenue avec de la modération & de
la juftice. La guerre de la Grande- Bretagne contre
fes Colonies fembloit n'avoir d'abord pour objet
que l'accroiffement de la prérogative royale . Des
intérêts de commerce ont fait entrer dans cette difcuffion
importante la France & l'Espagne qu'elle a
mécontentées , lorfqu'elle devoit les ménager. Après
avoir eu l'imprudence de s'attirer ces ennemis puilfans
, elle a indifpofé le refte de l'Europe , en lui
faifant vorr que du fuccès de la guerre actuelle dépendoit
abfolument la liberté de fon commerce.
L'infulte faire au pavillon des Hollandois fes alliés
, a dû avertir les autres de fe mettre en garde
contre un pareil traitement. Si elle s'étoit contentée
de la neutralité de la République , dont elle pouvoit
titer autant d'avantages que les Puiflances à
qui elle fait la guerre , l'Europe n'auroit
peut -être
pas eu des motifs de s'alarmer de fes projets ambi
tieux . Mais en voulant forcer fes alliés àembraffer
une caufe à laquelle elle ne peut plus fuffire feule ,
elle a néceffité la confédération du Nord. N'ayant
pas fu la prévenir , elle a cherché du moins à la
déconcerter. Forcée de renoncer à l'appui des
Etats - Généraux , elle a voulu les détacher de l'union;
& elle ne leur a déclaré la guerre , que pour
les tirer de leur état de neutralité. Le projet de
traité de la ville d'Amfterdam avec les Etats- Unis
de l'Amérique , leur a fervi de prétexte , & la lenteur
des délibérations de la République l'a mife en
état d'en profiter. Si cette démarche annonce de la
hauteur , elle n'en impofe point. Le ton même de
·
( 7 )
La déclaration décèle fa foibleffe & fes inquiérudes.
En ordonnant des hoftilités contre la Hollande
, elle fait des voeux pour un accommodement ;
elle l'invite à des négociations que l'hiver favorife,
& auxquelles prendront part peut- être la Ruffie
, la Suède & le Danemarck . Nous n'entrepren
drons pas ici d'en prévoir l'iffue . Si elle eft favo
rable , les chofes resteront fur le pied où elles
étoient avant la déclaration . Si elle ne l'eft pas ,
l'Angleterre n'a fait que fe fufciter un ennemi de
plus , fans détruire la confédération qui exiſtoit
avant l'acceffion de la Hollande , & qui exiftera
fans elle. Elle ne fauroit être fans effroi fur les
fuites qu'elle doit avoir . L'alliance des Etats neutres
une fois conclue , leurs intérêts deviennent com
muns. L'Angleterre ne peut plus manquer à l'un
fans être obligée à une réparation éclatante , récla
mée par tous , qui feront non- feulement en
droit , mais en état de la prefcrire.
condu
Le Miniftre habile qui a conçu ce plan & qui l'a
à exécution , a remporté fur les Anglois la
victoire la plus complette , qui ait été ou qui puiffe
jamais être remportée fur eux . En iſolant l'Angleterre
, il n'a pas feulement fervi la Maifon de Bour
bon ; il s'eft affuré des droits à la reconnoiffance.de
l'Europe entière. La neutralité armée prépare à un
ordre nouveau en politique , & à un code maritime
dont l'importance & la néceffité n'ont jamais été fi
bien fenties . Une paix folide entre les Puiffances commerçantes
en fera du moins le fruit ; & fi , comme
on a lieu de l'efpérer , elle amène fur les mers & dans
le commerce , une balance femblable à celle que la
politique a établie fur terre entre les forces des Etats ,
les prétextes de guerre deviendront moins fréquens ,
& l'humanité devra beaucoup aux Souverains qui lui
auront procuré cet avantage . La perfpective que lui
préfente l'avenir , la confole de la guerre actuelle
qui paroît devoir être fuivie d'un long calme..
a 4
( 8 )
Les opérations militaires n'ont pas eu cependant
encore fur ce moment defiré , le degré d'influence
qui doit le rapprocher. Elles n'ont peut - être pas non
plus à tous les yeux , une apparence auffi impofante
& auth flatteufe que celles du Cabinet . Mais l'homme
exercé à regarder les évènemens fous leur véritable
point de vue , à remonter aux caufes qui les préparent
, ferme l'oreille aux murmures de l'impatience
, qui veut jouir avant le tems , & qui blâme
en avengle , une circonfpection dans laquelle , elle
n'apperçoit que l'éloignement des fuccès , fans voir
les refforts fecrets , dont la nature eft d'être lente ,
que la fageffe emploie pour les affurer . Cette partie
de notre tâche fera courte ; dans la foule des faits ,
nous n'avons à faifir que ceux qui fe lient naturellement
aux évènemens que nous attendons l'année
prochaine.
Les avantages paroiffent avoir été balancés, L'Angleterre
en ravitaillant Gibraltar , n'a fait qu'en
Lufpendre la perte. Il faut maintenant y faire paffer
de nouveaux approvifionnemens . Elle peut y réuffir
encore fans fauver cette place , dont la conftance
Efpagnole n'abandonnera point le Blocus. Au lieu
de s'opiniâtrer contre ce roc & d'y ufer des forces qui
Fourroient fans doute être employées utilement ailleurs
, c'eft en Amérique peut- être qu'on eût dû chercher
à s'en emparer. Sa conquête & fa défenfe femblent
plus une affaire d'honneur que d'intérêt . Gibraltar
ne commande point le détroit. Cette clef de la
Méditerranée ne procure à fes maîtres qu'une rade
les vaiffeaux fans lefquels ils ne peuvent garder
le paffage d'une mer à l'autre. Ce pofte peut- être
plus difpendieux qu'utile , coûte cher à fes poffeffeurs
actuels , qui pour l'approvifionner , font obligés
de recourir en tout tems à l'Afrique. Une barfière
élevée du côté de la terre , arrête , en tems de
paix même , toute communication avec l'Espagne.
L'Amiral Rodney favorifé par fon audace & fa
pour
( 9 )
fortune , après avoir jetté des vivres dans Gibraltar ,
a pris la route des Indes occidentales où le théâtre de
la guerre avoit été porté dès l'année dernière , & qui
ont continué d'en être le principal foyer pendant
celle- ci . Mais malgré fes forces & fon activité , l'Angleterre
n'a tiré que peu d'avantages de fon féjour
aux Antilles. Il s'eft mefuré trois fois avec le Comte
de Guichen , & trois fois fon bonheur l'a abandonné.
Ses revers font conftans malgré fes relations faftueufes.
Il n'a ni pu , ni ofé même tenter aucune con
quête. L'objet de M. le Comte de Guichen n'étoit
pas d'en faire de nouvelles , mais de conferver celles
de l'année précédente , de couvrir toutes nos pofeffions
, & il y a réuſſi .
On s'attendoit en Europe que la réunion des forces
Efpagnoles aux fiennes , feroit fuivie de quelque entreprife
éclatante . On défignoit déja les lieux vers
lefquels fe porteroit l'armée combinée ; mais les plans
concertés dans les Cabinets paroiffent avoir moins été
de faire une campagne active fur un point , que d'en
préparer une où les forces réparties avec prudence ,
pourront agir fur plufieurs à la fois , & obtenir des
avantages décififs . Les Efpagnols avoient d'ailleurs
befoin d'hommes & de vaiffeaux à la Havane d'où
ils peuvent les faire paffer fur toutes les parties du
continent. Cette flotte & les tranfports précieux &
néceffaires qu'elle eſcortoit , n'étoient venus à la
Martinique que pour affurer leur arrivée à leur deftination
. Ce but effentiel eft rempli . Les poffeffions
Espagnoles ont maintenant des fecours à portée de
courir à tous les endroits menacés & d'agir offenfivement.
Sur le continent les Anglois ont remporté quetques
avantages. Maîtres dès l'année dernière de Savanah
, ils ont conquis cette année Charles - Town.
Ils font établis enfin dans deux endroits d'une province
qui ne leur eft pas mieux foumife que ne l'eft
celle de New -Yorck par la poffeffion de la Capitale.
a s
( 10 )
Les relations exagérées de ce triomphe & de la vic
toire remportée enfuite par, le Général Cornwallis
à Camden , n'en ont pas impofé long- tems , lorsqu'on
avu qu'aucun progrès n'en avoit été la fuite ; que les
troupes Américaines qu'on difoit difperfées & découragées
, forçoient encore leurs vainqueurs à la circonfpection
; & l'on n'a pas été furpris d'apprendre
la revanche qu'elles ont prife le 7 Octobre auprès des
monts Allegany fur les frontières de la Caroline &
de la Virginie.
La prife du convoi enlevé par la flotte combinée
furfa route d'Europe en Amérique , a plus que contrebalancé
les avantages des Anglois , quand ils feroient
auffi grands qu'ils les ont annoncés . En les empêchant
de recevoir les renforts , les munitions , les vivres &
les équipages de campagne qu'ils attendoient , on a
arrêté leurs progrès . M. de Guichen a pu quitter les
ifles Françoifes fans les expofer , parce qu'elles ne
peuvent être attaquées , & il a ramené en Europe le
riche & nombreux convoi que le commerce attendoit
de St-Domingue. Le Général Cornwallis ne peutpourfuivre
la victoire qu'avec les fecours de New Yorck;
& ceux-ci n'ont pu partir fans affoiblir le Chevalier
Clinton qui fe trouve lui- même dans la fituation lä
plus embarraffante.
L'arrivée des François a changé la face des affaires.
dans cette partie , où elle a réduit ce Général à l'inaction
pendant toute la campagne. Les fecours que cette
Paiffance annonce à fes alliés , devenus plus directs ,
vont être auffi plus efficaces ; & la curiofité Européenne
avide de relations de combats , ne tardera pas
être fatisfaite. Toutes les difpofitions préparent à ces
évènemens impofans & terribles ; & la prudence ne
paroît les avoir fufpendus-, que pour en rendre l'effet
plus für & plus décifi
Les François occupent maintenant
Rhodeland.
L'importance
de ce pofte dont l'acquis tion étoit indifpenfable
fi l'on vouloit marcher
1
( I )
à New - Yorck , étoit bien connue en Europe ouì
le projet de s'en emparer avoit été conçu . M. de
Ternay en partant de Breft , avoit emporté des
inftructions cachetées , qu'il ne devoit ouvrir qu'en
mer & s'il rencontroit les ennemis . A l'apparition
de l'efcadre du Capitaine Cornwallis qui fut prife
pour celle de l'Amiral Graves , qu'il favoit être prête
à marcher fur fes pas , il ouvrit fes ordres ; il y trouva
celui de ne point attaquer les Anglois , quelque
beau jeu qu'ils lui offriffent , quelqu'inférieurs qu'il
les trouvât , & de marcher droit à Rhode-Iſland. Le
tems preffit ; de moindre délai eût pu avoir des conféquences
fâcheufes. Un combat en mer avec un
convoi dont la confervation partage l'attention du
Général , eût retardé fa marche à la deftination. Il
ne mouilla en effet à New- Port que trois jours avant
l'arrivée de l'Amiral Graves ; & le Général Clinton
étoit déja de retour à New-Yorck. Ce dernier avoit
abandonné Charles- Town dont la conquête avoir
exigé la préfence , & qui défendue par une poignée
de monde , lui avoit coûté tant de fang & de tems . A
la première nouvelle de l'approche des François , il
s'étoit hâté de revenir fur fes pas , dans l'efpérance
de les prévenir à Rode-Iſland , de défendre cette iſle ,
& de les empêcher de s'y établir . Un avantage brillant
mais paffager , auquel eût pu aſpirer M. de Ternay
, eût rendu difficile & meurtrier , ou fait manquer
peut-être le débarquement de l'armée du Comte
de Rochambeau . La prife ou la deftruction de quel
ques vaiffeaux Anglois , n'en eût pas dédommagé . Les
victoires ont un éclat qui peut en impofer aux imaginations
ardentes , & aux efprits fuperficiels qui ne
voient que le moment préfent , & jamais celui qui
doit le fuivre. C'eft par leurs effets qu'il faut les juger.
Et celle de M. de Ternay eût été plus funefte à la
France & à fes alliés , & plus favorable à l'Angleterre
qu'une défaite complette.
Le Général Clinton qui s'eft préſenté devant
a 6
( 12 )
Rhode-Inland avant que les François s'y fuffent for
tifiés , malgré tout l'intérêt qu'il avoir à les chaffer
de ce pofte , n'a pas ofé ies y attaquer. Le hardi Rodney
a renoncé lui - même à toute tentative , lorsque
trompé fur la marche du Comte de Guichen , qui revenoit
en Europe , il eft venu le chercher dans ces
parages. La petite armée du Comte de Rochambeau
qui fera renforcée au printems , & qui doit favorifer
le débarquement des troupes qui vont la joindre , a
l'hiver devant elle pour concerter fes opérations avec
le Général Washington.
Tout le prépare pour faire partir l'année prochaine
les renforts & les fecours néceffaires . Déja trois grands
convois fe raffemblent dans nos ports . Le Comte
d'Estaing fur qui l'Europe a les yeux & en qui la nation
met la confiance , attendu dans le port de Breſt
avec le riche convoi des ifles qu'il ramène de Cadix ,
& que l'on fe flatte,de voir arriver heureuſement
fous fa conduite , malgré les ennemis & les vents ,
partira , dit- on , avec toutes nos forces navales ,
pour escorter ces convois jufqu'au point où ils doivent
fe féparer , pour prendre la route des Indes , celle
des Ifles , & celle de l'Amérique feptentrionale. Peutêtre
marchera- t - il lui-même avec l'un de ces derniers.
Le voeu général eft du moins de le voir commander
dans les lieux où doivent fe porter les plus
grands coups..
L'Angleterre qui s'attend à une campagne plus
active que celle qui vient de finir , entourée d'ennemis
qu'elle a multipliés par fa hauteur & fon imprudence
, ayant maintenant à réſifter à la fois aux forces
de la France , de l'Espagne , de la Hollande & des
Etats - Unis d'Amérique , lutte contre fon impuiffance
& redouble fes efforts . Ils devroient être prodigieux
pour être égaux à fes befoins . Quelque efpoir qu'elle
conçoive du fuccès des projets qu'elle a médités fans
doute , & dont l'exécution eft peut-être déja commencée
contre les établiffemens précieux des Hollan(
13 )
dois dans l'Inde , il eft difficile qu'elle puiffe divifer
fes forces fur tant de points & ne pas les affoiblir
devoir des avantages momenpar
tout , Elle ne peut
tanés qu'à la violation du droit des gens ; mais en
faifant un tort confidérable à la République , ils ne
rendront pas
fa condition meilleure . Elle eft
obligée de foiter fes emprunts à 360 millions
de nos livres. Sa dette qui étoit de 140 millions
fterling avant la guerre actuelle , fe trouve monter à
préfent à la fomme énorme de quatre milliards &
demi tournois. Le patr'otifme , car on ne peut nier
qu'il n'exifte dans la nation , fournit encore des reffources
. Mais le patriotifme qui ne manifefte fon
énergie que par l'argent , doit s'évanouir dès que les
caiffes font épuifées ; & la durée de fes efforts pourroit
être foumise au calcul .
En finiffant ce Tableau de l'année , nous nous aṛ.
rêtons avec douleur fur l'évènement funefte qui vient
de couvrir de deuil le Nord & la France . La mort de
l'Impératrice Reine eft une perte pour l'humanité à
qui fa bienfaifance & fes vertus l'avoient rendue fi
chère . Le cri général de tous les coeurs fenfibles eft
que des qualités plus belles & plus touchantes , ont
rarement orné le trône. Les larmes univerfelles de
refpect , de tendreſſe & d'admiration font au-deffus
de tous les éloges. Cet évènement douloureux excite
ra les juftes regrets de l'Europe , fans rien changer à
fon état actuel . Elle ne paroît pas du moins avoir à
craindre de voir troubler la paix dont la plupart
de les Etats jouiffent , pendant que le feu de la
guerre étendant les ravages , brûle à la fois dans
l'Amérique feptentrionale , les Ifies & les Indes
orientales . La neutralité armée doit l'empêcher de
s'étendre davantage fur les mers l'Autriche , la Pruffe
& la Ruffie prête à la feconder , attentives aux évènemens
,femblent veiller pour l'écarter de la terre ; & la
Grande -Bretagne qui feule auroit intérêt à l'y allu
( 14 )
mer pour divifer les efforts de fes ennemis , épuifée
maintenant , fourniffant à peine à les propres befoins ,
eft hors d'état de prodiguer les fubfides & l'or néceffaires
pour l'exciter & l'entretenir.
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
TURQUI E,
De CONSTANTINOPLE, le 20 Novembre.
ON
N et toujours dans l'incertitude fur
la manière dont fe termineront nos nouveaux
différens avec la Ruffie. Jufqu'à préfent
la Porte n'a encore fait aucune réponſe..
Le Reis Effendi s'eft excufé fur ce qu'étant
à peine revêtu de fon Emploi , il ne pouvoit
avoir pu fe mettre , auffi-tôt qu'il l'auroit defiré,
au fait d'une affaire auffi importante. On `
affure que M. de Stachieff l'a prié de s'en
occuper particulièrement en lui déclarant
que fa Souveraine attendoit promptement
une réponſe finale , & que convaincue 'de'
la juftice de fa demande , elle étoit déterminée
à faire tout ce qui feroit nécef(
15 )
faire pour foutenir efficacement fon honneur
& fa dignité.
Le Capitan-Bacha eft arrivé ici le 8 de cé
mois avec fa flotte , confiftant en 7 vaiffeaux ,
& 4 galères ; il étoit accompagné d'un grand
nombre de navires marchands de différentes
Nations , & d'un convoi de bâtimens 7
François très richement chargés .
La Maiſon Angloife de commerce , connue
fous le nom de Barker & Luart , vient
de manquer ; on évalue cette faillite à
300,000 écus.
DANEMARCK.
De COPENHAGUE , le 10 Décembre.
ON compte actuellement 110 bâtimens
de différentes Nations dans le Sund , où ils
attendent un vent favorable pour paffer dans
la mer du Nord . Parmi ces navires on en
compte au delà de 60 Anglois , eſcortés
par 2 frégates de cette Nation , nous en
avons auffi 6 qui font deſtinés pour les Indes
Orientales.
On apprend d'Helfingor que cette quantité
de navires , retenus depuis long- tems par
les vents contraires , y a rendu les vivres
très-chers. Le mauvais tems qui empêche les
Payfans du voifinage d'apporter leurs denrées
, n'y contribue pas peu en les rendant
rares .
( 16 )
1
POLOGNE.
De VARSOVIE , le 10 Décembre.
TOUTES les nouvelles de la Wolhynie
annoncent que la maladie épidémique quis'y
étoit déclarée a entièrement ceffé fes ravages ;
on eft parfaitement raffuré dans les environs ;
& les Seigneurs & les Négocians qui vont
dans ce tems - ci à Dubno pour y renouveller
leurs contrats , n'hésitent point à fe
mettre en route .
Les troupes Ruffes qui doivent quitter
ce Royaume font déja en mouvement , malgré
la rigueur de la faifon. On apprend
qu'elles ont évacué la Ville de Thorn ,
nous verrons inceffamment arriver quelques
régimens qui doivent paffer ici la
Viftule.
ALLEMAGNE.
&
De VIENNE , le 12 Décembre.
S. M. I. a écrit au Gouvernement de
Presbourg que toutes les affaires de l'Adminiftration
de la Hongrie devoient continuer
d'avoir leur cours fans le moindre
changement. Comme , felon les loix de
ce Royaume , le Couronnement du Roi
doit le faire avant l'expiration de la première
année de vacance , il fe tiendra bientôt
une Diète pour fixer le jour de cette Céré
monie.
'
On fe rappelle avec attendriffement la
bienfaiſance & la bonté de l'augufte Princeſſe
que nous venons de perdre ; fes fentimens
"
( 17 )
,
maternels ne fe font point démentis jufqu'à
la fin de fa vie. On répète par tout ces paroles
touchantes , les dernières qu'on lui a entendu
prononcer : S'il s'eft paffé fous mon règné
quelque chofe qui ne fût pas felon la juftice
c'est sûrement contre ma volonté , parce que
mon intention étoit droite. Cette digne & refpectable
Souveraine , confidérant que fi les
Théâtres reftoient long-tems fermés , il
pourroit en résulter de grands inconvéniens ,
a ordonné qu'ils fuffent r'ouverts le plutôt
qu'il feroit poffible ; ils le feront , en conféquence
, après le premier grand deuil , qui
doit durer fept femaines.
L'Empereur vient d'ordonner que l'une
des deux villes & fortereffes qui vont être
bâties en Bohême , portera le nom de Thérefienftadt
ou Therefianople en mémoire de
fon augufte Mère.
On a placé fur l'Urne qui renferme le
coeur de cette Augufte Princeffe , déposé dans
le Couvent des Auguftins déchauffés de
cette Ville , l'Infcription fuivante :
Hác Theca Tegitur cor auguftum Maria - Therefie
, Rom. Imperat. Hung. & Bohem. Reg. Pia ,
elementis , jufta , Quod Dùm vixit , totum confecravit
Deo, Subditis, Saluti publica . Mirè liberalis
in Egenos , Viduas & Orphanos ; In adverfis fupra
fexum Magnanima . Nata eft anno 1717 , die 13
Maii. Obiit an. 1780 , die 29 Novembris.
Cette autre Infcription latine a été placée
fur l'Urne qui renferme fes entrailles , dépofées
dans l'Eglife Métropolitaine de Saint
· Etienne ..
Hicfitafunt Vifcera Maria-Therefia , Rom. Im(
18 )
T
perat. Hung. & Bohem. Reg. Archid. Auftr. Eras
donec vixit Mater Reipublica Subditorum amor ,
Stirpisfua gloria , Augufti Throni fulcrum & ornamentum.
Nata an. 1717 , die 13 Maii, Obiit an .
1780 ; die 29 Novembris.
De FRANCFORT , le 16 Décembre.
1
LE Comte Frédéric de Schimmelman ,
Veneur de la Cour de Danemarck & Miniftre
près le Cercle de la Baffe - Saxe , vient
d'être nommé à la place du Grand - Tréforier .
Son père s'occupe actuellement des moyens
de remplir l'engagement qu'il a pris de
fournir les fonds néceffaires à l'armement de
20 vaiffeaux de ligne & de 10 frégates , ordonné
pour le printems prochain.
Un détachement de 90 à 100 hommes d'infanterie
, écrit-on , de Manheim , forti d'ici le 7 , y a
ramené le 8 au foir quelques recruteurs étrangers
qu'il a arrêtés à Edenkoben ; ils confiftent en un
Officier & 4 Bas - Officiers ; ils avoient 19 recrues
au nombre defquelles fe trouvent quelques- uns de
nos déferteurs & des fujets du Palatinat ; comme il
y a une défenfe faite à tout étranger de recruter dans
I'Empire , il fe pourroit que ces enrôleurs fuffent punis
malgré la protection dont ils s'honorent . On a
nommé une Commiffion pour examiner cette affaire.
La févérité feroit peut- être. néceffaire dans ce moment
, fi , comme on le dit , il y a en effet quelques
autres recruteurs dans le voifinage « .
On mande de Berlin que l'Etat Militaire
fe propoſe de faire ériger dans un des plus
beaux quartiers de cette Capitale la ftatue
équeftre du Roi ; ce projet eft dû au Prince
Frédéric de Brunſwick. Les deffins & le
projet de ce monument ont déja été
( 19 )
"
préfentés au Roi qui les a approuvés ; on
dit que l'exécution coûtera 300,000 thalers.
ESPAGNE
.
De CADIX , les Décembre.
CE port, ne préfente aucune nouvelle.
La flotte et toujours dans la Baie , mais
prête à fortir au premier fignal . Une lettre
d'Algéfiras
, en date du 2 de ce mois , contient
les détails fuivans.
» Les travaux du camp continuent avec la même
ardeur , & les ennemis n'ont pu les rallentir , quoique
pendant 2 nuits , ils aient jetté une grande quantité de
carcaffes , grenades , &c. , & tiré environ 900 coups de canon . Tout le mal qu'ils ont fait le réduit à quelques
foldats tués , & un plus grand nombre de bleſfés
l'éclat des grenades Du côté de la mer , ils par
n'ont pas moins été refferrés ; car depuis que notre
Chef-d'efcadre a ôté le commandement
des chaloupes
pour le
canonnières à celui qu'il avoit d'abord choifi ,
donner à Chumeteo , ces espèces de radeaux qui pré- fentent peu de furface , ne craignent pas de s'avancer
fort près des batteries ennemies , & le nouveau Capitaine
a déſolé la baie au point que tous les bâtimens
ont été obligés de fe réfugier fous le mole . On a eu
occafion de remarquer dans ces différentes attaques
ce que plufieurs déferteurs nous ont rapporté ; c'eft
qu'il y a peu de canonniers dans la place ; car lorfque
les batteries de la montagne tirent fur nos lignes
celles de la place reftent muettes ; & lorſqu'il faut de
toute néceffité que celles - ci répondent à nos chaloupes
, & qu'elles les éloignent , celles de la montagne
fe taifent à leur tour.-
Ces jours derniers le fils de
Chumeteo , jeune homme plein d'ardeur qui monte
un petit chébec de 4 canons , s'eft emparé d'une ba landre Angloife de 12 au moment où elle alloit entrer
dans la baie . Elle venoit de Lisbonne avec des
--
,
( 20 )
rafraîchiſſemens , vins, médicamens , cuirs , &c. ob
jers dont on fait que la garnifon a le plus preffant befoin
; il y avoit auffi toutes les Gazettes de Madrid qui
ont paru depuis le 1er. Juin. Le lendemain nos ché
becs ont fait une autre prife qui leur a paru d'un grand
prix quoiqu'elle fût fur fon left ; c'eft celle d'un dogre
Danois qui ſe gliſſa dans la place le 13 Octobre
dernier. Il croyoit fans doute pouvoir fortir avec le
même bonheur. Il y a apparence qu'il fera condam
né , quoique le Capitaine prétende avoir été entraîné
dans la baie par le courant , & qu'on l'a forcé d'y
laiffer fa cargaifon. Un pinque Anglois & une
frégate corfaire de Mahon ont mouillé ces jours derniers
dans la baie. Celle- ci n'aura pas porté de grands
rafraîchiffemens à la garnifon ; mais nos chébecs , &
fur tout le Capitaine du St- Antoine qui l'a chaffée ,
font au défefpoir de n'avoir pu l'aborder . Nous
apprenons par un matelot François , qui étoit prifonnier
dans Gibraltar , d'où il a trouvé le moyen de
fe fauver , que le pinque a apporté des comestibles ,
& une petite partie de vin & d'eau - de- vie ; so quin.
taux de farine qu'il avoir à bord , ont été vendus à
raifon de 100 liv . tournois le quintal . Le rapport de ce
prifonnier eft conforme fur lerefte à ce que nous favions
de l'état de la garnifon. Elle ne manque ni de
bifcuit , ni de viande falée ; mais pour tous les autres
objets , elle éprouve les plus preffans befoins . Ce
François nous a confirmé que toutes les fois que nos
chaloupes canonnières fe font avancées dans la baie ,
elles ont tué beaucoup de monde à bord des bâtimens
ennemis , ce qui les a obligés , comme nous l'avons
dit , de fe tenir dans le port. Il rapporte qu'on eft perfuadé
à Gibraltar que l'année ne fe paffera pas fans que
la place ne foit ravitaillée ; mais il y a lieu d'eſpérer
que la flotte que nous avons ici y mettra bon ordre ".
( 21 )
ANGLETERRE.
De LONDRES , le 24 Décembre.
-
DEPUIS le 13 de ce mois , le Ministère
a reçu diverfes dépêches de New- Yorck
de Charles Town , de Québec & de la
Jamaïque. Elles ont donné lieu à pluſieurs
Confeils qui fe font tenus , mais rien n'à
tranfpiré de leur contenu. On s'eft contenté
d'annoncer , quant au premier endroit , que
le Général Clinton fe propofe d'attaquer,
avant la fin de l'hiver , l'armée du Général
Washington , & celle des François établie
à Rhode Iſland. Il eft certain qu'il feroit
très - important pour lui de prévenir l'arrivée
des renforts que ces derniers attendent
; mais eft- il à préfumer qu'il le puiffe ?
11 a été forcé de renoncer à toute entrepriſe
pendant la bonne faiſon , lorfqu'il
avoit toutes les forces avec lui ; peut - il
avoir aucun projet dans la mauvaife , &
dans un moment où il s'eft affoibli par la
divifion qu'il a envoyée avec le Général
Leflie au Lord Cornwallis.
On annonce , d'après des lettres du 6
Octobre , que ce Général a toujours allez
de fuccès dans la Caroline ; mais on fe garde
bien de parler du contenu de celles qui
font arrivées poftérieurement
à cette époque.
On dit que les dépêches du Lord
Cornwallis du 27 , offrent le détail circonftancié
de la défaite & de la mort du
( 22 )
Major Ferguſon. On ne donne pas moins
de 2000 hommes au Général Sumpter qui
l'a attaqué. Quant au Canada , tout y eft
eſt
dans la tranquillité la plus parfaite ; mais
une partie du dernier convoi , & la flotte
marchande de 30 navires partie du Canada
pour l'Europe , ont été difperfés dans le
golfe de S. Laurent. De la Jamaïque , on
apprend que les nouveaux régimens partis
d'Angleterre ont perdu en chemin preſque
la moitié de leur monde par les maladies ,
qu'il y a beaucoup de méfintelligence entre
les habitans de la Jamaïque & le Gouverneur
, au fujet du projet formé contre la
Nouvelle- Efpagne.
» Des lettres de Sainte- Lucie , écrit- on de Corke ,
viennent à l'appui de ces détails affligeans . Celles
du 2.5 Octobre annoncent la mort de 1500 hommes
des plus belles troupes Britanniques . Cette mortalité
eft occafionnée par l'infalubrité de l'air , & par
la fatigue des troupes , qui ont conftruit une route
depuis le carénage jufqu'au Morne. Le 89e & le 91e
régiments qui étoient complets à leur départ de Plimouth
, ont tellement fouffert tant à la conftruction
de leurs barraques , qu'à tranfporter des provisions
fur le fommet du Morne la Fortune , qu'il ne leur
refte pas fept hommes en état de fervir ; ils en enterrent
15 à trente par femaine. La mortalité fait
les mêmes ravages parmi les régimens qui font depuis
long-tems dans l'Ifle. Ces pertes multipliées ont
fait enfin prendre le parti d'employer des Nègres au
transport des provifions fur le Morne <<.
On attend avec la plus grande anxiété
des nouvelles récentes de l'ouragan affreux
que l'on a éprouvé aux Antilles. Nous favons
( 23 )
qu'il a fait un mal prodigieux à une flotte Angloife
qui s'affembloit pour partir. On s'eft
hâté de détourner l'attention de nos défaftres
en la portant fur ceux que doivent avoir
éprouvé les François. Un grand convoi qui
étoit arrivé à la Martinique a été diſperſé avant
que d'avoir pu débarquer les troupes qu'il
y conduifoit. On ne manque pas de fe
Hatter de voir ces vaiffeaux difperfés , devenir
la proie de nos corfaires ; mais ce n'eft
pas au milieu de l'orage qu'ils ont pu faire
des captures
.
On dit que le Chevalier Rodney eft arrivé
aux Ifles le 15 Novembre , & que l'Amiral
Arbuthnot revient en Europe après avoir
laiffé le commandement de notre efcadre
à l'Amiral Graves.
que
La Déclaration de guerre contre la Hollande
occupe généralement tous les efprits.
»Voici en peu de mots à quoi fe réduit la querelle
entre la Hollande & l'Angleterre. 1 ° . Les Etats-
Généraux infiftent fur le droit de tranfporter en
France & en Espagne toutes les espèces de marchan
difes qui ne font point contrebande , & ils appuient
ce droit fur le traité de 1674. L'Angleterre dit
les Etats Généraux n'y porteront point ces marchandifes
, elle les fait conduire dans les Ports ,
& elle ordonne qu'on en paiera le prix. La
Hollande nie ce droit. 2º. Un certain M.
Stochton , du Nouveau-Jerfey , eft envoyé par
le Congrès à Amfterdam , pour y négocier un trai
té de commerce ; les Bourgmeftres & les Négocians
concluent ce traité , qui doit commencer à
être en vigueur du moment où l'Angleterre reconnoîtra
l'indépendance de l'Amérique. L'Angleterre
( 24 )
s'en trouve offenfée , elle demande la punition des
Magiftrats d'Amfterdam , fous peine de faire éprou
ver à la Hollande les plus violens effets de fon
Jeffentiment. 3 ° . La Hollande affirme & prouve
que Rodney a envoyé deux vailleaux de guerre
pour enlever de l'Ile de Saint - Martin un vaiffeau
de l'Inde Hollandois & quatre vaiffeaux Améri
cains , au mépris de tous les traités & du droit des
gens. Telles font les raifons pour lesquelles nous
allons nous engager dans la
s la guerre la plus extravagante
avec notre allié naturel « ,
-
Desle
3
Nos Armateurs qui fe flattent de faire un
grand profit fur le commerce Hollandois ,
font ceux qui fe réjouiffent le plus de cet
évènement. Dès le 22 , le lendemain de la
Déclaration de Guerre , l'Amirauté délivra
20 lettres de marque pour courir contre les
Hollandois. Dès la veille , plufieurs marchands
avoient acheté fur la Tamife dés
bâtimens armés qui font fur- le- champ partis
pour la courfe. L'Amirauté avoit expédié en
même-tems à l'Amiral Evans , qui commande
aux Dunes , l'ordre de détacher le plus de
vaiffeaux qu'il lui feroit poffible , pour en
former une efcadre volante deſtinée à croi
fer contre les navires Hollandois . Le 22 ,
la pointe du jour , plufieurs mirent à la voile
en conféquence de ces ordres . Le Vice-
Amiral Roddam , inftruit à tems , a arrêté
plufieurs bâtimens de cette Nation ; 4 l'ont
été à Lowes , où ils étoient entrés parce
qu'ils faifoient eau , & ont été déchargés
fur-le- champ , nos corfaires en ont déja pris
quelques- uns. On n'a pu en arrêter qu'un
•
petit
( 25 )
petit nombre fur la Tamife , parce que les
Capitaines qui fe défioient de ce qui alloit
arriver , s'étoient échappés dès le 19.
On ne doute pas ici que depuis quelque
tems il n'ait été expédié des ordres à nos
Amiraux dans les ftations des Indes & des
Illes occidentales , pour attaquer les établiſfemens
Hollandois ; l'Amiral Rodney en a
vraisemblablement reçu de pareils , & à
préfent il eft peut - être en poffeffion de
' Ifle de St- Eustache , qui eft le grand entrepôt
du commerce des Hollandois , & où il
y a actuellement pour 6 millions de marchandifes
.
L'avidité de la Nation fe met déja en
poffeffion des riches établiffemens de la
République dans l'Inde . Elle a calculé les
forces qu'elle a dans ces contrées , & voici
le tableau qu'elle en préfente.
A Batavia & aux environs , 1300 foldats Européens
, & 7 bataillons de Sypayes ; à Calcutta ,
400 Européens & bataillons de Sypayes ;
Chenfura , 170 Européens & 2 bataillons de Sypayes
; à Pontegule & Inle de Ceylan , 300 Européens
, & 4 bataillons de Sypayes. Dans les garnifons
de l'intérieur des terres , 900 Européens ,
dix bataillons de Sypayes , 3 efcadrons de Cavalerie
, 6 compagnies d'Artillerie. Au Cap de Bonne-
Efpérance , 3000 hommes d'Infanterie Européenne.
Total , 6070 hommes de troupes Européennes ,
3 efcadrons de Cavalerie , 6 compagnies d'Artillerie
, & 28 bataillons de Sypayes. Leurs forces
navales confiftent aux Indes Orientales en un
vaiffeau de 70 canons , un de 60 , un de so ,
trois de 40 , & quelques navires de 12 à 20 canons
pour le compte de la Compagnie «.
6 Janvier 1781 . b
( 26 )
D'après ce tableau , on n'apperçoit d'ici
que des conquêtes faciles ; on prépare même ,
dit-on , déja les vaiffeaux qu'on veut envoyer
pour les aflurer. Le Chevalier Hugues Pallifer
, eft chargé du commandement des forces .
qui doivent partir inceffamment pour
P'Inde.
Ces grands projets qui tournent bien des
têtes , femblent préparer l'accommodement
de la Compagnie avec le Gouvernement . La
première , féduite par la perfpective des
avantages qu'on lui propofe aux dépens des
Hollandois , & qu'on a foin d'exagérer , fe
rendra moins difficile fur les fonds qu'on
lui demande. C'eft le Lord Macartney qui a
été préfenté à la place du Gouverneur de
Madraff , & on ne doute point que fa nomination
n'ait lieu inceffamment . Les plaifans
qui fe rappellent qu'il commandoit à la
Grenade , difent qu'il ne feroit peut- être pas
à fouhaiter que fon ancienne connaiſſance ,
le Comte d'Estaing , paffât un jour dans
l'Inde , pour lui rendre une vifite à Madraff
où peut- être elle fe termineroit comme celle
qu'il en a reçue à la Grenade.
Au milieu de toutes ces belles fpéculations
, la rentrée de l'Amiral Darby ne laille
pas de nous inquiéter pour les flottes que
nous attendons de l'Inde & des Ifles. On a
bien expédié des avifo pour les avertir de ne
pas s'expofer , mais elles peuvent ne pás les
recevoir ; M. d'Estaing a pu les intercepter ,
& fe déterminer à tenir plus long-tems la
mer.
( 27 ).
A ces inquiétudes , il s'en joint plufieurs
autres , vivement fenties par les bons patriotes
. Nous avons multiplié nos, ennemis ;
comment leur ferons- nous face par- tout ,
& comment , fur-tout , pourrons - nous nous
défendre , & agir en même- tems offenfivement.
Le beau rêve de la foumiffion de
l'Amérique s'évanouit. Le Général Clinton
avoit fans doute joint à fa lettre du 30
Octobre tous les papiers contenus dans la
malle enlevée aux Américains . Les Miniftres.
ont donné auffi-tôt la publicité à ceux qu'ils
ont jugé les plus propres à jetter le découragement
dans le parti nombreux qui foutient
ou favorife la caufe des Américains , tant
en Angleterre que dans le refte de l'Europe.
Hs ont compté fur tout que la remontrance
adreffée par 7 Généraux de l'armée de Washington
à l'Affemblée de New Hampshire ,
feroit une grande fenfation , quoiqu'ils en
aient amorti l'effet , en retranchant la date
de cette pièce. On avoit déja jugé par cette
licence que c'étoit une vieille affaire , & que
l'état des chofes devoit être changé. C'eft ce
qui fe découvre pleinement aujourd'hui par
la Gazette de Bofton du 16 Octobre , où l'on
voit que dès le 10 Août le Congrès avoit fait
droit fur cette requête par un arrêté de certe
dare fur le rapport que le Comité lui avoit
fait des mémoires des Officiers - Généraux
dont il eft parlé dans celui envoyé au New-
Hampshire , dont on dit qu'il n'y avoit point
été répandu . Cette circonftance fait remon
1
b2
( 28 )
ter l'époque du mémoire au mois de Juin
dernier , & voilà le motif qui a déterminé le
Ministère à en fupprimer la date en le publiant.
Cet arrêté eft fait pour contenter
pleinement les Généraux , & on ne doit plus
être furpris que leurs noms fe foient trouvés
au bas de l'Arrêt de mort du Major André ,
ce qui paroifloit incohérent avec l'exposé de
leurs griefs contre le Congrès 3 lorsqu'il
fembloit que l'un & l'autre avoient été
fignés dans le même quart- d'heure. M
» En Congrès le 20 Août. Le Congrès a pris
en confidération le rapport du Comité fur le Mémoire
des Officiers - Généraux . En conféquence , il
a été arrêté que lesdits Officiers - Généraux feront
informes que le Congrès n'a jamais négligé de
faire attention aux vertus militaires qui ont éclaté
dans l'armée des Etats- Unis pendant le cours de
cette guerre, & qu'il s'eft conftamment & princi
palement occupé , non- feulement de pourvoir au
bien être & à la fanté de l'armée , mais auffi de fatisfaire
à fes demandes raifonnables , autant que
les
Ces
publiques
pouvoient
le
permettre
.
taire
-
Que la patience & le renoncement à foi- même ,
le courage & la perfévérance , le facrifice volon-.
de fon tems , de fa fanté & de fa fortune , font .
les vertus effentielles que le citoyen & le foldat doivent
montrer lorfqu'ils travaillent à établir la liber.
té dans leur Patrie. Que la modération , la frugalité
& la tempérance doivent être les principaux
appuis & les ornemens les plus éclatans de cette
efpèce de Gouvernement civil qui a été fagement
inftitué par les divers Etats de cette union .
Qu'il a été recommandé aux divers Etats de dédommager
leurs Officiers & leurs foldats refpec
tifs , relativement à la diminution de leur paic &
que le Congrès prendra de promptes mefures pour
:
( 29 )
--
liquider & payer ce qui eft dû à cet égard aux Of
ficiers & aux foldats , qui n'appartiennent au contingent
d'aucun Etat. Qu'à compter du premier
Août 1780 , l'armée fera autorifée à recevoir la
paie fur le pied établi au premier Janvier 1777 , &
qu'elle fera
payée avec les nouveaux billets qui ont
été mis en circulation fuivant la réfólution du
Congrès , du 18 Mars 1778. Que déſormais il
fera paflé aux Officiers cinq piaftres par mois , en
ces nouveaux billets , pour chaque ration retenue.
Que le Département de la guerre enverra au
Congrès une lifte des Officiers qui n'appartiennent
au contingent d'aucun Etat , avec une note de la
balance due à chacun d'eux , pour les payer fuivant
leur fervice paffé , conformément aux réfolutions
1
10 Avril dernier . Que ceux des Etats qui
n'ont point dédommagé leurs Officiers & leurs foldats
,fuivant ce qui a été preferit le 17 Août 1779,
font requis par les Préfentes de le faire auffi - tôt
qu'il fera poffible . - Que la conceffion des terres
, ftatuée par la Refolution du 16 Septembre
1776 s'étendra jufqu'aux Officiers - Généraux dans
la fuivante proportion , favoir :
Aux Majors-
Généraux , 1100 acres $2 aux Brigadiers - Généraux
, so. Que les Officiers de l'armée recevront
, auffi -tôt qu'il fera poffible , un à- compte de
deux mois de paie , pour fatisfaire aux befoins actuels
énoncés dans le préfent mémoire. "
-
-
Arrêté du 24 Août . Que les Officiers de l'armée
commandant des corps , lorfqu'ils feront campés
, feront autorifés à tirer le nombre de rations
de provifions ( qui ont été jufqu'ici retenues ) que
le Commandant en chef ou le Commandant d'une
armée féparée jugera néceffaire , mais qu'il ne feta
rien alloué pour les rations arriérées qui n'ont pas
été tirées au moment où elles étoient dues . Que
s'il paroît par la fuité que la fubfiftance accordée
en argent aux Officiers , au lieu de rations qui leur
b 3
( 30 )
ont été retenues , ne foit pas égale au prix des rations ,
on dédommagera les Officiers de ce deficit.
Que la Réfolution du 15 Mai 1778 , qui accorde
la demi- paie pendant fept ans aux Officiers de l'armée
qui auront continué le fervice jufqu'à la fin
de la guerre , s'étendra aux veuves de ceux des Of
ficiers qui feront morts ou qui mourront dans le
fervice , à commencer de la date de la mort dudit
Officier, pour continuer pendant le terme de fept
ans ; ou s'il n'y a point de veuve , ou en cas qu'elle
foit morte depuis , ou qu'elle fe foit remariée ,
ladite demi-paie fera accordée aux enfans orphelins
de l'Officier qui fera mort ainfi , s'il en a laiffé
quelqu'un . Et il fera recommandé aux Légiflations
defdits Etats refpectifs auxquels lefdits Officiers.
appartiennent , de prendre des arrangemens pour
que cette demi-paie foit payée par les Etats - Unis.
Que la claufe de reftriction comprife dans la
Réfolution du sis Février 1778 , qui accorde la
demi-paie aux Officiers pour - fept ans , exprimée
par ces mots : Et qui ne pofléderont aucun office
profitable dans lefdits Etats ou dans aucun deux
fera annullée .
On a beaucoup parlé des plaintes de
l'Amiral Rodney contre plufieurs de fes
Officiers. Nos papiers contiennent la lettre
fuivante de cet Amiral au Capitaine d'un
des vaiffeaux de fa flotte , au fujet de l'action
du 17 Avril 1780 , qui lui avoit écrit, pour
fe juftifier , à l'occafion d'un ordre qui avoit
été donné pour que fon vaiffeau ne fût
point chef de file de l'efcadre Angloife dans
aucune action future. Elle peut jetter fur
les évènemens très- extraordinaires dSececettttee
journée plus de clarté que tout ce qui a été
mis jufqu'ici fous les yeux du public.
( 31 )
J'ai reçu la lettre que vous m'avez écrite hier.
par laquelle vous m'informez que vous favez de bon.
ne part que vous êtes nommé dans ma lettre officielle
à l'Amitauté , relative au combat avec l'efcadre Fran
çoiſe, le 17 du mois d'Avril dernier. Il eft très-vrai que
vous y êtes nommé , & il ne l'eft pas moins que vous
avez mal entendu , & que vous n'avez pas exécuté convenablement
mon fignal pour attaquer l'ennemi , conformément
au 2 re article des inftructions additionelles
pour le combat , qui vous enjoignoient d'arriver
auffi tôt fur le vaiffeau ennemi qui vous étoit alors
oppofé , mais que vous portâtes vers le vaiffeau de
l'avant , quoique vous euffiez répondu à mon figual
qui vous ordonnoit d'attaquer l'arrière garde ennemie
, fignal que je n'ai point changé , & auquel il
étoit du devoir de tout Officier de donner la plus gran.
de attention.
En conduifant la file comme vous avez fait , vous
engageâtes d'autres vaiffeaux à fuivre un aufli mauvais
exemple , & oubliant de la forte que le figual pour la
ligne ordonnoit que les yaiffeaux fuffent a deux encablures
feulement les uns des autres ; l'avant-garde qui
fut amenée par vous à plus de deux lieues de diftance
du centre, qui par-là fe trouvoit exposé à la plus grande
force de l'ennemi , ne fut pas foutenue convenablement.
Si j'euffe pu penfer que votre conduite & votte
inobfervance des fignaux eût procédé de toute autre
canfe que d'erreur de jugement , je vous aurois certainement
interdit , mais Dieu me garde d'en agir de
la forte pour ce qui ne feroit qu'une faute dejugement.
J'ai réfolu fimplement de vous ôter le pouvoirde vous
méprendre de nouveau dans une occafion aufli importante
que celle où fe trouve le vaiffeau chef de file
d'une efcadre Angloiſe qui doit le mener à une bataille
en règle. Vous me permettrez , Monfieur , ( & c'eft
une explication qui me coûte beaucoup ) de vous dire
fans détour , que pendant le tems que vous avez été
b .4
( 32 )
à mes ordres , vous m'avez donné lieu de cenfurer
votre conduite comme Officier , plus qu'aucun autre
de l'efcadre ( excepté le Capitaine Bateman ) par vo
tre inattention aux fignaux , Monfieur , en remplif
fant négligemment votre devoir , & en n'employant
pas tous vos efforts comme l'auroit dû le plus ancien
Capitaine de l'efcadre à qui il appartenoit au contraire
de donner l'exemple de la promptitude , de l'activité ,
& de la plus fcrupuleufe attention aux fignaux . Vous
a- t- on vu agir de la forte lorfqu'au premier fignal que
je fis pour former la ligne de bataille par le travers ,
afin de fe porter, enfuite fur l'ennemi , & le provoquer
au combat , vous ferrâtes le
faire toute la voile que vous pouviez pour vous rene
vent, au lieu de
dre à votre pofte ,
conformément au premier article
des inftructions additionelles pour le combat, donnant
par- là un très - mauvais exemple à tous les jeunes
Capitaines . Jugez vous - même du déplaifir que j'ai
dû reffentir , en voyant que les deux plus anciens
Capitaines de Fefcadre que j'avois l'honneur de commander
étoient les feuls que j'euffe lieu de répriman
der par un fignal public , en leur fignifiant qu'ils n'avoient
point obéi. Pourquoi vous êtes - vous prefque
toujours tenu depuis au vent de votre pofte , malgré
les fignaux répétés que j'ai faits au yaiffeau que vous
commandiez ? Pourquoi étiez-vous à une distance
étonnante de l'efcadre le foir d'avant le combat ?
Pourquoi m'a-t- il fallu vous envoyer
une fregate
pour vous ordonner de joindre ? Pourquoi étiez-vous
hors de votre pofte au point du jour , quoique le
fignal pour la ligne de bataille eût fubfifté pendant
toune pour la ligne
nuit ? Toute cette conduite montroit , une
inattention qu'on n'auroit pas dû avoir à reprocher
à un Officier qui avoit été élevé dans cette bonne
& ancienne difcipline , par laquelle s'est toujours
diftinguée l'efcadre occidentale , & je n'ai diffimulé
la peine que me faifoit une pareille conduire , que
par égard pour les fervices que vous ayez rendus
I ab could od dundef b 2 anggoli
#d
(( 33 )
précédeminent à votre Roi & à votre pays , & parce
que j'étois fermement perfuadé que vous êtes un
brave homme. Autrement je fais ce que
devois
faire en ma qualité de Commandant d'une grande
efcadre . nom
Vous pouvez juger avec quelle peine j'écris une
pareille lettre à un Officier que je connois depuis fi
long - tems , & pour lequel j'ai toujours eu de l'eftime3
mais lorsqu'il s'agit des grands intérêts de la
nation , & dans un cas où le fervice de mon Roi
& de ma pátrie eft confié à mes foins , je ne dois
fonger qu'à mon devoir , & à faire en forte que
ceux qui font fous mes ordres s'acquittent du leur.
Ce font deux obligations que je remplirai tou
jours strictement , fans faveur ni partialité.
Je fuis , & c.
FRANCE.
De VERSAILLES , le 2 Janvier.
-a'n cli'up tosdingi wales , sildiq fray
3
UL
Lag de ce mois , le Marquis de Ségur ,
Chevalier de l'Ordre du S. Efprit , Lieutenant
- Général des Armées du Roi , que
S. M. a nommé Secrétaire d'Etat au département
de la Guerre , a prêté en cette qua-
Jité ferment entre les mains du Roi.o
Le 26 , le Prince Doria Pamphili , Archevêque
de Séleucie , Nonce ordinaire du
Pape , à la tête des Ambaffadeurs , des
Envoyés des Miniftres Plénipotentiaires ,
tous en manteau de deuil , eut une audience
publique du Roi , dans laquelle il
fit fon compliment de condoléance à S. M.
fur la mort de l'Impératrice - Reine de
Hongrie & de Bohême. Le Prince de Tinbs
( 34 )
gry , Capitaine des Gardes- du Corps , en
manteau de deuil , les reçut à la porte en
dedans de la falle , où les Gardes du Corps
étoient en haie & fous les armes. Le Prince
Doria Pamphili fut conduit à cette audience
, ainfi qu'à celle de la Reine , qui étoit
fous un dais , tenant fon cercle de Dames ,
par M. de Tolofan , Introducteur des Ambaffadeurs
; M. de Séqueville , Secrétaire
ordinaire du Roi à la conduite des Ambafladeurs
, précédoit ; l'un & l'autre étoient en
long manteau de deuil.
Le même jour , le Baron de Blome , Envoyé
extraordinaire de Danemarck , préfenta
au Roi les gerfaux d'Iflande ; le préfent
que le Roi de Danemarck eft dans l'ufage
de faire annuellement à S. M. fut reçu
par le Comte de Vaudreuil , nommé à la
charge de Grand - Fauconnier de France ,
& par le Marquis de Forget , Capitaine du
Vol du Cabinet.
De PARIS , le 2 Janvier.
LA préfence de M. le Duc de la Vauguyon
, Ambaffadeur de France auprès des
Etats Généraux des Provinces - Unies
étant devenue plus néceffaire que jamais
à la Haye depuis la déclaration de guerre
de l'Angleterre contre la République
il eft parti hier pour retourner à fa réfidence
, qu'il n'avoit quittée que par
congé. De toutes les poffeffions Hollandoifes
, celle pour laquelle il paroît que
( 35 )
l'on craint le plus , eft le cap de Bonne
Espérance. Nos marins font perfuadés
que l'armement que l'on preffe en Angleterre
, & dont on donne le commandement
au Chevalier Sir Hugues Pallifer , ne peut
regarder que cette poffeffion importante ,
qui mettroit nos ennemis en état d'intercepter
à leur paffage les flottes qui vont
aux Indes , ou qui en reviennent . On croit
cependant qu'il eft facile de prévenit ce
coup. Les Anglois ont pu envoyer d'avance
des ordres dans les Indes , pour attaquer
les Hollandois ; mais l'Amiral Hugues n'a
pas des forces fuffifantes pour tenter de
grandes entreprifes , & il n'en eft pas encore
parti d'Europe . On peut inftruire aifément
nos Commandans à l'Ile de France
des réfolutions de notre rivale , & S à 6
vaiſleaux de M. de Tronjolly fuffisent pour
défendre le Cap , où les Hollandois peuvent
aufli envoyer des fecours avant le départi
de l'Amiral Pallifer ; s'ils n'en ont pas déja
envoyé ; car il paroît qu'on s'attendoit
à la Haye à ne pouvoir pas refter long- tems
neutre dans cette grande querelle .
Ce n'eft que par la voie de Londres qu'on
a appris la nouvelle du long & terrible
ouragan qui s'eft fait fentir aux Antilles.
Il n'eft pas douteux qu'il n'ait caufé bien
du dommage ; mais il ne faut pas non plus
s'en rapporter tout- à- fait à ce que racontent
les Anglois , de ceux qu'on a effuyés à la
Martinique. Il eft naturel qu'ils les aient
b 6
((36 )
exagérés. Selon eux , un tranfport François
entré à Nevis , ifle Angloife , plutôt que
de s'expofer à une perte certaine , raconte
qu'il faifoit partie d'un convoi de 60 voiles
, chargé de 1500 hommes de troupes ,
dont on n'avoit pu débarquer que 400
lorfque l'orage a enlevé & jetté au large
tous les bâtimens . On ignore ce que c'eft
que ce convoi , car il y a long- tems qu'il
n'en eft parti d'Europe . Celui de l'Ifle d'Aix ,
efcorté par le Guerrier jufqu'au delà des
caps , & enfuite par 2 frégates , ne con- A
fiftoit qu'e
qu'en 33 voiles , & ne portoit pas ab
1500 hommes. Cet ouragan eft le même qu'a
effuyé l'Amiral Rowley , que l'on foup .
çonne , avec raifon , avoir coulé bas.
-
-
Toutes les lettres particulières confirment
que la flotte de l'Amiral Darby eft rentrée
en très mauvais état ; il n'avoit que 22
vaiffeaux avec lui ; on n'eft pas fans inquiétude
fur ceux qui lui manquent , & on juge
qu'il lui faut au moins deux mois pour fe
radouber & fe ravitailler , de manière qu'il
eft impoffible que Gibraltar foit fecouru
d'ici à quelque tems.
Les avis de nos ports font tous unifor
mes calmee ou vent contraire , voilà ce
qui retient M. le Comte d'Eftaing. Il faut
pourtant que le vent de nord ou de nordoueft
n'ait pas toujours régné , puifque nous
favons que le paquebot le Royal George
n'a mis que 12 jours de Lisbonne à Fal- gay
mouth , où il eft entré les de cel mois
( 57 )
y
D'un autre côté , un navire forti auffi de
Lisbonne fur fon left , le 9 Novembre , n'eſt
arrivé à Bordeaux que le 19 Décembre
ce qui prouve qu'à des latitudes voifines il
avoit des aires de vent très-différens. Ce qui
eft bien propre à nous raffurer fur le compte
de M. d'Estaing , c'eft que nous apprenons
de Madrid que le 6 Décembre il a envoyé
au Ferrol 2 de fes frégates pour y prendre .
les malades laiffés l'été dernier par les vaiffeaux
François
qui
relâchèrent dans ce Port,
M. d'Estaing étoit fans doute à cette époque
dans ces parages ; & fi fon convoi avoit
eu des befoins preffans , s'il eût fouffert , il
n'eſt pas douteux qu'il ne l'eût amené dans
ce Port. Nous nous attendons d'apprendre
à chaque moment qu'il a paru devant la
rivière de Bordeaux.
ל כ
༣
» Depuis 10 à 12 jours , écrit- on de Breft , en
date dura
Décembre , il ne s'eft fait aucun des
mouvemens ordinaires du port & de la rade ; plues
attendues fieurs flottilles
vent.Le peu qui ſe fait
pas
faute de ' arrivent
de tems en tems eftabat
contraire au retour de M.
M. d'Estaing on croit que
fon armée eft ob
obligée de louvoyer ou de refter en
panne , tant les calmes & les vents l'auront contrariée.
Son arrivée détermineroit fans doute le départ
de beaucoup de bâtimens prêts à appareiller de
cette rade. La frégate l'Amazone a ordre de fe og
difpofer à partir pour ramener M. de la Peyroufes à
Rhode-Ifland. Get Officier va porter les inftructions
& les avis que M. de Rochambean
Cette frégate efcortèrà un conver, a pu demander .
& fera accompagnée
de deux autres , que l'on croit être la Dedaigneufe
& la Sylphide a
611
( 38 )
On a parlé des prifes faites par la frégate
corfaire la Calonne , qui mit à la
voil : de Dunkerque le 24 Novembre
dernier. On évalue à 600,000 liv . celles
qu'il a faites en is jours . Voici le détail de
cette croifière fi courte & fi heureuſe.
» Le 24 , pris & envoyé à Calais un cutter ; le
27 , pris & envoyé à Cherbourg un floop chargé de
farine ; le 28 pris à l'entrée du port de Plimouth
un grand longre , qui eft arrivé à Morlaix ; le même
jour , coulé bas un floop venant de Jerſey , fur fon
left ; le 29 , donné chaffe à deux grands cutters ,
dont l'un s'eft échoué & a péri entièrement , &
l'autre a eu le bonheur d'échapper ; le même jour ,
pris & envoyé à Morlaix le brigantin le Hopwel,
qui alloit de Londres à Belfort , chargé de thé , fucre
, tafia & autres marchandifes ; le 30 ; pris 2
vaifleaux , l'un de 150 tonneaux & l'autre de 400 ,
le premier monté de 18 canons & chargé de bois ,
allant de Londres à Liverpool ; le fecond venant de
Pétersbourg & le rendant à Briſtol , chargé de fer,
chanvre & planches , tous deux convoyés jufqu'au
3 Décembre , & perdus de vue la nuit par une
tempête. Enfin , les de ce mois pris un vailleau de
600 tonneaux , avec lequel la frégate , dont l'équi
page étoit réduit à 100 hommes , eft arrivée dans
le port prifonniers ,
de Breft , ayant à bord 12
M. le Marquis de Polignac , premier
Ecuyer de Monfeigneur le Comte d'Artois ,
a été nommé Directeur- Général des Haras ,
ayant le travail avec le Roi , & 30,000 liv.
d'appointement.
M. le Duc d'Orléans a nommé M. le
Moine de Belle Ifle , premier Secrétaire de
fescommandemens, Adjoint avec ſurvivance
( ༢༡ )
de M. l'Abbé de Breteuil dans la charge de
Chancelier & Surintendant des finances de
fa maifon..
»On fait que la premiere qualité d'un Hiftorien
eft d'être efclave de la vérité , & de n'annoncer aucun
fait qu'il ne foit bien affuré de fon existence ;
fans cette attention , il fe prive néceffatrement de
toute confiance de la part de fes lecteurs , objet
principal qu'il fe doit propofer ; il paroît que l'Auteur
de la vie de Jean Bart ne s'eft pas conformé à
ces principes , & qu'il a induit en erreur le Rédacteur
des Avis divers ou Journal général de France. En
annonçant l'ouvrage du premier dans fa feuille du
16 Décembre 1780 , ce dernier a choifi une anecdote
qui , en la fuppofant vraie , loin d'être à la
gloire du héros du livre , ne le montreroit qu'un
peu plus groffier qu'on ne l'a toujours dépeint.-
Ce M. Gruin , que l'on y qualifie de Caiffier , étoit
Garde du Tréfor Royal : or , les Gardes du Tréfor
Royal ne paient point par eux-mêmes , ils n'ont
pas même la clef de leur caiffe , & tous les fonds
font à la charge du Caiffier , qui en répond perfonnellement
& leur en rend compte , & voilà ce
qu'ignoroit l'Hiftorien de Jean Bart . M. Gruin ,
Garde du Tréfor Royal , & fon frère , Mattre de
la Chambre aux deniers , étoient honorés des bon--
tés particulières de Louis XIV ; & par les préro.
gatives dont jouiffoient alors leurs charges , ils tra-
Vailloient directement avec S. M. , & ne rendoient
compte qu'à elle , chacun pour ce qui concernoit
fes fonctions ; l'un & l'autre ont laiffé des defcendans
qui jouiffent à la Cour & à la Ville de la confidération
qui leur eft due ; ils ne peuvent voir
qu'avec indifférence les autres traits qui fervent
d'acceffoire à l'infidélité de l'anecdote dont
il eft question , qui ne peut être regardée que comme
ane fable , d'après l'Auteur lui - même , qui dic
( 40 )
pag. 120 de fon Avertiffement , que chacun a eu une
fable à débiter fur le compte de Jean Bart ; voilà
la fienne cc.
Le 26 du mois dernier , M. le Noir , accompagné
du bureau d'Adminiſtration , le
rendit aux Tuileries pour la diftribution
des grands prix de l'Ecole Royale gratuite
de Deffin. M. Bachelier , Directeur , ouvrit.
la féance par ce difcours :
“ །
MM . , le Magiftrat dont le zèle & l'affection
nous font fi chers , vient , dans ce jour folemnel ,
accompagné de l'Adminiftration à laquelle il préfide
, applaudit à vos fuccès ; fon amour pour vous ,
les foins paternels qu'il donne à votre instruction,
lui font trouver malgré la multitude d'occupa
tions importantes dont il eft chargé , le tems de
vous donner cette fatisfaction , d'autant plus précieufe
qu'il le fait gloire de la partager avec vous.
Le Bureau d'Adminiftration compofé des Ctoyens
les plus illuftres par leur naiffance , le rang
qu'ils tiennent dans la fociété , & par leurs talens ,
s'empreffe de contribuer au foutien de cet établiffe
ment , & s'impofeé comme un devoir le plaifir de
vous donner tous les jours des nouvelles preuves
du plus tendre intérêt. Que d'obligations con
tractées envers la patrie , depuis l'origine de cette
Ecole ; pourrez vo
fait pour vous ? Non , je fuis votre garant , j'ole en
votre
répondre , & lui promettre la reconnoiffance
la plus vive & la plus affectueufe , d'après le
tendre fouvenir que vous confervez de l'homme
célèbre , dont les mains généreufes & pa
triotiques creusèrent les fondations de cet éta
bliſſement ? J'aime à voir votre tendreffe filiale
pour ce digne Magiftrat , qui le premier s'eft occupé
des , obftacles qui vous fermoient la carrière
des arts mécaniques ; fon courage eft parvenu a
vous jamais
ouse
a
?
( 41 )
les détruire , il a ouvert la barrière à la jeunene
laborieufe , en offrant des récompenfes à l'émulation
; il a fait naître l'amour du travail fi néceffaire
aux moeurs ? Quels moyens plus efficaces
pouvoit-il choisir pour arracher à l'ignorance des
Citoyens qu'elle alloit précipiter dans le vice , &
livrer fans reffource à
l'adverfité. Qui pourra comp
ter le nombre de ceux que cette inftitution fauva
de la misère , garantit du befoin , & conduifit à
l'honnête aifance. Ecoutez ces hommes fenfibles
dire à leurs époules , à leurs enfans , ce que vous
pourrez dire un jour aux vôtres : c'eft à cette Ecole
que nous devons l'existence agréable dont nous
jouiffons ; vos defcendans le répèteront aux races
futures , en béniffant le nom de votre bienfaiteur.
En
m'abandonnant au fentiment dont vous m'a
vez pénétré , j'éprouve tout le zèle de la vérité qui
m'anime. Que ne puis je me livrer à tout ce qu'inf
pire un fi grand fujet , mais je fuis forcé de m'arrêter
, MM , pour céder à
l'empreffement du Pu
blic, qui vient jouir du triomphe dont vos travaux
vont être couronnés ;puillicz-vous en être af
fez touchés pour
augmenter
par de
nouveaux
efforts
l'intérêt
que la
Nation prend à exciter votre
émulation ; puiffe -je voir vos progrès répondre
à nos foins , ceux de vos maîtres , & aux graces
multipliées qui vous font accordées par le meilleur
des Rois.
2.
On procéda enfuite à la diftribution des
grands prix , mérités par les fieurs Chamot
Couard , Duret & Berthelot. Ils furent embraffés
par le Magiftrat au bruit des fanfares
& des acclamations du public. 12 grands
acceffit & 96 prix furent auffi délivrés dans
la même féance."
MM . Knapen nous ont adreffé la réponſe
fuivante à la lettre de M. de Maflac , inférée 5
( 42 ).
-
dans notre Journal du 23 du mois dernier.
Monfieur , nous n'avons pas annoné d'une ma
nière fufpecte l'ancienne édition du Recueil de M.
de Maflac , dont nous fommes propriétaires , &
nous ne favons point fur quoi peuvent retomber
les reproches du frère de l'Auteur. Nous prions
les perfonnes que fa lettre auroit pu prévenir contre
nous , de vouloir bien relire notre annonce ,
elles verront que nous avons obfervé de copier
Je titre de la nouvelle édition avec l'exactitude la
plus fcrupuleufe , & que fi l'on a oublié dans l'Année
Littéraire le mot relié , cette erreur très-involontaire
eft corrigée par l'Errata du No. 35. Il
keur eft encore aifé de le convaincre par la même
Annonce qui fe trouve fur le carton du N°. 31
du Journal de Littérature , & dans la Gazette d'A
griculture du Mardi 12 Décembre , pag. 799 , que
notre intention n'a pas été de furprendre le Public ;
elle n'a pas été non plus d'arrêter le débit de la
nouvelle édition . Puiffe -t- il payer M. de Maffac des
voeux défintéreflés qu'il fait pour la vente des 800
exemplaires qui nous reftent de la première édi
tion du Mémoire fur les Engrais !
L'Affiche de Poitiers nous fournit le
trait fuivant.
vivre
Une pauvree veuve de cette Ville a un fils , que
la mifere deftinoit , comme elle , à être domestique,
Cet enfant profite d'un établiflement où on enfeigne
gratuitement la jeuneffe dans un talent honnête &
utile. Son émulation eft récompenfée par les progrès.
Il mérite d'obtenir enfuite une place où il peut
gracieuſement s'il eft fage ; il a le moyen de devenir
un citoyen recommandable. Mais pour Le rendre
à fa deftination , pour y paroître & s'y maintenir
convenablement , felon fa fituation actuelle , il a be
foin d'un vêtement , de linge & d'autres petits fecours
. Sa mere eſt hors d'état de les lui fournir. Un
( 43 )
ancien domeftique du voilinage , qui n'eft ni le pa
rent ni le parrain de cet enfant , mais qui connoît la
pauvreté & l'honnêteté de la mere , & l'émulation du
jeune homme , inftruit de l'embarras de l'un & de
l'autre , qui pouvoit faire manquer la bonne fortune
du dernier fi perfonne ne l'aidoit fur le-champ , porte
à cette femme cinquante écus , & lui dit : Tenez
habillez votre fils ; qu'il parte , & recommandez - lui
d'être bon fujet. Il me rendra cette fomme lorfqu'il
le pourra ; s'il ne le peut pas , je la lui donne
pourvu qu'il vous foulage dans votre vieilleffe . Ce
trait n'a pas befoin d'éloge.
La réponse que MM. le Sefne & Compagnie
ont reçue de Mademoiſelle la Chevalière
d'Eon , offre un témoignage dû à
leur intégrité dans leur adminiftration ',
& une affurance de l'intérêt qu'elle prend
leur entreprife , & de fon empreffement
à concourir au fuccès , en leur procurant
des Actionnaires , & c.; à ce titre , elle intereffe
tous ceux qui ont pris part à cet
Arinement.
ל כ » J'ai à répondre , MM. , à la nouvelle Lettre dont
vous m'avez honorée le 4 de ce mois : fij'avois prévu
les conféquences qui résultent de la réponse que j'ai
cru devoir faire à votre demande gracieufe de nom
mer une de vos Frégates , je me ferois bien gardée
d'accepter cet honneur. Les louanges que cette déférence
m'attire de votre part , donnent de mes talens
& de mon mérite une idée qui ne peut s'accorder
avec l'opinion que je dois en avoir. Il eſt vrai
que remplie d'un attachement inviolable aux intérêts
de S. M. , mon zèle pour la gloire m'a toujours fait
délirer d'être utile à ma patrie . Il n'y a donc que ce
fentiment , fecondé de votre intelligence & de votre
intégrité , reconnues dans votre adminiftration , qui
a th...
5
(
44 J
puiffe me décider à partager & à m'intéreffer , autant
qu'il me fera poffible , dans vos travaux ,
l'objet répond fi parfaitement à ma façon de penfer.
--
à
ly
dont
Quant au choix du Capitaine de Vailleau , des
Officiers & Volontaires qui défirent fe diftinguer fur
votre armement , je crois , MM . , qu'il fuffit d'ouvrir
nos Marins & à nos Militaires une carrière de gloire
& d'utilité au Gouvernement , pour les voir s'y pré
ſenter en foute & acheter aux dépens de leur fortune
& même de leur vie le droit de la parcourir ; enforte
que je regarde ce choix bien plus difficile à faire , par
le grand nombre des concurrens que par le mérite &
le courage , qualités naturelles à tous les Militaires
François , que je fuis plus dans le cas d'applaudir &
d'imiter que de juger ; au furplus , je vous promets
de faire tout ce qui dépendra de moi , pour répondre
à la confiance que vous voulez bien me témoigner à
cet égard , d'une manière digne de fon objet. J'ai
l'honneur d'être, & c. Signé LA CHEVALIERE D'EON,
De BRUXELLES , le 2 Janvier.
LES Portugais viennent d'éprouver la
vérité d'une obfervation que nous avons
eu fouvent occafion de faire ; l'Angleterre
n'a ménagé plus long - tems le commerce
de cette Puiffance que tant qu'elle a confervé
pour les vaiffeaux de guerre , pour
fes Armateurs & leurs prifes , un afyle dans
fes ports. Maintenant qu'elle n'en jouit plus,
'elle traite les Portugais comme les autres
Nations neutres .
כ כ
Depuis la Déclaration du 30 Août dernier ,
écrit- on de Lisbonne , il n'y a point de mauvais trai
temens que nos bâtimens marchands n'aient effuyé
des vaiffeaux de guerre & des corfaires Anglois.
Cela a déterminé nos Négocians à réclamer la pro(
45 )
tection efficace de S. M. T. F. , qui a daigné les faire
affurer qu'il fortiroit au printems prochain du Tage,
une puillante efcadre deftinée à la protection du
commerce ; elle confiftera en 14 yaiffeaux de guerre
& quelques frégates «.
C'est par ces procédés que les Anglois
ont aliéné toutes les Puillances neutres de
l'Europe , & qu'ils les ont forcées à armer
pour y mettre un frein . Le grand but de
la guerre actuelle eft de les ramener à refpecter
toutes les Nations ; elle n'a été entreprife
que pour le remplir . Et tout attefte fa néceffité
& fa juftice. Les fentimens de l'Europe.
ne font point partagés à cet égard , & la
confédération du Nord en eft la preuve.
Elle n'a dû fa naiſſance qu'aux injuftices , &
aux vexations , & on fait quels font ceux
qui s'en font rendus coupables. furaine
+3
La déclaration de guerre contre la Hollande
femble n'avoir eu d'autre objet que
d'affoiblir cette confédération, L'efpèce d'invitation
que l'Angleterre fait à la Hollander
de chercher à renouer avec elle , a peut
être celui de l'amufer par des négociations
qui pourront rallentir fes armemens pendant
T'hiver ; mais il y a lieu d'efpérer que les
Etats Généraux armeront & négocieront
en même tems. S'ils veulent faire un em
prunt plus confidérable que celui auquel
les Anglois font obligés d'avoir recours , ils
peuvent porter un coup mortel à la Banque
de la Grande - Bretagne , & déranger beaucoup
les fpéculations de ceux qui ont déja
J
2019 si asmaelakt & easitusel von sa mabb & S
( 46 )
foufcrit pour le nouvel emprunt du Lord
North. La Hollande a déja 20 vaiffeaux de
guerre armés ; dans 3 ou 4 mois , elle peut
en avoir le double ; s'il eft vrai que la plupart
de ces vaiffeaux ne peuvent pas tenir tête aux
vaiffeaux de ligne Anglois , ils ne cauferont
pas moins une diverfion favorable aux Puiffances
alliées . On croit que d'après la politique
ordinaire de l'Angleterre , elle a expédié
depuis 3 mois l'ordre d'attaquer les
poffeffions Hollandoifes ; mais il fe peut
que pour cette fois elle n'ait pas porté fa
prévoyance fi loin , & qu'elle fe foit toujours
flattée que la République n'adhéreroit
point à la neutralité armée , ce n'eft du
moins qu'après avoir été affurée de cette
adhéfion qu'elle a pris la réfolution d'attaquer
fon ancienne alliée . Il faut croire que les
defcendans de Ruyter
s'occup
à faire
revivre ce grand nom , & que les Négo
Sne nuiront point à l'activité qui
paroît maintenant néceffaire .
C'est le 25 du mois dernier , à 7 heures
du matin , que le Chevalier Yorke eft parti
de la Haye fans prendre congé de perfonne.
Il réfidoit auprès des Etats- Généraux depuis
le mois de Décembre 1751 .
Suite du Traité de commerce entre la Hollande &
les Etats-Unis de l'Amérique Septentrionale.
21. Il fera permis aux vaiffeaux de guerre
corſaires ou bâtimens armés des deux côtés , de
conduire & tranſporter librement par tout où ils le
jugeront à propos , les navires & effets , par eux
enlevés aux ennemis , fans être obligés d'acquitter
( 47 )
aucuns droits aux Officiers d'Amirauté ou à quelques
autres Juges. Ces prifes ne pourront non plus être
arrêtées ou faifies , lorfqu'elles entreront dans les
ports de l'une des parties ; les Commis à la recherche
& autres Officiers de ces places , ne les vifiteront
point , & s'abftiendront d'examiner la légitimité de
pareilles captures. Mais il leur fera permis de remettre
à la voile , & de conduire leurs prifes aux
endroits défignés dans leurs commiffions , que les
Commandans de tels vaiffeaux de guerre , corfaires
ou bâtimens armés feront obligés de produire. Mais
toute retraite ou protection dans leurs ports, fera
refulée à celles de ces prifes faites fur les fujets ,
le peuple au la propriété de l'une des parties , &
fi forcées par des tempêtes ou les dangers de la
mer elles s'y trouvoient néceffitées , on employera
avec vigueur tous les moyens convenables pour les
faire repartir le plutôt poffible .
23. Au cas que quelques navires ou bâtimens
appartenans à l'une des parties , leurs fujets ou nation
, vinffent à échouer fur les côtes ou domaines
de l'autre , ou à être endommagés , on donnera tout
fecours & affiftance amicale aux perfonnes naufra
gées , ou en danger de l'être ; il leur fera accordé
des letties de fauf conduit , pour leur libre pallage
& pour retourner dans leur pays natal.
24. Quand les fujets ou le peuple de l'une des
deux parties avec leurs vaiffeaux , foit qu'ils appar
tiennent à l'Etat , foit qu'ils foient équipés en
guerre , ou employés au commerce , feront forcés
par les tempêtes , les corfaires , les ennemis ou
autres circonftances preffantes , de chercher un afyle.
ou de fe retiter dans quelqu'une des rivières cri
ques , bayes , ports , rades ou plages , appartenans
a l'autre partie , ils y feront accueillis & traités
avec humanité & amitié , en jouiflant de la protection
la plus cordiale . Il leur fera permis de fe
rafraîchir & de faire des provifions à des prix
raisonnables , de tout ce qui concerne les vivres &
qui peut être néceffaire à l'entretien de leurs per
( 48 )
fonnes , ou à la réparation de leurs navires , ainfi
qu'à la continuation de leur route ; ils ne feront
aucunement arrêtés , ou empêchés de partir des
fufdits ports ou places , & de faire voile quand &
pour tel licu qu'il leur plaira , fans aucun obftacle
ou vexation.
25° . Afin de faire fleurir davantage le commerce
mutuel , on eft convenu que , fuppofé que jamais
la guerre eût lieu entre les parties contractantes
le terme de fix mois , après la déclaration de guerre
fera accordé aux Négocians , fujets & au peuple
de chacune , dans les pays , villes & bourgs ou
ils pourroient être établis , pour pouvoir fe retirer
dans cet espace de tems , avec leurs familles , biens ,
marchandifes & effets ; de les tranfporter par-tout
où ils jugeront à propos , ainfi que de pouvoir
difpofer , pendant cet intervalle , de leurs biens ,
meubles & immeubles , de les vendre librement ,
fans aucun empêchement quelconque ; & en particulier
, leurs perfonnes ne pourront pas être détenues
ou moleftées par Arrêt ou faifie , mais au
contraire , dans cet intervalle de tems , les nations
& les fujets refpectifs auront & jouiront d'une bonne
& prompte juftice , de manière que pendant le fufmentionné
terme de fix mois , ils pourront recou
vrer leurs biens & effets confiés à la bonne foi
du public & des perfonnes privées ; & dans le cas
où quelque chofe en auroit été détournée , ou que
l'on eût fait infulte au peuple ou aux fujets de
l'une ou de l'autre partie , celle de ces parties qui
aura fait quelque tort à l'autre en donnera une fatisfaction
convenable.
26. Les fujets de L. H. P. les Etats- Généraux
s'abftiendront de réquérir ou d'accepter des commiffions
ou lettres de marque de quelque Prince
ou Etat en guerre contre les Etats - Unis d'Améri
que , afin d'armer des navires en courſe à leur détriment;
& fi quelque individu d'une des nations
venoit à accepter une pareille commiffion ou des
lettres de marques , il fera puni comme pirate.
La fuite à l'ordinaire prochain.
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
RUSSI E.
De PETERSBOURG , le 16 Décembre:
ON a célébré hier la fête du nom de l'Impératrice
; la Cour a été très - brillante &
très -nombreuse , il y a eu le foir bal paré , à
Tiffue duquel S. M. I. fit une vifite au Grand-
Ecuyer de Narifchkins, à l'occafion du mariage
de fa fille avec le Général - Major de
Sollohus qui avoit eu lieu le même jour.
Elle a fait à cette occafion les promotions
fuivantes. Le Lieutenant-Général d'Empt a
été déclaré Général en Chef ; les Généraux-
Majors Prince Wolkonski , Paul Potemkin ,
de Hantwich , & Comte de Balmen , ont
étéfaits Lieutenans - Généraux . Les Brigadiers
Rfchewuski , Tatitfchew , Baron de Rofen ,
Repninskoy , Comte Melin , Lang , Lodifchenskoy
, Patkul , Belamin , Lieven , Baron
de Terfen , Comte Pierre Rafumowsky,
Besborodla & Fedor Olfufieff , ont été faits
Généraux Majors, 4 Colonels ont été encore
élevés à ce grade , & 27 autres ont été faits
13 Janvier 1781.
›
C
,
( 50 )
Brigadiers. Le Lieutenant- Général Delwig
a obtenu le Gouvernement de Wibourg , &
le Lieutenant Général Kochius , celui de
Kiew.
-
POLOGNE.
De VARSOVIE , le 14 Décembre.
COMME depuis quelques jours le tems
s'eft mis à la gelée , on apprend de tous côtés
que les troupes Ruffes fe tiennent prêtes à
de
marcher , & qu'en plufieurs endroits elles
font déja en mouvement ; on fuppofe cependant
toujours ici qu'elles ne continueront
point leur marche qu'elles n'aient reçu
auparavant de nouveaux ordres .
A
Le Miniftre de Pruffe a remis au Confeil
Permanent une note dans laquelle il prévient
le Roi & la République que les troupes
Pruffiennes raffemblées fur la frontière ,
n'y ont formé un cordon que pour empêcher
que la contagion qui s'eft manifeftée dans la
Wolhynie ne foit portée dans les Etats de
S. M. Pruffienne. Nous avons maintenant
des nouvelles certaines que cette maladie a
ceffé dans la Wolhynie , ainfi que fur les
frontières de la Moldavie , où elle s'étoit
auffi déclarée , & où les troupes Autrichiennes
ont également formé un cordon.
La Viftule , depuis quelques jours , charie
tant de glaces , que plufieurs bateaux du
pont ont été emportés , & que ce n'eft
qu'avec beaucoup de peine qu'on parvien
dra à retirer les autres.
( 51)
Le Comte de Braniki , Grand - Général de
Ma Couronne , fe propofe de faire inceffamment
le voyage de Pétersbourg.
On apprend que la Porte a fait défendre
aux Waivodes de la Walachie & de la Moldavie
de permettre aux fujets de leurs Principautés
de vendre des chevaux aux Etrangers
.
GALLEMAGN E.
De VIENNE , le 16 Décembre.
* LA Bourgeoisie de cette ville a prêté ces
joursderniers , à l'Hôtel-de-Ville , le ferment
de foi & hommage. Cette cérémonie aura
lieu incellamment dans tous les pays foumis
ci -devant à la domination de feue S. M.
Impératrice- Reine.
L'Empereur s'occupe maintenant a exécuter
les dernières volontés de fon auguſte
mère. Il s'eft tenu déja fur cet objet des
confeils auxquels ont affifté le Prince de
Schwartzenberg , les Comtes de Hatsfeld ,
de Sternberg & de Kollowrath , ainfi que les
Barons de Grofel , Kienmayer , Boſch , le
Confeiller de Kretz & M. de Mayer , char-~
gé des payemens.
Le 12 de ce mois l'Archiducheffe Marie-
Chriſtine , & le Duc Albert de Saxe - Tefchen
partirent pour Presbourg , où ils ont été tout
difpofer pour les fervices qui doivent y être
faits pour le repos de l'ame de feue l'Impé
ratrice . Ils ont commencé le 1 dans cette
( 52)
capitale , & ont été continués le 12 & le 13 :
on a diftribué d'abondantes aumônes aux
pauvres.
On dit que le Grand -Duc de Tofcane doit
fe rendre inceffamment dans cette capitale,
De HAMBOURG , le 9 Janvier.
و
On fait dans tous les ports du Nord les
préparatifs les plus formidables pour l'année
prochaine. Les Puiffances neutres confédérées
fe propofent de mettre en mer un
nombre de vaiffeaux fuffifans pour faire
refpecter leur commerce & leur navigation.
Le Danemarck , comme nous l'avons
dit , doit avoir 20 vaiffeaux de ligne & 10
frégates La Suède vient d'ordonner d'équiper
à Carlfcron dix vaiffeaux de ligne &
fix frégates , qui porteront les forces à 13
vaiffeaux de ligne au printems prochain,
La Ruffie en aura , dit - on , 30. Cela ne
fera pas moins de 90 vaiffeaux , tant de
ligne que frégates. 11 eft difficile que cette
flotte formidable ne ramene pas les Anglois
à la modération & à la justice , & qu'elle
ne les force à renoncer à la prétention de
l'empire exclufif des mers qu'ils ont affectée
fi hautement , & contre laquelle on s'étoit
contenté jufquici de réclamer,
» La ville de Gera , écrit - on de Saxe , fera entièrement
rebâtie dans un genre plus régulier & plus
beau qu'elle ne l'étoit avant l'incendie qui l'a détruite
; elle doit tout à fon Souverain , qui foigne
confole , loge & entretient tous les infortunés habi
9
( 53 )
tans. Ce Prince fournit même tout ce qui eft néceffaire
pour l'exécution du plan d'une nouvelle
conftruction , & en attendant on conftruit pour les
artifans des baraques où ils exercent leurs métiers ,
tandis que les marchands font logés dans le châ
teau feigneurial . Le malheur qu'ils ont éprouvé , a
tellement touché les marchands établis même chez
l'Etranger , que de tous côtés on leur a commandé
des ouvrages de prix , de forte que jamais ils n'ont
été plus occupés «.?
On apprend de Berlin qu'on a commencé
à mettre à exécution la réforme annoncée
parmi les Avocats de la Cour royale
& du Tribunal de la Chambre. Quelquesuns
ont été nommés Confeillers - Affiftans ,
d'autres , Confeillers de Commiſſion . A
compter du premier Janvier prochain , tous
les procès qui s'éleveront feront inftruits
fuivant la nouvelle Ordonnance concernant
les procès ; mais ceux qui font actuellement
pendants , feront terminés felon l'ancienne.
coutume.
ITALI E.
De LIVOURNE , le 17 Décembre.
LA frégate de guerre Ruffe fortie , il y a
quelques jours , pour fe rendre aux Illes
d'Hieres , eft rentrée ce matin avec trois
tartanes fur lesquelles elle a ramené tout
Féquipage & une partie de l'attirail du
vaiffeau de guerre de fa nation , qui avoit
choué fur les bancs de fable de ces Ifles .
On dit ici que la divifion des vaiffeaux
C 3
( 54 )
de guerre Ruffes , mouillés dans ce port ,
ainfi qu'une autre divifion , confiftant en
s vaiffeaux de ligne & 3 frégates qu'on
attend , fe joindront enfemble au printems
prochain , & fe rendront dans l'Archipel ,"
files différends furvenus entre la Ruffie &
la Porte , ne font pas accommodés pour ce
tems- là .
On apprend de Rome que dans un confiftoire
tenu le ri de ce mois , le Pape at
élevé à la Pourpre les Prélats Manciforte ,
Antamori , Altamori & Altieri ; les deux
premiers font ceux que S. S. s'étoit réſervés
in petto dans le confiftoire tenu en 1774.
» Notre galère- corfaire commandée par M. André
Préciari , écrit- on de Malte , eft rentrée dans le
port avec un bâ iment Turc chargé de grains dont
elle s'étoit emparée dans les mers du Levant. Il con
duifoit trois Chiaoux dans l'ifle de Candie & la
Morée , où ils alloient porter des dépêches du Grand-
Seigneur. Le Grand- Maître a fait remettre auffitôt
ces Chiaoux & leurs dépêches entre les mains du
chargé des affaires de France , qui en difpofera
conformément aux ordres de la Cour «,
ESPAGNE.
De CADIX , le 12 Décembre.
DEPUIS quelques jours il a fait ici un
vent d'Ouest , affez violent , pour ne pas
permettre à une feule voile de quitter la
baie. Nous n'apprenons pas pour cela que
les navires ravitailleurs en aient profité
pour jetter du fecours dans Gibraltar. D.
( 55 )
Antonio Barcelo a toujours tenu la mer ,
& rien n'a pu entrer dans la place.
L'ordre pour la tenue du Confeil de
guerre qui doit juger M. de Ulloa , eft enfin
arrivé ; on en a été d'autant plus furpris
, que l'on fait que dans deux comités
d'Officiers Généraux nommés à différentes
fois pour examiner la conduite de ce Com--
mandant , elle avoit été trouvée irréprochable.
On doit juger en même tems les
Capitaines des deux frégates de l'efcadre de
cet Officier , dont l'un fut pris , & l'autre
revint ici avant fon Commandant. On
foupçonne que c'eft ce dernier qui , dans
des lettres écrites au Miniftre , fe permit
de cenfurer le premier la conduite de fon
Général.
Nous n'avons fu que depuis peu de jours
que le confeil de guerre tenu le 23 Novembre
, à bord de la Trinité , avoit pour
objet M. de Tilly , commandant l'efcadre.
lors de l'expédition de Buenos - Ayres. Ce
Général a été jugé n'avoir point contrevenu
à fon devoir & aux inftructions qui lui
avoient été données.
On a arrêté hier ici un Négociant fort
connu , appellé D. Juan Jones , ainfi que
fon Caiffier. Ils ont été conduits tous les
deux au fort Sainte - Catherine. M. Jones
paffoit pour François ; mais le nom qu'il
porte ne permet pas de douter qu'il ne foit
originaire de la Grande- Bretagne , s'il n'y eft
pas né. On ne doute pas qu'il ne fervit fa
с 4
( 56 ) :
Nation. On a fouvent eu occafion de reconnoître
que les efpions de Cadix n'é
toient pas des gens ordinaires ; on cite à
ce fujer que M. de Solano n'a dû peut être
fon falut qu'à la prévoyance qu'il a eue de
changer le lieu de fon rendez-vous . Craignant
avec raifon que l'ennemi n'eût été
informé de fa marche , il raffembla fon convoi
& fes vaiffeaux lorfqu'il fut à 200 lieues
des Açores , & qu'il ne fe vit plus éclairé
par les corvettes de Johnstone. Là il donna
de nouvelles inftructions en cas de féparation
; ce fut d'attérir à la Guadeloupe ;
car s'il avoit fuivi fon premier projet , qui
étoit d'aller reconnoître la Barbade , il feroit
tombé dans l'efcadre de Rodney; &
de la manière dont celui - ci s'expliqua dans
le tems , il fembloit qu'il ne doutoit pas
un moment que la flotte Efpagnole pût lui
échapper.
Il ne s'eft rien paffé de bien remarquable ici ,
écrit-on d'Algéfiras en date du 9 de ce mois. Les
travaux pour perfectionner les nouveaux ouvrages ,
ont été conduits avec tant de célérité , qu'il ne
refte plus que peu de chofes à faire au chemin
couvert. Du côté de la mer , les différens chébecs
qui font en ftation à Tétuan , à Tanger , &c. ont
pris quelques petites barques. Le neveu de D. Antonio
Barcelo , eft le feul qui depuis 8 jours ait eu
affaire avec un gros navire , qu'il a forcé d'échouer
près du cap Spartel. L'équipage a eu le tems de fe
fauver dans fa chaloupe , & il n'étoit efté à bord
lorfque nos gens y parvinrent , que le Capitaine &
deux marelots . On ne s'eft pas apperça que là
frégate- corfaire qui fe gliffa dernièrement dans la
157 )
place , ait apporté aucun fecours ; & nos foupçons
éroient bien fondés , lorfque nous penfions qu'elle
feroit plus à charge , qu'utile à Gibraltar. Il y a au
moins quatre mois que notre Chef- d'efcadre démonta
deux Capitaines accufés de négligence . Ils
viennent d'être jugés par un Confeil de guerre qui
les a réhabilités ; & l'un d'eux qui étoit refté ici ,
a déjà repris le commandement de la frégate qu'il
montoit. Une nouvelle fort intéreflante que
nous apporte D. François -Xavier Mûnos , Commandant
à la ftation de Tanger , c'est que l'Empereur
de Maroc a rendu , le 2 de ce mois , un décret
qui accorde la jouiffance de la baie , du port & de
la ville de Tanger aux Efpagnols & aux François ,
à l'exclufion des autres Puitfances , & nommément
des Anglois. Cette faveur n'eſt pas la feule que nous
devions au Monarque Marocain; il a fait rendre.
en même- tems un navire qui nous avoir été enlevé
fous le canon du port , & qu'un de fes Miniftres
, qu'il a difgracié à cette occafion , avoit jugé
de bonne prife. Enfin il a mis un embargo fur tous
les bâtimens de nos ennemis , & l'on ajoute qu'il va
les envoyer à D. Barcelo pour qu'il les garde ou
les renvoie dans Gibraltar , felon qu'il le jugera
à propos. Le Conful & les Négocians Anglois n'ont
pu obtenir que trois jours pour terminer leurs
affaires , emporter leurs effets & s'éloigner de la
ville. Nous ignorons la raison qui a porté l'Empereur
de Maroc à prendre une auffi vive réfolution .
Il faut que la nation Angloife l'ait extrêmement
mécontenté par quelques demandes ou des préten
tions abfurdes <<..
PORTUGAL
.
De LISBONNE , le 10 Décembre.
LA célérité que l'on met à l'armement
CS
( 58 )
+
2
qui fe fait dans ce port , ne laiffe pas douter
que notre Cour n'ait enfin férieufement
adopté le fyftême général de l'Europe
, relativement à la liberté & à la protection
du commerce. Le traitement que
les efcadres & les corfaires d'Angleterre
ont fait aux navires Hollandois , a prouvé
fuffifamment que cette Puiffance ne fe con.
tenteroit jamais d'une parfaite neutralité,
à moins que cette neutralité ne fût en état
de fe faire refpecter. La différence qu'elle
a mife entre la Ruffie & le Danemarck ,
relativement aux égards à obferver en mer
vis-à-vis les pavillons de ces deux Nations ,
a démontré à tous les autres qu'elle regarde
leur force refpective comme la mefure
de la juftice qu'elle leur accordera.
Cette politique eft fi claire qu'il n'eft pas
étonnant que l'on ait pris des mesures pro
pres à donner à la Grande- Bretagne des
raifons fuffifantes de refpecter le commerce
& la navigation des neutres.
•
L'efcadre que l'on arme ici , confifte dans les
vaiffeaux la Conception de 80 canons , Commandant
Jofeph Sanchez de Brito ; le Pilar, de 70 , Bernard
Ramires ; le S. Antoine , le bon Succès , la Mercède
, le S. Sébastien , l'Ajuda , le Proceres , de
66 ; Commandants Guillaume Roben , Jofeph de
Souza , Caftel Branco , Gaétan Vigano , Antoine
Gianeiro , François Pitaucourt ; le Belém , de 56
George Harde Caftro. Les frégates le Nazareth ,
de 40 , Antoine-Jofeph Pegado ; le S. Jean , de 38 ,
Antoine-Jofeph de Oliveira ; le Cisne, de 36 , Pierre
>>Severino.
( 59. )
Ces 9 vaiffeaux
de ligne & ces trois fré- gates , mettront
inceffamment
à la voile ;
après leur départ , on hâtera un ſecond armement
de 9 vaiffeaux
de ligne depuis 70 jufqu'à 54 canons & quelques
frégates , ce qui portera les flottes combinées
des
Puiffances
neutres , à plus de 112 navires
de guerre.
ANGLETERRE
.
De LONDRES
, le 2 Janvier.
Nous attendons
toujours
des nouvelles
de l'Amérique
, le Gouvernement
n'a pas
encore publié celles que lui a apportées
I'Yarmouth
, de 64 canons. On dit qu'il en a reçu d'autres d'un bâtiment
arrivé à Corke
, & parti de New-Yorck le 9 de ce mois , après l'Yarmouth
. Ce filence fait naturellement
tomber le bruit qui s'étoit répandu
d'un nouvel avantage
décifif , remporté
par le Général Cornwallis
fur le Général Gates ; il eft vraisemblable
que s'il étoit réel la
Cour en eût reçu des détails , & qu'elle fe feroit empreffée
de les publier. On craint bien de voir confirmer
celui qui ſe débite
de l'embarras
dans lequel la défaite de Fergufon
a jetté le Lord Cornwallis
, & que fa jonction
avec le Général Leflie , devenue
néceffaire
par cet évènement
, n'éprouve
des
obftacles. Ils pourront
être infurmontables
"files sooo hommes
envoyés
par le Général 5000
Wafington
dans le fud y arrivent avant les
C G
( 60 )
2000 que le Général Clinton détache dans
la Caroline & les 1 500 dans la Virginie . S'il
eft vrai auffi que le Général Leflie a befoin
de fe fortifier à Portſmouth , on ne doit pas
regarder comme un engagement les fermens
qu'ont prêté les habitans des parties dans
lefquelles il eft defcendu. On ne regarde
pas non plus la foumiffion de la Caroline
comme une chofe bien sûre & bien décidée ;
on peut en juger par les proclamations que
publie fans ceffe le Lord Cornwallis , &
qui ne feroient pas néceffaires fi en effet les
premières avoient eu l'effet qu'on s'eſt hâté
d'annoncer. La dernière que nous avons eue
du 16 Septembre , prouve que ce ne font
pas les habitans les plus notables qui ont
prêté ferment , puifqu'on ordonne la confifcation
des terres de ceux qui ont refusé de
le prêter .
La Cour , dans la Gazette ordinaire du
26 Novembre , a publié les lettres qu'elle a
reçues du Commodore Hotham , fur le terrible
ouragan qui s'eft fait fentir aux Ifles..
Nous en avons donné un précis dans notre
dernier fupplément : nous placerons ici le
journal de ce qui s'eft paffé à la Barbade ,
depuis le 9 jufqu'au 16 Octobre.
La foirée du 9 Octobre , Iveille de l'ouragan ,
fut fingulièrement calme ; mais le ciel étoit extraor
dinairement rouge & menaçant ; il tomba beaucoup
de pluie pendant la nuit ; dans la matinée du fo
beaucoup de pluie encore , & un vent violent du
N. O. , qui à to heures augmenta conſidérablement ;
une heure les vaiſſeaux qui étoient dans la baie
( 61 )
dérivèrent ; à 24 heures la frégate l'Albemarle , le
feul vaiffeau de guerre que nous euffions alors ici ,
chafla fur les ancres , & fut emportée au large
:
ainfi que tous les autres bâtimens au nombre d'environ
25 : à 6 heures le vent avoit abattu plufieurs
arbres , & annonçoit une tempête violente ; on prit ,'
à l'hôtel du Gouvernement
, toutes les précautions
poffibles contre ce qui pouvoit arriver , on baricada
les portes & les fenêtres , précaution
inutile; à 10
heures du foir le vent foufflant du N. N. O. ,
s'ouvrit un paffage à travers le bâtiment : comme
à chaque minute la tempête augmentoit
fenfiblement
, la famille ( du Gouverneur
) fe retira dans
le centre de l'édifice , imaginant qu'il réfifteroit à
la furie la plus impétueule
du vent , foit à caufe
de la force prodigieufe
de fes murs , qui ont trois
pieds d'épaiffeur , foit à raifon de fa forme circalaire
cependant fur les 11 heures & demie , on
fut obligé de fe réfugier dans les caves , le vent
s'étoit onvert un paffage dans tous les appartemens ,
& avoit emporté la majeure partie du comble ; la
famille fut bientôt forcée de quitter cet afyle ; les
eaux , arrêtées dans leur cours ordinaire
s'étoient
pratiqué un canal , par lequel elles fe précipitoient
dans les caves , que faire ? Où aller ? L'eau étoit
déja montée à la hauteur de 4 pieds , & les débris
de l'édifice tomboient de tous côtés : il étoit impoffible
de refter dans les caves , il l'étoit également
de rentrer dans la maiſon ; la feule chance qui reſtât ,
étoit de gagner les champs , reffource qui pour lors
paroiffoit également
dangereufe ; on la tenta cependant
, la famille eut le bonheur de gagner les ruines
des fondemens de l'obélifque fur lequel étoit arboré
le pavillon : comme immédiatement
après il tomba ,
chacun s'occupa de fon propre falut & du choix
de fa retraite ; le Gouverneur & le peu de perſonnes
qui reftoient avec lui forent renversés , & gagnèrent
avec beaucoup de difficulté les canons Lous les
,
>
( 62 )
affûts defquels ils fe réfugièrent : alors leur fituation
fut extrêmement fâcheufe : plufieurs des canons furent
déplacés par la force du vent , & ils avoient lieu
de craindre que ceux fous lefquels ils s'étoient retirés
ne fûffent démontés , & ne les écrasâffent en tombant,
ou que quelque partie des ruines qui voloient autour
d'eux ne mît fin à leur existence : ce qui rendoit
leur pofition plus terrible encore , étoit la crainte
que leur infpiroit le magafin à poudre , près duquel
ils fe trouvoient ; l'arfenal étoit de niveau avec la
terre ; les armes , &c. qu'il contendit , étoient dif
perfés autour d'eux ; ils attendoient , avec anxiété ,
le retour du jour , efpérant qu'il ramèneroit le calme
avec la lumière ; mais lorsqu'il parut , la tempête
avoit peu perdu de fon animofité , & la clarté du
jour ne fit qu'offrir à l'oeil épouvanté le plus trifte
fpectacle qu'il foit poffible d'imaginer ; rien ne peut
être comparé à la dévaftation terrible qui fe préfentoit
de tous côtés ; pas un feul bâtiment fur pied :
la plupart des arbres déracinés , ceux qui ne l'étoient
pas, dépouillés de leurs branches & de leurs feuilles ;
le plus brillant printems devenu , dans l'efpace d'une
feule nuit, le plus affreux hiver ; c'eſt en vain que
l'oeil fe portant fur les objets qui l'environnoient y
cherchoit un afyle , celles des maifons que l'on imaginoit
avoir dû être protégées par leur fituation ,
étoient toutes plates comme la terre , & ceux de
leurs malheureux propriétaires qui avoient eu le
bonheur de fauver leur vie , n'avoient point d'abri
à efpérer ni pour eux , ni pour leurs familles . → Dès
les commencemens de l'ouragan , le général Vaughan
avoit été obligé d'évacuer la maiſon , il fut grièvement
bleffé en échappant ; fon Secrétaire eut le malheur
d'avoir une cuifle caffée ; il n'est jamais rien
arrivé qui ait cauſé une défolation fi univerfelle dans
I'Ile entière ; il n'eft pas une maifon qui n'ait pas
été au moins endommagée , & dans les plantations ,
il reste très peu de bâtimens fur pied : la dépopu
763 )
lation a été très confidérable parmi les Nègres &
les beftiaux , particulièrement parmi les bêtes à
corne , accident qui , fur - tout dans ce pays - ci , ne
peut qu'être infiniment funefte aux Planteurs ; il
n'eft pas encore poffible de former un calcul exact
du nombre d'ames qui ont péri dans cette calamité
effrayante : on croit qu'il excède quelques milliers
en comptant les blancs , parmi lefquels il fe trouve
heureufement peu de perfonnes de quelque conditions
plufieurs ont été enfévelis fous les ruines des maifons
& autres bâtimens ; plufieurs font tombés victimes
de la violence de l'ouragan , & de l'inclémence
de l'air ; un grand nombre a été entraîné
à la mer , & noyé dans les vagues ; quoique les
Cafernes & l'Hopital aient été renversés dès les
commencemens , les troupes n'ont pas fouffert confidérablement
on redoutoit des conféquences alarmantes
de la quantité de corps morts qui couvroient
la terre , & de ceux que la mer rapportoit
fur la plage , mais heureufement ces craintes font
diffipées ; le peu d'édifices publics que nous avions
eft confondu dans la maffe générale des ruines ,
les fortifications ont été confidérablement endommagées
; tout ce qu'elles comprenoient de bâtiment
á été démoli ; telle étoit de ce côté la violence du
vent , affifté par la mer , qu'un canon de 12 livres
de balle a été tranfporté de la batterie du Sud à
celle du Nord , c'eſt - à - dire à la diſtance de 140
verges ( la verge eft de 3 pieds ) . La perte que ce
pays a faite eft immenfe , & avant qu'elle foit ré
parée , il s'écoulera beaucoup d'années . — Le Général
Vaughan a marqué les plus grandes attentions aux
habitans de Bridge Town : il donna , le 12 Octobre ,
des ordes fi bien entendus , & exécutés avec tant
d'empreffement , que tout fut tranquille dans la ville ,
où , fans cette précaution , tout eût été expofé au
pillage des prifonniers de guerre , qui fe trouvèrent
élargis par la démolition des prifons , & font actuel
( 64 )
lement au nombre de plus de 800 , difperfés dans
La ville & dans la campagne. Au refte , ainfi veillés
de près , ils fe font affez bien conduits , & ont été
d'une grande utilité aux habitans qui leur ont donné
de l'occupation *.- Le 13 Octobre , le Gouverneur
fe rendit à Bridge Town , y publia une proclamation
, & prit les mesures qui parurent être utiles
aux habitans ; les Négocians , &c. formèrent une
affociation , nommèrent des comités pour faire inhumer
les morts , veiller à la confervation & à
la diftribution des vivres , & c. Ils votèrent des
temercîmens en faveur du Général Vaughan & des
troupes , auxquelles ils offrirent , en reconnoiffance
des fervices qu'elles avoient rendus en protégeant
leur propriété , une augmentation de 6 pences par
jour dans la paie de chaque foldat . Le fieur Shirsley ,
Pourvoyeur de la Marine , promit d'y ajouter encore
6 autres pences ( 12 fols tournois ) .
Le 16 ,
on expédia un floop à Sainte- Lucie , pour informer
le Commodore Hotham de la calamité funefte qui
venoit de défoler cette Ifle , & le prier d'envoyer
une frégate en Angleterre , pour y porter ces triftes
nouvelles ".
P
Les Gazettes de la Cour n'ont rendu
que bien foiblement l'état de détreffe où
ont été les Ifles de la Barbarde & de Ste-Lu
cie. Les détails fuivans , de ce qui eft arrivé
au Général Vaughan , en donneront une idée
peut être plus jufte.
Ce Général penfant , d'après fa qualité de Commandant
en chef des troupes , qu'il feroit indigne
de lui de faire paroître la moindre crainte au mi-
(1) Le Gouverneur Cunningham , dans fa lettre du 20
an Lord Germaine , fe ' oue beaucoup des Efpagnols & de
D. Pedro St-Jago , Capitaine au régiment d'Aragon , qui
fe font comportés plus en amis qu'en ennemis.
( 65 ).
lieu des horreurs fans nombre qui l'environnoient
eut toutes les peines du monde à fe déterminer à
quitter fa maifon , accompagné d'un feul ami. A
peine avoient -ils paffé le feuil de la porte , que la
tempête les fépara & les emporta l'un & l'autre ,
fans qu'ils fuffent où. Le Général fut jetté dans un
précipice d'une profondeur confidérable , dont la
pente étoit couverte des productions de l'Ifle les
plus nuifibles & les plus défagréables . Lorsque le
Général attrapa le fond il avoit la moitié du
corps dans l'eau , & il fut trouvé le lendemain
matin dans cet état , tout meurtri par fa chûte ,
& prefque épuifé de fatigue. Il n'y avoit pas cinq ·
minutes que le Général & fon ami avoient quitté
la maifon , qu'elle s'écroula , & fept perfonnes perdirent
la vie par cette chûte. Le Secrétaire du Général
qui fe trouvoit alors dans la maiſon , eut la
cuiffe callée ; & lorfque le Général arriva le matin
, il fe trouva fans domeftiques , & dépourvu
d'argent , d'habits , de meubles & de tout ce qu'il
poflédoit dans l'Ifle.
On lit dans la Gazette de la Cour du 30 ,
une lettre du Général Vaughan , une du
Major - général Cuningham & une de M.
Burt.
Ce dernier , Gouverneur d'Antigoa , ignoroit encore
à certe date le défaftre de la Barbade , & étoit
fort inquiet fur le fort de cette Ifle . If parle , par
oui dire , du mal arrivé aux dernières Inles Françoifes.
Les deux autres adreifent au Gouverneur les
plus fortes inftances pour que le Gouvernement
vienne au fecours des Ifles , en envoyant au plutôt
des fubfiftances , & c. , & des fecours d'argent
pour fe relever de leurs pertes . Cunningham fe loue
beaucoup des fecours qu'il a tirés des prifon
niers Efpagnols qui fe font conduits , dit-il , plus
en amis qu'en ennemis , étant dirigés par D. Pedro ,
( 66 )
S. Jago , Capitaine au régiment d'Aragon . Il dit
qu'auffi , il leur fait éprouver tout le bon traitement
qui eft en fon pouvoir.
La Gazette du 2 de ce mois contient z
lettres de la Jamaïque , écrites par le Gou
verneur Dalling le 20 Octobre , le Chevalier
Parker , le 6 Novembre , dont nous donnerons
la fubftance.
on
La partie de la Jamaïque qui eft fous le vent
a fouffert dans toute la journée du 2 Octobre ,
défaftre des plus affligeans . La mer s'étant prodigieufement
élevée , elle a fondu tout-à - coup fur
la ville de Savanah la-mar qui a été enfévelie ſous
l'eau , & en fe retirant , elle l'a entiérement renverfée.
On ne croit point qu'il ait péri plus de
300 habitans , parce qu'on avoit vu ce refoule-.
ment de la mer , & que le grand nombre s'étoit
fauvé fur les hauteurs . Cet affreux évènement a été
fuivi de plufieurs fecouffes de tremblemens de terre ,
au milieu du plus terrible ouragan , dont plufieurs ,
Paroifles de cette partie ont tellement fouffert, que
les habitans fe font trouvés fans afyle . Pour comble
de maux , ils fe font vus menacés d'une cruelle
famine , & obligés de demander des fubfiftances
la ville de Kingſton , qui , fur le champ , convoquée
par le Gouverneur a envoyé les fecours de
tout genre qui leur étoient néceffaires. Le Phénix ,
de 44 canons s'eft brifé , le 4 Octobre , fur la
eôte de Cuba. Plufieurs floops de guerre fe font
pareillement perdus , & d'autres font rentrés dans
le plus mauvais état ; & entr'autres , l'Ulyffes , de 44
canons , n'ayant plus que fon mât de milaine. On
étoit inquiet des vaiffeaux de ligne le Thunderer ,
de 74 , & le Stirlingcafte , de 64 , qui s'étoient
détachés de l'efcadre de Rowley , après le coup
vent qu'il effuya le 12 Octobre fur les Bermudes.
On les fuppofe l'un & l'autre revenus en Angle
dé
( 67 )
3
terre , où cependant ils n'ont pas encore paru ( La
corvette l'Alceste croit avoir vu le Thunderer à
l'entrée de la Manche ), Le Grafton eſt arrivé ,
mais dans le plus pitoyable délabrement ; c'eft cefes
lui dont l'équipage du Berwick a rapporté que
feux avoient difparu tout-à coup. L'Egmont &
Endymion , que l'on croyoit perdus aux Iſles dų
Vent ,font pareillement arrivés à la Jamaïque.-
L'Endymion y a conduit deux prifes Françoiles , le
Duc de Brancas , chargé de provifions pour la Martinique
, & l'Eole , où étoient embarqués 150 hommes
du Régiment de Touraine , commandés par
M. de Mercy , Capitaine . Ils avoient été enlevés de
la Martinique par le coup de vent du 11 Octobre.
Quoique la dernière de ces lettres officielles
foit du 6 Novembre , il n'y eft pas dit un feul
mot des Ifles voifines Françoifes ou Efpagnoles ,d'où
on peut inférer que ce défaftre ne s'eft point étendu
jufqu'à elles . Le Vice-Amiral Evans , qui commande
aux Dunes , a écrit le 31 Décembre à l'Amirauté
, que la veille , deux vaiffeaux de ligne qui
étoient venus de Portſmouth aux Dunes
appareillé , par fon ordre , pour attaquer
vaiffeau de ligne Hollandois qui étoit derrière les
fables de Goodwin , & qu'ils avoient amené ce vaiſ
feau aux. Dunes après un combat d'environ une
demi -heure. Le vaiffeau pris eft la Princeffe Caroline
, de 54 canons Capitaine Jean Sattink,'
ayant 350 hommes d'équipage , & allant d'Amfterdam
à Lisbonne. Il y a eu 4 hommes tués & 12
bleffés. La Bellone , de 74 , à qui il s'eft rendu .
n'a eu qu'un homme tué & deux bleffés .
-
2
aller
avoient
un
En déclarant
la guerre à la Hollande
notre Cour ne laiffe pas de paroître avoir
des ménagemens
pour elle ; dès le lendemain
de la publication
de fon manifefte
elle fit mettre dans la Gazette ordinaire
une pro(
68 )
clamation , par laquelle elle ordonne l'obfervation
de l'article du traité de Breda'
qui accorde , en cas de rupture , un délai aux
Vaiffeaux qui fe trouvent dans les ports pour
fe retirer.
Mais en accordant cette faveur aux vaiffeaux
Hollandois qui fe trouvent dans nos
Ports , on n'a pas laiffé d'encourager &
d'exciter nos Armateurs à courir fur ceux
qui font en mer , en leur diftribuant des
lettres de marque. Ces derniers fe flattent
de faire des prifes confidérables , parce que
les Hollandois n'ont pas été prévenus à
tems , & que la quantité de navires qu'ils
ont fur toutes les mers ne fauroit être plus
confidérable. Ils ne peuvent guère être fauvés
dans le premier moment ; & avant que
la République ait pu mettre fur pied des
forces capables de les protéger , elle en aura
perdu un grand nombre. D'un autre côté ,
on fe flatte de rallentir fes armemens par
l'appas qu'on lui préfente de travailler à
une conciliation . On croit qu'elle négociera ,
qu'elle tâchera de faire intervenir les Puiffances
neutres ; car depuis fon acceſſion elle
doit être fous la protection de la neutralité ;
elle la réclamera fans doute ; notre Courfe
propofe bien de croifer fes négociations &
de dire fes raiſons ; cela entraînera néceffairement
du tems & nos corfaires eſpèrent
en profiter fi pendant les mouvemens
de Cabinet on arme avec lenteur
pour fe défendre. Les bons citoyens ne
,
( 69 )
voyent pas cette nouvelle guerre du même
ail ; ils en craignent les fuites.
Il eft difficile qu'elles ne foient pas funeftes
à notre fuprématie maritime . Quand
nous remporterions les plus grands avantages
fur nos ennemis , & qu'ils feroient
même tentés de ne plus , nous la difputer ,
il eft certain que le refte de l'Europe les
portera à ne pas céder ; que tout le monde.
prendra parti pour eux contre nous ; que
lorfqu'il s'agira de traiter de la paix , toutes
les Puiffances maritimes que nous avons
révoltées , interviendront dans la négociation
, & que nous ferons forcés de recevoir
les conditions que l'intérêt général des
nations nous dictera ; & nous ne ferons
plus que partager l'ufage de la mer , ſur
laquelle il n'y aura plus de domination
exclufive. Nous ne pouvons contefter que
nous avons bien fait tout ce qu'il falloit
pour anéantir la nôtre . Nous avons révolté
l'Europe entière par nos offenfes , nos
violences & nos injuftices ; en annonçant
faftueufement que nous combattons pour
fes libertés , nous avons voulu enchaîner
les mers ; nous avons prouvé , par notre
conduite , que nous ne croyons les traités
obligatoires qu'autant qu'ils nous font utiles
; & que nous regarderons comme ennemis
tous les Etats qui n'obéiront point
à nos ordres impérieux ; & nos procédés à
l'égard de la Hollande en fourniffent une
preuve à laquelle il eft impoffible que nous
( 70 )
puiffions fonger jamais à répondre férieufement.
Les papiers trouvés fur M. Laurens ne
peuvent que piquer la curiofité dans les
circonftances préfentes , où le Gouvernement
cherche tout ce qui peut juftifier la
manière dont il agit a l'égard des Hollandois
; on lit dans nos Gazettes l'extrait fuivant
de ces pièces.
3:05
Nº. . Lettre de A. Gillon , l'Agent d'Amérique ,
à Amſterdam , à M. Rutledge , Gouverneur de la
Caroline Méridionale. Il informe M. Rutledge, qu'il
s'étoit adreffé à MM. de Sartine & de Vergennes ,
Miniftres de France , pour l'achat de dix vaiffeaux
pour être changés en vaiffeaux de guerre , deux def
quels il annonce comme les plus beaux du monde ,
ayant 180 pieds de quille , & pouvant monter 28
canons de trente livres de balle , en une feule batterie.
Il convient qu'ils auroient tiré trop d'eau pour
la Barre de Charles- Town , mais il obferve qu'ils
feroient propres à enlever des vaiſſeaux ennemis >
circonftance qui répondoit le mieux au projet de ce
plan , qui étoit évidemment de croifer contre l'ennemi,
& de rentrer enfuite dans le port fans craindre
une force fupérieure. Il y a dans la lettre un paffage
où il eft dit qu'ils n'ont jamais eu deffein (nous
préfumons que ce font les François ) de leur vendre
les deux vaiffeaux ci- deffus mentionnés , ni les dix
pour lefquels on avoit été en marché au prix coùtant
, ou à une eſtimation raiſonnable. Il termine
l'article concernant les vaiffeaux , en faisant l'obfervation
fuivante à M. Rutledge : » Il y a dans les
ports de France plufieurs vaiffeaux qui feroient
» notre affaire , mais d'après les difficultés que j'en
» ai déjà éprouvées , je fuis très - perfuadé que je
e recevrai aucun fecours de ce côté-là «. ( Il
veut parler de M. de Sartine & de M. de Vergen-
99 ne
( 71)
d'Arthur Lée ).
33
nes , d'après les demandes du Docteur Franklin &
Comme il ne lui reste plus d'ef
pérance à ce fujer , Gillon propofe d'acheter , par
échange , des marchandises propres aux marchés
Américains , comme fer , des han pecks , des clous ,
des cordages , des cables , des ancres , & c. & en
' cas qu'il lui refte quelque chofe de l'argent qui lui
eft confié , il a deffein d'en acheter du linge , des fouliers
, des bas & des chapeaux , qu'il enverroit fur
différens vaiffeaux à Saint- Euftache. Après avoir
expliqué tout ce qui a rapport aux Affaires du Commerce
en queftion , & les arrangemens qu'il convient
de prendre pour couvrir les effets qu'on doit
embarquer ; fa lettre contient l'obfervation ſuivante
très digne de remarque . » Les difficultés que j'ai
éprouvées en France me perfuadent qu'elle ne vou
dra jamais que l'Amérique ait une marine , fans
quoi elle auroit certainement vendu les dix vaiſfeaux
qu'elle a ici & qui ne font rien , parce que
» cela n'auroit pas diminué fes forces , comme fes Miniftres
me l'ont dit au printems dernier , lorfque
je leur ai propofé un projet qui auroit fecouru
la Georgie au mois de Mai dernier ; mais la
» France s'eft toujours conftamment oppofée à ce
que vous euffiez des vaiffeaux Gillon parle
enfuite de fa négociation pour un emprunt d'un
million de florins fur le crédit des Colonies Américaines
, & il paroit qu'il n'eft arrêté que par une ratification
de pouvoirs , pour conftituer la sûreté des
Préteurs , & autorifer l'Emprunteur à promettre cinq
pour cent pendant dix ou quinze ans ; c'est à -dire ,
qu'il falloit que l'emprunt für garanti par le Congrès.
Il eft effentiel , dit -il , que les pouvoirs arrivent
נ כ
"
tems , ce qui produirot un million de florins en
fix femaines , même quatre millions avec un peu
plus de délai. Il informe en outre M. Rutledge
que les Hollandois , depuis neuf mois , défirojent
d'avoir fur les lieux quelque perfonne convenable(
72)
ment autorifée par le Congrès , non pas comme
Miniftre Public , mais pour pouvoir , d'après de
plus sûrs éclairciffemens , jetter les fondemens d'un
traité lorfque la matière feroit plus mûre . La dif.
ficulté pour l'emprunt eft qu'il n'étoit pas venu
directement d'Amérique, mais qu'il fera Francifé.
Si le préfident Laurens pouvoit venir , il obtiendroit
une fomme confidérable. P. S. Beaumar
chais ne veut encore rien payer , ni fournir aucun
compte.
-
No. 2. Lettre de J. D. Vander Capellen , Bourguemeftre
d'Amfterdam , à H. Laurens , Ecuyer ,
aujourd'hui prifonnier à la Tour , datée du 8 Avril
1778. Il commence par déclarer fon attachement à
la caufe dans laquelle les Etats - Unis d'Amérique
font engagés. Il félicite M. Laurens au fujet des
fuccès du Général Gates , fur l'armée de Burgoyne.
Il dit qu'il a ouvertement manifefté ces fentimens
lorfque la fituation des Américains étoit
très problématique , & il témoigne la plus grande
fatisfaction du traité conclu depuis peu entre la
France & la République des Etats - Unis d'Améri
que , traité qui doit placer cette République au
niveau de toutes les autres Puiffances indépendantes
du monde. Après différentes expreffions
qui fe reflentent de la chaleur de l'enthoufalme ,
& qui annoncent un véritable efprit républicain ,
tel qu'il fe manifefta dans les Etats de Grèce & de
Rome , il rend compte à M. Laurens du parti qu'il
a pris dans l'affemblée des Etats -Généraux , fur le
mémoire préſenté de la part du Roi de la Grande-
Bretagne , & par lequel il demandoit la brigade
Ecofloife à leur fervice . Il récapitule enfuite les divers
efforts qu'il a faits pour empêcher que l'on fe
prêtât à cette demande , & il fe félicite d'avoir fait
terminer l'affaire en fa faveur , au point que le confentement
donné feroit accompagné de cette condition
, que ces brigades ne ferviroient point hors de
l'Europe.
( 73 )
·
l'Europe. Il expofe d'autres foins qu'il s'eft donnés
dans cette affaire , dont les détails contiennent
la juftification de la conduite des Colonies fur
les principes établis par Price , Locke , Hutchinfon
, dans les propres lettres de M. Laurens
au Gouverneur Shirley. Il a fait faire & traduire
en Hollandois des extraits de ces Auteurs ;
il les a fait imprimer avec des préfaces qu'il a
compofées , & dans lesquelles il applique leurs.
argumens à la conteftation actuelle . Il finit par des
offres de fervice , par inviter M. Laurens à réfléchir
fur l'idée d'un emprunt en Hollande , fur le
crédit du Congrès , foit à un fort intérêt pendant un
certain nombre d'années , foit avec l'engagement de
ne jamais réduire l'intérêt que le principal ne foit payé .
No. 3. Seconde Lettre de M. Vander Capellen .
Elle eft adreffée à M. Trumbrull , Gouverneur
de Conecticut , & datée du 6 Septembre 1748. Il
l'informe qu'il lui a écrit au mois d'Avril précédent
& qu'il a reçu une lettre du Congrès écrite au mois
de Juin 1777 , pour être expédiée par M. T.; mais
cette lettre quoique d'une date fi reculée ne lui a été
remife que le Mardi d'avant la date de fa lettre à lui
Vander - Capellen. Le feul article de cette lettre qui
mérite d'être rapporté , c'eft que cette lettre qui
lui eft parvenue l'a amplement dédommagé de tout
ce qu'il a fouffert pour s'être mêlé des affaires de
l'Amérique. Il dit dans un P. S. que pour don
ner l'exemple , il a placé 20,000 liv. argent de France
, dans la négociation pour les Etats - Unis , qu'il a
déterminé plufieurs habitans de fa province à venir
pareillement au fecours des Américains , & qu'il efpère
avoir la même influence dans d'autres endroits
où il a des liaifons . » Je préférerois , dit-il , un prêr.
» de 100,000 liv. fourni par so perfonnes à
» million donné par un feul particulier «<, Il dit enfuire
ce qu'il penfe de la négligence ou de l'inattention
des Américains , de ce qu'ils ne tirent point
13 Janvier 1781.
ל כ
d
( 74 )
parti de l'avantage remporté fur Burgoyne , de leur
jaloufie contre les François , & de leurs divifions
inteftines qui augmentent parmi eux le nombredes
Royalistes. Il fait enfuite une comparaifon très- peu
avantageufe pour les Colonies Américaines de leurs
efforts avec ceux de la Hollande contre l'Espagne
& des Suiffes contre la Maiſon d'Autriche . Il déploie
toutes ces circonstances & rapporte les embarras fans
nombre & prefque infurmontables où il s'eft jetté
par fon amitié pour les Etats - Unis , & par le zèle
ardent avec lequel il foutient leurs intérêts . Sa lettre
eft terminée par les deux paragraphes fuivans que
nous rapporterons comme un échantillon de fon
zèle républicain.
ל כ
» Encore un mot & je finis . On devroit publier
» & répandre en Amérique un pamphlet contenant
Thiftoire ou l'héroïfime avec lequel certains peu
ples & particulièrement les modernes ont défendu
» leur liberté . Les Juges de Harlem , de Leyde ,
39
ל כ
de St- Jean de Lohne ( en France ) , le courage des
» Génois lorfqu'ils ont chaffé le Général Botter , &
» fur tout la fameufe bataille de Morgarten dont on
» trouve la relation dans Simer de Repub. Helve
» tiorum , Orateur eftimé dont je vous envoie
quelques-unes des pages les plus remarquables.
» Lifez M. ce qui eft contenu dans la 7ce & les fuivan-
N'y a-t-il point de vrais Héros en Améri
» que comme en Suiffe ? Parmi une nation douée
» de qualités & de vertus fi brillantes , ne fe trou
» vera-t- il pas un nombre fuffifant de citoyens , qui
» jaloux de la gloire de mourir par un coup
» tes.
>>
-
d'éclat
, termineront ainfi une guerre qui met en
danger leur liberté & détruit leur pays par le fer
& par le feu ? Pourquoi l'Amérique n'auroit elle
» pas fa phalange facrée comme Thèbes ? Rień aflu
» rément ne feroit plus naturel «.
Au milieu des affaires embarraffantes que
nous avons au- dehors , nous ne fommes
( 73 )
point tranquilles au- dedans ; l'agitation eft
toujours la même en Irlande , & il eft dou
teux que le Comte de Carleifle parvienne
à la calmer , s'il a emporté , comme on le
dit , à fon départ des ordres févères , qu'on
n'eft pas étonné que la Cour ait donnés
mais qu'on feroit très - étonné de voir réuffir;
l'exemple de l'Amérique eft trop récent.
Pour faire face à tous nos embarras , il
faut des fommes immenfes ; le Lord North
fera forcé de porter plus haut l'emprunt
qu'il avoit projetté ; & il n'eſt pas aifé de
trouver de l'argent, Les Hollandois ne nous
en prêteront fans doute pas comme par le
paffé ; la querelle que nous leur cherchons
doit les alarmer , & l'état de nos
fonds n'eft pas propre à leur donner de la
confiance . Des embarras fourds viennent
ajouter à nos inquiétudes. Il s'eft répandu
grand nombre de faux billets de banque ; s'il
faut en croire les bruits publics , peut être
exagérés , on ne s'en eft apperçu qu'après
en avoir rembourfé pour un million fterl.
Le Gouvernement , pour ne pas répandre
l'alarme , a effayé de faire face à tout & de
ne rien ébruiter.
::
FRANCE.
De VBRSAILLES , le 9 Janvier.
Le Roi a nommé à l'Abbaye Régulière
du Pin , Ordre de Cîteaux , Diocèle de Poitiers
, Dom de Creffac , Religieux Profès du
d 2
( 76 )
même ordre , & Prieur de l'Abbaye de
Charon, fur la nomination & préſentation de
Monfeigneur le Comte d'Artois , en vertu
de fon appanage ; & à celle de St - Ambroise
Ordre de St-Auguftin , Diocèse de Bourges ,
l'Abbé Bourlet du Vauxelles , Vicaire - Général
d'Autun , Lecteur & Bibliothécaire de
Monfeigneur le Comte d'Artois , fur la nomination
& préfentation de ce Prince , en
vertu de fon appanage.
Le 29 du mois dernier , le Comte de
Vaudreuil prêta ferment entre les mains du
Roi , pour la charge de Grand- Fauconnier
de France , vacante par la mort du Marquis
d'Entragues.
Le Marquis du Pleffis - Châtillon , Capitaine
de Cavalerie , eut l'honneur d'être
préfenté le 17 par le Duc de Fleury , Gentilhomme
de la Chambre. Le 13 , MM . Mefnard
de Chouzy , de Fontanieu , Papillon
de la Ferté , Mercier de la Source & Teffier ,
Commiffaires - Généraux de la Maiſon du
Roi , & M. Randon de la Tour , Tréforier-
Général de S. M. , eurent l'honneur d'être
préfentés au Roi par M. Amelot , Secrétaire
d'Etat , ayant le département de la maifon
du Roi.
De PARIS , le 9 Janvier.
UN courier arrivé de Breft à Versailles
Dimanche au foir , a apporté la nouvelle
de l'arrivée de M. le Comte d'Estaing ,
avec fa flotte , dans cette rade , où il a
( 77 )
mouillé. le 3. Les lettres de cette date con
tiennent les détails fuivans :
,
nous vîmes
"
» Deux bâtimens Hollandois qui nous avoient -
annoncé le premier de ce mois que la flotte & le
convoi de M. d'Estaing étoient fur nos parages
ne s'étoient pas trompés ; car hier 2
entrer le Magnifique , qui , ayant une voie d'eau ,
avoit pris le devant . Ce matin , on a fignalé toute
l'armée , & dans la journée nous l'avons vu reparoître
fucceffivement. M. le Comte d'Estaing feroit
arrivé 4 ou 5 jours plutôt , s'il avoit mieux aimé
courir nord que fud ; mais il avoit des traîneurs à
attendre , & il a voulu difpofer tout fon convoi non
loin d'ici , de manière que chaque divifion gagnât
le plus promptement poffible le port où elle eft attendue
. Deux vaiffeaux & quelques frégates ont été
chargés de les escorter. La flotte eft dans un meilleur
état qu'on n'auroit ofé l'efpérer , après une traverfée
auffi longue , & par des tems auffi orageux .
On peut dire qu'elle n'a point de malades , puifque
le petit nombré de ceux qui font fur les efcadres ne
font attaqués que du fcorbut , dont ils feront guéris
en mettant pied à terre. Le feul Officier qu'elle
a perdu depuis fa fortie de Cadix , eft M. de Saint-
Marfault , Capitaine de vaiffeaux , qui est mort
ce matin en entrant dans le port. Il n'est guère
poffible d'avoir déja des détails de cette traversée.
Nous favons feulement que des vents contraires ont
retenu M. d'Eftaing dans le Golfe pendant 27 jours .
Notre avant-garde , fi l'on en croit quelques rapports
, a vu à diverfes fois l'armée Angloife ; le
Général a fait tout ce qui étoit humainement poffible
pour le joindre ; mais contrarié par le mauvais
tems, fans ceffe obligé de louvoyer, & Darby ayant le
vent , il n'a jamais pu l'attaquer . Il ne l'a abandonnée
que lorfqu'il l'a vu fuir à toutes voiles dans la Manche.
La conduite de ce convoi , dont il ne s'eft pas égaré
-
d 3
( 78 )
un feul navire , par les tems les plus orageux &
les brumes les plus épaiffes , fait un honneur infini
à M. le Comte d'Estaing . Tous les Officiers donment
auffi les plus grands éloges aux chefs des divifions
, & particulièrement à M. de Vaudreuil ,
qui a partagé les vivres avec l'Amphion & avec
d'autres qui en avoient befoin . Il n'y a guère que les
vaifleaux de M. de Guichen qui exigent de grandes
réparations . Nous avons 6000 charpentiers ici , où
ils attendoient la flotte , & qui vont s'en occuper.
Nous espérons qu'à la fin du mois tous feront
en état de remettre à la voile ; les vivres &
les provifions font préparés de manière qu'il n'y a
plus qu'à les tranfporter à bord. Le Calonne ,
corfaire de Dunkerque , nous a amené deux navires;
il en a envoyé un troisième à Morlaix . Curre ces
prifes , il a débarqué ici le Major Smith , Officier
de l'aimée de New- Yorck , qu'il a pris pour ôtage
en rançonnant pour 60,000 liv. un bâtiment que ,
faute de monde , il n'a pu amariner «< .
Des lettres de St- Malo & de Granville
annoncent que depuis quelque tems on préparoît
fur la côte , dans le plus grand fecret,
une expédition dont on ignoroit l'objet,
mais qu'on a fu depuis être Jerſey. Le port
de St - Malo avoit fourni beaucoup de bateaux
plats. Le tout fe raffembloit à Granville.
La légion de Luxembourg , étoit le
corps qui devoit s'embarquer fous les ordres
du Baron de Rullecourt. Des lettres
de St - Malo en date du 30 Décembre , ajoutent
ces détails fur cetté expédition , qui
paroît une affaire de particulier à laquelle
le Gouvernement ne prend aucune part."
» Les chaffe - marées , les gabarres , & autresbârimens
raffemblés à Granville , reçurent leur monde
( 79 )
avant-hier', & à l'entrée de la nuit , cette flotille
portant environ 1200 hommes , s'éloigna . Les vents
& le calme la contrarièrent , & à la pointe du jour
elle étoit entrée dans les rochers de Choufey ;
n'ayant plus alors l'efpoir d'arriver avec la marée ,
elle a cherché Cancale , où elle eft mouillée aujour
d'hui . On lui a envoyé d'ici du biſcuit & de la
viande ; car la troupe n'avoit , dit on , de vivres à
bord que pour deux repas . Ce qui a pu preffer fon
retour dans cette rade , c'eft l'approche d'une fré
gate jugée Angloife , mais qui n'étoit que le corfaire
Madame de Granville. Le Baron de Rulle
court eft venu ici cet après midi . Ce contre-tems ne l'a
point refroidi ; & il compte profiter de la première oc
cafion favorable pour exécuter fon projet . Il a des canons
,du mortier, & s'il parvient àdébarquer fon mon
de , quelques troupes qui font prêtes pourront s'embarquer
fur le champ pour le feconder « .
Une feconde lettre de Saint - Malo , en
date du 4 , offre ces nouveaux détails :
La petite flottille mouillée à Cancale , remit
à la voile le 31 ; & comme toute la journée du
lendemain fe paffa fans qu'elle nous cût donné de
fes nouvelles , nous crûmes qu'elle pouvoit avoir
débarqué fon monde à Jerfey. Nous avons ' appris
depuis qu'elle s'étoit arrêtée à Choufey , où elle eft
encore , attendant , dit - on , que la grande marée
lai facilite l'exécution de fon projet . Nous lui
avons envoyé ces deux derniers jours des vivres &
autres provifions dont elle marquoit. Ce retard
pourra lui être funefte , fi elle s'obſtine à vouloir
approcher de Jerley. 11 eft bien difficile que l'ennemi
n'ait pas été averti de fes deffeins , & qu'il
n'ait pas pris fes précautions pour les faire avor-
Parmi les Officiers de la Légion de Luxem
bourg , il y a un In lien , Mir Suced , Officier au
fervice di Grand -Mogol , venu en France , avec
M. Chevalier , & qui a voulu , à toute force ,
ter. -
d 4
( 80 )
aller tuer les Anglois . Il s'eft affublé d'un beau doliman
bleu , qui eft la couleur de l'uniforme de la
Légion , & il n'a de nos Officiers que les épaulettes
; il conferve toujours fon turban avec une bande
d'étoffe verte , en qualité de defcendant de
Mahomet. On raconte qu'il difoit l'autre jour :
Moi manger Cochon , moi boire vin , & par conféquent
moi Chrétien ; moi conferver toujours
turban , parce que moi fang du grand Prophète.
On ne vouloit pas qu'il allât à Jerſey , mais il a
fallu céder à fes inftances . On dit qu'il commande
dans l'Indoftan un corps de 6oco cavaliers ,
qu'il y jouit d'environ 150,000 de nos livres de
rente , & qu'il a été fort utile à M. Chevalier
dans fon paffage à Suez . C'eft un homme d'envi-
Fon 45 ans , qui paroît fort vigoureux . La réfolution
qu'il a prife de venir s'inftruire en Europe ,
annonce de l'efprit & de l'ardeur. Aucun de fes
compatriotes ne lui en avoit donné l'exemple «.
Un violent coup de vent du fud , écrit- on d'Al
géfiras en date du 12 de ce mois , ayant éloigné nos
croifeurs , 4 bâtimens Mahonnois ont profité de ce
moment pour fe gliffer dans la baie , où nous les
voyons décharger les provifions qu'ils ont appor
tées , & qui confiftent , fans doute , en toutes fortes
de rafraîchiffemens & d'objets de première néceffité.
La tourmente a fait périr une de nos chaloupes
canonnières , dont l'équipage n'a été fauvé qu'avec
la plus grande difficulté «.
Cet avis vient à l'appui de ce qu'on a eu
plus d'une fois l'occafion d'obferver : il ne
fuffit peut- être pas de bloquer le Détroit pour
empêcher tout fecours d'entrer en détail à
Gibraltar ; il faudroit avoir encore quelques
frégates & quelques chébecs dans la Méditerranée
pour les intercepter , & établir une
ftation devant Mahon .
( 81I )
On arme à St- Malo la frégate la Ducheffe
de Polignac , de 106 pieds de quille , 120
de longueur abfolue , & 30 pieds 6 pouces
de bau. Les Armateurs font MM . Marion
& Brillantais . Le nom du Capitaine , M.
Guidelou , eft fait pour infpirer la plus
grande confiance .
Cette Frégate , conftruite depuis plufieurs mois
porte en batterie 26 canons , dont 10 de douze , &
16 de huit , & fur fes gaillards , 4 de fix , & 8 obufiers
de 12 ; en tout 38 bouches à feu , non compris
les pierriers , &c. Elle aura environ 300 hommes
d'équipage. Ce Vaiffeau conftruit pour la plus
grande marche , eft mâté , fon grément couplé , & les
Armateurs font pourvus de tous les articles néceffaires
à fon armement , de maniere qu'ils peuvent fe
flatter de le faire fortir auffi-tôt que la Société fera
remplie ; ce qui ne doit pas tarder , puifqu'il refte
peu d'actions à placer , la majeure partie l'ayant été
à Saint-Malo même , par la confiance qu'on a dans
cet armement. Le Capitaine de cette Frégate a
donné en 1779 les preuves les plus fatisfaisantes de
capacité , d'expérience & de prudence fur la Frégate
Monfieur, de Granville , qu'il commandoit à fa premiere
courfe , pendant laquelle il a triplé le capital
de l'armement , & amené en France 543 prifonniers
& 120 canons ; ce qui lui a mérité l'épée du Roi..
Le fonds de la Société eft fixé à 150 Actions de 2000
liv . chacune , fubdivifée en demi & quarts d'Actions,
formant en total une fomme de 300,000 liv . valeur
eftimée de l'armement , & qui fervira de répartiteur
dans tous les cas prévus par l'Article XV de la Déclaration
du Roi du 24 Juin 1778 , dérogeant feule.
ment les Armateurs à l'Article XXV , qui fixe les
avances à donner aux Equipages. MM. Marion 9
freres , voulant donner à leurs Soufcripteurs toute la
fatisfaction poffible , s'obligent de dépofer entre les
ds
( 82 )
mains des perfonnes dénommées ci - après , des dupli
cata de tous les comptes d'armement , & des liquidations
qui feront faites par les Amirautés, au moyen
de quoi chaque Intéreflé pourr . examiner le tout par
lui -même.
- On fouferira chez les mêmes perfonnes , & chaque
Soufcripteur fera obligé d'y déposer la fomme
qu'il aura foufcrite , quinze jours après fa fignature ,
foit en argent comptant, foit en Lettres de Change, ou
autres effets à une ufance. On y délivrera des Actions
à chaque Intéreffé , & il y recevra fa portion dans les
prifes au prorata de fa mife. On foufcrira à Parischez
MM. Vincent , rue Vivienne ; J. Cottin & fils ,
& Jauge , rue de Richelieu ; le Couteulx & Compaguie
, rue Montorgueil ; J. Dupont fils , rue des
Vicilles Audriettes ; Perouteau-Delon & Compagnie,
rue Montmartre, Banquiers ; & chez MM . Dufrenoy ,
rue Vivienne ; Margantin , rue S. Honoré ; le Fevre ,
rue de Condé , Notaires. A Verfailles , chez M.
Blaizat , Libraire du Roi & de la Reine , rue Satory .
A Rouen, MM. le Couteulx & Compagnie, le Bourg
freres , Papillon . A Nantes , MM. Canel , Meflé &
Bernard , Charette & Ozanne . A l'Orient , MM. Ga-
Jabert freres , Bondeville . A Saint-Malo , Marion &
Brillantais , Marion freres .
Les Armateurs fe propofent de doubler leur Fré
gate en cuivre, fi celui qu'ils attendent arrive à tems ;
comme cette opération , en procurant plus de marche
au Bâtiment , occafionnera aufli plus de dépenfe , dans
ce cas le répartiteur fera de trois cens trente mille
livres. On croit devoir prévenir que la faifon préfenté
eft la plus favorable pour la Coore ; & que
tous les Corfaires , fortis depuis le mois de Novembre
dernier , font merveille , puifqu'il arrive journellement
de leurs prifes dans les Ports de Breft , Morlaix
, Saint- Malo , le Havre & Dunkerque.
On dit que les Anglois ont pris fur nos
attérages la corvette le Chevreuil , qui ve(
83 )
nant de la Martinique , nous apportoit fans:
doute les détails de l'horrible ouragan du-
10 Octobre. Les nouvelles de Londres nous
apprennent qu'il s'eft fait fentir fur toutes les
Antilles , & qu'il a péri plufieurs perfonnes
à St-Euftache. L'Ifle a été entièrement couverte
d'eau , & toutes les marchandifes ont
été détruites. A la Grenade , tous les bâtimens
ont été jettés au large ; mais il y en.
avoit heureufement fort peu . Nous ignorons.
ce qu'eft devenu notre convoi arrivé la veille'
à la Martinique , & qui peut être celui du
Guerrier ou celui du Magnanime.
On apprend de Breft que M. de la Peyrouze
quitte le commandement de l'Amazone
pour prendre celui de l'Aftrée , frégate nouve
qui doit le conduire à Rhode- Inland.
ל כ >> L'Evêque de ce Diocèfe , écrit-on de Boulognefur
- Mer , défirant y faire fleurir la vertu , vient
d'établir dans chaque Paroiffe où ce Prélat cft Seigner
, un Prix de fageffe , fous le nom de fecond.
Prix de la Rofière , en faveur des filles pauvres &
vertueufes. Ce Prix eft de 100 , écus , & celui de
la Paroiffe de S. Nicolas , de la ville épifcopale , eſt,
de soo livres . Le jour de la fête de ce Saint , on a
diftribué ce dernier Prix . Parmi les trois filles qui
avoient été préfentées au Prélat , comme les plus ,
vertueules , il a cru devoir la préférence à celle
qui , à mérite égal , étoit orpheline de père & de,
mère qu'elle avoit perdus à l'âge de 16 ans , &
qui , quoique privée des fecours de trois frères ,
matelots au fervice de S. M. , & vivant feule , n'a,
dû fa fubftance qu'à fon travail , & l'eftime par
blique qu'à fes vertus «.
Les crimes qui ne fe multiplient malheu
d 6
( 84 )
reufement que trop prouvent la néceffité
de veiller à la réforme des moeurs. Le Volume
des Caufes Célèbres qui vient de paroître
( 1 ) offre un exemple funefte des
triftes effets de leur dépravation dans l'hiftoire
du Procès du jeune fcélérat qui a depuis
peu affaffiné dans cette Capitale une fille publique.
ל כ
Lorfque nous rédigions ( dit M. Defeffarts )
l'hiftoire du procès de la maquerelle d'Orléans ,
& que nous faifions des voeux pour que la Juftice
arrêtât le torrent de la dépravation des moeurs ,
nous étions bien éloignés d'imaginer que , fous
peu de jours , un jeune débauché donneroit à la
capitale l'exemple d'un crime atroce. La prompte
punition du coupable , & la jufte févérité du fupplice
auquel le Parlement vient de le condamner ,
font des monumens de la fageffe de cet augufte
Tribunal & de fon attention à veiller à la tranquillité
publique - paroît que ce jeune homme
avoit la paffion la plus forte pour le libertinage.
La veille du jour où il a commis fon crime ,
étoit monté dans la chambre d'une fille publique ,
qu'il avoit rencontrée dans la rue Jean- Saint-Denis .
Cette proftituée avoir exigé trois livres pour prix
de fa complaifance. On affure que cette convention
faite avant de monter , fur rompue fans humeur ,
& que le jeune libertin defcendit de la chambre
fans aucune conteftation . Le lendemain au foir
(c'étoit le 14 Novembre dernier ) ce jeune homme ,
en paffant dans la rue Jean-Saint-Denis , apperçut
«..
il
( 1 ) On foufcrit pour ce Journal , qui a pris une nouvelle
forme au commencemeut de cette année , chez M.
des Effarts , Avocat , rue Dauphine , hôtel de Mouy , &
chez Mérigot , Libraire , quai des Auguftins, Prix de la
Soufcription 24 liv. pour la Province , & 18 liv. pour Paris
, franc de port.
( 85 )
›
la même fille chez laquelle il avoit monté la veille ;
il l'aborda , & parla quelque tems avec elle. Dans
ce moment , une des camarades de cette fille paffa
à côté d'eux ; le jeune libertin lui propofa de monter
chez elle ; fa propofition fut acceptée . Lorsqu'il fut
dans la chambre , il offrit à la fille la même fomme
qu'il avoit offerte la veille à fa camarade , à condition
qu'elle quitteroit fes vêtemens . Cette condition
fut acceptée & exécutée. On affure que
Boucher , qui avoit vu la fille accrocher une
montre d'or à fa cheminée , conçut le projet
de la lui voler. Comme il avoit dans une
de fes poches , un rafoir , il s'en faifit , & en
porta plufieurs coups au col de cette fille , qui
avoit heureuſement une cravate très - épaiffe. Elle
fe débattit & parvint à arracher le rafoir des
mains de fon affaffin. Elle eut encore affez de
force pour ouvrir fa fenêtre , & jetter le fer enfanglauté
dans la rue en criant à l'affaffin. Le
dont il porta jeune homme prit alors fon couteau ,
plufieurs coups à la victime de fa barbarie ;
ne pouvant parvenir à lui donner la mort ,
entendant du bruit , il ouvrit la porte , & defcendoit
l'escalier , lorfqu'il fut arrêté par deux hommes
qui étoient montés aux cris de la fille affaffinée.
Le fcélérat , en fuyant , avoit encore à la main fon
couteau enfanglanté . Au tumulte qu'excitoit un pareil
évènement , la garde accourut , & trouva la fille
baignée dans fon fang , & prête à expirer. On la
conduifit auffi -tôt à l'Hôtel - Dieu pour lui adminiftrer
les fecours qu'exigeoient fes bleffures.— » Le
corps du délit étoit conftant , & les preuves de
l'affaffinat évidentes. Cependant l'affaffin a eu l'audace
de foutenir qu'il n'étoit pas coupable : il a
nié que le rafoir lui appartînt , & qu'on l'eût rencontré
tenant fon couteau à la main . Il a ajouté
que c'étoit la fille qui avoit voulu fe tuer ellemême
, & que le rafoir trouvé dans la rue étoit
mais
&
( 869)
fous le chevet de fon lit. On l'a confronté avec
la fille à l'Hôtel- Dieu , & il a perfifté à lui fou
tenir que c'étoit elle qui s'étoit mutilée . - » Cette
défenfe , autfi audacieufe
qu'inconféquente , auroit
pu répandre des doutes fur le véritable auteur du
crime ; mais le rafoir ayant été reconnu pour ap
partenir à Boucher , étant d'ailleurs prouvé , par
deux témoins , qu'il avoit été rencontré dans l'ef
calier , tenant à la main fon couteau enfanglanté ,
tous les nuages ont été diffipés , & Boucher a été
convaincu de l'affaffinat dont il étoit accufé. - » Tous
les pères de famille , dit M. Defeffarts , en apprenant
le fupplice de ce jeune fcélérat , doivent
trembler en penfant aux fuites effrayantes de la
débauche. Etre capable de commettre , à feize ans ,
un crime auffi atroce que celui dont nous venons
de tracer , en frémiflant , l'horrible tablean ; quelle
preuve plus forte de la dépravation des moeurs &
de la néceffité de veiller fur le dépôt précieux de
Thonnêteté publique. Qu'il nous foit permis , ea
finiffant , de faire des voeux pour que les Règlemens
& les Loix qui puniffent le libertinage ,
foient févèrement exécutés , Ces voeux font conformes
à une Ordonnance qui a été publiée depuis
peu dans cette Capitale , & qui eft un nouveau
monument de la fageffe éclairée du Magiftrat qui
eft le chef de la Police , & du defir qu'il a d'arrêter
le torrent de la corruption. On lit dans le même
Volume les détails de la conteftation qui s'eft élevée
entre la veuve de Jean - Jacques Rouffeau , & un
Marchand de mufique , au fujet d'un Recueil d'airs
& de romances de J. J. , intitulé : Les confolations
des misères de ma vie.
On y trouve encore la
caufe d'un Religieux , accufé d'avoir abufé de l'em.
pire qu'il avoit fur l'efprit d'une vieille dévote ,
Four lui fuggérer un teftament en faveur de fon
novel .
---
L'Affiche de Dauphiné contient les dés
( 87 )
tails d'un procès criminel
criminel , d'une nature
fort étrange , & qui par cette raifon mérite
d'être cité .
Ua particulier de Lo leve vivoit , depuis la mort
de fa femme , avec une de ces filles complaifantes ,
qui ne font , du fentiment le plus doux de la na .
ture , qu'un commerce aviliffint. Cette liaiſon offenfoit
la belle - mere , qui haïffoit avec tout l'em--
portement de fon fexe , la favorite , moins à caufe
du fcandale , que parce que , à l'entendre , il falloit
lui attribuer la mort de fa fille , victime , difoit
elle , d'une excès de fenfibilité fur l'abandon
de fon mari . Elle en exigea le facrifice , & fon gen."
dre , qui attendoit d'elle une riche fucceffion , y
confentit . Mais quelque -tems après , la nymphe delaiffée
reprit fon ancien empire. Ce retour excita
le plus vif reffentiment dans l'ame de fa belle mere ;
elle le poufla jufqu'à l'atrocité ; elle voulat faire
allaffiner la maitreffe de fon gendre . Un berger
accepta cette commiffion dangereufe fur l'appas det
500 liv. qu'on lui promit . Il voulut s'affocier un
compagnon ; celui qu'il choifit fortoit des galères .
Devenu plus timide ou plus prudent depuis fa pu-,
nition , il propofa de profiter de la récompenfe
promife , & de ne pas commettre le crime . La fille,
qu'ils alloient affaffiner , mi'e dans la confidence
leur prêta fa croix d'or & fon clavier d'argent
qui étoient les fignes auxquels fon ennemie devoit
reconnoître qu'ils avoient exécuté les ordres , & elle promit de refter cachée. La Dame , fûre de
La vengeance , chicana les meurtriers fur le prix
& ne leur en donna que la plus fetite partie ,
qu'ils partagèrent avec la fille , qui fe montra aulfi .
tôt , & porta plainte devant les Tribunaux.
Cette fingulière affaire embarraſſe , dit - on , les
Jages & les Jurifconfultes ; le code pénal en effet
n'a pas tracé une marche bien précile à cet égard ,
ni févi contre un crime qui n'a point été exécuté ,
( 88 )
& où il n'existe par
conféquent point de corps de
délit. Toutefois l'intention de l'acculée eft manifelte
, & cette intention eft un crime qui ne doit
pas refter impuni ; mais avant d'en venir là , il
faut qu'il foit conftaté, & ceft ici que fe préfente
une autre difficulté. Ceux que l'inftigatrice
avoit armés contre la vie de la plaignante , font
des témoins uniques , des témoins dès-lors néceffaires
dans ces fortes de crimes occultes ; mais leur
témoignage peut - il être reçu ? Ils ont été , par
rapport à cette dernière , fes dénonciateurs ; c'est
fur leur parole fimplement qu'elle pourfuit fon ad
verfaire. Ils avouent avoir accepté l'affreufe com
miffion , & en avoir reçu le prix ; ils décèlent
donc eux-mêmes leur indignité. D'ailleurs ils font
intéreffés à foutenir leur délation , pour ne pas
être punis comme
calomniateurs ; leur foi eft donc
justement fufpecte . On ne manquera pas d'ajouter
que le galérien eft un homme que la loi a déclaré
infâme, &c. &c. C'eft fur quoi l'Arrêt qui interviendra
répandra de nouvelles lumières.
On lit dans une lettre de Toulouſe , en
date du 23 du mois dernier , un évènement
bien funefte arrivé la veille. Un Crocheteur
imprudent laiffa fur un fourneau , de l'Auberge
des trois Colonnes , Fauxbourg St Cyprien
, un baril de 120 livres de poudre,
Il y avoit fans doute encore du feu dans le
fourneau ; la poudre s'eft enflammée : l'exploſion
a fait fauter la maiſon. Une famille
entière , compofée de 11 perfonnes & 4
étrangers ont été écrafés fous les décombres.
On a travaillé fur-le-champ à déblayer ,
& le 23 on avoit déja retiré pluſieurs cada
vres .
( 89 )
Il paroît des Lettres - Patentes du Roi , données
à Verfailles le 22 Juillet dernier , & enregistrées
au Parlement le 22 Août fuivant ; elles font au
nombre de 8 , & portent Règlement pour la fabrication
des étoffes de laine dans les Généralités
d'Amiens , d'Auvergne , de Champagne , de Tours ,
de Poitiers , de Bourges & d'Orléans . S. M. ayant
déterminé par fes Lettres -Patentes du 4 Juin 1780 ,
les loix de Police concernant les étoffes de laine
qui feroient dans le cas d'être revêtues du plomb de
Règlement , & ayant annoncé qu'elle fixeroit par des
tableaux particuliers pour chaque Province ou Généralité
ce qu'on devoit obferver tant pour les matières
qui doivent être employées dans ces étoffes , que
pour leur apprêt , elle le fait , dans les Lettres Patentes
que nous annonçons , d'après les divers renfeignemens
qui lui ont été fournis fur les ufages
oblervés dans les principaux lieux de fabrique..
Arrêt du Confeil d'Etat du Roi , du 17 Septembre,
portant établiffement de Bureaux pour la vifite &
la marque des étoffes de laine qui fe fabriquent dans
les villes de la Généralité de Paris , conformément
aux difpofitions des Lettres - Patentes du premier
Juin. Autre du 25 Novembre , qui ordonne la
furféance de la vente des offices de Jurés- Prifeurs ,
ordonnée par Edit de Février 1771
Deux autres
du 26 Novembre , par lefquels S. M. acceptant l'abandon
fait par la Dame Comteffe de Ligny , du
droit de Péage à elle appartenant dans fa Seigneurie
de Courtenay , & de celui appartenant au Marquis
de S. Paul , dans fon Marquifat de S. Paul , éteint
& fupprime lefdits Péages . Les numéros fortis au tirage de la Loterie
Royale de France , du 2 de ce mois , font :
51 , 31 > 11 , 75 , 35.
De BRUXELLES
, le 9 Janvier.
LA déclaration
de guerre contre les Hol(
90 )
landois , a fait beaucoup de fenfation dans
les Provinces - Unies . On ne doute pas du
motif de l'Angleterre ; les papiers trouvés
dans la malle de M. Laurens & le plan
préparatoire de traité concerté de la part
de la ville d'Amfterdam avec un Commiffaire
du Congrès , ne font qu'un prétexte.
L'affoibliffement de la neutralité armée eft
le véritable but que fe propofent les Anglois
, & ce n'eft qu'en apprenant l'acceffion
de LL. HH . PP. qu'ils fe font déci
dés à rompre . La fatisfaction qu'ils demandoient
avec hauteur n'avoit point été refufée;
on voulut s'affurer fi elle étoit due ,
falloit que l'affaire fût examinée felon
les loix fondamentales de la République.
Les Députés de la Hollande , dans une
féance du 23 , déclarèrent à l'Affemblée que
les Etats de la Province avoient unanimement
arrêté avant de prendre une réfolu
tion définitive fur la réponſe à faire au Che
valier Yorke , de requérir l'avis de la Cour
de Juftice de Hollande , au fujet de la pusition
fur laquelle il étoit fi fortement infifté
dans les Mémoires , & de la queftion
s'il fe trouve dans les papiers dont on fe
plaint , rien qui foit contraire à la conftitution
& à la forme du Gouvernement de
la République qui puiffe donner lieu de
procéder criminellement contre les perfon
nes dénommées. La Cour doit envoyer au
plutôt fon avis , malgré les Vacations , &
fufpendre toute affaire pour ne s'occuper
( 91 )
que de celle -là . Les Etats - Généraux agréérent ,
cette ouverture ; M. le Greffier Fagel fut,
chargé d'en donner communication à l'Ambaffadeur
Britannique ; ce Miniftre refufa
de la recevoir , & on l'expédia par un pinque
au Comte de Welderen à Londres.
On n'y avoit pas reçu cette réponſe lorfque
le Confeil de St -James a déclaré la guerre.
» On fe flatte encore ici , écrit -on de la Haye ,
que la rupture avec l'Angleterre n'aura pas de fuite.
Les partifans que cette Puiflance a confervés , &
qui font en petit nombre depuis les injures qu'elle
a faites à la République , fe fondent fur l'article
du Manifefte du Roi , qui annonce des difpofitions.
à écouter des propofitions raisonnables s'il en eft
faires. Ils obfervent , avec complaifance , que la
Chevalier Yorke n'a pas quitté fans regret une ville
où il a réfidé près de 20 ans , qu'il s'en eft éloigné
avec lenteur , que parti de la Haye le 25 , il a refté
tout le jour à Rotterdam ; que le 26 il a diné à
Papendreche , & couché à Sliedreche , & que ce
n'eſt que le 27 qu'il a continué fa route vers Breda ,
pour paffer à Bruxelles , où il attendra de nouveaux
ordres de fa Cour. On ne peut pas mettre plus de
tems à un voyage qui devoit être fort court. On
eft perfuadé en général que fa Cour lui a donné
Tinftruction fecrette de ne pas fe preffer , qu'elle
compte fur des ouvertures de la part de la Répu
blique ; peut - être fonge - t - elle à l'amufer par des
apparences de réconciliation , à répandre de la divilion
dans fes Confeils , & à fufpendre par ce
moyen les préparatifs qu'elle doit faire pour fa
défenfe . Mais c'eft un piége dans lequel il eft à préfumer
qu'on ne fe laiffera pas prendre . Si le Cabinet
de S. James a ordonné après coup qu'on obfer.
veroit le Traité conclu à Breda en 1664 , il n'y
a que les navires qui font dans les ports Britanni
( 92 )
ques qui en profiteronts ceux qui font en mer font
maintenant pourfuivis par les corfaires , & il y a
quantité de lettres de marques expédiées «.
Selon des lettres plus récentes , les Etats-
Généraux prennent toutes les mesures que
la prudence exige. Le 26 du mois dernier ,
le Stadhouder fit la propofition fuivante à
l'Affemblée.
Il repréfenta que dès l'année paflée il avoit fait
part aux Provinces qu'il étoit d'avis que l'on équipât
so à 60 vaiffeaux , & que l'on augmentât les forces
de terre jufqu'à 50 à 60 hommes par compagnie ; que
les places frontières fuffent miles en état de défenſe
convenable & les magafins pourvus des munitions
de guerre néceffaires , afin de pouvoir conferver à
la République la jouillance de fes droits : qu'il avoit
vu avec fatisfaction que pour ce qui regarde la
marine , elle avoit été mise en quelque forte en un
meilleur état , & qu'il le flattoit que les Etats de
toutes les provinces la fortifieroienr encore pendant
l'année prochaine , puifque l'on ne pouvoit pas être
actuellement trop fur fes gardes ; qu'il étoit pareille
ment néceffaire de mettre la République en état de
défense du côté de la terre , & qu'il eſpéroit que
Ton y fongeroit férieufement , que les frontières
feroient fortifiées & les magafins pourvus du néceffaire
&c. , qu'autrement il ne pouvoit répondre
pour les fuites ; qu'il jugeoit qu'il étoit de fon devoir
de mettre fous les yeux des Confédérés , la
fituation de la République , & qu'en conféquence on
ne pourroit rien lui imputer , puifqu'il avoit averti
d'avance , fi la République venoit à fouffrir du dommage
par la négligence ; & enfin que fi fes avis
avoient été fuivis , les Puiffances belligérantes auroient
plus ménagé la République.
On affure que les Colléges d'Amirauté
de la République ont déja fait le rapport
( 93 )
•
de leur travail. Suivant ce que l'on en
rapporte , on portera à 94 ou à 96 le nombre
des vaiffeaux armés qui feront en mer
l'été prochain. L'augmentation des troupes
de terre fera de 20,000 hommes . On ouvrira
un emprunt pour faire face aux dépenfes
que ces armemens exigent , & en
attendant on a continué pour deux mois
la perception du droit connu fous le nom
de Double Laft en veil Geld.
•
PRÉCIS DES GAZETTES ANG . , du 3 Janvier.
›
La Gazette de Londres du 31 a publié une proclamation
pour régler la diftribution des prifes fur les
Hollandois , & un ordre pour que tous les vaiffeaux
des Provinces - Unies qui en qualité de neutres
avoient été autorifés par acte du Parlement à fe
charger des productions de la Grenade , & Grenadines,
de Saint Vincent & de la Dominique , puiffent
jouir encore de cette liberté pendant un délai de quatre
mois.
L'enthoufiafme excité par le Manifette contre la
Hollande commence à perdre un peu de fon feu. On
s'apperçoit , comme après un rêve , que le moment
auroit pu être plus favorable. La glace fermant l'entrée
des Ports des Provinces- Unies depuis le mois
de Décembre jufqu'au mois de Mars , aucun Vaiffeau
ne revient , paffé Noël , des poffeffions éloignées.
Tous les Vaiffeaux pour les deux Indes font
partis , & s'il y en a quelques - uns dont les expédi .
tions ayent été plus tardives , les cargaisons en font
affurées en Angleterre , de forte que l'on peut dire
que les fept huitièmes en appartiennent aux Anglois.
Lorfque le Comte de Welderen a eu fa derniere
Audience du Roi , il a adreſſé à S. M. un diſcours
( 94 )
dont voici la fubftance : » J'ofe affurer Votre Ma-
» jeſté , & je la ſupplie de croire que dans ma lon-
D gue réfidence en ce pays , je m'étois fait une telle
» habitude de chérir fes intérêts & ceux de la mai-
» fon royale de V. M. qu'il n'y a pas un individu au
i mon le qui foit plus fortement attaché que moi à
votre perfonne ou à l'Angleterre , mais en même
» tems c'eſt avec la peine la plus fenfible que je dois
» affurer V. M. que de toutes les Puiffances confé-
» dérées avec lefquelles elle eft malheureufement en
guerre , je fuis pleinement convaincu qu'il n'y en
» a point qui définitivement foit pour Elle un plus
dangereux ennemi que mon pays «.
23 Le 31 entre fept & huit heures du matin , cet
Ambaffadeur eft parti avec la Comteſſe ſon épouse
pour Hatwich , où il s'embarquera pour Helvoetsluys.
On affure que le Général Clinton demande un
renfort de dix mille hommes , & que c'eft feulement
pour agir fur la défenſive .
Une abondante quantité d'équipages de campagne
, plufieurs milliers de paires de fouliers , de
bas & de couvertures , beaucoup de belle artillerie
de fonte , de mortiers , d'obufiers , pour fervir en
campagne , nt à bord des Vaiffeaux du fervice de
l'artillerie à Portſmouth , & deſtinés pour l'Amérique.
?
L'expédition projettée contre quelques-uns des
établiflemens Efpagnols , & dont la gloire étoit réfervée
an Colonel Fullarton a changé d'objet.
Son régiment , celui de Hubertfon , le fecond ba
taillon du quarante-deuxième , & fix compagnies du
foixante quinzième régiment , vont former un petit
corps d'armée aux ordres du Général Meadows que
l'on fuppofe deftiné à attaquer l'établillement Hollandois
au Cap de Bonne- Efpérance , & la conduite
( 95 )
en fera confiée au Commodore Johnstone , qui ef
cortera une des deux divifions de Vaiffeaux que la
Compagnie envoie à l'Inde. La tâche la plus difficile
de ravitailler Gibraltar paroît être réfervée au
Chevalier Pallifer .
Un Officier , qui eft arrivé à Douvres le 31 Dé .
cembre de Gibraltar , d'où il eft parti à la fin de
Novembre , affure que la difette de provifions fraî
ches y eft telle , & dure depuis fi long- tems , que fi
cette Place n'en reçoit pas très- incellamment , il fau
dra de toute néceflité qu'elle fe rende avant trois
mois .
Il est arrivé à Edimbourg des Lettres de New-
York , du 12 Novembre. Les deux armées étoient
en préfence fur les deux bords de la rivière de Hud.
fon. Il étoit venu du Sud des plaintes amères de la
part du Lord Cornvallis', fur ce qu'il n'avoit reçu de
renforts ni de la Grande-Bretagne , ni de New-York,
après en avoir demandé à tant de reprifes , & furtout
de ce que le Général Leſlie avoit été envoyé
à la Virginie , tandis que fi on l'eût deftiné à renforcer
le Lord Cornvallis , il ne feroit plus queftion
de rebellion dans les Carolines Méridionales.
Le Colonel Américain Davidfon y entra le 14 ,
& il s'empara de vingt- cinq chariots chargés que
les Anglois avoient été obligés de laiffer à cinq
milles de la ville . Davidon d'une part , Summer
Alavie , & Morgan , d'une autre , fe mirent à
leur pourfuite, La défaite du Corps de Ferguson
eſt très conſtatée , ainfi que la mort de ce Colonel
Anglois . Le 29 Août , le Chevalier de là Luzerne
eft revenu à Philadelphie , du voyage qu'il
avoit fait à Boſton & à la grande armée .
Le 12 Novembre , deux régimens étoient prêts à
s'embarquer pour la Virginie ; un fort détachement
( 26 )
de l'armée Angloife devoit paffer l'hiver dans des
cafernes établies à Kingsbridge.
Voici quelques nouvelles de Philadelphie du 4
Novembre. Le détachement de 5000 hommes que
le Général Washington a confié au Général Gréen ,
a dû s'embarquer aux fources d'Elk , au fond de
la baie de Chéfapeak , & de- là defcendre jufqu'à
Hampton , pour empêcher le Général Leflie de s'y
établir . Mais à fon arrivée il aura trouvé ce pofte
abandonné , car on affure que Leslie informé de
fon approche , a jugé qu'il rendroit plus de fervice
au Lord Cornwallis , dans la périlleuse fituation ou
il le favoit , s'il lui menoit fa petite armée par la
rivière du Cap Féar. On ajoute même qu'à fon départ
, il a pû voir les démonstrations de joie que faifoit
éclater tout ce même Pays où il avoit mandé
que fa venue avoit fait tant de plaifir . Le bruit
couroit à Philadelphie , le premier Novembre , que
le Colonel Clarke avec un corps de Caroliniens &
de Georgiens avoit furpris Augufta au moment où le
Commandant de cette Place étoit en Traité avec les
méridionaux. On dit que le Colonel Clark a mis
les uns & les autres en déroute , & qu'il a chargé
300 chevaux des effets & des préfens ramaffés à
ce pofte .
Le Général Leflie avoit fait un premier débarquement
de 800 hommes à Portſmouth , & un
autre dans le Comté de la Princeffe Anne. Le 23
Octobre , il mit à terre mille hommes d'infanterie
& 100 de Cavalerie à Newport. Ce détachement
avoit pris poffeffion de Hampton.
Le 12 Octobre , le Lord Cornwallis , qui avoit
quitté le Vaxaa , & qui s'étoit établi à Charlotta
le 26 Septembre , évacua cette ville avec
précipitation , pour fe retirer vers Charles-Town.
JOURNAL POLITIQUE
"
DE BRUXELLES.
TUR QUI E ,
De CONSTANTINOPLE, le 30 Novembre.
LA plupart des vaiffeaux marchands arrivés
dans ce port avec le Capitan-Bacha ,
dont ils avoient rencontré la flotte fous la
protection de laquelle ils s'étoient mis ,
étoient chargés de comeftibles de toutes les
eſpèces. Les autres apportoient des marchandifes
; les 7 François qui viennent de Marfeille
avoient en particulier toutes fortes
d'étoffes de foie.
>
On fait dans plufieurs endroits de l'Empire
des préparatifs tels qu'on les feroit à
la veille d'une guerre. Les citoyens paisibles
ne laiffent pas d'en être alarmés. Le bruit
fe répand ici que les Ruffes fe font emparés
de Derbent fortereffe fituée fur la mer
Cafpienne ; ils paroiffent , dit - on , n'avoir pas
renoncé à leurs vues fur la Géorgie ; & fi ,
comme on le prétend , le Prince Régnant eft
difpofé à fe foumettre à l'Impératrice de
Ruffie , il est tout fimple que cette Princeffe
le foit à fon tour à en profiter.
20 Janvier 1781 .
( 98 )
RUSSI E.
De PÉTERS BOURG , le 12 Décembre.
LE 7 de ce mois la Fête Militaire de
l'Ordre de S. George a été célébrée à la
Cour. Tous les Chevaliers préfens ont eu
l'honneur de dîner avec l'Impératrice ; & le
foir il y a eu bal paré. Parmi les perfonnes
qui ont eu part aux promotions qu'elle a
faites les à l'occafion de la fête de fon
nom , le Comte d'Oftermann , frère du
Vice-Chancelier , a été nommé Sénateur ;
M. Alexey Melgunoff a été décoré de l'Ordre
de S. André , & le Contre- Amiral Boriflow
qui commande l'efcadre Ruffe dans
la Méditerranée , de celui de Ste- Anne.
Le 8 S. M. I. a fait l'honneur au Général-
Major & Chambellan de Landskoy , de le
revêtir des marques de l'Ordre Polonois de
l'Aigle blanc. Elle a accordé une terre en
Livonie à Madame de Lilienfeld qui a accompagné
les Princeffes de Brunswick ,
d'Archangel en Jutlande .
En conféquence d'un Oukafe du Sénat ,
en date du 21 du mois dernier , le Lieutenant-
Général Jacobi , ci - devant Gouverneur
d'Aftracan , a été chargé de régler tout ce
qui concerne le nouveau Stadhouderat de
Saratow , dont le Général-Major Polibanon
eft nommé Gouverneur effectif. Ce nouveau
Stadhouderat qui renferme le Gouver
nément de S. Pétersbourg eft le 2're en rang,
( 99 )
,
& eft divifé en 9 cercles qui font Saratow
Chwalinsk , Walsk , Kafnetz , Atkarsk ,
Patrovsk , Serdevsk , Bolachewsk & Kaminsk.
Les appointemens des perfonnes
qui compofent les différens Tribunaux de
ces cercles , montent annuellement à la
fomme de 112,103 roubles.
SUÈDE.
De STOCKHOLM , le 12 Décembre
LE 2 de ce mois , M. Wroughton , Envoyé
extraordinaire de S. M. B. eut une audience
particulière du Roi , & lui remit une
lettre de fon Souverain qui le prioit de revêtir
ce Miniftre du cordon de l'Ordre du
Bain. Cette cérémonie eut lieu les de ce
mois. Dans le Chapitre que le Roi tint le 27
du mois dernier , il nomma Chevalier de
POrdre de l'Epée , M. Harald Chriftiern ,
Major de Marine , commandant la frégate
l'Aigle Noir , la même qui défendit au
mois de Juillet dernier fur les côtes d'Angleterre
, un convoi de bâtimens de fa nation
, contre des cutters Anglois qui vouloient
le fouiller , & les éloigna à coups de
canon.
Le Général Wrangel qui avoit donné le
premier projet de l'établiffement des brafferiés
d'eau- de- vie pour le compte de la
Couronne , & qui en avoit eu jufqu'ici la
direction , vient de fe démettre de ce pofte
dans lequel il eft remplacé par le Comte
e 2
( 100 )
de Rofen , ci -devant Grand-Ecuyer de la
Reine,
POLOGNE.
De VARSOVIE , le 25 Décembre.
L'EVÊQUE de Cujavie eut l'honneur de
préfenter au Roi la femaine dernière un
manufcrit très-rare, en langue Grecque , contenant
tous les détails de la vie de l'Empereur
Charlemagne. S. M. en acceptant ce préfent
qu'elle a fait placer dans fa bibliothèque ,
gratifia le Prélat d'une belle bague de dias
inans.
Le Docteur Moller , qui a été envoyé en Wolhynie ,
écrit que ce n'eft pas la pefte qui a régné dans cette
Province , mais des fièvres qui n'ont cependant
pas enlevé beaucoup de monde , puifque de 3000
perfonnes qui fe trouvèrent enfermées dans le cordon
formé par les troupes , il n'y en a eu que si
qui foient mortes ; & encore ont - elles moins été
victimes de la maladie que de la négligence avec
laquelle elles ont été foignées, Mais fi la Wolhynie
a été préfervée de la pefte , la ville de Balta , habitée
par les Tartares , ne l'a pas été , le Général Witte ,
Gouverneur de Kaminiek a mandé à la Cour que
la
pefte régnoit dans cette ville , & à Jofefodtod , place
du Domaine de la République , ainfi que dans 4
villages des environs ; qu'il avoit fait inveftir auffi- tôt
les lieux infectés par des troupes , & que 174 perlonnes
étoient mortes de cette maladie. Il ajoute que
les
mefures efficaces qui ont d'abord été prifes ont eu
le meilleur fuccès ; mais que cependant le cordon
n'avoit pas encore été levé ; on eſpère que le froid
fecondera les précautions pries pour empêcher le
fléau de s'étendre.
( för )
ALLEMAG NÊ.
De VIENNE , les Décembre.
ON fait déja à Presbourg les préparatifs
du Couronnement de l'Empereur en fa qualité
de Roi de Hongrie. On croit que cette
cérémonie aura lieu au printems prochain.
On apprend de la même ville que le 19
de ce mois la Communauté Evangélique a
témoigné les regrets de la manière la plus
touchante , à l'occafion de la mort de l'Impératrice.
Le catafalque élevé dans fon Eglife
étoit de la plus grande beauté ; on y chanta
des cantiques analogues à cette trifte circonftance
, & on y prononça une Oraifon
funèbre qui arracha à tous les affiftans des
larmes dont on n'auroit pu tarir la fource ,
fi on ne leur avoit rappellé en même- rems
qu'ils retrouveroient dans Jofeph II tout ce
qu'ils avoient perdu .
De HAMBOURG , le 30 Décembre.
M. de Grofs , Miniftre de Ruffie , a remis
à la Régence de cette ville , une copie du
Traité figné le 9 Juillet dernier à Copenhague
, entre les Cours de Ruffie & de
Danemarck , & ratifié par la première le
premier Août ; au bas de ce Traité le trouve
l'acceffion de la Suède , & l'on voit par la
date de cet acte que celle de la Hollande
ne pouvoit encore y être jointe.
Ön écrit de Copenhague , qu'un corfaire
Anglois ayant enlevé , fous le canon du port
e 3
( 102 )
de l'Ife Ste - Croix , un navire marchand
François , a été pris lui- même à fon tour
par une frégate Danoife , conduit à Ste-
Croix, & jugé de bonne prife.
·
» S'il faut en croire quelques avis , portent des
lettres de Coblentz, l'Electeur a fait prendre poffeffion
du Comté de Blankenheim , fur lequel la Maiſon
Palatine formoit ci - devant des prétentions en
vertu de la dépendance du Fief des Comtes de
Blankenheim à l'égard des Ducs de Juliers . Ces
derniers & leurs fucceffeurs , les Comtes Palatins ,
ont toujours prétendu que Blankenheim étoit un
Fief relevant de Juliers , & les Comtes de Blankenheim
ont , au contraire , foutenú qu'on les avoit
confidérés dans toutes les occafions comme relevans
immédiatement de l'Empire " .
La déclaration de guerre de l'Angleterre
contre les Hollandois ne fait pas moins de
fenfation dans le Nord que dans la Répu
blique même. Perfonne ne s'attendoit à cet
acte de vigueur ou de défefpoir ; mais les
opinions font partagées fur fes fuites.
32.
·Selon quelques perfonnes , on trouvera peutêtre
quelques moyens pour arranger les chofes de
manière que
l'on n'en vienne pas à la dernière extré
mité. Mais le plus grand nombre croit qu'une guerre
entre ces deux nations eft inévitable , & que même
en ce moment les hoftilités font commencées en
Afie de la part des Anglois. Comme il leur a été facile
de prévoir la tournure que prendroient les affaires
en Hollande , on les connoît affez pour être perfuadé
qu'ils fe feront préparés d'avance à porter des
coups fenfibles à cette République , avant qu'elle pulle
fe mettre en état de les parer . Quoi qu'il en foit de
cette démarche hardie de la part des Anglois , labauteur
impérieufe avec laquelle ils ont demandé fatisfaction
des torts que la République pouvoit avoir
( 103 )
avec eux , tandis qu'ils ont gardé un filence dédaigneux
fur ceux dont elle a demandé réparation ; la
préfomption avec laquelle ils femblent provoquer
la Hollande , & chercher à s'attirer un nouvel ennemi
fur les bras , tout cela fait encore mieux fentir la néceffité
d'une confédération bien unie & bien armée
pour réprimer des prétentions qui ont outre-paſſé les
bornes du courage & d'une confiance mefurée en
fes propres forces. On eft fort curieux de favoir le
parti que prendront les Puiffances du Nord ; & fi
elles ne jugeront pas que depuis fon acceffion
à la Confédération , la République doit jouir
de la protection ftipulée. La déclaration de guerre
eft poftérieure à cette acceffion ; & felon le Traité ,
on ne peut attaquer une des Puiſſances alliées , fans
les attaquer toutes <<.
-
Selon les lettres de Conftantinople. Il y
eft beaucoup queftion d'un commerce à établir
fur le Danube . Il feroit très avantageux
aux fujets de diverfes Puiffances
& fur-tout à ceux de l'Allemagne , auxquels
il offriroit un débouché pour plufieurs articles
de leurs fabriques , dont l'acquifition
deviendroit beaucoup plus aifée &
moins coûtéitfe aux Turcs que par le paffé.
On lit dans une lettre de Vienne les détails
fuivans , fur les derniers momens
de l'Impératrice ; on y revient toujours avec
cet intérêt qui fait trouver du plaifir dans
les larmes , & qui eft l'unique confolation
des a mes fenfibles & profondément affectées.
» S. M. demanda les facremens le Dimanche
26 Novembre , avec la tranquillité d'une prédestinée
on dit ici d'une héroïne ) , je ne trouve pas ce mot
à la place ; je n'ai jamais vu mourir de Héros , &
c 4
( 104 )
ce que j'en ai jlu ne reffemble nullement à cette
mort d'une bienheureufe. Figurez - vous l'immor
telle Marie - Thérèſe , entourée de ſes enfans , márchant
au- devant du Saint- Sacrement jufqu'à la porte
de fon anti- chambre. Elle avoit prévenu fes enfans
de ne pas troubler l'augufte & touchante Cérémonie
par des cris . Après la Cérémonie elle les remercia
de la violence qu'ils s'étoient faite , & les
pria de ne pas troubler fes derniers momens par
leur douleur. Depuis le Dimanche jufqu'au Mardi
29 qu'elle eft morte , l'Empereur n'eft pas rentré
chez lui ; il a couché tout habillé dans l'anti- chambre
de fa mere. Fidèle à fes volontés , il quittoit la
place quand les larmes le fuffoquoient. Les Prin
ceffes moins fortes que lui , ne purent paroître f
fouvent dans fa chambre ; elle leur a écrit trois fois
pendant les quatre jours ; quand elles étoient auprès
d'elle , elle parloit de chofes indifférentes . Le
Mardi matin 18 , on lui donna l'Extrême - Onction :
elle bénit fes enfans ; en béniffant fEmpereur , elle
lui recommanda fa Famille , fes Peuples , & fingu
lierement les Pauvres.... mes pauvres Penfionnés ,
mes pauvres Orphelins ! ... Elle lui fic promettre
de ne rien changer aux aumônes de fa caffette , le
chargea de fa bénédiction pour les enfans abfens
& fes petits- enfans , parla de fa mort comme d'une
affaire d'Erat qu'il falloit arranger ; ordonna fes ob
sèques & fon enterrement ; elle ne changea rien à
l'ancienne étiquette , parce qu'on ne la peut rendre
plus modefte , mais elle défendit à fes enfans d'y
affifter. L'Empereur a fait obéir fes fours ; lui & fon
frere fe font trouvés à cette Cérémonie . Sa tranquillité
ne s'eft point démentie. L'Empereur ne put
s'empêcher de lui témoigner fon admiration. - L'état
où je fuis , répondit - elle , avec un fourire de bonté,
eft l'écueil de ce que l'on appelle grandeur & force ,
tout difparoît dans ces momens. La tranquillité ou
vous me voyez , vient de celui qui fait la pureté de
mes vues, Pendant un Règne pénible de quarante
( 105 )
-
ར
---
années , mon intention conftante a été de faire le
bien. J'ai aimé & recherché la vérité ; peut-être
ai-je été trompée dans mon choix ; mes intentions
ont pû être mal comprifes , encore plus mal exécutées.
Mais celui qui fait tout a vu le fond de
mon coeur. La tranquillité dont je jouis eft une
première grace de fa miféricorde qui m'en fait ef
pérer d'autres. Je n'ai jamais fermé mon coeur aux
cris des malheureux. C'eſt la plus confolante idée
que j'aie dans mes derniers momens. Il faudroit
un volume pour rendre toutes les paroles édifiantes
, admirables & même confolantes qu'elle a
dites pendant fa courte maladie. Voilà la femme
forte , qui rira au dernier jour. Cette Princeffe qui ,
dès les premières années , avoit fixé les yeux & l'attention
de l'Europe , qui a été admirée pendant fon
Règne dans les évènemens malheureux , comme
dans les plus glorieux , qui étoit grande fur le
Trône , étonnante dans la vie privée , s'eft furpaffée
à la mort . Vous favez qu'elle avoit fait
conftruire fon tombeau plus de vingt ans avant fa
mort. Peu- après celle de l'Empereur , elle fit faite
fon cercueil ; peu de perfonnes favoient cette particularité
; toutes ignoroient qu'elle avoit fait ellemême
fon habit mortuaire ; on en a trouvé toutes
les pièces ferrées & arrangées avec le plus grand
foin: fes femmes qui étoient le plus dans la faveur
lui ont vu coudre cette robe funèbre en fecret ;
refpectant fes ordres , ce n'eft qu'après la mort
qu'elles ont parlé de cette particularité «.
TREND
ITALIE
De LIVOURNE , le 22 Décembre.
LA frégate de guerre Hollandoife la Briel ,
Capitaine Gerard Wond'huys , montée de
30 canons & de 130 hommes d'équipage ,
es
( 106 )
eft entrée ces jours derniers dans cette ra
de , où elle attend l'efcadre de fa nation.
C'est pour attendre auffi celle de la
fienne , qu'une frégate de guerre Suédoife
continue de mouiller dans ce port.
On apprend de Rome que le Cardinal
Boxador y eft mort dans la 78e . année de
fon âge. Il avoit été ci-devant Général de
l'Ordre de St. Dominique , & avoit été élevé à
la Pourpre en 1775. Le Cardinal de Simoni
eft auffi mort à Terni , âgé de 66 ans .
--
4
Malgré les espérances que l'on avoit conçues ,
écrit-on de Lisbonne , de voir bientôt terminer ici
les affaires concernant les bâtimens Hollandois qui
y ont été conduits par des corfaires Anglois , ces affaires
traînent toujours en longueur , & l'on ne
peut prévoir quand elles finiront . Le de ce
mois , vers les deux heures du matin , on reffentit
ici une fecouffe de tremblement de terre ; mais elle
n'a caufé aucun dommage. L'attention du public
eft toujours fixée fur le fort que pourra éprouver
le Marquis de Pombal. On continue d'examiner
fa conduite , en conféquence de nouveaux ordres
de la Cour donnés à ce ſujet «.
-
ANGLETERRE.
De LONDRES , le 6 Janvier.
LA Cour garde toujours le filence fur
ce qui fe paffe dans l'Amérique Septentrionale
; après avoir annoncé l'arrivée du
Général Leflie dans la Virginie , elle s'eft tue
fur fes progrès ; les papiers Ministériels ont
bien parlé de la foumiffion des habitans de
(( 107 )
cette Province , de la prife de poffeffion de
Willamsbourg ; tout cela étoit très- facile ; on
entre aifément dans desVilles ouvertes & fans
défenſe , & les habitans cèdent toujours à des
forces fupérieures , mais ce ne font pas là de
grands avantages ; on perd ordinairement en
s'éloignant tout ce qu'on a conquis en paroiffant.
Si les nouvelles particulières qu'on a
reçues font fondées , cette expédition dont
on fe promettoit tant n'a rien tenu ; le
Général Leflie a été forcé de quitter la Virginie
comme l'avoit fait précédemment le
Général Mathew ; le Lord Cornwallis a eu
befoin de lui pour fe maintenir dans la
Caroline Méridionale , & il n'eft pas bien
affuré qu'il y réuffiffe , même après cette
réunion . Telle eft à -peu-près la fituation
des chofes dans cette Province qu'on difoit
foumife depuis la victoire de Camden.
Si la Gazette de la Cour fe tait fur ces
détails qui ne font affurément pas agréables ,
elle multiplie ceux que l'on reçoit des ifles
& qui ne le font pas davantage. Aux détails
qu'on a déja donnés des effets du terrible.
ouragan du mois d'Octobre nous joindrons
ceux- ci . Le Capitaine Harvay du floop le
Hazard , écrivoit ainfi le 9 du même mois
à 7 milles au deffus de Savanah - la- Mar.
כ כ
Lorfque le coup de vent furvint , j'avois trois
ancres mouillées ; mais voyant qu'il augmentoit ,
je fis couper le mât à deux heures ; à quatre je
dérivai , & pris un ris , je coupai nos cables , &
e 6
( 108 )
dérivai deffus ; nous perdîmes notre gouvernail &
la chaloupe , & nous fumes alors jettés fur un banc
de fable qui fe trouvoit à environ trois fois la longueur
du floop , diftant de la côte ; fi un gros arbre
ne nous avoit pas arrêté , nous aurions été emportés
probablement un demi-mille plus loin. Ce coup de
vent eft le plus fort que j'aie jamais effuyé. L'imagination
ne peut s'en repréfenter la force : la veille
du jour où il furvint , quoiqu'il ventât très-fort , je
fis mettre à terre des marchandifes de la quantité
de onze chargemens de chaloupe ; il eût été
à defirer pour les propriétaires que je n'euffe pas été
fi actif, tout ce que j'ai à bord étant en bon état , je
n'ai pas besoin de vous apprendre le fort de ce qui
a été débarqué.Quatre jours après j'arrivai à la
ville , & je fus témoin d'un fpectacle qui me fit
oublier mes fatigues , & le danger auquel j'avois été
expofé , quantité de gens étendus morts dans les
rues , & privés de fépulture . L'infection de ces cadavres
eft fi infupportable , qu'il y a du danger à en
approcher ; fi on n'envoie pas immédiatement quelques
fecours , la pefte fe déclarera probablement.
On lit dans une autre lettre datée du Fort
Royal de la Grenade :
Nous avons effuyé dans cette Ifle les plus grands
coups de vent dont on fe fouvienne. La mer étoit
agitée plus qu'elle ne l'a jamais été . Le vent dura 48
heures , & la mer s'éleva tellement qu'elle emporta
la plus grande partie des maiſons & une partie de la
baie. - Meritz , Hardmans , & M. Ashburner ,
& Hyde & Compagnie font ruinés. Les maifons
de M M. Robert Threllfall & Compagnie ont reçu
beaucoup de dommage , ainfi que les maifons de
M. de Bonnett , fituées à l'extrémité inférieure de
la ville , & toutes les autres maifons de ce côté ,
excepté celle que M M. Palmer & Pegus occupent ,
laquelle eft en grand danger. La plus grande partic
( 109 )
des bâtimens qui étoient dans le carénage ont été
jertés à la côte. Je vous envoie ci- joint une lifte
de tous ceux dont je puis me fouvenir. Le quai de
MM. Edmund Thornfon & Compagnie , a été
emporté , ainfi que celui de M. de Tucedy. Toutes
les maifons dans la ville étoient pleines d'eau , &
le vent étoit fi fort que les tuiles de la plupart des
maiſons furent arrachées , & une maiſon de la colline
fut emportée ; toutes les provifions depuis ont
été détruites , a.fi qu'une grande partie des cannes
à fucre; un grand nombre d'ouvrages , de bâtimens
& de mailons de Nègres ont été rafés , quelques
biens dévaftés ; la rivière a détruit la propriété entière
de quelques habitans. La mer eft toujours
haute ; elle a monté jufqu'à la maifon de MM.
Bartlet & Compagnie. Nous avons reçu
des nouvelles
de Saint Vincent , qui portent que tous les
bâtimens avoient été jettés à la côte. Une frégate
Françoife , appellée la Junon , 'y a péri ; toutes les
munitions & provifions ont été perdues.
G >>
On ajoute à cette lettre l'état fuivant des
dégâts caufés par cet ouragan au carénage
du Fort Royal de la Grenade.
--
--
>
LE vaiffeau le Phoenix , Capitaine Nonnings ,
appartenant à la ville d'Amfterdam , ayant à bord
98 Barriques de fuere , 3 barriques de café , &
40 balles de coton , jerté à la côte , plein d'eau.
Un homme de noyé , le coton fauvé . Le vaiffeau
le Comte de Duras , appartenant à Pierre Lamftic
perdu. Le vaiffeau Anne Gertrude Margarette ,
Capitaine Trump fur fon left , perdu. Le vailleau
les deux Soeurs , Capitaine Toufneau , de Bourdeaux ,
ayant à bord 80 barriques de fucre , 25 barriques
de café , tout perdu . Le Royal Corfe , appar
tenant au Capitaine Lange , de cette. Ifle , ayant
à bord 71 Barriques de fucre , & so facs de café ,
jetré à la côte, Le vailleau le Prince Frédéric-.
-
―
( 110 )
-
Adolph , Capitaine Landstroom , de Stockholm ,
ayant à bord 205 barriques de fucre & 19 balles
de coton , le vaiffeau perdu ; mais on eſpère fauver
la cargaison. Le vaiffeau l'Elizabeth l'Héléna ,
Capitaine Bray , de Rotterdam , les chaînes du grand
mât & du mât de mizaine , les liffes de paffavant ,
le mât de perroquet de fougue , le bâton de foc ,
&c. , emportés. Le fenau Abigail , Capitaine
Traller , d'Amfterdam , ayant à bord 20 barriques
de fucre , & so balles de coton , jetté à la côte ,
mais on efpère fauver la cargaifon
Le fenau
le Neptune , d'Amfterdam , perdu ; il avoit à bord
30 barriques de fucre , qu'on efpère fauver. Le
brigantin Three Friends , Capitaine Lunbury , de
Saint- Eustache , ayant à bord 95 barriques de fucre ,
le bâtiment & la cargaifon perdus , & deux hommes
tués. Un floop de Saint Euftache , jetté à la
côte , & perdu un fchooner , nommé le Reafeau,
Capitaine Emely , le côté de babord au - deſſus du
grand pont, le beaupré emporté. Le fchooner
Adonis , Capitaine Richardfon , appartenant
M. Jennings , de Saint- Euftache , a perdu fes ancres
& fes cables . Le vaiffeau la Margarett , Capi,
taine Godjins , ayant à bord 300 barriques de fucre ,
& 46 balles de coton , emporté fur le Znipne à la
baie. Le vaiffeau le Zeureight , Capitaine Anne
Luickes , ayant à bord 300 barriques de fucre , jeté
à la côté , à Grand- Povre , totalement perdu.
Tous lesavis
s'accordent à porter nos pertes
au plus haut degré ; nous ne favons pas
fi bien quelles font celles qu'ont faites les
François. Ce qu'on en dit eft affez vague ,
comme Kingſton & Port- Royal dans la Jamaïque
n'ont point fouffert , il eft à préfumer
, que les ifles de Cuba & de St Domingue
ont été épargnées ; il eft intéreffant
( 11 )
que nous foyons inftruits de la fituation de
nos ennemis comme de la nôtre , pour prendre
nos meſures en conféquence ; l'efpoir
que nous avions de voir tenter quelque chofe
par l'Amiral Rodney à fon retour s'évanouit ;
& nous ne devons pas nous flatter d'apprendre
aucune affaire importante de long-tems.
Les renforts que lui conduifoit le Contre-
Amiral Hood n'ont pas été à l'abri de l'inconftance
des élémens ; c'eft ainfi que cet Amiral
rend compte de fon défaftre à l'Amirauté dans
une lettre à bord du Barfleur en mer , le II
de ce mois par la latitude 46-14. N. longitude
27-35. O.
Je fis route fans aucun accident jufqu'à hier au
foir , que le vent fouffla au S. & S. S. O. avec
autant de force que jamais je me fouvienne. Par
bonheur ce coup de vent fut de courte durée ; an
point du jour , les vaiffeaux de ligne & le convoi
étoient fort difperfés , & un vaiffeau de ligne
fut apperçu loin fous le vent , n'ayant que le mât
de mifaine debout ; je portai deffus , c'étoit le Monarca
: toutes les ferrures du grand porte - hauban
furent emportées , & le grand mât tomba à
la mer ; le mât d'artimon & le petit mât de hune
fuivirent bientor ; il ne fait point eau , mais il auroit
été fort imprudent de mener un vaiffeau dans
l'état où il eft , aux Indes Occidentales. J'ai ordonné
au Capitaine Gell de fe rendre à Plimouth,
& je vais tâcher de faire remettre cette lettre ci
à bord , quoique la mer foit fi élevée qu'aucune
chaloupe ne peut approcher du vaiffeau. Le vent eft
maintenant N. ainfi j'ai tout lieu d'eſpérer une
courte traversée.
>
-
Ona remarqué que le Contre-Amiral avoue
( 112 )
que fon convoi a été difperfé ; dans l'extrait
de fa lettre on ne voit pas un paffage par le
quel il apprenne qu'il fe raffemble ; & sil
' s'y en trouvoit un , il feroit bien étonnant
que le Ministère eût oublié de le joindre. On
s'étonne même qu'il n'en ait pas ajouté un
qui pût au moins donner cet efpoir.
Depuis la déclaration de guerre contre les
Hollandois , on a pris une quantité incroya
ble de leurs bâtimens. Ils en ont un fi grand
nombre en mer & le coup a été fi rapide
& fi inattendu , qu'il n'eft pas étonnant que
nos armateurs aient fait ce qu'ils appellent
de grands coups . Mais ces avantages particuliers
pourront coûter cher à la nation.
Elle a un ennemi de plus & elle fent depuis
long tems qu'elle en avoit déja trop ;
elle peut en avoir encore, davantage ; il faut
voir comment les Puiffances neutres prendront
cette démarche , & fi en conféquence
du traité de confédération elles fe borneront
à foutenir les Hollandois par des négocia
tions , ou d'une autre manière plus efficace.
Nous n'ignorons pas qu'elle font févoltées
de notre hauteur ; que c'eft contre nous
perfonnellement qu'elles fe font réunies ,
pour nous forcer à les refpecter ; elles nous
avoient donné une leçon qui devoit nous
ramener à la modération & à la juſtice , &
nous avons démontré en déclarant la guerre
à la Hollande que nous ne fommes pas encore
difpofés à revenir fur le paffé. On pourra
( 113 )
finir par nous regarder comme des enfans incorrigibles
que trop de condefcendance a.
gâtés , que les menaces ne ramènent pas , &
avec lefquels il faut abfolument en venir aux
voies de fait.
Notre longue lifte de griefs & de plaintes
contre la Hollande , dit un de nos Papiers
, n'en impofe à perfonne ; on fait qu'avant
d'en avoir reçu des fujets de leur part ,
nous leur en avons donné de toute eſpèce
& de très graves. Ils peuvent nous répondre
en général de cette manière,
ל כ - »Lorfqu'unRoyaumeeftdiviféaveclui-mê.
me , & qu'une de fes parties eft en guerre ouverte
contre l'autre , une Puiffance voifine , quelqu'étroite
que foit fon alliance avec ce Royaume , ne peut ,
fans danger , s'immifcer dans la querelle , fi ce
n'eft pour tâcher de s'entretenir en bonne intelligence
avec les deux Parties , fur tout lorsque la
Puiffance dominante ou le Cabinet de ce Royaume
défuni paroît ne pas agir féricufement , mais aucontraire
vouloir le faire un jeu d'une guerre civile
, jufqu'à ce que les rebelles , ou foi difant
tels , aient acquis affez de force & d'importance
pour attirer l'attention des grandes Nations , &
pour s'unir avec elles par les noeuds de l'alliance &
de l'amitié la plus étroite . L'offenfe alors devient
trop grave & trop compliquée pour qu'une Républi
que fituée comme l'eft la Hollande , puiffe pren
dre aucune part active dans la querelle , ou prêter
quelqu'affiftance à l'autre partie de cette Nation défunie.
En jouant le rôle d'auxiliaire , elle ne tarderoit
pas à devenir partie principale dans la
guerre , à s'expofer aux incurfions , déprédations
& invafions d'un voifin formidable , & à mettre
( 114 )
2
ainu fa propre exiftente en péril , fans aucune perf
pective fenfible de foutien ou de protection folide
contre de telles attaques. La foibleffe avec laquelle
la Grande-Bretagne s'eft conduite dans tout le cours
de cette affreufe Tragédie , n'eft guère propre à
infpirer de la confiance pour le fupport que la
Hollande peut en attendre dans le cas d'une rupture
avec la France. La défenſe perſonnelle étant
la première loi de la nature & de la politique , &
cette loi étant au- deffus de toutes les autres loix &
traités quelconques ; elle nous empêche de nous
mêler d'une querelle dont nous ne connoiffons
pas le principe Quant à l'ordre de repréfailles
fur mos fujets , c'eft une expreffion abfolument dé
placée , attendu qu'il n'eft pas même à fuppofer
que nous ayons fait aucune capture fur des propriétés
Britanniques , évènement qui feul pourroit.
donner quelque fondement à des repréſailles. Les
Anglois à la vérité fe font permis beaucoup de
déprédations qui auroient pu nous autorifer à des
repréfailles , mais nous nous fommes contentés de
prendre les voies de négociation & de remontran .
ces amicales , quoique le droit de repréfailles foit
de notre côté «.
-
La partie faine de la Nation eft bien loin
d'approuver notre conduite à l'égard de la
République .
Nos Miniftres viennent de fe conduire avec
elle , comme ils ont fait depuis quelques années avec
l'Amérique. Dans le Nouveau Monde , ils ont cherché
, par leurs Agens , à brouiller le peuple de Boſton
avec les Chefs , le peuple de Maffachuffet ; mais
qu'en est-il arrivé ? C'est que tous ces peuples ont
formé enſemble une fouveraineté indépendante qui
deviendra un jour l'afyle des arts & de la liberté ,
l'école de la fcience militaire , & donnera autant
d'admiration que de jaloufie au refte du monde. A
4.
( 115 )
préfent nos fages Miniftres font tous leurs efforts
pour brouiller Amfterdam avec la Régence , les
autres villes de Hollande avec Amfterdam , & les
fix autres Provinces avec la Hollande . Le Miniftère
paroît n'avoir d'autre maxime de gouvernement que
de divifer & de corrompre , mais il prend fes mefures
fi gauchement , qu'il produit l'union par - tout ,
excepté en Angleterre. Selon toute apparence , les
chofes tourneront en Hollande comme en Améri
que , & nous verrons bientôt les fept Provinces-
Unies auffi indépendantes que les treize Etats - Unis
d'Amérique ".
Nous devons dans ce moment de crife, ajoute
un autre papier , enviſager ſérieuſement & mûrement
les fuites fâcheufes dont fe voit menacé ce pays , fi
la neutralité armée fe croyoit obligée de fe déclarer
contre nous & de mettre les Hollandois à l'abri de
notre reffentiment.
›
» Un tel évènement n'eſt point du tout improbable.
Qui pourroit affirmer avec quelque degré de certitude
que les Puiffances neutres n'ont pas figné l'Alliance
générale ? En fuppofant que non , cette alliance
eft fondée fur des principes qui nous rendent inévi
tablement les agreffeurs , & la conduite que nous
avons tenue jufqu'à préfent eft telle , qu'il femble
que nous défirions d'être regardés par tous les Etats
de l'Europe fous ce point de vue. Qui fe rangera
donc du côté d'un peuple qui a tellement perdu tout
fentiment d'honneur national , qu'il ne cherche qu'à
fe rendre odieux. Cet honneur ne feroit- il pas extravagant
? qui prendroit volontairement part àune querelle
où il n'y auroit que du deshonneur à gagner
pour des bras caffés. Je trouve fouvent affez
fingulier que nous , qui nous fommes glorifié fi long.
tems , & à fi jufte titre , de nos prérogatives , nous
nous efforcions avec tant d'âpreté à entamer , ou
plutôt à anéantir celles du monde entier. Les Puif(
116 )
Cances neutres ne font nos ennemis qu'autant que
nous les rendons tels. Leur grand & feul objet eft
de,porter leurs marchandifes paifiblement au meilleur
marché, Nont - elles pas le droit de défendre
leur
marche contre
les rapines exercées de gaieté
-
de tour par les pirates & les corfaires . Il eft aujourd'hui
évident qu'elles font déterminéés à le faire
en dépit de toute réfiftance. Pourquoi fongerions
nous à donner la loi à des nations entièrement indé
pendantes de nous ? Pouvons- nous eſpérer qu'elles fe
foumettront pallivement à notre volonté , contre leur
propre intérêt. Agirions - nous de la forte en leur
place ? Notre querelle avec les Hollandois dérive
clairement de ce qu'ils ne veulent point , par pure
complaifance pour nous , renoncer à une branche
très lucrative de commerce , & s'expoſer au reffentiment
d'une pation qui peut leur faire autant de
mal que nous. Les Confédérés doivent néceſſai ..
rement conclure de cette circonftance décifive , que
fi nous ne les traitons pas de la même manière , c'eſt
que nous fonimes retenus par le fentiment intérieur
de notre propre impuiffance ; ils en doivent conclure
auffi que ce peuple induftrieux & gravement
léfé mérire leur encouragement & leur appui.Com
ment eft - il poffible de continuer la querelle contre
un tel ennemi , ou d'éviter la ruine qui nous a menacé
depuis fi long-tems ? Adieu donc la fouveraineté des.
mers ! Notre commerce ne fera - t - il pas confé
quemment réduit à rien ? D'où attendrons- nons un
Ievenù , lorfque la fource en féra tarie ? Sans cè
revenu comment payer l'intérêt de nos détrés
par quels moyens foutenir notre propriété noméraire
, & comment lors de l'anéantiffement de ce
grand bien chimérique d'unanimité nationale , pré--
venir une révolution totale « ?
>
On ne perd pas de vue les grands projets
qu'on fuppofe que le Gouvernement a
(4117 )
formés contre les établiffemens Hollandois
dans les Indes. Dès le 20 Décembre , des
exprès ont été expédiés au Général Munro
pour lui ordonner d'attaquer les poffeffions
de la République. On a expédié en même
tems à l'Amiral Rodney le cutter le Perfeus
, doublé en cuivre , & excellent voi
lier. Ce n'eft plus l'Amiral Palifer qui ira en
Afie exécuter ces grandes entrepriſes ; on dit
qu'on a propofé au Commodore Jolinſtone
de s'en charger ; mais on ne dit pas encore
s'il l'a accepté. Quel que foit le Commandant
qui fe rendra dans l'Inde , il doit partir
inceffamment une efcadre qui y conduira
le nouveau Gouverneur de Madraff ,
le Lord Macartney , les Régimens des Colonels
Fullarton & Humberfton ; le fecond
bataillon du 42e. régiment , 6 compagnies
du 75e . Cette efcadre compofée des vaiffeaux
de ligne , 7 autres de moindre force ,
& chargée d'un train confidérable d'artillerie
, de munitions de guerre , & c. tentera,
en paffant , de s'emparer du Cap de Bonne-
Efpérance , & de là fe rendra à Batavia.
Tels font du moins les projets qu'on débite
, & dont on deftinoit l'exécution à Sir
Pallifer , au fujet duquel on prétend qu'il
ya de grandes divifions dans le Confeil .
, 7
La protection que lui accorde le Lord Sandwich ,
dir un de nos papiers , a caufé plus de rumeur dans
le Cabinet qu'aucune autre affaire qui y ait été portée
depuis le commencement de la guerre Le parti
de Bedford fut d'abord très- divifé à ce sujet. Les
( 118 )
Lords Gower & Weymouth qui ont donné leur dé
miffion , avoient pris vivement les intérêts de M.
Keppel , qu'ils regardent comme un grand homme
perfécuté. Ceux qui haïffoient fecrètement le prézendu
protecteur , s'appercevant que leur propre
pouvoir dépendoit de fon exiftence , ont fecondé
fes vues avec la plus grande chaleur. C'eſt à cette
occafion que le Lord Chancelier Thurlow s'eft con
duit en homme qui joint la probité la plus étroite
au plus grand courage. Il obferva qu'il avoit accepté
fa place dans la vue de foutenir l'adminiftration
, mais feulement autant que fa conduite lui
paroîtroit raisonnable. » En conféquence , ajouta-til
, je ne donnerai point mon appui à des divifions
qui finiront par caufer fa ruine . Je contri-
» buerai de tout mon pouvoir à faire réuffir cer
tains objets , mais je m'oppoferai avec la mê
me vigueur à toutes mefures qui ne tendent qu'à
fatisfaire des vengeances miniftérielles ou des
reflentimens particuliers et .
On affure qu'en effet le Lord Turlow a
refufé de fceller la commiffion de l'Amiral
Pallifer ; & fi , comme on le dit , on nomme
un autre Chancelier , celui - ci pourra
bien être moins difficile , & la créature du
Lord Sandwich en ce cas , iroit encore
aux Indes.
›
Nos fages & honnêtes Miniftres viennent de
faire la découverte la plus heureufe . Après les réflexions
les plus mûres , ils fe font enfin apperçus
que toute les difficultés qu'ils éprouvent aujourd'hui
, tous les obftacles qu'ils rencontrent , toutes
les affaires qu'ils ont fur les bras , ne proviennent
que defactions , qui par elles - mêmes ne font rien.
Toute la rebellion qui fait tant de ravage dans
l'Amérique Septentrionale , n'eft qu'une petite fac
( 119 )
La
tion , une factoin pitoyable , fanatiques car la plus
grande partie du peuple y eft fidèlement attachée au
Roi. Toute la haine que les François nous portent
ne provient que d'une petite & miférable faction.
guerre que nous fait l'Eſpagne , ne provient que
d'une petite & indigne faction Françoife , qui prévaut
à la Cour de Madrid. Tout le tumulte , toutes
les affociations d'Irlande , ne proviennent que d'une
méprifable faction de mécontens dans ce Royaume.
Toutes les pétitions & les affociations des Comtés
d'Angleterre , font l'ouvrage d'une petite & mécon
tente faction de l'Oppofition dans le Parlement , laquelle
n'a d'autre but que d'accrocher quelque place ;
& il paroît aujourd'hui , par le manifefte & la déclaration
du Roi , que nos vigoureux Miniftres ont
découvert que le manque de foi & la conduite irrégulière
des Hollandois à notre égard , ont été
amenés par une petite faction Françoise dans cette
République ; & fi nous avons à faire la guerre à
quatre ou cinq autres nations , cela proviendra indubitablement
de quelque faction de peu de conféquence
. Enfin , au moyen de tant de petites factions
femblables , nous nous voyons fur le point de perdre
pour jamais ce glorieux rang de fupériorité que nous
tenions parmi les peuples de la terre. Au refte , fi
ce malheur nous arrive , ce ne fera pas la faute
de nos Miniftres . Ce font de bonnes gens & de
grands hommes qui ont fait tout ce qui étoit en
leur pouvoir pour s'oppofer aux petites factions dont
nous venons de parler « .
L'Amirauté a publié le 2 que le Jafon
de 32 canons , rentré à Plimouth , avoit
pris le 23 Décembre un corfaire François
de Saint-Malo , de 4 canons de 3 , appellé
l'Induftrie. Les , elle a publié que le Chevalier
George Collier , Capitaine du Canada
, a pris le 14 Décembre un corfaire
( 120 )
nommé le Duc de Valois , de 8 canons
& 75 hommes d'équipage , qui n'étoit forti
que depuis huit jours de Saint - Malo ,
& n'avoit fait qu'une feule prife qui lui a
été enlevée ; elle a été informée le même
jour que le brûlot l'Infernal, Capitaine Mer
rick , s'étoit perdu fur les écueils
cherchant à rentrer dans la rade de Spithéad.
en
Il y a eu , dit-on , un violent combat à
la hauteur du Cap , entre une frégate
Françoife & la Veftale , de 32 canons. La
Veftale a été fort maltraitée , mais la frégate
françoife , quoique de force fupérieure ,
été obligée de fe retirer en très- mauvais état ,
au grand honneur de l'équipage Anglois ( 1 ).
Le Comte de Welderen , Ambaffadeur
des Etats - Généraux des Provinces Unies ,
eft parti d'ici le 31 du mois dernier ,
pour retourner en Hollande par la voie
d'Oftende. Il a emmené avec lui fon épouse
qui eft angloife , & foeur du Chevalier
John Griffin , Général au fervice du Roi.
On parle beaucoup d'un ambaffadeur
extraordinaire qui doit être envoyé à Vienne
pour faire à l'Empereur des complimens
de condoléance fur la perte de fon augufte
Mère , & pour le féliciter fur fon avènement
au gouvernement de fes Etats. Le
Comte de Huttingdon eft défigné pour
cette miffion , fi fa fanté lui permet de l'en
( 1 ) Si cette frégate Françoife eft la Minerve , qui fortoit
de Breft , il eft clair qu'elle n'a pas été priſe.
treprendre
( 121 )
treprendre. On ne manque pas de raifonner
à perte de vue fur cette ambaffade.-
Comme la Grande - Bretagne , dit un de
nos papiers , s'eft brouillée avec toutes les
nations maritimes de l'Europe , il fe pourroit
qu'elle eût l'ambition de fe faire un
allié
par terre ; mais il eft à craindre qu'elle
n'y réuffiffe pas ".
ן כ
Quelque révoltante que puiffe être la perfidie
des Hollandois à notre égard , & quelque graves
que foient leurs provocations , il faut efpérer que
dans cette circonftance nos Miniftres n'ont pas
négligé la précaution néceffaire pour la fûreté de
l'Etat & pour la leur propre. En effet , fans quelqu'un
des préliminaires ci -deffous , on ne peut s'empêcher
de convenir que notre levée de bouclier
vis-à-vis de la Hollande , feroit le comble de la
démence. Voici donc ce que je fuppofe. -
1º. Une alliance offenfive & défenfive avec quelque
grande Puiffance du Continent , directe & publique
, ou fecrette & éventuelle.
2. La plus exacte neutralité de la part des autres
Paiffances , jufqu'à ce que l'évènement indiqué ait
lieu.
3. Un Traité avec la Cour de Lisbonne.
Sans les deux premières de ces conditions , il
faudroit la G. B. foutînt elle feule la guerre
que
contre toute l'Europe , ce qui certainement doit
paroître impoffible à tous les gens qui penfent. Et
fans la dernière , la froide neutralité du Portugal
équivaudroit à -peu - près à un état d'hoftilité. Dans
ce cas , la Grande-Bretagne n'auroit pas un feul
port qui lui fût ouvert depuis Archangel , jufqu'au
Détroit de Gibraltar «.
Le Prince- Evêque d'Ofnabrug eft parri le
31 du mois dernier , à huit heures du matin
20 Janvier 1780. f
,
( 122 )
pour fon voyage d'Allemagne , qui , dit-on ,
doit durer trois ans. Il eft accompagné du
Colonel Grenville & de quelques autres
Officiers.
La Maiſon du Prince de Galles , qui eft
actuellement dans la dix huitième année de
fon âge eft formée. Ce Prince parut le
jour de l'an à la Cour , pour la première
fois , accompagné de fa fuite particulière.
Il n'habitera cependant pas encore de palais
féparé , il continuera d'occuper des ap
partemens dans ceux du Roi,
FRANCE,
De VERSAILLES , le 16 Janvier.
Le Roi a nommé à l'Abbaye d'Obazine',
Ordre de Citeaux , Diocèfe de Limoges ,
l'Abbé de Béarn de Béon , Aumônier ordinaire
de Madame Adélaïde de France ; &
à celle de Chaumont - la - Piffion , Ordre
des Prémontrés , Diocèfe de Rheims , l'Abbé
de Saint-Fare , Sous-Diacre du Diocèfe
de Paris.
Le 7 , LL . MM , & la Famille Royale ont
figné le contrat de mariage du Marquis de
Maflac , Lieutenant des Vaiffeaux du Roi ,
avec demoiſelle de Bongars.
Le même jour , la Ducheffe de Narbonne
& la Marquife de Laval ont prê
té ferment entre les mains du Roi , la première
, en qualité de Dame d'honneur ;
& la feconde , en celle de Dame d'atours
de Madame Adélaïde de France. Le même
( 123 )
jour ; M. de Fontette fils , Confeiller au
Parlement , a prêté ferment entre les mains
de Monfieur , pour la place de Chancelier
de ce Prince , en furvivance de M. de Fontette
, Confeiller d'Etat. Il a eu enfuite
l'honneur d'être préfenté au Roi par Monfieur.
Le 14 de ce mois , la Comteffe de Bavière
Grosberg a eu l'honneur d'être pré-,
fentée au Roi , à la Reine & à la Famille
Royale , par la Ducheffe de Mailly.
De PARIS , le 16 Janvier.
M. le Comte d'Estaing elt arrivé à Paris
depuis quelques jours ; depuis ce tems il a
été plufieurs fois à Verfailles ; on préfume
qu'il y eft venu prendre des ordres pour la
campagne prochaine , & qu'il ne tardera pas à
retourner à Breft . Suivant des lettres de ce
port en date du 8 de ce mois , les vailleaux
Augufte , le St Efprit , le Northumberland
& le Sceptre devoient mettre à la voile le
lendemain 9 pour une croifière de quelques
jours. La frégate la Fine étoit rentrée , les
baffins garnis de reverbères , & on travailloit
fans relâche aux réparations des vaiffeaux
deftinés à fortir inceffamment ; ils ne tarderont
pas à être en état à tous égards.
» Enfin les 24 navires de ce port , écrit on de
Nantes , en date du 6 , qui étoient dans le convoi
de M. d'Estaing ont mouillé avant- hier au bas de
rotre rivière en bon état , & par un fort bean
tems. Les Officiers & les paffagers qui font arrivés
f 2
( 124 )
ici font les plus grands éloges de cet excellent Géné
ral , qui a eu pour tous les navires marchands des
attentions étonnantes . Il leur a fait donner des vivres
de fon efcadre autant que cela a été poffible ; il
a attendu ceux qui ne marchoient pas bien afin de
n'en pas perdre un feul ; enfin on eft enchanté de fes
foins. Le rer. de ce mois , l'efcadie étant à 50 lieues
de Belle- Ifle , on apperçut une flottille Angloife dans
le Sud- Ouest à 8 heures du matin ; & malgré la brume
la frégate la Cérès compta 20 & quelques voiles. M.
d'Estaing ordonna auffi tôt à M. de Guichen de courir
d'un bord , & à M. de la Morte Piquet de courir
de l'autre , tandis que lui - même pourfuivoit en
droite ligne ; on ignore s'il aura réuſſi à envelopper
la flottille . Il a laillé aux navires marchands pour les
escorter , les vaiffeaux & frégates au foin particulier
defquels il les avoit confiés en partant. Elle étoit
fans doute plus que fuffifante , puifque l'on n'y aveit
à craindre que des corfaires ( 1 ) c .
On mande de Marfeille qu'il va partir
inceffamment une flotte de cent voiles pour
les Echelles du Levant , & il en partira une
de 60 pour nos ifles auffi-tôt qu'on lui aura
accordé un convoi . Le commerce de cette
ville eft pour le moins auffi brillant qu'en
tems de paix. Le voifinage de l'Italie lui eft
d'une grande reffource pour fe procurer des
matelots ; elle fait à peu-près tout le commerce
du Levant ; celui des Anglois y eft
nul depuis la guerre.
(1 ) La flotille dont on parle devoit être celle qui étoit
fortie le 24 Décembre de Portsmouth pour les Ifies , fous
le convoi du Portland de so canons , la Ste-Monique de
36 , & la Licorne de 32 .
( 125 )
૩
Les nouvelles de l'expédition de Jerſey ne
fauroient être plus vagues . On fait que le s ' ,
4 heures du foir , le Baron de Rullecourt
avoit appareillé de Chouzay , & qu'il avoit
exécuté fon débarquement à la pointe de la
Roque à 2 heures du matin.
-
» Selon le rapport du cotter le Folchfton , l'un
de nos bâtimens d'obfervation , écrivoit on de
Saint Malo le 7 , le débarquement s'eft fait par furprife
, les fentinelles de la côte ont été égorgées ;
un village où M. de Rullecourt a trouvé de la réfiftance
a été brûlé , le Gouverneur de l'ifle furpris
dans une maison de campagne , les batteries
de la côte prifes à revers & le canon de fes batteries
conduit fur des hauteurs & employé à battrè
le Fort de Sainte-Elifabeth qui couvre le port Saint-
Helier , & on avoit apperçu quelques petits bâtimens
Anglois autour de l'Ifle «.
Une autre lettre du 9 , contredit tous ces détails
, à l'exception du débarquement qui s'eft fait
en effet avec 7 à 800 hommes ; le refte de la troupe
& l'artillerie n'ont pu fuivre & font revenus
Grandville le 7 , avec à-peu- près tous les bateaux
de l'expédition. On n'avoit point entendu tirer de
canon . On attendoit avec impatience des nouvelles
de M. de Rullecourt qui n'en avoit point encore
donné ".
D'après d'autres lettres du 11 , on afferoit que
les troupes de M. de Rullecourt restées en arrière ,
avoient paffé à Jerfey avec les munitions , que
le Commandant de Saint-Malo avoit eu ordre de
fe rendre à Granville , & les régimens de Royal-
Rouffillon & Royal- Corfe en garnifon , l'un à St -Servant
& l'autre à Dinant , avoient eu ordre de fe tenir
prêts à marcher. Mais cela eft d'autant plus douteux ,
que cette entrepriſe eft une affaire de particuliers dont
£ 3
( 126 )
le Gouvernement ne fe mêle point . La ptile de
Jerfey n'offre prefque aucun autre avantage que le pil
lage. Sa confervation n'eft pas poffible , parce qu'il
n'y a point de fortereffes où l'on puiffe placer des
dépôts de vivres , de munitions & d'artillerie. Le
voifinage de Grenefey met toujours les Anglois à
portée de revenir avec des forces fupérieures à
celles qu'on y mettroit. La poffeffion de cette der
nière Ifle affureroit feule la confervation de Jerfey;
mais fa conquête demanderoit 12,000 homines au
moins , un train d'artillerie confidérable , parce que
les fortereffes qui la défendent exigent la façon
d'un fiége en régle. On faura bientôt à quoi s'en
tenir fur les détails de cette expédition , & nous
pourrons les placer encore à la fin de ce Journal.
On lit dans une lettre de Nantes , du 9 de
ce mois , les détails fuivans :
---
» Le vaiffeau de Bordeaux , le Maréchal de Mou
chy , eft arrivé le 6 de ce mois du Cap , d'où il étoit
parti les Décembre. Il eft très- richement chargé
Il a été chaffé aux atterrages par un vaiffeau de 64 , &
ne lui a échappé qu'en fe jettant entre des rochers ,
où l'ennemi n'a pas ofé le fuivre. Voici les nouvelles
qu'en a donné un ami qui a paffé fur ce vailleau.
Le 13 Août , arrivé au Cap 2 polacres , parties
de Marſeille le 17 Juin . - Le 11 Septembre , arrivée
de l'Unicorne , frégate Angloife de 20 canons de gen
batterie,& 6 de 4 fur les gaillards , prife par l'Andromaque
; & du Chat , brick de 14 canons , pris
par l'efcadre de M. de Monteil. Le 29 Septembre ,
arrivée d'une goëlette Angloife de 16 canons , prife
par le cutter du Roi le Serpent. Du 28 Octobre,
arrivée du vaiffeau le Sabran , de Marfeille , Capitaine
Maurgues , qui a apporté la nouvelle de l'ou
ragan qui a eu lieu à la Martinique , & l'a fait chaffer
fur les ancres. On dit qu'à cette époque un vaiſſeag
--
-
( 127 )
Anglois a péri fur le Lamentin ; la frégate la Junon ',
fur la côte de Saint-Vincent , avec une prife de 24
canons qu'elle avoit faite , & 15 hommes ont été
perdus. Sept des bâtimens que l'ouragan avoit fair
dérader à la Martinique , font arrivés au Cap. On
a fçu que 4 autres ont péri corps & biens ; on a
fauvé les équipages de 2 autres ; & 4 ont été pris
par une frégate que le vent avoit déradé de Sainte-
Lucie , & conduits à la Jamaïque. L'Eole de Nantes
en eſt un ; il avoit 350 hommes du régiment de
Touraine , & 60,000 livres d'effets , appartenant à
ce régiment, Un autre des bâtimens déradés à la
Martinique , a péri fur la côte de Saint- Domingue ,
où l'on a fauvé l'équipage & la cargaison . Un eft
arrivé à Jacmel à Saint- Domingue , un aux Cayes
& un à Saint - Louis. Quatre autres , ayant à bord
8 à 900 hommes , ont relâché à Porto -Ricco , & ont
été conduits à la Martinique par M. d'Albert de Saint-
Hipolyte , commandant la divifion de 4 vaiffeaux de
ligne , que M. de Monteil a envoyé aux Ifles du Vent ;
& qui ont appareillé le 26 Octobre . Ces vaiffeaux
font la Victoire , de 74 canons , le Caton , le Réfléchi
& le Solitaire , de 64. Ceux qui restent à Sain
Domingue font le Palmier , l'Intrépide , le Deftin ,
de 74 ;l'Actionnaire , le Triton , de 64 ; les frégates
Attalante & l'Andromaque , de 3231 les corvettes
Unicorne , la Nayade , de 26 ; les corvettes le
Serpent , de 18 ; la Levrette de 16 , & le Chat
de 14 c.
Certains remèdes , même les plus fpécifiques
, font fouvent abandonnés , parce
que les malades , & notamment les enfins
, les trouvent répugnans au goûr
& ne peuvent en fupporter la fimple infufion.
La Coralline de Corfe , excellent
f 4
( 128 )
vermifuge , eft dans ce cas. M. Réal , Apothicaire
à Chaumont en Baffigny , s'eft occupé
avec fuccès à rendre plus facile
& plus commode l'ufage de ce médicament;
il en compofe une gelée & un fyrop
qui n'offrent plus rien de défagréable ; &
fous cette nouvelle forme , il conferve
toute fa vertu , comme on l'a heureuſement
éprouvé dans fa pratique , M. de la
Riviere , Docteur en Médecine à Chaumont,
cet habile Chymifte , a publié lui- même la
manière de tirer cette gelée de la Coralline
, dans la Gazette de Santé ( 1 '. L'importance
& l'utilité de ce procédé nous déterminent
à le tranſcrire .
Faites bouillir pendant une demi - heure une
once de coralline de Corfe dans une livre d'eau ;
paffez avec expreffion ; ajoutez à la colature une
once de fucre , clarifiez le tout felon l'art , avec
douze grains de colle de poiffon. Faites rapprocher
la liqueur fur un feu doux , jufqu'à pellicule. Il
faut alors la couler dans un vafe où elle doit refroidir.
On peut l'aromatifer fi on le juge à propos «<,
On lit dans une lettre de Touloufe les
détails fuivans d'un fait bien horrible &
bien atroce.
לכ
Il vient de fe paffer dans notre voifinage un
évènement qui fait friffonner , & qu'on a de la peine
(1 ) On foufcrit , pour cette Gazette intéreffante , chez
Méquignon , Libraire , rue des Cordeliers. Le prix de
l'Abonnement pour l'année eft de 9 liv. 12 f. , port franc
par tout le Royaume.
( 129 )
croire , quelque évidentes qu'en foient les preuves.
Un Maire de la ville de Mauvaiſin , avoit épousé
une jeune demoiſelle , jolie comme un ange ; elle
n'avoit pas de fortune ; il y a peu de jours que cette
créature , aidée de fa domeftique , a aſſaſſiné ſon
mari. On l'a trouvé percé de fo coups de couteau .
Les premiers coups lui avoient été portés pendant
qu'il dormoit. Il paroît qu'il lui étoit refté affez de
forces à fon réveil pour le débattre. Après avoir
confommé cet horrible affaffinat , la veuve avoit
fait enfévelir le cadavre , & pris heure pour l'enterrement
; elle avoit même déja adrellé aux parens
fes billets d'ufage : mais malheureufement pour elle
un frère du défunt fit oppofition à l'enterrement , &
requit une defcente du Juge. Cette formalité a été
remplie ; elle a dévoilé le crime , & on travaille à
préfent à inftruire cette procédure «< .
Nos yeux fe détournent avec horreur
du fpectacle que leur offre ce crime . Nous
placerons ici une lettre de Tours , qui of♫
fre un tableau plus fatisfaifant.
Votre Journal , Monfieur , me paroît deftiné à
répandre tout ce qui peut contribuer à l'encouragement
des Arts & des Sciences . Le patriotifme de
ceux qui les cultivent & les bienfaits du Gouvernement
qui les cherchent pour les récompenfer
font plus faits que toute autre choſe pour produire
ce bon effet , & je me flatte que ce titre fuffira
pour mériter à ma lettre la place que je lui demande
dans votre Journal . Un Maître de Deffin de cette
Ville ( M. Rougeot ) , enthouſiaſte de fon Art , &
convaincu du befoin que tous les autres , & fur-tour
les plus utiles , tels que la Menuiferie , l'Orfèvrerie ,
la Serrurerie , &c . ont de lui , ouvrit , il y a trois
ans , fon Ecole à tous les jeunes gens que leur forf
s
--
( 130 )
1
tune pouvoit éloigner de ce fecours néceffaire. I
ne tiroit d'ailleurs des fruits de fon travail jour
nalier que de quoi fournir aux dé; enfes de falle ,
de lumiere , & c. qu'entraînoit cette généreufe en
treprife , & fon unique ambition étoit d'acquérir ,
ou plutôt de juftifier l'eftime de fes Concitoyens
dent il jouiffcit déjà . Il n'appartenoit qu'au Gou
vernement d'acquitter la dette de la reconnoiffance
publique , & il l'a fait . L'Ecole gratuite de Def
fin vient d'être érigée en Académie Royale , avec
soo livres d'appointemens , & deux années payées
d'avance. Cet exemple de juftice annonce des dif
pofitions bien propres à foutenir les espérances de
quiconque voudroit faire en faveur de l'émulation
indigente des avances de générofité. Sans doute que
les récompenfes d'une Adminiftration bienfaisante
& éclairée viendront bientôt l'avertir qu'il ufurpe
fes droits , & que c'eft à elle qu'eft réservé l'honorable
privilége de donner aux Arts une protec
tion gratuite.
Nous avons annoncé le cours de commerce
qui fe fait aux Confuls , & quel
en eft l'objet. M. Benoit , homme très- eftimé
dans fa profeffion , qui s'eft chargé de
ce cours , a prononcé le 4 Novembre , dans
la Salle d'Audience du Confulat , un dif
cours très-intéreffant , dont nous citerons
ce morceau .
» Nous vous parlions , MM. , il n'y a qu'un
inftant , des Monarques , nos fuprêmes bienfaiteurs ,
& à qui devons- nous plus d'hommages & de recon .
poiffance , qu'au Souverain affis aujourd'hui fur le
Trône. Voilà le rigide défenfeur des Loix , leur
Arge tutélaire. Oui , MM. , fes premiers foins , en
prenant le Sceptre dans fes mains , ont été pour la
confervation & les progrès du Commerce. Il s'eft
131
)
armé da glaive ; ce n'eft point pour le couvrir d'une
gloire ftérile, pour ravager, pour conquérir de vaftes
domaines , c'eft pour défendre & foutenir les droits
du Commerce , & en affurer la liberté à la France &
à l'Europe entière ; non content de nous protéger ,
il nous crée des appuis dans de dignes Miniitres
qu'il infpire ; c'eft fous fes glorieux aufpices qu'ils
font chargés d'examiner fes Ordonnances, fur le
Commerce & de dreffer un nouveau corps de Loix
& de Règlemens. Puiffe ma foible voix le mêler
aux acclamations publiques pour bénir un règre'
qui annonce tant de fplendeur au Commerce s'je ne
vous en ai donné , MM. qu'une image imparfaite « ,
L'Académie Royale des Sciences ayant
entendu le rapport de MM. de la claffe de
Chymie , fur une queftion relative aux effais
d'or , en a ordonné l'impreffion , parce
qu'il étoit important d'éclairer le public fur
cet objet , & de raffurer promptement le
commerce ; nous en extrairons ici le motif
& le réfultat.
Plufieurs Chymiftes modernes & d'une réputation
méritée , ont avancé que l'acide nitreux , quoique
très-pur , pouvoit diffoudre une certaine quantité
dor ; cet effet a paru devoir influer fur la fureté de
l'opération importante du départ. L'Adminiftration
a envoyé fur cette opération plufieurs queftions à
l'Académie , & lui a demandé la réponſe. La claffe
de Chymie a été chargée de s'occuper de cet objet ,
& de faire toutes les opérations convenables pour
la mettre en état de répondre d'une manière préciſe.
Le départ confifte à léparer , avec toute l'exactitude
dont la Phyfique eft fufceptible , l'or & l'argent
alliés enfemble ; il eft fondé fur la propriété qu'a
l'acide nitreux de diffoudre parfaitement l'argent
& de ne point diffondre l'or . Pour déterminer
f6
( 132 )
fi la découverte publiée par plufieurs Chymiftes
modernes , pouvoit influer fur la pratique cfitée
dans le départ d'effai , & répandre de l'incertitude
fur le réſultat , on a fait cette opération en fe fervant
d'acide nitreux très -pur , à l'action duquel on
a foumis un alliage d'or & d'argent fait dans les
proportions convenables. Après chaque opération ,
on a retrouvé très -jufte la quantité d'or employée.
Le résultat a été le même dans les opérations de
départ ; on s'eft fervi d'acide nitreux plus concentré
que pour les opérations ordinaires , & on
n'a pas eu la moindre diminution fur le poids de
l'or qui étoit connu . ➖➖ Nous ne prétendons pas
conclure de ces faits que , dans aucun cas , l'acide
nitreux , même le plus pur , ne puiffe faire éprou
ver alors quelque très- foible déchet. Lorsque nous
rendrons compte de nos expériences , nous en rapporterons
plufieurs , dont il réfulte que l'acide nitreux
le plus pur fe charge de quelques particules
d'or. Mais nous pouvons affurer dès- à- préfent que
les circonstances néceffaires à la production de.
cet effet , font abfolument étrangères au départ
d'effai ; que dans ce dernier , lorsqu'on le pratique
fuivant les règles & l'ufage reçu , il ne peut jamais.
y avoir le moindre décher fur l'or ; qu'enfin cette
opération doit être regardée comme portée à fa
perfection ; qu'il n'y a rien à craindre en la faifant
comme on l'a toujours faite jufqu'à préfent , &
qu'au contraire il pourroit y avoir de très grands
inconvéniens , fi on vouloit y faire la moindre innovation
".
Anne-Gabrielle le Veneur de Tillieres ,
veuve d'Alexis- Magdelame de Châtillon ,
Duc de Châtillon , Pair de France , Grand-
Bailli d'Haguenau , Chevalier des Ordres
du Roi , Lieutenant- Général de fes armées ,
( 133 )
Gouverneur de la perfonne de feu Monfei
gneur le Dauphin , eft morte ici le 3 de ce
mois , âgée de 81 ans .
1
Le fieur Sara s'étant appliqué depuis longtems
à donner à fon Rouge végétal toute la perfection
dont il étoit fufceptible , eft enfin parvenu
à le rendre de la plus grande beauté , & d'une
qualité fupérieure à tout ce qu'on a fait juſqu'à préfent.
Loin de caufer aucune altération dans les traits
les plus délicats , fon ufage offre l'avantage rare
& précieux de conferver la fraîcheur de la peau ,
d'y entretenir le premier velouté de la jeuneffe , &
de le rétablir quand on l'a perdu. Pour la commodité
du Public , le fieur Sara a établi deux dépôts
de ce Rouge végétal , l'un au Magafin de Porcelaine
, au coin de la rue de l'Echelle & de celle.
du petit Carroufel , vis - à- vis la porre qui conduit
chez Mademoiſelle aux Tuileries ; & l'autre
Gayant , Marchande Parfumeufe , rue Saint-Martin ,
vis-à vis la rue Oignard.
>
De BRUXELLES
, le 16 Janvier...
LE Comte de Welderen , Ambaffadeur
des Etats- Généraux à la Cour de Londres
d'ou
débarqua le 6 de ce mois à Oftende ,
il repartit peu de tems après pour ſe rendre
à la Haye , où il doit être actuellement
Le Prince d'Ofnabrug arriva dans le même.
port un quart-d'heure après l'Ambaffadeur
Hollandois.
Selon les lettres de la Haye , le Duc de
la Vauguyon , Ambaffadeur de France , y
arriva le 7 de ce mois au matin , & eut le
même jour une conférence avec le Baron'
de Palland , Seigneur de Gleinthuis , qui pré(
134 )
fidoit cette femaine l'affemblée des Etats Gé
néraux de la part de la Province d'Overyffel.
,
La République s'occupe à prendre les
micfures nécellaires pour le mettre en état
de défenfe ; la Province de Gueldres , fur
la propofition du Stadhouder , a déja donné
fon confentement pour augmenter les for
ces de terre de la République à so ou à
60000 hommes , & au-delà s'il en eft be
foin ; ce ne font pas peut-être tant les for
ces de terre qu'il eft inftant d'augmenter ,
que les forces navales . Jufqu'à préfent , du
moins , la République n'a pas à craindre
d'être attaquée en Europe ; c'eft fur mer ,
c'est dans fes établiſſemens lointains qu'elle
a befoin de fe mettre en état de réfifter à
fes nouveaux ennemis. Selon une lifte des
forces maritimes qu'elle doit avoir cette
année , elles monteront à 94 bâtimens de
guerre de toute grandeur ; favoir , 2 vaif
feaux de 70 canons , 9 de 60 , 15 de so ,
2 de 44 , I de 40 , 14 de 36 , 13 de 20 ,
5 chaloupes , un vaiffeau hopital , 4 pataches
, 12 gros bâtimens armés , & 16 plus
petits. Le nombre d'hommes qui doivent en
former les équipages , eft de 18490 .
Les Etats-Généraux ont donné des ordres
pour empêcher tous les vaiffeaux de guerre
Anglois , & les Armateurs , d'entrer dans
les eaux de la République , & pour agit
contre eux fur mer. Le placard relatif à ces
•
( 135 )
ordres , fera publié inceffamment , quoll
que les Députés de la Province de Zélande
aient jugé qu'il n'étoit pas encore nécef
faire.
pas
---
» Nous attendons , écrit - on de la Haye , la réponte
de LL. HH. PP . au manifefte de la Cour de
Londres ; elle ne peut tarder ; on dit qu'elle est faite ,
& qu'elle confifte en 16 articles , qui détruilent plei
nement les fophifmes de l'Angleterre , ce qui n'eft
allurément difficile . La conduite de cette Puiffance
eft connue de toute l'Europe , & fes procédés
dont on a été généralement révolté , ont répondu
d'avance ; fi l'on eft étonné d'une chofe , c'est de la
patience de la République à les fupporter , & de
ce qu'elle ne s'eft pas mife en état de déclarer la
guerre la première. Elle n'a point encore expédié
de lettres de repréfailles ; la nation attend avec
impatience le moment de courir à fon tour contre
l'ennemi qui la provoque. On a ouvert déja à Leyde ,
à Rotterdam & à Amfterdam , des foufcriptions
pour armer des bâtimens en courfe ; ils ne tar.
deront pas à être prêts auſſi- tôt qu'ils feront auto
rifés. On est étonné qu'ils ne le foient pas encore.
Cette lenteur annonce qu'on conferve un refte d'efpoir
d'un accommodement. Mais en attendant cet
accommodement , les Anglois défolent notre commerce
; & ceux qui perdent ne feroient pas fâchés
de prendre leur revanche. Quelques perfonnes pen
fent que les Etats Généraux attendent des réponſes
de la Cour de Ruffie , avant de fe déclarer ; ils ont
fait part à cette Puillance de ce qui fe paffe , & its
fe flattent , fans doute , encore de la protection de
la neutralité armée à laquelle ils ont accédé avant la
déclaration de guerre. Ce parti pris par les Puiffances
neutres pourroit changer , en effet , la face des
affaires , & l'Angleterre auroit à fe repentir d'une
démarche faite avec bien de la précipitation & de
( 136 )
la légéreté . Mais il ne faut pas prévoir les évène
mens ; & le tems ne peut tarder à nous apprendre f
les espérances de la Hollande font fondées , &
jufqu'où elles peuvent l'être. En attendant elles ne
laiffent pas de féduite bien des efprits . On débite
affez généralement ici , & quelques-uns de nos papiers
l'annoncent même déja , qu'un courier Rule , arrivé
ici le 29 du mois dernier , après avoir inutilement
tenté de paffer à Londres fur une barque de Scheveningue,
eft parti le 3 d'Hellevoetfluis . Il va porter ,
dit - on , des ordres très précis à fon Miniftre' , den
faire les repréfentations les plus graves fur la ma
nière dont on en ufe avec la République , & de
déclarer qu'en conféquence du Traité qui venoit
d'être conclu , la Ruffie devoit fes fecours aux
Hollandois , qu'elle leur enverroit des vaiffeaux dès
que les glaces leur permettroient de fortir des ports
du Nord , & qu'en attendant , elle rappelleroit ceux,
qu'elle a dans la Méditerranée «.
On a appris, avec reconnoiffance , en Hol
lande, que la France auffi-tôt qu'elle a été inf
truite de la déclaration de guerre de la Cour
de Londres , a envoyé dans tous fes ports
des couriers pour avertir les patrons Hollandois
qui s'y trouvoient , & qu'elle a fait
paffer à tous les Confuls l'ordre de donner.
le même avis à tous les bâtimens Hollandois.
On affure que dans la crainte que les bâtimens
que l'on pourroit expédier de la Hol
lande pour porter aux deux Indes la nouvelle
de la rupture des deux Puiffances , ne foient
interceptés dans le canal , on a eu la précaution
d'envoyer en diligence divers Exprès qui
doivent partir de plufieurs ports de France
afin que l'on foit inftruit le plutôt pollible
( 137 )
de cet évènement dans toutes les poffeffions
éloignées de la République.
On a dit dans plufieurs Papiers Hollandois
, & nous l'avons répété , que lorfque
M. Fagel , Greffier , porta au Chevalier
Yorke la réfolution des Etats - Généraux , de
renvoyer la fatisfaction demandée & la punition
des coupables à la Cour provinciale de
juftice , cet Ambaffadeur refufa de la recevoir.
On dit à préfent qu'il en prit la communication
& y fit fur-le-champ la réponſe fuivante.
la
la
En vous remerciant , Monfieur , de la communication
que vous avez bien voulu me faire de
part des Etats - Généraux , je me trouve obligé
de vous obferver : que s'agiffant d'un attentat commis
par les Régens d'une des principales villes de
l'Etat , contre la dignité du Roi & les droits de fa
couronne ; d'un attentat auffi contraire aux engagemens
de la République envers la Grande-Bretagne ,
qu'à la conftitution même des Provinces-Unies ; d'un
attentat enfin avoué publiquement par les coupa
bles , & fontenu d'une manière inattendue par
Régence de leur ville , malgré le défaveu des Etats-
Généraux , & les raifons notoires qui rendent leur
conduite injuftifiable à tous égards , cette affaire
eft d'une nature trop délicate pour ne pas exiger
une fatisfaction prompte & proportionnée à l'offenfe
, loin de pouvoir admettre des procédures
juridiques , élufoires : c'eft pourquoi je croirois
manquer effentiellement à mon devoir , d'après les
ordres précis que j'ai d'infifter fortement fur la
fatisfaction immédiate , reclamée dans le Mémoire
que j'ai eu l'honneur de préfenter le 10 Novembre ,
fi j'ofois prendre fur moi d'envoyer à S. M. une
réponse dilatoire , & nullement fatisfaisante ; d'au
( 138 )
tant plus que L. H. P. ont un Miniftre à Londres
à portée , fi elles le trouvent à propos , d'annoncer
à ma Cour leurs difpofitions à cet égard.cCC
Ce fut d'après cette réponſe que la réfolution
fut expédiée au Comte de Welderen ;
elle ne partit que le 23 au matin ; elle avoit
été priſe la veille , & dès le 21 les Anglois
avoient publié leur déclaration de guerre
PRÉCIS DES GAZETTES ANG. , du 9 Janvier.
-
-
La Gazette de la Cour a donné le 6 l'Extrait d'une
Lettre du Général Haldimand au Lord Germaine ,
datée de Québec le 25 Octobre , avec un P. S. du 2
Novembre. Il y rend compte du fuccès d'une
expédition dans laquelle le Major Carleton a pris
les 10 & 11 Octobre les petits forts Anne & Geor
ge , avec les Américains qui en formoient la garni ,
fon , quoiqu'il ne s'y foit point établi , & qu'il foit
revenu au fort de la Chevaliere. - Il rend compte
dans le P. S. de l'excurfion faite par le Chevalier
Johnſon jufque fur la riviere de Mohauk . Il dit ,
que quoique les Américains en euffent été avertis
par deux Sauvages Onéidas , le Chevalier Johnfon
a cependant rempli fon objet , mais avec plus de
difficulté , ayant trouvé une grande réſiſtance . Il a
dévané une grande étendue de pays , & entr'autres
les établissemens de Schoari & Stone Arabia. Il a
cu plufieurs rencontres avec l'ennemi les 17 , 18 ,
19 , 20 & 23 Octobre , & a toujours remporté
l'avantage . Dans un de ces combats près de Stone
Arabia , le Colonel Brown , Américain , a été tué
avec une centaine d'Officiers & d'hommes. Suivant
l'état qu'il donne , les Américains ont eu 106 tués ;
dont un Colonel & un Lieutenant , & 68 prifonniers
dont deux Capitaines. Aux forts Anne & Geor,
ge , les Américains ont eu 27 tués , dont un Capi
taine & deux Lieutenans , deux bleffés , & il leur
été pris deux Capitaines , deux Lieutenans , & 114
( 139 )
-
Soldats . La perte des Anglois devant ces forts a été
de 3 tués , 6 bleffés & manquans. Celle du Chevalier
Jonhfon , fur la riviere Mohawk , eft de s
tués , bleffés , 61 manquans , dont 3 Capitaines .
Cette derniere affaire fur la Mohawk eſt auſſi
rapportée dans la Gazette Américaine , d'après une
Lettre d'un Officier écrite de Caqwawaga le 24 du
même mois. Il y eft dit que le 23 , le Général
van Renfellew , avec la milice & les levées du Colonel
Dulew , attaqua le Chevalier Johnſon , dans le
Comté de Tryon ; qu'après un rude combat de troisquarts
d'heure les Anglois prirent la fuite , & gagnèrent
l'autre bord de la rivière abandonnant leur
butin , leur bagage & leurs prifonniers . Si le jour
tûc duré une heure de plus , tout ce corps Anglois
auroit été pris. L'action a été générale & vigou
reufe , Le Colonel Brown a été tué le matin dans
une efcarmouche. Les Anglois ont dévasté tout le
pays , & le 10 Octobre , le diftria de Schoary.
Les habitans ont gagné les forts où ils font en
fûreté. Le Gouverneur du Connecticut le trouvoit le
Cagwawaga : : il faifoit une marche forcée
pour fe joindre au Général van Renfellew , & pour
fuivre l'ennemi , qui ne pouvoit gueres échapper aux
Américains.
23 à
Les , un Etranger a été arrêté à Londres ,
examiné par le Lord Hillsborough & envoyé à la
Tour. Il eft accufé , dit on , d'avoir entretenu une
correfpondance avec les ennemis ; mais il pourra
être difficile de prouver qu'il ait eu d'autres infor
mations , que celles qu'il a pû tirer des papiers
Anglois , qui lûs avec intelligence & affiduité , fe
trouvent contenir le fecret de chaque partie de l'Ad
miniſtration , fans qu'il foit poffible à l'Etat d'y
remédier. Dans la guerre dernière , un Prêtre Ir-
Jandois , nommé Hanley , fur pareillement arrêté ;
& même fon procès lui fut fait; mais le Ministère
( 140 )
convaincu qu'il n'avoit puifé que dans les Gazettes
le fond de fa correfpondance , ne put point le traiter
comme efpion , & fe contenta de lui ordonner le
banniffement ".
ود Une Gazette extraordinaire publiée le à
fept heures du foir , contient les détails fuivans,
-
Aujourd'hui eft arrivé le fieur Waugh , Lieutenant
d'Invalide , au Bureau du Lord Hilsborough ,
de la part du fieur Irving , Lieutenant au Gouver
nement de Gernefey , qui envoie une lettre que
lui a écrite le fieur Corbett , Lieutenant au Gou
vernement de Jerfey , de laquelle ce qui fuir eft
un extrait. Vous faurez que les François font
arrivés ce matin , vers les deux heures , & qu'ils
ont pris terre entre deux poftes fi éloignés , qu'ils
n'ont point été apperçus des gardes. Ils font venus
à travers champs , & à fix heures du matin ils
étoient dans la Place du Marché . ( de Saint - Hilier ).
Sur les fept heures ils m'ont fait prifonnier ; mais
j'ai été heureufement remis en liberté par la bravoure
& l'intrépidité des troupes & de la milice , & alorsle
Commandant m'a informé qu'ils fe rendoient
prifonniers de guerre. Ils ont été tous pris , tués
ou bleffés. Le pauvre Major Pierfon a été malheu .
reufement tué vers la fin de l'affaire , après s'être
fignalé à la tête d'une troupe de braves gens qui le
fuivoient c
P. S Nous avons environ 5oo François prifonniers
il y en a eu quelques centaines tués , &
autour de cent bleffés . Le reste a jetté les armes
& s'eft fauvé dans le pays ; mais je compte les avoir
tous demain. Notre perte peut fe monter à so tués &
être la moitié de ce nombre bleffés . Mon ami
Mulcafter s'eft comporté comme à fon ordinaire.
Je n'ai point eu de bleffure ; mais mon chapeau a
été percé de deux balles . J'enverrai les détails demain
matin en Angleterre faites paffer ceci fi vous
pouvez
::
( 141 )
Suivant divers détails qui circulent , en attendant
celui qu'a promis le fieur Irving , les François
avoient voulu fe retrancher dans la Ville de St-
Hilier , au centre du Marché , ce qui étoit la plus
défavantageufe pofition qu'ils puffent prendre . Sur les
deux heures après - midi , les Anglois attaquèrent
une de leurs redoutes où il y avoit quatre canons
9 , & qui fut bien-tôt prife. Les François qui
la défendoient y perdirent 150 hommes , quoique
l'attaque n'en ait coûté que quatre aux Anglois. Les
troupes Angloifes , & 5ooo des plus excellentes
milices , s'étoient formées far les hauteurs , &
alloient fondre fur les François , lorfqu'ils fe font
rendus prifonniers de guerre «<,
Suite du Traité de Commerce entre la Hollande &
les Etats- Unis de l'Amérique Septentrionale.
27°. Il ne fera permis à aucuns corfaires étran
gers qui n'appartiendroient point aux Sujets de L.
H. P. , ni aux citoyens des fufmentionnés Etats-
Unis d'Amérique , lefquels pourroient être munis
de commiffions de la part d'un autre Prince ou
Etat ennemi de l'une ou de l'autre des parties contractantes
, d'équiper leurs navires dans les ports
de l'une ou de l'autre des parties en queftion , ou
d'y vendre les captures qu'ils pourroient avoir
faites , ou de quelqu'autre manière quelconque
d'y troquer leurs navires , marchandifes ou autres
effets chargés ; en outre il ne leur fera pas permis
de s'y procurer des provifions de bouche ,
excepté celles abfolument néceffaires pour pouvoir
aborder au port le moins éloigné du Prince ou
de l'Etat , dont ils auront obtenu une commiſſion .
28°. Il fera libre & permis à tous les fujets de
L. H. P. & aux citoyens , au peuple & aux habitans
des fufdits Etats-Unis d'Amérique , de naviguer avec
leurs bâtimens en toute liberté & sûreté ( fans aucune
diftinétion du Propriétaire des marchandifes chargées
) de tous ports quelconques , vers les places
( 142 )
mais
appartenantes à ceux qui font actuellement ennemis
des fept Provinces - Unies de Hollande ou des Etats-
Unis d'Amérique , ou qui pourroient le devenir par
la fuite. Il fera encore permis aux fufdits citoyens &
habitans , de naviguer avec la même liberté & fécurité
avec les fufdits bâtimens & marchandifes , & de
négocier en venant des places , ports & villes appar
tenant aux ennemis de l'une ou l'autre partie , fans
aucune oppofition ni empêchement , non feulement
en allant directement d'une telle place neutre ,
auffi d'une même nature , foit qu'elles fe trouvent
fous la jurifdiction d'une feule Puiffance , ou celle
de plufieurs. Par la préfente il eft encore ftipulé que
les vaiffeaux libres affranchiffent auffi les marchandifes
, & que tout ce qui fe trouvera à bord des navires
appartenans aux fujets des confédérés refpec
tifs , fera regardé comme libre , quoique la charge
entière , ou une partie d'icelle , appartînt aux ennemis
mutuels : les effets de contrebande feuls exceptés. On
eft auffi convenu de la même manière , que pareille
liberté doit aufli être étendue aux perfonnes trouvées
à bord d'un navire franc , lefquelles , quoiqu'enne
mies de l'une ou des deux parties , ne pourront être
enlevées d'un pareil navire franc , à moins que les
fufdites perfonnes ne foient militaires pour lors au
fervice de l'ennemi.
à
29° . Cette liberté de commerce & de naviga
tion s'étendra fur toutes fortes de marchandifes ,
l'exception de celles qui font connues fous la déno
mination de contrebande ou effets prohibés ; & fous
cette qualification d'effets de contrebannde , doi
vent être compris , armes , groffe artillerie , bombes
avec leurs fulées , & autres chofes y apparte
tenantes , boules à feu , poudre à canon , mèches ,
canons , boulets , piques , épées & glaives , lances ,
hallebardes , mortiers , retards , grenades , falpetre
, moufquets , balles à fufil , cafques , cuiraffes ,
( 143 )
cottes de maille & autres objets de cette nature
fervant à l'armement militaire , crocs à moufquer ,
gibernes , chevaux avec leurs harnois , enfin tout
autre attirail militaire quelconque. Quant aux marchandifes
fuivantes , elles ne doivent pas être comprifes
au nombre des effets de contrebande ou prohibés
: favoir , toutes fortes d'habillemens , ainfi
que tous autres objets , manufactures de laine , chanvre
, lin , foie , coton , ou autres matieres ; toures
fortes d'effets portatifs , avec les marieres que l'on
emploie ordinairement à les fabriquer ; or & argent
monnoyé ou non- monnoyé , étain , fer , plomb ,
cuivre , métal , de même que froment & orge , toutes
fortes de grains & légumes , tabac , toutes fortes
d'épiceries , viande falée & fumée , poiffon falé ,
fromage , beurre , biere , huile , vins , cidre , fucres
, firops & toute forte de fel , & en général
toutes les provifions fervant à la nourriture de
T'homme & au foutien de la vie ; en outre , toutes
fortes de coton , chanvre , lin , gandron , poix , térébenthine
, cordages , cables , voiles , de la toile à
en faire , ancres & parties d'icelles , ainfi que des
mâts , planches , bords , poutres de toutes fortes
d'arbres ; toutes autres chofes fervant , foit à la
conftruction ou à la réparation des vailleaux , &
tous les autres effets quelconques , qui ne font pas
travaillés en forme de quelque outil ou inftrument ,
propre à la guerre fur terre ou fur mer , ne feront
pas regardés comme étant de contrebande , encore
moins ceux qui font déja faits & employés à d'autres
ufages , attendu que tous ces objete doivent
être rangés parmi les marchandifes innocentes ,
ainfi que tous autres effets , qui ne font pas com ,
pris ou défignés parmi la précédente énumération
des marchandifes de contrebande ; de maniere qu'ils
pourront être tranſportés en toute liberté , par les
( 144 )
Sujets & Habitans des Confédérés refpectifs , me
me aux Places appartenantes à l'ennemi , à la feule
exception des Villes ou des Places , qui , lors du
transport defdits effets vers elles , fe trouveroient
affiégées , bloquées ou enveloppées.
J
30 °. Afin de prévenir toute efpèce de diffenfion
& de difficulté , au cas que l'une des Parties pût
être en guerre avec une autre Puiffance , les navi
res & bâtimens , appartenans aux fujets ou habi
tans des autres Alliés , feront munis de lettres de
mer ou paffe-ports , exprimant le nom , la pro
priété & la capacité du vaiffeau , de même que le
Hom , la place ou réfidence du Patron ou commandeur
de ce navire , pour qu'il en puiffe apparoit
que le bâtiment appartienne réellement aux fujets
& habitans de l'une des Parties ; lequel paffe port
fera dreffé & délivré conformément au modèle annexé
à la fuite de ce traité. Ces paffe - ports devront
auffi être renouvellés chaque année , c'eft- à- dire , fi
le bâtiment rentre dans cet efpace de tems. On eft
encore convenu , que de pareils navires étant char
gés , doivent non-feulement être pourvus des palle
ports fufinentionnés , mais encore de certificats
contenant les différentes parties de la cargaifon ,
le lieu d'où le navire a mis à la voile , & celui
de fa deftination ; afin qu'il en confte , fi quelques
effets prohibés ou de contrebande s'y trouvent
chargés ; lefquels certificats feront dreffés , dans la
forme accoutumée , pardevant les Officiers de la
place d'où le navire ou bâtiment partira , & fi
quelqu'un juge à propos ou convenable de ſpécifier
dans les certificats fus - mentionnés , les perfonnes
auxquelles appartiennent ces effets , il pourra le
faire librement.
La fuite à l'ordinaire prochain,
i
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
RUSSI E.
De PETERSBOURG , le 12 Décembre:
UN Courier , dépêché par le Miniſtre de
ap- cette Cour à celle de Vienne , nous
porté la nouvelle de la mort de l'Impératrice
douairière , Reine de Bohême & de
Hongrie. La douleur publique que cet
évènement a caufée , prouve combien les
vertus de cette grande Princeffe la faifoient
aimer & refpecter , des Nations même qui
ne la connoiffoient que par la voix de la
renommée. L'Impératrice en a été vivement
touchée ; & fur-le-champ , fans attendre la
notification formelle de ce décès par le
Miniftre de l'Empereur , elle a ordonné
que la Cour prendroit un deuil de 6 femaines.
Le divertiffement d'une maſcatade
qui devoit avoir lieu hier à la Cour a été
contremandé.
27 Janvier 1781.
( 146 )
POLOGNE.
le 25 Décembre. De VARSOVIE , le 25
"
ON fe rappelle l'affaire du Baron Julius
& la manière dont elle a été terminée ici :
il paroît qu'elle va avoir des fuites fâcheufes.
Le Baron de Thugut , Miniftre de la
Cour de Vienne , avoit déclaré verbalement
au Général Comte Mokronoski & au Comte
Chreptowickz , Vice- Chancelier de Lithuanie
, que S. M. I. exigeoit une fatisfaction au
fujet du jugement rendu contre le Baron
Julius , & que fi elle étoit refufée ou différée
, les terres de Zalafcik , qui appartiennent
au roi , & celles de plufieurs Magnats ,
fituées dans le même diftrict , feroient confifquées
. On s'étoit toujours flatté que ces
menaces refteroient fans effet , & que l'on
trouveroit les moyens de terminer cette
affaire à l'amiable , fans réformer le jugement
contre lequel réclame la Cour de
Vienne. Un Exprès , arrivé le 24 de ce
mois , nous a appris que la terre royale ,
été en effet confifquée ainfi que quelques au
tres , & enparticulier celle du Prince Lubomirski
, Caftellan de Cracovie. Ce dernier eft
un de ceux qui avoient figné le décret rendu
contre le Baron Julius . On efpère cependant
que ces confifcations pourront être
bientôt levées ; mais en attendant qu'elles le
foient , les perfonnes qui ont des biens dans
( 147 )
le cordon Autrichien ne font pas fans inquiétudes.
L'Empereur a nommé Gouverneur Général
des Royaumes de Gallicie & de Lodomerie
le Comte Zamoïski. Ce Seigneur eft
celui qui avoit rédigé le nouveau Code de
Loix que la dernière Diète a refufé d'approuver.
On apprend que les troupes Rufles ont
déja évacué Cracovie , Pofen & Thorn , &
qu'elles fe difpofent à quitter également la
Lithuanie.
. Un détachement Pruffien eft en chemin
pour l'Ukraine , où il a ordre d'acheter des
chevaux de remonte.
ALLEMAGNE.
'De VIENNE , le 6 Janvier.
ON affure que l'intention de l'Empereur
eft de nommer quatre Miniftres d'Etat qui
préfideront chacun un département , & lui
feront rapport des affaires qui en dépendent.
Le Public nomme déja le Prince de
Kaunitz , aux affaires intérieures & étrangères
; le Comte de Lafcy , à la guerre ; le
Comte de Hatzfeld , aux finances , & le
Comte de Sinzendorff , à la Juſtice.
L'Empereur travaille fans relâche dans
fon cabinet. Son deffein eft , dit-on , de demander
aux Etats d'Autriche leur avis concernant
le redreffement de plufieurs griefs .
Il a confirmé de fon propre mouvement les
8 2
( 148 )
priviléges du Royaume de Bohême. Il com
mence à affifter le foir aux affemblées qu'il
honoroit de fa préfence avant la mort de
fon augufte mere ; mais il n'a pas encore
paru à la grande qui fe tient chez le Prince
de Kaunitz.
" Le 7 du mois dernier , écrit-on de Conftantinople
, une décharge d'artillerie annonça le Bairam.
Tant qu'il dure , les Mahometans ne tuent
que des moutons blancs , dont la viande fe diftribue
aux pauvres . Cette fête est encore remarquable
par l'hofpitalité qu'on voit exercer par
tout. L'ufage des gens riches eft d'inviter beaucoup
de perfonnes , de les traiter fomptueu
fement , ainfi que leurs domeftiques , & de ne
les renvoyer qu'avec des préfens en argent &
en habillemens. Cette fête ne dure que trois
jours ; mais pendant ce tems on tue près d'un mil
lion de moutons blancs , & on n'eft pas étonné
qu'il en coûte quelquefois à 8000 piaftres aux
particuliers riches qui veulent la célébrer avec
magnificence.
7
De HAMBOURG , le s Janvier.
• Ministre
des
LE Baron
Etats- Généraux des Provinces- Unies près
le cercle de la Baffe- Saxe & les villes Anféatiques
, a fait publier ici la déclaration
fuivante.
1
» Les Etats-Généraux des Provinces - Unies des
Pays-Bas ont trouvé bon & réfolu d'envoyer ordre
à tous les Miniftres , Confuls , Agens & Commiffionnaires
de L. H. P. d'ordonner , au nom de
L. H. P. à tous les Patrons des navires marchands
, appartenant aux fujets de leur Etat ,
>
( 149 )
demeurer dans les places où ils fe trouveront à
préfent , & de n'en faire voile fans des ordres ulté
fieurs , pour aucune autre deftination que pour les
ports de la République , fous peine de perdre l'af
furance qu'ils auront en Hollande , & d'être refponfables
des pertes qu'éprouveront les marchandifes
, par leur défobéiffance & leur témérité , &
cela jufqu'au tems où L. H. P. auront pris les mefures
néceffaires pour leur envoyer des convois
qui protégeront leur retour. Il leur eft auffi défendu
, fous les mêmes peines , de paffer par la Manche.
Ceux qui voudront revenir dans les ports de
l'Etat doivent faire voile derrière les Ifles Britanniques
, & retourner ainfi dans leur pays.
Selon des lettres de Varfovic , on y a été
inftruit que la méfintelligence furvenue entre
les Cours de Pétersbourg & de Conftantinople
, a été heureufement diffipée par les
bons offices de l'Ambaffadeur de France à
la Porte , de manière que la bonne harmonie
eft maintenant établie fur un pied folide.
» Nous apprenons de Conftantinople , écrit- on
de Vienne , que le Capigi Bachi , ou Chambellan
du Grand- Seigneur , parti d'ici pour aller demander
fa tête à Apti , Bacha d'Alep , a été la victime
de cette commiffion délicate ; il s'eft rendu à Alep
fous le vain prétexte de confirmer le Bacha dans fa
dignité , & de lui remettre une pélille. Mais le
Bacha inftruit du véritable motif de fon voyage ,
l'a fait maffacrer à fon arrivée ; il a même , diton
, raffemblé un corps de troupes affez confidérable
pour caufer des alarmes . On affure que les
Confuls & les Négocians Européens établis à Alep ,
craignent beaucoup les fuites de ce foulève .
ment «.
On lit dans un de nos Papiers , que l'Im-
8 3
( 150 )
pératrice de Ruffie a expédié un Courier à
fon Ambaffadeur à Londres , avec ordre
de faire la déclaration fuivante à S. M. B.
» S. M. I. n'a rien de plus à coeur que de vivre.
en bonne intelligence avec l'Angleterre , mais la
dignité de fa couronne & l'intérêt de fes fujets
ne lui permettent pas de fouffir les violences
exercées contre ſes vaiſſeaux ; elle eſt étonnée , ainſi
que toute l'Europe , de recevoir de bien meilleurs
traitemens de la part de la Maiſon de Bourbon ,
que des Anglois , qui ont en Ruffie des privi-
Jéges que n'ont pas les autres Nations ; quoiqu'elle
ait fuffifamment fait entendre les intentions
au fujet d'une neutralité parfaite , ils n'ont cependant
pas fufpendu ces mauvais traitemens. S. M. I.
ne peut plus les fupporter ; elle ne veut point reconoître
le Tribunal Anglois qui s'eft arrogé le
droit de juger des vaiffeaux enlevés ; elle demande
en conféquence , fans procédures , ni délai , ni pro
teftations , une reftitution complette de fes vailfeaux
, fans quoi elle fera obligée de recourir aux
moyens violens «.
Si cette nouvelle eft auffi vraie qu'elle eft
vraisemblable , le parti Anglois perd tous
les jours de fon crédit. L'Impératrice a déclaré
, ajoute- t- on , il y a quelques jours ,
qu'elle perfiftoit dans le plan de neutralité
fans vouloir jamais s'en écarter , & a mal
accueilli un Mémoire de l'Ambaffadeur Britannique
fur ce fujet , qui a été trouvé , diton
, conçu en termes peu convenables..
ITALIE .
De ROME , le 30 Décembre.
LE Roi de Suède a fait remettre depuis
( 151 )
peu au Pape une lettre , dans laquelle il le
remercie du préfent que S. S. lui a fait d'une
excellente copie d'un manufcrit de la bibliothèque
du Vatican , & de l'accueil gracieux
qu'elle a fait , il y a trois ans , au Duc
d'Oftrogothie
fon frere. Le manufcrit dont
il est queſtion , eft un Recueil des Loix de
la Suède du 8e fiècle .
Le Collége des Cardinaux vient de perdre
encore le Cardinal Marefofchi , mort
dans la 67e année de fon âge. Il avoit été
élevé à la Pourpre en 1770 par Clément XIV.
Il vaque actuellement 9 chapeaux fans compter
les 3 que le St. Pere s'eft réſervés , in
petto.
ANGLETERRE
.
De LONDRES , le 15 Janvier.
De toutes les nouvelles que la Cour a
reçues depuis un mois de l'Amérique feptentrionale
, elle n'a publié que les dépêches
du Général Haldimand , Gouverneur de
Québec , en date du 25 Octobre , dans lefquelles
il ne rend compte que de l'expédition
du Major Carleton , contre les forts
Anne & George qu'il a pris , mais dans leſquels
il ne s'eft point établi , ce qui réduit
cette entrepriſe à une excurfion dont l'avantage
ne vaut pas la peine d'être compté ,
puifqu'il n'a pas de fuites. On en peut dire
autant de celle faite fur la Mohawk
Chevalier Johnſon , où il n'a fait que rava
ger le pays.
par
le
g 4
7152 )
Tout ce qu'on fait de New-Yorck , c'eft
que l'Amiral Rodney en eft parti le 15 Novembre
pour retourner aux ifles ; que les
François font inattaquables dans Rode-Ifland ;
que l'Amiral Arbuthnot eft toujours avec 12
vaiffeaux dans la baie de Gardners ; que notre
efcadre regrette beaucoup New- Port ,
qui eft le feul port de ces côtes où elle pouvoit
trouver un abri fûr & des facilités
pour le réparer , qui lui manquent à New-
Yorck.
Quant à la Caroline méridionale , on garde
le filence le plus profond ; & il paroît à
tout le monde du plus mauvais augure. On
fe contente de dire que le Lord Cornwallis
a été indifpofé , ce qui l'avoit empêché de
pourfuivre fes opérations. Mais s'il n'a pu
les continuer , il eût pu du moins conferver
la pofition dans laquelle il étoit , & rout
confirme que la défaite du Colonel Fergu
fon a déconcerté fes projets , que fa fituation
à Wacfaw n'étoit ni fans danger , ni fans
défagrément ; il a été obligé d'appeller le
Général Leflie pour qu'il vienne le renforcer
avec toutes les forces ; ce qui délivre la
Virginie de nos troupes & réduit à rien cette
prétendue conquête annoncée avec emphafe.
La jonction de ces deux Généraux ne fera
pas fans difficultés. Il faut que le Général
Leflie fe rembarque pour quitter cette province
qu'on difoit qu'il avoit foumife , pour
aller débarquer à l'embouchure de Cape-
Fear-River dans la Caroline feptentrionale,
( 153 )
那么
près des frontières
de la méridionale
. La diſtance de Cape -Fear à Waclaw
eft de 130
milles ; cet efpace eft bien long & bien diffi- cile à traverfer
dans un moment
où tout le
pays eft fous les armes. On remarque
ici que nos Généraux
ne font pas merveilleux
en plans de guerre. On demande
pourquoi
le Chevalier
Clinton
a envoyé dans la Virginie
un corps dont on avoit le plus grand befoin pour agir dans la Caroline
méridionale.
On obferve que jufqu'à préfent ils n'ont
fait qu'éparpiller
leurs troupes , attaquer plu fieurs points , fans fonger à s'affurer des avan- tages folides fur aucun. Cette guerre a fourni
plufieurs
preuves de la manière légère avec
laquelle ils concertent
leurs opérations
. On fe rappellera
toujours
que quand le Général
Burgoyne
s'avançoit
du Canada par l'Hudfon
, le Général Howe s'en alloit à Mariland
, & leGénéral Clinton s'éloignoit
d'un autre côté pour marcher à Philadelphie
; ils fembloient
avoir pris toutes les précautions
poffibles pour empêcher
leur réunion qui devoit être
leur grand objet , & qui feule eûr empêché
le défaftre de Burgoyne
& ceux qui en ont été la fuite. Les gens de guerre en Europe en fuivant nos opérations
fur la carte , ont ri quelquefois
, aux dépens de nos Généraux
. C'eft peut- être pour ne pas les égayer encore qu'on fe tait fur ce qui fe paffe dans la Caroline.
Pour juftifier ce filence on apporte quel- quefois des raifons bien extraordinaires
; &
c'eft à ce titre que nous ne pouvons
nous em
85
( 154 )
pêcher de rapporter celle que l'on donne aut
jourd'hui.
→ On n'a point reçu de lettres du Lord Cornwallis
par le dernier paquebot. Ses dépêches avoient bien
été apportées à bord du bâtiment dans le port de
Charles-Town ; on les dépofa à l'endroit ordinaire
dans la grand'chambre ; mais lorfque le paquebot
eft arrivé à Falmouth , le Capitaine a dit que les
lettres avoient difparu , & qu'il ne pouvoit ima
giner de quelle manière elles avoient été emportées.
Ces dépêches , dit -on , étoient du 30 Septembre «<
La Gazette de Penfylvanie , du 3 Octobre,
contient la lettre fuivante du Chevalier du
Buiffon aux Généraux Smallwood & Gift ;
elle eft datée de Charlotte le 26 Août.
"
Mes chers Généraux , ayant reçu diverfes bleffu .
res dans l'action du 16 de ce mois , je fus fait pri
fonnier avec l'honorable Major- Général , le Baron
de Kalb , avec qui je fervois , comme fon Aide- de-
Camp & fon ami. J'ai affifté cet homme illuftre
dans les derniers momens de fa vie , qu'il termina
après avoir langui peu de tems , ayant reçu , dans
cette action 11 bleffures qui causèrent fa mort le
3e. jour. Je fatisfais avec plaifir aux derniers ordres
du Baron , qui m'a chargé de préfenter fes plus tendres
complimens à tous les hommes de fa divifon.
Il a exprimé tout le plaifir que lui a fait le
témoignage que l'armée Angloife a rendu à la brayoure
de les troupes , & combien il avoit été charmé
de la réfiftance vigoureufe qu'elles avoient oppofée
à des forces fupérieures , quoique le refte de
l'armée nous eût abandonnés . Il a donné les plus
grands éloges à la bravoure du régiment de Delawa
re , & des compagnies d'Artillerie attachées aux Brigades
, ainfi qu'à la valeur qu'a montrée toute la divifion
qu'il avoit l'honneur de commander « .
Nos nouvelles des Ifles font toujours rem(
155 )
plies de détails affligeans des fuites de l'ou
ragan qu'on y a éprouvé ; on n'a pas moins
fouffert fur mer que fur terre . Un Officier
à bord de la Princeffe Royale , écrit ainfi de
la Jamaïque , en date du 3 Novembre.
3
Nos vailleaux ont prodigieufement
fouffert depuis
notre arrivée ici . L'Amiral Rowley étoit forti
avec la flotte deſtinée pour l'Angleterre. A fon re
tour , il effuyaun très -grand coup de vent dans lequel
toute fon efcadre fouffrit -beaucoup. Tous les vail
feaux furent démâtés , & la plupart jettèrent plufieurs
de leurs canons à la mer. L'Hector de 74 , ne fauva que 2 de fes canons. Notre vaiffeau n'étoit
point forti avec l'Amiral , parce qu'il étoit alors en radoub. Vers le commencement
du mois dernier
, nous cûmes ici une fecouffe de tremblement
le dernier ouragan
de terre. La perte caufée par
pas encore connue. Le Phénix , frégate de 40 canons,
a été jettée à la côte de l'Ile de Cuba , & entièrement
perdue , ainfi que plufieurs autres petits bâtimens. La
plupart des Cultivateurs de ce pays- ci font ruinés,
La Ville de Savanah - la- Mar eft entièrement détruite,
& un grand nombre de fes Habitans & de fes Propriétés
ont été emportés par les vagues «.
n'eft
Un Officier qui étoit à bord du Phénix ,
commandé par le Chevalier Hyde Parker
rend compte ainfi du naufrage de ce bâtiment
à la côte de Cuba le 10 Octobre.
» Nous fûmes entraînés par la violence de la teme
pête , vers la côte de Cuba ; pendant que nous étions
faifis d'effroi à la vue du danger de périr contre les
écueils , le vent nous poufla dans une crique entre deux rochers. Nous étions tellement ferrés dans
cette pofition qu'il nous fut impoffible de manceu→ vrer le vaiffeau pour la changer. Il fut dématé
& prefqu'aufli-tôt rempli d'eau. Il devint alors dan .
g 6
( 156 )
gereux d'aller à bord ; & malgré la défenſe de notre
Commandant le Chevalier Hyde Parker , plufieurs
de nous en coururent les rifques . Je favois dans quelle
partie de la grand'chambre fe trouvoient les coffres ,
& les boîtes concernant des articles abfolument néceffaires
dans notre fituation . En conféquence de nos
ordres les matelots plongèrent avec beaucoup de fuccès
, & rapportèrent plufieurs denrées qui nous
mirent en état de vivre commodément pendant g
jours dans l'Ifle . La tempête nous favorifa en ce
qu'elle jetta fur la côte quantité de poiffons & furtout
d'écreviffes de mer , en forte que nous cumes
abondance de nourriture. Nous perdîmes près de 70
hommes dans la tempête. Les Espagnols nous rangerent
plufieurs fois dans leurs chaloupes & petits bâtimens.
L'Amiral fit établir deux autres gros canons
près de la crique , & nous étions fi bien fortifiés que
nous aurions pu repouffer des forces confidérables ..
Vers le neuvième jour , nous travaillâmes à équiper
une chaloupe qui fut envoyée à la Jamaïque . Un
vaiffeau nous tranfporta enfûreté à Montégo ",
St Euſtache, la principale des Ifles Hollandoifes
, dans les Indes Occidentales , a auffi
prodigieufement fouffert.
La Blonde , lettre de marque Françoiſe , écrit.
on de cette ifle , en date du 25 Octobre , allant
d'ici à Nantes , notre Gouverneur fe fert de cette
Occafion pour envoyer les dépêches. Ce feront les
premières de cette nature qu'on aura reçues en
Hollande ; elles n'annoncent pas moins que la det
truction de cet établiſſement , jadis fertile & florif
fant , caufée par un ouragan des plus terribles ,
s'eft fait fentir le 10 & le 11 de ce mois. --Vouloir
décrire les horreurs du 11 , eft une tâche trop
difficile . Je détaillerai tout ce qui s'eft paffé depuis
la matinée du 10 jufqu'à celle du 11 .
à 11 heures du matin , le ciel s'obfcurcit foudainement
de toutes parts ; il paroilloit auſſi noir que
-
qui
Le 10 ,
( 157 )
#
la nuit . La pluie , le tonnerre & les éclairs , com
mencèrent en même-tems. Dans l'après-midi ,
le vent augmenta , 7 vaiffeaux furent jettés à la
côte , près la pointe du Nord , & brifés fur les
rochers ; ils étoient deftinés pour l'Europe , & tout
le monde périt , Officiers & Matelots. Dix neuf autres
vailleaux coupèrent leurs cables & prirent le
large ; un feul eft revenu dans un état affreux. Nous
craignons que les autres n'aient pas réfifté à la
tempête. Pendant la nuit , toutes les maiſons fituées
au Nord & au Sud de l'établiſſement , furent
démolies & entraînées à la mer par les vagues , ainft
que les habitans. Quelques-uns feulement fe fauvèrent
ou fe traînèrent au haut des montagnes , en
fe cachant dans de grands trous ; ma femme &
moi- même nous étions du nombre. Je la portai ,
nuds comme nous étions , fur mon dos , en me
traînant à quatre pattes ; & graces à Dieu , nous
nous fauvâmes miraculeufement Les maifons
fituées à l'Eft & à l'Ouest , & les plantations qui
en dépendent , ne furent point endommagées . Plufieurs
habitans s'y réfugièrent , croyant qu'ils fe- A
voient en fûreté ; mais hélas ! dans l'après di da
11 , le vent fauta tout-à- coup à l'Eft , & dans la
nuit il fouffla avec une double fureur , & rafa
toutes les maifons , magafins , cafes des Nègres ,
Sucreries , Baraques , Eglifes , & les autres édifices
qui fe trouvèrent fur les plantations de MM. Oofter,
Rooker Vanlewis , Vaftoon , Murraw , le Breton ,
Van Caerfec , & la ville & plantations d'Oudelbergues
, le village de Troubéen , & la vallée de
Coliter. Les principaux édifices qui font reftés en
place , font le nouveau & le vieux fort , les Baraques
& l'Hopital , ainfi que les Cathédrales , &
quatre autres Eglifes . On eftime que 4 à 5000 ha
bitans ont péri dans cette malheureufe occafion .
La perte en argent ne fauroit être évaluée
-
---
ncore moins fixée d'une manière certaine à préfent.
ه ل ل ا
( 158 )
où on
Toute la Place repréfente un monceau de ruines,
Les Blancs font enfévelis à terre , mais les Nègres ,
par l'ordre du Gouvernement & du Confeil d'Etat ,
font emportés à fix milles au moins en mer ,
les jette , avec de grofles pierres attachées aux
pieds , pour prévenir tous les accidens fâcheux qui
pourroient avoir lieu , fi on les enterroit fur la
côte , vu le grand nombre de ceux qui ont péri.
Le Gouverneur approprie le Fort , les Eglifes;
pour y recevoir les habitans , les uftenfiles & les
provifions qui pourront être fauvés des ruines!
Il fe forme un comité de fûreté , compofé du pe
tit nombre des principaux Négocians qui reftent ;
le Gouverneur en eft Préfident. L'objet de ce co
mité eft de faire exécuter les ordres avec promp
titude & humanité «.
F
Il y a lieu de croire que des défaftres fi
accablans fufpendront les opérations mili
taires dans les Ifles ; le plus preffé eſt de
venir au fecours des malheureux qui ont
fouffert. On fait des voeux pour que l'Ami
ral Hood ait pu réunir tous fes transports
& les conduire dans ces contrées dévastées ,
où les munitions qu'ils portent pourront
être utiles , en attendant les fecours qu'on
doit y faire paffer on fe flatte toujours que
la tempête lui a fait peu de mal . Un Officier
à bord du Monarque , qui a accompagné
cette flotte , & qui eft de retour à Ports
mouth , donne les détails fuivans de cette
tempête .
Nous fommes arrivés dans l'inftant , graces à
Dieu , après avoir éprouvé l'une des plus affreufes
tempêtes dont j'aie jamais été témoin depuis trente
ans que je connois la mer. L'évènement eft du ro
du mois paffé. Nous étions alors 300 licues envi
( 159 )
ron à l'ouest des Inles Sorlingues ; aucun figne ne
nous l'annonça , elle éclata tout-à- coup avec furie .
La partie de l'Arcaffe eft entièrement détruite, Tout
ce qui fe trouva dans la grand'chambre & la
dépense , fut emporté par les vagues , jufqu'aux
cuillers , affiettes , & c . Le grand mât & le mât
d'artimon tombèrent à la mer , ainfi que le petic
mât de hune , & tout le gréement de l'avant ; 2
hommes furent tués & 14 bleffés par la chûte des
vergues , qu'on ne put dégager à tems ; le vaiffeau
de l'Amiral perdit fa poulaine , fon beaupré
& la garniture de ce mât. Le Belliqueux , vaiffeau
neuf , Capitaine Fitzherbert , perdit fon mât
d'artimon , mais il ne reçut aucun autre domma
ge. Nous laiffâmes l'efcadre le lendemain pour revenir
en Angleterre avec des mâts de fortune ;
tous les autres vaiffeaux de S. M. étoient alors
en bon état , n'ayant point reçu de dommage
effentiel ; fi notre carêne n'eût pas été très-folide
nous aurions péri . L'Amiral Hood doit être rendu
en ce moment - ci aux Indes Occidentales.
Notre querelle avec les Hollandois deviendra
probablement la fource d'une guerre
très-fanglante aux Indes Orientales . Les établiffemens
de Malda , Hugley & Dalla
dans le Bengale , font habités conjointement
par les Anglois & les Hollandois , qui y ont
des comptoirs. Auffi-tôt que la nouvelle de
la rupture.y fera parvenue , ce voifinage fera
bien incommode aux uns & aux autres . On
ne doute pas que cette nouvelle n'ait été
expédiée de bonne heure , & par toutes les
voies poffibles . On dit , & en général ce
bruit obtient affez de confiance de la part
de ceux qui connoiffent notre Gouvernement
, que dès le commencement du mois
( 160 )
d'Octobre dernier , deux avifos furent expédiés
pour Madraff & Calcutta , où ils
portent l'avis d'une rupture inévitable avec
la Hollande , & l'ordre de déclarer la guerre
dans l'Inde à cette nation. L'un de ces bâti
mens eut ordre de porter au large , en diri
geant fa route à l'oueft & l'autre droit au
fud , afin de ne pas rencontrer l'ennemi . On
ajoute que la déclaration de guerre dans
l'Inde doit fe faire au mois d'Avril prochain.
En conféquence les vaiffeaux qui reviennent
d'Afie , ou qui s'y rendent , ne relâcheront
plus au cap de Bonne-Efpérance ; l'Ile de
Madagaſcar fera dorénavant le lieu de relache
entre Ste - Hélène & les Indes. Il femble
auffi que cette guerre contre la Hollande
étoit réfolue depuis plus de trois mois ; on
aflure du moins que l'Amirauté a déclaré
aux Négocians que l'Amiral Hood étoit
chargé d'ordres hoftiles contre les poffeffions
& les bâtimens des Hollandois aux
Indes Occidentales .
Cette nouvelle guerre n'eft guère goûtée
que des armateurs & des corfaires , qui fe
flattent de faire leur fortune : le refte de la
Nation ne la voit pas du même ceil ; les
Hollandois peuvent être pour nous des ennemis
très redoutables. Rien ne les empê
che de redevenir ce qu'ils ont été ; pour
rabattre un peu l'effervefcence de ceux qui
affectent de les méprifer , on a fait un ta
bleau du fameux combat livré en 1665 , qui
dura 4 jo urs , avec beaucoup d'acharnement
( 161 )
& des chances diverfes ; il trouve naturellement
fa place ici.
Louis avoit ordonné au Duc de Beaufort fon
Amiral , de mettre à la voile ; on croyoit que
l'efcadre Françoife à fes ordres , compofée de plus
de 40 vaiffeaux , entreroit dans la Manche . La flotte
Hollandoife , au nombre de 74 voiles , commandée
par Ruyter & Tromp , étoit en mer , & alloit
le joindre. Le Duc d'Albemarle & le Prince Rupert
commandoient l'efcadre Angloife , qui n'excédoit
pas 74 voiles . Albemarle , auquel fes fuccès fous
le Protecteur avoient infpiré trop de mépris pour
l'ennemi , propofa de détacher le Prince Rupert
avec 20 vaiffeaux , pour aller combattre le Duc
de Beaufort. Le Chevalier Georges Ay fcue , qui
connoiffoit à merveille la bravoure & les talens de
Ruyter , protefta contre la témérité de cette réfolution
, mais l'autorité d'Albemarle prévalut. Le
refte des vaiffeaux Anglois mit à la voile pour aller
livrer combat aux Hollandois , qui voyant l'ennemi
s'avancer rapidement contr'eux , coupèrent
leurs cables , & fe préparèrent à le recevoir. L'action
qui fuivit eft l'une des plus remarquables qui
aient été citées dans l'hiftoire foit que nous
confidérions fa longue durée , ou le courage avec
lequel elle fe livra. Albemarle juftifia en quelque
forte , par fa bravoure , la témérité de fon plan.
Un jeune héros animé par la gloire & l'ambition
n'auroit pas pu déployer plus d'activité que cet
Amiral , qui étoit alors fur fon déclin , & qui étoit
parvenu au faîte des honneurs. Nous n'entrerons
point dans de menus détails ; il fuffira de rappor
ter les principaux évènemens de chaque journée de
ce combat. Le premier jour , les Chevalier William
Berkeley , Vice-Amiral , Chef de file de l'avant-
garde , tomba au milieu des ennemis fut
accablé par le nombre , & fon vailleau pris . Il fut
trouvé lui- même mort dans fa chambre , tout cou
-
?
?
( 162 )
---
vert de fang. Les Anglois avoient le deffus du
vent fur l'ennemi , mais comme le vent fouffloit
avec tant de force qu'ils ne purent fe fervir de
leur batterie baffe , ils ne retirèrent qu'un foible
avantage de cette pofition. Les boulets des Hollan
dois touchèrent principalement leurs voiles & le
gréement , & peu de vaiffeaux furent coulés bas
ou fort endommagés . Le boulet ramé étoit alors
une nouvelle invention attribuée communément à
de Witt. Le Chevalier John Harman montra beau
coup d'activité en ce jour . L'Amiral Hollandois
Evertz fut tué en fe mefurant avec lui. La nuit
fépara les combattans . Le fecond jour , le vent
étoit un peu diminué , & les vaiffeaux ayant plus .
de ftabilité , le combat devint plus terrible. Les Anglois
reconnurent alors que la valeur la plus hé
roïque ne fauroit tenir lieu de la fupériorité da
nombre contre un ennemi qui eft bien dirigé , &
qui ne manque pas de courage. De Ruyter & de
Tromp , rivaux en gloire , & ennemis par faction ,
fe montrèrent à l'envi l'un de l'autre ; & de Ruyter
eut l'avantage de débarrafler & de fauver fon rival ,
qui avoit été enveloppé par les Anglois , & qui fe
trouvoit dans le plus grand danger. Seize vaif
feaux joignirent l'efcadre Hollandoife pendant l'ac
tion , & les Anglois étoient fi défemparés , que
leurs vaiffeaux en état de combattre étoient réduits
à 28 , & ils fe trouvèrent obligés de gagner leurs
côtes. Les Hollandois les fuivirent , & étoient fur
le point de renouveller le combat , lorfqu'un cal
me qui furvint un peu avant la nuit , y mit obf
tacle. Le lendemain matin , les Anglois furent
obligés de continuer leur retraite , & ils firent les
difpofitions convenables pour cet effet. Les vail
feaux défemparés eurent ordre de s'étendre de l'avant
, & feizc de ceux qui avoient le moins fouffert
fuivirent en bon ordre & en impofèrent à
l'ennemi. Albemarle lui-même forma l'arrière- gar(
163 )
---
que
de, & montra une contenance audacieuſe à fes
ennemis victorieux. Le Comte d'Offory , fils du
Comte d'Ormond , jeune homme plein de bravoure
, qui alloit chercher de la gloire & du danger
dans tous les combats qui fe livroient en Europe
, étoit alors à bord de l'Amiral, Albemarle lui
avoua qu'il étoit déterminé à faire fauter fon vail.
feau & à périr glorieuſement , plutôt que de fe
rendre à l'ennemi. Offori approuva ce deffein défefpéré.
Vers les deux heures , les Hollandois
avoient joint leur ennemi , & étoient prêts à renouveller
le combat , lorfqu'on apperçut une nouvelle
eſcadre dans le Sud , faiſant force de voile
pour atteindre le lieu de l'action . Les Hollandois fe
flattoient Beaufort étoit arrivé pour couper la
retraite aux vaincus , & les Anglois efpéroient que
le Prince Rupert venoit pour tourner la chance
du combat. Albemarle , qui avoit reçu avis de l'approche
du Prince , fit route vers lui . Par malheur
le Chevalier George Ayfcue , qui montoit un vailfeau
de 100 canons , le plus gros de l'efcadre
toucha fur les fables Galloper , & ne put recevoir
aucun fecours de fes compatriotes , qui fe hâtoient
de rejoindre le renfort . Il n'eut pas même
la confolation de périr avec gloire , & de venger
fa mort fur fes ennemis . Ils fe difpofoient à l'attaquer
avec des brûlots , & il fut obligé d'amener
. Les matelots Anglois virent avec la plus grande
indignation la néceffité où ils étoient de fé
rendre prifonniers. Albemarle & le Prince Rupert
réfolurent de tenir tête à l'ennemi ; le lendemain
matin le combat recommença avec des forces
plus égales & avec la même bravoure des
deux côtés. Après une longue canonnade , les ef
cadres combattirent de près avec beaucoup d'achar.
nement , jufqu'à ce que le brouillard les eût féparées
. Les Anglois fe retirèrent dans leurs ports.
-Quoique les Anglois , par leur -courage opiniâ-
,
-
( 164 )
tre , alent acquis la principale gloire dans ce com
bat , il eſt un peu douteux de quel côté fe rangea
la victoire. Les Hollandois prirent quelques vailfeaux
, & ayant emporté quelques avantages appa
rens , ils exprimèrent leur joie par tous les fignes
de la victoire ; mais les Anglois s'étant réparés
en peu de tems , & ayant mis en mer avec des
forces plus redoutables que jamais , & avec plus
fieurs vaiffeaux que les Hollandois s'étoient vanté
d'avoir brûlés ou détruits , l'Europe vit que ces deux
braves Nations étoient engagées dans une que
relle où la fupériorité de l'une ou de l'autre refe
roit long- tems indéciſe.
En général plufieurs citoyens voient avec
peine cette rupture ; l'article fuivant , inféré
dans tous nos papiers , contient peut-être
des rêves auxquels n'ont jamais penfé les
Puiffances à qui l'on fuppofe des projets de
conquête ou de reprife de poffeflion ; mais
il offre en même- tems l'expreflion des fentimens
des gens fenfés , fur les fuites que
doit avoir cette rupture , & c'est une raifon
pour nous de le citer .
La confédération des Puiffances fur le Continent
, & la dernière acceffion de la Hollande à
Gette confédération , ont pour objet plufieurs points
qui n'ont pas encore été découverts par le Miniftère
Anglois. Je vais lui en apprendre un; en
1607 , une grande partie de New-Jersey & de la
Penfylvanie , a été poffédée par les Suédois bien
avant que les Anglois y euffent jamais paru. Les
noms de leurs Villes qu'ils y ont confervé jufqu'à
ce jour , le prouvent , tels que , Caflimer , Helfenburg,
& autres. Il est également certain que la
Nouvelle - Amfterdam , appellée maintenant New-
Yorck , ainfi que Long-Ifland , & une partie de
( 165 )
New-Jersey , ont été poffédés & cultivés d'abord
par les Hollandois en 1608 , & appellés les nouveaux
Pays- Bas ; ils jouirent de cette poffeffion
pendant 60 ans , & la langue qu'on y parle le plus
aujourd'hui , eft l'Hollandois. Plufieurs même
des Eccléfiaftiques font tirés de la Hollande. -
En 1667 , leurs guerres terribles avec la France ,
qui fut fecondée par notre Roi Charles II
penfionné par elle , obligèrent les Hollandois à
céder les nouveaux Pays - Bas , c'eſt- à - dire , la Nouvelle-
Yorck & New -Jerfey à l'Angleterre , ainfi
que la partie Suédoife fituée fur la Delaware , qui
avoit été cédée auparavant à la Hollande.
4.
Mais les affaires de l'Europe ayant pris une autre
tournure , il a été arrêté par un traité conclu entre
les Etats Généraux & les Etats- Unis de l'Amérique
, que la Hollande reprendra fes anciens.
droits fur les nouveaux Pays -Bas , appellés Nouvelle
-Yorck , fur le New-Jerfey , & une partie
de la Penfylvanie ; pour cet effet , elle s'engage à
joindre les armes ce printems à celles de France
& du Congrès ; & ces Provinces , après avoir été
réduites , feront abandonnées entièrement , & en
pleine fouveraineté , pour toujours aux Etats-
Unis de l'Amérique Septentrionale , la Hollande
fe réfervant un commerce libre dans ce pays , avec
le droit de pêcher fur les bancs de Terre - Neuve.
Par ce traité , toute l'Europe eft unie étroitement
, & s'arme contre nous , je veux dire , la
France , l'Efpagne , l'Amérique , la Ruffie , la Suède
, le Danemark & la Hollande tous ces maux
qui nous menacent ont été attirés infenfiblement
fur ce pays par Bute & fon difciple North , qui
ricanoit , en entrant dans la Chambre des Communes
, lorfqu'il vint y annoncer la déclaration de
guerre de l'Espagne . Infenfible au danger éminent
dans lequel il a plongé ce Royaume par une guerre
avec notre ami naturel & notre meilleur allié ( la
-
( 166 )
Hollande ) , il s'égaiera fans doute de nouveau ;
& pour fournir aux dépenfes de la guerre , if
commencera par confifquer tous les millions que
des Hollandois ont dans nos fonds ; mais dans ,
un tel cas , les grands alliés fe vengeront fur les
Ifles que les Anglois ont aux Indes Occidentales.
Que le Ministère ne fe flatte point d'engager le
Roi de Pruffe à marcher dans les Domaines de la
Hollande ; il eft beaucoup plus porté pour cette
République , même par les liens du fang , que pour
ce Royaume ; mais en fuppofant même qu'il fût
enclin à fauver ce pays , l'Empereur d'Allemagne ,
ainsi que l'Impératrice de Ruffie l'obligeront à ref
ter tranquille. Tels font les malheurs qu'on a attirés
fur ce pays , fans compter la perte immenfe de notre
commerce. ン
Depuis la publication de la Gazette extraor
dinaire de la Cour du 9 de ce mois à 7 heures
du foir , on ne parle que de la prife & de la.
repriſe de Jerfey. L'extrait de la lettre du
Gouverneur Corbett a rabattu beaucoup de
l'importance que nos papiers ont affecté de
donner à cette expédition ; cela n'empêche
pas qu'ils ne la préfentent encore fous un
point de vue très-grave qui , s'il n'eſt pas
vrai , flatte du moins la vanité nationale. La
Gazette de Kent offre les détails fuivans.
Les François débarquèrent le 6 , à deux heures"
du matin , au Banc du Violet , à 4 milles de la
Ville. Ce lien , environné de rochers , n'étoit pas
défigné pour le débarquement ; mais la marée les y
pouffa . Quatre ou cinq bâtimens de tranfport ayant
à bord des troupes , périrent , ainfi qu'un corfaire
& quelques autres bâtimens armés qui devoient
couvrir le débarquement , qui s'effectua entre les 2
poftes que les François furprirent , après quoi ils
( 167 )
?
>
marchèrent vers la Ville , où ils prirent pofte dans
la place du marché ; ils s'allurèrent de toutes les
avenues , envoyèrent un parti à la maiſon du Gouverneur
, qui fut inveftic . M. Corbett inftruit de
leur approche , avoit envoyé déja avertir le 83e.
régiment , qui étoit à la baie de Grouville , & le
95e. , lorfqu'il fut fait prifonnier & conduit au
Baron de Rullecourt , à l'Hôtel- de- Ville , fur le
marché. On le requit auffi - tôt de figner une capitulation
, lui offrant des conditions honorables pour
les troupes & pour l'Ifle , s'il la rendoit , ainfi que
les Forts , & menaçant en cas de refus , de brû
ler la Ville & de paffer tous les habitans au fil de
l'épée. M. Corbett repréfenta qu'étant prifonnier
fa fignature étoit inutile , parce qu'elle ne pouvoit
lier l'Officier qui commandoit à fa place . Bientôt
après l'avis arriva que les troupes s'affembloient
& le Général François renouvella fes menaces de
mettre la ville en feu. Le Gouverneur figna pour
la fauver , & parce qu'il favoit que cette capitulation
n'engageoit à rien. On exigea alors de lui qu'il
allât , avec un fort parti , demander la reddition
du Fort Elifabeth . La garniſon rejetta certe propofition
, & tira fur le parti , dont plufieurs hommes
furent tués , & entr'autres , un Officier qui eut la
cuiffe emportée. Cette troupe fe retira , & le Gou
verneur fut encore obligé d'aller faire la même propofition
aux troupes qui s'étoient déja formées fur
les hauteurs , & qui la rejettèrent également ; elles
chargèrent M. Corbett , qui étoit fur la parole ,
de dire au Général François qu'elles l'attaqueroient
dans vingt minutes. Celui- ci exigea que fon prifonnier
l'accompagnât & partageât les risques du
combat. Ille mena en conféquence au
du feu ; mais quelques minutes après le Général
François reçut une balle à la bouche qui lui empor
ta le menton , & reçut en même tems d'autres
bleffures. Le Major Corbett , dont le chapeau avoit
milieu
( 168 )
été percé de deux balles , le ramena à l'Hôtel-de-
Ville , où il mourut. Vers ce tems , les François
incapables de réfifter aux troupes réglées & à la
milice , lâchèrent le pied. Le fecond de l'armée
Françoiſe pria le Major Corbett de reprendre fon
commandement
, en déclarant qu'il fe rendoit pri
fonnier de guerre avec les troupes. Ce ne fut qu'a vec peine que le Gouverneur , fecondé d'un autre
Officier , parvint à faire ceffer le feu. Plufieurs
François avoient déja mis les armes bas & s'étoient
enfuis dans la campagne.
Pendant ce tems , le
Capitaine Campbell , avec une partie du 83e. Ré giment , venant de la baie de Grouville , étant joint
par le Colonel Meſfewy , à la tête de la milice ,
& quelque artillerie , attaqua à la Roque un corps
ennemi faifant partie du fecond débarquement. Plu fieurs furent tués , quelques-uns s'enfuirent dans le
pays , & le refte fe rendit prifonnier. Beaucoup de chaloupes pleines de troupes qui tentoient de débar
quer , après avoir effuyé le feu de l'artillerie , re
gagnèrent quelques bâtimens armés envoyés pour
les protéger . Plufieurs partis allèrent à la pour
fuite des traîneurs , dont on amenoit un grand nombre
d'heure en heure , & on ne doutoit pas qu'ils
ne
fuffent tous faits prifonniers en peu de tems.
Le Colonel Pierſon fut tué au momentoù les Franhommes
çois lâchoient le pied. Nous avons eu so de troupes réglées & 20 de la milice , tués , uu
grand nombre de bleffés , parmi lesquels plufieurs
perfonnes de marque « . On ne manque pas d'ajouter à ces détails
que les papiers trouvés fur le Baron de Rullecourt
annonçoient
un nouveau débarquement
plus confidérable
pour feconder le prele
nommier.
Selon d'autres lettres on porte bre des François à 3 ou 4000 hommes. Et il
eft de fait que ce n'étoit qu'une incurfion de
particuliers
( 169 )
particuliers dont la Cour de France ne s'eft
mêlée en aucune manière , & qui avec des
lettres de marque qu'ils avoient obtenues ,
avoient levé quelques hommes & avoient
débarqué dans l'ifle. Les troupes qu'ils ont
employées à l'invafion de Jerſey étoient
d'environ 900 hommes ; celles qui étoient reftées
au nombre de 200 à la garde des bateaux
s'en font retournées avec les bâtimens qui
les avoient toutes amenées . Il est tout fimple
que les 700 hommes qui ont pénétré dans
l'ifle aient cédé aux troupes réglées que nous
y avions & à la milice qui les renforçoit . On
peut juger par le nombre des François que
leur entrepriſe fe bornoit à une invafion qui
devoit finir par leur retraite après avoir pillé
ce qu'ils auroient pu . Une pareille expédition
faite par le Gouvernement ou de fon
aveu auroit été exécutée avec d'autres forces
& fur un autre plan , par des troupes réglées ,
conduites par des Officiers , & protégées par
des vaiffeaux. Il eft très- certain que les aventuriers
qui ont rifqué d'aller à Jerſey , n'avoient
pas un bâtiment armé pour couvrir
leur débarquement ,,pas même un feul corfaire
qui les ait accompagnés . Toute l'artillerie
qu'ils avoient avec eux confiftoit en 4.
pièces de canons de 4 , & 2 mortiers de g
pouces ; ce n'eft pas avec cela qu'on attaque
des forts & qu'on peut efpérer de les écrafer.
Le Gouvernement Britannique paroît mieux
inftruit de la nature de cette expédition ; &
biston dit qu'il ſe bornera aux détails qu'il a pu-
27 Janvier 1781.
h
( 170 )
bliés dans fa Gazette extraordinaire & qu'il
n'en donnera pas d'autres.
Depuis la rentrée de l'Amiral Darby on
travaille fans relâche à réparer les vaiffeaux
qui , par le travail qu'ils exigent ont infini
ment fouffert ; mais on ne parle point de
fa croifière ; nos papiers cherchent à fuppléer
à ce filence par divers détails de la
rencontre qu'il a faite de l'efcadre Françoiſe ;
on ne manque pas d'ajouter qu'il a fait tous
fes efforts pour la combattre ; que les enne
mis ont toujours évité de s'engager , & que
les vents ne l'ont pas affez favorifé pour les
y forcer ; mais la Cour fe tait fur ces détails ;
& s'ils avoient quelque apparence de vrai
femblance , elle n'auroit pas eu la modeftie
de les fupprimer,
Le Commodore Johnſtone a accepté le
commandement de l'efcadre deſtinée pour
l'Inde ; le Chevalier Pallifer fe trouve par-là
privé de l'efpoir de fervir de long-tems . Le
Commodore a déja eu l'honneur d'avoir
une conférence avec le Roi. Il est toujours
queftion d'envoyer des fecours à Gibraltar ,
& on dit que le Prince Guillaume-Henri
fera encore à bord de la flotte chargée de
cette commiffion. Il refte à défirer que celui
qui la commandera foit auffi heureux que
l'a été l'Amiral Rodney.
FRANCE.
De VERSAILLES , le 23 Janvier.
Le Roi a nommé à l'Abbaye de Mau
( 171 )
buiffon , Ordre de Câteaux , Diocèfe de Paris ,
Madanie de Baynac , Abbeffe de S. Loup
d'Orléans , même Ordre , & à celle de S.
Loup , même Ordre , Diocèfe & ville d'Orléans
, Madame de Peguilhan de Larbouft ,
Religieufe Profelle au Paravis , Ordre de
Fontevrault , Diocèle de Condom.
Le 14 M. de Pollinchove , a prêté ferment
entre les mains du Roi pour la place de
premier Préfident au Parlement de Douai.
Le même jour la Comteffe François d'Efcars
a eu l'honneur d'être préfentée à LL . MM .
& à la Famille Royale , par la Comteffe Perufe
d'Efcars , ainfi que la Comteffe de
Choifeul-Stainville , par la Marquife de Choifeul-
la-Beaume ; la Comteffe Hipolyte de
Choifeul par la Vicomteffe de Choifeul
Dame du Palais ; la Baronne de Montef
quiou par la Marquife de Montefquiou ; la
Marquife de Coetlogon par la Comteffe
de Sabran ; la Marquife de Vintimille par la
Comteffe de Vintimille , & la Comteffe du
Dognon par la Comteffe de Montmort .
MM. Moreau & Defmaifons , Architectes
du Roi , de l'Académie Royale d'Architecture
, eurent l'honneur de mettre le
inême jour fous les yeux de S. M. , le modèle
en relief du nouveau bâtiment du Palais à
Paris. Ils furent préfentés à S. M. par M.
Neker , Directeur- Général des Finances. Ce
modèle a été exécuté par M. Raſcalon , Sculpreur.
h2 .
( 172 )
De PARIS , le 23 Janvier.
LES armemens deſtinés à protéger les
grands convois qui doivent patir inceffamment
, fe pourfuivent avec la plus grande
activité. On travaille jour & nuit à Brest
dans tous les baffins , éclairés par des réverbères
, & où les ouvriers fe relèvent
pour ne point fufpendre les travaux. Des
lettres du 14 annoncent qu'il y a déja 19
des vaiffeaux ramenés par M. le Comte
d'Estaing , qui font prêts , ce qui en fait 28
avec ceux qui étoient depuis long - temsen
rade.
Les mêmes lettres portent que le 9 il eft
forti 4 vaiffeaux de ligne , 2 frégates & 2 cutters
, pour une courte croifière. On les
croyoit chargés d'aller chercher la divifion
des 6 bâtimens vivriers , aux ordres de M.
de Macnemara , qu'on avoit envoyée pour
ravitailler l'efcadre de M. le Comte d'Ef
taing ; cette divifion , dont on étoit en peine
, eft rentrée le 12 ; le même jour on a
vu arriver auffi tous les vaiffeaux que le
Vice- Amiral avoit chargé de l'escorte du
convoi .
Aux détails que nous avons donnés ,
d'après des lettres de St -Domingue , nous
joindrons ceux- ci , tirés des Affiches Américaines
du Cap , du 14 Novembre.
Nous avons enfin des nouvelles de M. le Chevalier
de Monteil , & depuis quelques jours nos alar
mes font diffipées . Il a , comme on peut le penfer
( 173 )
·
après le tems qu'il vient d'effuyer , grand befoin
de ramener fon Efcadre dans le Port ; mais il croit
néceffaire de tenir la mer pour être à portée de
donner des fecours aux malheureux échappés à la
tempête & qui feroient pouflés fur nos côtes. Voici
ce que nous avons appris de fes opérations.
Sorti le 10 du mois dernier , pour nettoyer la côte
infectée de Croifeurs ennemis , ce Chef- d'Eſcadre
avoit , dit- on , pour objet de favorifer l'attérage
d'un convoi qu'on attendoit d'Europe , d'escorter juf
qu'à la pointe de Mayfi une flottille allant à la Havane
, & de troubler un peu la fécurité avec laquelle
les Anglois de la Jamaïque s'éloignent de leurs côtes
; mais l'ouragan a dérangé fes projets en pouffant
fon Efcadre à la hauteur de Porto-Rico , où il
a été forcé de relâcher plufieurs jours à la pointe
de l'Aiguade , ayant cependant toujours l'attention
de tenir plufieurs Vaiffeaux à la mer pour protéger
le paffage des bâtimens françois : c'eft là que M. de
Monteil apprit le défaftre du convoi déradé de la
Martinique. Renonçant alors à tous projets hoftiles
qui l'éloigneroient des parages , où il prévoyoit que
les Navires de ce convoi alloient être pouffés , il a
facrifié la gloire brillante de faire du mal à l'ennemi ,
à celle plus folide & plus digne d'un bon Citoyen
de fecourir les Sujets du Roi ; il a établi à cet effet
différentes croiſières qui ont eu le plus heureux fuc
cès , & ont été très - utiles , foit par leur fecours
foit par leurs avis , à nombre de Bâtimens françois ,"
alliés ou neutres. -→→→ Ayant fçu que quatre Navires,
du convoi difperfés avoient fait côte au fud de
Porto - Rico , le Chef d'Efcadre y envoya fur le
champ une Frégate pour leur donner toute l'affiftance
dont ils pourroient avoir beſoin : il fit paffer enfuite
au fud de Saint- Domingue le Vaiffeau du Roi
l'Actionnaire , pour la fûreté des Navires qui y feroient
jettés ; & c'eft fans doute auffi dans les mêmes
vues qu'il a expédié pour une miffion particulière
h 3
( 174 )
--
:
quatre autres Vaiffeaux qui vraisemblablement l'ont
depuis rejoint enfin , on ne peut rien ajouter aux
foins que ce Général a pris pour la confervationdes
Bâtimens du commerce dans cette malheureufe cir
conftance. L'Eſcadre du Roi , continuant la croifière
, eut connoiffance , le 5 de ce mois , d'un Vaif.
feau de guerre Anglois & d'une Frégate de la même
Nation , & leur donna chaffe pendant 36 heures.
Ceux- ci doublés en cuivre & de la marche la plus
avantageufe ont échappé , malgré tous les efforts
qu'on a faits pour les joindre. On alla reconnoître
enfuite trois voiles qui fe trouvèrent être les Navires
l'Union , le Comte d'Artois & l'Elifabeth faifant
partie du convoi . L'Efcadre les a efcortés juf
qu'à l'entrée de la rade où ils ont mouillé le 8 .
» Le navire les Trois-Graces , de Liverpool ,
écrit-on de Saint - Malo , pris le 6 Juillet dernier
, & amené ici les par le corfaire Madame , de
46 canons , armé à Grandville par M. Deflandes
, fous le commandement de M. Langlois ,
vient d'être déclaré de bonne priſe par Arrêt du
Confeil du Roi , du 7 de ce mois. Ce navire ,
appellé ci - devant la Jeune Agathe de Bordeaux , du
port de 300 tonneaux , avoit été pris ci - devant
par les Anglois. Dès ce moment , il n'étoit jamais
forti des mains des propriétaires Anglois . Il étoit
commandé par un Capitaine & un Lieutenant ha
bitués depuis plufieurs années en Angleterre , &
engagés au fervice de cette Puiffance ; l'équipage
étoit prefque tout entier Anglois , devoit revenir
dans un des ports de cette Nation , & avoit en
outre cinq François prifonniers à qui il avoit promis
une récompenfe s'ils s'embarquoient fur ce
navire , qui s'étoit procuré par fraude un paffeport
& un pavillon Hollandois , & qui , à la faveur
de deux pièces informes , démenties par d'au .
tres actes ou par des faits contraires , prétendoit
colorer fon apparence neutre. Cependant le 9 Août
( 175 )
dernier , il intervint au Confeil des Prifes un Jugement
qui , fur l'apparence du paffe-port Hollandois
› prononça la main-levée du navire & de fa
cargaifon ( tabac , cacao , gingembre & plomb ) .
M. Deflandes en a interjetté appel au Confeil Royal
des Finances , qui vient de lui adjuger cette prife ,
qui eft la feule que le corfaire Madame ait pu faire
à fa première croifière , à caufe des mauvais tems
continuels qu'il a effuyés , & de la quantité des
neutres qu'il a rencontrés. Cependant cette frégate
a fait cinq rançons , & pendant vingt-fept jours
qu'elle a croifé dans le Nord de l'Irlande , elle y a
mis à la côte plufieurs navires Anglois , dont elle
a brûlé partie. Ce corfaire eft maintenant dehors
fous le commandement du même Capitaine M.
Langlois «.
•
Ŏn mande de l'Orient que la frégate
l'Ariel , commandée par le Commodore
Paul-Jones , appareilla de ce Port le 18 Décembre
dernier pour l'Amérique Septentrionale.
On prépare dans ce Port un armement
pour l'Inde , dont le Serapis , le Brif
fon , les Amis & le Maurepas , feront partie :
le premier fera commandé par M. Roche ,
les autres font frétés par le Roi pour l'Iflede-
France.
3
» M. de Lattre-le - Grand , Capitaine du corfaire
le Furet , de Dunkerque , montant 8 canons , 10
pierriers & 35 hommes d'équipage , a rançonné fur
les côtes d'Irlande trois bâtimens , dont il a retiré
3300 guinées , qu'il a déposées à Breft , à fon arri
vée dans ce port . Il avoit pris de plus le bricq la
Providence , Capitaine Brook-Bant , venant de Dublin
, & allant Corke , chargé de boeuf falé
fucre douves & bariques. Ce bâtiment difoit
qu'il avoit été rançonné le 11 Décembre dernier ,
par un corfaire Américain ; mais M. de Lattre
"
"
h 4
( 176 )
ayant bien examiné le billet de rançon qu'on lui
préfentoit , le foupçonna de faux , & conféquemment
il amena en France fa prife , qui eft arrivée
à Breft le 29 du même mois . Dès que le Capi
raine du Furet eut touché terre , il fit fa déclara.
tion à cet égard , & le lendemain le Capitaine
du bricq & fon équipage ayant été interrogés par
le Juges de l'Amirauté de Breft , le Capitaine An.
glois a avoué la fauffeté du billet qu'il avoit fourni
; il a même avoué que le billet avoit été fa
briqué & imprimé à Dublin , qu'il en avoit encore
à fon bord deux de la même eſpèce : en effet , ils
y ont été trouvés. Par cet aveu , la prife eft ref
sée au profit du Furet & de fes Actionnaires : on
l'eftime 60 à 70,000 liv.
Le Patriote , corfaire de Granville , & le
Bougainville , de St-Malo , ont appareillé le
5 de ce mois de ce dernier Port , le premier
pour commencer fa croiſière & le fecond
pour continuer la fienne.
On mande de Toulon qu'on y arme les
frégates l'Alceste , la Veftale & la Boudeufe.
La corvette du Roi la Blonde a été lancée
le 5 , & la Brune ne tardera pas à l'être.
Il y a encore fur les chantiers deux autres
Corvettes qui doivent en fortir à la fin de
Février.
» Les navires de Bordeaux qui étoient dans le
convoi de M. d'Estaing , écrit - on de Nantes , Y font
arrivés les de ce mois , fans avaries , au nombre de
41. Les Capitaines difent , ainfi
qu'ils ne peuvent allez reconnoître les attentions &
que ceux de ce port ,
les bons traitemens de ce Vice- Amiral . La fatisfaction
que nous avons eue de voir arriver les navires
de ce port qui étoient fous le convoi vient d'être
diminuée. Les vents d'Eft forcés & les glaces que
( 177 )
nous avons depuis quelques jours , ont fait échouer
plufieurs de ces bâtimens , & entr'autres le Jean-
Marie , le Tobie , la Baronne de Bage & le Majeftueux.
On craint que les chargemens n'en foient endommagés
. Le chébec le Singe , de Marſeille
qui eft parti du Port- au Prince à la fin d'Octobre ,
avec 120 hommes , eſt de relâche à la côte d'Efpagne
<<.
Le Miniſtère , à la première nouvelle de
la déclaration de guerre de la Grande - Bretagne
contre la Hollande , s'empreffa , comme
nous l'avons dit , d'en faire donner avis
à tous les bâtimens marchands de la République
qui fe trouvoient dans nos Ports.
Le 25 Décembre le Miniftre de la Marine
adreffa la lettre fuivante à M. Miftral , Commiffaire
général des Ports & Arfenaux de la
Marine en Normandie.
» Je vous préviens , M. , que l'Angleterre a déclaré
la guerre à la Hollande , par un Manifefte
qui a paru à Londres le 21 de ce mois ; comme il eft
très -important que tous les Capitaines des navires
Hollandois foient inftruits promptement de cette
nouvelle , j'écris en conféquence aux Commiffaires
& Syndics des Claffes du département du Havre .
S. M. a donné des ordres pour que les Commandans
de fes vaiffeaux , frégates & autres bâtimens
de guerre , prennent fous leur protection , toutes
les fois qu'elle fera réclamée , les navires des Etats-
Généraux qu'ils rencontreront en mer . Il faut que
les Capitaines des corfaires François ayent la même
attention. Vous les informerez de la volonté du Roi
à cet égard .
Parmi les difcours qui ont été prononcés
à Verfailles à l'occafion de la mort de l'Im-
`hs
( 178 )
pératrice Reine , on a diftingué ceux de M. de
Nicolaï , premier Préfident de la Chambre
des Comptes. Nous nous empreffons de
les faire connoître à nos Lecteurs , qui ,
après les avoir lus , ne feront pas étonnés du
fuccès qu'ils ont eu. Le premier a été
adreffé au Roi.
» SIRE , l'hommage que l'on doit à la cendre
des Souverains que le Ciel fit naître pour l'exem
ple de la terre & le bonheur des Peuples , c'eft de
publier l'hiftoire de leur vie ; le récit de leurs ac
tions immortelles leur fert de panégyrique ; la re
nommée les confacre à la reconnoiffance de leur
fiècle , elle difpute , elle affure même en leur faveur
le jugement de la févère , mais équitable pofté
rité. Voilà , SIRE , le tribut que demande la mémoire
de l'Augufte Impératrice que nous pleurons ;.
elle repoufferoit un autre éloge. Née ſur le Trône ,
& bientôt appellée à partager la Couronne Impériale
, voyez- la , SIRE , lutter long- tems contre
les évènemens & prefque toute l'Europe , mais tou
jours fupérieure aux revers , déployer dans l'adverfité
l'énergie de fa grande ame. Enfin , un ordre de
deftinées plus heureufes vient d'éclore , il femble
que l'héroïsme de MARIE-THERESE ait fur la
politique le même empire que fur les coeurs , les
intérêts oppofés fe concilient & les Puiffances rivales
deviennent alliées : l'Hiftoire fe chargera de
peindre la derniere guerre ; pour nous , SIRE,
nous aimons à nous arrêter à ces tems dont le fouvenirfera
toujours cher aux François . La paix eft
déclarée , & le repos de l'Impératrice va faire le
bonheur du monde. Elle ne fe bornera point dans
l'intérieur de. fon Palais aux foins de fon Empire ;
miniftre des décrets de la Providence , elle y forme
des Souverains , elle prépare une Reine à la France :
ainfi l'Epouſe & la Mere des Céfars aura vu fon
( 179 )
Augufte Maifon s'affeoir fur les Trônes & régner
fur les plus belles contrées. C'eft au fein des profpérités
les plus éclatantes , qu'adorée de les Peuples ,
refpectée , admirée de fes voifins , laiffant aux Rois
un modèle , des regrets , un long fouvenir de fes
vertus aux Nations , elle a terminé fa carrière. Rien
n'a manqué , SIRE , à la gloire de l'Impératrice ,
mais il a manqué à fon bonheur de voir naître de
fon fang l'héritier de cet Empire : fans doute , la
Providence , fenfible à nos voeux , réferve ce bienfait
à cette époque brillante & prochaine , où la
France pourra , en béniffant dans fon Roi le Pere de
fes Sujets , révérer en même tems le Pacificateur
& l'Arbitre de l'Europe «<,
·
Le fecond a été adreffé à la Reine.
» MADAME , nous venons offrir à VOTRE
MAJESTÉ le tribut de nos larmes . L'hommage
que nous rendons à la mémoire de l'Impératrice
eft l'expreffion de la douleur publique : l'éloge des
bons Rois eft dans tous les cours ; leur perte laiffe
l'Univers dans le deuil , & le monde les pleure com.
me font leurs Sujets. Ne vous refufez point
MADAME, à nos confolations ; puiffent du moins
notre admiration & nos regrets adoucir la rigueur
de votre facrifice : confervez-vous pour reproduire
parmi nous votre Augufte Mere. Les jours de Votre
Majefté appartiennent à la France , & leur durée eſt
le gage de la profpérité de notre Empire & du bonheur
du Roi «.
M. Serain , Chirurgien au Château de
Canon , nous a fait paffer les détails ſuivans :
» En applaniffant un monticule , dans le lieu où
je réfide , à cinq lieues en deçà de Caen , les ouvriers
trouvèrent à deux pieds de profondeur , des
offemens humains , du charbon & des anneaux en
affez grand nombre , pour faire croire que ce ter
rein avoit fervi de fépulture. Arrivés vers le mih
6
( 180 )
lieu de cette éminence , ils découvrirent fucceff
vement fept foffes fituées à quatre pieds de diftance
l'une de l'autre ; les fix premières contenoient des
fquélettes entiers , dont les têtes étoient fituées vers
le levant , & fous chacune d'elles étoit un anneau
de cuivre rouge de deux pouces de diamètre & de
deux lignes d'épaiffeur. Le feptième fquélette avoit
ceci de particulier , que fa tête dirigée vers le nord
pofoit fur deux anneaux , qui ne différoient qu'en
ce que l'un avoit quatre pouces de diamètre , &
l'autre placé dans le centre du premier avoit deux
pouces. Je conferve une de ces pièces, qui eft trèschargée
de verd de gris , & fur laquelle je n'ai
découvert aucunes traces d'infcription. Toutes ces
foffes contenoient en outre du charbon , qui , à la
couleur près , reffembloit beaucoup à l'amiante.-
On fait que la coutume de mettre du charbon dans
les foffes fepulchrales , ou même dans les cercueils
, a eu lieu jufques vers le douzième ſiècle ;
mais j'ignore ce que fignifient ces annicaux , quels
peuples & quelle religion avoient cet ufage , dans
quels tems il a fini , pourquoi cette différence dans
la pofition des cadavres , dans le nombre & la grandeur
des anneaux. Je fupplie les perfonnes inftruites
des anciens ufages , de dépofer dans votre
Journal ce que leurs recherches leur auront appris
fur ce fujet «.
Le 28 Novembre dernier , M. Tresllet ,
dit Lacrimofa , Bourgeois de Gannat , Généralité
de Moulins , renouvella fon mariage
après 2 ans , dans l'Eglife des Religieufes
du lieu. Il a 82 ans & fa femme
84. La cérémonie fut faite par M. l'Abbé
Bourdichon , Prêtre , Doyen , Sous - Chantie
& Communalifte de la Communauté de Ste-
Croix de Gannat , âgé lui même de 84 ans.
( 181 )
}
Une foule innombrable y affifta . Le couple
fut reconduit chez lui au fon des tambours ,
des fifres & des hautbois , on y avoit
préparé un grand repas après lequel il y
eut bal qui fut ouvert & clos par les mariés
qui parurent fort joyeux de la Fête
qu'ils donnoient & dont ils étoient l'objet.
S. A. S. Monfeigneur le Duc de Penthièvre ,
écrit-on de Tréport ,à la premiere infpection qu'il
a faite de fon Comté d'Eu , ayant vu avec peine
la trifte fituation du port de Tréport autrefois floriffant
, mais qui depuis long-tems abandonné à
lui même , n'offroit plus qu'une retraite aux
plus petits vaiffeaux , ) a daigné s'en occuper.
·
S. A. en a fait elle -même un examen particulier
au mois de Septembre 1777 ; avec M. Deceffart
Ingénieur du Roi en Chef pour les Ponts & Chauf
fées , & les Ports Maritimes de Commerce de la
Généralité de Rouen , elle a ordonné d'exécuter à
fes propres frais , une éclufe de chaffe capable de
débarrafler le port du galet dont il étoit eucombré..
Cette éclufe conftruite en pierre de taille
ayant un débouché de plus de 400 pieds fuperficiels
, a été commencée au mois de Mai 1778 ,
& totalement finie & exécutée au mois de Septembre
1780 , d'après les projets & fous l'infpection
de M. Deceffart , Ingénieur du Roi ; la con-
―
---
duite du travail & les détails de l'exécution ont
été confiées à M. de Lamblardie , Ingénieur du
même Corps , au Département de Dieppe . Les
avantages que cette éclufe a déjà procurés depuis
fa perfection , font regarder ce monument de la
bienfaifance du Prince , comme un renouvellement
de l'ancienne fplendeur dont a déjà joui le Tréport.-
Le chenal de ce port débarraffé en partie par la
chaffe des éclufes depuis le peu de tems qu'elles
jouent , fait dire à tous les marins des environs ,
( 182 )
qu'il en fera un de relâche pour tous les bâtimens
qui , fuivant la côte de France , en ont befoin au
nord & à Saint-Vallery-fur- Somme , des bancs du
quel il n'eft éloigné que de trois lieues ; il ne fera
pas moins utile aux bâtimens qui venant du nord
& contrariés par les vents , font fouvent forcés de
retourner à Boulogne ou Calais , faute d'une retraite
voifine après le paffage des bancs de Somme ;
le commerce n'auroit plus rien à défirer pour ce
´port , fi les jettées en bois qui en forment l'entrée
étoient prolongées & réédifiées ; on ofe l'espérer
des bontés d'un Roi qui ne s'occupe que du bonheur
de fes fujets. Il monte actuellement dans les
grandes mers de vive eau à marée haute , vingtdeux
pieds d'eau à la tête de la jettée d'amont ,
& douze à treize dans la morte eau ; lorfque par
l'effet des éclufes & le prolongement des jettées ,
leur tête touchera la laiffe de bafle-mer , il montera
alors trente-trois , à trente-quatre pieds d'eau
dans les vives eaux , & vingt-cinq environ dans les
mortes eaux ce qui donnera lieu aux navires marchands
, de quelque grandeur qu'ils foient , d'y relâcher
en tout tems. Je me flatte , M. , que vous
voudrez bien rendre publique cette lettre par la
voie de votre Journal , comme intéreffant la marine
entière , & comme un foible témoignage de
nos fentimens refpectueux de reconnoiffance pour
un Prince qui a voulu , à quelque prix que ce foit ,
relever & rétablir le commerce des pêches fraîches
& falées dans un port que quelques années de plus
d'abandon à lui - même , auroient forcés les valfaux
à abandonner entièrement ; Signé RUBION
"
Le fieur Rubion , Négociant à Eu , & Armateur à
Tréport, où il a maiſon , offre aux bâtimens tant nationaux
qu'étrangers qui relâcheront à Tréport, & n'y
auront pas de connoiffance , tous les fecours dont ils
pourront avoir befoin , foit en vivres , argent ,
&c. & fe charge de procurer aux derniers des
interprêtes de leur nation «<..
( 18 ; )
On lit dans l'Affiche de Limoges du 10 de
ce mois , qu'il exifte , à Saulgone dans un
moulin appartenant au Comte de l'Eippeau ,
une Meunière âgée de 100 ans. Cette femme
dont la fanté n'a jamais été altérée , & qui eft
fans infirmités , remplit encore elle- même
les fonctions de fon état. Elle lit facilement
fans lunettes & va à pied les Dimanches &
Fêtes entendre la Meffe à un quart de lieue
de fa demeure.
Celle du Maine parle d'un autre cente
naire. C'eſt un Tifferand habitant le bourg
de Béthune , à une lieue de la Trimouille
en Poitou ; il eſt âgé de 108 ; juſqu'à l'âge
de 104 , il a exercé fon métier & il l'exerceroit
encore fi fa famille ne l'avoit preffé de
fe repofer. Son occupation habituelle eft
d'aller rendre vifite à fes voisins qui ne
peuvent fe laffer d'admirer fa bonne conftitution.
Agathe- Jeanne-Marie , fille mineure de
Bernard O- Reilly des Princes Souverains
d'Hy- Briand- Drefny , l'une des premières
branches de la race royale la plus illuftre
de l'Irlande , de l'Ecoffe & de l'Angleterre ,
eft morte en cette ville le 14 de ce mois ,
rue des Coutures- St- Gervais.
Le Roi ayant, par fon Ordonnance du 12 Juin
1780 , affujetti à l'ordre des Claffes pour le fervice
de fes vaiffeaux , tous les Bateliers & Pêcheurs
de la riviere de Loire & de celles affluentes , a
fixé par une feconde , en date du 1er. Novembre:
dernier , les lieux & paroiffes dont chaque déparzement
& quartier des Claffes doit être compofé..
( 184 )
Le Roi réunit d'abord au quartier de Nantes plu
fieurs Paroiffes . Les autres , fituées fur les bords de
ces rivières , font partagés en 4 départemens . Le
premier , qui eft celui d'Angers , renferme 3 quartiers
, celui d'Angers , celui d'Ingrande & de Saumur.
Le département de Tours eft le fecond , renfermant
les quartiers de Tours , de l'Ifle Bouchard , dépendant
du premier , & de Selles en Berri . Le département
d'Orléans eft le 3º . contenant le quartier d'Or
léans . Le quatrième département , qui eft celui de
Nevers , n'a qu'un feul quartier non plus.
Arrêt du Confeil d'Etat du Roi du 25 Novembre
1780 , qui lève la furféance de la vente des Offices
des Jurés- Prifeurs , ordonnée par Edit de Février
1771. - Ordonne Sa Maiefté qu'il fera procédé par
le Receveur des Revenus Cafuels à Paris , & par
les Préposés dans la Province à la vente des Offices
des Jurés-Prifeurs , vendeurs de biens- meubles , fupprimés
& recréés par l'Edit du mois de Février 1771
dans toutes les Villes , Bourgs & Lieux où il y a
Juftice Royale. Ces Offices feront établis dans
chaque Bailliage ou Sénéchauffée , au nombre qui
fera jugé néceffaire. Ils pourront être levés par
un ou plufieurs Acquéreurs , mais feulement pour la
totalité dans chaque Bailliage ou Sénéchauffée , en
tel nombre qu'ils foient divifés .
―
A la fuite de cet Arrêt eft l'état annexé , contenant
la fixation collective des Offices qui pourront
être établis dans chaque Bailliage ou Sénéchauffée ,
avec la faculté de la divifer en autant de parties qu'il
fera demandé d'Offices dans chacun de ces refforts
& les Pourvus ne feront point tenus à réſidence.
Les Pourvus ou Propriétaires des Offices fupprimés
par l'Edit de 1771 , feront préférés , mais à la charge
par eux de lever la totalité des Offices du reffort du
Bailliage ou Sénéchauffées où ils fe trouveront fitués,
& de payer la finance dans trois mois , à compter du
jour de la publication du préſent Arrêt , fur laquelle
( 185 )
--
finance il leur fera tenu compte de ce qui pourra
leur être dû pour le remboursement de 1771 , ils fe.
ront exempts de nouvelles provifions , preftation de
ferment , & c. Les Acquéreurs pourront faire exercer
lefdits Offices par des Commis ou Préposés à la
charge , & c. Sont difpenfés les Pourvus du droit de
Centième denier dont il leur eft fait don & remife ,
& même exempts de ce payement annuel jufqu'en
Décembre 1788 , en payant le 24° denier du prix de
la finance . Les droits de Marc d'or & de Sceau des
premieres provifions feront modérés au tiers.
Les Jurés Prifeurs de la Province du Haynault continueront
d'exercer leurs Offices & de compter des
quatre deniers pour livre de la vente au Régiffeur de
Sa Majefté , fi mieux n'aiment dans trois mois pour
tout délai , payer , par augmentation de finance , le
montant des fixations de Bailliage & Prevôtés de
ladite Province , portées en l'état annexé au préfent
Arrêt.
Les numéros fortis au tirage de la Loterie
Royale de France du 16 de ce mois , font :
56 , 74 , 80 , 41 & 83.
C
Plufieurs de nos Lecteurs ayant defiré la
note des paiemens de l'Hôtel- de- Ville de
Paris , nous indiquerons à l'avenir à la fin
de chaque femaine les lettres où en font
les payeurs. Hier ils en étoient tous à la
lettre L.
De BRUXELLES , le 23 Janvier. !
SELON les lettres de Lisbonne , les Anglois
retirent journellement de ce port les
prifes Hollandoifes qu'ils y ont amenées,pour
les conduire en Angleterre. La nouvelle de
la déclaration de guerre contre la République
y a fait beaucoup de fenfation. Les Né(
186 )
gocians qui employoient encore les navires
Hollandois , parce qu'on les affuroit à un
prix raifonnable qui vient d'augmenter prodigieufement
, refuſent à préfent de leur
confier des marchandiſes , & ils viennent de
faire décharger celles qu'ils avoient déja fait
embarquer & qui étoient prêtes à partir .
Une lettre de Venife offre une nouvelle
preuve de la conftance Angloiſe dans des
principes qu'on a fouvent reprochés à cette
nation , qui a depuis long-tems accoutumé
les ennemis , que fon orgueil & fon imprudence
lui ont attirés , à voir attaquer leurs
poffeffions long - tems avant que la guerre
leur ait été déclarée.
» Il vient d'arriver à Veniſe ( ſur la fin du mois
dernier ) fix Officiers Anglois , dans l'état le plus
miférable , ayant à peine les vêtemens néceffaires ,
& qui ont trouvé de foibles fecours dans la charité
de leur Miniftre & de leur Conful qui ont
été fi fouvent la dupe de toutes fortes d'aventu
riers , qu'on ne peut s'étonner fi leur bienfaiſance
eft circonfpecte. Ceux- ci cependant doivent être
diftingués . Voici ce que l'on raconte de leur miffion
& de leur malheur. La Cour de Londres ,
preffée de faire parvenir à l'Amiral Hugues dans
I'Inde , la nouvelle de la rupture avec la Hollande ,
& l'ordre d'attaquer les poffeffions de la Républi
que avant qu'on s'y doutât qu'elles puffent être
menacées , avoit fait partir ces Officiers qui devoient
fe rendre par terre dans ces contrées , &
fe féparer pour porter des ordres dans tous les
endroits où il étoit important qu'ils arrivalſent
promptement. Sur les côtes d'Egypte , le vaiffeau
qui les portoit fut pris par un corfaire Dulcignote ,
qui dépouilla les exprès Britanniques , & leur enleva
leur argent , leurs hardes & leurs dépêches,
( 187 )
Après bien des traverfes , un voyage pénible que
le défaut d'argent a rendu très - long , ils font venus
à Veniſe , d'où ils ont envoyé la relation de
leur aventure à la Cour de Londres , & où ils attendent
les fonds, néceffaires pour continuer leur route
de nouvelles inftructions & de nouveaux ordres
pour remplacer ceux qu'ils ont pèrdus «<,
Il eft facile à nos Lecteurs en calculant
à peu-près le tems qu'il a fallu à ces Officiers
pour ſe rendre de Londres dans le port
d'Italie où ils fe font embarqués , celui qu'ils
ont dû mettre pour arriver fur les côtes d'Egypte
où ils ont été pris , & pour revenir enfuite
à Venife , de découvrir à-peu- près
l'époque de leur départ d'Angleterre . Elle a
dûprécéder, au moins de plufieurs mois , le 21
Décembre , date précife de la publication de
la déclaration de guerre contre la Hollande.
On en conclura que dès long- tems elle étoit
réfolue dans le Confeil Anglois , & que
ce n'eſt pas fa faute , fi elle n'a pas été précédée
par des hoftilités dans l'Inde.
Cette conduite de l'Angleterre n'étonnera
pas l'Europe pour qui elle n'eft pas nouvelle.
On ne feroit peut-être pas furpris non plus ,
fi cette Puiffance imaginoit de fe libérer avec
la République en s'appropriant les 60 millions
fterl . qu'elle lui doit , ou en fufpendant du
moins le paiement des intérêts.
» Ce feroit fans doute une merveilleuſe opéra
tion , obſerve un papier eftimé ; l'effet des 200
lettres de marque délivrées à des corfaires , n'approcheroit
jamais de cette rare capture. Les capitaliftes
Hollandois fe flattent que l'Angleterre n'en
viendra pas à cette extrémité ; mais fur quel fondement
? Ce ne peut être que fur la bonne foi des
( 188 )
Anglois , ou fur la confidération de leur propre
intérêt , attaché au maintien du crédit national.
Ces fondemens font bien foibles & bien précaires
quand on les examine de près. Quelle bonne foi ,
quelle fidélité dans les engagemens peut-on attendre
d'un ennemi déclaré , qui , lorfqu'il faifoit des.
profeffions d'amitié , ne s'eft pas fait gloire de montrer
ni délicateffe , ni juftice «.
Les foufcriptions ouvertes à Amfterdam ;
à Rotterdam & dans quelques autres endroits
pour armer en courfe , fe rempliffent tous les
jours. Le zèle des peuples s'empreffe d'augmenter
ce fonds qui eft déja confidérable , &
qui fera employé fur le champ lorfque les
Etats- Généraux auront délivré des lettres de
repréfailles qu'on croit ne devoir pas tarder.
.
>> On vient de recevoir ici , écrit-on de la Haye ,
des nouvelles très -favorables de Pétersbourg. On
débite que l'Impératrice a non- feulement appris avec
fatisfaction l'acceffion des Etats - Généraux à la neutralité
armée , mais qu'elle n'a pas même refufé
d'affarer leurs poffeffions dans les Indes Orientales ,
& qu'elle a déclaré qu'elle défendroit le pavillon
de la République avec le même intérêt que le fien .
On ajoute que la Suède eft dans les mêmes fentimens
, & que la première démarche de la confédération
fera de demander à l'Angleterre la reftitution
de tous les vaiffeaux pris depuis la fignarure
de la neutralité. Si cette démarche a lieu , on
eft curieux de favoir le parti que prendra la Grande-
Bretagne. Il feroit bien étrange , fans doute ,
qu'elle ofât fe faire des ennemis de plus ; mais après
fa conduite à l'égard de la Hollande , lorfqu'elle
avoit déjà trois Puiflances fur les bras , il femble
que les imprudences ne doivent plus étonner. En
attendant , la République ne doit rien négliger pour
fe mettre en état de faire face à fon ennemi. Le
( 189 )
patriotisme ne peut manquer de fe réveiller , & ce
font les occafions qui font naître les guerriers &
les héros ; on a déjà vu un vaiffeau de la République
, réfifter à des forces fupérieures , & les
contraindre à fuir devant lui . Une lettre d'Helle.
voetfluis , nous apprend d'un autre coté , que le
vaiffeau de guerre le Rotterdam & la Catharina-
Hendrica , de la Compagnie des Indes , deftinés
pour Batavia , ayant rencontré un vaiffeau de
guerre, & deux cutters Anglois , les ont combattus
jufqu'à l'approche de deux corfaires François
qui accouroient pour les feconder , & dont l'apparition
a fait prendre la fuite aux Anglois. Le
vaiffeau de guerre Hollandois a continué fa route
pour un port de France , & celui des Indes , a
pourſuivi fon voyage à fa deftination «.
Les négociations qui fe préparent , & les
évènemens qui doivent en être la fuite
fixent l'attention de l'Europe empreffée d'en
apprendre le réfultat. On fe flatte toujours
que la paix en fera l'effet , & que cet heureux
évènement doit être rapproché. Les fpéculatifs
ne manquent pas de s'égarer fur cette
perſpective riante , & de former des plans qui
doivent la rapprocher. A les en croire , on
reviendra au projet d'invafion , qui n'a pas
été formé férieufement lorfqu'on l'a annoncé
, & qui n'étoit que comminatoire , fi l'on
peut fe fervir de cette expreffion , lorſqu'on
paroiffoit tout difpofer pour l'exécuter. Il ne
pouvoit l'être dans ce tems , fans forcer les
Hollandois à fe déclarer pour l'Angleterre
à qui leurs traités leur faifoient une loi de
donner leurs fecours auffi- tôt qu'elle feroit
envahic. Le parti pris par le Roi d'Angleterre
de fufpendre d'abord ces traités , &
( 190 )
enfuite de les annuller en déclarant la guerre
à la République , a changé la face des chofes
, & la Grande- Bretagne pourroit maintenant
être attaquée dans fes foyers , fans
efpérer aucun appui , & refter réduite à ellemême
pour ſe défendre. fe D'après ces fuppofitions
les politiques s'empreffent d'imaginer de
grandes entrepriſes , de beaux rêves peut- être ,
dans lefquels nous ne les fuivrons pas.
Nous nous contenterons de rapporter
les
faits , notre tâche n'eft pas de les prévoir,
On dit que le Comte de Welderen en
arrivant à Oftende alla loger dans la même
auberge où étoit depuis quelques jours le
Chevalier Yorke , avec lequel il eut une
courte conférence ; il partit enfuite pour la
Haye . On a remarqué , comme une chofe
particulière à Anvers , que le Duc de la
Vauguyon & le Comte de Welderen fe rendant
tous deux à la Haye , & le Chevalier
Yorke quittant cette ville , ont paffé une
nuit à Anvers dans le même logement .
On lit dans un Papier public étranger ,
que M. Olavidés , ancien Gouverneur de
Séville , devenu célèbre par fes malheurs ,
& le jugement févère que l'Inquifition a rendue
contre lui , eft arrivé à Toulouſe où il
doit , dit- on , paffer l'hiver , en attendant
la faifon de fe rendre aux eaux qu'on lui a
confeillées pour fa fanté. Il faut , fi cela eft ,
qu'il ait eu de puiffans amis auprès du Grand-
Inquifiteur pour obtenir cette permiffion.
PRÉCIS DES GAZETTES ANG . , du 17 Janvier.
Le 28 au matin , il fut dépêché un courier du
( 191 )
Bureau du Secrétaire d'Etat , au Miniftre de S. M.
à la Cour de Berlin. Ce courier eft chargé de matières
de la plus grande importance , en réponſe
à des dépêches reçues les au foir.
Il court divers bruits fur le Thunderer , de 74 ,
fterling Castle , de 64. Suivant les uns , ils
font perdus ; fuivant d'autres , ils font arrivés à
New-Yorck dans le plus trifte état ; c'eſt ce que
l'on affure plus particulièrement du Thunderer.
•
Le 8 au matin , le Ch . James Wallace eft parti
de l'Amirauté de Portſmouth. Il a ordre de prendre
toutes les forces navales qu'il jugera convenables
ainfi que le 14c. & le 97e . régimens , & un fort dé.
tachement de troupes de marine. On croit qu'il aus
ra appareillé le s au foir avec le Nonfuch , de 67 ,
le Buffalo , de 60 & le Romney , de so , frégates
, 2 floops & 4 cutters. Le vent ayant été bon
du N. N. E. N. , il doit être arrivé à Jerſey le 9
au foir. Les floops & cutters toucheront à Gerne
fey pour y prendre le bataillon du Lord Seaforth.
و
3
Divers corps de milices des parties occidentales
de l'Angleterre , avoient demandé avec inftance à
être envoyés à Jerley. Comme on appréhende une
entreprife plus férieufe fur ces Ifles , affez naturelle
à concevoir , pour laver la double difgrace
que les armes Françoifes ont reçues , on va s'occuper
à les mettre dans le meilleur état de défenfe.
La Gazette de la Cour du 1 ; a publié une proclamation
datée de la veille , qui ordonne l'obſervation
d'un jour de jeûne & de prieres pour l'Angleterre
le 21 Février , & pour l'Ecoffe le 22. Cette
pièce eft dans le ftyle ordinaire. Il y eft parlé du
defir que doit avoir la Nation d'obtenir le pardon
de fes péchés multipliés , de toucher Dieu par fon
humiliation , d'implorer fon affiftance & d'en obte
nir le retour de la paix ! Toutes expreffions qui ont
droit de furprendre de la part d'une Nation fi avide
de piraterie , fi infoutenable dans fon orgueil , fi
( 192 )
injufte dans fes prétentions , & fi conftamment
ennemie de la paix.
Le Lord North a reçu , le 16 , les Députés
intéreffés au commerce des Indes Occidentales . Il
s'eft tenu le 12 une affemblée de ces Négocians ,
à l'effet de délibérer fur les moyens les plus eff
caces de faire paffer des fecours à ces malheureuſes
Villes . Il y fut arrêté qu'il feroit préfenté une pétition
au Parlement.
Le Lord Effingham , qui n'avoit point paru de
puis l'émeute du 8 Juin , & que bien des
gens pré
tendoient avoir été tué dans la bagarre , vient d'arri
ver à Londres , de la campagne du Duc de North.
folk , fon parent, où il a paflé l'été. On voit bien
par les diverfes réfolutions de l'affociation d'Yorck ,
que ce Seigneur eft plein de vie. Ces réfolutions ;
qui font de la plus grande vigueur , ont été prifes
dans l'affemblée du comité tenu à Yorck les 3 & 4
de ce mois. Leur objet est toujours la réforme de
la corruption qui s'eft introduite dans le Parle
ment , dont le feul remède confifte à rétablir l'égalité
dans la repréſentation , & à réduire à 3 an
nées la durée des Parlemens .
Les prifonniers François à Jerſey font , dit - on ,
déja arrivés en Angleterre en deux divifions , l'une
à Falmouth & l'autre à Plimouth.
Six des vaiffeaux de la Compagnie des Indes font
partis des Dunes le 8. Le Spithéad , fous le convoi
de la Bellone , de 74 , de la Minerve , de 38 , &
de quelques autres moindres frégates . L'Union ,
de 98 , & le Marlborough , de 74 , reftent aux
Dunes.
Les fix vaiffeaux de l'Inde font le Lord North ,
le Chatham , le Queen , l'Effex , l'Oßterly & le
Chapman.
Il y a grande apparence qu'une efcadre ne tar
dera point à partir avec cette flotte . Elle fera fans,
doute chargée de fecours à jetter dans Gi
braltar.
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Le Journal
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Du mois de Décembre 1780.
PIÈCES FUGITIVES.
Le Songe heureux, Conte, 3
Le Mûrier , Conte, 49
Réponse de M. Rigaud à la
Les Récréations Dramatiques,
premierExtrait ,
Second Extrait ,
SPECTACLES.
161
199
Lettre fur le Canal fouter- Académie Roy. de Muſiq. 84,
rain de Picardie ,
'La Confultation ,
Air de M. Hinner ,
216
53
97
101
Comédie Françoiſe , 39 , 86 ,
223
1
224
Qui l'ett Penfe, Conte , 103 Comédie Italienne , 88 , 133 ,
Vers fur la Mort de l'Impératrice
- Reine de Hongrie,
VARIÉTÉS .
145 Lettre au Rédacteur du Mer-
Reflexions fur les Journaux , cure ,
43
146 Repone de M. de Charnois, 91
Réplique pour M. de Voltaire ,
194 contre M. de Charnois , 137
Réflexions fur la derniere
Séance de l'Académie de
Bordeaux ,
Vers à Mlle de Béthune , 193
A Mile Laguerre ,
Enigmes & Logogryphes , 16 ,
63 , 100 , 158 , 196
NOUVELLES LITTÉR.
Roland Furieux , Poëme Héroïque
de l'Ariofte ,
Annales Poétiques,
Les Loix Criminelles de France
,
17
66
226
44
SCIENCES ET ARTS .
Lettre de M. D *** , à M.
Rigaud ,
Lettre au Rédacteur du Mer-
71 cure ,
Seconde Lettre de M. Rigaud
fur le Canalfouterrain
de Picardie ,
Gravures .
III
139
181
Les deux Oncles , Comédie , 77
Réflexionsfur l'état actuel de
Agriculture ,
La Henriade de Voltaire , 115 46,93 , 141
Mémoires de Clarence Welldo- Annonces Littéraires , 48, 95 ,
ne,
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FRANCE.
SAMEDI 6
JANVIER 1781.
PIÈCES
FUGITIVES
EN
VERS ET EN
PROSE.
VERS
A
l'Ombre de
l'Impératrice-Reine de
Hongrie
LA plus
augufte
Souveraine
Et la plus digne de nos
pleurs ,
Sur fes
heureux États
répandit fes
faveurs ;
Le
Temps , de fa faulx
inhumaine ,
Vient de
trancher le fil de fes
beaux jours.
Gloire &
fécondité
couronnèrent la vie;
Par fes Vertus ,
THÉRÈSE fut chérie ;
Par fes
Exploits , on la
craignit
toujours.
(Par M. Mouret de Saint -Firmin , Ancien
Commiffaire de la Marine. )
*
A i
MERCURE
ÉPITRE à M. le Baron DE Grenaut
fur le choix qu'ont fait de lui , pour leur
Capitaine , MM. de la Compagnie de l'Arc
de Dijon , le 30 Avril 1780 , jour du
Tirage de l'Oifeau.
Sous l'aspect riant des Gémeaux ,
Dans ces beaux lieux
que de fes eaux
L'Ouche amoureux baigne & careffe
Ou -le Plaifir , les Jeux , l'Amour ,
Doivent , des hameaux d'alentour ,
Conduire une vive jeuneſſe
Au fon du fifre & du tambour ;
C'eft aujourd'hui qu'un trait rapide ,
Lancé dans le vague de l'air ,
A travers fon plumage verd ,
Ira frapper l'oifeau timide.
CONSERVATEUR refpectueux
D'un exercice utile & fage ,
Que chériffoient nos bons ayeur ,
Souffrons que leurs fils généreux
Nous en tracent la noble image.
Cet Art de tous fut le premier
Qui , du Chaffeur & du Guerrier ,
Venoit inftruire le courage,
DE
FRANCE.
Aing vit-on l'un des Hemis. *
Placés au Trône
d'Angleterre ,
A l'Arc donner encor du prix ,
Quoique déjà de longs fufils
Fiffent entendre leur tonnerre.
Il est bien vrai , l'Arc en ce jour
N'offreplus rien de
redoutable ,
N'eft plus une arme
formidable
Que dans les mains du tendre Amour ;
Et dans vos
agréables fêtes ,
O mes
aimables
Chevaliers ,
Ce font des fleurs , non des lauriers
Qui viennent
couronner vos têtes,
De nos Beautés heureux
vainqueurs ,
Vous ne voulez d'autres
conquêtes
Que la conquête de leurs coeurs .
On ne voit point dans vos trophées
D'amas fanglant de durs cimiers ,
De cuiraffes , de
boucliers ;
Il vous fuffit que ,
redreffées ,
Les plumes de votre
chapeau
Galamment
s'offrent
réhauffées
Des aîles du
tranquille oiſeau
Que vos flèches auront percées.
MAIS n'eft-ce que pour fignaler
Dans le coup-d'oeil votre juftefle ,
* Henrí VIII favorifa
fingulièrement cet exercice.
A iij
MERCURE
Et vôtre force & vôtre adreffe ,
Qu'on voit ces Jeux vous raffembler
Je fais un motif plus fublime :
Avec le nom de Citoyens ,
Cette union , de votre eſtime
Refferre encore les liens.
AINSI voulant goûter les charmes
D'une aimable Société ,
Nos Chevaliers , loin des alarmes ,
O Baron plein d'aménité !
Vous ont fait le Chef de leurs armes
Certains que votre urbanité ,
Dans fon influence nouvelle ,
Va donner de nouveaux attraits
A l'amitié douce & fidelle ,
Et leur offrir le vrai modèle
De la concorde & de la paix.
MAIS déjà le moment s'avance ,
Où partageant le haut des cieux
Phébus voit commencer vos Jeux.
Marchez les vents, ont fait filence ; :
Puiffe leur fouffle impétueux *
Ne point écarter de leur route
Vos traits lancés avec vigueur !
Puiffe Diane qui m'écoute ,
* Jufqu'à ce jour le temps avoit été fort pluvieux , &
les vents n'avoient ceffé de fouffler
DE
FRANCE.
En diriger le coup vainqueur !
Puiffions-nous , par fes foins propices ,
Voir dans ces murs , fous vos aufpices ,
Entrer ce foir un Empereur ,
Dont le palais fur la façade
S'éclaire en longs filets de feux , *
Laiffe , des flancs d'un chêne creux ,
Le vin s'échappant en caſcade ,
Enivrer un peuple nombreux ,
Parmi les chants , les fauts joyeux
Et du Faune & de la Menade !
A Madame DE LA PORTE , Intendante
de Lorraine.
AIR: Laire-la-laire-lan-laire , laire- la , laire-lan -la.
LORSQU'ON veut par tous les
mortels
Se faire ériger des Autels
>
La Porte apprend ce qu'il faut faire;
Laire, la , laire- lan- laire ,
Laire-la ,
Laire-lan-la.
DES plus grands Hommes les vertus
Et tous les attraits de Vénus ;
Voilà ſes vrais moyens de plaire ;
Laire , &c.
* Illumination qui eft d'uſage , avec le haut-bois & le
tambour que l'on donne au peuple.
A iv
& MERCURE
SON efprit folide & brillant ,
Comme le foleil bienfaiſant ,
Jamais ne nuit , toujours éclaire.
Laire , & c. 1
POUR fes amis elle fera
Plus que l'on n'en demandera.
Pour des amans , c'eſt le contraire.
Laire , & c.
SON éloge feroit complet
Si ma Mufe en ces vers rimoit
Ce qu'en dit la Province entière.
Laire-la , &c.
( Par M. le Comte de Viermes.)
Explication de l'Enigme & du Logogryphe
du Mercure précédent.
LE
E mot de l'Énigme eft l'Enigme ; celui
du Logogryphe eft Pincette , où le trouvent
pin , Pet , pie, Pie , peine , pinte , pêne
pince , pic , pic , ( de Teneriffe ) pente , petit,
été, Nicée, Nice , ( en Provence ) cep , épi ,
inepte , net , le Tien , type , tête , teint, Cité,
épice , Cene , tic , cent.
DE FRANCE.
9
ÉNIGM E.
POURSUIVI ,
OURSUIVI
, recherché
, vois quelle
eft ma
misère.
Parmi quatre mortels je fuis fignal de guerre ;
Un feul m'accueille-t-il ? les trois autres jaloux ,
A l'inftant contre moi vont ſe réunir tous.
Ma perte eft réfolue , & pourtant incertaine ;
Étant bien fecondé, je me défends fans peine ;
De tel qui me pourfuit , je puis avoir raiſon ;
Je vais rarement ſeul , & fuis un peu poltron ,
Mais fans manquer de coeur. Ceci te paroît rare ,
Oh ! je fuis , je l'avoue , un être fort bifarre ,
Comiquement conftruit , prefque tout contrefait ;
Placé dans un rang vil , en un mot un valet.
( Par M. C. D. G. , Officier au Régiment
de Boulonnois. )
LOGO GRYPHE.
Mon père , pour les biens qu'il procure aux
ON
mortels ,
Chez plus d'un peuple eut jadis des Autels ;
Moi , fa compagne inféparable ,
Je n'offre aux yeux rien d'adorable ;
Même pour eux je deviens un fléau
Quand l'aquilon fauvage ,
A v
10 MERCURE
Soufflant fur mon paffage ,
Me fait rentrer dans mon tuyau.
Au refte , je préfente au fage
Des vanités du monde une légère image.
Mais admirez un prodige nouveau !
Dars mon fein je porte non père ,
Sans pouvoir devenir ſa mère ;
Même il arrive affez fouvent ,
Qu'exerçant fur lui ma puiſſance ,
Je l'étouffe au moment qu'il reçoit la naiſſance ,
S'il n'eft fecouru par le vent.
Item , chez moi loge une enchantereffe ,
Qui n'eft ni femme ni Déeffe ;
Être fans réalité ,
Qui n'a jamais exifté
Que dans ces Contes ridicules
Que lifent des enfans crédules.
Trouvez encor le logement
D'un volatile ;
-Puis une ville
Qu'habite le Normand ;
Et puis encore ,
Si je fubis un changement léger,
Lecteur , je t'offre un mets dont Pythagore
Ne vouloit pas manger.
( Par M. P. D. , de Dol en Bretagne. ).
DE FRANCE
. II
NOUVELLES
LITTÉRAIRES
.
LETTRE
d'un Membre
du Congrès
Américain à divers Membres du Parlement
d'Angleterre
. A Philadelphie
; & fe trouve
à Paris , chez l'Auteur , maifon de M.. Bertin , rue S. Martin , au coin de celle
Grenier-Saint-Lazare .
C'₁st dans les Mémoires & dans les Lettres des Contemporains
, que l'étude de l'Hiftoire
eft furtout
intéreffante
. Les Auteurs des Mémoires
& des Lettres ont été fouvent Acteurs dans les faits qu'ils racontent ; ils en ont été prefque toujours
les té- moins leurs récits font pleins des impreffions
que produifoient
les événemens
au moment
qu'ils arri- voient ; ces impreffions
font une partie de l'Hiftoire même , & c'eft celle qui répand le plus d'intérêt
fur
les paffions des Contoutes
les autres. On a cru que temporains
devoient
rendre leurs récits fufpects , & cela eft vrai fans doute à certains
égards ; mais
leurs paffions dévoilent
bien plus de vérités qu'elles
n'en cachent. Les Hiftoriens
en ont une dont il faut fe défier davantage
, c'eft celle de montrer
du talent, de produire de l'effet & d'obtenir
une grande réputation
. Avec cette paffion , ils cherchent
dans l'Hiftoire
non ce qui eft vrai , mais ce qui prête davantage
au talent , & il s'en faut bien que ces
deux chofes-là s'accordent
toujours
enſemble
. Dans les Mémoires
& dans les Lettres des Contemporains
,
où l'on cherche peu le talent , c'eft toujours la vérité qui a le plus d'intérêt ; même avec un talent mé
A vj
12 MERCURE
diocre on fait un grand plaifir . Le Lecteur croit toujours
qu'on lui dévoile des fecrets , & l'on fait combien
nous aimons à recevoir des confidences. Sans
en excepter même le Cardinal de Rets & Madame
de Sévigné , Voltaire a certainement plus de talent
que tous ceux qui nous ont laiffé des Lettres & des
Ménioires fur le dix-feptième fiècle. Je doute cependant
que la lecture du fiècle de Louis XIV par
Voltaire , faffe autant de plaifir que celle des Mémoires
du Cardinal de Rets , de M. de la Rochefoucault
, de Madame de la Fayette , de l'Abbé de
Choifi , que la lecture fur tout des Lettres de Madame
de Maintenon & de Madame de Sévigné. Il peut fe
faire que le grand talent & le génie même ne foient
pas toujours ce qui fait le plus de plaifir dans les
Ouvrages.
C'est un moyen de donner plus d'intérêt à l’Hiftoire,
que de l'écrire fous cette forme, fingulièrement
attachante, des Lettres & des Mémoires ; & fi l'Ecrivain
a de la foupleffe dans l'imagination & de la
variété dans le talent , cet artifice lui réuffira , furtout
dans des Lettres qu'il fuppofera écrites par de
grands Perfonnages. Les Mémoires reffemblent encore
un peu trop aux Hiftoires. On les adreffe à des
amis , mais on les écrit pour la poftérité . Cette prétention
ne fe fuppofe guère dans des Lettres , &
l'on croit volontiers que c'eft le fentiment du moment
qui les a dictées .
Les Lettres fur les Américains , dont nous allons
rendre compte, paroiffent avoir été écrites d'après
des vues femblables. L'Auteur fuppofe une corref
pondance entre un Membre du Congrès Américain
& quelques Membres du Parlement d'Angleterre.
Les Perfonnages font bien choifis ; ils peuvent à -lafois
& raconter les événemens qui fe paffent fous
leurs yeux , & en trouver les caufes dans les principes
des Corps législatifs dont ils font Membres. L'EcriDE
FRANCE. 13'
vain qui a imaginé cette correfpondance , avoit un
modèle d'autant plus précieux qu'il n'a pas été imaginé
, c'eft le Recueil de Lettres connu fous le
nom de Lettres de Cicéron , quoiqu'elles ne foient
pas toutes de ce grand Homme. Ceux qui étudient
les Anciens , favent que c'eft un des monumens les
plus curieux & les plus intéreffans de l'Antiquité.
On y lit des Lettres où quelques amis s'entretiennent
familièrement entr'eux , fans autre objet que d'épancher
leurs fentimens & d'énoncer leurs opinions ; &
les opinions & les fentimens qu'ils expriment , font
les caufes qui vont changer la deftinée d'une partie
du Monde ; ils ont l'air de ne parler que de leurs
affaires , & ce font celles de prefque tout l'Univers ;
ils écrivent comme ils parloient , tout annonce qu'ils
ne travailloient pas plus leurs lettres que leur converfation
; mais ce que Brutus & Cicéron n'ont écrit
que pour Atticus , mérite l'admiration de tous les
fecles ; plufieurs de ces Lettres font des chefd'oeuvres
d'éloquence , & rien ne prouve mieux que
les expreffions les plus fimples fuffifent pour montrer
une grande ame & un génie éloquent .
On doit êtrejufte. Il étoit impoffible de s'élever ,
par l'imagination feule , auton de ces hommes qui
s'entretiennent entr'eux de la deftinée du Monde
dont ils étoient les Arbitres . Les objets même dont
il eft queftion dans ces Lettres, n'ont pas encore affez
de grandeur pour offrir des fcènes femblables à
l'imagination . Le Congrès Américain n'eft pas encore
ft impofant que le Sénat de Rome. Les Tyrans
de l'Amérique ne montrent pas le génie & le
caractère de Céfar ; mais il eft utile au talent dé
fe propofer les plus grands modèles , pourvu que
le goût fache donner de juftes proportions aux
choles que l'on traite..
Dans les premières Lettres de ce Recueil , le Mem
bre du Congrès trace le tableau des premiers mou14
MERCURE
vemens qui ont féparé l'Amérique de l'Angleterre,
On y trouve à-peu-près toute l'Hiftoire des effets
du Bil fur le thé , celle des campagnes de Burgoyne..
Les Américains , dit le Membre du Congrès , favent
qu'on fe moque d'eux en Angleterre . On les opprime
& on les plaifante ; on trouve fur -tout trèsplaifant
qu'ils ofent former des armées de foldats .
fans uniforme , & d'hommes prefque nuds. Il eſt
bien vrai que beaucoup d'Américains manquent
d'habits , mais ils ne font pas nuds , ils font vêtus de
leurs armes. Le Membre du Congrès compare les
Anglois aux Athéniens . Les Athéniens fe moquoient
beaucoup de Philippe , qui étoit borgne. Philippe
leur fit voir à Chéronée que s'il lui manquoit un
oeil, il ne lui manquoit pas au moins des bras. Cette
comparaifon n'eft peut- être pas d'une grande jufteffe.
Les Anglois en général fe battent mieux qu'ils
ne plaifantent ; ils reflemblent peu aux Athéniens ;
& dans cette affaire , s'il y a quelqu'un qui joue le
rôle de Philippe , c'eft affurément les Anglois.
2
Le Membre du Parlement d'Angleterre parle à
fon tour de tout ce que les Anglois penfent de cette
guerre. Il peint affez bien le choc des opinions
& des intérêts ; & c'eft dans ces combats du parti de
la Liberté contre le parti de la Couronne,que le coeur
humain tout entier fe montre aux regards du Philofophe
; c'eſt dans des intérêts auffi grands que tous
les vices & toutes les vertus fe développent ; mais de
pareils tableaux demandent les pinceaux de Tacite ;
ceux de Hume ont paru fouvent trop. foibles dans
l'Hiftoire d'Angleterre , & Hume eft cependant
un très grand Hiftorien.
Les P'erfonnages de cette correfpondance , fufpendent
fouvent les récits des faits qui fe paffent fous
leurs yeux, pour agiter des queftions de politique &
de légiflation.
L'Efpagne & la France ne s'étoient pas encore
DE FRANCE IS
déclarées en faveur de l'Amérique , & nos Correfpondans
cherchent à deviner le parti que prendront
ces deux Empires ; ils devinent ce qui eft arrivé.
L'intérêt de la Nation Françoiſe , celui de l'Europe ,
difent-ils , doir forcer le Cabinet de Versailles à
former un Traité d'Alliance avec les Américains.
En vain les Anglois fe plaindront qu'on attente à
leurs droits , & qu'on viole les Traités qui maintenoient
la paix entr'eux & la France. En allant por
ter la guerre en Amérique , ils la font fur leur
route à tous les Vaiffeaux de l'Europe. Tous les Pavillons
font infultés par leurs Pavillons . Des Nations
nobles & généreuses n'ont pu , dans leurs Traités,
donner aux Anglois le droit d'affecter la domination
& l'empire. La paix qu'ils réclament ne feroit
qu'une guerre dans laquelle ils attaqueroient toujours
fans qu'on les attaquât jamais. Des prétentions
auffi injuftes ne pourront en impoſer au Minif.
tre fage & éclairé qui fait refpecter & aimer le Cabinet
de Verſailles dans tous les Cabinets de l'Europe
; & fi le Roi de France déclaroit la guerre à
cette Puiffance , ennemie de toutes les Puiffances qui
ne veulent pas fe foumettre à fon orgueil , quelle
que fût l'iffue de cette guerre, il feroit toujours glo
rieux de l'avoir entrepriſe , & la France mériteroit
la reconnoiffance de toute l'Europe.
On établit un parallèle entre les principes que
les Peuples modernes & les Peuples anciens ont
fuivis avec leurs Colonies .
Le Membre du Congrès prétend que l'Angleterre,
après la perte de fes Colones , qu'on fuppofe inévitable,
fera précifément dans la même pofition ou
fe trouva Carthage après avoir évacué l'Espagne.
Les Alliés de Carthage l'abandonnèrent : les armées
qu'elle foudoyoit fe vendoient à des Puiffances qui
pouvoient mieux les payer ; elle perdit fes richefles
en perdant fes Colonies ; ſa gloire & fạ puiliance
16 MERCURE
en perdant fes richeffes. Sans examiner cette prédiction
en particulier , nous obferverons que toutes
celles qui font fondées fur de femblables rapprochemens,
n'ont jamais un affez grand dégré de certitude.
Quelques rapports qu'il y ait entre un peu-'
ple ancien & un peuple moderne , il y a fûrement
entr'eux beaucoup plus de différences encore , & li
plus légère fuffic fouvent pour faire à deux peuples
qui fe reffemblent beaucoup , des deſtinées très- différentes.
Un des Correfpondans fait entendre que les malheurs
dont l'Angleterre eft menacée , viennent furtout
de ce que le génie & l'audace du Lord Chatam
l'ont élevée à une fortune qu'elle n'a pas de
quoi foutenir par elle-même ; il compare Chatain à
un Monarque qui n'eft puiffant que par fon génie ,
& qui ruine les Etats pour avoir voulu les élever à
la hauteur de fon caractère. On doit être jufte ,
même envers des ennemis , & cette générofité doit
être facile à des François. La puiffance de l'Angleterre
n'a jamais dépendu des talens d'un de fes
citoyens ; elle a fon principe dans le caractère même
de la Nation , dans la nature de fon gouvernement,
qui doit la rendre puiffante lors même qu'elle ne
peut pas la rendre heureufe. Des hommes tels que
Milord Chatam font fans doute beaucoup pour l'élévation
de l'Angleterre ; mais c'eft l'Angleterre qui
fait des hommes tels que Milord Chatam. C'étoient
les Paal Emile & les Lucullus qui faifoient la conquête
du Monde ; c'étoit Rome qui faifoit les
Lucullus & les Paul Emile.
L'Auteur de cet Ouvrage en avoit fait imprimer
un autre quelque temps avant la guerre de la Grande-
Bretagne avec fes Colonies ; il y prédifoit cette
guerre , & il eft dans celui- ci l'Hiftorien des événemens
qu'il a prédits dans l'autre . Sans vouloir dimi
nuer en rien l'honneur que cette prédiction fait à fa
DE FRANCE. 17
fagacité , nous oferons dire qu'elle n'a rien qui
tienne du prodige . Pour être prophête dans cette
affaire , il fuffifoit de connoître les rapports dans
lefquels l'Angleterre étoit avec fes Colonies , &
toute l'Europe connoiffoit ces rapports. L'avenir fe,
laifle voir quelquefois de la manière la plus fenfible
dans le préfent qui doit le faire naître.
Si tu te trouves embarraffé fur quelque point de,
légiflation , dit un des Membres du Parlement d'Angleterre
au Membre du Congrès , ouvre l'Efprit des
Loix : c'eft la France qui a produit le Philofophe qui
a été le plus digne d'être notre Législateur & le
vôtre. Heureux le génie de Montefquieu préfide
aux deftinées de l'Amérique !
que
L'Auteur de ces Lettres montre par-tout le plus
grand refpect pour le nom de Montefquieu ; & par
malheur c'eft une chofe l'on doit remarquer
aujourd'hui parmi les Écrivains François. Perfonne ..
ne peut ignorer la vénération que les Anglois ont
Boujours eue pour l'Auteur de l'Efprit des Loix :
mais l'Auteur des Lettres fur les Américains, rapporte
un fait
que nous n'avons trouvé nulle part. Dans
toutes les Séances du Parlement d'Angleterre , dit- il ,,
on pofe l'Esprit des loix fur une table on le confulte
s'il arrive qu'on foit embarraffé for quelque,
point de la Conſtitution ; & quand on s'est bien ;
affuré de l'avis de Montefquien , ceux des Députés
de la Nation Angloife font rarement partagés .
L'Auteur auroit du dire où il a pris ce fait. Il ne
nous paroît pas vraisemblable , quoique nous fa-;
chions qu'on cite fouvent l'Efprit des Loix dans
le Parlement d'Angleterre.
Ces Leures fe font lire avec plaifir. Le ſtyle
manque fouvent de correction & toujours d'élégance
; mais il a quelquefois de l'énergie , & prefque
toujours du naturel . L'Auteur a des connoiffan
18 MERCURE
ces ; il n'eft pas même étranger à ce fentiment de
liberté qui eft comme une efpèce de vertu qui confacre
les Ouvrages , & qui , prefque inconnu des
modernes , eft dans la légiflation ce que le goût ,
qu'on appelle antique , eft dans l'Eloquence &
dans la Poéfie. L'Auteur cite beaucoup Montef
quieu , qu'il paroît avoir affez bien étudié ; il tâche
même d'en imiter le ftyle, & il a tort en cela :
on ne prend pas plus le ftyle que le génie d'un grand
Ecrivain : il n'y a que les Ecrivains médiocres qu'il
foit poffible d'imiter , & cela prouve affez bien
qu'il ne faut imiter perfonne.
Quant à la manière dont l'Auteur a envifagé
fon fujet , il n'en a sûrement pas vu toutes les reffources.
Qu'on nous permette ici de la confidérer avec
quelqu'étendue ; nous pafferons les bornes d'un extrait
, mais il fera moins queftion de l'Ouvrage que
de fon fujet. Tout ce qui regarde l'Angleterre &
l'Amérique a un grand intérêt aujourd'hui pour
tous les François ; & s'il eft quelque moyen d'inté
reffer les hommes , c'eft fans doute de leur parler
de leurs ennemis & de leurs amis.
L'Auteur ne préfente les faits qu'en réſultats , & la
nature , auffi bien que la forme de fon Ouvrage, demandoit
qu'il en développât tous les détails ; tous les
détails font intéreffans & importans pour les Contemporains
; la poftérité ne les rejette que parce
qu'elle ne cherche dans l'Hiftoire que des lumières ,
& qu'elle n'a befoin que des réfultats qui l'éclairent.
On efpère trouver dans ces Lettres des faits qui
pourront nous faire mieux connoître tous ceux qui
fe font rendu célèbres en défendant la liberté de
l'Amérique , les Washington , les Lée , les Francklin
& les Hancock ; l'Auteur ne nous apprend rien de
particulier fur tous ces hommes , qu'on eft fi avide
de connoître. Il pouvoit nous conduire fur le tom@
DE FRANCE 19
de nous
beau de Montgomery , nous tracer le tableau des
honneurs rendus par l'Amérique à cette victime
illuftre de la liberté ; il a négligé ce moyen
offrir une fcène antique dans une hiftoire de nos
jours un homme de talent & d'une imagination
fenfible , auroit pu nous faire verfer des larmes fur
un tombeau élevé en Amérique.
L'Auteur ne nomme pas le Docteur Francklin
fans refpect ; mais pour Îni rendre un digne hommage
, il falloit peindre fes talens , fes vertus & fon
caractère. C'étoit un affez beau portrait à tracer ,
que celui d'un homme dont le génie , également
propre à donner des lois à une Société , & à deviner
celles de la Nature , a mérité à la fois la gloire des
Solon & des Licurgue , & celle des Képler & des
Newton ; gloire unique , peut-être , & qui réunit ce
que le génie des anciens & des modernes a eu de
plus beau. Il falloit peindre encore dans fon efprit
la fineffe du goût moderne , & dans ſon caractère
la fimplicité des moeurs antiques.
Les Contemporains devroient fe montrer jaloux ,
ce me femble , de dérober quelquefois à l'Hiftoire
l'honneur de tracer de pareils portraits.
L'Auteur n'a pas tiré non plus affez de parti de
cette circonftance fi glorieufe pour la France , des
fecours qu'elle a donnés à l'Amérique ; ce fera une
belle chofe dans l'hiftoire de nos Rois d'avoir ,
dans l'intervalle de deux fiécles, défendu deux peuples
de l'oppreffion , & d'avoir fait ufage d'une Puiffance
prefqu'abfolue pour établir des Républiques. Un
Ecrivain qui paroît aimer la liberté, devoit un hommage
particulier à ces deux Rois , dont le premier eft
Henri IV. On eût dû tâcher de nous apprendre encore
comment les Troupes d'un Monarque s'étoient conduites
dans les armées d'un peuple libre : il falloit
nous montrer les Soldats de la France fous les drapeaux
du Congrès ; les Poëtes fe fervent de ces
20 MERCURE
contraftes pour frapper l'imagination ; les Philofophes
pour éclairer l'efprit. En lifant un Ouvrage fur
l'Amérique , des Lecteurs François devoient defirer
fur-tout qu'on leur parlât beaucoup de ce jeune
homme qui , le premier , s'eft dérobé à fa patrie
pour ouvrir une nouvelle route de gloire à fes compatriotes
; l'enthoufiafme chevalerefque de M. de
la Fayette a rechauffé plus d'une fois l'enthoufiafme
de la liberté dans le coeur des Américains ; & l'on
eft affligé de ne voir preſque jamais M. de la Fayette
dans des Lettres fur l'Amérique.
ز
Une chofe qui pouvoit répandre encore un grand
intérêt fur cet Ouvrage , c'eſt le tableau des Hordes
Sauvages mêlées aux Troupes de l'Europe dans la
guerre de l'Amérique . De ces hommes qui ont tous
également prefque toute l'indépendance de la Nature
: les uns font fortis de leurs forêts pour prêter
à la Liberté le fecours de leurs flèches & de leurs
maffues les autres ont employé ces armes du
Sauvage en faveur de la tyrannie. On auroit aimé
à retrouver ici leur Difcours remplis des images
de la Nature , dont ils ont toute l'énergie ; leurs
harangues auroient formé un beau contrafte avec
le langage froid & fubtil des Européens ; avec
ces Difcours travaillés , où l'on s'étudie à retenir
tous les mouvemens de l'ame , de peur , ce femble ,
d'en laiffer échapper la vérité. L'homme Sauvage
devient tous les jours plus rare fur le globe . A peine
il y a deux fiècles , il poffédoit encore un monde
prefque tout entier : il ne lui en refte plus que quelques
coins ; & on l'y pourfuit encore. Il eſt probable
qu'il fera enfin chaffé de par-tout , & qu'il difparoîtra
. Mais il importe extrêmement d'en multiplier
les portraits , & fur-tout d'en avoir des portraits
reffemblans. Dans nos temps modernes , nous ne
connoiffons plus que par des relations , & l'homme
tel que le fait la Nature , & l'homme tel que faDE
FRANCE. 24
voient le faire les grands Législateurs de l'antiquité.
Voila , fans doute , ce qu'on eût du faire pour ne
point mériter le reproche de n'avoir pas faifi ce que
le fujet préfentoit au premier coup-d'oeil ; mais que
d'objets plus intéreffans encore on eût pu trouver
dans le même fujet , en l'étendant par la méditation
!
:
La Conftitution d'Angleterre femble menacée de
fa chûte , & des Conftitutions libres s'élèvent en
Amérique. Quel moment pour un Écrivain qui a
médité fur les Lois , & qui fait en parler ! L'Hif
toire des Empires n'a point d'époques plus intéreffantes
que celles de leur chûte & de leur naiſſance ;
& lorfque dans le même moment , les uns commencent
& les autres finiffent , les malheurs du peuple
qui tombe , font des leçons pour les Peuples qui
s'élèvent c'eft le moment de recueillir & de femer
des lumières ; la voix du Philofophe , prefque tou
jours entendue avec indifférence , fe fait alors écou→
ter avec autorité. L'imagination des Peuples , frappée
des grands événemens qui les agitent , s'ouvre
aux vérités qui leur promettent des jours plus heueux
& plus tranquilles. C'eft au moment où plufeurs
villes de l'Italie combattoient pour leur liberté ,
que les difcours de Machiavel fur Tite -Live ,
nèrent aux Italiens quelques -uns de ces grands principes
des Anciens fur les Conſtitutions & fur les Lois ;
c'eftdans la révolution qui chaffoit Jacques II de fon
trône , que le vertueux Syney & le fage Locke combattirent
les principes du lâche Filmer , & apprirent
aux Anglois à mieux connoître leurs Droits &
leur Conſtitution : le Philofophe alors exerce l'empire
d'un Législateur ; tous les Peuples font comme
les Romains , dans les grands malheurs ils ſe fou
mettent à la dictature du génie.
don-
C'eft dans une de ces époques qu'a écrit l'Auteur
dé, ces Lettres.
22 MERCURE
Ce n'eft pas le moment , fans doute , où l'on
doive admirer davantage la Conftitution de l'Angleterre
; mais c'eſt celui peut-être où l'on peut mieux
la connoître. C'eft lorsqu'un édifice paroît s'ébranler
, qu'il faut en fonder les fondemens ; les
refforts & la compofition d'une machine fe dérobent
à nos regards dans fes mouvemens réguliers
& rapides ; mais fi le mouvement s'arrête , le
rallentit ou fe défordonne , tous les refforts expofés
à nos yeux , laiffent voir quel en eft le méchaniſme.
C'étoit le moment de décomposer la Conftitution
d'Angleterre , & de juger fi elle eft en effet
prête à fe détruire , ou fi elle a en elle-même de
quoi fe remonter , & reprendre la régularité de
fes mouvemens. Cette grande queftion s'agite tous
les jours dans le Corps légiflatif de cette Conftitution
; mais c'eft par les paffions & par les intérêts
qu'elle y eft débattue on y débite de beaux
plaidoiers ; mais des Orateurs éloquens peuvent être
aifément de mauvais Juges. Il eût été digne d'un
Ecrivain Philofophe de prononcer le jugement que
doivent en porter les Nations de l'Europe. Déjà ,
il eft vrai , des Philofophes ont ofé promettre une
durée fans fin à la Conftitution d'Angleterre ; ils
n'ont pas craint de dire qu'il y a actuellement fur
la terre un Ouvrage de l'homme qui fera éternel ;
mais quoiqu'énoncée par des Philofophes , cette
opinion femble bien peu philofophique. La Conftitution
d'Angleterre a réfifté aux attaques violentes
d'Henri VIII , au defpotifme heureux & brillant
d'Eliſahẹth , aux principes abfolus , mais imprudens
, des Stuarts. Ne peut- elle pas fuccomber fi
elle eft attaquée par des Princes , qui n'auront ni
l'imprudence des Stuarts , ni la grandeur & les talens
d'Eliſabeth , ni la férocité d'Henri VIII ? Les
imprudences d'un Prince , font méprifer le pouvoir
qu'il veut rendre abſolu ; fa grandeur perſonnelle
DE FRANCE.
23
:
nourrit & entretient la fierté du Peuple qu'il foumet
fa cruauté même peut élever le courage de
ceux qu'il opprime ce n'eft pas au milieu des
bourreaux & des bûchers qu'une Nation fière devient
eſclave. La Dictature fanglante de Sylla fit
revivre un moment la liberté de Rome. Mais le
Chef d'une Conftitution libre , peut être à la fois
adroit dans fa politique , & médiocre dans fes talens
& dans fes vices ; cette réunion n'eft pas
rare dans les hommes : & voilà l'homme le plus
dangereux pour la Conftitution d'un Peuple. Le
règne d'un Prince médiocre abaiſſe naturellement le
caractère de fa Nation ; elle perdra d'abord fa
grandeurs & défendra mal enfuite fa liberté. Elle
verra toujours le Prince qui eft foible , & ne verra
pas la puiffance qui fera abfolue : le Prince fera
élevé au pouvoir fuprême par la médiocrité même
de fes talens. Jufqu'à préfent , la liberté des Anglois
a été invincible en Angleterre : lorfqu'elle a
paru abattue , elle s'eft relevée plus fière que
jamais , en touchant le fol de cette Ifle orageufe.
Mais fi on l'attaque en Amérique , fe défendrat-
elle de même ; fi les Américains font foumis
leurs fers ne feront-ils pas portés bientôt par les
Anglois Le Philofophe qui a taut de peine à
découvrir les caufes des événemens paffés , ofe à
peine porter fes yeux fur l'avenir. Mais tel eft cependant
l'avantage des Sociétés gouvernées par des
Loix fixes & conftantes ; celui qui connoît bien ces
Loix , peut prédire leurs révolutions , comme celui
qui connoît les loix du mouvement & de la Nature
, peut prédire les révolutions des corps céleftes.
>
L'efpérance qui embellit la jeuneffe des Empires
comme celle de l'homme , offroit à l'Auteur de ces
Lettres , des objets plus intéreffans encore en Amé
rique,
MERCURE
D'abord , l'examen des droits des Colonies Angloifes
, méritoit d'être plus approfondi qu'il ne
l'a été jufqu'à préfent. Je fais qu'on a peine à en
trer dans l'analyle & dans l'étude aride d'une multitude
de chartes ; je fais qu'on doit répugner à
chercher les droits de l'homme dans des titres donnés
& reçus prefqu'au hafard ; mais telle eft pourtant
la manière la plus univerfelle de juger ; ce
que nous avons écrit dans nos Codes , nous paroît
plus facré que ce que la Nature a gravé dans
nos ames. Nos droits éternels font les derniers
qu'il faut réclamer.
Mais les Américains ont-ils ce courage & cette
énergie de caractère , qui font à la fois la meilleure
preuve & la plus sûre défenfe des droits de l'homme
a la Liberté ? Nous le croyons ; mais tel eft leur malheur
, que depuis dix ans qu'ils font fous les armes ,
leur courage en Europe eft un problême pour beaucoup
de gens. On voit qu'ils connoiffent le prix de la
Liberté , mais on doute qu'ils en aient l'amour &
T'enthouſiaſme . On les pourfuit le fer & la flamme à
la main pour les affervir à une Puiffance irritée , &
'ils fe battent avec prudence dans cette pofition qui
pevroit les réduire au défefpoir. Ils femblent fe
confier moins en leur courage que dans la diftance
qui les fépare de l'Angleterre , & qui force
leurs ennemis à les aller chercher à travers un
Océan couvert d'orages. Dans cette caufe où la
juftice du Ciel paroît intéreffée à les défendre , ils
femblent croire que c'eſt aux vents & aux tempê
tes à détruire leurs ennemis ; ce. fentiment feroit
beau , mais il eft plus beau encore à l'homme libre
de fe croire lui-même l'inftrument & le fléau dont
le Ciel veut fe fervir pour détruire les tyrans &
la tyrannie. Il ne faut pas prendre pour un fuccès ,
l'adreffe qui échappe à une défaite ; celui qui veut
vaincre , fait bien que c'eſt un art qu'il faut apprendre
dans
DE FRANCE.
25
dans les défaites , & il paie volontiers de fon fang de
pareilles leçons. Quandon ne combat que pour défendre
quelques portions de terre , quelques jouillan
ces peu néceffaires , on peut ne pas fentir le befoin
d'oppofer toutes les forces à fon ennemi : mais
celui qui combat pour fa liberté , ne meſure pas
ainfi fon courage ; il en montrera beaucoup plus
même qu'il ne lui en faut pour vaincre. Il ne
lui fuffit pas d'échapper aux týrans , il veut les
exterminer. Il ne veut pas feulement vivre libre ,
il veut mourir pour la Liberté ; ce fentiment ne
paroît pas naturel ; auffi a - t -il produit des prodiges
toutes les fois qu'il s'eft trouvé dans l'homme. C'eft
ce qui a transformé rapidement des Peuples pafteurs
, agricoles & marchands , en des Peuples de
Héros , c'eft ce qui a fair fuir plus d'une fois des
troupes difciplinées & couvertes de fer , devant des
hommes nuds & fans difcipline. Eh ! comment
les Américains fentiroient-ils ce befoin fublime de
faire à la Liberté le facrifice de leurs vies , lorſque
leurs femmes ne favent pas lui faire le facrifice des
voluptés & des fantaifies du luxe ? On affure que des
vaiffeaux Américains font fortis de nos ports , chargés
uniquement des objets qui fervent à la parare
de nos femmes. Les modes de Paris font entrées
dans l'Amérique menacée d'être efclave , & tavagée
par les féaux d'une guerre civile. On voit
d'autres exemples dans l'Hiftoire des Républiques
anciennes. Là , au moindre befoin de la Patrie ,
toutes les citoyennes lui offroient avec joie le facrifice
de tous leurs ornemens ; & les diamans , les
pierres précieufes qui paroient les femmes , étoient ,
dans tous les tems , regardés par la République ,
comme une partie de fon tréfor. Quelle parure
pour les femmes Romaines , que le deuil qu'elles
prirent toutes à la mort de Brutus ! Les Améri
cains ne fe paffionneront jamais pour la Liberté , fi
Sam, 6 Janvier 1781 .
B
26 MERCURE
leurs femmes la regardent avec indifférence. C'eft
donc à elles que leurs Légiflateurs doivent d'abord
s'adreffer. On a beau faire , la Nature a voulu que
l'homme préférât à tout , le bonheur que les femmes
lui donnent; il y a en nous un fentiment dont elles
fe ferviront toujours , d'une manière sûre pour nous
inſpirer tous ceux qu'elles ont intérêt de nous don
ner. Elles ont l'empire d'une paffion avec laquelle
elles fe rendront toujours maîtreffes de toutes les
autres. Les plus belles Conftitutions tomberont rapidement
, fi les Légiflateurs n'ont pas eu la fageffe de
placer le plus grand intérêt des femmes dans la
Liberté & dans les vertus qui les maintiennent. C'eſt
par elles qu'ils peuvent être sûrs de conferver le
pouvoir des Lois fur les hommes : ce n'eft même
que par elles qu'ils peuvent l'obtenir. L'homme eft
naturellement indocile & rébelle ; il falloit qu'il fûr
fort , & fa force & fa fierté ferment (on ame à
tout ce qui veut y pénétrer pour modérer les paffions
& fes volontés. Mais il eft un Etre doux
& facile , que la Nature femble avoir fait pour
la foumiffion , & que le Législateur peut former &
façonner à fon gré. Affez foible pour recevoir tou
tes les impreffions qu'on veur lui donner , elle eft
toute puiffante pour communiquer enfuite à l'homme
toutes celles qu'elle aura reçues. Ce mêlange
furprenant de force & de foibleffe , eft sûrement une
des grandes Lois de la Nature dans les vues & dans
fon plan fur l'efpèce humaine ; c'eft fur cente Loi
naturelle que doit être élevé tout le ſyſtème de la
Légiflation fociale . Je n'ai point de goût pour les
idées fingulières ; & je fuis perfuadé que le génie
même n'eft qu'un bon fens très-fort , très rapide &
très -étendu : mais ce ne feroit pas , je crois , unparadoxe
, de dire que fans une certaine foibleffe que
la Nature a mife dans le coeur & dans l'imagina
tion des femmes , il n'y auroit jamais eu ni morale
ni légiſlation. « Que parlez - vous de juſtice & de
DE FRANCE.
27
35
Lois , difoient les Athéniens encore barbares
leurs premiers Législateurs ; défendez le vol &
la violence à ceux qui n'ont ni le courage de
» braver les périls , ni la force de les vaincre ; la
» juftice & la vertu peuvent être très - bonnes , mais
c'eft pour la foibleffe la gloire de l'homme eſt
» de s'en paffer. Ces barbares auroient probable.
ment toujours raiſonné de mênie , fi Théfée n'avoir
pas fu infpirer d'autres idées aux jeunes femmes
de l'Artique ; & , fi on lit avec attention l'Hif
toire de Poligonne dans la vie de ce Héros : l'on
remarque les adorations & les hommages que rece
voit la beauté dans cette ville d'Athènes confacrée à
une Déeffe , qui étoit la Divinité de la Sageffe , on
reconnoîtra peut-être fans peine , combien les femmes
ont contribué à la civilifation & à la Liberté des Athé
niens ,le Peuple à la fois le plus libre & le plus poli qui
ait exifté fer la terre : on verra quels étoient les moyens
des Légiflateurs pour prendre de l'empire fur les femmes,
& , par les femmes , enfuite fur les hommes.
Communément nous ne croyons devoir aux feme
mes que notre bonheur on voit questinous leur
fommes encore redevables de nos vertus ; mais ces
choſes n'ont été bien comprifes que par les Légiſla
teurs de l'antiquité. Parmi nous un Écrivain qui ,
dans la pureté de fes intentions , parle avec reconnoiffance
des bienfaits que nous recevons d'elles , &
avec juſtice de ceux qu'elles ont droit d'attendre de
nous , eft exposé au reproche de vouloir leur plaire:
aux dépens de la raiſon & de la vérité. On l'accufe
de galanterie , lorsqu'il ne conſulte ſon coeur quel
pour y trouver les mouvemens des premiers fentimens
de la Nature : on eft prêt à dire qu'il a voulu
faire fa cour aux femmes dans une differtation fur
les Lois. Nos Politiques modernes , qui profeffent le
plus grand mépris pour ces vieilles Légiflations out
l'on s'occupoit de moeurs & de vertus ne voient
abgeftej ne won alang (PBjy
28 MERCURE.
pas fans pitié le Législateur Licurgue s'occuper profondément
de la manière dont les jeunes Lacédémonienes
recevront les careffes de leurs époux . Mais Licurque
favoit que le Législateur eft , pour ainfi direy
un Prométhée qui doit créer des homme , & que
l'amour est le feu du Ciel dont il doit fe fervir dans
cette création,
S'il étoit vrai qu'il manquât aux Américains quelque
chofe de cette vigueur néceffaire à des Peuples
qui défendent leur Liberté , de deux chofes l'une , ou
la caufe en feroit dans le commerce qui les a pref
qu'oniquement occuppés jufqu'à cette guerre ; dans
le caractère & dans les moeurs de leurs femmes ;
dans quelques-unes enfin de leurs inftitutions civiles &
politiques; ou c'eft l'influence du climat qu'il faudroit
en accufer. Dans le premier cas , le remède ne feroit
peut- être pas très-difficile. Le mal produit par des
Inſtitutions , peut être corrigé par des Inftitutions
nouvelles ; exaltées d'abord elles- mêmes par la Légiflation
, les femmes pourront exalter les courages
qu'elles ont amollis. Dans le fecond cas , il feroit
peut-être inutile de tenter aucun remède. Les Lois
de l'homme ne peuvent pas être oppofées à celle de
la Nature. Une caufe qui agit à chaque inftant , qui
agit pendant des fiècles , toujours de la même maière
, toujours néceffairement , ne peut pas être
arrêtée & détruite par des caufes qui , de leur nature
ne peuvent agir , ni avec la même conftance , ni
avec la même force. Les hommes fe laffent , fe végligent
; ils ne font pas faits pour lutter contre les
immuables Lois de la néceffité. Mais alors quelle
découverte que celle de Chriftophe Colomb ! il
auroit découvert un monde pour les tyrans ; en faudroit-
il davantage pour décider la queftion qu'un
de nos premiers Philofophes vient de faire propofer
par l'Académie de Lyon ?
Après avoir examiné fi les Américains , par leur
caractère , font dignes d'avoir des Conftitutions libres,
DE FRANCE. 29
2
il faudroit examiner leurs Conftitutions mêmes elles
ne font pas encore entièrement fixées , & ils en ont
répandu les plans dans l'Europe. On diroit qu'avant
de leur donner la dernière fanction , ils ont voulu
expofer leurs Tables de Lois à l'examen & à la critique
des hommes éclairés , comme autrefois le Sénat
de Rome expofa les Tables des Décemvirs à l'exas
men de toute la République. Il feroit beau de voir
les lumières répandues chez toutes les Nations ,
confultées & raffemblées pour la Légiflation d'un feul
Peuple. Le premier , le plus grand objet de toutes
les Légiftations , eft de dérober l'homme à l'empire
de l'homme , pour le mettre fous l'empire de la Loi ;
mais ce n'eft que par les hommes que
les Lois peu
vent être exercées , & l'empire même de la Loi
ramène celui de l'homme. Jufqu'à préfent aucun Peu
ple ne paroît avoir trouvé les meilleurs moyens pour
fortir de ce cercle vicieux qui femble naître de la
nature des chofes. C'eft-là le grand problême de
toutes les Légiflations. Dans les Monarchies , c'eſt la
vertu du Prince qui réfout ce problême ; & pour
qu'il n'y ait là d'autre empire que celui des Lois , il
ne faut qu'une feule chofe ; il faut feulement que
tous les Princes aient les vertus des Trajan & des
Marc-Aurèle. Dans les Républiques où les vertus
font fi néceffaires , on a cependant moins de confiance
dans la vertu . Là , on ne fait le confier aux
hommes , que lorfqu'on les a tous mis également dans
l'impuillance d'attenter aux Lois. Le,problême,comme
on voit , s'y complique & s'y embarraffe davantage.
Ce n'eft même guère que dans les Républiques qu'il
eft queftion de ce problême. Éclairés des lumières &
de l'expérience de tant de fiècles , les Législateurs du
nouveau Monde font- ils parvenus à le réfoudre ? S'ils
y ont réuffi , il falloit apprendre aux hommes cette
découverte elle leur feroit bien plus utile que celle
du nouveau Monde où elle auroit été faite. Mais li
:
+
Biij
30
MERCURE
cer
fes Légiflateurs de l'Amérique n'ont pas été ples
heureux que ceux de la Grèce & de Rome , il falloit
analyfer & juger leur Ouvrage ; & peut-être quelques
feuilles imprimées à Paris , auroient fait effa-
& graver des Lois dans les Codes du nouvea
Monde ; & la France auroit eu la double gloire de
fecourir l'Amérique de fes lumières & de fes for
ces. Quel Ouvrage que la Conftitution d'un Peuple
libre ! elle ne fait pas feulement , pendant plufieurs
fiècles , la deftinée de tous les hommes qui naiffent
fous fon empire , elle affermit ou ébranle les droits
du genre humain. L'exemple le plus dangereux pour
la terre , eft celui des malheurs d'un Peuple libre.
Alors les tyrans perdent leurs remords , & les efcla
ves en ont , s'ils ofent gémir. Alors les Écrivains
fans confcience , cherchent à donner à la tyrannie
l'autorité de la raiſon ; & les Lois n'ont plus même
en leur faveur , les réclamations impuiffantes des
malheureux & des fages.
D
FLORE FRANÇOISE , ou Defcription fuccincte
de toutes les Plantes qui croiffent
naturellement en France , difpofce fuivant
une nouvelle méthode d'analyſe , & d
laquelle on a joint la citation de leurs vertus
les moins équivoques en Médecine , &
de leur utilité dans les Arts ; par M. le
Chevalier de la Marck. A Paris , de l'Imprimerie
Royale , 3 vol. in - 8 . , avec
huit Planches de gravures en taille- douce.
Prix , 21 liv. broché , & 24 liv . relié. Se
vend à Paris , chez Gogué & Née de la
Rochelle , Libraires , quai des Auguſtins,
près le Pont Saint Michel .
Tout ce qui végète eft le fujer de la BoDE
FRANCE.
31
+
tanique cette Science embraffe l'Univers.
La terre & les eaux fervent également de
foutien aux Plantes . Au milieu des déſerts
on apperçoit la pointe du jonc qui perce les
fables arides , & quelque foin que nous
prenions pour étouffer leurs germes dans
nos habitations , les herbes rempliffent les
intervalles de nos pavés ; elles croiffent fur
le toît de nos maiſons , & l'activité vivante
dont la Nature jouit à la furface du globe,
fe reproduit par- tout avec une fécondité
dont le règne végétal donne l'exemple le
plus frappant. La Science qui apprend à
connoître les fleurs dont nos prairies font
émaillées , les fruits qui enrichiffent nos
campagnes , les arbres dont les branches
entrelacées nous offrent leur ombrage , ne
doit-elle pas être la plus agréable de toutes
celles que l'homme peut cultiver ? C'eſt
fous cet afpect que le Philofophe confidère
l'étude des plantes ; mais quelle furpriſe ,
lorfqu'en approchant de plus près , il en
cherche les principes dans les Aureurs ? Tout
le charme difparoît ; il n'y trouve que des
détails arides , que des divifions fans fin ,
des defcriptions inintelligibles & tronquées ,
un langage barbare , en un mot, des catalogues
froids & infipides , au lieu d'obfervations.
On a trop multiplié les difficultés. Il étoit
temps qu'une main fecourable fe préfentâr
pour aider ceux qui fe deftinent à étudier
cette partie de la Nature ; l'Ouvrage de M.
Le Chevalier de la Marck remplir ces vues
5
Biv
332
MERCURE
Avant que cet Académicien eût écrit , pous
reconnoître une plante , il falloit apprendre
plufieurs fyftêmes & en choifir un , avoir
préfente à la mémoire la diftribution des
elaffes , des ordres , & la formation arbitraire
des genres , retenir un nombre immenſe
de caractères. Aujourd'hui la fimple
intelligence des termes de l'art , expliquées
dans le premier Volume de la Flore Françoife
, dirige l'étudiant dans fa marche ;
C'est un fil qui ne l'abandonne plus , & au
moyen duquel il parcourt sûrement toutes
les routes de ce labyrinthe. Les réflexions
fuivantes le feront aifément connoître.
L'Ouvrage qui offre un moyen pour parvenir
à la connoillance des plantes , & au
quel l'Auteur a donné le nom de Méthode
Analytique , eft fondé tout entier fur ce
principe : Qu'un affemblage quelconque de
plantes peut toujours être divifé en deux à
l'aide de deux caractères faillans , dont l'un
conviendra exclufivement à tout le premier
membre de divifion , & l'autre à tout le
fecond. D'après ce principe , l'Auteur , par
une première opération , partage en deux
groupes, bien diftincts, la totalité des plantes
qui entrent dans fon plan. Il fubdivife en--
fuite chaque groupe en deux autres moins
compofés , & pourfuit cette eſpèce de
méthode continue, jufqu'à ce qu'il foit par
venu à ifoler toutes les plantes fur lefquelles
il opère. Il réfulte de ces recherches un tableau
, dans lequel tous les caractères que
DE FRANCE.
33
l'Auteur a employés fe trouvent oppoles
deux à deux dans autant d'accolades . L'Obfervateur
eft conduit d'une accolade à l'autre
par un numéro de renvoi ; & s'il a fuivi
exactement la marche qui lui eft tracée , en
choififfant toujours entre les deux caractères
celui qui convient à la plante obfervée
, il parvient d'abord au nom du genre ,
où il trouve une nouvelle analyfe qui le
mène au nom de l'efpèce. L'Auteur a joint à
fa Nomenclature particulière , celle de MM .
Tournefort & Linnée. Au-deffous de cette
Nomenclature fe trouve la defcription de
tout ce qu'il y a de plus remarquable dans le
port de la Plante.
Les autres Botanistes , gênés par les caracṛ
tères , qui fervent comine de bafe à leurs
fyftêines ou méthodes , ont été obligés d'employer
ces caractères même dans les cas où
leur existence eft équivoque , & où ils jettent
l'Obfervateur dans l'incertitude . M. de
la Marck , par la liberté qu'il s'eft donnée
de combiner indifféremment tous les carac
tères les uns avec les autres, à dû choifir tonjours
les plus faillans & les moins fufceptibles
d'égarer.
Ceux qui fuiventles fyftêmes ou méthodes
ordinaires , font , à la vérité , un ou deux
premiers pas qui font éclairés , en fuppofant
qu'ils arrivent facilement à la claffe , & enfuite
à l'ordre auquel appartient la Plante ,
ce qui n'eft pas toujours vrai ; mais on fe
trouve enfuite tranfporté au milien d'une
Bv
34
MERCURE
C
multitude de genres dont les définitions
n'ont rien de bien faillant , au rifque de les
lire toutes , fi la Plante que l'on obferve apr
partient au dernier de ces gentes. M. de la
Marckne propofe jamais à choisir qu'entre
deux caractères oppofés , & qui impliquent
contradiction dans le même individu.
Enfin ,ceux qui opèrent d'après fa méthode
ont encore l'avantage de faire eux - mêmes ,
dans le cours de l'analyfe , la defcription de
la Plante , & de pefer , pour ainfi dire , fur
chacun de fes
Caractères , enforte qu'il eft
impoffible d'avoir fait ufage de cette Me
thode pendant un certain tems , fans s'être
gravé dans la mémoire les traits les plus
propres à caractériſer les Plantes , & lans
avoir acquis des connoiffances de Botanique
auffi folides qu'étendues.
L'Auteur de la Flore Françoife a donc eu
le louable deffein de fimplifier l'etude la plus
compliquée , & il a eu le mérite d'y réuffir
complétement en plufieurs points. On convient
que fon procédé peut conduire d'une
manière affez facile à la connoiffance des
Plantes ; mais on lui reproche d'en laiffer
ignorer la fcience ; on appelle fans doute de
te non le méchanifme des fyftêmes & l'enfemble
de leurs rapports ; mais celui qui
feta venu à bout de connoître les Plantes
avec le Livre de M. le Chevalier de la Marck,
apprendra enfuite facilement & en peu de
tems les divifions méthodiques faites pour
Jes Auteurs ; & n'aura- t-il pas beaucoup
DE FRANCE.
35
gagné , fi la marche a été plus rapide & plus
ailee ?
Tous ceux qui s'intéreffent vraiment aux
progrès de cette Science , applaudiffent aux
recherches immenfes dont le travail de M.
de la Marck eft lesfruit , & ils font des
voeux pour que cet Académicien , & le Savant
auquel les Julieu ont tranfmis leur
nom & leurs talens , rendent enfin la Botanique
auffi intéreffante qu'elle eft utile. L. N.
1
4
Almanach Littéraire , ou Etrennes d'Apollon ,
1781 , petit in- 12 de 248 pages. Prix 1 liv.
fols broché. A Paris , chez la Veuve
Duchefne , Libraire , rue S. Jacques ;
Piffot, quai des Auguftins ; Durand neveu,
rue Galande ; Efprit , au Palais Royal , &c.
2 une
CE Recueil , commencé en 1777 5 fe
perfectionne d'année en année. On trouvera
dans le Volume que nous annonçons ,
un mêlange fort agréable. A de jolies
pièces de vers , à des morceaux de profe
très intéreffans , fuccèdent des anecdotes
attachantes , des variétés curieufes
notice raifonnée des principaux Ouvrages.
Chacune de ces notices offre pour
l'ordinaire un trait faillant , & l'on y voir
régner le ton le plus honnête. Pour entrer
dans quelques détails fur cet Almanach
dont le fuccès paroît affuré nous dirons
qu'on lira avec plaifir Felicie , nouvelle
B vj
36
MERCURE
par M. d'Arnaud, que Diane & Endymion ,
Conte en vers , par M. la Dixmerie , eft
plein de détails agréables. En voici la fin :
Le fourire de la beauté
Fait d'un amant trembleur un Héros intrépide.
Endymion le deviendra ; pl
Déjà Diane en voit le doux préſage ;
On ne dit point ce qu'il fit par delà ;
Mais fi la Fable eft un sûr témoignage ,
La nuit fut longue ce jour- là.
رهش
On nous faura encore gré de tranfcrire les
Bouts-rimés remplis à table , par M. Feutry :
ce ne font pas les moins heureux que l'on
ait faits.
On découvre ſouvent dans les antiques Fables
De confolantes vérités ,
Même au préfent fiècle applicables..
Rappelons-nous d'Augias les étables,
Dabord les environs en furent infectés.
Ces mortelles vapeurs empoifonnoient l'Elider
Arrivé un demi - Dieu ; c'étoit le grand Alcide
Du fleuve Alphee il détourne le cours
L'onde emporte les immondices.
Par ces travaux pénibles & propices ,
D'un peuple entier il conferve les jours.
Tels nous voyons chez le François volage
Du Necker les flots introduits
Enlever les abus par le vice produits :
Eh bien ! P'Alphée en fit-il davantage ?
DE FRANCE.
37
Il nous refte à parcourir les anecdotes &
les variétés , elles font bien choilies. Nous
les prendrons au hafard ...
" Voltaire faifoit beaucoup plus de cas
de la poetique de certain Écrivain cé-
» lèbre , que des Poelies compofées' par
le même. Cet Auteur , difoit- il , eft com-
» me Moyfe , qui conduifoit les autres à la
terre promife , quoiqu'il ne lui fût pas
permis d'y entrer. »
"Fontenelle, qui avoit fort connu le Car
» dinal de Fleuri avant fon Ministère , fur-.
» pris , dans une vifite qu'il lui fit quelques
années après , de lui voir la même férénité
& la même gaîté , lui dit : mais ,
Monfeigneur , eft- ce que vous feriez encore
heureux ?
ود
ᎥᎢ . cc
« Un homme très- médiocre ayant pré-
» fenté un jour à l'ancien Evêque de Mirepoix
, ( Boyer ) un Livre contre l'Incrédulité
, ce Prélat lui dit vivement : ah !
Monfieur , que m'apportez -vous là , &
de quoi vous êtes vous avifé ? Savez- vous
» qu'il faut être un Boffuer ou un Pafchal
pour attaquer les Incrédules , fur - tout
aujourd'hui , & qu'il ne fuffir "3
un Saint
"
pas d'être
Piron difoit , en parlante de Corneille
» & de Racine : je voudrois être Racine , &
→ avoir été Corneille . arab
t. Un jeune Commis qui avoit fait de
» bonnes études , s'occupa , dans les momens
» de loifir que lui laiffoit fon emploi , à com38
MERCURE
"
» pofer une Tragédie. Il connoiffoit l'Abbé
» de Voifenon , & foumit l'Ouvrage à fon
Jugement. Mon cher ani , lui répondit
» en fouriant l'Abbé de Voifenon , la pou-
" dre des Bureaux eft mortelle pour les
» Mufes. "
»
Lorfque M. de Bougainville , homine
de Lettres eftimable , & connu fur- tout
par fa Traduction de l'Anti- Lucrèce du
Cardinal de Polignac , fe préfenta pour
être reçu de l'Académie Françoilev la
» fanté de cet Écrivain étoit en fort mauvais
état . Dans le cours de fes vifites , ou
» il ne manqua pas de parler de ſa frêle
exiſtence , il ne trouva de contradicteur
que chez Duclos. Monfieur , lui dit - il ,
» on peut d'autant mieux me faire entrer
dans l'Académie , qu'avec une fanté aufli
miférable que la mienne , je ferai bien-
» tôt placè à un autre ; vous devez vous
appercevoir que je n'ai pas long-tems
» encore à vivre. Votre raifon n'eft pas
» excellente , répondit affez durement Du
clos. Sachez donc , Monfieur , qu'il n'eſt
pas du reffort de l'Académie de donner
» l'extrême- onction . » SM op
»
« Frédéric le Grand , paffant dans fa grande
falle à Sans- Souci avec un de fes Géné
» raux : Général , lui dit le Roi , vous dînerez
ici dans deux jours avec trois cens
Chambellans. Sire , je ne croyois pas
» que vous en cuffiez autant. Je ne parle
#pas de ces espèces qui portent la clé dos,
»
DE FRANCE.
39
mais de mes braves Chambellans qui
m'ouvriront les portes de la Siléfie . »
En voilà affez pour établir le mérite de
l'Ouvrage que nous annonçons ; mais il en a
un autre qui doit être d'un grand poids pour
les admirateurs de Voltaire & quel est l'hon
me qui ne l'eft pas ) c'eft qu'il raffemble
une quantité de Lettres & de pièces fugitives
de la jeuneffe du Virgile François , morceaux
précieux qui n'avoient pas encore vu
le jour.
1101
SPECTACLE S.'
CONCERT SPIRITUEL
SELON Fufage , on a donné des Concerts
au Château des Tuileries , le jour & la veille
de la Nativité. Ony a entendu des Symphonies
de Hayden ; des Symphonies concertantes
exécutées par MM. Perignon &
Guénin ; des Concerto de Violon & de
Violoncelle , par MM. Duport & Capron ,
Virtuofes qu'il fuffit de nommer pour en
faire l'éloge un très beau Concerto de
Bach , que Mlle Duverger a exécuté fur la
harpe , & dans lequel elle a fu déployer la
légèreté , l'adreffe & les grâces de fon fexe;
un Oratorio fur la Nativité , par M. Goffec
Ouvrage dont nous avons déjà rendu compre ,
& qu'on entend encore avec plaifir ; plufieurs
40.
MERCURE
·
airs de bravoure de Sacchini & de Piccini ,
très -favorables au développement de la voix
légère & brillante de Mlle Duchâteau ; un
grand air plein d'expreffion du Chevalier
Gluck , qu'a très- bien rendu Mlle Sainte- /
Huberti. La manière de cette Cantatrice , eft
un mélange de goût François , Italien &
Allemand , fort analogue au ftyle de l'Auteur
d'Orphée & d'Iphigénie. Il refte feulement
à delirer qu'elle s'applique à détacher les
fyllabes de fes mots , en les articulant d'une
manière plus marquée : on a dû lui dire
qu'il eft fouvent difficile de favoir dans
quelle langue elle chante.
Nous croyons , avec un grand nombred'Amateurs
, qu'on pourroit varier davantage
ce Concert : on y voit trop fouvent reparoître
les mêmes chofes. Le Directeur de
vroit aufli donner plus d'attention au choix
des morceaux qu'on y exécute , & le fouvenir
que la Malique de chambre perd tous
fes charmes , dès qu'on la tranfporte fur un
grand Théâtre. Les compofitions musicales
ont leur perfpective comme celles de la Peinture
& de l'Architecture : telle mélodie qui
paroit riche & feduifante dans un falon de
trente pieds , devient pauvre & infipide dans
une enceinte de vingt toifes.
DE FRANCE.
41
ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.
CE Théâtre vient de perdre un de ſes plus
intéreffans Sujets , dans la perfonne de Mlle
Durancy, morte le 28 Décembre dernier ,
âgée de près de 34 ans.
Fille d'un Comédien & d'une Comédienne
qui ont joui , tant à Paris qu'en Province , de
quelque réputation , Mile Durancy parut
fur la Scène dès fa plus tendre enfance , &
fit éclater , dès lors , les premières lueurs
de cette intelligence fupérieure qu'elle a déployée
depuis avec tant d'avantage fur les
principaux Théâtres de la France . Après
avoir mérité en Province des fuccès déjà
diftingués , elle débuta pour la première
fois à la Comédie Françoife , dans l'emploi
des Soubrettes , le 19 Juillet 1759 , par le
rôle de Dorine , dans le Tartuffe , elle n'avoir
pas encore atteint fa treizième année. N'ayant
pu refter à ce Spectacle , elle débuta à l'Opéra
le 19 Juin 1762 , par le rôle de Cléopâtre ,
dans les Fêtes Grecques & Romaines. Quelques
années après , Mlle Clairon quitta le
Théâtre ; on voulut donner un Double à
l'Actrice qui lui fuccédoit comme chef
d'emploi , & Mlle Durancy fur choiſie ; en
conféquence elle rentra à la Comédie , le
13 Octobre 1766 , par le rôle de Pulchérie ,
dans Héraclius. Quelques tracafferies, dont
nous dirons deux mots l'ayant forcée à quitter
42
MERCURE
ee Spectacle une feconde fois , elle reparut à
POpéra le 23 Octobre 1757, & y eft reftée
jufqu'à fa mort , quoique le voeu des Amateurs
la rappelât fans ceffe à la Scène de la
Nation.
Peu de Comédiens ont eu plus à fe plaindre
des circonstances que cette Actrice ,
trop peu connue , & qui , par cette raifon ,
fera fans doute trop peu regrettée ; on peut
même dire qu'il ne lui a manqué que d'être
plus jolie pour exciter un enthoufiafme pareil
à celui qu'ont fait naître quelques Comé
diennes plus éloignées d'elle , cent fois , par les
talens que par la figure. Si une femme de
Théâtre peut être réputée pour laide quand , à
de très beaux yeux , elle joint un malque
très - mobile , une phyfionomie pleine de
tout ce que l'expreffion théâtrale demande
de nuances & de vérité , Mlle Durancy étoit
laide , mais on peut avancer que les connoiffeurs
ne lui ont jamais fait ce reproche;
& que fi elle le méritoit , la nobletfe de fa
démarche , la grâce de fon maintien , la vérité
de fes geftes , l'intelligence de fon jeu ,
la fenfibilité de fon ame étoient des
titres plus que fuffifans pour faire oublier
ce que les agréables, qui voltigeoient dans les
couliffes & dans les foyers , appeloient fa
laideur. La juftice que nous lui rendons , au
moment où elle vient d'expirer , eft appuyée
fur le témoignage des connoiffeurs les plus
refpectables ; nous n'en citerons qu'un
quoiqu'il ne foir plus ; & nous le citons),
>
DE FRANCE. 43
parce que nous pouvons montrer aux performes
qui voudront s'en affurer par ellesmêmes
, les preuves de ce que nous avançons
, écrites de la main de ce Juge éclairé
des talens dramatiques : nous voulons parler
du célèbre le Kain. Chargé d'être le médiateur
entre une Actrice morte il y a quelque- tems
& Mile Durancy , qui fe difputoient certains
rôles des Tragédies de M. de Voltaire , il fut
tellement indigné de voir la feconde facrifiée
aux brigues de la première , qu'il copia toute
la correfpondance relative à certe querelle ,
qu'il la certifia véritable , & qu'il voulutqu'elle
fût remife entre les mains d'un homme doué
d'affez de courage pour rendre dans l'occa
fion une juftice authentique au talent perfécuté.
C'eft dans plusieurs Lettres de cette
correfpondance que ce fublime Acteur parlé
de Mlle Durancy comme d'un fujet fait pour
honorer la Scène Françoife. C'eft encore à
propos des injuftices dont cette infortunée
avoit à fe plaindre, que M. deVoltaire éctivoit
à le Kain : « Je mourrai bientôt , & ce fera
>> avec le regret d'avoir vu le plus beau des
» Arts vilipendé & tombé en France. » Étayé
du fuffrage de ces deux Hommes illuftres ,
nous ne craignons pas d'élever notre voix
pour fatisfaire en quelque façon , aux
manes d'une femme qui , pendant fa vie ,
n'a éprouvé que des perfecutions , même à
Opéra , dont elle étoit , au titre de Comédienne
, le fujer le plus diftingué. Avec une
figure très marquée , elle trouvoit le fecret
44
MERCURE
de plaire dans le rôle de Colette : tendre &
noble dans Ernelinde , elle étoit fublime dans
Clytemnestre, & fe faifoit encore admirer
dans les rôles de la Haine & de Méduse. Ce
qui prouve jufqu'à quel point elle connoiffoit
les effets que le Théâtre exige , c'eft que
dans ces deux derniers perfonnages , elle
avoit le talent de rendre leurs caractères
fans effaroucher le Spectateur par une imitation
trop vraie , par conféquent trop rer
pouffante ; car il en eft de la Tragédie
comme du genre de l'Hiftoire dans la Peinture
; il faut préfenter la Nature toujours
embellie , toujours perfectionnée par les
conventions de l'Art. Tel étoit , fans aucune
exagération , le talent de Mlle Durancy , à
qui nous ne pouvons , comme Chanteufe,
accorder les mêmes éloges. Quant à fes droits
à l'eftime , on peut dire qu'elle en eut de
réels. Spirituelle & maligne fans méchan
ceré , raiſonnable fans prétention , fenfible ,
généreufe , fille pleine de tendreffe & de refpect
, amie délicate & courageufe . Voilà quel
fut fon caractèrd ; malgré ces qualités fi rares,
bien capables , fans doute , de faire oublier
quelques défauts , elle fut malheureuſe & perfécutée
: n'étoit-elle pas digne d'un meilleu
fort ?
NOUTE.
GRAVURES.
OUVEAUX Globes Célefte & Terreftre d'un
pied de diamètre. A Paris , chez le fieur Fortin , InDE
FRANCE.
45
génieur & Mécanicien du Roi pour les Globes &
Sphères , rue de la Harpe , près la rue du Foin. 1781 .
Le Globe Céleste eft de M. Meffier , Aftronome
de la Marine , de l'Académie Royale des Sciences ,
&c. Ce Globe a été fait, dirigé & exécuté fous fes
yeux Toutes les pofitions des Étoiles y font rapportées
à l'année 1800.
M. Meffier a rapporté auffi fur fon Globe toutes
les nébuleuſes & les amas d'Étoiles qu'il a pu découvrir
fur l'horizon de Paris , & dont les pofitions ont
été déterminées , airfi que le contour de la voie
lactée , qui y eft tracé avec foin ; & on a fait donner
aux Conftellations le plus de légèreté qu'il a été
poffible , pour qu'on puiffe voir diftinctement toutes
les Etoiles , & reconnoître aiférent leur grandeur.
Le Globe Terreftre eft donné par M. Fortin ; il
contient beaucoup de détails , ainfi que toutes les
nouvelles découvertes connues jufqu'à préfent. Les
pofitions des principaux lieux font affujéties aux Obfervations
Aftronomiques . Les Voyages du Capitaine
Cook faits depuis 1768 jufqu'à 1775 , y; font tracés
avec foin.
En général , ces nouveaux Globes font parfaite
ment bien exécutés. Leur prix varie fuivant la richeffe
des montures. On en trouve à 84 liv. montés
à méridien de cuivre , bouffole , cercle vertical &
pied à quatre colonnes verni ; & montés avec méridien
de carton & pied noir , 40 livres , ou 48 livres
avec des pieds vernis .
ANNONCES LITTÉRAIRES.
OPUSCUL
PUSCULES Mathématiques de M. d'Alembert,
Tomes VII & VIII , in - 4° . , chacun d'environ 400
pages. A Paris , chez Jombert l'aîné, Libraire , ruc
Dauphine. Nous rendrons compte de cet Ouvrage.
46
MERCURE
Almanach Iconologique , année 1781 , dix - feptième
& dernière fuite , par M. Cochin. Prix , 8 liv.
relié en maroquin , & 6 liv . broché. A Paris , chez
Lattré , Graveur , rue Saint Jacques , vis- à- vis la rue
de la Parchemineiie.
Vues Phyfiologiques fur l'organisation animale
& végétale , par M. de la Metherie , Docteur en'
Médecine , Volume in - 12. Prix , 2 livres 8 fols. A
Paris , chez Didot jeune , Imprimeur- Libraire , quai
des Auguftins.
Les Livres fuivans fe trouvent chez Moutard,
Imprimeur-Libraire , rue des Mathurins, 1 °. Entretiens
Philofophiques fur la Religion , Volumes
in 12. 2 ° . Mémoires de Berwick , écrits par luiméme
, 2 Volumes in- 12. 3 °. De la lecture des
Livres François , feptième Partie , grandes Affaires
Plaidoyers du feizième liècle , Volume in- 8° .
Traité du Globe , rédigé d'une manière nouvelle ,
à la portée des Enfans , par M. Lemoine , Inftitureur
, Brochure in- 12, Prix , 1 liv. 16 fols. A Paris ,
chez l'Auteur , grille de Chaillot , & chez Belin , Li-s
braire , rue Saint Jacques.
Differtationfur le Charbon malin de la Bourgo-,
gne , ou de la Puftule maligne , Ouvrage couronné
par l'Académie de Dijon , par M. Thomaffin , Chirurgien
de Dôle , &c. Brochure in- 8° . A Paris , chez
Didot jeune , Imprimeur-Libraire, quai des Auguf
tins . On trouve à la même adreſſe un Ouvrage fur
Électricité du corps humain dans l'état de fanté &
de maladie, couronné par l'Académie de Lyon.
L'Auteur eft M. l'Abbé Bertholon , Volume in- 12 .
1
en
Voyage minéralogique fait en Hongrie &
Tranfilvanie , par M. de Born , traduit de l'Allemand
avec quelques Notes , par M. Monnet
DE FRANCE.
47
Volume in-12, Prix , ; livres relié . A Paris , rue &
Hôtel Serpente..
3
On trouve les Ouvrages fuivans à Paris , chez
Baltien , Libraire , rue du petit Lion. 1 ° . Placide à
Malcovie fur les Scrupules , nouvelle Edition , revue
& augmentée , par Dom Jamin , Bénédictin ,
Volume in- 12. Prix , 2 liv. 10 fols . 2. Anti-Dic
tionnaire Philofophique , quatrième Edition ,
Volumes in-8 ° . Prix , 9 liv. 3. Mémoires fecrets
Avantures galantes de Mahomet , deux Parties.
Prix , 1 liv. 16 fols broché. 4° . La fainte Confrairie
de Notre-Dame- Auxiliatrice , Volume in- 12.
Prix , 15 fols.
Analyfe des Eaux Minérales de Saint-Vincent
& de Courmayeur, dans le Duché d'Aofte , avec un
Appendice fur les Eaux de la Saxe , de Pré- Saint-
Didier & de Fontaine - Merte, par M. Gianetti ,
Médecin de Turin, A Turin , chez Briolo,
"
La chûte de Ruffin , Poëme en deux chants ,
in-8 °. A Bouillon , & à Paris , chez les Marchands
de Nouveautés.
Elémens de Métaphysique facrée & profane , ou
Abrégé du Cours complet de Métaphysique , de la
Philofophie & de la Religion , par M. l'Abbé
Para , Volume in - 8 ° . A Paris , chez Cellot , Imprimeur-
Libraire , rue Dauphine.
Billets de Vifites , de Mariages , ornés de Vignet
tes allégoriques. A Paris , chez Madame Colefon ,
rue de la Tixeranderie , maifon des trois Couronnes
. Le prix de ces Billets eft depuis 20 jufqu'à
39 liv. le cent.
Etat de la Nobleffe , année 1781 , pour ferviz,
de continuation aux neuf premiers Volumes , par
4 MERCURE
M. de la Chenaye-Desbois. Prix , 3 livres broche
A Paris , chez Onfroi & Lamy , Libraires , quai
des Auguftins.
9
Etrennes du Parnaffe , par M. Prévoft d'Exmes.
Prix , 1 livre 10 fols . A Paris , chez Fétil , Libraire ,
rue Mazarine , & chez Couturier fils , Libraire ,
quai des Auguftins.
Almanach Mythologique & Poétique , orné de
douze figures. A Paris , chez Mérigot père , Libraire
, quai des Auguftios.
Almanach de Reims. Prix , 1-2 fals. A Paris , cchez
Gogué & Née de la Rochelle , Libraires , quai deş
Auguftins..
Le bon Jardinier, par M. de Grace. Prix , 1 livre
16 fols. A Paris , chez Onfroi , Libraire , rue du
Hurepoix.
TABLE.
VERS à l'Ombre de l'Impératrice-
Reine,
Américain ,
3 Flore Françoise ,
Almanach Littéraire ,
Concert Spirituel ,va
Epitre à M. le Baron de Grenaut
,
A Mde de la Porte
Enigme & Logogryphe ,
30.
35
32
7 Académie Roy. de Mufiq. 41
9 Gravures ,>
Lettre d'un Membre du Congrès Annonces Littéraires ,
44
APPROBATION.
JAI lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 6 Jan vier. Je n'y ai
rien trouvé qui puiffe en empêcher l'impreflion. A Paris ,
le Janvier 1781 DE SANCY,
MERCURE
DE
FRANCE.
SAMEDI 13
JANVIER 1781 .
PIÈCES
FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
ÉPITRE A
L'ÉDITEUR DU FAKIR
DOCTEÉDITEUR , grand-merci de vos vers ;
Un tour facile , un peu de négligence ,
Dans vos récits invite à
l'indulgence ;
Et j'aimerois de vos Acteurs divers
Le choix , le ton , les portraits , le bien dire ,
Si trop d'horreur ne détruifoit moitié
De l'intérêt , de la tendre pitié
Que fans effort un doux objet inſpire ,
Quand l'infortune embellit la beauté.
De fes malheurs le fpectacle a des charmes §
Mais on frémit s'il eſt enſanglanté ;
On veut trouver du plaifir à ſes larmes.
N'auriez-vous pas mieux fatisfait nos coeurs ,
Sam. 13 Janvier 1781 . C
50
MERCURE
Si , du Fakir puniffant les fureurs , ( 1 )
Vous nous laiffiez l'innocente victime
Se confolant , dans les bras de l'eſtime ,
D'un accident ( fi du moins c'en eſt un )
Très -pardonnable , & de plus fi commun !
Pourquoi mourir ? Étoit- elle coupable
Des attentats d'un brutal raviffeur ?
La douce Agnès fit mieux en cas ſemblable.
Parlons de vous : (2 ) conteur , prôneur , penfeur,
Vous voulez- donc louer Ariftophane !
D'autres diroient .
Mais moi , qui fuis le renom d'un cenfeur ,
Je n'ai qu'un mot : eft- ce là votre rôle ?
Eh! croyez-moi , ne tenez point parole ;
Reftez en paix , & laiſſez - y les morts ,
( Ceci foit dit fans morgue fatyrique. )
'Ah ! que plutôt , fi du panégyrique
Vous reffentez les fublimes tranſports ,
Que votre main d'apothéose avide
Sème des fleurs fur les cendres d'Ovide ! ( 3 )
Senfible & doux , careffé tour-à- tour
Par l'Amitié , les Mufes & l'Amour ,
Dans Amathonte il fut long- temps célèbre :
Et le Plaifir qui creuſa ſon tombeau
rue des
(1 ) Voyez le Fakir , Conte , chez l'Éditeur ,
Champs- Éliſées , & Deffene , Libraire , au Palais Royal.
(2) Voyez la Préface du Fakir.
(3 ) Feu M. Dorat,
DE FRANCE.
Verfa des plears fur fon urne funèbre.
Le jour , où de fes ans s'éteignit le flambeau ,
Les Grâces gémiffoient dans les bois d'Idalie ,
Le Pinde vit pleurer Thalie ,
Le luth d'Anacréon foupira fous les doigts ,
Et l'aimable Érato qui peignit Rofabelle , ( 1 )
Célébra de l'ami qui n'étoit plus pour elle ,
Les mânes confolés aux accens de la voix.
Oui : partagez fans honte , fans mystère ,
De l'amitié le noble miniſtère :
....
Il nous honore , il honora des Rois,
Et Frédéric a célébré Voltaire . . .
Mais terminons : grave Célibataire ,
Vous allez donc penfer fur le plaifir ! (2)
Le point , je crois , feroit de le faifir ,
De le goûter , & fur-tout de s'en taire.
Mais puifqu'enfin Philofophe aujourd'hui ,
Vous le trouvez à differter de lui ,
A vous permis d'en paffer la folie ;
Et puiffiez-vous n'y pas trouver l'ennui !
Mais feulement ici je vous ſupplie
D'affecter moins un ton particulier ;
Et s'il eft vrai qu'en homme fingulier
(1 ) Héroïne de l'Abeilard Suppofé , Roman de Mde la
Comteffe de B....
( 2) M. G. D. L. R. s'occupe , depuis long- temps , d'ùa
Ouvrage intitulé : Réflexions Philofophiques fur le Pla fir ,
par un Célibataire. Cet Ouvrage doit paroître vers le mois
de Février 1781. 曩
Cij
52
MERCURE
De traits mordans vous menacez nos Dames ,
Jeune Caton , refpectez mieux les femmes ,
Ou contre vous je fuis leur Chevalier.
Ah ! mon ami , j'ai trouvé dans leurs chaînes
Bien d'heureux jours , fouvent bien du fouci ,
Et de bon coeur je leur dis grand-merci
Pour mes plaifirs , & même pour nos peines.
( Par M. L. C. D. L. )
26
COUPLET S chantés à M. & Mde.....
lejour qu'ils ont célébré la Cinquantième
année de leur Mariage.
Sur l'Air : Elle aime à rire , elle aime à boire ,
elle aime à chanter comme nous.
JAAMMAAIISS,, jamais les Dieux profpères
N'ont amené de jour plus beau.
L'Hymen ralume fon flambeau
Pour le meilleur de tous les pères.
Quvrons nos coeurs dans ce feftin
Au couple heureux qui nous raffemble.
Enfans , amis , chantons enſemble
Et nos plaifirs & leur deſtin.
Vous qui caufez notre allégreſſe ,
Objets du plus doux fentiment,
En qui l'eftime conſtamment
Fut l'aliment de la tendreffe ;
}
bis.
DE FRANCE NCE.
S3 .
A côté l'un de l'autre affis ,
A ce banquet de la Nature ,
Vous nous retracez la peinture
De Philémon & de Baucis.
Du fpectacle qui nous enchante
Que tous les traits font précieux !
Je vois s'exprimer en vos yeux
Une férénité touchante. {
L'hiver de vos ans eft paré
Des fleurs qu'en été l'on moiffonne .
La Vertu même vous couronne
Du myrthe qu'elle a préparé.
DEPUIS l'inftant où l'Hyménée
Afon Autel forma vos noeuds ,
Non , rien n'a trompé dans fes voeux
Votre Famille fortunée .
Doutera-t- elle que toujours
Son étoile ne fût la même ?
Il eft prouvé que le Ciel l'aime ,
Puifqu'il a pris foin de vos jours.
Des bons Citoyens le modèle ,
Mon père , on voit encore en vous
Le plus fenfible des époux ,
Et des amis le plus fidèle.
Que vos defirs foient fatisfaits
Du fort qui fait votre partage.
}bis.
}
bis.
}bis.
C iig
34
MERCURE
Vous recevez ici l'hommage
De coeurs heureux par vos bienfaits.
PAR fa beauté , par fon ombrage ,
Un chêne prime en nos forêts ;
De jeunes plants croiffent auprès ;
Il les garantit de l'orage.
Ainfi nous défions les maux.
Que notre confiance eft jufte !
Papa , vous êtes l'arbre augufte
Qui nous couvrez de vos rameaux.
PAR fa puiffance , ou fa fortune
Souvent un mortel eft cité.
Vous l'êtes , vous , par la bonté ,
Par la candour la moins commune.
Ah! que vos deftins triomphans
Méritent d'exciter l'envie ,
Si le bonheur de votre vie
Tient à l'amour de vos enfans !
Des moeurs & de la bienfaiſance ,
Époux , le prix vous étoit dû.
Vous avez tous deux entendu
Le cri de la reconnoiffance .
Mais d'un zèle pur tour-à-tour
En vain nous avons peint les flammes ;
Il faut lire au fond de nos ames
Pour bien juger de notre amour.
}
bis.
}bis
bis.
}
•bise
}
bis.
DE FRANCE.
DEs doux tranfports de ta Famille ,
Ami, tu jouiras long-temps.
Ainfi qu'aux jours de ton printemps
Certain feu dans ton oeil pétille.
Toi , Maman , toujours puiffes-tu
Dire aux Confidens du ménage :
Ses Cinquante ans de Mariage
N'ont point affoibli ſa vertu .
}
bis.
( Par M. le Comte de Laurencin. )
Explication de l'Enigme & du Logogryphe
du Mercure précédent.
LE mot de l'énigme eft Quinola ; celui
du Logogryphe eft Fumée , où le trouvent
feu, Fée , mue ( efpèce de cage où l'on engraiffe
la volaille ) , Eu , fève.
ÉNIGM e.
JE fuis le bien & la richeſſe
De ceux qui ne poſsèdent rien ;
Je fuis la force & le foutien
Du malheureux dans fa détrefle :
Oui , fans moi , d'un bras furieux,
On le verroit de fes jours odieux
Terminer le cours déplorable.
Mais au moment où tout l'accable ,
Civ
$6.
MERCURE
*
Je parois ; mon aſpect vainqueue
Ramène le calme en fon coeur.
Lorfque l'adverfité te preffe ,
Lecteur , & que malgré la foi
L'amitié même te délaiffe,
Je refte feule auprès de tok
Enfin , pour me faire connoître,
Et te peindre en deux mots mon être,
Je ne vis que dans l'avenir ;
Qui me perd n'a plus qu'à mourir,
( Par M Compan:)
LOGOGRYPHE.
Du langage François , équivoque bizarre , U
J'habite l'air , & l'onde , & la terre & le feu
Je fuis un vêtement dont tout fexe fe pare ,
Tantôt aftre brillant & tantôt demi- Dieu ,
Qu quadrupède adroit en Europe très- rare.
Cher Lecteur , d'après cet aveu ,
Vous allez bientôt me connoître ,
Si les fix pieds qui compofent mon être ,
Sont par vous mûs en tous les fens.
D'abord vous y verrez ce qui de la Sorbonne
Reçoit la fanction , occupe les inftans;
Un inftrument dont la forêt réfonne ;
Le vieux Jupin des peuples Allemands ;
Le nom d'un Franciſcain de ſcience ſubtile ,
DE FRANCE.
57
L'habit des anciens Pénitens ;
Et ce métal funefte autant qu'il eft utile.
A votre efprit fi vous donnez l'effor ,
Certain trotte-menu doit s'y trouver encor ,
Ainfi que du Japon une petite ville ;
Ce fer qui de Cérès nous prépare les dons ¿
Un terme de fauconnerie ;
Trois grands Hommes qui font honneur à l'Ibérie,
Le digne émule des dindons ,
S'y montreront au gré de votre envie ,
Accompagnés de treize mots Latins ;
Le fynonyme de fortune ,
Et chez les antiques Romains
Une monnoie affez commune ,
Y figurent auffi ; de notre humanité
La bafe enfin & la folidité.
( Par M. l'Abbé Dourneau. }
*
Cy
$8
MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
,
OEUVRES DE M. BOSC D'ANTIC , Docteur
en Médecine , Médecin du Roi
par
quartier , ancien Correfpondant de l'Academie
Royale des Sciences Membre
de l'Académie de Dijon , de la Société Littéraire
de Clermont Ferrand , & de la Société
des Arts de Londres . 2 vol . in- 12.
A Paris , rue Serpente , Hôtel Serpente.
CE Recueil contient fix Mémoires. Le
premier traite de la caufe des bulles qui fe
trouvent dans le verre. M. d'Antic prouve ,
par un grand nombre d'expériences , que ces
bulles font produites par le fel de verre ,
le tartre vitriolé , le fel de glauber , & le
fei marin. Il explique d'une manière trèsfatisfaifante
le phénomène des larmes bataviques
, & démontre que les bulles qu'on y
voit ordinairement , n'ont aucune part à ce
phénomène , comme on l'avoit cru.
Le deuxième renferme des recherches
fur la caufe des foufflures des métaux coulés
ou jetés. L'Auteur fait voir que ces foufflures
font dûes à une vapeur qui s'échappe de la
matière du moule & du baffin , à l'inftant
de l'embiafement caufé par le métal en
fufion. Il propofe différens moyens de perDE
FRANCE.
19
fection & d'économie fur la fonte des canons
, & une méthode fimple & peu difpendieufe
de faire des tables de cuivre allié ,
fans foufflures & de telle grandeur qu'on
puiffe defirer , pour couler des glaces à
miroir.
Le troisième , a pour objet la perfection
de l'Artde la Verrerie. Ce Mémoire fut couronné
en 1760 par l'Académie Royale des
Sciences de Paris. Il peut être divifé en cinq
Parties . Dans la première , l'Auteur donne
une idée de l'état de la Verrerie en Europe.
Dans la feconde , il traite , en homme confommé
, des fourneaux & des creufets.
Dans la troifième , il donne la vraie compofition
des terres. Dans la quatrième , il fait
connoître les matières les plus propres à être
converties en verre ; & dans la cinquième
iljette un coup- d'oeil rapide & intérellant fur
les Arts qui dépendent de celui de laVerrerie.
L'Aft de la Verrerie étoit livré à la routime.
M. d'Antic en a , le premier , développé
les vrais principes . Auffi , depuis la pubiication
de fon Mémoire , il s'eft foriné dans
le Royaume un grand nombre d'établiffemens
de Verreries , & le verre de toute
efpèce est beaucoup moins cher.
Des notes auffi curieufes qu'utiles fur le
Mémoire précédent , forment la 4e Pièce du
volume.
Le cinquième Mémoire a pour titre :
Obfervations fur l'Art de la Fayencerie. On
peut le divifer en trois parties . Dans la pre-
C vj
60 MERCURE
mière , l'Auteur donne une idée de l'Art de
la Fayencerie en France ; dans la feconde ,
il traite du choix , de la préparation & de
la compofition des terres dont on fabrique
le bifcuit de fayence ; & dans la troiſième
de la préparation , des proportions & du
mélange des matières dont on forme le blanc
ou l'émail , de la fufion , de la pulvérisation
& de l'emploi du blanc , & c. D'après ce
Mémoire , il feroit aifé de former avanta
geufement une Fayencerie..
Enfin , le fixième Memoire eft destiné d
découvrir la nature de la matière électrique. M.
d'Antic effaye de prouver, par un grand nom
bre d'expériences , que la matière électrique
n'eft autre chofe que le principe colorant,
le phlogistique modifié par l'acide du phofphore.
Il a établi aufli d'une manière inconteftable
, que le verre n'eft pas électrique
par lui-même , qu'il doit fon électricité aus
principe colorant qui lui eft ordinairement
uni . L'Auteur donne le moyen de rendre à
volonté le verre électrique ou non électrique.
Ce Mémoire peut être regardé comme
un modèle d'analyfe.
Le fecond volume eft compofé de dixneuf
pièces. La première , eft un Mémoire
fur la fauffe Emeraude d'Auvergne . L'Auteur
trouve à la fauffe Eméraude tous les caractères
du fpath fufible. Il prouve que les
cryftallifations tirent leur vertu phofphorique
du principe colorant très- atténué &
volatil dont elles font teintes.Elles paroiffent
DE FRANCE. 61
chargées d'une plus grande quantité de principe
colorant fi fixe , qu'il foutient la vitri
fication . Elles font fuíibles par elles- mêmes.
Ces deux découvertes ont mis M. d'Antic en
état de fubftituer , avec un grand avantage
pour les Maîtres de Verrerie , le fpath fufible
à la chaux dans les compofitions du
verre ; il en a fait d'autres heureufes appli
cations aux Arts utiles.
La feconde , eft un examen , fait avec le
plus grand foin, des Eaux thermales de Chau
dès-Aigues.Ces eaux jouiffent d'une grande ré
putation . D'après l'analyſe de notre Auteur,
elles n'ont prefque d'autre vertu que celle
qu'elles tirent de 60 degrés de chaleur au
thermomètre de Reaumur.
La troisième, a pour titre : Obfervation fur
les Creufets d'Auvergne. On fair combien il
eft important d'avoir de bons creufets , &
combien il eft difficile de s'en procurer. M..
d'Antic n'a rien négligé pour que l'Auvergne
pût nous en fournir à plus bas prix & de meilleure
qualité que ceux d'Ipfen & de Heffe .
Des Obfervations fur l'Art d'effayer les
mines par lefeu , forment la quatrième Pièce.
Ces Obfervations peuvent être divifées en
deux Parties. Dans la première , l'Auteur ,
après avoir fait fentir l'utilité de la Docima
tie , prouve évidemment que cet Art précieux
a fait très- peu de progrès , qu'il eft
encore très-imparfait ; & dans la feconde ,
62 MERCURE
il propofe des moyens fimples pour le rendre
auffi fûr qu'il foit poflible . Ces Obfervations
nous ont paru très- intéreffantes , &
fuppofent dans l'Auteur un grand fond de
connoiffances Chimiques , Minéralogiques
& Métallurgiques .
ز ا
La cinquième , eft une Lettrefur les Afphi
xies. L'Auteur les attribue à la ſtagnation
de l'air méphitique dans les poumons ;
eft un des premiers qui ait propofé contre
l'afphixie , fans exclure les autres moyens
connus , l'ufage de l'efprit de fel volatil .
Dans une note curieufe , il démontre que
l'alkali volatil n'agit ni en neutraliſant ni
en ftimulant.
La fixième , renferme des Obfervations
fur laVaiffelle & Batterie de cuifine ordinaire.
On avoit infpiré au Public les plus vives
alarmes fur l'ufage des uftenfiles de cuifine
& de ménage ordinaire. M. d'Antic connoiffant
à fond cette matière , en appréciant les
inconvéniens & en indiquant les moyens d'y
obvier , eft parvenu à rétablir la tranquillité
dans les efprits . Les Auteurs de la Gazette
de Santé lui ont donné les plus grands éloges
à cet égard.
La huitième , eft un examen critique des
expériences faitesfur les fpaths féléniteux &
vitreux. Le but de l'Auteur eſt d'établir les
differences effentielles qu'il y a entre ces
deux efpèces de pierre , & de diffiper la confufion
qui règne à cet égard dans la MinéraDE
FRANCE. 63
logie. Il prouve auffi que la découverte d'un
acide particulier dans le fpath vitreux , eft
due à M. Margraff.
Des Obfervationsfur lafabrication & fur le
commerce de la Potaffe , forment la neuvième
Pièce.L'Auteur examine, 1.quels font les bois
& lesplantes qui , reduits en cendres , donnent
le plus de fel alkali fixe ou le plus pur ?
2º . Quel eft le tems le plus convenable à
l'incinération ? 3. De quelle manière on
doit faire l'incinération ? 4° . Quels ſoins demandent
les cendres avant la lixiviation ?
5°. Comment on doit procéder à la lixiviation
? 6. De quelle manière on doit faire
l'évaporation ou la formation de la potaffe
rouge ? 7. Quelles attentions demande la
converfion de la potaffe rouge en potaffe
blanche. Tous ces articles font traités de
main de maître. On trouvera fans doute
curieufe & utile l'obfervation que fait M,
d'Antic , que la vermoulure & le tan naturel
pris avant que l'arbre foit complettementdefféché
ou mort fur pied , fe convertit
, par la combuftion , prefque entièrement
en fel alkali fixe ; & qu'il en eft à - peu-près
de même des loupes ou excroiffances , furtout
des arbres réfineux .
La Dixième Pièce a pour objet la fabrica
tton des verres en table , facon de Bohême.
Notre Auteur diftingue trois efpèces de verre
à vitres appelées à bondine , à queue de morue
, & en table ou glaces façon de Bohême :
MERCURE
3
2º. Il traite de la manière d'employer ce
verre , d'en fouffler des manchons , des cylin
dres creux les plus avantageux ; & ; ° . de la
manière de les déployer , de les étendre dans
un fourneau fans leur faire perdre leur poli
M. d'Antic ne paroît avoir rien négligé fur
cette curieuſe & importante fabrication.
Le fujet de la onzième Pièce eft de la plus
grande importance : ce font des recherches
fur la caufe matérielle de la pefte & des épifooties.
N'y a t-il , dit l'Auteur , qu'une
feule caufe materielle de la pefte & des épifooties
? Sont elles produites par un fimple
levain ? Ce levain agit - il uniquement par
contagion , de manière que , fi l'on pouvoit
parvenir à l'anéantir , il ne fût plus dans la
poffibilité de fe rétablir. Eft-il contagieux par
le feul contact du corps fain avec le corps
malade ou infecté , ou par une atmosphère
chargée de fes corpufcules , ou par la refpiration
, ou par fon mêlange avec la lymphe
& le fang , ou par inoculation , ou par
la déglutition , ou par tous ces moyens réunis
? M. d'Antic examine toutes ces queftions
, & conclut que ces terribles maladies
doivent être attribuées à l'alkalefcence des
fucs digeftifs , & conféquemment , que
quand même on parviendroit à anéantir
tout le levain de ces affreufes maladies ,
on n'en tariroit pas la fource , puifque
plufieurs autres caufes peuvent les produire.
L'Auteur termine fon favant Mémoire
DE FRANCE. 69
par l'hiſtoire & le traitement d'une épifootie
dont il a arrêté les progrès.
La douzième eft un Mémoire fur les Ma
nufactures àfeu du Royaume. L'Auteur divife
ces Manufactures en trois claffes . Il fait le
tableau de leur état actuel , & il propofe
différens moyens de les perfectionner. II
traite en maître cette intéreffante matière .
La treizième a pour titre : Moyen auffi
fimple que peu difpendieux de rendre le Commerce
de Bordeaux plus floriffant. M. d'Antic
n'a prêté que fa plume à M. de l'Hortez ,
Capitaine de Navire. Ce Mémoire nous a
paru intéreffant.
Une Obfervation fur l'évaporation de l'eau
jetée fur le verre en fufion , fait le fujet de
la quatorzième. M. Deflandes & plufieurs
Phyficiens avoient cru voir que l'eau ne s'é
vaporoit pas fur le verre en fufion. M. d'Antie
démontre que l'eau s'évapore fur le verre
en fufion , comme à un moindre degré dé
chaleur.
La quinzième , eft un extrait de l'excellent
Mémoire fur l'airfixe du célèbre M. Berg
man.
L'Art de guérir les Hernies fait lefujet de
la feizième. C'eft une favante expofition de
la méthode du fieur Maget , que l'Auteur
préfère à toutes les autres méthode qui
paroît réunir les fuffrages des Médecins &
des Chirurgiens.
La dix -feptième , eft un Mémoire fur les
différens états de l'acide dans l'économie ani
66 MERCURE
male. Sujet neuf & de la plus grande importance.
L'Auteur prouve que l'acide fetrouve
dans les folides ou dans les fluides des animaux
; 1º . dans l'état concret de la plus
grande fixité ; 2 ° . dans l'état glutineux &
de la plus grande fixité ; 3 °. dans l'état de
liquidité & de la plus grande fixité , que n'en
a l'eau dans laquelle il eft diffous ; 4 ° . dans
l'état fixé , quoique virtuellement élastique ;
. dans l'état actuel de l'élafticité ; 6 ° . dans
l'état inflammable ; 7 ° . que ce font différentes
manières d'être d'un feul & même acide.
8°. Enfin que cet acide n'eft aucun
des trois acides minéraux. Ce Mémoire nous.
paroît jeter beaucoup de lumières fur la
théorie & fur la pratique de la Médecine .
,
La dix-huitième Pièce eft un Mémoire fur
la nature & la caufe des différentes greffes du
verre. L'Auteur diftingue cinq espèces de
greffes du verre. Il les attribue toutes à
une feule caufe différemment modifiée.
La dix -neuvième a pour titre : Moyen
de claffer tous les fers communs . Ce Mémoire
nous a paru bien propre à piquer la curiofiré.
L'Auteur y donne un moyen certain
de juger , même au tact , & les yeux fermés ,
de la pureté & de la bonté des différentes
efpèces de fer & d'acier.
Ce Recueil fe fera lire avec intérêt ; on y
trouvera réunies la clarté & la précifion. M.
d'Antic a porté l'efprit d'analyfe dans toutes
fes recherches. Auffi a- t- il fait un grand nom
bre d'utiles découvertes .
DE FRANCE
. 67
L'Auteur fe propofe de donner un troi
fième volume , qui traitera uniquement des
laits répandus, & des moyens d'en détruire les
accidens & de les prévenir. On fait que M.
d'Antic a fait à cet égard des cures fort
extraordinaires.
LE GÉNIE VENGE , Poëme , par M.
Guyétand. A la Haye , & fe trouve à
Paris , chez les Marchands de Nouveautés.
1780.
La première Partie de ce petit Ouvrage
eft une espèce de Satyre des Satyres. L'Auteur
l'annonce affez lui- même par les vers
fuivans , dont la tournure eft à la fois fimple
& forte.
Et fi le ciel en moi ne mit point cette flamme ,
Qui forme le génie , & qui feule en eft l'ame ,
Archiloque , c'eft toi que j'invoque en ces vers.
Viens de nos vils Griffons châtier les travers :
Viens , prends pour les guérir de l'orgueil qui les
berce ,
Le fouet de Juvénal & l'aiguillon de Perfe.
La feconde Partie eft une espèce d'apologie
des Gens de Lettres les plus diftingués de ce
fiècle. Celle-ci nous a femblé très -fupérieure
à la première , qui ne contient guères que
des plaifanteries cent fois redites & répétées
encore fans que l'Auteur y ait ajouté aucune
grâce nouvelle. Il y a plus , il les a fouvent
68 MERCU.RE
défigurées par des expreffions baffes & tri
viales. Telles font celles- ci entre mille autres.
Si Defpréaux n'eutpincé, repincé les Cotins ;
un athlete , c'est - à - dire le fublime Abbé
Sabatier , qui eft l'Avocat du Diable , & qui
aboye les Auteurs ; un Livre Abecedaire ;
un Auteur par A , B, C. & tout cela en
rime pour plus grande élégance.
Cette familiarité triviale dans le ftyle gâte
encore la reffemblance du portrait qu'il trace
d'un Satyrique moderne.
Gilbert, d'un front d'airain, Gilbert, de porte en porte,
S'en va corner les vers ; ayant en ce métier
Colletet pour exemple , & Boileau pour croupier ,
Et prédicant gagé que l'intérêt anime
Vend à deniers comptans fa haine & fon eftime.
M..
Guyérand peut dire pour fe défendre
que corner eft ici le mot propre; cela peutêtre
; mais hurler étoit le mot
Poëtique ; &
il falloit le préférer. Au refte , il eft fans
excufe
d'avoir
affocié
Boileau à Colletet , &
encore
plus d'ofer en faire le croupier
d'un
Satyrique
qui
afſurément
n'aura
jamais
rien
de
commun
avec l'Auteur
de l'Art
Poëtique .
C'eft bleffer à la fois le goût , la raison &
la
bienſéance . Les Vers
fuivans
préfentent
un contraſte
agréable
, & l'Auteur , fans fortir
du ton libre & aifé de la Satyre , y prend
en même tems le ton du Poëte.
Oh , j'eftime bien plus ce ruftre bazanné
Qui foumet à la bêche un fol abandonné,
DE FRANCE. 69
Et fait germer le grain dont la faveur heureufe
Ranime du courfier la fougue impétueufe ,
Qui va dans les forêts , armé d'un large fer ,
L'été , couper le bois qui me chauffe l'hiver ,
•
Ou qui vient de ma route , à grands coups de maſſue ,
En cailloux incruftés parqueter l'étendue .
Citoyen en tout temps utile à ſa patrie ,
En tout temps il la fert , & jamais ne l'ennuie .
On y reconnoît un imitateur heureux du
ftyle fimple & familièrement Poëtique de
Defpréaux dans fes Satyres. Beaucoup de
gens préfèrent les Epîtres , fans doute parce
que le ftyle en eft plus noble & plus élevé ;
on devroit néanmoins favoir gré à ce Poëte
du goût & de la raifon, qui avoit en principe
de diftinguer fcrupuleufement chaque genre ,
d'avoir alors abaiffé exprès le ton de fa
Poëfie , d'après les leçons & l'exemple
d'Horace ,
Interdum urbani parcentis viribus , atque
Extenuantis eas confulto.
Immédiatement après le morceau que nous
venons de citer , M. Guyétand revient encore
à ces Littérateurs envieux qui s'irritent
à l'apparition d'un bon Ouvrage. Il leur
applique une comparaiſon neuve & jufte.
Tel on voit un hibou frappé de la clarté ,
Sous un épais fourcil où la flamme étincelle ,
70
MERCURE
Rouler
obliquement une louche prunelle,
Et d'un cri déſaſtreux foudain remplir les airs.
Il rend enfuite
hommage , comme nous l'avons
déjà annoncé aux hommes célébres de
ce fiècle ; & d'abord il loue M.
d'Alembert
par apostrophe.
Archimède nouveau , fils aîné d'Uranie,
D'Alembert, c'eft ainfi que les traits de l'envie
Ont jufques dans tes mains ébranlé tou compas ;
Mais pardonne : il eſt beau d'éclairer des ingrats ;
Et ce Globe étonné dont tu traças l'orbite ,
Eft le Livre immortel où ta gloire eft écrite.
L'idée
renfermée dans ces deux derniers
vers n'eft pas jufte. L'orbite de la terre étoit
connu long- tems avant M.
d'Alembert , &
même avant Newton . Peut -être aufli ébran
der n'eft-il pas le mot propre : on
n'ébranle
que ce qui porte fur une bafe.
Au refte , ce font des fautes de réflexion
bien plutôt que de goût ; & nous l'obfervons
d'autant plus volontiers , que l'Auteur
mérite d'être
encouragé. Il y en a
pluſieurs
de ce genre dans le refte de
l'Ouvrage . Par
exemple , on eft fàché de voir dans le même
vers & pour le même éloge, le nom de
Réaumur affocié à celui de M.
Francklin ,
qui eft bien un autre homme. Réaumur étoit
un
refpectable Citoyen , qui paffoit fon
tems à toujours regarder , & dont le nom
ne reftera guères que fur les
Baromètres &
DE FRANCE. 71
fur les Thermomètres pour lesquels on a
adopté en France fa divifion des degrés. Ce
défaut de jufteffe fe trouve encore dans les
vers fuivans :
Molière a vu Regnard , Deftouches & Piron ,
Dérober dans fes mains fon maſque & ſon crayon.
Chacun de ces Poëtes célèbres a fon maf-"
que & fon crayon. Piron furtout , dans la
Métromanie , paroît avoir faifi de bien près
la touche franche & comique de Molière.
Malgré cela on ne peut pas dire que l'on ait
rien dérobé à Molière . Il eſt affis tout feul
à fa place.
Bernis fur un luth d'or , monté pour les Horaces ,
A chanté les faifons , les heures & les grâces.
Voilà encore un rapprochement qui n'eft
pas fondé en raifon. Tout le monde chante
les grâces , mais il n'y a que Chaulieu, Voltaire
, & quelquefois Greffer qui les chantent
fur le luth d'Horace . Il ne faut pas confondre
le vernis d'un Peintre Eventaillifte avec
le coloris de l'Albane.
Au furplus , il y a du mérite à avoir fait
le petit Poëme que nous annonçons ; nous
ne pouvons citer tous les vers piquans qui
font répandus , ni tous les beaux endroits.
L'Eloge de la Czarine régnante eft bien travaillé.
Celui du Roi n'eft pas à beaucoup
près auffi heureux . Nous invitons M. Guyey
72
MERCURE
tand à ne jamais perdre de vue ce précepte
de
Defpreaux ;
Le ſtyle le moins noble a pourtant fa nobleffe.
à ne pas prendre le bas & le trivial pour le
fimple & le naturel , enfin , à fe défendre de
la manie de forger de
nouveaux mots , tels
que fréromanie , verfififeurs. Tout cela n'eft
point de bon goût , & nos grands Ecrivains
n'ont jamais ufé de pareilles reffources. On
doit l'avertir encore qu'on ne doit plus fe
fervir à préfent du nom de Tabarin , parce
qu'il eft inconnu depuis long- tems ; & que
d'ailleurs il faut laiffer le mot à celui qui , de
fon tems , l'a trouvé , & qui feul lui a donné
du fel.
LE Grand Euvre de
l'Agriculture, ou l'Art
de régénérer lesfurfaces & les très-fonds ,
accompagné de
Découvertes
intéreſſantes
fur
l'Agriculture & la Guerre , préſenté au
Roi & à la Famille
Royale , par M.
Montagne , Marquis de Poncins , Ancien
Officier aux
Gardes -
Françoifes , avec
cette
épigraphe : Et
renovabis faciem terra ,
Pf. 103 , v. 32. A Paris , chez la Veuve
Duchefne ,
Libraire , rue S.
Jacques.
L'AUTEUR de cet
Ouvrage nous
apprend
dans fa
Préface , " qu'il eft des
defcendans
» de
Montagne » ,
quoiqu'il ne porte que
le nom de fa Terre , & ne
s'appelle pas
Eiquem , comme ce
Gentilhomme
Philofophe.
DE FRANCE. 73
-39
fophe. Il nous prévient encore que , certains
efprits pourront regarder fon Ou-
» vrage comme prématuré , qu'il git beau-
» coup en expérience , » & qu'il paroît qu'il
en eût dû à attendre l'entier réfultat pour en
pouvoir rendre compte. » Mais il invite
fes Lecteurs à ne le juger definitivement
qu'après avoir expérimentéfes pratiques .
Il donne dans fon premier Chapitre une
idée de la manière dont il fait valoir fes
Terres en Forez par quarante Familles de
Journaliers qu'il tient à fes gages , & fait
manoeuvrer avec une forte de difcipline militaire.
Son fecond Chapitre eft intitulé : de la
création & transformation des fols par l'exportation
des Terres. Ce que M. de Poncins
appelle l'exportation des terres , efi l'opération
de tranfporter de bonnes terres fur un
fol ingrat pour l'améliorer. Pour exécuter
cette opération , qu il n'a , jufqu'à préſent ,
faite comme tout le monde qu'avec des tombereaux
, il expofe , page 57 , « que la ma-
» nière la plus rapide feroit de lancer à coups
» de canon des globes de terre paitris en
forme de boulet , & comprimés dans le
» canon , fi toutefois on pouvoit rendre
la poudre moins chère. »
و د
Il propofe d'employer de grandes bêches
de dix-huitpouces de longueur , qui en effet ,
avec des Ouvriers fuffifamment forts pour
s'en fervir , remueroient une grande quantité
de terre dans les fols qui ont un pié &
Sam. 13 Janvier 1781 .
D
$74
MERCURE
demi de profondeur. M. de Poncins a cepen
dant la précaution , pour rendre plus maniable
cette longue bêche , d'en diminuer la
largeur.
Il propofe « de confier , en temps de paix,
» aux propriétaires des terres , lorfqu'ils le
» demanderoient , des détachemens de Ca
و ر
و د
ود
valerie pour le tranfport des terres , &
» des Dragons & de l'Infanterie pour le
» travail de main. Les Propriétaires feroient
» tenus de nourrir les chevaux à la ration
» ordonnée par le Gouvernement , qui dé
» termineroit aufli le poids de terre que
» devroit recevoir chaque voiture , le nom-
» bre de chevaux employés , & le nombre
de voyages que chaque voiture, devroit
faire par jour felon la nature du travail .»
Son Chapitre cinquième , qui traite des
prairies artificielles , contient plufieurs vérités
que l'on trouve auffi dans d'autres Ouvrages
d'Agriculture.
99
Il adopte le fyftêine de culture de M.
Tull , propofé par M. Duhamel. On fait que
cette culture confifte à laiffer entre chaque
fillon un fentier que l'on puiffe labourer
pendant que le blé pouffe. M. Tull a cru
que ces labours fuppléeroient même à l'engrais.
M. de Poncins penfe que la moitié du
terrain qui fe trouve femée par cette méthode,
produira quatre fois plus que les deux
portions enfemble , fi elles avoient été culrivées
& femées à l'ancienne manière : Nos
bons Laboureurs de Flandre , de la Brie &
DE FRANCE. 75
duValois n'ont pas encore adopté cette méthode.
M. de Poncins n'a pas cru devoir fe borner
à publier fes idées fur l'Agriculture. Il y
a joint depuis la page 359 jufqu'à la page 365,
des obfervations fur le mal de dents ; & il
y a ajouté un Chapitre d'inventions Militaires.
La première confifte " à cacher des
» Détachemens , des Régimens , & même
» des Divifions entières d'Infanterie , dans
» des folles fouterraines de fept à huit piés
» de profondeur , » qu'on recouvriroit de
chevrons , de lattes , de faſcines & de terre.
Si l'ennemi n'étoit pas averti , par fes efpions
, de cette manière de cacher des Trou.
pes dans un camp qu'on auroit quité , & fi
les remuemens de terre ne lui donnoient
aucun foupçon , il eft clair qu'il pourroit être
furpris.
M. de Poncins propoſe encore « d'avoir
» une certaine provifion de pantins de gran-
» deur naturelle & de différens uniformes
" que l'on feroit danfer à la vue de l'ennemi
» dans des poftes d'un accès difficile , dont
» on retireroit les Troupes pour les employer
ailleurs. Il a eu l'attention de
faire graver une planche pour figurer aux
ود
yeux cette manoeuvre.
Enfin , il a envoyé fon Ouvrage au Roi
de Pruffe , à M. le Comte de Maurepas , à
M.de Comte de Vergennes & à M. de Sartine,
&il a ajouté quelques feuilles au furplus de
Dij
76 MERCURE
l'édition , pour y joindre les lettres de remer
ciemens qui lui ont été adreffées.
LES Amours & la Mort de Didon , Poëme ,
traduit de Virgile. A Paris , chez Esprit ,
Libraire , au Palais Royal.
Aujourd'hui que des Poëtes d'un talent
reconnu ont entrepris de traduire les Anciens,
on doit s'attendre à voir une tourbe nombreuſe
d'imitateurs imitatores fervum
pecus , regratter les images de la poéfie antique
fur des verfions en profe , & s'imaginer
être auffi des Traducteurs. Mais pour
prétendre à ce titre , il faut avoir le fentiment
le plus vif des beautés des Anciens, une connoiffance
exquife de leur langue , avoir dans
la fienne fon expreffion formée, joindre la flexibilité
de l'imagination à l'élégance du ſtyle,
en un mot , réunir diverfes párties du talent
dont l'affemblage n'eft pas toujours néceffaire
pour compofer des vers de fantaiſie . Le
nouveau Traducteur des Amours de Didon
nous paroît bien loin de poffèder quelquesunes
de ces qualités . On en va juger par la
defcription de la Renommée.
Soudain la Renommée à l'aîle , aux piés agiles ,
Du rivage Africain va parcourant les villes :
Il n'eft point de fléau plus rapide en fon cours.
De ce monftre en allant la force croît toujours ;
Foible d'abord , la peur en fon effor l'arrête ;
DE FRANCE.
77
*
Mais dans les airs bientôt il élance ſa tête.
Il enjambe la terre & fe perd dans les cieux.
On dit qu'en fon courroux , pour fe venger des
Dieux ,
Après l'horrible Cée & l'Encelade informe ,
La terre l'enfanta. Monftre affreux , monftre
énorme !
Sur fon corps chaque plume , ô prodige étonnant !
Cache , organe fecret , un oeil toujours veillant ,
Une bouche tonnante , une oreille dreffée .
De ce monftre jamais la paupière abaiffée
Ne retint le fommeil. Au milieu de la nuit ,
Comprimé fous fon vol l'air s'écarte avec bruit ,
Et les arbres plaintifs Ye courbent vers la terre.
Le jour il eft affis , fentinelle févère ,
Aux faîtes des palais , fur le fommet des tours ,
Et remplit de terreur les Cités & les Cours.
Le faux comme le vrai , tout par lui fe public.
Nous ne rapprocherons point le Latin de
cetre imitation. Il nous fuffit de dire qu'en
général elle eft fidelle. C'eft aux Lecteurs à
juger fi elle est élégante.
D iij
78 MERCURE
HISTOIRE Univerfelle des Théâtres de
toutes les Nations , depuis Thefpis jufqu'à
nos jours , par une Société de Gens de
Lettres . Tomes 1er , 2 Partie. Tomes 2 ,
3 , 4 , 5 , 6 , 7 , 8 , 9 , 10 & 11. A Paris ,
chez les Auteurs , rue Ticquetonne , la
première porte - cochère à gauche en
entrant par la rue Montmartre ; la Veuve
Duchefne , Libraire , rue S. Jacques ; &
Cloufier, Imprimeur-Libraire , même rue.
ON a rendu compte de la première Partie
du premier Volume de cet utile Ouvrage ,
dans le Mercure du 15 Février 1779. Nous
allons jeter un coup-d'oeil rapide fur les livraiſons
qui en ont été faites depuis ce jour
jufqu'au moment où nous écrivons cet
article.
La feconde Partie du premier Volume
contient un court traité de l'origine de la
Tragédie , quelques idées fur les Danfes des
Grecs , fur leur Mufique & fur leurs
Choeurs ; un extrait de la vie d'Efchyle , &
l'analyse des fept Tragédies qui nous reftent
des quatre-vingt-dix ou cent dont cet homme
de génie fut l'Auteur. On trouve enfuite une
notice fur trois Dramatiques Grecs , Philoclès
, Aftydamas & Pratinas. Des fept Ouvrages
de Sophocle , qui font venus jufqu'à
nous , fix font extraits dans cette feconde
Partie , le feptième , Électre , a été rapproché
de celui d'Euripide , qui porte le
DE FRANCE
.
79.
même nom. Le Volume eft terminé par une
note fur les prix qu'on accordoit aux Poëtes
& aux Muficiens vainqueurs dans les concours.
Les Tragédies d'Euripide analyfées , un
extrait du Cyclope , pièce fatyrique de cet
Ecrivain ; deux differtations : l'une fur le
genre fatyrique , l'autre fur les mafques qui
fervoient aux repréſentations dramatiques ;
enfin , une nomenclature des Poëtes Tragiques
, qui ont été contemporains ou fucceffeurs
d'Euripide , compofent le fecond Volume.
On trouve dans le troifième un examen de
l'origine de la Comédie ; trois nomenclatures
: la première contient les Poëtes Comiques
qui ont précédé Ariftophane , ou qui
ont vécu de fon temps , la feconde parle de
ceux qui ont été fes contemporains ou qui ont
vécu après lui ; la troisième traite des Poëtes
qui ont été contemporains ou fucceffeurs de
Ménandre. On y trouve encore un abrégé de
la vie de ces deux illuftres Auteurs , l'extrait ,
des Ouvrages du premier , & les fragmens .
qui nous font parvenus des productions de .
l'autre , une notice fur la vie d'Ariftote , un
coup-d'oeil fur la poétique , & quelques idées
fur Homère.
Le quatrième Volume traite des Jeux &
des Fêtes des Romains , de leurs cirques , des
armes de leurs Athlètes , de leurs cérémonies
religieufes , de leurs facrifices de leurs
loix. On y remarque aufli un Abrégé hifto
Div
80 MERCURE
rique des Spectacles donnés au peuple par
les Empereurs , ainfi que des principaux
triomphes , avec une defcription des chars.
La première Partie du cinquième Volume
contient des détails relatifs aux mariages ,
aux loix funéraires , aux tombeaux , aux
Théâtres des Romains ; des obfervations fur
leurs danfes & fur leur mufique. La feconde
Partie de ce Volume & la première du
fixième, font compofées de l'analyfe des Co
médies de Plaute , de plufieurs notices fur
quelques Dramatiques Latins , & de l'extrait
de quatre des fix Drames de Térence. Les
deux derniers forment le commencement
de la feconde Partie du fixième Volumé.
Une nomenclature des Poëtes Tragiques &
Comiques qui ont été contemporains de
Térence ou qui lui ont fuccédé , la vie de Sénèque
, quelques obfervations fur les Tragé
dies , & leur traduction complette , forment
la fin de cette deuxième Partie , le
feptième Volume en entier , & la première
Partie du huitième. Nous ferons un article
à part de la traduction des Pièces de Sénèque.
L'Hiftoire de la Chevalerie , tous les détails
relatifs à fon inftitution , à fon utilité ,
à fes abus , à fa chute ; les cours d'amour ,
les ftatuts & réglemens des Chevaliers de la
Table Ronde , un choix d'anciens fabliaux ,
des notes fur les Spectacles Militaires & les
fêtes populaires des François ; les tournois ,
les carouſels , les naumachies , les cérémo
DE FRANCE.
nies employées lors des inaugurations des
Rois de prefque tous les peuples du monde :
tous ces objets, & quelques autres qui concer-
.nent les entrées de nos Souverains, leurs mariages
, &c. compofent la feconde partie du
huitième , le neuvième & le dixième Vol.
Au Volume onzième commence l'hiſtoire
de notre Théâtre. On y fait connoître les
differentes troupes qui donnèrent les premiers
Spectacles à Paris , comme les Confrères
de la Paffion , la Bazoche , les Enfans
Sans fouci , & c. On y donne d'affez grands
détails fur la Fête des foux , fur la Compagnie
de ce même nom , & les Analyfes de
quelques Mystères , farces ou foties dont
plufieurs ne fe trouvoient point dans les
nomenclatures les plus connues.
Les Gravures dont font garnis preſque
tous ces volumes , en font un des principaux
ornemens. Elles confiftent dans les Portraits
qu'on a pu fe procurer des plus illuftres
Auteurs des Théâtres Grec & Latin ,
en un affez grand nombre de figures copiées
d'après l'antique , & dont l'étude peut
rendre au coftume négligé toute la vérité
dont il a befoin ; les deffins du grand Cirque
, de l'Hypodrôme ,. des Théâtres de
Bacchus & de Rome , & c. Elles font en
général traitées avec beaucoup de foin .
Si l'on confidère les recherches immenfes
& de toute eſpèce qu'exige un Ouvrage de
cette importance , la multitude d'Auteurs
de Commentateurs & de Critiques qu'il
Dv
$2
MERCURE
faut lire & comparer , en un mot , toutes
les difficultés qui y font attachées ; on fentira
que le defir feul d'être utile a pu donner
l'idée d'un pareil projet, & que fon exécution
demande autant de conftance que de courage :
on fentira encore qu'il doit s'y trouver des erreurs,
& que ce n'eftpas actuellement qu'une
Hiftoire auffi étendue , & dont les matériaux
étoient épars ou cachés , peut être portée à ſa
perfection . Il feroit donc injufte de faire de
trop vifs reproches à ceux qui l'ont entrepriſe ;
on doit d'autant moins les en affliger , qu'ils
ont eu la noble franchiſe de publier euxmêmes
les obfervations qu'on leur a adreffées,
de convenir de leurs torts , & de les réparer
autant qu'ils l'ont pu. Nous ne pouvons cependant
nous difpenfer de les engager à foigner
davantage leur ftyle , fouvent trop négligé
nous aurons occafion de leur en fournir
des exemples , en rendant compte de la
traduction de Sénèque. Nous les invitons
encore à ne pas laiffer échapper des fautes
en apparence peu graves , & qui le deviennent
par la raifon que tout le monde eft
dans le cas de leur en faire le reproche. En
parlant des Adelphes de Térence , ils ont
cité l'École des Pères , Comédie du Théâtre
François , imitée du Drame Latin , & ils
l'ont attribuée à le Grand . Cette faute eft répétée
cinq fois en treize pages , ce qui la
rend plus remarquable. Les Auteurs de l'Hiftoire
des Théâtres n'ignorent pas plus que
nous que l'École des Pères eft du Comédien
DE FRANCE. 83.
Baron : on ne peut regarder une telle erreur
que comme une négligence , mais il feroit.
délagréable qu'on en rencontrât , beaucoup
de cette espèce.
On vient de publier tout récemment un
fecond Profpectus de cet Ouvrage ; les Auteurs
y promettent de nouveaux moyens de
rendre leur Hiftoire intérefante. Leur in-.
tention eft de fubftituer aux analyfes qu'ils
auroient été obligés de faire des Pièces de
Théâtre , les réflexions fingulières d'un M. le
Bon , dont l'occupation unique fut de fré-:
quenter alternativement les trois Spectacles.
Royaux de la Capitale , de rendre compte,
de fes idées fur chacune des repréfentations
dont il avoit été le témoin , & de les comparer
avec les divers jugemens qu'en portoient
les Écrivains Polémiques. Ils prétendent
qu'on leur a remis les mémoires de
cer homme , jufqu'ici très - inconnu : quelques
perfonnes les croiront fuppofés par les
Hiftoriens ; mais qu'ils le foient ou qu'ils ne
le foient pas , ce cadre eft très heureux , &
peut devenir très - piquant.
L'affluence des Spectateurs aux Théâtres
des Boulevards , le fuccès de quelques - uns.
des Drames qu'on y repréfente , ont donné
l'idée de les faire connoître féparément. Ils
peuvent en effet préfenter des détails
intéreffans ; mais on ne fauroit trop engager
les Auteurs à être avares de citations , & à
faire préfider le goût le plus févère au choix
des Ouvrages dont ils parleront ; car, pour
D vj
84
MERCURE
une production un peu paffable que l'on y
rencontre par hafard , combien ne s'en
trouve- t'il pas dont l'analyfe la plus courte
produiroit tout à la fois le dégoût & l'ennui?
Un objet qui doit fixer leur attention , c'eſt
la liberté qu'on s'eft permife de s'emparer de
quelques Pièces du Théâtre François , d'en
changer les titres , d'en placer les perfonnages
dans des conditions bailes, & de les porter
enfuite fur les tréteaux des Boulevards . Une.
chofe non moins piquante feroit l'examen des
raifons qui font abandonner la Scène de la
Nation pour des Baladins fans talent , qui
portent à applaudir chez Nicolet le Prétendu
fans lefavoir, tandis qu'on repréſente devant
un très petit nombre de Spectateurs la Pupille
de Fagan , dont la farce que nous avons citée
n'eft qu'une platte imitation . Nous engageons
les Hiftoriens à profiter des idées que
nous leur préfentons ; elles peuvent jeter un
grand jour fur les caufes de la décadence de
l'Art Dramatique , & faire connoître pourquoi
parmi tant d'Auteurs, de Comédiens, &
de prétendus Connoiffeurs , il va fi peu de
talens & un fi grand nombre de mauvais
Juges.
( Cet Article eft de M. de Charnois. }
DE FRANCE
. 35
SPECTACLES
.
ACADEMIE ROYALE DE MUSIQUE.
ON continue les repréſentations
du SeigneurBienfaifant
; & le fuccès de cet Opéra ,
qui a celle dêtre équivoque
après les retranchemens
faits au troiième Acte , augmente
de jour en jour d'une manière trèsmarquée.
La caufe en eft fimple ; l'intérêt eft
le reffort le plus puiffant de tous ceux que
peuvent employer les Auteurs Dramatiques
,
& on en trouve beaucoup dans ce petit Ouvrage.
On a murmuré long - temps , l'on
s'élève encore quelquefois
contre le trop
grand ufage de ce qu'on eft convenu d'appeller
des effets , & l'on ne peut qu'approu
ver ces murmures : cependant , il faut diftinguer
les Scènes , & convenir que fi l'ont
a raifon de blâmer les Auteurs qui fubftituent
le preftige de la Pantomime
aux beaux
développemens
qu'exige le Théâtre de la raifon
, on doit des éloges à ceux qui ont le bon
efprit de porter des fituations brillantes .
agréables en même-tems à l'oeil , à l'ame &
à l'efprit , dans un ſpectacle ,
Où les beaux Vers , la Danfe , la Mufique ,
L'Artde tromper les yeux par les couleurs,
"
86 MERCURE
L'Art plus heureux de féduire les coeurs ,
De cent plaifirs font un plaifir unique.
Le Seigneur -
Bienfaifant eft du genre de
ce qu'on nomme en France l'Opéra Comique
; mais c'est le genre anobli , & preſenté
avec tous les
acceffoires qui font du reffort
de l'Opéra , & qu'on a droit d'y exiger . Cet
effai , dont les fuites font
heureuſes , prouve
que le Théâtre de
l'Académie Royale de
Mufique , eft
fufceptible de
repréſenter avec
fuccès les
Ouvrages de tous les genres , qu'il
ne lui manque que des Auteurs capables de
l'enrichir de
Drames dont il a befoin , &
que même une intrigue comique , mais fimple
, gaie fans
bouffonnerie ,
ménagée , conduite
avec art ,
pourroit y
recevoir un accueil
favorable. Il fe
trouveroit peut - être
quelques
Littérateurs affez
courageux pour
tenter une pareille
entreprife ; mais où trou
ver un
Muficien qui veuille
deſcendre jufqu'à
la Comédie ,
aujourd'hui que le démon
tragique s'eft emparé de toutes les têtes muficales
, & leur infpire du mépris pour tous
les fujets qui ne
portent pas avec eux la
terreur ou la pitié ? Quand ferons- nous donc
affez fages pour enrichir nos Arts des découvertes
que nous
apportent les
étrangers
fans céder à la manie bizarre
d'abandonner
le
caractère que la Nature nous a donné ,
pour en revêtir d'autres qui nous font étran
gers , & qui ne font de nous que des finges.
mal-adroits &
ridicules ?
DE FRANCE
, 87
COMÉDIE
ITALIENNE
.
ON a repréſenté
à ce Théâtre deux Ouvra- ges nouveaux
. L'un eftune Comédie
en quatre
Actes & en Profe , ayant pour titre le Dormeur
Éveillé. Comme
l'Auteur
y fait des changemens
confidérables
, nous n'en parle- rons que quand on l'aura remis fous les
yeux du Public. La févérité
des Spectateurs
n'a point effarouché
la docilité
de l'Auteur
& cette conduite
fi louable, fi peu d'uſage parmi nos Artiſtes , nous fait une loi de
l'indulgence
.
-
L'autre eft un Opéra
Comique
en trois Actes , & en Vaudevilles
, intitulé : les Etrennes
de Mercure, ou le Bonnet Magique
. Un M. Géronte
reçoit des Etrennes
de la part de Jupiter ; elles lui font apportées
par Mercure
, & confiftent
en un Bonnet
ma- gique. Toutes les fois qu'il en fera coëffé ceux qui lui parleront
feront obligés , mal- gré eux , de s'expliquer
fans fard. Sa fa- tale curiofité
lui coûte cher , & lui fait trouver
de la perfidie
dans le coeur de ceux qu'il croyoit
les plus attachés
à ſa perfonne
.
Voilà en deux mots l'idée des nouvelles
Etrennes
. Ce cadre n'eft pas neuf, & la Pièce n'a point eu de fuccès ; l'efprit
& la gaîté qu'on a remarqués
dans plufieurs
couplets n'ont pas empêché
le Public de témoigner du mécontenteinent
fur certaines
plaifame88
MERCURE
ries , qu'on auroit voulu voir couvertes
d'une gaze plus fine & plus épaiffe . Il faut
efpérer que cette petite difgrace engagera
les deux Auteurs de cette bagatelle , à mettre
plus de travail & de circonfpection dans
les autres Ouvrages qu'ils fe propofent de
porter fur le même Théâtre.
VARIÉTÉ S.
MEDAILLE CARAIBE , frappée à Londres en
1773 , pour l'Ile de Saint Vincent , conquile en
1778 par les armes du Roi.
Cette Médaille , dont la poffeffion devient un trophée
à la gloire du Roi , a été mife fous les yeux de
Sa Majefté par M. le Comte de Maurepas , à qui
M. de Montdenoix , Intendant de la Guadeloupe, a
eu l'honneur de l'adreffer.
D'un côté on voit la figure de Georges 111,
Roi d'Angleterre ; fur le revers, un Caraibe , dans
une poſture humble & foumife , fes armes aux
pieds de Minerve , qui lui préfente une branche d'oli
vier , avec ces mots Anglois : Peace and profperity
to Saint-Vincentz ; & au bas , M. DCC. LXXIII .
A l'ombre des lauriers de France ,
Saint- Vincent , grâce à nos exploits ,
Goûte le calme & l'abondance
Qu'on lui promit fous d'autres lois,
DE cette heureufe deftinée
Londre avoirle preffentiment:
On s'en convaincra par l'année
De fon faftueux monument.
DE FRANCE. 89
SCIENCES ET ARTS.
DÉCOUVERTES.
JUSQU'A préfent les Phyficiens ont
cru
que les corps électrifés fe répouffent après s'être
attirés ; ils déduifent cet effet d'une force répulfive
effentielle aux globules électriques , principe
fondé en apparence fur des phénomènesinvariables ;
M. Marat eft parvenu à reconnoître que ce principe
, univerfellement admis , eft deftitué de fondement.
Voici de quelle manière. Après avoir ifolé
fur des cordons de foie neuve un gros fil-d'archal
terminé par des boutons , il y fufpend deux boules
de liége à des fils égaux , de manière qu'elles fe touchent
, & que les fils foient perpendiculaires ; enfuite
il met en contact, avec un des boutons du fil - d'archal
, le crocher de la bouteille de Leyde bien chargée
. A l'inſtant les boules s'écartent , puis elles reftent
en contact , quoique la bouteille ne foit pas
déchargée . Or , conclut l'Auteur , fi la répulfion des
corps électrifés venoit d'une force répulfive effentielle
aux globules électriques , le rapprochement des
boules feroit impoffible tant que la bouteille continue
d'être électriſée , parce qu'une caufe conftante
a néceſſairement un effet conftant. Mais il ne borne
pas -là fes preuves. Après avoir fufpendu de la même
manière les boules de liége à un petit cylindre
arrondi par les bouts , & viffé tranfverfalement à
l'extrémité d'un gros fil - d'archal introduit à travers
un bouchon dans un grand récipient de verre
il fixe l'autre extrémité dans un trou pratiqué au
>
༡༠ MERCURE
bouton du conducteur , puis il interdit tout paffage
à l'air au moyen d'un enduit de cire appliqué au
bouchon enfin , il fait le vuide. Dès qu'on électrife
le fil- d'archal , les boules s'écartent beaucoup
moins qu'en plein air. Si le vuide eſt porté à un
haut degré , quelque violemment qu'on électrife le
fil-d'archal , les boules ne s'écartent point du tout
durant quinze à vingt fecondes. Si leur repulfion
venoit de la cauſe à laquelle on l'attribue , conclut
encore M. Marat , elle devroit être plus marquée
dans le vuide qu'en plein air , parce que cette caufe
n'y eft pas contre - balancée comme dans l'atinolphère
: ainfi , libres de compreffion , les globules élec
triques devroient s'écarter beaucoup plus . Puis donc
que les boules reftent unies, quoique fortement élec
trifées , le fluide électrique n'eft pas doué d'une
force répulfive effentielle à fes globules.
Après avoir démontré que ces globules ne fe repouffent
pas , M. Marat prouve qu'ils s'attirent , &
toujours à l'aide d'expériences faites dans le vuide ;
ainfi , au lieu d'être en contact , fi , ces boules font
efpacées d'une ligne , dès qu'on viendra à électrifer
le fil- d'archal , elles s'attireront jufqu'à fe toucher."
Si elles font efpacées de fix lignes , elles s'attireront
& fe rapprocheront de la moitié de l'efpace intermédiaire.
Vient- on à diminuer la quantité de fluide
électrique qui afflue aux boules, fimplement en approchant
du fil - d'archal le bout du doigt fans toutes
fois tirer l'étincelle , les boules s'attireront avec
violence & fe toucheront à l'inftant ; ce qu'il y a
d'étrange , c'eft qu'elles fe touchent au moment
où l'on approche le doigt & au moment où on le
retire .
Il femble donc hors de doute que les globules
électriques s'attirent mutuellement, loin de fe repouffer
; mais M. Marat ajoute que la divergence
des rayons d'une aigrette n'eft produite que par la
DE FRANCE.
réfiftance de l'air ambiant ; & la raison qu'il en
donne, c'est que dans le vuide porté à certain point,
ces rayons le réuniffent , & forment toujours des
jets continus de même groffeur : or , le contraire
devroit néceffairement arriver fi leur divergence
venoit d'une force répulfive effentielle aux globules
électriques ; car plus l'air eft raréfié , moins il oppoferoit
de réfiftance à ces globules , s'ils tendoient à
s'écarter l'un de l'autre.
Conféquence de cette Découverte.
On fait que les Phyficiens ont coutume de déduire
les phénomènes de l'électricité & de l'attraction des'
globules électriques par toute autre matière , & de
la répulfion réciproque de ces globules. En renfermant
la fcience dans les bornes du vrai , cette
découverte facilitera les moyens de ramener les
effets à leurs caufes , & fimplifiera fingulièrement
les explications . Perfonne n'ignore que ce qui, juf
qu'à préfent, s'eft le plus oppofé à une connoiffance,
exacte de la nature du fluide électrique , c'eft qu'il
échappe toujours à l'examen de l'Obfervateur , ou ,
s'il vient à briller à les yeux , c'est pour un inftant
fi court , qu'il eft impoffible de l'obferver. Or , les
Phyficiens n'ont trouvé d'autre moyen d'obvier à
get inconvénient , que d'augmenter le volume de
leur appareil , expédient inutile ; car pour avoir accumulé
une plus grande quantité de fluide fur un
corps , ils ne diminuent pas la vélocité de fon mouvement.
Mais dans les expériences par lefquelles
M. Marat démontre que les globules électriques
s'attirent , ce fluide forme fous les yeux du fpectateur
des courans continuels qu'il peut examiner à fon
aife , & foumettre à toutes fortes d'épreuves durant
des heures entières .
Parmi les inftrumens inventés par M. Marat , il
92 MERCURE
en eft un dont les effets font auffi fimples que fur
prenans. C'eft un nouvel électromètre fait d'un petit
vale de verre blanc , doublé d'une feuille d'étain aux
deux furfaces jufqu'à trois lignes du collet , & bouché
avec du liége recouvert de cire molle . Au milieu
du bouchon pafle un crochet , dont l'extrémité
inférieure communique avec la doublure interne ,
& l'extrémité fupérieure fe termine en bouton. Le
vafe fe pofe fur un pied- d'eftal en bois doublé d'étain.
De ce pied & le long du vafe s'élève un tuyau de laiton
, où coule une tige graduée légèrement recourbée
, & terminée par un bouton qui correfpond à
celui du crochet , s'en approche à volonté , & fe
fixe à l'aide d'une vis de preffion . Dès que le crochet
eft en contact avec le conducteur , le vafe fe
charge conftamment au même point par un même
nombre de tours de roue , puis il le décharge de
lui -même en plein air plus ou moins vîte , à raison
de la diftance où font ces boutons l'un de l'autre.
Ainfi , marquant à l'oreille le réſultat de chaque expérience
, il devient une eſpèce de répétition électrique.
Cet inftrument ne forme pas feulement l'élec
tromètre le plus fimple , le plus exact , le plus propre
à comparer la force de différentes machines
électriques placées dans un même lieu , mais il
devient l'électromètre le plus commode ; car pour
être en expérience , il n'a befoin que d'être fucceffivement
mis en contact avec les différens conducteurs
, & il n'exige pas que l'Obfervateur foit dans
l'inaction.
très
On conçoit bien que cet inftrument eft de même
propre à déterminer les temps & les climats les
plus favorables à l'électricité ; mais fon utilité ne
fe borne pas-là . En adaptant au crochet des pointes
plus ou moins aigües , il fert à mefurer avec préci
fion leur fphère d'activité. En changeant la groffeur
& la diftance de fes boutons , il fert auffi à détermiDE
FRANCE. 93
ner l'action de l'air fur le fluide électrique . En comparant
la diftance de fes boutons à la hauteur du
mercure dans le tube de Torricelli , il fert encore à
déterminer la quantité de ce fluide dans les différentes
régions de l'atmosphère . Enfin , en variant la
forme de fes boutons , il fert à déterminer la pref-.
fion de l'air fur ce fluide accumulé dans des corps
dimenfions données.
de
Puifqu'il détonne toujours à une distance d'autant
plus grande qu'il eft armé de plus petits boutons , il
eft hors de doute que c'eft par la preffion de l'air
ambiant que le fluide électrique eft retenu fur les
corps où il s'accumule. Pour paffer en maffe d'un
corps à un autre , il doit donc déplacer la colonne
d'air interpofée ; plus cette colonne eft confidérable
moins elle eft déplacée aifément. De ce principe fi
Simple décoale clairement toute la théorie des pointes
, théorie encore fi obfcure pour les Phyficiens.
Moins l'air ambiant a de denſité , moins il s'oppofe
au paffage du fluide électrique . Farvenu à certain
degré de raréfaction , il ceffe même de s'y oppofer
efficacement , d'où il fuit que ce n'eft qu'en
vertu de la preffion de l'air que la bouteille de Leyde
détonne ; ainfi les phénomènes de la détonnation ne
doivent point avoir lieu dans les couches fupérieures
de l'atmosphère ; & d'après les expériences de l'Auteur
, il eft conftant que la bouteille ne fauroit fe
charger ni détonner fur le femmet des plus hautes.
montagnes. On voit du premier coup d'oeil le
grand jour que ces nouveaux principes doivent répandre
fur la théorie de la foudre , théorie que l'Auteur
fe propofe de donner au Public fous peu de
temps.
94
MERCURE
GRAVURES.
CINQUIÈME INQUIÈME Livraifon de la Defcription particulière
de la France , Département du Nord , Gouvernement
de Bourgogne , troisième Cahier. A Paris ,
chez les fieurs Née & Mafquelier , rue des Francs-
Bourgeois. Les Éditeurs préviennent le Public que
la première Partie du texte de cet Ouvrage eft im
primée , & que la diftribution n'en a été fufpendue
qu'à caufe de la gravure des Vignettes : on y joindra
la lifte des Soufcripteurs. On prie les Perfonnes
qui voudront y être infcrites , d'envoyer leurs noms ,
qualités & demeures d'ici au 15 de ce mois.
A
ANNONCES LITTÉRAIRES.
LMANACH néceffaire , ou Porte - feuille de
tous les jours , pour l'année 1781 , in 12. Prix ,
3 liv . A Paris , chez Piffot père & fils , Libraires ,
& chez Didot , Imprimeur Libraire , quai des Auguftins.
Cet Ouvrage , vraiment digne de fon titre ,
a paru pour la première fois en 1780. Dans le Volume
de cette année on trouve plufieurs articles
nouveaux qui ajoutent à fon utilité tels font le
Tarif des Diamans , le Tarif du prix des Carroffes
de place & des Voitures des environs de Paris jufqu'a
fix & fept lieues ; le Tableau comparé des
poids & mefures de Paris avec ceux des principales
Villes de l'Europe ; des connoiffances fur les Billets ,
les Lettres- de-change , les Payemens , les Protêts & les
ufages de la Jurifdiction Confulaire de Paris , &c. &c.
Avec ce Livre , les Particuliers feront difpenfés de
DE FRANCE.
95
7
recourir aux lumières des Gens - d'affaires dans un
grand nombre de circonſtances.
Réflexions Philofophiques fur la* Civilisation ,
par M. de la Croix , in- 8 ° . n° . 4. Prix , 1 liv.
A Paris , chez Belin , Libraire , rue S. Jacques.
L'Art d'effayer l'or & l'argent , avec figures , par
M. Sage , in-8 ° . Prix , 2 liv . 8 fols . A Paris , chez
Didot le jeune, Imprimeur-Libraire , quai des Auguſtins.
Naufrage & Aventures de M. Pierre Vimet ,
Capitaine de Navire , nouvelle Édition , Volume
in- 12 . Prix , 2 liv. A Paris , chez Lejay , Libraire ,
rue Neuve des Petits - Champs.
Les Deux Billets , Comédie en un Acte. - Jeannot
& Colin , Comédie en trois Actes & en profe ,
repréfentées par les Comédiens Italiens . in- 8 ° Prix ,
1 liv. 4 fols chacun. A Paris , chez la Veuve Ducheſne ,
Libraire , rue S. Jacques.
Effai fur la conftruction des Voitures à transpor
ter les lourds fardeaux dans Paris , avec figures ,
publié par M. Feutri , in-4º . A Paris , chez Lamy ,
Libraire , quai des Auguſtins.
Dictionnaire étymologique & raifonné des Racines
Latines à l'ufage des jeunes Gens par M.
Court de Gibelin , Volume in- 8 ° . A Paris , chez
l'Auteur , rue Poupée , & chez Saugrain , Libraire ,
quai des Auguftins. Le Dictionnaire étymologique
de la Langue Grecque & Françoife , par le
même Auteur , eft fous preffe ; il fera dans peu
diftribué aux Soufcripteurs.
Théâtre de M. Cailhava , 2 Volumes in - 8 °.
Prix , 6 liv. A Paris , chez la veuve Duchefne ,
Libraire , rue S. Jacques ; Efprit ; Libraire , au Pa
$ 6 MERCURE.
lais Royal ; Barrois le jeune , Libraire , quai des
Auguftins ; & Jombert le jeune , Libraire , rue Dauphine.
L'Amour Conjugal , in- 8 ° . A Paris , chez Efclapart,
Libraire , Pont Notre- Dame.
Quinzième Nuit d'Young , traduite en vers
François , par M. L. de Limoges , in- 12 . A Limoges
, chez Chapouland , Libraire.
Les Etrennes du Goût , ou l'Art d'embellir les
Dames A Paris , chez Defventes , Libraire , rue
Jacob , & à Meaux , chez Prudhomme.
Hiftoire des Hommes , ou Hiftoire nouvelle de
tous les Peuples du Monde , Partie de l'Hiftoire
ancienne , Tome IX , in- 12 . A Paris , chez M.
de la Chapelle, rue Baffe , Porte Saint Denis .
EPITRE
Fakir ,
TABLE.
à l'Éditeur du Les Amours & la Mort de
49 Didon , Poëme , 76
Couplets chantés à M. & Hiftoire Univerfelle des Thea
Mde..
Enigme & Logogryphe ,
Euvres de M. Boje d'Antic ,
Le GénieVengé ,
Comédie Italienne ,
52 tres de toutes les Nations , 78
ss Académie Roy. de Mufiq. 85
87
58 Variétés ,
88
67 Découvertes ,
8.9
94
72 Annonces Littéraires . ib.
Le Grand Euvre de l'Agri- Gravures ,
culture ,
APPROBATION.
J'AI lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 13 Janvier. Je n'y ai
rien trouvé qui puiſſe en empêcher l'impreffion. A Paris ,
le 12 Janvier 1781. DE SANCY.
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 20 JANVIER 1781 .
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
RETOUR DE PROVENCE ,
A l'Auteur de l'Hymne au Soleil.
JE les ai parcourus , ces vallons enchanteurs ,
Où la figue mûrit fous fon ample feuillage ;
J'admirois ce beau ciel , plus large & fans nuage , *
Où flottent les parfums des orangers en fleurs.
Mais fon éclat trop vif a fatigué ma vue ;
De l'effort de mes fens mon ame eft abattue .
Je regrettois le jour d'un plus doux horizon ,
Les détours des ruiffeaux que borde un frais gazon ;
Nos lointains , terminés en vaſte amphithéâtre ,
L'aſpect fuyant des monts & leur chaîne bleuâtre...
TRIANON , Saint- Germain , Bellevue & Meudon ,
Hic largior ather. VIRG.
Sam. 20 Janvier 1781. E
98 MERCURE
Séjours dignes des Dieux & des Fils d'Henri- Quatre,
Que je vous defirois ! ô mon pays , pardon !
Tes rochers calcinés , à la cîme grisâtre ,
Attriſtoient mes regards , effrayoient ma railon,
Tes monts font des volcans antiques , formidables,
Solitaires déferts , dont les triftes échos
Ne répondent jamais à la voix des troupeaux.
Ces abyfmes noircis , fombres , inhabitables ,
Tous ces rocs entaffés , image du chaos ,
Furent en proie aux feux , ou creufés par
les flote
J'y vois de l'Océan les empreintes durables ,
Et les conques des mers parmi tous les métaux :
Mais l'oeil y cherche en vain d'utiles végétaux.
Là , fur l'aride ſein d'une terre durcie,
Eft éteint pour jamais le germe de la vie ;
Là des buiffons fans sève , & de foibles rameaux
Sont les fruits malheureux d'un fol fans énergie.
OH ! que j'aime bien mieux nos champêtres coteaux ,
Nos rians boulingrins , la fcène des villages ! .....
Ces bois harmonieux , où mille & mille oifeaux
Des fruits de leurs amours fufpendant les berceaux ,
Par la variété du verd de leurs feuillages
Embelliffent les fonds de ces charmans tableaux ,
Qu'il eft doux d'habiter les riches païlages
Qui de Blois au de Tours couronnent les rivages !
Ces rivages bordés de jardins , de châteaux ,
Où refpirent encor les touchantes images.
Des plus rares Beautés & des plus grands Héros !
DE FRANCE. 99
#
Que j'aime à m'égarer vers les fombres bocages
Que recèle Mélé dans fon fuperbe enclos ,
Et promener mes pas autour de ces hameaux ,
Où Dufort, digne ami des Arts qu'il encourage ,
Du fein de Chiverny , magnifique apanage ,
Eft l'efpoir & l'amour des plus heureux vaſſaux !
Aux flots dévastateurs , qui grondent vers les plages ,
A ces immenfes mers , empire des orages ,
Que peuplent , il eft vrai , d'officieux vaiffeaux ,
Mais trop fouvent , hélas ! couvertes de naufrages ,
Marſeille ! je préfère , ( excufe ces aveux )
Nos lacs profonds & clairs , où fur l'azur des cieux
Se peignent renversés les mobiles ombrages ,
Et le pêcheur tranquille , aflis fur nos rivages,
Aux habitans des eaux tendant un piége heureux
Et nos troupeaux , cachés dans de gras pâturages ,
Et nos bleds ondoyans , & nos hameaux nombreux.
De ces piquans afpects que mon ame eſt charmée !
J'ai revu , fans plaifir , le fileux olivier,
Qui prête fi peu d'ombre à la Bergère aimée ,
Le luxe infructueux des palmes d'Idumée
Et les jets odorans du ftérile laurier.
La terraffe brûlante , & l'aride gravier
Où rougit du muſcat la grappe parfumée ,
Près de quelques cédras , & d'un verd citronier ,
Les jardins refferrés où l'or de la Caffic
E ij
100 MERCURE
Se marie à l'argent du jafmin d'Ibérie ;
La Grenade & fes fleurs , l'épineux jujubier ,
Valent-ils ces beaux parcs , où l'Art & la Nature
Frappent le ſentiment autfitôt que les yeux ?
Valent-ils ces berceaux , ces bois délicieux
Qui voûtent dans les airs leur tremblante verdure ?
Quand je vais y rêver , au retour du printemps ,
Un charme univerfel fe répand fur mes fens ,
Il les enchante tous , il en confond l'ufage ;
Avant de la fentir je crois voir la fraîcheur.
La lumière moins dure , à travers le feuillage ,
Adoucit fon éclat , tempère fon ardeur:
Les branchages fleuris du chevrefeuil fauvage ,
Les fucs du peuplier , la menthe du rivage ,
Exhalent dans les airs la plus fuave odeur ;
Enfin , l'enchantement paffant jufqu'à mon coeur ,
D'un bonheur qui n'eft plus ces lieux m'offrent
l'image ,
Et de doux fouvenirs font encor mon bonheur.
PLATANES élancés , chênes , troncs féculaires ,
Vénérables ormeaux , fycomores pompeux ,
Salut ; je vous revois , forêts hofpitalières ,
Daignez me recevoir fous vos toits fpacieux ;
Qu'à tout fenfible coeur vos retraites font chères !
Ici le Laboureur , les troupeaux , leurs Bergères ,
De l'été devorant viennent braver les feux.
Votre filence plaît aux amans malheureux .
Le fage fuit en paix vos fentiers folitaires ;
DE ΙΟΙ FRANCE...
Satisfait d'être feul loin des penfers vulgaires ,
Le Poëte y reffent le fouffle infpirateur ;
Pour moi , ( de fon penchant on fuit l'attrait van-
·¡ queur )
Je viens y déplorer les humaines misères ,
Méditer la Nature , approfondir mon coeur.
J'y détefte , en pleurant , la démence des guerres ,
Ces grands affaffinats des peuples en fureur,
Long & tragique deuil pour les deux hémisphères ;
Et je m'écrie : heureux qui jouit , loin des camps ,
Des charmes du repos , des douceurs de l'aifance ,
De loi-même , des arts , & des plaifirs touchans ,
Des céleftes plaifirs , fruits de la bienfaisance !
Je possède ces biens fi purs , fi confolans ;
J'entends la douce voix de la reconnoiffance ;
Mes amis , avec moi , cultivent les talens.
Leurs fuccès font les miens , & les feuls où j'aſpire ,
Pourvu qu'en mes écrits l'honnêteté refpire ,
Qu'ils peignent les objets de mes goûts innocens ,
Que la Porte les life , & leur daigne fourire ,
La Porte , dont le goût dicte les jugemens ,
Je méprife les traits de l'obfcure fatyre.
EH ! qu'importe , en effet , que d'une foible main ,
Timon , pour fatisfaire à fon beſoin de nuire ,
Au bord de fon tombeau , tende un arc incertain
Pour percer un Auteur qu'en fecret il admire !
Ses efforts impuiffans excitent la pitié ,
Et l'on rit d'un jaloux , rimeur o &ogénaire ,
E iij
102 MERCURE
T
Qui, cédant aux tranfports d'un zèle atrabilaire,
Infulte en mauvais vers le goût & Famitić.
AH! loin des froids pedans , artifans de cenfures,
Dont l'effet eft d'aigrir , & le but d'offenfer ,
Heureux l'Auteur, qui joint dans fes doctes peintures,
Au don de bien ſentir , au grand art de penfer ,
Le goût des voluptés délicates & pures,
Et le talent exquis de nous les retracer !
L'imagination , qu'il a tendre- & flexible ,
» A tous les yeux charmés rend fon ame viſible.
A peindre ce qu'il aime occupant fes loisirs,
» Il arrive à la gloire en chantant fes plaifirs. »
Four lui , dans ces tableaux que fon pinceau nuance ,
Le travail de produire eft une jouiffance.
Comme il touche nos coeurs lorsqu'il répand le fien!
L'amour de la vertu devient fon éloquence.
S'il raconte les jeux de fon heureuſe enfance ,
J'en jouis avec lui , fon bonheur eſt le mien ;
Ses chants , faits pour charmer l'amitié confidente,
Sans prétendre à l'éclat de la célébrité,
Ses chants , pleins des douceurs de fa vie innocente,
Seront tous entendus de la poftérité.
Voilà l'Auteur aimé , le fage , l'honnête homme:
Tule cherches, Reirac , & ma Mufe te nomme.
( Par M. Bérenger. )
DE FRANCE
103
AVIS AUX PEINTRES.
VOULEZOULEZ
-VOUS , à la fois , faire un tableau fidèle ,
Intéreffant, moral fans être moins galant ?
Préparez vos couleurs ; peignez , rivaux d'Apelle ,
Peignez. L'occafion est belle
Pour honorer votre talent.
UNE Nymphe au fvelte corfage ,
Plus de charme que de beauté,
D'air noble que de majeſté ,
Voilà quel eft le perſonnage
Dont le premier plan de l'Ouvrage
Doit offrir le portrait au regard enchanté.
Sur fon front couronné des mains de Terpfycore ,
Vous ferez refpirer encore
Et la décence & la gaieté.
Les Grâces , à l'envi , s'uniront avec elle.
D'un côté Melpomène , & ſa folâtre ſoeur ,
Recevant de la Nymphe un fourire flatteur ,
Paroîtront s'affurer d'une gloire nouvelle. *
Que de l'autre , l'Amour , avec un air vainqueur ,
L'Arc & la flèche en main , foit mis en fentinelle.
Que fur-tout , au fond du tableau ,
Vers de ruftiques toits , votre ſavant pinceau
* Ballets de Médée , de Ninette , &c.
E iv
104
MERCURE
Repréſente la Bienfaiſance ,
Prodiguant des fecours à mille malheureux ,
Qui , pour jufte tribut de leur reconnoiffance ,
Adreffent à la Nymphe , & leurs pleurs & leurs voeux.
AVEC ces attributs , croyez , fans méfiance ,
Que le portrait doit plaire à la Nature , à l'Art.
N'eût-il point d'autre reffemblance ,
On y reconnoîtra Guimard.
( Par M. de Saint- Marc. )
Note de l'Auteur. Ceux qui connoiffent les talens
fupérieurs de Mlle Guimard , s'ils ont auffi connu fon
ame ou mon caractère , attefteront la vérité de ce tableau.
Explication de l'Enigme & du Logogryphe
du Mercure précédent.
LE mot de
l'Enigme eft
l'Espérance ;
celui du
Logogryphe eft Caftor, où le trou
vent cas , cor, tor, Scot, fac , or , rat , tofa,
foc ,for, Caftro , fot , cras , rofa , tros , at,
cor , aft, rota , fat , ros , fator, os , caro ,
Cato , fort , as , OS.
ÉNIGM E.
CONFIDEN VONFIDENTE Sûre & fidelle
De l'Amour & de l'Amitié ,
Ne craignez point que je révèle
Le fecret qui m'eſt confié.
DE FRANCE. 105
Quelquefois pourtant je babille
Tout autant ou plus qu'une fille ;
Mais mon fecret n'en fouffre rien.
Par mon babil jamais il ne tranſpire ,
Je me ferois hacher plutôt que de le dire ;
Et
pour l'avoir , il faut m'ouvrir le fein .
Mais voici bien d'autres merveilles :
Muette & bavarde à la fois ,
Je m'exprime fans bouche, & fans langue & fans voix,
pour m'entendre il ne faut point d'oreilles. Et
Par M. P. , de Brie Comte Robert. }
LOGO GRYPH E.
MON tout , qu'un cerveau défoeuvré
Ici décompofe & mutile ,
Vaudroit beaucoup mieux préparé
Par quelque Cuifinier habile.
De mes fept pieds le chef ôté ,
Je fais un habit ufité
Dans mainte Églife & maint Chapitre ;
Mais en n'ôtant que le dernier ,
Je fais ce qui , dans un moûtier ,
Tourne bien plus que le pupitre..
( Par M. Guérin , Mare Perruquier. )
Ev
106 MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
HISTOIRE des Gouvernemens du Nord,
ou de l'origine & des progrès du Gouver
nement des Provinces Unies , du Danemarck,
de la Suède , de la Ruffie & de la
Pologne, jufqu'en 17775 Ouvrage traduit
de l'Anglois de M. Williams , dans
lequel on développe les reffources &
l'état actuel des Gouvernemens du Nord,
Vol. in- 12 . A Paris , chez Pillot , Libraire,
Quai des. Auguftins.
CE n'eft point ici une de ces Hiftoires
compofées avec d'autres Hiftoires ou Annales
, ou Mémoires particuliers , par un de
ces Écrivains fédentaires qui n'ont jamais vu
ni les Pays , ni les Peuples , ni les Perfonnages
dont ils parlent. M. Williams , Auteur
de cet Ouvrage , a imité les anciens
Hiftoriens qui voyageoient dans les lieux
qu'ils vouloient décrire , & qui avoient été
le théâtre des événemens qu'ils avoient à
développer. Ha commencé par confacrer
cinq années de fa vie à voyager en Hollande
, en Danemarck , en Suède , en Ruffie
& en Pologne. Pendant un fr long intervalle
, dit-il dans une Introduction trèsbien
faite, je n'ai jamais perdu cet Ouvrage
de vue ; je me fuis occupé conftamment de
DE FRANCE. 107
l'étude de ces cinq Nations ; j'ai voulu tout
voir & tout obferver , & j'ai tâché enfuite
de raiſonner fans prévention & fans partialité
fur les faits & les obfervations que
j'avois recueillis . Je me fuis attaché , pourfuit-
il , à fuivre les progrès du Commerce
& de la Richeffe , du développement & de
la puiffance des États du Nord , à montrer
l'effet des Adminiftrations foibles ou violentes
, de la corruption & du défordre des
Peuples , de la faction & de l'entêtement des
Princes qui renverfent les Gouvernemens
les mieux établis. Je me propofe d'expofer
l'origine , les progrès & l'état actuel des
Gouvernemens du Nord , d'approfondir la
nature & la conftitution de ces différens
Etats , de montrer ce que la pofition , le caractère
national & la Religion produisent de
particulier à chacun , d'examiner le Commerce
& fes fources, les ufages du Peuple ,
les forces & les revenus qui ont aggrandi
chaque Gouvernement en particulier , & les
circonftances qui ont contribué aux différentes
révolutions.
L'Auteur indique les fources où il a puilé,
les Livres originaux qu'il a confultés , les
Hommes d'État avec lefquels il a vécu , &
qui lui ont donné des fecours & des lumières.
Il s'eft ouvert non - feulement les
Bibliothèques les plus curieufes , mais quelquefois
même des Amirautés , des Douanes ,
des Colleges de Finance , des Archives , & c.
&c. en un mot, il n'a rien oublié de ce qui
E vi
MERCURE
7
pouvoit rendre fon Ouvrage utile & inf
tructif.
On fent qu'un Ouvrage de cette impor
tance ne fauroit être fufceptible d'un extrait.
Ce font pour ainfi dire cinq Hiftoires différentes
qui mériteroient chacune le leur..
Mais il fuffit de faire connoître un Livre
qu'on pourroit appeler l'Hiftoire Philofophique
& Politique du Nord , où l'Auteur
remplit toutes les promeffes qu'il a faites
à fon Lecteur dans fon Introduction , qui
joint au mérite d'avoir bien traité les Épo
ques les plus brillantes de l'Hiftoire ancienne
des Contrées Septentrionales , le mérite
plus piquant de conduire le fil hiftorique
jufqu'à l'année 1777 , d'entrer dans le
détail des plus grands événemens dont la
Ruffie , la Suède & la Pologne ont été le
théâtre , & où l'Auteur , afant avec décence
de la liberté d'un Philofophe Anglois , fait
accorder le refpect dû à des Noms auguftes
avec celui qu'on doit à la vérité.
THEATRE DE M. CAILHAVA , 2 Vol.
in-8° . Prix , 6 liv . A Paris , chez la Veuve
Duchefne , Libraire , rue S. Jacques ;
Jombert fils , rue Dauphine ; Eſprit , au
Palais Royal.
Le premier Volume de cette Collection
renferme le Jeune Préfomptueux , Comédie
en cing Actes & en vers , le Tuteur dupé ,
Comédie en cinq Actes & en profe , les
DE FRANCE. 109
Etrennes de l'Amour, Comédie- Ballet en un
Acte , en profe , le Mariage Interrompu ,
Comédie en trois Actes & en vers ; toutes
ces Pièces ont été reprefentées fur le Théâtre
François.
Dans le fecond Volume on trouve Arlequin
Mahomet , ou le Cabriolet Volant ,
Drame Philofophi Comi - Tragique - Extravagant
, en quatre Actes & en profe ; Arlequin
cru Fou , Sultane & Mahomet , Drame
en trois Actes & en profe , dans le genre du
précédent , dont il eft la fuite ; le Nouveau
Marié , ou les Importuns , Opéra- Comique
en un Acte; la Bonne Fille , Opéra Comique
en trois Actes. Ces quatre Pièces ont été
données au Théâtre Italien . On trouve enfuite
un Traité des caufes de la décadence du
Théatre , & des moyens de le faire refleurir.
Ce Voluine eft terminé par l'Egoifme , Comédie
en cinq Actes & en vers , jouée au
Théâtre François , & par un petit morceau
de profe intitulé : Difcours prononcé par
Molière , lors de fa réception à l'Académie
Françoife.
Cette Collection , de la plus confidérable
partie des OEuvres de M. Cailhava , eft
précédée d'une efpèce de Difcours préliminaire
que l'Auteur intitule , Mémoire hiforiquefur
mes Pièces ; morceau curieux .
Nous nous bornerons à quelques détails
fur les principales Pièces qui compofent les
deux Volumes que nous annonçons.
Le Jeune Préfomptueux , ou le Nouveau
110 MERCURE
Débarqué , fut repréfenté le 2 Août 1764
Ce coup d'effai d'un jeune homme nouvellement
débarqué lui-même , ne fut pas heureux.
C'eſt au Lecteur à décider s'il méritoit
de l'être ; mais nous croyons pouvoir affurer
qu'on trouvera dans cette Pièce des Scènes
& des morceaux dignes d'être confervés.
.
Le fuccès du Tuteur Dupé, qui fut joué
quelque temps après , confola pleinement
M. Cailhava. Cette Pièce eft bien intriguée.
Le comique reffort uniquement de fon intrigue
, & le foutient jufqu'à la fin fans le
fecours d'aucun ornement étranger. L'intrigue
eft fondée , comme celles de nos anciens
Comiques , fur une reffemblance & un
déguilement , & conduite par les fourberies
d'un Valet non moins adroit qu'intrigant ;
mais une particularité bien glorieuse pour
fon Auteur , la diftingue de toutes les
Pièces intriguées par les Valets , c'eſt que
dans celle-ci , le Valet qui fait le noeud , fair
auffi le dénouement ; perfection qui manquoit
à toutes les Pièces de ce genre qu'on
avoit données avant celle- ci. Le fond de cette
Pièce eft tiré du Soldat Fanfaron , de Plaute.
M. Cailhava s'applaudit , avec raiſon , de
cette heureufe imitation. Le Tuteur Dupé a
toujours été rejoué avec fuccès à Paris comme
à la Cour , & cet Ouvrage eft du petir nombre
de ceux qui , de nos jours , ont mérité
de refter au Théâtre.
Les Étrennes de l'Amour ne font autre
hofe que quelques Scènes allégories
DE FRANCE
qu'on appelle à tiroir , ornées de chant & de
danfe. M. Cailhava avoue lui -même , que
les épigrammes , les madrigaux , les calembourgs
galans dont ce genre vit , font incompatibles
avec la bonne Comédie ».
Cette bagatelle a toujours fait plaiſir à la
repréſentation.
22
22
Le Mariage Interrompu eft tiré en partie
de l'Épidique de Plaute. C'eft encore une
Pièce dont toute l'intrigue roule fur les fourberies
d'un Valet. Elle réuflit complertement.
On pourra voir , dans les Mémoires que
nous avons annoncés ci - deffus , comment
elle n'eft point reftée au Théâtre . Le ſtyle de
cet Ouvrage eft fimple , facile & naturel,
On pourroit cependant defirer dans cette
Pièce , toute d'intrigue , que le dénouement
fût, ainfi que dans le Tuteur Dupé, une fuite
néceffaire des différens refforts que l'intrigant
fait mouvoir. La réponſe à certe obfervation
eft , peut- être , que dans le Tuteur
Dupé , le Valet intrigue pour tromper un
homme injufte , tyrannique & ridicule , qui ,
dans les principes de toute faine morale
doit être puni de fes injuftices ; au lieu que
dans le Mariage Interrompu , le Valet fe
joue de deux honnêtes gens que la bienséance
ne permettoit pas de rendre jufqu'à la fin
fes dupes ; en forte que le dénouement naturel
de cette Pièce doit néceffairement être
la découverte de toutes les fourberies de
Pintrigant,
A l'égard de l'Egoisme , fi quelques fitua
,
112 MERCURE
›
tions , dont les unes- font hardies & les autres
femblent hafardées , ont rendu douteux
le fuccès des premières repréſentations ,
celles qui ont fuivi ont de plus en plus mérité
à l'Auteur l'eftime & l'approbation des
connoiffeurs. Quand , dans un Ouvrage ,
tel qu'une Comédie de caractères en cinq
Actes , la fomme des beautés l'emporte
fur celle des défauts , la balance doit pen
cher du côté du Poëte.
Arlequin Mahomet ou le Cabriolet
Volant, & la fuite de ce Drame burleſque ,
font des Pièces dans le genre des canevas que
les Acteurs Italiens repréfentoient en improvifant.
M. Cailhava n'eft pas le premier
qui ait effayé fes talens dans ce qu'on appelle
des Arlequinades ; plufieurs de nos Auteurs
célèbres , Regnard , Dufreni , &c. nous
en ont laiffe. Quoiqu'on ne life guère ces fortes
de Pièces , il nous femble cependant qu'on
lira avec plaifir celles que notre Auteur
a rifquées dans ce genre.
La Bonne- Fille eft une imitation de la
Buona Figliola du célèbre Goldoni ; c'eſt
au foin que M. de Cailhava s'eft donné de
traduire cet Ouvrage en François , que le
Public doit le plaifir d'entendre la Mufique
que M. Piccini a faite en Italie fur cette
Pièce. Si l'on confidéroit ce qu'il a fallu
de travail à l'Auteur pour faire difparoître
les plus grands défauts de la Pièce
Italienne , on reconnoîtroit aisément que de
toutes fes productions , c'eft celle qui lui a
DE FRANCE. 113
du couter le plus. Mais fi l'on s'arrête fimplément
aux imperfections qui tiennent à
T'Ouvrage même , & qu'on n'en a , par conféquent,
pu faire difparoître , on penfera que
cette production eft la plus foible de toutes
celles de M. Cailhava . Cependant, il obferve
que la Bonne-Fille eft , de toutes les Pièces de
Théâtre , celle qui lui a rapporté le plus d'argent.
Qu'on juge après cela , ajouta- t'il plaifamment
, du mérite d'une Pièce par la recette.
Nous croyons devoir dire ici quelque
chofe du Traité des caufes de la décadence
du Théâtre , & des moyens de le faire refleurir.
Ce morceau eft le dernier Chapitre de
l'Art de la Comédie , en 4 Vol. , que M.
Cailhava fit imprimer il y a quelques années ,
& qui parut auffi féparément. L'Auteur ,
après un tableau de l'état où fe trouvoit
alors le Théâtre François , dégénéré de nouveau
, comme on fait , par des pertes bien
triftes , & des acquifitions plus triftes encore
, prouve que le feul moyen d'apporter
remède à tous les maux qu'il vient de détailler
, eft l'établiffement d'une feconde Troupe
de Comédiens François dans la Capitale.
Cette idée révolta les Comédiens Ordinaires
du Roi , comme on peut croire , & depuis
ils fe font toujours oppofés au fuccès d'un
projet auffi fage. On a peine à en concevoir
une bonne raifon ; car il eft certain que peu
de temps après qu'il aura reçu fon exécution
, ce qui ne peut manquer d'arriver tô
114
MERCURE
ou tard , l'état de Comédien fera plus eftimé
& plus eftimable ; les Comédiens , plus honnêtes
& plus laborieux , feront plus aimés
& plus fuivis , & cet événement , qu'ils
s'obſtinent à confidérer comme la fource de
leur ruine , feroit au contraire l'époque de
leur gloire & de leurs fuccès . Nous n'entrerons
dans le détail d'aucune des raifons qui
démontrent cette vérité. Le plan de M. Cailhava
a été fi généralement goûté. Plufieurs
Gens de Lettres, jaloux de participer à la gloire
qu'il ne peut manquer de recueillir quelque
jour , en voyant s'effectuer la révolution
qu'il a confeillée , ou craignant que les idées
à ce fujet ne fuffent pas affez généralement
répandues , fe font empreffés de les copier
ou de les modifier à leur manière , dans plufieurs
Brochures qui fe font fuccédées depuis
quelque temps ; nous nous contenterons
donc de rapporter quelques réflexions
nouvelles que l'Auteur a ajoutées à fa differtation,
que les circonftances ont fait naître,
& qui viennent d'elles-mêmes à l'appui de
la vérité dont il veut démontrer l'évidence.
-
« La néceffité , généralement reconnue , dit
» M. Cailhava , d'avoir plufieurs Spectacles
dans une ville immenfe , a fait établir fur
» le boulevard dix petits Theâtres , ( ce
» nombre eſt un peu exagéré ) que le Public
» s'eft peu à-peu accoutumé à confondre
» avec les grands , & que maintenant il leur
"
préfère : il n'eft aucun de ces tripots où
» le Public ne croie voir trois ou quatre
DE FRANCE.
Acteurs faits pour briller parmi les Co-
» médiens du Roi.
9)
ช
» Les Italiens fe font noblement chargés
de leur enlever leurs Acteurs ; le Crifpin
du Bois de Boulogne a débuté fur leur
Théâtre , le fameux Jeannot des Variétés
Amufantes eft paffé fur leur Théâtre.
са
» Les Comédiens François ont fait plus
» ils ont accueilli , avec la plus grande diftinction
, l'Auteur de C'en eft, de ça n'en
eft pas ; ils ont reçu avec acclamation
plufieurs de fes Pièces , ils l'ont jugé digne
» d'avoir le pas fur quarante Auteurs , dont
» les Ouvrages , reçus depuis dix ans , atten-
" doient les honneurs de la repréfentation ;
" ils ont donné deux de fes Comédies dans
moins d'un mois , & ils n'ont pas dédaigné.
de jouer dans la dernière les mêmes Scènes,
a peu- près, qui font aux Variétés Amufantes
l'ornement d'une parade. Ces
» mêmes Scenes, dérobées au boulevard , &
applaudies fur un de fes Théâtres durant
trois ou quatre cent repréſentations, ont
» été fifflées au Louvre , de forte que nos
Comédiens femblent n'avoir affecté de fe
rapprocher de nos Batteleurs , & ne s'être
déclarés leurs émules que pour en demeu
» rer vaincus. >>
"
33
116 MERCURE
+
LA FRANCE ILLUSTRE , ou le Plutarque
François , par M. Turpin , Citoyen de
Saint -Malo. No. 3. A Paris , chez Valade ,
Imprimenr-Libraire , rue des Noyers. #[
GASPARD DE COLIGNI perdit quatre batailles
, défola fa patrie , s'arma prefque
toujours contre fon Roi , & ita la réputation
d'un homme de bien , & l'hiftoire le place
au rang des grands Capitaines ; c'eft que
fans doute
✔
Ses vertus font de lui , fes défauts font de nous.
Il parut dans un fiècle où le flambeau des
Arts ne donnoit encore à la France qu'une
lueur pâle & incertaine ; dans ce fiècle d'hé
roïfme & de férocité , où le généreux lå
Châtenaye fit faire fix balles d'or pour tuer
Charles- Quint dans la mêlée , perfuadé qu'il
feroit indécent de tuer un Empereur avec
des balles de plomb ; où un Colonel Allemand
, au fac de Rome , s'étoit muni d'une
corde de fil d'or pour étrangler le Pape d'une
manière moins vulgaire ; où enfin , la plaifanterie
des Soldats étoit encore d'enfermer
le mari dans la huche , tandis qu'ils violoient
la femme fur le couvercle. Témoins de tant
de crimes atroces , il conçut le projet de réformer
une milice compofée de brigands,
de ribaux , de ruftres & de pillards. Il ofa
efpérer de faire des Citoyens de ces hommes
vils & flétris , que la politique avoit tirés des
DE FRANCE. 117
cachots , pour prodiguér leur fang dans les
combats , parce qu'elle étoit laffe de le répandre
fans fruit fur les échafauds. Tous
ces brigands n'étoient pas fans courage : à
l'exemple de ces anciens Bretons , ils fe peignoient
le vifage , & s'étudioient à fe rendre
difformes pour infpirer plus d'effroi . Leur
malpropreté étoit une efpèce d'art & de
fcience militaire. Ils n'avoient pour vêtement
qu'une chemife à longues manches , d'une
toile ou d'une étoffe groffière , qu'ils ne
quittoient que quand elle étoit ufée. Leur
vanité étoit de découvrir ce que la pudeur
prefcrit de voiler. Les Réitres étoient les
plus ingénieux à défigurer leurs traits .... Les
femmes & les enfans les prenoient pour des
démons fortis des enfers.... Prefque tous Luthériens
, au fac de Rome , ils profanèrent
ce qu'il y avoit de plus facré ; après avoir
violé les femmes de tout âge & de tout
rang , après avoir fouillé les demeures divines
par leur lubricité , après avoir mutilé
ou détruit les ftatues & tous les chef- d'oeu¬
vres de l'art , ils fe promenèrent dans les
rues , vêtus en Cardinaux , qu'ils forçoient
à coup de fabre de leur fervir d'eftafiers &
de laquais , vêtus en bouffons. L'exemple du
mal eft contagieux. On vit les mêmes fcènes
en France , lorfque Cahors fur furpriſe . Les
Huguenots , vainqueurs infolens , alloient
abreuver leurs chevaux vêtus des chapes des
Eglifes , en chantant les Litanies. Celui qui
marchoit le dernier étoit coëffé d'une mître ,
118 MERCURE
& faifoit les fonctions d'Évêque avec des
dérifions infenfées. »
La licence étoit fi invétérée , qu'il falloit
un bras vigoureux pour frapper tant de
coupables. Coligni fe chargea de ce miniltère
de fang. Bientôt on vit , dit Brantome ,
plus de foldats que d'oifeaux pendus aux
branchés. C'étoit fans humeur & fans caprice
qu'il dictoit ces arrêts de mort. Le
foldat avoit coutume de dire : Dieu nous
préferve du cure- dent de notre Général ; il
en avoit toujours un à la bouche , fur - tout
quand il interrogeoit les coupables . Peutêtre
s'égara - t - il par l'idée que la rigueur
exceflive eft un frein falutaire ; & par fon
principe, qu'on ne peut opérer le bien fans
commencer par faire le mal : mais n'ou
blions pas qu'il a annobli une Milice dégradée
, qui fait aujourd'hui la force & l'ornement
de nos Armées ,
Quoiqu'occupé à faire obferver fes ordonnances
, il ne fe difpenfoit d'aucune des
opérations périlleufes . Ce fut lui qui , à la
tête d'une foible garnifon , defendit Saint :
Quentin , dont le Duc de Savoye , Généra
fiffime des Armées de l'Empereur , formoit
le fiége. Coligni , incap ble de confeil & de
crainte , déterminé à s'enfevelir fous les
ruines des remparts , fit jurer à tous les habitans
de tuer le lâche qui propoferoit de fe
rendre. Comme le courage ne fixe pas toujours
la victoire , il fut fait prifonnier , &
conduit dans la citadelle d'Anvers. Pour
1
DE FRANCE 119
diffiper fes ennuis , il demanda une Bible,
où il crut appercevoir la condamnation des
dogmes Catholiques. Sa raifon ébranlée par
ces Livres , où le poifon de l'erreur eft caché
fous les fleurs de l'éloquence , le précipita
dans le parti de l'erreur. Quoiqu'il pût jouir
de fa gloire & de la faveur de fon Maître ,
dégoûté des intrigues & des meeurs volup
tucufes de la Cour , il fe retira dans fes
terres , & c'eft là peut- être qu'il jeta les fondemens
de cette faction redoutable dont il
devint le chef & la victime. Dandelot , fon
frère , s'attacha , comme lui , à la Secte nouvelle,
& même , incapable de déguiſement ,
if manifeftoit fes fentimens au milieu de la
Cour. « L'on avoit intercepté plufieurs de
fes lettres , où il parloit de la Meffe en ter- .
mes fcandaleux. Henri II l'appela pendant
qu'il dînoit pour favoir la vérité par fa
propre bouche ; il lui dit : Dandelot , vous
favez que je vous ai toujours aimé , il court
certains bruits qui m'affligent ; & comme
j'ai pour vous les fentimens que méritent
vos fervices , je veux que vous me difiez
avec ingénuité ce que vous penfez de la
Meffe. Sire , répondit- il , je la regarde comme
une impiété. Le Roi furieux de ce blafphême
fe lève de table, prend un plat, & en voulant
le lui jeter à la tête, il bleffa le Dauphin,
On donna auffi-tôt des ordres pour le conduire
dans une citadelle. La Religion
n'admet guère cette manière de raifonner
& de perfuader. Ce fut celle du Duc de
»
£20. MERCURE
Guife , de ce bon Catholique qui auroit
voulu rompre la tête à tous les Réformés ,
& fur- tout à Coligni , quoique l'amitié la
plus étroite les eût unis pendant plus de fix
ans. Ils avoient été inféparables , avoient
participé aux mêmes divertiffemens , couché
dans le même lit , paru dans les Fêtes & dans
les Tournois , avec les mêmes habits , & toutà-
coup ils furent ennemis implacables. La
caufe de leur refroidiffement fait honneur à
l'un d'eux. Le Duc ayant confulté Coligni
fur le mariage du Duc d'Aumale avec la
fille de la Ducheffe de Valentinois , celui- ci
crut ne pouvoir mieux juftifier cette confiance
qu'en parlant le langage de la verité ::
j'aime mieux , dit- il , une bonne renom .
mée, que toutes les richeffes qu'une femme
pourroit apporter dans ma maifon. Le Duc
interprêta mal la franchiſe de fon ami ; il la
regarda comme la cenfure de fon peu de
délicateffe , ou comme un piège tendu pour
le faire tomber dans la difgrace ; & bientôt,
la caufe du Ciel devint le prétexte de fa,
vengeance. Il fe trouva le Chef de ces lâches ,
ennemis qui achetèrent des affaffins pour
attenter à fa vie. « L'Amiral avoit dans fa
domefticité un jeune homme , d'une famille
honnête , qu'il avoit chargé du détail
de fes affaires ; on intercepta une de fes
Lettres , par laquelle il mandoit à des perfonnes
de la Cour , que la potion qui devoit
les délivrer de leur ennemi étoit préparée.
Coligni l'ayant appelé , lui ordonna d'écrire
Сс
quelques
7
1
DE FRANCE. 121
quelques lignes fous fa dictée : il confronte
les deux écritures & reconnoît le coupable.
Le jeune homme convaincu , fe profterne à
fes genoux , les embraffe , fait l'aveu de fon
crime & en follicite un pardon qu'il obtient.
Quoique fans ceffe environné d'affaffins ,
il marchoit toujours mal accompagné ; &
quand on lui en remontroit le péril , il avoit
coutume de répondre je ferai la moitié de
la peur à quiconque ofera m'attaquer. Un
Gentilhomme Italien , qui depuis long tems
fervoit dans nos armées , & dont la réputation
n'étoit pas bien pure , fe plaignit à lui
de ce qu'on faifoit courir le bruit qu'il étoit
payé pour le tuer. L'Amiral lui répondit
d'un ton dédaigneux je vous crois moins
capable que qui ce foit d'un coup auffi
hardi. "
C'étoit dans l'adverfité que ce grand homme
développoit fon génie fécond en moyens :
calme & prefque impaffible , fon ame étoit
fupérieure aux événemens , dans le moment
même où le Parlement de Paris promettoit
une fomme de cinquante mille écus d'or à
quiconque le repréfenteroit mort ou vif.
Quoique prévoyant , il avoit un fond de
candeur qui ne lui permettoit pas de croire
les hommes méchans. Enfin , la cloche du
Palais à minuit fonna le tocfin : une armée
de bourreaux parcourt les rues. La porte de
l'Amiral eft enfoncée. Un domeſtique du
Sam. 20 Janvier 1781 .
F
122 MERCURE
Duc de Guife , armé d'un pieu , fe préfente.
Coligni lui crie : jeune- homme , tu devrois
reſpecter mes cheveux blancs : fais ce que tu
voudras , tu ne m'abrégéras la vie que de
fort peu de jours. Befme , fans être ému ,
lui enfonce fon pieu dans la poitrine , & il
expire fous les poignards. Ce premier coup
eft le fignal du carnage. Les eaux de la Seine
font teintes de fang. Le Roi , qui montre
l'exemple , crie d'une fenêtre du Louvre ,
tuez , tuez ces Hérétiques.
Un Roi qui veut le crime eft bientôt obéi.
Plus de deux mille François tombent fous
fes yeux. Un feul Boucher , en montrant
fon poignard , fe vante d'en avoir égorgé
trois cens. Mais jetons un voile épais fur
ce théâtre fanglant où le fanatifme , fous:
le mafque de la Religion , fans pitié ni pour
la nature ni pour l'humanité , enfonça fon
poignard dans le fein de la France,
pas
L'intérêt que nous prenons à la gloire des
Lettres , aux plaifirs du Public & à la répu
tation de M. Turpin , nous donne le droit
de faire quelques légers reproches à l'Hiftorien
de Coligni. Son ftyle ne nous
paru affez foigné ; il y a des incorrections ,
de la monotonie dans les tournures , & per
de variété dans le choix des expreffions. Ne..
pourroit- on pas exiger quelques réflexions
fortes & profondes du Philofophe qui peint
Ja journée execrable de la S. Barthélemy
DE FRANCE. 123
Mais fi M. Turpin peut avoir quelquefois
befoin de confeils , fes talens doivent le difpenfer
de recevoir des leçons.
Le Soldat Citoyen , ou Vues Patriotiques fur
la manière la plus avantageufe de pourvoir
à la défenfe du Royaume. Gros in- 8 ° . A
Neufchatel ; & fe trouve à Paris , chez
Efprit , au Palais-Royal.
L'OUVRAGE que nous annonçons eft celui
d'un Militaire , excellent Citoyen , qui
après avoir médité pendant vingt ans fur les
principes qu'il vouloit développer , expoſe
avec l'efprit , la franchife & la loyauté
d'un homme de guerre très-inftruit , fa façon
de penfer fur les abus de fa profeffion ,
& fur les moyens de les réformer.
σε
Voici comme il débute. « Citoyens , vous
» n'avez encore rien vu de moi . Aujourd'hui
j'ofe me faire imprimer. Veuillez
accueillir les effais de mon zèle. Applau-
» diffez à ce que j'aurai pu dire de bien ;
» & inftruifez-moi fur ce que j'aurois dû
» dire de mieux. »
"
"
L'Auteur commence fes réflexions préliininaires
par une remarque très - vraie
& fur laquelle on s'eft trop peu arrêté juf
qu'à préfent ; c'eft que tous ceux qui ont
traité de l'Art Militaire , fuppofant prefque
toujours de bons foldats & des armées bien
Fij
124 MERCURE
difciplinées , n'ont porté leurs vues que fur
la tactique , tandis qu'il faudroit examiner
d'abord fi nous avons ces foldats & ces
armées , & les moyens de fe les procurer.
L'objet des Ecrivains qui l'ont précédé , a
donc toujours été de perfectionner l'Art
Militaire ; le fien feroit de perfectionner les
inftrumens de l'Art , c'eft-à-dire , les Soldats
.
Mais quelles font les caufes qui forment
les foldats dans chaque Nation ? L'Auteur
les borne à trois : le caractère national , l'éducation
, le Gouvernement. Parcourant
enfuite rapidement l'Hiftoire Militaire de
toutes les Nations guerrières ; il prouve fes
affertions par des faits & d'excellentes obfervations
; & après avoir examiné les cauſes
qui fervirent à former les foldats de l'Afie ,
de la Grèce & de Rome , il femble conduire
& arrêter le Lecteur à cette importante
vérité : « Que la crainte & l'efpérance , dirigées
avec fageffe , une excellente éducation
réglée par un Gouvernement fage &
prudent , concourrent à créer un carac-
» tère national , & ces caufes réunies , às
former des défenfeurs à la Patrie. »
و ر
29
Il expofe dans l'Avant-Propos le tableau
des révolutions fans nombre qu'a effuyées
notre Milice , & des abus qu'ont entraînés
ces viciffitudes . Il faut lire l'Ouvrage pour
fe convaincre des funeftes effets de cette inftabilité
, & de quelle importance il eft de
DE FRANCE. 125
remédier aux maux qui s'en font toujours
enfuivis,
Dans le premier Livre , il s'occupe de
fixer le nombre d'hommes néceffaires pour
la défenfe d'un Royaume. 2 ° . La manière
de lever les foldats. 3 ° . Quelles devroient
être leurs qualités phyfiques & morales. 4º .
Quels moyens de rendre les enrôlemens fûrs.
5. Les formalités nécellaires pour enrôler.
6°. Le fondement du contrat d'enrôlement
& fon étendue. 7. Les peines dont fa violation
peut être légitimement punie. 8 ° . La
manière de donner à ce contrat plus de force
& d'authenticité. Tous ces objets intérellans
annoncent à la fois un Militaire éclairé & un
Citoyen fenfible. « Pourra- t - on , dit-il ,
» s'en occuper avec indifférence ? Il s'agit
de la liberté , de la vie même des Citoyens
qui fe dévouent au fervice & à la défenfe
de la Patrie . »
و ر
22
»
Сс
Le fecond Livre traite de la fubfiftance
des troupes. Cet objet étant , fans contredit,
le plus onéreux , & en même tems le plus
effentiel , l'Auteur propofe de diminuer confidérablement
les dépenfes , & de pourvoir
beaucoup mieux à la fubfiftance des foldats.
Ce grand fecret eft celui des Romains , celui
encore ufité en Suéde , de les rendre cultivateurs.
Il en prouve la néceffité , les avantages
, la facilité. De-là fuivent des détails
fur la nourriture , la guérifon , le vêtement
& le logement des foldats. L'Auteur entre
Fiij
726 MERCURE
fur tous ces objets dans les détails les plus
intéreffans .
Après avoir enrôlé des hommes & s'être
occupé de leur fubfiftance , il faut les employer.
C'eft le fujet du troifième Livre.
I
L'Auteur confidère ces hommes fous
trois points de vue ; comme Enfans ,
comme Citoyens , comme Soldats. Comme
Enfans , il faut lcs élever : néceflité
d'une éducation nationale. 1 ° . Éducation
phyfique ; exercice occafionné par le devoir ;
inutilité du danger de nos exercices militaires
; exercices comme jeux. 2 ° . Éducation
morale ; moyens d'éclairer l'efprit ; moyens
de former le coeur. Comme Citoyens , il
faut s'en fervit utilement pour l'État ; avantage
d'employer les foldats aux travaux publics
; travaux auxquels on pourroit employer
les foldats ; dans quel tems , & comment.
Comme Soldats , il faut s'en fervir
avantageuſement pour la guerre ; nouvelle
formation des troupes ; comment faut- il les
armer ? Quels font les développemens &
les principes dont s'occupe la tactique élémentaire
? Quelles font les applications que
l'on doit faire de la tactique élémentaire à la
grande tactique ? Quelle doit être la diftribution
des différens exercices auxquels on
doit employer le foldat , relativement à l'une
& l'autre tactique ?
Il falloit lier différentes parties de la conftitution
militaire que l'on propofoit. Alors
DE FRANCE. 127
l'Auteur traite de la Diſcipline , & en fait le
fujet du quatrième & dernier Livre. Il la
préfente d'abord menaçante , & intimidant
les ames foibles qui ne font le bien que par
crainte : il fixe en même- tems les limites des
peines. Souvent intimider , rarement punir ,
voilà fa règle. Viennent enfuite les récompenfes
des grades , des diftinctions , des
foins pendant le fervice , & des retraites
affurées lorfqu'on eft forcé de le quitter.
Des Notes en grand nombre , & toutes intéreffantes
,terminent cet Ouvrage, trop difficile
à extraire , & dont on ne peut bien
juger qu'en le lifant avec attention d'un bout
à l'autre.
SPECTACLES.
COMÉDIE FRANÇOISE.
LE Lundi 8 de ce mois , on a joué pour
la première fois le Jaloux fans Amour ,
Comédie en cinq Actes & en vers libres.
Lié
par les noeuds facrés de l'hymen à
un objet doué de toutes les qualités capables
de fixer la tendreffe & l'eftime , le
Comte d'Orfon ne connoît pas fon bonheur.
Affez malheureux pour ne pas aimer fa
femme , il eft encore affez injufte pour
éprouver une jaloufie auffi mal fondée que
Fiv
128 MERCURE
les fuites en font cruelles. L'amour qu'il
refufe à la Comteffe , il le proftitue à une
de ces filles complaifantes , dont on achette
les faveurs au poids de l'or. Trompé par
les apparences , le Marquis de Rinville, fon
oncle , croit que fa jaloufie eft la fuite d'un
amour très-tendre ; mais le Chevalier d'Elcour
, jeune homme étourdi en apparence ,
& dans le fond plein d'honneur & de
vertu , connoît l'erreur de d'Orfon. Amou
reux de la jeune foeur du Comte ,
il rifque de perdre l'efpoir d'épouſer fon
amante , s'il trahit le fecret dufrère ; mais le
defir de mettre fin au malheur de la Comteffe
bannit toute autre confidération . Il fait à fon
indigne rivale des propofitions éblouiffantes ,
celle- ci les accepte, il vient à bout d'en obtenir
la preuve , & la remet entre les mains de
fon ami. Pendant qu'il agiffoit , d'Orlon ,
fur des foupçons légers , faifoit éprouver à
fa femme toutes les fureurs de fa jaloufie.
Les explications dans lefquelles on entre ,
Jui font voir combien fes torts font affreux.
Honteux , pénétré de remords , il fe précipite
aux genoux de la Comteffe , qui lui
pardonne , & d'Elcour époufe Mlle d'Orfon.
Nous avons vu peu de repréſentations plus
fcandaleufement orageufes que la première de
cet Ouvrage. L'action, rallentie par des détails
beaucoup trop étendus , a paru plus chaude
dès qu'ils ont été fupprimés : on a apperçu
le but moral ; & les détails brillans qu'on
remarque dans toutes les Scènes , ont ob
DE FRANCE. 129
tenu des applaudiffemens qui ont été plus
univerfels encore à la troisième repréfentation
, après laquelle nous écrivons cet article.
Nous entrerons dans de plus grands
détails quand cette Comédie fera imprimée .
COMÉDIE ITALIENNE.
DEPUIS quelques années les Théâtres de
cetteCapitale ont fait des pertes conſidérables .
On a vu tour-à- tour difparoître nos meilleurs
Comédiens , & les Auteurs les plus
diftingués , au moment où la décadence du
goût fe faifoit le plus fentir , par conféquent
dans le tems même que leurs talens nous
étoient le plus néceffaires. Les uns laffés des
perfécutions qu'ils effuyoient , ont pris le
parti de la retraite , la mort nous a ravi les
autres. La Comédie que l'on continue , on
ne fait pourquoi , d'appeler Italienne , vient
de fe reffentir de la fatalité qui femble s'attacher
à l'Art Dramatique , en perdant une
de fes meilleures Actrices , & un Ecrivain
auquel elle avoit déjà de très-grandes obligations.
L'Actrice eft Louife -Frédéric - Skreuderf
époufe de M. Moulinghen . Fille d'un Directeur
de Comédie , la jeune Louife parut de
bonne-heure fur la Scène , & y obtint des
fuccès , ce qui n'eft pas étonnant. L'enfance
porte prefque toujours avec elle un intérêt
qui double le prix de l'effet que produiſent
Fv
130
MERCURE
>
fes difpofitions à l'intelligence. Après avoir
débuté au Théâtre Italien , comme Danfeufc
en 1766 , elle s'y préfenta eomme Comédien
neen 1776.Quoique fa voix fût un peu élevée
dans le Dialogue , défaut affez ordinaire aux
Chanteufes , quoiqu'elle phrasât difficile
ment les vers , les Connoiffeurs lui trouvèrent
un talent décidé , & prévirent qu'elle
mériteroit une réputation : ils ne fe trompèrent
pas. Une belle entente de la Scène , une
connoiffance étendue du jeu muet , beaucoup
de gaîté , de chaleur , de naturel , une
foumiffion exacte au coftume , du zèle
de l'ardeur , une activité prefqu'infatigable,
lui concilièrent tous les fuffrages , & la rendirént
bientôt auffi chère à fes Camarades
qu'au Public : éloge flatteur , bien rarement
mérité , & qui fait autant d'honneur au caractère
qu'aux talens de Madame Moulinghen.
Une maladie peu grave , mais mal
foignée , dit- on , l'a enlevée le 25 Novembre
dernier au Théâtre Italien , aux Amateurs
qui la regrettent ; enfin , ce qui , fans
doute eft plus fâcheux encore , à un mari
qui l'aimoit tendrement , & dont elle faifoit
le bonheur.
,
>
La Société Lyri- comique ne doit pas de
moindres regrets à M. Thomas d'Hèle ,
Ecuyer mort le 27 Décembre dernier ,
âgé d'environ quarante ans. Né dans le Comté
de Glocefter, d'une famille diftinguée , il commença
par fervir dans les troupes Angloifes,
& fut envoyé à la Jamaïque, où il reſta juſqu'à
DE FRANCE. 131
la fin de la dernière guerre. Curieux de con
noitre les Nations de l'Europe les plus diftinguées,
il quitta bientôt fa famille & fon Pays,
& fe rendit en Italie. La beauté du climat, la
réunion des merveilles que tous les Arts y
ont raffemblées , ne pouvoient que captiver
l'attention d'un homme avide d'acquérir des
connoiffances , & qui vouloit s'inftruire à
la fource du vrai beau : M. d'Hèle y refta plufieurs
années. Enfin , le defir de voir la France
le conduifit à Paris vers l'année 1770. Après
avoir examiné nos Arts avec beaucoup de
curiofité , il fit une étude particulière de nos
Spectacles ; la Comédie Italienne fixa fes
regards , & il réfolur de travailler pour elle.
Le Jugement de Midas fut fon premier Ouvrage.
Cette Comédie , relative à la révolution
que notre Mufique venoit d'éprouver ,
eut beaucoup de fuccès ; mais l'Amant Jaloux
qui lui fuccéda en eut davantage. Les
Évènemens imprévus effuyèrent quelques re
proches. Docile & de bonne foi , M. d'Hèle les
retira, répondit à fes Critiques en profitant dė
leurs avis , fit reparoître fon Ouvrage , & eut
le plaifir de le voir prefque généralement
goûté. En général , les Comédies de cet
Auteur font fortement intriguées , l'action
en eft vive & chaude & l'intérêt en eft
agréable. Ses Vers font un peu lâches , le ſtyle
de fa Profe n'eft pas toujours très- pur , mais
fon dialogue eft naturel & preffé. Loin
de croire qu'il eût atteint la perfection dans
le genre qu'il avoit introduit au Spectacle
و
F vj
132 MERCUREST
Italien, M. d'Hèle parloit fouvent des défauts
qu'il y avoit remarqués & fe propofoit de les
faire difparoître dans les Ouvrages qu'il avoit
projetés , quand une maladie de poitrine le
conduifit au tombeau , à la fleur de fon âge.
Quoiqu'il ait peu travaillé , ce qu'il nous a
laiffé mérite d'être étudié par les jeunes
Auteurs qui fe deftinent au même genre que
lui ; & fi l'on veut être jufte , on conviendra
que l'art de fixer la curiofité & l'intérêt
par une intrigue amufante & gaie, fans indé
cence, vaut mieux que les moyens employés
trop long-temps dans les Pièces à Ariètes ,
& qui font grimacer Thalie en lui prêtant .
les habitudes de fa foeur Melpomène .
SCIENCES ET ARTS.
RÉPONSE de M. CAROUGE DES BORNES,
à la Lettre d'un Anonyme , inférée dans
un des derniers Numéro du Mercure.
QUOI! Uo1 ! toujours des Anonymes , toujours avoir
à combattre dans les ténèbres ! Certain Héros ne
demandoit qu'à voir fes ennemis pour les vaincre.
Nous ferons mieux encore ; nous espérons vaincre
les nôtres fans les voir. C'eft à vous M. le Défenfeur
anonyme d'un favant Académicien , qui , après
s'être montré affailant , s'eft etiré fubitement du
combat ; c'eft à vous , dis-je , que j'adreffe aujourd'hui
cette réponſe. J'en devois une troisième à cerDE
FRANCE. 133
tain Adverfaire dont l'attaque a été plus régulière ;
mieux combinée , par conféquent plus dangereufe
que la vôtre ; mais je le préfume trop galant homme
pour exiger que je prête en même- temps le collet à
deux champions. Je crois d'ailleurs qu'en bonne règle
de Tactique , on doit ne marcher aux troupes
régulières qu'après avoir difperfé les huffards qui
caracolent.
été
En effet , Monfieur , quel a été l'objet de votre
démarche hoftile contre M. Ling & moi ? Vous,
êtes contraint d'avouer que M. l'Académicien
dont vous devenez l'athlète auxiliaire , a
l'Approbateur , le Défenfeur même de notre entreprife
, & que tout l'objet de fa follicitude fe réduit
à recommander qu'on ne faffe point ufage de notre
charbon au milieu d'une chambre. Tel fut , en
effet , le réſultat d'une feconde Lettre inférée par lui
dans l'un des Mercures du mois de Mai dernier.
Il s'étoit montré plus menaçant par une première
Lettre inférée dans le même Journal au mois de Février
précédent. Mais , enfin , il eft permis , il eft
très-lcuable de fe rectifier. On ne doit ni rougir
d'une telle démarche , ni fur- tout paroître s'en repentir.
Notez bien , Monfieur , que nous n'avons jamais
confeillé à perfonne d'ufer de notre charbon au
milieu d'une chambre. Nous ne croyons cependant
point cet ufage dangereux , mais feulement incommode.
On fait d'ailleurs que le milieu d'une chambre
n'eft pas l'endroit le plus opportun pour placer
un foyer. Si c'eft un poële , nulle difficulté à cer
égard ; il est accompagné d'un tuyau qui laiffe un
libre cours à l'air. On pourroit même y brûler du
charbon de bois fans aucun péril.
Mais je vous entends vous écrier Et les foupapes
que vous adoptez fi témérairement ? .
A ce début , Monfieur , je devine que vous n'a
134
MERCURE
vez jamais vu une feule des foupapes que vous
cenfurez , autrement vous fauriez qu'elles n'arrêtent
point le courant d'air ; elles n'ont d'autre objet que
de refferrer un peu l'efpace qui lui fert d'illue , afin
de procurer au feu plus d'activité ; elles ajoutent
même à celle du courant d'air , puifque fa véhémence
redouble en raison de cette efpèce de contrainte
: c'eft un principe trivial en Phyfique ; il eft
bien furprenant que j'en fois réduit à l'apprendre au
Défenfeur d'un grand Phyficien. Au furplus , Monfieur,
que ne l'interrogiez -vous fur la forme de nos
foupapes ? Il fait à quoi s'en tenir fur ce point
comme fur leur utilité. J'avoue qu'il avoit commencé
, comme vous , par les blâmer fans les con→
noître. J'obtins auffi la gloire de diffiper fon erreur.
Nous étions l'un & l'autre au milieu d'une nombreuſe
Aſſemblée. C'étoit du charbon épuré qui
échauffoit la falle . Je m'approchai de M. M ....
qu'on venoit de m'indiquer. Il n'étoit qu'à peu de
diftance de la cheminéc . Monfieur , lui dis - je en
m'inclinant , que penfcz - vous de la beauté de ce
foyer , de la grande chaleur qui en réfulte , & des
reffources que la découverte du charbon épuré offre
à la France dans un temps où le bois renchérit de
toutes parts , & menace de nous manquer bientôt ?
Monfieur, me répondit-il du ton le plus augufte &
le plus compofé , je fuis un de vos plus zélés partifans.
Rien de plus flatteur pour moi & ma Compagnie
qu'un pareil fuffrage. Vous avez encore
befoin de mes leçons. Très - volontiers , fi elles
peuvent nous rendre encore plus utiles. J'ai écrit
des volumes fur le charbon. Je n'ai point le
bonheur de les connoître. Par exemple , à quoi
fert cette foupape ? Il faut laiffer un libre cours à
l'air. Monfieur , cette foupape ne ferme qu'à
moitié ; ainfi , le cours de l'air n'eft nullement
gêné par elle : jugez - en par vous - même. Alors je
-
*
--
--
-
DE FRANCE. 135
lui fis voir les dimenfions de cette foupape.
M. M .... l'examina avec attention , ne me répondit
pas un mot , & fortit brufquement de l'Affemblée.
Elle avoit tout vu , tout entendu , elle parut
très-furprife de cette incartade filencieuſe.
Quelque temps après M. M ... . écrivit les deux
Leures dont j'ai déjà fait mention. La feconde
comme on l'a vu , détruit la première . La follicitude
doctorale du favant Académicien , fe réduit à confeiller
au Public de ne point faire ufage de notre
charbon au milieu d'une chambre. Mais nous
l'avions encore prévenu à cet égard. Nous difons
expreffément , dans un avis imprimé depuis notre
avis aux Maîtres de Forges , qu'il eft à propos
de ne pas ufer de ce charbon dans un pocle
roulant. N'étoit - ce pas dire , & d'une manière
affez claire , qu'il falloit ne l'employer autre part
que
dans une cheminée ou un poële à tuyau ? Voilà
donc le courant d'air bien établi ; voilà donc l'ob
fervation de M. M .... démontrée au moins inutile
: eh ! que devient la vôtre , Monfieur ? que
deviennent vos argumens contre une foupape dont
vous ne connoiffez pas même la forme ? Un léger
coup-d'oeil vous eût épargné une méprife , une injuſtice
, beaucoup d'érudition déplacée , & à moi la
peine de vous prouver que vous avez jugé fur l'étiquette
du fac.
Vous n'êtes pas plus heureux dans vos autres
affertions. Vous nous accufez , le fieur Ling & moi ,
de nous être approprié une découverte précieuſe ,
qui , felon vous , appartient réellement à M. le
Comte de Stuart , ainfi qu'à MM. de Jenfanne &
Jars felon vous , dis-je , ils font les premiers qui
ayent épuré le charbon de terre en France. Vous ou
bliez fans doute que M. de Jenfanne a été obligé
d'abandonner les charbons qu'il avoit voulu épurer
dans les Cévennes. On n'a même jamais pu s'en
་
136 MERCURE
fervir dans les fourneaux conftruits , à fa prière & à
grands frais , dans cette contrée par les États de Languedoc.
M. Jars n'a pas été plus heureux . Sa méthode ne
lui a fervi qu'à faire griller fes mines de cuivre.
Quant à M. le Cointe de Stuart , il eft , non le
Maître , mais bien l'Élève du ficur Ling. En voulezvous
la preuve , Monfieur ? Vous la trouverez chez
M. Chavet , Notaire à Paris. Il eſt dépofitaire d'un
acte paffé à Sarbruck entre M. le Comte de Stuart
& le fieur Ling. Cet acte dément votre accufation
d'une manière bien formelle. Il y eft dit : Que
M. le Comte de Stuart s'engage cc de donner à
" Paters Ling le fixième de tous les bénéfices de
» la préparation du charbon de terre ; & en revanche
, porte le même acte , moi Peters Ling m'en-
» gage de donner , fans détour , au fieur Comte de
» Stuart , fur ma parole d'honneur , la parfaite
connoiffance de préparer le charbon de terre ».
Qu'en dites vous , Monfieur ? quel est celui des
deux qui s'oblige d'inftruire l'autre ? Quel eft le
Maître ? quel eft le Difciple : Vous ne pouvez rien
oppofer à cette preuve ; ainfi votre aſſertion tombe
d'elle- même ; ainfi il n'eſt pas vrai que nous nous
foyons appropriés une découverte qui ne nous appartenoit
pas. L'imputation eft grave ; mais puifqu'elle
eft fauffe , & que nous le démontrons , ce
n'eft point à nous , je penfe , qu'elle doit porter
préjudice.
Vous ajoutez que divers Savans ont écrit fur l'épurement
de la houille. Je ne l'ignore pas ; mais
Ieurs écrits feroient peut-être encore bien ignorés
fans le fuccès de notre entreprife. Je fais auffi qu'on
épure depuis foixante ans en Angleterre ; que l'on
épuroit aufli , il y a quinze ans , à Salz Back. Quel
avantage en réfultoit - il pour nous ? Ce fecret n'avoit
paffé ni le Rhin ni les mers pour venir à notre
DE FRANCE. 137
fecours. C'étoit même un mystère impénétrable
pour le favant Académicien que vous eſſayez de
défendre. Il ne propoſoit aux Parifiens que da charbon
brut ; il n'effaya de mettre en oeuvre que le
charbon brut ; il annonça à toute la France , étayé
de prefque toutes nos Facultés de Médecine , que
l'ufage de la houille brute étoit auffi falubre qu'économique.
Il n'étoit point alors agité de ces terreurs
charitables qui lui ont mis la plume à la main pour
écrire contre le charbon épuré. . . . En un mot, les
écrits des Savans dont vous parlez dans votre Lettre,
n'avoient encore produit en France que des tentatives
fuperflues jufqu'à l'arrivée du fieur Ling. C'eft
ce qui eft rappelé avec juftice dans les Lettres-Patentes
qui conftituent fon privilège. On y lit : « Que
plufieurs Perfonnes ont tenté d'épurer le charbon
» de terre ; mais qu'aucune d'elles n'ayant atteint le
degré d'épurement comme Jean - Pierre Ling , Sa
Majefté lui accorde le privilège , & c.
ג כ
לכ
Il eft donc reconnu, Monfieur, même par le
Confeil , que le fieur Ling eft le premier qui air apporté
en Frauce le véritable fecret d'épurer le charbon
de terre . Il nous a tranfmis cette découverte , &
j'ofe ajouter que je l'ai mife en vigueur.
Il vous déplaît que cette entreprife , qu'apparemment
vous jugez lucrative , ne foit pas confiée aux
Médecins. Vous êtes Orfèvre, M.Joffe ; mais voyez
où vous entraîne votre affertion ? Il falloit donc ,
depuis long-temps , confier à nos Facultés de Méde
cine la fabrique & la diftribution du charbon de
bois , reconnu fi dangereux , la préparation & la
diftribution de plufieurs comeftibles qui peuvent le
devenir. Dès - lors on ne fe feroit plus Médecin pour
fuivre l'honorable carrière des Vernage , des Laf
fone , des Bouvart , &c. &c. &c . on brigueroit le
bonnet Doctoral pour avoir le droit d'ouvrir une
Boucherie , un Cabaret.... Nos Maîtres Queulx
138 MERCURE
feroient obligés de prendre leurs grades , nos Boulangers
de foutenir thèse avant que d'apprendre à
paîtrir leur pâte & à chauffer un four....
P. S. J'oubliois , Monfieur , que votre Lettre
eft terminée par une efpèce de cartel. Vous nous
offrez le combat , combat à la plume , s'entend. La
lice vous eft ouverte.
Chacun à ce métier
Pent perdre impunément de l'encre & du papier.
Je vous préviens cependant, Monfieur, que je
ne vous répondrai qu'autant que vous aurez dit
quelque chofe. C'est trop que d'avoir à parcourir les
différentes Provinces du Royaume , d'y prodiguer
les expériences , comme je le fais par-tout avec fuc
cès , & d'avoir de plus à foutenir une difcuffion qui,
ne portant fur rien, deviendroit interminable.
Nota . Pour la conſtruction des cheminées & des
poëles , on pourra s'adreffer au ficur Simonet , Maître
Maçon , à Paris , rue S. Victor , vis - à vis la rue de
Verfailles.
GRAVURES.
ANTIQUITÉs d'Herculanum , avec leurs expli
cations en François. La cherté du grand in -folio ,
qui renferme les Antiquités d'Herculanum , a fait
réduire cet Ouvrage en in- 8 ° . La première Livraison
que vient de publier le Sieur David , contient fix
planches fort bien exécutées. Le prix eft de 3 liv,
Au premier Avril il en publiera un fecond, compofé
de 12 planches Prix , 12 liv. Les perfonnes qui
voudront avoir de bonnes épreuves , font priées de le
faire inferire chez le Sieur David , Graveur , rue des
DE FRANCE. 139
Noyers, en face de celle des Anglois. La Livraiton
fe fera fuivant l'ordre d'enregistrement,
Neptune Américo - Septentrional , contenant les
Côtes , Ifles & Bancs , les Baies , Ports & Mouillages
, & les Sondes des Mers de cette partie du
Monde , depuis le Groenland inclufivement , jufques
& compris le Golfe du Mexique , avec les Ifles de
Sous-le-Vent & du Vent , accompagné de Plans particuliers
des Ports les plus fréquentés ; ou Recueil de
Cartes Hydrographiques à l'ufage des Vaiffeaux du
Roi , rédigé d'après les Cartes Françoiles & Étrangères
les plus eftimées , rectifié d'après des Plats
manufcrits authentiques & affujéti aux Obfervations
aftronomiques , dreffé au Dépôt général des Cartes ,
Plans & Journaux de la Marine , & publié par ordre
du Roi.
Quoique ce Neptune ne foit pas encore terminé,
on a penfé que , pour répondre à l'empreffement du
Public & des Navigateurs , il convenoit de publier
la partie de cet Ouvrage qui eft déjà exécutée , &
les circonftances de la guerre actuelle rendent
intéreffante. Cette Partie contient :
que
I. Carte réduite des côtes orientales de l'Amérique
Septentrionale , contenant celles des Provinces de
New-York & de la Nouvelle - Angleterre , celles de
l'Acadie ou Nouvelle-Ecoffe , de l'Ile-Royale , de
I'Ifle Saint-Jean , avec l'intérieur du pays. Prix , 3 liv.
II Carte réduite des côtes orientales de l'Amérique
Septentrionale , contenant partie du Nouveau-
Jerfey , la Penfylvanic , le Maryland , la Virginie ,
la Caroline Septentrionale , la Caroline Méridionale
& la Georgie. Prix , 3 liv.
III. Plan de l'Ifle Saint- Jean au Nord de l'Acadie
, & dans le Sud du Golfe Saint-Laurent. Carte
de la Baie des Chaleurs , à la côte occidentale du
140 MERCURE
Golfe de Saint Laurent.
gouche. Prix , 3 liv ..
Plan du Havre de Rifti-
Plans par.
IV. Carte réduite de l'Ile -Royale .
ticuliers dépendans de l'Ile- Royale ; 1. Plan du
Port & des Ifles au Jufte - au - corps ; 2 ° . Plan de la
Baie de Morienne ; 3. Plan de la Rade & de la
Baie de Chatecan ; 4 ° . Plan de l'entrée de la rivière
au Saumon ; 5. Plan de la Baie des Efpagnols
; 6. Plan du Havre d'Afpé. Prix , 3 liv.
V. Plan de la Ville & du Port de Louisbourg ,
Prix , I liv. 16 fols .
VI. Plan de la Baie de Gabarus , fituée à la côte
Sul- Eft de l'Ifle - Royale. Plan de la Baie de Nérichac
, à la côte du Sud de l'Ile Madame ; Plan du
Port Toulouſe , à la côte du Sud de l'Ifle - Royale.
Prix , 3 liv .
VII. Plan du Fort Dauphin & de la Rade de
Sainte Anne , de l'entrée de Labrador , & de la
Baie de Niganiche. Prix , 1 liv. 16. fols.
·
VIII. Plan du Port de Chibouctou , à la côte de
l'acadie , avec les Ifles voifines .
--
-- Plan du Port de
la Rivière Saint -Jean , fituée à la côte feptentrionale
de la Baie Françoiſe de l'Acadie. Plan du Port de
la Hève , à la côte méridionale de l'Acadie , Plan
du Port Rochelois , à la côte méridionale de l'Acadie.
Prix , 3 liv .
--
IX . Plan de l'Ifthme de l'Acadie , comprenant le
beau baffin, avec une partie de la Baie-verte . - Plan
de la Baie & du Hâvre de Cafco & des Ifles adjacentes.
Prix , 3 liv.
X Plan du Baffin & de la Rivière du Port-Royal ,
ou Annopolis dans l'Acadie , fur la côte orientale
de la Baie Françoiſe. Prix , 1 liv . 16 fols ,
les
XI. Carte particulière du Havre de Boſton , avec
les fondes , les bancs de fable , les rochers ,
amaies , & les autres directions utiles à la navigasion.
Prix , 3 liv."
DE FRANCE. 141
•
XII. Plan de la Baie de Narraganfet , dans la
Nouvelle Angleterre , avec toutes les lles qu'elle
renferme , parmi lefquelles fe trouve Rhode- Iſland
& l'Ifle de Connecticut. Prix , 1 liv. 16 fols.
XIII . Carte de la Baie & Rivière de la Delawarre ,
depuis les Caps James & Mai , jufqu'à Philadelphie..
Carte de l'entrée de la rivière d'Hudfon , depuis
Sandi -Hook jufqu'à New-Yorck , avec les bancs ,
fondes , marques de navigation. Prix , 3 liv .
XIV. Carte de la Baie de Chéfapeake , & de la
partie navigable des Rivières James , Yorck , Pasowmak
, Patuxen , Patapfco , North- Eaft , Choptank
& Pokomak.. Plan de la Baie Herring , en
Maryland. Prix , 3 liv.
--
XV. Plan de la Rivière du Cap Fear depuis la
Barre jufqu'à Brunſwick . Plan de la Barre & du
Havre de Charles - Town . Prix , 3 liv.
XVI. Plan du Port-Royal , de la Rivière & du
Détroit d'Aufoskée , à la côte de la Caroline méridionale
. Prix , 3 liv.
XVII. Plan de la Barre & du Port d'Amelia , à la
côte de la Floride orientale . Plan de l'Ile d'Amelia
, à la côte de la Floride orientale . Prix , 1 l . 16 f.
XVIII . Carte d'une partie des côtes de la Floride
& de la Louifiane , contenant les embouchurès
du Miffiffipi , l'entrée de la Mobile , & les
Baies de Penfacola , de Sainte Rofe & de Saint-
Jofeph. Carte réduite des côtes & de l'intérieur
de la prefqu'ifle de la Floride , avec le Détroit de
cette prefqu'ifle & le Canal de Bahama. Prix , 3 liv.
Ces Cartes fe trouvent à Paris , chez Dezauche ,
fucceffeur & poffeffeur du Fonds Géographique
des fieurs Delife & Buache , premiers Géographes
du Roi , & chargé de l'entrepôt général des Cartes
de la Marine du Roi , rue des Neyers , près celle
des Anglois.
142 MERCURE
ANNONCES LITTÉRAIRES.
THEATRE
HEATRE François , on Recueil des meilleures
Pièces Dramatiques faites en France depuis Rotrou ,
jufqu'à nosjours : propofé par foufcription . On nous
a donné fucceffivement , eft il dit dans le Profpectus
, les Théâtres Italien , Eſpagnol , Allemand ; &
la France , dont la Scène le difpute à celle d'Athènes,,
fi même elle ne l'efface pas , n'a jamais eu l'avantage .
de voir raffembler fes Chef- d'oeuvres Dramatiques .
en un corps d'Ouvrage. Cependant , s'il exiftoit un
monument capable d'attefter notre fupériorité aux
yeux de l'Europe , ce feroit le Recueil des produc
tions immortelles de notre génie dramatique.
Ce monument va donc être élevé par une Société
de Gens-de-Lettres , qui eft bien éloignée de vouloir
tranſcrire des Pièces de Théâtre à côté d'autres
Pièces de Théâtre , & d'exécuter une entreprise de
Librairie plutôt qu'une entreprife de Littérature. Le
Profpectus annonce un plan fage , des vues louables
& des motifs d'utilité réelle . Cette Collection ne
reffemblera en rien à toutes celles qu'on a déjà pu
bliées dans le même genre. Ce fera l'hiftoire géné
rale du Théâtre François depuis fon origine jufqu'à
fa décadence , c'eft-à - dire , depuis Arnaud Daniel ,
Anfelme , Faydit jufqu'à Voltaire. On nous promet
de ne point fouiller dans les décombres des an
ciennes Pièces pour en retirer des Ouvrages informes,
& qui ennuyeroient les Lecteurs fans utilité.
Rotrou peut être regardé comme le père de l'Art
Dramatique en France , & c'eft à lui qu'on doit
s'arrêter. On prévoit fans doute que les Auteurs ne
manqueront point de prendre la feule manière qui
puiffe faire valoir leur travail , celle des parallèles,
1
T
DE FRANCE. 143
amenés avec circonfpection & fagacité. Afin de
faire fentir le beau moment où le génie s'éleva , &
l'inflant où il s'éteignit , l'ordre chronologique a
été adopté de préférence , & c'étoit en effet le plus
convenable & le plus clair à l'Hiftoire du Théâtre.
On promet de joindre celle des Auteurs , qui doit
être courte , parce que le cercle d'un Homme de
Lettres qui aima le travail eft très- circonfcrit.
Le Recueil fera divifé en trois Parties , dont chacune
aura fa chronologie. La première fera confacrée
aux Myſtères , aux Tragédies , aux grands Mélodrames.
On trouvera dans la feconde les anciennes
farces défignées fous le titre de Sotties , les Comédies
& les Mélodrames du petit genre connus fous
le nom d'Opéras- Comiques . La troifième embraffera
les anciennes Moralités , les Drames , les Paftorales
& jufqu'aux Proverbes. Les Auteurs ont l'attention
de prévenir le Public que leur but eft d'étendre la
carrière de l'Art , & non de faire des Volumes. Ce
ne font pas , difent-ils , les Ouvrages
que les Gens
de goût favent par coeur,qu'il faut particulièrement
s'occuper à raffembler
, ce font ceux qui , fans être de la première claffe , étincellent
cependant
dans les détails de grandes beautés
qui ont reculé d'un pas les bornes de l'Art Dramatique
. La Collection
en- tière fera renfermée
dans environ quarante Volumes
, qui n'auront pas moins de cinq cent pages. Le prix du Volume eft de 4 liv. 10 fols broché , franc de port. On payera en foufcrivant
6 livres, dont il
fera tenu
compre fur la dernière livraiſon
; & en recevant
les premier
& fecond Volumes
on payera 9 livres , & ainfi à chaque livraifon
double , qui fe fera régulièrement
tous les deux mois.
On fouferit à Lyon , chez Sulpice Grabir , Libraire
, rue Mercière.
Suites des Nouvelles Hiftoriques , par M. d'Ag
144 MERCURE
naud. Tome fecond . Deuxième nouvelle , la Ducheffe
de Châtillon. Vol. in- 89 . Prix , 3 liv. A Paris , chez.
Delalain , Libraire , rue S. Jacques,
2
Hiftoire Générale & Particulière de la Grèce , par
M. Coufin Defpréaux . Tomes 1 , 2 3 & 4. 21-12.
Prix , 10 liv. broché . A Paris , chez Durand neveu ,
Libraire , rue Galande ; Benoît Morin , Imprimeur
Libraire , rue S. Jacques ; & à Rouen , chez le Boucher
le jeune.
Les Métamorphofes d Ovide en vers François ,
Livre fecond , Traduction nouvelle , avec des notes ,
par M. de Saint -Ange . Vol . in- 8 ° . Prix , 1 liv . 10.f
A Paris , chez l'Auteur , maifon de M. le Sage , rue
des Foffés Saint Germain - des - Prez ; s'adreffer au
Relieur , dans la Cour , ou chez la Veuve Duchesne,
Libraire , rue S. Jacques ; & Piffot , Libraire , quai
desAujuftins.
TABLE.
RETOUR de Provence à La France Illuftre,
l'Auteur de l'Hymne au So- Le Soldat Citoyen,
leil ,
Avis aux Peintres ,
Enigme & Logogriphe ,
97 Comédie Françoife ,
163 Comédie Italienne ,
IIG
123
127
129
104 Réponse de M. Carouge des
Bornes , Hiftoire des Gouvernemens du
Nord ,
Théâtre de M. Cailhava
AI
106 Gravures ,
108 J Annonces Littéraires
APPROBATION.
132
138
J'ai lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux ; le
Mercure de France , pour le Samedi 20 Janvier . Je n'y ai
rien trouvé qui puiffe en empêcher l'impreffion. A Paris
le 19 Janvier 1781. DE SANCY,
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 27 JANVIER 1781 .
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
VERS.
Sur la Mort de MARIE- THÉRÈSE
Archiducheffe d'Autriche , Impératrice-
Douairière, Reine de Hongrie, & Electrice
de Bohême.
THÉRÈSE
HÉRÈSE n'eft donc plus ! Elle a fini ſes jours.
O Parque inflexible & cruelle !
Les malheureux ont perdu leur fecours ,
Et les Souverains leur modèle.
( Par M. Betton de Chambelle . )
Sam. 27 Janvier 1781.
》
146 MERCURE
IMPROMPTU fur la nouvelle de la
Maladie de M. GRÉTRY.
ARRIVÉ près des fombres bords ,
Déjà GRÉTRY touchoit à la barque fatale ;
Quand foudain la troupe infernale
Accourt au bruit de fes accords.
Mais Caron s'écria , dans ſa fureur brutale :
93
Que viens-tu faire chez les morts?
» Rival d'Orphée , il devroit te fuffire
» De foumettre la terre à tes enchantemens :
» Retire-toi. S'ils écoutoient ta lyre ,
Ces malheureux oublîroient leurs tourmens. »
(Par M. Reynier , de la Société d'Émulation
de Liégé. )
A M. PRÉVILLE , pendant fon Séjour
à M **.
LE grand Homme à qui la Nature
Apprit tous les fecrets de l'Art ,
Toujours vrai dans fon impoſture,
Plein de génie & fans écart ,
Dans cette Grèce énorgueillie
De fes talens & de fes lois ,
Nommé Grand-Prêtre de Thalie ,
Ainfi que tous ceux d'autrefois ,
DE FRANCE. 147
Eût de fa Déeffe jolie
Partagé l'encens & les droits ,
Et fait expliquer par la voix
L'oracle de la Comédie.
PINDARE l'eût au haut des cieux
Forté fur les aîles d'une Ode ;
Phidias , le Sculpteur des Dieux ,
Eût mit le Bramine en Pagode ;
Mais fans tout ce culte payen ,
Dans ces temps de Philofophie ,
On peut être un homme divin.
De la Scène immortel foutien ,
Oui , la raiſon vous déïfie.
Du nom de Molière rempli ,
S'ouvre le Temple de Mémoire ;
Voyez- le votre recueilli
Tout auprès du fien par la Gloire ,
Ainfi qu'on place dans l'Hiſtoire
Henri-Quatre auprès de Sulli.
Du mafque changeant de la Fable ,
De Protée imitant les jeux ,
Le vôtre , moins capricieux ,
Offre un miroir plus agréable ;
Et lorsqu'il tombe , fous nos yeux
Il refte toujours l'homme aimable.
le verre à la main ,
C'eſt lui que ,
Nous
attendons
avec mystère
.
Venez
vous amufer
& plaire ;
Gij
14
MERCURE
A vos lauriers , venez enfin
Ajouter quelques brins de lierre.
Duffiez-vous faifir nos travers :
Affez bien dignes d'épigrammes
,
Vous aurez connu nos defferts ,
Nos beaux efprits , nos belles femmes ,
Nos grands vins & nos petits vers.L
(Par M. de Choi * .) .
TROP JUSTE MENACE
,
A Mademoiselle
B *****
POURQUOI
peindre toujours l'Amour comme un
enfant?
Je pense que la Fable en cela déraifonne,
Eaque
ce Dieu feroit au moins auffi charmant
Dans un été , même dans ſon automne ,
Qu'en un printemps capricieux ,
Qui bien qu'offrant en apparence
Tout ce qui peut féduire & le coeur & les yeux,
Eft fi fujet à l'inconftance,
SUR les bourafques de l'Amour , IAT
Ainfi s'entretenoit Thémire ,
Tremblanté de ſe voir un jour
Affujétie à fonempire.
Elle atteignoit l'âge où le coeur reffent
in
Ces mouveniens fecrets qu'a produits la Nature,
DE 149 FRANCE.
Et qui dans l'ame la plus pure
Font naître les defirs d'un tendre engagement ;
Mais les réflexions , aliment de fa crainte,
" Détruifoient ce defir naiſſant ;
Et fon coeur, qui d'ailleurs n'aimoit pas la contrainte ,
Se promit bien de vivre indifférent.
Cependant les amans s'empreffoient à lui plaire ;
Un fourire eût été
7
pour eux une faveur ;
Mais rien ne touchoit la Bergère ,
Soupirs , fermens , propos flatteur ,
Les foins les plus fuivis , la cour la plus fidelle ,
Rien enfin ne pouvoit adoucir fa rigueur ;
Toujours l'indifférence étoit en fentinelle ,
Et gardoit avec foin la porte de fon coeur.
Ennuyé, comme l'on peut croire ,
L'Amour n'oublia point cet acte de mépris ; et live
Ce Dicu fut de tout temps trop jaloux de fa gloire
Pour ne pas la venger , if n'importe à quel prix.
Thémire vit fa cour changée en folitude ;
Au plaifir fuccéda l'ennui .
Ainfi de fe venger ce Dieu fait ſon étude :
Il ne veut pas qu'on le paffe de lui.
TEL fut le fort de la Bergère sed col me
Qui fans fruit perdit fes beaux jours ,
Pour avoir , dans l'âge de plaire ,
Dédaigné conſtamment l'offrande des Amours.
L'hiftoire de cette vengeance
Donne au Lecteur un falutaire avise
Gij
150 MERCURE
Que filles , pour trouver maris ,
Doivent chaffer l'indifférence.
LETTRE à M. GARAT.
PIRMETTEZ , Monfieur , qu'un Compatriote
de M. Mirabaud prenne fa défenſe
à l'occafion de l'Extrait de la nouvelle traduction
de l'Ariofte , inférée dans le Mercure
de France , No. 49 , & qui porte
votre nom. Perfonne n'honore plus que
moi les talens & la perfonne de M. le
Comte de Treffan ; mais fon nom , fon
rang , fes qualités ne doivent point en impoler
aux Gens de Lettres lorfqu'il eft queftion
d'apprécier fes Ouvrages. Vous devez
compte au Public des jugemens que vous
portez ; & parmi les Auteurs du Mercure ,
vous êtes un de ceux qui rendent cet Ouvrage
intéreffant par l'élégance & la force
de votre ftyle , & par la critique judicieuſe
que vous favez y répandre. Dans cette occafion
vous dégradez furieufement M. Mirabaud
pour relever la gloire du nouveau
Traducteur. Il s'en faut bien que je fois de
votre avis ; & pour ne pas me jeter dans
une difcuffion ennuyeufe , je vais tâcher de
juftifier mon opinion par les deux feuls
morceaux de comparaifon que vous citez
vous-même :
LE Donne , i Cavalier , l'arme , gli amori ,
Le cortefie . l'audaci imprefe , io Canto ,
DE FRANCE. TSL
Che furo al tempo , che paffaro i mori
D'Africa il mare , e in Francia nocquer tanto ,
Seguendo l'ire , e i giovenil furori
D'Agramente l'or rè , che fi die vanto
Di vendicar la morte di Trojano
Sopra rè Carlo Imperator Romano.
DIRò d'Orlando in un medeſmo tratto
Cofa non detta in profa mai , ne in rima ,
31 Che per amor venne in furore , e matto ,
D'uom , che fi faggio era ftimato prima ;
Si da colei , che tal quafi m'ha fatto ,
Che'l poco ingegno ad or ad or mi lima ;
Me ne farà però tanto conceffo ,
Che mi bafti a finir quanto ho promeflo,
M. Mirabaud traduit :
"Je chante les Dames & les Chevaliers ,
les Amours & les Combats , la galanterie
& la valeur de ces Guerriers qui
" vivoient au temps où les Sarrazins paf-
» sèrent d'Afrique en Europe , & firent
» tant de maux à la France. Agramant , leur
» Roi , s'étoit vanté hautement qu'il venge-
» roit fur l'Empereur Charlemagne la mort
» de Trojan fon père. Ce Prince , pouffé
" par fon reffentiment , & plein d'une ardeur
qu'infpire la bouillante jeuneffe , fut
" celui qui engagea les Infidèles dans cette
" guerre . Je raconterai auffi de Roland des
chofes qui n'ont point encore été dites "
.
Giv
MERCURE
Li
7
sni en vers ni en profe. Je ferai voir de
» quelle manière l'Amour rendit infenfé &
furieux ce Paladin , qui avoit été juf-
» qu'alors fr fage , pourvu néanmoins que
19 celle qui m'a mis au même état que lui ,
& quife plaît à affoiblir chaque jour en
» moi le peu de raifon qui me refte , veuille
» bien m'en laiffer allez pour finir mon
entreprife. namusing agons d'e
و د
و ر
Ce peu de mots , dites-vous , fuffiroit
peut-être pour faire voir que Mirabaud
ne fentoit pas du tout le génie de l'Ariofte
» qu'il a voulu traduire . Ce n'eft pas avec
» cette profe lâche , traînante & fans cou-
ود
leur qu'il faut chanter les Dames , les
2 , Chevaliers , les Amours & les Combats ».
Mais M. Mirabaud ne chante pas les Dames,
les Chevaliers , les Amours & les Combats;
traduit le texte tel qu'il eft avec une
'élégance convenable. Ce n'eft pas fa faute
ffon Auteur débute avec cette fimplicité.
* Devoit- il lui attribuer le défaut d'enflure
dans lequel l'Ariofte s'eft bien gardé de
tomber? La profe n'eft ici ni fade ni traimante
; elle eft fans prétention comme le
début du Poème. Mais voyons la traduction
de M. le Comte de Trellan . 21509
gha Sexe enchanteur ! fiers Paladins !
Amours ! Combats ! Galanterie c'eft
vous que je chante ; que mes vers bapprennent
auffi quelle fut l'entrepriſe audacieufe
d'Agramant , lorfqu'emporté par
» la fureur d'une jeuneſſe bouillante, il for,
13
DE FRANCE. 153
tit de l'Afrique avec une armée innombrable
de Maures , & traverfa le Détroit pour
» venger fur Charles , Empereur des Ro-
3. mains , la mort de fon père Trojan. Je
dois dire en même temps du célèbre
» Roland ce que ni la poéfie ni la profe ne
nous avoient point encore appris , &
» comment un Héros auffi fage fut emporté
" par un amour malheureux jufqu'à la folie
* la plus furieufe ; mais , hélas! ferai - je en
état de tenir tout ce que je promets , &
of celle qui fe fait un jeu de, troubler ma
raifon , m'en laiffera - t- elle affez pour con-
» tinuer mes Chants ? »
2
Que fignifie , Monfieur , tout ce fracas ?
M. de Treffan , dites-vous , ajoute plus de
mouvement & de vivacité au début de
l'Ariofte ; mais pourquoi l'ajouter 2 pourquoi
toutes ces épithètes accumulées que
l'Ariofte ne s'eft jamais permifes , & qu'il
auroit encore moins employées au commencement
de fon Poëme ? Vous admirez
fexe enchanteur au lieu des Dames, Le Donne;
mais ce fexe enchanteur me paroît une
faute, Vous qui avez lu le Poëme , vous
favez bien que toutes les Héroïnes que le
Poëte a introduites, ne font pas du fexe enachanteur
; car il y en a de vilaines & de
Boméchantes d'ailleurs , étoit - il néceffaire
d'ajouter au texte : Que mes vers apprennent
auffic .. emporté par la fureur d'une
jeuneſſe bouillante traverfa le Détroit
un Héros auffi yage fut emporté
Gv
154
MERCURE
par un amour malheureux jufqu'à la folie la
plus furieufe. Voilà deux emporté bien près
T'un de l'autre. Croyez-vous qu'il foit bien
exact d'écrire qu'un homme eft emporté
par un amour jufqu'à la folie ? Vous applaudiffez
encore à cette tournure : mais , hélas !
ferai-je en état , &c. Il me femble que l'expreffion
du Poëte a bien plus de fentiment
: Si cependant celle qui m'a mis dans
le même état que lui , & c. me permet de
tenir ma promeffe , & non de continuer
mes Chants ; car pour les continuer il faudroit
en avoir déjà achevé un au moins.
Je trouve comme vous , Monfieur , ce
début plein de chaleur & de fentiment ;
mais je dis que c'eft une imitation , heu
reufe fi vous voulez , & non une traduction
de l'Ariófte ; & en convenant qu'il y a quel
que chofe à defirer dans le morceau précédent
de M. Mirabaud , je lui donne la préférence
fur ce nouveau Traducteur.
LA Verginella è fimile alla rofa ;
Ch'in bel giardin fu la nativa ſpina ,
Mentre fola , e ficura fi ripofa ,
Ne gregge , ne paſtor ſe le avvicina ;
L'aura foave , e l'alba rugiadofa ,
L'acqua , la terra al fuo favor s'inchina ,
Giovani vaghi , e Donne innamorate ,
Amano averne e feni , e tempie ornate.
MA non fi tofto dal materno ftelo
Rimoffa vienne , e dal fuo ceppo verde ,
DE FRANCE
. 155
"
ور
33
"
Che quanto avea dagli nomini , e dal cielo ,
Favor , grazia , e bellezza , tutto perde.
La Vergine che'l flor , di che più zelo ,
Che de begli occhi , e della vita aver de' ,
Lafcia altrui corre , il preggio , ch'avea innanti
Perde nel cor di tulti gli altri amanti .
SIA vile agli altri , e da quel ſolo amata ,
A cui di fe fece fi larga copia.
M. de Mirabaud,
"Une jeune fille reffemble à la rofe nouvelle.
Tandis que cette aimable fleur ,
folitaire & tranquille dans un jardin , eft
» encore attachée à l'épine qui l'a vue nai-
» tre , & que les troupeaux & les Bergers
» n'en ont point approché ; la terre , l'eau ,
» le zéphir, la rofee , tout confpire à l'em-
» bellir. Les jeunes hommes & leurs Maitreffes
la defirent pour en orner ou leur
» tête ou leur fein; mais dès qu'on l'a cueil-
» lie , dès qu'elle eft féparée de la tige qui
» la portoit, le Ciel ceffe de la favorifer
» les hommes n'en font plus de cas : faveurs,
defirs , agrément , tout eft perdu pour » elle . Il en eft de même d'une fille dès
qu'elle a laiffé cueillir à un de fes Amans
» cette fleur qui lui doit être plus chère
» que fes yeux & que fa vie , elle part
auffi - tôt la tendreffe de tous les autres.
Qu'importe, après tout , que les autres
"3.
ود
و ر
>
G vj
156 MERCURE
Amans la dédaignent , pourvu qu'elle foit
» tendrement aimée de celui à qui elle fe
livre fans réſerve. »
ور
"
"
"3
M. le Comte de Treffan traduit :
« La
La jeune vierge eft femblable à la naiffante
rofe qui brilHlee &&atfee repofe fur la
branche épineufe dont elle eft nourrie ;
» tant que le troupeau ni fon Berger n'en
approchent pas , le zéphir , les pleurs de
Paurore , l'eau qui baigne le pied du rofier
, la terre même qui le porte , tout
,, contribue à lui conferver fon état & fa
» fraîcheur. La jeuneffe de l'un & l'autre
» fexe l'admire & la defire ; l'une veur en
parer fon fein , l'autre veut la placer dans.
fa coeffure , mais bientôt elle perd tous
» ces avantages lorfqu'on l'enlève de la
» branche verte & pliante dont les petits
dards n'ont pu la defendre. La jeune fille ,
femblable à cette fleur , doit donc bien fe
garder de fe laiffer enlever la rofe qu'elle
" a reçue de la Nature. Un feul Amant
qu'elle a eu la foibleffe de rendre heureux,
» lui fait perdre le coeur de tous les autres.
د ر
ود
و ر
Heureufe encore de refter aimée par celui
» qui lui ravit tous les trésors de fon fein...
Comparons à préfent les deux traductions..
1º. Une jeune fille eft beaucoup mieux
que la jeune vierge ; ce dernier mos n'eft
prefque plus employé que dans les Sermons
& les Livres de morale chrétienne ; il eft
prefque ridicule dans les converfations ordimaires,
& fur- tout dans le genre de poélie
275
DE FRANCE.
dont il s'agit. Les Italiens difent très - élégamment
verginella ; mais aucun Auteur
eftimé ne le traduira par jeune vierge.
2º. J'aime mieux rofe nouvelle que naiffante
rofe qui brille &fe repofe fur la branche épineufe
dont elle eft nourrie. L'Ariofte n'a pas
dit, & auroit mal fait de dire , que la rofe
eft nourrie de la branche épineufe. Le
texte de M. Mirabaud eft plus exact , plus
élégant & plus conforme au texte , qui ne
parle pas non plus de l'eau qui baigne le
• rofter , ni de la terte qui porte ce
rofier. Je pas me tromper , Monheur
, mais cette phrafe , la terre , l'eau , le
zephir , la rofée , tout confpire à l'embellir,
à bien plus de precifion & de mouvement
que le zéphir , les pleurs de l'aurore , l'eau
qui baigne le pied du tofier , la terre même
qui le porte , tout confpire à but conferver fon
pied
dune
crois
éclat & fa fraicheur. Comme ente
long !
c'eft une periphrafe , & non une traduction .
J'en dirai autant de ces mots , lorsqu'on l'enlève
de la branche verte & pliante dont les
petits dards n'ont pu la défendre. Tout cela
n'eft point dans l'original. Dès qu'on la
cueille , dit beaucoup mieux M. Mirabaud ,
dès qu'elle eft feparée de la tige qui la
foutenoit Pourquoi mettre en fentence
la fuité de cette comparaifon , la
jeunefille doit donc bien fe garder de fe taiffer
enlever &c. . Heureufe encore de refter
aimée par celui qui lui ravit tous les trefors
de fon fein ... outre qu'on ne dit pas .
A
#
158
و ر
و ر
MERCURE
refter aimé par quelqu'un , & que l'Ariofte
ne parle pas des trefors de fon fein. Cette
phrafe exprime foiblement le fentiment que
le Poëte a voulu peindre. « Qu'elle foit méprifée
de les autres Amans , pourvu qu'elle
foit tendrement
aimée de celui à qui elle
» a fu plaire ou plutôt, comme traduit
M. Mirabaud , qu'importe , après tout , que
fes autres Amans la dédaignent , pourvu qu'elle foit tendrement aimée de celui à qui
elle fe livre fans réferve.
وو
En voilà affez , Monfieur , pour prouver
que vous n'avez pas affez rendu de juſtice à
M. Mirabaud , qui ne peut vous répondre.
Je ne prétends pas faire la critique de M. le
Comte de Treffan ; ce feroit fort mal payer
le plaifir que j'ai toujours eu à lire fes Ouvrages.
Sa traduction eft ce qu'il a voulu
qu'elle fût , une traduction libre ou une
imitation agréable, pleine de vie & de chaleur
, du fublime Poëte Italien .
J'ai l'honneur d'être , &c.
है.
Explication de l'Enigme & du Logogryphe
du Mercure précédent.
LE mot de l'Enigme eft Lettre miſſive ;
celui du Logogrypheeft Brochet , où le
trouvent rochet & broche.
A
deling as carved mo , man sa nol A
DE FRANCE. i59
ÉNIGM E.
UOIQUI fouvent très -impofteurs ,
Nous fommes les grands précepteurs
Par qui la vérité ſe manifeſte aux honimes.
Nous fumes en naiffant de bien grands féducteurs
Et par- là devînmes auteurs
Du mal que produifit la plus belle des pommes.
19 Que tout mortel aime à fuivre nos loix !
Nous fommes en effet de fi charmans Apôtres bap
Mais qui fe livre à nous fans prudence & fans choix ,
Qui n'écoute que notre voix ,
Nous faitfouvent mourir les uns après les autres ,
Souvent même tous à la fois.
( Par M. de Laroque , Capitaine en Second
au Régiment de Baffigni. )
LOGOGRYPHE.
SANS être fphère , ou le globe du monde ,
Je fais comme eux de forme ronde.
On me fait parcourir , par jeu , par paffe - temps ,
Un chemin verd , dans tous les fens.
On uſe contre moi d'une rigueur extrême ,
Et cependant au fond l'on m'aime ;
Malgré cela l'on me mène au bâton
Et l'on me met fort fouvent en prifon,
>
T
160
MERCURE
Lecteur, fi tu me décompenfes , q
Tu ne trouveras pas un grand nombre de chofes
De quoi te nourrir cependant ;
Ce qui t'incommode fouvent ;
1
Ce qui fait loi dans l'Angleterre ;
Enfin , le nom qu'on donne à cette terre.
NOUVELLES
LITTÉRAIRES
.
992697. asb außsbaЯ indh
ÉTRENNES
DU PARNASSE , ou Choix de
Poéfies , par M. le Prévolt d'Exmes. A
Paris , chez Couturier fils , Libraire ,
Quai des Auguſtins , au Coq.b
OTTE Collection , qui fe
dil
avec
1.6
exactitude depuis douze ans , à la fin du
mois de Décembre , peut être regardée
comme un fupplément
à l'Almanach des
Mufes. Elle fut d'abord deftinée à recueillir
les Pièces Fugitives qui ne pouvoient trouver
place dans ce dernier , & les premiers
volumes n'ont en effet rien de commun avec
lui. Mais après la mort du premier Rédacteur
, étant paffee fucceflivement
en plufieurs
mains , elle ceffa d'être rédigée dans
cette vue , & les deux Recueils ont fréquemment
admis les mêmes morceaux à la même
époque. Il étoit en effet très difficile que
cela ne fût pas ainfi fur tour depuis que les
Journaux en fe multipliant , ont fourni >
DE FRANCE. 161
-
plus d'occafions de rendre publiques les
jolies bagatelles qui échappent de temps en
temps à nos Poëtes agréables. Malgré cette
reffource , les Étrennes du Parnaffe font
reftées très inférieures à l'Almanach des
Mules , qui , par les foins du Rédacteur ,
préfente toujours un grandsunombre de
Pièces choifies le plus fouvent avec goût,
& qui y joignent encore un mérite plus
piquant , pour ainfi dire , celui de la nouveauté.
M. le Prévoft d'Exmes , aujourd'hui
Rédacteur des Etrennes , fe propofe
de choifir dans tous les Journaux connus
les Opufcules qui y auront été imprimés
, de tirer , des analyfes que font
les Journaliſtes , les meilleurs morceaux
des Ouvrages de Poéfie dont ils rendent
compte & d'en compofer en partie fa
Collection . Ce projet a deux inconvéniens :
le premier , de ne mettre fous les yeux du
Public que des objets déjà connus ou médiocres.
Le fecond regarde les fragmens
tirés des extraits des Journaliſtes. Il eft bien
rare que leur intelligence ne tienne pas à
quelques vers de liaifon qui les fuivent ou
les précèdent , & dont le Critique donne
lidée dans fon analyfe. Quel agrément
pourroir t'on trouver dans la lecture
de lambeaux découfus , ne préfentant
que des pensées vagues , ou qui auroient befoin
d'être éclairées par une longue notice ?
Aucun , fans doute de la fatigue & de
l'ennui , voilà ce qu'on éprouvera. Un moyen
162 MERCURE
7
plus heureux , eft celui de joindre aux tra
ductions des Poéfies Italiennes , qui font,
depuis quelques années , une grande partie
de ce Recueil , les imitations ou traductions
qu'on pourra fe procurer des Poëtes de
toutes les Nations , de les diftribuer de manière
que le génie de chacun d'eux forme
un contrafte piquant , & capable de fixer
la curiofité ; mais nous engageons M. le
Prévoft d'Exmes à ne pas faire , comme dans
le Recueil de cette année , ufage des traductionsfoibles
, fous le prétexte de donner à connoître
les Pièces originales qui méritent d'être
diftinguées ; car ceux qui fe font inftruits
des langues étrangères formant le plus petit
nombre de Lecteurs , ne peuvent faire pencher
la balance en leur faveur , & les autres
ne peuvent tirer de ces imitations qu'une
idée imparfaite ; & fouvent fauffe , des Poëtes
dont la langue leur eft inconnue. Nous ef
pérons que nos remarques pourront être
utiles à M. le Prévoft d'Exmes, pour la fuite de
fon choix de Poéfies . Nous favons que celui de
cette année a été fait à la hâte ; & que le Rédacteur,
preffe par le peu de temps qui lui reftoit,
n'a puy donner tout le foin dont il eft capable
; qu'il fe propofe d'employer doréna
vant beaucoup plus de févérité ; en un mot ,
de rendre les Étrennes du Parnaffe dignes
des regards des gens de goût. Il paroît chaque
année une fi grande quantité de poéfies fugitives
, qu'il n'eft pas impoffible qu'on en
forme tous les ans deux Recueils agréables.
3
DE FRANCE. 163
L'intelligence de M. le Prévoft d'Exmes lui
indiquera fans doute les moyens d'enrichir
fes Etrennes de morceaux recommandables
par les idées & par le ftyle , & de les rendre
dignes de leur titre .
Les perfonnes qui defireront y faire inférer
leurs Opufcules , font priées de lès
adreffer , francs de port , avant le premier
Novembre , à M. Fétil , Libraire , rue Mazarine
, au Parnaffe Italien , ou à l'Editeur ,
rue des Poulies , hôtel Impérial.
›
Parmi les Pièces qui compofent le Recueil
de cette année , on diftingue de jolis vers à
Mde de la M. , qui , à vingt- trois ans , fe
plaignoit de vieillir , par M. de Choify ; une
Epitre à l'Ombre d'un Ami , par Mde la
Comteffe de D.; de jolis Couplets de M.
Moreau , ayant pour titre , l'Heureux Minif
tres une vieille Epigramme rajuftée à la moderne;
la Chanfon de Roland , imitée de
l'Italien , par M. le M. de P.; le Temple de
la Mort , imité de l'Anglois , par M. le
Comte d'Hartig ; & le Mort parlant, Conte ,
tiré des facéties du Pogge , par M. Harduin.
-A la fin du Volume des Etrennes du Parnaffe
qui parut au mois de Décembre 1779 ,
on trouve des Notices fur quelques Poëtes
Italiens . Ces Notices étoient trop courtes
pour être intéreffantes ; d'ailleurs , elles ne
donnoient qu'une connoiffance sèche de
quelques Auteurs , fans parler de l'hiſtoire
& des progrès de la Poéfie Italienne . L'Editeur
en a refondu une partie dans des Effais
164
MERCURE
hiftoriques , qui commencent
le Recueil
dont nous venons de rendre compte , & le
propofe de les refondre toutes fucceffivement
dans la fuite de ces Effais , qui paroîtront
tour-à-tour d'année en année. Les
treize Poëtes dont il eft queſtion aujourd'hui,
n'offrent point de détails piquans ; au moment
où il ont écrit , la langue Italienne
n'étoit pas encore formée , par conféquent
la poélie étoit dans fon enfance . On ne
peut donc qu'inviter M. le Prévoft d'Exies
à paffer rápidement
fur les objets qui ne
font pas fufceptibles de donner de l'intérêt à
fon entreprife , & à nous rapprocher , le
plus tôt qu'il lui fera poflible , du temps
le goût fe repofe avec plaifir fur les richeffes
du Parnaffe Italien . Qu'il n'oublie pas furtout
que dans un Ouvrage de la nature du
fien , il eft tout aufli effentiel de plaire &
d'amufer que d'inftruire . ipf
1
Cet Article eft de M. de Charnois. )
où
arky anom sup
boboloh 20s 197
*Chupitud l
M.st. curare.boar
dunt of co
alingesw0, and vast dinti
DE FRANCE. 165
20.
LETTRES de M. William Coxe , à M. W.
Melmoth , fur l'état Politique , Civil &
Naturelde la Suiffe , traduires de l'Anglois ,
& augmentées des Obfervations faites dans
le même pays , par le Traducteur , avec
cette épigraphe : Là , habite un peuple
fimple , bienfaifant , brave , ennemi du
fafte , ami du travail , ne cherchant point
d'efclaves & ne voulant point de maîtres.
De Méhégan , Tableau de l'Hift. Moderne.
1 Vol. in- 8 ° . de 26 pages. Prix , 3 liv.
A Paris chez Belin , Libraire rue
S. Jacques.
>
LA relation que M. Coxe a publiée de fon
Voyage en Suiffe , dit M. Kamond , Traducteur
de cet Ouvrage , a eu du fuccès en
Angleterre , & me paroît faite pour être
bien reçue en France je me fuis cruen
droit de la traduire , parce que j'ai moimême
parcouru le pays qu'il décrit .....
J'ai voyagé à pied avec un feul compagnon
né dans la région que nous parcourions....
& nous avons vécu en égaux avec les Bergers
que nous vifitions..... Avec ces titres , continue
M. Ramond , il
me
le
permis d'ajouter
aux defcriptions du Voyageur Anglois .
La phyfique & la morale font l'objet des
recherches de M. R. & de M, C.; les fources
du Danube , de la Reuff , de l'Aar &
du Rhône , les cataractes du Rhin , les lacs ,
les vallées & les glaciers , font très - bien
décrits dans leur Ouvrage. La vie privée des
- 166 MERCURE
1
Suiffes n'eft pas un des objets les moins intéreffant
, on y trouve un tarif du prix
des comeſtibles dans plufieurs cantons de la
Suiffe.
On eft faifi d'attendriffement & d'admirationen
lifant la defcription que fait M.
R. des Affemblées générales du Canton de
Glarus , qui jouit du pouvoir légiflatif. Une
vafte prairie eft le théâtre ordinaire de fes
Affemblées ; un quadruple rang de bancs y
forme un cercle de plus de trois cent pieds
de diamètre les Magiftrats occupent le
cercle intérieur ; le Peuple , compofe d'environ
quatre mille hommes , tous armés ,
occupe les autres bancs , & l'on donne aux
Curés du Canton des fiéges à côté des Magiftrats.
Le Préſident debout , appuyé fur un
long & lourd cimeterre , qui fervit jadis à
repouffer les Autrichiens , eft placé près du
centre du cercle , avec le Greffier & deux
Sergens à la livrée du Canton.
30
""
66
Que l'on imagine , dit M. R. , qui a
affifté à l'un de ces Comices , quelque
chofe de plus impofant que ce fpectacle ,
» & de plus refpectable qu'une Affemblée
» d'hommes libres réunis pour difcuter leurs
» intérêts communs , affis fur la terre qui
les a vu naître , qui les nourrit , & qu'ils
ont défendue contre le joug de domination
qui pèfe fur le monde , ayant devant eux
» leurs enfans qui s'enflamment déjà au
» nom de la liberté , & qui apprennent
d'eux à la tranſmettre intacte à leur pof-
و د
30
DE FRANCE
167
33
و ر
térité. Quel édifice auroit la majefté de
» cette vallée , protégée par les boulevards
» naturels du pays , parfemée de cabanes &
» couverte de troupeaux ? Tout me fembloit
» ici digne des prémiers âges des peuples .
» Tels étoient les anciens Romains & les
Républicains de la Grèce. Tels étoient ces
» vertueux Gaulois & ces braves Germains ,
» nos refpectables pères.... trule
""
ور
"
» Le Préfident propofa la ratification que
l'Ambafladeur de France attendoit à Soleure.
Un objet d'auffi grande importance
» devoit être décidé à la pluralité des voix. >>
" Toute l'Affemblée s'écria unanimement
qu'il étoit inutile de lescompter , & que s'il
» exiſtoit un Citoyen qui ne fût pas l'ami des
François, il ne falloit pas qu'il fût connu. »
Dans la même Affemblée , deux payfans ,
plus que fexagénaires , vinrent demandera
au peuple des difpenfes pour époufer des
parentes orphelines & pauvres ; plufieurs
voix s'élevoient en leur faveur
quand un Curé prit la parole pour repréfenter
les droits du Clergé ; il fit un
difcours plein d'érudition , pour prouver
qu'il n'appartenoit point à un Corps politique
de s'immifcer dans les affaires religieufes
il demandoit au peuple le renvoi de
cette affaire au Confiftoire Eccléfiaftique.
Une oppofition s'éleva : elle partoit d'un
fimple Berger. Il diftingua dans les degrés :
prohibés ceux qui le font de droit divin , &
ceux qui le font de droit humain ; quant aux
ུ་
26
168 MERCURE
premiers , dit- il , l'Eglife n'a pas plus de
pouvoir que les Laïcs pour en lever l'obl
tacle ; mais les feconds peuvent l'être par le
Souverain. Le Berger , par cette diftinction ,
conclut contre le Curé , que l'Affemblée
pouvoit prononcer fur cette efpèce de difpute
: vraisemblablement il n'avoit étudié
ni fcholaftique ni dialectique.
M. Coxe & fon Traducteur , peuvent être
mis au rang des meilleurs Peintres des
Alpes.
ALMANACH des Mufes , 1781. A Paris ,
chez Delalain l'aîné , Libraire , rue Saint
Jacques , vis-à-vis la rue du Plâtre.
IL paroît d'abord furprenant que l'Almanach
des Mufes foit fi foible cette année ,
puifque jamais la lifte des Auteurs qui ont ,
pour ainfi dire , fourni leur redevance annuelle
, n'a été fi nombreufe. Mais la furpriſe
ceffe lorfqu'on fait attention que parmi tant
d'Auteurs on ne trouve ni M. de Saint-
Lambert , ni M. de la Harpe , ni M. l'Abbé
de Lille , ni M. Barthe , ni M. de Chamfort
, ni M. Paliffot , ni M. Marmontel , ni
M. Ducis , ni M. le Ch. de Boufflers , ni
M. le Ch. Bertin * , ni M. le Ch. de Cubières
, &c. &c.
>
* Auteur d'un joli Recueil de Pièces Érotiques ,
intitulé : Les Amours , Elégies , en 3 Livres . Recueil
qui doit fervir de pendant aux Opufcules de M. le
Ch. de Parni. C'eft affez en faire l'éloge,
ROA
DE FRANCE. 169
On conçoit facilement que la Collection
doit être d'autant plus foible qu'elle eft plus
volumineufe. Trop de complaifance pour
les Auteurs , qui en effet font très - honorés
d'être inférés dans l'Almanach des Mufes
trop de prévention , ou du moins trop peu
d'empreffement à l'égard de ceux qui ne
pourroient que Phonorer : voilà les deux
reproches que l'on peut faire à l'Éditeur ,
& ce qui rend fi médiocre fon choix de
Poélies . Avant de mettre fous les yeux de nos
Lecteurs ce que ce Recueil offre de plus piquant
& de plus agréable . Nous parlerons de
la Pièce , fans contredit , la plus mauvaife ,
parce qu'elle eft attribuée à Voltaire. Ce
font desvers foi-difant adreffés à M. Rivarol,
en Janvier 1777. Les voici.
EN vain ma Mufe furannées
Youdroit
, ainfi que vous , rimer des vers ailés.
Je fens que ma force eft bornée ,
Ma chaleur eſt éteinte & mes fens font ufés.
Mais vous brillez à votre aurores
Vous êtes l'ami des Neuf Soeurs
Et je vois vos talens éclore
Avec lesplus belles couleurs.
luftres brifent mon être ,
Je refpire avec peine l'air;
Mais vous commencez à paroître ;
Et .l'on voit le printemps renaître
Des triftes débris de l'hiver.
Sam. 27 Janvier 1781 , H
170 MERCURE
Il eft vifible que Voltaire n'a jamais pu
faire de pareils vers , ni défigurer , d'une manière
auffi maladroite & aufli grotesque , fa
réponse à M. François , alors âgé de 19 ans.
Voltaire n'eût jamais dit , ni en profe ni en
vers, feize luftres brifent mon être , fans parler
du refte .
Une petite Pièce bien digne de lui , c'eſt
celle de M. le Duc de Nivernois , fur Ermenonville.
DE 200 JE ne traiterai plus de fables
Ce qu'on nous dit de ces beaux lieux ,
Où les mortels , devenus prefque Dieux
Goûtent fans fin des douceurs ineffables.
De l'Elysée , où tout eft volupté,
Je regardois le favorable afyle
Comme un beau rêve à plaifir inventé.
Mais je l'ai vu , ce féjour enchanté ;
Oui ,je l'ai vu je viens d'Ermenonville.
Voilà des vers d'un très bon goût ; ce
n'eft point- là du bel-efprit faux & recherché!
Voici une autre Pièce d'un autre ton :
la
naïveté en fait tout le fel . Elle a pour titre ,
la Bonne Journée.
UN pauvre Clerce du Parlement,
Arraché du lit brufquement
Comme il dormoit profondément ,
Gague l'étude triftement.
hose ?
DE FRANCE. 171
Y griffonne un appointement,
Def .Qu'il ofe interrompre un moment
Pour déjeuner fommairement;
En revanche écrit longuement ,
Dine à trois heures fobrement,
Sort au deffert difcrètement ,
Reprend la plume promptement
Jufqu'à dix heures feulement ;
Lors va fouper légèrement ,
Grimpe & fe couche froidement,
Dans un lit fait négligemment ,
Dort , & n'eft heureux qu'en dormant.
Ah ! pauvre Clerc du Parlement !
On fe rappelle peut- être d'avoir lu , dans
une des Feuilles du jour , fous le nom de
M. l'Abbé Delaunai , une Pièce intitulée :
Train de Vie d'un Poëte fur fon déclin . L'Auteur
de cet article reconnut le ftyle de feu
M. Dorat à la fimple lecture ; les Journaliftes
de Paris n'y virent que le bon Abbé.
Quoi qu'il en foit , elle a donné occafion aux
jolis vers que l'on va lire.
QUO ! vous faites de jolis vers ,
Et vous ofez impunément vous plaindre ?
Quand on tient d'Apollon tous les trésors ouverts ,
Un créancier n'eft point à craindre ;
Des vers coulans , des vers bien faits ,
Valent bien , croyez -moi , la plus fonnante eſpèce.
Puifez , puifez aux fources du Permeffe ,
Hij
472 MERCURE...
Vous acquitterez vos billets.
Loin du maître des Dieux , chaffé de fon empire ,
Sur ce globe qu'il égaya ,
Phébus fes créanciers paya
Par les fons enchanteurs qu'il tiroit de fa lyre.
Vous , cher Abbé , qui fur d'aimables tons
Montez fon luth & vous faites connoître ,
Imitez l'exemple du maître;
Payez auffi par des chanfons.
Parmi les Pièces à diftinguer dans l'Almanach
des Muſes , on remarque beaucoup
d'Épigrammes. Voici la meilleure.
CE Monfieur Bos , il -fue , il fe travaille ,
Et dans fon feu voyez comme il eft froid !
Ce Monfieur Bos veut agrandir fa taille ,
Et chaque jour il décroît , il décroît.
Profaïfant & rimant par furcroît ,
Ce Monfieur Bos fi gai , fi lourd , m'affomme
Ah ! que n'eft-il du moins ce qu'il ſe croit !
Midas ! ce feroit un grand homme.
De par
Voilà le bon genre de l'Epigramme , le
genre de Jean-Baptifte & de Piron. Celle-ci,
de M. le Ch. de la Loge , eft encore très
bien tournée,
HATE-TOI , Vole , imbécille Damon :
Paffe les mers : hûme dans Albion
L'épais brouillard des bords de la Tamife
DE FRANGE. 1731
Fais plus encor : parcours avec éclat
Pékin , Moſcow , Vienne , Rome , Veniſe; -
Et nous dirons : ô merveille ! ô ſurpriſe !
Il partit fot ; il eft revenu fat.
Le même Auteur à fait de très- jolis vers
pour être attachés au col d'un perroquet.
HEUREUX oifeau , vole auprès de Thémire ;
Répète-lui ces noms fi doux à prononcer ,
Ces noms charmans dont j'aimais à t'inftruire.
Tu les diras fans les penfer ;
Etje les penfe fans les dire.
La Pièce de M. Selis , cette année , eft une
Eglogue aux Miniftres actuels. Elle nous a
paru un peu foible.
DAPHNI S.
Ainfi dans nos hameaux te voilà de retour !
Qu'as-tu vu , cher Ménalque , à Paris , à la Cour ?
MENAL QUE,
Dans les murs de Verfailles un Roi fenfible & fage ,
A fa jeune gaîté joint les moeurs du vieil âge.
Il eft bon : j'ai cru voir un Berger careffant
Autour de qui s'ébat fon troupeau floriſſant,
Tout refpire en ces lieux la naïve allégreffe.
Des Miniftres zélés fecondent fa tendreffe.
Oh ! de quel ton Paris célèbre leurs travaux !
Au furplus , le refte de l'Eglogue vaut beau
coup mieux ; ony remarque des vers bien faits.
Hij
174 MERCURE
Au Palais de Plutus l'auftère économien velponD
Veille à l'argent facré que prête la Patrie.
Ces chemins qu'en pleurant conftruifoit l'indigence ,
Nous paieront nos fueurs & leur magnificence.
Et de tant de bienfaits , ô furprife ! ô bonheur !
Nul impôt odieux ne trouble la douceur.
MÉNAL QUE
La ville s'applaudit d'une faveur égale :
Tandis que pour abattre une fière rivale
Cent vaiffeaux font partis chargés de légions
DAPHNI S.
by
Quoi la France eft enguerte ? Ami , nous l'ignorions.
Ce dernier trait fur-tout eft heureux.
Les vers de M. de la Louptière à Sophie ,
& fes triolets fur l'Amour & l'Amitié font
très agréables , & nous nous ferions un
vrai plaifir de les tranfcrire , fi les uns n'avoient
pas déjà été inférés dans ce Journal ,
& les autres ne fe trouvoient pas
dans le petit Chanfonnier François & ailleurs.
Son Épître à une nouvelle Catholique
nous a paru ingénieufe mais un peu négligée,
au moins pour le ftyle .
Le Poëme de M. Maréchal fur l'enfance ,
annonce qu'il n'a pas le talent des grands
vers. On peut rimer avec grace & correction
trente bagatelles poétiques , & être
incapable de compofer de fuite trente beaux
vers alexandrins.
*
DE FRANCE. 175
Les Pièces de feu M. Dorat , de M. le
Chevalier de Parni & de M. Imbert doivent
être particulièrement diftinguées . Ce
dernier annonce qu'il va publier un Recueil
de Contes , dont quelques-uns ont déjà
paru dans le Mercure. Nous ofons l'exhorter
à les abréger beaucoup. Lorfqu'il les a inférés
dans ce Journal , il n'a peut être pas eu
temps de les faire plus courts : aujourd'hui
cette excufe ne feroit plus valable.
le
L'Epître à Damis , par M. Garnier , nous
a paru la plus jolie des Poéfies qui , dans ce
Recueil , ont une certaine étendue. Elle mérite
d'être lue toute entière , & nous regrettons
de ne pouvoir donner ce plaifir à nos Lecteurs.
Nous leur copierons du moins les
vers de M. le Marquis de Villette , pour le
portrait de M. d'Alembert.
S'IL parle , il fait prendre le ton
De Théophrafte dans Athène ;
S'il tient la plume , c'eſt Platon ,
Avec le compas , c'eſt Newton ;
Quand on le voit, c'eft La Fontaine,
Cette jolie bagatelle fait defirer que l'Editeur
eût recueilli d'autres Pièces d'une Mufe
aulli facile & auffi ingénieufe .
Nous ne finirons point cet article fans
rendre hommage à nos modernes Deshoulieres,
Mde de Bourdic, Mde la Marquife
de la Férandière , & Mde la Comteffe de
Hix
176
MERCURE
Beauharnois. Les Mufes ne font jamais plut
intéreffantes que lorfqu'elles n'ont poinchangé
de fexe. Nous regrettons de ne pou,
voir citer l'Épître à un habitant de la Cour
de Mde de la Férandière , & celle de Mde
de Beauharnois à M. Bailli ; mais nous citedu
moins en partie , celle de Mde de
Bourdic à une de fes amies qui étoit allés
aux eaux de Lan guedoc.
rons ,
Je ne viens pas , belle Comteffe ,
Sur un ton fade & langoureux
Ergsol es u
Vous conter l'ennui , la triſteſſe
Que nous refpirons dans ces lieux :
Il faut bien quand V ** nous laiffe ,
Nous voir abandonnées des Plaifirs & des Jeux
Si l'Amour eft inconfolable ,
Si l'amitié verfe des pleurs ,
Ce font-là les petits malheurs
Que caufe toute femme aimable.
Quelle Belle n'a pas l'honneur
De faire quelque miférable ,
Et d'affliger un tendre coeur ?
Après tout , qu'a- t'on à vous dire ?
Vénus change bien de climats :
Comme Vénus n'avez-vous pas
Des droits fur tout ce qui refpire ?
L'Univers , voilà votre Empire.
Que Céphife , dans Aubenas ,
Petite Ville qu'habitoit alors l'Auteur.
DE FRANCE 177
Végète & refte enfevelie ,
Ce n'eft rien : il faut qu'ici- bas
Les laides dérobent leur vie :
Elles font nulles dans l'état .
Toute la fphère eft pour les Belles :
Rien n'eft plus jufte : hélas ! fans elles
Ce monde auroit il tant d'éclat ?
Auffi , jeune Églé , je parie
Qu'en vous voyant dans le Septimanie ,
Nos empreffés Batons ont fait mainte folie.
Tout en lorgnant votre gentil minois ,
L'un dira : Dieux ! qu'elle est belle !
L'autre : eft- ce bien une mortelle ?
Que fon fourire eft gracieux !
Comme l'amour eft dans les yeux !
Qu'il eft doux d'en avoir pour elle ! &c.
P. S. Le foi difant Secrétaire des Mufes
continue à donner une Notice de tous les
Ouvrages de Poéfie qui ont paru dans l'année
, & contre lefquels il prononce un arrêt
fans appel en deux , trois ou quatre lignes.
Son ton eft toujours le même , c'est-à- dire ,
très-curieux. Par exemple , M. Roucher a ,
felon lui , une manière large. On ne fait pas
bien ce que fignifie cette manière large , à
moins qu'il n'ait voulu dire que M. Rou
cher avoit de fréquens écarts.
Voici encore comment il juge le Poëme
Hv
178
MERCURE !
ود
de Tangu & Félime , par M. de la Harpe.
Manière fouvent très- sèche , & dans
quelques endroits une gaiétégrimacée. » *
Sans parler de ce ftyle fec & grimacé , il eft
bien étrange qu'un homme qui n'a rien fait ,
ne fait rien , & vraisemblablement ne fera
rien , prononce fur les plus grands talens
avec cette morgue doctorale.
OPUSCULES
Mathématiques de M.
d'Alembert , Tomes VII & VIII , in-4º . ,
A Paris , chez Jombert , l'aîné , Libraire ,
rue Dauphine.
CES deux nouveaux Volumes font le
quinzième & le feizième de la Collection
des Ouvrages Mathématiques de M. d'Alembert.
Les Géomètres favent que c'eft à fon
génie qu'ils doivent une grande partie des
progrès que les Sciences ont faits en -ce
genre depuis quarante ans. Il a donné le
premier un principe général de Dynamique,
indépendant de toute loi de convenance, &
de toute hypothèſe métaphyſique , il a
fu l'étendre le premier aux mouvemens
des corps finis , qui , juſqu'à lui , n'avoient
pu être foumis au calcul . Enfin , il l'a
même appliqué aux fluides , dont , jul-
* Ce Poëme , qu'on lit & relit avec un charme
toujours nouveau , fe trouve à Paris , chez Lambert
& Baudoin , rue de la Harpe.
DE FRANCE. 179
qu'alors , on n'avoit pu calculer les mouvemens
que d'après des hypothèſes plus ou
moins plaufibles , mais toujours bien éloignées
d'être fufceptibles d'une preuve rigou
reufe.
Ainfi , tous les problêmes des Sciences
Phylico- Mathématiques , que l'état actuel
de l'Analyfe, & la connoiffance des loix de
la nature , permettoient de réfoudre , fe font
trouvés réfolus. Ceux qui intéreffoient les
corps fluides ou flexibles demandoient une
analyfe nouvelle , & le même Géomètre qui
avoit trouvé ces principes , eft encore celui
qui a découvert cette nouvelle branche de
calcul.
Mais , 2 quelque grands que foient les
premiers pas du premier inventeur , il s'en
faut beaucoup qu'il atteigne au bout de la
carrière. Lui-même , plus que perfonne, ſait
combien il lui refte à faire. Ainfi , les Opufcules
de M. d'Alembert font , en grande
partie , le fupplément de fes premiers Ouvrages.
Il s'y eft occupé de développer les
conféquences importantes des principes &
des methodes nouvelles qu'il a inventées
de multiplier les applications de fes principes
, & de perfectionner ou de généralifer
les méthodes.
>
L'Aftronomie phyfique doit beaucoup à
M. d'Alembert. Nous avons de lui une folution
du Problême des trois corps , par
une méthode auffi sûre & auffi exacte
que nos connoiffances analytiques puiffent
H vj
188 . MERCURE
le permettre. Des recherches profondes fur
la figure de la terre , où cette importante
queftion eft traitée dans fa plus grande gé
néralité ; une méthode de calculer les perturbations
des Comètes très-ingénieufe ,
qui s'étend à tous fes cas ; enfin , une folu
tion du Problême de la proceffion des
Équinoxes , Problême qu'il a réſolu le
premier , par un de ces nouveaux principes
de méchanique dont il a enrichi les Sciences.
M. d'Alembert s'eft occupé auffi de l'Optique
, & fur-tout de deux branches de
cette Science , celle qui explique les phé
nomènes de la vifion , & celle qui , foumettant
aux calculs les loix de la réfraction
& de la difperfion de la lumière , donne la
théorie des lunettes acromatiques.
2
Le calcul des probabilités devoit plaire
un Géomètre Philofophe. Aufli cette partie
des Mathématiques at- elle été plus d'une
fois le fujet de méditation de M. d'Alembert.
Comme grand Géomètre , il a foumis
au calcul plufieurs queftions intéreffantes
de cette partie de l'analyſe , & entre -autres
celle des avantages de l'inoculation ; comme
Philofophe , il a examiné les principes mér
mes de la fcience fur lefquels les premiers
Géomètres qui s'en étoient occupés , char
més des réſultats ingénieux & piquans où le
calcul les conduifoit , fembloient avoir
évité de les rendre trop difficiles .
Il n'y a aucun de ces objets fur lequel ces
deux nouveaux volumes ne renferment des
DE FRANCE 781
recherches dignes du nom & du génie de
l'Auteur.
1
Ainfi , l'on trouve dans ces deux volumes
des recherches profondes fur l'analyfe pure,
fur le mouvement des corps folides ; des
Mémoires fur la théorie des refforts , fur
les loix générales de l'équilibre & du mouvement
des fluides , fur les perturbations
des Comètes , & fur la figure de la terre ; de
nouvelles réflexions fur l'Optique , & une"
folution particulière d'un Problême fur les
Probabilités , célèbre parmi les Géomètres ,
dont il a exercé la fagacité , fous le nom du
Problême de Pétersbourg.
La liaifon que les différens Mémoires
qui forment ces Opufcules , ont avec les ob
jets qui font Traités dans les Volumes pré
cédens , & avec les traités particuliers où
l'Auteur a établi les fondemens des grandes
théories dont il a augmenté la maffe de nos
connoiffances , ne permet guères de donner
dans un extrait une idée jufte de ce qu'ils
renferment.
D'ailleurs , le nom de M. d'Alembert eft
fi juftement illuftre parmi les Savans , qu'il
fuffit qu'il foit à la tête d'un Ouvrage pour
exciter leur intérêt, & pour qu'ils foient sûrs
d'y trouver de quoi s'inftruire. A la vérité ,
quelques hommes , les uns bleffés de fa
gloire , les autres plus bleffés encore de fon
zèle pour les progrès des lumières utiles ,
ont , depuis quelques années , attaqué fa
réputation comme Géomètre , & lui
}
182 MERCURE
ont difputé le rang où le petit nombre de
fes contemporains , dignes de l'apprécier
l'a placé d'une voix unanime. Mais une partie
de ces Critiques ignoroient abfolument la
Géométrie , & ne favoient pas même que
l'existence du génie d'un Géomètre n'eft pas
une affaire d'opinion , mais un point de fait
fufceptible de preuves rigoureufes ; & fi on
a vu dans le nombre de ces détracteurs quelques
Géomètres médiocres , ils ne fe font
point apperçu fans doute que , par cette ma
nière de juger un grand Homme , ils donnoient
la preuve la plus décifive & la plus
complette de leur médiocrité, du moins aux
yeux de ceux qui leur faifoient l'honneur
de ne pas douter de leur bonne-foi.
L'ART du Fabricant de Velours de Coton ,
par M. Roland de la Plâtrière, Infpecteur
Général des Manufactures de Picardie,
Vol. in fol. avec Figures. A Paris , chez
Moutard , Imprimeur-Libraire , rue des
Mathurins.
L'USAGE des Velours de Coton , répandu
en France depuis 25 à 30 ans , y forme
aujourd'hui une branche de Commerce trèsconfidérable
, fans être cependant aufli avantageux
à l'induftrie nationale qu'il le paroît
au premier coup - d'oeil. L'Auteur, à qui nous
devons ce Traité précieux , obferve que fi
jufqu'à préfent nos Velours font à un plus
haut prix que ceux d'Angleterre , il faut l'atDE
FRANCE. 183 1
, que ,
tribuer au défaut de concurrence , & au
myftère que les Fabricans ont fu mettre dans
ce genre de travail. La publicité des opérations
peut feule étendre la main - d'oeuvre ,
& établir une concurrence de travail & de
prix , elfentielle à l'utilité publique. On ne
compte parmi nous , dit l'Auteur
quatre ou cinq Fabriques de Velours de Coton;
les Entrepreneurs foutiennent ces Etoffes à un
prix fi haut , qu'il en résulte une introduction
confiderable en contrebande de celles d'Angleterre
, quoique la main - d'oeuvre foit
beaucoup plus chère en Angleterre qu'en
France , & qu'elle tire , ainfi que nous , les
matières premières des Colonies.
Si depuis vingt ans M. de la Plâtrière eût
publié les favantes recherches , il eft à préfumer
que nous aurions aujourd'hui une
multitude de Manufactures en ce genre , &
qu'on n'auroit plus à craindre de concurrence
étrangère. Son Ouvrage eft accompagné
d'une Differtation fur la nature , le choix &
la préparation des matières , & d'un Traité
de la Teinture & de l'impreffion de ces mêmes
matières.
Il feroit à defirer que tous nos Infpecteurs
de Manufactures pullent juftifier ainsi ,
aux yeux du Public , le choix du Gouvernement
, & la confiance dont il les honore.
184 MERCURE T
VARIÉTÉ S.
LETTRE à M. DE MONGÉS, fur une
Fête qu'on célèbre annuellement à Troyes.
CIST une illusion, Monfieur , que d'imaginer
5 que la réduction , un peu tardive , de notre ville
de Troyes fous l'obéiſſance du bon Henri * foit l'objet
d'une fête dont la fplendeur & la gaieté répondent
aux fentimens dont toute la nation paroît aujour→
d'hui pénétrée pour le Chef de la Maifon regnante.
Cette fête fe réduit à une Proceffion , invariablement
fixée au Mardi-faint , parce que la ré
duction qui en eft l'objet , date du 26 Mars de
l'année 1594 , dans laquelle l'âques tomboit au
3r de ce mois.
Deux files de croix voilées , le Clergé fuivant
fur deux lignes , en vifages de carême encamaillés
, un reliquaire de la vraie Croix , porté fur un
brancard par deux gens d'égliſe revêtus de dalmatiques
ou cháppes de la couleur que prend l'Eglife
dans la Semaine-fainte , des antiennes em
pruntées de l'office de cette femaine & de celui
des Rogations , chantées fur le ton lamentable
de ces folennités , quelques gens du Corps Municipal
fermant la marche , deux cloches fonnant
triftement à la fortie & à la rentrée de la Proceffion
: tel eft l'appareil de cette fête , què la nou-
* Lors de cet événement , un Aubergifte de Troyes
avoit pris pour enſeigne le Bon Henri. Cette auberge ſubfiftoit
encore en 1760. Le nom en eft demeuré à la famille
qui l'ouvrit : elle porte , par contraction , le nom de
Banry.
DE FRANCE 18px
velle génération n'a point vu honorée de la préfence
des Evéques ; fête qui femble annoncer la
commémoraifon douloureufe de la prife de Troyes
par un Conquérant barbare qui l'auroit mife à
feu & à fang, & non le retour de cette ville
dans les bras d'un bon & tendre père à qui elle
difoit , comme S. Auguftin à Dieu : Serò cognovite,
6 bonitas infinita !
Il eft fans doute étonnant que cette folennité
ait êté fixée au Mardi-faint. Si on l'eût attachée
au 26 Mars , dans plus de la moitié des années
que Pâques parcourt , du 22 Mars au 15 Avril ,
elle feroit tombée après Pâques. Alors la commémoraifon
de fa réfurrection concourant avec celle
de N. S. , Troyes auroit pu fe livrer à l'alegreffe
& à la joie que provoque l'Eglife elle - même "
dans l'antienne la plus fréquente de l'office pafchal
(Haec dies , &c. ) . Il auroit pu même arriver que
foit par raifon de cette alegreffe , foit pour débarraffer
la Semaine-fainte d'une fête qui lui feroit
devenue peu afſortie , on l'eût remife après
Pâques , lorfque le 26 Mars feroit tombé en
tême.
}
L'arrangement contraire fut l'ouvrage de l'efprit
de la Ligue , qui , dans quelques corps & chez
quelques particuliers , avoit furvécu à la deftruetion
de ce monftre. Il fe perpétua dans une Congrégation
formée entre des chanoines & d'autres
prêtres , & dans laquelle les Jéfuites trouverent
les plus ardens promoteurs de leurs deffeins fur
Troyes. Il fubfiftoit encore en 1637 , & nous
lui devons le petit S. Lambert placé fur nos remparts
, au-deffus de la glacière , en mémoire de la
* Voyez les Mémoires pour fervir à l'Hiftoire des Jéfuites
à Troyes , & le premier vol. de mes Mémoires für
Troyes , page 367.
186 MERCURE ?
déconvenue d'un parti détaché par Henri IV , quie
en 1590 , le jour de la fête de S. Lambert , introduit
à Troyes par le Préfident de Mefgrigny,
& n'ayant pu tenir contre la bourgeoific armée ,
avoit pris la fuite , & laissé un grand nombre de
morts & de prifonniers. *
On imagine aifément , d'après l'influence de
ce parti dans le réglement des cérémonies , qu'il
ne négligea rien pour répandre un voile lugubre
fur celle que devoit conferver à la postérité la
victoire de Henri IV , & pour en faire la dou
blure du fpectacle que donnent , dans la Satyres
Menippée , les Launay , les Garipus , les Cully
& les Aubri , tombant à genoux devant la croixo
du Légat , & entonnant à haute voix , entrecoupéel,
de fanglots :
"
O crux , ave, fpes unica ,
Hacpaffionis tempore ! **
C'est en effet ce que chantent les antiennes prefcrites
d'après le Proceffionnal renouvelé par M.
Boffuet en 1739. La première, Exurge, empruntée des
rogations , a pour objet de détourner la colère de
Dieu. La deuxième, Salvanos, faite pour le Dimanche
des Rameaux , demande à Dieu qu'il fauve fon peuple,
pour
le mettre en état de confeffer fon faint nom.
La troisième eſt un répons du Dimanche de la Paffion :
il implore les fecours de Dieu contre les machinations
& les confpirations des ennemis , en rap-
* Cette incurfion coûta la vie à l'oncle d'une de mes
trifaïeules paternelles de fon nom , Yves le Tartier
Doyen de S. Étienne : accouru pour défendre l'entrée de
fon Cloître contre le Béarnois , & donnant fes ordres , la
curaffe fur le dos , le cafque en tête & la lance au poing,
il fut percé d'une arquebufade .
** Satyre Ménippée , édition des Elzevirs , page 80
DE FRANCE.
18,71
pelant celle des Princes & des Pharifiens contre
J. C. Or , toutes ces antiennes qui , fuivant le
Proceffionnal, Cantantur fine Alleluia & Gloria patri,
s'expliquent d'elles-mêmes à ceux qui connoiffent
l'efprit de la Ligue , & l'inimitié contre Henri IV ,
dont il ne put fe défaire.
會
Tous les coeurs , aujourd'hui réunis par l'attachement
& par la tendreffe pour la mémoire de ce
Prince , femblent demander que l'on répande fur
la fêre dont il eft le coriphée , l'air & le ton de
joie , de jubilation & d'alegreffe qu'elle auroit
dû prendre des fon inftitution ; & qu'en la tranf
férant après Pâques , dans les années où le 26 Mars
tombe en carême , on l'accompagne de motets
& d'antiennes affortis , pour le chant & pour les
paroles , aux fentimens de ceux qui la célèbrent.
Jufqu'en 1750, la Proceffion du Mardi-Sainr étoit
précédée d'un fermon prononcé par un orateur
du Diocèfe. Un grand faifeur , par les mains
de qui paffoient alors toutes nos affaires publiques
, vit dans ce fermon une amende honorable ,
& il en ordonna la fuppreffion.
Dars le tems où M. le Comte de Mefgrigny-
Villebertain honora la Mairie en la remplifant , il:
avoit rétabli ce fermon , qui depuis eft tombé en
défuétude. L'éloge de Henri IV , celui de Troyes
& des hommes qu'elle a donnés à l'églife , à la
robe , à l'épée , aux arts & aux fciences, entroient
dans ce difcours , dont le texte étoit : Deum timete,
Regem honorate , & l'objet , le devoir des fujets
envers les Rois. Il offroit un fujet d'émulation aux
jeunes clercs ; il leur mettoit fous les yeux une
matière dont les féminaires s'occupent peu ; enfin ,
il leur infpiroit quelque intérêt pour les connoiffances
relatives à leur patrie & à fon hiftoire. Ne
concluricz-vous pas auffi à fon rétabliſſement 2
Je fuis , &c. GROSLEY.
MERCURE
SCIENCES ET ARTS.
DÉCOUVERTES.
LE SIEUR TROUSSIER , Marchand Chapelier ,
très-zélé pour
fon Art , eft parvenu la perfection de
à établir une Manufacture -de plufieurs espèces de
Chapeaux qui méritent d'être connus du Public. La
matière qu'il employe leur donne plus de douceur ,
ordide
fineffe & de légèreté que n'en a le calorur
II
naire ; ils réfiftent à la pluie , ne fe graiffent jamais ,
& deviennent plus fins à mesure qu'on les porte.
en fabrique de toutes qualités , pour les Maîtres
comme pour les Domeftiques. Il en a de blancs
l'ufage des Dames , mais qui l'emportent fur ceux
d'Angleterre par la blancheur & la légèreté. On
fait que ces derniers font préférables à tous les
autres pendant les grandes chaleurs de l'été.
Pour rendre toute efpèce de Chapeaux abfolu
ment impénétrables à l'eau , le fieur Trouffier pofmle
sède le fecret de les vernir * & de leur donner
toutes les couleurs qu'on pourra defirer. Cette précaution
au reſte eft abfolument inutile à l'égard des
fiens ; il les garantit pour réfifter aux pluies les plus
fortes. Le fieur Trouffier nous femble d'autant plus
digne de la confiance du Public , qu'ayant foumis
fes découvertes à l'examen de Académie des
Sciences , il en a obtenu le fuffrage le plus flatteur.
Voici l'Extrait tité des Regiftres de cette Compagnie
favante.
*
* L'ufage de ces chapeaux eft fort dangereux au foleil ,
caufe des émanations que répand le vernis.
DE 189 魔FRANCE
95
« Les Commiffaires chargés de fuivre les opérations
du fieur Trouffier dans les différentes manipulations
qu'il a inventées , rapportent qu'il
» eft parvenu à former une étoffe précieufe d'une
matière beaucoup plus fine que le caftor , dont le
travail eft plus difficile , ce qui annonce que le
fieur Trouffier à une grande intelligence dans
» l'Art de la Chapelerie....
$
·
» Le fieur Trouffier a fait part en même-temps
» d'une nouvelle méthode qu'il a fuivie dans la
compofition des trois quarts caftors , demi- caf
tors & des autres Chapeaux où il entre des mê-
» langes ; il nous en a montré très fenfiblement
les bons effets ; & en comparant fa compofition à
» ceux de la compofition ordinaire , nous avons
» été convaincus
quefa nouvelle méthode contribue
à donner plus de folidité au corps de l'étoffe .
Signé , de Montigny, Tillet , Defmarets . Certifié
le préfent Extrait conforme à l'original &
au jugement de l'Académie. Signé , le Marquis
» de Condorcet. »
Le fieur Trouffier demeure à Paris , rue Planche-
Mibraye , vis-à-vis celle de la Vannerie , près de
Saint Jacques de la Boucherie.
GRAVURES.
TABLEAU des Mathématiques , avec son explication
, par L. C. E. Delifle , Maître d'Hydrographie
& de Mathématique. A Paris , chez le fieur
Fortin , Ingénieur Mécanicien du Roi , rue de la
Harpe. Prix , 4 liv. Cet Ouvrage a deux Parties.
1. le Tableau ou Carte Générale des Mathématiques
; c'eft un efpèce d'arbre dreffé fur une feuille
de papier que l'on nomme grand Aigle , détachée
du Livre d'Explication ; 2 ° , l'Explication , Bro190
MERCURE
chure in -8 , d'environ cent pages , avec figures.
Ce Tableau & fon Explication donnent une idée
fimple , méthodique & inftructive des différentes
branches des Mathématiques & de leurs ramifications.
Dans la première Partie , fur chaque pierre
d'un portique , dont la voûte couronne les branches
de l'arbre , on trouve le précis du rameau qui
s'y termine ; dans la feconde , chaque article y eft
repris avec quelques détails . Les proportions & les
règles de trois , quoiqu'en abrégé comme toutes les
autres Parties , y font traitées de manière que les
Perfonnes qui ne favent que les quatre premières
règles de l'Arithmétique, y trouveront les inftruc
tions néceffaires pour réfoudre les queftions curieufes
& intéreffantes qui font inférées dans différentes
Parties.
Cet Abrégé , propre à infpirer le goût des Ma
thématiques à tous ceux qui craignent d'y rencontrer
des épines , eft néceffaire à ceux qui ayant
déjà des connoiffances veulent s'en rappeler les
principes.
Nota. Dans peu il paroîtra chez le même
des Loto Géographiques , compofés chacun de
quatorze Tableaux ou Cartes & d'un Globe , avec
une Inftruction . Ce Jeu fera d'autant plus intéreſ
fant , qu'en amufant il aura l'avantage d'apprendre
la Géographie fans aucun travail , & , pour ains
dire , fans s'en appercevoir.
Portrait de la Reine Jeanne , Fondatrice du Collége
de Navarre , gravé par Louis Jogan. Prix ,
I liv 4. A Paris, chez Ingouf, Graveur , rue de la
Parcheminerie , vis - à- vis le paffage Saint Severin.
Portrait de Fontenelle , deffiné & gravé par Savart
, d'après le bufte de M. Lemoine , appartenant
à l'Académie des Sciences. Prix , 3 liv. A Paris ,
chez Chereau , rue des Mathuring.
Carte Minéralogique de France , deffinée fur les
DE FRANCE. ΤΟΙ
obfervations de M. Guettard , gravée, par M. Dupain-
Triel père. Prix , 2 liv. 8` fols. A Paris , chez
-Dupain- Triel , Cloitre Notre- Dame.
ANNONCES LITTÉRAIRES..
COSMOGRAPHIE
ÓSMOGRAPHIE Élémentaire , divifée en partie
Aftronomique & Géographique , avec des Planches
& des Cartes , par M. Mentelle , Volume in-8 ° .
Prix, 5 liv. broché. A Paris , chez l'Auteur , rue de
Seine , Hôtel de Mayence.
L'Architecture , Poëme en trois Chants , par
M. Maillier , Architecte , Volume in - 8 ° . Prix ,
2 liv. 10 fols , & en très-beau papier , 4 liv. 4 fols.
A Paris , rue de la grande Troanderie , maifon de
M. Dumefnil, Apothicaire.
Poëme fur la Mort de l'Impératrice-Reine , par
M. de Rochefort, de l'Académie des Infcriptions ,
-in - 4° . A Paris , chez Lambert & Baudouin, Impr.-
Libraires , rue de la Harpe , & Efprit , au Palais
Royal bredag leve , se
Joannis Razoux , Nemaufenfis , Differtatio Epiftolaris
, de Cicata, Stramonio , Hyofciamo & Aconito
, Vol. in- 8 ° . Nemauft, ad Petrum Beaume ,
Typographum.
Réflexions importantes fur les éloges de Voltaire
qui ont concouru pour le prix de l'Académie Franfeile
, par M. Laus de Boiffy , in-8 ° . A Paris , chez
Valleyre T'aîné , Imprimeur Libraire , rue de la
vieille Bouclerie.
Clémentine & Déformes , Drame en cinq Actes &
en profe , par M. Monvel , repréſenté par les Comédiens
François le 14 Décembre 1780 , in-8 ° .
Prix , livre to fols. A Paris , chez la Veuve Duchefue,
Libraire , rue Saint Jacques,
190 MERCURE
chure in- 8 , d'environ cent pages , avec figures.
Ce Tableau & fon Explication donnent une idée
fimple , méthodique & inftructive des différentes
branches des Mathématiques & de leurs ramifications.
Dans la première Partie , fur chaque pierre
d'un portique , dont la voûte couronne les branches
de l'arbre , on trouve le précis du rameau qui
s'y termine dans la feconde, chaque article y eft
repris avec quelques détails . Les proportions & les
règles de trois , quoiqu'en abrégé comme toutes les
autres Parties , y font traitées de manière que les
Perfonnes qui ne favent que les quatre premières
règles de l'Arithmétique , y trouveront les inftruc
tions néceffaires pour réfoudre les queſtions curieufes
& intéreffantes qui font inférées dans différentes
Parties.
Cet Abrégé, propre à infpirer le goût des Ma
thématiques à tous ceux qui craignent d'y rencontrer
des épines , eft néceffaire à ceux qui ayant
déjà des connoiffances veulent s'en rappeler les
principes.
Nota. Dans peu il paroîtra chez le même
des Loto Géographiques , compofés chacun de
quatorze Tableaux ou Cartes & d'un Globe , avec
une Inftruction . Ce Jeu fera d'autant plus intéreſ
fant, qu'en amufant il aura l'avantage d'apprendre
la Géographie fans aucun travail , & , pour ain
dire, fans s'en appercevoir.
Portrait de la Reine Jeanne , Fondatrice du Collége
de Navarre , gravé par Louis Jogan. Prix ,
I liv 4 f. A Paris, chez Ingouf, Graveur , rue de la
Parcheminerie , vis -à-vis le paffage Saint Severin .
Portrait de Fontenelle , deffiné & gravé par Savart
, d'après le bufte de M. Lemoine , appartenant
à l'Académie des Sciences. Prix , 3 liv. A Paris ,
chez Chereau , rue des Mathuring.
Carte Minéralogique de France , deffinée fur les
DE FRANCE
. 191
obfervations de M. Guettard , gravée par M. Du-
-pain-Triel père. Prix , 2 liv. 8 fols. A Paris , chez
-Dupain-Triel , Cloitre Notre-Dame.
ANNONCES
LITTÉRAIRES
..
COSMOGRA ÓSMÓGRAPHIE Élémentaire , divifée en partie
Aftronomique & Géographique , avec des Planches
& des Cartes , par M. Mentelle , Volume in-8° .
Prix , 5 liv. broché. A Paris , chez l'Auteur , rue de
Seine , Hôtel de Mayence .
L'Architecture , Poëme en trois Chants , par
M. Maillier , Architecte , Volume in - 8° . Prix ,
2 4 fols.
A Paris , rue de la grande Truanderie , maifon de
M. Dumefnil , Apothicaire.
liv. 1e fols , & en très-beau
papier,
4maifon de
Poëme fur la Mort de l'Impératrice-Reine , par
M. de Rochefort , de l'Académie des Infcriptions ,
in - 4° . A Paris , chez Lambert & Baudouin, Impr.-
Libraires , rue de la Harpe , & Efprit , au Palais
Royal simman eve
Joannis Razoux , Nemaufenfis , Differtatio Epiftolaris
, de Cicuta , Stramonio , Hyofciamo & Aconito
, Vol. in-8 °. Nemauft, ad Petrum Beaume ,
Typographum.
Réflexions importantes fur les éloges de Voltaire
qui ont concouru pour le prix de l'Académie Francoife
, par M. Laus de Boiffy , in- 8 °. A Paris , chez
Valleyre l'aîné , Imprimeur Libraire , rue de la
vieille Bouclerie .
Clémentine & Déformes, Drame en cinq Actes &
en profe, par M. Monvel , repréfenté par les Comédiens
François le 14 Décembre 1780 , in-8 °.
Prix , livre to fols. A Paris , chez la Veuve Duchefae,
Libraire , rue Saint Jacques,
1.
192 MERCURE
Le bon Ami , en un Acte & en profe , repréſenté
par les Comédiens François le 17 Novembre 1780 ,
in - 8 °. Prix , 1 livre 4 fols. A Paris , chez la Veuve
Duchefne , Libraire , rue Saint Jacques . 1
Hiftoire Univerfelle , traduite de l'Anglois ,
Volume in-8 ° . Tome XXII. A Paris , chez Moutard
, Imprimeur-Libraire , rue des Mathurins.
Hiftoire Naturelle de la France Méridionale,
par M. l'Abbé Giraud-Soulavie , in-89 . Tome II.
A Paris , chez l'Auteur , à l'Hôtel de Venife , Cloitre
Saint Benoît ; Mérigot l'aîné , Libraire , quai des
Auguftins ; Belin , Libraire , rue Saint Jacques.
Le Microfcope moderne , pour débrouiller la
Nature par le filtre d'un nouvel alembic chimique ,
par M. Rabiqueau , Volume in-8 ° . Prix , liv. A
Paris , chez l'Auteur , Parvis Notre- Dame, à côté
du Bureau de l'Hôtel - Dieu , & Demonville , Imprimeur-
Libraire , rue Chriftine.
TABLE.
Versfur la Mort de la Reine Almanach des Mufes . 168
de Hongrie, 145 Opuscules Mathématiques de
Impromptufur la Maladie de M. d'Alembert , 178
M. Gretry,
A M. Préville
A Mile B ***
Lettre à M. Garat ,
Enigme & Logogryphe ,.
146 L'Art du Fabricant de Velours
146 de Coton ,
" 182
148 Lettre à M. de Monges , 184
Riso Découvertes ,
159 Gravures 2
Etrennes du Parnaffe , 160 Annonces Littéraires
Lettres de M. William Coxe,
165
APPROBATION.
*
188
189
191
J'AI lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 27 Janvier . Je n'y ai
rien trouvé qui puiffe en empêcher l'impreffion . A Paris ,
te 26 Janvier 1781. DE SANCY.
TABLEAU POLITIQUE
DE L'EUROPE , 1780 ( 1 ).
EN réfumant , à la fin de chaque année , les principaux
évènemens dont nous avons rendu compte
nous avons effayé de donner, une idée de l'état de
l'Europe à cette époque , des mouvemens de fa politique
& de leurs effets ; nous avons tenté de faifir
la fituation refpective de chaque Puiffance , fes
intérêts fouvent fi mobiles , & qui femblent varier
quelquefois d'une année à l'autre. Ils n'ont point
préfenté dans celle - ci de changemens fenfibles ; &
pour ne pas étendre nos Tableaux en y ramenant
fans ceffe les mêmes objets , fous le même point de
vue , nous ne nous arrêterons qu'aux Etats qui ont
pris une part plus ou moins active aux faits que
nous avons eus fous les yeux.
Pendant l'année qui vient de s'écouler , les opérations
des Cabinets ont fuivi le cours qu'elles avoient
pris dans les deux précédentes . C'est toujours de
l'occident qu'elles paroiffent avoir reçu cette impulfion
vigoureufe , qui s'eft étendue jufqu'au Nord
(1) Notre objet dans ces Tableaux eft de raffembler fous
un même point de vue les principaux évènemens de l'année
, pour la commodité de ceux de nos Lecteurs qui font
bien-aifes de fe les rappeller , & fur- tout pour celle de nos
nouveaux Abonnés qu'ils peuvent mettre au courant des
faits , & de l'efprit dans lequel ils font rédigés. Leur fuite
depuis 1776 offre année par année , le précis de l'hiftoire du
tems. Nous nous propofons , à la fin de la guerre actuelle ,
de les réunir & d'en former un feul qui préfentera le Tableau
de la grande révolution dont nous fommes les témoins
, & qui fera peut-être une des plus intéreffantes à
Laifir dans fes principes & dans fes effets .
6 Janvier 1781.
( 2 )
d'où elle a réagi fur tous les autres points de l'Europe.
vues
L'affoibliffement de l'Angleterre eft enfin ouver
tement devenu le voeu général . Préparé par fes querelles
avec les Colonies , il doit être effectué par la
guerre qui s'eft allumée d'abord dans le Nouveau-
Monde , d'où l'embrafement s'eft communiqué à
l'ancien ; une politique fage , conftante dans fest
& marchant toujours à fon but , s'eft atta
chée à en concentrer le théâtre fur les mers,
La postérité répètera les juftes éloges que la re
connoiffance de l'Europe donne aujourd'hui au
génie profond & bienfaifant à qui nous devons
la paix de Conftantinople. Le Pacificateur de
Orient a privé l'ennemi de la France des ref
fources qu'eût pu lui procurer la guerre d'Alle
magne , pour l'aider à retenir le fceptre des mers
qui vient de lui échapper ; & la chûte des
maîtres impérieux qui les dominoient , doit les
rendre libres & communes à toutes les Nations empreffées
d'en profiter , fans rencontrer les barrières
que leur oppofoient l'ufurpation & la tyrannje.
1
Après les avoir convaincues que leur intérêt feul
avoit armé la France , qui fupportoit tout le poids
d'une guerre dont elles partageroient les fruits, il falloit
les déterminer à fe les affurer. Les prétentions
excellives de l'Angleterre , fes procédés arbitraires ,
l'abus qu'elle faifoit de la force , avoient bien ex
cité déjà des réclamations ; mais, par - tout on s'é
toit borné à des plaintes , & on négligeoit le feul
moyen qui pouvoit les faire écouter .
La loi générale des Nations univerfellement obfervée
& reconnue , prefcrit aux Puiffances qui ont
recours aux armes , pour terminer leurs différends,
de refpecter les neutres qui , étrangères à leurs dé
mêlés , ne doivent point à leur tour en favorifer
une au détriment de l'autre. Celles - ci continuent
( 3 )
1
d'être liées par leurs anciens Traités reſpectifs ; &
l'état de guerre entre deux Nations ne change rien
à l'état de paix de la troisième avec elles . Elle refte
libre de porter à toutes deux les objets fur lesquels
eft fondé leur commerce réciproque . Elle ne s'eft
point engagée dans ce cas à interrompre toutes fes
liaifons avec l'une ou avec l'autre. Une pareille
clauſe ne fauroit avoir été exigée ni accordée ;
c'eût été conſentir à fermer fes magafins & fes
ports , auffi-tôt que les peuples qui les fréquentent
en paix avec elle , feroient en guerre entr'eux.
C'est pourtant ce que l'Angleterre a prétendu
établir. Egarée par fon orgueil , & peut - être encouragée
par les réclamations même , qui font toujours
inutiles, lorfqu'elles ne font pas appuyées de l'ap
pareil d'une vengeance prompte ; elle a été jufqu'à
ordonner à fes vaiffeaux de s'emparer de tout navire
neutre portant en France ou en Espagne , nonfeulement
des munitions de guerre , mais même des
marchandifes de quelqu'efpèce qu'elles foient . C'étoit
dire aux Peuples neutres : Ne commercez plus
avec mes ennemis . Si fes ennemis avoient eu autant
de démence , ils leur auroient interdit auffi
toute liaison avec l'Angleterre ; & la France , l'Efpagne
& la Grande- Bretagne , chaque fois qu'elles
auroient été en guerre , auroient pu arrêter ainfi
tout le commerce de l'Europe , qui eût langui jufqu'au
moment où en faisant la paix , elles lui auroient
permis de reprendre fon cours .
>
Cette idée , au moins extraordinaire dans le dixhuitième
fiècle , & la conduite qui en a été la conféquence
, ont , plus que toute autre chofe , favo
rifé une négociation entrepriſe pour l'avantage général.
Il s'agiffoit de porter les Nations neutres à
fortir de l'efpèce d'indifférence où les retenoit depuis
long- tems l'habitude , à rejetter la loi que l'Angleterre
ofoit leur impofer , & dont leur filence l'aa
2
( 4 )
voit accoutumée à ſe faire un droit. Il a fallu
qu'au milieu des embarras de la guerre , une des
Pulances belligérantes ait éveillé les autres fur
leurs intérêts ; que la première , elle leur en ait fait
fentir l'importance , & qu'elle les ait dirigées vers
celle qui pouvoit protéger leurs titres & les faire
valoir.
,
Depuis long- tems les Anglois humiliés cherchant
par- tout , mais en vain , des alliés & de l'appui ,
mettoient toute lettr efpérance dans la principale Puiffance
du Nord . Ils annonçoient les fecours qu'ils
en arrendoient en hommes & en vaiffeaux avec
une confiance qui n'en impofoit plus depuis le traité
de Conftantinople. On auroit en effet perfuadé
difficilement qu'elle oublieroit l'intérêt qu'elle avoità
refter neutre dans des démêlés , dont l'iffue , fi elle
répond au voeu de l'Europe , ne peut que lui affurer de
nouveaux avantages . Maitreffe du commerce du
Levant par la Mer-Noire , elle ne fauroit être in-
-différente à celui de l'Océan . Les Anglois qui ont
traité de bonne heure avec elle , fe font emparés
de tout ce dernier. Ils ont profité de l'état impofant
de leur marine militaire & marchande qui fe
foutiennent l'une & l'autre, pour obtenir des pré-
*férences exclufives ; & par-là même onéreuſes au
peuple avec lequel ils contractoient , & qui récla
me l'égalité dont le rétabliſſement eft tôt ou tard
infaillible. L'Augufte Souveraine de la Ruffie , fans
ceffe occupée du bonheur de fon Empire , a achevé
& perfectionné ce qu'ont fait les prédéceffeurs ,
dont auffi fouvent elle a rectifié les opérations.
Les yeux de l'Europe fe font tournés vers elle
pour affurer fur des fondemens folides la liberté
des mers. Son génie fait pour faifir & exécuter les
plus grandes chofes , s'eft empreffé d'adopter un
plan fi digne d'elle , dont l'objet eft l'intérêt géné
ral pour le préfent & pour l'avenir , & dans lequel
( S )
le fien eft le moindre , puifque le nombre des
vaiſſeaux que fon commerce occupe fur l'Océan ,
eft encore peu confidérable. C'est pour le bien de
toutes qu'elle a entrepris de réunir les Puiflances
maritimes , & qu'elle s'eft mife à la tête de leur
confédération .
Le Danemarck & la Suède font les premiers
Etats , qui , fur fon invitation , ſe font armés pour
la caufe commune.
,
mais
Le Portugal enchaîné à l'Angleterre , par l'habi -
tude plus que par les traités , quoiqu'il n'ignorât pas
combien ils lui étoient onéreux a paru balancer
long-tems. Les ménagemens qu'on avoit pour lai,
ont influé fans doute dans fa circonfpection
;
il ne les devoit qu'au befoin que la Grande Bretagne
avoit de fes ports , qui lui offroient des ſtations
commodes pour troubler le commerce des Efpagnols
, & des afyles. ou fes Amateurs pouvoient
retirer leurs prifes . Il a bientôt fenti qu'il valoit
mieux fe faire un droit au refpect , que de le devoir
à la complaifance toujours peu durable & dépen
lante des circonftances qui la détruifènt comme
elles la font naître.
La Hollande a mis encore plus de lenteur à
décider ; on l'a vue , exhortée en vain à faire relpecter
fa neutralité , négocier lorfqu'elle devoit
agir , & fe borner à des plaintes ftériles au milieu
des pertes caufées à fon commerce , des violences
exercées contre fon territoire ,
même & des outrages
faits à fon pavillon . Elle étoit la plus intéreffée à
cette confédération , qui doit principalement fon
exiftence à l'indignation qu'a excitée par tout la nanière dont on l'a traitée ; elle a été la dernière
à y accéder ; & il paroît maintenant qu'elle ne tirera
pas de cette démarche tardive les avantages
qu'elle lui eût procurés , fi elle avoit été faite à
teins.
Cet évènement important préparé avec fageffe
a 3
( 6 )
& exécuté avec fuccès , ouvre un nouvel ordre de
chofes. Il a pu confterner l'Angleterre , mais il n'a
pas dû l'étonner. Elle ne fauroit fe diffimuler que
fa conduite feule l'a occafionné . Quand on fuit
F'origine & les progrès des évènemens , on a de la
peine à concevoir que les Confeils de cette Nation
n'aient pas prévu une révolution qu'ils auroient
facilement prévenue avec de la modération & de
la juftice. La guerre de la Grande- Bretagne contre
fes Colonies fembloit n'avoir d'abord pour objet
que l'accroiffement de la prérogative royale . Des
intérêts de commerce ont fait entrer dans cette difcuffion
importante la France & l'Espagne qu'elle a
mécontentées , lorfqu'elle devoit les ménager. Après
avoir eu l'imprudence de s'attirer ces ennemis puilfans
, elle a indifpofé le refte de l'Europe , en lui
faifant vorr que du fuccès de la guerre actuelle dépendoit
abfolument la liberté de fon commerce.
L'infulte faire au pavillon des Hollandois fes alliés
, a dû avertir les autres de fe mettre en garde
contre un pareil traitement. Si elle s'étoit contentée
de la neutralité de la République , dont elle pouvoit
titer autant d'avantages que les Puiflances à
qui elle fait la guerre , l'Europe n'auroit
peut -être
pas eu des motifs de s'alarmer de fes projets ambi
tieux . Mais en voulant forcer fes alliés àembraffer
une caufe à laquelle elle ne peut plus fuffire feule ,
elle a néceffité la confédération du Nord. N'ayant
pas fu la prévenir , elle a cherché du moins à la
déconcerter. Forcée de renoncer à l'appui des
Etats - Généraux , elle a voulu les détacher de l'union;
& elle ne leur a déclaré la guerre , que pour
les tirer de leur état de neutralité. Le projet de
traité de la ville d'Amfterdam avec les Etats- Unis
de l'Amérique , leur a fervi de prétexte , & la lenteur
des délibérations de la République l'a mife en
état d'en profiter. Si cette démarche annonce de la
hauteur , elle n'en impofe point. Le ton même de
·
( 7 )
La déclaration décèle fa foibleffe & fes inquiérudes.
En ordonnant des hoftilités contre la Hollande
, elle fait des voeux pour un accommodement ;
elle l'invite à des négociations que l'hiver favorife,
& auxquelles prendront part peut- être la Ruffie
, la Suède & le Danemarck . Nous n'entrepren
drons pas ici d'en prévoir l'iffue . Si elle eft favo
rable , les chofes resteront fur le pied où elles
étoient avant la déclaration . Si elle ne l'eft pas ,
l'Angleterre n'a fait que fe fufciter un ennemi de
plus , fans détruire la confédération qui exiſtoit
avant l'acceffion de la Hollande , & qui exiftera
fans elle. Elle ne fauroit être fans effroi fur les
fuites qu'elle doit avoir . L'alliance des Etats neutres
une fois conclue , leurs intérêts deviennent com
muns. L'Angleterre ne peut plus manquer à l'un
fans être obligée à une réparation éclatante , récla
mée par tous , qui feront non- feulement en
droit , mais en état de la prefcrire.
condu
Le Miniftre habile qui a conçu ce plan & qui l'a
à exécution , a remporté fur les Anglois la
victoire la plus complette , qui ait été ou qui puiffe
jamais être remportée fur eux . En iſolant l'Angleterre
, il n'a pas feulement fervi la Maifon de Bour
bon ; il s'eft affuré des droits à la reconnoiffance.de
l'Europe entière. La neutralité armée prépare à un
ordre nouveau en politique , & à un code maritime
dont l'importance & la néceffité n'ont jamais été fi
bien fenties . Une paix folide entre les Puiffances commerçantes
en fera du moins le fruit ; & fi , comme
on a lieu de l'efpérer , elle amène fur les mers & dans
le commerce , une balance femblable à celle que la
politique a établie fur terre entre les forces des Etats ,
les prétextes de guerre deviendront moins fréquens ,
& l'humanité devra beaucoup aux Souverains qui lui
auront procuré cet avantage . La perfpective que lui
préfente l'avenir , la confole de la guerre actuelle
qui paroît devoir être fuivie d'un long calme..
a 4
( 8 )
Les opérations militaires n'ont pas eu cependant
encore fur ce moment defiré , le degré d'influence
qui doit le rapprocher. Elles n'ont peut - être pas non
plus à tous les yeux , une apparence auffi impofante
& auth flatteufe que celles du Cabinet . Mais l'homme
exercé à regarder les évènemens fous leur véritable
point de vue , à remonter aux caufes qui les préparent
, ferme l'oreille aux murmures de l'impatience
, qui veut jouir avant le tems , & qui blâme
en avengle , une circonfpection dans laquelle , elle
n'apperçoit que l'éloignement des fuccès , fans voir
les refforts fecrets , dont la nature eft d'être lente ,
que la fageffe emploie pour les affurer . Cette partie
de notre tâche fera courte ; dans la foule des faits ,
nous n'avons à faifir que ceux qui fe lient naturellement
aux évènemens que nous attendons l'année
prochaine.
Les avantages paroiffent avoir été balancés, L'Angleterre
en ravitaillant Gibraltar , n'a fait qu'en
Lufpendre la perte. Il faut maintenant y faire paffer
de nouveaux approvifionnemens . Elle peut y réuffir
encore fans fauver cette place , dont la conftance
Efpagnole n'abandonnera point le Blocus. Au lieu
de s'opiniâtrer contre ce roc & d'y ufer des forces qui
Fourroient fans doute être employées utilement ailleurs
, c'eft en Amérique peut- être qu'on eût dû chercher
à s'en emparer. Sa conquête & fa défenfe femblent
plus une affaire d'honneur que d'intérêt . Gibraltar
ne commande point le détroit. Cette clef de la
Méditerranée ne procure à fes maîtres qu'une rade
les vaiffeaux fans lefquels ils ne peuvent garder
le paffage d'une mer à l'autre. Ce pofte peut- être
plus difpendieux qu'utile , coûte cher à fes poffeffeurs
actuels , qui pour l'approvifionner , font obligés
de recourir en tout tems à l'Afrique. Une barfière
élevée du côté de la terre , arrête , en tems de
paix même , toute communication avec l'Espagne.
L'Amiral Rodney favorifé par fon audace & fa
pour
( 9 )
fortune , après avoir jetté des vivres dans Gibraltar ,
a pris la route des Indes occidentales où le théâtre de
la guerre avoit été porté dès l'année dernière , & qui
ont continué d'en être le principal foyer pendant
celle- ci . Mais malgré fes forces & fon activité , l'Angleterre
n'a tiré que peu d'avantages de fon féjour
aux Antilles. Il s'eft mefuré trois fois avec le Comte
de Guichen , & trois fois fon bonheur l'a abandonné.
Ses revers font conftans malgré fes relations faftueufes.
Il n'a ni pu , ni ofé même tenter aucune con
quête. L'objet de M. le Comte de Guichen n'étoit
pas d'en faire de nouvelles , mais de conferver celles
de l'année précédente , de couvrir toutes nos pofeffions
, & il y a réuſſi .
On s'attendoit en Europe que la réunion des forces
Efpagnoles aux fiennes , feroit fuivie de quelque entreprife
éclatante . On défignoit déja les lieux vers
lefquels fe porteroit l'armée combinée ; mais les plans
concertés dans les Cabinets paroiffent avoir moins été
de faire une campagne active fur un point , que d'en
préparer une où les forces réparties avec prudence ,
pourront agir fur plufieurs à la fois , & obtenir des
avantages décififs . Les Efpagnols avoient d'ailleurs
befoin d'hommes & de vaiffeaux à la Havane d'où
ils peuvent les faire paffer fur toutes les parties du
continent. Cette flotte & les tranfports précieux &
néceffaires qu'elle eſcortoit , n'étoient venus à la
Martinique que pour affurer leur arrivée à leur deftination
. Ce but effentiel eft rempli . Les poffeffions
Espagnoles ont maintenant des fecours à portée de
courir à tous les endroits menacés & d'agir offenfivement.
Sur le continent les Anglois ont remporté quetques
avantages. Maîtres dès l'année dernière de Savanah
, ils ont conquis cette année Charles - Town.
Ils font établis enfin dans deux endroits d'une province
qui ne leur eft pas mieux foumife que ne l'eft
celle de New -Yorck par la poffeffion de la Capitale.
a s
( 10 )
Les relations exagérées de ce triomphe & de la vic
toire remportée enfuite par, le Général Cornwallis
à Camden , n'en ont pas impofé long- tems , lorsqu'on
avu qu'aucun progrès n'en avoit été la fuite ; que les
troupes Américaines qu'on difoit difperfées & découragées
, forçoient encore leurs vainqueurs à la circonfpection
; & l'on n'a pas été furpris d'apprendre
la revanche qu'elles ont prife le 7 Octobre auprès des
monts Allegany fur les frontières de la Caroline &
de la Virginie.
La prife du convoi enlevé par la flotte combinée
furfa route d'Europe en Amérique , a plus que contrebalancé
les avantages des Anglois , quand ils feroient
auffi grands qu'ils les ont annoncés . En les empêchant
de recevoir les renforts , les munitions , les vivres &
les équipages de campagne qu'ils attendoient , on a
arrêté leurs progrès . M. de Guichen a pu quitter les
ifles Françoifes fans les expofer , parce qu'elles ne
peuvent être attaquées , & il a ramené en Europe le
riche & nombreux convoi que le commerce attendoit
de St-Domingue. Le Général Cornwallis ne peutpourfuivre
la victoire qu'avec les fecours de New Yorck;
& ceux-ci n'ont pu partir fans affoiblir le Chevalier
Clinton qui fe trouve lui- même dans la fituation lä
plus embarraffante.
L'arrivée des François a changé la face des affaires.
dans cette partie , où elle a réduit ce Général à l'inaction
pendant toute la campagne. Les fecours que cette
Paiffance annonce à fes alliés , devenus plus directs ,
vont être auffi plus efficaces ; & la curiofité Européenne
avide de relations de combats , ne tardera pas
être fatisfaite. Toutes les difpofitions préparent à ces
évènemens impofans & terribles ; & la prudence ne
paroît les avoir fufpendus-, que pour en rendre l'effet
plus für & plus décifi
Les François occupent maintenant
Rhodeland.
L'importance
de ce pofte dont l'acquis tion étoit indifpenfable
fi l'on vouloit marcher
1
( I )
à New - Yorck , étoit bien connue en Europe ouì
le projet de s'en emparer avoit été conçu . M. de
Ternay en partant de Breft , avoit emporté des
inftructions cachetées , qu'il ne devoit ouvrir qu'en
mer & s'il rencontroit les ennemis . A l'apparition
de l'efcadre du Capitaine Cornwallis qui fut prife
pour celle de l'Amiral Graves , qu'il favoit être prête
à marcher fur fes pas , il ouvrit fes ordres ; il y trouva
celui de ne point attaquer les Anglois , quelque
beau jeu qu'ils lui offriffent , quelqu'inférieurs qu'il
les trouvât , & de marcher droit à Rhode-Iſland. Le
tems preffit ; de moindre délai eût pu avoir des conféquences
fâcheufes. Un combat en mer avec un
convoi dont la confervation partage l'attention du
Général , eût retardé fa marche à la deftination. Il
ne mouilla en effet à New- Port que trois jours avant
l'arrivée de l'Amiral Graves ; & le Général Clinton
étoit déja de retour à New-Yorck. Ce dernier avoit
abandonné Charles- Town dont la conquête avoir
exigé la préfence , & qui défendue par une poignée
de monde , lui avoit coûté tant de fang & de tems . A
la première nouvelle de l'approche des François , il
s'étoit hâté de revenir fur fes pas , dans l'efpérance
de les prévenir à Rode-Iſland , de défendre cette iſle ,
& de les empêcher de s'y établir . Un avantage brillant
mais paffager , auquel eût pu aſpirer M. de Ternay
, eût rendu difficile & meurtrier , ou fait manquer
peut-être le débarquement de l'armée du Comte
de Rochambeau . La prife ou la deftruction de quel
ques vaiffeaux Anglois , n'en eût pas dédommagé . Les
victoires ont un éclat qui peut en impofer aux imaginations
ardentes , & aux efprits fuperficiels qui ne
voient que le moment préfent , & jamais celui qui
doit le fuivre. C'eft par leurs effets qu'il faut les juger.
Et celle de M. de Ternay eût été plus funefte à la
France & à fes alliés , & plus favorable à l'Angleterre
qu'une défaite complette.
Le Général Clinton qui s'eft préſenté devant
a 6
( 12 )
Rhode-Inland avant que les François s'y fuffent for
tifiés , malgré tout l'intérêt qu'il avoir à les chaffer
de ce pofte , n'a pas ofé ies y attaquer. Le hardi Rodney
a renoncé lui - même à toute tentative , lorsque
trompé fur la marche du Comte de Guichen , qui revenoit
en Europe , il eft venu le chercher dans ces
parages. La petite armée du Comte de Rochambeau
qui fera renforcée au printems , & qui doit favorifer
le débarquement des troupes qui vont la joindre , a
l'hiver devant elle pour concerter fes opérations avec
le Général Washington.
Tout le prépare pour faire partir l'année prochaine
les renforts & les fecours néceffaires . Déja trois grands
convois fe raffemblent dans nos ports . Le Comte
d'Estaing fur qui l'Europe a les yeux & en qui la nation
met la confiance , attendu dans le port de Breſt
avec le riche convoi des ifles qu'il ramène de Cadix ,
& que l'on fe flatte,de voir arriver heureuſement
fous fa conduite , malgré les ennemis & les vents ,
partira , dit- on , avec toutes nos forces navales ,
pour escorter ces convois jufqu'au point où ils doivent
fe féparer , pour prendre la route des Indes , celle
des Ifles , & celle de l'Amérique feptentrionale. Peutêtre
marchera- t - il lui-même avec l'un de ces derniers.
Le voeu général eft du moins de le voir commander
dans les lieux où doivent fe porter les plus
grands coups..
L'Angleterre qui s'attend à une campagne plus
active que celle qui vient de finir , entourée d'ennemis
qu'elle a multipliés par fa hauteur & fon imprudence
, ayant maintenant à réſifter à la fois aux forces
de la France , de l'Espagne , de la Hollande & des
Etats - Unis d'Amérique , lutte contre fon impuiffance
& redouble fes efforts . Ils devroient être prodigieux
pour être égaux à fes befoins . Quelque efpoir qu'elle
conçoive du fuccès des projets qu'elle a médités fans
doute , & dont l'exécution eft peut-être déja commencée
contre les établiffemens précieux des Hollan(
13 )
dois dans l'Inde , il eft difficile qu'elle puiffe divifer
fes forces fur tant de points & ne pas les affoiblir
devoir des avantages momenpar
tout , Elle ne peut
tanés qu'à la violation du droit des gens ; mais en
faifant un tort confidérable à la République , ils ne
rendront pas
fa condition meilleure . Elle eft
obligée de foiter fes emprunts à 360 millions
de nos livres. Sa dette qui étoit de 140 millions
fterling avant la guerre actuelle , fe trouve monter à
préfent à la fomme énorme de quatre milliards &
demi tournois. Le patr'otifme , car on ne peut nier
qu'il n'exifte dans la nation , fournit encore des reffources
. Mais le patriotifme qui ne manifefte fon
énergie que par l'argent , doit s'évanouir dès que les
caiffes font épuifées ; & la durée de fes efforts pourroit
être foumise au calcul .
En finiffant ce Tableau de l'année , nous nous aṛ.
rêtons avec douleur fur l'évènement funefte qui vient
de couvrir de deuil le Nord & la France . La mort de
l'Impératrice Reine eft une perte pour l'humanité à
qui fa bienfaifance & fes vertus l'avoient rendue fi
chère . Le cri général de tous les coeurs fenfibles eft
que des qualités plus belles & plus touchantes , ont
rarement orné le trône. Les larmes univerfelles de
refpect , de tendreſſe & d'admiration font au-deffus
de tous les éloges. Cet évènement douloureux excite
ra les juftes regrets de l'Europe , fans rien changer à
fon état actuel . Elle ne paroît pas du moins avoir à
craindre de voir troubler la paix dont la plupart
de les Etats jouiffent , pendant que le feu de la
guerre étendant les ravages , brûle à la fois dans
l'Amérique feptentrionale , les Ifies & les Indes
orientales . La neutralité armée doit l'empêcher de
s'étendre davantage fur les mers l'Autriche , la Pruffe
& la Ruffie prête à la feconder , attentives aux évènemens
,femblent veiller pour l'écarter de la terre ; & la
Grande -Bretagne qui feule auroit intérêt à l'y allu
( 14 )
mer pour divifer les efforts de fes ennemis , épuifée
maintenant , fourniffant à peine à les propres befoins ,
eft hors d'état de prodiguer les fubfides & l'or néceffaires
pour l'exciter & l'entretenir.
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
TURQUI E,
De CONSTANTINOPLE, le 20 Novembre.
ON
N et toujours dans l'incertitude fur
la manière dont fe termineront nos nouveaux
différens avec la Ruffie. Jufqu'à préfent
la Porte n'a encore fait aucune réponſe..
Le Reis Effendi s'eft excufé fur ce qu'étant
à peine revêtu de fon Emploi , il ne pouvoit
avoir pu fe mettre , auffi-tôt qu'il l'auroit defiré,
au fait d'une affaire auffi importante. On `
affure que M. de Stachieff l'a prié de s'en
occuper particulièrement en lui déclarant
que fa Souveraine attendoit promptement
une réponſe finale , & que convaincue 'de'
la juftice de fa demande , elle étoit déterminée
à faire tout ce qui feroit nécef(
15 )
faire pour foutenir efficacement fon honneur
& fa dignité.
Le Capitan-Bacha eft arrivé ici le 8 de cé
mois avec fa flotte , confiftant en 7 vaiffeaux ,
& 4 galères ; il étoit accompagné d'un grand
nombre de navires marchands de différentes
Nations , & d'un convoi de bâtimens 7
François très richement chargés .
La Maiſon Angloife de commerce , connue
fous le nom de Barker & Luart , vient
de manquer ; on évalue cette faillite à
300,000 écus.
DANEMARCK.
De COPENHAGUE , le 10 Décembre.
ON compte actuellement 110 bâtimens
de différentes Nations dans le Sund , où ils
attendent un vent favorable pour paffer dans
la mer du Nord . Parmi ces navires on en
compte au delà de 60 Anglois , eſcortés
par 2 frégates de cette Nation , nous en
avons auffi 6 qui font deſtinés pour les Indes
Orientales.
On apprend d'Helfingor que cette quantité
de navires , retenus depuis long- tems par
les vents contraires , y a rendu les vivres
très-chers. Le mauvais tems qui empêche les
Payfans du voifinage d'apporter leurs denrées
, n'y contribue pas peu en les rendant
rares .
( 16 )
1
POLOGNE.
De VARSOVIE , le 10 Décembre.
TOUTES les nouvelles de la Wolhynie
annoncent que la maladie épidémique quis'y
étoit déclarée a entièrement ceffé fes ravages ;
on eft parfaitement raffuré dans les environs ;
& les Seigneurs & les Négocians qui vont
dans ce tems - ci à Dubno pour y renouveller
leurs contrats , n'hésitent point à fe
mettre en route .
Les troupes Ruffes qui doivent quitter
ce Royaume font déja en mouvement , malgré
la rigueur de la faifon. On apprend
qu'elles ont évacué la Ville de Thorn ,
nous verrons inceffamment arriver quelques
régimens qui doivent paffer ici la
Viftule.
ALLEMAGNE.
&
De VIENNE , le 12 Décembre.
S. M. I. a écrit au Gouvernement de
Presbourg que toutes les affaires de l'Adminiftration
de la Hongrie devoient continuer
d'avoir leur cours fans le moindre
changement. Comme , felon les loix de
ce Royaume , le Couronnement du Roi
doit le faire avant l'expiration de la première
année de vacance , il fe tiendra bientôt
une Diète pour fixer le jour de cette Céré
monie.
'
On fe rappelle avec attendriffement la
bienfaiſance & la bonté de l'augufte Princeſſe
que nous venons de perdre ; fes fentimens
"
( 17 )
,
maternels ne fe font point démentis jufqu'à
la fin de fa vie. On répète par tout ces paroles
touchantes , les dernières qu'on lui a entendu
prononcer : S'il s'eft paffé fous mon règné
quelque chofe qui ne fût pas felon la juftice
c'est sûrement contre ma volonté , parce que
mon intention étoit droite. Cette digne & refpectable
Souveraine , confidérant que fi les
Théâtres reftoient long-tems fermés , il
pourroit en résulter de grands inconvéniens ,
a ordonné qu'ils fuffent r'ouverts le plutôt
qu'il feroit poffible ; ils le feront , en conféquence
, après le premier grand deuil , qui
doit durer fept femaines.
L'Empereur vient d'ordonner que l'une
des deux villes & fortereffes qui vont être
bâties en Bohême , portera le nom de Thérefienftadt
ou Therefianople en mémoire de
fon augufte Mère.
On a placé fur l'Urne qui renferme le
coeur de cette Augufte Princeffe , déposé dans
le Couvent des Auguftins déchauffés de
cette Ville , l'Infcription fuivante :
Hác Theca Tegitur cor auguftum Maria - Therefie
, Rom. Imperat. Hung. & Bohem. Reg. Pia ,
elementis , jufta , Quod Dùm vixit , totum confecravit
Deo, Subditis, Saluti publica . Mirè liberalis
in Egenos , Viduas & Orphanos ; In adverfis fupra
fexum Magnanima . Nata eft anno 1717 , die 13
Maii. Obiit an. 1780 , die 29 Novembris.
Cette autre Infcription latine a été placée
fur l'Urne qui renferme fes entrailles , dépofées
dans l'Eglife Métropolitaine de Saint
· Etienne ..
Hicfitafunt Vifcera Maria-Therefia , Rom. Im(
18 )
T
perat. Hung. & Bohem. Reg. Archid. Auftr. Eras
donec vixit Mater Reipublica Subditorum amor ,
Stirpisfua gloria , Augufti Throni fulcrum & ornamentum.
Nata an. 1717 , die 13 Maii, Obiit an .
1780 ; die 29 Novembris.
De FRANCFORT , le 16 Décembre.
1
LE Comte Frédéric de Schimmelman ,
Veneur de la Cour de Danemarck & Miniftre
près le Cercle de la Baffe - Saxe , vient
d'être nommé à la place du Grand - Tréforier .
Son père s'occupe actuellement des moyens
de remplir l'engagement qu'il a pris de
fournir les fonds néceffaires à l'armement de
20 vaiffeaux de ligne & de 10 frégates , ordonné
pour le printems prochain.
Un détachement de 90 à 100 hommes d'infanterie
, écrit-on , de Manheim , forti d'ici le 7 , y a
ramené le 8 au foir quelques recruteurs étrangers
qu'il a arrêtés à Edenkoben ; ils confiftent en un
Officier & 4 Bas - Officiers ; ils avoient 19 recrues
au nombre defquelles fe trouvent quelques- uns de
nos déferteurs & des fujets du Palatinat ; comme il
y a une défenfe faite à tout étranger de recruter dans
I'Empire , il fe pourroit que ces enrôleurs fuffent punis
malgré la protection dont ils s'honorent . On a
nommé une Commiffion pour examiner cette affaire.
La févérité feroit peut- être. néceffaire dans ce moment
, fi , comme on le dit , il y a en effet quelques
autres recruteurs dans le voifinage « .
On mande de Berlin que l'Etat Militaire
fe propoſe de faire ériger dans un des plus
beaux quartiers de cette Capitale la ftatue
équeftre du Roi ; ce projet eft dû au Prince
Frédéric de Brunſwick. Les deffins & le
projet de ce monument ont déja été
( 19 )
"
préfentés au Roi qui les a approuvés ; on
dit que l'exécution coûtera 300,000 thalers.
ESPAGNE
.
De CADIX , les Décembre.
CE port, ne préfente aucune nouvelle.
La flotte et toujours dans la Baie , mais
prête à fortir au premier fignal . Une lettre
d'Algéfiras
, en date du 2 de ce mois , contient
les détails fuivans.
» Les travaux du camp continuent avec la même
ardeur , & les ennemis n'ont pu les rallentir , quoique
pendant 2 nuits , ils aient jetté une grande quantité de
carcaffes , grenades , &c. , & tiré environ 900 coups de canon . Tout le mal qu'ils ont fait le réduit à quelques
foldats tués , & un plus grand nombre de bleſfés
l'éclat des grenades Du côté de la mer , ils par
n'ont pas moins été refferrés ; car depuis que notre
Chef-d'efcadre a ôté le commandement
des chaloupes
pour le
canonnières à celui qu'il avoit d'abord choifi ,
donner à Chumeteo , ces espèces de radeaux qui pré- fentent peu de furface , ne craignent pas de s'avancer
fort près des batteries ennemies , & le nouveau Capitaine
a déſolé la baie au point que tous les bâtimens
ont été obligés de fe réfugier fous le mole . On a eu
occafion de remarquer dans ces différentes attaques
ce que plufieurs déferteurs nous ont rapporté ; c'eft
qu'il y a peu de canonniers dans la place ; car lorfque
les batteries de la montagne tirent fur nos lignes
celles de la place reftent muettes ; & lorſqu'il faut de
toute néceffité que celles - ci répondent à nos chaloupes
, & qu'elles les éloignent , celles de la montagne
fe taifent à leur tour.-
Ces jours derniers le fils de
Chumeteo , jeune homme plein d'ardeur qui monte
un petit chébec de 4 canons , s'eft emparé d'une ba landre Angloife de 12 au moment où elle alloit entrer
dans la baie . Elle venoit de Lisbonne avec des
--
,
( 20 )
rafraîchiſſemens , vins, médicamens , cuirs , &c. ob
jers dont on fait que la garnifon a le plus preffant befoin
; il y avoit auffi toutes les Gazettes de Madrid qui
ont paru depuis le 1er. Juin. Le lendemain nos ché
becs ont fait une autre prife qui leur a paru d'un grand
prix quoiqu'elle fût fur fon left ; c'eft celle d'un dogre
Danois qui ſe gliſſa dans la place le 13 Octobre
dernier. Il croyoit fans doute pouvoir fortir avec le
même bonheur. Il y a apparence qu'il fera condam
né , quoique le Capitaine prétende avoir été entraîné
dans la baie par le courant , & qu'on l'a forcé d'y
laiffer fa cargaifon. Un pinque Anglois & une
frégate corfaire de Mahon ont mouillé ces jours derniers
dans la baie. Celle- ci n'aura pas porté de grands
rafraîchiffemens à la garnifon ; mais nos chébecs , &
fur tout le Capitaine du St- Antoine qui l'a chaffée ,
font au défefpoir de n'avoir pu l'aborder . Nous
apprenons par un matelot François , qui étoit prifonnier
dans Gibraltar , d'où il a trouvé le moyen de
fe fauver , que le pinque a apporté des comestibles ,
& une petite partie de vin & d'eau - de- vie ; so quin.
taux de farine qu'il avoir à bord , ont été vendus à
raifon de 100 liv . tournois le quintal . Le rapport de ce
prifonnier eft conforme fur lerefte à ce que nous favions
de l'état de la garnifon. Elle ne manque ni de
bifcuit , ni de viande falée ; mais pour tous les autres
objets , elle éprouve les plus preffans befoins . Ce
François nous a confirmé que toutes les fois que nos
chaloupes canonnières fe font avancées dans la baie ,
elles ont tué beaucoup de monde à bord des bâtimens
ennemis , ce qui les a obligés , comme nous l'avons
dit , de fe tenir dans le port. Il rapporte qu'on eft perfuadé
à Gibraltar que l'année ne fe paffera pas fans que
la place ne foit ravitaillée ; mais il y a lieu d'eſpérer
que la flotte que nous avons ici y mettra bon ordre ".
( 21 )
ANGLETERRE.
De LONDRES , le 24 Décembre.
-
DEPUIS le 13 de ce mois , le Ministère
a reçu diverfes dépêches de New- Yorck
de Charles Town , de Québec & de la
Jamaïque. Elles ont donné lieu à pluſieurs
Confeils qui fe font tenus , mais rien n'à
tranfpiré de leur contenu. On s'eft contenté
d'annoncer , quant au premier endroit , que
le Général Clinton fe propofe d'attaquer,
avant la fin de l'hiver , l'armée du Général
Washington , & celle des François établie
à Rhode Iſland. Il eft certain qu'il feroit
très - important pour lui de prévenir l'arrivée
des renforts que ces derniers attendent
; mais eft- il à préfumer qu'il le puiffe ?
11 a été forcé de renoncer à toute entrepriſe
pendant la bonne faiſon , lorfqu'il
avoit toutes les forces avec lui ; peut - il
avoir aucun projet dans la mauvaife , &
dans un moment où il s'eft affoibli par la
divifion qu'il a envoyée avec le Général
Leflie au Lord Cornwallis.
On annonce , d'après des lettres du 6
Octobre , que ce Général a toujours allez
de fuccès dans la Caroline ; mais on fe garde
bien de parler du contenu de celles qui
font arrivées poftérieurement
à cette époque.
On dit que les dépêches du Lord
Cornwallis du 27 , offrent le détail circonftancié
de la défaite & de la mort du
( 22 )
Major Ferguſon. On ne donne pas moins
de 2000 hommes au Général Sumpter qui
l'a attaqué. Quant au Canada , tout y eft
eſt
dans la tranquillité la plus parfaite ; mais
une partie du dernier convoi , & la flotte
marchande de 30 navires partie du Canada
pour l'Europe , ont été difperfés dans le
golfe de S. Laurent. De la Jamaïque , on
apprend que les nouveaux régimens partis
d'Angleterre ont perdu en chemin preſque
la moitié de leur monde par les maladies ,
qu'il y a beaucoup de méfintelligence entre
les habitans de la Jamaïque & le Gouverneur
, au fujet du projet formé contre la
Nouvelle- Efpagne.
» Des lettres de Sainte- Lucie , écrit- on de Corke ,
viennent à l'appui de ces détails affligeans . Celles
du 2.5 Octobre annoncent la mort de 1500 hommes
des plus belles troupes Britanniques . Cette mortalité
eft occafionnée par l'infalubrité de l'air , & par
la fatigue des troupes , qui ont conftruit une route
depuis le carénage jufqu'au Morne. Le 89e & le 91e
régiments qui étoient complets à leur départ de Plimouth
, ont tellement fouffert tant à la conftruction
de leurs barraques , qu'à tranfporter des provisions
fur le fommet du Morne la Fortune , qu'il ne leur
refte pas fept hommes en état de fervir ; ils en enterrent
15 à trente par femaine. La mortalité fait
les mêmes ravages parmi les régimens qui font depuis
long-tems dans l'Ifle. Ces pertes multipliées ont
fait enfin prendre le parti d'employer des Nègres au
transport des provifions fur le Morne <<.
On attend avec la plus grande anxiété
des nouvelles récentes de l'ouragan affreux
que l'on a éprouvé aux Antilles. Nous favons
( 23 )
qu'il a fait un mal prodigieux à une flotte Angloife
qui s'affembloit pour partir. On s'eft
hâté de détourner l'attention de nos défaftres
en la portant fur ceux que doivent avoir
éprouvé les François. Un grand convoi qui
étoit arrivé à la Martinique a été diſperſé avant
que d'avoir pu débarquer les troupes qu'il
y conduifoit. On ne manque pas de fe
Hatter de voir ces vaiffeaux difperfés , devenir
la proie de nos corfaires ; mais ce n'eft
pas au milieu de l'orage qu'ils ont pu faire
des captures
.
On dit que le Chevalier Rodney eft arrivé
aux Ifles le 15 Novembre , & que l'Amiral
Arbuthnot revient en Europe après avoir
laiffé le commandement de notre efcadre
à l'Amiral Graves.
que
La Déclaration de guerre contre la Hollande
occupe généralement tous les efprits.
»Voici en peu de mots à quoi fe réduit la querelle
entre la Hollande & l'Angleterre. 1 ° . Les Etats-
Généraux infiftent fur le droit de tranfporter en
France & en Espagne toutes les espèces de marchan
difes qui ne font point contrebande , & ils appuient
ce droit fur le traité de 1674. L'Angleterre dit
les Etats Généraux n'y porteront point ces marchandifes
, elle les fait conduire dans les Ports ,
& elle ordonne qu'on en paiera le prix. La
Hollande nie ce droit. 2º. Un certain M.
Stochton , du Nouveau-Jerfey , eft envoyé par
le Congrès à Amfterdam , pour y négocier un trai
té de commerce ; les Bourgmeftres & les Négocians
concluent ce traité , qui doit commencer à
être en vigueur du moment où l'Angleterre reconnoîtra
l'indépendance de l'Amérique. L'Angleterre
( 24 )
s'en trouve offenfée , elle demande la punition des
Magiftrats d'Amfterdam , fous peine de faire éprou
ver à la Hollande les plus violens effets de fon
Jeffentiment. 3 ° . La Hollande affirme & prouve
que Rodney a envoyé deux vailleaux de guerre
pour enlever de l'Ile de Saint - Martin un vaiffeau
de l'Inde Hollandois & quatre vaiffeaux Améri
cains , au mépris de tous les traités & du droit des
gens. Telles font les raifons pour lesquelles nous
allons nous engager dans la
s la guerre la plus extravagante
avec notre allié naturel « ,
-
Desle
3
Nos Armateurs qui fe flattent de faire un
grand profit fur le commerce Hollandois ,
font ceux qui fe réjouiffent le plus de cet
évènement. Dès le 22 , le lendemain de la
Déclaration de Guerre , l'Amirauté délivra
20 lettres de marque pour courir contre les
Hollandois. Dès la veille , plufieurs marchands
avoient acheté fur la Tamife dés
bâtimens armés qui font fur- le- champ partis
pour la courfe. L'Amirauté avoit expédié en
même-tems à l'Amiral Evans , qui commande
aux Dunes , l'ordre de détacher le plus de
vaiffeaux qu'il lui feroit poffible , pour en
former une efcadre volante deſtinée à croi
fer contre les navires Hollandois . Le 22 ,
la pointe du jour , plufieurs mirent à la voile
en conféquence de ces ordres . Le Vice-
Amiral Roddam , inftruit à tems , a arrêté
plufieurs bâtimens de cette Nation ; 4 l'ont
été à Lowes , où ils étoient entrés parce
qu'ils faifoient eau , & ont été déchargés
fur-le- champ , nos corfaires en ont déja pris
quelques- uns. On n'a pu en arrêter qu'un
•
petit
( 25 )
petit nombre fur la Tamife , parce que les
Capitaines qui fe défioient de ce qui alloit
arriver , s'étoient échappés dès le 19.
On ne doute pas ici que depuis quelque
tems il n'ait été expédié des ordres à nos
Amiraux dans les ftations des Indes & des
Illes occidentales , pour attaquer les établiſfemens
Hollandois ; l'Amiral Rodney en a
vraisemblablement reçu de pareils , & à
préfent il eft peut - être en poffeffion de
' Ifle de St- Eustache , qui eft le grand entrepôt
du commerce des Hollandois , & où il
y a actuellement pour 6 millions de marchandifes
.
L'avidité de la Nation fe met déja en
poffeffion des riches établiffemens de la
République dans l'Inde . Elle a calculé les
forces qu'elle a dans ces contrées , & voici
le tableau qu'elle en préfente.
A Batavia & aux environs , 1300 foldats Européens
, & 7 bataillons de Sypayes ; à Calcutta ,
400 Européens & bataillons de Sypayes ;
Chenfura , 170 Européens & 2 bataillons de Sypayes
; à Pontegule & Inle de Ceylan , 300 Européens
, & 4 bataillons de Sypayes. Dans les garnifons
de l'intérieur des terres , 900 Européens ,
dix bataillons de Sypayes , 3 efcadrons de Cavalerie
, 6 compagnies d'Artillerie. Au Cap de Bonne-
Efpérance , 3000 hommes d'Infanterie Européenne.
Total , 6070 hommes de troupes Européennes ,
3 efcadrons de Cavalerie , 6 compagnies d'Artillerie
, & 28 bataillons de Sypayes. Leurs forces
navales confiftent aux Indes Orientales en un
vaiffeau de 70 canons , un de 60 , un de so ,
trois de 40 , & quelques navires de 12 à 20 canons
pour le compte de la Compagnie «.
6 Janvier 1781 . b
( 26 )
D'après ce tableau , on n'apperçoit d'ici
que des conquêtes faciles ; on prépare même ,
dit-on , déja les vaiffeaux qu'on veut envoyer
pour les aflurer. Le Chevalier Hugues Pallifer
, eft chargé du commandement des forces .
qui doivent partir inceffamment pour
P'Inde.
Ces grands projets qui tournent bien des
têtes , femblent préparer l'accommodement
de la Compagnie avec le Gouvernement . La
première , féduite par la perfpective des
avantages qu'on lui propofe aux dépens des
Hollandois , & qu'on a foin d'exagérer , fe
rendra moins difficile fur les fonds qu'on
lui demande. C'eft le Lord Macartney qui a
été préfenté à la place du Gouverneur de
Madraff , & on ne doute point que fa nomination
n'ait lieu inceffamment . Les plaifans
qui fe rappellent qu'il commandoit à la
Grenade , difent qu'il ne feroit peut- être pas
à fouhaiter que fon ancienne connaiſſance ,
le Comte d'Estaing , paffât un jour dans
l'Inde , pour lui rendre une vifite à Madraff
où peut- être elle fe termineroit comme celle
qu'il en a reçue à la Grenade.
Au milieu de toutes ces belles fpéculations
, la rentrée de l'Amiral Darby ne laille
pas de nous inquiéter pour les flottes que
nous attendons de l'Inde & des Ifles. On a
bien expédié des avifo pour les avertir de ne
pas s'expofer , mais elles peuvent ne pás les
recevoir ; M. d'Estaing a pu les intercepter ,
& fe déterminer à tenir plus long-tems la
mer.
( 27 ).
A ces inquiétudes , il s'en joint plufieurs
autres , vivement fenties par les bons patriotes
. Nous avons multiplié nos, ennemis ;
comment leur ferons- nous face par- tout ,
& comment , fur-tout , pourrons - nous nous
défendre , & agir en même- tems offenfivement.
Le beau rêve de la foumiffion de
l'Amérique s'évanouit. Le Général Clinton
avoit fans doute joint à fa lettre du 30
Octobre tous les papiers contenus dans la
malle enlevée aux Américains . Les Miniftres.
ont donné auffi-tôt la publicité à ceux qu'ils
ont jugé les plus propres à jetter le découragement
dans le parti nombreux qui foutient
ou favorife la caufe des Américains , tant
en Angleterre que dans le refte de l'Europe.
Hs ont compté fur tout que la remontrance
adreffée par 7 Généraux de l'armée de Washington
à l'Affemblée de New Hampshire ,
feroit une grande fenfation , quoiqu'ils en
aient amorti l'effet , en retranchant la date
de cette pièce. On avoit déja jugé par cette
licence que c'étoit une vieille affaire , & que
l'état des chofes devoit être changé. C'eft ce
qui fe découvre pleinement aujourd'hui par
la Gazette de Bofton du 16 Octobre , où l'on
voit que dès le 10 Août le Congrès avoit fait
droit fur cette requête par un arrêté de certe
dare fur le rapport que le Comité lui avoit
fait des mémoires des Officiers - Généraux
dont il eft parlé dans celui envoyé au New-
Hampshire , dont on dit qu'il n'y avoit point
été répandu . Cette circonftance fait remon
1
b2
( 28 )
ter l'époque du mémoire au mois de Juin
dernier , & voilà le motif qui a déterminé le
Ministère à en fupprimer la date en le publiant.
Cet arrêté eft fait pour contenter
pleinement les Généraux , & on ne doit plus
être furpris que leurs noms fe foient trouvés
au bas de l'Arrêt de mort du Major André ,
ce qui paroifloit incohérent avec l'exposé de
leurs griefs contre le Congrès 3 lorsqu'il
fembloit que l'un & l'autre avoient été
fignés dans le même quart- d'heure. M
» En Congrès le 20 Août. Le Congrès a pris
en confidération le rapport du Comité fur le Mémoire
des Officiers - Généraux . En conféquence , il
a été arrêté que lesdits Officiers - Généraux feront
informes que le Congrès n'a jamais négligé de
faire attention aux vertus militaires qui ont éclaté
dans l'armée des Etats- Unis pendant le cours de
cette guerre, & qu'il s'eft conftamment & princi
palement occupé , non- feulement de pourvoir au
bien être & à la fanté de l'armée , mais auffi de fatisfaire
à fes demandes raifonnables , autant que
les
Ces
publiques
pouvoient
le
permettre
.
taire
-
Que la patience & le renoncement à foi- même ,
le courage & la perfévérance , le facrifice volon-.
de fon tems , de fa fanté & de fa fortune , font .
les vertus effentielles que le citoyen & le foldat doivent
montrer lorfqu'ils travaillent à établir la liber.
té dans leur Patrie. Que la modération , la frugalité
& la tempérance doivent être les principaux
appuis & les ornemens les plus éclatans de cette
efpèce de Gouvernement civil qui a été fagement
inftitué par les divers Etats de cette union .
Qu'il a été recommandé aux divers Etats de dédommager
leurs Officiers & leurs foldats refpec
tifs , relativement à la diminution de leur paic &
que le Congrès prendra de promptes mefures pour
:
( 29 )
--
liquider & payer ce qui eft dû à cet égard aux Of
ficiers & aux foldats , qui n'appartiennent au contingent
d'aucun Etat. Qu'à compter du premier
Août 1780 , l'armée fera autorifée à recevoir la
paie fur le pied établi au premier Janvier 1777 , &
qu'elle fera
payée avec les nouveaux billets qui ont
été mis en circulation fuivant la réfólution du
Congrès , du 18 Mars 1778. Que déſormais il
fera paflé aux Officiers cinq piaftres par mois , en
ces nouveaux billets , pour chaque ration retenue.
Que le Département de la guerre enverra au
Congrès une lifte des Officiers qui n'appartiennent
au contingent d'aucun Etat , avec une note de la
balance due à chacun d'eux , pour les payer fuivant
leur fervice paffé , conformément aux réfolutions
1
10 Avril dernier . Que ceux des Etats qui
n'ont point dédommagé leurs Officiers & leurs foldats
,fuivant ce qui a été preferit le 17 Août 1779,
font requis par les Préfentes de le faire auffi - tôt
qu'il fera poffible . - Que la conceffion des terres
, ftatuée par la Refolution du 16 Septembre
1776 s'étendra jufqu'aux Officiers - Généraux dans
la fuivante proportion , favoir :
Aux Majors-
Généraux , 1100 acres $2 aux Brigadiers - Généraux
, so. Que les Officiers de l'armée recevront
, auffi -tôt qu'il fera poffible , un à- compte de
deux mois de paie , pour fatisfaire aux befoins actuels
énoncés dans le préfent mémoire. "
-
-
Arrêté du 24 Août . Que les Officiers de l'armée
commandant des corps , lorfqu'ils feront campés
, feront autorifés à tirer le nombre de rations
de provifions ( qui ont été jufqu'ici retenues ) que
le Commandant en chef ou le Commandant d'une
armée féparée jugera néceffaire , mais qu'il ne feta
rien alloué pour les rations arriérées qui n'ont pas
été tirées au moment où elles étoient dues . Que
s'il paroît par la fuité que la fubfiftance accordée
en argent aux Officiers , au lieu de rations qui leur
b 3
( 30 )
ont été retenues , ne foit pas égale au prix des rations ,
on dédommagera les Officiers de ce deficit.
Que la Réfolution du 15 Mai 1778 , qui accorde
la demi- paie pendant fept ans aux Officiers de l'armée
qui auront continué le fervice jufqu'à la fin
de la guerre , s'étendra aux veuves de ceux des Of
ficiers qui feront morts ou qui mourront dans le
fervice , à commencer de la date de la mort dudit
Officier, pour continuer pendant le terme de fept
ans ; ou s'il n'y a point de veuve , ou en cas qu'elle
foit morte depuis , ou qu'elle fe foit remariée ,
ladite demi-paie fera accordée aux enfans orphelins
de l'Officier qui fera mort ainfi , s'il en a laiffé
quelqu'un . Et il fera recommandé aux Légiflations
defdits Etats refpectifs auxquels lefdits Officiers.
appartiennent , de prendre des arrangemens pour
que cette demi-paie foit payée par les Etats - Unis.
Que la claufe de reftriction comprife dans la
Réfolution du sis Février 1778 , qui accorde la
demi-paie aux Officiers pour - fept ans , exprimée
par ces mots : Et qui ne pofléderont aucun office
profitable dans lefdits Etats ou dans aucun deux
fera annullée .
On a beaucoup parlé des plaintes de
l'Amiral Rodney contre plufieurs de fes
Officiers. Nos papiers contiennent la lettre
fuivante de cet Amiral au Capitaine d'un
des vaiffeaux de fa flotte , au fujet de l'action
du 17 Avril 1780 , qui lui avoit écrit, pour
fe juftifier , à l'occafion d'un ordre qui avoit
été donné pour que fon vaiffeau ne fût
point chef de file de l'efcadre Angloife dans
aucune action future. Elle peut jetter fur
les évènemens très- extraordinaires dSececettttee
journée plus de clarté que tout ce qui a été
mis jufqu'ici fous les yeux du public.
( 31 )
J'ai reçu la lettre que vous m'avez écrite hier.
par laquelle vous m'informez que vous favez de bon.
ne part que vous êtes nommé dans ma lettre officielle
à l'Amitauté , relative au combat avec l'efcadre Fran
çoiſe, le 17 du mois d'Avril dernier. Il eft très-vrai que
vous y êtes nommé , & il ne l'eft pas moins que vous
avez mal entendu , & que vous n'avez pas exécuté convenablement
mon fignal pour attaquer l'ennemi , conformément
au 2 re article des inftructions additionelles
pour le combat , qui vous enjoignoient d'arriver
auffi tôt fur le vaiffeau ennemi qui vous étoit alors
oppofé , mais que vous portâtes vers le vaiffeau de
l'avant , quoique vous euffiez répondu à mon figual
qui vous ordonnoit d'attaquer l'arrière garde ennemie
, fignal que je n'ai point changé , & auquel il
étoit du devoir de tout Officier de donner la plus gran.
de attention.
En conduifant la file comme vous avez fait , vous
engageâtes d'autres vaiffeaux à fuivre un aufli mauvais
exemple , & oubliant de la forte que le figual pour la
ligne ordonnoit que les yaiffeaux fuffent a deux encablures
feulement les uns des autres ; l'avant-garde qui
fut amenée par vous à plus de deux lieues de diftance
du centre, qui par-là fe trouvoit exposé à la plus grande
force de l'ennemi , ne fut pas foutenue convenablement.
Si j'euffe pu penfer que votre conduite & votte
inobfervance des fignaux eût procédé de toute autre
canfe que d'erreur de jugement , je vous aurois certainement
interdit , mais Dieu me garde d'en agir de
la forte pour ce qui ne feroit qu'une faute dejugement.
J'ai réfolu fimplement de vous ôter le pouvoirde vous
méprendre de nouveau dans une occafion aufli importante
que celle où fe trouve le vaiffeau chef de file
d'une efcadre Angloiſe qui doit le mener à une bataille
en règle. Vous me permettrez , Monfieur , ( & c'eft
une explication qui me coûte beaucoup ) de vous dire
fans détour , que pendant le tems que vous avez été
b .4
( 32 )
à mes ordres , vous m'avez donné lieu de cenfurer
votre conduite comme Officier , plus qu'aucun autre
de l'efcadre ( excepté le Capitaine Bateman ) par vo
tre inattention aux fignaux , Monfieur , en remplif
fant négligemment votre devoir , & en n'employant
pas tous vos efforts comme l'auroit dû le plus ancien
Capitaine de l'efcadre à qui il appartenoit au contraire
de donner l'exemple de la promptitude , de l'activité ,
& de la plus fcrupuleufe attention aux fignaux . Vous
a- t- on vu agir de la forte lorfqu'au premier fignal que
je fis pour former la ligne de bataille par le travers ,
afin de fe porter, enfuite fur l'ennemi , & le provoquer
au combat , vous ferrâtes le
faire toute la voile que vous pouviez pour vous rene
vent, au lieu de
dre à votre pofte ,
conformément au premier article
des inftructions additionelles pour le combat, donnant
par- là un très - mauvais exemple à tous les jeunes
Capitaines . Jugez vous - même du déplaifir que j'ai
dû reffentir , en voyant que les deux plus anciens
Capitaines de Fefcadre que j'avois l'honneur de commander
étoient les feuls que j'euffe lieu de répriman
der par un fignal public , en leur fignifiant qu'ils n'avoient
point obéi. Pourquoi vous êtes - vous prefque
toujours tenu depuis au vent de votre pofte , malgré
les fignaux répétés que j'ai faits au yaiffeau que vous
commandiez ? Pourquoi étiez-vous à une distance
étonnante de l'efcadre le foir d'avant le combat ?
Pourquoi m'a-t- il fallu vous envoyer
une fregate
pour vous ordonner de joindre ? Pourquoi étiez-vous
hors de votre pofte au point du jour , quoique le
fignal pour la ligne de bataille eût fubfifté pendant
toune pour la ligne
nuit ? Toute cette conduite montroit , une
inattention qu'on n'auroit pas dû avoir à reprocher
à un Officier qui avoit été élevé dans cette bonne
& ancienne difcipline , par laquelle s'est toujours
diftinguée l'efcadre occidentale , & je n'ai diffimulé
la peine que me faifoit une pareille conduire , que
par égard pour les fervices que vous ayez rendus
I ab could od dundef b 2 anggoli
#d
(( 33 )
précédeminent à votre Roi & à votre pays , & parce
que j'étois fermement perfuadé que vous êtes un
brave homme. Autrement je fais ce que
devois
faire en ma qualité de Commandant d'une grande
efcadre . nom
Vous pouvez juger avec quelle peine j'écris une
pareille lettre à un Officier que je connois depuis fi
long - tems , & pour lequel j'ai toujours eu de l'eftime3
mais lorsqu'il s'agit des grands intérêts de la
nation , & dans un cas où le fervice de mon Roi
& de ma pátrie eft confié à mes foins , je ne dois
fonger qu'à mon devoir , & à faire en forte que
ceux qui font fous mes ordres s'acquittent du leur.
Ce font deux obligations que je remplirai tou
jours strictement , fans faveur ni partialité.
Je fuis , & c.
FRANCE.
De VERSAILLES , le 2 Janvier.
-a'n cli'up tosdingi wales , sildiq fray
3
UL
Lag de ce mois , le Marquis de Ségur ,
Chevalier de l'Ordre du S. Efprit , Lieutenant
- Général des Armées du Roi , que
S. M. a nommé Secrétaire d'Etat au département
de la Guerre , a prêté en cette qua-
Jité ferment entre les mains du Roi.o
Le 26 , le Prince Doria Pamphili , Archevêque
de Séleucie , Nonce ordinaire du
Pape , à la tête des Ambaffadeurs , des
Envoyés des Miniftres Plénipotentiaires ,
tous en manteau de deuil , eut une audience
publique du Roi , dans laquelle il
fit fon compliment de condoléance à S. M.
fur la mort de l'Impératrice - Reine de
Hongrie & de Bohême. Le Prince de Tinbs
( 34 )
gry , Capitaine des Gardes- du Corps , en
manteau de deuil , les reçut à la porte en
dedans de la falle , où les Gardes du Corps
étoient en haie & fous les armes. Le Prince
Doria Pamphili fut conduit à cette audience
, ainfi qu'à celle de la Reine , qui étoit
fous un dais , tenant fon cercle de Dames ,
par M. de Tolofan , Introducteur des Ambaffadeurs
; M. de Séqueville , Secrétaire
ordinaire du Roi à la conduite des Ambafladeurs
, précédoit ; l'un & l'autre étoient en
long manteau de deuil.
Le même jour , le Baron de Blome , Envoyé
extraordinaire de Danemarck , préfenta
au Roi les gerfaux d'Iflande ; le préfent
que le Roi de Danemarck eft dans l'ufage
de faire annuellement à S. M. fut reçu
par le Comte de Vaudreuil , nommé à la
charge de Grand - Fauconnier de France ,
& par le Marquis de Forget , Capitaine du
Vol du Cabinet.
De PARIS , le 2 Janvier.
LA préfence de M. le Duc de la Vauguyon
, Ambaffadeur de France auprès des
Etats Généraux des Provinces - Unies
étant devenue plus néceffaire que jamais
à la Haye depuis la déclaration de guerre
de l'Angleterre contre la République
il eft parti hier pour retourner à fa réfidence
, qu'il n'avoit quittée que par
congé. De toutes les poffeffions Hollandoifes
, celle pour laquelle il paroît que
( 35 )
l'on craint le plus , eft le cap de Bonne
Espérance. Nos marins font perfuadés
que l'armement que l'on preffe en Angleterre
, & dont on donne le commandement
au Chevalier Sir Hugues Pallifer , ne peut
regarder que cette poffeffion importante ,
qui mettroit nos ennemis en état d'intercepter
à leur paffage les flottes qui vont
aux Indes , ou qui en reviennent . On croit
cependant qu'il eft facile de prévenit ce
coup. Les Anglois ont pu envoyer d'avance
des ordres dans les Indes , pour attaquer
les Hollandois ; mais l'Amiral Hugues n'a
pas des forces fuffifantes pour tenter de
grandes entreprifes , & il n'en eft pas encore
parti d'Europe . On peut inftruire aifément
nos Commandans à l'Ile de France
des réfolutions de notre rivale , & S à 6
vaiſleaux de M. de Tronjolly fuffisent pour
défendre le Cap , où les Hollandois peuvent
aufli envoyer des fecours avant le départi
de l'Amiral Pallifer ; s'ils n'en ont pas déja
envoyé ; car il paroît qu'on s'attendoit
à la Haye à ne pouvoir pas refter long- tems
neutre dans cette grande querelle .
Ce n'eft que par la voie de Londres qu'on
a appris la nouvelle du long & terrible
ouragan qui s'eft fait fentir aux Antilles.
Il n'eft pas douteux qu'il n'ait caufé bien
du dommage ; mais il ne faut pas non plus
s'en rapporter tout- à- fait à ce que racontent
les Anglois , de ceux qu'on a effuyés à la
Martinique. Il eft naturel qu'ils les aient
b 6
((36 )
exagérés. Selon eux , un tranfport François
entré à Nevis , ifle Angloife , plutôt que
de s'expofer à une perte certaine , raconte
qu'il faifoit partie d'un convoi de 60 voiles
, chargé de 1500 hommes de troupes ,
dont on n'avoit pu débarquer que 400
lorfque l'orage a enlevé & jetté au large
tous les bâtimens . On ignore ce que c'eft
que ce convoi , car il y a long- tems qu'il
n'en eft parti d'Europe . Celui de l'Ifle d'Aix ,
efcorté par le Guerrier jufqu'au delà des
caps , & enfuite par 2 frégates , ne con- A
fiftoit qu'e
qu'en 33 voiles , & ne portoit pas ab
1500 hommes. Cet ouragan eft le même qu'a
effuyé l'Amiral Rowley , que l'on foup .
çonne , avec raifon , avoir coulé bas.
-
-
Toutes les lettres particulières confirment
que la flotte de l'Amiral Darby eft rentrée
en très mauvais état ; il n'avoit que 22
vaiffeaux avec lui ; on n'eft pas fans inquiétude
fur ceux qui lui manquent , & on juge
qu'il lui faut au moins deux mois pour fe
radouber & fe ravitailler , de manière qu'il
eft impoffible que Gibraltar foit fecouru
d'ici à quelque tems.
Les avis de nos ports font tous unifor
mes calmee ou vent contraire , voilà ce
qui retient M. le Comte d'Eftaing. Il faut
pourtant que le vent de nord ou de nordoueft
n'ait pas toujours régné , puifque nous
favons que le paquebot le Royal George
n'a mis que 12 jours de Lisbonne à Fal- gay
mouth , où il eft entré les de cel mois
( 57 )
y
D'un autre côté , un navire forti auffi de
Lisbonne fur fon left , le 9 Novembre , n'eſt
arrivé à Bordeaux que le 19 Décembre
ce qui prouve qu'à des latitudes voifines il
avoit des aires de vent très-différens. Ce qui
eft bien propre à nous raffurer fur le compte
de M. d'Estaing , c'eft que nous apprenons
de Madrid que le 6 Décembre il a envoyé
au Ferrol 2 de fes frégates pour y prendre .
les malades laiffés l'été dernier par les vaiffeaux
François
qui
relâchèrent dans ce Port,
M. d'Estaing étoit fans doute à cette époque
dans ces parages ; & fi fon convoi avoit
eu des befoins preffans , s'il eût fouffert , il
n'eſt pas douteux qu'il ne l'eût amené dans
ce Port. Nous nous attendons d'apprendre
à chaque moment qu'il a paru devant la
rivière de Bordeaux.
ל כ
༣
» Depuis 10 à 12 jours , écrit- on de Breft , en
date dura
Décembre , il ne s'eft fait aucun des
mouvemens ordinaires du port & de la rade ; plues
attendues fieurs flottilles
vent.Le peu qui ſe fait
pas
faute de ' arrivent
de tems en tems eftabat
contraire au retour de M.
M. d'Estaing on croit que
fon armée eft ob
obligée de louvoyer ou de refter en
panne , tant les calmes & les vents l'auront contrariée.
Son arrivée détermineroit fans doute le départ
de beaucoup de bâtimens prêts à appareiller de
cette rade. La frégate l'Amazone a ordre de fe og
difpofer à partir pour ramener M. de la Peyroufes à
Rhode-Ifland. Get Officier va porter les inftructions
& les avis que M. de Rochambean
Cette frégate efcortèrà un conver, a pu demander .
& fera accompagnée
de deux autres , que l'on croit être la Dedaigneufe
& la Sylphide a
611
( 38 )
On a parlé des prifes faites par la frégate
corfaire la Calonne , qui mit à la
voil : de Dunkerque le 24 Novembre
dernier. On évalue à 600,000 liv . celles
qu'il a faites en is jours . Voici le détail de
cette croifière fi courte & fi heureuſe.
» Le 24 , pris & envoyé à Calais un cutter ; le
27 , pris & envoyé à Cherbourg un floop chargé de
farine ; le 28 pris à l'entrée du port de Plimouth
un grand longre , qui eft arrivé à Morlaix ; le même
jour , coulé bas un floop venant de Jerſey , fur fon
left ; le 29 , donné chaffe à deux grands cutters ,
dont l'un s'eft échoué & a péri entièrement , &
l'autre a eu le bonheur d'échapper ; le même jour ,
pris & envoyé à Morlaix le brigantin le Hopwel,
qui alloit de Londres à Belfort , chargé de thé , fucre
, tafia & autres marchandifes ; le 30 ; pris 2
vaifleaux , l'un de 150 tonneaux & l'autre de 400 ,
le premier monté de 18 canons & chargé de bois ,
allant de Londres à Liverpool ; le fecond venant de
Pétersbourg & le rendant à Briſtol , chargé de fer,
chanvre & planches , tous deux convoyés jufqu'au
3 Décembre , & perdus de vue la nuit par une
tempête. Enfin , les de ce mois pris un vailleau de
600 tonneaux , avec lequel la frégate , dont l'équi
page étoit réduit à 100 hommes , eft arrivée dans
le port prifonniers ,
de Breft , ayant à bord 12
M. le Marquis de Polignac , premier
Ecuyer de Monfeigneur le Comte d'Artois ,
a été nommé Directeur- Général des Haras ,
ayant le travail avec le Roi , & 30,000 liv.
d'appointement.
M. le Duc d'Orléans a nommé M. le
Moine de Belle Ifle , premier Secrétaire de
fescommandemens, Adjoint avec ſurvivance
( ༢༡ )
de M. l'Abbé de Breteuil dans la charge de
Chancelier & Surintendant des finances de
fa maifon..
»On fait que la premiere qualité d'un Hiftorien
eft d'être efclave de la vérité , & de n'annoncer aucun
fait qu'il ne foit bien affuré de fon existence ;
fans cette attention , il fe prive néceffatrement de
toute confiance de la part de fes lecteurs , objet
principal qu'il fe doit propofer ; il paroît que l'Auteur
de la vie de Jean Bart ne s'eft pas conformé à
ces principes , & qu'il a induit en erreur le Rédacteur
des Avis divers ou Journal général de France. En
annonçant l'ouvrage du premier dans fa feuille du
16 Décembre 1780 , ce dernier a choifi une anecdote
qui , en la fuppofant vraie , loin d'être à la
gloire du héros du livre , ne le montreroit qu'un
peu plus groffier qu'on ne l'a toujours dépeint.-
Ce M. Gruin , que l'on y qualifie de Caiffier , étoit
Garde du Tréfor Royal : or , les Gardes du Tréfor
Royal ne paient point par eux-mêmes , ils n'ont
pas même la clef de leur caiffe , & tous les fonds
font à la charge du Caiffier , qui en répond perfonnellement
& leur en rend compte , & voilà ce
qu'ignoroit l'Hiftorien de Jean Bart . M. Gruin ,
Garde du Tréfor Royal , & fon frère , Mattre de
la Chambre aux deniers , étoient honorés des bon--
tés particulières de Louis XIV ; & par les préro.
gatives dont jouiffoient alors leurs charges , ils tra-
Vailloient directement avec S. M. , & ne rendoient
compte qu'à elle , chacun pour ce qui concernoit
fes fonctions ; l'un & l'autre ont laiffé des defcendans
qui jouiffent à la Cour & à la Ville de la confidération
qui leur eft due ; ils ne peuvent voir
qu'avec indifférence les autres traits qui fervent
d'acceffoire à l'infidélité de l'anecdote dont
il eft question , qui ne peut être regardée que comme
ane fable , d'après l'Auteur lui - même , qui dic
( 40 )
pag. 120 de fon Avertiffement , que chacun a eu une
fable à débiter fur le compte de Jean Bart ; voilà
la fienne cc.
Le 26 du mois dernier , M. le Noir , accompagné
du bureau d'Adminiſtration , le
rendit aux Tuileries pour la diftribution
des grands prix de l'Ecole Royale gratuite
de Deffin. M. Bachelier , Directeur , ouvrit.
la féance par ce difcours :
“ །
MM . , le Magiftrat dont le zèle & l'affection
nous font fi chers , vient , dans ce jour folemnel ,
accompagné de l'Adminiftration à laquelle il préfide
, applaudit à vos fuccès ; fon amour pour vous ,
les foins paternels qu'il donne à votre instruction,
lui font trouver malgré la multitude d'occupa
tions importantes dont il eft chargé , le tems de
vous donner cette fatisfaction , d'autant plus précieufe
qu'il le fait gloire de la partager avec vous.
Le Bureau d'Adminiftration compofé des Ctoyens
les plus illuftres par leur naiffance , le rang
qu'ils tiennent dans la fociété , & par leurs talens ,
s'empreffe de contribuer au foutien de cet établiffe
ment , & s'impofeé comme un devoir le plaifir de
vous donner tous les jours des nouvelles preuves
du plus tendre intérêt. Que d'obligations con
tractées envers la patrie , depuis l'origine de cette
Ecole ; pourrez vo
fait pour vous ? Non , je fuis votre garant , j'ole en
votre
répondre , & lui promettre la reconnoiffance
la plus vive & la plus affectueufe , d'après le
tendre fouvenir que vous confervez de l'homme
célèbre , dont les mains généreufes & pa
triotiques creusèrent les fondations de cet éta
bliſſement ? J'aime à voir votre tendreffe filiale
pour ce digne Magiftrat , qui le premier s'eft occupé
des , obftacles qui vous fermoient la carrière
des arts mécaniques ; fon courage eft parvenu a
vous jamais
ouse
a
?
( 41 )
les détruire , il a ouvert la barrière à la jeunene
laborieufe , en offrant des récompenfes à l'émulation
; il a fait naître l'amour du travail fi néceffaire
aux moeurs ? Quels moyens plus efficaces
pouvoit-il choisir pour arracher à l'ignorance des
Citoyens qu'elle alloit précipiter dans le vice , &
livrer fans reffource à
l'adverfité. Qui pourra comp
ter le nombre de ceux que cette inftitution fauva
de la misère , garantit du befoin , & conduifit à
l'honnête aifance. Ecoutez ces hommes fenfibles
dire à leurs époules , à leurs enfans , ce que vous
pourrez dire un jour aux vôtres : c'eft à cette Ecole
que nous devons l'existence agréable dont nous
jouiffons ; vos defcendans le répèteront aux races
futures , en béniffant le nom de votre bienfaiteur.
En
m'abandonnant au fentiment dont vous m'a
vez pénétré , j'éprouve tout le zèle de la vérité qui
m'anime. Que ne puis je me livrer à tout ce qu'inf
pire un fi grand fujet , mais je fuis forcé de m'arrêter
, MM , pour céder à
l'empreffement du Pu
blic, qui vient jouir du triomphe dont vos travaux
vont être couronnés ;puillicz-vous en être af
fez touchés pour
augmenter
par de
nouveaux
efforts
l'intérêt
que la
Nation prend à exciter votre
émulation ; puiffe -je voir vos progrès répondre
à nos foins , ceux de vos maîtres , & aux graces
multipliées qui vous font accordées par le meilleur
des Rois.
2.
On procéda enfuite à la diftribution des
grands prix , mérités par les fieurs Chamot
Couard , Duret & Berthelot. Ils furent embraffés
par le Magiftrat au bruit des fanfares
& des acclamations du public. 12 grands
acceffit & 96 prix furent auffi délivrés dans
la même féance."
MM . Knapen nous ont adreffé la réponſe
fuivante à la lettre de M. de Maflac , inférée 5
( 42 ).
-
dans notre Journal du 23 du mois dernier.
Monfieur , nous n'avons pas annoné d'une ma
nière fufpecte l'ancienne édition du Recueil de M.
de Maflac , dont nous fommes propriétaires , &
nous ne favons point fur quoi peuvent retomber
les reproches du frère de l'Auteur. Nous prions
les perfonnes que fa lettre auroit pu prévenir contre
nous , de vouloir bien relire notre annonce ,
elles verront que nous avons obfervé de copier
Je titre de la nouvelle édition avec l'exactitude la
plus fcrupuleufe , & que fi l'on a oublié dans l'Année
Littéraire le mot relié , cette erreur très-involontaire
eft corrigée par l'Errata du No. 35. Il
keur eft encore aifé de le convaincre par la même
Annonce qui fe trouve fur le carton du N°. 31
du Journal de Littérature , & dans la Gazette d'A
griculture du Mardi 12 Décembre , pag. 799 , que
notre intention n'a pas été de furprendre le Public ;
elle n'a pas été non plus d'arrêter le débit de la
nouvelle édition . Puiffe -t- il payer M. de Maffac des
voeux défintéreflés qu'il fait pour la vente des 800
exemplaires qui nous reftent de la première édi
tion du Mémoire fur les Engrais !
L'Affiche de Poitiers nous fournit le
trait fuivant.
vivre
Une pauvree veuve de cette Ville a un fils , que
la mifere deftinoit , comme elle , à être domestique,
Cet enfant profite d'un établiflement où on enfeigne
gratuitement la jeuneffe dans un talent honnête &
utile. Son émulation eft récompenfée par les progrès.
Il mérite d'obtenir enfuite une place où il peut
gracieuſement s'il eft fage ; il a le moyen de devenir
un citoyen recommandable. Mais pour Le rendre
à fa deftination , pour y paroître & s'y maintenir
convenablement , felon fa fituation actuelle , il a be
foin d'un vêtement , de linge & d'autres petits fecours
. Sa mere eſt hors d'état de les lui fournir. Un
( 43 )
ancien domeftique du voilinage , qui n'eft ni le pa
rent ni le parrain de cet enfant , mais qui connoît la
pauvreté & l'honnêteté de la mere , & l'émulation du
jeune homme , inftruit de l'embarras de l'un & de
l'autre , qui pouvoit faire manquer la bonne fortune
du dernier fi perfonne ne l'aidoit fur le-champ , porte
à cette femme cinquante écus , & lui dit : Tenez
habillez votre fils ; qu'il parte , & recommandez - lui
d'être bon fujet. Il me rendra cette fomme lorfqu'il
le pourra ; s'il ne le peut pas , je la lui donne
pourvu qu'il vous foulage dans votre vieilleffe . Ce
trait n'a pas befoin d'éloge.
La réponse que MM. le Sefne & Compagnie
ont reçue de Mademoiſelle la Chevalière
d'Eon , offre un témoignage dû à
leur intégrité dans leur adminiftration ',
& une affurance de l'intérêt qu'elle prend
leur entreprife , & de fon empreffement
à concourir au fuccès , en leur procurant
des Actionnaires , & c.; à ce titre , elle intereffe
tous ceux qui ont pris part à cet
Arinement.
ל כ » J'ai à répondre , MM. , à la nouvelle Lettre dont
vous m'avez honorée le 4 de ce mois : fij'avois prévu
les conféquences qui résultent de la réponse que j'ai
cru devoir faire à votre demande gracieufe de nom
mer une de vos Frégates , je me ferois bien gardée
d'accepter cet honneur. Les louanges que cette déférence
m'attire de votre part , donnent de mes talens
& de mon mérite une idée qui ne peut s'accorder
avec l'opinion que je dois en avoir. Il eſt vrai
que remplie d'un attachement inviolable aux intérêts
de S. M. , mon zèle pour la gloire m'a toujours fait
délirer d'être utile à ma patrie . Il n'y a donc que ce
fentiment , fecondé de votre intelligence & de votre
intégrité , reconnues dans votre adminiftration , qui
a th...
5
(
44 J
puiffe me décider à partager & à m'intéreffer , autant
qu'il me fera poffible , dans vos travaux ,
l'objet répond fi parfaitement à ma façon de penfer.
--
à
ly
dont
Quant au choix du Capitaine de Vailleau , des
Officiers & Volontaires qui défirent fe diftinguer fur
votre armement , je crois , MM . , qu'il fuffit d'ouvrir
nos Marins & à nos Militaires une carrière de gloire
& d'utilité au Gouvernement , pour les voir s'y pré
ſenter en foute & acheter aux dépens de leur fortune
& même de leur vie le droit de la parcourir ; enforte
que je regarde ce choix bien plus difficile à faire , par
le grand nombre des concurrens que par le mérite &
le courage , qualités naturelles à tous les Militaires
François , que je fuis plus dans le cas d'applaudir &
d'imiter que de juger ; au furplus , je vous promets
de faire tout ce qui dépendra de moi , pour répondre
à la confiance que vous voulez bien me témoigner à
cet égard , d'une manière digne de fon objet. J'ai
l'honneur d'être, & c. Signé LA CHEVALIERE D'EON,
De BRUXELLES , le 2 Janvier.
LES Portugais viennent d'éprouver la
vérité d'une obfervation que nous avons
eu fouvent occafion de faire ; l'Angleterre
n'a ménagé plus long - tems le commerce
de cette Puiffance que tant qu'elle a confervé
pour les vaiffeaux de guerre , pour
fes Armateurs & leurs prifes , un afyle dans
fes ports. Maintenant qu'elle n'en jouit plus,
'elle traite les Portugais comme les autres
Nations neutres .
כ כ
Depuis la Déclaration du 30 Août dernier ,
écrit- on de Lisbonne , il n'y a point de mauvais trai
temens que nos bâtimens marchands n'aient effuyé
des vaiffeaux de guerre & des corfaires Anglois.
Cela a déterminé nos Négocians à réclamer la pro(
45 )
tection efficace de S. M. T. F. , qui a daigné les faire
affurer qu'il fortiroit au printems prochain du Tage,
une puillante efcadre deftinée à la protection du
commerce ; elle confiftera en 14 yaiffeaux de guerre
& quelques frégates «.
C'est par ces procédés que les Anglois
ont aliéné toutes les Puillances neutres de
l'Europe , & qu'ils les ont forcées à armer
pour y mettre un frein . Le grand but de
la guerre actuelle eft de les ramener à refpecter
toutes les Nations ; elle n'a été entreprife
que pour le remplir . Et tout attefte fa néceffité
& fa juftice. Les fentimens de l'Europe.
ne font point partagés à cet égard , & la
confédération du Nord en eft la preuve.
Elle n'a dû fa naiſſance qu'aux injuftices , &
aux vexations , & on fait quels font ceux
qui s'en font rendus coupables. furaine
+3
La déclaration de guerre contre la Hollande
femble n'avoir eu d'autre objet que
d'affoiblir cette confédération, L'efpèce d'invitation
que l'Angleterre fait à la Hollander
de chercher à renouer avec elle , a peut
être celui de l'amufer par des négociations
qui pourront rallentir fes armemens pendant
T'hiver ; mais il y a lieu d'efpérer que les
Etats Généraux armeront & négocieront
en même tems. S'ils veulent faire un em
prunt plus confidérable que celui auquel
les Anglois font obligés d'avoir recours , ils
peuvent porter un coup mortel à la Banque
de la Grande - Bretagne , & déranger beaucoup
les fpéculations de ceux qui ont déja
J
2019 si asmaelakt & easitusel von sa mabb & S
( 46 )
foufcrit pour le nouvel emprunt du Lord
North. La Hollande a déja 20 vaiffeaux de
guerre armés ; dans 3 ou 4 mois , elle peut
en avoir le double ; s'il eft vrai que la plupart
de ces vaiffeaux ne peuvent pas tenir tête aux
vaiffeaux de ligne Anglois , ils ne cauferont
pas moins une diverfion favorable aux Puiffances
alliées . On croit que d'après la politique
ordinaire de l'Angleterre , elle a expédié
depuis 3 mois l'ordre d'attaquer les
poffeffions Hollandoifes ; mais il fe peut
que pour cette fois elle n'ait pas porté fa
prévoyance fi loin , & qu'elle fe foit toujours
flattée que la République n'adhéreroit
point à la neutralité armée , ce n'eft du
moins qu'après avoir été affurée de cette
adhéfion qu'elle a pris la réfolution d'attaquer
fon ancienne alliée . Il faut croire que les
defcendans de Ruyter
s'occup
à faire
revivre ce grand nom , & que les Négo
Sne nuiront point à l'activité qui
paroît maintenant néceffaire .
C'est le 25 du mois dernier , à 7 heures
du matin , que le Chevalier Yorke eft parti
de la Haye fans prendre congé de perfonne.
Il réfidoit auprès des Etats- Généraux depuis
le mois de Décembre 1751 .
Suite du Traité de commerce entre la Hollande &
les Etats-Unis de l'Amérique Septentrionale.
21. Il fera permis aux vaiffeaux de guerre
corſaires ou bâtimens armés des deux côtés , de
conduire & tranſporter librement par tout où ils le
jugeront à propos , les navires & effets , par eux
enlevés aux ennemis , fans être obligés d'acquitter
( 47 )
aucuns droits aux Officiers d'Amirauté ou à quelques
autres Juges. Ces prifes ne pourront non plus être
arrêtées ou faifies , lorfqu'elles entreront dans les
ports de l'une des parties ; les Commis à la recherche
& autres Officiers de ces places , ne les vifiteront
point , & s'abftiendront d'examiner la légitimité de
pareilles captures. Mais il leur fera permis de remettre
à la voile , & de conduire leurs prifes aux
endroits défignés dans leurs commiffions , que les
Commandans de tels vaiffeaux de guerre , corfaires
ou bâtimens armés feront obligés de produire. Mais
toute retraite ou protection dans leurs ports, fera
refulée à celles de ces prifes faites fur les fujets ,
le peuple au la propriété de l'une des parties , &
fi forcées par des tempêtes ou les dangers de la
mer elles s'y trouvoient néceffitées , on employera
avec vigueur tous les moyens convenables pour les
faire repartir le plutôt poffible .
23. Au cas que quelques navires ou bâtimens
appartenans à l'une des parties , leurs fujets ou nation
, vinffent à échouer fur les côtes ou domaines
de l'autre , ou à être endommagés , on donnera tout
fecours & affiftance amicale aux perfonnes naufra
gées , ou en danger de l'être ; il leur fera accordé
des letties de fauf conduit , pour leur libre pallage
& pour retourner dans leur pays natal.
24. Quand les fujets ou le peuple de l'une des
deux parties avec leurs vaiffeaux , foit qu'ils appar
tiennent à l'Etat , foit qu'ils foient équipés en
guerre , ou employés au commerce , feront forcés
par les tempêtes , les corfaires , les ennemis ou
autres circonftances preffantes , de chercher un afyle.
ou de fe retiter dans quelqu'une des rivières cri
ques , bayes , ports , rades ou plages , appartenans
a l'autre partie , ils y feront accueillis & traités
avec humanité & amitié , en jouiflant de la protection
la plus cordiale . Il leur fera permis de fe
rafraîchir & de faire des provifions à des prix
raisonnables , de tout ce qui concerne les vivres &
qui peut être néceffaire à l'entretien de leurs per
( 48 )
fonnes , ou à la réparation de leurs navires , ainfi
qu'à la continuation de leur route ; ils ne feront
aucunement arrêtés , ou empêchés de partir des
fufdits ports ou places , & de faire voile quand &
pour tel licu qu'il leur plaira , fans aucun obftacle
ou vexation.
25° . Afin de faire fleurir davantage le commerce
mutuel , on eft convenu que , fuppofé que jamais
la guerre eût lieu entre les parties contractantes
le terme de fix mois , après la déclaration de guerre
fera accordé aux Négocians , fujets & au peuple
de chacune , dans les pays , villes & bourgs ou
ils pourroient être établis , pour pouvoir fe retirer
dans cet espace de tems , avec leurs familles , biens ,
marchandifes & effets ; de les tranfporter par-tout
où ils jugeront à propos , ainfi que de pouvoir
difpofer , pendant cet intervalle , de leurs biens ,
meubles & immeubles , de les vendre librement ,
fans aucun empêchement quelconque ; & en particulier
, leurs perfonnes ne pourront pas être détenues
ou moleftées par Arrêt ou faifie , mais au
contraire , dans cet intervalle de tems , les nations
& les fujets refpectifs auront & jouiront d'une bonne
& prompte juftice , de manière que pendant le fufmentionné
terme de fix mois , ils pourront recou
vrer leurs biens & effets confiés à la bonne foi
du public & des perfonnes privées ; & dans le cas
où quelque chofe en auroit été détournée , ou que
l'on eût fait infulte au peuple ou aux fujets de
l'une ou de l'autre partie , celle de ces parties qui
aura fait quelque tort à l'autre en donnera une fatisfaction
convenable.
26. Les fujets de L. H. P. les Etats- Généraux
s'abftiendront de réquérir ou d'accepter des commiffions
ou lettres de marque de quelque Prince
ou Etat en guerre contre les Etats - Unis d'Améri
que , afin d'armer des navires en courſe à leur détriment;
& fi quelque individu d'une des nations
venoit à accepter une pareille commiffion ou des
lettres de marques , il fera puni comme pirate.
La fuite à l'ordinaire prochain.
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
RUSSI E.
De PETERSBOURG , le 16 Décembre:
ON a célébré hier la fête du nom de l'Impératrice
; la Cour a été très - brillante &
très -nombreuse , il y a eu le foir bal paré , à
Tiffue duquel S. M. I. fit une vifite au Grand-
Ecuyer de Narifchkins, à l'occafion du mariage
de fa fille avec le Général - Major de
Sollohus qui avoit eu lieu le même jour.
Elle a fait à cette occafion les promotions
fuivantes. Le Lieutenant-Général d'Empt a
été déclaré Général en Chef ; les Généraux-
Majors Prince Wolkonski , Paul Potemkin ,
de Hantwich , & Comte de Balmen , ont
étéfaits Lieutenans - Généraux . Les Brigadiers
Rfchewuski , Tatitfchew , Baron de Rofen ,
Repninskoy , Comte Melin , Lang , Lodifchenskoy
, Patkul , Belamin , Lieven , Baron
de Terfen , Comte Pierre Rafumowsky,
Besborodla & Fedor Olfufieff , ont été faits
Généraux Majors, 4 Colonels ont été encore
élevés à ce grade , & 27 autres ont été faits
13 Janvier 1781.
›
C
,
( 50 )
Brigadiers. Le Lieutenant- Général Delwig
a obtenu le Gouvernement de Wibourg , &
le Lieutenant Général Kochius , celui de
Kiew.
-
POLOGNE.
De VARSOVIE , le 14 Décembre.
COMME depuis quelques jours le tems
s'eft mis à la gelée , on apprend de tous côtés
que les troupes Ruffes fe tiennent prêtes à
de
marcher , & qu'en plufieurs endroits elles
font déja en mouvement ; on fuppofe cependant
toujours ici qu'elles ne continueront
point leur marche qu'elles n'aient reçu
auparavant de nouveaux ordres .
A
Le Miniftre de Pruffe a remis au Confeil
Permanent une note dans laquelle il prévient
le Roi & la République que les troupes
Pruffiennes raffemblées fur la frontière ,
n'y ont formé un cordon que pour empêcher
que la contagion qui s'eft manifeftée dans la
Wolhynie ne foit portée dans les Etats de
S. M. Pruffienne. Nous avons maintenant
des nouvelles certaines que cette maladie a
ceffé dans la Wolhynie , ainfi que fur les
frontières de la Moldavie , où elle s'étoit
auffi déclarée , & où les troupes Autrichiennes
ont également formé un cordon.
La Viftule , depuis quelques jours , charie
tant de glaces , que plufieurs bateaux du
pont ont été emportés , & que ce n'eft
qu'avec beaucoup de peine qu'on parvien
dra à retirer les autres.
( 51)
Le Comte de Braniki , Grand - Général de
Ma Couronne , fe propofe de faire inceffamment
le voyage de Pétersbourg.
On apprend que la Porte a fait défendre
aux Waivodes de la Walachie & de la Moldavie
de permettre aux fujets de leurs Principautés
de vendre des chevaux aux Etrangers
.
GALLEMAGN E.
De VIENNE , le 16 Décembre.
* LA Bourgeoisie de cette ville a prêté ces
joursderniers , à l'Hôtel-de-Ville , le ferment
de foi & hommage. Cette cérémonie aura
lieu incellamment dans tous les pays foumis
ci -devant à la domination de feue S. M.
Impératrice- Reine.
L'Empereur s'occupe maintenant a exécuter
les dernières volontés de fon auguſte
mère. Il s'eft tenu déja fur cet objet des
confeils auxquels ont affifté le Prince de
Schwartzenberg , les Comtes de Hatsfeld ,
de Sternberg & de Kollowrath , ainfi que les
Barons de Grofel , Kienmayer , Boſch , le
Confeiller de Kretz & M. de Mayer , char-~
gé des payemens.
Le 12 de ce mois l'Archiducheffe Marie-
Chriſtine , & le Duc Albert de Saxe - Tefchen
partirent pour Presbourg , où ils ont été tout
difpofer pour les fervices qui doivent y être
faits pour le repos de l'ame de feue l'Impé
ratrice . Ils ont commencé le 1 dans cette
( 52)
capitale , & ont été continués le 12 & le 13 :
on a diftribué d'abondantes aumônes aux
pauvres.
On dit que le Grand -Duc de Tofcane doit
fe rendre inceffamment dans cette capitale,
De HAMBOURG , le 9 Janvier.
و
On fait dans tous les ports du Nord les
préparatifs les plus formidables pour l'année
prochaine. Les Puiffances neutres confédérées
fe propofent de mettre en mer un
nombre de vaiffeaux fuffifans pour faire
refpecter leur commerce & leur navigation.
Le Danemarck , comme nous l'avons
dit , doit avoir 20 vaiffeaux de ligne & 10
frégates La Suède vient d'ordonner d'équiper
à Carlfcron dix vaiffeaux de ligne &
fix frégates , qui porteront les forces à 13
vaiffeaux de ligne au printems prochain,
La Ruffie en aura , dit - on , 30. Cela ne
fera pas moins de 90 vaiffeaux , tant de
ligne que frégates. 11 eft difficile que cette
flotte formidable ne ramene pas les Anglois
à la modération & à la justice , & qu'elle
ne les force à renoncer à la prétention de
l'empire exclufif des mers qu'ils ont affectée
fi hautement , & contre laquelle on s'étoit
contenté jufquici de réclamer,
» La ville de Gera , écrit - on de Saxe , fera entièrement
rebâtie dans un genre plus régulier & plus
beau qu'elle ne l'étoit avant l'incendie qui l'a détruite
; elle doit tout à fon Souverain , qui foigne
confole , loge & entretient tous les infortunés habi
9
( 53 )
tans. Ce Prince fournit même tout ce qui eft néceffaire
pour l'exécution du plan d'une nouvelle
conftruction , & en attendant on conftruit pour les
artifans des baraques où ils exercent leurs métiers ,
tandis que les marchands font logés dans le châ
teau feigneurial . Le malheur qu'ils ont éprouvé , a
tellement touché les marchands établis même chez
l'Etranger , que de tous côtés on leur a commandé
des ouvrages de prix , de forte que jamais ils n'ont
été plus occupés «.?
On apprend de Berlin qu'on a commencé
à mettre à exécution la réforme annoncée
parmi les Avocats de la Cour royale
& du Tribunal de la Chambre. Quelquesuns
ont été nommés Confeillers - Affiftans ,
d'autres , Confeillers de Commiſſion . A
compter du premier Janvier prochain , tous
les procès qui s'éleveront feront inftruits
fuivant la nouvelle Ordonnance concernant
les procès ; mais ceux qui font actuellement
pendants , feront terminés felon l'ancienne.
coutume.
ITALI E.
De LIVOURNE , le 17 Décembre.
LA frégate de guerre Ruffe fortie , il y a
quelques jours , pour fe rendre aux Illes
d'Hieres , eft rentrée ce matin avec trois
tartanes fur lesquelles elle a ramené tout
Féquipage & une partie de l'attirail du
vaiffeau de guerre de fa nation , qui avoit
choué fur les bancs de fable de ces Ifles .
On dit ici que la divifion des vaiffeaux
C 3
( 54 )
de guerre Ruffes , mouillés dans ce port ,
ainfi qu'une autre divifion , confiftant en
s vaiffeaux de ligne & 3 frégates qu'on
attend , fe joindront enfemble au printems
prochain , & fe rendront dans l'Archipel ,"
files différends furvenus entre la Ruffie &
la Porte , ne font pas accommodés pour ce
tems- là .
On apprend de Rome que dans un confiftoire
tenu le ri de ce mois , le Pape at
élevé à la Pourpre les Prélats Manciforte ,
Antamori , Altamori & Altieri ; les deux
premiers font ceux que S. S. s'étoit réſervés
in petto dans le confiftoire tenu en 1774.
» Notre galère- corfaire commandée par M. André
Préciari , écrit- on de Malte , eft rentrée dans le
port avec un bâ iment Turc chargé de grains dont
elle s'étoit emparée dans les mers du Levant. Il con
duifoit trois Chiaoux dans l'ifle de Candie & la
Morée , où ils alloient porter des dépêches du Grand-
Seigneur. Le Grand- Maître a fait remettre auffitôt
ces Chiaoux & leurs dépêches entre les mains du
chargé des affaires de France , qui en difpofera
conformément aux ordres de la Cour «,
ESPAGNE.
De CADIX , le 12 Décembre.
DEPUIS quelques jours il a fait ici un
vent d'Ouest , affez violent , pour ne pas
permettre à une feule voile de quitter la
baie. Nous n'apprenons pas pour cela que
les navires ravitailleurs en aient profité
pour jetter du fecours dans Gibraltar. D.
( 55 )
Antonio Barcelo a toujours tenu la mer ,
& rien n'a pu entrer dans la place.
L'ordre pour la tenue du Confeil de
guerre qui doit juger M. de Ulloa , eft enfin
arrivé ; on en a été d'autant plus furpris
, que l'on fait que dans deux comités
d'Officiers Généraux nommés à différentes
fois pour examiner la conduite de ce Com--
mandant , elle avoit été trouvée irréprochable.
On doit juger en même tems les
Capitaines des deux frégates de l'efcadre de
cet Officier , dont l'un fut pris , & l'autre
revint ici avant fon Commandant. On
foupçonne que c'eft ce dernier qui , dans
des lettres écrites au Miniftre , fe permit
de cenfurer le premier la conduite de fon
Général.
Nous n'avons fu que depuis peu de jours
que le confeil de guerre tenu le 23 Novembre
, à bord de la Trinité , avoit pour
objet M. de Tilly , commandant l'efcadre.
lors de l'expédition de Buenos - Ayres. Ce
Général a été jugé n'avoir point contrevenu
à fon devoir & aux inftructions qui lui
avoient été données.
On a arrêté hier ici un Négociant fort
connu , appellé D. Juan Jones , ainfi que
fon Caiffier. Ils ont été conduits tous les
deux au fort Sainte - Catherine. M. Jones
paffoit pour François ; mais le nom qu'il
porte ne permet pas de douter qu'il ne foit
originaire de la Grande- Bretagne , s'il n'y eft
pas né. On ne doute pas qu'il ne fervit fa
с 4
( 56 ) :
Nation. On a fouvent eu occafion de reconnoître
que les efpions de Cadix n'é
toient pas des gens ordinaires ; on cite à
ce fujer que M. de Solano n'a dû peut être
fon falut qu'à la prévoyance qu'il a eue de
changer le lieu de fon rendez-vous . Craignant
avec raifon que l'ennemi n'eût été
informé de fa marche , il raffembla fon convoi
& fes vaiffeaux lorfqu'il fut à 200 lieues
des Açores , & qu'il ne fe vit plus éclairé
par les corvettes de Johnstone. Là il donna
de nouvelles inftructions en cas de féparation
; ce fut d'attérir à la Guadeloupe ;
car s'il avoit fuivi fon premier projet , qui
étoit d'aller reconnoître la Barbade , il feroit
tombé dans l'efcadre de Rodney; &
de la manière dont celui - ci s'expliqua dans
le tems , il fembloit qu'il ne doutoit pas
un moment que la flotte Efpagnole pût lui
échapper.
Il ne s'eft rien paffé de bien remarquable ici ,
écrit-on d'Algéfiras en date du 9 de ce mois. Les
travaux pour perfectionner les nouveaux ouvrages ,
ont été conduits avec tant de célérité , qu'il ne
refte plus que peu de chofes à faire au chemin
couvert. Du côté de la mer , les différens chébecs
qui font en ftation à Tétuan , à Tanger , &c. ont
pris quelques petites barques. Le neveu de D. Antonio
Barcelo , eft le feul qui depuis 8 jours ait eu
affaire avec un gros navire , qu'il a forcé d'échouer
près du cap Spartel. L'équipage a eu le tems de fe
fauver dans fa chaloupe , & il n'étoit efté à bord
lorfque nos gens y parvinrent , que le Capitaine &
deux marelots . On ne s'eft pas apperça que là
frégate- corfaire qui fe gliffa dernièrement dans la
157 )
place , ait apporté aucun fecours ; & nos foupçons
éroient bien fondés , lorfque nous penfions qu'elle
feroit plus à charge , qu'utile à Gibraltar. Il y a au
moins quatre mois que notre Chef- d'efcadre démonta
deux Capitaines accufés de négligence . Ils
viennent d'être jugés par un Confeil de guerre qui
les a réhabilités ; & l'un d'eux qui étoit refté ici ,
a déjà repris le commandement de la frégate qu'il
montoit. Une nouvelle fort intéreflante que
nous apporte D. François -Xavier Mûnos , Commandant
à la ftation de Tanger , c'est que l'Empereur
de Maroc a rendu , le 2 de ce mois , un décret
qui accorde la jouiffance de la baie , du port & de
la ville de Tanger aux Efpagnols & aux François ,
à l'exclufion des autres Puitfances , & nommément
des Anglois. Cette faveur n'eſt pas la feule que nous
devions au Monarque Marocain; il a fait rendre.
en même- tems un navire qui nous avoir été enlevé
fous le canon du port , & qu'un de fes Miniftres
, qu'il a difgracié à cette occafion , avoit jugé
de bonne prife. Enfin il a mis un embargo fur tous
les bâtimens de nos ennemis , & l'on ajoute qu'il va
les envoyer à D. Barcelo pour qu'il les garde ou
les renvoie dans Gibraltar , felon qu'il le jugera
à propos. Le Conful & les Négocians Anglois n'ont
pu obtenir que trois jours pour terminer leurs
affaires , emporter leurs effets & s'éloigner de la
ville. Nous ignorons la raison qui a porté l'Empereur
de Maroc à prendre une auffi vive réfolution .
Il faut que la nation Angloife l'ait extrêmement
mécontenté par quelques demandes ou des préten
tions abfurdes <<..
PORTUGAL
.
De LISBONNE , le 10 Décembre.
LA célérité que l'on met à l'armement
CS
( 58 )
+
2
qui fe fait dans ce port , ne laiffe pas douter
que notre Cour n'ait enfin férieufement
adopté le fyftême général de l'Europe
, relativement à la liberté & à la protection
du commerce. Le traitement que
les efcadres & les corfaires d'Angleterre
ont fait aux navires Hollandois , a prouvé
fuffifamment que cette Puiffance ne fe con.
tenteroit jamais d'une parfaite neutralité,
à moins que cette neutralité ne fût en état
de fe faire refpecter. La différence qu'elle
a mife entre la Ruffie & le Danemarck ,
relativement aux égards à obferver en mer
vis-à-vis les pavillons de ces deux Nations ,
a démontré à tous les autres qu'elle regarde
leur force refpective comme la mefure
de la juftice qu'elle leur accordera.
Cette politique eft fi claire qu'il n'eft pas
étonnant que l'on ait pris des mesures pro
pres à donner à la Grande- Bretagne des
raifons fuffifantes de refpecter le commerce
& la navigation des neutres.
•
L'efcadre que l'on arme ici , confifte dans les
vaiffeaux la Conception de 80 canons , Commandant
Jofeph Sanchez de Brito ; le Pilar, de 70 , Bernard
Ramires ; le S. Antoine , le bon Succès , la Mercède
, le S. Sébastien , l'Ajuda , le Proceres , de
66 ; Commandants Guillaume Roben , Jofeph de
Souza , Caftel Branco , Gaétan Vigano , Antoine
Gianeiro , François Pitaucourt ; le Belém , de 56
George Harde Caftro. Les frégates le Nazareth ,
de 40 , Antoine-Jofeph Pegado ; le S. Jean , de 38 ,
Antoine-Jofeph de Oliveira ; le Cisne, de 36 , Pierre
>>Severino.
( 59. )
Ces 9 vaiffeaux
de ligne & ces trois fré- gates , mettront
inceffamment
à la voile ;
après leur départ , on hâtera un ſecond armement
de 9 vaiffeaux
de ligne depuis 70 jufqu'à 54 canons & quelques
frégates , ce qui portera les flottes combinées
des
Puiffances
neutres , à plus de 112 navires
de guerre.
ANGLETERRE
.
De LONDRES
, le 2 Janvier.
Nous attendons
toujours
des nouvelles
de l'Amérique
, le Gouvernement
n'a pas
encore publié celles que lui a apportées
I'Yarmouth
, de 64 canons. On dit qu'il en a reçu d'autres d'un bâtiment
arrivé à Corke
, & parti de New-Yorck le 9 de ce mois , après l'Yarmouth
. Ce filence fait naturellement
tomber le bruit qui s'étoit répandu
d'un nouvel avantage
décifif , remporté
par le Général Cornwallis
fur le Général Gates ; il eft vraisemblable
que s'il étoit réel la
Cour en eût reçu des détails , & qu'elle fe feroit empreffée
de les publier. On craint bien de voir confirmer
celui qui ſe débite
de l'embarras
dans lequel la défaite de Fergufon
a jetté le Lord Cornwallis
, & que fa jonction
avec le Général Leflie , devenue
néceffaire
par cet évènement
, n'éprouve
des
obftacles. Ils pourront
être infurmontables
"files sooo hommes
envoyés
par le Général 5000
Wafington
dans le fud y arrivent avant les
C G
( 60 )
2000 que le Général Clinton détache dans
la Caroline & les 1 500 dans la Virginie . S'il
eft vrai auffi que le Général Leflie a befoin
de fe fortifier à Portſmouth , on ne doit pas
regarder comme un engagement les fermens
qu'ont prêté les habitans des parties dans
lefquelles il eft defcendu. On ne regarde
pas non plus la foumiffion de la Caroline
comme une chofe bien sûre & bien décidée ;
on peut en juger par les proclamations que
publie fans ceffe le Lord Cornwallis , &
qui ne feroient pas néceffaires fi en effet les
premières avoient eu l'effet qu'on s'eſt hâté
d'annoncer. La dernière que nous avons eue
du 16 Septembre , prouve que ce ne font
pas les habitans les plus notables qui ont
prêté ferment , puifqu'on ordonne la confifcation
des terres de ceux qui ont refusé de
le prêter .
La Cour , dans la Gazette ordinaire du
26 Novembre , a publié les lettres qu'elle a
reçues du Commodore Hotham , fur le terrible
ouragan qui s'eft fait fentir aux Ifles..
Nous en avons donné un précis dans notre
dernier fupplément : nous placerons ici le
journal de ce qui s'eft paffé à la Barbade ,
depuis le 9 jufqu'au 16 Octobre.
La foirée du 9 Octobre , Iveille de l'ouragan ,
fut fingulièrement calme ; mais le ciel étoit extraor
dinairement rouge & menaçant ; il tomba beaucoup
de pluie pendant la nuit ; dans la matinée du fo
beaucoup de pluie encore , & un vent violent du
N. O. , qui à to heures augmenta conſidérablement ;
une heure les vaiſſeaux qui étoient dans la baie
( 61 )
dérivèrent ; à 24 heures la frégate l'Albemarle , le
feul vaiffeau de guerre que nous euffions alors ici ,
chafla fur les ancres , & fut emportée au large
:
ainfi que tous les autres bâtimens au nombre d'environ
25 : à 6 heures le vent avoit abattu plufieurs
arbres , & annonçoit une tempête violente ; on prit ,'
à l'hôtel du Gouvernement
, toutes les précautions
poffibles contre ce qui pouvoit arriver , on baricada
les portes & les fenêtres , précaution
inutile; à 10
heures du foir le vent foufflant du N. N. O. ,
s'ouvrit un paffage à travers le bâtiment : comme
à chaque minute la tempête augmentoit
fenfiblement
, la famille ( du Gouverneur
) fe retira dans
le centre de l'édifice , imaginant qu'il réfifteroit à
la furie la plus impétueule
du vent , foit à caufe
de la force prodigieufe
de fes murs , qui ont trois
pieds d'épaiffeur , foit à raifon de fa forme circalaire
cependant fur les 11 heures & demie , on
fut obligé de fe réfugier dans les caves , le vent
s'étoit onvert un paffage dans tous les appartemens ,
& avoit emporté la majeure partie du comble ; la
famille fut bientôt forcée de quitter cet afyle ; les
eaux , arrêtées dans leur cours ordinaire
s'étoient
pratiqué un canal , par lequel elles fe précipitoient
dans les caves , que faire ? Où aller ? L'eau étoit
déja montée à la hauteur de 4 pieds , & les débris
de l'édifice tomboient de tous côtés : il étoit impoffible
de refter dans les caves , il l'étoit également
de rentrer dans la maiſon ; la feule chance qui reſtât ,
étoit de gagner les champs , reffource qui pour lors
paroiffoit également
dangereufe ; on la tenta cependant
, la famille eut le bonheur de gagner les ruines
des fondemens de l'obélifque fur lequel étoit arboré
le pavillon : comme immédiatement
après il tomba ,
chacun s'occupa de fon propre falut & du choix
de fa retraite ; le Gouverneur & le peu de perſonnes
qui reftoient avec lui forent renversés , & gagnèrent
avec beaucoup de difficulté les canons Lous les
,
>
( 62 )
affûts defquels ils fe réfugièrent : alors leur fituation
fut extrêmement fâcheufe : plufieurs des canons furent
déplacés par la force du vent , & ils avoient lieu
de craindre que ceux fous lefquels ils s'étoient retirés
ne fûffent démontés , & ne les écrasâffent en tombant,
ou que quelque partie des ruines qui voloient autour
d'eux ne mît fin à leur existence : ce qui rendoit
leur pofition plus terrible encore , étoit la crainte
que leur infpiroit le magafin à poudre , près duquel
ils fe trouvoient ; l'arfenal étoit de niveau avec la
terre ; les armes , &c. qu'il contendit , étoient dif
perfés autour d'eux ; ils attendoient , avec anxiété ,
le retour du jour , efpérant qu'il ramèneroit le calme
avec la lumière ; mais lorsqu'il parut , la tempête
avoit peu perdu de fon animofité , & la clarté du
jour ne fit qu'offrir à l'oeil épouvanté le plus trifte
fpectacle qu'il foit poffible d'imaginer ; rien ne peut
être comparé à la dévaftation terrible qui fe préfentoit
de tous côtés ; pas un feul bâtiment fur pied :
la plupart des arbres déracinés , ceux qui ne l'étoient
pas, dépouillés de leurs branches & de leurs feuilles ;
le plus brillant printems devenu , dans l'efpace d'une
feule nuit, le plus affreux hiver ; c'eſt en vain que
l'oeil fe portant fur les objets qui l'environnoient y
cherchoit un afyle , celles des maifons que l'on imaginoit
avoir dû être protégées par leur fituation ,
étoient toutes plates comme la terre , & ceux de
leurs malheureux propriétaires qui avoient eu le
bonheur de fauver leur vie , n'avoient point d'abri
à efpérer ni pour eux , ni pour leurs familles . → Dès
les commencemens de l'ouragan , le général Vaughan
avoit été obligé d'évacuer la maiſon , il fut grièvement
bleffé en échappant ; fon Secrétaire eut le malheur
d'avoir une cuifle caffée ; il n'est jamais rien
arrivé qui ait cauſé une défolation fi univerfelle dans
I'Ile entière ; il n'eft pas une maifon qui n'ait pas
été au moins endommagée , & dans les plantations ,
il reste très peu de bâtimens fur pied : la dépopu
763 )
lation a été très confidérable parmi les Nègres &
les beftiaux , particulièrement parmi les bêtes à
corne , accident qui , fur - tout dans ce pays - ci , ne
peut qu'être infiniment funefte aux Planteurs ; il
n'eft pas encore poffible de former un calcul exact
du nombre d'ames qui ont péri dans cette calamité
effrayante : on croit qu'il excède quelques milliers
en comptant les blancs , parmi lefquels il fe trouve
heureufement peu de perfonnes de quelque conditions
plufieurs ont été enfévelis fous les ruines des maifons
& autres bâtimens ; plufieurs font tombés victimes
de la violence de l'ouragan , & de l'inclémence
de l'air ; un grand nombre a été entraîné
à la mer , & noyé dans les vagues ; quoique les
Cafernes & l'Hopital aient été renversés dès les
commencemens , les troupes n'ont pas fouffert confidérablement
on redoutoit des conféquences alarmantes
de la quantité de corps morts qui couvroient
la terre , & de ceux que la mer rapportoit
fur la plage , mais heureufement ces craintes font
diffipées ; le peu d'édifices publics que nous avions
eft confondu dans la maffe générale des ruines ,
les fortifications ont été confidérablement endommagées
; tout ce qu'elles comprenoient de bâtiment
á été démoli ; telle étoit de ce côté la violence du
vent , affifté par la mer , qu'un canon de 12 livres
de balle a été tranfporté de la batterie du Sud à
celle du Nord , c'eſt - à - dire à la diſtance de 140
verges ( la verge eft de 3 pieds ) . La perte que ce
pays a faite eft immenfe , & avant qu'elle foit ré
parée , il s'écoulera beaucoup d'années . — Le Général
Vaughan a marqué les plus grandes attentions aux
habitans de Bridge Town : il donna , le 12 Octobre ,
des ordes fi bien entendus , & exécutés avec tant
d'empreffement , que tout fut tranquille dans la ville ,
où , fans cette précaution , tout eût été expofé au
pillage des prifonniers de guerre , qui fe trouvèrent
élargis par la démolition des prifons , & font actuel
( 64 )
lement au nombre de plus de 800 , difperfés dans
La ville & dans la campagne. Au refte , ainfi veillés
de près , ils fe font affez bien conduits , & ont été
d'une grande utilité aux habitans qui leur ont donné
de l'occupation *.- Le 13 Octobre , le Gouverneur
fe rendit à Bridge Town , y publia une proclamation
, & prit les mesures qui parurent être utiles
aux habitans ; les Négocians , &c. formèrent une
affociation , nommèrent des comités pour faire inhumer
les morts , veiller à la confervation & à
la diftribution des vivres , & c. Ils votèrent des
temercîmens en faveur du Général Vaughan & des
troupes , auxquelles ils offrirent , en reconnoiffance
des fervices qu'elles avoient rendus en protégeant
leur propriété , une augmentation de 6 pences par
jour dans la paie de chaque foldat . Le fieur Shirsley ,
Pourvoyeur de la Marine , promit d'y ajouter encore
6 autres pences ( 12 fols tournois ) .
Le 16 ,
on expédia un floop à Sainte- Lucie , pour informer
le Commodore Hotham de la calamité funefte qui
venoit de défoler cette Ifle , & le prier d'envoyer
une frégate en Angleterre , pour y porter ces triftes
nouvelles ".
P
Les Gazettes de la Cour n'ont rendu
que bien foiblement l'état de détreffe où
ont été les Ifles de la Barbarde & de Ste-Lu
cie. Les détails fuivans , de ce qui eft arrivé
au Général Vaughan , en donneront une idée
peut être plus jufte.
Ce Général penfant , d'après fa qualité de Commandant
en chef des troupes , qu'il feroit indigne
de lui de faire paroître la moindre crainte au mi-
(1) Le Gouverneur Cunningham , dans fa lettre du 20
an Lord Germaine , fe ' oue beaucoup des Efpagnols & de
D. Pedro St-Jago , Capitaine au régiment d'Aragon , qui
fe font comportés plus en amis qu'en ennemis.
( 65 ).
lieu des horreurs fans nombre qui l'environnoient
eut toutes les peines du monde à fe déterminer à
quitter fa maifon , accompagné d'un feul ami. A
peine avoient -ils paffé le feuil de la porte , que la
tempête les fépara & les emporta l'un & l'autre ,
fans qu'ils fuffent où. Le Général fut jetté dans un
précipice d'une profondeur confidérable , dont la
pente étoit couverte des productions de l'Ifle les
plus nuifibles & les plus défagréables . Lorsque le
Général attrapa le fond il avoit la moitié du
corps dans l'eau , & il fut trouvé le lendemain
matin dans cet état , tout meurtri par fa chûte ,
& prefque épuifé de fatigue. Il n'y avoit pas cinq ·
minutes que le Général & fon ami avoient quitté
la maifon , qu'elle s'écroula , & fept perfonnes perdirent
la vie par cette chûte. Le Secrétaire du Général
qui fe trouvoit alors dans la maiſon , eut la
cuiffe callée ; & lorfque le Général arriva le matin
, il fe trouva fans domeftiques , & dépourvu
d'argent , d'habits , de meubles & de tout ce qu'il
poflédoit dans l'Ifle.
On lit dans la Gazette de la Cour du 30 ,
une lettre du Général Vaughan , une du
Major - général Cuningham & une de M.
Burt.
Ce dernier , Gouverneur d'Antigoa , ignoroit encore
à certe date le défaftre de la Barbade , & étoit
fort inquiet fur le fort de cette Ifle . If parle , par
oui dire , du mal arrivé aux dernières Inles Françoifes.
Les deux autres adreifent au Gouverneur les
plus fortes inftances pour que le Gouvernement
vienne au fecours des Ifles , en envoyant au plutôt
des fubfiftances , & c. , & des fecours d'argent
pour fe relever de leurs pertes . Cunningham fe loue
beaucoup des fecours qu'il a tirés des prifon
niers Efpagnols qui fe font conduits , dit-il , plus
en amis qu'en ennemis , étant dirigés par D. Pedro ,
( 66 )
S. Jago , Capitaine au régiment d'Aragon . Il dit
qu'auffi , il leur fait éprouver tout le bon traitement
qui eft en fon pouvoir.
La Gazette du 2 de ce mois contient z
lettres de la Jamaïque , écrites par le Gou
verneur Dalling le 20 Octobre , le Chevalier
Parker , le 6 Novembre , dont nous donnerons
la fubftance.
on
La partie de la Jamaïque qui eft fous le vent
a fouffert dans toute la journée du 2 Octobre ,
défaftre des plus affligeans . La mer s'étant prodigieufement
élevée , elle a fondu tout-à - coup fur
la ville de Savanah la-mar qui a été enfévelie ſous
l'eau , & en fe retirant , elle l'a entiérement renverfée.
On ne croit point qu'il ait péri plus de
300 habitans , parce qu'on avoit vu ce refoule-.
ment de la mer , & que le grand nombre s'étoit
fauvé fur les hauteurs . Cet affreux évènement a été
fuivi de plufieurs fecouffes de tremblemens de terre ,
au milieu du plus terrible ouragan , dont plufieurs ,
Paroifles de cette partie ont tellement fouffert, que
les habitans fe font trouvés fans afyle . Pour comble
de maux , ils fe font vus menacés d'une cruelle
famine , & obligés de demander des fubfiftances
la ville de Kingſton , qui , fur le champ , convoquée
par le Gouverneur a envoyé les fecours de
tout genre qui leur étoient néceffaires. Le Phénix ,
de 44 canons s'eft brifé , le 4 Octobre , fur la
eôte de Cuba. Plufieurs floops de guerre fe font
pareillement perdus , & d'autres font rentrés dans
le plus mauvais état ; & entr'autres , l'Ulyffes , de 44
canons , n'ayant plus que fon mât de milaine. On
étoit inquiet des vaiffeaux de ligne le Thunderer ,
de 74 , & le Stirlingcafte , de 64 , qui s'étoient
détachés de l'efcadre de Rowley , après le coup
vent qu'il effuya le 12 Octobre fur les Bermudes.
On les fuppofe l'un & l'autre revenus en Angle
dé
( 67 )
3
terre , où cependant ils n'ont pas encore paru ( La
corvette l'Alceste croit avoir vu le Thunderer à
l'entrée de la Manche ), Le Grafton eſt arrivé ,
mais dans le plus pitoyable délabrement ; c'eft cefes
lui dont l'équipage du Berwick a rapporté que
feux avoient difparu tout-à coup. L'Egmont &
Endymion , que l'on croyoit perdus aux Iſles dų
Vent ,font pareillement arrivés à la Jamaïque.-
L'Endymion y a conduit deux prifes Françoiles , le
Duc de Brancas , chargé de provifions pour la Martinique
, & l'Eole , où étoient embarqués 150 hommes
du Régiment de Touraine , commandés par
M. de Mercy , Capitaine . Ils avoient été enlevés de
la Martinique par le coup de vent du 11 Octobre.
Quoique la dernière de ces lettres officielles
foit du 6 Novembre , il n'y eft pas dit un feul
mot des Ifles voifines Françoifes ou Efpagnoles ,d'où
on peut inférer que ce défaftre ne s'eft point étendu
jufqu'à elles . Le Vice-Amiral Evans , qui commande
aux Dunes , a écrit le 31 Décembre à l'Amirauté
, que la veille , deux vaiffeaux de ligne qui
étoient venus de Portſmouth aux Dunes
appareillé , par fon ordre , pour attaquer
vaiffeau de ligne Hollandois qui étoit derrière les
fables de Goodwin , & qu'ils avoient amené ce vaiſ
feau aux. Dunes après un combat d'environ une
demi -heure. Le vaiffeau pris eft la Princeffe Caroline
, de 54 canons Capitaine Jean Sattink,'
ayant 350 hommes d'équipage , & allant d'Amfterdam
à Lisbonne. Il y a eu 4 hommes tués & 12
bleffés. La Bellone , de 74 , à qui il s'eft rendu .
n'a eu qu'un homme tué & deux bleffés .
-
2
aller
avoient
un
En déclarant
la guerre à la Hollande
notre Cour ne laiffe pas de paroître avoir
des ménagemens
pour elle ; dès le lendemain
de la publication
de fon manifefte
elle fit mettre dans la Gazette ordinaire
une pro(
68 )
clamation , par laquelle elle ordonne l'obfervation
de l'article du traité de Breda'
qui accorde , en cas de rupture , un délai aux
Vaiffeaux qui fe trouvent dans les ports pour
fe retirer.
Mais en accordant cette faveur aux vaiffeaux
Hollandois qui fe trouvent dans nos
Ports , on n'a pas laiffé d'encourager &
d'exciter nos Armateurs à courir fur ceux
qui font en mer , en leur diftribuant des
lettres de marque. Ces derniers fe flattent
de faire des prifes confidérables , parce que
les Hollandois n'ont pas été prévenus à
tems , & que la quantité de navires qu'ils
ont fur toutes les mers ne fauroit être plus
confidérable. Ils ne peuvent guère être fauvés
dans le premier moment ; & avant que
la République ait pu mettre fur pied des
forces capables de les protéger , elle en aura
perdu un grand nombre. D'un autre côté ,
on fe flatte de rallentir fes armemens par
l'appas qu'on lui préfente de travailler à
une conciliation . On croit qu'elle négociera ,
qu'elle tâchera de faire intervenir les Puiffances
neutres ; car depuis fon acceſſion elle
doit être fous la protection de la neutralité ;
elle la réclamera fans doute ; notre Courfe
propofe bien de croifer fes négociations &
de dire fes raiſons ; cela entraînera néceffairement
du tems & nos corfaires eſpèrent
en profiter fi pendant les mouvemens
de Cabinet on arme avec lenteur
pour fe défendre. Les bons citoyens ne
,
( 69 )
voyent pas cette nouvelle guerre du même
ail ; ils en craignent les fuites.
Il eft difficile qu'elles ne foient pas funeftes
à notre fuprématie maritime . Quand
nous remporterions les plus grands avantages
fur nos ennemis , & qu'ils feroient
même tentés de ne plus , nous la difputer ,
il eft certain que le refte de l'Europe les
portera à ne pas céder ; que tout le monde.
prendra parti pour eux contre nous ; que
lorfqu'il s'agira de traiter de la paix , toutes
les Puiffances maritimes que nous avons
révoltées , interviendront dans la négociation
, & que nous ferons forcés de recevoir
les conditions que l'intérêt général des
nations nous dictera ; & nous ne ferons
plus que partager l'ufage de la mer , ſur
laquelle il n'y aura plus de domination
exclufive. Nous ne pouvons contefter que
nous avons bien fait tout ce qu'il falloit
pour anéantir la nôtre . Nous avons révolté
l'Europe entière par nos offenfes , nos
violences & nos injuftices ; en annonçant
faftueufement que nous combattons pour
fes libertés , nous avons voulu enchaîner
les mers ; nous avons prouvé , par notre
conduite , que nous ne croyons les traités
obligatoires qu'autant qu'ils nous font utiles
; & que nous regarderons comme ennemis
tous les Etats qui n'obéiront point
à nos ordres impérieux ; & nos procédés à
l'égard de la Hollande en fourniffent une
preuve à laquelle il eft impoffible que nous
( 70 )
puiffions fonger jamais à répondre férieufement.
Les papiers trouvés fur M. Laurens ne
peuvent que piquer la curiofité dans les
circonftances préfentes , où le Gouvernement
cherche tout ce qui peut juftifier la
manière dont il agit a l'égard des Hollandois
; on lit dans nos Gazettes l'extrait fuivant
de ces pièces.
3:05
Nº. . Lettre de A. Gillon , l'Agent d'Amérique ,
à Amſterdam , à M. Rutledge , Gouverneur de la
Caroline Méridionale. Il informe M. Rutledge, qu'il
s'étoit adreffé à MM. de Sartine & de Vergennes ,
Miniftres de France , pour l'achat de dix vaiffeaux
pour être changés en vaiffeaux de guerre , deux def
quels il annonce comme les plus beaux du monde ,
ayant 180 pieds de quille , & pouvant monter 28
canons de trente livres de balle , en une feule batterie.
Il convient qu'ils auroient tiré trop d'eau pour
la Barre de Charles- Town , mais il obferve qu'ils
feroient propres à enlever des vaiſſeaux ennemis >
circonftance qui répondoit le mieux au projet de ce
plan , qui étoit évidemment de croifer contre l'ennemi,
& de rentrer enfuite dans le port fans craindre
une force fupérieure. Il y a dans la lettre un paffage
où il eft dit qu'ils n'ont jamais eu deffein (nous
préfumons que ce font les François ) de leur vendre
les deux vaiffeaux ci- deffus mentionnés , ni les dix
pour lefquels on avoit été en marché au prix coùtant
, ou à une eſtimation raiſonnable. Il termine
l'article concernant les vaiffeaux , en faisant l'obfervation
fuivante à M. Rutledge : » Il y a dans les
ports de France plufieurs vaiffeaux qui feroient
» notre affaire , mais d'après les difficultés que j'en
» ai déjà éprouvées , je fuis très - perfuadé que je
e recevrai aucun fecours de ce côté-là «. ( Il
veut parler de M. de Sartine & de M. de Vergen-
99 ne
( 71)
d'Arthur Lée ).
33
nes , d'après les demandes du Docteur Franklin &
Comme il ne lui reste plus d'ef
pérance à ce fujer , Gillon propofe d'acheter , par
échange , des marchandises propres aux marchés
Américains , comme fer , des han pecks , des clous ,
des cordages , des cables , des ancres , & c. & en
' cas qu'il lui refte quelque chofe de l'argent qui lui
eft confié , il a deffein d'en acheter du linge , des fouliers
, des bas & des chapeaux , qu'il enverroit fur
différens vaiffeaux à Saint- Euftache. Après avoir
expliqué tout ce qui a rapport aux Affaires du Commerce
en queftion , & les arrangemens qu'il convient
de prendre pour couvrir les effets qu'on doit
embarquer ; fa lettre contient l'obfervation ſuivante
très digne de remarque . » Les difficultés que j'ai
éprouvées en France me perfuadent qu'elle ne vou
dra jamais que l'Amérique ait une marine , fans
quoi elle auroit certainement vendu les dix vaiſfeaux
qu'elle a ici & qui ne font rien , parce que
» cela n'auroit pas diminué fes forces , comme fes Miniftres
me l'ont dit au printems dernier , lorfque
je leur ai propofé un projet qui auroit fecouru
la Georgie au mois de Mai dernier ; mais la
» France s'eft toujours conftamment oppofée à ce
que vous euffiez des vaiffeaux Gillon parle
enfuite de fa négociation pour un emprunt d'un
million de florins fur le crédit des Colonies Américaines
, & il paroit qu'il n'eft arrêté que par une ratification
de pouvoirs , pour conftituer la sûreté des
Préteurs , & autorifer l'Emprunteur à promettre cinq
pour cent pendant dix ou quinze ans ; c'est à -dire ,
qu'il falloit que l'emprunt für garanti par le Congrès.
Il eft effentiel , dit -il , que les pouvoirs arrivent
נ כ
"
tems , ce qui produirot un million de florins en
fix femaines , même quatre millions avec un peu
plus de délai. Il informe en outre M. Rutledge
que les Hollandois , depuis neuf mois , défirojent
d'avoir fur les lieux quelque perfonne convenable(
72)
ment autorifée par le Congrès , non pas comme
Miniftre Public , mais pour pouvoir , d'après de
plus sûrs éclairciffemens , jetter les fondemens d'un
traité lorfque la matière feroit plus mûre . La dif.
ficulté pour l'emprunt eft qu'il n'étoit pas venu
directement d'Amérique, mais qu'il fera Francifé.
Si le préfident Laurens pouvoit venir , il obtiendroit
une fomme confidérable. P. S. Beaumar
chais ne veut encore rien payer , ni fournir aucun
compte.
-
No. 2. Lettre de J. D. Vander Capellen , Bourguemeftre
d'Amfterdam , à H. Laurens , Ecuyer ,
aujourd'hui prifonnier à la Tour , datée du 8 Avril
1778. Il commence par déclarer fon attachement à
la caufe dans laquelle les Etats - Unis d'Amérique
font engagés. Il félicite M. Laurens au fujet des
fuccès du Général Gates , fur l'armée de Burgoyne.
Il dit qu'il a ouvertement manifefté ces fentimens
lorfque la fituation des Américains étoit
très problématique , & il témoigne la plus grande
fatisfaction du traité conclu depuis peu entre la
France & la République des Etats - Unis d'Améri
que , traité qui doit placer cette République au
niveau de toutes les autres Puiffances indépendantes
du monde. Après différentes expreffions
qui fe reflentent de la chaleur de l'enthoufalme ,
& qui annoncent un véritable efprit républicain ,
tel qu'il fe manifefta dans les Etats de Grèce & de
Rome , il rend compte à M. Laurens du parti qu'il
a pris dans l'affemblée des Etats -Généraux , fur le
mémoire préſenté de la part du Roi de la Grande-
Bretagne , & par lequel il demandoit la brigade
Ecofloife à leur fervice . Il récapitule enfuite les divers
efforts qu'il a faits pour empêcher que l'on fe
prêtât à cette demande , & il fe félicite d'avoir fait
terminer l'affaire en fa faveur , au point que le confentement
donné feroit accompagné de cette condition
, que ces brigades ne ferviroient point hors de
l'Europe.
( 73 )
·
l'Europe. Il expofe d'autres foins qu'il s'eft donnés
dans cette affaire , dont les détails contiennent
la juftification de la conduite des Colonies fur
les principes établis par Price , Locke , Hutchinfon
, dans les propres lettres de M. Laurens
au Gouverneur Shirley. Il a fait faire & traduire
en Hollandois des extraits de ces Auteurs ;
il les a fait imprimer avec des préfaces qu'il a
compofées , & dans lesquelles il applique leurs.
argumens à la conteftation actuelle . Il finit par des
offres de fervice , par inviter M. Laurens à réfléchir
fur l'idée d'un emprunt en Hollande , fur le
crédit du Congrès , foit à un fort intérêt pendant un
certain nombre d'années , foit avec l'engagement de
ne jamais réduire l'intérêt que le principal ne foit payé .
No. 3. Seconde Lettre de M. Vander Capellen .
Elle eft adreffée à M. Trumbrull , Gouverneur
de Conecticut , & datée du 6 Septembre 1748. Il
l'informe qu'il lui a écrit au mois d'Avril précédent
& qu'il a reçu une lettre du Congrès écrite au mois
de Juin 1777 , pour être expédiée par M. T.; mais
cette lettre quoique d'une date fi reculée ne lui a été
remife que le Mardi d'avant la date de fa lettre à lui
Vander - Capellen. Le feul article de cette lettre qui
mérite d'être rapporté , c'eft que cette lettre qui
lui eft parvenue l'a amplement dédommagé de tout
ce qu'il a fouffert pour s'être mêlé des affaires de
l'Amérique. Il dit dans un P. S. que pour don
ner l'exemple , il a placé 20,000 liv. argent de France
, dans la négociation pour les Etats - Unis , qu'il a
déterminé plufieurs habitans de fa province à venir
pareillement au fecours des Américains , & qu'il efpère
avoir la même influence dans d'autres endroits
où il a des liaifons . » Je préférerois , dit-il , un prêr.
» de 100,000 liv. fourni par so perfonnes à
» million donné par un feul particulier «<, Il dit enfuire
ce qu'il penfe de la négligence ou de l'inattention
des Américains , de ce qu'ils ne tirent point
13 Janvier 1781.
ל כ
d
( 74 )
parti de l'avantage remporté fur Burgoyne , de leur
jaloufie contre les François , & de leurs divifions
inteftines qui augmentent parmi eux le nombredes
Royalistes. Il fait enfuite une comparaifon très- peu
avantageufe pour les Colonies Américaines de leurs
efforts avec ceux de la Hollande contre l'Espagne
& des Suiffes contre la Maiſon d'Autriche . Il déploie
toutes ces circonstances & rapporte les embarras fans
nombre & prefque infurmontables où il s'eft jetté
par fon amitié pour les Etats - Unis , & par le zèle
ardent avec lequel il foutient leurs intérêts . Sa lettre
eft terminée par les deux paragraphes fuivans que
nous rapporterons comme un échantillon de fon
zèle républicain.
ל כ
» Encore un mot & je finis . On devroit publier
» & répandre en Amérique un pamphlet contenant
Thiftoire ou l'héroïfime avec lequel certains peu
ples & particulièrement les modernes ont défendu
» leur liberté . Les Juges de Harlem , de Leyde ,
39
ל כ
de St- Jean de Lohne ( en France ) , le courage des
» Génois lorfqu'ils ont chaffé le Général Botter , &
» fur tout la fameufe bataille de Morgarten dont on
» trouve la relation dans Simer de Repub. Helve
» tiorum , Orateur eftimé dont je vous envoie
quelques-unes des pages les plus remarquables.
» Lifez M. ce qui eft contenu dans la 7ce & les fuivan-
N'y a-t-il point de vrais Héros en Améri
» que comme en Suiffe ? Parmi une nation douée
» de qualités & de vertus fi brillantes , ne fe trou
» vera-t- il pas un nombre fuffifant de citoyens , qui
» jaloux de la gloire de mourir par un coup
» tes.
>>
-
d'éclat
, termineront ainfi une guerre qui met en
danger leur liberté & détruit leur pays par le fer
& par le feu ? Pourquoi l'Amérique n'auroit elle
» pas fa phalange facrée comme Thèbes ? Rień aflu
» rément ne feroit plus naturel «.
Au milieu des affaires embarraffantes que
nous avons au- dehors , nous ne fommes
( 73 )
point tranquilles au- dedans ; l'agitation eft
toujours la même en Irlande , & il eft dou
teux que le Comte de Carleifle parvienne
à la calmer , s'il a emporté , comme on le
dit , à fon départ des ordres févères , qu'on
n'eft pas étonné que la Cour ait donnés
mais qu'on feroit très - étonné de voir réuffir;
l'exemple de l'Amérique eft trop récent.
Pour faire face à tous nos embarras , il
faut des fommes immenfes ; le Lord North
fera forcé de porter plus haut l'emprunt
qu'il avoit projetté ; & il n'eſt pas aifé de
trouver de l'argent, Les Hollandois ne nous
en prêteront fans doute pas comme par le
paffé ; la querelle que nous leur cherchons
doit les alarmer , & l'état de nos
fonds n'eft pas propre à leur donner de la
confiance . Des embarras fourds viennent
ajouter à nos inquiétudes. Il s'eft répandu
grand nombre de faux billets de banque ; s'il
faut en croire les bruits publics , peut être
exagérés , on ne s'en eft apperçu qu'après
en avoir rembourfé pour un million fterl.
Le Gouvernement , pour ne pas répandre
l'alarme , a effayé de faire face à tout & de
ne rien ébruiter.
::
FRANCE.
De VBRSAILLES , le 9 Janvier.
Le Roi a nommé à l'Abbaye Régulière
du Pin , Ordre de Cîteaux , Diocèle de Poitiers
, Dom de Creffac , Religieux Profès du
d 2
( 76 )
même ordre , & Prieur de l'Abbaye de
Charon, fur la nomination & préſentation de
Monfeigneur le Comte d'Artois , en vertu
de fon appanage ; & à celle de St - Ambroise
Ordre de St-Auguftin , Diocèse de Bourges ,
l'Abbé Bourlet du Vauxelles , Vicaire - Général
d'Autun , Lecteur & Bibliothécaire de
Monfeigneur le Comte d'Artois , fur la nomination
& préfentation de ce Prince , en
vertu de fon appanage.
Le 29 du mois dernier , le Comte de
Vaudreuil prêta ferment entre les mains du
Roi , pour la charge de Grand- Fauconnier
de France , vacante par la mort du Marquis
d'Entragues.
Le Marquis du Pleffis - Châtillon , Capitaine
de Cavalerie , eut l'honneur d'être
préfenté le 17 par le Duc de Fleury , Gentilhomme
de la Chambre. Le 13 , MM . Mefnard
de Chouzy , de Fontanieu , Papillon
de la Ferté , Mercier de la Source & Teffier ,
Commiffaires - Généraux de la Maiſon du
Roi , & M. Randon de la Tour , Tréforier-
Général de S. M. , eurent l'honneur d'être
préfentés au Roi par M. Amelot , Secrétaire
d'Etat , ayant le département de la maifon
du Roi.
De PARIS , le 9 Janvier.
UN courier arrivé de Breft à Versailles
Dimanche au foir , a apporté la nouvelle
de l'arrivée de M. le Comte d'Estaing ,
avec fa flotte , dans cette rade , où il a
( 77 )
mouillé. le 3. Les lettres de cette date con
tiennent les détails fuivans :
,
nous vîmes
"
» Deux bâtimens Hollandois qui nous avoient -
annoncé le premier de ce mois que la flotte & le
convoi de M. d'Estaing étoient fur nos parages
ne s'étoient pas trompés ; car hier 2
entrer le Magnifique , qui , ayant une voie d'eau ,
avoit pris le devant . Ce matin , on a fignalé toute
l'armée , & dans la journée nous l'avons vu reparoître
fucceffivement. M. le Comte d'Estaing feroit
arrivé 4 ou 5 jours plutôt , s'il avoit mieux aimé
courir nord que fud ; mais il avoit des traîneurs à
attendre , & il a voulu difpofer tout fon convoi non
loin d'ici , de manière que chaque divifion gagnât
le plus promptement poffible le port où elle eft attendue
. Deux vaiffeaux & quelques frégates ont été
chargés de les escorter. La flotte eft dans un meilleur
état qu'on n'auroit ofé l'efpérer , après une traverfée
auffi longue , & par des tems auffi orageux .
On peut dire qu'elle n'a point de malades , puifque
le petit nombré de ceux qui font fur les efcadres ne
font attaqués que du fcorbut , dont ils feront guéris
en mettant pied à terre. Le feul Officier qu'elle
a perdu depuis fa fortie de Cadix , eft M. de Saint-
Marfault , Capitaine de vaiffeaux , qui est mort
ce matin en entrant dans le port. Il n'est guère
poffible d'avoir déja des détails de cette traversée.
Nous favons feulement que des vents contraires ont
retenu M. d'Eftaing dans le Golfe pendant 27 jours .
Notre avant-garde , fi l'on en croit quelques rapports
, a vu à diverfes fois l'armée Angloife ; le
Général a fait tout ce qui étoit humainement poffible
pour le joindre ; mais contrarié par le mauvais
tems, fans ceffe obligé de louvoyer, & Darby ayant le
vent , il n'a jamais pu l'attaquer . Il ne l'a abandonnée
que lorfqu'il l'a vu fuir à toutes voiles dans la Manche.
La conduite de ce convoi , dont il ne s'eft pas égaré
-
d 3
( 78 )
un feul navire , par les tems les plus orageux &
les brumes les plus épaiffes , fait un honneur infini
à M. le Comte d'Estaing . Tous les Officiers donment
auffi les plus grands éloges aux chefs des divifions
, & particulièrement à M. de Vaudreuil ,
qui a partagé les vivres avec l'Amphion & avec
d'autres qui en avoient befoin . Il n'y a guère que les
vaifleaux de M. de Guichen qui exigent de grandes
réparations . Nous avons 6000 charpentiers ici , où
ils attendoient la flotte , & qui vont s'en occuper.
Nous espérons qu'à la fin du mois tous feront
en état de remettre à la voile ; les vivres &
les provifions font préparés de manière qu'il n'y a
plus qu'à les tranfporter à bord. Le Calonne ,
corfaire de Dunkerque , nous a amené deux navires;
il en a envoyé un troisième à Morlaix . Curre ces
prifes , il a débarqué ici le Major Smith , Officier
de l'aimée de New- Yorck , qu'il a pris pour ôtage
en rançonnant pour 60,000 liv. un bâtiment que ,
faute de monde , il n'a pu amariner «< .
Des lettres de St- Malo & de Granville
annoncent que depuis quelque tems on préparoît
fur la côte , dans le plus grand fecret,
une expédition dont on ignoroit l'objet,
mais qu'on a fu depuis être Jerſey. Le port
de St - Malo avoit fourni beaucoup de bateaux
plats. Le tout fe raffembloit à Granville.
La légion de Luxembourg , étoit le
corps qui devoit s'embarquer fous les ordres
du Baron de Rullecourt. Des lettres
de St - Malo en date du 30 Décembre , ajoutent
ces détails fur cetté expédition , qui
paroît une affaire de particulier à laquelle
le Gouvernement ne prend aucune part."
» Les chaffe - marées , les gabarres , & autresbârimens
raffemblés à Granville , reçurent leur monde
( 79 )
avant-hier', & à l'entrée de la nuit , cette flotille
portant environ 1200 hommes , s'éloigna . Les vents
& le calme la contrarièrent , & à la pointe du jour
elle étoit entrée dans les rochers de Choufey ;
n'ayant plus alors l'efpoir d'arriver avec la marée ,
elle a cherché Cancale , où elle eft mouillée aujour
d'hui . On lui a envoyé d'ici du biſcuit & de la
viande ; car la troupe n'avoit , dit on , de vivres à
bord que pour deux repas . Ce qui a pu preffer fon
retour dans cette rade , c'eft l'approche d'une fré
gate jugée Angloife , mais qui n'étoit que le corfaire
Madame de Granville. Le Baron de Rulle
court eft venu ici cet après midi . Ce contre-tems ne l'a
point refroidi ; & il compte profiter de la première oc
cafion favorable pour exécuter fon projet . Il a des canons
,du mortier, & s'il parvient àdébarquer fon mon
de , quelques troupes qui font prêtes pourront s'embarquer
fur le champ pour le feconder « .
Une feconde lettre de Saint - Malo , en
date du 4 , offre ces nouveaux détails :
La petite flottille mouillée à Cancale , remit
à la voile le 31 ; & comme toute la journée du
lendemain fe paffa fans qu'elle nous cût donné de
fes nouvelles , nous crûmes qu'elle pouvoit avoir
débarqué fon monde à Jerfey. Nous avons ' appris
depuis qu'elle s'étoit arrêtée à Choufey , où elle eft
encore , attendant , dit - on , que la grande marée
lai facilite l'exécution de fon projet . Nous lui
avons envoyé ces deux derniers jours des vivres &
autres provifions dont elle marquoit. Ce retard
pourra lui être funefte , fi elle s'obſtine à vouloir
approcher de Jerley. 11 eft bien difficile que l'ennemi
n'ait pas été averti de fes deffeins , & qu'il
n'ait pas pris fes précautions pour les faire avor-
Parmi les Officiers de la Légion de Luxem
bourg , il y a un In lien , Mir Suced , Officier au
fervice di Grand -Mogol , venu en France , avec
M. Chevalier , & qui a voulu , à toute force ,
ter. -
d 4
( 80 )
aller tuer les Anglois . Il s'eft affublé d'un beau doliman
bleu , qui eft la couleur de l'uniforme de la
Légion , & il n'a de nos Officiers que les épaulettes
; il conferve toujours fon turban avec une bande
d'étoffe verte , en qualité de defcendant de
Mahomet. On raconte qu'il difoit l'autre jour :
Moi manger Cochon , moi boire vin , & par conféquent
moi Chrétien ; moi conferver toujours
turban , parce que moi fang du grand Prophète.
On ne vouloit pas qu'il allât à Jerſey , mais il a
fallu céder à fes inftances . On dit qu'il commande
dans l'Indoftan un corps de 6oco cavaliers ,
qu'il y jouit d'environ 150,000 de nos livres de
rente , & qu'il a été fort utile à M. Chevalier
dans fon paffage à Suez . C'eft un homme d'envi-
Fon 45 ans , qui paroît fort vigoureux . La réfolution
qu'il a prife de venir s'inftruire en Europe ,
annonce de l'efprit & de l'ardeur. Aucun de fes
compatriotes ne lui en avoit donné l'exemple «.
Un violent coup de vent du fud , écrit- on d'Al
géfiras en date du 12 de ce mois , ayant éloigné nos
croifeurs , 4 bâtimens Mahonnois ont profité de ce
moment pour fe gliffer dans la baie , où nous les
voyons décharger les provifions qu'ils ont appor
tées , & qui confiftent , fans doute , en toutes fortes
de rafraîchiffemens & d'objets de première néceffité.
La tourmente a fait périr une de nos chaloupes
canonnières , dont l'équipage n'a été fauvé qu'avec
la plus grande difficulté «.
Cet avis vient à l'appui de ce qu'on a eu
plus d'une fois l'occafion d'obferver : il ne
fuffit peut- être pas de bloquer le Détroit pour
empêcher tout fecours d'entrer en détail à
Gibraltar ; il faudroit avoir encore quelques
frégates & quelques chébecs dans la Méditerranée
pour les intercepter , & établir une
ftation devant Mahon .
( 81I )
On arme à St- Malo la frégate la Ducheffe
de Polignac , de 106 pieds de quille , 120
de longueur abfolue , & 30 pieds 6 pouces
de bau. Les Armateurs font MM . Marion
& Brillantais . Le nom du Capitaine , M.
Guidelou , eft fait pour infpirer la plus
grande confiance .
Cette Frégate , conftruite depuis plufieurs mois
porte en batterie 26 canons , dont 10 de douze , &
16 de huit , & fur fes gaillards , 4 de fix , & 8 obufiers
de 12 ; en tout 38 bouches à feu , non compris
les pierriers , &c. Elle aura environ 300 hommes
d'équipage. Ce Vaiffeau conftruit pour la plus
grande marche , eft mâté , fon grément couplé , & les
Armateurs font pourvus de tous les articles néceffaires
à fon armement , de maniere qu'ils peuvent fe
flatter de le faire fortir auffi-tôt que la Société fera
remplie ; ce qui ne doit pas tarder , puifqu'il refte
peu d'actions à placer , la majeure partie l'ayant été
à Saint-Malo même , par la confiance qu'on a dans
cet armement. Le Capitaine de cette Frégate a
donné en 1779 les preuves les plus fatisfaisantes de
capacité , d'expérience & de prudence fur la Frégate
Monfieur, de Granville , qu'il commandoit à fa premiere
courfe , pendant laquelle il a triplé le capital
de l'armement , & amené en France 543 prifonniers
& 120 canons ; ce qui lui a mérité l'épée du Roi..
Le fonds de la Société eft fixé à 150 Actions de 2000
liv . chacune , fubdivifée en demi & quarts d'Actions,
formant en total une fomme de 300,000 liv . valeur
eftimée de l'armement , & qui fervira de répartiteur
dans tous les cas prévus par l'Article XV de la Déclaration
du Roi du 24 Juin 1778 , dérogeant feule.
ment les Armateurs à l'Article XXV , qui fixe les
avances à donner aux Equipages. MM. Marion 9
freres , voulant donner à leurs Soufcripteurs toute la
fatisfaction poffible , s'obligent de dépofer entre les
ds
( 82 )
mains des perfonnes dénommées ci - après , des dupli
cata de tous les comptes d'armement , & des liquidations
qui feront faites par les Amirautés, au moyen
de quoi chaque Intéreflé pourr . examiner le tout par
lui -même.
- On fouferira chez les mêmes perfonnes , & chaque
Soufcripteur fera obligé d'y déposer la fomme
qu'il aura foufcrite , quinze jours après fa fignature ,
foit en argent comptant, foit en Lettres de Change, ou
autres effets à une ufance. On y délivrera des Actions
à chaque Intéreffé , & il y recevra fa portion dans les
prifes au prorata de fa mife. On foufcrira à Parischez
MM. Vincent , rue Vivienne ; J. Cottin & fils ,
& Jauge , rue de Richelieu ; le Couteulx & Compaguie
, rue Montorgueil ; J. Dupont fils , rue des
Vicilles Audriettes ; Perouteau-Delon & Compagnie,
rue Montmartre, Banquiers ; & chez MM . Dufrenoy ,
rue Vivienne ; Margantin , rue S. Honoré ; le Fevre ,
rue de Condé , Notaires. A Verfailles , chez M.
Blaizat , Libraire du Roi & de la Reine , rue Satory .
A Rouen, MM. le Couteulx & Compagnie, le Bourg
freres , Papillon . A Nantes , MM. Canel , Meflé &
Bernard , Charette & Ozanne . A l'Orient , MM. Ga-
Jabert freres , Bondeville . A Saint-Malo , Marion &
Brillantais , Marion freres .
Les Armateurs fe propofent de doubler leur Fré
gate en cuivre, fi celui qu'ils attendent arrive à tems ;
comme cette opération , en procurant plus de marche
au Bâtiment , occafionnera aufli plus de dépenfe , dans
ce cas le répartiteur fera de trois cens trente mille
livres. On croit devoir prévenir que la faifon préfenté
eft la plus favorable pour la Coore ; & que
tous les Corfaires , fortis depuis le mois de Novembre
dernier , font merveille , puifqu'il arrive journellement
de leurs prifes dans les Ports de Breft , Morlaix
, Saint- Malo , le Havre & Dunkerque.
On dit que les Anglois ont pris fur nos
attérages la corvette le Chevreuil , qui ve(
83 )
nant de la Martinique , nous apportoit fans:
doute les détails de l'horrible ouragan du-
10 Octobre. Les nouvelles de Londres nous
apprennent qu'il s'eft fait fentir fur toutes les
Antilles , & qu'il a péri plufieurs perfonnes
à St-Euftache. L'Ifle a été entièrement couverte
d'eau , & toutes les marchandifes ont
été détruites. A la Grenade , tous les bâtimens
ont été jettés au large ; mais il y en.
avoit heureufement fort peu . Nous ignorons.
ce qu'eft devenu notre convoi arrivé la veille'
à la Martinique , & qui peut être celui du
Guerrier ou celui du Magnanime.
On apprend de Breft que M. de la Peyrouze
quitte le commandement de l'Amazone
pour prendre celui de l'Aftrée , frégate nouve
qui doit le conduire à Rhode- Inland.
ל כ >> L'Evêque de ce Diocèfe , écrit-on de Boulognefur
- Mer , défirant y faire fleurir la vertu , vient
d'établir dans chaque Paroiffe où ce Prélat cft Seigner
, un Prix de fageffe , fous le nom de fecond.
Prix de la Rofière , en faveur des filles pauvres &
vertueufes. Ce Prix eft de 100 , écus , & celui de
la Paroiffe de S. Nicolas , de la ville épifcopale , eſt,
de soo livres . Le jour de la fête de ce Saint , on a
diftribué ce dernier Prix . Parmi les trois filles qui
avoient été préfentées au Prélat , comme les plus ,
vertueules , il a cru devoir la préférence à celle
qui , à mérite égal , étoit orpheline de père & de,
mère qu'elle avoit perdus à l'âge de 16 ans , &
qui , quoique privée des fecours de trois frères ,
matelots au fervice de S. M. , & vivant feule , n'a,
dû fa fubftance qu'à fon travail , & l'eftime par
blique qu'à fes vertus «.
Les crimes qui ne fe multiplient malheu
d 6
( 84 )
reufement que trop prouvent la néceffité
de veiller à la réforme des moeurs. Le Volume
des Caufes Célèbres qui vient de paroître
( 1 ) offre un exemple funefte des
triftes effets de leur dépravation dans l'hiftoire
du Procès du jeune fcélérat qui a depuis
peu affaffiné dans cette Capitale une fille publique.
ל כ
Lorfque nous rédigions ( dit M. Defeffarts )
l'hiftoire du procès de la maquerelle d'Orléans ,
& que nous faifions des voeux pour que la Juftice
arrêtât le torrent de la dépravation des moeurs ,
nous étions bien éloignés d'imaginer que , fous
peu de jours , un jeune débauché donneroit à la
capitale l'exemple d'un crime atroce. La prompte
punition du coupable , & la jufte févérité du fupplice
auquel le Parlement vient de le condamner ,
font des monumens de la fageffe de cet augufte
Tribunal & de fon attention à veiller à la tranquillité
publique - paroît que ce jeune homme
avoit la paffion la plus forte pour le libertinage.
La veille du jour où il a commis fon crime ,
étoit monté dans la chambre d'une fille publique ,
qu'il avoit rencontrée dans la rue Jean- Saint-Denis .
Cette proftituée avoir exigé trois livres pour prix
de fa complaifance. On affure que cette convention
faite avant de monter , fur rompue fans humeur ,
& que le jeune libertin defcendit de la chambre
fans aucune conteftation . Le lendemain au foir
(c'étoit le 14 Novembre dernier ) ce jeune homme ,
en paffant dans la rue Jean-Saint-Denis , apperçut
«..
il
( 1 ) On foufcrit pour ce Journal , qui a pris une nouvelle
forme au commencemeut de cette année , chez M.
des Effarts , Avocat , rue Dauphine , hôtel de Mouy , &
chez Mérigot , Libraire , quai des Auguftins, Prix de la
Soufcription 24 liv. pour la Province , & 18 liv. pour Paris
, franc de port.
( 85 )
›
la même fille chez laquelle il avoit monté la veille ;
il l'aborda , & parla quelque tems avec elle. Dans
ce moment , une des camarades de cette fille paffa
à côté d'eux ; le jeune libertin lui propofa de monter
chez elle ; fa propofition fut acceptée . Lorsqu'il fut
dans la chambre , il offrit à la fille la même fomme
qu'il avoit offerte la veille à fa camarade , à condition
qu'elle quitteroit fes vêtemens . Cette condition
fut acceptée & exécutée. On affure que
Boucher , qui avoit vu la fille accrocher une
montre d'or à fa cheminée , conçut le projet
de la lui voler. Comme il avoit dans une
de fes poches , un rafoir , il s'en faifit , & en
porta plufieurs coups au col de cette fille , qui
avoit heureuſement une cravate très - épaiffe. Elle
fe débattit & parvint à arracher le rafoir des
mains de fon affaffin. Elle eut encore affez de
force pour ouvrir fa fenêtre , & jetter le fer enfanglauté
dans la rue en criant à l'affaffin. Le
dont il porta jeune homme prit alors fon couteau ,
plufieurs coups à la victime de fa barbarie ;
ne pouvant parvenir à lui donner la mort ,
entendant du bruit , il ouvrit la porte , & defcendoit
l'escalier , lorfqu'il fut arrêté par deux hommes
qui étoient montés aux cris de la fille affaffinée.
Le fcélérat , en fuyant , avoit encore à la main fon
couteau enfanglanté . Au tumulte qu'excitoit un pareil
évènement , la garde accourut , & trouva la fille
baignée dans fon fang , & prête à expirer. On la
conduifit auffi -tôt à l'Hôtel - Dieu pour lui adminiftrer
les fecours qu'exigeoient fes bleffures.— » Le
corps du délit étoit conftant , & les preuves de
l'affaffinat évidentes. Cependant l'affaffin a eu l'audace
de foutenir qu'il n'étoit pas coupable : il a
nié que le rafoir lui appartînt , & qu'on l'eût rencontré
tenant fon couteau à la main . Il a ajouté
que c'étoit la fille qui avoit voulu fe tuer ellemême
, & que le rafoir trouvé dans la rue étoit
mais
&
( 869)
fous le chevet de fon lit. On l'a confronté avec
la fille à l'Hôtel- Dieu , & il a perfifté à lui fou
tenir que c'étoit elle qui s'étoit mutilée . - » Cette
défenfe , autfi audacieufe
qu'inconféquente , auroit
pu répandre des doutes fur le véritable auteur du
crime ; mais le rafoir ayant été reconnu pour ap
partenir à Boucher , étant d'ailleurs prouvé , par
deux témoins , qu'il avoit été rencontré dans l'ef
calier , tenant à la main fon couteau enfanglanté ,
tous les nuages ont été diffipés , & Boucher a été
convaincu de l'affaffinat dont il étoit accufé. - » Tous
les pères de famille , dit M. Defeffarts , en apprenant
le fupplice de ce jeune fcélérat , doivent
trembler en penfant aux fuites effrayantes de la
débauche. Etre capable de commettre , à feize ans ,
un crime auffi atroce que celui dont nous venons
de tracer , en frémiflant , l'horrible tablean ; quelle
preuve plus forte de la dépravation des moeurs &
de la néceffité de veiller fur le dépôt précieux de
Thonnêteté publique. Qu'il nous foit permis , ea
finiffant , de faire des voeux pour que les Règlemens
& les Loix qui puniffent le libertinage ,
foient févèrement exécutés , Ces voeux font conformes
à une Ordonnance qui a été publiée depuis
peu dans cette Capitale , & qui eft un nouveau
monument de la fageffe éclairée du Magiftrat qui
eft le chef de la Police , & du defir qu'il a d'arrêter
le torrent de la corruption. On lit dans le même
Volume les détails de la conteftation qui s'eft élevée
entre la veuve de Jean - Jacques Rouffeau , & un
Marchand de mufique , au fujet d'un Recueil d'airs
& de romances de J. J. , intitulé : Les confolations
des misères de ma vie.
On y trouve encore la
caufe d'un Religieux , accufé d'avoir abufé de l'em.
pire qu'il avoit fur l'efprit d'une vieille dévote ,
Four lui fuggérer un teftament en faveur de fon
novel .
---
L'Affiche de Dauphiné contient les dés
( 87 )
tails d'un procès criminel
criminel , d'une nature
fort étrange , & qui par cette raifon mérite
d'être cité .
Ua particulier de Lo leve vivoit , depuis la mort
de fa femme , avec une de ces filles complaifantes ,
qui ne font , du fentiment le plus doux de la na .
ture , qu'un commerce aviliffint. Cette liaiſon offenfoit
la belle - mere , qui haïffoit avec tout l'em--
portement de fon fexe , la favorite , moins à caufe
du fcandale , que parce que , à l'entendre , il falloit
lui attribuer la mort de fa fille , victime , difoit
elle , d'une excès de fenfibilité fur l'abandon
de fon mari . Elle en exigea le facrifice , & fon gen."
dre , qui attendoit d'elle une riche fucceffion , y
confentit . Mais quelque -tems après , la nymphe delaiffée
reprit fon ancien empire. Ce retour excita
le plus vif reffentiment dans l'ame de fa belle mere ;
elle le poufla jufqu'à l'atrocité ; elle voulat faire
allaffiner la maitreffe de fon gendre . Un berger
accepta cette commiffion dangereufe fur l'appas det
500 liv. qu'on lui promit . Il voulut s'affocier un
compagnon ; celui qu'il choifit fortoit des galères .
Devenu plus timide ou plus prudent depuis fa pu-,
nition , il propofa de profiter de la récompenfe
promife , & de ne pas commettre le crime . La fille,
qu'ils alloient affaffiner , mi'e dans la confidence
leur prêta fa croix d'or & fon clavier d'argent
qui étoient les fignes auxquels fon ennemie devoit
reconnoître qu'ils avoient exécuté les ordres , & elle promit de refter cachée. La Dame , fûre de
La vengeance , chicana les meurtriers fur le prix
& ne leur en donna que la plus fetite partie ,
qu'ils partagèrent avec la fille , qui fe montra aulfi .
tôt , & porta plainte devant les Tribunaux.
Cette fingulière affaire embarraſſe , dit - on , les
Jages & les Jurifconfultes ; le code pénal en effet
n'a pas tracé une marche bien précile à cet égard ,
ni févi contre un crime qui n'a point été exécuté ,
( 88 )
& où il n'existe par
conféquent point de corps de
délit. Toutefois l'intention de l'acculée eft manifelte
, & cette intention eft un crime qui ne doit
pas refter impuni ; mais avant d'en venir là , il
faut qu'il foit conftaté, & ceft ici que fe préfente
une autre difficulté. Ceux que l'inftigatrice
avoit armés contre la vie de la plaignante , font
des témoins uniques , des témoins dès-lors néceffaires
dans ces fortes de crimes occultes ; mais leur
témoignage peut - il être reçu ? Ils ont été , par
rapport à cette dernière , fes dénonciateurs ; c'est
fur leur parole fimplement qu'elle pourfuit fon ad
verfaire. Ils avouent avoir accepté l'affreufe com
miffion , & en avoir reçu le prix ; ils décèlent
donc eux-mêmes leur indignité. D'ailleurs ils font
intéreffés à foutenir leur délation , pour ne pas
être punis comme
calomniateurs ; leur foi eft donc
justement fufpecte . On ne manquera pas d'ajouter
que le galérien eft un homme que la loi a déclaré
infâme, &c. &c. C'eft fur quoi l'Arrêt qui interviendra
répandra de nouvelles lumières.
On lit dans une lettre de Toulouſe , en
date du 23 du mois dernier , un évènement
bien funefte arrivé la veille. Un Crocheteur
imprudent laiffa fur un fourneau , de l'Auberge
des trois Colonnes , Fauxbourg St Cyprien
, un baril de 120 livres de poudre,
Il y avoit fans doute encore du feu dans le
fourneau ; la poudre s'eft enflammée : l'exploſion
a fait fauter la maiſon. Une famille
entière , compofée de 11 perfonnes & 4
étrangers ont été écrafés fous les décombres.
On a travaillé fur-le-champ à déblayer ,
& le 23 on avoit déja retiré pluſieurs cada
vres .
( 89 )
Il paroît des Lettres - Patentes du Roi , données
à Verfailles le 22 Juillet dernier , & enregistrées
au Parlement le 22 Août fuivant ; elles font au
nombre de 8 , & portent Règlement pour la fabrication
des étoffes de laine dans les Généralités
d'Amiens , d'Auvergne , de Champagne , de Tours ,
de Poitiers , de Bourges & d'Orléans . S. M. ayant
déterminé par fes Lettres -Patentes du 4 Juin 1780 ,
les loix de Police concernant les étoffes de laine
qui feroient dans le cas d'être revêtues du plomb de
Règlement , & ayant annoncé qu'elle fixeroit par des
tableaux particuliers pour chaque Province ou Généralité
ce qu'on devoit obferver tant pour les matières
qui doivent être employées dans ces étoffes , que
pour leur apprêt , elle le fait , dans les Lettres Patentes
que nous annonçons , d'après les divers renfeignemens
qui lui ont été fournis fur les ufages
oblervés dans les principaux lieux de fabrique..
Arrêt du Confeil d'Etat du Roi , du 17 Septembre,
portant établiffement de Bureaux pour la vifite &
la marque des étoffes de laine qui fe fabriquent dans
les villes de la Généralité de Paris , conformément
aux difpofitions des Lettres - Patentes du premier
Juin. Autre du 25 Novembre , qui ordonne la
furféance de la vente des offices de Jurés- Prifeurs ,
ordonnée par Edit de Février 1771
Deux autres
du 26 Novembre , par lefquels S. M. acceptant l'abandon
fait par la Dame Comteffe de Ligny , du
droit de Péage à elle appartenant dans fa Seigneurie
de Courtenay , & de celui appartenant au Marquis
de S. Paul , dans fon Marquifat de S. Paul , éteint
& fupprime lefdits Péages . Les numéros fortis au tirage de la Loterie
Royale de France , du 2 de ce mois , font :
51 , 31 > 11 , 75 , 35.
De BRUXELLES
, le 9 Janvier.
LA déclaration
de guerre contre les Hol(
90 )
landois , a fait beaucoup de fenfation dans
les Provinces - Unies . On ne doute pas du
motif de l'Angleterre ; les papiers trouvés
dans la malle de M. Laurens & le plan
préparatoire de traité concerté de la part
de la ville d'Amfterdam avec un Commiffaire
du Congrès , ne font qu'un prétexte.
L'affoibliffement de la neutralité armée eft
le véritable but que fe propofent les Anglois
, & ce n'eft qu'en apprenant l'acceffion
de LL. HH . PP. qu'ils fe font déci
dés à rompre . La fatisfaction qu'ils demandoient
avec hauteur n'avoit point été refufée;
on voulut s'affurer fi elle étoit due ,
falloit que l'affaire fût examinée felon
les loix fondamentales de la République.
Les Députés de la Hollande , dans une
féance du 23 , déclarèrent à l'Affemblée que
les Etats de la Province avoient unanimement
arrêté avant de prendre une réfolu
tion définitive fur la réponſe à faire au Che
valier Yorke , de requérir l'avis de la Cour
de Juftice de Hollande , au fujet de la pusition
fur laquelle il étoit fi fortement infifté
dans les Mémoires , & de la queftion
s'il fe trouve dans les papiers dont on fe
plaint , rien qui foit contraire à la conftitution
& à la forme du Gouvernement de
la République qui puiffe donner lieu de
procéder criminellement contre les perfon
nes dénommées. La Cour doit envoyer au
plutôt fon avis , malgré les Vacations , &
fufpendre toute affaire pour ne s'occuper
( 91 )
que de celle -là . Les Etats - Généraux agréérent ,
cette ouverture ; M. le Greffier Fagel fut,
chargé d'en donner communication à l'Ambaffadeur
Britannique ; ce Miniftre refufa
de la recevoir , & on l'expédia par un pinque
au Comte de Welderen à Londres.
On n'y avoit pas reçu cette réponſe lorfque
le Confeil de St -James a déclaré la guerre.
» On fe flatte encore ici , écrit -on de la Haye ,
que la rupture avec l'Angleterre n'aura pas de fuite.
Les partifans que cette Puiflance a confervés , &
qui font en petit nombre depuis les injures qu'elle
a faites à la République , fe fondent fur l'article
du Manifefte du Roi , qui annonce des difpofitions.
à écouter des propofitions raisonnables s'il en eft
faires. Ils obfervent , avec complaifance , que la
Chevalier Yorke n'a pas quitté fans regret une ville
où il a réfidé près de 20 ans , qu'il s'en eft éloigné
avec lenteur , que parti de la Haye le 25 , il a refté
tout le jour à Rotterdam ; que le 26 il a diné à
Papendreche , & couché à Sliedreche , & que ce
n'eſt que le 27 qu'il a continué fa route vers Breda ,
pour paffer à Bruxelles , où il attendra de nouveaux
ordres de fa Cour. On ne peut pas mettre plus de
tems à un voyage qui devoit être fort court. On
eft perfuadé en général que fa Cour lui a donné
Tinftruction fecrette de ne pas fe preffer , qu'elle
compte fur des ouvertures de la part de la Répu
blique ; peut - être fonge - t - elle à l'amufer par des
apparences de réconciliation , à répandre de la divilion
dans fes Confeils , & à fufpendre par ce
moyen les préparatifs qu'elle doit faire pour fa
défenfe . Mais c'eft un piége dans lequel il eft à préfumer
qu'on ne fe laiffera pas prendre . Si le Cabinet
de S. James a ordonné après coup qu'on obfer.
veroit le Traité conclu à Breda en 1664 , il n'y
a que les navires qui font dans les ports Britanni
( 92 )
ques qui en profiteronts ceux qui font en mer font
maintenant pourfuivis par les corfaires , & il y a
quantité de lettres de marques expédiées «.
Selon des lettres plus récentes , les Etats-
Généraux prennent toutes les mesures que
la prudence exige. Le 26 du mois dernier ,
le Stadhouder fit la propofition fuivante à
l'Affemblée.
Il repréfenta que dès l'année paflée il avoit fait
part aux Provinces qu'il étoit d'avis que l'on équipât
so à 60 vaiffeaux , & que l'on augmentât les forces
de terre jufqu'à 50 à 60 hommes par compagnie ; que
les places frontières fuffent miles en état de défenſe
convenable & les magafins pourvus des munitions
de guerre néceffaires , afin de pouvoir conferver à
la République la jouillance de fes droits : qu'il avoit
vu avec fatisfaction que pour ce qui regarde la
marine , elle avoit été mise en quelque forte en un
meilleur état , & qu'il le flattoit que les Etats de
toutes les provinces la fortifieroienr encore pendant
l'année prochaine , puifque l'on ne pouvoit pas être
actuellement trop fur fes gardes ; qu'il étoit pareille
ment néceffaire de mettre la République en état de
défense du côté de la terre , & qu'il eſpéroit que
Ton y fongeroit férieufement , que les frontières
feroient fortifiées & les magafins pourvus du néceffaire
&c. , qu'autrement il ne pouvoit répondre
pour les fuites ; qu'il jugeoit qu'il étoit de fon devoir
de mettre fous les yeux des Confédérés , la
fituation de la République , & qu'en conféquence on
ne pourroit rien lui imputer , puifqu'il avoit averti
d'avance , fi la République venoit à fouffrir du dommage
par la négligence ; & enfin que fi fes avis
avoient été fuivis , les Puiffances belligérantes auroient
plus ménagé la République.
On affure que les Colléges d'Amirauté
de la République ont déja fait le rapport
( 93 )
•
de leur travail. Suivant ce que l'on en
rapporte , on portera à 94 ou à 96 le nombre
des vaiffeaux armés qui feront en mer
l'été prochain. L'augmentation des troupes
de terre fera de 20,000 hommes . On ouvrira
un emprunt pour faire face aux dépenfes
que ces armemens exigent , & en
attendant on a continué pour deux mois
la perception du droit connu fous le nom
de Double Laft en veil Geld.
•
PRÉCIS DES GAZETTES ANG . , du 3 Janvier.
›
La Gazette de Londres du 31 a publié une proclamation
pour régler la diftribution des prifes fur les
Hollandois , & un ordre pour que tous les vaiffeaux
des Provinces - Unies qui en qualité de neutres
avoient été autorifés par acte du Parlement à fe
charger des productions de la Grenade , & Grenadines,
de Saint Vincent & de la Dominique , puiffent
jouir encore de cette liberté pendant un délai de quatre
mois.
L'enthoufiafme excité par le Manifette contre la
Hollande commence à perdre un peu de fon feu. On
s'apperçoit , comme après un rêve , que le moment
auroit pu être plus favorable. La glace fermant l'entrée
des Ports des Provinces- Unies depuis le mois
de Décembre jufqu'au mois de Mars , aucun Vaiffeau
ne revient , paffé Noël , des poffeffions éloignées.
Tous les Vaiffeaux pour les deux Indes font
partis , & s'il y en a quelques - uns dont les expédi .
tions ayent été plus tardives , les cargaisons en font
affurées en Angleterre , de forte que l'on peut dire
que les fept huitièmes en appartiennent aux Anglois.
Lorfque le Comte de Welderen a eu fa derniere
Audience du Roi , il a adreſſé à S. M. un diſcours
( 94 )
dont voici la fubftance : » J'ofe affurer Votre Ma-
» jeſté , & je la ſupplie de croire que dans ma lon-
D gue réfidence en ce pays , je m'étois fait une telle
» habitude de chérir fes intérêts & ceux de la mai-
» fon royale de V. M. qu'il n'y a pas un individu au
i mon le qui foit plus fortement attaché que moi à
votre perfonne ou à l'Angleterre , mais en même
» tems c'eſt avec la peine la plus fenfible que je dois
» affurer V. M. que de toutes les Puiffances confé-
» dérées avec lefquelles elle eft malheureufement en
guerre , je fuis pleinement convaincu qu'il n'y en
» a point qui définitivement foit pour Elle un plus
dangereux ennemi que mon pays «.
23 Le 31 entre fept & huit heures du matin , cet
Ambaffadeur eft parti avec la Comteſſe ſon épouse
pour Hatwich , où il s'embarquera pour Helvoetsluys.
On affure que le Général Clinton demande un
renfort de dix mille hommes , & que c'eft feulement
pour agir fur la défenſive .
Une abondante quantité d'équipages de campagne
, plufieurs milliers de paires de fouliers , de
bas & de couvertures , beaucoup de belle artillerie
de fonte , de mortiers , d'obufiers , pour fervir en
campagne , nt à bord des Vaiffeaux du fervice de
l'artillerie à Portſmouth , & deſtinés pour l'Amérique.
?
L'expédition projettée contre quelques-uns des
établiflemens Efpagnols , & dont la gloire étoit réfervée
an Colonel Fullarton a changé d'objet.
Son régiment , celui de Hubertfon , le fecond ba
taillon du quarante-deuxième , & fix compagnies du
foixante quinzième régiment , vont former un petit
corps d'armée aux ordres du Général Meadows que
l'on fuppofe deftiné à attaquer l'établillement Hollandois
au Cap de Bonne- Efpérance , & la conduite
( 95 )
en fera confiée au Commodore Johnstone , qui ef
cortera une des deux divifions de Vaiffeaux que la
Compagnie envoie à l'Inde. La tâche la plus difficile
de ravitailler Gibraltar paroît être réfervée au
Chevalier Pallifer .
Un Officier , qui eft arrivé à Douvres le 31 Dé .
cembre de Gibraltar , d'où il eft parti à la fin de
Novembre , affure que la difette de provifions fraî
ches y eft telle , & dure depuis fi long- tems , que fi
cette Place n'en reçoit pas très- incellamment , il fau
dra de toute néceflité qu'elle fe rende avant trois
mois .
Il est arrivé à Edimbourg des Lettres de New-
York , du 12 Novembre. Les deux armées étoient
en préfence fur les deux bords de la rivière de Hud.
fon. Il étoit venu du Sud des plaintes amères de la
part du Lord Cornvallis', fur ce qu'il n'avoit reçu de
renforts ni de la Grande-Bretagne , ni de New-York,
après en avoir demandé à tant de reprifes , & furtout
de ce que le Général Leſlie avoit été envoyé
à la Virginie , tandis que fi on l'eût deftiné à renforcer
le Lord Cornvallis , il ne feroit plus queftion
de rebellion dans les Carolines Méridionales.
Le Colonel Américain Davidfon y entra le 14 ,
& il s'empara de vingt- cinq chariots chargés que
les Anglois avoient été obligés de laiffer à cinq
milles de la ville . Davidon d'une part , Summer
Alavie , & Morgan , d'une autre , fe mirent à
leur pourfuite, La défaite du Corps de Ferguson
eſt très conſtatée , ainfi que la mort de ce Colonel
Anglois . Le 29 Août , le Chevalier de là Luzerne
eft revenu à Philadelphie , du voyage qu'il
avoit fait à Boſton & à la grande armée .
Le 12 Novembre , deux régimens étoient prêts à
s'embarquer pour la Virginie ; un fort détachement
( 26 )
de l'armée Angloife devoit paffer l'hiver dans des
cafernes établies à Kingsbridge.
Voici quelques nouvelles de Philadelphie du 4
Novembre. Le détachement de 5000 hommes que
le Général Washington a confié au Général Gréen ,
a dû s'embarquer aux fources d'Elk , au fond de
la baie de Chéfapeak , & de- là defcendre jufqu'à
Hampton , pour empêcher le Général Leflie de s'y
établir . Mais à fon arrivée il aura trouvé ce pofte
abandonné , car on affure que Leslie informé de
fon approche , a jugé qu'il rendroit plus de fervice
au Lord Cornwallis , dans la périlleuse fituation ou
il le favoit , s'il lui menoit fa petite armée par la
rivière du Cap Féar. On ajoute même qu'à fon départ
, il a pû voir les démonstrations de joie que faifoit
éclater tout ce même Pays où il avoit mandé
que fa venue avoit fait tant de plaifir . Le bruit
couroit à Philadelphie , le premier Novembre , que
le Colonel Clarke avec un corps de Caroliniens &
de Georgiens avoit furpris Augufta au moment où le
Commandant de cette Place étoit en Traité avec les
méridionaux. On dit que le Colonel Clark a mis
les uns & les autres en déroute , & qu'il a chargé
300 chevaux des effets & des préfens ramaffés à
ce pofte .
Le Général Leflie avoit fait un premier débarquement
de 800 hommes à Portſmouth , & un
autre dans le Comté de la Princeffe Anne. Le 23
Octobre , il mit à terre mille hommes d'infanterie
& 100 de Cavalerie à Newport. Ce détachement
avoit pris poffeffion de Hampton.
Le 12 Octobre , le Lord Cornwallis , qui avoit
quitté le Vaxaa , & qui s'étoit établi à Charlotta
le 26 Septembre , évacua cette ville avec
précipitation , pour fe retirer vers Charles-Town.
JOURNAL POLITIQUE
"
DE BRUXELLES.
TUR QUI E ,
De CONSTANTINOPLE, le 30 Novembre.
LA plupart des vaiffeaux marchands arrivés
dans ce port avec le Capitan-Bacha ,
dont ils avoient rencontré la flotte fous la
protection de laquelle ils s'étoient mis ,
étoient chargés de comeftibles de toutes les
eſpèces. Les autres apportoient des marchandifes
; les 7 François qui viennent de Marfeille
avoient en particulier toutes fortes
d'étoffes de foie.
>
On fait dans plufieurs endroits de l'Empire
des préparatifs tels qu'on les feroit à
la veille d'une guerre. Les citoyens paisibles
ne laiffent pas d'en être alarmés. Le bruit
fe répand ici que les Ruffes fe font emparés
de Derbent fortereffe fituée fur la mer
Cafpienne ; ils paroiffent , dit - on , n'avoir pas
renoncé à leurs vues fur la Géorgie ; & fi ,
comme on le prétend , le Prince Régnant eft
difpofé à fe foumettre à l'Impératrice de
Ruffie , il est tout fimple que cette Princeffe
le foit à fon tour à en profiter.
20 Janvier 1781 .
( 98 )
RUSSI E.
De PÉTERS BOURG , le 12 Décembre.
LE 7 de ce mois la Fête Militaire de
l'Ordre de S. George a été célébrée à la
Cour. Tous les Chevaliers préfens ont eu
l'honneur de dîner avec l'Impératrice ; & le
foir il y a eu bal paré. Parmi les perfonnes
qui ont eu part aux promotions qu'elle a
faites les à l'occafion de la fête de fon
nom , le Comte d'Oftermann , frère du
Vice-Chancelier , a été nommé Sénateur ;
M. Alexey Melgunoff a été décoré de l'Ordre
de S. André , & le Contre- Amiral Boriflow
qui commande l'efcadre Ruffe dans
la Méditerranée , de celui de Ste- Anne.
Le 8 S. M. I. a fait l'honneur au Général-
Major & Chambellan de Landskoy , de le
revêtir des marques de l'Ordre Polonois de
l'Aigle blanc. Elle a accordé une terre en
Livonie à Madame de Lilienfeld qui a accompagné
les Princeffes de Brunswick ,
d'Archangel en Jutlande .
En conféquence d'un Oukafe du Sénat ,
en date du 21 du mois dernier , le Lieutenant-
Général Jacobi , ci - devant Gouverneur
d'Aftracan , a été chargé de régler tout ce
qui concerne le nouveau Stadhouderat de
Saratow , dont le Général-Major Polibanon
eft nommé Gouverneur effectif. Ce nouveau
Stadhouderat qui renferme le Gouver
nément de S. Pétersbourg eft le 2're en rang,
( 99 )
,
& eft divifé en 9 cercles qui font Saratow
Chwalinsk , Walsk , Kafnetz , Atkarsk ,
Patrovsk , Serdevsk , Bolachewsk & Kaminsk.
Les appointemens des perfonnes
qui compofent les différens Tribunaux de
ces cercles , montent annuellement à la
fomme de 112,103 roubles.
SUÈDE.
De STOCKHOLM , le 12 Décembre
LE 2 de ce mois , M. Wroughton , Envoyé
extraordinaire de S. M. B. eut une audience
particulière du Roi , & lui remit une
lettre de fon Souverain qui le prioit de revêtir
ce Miniftre du cordon de l'Ordre du
Bain. Cette cérémonie eut lieu les de ce
mois. Dans le Chapitre que le Roi tint le 27
du mois dernier , il nomma Chevalier de
POrdre de l'Epée , M. Harald Chriftiern ,
Major de Marine , commandant la frégate
l'Aigle Noir , la même qui défendit au
mois de Juillet dernier fur les côtes d'Angleterre
, un convoi de bâtimens de fa nation
, contre des cutters Anglois qui vouloient
le fouiller , & les éloigna à coups de
canon.
Le Général Wrangel qui avoit donné le
premier projet de l'établiffement des brafferiés
d'eau- de- vie pour le compte de la
Couronne , & qui en avoit eu jufqu'ici la
direction , vient de fe démettre de ce pofte
dans lequel il eft remplacé par le Comte
e 2
( 100 )
de Rofen , ci -devant Grand-Ecuyer de la
Reine,
POLOGNE.
De VARSOVIE , le 25 Décembre.
L'EVÊQUE de Cujavie eut l'honneur de
préfenter au Roi la femaine dernière un
manufcrit très-rare, en langue Grecque , contenant
tous les détails de la vie de l'Empereur
Charlemagne. S. M. en acceptant ce préfent
qu'elle a fait placer dans fa bibliothèque ,
gratifia le Prélat d'une belle bague de dias
inans.
Le Docteur Moller , qui a été envoyé en Wolhynie ,
écrit que ce n'eft pas la pefte qui a régné dans cette
Province , mais des fièvres qui n'ont cependant
pas enlevé beaucoup de monde , puifque de 3000
perfonnes qui fe trouvèrent enfermées dans le cordon
formé par les troupes , il n'y en a eu que si
qui foient mortes ; & encore ont - elles moins été
victimes de la maladie que de la négligence avec
laquelle elles ont été foignées, Mais fi la Wolhynie
a été préfervée de la pefte , la ville de Balta , habitée
par les Tartares , ne l'a pas été , le Général Witte ,
Gouverneur de Kaminiek a mandé à la Cour que
la
pefte régnoit dans cette ville , & à Jofefodtod , place
du Domaine de la République , ainfi que dans 4
villages des environs ; qu'il avoit fait inveftir auffi- tôt
les lieux infectés par des troupes , & que 174 perlonnes
étoient mortes de cette maladie. Il ajoute que
les
mefures efficaces qui ont d'abord été prifes ont eu
le meilleur fuccès ; mais que cependant le cordon
n'avoit pas encore été levé ; on eſpère que le froid
fecondera les précautions pries pour empêcher le
fléau de s'étendre.
( för )
ALLEMAG NÊ.
De VIENNE , les Décembre.
ON fait déja à Presbourg les préparatifs
du Couronnement de l'Empereur en fa qualité
de Roi de Hongrie. On croit que cette
cérémonie aura lieu au printems prochain.
On apprend de la même ville que le 19
de ce mois la Communauté Evangélique a
témoigné les regrets de la manière la plus
touchante , à l'occafion de la mort de l'Impératrice.
Le catafalque élevé dans fon Eglife
étoit de la plus grande beauté ; on y chanta
des cantiques analogues à cette trifte circonftance
, & on y prononça une Oraifon
funèbre qui arracha à tous les affiftans des
larmes dont on n'auroit pu tarir la fource ,
fi on ne leur avoit rappellé en même- rems
qu'ils retrouveroient dans Jofeph II tout ce
qu'ils avoient perdu .
De HAMBOURG , le 30 Décembre.
M. de Grofs , Miniftre de Ruffie , a remis
à la Régence de cette ville , une copie du
Traité figné le 9 Juillet dernier à Copenhague
, entre les Cours de Ruffie & de
Danemarck , & ratifié par la première le
premier Août ; au bas de ce Traité le trouve
l'acceffion de la Suède , & l'on voit par la
date de cet acte que celle de la Hollande
ne pouvoit encore y être jointe.
Ön écrit de Copenhague , qu'un corfaire
Anglois ayant enlevé , fous le canon du port
e 3
( 102 )
de l'Ife Ste - Croix , un navire marchand
François , a été pris lui- même à fon tour
par une frégate Danoife , conduit à Ste-
Croix, & jugé de bonne prife.
·
» S'il faut en croire quelques avis , portent des
lettres de Coblentz, l'Electeur a fait prendre poffeffion
du Comté de Blankenheim , fur lequel la Maiſon
Palatine formoit ci - devant des prétentions en
vertu de la dépendance du Fief des Comtes de
Blankenheim à l'égard des Ducs de Juliers . Ces
derniers & leurs fucceffeurs , les Comtes Palatins ,
ont toujours prétendu que Blankenheim étoit un
Fief relevant de Juliers , & les Comtes de Blankenheim
ont , au contraire , foutenú qu'on les avoit
confidérés dans toutes les occafions comme relevans
immédiatement de l'Empire " .
La déclaration de guerre de l'Angleterre
contre les Hollandois ne fait pas moins de
fenfation dans le Nord que dans la Répu
blique même. Perfonne ne s'attendoit à cet
acte de vigueur ou de défefpoir ; mais les
opinions font partagées fur fes fuites.
32.
·Selon quelques perfonnes , on trouvera peutêtre
quelques moyens pour arranger les chofes de
manière que
l'on n'en vienne pas à la dernière extré
mité. Mais le plus grand nombre croit qu'une guerre
entre ces deux nations eft inévitable , & que même
en ce moment les hoftilités font commencées en
Afie de la part des Anglois. Comme il leur a été facile
de prévoir la tournure que prendroient les affaires
en Hollande , on les connoît affez pour être perfuadé
qu'ils fe feront préparés d'avance à porter des
coups fenfibles à cette République , avant qu'elle pulle
fe mettre en état de les parer . Quoi qu'il en foit de
cette démarche hardie de la part des Anglois , labauteur
impérieufe avec laquelle ils ont demandé fatisfaction
des torts que la République pouvoit avoir
( 103 )
avec eux , tandis qu'ils ont gardé un filence dédaigneux
fur ceux dont elle a demandé réparation ; la
préfomption avec laquelle ils femblent provoquer
la Hollande , & chercher à s'attirer un nouvel ennemi
fur les bras , tout cela fait encore mieux fentir la néceffité
d'une confédération bien unie & bien armée
pour réprimer des prétentions qui ont outre-paſſé les
bornes du courage & d'une confiance mefurée en
fes propres forces. On eft fort curieux de favoir le
parti que prendront les Puiffances du Nord ; & fi
elles ne jugeront pas que depuis fon acceffion
à la Confédération , la République doit jouir
de la protection ftipulée. La déclaration de guerre
eft poftérieure à cette acceffion ; & felon le Traité ,
on ne peut attaquer une des Puiſſances alliées , fans
les attaquer toutes <<.
-
Selon les lettres de Conftantinople. Il y
eft beaucoup queftion d'un commerce à établir
fur le Danube . Il feroit très avantageux
aux fujets de diverfes Puiffances
& fur-tout à ceux de l'Allemagne , auxquels
il offriroit un débouché pour plufieurs articles
de leurs fabriques , dont l'acquifition
deviendroit beaucoup plus aifée &
moins coûtéitfe aux Turcs que par le paffé.
On lit dans une lettre de Vienne les détails
fuivans , fur les derniers momens
de l'Impératrice ; on y revient toujours avec
cet intérêt qui fait trouver du plaifir dans
les larmes , & qui eft l'unique confolation
des a mes fenfibles & profondément affectées.
» S. M. demanda les facremens le Dimanche
26 Novembre , avec la tranquillité d'une prédestinée
on dit ici d'une héroïne ) , je ne trouve pas ce mot
à la place ; je n'ai jamais vu mourir de Héros , &
c 4
( 104 )
ce que j'en ai jlu ne reffemble nullement à cette
mort d'une bienheureufe. Figurez - vous l'immor
telle Marie - Thérèſe , entourée de ſes enfans , márchant
au- devant du Saint- Sacrement jufqu'à la porte
de fon anti- chambre. Elle avoit prévenu fes enfans
de ne pas troubler l'augufte & touchante Cérémonie
par des cris . Après la Cérémonie elle les remercia
de la violence qu'ils s'étoient faite , & les
pria de ne pas troubler fes derniers momens par
leur douleur. Depuis le Dimanche jufqu'au Mardi
29 qu'elle eft morte , l'Empereur n'eft pas rentré
chez lui ; il a couché tout habillé dans l'anti- chambre
de fa mere. Fidèle à fes volontés , il quittoit la
place quand les larmes le fuffoquoient. Les Prin
ceffes moins fortes que lui , ne purent paroître f
fouvent dans fa chambre ; elle leur a écrit trois fois
pendant les quatre jours ; quand elles étoient auprès
d'elle , elle parloit de chofes indifférentes . Le
Mardi matin 18 , on lui donna l'Extrême - Onction :
elle bénit fes enfans ; en béniffant fEmpereur , elle
lui recommanda fa Famille , fes Peuples , & fingu
lierement les Pauvres.... mes pauvres Penfionnés ,
mes pauvres Orphelins ! ... Elle lui fic promettre
de ne rien changer aux aumônes de fa caffette , le
chargea de fa bénédiction pour les enfans abfens
& fes petits- enfans , parla de fa mort comme d'une
affaire d'Erat qu'il falloit arranger ; ordonna fes ob
sèques & fon enterrement ; elle ne changea rien à
l'ancienne étiquette , parce qu'on ne la peut rendre
plus modefte , mais elle défendit à fes enfans d'y
affifter. L'Empereur a fait obéir fes fours ; lui & fon
frere fe font trouvés à cette Cérémonie . Sa tranquillité
ne s'eft point démentie. L'Empereur ne put
s'empêcher de lui témoigner fon admiration. - L'état
où je fuis , répondit - elle , avec un fourire de bonté,
eft l'écueil de ce que l'on appelle grandeur & force ,
tout difparoît dans ces momens. La tranquillité ou
vous me voyez , vient de celui qui fait la pureté de
mes vues, Pendant un Règne pénible de quarante
( 105 )
-
ར
---
années , mon intention conftante a été de faire le
bien. J'ai aimé & recherché la vérité ; peut-être
ai-je été trompée dans mon choix ; mes intentions
ont pû être mal comprifes , encore plus mal exécutées.
Mais celui qui fait tout a vu le fond de
mon coeur. La tranquillité dont je jouis eft une
première grace de fa miféricorde qui m'en fait ef
pérer d'autres. Je n'ai jamais fermé mon coeur aux
cris des malheureux. C'eſt la plus confolante idée
que j'aie dans mes derniers momens. Il faudroit
un volume pour rendre toutes les paroles édifiantes
, admirables & même confolantes qu'elle a
dites pendant fa courte maladie. Voilà la femme
forte , qui rira au dernier jour. Cette Princeffe qui ,
dès les premières années , avoit fixé les yeux & l'attention
de l'Europe , qui a été admirée pendant fon
Règne dans les évènemens malheureux , comme
dans les plus glorieux , qui étoit grande fur le
Trône , étonnante dans la vie privée , s'eft furpaffée
à la mort . Vous favez qu'elle avoit fait
conftruire fon tombeau plus de vingt ans avant fa
mort. Peu- après celle de l'Empereur , elle fit faite
fon cercueil ; peu de perfonnes favoient cette particularité
; toutes ignoroient qu'elle avoit fait ellemême
fon habit mortuaire ; on en a trouvé toutes
les pièces ferrées & arrangées avec le plus grand
foin: fes femmes qui étoient le plus dans la faveur
lui ont vu coudre cette robe funèbre en fecret ;
refpectant fes ordres , ce n'eft qu'après la mort
qu'elles ont parlé de cette particularité «.
TREND
ITALIE
De LIVOURNE , le 22 Décembre.
LA frégate de guerre Hollandoife la Briel ,
Capitaine Gerard Wond'huys , montée de
30 canons & de 130 hommes d'équipage ,
es
( 106 )
eft entrée ces jours derniers dans cette ra
de , où elle attend l'efcadre de fa nation.
C'est pour attendre auffi celle de la
fienne , qu'une frégate de guerre Suédoife
continue de mouiller dans ce port.
On apprend de Rome que le Cardinal
Boxador y eft mort dans la 78e . année de
fon âge. Il avoit été ci-devant Général de
l'Ordre de St. Dominique , & avoit été élevé à
la Pourpre en 1775. Le Cardinal de Simoni
eft auffi mort à Terni , âgé de 66 ans .
--
4
Malgré les espérances que l'on avoit conçues ,
écrit-on de Lisbonne , de voir bientôt terminer ici
les affaires concernant les bâtimens Hollandois qui
y ont été conduits par des corfaires Anglois , ces affaires
traînent toujours en longueur , & l'on ne
peut prévoir quand elles finiront . Le de ce
mois , vers les deux heures du matin , on reffentit
ici une fecouffe de tremblement de terre ; mais elle
n'a caufé aucun dommage. L'attention du public
eft toujours fixée fur le fort que pourra éprouver
le Marquis de Pombal. On continue d'examiner
fa conduite , en conféquence de nouveaux ordres
de la Cour donnés à ce ſujet «.
-
ANGLETERRE.
De LONDRES , le 6 Janvier.
LA Cour garde toujours le filence fur
ce qui fe paffe dans l'Amérique Septentrionale
; après avoir annoncé l'arrivée du
Général Leflie dans la Virginie , elle s'eft tue
fur fes progrès ; les papiers Ministériels ont
bien parlé de la foumiffion des habitans de
(( 107 )
cette Province , de la prife de poffeffion de
Willamsbourg ; tout cela étoit très- facile ; on
entre aifément dans desVilles ouvertes & fans
défenſe , & les habitans cèdent toujours à des
forces fupérieures , mais ce ne font pas là de
grands avantages ; on perd ordinairement en
s'éloignant tout ce qu'on a conquis en paroiffant.
Si les nouvelles particulières qu'on a
reçues font fondées , cette expédition dont
on fe promettoit tant n'a rien tenu ; le
Général Leflie a été forcé de quitter la Virginie
comme l'avoit fait précédemment le
Général Mathew ; le Lord Cornwallis a eu
befoin de lui pour fe maintenir dans la
Caroline Méridionale , & il n'eft pas bien
affuré qu'il y réuffiffe , même après cette
réunion . Telle eft à -peu-près la fituation
des chofes dans cette Province qu'on difoit
foumife depuis la victoire de Camden.
Si la Gazette de la Cour fe tait fur ces
détails qui ne font affurément pas agréables ,
elle multiplie ceux que l'on reçoit des ifles
& qui ne le font pas davantage. Aux détails
qu'on a déja donnés des effets du terrible.
ouragan du mois d'Octobre nous joindrons
ceux- ci . Le Capitaine Harvay du floop le
Hazard , écrivoit ainfi le 9 du même mois
à 7 milles au deffus de Savanah - la- Mar.
כ כ
Lorfque le coup de vent furvint , j'avois trois
ancres mouillées ; mais voyant qu'il augmentoit ,
je fis couper le mât à deux heures ; à quatre je
dérivai , & pris un ris , je coupai nos cables , &
e 6
( 108 )
dérivai deffus ; nous perdîmes notre gouvernail &
la chaloupe , & nous fumes alors jettés fur un banc
de fable qui fe trouvoit à environ trois fois la longueur
du floop , diftant de la côte ; fi un gros arbre
ne nous avoit pas arrêté , nous aurions été emportés
probablement un demi-mille plus loin. Ce coup de
vent eft le plus fort que j'aie jamais effuyé. L'imagination
ne peut s'en repréfenter la force : la veille
du jour où il furvint , quoiqu'il ventât très-fort , je
fis mettre à terre des marchandifes de la quantité
de onze chargemens de chaloupe ; il eût été
à defirer pour les propriétaires que je n'euffe pas été
fi actif, tout ce que j'ai à bord étant en bon état , je
n'ai pas besoin de vous apprendre le fort de ce qui
a été débarqué.Quatre jours après j'arrivai à la
ville , & je fus témoin d'un fpectacle qui me fit
oublier mes fatigues , & le danger auquel j'avois été
expofé , quantité de gens étendus morts dans les
rues , & privés de fépulture . L'infection de ces cadavres
eft fi infupportable , qu'il y a du danger à en
approcher ; fi on n'envoie pas immédiatement quelques
fecours , la pefte fe déclarera probablement.
On lit dans une autre lettre datée du Fort
Royal de la Grenade :
Nous avons effuyé dans cette Ifle les plus grands
coups de vent dont on fe fouvienne. La mer étoit
agitée plus qu'elle ne l'a jamais été . Le vent dura 48
heures , & la mer s'éleva tellement qu'elle emporta
la plus grande partie des maiſons & une partie de la
baie. - Meritz , Hardmans , & M. Ashburner ,
& Hyde & Compagnie font ruinés. Les maifons
de M M. Robert Threllfall & Compagnie ont reçu
beaucoup de dommage , ainfi que les maifons de
M. de Bonnett , fituées à l'extrémité inférieure de
la ville , & toutes les autres maifons de ce côté ,
excepté celle que M M. Palmer & Pegus occupent ,
laquelle eft en grand danger. La plus grande partic
( 109 )
des bâtimens qui étoient dans le carénage ont été
jertés à la côte. Je vous envoie ci- joint une lifte
de tous ceux dont je puis me fouvenir. Le quai de
MM. Edmund Thornfon & Compagnie , a été
emporté , ainfi que celui de M. de Tucedy. Toutes
les maifons dans la ville étoient pleines d'eau , &
le vent étoit fi fort que les tuiles de la plupart des
maiſons furent arrachées , & une maiſon de la colline
fut emportée ; toutes les provifions depuis ont
été détruites , a.fi qu'une grande partie des cannes
à fucre; un grand nombre d'ouvrages , de bâtimens
& de mailons de Nègres ont été rafés , quelques
biens dévaftés ; la rivière a détruit la propriété entière
de quelques habitans. La mer eft toujours
haute ; elle a monté jufqu'à la maifon de MM.
Bartlet & Compagnie. Nous avons reçu
des nouvelles
de Saint Vincent , qui portent que tous les
bâtimens avoient été jettés à la côte. Une frégate
Françoife , appellée la Junon , 'y a péri ; toutes les
munitions & provifions ont été perdues.
G >>
On ajoute à cette lettre l'état fuivant des
dégâts caufés par cet ouragan au carénage
du Fort Royal de la Grenade.
--
--
>
LE vaiffeau le Phoenix , Capitaine Nonnings ,
appartenant à la ville d'Amfterdam , ayant à bord
98 Barriques de fuere , 3 barriques de café , &
40 balles de coton , jerté à la côte , plein d'eau.
Un homme de noyé , le coton fauvé . Le vaiffeau
le Comte de Duras , appartenant à Pierre Lamftic
perdu. Le vaiffeau Anne Gertrude Margarette ,
Capitaine Trump fur fon left , perdu. Le vailleau
les deux Soeurs , Capitaine Toufneau , de Bourdeaux ,
ayant à bord 80 barriques de fucre , 25 barriques
de café , tout perdu . Le Royal Corfe , appar
tenant au Capitaine Lange , de cette. Ifle , ayant
à bord 71 Barriques de fucre , & so facs de café ,
jetré à la côte, Le vailleau le Prince Frédéric-.
-
―
( 110 )
-
Adolph , Capitaine Landstroom , de Stockholm ,
ayant à bord 205 barriques de fucre & 19 balles
de coton , le vaiffeau perdu ; mais on eſpère fauver
la cargaison. Le vaiffeau l'Elizabeth l'Héléna ,
Capitaine Bray , de Rotterdam , les chaînes du grand
mât & du mât de mizaine , les liffes de paffavant ,
le mât de perroquet de fougue , le bâton de foc ,
&c. , emportés. Le fenau Abigail , Capitaine
Traller , d'Amfterdam , ayant à bord 20 barriques
de fucre , & so balles de coton , jetté à la côte ,
mais on efpère fauver la cargaifon
Le fenau
le Neptune , d'Amfterdam , perdu ; il avoit à bord
30 barriques de fucre , qu'on efpère fauver. Le
brigantin Three Friends , Capitaine Lunbury , de
Saint- Eustache , ayant à bord 95 barriques de fucre ,
le bâtiment & la cargaifon perdus , & deux hommes
tués. Un floop de Saint Euftache , jetté à la
côte , & perdu un fchooner , nommé le Reafeau,
Capitaine Emely , le côté de babord au - deſſus du
grand pont, le beaupré emporté. Le fchooner
Adonis , Capitaine Richardfon , appartenant
M. Jennings , de Saint- Euftache , a perdu fes ancres
& fes cables . Le vaiffeau la Margarett , Capi,
taine Godjins , ayant à bord 300 barriques de fucre ,
& 46 balles de coton , emporté fur le Znipne à la
baie. Le vaiffeau le Zeureight , Capitaine Anne
Luickes , ayant à bord 300 barriques de fucre , jeté
à la côté , à Grand- Povre , totalement perdu.
Tous lesavis
s'accordent à porter nos pertes
au plus haut degré ; nous ne favons pas
fi bien quelles font celles qu'ont faites les
François. Ce qu'on en dit eft affez vague ,
comme Kingſton & Port- Royal dans la Jamaïque
n'ont point fouffert , il eft à préfumer
, que les ifles de Cuba & de St Domingue
ont été épargnées ; il eft intéreffant
( 11 )
que nous foyons inftruits de la fituation de
nos ennemis comme de la nôtre , pour prendre
nos meſures en conféquence ; l'efpoir
que nous avions de voir tenter quelque chofe
par l'Amiral Rodney à fon retour s'évanouit ;
& nous ne devons pas nous flatter d'apprendre
aucune affaire importante de long-tems.
Les renforts que lui conduifoit le Contre-
Amiral Hood n'ont pas été à l'abri de l'inconftance
des élémens ; c'eft ainfi que cet Amiral
rend compte de fon défaftre à l'Amirauté dans
une lettre à bord du Barfleur en mer , le II
de ce mois par la latitude 46-14. N. longitude
27-35. O.
Je fis route fans aucun accident jufqu'à hier au
foir , que le vent fouffla au S. & S. S. O. avec
autant de force que jamais je me fouvienne. Par
bonheur ce coup de vent fut de courte durée ; an
point du jour , les vaiffeaux de ligne & le convoi
étoient fort difperfés , & un vaiffeau de ligne
fut apperçu loin fous le vent , n'ayant que le mât
de mifaine debout ; je portai deffus , c'étoit le Monarca
: toutes les ferrures du grand porte - hauban
furent emportées , & le grand mât tomba à
la mer ; le mât d'artimon & le petit mât de hune
fuivirent bientor ; il ne fait point eau , mais il auroit
été fort imprudent de mener un vaiffeau dans
l'état où il eft , aux Indes Occidentales. J'ai ordonné
au Capitaine Gell de fe rendre à Plimouth,
& je vais tâcher de faire remettre cette lettre ci
à bord , quoique la mer foit fi élevée qu'aucune
chaloupe ne peut approcher du vaiffeau. Le vent eft
maintenant N. ainfi j'ai tout lieu d'eſpérer une
courte traversée.
>
-
Ona remarqué que le Contre-Amiral avoue
( 112 )
que fon convoi a été difperfé ; dans l'extrait
de fa lettre on ne voit pas un paffage par le
quel il apprenne qu'il fe raffemble ; & sil
' s'y en trouvoit un , il feroit bien étonnant
que le Ministère eût oublié de le joindre. On
s'étonne même qu'il n'en ait pas ajouté un
qui pût au moins donner cet efpoir.
Depuis la déclaration de guerre contre les
Hollandois , on a pris une quantité incroya
ble de leurs bâtimens. Ils en ont un fi grand
nombre en mer & le coup a été fi rapide
& fi inattendu , qu'il n'eft pas étonnant que
nos armateurs aient fait ce qu'ils appellent
de grands coups . Mais ces avantages particuliers
pourront coûter cher à la nation.
Elle a un ennemi de plus & elle fent depuis
long tems qu'elle en avoit déja trop ;
elle peut en avoir encore, davantage ; il faut
voir comment les Puiffances neutres prendront
cette démarche , & fi en conféquence
du traité de confédération elles fe borneront
à foutenir les Hollandois par des négocia
tions , ou d'une autre manière plus efficace.
Nous n'ignorons pas qu'elle font févoltées
de notre hauteur ; que c'eft contre nous
perfonnellement qu'elles fe font réunies ,
pour nous forcer à les refpecter ; elles nous
avoient donné une leçon qui devoit nous
ramener à la modération & à la juſtice , &
nous avons démontré en déclarant la guerre
à la Hollande que nous ne fommes pas encore
difpofés à revenir fur le paffé. On pourra
( 113 )
finir par nous regarder comme des enfans incorrigibles
que trop de condefcendance a.
gâtés , que les menaces ne ramènent pas , &
avec lefquels il faut abfolument en venir aux
voies de fait.
Notre longue lifte de griefs & de plaintes
contre la Hollande , dit un de nos Papiers
, n'en impofe à perfonne ; on fait qu'avant
d'en avoir reçu des fujets de leur part ,
nous leur en avons donné de toute eſpèce
& de très graves. Ils peuvent nous répondre
en général de cette manière,
ל כ - »Lorfqu'unRoyaumeeftdiviféaveclui-mê.
me , & qu'une de fes parties eft en guerre ouverte
contre l'autre , une Puiffance voifine , quelqu'étroite
que foit fon alliance avec ce Royaume , ne peut ,
fans danger , s'immifcer dans la querelle , fi ce
n'eft pour tâcher de s'entretenir en bonne intelligence
avec les deux Parties , fur tout lorsque la
Puiffance dominante ou le Cabinet de ce Royaume
défuni paroît ne pas agir féricufement , mais aucontraire
vouloir le faire un jeu d'une guerre civile
, jufqu'à ce que les rebelles , ou foi difant
tels , aient acquis affez de force & d'importance
pour attirer l'attention des grandes Nations , &
pour s'unir avec elles par les noeuds de l'alliance &
de l'amitié la plus étroite . L'offenfe alors devient
trop grave & trop compliquée pour qu'une Républi
que fituée comme l'eft la Hollande , puiffe pren
dre aucune part active dans la querelle , ou prêter
quelqu'affiftance à l'autre partie de cette Nation défunie.
En jouant le rôle d'auxiliaire , elle ne tarderoit
pas à devenir partie principale dans la
guerre , à s'expofer aux incurfions , déprédations
& invafions d'un voifin formidable , & à mettre
( 114 )
2
ainu fa propre exiftente en péril , fans aucune perf
pective fenfible de foutien ou de protection folide
contre de telles attaques. La foibleffe avec laquelle
la Grande-Bretagne s'eft conduite dans tout le cours
de cette affreufe Tragédie , n'eft guère propre à
infpirer de la confiance pour le fupport que la
Hollande peut en attendre dans le cas d'une rupture
avec la France. La défenſe perſonnelle étant
la première loi de la nature & de la politique , &
cette loi étant au- deffus de toutes les autres loix &
traités quelconques ; elle nous empêche de nous
mêler d'une querelle dont nous ne connoiffons
pas le principe Quant à l'ordre de repréfailles
fur mos fujets , c'eft une expreffion abfolument dé
placée , attendu qu'il n'eft pas même à fuppofer
que nous ayons fait aucune capture fur des propriétés
Britanniques , évènement qui feul pourroit.
donner quelque fondement à des repréſailles. Les
Anglois à la vérité fe font permis beaucoup de
déprédations qui auroient pu nous autorifer à des
repréfailles , mais nous nous fommes contentés de
prendre les voies de négociation & de remontran .
ces amicales , quoique le droit de repréfailles foit
de notre côté «.
-
La partie faine de la Nation eft bien loin
d'approuver notre conduite à l'égard de la
République .
Nos Miniftres viennent de fe conduire avec
elle , comme ils ont fait depuis quelques années avec
l'Amérique. Dans le Nouveau Monde , ils ont cherché
, par leurs Agens , à brouiller le peuple de Boſton
avec les Chefs , le peuple de Maffachuffet ; mais
qu'en est-il arrivé ? C'est que tous ces peuples ont
formé enſemble une fouveraineté indépendante qui
deviendra un jour l'afyle des arts & de la liberté ,
l'école de la fcience militaire , & donnera autant
d'admiration que de jaloufie au refte du monde. A
4.
( 115 )
préfent nos fages Miniftres font tous leurs efforts
pour brouiller Amfterdam avec la Régence , les
autres villes de Hollande avec Amfterdam , & les
fix autres Provinces avec la Hollande . Le Miniftère
paroît n'avoir d'autre maxime de gouvernement que
de divifer & de corrompre , mais il prend fes mefures
fi gauchement , qu'il produit l'union par - tout ,
excepté en Angleterre. Selon toute apparence , les
chofes tourneront en Hollande comme en Améri
que , & nous verrons bientôt les fept Provinces-
Unies auffi indépendantes que les treize Etats - Unis
d'Amérique ".
Nous devons dans ce moment de crife, ajoute
un autre papier , enviſager ſérieuſement & mûrement
les fuites fâcheufes dont fe voit menacé ce pays , fi
la neutralité armée fe croyoit obligée de fe déclarer
contre nous & de mettre les Hollandois à l'abri de
notre reffentiment.
›
» Un tel évènement n'eſt point du tout improbable.
Qui pourroit affirmer avec quelque degré de certitude
que les Puiffances neutres n'ont pas figné l'Alliance
générale ? En fuppofant que non , cette alliance
eft fondée fur des principes qui nous rendent inévi
tablement les agreffeurs , & la conduite que nous
avons tenue jufqu'à préfent eft telle , qu'il femble
que nous défirions d'être regardés par tous les Etats
de l'Europe fous ce point de vue. Qui fe rangera
donc du côté d'un peuple qui a tellement perdu tout
fentiment d'honneur national , qu'il ne cherche qu'à
fe rendre odieux. Cet honneur ne feroit- il pas extravagant
? qui prendroit volontairement part àune querelle
où il n'y auroit que du deshonneur à gagner
pour des bras caffés. Je trouve fouvent affez
fingulier que nous , qui nous fommes glorifié fi long.
tems , & à fi jufte titre , de nos prérogatives , nous
nous efforcions avec tant d'âpreté à entamer , ou
plutôt à anéantir celles du monde entier. Les Puif(
116 )
Cances neutres ne font nos ennemis qu'autant que
nous les rendons tels. Leur grand & feul objet eft
de,porter leurs marchandifes paifiblement au meilleur
marché, Nont - elles pas le droit de défendre
leur
marche contre
les rapines exercées de gaieté
-
de tour par les pirates & les corfaires . Il eft aujourd'hui
évident qu'elles font déterminéés à le faire
en dépit de toute réfiftance. Pourquoi fongerions
nous à donner la loi à des nations entièrement indé
pendantes de nous ? Pouvons- nous eſpérer qu'elles fe
foumettront pallivement à notre volonté , contre leur
propre intérêt. Agirions - nous de la forte en leur
place ? Notre querelle avec les Hollandois dérive
clairement de ce qu'ils ne veulent point , par pure
complaifance pour nous , renoncer à une branche
très lucrative de commerce , & s'expoſer au reffentiment
d'une pation qui peut leur faire autant de
mal que nous. Les Confédérés doivent néceſſai ..
rement conclure de cette circonftance décifive , que
fi nous ne les traitons pas de la même manière , c'eſt
que nous fonimes retenus par le fentiment intérieur
de notre propre impuiffance ; ils en doivent conclure
auffi que ce peuple induftrieux & gravement
léfé mérire leur encouragement & leur appui.Com
ment eft - il poffible de continuer la querelle contre
un tel ennemi , ou d'éviter la ruine qui nous a menacé
depuis fi long-tems ? Adieu donc la fouveraineté des.
mers ! Notre commerce ne fera - t - il pas confé
quemment réduit à rien ? D'où attendrons- nons un
Ievenù , lorfque la fource en féra tarie ? Sans cè
revenu comment payer l'intérêt de nos détrés
par quels moyens foutenir notre propriété noméraire
, & comment lors de l'anéantiffement de ce
grand bien chimérique d'unanimité nationale , pré--
venir une révolution totale « ?
>
On ne perd pas de vue les grands projets
qu'on fuppofe que le Gouvernement a
(4117 )
formés contre les établiffemens Hollandois
dans les Indes. Dès le 20 Décembre , des
exprès ont été expédiés au Général Munro
pour lui ordonner d'attaquer les poffeffions
de la République. On a expédié en même
tems à l'Amiral Rodney le cutter le Perfeus
, doublé en cuivre , & excellent voi
lier. Ce n'eft plus l'Amiral Palifer qui ira en
Afie exécuter ces grandes entrepriſes ; on dit
qu'on a propofé au Commodore Jolinſtone
de s'en charger ; mais on ne dit pas encore
s'il l'a accepté. Quel que foit le Commandant
qui fe rendra dans l'Inde , il doit partir
inceffamment une efcadre qui y conduira
le nouveau Gouverneur de Madraff ,
le Lord Macartney , les Régimens des Colonels
Fullarton & Humberfton ; le fecond
bataillon du 42e. régiment , 6 compagnies
du 75e . Cette efcadre compofée des vaiffeaux
de ligne , 7 autres de moindre force ,
& chargée d'un train confidérable d'artillerie
, de munitions de guerre , & c. tentera,
en paffant , de s'emparer du Cap de Bonne-
Efpérance , & de là fe rendra à Batavia.
Tels font du moins les projets qu'on débite
, & dont on deftinoit l'exécution à Sir
Pallifer , au fujet duquel on prétend qu'il
ya de grandes divifions dans le Confeil .
, 7
La protection que lui accorde le Lord Sandwich ,
dir un de nos papiers , a caufé plus de rumeur dans
le Cabinet qu'aucune autre affaire qui y ait été portée
depuis le commencement de la guerre Le parti
de Bedford fut d'abord très- divifé à ce sujet. Les
( 118 )
Lords Gower & Weymouth qui ont donné leur dé
miffion , avoient pris vivement les intérêts de M.
Keppel , qu'ils regardent comme un grand homme
perfécuté. Ceux qui haïffoient fecrètement le prézendu
protecteur , s'appercevant que leur propre
pouvoir dépendoit de fon exiftence , ont fecondé
fes vues avec la plus grande chaleur. C'eſt à cette
occafion que le Lord Chancelier Thurlow s'eft con
duit en homme qui joint la probité la plus étroite
au plus grand courage. Il obferva qu'il avoit accepté
fa place dans la vue de foutenir l'adminiftration
, mais feulement autant que fa conduite lui
paroîtroit raisonnable. » En conféquence , ajouta-til
, je ne donnerai point mon appui à des divifions
qui finiront par caufer fa ruine . Je contri-
» buerai de tout mon pouvoir à faire réuffir cer
tains objets , mais je m'oppoferai avec la mê
me vigueur à toutes mefures qui ne tendent qu'à
fatisfaire des vengeances miniftérielles ou des
reflentimens particuliers et .
On affure qu'en effet le Lord Turlow a
refufé de fceller la commiffion de l'Amiral
Pallifer ; & fi , comme on le dit , on nomme
un autre Chancelier , celui - ci pourra
bien être moins difficile , & la créature du
Lord Sandwich en ce cas , iroit encore
aux Indes.
›
Nos fages & honnêtes Miniftres viennent de
faire la découverte la plus heureufe . Après les réflexions
les plus mûres , ils fe font enfin apperçus
que toute les difficultés qu'ils éprouvent aujourd'hui
, tous les obftacles qu'ils rencontrent , toutes
les affaires qu'ils ont fur les bras , ne proviennent
que defactions , qui par elles - mêmes ne font rien.
Toute la rebellion qui fait tant de ravage dans
l'Amérique Septentrionale , n'eft qu'une petite fac
( 119 )
La
tion , une factoin pitoyable , fanatiques car la plus
grande partie du peuple y eft fidèlement attachée au
Roi. Toute la haine que les François nous portent
ne provient que d'une petite & miférable faction.
guerre que nous fait l'Eſpagne , ne provient que
d'une petite & indigne faction Françoife , qui prévaut
à la Cour de Madrid. Tout le tumulte , toutes
les affociations d'Irlande , ne proviennent que d'une
méprifable faction de mécontens dans ce Royaume.
Toutes les pétitions & les affociations des Comtés
d'Angleterre , font l'ouvrage d'une petite & mécon
tente faction de l'Oppofition dans le Parlement , laquelle
n'a d'autre but que d'accrocher quelque place ;
& il paroît aujourd'hui , par le manifefte & la déclaration
du Roi , que nos vigoureux Miniftres ont
découvert que le manque de foi & la conduite irrégulière
des Hollandois à notre égard , ont été
amenés par une petite faction Françoise dans cette
République ; & fi nous avons à faire la guerre à
quatre ou cinq autres nations , cela proviendra indubitablement
de quelque faction de peu de conféquence
. Enfin , au moyen de tant de petites factions
femblables , nous nous voyons fur le point de perdre
pour jamais ce glorieux rang de fupériorité que nous
tenions parmi les peuples de la terre. Au refte , fi
ce malheur nous arrive , ce ne fera pas la faute
de nos Miniftres . Ce font de bonnes gens & de
grands hommes qui ont fait tout ce qui étoit en
leur pouvoir pour s'oppofer aux petites factions dont
nous venons de parler « .
L'Amirauté a publié le 2 que le Jafon
de 32 canons , rentré à Plimouth , avoit
pris le 23 Décembre un corfaire François
de Saint-Malo , de 4 canons de 3 , appellé
l'Induftrie. Les , elle a publié que le Chevalier
George Collier , Capitaine du Canada
, a pris le 14 Décembre un corfaire
( 120 )
nommé le Duc de Valois , de 8 canons
& 75 hommes d'équipage , qui n'étoit forti
que depuis huit jours de Saint - Malo ,
& n'avoit fait qu'une feule prife qui lui a
été enlevée ; elle a été informée le même
jour que le brûlot l'Infernal, Capitaine Mer
rick , s'étoit perdu fur les écueils
cherchant à rentrer dans la rade de Spithéad.
en
Il y a eu , dit-on , un violent combat à
la hauteur du Cap , entre une frégate
Françoife & la Veftale , de 32 canons. La
Veftale a été fort maltraitée , mais la frégate
françoife , quoique de force fupérieure ,
été obligée de fe retirer en très- mauvais état ,
au grand honneur de l'équipage Anglois ( 1 ).
Le Comte de Welderen , Ambaffadeur
des Etats - Généraux des Provinces Unies ,
eft parti d'ici le 31 du mois dernier ,
pour retourner en Hollande par la voie
d'Oftende. Il a emmené avec lui fon épouse
qui eft angloife , & foeur du Chevalier
John Griffin , Général au fervice du Roi.
On parle beaucoup d'un ambaffadeur
extraordinaire qui doit être envoyé à Vienne
pour faire à l'Empereur des complimens
de condoléance fur la perte de fon augufte
Mère , & pour le féliciter fur fon avènement
au gouvernement de fes Etats. Le
Comte de Huttingdon eft défigné pour
cette miffion , fi fa fanté lui permet de l'en
( 1 ) Si cette frégate Françoife eft la Minerve , qui fortoit
de Breft , il eft clair qu'elle n'a pas été priſe.
treprendre
( 121 )
treprendre. On ne manque pas de raifonner
à perte de vue fur cette ambaffade.-
Comme la Grande - Bretagne , dit un de
nos papiers , s'eft brouillée avec toutes les
nations maritimes de l'Europe , il fe pourroit
qu'elle eût l'ambition de fe faire un
allié
par terre ; mais il eft à craindre qu'elle
n'y réuffiffe pas ".
ן כ
Quelque révoltante que puiffe être la perfidie
des Hollandois à notre égard , & quelque graves
que foient leurs provocations , il faut efpérer que
dans cette circonftance nos Miniftres n'ont pas
négligé la précaution néceffaire pour la fûreté de
l'Etat & pour la leur propre. En effet , fans quelqu'un
des préliminaires ci -deffous , on ne peut s'empêcher
de convenir que notre levée de bouclier
vis-à-vis de la Hollande , feroit le comble de la
démence. Voici donc ce que je fuppofe. -
1º. Une alliance offenfive & défenfive avec quelque
grande Puiffance du Continent , directe & publique
, ou fecrette & éventuelle.
2. La plus exacte neutralité de la part des autres
Paiffances , jufqu'à ce que l'évènement indiqué ait
lieu.
3. Un Traité avec la Cour de Lisbonne.
Sans les deux premières de ces conditions , il
faudroit la G. B. foutînt elle feule la guerre
que
contre toute l'Europe , ce qui certainement doit
paroître impoffible à tous les gens qui penfent. Et
fans la dernière , la froide neutralité du Portugal
équivaudroit à -peu - près à un état d'hoftilité. Dans
ce cas , la Grande-Bretagne n'auroit pas un feul
port qui lui fût ouvert depuis Archangel , jufqu'au
Détroit de Gibraltar «.
Le Prince- Evêque d'Ofnabrug eft parri le
31 du mois dernier , à huit heures du matin
20 Janvier 1780. f
,
( 122 )
pour fon voyage d'Allemagne , qui , dit-on ,
doit durer trois ans. Il eft accompagné du
Colonel Grenville & de quelques autres
Officiers.
La Maiſon du Prince de Galles , qui eft
actuellement dans la dix huitième année de
fon âge eft formée. Ce Prince parut le
jour de l'an à la Cour , pour la première
fois , accompagné de fa fuite particulière.
Il n'habitera cependant pas encore de palais
féparé , il continuera d'occuper des ap
partemens dans ceux du Roi,
FRANCE,
De VERSAILLES , le 16 Janvier.
Le Roi a nommé à l'Abbaye d'Obazine',
Ordre de Citeaux , Diocèfe de Limoges ,
l'Abbé de Béarn de Béon , Aumônier ordinaire
de Madame Adélaïde de France ; &
à celle de Chaumont - la - Piffion , Ordre
des Prémontrés , Diocèfe de Rheims , l'Abbé
de Saint-Fare , Sous-Diacre du Diocèfe
de Paris.
Le 7 , LL . MM , & la Famille Royale ont
figné le contrat de mariage du Marquis de
Maflac , Lieutenant des Vaiffeaux du Roi ,
avec demoiſelle de Bongars.
Le même jour , la Ducheffe de Narbonne
& la Marquife de Laval ont prê
té ferment entre les mains du Roi , la première
, en qualité de Dame d'honneur ;
& la feconde , en celle de Dame d'atours
de Madame Adélaïde de France. Le même
( 123 )
jour ; M. de Fontette fils , Confeiller au
Parlement , a prêté ferment entre les mains
de Monfieur , pour la place de Chancelier
de ce Prince , en furvivance de M. de Fontette
, Confeiller d'Etat. Il a eu enfuite
l'honneur d'être préfenté au Roi par Monfieur.
Le 14 de ce mois , la Comteffe de Bavière
Grosberg a eu l'honneur d'être pré-,
fentée au Roi , à la Reine & à la Famille
Royale , par la Ducheffe de Mailly.
De PARIS , le 16 Janvier.
M. le Comte d'Estaing elt arrivé à Paris
depuis quelques jours ; depuis ce tems il a
été plufieurs fois à Verfailles ; on préfume
qu'il y eft venu prendre des ordres pour la
campagne prochaine , & qu'il ne tardera pas à
retourner à Breft . Suivant des lettres de ce
port en date du 8 de ce mois , les vailleaux
Augufte , le St Efprit , le Northumberland
& le Sceptre devoient mettre à la voile le
lendemain 9 pour une croifière de quelques
jours. La frégate la Fine étoit rentrée , les
baffins garnis de reverbères , & on travailloit
fans relâche aux réparations des vaiffeaux
deftinés à fortir inceffamment ; ils ne tarderont
pas à être en état à tous égards.
» Enfin les 24 navires de ce port , écrit on de
Nantes , en date du 6 , qui étoient dans le convoi
de M. d'Estaing ont mouillé avant- hier au bas de
rotre rivière en bon état , & par un fort bean
tems. Les Officiers & les paffagers qui font arrivés
f 2
( 124 )
ici font les plus grands éloges de cet excellent Géné
ral , qui a eu pour tous les navires marchands des
attentions étonnantes . Il leur a fait donner des vivres
de fon efcadre autant que cela a été poffible ; il
a attendu ceux qui ne marchoient pas bien afin de
n'en pas perdre un feul ; enfin on eft enchanté de fes
foins. Le rer. de ce mois , l'efcadie étant à 50 lieues
de Belle- Ifle , on apperçut une flottille Angloife dans
le Sud- Ouest à 8 heures du matin ; & malgré la brume
la frégate la Cérès compta 20 & quelques voiles. M.
d'Estaing ordonna auffi tôt à M. de Guichen de courir
d'un bord , & à M. de la Morte Piquet de courir
de l'autre , tandis que lui - même pourfuivoit en
droite ligne ; on ignore s'il aura réuſſi à envelopper
la flottille . Il a laillé aux navires marchands pour les
escorter , les vaiffeaux & frégates au foin particulier
defquels il les avoit confiés en partant. Elle étoit
fans doute plus que fuffifante , puifque l'on n'y aveit
à craindre que des corfaires ( 1 ) c .
On mande de Marfeille qu'il va partir
inceffamment une flotte de cent voiles pour
les Echelles du Levant , & il en partira une
de 60 pour nos ifles auffi-tôt qu'on lui aura
accordé un convoi . Le commerce de cette
ville eft pour le moins auffi brillant qu'en
tems de paix. Le voifinage de l'Italie lui eft
d'une grande reffource pour fe procurer des
matelots ; elle fait à peu-près tout le commerce
du Levant ; celui des Anglois y eft
nul depuis la guerre.
(1 ) La flotille dont on parle devoit être celle qui étoit
fortie le 24 Décembre de Portsmouth pour les Ifies , fous
le convoi du Portland de so canons , la Ste-Monique de
36 , & la Licorne de 32 .
( 125 )
૩
Les nouvelles de l'expédition de Jerſey ne
fauroient être plus vagues . On fait que le s ' ,
4 heures du foir , le Baron de Rullecourt
avoit appareillé de Chouzay , & qu'il avoit
exécuté fon débarquement à la pointe de la
Roque à 2 heures du matin.
-
» Selon le rapport du cotter le Folchfton , l'un
de nos bâtimens d'obfervation , écrivoit on de
Saint Malo le 7 , le débarquement s'eft fait par furprife
, les fentinelles de la côte ont été égorgées ;
un village où M. de Rullecourt a trouvé de la réfiftance
a été brûlé , le Gouverneur de l'ifle furpris
dans une maison de campagne , les batteries
de la côte prifes à revers & le canon de fes batteries
conduit fur des hauteurs & employé à battrè
le Fort de Sainte-Elifabeth qui couvre le port Saint-
Helier , & on avoit apperçu quelques petits bâtimens
Anglois autour de l'Ifle «.
Une autre lettre du 9 , contredit tous ces détails
, à l'exception du débarquement qui s'eft fait
en effet avec 7 à 800 hommes ; le refte de la troupe
& l'artillerie n'ont pu fuivre & font revenus
Grandville le 7 , avec à-peu- près tous les bateaux
de l'expédition. On n'avoit point entendu tirer de
canon . On attendoit avec impatience des nouvelles
de M. de Rullecourt qui n'en avoit point encore
donné ".
D'après d'autres lettres du 11 , on afferoit que
les troupes de M. de Rullecourt restées en arrière ,
avoient paffé à Jerfey avec les munitions , que
le Commandant de Saint-Malo avoit eu ordre de
fe rendre à Granville , & les régimens de Royal-
Rouffillon & Royal- Corfe en garnifon , l'un à St -Servant
& l'autre à Dinant , avoient eu ordre de fe tenir
prêts à marcher. Mais cela eft d'autant plus douteux ,
que cette entrepriſe eft une affaire de particuliers dont
£ 3
( 126 )
le Gouvernement ne fe mêle point . La ptile de
Jerfey n'offre prefque aucun autre avantage que le pil
lage. Sa confervation n'eft pas poffible , parce qu'il
n'y a point de fortereffes où l'on puiffe placer des
dépôts de vivres , de munitions & d'artillerie. Le
voifinage de Grenefey met toujours les Anglois à
portée de revenir avec des forces fupérieures à
celles qu'on y mettroit. La poffeffion de cette der
nière Ifle affureroit feule la confervation de Jerfey;
mais fa conquête demanderoit 12,000 homines au
moins , un train d'artillerie confidérable , parce que
les fortereffes qui la défendent exigent la façon
d'un fiége en régle. On faura bientôt à quoi s'en
tenir fur les détails de cette expédition , & nous
pourrons les placer encore à la fin de ce Journal.
On lit dans une lettre de Nantes , du 9 de
ce mois , les détails fuivans :
---
» Le vaiffeau de Bordeaux , le Maréchal de Mou
chy , eft arrivé le 6 de ce mois du Cap , d'où il étoit
parti les Décembre. Il eft très- richement chargé
Il a été chaffé aux atterrages par un vaiffeau de 64 , &
ne lui a échappé qu'en fe jettant entre des rochers ,
où l'ennemi n'a pas ofé le fuivre. Voici les nouvelles
qu'en a donné un ami qui a paffé fur ce vailleau.
Le 13 Août , arrivé au Cap 2 polacres , parties
de Marſeille le 17 Juin . - Le 11 Septembre , arrivée
de l'Unicorne , frégate Angloife de 20 canons de gen
batterie,& 6 de 4 fur les gaillards , prife par l'Andromaque
; & du Chat , brick de 14 canons , pris
par l'efcadre de M. de Monteil. Le 29 Septembre ,
arrivée d'une goëlette Angloife de 16 canons , prife
par le cutter du Roi le Serpent. Du 28 Octobre,
arrivée du vaiffeau le Sabran , de Marfeille , Capitaine
Maurgues , qui a apporté la nouvelle de l'ou
ragan qui a eu lieu à la Martinique , & l'a fait chaffer
fur les ancres. On dit qu'à cette époque un vaiſſeag
--
-
( 127 )
Anglois a péri fur le Lamentin ; la frégate la Junon ',
fur la côte de Saint-Vincent , avec une prife de 24
canons qu'elle avoit faite , & 15 hommes ont été
perdus. Sept des bâtimens que l'ouragan avoit fair
dérader à la Martinique , font arrivés au Cap. On
a fçu que 4 autres ont péri corps & biens ; on a
fauvé les équipages de 2 autres ; & 4 ont été pris
par une frégate que le vent avoit déradé de Sainte-
Lucie , & conduits à la Jamaïque. L'Eole de Nantes
en eſt un ; il avoit 350 hommes du régiment de
Touraine , & 60,000 livres d'effets , appartenant à
ce régiment, Un autre des bâtimens déradés à la
Martinique , a péri fur la côte de Saint- Domingue ,
où l'on a fauvé l'équipage & la cargaison . Un eft
arrivé à Jacmel à Saint- Domingue , un aux Cayes
& un à Saint - Louis. Quatre autres , ayant à bord
8 à 900 hommes , ont relâché à Porto -Ricco , & ont
été conduits à la Martinique par M. d'Albert de Saint-
Hipolyte , commandant la divifion de 4 vaiffeaux de
ligne , que M. de Monteil a envoyé aux Ifles du Vent ;
& qui ont appareillé le 26 Octobre . Ces vaiffeaux
font la Victoire , de 74 canons , le Caton , le Réfléchi
& le Solitaire , de 64. Ceux qui restent à Sain
Domingue font le Palmier , l'Intrépide , le Deftin ,
de 74 ;l'Actionnaire , le Triton , de 64 ; les frégates
Attalante & l'Andromaque , de 3231 les corvettes
Unicorne , la Nayade , de 26 ; les corvettes le
Serpent , de 18 ; la Levrette de 16 , & le Chat
de 14 c.
Certains remèdes , même les plus fpécifiques
, font fouvent abandonnés , parce
que les malades , & notamment les enfins
, les trouvent répugnans au goûr
& ne peuvent en fupporter la fimple infufion.
La Coralline de Corfe , excellent
f 4
( 128 )
vermifuge , eft dans ce cas. M. Réal , Apothicaire
à Chaumont en Baffigny , s'eft occupé
avec fuccès à rendre plus facile
& plus commode l'ufage de ce médicament;
il en compofe une gelée & un fyrop
qui n'offrent plus rien de défagréable ; &
fous cette nouvelle forme , il conferve
toute fa vertu , comme on l'a heureuſement
éprouvé dans fa pratique , M. de la
Riviere , Docteur en Médecine à Chaumont,
cet habile Chymifte , a publié lui- même la
manière de tirer cette gelée de la Coralline
, dans la Gazette de Santé ( 1 '. L'importance
& l'utilité de ce procédé nous déterminent
à le tranſcrire .
Faites bouillir pendant une demi - heure une
once de coralline de Corfe dans une livre d'eau ;
paffez avec expreffion ; ajoutez à la colature une
once de fucre , clarifiez le tout felon l'art , avec
douze grains de colle de poiffon. Faites rapprocher
la liqueur fur un feu doux , jufqu'à pellicule. Il
faut alors la couler dans un vafe où elle doit refroidir.
On peut l'aromatifer fi on le juge à propos «<,
On lit dans une lettre de Touloufe les
détails fuivans d'un fait bien horrible &
bien atroce.
לכ
Il vient de fe paffer dans notre voifinage un
évènement qui fait friffonner , & qu'on a de la peine
(1 ) On foufcrit , pour cette Gazette intéreffante , chez
Méquignon , Libraire , rue des Cordeliers. Le prix de
l'Abonnement pour l'année eft de 9 liv. 12 f. , port franc
par tout le Royaume.
( 129 )
croire , quelque évidentes qu'en foient les preuves.
Un Maire de la ville de Mauvaiſin , avoit épousé
une jeune demoiſelle , jolie comme un ange ; elle
n'avoit pas de fortune ; il y a peu de jours que cette
créature , aidée de fa domeftique , a aſſaſſiné ſon
mari. On l'a trouvé percé de fo coups de couteau .
Les premiers coups lui avoient été portés pendant
qu'il dormoit. Il paroît qu'il lui étoit refté affez de
forces à fon réveil pour le débattre. Après avoir
confommé cet horrible affaffinat , la veuve avoit
fait enfévelir le cadavre , & pris heure pour l'enterrement
; elle avoit même déja adrellé aux parens
fes billets d'ufage : mais malheureufement pour elle
un frère du défunt fit oppofition à l'enterrement , &
requit une defcente du Juge. Cette formalité a été
remplie ; elle a dévoilé le crime , & on travaille à
préfent à inftruire cette procédure «< .
Nos yeux fe détournent avec horreur
du fpectacle que leur offre ce crime . Nous
placerons ici une lettre de Tours , qui of♫
fre un tableau plus fatisfaifant.
Votre Journal , Monfieur , me paroît deftiné à
répandre tout ce qui peut contribuer à l'encouragement
des Arts & des Sciences . Le patriotifme de
ceux qui les cultivent & les bienfaits du Gouvernement
qui les cherchent pour les récompenfer
font plus faits que toute autre choſe pour produire
ce bon effet , & je me flatte que ce titre fuffira
pour mériter à ma lettre la place que je lui demande
dans votre Journal . Un Maître de Deffin de cette
Ville ( M. Rougeot ) , enthouſiaſte de fon Art , &
convaincu du befoin que tous les autres , & fur-tour
les plus utiles , tels que la Menuiferie , l'Orfèvrerie ,
la Serrurerie , &c . ont de lui , ouvrit , il y a trois
ans , fon Ecole à tous les jeunes gens que leur forf
s
--
( 130 )
1
tune pouvoit éloigner de ce fecours néceffaire. I
ne tiroit d'ailleurs des fruits de fon travail jour
nalier que de quoi fournir aux dé; enfes de falle ,
de lumiere , & c. qu'entraînoit cette généreufe en
treprife , & fon unique ambition étoit d'acquérir ,
ou plutôt de juftifier l'eftime de fes Concitoyens
dent il jouiffcit déjà . Il n'appartenoit qu'au Gou
vernement d'acquitter la dette de la reconnoiffance
publique , & il l'a fait . L'Ecole gratuite de Def
fin vient d'être érigée en Académie Royale , avec
soo livres d'appointemens , & deux années payées
d'avance. Cet exemple de juftice annonce des dif
pofitions bien propres à foutenir les espérances de
quiconque voudroit faire en faveur de l'émulation
indigente des avances de générofité. Sans doute que
les récompenfes d'une Adminiftration bienfaisante
& éclairée viendront bientôt l'avertir qu'il ufurpe
fes droits , & que c'eft à elle qu'eft réservé l'honorable
privilége de donner aux Arts une protec
tion gratuite.
Nous avons annoncé le cours de commerce
qui fe fait aux Confuls , & quel
en eft l'objet. M. Benoit , homme très- eftimé
dans fa profeffion , qui s'eft chargé de
ce cours , a prononcé le 4 Novembre , dans
la Salle d'Audience du Confulat , un dif
cours très-intéreffant , dont nous citerons
ce morceau .
» Nous vous parlions , MM. , il n'y a qu'un
inftant , des Monarques , nos fuprêmes bienfaiteurs ,
& à qui devons- nous plus d'hommages & de recon .
poiffance , qu'au Souverain affis aujourd'hui fur le
Trône. Voilà le rigide défenfeur des Loix , leur
Arge tutélaire. Oui , MM. , fes premiers foins , en
prenant le Sceptre dans fes mains , ont été pour la
confervation & les progrès du Commerce. Il s'eft
131
)
armé da glaive ; ce n'eft point pour le couvrir d'une
gloire ftérile, pour ravager, pour conquérir de vaftes
domaines , c'eft pour défendre & foutenir les droits
du Commerce , & en affurer la liberté à la France &
à l'Europe entière ; non content de nous protéger ,
il nous crée des appuis dans de dignes Miniitres
qu'il infpire ; c'eft fous fes glorieux aufpices qu'ils
font chargés d'examiner fes Ordonnances, fur le
Commerce & de dreffer un nouveau corps de Loix
& de Règlemens. Puiffe ma foible voix le mêler
aux acclamations publiques pour bénir un règre'
qui annonce tant de fplendeur au Commerce s'je ne
vous en ai donné , MM. qu'une image imparfaite « ,
L'Académie Royale des Sciences ayant
entendu le rapport de MM. de la claffe de
Chymie , fur une queftion relative aux effais
d'or , en a ordonné l'impreffion , parce
qu'il étoit important d'éclairer le public fur
cet objet , & de raffurer promptement le
commerce ; nous en extrairons ici le motif
& le réfultat.
Plufieurs Chymiftes modernes & d'une réputation
méritée , ont avancé que l'acide nitreux , quoique
très-pur , pouvoit diffoudre une certaine quantité
dor ; cet effet a paru devoir influer fur la fureté de
l'opération importante du départ. L'Adminiftration
a envoyé fur cette opération plufieurs queftions à
l'Académie , & lui a demandé la réponſe. La claffe
de Chymie a été chargée de s'occuper de cet objet ,
& de faire toutes les opérations convenables pour
la mettre en état de répondre d'une manière préciſe.
Le départ confifte à léparer , avec toute l'exactitude
dont la Phyfique eft fufceptible , l'or & l'argent
alliés enfemble ; il eft fondé fur la propriété qu'a
l'acide nitreux de diffoudre parfaitement l'argent
& de ne point diffondre l'or . Pour déterminer
f6
( 132 )
fi la découverte publiée par plufieurs Chymiftes
modernes , pouvoit influer fur la pratique cfitée
dans le départ d'effai , & répandre de l'incertitude
fur le réſultat , on a fait cette opération en fe fervant
d'acide nitreux très -pur , à l'action duquel on
a foumis un alliage d'or & d'argent fait dans les
proportions convenables. Après chaque opération ,
on a retrouvé très -jufte la quantité d'or employée.
Le résultat a été le même dans les opérations de
départ ; on s'eft fervi d'acide nitreux plus concentré
que pour les opérations ordinaires , & on
n'a pas eu la moindre diminution fur le poids de
l'or qui étoit connu . ➖➖ Nous ne prétendons pas
conclure de ces faits que , dans aucun cas , l'acide
nitreux , même le plus pur , ne puiffe faire éprou
ver alors quelque très- foible déchet. Lorsque nous
rendrons compte de nos expériences , nous en rapporterons
plufieurs , dont il réfulte que l'acide nitreux
le plus pur fe charge de quelques particules
d'or. Mais nous pouvons affurer dès- à- préfent que
les circonstances néceffaires à la production de.
cet effet , font abfolument étrangères au départ
d'effai ; que dans ce dernier , lorsqu'on le pratique
fuivant les règles & l'ufage reçu , il ne peut jamais.
y avoir le moindre décher fur l'or ; qu'enfin cette
opération doit être regardée comme portée à fa
perfection ; qu'il n'y a rien à craindre en la faifant
comme on l'a toujours faite jufqu'à préfent , &
qu'au contraire il pourroit y avoir de très grands
inconvéniens , fi on vouloit y faire la moindre innovation
".
Anne-Gabrielle le Veneur de Tillieres ,
veuve d'Alexis- Magdelame de Châtillon ,
Duc de Châtillon , Pair de France , Grand-
Bailli d'Haguenau , Chevalier des Ordres
du Roi , Lieutenant- Général de fes armées ,
( 133 )
Gouverneur de la perfonne de feu Monfei
gneur le Dauphin , eft morte ici le 3 de ce
mois , âgée de 81 ans .
1
Le fieur Sara s'étant appliqué depuis longtems
à donner à fon Rouge végétal toute la perfection
dont il étoit fufceptible , eft enfin parvenu
à le rendre de la plus grande beauté , & d'une
qualité fupérieure à tout ce qu'on a fait juſqu'à préfent.
Loin de caufer aucune altération dans les traits
les plus délicats , fon ufage offre l'avantage rare
& précieux de conferver la fraîcheur de la peau ,
d'y entretenir le premier velouté de la jeuneffe , &
de le rétablir quand on l'a perdu. Pour la commodité
du Public , le fieur Sara a établi deux dépôts
de ce Rouge végétal , l'un au Magafin de Porcelaine
, au coin de la rue de l'Echelle & de celle.
du petit Carroufel , vis - à- vis la porre qui conduit
chez Mademoiſelle aux Tuileries ; & l'autre
Gayant , Marchande Parfumeufe , rue Saint-Martin ,
vis-à vis la rue Oignard.
>
De BRUXELLES
, le 16 Janvier...
LE Comte de Welderen , Ambaffadeur
des Etats- Généraux à la Cour de Londres
d'ou
débarqua le 6 de ce mois à Oftende ,
il repartit peu de tems après pour ſe rendre
à la Haye , où il doit être actuellement
Le Prince d'Ofnabrug arriva dans le même.
port un quart-d'heure après l'Ambaffadeur
Hollandois.
Selon les lettres de la Haye , le Duc de
la Vauguyon , Ambaffadeur de France , y
arriva le 7 de ce mois au matin , & eut le
même jour une conférence avec le Baron'
de Palland , Seigneur de Gleinthuis , qui pré(
134 )
fidoit cette femaine l'affemblée des Etats Gé
néraux de la part de la Province d'Overyffel.
,
La République s'occupe à prendre les
micfures nécellaires pour le mettre en état
de défenfe ; la Province de Gueldres , fur
la propofition du Stadhouder , a déja donné
fon confentement pour augmenter les for
ces de terre de la République à so ou à
60000 hommes , & au-delà s'il en eft be
foin ; ce ne font pas peut-être tant les for
ces de terre qu'il eft inftant d'augmenter ,
que les forces navales . Jufqu'à préfent , du
moins , la République n'a pas à craindre
d'être attaquée en Europe ; c'eft fur mer ,
c'est dans fes établiſſemens lointains qu'elle
a befoin de fe mettre en état de réfifter à
fes nouveaux ennemis. Selon une lifte des
forces maritimes qu'elle doit avoir cette
année , elles monteront à 94 bâtimens de
guerre de toute grandeur ; favoir , 2 vaif
feaux de 70 canons , 9 de 60 , 15 de so ,
2 de 44 , I de 40 , 14 de 36 , 13 de 20 ,
5 chaloupes , un vaiffeau hopital , 4 pataches
, 12 gros bâtimens armés , & 16 plus
petits. Le nombre d'hommes qui doivent en
former les équipages , eft de 18490 .
Les Etats-Généraux ont donné des ordres
pour empêcher tous les vaiffeaux de guerre
Anglois , & les Armateurs , d'entrer dans
les eaux de la République , & pour agit
contre eux fur mer. Le placard relatif à ces
•
( 135 )
ordres , fera publié inceffamment , quoll
que les Députés de la Province de Zélande
aient jugé qu'il n'étoit pas encore nécef
faire.
pas
---
» Nous attendons , écrit - on de la Haye , la réponte
de LL. HH. PP . au manifefte de la Cour de
Londres ; elle ne peut tarder ; on dit qu'elle est faite ,
& qu'elle confifte en 16 articles , qui détruilent plei
nement les fophifmes de l'Angleterre , ce qui n'eft
allurément difficile . La conduite de cette Puiffance
eft connue de toute l'Europe , & fes procédés
dont on a été généralement révolté , ont répondu
d'avance ; fi l'on eft étonné d'une chofe , c'est de la
patience de la République à les fupporter , & de
ce qu'elle ne s'eft pas mife en état de déclarer la
guerre la première. Elle n'a point encore expédié
de lettres de repréfailles ; la nation attend avec
impatience le moment de courir à fon tour contre
l'ennemi qui la provoque. On a ouvert déja à Leyde ,
à Rotterdam & à Amfterdam , des foufcriptions
pour armer des bâtimens en courfe ; ils ne tar.
deront pas à être prêts auſſi- tôt qu'ils feront auto
rifés. On est étonné qu'ils ne le foient pas encore.
Cette lenteur annonce qu'on conferve un refte d'efpoir
d'un accommodement. Mais en attendant cet
accommodement , les Anglois défolent notre commerce
; & ceux qui perdent ne feroient pas fâchés
de prendre leur revanche. Quelques perfonnes pen
fent que les Etats Généraux attendent des réponſes
de la Cour de Ruffie , avant de fe déclarer ; ils ont
fait part à cette Puillance de ce qui fe paffe , & its
fe flattent , fans doute , encore de la protection de
la neutralité armée à laquelle ils ont accédé avant la
déclaration de guerre. Ce parti pris par les Puiffances
neutres pourroit changer , en effet , la face des
affaires , & l'Angleterre auroit à fe repentir d'une
démarche faite avec bien de la précipitation & de
( 136 )
la légéreté . Mais il ne faut pas prévoir les évène
mens ; & le tems ne peut tarder à nous apprendre f
les espérances de la Hollande font fondées , &
jufqu'où elles peuvent l'être. En attendant elles ne
laiffent pas de féduite bien des efprits . On débite
affez généralement ici , & quelques-uns de nos papiers
l'annoncent même déja , qu'un courier Rule , arrivé
ici le 29 du mois dernier , après avoir inutilement
tenté de paffer à Londres fur une barque de Scheveningue,
eft parti le 3 d'Hellevoetfluis . Il va porter ,
dit - on , des ordres très précis à fon Miniftre' , den
faire les repréfentations les plus graves fur la ma
nière dont on en ufe avec la République , & de
déclarer qu'en conféquence du Traité qui venoit
d'être conclu , la Ruffie devoit fes fecours aux
Hollandois , qu'elle leur enverroit des vaiffeaux dès
que les glaces leur permettroient de fortir des ports
du Nord , & qu'en attendant , elle rappelleroit ceux,
qu'elle a dans la Méditerranée «.
On a appris, avec reconnoiffance , en Hol
lande, que la France auffi-tôt qu'elle a été inf
truite de la déclaration de guerre de la Cour
de Londres , a envoyé dans tous fes ports
des couriers pour avertir les patrons Hollandois
qui s'y trouvoient , & qu'elle a fait
paffer à tous les Confuls l'ordre de donner.
le même avis à tous les bâtimens Hollandois.
On affure que dans la crainte que les bâtimens
que l'on pourroit expédier de la Hol
lande pour porter aux deux Indes la nouvelle
de la rupture des deux Puiffances , ne foient
interceptés dans le canal , on a eu la précaution
d'envoyer en diligence divers Exprès qui
doivent partir de plufieurs ports de France
afin que l'on foit inftruit le plutôt pollible
( 137 )
de cet évènement dans toutes les poffeffions
éloignées de la République.
On a dit dans plufieurs Papiers Hollandois
, & nous l'avons répété , que lorfque
M. Fagel , Greffier , porta au Chevalier
Yorke la réfolution des Etats - Généraux , de
renvoyer la fatisfaction demandée & la punition
des coupables à la Cour provinciale de
juftice , cet Ambaffadeur refufa de la recevoir.
On dit à préfent qu'il en prit la communication
& y fit fur-le-champ la réponſe fuivante.
la
la
En vous remerciant , Monfieur , de la communication
que vous avez bien voulu me faire de
part des Etats - Généraux , je me trouve obligé
de vous obferver : que s'agiffant d'un attentat commis
par les Régens d'une des principales villes de
l'Etat , contre la dignité du Roi & les droits de fa
couronne ; d'un attentat auffi contraire aux engagemens
de la République envers la Grande-Bretagne ,
qu'à la conftitution même des Provinces-Unies ; d'un
attentat enfin avoué publiquement par les coupa
bles , & fontenu d'une manière inattendue par
Régence de leur ville , malgré le défaveu des Etats-
Généraux , & les raifons notoires qui rendent leur
conduite injuftifiable à tous égards , cette affaire
eft d'une nature trop délicate pour ne pas exiger
une fatisfaction prompte & proportionnée à l'offenfe
, loin de pouvoir admettre des procédures
juridiques , élufoires : c'eft pourquoi je croirois
manquer effentiellement à mon devoir , d'après les
ordres précis que j'ai d'infifter fortement fur la
fatisfaction immédiate , reclamée dans le Mémoire
que j'ai eu l'honneur de préfenter le 10 Novembre ,
fi j'ofois prendre fur moi d'envoyer à S. M. une
réponse dilatoire , & nullement fatisfaisante ; d'au
( 138 )
tant plus que L. H. P. ont un Miniftre à Londres
à portée , fi elles le trouvent à propos , d'annoncer
à ma Cour leurs difpofitions à cet égard.cCC
Ce fut d'après cette réponſe que la réfolution
fut expédiée au Comte de Welderen ;
elle ne partit que le 23 au matin ; elle avoit
été priſe la veille , & dès le 21 les Anglois
avoient publié leur déclaration de guerre
PRÉCIS DES GAZETTES ANG. , du 9 Janvier.
-
-
La Gazette de la Cour a donné le 6 l'Extrait d'une
Lettre du Général Haldimand au Lord Germaine ,
datée de Québec le 25 Octobre , avec un P. S. du 2
Novembre. Il y rend compte du fuccès d'une
expédition dans laquelle le Major Carleton a pris
les 10 & 11 Octobre les petits forts Anne & Geor
ge , avec les Américains qui en formoient la garni ,
fon , quoiqu'il ne s'y foit point établi , & qu'il foit
revenu au fort de la Chevaliere. - Il rend compte
dans le P. S. de l'excurfion faite par le Chevalier
Johnſon jufque fur la riviere de Mohauk . Il dit ,
que quoique les Américains en euffent été avertis
par deux Sauvages Onéidas , le Chevalier Johnfon
a cependant rempli fon objet , mais avec plus de
difficulté , ayant trouvé une grande réſiſtance . Il a
dévané une grande étendue de pays , & entr'autres
les établissemens de Schoari & Stone Arabia. Il a
cu plufieurs rencontres avec l'ennemi les 17 , 18 ,
19 , 20 & 23 Octobre , & a toujours remporté
l'avantage . Dans un de ces combats près de Stone
Arabia , le Colonel Brown , Américain , a été tué
avec une centaine d'Officiers & d'hommes. Suivant
l'état qu'il donne , les Américains ont eu 106 tués ;
dont un Colonel & un Lieutenant , & 68 prifonniers
dont deux Capitaines. Aux forts Anne & Geor,
ge , les Américains ont eu 27 tués , dont un Capi
taine & deux Lieutenans , deux bleffés , & il leur
été pris deux Capitaines , deux Lieutenans , & 114
( 139 )
-
Soldats . La perte des Anglois devant ces forts a été
de 3 tués , 6 bleffés & manquans. Celle du Chevalier
Jonhfon , fur la riviere Mohawk , eft de s
tués , bleffés , 61 manquans , dont 3 Capitaines .
Cette derniere affaire fur la Mohawk eſt auſſi
rapportée dans la Gazette Américaine , d'après une
Lettre d'un Officier écrite de Caqwawaga le 24 du
même mois. Il y eft dit que le 23 , le Général
van Renfellew , avec la milice & les levées du Colonel
Dulew , attaqua le Chevalier Johnſon , dans le
Comté de Tryon ; qu'après un rude combat de troisquarts
d'heure les Anglois prirent la fuite , & gagnèrent
l'autre bord de la rivière abandonnant leur
butin , leur bagage & leurs prifonniers . Si le jour
tûc duré une heure de plus , tout ce corps Anglois
auroit été pris. L'action a été générale & vigou
reufe , Le Colonel Brown a été tué le matin dans
une efcarmouche. Les Anglois ont dévasté tout le
pays , & le 10 Octobre , le diftria de Schoary.
Les habitans ont gagné les forts où ils font en
fûreté. Le Gouverneur du Connecticut le trouvoit le
Cagwawaga : : il faifoit une marche forcée
pour fe joindre au Général van Renfellew , & pour
fuivre l'ennemi , qui ne pouvoit gueres échapper aux
Américains.
23 à
Les , un Etranger a été arrêté à Londres ,
examiné par le Lord Hillsborough & envoyé à la
Tour. Il eft accufé , dit on , d'avoir entretenu une
correfpondance avec les ennemis ; mais il pourra
être difficile de prouver qu'il ait eu d'autres infor
mations , que celles qu'il a pû tirer des papiers
Anglois , qui lûs avec intelligence & affiduité , fe
trouvent contenir le fecret de chaque partie de l'Ad
miniſtration , fans qu'il foit poffible à l'Etat d'y
remédier. Dans la guerre dernière , un Prêtre Ir-
Jandois , nommé Hanley , fur pareillement arrêté ;
& même fon procès lui fut fait; mais le Ministère
( 140 )
convaincu qu'il n'avoit puifé que dans les Gazettes
le fond de fa correfpondance , ne put point le traiter
comme efpion , & fe contenta de lui ordonner le
banniffement ".
ود Une Gazette extraordinaire publiée le à
fept heures du foir , contient les détails fuivans,
-
Aujourd'hui eft arrivé le fieur Waugh , Lieutenant
d'Invalide , au Bureau du Lord Hilsborough ,
de la part du fieur Irving , Lieutenant au Gouver
nement de Gernefey , qui envoie une lettre que
lui a écrite le fieur Corbett , Lieutenant au Gou
vernement de Jerfey , de laquelle ce qui fuir eft
un extrait. Vous faurez que les François font
arrivés ce matin , vers les deux heures , & qu'ils
ont pris terre entre deux poftes fi éloignés , qu'ils
n'ont point été apperçus des gardes. Ils font venus
à travers champs , & à fix heures du matin ils
étoient dans la Place du Marché . ( de Saint - Hilier ).
Sur les fept heures ils m'ont fait prifonnier ; mais
j'ai été heureufement remis en liberté par la bravoure
& l'intrépidité des troupes & de la milice , & alorsle
Commandant m'a informé qu'ils fe rendoient
prifonniers de guerre. Ils ont été tous pris , tués
ou bleffés. Le pauvre Major Pierfon a été malheu .
reufement tué vers la fin de l'affaire , après s'être
fignalé à la tête d'une troupe de braves gens qui le
fuivoient c
P. S Nous avons environ 5oo François prifonniers
il y en a eu quelques centaines tués , &
autour de cent bleffés . Le reste a jetté les armes
& s'eft fauvé dans le pays ; mais je compte les avoir
tous demain. Notre perte peut fe monter à so tués &
être la moitié de ce nombre bleffés . Mon ami
Mulcafter s'eft comporté comme à fon ordinaire.
Je n'ai point eu de bleffure ; mais mon chapeau a
été percé de deux balles . J'enverrai les détails demain
matin en Angleterre faites paffer ceci fi vous
pouvez
::
( 141 )
Suivant divers détails qui circulent , en attendant
celui qu'a promis le fieur Irving , les François
avoient voulu fe retrancher dans la Ville de St-
Hilier , au centre du Marché , ce qui étoit la plus
défavantageufe pofition qu'ils puffent prendre . Sur les
deux heures après - midi , les Anglois attaquèrent
une de leurs redoutes où il y avoit quatre canons
9 , & qui fut bien-tôt prife. Les François qui
la défendoient y perdirent 150 hommes , quoique
l'attaque n'en ait coûté que quatre aux Anglois. Les
troupes Angloifes , & 5ooo des plus excellentes
milices , s'étoient formées far les hauteurs , &
alloient fondre fur les François , lorfqu'ils fe font
rendus prifonniers de guerre «<,
Suite du Traité de Commerce entre la Hollande &
les Etats- Unis de l'Amérique Septentrionale.
27°. Il ne fera permis à aucuns corfaires étran
gers qui n'appartiendroient point aux Sujets de L.
H. P. , ni aux citoyens des fufmentionnés Etats-
Unis d'Amérique , lefquels pourroient être munis
de commiffions de la part d'un autre Prince ou
Etat ennemi de l'une ou de l'autre des parties contractantes
, d'équiper leurs navires dans les ports
de l'une ou de l'autre des parties en queftion , ou
d'y vendre les captures qu'ils pourroient avoir
faites , ou de quelqu'autre manière quelconque
d'y troquer leurs navires , marchandifes ou autres
effets chargés ; en outre il ne leur fera pas permis
de s'y procurer des provifions de bouche ,
excepté celles abfolument néceffaires pour pouvoir
aborder au port le moins éloigné du Prince ou
de l'Etat , dont ils auront obtenu une commiſſion .
28°. Il fera libre & permis à tous les fujets de
L. H. P. & aux citoyens , au peuple & aux habitans
des fufdits Etats-Unis d'Amérique , de naviguer avec
leurs bâtimens en toute liberté & sûreté ( fans aucune
diftinétion du Propriétaire des marchandifes chargées
) de tous ports quelconques , vers les places
( 142 )
mais
appartenantes à ceux qui font actuellement ennemis
des fept Provinces - Unies de Hollande ou des Etats-
Unis d'Amérique , ou qui pourroient le devenir par
la fuite. Il fera encore permis aux fufdits citoyens &
habitans , de naviguer avec la même liberté & fécurité
avec les fufdits bâtimens & marchandifes , & de
négocier en venant des places , ports & villes appar
tenant aux ennemis de l'une ou l'autre partie , fans
aucune oppofition ni empêchement , non feulement
en allant directement d'une telle place neutre ,
auffi d'une même nature , foit qu'elles fe trouvent
fous la jurifdiction d'une feule Puiffance , ou celle
de plufieurs. Par la préfente il eft encore ftipulé que
les vaiffeaux libres affranchiffent auffi les marchandifes
, & que tout ce qui fe trouvera à bord des navires
appartenans aux fujets des confédérés refpec
tifs , fera regardé comme libre , quoique la charge
entière , ou une partie d'icelle , appartînt aux ennemis
mutuels : les effets de contrebande feuls exceptés. On
eft auffi convenu de la même manière , que pareille
liberté doit aufli être étendue aux perfonnes trouvées
à bord d'un navire franc , lefquelles , quoiqu'enne
mies de l'une ou des deux parties , ne pourront être
enlevées d'un pareil navire franc , à moins que les
fufdites perfonnes ne foient militaires pour lors au
fervice de l'ennemi.
à
29° . Cette liberté de commerce & de naviga
tion s'étendra fur toutes fortes de marchandifes ,
l'exception de celles qui font connues fous la déno
mination de contrebande ou effets prohibés ; & fous
cette qualification d'effets de contrebannde , doi
vent être compris , armes , groffe artillerie , bombes
avec leurs fulées , & autres chofes y apparte
tenantes , boules à feu , poudre à canon , mèches ,
canons , boulets , piques , épées & glaives , lances ,
hallebardes , mortiers , retards , grenades , falpetre
, moufquets , balles à fufil , cafques , cuiraffes ,
( 143 )
cottes de maille & autres objets de cette nature
fervant à l'armement militaire , crocs à moufquer ,
gibernes , chevaux avec leurs harnois , enfin tout
autre attirail militaire quelconque. Quant aux marchandifes
fuivantes , elles ne doivent pas être comprifes
au nombre des effets de contrebande ou prohibés
: favoir , toutes fortes d'habillemens , ainfi
que tous autres objets , manufactures de laine , chanvre
, lin , foie , coton , ou autres matieres ; toures
fortes d'effets portatifs , avec les marieres que l'on
emploie ordinairement à les fabriquer ; or & argent
monnoyé ou non- monnoyé , étain , fer , plomb ,
cuivre , métal , de même que froment & orge , toutes
fortes de grains & légumes , tabac , toutes fortes
d'épiceries , viande falée & fumée , poiffon falé ,
fromage , beurre , biere , huile , vins , cidre , fucres
, firops & toute forte de fel , & en général
toutes les provifions fervant à la nourriture de
T'homme & au foutien de la vie ; en outre , toutes
fortes de coton , chanvre , lin , gandron , poix , térébenthine
, cordages , cables , voiles , de la toile à
en faire , ancres & parties d'icelles , ainfi que des
mâts , planches , bords , poutres de toutes fortes
d'arbres ; toutes autres chofes fervant , foit à la
conftruction ou à la réparation des vailleaux , &
tous les autres effets quelconques , qui ne font pas
travaillés en forme de quelque outil ou inftrument ,
propre à la guerre fur terre ou fur mer , ne feront
pas regardés comme étant de contrebande , encore
moins ceux qui font déja faits & employés à d'autres
ufages , attendu que tous ces objete doivent
être rangés parmi les marchandifes innocentes ,
ainfi que tous autres effets , qui ne font pas com ,
pris ou défignés parmi la précédente énumération
des marchandifes de contrebande ; de maniere qu'ils
pourront être tranſportés en toute liberté , par les
( 144 )
Sujets & Habitans des Confédérés refpectifs , me
me aux Places appartenantes à l'ennemi , à la feule
exception des Villes ou des Places , qui , lors du
transport defdits effets vers elles , fe trouveroient
affiégées , bloquées ou enveloppées.
J
30 °. Afin de prévenir toute efpèce de diffenfion
& de difficulté , au cas que l'une des Parties pût
être en guerre avec une autre Puiffance , les navi
res & bâtimens , appartenans aux fujets ou habi
tans des autres Alliés , feront munis de lettres de
mer ou paffe-ports , exprimant le nom , la pro
priété & la capacité du vaiffeau , de même que le
Hom , la place ou réfidence du Patron ou commandeur
de ce navire , pour qu'il en puiffe apparoit
que le bâtiment appartienne réellement aux fujets
& habitans de l'une des Parties ; lequel paffe port
fera dreffé & délivré conformément au modèle annexé
à la fuite de ce traité. Ces paffe - ports devront
auffi être renouvellés chaque année , c'eft- à- dire , fi
le bâtiment rentre dans cet efpace de tems. On eft
encore convenu , que de pareils navires étant char
gés , doivent non-feulement être pourvus des palle
ports fufinentionnés , mais encore de certificats
contenant les différentes parties de la cargaifon ,
le lieu d'où le navire a mis à la voile , & celui
de fa deftination ; afin qu'il en confte , fi quelques
effets prohibés ou de contrebande s'y trouvent
chargés ; lefquels certificats feront dreffés , dans la
forme accoutumée , pardevant les Officiers de la
place d'où le navire ou bâtiment partira , & fi
quelqu'un juge à propos ou convenable de ſpécifier
dans les certificats fus - mentionnés , les perfonnes
auxquelles appartiennent ces effets , il pourra le
faire librement.
La fuite à l'ordinaire prochain,
i
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
RUSSI E.
De PETERSBOURG , le 12 Décembre:
UN Courier , dépêché par le Miniſtre de
ap- cette Cour à celle de Vienne , nous
porté la nouvelle de la mort de l'Impératrice
douairière , Reine de Bohême & de
Hongrie. La douleur publique que cet
évènement a caufée , prouve combien les
vertus de cette grande Princeffe la faifoient
aimer & refpecter , des Nations même qui
ne la connoiffoient que par la voix de la
renommée. L'Impératrice en a été vivement
touchée ; & fur-le-champ , fans attendre la
notification formelle de ce décès par le
Miniftre de l'Empereur , elle a ordonné
que la Cour prendroit un deuil de 6 femaines.
Le divertiffement d'une maſcatade
qui devoit avoir lieu hier à la Cour a été
contremandé.
27 Janvier 1781.
( 146 )
POLOGNE.
le 25 Décembre. De VARSOVIE , le 25
"
ON fe rappelle l'affaire du Baron Julius
& la manière dont elle a été terminée ici :
il paroît qu'elle va avoir des fuites fâcheufes.
Le Baron de Thugut , Miniftre de la
Cour de Vienne , avoit déclaré verbalement
au Général Comte Mokronoski & au Comte
Chreptowickz , Vice- Chancelier de Lithuanie
, que S. M. I. exigeoit une fatisfaction au
fujet du jugement rendu contre le Baron
Julius , & que fi elle étoit refufée ou différée
, les terres de Zalafcik , qui appartiennent
au roi , & celles de plufieurs Magnats ,
fituées dans le même diftrict , feroient confifquées
. On s'étoit toujours flatté que ces
menaces refteroient fans effet , & que l'on
trouveroit les moyens de terminer cette
affaire à l'amiable , fans réformer le jugement
contre lequel réclame la Cour de
Vienne. Un Exprès , arrivé le 24 de ce
mois , nous a appris que la terre royale ,
été en effet confifquée ainfi que quelques au
tres , & enparticulier celle du Prince Lubomirski
, Caftellan de Cracovie. Ce dernier eft
un de ceux qui avoient figné le décret rendu
contre le Baron Julius . On efpère cependant
que ces confifcations pourront être
bientôt levées ; mais en attendant qu'elles le
foient , les perfonnes qui ont des biens dans
( 147 )
le cordon Autrichien ne font pas fans inquiétudes.
L'Empereur a nommé Gouverneur Général
des Royaumes de Gallicie & de Lodomerie
le Comte Zamoïski. Ce Seigneur eft
celui qui avoit rédigé le nouveau Code de
Loix que la dernière Diète a refufé d'approuver.
On apprend que les troupes Rufles ont
déja évacué Cracovie , Pofen & Thorn , &
qu'elles fe difpofent à quitter également la
Lithuanie.
. Un détachement Pruffien eft en chemin
pour l'Ukraine , où il a ordre d'acheter des
chevaux de remonte.
ALLEMAGNE.
'De VIENNE , le 6 Janvier.
ON affure que l'intention de l'Empereur
eft de nommer quatre Miniftres d'Etat qui
préfideront chacun un département , & lui
feront rapport des affaires qui en dépendent.
Le Public nomme déja le Prince de
Kaunitz , aux affaires intérieures & étrangères
; le Comte de Lafcy , à la guerre ; le
Comte de Hatzfeld , aux finances , & le
Comte de Sinzendorff , à la Juſtice.
L'Empereur travaille fans relâche dans
fon cabinet. Son deffein eft , dit-on , de demander
aux Etats d'Autriche leur avis concernant
le redreffement de plufieurs griefs .
Il a confirmé de fon propre mouvement les
8 2
( 148 )
priviléges du Royaume de Bohême. Il com
mence à affifter le foir aux affemblées qu'il
honoroit de fa préfence avant la mort de
fon augufte mere ; mais il n'a pas encore
paru à la grande qui fe tient chez le Prince
de Kaunitz.
" Le 7 du mois dernier , écrit-on de Conftantinople
, une décharge d'artillerie annonça le Bairam.
Tant qu'il dure , les Mahometans ne tuent
que des moutons blancs , dont la viande fe diftribue
aux pauvres . Cette fête est encore remarquable
par l'hofpitalité qu'on voit exercer par
tout. L'ufage des gens riches eft d'inviter beaucoup
de perfonnes , de les traiter fomptueu
fement , ainfi que leurs domeftiques , & de ne
les renvoyer qu'avec des préfens en argent &
en habillemens. Cette fête ne dure que trois
jours ; mais pendant ce tems on tue près d'un mil
lion de moutons blancs , & on n'eft pas étonné
qu'il en coûte quelquefois à 8000 piaftres aux
particuliers riches qui veulent la célébrer avec
magnificence.
7
De HAMBOURG , le s Janvier.
• Ministre
des
LE Baron
Etats- Généraux des Provinces- Unies près
le cercle de la Baffe- Saxe & les villes Anféatiques
, a fait publier ici la déclaration
fuivante.
1
» Les Etats-Généraux des Provinces - Unies des
Pays-Bas ont trouvé bon & réfolu d'envoyer ordre
à tous les Miniftres , Confuls , Agens & Commiffionnaires
de L. H. P. d'ordonner , au nom de
L. H. P. à tous les Patrons des navires marchands
, appartenant aux fujets de leur Etat ,
>
( 149 )
demeurer dans les places où ils fe trouveront à
préfent , & de n'en faire voile fans des ordres ulté
fieurs , pour aucune autre deftination que pour les
ports de la République , fous peine de perdre l'af
furance qu'ils auront en Hollande , & d'être refponfables
des pertes qu'éprouveront les marchandifes
, par leur défobéiffance & leur témérité , &
cela jufqu'au tems où L. H. P. auront pris les mefures
néceffaires pour leur envoyer des convois
qui protégeront leur retour. Il leur eft auffi défendu
, fous les mêmes peines , de paffer par la Manche.
Ceux qui voudront revenir dans les ports de
l'Etat doivent faire voile derrière les Ifles Britanniques
, & retourner ainfi dans leur pays.
Selon des lettres de Varfovic , on y a été
inftruit que la méfintelligence furvenue entre
les Cours de Pétersbourg & de Conftantinople
, a été heureufement diffipée par les
bons offices de l'Ambaffadeur de France à
la Porte , de manière que la bonne harmonie
eft maintenant établie fur un pied folide.
» Nous apprenons de Conftantinople , écrit- on
de Vienne , que le Capigi Bachi , ou Chambellan
du Grand- Seigneur , parti d'ici pour aller demander
fa tête à Apti , Bacha d'Alep , a été la victime
de cette commiffion délicate ; il s'eft rendu à Alep
fous le vain prétexte de confirmer le Bacha dans fa
dignité , & de lui remettre une pélille. Mais le
Bacha inftruit du véritable motif de fon voyage ,
l'a fait maffacrer à fon arrivée ; il a même , diton
, raffemblé un corps de troupes affez confidérable
pour caufer des alarmes . On affure que les
Confuls & les Négocians Européens établis à Alep ,
craignent beaucoup les fuites de ce foulève .
ment «.
On lit dans un de nos Papiers , que l'Im-
8 3
( 150 )
pératrice de Ruffie a expédié un Courier à
fon Ambaffadeur à Londres , avec ordre
de faire la déclaration fuivante à S. M. B.
» S. M. I. n'a rien de plus à coeur que de vivre.
en bonne intelligence avec l'Angleterre , mais la
dignité de fa couronne & l'intérêt de fes fujets
ne lui permettent pas de fouffir les violences
exercées contre ſes vaiſſeaux ; elle eſt étonnée , ainſi
que toute l'Europe , de recevoir de bien meilleurs
traitemens de la part de la Maiſon de Bourbon ,
que des Anglois , qui ont en Ruffie des privi-
Jéges que n'ont pas les autres Nations ; quoiqu'elle
ait fuffifamment fait entendre les intentions
au fujet d'une neutralité parfaite , ils n'ont cependant
pas fufpendu ces mauvais traitemens. S. M. I.
ne peut plus les fupporter ; elle ne veut point reconoître
le Tribunal Anglois qui s'eft arrogé le
droit de juger des vaiffeaux enlevés ; elle demande
en conféquence , fans procédures , ni délai , ni pro
teftations , une reftitution complette de fes vailfeaux
, fans quoi elle fera obligée de recourir aux
moyens violens «.
Si cette nouvelle eft auffi vraie qu'elle eft
vraisemblable , le parti Anglois perd tous
les jours de fon crédit. L'Impératrice a déclaré
, ajoute- t- on , il y a quelques jours ,
qu'elle perfiftoit dans le plan de neutralité
fans vouloir jamais s'en écarter , & a mal
accueilli un Mémoire de l'Ambaffadeur Britannique
fur ce fujet , qui a été trouvé , diton
, conçu en termes peu convenables..
ITALIE .
De ROME , le 30 Décembre.
LE Roi de Suède a fait remettre depuis
( 151 )
peu au Pape une lettre , dans laquelle il le
remercie du préfent que S. S. lui a fait d'une
excellente copie d'un manufcrit de la bibliothèque
du Vatican , & de l'accueil gracieux
qu'elle a fait , il y a trois ans , au Duc
d'Oftrogothie
fon frere. Le manufcrit dont
il est queſtion , eft un Recueil des Loix de
la Suède du 8e fiècle .
Le Collége des Cardinaux vient de perdre
encore le Cardinal Marefofchi , mort
dans la 67e année de fon âge. Il avoit été
élevé à la Pourpre en 1770 par Clément XIV.
Il vaque actuellement 9 chapeaux fans compter
les 3 que le St. Pere s'eft réſervés , in
petto.
ANGLETERRE
.
De LONDRES , le 15 Janvier.
De toutes les nouvelles que la Cour a
reçues depuis un mois de l'Amérique feptentrionale
, elle n'a publié que les dépêches
du Général Haldimand , Gouverneur de
Québec , en date du 25 Octobre , dans lefquelles
il ne rend compte que de l'expédition
du Major Carleton , contre les forts
Anne & George qu'il a pris , mais dans leſquels
il ne s'eft point établi , ce qui réduit
cette entrepriſe à une excurfion dont l'avantage
ne vaut pas la peine d'être compté ,
puifqu'il n'a pas de fuites. On en peut dire
autant de celle faite fur la Mohawk
Chevalier Johnſon , où il n'a fait que rava
ger le pays.
par
le
g 4
7152 )
Tout ce qu'on fait de New-Yorck , c'eft
que l'Amiral Rodney en eft parti le 15 Novembre
pour retourner aux ifles ; que les
François font inattaquables dans Rode-Ifland ;
que l'Amiral Arbuthnot eft toujours avec 12
vaiffeaux dans la baie de Gardners ; que notre
efcadre regrette beaucoup New- Port ,
qui eft le feul port de ces côtes où elle pouvoit
trouver un abri fûr & des facilités
pour le réparer , qui lui manquent à New-
Yorck.
Quant à la Caroline méridionale , on garde
le filence le plus profond ; & il paroît à
tout le monde du plus mauvais augure. On
fe contente de dire que le Lord Cornwallis
a été indifpofé , ce qui l'avoit empêché de
pourfuivre fes opérations. Mais s'il n'a pu
les continuer , il eût pu du moins conferver
la pofition dans laquelle il étoit , & rout
confirme que la défaite du Colonel Fergu
fon a déconcerté fes projets , que fa fituation
à Wacfaw n'étoit ni fans danger , ni fans
défagrément ; il a été obligé d'appeller le
Général Leflie pour qu'il vienne le renforcer
avec toutes les forces ; ce qui délivre la
Virginie de nos troupes & réduit à rien cette
prétendue conquête annoncée avec emphafe.
La jonction de ces deux Généraux ne fera
pas fans difficultés. Il faut que le Général
Leflie fe rembarque pour quitter cette province
qu'on difoit qu'il avoit foumife , pour
aller débarquer à l'embouchure de Cape-
Fear-River dans la Caroline feptentrionale,
( 153 )
那么
près des frontières
de la méridionale
. La diſtance de Cape -Fear à Waclaw
eft de 130
milles ; cet efpace eft bien long & bien diffi- cile à traverfer
dans un moment
où tout le
pays eft fous les armes. On remarque
ici que nos Généraux
ne font pas merveilleux
en plans de guerre. On demande
pourquoi
le Chevalier
Clinton
a envoyé dans la Virginie
un corps dont on avoit le plus grand befoin pour agir dans la Caroline
méridionale.
On obferve que jufqu'à préfent ils n'ont
fait qu'éparpiller
leurs troupes , attaquer plu fieurs points , fans fonger à s'affurer des avan- tages folides fur aucun. Cette guerre a fourni
plufieurs
preuves de la manière légère avec
laquelle ils concertent
leurs opérations
. On fe rappellera
toujours
que quand le Général
Burgoyne
s'avançoit
du Canada par l'Hudfon
, le Général Howe s'en alloit à Mariland
, & leGénéral Clinton s'éloignoit
d'un autre côté pour marcher à Philadelphie
; ils fembloient
avoir pris toutes les précautions
poffibles pour empêcher
leur réunion qui devoit être
leur grand objet , & qui feule eûr empêché
le défaftre de Burgoyne
& ceux qui en ont été la fuite. Les gens de guerre en Europe en fuivant nos opérations
fur la carte , ont ri quelquefois
, aux dépens de nos Généraux
. C'eft peut- être pour ne pas les égayer encore qu'on fe tait fur ce qui fe paffe dans la Caroline.
Pour juftifier ce filence on apporte quel- quefois des raifons bien extraordinaires
; &
c'eft à ce titre que nous ne pouvons
nous em
85
( 154 )
pêcher de rapporter celle que l'on donne aut
jourd'hui.
→ On n'a point reçu de lettres du Lord Cornwallis
par le dernier paquebot. Ses dépêches avoient bien
été apportées à bord du bâtiment dans le port de
Charles-Town ; on les dépofa à l'endroit ordinaire
dans la grand'chambre ; mais lorfque le paquebot
eft arrivé à Falmouth , le Capitaine a dit que les
lettres avoient difparu , & qu'il ne pouvoit ima
giner de quelle manière elles avoient été emportées.
Ces dépêches , dit -on , étoient du 30 Septembre «<
La Gazette de Penfylvanie , du 3 Octobre,
contient la lettre fuivante du Chevalier du
Buiffon aux Généraux Smallwood & Gift ;
elle eft datée de Charlotte le 26 Août.
"
Mes chers Généraux , ayant reçu diverfes bleffu .
res dans l'action du 16 de ce mois , je fus fait pri
fonnier avec l'honorable Major- Général , le Baron
de Kalb , avec qui je fervois , comme fon Aide- de-
Camp & fon ami. J'ai affifté cet homme illuftre
dans les derniers momens de fa vie , qu'il termina
après avoir langui peu de tems , ayant reçu , dans
cette action 11 bleffures qui causèrent fa mort le
3e. jour. Je fatisfais avec plaifir aux derniers ordres
du Baron , qui m'a chargé de préfenter fes plus tendres
complimens à tous les hommes de fa divifon.
Il a exprimé tout le plaifir que lui a fait le
témoignage que l'armée Angloife a rendu à la brayoure
de les troupes , & combien il avoit été charmé
de la réfiftance vigoureufe qu'elles avoient oppofée
à des forces fupérieures , quoique le refte de
l'armée nous eût abandonnés . Il a donné les plus
grands éloges à la bravoure du régiment de Delawa
re , & des compagnies d'Artillerie attachées aux Brigades
, ainfi qu'à la valeur qu'a montrée toute la divifion
qu'il avoit l'honneur de commander « .
Nos nouvelles des Ifles font toujours rem(
155 )
plies de détails affligeans des fuites de l'ou
ragan qu'on y a éprouvé ; on n'a pas moins
fouffert fur mer que fur terre . Un Officier
à bord de la Princeffe Royale , écrit ainfi de
la Jamaïque , en date du 3 Novembre.
3
Nos vailleaux ont prodigieufement
fouffert depuis
notre arrivée ici . L'Amiral Rowley étoit forti
avec la flotte deſtinée pour l'Angleterre. A fon re
tour , il effuyaun très -grand coup de vent dans lequel
toute fon efcadre fouffrit -beaucoup. Tous les vail
feaux furent démâtés , & la plupart jettèrent plufieurs
de leurs canons à la mer. L'Hector de 74 , ne fauva que 2 de fes canons. Notre vaiffeau n'étoit
point forti avec l'Amiral , parce qu'il étoit alors en radoub. Vers le commencement
du mois dernier
, nous cûmes ici une fecouffe de tremblement
le dernier ouragan
de terre. La perte caufée par
pas encore connue. Le Phénix , frégate de 40 canons,
a été jettée à la côte de l'Ile de Cuba , & entièrement
perdue , ainfi que plufieurs autres petits bâtimens. La
plupart des Cultivateurs de ce pays- ci font ruinés,
La Ville de Savanah - la- Mar eft entièrement détruite,
& un grand nombre de fes Habitans & de fes Propriétés
ont été emportés par les vagues «.
n'eft
Un Officier qui étoit à bord du Phénix ,
commandé par le Chevalier Hyde Parker
rend compte ainfi du naufrage de ce bâtiment
à la côte de Cuba le 10 Octobre.
» Nous fûmes entraînés par la violence de la teme
pête , vers la côte de Cuba ; pendant que nous étions
faifis d'effroi à la vue du danger de périr contre les
écueils , le vent nous poufla dans une crique entre deux rochers. Nous étions tellement ferrés dans
cette pofition qu'il nous fut impoffible de manceu→ vrer le vaiffeau pour la changer. Il fut dématé
& prefqu'aufli-tôt rempli d'eau. Il devint alors dan .
g 6
( 156 )
gereux d'aller à bord ; & malgré la défenſe de notre
Commandant le Chevalier Hyde Parker , plufieurs
de nous en coururent les rifques . Je favois dans quelle
partie de la grand'chambre fe trouvoient les coffres ,
& les boîtes concernant des articles abfolument néceffaires
dans notre fituation . En conféquence de nos
ordres les matelots plongèrent avec beaucoup de fuccès
, & rapportèrent plufieurs denrées qui nous
mirent en état de vivre commodément pendant g
jours dans l'Ifle . La tempête nous favorifa en ce
qu'elle jetta fur la côte quantité de poiffons & furtout
d'écreviffes de mer , en forte que nous cumes
abondance de nourriture. Nous perdîmes près de 70
hommes dans la tempête. Les Espagnols nous rangerent
plufieurs fois dans leurs chaloupes & petits bâtimens.
L'Amiral fit établir deux autres gros canons
près de la crique , & nous étions fi bien fortifiés que
nous aurions pu repouffer des forces confidérables ..
Vers le neuvième jour , nous travaillâmes à équiper
une chaloupe qui fut envoyée à la Jamaïque . Un
vaiffeau nous tranfporta enfûreté à Montégo ",
St Euſtache, la principale des Ifles Hollandoifes
, dans les Indes Occidentales , a auffi
prodigieufement fouffert.
La Blonde , lettre de marque Françoiſe , écrit.
on de cette ifle , en date du 25 Octobre , allant
d'ici à Nantes , notre Gouverneur fe fert de cette
Occafion pour envoyer les dépêches. Ce feront les
premières de cette nature qu'on aura reçues en
Hollande ; elles n'annoncent pas moins que la det
truction de cet établiſſement , jadis fertile & florif
fant , caufée par un ouragan des plus terribles ,
s'eft fait fentir le 10 & le 11 de ce mois. --Vouloir
décrire les horreurs du 11 , eft une tâche trop
difficile . Je détaillerai tout ce qui s'eft paffé depuis
la matinée du 10 jufqu'à celle du 11 .
à 11 heures du matin , le ciel s'obfcurcit foudainement
de toutes parts ; il paroilloit auſſi noir que
-
qui
Le 10 ,
( 157 )
#
la nuit . La pluie , le tonnerre & les éclairs , com
mencèrent en même-tems. Dans l'après-midi ,
le vent augmenta , 7 vaiffeaux furent jettés à la
côte , près la pointe du Nord , & brifés fur les
rochers ; ils étoient deftinés pour l'Europe , & tout
le monde périt , Officiers & Matelots. Dix neuf autres
vailleaux coupèrent leurs cables & prirent le
large ; un feul eft revenu dans un état affreux. Nous
craignons que les autres n'aient pas réfifté à la
tempête. Pendant la nuit , toutes les maiſons fituées
au Nord & au Sud de l'établiſſement , furent
démolies & entraînées à la mer par les vagues , ainft
que les habitans. Quelques-uns feulement fe fauvèrent
ou fe traînèrent au haut des montagnes , en
fe cachant dans de grands trous ; ma femme &
moi- même nous étions du nombre. Je la portai ,
nuds comme nous étions , fur mon dos , en me
traînant à quatre pattes ; & graces à Dieu , nous
nous fauvâmes miraculeufement Les maifons
fituées à l'Eft & à l'Ouest , & les plantations qui
en dépendent , ne furent point endommagées . Plufieurs
habitans s'y réfugièrent , croyant qu'ils fe- A
voient en fûreté ; mais hélas ! dans l'après di da
11 , le vent fauta tout-à- coup à l'Eft , & dans la
nuit il fouffla avec une double fureur , & rafa
toutes les maifons , magafins , cafes des Nègres ,
Sucreries , Baraques , Eglifes , & les autres édifices
qui fe trouvèrent fur les plantations de MM. Oofter,
Rooker Vanlewis , Vaftoon , Murraw , le Breton ,
Van Caerfec , & la ville & plantations d'Oudelbergues
, le village de Troubéen , & la vallée de
Coliter. Les principaux édifices qui font reftés en
place , font le nouveau & le vieux fort , les Baraques
& l'Hopital , ainfi que les Cathédrales , &
quatre autres Eglifes . On eftime que 4 à 5000 ha
bitans ont péri dans cette malheureufe occafion .
La perte en argent ne fauroit être évaluée
-
---
ncore moins fixée d'une manière certaine à préfent.
ه ل ل ا
( 158 )
où on
Toute la Place repréfente un monceau de ruines,
Les Blancs font enfévelis à terre , mais les Nègres ,
par l'ordre du Gouvernement & du Confeil d'Etat ,
font emportés à fix milles au moins en mer ,
les jette , avec de grofles pierres attachées aux
pieds , pour prévenir tous les accidens fâcheux qui
pourroient avoir lieu , fi on les enterroit fur la
côte , vu le grand nombre de ceux qui ont péri.
Le Gouverneur approprie le Fort , les Eglifes;
pour y recevoir les habitans , les uftenfiles & les
provifions qui pourront être fauvés des ruines!
Il fe forme un comité de fûreté , compofé du pe
tit nombre des principaux Négocians qui reftent ;
le Gouverneur en eft Préfident. L'objet de ce co
mité eft de faire exécuter les ordres avec promp
titude & humanité «.
F
Il y a lieu de croire que des défaftres fi
accablans fufpendront les opérations mili
taires dans les Ifles ; le plus preffé eſt de
venir au fecours des malheureux qui ont
fouffert. On fait des voeux pour que l'Ami
ral Hood ait pu réunir tous fes transports
& les conduire dans ces contrées dévastées ,
où les munitions qu'ils portent pourront
être utiles , en attendant les fecours qu'on
doit y faire paffer on fe flatte toujours que
la tempête lui a fait peu de mal . Un Officier
à bord du Monarque , qui a accompagné
cette flotte , & qui eft de retour à Ports
mouth , donne les détails fuivans de cette
tempête .
Nous fommes arrivés dans l'inftant , graces à
Dieu , après avoir éprouvé l'une des plus affreufes
tempêtes dont j'aie jamais été témoin depuis trente
ans que je connois la mer. L'évènement eft du ro
du mois paffé. Nous étions alors 300 licues envi
( 159 )
ron à l'ouest des Inles Sorlingues ; aucun figne ne
nous l'annonça , elle éclata tout-à- coup avec furie .
La partie de l'Arcaffe eft entièrement détruite, Tout
ce qui fe trouva dans la grand'chambre & la
dépense , fut emporté par les vagues , jufqu'aux
cuillers , affiettes , & c . Le grand mât & le mât
d'artimon tombèrent à la mer , ainfi que le petic
mât de hune , & tout le gréement de l'avant ; 2
hommes furent tués & 14 bleffés par la chûte des
vergues , qu'on ne put dégager à tems ; le vaiffeau
de l'Amiral perdit fa poulaine , fon beaupré
& la garniture de ce mât. Le Belliqueux , vaiffeau
neuf , Capitaine Fitzherbert , perdit fon mât
d'artimon , mais il ne reçut aucun autre domma
ge. Nous laiffâmes l'efcadre le lendemain pour revenir
en Angleterre avec des mâts de fortune ;
tous les autres vaiffeaux de S. M. étoient alors
en bon état , n'ayant point reçu de dommage
effentiel ; fi notre carêne n'eût pas été très-folide
nous aurions péri . L'Amiral Hood doit être rendu
en ce moment - ci aux Indes Occidentales.
Notre querelle avec les Hollandois deviendra
probablement la fource d'une guerre
très-fanglante aux Indes Orientales . Les établiffemens
de Malda , Hugley & Dalla
dans le Bengale , font habités conjointement
par les Anglois & les Hollandois , qui y ont
des comptoirs. Auffi-tôt que la nouvelle de
la rupture.y fera parvenue , ce voifinage fera
bien incommode aux uns & aux autres . On
ne doute pas que cette nouvelle n'ait été
expédiée de bonne heure , & par toutes les
voies poffibles . On dit , & en général ce
bruit obtient affez de confiance de la part
de ceux qui connoiffent notre Gouvernement
, que dès le commencement du mois
( 160 )
d'Octobre dernier , deux avifos furent expédiés
pour Madraff & Calcutta , où ils
portent l'avis d'une rupture inévitable avec
la Hollande , & l'ordre de déclarer la guerre
dans l'Inde à cette nation. L'un de ces bâti
mens eut ordre de porter au large , en diri
geant fa route à l'oueft & l'autre droit au
fud , afin de ne pas rencontrer l'ennemi . On
ajoute que la déclaration de guerre dans
l'Inde doit fe faire au mois d'Avril prochain.
En conféquence les vaiffeaux qui reviennent
d'Afie , ou qui s'y rendent , ne relâcheront
plus au cap de Bonne-Efpérance ; l'Ile de
Madagaſcar fera dorénavant le lieu de relache
entre Ste - Hélène & les Indes. Il femble
auffi que cette guerre contre la Hollande
étoit réfolue depuis plus de trois mois ; on
aflure du moins que l'Amirauté a déclaré
aux Négocians que l'Amiral Hood étoit
chargé d'ordres hoftiles contre les poffeffions
& les bâtimens des Hollandois aux
Indes Occidentales .
Cette nouvelle guerre n'eft guère goûtée
que des armateurs & des corfaires , qui fe
flattent de faire leur fortune : le refte de la
Nation ne la voit pas du même ceil ; les
Hollandois peuvent être pour nous des ennemis
très redoutables. Rien ne les empê
che de redevenir ce qu'ils ont été ; pour
rabattre un peu l'effervefcence de ceux qui
affectent de les méprifer , on a fait un ta
bleau du fameux combat livré en 1665 , qui
dura 4 jo urs , avec beaucoup d'acharnement
( 161 )
& des chances diverfes ; il trouve naturellement
fa place ici.
Louis avoit ordonné au Duc de Beaufort fon
Amiral , de mettre à la voile ; on croyoit que
l'efcadre Françoife à fes ordres , compofée de plus
de 40 vaiffeaux , entreroit dans la Manche . La flotte
Hollandoife , au nombre de 74 voiles , commandée
par Ruyter & Tromp , étoit en mer , & alloit
le joindre. Le Duc d'Albemarle & le Prince Rupert
commandoient l'efcadre Angloife , qui n'excédoit
pas 74 voiles . Albemarle , auquel fes fuccès fous
le Protecteur avoient infpiré trop de mépris pour
l'ennemi , propofa de détacher le Prince Rupert
avec 20 vaiffeaux , pour aller combattre le Duc
de Beaufort. Le Chevalier Georges Ay fcue , qui
connoiffoit à merveille la bravoure & les talens de
Ruyter , protefta contre la témérité de cette réfolution
, mais l'autorité d'Albemarle prévalut. Le
refte des vaiffeaux Anglois mit à la voile pour aller
livrer combat aux Hollandois , qui voyant l'ennemi
s'avancer rapidement contr'eux , coupèrent
leurs cables , & fe préparèrent à le recevoir. L'action
qui fuivit eft l'une des plus remarquables qui
aient été citées dans l'hiftoire foit que nous
confidérions fa longue durée , ou le courage avec
lequel elle fe livra. Albemarle juftifia en quelque
forte , par fa bravoure , la témérité de fon plan.
Un jeune héros animé par la gloire & l'ambition
n'auroit pas pu déployer plus d'activité que cet
Amiral , qui étoit alors fur fon déclin , & qui étoit
parvenu au faîte des honneurs. Nous n'entrerons
point dans de menus détails ; il fuffira de rappor
ter les principaux évènemens de chaque journée de
ce combat. Le premier jour , les Chevalier William
Berkeley , Vice-Amiral , Chef de file de l'avant-
garde , tomba au milieu des ennemis fut
accablé par le nombre , & fon vailleau pris . Il fut
trouvé lui- même mort dans fa chambre , tout cou
-
?
?
( 162 )
---
vert de fang. Les Anglois avoient le deffus du
vent fur l'ennemi , mais comme le vent fouffloit
avec tant de force qu'ils ne purent fe fervir de
leur batterie baffe , ils ne retirèrent qu'un foible
avantage de cette pofition. Les boulets des Hollan
dois touchèrent principalement leurs voiles & le
gréement , & peu de vaiffeaux furent coulés bas
ou fort endommagés . Le boulet ramé étoit alors
une nouvelle invention attribuée communément à
de Witt. Le Chevalier John Harman montra beau
coup d'activité en ce jour . L'Amiral Hollandois
Evertz fut tué en fe mefurant avec lui. La nuit
fépara les combattans . Le fecond jour , le vent
étoit un peu diminué , & les vaiffeaux ayant plus .
de ftabilité , le combat devint plus terrible. Les Anglois
reconnurent alors que la valeur la plus hé
roïque ne fauroit tenir lieu de la fupériorité da
nombre contre un ennemi qui eft bien dirigé , &
qui ne manque pas de courage. De Ruyter & de
Tromp , rivaux en gloire , & ennemis par faction ,
fe montrèrent à l'envi l'un de l'autre ; & de Ruyter
eut l'avantage de débarrafler & de fauver fon rival ,
qui avoit été enveloppé par les Anglois , & qui fe
trouvoit dans le plus grand danger. Seize vaif
feaux joignirent l'efcadre Hollandoife pendant l'ac
tion , & les Anglois étoient fi défemparés , que
leurs vaiffeaux en état de combattre étoient réduits
à 28 , & ils fe trouvèrent obligés de gagner leurs
côtes. Les Hollandois les fuivirent , & étoient fur
le point de renouveller le combat , lorfqu'un cal
me qui furvint un peu avant la nuit , y mit obf
tacle. Le lendemain matin , les Anglois furent
obligés de continuer leur retraite , & ils firent les
difpofitions convenables pour cet effet. Les vail
feaux défemparés eurent ordre de s'étendre de l'avant
, & feizc de ceux qui avoient le moins fouffert
fuivirent en bon ordre & en impofèrent à
l'ennemi. Albemarle lui-même forma l'arrière- gar(
163 )
---
que
de, & montra une contenance audacieuſe à fes
ennemis victorieux. Le Comte d'Offory , fils du
Comte d'Ormond , jeune homme plein de bravoure
, qui alloit chercher de la gloire & du danger
dans tous les combats qui fe livroient en Europe
, étoit alors à bord de l'Amiral, Albemarle lui
avoua qu'il étoit déterminé à faire fauter fon vail.
feau & à périr glorieuſement , plutôt que de fe
rendre à l'ennemi. Offori approuva ce deffein défefpéré.
Vers les deux heures , les Hollandois
avoient joint leur ennemi , & étoient prêts à renouveller
le combat , lorfqu'on apperçut une nouvelle
eſcadre dans le Sud , faiſant force de voile
pour atteindre le lieu de l'action . Les Hollandois fe
flattoient Beaufort étoit arrivé pour couper la
retraite aux vaincus , & les Anglois efpéroient que
le Prince Rupert venoit pour tourner la chance
du combat. Albemarle , qui avoit reçu avis de l'approche
du Prince , fit route vers lui . Par malheur
le Chevalier George Ayfcue , qui montoit un vailfeau
de 100 canons , le plus gros de l'efcadre
toucha fur les fables Galloper , & ne put recevoir
aucun fecours de fes compatriotes , qui fe hâtoient
de rejoindre le renfort . Il n'eut pas même
la confolation de périr avec gloire , & de venger
fa mort fur fes ennemis . Ils fe difpofoient à l'attaquer
avec des brûlots , & il fut obligé d'amener
. Les matelots Anglois virent avec la plus grande
indignation la néceffité où ils étoient de fé
rendre prifonniers. Albemarle & le Prince Rupert
réfolurent de tenir tête à l'ennemi ; le lendemain
matin le combat recommença avec des forces
plus égales & avec la même bravoure des
deux côtés. Après une longue canonnade , les ef
cadres combattirent de près avec beaucoup d'achar.
nement , jufqu'à ce que le brouillard les eût féparées
. Les Anglois fe retirèrent dans leurs ports.
-Quoique les Anglois , par leur -courage opiniâ-
,
-
( 164 )
tre , alent acquis la principale gloire dans ce com
bat , il eſt un peu douteux de quel côté fe rangea
la victoire. Les Hollandois prirent quelques vailfeaux
, & ayant emporté quelques avantages appa
rens , ils exprimèrent leur joie par tous les fignes
de la victoire ; mais les Anglois s'étant réparés
en peu de tems , & ayant mis en mer avec des
forces plus redoutables que jamais , & avec plus
fieurs vaiffeaux que les Hollandois s'étoient vanté
d'avoir brûlés ou détruits , l'Europe vit que ces deux
braves Nations étoient engagées dans une que
relle où la fupériorité de l'une ou de l'autre refe
roit long- tems indéciſe.
En général plufieurs citoyens voient avec
peine cette rupture ; l'article fuivant , inféré
dans tous nos papiers , contient peut-être
des rêves auxquels n'ont jamais penfé les
Puiffances à qui l'on fuppofe des projets de
conquête ou de reprife de poffeflion ; mais
il offre en même- tems l'expreflion des fentimens
des gens fenfés , fur les fuites que
doit avoir cette rupture , & c'est une raifon
pour nous de le citer .
La confédération des Puiffances fur le Continent
, & la dernière acceffion de la Hollande à
Gette confédération , ont pour objet plufieurs points
qui n'ont pas encore été découverts par le Miniftère
Anglois. Je vais lui en apprendre un; en
1607 , une grande partie de New-Jersey & de la
Penfylvanie , a été poffédée par les Suédois bien
avant que les Anglois y euffent jamais paru. Les
noms de leurs Villes qu'ils y ont confervé jufqu'à
ce jour , le prouvent , tels que , Caflimer , Helfenburg,
& autres. Il est également certain que la
Nouvelle - Amfterdam , appellée maintenant New-
Yorck , ainfi que Long-Ifland , & une partie de
( 165 )
New-Jersey , ont été poffédés & cultivés d'abord
par les Hollandois en 1608 , & appellés les nouveaux
Pays- Bas ; ils jouirent de cette poffeffion
pendant 60 ans , & la langue qu'on y parle le plus
aujourd'hui , eft l'Hollandois. Plufieurs même
des Eccléfiaftiques font tirés de la Hollande. -
En 1667 , leurs guerres terribles avec la France ,
qui fut fecondée par notre Roi Charles II
penfionné par elle , obligèrent les Hollandois à
céder les nouveaux Pays - Bas , c'eſt- à - dire , la Nouvelle-
Yorck & New -Jerfey à l'Angleterre , ainfi
que la partie Suédoife fituée fur la Delaware , qui
avoit été cédée auparavant à la Hollande.
4.
Mais les affaires de l'Europe ayant pris une autre
tournure , il a été arrêté par un traité conclu entre
les Etats Généraux & les Etats- Unis de l'Amérique
, que la Hollande reprendra fes anciens.
droits fur les nouveaux Pays -Bas , appellés Nouvelle
-Yorck , fur le New-Jerfey , & une partie
de la Penfylvanie ; pour cet effet , elle s'engage à
joindre les armes ce printems à celles de France
& du Congrès ; & ces Provinces , après avoir été
réduites , feront abandonnées entièrement , & en
pleine fouveraineté , pour toujours aux Etats-
Unis de l'Amérique Septentrionale , la Hollande
fe réfervant un commerce libre dans ce pays , avec
le droit de pêcher fur les bancs de Terre - Neuve.
Par ce traité , toute l'Europe eft unie étroitement
, & s'arme contre nous , je veux dire , la
France , l'Efpagne , l'Amérique , la Ruffie , la Suède
, le Danemark & la Hollande tous ces maux
qui nous menacent ont été attirés infenfiblement
fur ce pays par Bute & fon difciple North , qui
ricanoit , en entrant dans la Chambre des Communes
, lorfqu'il vint y annoncer la déclaration de
guerre de l'Espagne . Infenfible au danger éminent
dans lequel il a plongé ce Royaume par une guerre
avec notre ami naturel & notre meilleur allié ( la
-
( 166 )
Hollande ) , il s'égaiera fans doute de nouveau ;
& pour fournir aux dépenfes de la guerre , if
commencera par confifquer tous les millions que
des Hollandois ont dans nos fonds ; mais dans ,
un tel cas , les grands alliés fe vengeront fur les
Ifles que les Anglois ont aux Indes Occidentales.
Que le Ministère ne fe flatte point d'engager le
Roi de Pruffe à marcher dans les Domaines de la
Hollande ; il eft beaucoup plus porté pour cette
République , même par les liens du fang , que pour
ce Royaume ; mais en fuppofant même qu'il fût
enclin à fauver ce pays , l'Empereur d'Allemagne ,
ainsi que l'Impératrice de Ruffie l'obligeront à ref
ter tranquille. Tels font les malheurs qu'on a attirés
fur ce pays , fans compter la perte immenfe de notre
commerce. ン
Depuis la publication de la Gazette extraor
dinaire de la Cour du 9 de ce mois à 7 heures
du foir , on ne parle que de la prife & de la.
repriſe de Jerfey. L'extrait de la lettre du
Gouverneur Corbett a rabattu beaucoup de
l'importance que nos papiers ont affecté de
donner à cette expédition ; cela n'empêche
pas qu'ils ne la préfentent encore fous un
point de vue très-grave qui , s'il n'eſt pas
vrai , flatte du moins la vanité nationale. La
Gazette de Kent offre les détails fuivans.
Les François débarquèrent le 6 , à deux heures"
du matin , au Banc du Violet , à 4 milles de la
Ville. Ce lien , environné de rochers , n'étoit pas
défigné pour le débarquement ; mais la marée les y
pouffa . Quatre ou cinq bâtimens de tranfport ayant
à bord des troupes , périrent , ainfi qu'un corfaire
& quelques autres bâtimens armés qui devoient
couvrir le débarquement , qui s'effectua entre les 2
poftes que les François furprirent , après quoi ils
( 167 )
?
>
marchèrent vers la Ville , où ils prirent pofte dans
la place du marché ; ils s'allurèrent de toutes les
avenues , envoyèrent un parti à la maiſon du Gouverneur
, qui fut inveftic . M. Corbett inftruit de
leur approche , avoit envoyé déja avertir le 83e.
régiment , qui étoit à la baie de Grouville , & le
95e. , lorfqu'il fut fait prifonnier & conduit au
Baron de Rullecourt , à l'Hôtel- de- Ville , fur le
marché. On le requit auffi - tôt de figner une capitulation
, lui offrant des conditions honorables pour
les troupes & pour l'Ifle , s'il la rendoit , ainfi que
les Forts , & menaçant en cas de refus , de brû
ler la Ville & de paffer tous les habitans au fil de
l'épée. M. Corbett repréfenta qu'étant prifonnier
fa fignature étoit inutile , parce qu'elle ne pouvoit
lier l'Officier qui commandoit à fa place . Bientôt
après l'avis arriva que les troupes s'affembloient
& le Général François renouvella fes menaces de
mettre la ville en feu. Le Gouverneur figna pour
la fauver , & parce qu'il favoit que cette capitulation
n'engageoit à rien. On exigea alors de lui qu'il
allât , avec un fort parti , demander la reddition
du Fort Elifabeth . La garniſon rejetta certe propofition
, & tira fur le parti , dont plufieurs hommes
furent tués , & entr'autres , un Officier qui eut la
cuiffe emportée. Cette troupe fe retira , & le Gou
verneur fut encore obligé d'aller faire la même propofition
aux troupes qui s'étoient déja formées fur
les hauteurs , & qui la rejettèrent également ; elles
chargèrent M. Corbett , qui étoit fur la parole ,
de dire au Général François qu'elles l'attaqueroient
dans vingt minutes. Celui- ci exigea que fon prifonnier
l'accompagnât & partageât les risques du
combat. Ille mena en conféquence au
du feu ; mais quelques minutes après le Général
François reçut une balle à la bouche qui lui empor
ta le menton , & reçut en même tems d'autres
bleffures. Le Major Corbett , dont le chapeau avoit
milieu
( 168 )
été percé de deux balles , le ramena à l'Hôtel-de-
Ville , où il mourut. Vers ce tems , les François
incapables de réfifter aux troupes réglées & à la
milice , lâchèrent le pied. Le fecond de l'armée
Françoiſe pria le Major Corbett de reprendre fon
commandement
, en déclarant qu'il fe rendoit pri
fonnier de guerre avec les troupes. Ce ne fut qu'a vec peine que le Gouverneur , fecondé d'un autre
Officier , parvint à faire ceffer le feu. Plufieurs
François avoient déja mis les armes bas & s'étoient
enfuis dans la campagne.
Pendant ce tems , le
Capitaine Campbell , avec une partie du 83e. Ré giment , venant de la baie de Grouville , étant joint
par le Colonel Meſfewy , à la tête de la milice ,
& quelque artillerie , attaqua à la Roque un corps
ennemi faifant partie du fecond débarquement. Plu fieurs furent tués , quelques-uns s'enfuirent dans le
pays , & le refte fe rendit prifonnier. Beaucoup de chaloupes pleines de troupes qui tentoient de débar
quer , après avoir effuyé le feu de l'artillerie , re
gagnèrent quelques bâtimens armés envoyés pour
les protéger . Plufieurs partis allèrent à la pour
fuite des traîneurs , dont on amenoit un grand nombre
d'heure en heure , & on ne doutoit pas qu'ils
ne
fuffent tous faits prifonniers en peu de tems.
Le Colonel Pierſon fut tué au momentoù les Franhommes
çois lâchoient le pied. Nous avons eu so de troupes réglées & 20 de la milice , tués , uu
grand nombre de bleffés , parmi lesquels plufieurs
perfonnes de marque « . On ne manque pas d'ajouter à ces détails
que les papiers trouvés fur le Baron de Rullecourt
annonçoient
un nouveau débarquement
plus confidérable
pour feconder le prele
nommier.
Selon d'autres lettres on porte bre des François à 3 ou 4000 hommes. Et il
eft de fait que ce n'étoit qu'une incurfion de
particuliers
( 169 )
particuliers dont la Cour de France ne s'eft
mêlée en aucune manière , & qui avec des
lettres de marque qu'ils avoient obtenues ,
avoient levé quelques hommes & avoient
débarqué dans l'ifle. Les troupes qu'ils ont
employées à l'invafion de Jerſey étoient
d'environ 900 hommes ; celles qui étoient reftées
au nombre de 200 à la garde des bateaux
s'en font retournées avec les bâtimens qui
les avoient toutes amenées . Il est tout fimple
que les 700 hommes qui ont pénétré dans
l'ifle aient cédé aux troupes réglées que nous
y avions & à la milice qui les renforçoit . On
peut juger par le nombre des François que
leur entrepriſe fe bornoit à une invafion qui
devoit finir par leur retraite après avoir pillé
ce qu'ils auroient pu . Une pareille expédition
faite par le Gouvernement ou de fon
aveu auroit été exécutée avec d'autres forces
& fur un autre plan , par des troupes réglées ,
conduites par des Officiers , & protégées par
des vaiffeaux. Il eft très- certain que les aventuriers
qui ont rifqué d'aller à Jerſey , n'avoient
pas un bâtiment armé pour couvrir
leur débarquement ,,pas même un feul corfaire
qui les ait accompagnés . Toute l'artillerie
qu'ils avoient avec eux confiftoit en 4.
pièces de canons de 4 , & 2 mortiers de g
pouces ; ce n'eft pas avec cela qu'on attaque
des forts & qu'on peut efpérer de les écrafer.
Le Gouvernement Britannique paroît mieux
inftruit de la nature de cette expédition ; &
biston dit qu'il ſe bornera aux détails qu'il a pu-
27 Janvier 1781.
h
( 170 )
bliés dans fa Gazette extraordinaire & qu'il
n'en donnera pas d'autres.
Depuis la rentrée de l'Amiral Darby on
travaille fans relâche à réparer les vaiffeaux
qui , par le travail qu'ils exigent ont infini
ment fouffert ; mais on ne parle point de
fa croifière ; nos papiers cherchent à fuppléer
à ce filence par divers détails de la
rencontre qu'il a faite de l'efcadre Françoiſe ;
on ne manque pas d'ajouter qu'il a fait tous
fes efforts pour la combattre ; que les enne
mis ont toujours évité de s'engager , & que
les vents ne l'ont pas affez favorifé pour les
y forcer ; mais la Cour fe tait fur ces détails ;
& s'ils avoient quelque apparence de vrai
femblance , elle n'auroit pas eu la modeftie
de les fupprimer,
Le Commodore Johnſtone a accepté le
commandement de l'efcadre deſtinée pour
l'Inde ; le Chevalier Pallifer fe trouve par-là
privé de l'efpoir de fervir de long-tems . Le
Commodore a déja eu l'honneur d'avoir
une conférence avec le Roi. Il est toujours
queftion d'envoyer des fecours à Gibraltar ,
& on dit que le Prince Guillaume-Henri
fera encore à bord de la flotte chargée de
cette commiffion. Il refte à défirer que celui
qui la commandera foit auffi heureux que
l'a été l'Amiral Rodney.
FRANCE.
De VERSAILLES , le 23 Janvier.
Le Roi a nommé à l'Abbaye de Mau
( 171 )
buiffon , Ordre de Câteaux , Diocèfe de Paris ,
Madanie de Baynac , Abbeffe de S. Loup
d'Orléans , même Ordre , & à celle de S.
Loup , même Ordre , Diocèfe & ville d'Orléans
, Madame de Peguilhan de Larbouft ,
Religieufe Profelle au Paravis , Ordre de
Fontevrault , Diocèle de Condom.
Le 14 M. de Pollinchove , a prêté ferment
entre les mains du Roi pour la place de
premier Préfident au Parlement de Douai.
Le même jour la Comteffe François d'Efcars
a eu l'honneur d'être préfentée à LL . MM .
& à la Famille Royale , par la Comteffe Perufe
d'Efcars , ainfi que la Comteffe de
Choifeul-Stainville , par la Marquife de Choifeul-
la-Beaume ; la Comteffe Hipolyte de
Choifeul par la Vicomteffe de Choifeul
Dame du Palais ; la Baronne de Montef
quiou par la Marquife de Montefquiou ; la
Marquife de Coetlogon par la Comteffe
de Sabran ; la Marquife de Vintimille par la
Comteffe de Vintimille , & la Comteffe du
Dognon par la Comteffe de Montmort .
MM. Moreau & Defmaifons , Architectes
du Roi , de l'Académie Royale d'Architecture
, eurent l'honneur de mettre le
inême jour fous les yeux de S. M. , le modèle
en relief du nouveau bâtiment du Palais à
Paris. Ils furent préfentés à S. M. par M.
Neker , Directeur- Général des Finances. Ce
modèle a été exécuté par M. Raſcalon , Sculpreur.
h2 .
( 172 )
De PARIS , le 23 Janvier.
LES armemens deſtinés à protéger les
grands convois qui doivent patir inceffamment
, fe pourfuivent avec la plus grande
activité. On travaille jour & nuit à Brest
dans tous les baffins , éclairés par des réverbères
, & où les ouvriers fe relèvent
pour ne point fufpendre les travaux. Des
lettres du 14 annoncent qu'il y a déja 19
des vaiffeaux ramenés par M. le Comte
d'Estaing , qui font prêts , ce qui en fait 28
avec ceux qui étoient depuis long - temsen
rade.
Les mêmes lettres portent que le 9 il eft
forti 4 vaiffeaux de ligne , 2 frégates & 2 cutters
, pour une courte croifière. On les
croyoit chargés d'aller chercher la divifion
des 6 bâtimens vivriers , aux ordres de M.
de Macnemara , qu'on avoit envoyée pour
ravitailler l'efcadre de M. le Comte d'Ef
taing ; cette divifion , dont on étoit en peine
, eft rentrée le 12 ; le même jour on a
vu arriver auffi tous les vaiffeaux que le
Vice- Amiral avoit chargé de l'escorte du
convoi .
Aux détails que nous avons donnés ,
d'après des lettres de St -Domingue , nous
joindrons ceux- ci , tirés des Affiches Américaines
du Cap , du 14 Novembre.
Nous avons enfin des nouvelles de M. le Chevalier
de Monteil , & depuis quelques jours nos alar
mes font diffipées . Il a , comme on peut le penfer
( 173 )
·
après le tems qu'il vient d'effuyer , grand befoin
de ramener fon Efcadre dans le Port ; mais il croit
néceffaire de tenir la mer pour être à portée de
donner des fecours aux malheureux échappés à la
tempête & qui feroient pouflés fur nos côtes. Voici
ce que nous avons appris de fes opérations.
Sorti le 10 du mois dernier , pour nettoyer la côte
infectée de Croifeurs ennemis , ce Chef- d'Eſcadre
avoit , dit- on , pour objet de favorifer l'attérage
d'un convoi qu'on attendoit d'Europe , d'escorter juf
qu'à la pointe de Mayfi une flottille allant à la Havane
, & de troubler un peu la fécurité avec laquelle
les Anglois de la Jamaïque s'éloignent de leurs côtes
; mais l'ouragan a dérangé fes projets en pouffant
fon Efcadre à la hauteur de Porto-Rico , où il
a été forcé de relâcher plufieurs jours à la pointe
de l'Aiguade , ayant cependant toujours l'attention
de tenir plufieurs Vaiffeaux à la mer pour protéger
le paffage des bâtimens françois : c'eft là que M. de
Monteil apprit le défaftre du convoi déradé de la
Martinique. Renonçant alors à tous projets hoftiles
qui l'éloigneroient des parages , où il prévoyoit que
les Navires de ce convoi alloient être pouffés , il a
facrifié la gloire brillante de faire du mal à l'ennemi ,
à celle plus folide & plus digne d'un bon Citoyen
de fecourir les Sujets du Roi ; il a établi à cet effet
différentes croiſières qui ont eu le plus heureux fuc
cès , & ont été très - utiles , foit par leur fecours
foit par leurs avis , à nombre de Bâtimens françois ,"
alliés ou neutres. -→→→ Ayant fçu que quatre Navires,
du convoi difperfés avoient fait côte au fud de
Porto - Rico , le Chef d'Efcadre y envoya fur le
champ une Frégate pour leur donner toute l'affiftance
dont ils pourroient avoir beſoin : il fit paffer enfuite
au fud de Saint- Domingue le Vaiffeau du Roi
l'Actionnaire , pour la fûreté des Navires qui y feroient
jettés ; & c'eft fans doute auffi dans les mêmes
vues qu'il a expédié pour une miffion particulière
h 3
( 174 )
--
:
quatre autres Vaiffeaux qui vraisemblablement l'ont
depuis rejoint enfin , on ne peut rien ajouter aux
foins que ce Général a pris pour la confervationdes
Bâtimens du commerce dans cette malheureufe cir
conftance. L'Eſcadre du Roi , continuant la croifière
, eut connoiffance , le 5 de ce mois , d'un Vaif.
feau de guerre Anglois & d'une Frégate de la même
Nation , & leur donna chaffe pendant 36 heures.
Ceux- ci doublés en cuivre & de la marche la plus
avantageufe ont échappé , malgré tous les efforts
qu'on a faits pour les joindre. On alla reconnoître
enfuite trois voiles qui fe trouvèrent être les Navires
l'Union , le Comte d'Artois & l'Elifabeth faifant
partie du convoi . L'Efcadre les a efcortés juf
qu'à l'entrée de la rade où ils ont mouillé le 8 .
» Le navire les Trois-Graces , de Liverpool ,
écrit-on de Saint - Malo , pris le 6 Juillet dernier
, & amené ici les par le corfaire Madame , de
46 canons , armé à Grandville par M. Deflandes
, fous le commandement de M. Langlois ,
vient d'être déclaré de bonne priſe par Arrêt du
Confeil du Roi , du 7 de ce mois. Ce navire ,
appellé ci - devant la Jeune Agathe de Bordeaux , du
port de 300 tonneaux , avoit été pris ci - devant
par les Anglois. Dès ce moment , il n'étoit jamais
forti des mains des propriétaires Anglois . Il étoit
commandé par un Capitaine & un Lieutenant ha
bitués depuis plufieurs années en Angleterre , &
engagés au fervice de cette Puiffance ; l'équipage
étoit prefque tout entier Anglois , devoit revenir
dans un des ports de cette Nation , & avoit en
outre cinq François prifonniers à qui il avoit promis
une récompenfe s'ils s'embarquoient fur ce
navire , qui s'étoit procuré par fraude un paffeport
& un pavillon Hollandois , & qui , à la faveur
de deux pièces informes , démenties par d'au .
tres actes ou par des faits contraires , prétendoit
colorer fon apparence neutre. Cependant le 9 Août
( 175 )
dernier , il intervint au Confeil des Prifes un Jugement
qui , fur l'apparence du paffe-port Hollandois
› prononça la main-levée du navire & de fa
cargaifon ( tabac , cacao , gingembre & plomb ) .
M. Deflandes en a interjetté appel au Confeil Royal
des Finances , qui vient de lui adjuger cette prife ,
qui eft la feule que le corfaire Madame ait pu faire
à fa première croifière , à caufe des mauvais tems
continuels qu'il a effuyés , & de la quantité des
neutres qu'il a rencontrés. Cependant cette frégate
a fait cinq rançons , & pendant vingt-fept jours
qu'elle a croifé dans le Nord de l'Irlande , elle y a
mis à la côte plufieurs navires Anglois , dont elle
a brûlé partie. Ce corfaire eft maintenant dehors
fous le commandement du même Capitaine M.
Langlois «.
•
Ŏn mande de l'Orient que la frégate
l'Ariel , commandée par le Commodore
Paul-Jones , appareilla de ce Port le 18 Décembre
dernier pour l'Amérique Septentrionale.
On prépare dans ce Port un armement
pour l'Inde , dont le Serapis , le Brif
fon , les Amis & le Maurepas , feront partie :
le premier fera commandé par M. Roche ,
les autres font frétés par le Roi pour l'Iflede-
France.
3
» M. de Lattre-le - Grand , Capitaine du corfaire
le Furet , de Dunkerque , montant 8 canons , 10
pierriers & 35 hommes d'équipage , a rançonné fur
les côtes d'Irlande trois bâtimens , dont il a retiré
3300 guinées , qu'il a déposées à Breft , à fon arri
vée dans ce port . Il avoit pris de plus le bricq la
Providence , Capitaine Brook-Bant , venant de Dublin
, & allant Corke , chargé de boeuf falé
fucre douves & bariques. Ce bâtiment difoit
qu'il avoit été rançonné le 11 Décembre dernier ,
par un corfaire Américain ; mais M. de Lattre
"
"
h 4
( 176 )
ayant bien examiné le billet de rançon qu'on lui
préfentoit , le foupçonna de faux , & conféquemment
il amena en France fa prife , qui eft arrivée
à Breft le 29 du même mois . Dès que le Capi
raine du Furet eut touché terre , il fit fa déclara.
tion à cet égard , & le lendemain le Capitaine
du bricq & fon équipage ayant été interrogés par
le Juges de l'Amirauté de Breft , le Capitaine An.
glois a avoué la fauffeté du billet qu'il avoit fourni
; il a même avoué que le billet avoit été fa
briqué & imprimé à Dublin , qu'il en avoit encore
à fon bord deux de la même eſpèce : en effet , ils
y ont été trouvés. Par cet aveu , la prife eft ref
sée au profit du Furet & de fes Actionnaires : on
l'eftime 60 à 70,000 liv.
Le Patriote , corfaire de Granville , & le
Bougainville , de St-Malo , ont appareillé le
5 de ce mois de ce dernier Port , le premier
pour commencer fa croiſière & le fecond
pour continuer la fienne.
On mande de Toulon qu'on y arme les
frégates l'Alceste , la Veftale & la Boudeufe.
La corvette du Roi la Blonde a été lancée
le 5 , & la Brune ne tardera pas à l'être.
Il y a encore fur les chantiers deux autres
Corvettes qui doivent en fortir à la fin de
Février.
» Les navires de Bordeaux qui étoient dans le
convoi de M. d'Estaing , écrit - on de Nantes , Y font
arrivés les de ce mois , fans avaries , au nombre de
41. Les Capitaines difent , ainfi
qu'ils ne peuvent allez reconnoître les attentions &
que ceux de ce port ,
les bons traitemens de ce Vice- Amiral . La fatisfaction
que nous avons eue de voir arriver les navires
de ce port qui étoient fous le convoi vient d'être
diminuée. Les vents d'Eft forcés & les glaces que
( 177 )
nous avons depuis quelques jours , ont fait échouer
plufieurs de ces bâtimens , & entr'autres le Jean-
Marie , le Tobie , la Baronne de Bage & le Majeftueux.
On craint que les chargemens n'en foient endommagés
. Le chébec le Singe , de Marſeille
qui eft parti du Port- au Prince à la fin d'Octobre ,
avec 120 hommes , eſt de relâche à la côte d'Efpagne
<<.
Le Miniſtère , à la première nouvelle de
la déclaration de guerre de la Grande - Bretagne
contre la Hollande , s'empreffa , comme
nous l'avons dit , d'en faire donner avis
à tous les bâtimens marchands de la République
qui fe trouvoient dans nos Ports.
Le 25 Décembre le Miniftre de la Marine
adreffa la lettre fuivante à M. Miftral , Commiffaire
général des Ports & Arfenaux de la
Marine en Normandie.
» Je vous préviens , M. , que l'Angleterre a déclaré
la guerre à la Hollande , par un Manifefte
qui a paru à Londres le 21 de ce mois ; comme il eft
très -important que tous les Capitaines des navires
Hollandois foient inftruits promptement de cette
nouvelle , j'écris en conféquence aux Commiffaires
& Syndics des Claffes du département du Havre .
S. M. a donné des ordres pour que les Commandans
de fes vaiffeaux , frégates & autres bâtimens
de guerre , prennent fous leur protection , toutes
les fois qu'elle fera réclamée , les navires des Etats-
Généraux qu'ils rencontreront en mer . Il faut que
les Capitaines des corfaires François ayent la même
attention. Vous les informerez de la volonté du Roi
à cet égard .
Parmi les difcours qui ont été prononcés
à Verfailles à l'occafion de la mort de l'Im-
`hs
( 178 )
pératrice Reine , on a diftingué ceux de M. de
Nicolaï , premier Préfident de la Chambre
des Comptes. Nous nous empreffons de
les faire connoître à nos Lecteurs , qui ,
après les avoir lus , ne feront pas étonnés du
fuccès qu'ils ont eu. Le premier a été
adreffé au Roi.
» SIRE , l'hommage que l'on doit à la cendre
des Souverains que le Ciel fit naître pour l'exem
ple de la terre & le bonheur des Peuples , c'eft de
publier l'hiftoire de leur vie ; le récit de leurs ac
tions immortelles leur fert de panégyrique ; la re
nommée les confacre à la reconnoiffance de leur
fiècle , elle difpute , elle affure même en leur faveur
le jugement de la févère , mais équitable pofté
rité. Voilà , SIRE , le tribut que demande la mémoire
de l'Augufte Impératrice que nous pleurons ;.
elle repoufferoit un autre éloge. Née ſur le Trône ,
& bientôt appellée à partager la Couronne Impériale
, voyez- la , SIRE , lutter long- tems contre
les évènemens & prefque toute l'Europe , mais tou
jours fupérieure aux revers , déployer dans l'adverfité
l'énergie de fa grande ame. Enfin , un ordre de
deftinées plus heureufes vient d'éclore , il femble
que l'héroïsme de MARIE-THERESE ait fur la
politique le même empire que fur les coeurs , les
intérêts oppofés fe concilient & les Puiffances rivales
deviennent alliées : l'Hiftoire fe chargera de
peindre la derniere guerre ; pour nous , SIRE,
nous aimons à nous arrêter à ces tems dont le fouvenirfera
toujours cher aux François . La paix eft
déclarée , & le repos de l'Impératrice va faire le
bonheur du monde. Elle ne fe bornera point dans
l'intérieur de. fon Palais aux foins de fon Empire ;
miniftre des décrets de la Providence , elle y forme
des Souverains , elle prépare une Reine à la France :
ainfi l'Epouſe & la Mere des Céfars aura vu fon
( 179 )
Augufte Maifon s'affeoir fur les Trônes & régner
fur les plus belles contrées. C'eft au fein des profpérités
les plus éclatantes , qu'adorée de les Peuples ,
refpectée , admirée de fes voifins , laiffant aux Rois
un modèle , des regrets , un long fouvenir de fes
vertus aux Nations , elle a terminé fa carrière. Rien
n'a manqué , SIRE , à la gloire de l'Impératrice ,
mais il a manqué à fon bonheur de voir naître de
fon fang l'héritier de cet Empire : fans doute , la
Providence , fenfible à nos voeux , réferve ce bienfait
à cette époque brillante & prochaine , où la
France pourra , en béniffant dans fon Roi le Pere de
fes Sujets , révérer en même tems le Pacificateur
& l'Arbitre de l'Europe «<,
·
Le fecond a été adreffé à la Reine.
» MADAME , nous venons offrir à VOTRE
MAJESTÉ le tribut de nos larmes . L'hommage
que nous rendons à la mémoire de l'Impératrice
eft l'expreffion de la douleur publique : l'éloge des
bons Rois eft dans tous les cours ; leur perte laiffe
l'Univers dans le deuil , & le monde les pleure com.
me font leurs Sujets. Ne vous refufez point
MADAME, à nos confolations ; puiffent du moins
notre admiration & nos regrets adoucir la rigueur
de votre facrifice : confervez-vous pour reproduire
parmi nous votre Augufte Mere. Les jours de Votre
Majefté appartiennent à la France , & leur durée eſt
le gage de la profpérité de notre Empire & du bonheur
du Roi «.
M. Serain , Chirurgien au Château de
Canon , nous a fait paffer les détails ſuivans :
» En applaniffant un monticule , dans le lieu où
je réfide , à cinq lieues en deçà de Caen , les ouvriers
trouvèrent à deux pieds de profondeur , des
offemens humains , du charbon & des anneaux en
affez grand nombre , pour faire croire que ce ter
rein avoit fervi de fépulture. Arrivés vers le mih
6
( 180 )
lieu de cette éminence , ils découvrirent fucceff
vement fept foffes fituées à quatre pieds de diftance
l'une de l'autre ; les fix premières contenoient des
fquélettes entiers , dont les têtes étoient fituées vers
le levant , & fous chacune d'elles étoit un anneau
de cuivre rouge de deux pouces de diamètre & de
deux lignes d'épaiffeur. Le feptième fquélette avoit
ceci de particulier , que fa tête dirigée vers le nord
pofoit fur deux anneaux , qui ne différoient qu'en
ce que l'un avoit quatre pouces de diamètre , &
l'autre placé dans le centre du premier avoit deux
pouces. Je conferve une de ces pièces, qui eft trèschargée
de verd de gris , & fur laquelle je n'ai
découvert aucunes traces d'infcription. Toutes ces
foffes contenoient en outre du charbon , qui , à la
couleur près , reffembloit beaucoup à l'amiante.-
On fait que la coutume de mettre du charbon dans
les foffes fepulchrales , ou même dans les cercueils
, a eu lieu jufques vers le douzième ſiècle ;
mais j'ignore ce que fignifient ces annicaux , quels
peuples & quelle religion avoient cet ufage , dans
quels tems il a fini , pourquoi cette différence dans
la pofition des cadavres , dans le nombre & la grandeur
des anneaux. Je fupplie les perfonnes inftruites
des anciens ufages , de dépofer dans votre
Journal ce que leurs recherches leur auront appris
fur ce fujet «.
Le 28 Novembre dernier , M. Tresllet ,
dit Lacrimofa , Bourgeois de Gannat , Généralité
de Moulins , renouvella fon mariage
après 2 ans , dans l'Eglife des Religieufes
du lieu. Il a 82 ans & fa femme
84. La cérémonie fut faite par M. l'Abbé
Bourdichon , Prêtre , Doyen , Sous - Chantie
& Communalifte de la Communauté de Ste-
Croix de Gannat , âgé lui même de 84 ans.
( 181 )
}
Une foule innombrable y affifta . Le couple
fut reconduit chez lui au fon des tambours ,
des fifres & des hautbois , on y avoit
préparé un grand repas après lequel il y
eut bal qui fut ouvert & clos par les mariés
qui parurent fort joyeux de la Fête
qu'ils donnoient & dont ils étoient l'objet.
S. A. S. Monfeigneur le Duc de Penthièvre ,
écrit-on de Tréport ,à la premiere infpection qu'il
a faite de fon Comté d'Eu , ayant vu avec peine
la trifte fituation du port de Tréport autrefois floriffant
, mais qui depuis long-tems abandonné à
lui même , n'offroit plus qu'une retraite aux
plus petits vaiffeaux , ) a daigné s'en occuper.
·
S. A. en a fait elle -même un examen particulier
au mois de Septembre 1777 ; avec M. Deceffart
Ingénieur du Roi en Chef pour les Ponts & Chauf
fées , & les Ports Maritimes de Commerce de la
Généralité de Rouen , elle a ordonné d'exécuter à
fes propres frais , une éclufe de chaffe capable de
débarrafler le port du galet dont il étoit eucombré..
Cette éclufe conftruite en pierre de taille
ayant un débouché de plus de 400 pieds fuperficiels
, a été commencée au mois de Mai 1778 ,
& totalement finie & exécutée au mois de Septembre
1780 , d'après les projets & fous l'infpection
de M. Deceffart , Ingénieur du Roi ; la con-
―
---
duite du travail & les détails de l'exécution ont
été confiées à M. de Lamblardie , Ingénieur du
même Corps , au Département de Dieppe . Les
avantages que cette éclufe a déjà procurés depuis
fa perfection , font regarder ce monument de la
bienfaifance du Prince , comme un renouvellement
de l'ancienne fplendeur dont a déjà joui le Tréport.-
Le chenal de ce port débarraffé en partie par la
chaffe des éclufes depuis le peu de tems qu'elles
jouent , fait dire à tous les marins des environs ,
( 182 )
qu'il en fera un de relâche pour tous les bâtimens
qui , fuivant la côte de France , en ont befoin au
nord & à Saint-Vallery-fur- Somme , des bancs du
quel il n'eft éloigné que de trois lieues ; il ne fera
pas moins utile aux bâtimens qui venant du nord
& contrariés par les vents , font fouvent forcés de
retourner à Boulogne ou Calais , faute d'une retraite
voifine après le paffage des bancs de Somme ;
le commerce n'auroit plus rien à défirer pour ce
´port , fi les jettées en bois qui en forment l'entrée
étoient prolongées & réédifiées ; on ofe l'espérer
des bontés d'un Roi qui ne s'occupe que du bonheur
de fes fujets. Il monte actuellement dans les
grandes mers de vive eau à marée haute , vingtdeux
pieds d'eau à la tête de la jettée d'amont ,
& douze à treize dans la morte eau ; lorfque par
l'effet des éclufes & le prolongement des jettées ,
leur tête touchera la laiffe de bafle-mer , il montera
alors trente-trois , à trente-quatre pieds d'eau
dans les vives eaux , & vingt-cinq environ dans les
mortes eaux ce qui donnera lieu aux navires marchands
, de quelque grandeur qu'ils foient , d'y relâcher
en tout tems. Je me flatte , M. , que vous
voudrez bien rendre publique cette lettre par la
voie de votre Journal , comme intéreffant la marine
entière , & comme un foible témoignage de
nos fentimens refpectueux de reconnoiffance pour
un Prince qui a voulu , à quelque prix que ce foit ,
relever & rétablir le commerce des pêches fraîches
& falées dans un port que quelques années de plus
d'abandon à lui - même , auroient forcés les valfaux
à abandonner entièrement ; Signé RUBION
"
Le fieur Rubion , Négociant à Eu , & Armateur à
Tréport, où il a maiſon , offre aux bâtimens tant nationaux
qu'étrangers qui relâcheront à Tréport, & n'y
auront pas de connoiffance , tous les fecours dont ils
pourront avoir befoin , foit en vivres , argent ,
&c. & fe charge de procurer aux derniers des
interprêtes de leur nation «<..
( 18 ; )
On lit dans l'Affiche de Limoges du 10 de
ce mois , qu'il exifte , à Saulgone dans un
moulin appartenant au Comte de l'Eippeau ,
une Meunière âgée de 100 ans. Cette femme
dont la fanté n'a jamais été altérée , & qui eft
fans infirmités , remplit encore elle- même
les fonctions de fon état. Elle lit facilement
fans lunettes & va à pied les Dimanches &
Fêtes entendre la Meffe à un quart de lieue
de fa demeure.
Celle du Maine parle d'un autre cente
naire. C'eſt un Tifferand habitant le bourg
de Béthune , à une lieue de la Trimouille
en Poitou ; il eſt âgé de 108 ; juſqu'à l'âge
de 104 , il a exercé fon métier & il l'exerceroit
encore fi fa famille ne l'avoit preffé de
fe repofer. Son occupation habituelle eft
d'aller rendre vifite à fes voisins qui ne
peuvent fe laffer d'admirer fa bonne conftitution.
Agathe- Jeanne-Marie , fille mineure de
Bernard O- Reilly des Princes Souverains
d'Hy- Briand- Drefny , l'une des premières
branches de la race royale la plus illuftre
de l'Irlande , de l'Ecoffe & de l'Angleterre ,
eft morte en cette ville le 14 de ce mois ,
rue des Coutures- St- Gervais.
Le Roi ayant, par fon Ordonnance du 12 Juin
1780 , affujetti à l'ordre des Claffes pour le fervice
de fes vaiffeaux , tous les Bateliers & Pêcheurs
de la riviere de Loire & de celles affluentes , a
fixé par une feconde , en date du 1er. Novembre:
dernier , les lieux & paroiffes dont chaque déparzement
& quartier des Claffes doit être compofé..
( 184 )
Le Roi réunit d'abord au quartier de Nantes plu
fieurs Paroiffes . Les autres , fituées fur les bords de
ces rivières , font partagés en 4 départemens . Le
premier , qui eft celui d'Angers , renferme 3 quartiers
, celui d'Angers , celui d'Ingrande & de Saumur.
Le département de Tours eft le fecond , renfermant
les quartiers de Tours , de l'Ifle Bouchard , dépendant
du premier , & de Selles en Berri . Le département
d'Orléans eft le 3º . contenant le quartier d'Or
léans . Le quatrième département , qui eft celui de
Nevers , n'a qu'un feul quartier non plus.
Arrêt du Confeil d'Etat du Roi du 25 Novembre
1780 , qui lève la furféance de la vente des Offices
des Jurés- Prifeurs , ordonnée par Edit de Février
1771. - Ordonne Sa Maiefté qu'il fera procédé par
le Receveur des Revenus Cafuels à Paris , & par
les Préposés dans la Province à la vente des Offices
des Jurés-Prifeurs , vendeurs de biens- meubles , fupprimés
& recréés par l'Edit du mois de Février 1771
dans toutes les Villes , Bourgs & Lieux où il y a
Juftice Royale. Ces Offices feront établis dans
chaque Bailliage ou Sénéchauffée , au nombre qui
fera jugé néceffaire. Ils pourront être levés par
un ou plufieurs Acquéreurs , mais feulement pour la
totalité dans chaque Bailliage ou Sénéchauffée , en
tel nombre qu'ils foient divifés .
―
A la fuite de cet Arrêt eft l'état annexé , contenant
la fixation collective des Offices qui pourront
être établis dans chaque Bailliage ou Sénéchauffée ,
avec la faculté de la divifer en autant de parties qu'il
fera demandé d'Offices dans chacun de ces refforts
& les Pourvus ne feront point tenus à réſidence.
Les Pourvus ou Propriétaires des Offices fupprimés
par l'Edit de 1771 , feront préférés , mais à la charge
par eux de lever la totalité des Offices du reffort du
Bailliage ou Sénéchauffées où ils fe trouveront fitués,
& de payer la finance dans trois mois , à compter du
jour de la publication du préſent Arrêt , fur laquelle
( 185 )
--
finance il leur fera tenu compte de ce qui pourra
leur être dû pour le remboursement de 1771 , ils fe.
ront exempts de nouvelles provifions , preftation de
ferment , & c. Les Acquéreurs pourront faire exercer
lefdits Offices par des Commis ou Préposés à la
charge , & c. Sont difpenfés les Pourvus du droit de
Centième denier dont il leur eft fait don & remife ,
& même exempts de ce payement annuel jufqu'en
Décembre 1788 , en payant le 24° denier du prix de
la finance . Les droits de Marc d'or & de Sceau des
premieres provifions feront modérés au tiers.
Les Jurés Prifeurs de la Province du Haynault continueront
d'exercer leurs Offices & de compter des
quatre deniers pour livre de la vente au Régiffeur de
Sa Majefté , fi mieux n'aiment dans trois mois pour
tout délai , payer , par augmentation de finance , le
montant des fixations de Bailliage & Prevôtés de
ladite Province , portées en l'état annexé au préfent
Arrêt.
Les numéros fortis au tirage de la Loterie
Royale de France du 16 de ce mois , font :
56 , 74 , 80 , 41 & 83.
C
Plufieurs de nos Lecteurs ayant defiré la
note des paiemens de l'Hôtel- de- Ville de
Paris , nous indiquerons à l'avenir à la fin
de chaque femaine les lettres où en font
les payeurs. Hier ils en étoient tous à la
lettre L.
De BRUXELLES , le 23 Janvier. !
SELON les lettres de Lisbonne , les Anglois
retirent journellement de ce port les
prifes Hollandoifes qu'ils y ont amenées,pour
les conduire en Angleterre. La nouvelle de
la déclaration de guerre contre la République
y a fait beaucoup de fenfation. Les Né(
186 )
gocians qui employoient encore les navires
Hollandois , parce qu'on les affuroit à un
prix raifonnable qui vient d'augmenter prodigieufement
, refuſent à préfent de leur
confier des marchandiſes , & ils viennent de
faire décharger celles qu'ils avoient déja fait
embarquer & qui étoient prêtes à partir .
Une lettre de Venife offre une nouvelle
preuve de la conftance Angloiſe dans des
principes qu'on a fouvent reprochés à cette
nation , qui a depuis long-tems accoutumé
les ennemis , que fon orgueil & fon imprudence
lui ont attirés , à voir attaquer leurs
poffeffions long - tems avant que la guerre
leur ait été déclarée.
» Il vient d'arriver à Veniſe ( ſur la fin du mois
dernier ) fix Officiers Anglois , dans l'état le plus
miférable , ayant à peine les vêtemens néceffaires ,
& qui ont trouvé de foibles fecours dans la charité
de leur Miniftre & de leur Conful qui ont
été fi fouvent la dupe de toutes fortes d'aventu
riers , qu'on ne peut s'étonner fi leur bienfaiſance
eft circonfpecte. Ceux- ci cependant doivent être
diftingués . Voici ce que l'on raconte de leur miffion
& de leur malheur. La Cour de Londres ,
preffée de faire parvenir à l'Amiral Hugues dans
I'Inde , la nouvelle de la rupture avec la Hollande ,
& l'ordre d'attaquer les poffeffions de la Républi
que avant qu'on s'y doutât qu'elles puffent être
menacées , avoit fait partir ces Officiers qui devoient
fe rendre par terre dans ces contrées , &
fe féparer pour porter des ordres dans tous les
endroits où il étoit important qu'ils arrivalſent
promptement. Sur les côtes d'Egypte , le vaiffeau
qui les portoit fut pris par un corfaire Dulcignote ,
qui dépouilla les exprès Britanniques , & leur enleva
leur argent , leurs hardes & leurs dépêches,
( 187 )
Après bien des traverfes , un voyage pénible que
le défaut d'argent a rendu très - long , ils font venus
à Veniſe , d'où ils ont envoyé la relation de
leur aventure à la Cour de Londres , & où ils attendent
les fonds, néceffaires pour continuer leur route
de nouvelles inftructions & de nouveaux ordres
pour remplacer ceux qu'ils ont pèrdus «<,
Il eft facile à nos Lecteurs en calculant
à peu-près le tems qu'il a fallu à ces Officiers
pour ſe rendre de Londres dans le port
d'Italie où ils fe font embarqués , celui qu'ils
ont dû mettre pour arriver fur les côtes d'Egypte
où ils ont été pris , & pour revenir enfuite
à Venife , de découvrir à-peu- près
l'époque de leur départ d'Angleterre . Elle a
dûprécéder, au moins de plufieurs mois , le 21
Décembre , date précife de la publication de
la déclaration de guerre contre la Hollande.
On en conclura que dès long- tems elle étoit
réfolue dans le Confeil Anglois , & que
ce n'eſt pas fa faute , fi elle n'a pas été précédée
par des hoftilités dans l'Inde.
Cette conduite de l'Angleterre n'étonnera
pas l'Europe pour qui elle n'eft pas nouvelle.
On ne feroit peut-être pas furpris non plus ,
fi cette Puiffance imaginoit de fe libérer avec
la République en s'appropriant les 60 millions
fterl . qu'elle lui doit , ou en fufpendant du
moins le paiement des intérêts.
» Ce feroit fans doute une merveilleuſe opéra
tion , obſerve un papier eftimé ; l'effet des 200
lettres de marque délivrées à des corfaires , n'approcheroit
jamais de cette rare capture. Les capitaliftes
Hollandois fe flattent que l'Angleterre n'en
viendra pas à cette extrémité ; mais fur quel fondement
? Ce ne peut être que fur la bonne foi des
( 188 )
Anglois , ou fur la confidération de leur propre
intérêt , attaché au maintien du crédit national.
Ces fondemens font bien foibles & bien précaires
quand on les examine de près. Quelle bonne foi ,
quelle fidélité dans les engagemens peut-on attendre
d'un ennemi déclaré , qui , lorfqu'il faifoit des.
profeffions d'amitié , ne s'eft pas fait gloire de montrer
ni délicateffe , ni juftice «.
Les foufcriptions ouvertes à Amfterdam ;
à Rotterdam & dans quelques autres endroits
pour armer en courfe , fe rempliffent tous les
jours. Le zèle des peuples s'empreffe d'augmenter
ce fonds qui eft déja confidérable , &
qui fera employé fur le champ lorfque les
Etats- Généraux auront délivré des lettres de
repréfailles qu'on croit ne devoir pas tarder.
.
>> On vient de recevoir ici , écrit-on de la Haye ,
des nouvelles très -favorables de Pétersbourg. On
débite que l'Impératrice a non- feulement appris avec
fatisfaction l'acceffion des Etats - Généraux à la neutralité
armée , mais qu'elle n'a pas même refufé
d'affarer leurs poffeffions dans les Indes Orientales ,
& qu'elle a déclaré qu'elle défendroit le pavillon
de la République avec le même intérêt que le fien .
On ajoute que la Suède eft dans les mêmes fentimens
, & que la première démarche de la confédération
fera de demander à l'Angleterre la reftitution
de tous les vaiffeaux pris depuis la fignarure
de la neutralité. Si cette démarche a lieu , on
eft curieux de favoir le parti que prendra la Grande-
Bretagne. Il feroit bien étrange , fans doute ,
qu'elle ofât fe faire des ennemis de plus ; mais après
fa conduite à l'égard de la Hollande , lorfqu'elle
avoit déjà trois Puiflances fur les bras , il femble
que les imprudences ne doivent plus étonner. En
attendant , la République ne doit rien négliger pour
fe mettre en état de faire face à fon ennemi. Le
( 189 )
patriotisme ne peut manquer de fe réveiller , & ce
font les occafions qui font naître les guerriers &
les héros ; on a déjà vu un vaiffeau de la République
, réfifter à des forces fupérieures , & les
contraindre à fuir devant lui . Une lettre d'Helle.
voetfluis , nous apprend d'un autre coté , que le
vaiffeau de guerre le Rotterdam & la Catharina-
Hendrica , de la Compagnie des Indes , deftinés
pour Batavia , ayant rencontré un vaiffeau de
guerre, & deux cutters Anglois , les ont combattus
jufqu'à l'approche de deux corfaires François
qui accouroient pour les feconder , & dont l'apparition
a fait prendre la fuite aux Anglois. Le
vaiffeau de guerre Hollandois a continué fa route
pour un port de France , & celui des Indes , a
pourſuivi fon voyage à fa deftination «.
Les négociations qui fe préparent , & les
évènemens qui doivent en être la fuite
fixent l'attention de l'Europe empreffée d'en
apprendre le réfultat. On fe flatte toujours
que la paix en fera l'effet , & que cet heureux
évènement doit être rapproché. Les fpéculatifs
ne manquent pas de s'égarer fur cette
perſpective riante , & de former des plans qui
doivent la rapprocher. A les en croire , on
reviendra au projet d'invafion , qui n'a pas
été formé férieufement lorfqu'on l'a annoncé
, & qui n'étoit que comminatoire , fi l'on
peut fe fervir de cette expreffion , lorſqu'on
paroiffoit tout difpofer pour l'exécuter. Il ne
pouvoit l'être dans ce tems , fans forcer les
Hollandois à fe déclarer pour l'Angleterre
à qui leurs traités leur faifoient une loi de
donner leurs fecours auffi- tôt qu'elle feroit
envahic. Le parti pris par le Roi d'Angleterre
de fufpendre d'abord ces traités , &
( 190 )
enfuite de les annuller en déclarant la guerre
à la République , a changé la face des chofes
, & la Grande- Bretagne pourroit maintenant
être attaquée dans fes foyers , fans
efpérer aucun appui , & refter réduite à ellemême
pour ſe défendre. fe D'après ces fuppofitions
les politiques s'empreffent d'imaginer de
grandes entrepriſes , de beaux rêves peut- être ,
dans lefquels nous ne les fuivrons pas.
Nous nous contenterons de rapporter
les
faits , notre tâche n'eft pas de les prévoir,
On dit que le Comte de Welderen en
arrivant à Oftende alla loger dans la même
auberge où étoit depuis quelques jours le
Chevalier Yorke , avec lequel il eut une
courte conférence ; il partit enfuite pour la
Haye . On a remarqué , comme une chofe
particulière à Anvers , que le Duc de la
Vauguyon & le Comte de Welderen fe rendant
tous deux à la Haye , & le Chevalier
Yorke quittant cette ville , ont paffé une
nuit à Anvers dans le même logement .
On lit dans un Papier public étranger ,
que M. Olavidés , ancien Gouverneur de
Séville , devenu célèbre par fes malheurs ,
& le jugement févère que l'Inquifition a rendue
contre lui , eft arrivé à Toulouſe où il
doit , dit- on , paffer l'hiver , en attendant
la faifon de fe rendre aux eaux qu'on lui a
confeillées pour fa fanté. Il faut , fi cela eft ,
qu'il ait eu de puiffans amis auprès du Grand-
Inquifiteur pour obtenir cette permiffion.
PRÉCIS DES GAZETTES ANG . , du 17 Janvier.
Le 28 au matin , il fut dépêché un courier du
( 191 )
Bureau du Secrétaire d'Etat , au Miniftre de S. M.
à la Cour de Berlin. Ce courier eft chargé de matières
de la plus grande importance , en réponſe
à des dépêches reçues les au foir.
Il court divers bruits fur le Thunderer , de 74 ,
fterling Castle , de 64. Suivant les uns , ils
font perdus ; fuivant d'autres , ils font arrivés à
New-Yorck dans le plus trifte état ; c'eſt ce que
l'on affure plus particulièrement du Thunderer.
•
Le 8 au matin , le Ch . James Wallace eft parti
de l'Amirauté de Portſmouth. Il a ordre de prendre
toutes les forces navales qu'il jugera convenables
ainfi que le 14c. & le 97e . régimens , & un fort dé.
tachement de troupes de marine. On croit qu'il aus
ra appareillé le s au foir avec le Nonfuch , de 67 ,
le Buffalo , de 60 & le Romney , de so , frégates
, 2 floops & 4 cutters. Le vent ayant été bon
du N. N. E. N. , il doit être arrivé à Jerſey le 9
au foir. Les floops & cutters toucheront à Gerne
fey pour y prendre le bataillon du Lord Seaforth.
و
3
Divers corps de milices des parties occidentales
de l'Angleterre , avoient demandé avec inftance à
être envoyés à Jerley. Comme on appréhende une
entreprife plus férieufe fur ces Ifles , affez naturelle
à concevoir , pour laver la double difgrace
que les armes Françoifes ont reçues , on va s'occuper
à les mettre dans le meilleur état de défenfe.
La Gazette de la Cour du 1 ; a publié une proclamation
datée de la veille , qui ordonne l'obſervation
d'un jour de jeûne & de prieres pour l'Angleterre
le 21 Février , & pour l'Ecoffe le 22. Cette
pièce eft dans le ftyle ordinaire. Il y eft parlé du
defir que doit avoir la Nation d'obtenir le pardon
de fes péchés multipliés , de toucher Dieu par fon
humiliation , d'implorer fon affiftance & d'en obte
nir le retour de la paix ! Toutes expreffions qui ont
droit de furprendre de la part d'une Nation fi avide
de piraterie , fi infoutenable dans fon orgueil , fi
( 192 )
injufte dans fes prétentions , & fi conftamment
ennemie de la paix.
Le Lord North a reçu , le 16 , les Députés
intéreffés au commerce des Indes Occidentales . Il
s'eft tenu le 12 une affemblée de ces Négocians ,
à l'effet de délibérer fur les moyens les plus eff
caces de faire paffer des fecours à ces malheureuſes
Villes . Il y fut arrêté qu'il feroit préfenté une pétition
au Parlement.
Le Lord Effingham , qui n'avoit point paru de
puis l'émeute du 8 Juin , & que bien des
gens pré
tendoient avoir été tué dans la bagarre , vient d'arri
ver à Londres , de la campagne du Duc de North.
folk , fon parent, où il a paflé l'été. On voit bien
par les diverfes réfolutions de l'affociation d'Yorck ,
que ce Seigneur eft plein de vie. Ces réfolutions ;
qui font de la plus grande vigueur , ont été prifes
dans l'affemblée du comité tenu à Yorck les 3 & 4
de ce mois. Leur objet est toujours la réforme de
la corruption qui s'eft introduite dans le Parle
ment , dont le feul remède confifte à rétablir l'égalité
dans la repréſentation , & à réduire à 3 an
nées la durée des Parlemens .
Les prifonniers François à Jerſey font , dit - on ,
déja arrivés en Angleterre en deux divifions , l'une
à Falmouth & l'autre à Plimouth.
Six des vaiffeaux de la Compagnie des Indes font
partis des Dunes le 8. Le Spithéad , fous le convoi
de la Bellone , de 74 , de la Minerve , de 38 , &
de quelques autres moindres frégates . L'Union ,
de 98 , & le Marlborough , de 74 , reftent aux
Dunes.
Les fix vaiffeaux de l'Inde font le Lord North ,
le Chatham , le Queen , l'Effex , l'Oßterly & le
Chapman.
Il y a grande apparence qu'une efcadre ne tar
dera point à partir avec cette flotte . Elle fera fans,
doute chargée de fecours à jetter dans Gi
braltar.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères