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1775, 01, vol. 1-2, 02-03
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MERCURE
DE FRANCE,
DÉDIÉ AU ROI.
PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES!
JANVIER, 1775.
PREMIER VOLUME.
Mobilitate viget. VIRGILE.
Beugnet
15
A PARIS,
Chez LACOMBE , Libraire , rue Chriſtine,
près la rue Dauphine.
Avec Approbation & Privilége du Roi,
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A ij
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Les Caractères modernes , 2 vol. br. 31.
MERCURE
DE FRANCE.
JANVIER , 1775 .
PIECES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
LE CONSUL VILLARS .
Роёте.
Tor , fans qui , pour jamais , dans l'ombre de
l'oubli
Le nom des demi-Dieux ſeroit enſeveli ,
Muſe , cueille un laurier dont l'éternel feuillage
Puiſſe au front d'un mortel refleurir d'âge en âge ;
Vole , & viens couronner le ſenſible Villars .
Il n'arbora jamais de ſanglans étendards;
A iij
6 MERCURE DE FRANCE.
Mais il osa du moins , au mépris de la vie ,
Réſiſter à fon Roi pour ſauver ſa patrie.
Long- temps le fanatisme , embrasant nos climats
,
Avoit livré la France au Démon des combats ;
Quand s'armant à la fin d'une amitié perfide ,
Charles , qu'empoiſonnoit une Reine homicide ,
Aux enfans de Calvin feignit de pardonner ,
Et leur tendit les bras pour les aflaffiner .
Partout l'ordre du Prince a proſcrit l'Hérétique .
Dansl'ombre de la nuit , par- tout le Fanatique
Doit prendre (ur l'autel des poignards conſacrés ,
Pour offrir à fon Roi ſes frères maſſacrés.
ONîmes lieux chétis , où ma foible paupière
Pour la première fois s'ouvrit àla lumière ,.
Quoi ! depuis tant d'hivers, abreuvé de ton fang ,
Le fanatisme encor va déchirer ton flanc !.
Le généreux Villars , ce Conſultutélaire ,
A-t-il envain pour toi des entrailles de père ?
Acet ordre fatal il recule d'effroi.
Dois- je , en obéiflant , déshonorer mon Roi ?
Dit- il ; Roi malheureux , que la vengeance égare !
S'il faut être en ce jour ou rebelle ou barbare ,
Dois je au ſein de ſon peuple enfoncer le couteau ,
Et , pour vivre en Sujet , m'ériger en bourreau ?
Non, s'il lui faut du ſang , qu'il m'envoie au
:
fupplice ; : 1
JANVIER. 1775 . 7
Je ſerai ſa victime & jamais ſon complice .
Il raffemble auſſi- tôt Sectaires & Romains ;
Mais avant d'annoncer ces ordres inhumains ,
Il veut , par les refforts d'une ſage éloquence ,
Eteindre en tous les coeurs la ſoifde la vengeance.
•Citoyens , leur dit- il , ô mes Concitoyens !
Nous verra- t- on fans cefle, homicidesChrétiens ,
* Armer la piété, la changer en furie ?
>>Quoi ! la Religion prescritla barbarie !
* Ne peut- elle , excusant ou plaignant nos erreurs,
>> Diviser nos esprits fans désunir nos coeurs ?
>> Et toujours , de nos maux artiſans déplorables ,
>> Serons- nous à la fois malheureux & coupables ?
>>A peine dans nos murs nos pas ont effacé
>>Les veſtigesde fang que nous avons versé ;
Nos champs fument encordu meurtre de nos
>>f>rères ;
>>Ils font à peine éteints , ces flambeaux funé- :
>> taires
• Qui ſuivoient au cercueil leurs reftes en lam-
>>b>eaux.
>>>Leur cendre eſt tiède encore au ſein de leuss:
>>>tombeaux,
> Ah ! de ces jours d'horreurs l'image retracée
>> Revient en ce moment effrayer ma pensée.
» Je vois les deux partis , opprimés , oppreffeurs ,
>> Au nom du Dieu de paix ſignales leurs fureurs.
Aiv
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LesMêmes in- 12. petit format , 11.16 .
Poëmefurl'Inoculation , in 8 ° .br. 34
IIIeliv. enversfr des Odesd'Horace , in- 12. 21.
Elogede la Fontaine , par M. de la Harpe
in 8°.broché , 11.46.
Journal de Pierre le Grand, in- 8°.br. sl.
Inftitutions militaires , ou Traité élémentaire
de Tactique , 3 vol. in-8°, br. وا
Elogede Racine avec des notes , par M. de
la Harpe , in- 8°. br. 11.101.
Fables orientales , par M. Bret , vol. in-
8°. broché , 3liv.
21.101.
LaHenriadede M. de Voltaire, en vers latins&
françois , 1772 , in - 8 °. br.
Traité du Rakitis , ou l'art de redreffer les
enfans contrefaits, in-8°, br. avec fig. 41.
LesMuſesGrecques , in-8 °. br. 11.161.
LesPythiquesde Pindare , in-8°. br. 5liv
Monumens érigés en France à la gloire de
Louis XV, &c. in -fol. avec planches ,
rel, en carton, 241.
Mémoires fur les objets les plus importansde
l'Architecture , in-4°. avec figures, rel. en
carton, 121.
Les Caractères modernes , 2 vol. br. 31.
: MERCURE
DE FRANCE.
JANVIER , 1775 .
PIECES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
P
LE CONSUL VILLARS.
Роёте.
Tor , fans qui , pour jamais , dans l'ombre de
l'oubli
Le nom des demi-Dieux ſeroit enſeveli ,
Muſe, cueille un laurier dont l'éternel feuillage
Puifle au front d'un mortel refleurir d'âge en âge ;
Vole, & viens couronner le ſenſible Villars .
Il n'arborajamais de ſanglans étendards ;
A iij
10 MERCURE DE FRANCE.
Ce ferment plaît au ciel : mais combien ſa co-
>>l>ere
- A d'un emploi funeſte armé mon miniftere !
>>Cette heureuse amitié qui vient de vous unir ,
>> Ces doux épanchemens , on veut vous en punirs
>>Et , brisant àjamais le noeud qui vous enchaîne,
>>A>bandonner vos coeurs au tourment de la haine.
Le Monarque , ſéduit , s'eſt armé contre vous .
• Voici l'Arrêt fatal qu'a lancé ſon courroux :
>>Il veut , quand le ſommeil , conduit par la nuit
>> fombre ,
>>Tiendra le Calviniſte enfermé dans ſon ombre ,
>> Que femmes, enfans, vieillards ,par vous aſſaffinés
..
>>Vous frémiſſez amis , vos coeurs font indignés ;
Non ; vous ne ſerez point criminels & parjures ;
>> Vous n'irez point , ardens à rouvrir vos bleſſures
,
Offrir à votre Roi le ſang de ſes Sujets.
>> Lui-même , déreſtant ſes barbares projets ,
> Vous puniroit bientôt de votre obéiſſance .
>>Mais il eſt votre Roi , respectez ſa puiſlance.
>>Son crime eſt une erreur. Un père malheureux,
>> En immolant ſes fils , eſt plus à plaindre qu'eux.
>>P>euple, chacunde nous lui doit un coeur fidele.
>>Mais moi , qu'à ſes deſſeins il éprouve rebelle ,
>> Moi , qui veux épargner, en éludant ſa loi ,
>>Des maux à mon Pays , un forfait à monRoi ,
JANVIER. 1775. 11
>> J'attendrai ſon Arrêt ; & , s'il me ſacrifie ,
>>>Amis , je meurs content ; j'ai ſauvé ma patrie.
Il part ; 6Citoyen digne de nos autels !
Quene peutla vertu ſur le coeur des mortels!
Un ſeul homme , à ſon gré , maîtrise un peuple
immense.
La nuit vient; l'heure ſonne; & tandis que la
France
Voit ſes enfans contre elle aiguiser leurs poignards
,
Tandis que ſon ſang couleautour de tes remparts,
Nîmes , tes Citoyens reposent ſans alarmes ;
La paix veille ſur eux ; le tumulte des armes ,
Le bruit & les clameurs respectent leur ſommeil ,
Et la ſécurité préſide à leur réveil.
Nîmes , de ſes vertus conserve la mémoire ;
Villars fit ton bonheur , il fait encor ta gloire.
Puifle fon nom fameux , tant que vivra le tien ,
Enfier d'an juſte orgueil ton dernier Citoyen !
Par un Aſſocié de l'Académie
deNifmes.
Avj
12 MERCURE DE FRANCE.
ÉLÉGIE DE TIBULLE.
Ibitis Ægeas.
DE Neptune ſans moi vous traverſez l'Empire.
Sur des bords étrangers retenu ſans fecours ,
Tibulle vous appelle ; il languit , il ſoupire ,
Et la Mort menace ſes jours .
OMort , épargne- moi ! Loin d'une tendre mère ,
Envain je la demande à ces funeſtes lieux ;
Malheureux ! je ſuis loin d'une foeur qui m'eſt
chère;
Quelle inain fermeroit mes yeux ?
Délie , à mondépart , va conſulter l'Augure;.
Il promet à ſes voeux le retour d'un Amant.
Elle gémit fans cefle , & rien ne la raflure;
Et c'eſt moi qui fais lon tourment !
L'aspect ſeul de la route où le deſtin m'entraîne ,
D'un noir preflentiment épouvante ſon corur.
Peut-on brifer les fers dont l'Amour nous enchaîne,
Et loumettre ce fier vainqueur ?
Pénétré de regrets , j'hésite , je diffère ;
Par un prélage affreux je feins d'être arrêté.
Je pars enfin , des Dieux redoutant la colère ;
Joſois affliger la Beauté.
JANVIER . 1775 . 13
Iks *, ſecourez-moi ! ma charmante Délie ,
En habit de lin pur , ornera vos autels.
Ah! quand pourrai-je encore , aux Dieux de ma
patrie,
Conſacrer des chants immortels ?
Saturne ! les humains , ſous tes loix pacifiques ,
Nechargeoient point les mers de flottantes forêts;
Jamais ils n'uſurpoient des chemins magnifiques
Sur leschamps féconds de Cérès.
Letaureau , ſous lejoug , n'abaiſſoit point la tête;
Le ſuperbe courſier ne mordoit pas le frein.
Pointde combats ſanglans , ni d'injuſtes conquêtes;
L'homme étoit bon , le ciel ſerein.
Et le miel & le lait couloient en abondance ;
La terre ouvroit ſon ſein inculte & libéral .
Rigoureux Jupiter ! le meurtre& la vengeance
Signalent ton régne fatal .
Epargne-moi , grand Dieu ! ... s'il faut que je luccombe,
Qu'on fache de quel coup le deſtin m'ımmola.
S'il faut déjà mourir , qu'on grave fur ma tombe :
«Tibulle ſuivoit Meſlala ».
*Déellede laMédecine,
14 MERCURE DE FRANCE.
Mais l'Amour , mais Vénus , pour prix de ma tendrefle
,
Des champs Eliſéens m'ouvriront le ſéjour.
Quels concerts enchanteurs ! quelle aimable alé--
grefle ,
Sans crainte , ſans triſte retour.
Au doux chant des oiſeaux , l'on danſe dans la
plaine.
L'émail des prés eſt peint des plus vives couleurs ;
Et les jeunes Zéphirs , ſoufflant leur pure haleine
1 Rafraîchiſſent l'air & les fleurs .
Des Belles , des Bergers le tendre badinage ,
S'anime par l'Amour en ce lieu fortuné ;
Et qui meurten aimant erre ſur ce rivage ,
Le front , demyrte , couronné.
Mais dans la nuit profonde il eſt un gouffre herrible
,
Par le morne Cocyte à jamais entouré.
De Cerbère on entend hurler la voix terrible ;
Là Titius eſt dévoré.
Ocoupable Ixion ! ô malheureux Tantale !
L'un tourne dans la roue , & l'autre veut envain
S'abreuver à longs traits dans cette onde fatale ;
Il va boire , elle fuit ſoudain.
Demeurez en ces lieux , hommes durs , cOFUNG
perfides ,
JANVIER. 1775 . 15
Qui voulez à la guerre enchaîner mes beaux jours,
Rempliflez le tonneau des triſtes Danaïdes ,
Noirs ennemis de mes amours .
Toi , Délie , ah , de grâce! ah , ſois toujours
fidelle!
Que la bonne Myrrha , par des contes plaiſans ,
Aſſiſe àtes côtés , four me prouver ſon zele ,
Amuſe , charme tes inſtans.
Bientôt , à la lueur de ta lampe paiſible ,
Le ſommeil doucement fermera tes beaux yeux :
Me voici tout- à- coup , j'arrive... eſt il poſſible ?
: Seroit- il deſcendu des cieux ?
Alors , Délie , alors , viens àmoi ſans parure,
Tes beaux cheveux épars , les pieds nuds , l'oeil
brillant;
Accours tout en défordre , accours , je t'en conjure
!
Quand viendra cet heureux moment !
Par M. Marteau.
16 MERCURE DE FRANCE.
LE PORTRAIT UTILE , ou l'Erreurd'un
moment, Conte moral.
EMILIE venoitdeperdre ſes parens dans
un âge où leur tendreſſe eût veillé à fon
bonheur ; jeune , riche & belle , il lui
manquoit une mère ſage pour la conduire
au milieu des éceuils que ſes brillans
avantages alloient faire naître fous
ſes pas. Elle joignoit à la plus jolie figure
une taille noble & dégagée ; les calens
les plus agréables embelliſſoient les dons
qu'elle avoit reçus de la nature ; ſon jeune
coeur , fans défaut juſqu'alors , étoit
ſuſceptible de céder aux meilleures impreffions
: mais , ſans expérience & fans
confeil pour le fermer aux mauvaiſes
elle pouvoity fuccomber.
Emilie fut reçue dans le monde avec
les fuffrages qu'enlève toujours une beauté
nouvelle ; les grâ es & ſa jeuneſſe lui
attirèrent bientôt une cour brillante . Il
exiſte dans la capitale un eſſaim d'Etres
inutiles à l'Etat & nuiſibles à la Société ,
qui ne fondent leur gloire que fur le déf.
honneur des femmes , dont la crédulité
,
JANVIER. 1775. 17
fait fouvent tout le crime, & qui chériroient
encore la vertu , ſi-le piége où
elles font tombées n'avoit été couvert de
fleurs . Teile étoit l'eſpèce d'hommes qui
environnoit Emilie; s'il y avoit quelque
diſtinction à faire , ſes yeux étoient trop
foibles pour démêler l'or du faux brillant;
mêmes ſoins , mêmes empreſſemens
; tous lui juroient qu'elle étoit
charmante ; qu'ils n'avoient. jamais rien
vu de ſi beau. Cet éloge a des charmes
pour une jeune perſonne ; ſi ſon coeur ne
ſe décide pas, le deſir de plaire & de
traiter en ſouveraine une foule d'adorateurs
, la dédommage des douceurs de
l'amour.
Abandonnée à elle même , Emilie ſe
livra quelque temps aux attraits de la
coquetterie ;coups d'oeil , foutis , paroles
gracieuſes , tout fut employé pour
étendre ſes chaînes ; mais elle ne vit
point, ſans émotion , le Chevalier de
Lurac & le Marquis de Balran ; dès qu'ils
parurent ſur les rangs , les autres s'éclipsèrent
, & laiſsèrent le champ libre à ces
deux rivaux.
Peu d'hommes étoient auſſi bien faits
que le Marquis de Balran ; fa figure répondoit
à ſa taille; mais , ſous de beaux
1..8 MERCURE DE FRANCE.
dehors , il cachoit une ame fauſſe; fon
coeur, ufé par un grand nombre de paffions
, n'étoit plus ſenſible aux douceurs
d'un amour honnête ; accoutumé à juger
des femmes par celles qui avoient eu la
foibleſſe de céder à ſes pourſuites , il
avoit pour ſyſtême que la plus vertueuſe
ne fait pas réſiſter aux deſirs d'un homme
aimable ; auffi perſonne n'avoit autant
d'art pour dérober aux yeux de l'innocence
l'abyſme qu'il creuſoit ſous ſes pas ;
perfonne ne paroiſſoit plus digne d'être
aimé juſqu'au moment du triomphe ;
alors il ſe faifoit un jeu cruel du défefpoir
de celle qu'il avoit féduite , &
joignoit l'indifcrétion à cette indignité.
Le Chevalier de Lurac réuniffoit aux
avantages du corps ceux de l'efprit &du
coeur ; ſage , modefte , ami de la vertu ,
inftruit de tout ce qui peut rendre un
homme recommandable , il avoit un air
de candeur , dont ſes moindres actions
portoient l'empreinte ; il connoiffoit
Emilie depuis l'enfance; ſa mère , en
mourant , l'avoit recommandé aux ſoins
de celle d'Emilie , & cette amie ſincère.
avoit pris plaifir à jetter dans ſon ame
les ſemences de la vertu . Il arrivoitd'Italie
lorſqu'Emilie parut dans le monde.
JANVIER . 1775 . 19
Sa taille & ſes traits avoient atteint la
perfection pendant deux années d'abſence;
il ne put la revoir ſans l'aimer ; fon
coeur avoit été libre juſqu'alors ; mais à
ces mouvemens inconnus qui précèdent
toujours les grandes paſſions , il fentit
que ſon amour alloit faire le bonheur ou
le malheur de ſa vie. Les véritables
Amans font timides; ils craignent de
déplaire à l'objet aimé par l'aveu de leur
paffion; le Chevalier n'oſoit parler de
fon amour , mais il étoit peint dans ſes
yeux . Emilie s'apperçut avec plaifir de
l'effet de ſes charmes ; un fecret penchant
l'entraînoit vers le jeune de Lurac: cependant
le Marquis avoit ſu l'éblouir par des
apparences brillantes,&l'intéreſſer par ces
riens agréables , qui ont quelquefois tant
d'empire fur les femmes. Etoit-il abſent
? Son coeur paroiſſoit ſe décider pour
leChevalier; à fon retour il rentroit dans
l'incertitude, &le defirde plaire à tous les
deux l'empêchost de faire un choix qui la
priveroit d'un amant ; ce n'est pas qu'elle.
ne rendît joſtice au mérite du Chevalier;)
elle avoit affez de luinières pour connoître
ſa ſupériorité ſur le Marquis ; s'il parloit
quelquefois devant elle des modes ,
des uſages , des moeurs , les argumens.
20 MERCURE DE FRANCE.
captieux de Balran étoient détruits par
les réponſes ſolides & convaincantes de
ſon rival; Emilie elle-même étoit forcée
de l'avouer.
•Le Marquis vantoit unjour les charmes
d'une vie paſſée au milieu des plaifirs
, & plaignoit le fort d'une femme
que l'amour tiendroit renfermée auprès
d'un amant férieux & mélancolique : à
votre âge , Mademoiselle , diſoit Balran
, quelle perte pour la ſociété! ſi quelqu'un
réullifoit à vous donner le goût de
la retraite , quel ennui pour vous même!
&de combien d'agrémens ne ſeriez-vous
pas privée! Patoiſſez vous aux ſpectacles,
dans une affemblée , dans une fête , tous
les coeurs volent fur vos pas & rendent
hommage à votre beauté ; choiſiſſez donc
quelqu'un , charmante Emilie , qui , loin
de vous priver des plaiſirs du monde ,
ſoit le premier à les faire naître , & à
vous tracer un chemin couvert de fleurs .
Balran s'applauditſoit en donnant ce confeil
, comme s'il eût été perfuadé que le
choix ne pouvoit tomber ſur un autre.
Cette philofophie plaiſoit à Emilie ;
elle fourit au Marquis , & regardant le
jeune de Lurac ; Chevalier , lui dit- elle ,
n'êtes-vous pas du même avis ? Ne trou
JANVIER. 1775 21
vez-vous pas ce tableau charmant ? 11
l'eſt , ſans doute , répondit le Chevalier ,
mais nous le voyons ſous un point de
vue différent; il a un côté déſagréable
que l'on voile à vos yeux , &que je vais
vous découvrir : une vie tumultueuſe
peut avoir des charmes pour beaucoup
de femmes; mais elle n'en aura point
pour vous , belle Emilie , ſi vous en
confidérez les ſuites : au printemps de
votre âge , le public, à qui vous devez
compte de vos actions , a les yeux fur vos
moindres démarches ; il ne jugera pas
ſur la pureté de vos intentions, mais fur
les apparences , &, ajouta t- il malignemeat,
fur la réputation de ceux qui for.
meront votre ſociété; votre ſagelle ne
fouffrira aucune atteinte ; mais l'envie
ſaiſit les moindres prétextes , & vous lui
en fournirez. Une vie douce & tranquille
ett préférable à desjours paſſés aumilieu
d'un tourbillon , qui ſouvent nous entraîne.
Ne fuyez point les plaiſirs ; mais
apprenez à les choiſir. Croyez , Mademoiſelle
, que les perſonnes ſages & prudentes
ont leurs amuſemens; ils vous
formeront une cour dont vous n'aurez
point à rougir : quelle ſeroit alors la félicité
du mortel qui trouveroit le che
22 MERCURE DE FRANCE.
min de votre coeur ; pardonnez , Mademoiſelle
, à la ſincérité d'un ami , mais
ce font les fentimens que votre tendre
mère m'a inſpirés ; quelle perte nous
avons faite tous deux, belle Emilie ! &
combien ne dois-je pas la regretter aujourd'hui
? Le ſaiſiſſement où ſe trouva
le Chevalier l'empêcha de continuer.
Emilie n'entendit pas prononcer le
nom d'une mère qu'e le avoit tant aimée
, ſans la plus vive émotion ; quelques
larmes coulèrent de ſes yeux ; elle
ſe retira dans ſon appartement pour s'af
Aiger en liberté. Toute la nuit fon fommeil
fut agité ; l'air noble & modeſte du
Chevalier, ſon eſprit, ſes conſeils , ſa tendreſſe
, tout lui parloit en ſa faveur ; mais
le jour affoiblit bientôt des ſentimens qui
n'avoient qu'effleuré ſon coeur.
:
Le Marquis avoit prévu les réflexions
d'Emilie ; il n'ignoroit pas qu'un retour
fur elle-même nuiſoit à ſes projets ; en
homme adroit , & qui connoît l'art de
conduire une beauté novice , il eut ſoin
de la diſtraire en faiſant naître de nouveaux
plaiſirs.
Le Chevalier adoroit Emilie ; mais il
s'efforça de déguiſer ſon chagrin ; il craignoit
de lui déplaire par une morale qui
JANVIER. 1775 . 25
ne feroit pas de ſaiſon , tant qu'elle goû.
teroit celle du Marquis; il avoit confiance
dans ſa ſageile , & attendoit quel .
que événement qui lui ouvrit les yeux fur
la légéreté de ſes démarches.
Emilie étoit imprudente , mais elle
étoit ſage ; elle croyoit aimer le Marquis
plus qu'un autre , parce qu'il s'étoit rendu
néceſſaire ; mais ſes vues ne s'étendoient
pas plus loin. Tandis que , tranquille au
milieu du danger , elle croyoit ſa conduite
irréprochable , & ſe livroit à des
conſeils pernicieux avec toute la fécurité
qu'inſpire l'innocence , Balran méditoit
ſa ruine ; l'étude qu'il avoit faite du carastère
d'Emilie lui fit juger qu'il ne parviendroit
à ſon but que par degrés , &
qu'il ne devroit ſon bonheur qu'à une
occafion favorable; dès-lors il mit tous
ſes ſoins à la faire naître. Il avoit à une
lieue de Paris une maiſon de campagne ,
où l'art s'étoit uni à la nature pour en
faire un lieu de délices. Il offrit d'y donner
une fête ; toute nouveauté avoit des
charmes pour Emilie ; elle accepta avec
joie , & le jour fut pris pour le lendemain.
Les ſoins du Marquis , la beauté da
lieu , la nuit la plus agréable , tout conf
24 MERCURE DE FRANCE .
piroit à rendre la fête brillante ; le bal
fut terminé par un feu d'artifice , où le
nom d'Emilie fut ingénieuſement placé.
Après le feu , chacun ſe diſperſa dans les
vaſtes allées du jardin. Balran , ſous prétexte
de faire admirer à Emilie un morceau
de ſculpture eſtimé de tous les connoiffeurs
, la conduiſit dans le boſquet le
plus éloigné. Un Artiſte habile s'étoit
furpallé dans un groupe charmant qui
repréſentoit Vénus , Adonis & l'Amour ;
la Déeſſle , à demi nue , & négligemment
penchée ſur les genoux de fon amant ,
le regardoit avec des yeux où le defir &
la volupté étoient peints; le fils de la
Déelle , appuyé ſur ſon carquois , ſembloit
applaudir à ſa victoire & fourioit
à ſa mère. Tendre Amour , s'écria Balran
, toi qui règnes avec tant d'empire
fur mon ame, rends la belle Emilie fenſible
à mes feux , & mon bonheur ſera
plus grand que celui d'Adonis. Non ,
trop aimable Emilie , continua-t-il en
ſe jetant à ſes pieds, jamais on n'aima
avec autant de violence ; ma vie eſt entre
vos mains; mais ſerai je éternellement
malheureux ? & n'entendrai je jamais
fortir de votre belle bouche un
aveu qui feroit mon bonheur ? imitez la
mère
JANVIER. 1775 . 25 :
mère des amours ; elle étoit moins belie
que vous , mais elle aimoit davantage :
endiſant ces mots , il avoit ſaiſi ſa main
&la ferroit contre ſes lèvres ; émue par
les tranſports de Balran ou par la volupté
du lieu , Emilie ne faifoit que de légers
efforts pour la retirer . Levez vous , laifſez
-moi... étoient les ſeuls mots qu'elle
pouvoit articuler ; fon défordre parut favorable
au Marquis ; il crut avoir trouvé
le moment du triomphe ; & , paffant fon
bras autour d'elle , il oſa ravir un baifer
juſques ſur ſes lèvres. Emilie , effrayée
de cette témérité , fit un cri qui attira
quelques perſonnes prèsduboſquet : mais
craignant qu'on ne prit pour un rendezvous
ce qui n'étoit l'effet que de ſa curioſité
, elle ſe retira par un côté oppoſé ,
&alla rejoindre la compagnie , fort irritée
contre Balran. Peu de temps après
elle partit ſeule dans ſa voiture , ſans
daigner lui dire une parole ni lui accorder
un regard. Le Marquis ne s'alarmoit
jamais de la colère des Belles ; bien per.
ſuadé que l'on pardonne aisément les
fautes que l'amour fait commettre , & ,
ſans inquiétude ſur la retraite d'Emilie ,
il alla ſe conſoler de ce contre-temps ,
auprès d'une Beauté moins timide .
I. Vol. B
P
26 MERCURE DE FRANCE.
Le lendemain il ſe préſenta à la toilette
d'Emilie avec un air de confiance ,
dont elle fat piquée. Monfieur lui .
dítelle , après ce qui s'eſt paſſé hier ,
j'eſpérois que vous m'épargneriez le défagrément
de vous voir & de vous faire
tous les reproches que vous méritez. ›
Charmante Emilie , lui dit Balran, ent
prenantunton foumis & un air de candeur
qu'il ſavoit feindre à propos , je
fuis coupable , & je viens obtenir mon
pardon ou mourir à vos genoux; mais
ſi l'Amour m'a fait paſſer les bornes du
reſpect , accuſez ce Dieu qui remplic
mon ame , & qui maîtriſe toutes mes
facultés. Lorſqu'un amant paroît aimable,
fes fautes font bientôt oubliées. La crédule
Emilie ne voyoit dans celle du Mar.
quis qu'un excès d'amour ; elle lui pardónna.
Le Chevalier étoit inſtruit de tout ce
qui ſe paſſoit par une femme-de- chambre
d'Emilie ; ces événemens étoient
autantde traits empoisonnés qui lui perçoient
le coeur; il voulut eſſayerſi l'abfence
le guériroit de fon fatal amour.
Mais , vains efforts ! l'image d'Emilie le
fuivoit en tous lieux & s'attachoit à ſes :
pas; par- tout il ne voyoit qu'elle & fon...
J
4
JANVIE R. 1775 . 27
indifférence. Le chagrin dont il étoit
dévoré affoiblit peu à peu ſa ſanté , ſon
teint perdit ſon éclat , & déjà les grâces
de ſa jeuneſſe commençoient à diſparoître.
1
Au milieu desris & des jeux qui l'environnoient
, Emilie fut étonnée de ne
point voir le tendre de Lurac; il lui étoit
plas cher qu'elle ne le croyoit ellemême
; ſon abſence lui donna de l'inquiétude
; & lorſque ſon amour le força
de revenir aux pieds de celle qui l'avoit
fait naître , elle le revit avec joie. L'air
de mélancolie répandu ſur ſon viſage la
frappa : Chevalier, lui dit-elle avec un
vif intérêt , vous changez à vue-d'oeil ;
auriez- vous quelque peine ſecrete , confiez
la moi ; vous devez me croire de vos
amies . Ah ! Mademoiselle , s'écria t-il ,
que ce titre ſeroit cher à mon coeur!
Vous ſeule pouvez me rappeler à la vie ;
vous ſeule, .. Il alloit continuer , lorſque
le Marquis entra ſuivi de quelques perſonnes
; à l'émotion qu'il vit dans les
yeux d'Emilie , il jugea qu'elle venoit
d'avoir un entretien avec le Chevalier ;
&, pour faire diverſion , il propoſa d'aller
à une Tragédie nouvelle ; tout le
monde fut de fon avis , & on partic. Le
1
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
Chevalier ſuivit Emilie , mais il ne pat
touver le moment de reprendre la converſation
qui venoit d'être interrompue.
C'eſt le fort du talent d'être perſécuté ;
l'Auteur de la Pièce nouvelle avoit beaucoup
d'ennemis ; Balran étoit du nombre
, parce qu'il avoit cru ſe reconnoître
dans une Comédie de l'Auteur. Il ſe déclara
hautement contre ſa Tragédie , &
la jugea en homme prévenu & fuperficiel.
Le Chevalier joignoit à beaucoup de
goût un jugement ſolide ; il ne put entendre
déchirer un ouvrage rempli de
beautés fans prendre ſa défenſe, & il le
fit avec une ſupériorité qui n'échappa
point à Emilie ; la Pièce lui plaifoit ; elle
yverſa inême des larmes; mais cet éclair
du ſentiment fut bientôt diſſipé au milieu
d'un ſoupé brillant qui ſe donnoit
chez la Marquiſe de célèbre par
ſes aventures galantes .
• ...
Les femmes aveuglées par la plus violente
paſſion , confervent au moins un
reſte de pudeur , l'apanage de leur ſexe;
elles renferment au fond de leur coeur
une partie de leurs deſirs , & ne paroiffent
céder qu'à ceux de celui qui les attaque.
La Marquiſe de .... ne fau-
):
JANVIER. 1775 . 29
fe
voit pas mêmes les dehors. Les démarches
les plus haſardées ne lui coûtoient
plus rien. Comme elle avoit épuisé tou .
tes les reſſources de la voluptée , elle ne
trouvoit le plaifir que dans le changement
, & ce goût la jetoit dans mille
intrigues , qui la rendoient la fable du
Public. Elle joignoit à une conduite fi
coupable le defir d'entraîner dans l'abyfme
où elle étoit plongée , celles qui ne
la connoiffoient pas affez pour l'éviter .
Elle croyoit diminuer ſa faute en augmentant
le nombre des complices ; avec
une femme de ce caractère , Emilie avoit
tout à craindre. La Marquiſe
plaça à table auprès d'elle , & , pendant
le ſoupé , elle l'accabla de carreſſes, & ne
ceſſa de lui parler du Marquis de Balran
&d'envier le fort d'une femme qui trouveroit
le chemin de ſon coeur. Emilie ſe
livra ſans méfiance au plaifir d'entendre
louer un homme qu'elle croyoit aimer ;
elle laiſſa meine entrevoir à la Marquiſe
qu'il ne lui déplaiſoit pas. L'imprudente
Emilie ſe retira avec un trouble dont elle
ignoroit la cauſe ; les diſcours auſſi adroits
que pernicieux de la Marquiſe avoient
gliſſé dans ſon ame les feux du defir ;
elle fut agitée toute la nuit, & ſe leva
....
B iij
30 MERCURE DE FRANCE.
fans avoir pris de repos. Le Marquis ,
inſtruit des progrès qu'il avoit fait fur
fon coeur, devança le moment où il ſe
rendoit auprès d'elle .
Emilie étoit encore dans le déſordre
d'une jeune beauté occupée d'autres foins
que de ceux de ſa parure ; mais que ce
défordre étoit ſéduiſant! l'agitation de la
nuit avoit répandu ſur ſon viſage une
douce nuance de mélancolie , qui rendoit
ſa beauté plus piquante ; un léger
déshabillé voiloit à peine tous fes charmes
; à demi- couchée ſur un fopha , ſa
position offroit aux yeux des formes artondies
par l'amour. Balran étoit enchan
té; elle ne lui avoit jamais paru ſi belle
une jeune beauté , parée des attraits de
l'innocence , en impoſe aux libertins les
plus endurcis. Dans ſon premier tranſport
le Marquis fut près de ſe jeterà ſes pieds
&de lui demander ſa main ; mais la réflexion
qui le ſervoir toujours mal , le
rendit à ſes premiers deſſeins. Belle Emilie
, lui dit il , ou dérobez tant de charmes
à mes yeux , ou foyez ſenſible à l'ardeur
du plus ſincère amant; regardezvous
dans cette glace , voyez ces yeux
qui lancent des traits de flamme , ce teint
qui efface l'éclat des roſes , cette taille
JANVIER. 1775. 31
divine; & jugez ſi l'on peut vous voir
fans vous adorer , & fi l'on peut vivre
ſaus être aimé de vous. Emilie gardoit
le filence; la rougeur de fon front annonçoit
le trouble de ſon ame; Baltan tenoit
ſes mains ferrés contre les fiennes , ſes
tranſports faifoient paffer dans ſon ſang
une ardeur juſqu'alors inconnue ; ſes yeux
recevoient de ceux du Marquis une impreſſion
de tendreſſe qui les baignoit de
cette douce vapeur qui précède le plaiſir ;
déjà il la preſloit entre ſes bras& la couvroit
de ſes baiſers. Emilie vouloit réfifter
: mais une force ſecrete l'entraînoit
malgré elle ; elle alloit fuccomber , lorfque
ſes yeux , àdemi-fermés , ſe fixèrent
fur un portraitde ſa mère , placé vis à vis
le fopha; ce regard eſt un coup de lumière
qui la rend à elle même ; elle croit
voir le viſage de ſa mère s'endammer
de colère , & , dans le moment , elle
ſent le danger qu'elle vient de courrir ;
elle s'arrache d'entre les bras de Balran ,
qui, prenant ſes efforts pour les derniers
ſoupirs d'une vertu mourante , vouloit la
retenir ſur le ſopha. Arrêtez , lui dit- elle
avec une noble indignation , je connois
votre lâcheté & mon imprudence ; votre
préſence m'eſt odieuſe; délivrez-moi de
Biv
32 MERCURE DE FRANCE.
l'horreur de vous voir ; & , fans attendre
ſa réponſe , elle paſſa dans un cabinet
dont elle ferma la porte. Le Marquis ,
jugeant qu'il falloit laiſſer paffer l'orage ,
fe retira. A peine fut il forti qu'Emilie ,
rentrant dans la chambre , alla ſe jeter
au pied du tableau , & , toute baignée
de larmes , lui adreſſa les difcours les
plus touchans. O ma mère! s'écria-t elle
que je ſens vivement aujourd'hui la perte
que j'ai faite! & combien j'avois beſoin
de vos conſeils pour me guider dans le
chemin de la vertu ; i vos regards s'étendent
juſqu'à votre malheureuſe fille
qu'elle doit vous paroître coupable! Là
les ſanglots lui coupèrent la parole : mais
de quelle doulent ne fut elle pas péné
trée, lorſque réfléchiffant ſur ſa conduite
paffée , elle en vit toute l'imprudence !
c'eſt alors qu'elle fentit la incérité des
avis du jeune de Lurac , & le regret de
ne les avoir pas ſuivis : oui , fans doute ,
diſoit- elle , le Chevalier étoit mon feul
ami; il m'aimoit ſincèrement : mais je
ne fuis plus digne que de ſes mépris.
Tandis qu'Emilie s'abandonnoit fans
*réſerve à l'égarement de ſa douleur , le
pauvre Chevalier étoit tourmenté d'une
ſièvre violente ; il n'avoit pu réſiſter au
JANVIER. 1775 . 33
t
chagrin de voir Emilie lier un commerce
d'amitié avec la Marquiſe de... Ce dernier
coup l'avoit réduit à toute extrémité.
Sur le bord du tombeau il adoroit encore
celle qui l'y faiſoit deſcendre ; il la nom.
moit à chaque inſtant. Emilie n'apprit le
danger où se trouvoit le Chevalier qu'en
verſant un torrent de larmes ; elle connut
alors que les ſentimens qui l'agitoient
étoient bien différens de ceux que le
Marquis lui avoit fait éprouver. Trop
aimable Chevalier , diſoit- elle , c'eſt moi
qui te plonge le poignard dans le ſein ;
que ne puis-je te rappeler à la vie aux
dépens de la mienne! maistu ſera vengé;
oui , cher Amant , je te ſuivrai chez les
morts; In lumière m'eſt odieuſe , ſi je ne
la partage avec toi. C'eſt ainſi qu'Emilie
exprimoit ſa douleur. A chaque inſtant
elle envoyoit chez le Chevalier.Elle ſeule
avoit cauſé la maladie , elle ſeule pouvoit
laguérir.Ce vif intérêt fit plus d'effet que
tout l'art des Médecins . Le rendre de
Lurac crut entrevoir du changement
dans les attentions d'Emilie; les jours ,
prêts à s'éteindre , ſe ralumèrent aux
rayons de l'eſpérance ; mais quelle fut
ſa joie en apprenant que ſa belle maîtrefſe
avoit reconnu ſes erreurs ; qu'elle re-
By
34 MERCURE DE FRANCE.
:
fuſoit de voir le Marquis , & qu'elle
palloit les jours & les nuits dans les larmes.
Bientôt la joie fit place à la crainte ;
il ne penſa plus qu'au chagrin d'Emilie ;
il vouloit à l'inſtant voler à ſes pieds &
la conſoler. On ne parvint qu'avec beaucoup
de peine à le calmer , & en lui difant
que fon agitation arrêteroit l'effet
des remèdes.
La convalefcence du jeune de Lurac
cauſa à Emilie des tranſports de joie
dont elle ne fut pas maîtreſſe ; elle ne
pouvoit plus ſe déguiſer combien elle
l'aimoit; le goût paſſager qu'elle avoit
eu pour Balran lui paroiſſoit un fonge ,
& le plus profond mépris y avoit fuccédé.
Le Chevalier alloit tous les jours de
mieux en mieux ; enfin il lui fut permis
de fortir : il vole chez Emilie , il la
demande , on lui dit qu'elle eſt ſeule
dans ſon appartement : il défend qu'on
T'avertiſſe , il veut la ſurprendre . Ce trop
ſenſible Amant ne marche qu'en tremblant
vers le ſanctuaire où repoſe ſa divinité
. L'amour , la crainte , l'eſpérance
combattoient dans ſon coeur ; il entre ,
&voit Emilie , les yeux baignés de larmes
, & attachés ſur le portrait de fa
JANVIER. 1775. 35
4
reſpectable mère ; le bruit lui fit tourner
la tête ; le Chevalier étoit à ſes pieds ;
elle jette un cri & ſe laiſſe tomber dans
ſes bras. Que ce tableau avoit de charmes
! ces deux amans vouloient ſe dire
mille chofes , & ne ſe parloient pas :
mais que leur filence étoit éloquent !
leurs yeux exprimoient le plaiſir qu'ils
avoient à ſe voir. Ah ! Chevalier , dit
- Emilie , me pardonnerez - vous l'erreur
d'un moment, oubliez -vous... Arrêtez ,
tout eſt oublié : je me croirai trop heureux
ſi vous êtes ſenſible à mon amour ;
parlez , charmante Emilie , raſſurez un
amant; il craint que votre coeur n'ait
cédé qu'à la pitié. Il n'a cédé qu'à l'amour
, répondit Emilie; vous y régnez
depuis long-temps ,& fi ma main peut
réparer les chagrins que je vous ai cauſés
, elle eſt à vous. L'amoureux de Lurac
, dans l'ivreſſe du bonheur , ne pouvoit
exprimer ſes tranſports. La joie
brilloit dans les yeux d'Emilie : mais fa
joie étoit pure , & fans mélange de ce
trouble inquiet que Balran avoit jeté
dans ſon ame.
Que de choſes tendres ces deux amans
ne ſe dirent-ils pas ! ils commençoient
vingt diſcours qu'ils interrompoient
Bvj
36 MERCURE DE FRANCE.
:
vingt fois pour ſe répéter qu'ils s'adoroient
, & ils ne l'avoient jamais affez
dit. Enfin le Chevalier s'arracha des bras
de ſa maîtreſle pour aller préparer ſon
bonheur ; &, peu de jours après, l'hymen
couronna l'amour .
Par M. Collin , abonné.
DISCOURS attribué à M. de Voltaire , &
prononcé à l'ouverture du Théâtre Français
en 1732.
JUGES plus éclairés que ceux qui , dans Athène,
Firent naître &Aeurir les loix deMelpomene ,
Daignez encouragerdes jeux & des écrits ,
Qui de votre ſuffrage attendent tout leurprix.
De vos déciſions le flambeau ſalutaire
Eſt le guide aſſuré qui mène à l'art de plaire.
Envain contre ſon Juge un Auteur mutine
Vous accufe& ſe plaint quand il est condamné.
Un peu tumultueux , mais juſte & reſpectable ,
Ce tribunal eſt libre & toujours équitable.
Si l'on vit quelquefois des écrits ennuyeux
Trouver , par d'heureux traits , grâce devant vos
yeux ,
Usn'obtinrent jamais grâce en votre mémoire ;
JANVIER. 1775 . 37
Applaudis fans mérite, ils font reſtés ſansgloire;
Et vous vous empreflez ſeulement à cueillir
Ces fleurs que vous ſentez qu'un moment va flétrir.
D'un Acteur , quelquefois , la ſéduiſante adreffe ,
D'un vers dur & ſans grâce adoucit la rudeſle ;
Des défauts embellis ne vous révoltent plus ;
C'eſt Baron qu'on aimait &non pas Régulus.
Sous le nom de Couvreur , Conſtance a pu pa
raître ;
Le Public eſt (éduit , mais a' ors il doit l'être ;
Et, ſe livrant lui-même à ce charmant attrait,
Ecoute avec plaifir ce qu'il lit à regret.
i
Souvent vous démêlez , dans un nouvel ouvrage
,
De l'or faux & du vrai le trompeur aſſemblage;
On vous voit, tour-à- tour , applaudir , réprouver;
Etpardonner ſa chûte à qui peut s'élever.
1
(
Des tons fiers& hardış du théâtre tragique
Paris court avecjoie aux grâces du comique ;
C'eſt-là qu'il veut qu'on change & d'efprit &de
ton:
Il ſe plaît au naïf, il s'égaye au bouffon.
Mais il aime ſur tout qu'une main libre & sûre
Trace des moeurs du temps la naïve peinture.
Ainfi dans ce ſentier, avant lui peu battu ,
Molière , en fe jouant, conduit àla vertu.
:
38 MERCURE DE FRANCE.
: Folâtrant quelquefois fous un habit groteſque ,
Une muſe deſcend au faux goût du burleſque.
Onpeut à ce caprice , en paſſant , s'abaifler ,
Mais moins pour applaudir que pour ſedélaſſer.
Heureux ces purs écrits que la ſagefle anime ,
Qui font rire l'eſprit , qu'on aime & qu'on eſtime.
Tel eſt du Glorieux le chaſte & ſage Auteur;
Dans ſes versépurés la vertu parle au coeur.
Voilà ce qui nous plaît , voilà ce qui nous touche ,
Et non ces froids bons mots dont l'honneur s'effarouche
,
Infipide entretiendes plus groſſiers eſprits ,
Qui fait naître , à la fois , le rire & le mépris.
Ah ! qu'à jamais la ſcène , ou fublime , ou plaiſante
,
Soit des vertus du monde une école charmante !
Français , c'eſt dans ces lieux qu'on vous peint ,
tour-à- tour ,
La grandeur des Héros , les dangers de l'amour
Souffrez que la terreur aujourd'hui reparaiſle ;
Qued'Efchyle au tombeaul'audace ici renaiſſe.
Si l'on a trop ofé , ſi , dans nos foibles chants ,
Sur des tons trop hardis nous montons nos accens
,
Ne découragez point un effort téméraire ;
Eh ! peut- on trop ofer quand on cherche à vous
plaire ?
Daignez vous tranſporter dans ces temps , dans
ces lieux,
JANVIER. 1775 . 39
Chez ces premiers humains vivant avec les
Dieux ;
Et que votre raiſon ſe ramène à ces fables ,
Que Sophocle & la Grèce ont rendu vénérables ;
Vous n'aurez point ici ce poiſon ſi flatteur
Que la main de l'Amour apprête avec douceur.
Souvent , dans l'art d'aimer , Melpomene avilie
,
Farda ſes nobles traits du pinceau deThalie;
On vit des Courtiſans , des Héros déguilés
Pouſler de froids ſoupirs en nadrigaux uſés.
Non , ce n'eſt point ainſi qu'il eſt permis qu'on
aime;
L'amour n'eſt excuſé que lorſqu'il eſt extrême.
Mais ne vous plairiez- vous qu'aux fureurs des
amans ,
A leurs pleurs , à leur joie , à leurs emportemens ?
N'est - il point d'autres coups pour ébranler une
ame? :
Sans les flambeaux d'Amour il eſt des traits de
flamme;
Il eſt des ſentimens , des vertus , des malheurs
Qui , d'un coeur élevé , favent tirer des pleurs.
Aux fublimes accens des Chantres de la Grèce
On s'attendrit en homme , on pleure ſans faiblefle
;
Mais , pour ſuivre les pas de ces premiers Auteurs,
De ce ſpectacle utile illuftres inventeurs ,
L
40 MERCURE DE FRANCE.
Il faudrait pouvoir joindre , en fa fougue tragigique
,
L'élégance moderne avec la force antique :
D'un oeil critique & juſte il faut s'examiner ,
Se corriger cent fois , ne ſe rien pardonner ,
Et ſoi-même avec fruit le jugeant par avance ,
Par les ſévérités gagner votre indulgence.
L'HEUREUX HIVER.
ODE ANACRÉONTIQUE .
AIR: Que nefuis-je l'onde pure.
Si, de roſes couronnée ,
MaPhilis charme au printemps;
L'hiver , autrement ornée ,
Elle a d'autres agrémens :
Dans la marte- zibeline
Son teint a plus de blancheur :
Elle eſt , dans la douce hermine ,
L'image de la candeur.
Au printemps ſur la fougere ,
Ou fur un tapis de fleurs ,
Sajambe fine & légere ::
Forme des pas enchanteurs.
:
JANVIER . 1775 . 41
Mais a- t- elle moins de grâce
Quand foufflent des vents mutins ,
Et qu'elle fait ſur la glace
Glitler ſes jolis patins ?
Dela ſaiſon rigoureuſe
Mon coeur chérit le retour :
Depuis cette époque heureuſe
Ma Philis connoît l'Amour.
Elle a , par un froid terrible ,
Reçu ce jeune inconnu :
Quand il gèle on eft fenfible'
Aux pleurs d'un enfant tout nu .
ParMile Coffon de la Creſſonniere.
A Monfieur DE LACOMBE .
UN homme de qualité , dont la
Bibliothèque iminenſe eſt une des richeſſes
du Royaume , a bien voula me
permettre , Monfieur , de puifer dans
des recueils manufcrits qui remontent
juſqu'au milieu du denier fècle , con.
tinuent juſqu'à nos jours ,& contiennent
des poéſies & des anecdotes dont la plu-,
part font originales , d'autres très-peu
connues , d'autres très-difficiles à trou42
MERCURE DE FRANCE.
,
ver. J'ai l'honneur de vous envoyer
quelques unes de ces pièces , & vous
prie de les inférer dans votre Journal.
Si vos Lecteurs daignent les accueillir
elles feront fuivies de beaucoup d'autres.
L'Homme de qualité à qui je les dois
approuvera l'uſage que j'en fais. Ses richeſſes
littéraires font un fond précieux
dans tous les genres , & qu'il ne s'eſt
plu à raſſembler que pour futilité publique.
J'ai l'honneur d'être , &c .
DE BASTIDE.
de Marſeille.
MADRIGAL envoyé à M. de Villarceaux
par Mlle de Maintenon , avec des galans
, pour une courſe de bague .
Vous devez avoir de la joie
Desfaveurs que l'on vous envoie ,
Même il vous eſt permis , y trouvant des appas ,
De vanter en tous lieux ces légères offrandes ;
Mais ſi l'on vous en fait , quelque jour , de plus
grandes ,
Ne vous en vantez pas .
JANVIER. 1775. 43
Réponse de M. de Villarceaux .
Beauté qu'aucune autre n'efface
Sachez que mes ſens ſont ravis
De vous võir , avec tant de grâce ,
Me donner de fi bons avis .
Vos dons , de l'amitié ſont un doux témoignage ,
Et je découvre à tous l'eſtime que j'en fais ;
Mais ſi votrebonté m'obligeoit davantage ,
Je périrois plutôt que d'en parler jamais .
Sur le Mardi Gras .
L'on ſe maſque en toute ſaiſon.
L'un en tire ſon avantage ;
L'autre ſon plaifir ; & le ſage
Se maſque ſouvent par raiſon.
Vers.
Si je tâche à me délier
Cen'eſt pas faute de conſtance ;
Mais je crains de vous ennuyer
Avecma ſorte parience.
Sur un petit Enfant.
Ce petit enfant eſt ſi doux
Qu'il fait des careſſes à tous :
Savez- vous qui le lui fait faire ?
Le pauvre enfant cherche ſon pere.
MERCURE DE FRANCE.
SONNET .
, Beaux ſont cesbois épais , belle cette prairie
Belles ces vives fleurs , &beaux ces verds rameaux,
Beau le cryſtal coulant de ces petits ruiſleaux ,
Beau le riant émail de cette herbe fleurie.
Beaux les derniers accens qu'un doux écho marie
Aux charmes amoureux de mes chants tout nouveaux
,
Beaux les riches épis de ces jaunes tuyaux ,
Beaux les airs qu un Berger ſur la fuse varie,
Beaux les ſeps amoureux ou pendent ces raiſins
Reaux les courbés vallons de ces côteaux voifins
Beau cet antre où , parfois , avec toi je fommeille.
Mais toutes ces beautés , Aline , fur ma foi ,
Cèdent à la beauté de ta bouche vermeille ,
Lorſque l'Amour y place un ſourire pour moi.
EPIGRAMME.
Vous êtes dans un grand abus
De prendre Bordier pour Phébus.
Il est tropmal dans ſa fortune
Pour fouffrir ces comparaiſons ;
Car Phébus a douze maiſons
Et ce maraud n'en a pas unc.
JANVIER. 1775. 45
Métamorphose d'un évantail.
Celéger évantail fut un jeune inconſtant
Aflez favorisé de toutes ſes maîtreſſes ,
Mais , parce que ſon feu ne duroit qu'un inſtant ,
Il n'en eut que du vent après mille promeſſes .
Tantôt il ſe reſſerre , & tantôt il s'étend ;
Il uſe de ſurpriſe , il ſe ſert de fineſles ;
Auflı- tôt que l'Amour veut le rendre content
Il devient inſenſible à les douces carrefles .
Ennemide lui-même, il détruit Con travail.
Enfin cet éventé ſe change en éventail ,
Et la légéreté paroît toujours extrême.
ChaqueDame a ſur lui ſon pouvoir eflayé ;
Mais il fait pour autrui ce qu'on fit pour lui-même,
Et paye avec du ventcomme il en futpayé.
Sur un Glorieux qui mourut la veille de
l'Afcenfion.
Mortels ne vous étonnez pas
Si , lorſqu'il étoit ici bas,
Il oſoit plus que vous paroître ;
Il fut fi fort ambitieux
Qu'il a voulu monter aux cieux
Unjour auparavant ſon maître.
46 MERCURE DE FRANCE.
DIALOGUE
Entre ALCIBIADE & TYMON le
Misantrope.
ALCIBIADE.
HE BIEN ! vieux frondeur ! la mort a
donc délivré Athènes de tes déclamations
,& l'humanité de ta haine ?
YMON.
La mort ne m'a rien ravi : je déclame
ici comme je déclamois là-bas, &je hais
les ombres , comme je haïffois les hommes.
ALCIBIADE.
Pauvre eſprit! l'orgueil t'a bien égaré.
Tu ne reprochois à tes ſemblables rant
de défaurs que pour leur voiler tes propres
vices. Tu imitois cet oiſeau de finiftre
augure , dont la préſence irrite ou
effraie tous les autres oiſeaux , & qui
cherche à couvrir leurs cris par les croaffemens.
1.
:
JANVIER. 1775 . 47
TYMON .
J'ignore à qui je dois te comparer.
C'eſt , ſans doute , au Cameléon qui
prend toutes les couleurs qu'il veut prendre.
On te vit adopter ſubitement les
uſages , les travers & les vices de tous
les peuples qui daignoient te recevoir.
Tu changeois de caractère auſſi facilement
que d'habitation ; c'est- à- dire , que
tu n'avois ni caractère , ni habitation
fixe.
AALLCCIIBBIADE.
Nul pays ne me fut étranger , & tour
caractère me fut propre. Je ſus captiver
les eſprits & réunir les fuffrages les plus
oppoſés .
ΤΥΜΟΝ.
Il y a dans cette conduire une foupleſſe
qui reſſemble beaucoup à la fraude.
ALCIBIADE.
Il y eut dans tes actions une fingularité
hors de toute vraiſemblance.
TYMON.
Je ne me démentis jamais.
c
48 MERCURE DE FRANCE.
ALCIBIADE.
J'avois cru pourtant être le ſeul homme
de la Grèce qui eût échappé à ton
averſion.
TYMON.
Je fis mieux , je t'aimois en faveur
du mal que tu devois caufer à ta patrie.
Je chériſſois en toi l'homme qui devoit
unjout faire périr tant d'autres hommes.
ALCIBIADE.
Que je te plains de n'avoir jamais fu
que hair!
TYMON.
Crois- moi , toute paſſion a ſes plaiſirs ,
& la haine a les ſiens comme l'amour.
Elle ne rifque pas de s'affoiblir comme
uj . Tout contribue à la fortifier. Il ne
faut que jeter un coup- d'oeil ſur l'eſpèce
humaine ; ſur l'ingratitude & la duplicité
des hommes , la perfidie & l'inconftance
des femmes ; l'orgueil des grands ,
la baſſeſle des petits; la fottiſe de tous.
Il ne faut que voir les intérêts qui les
diviſent , les complots qui les rapprochent
, les cabales qui les élèvent , les
vices
JANVIER . 1775 . 49
vices qui les dégradent ; l'ignorance des
Savans, la folie des Sages ; tantde projets
infenfés , d'entrepriſes criminelles, de forfaits
répétés& impunis ...Quand, dis -je,on
réfléchit fur tant de travers & d'horreurs ,
qui pourroit n'en pas détester la fource ?
Qui pourroit ne pas fouhaiter l'extinction
de la race humaine , ſi peu digne de porter
ce nom ? Pour moi , j'eufle voulu pou .
voir l'anéantit d'un fouffle ou d'un regard.
Quelqu'un me fit un jour la faveur de
ſe pendre à un arbre de mon jardin. Cet
arbre m'embarraſſoit depuis long-temps.
Mais je fis publier que ſi d'autres citoyens
vouloient en faire le même uſage , je me
garderois bien de le faire abattre.
ALCIBIADE.
Quel avantage te revint- il d'avoir tant
mépriſé les hommes ?
TYMON.
Celui de les mépriſer.
ALCIBIADE.
Celui-là , ſi c'en eſt un , te privoit
d'une infinité d'autres. L'homme n'eſt
*
I. Vol. C 1
50 MERCURE DE FRANCE.
point né pour vivre ſeul. Il a beſoin de
s'appuyer ſur ſes ſemblables , comme les
arbres d'une forêt ſe ſoutiennent mutuellement.
Plus ils ſe touchent , moins
l'orage a de priſe pour les déraciner. Que
m'importe les défauts des hommes fi
toutes mes vertus ne peuvent fuffire à
mon bien- être ? J'aime encore mieux me
plier à leurs foibleiſes que de végéter
triſtement avec mes perfections .
TYMON.
On ne te vit point déroger à cette
maxime : elle fut la baſe de ta conduite
&de tes écarts .
ALCIBIADE.
Je ne fus jamais plus ſage que lorſque
je patus l'être le moins .
TYMON.
L'étois tu quand on te vit étaler un
luxe au deſſus de ce qu'avoit encore vu
la faſtueuſe Athèness??
ALCIBIADE.
Mon ambition fut d'éclipſer en tout
mes rivaux & mes concitoyens. Je vouJANVIER.
1775 . SI
lois primer dans tous les cas; avoir la
plus belle maîtreſle , le char le plus brillant
, la table la mieux ſervie , les meilleures
ſtatues , les meilleurs tableaux , la
maiſon la mieux bâtie , les jardins les
mieux ornés ; je brillois également dans
les jeux , dans les fêtes & dans les combats
; j'eus le prix de la courſe aux jeux
Olympiens , & celui de la valeur au
combat de Stagire. Enfin , je pallai en
même temps pour être le plus magnifique
, le plus voluptueux & le plus brave
des Athéniens .
TYMON.
J'excuſe en toi la valeur , puiſqu'il eſt
toujours bon d'être le plus fort parmi les
méchans. Mais pourquoi ce faſte & ce
luxe qui te ſuivoient par-tout?
ALCIBIADE .
Ils ne me ſuivirent point à Lacédémone.
Réfugié dans cette ville auſtère ,
j'y devins un exemple d'austérité. J'enchériſſois
encore ſur la diſcipline rigoureuſe
des Spartiates. Le plus ſobre à table
, le plus ardent aux exercices , le plus
prompt à courir aux hafards , ils m'au
Cij
52 MERCURE DE FRANCE.
roient cru né parmi eux , s'ils n'euſſent!
point déjà appris à leurs dépens que
j'étois né dans Athènes.
TYMON.
La difcipline de Sparte exigeoit-elle
auſſi qu'Alcibiade ſéduisit la femme de
fon hôte?
ALCIBIADE .
Ce fut un traitde foibleſſe. D'ailleurs
les Spartiates n'étoient rien moins que,
rigides ſur ce point. Ils autorisèrent plus
d'une fois , par une loi authentique , ce
que je ne me permis alors que tacitement..
TYMON.
Au moins avoueras-tu qu'un homme
qui ſe plie à tout eſt un homme pour
qui tout eſt indifférent. :
ALCIBIADE.
Tes conféquences tiennent deta conduite;
elles ſont extrêmes comme elle.
J'eus des notions plus ſaines que toi du
vice & de la vertu. Qu'as tu fait fur la
terre ? Ton rôle ſe bornoit à haïr les
humains qu'il eût fallu conſoler. Tu inJANVIER.
1775 . 53
vectivois ceux qu'il falloit plaindre. Tu
ne connus ni l'amitié , ni le patriotiſme ,
ni aucuns des liens qui raſſemblent &
maintiennent la ſociété. Les loix veilloient
à ta conſervation , & tu aurois
voulu détruire ces loix. Tu blâmois ,
tout enſemble , & les occupations & les
délaſſemens de l'eſprit. Tu enviois à
l'homme les avantages qui le diftinguent
de la brute, les douceurs qui l'aident à
ſupporter la vie , les goûts , les liaiſons
qui le rendent ſupportable à lui même .
Sans tous ces dédommagemens , que
voudrois-tu que les hommes fiſſent fur
la terre?
Qu'ils endiſparuſſent.
ALCIBIADE .
L'expédient eſtdigne de toi. On te vit
pourtant conferver , avec affez de réſignation
les jours que te laiſſa la deſtinée.
Il devoit te ſembler plus facile de
quitter le ſéjour des humains que de les
en faire tous diſparoître .
TYMON.
Je voulus y reſter pour les haïr & les
Ciij
54
MERCURE DE FRANCE.
reprendre plus long-temps . J'ignore fi
mes reproches leur furent jamais utiles ;
mais leurs travers me l'étoient. Ils ſervoient
d'aliment à mon averſion , & je me
pardonnois de vivre , puifque je ne refſemblois
à aucun de ceux qui vivoient.
ALCIBIADE.
Veux tu ſavoir comment l'on doit
vivre avec les humains ? Comme un paf.
fager avec ſes compagnons de voyage. Il
s'agit d'égayer le trajet , & chacun doit
y contribuer pour ſa part : chacun , en
un beſoin , doit fe prêter aux manoeuvres.
C'eſt en ſe réuniſſant qu'on parvient
à faire tête à l'orage. C'eſt auſſi , en ſe
réuniflant , qu'on goûte mieux les douceurs
du calme. La vie humaine eſt un
vaiſſau plus ſouvent agité que paifible.
N'augmentons point le tumulte par
des cris & des emportemens déplacés .
Que dirois tu d'un homme qui s'occuperoit
fans ceſſe à contrecarrer les ſaiſons
& les élémens ? Qui ſe couvriroit de
fourrures quand le ſoleil brûle les moiffons
, & qui marcheroit nud quand la
gelée fend les roches & arrête le cours
des fleuves?
JANVIER. 1775 . 55
.
TYMON.
Je dirois que cet homme a raiſon de
ne vouloir dépendre ni du froid ni du
chaud.
ALCIBIADE.
Je dirois , moi , qu'il prend beaucoup
de peine pour accroître les diſgrâces de
ſa condition. Il eſt de ſon intérêt de les
adoucir. Il doit être l'homme de tous
les pays , parce que tous les pays renferment
des hommes; que tous leurs travers
ne les dépouillent pas de ce titre ,
&que l'homme le moins raiſonnable eſt
celui qui a raiſon contre tout le genre
humain.
Par M. de la Dixmerie.
L'EXPLICATION du
mot de la première
énigme du Mercure du mois de Décembre
1774 , eſt lefeu ; celui de la ſeconde
est l'espérance; celui de la troiſième
eſt le papier. Le mot du premier
logogryphe eſt pantoufle , où ſe trouvent
loup , poule, eau , la , Pan ; celui du ſecond
eſt porte-feuille , où l'on trouve
porte & feuille.
Civ
56 MERCURE DE FRANCE.
GRACE
ÉNIGME.
àDieu me voilà ; Lecteur , qui que tu
lois ,
Je te ſouhaite , à cette fois ,
Ce que pour toi je voudrois être.
Jevais t'apprendre à me connoître ;
Je ſuis un nombre , mais , fans compter par tes
doigts,
Avec moi décompoſe &mon nom&mon être.
Sur vingt-cinq & ſur huit , au moirs fur quatre
pieds ,
Pour ton uſage je me porte ,
Vingt- cinq , ou huit , ou quatre , à l'inftant , peu
t'importe ;
Mais puiſſe-tu les voir encor multipliés,
:
Mes vingt- cinq pieds font huit ſyllabes ;
Je dois mes huit ſeconds aux antiques Romains ,
Mes quatre derniers aux Arabes ;
Et marche ſur tous trois à pas toujours certains :
Je ne ſuis point inexpliquable ,
J'étois prêt de le faire voir ;
Mais lis l'inventeur de la fable ,
De lui , m ux que de moi , tu pourras le ſavoir.
Je ne ſuis , moi qui te ſalue ,
Qu'un petit point , extrait d'une immenfe étendue;
JANVIE R. 1775 . 57
Elleva , pour te le prouver ,
En ſe décompoſant t'aider à me trouver.
Montout est compoſé de diverſes parties ,
Qui cependant , ſans être déſunies ,
Me font régner ſur l'Univers ,
Par des effets toujours divers :
Point ne fuis combustible , & toujours me conlomme;
Indifféremment l'on me nommé ,
Singulier , ou pluriel , maſculin , féminin,
N'importe , fi l'on croit à l'ordre du deſtin ,
Le premier , ni le dernier homme
Nem'a vu commencer ni ne verra ma fin.
Du Deſtin je tiens la balance ;
Lemalheureux ſur moi fonde ſon eſpérance ,
Etveut toujours me voir nouveau ;
Souvent trompédans ſa croyance ,
Il eſpere juſqu'au tombeau :
Je ne vois tout qu'avec indifférence ,
Aufſi m'accuſe- t- on ſouvent
Oude rigueur ou d'injustice :
Mais , ſi je ne ſuis point propice ,
C'eſt que l'on n'eſt jamais content ;
Toujours changeant , toujours le même;
Flus on me dit nouveau, plus je me dis ancien;
Vouloir réſoudre ce problême ,
Le plus fubtil n'y comprend rien :
Nul ne peut mebraver , tel eſt moncaractère;
Cv
58
MERCURE DE FRANCE.
Rien ne réſiſte contre moi :
Heureux &malheureux , tout fléchit ſous ma loi
Bien , ou mal , tout n'eſt néceflaire ,
Ne me demande pas pourquoi ,
Quand tout le dit je dois me taire.
Lorſque j'ai trop parlé , ne fois point importun ,
Car lebut où je tends m'impoſe le ſilence ,
:
Qu'il parle , & prouve enfin ce quej'avance.
Mon nom offre d'abord , de diſtance en distance ,
Cinq nombre différens , &qui tous ne font qu'un.
Lecteur , pour me trouver en faut- il davantage ?
Dois je du logogryphe employer tous les traits ?
Non , non , car ce ſeroit à ne finir jamais ;
Mais quoi ! déjà tu perds courage ?
Allons , encor un trait pour terminer l'ouvrage ,
Peut- être à ce dernier tu me connoîtras micux :
Car tu pourtois penſer que je t'en fais accroire ;
Je ſuis ſouvent préſent à ta mémoire
Et m'offre peut être à tes yeux
Sous la deviſe de Grégoire.
En la
1
AUTRE.
guerre , en la paix , & fur mer , & far
terre ,
Les peuples dans la Flandre , ainſi qu'enAngle
terre ,
JANVIER. 1775 . 59
Comme en bien d'autres lieux , partout me fons
la cour ;
Je délivre de ſoif , je fais naître la joie ,
Je calme le chagrin , coup - à- coup je le noie ;
C'eſt , pour me deviner , donner aſſez de jour ;
Mais ne vous en moquez , ſans raiſins & lans pommes
,
Hélas ! d'un mal preſſant je ſoulage les hommes .
Par M. C. P. R. de B. F.
AUTRE.
Me définir , Lecteur , n'est pas petite affaire.
Je veux pourtant , par mes efforts ,
Te montrer les divers rapports
Sous leſquels on me conſidere :
Çà , commençons. Je ſuis de tout pays ;
Je connois tous les idiomes.
Je n'ai pas la raiſon , & j'enſeigne les hommes;
Sans leur parler je les inſtruis.
Contre l'ennui douce & sûre recette ;
Je fais auſſi bâiller par fois.
On me trouve à l'Egliſe & ſur une toilette.
A la Cour , ami vrai des Rois ;
Je ne le ſuis pas moins du Sage en ſa retraite.
Atous les tonsje ſais monter ma voix :
Cvj
60 MERCURE DE FRANCE.
: Tantôt , moraliſeur ſévere ,
J'effraie une Beauté jouiſſantde ſes droits:
Et tantôt je lui montre à plate.
Heureux objet de l'amour de mon pere ,
Demoi jamais il ne fut mécontent;
Et , contre la nature entiere ,
Quelquefois ſeul il me défend.
Mais que la vie , hélas ! eſt incertaine !
Que fur elle on doit peu faire de fondement !
Lecteur , juges -en par la mienne ;
Quelquefois éternelle , elle eſt le plus ſouvent
D'un inſtant-
ANifme. Par M. Pieyre fils.
LOGOGRYPΗ Ε.
J'At fix pieds , cher Lecteur , & ne m'en puis fervir
;
Car on veut quetoujours je reſte ſuſpendue:
Et pourquoi ? Fort ſouvent pour montrer à la vue
Un fot , qui d'un beau titre a ſu ſe revêtir.
On me voit en Sorbonne , à l'école , à l'Eglife ;
Même jadis je fus dans le Sénat ,
Mais ſous un autre nom , il faut que je le dite .
Coupe mon chef, je ſuis une chemiſe
Dont le tiflu n'est pas trop délicat.
JANVIER. 1771. 61
Acepied- làque tu viens de m'abattre ,
Joins mon ſecond , réduis mon corps à quatre ,
Et tu verras le niddu plus fort des oiſeaux.
Dem'ôter le troiſieme , aye encor le courage:
De moi fais deux juſtes morceaux ;
Je changerai bien davantage;
Et je ne pourrai plus te préſenter alors
Que cequ'on craint de Dieu quand on va chez les
morts?
Mais , pourſuis juſqu'au bout cette même rubrique
:
Il me reſte trois pieds,réduis les vête àdeux;
Tu ne pourras me rendre étique ;
Et je te fais encor , dans cet état piteux ,
Voir une norte de muſique.
Par le même.
J
AUTRE.
E fuis, avec neufpieds, un mets des plus fucrés;
Demon tout fait- on deux moitiés,
La première détruit la roche la plus dure ,
La ſeconde , Lecteur , te ſert de nourriture.
ParM. Houllier de Saint-Remy,
deSezanne.
62 MERCURE DE FRANCE.
AUTRE.
Je ſuis de haur corſage ,
On me voit à la ville , on me voit au village ;
J'en fais même un des ornemens .
Combinez de mon corps les membres différens ;
Vous aurez un méral , une île , une riviere ,
Un poiſſon délicat ,
Celui qui ſe deſtine au triſte célibat ,
Un inſtrument forgé de plus d'une maniere ,
La Nymphe que Narcifle a réduite aux abois ,
Un calus douloureux , une lente voiture :
Pour mieux expliquer ma nature ,
J'ajoute , cher Lecteur, que je porte la croix .
Par M. D. àAngers.
RONDE du Drame de HENRI IV. *
EUGÉNIE.
**
Pour un Peuple aimable & fen- fible ,
*Muſiquede M. Martiny.
:
JANVIER. 1775 . 63
*
Le premier bien c'eſt un bon Roi ; A
fon amour tout eft pof- ſible, Le ſentiment
devient ſa loi : L'ame , ſa-tisfaite ,
Se choiſit un refrain ché- ri ; Le
*
coeur le chante, & la France re- péte :
Vi- ve Hen- ri , vi- ve Hen- ri.
Refrain.Vive Hen- ri , vive Hen- ri .
ROGER.
Un foldat , ſous un coup funeſte,
Se voyoitdeſcendre au tombeau ,
Le peu de force qu'il lui refte
Lui ſert à ſauver ſon drapeau.
Soname fatisfaite
Se ſouvient du refrain chéri ,
64 MERCURE DE FRANCE .
Et ſans ſe plaindre en mourant il répere :
Vive Henri , vive Henri.
LA MARQUISE .
Desbrasde la plus tendre mère ,
Un fils s'arrache & vole au camp ,
La nature alors fait ſe taire ,
L'honneur commande au ſeatiment;
L'ame fatisfaite
Se ſouvient du refrain chéri ,
Il la confole& fière elle répète :
Vive Henri , vive Henri .
LE MARECHAL DE BIRON.
C'eſt en chantant le Roi qu'il aime
Que le foldat brave la mort.
LE MARECHAL D'AUMONT.
Ainſi le laboureur lui - même
En travaillant bénit ſon ſort ;
Ensemble.
L'ame fatisfaite
Se ſouvient du refrain chéri ,
Le ceoeur le chante & la France répète :
ViveHenri , vive Henri.
JANVIER. 1775. 65
COUPLETS
Sur l'air de la Ronde d'Henri IV , Drame
lyrique , repréſenté à la Comédie Italienne.
DEHenri l'ameglorieuſe
Eſt ſenſible après le trépas;
En ce momentqu'elleeſt joyeuse!
Ami François , n'en doutez pas.
Qu'elleeſt ſatisfaite
D'entendre ce refrain chéri ,
Quedans ParisleCitoyen répete,
Nous avons encor un Henri.
J'enſuis certain par le prodige
Dont je fus témoin l'autre jour.
Ce n'étoit pointun faux preſtige
Des ſens égarés par l'amour.
D'Henri la ſtatue ,
Image adorée à Paris ,
Oui , je l'ai vu treſſaillir , être émuc
A l'afpest du jeune Louis.
Leciel entend , par ce miracle ,
Annoncer notre jeuneRoi.
66 MERCURE DE FRANCE .
Tu renais , Henri , cet oracle
Promet un fils digne de toi ;
C'eſt un sûr préſage
Du bonheur d'un peuple chéri ;
Ainſi que toi , bienfaiſant , juſte & fage ,
Louis eſt un autre Henri.
Par M. D. B. Officier de la
Garde du Roi.
BOUQUET
A Mademoiselle DE VILLENEUVE , de
Strasbourg .
GRACES , Talens, prenez vos plus tians atours ,
D'un myrte verd couronne Amour ta tête ;
De Villeneuve c'eſt la fêre ,
C'eſt celledes Talens , des Grâces , des Amours.
NOUVELLES LITTÉRAIRES .
3
Préceptesfur la ſanté des gens de guerre ,
ou hygienne militaire. Par M. Colombier
, Docteur Régent de la Faculté
de Médecine en l'Univerſité de Paris ,
JANVIER. 1775 . 67
&c . Vol. in- 80 . prix 4 liv. broch . A
Paris , chez Lacombe , Libraire , rue
Christine.
IL fuffit de parcourir les faſtes des Nations
pour être perfuadé que la gloire &
la sûreté d'un Royaume dépendent moins
du nombre que de la bonté des troupes
qui y font entretenues. Mais en quoi
conſiſte cette bonté ? Les Généraux &
les Hiſtoriens ſont d'accord entre eux
fur cet article. La force & la vigueur ,
l'adreſſe & la valeur , ſont les qualités
d'un bon foldar. Elles ne peuvent être
réunies que dans un corps ſain. Elles dépendent
toujours du choix qu'on fait de
l'homme , & elles ſont confervées par la
manière dont on le forme , & par la
diſcipline à laquelle on l'aſſujétit. Vegèce
, dans ſes Inſtitutions militaires , invite
l'Empereur Valentinien à rétablir
cette diſcipline , en lui repréſentant que
l'époque de la décadence de l'Empire eſt
celle de la négligence des Généraux fur
ce point , & fur le choix des foldats. Il
eſt donc conſtant que l'Etat où l'on portera
le plus d'attention ſur le choix des
hommes , ſur la manière de les former ,
& ſur la diſcipline , ſera celui où les
68 MERCURE DE FRANCE
troupes feront les meilleures . Or , comme
il eſt d'ailleurs très facile à démontrer
que ce choix eſt principalement fondé
fur la ſanté , & que les premières qualités
eſſentielles au guerrier dépendent
de la bonne conſtitution & de la conſervation
de celle ci; il eſt évident que
le Gouvernement & les Généraux , qui
veulent avoir de bons ſoldats , doivent
s'occupper angulièrement de leur ſanté.
Les Anciens , comme le fait très bien
voir M. C. dans la préface de fon ouvrage
, y portoient une attention particulière.
« Auſſi tôt que j'ai été élu , dit
>> Cyrus dans la Cyropedie , j'ai fongé à
>>me pourvoir de Médecins & de Chi-
>>>rurgiens , & je puis dire que j'en ai
>> pluſieurs avec moi des plus habiles.
» Mais les Médecins , lui répond Cam-
>> biſe , ne font que comme les Ravau-
>>deurs qui rajuſtent de vieux habits ;
>>car ils n'exercent leur induſtrie qu'au-
>> tour des corps mal faits & incommo-
»dés. Un foin plus efficace & plus digne
» de vous, ajoute-t-il , ſeroit de tâcher
>>de prévenir les maladies , & d'empê-
>>cher qu'elles ſe répandiſſent dans vos
>> troupes ». Afin de mettre le Gouvernement
& les Généraux plus à portée
JANVIER. 1775 . 69
de ſuivre ce conſeil de Cambyfe , M.
C.porte ſes vues for le genre & l'eſpèce
d'hommes dont le corps militaire eſt compofé;
il examine, avec attention , les
qualités qui ſont eſſentielles à chacun ,
ſelon la claſſe à laquelle il eſt attaché. Il
cherche la fource & les cauſes de la
perte d'un nombre conſidérable des gens
de guerre , fur tout dans les armees , & ,
ce qui eſt le plus important , il s'attache
ànous indiquer l'ufage des moyens préfervatifs
les plus sûrs contre chaque gentede
dangers.
L'ouvrage eſt diviſé en ſept chapitres.
Le premier traite des différentes eſpèces
de militaires. Il expoſe en général les
cauſes les plus ordinaires du dérangement
de la ſanté des individus de chaque
ordre; mais ce chapitre eſt particulièrement
deſtiné pour ceux du rang le
plus diftingué , les gens de qualité , qui
ytrouveront les moyens les plus convenables
pour ſe former à la profeſſion des
armes , & pour conſerver leur ſanté.
Le ſecond chapitre renferme des préceptes
fur les principaux objets qui intéreſſent
la ſanté de l'homme de guerre ,
généralement conſidéré. Le vêtement , la
nourriture , l'air & les pofitions , les
70 MERCURE DE FRANCE.
marches , les moeurs , la diſcipline & les
revues , font le ſujet des différens articles
de ce chapitre.
Le troiſième a pour objet les troupes
conſidérées en temps de paix. Les garniſons
& les quartiers d'hiver , l'exercice
, le ſervice , les routes , les hôpitaux ,
lescongés ,les eaux minérales , les invalides
, en font la matière.
Dans le quatrième , l'Auteur ſuit les
troupes depuis le moment où la guerre
commence juſqu'à la paix , dans toutes les
poitions poſſibles, en indiquant les dangers
de chacune , & les moyens qu'il faut
employer pour empêcher la maladie de
ſe répandre.
Le cinquième renferme l'hiſtoire des
différens théâtres où ſe portent ordinairement
nos armées . Rien n'eſt plus important
pour la conſervation de la ſanté
des gens de guerre , que de connoître le
climat , le fol , les eaux , les moeurs , les
uſages , les productions & les dangers
du pays où on les tranſporte. Chaque
contrée offre à cet égard beaucoup de
variété; & il est néceſſaire d'y obſerver
un régime & une difcipline propres à
écarter les dangers qui doivent réſulter
de ces différences .
JANVIER. 1775. 71
Le ſixième chapitre traite des ſuites
de la guerre : le militaire & le citoyen
font également les victimes de ce fléau .
L'Etat qui a foutenu long-temps la guerre
, foit au dehors , ſoit au dedans , a
fait des pertes conſidérables qu'il eſt néceffaire
de réparer. L'Auteur indique ,
dans les différens articles de ce chapitre ,
les moyens les plus efficaces pour prévenir
la plupart des maux dont la guerre
eft accompagnée & fuivie , & il propoſe
les reſſources convenables pour réparer
les pertes qu'elle a caufées.
Dans le ſeptième & dernier chapitre ,
l'Auteur parle des différentes munitions
de bouche dont les armées doivent être
pourvues ; mais fur-tout de la manière
de les compofer & de les répartir en cas
de beſoin; & il indique l'uſage de pluſieurs
moyens propoſés par diversAuteurs
dans les momens de diſette.
L'ouvrage eſt terminé par des confeils
ſur la manière de diriger la ſanté des
gens de mer.
M. C. eſt déjà bien connu par un Code
de Médecine militaire. L'ouvrage que nous
venons d'annoncer eſt une nouvelle preuve
de fon zèle éclairé & patriotique .
Comme cet ouvrage a été ſoumis au ju
72 MERCURE DE FRANCE.
gement de la Faculté de Médecine de
Paris; nous croyons devoir tranſcrire ici
le rapport des Commiffaires ; il juttifiera
la confiance que le Public a dans les lu-:
mières de М. С.
" L'ouvrage pour lequel M. Colom-
• bier ſollicite votre approbation , di-
>> ſent les Commiſſaires à la Faculté af-
> ſemblée , eſt une hygienne militaire ,
>> c'est-à dire , un traité de la manière de
>>conſerver la ſanté de ceux qui exercent
>> la profeſſion des armes , ainſi que celle
>> de ceux qui s'y deſtinent. En effer ,
>>l'Auteur ne ſe borne pas àdonner des
préceptes de ſanté pour ceux qui , déjà
>>engagés dans l'exercice de cet art , en
>> efluyent tous les dangers : mais per-
>>fuadé que le ſeul moyen d'avoir des
>>armées puiſſantes , eſt de ne choiſir
>> que des militaires d'une conftitution
» robuſte , il examine d'abord de quelle
>> manière on doit gouverner l'éducation
>> de ceux qu'une naiſſance diftinguée
> appelle au grand art de la guerre. Il fait
>> voir combien celle qu'on leur donne
>> denosjours eft vicieuſe,& peupropre à
>>leur former une ſanté capable de réfif-
>> ter aux ſecoulſſes qu'elle éprouvera au
>>milieu des opérations militaires. 11
» blame
JANVIE R. 1775. 73
»blâme fur-tout cette molefſe qui , en
> les énervant , par trop de ſoins, les
» prive de la vigueur néceffaire pour en
>>ſupporter les travaux impunéinent. Si
l'éducation des militaires de la claffe
>> inférieure n'eſt pas ſuſceptible des mê-
» mes conſidérations , on n'y trouve pas
>> non plus les mêmes fautes. C'eſt , pour
>>laplupart, de familles obfcures& fou-
>vent indigentes ; les exercices pénibles
> auxquels ils ſont forcés de ſe livrer
>>dès leur enfance , leur procureront aifé-
•ment la force quedemanderont ceux de
>>la guerre. D'ailleurs la liberté du choix
- met à portée d'écarter d'un ſervice dan-
>gereux ceux que leur foibleſſe deſtine
>>pour des profeſſions plus tranquilles.
» Le ſervice militaire eſt preſque le ſeul
» qui convienne aux perſonnes d'une hau-
> te naiſſance.
• M. Colombier paſſe enſuite à l'exa-
>men des cauſes qui peuvent altérer la
>>ſanté du militaire; &, comme elles
• ſont en grand nombre , & qu'il s'en
>>rencontre dans toutes les poſitions où
>>il peut ſe trouver , il le fuit exacte-
>mentdans toutes ſes opérations; il ob-
>>ſerve tous les dangers auxquels il eſt
•fansceffe expoſé; il eſtime la puiſſance
I. Vol. D :
74
MERCURE DE FRANCE.
>> des cauſes qui attaquent continuelle-
» ment ſa ſanté , & propoſe les moyens
» qu'une étude réfléchie lui a fait ima-
>> giner pour en écarter ou du moins en
>>diminuer l'influence.
ود Il nous a paru que rien n'étoit échappé
à l'attention & à la ſagacité de
» l'Auteur. Les marches , les campemens ,
» les fiéges , les batailles , le vêtement ,
» la nourriture , les logemens , le repos ,
>> les exercices ; tout eſt pour M. Colom-
>> bier un objet de réflexions ſages & ju-
>> dicieuſes. Son zèle pour la conferva-
>>tion du militaire , cette partie ſi pré-
>> cieuſe des Citoyens , lui fait apperce-
» voir nombre de dangers qu'il croit que
>> l'on peut éviter par des moyens faciles
» & peu coûteux.
> Nous ne pouvons , Meffieurs , qu'ap .
>> plaudir au zèle fi digne d'un Médecin .
>>Nous reconnoiſſons que l'Auteur n'a
>>rien avancé qui ne foit conforme aux
>> loix les plus incontestables de notre
» art. La peinture des dangers auxquels
» la ſanté des militaires ſe trouve con-
>> tinuellement expoſée , eſt fidelle, fans
»être exagérée. Les moyens qu'il pro-
»poſe , pour en diminuer le nombre &
» la grandeur , nous ont tous paru pro-
>>pres à remplir ſes vues.
1
JANVIER. 1775 . 75
Quant à leur exécution , nous pen-
> fons qu'on doit entièrement s'en rap-
> porter à la ſageſſe & à l'intelligence
» de ceux que leurs dignités & leurs lu-
> mières particulières ont établis pour
» en juger & mis en état de le faire.
>>Nous voyons avec plaiſir que M. Co-
» lombier , en parlant preſqu'autant en
» Militaire qu'en Médecin , n'a jamais
» manqué d'appuyer ce qu'il avance fur
>>les autorités les plus reſpectables.
» Nous ſavons même qu'il a recueilli
>>avec ſoin les avis des Militaires les
>>plus diſtingués. Nous croyons néan-
»moins devoir imiter la réſerve qu'il
« fait voir à la fin de ſon avertiſſement ,
»& nous penfons , avec lui , que c'eſt
» aux Supérieurs militaires à juger ſi les
» moyens qu'il indique s'accordent avec
» le bien du ſervice & les vues du Gou-
» vernement ;».
La Faculté de Médecine a , le mardi
17 Août 1773 , après avoir entendu ce
rapport de MM. Bercher , Petit , de Gevigland
, Alleaume , de la Poterie &
Guilbert , unanimement adopté le jugement
de MM. les Commiſſaires , en
applaudiſſant au zèle d'un de ſes Membres
, dont l'objet eſt la conſervation de
Dij
ERCURE DE FRANCE.
des Guerriers reſpectables qui
..c leur vie àdes périls multipliés ,
pour le ſervice du Prince & pour la
gloire de la Nation.
Voyages dans la mer du Sud , par les
Espagnols & les Hollandois ; ouvrage
traduit de l'Anglois, de M. Dalrymple
, par M. de Freville , vol. in 8°. à
Paris , chez Saillant & Nyon , Libraires
, rue S. Jean de Beauvais ; & Piffor,
Libraire , quai des Auguſtins.
Lorſque M. de Freville publia l'année
dernière l'Hiſtoire intéreſſante des découvertes
faites dans la mer du Sud en 1767,
1768 , 1769 & 1770 ; il promit de nous
donner d'après le Chevalier Dalrymple
la collection des voyages antérieurement
entrepris fur cette mer. Il remplit aujourd'hui
ſa promeffe , & l'ouvrage que
nous annonçons', joint au premier, forme
un recueil complet des connoiſſances géo
graphiques , hiſtoriques & naturelles que
nous pouvons avoir ſur la mer pacifique.
M. de Freville a beaucoup abrégé dans
ſa traduction la collection des voyages
endeuxvolumes in 4º. publiée à Londres
par le Chevalier Dalrymple. Il a penſe
JANVIER. 1775. 77
avec raiſon que dans une matière déjà
connue , on ne devoit rapporter que les
détails propres à répandre de nouvelles
lumières fur cette partie intéreſſante du
globe. Cette collection des voyages eſt
enrichie de quelques articles importans ,
même néceſſaires à l'intelligence des
Journaux des Navigateurs Eſpagnols &
Hollandois , à qui nous ſommes redevables
des premières découvertes dans l'Océan
pacifique. Ces articles font P'expoli .
tion des principes qui ont fervi à la conftruction
de la carte de la mer du Sud ,
&un effai fur les iſles de Salomon .
Le Traducteur , dans la vue de ne pas
groffir ce volume de choſes étrangères à
l'objet principal , qui eſt de faire connoî
tre les anciennes découvertes dans l'Océan
pacifique, a retranché divers articles
qui n'y ont pas un rapport immédiat.
Entre les différentes cartes dont l'ouvrage
Anglois eſt enrichi , il n'en a inféré que
trois. La première repréſente les découvertes
faites dans les parties auſtrales de
la mer du Sud avant l'année 1764. La
ſeconde eſt une copie de la carte de Dainpierre
, depuis le Cap de Bonne Efpérance
, ſitué à l'extrémité occidentale de
la terre des Papons , juſqu'à la Nouvelle
Diij
7.8 MERCURE DE FRANCE.
Bretagne. La troiſième eſt intitulée, Carte
d'une partie de la terre des Papons , &
de la Nouvelle Bretagne , ou des iſles de
Salomon , copiée de Dampierre, & comparée
avec de Bry , Herrera , & c .
L'hiſtoire des conquêtes des Eſpagnols
en Amérique nous préſente ordinairement
les Américains comme formant une fociété
fugitive devant les fiers Européens.
Quel homme néanmoins montra plus de
courage & de bravoure que cet Indien ,
dont il eſt fait mention dans le Journal du
voyage de Pedro Fernandez de Quiras ,
qui fait partie de cette collection ? » Cet
» Indien , eſt il dit, nud & n'ayant pour
>> armes qu'un bâton , fe défendit long.
>> temps contre vingt Eſpagnols qui l'at-
>> taquoient à coups de fabre. Il manioit
fon bâton avec tant d'adreſſe
» & de force , qu'aucun foldat n'oſoit
>>l'approcher : il portoit des coups terri-
>>bles , & il bleſſa pluſieurs Eſpagnols ,
>> malgré leurs boucliers. Épuiſé de fati-
>>gues , accablé par le nombre , percé de
>>coups , il faifoit encore trembler fes
> Adverſaires : enflammé de rage , il ne
>> ceſſa de ſe défendre qu'en tombant
>> roide mort , laiſſant les Eſpagnols dans
>>l'admiration de ſon courage, &dans les
<
JANVIER. 1775 . 79
>> regrets d'avoir ôté la vie à un homme
>> qui avoit fi bien fu la défendre »
Traité de la lecture Chrétienne , dans lequel
on expoſe des règles propres à
guider les Fidèles dans le choix des
livres , & à les leur rendre utiles.
In Bibliothecis loquentur defunctorum anima .
Plin. lib . 5. cap. 2 .
Par D. Nicolas Jamin , Religieux de la
Congrégation de S. Maur , vol in- 12 .
à Paris , chez J. F. Baſtien , Libraire ,
rue du petit Lion , Fauxbourg Saint-
Germain.
C'eſt moins un traité qui nous eſt ici
préſenté qu'un recueil d'inſtructions chrétiennes
ſur l'utilité de la lecture , le choix
des livres , l'objet que l'on doit ſe propoſer
en lifant. L'Auteur Religieux qui
a écrit ces inſtructions , a eu principalement
pour objet la jeuneſſe ; il s'eſt en
conféquence moins occupé à dire des
choſes neuves que des choſes utiles , &
à les dire dans un ſtyle clair , intelligible,
& à la portée du plus grand nombre.
Div
80 MERCURE DE FRANCE.
Examen hiftorique fur l'apparition de la
maladie vénérienne en Europe , & fur
La nature de cette épidémie , brochure
in 12 , prix 1 liv. A Paris , chez la
veuve Barrois & fils , quai des Auguftins.
Un avis placé à la tête de cet examen
nous apprend que M. Caftro , Médecin
de Londres , ayant traduit en Anglois
une Differtation, avec ce titre : fur l'Oririgine
de la maladie Vénérienne , imprimée
à Paris en 1750, envoya un exemplaire
de ſa traduction à M. le Baron de
Van Switen. Les preuves raſſemblées dans
cette diſfestation ne firent point abandonner
à M. de Van Switen l'opinion ancienne
, qui fait venir de l'Amérique la
maladie vénérienne ; & comme il compofoit
alors le cinquième &dernier volume
de ſes commentaires ſur les apheriſmes
de Boerhaave , il y combattit la
differtation au commencement de l'atticle
de lue venered , prétendant que la plu
part des preuves étant négatives , elles
devenoient infuffifantes, Ce cinquième
volume n'a été publié qu'en 1772 , après
la mort de M. de Van-Switen . L'Auteur
)
JANVIER. 1775 .
de l'écrit que nous annonçons, a lu les
objections de ce Médecin Allemand, &
a raſſemblé un plus grand nombre de
preuves , pour démontrer hiſtoriquement
que la maladie vénérienne a paru , pour
la première fois en Italie, pendant l'année
1493 , au mois de Mars ; & qu'elle
D'a pas été tranſportée de l'Amérique par
Ghriftophe Colomb & fes compagnons
de voyages. Les obfervations & les remarques
font rangées fous le nom de
ceux qui les ont fournies , ou qui y ont
donné lieu. Elles ont procuré à l'Auteur
del'examen hiſtorique le réſultat fuivant.
رد >>La maladie vénérienne a été connue
»& obſervée en Italie , par Pierre Pin-
>>tor & par Pierre Delphini , au mois
>> de Mars de l'an 1493 , ſous le carac.
>>tère & le nom d'une fièvre peftilen-
>tielle , felon la defcriprion du même
> Pintor, d'Helie , de Capreoli&de Fra-
» castor. Cette maladie ne commençoit
>>pas chez tous les malades aux parties
>>de la génération , mais elle étoit fi
> peſtilentielle dans ſon principe , qu'elle
>>étoit mortelle en très peu de temps ;
>> elle ſe montroit dans tous les Sujers ,
>>par des boutons au viſage , avec des
>> ulcères &des croûtes par tout le corps.
Dv
82 MERCURE DE FRANCE .
> Depuis que l'armée de Charles VIII
>> fut entrée en Italie , pendant l'hiver
» de 1494 , cette maladie fut appelée par
>> les Médecins & pardes Hiftoriens de ce
>> temps , morbus gallicus .
De route antiquité , on lit dans les li-
>> vres de Médecine , pluſieurs ſymptô-
» mes de la maladie vénérienne , mais
>>de ces incidens , on ne peut pas con-
>> clure qu'ils font les effets & les pro-
>> ductions de la maladie vénérienne ,
» que nous connoiffons depuis les années
1493 & 1494.
>>En jugeant ſur les aſſertions de Pierre
» Pintor , & de Pierre Delphini , on peut
>> affurer que les Eſpagnols ont commu-
>> niqué aux habitans des iſles Antilles en
» Amérique , le mal vénérien , & que
>>les François en étoient infectés quand
>> ils traverſerent l'Italie juſqu'à Naples ,
» où ils trouvèrent la même maladie aufli
» meurtrière.
Les premiers Navigateurs en Améri-
>> que n'ont pas dit dans leurs Journaux
»& dans leurs relations (qui ſont en
>> grand nombre ) qu'ils avoient vu cette
>>maladie chez les peuples qu'ils avoient
» découverts .
>> L'Amérique , l'Afrique & les Indes
JANVIER. 1775. 83
1
>>>orientales , dont les ports & les conti-
>> nens ſont conſtamment fréquentés par
>>>les Européens , n'ont cependant point
> communiqué , juſqu'à préſent , leurs
>> maladies épidémiques & endémiques à
>> cette partie du monde que nous habi-
>> tons. D'où il faut conclure , ſi quelque
>> croyance eſt due à l'hiſtoire , que la
» maladie vénérienne n'est pas fortie de
>> l'Amérique par la contagion ou l'infec-
>> tion des Eſpagnols ; que cette opinion
>> eſt ſi chimérique & fi deftituée de fon-
>> dement , qu'on peut la caractériſer de
>> foibleſſe d'eſprit. Ceux qui ont ſuivi
>> ſans réflexion le torrent des Auteurş
>>qui s'étoient écartés de la ſaine criti-
>> tique, &qui s'étoient fortement préoc-
>>>cupés de ces idées , pourront peut-être ,
>> après avoir lu cet examen , dire avec
>> avec nous ſans héſiter. »
Nec pueros omnes credere poffe reor.
Traité des Rivières & des Torrens , par le
R. P. Frifi , Barnabite, Profeſſeur Royal
de Mathématiques à Milan , de la Société
Royale de Londres , de l'Inſtitut
de Bologne , des Académies de Pétersbourg
, de Berlin & de Stockolm, &c.
Dvj
84 MERCURE DE FRANCE .
Correfpondant de l'Académie Roya le
des Sciences de Paris ; augmenté du
traité des Canaux navigables. Traduit
de l'Italien , vol. in. 4°. prix 6 liv .A
Paris , de l'Imprimerie Royale.
Nous devons aux Mathématiciens Italiens
pluſieurs bons écrits fur la théorie
desTorrens & des Rivières , la conduite
& la diviſion des eaux claires & troubles
, les pentes , les directions & les variations
des lits , enfin fur tous les objets
qu'embraffent l'hydronométrie & l'hydraulique.
Mais , comme le remarque
avec justice l'Auteur du traité que nous
annonçons, les ſpéculations de ces Mathématiciens
n'ont pas été bornées au
feul honneur de produire des livres ; elles
ont encore beaucoup influé fur la falubrité
de l'air, la commodité de la navigation,
la fertilité & la ſûreté des campagnes.
Le Pô , qui autrefois diviſé en
pluſieurs branches , entre Parme & Plaifance
, rendoit marécageuſe une partie
de la Lombardie , a été circonferit par
des chauffées , & reſtreint à un ſeul lit ,
d'une profondeur convenable , tandis que
le grand Rhin , divifé & fubdivifé en
Hollande , a élevé conſidérablement fon
4
JANVIER. 1775. 85
fond,& met chaque jour dans une bination
plus malheureuſe les terres voiſines
qu'il menace continuellement d'ane ruine
entière. Muratori , qui nous a donné,
dans fa vingtunième differtation ſur les
antiquités du moyen âge , la géographie
phyfique de la Lombardie , dans le neuvième
& dixième ſiècle , fait voir clairement,
à compter de cette époque , les
grands progrès del'agriculture , depuis le
Tefin juſqu'à la mer Adriatique. Depuis
cette même époque , on a auffi bonifié
en Toſcane une grande partie du Val
d'Arno , du Val de Chiana , ainſi que
des plaines de Livourne & de Piſe. Le
mécaniſme d'arroſer les campagnes a été
porté audernierdegré de perfection dans
le canal de Muzza , que l'on a dérivé
de l'Adda , & diſtribué & réparti dans
tout leLodeſan . La découverte des éclufes
& desretenues d'ean , faire dans le quinzième
fiècle , & miſe en pratique dans
le Padouan , a préparé la jonction que
Léonardde Vinci a faite enfuite àMilan,
des deux canaux navigables de l'Adda &
duTefin ; & cette jonction , ajoute ici
P. Frifi , a depuis fervi de modèle & de
méthode a pluſieurs autres canaux navigables,
&principalement à celui duLan86
MERCURE DE FRANCE.
guedoc. Le Reno & le Pô font les deux ":
rivières qui ont le plus occupé les Mathé- 11
mathiciens d'Italie. Les travaux que ces
deux rivières exigent actuellement , ont
porté le P. Friſi à donner une nouvelle
édition de ſon traité des Rivières & des
Torrens. Cetre édition eſt augmentée de
différentes obſervations que l'Auteur a
faites dans ſes voyages aux Apennins ,
aux Alpes , & ſur les bords de la mer.
Le traité des Rivières & des Torrens
eſt diviſé en trois livres . Il eſt
queſtion dans le premier des rivières &
des torrens qui coulent fur le gravier.
>>Un Philofophe ſolitaire , nous dic
>> le Pere Friſi en parlant de l'origine
>> des rivières , peut dans le ſilence de
>> fon cabinet , former des doutes , &
> mettre en queſtion ſi les rivières tirent
>>leur origine de la mer plutôt que des
>>pluies&des neiges fondues. Un Philo.
>>> ſophe voyageur ne peut avoir à ce ſujet
» aucun doute , lorſqu'il portera les yeux
>> fur le lit de quelque rivière , & qu'il
>> voudra prendre la peine de la remon-
>> ter juſqu'à ſa première ſource. En remontantile
lit d'une rivière,on en voit le
>> fond parſemé de matières toujours plus
>> groffes , & on s'apperçoit que dans des
JANVIER. 1775 . 87 1
» eſpaces égaux , la chûte des eaux de-
>>vient plus grande & que leur quantité
» diminue. Cette diminution s'opère par
> une ſuite continuelle de très-petites
>>différences. Le tronc principal de la
>> rivière ſe forme de pluſieurs branches ,
» & celle-ci d'une grande quantité de
>> rameaux , par degrés toujours plus pe-
>> tits . 1 out le fond & le bord du réci-
- pient& des autres amas d'eaux affluens,
> font parfemés d'une quantité innom-
>> brable de très petites veines qui four-
* niffent continuellement des filets d'eau .
» Les premières ſources font très petites ,
>>ainſi que toutes les premières rigoles ,
>>qui s'échappantde tantdedifférentes par-
> ties, vont ſucceſſivement former ou grof.
>> firlarivière : on les voit diſtiller &couler
>>goutte à goutte des côtes humides , des
>> collines & des montagnes : la terre
>> dans les environs eſt tellement imbi-
» bée & comme ſaturée d'eau , qu'en
» quelqu'endroit qu'on y faſſe un creux ,
>> il s'en trouve tout d'un coup rempli ;
>> enfin il eſt viſible que c'eſt de la croû-
» te même de la terre d'où fortent petit-
>> à- petit & par tous les points de fa fu-
> perficie, toutes les eaux courantes ; &
>>c'eſt unerêverie phyſique d'imaginerdes
>> conduites fouterraines qui portent toui
#
!
i
88 MERCURE DE FRANCE.
>>te une rivière de la ſuperficie de la
→mer juſqu'à la cime des montagnes ».
L'Auteur a joint d'autres obfervations à
celles ci , qu'il faut voir dans l'ouvrage
même.
Le fecond livre de ce traité nous entretient
des vitelles &des pentes des rivières
; le troiſième , des rivières qui
portent des fables &deslimons . Chaque
livre eſt fubdivisé en chapitres qui contiennent
de très bonnes obfervations relatives
à quelques rivières d'Italie , mais
dont on peut faire l'application à pluſieurs
autres rivières. L'ouvrage eſt cerminé
parun traté des canaux navigables.
• Les canaux , nous dit l'Auteur au com-
- mencement de ce traité , ſont aux Na-
• tions qui habitent l'intérieur des rerres
>>ce qu'eſt la ſcience de la marine aux
>> Nations maritimes. L'arta , par ce
> moyen , pourvu aux plus grandes diffi-
>> culrés que la distance des lieux éloi-
>gnés & la nature des lieux intermé-
>>diaires oppofoient aux fecours récipro
» ques de la ſociété & du commerce.
► Les grandes navigations embraſſent
>>tout le globe , & s'étendent à tous les
>>objets principaux de l'opulence & du
>>luxe. Les petites navigations ſervent à
procurer juſqu'aux moindres commoJANVIE
R. 1775. 89
>>dités , dans tous les temps& pour les
>> perſonnesde tous les ordres.Les premiè-
> respréſententauxyeux,dans ladifficulté
> de leur exécution , un des plus grands
> efforts de l'eſprit humain; les fecon-
>>des ne pouvant être difficiles dans leur
» exécution , exigent ſouvent toute la
> fineſſe de l'arr & toutes les reffources
» de l'induſtrie dans leur conſtruction .
>>>Les Nations les plus floriſfantes ſe ſont
>> toujours occupées de ces fortes d'en-
>> trepriſes , en partageant ainſi les études
n& les loiſirs de la paix. Les Chinois ,
>> qui nous ont prévenus de pluſieurs
> fiècles dans l'invention de l'Imprime-
>>rie , de la poudre &de la bouffle , &
•que nous avons cependant lai(lés fi fort
> en arrière dans l'application & l'uſage
>>de ces différens objets ; qui ont cultivé
• l'aſtronomie &la peinture fans y avoir
>jamais fait aucun progrès, &qui , dans
>> la vue de parvenir aux grandes études ,
>>employentpreſque toute leur vie àl'étu-
> dedumécaniſmetrès-compliquéde leur
>> lecture &de leur écriture , n'ont jamais
> autant mérité les louanges des Voya-
>>geurs que dans ce qui concerne la conf-
>> truction de leurs digues , de leurs ponts
»& de leurs canaux. Parmi toutes les
» dérivations d'eaux qui contribuent aux
MERCURE DE FRANCE.
i
richetſes & aux commodités d'un Em-
> pire auſſi vaſte & auſſi peuplé , celui
> qui peut égaler la gloire de l'architec-
>>ture Européenne eſt le grand canal qui
>> joint les deux leuves Kiam & Hoam-
» bo , & qui forme une navigation con-
>>tinuée pendant plus de trois cens lieues
>>depuis Canton juſqu'à Pekin » .
Ce traité des canaux eſt d'autant plus
intéreſſant que le P. Friſi y rappelle les
canaux qui font le plus d'honneur à l'induſtrie
humaine. Il avoue que l'art n'a
jamais été porté ſi loin que dans le fameux
canal de Languedoc , qui forme la
communication de la mer Méditerranée
avec la Garonne & l'Océan. Les barques
peuvent , en onze jours , paſſer d'une mer
à l'autre , en traverſant des vallées & des
montagnes , & montant juſqu'à la hauteur
de 600 pieds au-deſſus du niveau
des deux mers . Les ports de Bordeaux &
de Marſeille évitent, par ce moyen , un
circuitde plus de 800 lieues pour.communiquer
entre eux. Le P. Frifi , faute
fans doute d'inſtructions , s'eſt contenté
de faire mention du canal de Picardie ,
dont ontrouvera une deſcription fatisfaiſante
dans le dernier volume du Mercure
, à l'article des Nouvelles Littéraires ,
où il eſt rendu compte du diſcours proJANVIER.
1775. 91
noncé à la ſéance publique des Sciences ,
Belles Lettres & Arts d'Amiens , le 25
Août 1774 . 4
Requête des Filles de Salency à la Reine ,
: au ſujet de la conteſtation qui s'eſt
élevée entre le Seigneur & les Hobitans
de cette Paroiſſe , relativement à
la fête de la Roſe; par M. Blin de
Sainmore . A Paris , chez Delalain &
Monory , Libraires , rue de la Comédie
Françoiſe ; & chez le Jay , rue St
Jacques. Prix douze fols.
On trouve auſſi chez Delalain , Héroïdes
ou Lettres en vers , par M. Blin de
Sainmore ; quatrième édition , revue ,
corrigée & augmentée. I vol. in- 8 ° , prix
31.
Ce volume de 270 pages , contient les
Lettres de Biblis à Caunus ſon frère ; de
Gabrielle d'Eſtrées à Henri IV; de Sapho
àPhaon; de Jean Calas à ſa femme & à
ſes enfans ; de la Ducheſſe de la Vallière
à Louis XIV , & l'Epître à Racine. Ces
Héroïdes font accompagnées de différens
morceaux de littérature & de poësie.
Cette édition eſt ſans contredit la plus
complette de toutes celles qui ont paru
juſqu'à préſent.
92 MERCURE DE FRANCE.
On trouve encore chez le même Libraite
Orphanis , Tragédie du même
Auteur , repréſentée par les Comédiens
du Roi , le 25 Septembre 1773 , prix 1 1 .
16.f.
Tous les ouvrages ci -deſſus détaillés
fon: imprimés dans le même format
fur le même papier & avec les mêmes
caractères , & peuvent ſe relier enſemble.
Le Jay , Libraire , rue Saint Jacques ,
avertit les perſonnes qui ont la grande
édition des Héroïdes de M. Blin de Sainmore
, ornée de gravures , qu'il n'a plus
qu'un petit nombre d'exemplaires de la
Lettrede la Ducheffe de la Vallière à Louis
XIV, décorée d'une ſuperbe eſtampe,
deſſinée & gravée par M. de Saint-Aubin,
d'après le célèbre tableau qu'on voit aux
Carmélites. Cette Héroïde eſt précédée
d'une vie de la Ducheſſe de la Vallière ,
la plus ample qui ait encore paru.
Ces différens ouvrages, trop connus
&trop répandus pour que nous en faffions
ici l'éloge & le détail, ne feront
pas undes moindres ornemens de la Bibliothèque
de l'Amateur éclairé.
Journal des causes célèbres , curieufes &
intéreſſantes de tous les Parlemens &
JANVIER. 1775. 93
Cours Souveraines du Royaume avec
lesjugemens qui les ont decidées.
La nouvelle forme que les Auteurs
ont donnée à cet ouvrage le rend beaucoup
plus intéreſſant. Il paroît actuellement
un volume tous les mois. Le pre.
mier volume renferme trois cauſes également
intéreſſantes . L'une contient l'hif
toire de ce fratricide arrivé il y a quelques
années à Lyon par une machine
infernale , dont les faites ne furent pas
auffi funeſte que l'Auteur ſe l'étoit promis.
L'autre eſt l'hiſtoire d'une femme
condamnée à mort pour récelement de
groſſeſſe. Enfin la troiſième eſt un procès
fingulier entre les Coëffeuſes & les Perruquiers
d'une grande ville du Royaume.
Cet ouvrage ne peut manquer de plaire.
Il est bien écrit. Les queſtions de
Droit y font ſolidement difcurées. Le
ſuccès qu'il a déjà eu ne peut qu'augmenter.
Il formera dans la ſuite un recueil
auſſi varié qu'inſtructif pour toutes
les claſſes de Lecteurs .
Le prix de la ſouſcription eſt , pour la
Province , à raiſon de 12 volumes par
an, à commencer du premier de cemois,
de 24 l.;&de 18 liv. pour Paris , frans
deport.
94 MERCURE DE FRANCE.
On foufcrit chezle fieur LACOMBE ,
Libraire , rue Christine.
Confidérations philoſophiques fur l'action
de l'Orateur , précédées de recherches
fur la mémoire . A Paris , chez la veuve
Deſaint , rue du Foin ; & à Caen
chez Manoury fils , place St Sauveur.
L'Auteur de cet ouvrage ſe livre dans
le premier traité à la métaphyfique la
plus fine , dirigée par l'expérience la plus
sûre , & n'en intéreſſe pas moins le lecteur.
Il embraſſe à la fois les deux ſyſrêmes
de M. le Cat & de M. Bonnet.
Le premier , dans ſon traité des ſenſations
, veut que le ſentiment réſide dans
le fluide des enveloppes des nerfs . Le
ſecond prétendque les fibresdu cerveau ,
qu'il nomme pour cela fibres ſenſibles ,
fibres organiques , font le ſiége & les
inſtrumens de nos ſenſations . Mais comme
ces deux Ecrivains n'ont pas expliqué
d'une manière fatisfaiſante la diverſité
des ſenſations , ſoit qu'elles appartiennent
au même ſens , foit qu'elles appartiennent
à des ſens différens , l'Anonyme
a cru pouvoir hafarder for ce ſujet quel
ques conjectures , qu'il ſoumet de bon.
ne-foi à la critique. Les Pricologistes &
,
:
JANVIER. 1775 . 95
& les Phyſiologiſtes ſont invités de nous
communiquer leurs obſervations , qui
pourront éclaircir cette matière. La dif.
fertation de notre Auteur commence par
l'analyſe des principes de MM. Bonnet ,
le Cat & Condillac. Le Lecteur , peu
exercé dans la métaphysique & dans la
phyſiologie , ſera en droit de ſe plaindre
que ſes analyſes ſont trop courtes & auroient
exigé un peu plus de développe.
ment Mais cet Ecrivain, perfuadé que
la clarté eſt toujours jointe à la préciſion,
n'a point voulu noyer ſes idées dans l'a
bondance des mots. C'eſt en ſuivant cette
méthode qu'il explique comment les
objets extérieurs agiſſent ſur le fluide
ſenſitif, comment l'ame éprouve une ſen.
fation & enfante une idée . On entend
par ce fluide celui qui eſt renfermé dans
depetites filières, dont les enveloppes des
nerfs font formées , fluide beaucoup plus
fubtil que le fluide moteur. Il n'appartient
qu'à des Philoſophes d'apprécier le
mécanisme auquel notre Auteur a recours
pour expliquer la formation des
idées primitives , la liaiſon des idées , le
ſouvenir & la réminiſcence , la mémoire
des enfans & des vieillards , les effets des
accidens & des maladies ſur la mémoire
&pluſieurs autres phénomènes. Tous ces
96 MERCURE DE FRANCE.
différens points font traités avec fagaci
té. On joint au raiſonnement des expériences
curieuſes & propres à répandre la
lumière ſur un ſujet qui ſemble inaccefſible
à l'intelligence humaine. Parmi les
vérités qui réſultent de la Diflertationde
l'Auteur , il y en a une qui devroit être
la règle & des préfomptaeux qui prétendent
tout expliquer , & des pareſſeux qui
s'abandonnent de gaieté de coeur à l'ignorance
& à tous les déſordres qui en
font une ſuite néceſſaire. La voici : " II
» n'eſt dans nos organes qu'une meſure
> de force & d'activité. Nous pouvous la
>> laiffer abâtardir ou en jouir , mais non
» y ajouter. L'homme qui a donné à cette
» force & à cette activité toute l'inten-
>> fité dont la Nature l'a rendue capable ,
→ a rempli fa râche ».Cet Auteur modeſte
avoue que notre vue eſt trop bornée pour
connoître l'effence & la nature des chofes
, & que nous devons être contensd'en
appercevoir quelques propriétés. Il permet
qu'on leur donne le nom d'effences
pour fatisfaire notre amour propre , &
ne ſe met point en peine de toutes ces
vaines diſputesque l'abus des mots a occaſionnées
dans toutes les Ecoles; ce ſont
cependant ces diſputes chimériques qui
ont produit, dans tous les fiècles , des
diviſions
JANVIER. 1775. 97
divifionsfi contraites à l'ordre de la fociété
& aux progrès de l'efprit humain.
Notre Philofople examine fi là mémoire
peut ſe cultiver, & quels font les
moyens de la cultiver. Il ingſte ſur la
la méthode de Quintilien comme la plus
fimple & la plus utile , qui eſt d'apprendrepar
coeur , &beaucoup , & Souvent , &.
tous les jours , s'il se peut; maisfans excès.
M. Rollin , traitant, le même ſujer ,
remarque , comme une règle générale ,
qu'il faut bien entendre & concevoir,
nevement ce qu'on veut apprendre par
coeur; l'Auteur des recherches ſur la mémoite
approuve la remarque de M.,Rollin
, & ajoute auffi , d'après lui , qu'une
lecture de ce qu'on veut apprendre par
comar, réitérée,deux ou trois fois le foir
ayant de f mettre au lit , eſt d'une grande
utilité, Les raiſons phyſiques de ces
Préceptes pratiques font développées dans
cette diffent tion . L'Auteur fait cet
vrage , également folide & ingénieux ,
euredilant : Qu'il eſt de la mémoire
>>comme de l'imagination , que l'on déprime
& que l'on(vante trop .Pour l'ef
-timer fon juſte prix , il ne faut que
»sdiftinguer la mémoire des mots , celle
1. Val. E
04-
98 MERCURE DE FRANCE.
>>des faits & celle des penſées. C'eſt la
>>première qui eft ordinairement le lot
» des fots , & de ces fléaux de la ſocieté
>>de qui Pope dit :
•Tel eſt devenu fat à force de lecture ,
>>Qui n'eût été qu'un ſot en ſui vant la nature.
:
a
> Qui croiroit que c'eſt cependant cellelà
, & celle- là feule que l'on cultive
»dans les enfans , comme s'ils étoient -
> abſolument incapables de toute autre ?
< >» La mémoire des faits , ſuivant la
>> penſée d'un Moderne , nous rend con-
>> temporains de tous les âges & citoyens
> de tous les lieux : c'eſt par cultiver
>> cette mémoire qu'on devroit commen-
> cer l'éducation.
>> La mémoire des pensées eſt , ſans
>> contredit , la plus utile , la plus eſti-
» mable , lorſqu'elle ſe joint à l'eſprit:
>> de réflexion : elle lui donne ce coup- >
>> d'oeil pénétrant , sûr & étendu , qui
>> produit les Montagnes , les Léibnitz ,
>> les Monteſquieu » .
!
7
Nous renvoyons à un autre volume
l'extrait des Conſidérations philofophi-..
ques ſur l'action de l'Orateur. Ce dernier
ouvrage devroit être adopté par les Profeſſeurs
de Réthorique , parce qu'il réuniess
JANVIER. 1775 . 99
fur la matière les meilleurs préceptes &
les exemples les mieux choiſis.
Oraiſon funèbre de Louis XV, par M.
l'Abbé Coger , Profeſſeur d'Éloquence
au Collège des Quatre Nations , &
ancien Recteur de l'Univerſité de Paris
, in 4º . chez Guillaume Després ,
Imprimeur du Clergé , rue S. Jacques.
Lorſque Boſſuet faiſoit l'éloge funèbre
dela Reine d'Angleterre, il annonçoit que
cette Reine avoit été un ſpectacle propofé
aux hommes pour étudier les confeils
de la divine Providence : dans l'éloge
de Anne de Gonzague , il s'écrioit : entrons
dans les voiesde la Providence, nous
qui ſavons à quoi ont ſervi à S. Auguftin
ſes erreurs , & aux Saints pénitens
leurs péchés. Ne craignons pas de mettre
la Princeſſe Palatine dans ce rang , ni de
la ſuivre juſques dans l'incredulité où
elle étoit enfin tombée : c'eſt là que nous
la verrons fortir pleine de gloire & de
vertu. Plugeurs Orateurs modernes marchant
ſur les traces de ce grand homme ,
neſe ſont pas bornés à décrire les vertus &
les exploits de Louis XV , ils ont auffi
donné d'utiles leçons de Morale , qui
Ej
D
100 MERCURE DE FRANCE.
doivent fervir àl'intruction des généra
tions qui lui ſurvivent. Faire aimer le bien
&faire éviter le mal,doit être toujours le
bur de l'Orateur. Autorisé par ces modè
les , M. l'Abbé Coger annonce par le texte
même de ſon discours , qu'il conſidérera
Louis XV dans la main de la Providence,
depuis le moment de ſa vie juſqu'à celui
de fa mott ; ſon texte eſt heureux & fécond.
Le voici : » Ipfe erit mihi infilium ,
» qui fi iniquè aliquid gefferit , arguam
>> eum ... mifericordiam autem meam non
>> auferam ab eo, 2. reg. ch.7.v.14& 15 .
Il ſera mon fils , & s'il vient à s'écarter
du droit chemin, j'uſerai à ſon égard de
ſévérité, mais je ne retirerai par de lui ma
miféricorde.
L'Eternel a voulu récompenfer , dans
la perſonne de Louis , les verrus;& punir
les écarts d'un fils toujours l'objet de ſes
miféricordes. Voilà le tableau intéreſlant
que l'Orateur trace avec le pinceau de la
vérité,
Louis avoit reçu du ciel la ſageſſe du
gouvernement , qui rendit ſes peuples
heureux ; & la bonté du coeur , qui lui
concilia,l'amour de ſes Sujets. La voix du
peuple , qui eſt celle de la vérité , avoit
nommé le grand Prince , dont les mains
1
JANVIER. 1775. τοι
devoient tenir pour Louis , enfant , les
rênes de l'Empire. Le portraitdu Régent
eſt deſſiné avec nobleffe. La reconnoif.
ſance ne permet pas à l'Orateur de taire
les bienfaits que la main de cet Enfant
royal verſa ſurla première des Univerſités.
Il célèbre toutes ces Ecoles gratuites
ouvertes dans les principales villes du
Royaume, & décrit toutes les merveilles
que le règne de Louis offre ànotre admiration
dans l'ordre phyſique & dans l'ordre
moral. « Le génie ſupérieur de M.le
>>Régent avoit préparé nos brillantes def.
>> tinées ; la main fage & prudente de
>> Fleury fixa parmi nous le bonheur & la
>>gloire. La bonté faifoit le caractère
de Louis XV. Elle s'annonça dès l'aurore
de ſes jours . Ce fut le fruit des ſoins de
la tendre & teſpectable dépositaire qui
fofina ſes premières inclinations & fes
premières paroles : la France , dit M.
l'Abbé Coger ; » la France voit aujourdhui
avec le plus vif intérêt, le même
talent héréditaire , couronné par fe
>>même ſuccès.
Il faut lire dans ce difcours les tranf
ports de zèle & d'amour dont les François
étoient enflammés pour leur Roi ,
& avec quelle ardeur & quelle conf
Eiij
102 MERCURE DE FRANCE.
tance ils combattirent pour ſa g'oire.
L'Orateur a renfermé avec une précifion
éloquente dans deux ou trois pages tous
les fuccès brillans du règne de Louis XV.
Parmi les autres Orateurs qui ont traité
le même ſujet , la plupart ſe ſont livrés
à de longues épiſodes. On diroit qu'ils
craignent que la matière ne vienne à leur
manquer. M. l'Abbé Coger tient en haleine
ſon Lecteur juſqu'à la fin de fon
diſcours ; il l'échauffe & l'intéreſſe également.
Dans la ſeconde partie, l'Orateur montre
avec la même rapidité comment le
Seigneur ordonne à la guerre , à la mort ,
&à la maladie d'être les miniſtres de fes
vengeances , cu plutôt les instrumens de
ſa mifericorde. Le tableau de nos revers
& de nos diſgrâces eſt deſſiné avec fierté.
L'Orateur fait intéreſſer en faveur du Roi
& le rendre grand & cher à la nation ,
juſques dans ſes malheurs & dans ſes foibleſſes
, parce qu'il fait voir par tout une
Providence qui vouloit exercer un grand
jugement fur le Roi & fur ſon peuple.
On ne peut lire ſans attendriſſement les
ſcènes lugubres que l'Orateur déploye
aux yeux des François , en décrivant les
fureurs que la mort exerça ſi long-temps
JANVIER. 1775. 103
autour du trône , après quoi il s'écrie :
>> Ô Prince , aujourd'hui les délices d'une
- grande nation , ô vous qui régnez pour
>> notre bonheur , comment ne feriez-
>>vous pas un Roi bon & fenfible ? L'ad-
>> verſité dont le langage eſt ſi éloquent ,
- vous a donné les premières leçons : elle
>> vous a fait connoître la dette immense
>>que vous aviez contractée envers l'Etat :
>vous devez nous rendre les vertus &
» l'ame de votre auguſte père. Que de
>>larmes ont coulé de vos yeux dès l'âge
» le plus tendre ! Victime de l'amour
>>conjugal ; certe Princeſſe généreuſe qui
> vous avoit porté dans ſon ſein , n'a pas
>> tardé de ſuivre l'époux que toute la
>>France pleuroit encore. Vous avez va
>> la mort , l'impitoyable mort , étendre
>> ſes ailes ſous les lambris que vous ha-
> bitiez : vous avez reconnu combien
>> elle étoit redoutable aux Souverains. „
Le tableau de la maladie du Roi , de ſes
ſentimens de pénitence , de ſa mort , eſt
tracé avec la même force & la même
préciſion. Cette Oraiſon funèbre , une
des plus courtes qui ait paru , eſt une de
celles qui renferment le plus de choſes
& qui faffent mieux connoître tout le
règne du Prince , objet de nos regrets &
,
Eiv
104 MERCURE DE FRANGE.
de nos éloges. Il feroit à fouhaiter que
l'Orateur eût ajouté des notes chiftoriques
à la fuite de ſon diſcours , pour
développer les faits dont il parte. Ces
notes donneroient une idée complette du
règne de Louis XV.
Oraiſon funèbre de Louis XV, Roi de
France & de Navarre , par M. l'Abbé
de la Tour de Saint Paul , Archidiacre
& Vicaire Général de Caſtres.
A Toulouſe , chez d'Alles & Vitrac .
Louis fut grand dans la guerre , parce
qu'il ne combattit que pour défendre fon
peuple & venger l'équité.
Louis fut grand dans la paix , parce
qu'il en confacra les loiſirs par les traits
de la bienfaiſance &de la piété. Tel eſt
le point de vue ſous lequel l'Orateur a
préſenté Louis XV d'après tous les événemens
de ſa vie. C'eſt ce rare affemblage
de valeur & de bonté , d'humanité
& de religion , de ſageſſe & de magnanimité
, qui durant un règne de cinquante
neuf ans , l'a rendu digne d'admiration
, le modèle des vrais guerriers ,
ainſi que des Rois pacifiques. Videbor in
:
JANVIER . 1775. 105
multitudine bonus & in bello fortis , Sag.
ch. 8. Le Panegyriſte parcourt avec éloquence
tous les traits de la vie de ſon
Héros , & fait voir dans toutes les circonftances
de fon règne l'empreinte de
la véritable grandeur. Cet éloge rappelle
en commençant , la joie de la nation ,
lorſqu'elle vit ſon Roi , qui jouiſſoit à
peine de la lumière , retiré comme par
miracle des bords du tombeau. Tout fe
réuniſſoit pour caufer les plus vives alarmes.
La mort afſiſe au pied du trône ,
après avoir moiſſonné les têtes les plus
auguſtes & les plus chères , couvroit déjà
de ſes ombres ce dernier Rejeton de la
tige Royale .Ce futpar une faveur fignalée
de la Providence que ce Prince échappa
au danger , & devint l'eſpoir de ſes Sujets
. L'Orateur , en nous montrant les
douceurs de la minorité de ce Prince ,
peint avec intérêt toutes les qualités du
Duc d'Orléans , que les loix du Royaume
&la nature rendirent dépoſitaire de la
ſouveraine autorité. Les heureuſes qualités
du jeune Roi annoncèrent bientôt
le bonheut dont les peuples devoient
jouir ſous ſon règne. Les hautes vertus
de Marie Lekzinska la rendirent digne
de partager le trône , & firent l'éloge du
Ey
106 MERCURE DE FRANCE .
choix de Louis. Le ciel en nous enlevant
-un héritier dont les vertus avoient inf
piré les plus grandes eſpérances , nous a
accordé le bonheur de le voir revivre
dans ſa poſterité. Louis XV ami de la
paix , eſt forcé de prendre les armes pour
venger la foi des Traités mépriſes & les
droits de l'équité. Mais ſes triomphes ne
lui firent jamais oublier que la véritable
gloire n'eſt point celle que l'on obtient
par le fang des hommes , mais celle que
l'on mérite en travaillant au bonheur de
ſes ſemblables. Pourroit on ne pas partager
tous les dangers auxquels ce Prince
ſe trouva expoſe durant le cours de fon
règne ; d'une extrémité à l'autre
France , ainſi qu'une famille qui va perdre
le meilleur des pères , retentit de
cris lugubres , lorſqu'on vit ce Prince à la
veille de fuccomber ſous le poids de ſes
fatigues& de ſes travaux. Louis reconnut
avec joie dans ces triſtes momens que la
nation Françoiſe aimoit ſes Rois avec
une forte d'enthouſiaſme , & qu'elle ne
fait point emprunter les dehors d'un feutiment
qu'elle n'a pas. Si ce Prince fut attendri
en apprenant que ſa maladie avoit
produit une conſternation univerfelle , il
montra à la bataille de Fontenoy qu'il
د
la
JANVIER . 1775. 107
méritoit bien la tendreſſe de ſes Sujets ,
&que c'eſt à juſte titre qu'il fur proclamé
Louis le Bien aimé. Le Panégyriſte nous
met ſous les yeux tous les prodiges qui
fuivirent cette journée mémorable , &
nous prouve que Louis cherchoit encore
plus , malgré ſes étonnans ſuccès , à faire
oublier le Roi victorieux pour ne montrer
que le Pacificateur ; & c'eſt à l'amour
de la paix , fon inclination favorite , que
nous devons les bienfaits dont ſon adminiſtration
fut la ſource féconde. Il n'oubliajamais
les leçons de juſtice , de paix
& de bienfaifance qu'il reçut de fon biſayeul
, & ne perdit jamais de vue ce
grand principe , qui devroit être gravé
ſur le frontiſpice du Palais de tous les
Souverains ; que leur véritable gloire conſiſte
à rendre leurs peuples heureux . L'O
rateur inſiſte ſur cette vérité , prouvée par
l'expérience de tous les ſiècles , qu'ennemis
de toute domination , les hommes
n'oublient jamais la perte de l'égalité qu'à
force de bienfaits ; que fans bienfaits
l'obéiſſance eſt un joug très - peſant , la
puiſſance devient tyrannie , les volontés
particulières réſiſtent à la volonté générale
, les peuples ne tiennent plus au Sou-
*verain que par la crainte , le Prince fe
Evj
108 MERCURE DE FRANCE.
2
trouve ſéparé du Sujet par la défiance,&fe
voit ſouvent obligé d'employer les armes
tranchantes du deſpotiſme pour retenir par
la force, un pouvoir qu'il auroit été bien
plus aſſuré de conſerver par l'amour.
Louis XV n'auroit jamais voulu s'écarter
de ces maximes ſi précieuſes à Thumanité.
C'eſt en les prenant pour baſe de ſa
conduite qu'il devint le conſeil de toutest
les Puiflances & le Médiateur de tous les
Souverains .
L'Orateur n'a point manqué dans fon
diſcours de faire l'éloge du reſpect que ce
Prince conferva toujours pour la religion ,
qu'il regardoit comme le fondement le
plus folide dugouvernement des Erats , &
le lien le plus fortde la ſociété.Auffi n'euton
pas beſoinde l'exhorter dans ſa cruelle
maladie à recourir aux reffources confolantes
que la foi chrétienne peur ſeule
nous offrir. « Réconcilié avec fon Dieu
>> par la ferveur de fon repentir , par la
>> confiance en la clémence divine , Louis
>> règne avec lui... fon règne n'eſt plus
» en ce monde , mais fon image eſt fur
>> la terre , nous l'avons cette image fa-
>> crée dans le Prince qui occupe fon
> trône ; & par une illufion confolante ,
> nous ceſſons de regretter Louis XV,
JANVIER. 1775. 109
>>parce que nous croyons le voir revivre
>> dans Louis XVI, objet précieux de notre
>> amour & de nos voeux ; ce Prince vient
>>effuyer nos larmes & ouvrir nos coeurs
>>à l'eſpoir le plus doux , eſpoir fortifié
> par une Princeſſe auſſi digne de partager
> ſon trône par l'éclat de ſa naillance ,
>>qu'elle mérite par ſes rares vertus , de
>>partager ſa confiance. Pleinde ces vues
>de ſageſſe que lui a tranſmis un père ,
>> dont le nom ne mourra jamais dans le
>>coeur des François , guidé par les prin-
>>cipes fublimes de la religion , & par
>> l'amour de l'humanité , ce jeune Mo-
>>narque retrace déjà les nobles vertus
>> de ſes ayeux , & nous préſage le règne
>>le plus glorieux & le plus fortuné. »
L'Auteur de ce difcours avoit déjà
mérité les applaudiſſemens du Public en
prononçant l'Oraiſon funèbre de Monfeigneur
le Dauphin , père du Roi .
Oraiſon funèbre de Louis XV, Roi de
France & de Navarre , furnommé le
Bien - Aimé , prononcée dans l'Eglife
Cathédrale de Tulle le 20 Sepremote
1774 ; par M. l'Abbé Borye des Rénaudes
, Sous Diacre de la ville de
xie MERCURE DE FRANCE,
Tulle. A Tulle , chez Chirac , Libraire-
Imprimeur.
Louis eut des droits ſur l'amourde ſes
peuples , il eut en mourant des droits
fut la mifericorde de Dieu. L'Orateur
- remplit avec beaucoup d'eſprit & de talent
ces deux vues intéreſſantes qui font
la diviſion de ſon diſcours. Nous ne pouvons
faire connoître tout ce qu'il y a
de remarquable & d'excellent dans cette
Oraiſon funèbre d'un jeune Orateur de
23 ans , qui s'annonce d'une manière trèsdiſtinguée
dans la carrière de l'éloquence
facrée. Il nous ſuffira de dire qu'il a fait
un heureux emploi des expreſſions d'humanité
, de bonté & de ſentimens qui
caractériſent l'ame de Louis XV. Voici
comme il peint la maladie du Roi à
Merz . Ah ! qu'un tel Prince méritoit
>> bien , Meſſieurs , le ſurnom de Bien-
» Aimé ! Je ne puis m'empêcher , dût- il
> vous en coûter quelques larmes , de
>> rappeler ici les circonstances où la Na-
>> tion lui donna un titre auſſi flatteur.
» Au milieu de ſes triomphes , une ma-
» ladie l'arrête à Merz ; le danger ſe dé-
" clare , l'alarme ſe répand, la conſter-
> nation eſt dans tous les coeurs , & la
JANVIER. 1775 . 111
» douleur la plus profonde ſe peint fur
> tous les viſages. Chacun croit perdre le
> meilleur des pères ; tous les eſprits
>>paroiffent égarés ; les pauvres donnent
>> aux pauvres , en diſant : Priez pour le
>> Roi ; les laboureurs abandonnent leurs
> charrues pour aller à Metz ; on ſe preffe
>>>dans la route ; on va , on vient, on
■ s'aborde fans ſe connoître ; on s'inter-
>>roge ſans ſe répondre ; on redoute
>> d'être inſtruit : bientôt la nouvelle pat-
>> vient à Paris ; ce n'eſt plus qu'une
>> confufion générale; on ſe lève au mi-
>> lieu de la nuit , on court en foule dans
>> les Temples , les Autels font arrofés
» de larmes , les prières font interrom-
>>pues par les ſanglots redoublés du Prê-
>> tre & du Peuple ; hélas ! diſoit- on en
>>pleurant , s'il meurt , c'est pour avoir
» marché à notre fecours ; le jeune Daú-
>>phin n'eſt pas maître de ſa douleur ;
» pauvre Royaume ! s'écrie-t- il , que vas-
» tu devenir ? Quell- reffource te refte til?
» Moi, un enfant; cependant l'eſpérance
>>renaît , & Louis eſt rendu àla Nation :
» la France retentit d'acclamations de
>>joie ; mille voix répètent de concert :
» Louis le Bien Aimé eft guéri , Louis le
» Bien-Aimé est guéri...Ce Prince , à la
*
112 MERCURE DE FRANCE.
:
:
:
>> vue de tant de tranſports , & au récit
> des alarmes qu'il avoit fait naître dans
>> le coeur de tous ſes Sujets , ne put rete-
>> nir ſes pleurs; ah ! dit - il , qu'il est
» doux d'étre aimé ainfi ! & qu'ai-je fait
» pour le mériter ! Qu'avez vous fait ,
>> grand Roi ? ... notre bonheur » .
L'Orateur termine ainſi ce diſcours
éloquent.
>>Jeune Prince qui lui ſuccédez , vous
>>ſeul pouviez nous conſoler de la perte
d'un ſi bon Roi : votre aurore nous
>> annonce les jours les plus ſereins ; vous
" avez fait affeoir avec vous ſur le Trône
>>la justice & labonté, & déjà toute la Na-
>> tion a reffenti les heureuſes influencesde
> votre naturel bienfaiſant; un Prélat ref-
>> pectable , que cette Province ſe glorifie
>>d'avoir pollédé quelque temps , a jeté
>> de bonne heure dans votre coeur les
> ſemences d'une piété douce & compa-
>> tiffante ; puiſſe t- elle préſider à toutes
> vos démarches & vous inſpirer des
» établiſſemens utiles à la Religion & à
>>l'humanité ; puiſſe votre régne ſurpaf-
>> fer en gloire & en bonheur celui de
>>votre prédéceſſeur; puiſſe chacune de
» vos actions rappeler les verrus de ce
> bonHenti , dont le non ſeul réveille
JANVIER . 1775. 113
encore la ſenſibilité dans le coeur de
>>tous les François ; & , pour renfermer
» tous nos voeux en un mot; vivez , &
>>nous ferons heureux ».
*DISCOURS de M. de Lamoignon de
Malesherbes.
En préſentant aux Lecteurs ces monumens
reſpectables de la vertu & du génie,
bien loin de penfer à s'ériger en
juge de ce qui eſt fort au-deſſus de la
critique & de l'éloge , on n'a pas même
prétendu qu'un tribut particulier d'admiration
& de reconnaiſſance pût être diftingué
parmi les acclamations de la France
entière & de l'Europe éclairée . On n'a
eu d'autre idée que d'honorer ce Journal,
plus répandu qu'aucun autre recueil de
ce genre , en y inférant ces chefs - d'oeuvre
d'éloquence patriotique. On a remar
qué il y a long temps que cet art fublime
de la perfuafion, cet art de régner par la
parole , n'avait guères été poré à ce degré
ſupérieur où elle produit des émotions
profondes& univerſelles , que dans
* Les deux articles fuivans font de M. de
laHarpe.
114 MERCURE DE FRANCE.
les anciennes Républiques , dans ces Gou
vernemens orageux , où de grandes ames ,
fortement affectées de grands intérêts ,
parlatent devant un peuple raffemblé.
C'eſt-là que l'éloquence était vraiment
la dominatrice des coeurs . A Rome , dans
la capitale des Nations , c'était le lévier
quiremuait le monde. On a quelque peí-
*ne aujourd'hui à mettre à côté de ces
•productions ſi impofantes & fi pathériques
, les plus beaux morceaux des Orateurs
modernes , qui , malgré tout leur
mérite qu'on est bien loin de contefter ,
ne peuvent guères être que de magnifiques
lieux communs de morale , ou de
panegyrique , & des efforts d'eſprit plus
ou moins heureux. Il ſemble que parmi
nous l'éloquence ne pouvait redevenir
auguſte qu'au moment où elle ſe mêle-
-rait aux intérêts publics , lorſqu'elle pourrait
paraître dans toute ſa pompe , entre
un Magiſtrat qui annoncerait la vérité &
un Prince qui voudrait l'entendre. Pour
- remplir ce rôle ſi vénérable d'un dépoſitaire
des loix , qui recommande un Peuple
à fon Souverain , le nom de Lamoignon
était un heureux préſage , & l'on
a vu dans les Difcours que nous allons
tranſcrire , que l'ame & les talens de M.
JANVIER. 1775. its
,
,
S
1
de Malesherbes n'étaient pas au deſſous
de cette fublime fonction . Que fon éloquence
eſt noble & touchante ! ce neft
pas ſeulement la dignité du Magiftrat ,
c'eſt ſur tout la ſenſibilité du Patriote ;
c'eſt une ame toute pénétrée de l'amour
du bien- public; ce font de grandes &
fublimes vérités , ce font les principes
les plus féconds du bonheur des Peuples ,
énoncés non pas avecle faſte d'un Rhéteur
, qui ſemble vouloir mettre l'orgueil
de fon art au-deſſus de l'orgueil du Trô.
ne , mais avec l'effuſion d'un coeur vertueux
& ſenſible , parlant pour les Concitoyens
au Monarque qui veut les rendre
heureux.
Si la perfection du ſtyle pouvait encore
être comptée pour quelque choſe
après des mérites ſi ſupérieurs , on remarquerait
que ces Diſcours font des
modèles de bon goût dans le ſiècle des
phrafes , comme ils font des monumens
&des leçons de vertu dans un ſiècle de
courtoption.
DISCOURS de M. de Lamoignon de
Malesherbes , Premier Président de la
Cour des Aides de Paris , à M. le
Comte d'Artois , lors du rétabliſſe116
MERCURE DE FRANCE.
ment de ladite Cour dansſes fonction.
Du Samedi 12 Novembre 1774.
MONSEIGNEUR ,
«Nous ignotons encore ce que con
>> tiennent les Loix qui vont être pu
>bliées : nous les attendons avec foumif
» fion & avec confiance ; avec la fou-
>> miſſion due aux volontés du Roi notre
>>Maître , avec la confiance due à un Roi
« qui ne s'eſt fait connaître que par des
>> actes de justice , de raiſon , d'huma-
>nité. :
» Le Roi vient d'avoir ſous les yeux ,
>>Monfeigneur , le ſpectacle le plus flat-
>> teur pour un grand Prince , & le plus
>>attendrillant pour une ame ſenſible ,
>> celui des acclamations libres & fincè
>> res de toute une Nation. C'eſt cette
>> Nation dont la reconnaiſſance a précé-
» dé , pour ainſi dire , les bienfaits du
» Roi , & au ven de laquelle le Roi a
>> répondu , en la conſultant fut le choix
> de ſes Miniſtres , en nommant , d'après
> le fuffrage public , les dépositaires de
>ſa puiſlance.
: >>Ces témoignages éclatans de l'amour
>>des Français pour leurs Maîtres, feront
JANIVVIIEER. 1775. 117
éternellement gravés dans le coeur du
•Roi , & fans doute its barniront pour
•toujours ces fombres défiances , qui
•font également le malheur des Princes
•& celui des Peuples.
» S'il s'élevait jamais de ces génies
inquiets , qui ne peuvent avoir d'exiftence
que par les troubles , s'ils ofaient
•faire entendre ces maximes faneſtes ;
• Que la puiſſance n'eſt jamais affez
>reſpectée quand la terreur ne marche
> pas devant elle;
>> Que l'adminiſtration doit être un
myſtère caché aux regards du Peuple ,
•parce que le Peuple tend toujours à ſe
•ſouſtraire à l'obéiflance , & que toutes
» ſes repréſentations , ſes ſupplications
»même ſont des commencemens de ré-
▪ volte;
Que l'autorité eſt intéreſſée à fou-
»tenir tous ceux qui ont eu le pouvoir
» en main , lors même qu'ils en ont
>>abufé ;
>> Enfin , que les plus fidèles Sujets
» d'un Roi font ceux qui ſe dévouent à
> la haine du Peuple ;
» Alors , Monſeigneur, fans recourit
» à ce qui s'eſt paflé dans les jours heu- 19
reux de Saint Louis , de Charles V , de
IIS MERCURE DE FRANCE .
>>Louis XII , de Henri IV , il fuffi
> au Roi de ſe rappeler ce qu'il a
4 »
dans les premiers inſtans de fon régn
>>Et vous , Monſeigneur , qui enavezé
>> témoin , & qui êtes affis à côté du Tré
>> ne , nous eſpérons que vous lui retra
>> cerez ſans ceſſe avec quelle tendreſſe
>> quelle franchiſe , quelle effuſion d
>> coeur la Nation entière s'eſt jetée en
>> tre les bras de fon jeune Souverain .
» C'eſt ce que la France attend di
>> vous , Monſeigneur , de vous , & de
>> ceux qui , comme vous , font chers au
>> Roi & s'intéreſſent à ſa gloire .
>>Tandis que preſque tous les momens
du Roi ſont conſacrés aux ſoins pé-
» nibles du gouvernement , & que peut-
» être on employera bien des ſéductions
» pour empêcher la vérité de parvenir
>> juſqu'à lui , ce ſera vous qui irez re-
>> cueillir les voeux du Peuple , qui en
>> ferez le fidèle interprête , qui entre-
>> tiendrez entre le Roi & la Nation cette
> relation continuelle , cette précieuſe
>> intelligence , j'oſerai dire , cette con-
>> fiance intime qui , dans ce moment
>> fait notre bonheur , & qui est nécef-
>> faire pour la proſpérité des Empires ».
JAN VIER. 1775. 119
e.
é
-
=
i
Discours dans l'aſſemblée de la Cour des
Aides.
MESSIEURS ,
• Notre ancien uſage eſt de nous af-
» ſembler chaque année pour nous en-
>tretenir des pertes que nous avons
» faites , & nous exhorter réciproquement
à la pratique des devoirs eflentiels
de la Magiftrature .
» Le reſpect nous impoſe ſilence fur
> les malheurs que nous avons éprouvés.
>>Nous ne devons plus y conſidérer que
» la main juſte & bienfaiſante qui nous
> rend à nos fonctions ; & , on peut le
>>dire ſans témérité , d'après le Roi lui-
» même , au voeu de la Nation.
>>Mais quel eſt le genre de vertu au-
>>quel on peut exhorter des Magiſtrats
>> tels que vous ?
>>> Il en eſt une , Meſſieurs , qui eſt la
>>baſe de toutes les autres , & qui dans
*ce moment doit être l'unique mobile
>>de toutes les actions des Magistrats ;
> je dirai plus , de celle de tous les Fran-
» çais , L'AMOUR DU BIEN PUBLIC .
>>Ne perdons point un moment pré-
> cieux qui doit devenir l'époque la
120 MERCURE DE FRANCE.
ود
>> plus heureuse de cette Monarchie.
»Un jeune Roi eſt monté ſur le Trô-
>> ne avec un amour ardent pour la
>>vérité , & le courage néceffaire pour
>> l'entendre : ayons celui de lalui faire
>>parvenir.
>> Ne regardons aucun obſtacle comme.
>>inſurmontable : croyons au contraire
>>que celui qui vient de rendre auPeu-
>>ple ſes, Juges, légitimes , ne voudra
>>point mettre d'entraves à leur zèle . Laa
>> justice, eſt dans le coeur du Roi : la
>>Nation, a tout à eſpérer .
>> Préfentons & rendons ſenſables des
» vérités, importantes, & pourle Roi
loi même , & pour ce Peuple qui lui
>>eft cher; mais n'oublions jamais que
>>c'eſt à la Nation entière que nous de-
>> vous tous nos foins.
3 >>Dans d'autres remps, nous avons puc
>> regarder comme le premier devoir dea
>>revendiquer les prérogatives de la Magiftrature:
mais aujourd'hui les droitse
>>de la Magiftratute ne doiventinous êtes
>> chers,que parce qu'ils fontda ſauve garde
«des droits de tous les Citoyens. Puifque.
>> nous ſeuls avons conſervé ces deux.
>> reſtes précieux de la conſtitution primi-
»tive, ledroitde nous affembler&celuia
>>de
JANVIER. 1775 . 121
>>de parler au Roi notre Souverain
>>pourrions-nous voir avec indifférence ,
>>pourrions- nous regarder comme étran-
>>>gers pour nous , aucuns des abus ſous
>>leſquels gémit notre Patrie ? Pourrions .
» nous refuſer notre organe aux autres
>> Ordres de l'Etat , qui ont perdu leurs
> antiques repréſentans ? Un Roi qui
> cherche la lumière ſerait il condam-
▸ né à marcher dans les ténèbres au
• milieu d'une Nation éclairée & réduite
■ au filence?
» Dans d'autres temps, notre unique
» emploi était l'exécution littérale des
* loix poſitives ; & cette obfervation
>> ſtricte des loix eft encore notre ſeul
>>devoir en qualité de Juges ; c'eſt même
>>ce qui rend nos fonctions plus auguſ-
>> tes ; c'eſt parce que la loi eſt notre
> guide , que nous ne craignons pas de
>>nous égarer. Mais aujourd'hui , quand
>>nous plaiderons en préſence du Roi lé-
>>giflateur la cauſe de la Nation , porte-
>>rons nous le reſpect pour les loix actuellement
exiſtantes juſqu'à n'ofer
>>faire connaitre ce qu'elles peuvent con-
>>tenir d'abuſif, de dur , ou même d'in-
>>juſte ? Le devons - nous , Meſſieurs
>>nous fur-tout dépoſitaires de ce code fi
redoutable .
I. Vol. F
122 MERCURE DE FRANCE.
>> Non , Meffieurs , le tableau des loix
les plus rigoureuſes ſera mis par vous
>> fous les yeux d'un Roi qui veut le bon-
>> heur de ſes Sujets ; & fi la néceſſfité qui
→les a fait introduire n'en permet pas
>> l'abolition , comptez au moins , com-
>> ptez avec aſſurance ſur tous les foula-
>> gemens qu'on doit attendre d'une hu-
>> manité éclairée. La réformation géné-
>> rale des abus exige ſans doute , & du
>> temps , & de grands travaux. Atten-
>> dons-là fans murmure : le coeur du Roi
> nous en eſt garant .
>>Tels font , Meſſieurs , les grands
» objets qui vous occuperont dans vos
» Aſſemblées particulières , & nul de
>> vous ne me déſavouera , ſi j'annonce
» que vous en prenez l'engagement en
>>préſence du Public aſſemblé , de ce Pu-
>> blic qui juge les Magiſtrats , qui juge
>> les Miniſtres , dont il n'eſt aucune Puif.
>> fance ſur la terre qui n'ambitionne le
>> fuffrage ; de ce Public , oſons le dire ,
>> Meſſieurs, à qui dans ce grandjour nous
> nous croyons attachés par de nouveaux
» liens , ceux de la reconnaiſſance.
>>Meſſieurs , la folennité de ce jour
» & les grands événemens qui nous frap-
» pent , ne nous feront point oublier que
JANVIER. 1775. 123
nous avons des larmes à répandre fur
→ les Confrères que la mort nous à en-
>>levés.
>>>Nous avons perdu un ancien Magif-
>> trat * , qu'une tranquille philoſophie ,
l'amour des Lettres & des Arts , les
>> charmes plus puiſſans de l'amitié avaient
»déjà ſéparé de nous depuis bien des
années. Attaché par des liens plus forts
■ que ceux du ſang même , à un frère
>dont le nom eſt célèbre dans l'Europe
* ſavante , il avait renoncé à tout pour
► être le compagnon de ſes études & de
■ fes travaux; il avait conſacré ſa vie
> entière à ce frère , qui a conſacré la
• ſienne à inſtruire ſon ſiècle & la pof-
•térité.
■ Une perte plus récente vientde nous
>>cauſer encorede nouveauxregrets.Vous
> entendez , Meſſieurs , que je vous par-
• le de cet autre Magiſtrat qui nous a
▸ été ravi dans un âge moins avancé **,
*M. de la Curne , Conſeiller Honoraire , frère
de M. de laCurne de Sainte Pallaye , Membre de
l'Académie des Inſcriptions.
** M. Petit de Leudeville , Conſeiller en la
première Chambre , fils de M. le Préſident de Leudeville.
Fij
124 MERCURE DE FRANCE.
» & qui était auſſi cher à ſes Confrères
» par la douceur de ſa ſociété , qu'utile
" dans ce Tribunal par la juſteſſe de ſon
> eſprit & la vertu la plus pure. Vous
>>favez tous , Meſſieurs , combien il était
39 fidèle ami , parent tendre , zélé Ci-
» toyen , zélé Magiſtrat ; mais vous igno.
» rez peut - être juſqu'à quel point fon
" attachement pour cette Compagnie s'eſt
>>ſignalé dans les derniers inſtans de ſa
» vie. Il était entouré d'une famille ver-
» tueuſe & à laquelle il était cher , d'une
>>Epouſe en larmes , d'un fils ſon uni-
>>que eſpérance; ſes voeux ſe tournèrent
» vers vous , Meſſieurs , vers ſa Compa-
>> gnie alors diſperſée , alors gémiſſante
>> ſous les coups qui avaient frappé toute
» la Magiftrature ; &, ſans être effrayé
» du malheur des temps , il chargea ceux
» qui lui ſurvivraient de vousdemander,
» comme la faveur la plus précieuſe ,
>>d'adopter fon fils. Ce dernier defir d'un
>>père expirant me fut porté dans la re-
>> traite où j'étais confiné; la lettre était
» écrite de la main de ſa veuve éplorée ;
» & j'oſai la comparer à ces illuftres Ré-
>> publicaines , qui , dans les plus grands
» défaftes , allaient féliciter celui qui
» n'avait pas déſeſpéré du ſalut de la Pa-
>>trie. 1 t
JANVIER. 1775. 125
>>J'ai pensé, Meſſieurs, que cette anec-
■ dote touchante n'était pas indigne d'être
■ rapportée dans cette auguſte Aſſemblée;
elle honore la mémoire de celui que
> nous pleurons , & elle doit nous ren.
• dre bien cher le jeune homme , que le
> Roi nommera ſans doute pour rempla-
* cer un père ſi reſpectable.
»Au milieu de tant de malheurs , fé-
>>licitons- nous , Meſieurs , de retrouver
→ à notre tête le plus ancien de tous les
•Magiſtrats du Royaume *, &je puis dire
• ſans exagération , le plus vertueux & le
■ plus paflionné pour le bien public. Ses
> organes affaiblis nous privent de la
> confolation de le voir aſſis parmi nous ;
> mais ſon ame ſera toujours préſente à
» nos délibérations. Pendant quatre ans.
■ de malheurs , vous l'avez vu ,
• ſieurs , constamment & uniquement
> occupé de la grande affaire de l'Etat ,
»& quand tout ſemblait déſeſpéré ,
>>ne perdre jamais , ni le courage,
>> ni l'eſpérance ; & nous , après quatre
> ans d'abſence , avec quelle tendreſſe
> avons-nous été reçus dans ſes bras pa-
Mef-
* M. Gayot , Doyen de la Cour des Aides , reçu
le 18Décembre 1702 .
Fiij
126 MERCURE DE FRANCE .
>> ternels ; avec quelle ſatisfaction avons-
>> nous retrouvé en lui , non cette raifon
>> froide & indifférente qui ſemble être
>> le partage des vieillards , mais cette
>>chaleur de ſentiment qui ne brille que
>> dans la jeuneſſe. Vous le ſavez , Mef-
>> ſieurs , que s'il était poſſible que le zèle
>> des Magiſtrats pour le bien public eût
>> jamais beſoin d'être animé , ce ſerait
> chez ce Vieillard preſque centenaire ,
>> qu'il faudrait aller chercher les étincel-
>> les du feu dont il eſt embraſé.
>> GENS DU ROI , ſi l'antiquité a pro-
>>duit les Orateurs célèbres qui ſont en-
>>core aujourd'hui nos modèles , c'eſt
>>dans ces fameuſes Républiques où un
> ſimple Citoyen pouvait difcuter les
>> plus grands intérêts de l'Etat en pré-
>>fence du Peuple. Aujourd'hui c'eſt à
» vous ſeuls qu'eſt réſervé le droit émi-
» nent , & de parler au Peuple , & de
>> veiller à l'intérêt public. Exercés depuis
>> long- temps dans cet auguſte miniſtère,
>>accoutumés à préparer les oracles de la
>> Justice, honorés de la confiance de ce
>> Public , dont vous êtes les défenſeurs ,
>>>la Cour attend tout de votre zèle &
» de vos lumières ; elle en attend , fur-
>> tout dans cet inſtant mémorable , de
JANVIER. 1775. 127
nouveaux efforts pour démaſquer l'iniquité
, pour faire triompher la vérité ,
■pour ſeconder les vues patriotiques d'un
Roi qui ne voudra régner que par la
•Jaſtice.
Et vous , ORATEURS DU BARREAU,
⚫ vous qui avez pu facrifier à la rigueur
■ des principes les intérêts les plus chers
▸ à preſque tous les hommes , fortez , il
>>eſt temps , de ces retraites reſpectables ,
* où vos talens ont été fi long-temps en-
• ſevelis , & venez recevoir des mains
• du Public la ſeule récompenſe digne
> de vos vertus .
» Paraiſſez auſſi , vous qui , dans les
> temps les plus malheureux , fûtes tou-
■ jours de courageux défenſeurs des Ci-
>> toyens ; vous dont la préſence a foutenu
> plus d'une fois la Juſtice chancelante ,
» & qui , dans ce jour fortuné , jouiſſez
▸ du bonheur de vous voir réunis à ces
• illuſtres Confrères , dont vos coeurs
» n'ont jamais été ſéparés .
Puiſſe la concorde régner éternelle-
> ment dans cet Ordre déjà ſi célèbre par
» la ſcience , par le génie , pat l'intégrité,
>par une conſtance éprouvée dans de
> longues adverſités .
>>Magiſtrats , Orateurs , Citoyens de
Fiv
128 MERCURE DE FRANCE .
:
>> tous les Ordres , n'oublions jamais que
» que le plus grand attentat contre une
>> Nation eſt de ſemer un germe de divi-
>> ſions inteſtines dans chaque Province ,
> dans chaque Ville , dans chaque Corps,
>> dans chaque Famille , & que le plus
>> grand bienfait du Monarque , aujour-
> d'hui ſi cher à ſon Peuple , eſt d'avoir
>> paru en Pacificateur dans leTemplede
>> la Juſtice.
>> Couronnons l'ouvrage qu'il a ſi glo-
>> rieuſement commencé , & achevons de
>> confondre les auteurs des calamités pu
>>bliques , en arrachant de nos coeurs
>> tous les levains de diſcorde , & faiſant
>> luire , après les orages , le jour le plus
>> pur , le plus calme , le plus ferein.
>>Il eſt prêt à luire for nous, Meſſieurs,
>> ce jour tant deſiré. Oublions les mal-
>>> heurs , excuſons les faibleſſes , facri-
>> fions les reſſentimens , & ne nous per-
>> mettons qu'une noble émulation tou-
>> jours dirigée vers le bien public .
SIRE ,
Discours au Roi.
Du 27 Novembre 1774.
*
» Le premier inſtant de votre règne a
JANVIER. 1775. 129
■ été marqué par des acclamations , te-
>>moignages de l'amour des Peuples &
» de leurs eſpérances .
» Ceux qui n'avaient point encore été
▪ admis aux pieds de votre Trône , ont
> aujourd'hui l'avantage de pouvoir être
■ les Interprêtes d'un peuple heureux .
» Votre règne , Sire , ſera celui de la
>Juſtice . Vos immortels Ancêtres ont
> occupé & affermi pendant huit cens ans
■ le premier Trône de l'Univers ; après
• huit ſiècles de combats & de gloire ,
> il eſt temps d'obtenir la tranquillité &
>>le bonheur.
» Le temps eſt venu , Sire, où les hom.
> mes plus éclairés ſavent que les vertus
> qu'ils doivent révérer font les vertus
» pacifiques , la bienfaiſance , & fur-tout
» la juſtice , qui eſt la vraie bienfaiſance
> des Rois.
• C'était un Législateur que nous de-
» mandions , Sire , & les premiers Actes
>> de votre adminiſtration out fait recon-
>>naître en Votre Majesté celui que la
»Providence nous a deſtiné.
>>Des Loix ſages introduiront des moeurs
" pures ; des Loix ſages rendront l'Eras
* puiſſant par le bonheur des Particu-
*liers ; des Loix ſages peuvent ſeules
Fy
130 MERCURE DE FRANCE.
>> rendre le bonheur du Peuple ſolide &
>> durable : car les effets de la ſeule bien-
>> faiſance ne font jamais que momen-
»tanés.
>> Miniſtres de la Loi, nous oferons offrir
» à Votre Majefté le fruit de nos travaux
>> & de notre expérience , & Elle ne nous
>> refuſera pas la gloire de contribuer aux
>> grandes réformations que dictera fa fa-
>> geffe. Heureux 6 notre exiſtence peut
>> devenir utile , & à un Roi , ( il nous
>> eſt permis de le dire après Votre Ma-
> jeſté elle même ) à un Roi qui nous
>> rend au voeu de la Nation , & à la Na-
>> tion à qui nous devons le retour des
>bontés du Roi , notre Maître .
» Après tant de bienfaits , Sire , ce
>> font les ſeuls voeux que nous puiſſions
> encore former.
Discours à la Reine.
MADAME ,
» La justice eſt la vertu des grands
>> Rois ; la bonté ſemble être le partage
>> d'une Reine adorée de ſon peuple .
>>On avait déjà vu votre ame ſenſible
» émue des pleurs des malheureux , &
JANVIER. 1775. 131
• vosmains bienfaiſantes avoient daigné
■les fecourir. Le cri de leur reconnaiſf-
▸ fance s'était fait entendre juſques dans
■les déſerts où nous étions relégués .
>>Rappelés par le Roi dans la Capi-
■ tale, nous avons trouvé un peuple en-
> tier proſterné aux pieds de ſes Maîtres,
• partagé entre le reſpect & la tendreſſe ,
» également captivé par les bienfaits du
Roi , & par la touchante affabilité de
» Votre Majeſté.
» Il nous eſt enfin permis de porter nos
>>hommages à Votre Majesté elle-même,
>& nous rendons grâces au Ciel , Ma-
>>dame , d'avoir donné à la France la
» Princeſſe la plus digne de faire le bon-
> heur d'un Roi qui fait celui de toute
>> la Nation. »
Eſſai fur les Jardins. Par M. Vatelet ,
de l'Académie Françaiſe , & Honoraire
de l'Académie Royale de Peinture
& de Sculpture , &c.
Fortunatus & ille deos qui novit agreftes.
VIRG.
A Paris , chez Saillant & Nyon , rue
St Jean de Beauvais ; & chez Piffor ,
quai de Conty.
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
: Cet ouvrage eſt d'un Amateur éclai
& ſenſible qui , en énonçant ſes idées
rend compre de ſes jouiſlances . Il par
des Arts en homme inſtruit & délicat
il parle de la Nature en homine heureu:
On ne pouvait prendre d'ailleurs un mo
ment plus favorable pour écrire fur le
jardins. Tous les poſſeſſeurs s'occupen
aujourd'hui à mettre du goût & de l
volupté où l'on ne mettait auparavan
que de la magnificence. Un eſprit d'imi
tation , en tout temps naturel aux Français
, a fait chez eux ce qu'aurait dû faire
l'intérêt de leur plaiſir. Ils ſe ſont rapprochés
de la Nature en ne fongeant
qu'à imiter les Anglais. Peut-être trouverat-
on fingulier qu'une Nation , qui
paſſe pour être réfléchiffante & mélancolique
, ait devancé une Nation vive &
légère dans une ſcience d'agrément &
dans la recherche du plaifir. Mais il faut
obſerver que la culture des jardins , &
en général toute culture champêtre , eſt
un goût folitaire , ami de la réflexion ,
fait pour amufer le loiſir & la retraite;
&que d'ailleurs en Angleterre les Seigneurs
habitent beaucoup plus longtemps
& plus volontiers leurs maiſons de
campagne que la Nobleſſe Françaiſe.NoJANVIER.
1775. 135
ne Nation goûte davantage les amuſemens
de la ville. Elle les porte juſques
dans le ſéjour des champs , & les Français
ont dû perfectionner l'art de donner
une fête , tandis que les Anglais embellifaient
leurs jardins.
Au furplus , M. Vatelet n'adopte aucun
ſyſtême excluſivement. Son goût paraît
trop exercé pour ſe rendre eſclave de
l'imitation . Les connaiſſances qu'il puiſe
dans l'art de la peinture , ſur ſes effets ,
les points de vue , les grouppes , les dé
corations , étendent fes idées ſur l'art
d'orner les jardins. Il y joint des deſcrip.
tions agréables & riantes. Nous mettrons
ſous les yeux de nos Lecteurs quelquesuns
de ces tableaux , après leur avoir expoſé
d'abord les premières vues de l'Auteur
ſur la nature champêtre. Il commen
ce par nous rappeler ce goût général qui
entraîne à la campagne les habitans des
villes au retour du printemps.
« C'eſt principalement au retour de la
>> ſaiſon où la Nature ſemble ſe répro-
>> duire , que tout les porte à jouir des
>> bienfaitsqui leur font offerts . C'eſt dans
>> ces momens, qu'entraînéshors des murs
>>qui les empriſonnent , & femblables à
* des captifs échappés , ils ſe répandent
34 MERCURE DE FRANCE.
>> dans les lieux ſpacieux & aërés. On les
> voit errer autour des villes , monter les
côteaux, courir après un air plus purque
>> celui qu'ils reſpiraient. Ils obéiffent
> ainſi à l'intention de la Nature ; elle
> leur fourit , les encourage.... C'eft
>>d'après les ſollicitations de ſa voix
>>douce & perfuaſive , que la plus grande
>>parte des habitans des villes vont
>> jouir du calme des campagnes. Ils y
>> conſtruiſent des demeures , ils veulent
>>les rendre agréables , & cherchent dans
>>les foins attachés à ces établiſſemens ,
>> des occupations &des plaiſirs tranquil-
» les , dont ils ont un defir vague , une
>>penſée confuſe , mais un beſoin cer-
>> tain : & comme il n'eſt pas d'homme
>>qui n'ait imaginé quelque fiction rela-
>>tive à ſes penchans , il n'en est guère
» qui n'ait , ſur tout au printemps , for-
» mé le projet d'une retraite champêtre.
> C'eſt un des romans que chacunſe com-
>> poſe , comme on fait celui de ſes
>>amours , de fon ambition & de ſa for-
» tune ,
>> En jouiſſant de la nature , l'homme
> la veut orner. Aux préſens de ſa fécon-
>> dité il veut joindre les inventions de
* ſa propre induſtrie. C'eſt pour parvenir
JANVIER. 1775. 135
> à cette perfection de jouiſſance qu'on
> diſtingue des nuances dans l'agrément
> des lieux où l'on trouve plaifir à s'ar-
* rêter. On s'y prépare des repos com-
» modes , on cherche des aſpects qui at-
• tachent ; il faut que les arbres entrelaf-
>> ſés& transformés en berceau , rendent
> l'ombre plus épaiſſe; leurs formes, leur
> choix , leurs variétés , ajoutent un prix
■ à leur uſage. Les fleurs , qui avaient
» arrêté la vue dans les champs & dans
>> les prairies où la Nature les sème au
>>haſard , font taſſemblées pour ne plus
>>échapper aux regards qui les quittaient
> avec peine. On veut , par des ſoins
> nouveaux, leur donner des perfections
> que la Nature ſemblait leur avoir re-
>> fuſées. C'eſt alors que l'homme occu-
>>pé de ſentimens ſi doux , que l'amour ,
>>la tendreſſe filiale & l'amitié produi-
>> fent, trouve à ces ſentimens un fur-
>> croît de charmes , s'il s'y abandonne
>>dans les lieux ſolitaires , où les oiſeaux
» mêlent aux impreſſions de ſa ſenſibili-
>>lité celle de leur bonheur ; où l'eau
» qui tombe & roule , prolonge par la
>>continuité de ſon bruit , une rêverie
» qui plaît ; où la verdure & les fleurs
> choifies ſur l'émail deſquelles la vue ſe
136 MERCURE DE FRANCE.
>> repoſe , font jouir les regards & l'odo-
>> rat , ſans cauſer à l'ame une trop grande
>> distraction » . 1
M. Vatelet rapporte ſur tout l'embelliſſement
des jardins à la vanité
qu'il appelle ofſtenſive , au plaiſur de
montrer fes poſſeſſions & fon goût , &
il eſt très-sûr que la vanité a nourri de
tout temps les arts du luxe. Avant de
parler de ce qu'on appelle proprement un
jardin , il donne une deſcription trèsintéreſſante
de ce qu'il nomme une ferme
ornée , & cet ordre eſt très naturel ,
puiſque l'utile à dû précéder l'agréable.
Il paſſe enfuite aux parcs anciens , qui
n'étaient guères qu'un magnifique ennui .
Enfin il vient à l'art de décorer les parcs
modernes , art établi ſur trois moyens
principaux , lepittorefque , le poëtique & le
romanesque. On fent combien le premier
eſt eſſentiel , la nature du terrein , l'expoſition
, les arbres , les eaux , les eſpaces ,
les fleurs , les grottes , les rochers , voilà
les beautés qu'offre la Nature pittoreſque
&que l'art peut mettre en oeuvre . M.
Vatelet ne fait pas , à beaucoup près ,
autant de cas du poëtique , genre de compoſition
emprunté des Mythologies , des
ulages & des coſtumes anciens ou étran
JANVIER. 1775 . 137
gers , & dont le but eſt de faire enforte
qu'on ſe croye un moment tranſporté
dans des temps & des climats éloignés
de nous. Les figures & les infcriptions
viennent au ſecours des ſites & des accidens
, pour produire cet effet le plus
ſouvent faible & incertain .
Le romanesque conſiſte à offrir des
ſcènes à l'imagination; " tel ſerait , par
> exemple , un lieu très ſauvage où des
>>torrens ſe précipiteraient dans des val-
>> lons creux ; où des rochers , des arbres
>> triſtes , le bruit des eaux , répété par les
>> antres multipliés , porteraient dans
» l'ame une forte d'effoi ; où l'on apper-
>> cevrait des fumées épaiſſes , des feux
>> fortans de quelques forges , de quel-
>> ques verreries cachées ; où l'on enten-
>>drait les braits de pluſieurs machines ,
>>dont les mouvemens pénibles & les
>>roues gémiſſantes , rappeleraient les
>> plaintes & les cris des eſprits malfai-
>>fans. Ces images d'un déſert magique ,
>>d'un lieu propre aux évocations , aux-
» quelles ſe joindraient les accidens &
>>les ſons qui leur conviennent , préſen-
>>teraient un romaneſque auquel la pan-
» tomime même ne ſerait pas néceſſaire.
» En effet , l'imagination émue ferait
>
138 MERCURE DE FRANCE.
» prête à la ſuppléer; & dans l'inſtant O
>>le jour s'obſcurcirait , où les ombres de
> la nuit répandraient la triſteſſe qui leur
>> eſt propre , & les illufions qui les ac-
> compagnent ; peu s'en faudrait qu'on
> ne crût voir dans ce déſert des Démons ,
>> des Magiciens & des monftres » .
L'Auteur paffe à l'examen des lieux de
plaifance, & il rend ſenſibles les nuances
principales de ces divers établiſſemens
, dont il réfume ainſi les principes.
« Dans ceux de campagne , l'utile doit
» prévaloir abſolument ſur l'agréable , &
>>former la baſe du plaiſir qu'on s'y pré-
»pare.
Dans les parcs , l'utile doit prêter
>> des ſecours à l'agrément , & l'art doit
>> être ſubordonné généralement à la Na-
>> ture .
>>Dans les lieux de plaiſance , l'art peut
» s'arroger le droit de ſe montrer avec
>> moins de réſerve.
» Enfin , dans les jardins deſtinés à
• des ſenſations plus délicates & plus re-
>> cherchées , l'artifice & la richeſſe em-
>>ployés à des effets ſurnaturels & à des
>>prodiges , s'efforçent de l'emporter fur
la Nature » .
En commençant l'article des jardins
JANVIE R. 1775. 139
proprement dits , l'Auteur obſerve , avec
beaucoup de juſteſſe , que l'art du Peinue
eſt beaucoup plus propre à les décorer
que celui de l'Architecte qu'on a coutume
de charger de ce ſoin .
>> Des Arts connus , celui qui a le plus
> de relations d'idées avec l'art des jar-
> dins , c'eſt celui de la Peinture.
» L'Architecture s'en eſt cependant
> preſque toujoursoccupée juſqu'ici , & il
>>était affez naturel que ne regardant pas
> les jardins comme ſuſceptiblesd'unecer
>>taine perfection libérale qu'on y defire
>> aujourd'hui , l'Artiſte à qui l'on confiait
» le ſoin des édifices, fût chargé de ce qui
>>ne ſemblait en être que les acceſſoires.
>>D'ailleurs on appercevait une relation ,
• en apparence aſſez fondée , entre les
>>formes adoptées pour les jardins , &
>>celles qu'employait l'architecture ; mais
>> on ne faiſait pas attention à la diffé-
>> rence qu'apporte dans les deux arts la
>>ſeule nature des plans ſur leſquels ils
» s'exercent.
>>>L'Architecte , dans la partie libérale
> de ſon art , a pour objet de rendre
> agréable toutes les parties d'un plan
„ vertical.
>>Le Décorateur des jardins exerce fes
140 MERCURE DE FRANCE .
>> talens pour embellir un plan horizon-
» tal.
>> Le premier doit fatisfaire , le plutôt
» & avec le moins d'efforts poſſibles , le
>> ſpectateur qui ne deſtine à ſon plaific
> que des regards & quelques momens.
» Le ſecond ne doit découvrir que
>>>l'une après l'autre les beautés de fon
> ouvrage , à ceux qui conſacrent à cette
>>jouiſſance des heures entières.
>> D'après des intentions ſi différentes ,
>> les plans ſimples , les formes ſymmé-
>>triques , les proportion's faciles à faifir,
>> les maſſes régulières feront préférées
>> par l'Architecte , tandis que les plans
>> mystérieux , les formes diſſemblables ,
>>les effets plus apperçus que leurs prin-
>>cipes , les accidens qui combattent la
> régularité , offriront les moyens les plus
>>fa>vorables au Décorateur. La préciſion
>> du trait , la propreté des détails feront
>>les recherches de l'Architecture ; une
>>certaine indéciſion pleine d'agrémens ,
>> cette négligence qui ſied ſi bien à la
>>> nature , feront les fineſſes de l'art des
>> jardins ».
ود
4
L'Auteur emploie tour- à- rour le Peintre
à la compoſition des jardins d'un
homme riche & éclairé , protecteur des
JANVIER. 1775. 141
Arts & des Lettres , & de ceux d'un
homme voluptueux; il fait des premiers
une eſpèce d'Eliſée où il raſſemble tous
les grands hommes ; il veut que les jar
dins d'Alcine & le palais d'Armide fervent
de modèles aux autres. Nous citererons
la première deſcription .
>> S'il eſt chargé de décorer d'une ma-
>> nière poëtique & intéreſſante quelque
>>partie d'un vaſte lieu de plaiſance pour
>> ces hommes , qui , diftingués par le
>> rang ou la richeſſe , le deviennent bien
>>davantage , lorſque , dans leurs amuſe-
» mens même , ils favoriſent les Arts &
>>> honorent les vertus & les talens ; il ſe
>>rappelera l'image que Virgile nous a
>> tracée de ces beaux lieux où les Héros
» & les Sages trouvaient un repos & un
» bonheur mérités par des bienfaits , des
>> travaux & des peines.
ود Un grand eſpace , varié dans ſes
>>plans , diverſifié dans ſes contours
>> ſera le lieu de la ſcène. Les gazons
>> ſoignés s'y trouveront d'autant mieux
>>placés , qu'il s'agira de repréſenter un
>> lieu diſpoſé par un pouvoir ſurnaturel ,
>> & que l'uniformité même de cette belle
>> verdure & l'égalité de ſa nuance con-
» tribueront à l'impreſſion douce & tran-
> quille qui convient au ſujet.
42 MERCURE DE FRANCE.
>>Des boſquets toujours verds cou-
>> ronneront les élévations du terrein , des
> arbres grouppés & diſpoſés de manière
» que l'oeil pénètre ſous leurs ombrages ,
>>orneront différentes parties du vallon ;
>> ils étendront leurs branches ſur les
>> bords d'une rivière qui , ſemblable au
>> Léthé , promenera ſes eaux paiſibles
>> ſans troubler le repos de cette belle fo.
>> litude . Il n'eſt pas néceſſaire que l'onde
» ait un mouvement trop animé. Son
>> rythme doit s'aſſortir à une harmonie
>>douce & tranquille : les rives feront
>> ornées de fleurs choifies & diſtribuées
>> fans profuſion .
* Dans des lieux apparens , s'offri-
» raient les ſtatues des hommes célèbres ,
>> exécutée avec affez d'art & de ſoin ,
>>pour qu'après avoir inſpiré le defir de
>> les conſidérer , on ſe ſentût élevé par
>>leur perfection , de l'idée de l'image à
>> celle du Sage& du Héros .
وو
» Les ſtatues ſeraient iſolées & droi-
» tes , les autres aſſiſes ou grouppées. On
aurait hafardé de ne les pas exhauffer
>> fur des piédeſtaux , dont le plan rétréci
» rend leur immobilité trop ſenſible. Les
>>unes ſeraient poſées ſur des ſocles peu
» élevés ; d'autres aſſiſes ſur des lits anJANVIER.
17750 143
>tiques & fous des portiques ouverts ,
>>paraîtraient s'entretenir .
,
>On oferait peut-être repréſenter dans
> les routes quelques Héros à cheval ou
>>ſur des chars ; les tertres de gazon fer-
>> viraient à placer à leur point de vue &
>>à diſpoſer pittoreſquement ces compo-
■ ſitions ; les maſſes de feuillages & les
>>grouppes d'arbres leur formeraient des
>>appuis & des oppoſitions , le marbre
>>blancs dont elles ſeraientformées ajou-
» terait par ſa couleur même , aux
>convenances d'un lieu où l'on doit s'at-
>>tendre àrencontrer des ombres. Quel-
» ques Temples , quelques Autels con-
>> ſacrés aux Vertus , aux Sciences , aux
» Arts , aux Sentimens agréables , met
>> traient de la richeffe & de la diverſité
>>dans les afpects. Des inſcriptions & des
>>paſſages choiſis & courts , gravés ſur les
» arbres ou ſur des colonnes & des obé-
>> liſques , entretiendraient l'impreſſion
>>que l'enſemble aurait inſpiré , c'est-à-
>>dire , une mélancolie douce , une diſ.
>>traction agréable dans lesquelles ſe
>> confondraient des ſentimens nobles &
• élevés , où ſe mêlerait le ſouvenir & la
>> réalité , où le moral ſoutiendrait le
» poëtique , & où l'un & l'autre enfin
144 MERCURE DE FRANCE.
39 donneraient au pittoreſque tout l'inté
» rêt dont il eſt ſuſceptible.
» On aimerait fans doute à errer dans
>> cet Eliſée , dans lequel , entouré des
» hommes les plus célèbres , le ſeul defir
» d'être digne d'habiter avec eux , ferait
» un pas vers la vertu .
ود Le Compoſiteur de cette ſcène ſe
>> garderait d'y rien placer qui n'y con-
* vint. On n'y verrait pas le mauſolée
>> d'un chien favori, ni le monument éle-
» vé à la mémoire d'un oiſeau. Les treil-
» lages , les métaux choiſis , les couleurs
>>brillantes , les terres & les émaux pré-
» cieux ſeraient réſervés pour des dé-
• corations conſacrées plus particulière-
» rement aux délices des ſens qu'aux
>> plaiſirs de l'ame » .
M. Vatelet termine ſon ouvrage par
une deſcription très curieuſe d'un jardin
Chinois , & par celle de ſa propre mai
fon. Ce dernier morceau , dont l'intérêt
& l'agrément ſont encore relevés par
différentes inſcriptions en vers , qui toutes
fon heureuſes , mérite d'être mis , au
moins en partie , ſous les yeux du Lecteur.
Il eſt adreſſé à un ami , en forme de
lettre .
" Si l'amitié ſe plaît dans les détails ;
» &
१८
JANVIER. 1775. 145
>>& ſi l'imagination, qui réaliſe dans vo-
>> tre eſprit ce qui a des droits fur votre
>> coeur , vous a tranſporté dans ce lieu ,
>> où nous defirons vous poſſéder ; je puis
>> hafarder de vous promener dans quel-.
>> ques uns des endroits où nous nous en-
>>> tretenons avec nos Hamadriades .
>> Ici , c'eſt un vieux ſaule qui ſe pré-
>> ſente au milieu d'un ſentier ombragé ,
>> dont les détours ſuivent,preſque au ni .
>> veau de l'eau, le canal ombragé qui fer-
>> pente. Cet arbre a l'air d'avoir vu renouveler
plus d'une fois les habitans de
>> ce rivage.
و د
>>> Son tronc noueux eſt encore couron.
>> né de rameaux & de feuillages : à la
>> hauteur où ſe portent naturellement les
>> regards , une eſpèce de bouche rappelle
» l'idée des Oracles qui ſe faiſaient au-
دد trefois entendre , ſans doute pour don-
>> ner aux hommes des conſeils dont ils
> onttantdebeſoin: ils ne parlentplus au-
>>jourd'hui ; mais dans ce lieu, ils écrivent
>> encore ; & voici ce que l'Hamadriade
>> veut perfuader àceux qui paſſent près
» de ſa retraite :
Vivez pour peu d'amis; occupez peu d'eſpace ;
Faitesdubien (ur-tout; formez peu de projets .
I. Vol. G
1
146 MERCURE DE FRANCE.
Vosjours feront heureux ; & , ſi cebonheur paffe ,
Il ne vous laiſſera ni remords , ni regrets.
» A peu de diſtance du vieux ſau'e ſe
>> trouve une eſpèce decabinet en faillie
» fur le courant de l'eau : il eſt appuyé
>> fur un arbre planté au-deſſous , dont la
» cime , ſurmontée de branches difpo-
» ſées en rond , a donné lieu d'en former
>>un ſiege commode. On y est entouré
» de rameaux qui couronnent l'arbre , &
>> qui fervent d'appuis de tous côtés , en
» ne laiſſant de libre que l'eſpace nécef-
>> faire pour s'y placer. Rien de ſi propre
» à méditer que ce réduit où la vue ,
>>'voilée pour ainſi dire , pénètre cepen-
>> dant à travers le feuillage ; où l'on en-
» trevoit le mouvement des eaux , & où
>> leur bruit ſe fait affez entendre pour
» conduire à la rêverie. Des deux côtés
„ du fiége les branches ſemblent s'appro-
>>cher pour qu'on life ce qui eſt tracé
ود fur leur écorce, L'une , dans l'incerti-
„ tude de la ſituation où peut ſe trouver
>> celui à qui elle parle , s'exprime ainſi ;
Dece riant ſéjour , de ce paiſible ombrage
Eprouvez les charmes ſecrets ;
Infortunés , retrouvez-y la paix ;
JANVIER. 1775. 147
Y
Heureux! ſoyez -le davantage.
>>Une autre prend un ton plus réflé
>>>chi :
Conſacrer dans l'obícurité
:
Ses loiſirs à l'étude , à l'amitié ſa vic;
?
Voilà les jours dignes d'envie.
Etre chéri , vaut mieux qu'être vanté.
Si rêvant à cette maxime, dont le coeur
>> eſt meilleur juge que l'eſprit , vous
>> continuez de parcourir le ſentier où
>> vous vous trouvez engagé , vous ap-
» percevrez bientôt unde ces ponts dont
» je vous ai parlé.
>>Douze petits bateaux ſoutiennent ,
>> à quelques pouces de la ſurface de l'eau,
»un plancher de cent pieds de longueur ,
>>affez large pour donner place à deux
>>perſonnes. Des caiſſes garniesde fleurs
>>font diſpoſées, par intervalles, des deux
côtés. Les intervalles font remplis par
»des treillages aſſemblés en lozange ,
» qui , en laiſſant appercevoir l'eau , raf.
>> furent les regards, Le pont , peint en
>>-blanc , émaillé de fleurs , invite à y
>> deſcendre : les aſpects y ſont à chaque
» pas variés; &, vers le milieu , l'eſpace
>>qui s'élargit ſe trouve garni de fiéges.
Gij
148 MERCURE DE FRANCE.
>>On s'y arrête pour jouir du tableau
>>paftoral qui s'offre de toutes parts. On y
>>reſpire le parfum des fleurs avec la fraî-
>> cheur des eaux , qu'on voit de près :
>> s'écouler ſous le plancher ſur lequel on
>>eſt affis. C'eſt là 'que vos amis pallent,
>>quelques ſoirées agréables en s'entre-
>> tenant de leurs occupations , de leurs
>> goûts , de leurs voyages ; & l'un d'eux
> y a tracé ces vers :
Des jours heureux voici l'image .
Les Dieux ſur nous verſent - ils leurs faveurs ?
Ils offrent fur notre paſlage
Quelques aſpects rians , du repos, & des fleurs .
» Mais revenons ſur nos pas , & por-
> tons les juſqu'à l'extrémité de la plus
> grande iſle , dont nous avons déjà par-
>> couru quelques parties. C'eſt en traver-
>> fant un bois de ſaules , qu'on pénètre
>> par des voûtes tortueuſes & oimbragées ,
>> juſqu'à l'endroit où la rivière forme
>> deux canaux qui embraſlent cet efpace
» avant que de rejoindre le lit de la ri-
» vière.
>>A cette pointe , ſe préſente un af-
» pect ſauvage. Une ifle déſerte s'élève
» à peu de diſtance ,& arrête la vue ; une
JANVIER. 1775. 149
>>digue rompue donne du mouvement à
>>l'eau , en réſiſtant au courant qui s'ef-
>>force de la détruire ; & lorſque la ri
>>vière est plus haute , il ſe forme en
>>cet endroit une caſcade , qui fied très.
>>bien à ce lieu folitaire . L'ifle voiſine
» n'eſt point meublée d'arbres qui bor-
>> nent les regards ; auffi s'étendent ils au-
>>delà : ils s'arrêtent à des édifices qui
• font partie d'une petite ville peu dif-
>>tante. Parmi ces édifices , il en eſt un
» qui ſe fait remarquer en dominant les
>> autres : c'eſt un objet peu intéreſſant
- par lui- même ; mais il fut habité par
» Héloïſe : à ce nom , qui ne s'arrêteroit à
>>le conſidérer ! Qui ne parleroit un mo-
>> ment à cette délicate & trop malheu-
» reuſe Amante ! Après ſa funeſte aven-
» ture , elle ſe retira dans un Monastère ,
>> dont le ſavant , l'inquiet , l'exigeant ,
» le jaloux Abelard étoit Directeur ; &
» c'eſt ce Monastère que vous voyez .
>>Si lorſqu'on fait ce récit , quelques
■ jeunes perſonnes ſe trouvent préſentes ,
> on peut penſer qu'elles fentent s'élever
> dans leur ſein un mouvement plus pré-
» cipité qu'à l'ordinaire ; leur regard de-
>>vient incertain & embatraffé ; elles dé-
>>tournent les yeux , & rencontrent alors
Gij
150 MERCURE DE FRANCE.
> ces mots , qui ( ſi le climat le permet-
>> tait ) feraient ſans doute tracés fur
>>un myrte.
Ces toits élevés dans les airs
Couvrent l'aſyle où vécut Héloïſe.
Coeurs tendres , ſoupirez & retenez mes vers.
Elle honora l'Amour , l'Amour l'immortaliſe.
re
८८
もも
>> Pour quitter cette agréable poſition ,
>>on peut choiſir entre pluſieurs routes
> qui conduiſent hors da bois de ſaules,
»&vers le grand lit du fleuve. Là les af-
>> pects font trop découverts pour la mé-
>> ditation & la poéfie.
>>L'ame qui s'étend avec les regards ,
>> jouit à la vérité , mais d'une manière
» vague , des beautés qui l'égarent trop
>>loind'elle. Il faut qu'elle foitentourée de
>> plus près, pour être infpirée ; il faut que
>> moins diſtraite , elle éprouve dans une
>> douce rêverie , des ſenſations dont elle
>> prenne plaiſir à ſe rendre compte. C'eſt
>> donc d'un pas plus rapide que je vous
>> ferai parcourir une route en terraſſe de
>>pluſieurs centaines de toiſes , qui fuit les
>> contours de l'Iſle , du côté du canal de
>>la navigation. Les bateaux qui vien-
>> nent fans ceſſe des Provinces mariti-
» mes , animent cette magnifique ſcène:
JANVIER. 1775. 151
ال
>mais elle n'inſpire que l'admiration ;
aufli on aime à la quitter pour revenic
> encore dans cet intérieur de canaux &
de proinenades , que traverſe un pont
de bois d'une longueur confidérable.
Par la difpofition des trois ifles , plus
■ Dalles que le reſte du terrein , ce pont
»ſe trouve élevé à la hauteur de la tête
> des arbres , & les tiges qui le couron-
» nent , fourniffent une ombre qui trans-
■ forme ce patlage en une allée couverte .
»On s'y promene fans craindre les ar-
> deurs du foleil , & d'eſpace en eſpace ,
>>on apperçoit, à l'aide du débouché des
» divers canaux , les points de vue que
» cette ſituation rare rend infiniment pit-
> toreſques . D'eſpace en eſpace , ce pont
>>s'élargit au deſſus des canaux , de ma-
> nière à recevoir des ſiéges pour s'y re-
» poſer , y goûter la fraîcheur , & jouir
» des agrémens de la vue .
>>C'eſt de- là qu'on découvre plus par-
> ticulièrement ces ſinuoſités agréables que
■ forment les eaux dans leur libre cours ;
» & ces repréſentations ſi piquantes & fi
>>fidèles que produit le reflet des objets
» qui s'y peignent.
» Il était naturel de parler un inſtant
» de ces beaux effets à ceux à qui ils peu
Giv
152 MERCURE DE FRANCE.
>> vent plaire. Voilà ce qu'on leur adreſſe.
Ici l'onde avec liberté
Serpente & réfléchit l'onde qui l'environne.
De la franchiſe elle tient la beauté ;
Son cryſtal plaît & ne flatte perſonne.
>>Un moulin ſe préſente à l'une des
> extrémités de ce pont.
» Sa vue ne manque guère d'attirer
>> ceux qui ont rarement obſervé d'auſſi
>>près ces fortes de machines. On appro-
>> che , & l'on ſe trouve dominer la roue :
>>le bruit qu'elle produit , le battement
>>meſuré qu'elle occaſionne , & fon mou-
> vement égal& fucceffif, invitent à quel.
-> ques momens de rêverie. On regarde
>> avec une attention qui attache , ces
» aubes fortant du courant l'une après
>> l'autre , s'élevant peu à peu au plus
>> haut degré de leur orbite , pour redef-
>> cendre, ſe replonger & diſparaître. Cet
>> objet eſt propre fans doute à inſpirer
» des réflexions , mais celles dont les
>> nuances ſeraient trop ſombres , ſe trou-
>> veraient moins aſſorties au coloris du
>> tableau que celle ci .
Ah ! connaiſſez le prix du temps ,
Tandis que l'onde s'écoule ,
JANVIER. 1775. 153
Quela roue obéit à ſes prompts mouvemens ;
Devosbeauxjours le fuſeau roule.
Jouiflez ,jouiflez , ne perdez pas d'inſtans .
• Vous ſeriez encore tenté de defcend
▸ dre dans de petites iſles à leur d'eau ,
» quiſe trouvent ſouterir différentes par.
ties du pont; des eſcaliers y condui-
■ fent. On y trouve de l'ombre , des
*bancs & des promenades agréables ,
mais elles font quelquefois couvertes
■ par la rivière ; auſſi les peupliers antiques
qui les ombragent , portent fur
>>leur écorce des marques de différentes
inondations, qui ne les ont point em-
> pêchés d'élever leur cime dans les airs.
» Cependant un d'entr'eux , plus ſenſible
» que les autres à ces accidens , s'exprime
>> aini.
Dansces climats plus d'un orage
A troublé le ciel & les coeurs .
L'onde , franchiſſant ſon rivage ,
Aſubmergé nos vergers & nos fleurs.
Dieux bienfaifans , réparez ces malheurs !
Erque les habitansd'un modeſte bocage .
Par vos faveurs trouvent ſous nos rameaux
Quelqu'abris pour un doux repos.
4qui tient peu de place,il faut ſi peud'ombrage!
Gv
156 MERCURE DE FRANCE.
Journal hiftorique & politique des princi
paux événemens des différentes Cours de
l'Europe , fous le titre de Genève.
Ce Journal eft entièrement consacré à
raffembler fans aucun mélange de choſes
diſparates , les principaux événemens de
l'hiſtoire politique , journaliere & univerſelle,
Françoiſe& Etrangere. Depuis 1772 ,
que ce Journal a cours , il a été regardé
comme le réfultat le mieux fait , & ré
digé avec le plus d'exactitude , de précifion
& de vérité , non-feulement de toutes
les gazettes , mais encore des papiers
publics & des Mémoires particuliers de
tous les pays. Il eſt confulté & confervé
comme l'hiſtoire du temps préfent. Le
Rédacteur de ce Journal a auſſi le mérite
de tracer au commencement de l'année
le tableau des grands intérêts des Puiffances&
des événemens importans , qui doi
vent par leur enchaînement ou par leur
fuire , balancer le deſtin des nations.
Ce Journal eſt de 36 cahiers par an,
chaque cahierde deux feuilles & demie;
it eſt publié le ro, le 20 & le 30 de chaque
mois On fouſcrit en tout temps; le
prix, port franc par la Poſte, eſt à Paris
& en Province de rå liv.
JANVIE R. 1775. 157
La nature conſidéréeſousſes differens afpects
; 5 2 feuilles par an ; dont il paroît
un cahier le premier & le quinze de
chaque mois. On ſouſcrit en tout
✓temps ; port franc par la Poſte , à
Paris& en Province 12 liv .
Le ſavant Naturaliſte qui compoſe cette
feuille périodique , ſans s'écarter des
trois règnes de la nature , dont il annonce
& développe en toutes occaſions les richeſſes
& les merveilles , s'attache prin
cipalement à faire connoître les procédés
de pratique , pour la médecine , les
ſciences & les arts ; &de ſe rendre utile
aux Lecteurs , en confultant encore plus
leurs intérêts que leur curiofité. La table
détaillée des matières traitées dans le
Journal de l'année 1774 , fuffiroit ſeule
pour exalter non ſeulement les avantages,
mais , on peut le dire , la néceſſité d'un
Journal de ce genre qui fixe les productions
& les efforts réunis de la nature&
de l'art pour nos beſoins & pour notre
Lagrément. C'eſt ce qui doit rendre ces
feuilles précieuſes , autant à titre de Journal,
qu'à titre d'ouvrage & de collection.
160 MERCURE DE FRANCE.
la muſique , & inventèrent les arriettes
& le récitatif. Peu de temps après ces
contemporains de Lulli , les Scarlatti ,
Porpora , Vinci , enrichirent l'orchestre
d'images brillantes , mais toujours analogues
au ſujet , & fubordonnées aux paroles
quel'Acteur chantoit. Après ces grands
Maîtres, vinrent Sarri , Leo, Haffe, trois
grands Compoſiteurs qui ſuivirent exactement
la déclamation chantante & la
proſodie de la langue Italienne. Vivaldi ,
fameux violon , qui parut en Lombardie,
forma une Chanteuſe, nommée la Fauftina
, à qui il fit exécuter avec la voix
tout ce qu'un violon , une fûte , un hautbois
pouvoient exécuter de ſon temps.
Le Public força , pour ainſi dire , tous.
les Chanteurs à ſuivre cette route. C'eſt.
l'époque de la décadence de la muſique
en Italie . Depuis l'extinction de la famille
des Médicis , iln'y a plus aucun théâ
tre foutenu dans la patrie de la muſique.
L'Entrepreneur d'un opéra paſſager'eſt
dès- lors obligé de ſacrifier au goût dominant
; il fupprime les choeurs & les
objets de dépenſe , & les Compoſiteurs
abandonnent l'expreffion pour faire bril.
ler leur orchestre . C'eſt la conduite qu'ont
tenue Jacemelli , Latilla , Gallupi, Perez
JANVIER. 1775. 161
&d'autres ; cette dépravation du goût a été
portée ſi loin, que les opéra des Pergoleze,
un des hommes qui a eu le plus de talent ,
n'eurent aucun fuccès à Rome & à Naples .
En France, Rameau, célèbre Compofiteur,
a brillé dans les airs de danſe & dans les
choeurs , mais le goût qu'il a eu pour
l'harmonie lui a trop fait négliger la mélodie
: fon chant eſt preſque toujours dur
& défagréable. Le plus grand défaut des
Compofiteurs François , eſt d'avoir méconnu
la profodie de notre langue. M.
Rouſſeau lui-même, écrivain ſi ſupérieur,
a négligé abſolument la proſodie dans ſon
Devin de Village , quoiqu'il ait fait les
paroles & la muſique. Il n'y a aucun de
ſes airs qui n'en préſente des exemples
choquans ; c'est qu'il n'a connu la muſique
en fralie que dans ces derniers temps
où l'on n'obfervoir plus la proſodie de la
langue Italienne. Nous ajouterons à cette
occaſion qu'il eſt bien étonnant que M.
Gretry , quoique étranger , & ayant été
élevé en Italie , ait mis en muſique depuis
le peu d'années qu'il eſt en France ,
douze poëmes lyriques, & que dans aucun
il n'y ait pas une ſeule faute de proſo.
die contre la langue qu'il a ſu accentuer
&articuler mieux qu'aucun naturel Fran154
MERCURE DE FRANCE.
L'Auteur , au commencemmeenntt de fon
livid , paraît l'adreſſer à ſes amis . Tout
ceux qui l'auront lu defireront de l'être .
L'intérêt de fon ſtyle ſemble appartenir à
des moeurs douces , & à un caractère aimable
, & tous ceux qui verront la defcription
touchante de ſa retraite champêtre
, defireront de l'habiter avec lui.
Le Spectateur François.
Journal amuſant & intéreſſant done
l'objet eſt de tracer les moeurs , de
combattre les vices , d'honorer la ver
tu , de faire connoître les ridicules
de mettre le précepte en action , de donner
des anecdotes morales, enfin de plaire
&d'inſtruire ; ce Journal eſt continué
avec exactitude , & fait avec foin par un
homme de Lettres , qui jouit d'une juſte
confidération .
Il ſuffit de rappeler quelques- uns des
ſujets traités dans cet ouvrage de l'année
1774 , pour donner l'idée de la manière
ingénieuſe & piquante avec laquelle le
Spectateur fait préſenter& varier ſes obſervations,
& inſtruire en amuſant : caftigat
ridendo mores.
)
Les nouveaux eſſais de fon fauteuil
JANVIER. 1775. 155
véridique font très propres à déinaſquer
les caractères diffimulés .
La liſte des animaux que Panurge fait
voir à la Foire , offre des métamorphofes
plaiſantesdes ridicules &des vices. Seslettres
fur la gaieté & l'ennui des ſociétés, fur
la muſique, fur lesromans,ſur la coquetterie
& les modes , ſur un projet de prix dramatique
, ſur les opinions populaires, fur
les ſpectacles , fur l'avarice , ſur les arts ,
fur les moyens deſe faire unegrande réputation
, &c. &c. font remplies de traits
d'une critique déliée , & enjouée. Ses difcours
moraux , ſes Mémoires ſur la vie
de Balthafar Fumée , Poëte & Romancier
, l'idylle Sibérienne , ſes contes , ſes
anecdotes , ou morales , ou critiques , ou
galantes , font de ce Journal une lecture
auſſi intéreſſante que variée.
Ce Journal eſt compoſé de quinze cahiers
par an , & chaque cahier eſt de trois
feuilles ; ils parviennent francs de porr
par la Pofte..
A Paris, au prix de
Et en Province , prix
و liv.
12 liv,
On ſouſcrit en tout temps , chez Lacombe
, Libraire à Paris , rue Chriſtine.
On foufcritpareillement en tout temps
chez le même Libraire pour les Journaux
ſuivans,
4.
Gvj
156 MERCURE DE FRANCE.
Journal hiftorique & politique des principaux
événemens des différentes Cours de
l'Europe , fous le titre de Genève.
Ce Journal eft entièrement confacré à
raffembler fansaucun mélange de choſes
difparates , les principaux événemens de
l'hiſtoire politique , journaliere & univerſelle,
Françoiſe& Etrangere. Depuis 1772 ,
que ce Journal a cours , il a été regardé
comme le réfultat le mieux fait , & rédigé
avec le plus d'exactitude , de précifion
& de vérité , non-feulement de toutes
les gazettes, mais encore des papiers
publics & des Mémoires particuliers de
tous les pays. Il eſt confulté & confervé
comme l'hiſtoire du temps préfent. Le
Rédacteur de ce Journal a aufli le mérite
de tracer au commencement de l'année
le tableau des grands intérêts des Puiffances&
des événemens importans , qui doi
vent par leur enchaînement ou par leur
fuire , balancer le deſtin des nations.
Ce Journal eſt de 36 cahiers par an ,
chaque cahier de deux feuilles & demie;
it eſt publié le ro, le 20 & le 30 de chaque
mois On foufcrit en tout temps; le
prix, port franc par la Poſte, eſt à Paris
&en Province de rå liv.
JANVIER. 1775. 157
La nature conſidéréeſousſes differens afpects
; 52 feuilles par an ; dont il paroît
un cahier le premier & le quinze de
chaque mois. On ſouſcrit en tout
temps ; port franc par la Poſte , à
Paris & en Province 12 liv .
Le ſavant Naturaliſte qui compoſe cette
fenille périodique , ſans s'écarter des
trois règnes de la nature , dont il annonce
& développe en toutes occafions les richeſſes
& les merveilles , s'attache prin
cipalement à faire connoître les procédés
de pratique , pour la médecine , les
ſciences & les arts ; &de ſe rendre utile
aux Lecteurs , en confultant encore plus
leurs intérêts que leur curiofité. La table
détaillée des matières traitées dans le
Journal de l'année 1774 , fuffiroit ſeule
pour exalter non ſeulement les avantages,
mais , on peut le dire , la néceſſité d'un
Journal de ce genre qui fixe les productions
& les efforts réunis de la nature &
de l'art pour nos beſoins & pour notre
Lagrément. C'eſt ce qui doit rendre ces
feuilles précieuſes , autant à titre de Journal
, qu'à titre d'ouvrage & de collection.

158 MERCURE DE FRANCE.
Journal des Dames , composé de douze
volumes par an , chaque volume de
cinq feuilles ; il eſt publié tous les
mois , & l'on ſouſcrit à volonté , à
compter des époques de Janvier ou de
Juillet ; prix port franc par la Poſte , à
Paris 12 liv. en Province 15 liv.
Ce Journal eſt dédié à la Reine , par
Madame de Montanclos , ci-devant Baronne
de Princen .
Cette Dame ſait réunir dans ſon Journal
tout ce qui peut faire connoître le mérite
des perſonnes de ſon ſexe , par les
agréinens de leur eſprit , par la ſenſibilité
de leur coeur , par le charme de leurs
grâces & de leur beauté. Les poéſies ,
fruits d'une imagination légère , les détails
des ouvrages relatifs aux Dames , l'analyſe
raiſonnée des Pièces de vers ou de
livres auxquels les Dames doiventprendre
intérêt ; des anecdotes intéreſſantes , enfin
tout ce qui peut remplir ce que le Lecteur
a lieu d'attendre d'un Journal des Dames ,
ſe trouvent dans cette collection périodique
, exécutée avec autant d'eſprit que
de goût .
On fouferit pour ce Journal chez la
Dame Auteur , rue des Bernardins ; &
chez Lacombe Libraire , rue Chriſtine.
JANVIE R. 1775. 161
&d'autres ; cette dépravation du goût a été
portée ſi loin, que les opéra des Pergoleze ,
un des hommes qui a eu le plus de talent ,
n'eurent aucun ſuccès à Rome & à Naples .
EnFrance, Rameau, célèbre Compofiteur,
a brillé dans les airs de danſe & dans les
choeurs , mais le goût qu'il a eu pour
l'harmonie lui a trop fait négliger la mélodie:
fon chant eſt preſque toujours dur
&défagréable. Le plus grand défaut des
Compofiteurs François , eſt d'avoir méconnu
la profodie de notre langue. M.
Rouſſeau lui-même, écrivain ſi ſupérieur,
a négligé abſolument la proſodie dans ſon
Devin de Village , quoiqu'il ait fait les
paroles & la muſique. Il n'y a aucun de
ſes airs qui n'en préſente des exemples
choquans ; c'eſt qu'il n'a connu la muſique
en fralie que dans ces derniers temps
où l'on n'obſervoir plus la proſodie de la
langue Italienne . Nous ajouterons à cette
occaſion qu'il eſt bien étonnant que M.
Gretry , quoique étranger , & ayant été
élevé en Italie , ait mis en muſique depuis
le peu d'années qu'il eſt en France ,
douze poëmes lyriques, & que dans aucun
il n'y ait pas une ſeule faute de proſo .
die contre la langue qu'il a ſu accentuer
&articuler mieux qu'aucun naturel Fran160
MERCURE DE FRANCE.
la muſique , & inventèrent les arriettes
&le récitatif. Peu de temps après ces
contemporains de Lulli , les Scarlatti
Porpora , Vinci , enrichirent l'orchestre
d'images brillantes , mais toujours analogues
au ſujet , & fubordonnées aux paroles
quel'Acteur chantoit. Après cesgrands
Maîtres, vinrent Sarri , Leo, Haffe, trois
grands Compoſiteurs qui ſuivirent exactement
la déclamation chantante & la
proſodie de la langue Italienne. Vivaldi ,
fameux violon , qui parut en Lombardie,
forma une Chanteuſe, nommée la Fauftina
, à qui il fit exécuter avec la voix
tout ce qu'un violon , une fûte , un hautbois
pouvoient exécuter de ſon temps.
Le Public força , pour ainſi dire , tous
les Chanteurs à fuivre cette route. C'eſt
l'époque de la décadence de la muſique
en Italie. Depuis l'extinction de la famille
des Médicis , iln'y a plus aucun théâ
tre foutenu dans la patrie de la muſique.
L'Entrepreneur d'un opéra paſſager' eſt
dès-lors obligé de ſacrifier au goût dominant
; il fupprime les choeurs & les
objets de dépenſe , & les Compofiteurs
abandonnent l'expreffion pour faire bril.
ler leur orchestre . C'eſt la conduite qu'ont
tenue Jacomelli , Latilla , Gallupi, Perez
JANVIER. 1775. 161
&d'autres; cette dépravation du goût a été
portée ſi loin, que les opéra des Pergoleze,
un des hommes qui a eu le plus de talent,
n'eurent aucun ſuccès à Rome& à Naples .
En France, Rameau, célèbre Compofiteur,
a brillé dans les airs de danſe & dans les
choeurs , mais le goût qu'il a eu pour
T'harmonie lui a trop fait négliger la mélodie:
fon chant eſt preſque toujours dur
& déſagréable. Le plus grand défaut des
Compoſiteurs François , eſt d'avoir méconnu
la profodie de notre langue. M.
Rouſſeau lui-même, écrivain ſi ſupérieur,
a négligé abfolument la proſodie dans ſon
Devin de Village , quoiqu'il ait fait les
paroles & la muſique. Il n'y a aucun de
ſes airs qui n'en préſente des exemples
choquans ; c'eſt qu'il n'a connu la muſique
en fralie que dans ces derniers temps
où l'on n'obſervoir plus la proſodie de la
langue Italienne. Nous ajouterons à cette
occafion qu'il eſt bien étonnant que M.
Gretry, quoique étranger , & ayant été
élevé en Italie , ait mis en muſique depuis
le peu d'années qu'il eſt en France ,
douze poëmes lyriques, & que dans aucun
il n'y ait pas une feule faute deprofo.
die contre la langue qu'il a ſu accentuer
& articuler mieux qu'aucun naturel Fran162
MERCURE DE FRANCE.
çois , indépendamment de l'exprefion
toujours vraie& toujours piquante , qu'il
donne aux paffions & aux ſentimens don E
il eſt l'interprête le plus fidèle . :
Mile. Villers inſiſte ſur une École de
muſique , dans laquelle d'habiles maîtres
apprendroient l'art du chant. Il s'agic
d'abord de bien diftinguer le caractère
des voix : il n'y en a que de quatre eſpèces.
Tous les hommes en général n'ont que
des voix de baffe & de taille ; la haute
contre&le deſſus ſont toujours l'appanage
des femmes & des caftrats: ces quatre
voix forment l'harmonie complette. Si la
baſſe donne le ton , la taille eſt à la tierce ,
la haute-contre à la quinte & le deſſus à
l'octave. Les voix qu'on appelle hautecontre
chez les hommes , ſont ordinairement
des voix forcées , qui n'ont rien de
naturel , & qui rendent des fons inégaux ,
& criards , toutes les fois qu'elles paffent
an-deſſus de leurs tons naturels. Le
maître ne doit faire chanter un tel élève ,
que dans le ton qui lui eſt propre ; il évitera
de le faire crier , ſous prétexte d'augmenter
le volume de ſa voix ; il ne lui
laiſſera pas même donner toute ſa voix ,
juſqu'à qu'il foit bien sûr de ſon intona-
⚫tion.
JANVIER. 1775. 163
Mile. Villers fait dans un ſecond dialogue
, d'excellentes obſervations ſur le
travail du Poëte lyrique , & fur celui du
Muficien. Ce dernier doit s'attacher à
augmenter de beaucoup par le chant&
par l'orcheſtre l'expreſſion du ſentiment ,
ou de l'image que préſentent les vers . Il
doit par conféquent examiner d'abord ce
qu'ils expriment; quelle paſſion ils veu
lent peindre ; y adapter le genre de mue
ſique le plus propre à l'exprimer , en fai
fir l'enſemble , & unir tout le morceau
en un ſeul motif : car il n'eſt rien de ſi
abſurde que d'entendre dans un même
air , des meſures &des mouvemens différens
. Le Muſicien tombe dans un défaut
inſupportable , lorſqu'il emploie les
mots en détail , & non pas la choſe : mais
c'eſt dans ces dialogues même que nous
invitons les maîtres & les amateurs , de
puiſer les vrais principes du goût , & de
la compoſition de la bonne muſique. {
Lefeptième Tome de l'Histoire Naturelle
de Pline , traduite en François , avec
letexte Latin , rétabli d'après les meilleures
leçons manufcrites , accompagnée
de notes critiques pour l'éclairciſſement
du texte ; & d'obſervations
164 MERCURE DE FRANCE .
fur les connoiffances des Anciens ,
comparées avec les découvertes des
Modernes . A Paris , chez la Veuve
Deffaint , Libraire , rue du Foin , près
la rue St Jacques .
Ce ſeptième Tome d'unOuvrage long.
temps defiré , & que les efforts infiniment
louables de M. Poinfinet de Sivry ,
auront bientôt conduit à ſa fin , comprend
la Traduction & le Commentaire du dixneuvième
, du vingtième , du vingt &
unième &du vingt - deuxième Livre de
Pline. Dans le dix-neuvième , Pline traite
de la culture dulin , & des différentes
plantes des jardins. Au vingtième livre ,
commence l'examen intéreſſant des propriétés
médicinales de tous les végétaux.
Cette matière qui ſemble importante
d'elle - même , quel que ſoit l'Ecrivain
inſtruit qui tienne la plume , le devient
infiniment plus fous la main d'un des
plus profonds & des plus ingénieux Auteurs
de l'Antiquité : elle occupe auſſi les
deux livres ſuivans , & fera ſans doute la
partie eſſentielle du huitième volume ,
qui eſt ſous preſſe , & qui ne tardera
point à paroître. Tout le ſeptièmetome ,
que nous nous contentons d'annoncerici,
JANVIER. 1775. 165
&dont nous réſervons l'analyſe pour l'un
desMercures prochains , eſt rempli , tant
dans le texte , que dans le commentaire ,
d'une multitude de faits & d'obſervations
comparées , dont le fond intéreſſe immédiatement
l'art de la Médecine , mais
qui, par leur manière d'être préſentés, font
également propres à captiver l'attention
de toutes les claſſes de Lecteurs .
Tablettes Royales de Renommée , ou Almanach
général d'Indication des Négocians
, Artiſtes célèbres & Fabricans
des fix Corps d'Arts & Métiers de la
ville de Paris & autres villes du Royaume
; dédié & préſenté à Mgr. le Dauphin
, pour la première fois , en 1772 .
Cet Ouvrage contient des notices
ſommaites ſur la création , les droits &
priviléges de chaque Corps ; les Statuts
& Réglemens auxquels ils font reſpectivement
aſſujétis. Les noms, état & domiciles
actuels de ceux qui les compoſent;
les fabriques , manufactures , machines
& nouvelles inventions , remèdes & fecrets
approuvés , &c . Une deſcription des
principales Villes commerçantes du Royaume
; les différentes monnoies étran
166 MERCURE DE FRANCE.
gères, pieds & meſures & leur rapporten
Cette Capitale . Les formalités que doivent
obferver les Tireurs , Accepteurs &
Porteurs de Lettres de change , & autres
objets divers , qui peuvent tendre à l'accroiffement
du Commerce , à la perfection
desArts ,& à faire connoître les Artiſkes
. Vol . in 8 ° . :
Il paroîtraun nouveau fupplément dans
le cours de ce premier trimestre .
-'A Paris , chez Deſnos, Libraire , &&
chez la Veuve Duchêne , rue St Jacques .
: ?
Calendrier intéreſſant , pour l'année 1775 ,
ou Almanach Phyfico - Economique ,
, contenant une Hiſtoire abrégée & raiſonnée
des Indictions qu'on a contume
d'inférer dans la plupart des Calendriers
: Recueil exact & agréable
*de pluſieurs Opérations phyſiques ,
amuſantes & ſurprenantes , qui met
tent tout le monde à portée de faire
pluſieurs Secrets éprouvés utiles à la
Société ; &c. prix 18 fols broché &
24 f. rel . A Bouillon , & à Paris , chez
Lacombe , Libraire , rue Chriſtine,
1
Calendrier Lyrique , ou Chanſons ſur les
.. douze mois de l'année , parodiées fur
JANVIER. 1775 . 167
des airs connus , auxquels on a joint
un petit Recueil d'airs faciles & des
plus agréables , dédié au Roi , pour
Pannée 1775 ; prix : livre broché &
I livre 10 fols relié en maroquin . A
Paris , chez Mde Girard , Marchande
de Muſique , à la Nouveauté , rue du
Roulle.
On trouve à la même adreſſe.
L'Almanach Lyrique ; choix des plus jolis
airs nottés , ou Paffe-temps dujour ,
dédié & préſenté à la Reine.
Lebon Jardinier , Almanach pour l'année
1775 , contenant une idéegénérale de
quatre fortes de Jardins , les règles
pour les cultiver , la manière de les
planter & celle d'élever les plus belles
Heurs : nouvelle Édition , conſidérablement
augmentée de Méthodes &
Secrets pour conſerver les fleurs , les
fruits , & éviter tous les infectes deftructeurs
des Jardins , & dans laquelle
la partie des fleurs a été entièrement
refondue par un Amateur. prix 36 fols
relié . A Paris , chez Guillyn , Quai
des Auguſtins , du côté du Pont Saint
Michel , au Lys d'or,
168 MERCURE DE FRANCE.
Almanach Poëtique , hiſtorique , utile &
curieux , avec figures , dédié au beau
Sexe. Prix 15 ſols .A Paris , chez Saugrain
, Libraire.
Almanach , contenant un Recueil des
Coëffures des Dames dans les goûts les
plus modernes. Par Davault , rue de
laComédie Françoiſe , ſeconde partie ;
à Paris , rue Dauphine , à l'Hôtel de
Genlis.
Almanach de Versailles , année 1775 ;
contenant une deſcription de cette
Ville; la Maiſon du Roi , ſes Officiers;
les Maiſons de la Famille Royales;
les Bureaux des Miniſtres ; la
Prévôté de l'Hôtel , le Gouvernement
de la Ville ; une notice des principaux
Marchands & Négocians qui y font
établis, &c. Ouvrage utile aux perſonnes
qui y demeurent , & à celles qui
font néceffitées à y avoir correſpondance
. A Verſailles , chez Blaizot , Li .
braire , au Cabinet Littéraire ; & chez
les Libraires de la Ville , à Paris , chez
Valade & Defchamps , Libraires , rue
Saint Jacques.
Eirennes
1
JANVIER. 1775. 169
Étrennes de la Nobleſſe , ou Etat actuel des
Familles Nobles de France , & des
Maiſons & Princes Souverains de
l'Europe , pour l'année 1775 , in - 12
Prix 3 liv. relié. Chez Deſventes de la
Doué , Libraire ; rue St Jacques , vis
à- vis le Collége de Louis-le-Grand.
Etat Militaire de France , pour l'année
1775 , dix- ſeptième édition , par MM.
Rouſſel & de Montandre , in- 12.2 1 .
15 f. broché ; liv. 5 f. relié. A Paris ,
chez Guillyn , Libraire , quai des Auguſtins.
On trouve à la même adreſſe l'extrait
de l'État Militaire , précédé d'un calendrier
, prix 12 f.
Le Présent de la Gaieté , ou Etrennes
chantantes pour la préſente année. A
Paris , chez Valleyre l'aîné , rue de la
vieille Bouclerie.
Cet Almanach eſt un recueil de Cantiques
ſur des airs connus.
Idée de la Chine , ou Etrennes Chinoiſes,
& coup-d'oeil curieux ſur la religion ,
les ſciences , les arts , les uſages & les
I. Vol. H
170 MERCURE DE FRANCE.
C
moeurs des peuples de la Chine.
A la même adreſſe.
Calendrier de la Cour , tiré des Ephémérides
pour l'année 1775 , contenant le
lieu , le lever , le coucher , & la déclinaiſon
du ſoleil , le lever & le coucher
de la lune , avec la naiſſance des
Rois , Reines , Princes & Princeſſes
de l'Europe , imprimé pour la Famille
Royale & Maiſon de Sa Majefté. A
Paris , rue S. Jacques , chez la veuve
Hériſſant , Imprimeur du Roi & du
Cabinet de ſa Majefté.
Les délices de Cérès, de Pomone & de Flore,
ou la Campagne utile & agréable, avec
un précis des travaux de l'Agriculteur ,
du Jardinier & du Fleuriſte ; contenant
le temps des ſemailles , de la floraiſon
de chaque plante , & celui des
récoltes ; ornées de douze eſtampes relatives
aux amuſemens de la ville pendant
chaque mois , ſuivies de tablettes
pour écrire & deſſiner tout ce que
l'on deſirera en ſe ſervant de telle
pointe que l'on voudra , même d'une
épingle. A Paris , chez Deſnos , Libraire
, rue S. Jacques.
,
JANVIER. 1775 . 171
Nouvelle Table des Articles contenus dans
les volumes de l'Académie Royale des
Sciences de Paris , depuis 1666 julqu'en
1770 ; dans ceux des Arts & métiers
publiés par cette Académie , &
dans la collection académique ; par M.
l'Abbé Rozier , Chevalier de l'Eglite
de Lyon, de l'Académie de cette Ville,
de Villefranche , de Dijon , &c. premier
vol. in- 48 . A Paris , chez Ruaulr,
Libraire , rue de la Harpe.
Cette ouvrage formera quatre volumes
in-4°. & feront du prix de 30 liv . pour
les Souſcripteurs , ſavoir en retirant le
premier volume 12 liv.
Au 15 Mars , en retirant le ſecond
12 liv.
I Aurs Juin, en retirant le troiſième 6 1 .
Et au 15 Septembre , en retirant le
quatrième , rien .
Il y a eu une augmentation de 6 liv.
dans le premier prix de la ſouſcription ,
à cauſe de l'augmentation des volumes &
de la dépenſe.
Ceux qui n'auront pas ſouſerit , acheteront
les quatre volumes 48 livres chez
Ruault.
Il n'y a point de table faite avec
plus de méthode , plus de ſoin , plus
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
d'intelligence & qui ſoit en mêmetemps
plus commode pour faciliter les
recherches des perſonnes qui ont beſoin
d'un Mémoire, d'une obſervation , d'un
fait enveloppés dans l'immenſité des objets
traités par les Académiciens . On a
Jaiflé enregard de la page imprimée de
cette table une page blanche , reglée ,
& prête à recevoir la concordance & le
rapport des nouveaux volumes que le
Lecteur voudra notter à meſure qu'il le
croira avantageux pour ſes études. L'édition
de cet ouvrage , ( car c'en eſt un , &
qui demandoit qu'un Savant s'en occupât
) eſt exécutée avec beaucoup d'attention
.
د
avec M. l'Abbé Rozier continue
ſuccès fon Journal ou Obfervationsfur la
Physique, fur l'Histoire naturelle &fur les
Arts : avec des planches en taille douce ,
dédiées à Monſeigneur le Comte d'Artois.
Il paroît chaque mois un volume de
dix feuilles in-4°. qui peuvent ſe relier à
la fin de l'année , en deux tomes. Le prix
de la ſouſcription eſt à Paris chez l'Auteur
, place & quarré Sainte Genevieve ,
chez Ruault , Libraire , rue de la Harpe ,
& chez les principaux Libraires des grandes
villes du Royaume & des pays étrangers.
JANVIER. 1775. 173
Ce Journal eſt principalement recommandable
par les excellens Mémoires
qu'il renferme ſur les ſciences& les arts,
&par les obſervations de M. l'Abbé Rozier
, très inſtruit de tout ce qui concerne
les ſciences & les arts phyſiques.
RÉPONSE de M. de Voltaire à M. le
Comte de Médini , Auteur d'une excellente
traduction de la Henriade en vers
Italiens .
A Ferney , 9 Décembre 1774 .
MONSIEUR ,
Jen'oſe vous remercier dans votre belle langue,
àlaquelle vous prêtez de nouveaux charmes.
D'ailleurs , ayant preſque perdu la vue à l'âge de
quatre-vingt& un ans , je ne puis que dicter dans
ma langue Françaiſe , qui eſt une des filles de la
vêtre. Nous n'avons commencé à parler & à écrireque
d'après le ſiécle immortel que vous appelez
lefeicento. Je crois être dans ceſeicento en lifant
Touvrage dont vous m'honorez. Votre Poëme
n'eſt point une traduction ; il n'en a ni la roideur ,
ni la faibleſle ;; tout paraît écritd'unboutà l'autre
avec cette élégance facile qui n'appartient qu'a
génie. Je ſuis perfuadé qu'en liſant votre Henriade
& la mienne on croirait que c'eſt moi qui
ſuis le Traducteur.
a-
Hiij
174 MERCURE DE FRANCE.
Un mérite qui m'étonne encore plus , & dont
je crois notre langue peu capable , c'eſt que tout
votre Poëme eſt en ſtances pareilles à celles de
l'inimitable Arioſto & du grand Tatlo ſon digne
diſciple. Je voudrais que la langue Françaiſe pût
avoir cette flexibilité & cette fécondité. Elle y
parviendra peut- être , puiſqu'elle est devenue af-
Tez maniable pour rendre les beautés de Virgile
fous la plume de M. de Lille ; mais nous n'avons
pas les mêmes ſecours que vous. Il vous eſt permis
de racourcir ou d'alonger les mots ſelon le
beſoin. Les inverſions font chez vous d'un grand
uſage. Votre poësie eſt une danſe libre dans laquelletoutes
les attitudes ſont agréables , & nous dan .
fons avec des fers aux pieds & aux mains. Voilà
pourquoi nous avons plus d'un Auteur quia eſſayé
de faire des Poëmes en proſe. C'eſt avouer ſa faibleſle
&non pas vaincre la difficulté.
Quoi qu'il en ſoit , je vous remercie , Monfieur
, de m'avoir embelli en me ſurpaflant. Je n'ai
plus qu'un ſouhait à faire , c'eſt que vous puiffiez
pafler par les climats que j'habite lorſque vous
irez revoir Mantoue , la patrie de Virgile , notre
prédécefleur & notre maître. Ce ſerait une grande
confolation pour moi d'avoir l'honneur de vous
voir dans ma retraite , & de me féliciter avec
vous que vous ayez éterniſé en vers italiens un
poëme Français , qui n'eſt fondé que ſur la raiſon ,
&fur l'horreur de la ſuperſtition &du fanatiſme.
Je n'ai pu m'aider de la Fable comme ont fait
ſouvent l'Arioſte & le Taſſe . La ſévérité du ſujet
& la ſageſle de notre ſiécle ne le permettait pas.
Quiconque tentera parmi nous d'abuſer de leur
exemple , enmêlant des fables anciennes on tirées
des anciennes , àdes vérités ſérieuſes & intérefſantes
, ne fera jamais qu'un monftre.
JANVIER. 1775. 175
J'ai l'honneur d'être , avec l'eſtime & la recon
naiſlance la plus reſpectueule , &c.
ACADÉMIE.
I.
BESIERS.
L'ACADÉMIE Royale des Sciences &
Belles- Lettres de Béfiers , tint ſon Affemblée
publique , les de Mai 1774 , dans
l'Hôtel-de Ville , en préſence de Mrs. les
Maite & Confuls .
M. Guibal du Rivage , Directeur , en
fit l'ouverture , par un diſcours ſur les
talens que doivent avoir ceux qui veulent
réuffir dans la Poësie.
M. Audibert lut l'éloge de M. Pradines
, Lieutenant-Général en la Sénéchauſ
lée & Siége Préſidial de Béſiers
M. Bouillet , Secrétaire , annonça les
Ouvrages qui avoient été préſentés àl'Aca.
démie depuis la dernière Aſſemblée publique;
ſcavoir , Réflexion ſur les Comè
res , par M. de la Lande , de l'Académie
Royale des Sciences de Paris ; Opufcules
Phyſiques & Chymiques , par M. Lavoi-
:
Hiv
176 MERCURE DE FRANCE.
fier , de la même Académie ; Problême ,
propofé & réfolu par Me. Marie Elzéar
de Valernod , Prêtre , Chanoine du Ch .
de St. Martin de Lyon , de l'Acad. des
Sc. de la même Ville. M. Perret , Me.
Coutelier de Paris , nous fit part de la
première & feconde Section de l'Art du
Coutelier expert en Inſtrumens de Chirurgie
; après quoi M. Bouillet lut ſeulement
le précis d'un Mémoire qu'il avoit
lu dans une aſſemblée particulière , dans
le cours de l'année précédente , fur la
manière dont se fait la digestion des alimens
dans le corps de l'homme.
Tout ce qui fertd'aliment à l'homme ,
contient, a-t- il dit , une matière mucilagineuſe
, un fuc muqueux , balfamique
&preſquelaiteux, imprégné de particules
d'air , foit fixe , ſoit élastique , lequel fuc
pour être digéré & réduit en chyle , en
une liqueur propre à nourrir le corps , n'a
beſoin que d'être extrait de ſubſtances
alimenteuſes , atténué , liquéfié & animalisé,
M. Bertholon expliqua l'influence du
tonnerre fur pluſieurs phénomènes curieux.
M. Carbaffe , lut un Mémoire ſur les
cauſes de la mort des perſonnes qui ſe
JANVIE R. 1775. 177
noient , & fur les moyens d'obvier à ce
malheur.
Après avoir parlé de la néceſſité de la
refpiration , & donné en abrégé la théorie
de cette fonction vitale , il fait remarquer
que les perſonnes qui ſe trouvent
trop longtemps ſous l'eau , ne peuvent
y reſpirer , parce que l'épiglotte ſe
fermantpar ſa deſtination naturelle , afin
d'empêcher , lors de l'inſpiration , l'entrée
de l'air dans le poumon ; ces per
ſonnes étouffent bientôt , ſi elles ont été
précipitées ſubitement dans beaucoup
d'eau , ſi elles ne ſavent point nager , ou
n'en ont point l'habitude. Il fait voir enſuite
que ſi ces perſonnes ainſi ſubmer
gées, mais non encore noyées , fentant
que leur reſpiration va leur manquet ,
font le moindre effort pour reſpirer , leur
épiglotte s'ouvrant alors entièrement , ou
en partie , leur glotte , au lieu d'air , ne
reçoit que de l'eau , qui entre dans la
trachée artère & dans les bronches , ou
véſicules pulmonaires ;& néceſſairement
ces perſonnes ſont ſuffoquées , ſe noient
& meurent apoplectiques , par les raiſons
qu'il en donne , ſi elles ne ſont promptement
& efficacement ſecourues .
Comme il ne ſe paſſe guères d'années,
Hv
178 MERCURE DE FRANCE.
où quelques perſonnes âgées oujeunes ne
ſe noient , en tombant inopinément dans
l'eau , ou en prenant en été le baindans
la rivière d'Orb , qui coule ſous les murs
de Béfiers , M. C. , ſenſible à ces malheurs
, qui enlèvent à l'Etat , à la Société
&àquelques familles des hommes utiles ,
ou des enfans qui peuvent bientôt le devenir
, propoſe d'abord des moyens de
préſervation. Il exhorte Mrs. les Magiftrats
qui gouvernent la Ville , à choiſir
dans la rivière l'endroit le moins dangereux
& le plus commode pour le bain ,
& à défendre qu'onaille ſe baigner dans
tout autre endroit , à défendre auffi de
nager qu'avec des corſets de liége , où
foient adaptés des nageoires de la même
matière : il les exhorte encore d'affigner
des heures fixes pour prendre le bain , &
de faire conſtruire auprès de l'endroit
marqué pour le bain , un logement en
pierre , ou en bois , où il y ait aux heures
marquées des perſonnes pour fournir des
corſets à ceux qui n'en auroient pas euxmêmes
, & qui ſoient munis de linges ,
de poudres céphaliques , d'eaux ſpiritueuſes
, de tabac & de pipes , & que dans
ce logement il y ait un lit & de quoi
allumer du feu.
JANVIER. 1775. 179
Dans le cas , où malgré les moyens de
précaution,quelqu'un viendroitàſe noyer,
M. C. indique des moyens de guériſon ,
qui conſiſtent à tranſporter au plutôt le
malheureux dans le logement déſigné ,
de le déshabiller promptement s'il y a
lieu , de l'eſſuyer avec des linges bien
chauds , de le réchauffer , de le rouler
doucement dans le lit , de lui ſouffler
dans le nez des poudres pénétrantes , de
lui frotter les narines , les tempes, la
foſſere du cou , la paume des mains &
la plante des pieds avec des eaux fpiritueuſes
; telle que l'eau de la Reine de
Hongrie , l'eau de Cologne , & fur-tout
de lui ſouffler de l'air dans la bouche à
pluſieurs repriſes , comme auſſi de faire
entrer dans ſes narrines & dans ſon fondement
de la fumée de tabac , d'ufer auffi
de la décoction de tabac en lavement :
tous moyens de guérifon qui ont réuffi
& qui réuffiffent très fouvent à Paris &
ailleurs.
Enfin M. Carbaſſe s'élève avec force
contre la méthode meurtrière employée
communément par le Peuple de fufpendre
les noyés par les pieds , après avoir
prouvé par des expériences incontestables
que ce qui fait périr les noyés , n'eſt pas
H vj
180 MERCURE DE FRANCE.
la petite quantité d'eau qui entre dans
leur eſtomac , mais la fufpenfion & bientôt
après l'abolition de leur reſpiration ;
&dans le cas où tous les moyens propofés
feroient entièrement infructueux , il
eſt d'avis qu'on ait recours à l'électrifation.
M. l'Abbé Decugis termina la féance
par le parallèle qu'il fit d'Ifocrate & de
Démosthène.
SPECTACLE S.
CONCERT SPIRITUEL .
LE Samedi , 24 Décembre , on a donné
au Concert Spirituel une belle ſymphonie
de M. Goffec, enſuite Chrifte Redem.
du même Au- ptor, petit motet connu
teur , qui a bien réuſſi , ſur tout le Duo
de la fin. Mrs. Legros & Borel , l'ont
chanté avec goût. On a beaucoup applandiunconcerto
de hautbois,de la compoſition
de M. Mathieu , & parfaitement
exécuté par M. Bezozzi . Le Cantate Domino
, motet à grand coeur de M. Langlé,
ci-devant Maître du Conſervatoire de
Naples , a été trouvé excellent , plein de
JANVIER. 1775. 181
chaleur , écrit par tout avec clarté. On a
remarqué principalement le ſecond verſet
, pleinde nobleſſe & d'expreſſion ; &
le dernier choeur rempli de gaieté. Une
nouvelle ſymphonie concertante , de M.
le Duc l'aîné , jouée par M. le Duc cader
&Guénin , a été fort applaudie , comme
compoſition & comme exécution . Mlle.
Lorpin a chanté un petit motet agréable
de M. Mercaux . Mlle. Lorpin eſt une
débutante très-jeune : elle a chanté pour
la première fois à ce concert le jour de
la Conception ; on a fenti des progrès
dans ſon talent , & l'on a droit d'en attendre
beaucoup, fi elle travaille. M. Paiſible
a joué un concerto de violon de ſa
compofition , dans lequel il a fait entrer
différens Noëls avec beaucoup d'adreſſe
&d'agrément. Ce qui paroît décider le
jeu deM Paiſible, c'eſt une belle qualité
de fon , franche & décidée .
Ce Concert a fini par la Nativité,
Oratoite nouveau à deux choeurs , de la
compofition de M. Goſſec . Ce motet a
eu un très-grand ſuccès. Le premier duo
eſt d'une muſique fraîche & délicieuſe ;
l'air chanté par M. Legros eft charmant.
Le Sommeil des Bergers interrompu par
des fignes extraordinaires, eſt unmorceau
de ſymphonie d'un effet très grand , &
182 MERCURE DE FRANCE.
même dramatique ; ainſi que le Choeur
Quelfort funeste nous menace ? Le Choeur
desAnges étoit placé fur la voûte de la
falle, & cette illuſion a ajouté à l'effet de
ce morceau très-bon , mais peut- être un
peu trop long , de même que le dernier
choeur , fufceptible d'être abrégé.
Le Concert du Dimanche , 25 Décembre
, a commencé par une belle ſymphonie
de M. Goſſec : Mde Charpantier
a chanté avec goût un joli motet , à voix
ſeule , de Galuppi , accompagnée parM.
André, Hautbois. M. Duport le jeune ,
a exécuté ſur le violoncelle , avec beaucoup
d'applaudiflement , une fonate de
ſa compofition , enfuite on a fait entendre
un motet à trois voix de M. Mereaux ,
chanté avec beaucoup d'intelligence par
Mde. Larrivée , M. Legros & M. Borel .
Ce motet eſt d'un chant agréable , & trèsbien
écrit . Mlle. Duchâteau , de la Muſique
de M. le Duc de Noailles , a reçu
des applaudiſſemens mérités dans un air
italien qu'elle a chanté avec légéreté &
avec préciſion.
La ſymphonie concertante, le concerto
de violon exécuté par M. Paiſible , &
l'oratoire de M. Goſſec , étoient les mêmes
que la veille , & ont eu encore plus
deſuccès.
JANVIER. 1775. 183
OPÉRA.
L'ACADÉMIE royale de Muſique continue
les repréſentations d'Azolan. Elle
ſe diſpoſe à remettre inceflamment ſur
le Théâtre Iphigénie , Opéra de M.
Gluck.
COMÉDIE FRANÇOISE.
La Partie de Chaſſe de Henri IV occupe
toujours agréablement la ſcène. On prépare
fur ce Théâtre quelques nouveautés ,
telles que le Gâteau des Rois & le Barbier
de Séville.
COMÉDIE ITALIENNE.
LES Comédiens Italiens ordinaires du
Roi , repréſentent avec le même ſuccès
Henri IV, Drame lyrique en trois actes .
On répète la Fausse Magie , Comédie
nouvelle mêlée d'ariettes , de M. Mare
montel & de M. Grétry.
184 MERCURE DE FRANCE .
Lettre de M. à Monfieur
AGenève , ce 20 Octobre 1774 .
....
Vous ne pouviez vous mieux adreſſer qu'à moi,
Monfieur , pour les deux pièces de vers latins
que vous deſirez connoître; elles ſont véritablement
de feu M. le Préſident d'Alco ; ce Magiſtrat
étoit ſur cet article d'une diſſimulation extrême ,
&peu de ſes amis étoient du ſecret. Quant aux
vers françois dont vous me parlez , & qu'on lui
attribue , je puis vous aſſurer qu'ils ne font point
de lui , parce qu'il n'a jamais écrit qu'en profe
dans notre langue. Par exemple il a traduit en
entier l'Enéide de Virgile , & je préfere hardiment
ſa traduction à celle de l'Abbé Desfontaines , traducteur
le plus prolixe dans les détails peu intéreflans
, & preſque toujours ſec & fans couleur
dans tout ce qui eſt ſentiment& image . Feu M.
le Préſident d'Alco ne s'eſt donc jamais exercé
qu'à des vers latins. Il connoiſſoit parfaitement
les bons Auteurs de cette langue , & il en liloit
quelques- uns de choix une fois tous les ans. Il
reffembloit en cela au fameux Evêque de Rocheſter
M. Atterbury , avec qui il avoit été lié
d'amitié ; ils s'étoient connus à Paris à- peu- près
comme deux anciens Romains qui s'étoient ren
contrés.
Les deux pièces que vous me demandez , Monfieur
, ſont deux inſcriptions ; elles n'ontété faites
que par un pur motif de délaſlement , l'une
pour une fontaine publique , l'autre pour le canal
de Languedoc , ouvrage magnifique qui ne pouvoit
s'exécuter que dans le fiécle d'Auguſte ou
ſous le régne de Louis le Grand , de ce Prince
JANVIER. 1775. 185
qui exila Fénelon , mais qui fut diftinguer Colbert,
qui fonda une marine en France& protégea
tous les Arts.
Inscription pour la Fontaine de ...
Nays in umbrosa latitans quæ valle ſedebas
Nunc fluis excelſo , civibus alma , loco.
Inde mare , & teras , fublimi vertice montes ,
Hinc urbem , & magni principis ora vide s .
Ardua magnarum jam defpice tecta Dearum ,
Nilmagis è cælo quod tueanturhabent.
Inſcription pour le Canal de Languedoc.
Hic Thetis Oceano , circum famulantibus undis ,
Obvia , Riqueto conciliante , venit.
Perjuga , pervalles , per tot difcrimina terra ,
Fecitperpetuaspenfilis unda vias.
Dum redit, itquefrequensfecurâ navitapuppe,
Eoas merces , hesperiaſqueferens ,
Dicat , Io lodoix , quo principe Gallia vidit ,
Montes navigeros , montivagasque rates.
Je n'ai point tenté de traduire cette derniere
inſcription. Les belles hardieſles de l'idiome latin
deviennent ſouvent ridicules dans une langue timide
, & idolâtre de la clarté& de la ſageſle du
ſtyle. La première piéce eſt dans ungenre de ſimplicité
élégante qui la rend plus maniable pour un
Traducteur François.
Nymphe de ces beaux lieux dont les ondes ſtériles
Couloient obſcurément dans d'humides roſeaux,
Tes eaux , aujourd'hui plus utiles ,
Tombent avec orgueil de ces rochers nouveaux.
186 MERCURE DE FRANCE.
Il n'eſt rien que de-là ton regard n'enviſage ,
Et la ville , & Louis , & la terre , & les mers ,
Les Dieux du ciel du haut des airs
Peuvent- ils en voir davantage ?
Vous me pardonnerez cette foible verſion que
je fis il y a fort long-temps ; vous connoiſlez nma
paſſion pour l'art des vers , cet art enchanteur ,
preſque auffi ancien que le monde , le délice des
belles ames. Mais ce talent a les dangers & ſes
peines ; les lauriers aujourd'hui n'écartent plus le
tonnerre. Orphée étoit un Dieu dans la Fable ;
chez nous , bons catholiques , un Poëte eſt regardé
comme le Diable. C'eſt ainſi que l'ignorance
jalouſe ſe venge par la calomnie , c'eſt ainſi que
la poëſie nuit ſouvent à notre bonheur , & que
l'admirable Rouſſeau ... mais pourquoi des exemples
? Ils ne corrigent pas . J'appliquerois volontiers
au talent des vers ce qu'un Ecrivain célèbre
adit de l'Amour. On ne fait, dit il, fi le ciel donna
l'Amour au monde dans ſa bonté ou dans la
colere. En effet , Monfieur , quel homme n'a dit
plusd'une fois à ſa muſe comme à ſa maîtrefle
miferi quibus intentata nites ! Qu'importe ? Il faut
ſuivrela deſtination , & ſe ſoumettre à ſon étoile ;
il faut pardonner à ceux qui nous affligent , & ne
répondre à la calomnie que par nos moeurs. Je ne
puis vous exprimer tout ce que je ſens pour le
Poëte vraiment reſpectable , qui cultive en paix
fes talens , fans s'émouvoir un inſtant des fureurs
du menſonge , de la cabale &de l'envie. Il amuſe
ceux qui le peſécutent : il jette des fleurs ſur les
furieux qui l'outrage. La poſtérité le vengera ,
comme nous vengeons leTaſle , Roufleau & tant
d'autres illuſtres infortunés , en liſant leurs ouvra
ges , en les admirant , en tâchant de les imiter.
Je m'apperçois que ma Lettre eſt fort longue ;
JANVIER. 1775. 187 ,
mais il eſt difficile qu'une ame ſenſible ne s'attache
à des objets qui lui rappellent ſes bleſſures ;
c'eſt me rappeler à moi même les obligations que
je vous ai. Vous avez toujours rendu juſtice à la
droiture de mes intentions ;vous m'avez conſolé ,
vous m'avez inſpiré du courage , vous m'avez
ſauvé de ce déſeſpoir qui fait douter de la vertu ,
même. Je vous aimerai , Monfieur , toute ma
vie, avec le regret que tous les hommes ne nous
reffemblent pas , c'est-à-dire , qu'il y ait des ingrats&
desméchans.
Impromptu écrit de Genève à Meſſieurs mes
Ennemis , au sujet de mon Portrait en
Apollon.
Our , Meſſieurs , c'eſt ma fantaisie
De me voir peint en Apollon ;
Je conçois votrejalousie ,
Mais vous vous plaignez ſans raiſon ;
Si mon Peintre , par aventure ,
Tenté d'égayer ſon pinceau ,
EnSilène eût mis ma figure ,
Vous auriez tous place au tableau ,
Meſſieurs , vous ſeriez ma monture.
Secours gratuits contre les morts apparentes
& fubites adminiſtrés par ordrede la
Police.
La fréquence des morts apparentes & fubites,
le peu de ſuccès des moyens employés juſqu'à
188 MERCURE DE FRANCE.
préſent ſur les perſonnes qui ſe ſont trouvées dans
cet état , ont déterminé M. le Lieutenant Général
de Police à établir chez tous les Commiſſaires de
Parisdes fecours gratuits , pour rappeler à la vie
ceux qui paroiſlent l'avoir perdue
Ces ſecours, temblables à ceux que la Ville fait
adminiſtrer aux perſonnes noyées dans la riviere
de Seine , &dont le ſucces conſtant ne peut être
révoqué en doute , conſiſte en une boîte contepant
une nouvelle pipe, pour injecter la fumée
de tabac , un tuyau pour ſouffler dans la bouche
du mort apparent , &un flacon d'eau ſpiritueuse ,
avec une inſtruction , dans laquelle font expoíés
la maniere d'en faire uſage , & d'autres moyens
populaires d'une efficacité reconnue.
M. Gardane , Docteur Régentde la Faculté de
Médecine de Paris , auteur de l'inſtruction & inventeur
de la nouvelle boîte portative , a été
chargé, par le Magiftrat , de la direction de cet
établiſſement , afin de le ſuivre avec exactitude &
de le porter , par des recherches continuelles , au
point de perfection dont il eſt ſuſceptible.
Les Sergens & les Caporaux des différens corpsde
garde de Paris , particulièrement inſtruits du
mécanisme de cette boîte , feront aufſi ſpécialement
chargés de l'exécuter en préſence du Commiſſaire
, & fous la direction du Médecin déſigné
pour y préſider : la Police leur accordera une
gratification proportionnée à leur zéle , toutes
les fois qu'ils auront eu occafion de l'exercer avec
fuccès.
Comme l'ignorance des vrais ſecours & l'empreſſement
de les adminiſtrer nuiſent aux perſon .
nes attaquées de mort ſubite , & font périr ſouvent
celles qui les adminiſtrent avec imprudence ;
dans quelque ſituation & dans quelque lieu que
puiſſeſe trouver la perſonne morte en apparence,
1
JANVIER. 1775. 189
il ne faut jamais rien tenter , quand il s'agira de
deſcendre dans des puits , des fofles , des caves ,
ou autres heux profonds , tans avoir préalablement
appelé la Garde & le Commiſlaire du quartier
, ou tout autre en ſon abſence , en attendant
leMédecin établi pourcet effet par la Police , dont
lapréſence n'exclura point celle des Médecins &
Chirurgiens du Châtelet , ni les autres perſonnes
de l'art qui auroient la confiance des parens .
Nota. L'inſtruction & la boîte se trouvent chez
Ruault , Libraire , rue de la Harpe , &fe vendent
12 l.franc deport par tout leRoyaume.
HISTOIRE NATURELLE.
GRAVURES ENLUMINÉES.
Planches , grand in-folio , enluminées &
non- enluminées , repréſentant au natu
rel ce qui ſe trouve de plus intéreſſant
& de plus curieux parmi les animaux ,
les végétaux & les minéraux ; pour
ſervir d'intelligence à l'Hiſtoire Générale
des trois règnes de la Nature , préſentés
au Roi , à Monfieur , & à Mgr.
le Comte d'Artois. Par M. Buchoz ,
Décade I. Règne Animal , prix 30 liv.
broché encarton . A Paris , chez Lacombe,
Libraire, rue Chriſtine,
CETTE première Décade , qui ſe publie
actuellement , eſt compoſée de dix plan190
MERCURE DE FRANCE.
ches , ou figures in-folio , ſur grand papier
; ſavoir , dix gravées en noir , & dix
-autres pareilles , enluminées , pour imiter
les couleurs de la nature ; outre le
frontiſpice , gravé en lettres rouges , &
l'explication gravée en noir , ce qui compoſe
en tout 22 planches in-folio.
Cette première Décade eſt toute du
règne animal. Elle comprend en gravure
noire & enluminée , première planche ,
T'homme& la femme.
Seconde planche , le taureau & la
vache.
3e. pl . Le canard & la canne de Barbarie
, à plumage blanc.
4e. pl . 32 Figures d'oeufs ; tels que les
oeufs de la grive rouge , du merle doré ,
ou grive jaune , de l'alouette , du gobbemouche
, du grand traquet , ou du tarier,
de la fauvette des roſeaux , du becfigue ,
du tête chèvre , ou du crapaud volant ,
&c.&c.
5e. pl. Groffe araignée de Surinam ,
qui ſe trouve fur le guajave,avec le cocon
de la chenille , qui ſe nourrit fur un
arbre ; la même araignée dévore un colibri.
Araignée chaſſeuſe de Linnæus; grofle
fourmi de Surinam ; fourmi ailée. &c.
6e. pl. Crocodile de Surinam , connu
JANVIER. 1775. 191
fous le nom de Caiman ; jeune crocodile
fortant de ſon oeuf..
7e. pl . Guaperva cendre ; eſpèce de
poiffon qu'on dit très dangereux à manger
, pendant un certain tems , dans l'île
deFrance&deBourbon ; Guaperva tacheté.
8e . pl . Onze coquillages rares , tirés
des plus riches cabinets d'hiſtoire naturelle.
9e. pl . 24 autres coquillages précieux ,
repréſentés avec les animaux qui les habitent.
10. pl . Nouveau genre de Zoophites ,
ou plante animale très- fingulière & trèscurieufe.
On s'attachera dans cette fuite à ne
donner que ce qu'il y a de plus rare , &
qui ne ſe trouve point dans les collec
tions des figures gravées d'hiſtoire naturelle.
Si dans cette première Décade , il
ſe rencontre quelques objets trop connus
pour y être repréſentés ; c'eſt un inconvé
nient que l'on aura grand ſoin d'éviter à
l'avenir.
Nous croyons que cette première Décade
donnera l'idée d'un Recueil d'Hif
toire Naturelle le plus précieux , & exécuté
avec le plus de foin & de richeſſe.
La ſecondeDécadepréſentéra de même ,
192 MERCURE DE FRANCE.
en noir & en couleur , des plantes nouvellement
reçues de la Chine , qui ne
font pas encore gravées , & qui ajouteront
aux connoiſſances de la Botanique.
La troiſième Décade offrira une collection
précieuſe des minéraux , avec la ſingularité
de leur accidens , gravésen noir ,
& repréſentés avec leurs couleurs naturelles
; genre qui n'avoit pas encore été
tenté dans les collections d'Hiſtoire Naturelle
, & qui mérite très-bien d'être diftingué
par les richeſſes & les variétés piquantes
que renferme le règne minéral
; ainſi l'on publiera alternativement
un Recueil de chacun des trois règnes de
la Nature.
La ſeconde & la troiſième Décade , ſont
gravées & parcîtront de mois en mois; les
autres Décades ſuivantes, déja préparées ,
ne tarderont pas .
On n'a pointproposé d'abonnement pour
cetteCollection , quoiqu'elle exigebeaucoup
d'avance , afin que les Amateurs
foient libres , & qu'ils jugent avant leur
acquifition , des progrès que l'on s'efforcera
toujours de faire , au lieu de rallentir
le zèle & la dépenſe , comme il n'eſt
que trop ordinaire dans les ſouſcriptions.
N. B. Ceux qui defireront faire connoître
JANVIER. 1775. 1931
noître quelques raretés de leurs Cabinets:
d'Hiſtoire Naturelle , pourront en faire
part à M. Buchoz , Médecin Botaniſte &
Surnuméraire de Monfieur , frère du Roi.
A Paris , rue Haute- Feuille . Il ſe chargera
de les faire deſſiner & graver à ſes
frais par les meilleurs Artiſtes ; il indiquera
enfuite dans ſa Collection d'où
ces morceaux feront tirés .
ARTS.
PEINTURE.
Collection de Tableaux originaux de Maitres
très-renommés des Ecoles d'Italie ,
des Pays - Bas & de France. :
CETTE Collection faite par un Amateur
diftingué , & à laquelle le goût a préſidé,
eſt principalement riche en tableaux de
l'école flamande &de l'école françoiſe. La
plupart de ces tableaux ſont bien connus
des Amateurs ; & parmi ceux de l'école
françoiſe, il y en a pluſieurs qui ont obtenu
les ſuffrages du Public, lors de l'expoſition
des Ouvrages de MM de l'Académie
Royale de Peinture & de Sculp
I. Vol. I
194 MERCURE DE FRANCE.
ture , au fallon du Louvre. Cene Collection
, fuivant le Catalogue dreffé par
Pierre Remi , Peintre , & qui fe diftribue
à Paris , chez Muſier pere , Libraire ,
quai des Auguſtins, fera miſe en vente ,
le 16 du préſentmois de Janvier.
GRAVURES.
1.
Suite de douze Estampes deformat in folio;
gravées par les fieurs Ingouf le jeune ,
Voyez l'aîné , Boſſe , Lingée , Romanet
& Maloeuvre ; d'après les deſſins
lavés au biſtre de M. Freudeberg . Prix
2 liv. 8 fols chaque Eſtampe. A Paris ,
chez Bulder , Marchand d'Eſtampes ,
rue de Gêvres.
Les ſujets de ces douze Ellampes , Lont
prisdans la Société de ceux qu'on appelle
à Paris , Gens du bon ton ; ils forment
autant de tableaux variés de leurs moeurs ,
uſages , modes , habillemens. Chaque
Eſtampe a fon titre particulier & des vers,
au bas , qui déſignent le ſujet de la ſcène
que l'on a voulurepréſenter. Lestitres
JANVIER. 1775. 195
4
de ces douze Eſtampes font; le lever , te
bain , la toilette , la viſite inattendue , l'oc .
cupation , la promenade du matin , le
boudoir , les confidences , la promenade du
foir, la foirée d'hiver , le bal & le coucher,
Un Amateur zélé & Auteur du meuble
nommé Athénienne , annoncé précédemment
dans les Journaux ,a préſidé au
choix & à la compoſition de ces ſcènes
amuſantes & variées. Si le public accorde
à la fuite que nous venons d'annoncer fon
fuffrage encourageant , le ſieur Buldet en
publiera ſucceſſivement pluſieurs cahiers
par ſouſcription , avec des diſcours hif
toriques & critiques , qui pourront fervit
de Mémoires à l'Hiſtoire des moeurs,
uſages , modes , habillemens du dix huitième
ſiècle . Differens Artistes du Gècle
dernier & du commencement de notre
fiècle ; entr'autres , Hollard & Picard ,
nous ont tranfmis par leur gravure , les
différens habillemens de leur tems ; mais
ils ont négligé de nous repréſenter dans
des ſcenes choiſies , les moeurs & uſages
de leurs contemporains , & les diverſes
formes de leurs meubles ; aufli leurs eftampes
font peu inſtructives , & pour
cette raifon peu recherchées.
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
:
:
:
1 Ι.
Portraits du Roi & de la Reine , gravés
en manière noire. Les planches de ces
Portraits , très-defirés & très- recherchés ,
ayant été bientôt uſés par le nombre des
épreuves , le ſieur Haines,Anglois , vient
de les faire graver de nouveau dans le
même format , de quatorze pouces de
haut , fur fix & demi de large. Prix 33 liv.
chaque. Il les a auſſi fait graver en petit ,
d'un pouce & demi ſur un pouce , pour
les montres , &c. Il ſe propoſe de donner
ſucceſſivement tous les Portraits des
Princes & Princeſſes de la Famille Royale.
A Paris , chez le ſieur Haines , rue de
Tournon, vis-à vis l'Hôtel deNivernois.
III.
Gravure à la manière de la Miniature .
6
On vend à Londres , chez M. Vivarès ,
deux Estampes nouvelles très-curieuſes ,
à l'imitation de la Miniature; enrichies
d'or, faiſant un très bel effet;gravées par
Louis Marin , Inventeur de ce nouveau
genre ; prix 9 liv. pièce . On trouve ces
mêmes Eltampes à Paris , chez M. Bon
JANVIER. 1775. 197
net , Graveur , rue St Jacques , au coin
de celle du Plâtre .
IV
:
Portrait de M. Turgot, Ministre d'Etat,
Contrôleur-Générale des Finances.
Gravure imitant celleen manière noire .
Par Capitaine Ingénieur Géographe. A
Paris , rue du fauxbourg St. Jacques , vis.
à-vis la rue St Dominique. Prix 24 f. &
36imprimé en carmin.
V.
Costume des anciens Peuples. Vingt-deuxième
cahier contenant les Uſages
Civils & Militaires des Égyptiens.
Cette fuite intéreſſante ſe continue
avec ſuccès ; le diſcours , ou l'explication
des Planches , offre des recherches ſavantes
& des diſſertations lumineuſes , puiſées
dans les meilleurs traités & hiſtoires
de l'antiquité : c'eſt , comme l'obſerve
l'Auteur de cet ouvrage, en formant leur
compoſition d'après la lecture des bons
Hiſtoriens , que les jeunes Artiſtes pourront
s'ouvrir une fource féconde de nouvelles
penſées , d'inventions originales
,
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
& même d'idées uniques , dont ils
feront les créateurs. Les planches revues
& conduites par le célèbre M. Cochin
, ne laiffentrien rien a defirer de ce qu'il
eſt important de connoître du coftume
desAnciens.
VI.
Allégorie dédiée & préfentée au Roi.
; 1
Le Portrait de Sa Majesté eſt ſoutenu
par la Juſtice : la Sageſle & l'Abondance
foulagent ſes peuples par leurs bienfaits ,
& la Vérité délivrée du joug de la fourberie
& du menfonge , reclame ſes
droits.
VII.
Autre Allégorie dédiée & préſentée à la
Reine.
)
Le Portrait de la Reine eſt ſoutenu par
la Bonté & par la Tendreſſe ; les Grâces
Pornent de fleurs ; au bas eſt la France ,
qui lui préſente ſes enfans : la Poéfie
&laPeinture s'empreſſent d'immortalifer
fes vertus. )
Ces Allégories très-ingénieuſes &bien
compofées , font gravées avec beaucoup
d'élégance & de talent; par M. Lemire,
JANVIER. 1775. 199
d'après le deſfin de M. Moreau le jeune.
Elles ſe trouvent à Paris , chez Petit ,
rue du Petit-Pont , à l'image Notre-
Dame.
VIII.
Le Plaisir interrompu ; dédié à M. de
Voltaire , Gentil'homme ordinaire du
Roi , de l'Académie Françoiſe , de
celle de Pérerſbourg, de Londres, &c.
Cette Estampe , d'environ huit pouces
de hauteur & fix de largeur , eſt gravée
avec beaucoup de foin, & d'un travail
pittoreſque, d'après le tableaude Van-oftade
, par le ſieur David. Elle ſe trouve
chez l'Auteur , rue des Noyers , au coin
de celle des Anglois .
Il eſt aſlez fingulier que l'Artiſte ait
choiſiunepetite bambochade , ou querelle
depayſansgroteſques , exécutée avec une
pointe très- fine , pour la dédier au Neftor
de la Littérature.
I X.
:
Trait de bienfaisance de la Reine.
Les creurs ſenſibles ne peuvent oublieč
ce trait ſi attendriſſant de deux époux fi
I iv
200 MERCURE DE FRANCE.
--
chers à la Nation; ils apperçurent , fe
promenant dans le parc deVerſailles, une
jeune enfant qui portoit une écuelle avec
quelques cuillers d'étain : Que portes-tu
là , mon enfant , lui dit la Princeſſe ?
Madame , c'eſt de la ſoupe pour mon père
& ma mère qui travaillent là-bas aux
champs. -. Et avec quoi eſt elle faite ?
avec de l'eau , Madame , & des racines.
Quoi , ſans viande ? Oh Madame ! bienheureux
quand nous avons du pain. Ehbien,
porte ce louis à ton père , pour vous
faire à tous de meilleure ſoupe. Mon
ami , ſuivons cette enfant , dit-elle au
Prince , & voyons ce qu'elle deviendra .
Ils la ſuivent en effet , & confidérant de
loin le bon homme courbé fous le poids
de ſon travail , qui , dès que ſa fille lui
a remis le louis , & lui a fait part de
cette heureuſe rencontre , tombe à genoux
avec ſa femme & ſes enfans & lève les
mains vers le Ciel . Ah ! vois tu , mon
ami , s'écrie la Princeſſe , ils prient pour
nous ; quel plaifir on goûte à faire du bien;
ton coeur ne te dit-il rien à un pareil
ſpectacle ? Mettez votre main là , dit le
Prince , en portant à fon coeur celle de
fon épouſe. -- oh , ton coeur fait tap , tap !
-- Va, tu es ſenſible , &je ſuis contente
de toi.
JANVIER. 1775 . 201
On lit ces vers de M. Coffon :
Sentir d'un époux vertueux
Palpiter le coeur généreux ,
Quelle volupté ſéduiſante
Pour la main douce & bienfaiſante
Qui chaque jour voudroit faire un heureux !
Il y auroit une collection bien nombreuſe
& bien précieuſe de ces traits de
bienfaiſance , d'humanité , de bonté , de
générofité , ſi l'on pouvoit recueillir ceux
qui échapent du coeur ſenſible & paternel
du Roi & de la Reine . Le Payſan d'Acheres
, après avoir éprouvé les tendres ſoins
de S. M. lors de ſon accident , vient encore
d'obtenir une habitation &un petit
Domaine , avec une ſomme d'argent pour
acquitter ſes dettes.
Demandez aux ſerviteurs de ces Souverains
bienfaiſans , combien de fois ils
font témoins de ces actes de bonté , par
leſquels leurs Majestés pourroient cmopter
, non-feulement tous les jours , mais
encore tous les inſtans de leur vie.
Cette gravure eſt dédiée à Sa Majeſté :
l'eſtampe a environ 6 pouces de hauteur ,
fur 8 de largeur; la compoſition en eft
très agréable & ingénieuſe : la gravure
Iv
202 MERCURE DE FRANCE.
de M. David eſt faite avec toute l'intelligence
& la préciſion , qu'annonce un
talent ſupérieur; cette eftampe eft de
même grandeur , & elle fait pendant à
l'exemple d'humanité du village d'Acheres
; elle fe vend 2 liv . 8 fols , à Paris
chez M David , rue des Noyers , au coin
de la rue des Anglois.
,
M. David avertit ceux qui auront
des jeunes gens qui auront des difpoſitions
pour le deſſin & la gravure
, qu'il ſe fera toujours un vrai
plaifir de leur faire part de ſes lumières
, ſans exiger aucune rétribution ; il
ne deſire qu'être utile , & ſe trouvera
trop récompenfé d'avoir fait de bons
Elèves.
MUSIQUE.
1.
NOUVELLE Méthode pour apprendre à
jouer de la Harpe ; avec des leçons faciles
pour les commençans ; des menuets
allemands & italiens , & autres jolis airs ;
& la partition pour l'accorder avec les pédales
& fans pédales, Par M. Corrette ,
JANVIER. 1775. 203
Chevalier de l'Ordrede Chriſt . Prix 6 liv.
APatis , à Lion, à Rouen, àDunkerque ,
&aux adreſſes ordinaires de Muſique.
I I.
Airs détachés d'Henri IV; Drame ly
rique en trois actes , mis en muſique ;
par M. Martini . Prix liv. 16.A Paris ,
chezHoubaut , à côté de la Comédie , &
aux adreſſes ordinaires.
III.
Divers accompagnemens de Harpe , fur
la ronde de table de la pièce d'Henri IV,
& fur l'air de Charmante Gabrielle , avec
cous leurs couplets. Prix I livre ; aux
adreſles ordinaires.
I V.
Ouverture de l'amitié à l'épreuve; atrangée
pour le clavecin , ou le fortepiano,
avecaccompagnement d'un violon & violoncelle
, ad libitum. Pat M. Benau ,
maître de Clavecin. Prix 2 livres 8 fols.
A Paris , chez l'Auteur , rue Gît - le-
Coeur.
V.
Six Sonatespour le Piano- Forte , avec
I vj
204 MERCURE DE FRANCE.
accompagnement d'un violon & fix ariettes
, avecaccompagnement pour le même
inſtrument , dédiées à S. E. M. le Comte
de Stroganoff , Conſeiller privé , Chambellan
actuel de Sa Majeſté Impériale de
toutes les Ruffies , & Chevalier de pluſieurs
Ordres ; compoſées par Valentin
Roefer , Muficien & Penſionnaire de S.
A. S. Monſeigneur le Duc d'Orléans .
OEuvre onzième. prix 7 liv. 4 fols. A
Paris , chez l'Auteur , rue Fromentau
maiſon de M. Lamy , Horloger , & aux
adreſſes ordinaires de muſique .
V I.
Dixième & onzième OEuvre de Sonates
pour le Piano-Forte ; ſuivies d'ariettes ,
avec accompagnement pour le même inftrument.
Compofées par Valentin Roefer.
Les Sonates font avec accompagnement
d'un violon ad libitum . Chez l'Auteur
, rue Fromenteau , maiſon de M.
Lamy , Horloger , & aux adreſſes ordinaires
de muſique. Prix 7 liv. 4 ſols.
VII.
Troiſième Livre de Sonates pour la
Harpe , avec accompagnement de vio-

JANVIER. 1775. 205
lon , ad libitum ; dédié à Mademoiſelle
His, par Franceſco Petrini . Chez l'Auteur,
rue Montmartre, vis- à-vis celle des vieux
Auguſtins.
VIII.
On trouve chez M. Venier , Editeur
de pluſieurs ouvrages de muſique , rue S.
Thomas du Louvre , vis-à- vis le château
d'eau ; & aux adreſſes ordinaires à Paris
& en Province , chez tous les Marchands
de Muſique, Sei duetti per violino è vio
loncello, Compoſti dall Signor Eligio
Celestino , opera 2 , nuovamente ſtampara
a ſpeſſe di G. B. Venier , prix 7 liv .
4fols.
I X.
Sei quintetti perdue violini alto & due violoncelli
concertanti. Compoſti dall . Signor
Luigi Boccherini Virtuoſo di camera
& compofitor di Muſica di S. A.
R. Don Luigi, Infante di Spagnia opera
13 libro ſecondodi quintetti, prix 12 1.
Les deux oeuvres que nous annonçons
doivent être particulièrement diſtingués
par la beauté des chants variés & foutenus
par une harmonie agréable & favante.
:
206 MERCURE DE FRANCE.
AMonfieur DE L**.
Un homme de qualité digne de foi , &mon
ami , a cru devoir m'informer , Monfieur , qu'il
ya dans une ville de Bourgogne un particulier
portantun nom ſemblable au mien , qui s'attribue
deux anecdotes queje vous ai remiſes comme
mon ouvrage , & que vous avez inférées dans
vosderniers volumes , l'une ſous le titre de l'homme
frivole& la femme conféquente , l'autre ſous le
titre de la Présomption.
Apparemment ce particulier , peu fcrupuleux
, ne me fera pas plus de grâce pour le
Fourbe de fociété , & pour pluſieurs bagatelles
qui doivent être inférées dans les volumes qui
vont paroître. Agréez , Monfieur , que je profire
de cette occafion pour apprendre au Publie
que la reflemblance de nom a donné lieu , depuis
quelques années , à pluſieurs erreurs non moins
désagréables pour moi que l'aventurequi me force
àprendre la plume aujourd'hui. Pour éviter les
détails,&me renfermer dans ce qui me concerne
directement , je me bornerai à dire , Monfieur ,
que je n'ai point eu d'affaire civile qui ait exigé
que l'on parlât de moi dans un Mémoire juridique;
& que je n'ai jamais fait d'ouvrage qui ait
été condamné par les loix duRoyaume. J'ajouterai
que la prévention m'attribue quelques autres
écrits qui ont paru depuis trois ou quatre ans , &
qu'elle m'en refuſe d'autres quej'ai véritablement
mis au jour. Voici , M. , une lifte exacte des ouvrages
quej'ai publiés en Francedepuis que mon
Spectateur & mes Contes ont paru : lamoralede
C'histoire; le dépit & le voyage , poëme; les graJANVIER.
1775: 207
dations de l'Amour ; les refus ; le Dictionnaire
des maurs ; les variétés littéraires & galantes &
l'homme du monde éclai épar les arts:
Pour m'épargner les petits défagrémens que
caufent de pareilles erreurs , je prens le parti
d'ajouter déformais le nomde la ville, oùje ſuis
né, àcelui de ma famille.
J'ai l'honneur d'être , &c.
DE BASTIDE.
de Marſeille.
Paris, 28 Novembre 1774 .
Lettre d'un bon Champenois à l'Auteur du
Mercure.
Monfieur , je vous demande bien pardon , mais
je ſuis piqué au jeu. Il n'y a que vous qui puiſfiez
me confoler. Je n'ai eu de la gloire qu'une
fois en ma vie : un Normand vientde me l'enlever.
Moi ,qui ai l'honneur de vous écrire , je ne
ſuisqu'un pauvre Jardinier , mais cependant Jardinier
de Collége: j'ai eu le plaisir de voir imprimé
fous mon nom un conte en aflez bons vers ,
dans le Journal de Verdun en Décemb. 1759. Ne
voilà t il pas que ce même conte , vers pour vers ,
smot pour mot , un M. de Courteville des environs
de Honfleur s'en eſt emparé , & qu'on le lit
tout de ſon long dans votre Mercure de Décembre
dernier ? Je vous en prie , Monfieur , pour
foulager ma confcience & réveiller la fenne ,
faites imprimer la vérité toute pure que je vais
208 MERCURE DE FRANCE.
vous révéler : c'eſt que le conte du Vifir prudent
n'eſt ni de M. Courteville le Normand , ni de Jollivet
le Champenois ; mais de M. BarbeAaglois ,
qui, dans le temps qu'il le fit , étoit Préfet du
Collégedont je cultive le jardin , & qui depuis ,
en 1764 , l'a fait inférer dans le recueil de Fables
qu'il a donné au Public , diviſé en fix livres , &
imprimé chez Brocas & Humblot , ſans nom
d'Auteur. J'en ſuis fâché pour ce Monfieur des environs
de Honfleur; mais qu'une autre fois il
donne du ſien , & alors je ne me mêlerai plus de
ſa perſonne. Je ſuis , avec un profond reſpect ,
Monfieur ,
Votre très-humble & très-obéiſlant
ferviteur , JOLLIVET , de Vitryle-
François.
Ce 10 Décembre 1774.
BIENFAISANCE.
Prix de moeurs & d'agriculture diftribués
par le Curé de Vouxey, en Lorraine ;
extrait d'une Lettre.
J'ARRIVE de
Vouxey , & j'ai été témoin
de la diftribution des prix de moeurs ,
d'agriculture , que le reſpectable Paſteur
de cette Paroifle a établis. L'empreſſement
des habitans à faire le bien eſt égal
au zèle du bienfaiteur de l'humanité qui
JANVIER. 1775. 209
les récompenſe ; hommes , femmes , enfans
, vieillards , tous m'ont paru dignes
du Curé qui les fait ce qu'il eſt .
Le 2 Octobre , la cérémonie commença
par un acte ſolennel de religion ,
après lequel toute l'Aſſemblée ſe forma
fur une vaſte plate-forme devant la maiſon
du Subdélégué. Cinq coeurs d'or furmontés
d'une croix étoient deſtinés pour
les filles , & cinq médailles d'argent pour
les garçons. Cinquante trois bouquets de
fleurs artificielles étoient rangés dans de
longs paniers pour les ſeconds prix. La
ſymphonie ſe faifoit entendre pendant
que l'on prenoit place. Après de petits
diſcours dictés par le ſentiment, les filles
ont été décorées des coeurs d'or par de
jeunes gens , & les garçons, des médailles
par le Curé. Les bouquets ornés de rubans
ont particulièrement été accordés
aux plus habiles cultivateurs. De vieilles
femmes & de jeunes enfans ont obtenu
les mêmes récompenſes que les plus infatiguables
travailleurs . Mais ce qui a fait
l'éloge des habitans , c'eſt que les premiers
prix ont été donnés à la vertu induſtrieuſe
, privée de ſecours & fans appui
. La plus pauvre fille de la Paroiffe a
réuni toutes les voix. De jeunes orphe210
MERCURE DE FRANCE.
lins accueillis par un oncle ſe ſont montrés
dignes des foins qu'il a pris ; & jufqu'à
des petits garçons de Laboureurs ont
figuré dans cette fête patriarchale.
Je ne puis me diſpenter de citer un
trait qu'Homere eût conſacré. Un Tifferand
fait une pièce de toile pour un Laboureur
; celui-ci cultive le champ du
Tifferand. Le momentde compter arrive,
chacun prétend devoir , grande conteſtation
: jeferois bien heureux , dit enfin le
Tifferand ,fij'étois quitte envers vous ....
Quittefoit , répond le Laboureur. Quelques
jours après , le Tiſſerand trouve fon
champ cultivé pour la dernière façon &
parfaitement fumé.
Voilà une des actions que le Curé de
Vouxey a récompensée , cette année. La
fête étoit complette : un repas frugal , un
bal ont terminé cette journée , deſtinée à
honorer la vertu. Tout s'y eſt paffé avec
cette décence& cette joie naïve qui font
les compagnes des bonnes moeurs. On a
célébré , quelque temps après , une Mefle
folennelle d'actions de grâces, pour remercier
la Providence d'avoir béni le
travail des habitans , accordé d'abondantes
récoltes , &donné aux parens la prudence
, aux enfans la docilité.
JANVIER. 1775. 21
ANECDOTES.
:
I.
EN 1680 , les partis ennemis faifoient
beaucoup de ravages dans les environs
de Thionville , & trouvoient une retraite
afſurée dans la fortereſſe de Gre
ventourg, près de Trarbach, perite Ville
du bas Palatinat du Rhin au Comté de
Spanheim. Les partis enlevèrent un jour
le Baron d'Argenteau , Gentil homme
dont le Château eſt ſous le canon de
la Ville . Un jeune homme ,Boucher de
Thionville , nommé George Vaffar , fe
préſente au Gouverneur , lui demande
un piquetde cent hommes , avec un Capitaine
à la tête , ſe chargeant de leut
indiquer la marche des partiſans ennemis.
Sa demande lui eſt accordée ; il
part, il propoſe de parcourir un bois où
il eſpéroit rencontrer les ennemis . Le
Chef du détachement refuſe de l'accompagner
, & fuit la grande route de
Luxembourg.
Vaffar, indigné de ſon refus , entre
ſeul dans le bois , y apperçoit le Baron
212 MERCURE DE FRANCE .
d'Argenteau , entouré d'une eſcorte couchée
à terre & endormie , ainſi que lui ;
Vaſſar ſe met alors à crier : à moi Fantaffins
, à moi Dragons , tue , tue , &
en même temps il tire un coup de fnfil .
Les ennemis intimidés prennent la fuite,
& laiſſent M. d'Argenteau , que Vaffar
ramène en triomphe à Thionville.
I I.
Jeande Meung ou de Meun , auteur ,
ſelon quelques - uns , mais plutôt, ſelon
d'autres , continuateur du roman de la
Roſe , avoit parlé dans ſon ouvrage avec
peu de reſpect des Dames. Ayant été
amené à la Cour pour quelques affaires ,
il penſa payer bien cher ſes impertinen
tes épigrammes. Les Dames , réfolues
de s'en venger , mettent pluſieurs Seigneurs
dans leur parti : le nouvel Orphée
eſt arrêté , & nos Dames Françoiſes ,
moins cruelles que celles de la Thrace ,
paroiſſent à ſes yeux armées de verges .
Jean de Meung ne demande qu'une grâce
, c'eſt la permiſſion de parler à ſes
Juges'; il l'obrint. Alors Maître Jean dit:
Mesdames , puiſqu'il faut que je reçoive
un châtiment pour mes vers , ce doit être
de celles quej'ai offensées . Or, je n'ai par-
3
JANVIER. 1775. 213
lé que des méchantes & non de vous qui
étes ici toutes belles , ſages & vertueuses ;
partant , celles d'entre vous qui ſefentira
offensée, commence à me frapper , comme
la plus GALANTE de toutes celles quej'ai
blámées. ( L'innocence de ſon ſiecle lui
permettoit une expreſſion plus vraie qu'il
ne périphraſa point ). Aucune de ces
Dames, comme on le croit bien , n'ofa
frapper , & Maître Jean échappa de ce
mauvais pas par ce détour ingénieux.
III.
On dit que Philippe II , Roi d'Eſpa.
gne , voyant Fernand Cortez à ſa Cour ,
demanda qui étoit cet homme- là ? » Sire ,
>>répondit Cortez qui l'avoit entendu ,
>>je ſuis un homme qui ai conquis à
» l'Empereur votre père plus d'Etats qu'il
» n'en avoit hérité » .
I V.
Lorſque les trois Princes , celui de
Condé , celui de Conti & le Duc de
Longueville furent arrêtés , on les conduifit
d'abord à Chartres , où ils furent
logés , ſous bonne garde , à une Abbaye
deBénédictins : un Religieux leur pré214
MERCURE DE FRANCE.
ſenta l'imitation de Jefus Chriſt : Tấ
>> chez , mon père , lui dit le Prince de
>>Condé , de nous procuter Fimitation
▸ de Beaufort . ( Le Duc de Beaufort
s'étoit lauvé de ſa prifon).
AVIS.
I.
Chocolat.
Le fieur Rouflel , Marchand Epicier dans l'Abbaye
St Germain des Prés , en entrant par la rue
Ste Marguerite , attenant la fontaine , fabrique
lemeilleur chocolat de ſanté & à la vanille; & ,
pour éviter toute mépriſe, il fait mettre fur chaque
pain de fon chocolat l'empreinte de ſon nom
&de la demeure. Le prix du chocolat de la
meilleurequalité eſt de 3 l. celui à une vanille 4
1. & 5 l. celui qui eft à deux vanilles.
11.
Articles nouveaux qui se trouvent dans le
Magafin du petit Dunkerque, indépen
damment de ceux qu'ily a ordinaire
ment, tant en clincaillerie qu'en bijoute
riede France& éuangère.
Scaux à liqueur en cryſtal , montés en argent à
JANVIER. 1775. 215
jour, ſupérieurement finis , prix 432 1. la paire .
Idem. Une infinité de petus meubles de table ,
dans le mêmegenre, furdes modeles nouveaux.
Colliers& petites prétentions en rubis &jargon,
imitant les roſes deHollande,
Beaux modeles de boucles d'argent , couvertes
en or de couleur ; id. mêlées de pierresde Cayenne.
Idem enrichies de pierres de Cayenne & autres ,
tant en acier qu'en argent ,dans le meilleur goût
poflible.
Tables debracelets en vermeil, avec les chiffres
&lesbordures enor.
Cadenatsde bracelets , en filigraned'or.!
Jolies épées deCour , en vermeil de Strasbourg,
auſſi bien finies que l'or , auſſi ſolides& plus légères,
prix 1441.
Boubonnieres en ſtuc très-légères.
Idem en écaille blonde incruſtée en or , depuis
lesplusbas juſqu'aux plus hauts prix.
Coulants de bourſes en diamans , en filigrane
dor , en or de couleur , & autres unis en acier incrufté
d'or , & en acier poli à facetues : ceux en
diamans , en or , ſuſceptibles d'être garnis de che-
Veux.
Tabatieres & flacons en or de couleur , renfermant
un carillon , jouant chacun trois airs différens
, depuis 30juſqu'à so louis .
Chaînes de montres d'or , dont laplaque marque
les quantiemes.
Unegrande quantité de tabatieres,depuis les plus
bas prix juſqu'à celles d'or émaillé; parmi leſquelles
il y en a d'ornées de médaillons , d'agates arboriſées
factices , plus belles que les naturelles , &
ſupérieures à tout ce qu'on a fait juſqu'à préſent
dans ce genre. Idemde nouvelles , de la fabrique ,
216 MERCURE DE FRANCE.
en écaille mouchetée, doublées de cuir tranſparent
qui conſerve toute la beauté de l'écaille
formant avec le cuir un corps très- fort & non
caflant , ce qu'il n'étoit pas poſſible de faire avec
⚫ces fortesd'écailles , dont les feuilles font toujours
tres-minces , ce qui fait que juſqu'à ce jour l'on ne
l'avoit employé qu'en bonbonnieres. Prix 15 &
12 liv.
= Almanach & Thermometre , garnis en bronze
doré.
-Flambeaux en argent haché , les ornemens en
bronze doré d'or moulu ; idem dorés d'or moulu
& vernis de couleurs tranſparentes .
Cages d'oiſeaux , peintes & dorées à laChine ,
prix 48 1 .
Pluſieurs ouvrages en bronze , ſupérieurement
ciſelés &dorés au mat, pour ornemens de cheminée
,dans les goûts les plus nouveaux , n'ayant
jamais rien paru en ce genre.
Jeu de tonton mécanique , dont la balle remonte&
deſcend alternativement dans une colonne en
vis, prix 144 1.
Boutons d'habit habillé & autres pour négligé ,
d'ungoût nouveau : il y en ad'émaillés für argent
enpluſieurs couleurs.
Idem engoutted'ambre , contenant des inſectes
naturels , montés ſur vermeil , prix de la douzaine
1201.
Idem enpierres de ſtras , taillées en olives , 72
1. la douzaine.
Secrétaires de voyage, en bois d'acajou, leſquels
ſe démontent facilement & ſe renferment dans un
porte-manteau , ouvrage précieuſement fait &
très-commode , prix 4321 .
Nouveaux écrans en évantail à mettre devant
:
le
JANVIER. 1775. 217
le feu , ſe renfermant dans un tube monté ſur un
trépied , prix 48 1 ,
Écritoire en laque , garnie de pièces de mathé
matiques d'or , prix col
Lunettes de ſpectacle & lorgnettes en or émaillé
en gris & bleu , prix 900 1. & 432 1 .
Plateaux à café d'une nouvelle fabrique , en
papier mâché , plus légers que ceux en toe .
Pluſieurs modeles de pendules , flambeaux , girandoles
, vafes , &c . en bronze doré d'or moulu .
Tabatieres d'écaille de couleur , repréſentant le
bonheur de la France par deux médaillons en or de
Henri IV & de Louis XVI ; & autres , le Roi & la
Reine fur un fond capucine tranſpatent , prix 48
1. & 45 l . pièce .
Ecrans , facs à ouvrage , marchons , portefeuilles
, & c. brodés en piesteries . Et en nouveaudans
ce genre de ties grands écrans d'appartemens
, les plustiches quit foit poſſible de faire ,
prix 384 1 .
Couffins de monttes de différens prix.
Peignes a chignons en acier incrusté en or.
-Une collection conndérable de jouets d'enfans,
dont beaucoup en mécanique.
Et enfin un atfortiment de tout ce qu'il a fait
paroître depuis quatre ans , tant en imagination
nouvelle qu'en articles venans ou imités de l'Anglois.
• Il attend de cepays plufieurs envois qui ont été
retardés , dont iill donnera une note renfermant
pluſieurs choſes qui n'ont point encore paru , ainſi
que celle des différens objets que les Artiſtes de
Paris ne produisent que fort taed.
I. Vol. K
218 MERCURE DE FRANCE.
111 .
Liqueursfines,firops , &c.
L'on trouvera en tous temps à choiſir, dans les
magaſins du ſieur Goflet , Epicier Confiſeur & Diftillateur
, ( demeurant rue duHurpoix , ſur l'aîle
dupont St Michel allant au quai des Auguſtins ,
au figne de la Croix , à Paris ) 140 fortes de liqueurs
de prix différens , ſavoirà 22 f. 24 . 26 .
30f. 40. 50 1.3 1.4 1. & 5 l. labouteille de pinte ,
fans les carafes. Il continue toujours au même
prix la vente de ſes ſirops, chocolats , confitures ,
dragées, boîtes pour les baptêmes , bonbons affortis
, cornets & boîtes pour les étrennes , & toutes
forces épiceries & drogues pour les Médecins,
le tout énoncé ſur ſa feuille. Il a de nouveau inventé
le petit rien utile ou la corbeilledes Rois ,
prix 6 1. différentes corbeilles &jattes de fleurs
d'orange pour les deflerts & bouquets , à 31. la
livre; boulettes à la provençale à1 l. 12 1. laliv.
boulette à l'eſpagnolette à2 1. la liv. Sirop de vinaigre
à la fraiſe , firop pour faire les bavaroiſes
à l'eau & au lait , firop de café , firop de coque de
cacao pour la poitrine , firop pour faire le punch
anglois, firop pour faire le punch françois . L'étiquette
qui fera for la bouteille indiquera la façon
d'en faire uſage; ces fix fortesde firops font à i 1.
legros rouleau, ſans lescarafes.
IV.
Fabrique du Rouge de la Reine , cher ficur
JANVIER. 17710 219
Dubniflon , rue des Cileaux près l'Abbaye StGermain
à Paris , où l'on trouve toujours du Rouge
dela plus grande finefle & du plus beau coloris , à
31.& à 6 l le pot; ce dernier eſt au degré le plus
éminent.
Pour éviter l'erreur , les pots de 6 1. font étiquetés
en rouge; ceux de 3 l. te ſont en noir.
Nota. Ce Rouge , extrait de fleurs , eſt un vrai
cosmétique qui,bien loin de ſécher la peau, la tient
toujours dans fon état naturel. Il a eu le plus
grand ſuccès depuis le mois d'Avril 1770 que l'Auteur
l'a mis au jour , aprèsavoir été approuvé par
leDoyen de la Faculté & par la Commillion royalede
Médecine au mois de Mai 1773 .
V.
Le ficur Duboſt , Sergent en charge des Gardes
dela ville de Paris , Diftillateur en Chimie & Par- -
fumeur , enclos du Temple , chec le Vittier , eft
renommé par ſon Effence de beauté, pourconferver
le teint frais, le préſerver de boutons , empêcher
le rouge de gâter la peau , &entretenir les
mainsdans la plus grandeblancheur: cette eflence
eſt approuvée deMlesPrévôt & Syndics desCommunautés
des Baigneurs & Perruquiers des villes
deParis, deLyon, de Marſeille , de Rouen , & des
Magiſtrats des principales villes de France. L'on
s'en ſertdans les bains de propreté. Le ſieur Duboſt
luidonne telle odeur que l'on defire : elle eſt
eſtimée au deſſlus de toute eſpece de favonnettes ,
&donne un tranchant doux aux raſoirs ; enfia
eliest d'un excellent uſage , lorſqu'on la mêle
dan pommade , &l'on peut être aſſuré qu'elle
Kij
220 MERCURE DE FRANCE.
eſt efficace pour faire croître les cheveux & les
conferver, & c. La maniere de s'en ſervir eſt ſur les
bouteilles. Il vend auſſi toutes fortes de poudres
, pommades& chocolat , le tout àjuſte prix ,
&c.
: Prix des bouteilles , 6 liv. 3 liv. & 36 fols. On
fournira des pinceaux gratis à toutes les bouteilles.
Il y a , pour les voyages des bouteilles doublées
de fer-blanc , qui coûtent 20 fols de plus.
Le couvercle fert de plat à barbe ; il y a un petit
étui attaché après le fer-blanc, pour mettre le
pinceau.
On trouvera cette eſſence à Paris , au domicile
du ſieur Duboſt ; chez M Caron , rues Antoine ,
près la rue des Ballets; chez le ſieur Lebrun , Négociant
, rue Dauphine ; chez le ſieur Puſin , près
la Tréſorerie , cour du Palais . A Lyon , chez le
ſieur Vieillard ; à Avignon ,chez le ſieur Vincent,
Négociant ; à Aix , chez le ſieur Julien , Confifeur;
à Marseille, chez le ficut Artaud , fur le
Cours ; à Rouen , chez le ſieur Gallier , Marchand
Mercier , rue St Lo ; à Verſailles , fur le grand
eſcalier de Sa Majesté , chez la Demoiselle Battier
; à St Germain-en Laye , chez le fieur François
, Limonadier , à Sens , chez le ſieur Simitelle
, Sacriftain de la Cathédrale ; à Vendôme ,
chez le ſieur Adam , Marchand; à Angoulême,
chez le freut Rivaud , Négociant; à Montargis ,
chez le ſieur Bard , Directeur des Carrolles; à Langres
, chez le ſieur Doyent , Négociant ; à Bourges
, chez M. Tribard , Négociant; au Blanc ,
en Berry , chez M. Huguet , Négociant ; à la
Rochelle , chez M. Allevares, Marchand deModes;
à Bourdeaux , chez MM. les Freres Labotiere
, Libraires ; àRennes , chez le fieur HameJANVIER.
1775. 221
lin , Inſpecteur des papiers ; à Troyes, en Champagne
, chez M. André , Libraire ; à Nantes ,
chez M. d'Expilly , Imprimeur ; à Orléans , chez
le fieur Loifon , Marchand de Modes ; à Poitiers,
au bureau d'annonces; à Montpellier , chez M.
Antoine , au bureau d'affiches ; à Grenoble , chez
la veuve Durand , Négociant .
Pour éviter les contrefactions , le ſieur Deboſt
appoſera ſon cachet fur chaque bouteille & fur
les étiquettes , qui feront Egnées de fa main. Il
fait auſſi la commiflion pour la Province.
NOUVELLES POLITIQUES.
De Constantinople , le 3 Novembre 177.4 .
LE Colonel de Peterſon , chargé des affaires de
Ruffie à la Porte , arriva les Octobre en cette
capitale ; & avant hier il eut audience du Grand-
Vifir , à qui il remit ſes lettres de créance. L'Ambafladeur
du Grand Seigneur à Pétersbourg fait
les préparatifs néceflaires pour fon départ. II
aura , dit - on , une ſuite de treize cens perfonnes.
Les deux Cours donnent reſpectivement la
liberté à tous les priſonniers qui ont été faits dans
la derniere guerre celle de Rufſſie en a déjà
rendu trois mille.
De Warsovie, le 17 Novembre 1774.
Le Comte d'Anhalt a été envoyé de Potídam
:
Kiij
222 MERCURE DE FRANCE.
dans la Prufle Royale , & a examiné & l'on pousoit
afleoir avantageulement un camp dans les
environs de Tilft. Beaucoup d'Ingénieurs & d'Artilleurs
font à Memmel , & parolent prendre
des melures pour fortifier cette place. Le Roi de
Prufle recrute avec la plus grande activité. Les
préparatifs pour le voyage du Prince Henri à
Pétersbourg , ont été tout - à- coup ſuſpendus ;
&les relais qui devoient l'y conduite , contremandés.
Les Pruſſiens qui ont traversé la Grande-Pologne
font actuellement dans le Palatinat de
Lublin , réduits au nombre de huit cens. Le Sr
Benoît a donné ordre aux Officiers qui les conduiſent
de leur faire obſerver la diſcipline laplus
exacte , & de payer tout ce qu'ils confommeront
&tout cedont ils aurontbeform.
Les troupes qui compoſoient l'armée Ruſſe ſont
preſque toutes rentrées en fologne : elles ſont
enmarche vers Kiovie.'
Les Commiffaires pour la démarcation des lid
mites n'ont encore rien fait , nidu côté de l'Autriche
, ni du côté de la Pruſle ; & il n'y a guères
d'apparence qu'ils parviennent à entammer les
opérations dont ils font chargés. La difficulté
préliminaire par laquelle ils ſe ſont trouvés arrê
tés , n'a pu encore être levée. Ils perfiftent à dire
qu'ils ont été envoyés pour diſcuter les Traités de
1773 & les prétentions des deux Cours , & pour
déterminer en conféquence la ligne de démarcation.
Les Commiſſaires Autrichiens & Pruffiens
ſoutiennent au contraire , que toutes diſcuſſions
font inutiles , après la remiſe des cartes préſentées
à laDélégation par ordre de leurs Cours, &
JANVIER. 1775. 223
qu'il ne s'agit plus que de reconnoître &de faire
aborner les limites tracées dans ces cartes.
De Vienne , le 30 Novembre 1774 .
Le projet de rendre navigables les différentes
rivieres qui ſont ſuſceptibles de le devenir , dans
les Pays Héréditaires , ſe pourſuit toujours avec
aſſez d'activité.Comme la Hongrie eft la Province
qui manque le plus dedébouchés , c'eſt auſſi celle
vers laquelle le Gouvernementtourne principalement
ſes vues. En conséquence , l'ordre vient
d'être donné de travailler à la communication du
Lac Balaton avec le Danube , en rendant navigable
une petite riviere qui peut aifément joindre
P'un àl'autre.
Il a été décidé égalementde travailler à rendre
navigable la riviere Sio, dans le Comitat de Toln ;
mais comme on a reconnu l'impoffibilité de tirer
aucun parti da Servize , dont les eaux bourbeuſes
ne font au contraire qu'occaſionner des maladies
dans lesComtés de Vefprim & de Sthul-Weiflembourg,
oneft occupé à deſſécher entierement cette
riviere , ainſi que pluſieurs marais qui achevoient
de rendre ées contrées extrêmement mal-faines .
Tous ces travaux (ont confiés à l'Ingénieur
Boehme , lous la direction du Baron de Zigrat.
De laHaye , le 25 Novembre 1774.
Neſt arrivé de Bordeaux à Anvers un vaiſſeau
chargé de fucre. Le peuple , qui le flattoit que
d'autres navires ſuivroient , étoit ratomblé fur
le port, pour jouir de ce ſpectacle. On ſe ſou
Kiv
224 MERCURE DE FRANCE.
vient d'un vaiſleau du même port de France qui ,
cette année ,eft venu d'Oftende dans le baffin de
Bruxelles par les canaux du Pays .
De Rotterdam , le 15 Novembre 1774 .
Les vaiſſeaux le Maaſtrooni , Capitaine Chriftian
Degh , & la Marie-Helene , Capitaine Jean
Port , ayant à bord 24 hommes de troupes
réglées de la République , ont mis depuis pea
à la voile pour Surinam. Ces troupes commandées
par le Colonel Fourgeou , font deſtinées ,
non-feulement à garantir les établiſlemens reculés
de cette Colonie des incurfions des Negres
révoltés ; mais encore à détruire ceux de ces rebelles
, pour que les transfuges Noirs & Blancs
n'y trouvent plus d'aſyle.
1 1
De Carthagène , le 26 Novembre 1774.
i
1
Le Gouverneur de cetre ville a fait publier hier
par ordre de la Cour , avec les formalités d'uſage ,
la déclaration de guerre de S. M. contre le Roi de
Maroc.
Trois chebecs qu'on a récemment arimés dans
cet Arcenal , & dont le commandement a été donné
au ſieur de Torrès , Lieutenant de Vaiſſeau ,
ont paflé en rade le 24. Ils paroiffent deſtinés à
tranſporter à Oran , de la poudre à canon & d'autresmunitions
de guerre , pour mettre ce Préſide
en étatde foutenir les efforts extraordinaires qu'on
y appréhende de la part des Algériens .
La nouvelle qui s'étoit répandue que le Roi
avoit déclaré la guerre à l'Empereur de Maroc ,
nous a été confirmée par un Courier arrivé de
JANVIER. 1775. 225
Madrid. On a , en conféquence , fait partir de
ce Port , pour les Places qui peuvent être attaquées
, deux bâtimens chargés de poudre à canon
& de munitions de guerre . La Garniſon de
ces Places , ſera , dit- on , renforcée par des troupes
qu'on y enverra inceſlamment. C'est vraiſemblablementà
cet effet , qu'ou're les deux
Frégares & les quatre Chebecs qui font en rade ,
on arme encore dans cet Arcenal , un Vaifleau
de ſoixante- dix canors , avec deux autres Frégates
& deux autres Cheb cs .
DeRome, le 30 Novembre 1774-
En travaillant à la démolition de quelques
maiſons qui appartiennent aux Chartreux , dans
la rue de Tours , on a trouvé une colonne de
marbre fin , cannelée , qui a ſeize palmes dehauteur
, & deux palmes & demie de diametre. Cette
colonne , quoique rompue , ne laifle pas d'être
eſtimée pour ſa beauté. On a aufli trouvé plufieurs
médailles d'argent , de bronze & de divers
autres métaux .
En creuſant un ſouterrain à Traveſtere , on a
découvert une cornaline gravée , qui repréſente
la Ville de Rome , & dont le travail eſt fort
admiré.
De Cadix , le 15 Novembre 1774 .
On a publié ici le 2 de ce mois , avec les formalités
accoutumées , la déclaration de guerre
de Sa Majesté contre le Roi de Maroc .
De Madrid , le 22 Novembre 1774 .
Don Salvador de Cardenas , habitant de Sé-
Kv
226 MERCURE DE FRANCE.
,
ville , a fait conſtruire une Machine , par le
moyende laquelle , avec une feule paire de
beoeufs ou de mulets , on peut conduire deux
trois & juſqu'à quatre charrues à la fois , ſuivant
la qualité de la terre. Ces charrues en rompent
d'un ſeul coup toutes les mottes ; de manière
qu'elle ſe trouve parfaitement labourée , & dans
l'état le plus favorable pour recevoir la ſemence.
L'Inventeur a obtenu de Sa Majeſté un privilége
excluſif pour quinze ans. Indépendamment des
expériences qui ont été faites de fa Machine
avant que cette grâce lui fût ancordée , on doit
en faire d'autres aux environs de Séville , dans
les premiers jours du mois prochain.
:
DeCarare, le 13 Novembre 1774.
Le Bey de Tunis fait bâtir un Serrail pour
fon Fils , qui doit inceſſamment fe marier On
travaille ici à un nombre conſidérable de colonnes
, d'arcs & de chapiteaux de différens
ordres , dont cebâtiment doit être décoré. Ces
ornemens , qui coûteront des ſommes immenfes
répandront beaucoup d'argent dans cette Ville
fur-tout parmi les Artiſtes.
De Londres, le 19 Novembre 1774
>
Des lettres de Boſton , datées du 29 Septembre,
font mention des Inſtructions données par
leshabitans de cette Ville , à leurs Repréſentans
au Congrès Provincial indiqué pour le ſecond
Mardı d'Octobre, dans la Ville de la Concorde
: ces inſtructions portent en ſubſtance , qu'ils
adhéreront ſtrictement à la Charite de la ProJANVIER.
1775. 127
vince, garantie par le Roi Guillaume&la Reine
Marie ; qu'ils feront enforte que rien ne puiſle
être pris, dans leur conduite , pour un aveu de
la validité de l'Acte du Parlement qui change le
Gouvernement de Malachuflet ; qu'ils ne reconnoimont
pour Confeil légitime & conftitutionnel
de cette Province , que les Membres élus
par la Cour générale à la léance du mois de Mai
dernier ; & que , comme il y a lieu de croire
que l'exécution exacte de ce qui leur est preſcrit
entraînera la diffolution de leur Chambre d'A(-
femblée , ils font autorités à ſe joindre auxMembres
des autres Villes de la Province , & à s'alfembler
avec eux , dans le temps fixé par le
Congrès Provincial , pour prendre les mesures
les plus convenables au véritable intérêt de la
Province , & à la conſervation des libertés de l'Amérique
Septentrionale.
Le Lord Clive , Pair d'Iilande , Chevalier de
l'Ordre du Bain , repréſentant au Parlement la
Ville de Shrewsbury , eft mort Mardi dernier.
Il avoit éré deux fois Gouverneur du Bengale ,
&avoit commandé avec beaucoup de fuccès les
troupes du Roi & de la Compagnie des Indes
dans l'Indoſtan. Les ſervices importans qu'il a
rendus à l'Angleterre & àla Compagnie , lui ont
acquis une réputation qui lui ſurvivra longtemps.
Il laiſſe une fortune très conſidérable à
ſes enfans , qui ſont au nombre de quatre : on
aflure que chacun d'eux aura un fonds de 200 ,
๑oo liv. fterl . , & que l'aîné , qui est actuellement
Membre du Parlement pour la Ville de
Ludlow , outre 30, 000 liv. ſtel, de revena
dont il hérite , jouira encore , juſqu'à l'expiration
du terme fixé pour ſa durée , d'une rente de
Kvj
228 MERCURE DE FRANCE.
pareille ſomme , que la Compagnie des Indes
faifoit au feu Lord Clive , en reconnoiſlance de
ſes ſervices .
De Naples , le 12 Novembre 1774.
Depuis quelquesjours , le Mont Véſuve vomit
des flammes , & lance des pierres . Un torrent de
lave a obligé quelques habitans des lieux voiſins
d'abandonner leur demeure.
7 De Versailles , le 4 Décembre 1774 .
Sa Majesté voulant que l'Adminiſtration Eccléſiaſtique
ſubſiſte aux îles du Vent & ſous le
Vent , dans Tétat où elle étoit avant le change.
ment projeté en 1773 , a laiflé la deſſerte des
Cures aux différens Ordres Religieux qui en font
chargés , avec la pleine & libre jouiflance des
biens qui leur appartiennent dans ces Colonies
De Paris , le 26 Décembre 1774 .
Les deux Ordresde la Rédemption des Caprifs ,
celui des Chanoines Réguliers de la Sainte-Trinité
, dits Mathurins , & celui de Notre Dame
de la Merci ont racheté à Tunis l'équipage Corſe
du Patron Joſeph Guaſco , qui avon été fait ef.
clave avant la réunion de l'île de Corſe à laCouronne
de France. Les gens de cet équipage , arrivés
à Toulon le premier Septembre , ont été
renvoyés à Baſtia , Capitale de cette île.
J
JANVIER. 1775. 229
PRÉSENTATIONS .
:
Le 8 Décembre , la Marquiſe de Saint-Simon
Grande d'Eſpagne , eut l'honneur d'être
préſentée au Roi par Madame la Comteſſe d'Artois
, en qualité de Dame pour accompagner
cette Princefle , à la place de la Duchefle de
Quintin.
Le 11 Décembre , le ſieur Angran , ci -devant
Procureur Général du Grand- Conſeil , eut l'hon,
neur de faire les remercimens au Roi , & d'être
préſenté à la Reise & à la Famille Royale , en
qualité de Lieutenant - Civil au Châtelet de
Paris.
La Comteſle de la Marck , Grande d'Eſpagne ,
& la Comtefle de Dampierre , ont également été
préſentées le 11 Décembre à leurs Majestés & à
la Famille Royale ; la première , qui pris enſuite
le tabouret , par la Comtefle de la Marck ,
Douairière , & la ſeconde , par la Comteſſe de
Brizay,
a
Lers Décembre , le Duc de Coigny , Maréchal-
de- Camp , Colonel Général des Dragons ,
& Gouverneur du Château de Choiſy , que le
Roi a nommé ſon premier Ecuyer , eut l'honneur
de faire ſes remercimens à Sa Majefté , & de
lui être préſenté en cette qualité , ainſi qu'à la
Reine & à la Famille Royale.
Le 18 Décembre , la Marquiſe de Dreneuc fut
préſentée à Leurs Majestés , & à la Famille Roya-
[
2 ; 0 MERCURE DE FRANCE.
le , par la Duchefle de Quintin , Dame d'honneur
de Madame la Comtelle d'Artois .
L'Académie Royale des Inſcriptions & Belles
Lettres , préſidée par le ſieur Bertin , Miniſtre
& Secrétaire d'Etat; ayant préſenté le 18 Décembre
à Leurs Majestés , ainſi qu'à Monfieur &
àMonſeigneur le Comte d'Artois , les Tomes
XXXVI & XXXVII de ſes Mémoires : le Duc
de la Vrillière préſenta en même temps au Roi
les Académiciens reçus depuis la préſentation des
Tomes XXXIII , XXXIV & XXXV. Ces Académiciens
font , les ſieurs Deformeaux , d'Anfle
de Villoifon , Dacier , Leblond & Duſaulx , Aflocies;
& le ſieur Bartoli , Allocié - libre - étranger.
:
Le même jour , les fieurs Gilbert , de Montholon
, Dufour de Villeneuve , d'Agueſleau de
Fretne , de la Bourdonnaie , Morean , Bertin ,
& l'Abbé de Radonvilliers firent leurs remerci
mens au Roi , à qui ils furent préſentés, ainſi qu'à
laReine & à la Famille Royale ; le premier pour
la Charge de Préſident à Mortier ; le ſecond, pour
la place de Premier Préfident du Parlement de
Rouen ; le troiſième, pour celle de Conſeiller
d'Etat furnuméraire ; le quatrième , en qualité
d'Avocat Général du Parlement deParis; lecinquième
, en qualité de Premier - Préſident du
Grand Confeil; le ſixième , en qualité de Conſeiller
d'Etat par brevet; le ſeptième , pour une
lettre de Conſeiller d'Etat ; & le huitième , en
qualité de Conſeiller d'Etat d'Eglife , pourvu à
titrede ſurvivance , & en faifant les fonctions.
JANVIER. 1775. 231
L
NOMINATIONS.
Le Roi a nommé à l'Evêché de Bayonne l'Evêque
de Saint-Brieux , &, à celui de Saint-
Brieux , l'Abbé de Regnault de Belleſciſe , Vicaire
Général de Vienne,
Le Roi a nommé le Comte de Broglie , Lieutenant-
Général de les Armées , à la place de
Commandant en ſecond dans les trois Evêchés ,
& fur les frontières de la Saxe de la Meule & de
la Champagne.
Le Roi a donné à l'Evêque d'Amiens l'Abbaye
de Valloires , Ordre de Citeaux , Diocèle d'Amiens
; & , à l'Evêque de Limoges , celle de St-
Jean-d'Angeli , Ordre de Saint- Benoît , Diocèſe
de Saintes , remife par l'Evêque d'Amiens.
Sa Majesté a permis au Comte deGuiche, fils
du Die de Grammont , de prendre le nom de
Duc de Leſpare.
L'Evêque d'Arras , nommé à l'Archevêché de
Tours , ayant fupplié le Roi d'agréer ſa démiſ
fion de cet Archevêché , Sa Majefté a diſpoſé de
ce Siége en faveur de l'Evêque de Saint-Omer ,
fon frère , qu'elle avoit ci- devant nommé à l'Evêché
d'Arras.
NAISS NCES.
Le 28Novembre , à cinq heures trois quarts
232 MERCURE DE FRANCE .
du matin , l'Infante de Parme acconcha heureuſement
d'une Princeſle , à laquelle l'Evêque de
Parme adminiſtra le baptême , & qui fut nommée
Marie- Antoinette - Joſephine- Anne - Louiſe-Vincent-
Marguerite Catherine.
Le 28 Novembre , la Ducheſſe de Saxe Gotha
accoucha 'heureatement , à Gotha , d'un Prince
qui a été nommé Frédéric.
MORTS.
14
:
1
N. Vilars , Prêtre ſécularisé , ci-devant Grand.
Carme , Prédicateur du Roi , que ſes talens dif
tingués pour la Chaire , avoient rendu célèbre ,
eſt mort dans le courant du mois d'Octobre ,
au Château de Bellegarde en Gâtinois .
Anne- Elifabeth de Banne- d'Avéjan , Abbefle
d'Alai , foeur du feu Comte de Banne-d'Avéjan,
Capitaine Lieutenant de la premiere Compagnie
des Mouſquetaires , & de feu Charles de Banned'Avéjan
, Evêque d'Alais , eſt morte le 11 Novembre,
dans la quatre- ving quinzieme année
de ſon âge.
Maximilien- Joſeph Demphna , Comte de Lalaing
d'Audenarde . Capitaine du Régiment de
Saint- Ignon , Dragons , eſt mort à Anvers , le 17
Novembre , âgé de vingt un ans .
Louis- Charles de Combarel du Gibanel , Baron
de Sartiges , Grand Sénéchal en Limousin ,
Lieutenant des Maréchaux de France , eſt mort ,
le 10 Novembre , au Château de la Nebéirote ,

JANVIER. 1775. 233
en Limousin , dans la quatre - vingt - deuxième
<année de ſon âge.
:
:
Louis- François d'Iſarn de Montjeu , Comte
de Villefort , Chevalier de l'Ordre Royal & Militaire
de St Louis , Commandeur de l'Ordre de St-
Lazare , ancien Colonel d'Infanterie , & ancien
Gouverneur de la Citadelle de Valenciennes , eft
mort à Valenciennes le 17 Novembre , âgé de
quatre-vingt quatre ans .
L'Abbé Grimod , Cenſeur Royal , ſavant &
célèbre Antiquaire , eſt mort à Paris , le 26 Novembre
, dans ſa ſoixante- huitième année.
Gabriel d'Erchigny de Clieu , ancien Capitaine
de Vaiſſeau , & Commandeur honoraire de
l'Ordre Royal & Militaire de Saint- Louis , cidevant
Gouverneur de la Guadeloupe , eſt mort
àParis le 30 Novembre , dans la quatre-vingthuitième
année de ſon âge.
Nicolas - Françoiſe Dupré de Saint - Maur ,
Maître des Comptes , & l'un des Quarante de
l'Acad Françoiſe , eſt mort à Paris , le 2
Décem agé de quatre vingts ans .
Le nommé Charles- Louis Dumont eſt mort
dernièrement , à Château - Portien , âgé de cent
quatreans. Il eſt mort aufli à Angers , le 14 Octobre
, une fille de la Paroiſſe de Saint-Michel de
la Paludes , nommée Allain , qui étoit dans ſa
cent quatrieme année.
Catherine Medant , Veuve de Jacques Nicaiſe,
eſt morte à Paris le 27 Novembre , âgée
de cent-un ans .
Hélène-Alexandrine , Comtefle de Berlo , Abbefle
de l'Abbaye Royale du Calvaire à la Fère ,
y eſt morte le 26 Novembre , âgée de quatrevingt-
fix ans.
234 MERCURE DE FRANCE.
Jeanne - Grace-Boſc da Bouchet , Epoufe de
Charles -Auguſtin de Ferriol , Comte d'Argental ,
Baron de Saint- Martin de l'île de Ré, Miniſtre
Plénipotentiaire de l'Infant , Duc de Parme , auprès
de Sa Majesté , eſt morte à Paris le 3 Décembre
, dans la ſoixante - douzieme année de lon
age.
Marine-Françoiſe Camole , Veuve de Denis-
Charles Laurent de Fremont , Secrétaire du Roi ,
chargé des affaires de Sa Majesté auprès de la
République de Venise , eſt morte à Paris le 4
Décembre , âgée de ſoixante-dix neufans.
Roſalie Cucuret de Nelle , Veuve du Marquis
deBalincourt , Lieutenant-Général des Armées du
Roi , Commandeur de l'Ordre Royal & Mil taire
de Saint-Louis , Gouverneur de Saint Venant , &
premier Lieutenant de la première Compagnie des
Gardes-du-Corps , eft morte en ſon Château de
Nelle le 6 Décembre dans la foixante- ſeizieme
année de ſon âge .
Guillaume Léon de Tillot , Marquis deFelino,
Chevalier , Grand Croix de l'Ordre & Militaire
de Saint- Louis , eſt mort àParis le 13
Décembre , dans la loixante- quinzieme année.
Charles-Florent Bellot , Docteur-Regent &
ancien Profefleur de la Faculté de Médecine en
l'Univerſité de Paris , Lecteur & Profefleur au
Collége Royal , où il remplifloit , avec diftinction
, la Chaire de Pharmacie , eſt mort à
Paris le 14 Janvier , âgé de cinquante ans.
N. Queſnay, Conſeiller du Roi , premier
Médecin ordinaire , & Médecin - Confultant de
Sa Majesté , ancien Secrétaire de l'Académie
JANVIER. 1775. 235
Royale de Chirurgie , Membre des Académies
Royales des Sciences de Paris & de Lyon , & de la
Société Royale de Londres , Savant diftingué par
des connoiſſances profondes en pluſieurs genres ,
&par une grande lagacité d'eſprit , eſt mort à
Verfailles le 16Décembre , dans la quatre-vingtdeuxieme
annéede fon âge.
André Olivier , Comte de Chaillou , Chevalier
de l'Ordre Royal & Militaire de Saint-
Louis , ancien Lieutenant de Roi de la Marti
nique , & Commandant de la Trinité , eſt mort
à Paris le 18 Décembre , dans la foisantieme
année de fon âge.
Henri Chevalier de Girardon , ancien Lieutenant
au Régiment du Roi , Infanteric , Che
valier de l'Ordre Royal de Prufle , eft mot le
14 Novembre dernier , au Château des Ecuroles
, près de Niort en Poitou , âgé de foixantedix-
huit ans. Il avoit été Page de Louis XIV &
de Louis XV .
:
Jean Armand , Marquis de Joyeuſe & de
Villebe, Comte de Grandpré , Brigadierdes
du Roi , eſt mort en fon Château
deGrandpré le 12 Décembre , âgé de cinquantehuitans.
Louis Delmaretz , Baron de Châteauneuf ,
Chevalier des Ordres Royaux & Militaires de
Saint- Louis & de Saint - Lazare , ancien Colonel
du Régiment Royal de la Marine , Doyen
des Brigadiers des Armées du Roi , eſt mort à
Parisle 21 Décembre , âgé de quatre- vingt huit
ans.
Le Chevalier de Bermondes , Receveur & Procureur-
Général de l'Ordre de Malthe , au Grand236
MERCURE DE FRANCE .
Prieuré de Champagne , Commandeur de Xug .
ney & Libdo , eſt mort à Toul le 13 Décem.
bre , dans ſa ſoixante- onzie me année.
Marie-Pauline de Rochemontaix de la Roche
Varnaſlal , veuve de Jean - Baptiste- Nicolas -Tho
mas de Domangeville , Maréchal des Camps &
armées du Roi , eſt morte en ſon château de
Mareuil ,en Champagne , Décembre dernier
âgéede 30 ans.
-Nicolas de Monchy, Docteur en Théologie ,
& Prévôt de la Collégiale de Saint Pierre , à
Aire en Artois , y eſt mort le 27 Novembre ,
âgé d'environ quatre-vingt treize ans. Il avoit
été nommé Prévôt de cette Collégiale en 1713 ,
par Louis XIV.
>
,
LOTERIES.
:
Coterie Le cent ſoixante-huitième
de l'Hôtel - de - Ville s'est fait , le 24 du mois
deDécembre , en la manière accoutumée. Le lot de
cinquante mille liv. eſt échu au No. 18084. Celui
de vingt mille livres au Nº. 12941 , & les deux
de dix mille , aux numéros 16103 & 18206.
۱
Le tirage de la loterie de l'Ecole royale militaire
s'eft fait les de Décembre. Les numéros ſortis de
la roue de fortune ſont 38,65,8,11 , 82. Le
prochain tirage le fera le s Janvier.
:
1.
JANVIER . 1775. 237
TABLE.
:
PIEIECCEESS FUGITIVES en vers&en proſe,pages
Le Conful Villars , poëme. ibid.
Elégiede Tibule. 12
LePortrait utile , conte moral. 16
Diſcours attribué à M. de Voltaire. 36
L'heureux hiver.
40
AM. de Lacombe , ſur un recueil d'anciennes
poëfies. 41
Madrigal envoyé à M. de Villarceaux. 42
Képonſe de M. de Villarceaux . 43
Sur le Mardi-Gras. ibid.
Vers. T ibid.
Sur un petit enfant. ibid.
Sonnet 44
Epigram ibid.
Métamorphoſe d'un éventail , 45
Sur unGlorieux qui mourut la veille de l'Af- 1.
cenfion , lbid.
Dialogue , 1 46
3
Explication des Enigmes & Logogryphes , 55
ENIGMES ,.. 56
LOGOGRYPHES ,
60
Rondedu Drame de Henri IV , 62
Couplets ſur l'air de la Ronde de Henri IV, 65
Bouquet.
66
238 MERCURE DE FRANCE.
NOUVELLES LITTÉRAIRES , ibid.
Préceptes ſur la ſanté des gens de guerre , ibid.
Voyages dans la mer du Sud , 76
Traité de la lecture chrétienne , 79
Examen hiftorique ſur l'apparition de lamalaladie
vénérienne , १०
Traitédes rivieres & des torrens , 83
Requête des Filles de Salency à la Reine , &
autres ouvrages de M. Blin de Sainmore ,
Journaldes caufes célèbres , 92
Conſidérations philofophiques ſur l'action de
:
l'Orateur , 94
Oraiſon funèbre de Louis XV , parM. l'abbé
Coger , وو
par M. l'Abbé de la Tour de St Paul. 104
-par M. l'Abbé Borye des Renoudes , 109
Diſcours de M. Lamaignon de Malesherbes , 113
Eſſai fur les Jardins , 131
LeSpectateur François , 154
Journal de Genève , 156
pects ,
Journal des Dames ,
La Nature conſidérée ſous ſes différens af
Dialogues ſur la muſique,
Le ſeptieme Tome de l'hiſtoire naturellede
-
157
158
159
Pline ,
Tablettes Royales de renommée ,
Calendrier intéreſſant ,
--lyrique ,
163
165
166
4 itid.
JANVIER. 1775. 239
Almanach lyriq , 167
du botJardinier , ibid.
poëtique , 168
des coëffures des Dames , ibid.
- de Verſailles , ibid.
Etrennes de la Noblefle, 169
Etat militaire de France , ibid.
Lepréſent de la gaieté , ibid.
Idée de la Chine ibid.
,
Calendrier de la Cour , 170
Les délices de Cérès , ibid.
Nouvelle table des articles contenus dans le
volume de l'Académie Royale des Sciences
de Paris ,
1
171
Réponſe de M. de Voltaire à M. le Comte de
Medini , ITAL 173
Académie de Befiers , 175
SPECT Concert Spirituel , 130
Орб 183
* Comédie Françoiſe ibid.
Comédie alienne ibid.
Lettre de MàM. 184
G
Impromptu ,
Secours gratuits contre les morts apparentes
&fubites,
187
ibid.
Hiſtoire naturelle.
ARTS , Peinture ,
Gravures.
189
193
200
240 MERCURE DE FRANCE.
Muſique.
A M. de L **, par M. de Baſtia
Lettre d'un bon Champenois à l'Auteur du
202
206
207
Bienfaiſance. 210
Anecdotes .
200211
AVIS , 314
Nouvelles politiques , 221
C
Préſentations ,
Nominations
Naillances
Morts
Loteries
ibid.
232
1775 ,
APPROBATI0N.
J'ai lu , par ordre de Mgr le
le premier volume du Mercure de
,& je n'y ai rien trouvé qui m'ait
voir en empêcher l'impreſſion .
A Paris , le 31 Décembre 1774 .
ux
canvier
paru de-
:
I
LOUVEL
4
De l'Imp. de M. LAMBERT , rue de la Harpe.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI.
PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES.
JANVIER, 1775 .
SECOND VOLUME .
Mobilitate viget. VIRGILE .
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Avec Approbation & Privilége du Rot.
د
AVERTISSEMENT.
C'EST au Sieur LACOMBE libraire , à Paris, rue
Chriſtine , que l'on prie d'adreſſer , francs de port,
'es paquets&lettres , ainſi que les livres , les eftampes
, les piéces de vers ou de proſe , la muſique
, les annonces , avis , obſervations , anecdores
, événemens finguliers , remarques ſur les
ſciences & arts libéraux & méchaniques , & généralement
tout ce qu'on veut faire connoître au
Public , & tout ce qui peut inſtruire ou amuſer le
Lecteur. On prie auffi de marquer le prix des livres
, eſtampes & pièces de muſique.
Ce Journal devant être principalement l'ouvragedes
amateurs des lettres& de ceux qui les
cultivent , ils font invités à concourir à ſa perſection
; on recevra avec reconnoiſſance ce qu'ils
enverront au Libraire ; on les nommera quand
ils voudront bien le permettre , & leurs travaux ,
utiles au Journal , deviendront meine un titrede
préférence pour obtenir des récompenſes ſur le
prodait du Mercure.
L'abonnement du Mercure à Paris eſt de 24 liva
que l'on paierad'avance pour ſeize volumes rendus
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Le prix de chaque volume eſt de 36 ſols pour
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&françois , 1772 , in - 8 ° . br.
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3
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MERCURE
DE FRANCE.
JANVIER , 1775 .
PIECES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
ÉPITRE A HENRI (IV.
Cedite , Romani victores : cedite , Graïi :
Nefcio quid majus nafcitur.
Tor qui ,
:
partes vertus ſublimes
Plus encor que par ta valeur ,
Des Héros les plus magnanimes
Effaças l'illuſtre ſplendeur ;
Qui ſoumis un Peuple rebelle ,
Aiij
MERCURE DE FRANCE.
En te vengeant par des bienfaits
Deſon audace criminelle ;
Toi , qui fus ſenſible aux attraits
Dela fenfibleGabrielle * ,
Et qu'ont honoré les regrets
De cet ami ** tendre & fidele
Qui ſurvêcut à tes cyprès ;
Toi , qui ſus enfin , ſans foibleſſe,
Amant & guerrier tour- à - tour ,
Servir & la Gloire & l'Amour ,
Aimer ton Peuple& ta Maîtreſſe ,
HENRI daigne entendre ma voix ,
Daigne , du ſein de la lumiere ;
Baiffer tes regards ſur les toits
Demon humble & fimple chaumiere :
* Gabrielle d'Eſtrées , d'une ancienne Maiſon
de Picardie , étoit fille & petite- fille d'unGrand-
Maître de l'Artillerie . Henri IV la fit Ducheflede
Beaufort. Il lui promit de l'épouſer & de légitimer
ſes enfans. Il étoit même prêt à exécuter se
deſſein, lorſqu'elle lui fut enlevée par une mort
prématurée.
** Maximilien de Bethune , Duc de Sully ,
Pair & Maréchal de France , Grand-Maître de
l'Artillerie , principal Miniſtre & ami de Henri
IV.
JANVIER. 1775 . 7
C'eſt là qu'habite un coeur ſincère
Qui t'aime & t'honnore à la fois ,
Commeun bon fils aime un bon pere ,
Dontil ſubit les douces loix .
Pardonne , ô mon Prince ! ô mon Maître !
Al'ivreſſe d'un bon Gaulois ,
Né ſans Ayeux , mais que peut- être
Anoblitl'amoutde les Rois ,
Et du pays qui l'a vu naître.
Bienfaiteur de l'humanité ,
Ah! fi dans cet heureux aſyle ,
Où tujouis du fort tranquille
Que tes bienfaits t'ont mérité ;
Sitonombre augu e & facrée
Eft lenible encore au plaifir ,
Au doux plaifir d'être adorée ;
Vois combiende ton ſouvenir
La France eſt ſans cefle enivrée !
Deſcends parmi nous; ſois témoin
Etdestranſports que tu fais naître ,
Et de notre ardeur pour un Maître
Avec qui nous n'aurons beſoin ,
Pour être heureux qu'à vouloir l'être.
Les Etrangers & tes Sujets ,
Sur les honneurs qu'ont te défere ,
N'ont qu'une voix ; viens ſur la terre,
Tu n'y verras que des François.
Ah! c'eſt ſur- tout , c'eſt auThéâtre
Aiv
8 MERCURE DE FRANCE.

Qu'on voit tout l'effet que ton nom
Produit fur un Peuple idolâtre:
Quand on chante: vive Henri Quatre *,
Tous les coeurs font à l'uniflon .
Eh! quelle ame aflez endurcie
Pourroit ne pas aimer un Roi ,
Qui du bonheur de la Patrie
Fit & fon étude & fa loi ;
Qui n'envia point la puiſſance
* Je ſaiſis avec empreſſement l'occafion de rendre
à M. Collé l'hommage qu'il eſt en droit d'attendre
de tout bon François ; ſa Partie de Chaſſe
eſt un chef-d'oeuvre de ſentiment , la bonhommie
, cette bonhommie précieuſe de Henri IV y
eſt rendue avec une vérité frappante . C'eſt un de
ces ouvrages dignes de leur réputation & qui ſont
faits pour pafler à la poſtétité la plus reculée. Le
nom deHenri l'embellit lans doute ( & que n'embelliroit-
il pas? ) mais il feroit privé de cet acceffoire
qu'il jouiroit encore du plus grand ſuccès . Je
n'ai jamais vu d'ouvrage dramatique , ſans en
excepter un ſeul , qui m'ait procuré des ſenſations
auffi délicieuſes. L'illuſion eſt tellement
complete , qu'il n'y a pas un ſpectateur ſenſible
qui ne ſoit prêt à ſe joindre aux voeux du bon
Michau. Cedite , Romani , &c .
JANVIER. 1773 . ,
Pour fouler un Peuple altéré
Sous le fardeau de l'indigence ;
Mais afin d'étendre à ſon gré
Sa juſtice & la bienfaiſance : キ
Un Prince , enfin , qu'on vit ſouvent,
Loin des vaſtes lambris du Louvre ,
Sous le chaume obſcur qui le couvre
Chercher le timide indigent ,
Lui déguiler qu'il eſt ſon Maître ,
Partager ſon repas champêtre ,
S'initier dans ſes ſecrets ,
Et ne ſe faire reconnoître
Que par l'éclat de ſes bienfaits !
« Je veux , diſoit ce tendre pere ,
>>Je veux qu'unjour tous mes enfans ,
>> Si Dieu prolonge ma cartiere ,
>> Paiflent mettre de temps en temps
> La poule au pot * 2. Rois de la terre ,
Quel exemple ! la poule au pot !
Malheur à l'être mépriſable
Qui plaiſanteroit ſur ce mot ,
Le trouveroit peu convenable
* Si Dieu me donne encore de la vie,je ferai
qu'il n'y aura point de Laboureur en mon Royaume
qui n'ait le moyen d'avoir une poule dans fon
pot.
10 MERCURE DE FRANCE.
A la majefté d'un Héros ,
Et , dans une morgue impudente ,
Riroit de la ſcène touchante
Qu'offrent ces fublimes tableaux !
Je fais , je fais être intrépide ,
S'écrioit ſouvent ce bon Roi ,
Depuis qu'une main parricide ... *
Mon coeur s'en glace encor d'effroi !
>>> Je braverois le trépas même ;
>> Mais , hélas ! je verſedes pleurs
Sur ce pauvre Peuple que j'aime :
Que deviendra- t- il , i je meurs ? ***
* Henri IV , le meilleur des Rois , le meilleur
des hommes , fut , à la honte de l'humanité ,
affaffiné trois fois ; & un Cromwel , l'opprobre
éternel du genre humain, eſt mort paifiblement
dans fon lit!
** Je n'appréhende nullement la mort;je l'ai
effrontéedansles plus grands périls : Seigneur , je
fuis prêt à partir quand il te plaira ; mais que deviendra
cepauvre Peuple?
Si on ruine mon Peuple , répétoit ſouvent ce
bon Prince , dont on ne ſauroit trop citer les
paroles , qui me nourrira ? quiſoutiendra les charges
de Etat ? Vive Dieu ! s'en prendre à mon
Peuple, c'est s'en prendre à moi.
JANVIER. 1775 .
Ah ! ta crainte étoit légitime :
La France , en ces jours de douleurs ,
N'a que trop expié ſon crime :
Ta mort a cauſe ſes malheurs ! ... *
Ecartons cette affreuſe image :
C'eſt du ſein même de l'orage
Que le calme a comblé nos voeux :
Ils font venus ces jours profperes
Que tupréſageons à nos peres ,
* ce Si Henri IV , dit l'éloquent Auteur (M.
Thomas ) de l'Eloge de Sully , i justement
➤couronné par l'Académie Françoiſe ; ſi Henri
> IV n'eût point été aſſaſſiné , & qu'il eût vêcu
>>ſelon le cours ordinaire de la nature , il auroit
> pu régner auſſi long- temps que Louis XIV.
>>Alors Sully eût été trente ans de plus à la tête
>> des Finances : Louis XIII n'eût pas régné ; Ri-
> chelieu probablement n'eût pas été Miniſtre ; il
>il fût reſté peut- être dans la claſſe des hommes
>>obſcurs; la face de l'Europe eût été changée ;
>& , ſans offenſer le génie d'un grand homme ,
la France eût été bien plus heureuſe , parce que
>>ce qui eſt utile eſt toujours au-deſſus de ce qui
>> eſt grand. Il n'y auroit cu alors qu'un intervalle
"de vingt ans entre le miniſterede Sully & celui
*de Colbert
Avj
12 MERCURE DE FRANCE.
Et qui brillent pour leurs neveux * !
L'impitoyable Mort , jaloufe
Du fort fortuné des François ,
* Quel eſpoir flatteur la France ne doit-elle
pas concevoir des vertus d'un jeune Prince qui
ne s'eſt annoncé à ſon Peuple que par des bienfaits
? On ne peut ſe rappeler , ſans le plusgrand
attendriſſement , le billet que Louis XVI n'étant
encore que Dauphin , écrivit , la veille de la mort
de Louis le Bien- Aimé , à M. l'Abbé Terray , alors
Contrôleur Général des Finances. Je ne puis me
refuſer au plaifir de l'inférer ici ; d'ailleurs il ne
peut qu'ajouter à l'intérêt que le nom de Henri
IV eft en droit d'exciter. La voici :
:
<<Monfieur le Contrôleur Général , je vous
prie de faire diſtribuer ſur le champ deux cent
>> mille francs aux Pauvres de Paris , pour prier
>>>Dieu pour le Roi ; & fi vous trouvez que c'eft
>> trop cher , retenez- les ſur nos penſions à Madame
la Dauphine & à moi ». Signé Louis-
AUGUSTE .
Et c'eſt un Prince de dix- neuf ans qui donne
cet exemple à la terre ! ô François ! ô François
vous avez un bon Maître , & vous ſentez le prix
de votre bonheur: quel Peuple eſt plus heureux
que vous !
JANVIE R. 1775 . 13.
En immolant un Louis Douze
Immoloit ſes moindres Sujets ;
Mais l'Eternel , touché des larmes
Que nous coûtoit ce Roi chéri ,
Vient de diffiper nos alarmes
En faiſant renaître unHenri :
Louis ,en montant ſur le Trône ,
Adit: & Dans chaque Citoyen
> Je vois l'appui de ma couronne ;
>>>Et , pour reflerer les liens
>> Qui joint mon Peuple à ma perſonne ,
>> Je veux de ce qui m'environne
>>>Amon tour être le ſoutien :
>>>Je veux écarter la mifere
>>D>el'humble toîtdes indigens;
>>>Je dois , je dois être leur pere ;
>> Ne font- ils pas tous mes enfans ?
Par des actes de bienfaiſance
Que relève encor fa vertu ,
Il a ſignalé la puiſſance
Dont l'Eternel l'a revêtu :
Par de nouveaux bienfaits encore
Il veut mériter notre amour :
L'éclat d'une auſſi belle aurore
Ne peut qu'annoncer un beau jour.
Henri , tu ſeras ſon modele :
Il ſe remplira des projets
Qu'autrefois enfanta ton zele ;
14 MERCURE DE FRANCE.
Et , comme toijuſte & fidele ,
Il ſera l'ami des François.
J'ouvre les Faſtes de l'Histoire :
Parmi les Amans de la Gloire
,
Je vois briller cent noms chéris
De Bellone & de la Victoire ;
Et fur les finiſtres débris
Des murs qu'ils ont réduits en cendres ,
Je compte au moins vingt Alexandres
Sans pouvoir trouver un Henri.
Ah ! fi jamais ton héroïſme
A frappé mon coeur attendri ,
Ce n'eſt point aux plaines d'Ivri
Où tu domptaš le fanatiſme ;
Ce n'eſt point aux champs de Coutras ,
Ni dans ces rencontres fameuſes
Où tes armes victorieuſes
Firent échouer des Etats *
Les manoeuvres infidieuſes :
C'eſt lorſqu'aux portes de Paris ,
Touché de ſes maux , tu nourris
Une ville ingrate & rebelle ,
Qui , ſéduite par un faux zele ,
* La Ligue nommoit ainſi ſes aſlemblées criminelles.
JANVIER. 1775 . 15
Peut- être eût méconnu le prix
De ta tendrefle paternelle ;
C'est lorſqu'à Schomberg * conſterné
* « LeColonel Thiſche , dit l'illuftre Hiſtorien
de Henri IV ( Hardouin de Péréfixe , Evêque de
Rhodez ) >> le Colonel Thiſche , ou Théodoric de
>> Schomberg, commandant quelques Compagnies
>>de Reîtres , avoit été forcé la veille de labataille
* ( d'Ivri ) , par les crieries de ces mercenaires ,
>de lui demander ( à Henri IV ) les montres qui
>> lui étoient dues , &de lui repréſenter qu'à moins
>>de cela ils ne vouloient point combattre. Les
>> Suifles & les Allemands de ce temps- là en uſoient
>> ainfi : l'Hiſtoire nous en fournit cent exemples.
* Le Roi , tout en colere d'une telle demande , lui
>> répondit : Comment , Colonel Thiſche , eſt ce là
>>le fait d'un homme d'honneur de demander de
l'argent quand il faut prendre les ordres pour
> combattre ? Le Colonel ſe retira tout confus ,
> ſans rien répartir. Le lendemain , comme le Roi
>>eut arrangé ſes troupes, il ſe ſouvint qu'il
>>l'avoit maltraité , & fur cela pouflé d'un re-
>>mords , qui ne peut tomber que dans une ame
>>généreuſe , il alla le trouver , & lui dit : Colonel,
> nous voici dans l'occaſion ; ilſepeut faire que
jy demeurerai ; il n'est pas juſte quej'emporte
20l'honneur d'un brave Gentilhomme comme vous :
16 MERCURE DE FRANCE .
D'avoir pu déplaire à ſon Maître
Et qu'on en crut abandonné ,
Sans t'abaiſſer tu fis connoître
Ton regret d'avoir maltraité
Le plus brave ſoldat peut- être
Qui combattit à ton côté ;
C'est lorſqu'enfin , plein d'afſurance ,
Tu pris toi -même la défenſe
Du plus tendre de tes amis ,
Aqui d'intriguans ennemis
Vouloient ôter ta confiance ,
Et qui , des Courtiſans haï ,
Parce qu'il fut droit & fincere ,
Futaccuſé d'avoir trahi
Les devoirs de ſon Miniſtere :
Lorſque tu vis àtes genoux
Ce digne appui de ta couronne ,
>> je déclare donc queje vous reconnois pour homme
» de bien , & incapable de faire une lâcheté. Cela
dit , il l'embraſla cordialement; & alors le Co-
>>>lonel , ayant de tendreſſe la larme à l'oeil , lui
>> répondit : Ah ! Sire , en me rendant l'honneur
" que vous m'aviez ôté , vous m'otez la vie ; car
j'en ferois indignefije ne la mettois aujourd'hui
>>pour votre fervice : fi j'en avois mille , je les
voudrois toutes répandre à vos pieds. De fait , il
>fut tué en cette occafion , & c.
JANVIER. 1775. 17
Et que tu lui dis : « Levez-vous ,
>>Levez - vous , Sully , levez- vous :
>>On croira que je vous pardonne » . *
* » Les efforts des Couttiſans pour perdre Sul-
»ly avoient échoué vingt fois; mais la haine &
>>fintérêt ne ſe rebutent point : à force de ma-
> noeuvres & d'artifices ils parviennent à couvrir
>> leurs imputations d'une couleur de vraiſemblan-
>> ce.On a beau dire que le menſongene peut em-
>> prunter les traits de la vérité ; il faut bien qu'il
>>lui reſſemble beaucoup; ſans cela il ne ſeroit
>> pas fi redoutable. Henri lui-même , qu'il étoit
>> auffi difficile de tromper que de vaincre , Henri
>>eft ébranlé . Le ſoupçon ſe gliſſe dans ſon coeur ,
>> le ſoupçon , cette plaie de l'ame , que tout em-
>>poiſonne , que tout aggrandit , dont la cicatrice
>>reſte toujours douloureuſe , & qui fe rouvre fi
>> aiſément après qu'elle a été fermée. Henri craint
>>de s'être trompé dans ſon choix & dans ſon ami-
>>tie : il ſouffre , il travaille toujours avec ſon
>>Miniſtre ; mais il ne parle plus à fon ami. Sully
>>voit tout & ſe tait; la Cour obſerve & attend
>>les événemens. On voit fur quelques viſages le
>> ſourire de l'envie qui eſpere; far d'autres , la
>>joie infolente de la méchanceté qui s'applaudit ;
>>ſur tous , la curiofité & l'inquiétude. Le viſage
>>de Sully ne change point: ſa retraite , que ſes.
18 MERCURE DE FRANCE.
Et c'eſt un Roi qui parle ainſi !
Ah ! fuyez , fuyez loin d'ici ,
>>ennemis auroient appelé ſa diſgrâce, & qui
» n'eût été que cellede la France, ſembloit affu-
>> rée: il ne faiſoit rien pour la prévenir ; mais
>>Henri ne peut réſiſter plus long-temps à fon
>> agitation : la Majesté Royale rompit le filence ,
>> quand la vertu le gardoit encore : ce n'eſt point
>>un Juge quiinterroge; c'eſt unAmi qui s'épan-
>> che : quel entretien que celuide ces deux grandes
>> ames que l'on a voulu éloigner , qui ſe rappro-
>>chent comme par une pente invincible , & qui
> ſe reconnoiſſent toutesdeux à leur premier ſentiment
! Henri IV avoit douté de Sully; mais
>>Sully n'a jamais douté de ſon Roi. Sa fécurité,
& peut - être la fierté d'un coeur pur ,
>> avoient fermé ſa bouche. La reconnoiſlance le
>>précipite aux genoux du Prince à la vue des
>>Courtiſans : mais ce tranſport ſi noble peut ref-
>> ſembler à l'humiliation d'un coupable. Henri
>> craint qu'on ne fafle uu ſecond outrage à l'in-
>>nocence : Relevez-vous . s'écrie-t- il , relevez-
*vous; ils vont croire que je vous pardonne » .
Eloge de Henri IV , par M. de la Harpe , ouvrage
bien digne de la célébrité du Héros & de la réputation
de l'Orateur . J'ai cité ce beau morceau de
préférence à ceux des autres Ecrivains qui ont
JANVIER. 1775 . 19
vous qu'enivre le carnage !
vous , qui dans le ſang humain
Baignez votre coupable main
Qu'aveugle une homicide rage !
C'eſt envain, farouches Tyrans!
C'eſt en vain que l'onvous renomme
Vous n'êtes que des Conquérans ,
Etmon Héros ſeul eſt unhomme.
Ainſi , dans ſes vers ingénus ,
MaMuſe ſans fard & novice ,
Senſibles à tes rares vertus ,
En a voulu tenter l'eſquiſſe.
Je vois combien pour ce tableau
Mes forces ſont inſuffiſantes ,
Etje ſens non foible pinceau
Tomber de mes mains défaillantes ;
Mais dût m'accabler le fardeau...
Que viens je de dire ? ... Ah ! pardonne ,
traité le même ſujet , parce qu'il m'a paru d'une
éloquence ſimple & naturelle , d'une diction pure
&élégante, & rempli d'un ſentiment vrai , touchant
& noblement exprimé. Je fais bien qu'en
parlant ainſi je ne fais pas ma cour à de certaines
perſonnes qui ont intérêt de dénigrer le talent qui
les offuſque; mais que m'importe ? J'aurai rendu
juſtice au mérite , & je ſerai fatisfait.
20 MERCURE DE FRANCE.
Si dans ma vaine illufion
J'ai cru pouvoir à ta couronne
Ajouter un nouveau fleuron : *
*Qui peut ſe fatter de préſenter jamais Henri
IV ſous un point de vue plus intéreſſant que le
fublime Aureur de Zaïre & de Mahomet . M. de
Voltaire a peint dans ſon poëme immortel le
Héros , l'Homme & le Citoyen : tout y porte
l'empreinte du génie , tout y est brûlant de
cette flamme céleste qui jadis anima Virgile ,
Homere & le Taſſe ; & quoi qu'en diſent
ſes fameux détracteurs , ils ne parviendront jamais
à le décréditer : je leur demande bien fincement
pardon de n'être pas de leur avis ; mais j'ai
cru pouvoir hafarder le mien , d'autant mieux que
la ſeptieme lettre de l'impartial M. C *** n'a
point encore été publiée ( 15 Décembre 1774 ) .
Dans quelque temps d'ici ce ſera toute autre choſe.
Cebo Vicillard de Ferney , que je le plains ! Il a
cru bonnement avoir donné un poëme épique à
ſa Patrie ; l'Europe même a eu la fottiſe de le
croire ; & point du tout : voilà l'infatigable
M. C*** qui va prouver par A + B qu'elle n'a
pas le ſens commun. Bien des gens ſont perfuadés
qu'il échouera dans ce beau projet : pour moi , je
n'hésite point à croire qu'il mettra le ſceau à ſa
réputation,
JANVIER. 1775 . 21
Si mon audace eſt criminelle ,
Pardonne , ah ! pardonne une erreur
Où m'a précipité mon zèle:
Elleeſt , elle eſt bien naturelle ,
Etmon excuſe eſt dans mon coeur.
Par M. Willemain d'Abancourt."
LE GRAND.OEUVRE.
Nouvelle Espagnole.
DOM Fernand d'Yveras , ancien Officier
reformé , vivoit retiré dans un fauxbourg
de Madrid. Sa maiſon étoit une
eſpèce de prifon pour lui & pour Dona
Lucilia , ſa fille ; mais il avoit au moins
dans ſa retraite une paffion qui l'aidoit
à dévorer ſes tristes jours , & Lucilia
n'avoit qu'une mandoline & une aiguille
à broder , qui laiſſent biendes vuides
dans la tête d'une jeune perſonne de
la beauté la plus éblousſlante .
Cette paffion de Dom Ferdinand étoit
l'Alchimie , qui engloutiſfoit fourdement
dans de vains creuſers la petite
fortune qu'il tenoit de ſes aïeux , & qu'il
eûtdû conſerver à ſa fille , menacée de
partager l'indigence prochaine & totale
22 MERCURE DE FRANCE .
d'un père qui ne vouloit pas la marier.
Un foir que D. Fernand s'occupoit
triſtement à ſe remplir la tête des viſions
de Zozime , le premier des Auteurs
Grecs , qui ait parlé de la tranſmutation
des métaux , & que fa fille , à ſes côtés
& à la lueur d'une même lampe , liſoit
une nouvelle de Cervantes , un bruit ſe
fait entendre à la porte ; Lucilia y court ,
& , voyant un homme qui entre auffitôt
, & qui referme la porte après lui ,
elle pouſſe un cri d'effroi , & ſe ſauve
prèsde fon père.
Dom Fernand ſe lève , voit l'homme
qui avoit épouvanté ſa fille , & lui demande
en l'arrêtant ce qu'il veut ; de la
pitié , de l'humanité , des ſecours , répond
l'Eſpagnol. J'étois poursuivi par
un barbare , le poignard à la main ; l'effroi
, le hafard m'ont fait frapper à votre
porte , & je vous devrai peut-être la vie ,
ſi vous daignez m'accorder l'hoſpitalité.
Le ſcélérat , ajouta-t il , après m'avoir
fait prendre du poiſon dont je ſens déjà
les atteintes , vouloit encore avancer fon
horrible vengeance. Du poiſon , reprend
D. Fernand : s'il en eſt encore tems , il
faut courir au remède : il envoie en effet
chercher un Apothicaire de ſon voi
JANVIER. 1775 . 23
nage , & ſe prévenant tout- à coup en
faveur du jeune homme qui lui parloit ,
il le conduit dans une chambre , qu'il le
prie de regarder comme la ſienne , &
qu'accepte D. Gafpard ; c'étoit le nom
qu'il venoit de ſe donner.
Sa phyſionomie agréable & noble
avoit frappé Lucilia , ainſi que ſon père ,
& les douleurs cuiſantes , dont il ſe plaignoit,
les intéreſloit tousdeux également.
Soyez ici comme chez vous , lui dit D.
Fernand : je ſuis peu riche , mais je le
fuis allez pour fournir à mes beſoins : fi
le Ciel me conferve la vie , répondit
D. Gaſpard , l'aſyle & votre pitié , c'eſt
tout ce que je vous demande. A ce
mot D. Fernand , en lui ſerrant la main ,
lui promit tout ce qui étoit en ſapuiffance.
L'Apothicaire étoit bientôt arrivé ;
mais D. Gafpard , toujours déchirant
l'air de ſes cris , ayant témoigné qu'il
vouloit être ſeul , le père & la fille ſe
retirèrent , non ſans que Lucilia eût prié
l'Apothicaire d'informer ſon père , avant
de fortir , de ce qu'il y avoit à eſpérer
du malade qu'on lui confioit.
Rentré avec ſa fille , qui , les yeux
baifles , ne concevoit rien à un trouble
24 MERCURE DE FRANCE.
intérieur dont elle étoit agitée , Lucilia
lui dit-il , voilà une avanture bien étonnante
: qu'avoit donc fait ce jeune homme
aimable au monſtre qui vouloit le priver
de la vie ? Et Lucilia , ſans faire attention
à ce que lui demandoit ſon père ,
demandoit , de ſon côté , s'il exiſtoit des
remèdes contre toutes les eſpèces de poiſon
: il faut l'eſpérer , répondit D. Fernand
: -vous n'en êtes donc pas sûr ?-
J'ai ouï dire qu'il étoit des poiſons d'une
nature à braver tous les ſecours , mais
ils font rares , & ceux que le crime ſe
procure le plus aisément ne font pas de
cette nature là .
Cette dernière affertion fit à Lucilia
beaucoup plus de plaiſir que ce qu'il
ajouta , en diſant qu'il y avoit grande -
apparence que D. Gaſpard étoit la victime
de quelque hiſtoire de galanterie ,
car Lucilia rebaiſſa les yeux , ſe tut , &
reprit fon livre : elle n'eut pas même
trop l'air de s'intéreſſer au rapport que
vint faire l'Apothicaire. Il étoit sûr ,
dit- il , de la vie du jeune homme ,
mais il prévoyoit que fon rétabliſſement
ne feroit pas très- prompt , & il alloit,
diſoit- il , lui rapporter dans un moment
ce qu'il convenoit de lui faire prendre.
Me
JANVIER." 1775. 25
Me voilà content , dit D. Fernand ;
----
cepauvre D. Gaſpard n'en mourra point :
oui , dit Lucilia , mais fon rétabliſſement
fera long , & fi vous lui continuez vos
bontés , cela peut vous cauſer quelque
embarras. Moi l'abandonner ! Non
vraiment ; il m'intéreſſe tout à fait : ---
Mais ſi l'on découvre qu'il eſt chez vous ?
On ne viendra pas l'y pourſuivre , j'efpère
: lorſqu'il ſe portera mieux , ce ſera
à lui de prendre les meſures les plus
convenables , pour échapper au jaloux
ſans doute qui en veut à ſes jours . Et
Lucilia de rebaiſſer la vue , & de laiſſer
tomber la converſation au mot dejaloux
qu'avoit prononcé fon père.
L'Apothicaire cependant étoit revenu
après avoir pallé quelque temps auprès de
D. Gaſpard , & s'étoit retiré après avoir
donné les mêmes eſpérances que la première
fois . Veux-tu que nous paffions
auprès de notre malade , dit à ſa fille
D. Fernand ? Je ſerois curieux de ſavoir
quelque choſe de ſon hiſtoire , s'il a la
force de la conter : non , mon père , répondit
Lucilia , j'irai me repoſer , il eſt
déjà trop tard , & je vous conſeille d'attendre
à demain. Tu as raiſon , répliqua
de père , je riſquerois de le fatiguer , &
II. Vol. B
26 MERCURE DE FRANCE.
j'irai feulement donner des ordres pour
qu'il ait tout ce dont il peut avoir befoimm..
Le père& la fille ſe retirèrent donc
fans avoir vu D. Gaspard ; mais Lucilia
ne paſſa pas la meilleure des nuits , tant
il lui fut difficile d'oublier ce qui étoir
arrivé chez elle , à la vue du plus intéreſſant
des hommes , qui s'étoit preſque
jeté dans ſes bras pour ſauver ſa vie. En
ſe rappelant ce que lui avoit dit fon
père ſur le ſoupçon de quelque galanrerie
, le ſommeil revenoit pour quelque
temps , mais , à chaque réveil fréquent ,
c'étoit toujours la figure de D. Gafpard
qui ſe repréſentoit , & il falloir ſe rappeler
le jaloux , pour pouvoir redormir
encore quelques minutes : enfin le jour
arriva : les ſimples égards de la ſociété
vouloient qu'elle ſe fit informer de la
fituation du malade , & on lui apprit
qu'à une très-grande foiblefle près, tout
alloit à merveille: elle en inftruiſe ſon
père , qui voulut encore la conduire dans
la chambre de D. Gaspard , & elle refufa
, dans la crainte d'être obligée d'entendre
une hiſtoire dont les détails pouvoient
lui être au moins très indifférens :
D. Fernand ne put blâmer ſa fille de
JANVIER. 1775. 27
cette réſerve , & ſe préſenta chez le malade.
La converſation les conduifit bientôt
à ce qu'il étoit honnête de la part de
D. Gafpard de raconter , & à ce que D.
Fernand avoit grande envie d'entendre.
Voici à peu près leur converſation.
--
...
--- Eft-
Appliqué de bonne heure à l'hiſtoire
des choſes naturelles , mes études me
conduifirent à celle de la Chimie. -
Vous , D. Gafpard ?- Moi-même ; &
pourquoi cet étonnement ? --- C'eſt que
vous parlez à un homme qui s'y eſt livré
tout entier ,& qui y a malheureuſement
diffipé preſque toute fa fortune.
il poffible ? Cela n'est malheureuſement
que trop vrai, Eh bien ! Ma
curioſité a failli me coûter encore plus
cher qu'à vous , puiſqu'elle m'a fait cou.
rir le danger de perdre la vie. -- Quoi !
C'eſt à la Chimie ! --- Ecoutez-moi , D.
Fernand , la Providence a diſpoſé tout
ceci ; il falloit que mes malheurs me
conduifillent à réparer vos pertes , car je
le dois & je le puis. ---Vous le pouvez !
Et comment cela , de grâce ? --- C'eſt que
je fais arrivé ſans doute à ce port fortuné
auquel tendoient tous vos voeux, --
Vous y êtes arrivé ? Le croirai - je , ô
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
Ciel! --- Ecoutez-moi , vous dis-je , &
daignez m'en croire. Un petit voyage
que je fis l'année dernière , me procura
la connoiffance d'un Juif; fon nom eſt
Jéfahel. C'eſt peu de dire qu'il eſt inftruit
; il fait tour , c'eſt le plus étonnant
des hommes : nous causâmes beaucoup,
en route , & il me prit en amitié , du
moins autant que cela eſt poſſible à un
homme de ſon caractère . Nous vinmes à
parler Chimie , & j'oſe vous dire qu'il
ne s'étonna pas moins de mes lumières
fur cet objet , que du doute que je lui témoignai
fur la fameuſe tranſmutation
des métaux ; car , je l'avoue , j'y croyois
peu. Jeune homme , me dit il , on peut
vous faire voir une vérité que votre inex
périence rejette ſans raiſon. Je croyois
mes preuves négatives ſans réplique ,
mais , à chaque argument que je lui faifois,
toujours même apostrophe : jeune
homme , on vous fera voir la vérité. Je
Fen défiai avec cette confiance que mettent
les jeunes gens à ce qu'ils croyent
ſavoir ; & enfin arrivés à Madrid , nous
convinmes de nous voir , moi pour m'inftruire
davantage , & Jéfahel , pour m'apprendre
la vérité fublime dont j'avois ofé
douter.
JANVIER. 1775. 29
Je le vis en effet opérer , & je fus témoin
qu'il poſſédoit ce ſecret ſi vainement
defiré par nos frères.Dans tout ce
qu'avoit fait Jéſahel , il n'y avoit pour
moi qu'une choſe mystérieuſe , c'étoit de
ſavoir ce que contenoit certaine boîte ,
dans laquelle il avoit pris une forte de
racine qu'il avoit jetée dans ſon creuſet:
c'étoit vraiment à cette mixtion qu'appartenoit
l'effet heureux de fon opéra
tion; mais mes queſtions fur l'efpèce &
la nature de la racine furent inutiles.
Jeune homme , me dit-il , c'eſt aſſez pour
vous d'avoir vu & d'avoir perdu votre
opiniâtreté ſur ce point: je ne pardonnerois
à qui que ce ſoit de m'avoir furpris
cette dernière connoiſſance qui vous
manque. Je revins plus d'une fois à cet
objet , & toujours même réponſe effrayante
de la part de mon Juif.
Je me promis pourtant , à quelque
prix que ce fût , de ſavoir ce que contenoit
la boîte. Il y a quelques jours
qu'entrant chez lui , je le vis occupé
d'affaires de commerce avec des Ifraélites
, tels que lui: je lui fis ſigne de ne
pas ſe déranger , &, feignant de fortir ,
je paſſai dans ſon laboratoire , où je trouvai
tout ouvert , juſqu'à l'armoire qui
Biij
30 MERCURE DE FRANCE .
contenoit la précieuſe boîte. Je balançai
d'abord , mais je vis tout: je fis plus:
j'emportai chez moi une partie de ce que
contenoit la boîte , & je m'aflutai aullitôt
que j'avois le véritable ſecnet de Jéfahel.
Je deſſinai & je peignis latacine ,
pour pouvoir m'en procurer de pareilles :
mais j'aurois difparu , fi j'avois été prudent
; & du moins falloit-il ne pas aller
braver le Juif chez lui.
J'y allai pourtant , dans l'eſpérance
qu'il ne ſe feroit pas apperçu de ma pezite
infidélité, & d'abord j'eus lieu de
croire qu'en effet je n'étois pas découvert:
il me reçut à merveille , & me
força de prendre avec lui des liqueurs
fraîches qu'il alla préparer ; mais , àpeine
eus je cédé à ſon invitation , qu'un déchirement
intérieur , & la joie que j'apperçus
dans ſes yeux , m'avertit de ſa
vengeance. Jéfahel , m'écriai-je , qu'avezvous
fait ? --- Justice d'un téméraire &
d'un homme peu fidèle ; meurs , & je
fuis vengé.
Je veux alors m'échapper de fa maifon
; il s'oppoſe à ma fuite: je m'élance
fur lui , je le terraſſe , &, tandis qu'il ſe
relève , déjà je ſuis dehors; mais le
voyant me poursuivre , un poignard à
JANVIER. 1775 . 31
la main, je redouble ma courſe , j'arrive
à votre porte , on m'ouvre ; vous
ſavez le reſte. Les fecours que vous m'a
vez procurés encore àtemps , me laiffent,
grâce au Ciel , ſans danger; mais je vous
conjure de ne pas exiger ſi promptement
queje quitte un aſyle où j'ai retrouvé la
vie. Moi , que je l'exige !Non , non,
Gafpard ; croyez que vous êtes chez vousmême
: eh ! Ne m'avez vous pas dir que
la Providence vous avoit deſtiné à réparer
mes pertes ? --- Oui , D. Fernand ,
comptez-y, ſi nous ſommes affez heureux
cependant pour trouver quelque part la
plante de Jéfahel ; car il m'en reſte au
plus affez pour vous en faire voir en petit
la riche expérience; ce que nous exécuterons
dès demain , ti vous en êtes cutieux
, car peut-être mes forces pourtont.
elles me le permettre.
D. Fernandaccepta lapartie avec tranf.
port, & n'eut pas plutôt quitté fon malade
, qu'il courut vers fa fille lui dire ,
que le jeune étranger leur étoit envoyé
par leCiel ; qu'il poſſédoit le fecrer qu'il
cherchoit depuis fi long temps ; & qu'aucune
affaire de galanterie , comme il l'avoit
penſé d'abord , ne lui avoit fait courir
le danger dont l'aſyle qu'il lui avoit
Biv
32
MERCURE DE FRANCE .
donné, l'avoir garanti fort heureuſement!
Lucilia ne laiſſa point entrevoir à fon
père la joie que lui donnoit ce qu'il ve
noit de lui apprendre , & D. Fernand
lui ayant recommandé de bien veiller
au ſoin des jours de Dom Gafpard ,
qui n'étoient point encore abſolument en
sûreté , elle le pria de ſe tranquillifer à
cet égard. Comme j'ai beaucoup de cho
ſes à préparer ce ſoir dans mon labora
toire , ajouta D. Fernand , pour un eſſai
que nous devons faire demain ; il faudta ,
& je te le demande en grâce , lui tenir
fidèle compagnie dans tout l'après- dîner.
Lucilia promit tout , & en effet dès que
fon père, qui avoit été revoir fon chet
D. Gafpard , & qui lui avoit annoncé
que fa fille viendroit paſſer troisou quatre
heures près de lui , l'eut quitté pour
aller à fon laboratoire , elle s'achemina
vers l'appartement du malade.
Prête à frapper à fa porte, elle ſentit
ſes genoux trembler ſous elle , & elle rel
tira ſa main ſans rien comprendre à l'agitation
qu'elle éprouvoit : cependant ,
en ſe rappelant que c'étoit obéir à fon
père que de voir D. Gaſpard , elle frappe
avec timidité ; elle entend qu'on lui dit
d'entrer , & la voilà près du jeune Ef-
ال
JANVIER. 1775. 33
pagnol , qui , d'une voix foible , mais
intéreſſante , lui dit; eh ! quoi donc ,
Lucilia , c'eſt vous que je vois ! C'eſt
vous qui daignez prendre ſoin d'un infortuné...
J'en ai reçu l'ordre de mon
père , répond Lucilia , en levant à peine
les yeux: eh! fans doute, reprend D.Gaf
pard , je n'ai pas l'orgueil de prétendre
àun intérêt plus direct : ---- vous ne
croyez donc pas que l'infortune puiſſe
me trouver ſenſible; mais laiſſons cela ,
Monfieur ; & dites-moi , je vous en ſupplie
, à quoi je puis vous être utile pendant
l'abfence de mon père. ---- Lucilia ,
l'idée même de mes maux ſemble, s'évanouir
en votre préſence : je vous dus
•la vie en entrant ici , & je ſens que je
vous devrai bientôt mon entier rétablifſement.
--- Je le voudrois , Monfieur , &
pour vous , & pour mon père qui vous
aime. Lucilia , en difant cela , étoit près
du lit du malade , & le regardoit avec
un intérêt qui n'échappa point à celui
qui en étoit l'objet : il avoit pris ſa main ,
il la ferroit , & la fille de Fernand , fans
défiance , ne la retiroit point ; parce que
D. Gaſpard aſſuroit avec feu que ,de
tous les remèdes qu'on lui avoit donnés
juſqu'alors , il éprouvoit le plus doux &
Bv
34
MERCURE DE FRANCE .
le plus efficace. Cependant la noble innocence
de Lucilia lui en impofa , & il
tourna la converſation ſur des objets
moins dangereux pour ſa propre vertu;
il vouloit être sûr de plaire , mais il ne
vouloit pas ſéduire .
Le temps où Lucilia devoit le quitter
approchoit ; il avoit trouvé ſa converfation
ingenue & charmante : il s'aviſa
tout-à coup de feindre un évanouiſſement
, une foibleſſe qui pût lui apprendre
quel degré d'intérêt prenoit à lui la
fille de D. Fernand : il eut lieu d'être
fatisfait de fon épreuve ; l'effroi de Lucilia
fut délicieux ... Comme elle échauffoit
ſes mains ! Comme elle foutenoit
ſa tête ! Comme elle le rappeloit à la
vie , preſque les larmes aux yeux ! D.
Gaſpard , s'écrioit - elle , D. Gafpard
, ...& il lui ferra la main , & il la
combla de la joie la plus vive , en repre
nant la parole pour la remercier de ſes
foins ... Bientôt il lui parla de ſes amufemens
; il ſavoit qu'elle jouoit de la
mandoline : Lucilia en parla la première ,
& s'offrit à aller la chercher ; ce que
D. Gafpard accepta avec plaifir , parce
qu'il en jouoit lui- même ſupérieurement ,
& qu'il vouloit étonner la jeune perfon
JANVIER. 1775. 35
ne : elle revint en effet , & D. Gaſpard
n'eut guère beſoin de la preſſer pour lui
faire jouer ce qu'elle ſavoit de plus tendre
&de plus paflionné : il porta lui même
enfuite la main ſur ſon instrument ,
comme par diſtraction , & il en tira de
i beaux fons , que Lucilia , ſans réfléchir
ſi cela pouvoit l'incommoder , le ſupplia
de développer le talent qu'il venoit d'annoncer.
Le raviſſement de la fille de
D. Fernand fut le prix de ſon eſſai , &
Lucilia , avec beaucoup de naïveté , s'établit
fur le champ fon écolière , & fe
promit , tandis qu'il reſteroit chez ſon
père , de lui demander chaque jour des
leçons qu'on voit bien qu'il ne refuſa
point.
C'eſt à cela que ſe bornèrent les trois
ou quatre heures de l'après dîner qu'ils
avoient pafléesenſemble,& il eſt difficile
de décider qui des deux étoit plus content
de l'autre , tant les impreſſions favorables
étoient réciproques .
D. Fernand vint annoncer le foir à
ſon ami que tout étoit prêt pour l'épreuve
du lendemain ; mais D. Gaspard , affectant
plus de foibleſſe qu'il n'en avoit eu
la veille , le ſupplia d'opérer ſeul , lui
preſcrivit la route , lui remit la plante
Bvj
36 MERCURE DE FRANCE.
qui devoit entrer dans le matras avec
les autres ingrédiens , & lui dit qu'il
feroit encore par-là plus sûr du ſuccès ,
puiſqu'il auroit opéré lui ſeul. D. Fernand
étoit ſans défiance , & ne put ſe défendre
du plaifir qu'il auroit à accomplit
le grand oeuvre ſans la participation de qui
que ce foit. Eh bien , lui dit-il , je vous
enverrai donc encore demain ma fille ;
comment la trouvez- vous ? --- Digne du
fort le plus brillant , --- qu'il ne tiendra
qu'à vous de lui faire , ajouta-t-il avec
enthouſiaſme ; car, dès que vous avez
le fecret dont je vais demain faire l'épréuve
, qui pourrois je unir à ſon fort ,
qui pût la rendre auffi heureuſe ? Puif.
fiez - vous la trouver aimable ! Puiffet-
elle vous voir des mêmes yeux que
moi ! Vous me raviffez , répondit D.
Gaſpard ; car je vous dirai avec franchiſe
que je n'ai vu perſonne encore qui pût ,
autant qu'elle , me faire abandonner le
projet d'aſpiter à quelqu'une des Sylphides
qui ont quelquefois récompenſé les
travaux des Adeptes.
Le lendemain en effet D. Fernand ,
endoctriné une ſeconde fois par le jeune
Eſpagnol , courut ſe renfermer dans fon
laboratoire , & envoya fa fille auprès de
JANVIER. 1775 . 37
fon prétendu Rofe- Croix. La mandoline
fit d'abord le ſujet de la converſation';
il fut queſtion de prendre une leçon , &
Lucilia fut obligée de s'afleoir en tremblant
ſur le lit de ſon maître , pour qu'il
pût lui placer les doigts ſur les touches :
ce qui avoit redoublé l'embarras & la
timidité de la jeune Eſpagnole , c'eſt que
fon père l'avoit priée de ſe faire aimer de
D. Gaspard , en lui diſant qu'il le lui
deſtinoit pour époux.
D. Gaſpard s'apperçut du trouble de
fon écolière , & , n'en devinant point la
raifon , en fut un moment inquiet. S'étoit
il trompé à ce qu'il croyoit avoir
apperçu la veille ? N'avoit- il fait aucune
impreſſion réelle ſur ce jeune coeur tout
neuf & tout vrai ? Le petit évanouiſſement
du jour precédent pouvoit encore
ſe tenter : on pouvoit le regarder comme
une ſuite du poiſon funeſte qu'il avoit
dans les entrailles ; il le prépara avec
affez d'art , & jeta tout-à-coup l'innocente
Lucilia dans de nouvelles alarmes
dont il jouiſſoit ſecrettement, mais qu'il
calma bientôt , parce que la jeune Eſpagnole
elle même tomba preſque évanouie
, la bouche ſur un de ſes yeux.
Lucilia , .. Lucilia , s'écria-t-il ; & Lu
38 MERCURE DE FRANCE.
cilia honteuſe de ſa chûte, peut-être involontaire
, rougit , & , s'arrachant des
bras de D. Gaſpard , prit aufli - tôt la
fuite.
Il eut beau l'appeler, elle avoit beſoin
de reprendre ſes ſens; elle fut près
d'une heure fans reparoître. D. Gaſpard
profita de ce remps pour ſottir de fon
lit & pour s'habiller , afin de donner à
la fille de D. Fernand plus de confiance
lorſqu'elle reparoîtroit; car il eſpéroit
qu'au moins , pour ne pas déplaire a
fon père , elle viendroit encore lui offrir
ſes ſoins: il ne ſe trompoit point ; Lucilia
rentra dans ſa chambre , les yeux
baiffés , & toute tremblante; fon embarras
fur cependant diminué , lorſqu'elle
vit le dangereux,malade habillé & venant
à elle avec un air de ſoumiffion &
de reſpect. O Lucilia , lui dit il , il faut
ceffer d'abuſer l'innocence & la vertu ;
il faut , s'il eſt poſſible, ſe rendre digne
d'elles ... Ne vous effrayez point , de
grâce , & écoutez-moi .
Lucilia , plus confuſe encore , ſe laiffoit
entraîner vers un ſiége où la conduifoit
D. Gafpard , & près duquel il
s'aflit lui -même , toujours en raflurant la
jeune perſonneque le mot d'abufer avoit
JAN VIE R. 1775 39
preſque mis hors d'elle- même... Ecou
tez moi encore un coup , lui dit il ; ce
n'eſt point vous qu'il falloit tromper ,
c'eſt votre pète; on lui avoit fait la propofition
de vous établir ; il l'a rejetée ;
il vouloit une compagne de fon infortune
, & il vous deſtinoit à la partager ,
vous fi digne d'un meilleur fort , Lucilia
! Je vous avois vue , je vous avois
adorée, j'ai long-temps occupé unemaiſonnette
à côté de la vôtre , qui avoit un
jardin d'où je vous ai pluſieurs fois entendue
jouant de votre mandoline , ou
chantant avec une grâce infinie. J'ai pris
des mémoires fidèles ſur l'inacceffible
D. Fernand: j'ai ſu ſa malheureuſe paſfion
pour l'Alchimie , & j'ai cru pouvoir
profiterdeſafoibleſſe pour meprocurer le
plaifir de vous voir de plus près... Ah !
Monfieur , s'écria Lucilia , & vous avez
trompé mon père & moi ; & l'hiſtoire
du poignard & du poiſon? --- Etoit une
fable qui n'a ſervi qu'à m'introduire : je
me ſuis vanté auprès de lui de ſavoir un
fecret qu'il cherchoit depuis long-temps
en vain: j'ai parlé d'un Juif qui n'exiſte
point , d'une plante chimétique , & cependant
il fera de l'or , & il croira me
devoir ſa fortune, que je puis faire en
40 MERCURE DE FRANCE.
effet : déjà , dans les premiers tranſports
qu'a excités ma promeſſe , il m'a permis
de chercher ſa reconnoiſſance dans vos
yeux . Lucilia , divine Lucilia ! Daignez
avoir quelque confiance en moi , & eftimez-
vous allez pour croire que quelqu'un
qui vous connoît , qui vous aime & qui
oſe vous le dire , ne peut être indigne de
vous : votre père a beſoin encore de fon
erreur pour conſentir à m'accorder votre
main ; mais il faut , Lucilia , que je la
tienne de votre aveu ; parlez de grâce.
D. Gaſpard étoit à ſes genoux ; il lui
ferroit la main, il imploroit fon pardon
avec une grâce infinie , & Lucilia ne pou
voit démêler le déſordre de ſes idées....
Quel Roman ,dit-elle en ſoupirant ! -
Néceſſaire , reprit l'Eſpagnol ; je vous l'ai
dit , Lucilia ; votre père , entêté de ſa
chimère , eût refufé toute eſpèce de parti
qui ſe ſeroit préſenté pour vous; il falloit
, oui il falloit le gagner par fon
foible , & je l'attends bientôt ici plein
de reconnoiffance , qui n'aura rien
de réel , dit Lucilia , & qui n'en
fera pas moins ſon bonheur , poursuivit
D. Gaſpard. Il va peut-être arriver dans
la minute ; décidez mon fort & le fien :
Lucilia , je meurs à vos pieds , ſi vous
----
----
JANVIE R. 1775 . 4
ne me permettez pas de vous ob :enir de
D. Bertrand : un ſeul mot fuffit ; --- un
mot auſſi de mon père , répondit Lucilia,
difpofera de ſa fille : -Et vous ne
voulezrien accorder à ma tendreſſe, vous
ne voulez céder qu'à l'autorité ? Un regard
plus tendre fut fa réponſe , & D.
Gafpard ſe leva content , & avec quelque
précipitation , parce qu'il entendoit venir
D. Fernand.
Ce qu'il avoit imaginé de la joie du
père de Lucilia étoit au deſſus de la réa
lité ; il tenoit quelques grains d'or dans
ſa main : il ſe précipita dans les bras
de D. Gafpard , ſans lui demander comment&
pourquoi il le trouvoit debout ,
après lui avoir dit le matin qu'il étoit
moins bien que la veille : fa fille s'étoit
retirée en le voyant entrer , il ſe livra
au plus grand enthouſiaſme ſur le facile
&l'heureux ſuccès qu'avoit eu fon eſſai :
il embraſſa mille fois ſon ami Gaſpard.
Mais quel nom portoit cette racine céleſte
? Où pourroit-on s'en procurer ?
C'étoit- là l'inquiétude du père de Lucilia.
D. Gaſpard lui dit qu'il en confervoit
encore un échantillon , & qu'il falloit
faire chercher partout : il avoit d'avance
pourvu à ce que cette recherche ne
42 MERCURE DE FRANCE .
fût pas vaine , en en remettant une pe
tite quantité chez un Herboriſte du voifinage
, ſans qu'il eût beſoin de le mettre
dans ſon ſecret. D. Fernand ſe promit
dès le lendemain de parcourir rout Madrid,
l'échantillon à la main; mais avant
tout il voulut ponr jamais s'attacher fon
bienfaicteur ,& il lefuppliade lui facrifier
le projet de s'unir à quelque Sylphide ,
dont fans doute il n'étoit quetrop digne ,
mais qui l'éloigneroit de faire le bonheur
de Lucilia : il falloir,lui dit-il, un Adepte
tel que vous , pour me déterminer à marier
ma fille , car je n'eſtimois aucun
homme vulgaire aſſez pour la lui donner.
D. Gaspard eut de la peineà s'empêcher
de rire du ſacrifice qu'on lui
demandoit ; mais il ſe contraignit &
reçut avec reconnoiſlance la propoſition
qu'on lui feſoit , en ſuppliant Dom
Fernand d'abréger ſur ce point tous les
délais : ce que ce dernier promir avec
tranſport. En même temps il appelle ſa
fille ; il la préſente à D. Gaſpard qu'il
force de l'embraffer , pour premier gage
du noeud qui alloit les unirl'un à l'autre.
On en revint enſuite à la ſanté de
D. Gaspard , qui aſſura qu'il ſe trou voit
parfaitement guéri , & qui n'en preffa
JANVIER. 1775 . 43
que plus fort le père de Lucilia de tout
diſpoſer pour l'hymen le plus prochain .
Je fortirai moi même demain, dès le matio
, dit-il , pour les arrangemens qui
me font particuliers. Vous fortir, dit le
père de Lucilia ! Et fi votre ennemi ....
Soyez tranquille , reprit D. Gafpard ,
je prendrai à cet égard toutes les précau.
tions imaginables : ne perdez point de
temps vous même , pour que nous puifſions
conclure le jour ſuivant , & remettez
à l'après dînerde demainàfaire les recherches
chez les Herboriſtesde Madrid.
Tour fut ainſi convenu à la grande
ſatisfaction des trois perſonnes intéreſſées
; mais au fond Lucilia n'étoit pas
ſans inquiétude ſur le dénouement de
l'erreur dans laquelle ſon époux futur
avoit jeté D. Fernand: il n'en devoit pas
moins faire ſa fortune , avoit il dit; mais
comment & par où ? Qu'étoit- ce donc
que cet Efpagnol qu'on ne pouvoit s'em.
pêcherd'aimer? Toutes ces queſtions,diffi.
cilesà réfoudre, ſepréſentoient tour-d-tour
àl'eſprit de Lucilia : cependant on ne ſe
ſépara point de toute la ſoirée ; on mangea
des fruits & des glaces qu'avoit en.
voit envoyé chercher D. Gafpard , & ,
lorſqu'on ſe ſépara , Theureux D. Fer44
MERCURE DE FRANCE.
nand voulut encore qu'un nouveau baiſer
du jeune Eſpagnol ſcellât les engagemens
mutuels qu'on venoit de prendre.
D. Gafpard étoit forti le lendemain
preſqu'à la pointe du jour , & D. Fernand
, de ſon côté , alla s'occuper de ce
qui étoit néceſſaire pour le mariage de
ſa fille ; mais il ne put s'empêcher , chemin
faiſant , d'interroger tous les Herbo
riſtes fur la plante qu'il cherchoit , &
dont fon gendre lui avoit remis l'échantillon.
Déſeſpéré de ne l'avoir point encore
trouvée lorſqu'il alloit rentrer chez
lui pour dîner , il apperçut dans fon
voiſinage une petite boutique où l'on
faiſoit ce commerce , & dans laquelle
il ne s'étoit point arrêté : il s'y préfente ,
montre ſon échantillon , & bientôt on
lui offre à vil prix ce qu'il cherche. La
diſſimulation de ſa part fut difficile
mais il la croyoit néceſſaire , en de.
mandant , ſans beaucoup d'affectation ,
qu'on lui remît tout ce qu'on avoit , &
qu'on lui confervâtdans la ſuite ce qu'on
pourroit fe procurer de la même plante.
En rentrant chez lui , il demande avec
empreflement D. Gaſpard , qui n'avoit
point encore reparu , & qui ne revint
que ſur le ſoir , tandis que D. Fernand,
,
JANVIER. 1775 . 45
dans ſon laboratoire , ſe convainquoit
de nouveau de l'efficacité du ſecret de
fon ami .
Le jeune Eſpagnol l'avoit prévu , & il
trouva Lucilia ſeule , un peu impatiente ,
& à laquelle il remit un écrain de la
plus grande richeſſe , qu'il la pria ſeulement
de garder juſqu'au moment d'en
faire ufage... Des valets avoient fait
entrer des paquets d'un poids confidérable
dans la chambre de D. Gaſpard :
tout cela étonnoit Lucilia , qui , dans le
nouvel ajuſtement qu'il avoit , & , furtout
dans ſa phyſionomie , ſembloit an.
noncer un air de noblefle &de grandeur
aimable plus décidé qu'il ne l'avoit encore
eu. D. Gaspard, lui dit- elle , au
point où nous en ſommes , je puis vous
parler avec franchiſe , j'entrevois dans
tout ceci plus de ce qu'on appelle bonheur
dans le monde , que je n'aurois pu l'efpérer
; mais je vous l'avouerai , qui que
vous soyez , ce ne ſera que par le don de
votre coeur , que vous pourrez me rendre
parfaitement heureuſe ; tout ce
que j'enviſage me paroit un ſonge bril.
lant; je ne vois de réel que la tendreſſe
que vous m'avez jurée... & qu'aura
toute ſa vie pour vousDom Franceſco ...
46 MERCURE DE FRANCE.
D. Gaſpard, reptit-il , car il avoit été
près de dire fon véritable nom , & il
crut devoir encore ménager quelque furpriſe
à la fille de D. Fernand , qui s'im.
poſa auſſi de reſpecter un ſecret qu'elle
devinoit à moitié.
Le Lecteur , en penfant àD. Fernand ,
peut ſe peindre l'ivreſſe où il étoit dans
fon laboratoire , de voir l'or couler dans
ſes creuſets ; il avoit entendu beaucoup
de bruit chez lui lors du tranſport des
malles de D. Gaspard , mais rien n'avoit
pu le détourner de fon occupation , & il
ne reparut que tard , lorſqu'il eut fait
l'heureux uſage de tout ce qu'il avoit
trouvé chez l'Herboriſte ſa voiſine. Deux
ou trois marcs d'or avoient été le fruit
de ſes travaux , & ce fut en les apportant
D. Gaſpard qu'il reparut dans ſa chambre
, où depuis long-temps Lucilia &
fon Amant rempliſſoient leurs ames de
tout ce que fait imaginer l'Amour aux
approches du bonheur , à deux perſonnes
jeunes& fenfibles , dont le coeur dicte la
converſation.
Tout étoit préparé pour le mariage
qui devoit fe célébrer le lendemain dans
un Temple, voiſin , où Dom Gafpard &
Lucilia rejoignitentDom Fernand , qu'on
JANVIER. 4775. 47
y avoit envoyé le premier afin que Fren
ne retardât la cérémonie , & pourdonner
au jeune Eſpagnol le temps de préparat
à fon beau-père la ſurpriſe qu'il lui refere
voit. L'acte de célébration, fini , & s
fignatures ayant été affez précipitées pour
que Dom Fernand ne s'apperçût pas que
fon gendre avoit pris un autre nom , on
fort du Temple ; deux voitures ſuperbes
ſe préſentent; l'époux en offre une à fon
beau père , qu'il prie de faire un tour
dans ſa maiſon , d'où on l'amenera dans
l'endroit où il a fait préparer le feſtin de
ſes nôces . D. Fernand confent- à tout , &
voit monter ſon fils & fa fille dans le
plus riche des deux équipages.
Quel fut l'étonnement du père de Lucilia
lorſqu'en entrant dans ſa ſalle batte
il la voit couverte de deux cent marcs
d'or en lingots. Une lettre frappe auſſi ſa
vue , il la prend , & voici ce qu'elle contenoit:
« Rien n'est vrai , mon père , dans
» l'hiſtoire que je vous ai falte de moi ,
>> que mon tendre attachement pour vous
» & le bonheur que j'ai d'être l'époux de
>> la charmante Lucilia. Le poiſon & le
>> poignard du Juif Jéfahel m'ont ſervi
>> à étonnet votre imagination , & à pré
48 MERCURE DE FRANCE.
>>parer le remède que je voulois appor
>> ter à la maladie de votre eſprit fur la
>>tranſmutation des métaux. La plante
> fameuſe n'étoit que de l'or déguiſé que
> vos fourneaux n'ont fait que mettre en
>> nature. C'eſt ainſi que d'habiles Char-
>> latans ont trompé mille dupes qui
>> croyoient avoir vu ce qui n'exiſtoit ni
>> ne pouvoit exiſter. Puiffiez- vous , mon
» père , revenir de votre erreur, & jouir
» de la fortune que vous préſente votre
» fille & que vous avez ſous les yeux.
Remontez en voiture , & venez em-
>>braſſer dans ſon palais votre Lucilia &
votre fils Franceſco- Céfar-Alvarès de
» Rittera , Grand d'Eſpagne » .
Défabuſé tout-à-coup de la chimère
qu'entretient la feule indigence , Dom
Fernand paſle dans ſon laboratoire , y
briſe ſes fourneaux , fes cornues , & tous
les inſtrumens qui devoient un jour le
conduire à l'hôpital , & remonte dans la
voiture qui l'attendoit à ſa porte. Il arrive
chez ſon gendre , ſe jette dans ſes bras ,
court ſe précipiter dans ceux de ſa fille ,
qui déjà étoit parée comme la femme
d'un des plus riches Seigneurs de l'Efpagne.
Vous triomphez , dit-il , Dom
Alvarés ; je rougis de ma crédulité , j'ai
mis
1
JANVIER. 1775 . 49
mis en pièces , avant de fortir de chez
moi , & lesfourneaux & leur dépendance.
Que ma fille m'acquitte envers vous , &
loyez toujours plutôt des amans que des
époux , pour moi , dont vous avez terminé
les peines , dont votre magnificence a
comblé les voeux , j'abjure à jamais une
ſottiſeà laquelle je dois cependant & mon
bonheur & celui de ma fille. Oh ! cher
Alvarès , c'eſt en renonçant à l'Alchimie
que j'ai vraiment trouvé la pierre philofophale
. C'eſt à l'amour , c'eſt à la nobleſſe
de vos pareils que ſont réſervés de
pareils prodiges.
1
Dom Alvarès de Riterra , par de nouveaux
embraſſemens , arrêta l'effuſion de
la reconnoiffance de Dom Fernand , &
ſon Palais ne retentit plus que des fêres
qu'il donna à ſa nouvelle épouſe , qu'il
rendit une des plus heureuſes femmes
de Madrid, comme elle en étoit une des
plus belles.
Par M. B ***.
II. Vol. C
50
MERCURE DE FRANCE.
L'AVEUGLE DE BAGD AD ,
Fable imitée de l'Arabe.
UN Aveugle tenoit à ſa main un lambeau ,
Sur la tête il portoit un vaſe rempli d'eau ,
Et cheminoit tranquille ainſi dans les ténèbres
Au milieu de Bagdad ; paſſe un jeune Perſan
Qui s'arrête & lui dit : Oh ! le trait eſt plaiſant :
Voilà ſans doute un fou de la ſecte des Guebres * :
Hé bien! ce feu , dis - moi , que tu reſpectes tant,
Te rendra-t- il tes yeux ? En vois-tu mieux ta
route ?
Réponds.- Avec pitié , jeune homme , je t'écoute:
Peut -être plus que toi ,je ſuis bon Muſulman ;
Mais je fais cas d'un Guebre , il eſt ſimple , il eſt
fage ,
Il eſt pauvre fur- tout , on lui doit des égards ;
Et quant à ce flambeau , dont tu blâmes l'uſage ,
*Ce Peuple eſt un reſte des anciens Perſes ; il
eſt errant dans les différentes contrées de l'Afie ,
où il vit pauvre & mépriſé , quoique ſage , laborieux
, & Zoroaſte paſſe pour leur fondateur ;
il a pour le feu une grande vénération , & c.
JANVIER. 1775 . SI
Je l'allumai pour toi , pour fixer tes regards ,
Pour guider ta démarche indiſcrète & légere;
J'ai craint qu'en me pouffant on ne versât par terre
Ce vaſe qu'avec peine il m'a fallu remplir.
Ah ! que n'ai je des yeux ! je te verrois rougir
D'avoir olé ,jeune homme , infulter ma mifere.
ParM. Landrin.
Suite de Poëfies manuscrites , tirées de
la Bibliothèque de M. le M.
P**
Metamorphose d'une Chandelle.
• de
CELLE qui maintenant n'eſt plus qu'une chan
delle
Fut douée autrefois d'une aimable beauté ;
Mais de trop de rigueur elle fit vanité ,
Etparut orgueilleuſe autant qu'elle étoitbelle.
Élle eut tant de mépris , & ſa froideur fut telle ,
Qu'au lieu de relacher de ſa ſévérité ,
D'un regard qui montroit ſa fiere dureté ,
Elle vit les humains ſe conſumer pour elle.
Mais l'Amour , qui de nous fait tout ce qu'il lui
plaît,
A
Cij
52
DE FRANCE.
4
MERCURE
De ce qu'elle étoit lors en a fait ce qu'elle eſt ,
Témoignanten cela ſa ſageſle profonde.
Il a puni le coeur qui s'étoit rebellé ;
Etcomme tout le monde a pour elle brûlé ,
On la voit aujourd'hui brûler pour tout le monde.
Metamorphose d'un Amant en des dez à
jouer.
Cespetits os marqués detant de points divers ,
Que la main de Cloris va remuant ſans cefle,
Et qui , maîtres du fort , des ſuccès , des revers ,
Otent, comme il leur plaît, ou donnent laticheſſe ,
Sont les os defléchés d'amour & de triſteſſe
Du plus fidele Amant qui fut dans l'Univers ,
Mais du ilus pauvre aufli , qu'une avare Maîtreſſe
Aitjamais , par mépris , regardé de travers .
Cloris fut fon idole ; & ſon ame eſt ſi dure
Qu'elle tourmente même , après la ſépulture ,
Les os de cet Amant , qui pourtant l'aime encor ,
Et qui , pour fatisfaire àſon infâme envie ,
En ſon trépas , du moins , lui fait poffeder l'or
Qu'il eût bien defiré luidonner en ſa vic.,
EPIGRAMME
.
Gautier Garguille & Turlupin ,
JANVIER. 1775 . 53
:
Qui mettoient le monde en liefle ,
Ont tous deux rencontré leur fin
Avant d'avoir vu leur vieilleffe .
Paflant tu n'arrêteras pas
Si tu veux ſavoir leur trépas ;
En un motje te le vais dire :
Sache que la Mort prend lon temps
De retirer lesCharlatans
Quand perfonne ne peut plus rire.
Autre.
Que cette femme eſt d'humeur aigre !
Qu'elle est peu digne de traiter !
Pour nous faire mauvaiſe chere
Peut-on tant crier , tant trotter ?
Soit que la pauvreté la foule ,
Ou qu'elle ait l'eſprit aſlez neuf ,
Elle eſt comparable à la poule
Qui crie une heure & fait un oeuf.
)
SONNET.
Amarante eſt malade ; & , ſi ſon mal lui dure ,
Nous perdronsde la Cour l'ornement le plus beau.
Deux mourront d'un ſeul coup. Cette trifte aventure
De ſes jours&des miens éteindra le flambeau.
Elle eſt en ſa ſanté fi cruelle & fi dure ,
C iij
54
MERCURE DE FRANCE.
Qu'elle invente toujours quelque tourment nouveau
Pour augmenter les maux qu'inceffamment j'endure
;
Et cent fois je me vis aux portes du tombeau.
:
Dieu de la Médecine, auteur de la lumiere ,
Te dois - je ſupplier , dans mon humble priere ,
Ou de l'abandonner , ou de la ſecourir!
?
Dans mon fâcheux état, quel conſeil dois-je ſuivre
!
Si tu la fais mourir,je ne ſaurois plus vivre ;
Et ſi tu la fais vivre,il me faudra mourir.
d
Autre. 1.1 :
Sans reſſource à ce coup , le malheur me terraſſes
Ma foi , je connois bien que lejeu m'eſt fatal ;
Je ne puis réſiſter à ton deſtin brutal ;
Cherami , c'en eft fait , il faut quitter la place.
Dumoins fouvenez- vous quej'ai frayé la trace
Par où les gens de bien s'en vont à l'hôpital;
Quand on dépenſe tout juſqu'au moindre métal ,
Doit- on être ſurpris de porter la beface ?
Je ne ſuis plusnourri que par mes créanciers ;
Ils tâchent , pour tirer paiement de leurs deniers ,
De me faire ſurvivre à tous ceux dont j'hérite.
JANVIER. 1775 . 55
Quema miſere eſt grande & mon fort inhumain !
Lesdettes me font vivre ; & , quandje ſerai quitte,
Je prévois qu'il faudra que je meure de faim .
ΝΙΝΟΝ.
Si c'eſt à bonne intention
Qu'à tes loix tu veux me ſoumettre,
Réponds à mon affection
Quand tu répondras à ma Lettre.
Jeme lens languir nuit& jour ;
J'admire ton luth & ta grâce ,
J'ai du chagrin , j'ai de l'amour ,
Dis-moi , que veux tu quej'en faſſer
Ton entretien m'attire à toi ,
Je ne trouve rien qui le vaille ;
Il pourroit confoler un Roi
De la perte d'une bataille.
Les Socrates & les Catons
N'ont rien dit qui tes dits égale;
Au prix de toi ces vieux barbons
N'entendoient rien à la morale.
Je me ſens touché juſqu'au vif,
Quandmon ame voluptueuſe
Se pâme au mouvement laſcif
De ta ſarabande amoureuſe...
Civ
56 MERCURE DE FRANCE.
: Je faisquel nombre de galans
A te plaire à l'envi s'applique ;
Trop de Médors , trop de Rolands
Font la cour à mon Angélique.
Mais je conſensque ton humeur
Dans fon inconftance demeure ;
Prête- moi ſeulement ton coeur;
Je te le rendrai dans une heure.
LE PAYSAN ET LE MATIN.
D
Fable imitée de l'Anglois.
ANS cette fertile contrée

Qu'arroſe le Nil de feseaux ,
En deuil d'une épouſe adorée ,
Etcroyant adoucir ſes maux ,
Un Manant à la folitude
Venoit de conſacrer ſes jours ;
D'un fils , ſeul fruit de leurs amours,
Ilfaifoit fon unique étude :
Prèsd'eux , à leur tranquilité ,
Veilloit un chien plein de courage ;
On fait que la fidélité
De ces béres eſt le parrage...
Forcé , pour la premiere fois ,
V
JANVIER. 1775 . 57
De s'abſenter pendant une heure ,
Avec peine le Villageois
Quitte ſa ruſtique demeure ;
L'auteur de ſes jours eſt mourant :
Il vole où le devoir l'appelle;
Son chien ſeplace en ſentinelle
Auxpieds du berceau de l'enfant.
Plein d'une vive impatience ,
Etbrûlant de revoir ſon fils,
Il court , revient en diligence ;
ODieux ! .. quelle horreur ! .. je frémis...
Le berceau'renverſé par terre
A ſes yeux ſoudain s'eſt offert ;
Plus careflant que d'ordinaire
Son chien de ſang eſt tout couvert,
Sa large gueule épouvantable
Semble le diſtiller-encore ;
« Je croyois t'être redevable
>>De la garde de mon tréſor ,
>>>Et c'eſt toi » !. La douleur l'accable :
Dans ce chien rampant & foumis
Il n'apperçoit plus qu'un coupable
Et le meurtrier de ſon fils.
C'eſt ainſi qu'on punit un traître ,
Dit-il , en frappant l'animal ,
Qui, percé du couteau fatal ,
Lèche encore la main de ſon maître.
Cependant notre villageois ,
Cv
56 MERCURE DE FRANCE.
}
Qu'un funefte chagrin dévore ,
Veut du moins embraſſer encore
Son fils pour la derniere fois ;
Il héſite , il craint , il eſpere :
Tremblant il gagne le berceau :
Il ſoulève un coin du rideau;
Dieux ! .. quel ſpectacle pour un pere!
Près de l'objet de ſon amour
Il découvre un ferpent horrible ,
Qui paroifloit encore terrible ,
Quoi qu'étendu , privé de jour
Voilà ce qui cauſoit ta joie ;
J'entends... de ce monftre enragé
Mon fils est devenu la proie ,
Et toi ſoudain tu l'as vengé :
Victime d'un trop promp délire ,
Toi qui ne me trahis jamais ,
Je te reconnois à ces traits ;
Mais... mon fils; Ô Dieux !.. il reſpire.
Bercé par le Dieu du Sommeil ,
L'Enfant du Sage eſt la figure ;
Il dort en paix , & la Nature
Préſide ſeule à fon réveil.
Tranquille au milieu de l'orage ,
Entouré de fang , de carnage ,
Tel fomeilloit ce foible enfant.
Saiſi, tranſporté , le Manans
Craint de n'embraſſer qu'une image;
i
JANVIER. 1775 . 59
Un bien que nous croyonsperdu
Plaît & flatte encor davantage
A l'inſtant qu'il nous eſt rendu.
Il prend dans ſes bras , il careſle
Ce cher objet de ſa tendreſſe ;
<<Ciel qui dans ce danger preſſant
>>Avez préſervé ſon enfance ,
>>Agréez , dit- il , l'aſſurance
>>D'un coeur toujours reconnoiſſant
>>Toi , de mon fils gardien fidele
» Et victime de mes fureurs ,
>> Reçois le tribut de mes pleurs ;
>>>Devois- je loupçonner ton zele » ?
3
Sans doute les Dieux l'ont permis ,
Foibles mortels , pour vous apprendre
Ane point juger vos amis
Sans avoir ſoin de les entendre.
Par M. Houllier de Saint-Remy ,
deSexanne.
A
VERS AU ROI ou Madrigal.
ssis au plus haut rang ou l'on vittesAycuz,
Grand Roi , par ta bonté tu régnes furJaFrance,
Et de tes ſeuls bienfaits tu t'eftimes heureux;
Cvj
60 MERCURE DE FRANCE.
Que fert- il à nos coeurs de te faire des voeux ,
Si chacun de tes jours eſt unjourde clémence.
Par M. de Bordes , Gendarme
de la Garde du Roi.
COUPLETS
Sur le couronnement du Roi.
Sur l'air du vaudeville du Bal de Strasbourg ,
Notrebonheur nousfait connoître.
CHANTONS , François , le nouveau Maître
Que le ciel vient de nous donner ;
Voici le temps de couronner
Les vertus qu'il a fait paroître.
Vive , vive , vive àjamais
Le Pere & le Roi des François.
Apeine est-ilRoi qu'il ordonne
Que, par le plus grand des bienfaits,
On remette à ſes chers Sujets
Undes beaux droits de ſa couronne *
Vive , vive , &c.
* Le droit dejoyeux avénement , évalué à plus
decent millions , que le Roia bien voulu remettre
a fonPeuple.
JANVIER. 1775 . 61
:
Après cenoble ſacrifice
On l'a vu , Roi législateur ,
Rendre leur antique ſplendeur
Aux Miniſtres de la justice.
Vive , vive , & c.
Sa tendre bonté nous rappelle
Cepremier Bourbon ſi chéri ,
Cet immortel, ce grandHenri ,
Des Rois le plus parfait modele.
Vive , vive , & c.
LesMuſes , ſous un Roi ſi juſte ,
Vont reparoître avec honneur ;
En leur accordant ſa faveur
Il remplira le nom d'Auguſte. *
Vive, vive , &c .
Quoiqu'à la fleur de ſajeuneſſe ,
Habile dans l'art de régner ,
Afinde nous bien gouverner
Pour guide il a pris la Sagefle. **
Vive , vive , & c .
Il aime les auguſtes freres
* Alluſion au ſecond nom de Sa Majesté Louis-
Auguste.
** M. le Comte de Maurepas.
62 MERCURE DE FRANCE.
Qui , pour le payer de retour ,
Chantent comme nous chaque jour ,
Dans les tranſports les plus finceres :
Vive , vive , &c.
Aux vertus notre jeune Reine
Réunit les attraits vainqueurs ;
Joignons & nos voix & nos coeurs ,
Et chantons à perte d'haleine :
Vive , vive , vive àjamais
La Reine aimable des François .
Par M. l'Abbé de Ponçol.
COMPLIMENT DU JOUR DE L'AN
A LA REINE ,
Par Jean - Pierre Véronese. *
AIR: Defa modefte mere.
D'OBLIGER & de plaire
Vous avez tout moyen ,.
* Cet enfant , âgé de quatre ans , eſt fils du Sr
Véronèſe , Comédien Italien ordinaire du Roi , &
voué à St François , dont il porte l'habit ; il a le
bonheur d'être connu de la Reine , qui veut bien
l'honorer de ſes bontés & de ſa protection.
JANVIER. 1775 . 63
Quel voeu peut- on vous faire ?
Il ne vous manque rien.
Puiſſiez - vous être mere
Dans ce bon an prochain !
C'eſt l'ardente priere
Du petit Capucin.
LE PHENIX , Etrennes allégoriques à
Madame la Comteffe de R...
DANANSS ces climats heureux où s'éveille l'Aurore
Etdu monde naiſſant qui furent le berceau ,
Il eſt ( dit- on ) certain oiſeau
Que les Dieux même font éclore ;
Tout ce que la Nature enfanta de plus beau ,
Auprès de lui n'eſt rien encore.
Ledoux Plaifir ſourit à ſes premiers inftans ,
Les Silphes amoureux habitent fon bocage ,
Les Zéphirs , le frais & l'ombrage
Sur ſes pas fixent le printemps ;
L'or & l'azur brillent ſur ſon plumage ;
Et ſon mélodieux ramage
Releveencor ſes attraits éclatans.
Des lieux que la préſence embellit d'âge en age
Il est l'Oracle , il eſt le Roi
Etd'un peuple d'oiſeaux qui vivent ſous ſaloi ,
L'Amour est le premier hommage.
64 MERCURE DE FRANCE.
De ſon bonheur rien n'interromp le cours :
Seulement quand des Dieux la ſageſle profonde
Ordonne ſon ſommeil pour étonner le monde ,
Al'inſtant un bucher , que ſon aîle ſeconde ,
Avec activité s'enflamine ; &de les jours
Le beau matin renaît d'une cendre féconde.
Ovous ! le Phénix des grands coeurs ,
De la beauté , des talens , du génie ,
Hortenſe , à qui je dois les naïves couleurs ,
Et tous les traits de mon allégorie ;
Ace concert délicieux
De tant de mortels vertueux ,
Dont vous fûtes toujours adorée & chérie ,
Souffrez que ma voix ſe marie
Etmon hommage à tous leurs voeux !
Qu'ils en doivent former ſi tout les y convie !
Plus ſenſible & moins faſtueux ;
Je n'en forme qu'un ſeul ... Maisje demande aux
Dieux
Qu'après mille printemps ils vous rendent la vie ,
Ou plutôt , belle Hortenſe , immortelle comme
eux,
Par M. l'Abbé Dourneau.
JANVIER. 1775 . 65
1
VERS pour être mis au bas du Portrait de
M. Mercier Dupaty , Avocat Général
du Parlement de Bordeaux.
PAARR ſes rares talens , pat ſeshautes vertus
Il fut digne de Rome , il fut digne d'Athène ;
Il penſa comme Régulus
Et parla coinme Démosthène.
Parle même.
QUATRAIN à trois Soeurs qu'un bel
L
Enfant alloitprier à unefête.
2 petitCupidon qui vole ſur vos traces ,
Sur une vérité répand le plus grand jour ;
C'eſt que , pour attirer les Grâces ,
Il faut leur députer l'Amour.
Parle même.
66 MERCURE DE FRANCE.
L'EXPLICATION du mot de la première
Enigme du Ier . volume du Mercure de
Janvier 1775 eſt l'an milſept centfoixantequinze
de 25 lettres ; de 8 pieds en chiffres
romains , M. DCC. LXXV; de 4 en
chiffres arabes , 1775 ; de 8 fillabes &
de huit nombres ; celui de la ſeconde
eſt bierre ; celui de la troiſième eſt livre,
Le mot du premier Logogryphe eſt chaire
où se trouvent haire , aire , ire , re; celui
du ſecond eſt massepain où l'on trouve
masse & pain ; celui da troiſième eſt Clocher
où on trouve , or , ré , le cher , loche,
clerc , clé , echo , cor , coche .
ÉNIGME.
JE ſuisdèsma naiſſance
Tel que je ſerai toujours :
Je ne puis changer le cours
De ma premiere exiſtence ;
JANVIER. 1775 . 67
J'aurai toujours mêmes traits ;
Si je ſuis né dans l'enfance ,
On ne me verra jamais
Paſſer à l'adoleſcence ;
Sije nais dans lajeunefle ,
Je n'ai point à redouter
Les rides de la vieilleſſe ;
Le temps ne peut rien m'ôter.
Si mes yeux , mouillés depleurs,
Ont annoncé la triſteſle ,
Onnevoitpoint mes malheurs
Se changer en alégreſle ;
Etquand ils ont dépeintla haine ,
On prend une inutile peine
En s'oppoſant à ma fureur :
On n'y verra jamais ſuccéder la douleur,
Mais lorſque mes regards naiſſans
Ont fait un fourire agréable ,
Je vous parois toujours aimable ;
Jevous intéreſſe en tout temps.
Ma figure eſt douce & riante ;
Vous voyez toujours ſur mon front
Unegaietéqui vous enchante.
Si d'un ardent amour je peins la paffion ,
Mon ardeur vous paroît extrême ,
Et mes yeux vous ſuivent par-tour:
i
68 MRECURE DE FRANCE.
Vous croiriez queje vous aime ,
Mais je ne fonge point à vous.
ParM. Girot. :
AUTRE.
Du plaifir , de la volupté ,
Inſtrument de foible corſage ,
Au ſexe charmant & volage
Je plais par ma légéreté.
Agréablement agité ,
Demon haleine enchantereffe ,
Durant mon règne je careſſe
Et la laideur & la beauté.
Quoique je fois peu néceſſaire ,
Je vois cependant dans les Cours
Briller , fleurir mes heureux jours
Parmi les Nymphes de Cythere,
Lecteur , veux - tu te fatisfaire
Et me deviner promptement ?
Entre chez la jeune Glicere ,
Tume verras , mieux que l'Amant ,
Traité , flatté par cette belle ,
Aqui je ſers d'amusement ,
Etmillefois dans un inſtant
:
:
Ouvrir&détendre mon aîle ,
D'un air gracieux & galant .
JANVIER. 1775 . 69
Mais je dois fatiguer ta têre :
Je ſuis un peu trop imprudent ;
Auſſi je vais , en te quittant ,
M'enſevelir dans ma retraite :
Carje reſte par fois dedans
Durant cette ſaiſon cruelle ?
Etje n'en fors , que Philomele
N'ait ramené le doux printemps.
Par M. Lavielle , deDax.
AUTRE.
LECECTTEEUURR,, je ſuis,je ſuis toutpleinde choſes.
Parcourons , ſi tu veux , tant de métamorpholes.
D'abord je ſuis le précurſeur
De l'orgueil ou de la grandeur :
Jorne enfuire une chambre , une égliſe , une falle:
Puis je fixe le fortd'unglobe , d'une balle :
Je deviens un fer plat que chauffe un artiſan :
Cequ'enfante un nuage & ſouvent un volcan:
Une arme à trait de l'antique phalange :
Un petit quarré long , certain menu lozange
De couleur rouge , heureux ou bien malencontreux:
Uucorps tranſparent , diaphane :
Un jeu bien ſimple où pourtant l'on chicane
70 MERCURE DE FRANCE.
Sans être hargneux, ni fâcheux :
Enfin fur moi finit maint & maint cerveau creux.
Par M. de Bouffanelle , Brigadier des
Armées du Roi.
LOGOGRYPHE
DiE mon fragile corps jamais n'aide le tien,
Je ſuis , ami Lecteur , un trop foible ſoutien.
Le plus léger zéphyr , ſa plus légere haleine
Me fait baiſſer la tête & me courbe ſans peine.
Peut- être ce portrait , tracé fans vanité ,
N'a-t- il pas fatisfait ta curiofité ;
Eh bien ! de înes fix pieds dérange la ſtructure :
C'eſt , pour me découvrir , la route la plus sûre.
Quelques combinaiſons feront voir à tes yeux
Un frere que la faim rendit pe u curieux
Du droit d'aînefle ,
De notre monnoie une pièce ,
Cette fleur qui diſpute à la blancheur des lys
La gloire de régner ſur la bouche d'Iris ,
Le moyen dont ſe ſert la malice ſans force ,
Quand , ne pouvant contraindre , avec art elle
amorce :
Une note en muſique : un farouche animal ,
Lemiroir de Narcifle : un précieux métal :
JANVIE R. 1775 . 71
Ducorps une partie ; ici la violence¹
Des autans déchaînés me réduit au filence .
Par M. P.
AUTRE.
Du vrai quoique je fois la fille ,
D'erreurs bien ſouventje fourmille ;
Pardonne , ami Lecteur , un tel déguiſement ,
Qui peut être , jadis , fit ton amusement.
Huitpieds compoſent ma ſtructure ,
En les décompoſant tu trouves dans mon nom
Ce qui jadıs fit briller Ciceron ,
Ce que l'on trouve au bord d'une onde pure ,
De Laurette ce qui nous cache les appas ,
Un précieux métal , un terme de phyſique;
Plus , un Duché , deux notes de muſique ,
Unmorceau dont on fait beaucoup de cas ,
Le premier qui devint victime de l'envie ,
Certain plaiſir qui tient de la folie ,
Un oiſeau que l'on met au rang des fins morceaux,
De la Clairon ce qui fit autrefois la gloire ,
L'impératifd'un verbe , &deux freres jumeaux ;
Du Rhin , près de nos murs , je vois couler les
eaux ;
Comme un Dieu , par deux fois , l'on chéritmamé
moirc;
72 MERCURE DE FRANCE.
Je ſuis encore un corps convexe & raboteux.
Adieu', Lecteur , devine ſi ta veux.
H
AUTRE.
Dédié à Madame ***.
FUREUSE Eglé , tu fus faite pour moi :
Contre l'ennuije te prête mes armes ;
Aufſi tume remplis d'agrémens & de charmes.
Heureux font ceux que j'unis avec toi !
Tout homme hors de moi preſque toujours s'ennuie;
Les biens , ſans mei , ſont ſuperflus ;
Sans moi , point d'agrément , de plaiſir dans la
vie;
Sans vous , Eglé , l'on n'en a pas non plus.
Encore un mot, & tu vas me connoître:
Dans les ſept pieds qui compoſent mon être
Tu trouveras un homme ſans eſprit ,
Une laiſon qui fait mûrir le fruit ,
D'un inftrument l'arme a néceflaire ,
Pour filloner la terre ;
Unoutil dont les dents ſervent auCharpentier ,
Ou bien encore au Menuifier ;
L'endroit où l'on voit l'aſſemblage
Des Prélats , des Riches , des Gueux ,
JANVIER. 1775 . 73
Jouant chacun ſon perſonnage.
Devine-moi , ſi tule veux ,
Je n'en dirai pas davantage,
Par M. de Cancale.
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
Bazile , Anecdote Françoise ; in- 8°, avec
figure . A Paris , chez Delalain , Libraire
, rue de la Comédie Françoiſe.
CETTE anecdote eſt la ſeconde du Tome
troiſième des Épreuves du ſenriment par
M. d'Arnaud. Ce peintre du ſentiment
s'eſt particulièrement attaché , dans cette
dernière anecdote , à nous offrir la touchante
image d'un jeune homme vertueux
& fenfible , qui préfère de paſſer
ſes jours dans le ſein d'une mère infortunée
, à tout l'éclat du plus haut rang ,
aux délices mêmes de l'amour. L'hiſtoire
de Bazile eft , en quelque forte, le triomphe
de la nature , &notre ſiècle a beſoin
que l'on s'attache à lui préſenter des tableaux
de ce genre.
La Marquiſe deMenneval , veuvedepuis
quelque temps , venoit de perdre
II. Vol. D
74 MERCURE DE FRANCE.
un fils unique qu'elle idolatroit. Le jeune
Marquis de Menneval étoit mort de la
petite vérole , au moment que ſa mère
l'amenoit à Paris du fond d'une Terre
éloignée de la Capitale , où il avoit été
élevé , n'ayant auprès de lui qu'un gouverneur
& un vieux domeſtique. La Marquiſe
qui , ſans biens de ſon côté , ne
jouiſſoit d'une fortune conſidérable que
par ſon mari , ſe voyoit donc enlever à
la fois & fon enfant & ſon état ; fon
douaire lui laiſſant à peine de quoi vivre.
Elle revenoit à Paris dans le deſſein de
vivre iſolée , & livrée toute entière à fon
chagrin. Le gouverneur de ſon fils reftoit
auprès d'elle en qualité d'homme
inſtruit dans ſes affaires , & qui veilleroit
à ſes intérêts. Comme ce gouverneur
-devenu l'homme de confiance de Mde de
Menneval joue un des principaux rôles
dans cette hiſtoire , l'Hiſtorien s'eſt pluà
nous détailler fon portrait. Remi, c'eſt ſon
>> nom , joignoit à beaucoup d'eſprit le
>> vif defir de corriger ſon humble deftinée.
Né au plus bas rang , il brûloit
>> de s'élever au plus haut degré; deux
>> paſſions des plus ardentes le confum-
» moient , l'ambition & l'amour des ri-
>> cheſſes; c'étoient ſes divinités , & il
> avoit conçu le projet de leur tout faJANVIER.
1775 . 75
crifier. On s'attend bien qu'avec cette
» façon de penſer , Remi étoit capable
>>de vaincre tous les obſtacles , qu'il n'en
>> connoiſſoit point qui pût l'arrêter ; il
>> étoit ſouple , infinuant , adroit , flat-
> teur , poffédant parfaitement le grand
>>art de la ſociété , la ſcience de ſe plier
à tous les goûts , de prendre tous les
- tons , de ſe revêtirde toutes les formes;
>> ſous tant de maſques divers , il mar-
>> choit droit à ſon but; c'étoit le reptile
» qui ſe traîne , mais qui arrive en ram-
>>pant où ſon instinct l'appelle. Les crimes
les plus grands n'euſſent point
>>effrayé Remi , ſi la circonstance l'eût
>> exigé , & fi d'ailleurs il avoit été bien
>> sûr de ſes précautions & de l'impunité.
>> Je m'apperçois qu'en faiſant ſon por-
>> trait , j'ai peint ce qu'on appelle un
homme du monde. Remi en avoit tous les
>> traits , & en réuniſſoit tous les artifices,
» Dès le moment que le préſomptueux
>> gouverneur avoit appris la mort de
» M. de Menneval , il s'etoit imaginé
» qu'il pourroit plaire à la jeune Veuve ,
»&que ce ſentiment nourri & échauffé
>> par des baſſeſſes ſoutenues , le condui-
>> roit à un excellent mariage. J'ajouterai
>> que Remi avoir reçu de la Nature une
Dij
76 MERCURE DE FRANCE.
>> figure avantageuſe , ces dons de ſeduc-
» tion , ces petits agrémens ſi frivoles
aux yeux de l'homme qui penſe , & fi
>> importantes pour la ſociété ; une audace
> ſur- tout que rien ne pouvoit déconcer-
>> ter , tout ce qu'il faut enfin pour inté-
>> reſſer un ſexe qui ,frappé par l'extérieur
»& livré à ſa foibleſſe , en eſt ſouvent
» la victime. » Notre intriguant s'étoit
trouvé dérouté dans la carrière qu'il s'étoit
preſcrite. La mort de fon Elève dérangeoit
Ion plan. La Marquiſe ne joignoit plus la
richeſſe à la beauté , &ce dernier avantagen'avoit
pas, aux yeux de Remi, le mérite
de la fortune. Cependant ſon amourpropre
ou plutôt ſa vanité l'excitoit à
triompher de la vertu de la Marquiſe ; il
lui offroit ſes lumières , & ſes ſoins par
le ſeul defir d'obliger. En un mot , ſans
en prendre le nom , Remi étoit un Intendant
zélé; ce qui lui attiroit, de la
partde Madame de Menneval , une con-
Hance illimitée , & fans doute trop aveugle.
Les coeurs honnêtes , ajoute ici l'Hiftorien,
ne connoiſſent point de bornes
dans leur ſenſibilité : la reconnoiſlance
eſt un plaifir fi doux ! ils s'y abandonment
fans réſerve , & ne ſe gardent point des
fuites cruelles d'un trop funette épancheJANVIER.
1775. 77
ment. Le perfide Remi comptoit bien
mettre à profit cette effuſion d'ame de la
Marquiſe , qui l'entretenoit ſouvent de
ſes chagrins. Ce n'étoit point fon état
d'opulence qu'elle regrettoit ; c'étoit fon
mari , ſon fils ſur-tout à cette image
elle tomboit dans une profonde douleur ,
dont l'adroit Intendant travailloit à recueillir
quelque fruit. Madame de Menneval
ne pouvoit rien voir de ce qui lui
rappetoit le ſouvenirde ſon fils ſans ſoupiter.
Son coeur maternel parut for tout
s'attendrir ſur un jeune homme de dixſept
ans qui , au milieu d'une fête de village
, ſe préſenta à ſes yeux. Une phyfionomie
ouverte & extrêmement intéreſſante
annonçoit la candeur d'ame la
plus pure & la plus ſenſible. C'étoit le
fils unique d'une villageoiſe nommée
Nicole. Bazile , ainſi ſe nommoit lejeune
homme , n'avoit jamais oublié les der.
nières paroles de ſon père mourant :
« Mon cher enfant, lui avoit dit le vieil-
> lard , aime toujours bien Dieu & ta
» mère ; je te le répète , elle n'a plus
>> que tes deux bras pour ſe procurer
» quelque ſubſiſtance Les traits de
Bazile rappellent à Madame de Menneval
ceux de ſon fils ; & ce ſouvenir excite
.
Diij
78 MERCURE DE FRANCE.
toute ſa ſenſibilité. Elle n'avoit alors auprès
d'elle que fa femme-de- chambre.
....
Julie , lui dit elle , peut - il être une
> reſſemblance plus frappante ? Regarde ,
>>regarde ; c'eſt mon cher enfant que je
>> contemple! ce font les mêmes yeux ,
>> la même bouche ! ô ciel ! cette illufion
» ne rend ma perte plus ſenſible .
» Julie , que je voye ce jeune homme ,
>> que je lui parle ! fais le venir; dis-lui »,
La Marquiſe ne ſauroit contenir fon
tranſport : elle va avec précipitation au
devant de Bazile , & n'attend point que
fa femme de-chambre l'ait amené : elle
ne ſe laſſe point de l'examiner , de l'entretenir
; vingt fois elle eſt ſur le point
de ſe jeter dans ſes bras , de l'arroſer de
ſes larmes; vingt fois elle l'appelle fon
cher enfant; toute fon ame eſt fixée ſur
cet objet. Lorſqu'elle fait qu'il a une
mère , qu'il vit avec elle : " Qu'elle eſt
>> heureuſe ! elle a un fils ! & moi ! j'ai
» perdu mon enfant. tout ce que
» j'aimois! mon état eſt bien digne de
>>pitié. - Quoi ! Madame , lui dit Ba-
>>zile , eſt- ce que les gens de votre forte.
>>font à plaindre ? Ah! mon ami ,
>> c'eſt vorre mère qui ne fauroit connoî-
>> tre l'infortune ; le ciel vous a conſervé

-
...
JANVIER. 1775 . 79
» à ſa tendreſſe ! Et ... l'aimez vous bien ,
>> votre mère ?- Sije l'aime , Madame ?
>>Je donnerois ma vie pour elle. Quand
2 j'ai bien du mal , de la fatigue , je me
>>dis : c'eſt pour ma mère que je travail-
» le , & auſſi têt je ſuis délaflé & je re-
> double mes efforts . Madame deMenneval
verſoit des larmes ; elle ſe rappeloit
alors toutes les careſſes que lui faifoit
fon cher enfant. Il m'auroit imée
auſſi tendrement , diſoit- elle . Cette inère
infortunée chercha à foulager ſes ennuis
en s'entretenant avec Remi , ſon homme
de confiance , du ſouvenir de ſon fils ,
que le jeune Bazile lui avoit rappelé.
L'adroit confident , loin de diſtraire Madame
de Menneval de cette i lufion ,
chercha au contraire à la nourrir. « Je
>>ſuis frappé , comme vous , lui diſoit il ,
>> de la reſſemblance du jeune Bazile
» avec M. le Marquis. Ce jeune homme
» a ſon âge , à peu près la taille , fa
phyſionomie , le ton de ſa voix. Mon
>> étonnement eſt inexprimable. J'ai beau.
>> coup caufé avec lui ; c'eſt un eſprit na .
>> turel qui n'auroit beſoin que de quel-
» que éducation pour ſe développer....
» Oui , Madame , c'eſt bien Monfieur
> votre fils , à s'y méprendre.... Si ce
>>
Div
80 MERCURE DE FRANCE.
>> jeune homme pouvoit vous accompa-
>> gner à Paris ! c'eſt une confolation que
» le ciel ſemble vous offrir. L'illuſion
>> tromperoit du moins votre douleur , la
>> foulageroit » . La Marquiſe embraſſe
avidemment ce que Remi lui propoſe :
" Maiscomment,lui dit-elle, l'emmener
" avec nous? Il me paroît extrêmement
>> attaché à ſa mère , & la pauvre fem.
>> me , de fon côté , auroit ſans doute
>>bien de la peine à s'en ſéparer. Hélas !
> je le ſens trop ! qui peut dédommager
>> de la perte d'un fils ? Remi applanic
ces premières difficultés en faiſant enviſager
au jeune homme que cette ſéparation
ne feroitque momentanée , & que ,
par cette complaiſance , il pourroit procurer
à ſa mère un fort plus heureux.
• Rien ne lui manquera pendant votre
>> abſence ; on lui fera tenir tout ce
» qu'elle defirera , & nous vous rendrons
>> bientôt à ſes embraſſemens ». Ce n'étoit
point là cependant la but que ſe
propofoit le perfide Intendant. Il vouloit
conduire inſenſiblement la Marquiſe de
Menneval à reconnoître Bazile pour fon
fils , à le préſenter ſous ce titre à la famille
de fon époux , qui ignoroit la
mort du jeune Marquis , & à s'aſſures
JANVIER. 1775. δι
par ce moyen, de la fortune conſidérable
que la mort de fon fils l'obligeoit de rendre.
Une pareille démarche unettoit alors
Madame de Menneval entre les mains
de l'intriguant . Maître du ſecret de cette
Veuve, d'un ſecret ſi important , il lui
auroit été aiſé de la contraindre au mariage
qu'il méditoit , s'il ne parvenoit
point à la ſéduire & à lui plaire, Madame
de Menneval étoit une femme ſage ,
honnête , mais à laquelle on pouvoit
reprocher cette moleſſe de caractère , qui
ſouvent précipite les perſonnes de fon
ſexe dans des égaremens dont elles ne
fauroient ſe garantir. Cette femme s'abandonne
aux coupables infinuations de
Remi , & oſe avouer Bazile pour fon.
fils; ce jeune homme qui , par les intrigues
de l'Intendant , avoit conçu l'amour
le plus tendre pour une perſonne de condition
, confent , un inſtant , à paſſer pour
le jeune Marquis de Menneval. La fuite
de cette Nouvelle nous développe le's,
ruſes , les foupleſſes , les artifices qu'un
homme du caractère de Remi fait employer
pour parvenir à ſes fins. Comme
ce font les détails qui intéreſſent le plus
dans ces fortes de tableaux , nous exhortons
nos Lecteurs à voir dans le récit
D
82 MERCURE DE FRANCE.
د
même de M. d'Arnaud la peinture touchante
que cet Ecrivain éloquent nous
fait du triomphe de la nature ſur l'amour
, l'ambition & fur toutes les intrigues
d'un génie artificieux & corrompu.
Le fourbe Remi eſt puni ; Madame de
Menneval verſe des larmes amères fur
la foibleſſe qu'elle a eue de céder à de
cruelles ſuggeſtions , & le jeune Bazile
plein d'un noble courage , quitte une fortune
brillante, unrang diftingué & une
maîtreſſe chère à ſon coeur , pour n'écouter
que ſes devoirs & faire le bonheur
de ſa mère. Ce jeune homme , qui peutêtre,
en ufurpant un sang élevé , auroit
emprunté une ame perverſe & endurcie ,
rendu à fon hameau , eut le plaifir de ſe
livrer à des penchans vertueux , & de
conferver ſon coeur dans toute ſa ſenſibilité.
C'eſt la réflexion qui termine cette
Nouvelle , remarquable ſurtout par la
fimplicité de l'action & par la peinture
qu'elle nous offre d'un coeur naif & pur ,
qui fait écarter tous les pièges de l'ambition
, de l'amour & de l'intrigue pour
être lui- même , & ſe montrer un digne
Elève de la Nature & du ſentiment. Mais
dans quel endroit de la terre M. d'Arnaud
a-t- il dû chercher le modèle qu'il nous
JANVIER. 1775 . 83
préſente ? Est-ce dans les villes , où une
éducation factice nous façonne à des
moeurs étrangères & nous enſeigne une
manière uniforme de penſer ? Non , mais
au milieu d'un hameau , où la contagion
`de l'exemple n'a point altéré les caractères
, ni contredit les premières imprefſions
du beau moral que nous recevons
de la Nature.
Mémoires critiques & hiſtoriques fur plu
fieurs points d'Antiquités militaires ,
enrichis de beaucoup de figures , par
Charles Guifchard , nommé Quintus
Icilius , Colonel d'Infanterie au fervice
du Roi de Pruſſe ,& Membre de
l'Académie Royale des Sciences &
Belles- Lettres de Berlin , 4 vol . in 8 ° .
prix relié , 24 liv. ; à Paris , chez
Durand , neveu , rue Gallande ; Marchand
Libraire, rue des Petits Champs,
& à Strasbourg , chez Bauer & Compagnie
, Libraires .
Les deux premiers volumes de ces
Mémoires contiennent l'hiſtoire détaillée
de la Campagne de Jules-Céſar en Efpagne
contre les Lieutenans de Pompée :
cette hiſtoire eſt accompagnée de preuves
&d'obfervations.
Dvj
84 MERCURE DE FRANCE.
La campagne que Céſar fit en Eſpagne
contreAfranius & Pétréjus , Lieutenans
de Pompée , a été admirée par les Anciens
, qui l'ont regardée comme un chef.
d'oeuvre dans l'att militaire . Les Modernes
, en ſouſcrivant à ce jugement , ſe
font contentés d'en faire des éloges ; mais
aucun n'a examiné en dérail les manoeuvres
de ce grand Capitaine , ni développé
les vraies raiſons de ſes ſuccès .
Un point d'hiſtoire , auſſi important que
celui de cette campagne de Céfar en
Eſpagne , méritoit cependant d'être difcuté
, pour l'éclairciſſement de l'Hiſtoire
Romaine , l'inftruction du Militaire , &
détruire le préjugé de ceux qui prétendent
que nous devons réformer notre
Tactique fur celle des Anciens. Mais
pour remplir ces différens objets , il falloit
un Militaire auſſi inſtruit & auffi
éclairé que M. Guiſchard , & en état
parles connoiffances topographiques qu'il
a priſes des environs de Lérida , où les
Généraux Romains manoeuvrèrent , de
rectifier dans les récits détaillés des marches
, des campemens , des ſiéges & des
combats , les erreurs des Copiſtes abfolumentétrangers
à ces matières. Il falloit
de plus un homine affez verſé dans la
7
JANVIER. 1775. 85
Tactique ancienne & moderne , pour ,
dans des notes ou remarques , procurer
aux Lecteurs les lumières néceſſaires à
l'intelligence du texte de Céſar : ce grand
Capitaine , en écrivant l'hiſtoire de ces
guerres avec cette ſimplicité & cette netteté
de ſtyle qu'on ne ſe laſſe point d'admirer
, étoit bien aſſuré que fes Con.
temporains le liroient ſans embarras , &
fans avoir beſoin d'éclairciſſement. Ils
étoient au fait de la forme des Légions ,
de leurs armes , de leur police , & de la
manière de faire la guerre uſitée pour
lors ; mais , après tant de révolutions &
de changemens arrivés dans le monde ,
feroit- il poſſible que nous euſſions confervé
en entier toutes ces connoiffances ,
au point de pouvoir appliquer aux termes
employés par ce grand homme les mêmes
idées que ſes Contemporains y attachoient
? Auſſi y eut il , d'abord après
la renaiſſance des Lettres des Savans infatigables
, qui n'épargnèrent ni peines ,
ni veilles , pour extraire des écrits des
Anciens , & raffembler tout ce qui étoit
propre à renouveler ces connoiffances.
Leur objet étoit fur-tout de faciliter aux
Lecteurs les moyens de s'inſtruire dans
Part militaire des Anciens. Ces Sayans
86 MERCURE DE FRANCE.
auroient fans doute eu plus de ſuccès
dans leur entrepriſe , ſi les matières qu'ils
vouloient traiter euſſent été de leur compétence;
maisdu moins , en raſſemblant
de bons matériaux , ils ont épargné les
recherches aux Militaires éclairés , & les
ont mis à portée de nous donner des
instructions fatisfaiſantes ſur les différentes
parties de l'art militaire des Anciens.
Cette matière n'eſt cependant point
épuiſée , & M. Guiſchard remarque furtout
qu'on n'a point aſſez développé la
partie de l'art dela guerre des Anciens, qui
concernoit leurs marches ; & c'eſt à l'occaſion
de celle que l'armée de Céſar fit en
trois colonnes ſur les bords de la Noguera
juſqu'au voisinage du camp d'Afranius
près de Lérida , que l'Auteur a
composé une diſſertation ſur les marches
desRomains , & fur les différens ordres
de marches qui ont été en uſage du temps
de l'ancienne milice. Ce ſavant Militaire
, dans la vue auſſi de répandre fur
fon texte toute la clarté poſſible , a fait
d'autres recherches & d'autres obſervations
: il a taché d'expliquer plus exactement
qu'on n'avoit fait , la diſpoſition
intérieure & les diviſions de la Légion ,
en donnant le tableau des Officiers qui
JANVIER. 1775 . 87
les commandoient , & l'ordre de leurs
promotions. Des Réglemens , obfervés
toujours avec une exactitude ſcrupuleuſe,
avoient preſcrit aux Romains certaines
obſervances & les précautions les mieux
combinées pour tous les cas de la guerre .
Il faut en être inſtruit pour entendre un
Auteur tel que Céſar , qui ſuppoſe ces
connoiffances à ſes Lecteurs. M. Guifchard
a difcuté quelques-unes de ces pratiques
, celle entr'autres que les Romains
ſuivoient , lorſque , pour paffer de grandes
rivières , il leur falloit jeter des
ponts de bateaux. On admire encore les
ſages maximes qu'ils avoient adoptées
pour la fortification & la police de leurs
camps , de même que la manière dont
ils pourvoyoient à leur sûreté , en établiſ
ſant une chaîne de poſtes , tant d'infanterie
, que de Cavalerie , & en les pouf.
ſant en avant , auſſi loin que le terrein
& les circonstances l'exigeoient. La néceſſité
de pourvoir à la ſubſiſtance des
troupes les obligeoit auſſi à former des
magaſins , & à ſe procurer des trains.
d'équipages ; quoique moins grands &
moins diſpendieux que ceux qui accom
pagnent aujourd'hui nos armées. Ce font
ces différens objets , & d'autres égale88
MERCURE DE FRANCE .
ment intéreſſans , que l'Auteur a traités
dans les notes , à meſure que le texte lui
en a fourni l'occaſion . Une differtation
fur l'habillement du Soldat Romain intéreſſera
ceux qui font curieux de connoître
à fond les habitudes & les uſages
de ce peuple , qui , pour porter ſes armes.
d'une partie du monde à l'autre , a dû
braver les climats , & ſe mettre au-deffus
des injures du temps. La différence qui
ſe trouve entre leur manière de vêtir le
Soldat , & celle qui eſt d'uſage aujourd'hui
, a de quoi nous étonner. C'étoit
pourtantdes homines comme nous , mais
des hommes endurcis au travail par l'é-!
ducation & par des habitudes nationales
qui facilitoient cette éducation. Dans ces
différentes diſcuſſions , &dans celles qui
ont pour objet ſpécialement la manière
de combattre des Romains , M. Guifchard
s'élève avec force contre le préjugé
de ceux qui prétendent réformer notre
Tactique fur celle des Anciens. Au refte ,
quoique ce ſavant Militaire ne conſeille
pas d'imiter les Grecs & les Romains ,
eu égard à l'Ordonnance de leur Infanterie;
leur hiſtoire & leurs conſtitutions
militaires offrent encore d'autres objets
dignes de notre curioſité,& très propres
JANVIE R. 1775 .
à nous fervir d'inſtruction . Qui est-ce
qui n'admirera pas leur diſcipline , le
choix de leurs Soldats , leur caftramétation
, leur vigilance , & les mefures
qu'ils prenoient pour affurer leurs camps
& leurs marches, leur frugalité & leur
attention à s'épargner un nombre infini
de beſoins qui accablent , pour ainſi dire ,
aujourd'hui nos armées , les projets de
campagne de leurs Généraux , leurs ruſes
de guerre , & tant d'exemples de fermeté
, de préſence d'eſprit & de valeur ,
qu'ils nous ont donnés ?
Le troiſième volume de ces Mémoires
critiques & hiſtoriques commence par
l'hiſtoire des Légions que Célar employa
dans ſes guerres. Cette hiſtoire peut nous
donner des lumières fur celle des guerres
civiles , & fur l'état militaire des Romains
dans les temps de la République.
Un diſcours qui fuit a pour objet de déterminer
le vrai rapport entre les dates
citées ſelon le vieux ſtyle dans les Commentaires
de Céfar , & dans les Auteurs
contemporains , & celle du Calendrier
que Céfar réforma dans la ſuite. La traduction
des Ceſtes de Jules Africain termine
ce troiſième volume. Cet Ouvrage
n'avoit encore patu qu'en grec , & fe
१० MERCURE DE FRANCE.
trouve parmi ceux des anciens Mathématiciens
Grecs , que Thevenat a publiés
à Paris en 1693. M. Guiſchard a fait fa
traduction d'après un exemplaire manuf
crit de cet Auteur , auquel le ſavant
Mayboom avoit fait des corrections &
ajouté des notes. Il rend compte , dans la
Préface qui précède cette traduction ,
des circonstances qui regardent l'Auteur
&le mérite de fon Ouvrage. Jules Africain
, né en Syrie dans le troiſième ſiècle,
vivoit fousle règne de l'Empereur Alexan.
dre Sévère , auquel il avoit même dédié
une partie de ſes écrits , comme Eusèbe
le rapporte. Il s'étoit acquis de la réputation
par les cinq Livres de ſa Chronologie
, dans lesquels il repréſentoit ,
felon l'ordre des tems , l'hiſtoire des .
principaux événemens , depuis la création
du monde juſqu'à ſon ſiècle. L'Ouvrage
eſt perdu pour nous; mais on fait qu'Eu
sèbe , Syncelle , Malala , Théophanes ,
Cédrène & d'autres Chronologiſtes l'ont
copié. Dans les neufLivres intitulés Ceftes
, Jules Africain traite dans un grand
nombre de Chapitres toutes fortes de
matières , fuivant tantôt ſes propres
idées , & tantôt ne donnant que de ſimples
extraits d'autres Auteurs. La Geo
JANVIER . 1775 .
وا
graphie , l'Hiftoire , la Géométrie , la
Phyſique , la Médecine , la Magie , l'Art
de la guerre , l'Agriculture , tous ces
différens objets y étoient effleurés avec
peu de méthode , & formoient la riche
collection de ces Ceftes. On fait qu'Homère
appelle Cefte , la ceinture que Vénus
prêta à Junon , & qu'il la décrit
comme un tiſſu admirablement diverfifié
, où réſidoient les charmes , les attraits
, les amours , les amuſemens , les,
entretiens ſecrets & le badinage. Jules
Africain ſe flatta que la variété des matières
qu'il tâchoit d'embellir par un
ſtyle fleuri & agréable , charmeroit également
l'eſprit de ſes Lecteurs , & meriteroit
à fon Livre le titre féduisant de
Ceftes. Il eſt poſſible ,ajoute ici fon favant.
Traducteur , que ſa manière d'écrire
ait eu de quoi plaire dans fon
temps , mais le peu qui nous reſte de
fon Ouvrage , nous fait juger que ces
charmes n'étoient point de tous les fiècles.
Les fragmens que M. Guifchard a
traduits ont fait partie du ſixième & du
ſeptième Livre de ces Ceſtes , qui ſemblent
n'avoir traité que de l'art de la
guerre & des objets qui y avoient quelque
rapport. Jules Africain , comme le
1
92 MERCURE DE FRANCE.
remarque ſon Traducteur , n'étant pas
lui-même Militaire , parloit des affaires
de la guerre comme Onoſandre , comme
Végèce , comme d'autres Ecrivains de
cette claſſe en parlent. Toutes les fois
qu'ils copient les bons Auteurs de l'antiquité
, leurs rapports nous intéreſſent &
nous inſtruiſent ; mais ce qu'ils ajoutent
d'eux-mêmes ne fait pas toujours honneur
àleurs lumières. Le premier Chapitre
des Ceſtes & le commencement du ſecond
contiennent des détails curieux &
inſtructifs , qu'on lit avec intérêt : dans
les Chapitres qui ſuivent, il n'eſt plus
queſtion de la Tactique. Jules Africain
y traite de matières qui , quoiqu'elles
aient quelque rapport à la guerre , font
plutôt du reſſort de la Phyſique & des
Mathématiques : mais la manière dont
il diſcute ces ſujets , n'eſt guère propre à
lui mériter l'approbation de la Poſtérité ,
&ne dépoſe pas non plus en faveur de
ſa morale. On le voit , lorſqu'il propoſe
lesdifférens moyens de nuire à l'ennemi ,
enſeigner l'art d'empoiſonner les puits ,
les rivières , les vivres & l'air même.
Heureuſement tous ces artifices font expofés
ſi obſturément , & fondés fur des -
ſuperſtitions fi abſurdes , qu'il n'eſt pas à
JANVIER. 1775. 93
craindre que l'on ſoit tenté de profiter
de ſes leçons. Comme nous avons trèspeu
d'anciens Auteurs qui aient parlé ſur
l'art militaire , on ſaura ſans doute gré à
M. Guiſchard d'avoir traduit celui-ci. Ce
Militaire érudit fait fort bien que les
matières que traite Jules Africain n'intéreffent
pas également ; mais on y trouvera
du moins quelques particularités propres
àenrichir nos connoiffances , & à nous
donner une idée de la ſcience militaire
&de la manière de faire la guerre dans
le ſiècle où l'Auteur a vécu.
: M. Guiſchard a entièrement conſacré
le quatrième & dernier volume de l'Ouvrage
que nous annonçons à la défenſe
de ſes Mémoires militaires fur les Grecs
&les Romains contre les Recherches d'Antiquités
Militaires , par M. le Chevalier
de Lo-Looz . M. Guiſchard a ſu éviter la
ſéchereſſe ordinaire dans ces fortes de
diſputes : il approfondit pluſieurs points
d'antiquités militaires que M. de Lo Looz
n'a fait qu'effleurer. Il examine de nouveau
la conſtruction de ce murde brique
que Trébonius éleva devant Marſeille
ſous les yeux des affiégés , ainſi que toutes
les circonstances du fameux blocus
d'Aléſie , dont on trouvera ici un nou
94 MÉRCURE DE FRANCE .
veau plan . M. Guiſchard y a joint quelques
ordres de batailles livrées par Céfar
en Afrique , & pluſieurs autres objets
digues de l'attention des gens de guerre .
Les plans & les cartes géographiques
qui ſervent d'éclairciſſement ou de preuves
à ces Mémoires hiſtoriques & criti-
'ques , ſont exécutés avec netteté ; &
toute la partie tipographique de cet Ouvrage
eſt en général très ſoignée .
Effaifur les Comètes en général , & parti .
culièrement fur celles qui peuvent
approcher de l'orbite de la terre : par
M. Dionis du Séjour , de l'Académie
Royale des Sciences , & Confeiller
au Parlement : chez Valade , Libraire ,
rue St-Jacques.
Pour donner une idée de cet excellent
Ouvrage , & des circonstances qui
l'ont fait naître , & pour inſpirer au Public
le defir de le connoître; nous ne
pouvons mieux faire que de tranferire
quelques endroits du rapport lu à l'Académie
des Sciences , & imprimé à la fin
-de l'Ouvrage. Voici comment s'expriment
les Commiſſaires *.
* MM. Dalembert , Bézout , Vandermonde &
de laPlace.
JANVIE R. 1775 . 95
» Depuis que Newton eut découvert
>> que les comères étoient ſoumiſes ,
>> comme les planètes & leurs fatellites ,
>> aux loix de la peſanteur univerſelle ,
»& qu'elles décrivoient autour du fo-
>> leil des orbites plus ou moins alon-
>>gées : ces corps , auparavant la terreur
> du monde, ceffèrent de l'épouvanter .
>> Mais , en devenant indifférens pour le
>>vulgaire , ils furent d'autant plus in-
>>téreſſans aux yeux des Philoſophes . La
→détermination de leurs orbites , la théo.
> rie de leurs mouvemens , & la prédic-
» tion de leurs retours exercèrent la ſaga-
» cité des Géomètres & des Aſtronomes .
>>La philoſophie ſpéculative crut y trou-
» ver la raiſonde pluſieurs phénomènes
» extraordinaires que nous offre la
>> Nature & l'hiſtoire des ſiècles reculés.
>>>Elle imagina que quelques - unes des
>> comètes ont approché aſſez près de la
>> terre pour la bouleverſer de fond en
» comble, ſoit par le choc , ou en l'i-
>> nondant au moyen de leurs queues ,
» ou par l'exceſſive chaleur qu'elles peu-
>> vent acquérir dans leur paſſage par le
>> perihélie , ou enfin en agiſſant puif-
> ſamment ſur elle en vertu de leur force
>> attractive ; c'eſt ainſi que Vhiſton , cé
96 MERCURE DE FRANCE.
> lèbre Aſtronome Anglois , prétendit
> expliquer le déluge par l'inondationde
» la queue d'une comète , qu'il croit être
» la même que la fameuſe comète
» de 1680 , qui , de toutes celles que
>> nous connoiſſons , paroît avoir le plus
→ approché de l'orbite terreſtre .
>> Pour que l'action d'une comète ſur
la terre puiſſe y produire des change-
> mens conſidérables , il faut ſuppoſer
>>qu'elle en paſle fort près : ſans cela , ſa
vîteſſe& la petiteſſe de ſa maſſe ren-
>> droient fon effet inacceſſible : il étoit
>>donc intéreſſant d'examiner ſi , parmi
>> les comètes dont les élémens ſont connus
, il n'en eſt aucune qui puiffe ap-
> procher de la terre. C'eſt ce que ſe pro-
» poſa M. de la Lande dans un Mé-
>> moire deſtiné à être lu dans l'Aſſemblée
» publique d'après Pâques 1773. Les cir-
> conſtances ne lui permirent pas d'en
>> faire la lecture; mais l'objet duMémoi-
>> re communiqué par l'Auteur à quelques
amis,& par ceux- cià d'autres perſonnes,
> ſe trouva dénaturé par l'ignorance , &
>> la peur ſe répandit dans le Publie.
» L'Académie ſe rappelle l'impreſſion gé .
>> nérale de terreur qu'il produiſit dans
> cette Capitale , & de-là dans les Pro-
>vinces
JANVIER. 1775 . 97
> vinces ; ſoit que la frayeur des hommes
» pour les comètes ne ſoit pas encore
» bien éteinte , ou , ce qui eſt plus vrai-
>> ſemblable , parce que le vulgaire igno-
>> rant & timide , n'ayant d'autre raiſon
» pour ſe raſſurer contre les phénomènes
>>un peu finguliers de la Nature , que
» l'exemple & l'autorité des perſonnes
» éclairées , s'alarme aisément , lorſqu'il
>>ſe perfuade qu'elles ont annoncé quel-
» que événement fâcheux.
» Pour tranquilliſer le Public& ſe juf-
» tifier en même temps des aſſertions ri .
>> dicules qu'on lui imputoit , M. de la
>> Lande publia ſon Mémoire. La ſenfa-
>> tion qu'il fit , jointe à l'intérêt de fon
» objet , réveilla l'attention des Géomè-
>> tres , & particulièrement celle de M.
ود du Séjour : il ſe propoſa d'éclairer cette
>> matière du flambeau de l'analyſe , &
» c'eſt ce qui a donné lieu à l'Ouvrage
>> dont nous allons rendre compte » .
MM. les Commiſſaires de l'Académie
donnent enſuite un extrait de cet
Ouvrage , que les bornes que nous fommes
obligés de nous preſcrire , ne nous
permettent pas de mettre en entier ſous
les yeux du Lecteur : nous dirous ſeulement
que l'Ouvrage de M. du Séjour eſt
II. Vol. E
98 MERCURE DE FRANCE.
précédé d'une Préface, dans laquelle ,
après avoir raffemblé les différentes opinions
des Philofophes anciens & moder
nes fur la nature des comètes & fur leurs
influences , il expoſe d'une manière trèsclaire
, & à la portée du commun des
Lecteurs , l'objet de ſon travail. Quant à
l'Ouvrage même , il eſt diviſé en onze
Sections , dans lesquelles l'Auteur traite
tout ce qui regarde les comètes qui peuvent
approcher de l'orbite de la terre , en
ayant égard à toutes les circonstances de
leurs mouvemens , & aux attractions réciproques
de la terre & des comètes , &
il fait voir que , ſuivant toutes les règles
des probabilités , nous n'avons rien à re
douter de ces corps. Il donne enſuire les
équations du fameux problême , où il
s'agit de déterminer , par trois obfervations
, l'orbite d'une comète fuppofse
parabolique , & une méthode très- élégante
pour avoir exactement l'orbite,
lorſqu'on le connoît déjà à peu - près.
> Enfin l'Ouvrage eſt terminé par une
>>notice très - intéreſſante & très - bien
>> faite de toutes les comètes qui ont été
» obfervées avec affez d'exactitude , pour
>> que l'on ait pu calculer leurs orbites.
Cette notice renferme non- feulement
-
JANVIER. 1775 .. 99
>>teurs élémens , le nom des Altronômes
» qui les ont découvertes , calculées &
» obſervées , & les conftellations qu'elles
>> ont parcourues ; mais en préſentant, de
plus , en peu de mots l'hiſtoire des pré-
>>jugés des différens fiècles ſur les co-
>> mètes , & des craintes qu'elles ont
>>inſpirées avant que leur théorie fût
>> connue; elle fournit les preuves les
>>plus ſenſibles de l'avantage des Scien-
» ces.
د
Tels font les objets que M. du Séjour
a traités dans fon Ouvrage ; on
voit qu'il n'a rien oublié de ce qui a
quelque rapport à la théorie générale
des comètes , & en particulier , de
celles qui peuvent approcher de la
terre. Il nous a été impoflible de donner
dans cet extrait une idée même imparfaite
des méthodes dont l'Auteur
a fait uſage , c'eſt dans l'Ouvrage qu'il
faut les fuivre : nous nous contenterons
d'obſerver qu'elles ſont auſſi ſimples&
préſentées auffi clairement qu'on
puiffe le defirer. Indépendamment du
mérite de l'analyſe , l'Ouvrage de M.
du Séjour nous paroît très intéreſſant ,
en ce qu'il doit raffurer contre la crainte
des comètes. Jamais leurs effets n'a
E ij
100 MERCURE DE FRANCE .
voient été difcutés d'une manière auſſi
étendue & auſſi préciſe ; la probabilité
de leur danger n'avoit point encore été
foumiſe à une analyſe auſſi rigoureuſe ;
& , puiſqu'il en réſulte qu'elle eſt infiniment
petite ou nulle , l'Ouvrage de
M. du Séjour a le double avantage
d'être utile au progrès des Sciences
qu'il enrichit d'une nouvelle théorie
& à la tranquillité des hommes , en
les délivrant d'une frayeur imaginaire .
,
,
Quoique cet Ouvrage ſoit fondé fur
une analyſe très ſavante , il nous paroît
cependant intéreſſant même pour les Lecteurs
qui ne feroient point initiés dans
les calculs. Il préſente des réſultats expofés
avec beaucoup de clarté , & un
grand nombre de remarques fines & judicieuſes
, qui n'ont point encore été développées.
Nous croyons donc qu'on ne
peut trop en conſeiller la lecture à ceux
qui s'occupent de ces matières , ou qui
font curieux de s'en inſtruire .
M. de Fintac , ou le Faux Connoiffeur ,
Comédie en trois actes & en vers . A
Genève , & ſe vend à Paris chez
d'Houry , Imprimeur- Libraire , rue de
vieille Bouclerie , 1775 .
JANVIER. 1775 . 101
Nous invitons à lire cette Pièce ; le
Lecteur y trouvera des ſcènes bien écrites
, intéreſlantes & qui l'amuferont.
Abrégé du cours complet de Mathématiques
, ou précis de Mathématiques à la
portée de tout le monde , à l'uſage des
Colléges & des Penſions ; ouvrage deftiné
à l'inftruction des Enfans du plus
bas âge , & de ceux qui n'ayant pas le
fecours d'un Maître de Mathémati.
ques , veulents'initier dans cette ſcience
en peu de temps & fans beaucoup
de peine ; avec figures. Par M. l'Abbé
Sauri, ancienProfeſſeur de Philofophie
en l'Univerſité de Montpellier. Vol.
in - 12 , prix 38 fols , franc de port par
tout le Royaume. A Paris , chez Ruault
Libraire , rue de la Harpe ; & chez
l'Auteur , au Collége des Tréſoriers ,
rue de Richelieu- Sorbonne .
L'Auteur traite d'abord , dans cet
abrégé , des opérations ordinaires de l'arithmétique
& des fractions. Il paſſe enfuite
à l'algèbre , & préſente cette ſcien-
се, dont le feul nom rebute bien des
gens , avec une ſimplicité & une clarté
fatisfaiſante. Il parle des raiſons , pro-
Eiij
102 MERCURE DE FRANCE.
portions , progreſſions géométriques &
arithmétiques , de la régle de trois &
de celle de compagnie. Il dit même
quelque choſe des logarithmes , des
équations & de l'infini . La géométrie ſe
diviſe naturellement en trois parties.
Dans la première , l'Auteur parle des
lignes & des angles ; dans la ſeconde ,
des ſurfaces , de leurs meſures & de
leurs rapports ; dans la troiſième , des
folides , de la meſure , & du rapport de
leurs furfaces & de leurs folidités . Cer
abrégé eſt terminé par un petit traité de
géométrie- pratique , dans lequel l'Auteur
enſeigne à meſurer la hauteur d'une tour
acceffible ou inacceſſible , la largeurd'une
rivière qu'on ne peut paſſer , la hauteur
& la pente d'une montagne ; à lever le
plan d'un terrein , à meſurer ce terrein ,
à lever une carte géographique , & enfin
le nivellement.
Du calcul infinitéfimal & de la géométrie
des courbes , pour ſervir de ſupplément
au Tome premier de la Philofophie ,
par M. Beguin , Licentié en Théologie
, de la Société Royale de Navarre ,
Profeſſeur de Philoſophie en l'Univerfité
de Paris , au Collège de Louis- le-
Grand.
JANVIER. 1775. 103
... Quàm pulchrum in principiis, in origine rerum
Defixiffe oculos & nobile mentis acumen ?
Pervolat hucfapiens...
Anti-Lucr.
Brochure in -8°. avec des planches.
Prix 1 liv. 10 f. A Paris , chez Barbou ,
Imprimeur- Libraire , rue des Mathurins.
Le calcul infinitéſimal , c'eſt à dire le
calcul de la grandeur par ſes élémens infiniment
petits ou conſidérés comme tels ,
a , par rapport à ſa nouveauté , d'abord
été appelé géométrie nouvelle. Par rapport
à la manière dont cette partie des mathématiques
enviſage ſon objet , & , par
rapport aux découvertes admirables que
l'on a faites par fon moyen , on l'a auffi
appelée géométriefublime, géométrie tranf.
cendante. Ces expreſſions ſont juſtifiées
par l'expoſition que fait M. Beguin des
principes , des règles & des applications
du calcul même .
En confidérant la grandeur par rapport
à ſes élémens , l'on peut ſe propoſer
deux choſes , ou de trouver l'expreffion
de l'élément infiniment petit d'une grandeur
donnée ou de remonter de cet
E iv
104 MERCURE DE FRANCE.
élément à la grandeur même. C'eſt pourquoi
le calcul infinitéſimal ſe diviſe en
deux, eu égard à ce double objet ; en calcul
différentiel & en calcul intégral . M.
B. traite de l'un & de l'autre , & remplit
par ce moyen la promeſſe qu'il avoit faite
àla findu Tome premier de ſa Philofophie
de donner un ſupplément à la queſtion
de la quatitité des corps , qui eſt l'objet
de la mathématique. Ce ſupplément mé
rite d'autant plus l'accueil du Public ,
que le traité du calcul infinitéſimal & la
géométrie des courbes manquent dans la
plupart des élémens de mathématiques ,
enparticulier dans ceux dont il eſt fait
uſage dans les Colléges .
Mémoirefur la meilleure méthode d'extraire
&de rafiner leſalpétre. Par M. Tronfon
du Coudray , Capitaine au Corps de
l'Artillerie. Brochure in 88. A Upfal
, & ſe trouve à Paris , chez Ruault ,
Libraire , rue de la Harpe .
CeMémoire ne contient qu'une partie
d'un travail conſidérable que M. du
C. avoitcommencé ſur la poudre. Ce mémoire
a été préſenté à l'Académie royale
des Sciences de Paris , & les Commif
JANVIER. 1775. 105
ſaires nommés pour l'examiner ont applaudi
aux recherches de l'Auteur, & ont
jugé fon Mémoire digne d'être publiédans
le recueil des Mémoires approuvés par
l'Académie . Mais comme ce recueil n'eſt
ni commode , ni d'une acquiſition facile ,
& que les expériences contenues dans le
préſent Mémoire doivent intéreſſer les
Officiers d'artillerie & de marine & pluſieursArtiſtes
, l'Auteur a été follicité de le
faire imprimer ſéparément. Dans cet écrit
M. du C. traite de la meilleure manière
d'extraire & de rafiner le ſalpêtre , pour
parvenir à compoſerdes poudres plus actives
&moins ſujettes à ſe gâter dans les
magaſins duRoi, objet important pour l'artillerie
quine l'eſt pas moins pour les inté
rêts de S M. L'Auteur après avoir acquis
toutes les connoiffances néceffaires pour
porter dans la fabrication du ſalpêtretoutes
les lumièresqu'on peur tirer de la phyfique
&de la chymie , a parcouru & examiné
avec ſoin les différens ateliers établis dans
le Royaume pour la préparation du falpêtre.
Il a vu avec étonnement quenos
Salpêtriers n'avoient point de pratiques
conſtantes , qu'aucun n'étoit en état de
rendre raiſon des différens procédés qu'ils
exécutoient, & qu'en cenſéquence il for
Ev
106 MERCURE DE FRANCE .
toit des différentes fabriques de Paris , de
Languedoc & de Lorraine , des ſalpêtres
de différentés qualités. Cette conſidéra -
tion étoit ſuffifante pour déterminer un
Phyſicien éclairé & laborieux à étudier
ſucceſſivement tous les procédés de cet
art , à ſe rendre compte des différentes
pratiques uſitées , à balancer leurs avantages
& leurs défauts ; enfin à exécuter
toutes les expériences néceſſaires pour
reconnoître & déterminer dans chaque
partie de cette fabrication la meilleure
manière d'opérer. Le détail de ces expériences
doit être vu dans l'ouvrage même;
& nous dirons avec les Commillaires
de l'Académie qu'il feroit à ſouhaiter que
le Ministère mît l'Auteur à portée de réi
térer ſur des quintaux de falpêtre & de
felmarin , lesexpériences qu'iln'a pu faire
que ſur quelques livres de ces deux ſels.
Il eſt certain qu'on ne peut faire de bonne
poudre qu'avec de très bon ſalpêtre , &
qu'en perfectionnant ſurles principes érablispar
l'Auteur, l'extraction, la cuite & le
rafinage de ce fel , pour paſſer enfuite à
l'examen de la fabricationde la poudre ,
on parviendroit aisément àla rendre plus
vive& plus durable.
Mémoires de l'Académie Royale de ChirurJANVIER.
1775. 107
gie. Tomes , treizième , quatorzième
& quinzième . Prix , liv. les trois vo
lumes reliés. Ces trois volumes formentle
tome cinquième de l'édition in-
4°, dont le prix eſt de 14 liv. relié. A
Paris , chez P. Fr. Didot lejeune , Libraire
, quai des Auguſtins.
Ces Mémoires remplis de faits &
d'obſervations lumineuſes , font des objets
d'étude pour tous ceux qui s'adonnent
à l'art de guérir. Les gens du monde
les liront auſſi avec fruit. Ce font de trèsbonnes
confultations fur différens accidens
qui peuvent les intéreſſer. Ces Memoires
leur apprendront du moins à diftinguer
parmi la foule des gens officieux
qui veulent les traiter dans leurs maladies
, le Praticien éclairé de celui qui
en ufurpe le nom. Comme les objets y
font très- variés , nous nous contenteterons
de les indiquer ici. Le treizième
volume de l'édition in 12 , nous entretient
ſur les tumeurs fongueuſes de la duremère
, par M. Louis ; l'encephalocèle , ou
hernie du cerveau , par M. Ferrand ; les
plaies du ſinus longitudinal ſupérieur de
la dure mère , par M. Laffus. Les ouvrages
ſuivans font un examen de la doctrine
des Auteurs anciens & modernes , fur
Evj
108 MERCURE DE FRANCE.
l'application du trépan à l'endroit des ſututes
; un Mémoire dans lequel on propoſe
un nouveau procédé pour traiter le
renverſement des paupières , par M. Bordenave
; un précis hiſtorique de la doctrine
des Auteurs fur l'opération qu'ils
ont propofée pour remédier au renverſement
des paupières ; de nouvelles remarques
fur la prétendue régénération des
chairs dans les plaies & les ulcères ; un
Mémoire fur pluſieurs maladies du globe
de l'oeil , où l'on examine particulièrement
les cas qui exigent l'extirpation de
cet organe , & la méthode d'y procéder ,
par M. Louis; une ſuite d'obſervationsfur
les maladies du finus maxillaire , par M.
Bordenave ; d'autres obſervations ſurune
maladie du finus maxillaire , par feuM. de
Garangeot.
Le quatorzième volume renferme de
nouvelles obfervations ſur les fistules falivaires
, par M. Louis ; une fuire d'obſervations
fur le bec de lièvre;unMémoire
fur quelques exoſtoſes de la mâchoire inférieure,
par M. Bordenave; un Mémoire
fur la nécroſe de l'os maxillaire inférieur;
un autre Mémoire ſur les maladies intérieures
de la bouche. Ce dernier Mémoire
eſt diviſé en quatre paragraphes. Il eſt
queſtion dans le premier de l'excroiffance
JANVIER. 1775. 109
fongueuſe des gencives ; dans le ſecond ,
de la gangrène fcorbutique des gencives ,
dans les enfans, par feuM Berthe ; d'une
obſervation ſur les effets rapides de lapourriture
aux gencives , par M. Capdeville ;
& d'un avis de M. de la Peyronie ſur
la grangrène épidémique des gencives
aux enfans trouvés . Le troiſième paragraphe
parle des humeurs ſublinguales ; le
quatrième de la reſciſion des amygdales
tuméfiées , & des concrétions pierreuſes
des amygdales. La ſuitedu volume préſente
unMémoire phyſiologique & pathologique
ſur la langue , par M. Louis ;
un précis d'obſervations ſur le gonflement
de la langue , & fur le moyen le plus efficace
d'y remédier , par M. de la Malle ;
des obſervations ſur un corps étranger
qui perçoit la trachée-artère , par M. de
la Martinière ; d'autres obſervations fur
une portion d'amande de noyau d'abri
cotdans la trachée-artère , par M. Leſcure ;
& une ſuite d'obſervations ſur les corps
étrangers dans la trachée-artère ; des expériences
ſur ces cas ; & des remarques
fur l'expectoration ſuppoſée des vaitheaux
pulmonaires. Le volume eſt terminé par
des remarques & obſervations fur lufage
des fumigations dans la phthyſie pul
110 MERCURE DE FRANCE.
monaire , &par un Mémoire fur la frac.
ture de la clavicule , & une deſcription
d'un nouveau bandage pour cette fracture
, par M. Brasdor.
La quinzième & dernier volume offre
un Mémoire fur les anus contre nature ,
par M. Sabatier ; un autre Mémoire fur
la conſtruction des bandages pour les hernies,
par M. Camper; des remarques fur
les ſignes illuſoires des hernies épiploïques
, par M. Pipelet le jeune ; un Mémoire
ſur le danger des cauſtiques pour
la cure radicale des hernies , par M. Bordenave;
des recherches hiſtoriques ſur la
cure radicale de l'hydrocele, par M. Sabatier
; des remarques ſur les accouchemens
laborieux par l'enlèvement de la tête , &
ſur l'uſage du levier de Roonhuyſen dans
ce cas , par M. Camper ; un eſſai ſur les
amputations dans les articles , par M.
Brasdor ; un Mémoire ſur les luxations
confécutives du femur , par M. Sabatier;
un Mémoire ſur les anciennes luxations ,
par M. Guyenot; & un autre Mémoire
fur l'uſage de la chaleur actuelle dans le
traitement des ulcères , par M. Faure . Un
ſupplément à différens ſujets traités dans
le recueil , termine ce quinzième vo-
-lume.
JANVIER. 1775 . "
Mémoire fur lamanière dont on extrait en
Corfe leferde la mine d'Elbe , d'où l'on
dédait une comparaiſon de la méthode
Catalane en général , avec celle qui ſe
pratique dans nos forges. Par M. Tronfon
du Coudray , Capitaine au Corps
de l'Artillerie , Correſpondant de l'Académie
royale des Sciences de Paris.
Vol . in 8 ° . avec figures. Prix broché
3 liv. A Upfal , & ſe trouve à Paris
chez Ruault , Libraire ,rue de laHarpe.
Parmi les objets que la Corſe préſente
à la curioſité du Naturaliſte& du Phyſicien
, un de ceux qui mérite le plus fon
attention , c'eſt , nous dit M. du C. au
commencement de ce Mémoire , la manière
dont on y extrait le fer de la mine
d'Elbe , la ſeule que juſqu'à préſent on
ait exploitée dans cet Ifle.On n'y connoit
point nos fourneaux , on n'y fond point
la ſubſtance de la mine ; les parties terreuſes
ſeules font liquéfiées , & le fer ,
débarraffé d'elles , refte en lopin au fond
de l'eſpèce de creuſet ouſe fait tout le travail.
Ce font les mêmes ouvriers , qui en
vingt- quatre heures donnent à la mine un
premier grillage , la bocardent , la grillentune
ſeconde fois , en extraientle fer ,
112 MERCURE DE FRANCE.
l'affinent & le rendent égal , & peut -être
ſupérieur aux meilleurs fers de Suède .
Dans les Forges les plus conſidérables ,
quatre hommes qui ſe relèvent de fix
heures en fix heures , & trois dans les autres
, fuffiſent à toutes ces opérations ;
& ils les exécutent fans autre feu que
celui d'une ſimple Forge proprement dite ,
c'eſt -à-dire d'une aire de huit à dix pieds
de long ſur cinq à fixde large , plate dans
toute ſon étendue , excepté autour de la
tuyère , où elle forme un baſſin demicirculaire
d'environ un pied & demi de
rayon , profond de fix à ſept pouces , dont
le bord eſt incliné & percé d'un trou par
lequel on fait couler le laitier. C'eſt fur
cette aire , ſemblable à celle de l'affinerie
dans nos forges , & où le baffin dont il
vient d'être parlé remplace le creuſet
qu'on entoure de charbon la mine ou
le fer , ſur lequel on veut opérer. Le
feu y eſt excité par la tuyère d'une trombe
à un ſeul corps , & c'eſt avec un marteau
de deux ou trois cents de nos livres au
plus , qu'on renarde & qu'on étire le fer.
M. duC. denne dans fon Mémoire un détailtrès-
fatisfaiſant de ces opérations qui
paroiffent être les mêmes pour le fond
que celles qui ſe pratiquent en CataloJANVIER.
1775. 113
gne , dans la Navarre , & en général dans
tout le voiſinage des Pyrennées. Ainfi le
compte que M. du C. rend de la méthode
uſitée enCorſe peut fervir à faire connoître
la méthode Catalane en général .
Exercice de dix jours de retraite pour toutesfortes
de personnes , & , en particulier
, pour celles qui sont consacrées à
Dieu dans l'Etat Religieux , Par M
l'Abbé de Marſis , Curé de la ville de
Gourdon , 2 vol. in- 12 ; à Paris , chez
Vincent , Imprimeur - Libraire , rue
des Mathurins , & la veuve Mequignon
, rue de la Juiverie .
Des Sermons , des Entretiens , des
Réflexions fur les vérités de la Morale
Evangélique forment la matière de ces
exercices très-propres à nourrir la piété ,
&à nous rendre les devoirs du Chrétien
plus faciles.
Direction ſpirituelle pour s'occuper faintement
avec Dieu , à l'uſage des Novices
de l'Ordre de Notre Dame du Mont-
Carmel ; nouvelle Edition dédiée à
Madame Louiſe de France , - Prieure
des Carmelites de Saint Denis , vol.
114 MERCURE DE FRANCE.
in 12 , petit format : à Paris , chez
Lottin , l'aîné , Libraire- Imprimeur ,
& Eugène Onfroy , Libraire , rue St-
Jacques.
L'Editeura , dans cette nouvelle Edition
, purgé la diction des mots furannés
, corrigé les inverfions qui obfcurciſſoient
le texte , & jeté quelque clarté
dans le tout , en admettant des diviſions
de chapitres & de paragraphes . L'Ouvrage
eſt précédé d'un tableau des Princeſſes
de la Maiſon de France , iſſues par
filiation directe ou légitimée ; & des Demoiſelles
nées des Princes de cette auguſte
Maiſon , ou iſſues de ſes différentes
branches,, par extraction natu
relle , qui ont embraſfé l'Etat Monaftique.
Etrennes d'un Médecin , Ouvrage où l'on
donne les moyens sûrs de remédier
promptement aux différens accidens
qui menacent la vie , tels que ceux
qui font caufés par les poiſons , les
vapeurs vénéneuſes , &c. & à une foule
d'incommodités dont on eſt journellement
attaqué. Année 1775 , vol. in-
16 , à Paris , chez Vincent , ImpriJANVIER.
1775. 115
meur - Libraire , rue des Mathurins.
Les inſtructions que ce Livret contient
ſont ſimples , faciles , à la portée de tout
le monde : elles font fort abrégées , mais
fufifantes dans bien des cas , & toujours
affez étendues pour ſervir du moins d'avis
falutaire à ceux qui comptent leur
Yanté ou celle de leurs proches pour
quelque choſe. L'Auteur a porté ſur tout
fon attention à faire connoître les ſecours
que l'expérience a indiqués contre les
évanouiſſemens , ſouvent mortels , occaſionnés
par les vapeurs du charbon , des
fouterreins , du vin en fermentation ,
&c.: ces inſtructions font rangées par
ordre alphabétique , pour faciliter les
recherches . C'est encore dans cette vue
que l'Auteur a joint à ce petit Dictionnaire
une Table par laquelle on ſe mettra
facilement au fait de tous les objets qui
y font traités.
Recherches critiques & topographiquesfur
la ville de Paris , depuis ſes commencemensconnus
juſqu'à préſent , avec le
plan de chaque quartier : par le ſieur
Jaillot , Géographe ordinaire du Roi ,
de l'Académie Royale des Sciences &
Belles Lettres d'Angers .
116 MERCURE DE FRANCE.
Quid verum... curo & rogo , & omnis in hocfum -
Hor. Lib. I. Epift. I.
Dix-huitième Cahier in- 8 °. , Quartier
de Saint-André des Arcs : à Paris ,
chez l'Auteur , Quai & à côté des
Grands- Auguftins ,& chez Aug. Marr.
Lottin, aîné, Imprimeur Libraire , rue
Saint- Jacques .
Ce dernier Cahier forme le dix- huitière
de la ſuite , & nous offre des inftructions
fur le quartier de Saint-André
des Arcs. La Sorbonne , l'Académie
Royale de Chirurgie, les Eglifes de St-
André des Arcs & de Saint-Severin , les
Cordeliers , les Religioux de la Trinité
de la Rédemption des Captifs , vulgairement
appelés les Mathurins, les Grands.
Auguftins , & pluſieurs autres articles de
ce Cahier préfentent le même eſprit de
critique & de diſcuſſion , qui a guidé
l'Auteur dans ſes précédentes recher.
ches.
Les Etrennes de Clio & de Mnemosyne ,
vol . in- 12 de 376 pages : à Paris , chez
Ruault , Libraire , rue de la Harpe .
Des Tablettes , des Mémoriaux , des
JANVIER. 1775. 117
Recueils propres à orner l'eſprit , ou foulager
la mémoire compoſent ces Etrennes
, qui contiennent 18. des Tablettes
Elémentaires & Chronologiques de l'Hiſtoire
ancienne , univerſelle , ſacrée &
profane , juſqu'à la naillance de J. C.;
28. un Mémorial hiſtorique avec le
mois , le jour & l'année auxquels les
événemens ſont arrivés. Cette eſpèce de
notice de l'Hiſtoire moderne embraſſe les
ſiècles depuis J. C. juſqu'au temps préſent
; 3. un Tableau de l'Hiſtoire de
France en vers techniques ; 4. un choix
d'Apophtegmes , d'Adages , de Sentences
, d'Anecdotes. Comme ce choix n'eſt
pas la partie la moins intéreſſante de ces
Etrennes , nous en citerons quelques articles.
Un homme de beaucoup d'eſprit
&de ſavoir répondit très- philoſophiquement
à un de ſes amis , qui le félicitoit
ſur ſa grande réputation :>>>hélas ! je ne
>>fuis connu que dans une des quatre
>>partiesdu monde, que dansunRoyaume
>> de cette partie , que dans une ville de
» ce Royaume , que dans un cercle d'a-
>> mis de cette ville ,& encore j'entends
>>dire tous les jours que l'amitié eſt aveu-
»gle! »
On repréſentoit à un prodigue qu'il
prenoit le grand chemin pour aller à l'hô
118 MERCURE DE FRANCE.
pital , & qu'il devroit du moins garder
une poire pour la foif. >> Votre remontrance
eſt inutile , dit- il , car je n'aime
> pas le fruit.
Unjeune homme qui venoit de voir
repréſenter une Tragédie de Dryden ,
intitulée Cléomènes , lui dit , en ſe mocquant
de la continence du Héros de la.
Pièce , que , quand il étoit tête-à-tête
avec une femme , il ſavoit mieux employer
fon temps que ce Roi de Sparte :
>> cela ſe peut , répondit froidement le
>>Poëte; mais auſſi vous me permettrez
>> de vous dire que vous n'êtes pas un
» Héros » .
Un Philofophe , à qui l'on demandoit
quelle couleur convenoit le mieux au vifage
des femmes , répondit avec autant
d'eſprit que de vérité , que c'étoit celle
de la pudeur.
Le Comte de Bristol , qui étoit venu
avec Charles , Prince de Galles , & le
Ducde Buckingham en Eſpagne , y reſta
comme Ambaſladeur d'Angleterre , après
le départ du fils de Jacques I,& fut , en
ſa qualité , le témoin & l'agent de la
rupture du mariage de l'Infante avec
Charles . Le Roi d'Eſpagne , content de
fa conduite , & plein d'eſtime pour ſes
JANVIER. 1775 . 119
vertus , vouloir , mais en vain , le combler
de bienfaits. Après que le Comte
de Bristol eut pris fon audiencede congé
, le Comte Duc d'Olivarez vint lui
offrir encore un préſent de dix mille écus
de la part de Philippe II. La choſe de-
>> meurera fecrette , lui dit- on , & le Roi,
>>d'Angleterre n'en faura rien.-Je vous
>>demande pardon , répartit l'Anglois ;
>>je connoîs un homme qui le diroit au
» Roi , mon Maître ; & c'eſt le Comte
>>de Bristol lai même » .
On demandoit à M. de Fontenelle
la différence que l'on pourroit faire du
bon & du beau , il répondit avec fon
ton ſpirituel: » ah , ah , le bon ! il a be-
>> ſoin de preuves , & le beau n'en de-
» mande point » .
Dans le temps de la vogue des boufons
Italiens fur le théâtre de l'Opéra de
Paris , M. de *** qui étoit au parterre ,
ennuyé d'un intermède Italien , prit le
parti de fortir. Un partiſan des bouffons ,
qui s'étoit reculé pour le laiſſer paſſer ,
crut faire une bonne plaifanterie , en difant
affez haut : » on voit bien qu'il ne
>>fant que du foin à M. de *** : jeene
veux point, Monfieur , vous l'ôter de
>> la bouche , répondit celui- ci . i
120 MERCURE DE FRANCE.
Ce Recueil d'apophtegmes , de bonsmots
, d'anecdotes , préſente auffi pluſieurs
maximes de conduite , des obfervationsmorales
, des réſultats hiſtoriques .
Celui qui a pour objet la population actuelle
du globe terrestre , comparée à
celle qui exiſtoit encore il y a deux mille
ans , peut fournir à celui qui étudie
P'hiſtoire , des ſujets de réflexions ſérieuſes.
Ces Etrennes peuvent donc être regardées
comme un préſent très-propre à
faire aux jeunes gens , & à tous ceux qui
defirent ſur l'Hiſtoire un répertoire portatif,
qui ſoit inſtructif & varié.
Almanach d'Agriculture , neceſſaire à
tout Laboureur , Fermier , Cultivateur,
&c . où l'on expoſe par chapitre tous
les élémens de cette ſcience , & tout
ce qui peut concerner les beftiaux ,
la culture des terres , les engrais , les
labours , les ſemailles , les récoltes , la
conſervation des grains , & généralement
tout ce qui a rapport aux différens
travaux de la campagne . Troifie
me cours. Année 1775. Par M. P. D.
L. B. A Paris , chez Dorez , Libraire ,
rue Saint Jacques , vis-à-vis celle du
Plâtre..
Obfervations
JANVIER. 1775 . 121
Obfervations fur les moyens de préſerver
les animaux de la contagion ; chez Michel
Racle , Imprimeur de l'Intendan.
ce, àBordeaux.
M. Félix Vicq d'Azir , Docteur Régent
de la Faculté de Paris , Médecin de Mgr
lé Comte d'Artois , Membre de l'Académie
Royale des Sciences , nommé par
elle Commiſſaire , & envoyé par leGou.
vernement pour faire des recherches
phyſiques & médicinales ſur la maladie
épidémique qui attaque les beſtiaux dans
les Généralités de Bordeaux , Bayonne ,
Auch & Montauban , eſt parti de Paris
le 2 de Décembre pour la Guienne. Il
vient de publier à Bordeaux un ouvrage
qui a pour titre : Obfervations fur les
moyens que l'on peut employerpour préferver
les animaux fains de la contagion &
pour en arrêter les progrès. Cet ouvrage a
été ſur le champ dittribué dans toute
l'étendue du pays où règne la contagion.
Déjà les progrès ſont preſque tout-à- fait
arrêtés dans le Bordelois & dans l'Agenois.
M. Vicq d'Azir eſt maintenant à
Condom , où il a établi deux Hôpitaux
vétérinaires; l'un , pour tenter qu'elle eſt
celle des méthodes curatives qui mérite
II. Vol. F
122 MERCURE DE FRANCE.
d'être préférée ; l'autre , pour faire différentes
expériences ſur la communication
du virus contagieux .
Il examine dans cette brochure , 1º.
Les moyens préſervatifs dans un pays
encore ſain , mais très-voiſin d'un autre
pays infecté.
2°. Les moyens préſervatifs dans un
pays où les premiers ſignes de la contagion
commencent à ſe manifeſter .
3 °. Les moyens préſervatifs dans un
pays où la contagion a déjà fait des progrès.
Voici ſon procédé pour purifier les
étables , ainſi qu'il a été pratiqué avec
ſuccès aux environs de Bordeaux .
Je ſuppoſe , dit M. Vicq d'Azir , que..
l'on ait ôté & enfoui le fumier , & que
l'étable ait été bien nettoyée & regrattée
par tout.
Celui qui voudra purifier une étable
un peu grande , ſera muni d'une bouteille
de vinaigre , de huit onces d'acide vitriolique
, de deux poignées de ſel marin
, de poudre à canon , de nitre en poudre&
de ſoufre.
Il commencera par mettre des cendres
dans une terrine ; au milieu des cendres il
placera un verre rempli de ſelde cuiſine ;
JANVIER. 1775. 123
il fera chauffer le tout ; il apportera le pot
ou la terrine toute chaude dans l'étable ,
& il verſera l'acide vitriolique , peu à
peu , ſur le ſel . On peut faire la même
opération aux deux extrémités de l'étable.
Il fera du feu en différents endroits de
l'étable , ſur tout là où étoit l'animal
infecté , le long des murailles , & dans
les angles.
Il promenera de la paille longue allu-:
mée ſous les auges , &dans les trousdes
murs.
Pendant que les feux allumés brûleront
toujours , il frottera les auges avec un
balai , ou quelque chiffon trempé dans du
vinaigre. On aura auparavant ratiffé &
même verloppé les auges , s'il eſt poſſible.
Il jetera dans ces feux allumés de la
poudre à canon ; il aura ſoin de ne pas la
ſemer çà &la ; mais il en jetera une pincée
dans un eſpace un peu étendu , afin qu'elle
falſe une petite exploſion.
Lorſqu'il n'y aura plus de flamme fur
les charbons , il jetera du nitre en poudre.
Il emploiera fur-tour avec plus d'avantage
les pelotons ou maſſes de nitre
un peu conſidérables.
Leur fuſion a un effet plus marqué.
Sur les charbons enfin , il jetera du
Fij
126 MERCURE DE FRANCE.
Ce qu'ils ont fait fi bien on voudroit le mieux
faire;
Qu'arrive-t- il ? On exagère;
Oncroit les ſurpaſſer , & l'on reſte loin d'eux.
Le Poëte rappelle dans une épiſode
l'aventure d'un Lord qui achete une fuperbe
Terre où il détruit les beautés régulières
de l'art pour y ſubſtituer l'irré .
gularité d'une nature négligée ; il fait
abattre une magnifique avenue ; il appelle
enfuite un fameux Architecte , &
veux le confulter ; mais l'Architecte lui
dit de réparer l'avenue , & qu'enfuite il
lui donnera des conſeils. Le Poëte ſe
plaint fur- tout de la manie étrange de
vouloir meubler les jardins à l'Angloiſe,
De ces monumens faux que l'art a contrefaits .
Tout ce groteſque amas de modernes ruines ,
Simulacres hideux dont votre art s'applaudir ,
Qu'est- ce qu'un monftre informe , un enfant
décrépit?
Puiſſe cette Épître diminuer la manie
des jardins Anglois , & ramener le bon
goût en donnant à la nature les formes
nobles & régulières qui ajoutent à fa
beauté ou qui inaſquent ſes défauts !
JANVIER. 1775. 127
Cette Épisce eſt ſuivie d'une autre ,
en vers , en faveur des Écrivains du ſiècle
, contre leurs injuſtes Cenſeurs. Ces
deux Épîtres font honneur au goût , aux
talens & au zèle de l'homme de l'Homme
de Lettres qui en eſt l'Auteur.
Principes généraux & raiſonnés de la
Grammaire Françoise , avec des obfer.
vations fur l'orthographe , les accents,
la ponctuation & la prononciation ,
& un abrégé des règles de la verſification
françoiſe , dédiés à Monſeigneur
le Duc d'Orléans , premier Prince du
Sang : par M. Reſtaut ,Avocat au Parlement
& aux Conſeils du Roi ; onzième
Edition , corrigée très - exactement
& augmentée de la vie de l'Auteur.
A Paris , chez Lottin le jeune ,
Libraire , rue Saint Jacques , vis à vis
la rue de la Parcheminerie .
Les fréquentes Editions de cet Ouvrage
prouvent combien il eſt utile &
recherché dans l'éducation . C'eſt un de
ces livres claſſiques dont on ne peut ſe
paſſer ; c'eſt un Maître qu'on a ſouvent
beſoin de conſulter : auffi la Grammaire
de M. Reſtaut , & l'abrégé qu'il en a fait
Fiv
118 MERCURE DE FRANCE.
lui-même ont été mis , de fon vivant ,
ſans ſa follicitation & à fon inſça , fur
la liſte des livres ou plans d'études que
l'Univerſité de Paris a préſentés au Parlement.
Quoique cette onzième Edition
paroille après la mort de l'Auteur , on
peut aſſurer qu'elle eſt ſupérieure à celles
qu'il a publiées lui même , parce qu'on y
a fait uſage des dernières correctious de
M. Reſtaut , & que l'on y a corrigé pluſieurs
négligences échappées à l'Auteur.
La partie typographique y eſt aufli beaucoup
plus foignée: mais il faut ſe garantir
des Editions contrefaites de cet Ouvrage
, qui font toutes mal imprimées &
remplies de fautes. La bonne Edition
correcte & faite avec exactitude ſur le
Manufcrit de l'Auteur , ſe trouve ſignée
au dos da titre , du nom du Libraire
( Lottin le jeune ) , pour la diftinguer
des impreſſions furtives & fautives. De
plus , l'Edition de Paris a 648 pages ,
fans compter la Preface , l'Avertiſſement ,
&c. , tandis que les Editions contrefaites
ont ſouvent quatre vingt à cent pages de
moins; ce qui doit faire juger de leurs
défauts .
On trouve chez le même Libraire
pour les commençans de l'un & de l'autre
ſexe , l'Abrégé des Principes de la
JANVIER. 1775. 129
Grammaire Françoise de M. Reſtaut , dé.
dié aux Enfans de France ; nouvelle Edition
, beaucoup plus correcte que les
précédentes , & augmentée d'une Table
alphabétique des Matières.
Connoiſſance pratique des médicamens
les plus falutaires , fimples & compofes
, officinaux & extemporanes ou magiftraux
, internes & externes , &c. ou
nouveau Diſpenſaire , qui contient ,
19. la Chimie pharmaceutique ; 2 ° .
les noms , la deſcription , les qualités ,
propriétés , vertus , doſes & uſages des
médicamens ſimples ; 38. les préparations
& compoſitions des Pharmacopées
de Londres , d'Edimbourg , &c .
4°. les formules ou recettes choiſies
des hôpitaux Anglois , celles des Médecins
les plus célèbres . Par M. Lewis
, Ouvrage traduit de l'Anglois ,
avec des augmentations de l'Editeur
3 vol . in 8 ° . perit format. A Paris ,
chez la veuve Deſaint , rue du Foin-
Saint Jacques.
,
Nous dirons , avec l'Editeur de cette
traduction , qu'il ſeroit difficile de trouver
un Ouvrage ſur les médicamens ,
Fv
130 MERCURE DE FRANCE.
qui fût auſſi convenable que celui- ci pour
quiconque ſe deſtine à la pratique de la
Médecine , ou s'en occupe : en effet , cet
Ouvrage renferme complettement ce que
le Praticien doit preſque toujours avoir
préſent à la mémoire fut la Chimie pharmaceutique
, ſur la nature , les effets &
les vertus des médicamens ſimples , des
préparations & des compoſitions médicales.
Il offre un choix très bien fait des
remèdes officinaux & magiſtraux , actifs
& sûrs , ainſi que les plus propres à remplir
les indications des maux curables
chez toutes fortes de Sujets , ou à remplacer
, quand il en eſt beſoin , les remèdes
que conſeillent les Auteurs anciens
& modernes. Les diverſes parties
que contient ce Diſpenſaire font traitées
avec clarté , avec préciſion , avec une con.
noiffance approfondie , foit de la nature
&des effets des remèdes , ſoit des prin .
cipes de Pathologie & de Médecine clinique.
On y a fait uſage des obſervations
& expériences faites depuis trente ans
pour apprécier les remèdes & les idées
qu'on en avoir précédemment. La réunion
de ces connoiſſances néceflaires au
Praticien dans l'exercice journalier de ſa
profeflion , le difpenfera de confulter
JANVIER. 1775. 131
fur ces matières un grand nombre de livres
de Pharmacie , de Chimie , de matière
médicale , de formules officinales &
magiſtrales.
Ce Diſpenſaire , nous dit l'Editeur
dans un Avertiſſement , a éré diviſé en
trois volumes , parce qu'on avoit deſſein
d'y joindre tous lesdivers noms ou titres
latins & françois , tant des remèdes dont
il ett parlé dans ce livre, que de ceux
qui ont été omis à deſſein , ſoit remèdes
ſimples , ſoit préparations, foit compofitions
, foit formules officinales & magiſtrales
qui ſe trouvent dans les pharmacopées
, recueils de formules , & traités
des maladies. A l'article de chaque remède
omis , comme n'étant pas allez actif
ou affez sûr , ou affez bien compofés,
on joignoit la raiſon de ſon exclufion ,
une idée de ſa nature & de ſes effets ,
avec l'indication des remèdes de ce Difpenſaire,
qui peuvent être ſubſtitués avantageuſement
au remède omis : mais ce
travail étant devenu trop conſidérable ,
l'Eliteur s'eſt contenté d'en extraire quelques
remè les ſouvent cités dans les Livres
Anglois , comme les pilules de
Plummer la poudre de Dover , les pilates
de Ward, la poudre de James, l'ef-
Fvj
132 MERCURE DE FRANCE.
fence antimoniale d'Huxham ; quelques
préparations fort vantées récemment ,
comme la magnéſie blanche & calcinée ,
le remède de Blackrie , d'autres préparations
dont on étend l'uſage , comme l'air
fixé , la teinture des cantharides , les décoctions
de mezeréon , de morelle , &c.
l'explication de pluſieurs compoſitions ,
&desTables utiles .
On fait que la dière ou les alimens
légers & les boiſſons qui ſe preſcrivent
aux malades , contribuent ſouvent à leur
guériſon , autant que les autres parties de
régime, & que les remèdes mêmes : mais
les alimens utités enAngleterre ne ſont
pas familiers aux autres nations ; & les
Livres Anglois , foit les originaux , foit
les traductions , ne font que les indiquer
par les noms &titres qu'ils portent dans
le pays ; ce qui embarraſſe la plupart des
Lecteurs étrangers , & les empêche de
bien entendre les traitemens des maladies
, publiés par des Anglois. Ces confidérations
ont engagé l'Editeur François à
joindre à ſa Traduction les formules ou
recettes de ces boiſlons & alimens médicinaux.
Hiftoire de la Chirurgie depuisfon origine
JANVIER. 1775. 133
jusqu'à nos jours ; par M. Dujardin ,
du Collége & de l'Académie Royale
de Chirurgie , & de l'Académie Impériale
des Curieux de la Nature : tome
premier in- 4 ° . , prix broché , 12 liv.
10 f. , & relié , 14 liv. to fols. A
Paris , chez Panckoucke , rue des Poitevins
, à l'Hôtel de Thou.
L'art de la Chirurgie , confondu longtemps
avec la Médecine proprement
dite, parce qu'il n'étoit exercé que par
ceux qu'on appeloit Médecins , n'a point
d'époque particulière & précise , qu'on
puiffe affigner à ſon origine; mais il eſt
de toute évidence , comme le remarque
M. Dujardin , qu'i a précédé la Médecine
interne , puiſqu'ayant pour objet
des maux palpables & très ſenſibles à la
vue , les premiers ſecours qu'on pouvoit
attendre de la main des hommes ont dû
s'y porter. Dans ces ténèbres impénétrables
, il ne reſtoit à l'Hiſtorien de la Chirurgie
d'autre parti à prendre que de parcourir
toute l'antiquité , de revenir même.
fur les pas des Hiſtoriens de la Médecine
, de chercher toutes les traces de
cette Médecine opérative ou réelle , que
l'on a nommée Chirurgie , & d'en dif134
MERCURE DE FRANCE.
tinguerles premiers eſſais des procédés purement
médicinaux. M. Dujardin, en ſuivant
ainfi la marche de l'art d'âge en âge ,
autant qu'elle pouvoit être apperçue , en
a conduit l'Hiſtoirejuſqu'au point de partage
où la Médecine & la Chirurgie ,
fans ſe déſunir , quant à l'objet général ,
ont vu la maindu temps , qui a produit
leurs progrès , poſer leur limites reſpectives
, & leur affigner leurs fonctions
différentes .
:
L'Auteur , pour n'omettre aucune fingularité
de l'Hiſtoire de la Chirurgie ,
donne une idée des ſuperſtitions dont
fut d'abord infecté l'art qui pouvoit y
donner le plus de priſe; mais , pour ne
point embarraſſer de ces ridicules pratiques
l'ordre des faits intéreſſans qu'il
avoit à recueillir , il en a fait une courte
expoſition dans l'introduction de cette
Hiſtoire . Il eſt traité dans cette même
introduction , de la circonciſion & de la
caſtration , comme de deux opérations
infolites pour les Chirurgiens , mais ap-
•partenantes à la Chirurgie.
On ne publie encore que le premier
volume de cette Hiſtoire de la Chirurgie:
ce volume eſt diviſé en quatre livres
, qui renferment tout ce qu'on a pu
JANVIE R. 1775. 135
trouver fur la Chirurgie des plus anciens
peuples connus , au moins par les monumens
, tels que les Hébreux , les Phéniciens
, les Aflyriens , les Egyptiens &
les Grecs. L'accouchement , qui doit
avoir été une des premières & des plus
anciennes opérations de la Chirurgie , a
d'abord attiré les regards de l'Hiftorien ,
& c'eſt par- là que commencent ſes rerecherches
fur la pratique de l'art. Il fait
voir enſuite l'état de la Chirurgie ſous
les Patriarches ou chez les Hébreux &
les Egyptiens ; ce qui conduit à l'embaumement
des cadavres uſité chez ce peuple
. Ce premier livre eſt terminé par des
recherches ſur la Chirurgie des Chinois
& des Japonois. L'Hiſtorien obſerve que
ce n'eſt pas tant l'ancienneté de ces derniers
peuples , qu'il ne s'agit point de
difcuter dans un Ouvrage de cette nature
, qui l'a porté à les placer ici ; que
la ſimplicité de leurs moeurs , leur éloignement
pour celle des autres nations ,
& la conformité de leur Médecine encore
toute ſuperſtitieuſe , informe & grof.
ſière , avec celle des plus anciens peuples
.
Le ſecond livre contient la Chirurgie
des Grecs & des Peuples à-peu- près con
136 MERCURE DE FRANCE.
temporains , depuis les temps , nommés
fabuleux , & ceux qu'on appelle héroïques ,
dont le ſeul Homère comprend preſque
toute la tradition , juſqu'au temps d'Hippocrate.
C'eſt à l'époque de cet homme
célèbre , appelé le Père de la Médecine ,
& qui l'eſt également de la Chirurgie ,
qu'on verra cette dernière prendre ſa
forme & ſa conſiſtance. Ainfi le troiſième
livre embraſſe l'état de la Chirurgie
Grecque ſous Hippocrate & fes
ſucceſteurs , juſqu'au temps où elle commença
à s'introduire chez les Romains.
A cette époque , l'Hiſtorien a cru devoir
préſenter exactement tout ce qu'il y a d'efſentiel
fur la Chirurgie dans les écrits
d'Hippocrate , parce qu'il eſt évident que
c'eſt donner ſur cet art non-feulement la
doctrine de ce grand Maître , mais encore
toute la tradition de ſon temps , &
des temps même qui l'avoient précédé ;
tradition intéreſſante , & dont la chaîne
eſt continuée par ſes ſucceſſeurs.
Dans le quatrième & dernier livre ,
*l'Hiſtorien expoſe l'état de la Chirurgie
chez les Romains , avant & après l'arrivée
des Chirurgiens Grecs & Egyptiens,
&les révolutions de la Chirurgie à Rome.
Celſe fait la principale époque de
JANVIE R. 1775. 137
cette partie de l'Hiſtoire ; auffi tout ce
que ſes huit livres contiennent ſur la Chirurgie
eſt extrait ſoigneusement , & rap.
proché ici dans un grand détail.
Nous avons différens écrits fur l'Hiftoire
de la Chirurgie , mais ces écrits
font fort ſommaires , & n'offrent le plus
ſouvent qu'une chronologie sèche & peu
liée. L'Hiftoire de M. Dujardin peut
donc être regardée comme un Ouvrage
neuf , & d'autant plus digne d'être accueilli
, qu'il a exigé beaucoup de recherches
, qui ne produiſent jamais en raiſon
de ce qu'elles ont coûté. Son Hiſtoire
en raſſemblant la ſomme de nos connoiffances
en Chirurgie ſous un même
point de vue, facilitera l'étude de cet
art , & empêchera peut - être qu'on ne
nous donne ſi ſouvent , pour des découvertes
importantes ,des procédés conſignés
depuis long-temps dans des écrits même
célèbres , mais qui n'avoient point apparemment
été affez lus .
Traité de la conſtruction théorique &pra .
tique du ſcaphandre , ou bateau de
l'homme , approuvé par l'Académie
royale des Sciences. Par M. de la Chapelle
, Cenſeur royal de l'Académie de
138 MERCURE DE FRANCE.
Lyon , de celle de Rouen , & de la Société
royale de Londres. Vol . in - 88 .
enrichi de figures en taille-douce. Prix
3 liv. 12 f. broché. AParis chez Debure
père , quai des Auguſtins , au coin de
la rue Gît- le-coeur , & chez l'Auteur ,
rue Ste -Anne , au bureau de la Loterie
de l'Ecole Royale militaire, butte
St Roch .
-
M. de la Chapelle , Auteur du ventriloque
publié en 1772 , avoit promis au
public dans cet ouvrage qu'il ne feroic
pas long temps ſans mettre la dernière
mainà un traité ſur la conſtruction theo .
rique & pratique du ſcaphandre ou du
bateau de l'homme de fon invention.C'eſt
ce traité que nous venons d'annoncer.
Toute perfonne , forte ou foible , la plus
neuve ou la moins exercée dans les travaux
méchaniques pourra y apprendre , ſans
maître , ou fans autres ſecours que la propre
induſtrie naturelle à conftruire méthodiquement
, & par principes , un corfelet
avec lequel hommes & femmes
pourront , tout habillés , beaucoup mieux
que ſans vêtemens , nager ſur le champ ,
ſans l'avoir jamais appris , en ſe tenant
toutde bout à flots , plongés ſeulement
:
JANVIER. 1775. 139
juſques vers la région des mamelles Cette
eſpèce de cuiraſſe permet de faire à la
nage , par ſon moyen , toute forte de manoeuvres
, commede manger, boire, lire ,
écrire , combattre , charger le fuſil ou le
piſtolet , tirer , chaſſer , pêcher , ſe ſauver
des naufrages , ſans pouvoir jamais couler
à fond , ni avoir à craindre la crampe
ni l'épuiſement des forces , calfater un
vaiſeau en pleine mer , ou l'y radouber ;
faire patler à un corps de troupes , fans
ponts , ſans bateaux , ſans radeaux , &
furtout fans bruit , les plus grands fleuves
& les plus rapides ; lui faciliter une
defcente par mer ſur une côte ou ſur une
terre, & même de cheminer au milieu
des eaux les plus profondes , comme ſur
un plan folide.
M. de la Chapelle après avoir démontré
contre l'opinion commune , dans une
differtation aſſez étendue , que l'homme ,
même ſans la peur , ne nage point naturellement
comme les quadrupèdes , &
fait voir la très-petite reſſource de nager
en pleine mer , en conclut le befoin
qu'il y avoit d'inventer un nouvel
art d'entrer , de ſe ſoutenir , de manoeuvrer
,& même de marcher tout de bout
au milieu des eaux les plus profondes
140 MERCURE DE FRANCE.
:
comme en terre ferme . Afin d'y parvenir
, M. de la Chapelle commence par examiner
les qualités duliége dont il ſe fert
combien il senfonce dans l'eau , quel
poids il peut foutenir à ſa ſurface , quel
eſt à peu près le centre de gravité du corps
humain , juſqu'à quel point il doit plonger
tout de bout dans l'eau pours'y tenir
ferme , & combien , en cet état , il pèſe
plus que le volume d'eau où il plonge :
tous ces points bien déterminés , M. de la
C. cherche quelles font les parties du
corps que l'on doit charger ou revêtir de
liége. Cela le conduit à la préparation de
cette écorce , aux dimenſions, au nombre
, au poids & à l'équilibre des pièces
ou des morceaux qu'il veut employer.
Après avoir bien diſcuté tous ces différens
objers , M. de la C. vient à la conftuction
effective du bateau de l'homme
ou duscaphandre , dénomination compoſée
de deux mots grecs ſcaphe , batean,
efquif , & andros , homme .
M. de la C. détermine ſcrupuleuſement
dans ſon traité toutes les opérationsdu ſcaphandre
. Il décrit avec beaucoup d'ordre
&de clarté la longueur , la largeur , la
qualité & la préparation des toiles fur
leſquelles il faut placer les morceaux de
JANVIER. 1775. 141
liége , la manière de les arranger & de
les affurer , les outils que cela exige ,
les précautions qu'il faut prendre pour
donner à ce travail la plus grande perfecrion.
Le calcul le plus aifé , avec des
figures très - exactes & bien développées,
achève de donner à tous ces détails la plus
grande préciſion ; de manière qu'avec
la moindre portion d'intelligence & d'adreſſe
, on pourra ſe faire des ſcaphandres
auſſi parfaitement que les plus habiles
ouvriers. Quand cet habit eſt achevé ,
s'il y eſt ſurvenu défaut d'équilibre , M.
de laC. montre comment , ſans rien défaire
, on peut fur le champ le rétablir ,
& même augmenter , en certains cas ,
la force de ce corſelet dans les eaux ,
ſans ytien réformer. Un pantalon à étriers
pour marcher tout deboutau milieu des
eaux les plus profondes ; des nageoires
fort ſimples pour aider la progreffion ,
& un bonnet pour y ferter des provifions
en cas de beſoin , achèvent de donner
au ſcaphandre un appareil complet. Les
uſages de cet habit ſont amplement expoſés
chacundans leur chapitre . 1º . Pour
l'amuſement de l'un & l'autre ſexe ; 2 °.
pourla ſanté des hommes & des femmes .
3°. Pour la chaſſe. 4°. Pour la pêche .
142 MERCURE DE FRANCE.
5. Pour le paſſage des grandes rivières
par des troupes. 6°. Contre les dangers
ou les naufrages far met ou fur les rivières.
7 °. Pour y radouber ou calfater un vaifſeau.
8. Pour faciliter une deſcente de
troupes fur des côtes . 9° . Pour y faire
aiguade. 10 ° . Pour faire des radeaux à
la nage en pleine mer , pouvant ſervir de
refuge après un naufrage, ou même avant,
quand il eſt jugé inévitable. 11 ° . Pour
apprendre à nager tout ſeul d'une manière
fûre& en fort peu de temps .
M. de la C. n'a point négligé de faire
connoître les ouvrages ſur l'art de nager
ſans aucunes machines ; & il finit par
l'hiſtoire de ceux qui en ont imaginé
dans les mêmes vues que lui .
Ce traité eſt enrichi de figures avec
des notes relatives au ſujet. Elles accompagnent
le texte au bas des pages ,
&elles expliquent les cauſes phyſiques
des effers finguliers qu'offre ce traité.
Examen du Ministère de M. Colbert , vol .
in - 89. A Paris de l'Imprimerie de
d'Houry , Imprimeur Libraire , rue de
la Vieille-Bouclerie .
L'Auteur nous prévient dans ſa préJANVIER.
1771. 143
face qu'une diſpute d'opinion qui s'éleva
entre une perſonne éclairée & lui
au ſujet des divers éloges de Colbert ,
qui ont concouru pour le prix de l'Académie
françoiſe a donné lieu à cet écrit
qui contientdes diſcuſſions importantes.
Ces diſcuſſions pourront ſervir à éclaircir
pluſieurs grandes queſtions d'adminiſtration
politique . L'Auteur s'applique ſurtout
à faire voir que l'agriculture ne
peut proſpérer que par le ſecours des arts.
Il ajoute que pour qu'elle ait toute fon
utilité pour un État en particulier ; elle
doit être excitée par les conſommations
au dedans , & nullement par les ventes
de ſes denrées au dehors . « La vente nue
>> au dehors des denrées de ſubſiſtance ne
» peut , dit- il , jamais être regardée en
>>général pour un État principal , que
>>comme une vente pauvre & peu heu-
>> reuſe . Elle eſt pis encore, ſi on y fait at-
>>tention ; elle eſt meurtrière pour le
» pays vendeur , parce que , ſi dans les
>> proportions connues , le travail d'un
>> homme ſuffit pour en nourrir quarre
> autres , un pays qui commerce de ſes
>> ſubſiſtances , quand il peut en nourrir
>> des ouvriers , ſes Sujets , donne à au-
>> trui ſa propre population. Non- ſeule
144 MERCURE DE FRANCE.
lement il fait alors ce fâcheux facrifice ;
» mais il ſouffre encore bien d'autres pertes
: il ſe prive du prix des travaux de
>> ces mêmes homines ; la patrie perd des
>> bras pour få défenſe ,& des contribua-
>>bles pour ſes beſoins ; parce que le tra-
» vail étranger , auquel cet Etat a recours
>>par la négligenee de ſes arts domeſti-
>> ques , lui en paye la valeur en échange ,
" & ne la folde pas en bénéfices pour lui.
Dès lors , combien de pertes accumu-
» lées ? Il n'eſt guères poſſible d'imagi-
>> ner de diſpoſition qui ait plus de défa-
>> vantages pour un grandRoyaume qui
>> a admis un pareil procédé ». L'Aureur
ne ſe ditſimule point les objections qui
peuvent lui être faites par les Partiſansdu
ſyſtème contraire , & il y répond. Il établit
encore pluſieurs maximes relatives
aux manufactures , aux Colonies & au
commerce extérieur qui le conduiſent
à un examen raiſonnédu Miniſtère de
Colbert. L'Auteur en terminant cet examen
conſacre en peu de mots fon opinion
fur ce grand homme. « Je recon-
>>>nois , dit il , que la France lui doit les
>> vrais fondemens de ſa proſpérité. J'ef-
> time encore que Colbert a été dans ſa
> partie le premier &preſque le Légif-
>> lateur
JANVIER. 1775. 145 .
>> lateur univerfel. Sully , fon précurfeur,
>>pour l'économie , pour l'ordre ; fon
» modèle , & celui de tout Miniſtre ,
>>pour la pureté des ſentimens perſonnels,
>> pour l'amour du bien de l'état , ne s'é-
>>leva point au même rang que Colbert.
>> Ce dernier fut particulièrement un Mi-
> niſtre Créateur & Légiflateur. En ani-
» mant notte territoire , nos arts ,il a ap-
>> pris à ce Royaume ſa véritable , ſa ſeule
- deſtination; il l'a effectuée par des loix,
» & a tracé enfin dans preſque toutes les
>> parties , un Code & des maximes d'ad-
>> miniſtration qui ſont encore notrerègle.
» En un mot, ſon génie & fes principes
" méritentencore derégner parmi nous;
» de même que ſa mémoire eſt digne de
>>fubfifter à jamais dans le coeur & dans
>> l'eſprit de tous les vrais François.
ACADÉMIES .
I.
AMIENS .
L'Académie des Sciences , Belles. Lettres
& Arts d'Amiens , célébra le 25 Août
1774 , la Fête de Saint- Louis , dont le
II. Vol. G
146 MERCURE DE FRANCE,
"
panegyrique fut prononcé par M. l'Abbé
Brafle.
M. d'Agay , Intendantde la Province,
&Honoraire de l'Académie , en ouvrit
la ſéance publique par un difcours , ayant
pour ſujet cette vérité politique & littéraite
, combien les ſciences & les arts contribuent
à la felicité publique.
Un ton noble & modefte , beaucoup
d'ordre & de goût , les vues & les idées
d'un homme d'état , les penſées & le
ſtyle d'un homme de lettres , voilà ce
qui caractériſe cet excellent difcours.
Mais ce qui en augmente le mérite , c'eſt
que l'homme public qui en eſt l'auteur ,
portedans fon adminiſtration les principes
annoncés dans ſon ouvrage , & qu'il en
remplit tous les objets auffi bien qu'il eſt
écrit. L'Académie délibéra que ce difcours
feroit imprimé.
Ap ès fon diftours , M. l'Intendant lut
àl'Aflemblée les Lettres de nobleſſe dont
le Roi a honoré M. Greffet. Cette illuftrarion
accordée à la Littérature & à un
Citoyen de ' a Capitale de notre Province ;
cette grâce , un des premiersbienfans du
nouveau règne , annonce trop éloquiem
ment l'auguste protection que Sa Majefté
daigne promettre aux Lettres,& intéreſſe
!
ANVIER. 1775. 147
rop ceux qui les cultivent , pour que
nous ne nous faſlions pas un devoir de
mettre ſous les yeux de tous les corps.
lutéraires du Royaume le préambule des
Lettres d'ennobliſſement accordées à M.
Greffet. 2
Louis, par la grace de Dieu , Roi de
France &de Navarre , à tous préſens & à
venir , falur. Les avantages que les ſciences
, les belles lettres & les arts procurent
à notre Royaume , nous invitent à
ne négliger aucun des moyens qui peuvent
contribuer à leur maintien & à leur
progrès. Les tines d'honneur répandus
avec difcernement fur ceux qui les cultivent
, nous paroilent l'encouragement
le plus flatteur que nous puiſſions leur
accorder. Parmi ceux de nos Sujets qui
ſe ſont livrés à l'étude des belles lettres ,
notre cher & bien - amé Jean Baptifte-
LouisGreffet s'eſt diſtingué par des ouvrages
qui lui ont acquis une célébrité
d'aurant mieux méritée , que la religion
& la décence , toujours reſpectées dans
ſes écrits , n'y ont jamais reçu la moindre
atteinte. Sa réputation a depuis longtemps
engagé l'Académie Françoiſe à le
recevoir au nombre de ſes Membres , &
nous l'avons vu avec fatisfaction nous
Gij
148 MERCURE DE FRANCE.
offrir en qualité de Directeur les hommages
de cette Académie , la première
fois que nous avons bien voulu l'admettre
à nous les préſenter , à l'occaſion de
notre avènement à la Couronne . Nous
ſavons d'ailleurs qu'il eſt illa d'une famille
honnête de notre ville d'Amiens ,
que fon ayeul & fon père y ont rempli
différentes charges municipales , & qu'ils
yont toujours , ainſi que le ſieur Greffet
lui-même , vécu de cette manière honorable,
qui , en rapprochant de la nobleffe,
eſt en quelque forte un degré pour y mon
ter. A ces cauſes , nous avons de notre
grâce ſpéciale , pleine puiſſance & autopiré
royale , anobli , & par ces préfentes
fignées de notre main , anobliffons ledit
fieur JeanBapripre-Louis Greffet , & des
titres& qualités de Noble & d'Ecuyer ,
l'avons décoré & décorons , &c. &c . &c.
M: Baron , Secrétaire perpétuel de l'A .
cadémie , fir l'éloge de feu M. l'Evêque
d'Amiens , ( L. F. G. d'Orléans de la
Motte) ... On le nommoit à la Cour le
Saint Evêque ; il n'y parut jamais qu'appelé
par lesbeſoins de fon Eglife , ou par
les intérêts de la religion. Les Courtiſans
qui avoient cru d'abord ne trouver en lui
qu'un homme de bien , y reconnurent
JANVIER. 1775. 149
bientôt un homme d'eſprit , qui auroit
eu tout le leur & même toutes les fineſſes
de leur métier , Gelles euſſent pu s'allier
avec la franche profeffion de la vertu. Au
reſte , elle eſt plus eſtimée à la Cour , que
ne le penfent communément ceux qui
n'en font pas. D'ailleurs le Roi & la Reine
donnoient l'exemple de la confideration
due au Saint Prélat. Il étoit aimé de M.
le Dauphin , qui aimoit dans les autres
cette vertu qu'il avoit éminemment luimême.
Il étoit reſpecté par cette Princeffe
auguſte , qui n'ayant rien trouvé
de grand que les hauteurs du Carmel ,
regardoit notre Saint Evêque comme
Elie , dont il avoit tenu long temps la
place dans ce cloître , où elle est une
autre Thérèſe. Ii s'étoit , comme de Prop
phète , enfui une ſeconde fois dans le
déſert; mais une ſeconde fois le Ciel, le
renvoya multiplier l'huile dans Sarepta ;
pour parler fans figure , il revint dans ſon
Eglife, dans ſon Diocèſe, continue à faire
pour les autres le bien que dans la folitude
il n'eût fait que pour lui même.
M. d'Eſmery , Médecin & Profeffeur
de l'Ecole de Botanique, tenue à Amiens,
ſous la direction del'Académie, lut unMé.
moire hiſtorique ſur les jardins des plan-
Giij
1
150 MERCURE DE FRANCE.
tes , & notamment ſur celui que l'Académie
a formé en cette ville.
M. Sellier donna un projet de defféchement
d'une partie de la vallée de la
Somme , près Abbeville.
-M. Vailier , Colonel d'Infanterie
termina la ſéance par la lecture d'un
Poëme , dont le ſujet eſt le parallèle des
deux ſexes , relativement à la politique
&à la littérature . On y admira fur tout
le portrait de l'Impératrice - Reine , &
celui de la Reine , ſon auguſte fille. En
parlant des anciennes diviſions de la
France& de l'Allemagne, M. Vallier dit ,
Ces deux Puiſſances diviſées ,
Dans la fureur de leurs aflauts
Regrettoient leurs ſuccèsen prévoyantleursmaux,
'Toutes deux connoiſloient la force de leurs armes,
Admiroient leur valeur , la craignoient tour-àtour:
Elles ſembloient ſentir qu'unjour
La Paix avec l'Hymen rameneroit ſes.charmes ,
Etles réuniroit à la voix de l'Amour... !!
Le prix de littérature fut adjugé à l'Eloge
d'Adrien Daillez , fait par M. le
Franc de la Neuville , Licencié ès-Loix.
Le prix de Phyſique fut donné à M.
JANVIER. 1775. 11
de Luc , Citoyen de Genève , Correfpondant
de l'Académie Royale des Sciences ,
pour l'invention d'un Hygromètre comparable.
ر
Cet inſtrument manquoit à la phyſique
; & la gloire principale de l'Inventeur
est d'avoir fourni aux autres Phyſiciens
les moyens de perfectionner ſon invention
, par les procédés les plus ingénieux
, joints aux vues les plus fines , &
aux obfervations les mieux faites .
Le prix de l'École de Botanique a été
accordé à M. Galhaut , d'Amiens .
L'Académie propoſe pour ſujet du prix
qu'elle doit donner en 1775. L'éloge de
Dom Luc d'Achéry, né en Picardie .
Les ouvrages feront reçus juſqu'au premier
Juillet exclusivement , & adreſſés
francs de port à M. Baron , Secrétaire
perpétuel de l'Académie , à Amiens.
L'Académie avoit fait célébrer le 20
Juillet un fervice ſolennel pour le repos
de l'ame du feu Roi. M. l'Abbé de Richery
, un des Académiciens , prononça
l'Oraiſon funèbre. Une éloquence majeftueuſe
, ſombre , attendriſſante & religieuſe
fut celle de l'Orateur , qui préfenta
, ſur tout , le portrait le plus reffemblant
du Monarque Bien-aimé dont il
Giv
152
MERCURE DE FRANCE.
parloit , & qui ſembloit parler lui même ,
defunctus adhuc loquetur ; c'étoit le texte
ſacré de ce diſcours éloquent.
I I.
Prix proposé par l'Académie Royale de
Chirurgie pour l'année 1776 .
L'Académie Royale de Chirurgie propoſe
pour le prix de l'année 1776 , la
queſtion ſuivante :
Comment l'air, parſes diverſes qualités,
peut influer dans les Maladies Chirurgicales
; & quels font les Moyens de le rendre
falutaire dans leur traitement ?
Le Prix conſiſtera en une Médaille
d'or , de la valeur de cinq cens livres ,
fuivant la fondation de M. DE LA PEYRONIE.
Ceux qui enverront des Mémoires
font priés de les écrire en François ou
en Latin , & d'avoir attention qu'ils
foient liſibles .
• Les Auteurs mettront ſimplement une
deviſe à leur Ouvrage ; ils y joindront ,
à part , dans un papier cacheté & écrit
de leur propre main , leurs noms , qua-
Lités & demeure ; & ce papier ne ſera
JANVIER. 1775. 153
ouvert qu'en cas que la Pièce ait mérité
le Prix.
Ils adreſſeront leur Ouvrage , franc
de port , à M. Louis , Secrétaire perpétuel
de l'Académie Royale de Chirurgie
, à Paris , ou les lui feront remettre
entre les mains .
Les Etrangers font avertis qu'il ne
ſuffit pas d'acquitter le port de leurs
paquets juſqu'aux Frontières de la France
; mais qu'ils doivent commettre quelqu'un
pour les affranchir depuis la Frontière
juſqu'à Paris , ſans quoi leurs Mémoires
ne feront pas admis au Concours
.
Toutes perſonnes , de quelque qualité
& pays qu'elles foient , pourront
afpirer au Prix : on n'en excepte que
les Membres de l'Académie.
La Médaille ſera délivrée à l'Auteur
même qui ſe ſera fait connoître , ou au
Porteur d'une procuration de ſa part ;
l'un ou l'autre repréſentant la marque
diſtinctive , & une copie nette du Mémoire
.
Les Ouvrages feront reçus juſqu'au
dernier jour de Décembre 1775 incluvement
; & l'Académie , à ſon Aflemblée
publique de 1776 , qui ſe tiendra
Gv
154 MERCURE DE FRANCE
le Jeudi après la quinzaine de Pâque ,
proclamera celui qui aura remporté le
Prix.
:
L'Académie ayant établi qu'elle donneroit
tous les ans , fur les fonds qui lui
ont été légués par M. DE LA PEYRONIE
une Médaille a'or de deux cens livres , à
celui des Chirurgiens Etrangers ou Regnicoles
, won Membres de l'Académie , qui
l'aura méritée par un Ouvrage fur quelque
matière de Chirurgie que ce foit , au
choix de l'Auteur; Elle adjugera ce Prix
d'Emulation le jour de la Séance publique
, à celui qui aura envoyé le meilleur
Ouvrage dans le courant de l'année 1775.
Le même jour , Elle distribuera, cinq
Médailles d'or de cent francs chacune,
à cinq Chirurgiens , foit Académiciens de
la Claffe des Libres , foit ſimplement Regnicoles
, qui auront fourni dans le cours
de l'année 1775 , un Mémoire ou trois
Observations intéreſſantes .
III.
:
L'Académie Royale d'Ecriture a tenu
ſa ſéance publique le mardi 29 Novembre
, dans ſa falle , rue des Mauvaiſes
Paroles. Elle étoit préſidée par M. le
JANVIER. 1775. 155
Noir , Maître des Requêtes , Lieutenant-
Général de Police , & par M. Moreau ,
Procureur du Roi , leſquels ſe font un
plaifir d'encourager les travaux de cette
Académie , parce qu'ils en fentent toute
l'importance , tant pour l'inſtruction de
la jeuneſſe , que pour la perfection des
moyens néceſſaires pour démaſquer à la
-Justice les pernicienx talens qui troublent
la Société.
M. Harger, Secrétaire, a ouvert la féance
par la lecture d'un diſcours qui contenoit
des détails intéreſſans ſur les avantages
que le public retire de l'établiſſement des
*Académies , & particulièrement de celle
d'écriture ; des travaux de laquelle il fit
part à l'Aſſemblée. Il rendit compte en
fuite de ceux dont elle s'eſt occupée pendant
l'année dernière , & a terminé fon
diſcours par une réflexion digne du ſujet
qu'il avoit à traiter. Il fit voir que
cette Académie par la connoiſſance
qu'elle a des degrés de liberté dont
les mains font fufceptibles , pouvoit jeter
un grand jour ſur la lecture des chartres
, eu égard aux abréviations dont elles
font furchargées , en déterminant dans
un ouvrage complet ce qui a pu donner
lieu aux différens traits qui les com
poſent.
,
Gvj
156 MERCURE DE FRANCE.
M. Potier le jeune , Ecrivain du Cabinet
du Roi , & Profeffeur d'écriture ,
lut enfuite un diſcours ſur la partie qui
lui a été confiée.
M. Pourchaffe , Profeſſeur d'arithmétique
, rendit compte en peu de mots
de l'origine & de l'utilité de la ſcience
des nombres. Il termina ſa differtation
parun précis du plan qu'il ſe propofoit
de faire.
M. Poiret , Profeſſeur de vérification,
adémontré combien cet artqui ne doit
fon exiſtence qu'à la cupidité des hommes
, est néceſſaire , fi ce n'eſt pour dé-
Jivrer entièrement la Société des tentatives
des fautſaires , au moins pour la
garantir de leurs fuccès. Son difcours a
été terminé par l'annonce du plan qu'il
a adopté.
M. Mahieu , Profeſſeur de grammaire
françoiſe , après s'être plaint de l'eſpèce
d'anarchie qui règne dans l'orthographe ,
aanalyſé les différens moyens dont on
pent ſe ſervir pour faire connoître ſes
penſées , tels que les gettes , la voix &
P'écriture . Il s'étendit ſur les deux derniers
,& termina par quelques réflexions
intéreſſantes ſur les parties du diſcours.
M. Dambreſville , Directeur , en s'acJANVIER.
1775. 157
quittant des hommages de l'Académie
envers les Magiſtrats qui l'ont honorée
de leur préſence , fit un tableau fidèle
du peu de cas que l'on faitde l'écriture ,
&des dangers qui en réſultent. Il a parlé
en homme pénétré de ſon ſujet , & a ,
ainſi que ſes confrères , donnédes preuves
de ſa ſenſibilité au bonheur qu'a la Nation
de retrouver dans Louis XVI , un
Monarque père de ſes peuples , capable
par ſes grandes qualités de ſécher leurs
Jarmes , & d'occuper le premier Trône
de l'univers .
a
La ſéance a été terminée par la diſtri
bution des médailles que M. Le Noir
faite à M. Guillaume , ancien Directeur,
& à MM. Bédigis , Potier l'aîné , Paillaffon
& Collier , anciens Profefleurs .
SPECTACLE S.
OPERA.
L'ACADÉMIE royale de Muſique a tepris
, le mardi to Janvier , les repréſentations
d'Iphigénie en Aulide , Tragédie
lyrique en trois actes; poëme de M. le
:
138 MERCURE DE FRANCE.
:
B. du R. muſique de M. le Chevalier
Gluck.
Nous avons rendu compte , dans le
Mercure de Mai 1774 , de cet Opéra ,
qui a été interrompu au milieu de ſes
plus grands ſuccès , par le deuil général
de la France. La fixième repréſentation ,
qui eſt la première de cette repriſe , a
éré accueillie avec beaucoup d'applaudifſemens.
Pluſieurs changemens heureux
& quelques morceaux de muſique ajoutés
dans les ſcènes & dans les divertiſſemens
, affurent encore davantage la fortune
de cet Opéra. Nous ne répéterons
point ce que nous avons dit , dans un
affez grand détail , des beautés particulières
de cet ouvrage intéreſlant. Les rôles
font remplis , à cette repriſe, avec
encore plus d'énergie & de vérité par les
premiers talens , par Mlle Arnould , par
Mile Duplant , par MM. Legros , Larrivée
, Gelin . On a mis dans le ſpectacle
plus de pompe & d'appareil ; & les divertiſſemens
, embellis par les talens fupérieurs
de Mlle Guimard , de Mile Peflin
, de MM. Veftris , Gardel & Dauberval
, ont paru auſſi avoir , à cette repriſe
, des formes plus élégantes , plus
variées , & deſſinées plus avantageulement.
JANVIER. 1775. 159
COMEDIE FRANÇOISE.
LES Comédiens François ordinaires du
Roi , ont donné le vendredi 6 de Janvier
une repréſentation d'upe Comédie en
vers & en un acte , intitulée le Gâteau
des Rois , & précédée d'un Prologue .
Cette petite Pièce eſt de M. Imbert,
connu avantageuſement par le poëme du
Jugement de Paris . Il a eu moins de fuccès
au Théâtre . Son Prologue a été fort
applaudi ; il annonçoit l'intention de
l'Auteur qui ne donnoit cette bagatelie
que pour l'à propos du jour des Rois ;
on l'a trouvée aſſez bien écrite , mais peu
de gaieré& un dénouement ufé au 1 heatre.
Voilà ce qu'on a pu décider d'après
une première repréſentation. M. Imbert
l'a retirée. Nous apprenons qu'elle va être
imprimée avec des changemens confidérables
; nous en rendrons compte auffitôc
qu'elle aura ſubi le jugement de l'im
preffion.
5
160 MERCURE DE FRANCE.
COMÉDIE ITALIENNE.
LES Comédiens Italiens ordinaires du
Roi , continuent les repréſentations
d'Henri IV, qui avoient été interrompues
par l'indiſpoſition de M. Clairval .
Ils ſe diſpoſent à donner inceſſamment la
Fauffe Magie , Comédie en deux actes ,
paroles de M. Marmontel , muſique de
M. Grétry.
Petit écrit fur l'Arrêt du Conseil du 13
Septembre 1774 , qui permet le libre
commerce des bleds dans le Royaume.
Je ne ſuis qu'un Citoyen obſcur d'une petite
Province très - éloignée ; mais je parle au nom de
cette Province entière , dont tous les habitans
figueront ce que je vais dire.
Nous gémiffions depuis quelques années ſous
la néceſſité qui nousétait impoſée de porter notre
bled au marché de la chétive habitation qu'on
nomme Capitale. Dans vingt villages , les Seigneurs
, les Curés , les Laboureurs , les Artiſans
étaient forcés d'aller ou d'envoyer à grands frais
à cette Capitale: 6 on vendait chez foi àfon
JANVIER. 1775. 161
voifin un ſetier de bled , on était condamné à
une amende de cinq cent livres ; & le bled , la
voiture & les chevaux étaient ſaiſis au profe de
ceux qui venaient exercer cette rapine avec une
bandolière.
Tout Seigneur qui , dans ſon village , donnait
du froment ou de l'avoine à unde ſes Valaux
était expolé à le voir puni comme un criminel :
de forte qu'il fallait que le Seigneur envoyat ce
bledà quatre lieues au marché, & que le Vaſlal
fit quatre lieues pour le chercher , & quatre lieues
pour le rapporter à ſa porte , où il l'aurait cu
fans frais & fans peine; on ſent combien une
telle vexation révolte lebon ſens , la juſtice &
la nature.
Je ne parle pas des autres abus attachés à
cette effroyable police ; des horreurs commiſes
par des Valets de Boureau ambulants , intéreffés
à trouver des contraventions ou à en
forget ; des querelles quelquefois tres-fanglantes
de ces Commis avec les Habitans auxquels
оп raviflait leur pain; des priſons dans lefquelles
cent prétendus délinquants étaient entaflés
; de la ruine entière des familles; de la
dépopulation qui commençait à en être la
fuite.
C'eſt dans l'excès de cette mifère que nous
apprimes qu'un nouveau Miniſtre était venu
à notre fecours . Nous lumes l'Arrêt du Confeil
dn 13 Septembre 1774. La Province vería des
larmes de joie , après en avoir verté long- tems de
déſeſpoir.
J'avoue que jadmirai l'éloquence ſage, convenable
& nouvelle avec laquelle on faiſoit
parler le Roi , autant que je fus ſenſible aubien
162 MERCURE DE FRANCE.
:
que cet Arrêt faiſait au Royaume. C'était un père
quiinſtruifait des enfans,qui touchoit leurs plates,
&qui les guériſlait: c'était un maître qui donnait
la liberté a des hommes qu'on avait rendus eſclaves.
Quelle est aujourd'hui ma ſurpriſe de voir que
des Citoyens pleins de talens condamnent dans
l'heureux loifir de Paris , le bien que le Roi
vient de faire dans nos campagues ! Le Miniftre,
certain de la bonté de les vues , permet qu'on
écrive ſur ſon administration , & on ſe ſert de
cettepermiflion pour le blâmer.
Un homme de beaucoup d'eſprit , qui paraît
avoir des intentions pures , mais qui ſe laiffe
peut être trop, entraîner au paradoxe , prétend ,
dans un ouvrage qui a du cours , que la liberté
du commerce des grains eſt pernicieuſe , & que
la contrainte d'aller acheter fon bled aux marchés
eft abſolument néceflaire.
Je prends laliberté de luidire que nienHollande,
Di enAngleterre , nià Rome, ni à Genève , ni en.
Suifle , ni à Venite , les Citoyens ne font obligés
d'acheter leurs nourritures au marché. On n'y eft
pas plus forcé qu'à s'y pourvoir des autres denrées
La loi générale de la police de tous les peuples
eſt de ſe procurer fon néceflaire où l'on veut ;
chacun achète fon comeftibie , ſa boiſſon , ſon
* A Rome & à Genève, les Boulangers font
obligés de prendre le bled aux greniers de l'Etat ,
non au marché. A Londres , malgré d'anciennes
loix tombées en déſuétude , tout eſt libre , comme
en Hoilande & en Suific.
JANVIER. 1775. 163
vêtement , ſon chauffage par tout où il croit l'obtenir
à meilleur compte : une loi contraire ne
ferait admiſſible qu'en temps de peſte , ou dans
une ville affiégée.
Les marchés comme les foires n'ont été inventés
que pour la commodité du Public , non pour
fon afferviflement : les hommes ne font pas faits
afſurément pour les foires; mais les foires ſont
faites pour les hommes .
Le Critique ſe plaint de la fuppreffion des
marchés au bled. Mais ils ne ſont point fuppri .
més ; notre petite ville eſt auſſi bien fournie
qu'auparavant , & le Laboureur a gagné fans que
perfonne ait perdu ; c'eſt ce que j'attefte au nom de
vingt millehommes.
Dire que la liberté de commercer anéantit les
marchés publics , c'eſt dire que les foires de Se
Laurent&St Germain font fupprimées à Paris
parce qu'il eſt permis de faire des emplettes dans la
rue St Honoré & dans la rue St Denis.
,
La raiſon la plus impoſante de l'ingénieux
Critique eft la perte que peuvent fouffrir quelques
Seigneurs dans leurs droits de halles .
Mais , premièrement , ces Seigneurs font en
petit nombre ; je ne connais perſonne dans notre
Province qui ait ce droit. Iln'appartient guères
qu'à des terres conſidérables , dans leſquelles il ſe
fait ungrand commerce , & où les Marchands des
environs viendront toujours mettre leurs diverſes
marchandises en dépőt. Aucun marché n'eſt abandonné
dans les Provinces voifines de la mienne
Secondement , fi quelques Seigneurs ſouffraient
une légère perte dans la petite diminution de leur
droit de halles , la Nation entière y gagne ; & la
Nation doit êtrepréférée.
164 MERCURE DE FRANCE.
د
Troiſièmement , s'il ne s'agiſſait que d'indemnifer
ces Seigneurs , ſuppoſé qu'ils ſe plaignent ,
le Roi le pourrait très-aifément , ſans altérer en
rien la grande & heureuſe loi de la liberté du commerce
loi trop tard adoptée chez nous , qui
arrivons trop tard à bien des vérités .
Quatrièmement, il paraît impoſſible que dans
les gros bourgs & dans les villes le Laboureur
néglige de porter ſon bled au marché , car il eſt
für de l'y faire emmagaſiner en payant un petit
droit. Son intérêt eſt de porter ſa denrée dans les
lieux où elle ſera infailliblement vendue ; & non
pas d'attendre ſouvent inutilement que les Payſans
les voiſins , qui ont leur récolte chez eux , viennent
acheter la fienne chez lui. Il me paraît donc
prouvé que la liberté du commerce des bleds produit
des avantages innenfes au Royaume fans
ca ſer le moindre inconvénient. J'en juge par le
bien que cette opération a produit tout d'un coup
dans quatre Provinces dont je luis limitrophe.
Mon opinion n'est pas dirigée par l'intérêt; car
on faitqueje ne vends , ni n'achète aucune production
de la terre : tout est consommé dans les
déſerts quej'ai rendus fertiles.
Il ne m'appartient pas d'avoir ſeulement une
opinion fur la police de Paris , je ne parle que de
ce que je fais & de ce que je vois .
Après cetArrêt du Conſeil , qui doit être éternellement
mémorable , je ne vois à craindre
qu'une aſſociation de Monopoleurs ; mais elle eſt
également dangereuſe dans tous les Pays & dans
tous les ſyſtêmes de police , & il eſt également
facile par-toutde la réprimer.
On ne fait point de grands amas de bled ſans
que cette manoeuvre ſoit publique. On découvre
JANVIER. 1775. 165
plus aisément un Monopoleur qu'un Voleur de
grand chemin. Le monopole eſt un vol public:
mais on ne défendra jamais aux Particuliers
d'aller aux Spectacles ou aux Egliſes avec de
l'argent dans leur poche , ſous prétexte que des
Coupeurs de bouries peuvent le leur prendre.
On nous objecte que le prix du pain augmente
quelquefois dans le Royaume. Mais ce n'eſt pas
aflurément parce qu'on a la liberté de le vendre ;
c'eſt parce qu'en effet les terres des Gaules ne valent
pas les terres de Sicile , de Carthage & de
Babilone. Nous avons quelquefois de très mauvaiſes
années & rarement de très- abondantes ;
mais en génétal notre fol eft aflez fertile. Le commerce
étranger nous donne toujours ce qui nous
manque : nous ne périſſons jamais de misère. J'ai
vu l'année 1709 , j'ai vu Madame de Maintenon
manger du pain bis : j'en ai mangé pendant deur
ans entiers , &je m'en trouvais bien Mais , quoi
qu'on ait dit , je n'ai jamais vu une mort caufés
uniquement par l'inanition. C'eſt une vérité trop
reconnue , qu'il y a plus d'hommes qui meurent
de débauche que de faim. En un mot , on n'a
jamais plus mal pris ſon tempsqu'aujoud'hui pour
leplaindre.
Je dis înême que dans l'année la plus ſtérile en
bled , le Peuple a des reſſources infinies , ſoit dans
les châtaignes , dont on faitun pain nourrifiant;
foit dans les orges , foit dans leriz , foit dans les
pommes de terre qu'on cultive aujourd'hui par
tout avec un très -grand loin, & dont j'ai fait le
pain le plus favoureux avec moine de farine.
Je fais bien que fi tous les fruits de la terre
manquaient abſolument , &fi on n'avait point
de vailleaux pour faire venir des vivres de Bar
466 MERCURE DE FRANCE.
barie ou d'Italie , il faudrait mourir. Mais il faudrait
mourir de même ſi nous avions une peſte
générale , ou fi nous étions attaqués de la rage ,
ou finotre Pays était englouti par des volcans .
Fions - nous à la Providence; mais en travaillant.
Fions-nous fur- tout à celle d'un Miniftre
très- éclairé , qui n'a jamais fait que du bien , qui
n'a aucun intérêt de faire le mal , qui paraît auſſi
utile à la France que ſon Père l'était à la ville de
Paris , & qui pouſle la vertujuſqu'à trouver trèsbon
qu'on le critique , ce que les autres Auteurs
ne ſouffrent guères .
F.d. V. S. d. F, & T. G. o. d. R.
2 Janvier 1775.
1
J
VERS faits au Château de Villebon , où
eft mort le célèbre Sully , après avoir
vécu trente ans depuisfa retraite.
BEAUX
t
EAUX lieux jeſens à votre aſpect
Que mon ame s'élève & qu'elle eſt attendrie ;
Tout inſpire ici le reſpect ,
Tout rappelle à mon coeur l'ami de la Patrie ,
Le meilleur des Sujets , le plus grand des mortels :
La France lui doit des Autels :
Je viens lui rendre un pur hommage.
JANVIER. 1775. 167
>>>Ce marbre * retrace l'image
>>De la candeur &de la vérité ,
>>De l'aimable fimplicité
>>Qui régnoit dans le premier âge.
>>Le bonheur des humains enfiammoit tous ſes
» voeux ;
>>C'eſt ſous un miniſtère ſage
Que les Princes font grands & les Peuplce
>>heureux.
Hélas ! l'affreuſe jaloufie
Le força de venir habiter ce ſéjour ;
Ily gémit des erreurs de la Cour ;
Il vit avec douleurs que la cruelle envie
Ydétruitoit les fruits de ſes rares talens .
Il regretta trente ans
Lebien qu'il auroit fait le reſte de ſa vie.
Par M. de Chennevieres
Nota. On a mis ces vers dans l'Almanach des
Mules , mais on en a retranché les huit vers qui
font marqués avec des guiliemers à la marge , &
le mot qui est touligné a l'avant dernier vers .
* La ſtatue de M. le Duc de Sully qui eſt en
marbre bianc dans une galerie.
168 MERCURE DE FRANCE.
Première ſolution de la ſuite de ce Problê-
:
me : Trouver pour l'éducation des enfans
laforme la plus propre à en faire
des grands hommes.
En polant pour principe que l'homme doit être
regardé comme la matière , l'ouvrier & l'ouvragede
fon éducation , & en concluant delà que
le premier moyen pour lui être utile dans cette
grande entrepriſe , eſt de l'aider à rabattre ſes
regards& fon attention fur lui - même ; j'ai bien
fenti que ceferoit la hardiefle de lui avoir rendu
cequi lui appartient dans l'art de ſe former , qui
pourroit cauſer le plus d'étonnement. Ainſi je vais
tâcher de prévenir les frayeurs que l'on en pourroit
concevoir , ou joindre au détail des motifs
qui m'ydéterminent , celui des précautions qui
doivent en écarter le danger.
Caufes pour mettre chaque Elève à la tête
1
defon éducation.
:
Les enfans font des hommes & qui veulent être
traités en hommes dès le momentqu'ils refpirent ;
leurs premiers cris ne font autre choſe qu'une revendication
de leur indépendance. Faut-illes laifſer
s'y agiter juſqu'a s'en dégoûter d'eux - mêmes ?
Faut-il les abattre fous le poids dela dommation ?
Ou faut- il enfin ne leur ôter qu'une partie de leur
liberté naturelle ?
Pour éclairer notre choix fur ces trois ſyſtêmes,
il n'y a qu'une choſe à faire fur chacun : c'eſt d'en
meſurer
JANVIER. 1775. 169
mefuter l'étendue , ou de voir d'où il part , & où
ildoit aboutir.
:
La nature & la raiſon ſont deux parallèlestrèsproches
l'une de l'autre , &dont les furfaces & les
dehors ſont également dangereux . C'eſt entre ces
deux lignes que nous naillons tous : c'eſt entre
cesdeux lignes qu'il nous faut marcher. Toute autre
route eſt fauſſe & pernicienſe. Ainsi le premier,
vice de l'éducation , c'eſt d'arracher les enfans de
laplace qu'ils y occupent , au lieu de les y aller
trouver. Combien we feroit-il pas plus naturel de
les regarder comme unetroupe de ſauvages,ou de
n'employer que les mêmes moyens pour les humanifer
, qu'un ſage employeroit avec les autres
dansle milieude leurs déſeris ? La ſupériorité de
nos forces fur eux n'eſt point un titre pour en
ſubſtituer l'ufage à celui de la raiſon. Nous ne tarderons
pas à nous élever tant contre cette barbarie
, que contre l'enchaînement des abus quila
rendent preſque néceffaire.C'est une famille entière
àexterminer ; mais il n'eſt pas encore temps de
l'entreprendre : cela nous écarteroit trop de notre
but.
Si l'on n'a pas bien entendu ma comparaiſon des
enfans avec les fauvages , en voici une qui eſt plus.
analogue à nos moeurs , & qui détermine auſſi.
bien que l'autre la vraie manière de les inſtruire &
de vivreavec eux : c'eſt de les regarder & de les
traiter en tout, comme nous le ferions pour les
plus chers & les plus reſpectables de nos amis ,
s'ilsvenoient le mettre ſous notredifcipime , pour
yapprendrequelque langue ouquelquefcience que
ce pût être. Voilà tout mon ſyſteme pour les hommes
qui ſe ſont fait un microscope de leur raifonnement.
Jevais continuer de l'étendre pour les au-
II. Vol. H
170 MERCURE DE FRANCE.
tres ; car je deſire que tout le monde m'entende.
Il n'y a guères de partis plus turbulens , même
parmi les hommes qui devroient être raiſonnables,
que ceux que l'on appelle mitigés ; & pour les enfans
, c'eſt la mort : leur goût eſt d'être tout un ,
ou tout autre. Il ſemble qu'ils prévoient que l'on
ya les enfevelir dans la foule des ames communes
en les écartant des extrémités , ou qu'ils s'imaginent
que l'on ne leur rend une partie de ce qui leur
appartient que pour légitimer l'ufurpation de l'autre.
Ce qu'il y a de certain , c'eſt que l'on ne fait
par là que les rendre plus méchans , & qu'il faut ,
ou renoncer au rapport des effets avec leurs cauſes
, ou convenir qu'il n'eſt pas plus poſſible de
leur apprendre à marcher droit avec cette conduite
en zigue zague, que de leur aider à élever leur ame
en la tenant dans une crainte & une oppreffion per.
pétuelle.
Si nous ajoutons à ces réflexions ſi frappantes
qu'il n'y a point d'enfans , comme nous l'avons
prouvé ci-deſſus , qui ne foient auſſi bien
maîtres de ne s'approprier que ce qu'ils veulent des
leçons qu'on leur donne , que d'empoiſonner ce
qu'ils en prennent; ne s'en ſuivra- t-il pas delà que
c'est dans leur ame que le forine & ſe confomme
tout le myſtère de leur éducation , & qu'il n'y a
pointd'homme par conféquent qui ſoit moins à
portée de voir à quel pointils en font de leur ouvrage,
que ceux qui s'imaginent le diriger au travers
du voile de la crainte & du pédantiſme.
t Si c'eſt dans l'ame des élèves que ſe conſomme
le myſtère de leur éducation , c'eſt dans l'ame des
élèvesque doit être l'oeil du maître : & ce n'eſt pas
même aflez qu'il y ſoit ; il faudroit qu'il y fûtplacéde
manière à pouvoir étendre ſes regards aufli ai.
fément du côtéde l'avenir , que fur lepréſent& le
JANVIER. 1775 . 174
paflé;&comme cette faveur est toujours le prix de
laconfidence ſeule , &de la confidence la plus intime
, je crois pouvoir aſſurer , & ne jamais trop
répéter que le premier & le plus eſſentiel de tous
lesdevoirs d'un inſtituteur pour les élèves , eſt de
s'infinuer & de ſe maintenir.conſtamment dans le
centre même de leur confidence.
Loin de nous ces hommes qui ne voient que du
grand autour des grands , & que du petit autour
despetits; ces hommes qui ſe feroient honneur
de jouer aux noix avec un Prince , & qui en rougiroient
avec leurs enfans. Il n'y a rien de moins
propre que des hommes fi hommes , pour former
deshommes. Si un artiſte n'aime pas ſonoouuvvrage,
juſqu'à ſe faire un amuſement d'en obſerver les
moindres traits , on ne doit point en attendre de
chef-d'oeuvre.
•Certe loi fi générale n'eſt qu'une moitié de celle
de l'inſtituteur. Ce n'eſt point aflez pour lui d'ai
mer toutdans ſes élèves , il fant qu'il ne néglige
rien pours'en faire aimer. Ainſi , au lieu de ſebor-.
ner à faire les premières avances de l'amitié pour
chacun d'eux , il doit les continuer , quelques
obſtacles qu'il y trouve , juſqu'à ce qu'il le voie
venir , &toujours d'une manière conforme au caractèrede
celui qu'il veut gagner. S'il lui tombe
un génie qui n'aſpire,comme Scipion, qu'à ce qu'il
ya de plus élevé dans la vertu , il ne s'occupera ,
comme Lélius , qu'à lui ſervir d'échelle & d'appui.
Quand on lui en amenera d'auſſi furieux qu'Oreſte
, ils'armera d'une patience égale à celle de
Pylade , juſqu'à ne ceſſer de lutter contre leur manie
qu'après les en avoir fait purifier. Enfin s'il lui
envient, qui paroiflent n'avoir aucune prétention
à l'immortalité , que la générofité ne reſte
point au-deſſous de celle de Pollux pour Caſtor ,
Haj
172 MERCURE DE FRANCE.
ou qu'il ne cefle de ſe remuer & de s'employer
pour eux qu'après leur avoir fait touver quelques
traits qui puiſlent les faire admirer. S'il y a des
eſprits que les trophées de leur voiſins empêchent
dedormir, il y en ad'autres qui ne se réveillent
qu'au bruit des applaudſſemens dont ils font
l'objet.
Je ſens bien que les maîtres aurontde la peine à
fevoir ôter le plus flatteur de leurs droics , qui eft
depouvoir couper en plein drap pour leurs leçons ,
ou de faire apprendre ce qu'ils veulent , quand ils
leveulent&comme ils le veulent. Il eſt en effer
bienplus court&bien plus facile d'enfeigner de
loin à une troupe d'enfans ce que l'on veut qu'ils
fatlent , & de punir ceux qui ne le font pas , que
d'être toujoursdans la crainte foi-même deperdre
leur confiance . Mais comment faire ? Eft ce la
commoditédes maîtres que l'on doit avoir en vue
dans un ſyſtême d'éducation , ou l'avantage des
élèves ? Si c'eſt la commodité des maîrtes , on ne
la trouvera point ich pour ceux qui n'en font le
métier que pour le faire; mais on doit l'y trouver
, & dans toute ſa plenitude , pour ceux qui
ne s'occupent que de la perfection de leurs dito
ciples , parce que c'eſt cette perfection qui m'a
ſervide point d'alignement dans tout mon ſyſte
me ; & je crois pouvoir aſſurer qu'une méthode
qui met l'inſtituteurà portée d'avoir toujours l'oeil
fur l'ouvragede ſes élèves ,&de pouvoir les y aiderde
ſes conſeils & de ſes ſervices , doit être mille
fois plus avantageuſe que celle où l'on peut le
forcerd'avouer qu'il travaille en aveugleavec eux,
&juſqu'au point d'ignorer ſi des leçons ne leur
font pas plus nuinbles qu'utiles.
Il faut entendie par les leçons qui fontplus nui
fibles qu'utiles, toutes celles qui tendent àdénatu
JANVIER. 1.775. 173
rer les enfans de quelque manière que ce ſoit. La
première qualité du grand homme eſt d'être tout
lui même , ou de n'avoir rien d'étranger. C'eſt ce
qui a fait dire àBoileau , que le vraiſeul est beau,
que le vrai feul est- aimable , & qu'un eſprit né
chagrinplaîtparson chagrin mene. Ainſi je crois
qu'il n'eſt pas néceſſairedenous étendre davanrage
fur cet article , pour en pouvoir conclure que
le véritable eſprit de l'éducation n'eſt pointd'infpireraux
enfans ni des ſentimens , ni des goûts ,
ni des vertus factices ; mais de leur aider à développer
les germes qu'ils en ont reçus de la Nature,
&qu'il ne doit pas être moins dangereux pour
eux de ſuivre une méthode qui a pour but d'amener
leurs caractères à l'uniformité,qu'il ne le ſe oit
d'être toujours ſerrés pour faire prendre à leur
corps la même configuration.
Ces vérités ne feront que devenir de plus clai.
res en plus claires, à proportion que nous avancecerons;
maiscomme il me paroît qu'elles le font
déjà aſſez pour donner l'envie de les mettre en
pratique , & que nous ne voulons pas expofer
perlonne à en manquer l'épreuve, nous allons
paffer aux moyens d'enécarter les écueils , ou d'en
aſſurer le ſuccès .
Précautions à prendre pour ne rien riſquer
en mettant les enfans à la tête de leur
education .
Sinous détournons l'autorité du maître de del
ſus la tête des enfans , ce n'eſt que pour la répandre
fur tout leur entour. Ilne feroit pas railonnable
*qu'il leur laiffâr faire ce qu'ils voudroient pendant
que quelqu'autre leur feroit faire ce qu'il vou-
Hij
$174 MERCURE DE FRANCE.
droit, ou qu'ils feroient faire eux-mêmes ce qu'ils
voudroient par quelqu'autre. Nous ne voulons
qu'ils ſoient libres qu'à condition de ne voir que
des perſonnes auffi libres qu'eux. Il ne faudroit
peut être , ou qu'un peu trop d'empreſſement
pour eux, ou qu'une Aatterie mal placée, ou qu'un
tonde maître vis-à- vis d'un domestique , ou que
la foumifſion rempante de ce malheureux pour
jeter dans leur ame le plus grand des crimes contre
Dieu , &des vices contre l'Etat , qui est d'identifier
l'autorité à ſa perſonne. On ne voyoit rien
detout cela dans l'âge d'or , & c'eſt des douceurs
prétendues de ce ſiècle chimérique que nous voulons
les amener à préférer les principes de l'ordre
&de la ſociété civile à la confufion de l'anarchie.
Enfin notre méthode favorite pour leat inſtruction
, eft de leur faire fentir lebeſoin de chaque
choſe , avant de les appliquer à la chercher & de
les amener au point de voir en eux- mêmes ce
qu'elle doit être , avant d'examiner ce qu'elle eſt.
C'eſt la route que nous prendrons avec eux pour
nous créer une police. Mais pour mettre plus de
ſuite &de clarté dans cette partie de notre ſyſtême
, nous allons la ſoudivifer en trois conditions.
auſſi indiſpenſables pour engarantir les effets dans
lapratique que pour en démontrer la facilité dans
la théorie. Voici ces trois conditions.
1. Que les enfans que l'on raſſemble pour en
faireune claſſe n'aient pas plus de quatre ans chacun.
2. Que la claſſe ne ſoit guère de plus ni de
moins que douze.
1 3. Que ce soit le même maître qui la conduiſe
depuis lecommencement de l'éducation juſqu'à la
fin.
2
JANVIER. 1775. 175
ARTS
GRAVURES.
I.
* Defcente de Croix & Son Pendant , d'a-
:
près les Estampes gravées par Reimbrand.
Ces deux Estampes , gravées par Reim
brand , ont pour titre , A la Gloire de
Dieu; l'une repréſente Notre - Seigneur .
montré au Peuple , & l'autre Notre- Seigneur
, que l'on defcend de la Croix
après la mort . On fait combien ces deux
Morceaux font recherchés , & combien
ils méritent de l'être.Ony trouve l'abondance
de la compoſition , la variété des
expreffions , & furtout cet effet piquant
qui fait feul f'éloge de ce Peintre fameux.
Ces deux Eſtampes font très -rares,
&dès lors à un très- haut prix .
Le ſieur Le Bas , Graveur du Gabinet
du Roi , & dont les productions ont eu
le bonheur juſqu'à préſent d'être agréas
bles au Public , vient de faire exécuter
* Le premier tableau eſt dans la Galerie du
Landgrave de Heffe-Cafiel .
Hiv
176 MERCURE DE FRANCE.
des Copies de ces deux Eſtampes. En dirigeant
cet Ouvrage , il a tâché principalement
qu'on rendit , autant qu'il étoit
poffible , l'illuſion des Originaux , le
même jeu dans la manoeuvre , le même
eſprit à rendre les formes ,& les moyens
pour produire l'effet. Le but qu'il s'eſt
propoſé dans cet eſſai , a été de pouvoir
procurer aux Amateurs l'avantage d'avoir
à un prix modéré des morceaux dont le
prix eſt exceſſif. Les Originaux ſont pouf
fés juſqu'à huit & neuf louis , & le prix
des Copies eſt de trois livres chacune. Si
cet eſſai plaît & réuſſit , il donnera de la
même manière ce que Reimbrand a fait
de mieux.
La demeure dufieur LE BAS , Graveur
duRoi , eft rue de la Harpe,àParis. 1775 .
I 1.
Septième & huitième Cahiers des crisde
Paris , deſſinés d'après nature , & gravés
par M. Poiffon . Prix 1 1. chaque Cahier.
A Paris , chez l'Auteur , Cloître Saint-
Honoré , maiſon de la Maîtriſe , au fond
dujardin.
III.
Portrait enmédaillon de Louis François.
JANVIER. 1775. 177
Gabriel d'Orléans de la Motte , Evéque
d'Amiens , ancien Supérieur des Carmélites
de St- Denis , dédié à la très- Révérende
Mère Ste Thérèse de St- Augustin ,
Prieure des Religieuſes des Carmélites
de Saint - Denis , gravé d'après le
tableau original qui appartient à Madame
la Comteſſe de Bouzac. A Paris ,
chez le ſieur Bradel , Graveur , rue des
Sept Voies , au Collège de Fortet , pra
che Sainte-Geneviève.
IV.
Portrait en médaillon de S. A. S. Madame
la Ducheffe de Bourbon , gravé ,
dédié& préſenté à S. A. S. par Lebeau.
A Paris , chez l'Auteur , rue St Jacques ,
maiſon de la Veuve Duchefne.
V.
Recueilde nosplus beaux Jardins modernes,
deBiron , de Lautrec, de Boutin,
de la Bouexiere , de la Folie - Pajeau ,
de l'Hôtel de Pompadour à Fontainebleau
, de Berny , de Chantilly , de Verſailles
, de Carolsruhe en Allemagne , &
pluſieurs compoſtions dejardins à l'An .
Hv
178 MERCURE DE FRANCE

gloiſe , avec deſcriptions en vingt-cing
planches , petit folio : 7 livres 4 fols
broché.
Plan des Jardins de Bellevue , par
M. d'Ill : prix 1 livre 4 f.
A Paris , chez le ſieur le Rouge , rue
des Grands Auguſtios , vis- à- vis l'Hôtel
St-Cyr.
VI.
"Le Marché aux Herbes d'Amſterdam ,
gravé d'après le Tableau original de
Gabriel Metzu , appartenant àM. BlondeldeGagny,
par M. David.
L'effet piquant de ce Tableau , qui
n'étonne pas moins qu'il attache , la variété
ingénieuſement répandue dans les
plus petits objets , la belle difpofition
des plans & des grouppes qui ſemblent
placés pour ſe ſoutenir& ſe faire valoir
réciproquement, font d'excellentes lecons
pourun Artiſte attentif. Mais , pour
copier avec le burin un tableau de ce
'rare mérite , il falloit un Artiſte habile
qui fût bien en faifir l'eſprit, & même
en exprimer 'a couleur; c'eſt ce que
M. David , élève de M. Le Bas , Graveur
du Roi , a exécuté très - heureuſement
fous la direction de ſon Maître,
JANVIE R. 1775 . 79%
On admire avec raiſon , outre le brillant
de fonburin , un beau deſſin , une touche
sûre , & cet effet de l'enſemble qui ne
laiſfe rien à defirer. Il a ſu principale.
ment répandre dans ſon faire , un fourd
qui fait bien retlentir l'oppoſition de chaque
grouppe , & qui fatisfait également
le Connoiffeur & l'Artiste . Ainti l'Ef.
tampe, indépendammentdu plaiſir qu'elle
fait & doit faire aux Amateurs , eſt encore
de la plus grande inſtruction : elle a
vingtdeux pouces & demi de hauteur ,
&dix- fept pouces &demi de largeur; elle
fe trouve à Paris chez M. Le Bas , Graveur
du Roi, rue de la Harpe. Prix
12 liv.
MUSIQUE.
I.
1
Billet d'invitation , à voix ſeule , avec
accompagnement de deux violons &
balle , par M. Albanèſe , Muficien du
Roi. A Paris , au bureau du journal de
muſique , rue Montmartre , vis - à- vis
celle des Vieux- Augustins. Prix i11.45
Ce morceau fort E applaudi dans les fo
ciétés, étoit attendu avecimpatience.C'eſt
H vj
180 MERCURE DE FRANCE.
un caprice de Muſicien , comme le Privilège
du Roi , mis en muſique par M.
de la Borde. M. Albaneſe , impatient
de ce qu'il ne trouvoit pointde paroles
à ſon gré , s'eſt aviſé de mettre un jour
en muſique un billet qu'une femme aimable
venoit de lui écrire pour l'inviter
à dîner. La ſingularité de cette idée , la
variétédes mouvemens & l'expreſſionde
la muſique , rendent cette plaiſanterie
très-piquante.
II.
Recueil d'airs & arrietes choisies , avec accompagnement
de guittare on mandore
, dédié à Madame la Marquife
de Brulart , par Mile Péan , oeuvre I.
prix 71. 4 f. A Paris chez l'Auteur ,
tue du Sépulchre , Fauxbourg St Germain
,vis- à-vis la petite rue Taranne ;
chez M. Jolivet , rue Françoiſe ;& aux
adreſſes ordinaires de muſique.
La jeune virtuose dont nous annonçons
l'ouvrage , joint à l'harmonie pleine &
agréable de ſes accompagnemens , l'exécution
la plus préciſe& la plus fatisfaifante.
Elle ne s'eſt pas ſeulement attachée
à la régularité des accords , elle a encore
le mérite d'en avoir rendu l'exécution fa
JANVIER. 1775. 181
cile& à la portée des perſonnes qui ont
quelque uſage de la guittare. Elle mérite
d'autant plus d'être encouragée ,
qu'elle réunit à des talens diftingués ,la
douceur & l'honnêteté des moeurs, la modeſtiedu
caractère , & la complaiſance
la plus marquée pour les Dames& De
moiſelles qui lui font l'honneur de l'appeler
pour recevoir ſes leçons.
111.
1
Les Etrennes des Citoyens , ou la joie
publique , chanſon à la gloire du Roi
Louis XVI . Muſique & paroles , prix
1 liv. 4 f. A Paris , chez M. Border ,
Marchand de muſique , rue St. Honoré ,
vis-à-vis le Palais -Royal.
IV.
Dans le moisde Décembre, nous avons
annoncé une contredanſe intitulée les
charmes de la France ; & nous avons
mis par Bacquoy Guérin , & c'eſt M.
Bacquoy Guédon .
Recueil de Menuets avec la baſſe chiffrée
, dédié à M. le Marquis de Matharel
, Chevalier de l'Ordre royal &mi.
litaire de St Louis , Gouverneur d'Honfleur
, Pont l'Evêque & Pays d'Auge , & c.
182 MERCURE DE FRANCE .
&c. &c. par M. Bacquoy Guédon , ci
devant Danfeur du théatre françois .
Recueil de menuets , avec la baſſe
chiffrée , dédié à Mde. Le Bret , par le
même Auteur.
Recueil de contredanſes allemandes
& françoiſes , avec la baſſe chiffrée , par
le même.
:
Collection de contredanſes allemandes
& françoiſes , avec les figures , par le
même.
Les plaiſirs de Henri IV, contredanſe
àhuit figurans, de la compoſition du même
Aateur.
A Paris , chez l'Auteur , rue de la
Potterie , la première porte cochère à
main gauche en entrant par celle de la
Tixéranderie; chez Mlle Caſtagnerie, rue
des Prouvaires , à la Muſique royale ;
& aux adreſſes ordinaires de muſique.
:
V. こ
2
Almanach musical , 1775 , petit in- 12 de
178 pages. A Paris , chez Ruaulr , Libraire
, rue de la Harpe , & au bureau
du journal de muſique , rue Montmartre
, vis-à-vis celle des Vieux-Auguſtins.
Prix 1 liv. 4 f. & par la poſte
franc de port dans tout le Royaume
1 liv. 10 f. L
JANVIER. 1775. 183
Cet almanach qui paroît pour la première
fois , ſera vraiment utile pour les
Maficiens & pour tous ceux qui aiment
la muſique. Il contient l'indication des
fêtes muſicales de Paris pour l'année
1775 , l'annonce des découvertes concernant
la muſique , faites ou publiées
en 1774 , la notice des ouvrages de mufique
vocale ou inſtrumentale &des ou-
-vrages concernant la muſique qui ont
paru dans l'année; la lifte des Auteurs
ou Compofiteurs ; l'état de la muſique
des Eglifes de Paris; les liſtes des Organiſtes
, Maîtres de muſique & d'inf.
trumens , Copiſtes , Graveurs , Fondeurs
de caractère& Imprimeurs pour la mufique
, Marchands, de muſique du Royaume
& des pays étrangers , Luthiers &
Facteurs d'inftrumens , &c .
: Ces liftes font ſuivies des anecdotes
muſicales de l'année 1774 , de couplers
à mettre en mutique & dechanfons notées.
Ceux qui appercevront des fautes on
des omittions dans cet almanach , font
priés d'en donner avis au Bureau du
journal de muſique . On ſe ſervira de
la voie de ce journal pour publieri fur
le champ ces corrections ,en attendant
184 MERCURE DE FRANCE
l'alinanach de l'année prochaine , où elles
feront faites avec ſoin. La notice des
ouvrages de muſique ou concernant la
muſique , paroit fort exacte , & a dû
coûter bien des recherches. Elle contient
234 articles, dont plus de 80 n'avoient
été encore annoncés nulle part. Cette
notice jointe à l'annonce des découvertes
& des anecdotes muſicales de l'année ,
formera une forte d'hiſtoire de la muſique
, qui deviendra par la ſuite fort in
téreſſante pour les Amateurs .
GÉOGRAPHIE.
1.
NOUVELLE Carte réduite de laMancke
de Bretagne , en trois feuilles de papier
grand-aigle , contenant toutes les côtes
de France depuis Dunkerque juſqu'à
Queſſan & les côtes d'Angleterre depuis
Colchester , qui eſt au nordde la Tamiſe
juſqu'au Cap Clare en Irlande , les
Braſciages , & qualités des fonds , sant
en dedans qu'en dehors de la Manche ,
le nombre des pieds d'eau que la mer
monte & baiffe perpendiculairement le
JANVIER. 1775. 185
long des côtes les jours de la nouvelle &
pleine lune , les vues des terres , telles
qu'elles paroillent de la mer , & pluſieurs
nouvelles utilités très eſſentielles , qui
n'ont jamais paru ſur aucune carte de navigation
, & dont un marin eſt journellement
dans le cas d'avoir beſoin. Publiée
ſous l'approbation de l'Académie
Royale des Sciences .
Cette carte qui est dédiée au commerce
, ſe trouve chez l'Auteur , rue
St-Jacques , au Havre , & chez le ſieur
Mérigot l'aîné , Libraire , Quai des Auguſtins
à Paris , qui a le dépôt des cartes
hydrographiques ; prix , 7 liv. 10 f. les
trois feuilles . Les Marchands de provinces
, qui vendent des cartes , en en prenant
un certain nombre , auront une
diminution honnête. L'on trouve chez
le ſieur Degaulle tout ce qui concerne
la navigation .
Il fait des envois d'inſtrumens , &n'en
vend aucun qu'il n'en garantiſſe la préci-
Gon par un billet ſignéde ſa main.
I I.
Atlas Elémentaire où l'on voit , fur
des cartes & des tableaux relatifs à l'ob .
jet , l'état actuel de la conſtitution poli
186 MERCURE DE FRANCE.
tique de l'Empire d'Allemagne. 1. Les
Cercles en général , les Archevêchés ,
Evêchés , Univerſités, les Etats qui ont
droit debattre monnoie , les VillesMonéraires
, &c. La ſituation , l'étendue ref.
pective , les enclaves , le nombre & le
rang des Electorats , Principautés , Ab
bayes , Comtés , Baronnies , Seigneuries
, & généralement tous les Etats immédiats
qui donnentdroitde ſéance aux
Diètes générales& particulières de l'Empire.
38. Les principaux territoires immédiats
, qui ne donnent pas droit de
féance aux Diètes . 4. Un indice de tous
les cantons de la Nobleſſe immédiate en
Souabe , en Franconie , & fur le Rhin.
5º . Les différentes routes & poftes de
l'Empire , & les Villes où l'on trouve
des relais pour les Couriers & Voyageurs.
69. Grand nombre de lieux remarquables
par leurs productions on établiſſemens
, comme mines , forges , fabriques
d'armes , manufactures , bains ,
haras , &c. 7º . Le commencement des
Etats d'Empire , l'époque des principales
loix , des établiſſemens&événemens qui
ont produit par degrés l'état actuel de
l'Allemagne , avec un Abrégé méthodi .
que du droit public de l'Empire ; Ouvrage
propre à faciliter l'étude de ce droit
JANVIER. 1775. 187
public , utile à l'éducation de la jeune
Nobleffe , & à tous les Officiers curieux
de connoître ce qui compoſe le Corps
Germanique , ſes différens Etats & les
divers degrés de puiſſance de chacun de
ſes Membres : le tout compofé & vérifié
d'après les meilleures cartes nationales ,
la Géographie de M. Buſching , les Ouvrages
de MM. Schmaul & Pfeffel ,
les Inſtitutions au droit public de l'Allemagne
, par M. Gérard , &c dédié &
préſenté au Roi par l'Abbé Courtalon ,
Précepteur des Pages de Madame , &
ci devant de ceux de fene Madame la
Dauphine , Mère du Roi , avec approba..
tion & privilège du Roi 1774 , I vol .
in4° .
• L'Allemagne eſt partagée en tant d'Etats
& de Principautés , qu'elle méritoit
un Atlas géographique & hiſtorique pour
la faire connoître dans ſes diviſions. C'eſt
ce qui a été parfaitement exécuté par
M. l'Abbé Courtalon. Les papiers publics
de l'Allemagne lui rendent ce
témoignage non ſuſpect. Il faut lire dans
le diſcours préliminaire de cet Ouvrage
les avantages que l'on peut en retirer
pour la connoitfance des lieux , de la
politique & de l'hiſtoire de cette contuée.
:
188 MERCURE DE FRANCE.
ANECDOTES.
I.
CALALVVIINN , au fortir d'un ſermon , où il
avoit expliqué , à ſa manière , le myitère
de la prédeſtination , vint demander à
dîner à ſa fervante. » Je ne vous en ai
>> point fait , répondit-elle froidement ;
&, comme elle vitqu'il s'emportoit, elle
lui rétorqua ſon argument favori . >>Dieu ,
lui dit- elle , a prévu , de toute éternité ,
>>que vous dîneriez aujourd'hui , ou que
> vous ne dîneriez pas : s'il a prévu que
>> vous dîneriez , vous en trouverez , in-
» dépendamment de mon foible minif-
>>tère : s'il a prévu que vous ne dîneriez
>> pas , je vous en aurois fait en vain ».
II.
;
Louis XIV ſe plaignoit des Algériens
: ils lui envoyèrent des Ambaſſadeurs
que le Roi reçut allez mal : » Je
ferai bombarder votre ville , leur dit-
» il, & la détruitai de fond en comble ».
» V. M. Sire , répondit le Chef de l'Am.
>> baſſade at elle daigné faire calculer les
>>frais que lui occaſionneroit cette entre-
>>priſe ? Quand il m'en coûteroit quatre
>> millions , reprit le Roi , qu'importe ?
>pourquoi me faites - vous cette quef-
JANVIER. 1775. 189
>>tion ? Sire , ajouta l'Ambaſſadeur , c'eſt
» que , ſi Votre Majesté veut nous don-
>> ner la moitié de cette ſomme , elle y
>> gagnera l'autre moitié ,& n'aura point.
» à courir les riſques de l'entrepriſe .
Réponse d'une Dame à la Lettre fur le .
mariage , inférée dans le second volume
d'Octobre.
DeParis, ce 27 Octobre 1774-
Monfieur , ayant aporis par le ſecond volume
d'octobre qu'une perfonne honnête defireroit
trouver une Demoiselle qui , en l'épouſant , pût
faire fon bonheur; je prends la liberté de vous
annoncer la fille d'une Dame de mes amies , que
je connois depuis ſa tendre enfance, & qquuii s'eſt
élevée fous mes yeux . Elle est actuellement âgée
de18 ans& quelques mois.Le cielne l'a pas favori
ſée du côté de la fortune; mais ſachant ſe cortenter
depeu, la mere & la fille vivent très décemment
dans leur état. Cette Demoiselle eſt d'une bonne
fanté , & depuis l âge de treize ans elle n'a point
été malade , quoiqu'elle ne forte preſque jamais
& qu'elle fafle peu d'exercice.
Elle ne voit d'autre compagnie que moi , &
deux ou trois autres Dames qui viennent quelquefois
chez ſamere; elle quitte même ſouvent
les perſonnes avec qui elle ſe trouve pour te retirer
ſeule dans ſon cabinet , où elle s'occupe à la
lecture de quelque livre de piéré ou de morale ; &
lorſque ſon eſprit a beſoin de délaffement , elle ne
le va point chercher dehors , mais elle s'amute à
jouerdes inſtrumens , ou à chanter : ce qu'elle fast
àdes heures réglées.
190 MERCURE DE FRANCE.
Elle est d'un caractère très-doux & très-ſocia-.
ble, enjouée avec ſes amies , mais fort timide;la
moindre perſonne étrangère lui fait perdre la gaîté
, elle devient alors ſérieuse , & la crainte de
mal parler l'occupe tant , qu'elle n'ofe prononcer
un ſeul mot; sa ſenſibilité vajuſqu'à l'excès: une
flatterie la fait trouver mal , quoiqu'elle ne connoifle
pas les perſonnes. Pour la ſageſle , il eſt
difficile d'en avoir plus qu'elle : c'eſt ſon plus -
grandmérite.
Elle est très- foumiſe à ſa mere,&depuis dix ans
que je les connois , elles n'ont pas eu le moindre
débat enſemble. Elle a appris d'elle-même à lire
&àécrire. Je ne lui ai montré que peu de mois
l'italien & la muſique; maintenant elle poſlede
ces ſciences mieux que moi.
Elle a unebelle voix de taille, dont l'érendue eſt
depuis le fi d'en bas juſqu'à celui d'en haut , ce
qui fait deux octaves.
Elle a beaucoup de goût pour le chant; elle
réuffit parfaitement dans la muſique italienne &
françoiſe , quelqu'air qu'on lui préſente .
Pour la danſe , elle ne la connoît que de nom ,
ne l'ayantjamais aimée , non que les préjugés vulgaires
l'ayent décriéedans ſon eſprit , mais parce
que naturellement elle a de l'éloignement pour
elle,
La morale & l'hiſtoire ſont les ſeuls objets de
ſa lecture; le plus beau roman l'ennuie ,au point
de ſe ſentir accablée de ſommeil , auffi font ils
baanis de ſa bibliotheque : non qu'elle les croie
dangereux , elle a allez de raiſon pour les méprifer&
pour dédaigner de les lire .
Elle s'occupe très-peu de ſa parure , & ne ſe
foucie point de ces colifichets que les femmes
d'aujourd'hui recherchent avec tant d'ardeur ; on
JANVIER. 1775 . 191
pourroit même lui reprocher de ſe négligen
trop & d'outrer la ſimplicité dans les habits.
Al'égard de la figure , ſans être belle , ellen'a
aucun délagrément. C'eſt une brune qui a de fort
beaux yeux &de la régularité dans les traits ; un
air modeſte la rend encore plus intéreſlante. Elle
eſtd'une taille médiocre,mais bien proportionnée,
&ſans défauts remarquables.
Son eſprit eſt juſte & cultivé; les flatteries ne
la touchent pas. Lorſque des gens ſans mérite lui
prodiguent des louanges, elle me dit: « J'aime-
> rois mieux être blâmée justement par des per-
>> ſonnes d'eſprit , que de me voir louée par des
>>>fots ».
Elle a beaucoup de talent pour la poëfie italienne
,& ſidans ſes loiſirs elle compoſe quelques
pièces de vers , elles font toutes en cette langue.
J'en citerai quelqu'unes.
:
:
SONNET .
Non fol a te ſpoſo ma tenero amante ,
Mia vita , farò , ne ſparger d'obblio
Il girar , de luſtri poſtrà i foco mio ,
Ni un' altra beltà rendermi inconſtante.
Quante volte il dico , e pure ognor tremante
Soſpetti quella fè , & paventi , oh dio ?
Ch' io mi anaadi il altro laccio ,
Che m'accenda d'amor piu bel ſembiante.
Deh raffi curati e dove il trovare
Quando di tradirti voglia havrei
Chi quel che perderei mi potria rendere ?
2
Ah laſcia laſcia cor mio di temere
192 MERCURE DE FRANCE.
Ecredimi fedel quanto tri ſei
Oben terminerò queſto mifero vivere .
Il ya auffi pluſieurs petits airs qu'elle a faits ,
deſlein de les mettre en muſique: en voici quelques-
uns.
ANZONETTA.
Amo ſe il mio dolore
:
1 Timuove a pietà
Rendimı la mia vita
Rendimi leſpoſo infedel
2
Sebbene quel perfido core
Spezzò l'antico laccio
Il perderlo coſi oh dio
Mi fembra per troppo crudel. *
Ces échantillons ſuffiſent pour donner une
idée de fa maniere d'écrire. Si d'après ce que je
viens de marquer , ellu plaît , je vous prie ,Monfieur
, de le faire favoir par la voiede ce Journal;
alorselle ſe fera connoître , & l'on pourra venir
chez elle, afin de prendreavec ſa mere les arrangemeus
néceſlaites & convenables à ce ſujet; mais
avant de ſe déclarer , elle defireroit s'inſtruire du
caractere de celui qui la rechercheroit : faites-en
part , s'il vous plaît, àla perfonne dont il s'agit.
J'ai l'honneur d'être , Monfieur ,
Votre très-humble & très obéiflante
ſervante , J. A. M. WHITION.
P. S. Vous ferez , fi vous le jugez à propos, part
* Il y a d'autres fonnets & d'autres chanfons
enitalien , que les bornes de ce Journal ne nous
permettent pas de rapporter.
de
JANVIER. 1775. 193
de cette Lettre au Public , les perſonnes ne le
trouveront pas mauvais .
Des circonstances , dont il feroit inutile
de rendre compte au Public , ont
empêché la publication de cette Lettre
dans l'inſtant où elle devoit paroître. On
défère aujourd'hui aux avis de quelques
perſonnes , auffi reſpectables par leurs
connoitfances que par leur amour de
l'humanité , qui ont cru que l'impreffion
en pourroit encore être de quelque utilité.
Lettre de M. le Docteur Maty , Garde du
Muséum Britannique , & Secrétaire de
la Société Royale , à fon Fils , réſidant
àParis.
: Londres , le 21 Juin 1774.
Vous ne pouvez , mon très-cher Ami , m'apprendre
de nouvelle plus intéreſſante que celle de
l'inoculation , à laquelle Sa Majesté & ſes augultes
Frères viennent de ſe déterminer. Le coup affreux
qui a privé la France de ſon Chef , eſt devenu
un trait de lumière pour fon Succefleur.
Inſtruit par ſes pertes , il a vu l'épée de feu fufpendue
ſur ſa tête. En détourner la direction devoit
être le premier exploit de ſon règne ; & fon
premier bienfait , celui d'en délivrer ſes Sujets.
Quel triomphe pour la philoſophie ? Quelle époque
dans les annales du Royaume Chaque infant
que le jeune Monarque arrache a la mort va
déforma " appeler ſon père; une nouvelle poſté-
II. Vol. 1
194 MERCURE DE FRANCE .
rité lui devra ſa vie & ſes chamnes ; & , au lieu
dupénible (ouvenirde tant de milliers d'hommes
facrifiés au defir des conquêtes & de la gloire ,
qui ſouvent empoisonne les derniers jours des
plus grands Rois , il jouira du prix le plus flatteur
de ſon héroïtme , & comptera les jours par le
nombre d'heureux Citoyens qu'il aura confervés.
Depuis plus de vingt ans , mon cher Ami , j'ai
entrevu l'Autore de ce beau jour ; & , je le dis
avec un ſentiment délicieux , j'ai tâché d'en hâter
la venue. Du pays où vous êtes né, pays ſi cher
à mon coeur , où mon ame s'eft fortifiée & où j'ai
fixé mon tombeau , je communiquai les lumières
que j'acquérois à la terte oùj'ai reçu la naiſſance ,
& à celles d'où vos pères furentchaſlés Particas
her obſcur, je ne pouvois faire que peu de chofe ,
& ce peu je l'ai fait ; j'ai prouvé fur moi-méme
l'innocence de l'inoculation ; & je me flatte que
*vous me favez gré de vous avoir (auvé avec vos
deux foeurs dans un âge aflez tendre , &dans le
même jour , des périls d'un mal d'autant plus redoutable
qu'il eſt plus retardé. Je méprifatdans le
temps les invectives de ceux qui me reprochoient
le lacrifice barbare de ce que j'avois de plus cher.
Pluſieurs familles , dans ma petite fphère , le félicitent
d'avoir éré hardies à mon exemple , & j'ai
aflez vécu pour avoir ſouvent eu occafion de m'attendrir
avec celles qui n'ont pas eu la force de le
fuivre,
1
Vous avez lu dans les écrits de ce Philofophe
aimable , que je ne nommeraijamais qu'avec l'ımpreſſion
de la douleur , mon cher la Condamine ,
le précis d'une longue conférence littéraire fur ces
ſujets intéreſlans cette correfpondance , vous le
favez , n'a fini qu'avec la vis , & fes dernières
Lettres contenoient encore les épanchemens de fon
amepour la Patrie & pour fon Rei.Que ne vit- il
JANVIER. 17750 595
Anellement pour jouir de la douce fatisfaction
de voir fes voeux accomplis ? Que n'ai je pu moimême
concourir , autrement que par la foible
expreffion des miens , à la conſervation de jours
fi chers à l'humanité ? Car un bon Roi fait le
bonheur des Nations qui l'environnent , preſque
autant que de la fienne.
Je ne fuis point (urpris des alarmes des Parifrens,
l'objet eſt auſſi grand que nouveau; & ot
les affections ſont vives , les craintes, comme cin
amour , font ſouvent puériles. Dans cet inſtant de
crife , que ne puis -je exciter la confiance de ce
bon Peuple& prévenir ſa joie ! c'eſt le grand objerde
cette Lettre que je griffonne à la hâte, & que
je ſoulbaite que vous rendiuz publique.
Nos trois Princes , vous di - on Devoir- on expoſer
à la fois toutes nos eſpérances ? Expoſer!
mon cher Fils ! c'eſt conſerver qu'on devroit dire.
Les atômes inviſibles & deftructeurs voltigent
dans l'air; ils font dans les Maiſons Royales, pour
être dans l'atr de ceux qui approchent le Souverain
; voudrez- vous que les frères l'euflent peuterre,
dans leur convale cence , exposé au ti'que
qu'ils avoient évité. Lui même , cut il été tranguille
obfervareur de leur fermeté ? L'avantage
du préservatif le touchout il moins qu'eux ? Er
devon- it recevoir l'exemple que la naflance l'invite
à donner ?
Mais n'y a- t- il donc abſolument aucun riſque
dans l'inoculation , & s'il s'en trouve le mondre
, ſe pardonneroit on , en cas d'accident , de
l'avoir fait courir à fon Ro ? Sans vous renvoyer
aux écrits de M dela Condamine , où vous
trouverez des réponſes générales & préciſes à
cette frivole objection , je vous répondrai fimplemint
que pour des jours auffi précieux , le riſque
eft ablolument nul ; celui que l'opération , faite
1
1I 66' MERCURE DE FRANCE.
fuivant la méthode publiée en Angleterre , peut
laifler , ne tombe jamais que ſur des Sujets mal
conditionnés , mal préparés ou mal traités ; parce
que la ſaignée faite en aveugle par un Barbier de
campagne à un homme dont la veine eft petite ou
mal ſituée , entraîne quelquefois des accidens qu'il
étoit maître de prévenir & qu'il eût dû prévoir ,
s'enfuit- il qu'il n'y ait rien à craindre quand le
bras eſt comme il doit l'être , & que le Chirurgien
fait fon métier ? Jugez ſi l'obſervation , les précautions
, les attentions peuvent imanquer quand
le zèle eſt dirigé par le ſavoir & l'expérience , &
qu'il eſt abondamment fourni de conſeils & de
fecours. Aufſi puis-je bien vousdéclarer que mon
eſprit eſt ſans le moindre doute &que dans la
place du ſage Directeur qu'on a choiſi , j'oferois ,
fur mà tête , répondre du ſuccès.
On le récrie enfin ſur la ſaiſon , au milieu de
l'été , dans les chaleurs , au fortir des plus douloureuſes
impreffions , pourquoi ne pas attendre
l'automne & la tranquillité ? Attendre, mon Ami !
La voix du Ciel n'a- t- elle pas fixé l'inſtant ? Vous
connoiffez Milady B. , elle attendit auffi , & le reprochera
toute ſa vie les ſcrupules & les délais qui
lui ravitent un fils unique. Sans m'échauffer cependant
, ma réponſe eſt encore courte ; il n'y a
pointde ſaiſon où l'opération doive être différée :
elle réuffit également dans toutes , & je n'en connois
aucune qui poſsède des avantages excluſifs,
J'ai vu mon compatriote , le Docteur Ingenhoufz ,
le ſauveur de la famille Impériale , revenir en
triomphe avec le Baron Dimſdale , de les courſes
dans des villages attaqués en été d'épidémies fatales.
L'inoculation , adminiſtrée par de telles
mains fur des centaines de perſonnes de tout ſexe
&de tout âge , les ſauvoit conſtammenttoutes ,
& le Génie de la France lui aſlure un égalſuccès.
JANVIER. 1775. 197
Adieu , mon bon Ami , la poſte part , & je ne
veux pas la perdre , en ſacrifiant quelques inſtans
àvous réitérer les expreſſions de matendrefle.
AVIS.
I.
OUVRAGES DE MUSIQUE ,
Proposés au rabais jusqu'au 1 Mai 1775 .
LES
Es Auteurs du Journal de Muſique vien
nent d'acquérir à la vente du fonds de Madame
Le Clerc un choix des Ouvrages des plus célebres
Compoſiteurs , tels que M. J. J. Roufſeau
, Pergoleze , Geminiani , Locatelli , Tartini
, Haſſe , Vivaldi , Corelli , Bezozzi , Gofſec
, Kennis , &c. Comme ils n'ont fait cette
acquifition que dans l'eſpoir de ſe rendre utiles
aux progrès de l'Art , en facilitant au Public ,
& fur-tout aux Artiſtes l'acquiſition 8: l'étude
des chefs - d'oeuvre des plus grands Maîtres
ils croient devoir ſuivre l'exemple qui a été
donné dans la Librairie pour la vente des Mémoires
des Académies Royales des Sciences &
des Belles- Lettres , & de pluſieurs autres Livres
excellens. Dans cette vue ils propoſent les Ouvrages
ſuivans à un rabais d'environ moitié ,
juſqu'au premier Mai prochain. Cet intervalle
de quatre mois paroît ſuffiſant pour que les
Amateurs , les Artiſtes & les Marchands des
Provinces & des pays étrangers foient avertis
de ce rabais , & puiſſent en profiter; c'eſt pourquoi
ce terme ſera de rigueur , & après le premier
Mai ces Ouvrages feront remis & reſte-
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
ront fixés pour toujours au prix ordinaire des
autres Ouvrages de Muſique du même genre.
On s'adreflera à Paris à M. GANTIN , Commis
du Journal de Muſique , au Bureau duJournal
, rue Montmartre , vis - à - vis celle des
Vieux- Augustins. Les perſonnes de Province
ſont priées d'affranchir les lettres & le port
de l'argent , & d'indiquer par quelle voie il
convient de leur faire tenir les objets de leurs
demandes , fi elles ne veulent pas uſer de celle
de la Poſte , aux conditions ci-après .
OUVRAGES AU RABAIS. Prix
Sonates à violonſeul.
Anc.
au rab prix.
1. 1.
Geminiani , op........... 6
10
Geminiani , op . 4 ........ 6 12
Guerini , op. : 3 6
Guerini , op.2 . 3
6
Guillemain , op. 1 ........ 6 12
Guillemain , amuſ.op.18 ... 3
6
L'Abbé fils , 8 oeuvre ... ... 3
12
74
Tartini , op . 1 ......
6 12
Tartini , op. 2 .......... 3
6
Tartini , op. 3 .........
6 10
Tartini , op . 6 3
6
Tartini , op : 3
6
Tartini , variations . ..... 116 312
Locatelli , caprices .....
12 21
Duo pour violons.
Beranger , op ............
Guillemain , oeuvre 5 .....
3
6
3 6
Forſter , op . 1 ......... 3
6
Gianotti , op, 7.. :
Gianotti , op. 11 ........
33
3
6
3
6
Teflarini , op. 1 ...... 16 312
JANVIER. 1775. 199
Suite des duo pour flûtes.
Prix Anc.
aurab prix .
1. f. 16
Teſſarini , op. 2 .......... 116 312
Paganelli , op. 4......... 2 8 4
Paganelli , op.5.۰۰۰۰۰۰۰ 2 8
4
Duo pour flûtes.
Windling , op. ...... ……… 2 8 312
Gueriai , op 3 116 312
Bourgoin , op. 1 ...... .. 116 312
Corelli , 2 part. dus oeuvre . 4 416 312
Smalle , op. 1 . . 28 4
Spourni , op . 7 .......... 116 312
Roger , op.1 ....... 2 8
4
Roget , op . .. 116 312
Tellemann ...
...
3
6
Chinzer , op . 4. Allettamenti.
Tambourin & violon.
2 8 4
La Valliere , oeuvre 1 .... 3 S
Duo de violoncelles ou baſſons.
Braun , op . 6 .........
61
..
Feſch , 1 ..... .. 28 5
Feſch , 2 ............... 2 8 5
Feſch, 3 .......... 2 8 S
Les gentils airs . .. .. 3
6
Violoncelle & baffe.
Triemer , op. 1 ....
Lepin , amateur , op. 1 ....
Trio.
Bezozzi , op. 2 ... …………………
Bezozzi , op. 3 ..........
Bezozzi , op. 4 ..........
Camerloker , op. 1 ......:
Camerloker , op. 2 ........
....
33
3
6
3
6
9996
444
44433
6
9
I iv
200 MERCURE DE FRANCE.
Suite des trio .
Prix Anc.
aurab prix.
1. f. 1. f.
3
6
..
3
6
312
6
312 7
...... 312
312
16
44
4
.. 6
Jomelli , op. Ι ..........
Haſſe , op. 2 .......
Campione , op.2 .........
Campione , op. 7 :
Pugnani , op . 2 ....
Golfec , op. 1 ...
San-Martini , op . 1 : ....
San-Martini , op. 4........
San Martinı , op. 6 .
.......
San -Martini , op. 7 ........
3633
12
6
6
Noëls de Lalande .......... 116
Krafft , op . 2 .
Kennis op. 2.
Kennis , op, 3 .........
Vaguenſeil , op. 1 ........
• ......... 312
44
3786
312
4
...... ... 3
6
3
Quatuor.
Corelli , op. 1 , 2 , 3 & 4 ..
-Alberto Gallo , op . 1 ......
15 30
3 6
Alberto Gallo , op. 2 .......
Camerloker , op. 3 ........
Camerloker , op. 4 ........
Handel , ouvertures , liv. 1 ..
Handel , ouvertures , liv . 2 ..
3 6
44 9
44 9
3
6
3 6
San-Martini , op. 5 ......
Celebri autori .
Concerto & fymphonies.
Corelli , op . s , par Geminiani. 12
Corelli , op. 6 ...........
6
12
31 6
21
12 21
i
JANVIER. 1775 . 201
Prix Anc.
Suite des Concerto & Symphon. aurab prix.
f. 1.1 .
Geminiani , op. 2 .
6 12
2.........
Geminiani , op . 3 ........
6 12
Vivaldi , les quatrefaiſons ...
12 21
Vivaldi , l'estro armonico....
12 21
Mahaut , op 1 ... 44 9
Mahaut , op . 2 ........... 44 74
Pieces &fonates de clavecin.
Handel , I livre . .........
6 12
Handel , 2 ....... 6 12
Handel , 3 ........... 28 5
Handel , 4 . ..
44
8
Scarlatti , op. 2 ..... 416 9
Albertis , op. 1 ....
Paradis Napolitano
.......
...
312
6
416 9
Opéra & opéra-comiques.
Le devin du village. .......
Laferva padrona .
Les deux couſines .
..
Les ſoeurs rivales . ......
Sophie , ou le mariage caché.
Le petit maître en province ..
Ragonde ...
Ariettes détachées des opéracomiques.
Du devin du village .......
Des ſoeurs rivales .
6 10
4
416 9
.. 6 12
.. 6 12
710 15
6 12
410 9
18 116
........ 18 116
De Sophie ..
I
4
2 8
Du petit maître . IS 116
De la Bergere des Alpes . ... 14 28
Iv
202 MERCURE DE FRANCE .
Suite d'Ariettes détachées des Prix
Opéra- comiques..
De Ragonde ..……
Anc.
au rab prix.
1. С. 1. Γ.
12 I 4
Nouveaux airs choiſis avec
d'autres paroles , à l'uſage des
jeunes perſonnes qui apprennent
à chanter.... I
4 2 8
Ariettes avecsymp . &cantatilles
Corillis , de M. Lefebvre ....
L'éloge de l'amour , du même .
Le célibat , de M. Clément ...
Les ſoupirs , de M. Légat....
La naiſſance de Vénus, du même
L'éloge de la voix , du même ..
Le réveil d'Alcidon , du même .
La fête d'Eglé , du même .
Le bouquet d'Iris du même ..
Ceïx & Alcyone , du même .
L'heureuſe rencontre, duodu m
18 116
18 116
18 116
18 116
18 116
18 116
18 116
... 18 116
18 116
18 116
1.
4
2 8
Le printems,de M.I'Abbé Feray. 18 116
Les personnes des Provinces qui voudront
recevoir par la Poſte quelques - uns des Ouvrages
ci-deſſus , ajouteront pour le port deux
fols par livre aux prix marqués en forte
qu'elles feront paffer à M. GANTIN 3 livres
fols,franc de port , pour les articles fixés à
3 livres , &c. & que le Devin du Village ne
leur coûtera que 6 livres 12 fols , franc de port ,
jusqu'aux extrémités du Royaume.
JANVIE R. 1775. 203
:
I I.
Nécrologe des Hommes célèbres de France,
Cet ouvrage , qui contiendra l'éloge desHommes
célèbres morts l'année dernière , eſt actuellement
ſous preffe & paroîtra le mois prochain .
La ſouſcription eſt de 3 liv .; on s'adreſſe au
Bureau Royal de Correſpondance , rue des deux
Portes St Sauveur.
On ſouſcrit au même Bureau pour les étiquettes
des deuils de Cour , moyennant 3 liv . par an , &
24 liv, pour l'abonnement à la Gazette du Commerce
, Arts & Finance. Les Nouvelles Ephémérides
Economiques , ſubſtituées à ce Journal
d'Agriculture , coûtent également 241. par an.
III.
Préparation Antimoniale de Jacquet.
Cette préparation , approuvée par la Faculté
de Médecine de Paris , eſt un des meilleurs fondans
qu'on puifle employer dans le traitement de
différentes maladies ; elle eſt ſouveraine fur-tout
dans celles qui proviennent de l'épaiffiſſement de
la lymphe , comme ſérophules , lait répandu ,
maladies de la peau , & particulièrement les dartres
qui ſe trouvant repercutées , occafionnent
les plus grands ravages. La cruelle maladie des
Nègres , vulgairement appelée le pian , ne réſiſte
pas à fon efficacité ; & c'eſt d'après les cures les
mieux co nſtatées qu'elle a été envoyée dans les
I vj
204 MERCURE DE FRANCE .
Ifles pour le compte du Roi , & que MM. de
Compagnie des Indes en ont fait paſſer dans leu
établiſſemens .
On trouve la préparation antimoniale chez le
ſieur Jacquet , ancien Chirurgiende Mgr le Princede
Wirtemberg , rue de Vaugirard, vis-à- vis
l'ancienne Académie de la Gueriniere.
1 V.
Manufacture Françoise de Tapiſſeries en
papiers brochés , nués , &papiers peints ,
chezMile Hemery , rue Comteſſe d'Artois
, au Café d'Apollon , vis- à- vis la
Tue Mauconfeil.
Toutesles fabriques de ce genre ſe font parées ,
juſqu'à ce jour , du titre de Manufactures de papiers
Anglois , & il eſt facile de s'appercevoir des
efforts qu'elles ont fait pour en imiter les deffins .
L'ambition de mériter le titre de Manufacture
Françoiſe , a déterminé celle ci à n'exécuter que
des deſſins François , à s'appliquer à leur donner
les grâces & l'élégance qui caractériſent tous les
ouvrages François; le ſuffrage & l'applaudiflement
du Public l'ont convaincue en même temps
qu'elle ne s'eſt point écartée de fon objet , &
qu'en matière de goût , notre Nation en vaut bien
une autre.
JANVIER. 1775. 105 .
NOUVELLES POLITIQUES.
De Constantinople , le 17 Novembre 1774.
ΟNa avis que l'eſcadre Ruſſe de l'Archipel
-ne s'occupe que de ſon départ , & que les Grecs
congédiés du ſervice de Ruffie , profitant de ſon
inaction , ſe ſont mis à exercer , comme on l'avoit
prévu , le métier de Pirates . Le Chevalier de Vintimille
, commandant la barque la Sardine , en
a déjà détruit quelques-uns ; & le Capitan Pacha
ſe diſpoſe à envoyer des bâtimens de courſe ,
pour leur donner la chaſſe & rétablir la tranquillité.
Le Ramazan occaſionne néceſſairement quelques
langueurs dans les affaires qui ſe traitent à
la Porte : c'eſt pourquoi onn'y voit guères à préſent
que les Agens de Ruffie , occupés principalement
à réclamer des Eſclaves ,, ce qui ſe fait aflez
paiſiblement , malgré le préjudice que pluſieurs
particuliers en éprouvent.
De Vienne , le 7 Décembre 1774 .
Des lettres d'Inſpruk font mention d'un phénomène
qui a été obſervé au mois d'Octobre dernier
, & dont elles expoſent ainſi les circonſtances
. On voulut pêcher un étang qui eſt à deux
lieues de Stockach. En conféquence on en leva
Técluſe : mais l'eau , au lieu de s'écouler ſur le
champ, comme on devoit s'y attendre , fut quel
206 MERCURE DE FRANCE.
ques minutes dans le plus grand repos : enſuite
elle jaillit en l'air avec impétuoſité , à la hauteur
de douze pieds ;& lorſquelle fut retombée ſur elle
même, il en fortit une fumée épaiſſe , mélée de
petites étincelles très- vives , & de flamines aflez
ardentes pour brûler la peau , les cheveux & les
habits de trois perſonnes , qui ne s'étoient pas
retirées à temps. Les pièces de bois de l'écluſe &
du réſervoir s'allumerent ; & il en auroit peutêtre
réſulté un incendie confidérable, ſi l'eau , prénant
alors fon cours , n'eût éteint les flammes &
mis fin à ce phénomène.
Les loups continuent d'infeſter la Hongrie : un
Eccléſiaſtique a été dévoré dernièrement par trois
de ces animaux.
Depuis quelques jours le temps eſt au dégel;
mais le froid qu'il a fait auparavant a été fi rigoureux
que pluſieurs petſonnes en font mortes fur
les chemins.
De Lisbonne , le 6 Décembre 1774.
On a depuis peu découvert la Statue équestre
du Roi ; & les Connoilleurs ont vu avec fatisfaction
qu'elle avoit parfaitement séuffi. Cette Statue
a vingt pieds cing pouces de proportion : on y
a employé cinquante-quatre mille trente deux livres
de métal. L'Artiſte s'eſt principalement diftingué
par la perfection qu'il a ſcu donner à la
terre dont le moule étoit formé. Elle étoit ſi ſolide
qu'elle n'a cédé en aucun endroit à l'impulfion du
métal. Le même a trouvé la compofition d'une
porcelaine remarquable par ſa dureté & par fa
blancheur , & qui eft à l'épreuve du feu le plus
violent.
JANVIER. 1775. 207
DeRotterdam, le 1 Décembre 1774.
Le bruit court ici que le Roi de Maroc a déclaré
-la guerre aux Etats Généraux , & que les hoftilités
commenceront de 1' Janvier prochain. Cette nouvelle
, quoiqu'ayant beſoin d'être confirmée , 2
fait hauffer d'un & demi pour cent les afſlurances
pour le Levant. Ceux qui , en la ſuppoſant certaine,
cherchent à pénétrer les cauſes d'une rupture
auffi inattendue , ſoupçonnent qu'elle a été excitée
pour détourner les Hollandois de tout commerce
avec les ColoniesAngloiſesde l'Amérique.
De la Haye, le 16 Décembre 1774.
Des lettres de Surinam , en date du 10 , du 12
&du 29 Août , contiennent de nouveaux détails
fur la guerre que les Colons , appuyés par les
troupes du Colonel Fourgeou , pourſuivent vivement
contre les Nègres déſerteurs. Tandis que cet
Officier les harcèle dans les bois , les habitans de
la Colonie, aidés des Noirs qui leur font reſtés
fideles , défendent avec ſuccès leurs plantations.
Dans une de ces actions , où la Bourgeonnie ellemême
répoufle les Rebelles , le plus redoutable
d'entre eux , nommé Bonni a été tué Dans
d'autres , en ruinant totalement les villages qu'ils
occupoient , on leur aenlevé les moyens de nuise
& de fubfifter . C'eſt d'après ces avis certifiés , que
la ville d'Amſterdam , perfuadée que les ſeules
forces de la Colonie (uffiſent pour mettre fin à cetre
guerre , s'eſt oppoſée , il y a quelque temps , à ce
qu'on y envoyât d'Europe de nouvelles troupes
régulières & dont l'entretien eſt fort coûteux.
,
208 MERCURE DE FRANCE.
De Civita- Vecchia , le 25 Novembre 1774 .
La vacance du Saint Siége a fait ſuſpendre ici
toutes fortes d'armemens maritimes ; & on ne reprendra
celuides Frégates Papales qu'après l'élection
du nouveau Pontife.
La Congrégation économique du Conclave a
confirmé la traite du bled que Clément XIV avoit
accordée au Fermier de l'Etat de Castro , qui , en
conféquence, fait paſſer à Livourne & à Gênes ,
pluſieurs bâtimens chargés de cette denrée.
La nouvelle machine qui a été inventée pour
réparer les excavations cauſées par la mer au mole
de ce port , &dont on a fait des expériences l'été
dernier , a parfaitement réuſſi : les tempêtes ſurvenues
en automne , ne l'ont point ébranlée. Il eſt
àpréſumerqu'on ſe décidera à en faire faire de pareilles
, pour garantir toute la circonférence extérieurede
cemole , dont deux angles & une partie
du front menacent ruine.
De Gênes , le 13 Décembre 1774 .
NosNégocians informés que le Dey d'Alger a
accordé la permiſſion d'exporter de ſes Etats cent
mille ſacs de bled pour Marſeille , où l'on en
attend encore une plus grande quantité de Suède ,
ſehâtent de ſe défaire de celui qu'ils ont.
De Versailles , le 29 Décembre 1774-
1
1
Le Roi a jugé à propos de partager entre ſes
quatre Secrétaires du Cabinet l'exercice de la
plume , qui étoit autrefois affecté a un ſeul. En
conféquence Sa Majeſté a décidé qu'à compter du
JANVIER. 1775. 209
Janvier prochain , ces quatre Secrétaires entreroient
en exercice de la plume , & ferviroient
par année , ſuivant leur rang d'ancienneté. Conformément
à cette déciſion , l'exercice de 1775
Tera rempli par le ſieur de Palerne.
De Paris , le 2 Janvier 1774.
Le
Le 26 du mois dernier , on fit au Château des
Tuileries , dans la galerie de la Reine , en préſence
des Adminiſtrateurs , la diſtribution des
Maîtriſes & Apprentiſſages, grands prix & prix de
quartier de l'Ecole Royale gratuite de Deffin
fieur Bachelier , Directeur , ouvrit la ſéance par
un Diicours ; & les Elèves , au nombre de deux
cent vingt , reçurent les prix des mains du ſieur le
Noir, qui délivra aux ſieurs Lallemand & Aignon
lejeune un brevet pour ſe perfectionner dans la
conſtruction des bâtimens ; au ſieur Viſterre , la
Maîtriſe de Menuifier ; au ſieur Marchand , celle
de Confiſeur; au ſieur Cannette , celle de Cifeleur
; & au ſieur Boullier , celled'Orfévre.
Le Hameau de Lavau- Monjourde , Paroiffe de
Folies , ſitué à ſept lieues de Limoges , & compoſé
de dix-huit feux , a été entiereinent réduit en
cendres par un incendie arrivé le 10 du mois dernier.
Il y a péri beaucoup de beſtiaux. Toute la
récolte de l'année a auſſi été la proie des flammes;
& les habitans n'ont pu ſauver que ce qu'ils portoient
fur eux.
PRESENTATIONS .
Le Marquis de Juigné , Maréchal- de-Camp ,
fut préſenté au Roi par le Comte de Vergennes ,
210 MERCURE DE FRANCE.
Miniſtre & Secrétaire d'Etat au Département des
Affaires Etrangères , & fit ſes remercimens à S.M.
enqualité de ton Miniſtre plénipotentiaire à la
Courde Ruffie.
Le ſicur le Bret , Avocat-Général au Parlement
de Rouen , fut préſenté au Roi le 26 Décembre ,
&fit les remercimens à Sa Majeſté pour la charge
de Greffier en chef du Parlement de Paris .
Le 4 Décembre , le ſieur Guyot , Procureur-
Général du Roi en fon Confeil de Corſe fut préſenté
à S.M. par leGarde des Sceaux; & a la Reine,
par la Comteile de Noailles , ſa Dame d'honneur.
Le 3 Janvier , la Marquiſe de Briges fut prélentéeà
Leurs Majestés & a la Famille Royale pat
laMarquiſede la Fayette.
NOMINATIONS.
Le Roi a diſpoſé du Conſulat de Bagdad , vacant
par la mort de l'Evêque de Babylonne , en
faveurdeDom Miroudot, Abbé de Getipont
Sa Majefté a accordé le Conſulat général des
Ifles Vénitiennes au fieur Cavelier , Conful à la
Canée; & a diſpoſé de celui de la Canée en faveur
du fieur d'André .
MARIAGES.
Le 25 Décembre, le Roi , la Reine &la Famille
Royale dignèrent le contrat de mariage du Marquis
deMatharel Fiennes , Capitaine de Cavalerie ,
avec Demoiselle de Lambertye.
Le 28 Décembre Leurs Majestés & la Famille
JANVIER. 1775. 211
Royale ſignerent le contrat de mariage du Mar
quis de Raullin de Belval , avec Demoiselle de
Gaudechart deQuerrieu.
NAISSANCE.
La Grande-Ducheſſe de Toſcanne eſt accou
chéeà Florence le 23 Décembre , à neufheures du
foir , d'un Prince.
MORTS.
Le nommé Martin Pawelowski , bas- Officier
de la Compagnie des Invalides de Werther , eft
mort à Porsdam le 6 Novembre , âgé de los ane
&4 mois. Il étoitné en Pologne , ſur les frontige
res de la Turquie , & n'avoit jamais été malade.
Ila eude la femme , qui eſt actuellement âgée de
87 ans , douze garçons , dont dix font morts. Les
deux qui reſtent lont au ſervice dans le premier &
le ſecond bataillon de la Garde Royale.
Louis Potier de Geſvres , Duc de Treſmes , Pair
de France , Lieutenant-Général des Armées du
Roi , Chevalier de ſes Ordres , Gouverneur &
Lieutenant Général pour le Roi de la Provincede
l'iffe de France , Gouverneur & Capitaine du
Château & Capitainerie Royale de Monceaux ,.
Lieutenantpour S. M du pays de Caux & Baillage
de Rouen, Gouverneur particulier des villes &
Châteaux de Sofions , Laon & Pont- Audemer,
eſt mort à Paris le 28 Décembre , dans la 80an.
néede ſon âge.
: François FelixChalut , Docteur de Sorbonne ,
Chanoine de la Ste Chapelle , & Abbé commen212
MERCURE DE FRANCE.
1
:
dataire de l'Abbaye Royale de Clairmont,Diocèle
du Mans , Ordre de Citeaux , eſt mort à Paris , le
28 Décembre , âgé de 69 ans .
Marie Louiſe Hubert , épouſe de Michel , Marquis
de Vaflan , ancien Officier au Régiment des
Gardes- Françoiles , Capitaine des Levrettes de la
Chambre du Roi , eſt mort à Paris le 28 Décembre
, âgée de 57 ans .
CharlesObrien , Comte de Thomond , Vicomte
de Clare , Pair du Royaume d'Irlande , & Colonel
d'un Régiment Irlandois de fon nom ,
mort à Paris le 29 Décembre , âgé de 17 ans .
eft
Chriſtine Erſdoter eſt morte le 6 Novembre , à
Linde , âgée de 103 ans.
Jean-Pierre de Joly , ancien Avocat en Parlement
, du Conſeil de Monfieur & de celui du Duc
d'Orléans , Lieutenant de Robe- Longue , & Juge
de la Capitainerie de Vincennes , homme de Lertres
eftimable , à qui l'on doit la traduction des
Ouvragesde Marc- Aurèle , eſt mort à Paris le.7
Décembre , âgé de 78 ans.
N. le Dran , ancien premier Commis des Affaires
étrangères , eſt mort , le 18 Décembre , au
bourgde St Cloud , âgé de 88 ans . Il étoit entré
aux Affaires étrangères en 1711 , & avoit été
nommé premier Commis en 1725. Il avoit conſervé
toute la tête juſqu'au dernier moment.
Magdeleine-Genevieve Garrot , veuve de Jean-
François Duret de Ville-Juif, Chevalier de l'Ordre
Royal & Militaire de St Louis , & ancien Capitaine
au Régiment des Gardes - Françoiſes , eſt
morte à Paris le 27 Décembre , âgée de 91 ans .
Marie Valade , du villagede Thomas , Paroifle
d'Allais , Election de Sarlat en Périgord , eſt morte
le 19 Novembre , âgée de 112 ans. Cette femme
a vaqué , pour ainſi dire , juſqu'au dernier moment
JANVIER. 1775. 213
de ſa vie , aux travaux intérieurs de ſa mailon ;
& il n'y avoit guères que deux ans qu'elle avoit
cefléde vaquer à ceux du dehors.
e
Reynaud Durand , Jardinier , habitant de Grenoble
, y est mort le 2 Décembre , dans la 103
année de lon âge ; il avoit été marié deux fois , &
il a eu de ſa ſeconde femme un garçon & quatre
filles , dont la plus jeune eſt née le 1 Mai 1750
Quoique la raiſon fût un peu baiffée , il ne laiffoit
pas néanmoins de montrer de temps en temps
dela mémoire & de la préſence d'eſprit. Il cultivoit
encore lui même ſonjardin , ſept ou huit ans
avant de mourir.
Marie Anne de Malortie de Roudeville , Comtefle
de Hombourg , Baronne d'Ecutigny , veuve
du Comte de Martainneville , Meſtre-de Camp de
Cavalerne , eſt morte en ſon Château de Martainneville
en Picardie , le 28 Décembre , âgé de 81
ans.
LOTERIE.
Letiragede la loterie de l'Ecole royale militaire
s'est fait les de Janvier. Les numérosſortis de
la roue de fortune ſont so , 17 , 87, 42 , 18. Le
prochain tirage le fera le 6 Février.
PIECES
TABLE.
IECES FUGITIVES en vers& en proſe, pages
Epître à Henri IV ,
Le Grand- OEuvre , Nouvelle Eſpagnole ,
ibid.
21
214 MERCURE DE FRANCE.
L'Aveugle de Bagdad , fable ,
Suite des poëfies manufcrites , tirées de laBibliothèque
de M. le M... de P ***.
Le Payfan & le Matin , fable ,
Versau Rei ,
Couplets fur le couronnementdu Roi ,
Compliment du jour de l'an à la Reine ,
Le Phenix , Etrennes allégoriques à Mde la
Comtelle de R.
sr

19
60
62
63
Vers pour le portrait de M. Mercier Dupaty, 65
Quatrain à trois Scoeurs ,
Explication des Enigmes & Logogryphes ,
ENIGMES ,
LOGOGRYPHES ,
NOUVELLES LITTÉRAIRES ,
Barile , anecdore Françone ,
ibid.
66
ibid.
70
72
ibid.
83
94 1
100
Mémoires critiques & hiſtoriques fur plufieurs
point d'antiquités malitaties ,
Effai fur les comètesen géréral ,
M. de Fumac , ou le Faux Connoflenr ,
Abrégé du co's complet de Mathématiques , to
Du calcul finstetima. & de la géon étuie des
cours,
Mémone fur la meilleure méthode d'exſtraire
& de rafinu le falpêtre ,
102
104
Mémoires de l'Académie Royale de Chirurgie
, 106
Mémoire fur la manière dont on extrait en
Corfe'le fer de la mine d'Elbe , III
Exercices de dix jours de retraite pour toutes
fortes de perfonnes , 113
Direction fpirituelle pour s'occuper ſaintement
avec Dieu , ibid.
Etreones d'un Médecin , 114
:
JANVIER . 1775 . 215
Recherches critiques & topographiques ſur la
ville de Paris ,
Les Etiennes de Clio & de Mnémolyne ,
ITS
ibid.
Almanach d'Agriculture , 120
Obfervations fur les moyens de préſerver les
animaux de la contagion ,
Epitre ſur la manie des Jardins Anglois ,
Principes généraux & raiſonnés de la Gramibid.
124
maire Françoiſe , 127
Connoiſlance pratique des médicamens les
plus (alutaires , 129
Hiſtoire de la Chirurgie , depuis ſon origine
juſqu'à nos jours , 133
Traité de la conſtruction théorique & pratique
du ſcaphandre , 137
Examen du Ministère de Colbert , 142
ACADÉMIES , 145
d'Amiens,
-de( hirurgie ,
---- d'Ecriture ,
SPECTACLES ,
Opéra ,
Comédie Françoiſe
Comédie-Italienne
Petit écrit tur l'Arrêt du Conſeil du 13 Septembre
1774 , qui permet le libre commerce
des bleds dans le Royaume ,
Vers faits au Château de Viliebon, où eſt mort
le célèbre Suily ,
ibid.
166
Premiere ſolution de la ſuire de ce problême :
Trouver , pour l'éducation des enfans ,la
forme la plus propre à en faire de grands
bommes,
ARTS, Gravures ,
Mafique.
ibid.
152
154
157
ibid.
19
160
168
175
179
216 MERCURE DE FRANCE.
Géographie,
Anecdores.
Réponte d'une Dame à la lettre ſur le mariage
184
188
intérée dans le ſecond vol d'Octobre , 189
Lettre de M. le Docteur Maty à ſon Fils , réfidant
à Paris , 193
AVIS , 197
Nouvelles politiques , 205
Préſentations , 209
Nominations ,
210
Mariages ,
ibid.
Naillances ,
211
Morts ,
ibid.
Loterie ,
213
APPROBATION.
J'AI lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux ,
le fecond volume du Mercure du mois de Janvier
1775 , & je n'y ai rien trouvé qui m'ait paru devoir
en empêcher l'impreſſion .
A Paris , le 15 Janvier 1775.
LOUVEL.
De l'Imp. de M. LAMBERT , rue de la Harpe
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI.
PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES :
FÉVRIER, 1775 .
Mobilitate viget. VIRGILE .
Beugned
A PARIS,
Chez LACOMBE , Libraire , rue Chriſtine ,
près la rue Dauphine.
AvecApprobation & Privilége du Roi.
AVERTISSEMENT.
C'E'ESSTT au Sieur LACOMBE libraire, à Paris, rue
Chriftine, que l'on prie d'adreſſer , francs de port,
les paquets&lettres , ainſi que les livres , les eltampes
, les piéces de vers ou de proſe , la muftque
, les annonces , avis , obſervations , anecdotes
, événemens finguliers , remarques fur les
ſciences & arts libéraux & méchaniques , & généralement
tout ce qu'on veut faire connoître au
Public, &tout ce qui peut inſtruire ou amuſer le
Lecteur. On prie auſſi de marquer le prix des livres
, eſtampes & pièces de muſique.
Ce Journal devant être principalement l'ouvrage
des amateurs des lettres& de ceux qui les
cultivent , ils font invités à concourirà ſa perfection;
on recevra avec reconnosſſance ce qu'ils
enverront au Libraire ; on les nommera quand
ils voudront bien le permettre , & leurs travaux ,
utiles au Journal , deviendront même un titrede
préférence pour obtenir des récompenſes ſur le
produit du Mercure.
L'abonnement du Mercure à Paris eſt de 24 liv.
que l'on paiera d'avance pour ſeize volumes rendus
francsdeport.
L'abonnement pour la province eſt de 32 livres
pareillement pour ſeize volumes rendus francs de
port par la poſte.
On s'abonne en tout temps.
Le prix de chaque volume eſt de 36 fols pour
ceux quin'ont pas ſouſcrit,au lieu de 30 fols pour
ceux qui font abonnés.
On ſupplie Meſſieurs les Abonnés d'envoyer
d'avance le prix de leur abonnement franc de port
par la pofte, ou autrement , au Sieur LACOMBE,
libraire, àParis , rue Christine.
On trouve auſſi chez le même Libraire
les Journaux ſuivans.
JOURNAL DES SCAVANS , in-4° ou in-12 , 14 vol.
par an à Paris. 16 liv.
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JOURNAL ECCLÉSIASTIQUE par M. l'Abbé Dinouart
; de 14 vol. par an , à Paris , 9 liv. 161,
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GAZETTE UNIVERSELLE DE LITTÉRATURE ; port
franc par la poſte; à PARIS , chez Laconibe ,
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JOURNAL DES CAUSES CÉLÈBRES, 12 vol. in 12.
par an , à Paris , 181.
EnProvince , 241.
JOURNAL ENCYCLOPÉDIQUE , 24vol. 33 liv. 12 .
JOURNAL hiſtorique & politique de Genève,
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LANATURE CONSIDÉRÉE ſous ſes différens afpects
, 52 feuilles par an àParis & en Provin-
*ce, 12 liv.
LE SPECTATEUR FRANÇOIS , Is cahiers par an
àParis , 9liv.
EnProvince , 12liv
JOURNAL DES DAMES , 12 cahiers par an , franc
deport , à Paris , 12liv.
En Province , 15 liv.
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Lettres nouvelles de Mdede Sévigné,in- 12 . br. 21.
Les Mémes in- 12. petit format , 11. 16f.
Poëme fur l'Inoculation , in 8 °. br. 31 .
IIIeliv. en versfr . des Odes d'Horace , in- 12. 21.
Eloge de la Fontaine , par M. de la Harpe
in 8°. broché , 11.46.
'Journal de Pierre le Grand , in-8 . br. sl.
Inſtitutions militaires , ou Traité élémentaire
de Tactique , 3 vol. in- 8°. br. وا
Eloge de Racine avec des notes , par M. de
la Harpe , in- 8 ° . br. 11.10 1.
3 liv.
Fables orientales , par M. Bret , vol. in-
8°. broché ,
La Henriade de M. de Voltaire , en vers latins&
françois , 1772 , in-8 °. br . 21.101.
Traité du Rakitis , ou l'art de redreffer les
:
enfans contrefaits , in- 8 °. br. avec fig. 41.
LesMuſes Grecques , in- 8°. br. 11.161.
Les Pythiques de Pindare , in-8 ° . br. 5 liv.
Monumens érigés en France à la gloire de
Louis XV, &c, in -fol. avec planches ,
rel. en carton , 241.
Mémoires ſur les objets les plus importansde
l'Architecture , in-4°. avec figures, rel. en
: carton, 121.
Les Caractères modernes, 2vol. br. 31.
MERCURE
DE FRANCE.
FÉVRIER , 1775 .
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
ÉPITRE A MON AMI ,
Sur la nouvelle année.
CONSACRÉ par l'antiquité
AJanus au double viſage ,
Symbole de la fauſleté ,
Ce mois-ci , par un foluſage ,
Que les temps ont trop reſpecté,
Permet qu'un Normand ſe déguiſe
A iij
MERCURE DE FRANCE.
1
Sous le maſque d'un bon Picard ,
Dont on renomme la franchiſe.
Elle ſera miſe à l'écart
Dans tous les ſermens éphémeres ,
Que tant d'amis , amis de Cour ,
Se prodigueront en ce jour.
Tons auffi francs , aufli finceres ,
Que de Rivaux , de Concurrens ,
Le dirai-je ? Que de Parens ,
Quede Freres qui le déteſtent !
Et qui , bras deſlus , bras deflous ,
Par le ciel même qu'ils atteſtent ,
Profanant le nom le plus doux ,
Sejurent une amitié tendre !
Qui ne croiroit, à les entendre .
Ales voir ſe ſetrer la main ,
Qu'Oreste retrouve Pylade?
Je rougis pour le genre-humain
D'un uſage qui le dégrade.
Avantl'aurore te lever
Pour chercher toute unejournée
Ceux même qu'on craint de trouver,
Ou qu'on voit une fois l'année ;
Chez l'ami qu'on voit tous les jours ,
Aller avec cérémonie
L'ennuyer par de beaux diſcours ,
Quelle finguliere manie !
Par la ville ſe promenant ,
۲
FÉVRIER. 1775. 7
Aller , ainſi qu'une Coquette ,
Donner ſon coeur à tous venans :
De ces jours - ci c'eſt l'étiquette.
Aujoug pénible de l'hymen ,
S'étant ſoumis ſans examen ,
Qued'Epoux au ſiecle où nous ſommes ,
Très-mal aſſortis en tout point ,
(C'eſt toujours la faute des hommes ,
Et vous ne m'en dédirez point ,
Sexe adorable , je le gage ) ;
Que d'Epoux , dis- je , emprunteront
Des Amans le tendre langage ,
Aujourd'hui ſe becqueteront
Comme deuxjeunes tourterelles ,
Et demain recommenceront
L'humeur , les plaintes, les querelles !
Damon, de dettes accablé ,
En herbe ayantmangé ſon blé
Avec la blonde , avec la brune ,
Aujourd'hui choſe ſi commune ,
Etant l'héritier préſomptif
D'un Oncleriche & grabataire ,
Attend , pour fortir de miſere ,
Qu'un Charlatan expéditif,
En commençantpar lui ſa ronde,
Le faifant faigner , refaigner ,
Pourun écu vienne figner
Son paſſeport pour l'autre monde.
Aiv
8 MRECURE DE FRANCE.
D'un porte- feuille bien garni ,
Damon alors ſe voyant maître ,
Le ciel , dira- t- il , ſoit béni !
De quel front ofera le traître
Aflurer cet Oncle aujourd'hui
Des voeux ardens qu'il fait pour lui !
Tous ces lieux communs qu'on emploie
Dans les complimens de ce jour ,
Et fur les aîles de l'Amour
Ces vers qu'aux Belles on envoie
Ces lettres pleines de fadeur ,
Où l'eſprit fait parler le coeur ,
Où je voudrois tout au contraire ,
Afon Ami quand on écrit ,
Quelecoeur fit parler l'eſprit ,
Et mieux encor qu'il le fit taire :
Oui , tous ces fermens , tous cesvoeux
Ne font que des effets véreux
Qui devroient , en bonne police,
Etre décriés pour toujours ;
Mais , ſans crainte de la Juſtice ,
Cette faufle monnoie a cours.
L'intérêt échauffant ma verve ,
Aujourd'hui , le ciel m'en préſerve ,
Faux monnoyeur , quoi! joſerois ,
Agens que je mépriſerois ,
Payer un tribut de louanger
D'un enfant gâtéde Plutus,
:
FÉVRIER . 1775 .
و
Que ce Dieu tira de la fange ,
Quoi ! j'encenſerois les vertus
Quand peut- être il n'a que des vices !
Sij'en attends quelques ſervices ,
En ſe proſternant devant lui ,
Eh quoi ! ma Muſe ſi bien née ,
Par le beſoin ſeul entraînée ,
Se proſtitueroit aujourd'hui !
J'irois faire le pied de grue
Dans l'anti- chambre d'un Seigneur ;
Peut- être même dans la rue ,
S'il n'est pas jour chez ſa Grandeur ,
Je reſterois à me morfondre !
Dans ſa loge buvant , fumant ,
Un Suifle , à la Suiſſe rêvant ,
A la fin daignant me répondre ,
Me fera décliner mon nom
Dans ſon baragouin ſi riſible ;
Bruſquement il me dira : Non ,
Si je demande : Eſt- on viſible ?
D'un Rimeur flairant le fumer ,
Pour nous , dit -il , mauvaiſe aubaine ;
LeCerbère à nul ne permet
D'entrer , à moins qu'on ne l'étrenne.
Il radoucit ſon ton brutal ,
Poſant fon verre , il ſe découvre ;
Adeux battans la porte s'ouvre
Pour qui fait briller ce métal ,
Αν
10 MERCURE DE FRANCE.
La clefde toutes les ſerrures :
Oui , par les routes les plus sûres .
L'or & l'argent mènent à tout ;
Si le grand Jupin vint àbout
D'entrer chez là fille d'Acryfe ,
C'eſt que ce métal précieux ,
Plus puiſſant même que les Dieux ,
Favoriſa ſon entrepriſe.
J'honore & reſpecte les Grands .
Et , fans baſſeſle , je leur rends
Un hommagetrès - légitime ;
Lorfque , dignes de notre eſtime,
Modeftes , plens d'humanité ,
Dans l'éclat qui les environne ,
D'un beau nom , que le hafard donne ,
Ils ne tirent point vanité.
Plein de mépris pour un Tufiere ,
Qui croit, dans fon humeur altiere ,
N'être pas du même limon
Dont Dieu formales Liſimon ,
Je n'irai point , ne vous déplaiſe ,
DeMonſeigneur , dans ſon fauteuil ,
Moi debout , ou ſur une chaife ,
Flatter l'humiliant orgueil ,
Et groffie le rampant cortége
Des Adulateurs qu'il protége ,
Très - fubalternes Ecrivains ,
Dont la plupart font allez vains
FÉVRIER. 1775. 11
Pour eſpérer que d'un Libraire
Leurs Eavres feront un Créfus.
Quandde leurMuſe mercenaire ,
Les vers lâches&découſus ,
D'unMidas feront un Mécene ;
Aces Barboteurs d'Hipocrene ,
D'un airdégoûté , Monſeigneur
Applaudit d'un petit ſourire :
Mes ſots bouffis de tant d'honneur ,
CommeApollon croiront écrire.
Sans avoir daigné leur parler ,
Monſeigneur , qui veuts'habiller ,
Sonne les gens , &congédie ,
Leur faiſant un petit ſalut ,
Tous ces faiſeurs de raplodie.
D'une ſemblablecomédie ,
On riroit , malgré qu'on en eût.
Eſclave de ce fol uſage ,
Que l'homme , devenant plus ſage ,
Devroit abolir pour toujours ,
Courant la ville& les fauxbourgs
De mon pied , quelque temps qu'il fafle,
Car un habitant du Parnaſſe
Ne chemine guère autrement ;
Non , mon Ami , non sûrement ,
Je n'irai point , quoi qu'on en dile ,
Affrontant la pluie & la bife ,
Gagner un shume de cerveau .
Ma ſanté n'eſt point aſſez førte
Avj
12 MERCURE DE FRANCE.
Pour faire ainſi le pied de veau ,
Etm'enrhumer à chaque porte.
Si l'on veut bien me recevoir ,
Monter , deſcendre, ſans m'aſſeoir ,
Trente eſcaliers , quelle corvée !
AuxEnfans porter des joujous ,
A leurs Mamans force bijoux ,
Et des gimblettes aux toutous;
Aujourd'hui ına courſe achevée,
Recommencer le lendemain :
Aflaillis de valets avides
Indécemment tendant la main ,
Je rentrerois les miennes vuides ;
Tout au rebours d'un Médecin ,
Qui , d'une élégante voiture ,
Où du temps il brave l'injure ,
Foulant mollement lecouffin ,
Eſt le foir , quand il rentre au gite ,
Très-bien payé de la vifite ,
Pour tâter le pouls agité
De quelque jeune vaporeuſe ,
Souffrant comme une malheureuſe,
Malade de trop de ſanté.
Oui , mon Ami , je le répete ,
De ces jours ci c'eſt l'étiquette.
Qu'un Philoſophe vous regrette ,
Simplicité du ſiecle d'or !
Dans le nôtre ſi peu connue ,
Hélas ! qu'êtes - vous devenue !
FÉVRIER . 1775 . 13
En cherchant bien, peut- être encor ,
On vous trouveroit au village ,
Ou dans les bois , chez le ſauvage ,
Sauvage qui l'eſt moins que nous.
La bonne- foi regne chez vous ,
Peuple heureux ; dans votre cabane
En aucun temps on ne profane ,
Commeſous le lambris doré ,
De l'amitié le nom ſacré.
Cher Ami, je crains que ma Muſe ,
Quide fon babil t'étourdit ,
De ta patience n'abuſe.
La cauſeuſe ne t'a rien dit
Des voeux que ne ceſſe de faire
Pour toi, l'Ami le plus fincere ;
Cher Abbé , tant que je vivrai ,
Juſqu'aux Autels je le ſerai ,
Et c'eſtmon coeur qui te le jure :
Ce n'eſt pointfoi de bas-Normand
Qu'il t'en fait ici le ferment.
Avant qu'il devienne parjure ,
Nous verrons un tendron pleurant ,
Quittant la troupe embéguinée ,
Du Cloître au Temple d'Hymenée ,
Aller en ſe déſeſpérant.
On verra maint autre prodige ,
Cher Ami , l'on verra te dis -je ,
La Coquetre arracher les yeux
14 MERCURE DE FRANCE.
Al'homme affez audacieux
Pour lui dire qu'elle eſt jolie ,
Avantque le noeud qui nous lie ,
De mon aveu , ſoit dénoué.
Oui , cher Abbé , je t'ai voué
L'attachement le plus fidele ,
Et ce ſentiment dans mon coeur,
Avecl'an qui le tenouvelle ,
Prend une nouvelle vigueur.
Crois que pour rimer cette Epître
L'Amitié dreſſa mon pupitre .
C'eſt un enfant de mon loiſir
Si tu le vois avec plaiſir ,
S'il t'amuſe , s'il t'intéreſſe ,
D'un perej'aurai la tendreſſé.
S'il t'ennuyoit , je n'aurois point
D'un pere aveugle la foiblefle ,
Quandd'un lotenfant en tout point
Il nous vante la gentilleſſe.
Mais ſi quelque eſprit de travers ,
Qui ſe croira peint dans mes vers ,
Mal à- propos ſe formaliſe
D'un coup de pinceau trop hardi ,
Ma réponſe eſt cette deviſe :
Sublatojure nocendi.
FÉVRIER. 1775 . 15
MYRTILE ET LUCETTE.
Idylle.
LUCETTE à ſon printemps , au fortir del'enfance,
Plus fraîche qu'une tendre fleur ,
Et dont les grands yeux noirs expriment la candeur
Et la douce gaietéde l'aimable innocence;
Lucette , dont l'aſpect charme l'oeil & le coeur ,
Dont un ſeul regard nous enflamme ,
Et porte juſqu'au fond de l'ame
Un ſentiment pur & vainqueur ,
Au déclin d'un beau jour vit lejeune Myrtile
Aſſis ſur le penchant de ce coteau fertile.
Du ſoir il goûtoit la fraîcheur ,
Non loin de la fontaine &de ce bois antique ,
Qui couronne des montsi'enceinte magnifique .
Myrtile aimoit Lucette , il en étoit aimé.
Ce doux lien s'étoit formé
Quand l'amoureux Zéphyre & la brillante Flore
De fleurs, qu'en ces beaux lieux leurs bailers font
éclore,
Embelliffoient le front de Mai.
L'heureux Berger ſe lève ; il vole à ſa Compagne,
Dejoie & d'amour tranſporté.
Viens près de moi , dit il , admirer la campagne ;
16 MERCURE DE FRANCE.
Daigne t'aſſeoir à mon côté .
Sa Lucette rougit. Si la pudeur l'arrête ,
L'Amour l'attire doucement.
Elle defire & craint cet heureux tête-à-tête :
Ellehéſite.... & s'aſſied auprès de ſon Amant.
LUCETTE.
Je fais ce que tu veux... il eſt vrai que je t'aime...
Mais je redoute les Bergers ,
Et je crains Myrtile lui-même.
Prèsde toi , me dit- on , je cours bien desdangers.
MYRTILE.
Tout doit te raſſurer . Ma Lucette n'inſpire
Quedes ſentimens vertueux .
Lorſqu'auprès d'elle je ſoupire ,
Un ſouris de la bouche , un rien me rend heureux.
Vois- tu de ces boſquets la naiſſante verdure ,
Qui relève l'éclat des couleurs du printemps ,
Ces prés , cette onde qui murmure ,
Et ſe plaint de quitter ces aſyles charmans ?
Quels objets enchanteurs ! mais celui quej'adore
Eſt bien plus raviſlant encore !
Dès que je l'apperçois , les gazons ſont plas frais ;
Tout s'embellit de ſes attraits .
LUCETTE.
Des roffi gnols quej'aime le ramage !
FÉVRIER . 1775 . 17
*
Quels ſons harmonieux font retentir les bois !
Mais quand Myrtile chante , il me plaît davantage;
Dès qu'il a commencé , je n'entends que ſa voix.
MYRTILE.
Pour renouer ta belle chevelure ,
De ce ruban laiſle-moi me ſervir.
Tu n'as pasbeſoin de parure ;
Mais laifle-moi goûter un innocentplaifir.
LUCETTE.
D'où vient qu'auprès detoi Lucette n'eſt pas fiere!
Je devrois cependant m'oppoſer à tes voeux.
Myrtile , arrange mes cheveux ;
Je vais broder ta panetiere.
Un ſpectacle touchant interrompit leursjeux.
Courbé ſous un fagot , & ſe traînant à peine ,
Levieux Lamon ſortit de la forêt prochaine.
Sesgenoux chancelans plioient ſous lefardeau
Il lejette; &bientôt lui-même ,
Cédant à la fatigue extrême,
Tombe ſur le gazon , au pied de cet ormea.u
Le doux ſommeil vient le ſurprendre.
Ah ! dit Lucetted'un air tendre ,
Ah! ſi j'avois ta force & ton agilité ,
J'irois , Myrtile , avec légéreté, :
18 MERCURE DE FRANCE.
Près de Lamon j'irois me rendre ;
Et , profitant de ſon ſommeil , 1
J'enleverois ſa charge , &juſqu'en ſa demeure ,
Je la tranſporterois ſur l'heure.
Comme il ſeroit ſurpris au moment du réveil !
MYRTILE.
Oh! quej'aime ton coeur ſenſible !
Tu fais bien fi je l'aime ! & s'il étoit poſſible
De mieux ſentir l'amour...-Il part commeun
1
oileau.
S'approcher de Lamon, emporter ſon fardeau
D'un ſeul inſtant ce fut l'ouvrage.
L'amour & la vertu donnentbien du courage.
Déjà Myrtile entroit ſous le ruſtique toît,
Le vieux Berger s'éveille , il regarde , il s'étoune...
M'auroit on dérobé? ... mais je ne vois perſonne.
Lucette vient : il l'apperçoit.
LaBergere fourit.
: LAMON.
Hélas ! jeune Lucette ,
Tu fais, je le ſens bien, pourquoi je m'inquiète
Tuvoisqueje louffre , & tu ris!
LUCETTE.
Mon cherLamon, tut'esmépris ,
FÉVRIER. 1775 . 19
Et le mal d'autrui fait ma peine.
Viens; je t'offre mon bras , ſouffre que je t'emmene.
Ne cherche plus , épargne- toi ce ſoin ;
Vas , ton fagot perdu ſans doute n'eſt pas loin.
Regagnons ta cabane , où le ſoit te rappelle.
Prends monbras .
LAMON.
Que le ciel récompenſeton zele,
Aimable enfant ! je ne regrette rien.
Sois toujours ſage autant que belle ,
Et puiſles- tu trouver un coeurdigne du tien !
Qu'un Epoux vertueux rende heureuſe ta vie !
Tous deux marchoient. Lucette étoit ravie.
11 arrivent. Myrtile , auprès de ſon butin ;
Etoit aſſis au fond de la chaumiere.
Lamon voudroit parler , il demeure incertain,
Ah! dit Lucette la premiere ,
**
Lamon , tu vois ton bienfaiteur ;
Myrtile te rend ta ramée.
MYRTILE.
Non , cher Lamon , c'eſt une erreur ;
Tu dois tout à ma bien- aimée ,
A Lucette ſeule -Et tous deux
Du bienfait , à l'envi, ſe renvoyoient la gloire.
:
20 MERCURE DE FRANCE.
Enfin leurs débats généreux
Apprirent au Vieillard ce qu'il en devoit croire.
Ochers enfans ! leur dit-il enchanté ,
Ala vertu déjà vous ſavez rendre hommage ,
Vous ſavez immoler les plaiſirs de votre âge
Aux devoirs de l'humanité.
Oui , vous recueillerez les fruits de la (ageſic.
Les yeux remplis de larmes d'alegrefle ,
Lamon les béniſſoit , & regardoit le ciel.
t. Bientôt , par un nænd folennel ,
La Bergere à Myrtile unit ſa deſtinée.
Le bon Vicillard , joyeux de leur doux hymenée ,
Conduifit Lucette àl'autel ,
Et célébra cettejournée.
Couple heureux ! diſoit- il ; & de leurs jeunes
coeurs
Il liſoit dans leurs yeux la naïve tendreſſe.
Il vit naître les fruits de leurs chaſtes ardeurs.
Les enfans de ſes bienfaiteurs
Des auteurs de leurs jours charmerent la vieilleſſe.
ParM. Marteau.
A M. DE LA HARPE.
Tor, dont les éclatans ſuccès
Ontcharmé ton illuſtre Maître ,
FÉVRIER . 1775. 21
De ma Muſe ſimple & champêtre
Accueilleras-tu les eflais ?
Sa voix ne t'eſt pas étrangere.
La tienne , ſublime & légere ,
Chante & célebre tour-à- tour
LesHéros , les Bergers , & la Gloire & l'Amour.
Je le ſensbien , mon foible hommage
Eſt peu digne de tes talens ;
Demon zele au moins c'eſt le gage ,
Et celui de mes ſentimens.
Parlemême.
LE FOURBE DE SOCIÉTÉ .
Proverbe Dramatique.
ACTEURS.
LUCINDE , CLÉON , DORVAL , FLORICOUR
, DUMONT , LÉPINE .
La Scène est dans une allée de la maison
de campagne de Lucinde.
SCÉNE Ι.
CLEON.
J'ATTENS. Dorval : il eſt levé ſans doute ;
mais il n'a pas beaucoup d'empreſſement
22 MERCURE DE FRANCE.
à m'entendre . Je conçois ſa répugnance ;
je n'en triompherai pas moins. Quoi que
Lucinde puiſſe dire , elle eſt partagée
entre lui & moi ; je ſaurai fixer ſes
idées : Dorval , trompé par mes conſeils ,
ſe conduira ſi mal , qu'elle ne pourra plus
penſer à lui ... Je l'apperçois enfin : réparons
le temps perdu .
SCÈNE ΙΙ.
DORVAL , CLEON.
CLEON. Je ne vous conçois pas : vous
ĉtes amoureux ; vous avez àm'entretenir
de vos peines , & vous vous faites attendre
!
DORVAL.C'eſt une ſuitedu chagrin que
vous me causâtes hier au ſoir par vosconfeils;
ils font d'une violence.. Mon coeur
eſt ſi peu capable de ſe prêter à l'artifice ...
Il me paroît ſi affreux de chercher à tourmenter
l'objet qu'on croit intéreſfer..
Je vous avoue que , lorſque nous interrompîmes
l'entretien , je commençois
à être très mécontent de vous .
CLEON. C'eſt l'effet de votre âge : le
coeur tendre , l'eſprit foible , des principes
bornés à la fimplicité de la Nature ;
FÉVRIER. 1775 : 23
comment n'avoir pas des ſcrupules ? Mais
en vous excuſant , je ſuis tout prêt à vous
abandonner.
DORVAL. Ne prenez point de l'hu
meur , & mettez vous à ma place. Je
penſe mal , ſi vous voulez : je n'ai point
d'idée , point d'expérience ; je ſuis ſans
art, ſans imagination; mais c'eſt une
habitude douce qui ramène ſans ceffe ce
plaiſir des'eſtimer , dont legalanthomme
eſt ſi touché : voulez-vous que j'y renonce
ſans répugnance.
CLEON. Ecoutez : les erreurs ſe perpétuent
par l'abus des mots. Je ſuppoſe un
pays où mille honnêres gens aient trouvé
le ſéjour le plus agréable; parce qu'il .
vous ſera inconnu , aurez vous raiſon
d'en conteſter les charmes , &de lui préférer
le terrein marécageux de votre
Terre de Poitou. Si ma réflexion vous
frappe , votre réponſe doit vous humilier.
1
DORVAL. J'avoue que je ſuis dans
l'embarras de répliquer : mais pourquoi
mon coeur partage-til ſi peu ma fituation
? Pourquoi la crainte de vous déplaire
n'entraîne-telle pas le: defir de
vous croire?
CLBON. Parceque vous êtesunpeu enclin
24 MERCURE DE FRANCE.
à l'opiniâtreté , & tout à fait dévoué à la
rendreſſe ; je veux dire à cette tendreſſe
qui abſorbe les facultés de l'eſprit , &
qui , ne permettant pas de raiſonner ,
parvient enfin à ufurper tous les avantatages
dela tyrannie : je vous vois comme
ceteſclave accoutumé à ſon fort , approuvant
les chaînes qui le dégradent , &
baiſant reſpectueuſement la main qui les
lui fait porter.
DORVAL. Non ; je puis être trompé ,
mais je ne ſuis point avili. Si l'amour eſt
un tyran , ſi mes opinions ſont des fers ,
dumoins la délicateſſe de mes intention's
me conſerve la nobleſſe de mon être . Je
crois qu'un Amant a des devoirs , je
crois que ces devoirs émanent du ſyſtême
de probiré inſpiré par la nature ; je
crois que tout artifice eſt une infidélité
faite à la loi des engagemens .
CLEON. Eh bien , Monfieur , foyez eftimable
, & foyez malheureux. Lucinde
a pour vous du penchant , & ne veut pas
vous laiſſer lire dans ſon coeur : c'eſt
un entêtement qui n'eſt point fondé ſur
la défiance ; elle eſt perfuadée que vous
J'aimez : la fantaiſie & la fierté la conduiſent
, elle veut régner ſur elle- même ;
elle ne veut point dépendre d'un fentiment.
Je vous conſeille de détruire ſa ſécurité,
FÉVRIER. 1775 . 25
curité , de la foumettre aux loix de l'amour
propre , de la contraindre à douter
du coeur qu'elle tyranniſe , de lui arracher
enfin l'aveu qu'elle vous refuſe ; & vous
m'oppoſez toutes les règles d'une pufillanime
probité ! reſtez dans votre léthargique
indolence ; chériſſez le phantome
qui vous ſéduit; mais gardez vous de
confier vos peines : un être qui penſe ne
peut vous plaindre' , après vous avoir entendu,
DORVAL. Ah ! Cléon , quelle cruauté
! Je ſouffre , & vous ajoutez à mes
maux : parle-t-on à la douleur avec auſſi
peu de nénagement ? Sans doute, il faut
que je cède à la néceſſité de faire expliquer
un coeur qui diſlimule ; mais quand
je vais perdre cette ſuite d'idées , ces
projets fi doux que la délicateſſe nourrifſoit
en moi , je mérite votre pitié , &
vous ne me montiez que votre ſupério.
rité. :
CLEON. Je vous traite en malade : les
remèdes vous irritent; attendez la guérifon.
Lucinde, vous croyant épris d'Hor .
tenſe , &imputant fon malheur à ſa con .
duite avec vous , s'expliquera par fes regrets
: vous remercierez alors votre Médecin.
: :
B
(
26 MERCURE DE FRANCE .
DORVAL. Mais ce jeu trompeur qu'inventa
la frivolité , pourra-t- il être imité
par le déſeſpoir. Comment abuſer à la
fois & la beauté que j'aime , & celle que
je n'aime point ? On dit que les femmes
devinent : mon ami , à quoi m'expoſezvous?
CLEON. C'eſt encore la foibleſſe qui
parle: vous craignez plus de réuffir que
d'entreprendre. On trompe aifément
quand on flatte , plus aisément quand
on humilie . Les ſexes , à cet égard , n'ont
que la même façon de voir & de fentir ;
je vous réponds de Lucinde , d'Hortenſe
& de vous , ſi vous vous frappez moins
des difficultés de votre rôle.
DORVAL . Je ferai ce que vous voulez :
je ſuivrai vos conſeils terribles ; mais un
trop juſte preſſentiment fait palpiter ce
coeur que vous voulez réduire au filence.
CLEON . Montez à cheval : rendezvous
, de ce pas , chez Hortenſe qui vous
attend , & que j'ai prévenue en votre
faveur , ſans vous confulter : vous ferez
aſſez bien reçu pour n'avoir pas beſoin
de beaucoup d'art. Lucinde , inſtruite à
fon réveil de votre voyage , & ſoupçon .
mant vos motifs , ne verra en vous qu'un
FÉVRIER. 1775 . 27
inconſtant ; ſes idées vous ſervitont
mieux que vos ſoins; ſes regards feront
des aveux : je ſuis sûr de ce que je vous
dis. Allez , partez ; jouiſſez d'avance de
ſa foibleſſe : vous ne méritez pas le
triomphe que je vous prépare.
DORVAL. Ah ! Je l'aurai pien payé.
(Ilse retire ) .
CLEON , feul un moment. Le voilà embarqué
: foulevons adroitement la tempête
, & fixons la fortune toujours incertaine
& volage. L'appât d'une riche
dot enflamme mon génie , & la tranquillité
de mon coeur me laiſſe maître
de ma conduite.. mais je crois appercevoir
Lucinde ; c'eſt elle-même... profi
tons d'un moment favorable.
SCÈNE III.
LUCINDE , CLEON.
:
CLEON. J'ai cru me tromper en vous
voyant. Avant neufheures hors de votre
lit ! Depuis deux ans que vous poſſédez
ces jardins , trouvez - vous encore du
plaiſir à les admirer ?
LUCINDE. Mon habitude à la campagne
eſt de me lever de bonne heure : j'ai
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
ouvert ma fenêtre , & je vous ai apperçu
avec Dorval : j'ai cédé au deſir de rompre
le tête à-tête.
CLEON. Vous en étiez l'objet. Dorval
& moi nous renouvelions l'hommage
ſi juſte , que l'on rend tous les jours à
vos qualités. On ne peut parler que de
yous , lorſque l'on vous a vue.
LUCINDE. Le motif du compliment
me touche : l'éloge ne m'en impoſe
point ; Dorval loue aifément.
CLEON. Il pourra ſe livrer à ſon goût
aujourd'hui , tant qu'il voudra : il vient
de partir pour aller voir une femme qui
aime fort à être louée.
LUCINDE. C'eſt Hortenſe : vous m'avez
déjà prévenue fur le penchant qu'il
paroît avoir pour elle ; cela devient aſſez
vif; nous quitter , lans me prévenir !
CLEON. Les jeunes gens ne réfléchifſent
point : rien ne peut vous étonner
d'ailleurs de la part d'un homme que
vous avez défini.
LUCINDE: C'eſt une obligation que
je vous ai : je la ſens ſi bien , que je
vous remercierois preſque de ſon départ.
CLEON. Réellement ?
LUCINDE . Vous pouvez me croire :
FÉVRIER. 1775. 29
je ne trompai jamais perſonne , & vous
m'avez appris à ne me pas tromper moimême.
CLEON. Sentez- vous que vous y ayez
gagné ? Je puis vous faire cette queftion
: au défaut de l'amour qu'une perſonne
de votre caractère n'éprouve véritablement
que pour un objet eſtimable
, il eſt des goûts que font naître les
qualités brillantes & fuperficielles ; le
coeur trompé par leur vivacité jouit de
la douceur qui accompagne toutes les illuſions
; &lorſqu'on vieenntt à ſe mieux
connoître , on peut regretter ce qu'on a
perdu.
LUCINDE. Cela eſt poſſible , lorſqu'on
n'éprouve que la langueur de l'indiffé
rence après la perte de l'illuſion. Je
croyois vous avoir vu perſuadé que mon
état étoit plus doux.
CLEON. Vous imaginez-vous qu'il me
ſuffiſe de le penſer pour en être allez
certain ? Un attachement qui a pu me
porter à vous dévoiler les défants de mon
ami, exige ſans doute que je fois plus
convaincu de votre bonheur. Me refuſer
un aveu , c'eſt m'expoſer aux remords.
LUCINDE. Je vous dois aſſez pour aimer
à m'acquitter : foyez donc tout-à
B iij
30 MERCURE DE FRANCE.
fait tranquille ſur l'état de mon coeur ;
foyez le autli fur le fort de mes fentimens
: mon choix eſt un ſecret ; mon fecret
eſt un plaifir que je ſuis charmée de
partager avec vous .
CLEON. Si la délicateſſe ne l'emportoit
fur la curiofité ,je vous demanderois
d'abord le nom de l'objet heureux qui
vous intéreſle : le caractère de mes ſentimens
me donne plus d'empreſſement
pour vous interroger que pour vous enrendre
: êtes- vous bien tranquille ſur le
choix dont vous vous félicitez ? Avezvous
rencontré ces qualités ſolides , ces
vertus douces , ſupérieures , peut- être à
l'amour même que vous chériſſez tant ,
& qu'on admire en vous ? Vous ſavez
que le vrai bonheur eſt dans le rapport :
& les perfections de votre ame me cauſent
une juſte inquiétude .
LUCINDE , tendrement. Ah ! Cléon ,
vous me taſſureriez vous- même , ſi je
diſois un mot de plus .
CLEON . Il eſt dit ; & je n'ai plus qu'à
remercier : Lucinde , il eſt des plaiſirs
que nulle expreſſion ne peut rendre : mon
filence achève votre éloge .
LUCINDE . Le vôtre eſt au fond de
mon coeur : combien je jouis d'un ſentiment
qui m'autoriſe à vous le dire !
FÉVRIER . 1775 . 31
CLEON. Combien je vais chérir des
vertus dont le prix eſt auſſi flatteur !
LUCINDE. Je ſuis loin de les croire ,
affez récompenfées..Je vois venir à nous
un homme que je ne reconnois pas : c'eſt
à vous fans doute qu'il en veur.
CLEON. C'eſt mon Intendant , que
vous avez vu quelquefois : je l'attends ,
depuis vingt-quatre heures avecaſſez d'impatience.
LUCINDE. Je vous laiſſe ſi je ne penfois
qu'à moi , je pourrois trouver qu'il
attive encore trop tôt. ( Ellese retire ) .
SCÉNE I V.
DUMONT, CLEON.
CLEON ( à part. ) M. Dorval verra du
changement ; ſa ſimplicité me ſauvera
l'embarras de ma ſituation .. voici donc
le digne Dumont. Peut- on une allure
moins vive, quand on eſt attendu ? Vous
êtes un homme cruel : pourquoi ne m'avoir
pas écrit hier au foir , puiſque vous
ne veniez pas ? Vous m'avez fait paffer la
plus horrible nuit.
DUMONT. Vous l'auriez paſſée plus
mauvaiſe , ſi j'avois écrit : nul de vos
projets ne réuffira .
Biv
32 MERCURE DE FRANCE.
CLEON. Comment ! expliquez - vous;
ce que vous me dites n'eſt pas croyable :
vous êtes toujours prompt à vous faire
des monftres .
DUMONT. La petite Actrice a renoué
avec Mondor : Mondor , déſabufé& furieux
, jure de la venger de ſes ennemis :
vous perdez donc l'eſpoir d'unir ce Financier
à votre Coufine; ainſi point de
vengeance , point d'emprunt, point de
Charge.
CLEON. Après.
DUMONT. Liſimond eſt reçu mieux
que jamais dans les maiſons où vous
vouliez régner à ſa place : fon eſprit ,
fes talens , fon caractère y obtiennent
grâce ou juſtice ; ainſi , plus de préten.
tion au premier rôle ; vous n'aurez que
le triſte honneur de l'égalité .
CLEON. Après .
DUMONT. Lorſque je partis hier de
Verſailles , on donnoittout haut à Moncade
le Régiment que vous vouliez l'empêcher
d'obtenir. Je le vis entrer chez le
Miniſtre , il avoit l'ait triomphant.
CLEON. Après.
DUMONT. Vos épigrammes & vos
chanſons n'ont produit de l'effet qu'un
moment , & pourront vous caufer du
FÉVRIER. 1775 . 33
chagrin plus d'un jour. Lucile & Florife
s'aiment plus que jamais ; la dernière
conferve ſa réputation,& fſon frère vous
foupçonne.
CLEON , après avoir réfléchi. Le vaifſeau
eſt lancé: le vent eft contraire ;mais
lePilote habile commande aux élémens :
je chercherai de nouveaux moyens ; avant
deux heures ils feront trouvés. Ton efprit
, borné aux idées communes , ne
voit rien par-delà les premières inventions:
je ſaurai t'inſtruire , & tu perdras
la triſte habitude de t'alarmer. Je
m'enfonce dans cette allée ſolitaire ; tu
retourneras bientôt à Paris.
..
(Il s'éloigne. )
DUMONT , ſeul un moment. Je n'ai
qu'un eſprit commun ; àla bonne heure;
mais il me ſemble que la tranquillité ,
la vérité , la probité ſont préférables au
génie qui fait du mal , qui expoſe , qu'il
faut cacher : il me ſemble que je ſuis
plus heureux que Cléon , & queCléon
ne faiſant pas cette réflexion , n'a pas un
eſprit qu'on doive envier.
SCÉNE V.
LÉPINE , DUMONT.
LÉPINE . Où est mon maître ?
By
34 MERCURE DE FRANCE.
DUMONT. Il n'est qu'à deux pas. Que
lui veux-tu ?
LEPINE . Un Exprès arrive ; il eſt
chargé de la lettre que voici : il me ſemble
qu'elle contient des choſes déſagréables
: l'air du Courier n'eſt pas ferein ; il
ne veut pas ſe rafraîchir , & parle bref ;
cela n'annonce rien de bon.
DUMONT. Tu peux te tromper. Cléon
eſt dans l'allée voiſine : porte lui la lettre.
[ Le domestique part , Dumont pourfuit.
Les chanfons entraînent du déſa.
grément: tous les jours je dis la même
choſe... C'eſt une vie ſi douce que d'être
en paix avec tous les autres... Des inquiétudes
, des détours , des inventions ,
des plaiſirs dont on the peut jamais ſe
vanter. Quelle fureur ! On ne raiſonne
qu'après les fautes : c'eſt la deſtinée de
Cléon... Le voici : j'entrevois que Lépine
ne s'eſt pas trompé.
SCÉNE VI.
CLEON , DUMONT. د
CLEON. Tu n'iras pas à Paris fans y
avoir des occupations : mes affaires augmentent
: la fortune veut me mettre à
portée de fignaler mongénie.
FÉVRIER. 1775 . 35
DUMONT. Ne ferez- vous point la dupe
de ſes faveurs ? Vous paroillez agité ?
On vient d'apporter ane lettre ... Le
Courier , dit- on , n'a pas un air qui annonce
de bonnes nouvelles .
CLEON. Bon ; c'eſt le frère de Floriſe ,
qui connoît mal ſa ſoeur , & plus mal les
uſages , qui me croit Auteur de la chanfon
, & qui a l'imprudence de m'interroger
: je lui fais dire deux mots qui
le calmeront , en attendant une lettre
dont tu ſeras le porteur , & qui le rendra
fi fot... C'eſt cette penſée qui m'agite ;
jejouis d'avance du plaiſir de diſſiper par
un mot les éclairs d'une colère enfantine:
DUMONT. Ceſera ſe tirer d'un mauvais
pas , & je vous en félicite : j'oſe vous
obſerver cependant que , s'il eût écrit de
manière à rendre l'art inutile , vous auriez
une affaire d'honneur.
CLÉON. Tu prévois tout, mais tu ne
penſesguères. Il eſt ſingulier qu'en dix ans
je n'aie pu parvenir à te faire ſoupçonner
mes reſſources . Je te demande la
tranquillité au défaur de l'intelligence.
DUMONT. Eh ! Monfieur , pourquoi
vous faire & des plaiſirs & des beſoins
qui alarment ceux qui vous aiment ! Pour.
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
quoi vous ſéparer de la Société par une
façon de penfer & d'agir toute particulière?
CLÉON. Dumont, la morale m'ennuie,
& tu ne l'embellis pas ...: Je vais
écrire des chofes importantes; tu les por.
teras à Paris , & tu me connoîtras mieux.
La petite Atrice , Mondor , Lifimond ,
Moncade , Lucile , Florife & fondigne
frère , auront de quoi rêver.... Ce fera
un triomphe ſans combat; car les foupçons
tomberont furd'autres que ſur moi;
& mes victimes reſteront mes amis . Je
ne m'explique point;tu ne m'entendrois
pas. Obéis ſeulement ; fois machine ,&
compte fur le prix de tes ſervices. ( Ilfe
retire. )
DUMONT , feul un moment. Que je
fois machine! Pour immoler d'honnêtes
gens ? Pour expoſer un maître que j'aime?
Pour m'expoſer moi-même ? Pour ſervir
une ambition , une fingularité qui n'ont
pointd'exemple , qui n'ontpointd'excufe?
Non. J'ai trop bien entendu ; je dois tout
craindre , tout prévoir .....J'imagine un
moyen.... Il m'a fait comprendre déjà
que Lucin de l'aimoit , plufieurs perfonnes
le penfentcomme lui ... La voici juſtement
! Le ciel l'envoie à mon fecours.
FÉVRIER. 1775. 37
:
SCÉNE VII .
LUCINDE. DUMONT.
Lucinde , avec vivacité. Je cherche
Cléon. Il étoit ici , il n'y a qu'un moment.
Savez-vous où il a porté ſes pas.
DUMONT. Madame , au lieu de répondre
, je prends la liberté de vous interroger
moi-même. Cléon eſt dans ſon
appartement. Son abfence eſt un bien ſi
vous daignez m'entendre .
LUCINDE. Parlez , expliquez vous ; je
permets tout à votre zèle.
DUMONT. Mon maître m'eſt cher. Il
mépriſe trop la prudence. J'ai beaucoup à
vous dire ; le reſpect me retient ; mon
embarras eſt extrême,
LUCINDE. Il doit ceſſer. Je vous per
mets de parler ; je vous défends de vous
taire .... On dit qu'un courier a apporré
une lettre ? Cette lettre renferme un cartel
; le courier l'a fait entendre ; ne me
cachez rien ; je venois interroger Cléon .
DUMONT. Madame ſaura tout 6 elle
autoriſe mon zèle. Mon maître a paru
ſenſible aux charmes de Madame. Atil
le bonheur de faire agréer ſes ſoins?
38 MERCURE DE FRANCE.
Tout dépend du ſecret que j'ignore. Si
Madame approuve ſes voeux , j'ai un
grand ſecret à lui apprendre , elle peut
ſauver des malheurs à celui qui l'intéreſſe.
J'attends un mot, un regard ; je
le demande à genoux.
LUCINDE. Il eſt prononcé , puiſque
j'écoute. Ne me faites point languir ;
de quoi s'agit-il ? Dumont , je vous ordonne
d'être ſincère.
DUMONT. Je le ſerai ; mais je ne
crois pas devoir m'expliquer ici . J'apperçois
Cléon à ſa fenêtre. Il peut deviner
mon indifcrétion , connoiſſant mon attachement.
Si Madame veut ſe détourner
, je vais la ſuivre. Dans un moinent
elle ſaura tout.
LUCINDE. Votre réflexion eſt ſage.
Je vais vous attendre ſous un des berceaux
quiterminent le parc. Songez que
mon impatience eſt extrême.
DUMONT. Vous voyez que la mienne
ne l'eſt pas moins. Je marche ſur vos
pas.
LUCINDE s'éloigne . DUMONT poursuit.
C'eſt à l'amour , qui tant de fois égare
la raiſon , à la rendre aujourd'hui à ce
lui qui l'a perdue ... Mon imagination
ne pouvoit pas mieux me fervir. Mon
FÉVRIER. 1775. 39.
maître rendu à lui -même , & inſpiré
par une femme ſage , renoncera fans
doute à la fingularité .... Suivons les
pas de Lucinde.
SCÉNE VIII.
CLÉON. DUMONT.
CLÉON. Où vas-tu ? As tu perdu les
yeux ?
DUMONT troublé. Je regardois lescharmilles
, & j'allois les admirer.
CLÉON. Il faut partir tout de ſuite.
Voilà le paquet que je t'ai annoncé ,
& voici un billet pour le Chevalier
Tu lui remettras l'un & l'autre ; il
il te donnera des ordres; ſonge à les
remplir exactement.
DUMONT. Vous ne doutez pas de
mon ardeur à vous ſervir , vous en ſerez
plus convaincu que jamais.
SCÉNE IX.
CLEON Seul.
Les ſuccès qu'on ne doit point à l'efprit,
flattent peu l'amour propre. Il faut
:
:
40 MERCURE DE FRANCE.
des triomphes difficiles; les miens n'étoient
que des illuſions ; demain je
connoîtrai la volupté ; demain je goûterai
ce plaiſirdont l'ame ſe nourrit dans
la ſolitude des penſées ; j'entendrai autour
de moi le bruit de l'opinion , le
bourdonnement des ſots , le babil des
raiſonneurs. On nommera des gens qui
ne penſent à rien , on accuſera des innocens
qui viendront gémir dans mon
ſein ; je jouirai , ſans qu'on le ſoupçonne,
des louanges de la malignité , des menaces
du déſeſpoir , des cris de la dou.
leur. M. Floricour , ce frère enfant
d'une foeur très majeure , ce pigmée menaçant
, ce vengeur peu terrible d'un hon.
neur qui n'eſt plus , viendra me deman
derdes conſeils , me faire des excuſes...
Quel plaiſir ! Quelle victoire ! ... Mais
voici Floricour lui-même ! Je ne m'abuſe
point ... Il marche à grand pas ...
Son courier ne peut être encore arrivé.
Il vient renouveler les queſtions. Ne
nous troublons point .
SCÉNE X.
FLORICOUR. CLÉON.
FLORICOUR. Je viens dans une maiFÉVRIER.
1775 . 41
ſon où je ne ſuis pas connu , chercher
un homme que je crus connoître , qui
m'a déſabuſé , dont j'ai beaucoup à me
plaindre ...
CLÉON. Cet homme que vous offenſez
, & qui raiſonne , vous a fait
dire deux mots d'amitié , vient de vous
écrire pour vous confondre , & aſpire
à vous éclairer , non à ſe battre .
FLORICOUR. Le parti qu'il doit prendre
n'eſt point à ſon choix; le mien eſt
pris ; ma ſoeur eſt offenſée ; ſon honneur
eſt le mien .....
CLÉON. Ces mots font impoſans. Les
déciſifs de votre âge , les vieux étourdis
, les braves qui netirent jamais l'épée
, vous app'audiront ſans doute ; ces
gens là font des mauvais juges de l'honneur.
Moi que les principes ont inftruir;
je vous dirai que l'honneur conſiſte à
ſe défierde l'honneur même ; à craindre
la vivacité , & à ne pas accuſer l'innocence
.
FLORICOUR. Vous innocent ! Ah !
Monfieur , j'ai voulu croire que vous
pouviez l'être. ! ...
CLÉON. Je ſuis mieux. Je ſuis bon ,
ami de la paix , ami des femmes , celui
de Florife fur tout , le vôtre plus en-
>
2
42 MERCURE DE FRANCE.
core. Mes preuves m'ont honoré cent
fois , j'ai cru que quelques-unes étoient
gravées dans votre coeur. Vous voulez
que devenu fou , tout - à-coup , j'aie
pu écrire des horreurs , des impoitures ...
Les phénomènes ſont poſſibles . mais
il faut réfléchir avant de les croire.
FLORICOUR . On vous nomme , ma
foeur vous accuſe , ſa vengeance eſt mon
devoir.
...
CLÉON. Un moment , je vous prie.
On me nomme ! J'ai des ennemis , &
il y a des méchans .... Florife m'accuſe
? Elle a des torts avec moi ; elle .
peut fentir affez peu l'amitié pour en
ignorer les vertus Sa vengeance eſt
votre devoir ? Savez vous f elle veut
être vengée ? Són amour propre eſt connu.
Parler de ſes amans , c'eſt célébrer fes
charmes ; la venger d'un mauvais plaifant
, c'eſt lui ravir un hiſtorien .... Vous
êtes jeune , honnête & vrai , il doit y
avoir beaucoup de myſtères pour vous ;
& vous pouvez faire beaucoup d'imprudences
avec de beaux prétextes.
FLORICOUR . Enfin , j'ai le malheur
de vous foupçonner. Tous vos raifon .
nemens font fuperflus ; il faut que vous
vous diſpoſiez ....
FÉVRIER. 1775 . 43
CLÉON. Ecoutez, Floricour; je me lafle
de vous éclairer en vain. Craignez de
me poufler à bour. Je puis me battre ,
me prêter à votre fureur , & vous donnet
enfuitedes remords .... Jeconnois l'ennemi
de votre ſoeur ; & vous le connoiſ.
fez auffi . Je le nommerois ſi ma gloire
me permettoit d'offrir d'autres garans
que ma parole ; mais il exiſte , il eut
à ſe plaindre d'elle , il la ménage peu
dans ſes entretiens , les ſoupçons auroient
dû tomber fur lui , & fi vous
n'étiez dans le délire ...
FLORICOUR après avoir révé. Je com.
mence à vous croire , & même à deviner.
L'homme que vous ne nommez
point eſt jeune ?
'CLÉON. Il a vingt ans.
FLORICOUR. Il aima Florife ?
CLÉON. Tout le monde le fair.
FLORICOUR. Il n'en fut pas aimé ?
CLEON. Il ne convient pas de cela.
FLORICOUR. C'eſt Dorval ... Ses propos
, ſes diſcours ont fait croire .... c'eſt
Dorval , vous dis je ; il fait des vers ;
il a fait ceux - ci. ...
CLÉON affectant l'embarras . J'ai dit que
je ne nommerois perſonne. Devinez ,
ſi vous pouvez ; je ne demande pas mieux ,
mais je ne parlerai pas.
J
44 MERCURE DE FRANCE.
FLORICOUR . Votre filence me ſuffir.
Vous êtes ſon ami ; vous le défendriez
ſi l'apparence l'accuſoit moins . Je fais
qu'il eſt ici , je vais l'interroger ....
Mais le voici lui même ...
CLÉON du méme ton. Gardez vous de
faire une imprudence ... Songez que je
ne vous ai rien dir.
SCÉNE X I.
DORVAL. CLÉON. FLORICOUR .
DORVAL affectueusement. Quoi ! c'eſt
Floricour que je vois ? La ſurpriſe eſt
agréable.
FLORICOUR. Elle ne le ſera pas long.
temps. Vous ſaurez pourquoi je ſuis
ici ; vous concevrez que j'ai dû y
venir.
DORVALpiqué. Un ſeul mot peut m'inftruire
, & je vous le demande.
CLÉON affectant un faux zèle. Mefſieurs
, cet entretien commence mal . Il
n'eſt fondé ſur rien ; je vous prie de vous
entendre, je ne ſouffrirai pas ...
DORVAL. J'arrive & fais un compliment
honnête ; Monfieur répond par une
bruſquerie ; je cherche à ſavoir ſes motifs;
cela est tout ſimple.
FÉVRIER. 1775 . 45
:
FLORICOUR. Très ſimple. Mais il ſeroit
encore plus ſimple qu'en me voyant
vous eulliez compris qu'une chauſon ,
qu'une épigramme contte ma soeur....
DORVAL. Contre Florife ? Et vous
m'en ſoupçonnez ? Mui des épigrammes ,
des chanfons .
CLÉON. Meſſieurs , Lucinde vous entend
. Je la vois à travers la charmille ...
Elle envoie vers vous ; reſpectez la fen-
Abilité d'une femme....
DORVAL. Il eſt très déplaifant d'être
-foupçonné de ces chofes là.
FLORICOUR. Il eſt affreux de les
éprouver.
UN DOMESTIQUE s'adreſſant à Flori.
cour & à Dorval. Meſſieurs , Madame
vous prie , vous conjure de permeure
-qu'elle vous diſe un mot. Elle eſt dans
-l'allée voifine ; elle vous attend ; rien
de plus preſſant que ce qu'elle a à vous
"dire.
FLORICOUR après avoir révé. Le reſpect
veut que j'obéiſſe. A Dorval.Nous nous
expliquerons bientôt.
DORVAL. Je dois ſatisfaire Lucinde...
A Floricour. J'aurai ſoin de vous prévenir.
:
46 MERCURE DE FRANCE.
SCÉNE ΧΙΙ.
CLÉON. LE DOMESTIQUE.
1
LE DOMESTIQUE. Madame m'ordonne
de remettre ce papier à Monfieur.
CLÉON. C'eſt un feuillet de ſes tablettes
qu'elle a déchiré. Dites- lui que
d'avance je ſuis très flatté de ce qu'il
contient. ( Le Domestique se retire. )
CLÉON poursuit. Le ſentiment jamais
ne ſe repoſe . Seroient- ce les préliminaires
du contrat ? Dorval feroit arrivé
fort à propos pour le figner, Voyons
ce qu'elle m'écrit. il lit.
"
ود Les preuves que j'ai de votre ca-
>> ractère , Monfieur, m'autoriſent à deſi-
>> rer votre abſence. Inſtruite par le Courier
que vous avez reçu , j'ai fait arrêter
Dumont par mes gens , & vos
>> dépêches ſont dans mes mains. Le
» parti , que vous allez prendre , déci-
>> dera de l'uſage que j'en dois faire.
ود
LUCINDE. :
CLEON poursuit. Quel événement! ...
Je reſte interdit , confondu .... Je deFÉVRIER.
1775 . 47
vois croire Dumont; tôt ou tard la cruchese
brife ... Ciel ! faut- il périr par un
coup de tonnerre !
Par M. de Bastide.
deMarseille.
A MON AMI , quiſe plaint de l'infidélité
d'une Maîtreffe, & qui pense que
pour être heureux , ilfaut renoncer aux
femmes.
QUOVOLLdonc! je te verrai toujours atrabilaire ,
Injurier un fexe , objet de tous hos yeux ,
Dont l'existence néceſſaire
Eſt le plus grand bienfait desDieux ?
Mortels qui vous plaignez des malheursdela vie,
Voulez - vous la chérir ? Aimez :
Ce n'eſt qu'auprès de ma Julie
Quemes ſens , toujours enflammés ,
Jouiſſent de leur énergie ,
Itprouvent à mon coeur la faveur infinie
De celui qui les a formés.
Femmes ! Divinités charmantes ,
Dont les attraits ſont ſi puiſſans ,
Soyez tendres , douces , conftantes;
Vous mériterez notre enceas.
48 MERCURE DE FRANCE.
S'il en eſt parmi vous dont l'ame mépriſable
Ofede les fermens méconnoître la voix ;
Devons-nous confondre à la fois
L'innocent avecle coupable.
Ani , d'un oeil moins courtoucé
Regarde ce que tu propoſes ,
Une épine cruelle il eſt vrai t'a bleſle :
Mais dois- tu pour cela ne plus cueillir de roſes?
Par M.de Chateaugiron , Lieut. au
Régim. de Normandie.
A une Dame, qui me demandoit un
;
Onn'en fait
Rondeau.
plus,, ma chere Eléonore,
On ne fait plusde ces jolis Rondeaux ,
Dont la cadence, agréable & fonore ,
Droit au refrain marchoit à pas égaux.
1
Dans ce ſiècle plus fage , ou plus froid que les autres
,
Il faudroir que nos coeurs fuſſenttoujours émus
Par des yeux auſſi vifs , auffi beaux que les vôtres,
Onn'en faitplus.
Les complimens ſont le fard du Poëte :
J'en ai fait mille ; ils étoient fuperfluss
Mais
FÉVRIER. 1775. 49
Mais au moment où l'on vous les répete
On n'en fait plus.
Par M. de la Louptière.
PORTRAIT DE M. MERCIER..
Pour le premier Jour de l'an 1775-
LESGrâces à ſes traits prêterent leur image ;
Minerve l'a doué d'un eſprit créateur ;
Et , pour couronner leur ouvrage ,
L'Amitié lui donna ſon coeur.
ParM. le Chev. de Laurès.
RÉPONSE DE M. MERCIER.
Tour Ami , je le vois , eſt unpeintre flatteur.
Non, non , fur moi , des Dieux l'incertaine clé
mence ,
N'a point verſé les dons que ta main me diſpenſe;
Mais je polléde touten poflédant un coeur.
1
C
50 MERCURE DE FRANCE.
IMITATION de l'Epitaphe de Newton ,
congue en ces termes, relatifs àſes découvertes
en chronologie , en phyſique & en
astronomie.
ISAACUS NEUTONUS
Quem immortalem testantur
Tempus , Natura , Cælum ;
Mortalem -
Hoc marmor
Fatetur.
Le Ciel , le Temps & la Nature
Déclarent Newton immortel ;
Mais cette ſépulture
Nousdit que rien d'humain ne peut être éternel.
Par M. l'Abbé de Schoſne.
QUATRAIN
Pour mettre au bas du Portrait en buste
de Madame P**.
ACETTE charmante figure
Les Amateurs reconnoîtront Cypris ;
FÉVRIER. 1775 . SI
Mais quel oeil s'y ſeroit mépris
Si l'on pouvoit voir la ceinture ?
ParM. D.
IMPROMPTU
A une Demoiselle qui me montroitfon
Portrait.
Dis mes plus jeunes ans j'admirai la peinture ;
En voyant un portraitje me croyois heureux :
Aujourd'hui je vous vois , j'aime mieux la Nature;
Je n'étois qu'amateur & je luis amoureux.
Par M. l'Abbé V.
CHANSON GRECQUE.
A Madame la Comtesse de ***.
AMES amours je conſacrois ma vie ;
Chacun diſoit : vous perdez vos beaux jours ;
Suivez la Gloire & ſervez la Patrie.
Le coeur en proie à cette noble envie ,
Je me crus lage & quittai mes amours.
Mais vainement la trompeuſe Déeſle
Cij
92 MERCURE DE FRANCE.
Vint me ſourire & voulut menflammer :
Car c'eſt d'amour que jerêvois ſans cefle ,
Et ne crus pas , hors ma jeune Maîtreffe ,
Qu'il fût au monde un bien qu'on puiile aimer.
Ai-jeun moment pu voircouler ſes larmes ,
Sans renoncer à mes folles erreurs ?
Ah! de l'amour j'ai fenti tous les charmes ,
Quand j'ai cauté ſes morrelles alarmes ,
Sadouce plainte& ſes tendres fureurs !
Tu remplis ſeule & mes jours & mes heures ,
Aimable objet que m'ont donné les Dieux :
C'eſt- là ma vie ; & , s'il faut que tu meures ,
N'eſpere pas qu'aux profondes demeures
Ton ombre errante emporte mes adieux.
Chaque mortel ſubit ſa deſtinée :
Caton meurt libre , & telle étoit ſa loi ;
Celle de vaincre à Célar fut donnée.
C'eſt pour t'aimer que mon ame étoit née ,
Et mon deftin , c'eſt de vivre pour toi .
Je te ſuivrai dans le verd Elilée ,
Dans le boſquet des plus heureux Amans ;
Non des Rivaux du volage Thélée ,
Mais de ceux - làqu'une même penfée
Rendit heureux juſqu'aux derniers momens.
FÉVRIER . 1775 . 53
ULYSSE ET LA MER.
Fable.
UNN
ſoir, augrédes vents,dans ſon petitbateau,
Fuyant l'Amour & Calypfo ,
Le fageUlyffe fit naufrage.
Par les flots long- temps balotte ,
Il fetrouveendormi ſur un rocher fauvage,
Où la vague l'avoit porté.
Il ſe leve; &, jetant fes regardsà la ronde ,
Il voit régner au loin un doux calme ſur l'onde ,
Dont le crystal , limpide & pur ,
Réfléchiffoit un ciel mêlé d'or & d'azur.
Au ſouffle amoureux du Zéphyre
Thétis alors ſembloit ſourire.
OMer ! s'écria - t- il , en déplorant ſon fort ,
Mer dont j'ai trop connu l'inconſtance & larage ,
Sous quelle (éduiſante image
Caches tu le péril , le naufrage & lamort!
La Mer l'interrompant , lui répond: Sage Ulyfle ,
Aquoi bon accufer la Mer & fon caprice ?
Eſt - ce moi - même enfin qui trouble won repos ?
Porte ta plainte aux vents qui ſoulevent mes flors.
Malgré moi nuit & jour en proie
Aces vents , moins d'accord que res Grecs devant
Troie,
Ciij
54
MERCURE DE FRANCE.
Dis-moi , puis- je empêcher qu'ils n'agitent mon
fein?
Peux- tu me reprocher les crimes du Deſtin ?
Jouet de la tempête , eſclave de Neptune ,
Que fais-je? eſclave de la Lune ,
Seule ne ſuis je pas ſous leurs bizarres loix ,
Plus tourmentée , hélas ! cent fois
Que tous les inſenſés dont j'ai fait l'infortune ?
Le Héros fouriant à ce diſcours nouveau :
Dela femme , dit- il , la Mer eſt bien l'image! ..
Entre la Mer & Calypſo
Quepeut donc faire un homme ſage ?
ParM. Boifard.
LA GRIVI.
Fable.
UNE Grive , jeune & chétive ,
Viſitoit chaque jour , vers la fin de l'été ,
Une grappe dont la beauté ,
Dont la couleur , déjà plus vive
Annonçoit la maturité;
Et dupe chaque jour de ſon avidité ,
Elle s'abandonnoit à ſa douleur naïve :
Beaux raiſins , diſoit-elle , hâtez- vous de mürir ?
Ne ferez - vous jamais que tromper le defir ? ...
FÉVRIER. 1775. 55
Hélas ! que l'automne eſttardive !
Yous ne ſavez pas trop ce que vous deſirez ,
Dit un Merle desplus madrés;
Retenez cette voix plaintive ,
Et redoutez plutôt l'avenir qui vous rit...
Ilfaut bien que l'automne arrive ;
Mais la ſaiſon , ma belle , où la grappe mûrit ,
Eſt celle , par malheur , où l'on chaſle la Grive .
Par le méme.
:
LA PIE .
Fable.
Monvoiſin , vous voyez quelquefois l'Hirondelle,
Diſoit la Pie à l'Etourneau ;
Avez-vous ſu notre querelle ?
Oh ! c'eſt qu elle eſt plaiſante ! Hier , ſous cet or
meau ,
La folle , ſans détour , me traita de voleuſe,
En préſence du Geai , qui reſta comme un ſot.
La petite étoit furieuſe ;
Et , pour la courroucer , je n'avois ditqu'un mot
Je la vois , toute la journée ,
Dans la maiſon voiſine , &, par la cheminée ,
Entrer , puis reſſortir , en tenant à ſon bec ,
Vous dire ... quoi ? c'eſt un myſtere ,
Civ
56 MERCURE DE FRANCE .
Er ce n'eſt pas là mon affaire;
Mais, comme vous voyez , le paſſage eſt ſuspect;
C'eſt ce quej'eſſayois à lui faire comprendre.
Et , là-deſſus , voilà lejeu
Qui ſe tourne en querelle , & mon oifon prend
fen...
Eh bien! c'est moi qui ſuis la bavarde , à l'entendre...
Bavarde ! moi !... Qu'en penſez -vous ?
Tandis que je fais , entre nous ,
Si je voulois parler... on connoît ſon hiftoire...
Ne vous -t-on pas dit qu'elle étoit aſſez bien
Avec ceMoineaufranc... gros bec & gorge noire...
Qui franchement d'ailleurs eſt le plus franc vaurien...
Qu'importe? elle en raffole , & moi , j'en ſuis
ravie.:
Je lui pardonne encor de faire lajolie ,
Avec fon teint deTaupe & ſes deux pieds fourchus
;
C'eſt tout au plus une folie.
Qu'elle ait même les doigts crochus ,
Si c'eſt auſſi ſa fantaifie ,
Tout le pafle , Dieu fait !& chacun fait la main ,
Comme il fait faire en cette vie ,
Le Merle ſous la treille , & d'autres * dans la fuie;
* L'étourneau mange lesjeunespigeons.
FÉVRIER. 1775. 57
J'y confens, mais pourquoi parler , parler fans
fint ...
Et pourquoi parler du prochain ?
Fort bien ! dit l'Etourneau.... pourquoi faire la
Pie?
Par le même.
PHIDIS .
Fable.
Au tour d'un bloc de marbre, à force de génie ,
Phidias opéra ſi bien ,
Qu'il en fit un objet digne d'idolâtrie ,
Le JUPITER OLYMPIIN.
CeDieu la cependant , ce n'étoit qu'une idole :
Mais aux yeux d'un peuple payen ,
Pour être un Dieu vivant il ne lui manqua rien ;
La Fable ajoute ici : pas même la parole.
Au moment folennel , à ce moment fi beau ,
Où l'Artiſte ſaiſi d'un fublime délire ,
Au front de la ſtatue appliqua le ciſeau ,
Frappa le dernier coup , & s'écria : Refpire....
Par un prodige tout nouveau ,
Ace mot créateur qui réſonnoit encore ,
Jupiter répondit : Adore! ...
Non pas moi , reprit Phidias...
Cv
58 - MERCURE DE FRANCE.
En épuiſant ma tête , en fatiguant mon bras ,
Jet'ai donné de quoi ſurprendre ,
Etonner le vulgaire , & ne peux m'y méprendre !..
J'ai dégroſſi le bloc , le marbre reſte , hélas! ...
Pauvres créateurs que nous ſommes !.
En vain nous prétendons voler le feu du ciel...
Quand je verrai le monde au pied de ton autel ,
Je me dirai toujours : voilà le fils des hommes !
Par le même.
BOUQUET A LA REINE
Pour lejourde Saint Antoine 17 Janvier.
:
VENEZ Graces , Jeux & Plaisirs ,
Former aujourd'hui des guirlandes ;
Que l'eflaim des plus doux zéphyrs
Parfume l'air de vos offrandes .
Bauniflez loin de ces climats
Les aquilons & la froidure ;
Et qu'Antoinette ſous les pas
Fafle renaître la verdure.
Les deſtins ont fixé cejour
Pour une fête folennelle ;
Et déjà la troupe immortelle
FÉVRIER. 1775 . 59
En fait hommage au tendreAmour.
Déjà ſur la belle Antoinette
Brille l'étoile du matin ;
Le vieil Hiver fait ſa toilette ,
Et ſe donne un regard ſerein.
Rival heureux de la Nature ,
L'Art en ce jour eſt créateur ;
Ala roſe il rend ſa parure ,
Sonodorat & la fraîcheur.
Enchaîné loin de notre ſphere ,
Le Printems , malgré ſes defirs,
Ala Beauté qui nous eft chere
Ne ſauroit offrir ſes plaiſirs ;
Mais en fecret il dédommage
Cette Fille des demi- Dieux ;
Sur ces traits fixant le bel âge ,
Elle eſt le printemps à nos yeux.
L'ainable Nymphe qui préſide
Ala toilette des Amours ,
A quitté le ſéjour de Gnide
Pour être ſa Dame d'atours.
Enfin d'une fête fi belle
L'unique objet ( objet charmant )
Cvj
60 MERCURE DE FRANCE.
Voit l'Univers occupé d'Elle
Par l'attrait ſeul du ſentiment.
Par Madame de Montanclos .
L'EXPLICATION du mot de la première
Enigme du ſecond volume du Mercure
du mois de Janvier 1775 eſt Portrait ;
celui de la feconde eſt Evantail; celui
de la troiſième eſt Carreau, Le mot du
premier Logogryphe eſt Roseau , où ſe
trouvent Efaiü ,fou , rose , rufe , ré , ours ,
eau , or , os ; celui du ſecond eſt Parabole,
où l'on trouve parole , robe , or ,
orbe , Bar , ré , là , rable , Abel , bal ,
rale , rôle , parle , Pôle , Bale , Baale ,
rape ; celui du troiſième eſt Société ,
où on trouve ,fot , été , roc , ście , Cité.
ÉNIGME.
TOUT meurt , Our meurt , ou tout fléchit ſous mes ſanglane
tes loix ;
Mon origineeſt due aux horreurs de la guerre ;
J'ébranle les Autels , j'épouvante les Rois :
FÉVRIER. 1775 . 61
Mon nom ſeul fait frémir les peuples de la terre.
Heureux qui voit de loin ces terribles fracas !
Tous les fléaux du ciel n'en ſont qu'un foible
exemple;
Lefer, le feu, la mort devant moi vontenſemble ;
La foudre qui s'allume & qui tombe en éclats ,
Ne frappe que les monts , ou n'embiaſe qu'un
Temple ,
Mes rapides torrens entraînent des Etats.
ParM. leGénéral.
A
AUTRE.
ux yeux de tout homine qui penſe ,
Lecteur , je fus , de tous les temps ,
Laplus flatteuſe récompenſe
Et du mérite & des talens ;
Mais, fans peine , on ne m'obtient guere ;
Beau ſexe , toi ſur- tout , à qui je ſuis ſi chere ,
Prend garde , un rien mebleſſe, un rien peut me
ternir;
Crois-moi , ne me perds point de vue ,
Dès qu'une fois je ſuis perdue ,
Onne me voit plus revenir.
ParM. Houllier de Saint- Remy ,
deSezanne.
62 MERCURE DE FRANCE.
AUTRE.
CONNOIS- TU bien , ami Lecteur ,
Un corps ſans ame , objet trompeur ,
Qui , par les tréſorsqu'il diſpenſe ,
Amene ſouvent l'abondance ,
Et qui , toujours en mouvement ,
Eft le foible jouet du vent ?
Par le même.
J
AUTRE.
E reconnois pour pere un des quatre élémens :
Ma mere eſt l'induſtrie :
Sans doute , en me donnantla vie ,
Ils firent aux mortels le plus beau des présens.
Je ne ſuis point un corps folide ,
Car mon partage eſt la fragilité :
Je ne ſuis point non plus un corps liquide ;
Eh! qu'elle eſt donc ma qualité ?
Je parois ſous diverses formes ,
Lecteur , ſois en étonné:
Sous l'une avec att j'emprisonne
Le mobile de la gaieté;
Sous l'autre , en un moment je parcours l'étendue
FÉVRIER. 1775 . 63
Qui ſépare la terre des cieux ,
Et je transporte ma vue
Jusqu'au féjour des Dieux.
Ici , j'embellis la ſtructure
Des plus fuperbes palais ,
En la reproduisant j'égale la nature
Et ne la démens jamais .
Là , fidele interprete ,
Je me rends utile aux Faquins ,
Et la plus fiere Coquette
Pafle avec moi tous les matins .
Cher Lecteur , que ta bienveillance
Connoifle maintenant qu'un don ſi merveilleux
Nedoit fon exiſtence
Qu'à la faveur desDieux.
LOGOGRYPHE
Soouuss tes yeux, cher Lecteur, nagueres préſentée,
Dequatre mots ſeulement eſcortée ,
J'oſai t'entretenir de moi .
Aujourd'hui ; plus digne de toi ,
Je viens encor exercer ton génie ,
Et débiter ma longue litanie.
Ailément tu devineras ,
(Car que faire enhiver, à moins qu'on ne devine?)
64 MERCURE DE FRANCE .
Cequ'on porte en tout temps chez la gent Capucine.
Changeant mon nom , ſans peine tu verras
Que je luis en honneur dans une cité ſainte ;
Que plus d'un Grand , par ſottiſe ou par feinte ,
Vers moi , chétive , bumblement ſe baifla ,
Et, pour gagner le ciel , humblement me baila.
Or maintenant , décompoſons mon être :
J'offre d'abord un Dieu champêtre ;
L'oiſeau ſuperbe à Junon-conſacré ;
Un vil infecte à Surate honoré ;
Un animal ignoble & néanmoins utile ;
Ce qu'on ne voit jamais dans une mer tranquille ;
Ce qu'on ne vitjamais aux fermons de Cotin ;
Ce qu'on cultive en un jardin ;
Une ville en Syrie , & deux autres en France ;
Certain écrit qu'on nomme billet doux ,
Doux pour l'Amant qui , plein d'impatience ,
Ylit vingt fois l'heure d'un rendez-vous.
Lefatal inſtrument dont Zéphyre jaloux ,
Tua le beau Narciſſe à la fleur de ſon âge;
Le fer réduit en lance ; un terme de brelan;
Ce que l'on gagne enſuite d'un partage;
Un animal léger au chevreuil reſſemblant;
Un inſtrument de dioptrique ,
Tel que celui que Berniere inventa ,
Et que Trudaine aux Savans préſenta,
Deux meubles de cuiſine ; une note en muſique;
:
1
FÉVRIER. 1775 . 65
L'undes deux mots qui paſſent ſous tes yeux ;
Une eſpecede terre; un mal très-dangereux ;
Le nom d'un Pape honorable à l'Eglife ;
L'homme au cerveau timbré guidé par la fortise ;
Lepetit d'une biche ; un célèbre Avocat ;
L'épithete d'un corps qui bleſſe l'odorat ;
Le vilain mot d'une énigme charmante,
Qui méritoit que Visé la plaçât
Au Mercure galant de la France galante.
Mais poursuivons , & cherchons l'animal
Qui voit fi peu , qu'il n'y voit goute ;
Un animal vorace , un arbre , un minéral ;
Un objet élevé qui montre le local
Auvoyageur incertain de ſa route ;
Deux élémens l'un de l'autre ennemis ,
Toujours l'un par l'autre détruits ;
Le fier coufier à la noble encolure ,
Qu'aux plaiſirsde l'amour réserva la Nature ;
Le ſeul endroit que négligea Thétis ,
Lorsque dans l'onde noire elle plongea ſon fils .
Des animaux l'enveloppe commune ;
Le meuble qui ſupplée au défautde la lune ;
L'aſtre qui brille au haut des creux ,
Et dont la lumiere importune
S'oppose aux deſleins amoureux
Dugalantàbonne fortune ;
Du plus ſage des Grecs le Disciple fameux ;
Le Dieu rébarbatif qui , dans ſes manoirs ſombres
,
66 MERCURE DE FRANCE.
Met ſon plaiſir à regner ſur des ombres.
Le nom d'un inſtrument connu du laboureur ,
Qui, dans un autre ſens, eſt ce qu'un Dieuvengeur
Donne aux humains dans ſa colere ;
Unmétal d'alliage , une projection :
Trois pronoms , un adverbe , une conjonction...
Mais , cher Lecteur , il eſt temps de me taire,
Par M. deB...
I
AUTRE.
I eſt peu de contrats où l'on ne me débatte ;
Soit qu'elle gronde ou qu'elle flatte ,
La femme a l'art de me gagner ,
Et tôt ou tard je tombe ſous la patte.
A ce début , Lecteur , tu dois me deviner.
Quoi qu'il en ſoit , poursuis : pour plus d'intelligence
,
Apprends que dans trois mots , qui dans moi ne
fontqu'un ,
Du mien conſiſte l'existence .
Le premier t'offre un meuble très-commun ,
Dont tu tires double ſervice;
Dans le ſecond tu vois le génitif;
Et l'autre du chagrin eft le préservatif.
Lorsque tu mets cafin tes dents en exercice ,
I
FÉVRIER . 1775 . 67
Le premier , ſans regret , te versedu dernier ,
Saufaprès ton repas à le rendre au premier.
Par M. R. D.L. G.
AUTRRE.
S11 ,, comme on dit , je fais vivremonhomme,
J'en fais auſſi mourir en tous lieux, même à Rome,
Qui ſe paſleroient bien , j'en ſerois caution ,
De mon étroite affection.
Diſons un mot de ma nature
Et dema très-ſimple ſtructure.
D'un petit grain mon pere provenu ,
Après avoir été noyé , brûlé , battu ,
Me donne , en périſſant , & l'être & l'exiſtence:
Car l'on me forme ,hélas ! de ſa propre ſubſtance !
Mon corps eſt des plus déliés ,
Quoiqu'il ſoit monté ſur cinq piés :
Par leur combinaison on trouvera fans peine ,
Cedontſe fert Iris brodant en fil ou laine ;
Cequi , caché fous l'eau ,
Peut briser un vaiſleau :
Un livre de Jurisprudence :
Ceque le Potoſi fournit en abondance:
Inſtrument qui peut bien entrer dans les concerts:
Certain petit ouvrage en vers :
Unmal qui peut rendre l'allure lente.
Bon loir , Lecteur , je ſuis votre ſervante.
Par M. L. G. enBretagne.
68 MERCURE DE FRANCE.
1
RECIT DE BASSE. *
AMIS , j'ai vu ſur l'hémisphère ,
S'éle- ver cet orage
affreux, Qui par la force du tonher-
re , Ebranloit
la terre & les cieux , Ebranloit
la ter- re & les cieux , cieux !
*Paroles de M. Thomas , de Versailles; Mufique
de M. Dugué, Vétéran de la Chapelle du
Roi.
FÉVRIER . 1775. 69
J'ai vu les flots ſe mêler aux nu- ages ,
Les vents cru- els fai-re mille ravab
b
ges : Tout trem- bloit , tout étoit
....
trou- blé ... Tout trembloit, tout étoit
Gasconnement.
trou- blé ... Et moi ſeul je n'ai point
e
trem- blé. Mais , mes a- mis , le pourriez-
vous bien croire , En def70
MERCURE DE FRANCE.
b
cen- dant pour me chercher à
boi- re , J'ai trem- blé .... J'ai
Σ
trem- blé .... dans mon caveau , En
be- bu
voyant fi- nir mon ton- neau , En
voyant fi- nir , En voyant fi- nir
mon ton- neau.
-
FÉVRIER. 1775. 71
NOUVELLES LITTÉRAIRES .
* Mémoires pour ſervir à la vie de Nicolas
de Catinat , Maréchal de France,
Nihil appetere objactationem , nihil ob formi
dinem recufare , fimulque anxius &intentus
agere.
AParis , chez la veuve Ducheſne.
L'EPIGRAPHE latine qui eſt à la tête de
ce livre , eſt très bien appliquée au Héros
de cet hiſtoire , qu'elle caractériſe parfaitement.
Les Mémoires dont il s'agit ici
ont été rédigés , pour ce qui regarde les
faits , fur la correſpondance du Maréchal
de Catinat avec les Miniſtres , pendant
qu'il commandait les armées . On ne
pouvait puiſer dans une ſource plus pure ,
& l'ouvrage , tel qu'il paraît aujourd'hui ,
ne peut être que d'un Militaire très - éclairé
, qui a beaucoup réfléchi ſur ſon métier
, & qui l'aime autant qu'un Philoſo
*Article de M. de la Harpe.
72 MERCURE DE FRANCE.
phe peut aimer la guerre ; qui connaît
bien les défagrémens & les devoirs du
commandement , l'eſprit des camps &
celui de la Cour.
Il écrit avec préciſion & fimplicité ;
l'Hiſtorien , dit-il , eſt un témoin . Or un
témoin devient ſuſpect de menfonge ,
Jorſqu'il cherche trop à orner ce qu'il
dépoſe.
S'il s'eſt diſpenſé de chercher les ornemens
, il s'eſt fait un devoir de chercher
la vérité; ſa manière de narrer eſt
claire & impartiale. Il relève les injuftices
de M. de Feuquières qui avoit beaucoup
de mérite , mais qui ne l'aimoit
guères dans les autres , & qui en particulier
haïffait M. de Catinat. La vie
privée de ce guerrier philofophe , tout
ce qu'il a ditde remarquable , fes moeurs,
ſon caractère , tout eſt peint de couleurs
qui paroiffent vraies & fidèles , & cet
ouvrage a fur tout le mérite de faire bien
connoître un homme qui a été trop peu
conno. En faveur de ceux de nos lecteurs
qui ne pouvaient pas ſe procurer cet ouvrage,
nous tranfcrirons ici les particularités
les plus intéreſſantes de la vie du
Maréchal de Catinat.
> La première éducation du Maré-
>> chal
FÉVRIER. 1775 . 73
>>chal de Catinat fut celle d'un homme
>>deſtiné à la Magiſtrature , qui était la
>>profeſſion de ſes pères. Cette éduca-
>> tion diffère peu en France de celle d'un
>>Militaire qui en reçoit une. Dès qu'elle
>>fut finie, le jeune Catinat entra au Bar-
>> reau , & s'y fit recevoir Avocat ; il en
>> exerça même quelque temps les fonc-
>>tions , plus fans doute pour paraître
>> monter par degrés aux Charges de la
>>magiftrature , quepour embraſſer com-
> me état fixe cette profeſſion fort belle
» en elle- même , mais que nos préjugés
>>qui dénaturent tant de choſes , ont
>>placée dans l'ordre ſubalterne. On ne
>> connaît de M. de Catinat , pendant le
>> temps qu'il exerça la profeſſion d'A-
» vocat , que les raiſons qui la lui fi-
» rent quitter. Choiſi pour plaider
>>une Cauſe dont la bonté lui paraif-
> fait bien établie , il la perdit com-
>>plettement. Ce début malheureux re-
>> buta un génie qui ſe ſentoit né pour
>>la ſupériorité ; il penſa qu'il devait
>> la chercher dans une autre carrière.
« Les ames grandes &honnêtes ne font
>> jamais fans un ſentiment qui les
>> avertit de la place qui leur eſt deſti-
>> née : il fut éveillé dans M. de Ca-
D
74 MERCURE DE FRANCE.
>> tinat par une circonſtance ſingulière ,
>>qui devint déciſive pour ſa gloire &
>> celle de la Nation , en l'appelant à
>> la ſituation qui convenait à fon coeur
,,& à fon génie. M. de Catinat entra
» au ſervice en qualité de Lieutenant
>> dans le Régiment de Cavalerie que
commandoit M. de Fourille. Il ſe fit
>>bientôt eſtimer dans cegrade ; & ce qui
>> doit étonner les gens de guerre , ce
" fut à des fiéges qu'un Lieutenant de
>>Cavalerie commença à ſe faire con-
>> naître. Louis XIV , témoin d'une
» belle action de M. de Catinat au
>> fiége de Lille , lui donna une ſous-
>> Lieutenance au Régiment des Gar
» des n.
>> On ſe rappele avec horreur les
>> ſcènes ſanglantes de ces malheureux
>> temps , où nos pères ont vu , qu'au
>> défaut de bourreaux , on faiſoit pen-
>> dre les prifonniers par leurs camarades.
On eſt tenté de regretter dans
>> cette circonstance , le mérite militaire
>> de M. de Catinat , dont les meſures
>> furent fi juſtes , que les vallées ſe trou-
>> vèrent ſoumiſes au jourqu'il avoit fixé.
» Il nous à laiſſé un journal de cette ex
FÉVRIER . 1775 . 75
>>pédition , écrit de fa main. Il le diviſe
en deux colonnes. Il montre fur
>>l'une les opérations des troupes du
>> Roi , & fur l'autre celles des troupes
«du Duc de Savoie. Quand , fur la
>> fin de ſes jours , le Maréchal de Ca-
>> tinat voulut ſe faire oublier par la
» poſtérité , en brûlant ſes papiers &
>> ſes mémoires , dont la ruſe & la prière
>> ne purent ſouſtraire au feu qu'une par-
>>tie, il conſerva en entier ce qui
>> regarde la Campagne de 1686 , &
>>> écrivit de ſa propre main : papiers que
j'ai jugé à propos de conferver. Son at-
>>tachement pour cette Campagne venait
>> apparemment , on de ce qu'elle était
>>fon coup d'éllai deGénéral, ou de ce que
>>ſon expérience lui ayant fait connaître
>>>l'incertitude des calculs à la guerre ,
>> il ſe rappeloit avec plaifir la juſteſſe
des fiens.
>>Après la journée de Staffarde , l'armée
Françaiſe coucha , felon l'uſage ,
-> ſur le champ de bataille. M. de Catinat
dépêche à la Cour M. d'Orge-
>> mont Pucelle , fon neveu , pour porter
>> la nouvelle de la victoire , & la re-
>>lation de la bataille , à laquelle ilne ſe
>>donne que la part d'un ſoldat. Les en
Dij
76 MERCURE DE FRANCE.
>> nemis avaient perdu toute leur artil-
>> lerie , & pluſieurs drapeaux . On de-
» vait les avantages de la première dif-
>> poſition à M. de Saint- Silveſtre ; la
» réuſſite des différentes attaques à M. de
>> Feuquières : tous les Colonels y étaient
>>> nommés , & le Roi avait à chacun
>> d'eux une obligation particulière . Ca-
> tinat finiſſait par s'excuſer ſur ceux qu'il
>> oubliait , & la Cour n'apprit que par
» les lettres de différens particuliers ,
>> que ſon cheval avait été tué ſous lui ;
>> qu'il avait reçu pluſieurs coups dans ſes
>>habits , & une contufion au bras gau-
>> che . L'honneur de cette journée devait
» retomber ſur toute l'armée : celui qui
>> la commandait,paraiſſait y avoir ſi peu
>>de part , que , quand cette relation fut
» publique, un Nouvelliſte qui en avait
>> ecouté la lecture , demanda d'un air de
> curiofité ; M. de Catinat était- il à cette
»bataille? t
» Le premier ſoin du Général fut
> d'aller viſiter les bleſſés. MM. de Châ-
> tean-Renault , de Montgommery , de
>> Firmacon , de la Lande , & M. le Mar-
>>quis de Liancourt étaient du nombre :
>> ce dernier , bleſſé dans les chairs du
>> bras gauche , avait eu deux chevaux
FÉVRIER . 1775. 77
>>>tués ſous lui ; & je le nomme plus par-
>> ticulièrement , parce que , durant
>> cette campagne , il conçut pour M. do
> Catinat un attachement qui dura tou-
» jours .
» Après avoir donné ſes ordres pour
>> le ſoin des bleſſés , M. de Catinat re-
» mercia les troupes des ſervices qu'elles
ود avaient rendus la veille, & les félicita
>> ſur la gloire qu'elles s'étaient acquiſe.
>>Chaque Régiment devant lequel il s'ar-
>>rêtait , l'entourait avec le reſpect &
>> l'attendriſſement qu'inſpire la confiance
>> dont ils venaient derecueillir les fruits :
>> enfin il arriva au Régiment de Gran-
>> cey , qui s'était fort diftingué à la ba-
>> taille , & defcendit de ſon cheval pour
>> embraſſer le Colonel . Quelques ſoldats
>> qui jouaient aux quilles à la tête du
>> camp , quittèrent leur jeu pour s'appro-
> cher de M. de Catinat : il leur ditavec
>>>bonté de retourner à leur partie. Les
>>Officiers lui propoſèrent d'en faire une;
> il l'accepta , & fe mit à jouer aux quil-
>>>les avec eux. Un Officier Général dit
» qu'il était extraordinaire de voir un
>>Général d'armée jouer aux quilles après
>> unebataille gagnée : vous vous trompez,
>> répondit M. de Catinat ; cela ferait
Diij
73 MERCURE DE FRANCE.
» étonnant , s'il l'avoit perdue. Cette af-
>>fabiliré , cette facilité de moeurs , dans
>un moment qui ferait pour d'autres un
>> moment d'ivreſſe , peignent bien le
>> grand homme .
» M. de Louvois voulait de la célérité
dans les opérations : il voyait à
>> regret dans l'armée l'inaction , quoi-
>> qu'elle n'y fût que par ſa faute , & il
>> ne pouvait plus tenir contre la raiſon
» du Général , qui préférait la sûreté dans
>> les entrepriſes , à l'éclat que produit
>> quelquefois la témérité. Ce Miniſtre
>>ne doutait point que la plus forte partie
> de l'armée ne fût en état d'agir, &de
>> fe porter à Ivrée , pour en faire le
»fiége.
>>La priſede cette Place , forte alors ,
>> était peu importante pour les opéra-
>> tionsde la campagne : fon éloignement
>> de Suze & des autres dépôts de l'ar-
» mée , en rendait la priſe douteuſe , &
> même dangereuſe; le moindre tranf-
>> port était de dix lieues. Le Miniſtre ,
>> las d'avoir toujours tort , reſta convaincu
que fa volonté devait abréger
>>les chemins ; ildonna un ordre poſitif.
>>M. de Catinat, après avoir mandé ,
:
FÉVRIER . 1775. 49
>> fans détours , la folie de cette entre-
>> priſe , ſe prépara à obéir , diſant : je
>> fais ce que c'est qu'un ordre pofuif.
>> La foumiffion du Général fit plus
>> d'effet ſur l'eſprit du Miniſtre , que
>> les meilleures raiſons : elle fut ſuivie
>> d'un contre-ordre. Cette nouvelle , ſi
>>>heureuſe pour l'armée du Roi , cauſa
>> tant de joie à M. de Catinat , qu'il fit
>> peu d'attention aux termes durs qui la
>>lui annonçoient : il eft fâcheux qu'un
» homme d'auſſi bon eſprit que vous ,se
>>faſſe des monstres pour les combattre ,
» écrivait M. de Louvois. Il eſt triſte
» qu'une partie effentielle du mérite des
>>Généraux Français foit de ſe mettre
>>>au- deſſus du ſtyle des Miniſtres. Lou-
>> vois ne relâchait rien de fon caractère ;
» & pour lebonheur de l'Etat&des trou-
>> pes , Catinat conſervait le ſien.
» M. de Feuquières paſſa le reſte de la
>> campagne à chercher à mettre la divi-
>> fion dans l'armée ,& fur tout à perfua-
>> der au Miniſtre qu'elle y était. Il fuf-
>> cita à M. de Catinat une tracaſſerie
» avec M. de Pompone , rappelé dans ce
>> moment au Ministère , en publiant que
>>M. de Catinat n'en avait pas fait com-
Div
80 MERCURE DE FRANCE .
>> pliment à fon fils. Lui ſeul , écrivait
»M. de Catinat à M. de Croiſille , a
>> voulu faire croire que tout le monde
>> était brouillé dans notre armée ; il avait
>> voulu faire voir par- là que les cervelles
>> y étaient renversées , & diminuer le
» blâme de l'averſion publique qu'il s'eſt
>> attirée , & qui eſt àun point qu'on ne
>> ſaurait s'imaginer. C'eſt peut-être avec
>> malhabileté & imprudence , mais je
>> n'y ai contribué en rien : il a eu du
>> moins un mérite cette campagne , c'eſt
>> d'avoir maintenu l'union dans la pen-
>> ſée où l'on était , qu'il voulait brouiller
>> les eſprits , & que c'était lui qui avait
> fait courir le bruit qu'on érait aux épées
»& aux couteaux. J'ignore juſqu'où a
>> pu aller le mal qu'il a voulu faire : je
• crois que je ſuis trop bon , car pour
>> cette fois je ne manque pas d'armes
>> contre lui ; mais je n'aime pas entrer en
» lice de dénonciateur avec un homme
>>de qualité , à qui j'ai ſouhaité cent fois
>> de bon coeur un autre caractère d'ef-
>> prit,qui méritât la confiance d'un hom.
>> me qui n'a que des ſentimens droits&
>> d'honneur ſur ce qui regarde le ſervice
»& fon prochain. On ne peut preſque
> pas croire un mot de tout ce qu'il dit ,
FÉVRIER . 1775 . 81
»& je n'ai jamais connu un homme
»moins incommodé d'une vérité : par
>> exemple , M. de Barbéſieux m'écrit qu'il
>> l'a informé d'un fait tout à fait faux ,
car je ne me fuis point apperçu , & en-
>> core moins de M. le Marquis de Cré-
>> quy , que d'un autre , que les Offi-
>> ciers Généraux ne ſe conduiſent pas
>> bien avec moi .
>> J'ai cru devoir m'étendre fur cet ar-
>> ticle , parce qu'il développe toute la
>> beauté du caractère de M. de Catinat.
>> je me ſuis fait un devoir de rapporter
>> ſes propres termes , perfuadé qu'ils ex-
>> citeraient plus d'intérêt que ceux que
>>j'y aurais ſubſtitués : d'ailleurs il me
> ſemblait néceſſaire de prémunir le Lec-
» teur contre les fatyres perpétuelles que
>> feu de M. de Feuquières fait de M. de
» Catinat dans ſes Mémoires , que tout
>> le monde regarde avec raiſon comme
>> un chef-d'oeuvre dans d'autres parties .
» Il eſt fâcheux que , dans cet Ecrivain ,
>> la bonté de l'ame n'ait pas répondu à
>> celle du génie , & qu'un Officier ſi ſu-
>> périeur dans les qualités militaires , ſe
>> foit montré ſi faible dans les vertus
» civiles.
> La conduite du Miniſtre fit fentir à
Dy
82 MERCURE DE FRANCE.
>>M. de Catinat qu'il ne connaiſſait pas
>> encore toutes les peines du commande-
>> ment; ſes penſées ſe tournerent vers
>> la retraite : il commença à occuper ſa
> Terre de Saint-Gratien , qu'il regardait
>> comme ſon abri . Ce lieu ayant le même
>> attrait pour M. de Croiſille, il l'exhorta
>>>ày faire travailler : cette dépenſe de-
>> vait faire leur fatisfaction , réciproque ,
» toi & moi ne faisant qu'un. Son penchant
pour la philoſophie fe fortifia ;
>>il s'apperçut pour la première fois qu'un
»Particulier pouvait être heureux , quoi-
>> que les affaires n'allaſfent pas comme
>> l'amour de la patrie pourrait le faire
»déſirer. Cette réflexion , dont l'uſage
» lui fut ſi néceſſaire dans la fuite , me
>> paraît une des principales ſources du
>> reſpect que la Poſtérité a pour lui : elle
>>>le porta à attendre toujours les emplois ,
»&à les craindre plus qu'à les defirer ;
» mais jamais la Philofophie n'éteignit
>> en lui le ſentiment de patriotiſme, que
» l'on éprouve quelquefois dans les Mo-
>>narchies , ſans pouvoir s'en rendre rai-
>>fon , & qui l'agitait encore dans ſa re-
>> traite , où ſes ſeuls momens d'humeur
>>>furent ceux des malheurs de l'Etat.....
>> Les troupes , pendant la campagne ,
4
FÉVRIER. 1775 . 83
- en
> avoient toujours campé ſur les monta-
>gnes ,
dont l'air vif rendait leur nour-
>>> riture ordinaire inſuffiſante. M. de Ca-
>>tinat repréſenta ſi vivement leurs be-
>> ſoins au Roi , qu'il obtint une aug-
>>> mentation ; on accorda auſſi , ſur ſes
>> repréſentations , la paye de garnifon
>> aux Officiers particuliers , qui n'en
> avaient qu'une très médiocre
>>campagne. Ainſi l'Etat doit à M. de
>> Catinat d'avoir fait ſentir le premier le
> ridicule d'un établiſſement , que M. le
>>Maréchal de Belle Iſle a la gloire d'a-
>> voir anéanti . Il n'oublia pas non plus
» que les Officiers Généraux , n'étant
>> pas alors traités avec la magnificen-
> ce d'aujourd'hui , ne pouvaient ſe
>> pafler d'une certaine quantité de four-
>> rages , pour la ſubſiſtance des équipa-
>>ges qu'ils laiſſaient fur les derrières .
>>M. de Catinat , pour donner plus de
>>force à ſes raiſons , renonça à la pave
» qu'il aurait pu avoir dans cette grâce ;
»fon intention n'était que de fubfifter au
» fervice. Une grande fimplicité lui en
>> donnait les moyens ; car il n'avait en-
> core que deux mille écus de gratifica-
>> tion au- deſſus des appointemens de
» Général.
Dvj
84 MERCURE DE FRANCE:
>>Depuis l'inſtant où M. de Catinat
» étoit entré au ſervice ; il avoit oublié
>> ſes intérêts particuliers , ceux de ſes
>> proches , pour ne s'occuper que de
>> ceux du Roi : M. d'Orgemont Pucelle ,
» fon neveu , n'avoit eu d'autres préfé-
>>rences,que les occaſions périlleuſes d'en
>> mériter. La Première Préſidence duPar.
> lement de Grenoble vinta vaquer : M.
>>Pucelle , fon neveu , Conſeiller au Par-
>> lement de Paris , le fit prier par M. de
>>Croiſille de la demander pour lui.
» Cette démarche n'était point du goût
>>>de M. Catinat : il trouvait dans l'am-
>> bition d'un Magiſtrat une preuve cer-
>>taine d'un manque de capacité ou de
>> vertu. Il ne put cependant réſiſter aux
>> follicitations de ſa famille , & la de-
→ manda au Roi dans ces termes: fi Votre
»Majesté est informée que mon neveu Pu.
» celle ait les qualités néceſſaires pour bien
→remplir laplace de Premier Président de
» Grenoble , je la ſupplie d'agréer que je
»joigne mes humbles prières auxfiennes.
» Le Roi uſa de cette recommandation ,
>> comme les Rois devraient toujours
>>>faire: il ne donna la première Préſidence
à M. Pucelle , qu'après s'être in-
>> formé rigoureuſement de ſes qualités.
FÉVRIER. 1775 . 85
» La nouvelle de cette grâce cauſa d'au-
>> tant plus de joie à M. de Catinat , que
» Sa Majesté , en l'accordant , étoit per-
→ ſuadéedu mérite de M. Pucelle,pour en
>> remplir les fonctions , l'estime des Rois
» étant , dit M. de Catinat dans ſa Lettre
» de remercîment pour cette grâce , pré-
» férable aux grâces qu'ils peuventfaire.
» Il reçut avec le bâton de Maréchal
> de France une Lettre de compliment
» de Madamede Maintenon . Comme il
>> ne lui devait point de remercimens ,
» ſa réponſe ne parle que de la bonté du
» Roi , qui lui a fait une grâce fi grande
» &fi diftinguée , qu'il n'en trouve pas en
» lui même le mérite. Mais c'eſt dans ſa let-
>> tre à ſon Frère , que l'homme ſe mon-
>> tre en entier : il répand dans ſon ſein
>>la joie que lui a cauſée M. de Fénelon ,
>>en lui mandant que le Roi, liſant dans
» fon cabinet la liſte des Maréchaux de
» France , s'était écrié à ſon nom : c'est
» bien la vertu couronnée. Ceci n'eſt que
» pour nous deux ; ne faiſons participer
>>perſonne à notre joie ; gardons en le
>> fecret , & ne le dis pas même à ma
> foeur Pucelle.
>>A la campagne de la Marfaille
$6 MERCURE DE FRANCE.
» l'armée de M. Catinat , qui n'avait
>> encore été que celle des gens igno-
» rés , devint l'armée de mode . M. de
» Feuquières , depuis qu'il l'avoit quittée,
>> n'avait pu s'accommoder avec aucun
>> autre Général , & il voulut y revenir ;
>> mais M. de Catinat fut averti aſſez à
>> à temps , pour obtenir de M. de Bar-
* béſieux , qu'il lui épargnât cet em-
>> barras. Ilfaut vouloir avecfoumiffion de
» coeur ce que le Roi defire . Jose cependant
» vous demander votre interceffion , pour
» que cela n'arrive pas . Il fut bien éton-
» né , quand il lut ſur la liſte des Offi-
>> ciers Généraux de ſon armée , M. de
>> Vandôme , & M. le Grand- Prieur ,
> ſon frère qui venaient apprendre
>> ſous lui l'art que ce premier exerça
>> enſuite avec tant de ſupériorité.
,
>> Le Maréchal de Catinat , occupé
>> depuis cinq ans des affaires du Roi ,
>> négligeait fort les ſiennes. M. de Croi-
>> fille , fon frère , s'était chargé de per-
>> cevoir ſes revenus , & de lui envoyer
>> de l'argent ; mais le bien du Maréchal
>> n'était pas conſidérable; il confiftait
>> en deux très-petites terres. Les grâces
> qu'il tenait du Roi , valaient douze
>> mille francs qui n'étoient pas payés.
1
: FÉVRIER. 1775. 87
>>M. de Croiſille dans l'embarras , pour
>> ſecourir ſon frère , le conjura de de-
>> mander le payement de ce qui lui
» était dû , & une augmentation de trai-
»temens. Le Maréchal ne put ſe réſou-
> dre à faire même la première demande .
>>Témoin de la diſetre continuelle d'ar-
>>gent , il croyait du devoir d'un Parti-
>> culier de compâtir aux beſoins publics',
» & de ne pas s'occuper de ſes intérêts
>> perſonnels & de ſes incommodités
>> particulières. Son refus de demander
>> ce qui lui était dû , fait connoître ſa
» manière de penſer ſur la demande de
» quelques grâces nouvelles. Je ne veux
» point être comme les valets , quifaliffent
» leur attachement pour leurs Matures , en
»demandant une augmentation de gages .
>> Il ſe voyait couvert des grâces du Roi ;
» ( quoique des Officiers particuliers
>>aient aujourd'hui un traitement fort
>> au deſſus du fien ) : il difait d'une ma-
>>nière affez plaiſante : jefuis comme
ces Bienheureux à qui Dieu diftribue
> les plaisirs de sa viſion béatifique , ſelon
>> leur mérite ; ils font contens , & leurs
> defirsfont remplis.
>>>Un des grands plaiſirs du Maréchal ,
88 MERCURE DE FRANCE.
>> était d'aller de grand matin ſur le mi-
>> lieu du Pont- Royal , jouir du ſpectacle
>> que la vue y préſente. Jamais , diſoite
nil , je n'ai rien vu d'auſſi beau dans
n tous les pays quej'ai parcourus. Ilallait
>>auſſi toutes les ſemaines aux Invalides.
>> Un des enfans de M. le Roi ayant fou-
>> vent entendu parler au Maréchal de la
» beauté de cet édifice , fut curieux de le
» voir : il abandonna ſa claffe , arriva
>>chez ce Maréchal , mis comme un
,, écolier , & le trouva avec M. le Duc
» d'Orléans , depuis Régent du Royau-
>> me , & le Maréchal de Médavi . M. de
» Catinat leur demanda la permiffion de
>>faire entrer le fils de ſon Précepteur :
>> ( il nommait ainſi M. le Roi ) . Il lui
>> demanda quelle raiſon l'amenait ; l'en-
>> fant embarraſlé dit en héſitant : on
» m'a dit que vous pouviez me faire
>> voir les Invalides , &je viens vous de-
>> mander cette grâce : la naïveté fit rire
>> les Auditeurs . Le Maréchal envoya
>> dire à M. le Roi que ſon fils étoit chez
>> lui , & qu'il le lui ramenerait : il fit
>> dîner l'enfant; & , dès qu'il fut libre ,
>>il le prit par la main , pour le mener à
>> pied aux Invalides. A l'arrivée du Ma-
>>réchal dans l'Hôtel , les Gardes pren
FÉVRIER . 1775 . 89
» nent les armes , les Tambours battent ;
>>tous les vieillards , les infirmes ac-
>> courent : on criait dans les cours : voilà
» le Père la Penſée : ce bruit effraya l'en-
>> fant : le Maréchal le raſſura , en lui
>>diſant que tout cela prouvait l'amitié
>>que ces gens reſpectables lui portaient.
>>Il lui fit voir toute la maiſon , le mena
>> à l'heure du ſouper dans tous les réfec-
> toires , fit apporter deux verres , & but
>> avec le jeune homme à la ſanté de
>> tous ſes anciens Camarades. Tout le
>> réfectoire debout & découvert , re-
» mercia le Maréchal , & le reconduifit
>> avec acclamation .
>> Il allait tous les quinze jours à Ver-
>>ſailles. Le Roi lui demanda pourquoi
>> on ne le voyait jamais à Marly , & fi
» quelqu'affaire l'en empêchait : aucune ,
• Sire , répondit le Maréchal ; mais la
>> Cour est très nombreuſe ; &j'en use ainſi
» pour laiſſer aux autres la libertédefaire
>leur cour. Voilà bien de la conſidéra.
» tion , répondit le Roi .
>>M. de Catinat paſſait ſes étés à cetre
>>Terre de Saint Gratien , que ſa retraite
» arendue fi célèbre . On croyait voir un
>>de ces anciens Romains , qui , après
>> avoir triomphe de leurs ennemis, ſe
৩০ MERCURE DE FRANCE.
repoſaient de leurs fatigues dans leurs
> maiſons des champs. Le village de St-
>>Gratien , placé ſur la toute de Saint-
>>Denis à Pontoiſe , eſt à trois lieues &
>> demie de Paris. Le Château , bâti à
>>l'antique , eſt plutôt une vilaine mai.
>> fon , qu'un Château; mais il eſt ſitué
>> dans un pays délicieux. La conſomma-
>> tion de la Capitale y rend les payſans
>> aifés , a on les compare à ceux des
» provinces. La variété des productions
>> de la terre y flatte plus l'oeil , que
>>>ne font les plus fomptueuſes décora-
>> tions des jardins de la Capitale. Le
•Maréchal n'était pas affez opulent ,
>> pour avoir le mauvais goût de forcer
>> la Nature : un potager ſervait de par-
>> terre à ſon jardin. Le côteau de Mont-
» morency , planté de vignes , en ter-
» mine d'un côté la vue : ſur le ſommét
>> s'élève le magnifique Palais du riche
>>Croiſat : cette fuperbe habitation ter-
» mine & couronne la vallée de Mont-
>> morency ; elle ſemble vouloir le dif-
>> puter à tout ce que la Nature étale de
>> merveilles dans ce riche payſage , &
» elle n'en dépare pas le magnifique ta-
>>bleau . Ce ſpectacle était plus pour le
>> Seigneur de Saint-Gratien , que pour
FÉVRIER. 1775. 91
>>celui qui en avait fait les ftais. A l'au-
>> tre extrémité du jardin , eſt un bois
→ épais , coupé d'allées ſombres & étroi-
>>tes , terminées par un grand étang , qui
> donne à cette partie un air abſolument
>>ſauvage. Il y a aujourd'hui peu d'Offi-
>> ciers retirés , dont la demeure ne foit
>>plus décorée que Saint-Gratien. Telle
> étoit la retraite que ſe deſtinait leMa.
" réchal de Catinat , & qu'il allait ef-
> ſayer pendant les étés de la paix. Ily
>>planta l'eſpalier qui règne le long des
>> murailles . Un Poëte le chanta dans
>> une Idylle , & s'attira l'épigramme :
» Oh Catinat , quelle voix enrhumée!
> Les occupations du Cabinet du Ma-
>> réchal étaient des réflexions , particu-
>> lièrement fur la guerre d'Italie. Il nous
> reſte quelques fragmens , tendans à
>> prouver combien cette guerre eft fu-
>> neſte aux Français , & combien était
>>déſavantageux le plan que la France
>> avait ſuivi dans la dernière . Le côté du
>>Piémont devenoit la principale atta-
>>que des ennemis de la France : c'était
> leur entrée la plus facile dans le Royau-
» me ; & jamais le Roi n'avait voulu y
>> laifler des forces ſuffiſantes: le hafard ,
>>>dit le Maréchal , y a fupplée ; il n'y
92 MERCURE DE FRANCE.
2
au
>>fuppléraitpeut être pas unefeconde fois ,
»file même cas arrivait. Ses réflexions ſe
>>portaient auſſi ſur le génie des Troupes
>>Françaiſes . Plus il les voyait , plus il fe
> confirmait dans la même façon de penſer
ſur elles , dont il faiſait part
» Maréchal de Bellefond , lors de l'af-
>> faut de Gironne . Il lui mandait : voilà
>> les accidens qui font à craindre de l'é.
>> mulation & de la chaleur de notre na-
>> tion , qui croit toujours une affaire
>>achevée , dès qu'elle eſt heureuſement
>>commencée ; la première proſpérité
>> lui fait oublier toutes les précautions
>> de s'y maintenir , & dès que la confu-
>> ſion s'y eſt miſe , les Particuliers hardis
>> mettent leur juſtification à demeurer
>>dans le péril , fans prendre aucun des
>>partis de le diminuer ou de l'éviter ,
>> qui eſt la ſeule choſe qui pourroit re-
>> mettre en ordre une troupe ébranlée
» & confufe. J'ai vu pluſieurs occafions
>> dans ma vie , où la perte a beaucoup
>>augmenté par cet eſprit-là..
>>Nous avons encore d'Ouvrages mi-
>>litaires du Maréchal de Catinat , la
>> deſcription des Batailles & des actions
>>de guerre de Conſtantin , dans la vie
>> de ce Prince , par le P. Bernard de VaFÉVRIER
. 1775 . 93
1
>>rennes , Théatin ; la Guerre de Conf-
> tantin en Piémont contre Maxence y
>> eſt rendue d'une manière ſatisfaiſante.
>>Le travail du Maréchal , le plus in-
> téreſſant pour l'humanité , fut une Cor-
>>reſpondance ſuivie avec M. de Vau-
>> ban , ſur l'adminiſtration des Finances
>> des différens pays où la guerre les avait
>> conduits. Deux hommes auſſi modérés
• ne cherchaient pas les moyens d'aug-
> menter ſans meſure les revenus du Sou-
>>verain; mais ceux derépartir les impôts
>> avec juſtice , & de les percevoir à peu
>>de frais. Ils diſcutaient l'adminiſtration
» des autres Etats , & de- là eſt ſorti le
>>grand Ouvrage de M. de Vauban , dont
> les vrais hommes d'Etat defirent l'exé-
>>cution , arrêtée juſqu'à préfent par les
>> principes fiſcaux » .
Eloge historique de Michel Montaigne , &
Differtation ſur ſa Religion par D.
de Vienne , Hiſtoriographe de la Ville
de Bordeaux , chez Crapart , rue de
Vaugirard , & Edme , rue St Jean de
Beauvais .
Les Ouvrages de cet Auteur ont fait
dans tous les temps une grande ſenſation
94 MERCURE DE FRANCE.
fur tous les eſprits , & ont produit une
multitude d'opinions qu'il feroit difficile
de concilier. Il faut en croire le grand
Paſcal ; on doit regarder ce Philofophe
comme le Pyrronien le plus décidé , qui
n'a été occupé qu'à détruire tout ce qui
paſſe pour le plus certain parmi les hom.
mes , non pas pour établir le contraire
avec une certitude , de laquelle ſeule il
eſt ennemi , mais pour faire voir ſeule.
ment que les apparences étant égales de
part & d'autres , on ne fait où affeoir fa
créance. Il met toutes choſes dans un
doute ſi univerſel & fi général , que
l'homme même doutant s'il doute , fon
incertitude roule ſur elle-même dans un
cercle perpétuel & fans repos , s'oppoſant
également à ceux qui diſent que tout eſt
incertain , & à ceux quidiſent que tout ne
l'eſt pas , parce qu'il ne veut rien aſſurer :
auſſi ne peut il exprimer ſa manière de
penfer par aucun terme poſitif ; & , ne
voulant pas dire , je nefais ; il dit , que
fais je ? C'eſt à ce doute univerſel que
toutes les recherches de l'eſprit humain
doivent aboutir. L'Auteur ſemble oublier
cette doctrine , lorſqu'il diſcute l'impiété
de ceux qui aſſurent que Dieu n'eſt
point. Il les interroge de quelle autorité
ils entreprennent de juger de cet Etre
FÉVRIER. 1775 . 95
Souverain , qui eſt infini par la propre
définition , eux qui ne connoiffent véritablement
aucune des moindres choſes
de la Nature . On admire la fermeté avec
laquelle il foudroye la folle opinion de
l'athéiſme , malgré ſon penchant à croire
tout incertain. Montaigne eft incomparable
pour confondre l'orgueil de ceux qui ,
ſans la foi , ſe piquent d'une véritable
justice ; pour déſabuſer ceux qui s'attachent
à leurs opinions , & qui croyent ,
indépendamment de l'existence & des
perfections de Dieu , trouver , dans les
ſciences , des vérités inébranlables ; &
pour convaincre ſi bien la raiſon de fon
peu de lumière & de ſes égaremens , qu'il
eſt difficile après cela d'être tenté de rejeter
les myſtères , parce qu'on croit y
trouver des répugnances. Perſonne ne
gourmande fi fortement & fi cruellement
la raiſon dénuée de la foi. Tout eſt vanité
& incertitude , ſelon Montaigne ,
dans les ſciences humaines. Il n'a pas
plus de reſpect pour les axiômes de la
Géométrie , que pour les ſyſtèmes de la
Phyſique & de la Médecine : en un mot ,
la vie n'eſt à ſes yeux qu'un ſonge dont
nous ne nous éveillons qu'à la mort , &
pendant lequel nous avons auſſi peu les
96 MERCURE DE FRANCE.
principes du vrai , que durant le ſommeil
naturel . Telle eſt l'idée que Paſcal
nous donne de ce Philoſophe dans la
comparaiſon qu'il en a faite avec Epictère.
Le P. Malebranche n'a point eu de
Montaigne une idée auſſi favorable : il
ſemble avoir oublié toutes les règles de
l'équité , en appréciant les talens & la
doctrine de cet Auteur. Il lui reproche
de n'avoir ſur quoi que ce ſoit , aucun
principe ſur lequel il fonde ſes raiſonnemens
, & de n'employer pour preuve que
de petits contes , quelques vers d'Horace
, des bons mots & des apophtegmes
desAnciens : ſes eſſais reſpirent l'égoïſme
le plus ridicule , & décèlent un Pédant
rempli de fierté , qui , dans ſes digrefſions
mêmes , ramène tout à lui , & croit
avoir fait l'apologie de ſon Ouvrage , en
diſant : C'est moi que je peins , &je fuis
moi-même la matière de mon Livre. Quant
à ſa doctrine ſur les points eſſentiels , le
P. Malebranche l'accuſe d'avoir confondu
l'eſprit avec la matière , & d'avoir regardé
les preuves que l'on donne de l'immortalité
de l'ame , comme des fonges
que le defir fait naître en nous , & d'avoir
trouvé à redire que les hommesse
Separens
FÉVRIER. 1775 . 97
féparent de lapreffe des autres créatures ,
&se distinguent des bétes , qu'il appelle nos
confrères & nos compagnons. Enfin il ne
lui donne que la beauté , la vivacité &
l'étendue de l'imagination avec laquelle
un Ecrivain eſt toujours sûr de plaire , en
débitant même les paradoxes les plus révoltans
.
Dom de Vienne , dans l'Eloge hiftorique
de Montaigne , venge ſon Héros
de toutes les injures que ces Moraliſtes
trop févères lui ont prodiguées. Si Montaigne
ſemble montrer beaucoup d'orgueil
en patlant trop de lui , c'eſt qu'il étudioit
l'homme en s'étudiant lui même , &
qu'il avoit , de fon côté , à reprocher à
ſes Lecteurs qu'ils ne penſoient pas affez
à eux-mêmes. Sil paroît faire peu d'eftime
de ſes ſemblables , c'eſt qu'il a prefque
toujours vu qu'ils ſe laiſſoient maîtriſer
par les événemens , & aſſervir par
les circonstances. Il étoit frappé fur- tout
de leurs inégalités& de leur peu de conſiſtance.
» Venoit-il enfuite à confulter
>> l'hiſtoire de l'eſprit humain? Il ne
>> voyoit plus que des ſentimens oppofés
>> ſur les mêmes objets , & chaque Phi-
>>loſophe foutenir ſon ſyſtème par des
>> raiſons qui avoient à-peu près le même
E
98 MERCURE DE FRANCE.
ود
>>degré de vraiſemblance. Si je ne puis ,
difoit- il alors , trouver la vérité au-dedans
de moi ; & , fi les hommes ne
>> peuvent me l'apprendre , comment fe
>> rai je pour la connoître ? Malgré l'ar-
>> deur dont je brûle pour elle , faut il
>> que j'y renonce ? Mais je ſens une ré-
>> pugnance invincible à ne rien croite :
>›› je ſens que , niant l'existence de toute
» vérité , je tombe dans une abfurdité
>> plus ſenſible que ceux qui croyent tout
>> en aveugles . Qui me délivrera d'une
>> fituation ſi violente , & de cet état
>> d'incertitude , qui n'eſt pas fait pour
>> un être raiſonnable ? Que faut- il que
>> je croye , & comment puis je connoî-
>> tre que j'aurai des motifs ſuffiſans pour
>> le croire ? Jetons- nous entre les bras
>>de la Religion : c'eſt elle qui nous ap-
>>prendra les vérités qui nous font né-
>> ceffaires , & qui nous les fera connoître
>> avec la certitude la plus inébranlable ,
>> puiſque ſon langage n'eſt autre choſe
»que la parole de la Divinité même.
>> Tel eſt le précis des idées de Montaigne
>>ſur la Religion ; il ne ceſſe d'humilier
» l'homme , en lui préſentant le tableau
>> de ſes foibleſſes & de ſes incertitudes ,
>> quand il s'abandonne à lui-même , &
FÉVRIER. 17750 99
>> dele relever , en lui inſpirant la plus
>>grande confiance dans les lumières quo
>> la révélation lui préſente.
Dom de Vienne ne ſe borne pas à
prouver dans l'Eloge & dans la Differtation
que Montaigne n'étoit rien moins
qu'un unpie décidé ; il montre auſſi que
cet Auteur ſavoit reſpecter la vertu , au
milieu même de ſes écarts , qu'on peut
lui reprocher d'avoir peints avec top
de naïveté.
Pluſieurs Auteurs modernes ont prétendu
porter un jugement impartial ,
far les Ouvrages de Montaigne , en
s'exprimant ainti : ce qu'il y a de meil.
leur,c'est ce que cet Ecrivain dit des paffions
& des inclinations de l'homme. Ce qu'il y
a de moindre , c'eſt l'érudition qui en est
vague & peu certaine ; & ce qu'il y a de
plus dangereux , ce ſont ſes maximes phi.
lofophiques . Dom de Vienne modifie &
aloucit cette afertion dans les deux Ouvrages
intéreſſans qui compoſent ſon Recueil
, & qui méritent , à ſi juſte titre ,
d'être mis à la tête des nouvelles Editions
des Elfais de Montaigne..
Le Triomphe des Grâces , ou Elite en profe
& en vers des meilleurs écrits anciens&
modernes , qui ont été faits à la louange
E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
:
des Grâces , par les Auteurs Grecs &
Latins , François & étrangers ; tels que
Pindare , Homère , Virgile , Horace ,
&c Houdart de la Morte , l'Abbé Mafſieu
, Roy , le P. André , le Chevalier
de Meré , les Auteurs de l'Ency-
* clopédie , le C. de B... de Saint-
Foix , Dorat , &c. Ergenterberg , Métaſtaſe
, l'Abbé Winckelmann & Zanotti
; publié par M. Qaerlon ſous la
dénomination des Grâces , orné des
plus belles figures en taille douce , par
les meilleurs Maîtres. A Paris , rue
St-Jean de Beauvais , la première
porte cochère au- deſſus du Collége .
Le peuple le plus fpirituel qui aitjamais
exiſté , qui penſoit le plus délica--
tement , avec le plus de fineſſe , & qui
s'exprimoit comme il penſoit , qui principalement
avoit l'art de peindre les
idées les plus abſtraites ſous des images
ſenſibles & toujours riantes ; les Grecs
en un mot ont apperçu les premiers , ces
inflexions fines , légères , & ces fugitives
nuances qui patent la beauté , c'eſt à- dire,
la régularité des traits ou des formes ,
qui l'embelliffent même encore , & qui
ſouvent y fuppléent. S'ils n'en font pas
FÉVRIER. 1775. 101
les premiers obſervateurs , ce ſont eux
du moins qui paroiſſent les avoir le
mieux remarquées , & qui , pour leur
donner un corps , pour fixer en quelque
forte leur mobilité , leur être idéal , les
ont perſonnifiées en créant les Grâces ,
en les repréſentant ſous les attributs du
ſexe le mieux partagé d'agrémens : ainſi
l'on nous a fait concevoir, l'on nous a prefquerendu
ſenſibles tous ces petits moyens
de plaire , indépendans de la beauté.
C'eſt la Nature elle-même qui nous a
donné l'idée des Grâces , en nous offrant
des ſpectacles qui ſemblent être leur ouvrage.
Elle ne veut pas nous aſſervit toujours
ſous le joug de l'admiration : cette
mère tendre & careſſante cherche ſouvent
à nous plaire .
L'Editeur de ce charmant Recueil obſerve
encore qu'il y a quelque différence
à faire entre les grâces & la grâce . Les
grâces ſont de la Nature : la grâce peut
être l'ouvrage de l'art. Les exercices de
la jeuneſſe , la danſe , les armes , l'équitation
, aſſoupliſſant le corps , en rendent
toujours les mouvemens plus aiſés , plus
libres , & lui donnent par conféquent de
la grâce. L'uſage du monde forme aufli
les jeunes gens ,& fuffit quelquefois pour
Eiij
102 MERCURE DE FRANCE.
leur donner de la grâce ; mais les grâces
ne s'acquièrent point : cependant beaucoup
de gens les confondent ; & , fans
trop démêler ce que c'eſt , relativement
ou abfolument , que la grâce & les grâ
ces , ce font les mots que l'on a le plus
ſouvent à la bouche.
Un Auteur anonyme , qui a cherché
à appliquer aux compoſitions de l'eſprit
tout ce qu'on a dit des Grâces , prétend
qu'on les a réduites au nombre de trois ,
pour nous apprendre que dans un difcours
un feul agrément ne ſuffit pas pour
foutenir long temps notre attention. Le
brillant tout feul nous fatigue: la douceur
toute ſeule affadit: la vivacité toute ſeule
étourdit : les trois Grâces doivent donc
ſe tenir par la main dans une compofition;
c'eſt à dire , que le brillant doit être
doux , la douceur vive , & la vivacité
douce & lumineuse. Eiles font toujours
riantes parce que c'eſt la gayeté de
l'efprit qui leur donne la naiſſance ; toujours
jeunes, car elles font de la nature
de l'ame que l'âge ne ride jamais : toujours
vierges , autrement ce ne ſeroit
plus des Grâces d'eſprit , mais des courtifanes
indignes de nos regards. Elles
ſont décemment vêtues ; car comment la
,
FÉVRIER. 1775. 103
plus belle penſée ou le plus beau fentiment
pourroient ils nous plaire , fi les
paroles , qui en ſont comme les vêtemens
, n'y convenoient pas d'ailleurs
elles ne demandent pas beaucoup d'apprêt.
La propriété des termes , avec un
peu d'élégance , en doit faire toute la
parure : par la même raiſon , elles marchent
en robe traînante, parce qu'un peu
de négligence ne ſied pas mal aux Graces
, dont le principal ſoin doit être d'imiter
la Nature . On ajoute enfin que la
robe eſt légère & d'une étoffe un peu
diaphane. Pouvoit-on nous peindre plus
ingénieuſement deux grandes règles de
l'art oratoire : la première , que ,
difcours doit avoir des ornemens , il ne
faut pas qu'il en foit trop chargé ; la feconde
, que s'il peut fouffrir quelques
obſcurités , il faut que la penſée de l'Auteur
ſe découvre ſans peine au travers.
fi uu
Les grâces , dit M. de Montesquieu
dans ſon Eſſai fur le goût , ſe trouvent
plus ordinairement dans l'eſprit que dans
le viſage ; cat un beau viſage paroît d'abord
, & ne cache preſque rien ; mais
l'eſprit ne ſe montre que peu à peu , que
quand il vent & autant qu'il veut : il peut
ſe cacher pour paroître , & donner cette
1
E iv
104 MERCURE DE FRANCE.
eſpèce de ſurpriſe qui fait les grâces. Les
grâces ſe trouvent moins dans les traits
du viſage que dans les manières ; car les
manières naiſſent à chaque inſtant , &
peuvent à tous les momens créer des ſurpriſes
: en un mot, une femme ne peut
guères être belle que d'une façon , mais
elle eſt jolie de cent mille.
La loi des deux ſexes a établi parmi
les nations policées & lauvages , que les
hommesdemanderoient ,&que les femmesneferoient
qu'accorder : de-là il arrive
que les grâces ſont particulièrement attachées
aux femmes. Comme elles ont tout
à défendre , elles ont tout à cacher : la
moindre parole , le moindre geſte , tout
ce qui , fans choquer le premier devoir ,
ſe montre en elles , tout ce qui ſe met
enliberté devient une grâce ; & telle eſt
la ſageſſe de la Nature , que ce qui
ne feroit rien ſans la loi de la pudeur ,
devient d'un prix infini,depuis cette heureuſe
loi qui fait le bonheur de l'Univers
.
On peut joindre à ces réflexions auſſi
folides qu'ingénieuſes , ce que M. Pope ,
dans ſa Traduction d'Homère , dit avec
tant d'énergie & de grâces. » C'eſt la
>> ceinture de Vénus , où se trouvent ren
FÉVRIER. 1775. 105
» fermés les charmes & les appas qui ga-
>>gnent , qui ſéduisent tous les coeurs.
>> Ses attraits ont une force invincible ,
» à laquelle rien ne peut réſiſter. Ses re-
> gards décidentd'un Empire ,& fes fou.
>> tires , d'une Couronne. C'eſt par le ſe-
>> cours de la grâce , que la chaleur de l'a-
> mout vivifie l'Univers , qu'il calme les
» mers , réchauffe les zephirs , & rend à
>>la terre les fleurs du printemps , & les
>>fruits de l'automne. C'eſt par ſon ſe-
>> cours que ce petit Dieu ſoumet les
>>coeurs à ſon Empire , & qu'il règne dans
>> tout l'Univers ; elle rend ſéduiſans les
> yeux d'une belle ; elle leur donne une
» éloquence victorieuſe ; fon filence
» même eſt éloquent & perfuafif , & fon
> ſourite enchanteur triomphe de l'in-
> différence la plus opiniâtre.
Nouveau plan d'éducation pour former
des hommes inſtruits& des citoyens
uriles , avec une diſſertation fur l'étude
des Langues par M. Carpentier ,
Maître ès Arts de l'Univerſité de Paris,
& Profeffear de Géographie , & d'Hiftoire
à Paris , rue St-Jean de Beau.
vais, la première porte cochère audeſſus
duCollège .
Εν
106 MERCURE DE FRANCE.
Faire des hommes , faire des citoyens ,
faire des heureux ; voilà les trois objets
que doit ſe propoſer tout Inſtituteur dans
-ſes Elèves . Peut-il y avoir des fonctions
plus nobles &plus importantes? L'Auteur
du nouveau plan a bien raiſon de dire
-que quiconque s'immiſce dans cette pro .
feſſion ſans les talens convenables , ne
doit pas héſiter de l'abandonner . Rien
ne feroit plus juſte , dit- il , qu'une loi
qui condamnât tout inſtituteur s'acquittant
mal de ſes devoirs , & qui ne s'efforce
pas de remplir les vues que le Public
doit naturellement avoir fur lui , à être
promené par la ville pendant trois jours
de marché , avec écriteau devant &
derrière portant en gros caractère
cette inſcription : Voleurpublic ,foi difant
Inftituteur. Il eſt étonnant qu'on féviſſe
en France contre le plus léger vol des
- choſes qui peuvent ſe réparer par le travail
, par l'induſtrie ; & qu'on n'inftige
- aucune peine aux Maîtres pour le vol
d'un temps mille fois plus précieux que
l'or , dont la perte eft irréparable , & le
mauvais emploi plus funeſte à la Répu
blique que tout ce qu'on pourroit dire:
Le mal qui en réſulte eſt le plus grand
de tous les maux , & ſe multiplie à l'inani
.
FÉVRIER . 1775. 107
La ſévérité de l'Auteur ne pourra paroître
trop rigoureuſe qu'à ceux qui ignorent
que l'éducation a toujours été regardée
comme la ſource la plus certaine du
repos & du bonheur , non ſeulement des
familles , mais des Etats même & des
Empires. Les loix qui font le fon lement
des Empires, d'où tirent- elles leur force &
leur vigueur , finon de la bonne éducation
qui apprend à s'y foumettre ? Quid leges
fine moribus vanæ proficiunt ? Horace ,
Ode 25 , L. III . » Licurgue , ce ſage Lé-
>>gillateur , dit Plutarque , ne jugea pas
» à propos de coucher ſes loix par écrit ,
>> perfuadé que ce qu'il y a de plus fort &
>>de plus efficace pour rendre les villes
ود heureuſes& les peuples vertueux , c'eſt
> ce qui eſt empreint dans les moeurs des
» citoyens , & ce que la pratique & l'ha-
>> bitude leur ont rendu comme familier
» & naturel ; car les principes que l'édu-
>> cation a gravés dans leurs eſprits , de-
>>>meurent fermes & inébranlables , com-
> me étant fondés ſur la conviction inté-
>> rieure & fur la volonté même , qui eſt
>> un lien toujours plus fort & plus dura-
>> ble que celui de la contrainte ; de forte
» que cette éducation devient la règle
>> des jeunes gens , & leur tient lieu de
» Législateur » .
E vj
108 MERCURE DE FRANCE
On ſe récrie dans le nouveau plan con
tre la longue & ennuyeuſe méthode d'ap
prendre la Langue Latine par un Rudiment
, des Dictionnaires & des Thêmes.
Toute Langue eſt une ſcience pratique
& toute ſcience pratique ne s'apprend
que par l'exercice. L'uſage étoit la première
méthode dont on ſe ſervoit dans
l'ancienne Rome pour y apprendre les
Langues. Les progrès rapides qu'y
faifoient les enfans , y étoient dus à
une culture toute oppoſée à la nôtre.
Ils apprenoient le Grec , comme ils apprenoient
le Latin dans la maiſon de
leurs Peres , & uniquement par la converſation.
Lorſqu'ils entendoient cette
Langue , ils alloient à l'école des Grammairiens
pour apprendre à bien prononcer,
à lire avec goût , & à pénétrer le
ſens des Auteurs. Ils commençoient par
bégayer le Grec avec ceux qui le parloient
bien ; enſuire ils le parloient avec
affurance , & enfin its l'écrivoient avec
grâce. Parmi nous , c'eſt tout le contraire
: on commence par compofer le Latin
, enſuite par l'interpréter , & on finit
par ne pouvoir ni le parler , ni l'écrire .
Les anciens Romains connoiffoient la
Grammaire , mais ils n'avoient garde de
s'en ſervir pour apprendre les Langues .
FÉVRIER. 1775. 109
Ils les apprenoient par l'uſage , & ſe perfectionnoient
dans leur connoillance par
l'étude des principes. Qu'on cherche tant
qu'on voudra , il n'y a point d'autre route
que celle-là , fur tout pour les enfans.
C'eſt en l'entendant parler , & en répétant
ce que nous avions entendu , que
nous avons tous appris notre Langue naturelle
: c'eſt de la même manière , &
uniquement de la même manière que
-nous pouvons apprendre les autres & le
Latin même . L'Auteur a joint à ſa Differtation
intéreſſante le tableau expofitif
des exercices pour les différens âges , &
une explication abrégée de chacune des
parties qui compoſent le plan. Les bons
Patriotes defirent qu'on ſe réuniffe enfin
pour fixer un ſyſtème d'éducation qui
ſoit uniforme pour le fond , & qui ſoit
cependant fufceptible de modification ,
relativement à la diverſité des talens naturels
, & des fonctions auxquelles les
jeunes gens font deſtinés .
Conſidérations ſur l'esprit militaire des
Gaulois , pour ſervir d'éclairciſſemens
préliminaires aux mêmes recherches
fur les François , & d'introductions à
Hiſtoire de France : par M. *** 2
Ca110
MERCURE DE FRANCE.
:
pitaine de Cavalerie , Chevalier de
l'Ordre Royal & Militaire de Saint-
Louis , de l'Académie Royale des Infcriptions
& Belles- Lettres .
Sicut in frugibus , pecudibusque , non tantum
femina ad fervandam indolem valent
quantum terræ proprietas coeliquefub quo aluntur.
T. Liv. 1. 38. c. 17 .

:
Vol. in 12 : à Paris , chez la Veuve
Defaint , Libraire , rue du Foin St-
Jacques .
:
ex-
Le principal objet de l'Auteur de ces
Conſidérations eft , ainſi qu'il s'en
plique lui même , de traiter dans une
fuite de Mémoires de l'eſprit militaire
des Francs & des François , depuis leur
origine juſqu'au règne d'Henri IV inclu-
•ſivement; c'eſt-à dire, de rechercher quels
ont été , par rapport à la guerre , leurs
qualités naturelles ou acquiſes , leurs
goûts ou leurs poſſeſſions , leurs principes
ou leurs préjugés , leurs loix ou leurs
uſages , leurs vices ou leurs vertus , &
de tâcher de faifir , dans leur génie &
dans leur tempérament militaire , les
traités moraux & phyſiques les plus
٠٤
1
FÉVRIER. 1775 . 111
4
7
distinctifs , ſans toucher à leurs moeurs
civiles & religieuſes , ni à leurs uſages
domeſtiques , ni aux détails de leur Gouvernement
, ſi ce n'eſt dans des cas où
ces objets auroient des rapports directs
&néceſſaires avec la guerre. L'Auteur
ne parle même de leur diſcipline , de
leur tactique , de leurs armes offenſives
& défenſives que par occafion , & pour
parvenir à des réſultats ; &, s'il eſt obligé
d'appuyer davantage ſur des expéditions
remarquables , ſur de grands événemens ,
fur des actes d'héroïsme ou de barbarie ,
fur des moeurs fingulières , fur des faits
relatifs au droit public ou à celui de la
guerre , il le fait avec la diſcrétion convenable
, moins pour narrer des faits que
tout le monde fait , que pour en tirer
des indications ou des preuves . En un
mot il s'attache uniquement au caractère,
au génie , à l'eſprit de guerre des Francs ,
fans les conſidérer per les autres côtés .
Ce travail exigeoit beaucoup de recherches
, une étude affidue & une vue exercée&
pénétrante ; car depuis tant de ſiècles
que la Nation ſubſiſte , ce caractère
n'a pas toujours été le même : tantôt
la cauſe, tantôt l'effet des révolutions arrivées
dans la conſtitution & dans la
fortune de l'Etat , il a néceſſairement
112 MERCURE DE FRANCE.
éprouvé des changemens fréquens qu'il
s'agit de fuivre ; il a dû fubir des formes
très variées qu'il faut distinguer , & marquer
, s'il eſt poſſible , le paſſage ou le
retour d'une forme à l'autre.
A l'égard de l'ordre qu'il convenoit
d'obſerver , l'ordre chronologique a paru
l'Auteur le plus naturel& le plus fimple .
Ainfi , dans un premier Mémoire il recherche
quels hommes de guerre étoient
les Francs depuis leurs premières courſes
dans les Gaules juſqu'à l'établiſſement
ſolide qu'ils y prirent ſous Clovis. Dans
les autres , l'Auteur parcourt de ſuite les
temps barbares de la première race de
nos Rois , les temps qu'il appelle bénéficiaires
, les temps féodaux , monarchiques
ou mixtes , & les tems purement
monarchiques , juſqu'au terme qu'il s'eſt
preſcrit.
Mais , ainſi que l'obſerve le ſavant
Académicien , Auteur de ces recherches ,
foit que la fable faſſe deſcendre les Francs
des Troyens , comme les Fondateurs de
Rome; ſoit qu'ils fuſſent venus de l'Illyrie
, ou de la Pannonie , ou des bords
de la Mer Baltique , ou de ceux de la
Mer Cafpienne ; ſoit que ce fuſſent d'an.
ciensGauloisTectoſages qui , après avoir
FÉVRIER. 1775. 113
couru une partie de l'Europe , revenoient
à leurs premiers foyers , il ſuffit de ſavoir
certainement qu'avant leurs conquêtes
dans les Gaules , ils habitoient depuis
long-tempsenGermanie ,&qu'ils étoient
véritablement Germains de langage , de
moeurs, de caractère . Ils ſe mêlèrent dans
la fuite avec les peuples conquis par les
alliances du ſang , par toutes les affinités
ſociales qu'établiſſent l'hospitalité , la Re
ligion , la défenſe d'une patrie devenue
commune , & formerent avec eux une
nation mixte , laquelle , réuniſſant les
traits de ſa double origine , laiſſoit à ſes
deſcendans le choix de ſe dire également
Gaulois ou Germains : d'où il ſuit qu'il
eſt indiſpenſable de commencer par donner
une idée du caractère militaire de
chacune de ces deux nations avant leur
mélange , afin de n'être plus obligé , en
fuivant les Francs , de remonter à tous
momens aux moeurs antiques de leurs
Pères.
Les Gaulois les premiers , les Germains
enfuite ſont donc l'objet de plufieurs
Mémoires préliminaires. L'Auteur
y ſuit également , mais en marchant plus
rapidement , l'ordre des temps , & le
plan qui vient d'être expoſé . Ces rechet114
MERCURE DE FRANCE.
ches peuvent ſervir d'introduction quelconque
à notre Hiſtoire de France ; du
moins quant à ſa partie principale , qui
n'offre que guerres continuelles , étrangères
ou domeſtiques.Avec quels yeux en
effet , avec quel intérêt peut-on lire nos
Faſtes , en les commencant par les grandes
conquêtes de Clovis , ou par les
tentatives de deux ou trois de ſes prédécefleurs
, ſi l'on n'eſt point inftruit d'avancedu
caractère & des moeurs militaires
des peuples conquérans & des peuples
conquis ? Comment juger de la nation
qui va réſulter des deux nations confondues
? Comment, ajoute le ſavant Académicien
, démêler , après l'incorporation
, les vices ou les vertus , le génie ou
les habitudes propres de l'une ou de l'autre,
& retrouver , ſi l'on peut parler
ainfi , la miſe & la contribution que
chacune d'elles doit apporter à la mafle
commune ? Une ſimple Préface , placée
à la tête d'une hiſtoire de France ne
pourra jamais donner des notions fuffiſantes
des ſiècles antérieurs. La curioſité ,
plus excitée que fatisfaite , voudra toujours
remonter aux origines , pour compléter
la ſérie hiſtorique d'un même tout ;
&certainement il ne faut ſe flatter de
FÉVRIER. 1775. 115
bien connoître les François , fur-tout des
premiers äges de la Monarchie , qu'à raifon
de ce qu'on aura plus étudié les Gaulois
, les Germains , & d'autres peuples
encore , dont le ſavant Académicien a
eu occafion de marquer l'établiſſement
dans les Gaules .
Avis aux femmes enceintes & en couches ,
ou Traité des moyens de prévenir &
de guérir les maladies qui les affligent
dans ces deux états : traduit de l'Anglois
de Charles White , Membre du
Collège de Chirurgie de Londres , &
Chirurgien de l'Hôpital de Mancheſter
& augmenté d'un traité ſur l'alaitement
maternel. Par M... Docteur en
Médecine , vol . in- 12 . A Paris , chez
Vincent , Imprimeur - Libraire , rue
des Mathurins , Hôtel de Clugny.
La plupart des femmes , aſſervies aux
préjugés , & obéiſſant aveuglément à l'uſage
, obſervent le plus mauvais régime
dans les temps qui précèdent , & qui fuivent
leur accouchement, Il eſt donc intéreſſant
de leur faire connoître , autant
pour leur propre utilité que pour celle
du fruit qu'elles portent dans leur ſein ,
116 MERCURE DE FRANCE .
le genre de vie auquel elles doivent alors
préférablement ſe livrer , & de leur enſeigner
les moyens capables de prévenir
les maux qu'elles ont tant à craindre.
On commet auſſi tous les jours les fautes
les plus graves dans le traitement des
fièvres de couches ; elles ſont ſans doute
la cauſe des malheurs ſi fréquens qu'on
voit arriver , & on ne peut eſpérer de
les rendre plus rares , qu'en rectifiant les
idées ſur un point ſi eſſentiel , & en tra
çant la route qu'il faut tenir pour éviter
les écueils où vont échouer ordinairement
tous les efforts d'un are mal entendu.
C'eſt le double objet que le favant
Traducteur de M. White s'eſt propofé
, en contribuant à faire connoître le
traité du Chirurgien Anglois.Cet habile
Praticien s'applique principalement dans
fon Traité à combattre deserreursdangereuſes,
& qui ne font pas moins répandues
en France , que dans le pays où il écrit,
Il prouve victorieuſement à celles qui
font l'objet de ſon travail , que la conduite
qu'elles tiennent lorſqu'elles font
enceintes , ou après leur accouchement ,
contribue beaucoup à leur procurer les
maux dont elles ſont ſouvent les victimes.
Il montre aux perſonnes de l'art
FÉVRIER . 1775. 117
les armes qu'elles doivent employer pour
les combattre : enfin , c'eſt ſur les autorités
des Médecins les plus célèbres , &
fur l'expérience , qu'il poſe les fondemens
d'une doctrine qui eſt , à la vérité ,
celle que pluſieurs Praticiens diftingués
ont adoptée , mais qu'il a , plus que tout
autre , développée & miſe dans un jour
propre à lui faire un grand nombre de
Sectateurs .
Le Traducteur de ce bon Ouvrage ,
dans la vue de remplir avec plus de fruit
l'objet d'utilité qu'il s'eſt propoſé en le
publiant , a joint à l'écrit de M. White
un Traité ſur l'alaitement maternel , &
il le publie en formant des voeux ardens
avec tous ceux qui s'intéreſſent vivement
au bien de l'humanité , pour que les mères
, plus pénétrées de leurs obligations ,
alaitent leurs enfans .
Mémoires & Obfervationsfur la perfectibilité
de l'homme , dédiés à M. de Sartine
, Recueil IV , contenant un nouveau
Tableau analytique de la vérité :
ParM. Verdier , Docteur en Médecine
Inſtituteur , Phyſicien , &c Prix , 24
Cols à Paris , & 30 fols franc par la
Poſte dans tout le Royaume.
118 MERCURE DE FRANCE .
M. Verdier , après avoir expoſé ſes
vues en grand dans ſes trois premiers
Recueils , commence à les particularifer
dans celui-ci. Pour préſenter dans un plus
grand jour les idées reçues & celles qu'il
doit leur oppofer , il produit ſur la ſcène
un Etudiant en Philoſophie , dans la bouche
de qui il met une analyſe exacte des
Cahiers d'un des plus habiles Profefleurs
que la France ait eus ; un jeune Profeffeur
de Philofophie , qui leur oppoſe ce
que les Philofophes ont obſervé pour &
contre la doctrine des Ecoles ; & enfin
un Inſtituteur qui ſert d'organe à l'Auteur
pour produire ſes réflexions , ſes obſervations
& ſes conjectures-
Dans un premier entretien , M. Verdier
oſe venger la Philofophie des coups
qu'on vouloit lui porter. Ce n'eſt point
la Philofophie en général qu'il défend ,
c'eſt la Philofophie même des Modernes
, contre laquelle porte ſpécialement
l'eſpèce de conſpiration qui s'eſt élevée
contre les Philofophes. L'Auteur ne prétend
pas juſtifier les erreurs de ceux- ci ;
mais , en faiſant obſerver que ce ne font
que de vieilles erreurs , réfutées mille
fois , il démontre combien la Philofophie
moderne peut être utile au miniſtère de
FEVRIE R. 1775. 119
Dieu & des Rois , par les inventions
&découvertes dont elle a enrichi la ſomme
des connoiſſances , & pour mieux
faire voir le triomphe de la Philoſophie ,
il la préſente fur le trône. » O vous , dit.
>> il , qui aurez occaſion de préſenter aux
> Nations le tableau des vertus de notre
>> jeune Roi , craignez de l'altérer , en
>> repréſentant le Monarque comme l'en-
> nemi de la Philofophie. Il eſt inſtruit ,
>> il veut encore s'inſtruire : il a déclaré
>> la guerre à l'erreur, il profcrit les mau-
» vaiſes moeurs ; il eſt donc amateur de
>>la ſageſſe , il est donc Philofophe ; il
>> eſt donc plus que Philoſophe , il eſt
>> ſage. Platon a dit que les peuples ſe-
>> rotent heureux , lorſque les Rois ſe-
>> roient Philofophes , ou que les Philo .
» ſophes feroient Rois , & tout l'Univers
>> a aplaudi à cette maxime. Annoncez
>> aux François qu'elle eſt accomplie : fai .
>> tes-leur voir leur Couronne fur la têre
>> d'un Philoſophe , & tout le monde
>> vous entendra , tout le monde recon-
>> noîtra le Prince : à ce ſeul trait tout le
>> monde pourra achever ſon tableau .
Après cet entretien préliminaire , l'Auteur
diſcute dans un autre les caractères ,
les eſpèces & l'uſage de la vérité. En trai.
120 MERCURE DE FRANCE.
tant cette matière en Phyſicien , il offre
fur les vérités une doctrine ſouvent contraire
à celle que nos Métaphysiciens
ont fait adopter. Ildonne enſuite un nouveau
Tableau analytique des vérités par
claſſes , ordres , gentes & eſpèces. Il finit
par l'Hiſtoire Littéraire de ſa Maiſon d'éducation.
Dans ce récit on voit l'expérience
commencer à réaliſer les ſuccès
qu'il avoit fait eſpérer par ſon ſavant
Profpectus . On y voitun petit pareſſeux
de onze ans faire deux claſſes en neuf
mois par fa méthode. On y voit l'analyſe
développer avec facilité la mémoire &le
jugement des enfans dès l'âge le plus
tendre. On y voit des eſprits légers ou
peſans , qui ont réſiſté aux méthodes d'uſage
, ne pouvoir tenir contre des procédés
nés de l'alliage induſtrieux de l'analyſe
& de la ſynthèſe. Mais ce n'eſt
point ſeulement pour recommander l'art
de M. Verdier , que ce nouveau genre
d'obſervations peut être utile : il en peut
former les principes , & fervir à tracer
par l'expérience les différentes routes que
l'Inſtituteur doit parcourir pour développer&
corriger les différens tempéramens,
génies& caractères.
Obfervations
FÉVRIER. 1775. 121
Obfervationsfur les devoirs & les fonctions
d'un Médecin , &fur la Méthode deper-
• fectionner l'Histoire Naturelle , par le
Docteur Grégory , Profeſſeur de Médecine
dans l'Univerſité d'Edimbourg ,
traduites de l'Anglois par M... brochure
in- 12 de 150 pages. A Edim
bourg, & fe trouve à Paris chez Stoupe
Libraire & Imprimeur rue de la
Harpe .
Cet Ouvrage contient deux Diſcours
que leDocteur Grégory a prononcés dans
Univerſité d'Edimbourg : le premier
renferme des vérités intéreſſantes pour
les Médecins. Il y eſt queſtion du genre
d'efprit & du caractère que doit avoir
celui qui ſe deſtine à la Médecine , des
qualités morales qui lui conviennent , de
la conduite qu'il doit tenir envers les
malades , de l'éducation qu'il doit avoir
reçue , & des connoiffances qui lui font
néceſſaires. Le ſecond discours expoſe la
vraie méthode qu'on doit fuivre en étudiant
la Médecine , & nous fait connoître
les cauſes & les abus qui ont retardé
ſes progrès . Ces deux diſcours firent la
plus vive ſenſation fur l'Auditoire , &
on en recueillit pluſieurs copies , fur
F

122 MERCURE DE FRANCE.
l'une deſquelles aété faite la traduction ,
qui mérite d'être bien accueillie.
Le Docteur Grégory donne une haute
idée de ſa profeffion ,& foutient que c'eſt
celle qui demande le plus degénie. » Il y a
>> dans toutes les autres,conſidérées comme
>>des ſciences , des loix & des principes
>> fixes qui fervent à décider tous les cas
»qui ſe préſentent;&ilne faut que de
>>l'application & de la mémoire pour en
>>acquérir la connoiſſance. Le moindre
» génie ſuffit pour y réuſfir , parce qu'il
» n'eſt queſtion ni d'inventer , ni de per-
» fectionner , & qu'il fuffit d'adhérer aux
>> principes & aux loix établies , foit qu'el-
>> les foient bonnes ou mauvaites. L'ef-
>> prit ne peut s'exercer que dans les cas
>>où elles font douteuſes , & pour lors
>> même on s'en rapporte à la décifion des
>> Juges : il n'en eſt pas de inême dans la
» Médecine. Nous n'avons aucune au-
>> torité à qui nous puillions recourirdans
»les cas douteux ; chacun eft obligé de
>> s'en rapporter à ſon propre jugement ,
» en attendant que la Nature & l'expé-
>> tience lui aient appris s'il a raifon ou
> tort. Un Médecin , après avoir chargé
>> la mémoire d'une infinité de faits &
>> de ſyſlêmes , doit avoir affez de jugeFÉVRIER
. 1775. 123
>>ment pour diftinguer ceux qui font
>> vrais de ceux qui ne doivent leur ori
>> gine qu'à l'ignorance, la fraude & les
>> caprices d'une imagination échauffée ,
»& les faits intéreſſans de cenx qui ,
» quoique vrais , lai font inutiles pour la
>> fin qu'il ſe propoſe . Mais ce qu'il y
a de plus eſſentiel pour le Médecin , c'est
l'uſage qu'il doit faire de ſes connoiffances
dans la pratique , connoitlances
auſſi étendues que variées , Anatomie ,
Chimie , Botanique , indépendamment
de celles qui tiennent directement à fon
art. Ces connoiſſances peuvent elles tou
jours conduire à la certitude ? Y at il
affez de vérités connues en Médecine ,
pour ofer établir une théorie générale ?
Connoît- on parfaitement l'eflence de
toutes les maladies ? Avons - nous une
idée complette du dérangement qui
peut arriver , ſoit aux parties folides ,
foit aux humeurs qui concourent à la
conſervation du corps humain? Trouve-
t-on de l'uniformité dans les obfervations
qui ont fervi à indiquer le
changement qu'on doit produire fur les
parties , pour les rétablir dans leur état
naturel ? At-on pa par l'analyſe & les
autres fortes d'expériences , connoître
mieux la Nature& la compoſition interne
F
124 MERCURE DE FRANCE.
des médicamens ou des corps naturels
que l'on emploie pour opérer ces changemens
? Ne ſommes nous pas auffi in
certains , quand il s'agit de connoître les
cauſes des effets qui s'ofèrent au dedans
de nous-même , que lorſque nous recher
chons les caufes premières de tous les
phénomènes de la Nature ? Queſtions qui
ne feront bien réſolues , que lorſque les
Médecins qui ont le plus pratiqué & le
mieux vu , voudront bien tranſmettre à
la poſtérité toutes leurs obfervations ;
qu'on mettra à l'écart tout ce qui n'eſt
qu'hypothèſe ; qu'on aura rejeté le ſyftême
de vouloir tout généraliſer , tout
fimplifier , & rendre raiſon de tout par
une même cauſe; qu'on n'époufera aucune
ſecte , & qu'on aura raſſemblé &
arrangé, avec la plus grande exactitude ,
toutes les connoiſſances expérimentales
& naturelles de tous les temps & de
tous les pays : cette collection faite
chaque remède indiqué guérira t-il infailliblement
chaque eſpèce de maladie ?
Trouvera- t- on quelque ſubſtance qui pût,
en conſervant à nos fibres la ſoupleſſe
convenable , & à nos humeurs cette
intégrité qui est néceſſaire pour leurs fonc
tions , reculer la vieilleſſe ,& retarder le
dépériſſement & la mort ? Les Médecins
FÉVRIER. 1775. 125
modeſtes & fincères affurent que leur arc
n'eſt point ſuſceptible de cette perfection
, & qu'ils font forcés de fe conten
ter ſouvent de probabilités. Ils ne ſauroient
déſavouer qu'il y a une forte d'incertitude
inſéparable de leurs meilleurs
médicamens : en effet tel remède qui
aura réuſſi cette année , n'aura pas lemême
ſuccès l'année qui ſuivra. La diverfité
preſqu'infinie des tempéramensdonne
lieu à une diverſité d'effets qui échappent
ſouvent à la ſagacité la mieux exercée.
Les maladies qui ſe maſquent , &
qui ſe compliquent , jettent le Médecin
le plus habile dans des perplexités inévitables.
Un remède qui eſt excellent dans
le moment de la criſe , produit les effets
les plus ſiniſtres , ſi la criſe ceſſe ſubitement
avant que le remède air produit fon
effet. Ce ne font pas là les ſeules circonftances
qui s'oppoſent aux ſuccès qu'ambitionne
un Médecin également habile
& compatiſfant , & nous n'en devons
pas moins reſpecter une profeſſion qui
rapproche le plus l'homme de la Divi
nité.
Cérémonial du facre des Rois de France ,
précédé d'une Diflertation ſur l'ancien
Fiij
126 MERCURE DE FRANCE.
neté de cet acte de Religion ; les motifs
de ſon inſtitution , du grand appareil
avec lequel il eſt célébré : &
fuivi d'une Table chronologique du
Sacre des Rois de la ſeconde & troifième
Race . A Paris , chez Deſprez ,
: rue Saint- Jacques. :
Le Sacre de nos Rois eſt la cérémonie
la plus folennelle que la Religion ait
établie , pour rendre nos Monarques refpectables.
Tout ce que la Majesté Rovale
a d'auguſte , ce que les richeſſes des Rois
peuvent offrir de pompeux , & tout ce
qui peut frapper les yeux par la magni.
ficence, y elt étalé. I es ornemens inêmes
qui reverent & décèrent les premières
dignités du Royaunie , excitent l'éronnement
par ce qu'ils ont d'extraordinaire
&d'éleigné de nos moeurs , & nous rewacentdes
ufages vénérables par leur antiquité.
L'Elite de la Nation , formée
des divers Ordres de l'Etat , s'y trouve
raffemblée ;les Corps Militaires les plus
distingués , qui environment le lieu , annoncent
la force , la puiſſance , la ſupériorité
, & tout ce ſpectacle porte enfin
dans l'amé des Sujets la plus grande vé,
mération pour leur Souverain. Telle eſt
4
1
FÉVRIER. 1775. 127
ς
l'idée que l'Auteur de cette Collection
nous donne de la folennite de cette auguſte
cérémonie, dont tout fidèle Sujet
voudroit pouvoir être ſpectateur. On
trouve dans cet Ouvrage la réunion de
toutes les circonstances qui précèdent ,
qui accompagnent & qui fuivent cette
cérémonie. Les prières qu'on y récite, ont
éré traduites pour la première fois , & fe
trouvent dans ce nouveau Recueil. On
verra avec édification ce que l'Eglife der
mande à Dieu pour le bonheur préfeat &
à venir du Souverain qui nous gouverne ,
&dont toutes les vertus ferviront à rehauſſer
la ſplendeur de l'Empire François.
Dictionnaire de la Nobleffe , contenant
les Généalogies , l'Histoire & la.Chro.
nologie des Familles Nobles de France,
l'explication de leurs Armes , &
l'état des grandes Terres du Royaume
, aujourd'hui poſſédées à titre de
Principautés , Duchés , Marquifars ,
Comtés, Vicomtés , Baronnies , &c.
par création, héritages , alliances , do.
nations , ſubſtitutions , mutations ,
achars ou autrement. On a joint à ce
Dictionnaire le Tableau Généalogique-
Hiſtorique des Maiſons Souveraines
de l'Europe , & une Notice
Fiv
128 MERCURE DE FRANCE.
1 des Familles étrangères , les plus anciennes
, les plus nobles & les plus
illuftres. Par M. de la Chenaye-Defbois
, feconde Edition , Tome VIII.
Ce Volume , comme les précédens ,
renferme beaucoup de grandes Maiſons
du Royaume , & pluſieurs des pays étrangers;
il renferme auſſi l'hiſtorique de
tous les biens titrés . La lettre Lqui com.
mencedans ce Volume , & ne finira que
dans le neuvième actuellement ſous pref.
ſe , ainſi que la lettre M, fur laquelle on
travaille , font très abondantes , & plufieurs
du reſte de l'alphabet fourniront
authi beaucoup. On ne préſutne pourtant
pas que cette Collection contienne plus
de 14 Volumes , ſans la Table générale,
où chacun ſe trouvera en ſon rang , avec
l'indication du Tome &de la page .
Pour ſeconder le Libraire dans ſon entrepriſe
, il a beſoin du fecours des Soufcripteurs
, & de leur exactitude à retirer
chaque Volume à meſure qu'il paroît.
On va trouver dans celui - ci le reſte
de la lettre H, I, K & le commencement
de la lettre L. Le reſte de celle- ci
forme plus de moitié du neuvième tome,
dans lequel entrera MA en partie .
On foufcrit toujours chez l'Auteur ,
FÉVRIER. 1775. 129
(M. de la Chenaye Desbois , rue St André
des Arcs , à côté de l'Hôtel d'Hollande ) ,
& chez Antoine Boudet , Libraire . Inprimeur
du Roi , rue Saint-Jacques à Paris.
Il faut affranchir les Lettres comme
les Mémoires que l'on adreſſe ſoità l'Auteur
, ſoit au Libraire .
On a averti , & on avertit encore que
l'on n'admet point à acheter ou à fouferire
pour un Volume ſeul , ni pour quelques
Volumes ſeulement , en quelque
nombre que ce ſoit, mais uniquement
pour tout l'Ouvrage entier , & que ceux
qui ſe préſentent doivent commencer par
prendre les huit Volumes qui paroiffent,
ſouſcrire pour les ſuivans , &que la foufcription
conſiſte à payer deux Volumes
d'avance , dont on ne tiendra pas compte
, ſi on ceſſe.
Robinson dans ſon Iſle , vol. in-12 , a
Londres , & ſe trouve à Paris , rue St
Jean de Beauvais , la première porte
cochère au deſſus du Collége.
Robinson Crufoé dans ſon île , ſeul ,
dépourvu de l'aſſiſtance de ſes ſemblables
& des inſtrumens de tous les arts
pourvoyant cependant à ſa ſubſiſtance ,
Fv
130 MERCURE DE FRANCE.
fa confervation , & fe procurant même
une forte de bien être : voilà un objet intéretfant
pour tout âge , & qu'on a inille
moyens de rendre agréable aux enfans.
» Ce Roman , ajoute l'Auteur d'Emile ,
débarraffé de tout fonta ras , commen.
>> çant au naufrage de Robiofon près de
ton ifle , & fintfant à l'arrivée du vaif-
>> ſeau qui vient l'en titer , fera tout à- la-
>fois l'amusement & l'inſtruction d'E-
» mile. Je veux que la tête lui en tourne ,
➤ qu'il s'occupe fans celle de ſon châ
> teau, de ſes chèvres , de ſes plantations,
»qu'il apprenné en détail, non dans les
>> livres , mais fur les chofes , tout ce
»qu'il faut ſavoir en pareil cas ; qu'il
>> penſe être Robinfon lui- même , &c .
Cette réflexion de l'Auteur d'Emile a pu
donner l'idée d'abréger le Roman,de
Robinfon . Mais le Rédacteur ſe contente
d'avouer dans la Preface quela prolixité
de l'Original Anglois, la hardioffe de
pluſieurs maximes , la vétuſté de la Traduction
Françoiſe , lui ont fait naître la
penſée de raccourcir ou de rectifier cet
Ouvrage. Cette rédaction , publiée il y a
déjà quelques années , doit ſe trouver en.
tre les mains de la jeuneſſe , & c'eſt dans
Certe vue que nous en annonçons aujourd'hui
la réimpreffion.
FÉVRIER. 1775. 138
Journal historique & politique des principaux
événemens des différentes Cours
de l'Europe. A Genève , & à Paris ,
chez Lacombe , Libraire , rue Chrif
tine...
CeJournal eſt composé de 36 cahiers
par an , qui paroiſſent ſucceſſivement les
10, 20 & 30 de chaque mois ; prix, rendus
francs de port dans tout leRoyaume ,
18 liv .
Nous avons déjà parlé de ce Journal
dans le premier volume de Janvier ;
nous nous proposons d'annoncer dans cet
extrait le difcours hiſtorique& politique
que le Rédacteur eſt dans l'uſage de mettre
à la tête du premier cahier de chaque
année. Quelques morceaux que nous nous
contenterons de citer, ſuffiront pour faire
connoître combien l'homme de lettres,
qui rédige ce Journal , a de vues ſages &
profondes en politique , combien fon
ſtyle eſt pur , foigné , & toujours proportionné
au ton des choses qu'il traite;
combien enfin, comme Orateur & conme
Journaliſte , il eſt ami de la vérité ,
&guidé par cette raiſon ſupérieure qui
s'élève au deſſus des préjugés, & qui
fait apprécier les cauſes& les événemens.
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
Ce diſcours roule ſur les principaux
évén mens de l'année 1774; voici fon
début:
"Tout est révolution dans la politi-
>> que : c'eſt un théâtre où chaque Puif-
>> fance vient ſucceſſivement étaler le
>> ſpectacle de ſes triomphes & celui de
>> fon humiliation. Tour à tour redou-
> tables & languiſſans , fiers & abattus ,
>> téméraires & circonſpects , ambitieux
» & modérés , on voit tous les peuples
> paffer & revenir ſans ceſſe des ſuccès
>> aux déſaſtres , de la honte à la gloire .
» Au premier coup- d'oeil jeté ſur le
>> torrent des viciffitudes politiques , on
>>feroit tenté de croire qu'une aveugle
>> deſtinée préſide à ces alternatives éter-
>>nelles de foibleſle & de force , de pro-
>> grès & de décadence : mais pour peu
>> qu'on en approfondifle l'hiſtoire , il eſt
«aiſé de ſe convaincre que la fortune &
le hafard ne font que de vains fantô-
>> mes que l'ignorance à conſacrés , des
>> mots vuides de ſens qu'elle appelle à
>> fon fecours pour rendre raiſon des évé-
>> nemens dont le principe échappe à fa
>> vue incertaine & bornée » .
L'Orateur développe cette vérité que
dans tous les temps, dans tous les lieux ,
FÉVRIER. 1775. 133
les mêmes cauſes ont produit conſtamment
les mêmes effets. Juſques dans ſes
plus étranges révolutions, la politique eſt
foumiſe à des loix conſtantes. C'eſt un
fait atteſté par mille exemples frappans ;
il ne s'agit , pour s'en convaincre , que
d'ouvrir les faſtes de ce ſiècle , un des
plus féconds en événemens extraordinai.
res . Les ſuccès & les malheurs de Louis
XIV; les victoires & les revers de Charles
XII , les défaites & la ſageſſe du Légiſlateur
des Ruſſes ſont appelés en témoignages
. En continuant à parcourir la
chaîne des événemens politiques de ce
ſiècle , pour arriver à ceux qui fixent aujourd'hui
l'attention de l'Europe , l'Orateur
fait voir toujours les ſuccès & les
revers naître des mêmes caufes dont il a
développé l'inquence. Il trace le portrait
de Louis XV avec beaucoup d'intérêt &
de vérité : « Quels profonds hommages
>> la poſtérité éclairée ne rendra t-elle pas
» à la mémoire d'un Monarque ſenſible
>> & humain , qui ne laiſſa tomber de ſon
>> char triomphal que des regards de paix
ſur ſes rivaux humiliés ; qui ſoupira ,
>>après les avoir vaincus , de la néceffré
>>>de les vaincre encore ; & ne courut à
>> de nouveaux triomphes , que pour
134 MERCURE DE FRANCE.
» mieux appren fre aux Rois à dédaigner
» des conquêtes artoſées du fang de leurs
» Sujets ? .
L'Auteur fait voir de quelle manière
les Ruffes font parvenus à figurer avec
éclat ſur la ſcène politique. « Ce fut
>l'ouvrage d'un ſeul homme , dont le
>>génie fut donner à la grandeur nailfan
te de cet Empire des fondemens ſi fo
>>lides , qu'aucune fecouſſe intérieure
» n'a pu l'ébranl r. On fait, depuis la
>> mort de Pierrel , à combien de révolutions
ſon Trône a été en proie ; &
» c'eſt au milieu même de ces agitations
» que la Ruffie n'a ceflé de s'accroître.
■ Quand on enviſage les progrès qu'elle
> a faits depuis cinquante ans, quelle
>>idée peut on avoir des Cours voitines
>> qui , par de petites vues d'intérêt par-
>> ticulier & momentane, ofent concou
>> tir à fon agrandiffement. Art militaire ,
>> marine , légifl tion , commerce , agri-
>> culture, induſtrie , tout est encouragé ,
>> tout ſe perfectionne de jour en jour
>> dans cet Empire. Il ſemble qu'en faiſant
>>revivre le gérie &les fublimes deſſeins
» du créateurde la Nation , Pimpératrice
>>regnante ſe ſoit proposé d'effacer fon
>>>modèle ».
ÉVRIER. 1775. 135
» Quel contraſte entre l'état actuel d'un
» peuple qui s'élève avec cette rapidité ,
» & celui de l'Empire Turc , dont la dé
cadenceparoît ſi ſenſible & fiprompre!..
C'est dans ce diſcours même qu'il faut
fuivre les raiſons politiques de cette décadence;
c'eſt une grande leçon pour les
Nations qui négligent , dans leurs polpérité
, les moyens par lesquels elles
font arrivées à leur grandeur; nous ne
pouvons faire connoître que très-foiblement
les grandes idées & le beau plan
de ce diſcours , que nous terminerons
par cette obſervation , qui en eſt comme
le réſultat.
>>Si le projet d'une paix perpétuelle
> pouvoit le réaliſer en Europe , elle
>naîtroit fans doute cette paix heureuſe,
>>des réflexionsque préſentent l'inutilité
» de la plupart des güeries& le danger
>>des conquêtes. Indépendamment des
> refforts que la politique fait mouvoir
> pour abattre les Puiſſances qu'elle voit
> prendre un effor menaçant; il ſemble
>>que la Natore ait marqué à chaque Etat
>>des bornes qu'il ne faurois franchir fans
> énerver ſes forces . Les revers d'ailleurs
* portent avec eux , auffi bien que les
>> ſuccès, un principe d'inconſtance qui
136 MERCURE DE FRANCE.
>>> en arrête le cours, Tôt ou tard une
>>Puiſſance réfléchit ſur ſa ſituation; en
>>fondant la profondeur de ſes bleſlures
>> elle en recherche la cauſe ; & , dès
> qu'elle l'entrevoir , elle court au remè-
>>de. Ainſi il n'y a point de diſgrâce dé-
>>ſeſpérée, parce qu'il n'en eſt aucune
>> dont on ne puiffe ſe relever avec du
>> courage & le temps. Les corps politi-
>> ques ne font point ſujets , quoi qu'on
>>en dife , à la loi qui condamne les
>>corps naturels à une deſtruction iné-
>> vitable. Ils peuvent s'élever & dé-
>> choir ; & fe relever encore pour par-
>> courir de nouveau le même cercle de
>>>révolutions » .
Almanach de Versailles , année 1775;
contenant une deſcription de cette
: Ville , la Maiſon duRoi , ſes Officiers ,
les Maiſons de la Famille Royale , les
Bureaux des Miniſtres , la Prévôté de
l'Hôtel , le Gouvernement de la Ville ,
une notice des principaux Marchands
& Négocians qui y font établis , &c .
ouvrage utile aux perſonnes qui y de.
meurent & à celles qui font néceflitées
à y avoir correſpondance. A Verfailles
, chez Blaizot , Libraire , & chez
FÉVR: IER. 1775. 137
les Libraires de la Ville ; à Paris , chez
Valade & Deschamps , Libraires , rue
St Jacques.
* Réflexionsſur les avantages & la liberté
d'écrire &d'imprimer fur les matières de
l'administration , écrites en 1764 à
l'occaſion de la Déclaration du Roi du
28 Mars de la même année , qui fait
défenſe d'imprimer , débiter aucuns
écrits , ouvrage ou projets concernant
la réforme ou adminiſtration des Finances
, &c. Par M. l'A . M.
Ingenia studiaque facilius oppreſſeris , quam
revocaris.
Tacit. Agricola.
A Londres , & ſe trouve à Paris , chez
les Frères Etiennes , Libraires , rue
St Jacques , à la Vertu.
Le mérite de cet ouvrage répond à
l'importance du ſujet; il eſt auſſi bien
écrit que bien penſé , & l'Auteur ne tombe
jamais dans les déclamations qu'un
pareil ſujet aurait ſi facilement fournies
*Article de M. dela Harpe. 1
138 MERCURE DE FRANCE.
au commundes Ecrivains, lei l'on trouve
pourtant la raiſon & la conviction . L'Auteur
traite ſa matière en homme déſintéreſſé
, ou plutôt en Citoyen qui n'a d'au
tre intérêt que le bien public. Il com
mence par ſe faire cette queſtion : Savons-
nous tout ? Sommes-nous bien ? II
pafle en revue les principes d'erreurs
qu'ont adoptésjuſqu'ici la plupart de ceux
qui ont écrit ſur l'adminiſtration. « Les
>> uns ont vu , comme fon unique objet ,
> l'acquiſition de l'or & de l'argent ,
> qu'ils ont regardés fauſſement comme
» l'unique , ou au moins , comme la plus
>>importante richeffe , & ont propoſé
>> d'immoler à cette chimère les droits
>>>les plus ſacrés des Citoyens , la pro .
» priété des biens & le libre exercice de
l'induſtrie humaine. D'autres , ſe jetant
>dans une erreur oppoſée , moraliſtes
>> auſſi peu éclairés qu'auſtères, ont cru
> ramener l'homme au bonheur par les
>> privations ; &, pour rendre hommage
>>à la Nature , ont blafphêmé la fociété ,
>>qui n'eſt que le développement & le
perfectionnement de la Nature elle-
>> même. Séduits par l'exemple équivo-
> que d'un peuple qui conſacre dans fa
>>légiflation une partie de la férocité de
FÉVRIER. 1775. 139
>>l'état ſauvage , ils ont arraché l'homme
>> aux douceurs des jouiſſances , aux arts
> qui embelliffent la vie ; & , pour l'avan-
> tage prétendu de cet être abſtrait appelé
>>fociété , ils ont privé les individus qui
>>la compoſentdes biens dont la poffef-
>> fion fut l'objet de la formation même
»des ſociétés ».
>> Ceux- ci , plus aveugles encore , ont
> dirigé tonte l'économie à l'accroiffe
> ment de la puiſſance politique , comme
fi les hommess'etaient retirésde lavie
• ſauvage & de l'état de guerre pour être
>> féroces en corps de Nation , & non pas
>> pour goûter les douceurs de la paix que
> l'état focial doit affurer non ſeulement
> aux individus de la même ſociété y
• mais à la grande ſociété des Nations.
>> D'autres enfin ont porté toutes leurs
>>vues vers la population. Ils ſe font oce
>> cupés de multiplier les hommes pour
• le gouvernement , comme Thomme
» lui-même multiplie un vil hétail pour
>> fervir à ſes beſoins & à fes plaiſirs " ...
: De toutes ces erreurs, plus ou moins
accrédités , l'Auteur conclut que l'on e
encore bien loin de s'accorder fur les
vrais principes de l'économie politis
que , & qu'on ne peut parvenir à des
140 MERCURE DE FRANCE.
réſultats généralement adoptés qu'en expoſant
aux yeux du public éclairé une
diſcuſſion libre , faite pour attirer l'attention
de tous les bons Citoyens. Il envifage
dans cette liberté un avantage particulier,
qui nous paraît bien obſervé. « II
► y a une ſource d'inſtructions pour le
>>public & pour le gouvernement que les
> écrits ſeuls peuvent ouvrir , & dont la
> ſociété peut tirer le plus grand avantage
, je veux dire la converſation. On
n'y réſoud pas des problêmes d'aſtro-
>> nomie & de géométrie : mais tout ce
» qui eſt da reffort de la philoſophie y
>> eſt ramené à chaque moment. La dif-
>>cuffion fait naître des idées qu'on n'au-
>> rait pas acquiſes en pluſieurs années de
>> travail , & qui ſe placent ſans effort
>> dans l'eſprit. Lamanière dont un autre
> voit l'objet dont vous vous occupez ,
>> étant ſouvent différente de la vôtre ,
» vous la fait regarder ſous des faces
>> nouvelles. Les difficultés qu'on vous
>> oppoſe vous font connaître le faible
>> de votre opinion , ou , fi vous pouvez
>> les réſoudre , y donnent un nouveau
>> degré de ſolidité. La converſation vous
>> donne une attention vive & rapide qui
> nous fert quelquefois plus utilement
FEVRIER. 1775. 141
> que la méditation même ; celle ci fa-
>> tigue quelquefois , & , lorſqu'après
» s'être portée pendant quelque temps
>> ſur le même objet , elle n'y trouve plus
>> rien à quoi elle puiſſe ſe prendre , alors
>> la converſation vient au ſecours de
>> l'eſprit épuiſe. Or l'effet des écrits pu-
>blics ſur l'adminiſtration eſt de tour-
» ner la converſation ſur des matières
>> d'économie politique, Alors les en-
>> tretiens des perſonnes inſtruites roulent
>> fur ces objets intéreſlans.On examine ,
» on dispute , on attaque , on défend ;
» on voit naître la lumière du choc des
>>idées & des opinions » .
Il faut avouer que ce principe eſt bien
oppoſé à celui qu'à établi M. de Ruliere
dans ſa charmante pièce des Disputes .
Plus on a diſputé , moins on s'eſt
éclairci. Cependant il ſe pourrait que M.
l'A. M. & M. de Ruliere euſſent tous les
deux raifon . Il eſt bien rare en effet que
les diſcuſſions ou les diſputes , ce qui eſt
4 ſouvent la même choſe , finiſſent par
un réſultat clairement reconnu. Mais il
arrive auſſi que chacun des difputans &
des écoutans emporte chez foi de nouvelles
idées qui lui fervent à réctifier les
Gennes,
142 MERCURE DE FRANCE.
On oppoſe aux écrits publics les mémoires
particuliers adreſſés aux Miniftres.
Voici, ce que répond à ce fajerM.
FA. M. « Je veux bien ſuppoſer qu'à
ود
défaut d'ouvrages imprimés , de bons
رن mémoires manufcrits fuffiraientà l'inf
„ truction du Ministère. Au moins faudrait-
il être bien sûr d'en obtenir de
bons. Or la loi du ſilence qui multiplie
>> les écrits , tend à diminuer le nombre
» des bons . Combien de fois arrive-t-il
» qu'un homme inſtruit ou ne trouvera
> pas d'accès auprès du Miniſtre ; ou ne
» voudra pas jouer le rôle d'un homme
» à projets , ſi ſouvent ridicule; ou ne
croira pas devoir employer ſon temps
>> à un travail dont le ſuccès dépendra de
» l'approbation d'un ſeul homme ; ou
>>enfin ne voudra pas s'occuper de ces
objets , s'il n'eſt animé par le motifde
>> la réputation& de la conſidération pu-
>>blique. Les hommes inftruits veulent
>>inſtruire , mais à leur manière. En con-
رد facrant leurs veilles à des ouvrages
>> utiles , ils veulent en recueillir la pre-
>> mière & la plus Aatteuſe de récompenfes,
l'eſtime & la conſidération , qui
sne font accordées qu'aux travaux pu-
» blics. Un homme qui a des vues fuc
FÉVRIER. 1775. 143
les matières de l'adminiſtration , veut
avoir pour juges & pour approbateus
>> fes contemporains& la poſtérité. Que
> ſubſtitue-t-on à ces motifs puiſſans qui
> ont animé les bons Ecrivains de to s
• les ſiècles?L'eſpérance incertaine d'être
>> goûté d'un homme en place, l'eſpérance
> plus in ertaineencore de voir quelques
>>unes de ſes idées adoptées pour un mo.
>> ment & oubliéesavec leur Auteur .Avec
• ces petits motifs onne ſaura jamais faire
» que de petites choſes. Si Monteſquieu
>> ayant encore l'Esprit des Loix dans ſon
> porte feuille , un Miniſtre lui eût dit :
>>Monfieur , votre ouvrage eſt bon , mais
> nousne voulons pas le rendre public;
>> donnez le nous , nous en profiterons :
» que croit on qu'eût fait cet homme cé
> lèbre ? Que feraient dans une pareille
» circonstance les perſonnesiles plus tous
>> chées de l'amour du bien public ? A
>>ces conditions , quel homme eût re-
>> noncé à la réputation que l'Eſpritodes
>> Loix devrait acquérir à fon Orateur
» dans toute l'Europe ? Enfin quel hom-
» me , prévoyant que fon ouvrage doit
»demeurer àjamais ignoré , prendra la
> peine de s'occuper des objets les plus
• utiles& d'y conſacrer ſon travail ? >>
144 MERCURE DE FRANCE.
L'Auteur réduit à ſa juſte valeur cette
dénomination vague de gens àsystémes ,
eſpèce d'injure avec laquelle ceux qui
gouvernent , repouſſent ſi ſouvent ceux
qui raiſonnent. Il fait voir que ce mot
ne ſignifie rien qu'on doive prendre en
mauvaiſe part , & que tout plan raiſonné
eſt unsystéme. Mais à ce propos il obſerve
avec beaucoup de raiſon que rien
n'eſt mieux imaginé contre les gens qu'on
veut décréditer que de leur donner un
nom de ſecte ou de parti , qui diſpenſe
de leur donner d'autres torts . Ces noms
ſont d'autant plus aisément adoptés qu'ils
fignifient moins. Car rien n'eſt plus com.
mode , pour la plupart des hommes , que
de ſe ſervir de termes qui n'ont point de
fens.
L'Auteur répond auffi à ceux qui
croyent avoir cauſe gagnée , quand ils
oppoſent ce qu'ils appellent des faits à
des raiſonnemens , c'est- à -dire ce que
l'on fait à ce qu'on pourroit faire. Cer
abus du mot defait rappelle une réponſe
fort plaiſante d'un homme en place du
dernier ſiècle , qui rejetait une opération
utile qu'on lui propofait , & alléguait la
potlibilité fort peu vraiſemblable d'un
foulévement populaire. Mais, Monfieur,
difait- il ,
FÉVRIER. 1775. 145
diſoit- il , fi l'on vient mettre le feu à ma
maiſon , que direz- vous ?- On lui répondit
que cela n'arriverait pas . Oh ! repritil
, dès que vous argumentez contre des
faits , il n'y a plus moyen de raiſonner ,
&il termina ainſi la converſation .
Nous offrirons encore au Lecteur la
dernière réflexion qu'oppoſe M. Ι'Α . Μ.
à cette importance qu'on donne aux faits .
« Il me ſemble que les queſtions d'éco-
>>nomie politique ſont preſque toutes
>>des queſtions de droit& non pas des
>>queſtions de fait. Il ne s'agit pas de
>> rechercher quelles loix font actuelle-
> mens établies , ni même les effets bons
» ou mauvais qu'ont produits ces loix
» dans notre Nation ou dans une autre :
>> il s'agit de ſavoir quelles loix on au-
>>rait dû faire d'après la juſtice, les droits
> inaliénables & impreſcriptibles de la
>> propriété & de la liberté. Vous déli-
» bérez ſi le commerce des productions
>>du fol ſera libre , ſi l'induſtrie ſera con-
> centrée dans les murs d'une ville &
>> bornée à une certaine claſſe d'hommes ,
>> fi une province aura ou n'aura pas la
>>liberté exclufive de vendre des vins
» aux étrangers , cherchez ſeulement à
>> déterminer ce qui eſt juſte , & foyez
G
146 MERCURE DE FRANCE .
i
» fûr que vous aurez trouvé ce qui eſt
» bon à toute la ſociété. La juſtice
>> avant tout , & , s'il eſt permis de le
>> dire , avant même le bien public ,
>>parce qu'elle ne peut jamais être con-
>> traire au bien public. En vain vou-
>>drez vous entreprendre de me prouver
» que telle on teile adminiſtration a été
>> funette ou avantageuſe à l'Etat , je ne
- daignerai pas entrer avec vous dans
>> certe difcuffion oiſeaſe : & je vous
>> dirai que quelque preuve que vous
m'apportiez de ces prétendus avanta-
>> ges , il fera toujours plus clar qu'il
>> faut reſpecter les droits du Citoyen ,
>>ces droits pour la conſervation def-
» quels la fociété s'eſt formée ; qu'il n'eſt
>> clair qu'il puiſſe y avoir pour la ſocié-
>> té quelque avantage à les fouler aux
» pieds ». Je vous répéterai la maxime
unicuique fuum , qui eſt plus évidente &
plus fûre que les raffinemens de cette
politique intérieure , qui s'efforce de jufrifier
ſes erreurs par des fophifmes , &
les attentars par des exemples.
L'Auteur a joint à fon Ouvrage un
Poft- Scriptum daté du mois de Novembre
1774, & tiré , ainſi que ſon épigraphe
, de la vie d'Agricola .
FÉVRIER. 1775. 147
Nunc demum redit animus , nec spem
modo ac votum fecuritas publica fed ipfius
voti fiduciam ac robur affumpfit. Ce
Poft- Scriptum en très- heureux , & perfonne
ne ſe méprendra fur l'application .
1-
conſidérablement
La Sainte Bible en latin & en françois ;
ſeconde édition ,
augmentée de nombre de differtations
hiſtoriques & de notes littérales fur
l'Ecriture Sainte , tirées des Commentatears
les plus célèbres ; ouvrage orné
de fig. en taille douce & de cartes
géographiques , en 17 volumes in-4 ° .
Le ſieur Mérande, Imprimeur de cette
collection , commencée en 1767 & achevée
en 1774 , detirant faciliter au Public
Pacquifition de cette Bible , en offre 300
exemplaires à 120 liv . en feuilles ; & ce
nombre d'exemplaires une fois placé , cet
ouvrage fera tixé à 160 liv. prix de ſa
valeur réelle , eu égard au petit nombre
qui lui reſtera , & aux frais trop confidérables
qui n'en permettront pas la réim.
preſſion delong temps .
Cette Bible, dont le mérite eſt déjà
connu par le choix des pièces nouvelles
qu'elle renferme (fruit de vingt années
Gij
143 MERCURE DE FRANCE.
de travail par l'Editeur ) , eſt univerſellement
eſtimée , comme étant la collection
la plus étendue& la plus ſavante qui
ait paru juſqu'à ce jour.
Les perſonnes qui deſireront connoître
cet ouvrage plus en détail , pourront ſe
procurer chez l'Imprimeur un Profpectus
détaillé des matières. Mais , pour donner
dans cette annonce au Public une juſte
idée de cette Bible , nous nous bornons
ſeulement à rapporter le jugement qu'en
a donné , dans ſon approbation , M. l'Abbé
Voifin , Docteur & Profeſſeur Royal
de Sorbonne , Cenſeur de cet Ouvrage .
" Cette édition de la Bible raſlemble ,
>> en un feul corps d'Ouvrage , les richef-
>>ſes éparſes dans une multitude d'écrits .
>> Le ſavant Editeur ne s'eſt pas contenté
>> de mettre en oeuvre les précieux maté-
>> riaux que lui ont fournis D. Calmet ,
>> l'Abbé de Vence , le P. de Carrieres ,
» & les Commentateurs les plus célè-
>> bres; il a ajouté ſes découvertes aux
>> leurs ; il difcute habilement leurs différentes
opinions ; il ſupplée à ce qu'ils
>> ont omis. Sa critique , auſſi modeſte
» que judicieuſe , jette un nouveau jour
>> ſur toutes les parties de l'Ecriture Sain
>> te. Puiſſent ſon exemple & ſes travaux
ود
FÉVRIER. 1775. 149
>>réveiller parmi nous le goût d'une étu-
> de que les attaques de l'incrédulité ren-
>>dent plus néceſſaire que jamais ! » رد
Condition des payemens & livraiſons de
la préſenteſouſcription , pour Paris &
Avignon.
Cette Bible ſera fournie à Paris & à
Avignon , en 17 volumes in-49 . figures ,
en feuilles , au prix de 120 liv. & les
perſonnes qui deſireront ſe procurer tout
l'ouvrage en une ſeule & mème fois , on
les leur fournira en payant le total de ladite
ſomme. Ceux qui la deſireront brochée
, ajouteront à cette fomme 8 f. pour
chaque volume ; & le même Ouvrage
pourra auſſi être fourni relié en veau , en
payant par les Souſcripteurs , au- deſſus
des 120 liv. 2 liv. s f. pour chaque volume.
Et quant aux Souſcripteurs qui ne
voudront pas faire la dépenſe de cette
ſomme en un ſeul & même payement ,
on leur fournira cette Bible en quatre livraiſons
,
SAVOIR :
En ſouſcrivant actuellement & reti-
Giij
150 MERCURE DE FRANCE .
rant lesTomes 1 , II , & III en feuil--
les , on payera
En retirant en Février prochain
les Tomes IV , V, VI , VII & VIII ,
en feuilles , on payera
36 1.
36
En Mars , retirant lesTomes IX,
X, XI & XII , en feuilles , on payera 24
En Avrit, en retirant les Tomes
XIII , XIV , XV , XVI & XVII , en
feuilles , on payera
Total
24
1201.
On fournira également les livraiſons
brochées ou reliées , en faifant compter
les brochures & reliures.
Condition des payemens & livraiſons de la
préſente foufcription pour les Provinces
du Royaume.
Le même Libraire offre auffi de fournir
cette Bible dans toutes les Provinces
du Royaume , brochée & rendue franc
de port , pour la fomme de 136 livres ,
fomme que les Souſcripteurs feront tenir
ou par la poſte , franc de port , ou
par une traite ſur Parisou Avignon, payable
à vue ; & fitôt l'avis & fomme reçus,
FÉVRIER. 1775. 15
les expéditions en ſeront faites aux adrefſes
qu'on indiquera .
Et quant aux Souſcripteurs des Provinces
qui voudront recevoir cette Bible
en deux livraiſons & faire deux payemens
, on leur fournira comme ci-après.
Eu retirant actuellement les Tomes
I , II , III , IV , V , VI , VII & .
Vill , brochés , & rendus francs de
port , ils payeront la ſomme de
En retirant dans le courant de
Mars les Tomes IX , X , XI , XII ,
XIII , XIV, XV, XVI & XVII
Total
721.
64
136 1
On offre de fournir les volumes cideſſus
reliés en veau , en payant en fus
de cette fomme 21. 5 f. pour chaque vo.
lume.
On fouscrit à Avignon , chez François-
Barthelemi Merande , Imprimeur - Libraire.
A Paris , chez Lacombe , Libraire ,
rue Chriſtine ;
Jean Didier Dorés, Libraire , rue St
Jacques , près St Yves ;
Et Ch. P. Berton , rue StVictor.
Giv
152 MERCURE DE FRANCE.
Les causes de la décadence du Théâtre & les
moyens de le faire refleurir , extrait de
l'Art de la Comédie ; par M. de Cailhava.
Brochure in 8 ° . de 46 pages. A
Paris , chez les Libraires qui vendent
les nouveautés .
L'Auteur de l'Art de la Comédie, publié
en 1772 , rappelle ici les réflexions
que contient le dernier chapitre de fon
Ouvrage for les cauſes de la décadence
du Théâtre & fur les moyens de le faire
refleurir. Il ajoute de nouvelles réflexions
aux premières ; elles tendent également
à rendre au Théâtre François la ſplendeur
dont il jouiſſoit ſous Louis XIV ,
& à délivrer ceux qui travaillent pour la
gloire de ce Théâtre , & cherchent à perfectionner
le premier des arts d'imitation
, de ces gênes , de ces caprices , de ces
tracaſſeries enfin , qu'une troupe , munie
d'un privilège excluſif , eſt preſque toujours
portée à faire eſſuyer , au détriment
de l'art, à ceux qui le cultivent.
Ouvrage fans titre , Minerve le donnera.
Par Madame de Laiſſe , Auteur des
nouveaux Contes moraux dédiés à la
Reine. Première & feconde partie en
FÉVRIER. 1775 . 153
un volume in- 12 . A Paris , chez Saugrain
, Libraire ordinaire de Mgr le
Comte d'Artois , quai des Auguſtins ,
au coin de la rue Pavée , 1775 .
L'Auteur nous a envoyé avec ſon OLvrage
cette Lettre qu'elle adreſſe à une
femme aimable , Madame de M. , bien
connue par les productions d'un eſprit
agréable & facile, & par ſes talens pour
la poësie.
..
<< Minerve , j'acquitte avec plaiſir ma
>> promefle , voilà mon Ouvrage , veuil-
» lez lui donner un titre .. Les regards
>> de la Sageſſe ne m'inſpirent aucun ef-
>>froi , & je ſens mon coeur plus porté à
>> l'aimer qu'à la craindre d'ailleurs ,
> ſous vos traits , qui pourroit lui refa-
» ſer l'hommage le plus vrai ? Si le
» Mentor du jeune Télémaque eût pris
>> ces traits charmans , fans efforts le fils
>> d'Ulyſſe eût dédaigné l'Amour , &
>>>l'Amant d'Eucharis ſeroit devenu celui
>>de la Sageſſe ... Voilà de quel oeil je
>> vois celle qui jugea mon premier Ou-
» vrage , avec une impartialité ſi univer-
>> fellement reconnue » .
>>Minerve , je ne vous renouvelerai
>> point ici l'afſurance de ma profonde
Gv
154 MERCURE DE FRANCE .
>> vénération : on ſait affez ce qu'une foible
Mortelle doit aux Divinités.
L'Ouvrage de Mde de Laiſſe eſt mis
ſous la protection de la Reine. H ne pouvoit
paroître ſous des auſpices plus favorables
; « Comment , dit elle, dans fon
» Epître , oferai je , novice en l'art d'é-
« crire , timide avec raiſon , me permet.
tre de peindre à Votre Majesté les
>>fentimens qu'Elle a fait naître en moi ?
» Mais , Madame , ce que la vérité m'ar.
>> rache , c'eſt qu'il eſt étonnant de réu-
>>nir à la jeuneſſe d'Hébé la ſageſle de
>>Minerve; plus étonnant peut- être à la
> Fille des Dieux d'oublier ſon rang fu-
>>prême , & de conferver au milieu d'une
>> Cour , occupée du ſeul honheur de lui
>>plaire , cette modeſtie digne de l'âge
» d'or , & le plus bel apanage de notre
» fexe » .
" Je me flatte , Madame , que Votre
» Majeſté verra d'un oeil attendri l'utilité
>> de mes vues , & le defir que j'ai de
>> prouver à notre ſexe qu'il n'est point
» de bonheur fans la veriu. Mais , pour
> qu'elle ſe peignît avec avantage , il
>> étoit fans doute néceſſaire que , parée
>> des traits de Votre Majesté , elle eût
92elle- même celui de ſe montrer ſous ſes
>> auspices».
FÉVRIER . 1775. 155
Madame de Laiſſe a parfaitement
rempli fon plan. Elle a tracé , dans une
correſpondance de Lettres , très variées
& très- intéreſſantes , le tableau des ſéductions
de l'Amour & le modèle de
Phonnêteté , qui doit faire le plus bel
avantage des jeunes perſonnes du ſexe.
Titi Livii Patavini Hiftoriarum ab urbe
conditâ libri qui ſuperſunt XXXV .
Recenfuit J. N. Lallemand ; 7 vol. in.
12. Parifiis , Typis Barbou , viâ Mathurinenfium
, 1775. rel . en veau , dorés
ſur tranche , prix 42 1 .
Cette Hiſtoire de Tite- Live fait ſuite
des belles éditions des meilleurs Auteurs
Latins , imprimés avec tant de ſoin , de
correction & d'élégance par M. Barbou.
Elle est enrichie de notes utiles & favantes
.
Le Jardinier prévoyant , contenant , en
pluſieurs tableaux , le rapport des opérations
journalières , avec le temps des
récoltes fucceſſives qu'elles préparent ,
ſuivi des ſuccès de l'agriculture . :
Qui veut prédire eſt fou , qui fait prévoir eſt ſage.
LesConſidérations ſur le Jardinage ſe
Gvj
156 MERCURE DE FRANCE.
vendent ſéparément , avec des augmen
tations ; prix i liv. broch. 1 1. 5 f. rel .A
Paris , chez P. F, Didot jeune , Libraire
de la Faculté de Médecine de Paris , quai
des Auguſtins.
Almanach Forain , ou lesdifférens Spectacles
des Boulevards & des Foires de
Paris , avec le catalogue général des
pièces , farces & parades , tant anciennes
que nouvelles , qu'on y a jouées ;
l'extrait de quelques-unes d'entre elles,
des anecdotes plaiſantes , & des recherches
fur les marionettes , les mimes
, farceurs , baladins , fauteurs &
danſeurs de corde anciens & moder.
nes . Troiſième partie , pour l'année
1771 ; prix 24 fols br. A Paris , chez
Quillau , Libraire , rue Chriſtine , au
Magaſin Littéraire ; & la veuve Du
cheſne , rue St Jacques.
Extrait de l'Etat Militaire , pour l'année
1775. A Paris , chez Guillyn , Libraire
, quai des Auguſtins .
Almanach historique & géographique du
Diocèse de Meaux , corrigé & augmenté
pour l'année 1775. Acquirit eundo.
FÉVRIER. 1775. 157
A Paris , de l'Imprimerie de Michel
Lambert , rue de la Harpe , près Saint
Côme ; à Meaux , chez la veuve Charle
& Fils , Libraires , rue St Remi.
Almanachde Gotha , contenant diverſes
connoiſſances curieuſes & utiles , pour
l'année 1775.AGotha ,&àParis chez
Ruault , Libraire , rue de la Harpe ;
prix 3 1. doré ſur tranche.
Cet Almanach eſt orné & très- curieux ;
it renferme beaucoup de connoiſſances
utiles , par rapport à l'aſtronomie , à la
phyſique , à l'hiſtoire naturelle & aux an
tres ſciencesuſuelles .
Les Lettres & Epitres amoureuſes d'Héloïſe,
avec les réponſes d'Abeilard ; traduites
librement en vers & en profe par MM.
de Buffy , de Beauchamps , Pope , Colardeau
, Dorat , Feutry , Mercier , &c .
précédées de la vie , des amours & infortunes
de ces célèbres & malheureux
Epoux. Par M. A. C. C. & enrichies
d'une nouvelle Lettre d'Abeilard à
Héloïſe , pour ſervir de réponſe à la
fameuſe Lettre d'Héloïſe de M. Pope ,
par le même.
158 MERCURE DE FRANCE.
ACADÉMIE.
1.
LYON.
Prixproposés par l'Académie des Sciences
Belles Lettres & Arts de Lyon.
Prix de phyſique , fondé par M. Chriftin ;
pour l'année 1776 .
L'Académie de Lyon propoſe pour le
prix de phyſique , qui ſera diftribué en
1776 , le ſujet ſuivant : L'électricité de
l'Atmosphère a t elle quelqu'influence fur
le corps humain ? Quels sont les effets de
celle influence ?
CONDITIONS.
Toutes perfonnes pourront concourie
pour ce prix , excepté les Académiciens
titulaires & les Vétérans ; les Aſſociés y
feront admis . Les Mémoires ſeront écrits
en françois ou en latin. Les Auteurs ne
ſe feront connoître ni directement ni in
FÉVRIER. 1775 . 159
directement ; ils mettront une deviſe à
la tête de l'Ouvrage , & y joindront un
billet cacheté , qui contiendra la même
deviſe , leurs noms & le lieu de leur réſidence.
Les paquets ſeront adreſſes , francs
de port , à Lyon :
AM. de la Tourrette , ancien Conſeiller
à la Cour des Monnoies , Secrétaire
perpétuel pour la claſſe des Sciences , rue
Boiffac ;
Ou à M. Bollioud Mermet , Secrétaire
perpétuel pour la claſſe des Belles Lettres
, rue du Plat;
Ou chez Aimé de la Roche , Imprimeur
Libraire de l'Académie , aux Halles
de la Grenette .
Aucun Ouvrage ne ſera reçu au concours
, paffé le premier Avril 1776; le
terme eſt de rigueur. L'Académie décernera
le prix dans l'Aſſemblée publique
qu'elle tiendra après la fête de St Louis .
Le prix eſt une médaille d'or de la valeur
de 300 liv . elle ſera remiſe à l'Auteur
couronné ou à ſon fondé de procuration.
Prix d'histoire naturelle , fondés par M.
Adamoli ; pour l'année 1776 .
L'Académie avoit propoſé , pour les
160 MERCURE DE FRANCE.
le
prix de l'année 1774 , le ſujet qui fuit :
Trouver des plantes indigènes qui puiſſent
remplacer exactement Ipecacuanha ,
Quinquina & le Séné. N'ayant pas été
fufhlamment fatisfaite des Mémoires
qu'on lui a adreſlés , elle a continué le
même ſujet à l'année 1776 , en annonçant
les prix doubles ; & , pour faciliter
le fuccès du concours , elle s'eſt déterminée
à généraliſer ſa demande ; les prix ſeront
décernés à ceux qui lui auront communiqué,
dans le règne végétal , les découvertes
les plus importantes , relativement à
la matière médicale.
Une ſeule découverte utile ſera dans le
cas de mériter'le prix ; mais elle doit être
établie par des faits conſtatés d'une manière
authentique , & fufiſamment détaillés
par les Auteurs , pour qu'on puiffe
facilement répéter leurs expériences avec
les précautions qu'inſpirent la prudence
&l'amour de l'humanité .
Les conditions font les mêmes que
celles ci-deſſus . Les prix propoſés conſiſtoient
en deux médailles , la première
en or , de la valeur de 300 liv . la ſeconde
en argent , du prix de 25 ; l'une & l'autre
feront doubles & diſtribuées en 1776 ,
après la fête de St Pierre . Les Mémoires
FÉVRIER. 1775 . 161
ne feront admis à concourir que juſqu'au
premier Avril de la même année .
Prix des Arts, fondépar M. Chriſtin; pour
l'année 1777.
L'Académie avoit demandé pour le
prix des Arts , qui devoit être diſtribué
en 1774 , Quels sont les moyens les plus
fimples& les moins ſujets à inconvéniens ,
d'occuper dans les Arts mécaniques , ou
de quelqu'autre manière , les Ouvriers d'une
Manufacture d'écoffe , dans les temps où
elle éprouve une ceſſation de travail ; l'expérience
ayant appris que la plupart de
ces Artiſans fontpeu propres aux travaux
de la campagne ?
L'Académie s'eſt vue contrainte , à
regret , de renvoyer également ce prix ,
dont la distribution revient tous les trois
ans; mais elle a cru devoir continuer ce
ſujet important pour la ville de Lyon ,
&doubler le prix. Elle a arrêté en même
temps de conſerver le droit du concours
aux Ouvrages déjà reçus , en invitant
les Auteurs à développer davantage les
moyens qui ſeroient néceſſaires pour mettre
à exécution les projets qu'ils propoſent
; l'Académie a principalement en
1
162 MERCURE DE FRANCE .
vue l'Auteur d'un Mémoire intéreſſant ,
écrit en latin , dont la deviſe eſt : Homo
Jum humani nil à me alienum puto .
Terent.
,
Les conditions comme ci deſſus. Le
prix ſera double , conſiſtant en deux Médailles
d'or de la valeur chacune de 3001.
On n'admettra aucun Mémoire au concours
, paffé le premier Avril 1777. La
diſtribution ſe fera la même année , après
la fête de St Louis.
Prix de Mathématiques , fondé par M.
Chriftin ; pour l'année 1775
Quelsfont les moyens les plusfaciles &
les moins difpendieux de procurerà la ville
de Lyon la meilleure eau , & d'en diftribuer
une quatité suffisante dans tous fes
quartiers ?
L'Académie a demandé de joindre aux
projets les plans des machines , les calculs
du produit & de l'entretien ,& un devis
général .
Le prix eſt double , & conſiſte en deux
médailles d'or de la valeur de 300 livres
chacune. Il ſera décernéen l'année 1775 ,
après la fête de St Louis. Les Mémoires ,
pour être admis au concours , doivent
FÉVRIER. 1775. 163
être reçus avant le premier Avril de la
même année.
Prix proposépar M. Pouteau , Académicien
ordinaire , Chirurgien gradué , de
l'Académie Royate de Chirurgie de Paris
& de celle de Rouen; pour la même
année 1775 .
Sur la demande de M. Poureau , l'Académie
a proposé le ſujet ſuivant : Don.
ner la théorie & le traitement des maladies
chroniques du poumon , avec des recherches
historiques & critiques fur les principaux
moyens de guérison employés contre ces
maladies par les Médecins anciens & modernes
, & même par les Empiriques.
La ſomme déposée par M. Pontean eſt
de 600 livres. Le prix ſera décerné par
l'Académie , en l'année 1775 , après la
fête de St Louis. Les Mémoires feront
envoyés avant le premier Avril de la mê.
me année; les autres condicions conformes
à celles des Programmes ci-deſſus.
164 MERCURE DE FRANCE.
Ecole Royale gratuite de Deffin.
La diftribution des Maîtriſes , Apprentiſlages
, grands prix & prix de quartiers
de l'Ecole Royale gratuite de Deffin ,
s'eſt faite dans la galerie de la Reine aux
Tuileries , le 26 Décembre 1774 .
M. le Noir étant arrivé à fix heures ,
accompagné de MM. les Adminiſtrateurs,
M. Bachelier , Directeur , ouvrit la ſéance
par le diſcours ci-joint. Enſuite on procéda
à la diftribution de 220 prix . M. le
Noir , Préſident de ladite Ecole , délivra
des lettres de Maîtriſes & des Apprentifſages
aux Elèves ci-après ; favoir ,
Au ſieur Lallemand , fondéde Mdela
Comteſſe d'Argental , le brevet pour fe
perfectionner dans la conſtruction des
bâtimens .
Au fieur Aignon le jeune , fondé de
M. le Camus de Mezieres , le même brevet
que ci-deſſus.
Au Geur Viſterre , fondé de M. Pierre ,
Peintre du Roi , le brevet pour la Maîtrife
de Menuifier .
Au fſieur Marchand , fondé de M. le
1
FÉVRIER. 1775. 165
Marquis Duffé , le brevet pour la Maîtriſe
de Confifeur .
Au fieur Cannette , fondé de M. le
Marquis de Turgot , le brevet pour la
Maîtriſe de Cizeleur.
Et au ſieur Boullier , fondé de M. le
Duc de Charoſt , le brevet pour la Maîtrife
de Marchand Orfévre .
Ils ont eu l'honneur d'être embraflés
par le Magiftrat , aux bruits des fanfares
&des acclamations du Public.
Discours prononcé à la diftribution des
prix de l'Ecole Royale gratuite de
Deffin , aux Tuileries , le 26 Décembre
1774 , par M. Bachelier , Directeur.
MESSIEURS ,
Dans ce moment ſi deſiré par votre émulation ,
dans cette fête brillante , qu'on peut appeler celle
des arts & des talens naiſlans , dans ce jour de
triomphe & de gloire; pour la première fois il
n'eſt pas permis à vos coeurs de ſe livrer entièrement
aux tranſports d'alegreſſe. Le ſentiment
d'unedouleur ſecrette vous rappelle aſlez que votre
auguſte fondateur n'eſt plus , & vous force
de donner de nouvelles larmes à ſa mémoire .
Je ne viens point intéreſſer votre reconnoiflancepar
le récit de toutes les vertus , de toutes ſes
auguſtes qualités . Des bouches plus éloquentes
165 MERCURE DE FRANCE.
que la mienne ont rempli dignement ce devoir
facré. Ainſi , ſans entrer dans le détail des actions
glorieuſes qui honoreront toujours le Monarque
quenous regrettons , je ine borne à peindre rapidement
ſa libéralité & fa bienfaiſance.
Louis XIV , dont le fiècle eſt pour la France
l'époque du génie & du goût , ſaiſit avidemment
tous les grands projets qui pouvoient favorifer
l'un & l'autre; outre cette feconde Compagnie
célèbre qu'il plaça dans ſon Palais , à côté de
l'Eloquence & de la Poësie, qu'il échauffa de ſa protection
Royale , qu'il chargea des trophées& des
monumens de ſa gloire , & à laquelle tous les Artiſtes
diſtingués s'honorent d'appartenir ; ce Prince
, qui portoit toujours les regards au loin
voulut encore fonder dans la patrie des Michel-
Ange & des Raphael , cette Ecole unique où des
Elèves , déja couronnés , vont achever de fe perfectionner
, en puiſant aux fources du beau. Kien
n'a été ſans doute plus heureuſement conçu , plus
noblement exécuté que ce double & magnifique
établiſſement , qui ne peut que recevoir un nouveau
luftre ſous l'adminiſtration d'un Directour
éclairé, dont la ſenſibilité égale les lumières &
les connoiffances. Louis XV , en foutenant les
grandes vuesde ſon prédéceſſeur, a fenti que pour
multiplier le génie , ce n'étoit pas aſſez de lui elever
en quelque forte un Temple & des Autels ;
mais qu'il falloit encore multiplier les moyens
qui font éclorre les germes de cette précieuſe ſemence,
Il avoit reconnu qu'après ces Arts créateurs ,
qu'un feu divin échauffent , qui enfantent les
chefs-d'oeuvre , il exiſte une infinité d'autres Arts
fubalternes , effentiels à l'utilité publique , qui
FÉVRIER. 1775. 167
demandent des mains intelligentes & des yeux
éclairés par le goût. Cette conſidération politique ,
qui avoit échappé juſqu'alors , l'a déterminé bientôt
à honorer de fon adoption bienfaiſante & à
combler de ſesgrâces une inftitution , qui lui a
paru devoir favoriser l'habilité & les talens dans
une claffe de Citoyens trop long temps abandonnéeà
l'aveugleroutine.
C'eſt à vous , Meſſieurs , à reconnoître ce bienfait
paternel avec toute la ſenſibilité fisiale ; c'eſt
à vous à juſtifier la ſageſle de cette opération , par
les avantages que vous en retirerez , & dont vous
ferez jour le public dans vos différentes profeffions;
c'eſt à vous, en un mot , par votre émulation&
vos ſuccès , à forcer l'Hiſtoire de placer
l'Ecolequi vous forma au rang des établiſſemens
utiles,qui doivent immortaliſer la bienfaiſance de
Louisle Bien-Aimé .
Jaloux d'imiter labonté de fon auguſte Ayeul ,
le jeune Monarque qui vient de monter ſur le
Trône netardera pas à porter ſur vostravaux ſon
oeil protecteur. Aujourd'hui , des objets plus importans
s'emparent de ſa penſée. Il fonge à faire
circuler l'abondance dans toutes les parties de
l'Etat , à rappeler les moeurs quien tontle nneerrf,
& fur- tout à fixer dans des mains intègres & refpectables
la balance des loix .
En vain , Meſſieurs , vos regards emereſlés
cherchert ici le Magiftrat affable & populaire
qui préfidoit à cette allemblée , & dont la bonté
ajoutoit un nouveau prix à vos couronnes. Si fon
intégrité & ſes talens dans les fonctions délicates
lui ont mérité l'honneur d'approcher du Trône &
de régır un miniſtère diftingué , ne craignez pas
que ſon élévation lui fafle oublier ſon ouvrage;
168 MERCURE DE FRANCE .
placéà la ſource des grâces , ſans doute il 'les
ſollicitera avec encore plus de ſuccès.
Vous avez pour garant ſon reſpectable fuccefſeur.
Vous retrouverez dans ſa perſonne la même
affabilité , la même douceur , le même déſinterefſement
, la même délicateſſe , le même zèle pour
le bien public ; vous n'aurez , avec tous les Citoyens
de cette Capitale immenfe , qu'à vous applaudir
du choix qu'à ſu faire la ſageſle du Roi
pour vos intérêts particuliers comme pour la fûreté
commune.
J'aime à croire qu'il n'eſt pas beſoin de réveiller
votre attachement reſpectueux envers Melſieurs
les Administrateurs ; vous ſentez vivement
fans doute tout ce que vous devez à des hommes
diftingués par leur naiſſance & par leurs places ,
qui ne dédaignent pas de veiller à vos intérêts , &
d'embellir votre triomphe par leur préſence.
Pour moi , Meſſieurs , je ne regretterai point
les avantages qu'auroient pu me valoir les foibles
talens quej'ai facrifiés au développement des vôtres
, ſi je puis jouir de la douce ſatisfaction de
voir cette eſpèce de pépinière portée au point de
perfection & d'utilité dont elle eſt ſuſceptible.
Puifle la générofité patriotique , excitée par mon
zèle , compléter entièrement & conſolider pour
jamais une Ecole vraiment élémentaire , dont les
fecours gratuits manquoient à la Nation !
Je m'arrête , Meſſieurs , & je cède à l'empreſlement
légitime que vous marquez de receuillir les
éloges publics , qui font la recompenſe la plus
Aatteuſe du travail & des ſuccès .
SPECTACLES .
FÉVRIER. 1775 .. 169
SPECTACLES.
OPERA.
L'ACADÉMIE royale de Muſique continue
les repréſentations d'Iphigénie en
Aulide , Tragédie-Opéra en trois actes .
Le concours nombreux & foutenu des
Spectateurs , prouve le mérite de ce
grand ouvrage. Il fait connoître combien
eſt durable l'impreſſion des effets
de la muſique de M. le Chevalier
Gluck; il apprend auffi le beſoin que
nous avions de connoître comment eſt
puiſſante la voix de la nature , celle des
paffions & du ſentiment , lorſqu'elle
eſt interprétée & employée par l'homme
de génie . C'eſt une époque heureuſe
pour le Théâtre Lyrique que ce
ſuccès d'une muſique étrangère qui eſt
venue ſe revêtir , avec tant d'avantages ,
des formes de notre largue , & qui nous
adémontré ( contre l'opinion d'un homme
célèbre ) que nous pouvons avoir
une muſique , parce qu'en effet cet art
doit parler la langue univerſelle , qui ,
H
170 MERCURE DE FRANCE.
comme la Nature , eſt de toutes les Nations.
Ajoutons que nos Acteurs ont été
engagés à débiter la ſcène avec la franchife&
la fimplicité convenables ; ce que
Lulli avoit déjà preſſenti& ce qu'il faiſoit
pratiquer. Il n'y a que l'oubli des règles
& le mauvais goût qui ayent pu charger
le récitatif de tous les vains ornemens
du chant , & le rendre traînant & même
ridicule. Ce ſera le comble de l'art & la
perfection de la muſique , lorſqu'à ces
grands traits , auxquels l'Iphigénie &
l'Orphée nous ont appris que notre langue
pouvoit atteindre , on pourra joindre
les charmes de la mélodie , qui n'a
pas moins fon expreffion , fon énergie &
les beautés que l'harmonie , & qui , de
plus , a le bonheur de plaire & d'intéreſ.
fer toujours. C'eſt bien ce que M. le
Chevalier Gluck a fait voir dans pluſieurs
morceaux diftingués , qui réuniffent l'har.
monie & la mélodie .
M. le Gros , dont la belle voix , le
goût du chant , l'expreſſion du jeu ſont ſi
admirables , n'a point encore abandonné
fon rôle , & nous devons cette remarque
à fon zèle & à ſon attachement pour la
bonne muſique.
Le vendredi 13 Janvier, la Reine , acFÉVRIER.
1775. 171
compagnée de MONSIEUR , de MADAME
& de Mgr le Comte d'AARTOIS , vint à
Paris pour voir, en petite loge , l'Opéra
d'Iphigénie en Aulide. Trois vers du ſecond
acte , chantés par le choeur , dont
le ſieur le Gros , dans le rôle d'Achile ,
fit une heureuſe application à Sa Majeſté
, excitèrent les applaudiſſemens univerſels
du Public , qui redemanda ces
vers à grands cris , & le choeur fut répété
avecde nouvelles acclamations. Tou
les Sujets du chant &de la danſe , animés
par la préſence de notre auguſte Sou
- veraine , de Madame & des Princes ,
femblèrent redoubler de zèle , d'efforts &
de talent. Jamais ſpectacle ne fut plus
nombreux , plus brillant & plus enchanteur.
Sa Majesté en parut touchée. La
Reine eut la bonté de témoigner , après
le ſpectacle , au Chevalier Gluck , combien
Elle étoit fatisfaite de ſa muſique.
COMÉDIE FRANÇOISE .
Les Comédiens François ordinaires du
Roi , ſe préparent à donner inceſſamment
Albert I , pièce nouvelle en trois
Hij
172 MERCURE DE FRANCE .
actes , en vers , de M. le Blanc , Auteur
d: Manco Capac , des Druides , &d'autres
ouvrages eſtimés .
COMÉDIE ITALIENNE.
LES Comédiens Italiens ordinaires du
Roi,vont repréſenter la Fausse Magie ,
Comédie en deux actes.
DÉBUT.
Le mercredi 18 Janvier M. Michu a
débuté fur ce Théâtre dans le rôle du
Magnifique ; & le Dimanche 22 , dans le
rôle de Colin de la Clochette , & dans celui
de Célicour de l'Ami de la Maiſon .
Ce jeune Acteur a les avantages de la
jeuneſſe , de la figure & de la taille. Il
joue avec beaucoup d'eſprit & d'intelligence.
Il eſt un Acteur très agréable, bon
muficien & chanteur excellent. Il ne laiſſe
à defirer qu'une voix plus forte ; mais
une prononciation très nette , de l'adreſſe
& du goût y ſuppléent , & font eſpérer
que l'âge , l'habitude , l'encouragement &
la confiance développetont ſon organe &
lui donneront l'étendue ſuffiſante.
FÉVRIER . 1775. 173
ARTS.
GRAVURES.
I.
Médaillon allégorique fur le retour du Parlement
, avec la légende : ex juftitia
felicitas , ex felicitate gloria. Dédié à
Meffire Etienne - François d'Aligre ,
Premier Préſident du Parlement de
Paris , d'après l'invention & le def.
fin de M. le Chevalier de Berainville,
gravé par le fieur Patas , Graveur ,
rue balle des Urfins.
L'ALLÉGORIE ingénieuſe de ce médaillon
eſt expliquée dans ces vers de M.
le Ch. de Berainville.
Lutece ſur les flots d'une mer orageuſe ,
Aborde enfin au port de la Félicité ;
Par desjeux innocens une troupe joyeuſe
Annonce de ces lieux la pure volupté.
Le Soleil de ces lieux , en ſa nouvelle aurore ,
Fixe ſur ce climat ſes douze ſtations * ,
*Les 12 fignes du Zodiaque figurent les 12 Parlemens
du Royaume.
Hiij
174 MERCURE DE FRANCE.
Et découvre au François , près du Dieu qu'il
adore ,
La Sageffe & la Loi guidant ſes actions.
,
I I.
Le 21 Décembre dernier , le ſieur
Boizot , Sculpteur du Roi & de ſa Manufacture
de porcelaine à Sèves , eut
Thonneur de préſenter à Mgr le Comte
d'Artois une eſtampe gravée d'après
un modèle de lui , exécuté en
fculpture de biſcuit de porcelaine de
France. Ce morceau repréſente un épitalame
à l'occaſion du mariage de Mgr
le Comte d'Artois. Les deux époux au
pied de l'Autel de l'Hymen ſe donnent
la foi conjugale ; l'Hymen les enchaîne
de fleurs , & de fon brandon enflame
leurs coeurs fur fon Autel . Le Génie de
la France & celui de la Savoie , réuniffent
leurs écuffons . Ce modèle a été
préſenté à Verfailles , le 13 Novembre
1773 , jour du mariage . Ayant reçu l'accueil
le plus favorable , M. le Vaſſeur,
Graveur du Roi , a été chargé de le
graver. Cette eſtampe porte fix pouces
& demi de haut , fur onze & demi de
large. Elle ſe vend à Paris chez le Sr
FÉVRIER. 1775. 175
Boizot , place St-Sulpice au bâtiment
neuf. Le prix eſt de 4 liv .
III .
Régulus.
Tel eſt le titre d'une nouvelle eſtampe
que M. Demarcenay vient de mettre
au jour. Elle repréſente Regulus au moment,
où, pour remplirfaparole d'honneur,
il part pour Carthage.
Ce trait del'hiſtoire Romaine eſt d'autant
plus intéreſſant , qu'il préſente avec
énergie l'obſervationde la paroled'honneur,
principe fondamental de la ſociété , &
fans lequel cette confiance ſi néceſſaire
dans les relations entre les différens individus
qui la compoſent , ne peut fub .
fifter.
M. le Peſcheur est l'auteur du tableau
qui donne lieu à cette nouvelle eſtampe .
Cet Artiſte qui voit bien , a ſaiſi l'inſtant
où le généreux Romain , malgré l'avenir
affreux qu'on lui prépare , laille ce
qu'il aime le plus tendrement , ſa femme,
ſa mère , ſes enfans , ſes amis . On fent
que la ſcène , chargée de ces différens
acteurs , devient très-intéreſſante. Chacun
y remplit ſon rôle avec le carac-
Hiv
176 MERCURE DE FRANCE .
,
tère qui lui convient , & l'on y voit
l'intérêt monter graduellement depuis la
ſimple curiofité , juſqu'au degré le plus
vif. Point de ces perſonnages inutiles
de ces figures parafites qui ne ſubſiſtent
qu'aux dépens de l'action ; celledu héros
eſt le grandreffort qui imprime le mouve.
ment général. Il ſeroit impoſſible , on ofe
le dire , de le diriger avec plus d'intel.
ligence. L'art avec lequel le clair obfcur
de la ſcèneeſt conduit , ne le cède point
aux autres parties de cet ouvrage. Par de
vaſtes ombres & d'égales demi - teintes ,
l'Artiſte a fu concentrer la lumière fur
les acteurs principaux . Régulus attire les
premiers regards & les autres enfuite ,
à raiſon du degré d'intérêt qui doit
les rendre plus ou moins ſenſibles .
Il feroit à defirer que les Artiſtes
épris de l'amour de leur art , au lieu de
s'amufer à des ſcènes triviales , quelquefois
même dangereuſes pour les moeurs ,
dont elles entretiennent la corruption ,
dirigeaſſent de nobles efforts pour retracer
à nos yeux les grandes actions
de ces hommes célèbres dont la mémoire
est conſacrée dans nos annales .
Cette estampe se trouve chez l'Auteur ,
FÉVRIER . 1775. 177
t
rue du Four St- Germain , la porte - cochère
visà vis la rue des Ciseaux.
Elle est la quarante-ſeptieme de l'oeuvre
où l'on voit les portraits de Henri IV,
de Sully , de Charles Vdit le Sage , de
Charles VII , de la Pucelle d'Orléans ,
du Chevalier Bayard , du Chancelier de
l'Hôpital , du Président de Thou , du
Maréchal de Turenne , du Maréchal de
Saxe , & finalement du Prince Eugéne ,
que l'Auteur a fait paroître l'année précédente
avec le ſupplément de ſon catalogue
.
I V.
A. T. Hue , Marquis de Miroménil , ancien
Premier-Préſident du Parlement
deRouen , Garde des Sceaux de France.
Portrait en médaillon ,deffiné par M.
Cochin fils , & gravé par M. Prévoſt ,
Graveur , rue St Thomas , près la porte
St Jacques , à côté du jeu de paume.
Prix 1 liv. 4 f.
Ce portrait intéreſſant de l'homme
d'Etat quimaintient la juſtice & les loix,
&qui rend aux ſciences & aux belleslettres
leur liberté & lear ſplendeur , a
le mérited'être parfaitement deſſiné , &
Hv
178 MERCURE DE FRANCE.
de tepréſenter fidèlement les traits , &
en quelque forte , le caractère & l'ame
de M. le Marquis de Miroménil . Le
Graveur s'eſt montré le rival & l'heureux
interprête du deſſinateur dont il a parfaitement
rendu le travail& le pittorefque
.
MUSIQUE.
I.
Sei fonate per due flauti e due violini e
baffo, del Signor Thomafo Prota , Napolitano.
Opera II ; prix 61. A Paris
chez Taillart l'aîné , rue de la Monnoie
, la première porte cochère à
gauche en defcendant du Pont- neuf,
maiſon de M. Fabre ; & aux adreſſes
ordinaires de muſique.
Ces trio font bien dialogués , & ils préfentent
des chants d'une tournure neuve
&piquante , qui ne peuvent manquer de
plaire aux Amateurs de la muſique inſtru
mentale.
M. Taillard l'aîné , bien connu par
FÉVRIER. 1775. 179
ſon talent ſupérieur pour la Aûte traverſière
, & éditeur des nouveaux trio
que nous venons d'annoncer , vient d'acquérir
pluſieurs oeuvres de muſique inftrumentale
qui ſe vendoient ci - devant
chez la veuve Leclerc ; de ce nombre
font des fonates à flûte & baſſe par
Wendling ; des ſonates à violon & bafſe
par Locatelli , Op. VIII ; des fonates
pour le violoncelle par Lanzetti , Op.
I , II & III ; des fonates auſſi pour le violoncelle
, par Somis, Delange, Galeotti ,
Cupis & Spourni ; les canons de Téléman;
des fonates en trio à flûte , violon &
baſſe , par Schwindel ; des fonates à deux
violons & baſſe , par Gasparini , Op. 1 ;
San Martini , Op . II , Croes , Alexandro ;
de grandes ſymphonies par Holtzbaur ,
Croes , Bode ; & le menuet d'Exaudet ;
le guide du compoſiteur de Gianotti , & c.
I I.
Quatrième volume de la muſe lyrique.
dédié à la Reine , contenant un choix
d'ariettes avec accompagnement de
guittare . Prix 12 liv. A Paris chez
Jolivet , Editeur & Marchandde muſique
de la Reine , tue Françoife ,
H vj
180 MERCURE DE FRANCE.
la muſe lyrique , & aux adreſſes ordinaires
de muſique.
Cet ouvrage qui , par la variété & le
bon choix des ariettes , a obtenu les
fuffrages des virtuoſes &des amateurs,
continue à être diſtribué à l'adreſſe cideſſus
par ſouſcription , dont le prix eſt
de 12 liv . pour Paris , & de 18 liv. pour
la Province , franc de port par la poſte.
M. Guichard , dont les talens font connus
, s'eſt chargé de faire les accompa
gnemens de guittare.
On distribue à la même adreſſe trois
ſymphonies de Wanhall , leſquelles peu.
vent ſe jouer à grand orchestre , ou à
quatre inſtrumens ſeulement. Prix de chaque
ſymphonie , 21.8 f.
Le ſieur Jolivet vient auſſi de mettre
au jour fix trios à deux violons & un
violoncelle , dont il y en a trois qui
peuvent ſe jouer ſur la flûre ; dédiés à
S. A. S. Mgr le Margrave de Brandebourg
, Aufpac & Bareyth , &c. par M.
de Beecké , Capitaine au Régiment de
Wirtemberg , Dragons , au ſervice du
Cercle de Suabe. Prix 7 liv. 4 f. Ces
trio , fruit des loiſirs d'un Officier qui
aime la muſique &la cultive , ſont d'un
FÉVRIER . 1775. 181
chant agréable & d'une exécution facile
& à la portée du plus grand nombre des
Amateurs.
III.
Un , deux , trois , quatre & cinquième
livres d'ariettes choifies avec accompagnement
de harpe, ſuivies de pluſieurs fonates
, avec accompagnement de violon ,
par J. G. Burch Hoffet ; la ronde de
Henri IV , nouvellement arrangée , ſui :
viedu menuetde Ficher , pour le même
inſtrument , par le même. Chez l'Auteur
, rue neuve St Roch au coin de
celle des Petits -Champs.
I V.
Ouverture du Devin du Village & pan
tomime , arrangée pour le clavecin ou le
forte piano , avec accompagnement d'un
violon& violoncelle ad libitum . Par M.
Benoist , maître de clavecin . Prix 21.8f.
A Paris chez l'Auteur , rue Gît le coeur,
la ſeconde porte cochère à gauche , en
entrant par le Pont-neuf; & aux adreſſes
ordinaires de mufique.
182 MERCURE DE FRANCE.
V.
Airs détachés de la pièce de Henri IV,
drame lyrique en troisactes . Prix 1 l. 16 f.
Variation faite pour la harpe ou forte
piano , quatre ſur la ronde de la table
de la piéce de Henri IV , avec le chant
pour chaque couplet , & quatre variations
fur l'air de Charmante Gabrielle ,
les couplets , ſe vendent enſemble 11.
4 f. avec privilège du Roi , chez le Sr
Sieber , rue St Honoré , à l'hôtel d'Aligre
ancienGrand Conſeil,& aux adreſſes
ordinaires .
V I.
avec
Six duo pour deux violons ou deux
inftrumens égaux , aſſez faciles pour être
exécutés par les commençans ; par M.
Rémondi , Napolitain. A Paris , au bureau
d'abonnement muſical , rue du Haſard-
Richelieu , & aux adreſſes ordinaires
de muſique.
FÉVRIER . 1775. 183
HISTOIRE NATURELLE .
, Les monftres , ou les écarts de la Nature
ouvrage qui renferme toutes les monf.
truoſités que la Nature produit , foit
dans l'eſpèce humaine , ſoit parmi les
quadrupèdes , les bipèdes , &c. en
planches coloriées , peintes &gravées
par M. & Mde Regnault , Auteurs de
la Botanique , miſe à la portée de tout
le monde (I ) , in fol. papier d'Hollande
, proposé par ſouſcription.
Il n'eſt point de ſerpent ni de monſtres odieux ,
Qui , par l'art imité , ne puiſſe plaire aux yeux.
Boileau , Art. Poët. ch. 3 .
S'ir ſe trouve peu d'Auteurs empreſſes
à répandre la clarté ſur cette partie in-
(1) Ouvrage in fol. compoté de plantes d'uſage
, de couleur naturelle , en trois cens planches ,
avec des notices inſtructives ſur les propriétés , les
vertus , &c de ces plantes. Paris 1774. Il refte
quelques exemplaires chez l'Auteur , qu'on payera
18 louis jusqu'au mois de Juillet prochain. Les
Souscripteurs l'ont payé is louis.
184 MERCURE DE FRANCE.
téreſſante de l'Hiſtoire Naturelle , il eſt
aiſé d'en ſentir la raiſon ; la Nature
s'écarte ſi peu de l'uniformité admirable
deſa marche , que les productions monftrueuſes
ſont rates ; le concours des curieux
diſperſe les objets , de forte qu'on
ne les rencontre qu'épars çà & là dans
les cabinets : deplus , les foins continuels
qu'exige leur conſervation , occaſionnent
une deſtruction qui augmenteleur rareté;
de-là fuit néceſſairement la difficulté de
les réunir en un corps d'ouvrage , non
ſeulement par les voyages qu'une pareille
entrepriſe rend indiſpenſables ,
mais encore parce quele ſoin de recueillir
les objets ,ne peut être confié qu'à des
mains fûres & habiles: auffi croit-on pouvoit
avancer qu'il falloit que le hafard
fît rencontrer le Peintre avec l'Amateur
d'Hiſtoire Naturelle , pour rendre ces objets
d'une manière fatisfaiſante.
La carrière que les Auteurs ont parcourue
dans la bontanique , par l'ouvrage
déjà cité , dont le ſuccès leur a valu
du Public un accueil qui a paſſé leur efpérance
, a fait naître à pluſieurs Naturaliſtes
le defir de voir réunis , ſous un
même point de vue , & ce que les cabinets
renferment ,&ce que la Nature proFÉVRIER.
1775. 185
duit journellement de plus bizare : leurs
obligeantes follicitations .& le plaifir de
faire un ouvrage auſſi propre à étendre
les connoiffances utiles , ont déterminé
ces Auteurs à vaincre les peines & les
dégoûts , qui accompagnent néceſſairement
un ouvrage de cette nature .
Les monstruoſités les mieux caractérifées
formetont cette collection , & l'on
n'y rencontrera pointde ces monſtres mer.
veilleux , enfans de l'imagination , que
l'ignorance adopte , & que la crédulité
propage. Chaque objet eſt marqué au
coin de la vérité , & l'on cite , au bas
des planches , les ſources où l'on a puiſé ,
•comme les cabinets ou autres ; de manière
que chacun pourra s'aſſurer de
l'exiſtance des Sujers .
On a cherché , dans cet ouvrage , à
effacer les rides imprimées par le temps ;
& les montres font repréſentés , non
dans l'état où les a réduits la vétuſté ,
mais dans celui où la Nature les a produits
: par ce moyen , on a ſauvé le hideux
qui rebure ſouvent dans les objets
même les mieux conſervés.
Une notice ſimple aidera à développer
les particularités de la monftruofité
de chaque objet. On ne s'eſt point pro
186 MERCURE DE FRANCE.
poſé dans cet ouvrage de remonter aux
cauſes ; les vues del Artiſte ne tendent
qu'à rendre fidèlement les effets ; c'eſt
la tâche du Philofophe d'interroger la
Nature fur les rattons qui l'écartent de
ſa route. Le pour& le contre occupent
les Sivans depuis des ſiècles ; il étoit
réſervé au nôtre , & à l'illuſtre M. de
Buffon qui l'honore de décider la
queſtion.
,
Les curieux qui ont des monftruoſités
rares & fûres , font invités à en enrichir
cet ouvrage, pour cet effet , ils
font priés de les communiquer aux Auteurs
, & fi l'éloignement des lieux y
mestoit obſtacle , de leur en donner
avis.
La manière précieuſe dont les planches
font exécutées , les rend auffi propres à
figurer dans un cabinet , montées ſous
verre , qu'à enrichir une bibliothèque ,
étant reliées. On ne s'étendra point fur
le mérite de l'exécution ; la manière dont
l'un de ces Auteurs ( 1 ) a traité les planches
de l'ouvrage de botanique , qui eſt
dans les mains de preſque tous les curieux
, annonce ce que l'on peut attendre
(1 ) Madame Regnault.
FÉVRIER. 1775. 187
de leurs talens réunis ; & la confiance
qu'ils ont méritée par leur exactitude
à remplir la ſouſcription du premier ou
vrage , leur donne de l'aſſurance à propoſer
celle du ſecond.
Conditions de la ſouſcription.
On délivrera les planches par cahiers ,
& chaque cahier ſera compoſé de dix
planches .
Il paroîtra un cahier tous les trois
mois ( 1 ) . Le premier ſe délivrera dans
le courant d'Avril prochain , & ainſi de
fuite par chaque trimestre .
Le prix de chaque cahier ſera de Is
liv. pour les Souſcripteurs , franc de port
àParis (2) .
On dépoſera 60 liv. en ſe faiſant
infcrire , laquelle ſomme formera le prix
de quatre cahiers ( 3 ) : moyennant quoi
(1 ) Ou tous les deux mois , ſi l'abondance des
ſujets le permet; d'ailleurs on annoncera chaque
cahier par la voie des Journaux.
(2) On fera remettre les cahiers des Souscripteurs
de Province , ſoigneusement emballés , aux
voitures publiques , àl'adreſſe qu'ils indiqueront.
(3 ) Les personnes qui n'auront pas de commodités
pour faire paſſer de petites ſommes , feront
libres de s'abonner pour un plus grand nombre de
cahiers.
188 MERCURE DE FRANCE.
les Souſcripteurs recevront les trois premiers
; après quoi ils ſoufcriront de nouveau
pour les ſuivans , parce que les
15 liv . qui n'auront point été acquittées ,
feront & demeureront à imputer ſur
le dernier cahier de l'ouvrage pour lequel
il n'y aura dèslors rien à payer.
L'ordre des premières épreuves ſuivra
celui des ſouſcriptions .
On aura la bonté d'affranchir l'argent
& les lettres .
On foufcrit à Paris chez l'Auteur ,
rue Croix des petits Champs , au magafinde
chapeaux des troupes du Roi .
Manufacture de glaces & verres courbés.
CETTE Manufacture établie par Arrêt
du Conſeil d'Etat du Roi , du 8 Septembre
1756 , appartient , par privilége excluſif,
àM. Bernières, Contrôleur des ponts
& chauffées , & Membre de pluſieurs Académies
, demeurant au Vieux-Louvre à
Paris. C'eſt à lui qu'on eſt prié d'adreffer
les lettres franches de port , pour ſe
procurer ce qu'on veut avoir de cette
FÉVRIER. 1775. 189
Manufacture . Voici les objets qui s'y
exécutent.
On y courbe les glaces & toutes les
eſpèces de verre , dans toutes les formes;
ce qui fert à faire de belles lanternes d'apt
partement, à garnir les cro ſées ceintrées,
à mettre aux encoignures des carroffes ,
à celles des grandes boutiques , &c .
On y fait des glaces appelées glaces
difcrettes , parce qu'elles ont la propriété
de laiffer voir du dedans au dehors ,
fans qu'on ſoit vu du dehors au dedans.
Ces glaces ſe mettent aux carofles , aux
cabinets de toilette , dans le bas des
croisées qui étant au rez-de-chauffées ,
donnent fur des rues , ou fur des promenades
& des paſſages publics.
Le prix de toutes les glaces ci -deſſus
eſt le double de celui porté par le tarif
des glaces droites ; enſorte que a une
glace étant droite vaut 20 liv , elle en
vaut 40 lorſqu'elle eſt courbée , ou co
vertie en glace diſerette .
On trouve auſſi dans cette Manufacture
des cristaux de pendules , des cadrans
en glace & en verre plus réguliers
que ceux en émail , & à beaucoup meilleur
compre.
Des prifmes dont les faces portent
190 MERCURE DE FRANCE.
12 à 15 lignes de longueur , &du poli le
plus parfait.
Des plateaux de balance en verre pour
pefer les acides & les médicamens.
Des glaces percées & arrondies pour
les machines d'électricité.
Des objectifs de longs foyers pour
former des chambres obfcures detoute la
grandeur d'une chambre ou d'un cabinet,
&par le moyen deſquelles on peut avoir
de grandeur naturelle, les objets qui paf.
ſenta 12 , 15 , 18 & 24 pieds de diſtance .
Ces objectifs valent 3 liv. le pied de
longueurde foyer , c'eſt à- dire qu'un ob
jectif de 12 pieds de foyer, vaut 36 1.
tout nud.
Des miroirs concaves , dont tous les
Savans connoiffent les curieuſes propriétés
. Ceux de 9 pouces de diamètre valent
72 liv ; de 12 pouces 120 liv ; de 1s pouces
240 liv ; de 18 pouces 340 liv ; de
24 pouces 600 liv ; tous montés ſur leur
pied , dans leur bordure , & ayant toute
la mobilité néceſſaire aux expériences.
C'eſt enfin dans cette Manufacture
qu'a été exécutée la fameuſe loupe de
liqueur portant quatre pieds de diamètre
qu'on voit au Jardin de l'Infante ; &
que les ſciences doivent à la généroſité
FÉVRIER . 1775. 191
de M, de Trudaine , & à la protection
diftinguée dont il honore ceux qui les
cultivent. Elle eſt infiniment ſupérieure
par ſes effets , à toutes les autres machines
de ce genre connues juſqu'à préſent. Une
de ces loupes portant 12 pouces de diamètre
, entourée de ſa double bordure
de cuivre,& diſpoſée de manière qu'elle
peut être remplie de telle liqueur dont
on ſe propoſe d'éprouver le pouvoir rétractif
, vaut 240 liv ; une de 18 pouces
vaut 600 liv ; une de 24 pouces vaut
1000 liv ; une de 30 pouces vaut 3000
liv ; une de 36 pouces 3600 liv ; une de
42 pouces 7000 liv ; une de 48 pouces
12000 liv ; une de 60 pouces ou cinq
pieds vaut 24000 liv. On fait que la
force de ces loupes croît à peu près dans
le rapport des carrés de leur diamètre ...
Quant aux machines qui leur fervent de
pied , il s'en faitde diverſes manières
dont les unes coûtent plus , les autres
moins ; ainſi on ne peut qu'en traiter
à part. M. Bernières en donne gratuitement
pluſieurs deſſins , entre leſquels on
peut choiſir pour les faire exécuter foimême
par économie ; d'ailleurs ces def.
fins feront partiede la deſcription géné
rale que M. Bernières ſe propoſe dedon-
,
192 MERCURE DE FRANCE.
ner cette année des procédés , par leſqueis
il eſt parvenu à exécuter cetre grande
loupe ; des fours , fourneaux , moules,
outils & machines qu'il a été obligé de
conſtruire & d'imaginer pour cette opé
ration ; des précautions à prendre pour
en aſſurer le ſuccès; de la conduite des
feux à courber les glaces & le verre ;
enfin de l'art de les courber.
Lettre à M. de Chabanon , pourfervir de
réponse à celle qu'il a écrite fur les propriétés
musicales de la langue Françoise.
Par M. le C. de S. A.
A mon retour d'un voyage très - long , j'ai été
frappé , Monfieur , de la Lettre que vous avez
inférée dans le Mercure du mois de Janvier 1774 .
Voici les réflexions qu'elle m'a fait faire , & que
je prends la liberté de vous communiquer.
Sans entrer dans des détails inutiles , vous me
paroiſlez très perfuadé de l'aptitude de notre
langue àlamuſique. Vos remarques ſur la contra-.
diction exiſtante entre les ſtyles différens des Au- .
teurs & l'unité de caractère qui ſembleroit devoir
être inhérente à la Langue , ſont très judicieuſes .
Vous ajoutez que notre idiome François s'eſt
particulièrement diftingué par l'avantage directement
oppoſé au vice qu'on lui reproche , & de
tout
FÉVRIER . 1775 . 193
tout cela vous tirez cette conféquence : la Langue
eſt ce que les Ecrivains la font.
Je pourrois partir du même point pour conelure
de même à l'égard de la Muſique. Elle eſt,
ſelon vous , une langue à part , & peut- être indépendante
des paroles ; en ce cas , elle eft ce que
lesCompoſiteurs la font. Cette idée confondroit
abſolument toutes les différences de genre national
, & je n'en aurois pas un regret bien vif. Je
ne connois que le beau ; il m'eſt fort égalde quel
pays il peut être. Vous allez me demander ce que
c'eſt que lebeau ; vous ſentez aſſez que ce n'eſt
point ici le lieu de traiter une queſtion purement
métaphysique , &que cette diſcuſſion nous meneroit
trop loin. Revenons.
Sur les propriétés muſicales de notre Langue ,
il ſe préſente , dites- vous , trois opinions qui partagent
également le Public.
1°. Notre Langue eſt muſicale; mais Lulli a
créé le ſeul genre dont elle ſoit ſuſceptible. II
eſt aſſez égal , comme vous l'obſervez trèsbien
, que Lulli ait créé ce genre , que l'on dit
convenir ſeul à notre Langue , ou qu'il l'ait apportéd'Italie.
Eſt-ce le ſeul qui nous convienne?
Voilà le fait. Je ne dis pas que cela ſoit; mais je
ne ſuis point effrayé de l'objection que vous préſentez
contre cette opinion. Le diſcredit on eſt
tombé le chantde Lulli ne me paroît pas une raifon
ſuffiſante pour la nier. A-t- on jamais conclu
du droit par le fait ? C'eſt renverſer l'ordre des
choſes. S'il eſt vrai , comme on n'en peut douter,
que le goût ait changé depuis Lulli , ſoit en bien ,
foiten mal , on n'en doit pas tirer la conféquence
que la muſique de cet Auteur a été reconnue
inalliable au rithme de la Langue Françoile. On
1
194 MERCURE DE FRANCE.
devroit tout au plus en induire qu'elle n'eſt pas
la ſeule qui puiſle s'unir aux mots françois. J'efpère
vous prouver plus loin que l'on ne peut
même avancer cette propoſition. En attendant ,
je vous obſerve qu'avant de conclure par les
changemens faits au goût , il faudroit établir
comme certain que le goût s'eſt perfectionné.
Cette preuve n'eſt point aiſée.
J'ajoute que je regarde , comme très - poſſible ,
que la corruption du goût aille , non- feulement
juſqu'à faire ſubſiſter des monftres à côté des chefsd'oeuvre
, mais encore faire préférer les monſtres
aux chefs - d'oeuvre. La corruption du goût ne
vientque d'un ſentiment faux , &par conséquent
d'un jugement faux ;puiſqu'il eſt clair en méraphyſique
, que le jugement n'est qu'une modificationde
ſentiment. Pourquoi donc vouloir borner
cette corruption , puiſque l'on ne ſauroit
fixer le degré d'organiſation qui règle le ſentiment,
& dont elle dépend ſeule ? Corneille , Ra .
cine, Crébillon font actuellement une impreſſion
moins vive qu'autrefois. On ſe contente d'une
admiration ſtérile , &, à la honte du Théâtre &
de la Nation , on met en parallele avec eux des
génies médiocres , & ſouvent même on les leur
préfère. Un genre qui n'eût jamais olé paroître
dans ces fiècles heureux où brilloient ces grands
hommes , les éteint aujourd'hui. Peut - être dans
quelque temps verra- t-on ce genre , qui n'est pas
le véritable quoiqu'il ait ſes beautés particulières,
devenir le ſeul exiſtant , & plonger dansun
un oubli éternel les Pères & les Héros du Théâcre.
Vous voyez donc qu'on ne peut fixer ledegré
de la dépravation du goût. Au reſte , vous avez
fenti la foibleſſede votre argument ,& vous pafſez
de ſuite à la ſeconde opinion.
FÉVRIER. 1775. 195
2. Notre Langue ſe prête aux touraures du
chant moderne ; mais ces tournures ne ſiéroient
pasà la dignité de l'Opéra.
mon
Avant de diſcuter cette dernière opinion , je
crois qu'il ſeroit à propos de définir ce que l'on
entend par dignité; ſeroit- ce ſimplicité ? En ce
cas , il eſt clair que la Muſique Italienne étant
moins ſimple que celle de l'Opéra , cette dernière
doit être plus d'accord avec notre Langue , dont
le principal mérite eſt cette même ſimplicité. Qui
peut donc empêcher qu'elle ne ſe prête à la ſimplicité,
ni à la dignité de l'Opéra ? J'irai encore plus
loin. De tous les genres poſſibles , celui de Lulli
étoit certainement le plus fimple. Ce genre doit
donc convenir uniquement à la Langue Françoiſe
, qui eſt la plus ſimple des Langues modernes.
Qu'a- t- on à répliquer à cela de ſolide ? Rien ,à
moins que pour faire crouler l'édifice de
raiſonnement , vous ne donniez au mot dignité
une autre idée que celle que je vous ai offerte, &
qui m'a paru la plus naturelle. Par dignité, entendrez
-vous force ? Je ne fais ce que c'eſt qu'une
muſique forte. D'ailleurs , cette force ne peut être
continue , puiſqu'elle dépend des images avec leſquelles
elle doit s'allier. Au reſte , il faudroit encore
expliquer ce que c'eſt que force , & alors
nous nous engagerions dans un dédale , dont ni
vous , ni moi ne pourrions ſortir. Cette dignité
d'ailleurs , quelle qu'elle ſoit , doit être un caractère
décidé ; or , la force ne pouvant exiſter que
par contraſte avec la foibleſſe , ne peut produire
cet effet. Expliquez - moi donc ce mot dignité, &
alors je vous répondrai.
1. Vous regardez avec raiſon la troiſième opinion
comme la plus redoutable , & ce n'eſt pas tant ,
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
dires-vous , par la force des raiſonnemens qui la
ſoutiennent que par la célébrité du grand homme
qui s'en eſt déclaré le protecteur. J'ai peut - être
tort , mais je penſe le contraire. Je crois que c'eſt
encore plus par les preuves ſolides qui la conſtatent
, que par le nom du fameux Jean - Jacques
Rouſleau , qu'elle doit en impoſer.
3 °. Aucune bonne muſique ne peut nous convenir
, & nous ſommes condamnés à ne jamais
chanter.
J'avoue que cette déciſion eſt un peu ſévère ;
mais c'eſt moins ſa ſévérité que ſa juſteſle qu'il
faut examiner. Les accuſations intentées contre
notre Langue ſe peuvent réduire à trois . 1 °. La
quantitéde ſons perdus & indiſtincts qui s'y trouvent.
2º. L'ordre trop didactique de nos conftructions.
3º . Le défaut de proſodie marquée. Allons
par ordre.
Voici , ſur le premier chef, les paroles de M.
Roufieau. Notre Langue, dit- il , compoſée de
>fons mixtes &de ſyllabes muettes , ſourdes on
naſales , ayant très-peu-de voyelles ſonores , &
>>beaucoup de conſonnes & d'articulations , eſt
> entièrement contraire à la muſique. »
Vous voudriez , dites - vous , cauſer avec M.
Rouſſeau pour ſavoir ce qu'il entend par des ſons
mixtes. Je vais tâcher de vous fatisfaire fur cet
article , à condition toutefois que vous aurez la
bonté de m'expliquer à votre tour ce que vous
entendez par dignité ; nous ferons compenfazion.
Pour revenir à notre question , je crois qu'il
faut d'abord avoir recours à l'idée la plus naturelle
que pourroit préſenter le mot mixte. En
FÉVRIER . 1775. 197
chimie, en phyſique , & dans toutes les ſciences
poſſibles , on appelle mixte tout ce qui tient de
deux natures. Ainsi , un corps mixte eſt un corps
compoſé de pluſieurs êtres de différens genres.
Une ſenſation mixte eſt une ſenſation qui n'eſt
pas décidée , & en embraſle pluſieurs. En politique,
unGouvernement mixte eſt celui qui ſe reſſent
de pluſieurs Gouvernemens différens ; il ſembledonc
que l'idée de mixte ſoit abſolument contraire
à l'idée d'unité , puiſqu'on ne peut l'enviſager
ſans diftinguer en même-temps plus d'une
unité. :
Qu'est- ce donc qu'un ſon mixte ? C'eſt un ſon
qui n'eſt point décidé. Toute Langue morte ou
moderne eſt compoſée de voyelles & de confonnes.
Tous ceux qui ont une oreille ſenſible conviendront
que le ſon d'une voyelle eſt plus diftinct
que celui d'une conſonne,qui n'eſt lui-même
formé que par la déſinence imparfaite d'une
voyelle. Ainfi τὸ , qui , en grec répond à l'article
le, François , eſt un ſon plus décidé que τον , acculatif
du même article, attendu qu'il ſe termine
par une voyelle appuyée , & que τον ne ſe termine
que par une voyelle coulée très rapidement , &
perdue dans l'air. Autre raiſon favorable à mon
idée. To , étant ſonore & marqué , peut s'adapter
àun chant marqué , au lieu que Tov ne peut au
contraire ſe lier qu'à un chant incertain. Cette
conféquence eſt tirée d'un principe que vous ne
combattrez fûrement pas. C'eſt que les ſons vocaux
doivent toujours exprimer la même idée que
les ſons muſicaux , ou , pour parler plus exactement
, la même idée doit être rendue par l'union
du chant & de la parole.
Voilà , Monfieur , ce que je regarde commedes
I iij
198 MRECURE DE FRANCE.
fons mixtes. Pour affirmer s'ils font contraires ou
favorables à la muſique , il faudroit qu'il fût démontré
que la musique ne peut peindre qu'un certain
nombre d'idées ; & , pour fixer le degré où
cette forte de ſons ſeroit contraire ou favorable
àlamuſique , il faudroit compter combien d'idées
elle pourroit peindre. Vous ſentez où cela nous
meneroit ; n'embrouillons point les objets. Il eſt
queſtion de ſavoir ſi , en général , les fons mixtes
conviennent ou non à la muſique. A cela je réponds
que ces fons peuvent très-bien convenir ,
ainſi que vous le remarquez judicieuſement à
loccafion des ſyllabes muettes , à ces parties de
chant où la voix doit mourir , & preſque s'anéantir
entièrement ; mais ce n'eſt point affez pour
conclure abſolument en leur faveur. On doit
avouer , bien loin delà , que ces ſons ſeront déplacés
toutes les fois qu'il ſera queſtion de former
un chant uni & marqué . Or , comme il eſt vraifemblable
que ce chant marqué doit être le vrai
caractère de la muſique , & qu'elle ne peut s'en
éloigner que par licence; on pourroit déduire au
contraire que les fons mixtes font en général peu
propres à la muſique , puiſqu'ils ne conviennent
qu'à ungenre.
Je conçois encore une autre eſpèce de fons
mixtes; ce ſont , par exemple , ceux où deux
voyelles expriment le même ſon , àpeu de choſe
près , qu'une ſeule ,& dont le ſon par conséquent
peut s'appeler mixte , puiſqu'il tient de l'intonation
de deux voyelles. Le mot pair eſt dans ce
cas; il ſe prononceroit preſque de même, s'il étoit
écritper; mais il retient un peu de la voyelle a,
&de la voyelle i, autrement il ſe prononceroie
paroupir. Ces forres de fons mixtes ne fontau
FÉVRIER . 1775. 199
cuntort à la mufique , & nous n'en parlerons pas
davantage.
Quant aux ſyllabes muettes, commes elles pof
sèdent les mêmes qualités que les ſons mixtes , &
qu'elles y reflemblent aſſez d'ailleurs , la conclu
ſion que j'en tirerai ſera donc qu'elles ne peuvent
convenir qu'à un genre , & que par là-même elles
ſont peu favorables à la muſique , qui doit tout
peindre. Au reſte , je puis le dire en paſſant : un
défaut attaché non- ſeulement à notre Langue ,
mais encore à celle des autres nations , eſt qu'on
n'y rencontre preſque jamais cette harmonie fi
defirable entre les mots & le chant. L'expreſſion
n'est jamais fondue ni identifiée avec eux. Les
ſons perdus dans la muſique, & les fons mixtes
ou muets dans la langue , exprimeront à merveilles
l'indéciſion , le trouble , l'agonie ou la mort;
mais rendront-t- ils d'autres idées que celles qui
auront quelque fimilitude avec les images dont
jeviens de parler ? N'importe , on les emploie à
tout dans la muſique françoife , ainſi que dans la
proſodie vocale , qui exigeroit la même délicarefle;
& par là on confond tout , on mêle tout ,
&l'on n'offre aux yeux du ſpectateur qu'un tableau
monstrueux , dont le deſſin eft étouffé ſous
un coloris uniforme & fatiguant .
Pour éviter ce triſte inconvénient , on devroit
ſe bien perfuader que jamais un morceau de mu.
ſique chanté ne peut réuffir, s'il unanque cette
union admirable entre les paroles& le chant. Si
l'on a à peindre une imagegrande & fublime , il
ne faut pas , en gardant l'ordre dans la muſique
feule, détruire la magie de l'expreſſion muſicale
par des ſons vocaux'éteints & (ans valeur. De
même, il ne faut point adapter à des mots har-
Liv
200 MERCURE DE FRANCE.
monieux & ſonores un chant incertain qui en abforbe
la mâle énergie ; mais c'eſt en vain que l'on
répète les leçons de la Nature; les hommes ont
oublié ſa voix , & l'art ingénieux & fubtil a enfin
réufi à éclipſer celle dont il emprunte ſa grandeur.
Vous donnez un exemple d'éliſion italienne &
d'éliſion françoiſe , & vous croyez par- là prouver
que notre éliſion qui fe fait d'une ſyllabe
muette contre une voyelle ſonore eſt bien plus
agréable & plus naturelle que l'autre. Vous citez
ces deux vers italiens fi connus :
Teneri sdegni , e placide , e tranquille
Repulſe , e cari vezzi , e liete paci .
On ne peut , dites vous , ſéparer ces voyelles
ſans marcher d'hiatusen hiatus , & rendre la pro.
nonciation cahoteule ; & on ne peut les unir au
contraire , fans tronquer , ſans défigurer les mots,
en leur ôtant une des ſyllabes qui les compoſent,
&d'ailleurs , vous fatiguez l'oreille par le retour
continuel des déſinences en e. On ne peut mettre
en queſtionſi on doit les féparer ou les unir.
L'oreille indique le dernier parti. Pourquoi, dans
ce cas , fatigueroit - t . on l'oreille par le retour
déſagréable des déſinences en e ? Ne vous rappelez-
vous plus ce que nous venons de dire fur
l'harmonie qui doit ſubſiſter entre l'expreffion
muſicale & l'expreſſion vocale ? Repréſentez-vous
un inftant l'idée que repréſentent ces deux vers
italiens. Elle eſt une , & en camayeu , ſi je puis
parler ainfi . Une idée une doit naturellement enfanter
une unité d'expreſſion . En ce cas , il faut
que l'idée , la muſique& les paroles nous préſen
FÉVRIER . 1775 . 201
tent l'uniformité. Ainsi , l'Auteur a très-bien réuſſi,
&le traînant que vous remarquez dans ces deux
vers charmans eſt une perfection & non un défaut
, puiſqu'il exprime ce qu'il doit exprimer.
Je paſſe à l'autre exemple d'éliſion françoiſe
que vous citez enfuite , pour la relever infiniment
au-deſſus de l'éliſion italienne. N'appercevezvous
pas que ce n'eſt point une voyelle qui la
forme, mais une conſonne ? On ne peut donc
proprement l'appeler éliſion. C'eſt plutôt une
eſpèced'union entre deux ſons différens, qui, loin
de les faire glifler l'un ſur l'autre comme dans
l'Italien , conſolident au contraire la prononciation
, & paroit plus propre à peindre un repos
majestueux qu'uire uniformité voluptueuſe , auſſi
levers françois :
Oui , je viensdans ſon Temple adorer l'Eternel ,
préſente-t-il une image bien différente de lapremière.
C'eſt , comme je viens de l'obſerver, une
pauſe noble & majestueule , qui eſt très-bien expriméepar
cette ſuſpenſion entre le mot Temple
&le commencement du mot adører .
Je crois ceci pris dans l'eſſence des choſes.
Je ne prétends point du tout dire pour cela que
cette union ou éliſion , ainſi que vous voudrez
Pappeler , foit moins agréable que l'autre , mais
je veux ſeulement dire que c'eſt une forte d'agrément
abſolument différente , & , par conféquent
, adaptable à un autre genre de peinture,
Je conclus de tout cela que les Vers Italiens&
François ſont très - bien choifis, & rendent trèsbien,
chacundans leurgenre , le ſentimentqu'il
faut rendre ; mais qu'ils ne prouvent rien , ni
pour , ni contre,
Iv
202 MERCURE DE FRANCE.
Je ne m'étendrai pas davantage fur le reproche
que l'on fait à notre Langue , d'être remplie de
conſones & d'articulations. Tout cela peut être
rangé dans la clafle des ſons- mixtes , & doit ,
par conséquent , avoir les mêmes défauts. Il eſt
ailé de voir , par les paroles mêmes de M.
Rouſleau , que le vice effentiel qu'il trouve àla
Langue Françoite , eſt de n'offrir qu'un genre
indécis , peu marqué , & propre à un ſeul genre ,
qui eſt celui que vous nommez perdu & indil
tinct.
1 Pafions à la ſeconde objection. L'ordre didac
tique de nos conſtructions , ( c'eſt encore M.
Rouſleau qui parle ) , empêche la phrafe muſicalede
ſe développer ; aulieu qu'elle ſe développe
beaucoup mieux , quand le ſens du diſcours,
long-temps ſuſpendu , ſe réſoud ſur le verbe
avec la cadence.
Vous ne ſentez point, Monfieur , le mérite
muſical de l'inverfion. Setoit- il poſſible que , connoiffant
les charmes de la Langue Latine , vous
neconveniez pas qu'un de ſes principaux agrémens
eſt cette inverſion dont vous vous plaignez
? Il est vrai que pour un homme qui en
ignoreroit entièrement les principes , elle paroît
d'abord plus obſcure. L'habitude , d'ailleurs , que
nous avons contractée , de parler & d'écrire un
idiome dans lequel l'ordre grammatical n'eſt
preſque jamais interrompu , doit nous prévenir
contre l'inverfion ; mais , en réfléchiſſant bien ,
vous trouverez ſûrement que la raiſon & le
goût justifient cette affertion de M. Roufleau.
Je ne dis rien de trop fort , & je vais vous
faire juge en votre propre cauſe. Les lumières
que vous avez acquiſes , en travaillant fur la
FEVRIER. 1775. 203
Muſique , ſont trop étendues & trop générales ,
pour ne pas être frappé de ce que je vais vous
dire à ce lujet.
Je ne parlerai point du plaiſir que toute oreille
exercée éprouve à la lecture des phraſes latines ,
où l'inverſion eſt la plus marquée. Quelque vif
qu'il puifle être , il ne concluroit rien pour
moi , & vous auriez toujours la reſſource de
répondre que ce n'eſt point l'homme corrompu
par mille conventions qui lui tiennent lieu de
réalités , que l'on doit citer ici; mais au contraire
l'homme qui n'auroit nulle connoiſſance
de la Muſique , &, autant qu'il ſeroit poſſible ,
dans l'état de nature. Il faut donc chercher
d'autres raiſons , & vous prouver que le goût ,
le ſentiment & la lumière naturelle de l'homme .
fans aucune réflexion , le porteront toujours à
préférer l'inverſion à l'ordre grammatical des
phrales. Vous ferez ſurpris de ce paradoxe ;
mais il eſt queſtion de vous convaincre, &
j'eſpère y réuſſir.
Je commence par établir un fait connu de tout
le monde , & pris dans la nature. C'eſt que de
deux idées de force égale , celle qui ſe préſente
la dernière à l'eſprit l'emporte preſque toujours
fur l'autre. Sans m'amuſer à prouver cette vérité
Métaphysique , par des objets peu connus,
je ferai ſentir à tout homine raiſonnable que
de tout ce qu'il voit , de tout ce qu'il entend ,
c'eſt le dernier tableau , c'eſt le dernier ſon qui
lui refte dans la tête . Delà vient cet amour
général de la nouveauté ; delà cette inconſtance
naturelle de l'homme , qui l'entraîne fans ceffe
vers tout ce qui a frappé le plus récemment
ſes ſens ou ſoname. Je dis plus; les attachemens
I vj
204 MERCURE DE FRANCE.
les plus longs & les plus anciens , les préjugés
les plus forts fur certains points , la plus conftante
obſervation de certains préceptes , ne viennent
d'autre choſe, finon de ce que ces attachemens,
ces préjugés , cette obſervation , le préfentent
fans cefle à nous , avec les graces de la nouvauté.
Nous croyons y découvrir de nouveaux charmes ,
& ce n'eſt que dans l'inconftance qu'il faut
chercher la raiſon de la fermeté.
D'après ces notions , vous ſentez toute la
fuite de mon raiſonnement & ne pouvez vous
y oppofer. De toute la phrafe , le verbe eſt ,
ſans nulle difficulté, le mot le plus frappant ,
celui qui doit produire le plus grand effet &
exciter la plus forte émotion. Que toute la
phraſe paroîtroit foible & languiſlante , fi le
verbe la commençoit toujours ! Voilà pourquoi
notre Langue eſt ſi peu énergique , & ſe prête
fi gauchement aux divins tranſports de la Poéfie.
Quelle impreffion peut faire dans les coeurs un
mot ſans force , après un mot plein d'harmonie ?
Raiſonnons de même à l'égard du verbe. C'eſt
de lui que l'on attend tout l'effet du morceau ;
on doit le defirer ardeinment , & il ne ſemble fait
que pour mettre le ſceau au caractère de la
phrafe. Au contraire , dans notre langue , ce
verbe ſi précieux paroît au commencement de la
période, fans qu'on ait eu le temps de ſe reconnoître
& de graduer ſes ſenſations ; & dela il
acrive un triſte effet. Outre qu'il ne produit pas
le quarr de l'ébranlement qu'il eût caufé , s'il
cût donné au coeur le temps de fouhaiter ſa
préſence il éteint toute la phrafe & en ôte
abfolument l'intérêt. La choſe eſt décidée ; il
n'eſt plus de retour : l'eſprit & le coeur , égale-
,
FÉVRIER . 1775.205
ment fatisfaits par l'harmonie impoſante da
verbe , ne parcourent qu'avec nonchalance le
reſte de la période qui ne ſert qu'à éclaircir l'idée ,
& qui ne peut plus que l'affoiblir. On ne produit
pas deux fois un grand effer. Toute la phraſe
devenue traînante , ennuyeuſe , ſans ame, ſans
force , ſans projet , ſans énergie , eſt écraſée par
la comparaiſon du verbe avec elle. Tels font les
inconvéniens de ce bel ordre didactique dont
vous nous vantez les avantages.
Voyez à préſent le triomphe du ſens ſuſpendu.
Repréſentez- vous , d'un côté , l'Orateur prêt à
déployer ſon éloquence par un tableau intéreflant
, & de l'autre , l'auditeur dont l'ouie
avide ſaiſit rapidement toutes les réflexions de
l'Orateur. Il commence , l'attention s'éveille ;
elle croit par degrés. Les participes , rangés avec
art après les noms , ont fait naître un intérêt plus
vif; l'auditeur attend , avec une impatience étonnante
, l'inſtant déciſif de la période : il l'attend
en frémiſſant , ſoit de defir , ſoit de crainte ,
ſuivant l'idée qu'offre le morceau . Enfin le verbe
paroît , frappe &décide le caractère de la phraſe.
Il ne frappe pas; mais il tonne , & l'effet qu'il
a produit eſt quelquefois fi fort qu'il ne fauroit
être détruit par une phrafe même auſſi harmonieuſe
que la première.
Tout mon ſyſtême eſt bâti ſur ceci. Point de
bonheur ſans deſir. Les choſes les plus ardemment
ſouhaitées ſont celles qui nous charment
le plus. D'après cela , je crois que tout le
monde conviendra que , puiſqu'il doit exiſter un
rapport harmonique entre les paroles& le chant,
puiſque c'eſt dans ce rapport , de votre aveu
même,que conſiſtent les plus grands effets de
206 MERCURE DE FRANCE.
Da Muſique, il s'enfuit très - naturellement que
la même raiſon qui donne au verbe , long tems
attendu , un attrait ſi puiſſant , meſuré à la force
du defir de l'auditeur , doit auſſi lui donner le
même attrait , quand on joint de la Muſique à
des paroles. La Muſique , dites- vous , Monfieur ,
eſt une Langue comme une autre , & peut- être
même moins arbitraire. En ce cas , toutes les
beautés grammaticales font auſſi des beautés
pour elle En ce cas , l'inverſion , qui produit
une impreſſion ſi profonde dans les Langues où
elle eſt en uſage , doit auſſi la produire dans
la Muſique. Je ne vois pas que l'on puifle empêcher
la conféquence que j'en tire.
J'abandonne cette ſeconde objection , pour
pafler à la troiſième qui eft certainement la
plus forte. C'eſt là le vice radical de notre
Langue , & je doute qu'elle ſe relève jamais de
la prévention funeſte où l'on eſt contr'elle à
cet égard : car enfin vous avez beau me parler
de l'oreille , vous avez beau me répéter qu'on
ne peut altérer la valeur d'une ſillabe , ſans
qu'elle en ſoit bleſſée ; quelque fort , quelque
puiſlant que foit ce préjugé , vous ne réuffirez
jamais à faire paſſer l'oreille pour une règle.
Donnez-vous la peine d'examiner toutes les
Langues anciennes , ſi harmonieuſes , ſi variées ,
ſi riches ; vous trouverez partout l'accent indiqué
d'unemanière claire&préciſe. La langue grecque
que vous citez vous- même , cette langue , ſi chère
à toute oreille ſenſible , avoit une profodie
marquée bien distinctement Comment , d'après
cela , pouvez-vous citer l'oreille comme une
règle Vous auriez raiſon , ſi vous me parliez
de l'homme naturel , en qui les conventions &
FÉVRIER . 1775. 207.
.
les images empruntées n'ont point encore gâté
cette pureté d'organes ſi précieuſe pour le
bonheur ; alors je vous dirois : Oui , l'oreille
de cet homme eſt un guide sûr , & toutes les
règles doivent être bâties fur celles - là ; mais il eſt
queſtion d'une oreille gâtée , pervertie, dépravée,
d'un ſens qui a perdu ſa netteté originaire ; je
vous demande qu'elle règle on doit attendre
d'elle; Elle doit , au contraire , ſe conformer à
cequi eſt établi ; & fi elle a droit de le cenſurer ,
ce ne ſera que lorſqu'on approchera le plus de
ſon ancienne fumplicité. Il eſt donc clair que
laMuſique Françoiſe n'a point de proſodie.
D'après une preuve auſſi évidente , vous ne
pouvez regarder comme une faute de quantité
leVers de M. Rouſleau : Si des galanis de la
Ville , &c. Il n'y a jamais eu d'accent qui ait déter.
miné la prononciation de la fillabe ga. L'uſage
a prévalu , à la vérité , & on la fait brève ;
mais M. Roufieau n'a pu faire une faute contre
la proſodie , puiſqu'il n'y en a point.
De plus longs raiſonnemens ſeroient ici ſuperflus
; la choſe parle d'elle- même , & il eſt
temps que cette lettre finifle. Je la terminerai ,
Monfieur , par l'aſſurance des ſentimens que
vous m'avez inſpirés par vos lumières & la
juſteſle de quelques-unes de vos vues. J'ai répondu
au defir que vous me paroiſlez avoir de
connoître le vrai , & je vous ai dit ce que je
penſois. Trop heureux ſi vous approuvez l'émulation
que m'a donné un talent auſi marqué
que le vôtre, & me communiquez les nouvelles
découvertes que vous pourrez faire en ce gente.
Encore un mot , & je finis. Toute mon intention
a été de vous démontrer qu'il s'en fallois
208 MERCURE DE FRANCE.
de beaucoup que la Langue Françoiſe fût auſſi
propre que l'Italienne à la Muſique , &je crois
avoit réuili ; mais après avoir vu tout ce que
vous avez avancé à ce ſujet , qui m'a paru
foible à tant d'égards , j'ai lu, avec autant d'étonnement
que dejoie , votre nouvelle opinon ,
qui nous offre la Langue de la Muſique comme
abſolument indépendante des paroles , & capable
d'exprimer, fans ſon ſecours , les paffions les
plus chères à l'homme. Il y a quelque temps
que je roule dans ma tête la même idée , quoiqu'un
peu plus étendue & plus générale. Mon
deſlein eſt de détailler mon ſyſtême à ce ſujet ,
dans un petit ouvrage que je compte donner ,
quand cette idée ſe ſera aſlez mûrie chez moi.
En attendant , recevez les témoignages de l'eſtime
fincère que m'a inſpiré l'étendue de vos
connoiſſances & la grandeur de votre projet.
J'ai l'honneur d'être , Monfieur , &c.
Acte de la reconnoiſſance de la Communauté
de Salency.
:
L'AN AN 1775 , le premier Janvier , nous
Syndic & Habitans de la Paroiffe de Salency
, aſſemblés en corps de Commu
nauté , après que l'aſſemblée a été convoquée
à la porte de l'Egliſe par notre
Syndic , à l'iſfue de la Meſſe Paroiſſiale,
& réitérée par le ſon des cloches : fur
FÉVRIER. 1775. 209
ce que nous avons appris de Me Jacques-
François Sauvel notre Paſteur , que M.
Target, notre Avocat en la Cour , avoit
défendu notre Cauſe de la Rozière avec
tout le zèle & l'éloquence digne du plus
célèbre Avocat du Barreau , & que par
un acte inoui de généroſité , il n'avoit
rien voulu prendre pour ſes honoraires ;
après avoir délibéré les uns avec les
autres, nous avons tous réſolu d'une
voix unanime de conſigner un auffi grand
bienfait dans nos regiſtres d'aſſemblée ,
afin d'en perpétuer la mémoire à nos
deſcendans , & de prier M. notre Prieur
d'être l'interprête de notre ſincère reconnoiffance
envers notre généreux défenfeur
, & de l'aſſurer que nous n'oublierons
jamais ce bienfait.
Lettre de M. le H. traducteur de la Dimmulation
punie , à M. Lacombe , en
réponse à la lettre & au défi inféré dans
le 3 3º cahier de l'Année Littéraire 1774.
MONSIEUR ,
Lorſqueje vous airemis le contede la Diffimu
lation punie , je ne m'attendois pas que plus d'un
:
210 MERCURE DE FRANCE.
an après il en ſeroit encore queſtion , & qu'ils
leveroit une réclamation ſérieuſe contre cette bagatelle.
J'ignorois qu'un autre conte , à peu près
ſemblable pour le fonds , avoit été inféré dans le
Mercure il y a treize ans , bien avant que ce
Journal vous fût confié , & quand même j'en
aurois été inftruit , j'aurois penté que le Public
P'Auteur qui le réclame aujourd'hui & vous -même
, n'attachoient pas aflez d'importance à des
contes pour en conſerver un ſouvenir fi fidele. Je
ne ſais fi cette difcuffion fournira encore la matiere
de quelques feuilles ; mais comme il m'a paru
qu'on me défioit de cirer l'Auteur Anglois que j'ai
traduit , & que l'Auteur qui réclame fon ouvrage ,
ou plutôt ſa traduction , s'avoue vaincu ſi je le
nomme, je vous déclare donc , Monfieur , que
j'ai pris ce conte dans un livre Anglois , dont le
titre eft TheAdventurer ; je l'ai traduit librement
&très librement. Je me ſuis permis beaucoup de
changemens, mais pas affez , pour qu'on nejuge
pas évidemmentque j'ai traduit d'après un original
, & non pas défiguré d'après une copie. D'ailleurs
je proteſte queje n'avois aucune connoiflance
d'une traduction antérieure à la mienne.
Vous êtes le maître , Monfieut , de rendre ma
déclaration publique ; ce ſeront quelques lignes
de plus d'inutiles pour une pareille minutie ; mais
j'eſpere pour le Public que ce ſeront les dernieres.
J'ai l'honneur d'être , &c.
FÉVRIER. 1775. 211
A Madame WHITTON , par l'Auteur
de la Lettre fur le Mariage.
J'ai luavec le plus grand plaiſir les vers de votre
aimable Eleve; ils font l'éloge de ſa manière
de ſentir & de s'exprimer : ſa timidité eſt auſſi
celui de fon caractere : le portrait que vous en
faites medonne le defir leplus vifde la connoître.
Puifle la pein ure vraie demes moeurs & de mon
ame lui infpirer autant d'eftime pour moi , qu'elle
m'a inſpiré d'empreſſement !
J'ai cinquante ans , ſans le paroître; j'ai vécu
dans le grand monde , & n'en ai pris ni les travers
, ni les ridicules . J'ai les qualités & les défauts
d'un coeur ſenſible ; on dit queje ſuis doux
&gai; j'aime les talens&m'en cenne. Mes pla
ces me font jouir de 10,000 liv. de reven , & ma
fortune acquiſe monte à 60,000 1. Mais il eſt ſi
difficile de parler de foi ; je vais donc ter niner
promptement ce détail.
Voici l'idée que je me forme du mariage : c'eft
uncontrat entre deux êtres égaux , qui ſe font liés
mutuellement , dans l'eſpoir de doubler la ſomme
de leur bonheur ; & ce fut ſans doute pour ce
couple que le Poëte Saadi * dicta cette maxime
fameuſe: jouis , voilà laſageſſe; fais jouir, voilà
la vertu. Čelui des deux qui enfreint ce précepte
* Dans ſon livre intitulé le Gulistan ou le
JardindesRofes.
212 MERCURE DE FRANCE.
eſt unparjure : mais pour le ramener , il ne faut
employer que le langage de la raiſon ; je la con-
Adère commedevant toujours être appelée en tiers
pour donner des loix .
Je ſuis avec reſpect , Madame ,
B **.
,
P. S. J'aurois defiré , ſans compromettre la
modeſtie de votre charmante Elève pouvoir
juger du dégré de ſes talens; ne pourriez- vous pas
l'accompagner chez quelques hommes célèbres
dans chacun des arts qu'elle cultive , & faire
parvenir leurs fuffrages à l'Auteur du Mercure ,
qui me les communiqueroit. Votre lettre n'annonce-
t- elle pas aufli d'une maniere un peu trop
vague qu'elle joue de pluſieurs inftrumens ,vous
ne les indiquez pas ? J'attends avec impatience ,
Madame , quelques éclairciſſemens là-deſſus.
A Monfieur LACOMBE.
LE Conte intitulé le Grand. OEuvre , inféré
dans le ſecond volume du Mercure
de Janvier , m'engage à vous envoyer
cette anecdote.
Anecdote fur un Etranger mystérieux.
J'étois en Angleterre , Monfieur , lorſque le
FÉVRIER. 1775. 213
Comte de Saint-Germain eut ordre de ſortir de
France , & ſe refugia chez nos ennemis. Bientôt
tous les yeux ſe tournerent fur cet étranger
mystérieux : il devint l'objet des diverſes converſations
; il fit la matière des écrits publics. Il
avoit réſidé pluſieurs années parmi nous , ſans
qu'on y fit attention , excepté le Ministère , qui
avoit toujours les yeux ouverts ſur ſon compre.
A peine fut-il à Londres , que l'eſprit d'obſervation
de ce Peuple voulut pénétrer cet homme
fngulier. On le décompoſa ; on l'analyſa , pour
ainſi dire : il n'échappa à de plus profondes recherches
, qu'en ſe refugiant dans des Régions
plus reculées. Voici ce que j'en trouve de plus
raiſonnable dans une de leurs gazettes. London
chron. 3 Juin 1760 .
On ignore les motifs qui ont amené en Angleterre
un certain étranger : l'éclat quon vient
de faire fur fon compte , donne lieu de s'en entretenir.
A ne le conſidérer que dans ſes actions
les plus communes , il mérite déjà notre curiofité.
On raconte de lui des chofes extraordinaires.
Le merveilleux de ſa vie doit étonner même
notre fiècle , ſi éclairé & fi incrédule . On en révoqueroit
en doute les anecdotes , ſi toute l'Europe
n'en étoit témoin. Cet homme fingulier ne
doit , ni à ſa naiſſance , ni aux bienfaits d'aucun
Monarque , les titres honorables dont il ſe décore:
ſon véritable nom eſt peut-être un myſtère,
qui ſurprendra plus à ſa mort que tous les événemens
miraculeux de ſa vie. On est perfuadé
que celui qu'il porte à préſent n'est qu'un nom
devoyageur.
Le terme d'un inconnu , ſous lequel on l'a
214 MERCURE DE FRANCE.
déſigné , ne paroît pas le caractériſer convenablement;
& ceux d'Avanturier & de Chevalier
d'industrie , que nous lui donnons , dans le ſens
de la Langue Françoiſe , d'où nous les avons
tirés , contiennent quelque choſe d'inſultant
qu'il ne mérite pas. Comme c'eſt pourtant la
dénomination affez ordinaire ſous laquelle on
parle de ce .... Seigneur , ai- je preſque dit , on
lui doit la juſtice de déclarer qu'aucun de ces
noms ne lui appartiennent , ſuivant la ſignification
injurieuſe qu'ils peuvent avoir. Il eſt certainque
ſi par là on entend ſeulement un homme
qui fait une dépenſe conſidérable , qui ne tient à
rien, & dont on ne conçoit pas les reſſources
pour vivre , encore moins pour faire une auſſi
grande figure, cela convient parfaitement à
l'étranger dont nous parlons ; mais on doit
ajouter alors qu'il n'a recours à aucuns des
moyens uſités par cette forte d'Eſcrocs. Il n'y a
peut-être perſonne au monde qui ait droit de
ſe plaindre qu'il lui ait fait tort.
Le pays de cet étranger eſt quelque choſe
d'auſſi problématique que fa naiſſance. On a
ſubſtitué aux connoiſſances certaines dont on
manque ſur l'un & ſur l'autre objet , ainſi que
fur les commencemens de ſa vie, des conjectures
vagues , & deftituées de vraiſemblance ; &
comme il eſt dans la perverſité du coeur humain
de ſoupçonner toujours le mal, la jaloufie
s'eſt arrêtée aux circonstances les moins favorables
à cet homme mystérieux ; & l'on eſt parti
de là pour fabriquer ſur ſon compte le Roman
le plus ridicule &le plus injurieux. Il ſeroit de
l'équité de ſuſpendre au moins fon jugement ,
FÉVRIER. 1775. 215
juſqu'à ce qu'on produiſit des Mémoires plus
certains, concernant ſon hiſtoire. Il eſt même
de l'humanité , de ne point ajouter foi à des
contes abſurdes , & qui n'ont aucun fondement.
Tout ce que nous pouvons dire avec vérité ,
c'eſt que cet homme doit être regardé comme
un étranger inconnu , & àqui perſonne en particulier
n'a rien à reprocher. Il faut croire qu'il
a fans doute des reſſources qu'on ignore ,
pour foutenir le train qu'il mène depuis ſi
long-temps.
Il y a déjà pluſieurs années qu'il vint en
Angleterre. Il a parcouru depuis différentes
Cours de l'Europe , & a par-tout tenu le rang
J'un homme de distinction .
Le Lecteur ſe ſouvient du Maître de Gilblas*,
qui ne manquoit jamais d'argent , ſans qu'on
fût où il en prenoit. Cette hiſtoire reſſemble ,
àbien des égards , à celle du Particulier dont il
eſt queſtion. On n'a pas manqué d'épier auſſi ſa
conduite dans les circonstances les plus critiques;
& on l'a toujours trouvée innocente &
régulière. Il y a cette différence entre le héros
du Roman & le nôtre , que celui- ci ſemble avoir
tous ſes tréſors renfermés en un très-mince volume
, & ſous une forme inconnue , à peu-près
comme les Chymiſtes concentrent dans une
petite phiole les principes les plus actifs de toutes
leurs opérations. On n'a jamais vu décharger
à la porte de cet étranger des tonneaux
*Voy. le Roman de Gilblas.
216 MERCURE DE FRANCE.
d'argent , tels qu'il lui en auroit fallu pour
fubvenir à ſes dépenſes énormes.
Il a toujours eu l'adreſſe de ſaiſir le foible
dominant de la Nation chez laquelle il a vécu.
Il profite de ces découvertes en ce genre , pour
ſe rendre agréable par-tout. La première fois
qu'il vint en Angleterre , il nous trouva fous de
la muſique : il développa ſes talens pour cet
art au plus haut dégré ; il jouoit du violon dans
la dernière perfection , & avec toures les grâces
imaginables. On eût dit , ſuivant l'expreſſion
d'un de nos Poëtes, qu'il étoit né cet inſtrument
àla main. En Italie , où les Virtuoſes s'adonnent
aux recherches ſavantes , il parut grand
connoiſſeur en antiques , en médailles , en pièces
rares & fingulières ; en Allemagne , il s'adonnoit
à la Chymie.
Ses connoiſſances univerſelles l'ont mis à
même de ſe produire avantageuſement chez
les différentes Nations. Il faut avouer , à fa
louange , que , qu'elle qu'ait été ſon éducation ,
ouſa façon de vivre , en quel art qu'il ait voulu
briller , il n'a jamais paru avoir fait autre choſz
que ce dont il s'occupoit dans le moment préſent.
A l'égard de la muſique , par exemple ,
non -feulement il exécutoit ; mais il compofoir ,
&réuffiffoit parfaitement dans les deux genres.
Bien-plus , ſa converſation étoit toujours analogue
à cette ſcience. Dans les diſcours méme
où il n'en étoit nullement queſtion , il trouvoit
le moyen de s'y exprimer en termes figurés ,
empruntés du langage muſical. C'étoit une façon
adroite de montrer qu'il s'occupeit particulièrement
de cet art.
II
FÉVRIER. 1775. 217
Il apporta d'Allemagne en France la reputation
d'un Alchymiſte très-habile & très- expérimenté
, d'un homme qui poſſédoit la Pierre
Philofophale & la Médecine univerſelle : le
bruit courut même qu'il faiſoit de l'or. Son
train , ſon luxe , paroiſſoient accréditer ce conte
populaire. On fut juſqu'a en prévenir un Miniftre,
comme d'une choſe de grande importance
,& qui méritoit ſon attention. Il répondit,
en ſouriant, qu'il éventeroit bientôt la mine
d'où cet étranger tiroit ſon or. Il ordonna qu'on
fît les plus exactes perquiſitions ſur les lettresde-
change qu'il pouvoit recevoir. Mais les
moyens qu'on employa pour approfondir co
myſtère , quoique très -bien concertés , ne contribuèrent
qu'à l'augmenter ; ſoit que l'inconnu
fût inſtruit des recherches qu'on faisoit fur fon
compte , ſoit par quelqu'autre raiſon , on ne
découvrit rien. Le fait eſt que pendant deux ans
qu'on le ſurveilla , il vécut comme à l'ordinaire,
paya routes ſes dettes en eſpèces fonantes ; & il
n'entra pasune ſeule lettre-de-change pour lui
dans le Royaume.
On a parlé de cela par- tout dans le temps ,
&perſonne n'a plus douté que ce qu'on avoit
d'abord regardé comme une chimère , ne fût
-vrai. On ajoute qu'il connoiſſoit une infinité de
remèdes pour guérir de toutes fortes de maladies;
même de ces infirmités inévitables qu'amènent
avec eux l'âge & la caducité.
Une femme de qualité , qui pendant un grand
nombre d'années , avoit été très-coquette , crur
voir ſur ſon front quelques outrages du temps ,
ou du moins voulut- elle les prévénir. Elle va
K
218 MERCURE DE FRANCE.
trouver cet étranger : M. le Comte , lui dit- elle,
ce que je vais vous dire , devroit ſe préparer
avec plus d'art ; mais je ne fais pas faire tant de
façons ; d'ailleurs vous êtes la bonté même . On
dit que vous avez un talent merveilleux , mille
fois préférable à celui que vous y joignez , de
faire de l'or : je parle de votre ſecret pour rajeunir
la vieilleſle. Je ne crois pas être encore dans
le cas ; mais les années viennent , & peut- être
eſt-il plus aifé de prévenir les injures de l'âge ,
que de les effacer. Je ne voudrois point attendre
que j'euſſe beſoin de vos remèdes. Allons ,
parlez - moi franchement , puis - je en avoir ?
m'accorderez - vous cette grâce ? qu'elles font
vos conditions ?
L'étranger , avec une contenance mystérieuſe,
lui répond : Madame , ceux qui ont ces fecretslà
, n'aiment pas qu'on le ſache. Je ne l'ignore
point , Monfieur , lui réplique la Dame ; mais
vous pouvez avoir toute confiance en moi :
enfin elle le perfuade. Le jour ſuivant , il lui
apporte une phiole contenant quatre ou cinq
cuillerées. It lui dit qu'il ſuffiroit de prendre dix
gouttes à la fois de cet élixir ; & cela ſeulement
dans le pleinde la lune , & à fon premier
quartier ; que ce remède étoit très- innocent ;
mais que ſi elle le prodiguoit , il ne ſeroit
peut- être pas aifé d'avoir de nouvelles gouttes.
La Dame renferme cette liqueur avec le plus
grand ſoin, en préſence de ſes femmes ; & foit
pour leur cacher ſa foibleſſe , ſoit qu'elle craignît
d'exciter leur curioſité , elle leur donna
l'échange , en déclarant que c'étoit un remède
pour la colique. Le ſoir même précisément ſa
FÉVRIER. 1775. 219
première femme de chambre , en attendant ſa
Maîtreffe , eſt ſaiſie de tranchées violentes ;
elle ſonge à cette phiole ferrée avec tant de
précautions ; elle ne doute point que ce ne ſoit
quelque choſe d'excellent ; elle porte le nez à
la bouteille ; elle reſpire un parfum qui embaume
; elle en goûte un peu ; elle trouve cela
délicieux , & elle boit toute la phiole.
La colique ſe diſſipe ; & cette fille cherche
à cacher de ſon mieux ſon larcin. La liqueur
étoit claire & tranſparente comme de l'eau :
elle en remplit le flacon , dans l'eſpoir que
ſa Maîtreſſe ne ſera pas fi-tôt dans le cas
d'en faire uſage. Elle s'endort après cette maneuvre.
Le matin , la Dame rentre chez elle toute
haraffée : elle monte à ſon appartement avec
beaucoup de peine , & fait appeler ſes femmes ,
pour la déshabiller. Eile jette les yeux fur celle-ci.
- Eh ! mon enfant , que faites - vous chez moi ,
lui dit-elleique me voulez vous ?d'où fortez - vous?
L'autre répond par une révérence très-reſpectueuſe.-
Que faites-vous ici , répartit la Maîtreſſe
, d'un ton de mauvaiſe humeur ; je n'ai
pas beſoin de votre ſervice; vous pouvez vous
retirer. -Madame me traite avec une dureté qui
ne lui eſt pas ordinaire , replique la femme de
chambre : je n'ai jamais manqué à mon devoir ;
j'ai eu le malheur de m'endormir ; eft-ce un ſi
grand crime à cette heure- ci?
Vous voulez m'en impoſer , replique laDame,
je ne vous connois point; je ne ſache pas que
vous m'ayez jamais été préſentée: vous à
mon ſervice ! non certainement , vous êtes trop
Kij
220 MERCURE DE FRANCE .
jeune. Elle ſonne alors avec impatience ; elle
demande Radegonde ( c'étoit le nom de ſa
première femme) . Mais me voilà , Madame , dit
cette fille; eſt-ce que je ne ſuis plus reconnoif
ſable ? En même temps elle ſe regarde au misoir.
Quelle ſurpriſe ! elle n'avoit pas l'air
d'avoir plus de ſeize ans; & elle en avoit qua
rante-cinq.
On n'a pas encore pu expliquer ce phénomène.
Toute la France a cependant crié au
miracle! mais l'étranger étoit parti ; & la malheureuſe
Dame ſe voit condamnée à figurer
toujours parmi les femmes ſexagenaires .
C'eſt ainſi qu'on rapporte le fait à Paris , &
qu'on le racontera ſans doute pendant pluſieurs
générations. Etoit-ce par la vertu de la liqueur
que la vieille avoit été tranformée en jeune
fille , ou de concert avec le Comte. Celle-ci
auroit-elle été ſubſtituée à la première ? C'eſt
une queſtion que je ne déciderai pas.
AVIS.
I.
Agriculture.
M. DAUBENTON , Maire de la ville de Montbart
en Bourgogne , qui cultive depuis un grand
nombre d'années toutes les eſpeces d'arbres , arbriſſeaux
, & arbuſtes curieux & étrangers , qui
TÉVRIER. 1775 . 221
font les plus convenables pour former les planta
tions utiles ou agréables , donne avis au Public
qu'il eſt en étatd'en fournir une très -grande quantitéde
toute eſpece , ſoit pour former des allées
des fallesde quinconces , foit pour faire des bofquets
& orner les parterres; des arbres & arbrifſeaux
toujours verds , pour former des bosquets
d'hiver & des paliſlades , des arbrifleaux grimpans
pour garnir des murs & des berceaux , enfin de
toutes fortes d'especes d'arbres fruitiers les plus
rares&d'une variété infinie : il s'eſt attaché particulierement
à la culture duplatane, dont ſes pé
pinieres font abondamment fournies ; ceux qui
voudront s'en procurer pourront s'adreſſer à lui
directement , & à Paris , à M. Lucas , au Jardin
du Roi.
I I.
Graiſſe d'Ours.
Un Négociant arrivé depuis peu de temps de
la nouvelle Orléans , capitale de la Louiſianne , a
apporté avec lui de la véritable Graiffe d'Ours ,
pure & naturelle , préparéeſansfeu par les Sauvages:
il a vu avec plaifir que les témoignages de
toutes les perſonnes qui en font uſage , tant à la
Cour qu'à Paris, ſe réuniſſoient pour inſpirer la
plus grande confiance ; la propriété de cette grail.
ſed'Ours eſt de prévenir la chûte des cheveux ,
de les faire croître en très-peu de temps , de les
épaiſſir , & de ſervir réellement à leur conſerva
tion ; elle n'eſt point compacte comme cellequ'on
apportedes montagnes , qui eſt preſque toujours
mêlée d'ingrédiens , qui nuiſent aux cheveux plu
Kiij
222 MERCURE DE FRANCE..
tôt que de leur faire du bien; elle eſt liquide
&ne peut ſe rancir , à cauſe de ſa pureté; on
peut en tranſporter dans le Pays étranger , ſans
craindre qu'elle perde ſa vertu.
Elle réunit la double propriété de guérir les
rhumatifmes , en s'en frottant devant le feu , le
matin & le foir, pendant quelque jours .
La manicre de ſe ſervir de cette graifle eſt
d'en bien enduire la racine des cheveux , le matin
avant de ſe faire coëffer , & le ſoir avant
de ſe coucher : cela n'empêche point de ſe ſervir de
la pommade pour ſon accommodage , mais on
aura attention de continuer ſans interruption pendantquelque
temps.
Le prix des bouteilles cachetées en cire rouge
eſt de 3 1. 2 1. & 1 l . 4 f.
:
A Verſailles , chez M. Deſaubaz , Marchand
Epicier- Distillateur , rue d'Anjou.
A Lyon , chez Mde la veuve Riond,
AChartres , chez M. Paillart.
ADijon , chez M. Líabez , MarchandBijoutier.
A Poitiers , chez M. Guilleminet.
ALille , chez M. Lafaye , aux armes de Soubiſe
, vis-à- vis de St Etienne.
A Rouen , chez M. Grifel , Marchand Bijoutier,
vis-à-vis de la Cathédrale.
AOrléans , chez M. Loifon. :
Et à Paris , à M. Delépine , Concierge à l'hôtel
des Poſtes , rue Plâtriere.
ΙΙΙ.
Hyppiatrique.
Poiré , Libraire à Paris , quai & paffage des
FÉVRIER. 1775. 223
grands Auguſtins , donne avis que n'ayant pu
fournir à temps les exemplaires enluminés du
Cours d'hyppiatrique du Sr la Foffe , vol grand
in- fol. orné de 65 planches , ſuperbes gravures ,
continuera de donner les exemplaires de cet Ouvrage
au même prix : ſavoir, 721. au lieu de 120 ,
ceux avec les planches enluminées 110 1. au lieu
de 160 ; ceux avec les planches doubles , enluminées
& non enluminées , 140 1. au lieu de 240..
Ce délai n'aura lieu que juſqu'au mois d'Avil ;
pallé ce temps , il ne ſera plus au même prix .
I V.
Cosmétique.
On continue de vendre avec ſuccès l'Eau de
Roxelane , colmérique orientale , annoncée dans
le Mercure de Décembre 1774 , chez M. Granchez
, à Paris , dans ſon magaſin du petit Dunkerque
, à la deſcente du Pont-Neuf, pour la blancheur
& la douceur de la peau ; & , pour la commodité
de la Cour , on vient d'établir un dépôt à
Verſailles chez Mde Tiſlaut , Parfumeuſe deMadame
&Mde la Comteſſe d'Artois.
V.
Jus de Régliſſe à la Françoise.
:
1
Le ſieur Colas eſt le ſeul qui fait&vendun nouveau
jus de Régliſſe à la Françoiſe , composé ſeulementavec
des ſimples, lequel eſt approuvé , &
très- efficace pour la guériſon des shumes , maux
de poitrine , on peut le prendre en tout temps ,
Kiv
224 MERCURE DE FRANCE.
fur- tout le ſoir en ſe couchant. En mettre une
once fondre dans un demi-ſetier de lait , le bien
remuer juſqu'à ce qu'il foit bien chaud ; en
prendre la même quantité le lendemain matin ,
on bien en mettre un morceau dans la bouche ; il
adoucit les eaux acres qui occaſionnent lesthumes
& la toux. La livre ſe vend 4 1 .
Il y a des boîtes de trois livres , dedeux livres ,
d'une livre &d'une demi- livre.
Le ſieur Colas demeure rue Beauregard , chez
M. Remi , Maître Menuifier , au premier étage ,
quartier de la Villeneuve.
VI.
Ecole de Génie , nouvellement établie
à Versailles ; dans laquelle on joint
à l'étudedes Mathématiques tout ce qui
peut contribuer à une éducation diftinguée;
par M. Duhamel , Profeffeur.
Comme la plupart des Elèves de M. Duhamel
font deſtinés au Militaire , & que de tous les
Corps ce ſont ceux de l'Artillerie , du Génie &
desGardes de la Marine , où les Mathématiques
font le plus indispensables ; on a jugé qu'il étoit
convenable de les élever tous , grands & petits ,
comme pour y entrer. Soit qu'ils doivent ſervir
dansd'autres Corps , ou être dans des états dif
férens , ils auront toujours lieu de s'en féliciter.
FÉVRIER . 1775. 225
CONDITIONS .
Leprix de la penſion eſt de 800 liv. pour les
jeunes gens au-deſſus de 16 ans , & de 600 liv.
pour ceux qui ſont au- deſſous. L'on paye toujours
un quartier d'avance.
Chaque Eleve eſt obligé d'apporter un couvert
d'argent , trois paires de draps & une douzaine de
ſerviettes.
Ceux qui ne ſe fourniſſent pointde lit payent
de plus 24 1. par an.
Les menues dépenſes , comme blanchiſſage ,
Perruquier , &c. font à la charge des parens On
peut , ſi l'on ne veut pas entrer dans ce détail , les
évaluer & les réunir au prix de la penfion.
Quant aux Maîtres du dehors , comme celui
du deſſin eft indispenſable , on s'eſt arrangé avec
lui à raisonde 7 1. par mois ; il montre régulièrement
deux heures par jour .
Les Maîtres en fait d'armes , d'allemand , d'écriture
, dont ceux qui veulent , prennent des leçons,
montrent trois fois la ſemaine.
Les Officiers ou autres qui , de la ville , veulent
ſe trouver aux exercices concernans les parties qui
les intéreſſent dans les Mathématiques ou ſuivre
le cours général , payent 24 1. par mois.
Les jeunes geus en répétition , 200 l. par an.
Les personnes qui deſireront un plus ample dé
tail fur cet établiſſement , voudront bien écrire à
M. Duhamel , rue St Louis , parc au Cerf, àVers
failles.
Kv
226 MERCURE DE FRANCE.
EDITS , LETTES PATENTES ,
DECLARATIONS , ARRÊTS ,
&c.
LETTRES - PATENTES
I.
ETTRES - PATENTES du Roi, données à Verſailles
au mois de Décembre 1774 , & regiftrées en
Parlement le 7 Janvier ſuivant , qui accordent à
Monfieur , frere de Sa Majesté , pour ſupplément
d'apanage , le Duché d'Alençon & la Forêt de Senonches.
:
i-
I I.
Le Parlement a auſſi enregiſtré le ro de ce
mois , deux Déclarations. La premiere , datée du
8 , porte ſuspenſion des droits d'entrée dans la
Ville de Paris fur le poiſion ſalé , & réduction à
moitié de ceux qui ſe levent ſur le poiflon de mer
frais , depuis le premier jour de Caréme juſqu'à
Pâques.
III .
La ſecondeDéclaration , en date du 25 Décembre,
regle le commerce de la viande pendant le
Carême à Paris.
IV.
Le Roi a rendu le premier Décembre 1774 :
FÉVRIER . 1775. 227
une Ordonnance concernant les Régimens Provinciaux
, dont voici les Titres : I. Compoſition.
II . Habillement , Equipement & Armement. II .
Appointemens , Solde & tout autre Fraitement.
IV. De la levée. V. Des exemptions VI . Des ſubſ.
titutions. VII. De l'aſſemblée des Régimens Provinciaux.
VIII. Choix des Officiers . IX. Des crimes
& délits militaires , & des punitions contre
les Déserteurs. X. Priviléges & avantages accordés
aux Soldats Provinciaux.
V.
Par une Déclaration en date du 26 Décembre ,
le Roi ordonne qu'à l'avenir les Officiers des Cours
*Souveraines , les Maîtres des Requêtes ordinaires
de l'Hôtel , les Préſidens Trésoriers de France &
Généraux des Finances , & les Officiers des Bailliages
, Sénéchauffées & autres Siéges Royaux de
Juſtice , qui après vingt ans consécutifs & accom
plis de ſervice dans leurs offices , obtiendront des
lettres d'honneur ou de vétérance , ne feront point
aflujétis au droit de marc-d'or ordonné pour ces
lettres par l'Edit du mois de Décembre 1770. Une
autre Déclaration , datée également du 26 du nois
dernier , dérogeant au meme Edit , exempte du
droit de marc d'or: 19. les lettres contenant permiſſion
d'établir des manufactures , forges , verreries
, tuileries & de faire d'autres établiſſemens
ſemblables. 29. Les lettres contenant permiffion
de verdre différens remèdes & des ouvrages mécaniques.
3 °. Les lettres portant permiflion aux
Villes , Communautés , Maisons Religieuses &
autreGens de main morte , de faire des emprunts.
4°. Les lettres dedispense d'apprentiſſage. 5°. Les
Kvj
228 MERCURE DE FRANCE .
permiffions de faire imprimer. 6. Les priviléges
pour faire imprimer. 7°. Les lettres de ſuiſéance.
88. Les lettres de grâces & de rémiſſion . 9°. Les
lettres portant établiſſement de foires & marchés .
NOUVELLES POLITIQUES.
L
De Warfovie, le 25 Décembre 1774
'AFFAIRE de la démarcation reſte toujours
dans le même état : les Commiſſaires Rufles ne ſe
font pas encore mis à portée de traiter avec ceux
de la République ; & , àjuger des dispoſitions de
laCourde Pétersbourg par la conduite du Baron
de Stackelberg , ſon Miniftre plénipotentiaire ,
oncroiroit cette Cour fort peu attachée à ſon lot.
Quant aux limites du côté de l'Autriche & de la
Prufle , lesCommiſſaires respectifs ſont toujours
enconteſtation ſur la baſe qu'il s'agit de donner
au Réglement qui les concerne. Les deux Cours
perſiſtent à s'en tenir aux lignes tracées ſur les
cartes que les Miniſtres ont remises à la Délégation
; & les Commiſſaires Polonois ne veulent
admettre pour regle de leur conduite , que
Ies termes précis de la convention de Pétersbourg
&deWarsovie.
De Copenhague , le 5 Janvier 1775
Pluſieurs Baillis employés dans les Etats de
Sa Majesté en Allemagne , ont donné avis au
FÉVRIER . 1775 . 229
Gouvernement qu'une maladie épidémique s'étoit
manifeſtée de nouveau parmi les beftiaux
de leurs Districts . La Cour , fur une fupplique
de la Chancellerie Allemande , a , en confequence
, fait partir pour le Holſtein un Courier
extraordinaire , qui porte l'ordre de tuer & d'enterrer
à une grande profondear , toutes les bêtes
qui ſe trouveront attaquées de la contagion. On
dit que S. M. eſt dans l'intention d'accorder une
indemnité aux propriétaires, pour les pertes qu'ils
feront en ſe conformant à cet ordre.
DelaHaye, le 30 Décembre 1774.
Les Négocians de Hollande ont été avertis ,
de la part du Gouvernement , de ſuspendre l'envoi
des munitions & des marchandises qui peuvent
leur avoir été demandées au nom des Habitans
de Boſton& des autres Colons Anglois. On
prétend que fi les résolutions prises par le Congrès
de Philadelphie , arrêtoient réellement te
commerce entre l'Angleterre & ſes Colonies , il
en résulteroit beaucoup de banqueroutes à Londres
, & par contre-coup dans divers pays étrangers,
DeTunis , le 13 Décembre 1774-
La récolte des grains ayant preſque manqué
dans ce Royaume , le Bey continue d'en défendre
l'exportation ; & l'on ne croit pas qu'il la permette
de quelque temps aux Négocians qui l'ont
follicitée. Le prix de cette denrée eſt toujours le
même.
DeMalte , le 25 Novembre 1774.
La Galiote du Capitaine Joſeph Meria , de
230 MERCURE DE FRANCE.
trente - deux hommes d'équipage , portant le
pavillon du Roi des Deux-Siciles , qui avoit
mis à la voile le 6 , pour aller croiſer ſur les
côtes de Barbarie , a ramené ici le 22 , un Bâtiment
de quatre canons , chargé d'orge ,
qu'elle a pris à la hauteur d'Iſouara. Il étoit
monté de huit Maures , qui ſe ſont défendus
avec opiniâtreté. Leur Rays a été tué dans le
combat. Le Capitaine Meria y a aufh perdu un
de ſes Matelots. Il défarmera après la quarantaine
.
De Turin , le 28 Décembre 1774.
Les Manufactures de ſoiries ſe perfectionnent
de plus en plus dans le Piémont ; & la
Compagnie qui s'eſt formée à Nice , fait des
progrès conſidérables. Elle a des vues de commerce
ſur de nouveaux articles qu'elle ſe propoſe
de tirer du Pays Etranger , & qui feront
d'un grand avantage pour les finances de Sa
Majesté , & pour la proſpérité de ſes Etats.
DeTrieste , le 14 Décembre 1774-
Des lettres d'Umago , dans l'Iſtrie Vénitienne,
marquent qu'une épidémie s'eſt manifeſtée
parmi les boeufs. Cette maladie leur a , diton
été communiquée par quelques boeufs
venus de Zara , où elle règne depuis pluſieurs
,
mois.
DeGênes , le 2 Janvier 1775.
Depuis l'arrivée des lettres de Veniſe , le
:
FÉVRIER .
1775. 231
bruit court ici que les Saletins , de concert
avec les Régences de Barbarie , ont déclaré la
guerre aux Hollandeis ; mais cette nouvelle
mérite confirmation .
DeBarcelonne , le 6 Janvier 1775 .
Hier matin , il fortit de ce Port , huit Bâtimens
, dont fix Catalans & deux Anglois , chargés
de faſcines , de chevaux de friſe, de planches,
d'échelles , & d'autres munitions de toutes efpèces,
deſtinées pour Oran .
Pluſieurs lettres de Mélille annonçoient que
le Roi de Maroc & un de ſes Fils étoient
campés à la vue de cette Place.
De Naples , le 19 Décembre 1774 .
:
Par une Ordonnance du mois de Septembre
dernier le Roi avoit enjoint aux Ма-
giſtrats , de motiver leurs Sentences; de ne
juger que ſur le texte de la Loi ; & dans les
cas où elle n'auroit pas prononcé , de lui rendre
compte de l'affaire , pour la décider par luimême.
Ce Réglement ayant occafionné des
remontrances de la part de la Chambre de
Sainte-Claire , Sa Majesté , ſans y avoir égard ,
l'a confirmé de nouveau en termes encore
plus formels. On aſſure que l'abus qui s'eſt
introduit depuis long - temps dans les Tribunaux
, d'expédier les affaires plus ou moins
vite, ſelon la qualité & le crédit des Plaideurs
, ſera reprimé par une autre Ordonnance
, en conféquence de laquelle tous les
procès devront être jugés à tour de rôle , &
232 MERCURE DE FRANCE.
ſuivant la date du jour où ils auront été entamés.
De Rome , le 28 Décembre 1774 .
D'après une notification du Cardinal Vicaire,
le Jubilé pour l'Année Sainte , a commencé
Sainedi dernier , veille de Noël. L'ouverture
des portes ſaintes aux quatre Baſiliques de
cette Ville , ſe fera immédiatement après l'élection
du Pape. En attendant , les Confréries
ſe préparent à recevoir dans leurs Hoſpices,
celles de l'Etat Eccléſiaſtique , auxquelles elles
ont donné des Aggregations , & qui , pour la
plupart , viennent ici en pélerinage pendant
l'Année Sainte.
De Londres, le 6 Janvier 1775 .
Les dernières nouvelles de l'Amérique font
mention de deux Proclamations , publiées ,
l'une par le congrès Provincial de Maſſachuffer
, & l'autre par le Général Gage, Dans la
première , le Congrès , après s'être élevé contre
l'abus illicite & nuiſible de faire cantonner des
troupes à Boſton en temps de paix , recommande
aux habirans pluſieurs objets relatifs à la conſervation
du bon ordre. Dans la ſeconde , le
Général Gage , traitant d'illégale l'Aſſemblée
Provinciale & les réſolutions qui y ont été
priſes , défend ſéverement à toutes perſonnes
de s'y conformer .
Nous recevons avis de Boſton , que les deux
Régimens qui y avoient été mandés de Quebec,
y font arrivés; & que los Vaiſſeaux le
FÉVRIER. 1795. 233
Boyn de ſoixante - dix canons , & l'Asie de
ſoixante-quatre , y ont débarqué les Troupes
de Marine qu'ils avoient à bord . On y attend
encore le Sommerset , auſſi de ſoixante-quatre
canons.
Ce nouveau renfort, bien loin d'intimider
les Boſtoniens , femble au contraire accroître
l'eſprit de réſiſtance qui règne parmi eux.
De Paris , le 2 Janvier 1775.
Le Régiment de Monfieur , en garnison à
Besançon, y a célébré par une fête très-brillante
, l'année ſéculaire de ſa création , & fon
changement de nom , qui termine précisément
l'époque du ſiècle. La cérémonie commença
le 26 Décembre , par une Meſte ſolennelle ,
que célébra l'Evêque de Roſi , Suffraguant,
dans l'Egliſe de la Magdeleine. Le Marquis
de Saint- Simon y aſſiſta , accompagné de
tous les Corps Militaires. Le foir, tous les
Soldats furent ſervis à différentes tables; & le
lendemain il y eut bal. Le ſiècle paffé fut repréſenté
à cette fête , par un Vigneron , appelé
Marchand , âgé de cent trois ans , &
n'ayant aucune des infirmités de la vieilleſſe.
Le Régiment a décidé , à cette occafion , de
faire une penſion à ce Vieillard , qui , après
la fête , s'en retourna à pied à fon Village,
fitué à une lieue de Besançon. Le 30 , on fit
un Service pour les Officiers & les Soldats
morts depuis 1674 .
234 MERCURE DE FRANCE.
PRÉSENTATION S.
Le 8 Janvier le Marquis Bombelles , que le.
Roi , fur la démiſſion du Comte de Bulckley , a
nommé fon Miniſtre près de la Diète générale de
l'Empire à Ratisbonne , fit ſes remercimens à Sa
Majesté , à qui il fut préſenté, ainſi qu'à la Famille
Royale , par le Comte de Vergennes , Miniftre
& Secrétaire d'Etat ayant le Départementdes
affaires étrangeres.
Le fieurO-Dunne , Miniſtre plénipotentiaire du
Roi auprès de l'Electeur Palatin , qui a obtenu un
congé pour revenit ici , fut présenté , le 12 Janvier
, à Sa Majesté par le Comte de Vergennes ,
Miniſtre & Secrétaire d'Etat ayant le Département
des affaires étrangeres .
Le Is Janvier le ſieur Debonnaire , que le Roi a
nommé Procureur Général au Grand Conseil , a
été présenté à Sa Majesté en cette qualité , par le
Garde des Sceaux .
Le Comte de Noailles , Grand d'Espagne de la
premiere clalle& Lieutenant Général de la Province
de Guyenne , a fait , le 22 Janvier , ſes remercimens
à S. M. en qualité de Commandant en
chef de cette Province .
Le ſieur de Riocourt , premier Préſident de la
Chambre des Comptes de Lorraine , a auſſi été
préſenté au Roi en cette qualité , par le Garde des
Sceaux .
• Sidi- Scalant , Sous Gouverneur de Salé , chargé
par l'Empereur de Maroc de remettre , de la
part de ce Prince , des lettres au Roi , s'eſt rendu
àVersailles le 23 Janvier , & a été présenté le
FÉVRIER . 1775. 235
même jour à S. M. par le ſieur de Sartine , Secrétaire
d'Etat ayant le Département de la Marine.
NOMINATIONS .
Le 12 Janvier Sa Majesté accorda les entrées de
ſa Chambre au Prince de Salm - Salın .
Le Roi a diſpoſé de la place de Commandeur
vacante dans l'Ordre Royal & Militaire de Saint
Louis par la mort du ſieur de Blaru , en faveur du
fieur de Saint Sauveur , Lieutenant- Général des
Armées de S. M. & Lieutenant de ſes Gardes du-
Corps en la Compagnie de Luxembourg .
Sa Majefté , furla présentation de Mgr le Comte
d'Artois , a nominé à l'Abbaye de St Cybar ,
Ordre de St Benoît , Diocese d'Angoulême ,l'Abbé
de Chabans, Comte de Lyon , Aumonier ordinaire
de ce Prince.
Le Roi vient d'accorder au ſieur d'Ormeſſon ,
fils, Confeiller d'Etat , Intendant des Finances , un
brevet d'adjonction au ſieur d'Ormeſion ſon pere ,
dans la place de Chetdu Conſeil établi pour l'ad .
miniſtrationde la Maiſon Royale de St Cyr & pour
le compteà rendre directement à S. M. des placers
préſentés au nom des Demoiselles qui aſpirent à
être admiſes dans cette Maiſon.
MARIAGES.
Le Is Janvier le Roi figna le contrat de mariage
du ſieur d'Agueſſeau de Fréne , Avocat-Général
du Parlement de Paris , avec Demoiselle de Lamoignon
; celui du Marquis de Turpin , fils du
Comte de Turpin , Maréchal-de- Camp , Inspecteur-
Général de Cavalerie & Commandeur de
236 MERCURE DE FRANCE .
l'Ordre Royal & Militaire de St Louis , avec De
moiselle de Montullé ; & celui du Comte de Pierrepont
, Capitaine au Régiment Royal Cavalerie ,
avecDemoiselle Mesnardde Chouzy.
Le 22 Janvier le Roi a ſigné le contrat de mariage
du Comte de la Pallu , Sous- Lieutenant at
Régiment des Gardes- Françoises , avec Demoiſelle
Boulade Mareuil; & celui du Baron de Montboiffier
, Meſtre-de Camp Commandant le Régiment
de Dragons d'Orléans , avec Demoiselle de
Lamoignon de Malesherbes.
NAISSANCE.
La Reine des Deux- Siciles eft heureusement
accouchée , le 4 Janvier , à neuf heures du matin,
d'un Prince qui a été baptisé le mêmejour ,
&qui a été nommé Charles- François .
MORT S.
Antoinette Vander Sluyes eſt morte à Delft le
17 Décembre , dans la 10s' année de ſon âge ,
étant née le 14 Octobre 1670. Elle n'avoit aucune
des infirmités de la vieilleſſe , à l'exception d'un
commencementde ſurdité , & elle a conservéjufqu'audernier
moment toute ſa connoiſſance ; elle
laifle une fille âgée de 63 ans .
François- Bonaventure de Tilly , Marquis de
Blaru , Lieutenant - Général des Armées du Roi ,
Lieutenant- des Gardes du Corps , & Commandeur
de l'Ordre Royal & Militaire de St Louis , eſt
mort le 10 Janvier , en ſa Terre de Blaru , près de
Vernon , âgé de 74 ans .
La veuve Rachel Padoua , Juive , eſt morte à
FÉVRIER. 1775. 237
Mantoue , le 28 Novembre , dans la 102 année
de ſon âge , étant née à Corfou le 2 Avril 1672 .
Ellea conservé jusqu'à la fin l'usage de ſes ſens.
On aſſure que depuis deux ans il lui avoit percé
deux dents ſans presque aucune douleur.
Jean-Baptiste-Claude de Bargelongne ,Conſeiller
de Grand Chambre , eſt mort à Paris le 14 de
Janvier.
Le 26 Novembre il mourut à St- Silvain-Bellegarde,
dans le Diocèſe de Limoges , un Cordonnier
appelé Jacques de Fumade qui avoit IIs ans
&12 jours. Son grand âge lui avoit fait obtenir
unepenſiondu Roi ; il travailloit encore , & faiſoitd'aſſez
longs voyages à pied dans les dernieres
annéesde ſa vie..
Lenommé Joachim Voiſin , originaire de Normandie
, demeurant à Calais , y eſt mort le 24
Décembre , dans la rose année de ſon âge. Il avoit
ſervi en qualité de ſoldat , pendantving- cinq ans,
Yous Louis XIV , & il s'étoit marié trois fois. Il
aeu dix- sept enfans de ſes trois femmes. La nature
l'avoit doué d'une gaieté extraordinaire & d'une
complexion ſi robuſte , que , quoiqu'il mangeât
beaucoup &de toutes fortes d'alimens , il n'avoir
efluyé , dans tout lecours de ſa longue carriere ,
aucune maladie.
LOTERIE.
Le cent ſoixante-neuvième tirage de la Loterie
de l'Hôtel - de - Ville s'est fait , le 25 du mois
de Janvier , en la manière accoutumée. Le lot de
cinquante mille liv. eſt échu au No. 29169. Celai
de vingt mille livres au No. 21516 , & les deux
dedix mille , aux numéros 26543 & 31388.
238 MERCURE DE FRANCE.
PIECES
TABLE.
FUGITIVES en vers& enprofe, page
Epître à mon Ami , ſur la nouvelle année , ibid .
Myrtile & Lucette , idille ,
AM de la Harpe ,
Le Fourbe de Société , prov. dramat.
Amon Ami qui ſe plaint de l'infidélité d'une
Maîtrelle ,
IS
20
21
47
Aune Dame qui me demandoit un rondeau , 48
Portrait de M. Mercier , 49
Réponſe de M. Mercier , ibid.
Imitation de l'Epitaphe de Newton , ٢٥
Quatrain pour le portrait de MdeP. ibid.
Impromptu à une Demoiselle , SI
Chanfon grecque , ibid.
Ulifle & la Mer , fable , 53
La Grive , fable , 54
La Pie , fable , SS
Phidias , fable , 57
Bouquet à la Reine , 58
Explication des Enigmes & Logogryphes , 60
ENIGMES , ibid.
LOGOGRYPHES , 63
Récitdebafle, 68
NOUVELLES LITTÉRAIRES , 71
Mémoires pour ſervir à la vie de Nicolas de
Carinat , ibid.
Eloge hiſtorique de Michel de Montaigne , 93
Le triomphe des Grâces , 99
Nouveau plan d'éducation , 1ος
Confidérations ſur l'eſprit militaire desGaulois.
109
FÉVRIER . 1775. 239
Avis aux femmes enceintes &en couches , LIS
Mémoires & obſervations ſur la perfectibilité
de l'homme , 117
Obfervations ſur les devoirs & les fonctions
d'unMédecin , 121
Cérémonial du ſacre des Rois de France , 125
Dictionnaire de la Nobleſle , 127
Robinſon dans ſon Iſſe , 129
Journal hiſtorique & politique de Genève. 131
Almanach de Verſailles , 136
Réflexions ſur les avantages & la liberté d'écrire&
d'imprimer ſur les matieres de l'adminiſtration
, 137
La Ste Bible en latin & en françois ,
Lescauſes de la décadence du Théâtre ,
Ouvrage fanstitre: Minerve le donnera , ibid.
Titi - Livii Patavini hiſtoriarum libri qui fu-
147
152
perfunt XXXV ,
Le Jardinier prévoyant ,
Almanach Forain ,
Extrait de l'Etat Militaire ,
Almanach du Dioceſe de Meaux ,
de Gotha ,
155
ibid.
156
ibid.
ibid.
157
Les lettres & épîtres amoureuſes d'Héloïſe , ibid.
ACADÉMIE , 158
de Lyon , ibid.
Ecole royale gratuite de Deſſin , 164
Diſcours prononcé à la diſtribution des prix de
cette Ecole , 165
SPECTACLES , 169
Opéra , ibid.
Comédie Françoiſe 171
Comédie Italienne , 172
ARTS , Gravures , 173
Musfique. 178
Hiſtoire Naturelle , 183
240 MERCURE DE FRANCE.
Manufacture de glaces , 188
Lettre àM.de Chabanon ſur la muſique ,
Acte de reconnoiſlance de la communauté de
193
Salency ,
208
Lettre de M. le H. traducteur de la Diſſimulation
punie , à M. Lacombe , 209
le mariage ,
AMde Withon , par l'Auteur de la lettre fur
Anecdore fur un Etranger mystérieux ,
AVIS ,
Edits , Lettres Patentes , &c.
Nouvelles politiques ,
Préſentations ,
Nominations ,
Mariages ,
Naillance,
Morts ,
Loterie,
211
212
220
226
228
234
235
ibid.
236
ibid.
237
1
APPROBATI0N.
J'AI lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux ,
le volume du Mercure du mois de Février
1775 , & je n'y ai rien trouvé qui m'ait paru de
voir en empêcher l'impreſſion .
A Paris , le 31 Janvier 1775 .
LOUVEL.
:
De l'Imp. de M. LAMBERT , rue de la Harpe.
MERCURE
DE FRANCE,
DÉDIÉ AU ROI.
PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES .
MARS , 1775 .
Mobilitate viget. VIRGILE .
Beugree
A PARIS ,
Chez LACOMBE , Libraire , rue Chriftine ,
près la rue Dauphine.
AvecApprobation & Privilége du Roi.
AVERTISSEMENT.
C'E'ESsTt au Sieur LACOMBE libraire , à Paris, rue
Chriftine , que l'on prie d'adreſſer , francs de port,
les paquets & lettres , ainſi que les livres , les eftampes
, les piéces de vers ou de proſe , la muſique
, les annonces , avis , obſervations , anecdotes
, événemens finguliers , remarques ſur les
ſciences & arts libéraux & méchaniques , & généralement
tout ce qu'on veut faire connoître au
Public , & tout ce qui peut inſtruire ou amuſer le
Lecteur. On prie auſſi de marquer le prix des livres
, eſtampes&pièces demuſique .
Ce Journal devant être principalement l'ouvrage
des amateurs des lettres & de ceux qui les
cultivent , ils font invités à concourir à ſaperfection
; on recevra avec reconnoiſſance ce qu'ils
enverront au Libraire ; on les nommera quand
ils voudront bien le permettre , & leurs travaux ,
utiles au Journal , deviendront meine un titrede
préférence pour obtenir des récompenſes ſur le
prodait du Mercure.
L'abonnement du Mercure à Paris eſt de 24 liv.
que l'on paiera d'avance pour ſeize volumes rendus
francsdeport .
L'abonnement pour la province eſt de 32 livres
pareillement pour ſeize volumes rendus francs de
port par la poſte.
Ons'abonne en tout temps.
Le prix de chaque volume eſt de 36 ſols pour
ceux qui n'ont pas louſcrit,au lieu de 30 ſols pour
ceux qui ſont abonnés.
On ſupplie Meſſieurs les Abonnés d'envoyer
d'avance le prix de leur abonnement francde port
par la poſte, ou autrement , au Sieur LACOMBE,
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les Journaux fuivans .
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franc par la poſte; à PARIS , chez Lacombe ,
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par an , à Paris , 181.
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JOURNAL ENCYCLOPÉDIQUE , 24vol 33 liv.12 f.
JOURNAL hiſtorique & politique de Genève ,
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, 52 feuilles par an à Paris &en Province,
12 liv.
LE SPECTATIUR FRANÇOIS , Is cahiers par an ,
àParis , 9 liv.
En Province , 12 liv.
JOURNAL DES DAAMMEESS ,, 12 cahiers par an , franc
de port , à Paris , 12liv.
EnProvince , Is liv.
L'ESPAGNE LITTÉRAIRE , 24 cahiers par an ,
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Poëme fur l'Inoculation , in- 8 ° br. 31.
Illeliv. en versfr. des Odes d'Horace , in- 12. 21.
Eloge de la Fontaine , par M. de la Harpe
in 8°, broché , 11.46.
Journal de Pierre le Grand , in-8 . br. sl.
Inſtitutions militaires , ou Traité élémentaire
de Tactique , 3 vol. in- 8°. br.
Eloge de Racine avec des notes , par M. de
و ام
la Harpe , in- 8 °. br. 11.101.
:Fables orientales , par M. Bret , vol. in-
8°. broché , 3 liv.
21.101.
LaHenriade de M. de Voltaire , en vers latins&
françois , 1772 , in -8 °. br.
Traité du Rakitis , ou l'art de redreſſer les
enfans contrefaits , in- 8 °. br. avec fig. 41.
LesMuſesGrecques , in-8°. br. 11.161.
Les Pythiques de Pindare , in-8°. br. 5 liv.
Monumens érigés en France à la gloire de
• Louis XV, &c in - fol. avec planches ,
rel. en carton, 241.
Mémoires fur les objets les plus importans de
l'Architecture , in- 4°. avec figures, rel. en
carton, 121.
Les Caractères modernes , 2 vol. br. 31.
MERCURE
DE FRANCE.
MARS , 1775 .
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
4
23
LES CHEVAUX.
Fable imitée de l'Allemand.
LANANGGUUIIRROONNSS-- NNOOUUSs long-temps ſous le peu-
>>> voir des hommes ?
S'écrioit un Cheval : « Eſclaves que nous ſommes,
>> Ne verrai-je donc point de courſiers généreux
>> Pour qui la liberté ſoit le premier des voeux ?
Aiij
6 MERCURE DE FRANCE.
>>Que les temps ſont changés ! ah ! que jadis nos
>> pères
>> Jouiſſoient dans les bois de deſtins plus prof-
>>pères !
>> Ni le fier Polonois , ni l'Eſpagnol hautain
>>Ne ſavoient point fléchir ſous un maître inhumain
.
د
>> Ils ne fuivoient de loique celledu courage :
L'auguſte liberté recevoit leur hommage ;
>>>L'auguſte liberté , feul tréſor d'un grand coeur ,
>>>Suffiſoit à leurs voeux , cimentoit leur bonheur ;
>>>Et la vaſte forêt , leur ouvrant ſes aſyles ,
•Leur afluroit des jours fortunés & tranquilles.
>>> Loin de ſentir le frein ſous un deſpote altier ,
Ils paiſſoient à leur gré dans l'Univers entier.
>>>Et nous, vils inſtrumens de l'induſtrie humaine,
>>N>ous sommes en naiſlantdévoués à la peine :
Nous ſubiſions le joug , & , pour comble de
maux ,
>>>Nous sommes aſſervis aux derniers des travaux.
Nous pouvons commander à toute la nature...
Et de l'homme étonné nous ſommes la monture!
>>>Nous ! nous ! conſidérez ce timide animal :
>>E>ſt- il à comparer au plus foibleCheval ?
>> honte! ô déſeſpoir ! Eft- ce donc là le maître
Qu'un courſier , plein d'ardeur , peut & doit
>> reconnaître ?
>> Fait- il trembler au loin la terre ſous ſes pas ?
MARS. 1775 . 7
Reflent-il , comme nous , la chaleur des com-
>>>bats ?
>> Eſt- il plus courageux ? ô comble de miſere !
>> Voilà le potentat qui gouverne la terre !
>>>Voilà le ſouverain qui nous dicte des loix ,
>> Et qui , de nos talens diſpoſant à ſon choix ,
>>Veut nous faire obéir à ſon moindre caprice ;
>>Et nous endurerons cette affreuſe injustice !
>>>Laiſions - nous emporter au plus juſte courroux :
Nous livrons ſes combats , il triomphe pour
nous :
→ Sans nous , fans notre appui , que feroit ſa vail-
>> lance?
>> Et de tant de bienfaits quelle eſt la récompenſe ?
>Quel fruit retirons - nous de nos nobles travaux ?
>>Souvent nous gémiſſons ſous d'indignes far-
>>deaux ;
> Nous décorons ſon char , nous brillons à la vue ,
>> Et dès le lendemain nous traînons la charrue !
>>Compagnons , quelle honte & quel abaiſſement !
>> Ne ſortirons nous point de notre aveuglement t
>>>Ecoutons , croyez m'en , notre bouillant cou-
>> rage;
>> Briſons le joug ; fuyons un indigne eſclavage;
> Rompons nos fers , ſuivons le chemin de l'hon-
» neur ;
>> Et nous mériterons de goûter le bonheur ».
Acesmots il ſe tait : ce diſcours magnanime
A iv
MERCURE DE FRANCE .
Obtient au même inſtant un fuffrage unanime.
Un murmure confus s'élève : mille voix
Répètent à l'envi : " Fuyons au ſein des bois »;
Lorſqu'un vieux Cheval blanc , le Neftor de la
troupe ,
Les regarde , ſe leve , & ſecouant ſa croupe,
-Compagnons, leur dit il , compagnons, arrêtez :
>>Dans quel abyſme affreux vous vous précipitez !
Lanature , il eſt vrai , nous donna la preſtance ;
>>Mais l'homme, plus heureux , reçut l'intelli-
»gence.
Si la force eſt pour nous , n'a- t- il pas la raiſon?
Pouvons-nous balancer un ſi précieux don ?
Nous faifons ſes travaux , il ſoutient notre vie;
>>>Qui d'entre nous eût pu conſtruire l'écurie ?
Où , dès que les frimats déchaînent leur cour-
>> roux ,
> Braverons-nous la dent des tigres &des loups ?
>>>Eh ! quand l'hiver, des bois flétrira le feuillage ,
>>Qui nous procurera des grains &du fourage?
>>Qui nous garantira des horreurs de la faim ?
>> C'eſt l'homme, ô mes amis ! c'eſt l'homme,l'hom-
>> me enfin ,
>>Qui dans nos rateliers verſe avec abondance ,
>>Ces grains que , dans l'été , recueillit ſa pru-
>>dence.
- Nous l'aidons, j'en conviens, mais la main nous
>>nourrit ,
MARS. 1775 .
>>>Et detous nos travaux nous recueillons le fruir.
>> Fête-t- il un feul jour , nous le fêtons enſemble :
>>>Le beſoin nous unit,l'amitié nous raſſemble.
>>Il ſe fait entre-nous un commerce enchanteur ,
>>> Dont l'accord précieux tend au commun bon-
>>h>eur.
>>C'eſt ainſi que ce Grec , dontj'honore la cendre ,
>>Ce courſier, quijadis porta l'homme Alexandre,
>>> Parvint , avec ſen Maître , à l'immortalité,
>> Serait- il donc connu de la poſtérité ,
>>Si l'homme eût dédaigné de tranſmettre à l'hiſ-
>>toire
» Ses vertus , ſes hauts faits &l'éclatde lagloire?
>>>Sans l'homme , ſaurions-nous qu'il vécut , ce
>>héros ,
>> Qu'il s'immortaliſa par ſes nobles travaux ?
»Ce nom, qui de ſagloire a remplitout le monde,
> Seroit enſeveli dans une nuit profonde.
>>Gardez-vous donc , amis , de ſuivre aveuglé-
כment
>>Un conſeil qui ne tend qu'à votre détriment.
>>J'ai vécu plus d'un jour & j'ai de la prudence:
>> Croyez- en mon grand âge & mon expérience.
>>Notre fort est heureux , ſoyons- en fatisfaits :
•Aimons l'homme, & fentons le prix de ſes bien-
>>faits>>
Le conſeil étoit ſage; on ne l'écouta guère :
LeCheval ne voyoit , ne prèchoit que misere;
Av
10 MERCURE DE FRANCE.
C'étoit un radoteur : on s'enfuit dans les bois .
Là , pour maintenir l'ordre , on fit de belles loix ;
Tout alloit bien : l'hiver vint enfin ; la famine
En moins de quinze jours conſomma leur ruine.
Un tiers , mangé des loups , fit une triſte fin ;
Un tiers mourut de froid , de miſere & de faim :
Et l'autre , convaincu par ſon expérience ,
Qu'on paye avec uſure un moment d'in prudence,
Revint à l'écurie , abjura ſon erreur ,
Servit l'homme & trouva près de lui le bonheur.
Vous , que l'attrait du vice &de l'indépendance
Arrache à vos parens au ſortir de l'enfance ,
Voilà de votre fort le fidele tableau !
Vous boirez à loiſir toute votre imprudence ,
Et vous ferez un jour votre propre bourreau.
Par M. Willemain d'Abancourt.
ĖGLOGUE.
LA BERGERE DÉSINTÉRESSÉE .
UN BERGER.
Si tu voulois m'aimer , Bergere...
:
UNE BERGERE.
Ehbien!
MARS. 1775 . 11
LE BERGER.
Ces grands troupeaux ſont tous à moi ;
J'héritai ſeul à la mort de mon pere :
Si tu voulois m'aimer , ils ſeroient tous à toi.
LA BERGERE.
Eſt - ce tout ?
LE BERGER .
Ces immenfes plaines
Sont couvertes de mes moiſlons :
Ces richeſſes ſeront les tiennes ,
Bergere , fi nous nous aimons .
LA BERGERE.
Berger , tu n'as pas davantage ?
LE BERGER .
Sur ces rians côteaux qui bordent le village ,
Devendangeurs un peuple entier ,
Chacun armé d'une ſerpette ,
En répétant la chanſonnette ,
Cueille la grappe & remplit mon cellier :
La plus belle des vendangeuſes
Avec grâce viendroit t'offrir tous les matins
L'élite de mes beaux raiſins :
A vj
12 MERCURE DE FRANCE.
Mes récoltes , toujours heureuſes ,
Seront à toi , Bergere; uniſſons nos deſtins.
LA BERGE
Eft-ce tout ?
LE BERGER.
Non ! ... Cent vaches marquetées ,
De noir & de feu tachetées ,
En rentrant , ſous tes yeux paſſeront chaque foir ;
Dans l'étable tu peux les voir :
Pas une d'elles n'eſt farouche ;
Preſqu'aufli doux qu'unbaiſer de ta bouche ,
Preſqu'auſſi blanc que les lis de ton ſein ,
Un lait pur , que tes doigts s'empreſſeront de
traire ,
Dans de nombreux vaſes de terre
Coulera pour toi ſeule... en me donnant la main.
LA BERGERE.
Onm'offre beaucoup plus encore.
LE BERGER.
Maisje luis cependant ( fi j'en crois le renom )
Le plus opulent du canton.
Que peut- on t'offrir ?... Je l'ignore ! ...
MARS. 1775 . 13
LA BERGERE .
Un coeur ! ... Le pauvre Hylas , pour moi ,
Avecle ſien eſt plus riche que toi.
ParM. Maréchal.
L'HEUREUX DÉBARQUEMENT.
:
Apologue composé d'abord en Anglois par
M. deH... à l'occaſion de l'inauguration
dela Statue de S. A. R. le Duc Charles
de Lorraine , & mis en vers par M. l'Abbé
R...
Un vaifleau , peſamment chargé,
Du Rhin , avec effort , fendoit l'ondeécumante;
Des Nymphes le voyoient , & leur troupe tremblante
Craignoit qu'il ne fût ſubmergé.
Emu lui-même à cette vue ,
* La Statue a été jetée en fonte à Manheim
pour la transporter , il a fallu l'embarquer ſur un
vaiſſcau , & lui faire faire un long trajet fur le
Rhin: c'eſt ce qui a donné lieu à l'Apologue.
;
14 MERCURE DE FRANCE .
D'où vient donc , dit le Dieu , cette crainte imprévue
,
Qui trouble la paix de mes eaux ?
Ce vaiſſeau , lui répond une Nymphe ingénue ,
Ce vaiſſeau porte la ſtatue
Du plus aimable des Héros.
Eh bien , reprit le Dieu tranſporté d'alégrefle ,
Je veux que l'Univers apprenne en ce moment
Combien ce dépôt m'intéreſſe ;
Dieux , qui peuplez ſous moi le liquide élément ,
Veillez tous fur un monument
Que l'on conſacre à la mémoire
D'un Héros qu'autrefois , avec étonnement ,
J'ai vu ſe frayer hardiment ,
A travers de mes flots , le chemin de la gloire.
Ildit; mille autres Dieux partagent ſon transport:
De leurs cris redoublés les échos retentiſſent :
Sous le noble vaiſſeau les ondes s'applaniſlent
Et le conduiſent droit au port.
Prince , juſques aux Dieux , tout prend part à ton
fort.
QUATRAIN du même , ſur le mêmesujet..
1
BRONZE , quivas tranſmettre à la race future
Du meilleur des Héros les traits & la figure ,
MARS. 1775 . IS
Puifles- tu , d'âge en âge , aux yeux du Citoyen ,
Retracer ſes vertus , notre amour & le ſien !
LA BIENFAIS AN CE .
L'ENNUI 'ENNUI me conduiſit un jour ſur les
bords de la Seine . Son onde paiſible m'invita
à rêver. J'apperçus un vieillard dont
la phyſionomie annonçoit le génie &
la bonté . Ses traits m'attitèrent vers lui .
Après l'avoir falué , je lui adreſſai la parole
. Ce que je lui dis étoit ſimple ; ſa
réponſe honnête me flatta. Après m'être
entretenu vaguement avec le vieillard
pendant quelques inſtans , je lui demandai
fi c'étoit le plaiſir de la promenade
qui l'avoit conduit au lieu où je le trouvois.
Un intérêt plus tendre a dirigé mes
pas , me répondit-il; je viens attendre ici
une jeune perſonne que je dois épouſer
demain. Elle est allée inviter quelques
amies que la belle ſaiſon a conduites à la
campagne ; vous m'aidez à ſupporter la
longueur du temps .
à
J'avois apparemment marqué de la furpriſe
en entendant parler de noce
homme que l'âge devoit avoir réfroidi .
un
16 MERCURE DE FRANCE.
;
Il s'en apperçut , & prévint l'aveu qui
alloit m'échapper. Vos penſées ſont dans
vos yeux , me dit- il ; nous ne nous connoiffons
point , &je n'ai aucun compte
àvous rendre de mes motifs: mais je
vois que vous daignez prendre quelque
intérêt à moi ; &, par honnêteté , je vais
répondre à ce que vous ne me dites pas .
Mon âge eſt celui de la retraite , & l'hymen
eſt un tourbillon. J'épouſe une perſonnede
ſeize ans, maisje n'ai pas le malheur
d'en être amoureux ; c'eſt donc une
action libre , & cette action paroît inconcevable
, puiſque je raiſonne ſur la diftance
infinie que les années mettent entre
ce jeune objet & moi. Daignez m'entendre
; le ſentiment vous aidera à concevoir
l'ouvrage de l'humanité.
Mon nom , que je vous ai appris , vous
a d'abord inſtruit des occupations de ma
vie. J'ai acquis quelque célébrité : elle
m'a fait connoître le prix du temps . J'ai
cru que les paffions nuifoient à la gloire ,
& j'ai préféré les travaux aux plaiſirs. Un
motif plus puiſſant m'a conduit; j'avois
une jeune orpheline à protéger contre les
outrages de la fortune. Son père ne vivoit
plus : il avoit été mon ami juſqu'à
la mort; ſa confiance en moi étoit l'uni ..
MARS. 17750 17
que héritage de ſa fille. Adopter un orphelin
, c'eſt devenir ſon père. Ma fortune
étoit encore médiocre ; mon zèle étoit
extrême. Je regardai le travail comme
un devoir , & la peine devint un plaifir.
Lucile n'étoit plus un enfant. Déjà les
progrès de ſes charmes annonçoient ce
période où la nature , ſans s'expliquer ,
parie au coeur d'un père ſenſible. Je me
pénètre de l'engagement que j'ai pris en
l'adoptant. Mes efforts redoublent : je
me reproche le ſommeil ; mes voeux préviennent
mes dons ; je vois enfin briller
l'auroredu jour que je deſire plus qu'elle :
cinquante mille écus & un époux lui font
offerts par ma main. Vous allez voir ici
combien les meilleures vues , celles du
ſentiment le plus pur , trouvent de con.
trariété dans la deſtinée. Lucile ne paroît
ſenſible qu'à mon motif ; l'or que je fais
briller à ſes yeux , n'obtient que le regard
de la reconnoiſſance ; & le mari que je
lui préſente , cet être dont la ſeule qualification
doit faire naître des idées agréables
à un objet de ſeize ans , reçoit un
accueil dont la froideur eſt l'équivalent
d'un refus. Lucile étoit honnête ; & fouvent
ſes manières touchoient comme les
bons procédés. Je ne cherchai donc point
18 MERCURE DE FRANCE.
dans ſon caractère le principe de l'irrégularité
dont elle me rendoit témoin.
Mon ame , prompte à lui trouver une
excuſe , ſe peignit l'antipathie avec tout
fon empire. Je regardai les traits du
jeune homme que je préſentois ; ils n'étoient
point beaux ; je n'accuſai plus
que lui . Cette ſcène finit : & je me gardai
bien d'en faite le ſujet d'un entretien
avec Lucile . Croyant l'avoir deviné ,
j'étois trop prudent pour l'interroger. A
ſeize ans on déguiſe ſon coeur : en cherchant
à l'is ſtruire , je lui aurois appris à
tromper. Je ne voulois pas d'ailleurs
qu'elle pût prendre mes reflexions pour
des reproches ; mes dons n'auroient plus
touché le tentiment , mes premiers foins
auroient perdu leur caractère à ſes yeux ;
d'une pupille , j'aurois fait une eſclave.
Je lui cherchai un autre époux. La nature
fut confultée dans mon choix. J'eus
le bonheur de rencontrer la convenance
dans tous les points. Déjà je jouiſlois intérieurement
du plaiſir de voir ſon âme
s'épanouir. Mes idées ſe répandoient fur
l'avenir ; je voyois mon ouvrage & mon
bonheur. Un triſte nuage éclipſe tout-àcoup
ce beau jour. Lucile renouvelle
l'horreur du ſpectacle que j'avois voulu
MARS . 17750 19
oublier. On n'excuſe pas deux fois quand
le coeur eſt affecté . La vanité ne m'attachoit
pas à mes bienfaits ; mais l'objet
que je chériífois ne vouloit pas etre heureux
par mes foirs. Cette idée est cruelle :
l'ame ſe révolte. Je me plaignis ; je menaçai
de mon indifférence : je n'interrogeai
ni le coeur , ni l'eſprit ; j'imputois
tout au caprice ; mes expreſſions ne furent
que des plaintes. Lucile ne répondoit
point & avoir les yeux baiſſés. Elle les
ouvre; ils étoient pleins de ces larmes
qui diſent tant de choſes , de ces larmes
qui ne coulent point , & qui annoncent
le terrible tumulte qui règne dans l'âme
par les penſées. Elle me regarde , ſe retire
, & me laiſſe avec l'impreffion de
tout ce qu'un coup d'oeil m'oblige d'expliquer.
Dans une pareille ſituation , l'eſprit ſe
porte vers les objets de ſentiment. Je
crus qu'une paſſion ſecrette étoit la cauſe
de l'obstacle que je rencontrois. Cette
penſée s'imprime fortement dans mon
coeur ; je m'y livre ; la nature me fait
entendre ſa voix ; je vole ſur les pas de
Lucille , je l'arrête , je lui parle : jamais
peut-être l'humanité n'eut plus d'énergie .
Après tout ce que j'ai éprouvé de ton
:
26 MERCURE DE FRANCE.
eſprit , lui dis-je , je juge que ton âme
eſt engagée. Déclare ta paſſion , nomme
ton amant; je te donne à lui s'il eſt honnête
; n'eût-il rien, fût-il né dans le dernier
rang , ma tendreſſe ſupplée à tout ;
prononce ſon nom ; il eſt déjà ton
époux.
Ici vous allez voir une nouvelle ſcène
ſe former des aveux & des ſentimens les
plus extraordinaires. Lucile tombe à mes
pieds , pleure beaucoup fans rien dire
d'abord , ſe relève , & me déclare , en
s'éloignant , que le ſeul époux qu'elle
veuille accepter , c'eſt moi .
A l'abri de la ſéduction des ſens , que
l'âge avoit preſque glacés , mes premières
pensées , ſans doute, ne ſe portèrent
point fut les charmes de l'objet qui vouloit
ſe donner à moi. J'enviſageai d'abord
une âme honnête & neuve , que la
reconnoiſlance emportoit vers l'objet des
uniques ſentimens qu'elle connut. Je ſentis
, pour ainſi dire , la réſolution d'être
généreux , toute formée dans mon coeur ;
la délicateſſe me tint lieu de réflexion .
C'étoit un état de tranquillité ; j'en ai
peu connu de plus doux , & où j'aie été
plus contentde moi- même. Ce calme ne
dura pas. Un coup-d'oeil de la beauté eſt
MARS. 1775. 21
fait pour renouveler notre exiſtence , &
pour corrompre nos vertus ; combien un
mot flatteur , un aveu tendre de ſa part
doit entraîner plus de révolution ! Lucile
s'offroit à moi , vouloit ma main , la demandoit
avec des larmes .... Je ſavois
que j'étois peu digne de ce bonheur ;
mais le deſir eſt une ſurpriſe : il entraîna
mon ame ſans égarer ma raiſon. J'entrai
chez Lucile qui s'étoit jetée dans un
fauteuil. Je me plaçai à côté d'elle , &
lui prenant la main : Tu viens de me
faire une ſituation bien étrange & bien
capable de m'agiter , lui dis-je ; avant de
t'expliquer ce que j'éprouve , je veux
t'interroger toi même ſur le véritable
étatde ton coeur. Pourquoi veux tu préférer
ſoixante-dix ans , des rides , des
ſenſations preſque uſées , des habitudes
peut-être ridicules , des réflexions néceffairement
ſérieuſes , aux avantages & aux
agrémens de la jeuneſle ? Quel eſt ton
motif, quel eſt ton but, quels font tes
ſentimens ? ... Vos queſtions ſont dignes
de vous , me dit Lucile , & achevent
votre éloge déjà gravé dans mon coeur.
Vous ne voyez en moi que les avantages
que je dois à la nature : les qualités de
mon eſprit vous font inconnues. En vous
22 MERCURE DE FRANCE.
expliquant le ſecret de mes penſées , vous
concevrez aisément & mes motifs &
mon eſpoir. Vous ſavez , pourſuivit elle ,
que la lecture & la converſation des perſonnes
ſenſées ont fait mes plus doux
amuſemens. Je me prête à la frivolité par
uſage : mais la réflexion eſt l'habitude &
le plaiſir de mon ame. De tout ce que
j'ai lu , il s'eſt formé une eſpèce de ſyſtême
auquel je ſuis fort attachée : la difpoſition
que je vous ai montrée en eſt
le réſultat. Je ſuis perfuadée que les hom.
mes font ingrats & volages ; époux ou
amans , leurs deſirs ne font que des éclairs,
que l'inſtant du bonheur fait diſparoître.
Les droits qu'ils ont acquis, leur deviennent
indifférens,ou ne réveillent l'ame par
les ſens , que pour la rendre injuſte &
cruelle envers nous . Placées entre l'indifférence
& la tyrannie , nous n'avons plus
d'autre fort à attendre que l'aviliffement
; les charmes mêmes que nous conſervons
, ne nous préparent que des outrages.
J'ai fait cette réflexion : elle s'eſt
imprimée dans mon coeur ; & j'ai abhorré
d'avance tout homme qui me ſeroit of.
fert pour époux. Je fais cependant qu'il
faut un état dans le monde. Dans ma
façon de penſer , donner ſa main , c'eſt
MARS. 1775 . 23
être victime de l'uſage ; mais il n'y aura
plus de ſacrifice à faire , ni de riſque à
courir , ſi vous acceptez cette main que
mon coeur vous offre , & qu'il ne peut
accorder qu'à vous .
L'étonnement que me cauſoit le dif.
cours de Lucile ne m'empêcha pas de
réfléchir à ſes dernières expreſſions, Ni
Sacrifice à faire , ni riſque à courir. Je
*compris aífément le ſens de cette phraſe .
Je ne l'interrogeai donc que pour la forme.
Elle m'avoua que ſi elle devenoit
ma femme , elle oſoit eſpérer une union
ſans contrainte , & fans réalité. C'eſt pour
mon bonheur , me dit elle , que vous
voulez que je prenne un époux ; en recevant
cette qualité par mon choix , vous
n'agirez point contre vos principes , &
vous m'immolerez des droits qui ne peuvent
rien avoir d'autti doux que de rendre
mon admiration égale à ma reconnoiffance.
Vous êtes inſtruit de la réſolution que
j'ai priſe après avoir entendu Lucile , me
dit le vieillard en pourſuivant; puiſque
je viens de vous apprendre que je l'épouſedemain.
Dix ans avoient été employés
à lui faire une dot; la main qui l'avoit
préparée lui appartenoit. J'avois craint
24 MERCURE DE FRANCE.
Thymen comme un eſclavage : avec elle
il ne devoit être qu'une ſociété. Il me
paroiſſoit cependant un peu fingulier que
j'engageaſſe ma liberté, ſans me permettre
l'eſpoir des plaiſirs : mais , en réfléchiffant
à l'étendue que j'allois donner à mes
bienfaits , je trouvai bientôt un charme
particulier dans la ſingularité de mon engagement
; & depuis quinze jours que ma
parole eſt donnée & qu'on s'occupe des
préparatifs , je ne ſens plus que le plaifir
de la rendre heureuſe.
Le vieillard terminoit ſa narration
lorſque nous apperçumes le bateau qui
avoit porté Lucile chez ſes amies. Par
difcrétion je voulus me retirer; il me
força de reſter & de trouver bon qu'il
me préſentat ſa future. La curiofité ſe
mêloit au ſentiment que les âmes honnêtes
éprouvent lorſqu'elles trouvent
l'occaſion d'admirer. Lucile arriva . Elle
effaçoit ſes compagnes. Le compliment
que je lui adreſſai ne la rendit ni vaine
ni timide. On eſt peu ſenſible aux louanges
quand on n'eſtime pas les hommes.Je
vis tous les ſentimens d'une fille pour
fon père , & toute la froideur d'une philoſophe.
Je me retirai après avoir expriné
les voeux que m'inſpiroit une union
à
MARS. 1775 . 25

01
à laquelle je prenois un intérêt particulier.
Les détails que m'avoit faits le vieillard
, devenoient des raiſons à oppoſer au
ſyſtême d'un ami, qui prétendoit que tout
bienfaiteur devenoit bientôt un tyran.
Les vertus que je venois d'admirer dans
le protecteur de Lucile , ces ſentimens
ſolides qui les conduiſoient à immoler
ſa liberté , & le prix qu'il pouvoit exiger
de ce ſacrifice , un héroïſme auſſi marqué
offroit toutes les preuves de l'erreur
dont j'étois intimement perfuadé; je cherchai
mon philoſophe pendant quelques
jours ; il étoit parti pour la province : je
ne pus le retrouver qu'au bout de quel .
ques mois. Je lui parlai : je peignis
bien ce que j'avois bien vu ; j'avois le
ton triomphant....... Les reſſources de
l'erreur ſont infinies. Vous avez l'orgueil
faſtueux d'un vainqueur , me dit - il en
fouriant ; il ne tiendroit qu'à moi de
croire que vous voulez m'humilier. J'ai
foutenu des affauts plus périlleux : la
philoſophie ne ſuccombe jamais. Votre
vieillard a vraiſemblablement épouſé Lucile
: il y a trois mois que cette union a
été conclue. Il étoit alors un héros de
l'humanité : il eſt ſûrement aujourd'hui
un tyran de ſa femme. Il a mépriſé les
B
26 MERCURE DE FRANCE.
paroles qu'il avoit données ; ou fi Lucile
n'a pas fuccombé aux violences dont il
eſt devenu capable , elle doit payer chaque
jour l'honneur du triomphe par les
horreurs de la dépendance. Les bienfaits
lui font reprochés , ou fes voeux ont été
trahis.
Je ne pouvois répondre que par des
conjectures ; &c'étoit vouloir fournir des
armes à men Adverfaire. Je le quittai, un
peu fâché contre lui. Le lendemain je me
rendis chez le vieillard avec empreſſement.
Il me reçut comme un homme à
qui l'on a fait des confidences par etti.
me , & à qui il reſte encore beaucoup
de choſes à apprendre , qu'il paroît difpoſé
à écouter avec le même intérêt. Notre
entretien fe lia dès que les premiers
complimens eurent mis fin à la cérémonie.
Nous étions ſous un berceau de fon
jardin ; je lui demandai familièrement fi
ſa femme étoit reſtée févèrement attachée
à ſes principes , & s'il avoit pu trouver
le bonheur dans un hymen réduit aux
ſentimens de la fraternité.... Vous me
faites , fans le vouloir , me dit-il , une
queſtion bien cruelle; elle rouvre une
plaie , que le temps & la raiſon viennent
à peine de fermer; cependant je ne ſuis
MARS. 1775 . 27
pas fâché d'avoir à vous parler des dou-
Ieurs que j'ai reflenties ; l'homme eſt foible
; l'amour propre le porte aux confidences
, lorſqu'il peut ſe regarder comme
un illustre malheureux . Vous me voyez
affez tranquille , poursuivit- il ; vous me
retrouvez avec les fentimens que vous
daignâtes admirer. Sans les charmes de la
bienfaiſance , ſans le courage qu'elle donne
à l'ame pénétrée de la beauté de ſes
maximes , vous ne m'auriez revu que
pour vous pénétrer des tourmens d'un
coeur agité..... Vous faites palpiter le
mien , lui dis-je ; hâtez- vous de m'inftruire
; je crains de vous entendre : mais
l'intérêt & l'eſtime ſemblent me commander
de m'attendrir avec vous.....
Après la cérémonie qui m'unit à Lucile ,
pourſuivit-il, après lui avoir promis le
ſacrifice de mes droits , me fiant trop à
la vertu , j'oſai contempler ſes charmes ,
&vivre avec elle dans cette familiarité
qu'on meſure à la ſincérité de ſes réſolutions.
Je me trompois ; c'étoit défier la
nature; il faut la connoître , la craindre ,
&croire que les avantages que l'on obtient
ſur elle ne donnent jamais un einpire
bien aſſuré. Je tardai peu à fentir
que j'avois beſoin de combattre ; bientôt
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
je compris qu'il me feroit difficile de
vaincre. J'enviſageai ma deſtinée ; je vis
un avenir affreux ; triompher de mes ſens
ou céder à ma foibleſſe , m'offroit une
vie également infortunée ; comme ennemi
de moi même ou comme tyran d'une
moitié chérie , je ne pouvois être que le
plus malheureux des hommes. Je renfermois
mes deſirs dans mon coeur : je voyois
que Lucile commençoit à les ſoupçonner
; mon arrêt étoit dans ſes yeux . Mon
fort devint horrible. J'allois y fuccomber
lorſqu'un jour m'efforçant de me juger
moi-même , je parvins à me retracer ces
plaiſirs , cette douceur infinie que j'avois
trouvée dans le bonheur toujours renaiffant
de l'objet de mes bienfaits. J'eus
honte de ma métamorphoſe. La honte
rend l'activité à la vertu ; la réflexion me
fit chérir mes regrets , & l'attendriſſement
me conduiſit au mépris de mes
deſirs . Sublime bienfaiſance! tes rayons
facrés éclairèrent mon coeur : tes charmes
indicibles ſéduiſirent mon âme . Je ſentis
l'enthouſiaſme de la vertu. Depuis ce jour
j'ai vécu plus tranquille. Vous allez voir
ma femme : ſa ſécurité touchante vous
répondra du triomphe que j'ai remporté
fur moi même.
MARS. 1775. 29
Le vieillard ceſla de parler. Nous tenons
à nos opinions en raiſon du droit
qu'elles nous donnent d'eſtimer l'humanité
. Jaloux du ſpectacle que je venois
d'admirer , je ne voulus point l'expoſer
aux regards de mon ami. La philofophie
ne s'offrit plus à moi que ſous les traits
cruels du pirroniſme. Je gardai pour moi
le plaiſir que je venois de goûter , la connoiffance
que je venois d'acquérir; & je
fus convaincu que la vraie bienfaiſance
étoit comme un de ces jardins dont le
propriétaire délicat n'aime à cultiver les
arbres , que pour en offrir gratuitemen
les fruits.
Par M. B... deM.
COUPLETS
d'Henri IV à M. de Rozoi.
AIR : De la ronde de table de Henri IV.
GRACE à ta baguette magique ,
Paris m'a vu reſluſciter ;
Je m'habille encor à l'antique ,
Mais je ſais mieux me préſenter.
A l'Opéra-Comique
Tu m'as contraint de débuter.
Biij
30
MERCURE DE FRANCE.
:..
Ventre-fein-gris ! de mon temps lamuſique
Etoit plus facile à chanter.
Onm'a fait une armée entiere
De tous lesDanseurs du canton ;
Ilss'en vont ſoixante à la guerre
Avec des piques de carton.
Dans le fond des coulifles
Leur valeur m'entraîne auffi - tôt.
Ventre- ſein gris ! ce n'est qu'à des Actrices
Qu'il faut alors livrer l'aſſaut .
J'ai trouvé , pour ma bien-venue ,
Les champs d'Ivri tout parquetés,
Nul canon ne s'offre à ma vue ;
Pourtant l'on tire à mes côtés.
Lesboulets inviſibles
Frappent l'air , à loiſir preffé .
Ventre-ſein gris ! je les crois peu nuifibles ,
Car pas un foldat n'eſt bleſlé.
Je te prends ſous ma bienveillance ,
Mon très-cher Sire de Rozoi ;
Mais , dans la moindre circonstance ,
Laifle -moi parler comme moi.
Pour me prouver ton zele ,
Ne me mets jamais en trio.
Ventre- ſein-gris ! ma chere Gabrielle
Nem'apprenoit que des duo.
MARS. 1775 . .31
Tumérites que je t'apprenne
Mon plus agréable ſecret.
Tu crois m'avoir mis ſur la ſcene ,
Et c'eſt mon ombre qui paroît.
Tout entier fur le Trône ,
J'ai changéde nom ſeulement,
Ventre ſein-gris ! Henri Quatre en perſonne
Arétabli fon Parlement.
ParM. Augufte.
IRIS ET SA BONNE.
Conte.
«Our , ma Bonne , c'eſt inutile :
>> Amon âge on n'apprend plus rien.
>>Mangez , buvez & dormez bien ,
>>Du refte laiſſez-moi tranquille».
Ainfi parloit la jeune Iris
A ſon antiqueGouvernante ,
Qui chaque jour , au temps précis ,
Laſſoit ſon âme impatiente
Parde longs & fades récits .
Tantôt c'étoit la Barble- bleue ;
Tantôt la Belle au bois dormant ,
Ou l'histoire d'un Revenant
Traînant avec grand bruit la queue.
Biv
32 MERCURE DE FRANCE.
Cet avis ne put retenir
La langue de l'Argus fémelle.
•Mon enfant , pourquoi me punir
>>>D'une maniere auſſi cruelle ?
>> Conter , pour moi , c'eſt rajeunir.
>>Tiens , je me ſens inême une envic...
Mais d'ailleurs le trait eſt ſi beau !
>> Vas , ne crains pas que je t'ennuie ,
> Et , pour toi , s'il n'eſt pas nouveau ,
>>>Je ne veux conter de ma vie.-
>>>Il étoit un jeune garçon
>>Aimable , honnête & fait pour plaire.
On l'appeloit Endymion.
>> La Lune , ſans plus de myſtere ,
>>D>eſcendoit par fois ſur la terre ,
>>>Et , le trouvant ſur le gazon ,
>> Lui prodiguoit , avec tendreſſe ,
Mille baiſers de ſa façon ».
Iris ſourit avec finefle .
>>Eh ! quoi donc ? N'est- ce que cela ?
Oh! je connois fort ce trait là.
>>L>'autre jour encor , vers la brune ,
Qu'on me croyoit à la maiſon ,
>> Saintval faiſoit l'Endymion ,
>> Et puis , moi , je faifois la Lune».
Par le même.
MARS. 1775 . 33
AU RO Ι.
DE Louis le premter âge ,
Du rappel du vrai Sénat
Fut l'époque & le préſage.
Le ſecond fait davantage :
Car , de cet Aréopage,
11 reffuscite l'Etat
Et lui rend tout ſon éclat.
Pour fixer unſi digne ouvrage
Dans les faſtes de l'Univers ,
Sublimes Arts ! faites uſage
D'une médaille avec ces vers,
Inspirés pour louer un Sage.
Al'auguſte Reſtaurateur
>> De la meilleure Monarchie;
>>Tout François conſacre ſon coeur,
>>Et tiendroit au plus grand honneur
De lui ſacrifier ſa vie ».
Par M. le Vaigneur , Avocar.
By
34 MERCURE DE FRANCE.
CHANSON faite à l'occaſion d'une fête
donnéepar leRégiment du Roià Nanci ,
le 26 Décembre 1774 , à la réception de
pluſieurs Vétérans , & chantée par euxmêmes.
AIR : du Maréchal ferrant , tốt , tốt , tốt
battez chaud , &c.
ΟNn'eft Vétéran , mes amis,
Que denom , en ſervant Louis :
Nous nous ſommes couverts degloire
En ſuivant nos Chefs, nos drapeaux ;
Vieillit-on en chemins fi beaux ,
Marchant toujours à la victoire ?
Bon foldat
Au combat
On s'immortaliſe ,
Oui , la gloire nous éternife.
Quandon abien ſervi leRoi ,
On eſt bien aſſuré , ma foi ,
D'acquérir honneurs & richeſſes * ;
* Un médaillon attaché à l'habit , & la folde
entiere chez ſoi,
2
MARS. 1775 . 35
Dequoi pouvoir , en bons guerriers ,
Boite, à l'ombre de ſes lauriers ,
Ace bon Maître , à nos Maîtreſics :
Pan , pan , pan ,
Al'inſtant ,
Ades ſantés ſi cheres ,
Amis, buvonstous à pleins verres.
A notre Colonel Louis ,
Après avoir bu , mes amis ;
Buvons à notre aimable Reine ,
Qui , fans canons & fans guerrier ,
Sauroit vaincre le monde entier ,
D'un regard , d'un mot elle enchaîne ;
Tous ici ,
Buvons y ,
Amis , failons-nous gloire
D'être ivres du plaiſir de boire.
COUPLETS adreſſfés à M. le Marquis de
Choiseul la Baume , fait Maréchal-de-
Camp à la tête d'un Régiment de Dragons
, & aux Vétérans du Régiment de
la Rochefoucault , Dragons , engarnison
avec le Régiment du Roi , à Nanci.
Au combat qui vous voit courans ,
Vous prendroit pourDragons volans ;
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
Apréſent aidez - nous à boire.
Un jour , Choiſeul vous commandant ,
Vous nous aiderez promptement
A nous aſſurer la victoire .
Pan , pan , pan ,
Attendant
Les combats & la guerre ,
AChoiſeul buvons à plein verre.
On voit à notre Commandant *
Un cordon d'un rouge éclatant ;
Morbleu ! cela n'étonne guère ,
Ce vaillant guerrier l'a rougi
Souvent du ſang de l'ennemi :
De teindre voilà ſa manière.
Pan , pan , pan ,
A l'inſtant ,
A ce brave & bon pere ,
Amis , buvons tous à plein verse.
Le Carthaginois s'amollit
A Capoue , à ce que l'on dit :
Qu'eût- il donc fait dans cette ville ?
En eût- il jamais pu fortir ?
* M. Dupleffis , Lieutenant- Colonel du Régiment
du Roi , a le Corden rouge.
MARS. 37 1775 .
Souvent on nous en vit partir * :
Mais , pour effort fi difficile ,
On ſentoit
Qu'il falloit
Beaucoup plus de courage
Quepour le combat , le carnage.
Par M. le Comte de V***,
Capitaine de Cavalerie.
COUPLETS .
AIR : Triste raison ,j'abjure ton empire.
Fars mon bonheur , tranquille indifférence ,
Berce ma vie , endors mes heureux jours :
Soeur de la paix , fille de l'innocence ,
Tes plaiſirs purs valent tous les amours.
Arts enchanteurs , dont le goût eſt leguide ,
Ainuſez ſeuls mes innocens loiſirs :
Du temps ainſi qui ſait remplir le vuide ,
Sauve ſon coeur du trouble des defirs .
Al'amitié j'abandonne mon âme :
C'eſt un penchant qu'approuve la railon ;
* Ce Régiment eſt parti & revenu pluſieurs
fois à Nanci .
38
MERCURE DE FRANCE.
Sans enivrer , ce ſentiment enflamame :
Par-tout il plaît : tout âge eſt ſa ſaiton.
ParM. Abbé Cof...
VERS fur M. le Marquis de Tilly- Blaru ,
Lieutenant Général des Armées du Roi ,
Grand'Croix de l'Ordre Royal & Militaire
de Saint Louis ; mort à Vernon
le 10 du mois de Janvier 1775 .
Aux vertus du guerrier , par un heureux lien ,
On l'a vụ réunir celles du citoyen ;
Et l'honneur qu'il acquit en ſervant ſa patrie*,
Moins que ſa bienfaiſanceilluſtrera ſa vie.
La vertu perd en lui ſon ami , ſon ſoutien ;
Le malheureux en pleurs redemande ſon pere ;
Les regrets& le deuil de tous les gens de bien ,
Sont lesplus beaux vers à la gloire.
* M. le Marquis de Blaru a ſervi s4 ans.
ParM. Dionis , prisonnier au Château
deDieppe.
MARS . 1775 . 39
DIALOGUE
Entre OLIVIER CROMWEL & le
Cardinal de RICHELIEU .
CROMWEL.
TOUTE distinction ceſſe ici - bas& ma
qualité de religionnaire ne doit plus m'éloigner
d'un Prince de l'Egliſe de Rome :
fi la franchiſe pouvoit gagner les eſprits
de deux grands politiques , je demanderois
à votre Eminence la grâce de me dire ,
avee toute la ſincérité dont elle eſt capable,
ſi j'ai bien joué mon rôle dans les troubles
de l'Angleterre.
LE CARDINAL.
Protecteur , le mien ne fut pas maladroit
à la Cour de France.
CROMWEL.
Monseigneur , vous éludez : je rends
juſtice à votre adminiſtration;mais il s'agit
dela mienne.
1
40 MERCURE DE FRANCE.
LE CARDINAL .
Vous mourûtes dans votre lit ?
CROMWEL.
Mavie précéda ma mort.
LE CARDINAL.
C'eſt donc fur votre vie que vous demandez
mon avis ?
CROMWEL.
C'eſt- là précisément ce que j'attends de
votre complaiſance .
LE CARDINAL.
Si nous étions encore là haut , je me
garderois bien de vous fatisfaire ; car une
rupture avec l'Angleterre ne convient pas
à la poſition actuelle des affaires de l'Europe
; mais cet inconvénient regarde les
gensde l'autre monde , & en deux mots
voici votre hiſtoire :
Né dans un rang peu diftingué dans ſa
>>patrie , Cromwel profite du fanatifme
>>de ſes compatriotes , ſe met à la tête
MARS. 1775 . 41
>>des rebelles , défait ſon Roi , le jette
>>dans une priſon,& après l'avoir fait paroî-
>>> tre en criminel dans une aſſemblée de fa-
>>natiques àſes ordres , lui fait couper le col
>>dans la place publique de Londres : après
>>cette exécution , le parricide s'affied ſur
>>le trône enfanglanté de ſon malheureux
>>maître , & donne des loix aux Anglois
>>étonnés » .
Sur laquelle de ces belles actions fautil
vous juger ?
CROMWEL.
Ce ne ſera pas far votre expoſé , s'il
vous plaît.
Charles fut malheureux par ſa faute : il
eut l'imprudence de vouloir toucher à la
religion fans avoir approfondi le caractère
national ; il fouleva tous les eſprits. Les
guerres ſacrées ſont terribles , le fanatifme
eſt ardent : j'en ſuivois les loix. Mon
génie &le concours des circonstances me
mirent à la tête de la révolution ; je me
livrai à fon impulſion ,& le Roi fut profcrit
légalement . J'en fus fort aiſe en vérité
; car fi le Roi conſervoit ſa tête , il
falloit tendre la mienne,& dans l'alternative
je n'avois point à balancer. Sa mort
laiſſoit une place vacante : je m'en em42
MERCURE DE FRANCE.
patai ... Monſeigneur , vous en euffiez
faitautant.
LE CARDINAL,
Je n'admets point la comparaiſon : je
régnai ſous le nom de Louis ; mais il
régna par moi. Je fus le protecteur de
mon Roi & vous le meurtrier du vôtre ;
&, dans le fond , où étoit la néceffité
d'une catastrophe ?
CROMWEL.
,
Dans le génie Anglois , dans ce génie
avide des nouveautés qui , d'un inſtant à
l'autre , pouvoit changer leurs affections
le phantôme de leur Roi pouvoit les
armer en ſa faveur ; je le fis exécuter publiquement
pour ne leur laiſſer aucun
doute de ſa mort,& il m'étoit plus aiſé de
devenir ſon bourreau quede reſter ſongeolier.
Votre poſition étoit bien différente
de la mienne : pour exercer l'autorité
il vous falloit un nom ; pour affurer la
mienne, il falloit en effacer un.
LE CARDINAL .
vous entendre , Milord , on ſeroit
MARS. 1775 . 43
tentéde croire queje n'eus qu'àdicter des
loix ſur un trône de paix : cependant ſi
mon adminiſtration fut brillante , elle
tint àdes circonstances au-deſſus deſquellesje
ne fus pas toujours.
CROMWEL.
Je crois effectivement me rappeler que
ſans la Valette , on ne parleroit pas , dans
votre hiſtoire , de la journée des Dupes ?
LE CARDINAL .
Auſſi eſt-ce le ſeul endroit foible de ma
vie. Par tout ailleurs vous me retrouverez
grand , ferme , noble & toujours
égal à moi-même , depuis le moment de
mon entrée dans le Ministère. La confiance
de la Reine mère ...
CROMWEL.
Ce n'eſt pas là le trait le plus brillant
de l'hiſtoire de ſon Eminence.
LE CARDINAL.
Il honoreroit Cromwel. Mes partiſans
difent que je n'eus pas tort d'en.
voyer à Cologne ma bonne maîtreffe .
44
MERCURE DE FRANCE.
Entre nous , il n'étoit pas trop honnêre à
moi d'y laiffer mourir de faim une Reine,
mère , foeur , tante de Ros; mais brifonslà
, la confiance de la Reine mère me
valut celledu Roi ſon fils . Une fois admis
au Confeil , je compris qu'à un Monarque
foible & inappliqué , il falloit un
Miniſtre qui ſe rendît néceſſaire. J'entretins
une correſpondance ſuivie dans les
Cours Etrangères ; j'approfondis les fecrets
des Princes ; je combinai leurs intérêts,
& calculai leurs forces. Les finances ,
travaillées ſous mes yeux, répandirentdans
l'Etatune circulationjuſqu'alors inconnue.
Sous l'effort de mes armes la Rochelle
tomba , en dépit de vos Anglois ; & le
Savoyard plia .
CROMWEL.
Cardinal , premier Miniſtre , Général
d'armée & Surintendant des Finances,
vous étiez tout l'Etat , & votre Roi ne
s'étoit réfeevé que la repréſentation .
LE CARDINAL,
J'avois affaire au plus ſuſceptible des
hommes. Jaloux à l'extrême de ſon autorité
, Louis ne me la communiquoit qu'à
MARS. 1775 . 45
regret & avec réſerve; tout ce qui l'environnoit
, defiroit ma perte , & fouvent
j'ai reconnuque le petit coucher me donnoit
plus d'embarras que toute une campagne
contre les ennemis de l'Etat. Je
me fuis foutenu ſeul contre tous. Monſieur
est forcé de ſe retirer en Lorraine :
Montmorency monte fur un échafaud :
Cinqmars &Marillac périflent par la main
du bourreau , & après tant de ſang répandu
, je finis tranquillement ſous les yeux
d'un maître qui paſſa une partie de ſes
jours à me craindre & l'autre à me déteſter.
CROMWEL.
Votre Eminence eut , je le vois , beſoin
de tout fon génie pour réſiſter à tant
d'efforts conjurés ; je n'eus pas tant à faire .
Une fois porté ſur le trône par le voeu de
laNation , je m'occupaidu ſoin de feconder
ſes penchans dominans , le cominerce
& la guerre : ces deux parties proſpérèrent
dans mes mains. Reſpecté dans
l'Europe , reconnu par toutes les Cours ,
avoué par le fanatiſme toujours ſubiſtant,
jeterminai mesjours plus tranquillement
que je ne devois l'eſpérer. Avec des vues
moins profondes que les vôtres , une po
MERCURE DE FRANCE.
litique moins éclairée , mais auſſi avec
des circonstances plus favorables & un
tour d'eſprit plus audacieux, je fais de plus
grandes choſes que vous ; &, vous laiſſant
dans la ſujétion , je parvins à régner .
LE CARDINAL .
Avec cette différence que la plupart
de vos moyens furent bas & cachés , les
miens toujours nobles , ouverts & dignes
d'un Gentilhomme François. Dieu délivre
les Roisde nous&de nos pareils !
ParM... Avocat du Roi de**
QUATRAIN
A Madame de Laiſſe, Auteur des Contes
Moraux.
MINERVE ent'écoutant te nomme ſa rivale ,
Vénus en te voyant frémit de ta beauté :
Mais peux - tu redouter leur vengeance fatale ,
Quand tu tiens le brevet de l'Immortalité ?
Par M. l'Abbé G. deB.
MARS. 1775 . 47
QUATRAIN
Pour mettre au bas du Portrait du Roi.
FRANÇOIS , du grand Henri ce Prince a les
vertus ,
Il est bon , il eſt tendre , il eſt doux , il eſt juſte.
Dans Louis les beaux arts retrouvent un Auguſte ,
Et ſon coeur bienfaiſant fait revivre Titus .
Par M. l'Abbé le Gris.
QUATRAIN
AM***, qui étoit après àfaire lePortrait
du Roi.
POUORURQQUUOOII tant de crayons ,de pinceaux , de
couleurs ?
Du plus chéri des Rois tu veux rendre l'image ;
De tes rares talens c'eſt faire un noble uſage...
Mais à quoi bon le peindre ; il eſt peint dans nos
coeurs!
Parleméme.
48
MERCURE DE FRANCE.
A M. le Comte de Rochechouart- Faudouas,
Seigneur & Gouverneurde Bar-fur- Seine
, y commandant pour le Roi.
SOoUus vos remparts la Seine, en miracles féconde,
S'applaudit de porter le tribut de ſon onde.
Bar ne fut pas toujours une illuſtre cité ,
Depuis qu'elle eſt à vous , elle en vaut bien une
autre:
Vous faites ſa félicité ,
Peut- elle trop faire la vôtre ?
De l'étranger , de l'habitant
Elle ſemble aujourd'hui la commune patrie;
J'eſtime fort leur courtoifie ,
J'aime ſur tout le Commandant ,
Gouverneur dans ſa Seigneurie ,
Seigneur dans ſon Gouvernement.
Loin des brigues des Cours , loin des yeux de
l'envie ,
Un couple , iſſu des Dieux , doitjouir à jamais
D'un deſtin ſi rempli d'attraits .
Dans ce ſéjour orné , voluptueux , tranquille ,
Contentez vos ſages defirs ,
Gouvernez toujours les plaiſirs
Comme vous gouvernez la ville.
ParM. de la Louptière.
VERS
MARS . 1775 . 49
ETRENNES à Madame la Comtesse de
Brionne.
L▲Nature,en prudente mere ,
Donnoit aux uns le goût , à l'autre les talens ,
Acelle- ci l'eſprit , à l'autre l'art de plaire ,
Les vertus ou les agrémens ;
Enfin on ne voyoit perfonne
Qui n'en fût aflez bien traité :
Elle montre aujourd'hui trop d'inégalité ,
Elle donne tout à Brionne.
Par M. de Chennevieres.
UATRAIN.
QUAUANNDD Maurepas , comme Sulli,
Seconde un Roi , qui veut nous gouverner en pere,
On croit voir le régne d'Henri ,
Du Favori le miniftere,
Par le même .
C
so
MERCURE DE FRANCE ,
AM. Pouteau , de l'Académie Royale de
Chirurgie , fur les prix qu'il a conſignés
àl'Académie de Lyon pour les meilleurs
Mémoires contre le vice cancéreux & la
phthiſie pulmonaire.
IMPROMPTU.
TOUCHÉ des maux des mortels aux abois ,
Pouteau veut en tarir la ſource ;
Pour les guérir , il emploie à la fois
Sa main , ſon génie& ſa bourſe.
Par M. *** , de Lyon.
A une jeune Dame qui envoyoit chercher
des livres dans un Cabinet littéraire.
IMPROMPTU.
:
Dans le Cabinet littéraire
Ni vous , ni moi , n'avons rien à chercher ,
Vous ſavez tout : vous ſavez l'art de plaire ,
Et nul Auteur n'apprend celui de vous toucher.
Par le même.
MARS . 1779 . SI
J'AI
LE MIROIR ET L'EAU.
Fable.
'AI lu , je ne fais où , que , ſur leur excellence ,
Le Miroir avec l'Eau , ſe diſputoient entre eux ;
La choſe , à mon avis , n'eſt pas hors de croyance ,
De pareils différens ſont aujourd'hui nombreux .
L'amour-propre eſt un maldel'humaine nature ;
Il eſt peu de cerveaux qu'il ne tourmente pas .
Sur l'honorable agriculture
Le commerce exige le pas ;
Pour le rang , la Noblefle & la Magiſtrature
Ontde continuels débats ; :
Et , par humilité , l'Egliſe nous aſſure
Qu'elleeſt le premier des Etats .
Mais laiſſons la nature entiere
Se quereller ; ce n'eſt pas là mon fait :
Revenons vîte à notre affaire.
J'ai donc dit qu'avec l'Eau le Miroir diſputait ;
Je ne fais pas pourquoi l'on vous trouve ſi belle ,
Lui diſoit- il ; où met- on votre prix ?
Plus nettement que vous , des objets réfléchis ,
Je rends l'image naturelle :
Je ne flatte ni n'enlaidis ;
Ma peinture eſt fraîche & fidelle.
Cij
52 MERCURE DE FRANCE.
Au lieu qu'un voile ténébreux
Semble toujours cacher les portraits que vous
faites ;
Et vous ne préſentez aux yeux
Que des eſquiſſes imparfaites.
Ai-je tort ? me voilà prêt à vous écouter ;
Démentez moi , voyons : aurez-vous ce courage ?
Non , lui répondit l'Eau ſans ſe déconcerter ;
De montrer mieux que moi les taches du viſage ,
Je vous laiſſe , ſans diſputer ,
Le triſte & frivole avantage :
Mais j'ai ſur vous celui de les pouvoir ôter.
Du ſens moral de cette fable
Profitez , Critiques amers ;
Au lieude les tracer corrigez nos travers ,
Et votre gloire alors deviendra véritable.
Par M. *** de Nifme.
A M. GRESSET.
PAR AR la Nobleſſe qu'il vous donne ,
Louis veut couronner vos talens , vos vertus.
Malgré l'éclat qui l'environne ,
Votregloire à la fienne eſt un rayon deplus.
Par M.le Comte de Couturelle .
de l'Académie d'Arras.
MARS. 1775 . 53
A Mademoiselle DE SAINT-MARCEL.
Vous êtes jeune, (age & belle ;
Vous chantez comme Philomèle :
Charmante Saint Marcel , aux ſons de votre voic
L'Amour quitte Cythère , & vole ſur vos traces :
Il vous prend pour une des Grâces ;
Vous les valez bien toutes trois *,
Par M. de Sancy.
Le Pouvoir de l'AMOUR & celui de
PLUTUS .
Duu ſein même du marbre une jeune Beauté
Vit pour Pygmalion , s'attendrit à ſa vue:
* Mlle de Saint- Marcel , jeune virtuoſe , demeure
avec M. ſon Pere , cloître Saint Benoît.
Elle donne des leçons de clavecin , de guittare ,
de harpe & de chant. Elle excelle dans tous ces
genres , comme on peut s'en convaincre dans ſes
concerts du mardi de chaque ſemaine , où le plaifir
de l'entendre raſſemble une compagnie diftinguée.
C iij
54
MERCURE DE FRANCE.
L'Amour fait ce miracle ; & Plutus , ſi vanté ,
Dans les bras d'un Créſus ne met que la ſtatue.
Par le même.
Imitation d'un Madrigal Italien.
POUORURQQUUOOII l'Amour a-t- il un bandeau ſur les
yeux ?
Diſoit Philis , d'un eſprit curieux .
Hé quoi! cela vous intéreſle ?
Répond Tircis : ces yeux fi brillans & fidoux ,
Qui devoient éclairer le Dieu de la tendreſſe ,
Pourquoi , Philis , les avez-vous ?
Par le même.
AIR.
Vous avez vu dans
Une roſe brillante
unjardin T
De Zéphyr faire le deſtin ;
Liſe eſt plus raviſflante.
Dans le verger de mon voiſin
Une pêche éclatante
Amille fois tenté ma main ;
Liſe eſt plus ſéduiſante.
Sans engagerjamais la foi .
Elle fait des Amans fideles ;
MARS . 1775 . 55
Ellejoint le jene ſais quoi
A tous les charmes de nos Belles .
Aparler fans aucun détour ,
Liſe eſt la fleur la plus aimable
Et le fruit le plus agréable
De tous les jardins de l'Amour.
Par M. de B... deM.
Tableaux de l'AMOUR & de l'AMITIÉ.
QUEL VEL funeſte poilon s'eſt gliſſé dans mon coeur?
Un feu dévorant me confume .
Mesjours font abreuvés d'un torrent d'amertume;
Je ſeche dans l'ennui , je vis dans la douleur ;
Mes genoux chancelans me ſoutiennent à peine
Sur mes yeux abattus un voile affreux s'étend ;
Jeme ſens accabler ſous le poids de ma chaîne.
Ma vie eſt un fupplice , & chaque pas me traîne
Au terme fatal qui m'attend.
Amour , contemple ton ouvrage.
Cruel enfant ! c'eſt toi qui m'a dompté !
Mes jours , ſans trouble & fans nuage ,
Couloient dans la tranquillité.
Tu m'as fait voir l'adorable Clarice :
Clarice , ton vivant portrait ,
A plongé dans mon ſein l'inévitable trait
Dont tu l'arinas pour mon fupplice.
Dieu barbare ! es- tu fatisfait ?
Civ
56 MERCURE DE FRANCE.
Tous mes foins affidus, mes pleurs & ma conſtance
N'ont point vaincu ſa réſiſtance.
L'Amour m'entraîne enfin dans un gouffre de
maux ;
Je crois voir par tout des rivaux.
J'entends autour de moi frémir la perfidie.
Les remords importuns , les foupçons dévorans ,
Et ce poiſon des coeurs , la pâte jaloufie ,
Affiégent ma mourante vie ;
Mes plaiſirs les plus doux te changent en tyrans.
Toutm'eſt ſuſpect : je crains ces fatales tendreſſes
Où mon âme oſe ſe livrer *.
$
Dans un abyſme affreux je ſuis enveloppé.
Je'ne vois que la mort pour finis ma miſere .
Mourons... Mais , quel flambeau , quel nouveau
jour m'éclaire ,
* Cette févérité qui annonce l'indifférence &
qui reſſemble quelquefois à l'averſion , faifoit un
fingulier contraſte avec le rare affemblage de la
beauté , des grâces , de l'eſprit & de la vertu de
Clarice. Aufli le Poëte a- t-il toujours eu la circonf
pection de lui cacher tous les vers qu'il a été
comme forcé de faire à ſa louange. L'empire
que le reſpect d'un Amant délicat donne à une
femme vertueule , va juſqu'à lui ſoumettre les
Hanſports de l'amour.
MARS . 1775 . 57
Et fait luire ſes feux à mon coeur détrompé !
Une Déefle tutélaire
Me tend les bras du haut des cieux .
Le calme eſt ſur ſon front , la douceur dans ſes
yeux;
La perfuafion me parle par ſa bouche ;
Elle vient eſſuyer mes pleurs .
Dans mon ſein , ouvert aux douleurs ,
Elle verſe en ſecret un charme qui me touche.
Mes funeſtes liens tombent à ſon aſpect .
Je me ſens entraîner vers l'aimable Déefle
Par un penchant mêlé d'amour & de reſpect ,
De confiance & de tendrefle .
Elle répond par ſes defirs ,
Aux defirs qu'en mon âme allume la ſageſle :
Ellegémit des maux dont la rigueur me preſſe ,
Et mes plaiſirs ſont ſes plaiſirs .
D'une union fi pure & fi fidelle
Le temps n'altere point la douce volupté :
C'eſt la vertu qui fait notre félicité.
Elle est immuable comme elle.
Aux traits que je viens de tracer ,
divine Amitié ! qui peut te méconnoître !
Avectoi j'apprends à penſer ;
J'apprends à cultiver , à reſpecter mon être ,
Et libre ſous un joug où j'aime à m'abaifler ,
Même en obéiſlant , j'agis toujours en maître.
Entre ces deux tableaux c'eſt à vous de choiſir.
L'Amitié , charmante Emilie ,
C
58
MERCURE DE FRANCE.
Dans un chemin de fleurs nous fait couler la vie ;
L'Amour conduit au repentir :
L'une fait le grand houme , & l'autre l'humilie.
ParM**. Des bords de la Marne.
VERS pour mettre au bas des Portraits de
M. & Madame D.... peints par une
jolie personne.
CE couple fut toujours heureux ,
Toujours digne de l'être & toujours vertueux :
Dans leurs regards , pleins de tendreſſe ,
Le ſentiment s'y trouve empreint ,
C'eſt un Amant, c'eſt ſa Maîtrefle ,
Que l'Amour a formés & que l'Amour nous peint.
ParM. Jacob Dupleſſis..
L'EXPLICATION du mot de la première
Enigme du volume du Mercure du mois
de Février 1775 eſt Révolution; celui de
la feconde eſt Réputation ; celui de la
troiſième eſt Nuage ; ceux de la quatrième
font verre , bouteille , télescope , glaces.
Le mot du premier Logogryphe eft
MARS. 1775 . 590
Pantoufle, dans lequel on trouve Pan ,
paon , pou , âne , flot, foule , plante , Alep ,
Laon , Toul , poulet , palet , tőle , poulan ,
lot , élan , loupe (lentille) , plat , pot , la ,
note , tuf, loupe ( excrefcence chatnue ) ,
Léon , fou , faon , Louet , puant , pet ,
taupe , loup , plane , alun , poteau , feu ,
eau , étalon , talon , peau , falot , lune ,
Platon , Pluton , fléau , tu , te , ta , où ,
&; celui du ſecond eſt Pot- de- vin , où
ſe trouvent pot , de , vin ; celui du troiſième
eſt Corde , où on trouve ,, dé ( à cou
dre ) , roc , code , or , cor , ode , cor (au
pied) .
ÉNIGME.
Del'un des élémens je reçois la naiſſance ,
Mais d'un autre bientôtjedeviens lejouet :
Commune en Angleterre encore plusqu'en France,
On defire ma cauſe & l'on craint mon effet.
On m'apperçoit aux champs, on me voit à la
ville ;
Dans ſa cabane un pauvre , en ſon palais un Roi ,
Amon pere offrent un alyle ,
Et mon pere , Lecteur , jamais ne va ſansmoi.
ParM.G.
Cvj
MERCURE DE FRANCE .
AUTRE.
Deux lettres peignent qui je ſuis ;
Au rang des végétaux l'homme , ou le fort , m'a
mis;
Dans les jardins je demeure & je vis :
Mais bien peu je les embellis ,
Et mon non à l'envers , exprime le mépris.
Parsle même.
J'AI
AUTRE.
AI des yeux , ſans y voir , oui , je crois, plus de
mille.
Je ſuisun inſtrument pour purger , non la bile ,
Mais l'utile manne qui vient
Dela merecommune , & qui tous nous orient.
Je ne fouffre point choſe impure ,
Non pas la plus petite ordure.
Soit dit par figure: l'on peut
Me donner à manger tout autant que l'on veut ;
Mais ne me donne point à boire ,
Bois toi- même , mon cher Grégoire ;
:
MARS. 1775 . 61
Sansquoi tu me verrois , dans le même moment ,
Laiſler aller ſous moi ton liquide préſent .
Par M. L. G. enBretagne.
LOGOGRYPΗΕ
IL eſt d'un bon chrétien , d'une âme franche &
ronde ,
De mettre à laiſe autrui , d'obliger tout le monde :
C'eſt ma marote & mon fyſtême aufli ;
Je vais , Lecteur , te le prouver ici.
Saint Jean nous dit dans l'Ecriture ,
Aimez-vous , mes enfans , d'amitié tendre & pure;
Rien n'eſt fi beau que la cordialité ,
Que la bonne union & la fraternité.
D'après ce confeil falutaire ,
Amon prochain cherchant à plaire ,
Abras ouverts toujours je le reçois ,
Chez tous lesGrands & chez certains Bourgeois.
Dans mes huit pieds ſe rencontre une ville ;
Synonyme d'un föt , défignant âme vile ;
Unarbre dont le nom , pourgroſſe injure pris ,
Commença les malheurs dont gémit un pays;
Lieu commode où l'on fait différente belogne ;
Ce qui tient lieu de beurre en toute la Gaſcogne ;
Cedont ne peut Lingere ſe paſſer ;
62 MERCURE DE FRANCE.
Ce qui fait quelquefois un Ecolier fefler ;
Deux élémens ; trois notes de muſique ;
Ce qui ſert à border les jupons d'Angélique ;
Un grand eſpace entouré d'eau;
Le nom d'un inſtrument & celui d'un vaiſſeau ;
De Laban une fille ; un lieu de facrifice .
Mais j'ai tout dit : Lecteur , fais ton office.
Par le même.
AUTRE.
AMI Lecteur , fi tu veux me connoître ,
Il te faudra décompoſer mon être ,
Et , ſi je lais bien diviſer ,
En deux parts le dépiécer ;
La choſe n'eſt pas difficile :
En l'une tu verras le nom d'un animal
Méchant par goût , mais très ſouvent utile ,
Non par amour du bien , mais par celui du mal.
Il eſt toujours au guet pour trouver mal à faire ;
Ce n'eſt pas là , tu vois , un charmant caractere .
Quoi qu'il en ſoit , cet animal nous lest ,
Mais ſouvent auſſi nous deſſert ;
On abeau le punir , il eſt toujours vorace ;
L'inſtinct ne change pas , nous dit le bonHorace.
Mais , chut : ami Lecteur , ſans doute qu'à ce trait
MARS . 1775 . 63
Jà tu connois tout le portrait ;
Cependant , fi je ne m'abuſe ,
Peut être ce portrait t'amuſe;
Pour te garantir donc de toute illufion ,
Je pafle à l'autre part de ma divifion .
Elle exprime une créature
Utile à toute la nature ,
Sans laquelle on voit Flore abandonner les
champs ,
Tout dépérir , même au printemps :
La terre devenir une maſſe ſtérile ,
Et tous les êtres langiſlans .
Mais elle joint encor l'agréable à l'utile :
Car c'eſt elle qui fait fleurir ,
Et fait enrichir le commerce
Des tréſors qu'on voit nous fournir
L'Amérique , l'Inde & la Perſe ;
En un mot il n'eſt point de jours
Où l'on n'éprouve ſes ſecours.
Malgré pourtant ces avantages ,
Comme il n'est qu'un Être parfait ,
Souvent , par d'horribles ravages ,
Elle a fait oublier le bien qu'elle avoit fait.
A tous ces traits , Lecteur , tu me devrois connoître
:
Encor un cependant ; tu fauras que le traître ,
Qui demon nom compoſe la moitié ,
Atoujours eu certaine inimitié
64 MERCURE DE FRANCE.
Contre l'autre part de moi -même ,
Qui s'épuiſe pour le nourrir ,
Sans laquelle , en un mot , on le verroit mourir.
Soningratitude eſt extrême ;
Onc pour lui néanmoins on ne m'a vu tarir.
C'en eſt aſlez , Lecteur ; maintenant afſocies
Et rapproche mes deux parties ;
Puis tu verras que je fais l'ornement
Demille endroits remplis de charmes .
Souvent pourtant mon dos eft chargé d'armes ;
Et , quand je ſuis bien fait , je brave effrontément
Les rufes & la foudre
Du farouche ennemi qui me veut mettre en poudre,
Pour tout dire en un mot , je ne ſuis point abject ,
Puiſque d'un artje ſuis l'objet.
D'en dire plus , ma foi je n'oſe ;
Si tu ne me tiens pas , je n'en ſuis pas la cauſe.
Par M. l'Abbé ***.
J
AUTRE.
E loge dans le coeur du ſage
Et dans celui du vrai chrétien :
Dujufteje ſuis le partage ;
Mais le pervers ne me connoît en rien.
MARS . 17750 65
Sans tête je ſuis plus connue ;
Alors , Lecteur , dans l'eſprit du méchant
Jelogeaffez communément :
Mais toujours j'y fuis corrompue.
Par M. Lavielle , de Dax.
J
AUTRE .
E fais un bruit pareil à celui du tonnerre ;
Mon chefà bas , je ſuis le plus ſot de la terre.
Par le même.
COUPLETS de la Fausse Magie. *
Madame SAINT CLAIR .
Andante.
VEUT- ON que la bonne aven- ture
N'ait rien de douteux ni d'obſcur ?
Le plus fa- ci-le & le plus sûr ,
* Mufique de M. Grètry.
66 MERCURE DE FRANCE.
C'eſt d'inter-ro- ger la Na- tu-
Σ
re :
Chacunde nous a ſon de- vin , Qui ne
ré- pond ja-mais en vain. Bis le refr.
DORIMON.
On fait aſſez quand on eſt ſage ,
Ceque promet le lendemain ;
Mais ce n'eſt pas ſur notre main ,
C'eſt dans nos coeurs qu'eſt le préſage.
Chacun de nous a ſon Devin ,
Qui ne répond jamais en vain .
Madame SAINT- CLAIR .
Lorſqu'un vieillard veut encor plaire ,
Qu'il fedemande : Est ce mon tour ?
Est- cel'étoile de l'Amour
Qui me domine & qui m'éclaire ?
Chacun de nous a ſon Devin ,
Qui ne répond jamais en vain.
LINVA L.
Pour être heureux avec ma femme
: MARS. 1775 . 67
Jene lirai pas dans les cieux;
Je lirai mon fortdans ſes yeux.
LUCETTE .
Je lirai le mien dans ton âme .
Tous les deux .
L'Amour ſera notre Devin ,
Il ne répondjamais en vain .
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
Nouvelles Ephémérides économiques , ou
Bibliothèque raiſonnée de l'hiſtoire ,
de la morale & de la politique.
Quidpulchrum , quid turpe , quid utile , quid non.
Horace.
,
Ce recueil hiſtorique , moral & polirique
, rédigé par M. l'Abbé Baudeau ,
paroîtra régulièrement tous les mois
dans le cours de la troiſième femaine , à
commencer du mois de Janvier 1775 .
Les volumes feront de neuf feuilles in-
12. Le prix de l'abonnement eſt de 24 1 .
68 MERCURE DE FRANCE.
franc de port dans tout le Royaume. On
ſouſcrit à Paris , chez le ſieur Lonvay ,
rue de Savore , la ſeprième porte cochere
à gauche en entrant par celle des Grands
Auguſtins , à côté de ! Hôtel de Savoie ;
&au Bureau de correſpondance , rue des
deux Portes Saint Sauveur; & chez Lacombe
, Libraire , rue Chaftine. On foufcrit
au même Bureau de correſpondance
pour la Gazette de l'Agriculture , du
Commerce , &c. par M. l'Abbé Roubaud.
Les Ouvrages , Mémoires , Lettres ou
paquets pour cette Gazette & pour les
Ephémérides , peuvent être adreſlés au
Bureau général de correſpondance , rue
des deux Portes Saint- Sauveur , à Paris .
M. de Saint Luc, Colonel au ſervice du
Roi & de la République de Pologne , ſe
charge de traduite ou analyſer les écrits
qui feront en langues étrangères. On enverra
gratuitement les Gazettes & les
Ephémérides aux perſonnes qui voudront
bien coopérer habituellement à ces deux
Ouvrages.
On diſtribue actuellement , & gratuitement
, aux Souſcripteurs un petit volume
qui peut être regardé comme l'annonce
de ces nouvelles Ephémérides. Ce
volume eſt diviſé en trois parties; la
MAR.S. 1775 . 69
première contient des pièces détachées :
1. des maximes générales du gouvernement
économique d'un Royaume Agricole
, par M. Queſnay . 2°. Un difcours
économique au Roi de Suède & à fon
Académie des Sciences , fur le bonheur
des Peuples , & fur les loix fondamentales
des Erats , par M. le Comte de
Scheffer . 3 °. Une lettre du Fermier des
droits de Halle , & du marché de la ville
de *** , à fon Confrère le Fermier des
mêmes droits à *** , par M. l'Abbé
Baudeau. La ſeconde partie , deſtinée à
des critiques raiſonnées , renferme des
queſtions fur le plan d'impoſition foidifant
économique , par M. l'Abbé Baudeau.
La troiſième partie , qui eſt confacrée
à nous rappeler des actes ou des événemens
publics relatifs auGouvernement,
nous offre le diſcours du Roi de Suède , lu
par Sa Majesté en plein Sénat; & le renouvellement
de l'Ordonnance & Edit du
Roi , concernant la liberté d'écrire &
d'imprimer , donné à Stokholm le 26
Avril 1774 .
Les maximes générales du Gouvernement
économique d'un Royaume Agricole
, ont déjà été publiées en 1768 dans
le premier volume de la Phyſiocratie. M.
70 MERCURE DE FRANCE.
l'Abbé Baudeau a cru devoir les mettre
encore à la tête du recueil que nous venons
d'annoncer , pour fatisfaire un grand
nombre de perſonnes qui demandent un
abrégé clair & précis des principes ſoutenus
par les Philoſophes qu'on appelle
Economiſtes. Cet abrégé , qui eſt à la
portéede tout le monde , eſt la ineilleure
réponſe que l'on puiſſe faire aux objections
de ceux qui , juſqu'à préſent , ont
artaqué la doctrine des Economiſtes. On
faura d'ailleurs d'autant plus de gré à
l'Editeur de ces nouvelles Ephémérides ,
d'avoir placé ces maximes à la tête de
fon recueil , que cet Ouvrage périodique
eſt particulièment deſtiné à développer
ces mêmes maximes , & à les appuyer
des preuves de droit &de fait.
Hiftoirefecrette du Prophète des Tures ; 2
parties in- 12 , petit format , prix 11.
16 f. A Paris , chez Baſtien , Libraire ,
rue du petit Lion .
Ce Roman , publié pour la première
fois en 1754 , contient quelques avantures
amoureuſes de la jeuneſſe de Mahomet.
Comme ces avantures n'ont rien de
bien piquant , l'Auteur , pour foutenir la
MARS. 1775 . 71
curioſité du Lecteur , fait voyager Mahomet
dans les différentes planètes , & lui
donne pour guide l'Ange Eturiel , qui
tranſporte le Prophète ſur ſes ailes . Mais
tout ceci n'est qu'une foible imitation
des rêveries de Cyrano de Bergerac .
Directions pour la conscience d'un Roi ,
compofées pour l'inſtruction de Louis
de France , Duc de Bourgogne , par
feu Meſſire François de Salignac de la
Mothe Fénélon , Archevêque Duc de
Cambray , fon Précepteur.
Et nunc , reges , intelligite ; erudimini qui
judicatis terram .
Plalm. II.
Vol. in- 12. de 160 pages. A Paris ,
chez les Frères Etienne , Libraires ,
rue St Jacques , à la Vertu.
Ces Directions , qui furent l'un des
fruits de la correſpondance ſecrette de
l'Archevêque de Cambray avec le Duc
de Bourgogne , petit fils de Louis XIV ,
ont été publiées , pour la première fois ,
à la Haye en 1748 , d'après une copie qui
venoit de l'Hôtel de Bretonvilliers.
On retrouve dans cet Ouvrage les
72 MERCURE DE FRANCE.
maximes & les conſeils que M. de Fénélon
a répandus dans ſon Télémaque ; mais
ces maximes & ces conſeils font ici plus
directs , plus précis , plus rapprochés ; &
cet écrit , pour nous fervir de l'expreffion
de l'Auteur de l'éloge de Fénélon , peut ,
à juſte titre , être appelé l'abrégé de la
fagelle & le catéchiſme des Princes .
Almanach de l'Etranger qui séjourne à
Paris , année 1775 ; vol . in 16. prix
20 fols broché. A Paris , chez Hardouin
, Libraire , paſſage du vieux
Louvre , du côté de Saint Germainl'Auxerrois.
L'Etranger qui ſéjourne à Paris trouvera
dans ce livrerdes renſeignemens fur
les divers ſpectacles , fur les jours d'audience
des Miniſtres , fur le prix des
voitures publiques.On lui fait connoître
.les promenades de Paris , les jours &
heures auxquelles on peut aller voir quelque
monument ou quelque curioſité publique
, les bureaux d'abonnement pour
les gazettes , journaux , &c. L'Auteur
pourra rendre ſon Almanach encore
plus utile aux Etrangers , en leur indiquant
, par exemple , les Bibliothèques
publiques ,
MARS. 1775 . 73
publiques , les cabinets de tableaux , &
auttes objets qu'il a omis , & qui cependant
doivent les intéreſſer.
Révolutions d'Italie; traduites de l'Italien
de M. Denina , par M. l'Abbé
Jardin. Tomes VII & VIII ; in- 12 .
A Paris , chez le Jay , Libraire , rue
St Jacques , au deſſus de celle des
Mathurins.
Cesdeux volumes terminent l'Histoire
des Révolutions d'Italie par M. Denina.
Dans cette hiſtoire , qui fort de la claſſe
ordinaire des révolutions ,l'Hiſtorien s'eſt
particulièrement appliqué à raſſembler
les faits les plus propres à donner des
réſultats politiques ou moraux. M. Denina
n'ignore pas que les projets d'un
particulier, inexpérimenté dans les matiè
res de gouvernement , peuvent manquer
d'exactitude & de juſteſſe , être même
impraticables pour le moment; mais ce
feroit juger auffi trop déſavantageufement
des hommes & de leurs occupations
, ſi , vivant au milieu de la ſociété ,
obſervant , lifant , penſant & réfléchifſant
, chacun ſelon la meſure de ſon génie
, on les déclaroit incapables d'apper-
D
74 MERCURE DE FRANCE.
cevoir ce qui peut contribuer à la félicité
publique . Les Lettres n'auroient
plus d'attraits , ſi ceux qui les cultivent
n'étoient jamais à portée de les faire fervir
au bonheur de la ſociété ; s'ils ne pouvoient
, par la voie des livres , propoſer
aux Régiſſeurs d'Etat quelque moyen
nouveau d'en augmenter les forces & la
ſplendeur. « On pourroit dire , à bien
>> plus juſte titre , ajoute ici M. Denina ,
>>que les Ecrivains font en quelque forte
>> les Confeillers des Gouvernemens &
» des Rois. Quiconque prend la plume
» revêt le caractère d'homme public , &
>> il eſt de fon devoir de propoſer ce qui ,
>> quoique ſpéculativement , paroît avan-
>> tageux à la République ; le Ministère
>> reſtant toujours le maître de choiſir &
>> d'exécuter ce que la raiſon & l'expé-
>> rience jugeront de plus convenable » .
L'Hiſtorien obſerve avec un Auteur moderne
& François , à qui l'on ne peut
diſputer de connoître à fond les matières
économiques & les intérêts des Peuples ;
que l'Angleterre doit à ſes Ecrivains les
progrès des arts , de ſon induſtrie , de
ſon commerce , les ſuccès prodigieux de
ſon agriculture , & preſque toutes ſes
meilleures inftitutions.Aforce de répéter
MARS. 1775 . 75
d'utiles vérités , on conduit le Gouvernement
à former une infinité de fages
établiſſemens . Les bons écrits excitent
d'abord un applaudiſſement univerſel ; le
les fuffrages d'une multitude de Lecteurs
citoyens & philoſophes ſe réuniſſent &
forment le voeu public ; & le voeu public
fixe enfin l'attention des Légiflateurs.
M. Denina , en inférant dans ſes
obſervations pluſieurs vues politiques ,
a donné un nouveau degré d'intérêt
à fon Hiſtoire. Cet Ecrivain termine
ſon dernier volume par jeter un coupd'oeil
ſur l'Etat d'Italie depuis la paix
d'Utrecht . « S'il ne falloit , nous dit-il ,
» pour rendre les Nations heureuſes &
>>Horiſſantes , que de longues paix , des
» Souverains réſidens , des Miniſtres ap-
>> pliqués ; l'Italie , dans ces cinquante
» ou ſoixante années écoulées depuis la
>> paix d'Utrecht , auroit dû croître &
>> proſpérer de tous points. S'il n'étoit
» même trop paradoxal de compter cer.
- taines guerres parmi les principes de
» félicité publique , je n'hésiterois pas d'y
>> ranger celles de 1733 & de 1741 : du
>> moins eſt . il certain que la quantité
>> d'or , que les Puiſſances belligérantes
>> versèrent dans la contrée , ſurpaſſa de
Dij
75 MERCURE DE FRANCE.
>>beaucoup le dégât qu'elles y firent.
» La condition des Etats de Naples ,
>>pendant les quinze ou vingt années
>> qu'ils furent foumis à l'Empereur Char-
» les VI , ne fut guères meilleure que
> ſous les Rois d'Eſpagne de la Maiſon
d'Autriche . Mais du moment qu'ils eu-
>> rent un Souverain propre , réſidant &
>> ſervi par d'excellens Miniſtres , qui
» n'avoient pas moins à coeur les intérêts
» de la Nation que ceux du Monarque ;
on ſent bien que ce beau pays dut re-
» naître , refleurir , remonter inceſlam-
>> ment à ce haut degré de proſpérité où
» l'avoit trouvé Charles VIII , quand il
>> vint troubler le ſage gouvernement des
>>Arragonois.
>>L'Etat du Saint Siege & celui de
Veniſe jouirent , au dedans , d'une paix
>> conſtante & profonde : ils furent inva-
>> riablement ce qu'ils étoient dans le
>> ſiècle précédent.
» Quant à la Toscane , conſidérée
»entre la mort de Jean Gafton & celle
>>de François I , on n'oferoit avancer
» que fa condition eût été améliorée , vu
» l'extrême difficulté de ſuppléer à la
» poffeflion ou proximité d'un Souve-
>> rain. Mais,outre que François lui-même
MARS. 1775 . 77
>> ne négligea rien de ce qui pouvoit
>> compenſer ſon éloignement on le ren-
>> dre moins onéreux , les Toſcans en
>>>furent enſuite & bien abondamment
» dédommagés par l'heureux avénement
>> de Léopold d'Autriche ( fils de François-
» Etienne , & frère de l'Empereur Jo-
>> ſeph II , actuellement régnant ) dont
>> la ſagefle fait goûter à ces peuples plus
>> de douceurs , de délices , de félicités
» que ne leur en départirent jamais les
>>Médicis en deux cents ans de règne .
>>Cette partiede la Lombardie , coin-
>> priſe ſous le nom d'Etat de Milan& ré.
>>duite , tant qu'elle dépendit de la Cour
>>de Madrid , à la condition de province
>> lointaine & détachée , ne put que ga-
>>gner à paſſer ſous la domination des
>> Allemands , dont les moeurs , indé-
>>pendammentde la contiguité , avoient
>> plus d'analogie avec les ſiennes.
>> Parme& Plaiſance , qui, même ſous
les Farnèſes , n'avoientjamais été mi-
>>ſes au rang des premières Cités d'Ita-
→ lie , ne tardèrent pas d'y monter quand
>>elles appartintent aux Bourbons , qui
>> y ont tellement favorisé la culture des
>> Lettres , l'affluence des Etrangers , le
>>commerce , les Arts , la circulation que
Diij
78 MERCURE DE FRANCE.
>> Parme fur tout , malgré l'exiguité de
>>>l'Empire dont elle eſt le fiége , peut ſe
>> placer entre les plus polies , les plus
floriffantes capitales.
>>Mais c'eſt l'amélioration du Piémont
>> qui eſt ſenſible & frappante. Sans avoir
>> changé de gouvernement , ni cellé
>>d'obéir à la Maiſon Royale de Savoie ,
>>ces Etats ont ſi prodigieuſement acquis
>> depuis la paix d Utrecht; l'induſtrie ,
>>les richeſles , la population en font ac-
>> crues à un tel point , que les vieillards
>> eux-mêmes ne peuvent s'empêcher de
>> mettre le préfent fort au- deſſus du
>> paffé ; de convenir qu'il n'eſt aucune
>> cité , aucune bourgade , aucun village
>> ni hameau où l'on ne compte un plus
>> grand nombre d'habitans , où l'on ne
>> vive plus commodément , plus agréa-
>> blement qu'autrefois ; ce qui démon-
> tre bien ſenſiblement les progrès de
>> l'agriculture &de tous les arts .
» Il réſulte de cette eſquiſſe que l'Ita-
>> lie eſt exempte des maux qui la tour-
>> mentèrent ſous les Romains , ainſi que
>>>dans les XII , XIII & XIVe ſiècles de
» l'ère chrétienne . Mais combien d'avan-
>>tages dont elle jouiſſoit alors , & dont
>> elle eſt privée aujourd'hui ? Il faudroit
MARS. 1775 . 79
>>> ſavoir ou pouvoir les unir pour l'éle-
>> ver au plus haut degré de félicité poli-
>> tique ; les livres ſont ſi multipliés , les
>> ſciences , la philoſophie , le droit des
>> gens , l'économie législative & fociale
>> font allés ſi loin , qu'il n'eſt plus à
>> craindre que nous puiſſions jamais
>> perdre ce que nous avons gagné à la
>> renaillance des lettres , & redevenir
» barbares . Que ne fommes nous égale-
>> ment aſſurés de pouvoir bannit la mo-
> leſſe & ramener dans les moeurs quel-
>> que peu de cette vigueur mâle , de
>> cette rudeſſe antique , le plus ferme
>> appui de la grandeur des Etats » .
Le voeu que fait M. Denina, en termi .
nant fon hiſtoire , eſt celui d'un bon patriote
; mais toutes les déclamations
tous les raifonnemens même les plus
folides contre le luxe , ne fervent à rien
ou preſque rien. Des ordonnances , des
loix fomptuaires, ne ſerviroient pas davantage
, attendu l'impoſſibilité d'empêcher
que les riches ne dépenſent leur
argent à leur fantaiſie , & que les indigens
ne cherchent avidement les
moyens de le leur faire dépenſer. Il n'y
auroit peut - être d'autre parti à prendre
pour réprimer , oudu moins retarder les
Div
80 MERCURE DE FRANCE.
effets du luxe , que de mettre une plus
grande proportion entre les fortunes des
particuliers; d'empêcher en conféquence
qu'il n'y ait d'autres moyens d'acquérir
des richeſſes que ceux que procurent le
travail , les ſervices ou les talens. Lorfque
dans un Etat il ſe trouve des voies
de fortune autres que celles que nous
venons d'indiquer , ces voies de fortune
étant moins longues , elles feront préférées
par le plus grand nombre : mais
parce qu'il n'eſt pas poſſible que tous ceux
que l'intrigue agire , réuffiflent , il ſe trouvera
néceſſairement une multitude de
citoyens entraînés , pour toute leur vie
dans un tourbillon qui les rendra inutiles
à l'Etat ; c'eſt le moindre inconvénient.
Lorſque pluſieurs font parvenus à l'objet
de leurs defirs; comme ils ont eſſuyé
d'abord bien des refus , ils s'en dédommagent
en jouiſſant de leur fortune avec
oftentation. Ils cherchent en quelque
forte à s'étendre , en ajoutant à l'idée que
l'on a de foi-même les diftinctions qui
accompagnent l'opulence. Cet éclat agit
fur la multitude; chacun s'efforce d'imiter
, plus ou moins, un faſte qui le charme
, que le peuple ſtupide prend pour
de l'honneur , & auquel il prodigue ſon
2
MARS . 17750 81
admiration . Ces deſirs effacent peu à-peu
l'eſtime que l'on accorde au mérite ; lintérêt
devient pour lors le reſſort le plus
actif ; & , au lieu de récompenfer les
fervices rendus à la patrie par des diſtinctions
, le Gouvernement ſe voit obligé
de les payer avec de l'or.
M. Denina rappelle auſſi les grands
principes de l'adminiſtration économique
, pour faire voir les pertes que fouffre
un Etat dans ſa culture, dans ſes denrées
, & par conféquent dans ſa population
, lorſque ſon territoire n'eſt partagé
que par grandes portions . On ne confidère
, ajoute t- il , qu'avec effroi les vaſtes
poſleſſions des riches. C'eſt en effet de
tous les abus qui concourent à la dépopulation
des campagnes , le plus actif &
le plus deſtructeur. Cependant il n'a jamais
été poſſible d'y remédier . L'inutilité
des loix agraires n'eſt que trop conftatée;
& le droit de primogeniture , quoique
avantageux à beaucoup d'égards , augmente
encore la dificulté d'arrêter le
déſordre .
Refutation de l'Ouvrage qui a pour titre :
Dialogues fur le commerce des bleds .
Vol. in- 8°. à Londres , & ſe trouve
1
Dv
82 MERCURE DE FRANCE.
à Paris , chez les frères Etienne , Libraires
, rue St Jacques.
L'Auteur de cette réfutation profite
dé la liberté rendue à la diſcuſſion & à
l'inſtruction dans les matières de l'économie
politique , pour faire paroître une
réponſe à un Ouvrage déjà ancien. Au
reſte cette réponſe, dictée par un eſprit
juſte , ſolide , & très-verſé dans les matières
économiques , ne contient pas feulement
une réfutation ſuivie des Dialo
gues ; elle préſente encore le développement
de pluſieurs vérités importantes fur
un ſujet qui ne peut être trop difcuté &
trop approfondi.
Almanach encyclopédique de l'Histoire de
France , où les principaux événemens
: de notre Hiſtoire ſe trouvent rangés ,
fuivant leurs dates, ſous chacun des
jours de l'année. Année 1775. Vol.
in- 16. AParis , chez Vincent , Imprimeur
Libraire , rue des Mathurins ,
hôtel de Clugny.
: Quelques Lecteurs ont paru defirer
plus de liaiſon , plus d'enchaînement
dans les faits hiſtoriques de ce petit OuMARS.
1775 . $3
vrage. L'Auteur , pour répondre à leurs
demandes, ſans néanmoins rien changer
à la forme qu'il avoit adoptée , a , dès
l'année 1772 , augmenté l'Almanach de
deux articles nouveaux & importans ;
l'un eſt un tableau chronologique des
Rois de France , diviſés en trois races ,
depuis le Fondateurde la Monarchie ; &
l'autre , une première époque de l'Hiftoire
de France , comprenant l'hiſtoire
abrégée de la première race de nos Rois.
Pour faire fuite à ces deux morceaux ,
l'Auteur a donné en 1773 , une ſeconde
époque comprenant les règnes de Pepin
& de Charlemagne ; & une troiſième en
1774 , comprenant les règnes des Defcendans
de Charlemagne. Il termine
l'année 1775 par les règnes des premiers
Rois de la troiſième race.
Le Clergé de France , ou tableau hiſtorique
& chronologique des Archevêques
, Evêques , Abbés , Abbeſſes &
Chefs des Chapitres principaux du
Royaume , depuis la fondation des
Egliſes juſqu'à nos jours. Par M. l'Ab
bé Hugues du Tems, Docteur de la
Maiſon & Société de Sorbonne , Vicaire
Général de Bordeaux & d'Acqs ,
:
Dvj
84 MERCURE DE FRANCE .
&Chanoinede l'Egliſe Métropolitaine
& Paroiffiale de Saint André de Bordeaux.
Tomes I. & II. A Paris , chez
Delalain , Libraire , rue de la Comédie
Françoiſe.
Au commencement du dernier fiècle ,
Chenudonna au Public la chronologie des
Evêques de France ; cet Ouvrage , rempli
d'inexactitudes,fut tellement augmenté&
perfectionné en 1626 , par Claude Robert
, Grand Archidiacre de Châlons-fur-
Saône , qu'on a donné à ce dernier Auteur
la gloire de l'invention& de la première
exécution. Toutes les découvertes
qu'on a faites dans l'antiquité depuis ce
temps-là, déterminèrent MM. de Sainte
Marthe à nous donner une nouvelle édition
de cet Ouvrage , qui patut d'abord
en quatre Tomes fous le nom de Gallia
Chriftiana , & qui a été continuée par
les Religieux Bénédictins. Le onzième
volume in - folio a paru . On trouve dans
l'Ouvrage de M. du Tems , qu'on peut
regarder comme un excellent abrégé du
Gallia Chriftiana , une critique exacte &
un choix judicieux de faits auffi inſtruc
ti's qu'intéreſſans. L'abrégé hiſtorique
qu'il nous donne de chaque Ville EpifcoMARS.
1775 . 85
pale , eſt fait avec préciſion. Le difcours
préliminaire renfermé un tableau des progrès
& des viciffitudes de l'Eglife dans
les Gaules . C'eſt aux I héologiens Canoniſtes
à diſcuter ce que cet Auteur dit de
la pragmatique , du concordat & de plu.
fieurs autres articles délicats ſur l'ancienne
diſcipline de l'Eglife. Malgré la diverſité
des idées à cet égard , l'Ouvrage
mérite d'être bien accueilli , fur-tout à
cauſe de ſon utilité. Le plan de l'Ouvrage
eſt judicieux , & l'Auteur ne s'en
écarte point dans l'exécution .
Recherches fur les remèdes capables de
diffoudre la pierre & la gravelle , traduires
de l'Anglois ; in- 8 . 31. broch .
A Londres , & se trouvent à Paris ,
chez Ph . D. Pierres , Imprimeur Libraire
, rue St Jacques , 1775 .
De toutes les opérations chirurgicales,
la taille , ou l'extraction de la pierre de
la veſſie , étoit anciennement une des
plus hafardeuſes pour le malade & l'Opérateur;
quoique la chirurgie moderne
inſtruite par l'anatomie la plus fcrupu
leuſe , de la ſtructure exacte des parties ,
ait tellement perfectionné cette opéra-
,
86 MERCURE DE FRANCE .
tion , qu'il foit difficile de croire qu'elle
puiſſe être portée plus loin , il n'en eſt pas
cependant moins vrai qu'elle n'eſt pas
toujours exempte de dangers ; ſouvent
celui qui l'a éprouvée avec ſuccès n'eſt
pas à l'abri des récidives de la maladie ,
qui l'avoit forcé de s'y foumettre. On a
vu des perſonnes affez malheureuſes pour
avoir été obligéesd'y revenir deux , trois
&même quatre fois.
Ces raiſons ont engagé, dans tous les
temps , les Médecins à chercher s'il n'y
avoit pas dans la nature ou dans les productions
de l'art , des moyens capables
de détruire les concrétions & la
cauſe qui les produit ; auſſi trouve-t- on
dans les Ouvrages de Médecine plufieurs
notes de remèdes ſimples ou
compoſés ; les Médecins Anglois ſont
principalement ceux à qui nous ſommes
redevables d'un grand nombre d'expériences
fur la nature du calcul & de fes
diffolvans.
* Le remède de Mlle Stephens nous
vient d'Angleterre ; on en a élagué tout
ce qui a paru y avoir été employé de
trop ; le ſavon en fut regardé comme le
feul ingrédient actif; quelques-uns lui
affocièrent l'eau de chaux , dans la vue
MARS. 1775 . 37
d'en augmenter encore l'efficacité : mais
la quantité énorme qu'il falloit prendre
de l'un & de l'autre de ces remèdes , rebutoit
infiniment le malade ; le Docteur
Chittick annonca pour lors un ſpécifique
contre ces maladies ; il fut bientôt accrédité
, tant par ſon efficacité que par le
myſtère qu'y mit ce Médecin. Les autres
Médecins de Londres tâchèrent d'en découvrir
le ſecret. M. Blackrie , Auteur
de ces Recherches , s'y appliqua ſpécialement
; il parvint enfin à ſe convaincre
que ce n'étoit autre chose que de la leffive
de Savonniers : il fit part de fa découverte
au Public; la manière dont fes
Recherches furent accueillies en Angleterre
doivent néceſſairement garantir des
ſuccès qu'elles doivent avoir en France.
Ce font ces Recherches qui font l'objet
de l'Ouvrage que nous annonçons. Le
Traducteur de cet Ouvrage & le Commentateur
( Meffieurs Guilbert & Bourru )
n'ont rien négligé pour donner encore
plus de mérite à cet Ouvrage , tant par
l'exactitude de la traduction que par les
notes ſavantes & critiques qu'ils y ont
joint ; un pareil Ouvrage mérite à tous
égards d'être conſulté par les gens de
l'art . M. Buch'oz , dans ſes Lettres fur
88 MERCURE DE FRANCE.
les végétaux & dans ſon Dictionnaire
des plantes de la France , rapporte que lques
obſervations qu'il a faites de l'efficacité
de l'uva urfi , contre les affections
calculeuſes & la nephrétique.
Traduction d'anciens ouvrages latins relatifs
à l'agriculture &à la Médecine vétérinaire
, avec des notes ; par M. Saboureux
de la Bonnerie , Ecuyer ,
Avocat au Parlement , Docteur & Profeſſeur
de la Faculté des Droits en
l'Univerſité de Paris. Tome Ve ,
contenant l'économie rurale de Palladius
, & Tome Vle, contenant l'économie
rurale de Végétius ; in 8 ° . A Paris,
chez Didot le jeune , Libraire de la
Faculté de Médecine , quai des Auguſtins
, 1775. Avec approbation &
privilége du Roi .
Ces deux volumes font la fuite des
traductions de Caton , de Varron & de
Columelle ; la collection entière de ces
différens Ouvrages , relatifs à l'Agriculture
& à la Médecine vétérinaire , eſt
très-précieuſe ; on en defiroit depuis longtemps
la traduction , elle n'a pu cependant
être faite dans un temps plus favoMARS.
1775. 89
rable que celui ci , où l'on s'adonne
entièrement aux ſciences utiles. Le Libraire
, pour faciliter l'acquifition de ces
différens Ouvrages , les vendra féparément;
le prix de ces deux derniers volu
mes eſt de 10 liv. ; les deux volumesqui
contiennent les OEuvres de Caton & de
Varron , ſont de , liv.; les troiſième &
quatrième , qui comprennent les OEuvres
deColumelle , font de 10 liv.; la collec
tion complette eſt de 29 liv.
Ontrouve dans ces deux derniers volumes
pluſieurs obſervations intéreſlantes
fur l'Agriculture des Anciens, ſur les
maladies des beſtiaux , fur la façon de
les élever , fur les avantages qu'on en
peut tirer; on y lit auſſi pluſieurs détails
fur le jardinage , fur les différentes méthodes
de greffer les arbres , ſur la vigne ,
&c. fur d'autres pareils objets , tous de
la plus grande importance dans l'économie
rurale ; le Traducteur y a joint des
notes ſavantes , dans leſquelles il fait voir
l'analogie qu'il y a des principes ruraux
des Anciens avec ceux des Modernes : il
explique en même temps les différens
termes d'agriculture & d'art vétérinaire ,
uſités dans les Ouvrages des Auteurs qu'il
raduit. On peut donc aſſurer que cette
१० MERCURE DE FRANCE.
collection renferme ſeule une bibliothèque
d'économie rurale , & qu'elle mérite
d'être confultée à chaque inſtant par ceux
qui s'appliquent à l'agriculture & à l'économie
rurale.
:
Ecrits politiques & économiques.
Lettre à M. Richard des Glanieres fur
fon plan d'impoſition économique &
d'adminiſtration des finances; in- 8 .
prix 1 1. 4 f. A Paris , chez Monory ,
Libraire , rue & vis-à-vis la Comédie
Françoiſe.
Réflexions patriotiques ſur le nouveau
plan d'impofition économique , avec
quelques vues différentes fur le même
objer. In 4°. A Paris , de l'Imprimerie
de Ph . D. Pierres , rue St Jacques.
Examen raisonné du plan d'impofition
économique , ou réflexions critiques fur
l'adminiſtration des finances . Par M.
Guyetand . In 4º. prix 1 liv. 10 f. A
Paris , de l'Imprimerie de Michel
Lambert.
La prospérité du commerce. Par M. de la
MARS. وہ . 1775
:
Croix , Avocat au Parlement; in-4° .
AParis , chez Simon, Imprimeur , rue
Mignon St André- des-Arts.
Administration générale & particulière de
la France. In-4 ° . prix 1 1. 4 f. A Paris ,
chez le même.
Obfervations fur le commerce des grains ,
écrites en Décembre 1760. Par M....
Avocat. In- 88. A Paris , chez L. Cellot
, rue Dauphine.
Effaifur les Monnoies , ou réflexions ſur
le rapport entre l'argent & les denrées .
Volume in - 4°. Prix 4 liv. 10 f. en
feuilles . A Paris , chez la veuve Mequignon
, Libraire , rue de la Juiverie,
près celle de la Calande , en la Cité.
Nous avons réuni ces différens écrits
fous le même titre , parce qu'ils préfentent
tous des ſpéculations plus ou moins
heureuſes en matière d'économie politique
& d'adminiſtration. L'eſſai fur les
Monnoies par M. Dupré de St Maur ,
a été publié , pour la première fois , en
1746. On trouve à la tête de cet eſſai
pluſieurs queſtions préliminaires , la plu
92 MERCURE DE FRANCE.
part tirées & traduites de deux Traités
de Lock fur cette matière . L'Auteur y
a ajouté quelques remarques qui font
comme une eſpèce d'extenſion aux penſées
de l'Ecrivain Anglois. La ſeconde
partie de cet Ouvrage conſiſte en rélexions
ſur le tapport entre l'argent &
les denrées .
Eloge de Mathieu Molé, Premier Préfident
du Parlement de Paris & Garde
des Sceaux de France. Difcours prononcé
à la rentrée de la conférence
publique de Meſſieurs les Avocats au
Parlement de Paris; par M. Henrion
de Pencé , Avocat au même Parlement.
Brochure in 80. prix 12 f A
Paris , chez Valade , Libraire , rue St
Jacques.
Quel homme montra plus que MathieuMolé
de ce courage intrépide qui
fait affronter les dangers , lorſque le devoir
le demande ? « Si ce n'étoit pas un
>> blafpheme , diſoit le Cardinal de Retz ,
> d'avancer que quelqu'un a été plus
>> brave que le grand Condé , je dirois
>> que c'étoit Mathieu Molé » .
Lors des barricades de 1648 , il fit
MARS. 1775 . 93
ouvrir les portes de ſon hôtel , que l'on
venoit de fermer , en diſant que la maifon
d'un premier Préſident devoit être
ouverte à tout le monde.
La fidélité due au Prince & l'amour de
l'ordre avoient , pendant les troubles de
la Régence de Marie de Médicis , trouvé
un aſyle dans le coeur du vertueux Molé.
Son éloge étoit donc le ſujet le plus
propre à nous rappeler lesobligations dûes
par la Nation aux Magistrats , qui , à
l'exemp'e de celui dont M. Henrion a
célébré les vertus , font toujours prêts à
ſe ſacrifier pour le ſoutien des Loix , la
gloire du Trône & le bonheur des peuples.
Le Ayle de cet Eloge , quoique trèsorné
, n'eſt pas dépourvu de chaleur &
d'intérêr, L'Orateur s'élève fut tout avec
force contre un abustrès criant & allez ordinaire
dans les temps de trouble , l'établiſſement
des Commiſſions pour abfoudre
ou profcrire au gré de l'intérêt & du
caprice. " Barbares ! prenez le poignard ,
>> égorgez vous - mêmes vos victimes ,
>> vous ne ferez que des affaflins; mais
>> les frapper du fer facié des Loix ,
>> c'eſt de toutes les hypocrifies politiques
>>la plus vile & la plus noire; c'eſt un
94 MERCURE DE FRANCE .
>> rafinement de vengeance qui me pé-
>>>nètre d'indignation & d'horreur. Quel
>> garant reſtet il à mon innocence , fi
>> Themis ne tient plus fon glaive que
« d'une main incertaine ; fi mes ennemis
>> peuvent le lui arracher pour s'en armer
>> contre moi ? »
Hiſtoire générale de l'Afie , de l'Afrique
& de l'Amérique , contenant des difcours
fur l'hiſtoire ancienne des Peuples
de ces contrées , leur hiſtoire
moderne & la deſcription des lieux ,
avec des remarques fur leur hiſtoire
naturelle , & des obſervations ſur les
religions , les gouvernemens , les ſciences
, les arts , le commerce , les coutumes
, les moeurs , les caractères , &c.
des Nations. Tome V in 4° . formant
les Tomes XIII , XIV & XV de l'édition
in- 12. Par M. L. A. R. A Paris ,
chez Deſventes de Ladoué , Libraire ,
rue St Jacques , vis-à- vis le Collége de
Louis le Grand.
Ce nouveau volume , qui contient
l'hiſtoire de l'Amérique , étoit d'autant
plus attendu , que l'Hiſtorien de l'Aſie ,
de l'Afrique & de l'Amérique fait , par
MARS . 1775 . 95
des recherches ſavantes, des diſcuſſions
philofophiques & des peintures animées,
intéreſſer le Lecteur , qui demande qu'on
lui préſente un peu plus qu'une ſuite de
faits hiſtoriques .Undiſcours ſur l'hiſtoire
ancienne de l'Amérique eſt placé à la tête
de ce volume. L'Hiſtorien commence par
nous entretenir de l'origine & des divers
uſages des anciens habitans de l'Amérique.
Le Père Lafiteau , comme l'obſerve
l'Hiſtorien , a , par la Comparaison des
moeurs des Américains & des anciens
temps , très bien prouvé ce qu'il ne vouloit
pas prouver , qu'il étoit impoffible
d'arriver à leur origine par cette voie.
Suivant le tableau qu'il trace , les coutumes
du nouveau monde auroient été com.
poſées de coutumes de différentes Nations
de notre Continent ; & elles n'étoient
pas plus les moeurs d'un tel peuple
de l'Amérique , que les moeurs de
telle Nation de notre hémisphère. Les
uſages les plus bizarres ne jeteront pas
plus de lumière ſur leur origine. Par
exemple , chez les Galibis , les Caraïbes ,
&c. les maris ſe mettent au lit ou dans
le hamac , lorque leurs femmes ſont accouchées
; cette coutume eſt commune
aux Ibériens , aux anciens Corſes , à des
96 MERCURE DE FRANCE,
Tartares , aux Tibaréniens d'Atie & à
divers autres Peuples de l'Eſpagne & de
l'Orient ; elle étoit même conſervée dans
le Béarn , & c'eſt ce qu'on y appeloit
faire la couvade. Lequel de ces peuples
l'aura-t il enſeigné aux autres ? Et de quel
point ferat elle partie pour faire le tour
du monde ? Quelques Européens , en
voyant des Américains en couche & du
lait dans leurs nammelles , ont dit que
dans le Sud de ces contrées , les hommes
allaitoient leurs enfans. M. Boulanger ,
dans ſon antiquitédévoilée par les usages ,
regarde la conduite des maris Galibis
Ibériens , Corſes , &c. comme une forte
de pénitence , fondée ſur la honte & le
repentir d'avoir donné le jour à un être
de fon eſpèce. Cette conjecture n'eſt pas
heureuſe. L'Auteur des recherches fur les
'Américains , M. de Paw , penſe qu'on
veut par- là donner à connoître que les
maris ont eu autant de part à la généra .
tionque les femmes ; & que , comme ſi
le premier produit de leurs amours les
eût énervés , ils ſe nourriffent alors de
mets ſucculens pour rétablir , diſent ils ,
leurs forces , épuiſées par les efforts de la
paternité. Il eſt difficile de donner la
raiſon de ſemblables bizarreries , puifqu'elles
,
MARS . 1775. 97
qu'elles ne paroiſſent pas être ſelon la
raifon ; " Mais , ajoute ici M. R. , nous
» ne devons jamais oublier qu'il en eſt
>> de la plupart des coutumes comme des
>> hiéroglyphes ; nous n'y trouvons que
» de la bizarrerie , parce que nous en
>> ignorons le ſens & l'analogie. Ne fe-
>> roit- il pas permis d'imaginer que celle
>> dont nous parlons a eu pour première
>cauſe un ſentiment très-naturel & un
» motif très- louable ? Les maris , après
>>>l'accouchement de leurs femmes , ne
>> ſe ſeroient ils pas mis au lit pour
> échauffer, comme les animaux , d'une
> chaleur naturelle , les nouveaux nés ,
>> pendant que leurs femmes ſe ſeroient
>> purifiées de leurs fouillures ? Cette pra-
> tique ne ſeroit certainement pas inſen-
» ſée, car on ne fauroit douter qu'elle
>> ne fût falutaire pour les enfans. Cette
>> conjecture eſt d'autant plus vraiſembla-
>> ble , que les Baſques nous l'infinuent
>> eux-mêmes , par le nom qu'ils don-
>> noient à cette pratique : ils entendoient
>> couver les nouveaux nés , ou fomenter
>> leur chaleur par une chaleur analo-
» que » .
M. R. après avoir détruit les conjectures
tirées des moeurs, fur l'origine des
E
4
98 MERCURE DE FRANCE.
Américains , ne croit pas qu'il foit à propos
de recourir à la confrontation des
langues. Il abandonne donc les recherches
fur les ancêtres des Américains ;
mais il ſe permet d'examiner comment
l'Amérique a pu être peuplée. Il préſume
, avec pluſieurs Savans , que l'Aſie
& l'Amérique , d'abord unies par une
iſthme, ont été diviſées par un tremblement
de terre . Il eſt certain que les mers
ont ouvert beaucoup de bièches à travers
notre continent. Bottarini ,dans ſon projet
d'hiſtoire de l'Amérique ſeptentrionale
, dit , en traitant du paſſage des Indiens
à la nouvelle Eſpagne , avoir trouvé
dans les hiſtoires de la Mofcovie & du
Japon , les deux contrées unies enſemble
fur d'anciennes cartes géographiques. M.
Steller juge que les terres du Kamtſchatka
, & les côtes de l'Aſie & de la Californie
étoient autrefois jointes enſemble .
Il ſe fonde fur quatre obſervations. 1º.
Les rivages eſcarpés du Kamtſchatka &
de l'Amérique. 2 ° . Le grand nombre de
caps avancés dans les mers depuis trente
juſqu'à foixante verſtes , ou depuis ſept
juſqu'à quatorzede nos lieues communes .
3 ° . La multitude d'Iſles répandues entre
ces mers. 4°. La ſituation de ces Ifles &
1
MARS. 1775.
وو
le peu de largeur de ces mers. M. R.
joint à ces obſervations d'autres particularités
, qui tendent également à prouver
que les Nations de l'Aſie & de la Californiecommuniquoient
enſemble. Ilnous
donne , dans la ſuite de ſon difcours , ſes
remarques ſur la couleur & la conftitution
phyſique des Américains . Mais il a
ſoind'écarterde cette diſcuſſion les men.
ſonges ſemés à pleines mains dans les
relations de l'Amérique , à l'article des
fingularités de notre eſpèce. Il laiſſe à
Jacques Cartier ſes Sauvages ſeptentrionaux
, à la face velue & à la marche
quadrupède ; à tel autre voyageur , ſes
petits hommes monopèdes & très leſtes ,
avec une ſeule jambe; à ceux là , leurs
peuples à pattes d'oie ; à ceux ci , leurs
eſclaves aux pieds en queue d'écreviſſe ;
à Vaſco Nunnez & autres , leurs peuplades
de Nègres aux environs de Quarqua
; à Cortez , fa race blafarde de l'ifthme
Darien; aux Portuguais , leurs troupeaux
de Sirènes nageant dans la mer du
Bréfil;à une autre Nation,ces hommes marins
pêchés à la Martinique ; à la plupart
des anciens voyageurs,leurs hermaphrodi
tes de la Floride,&c. Il n'y a dans le nouveau
monde d'autres Noirs que ceux que
E ij .
100 MERCURE DE FRANCE .
4
la tyrannie y tranſplante , ou leurs enfans
, quoique pluſieurs Nations y foient
placées ſous la zône Torride. La cou-
> leur cuivrée eſt celle de tous les Amé
>> ricains , uniquement différenciés par
» des tons & des nuances plus ou moins
>> fortes . Les teintes que la chaleur donne
» aux uns , l'inclémence de l'air , le hâle ,
ود
ود qu'à ceux -
à moins
les onctions de graiſſes , de drogues, les
>> impriment aux autres. Ilne tient qu'à
>> ceux qui prendroient les couleurs de
>>nos vêtemens pour celles de notre peau,
>> de prendre les peintures noires , jaunes,
>>bleues , rouges & bariolées , dont les
>>Indiens ſe barbouillent le corps , pour
>>leur coloris naturel : il n'eſt permis
là de peupler l'Amérique
>>d'hommes rouges & jaunes ,
» qu'on ne donne lenom dejaune & de
>> rouge à un teint fanguin & olivâtre .
>>>Affez long temps des ſauvages enduits
>> de vernis & d'enguent nous ont paru
>> ridicules & barbares , à nous à qui les
>> figures peintes font néanmoins affez
>> familières , & à qui les onctions ne le
>> ſont peut- être pas affez , tandis que
>>ces uſages leur font dictés par la pra-
>>dence & le beſoin. Ainſi que les Européens
ſe diſtinguent fur mer par la
1
MARS. 17750 ΙΟΙ
>> différence de leurs pavilions , ces peu-
>> ples vagabonds portent fur leurs corps
>>des marques particulières , pour ne pas
ſe mêler & ſe confondre. Les huiles
» & les drogues entretiennent la foupleſ-
> ſe & l'agilité de leurs membres , les
>> défendent des impreſſions de l'humi-
>> dité & des intempéries , & repouflent
>> loin d'eux ou frappent de mort les in-
>> ſectes ſi multipliés , fi venimeux , fi
>> âpres & fi redoutables dans ces con-
>> trées >» .
,
L'industrie des Américains leurs
moeurs , les différentes formes de leurs
gouvernemens , leurs qualités morales ,
ſont également rappelés dans ce diſcours
ou dans cette introduction à l'hiſtoire
moderne de l'Amérique. M. R. dans
cette même introduction nous préſente ,
fous un point de vue très-philoſophique ,
les grands traits de l'hiſtoire ancienne de
l'Amérique , & nous donne les réſultats
de l'hiſtoire moderne. Comme il faut
être inſtruit des faits rapportés dans le
corps de l'ouvrage pour bien ſaiſir ces
réſultats , nous nous contenterons d'en
donner ici quelques -uns , & dans la vue
ſeulement que le Lecteur puiſſe mieux
apprécier le mérite particulier de cette
nouvelle hiſtoire .
Eiij
102 MERCURE DE FRANCE.
« La découverte de l'Amérique eſt la
>> plus mémorable des révolutions que
>> notre globe ait eſſuyées de la part de
>> l'homme : la conquête de l'Amérique
>> eſt la plus affreuſe des calamités que
>> l'humanité ait fouffertes de la part de
» l'homme.
» -Ces événemens ont changé la face
>> de l'Univers : la terre en est-elle plus
>>>Aoriſſante ? Où eſt l'abondance ? où eſt
>> la paix ? où eft le bonheur?
>> Qu'eſt il refté de l'ancienne Améri-
>> que ? le ciel , le fol , & le ſouvenir
>> des Nations exterminées .
>> Je me trompe , il y reſte encore des
>> eſclaves & des fauvages. Ces eſclaves
>> font les plus abrutis des mortels , &
>> cet abrutiſſement léthargique eſt le der.
>> nier degré de la misère humaine. Ces
>> ſauvages ſont ſans ceſſe attaqués , pour-
» ſuivis , dépravés , détruits par nos ar-
>> mes , nos intrigues , nos vices nos
>> maladies , nos eaux de-vie , & c .: c'eſt
>> l'enfance énervée & corrompue.
د
>> Il y a une effroyable communication
>> de maux entre l'Europe & l'Amérique ;
» & il n'y a point eu entre- elles d'échan-
>>ge réciproque de biens .
>> La petite vérole , tranſplantée en
MARS. 17750 103
» Amérique , n'y a point exercé moins
>>de ravages que la maladie Américaine
>> du même nom n'en a exercé en Europe.
>> Les Américains poſſédoient quel-
>> ques ſecrets , nous ne les avons point
>>appris ; l'Europe avoit des arts , nous
» ne les leur avons point enſeignés .
>>Quelques coins du nouveau monde
> ſont exploités : par qui ? par des Afri-
>> cains & des Américains : pour qui ?
>>pour des Européens.
>> Je souhaite qu'il ſe forme dans ces
>> contrées de vrais chrétiens ; & que la
>> Religion ſe conſole , dans leurs vertas
>>& leur béatitude , d'avoir été proſti-
>> tuée aux facriléges excès de la plus im-
>> pie barbarie.
» Il a peu -être péri en Amérique plus
>> de vingt millions d'Indiens ; il en a
» coûté bien davantage à notre Conti-
>> nent. On eſtime que l'Eſpagne a vomi
>>>fur cette contrée huit millions d'hom-
» mes ; le Portugal , l'Angleterre , la
> France , l'Allemagne , la Hollande
» &c. réunis , en ont-ils moins perdu ;
>>>fur- tout fi l'on évalue le nombre des
>> victimes de la guerre & de la naviga-
» tion ? La Grande Bretagne ſe dépeuple
>> encore de jour en jour, pour peupler
,
E iv
104 MERCURE DE FRANCE.
>> cet immenſe déſert; l'Afrique y a fa-
>>crifié près de douze millions des liens
»& elle en ſacrifie encore chaque année
>> plus de foixante mille .
,
>> Qu'importe que l'Europe ait ouvert
>> de nouveaux débouchés à ſes produc-
>> tions , quand elle a arrêté l'abondance
» & provoqué la difette ? Recueillerez-
>> vous fur votre ſol ſans avoir ſemé , &
> ſemerez vous en terre étrangère ſans
>>>avoir recueilli ?
» Quels ont été ces débouchés ? Des
>>Européens font allés jouir en Amérique
>> des ticheſſes naturelles de leur patrie.
> La tranſplantation des consommateurs
> opère-t-elle une conſommation nou-
» velle ?
>> L'or , ou volé , ou fans ceſſe acheté
>> au prix du ſang Américain , a coulé
>> ſur l'Europe à grands flots , & l'on di-
>> roit qu'il a calciné une partie de ſes
>> terres ; & on l'a pris follement pour la
>> richeſſe des Etats , juſqu'à en attendre
>> leur ſubſiſtance ; & il a rendu la cupi-
>>dité fiſcale effrenée ; & les vices & les
>>>erreurs l'ont converti en inſtrument
> univerſel de tous les genres de déſor-
> dres ; & tout a été politiquement , ci-
> vilement & moralement vénal.
MARS. 1775 . 105
>> La conquête étoit encore récente ,
>> que Garcilafſo de la Vaga obſervoit
-« l'aviliſſementde la monnoie produite
->> par ſon abondance , & le hauffement
>>> du prix des dentées proportionné à la
>>multiplication du numéraire. Le même
->> poids de denrées emporte , dans la ba-
>> lance des échanges , un poids octuple
>> de métaux,depuis que l'Europe a frappé
>> huit fois plus de ſignes qu'elle n'en
>> avoit auparavant. Qu'a-t-elle donc ga-
>> gné ? Elle a converti ſes fortes eſpèces
>> en petite monnoie.
>> Le tribut de l'Amériquea , dit on ,
>> nourri notre commerce avec l'Inde :
:" non , il ne l'a pas ſeulement nourri , il
» l'a groſſi à l'excès , ce commerce dévo
>> rant. L'or , en coulant à flots précipités
» des ſources de l'Amérique à travers
>> l'Europe , a emporté notre population ,
>>nos fabriques, notre terre féconde dans
>>les gouffres de l'Inde .
>> Nous avons ſacrifié , nous facrifions ,
>> nous facrifierons les capitaux de noue
culture & de notre induſtrie à la fu-
>> reur de conſommer ſans meſure des
>> épiceries qui nous brûlent , un thé qui
nous deſſeche , des drogues qui nous
>> empoisonnent , des étoffes qui inful-
Ev
106 MERCURE DE FRANCE.
» tent au deuil de notre agriculture &de
>> nos arts .
» L'Amérique nous a communiqué
>> quelques plantes alimentaires : la pom-
>> me de terre , par exemple , eſt un des
>> plus précieux préfens que nous en
«ayons reçus. Oferions nous nous glo-
>>> rifier des reſſources de la misère ? Se.
>> tions nous affamés de pommes de terre
>> fi nous n'avions flétri l'épi de bled ?
>> Nous empruntons des pelleteries de
→ l'Amérique. Race abâtardie ! faut - il
> que nous nous armions contre un ciel
>> tempéré , des cuirafles apprêtées par le
>>Nord contre les frimats du Nord ?
>>>L'Amérique nous a fait connoître le
tabac : oui , le beſoin d'une poudre ,
» ou vaine ou dangereuſe , porté juſqu'à
>> la néceffité , a livré des Nations en
>> proie à la fiſcalité qui l'a excité vi-
>> vement & qui le punit avidement .
ود Elle a multiplié le café;& l'Europe
>> a été altérée d'une boiffon pernicieuſe ,
>> jufques - là qu'on voit dans pluſieurs
>> Provinces de France , d'Allemagne &
>> des malheureux ſe dérober le pain pour
s'en abreuver.
>>Elle nous fournit la cochenille , des
>> perles, des émeraudes, des diamans .
MARS. 1775 . 107
» Enfans! juſqu'à quand acheterez-vous
>> des couleurs au prix de votre fubfif-
> tance ? Demandrez - vous encore des
>> hochets au lit de mort ?
>> Nous tirons notre ſucre de la même
> contrée : les Iſles de Provence en ont
>> produit ; la Sicile en a produit ;-les
>> Ifles de l'Archipel en ont produit ; la
>>Turquie Européenne & une partie de
» l'Europe méridionale en produiront ;
>>l'Afrique en produira : il abonderoir
• ſous notre main , ſi notre Continent
>> n'étoit plus qu'à demi barbare .
,
>>Pour jouir arbitrairement de toutes
>> ces productions , nourries & dégouttan-
> tes de fang , nous avons établi dans ces
> contrées deux fortes de domination
>> l'une ſur les Naturels du Pays , l'autre
>> fur nos Sujets traſplantés ; là la tyran-
>> nie , ici le monopole. La différence
>> eſt dans les noms ; tout eſt aſfervi » .
1
M. R. fait fur les Colonies de l'Amérique
des réflexions qui peuvent nous
faire enviſager le ſort à venir du nouveau
monde. " Si les Colonies , conti-
>> nue l'Hiſtorien , ſont foibles , on craint
» l'ennemi ; ſi elles font puiſſantes , on
>> les craint elles - mêmes .
>>Il eſt contre nature qu'on redoute la
:
E vj
103 MERCURE DE FRANCE.
t
>>> proſpérité de ſes Sujets : ſi vous redou-
>> tez celle de vos Colons , ils ne font
>> pas faits pour être vos Sujets ; ils cef-
>> feront de l'être ou d'être.
» L'Europe n'a pu forcer l'Amérique
> ſeptentrionale à produire du ſucre , du
>> café , de l'or , des diamans : il a fallu
» y laiſſer cultiver des grains & autres
productions néceſſaires ou utiles . De-
>> là le falut & l'indépendance future de
» l'Amérique entière.
>>Déjà les Colonies ſeptentrionales ,
>>fortifiées par la réunion d'une ſuite de
>> conquêtes , ont fait avorter les projets
>> d'impôts conçus par le Gouvernement
>>& adoptés par la légiflation Britanni-
» que. La terre leur prodigue les plus
>> utiles productions . Elles appellent tous
» les arts utiles. Les ſciences Heuriffent
>> dans leur ſein ; on y connoît le prix
>> de l'agriculture , & les cauſes de fa
>> proſpérité ; une population heureuſe
>> s'y multiplie comme la ſubſiſtance .Elles
>>>feront indépendantes, quand elles vou-
> dront l'être.
» Vous conferverez votre empire en
>> les divifant : mais à la fin elles ſe réu-
>> niront; & vous ne forcerez pas , avec
» quelques vaiſſeaux &quelques milliers.
MARS. 1775 . 109
>>>de ſoldats , des millions d'hommes
>> braves , pourvus de tout , vos égaux
>> en difcipline , en armes , en talens ;
>> vous ne les forcerez pas fur une éten-
>> due immense de côtes & dans une im-
>> menſe profondeur de terre. Si vous
>> détruifiez leurs plantations , vous rui-
→ neriez vos propres eſpérances .
>>>Lorſqu'elles feront indépendantes ,
>> tout le reſte de l'Amérique ſera bientôt
» libre ; car il a le plus grand intérêt à
>> l'être , & il pourra l'être par ſon ſe-
>> cours .
•Alors tous ces peuples ſe livreront
» aux cultures , au commerce , aux arts
>> les plus fructueux : tout proſpérera . Les
>> ſuperfluités abonderont comme les né-
>> ceffités. Toute l'Europe , déchargée de
>> toute dépenſe , commercera avantageu-
>> ſement avec toute l'Amérique & avec
>>laproſpérité.
>>Alors l'Amérique ſe glorifiera d'a-
» voir reçu les Européens dans ſon ſein.
>> Alors , & alors ſeulement , l'Europe
>> recueillera le prix de la découverte de
>> l'Amérique ».
Georges & Molly , Drame en trois actes ,
lu aux Italiens le 17 Septembre 1772 ;
110 MERCURE DE FRANCE.
tiré de l'Orpheline Angloise , Roman ,
•où l'on a puiſé le Vindicatif, joué aux
François en Juillet 1774. Broch. in 8°.
A Paris , chez Valade , Libraire , rue
St Jacques , vis à vis celle des Mathurins
.
M. N *** , Auteur de la Fauffe Peur
& de Georges & Molly , nous dit, dans
un Avertiſſement , que le jour que les
Comédiens Italiens reçurent la Fauffe
Peur, il leur lut Georges & Molly , &
que certe dernière pièce eut des applaudiſſemens
, mais que le ſujet en parut trop
triſte , trop incompatible avec le genre
de ce ſpectacle . Cependant on exhorta
l'Auteur à y répandre un peu de gaieté ,
pour faire contraſte & varier les tableaux
de la muſique qui , ſans cela , auroit pu
paroître trop fombre , trop monotone. Il
créa en conféquence le rôle de Guinée ,
perſonnage d'un caractère avare , gai &
brouillon , & qui a la manie de vouloir
rendre ſervice aux gens malgré eux. M.
N*** ſe propoſoit de faire une ſeconde
lecture de ſon Drame aux Comédiens ,
lorſque le Vindicatif parut. Il y reconnut
le ſujet qu'il avoit traité , & renonça
pour lors à l'envie de faire jouer ſa pièce,
MARS. 17758 III
qui eſt puiſée dans l'Orpheline Angloise ,
ainſi que celle de M. Dudoyer . Il y a
néanmoins des différences que le Lecteur
prendra plaifir à remarquer. L'Auteur de
Georges & Molly a , par exemple , ſagement
écarté de ton Drame le rôle atroce
du Vindicatif, qui a paru révolter dans
la pièce de M. Dudoyer. Il a rendud'ailleurs
ſes ſituations plus vives , plus théâtrales
, en donnant à Georges , dans le
Chevalierde Welnom , un frère & un
rival ; enſorte que le Baronet Moony ,
fait Comte de Welnom & Juge de paix
depuis peu , ſe trouve Juge d'un de ſes
fils& vengeur de l'autre. Le rôle neuf de
cette pièce eſt celui de Guinée , mais ce
rôle , un peu trop chargé, impatiente fouventplus
qu'iln'amuſe. Quelques ariettes
pourroient être mieux amenées , ou du
moins elles ne nous ont point toujours
paru être , comme on le deſire , le complément
ou le dernier degré d'énergie du
ſentiment ou de la fituation qui étoit
à rendre. Au refte ces ariettes peuvent
facilement être Tetranchées ou traduites
en profe par ceux qui voudroient jouer
Georges & Molly fur les théâtres de ſociété.
Ce Drame eſt même fait pour y
réuffir , & peut être rendu ſans beaucoup
112 MERCURE DE FRANCE.
d'étude , parce que le jeu ſcénique eſt
allez bien indiqué par les différentes
Gtuations où se trouvent les perſonnages .
Dialogue entre Henri IV, le Maréchal de
Biron & le brave Crillon , fur le règne
fortuné de Louis XVI , recueilli par
M. l'Abbé Regley,
Afpiceventuro latentur ut omnia faclo .
VIRG. Egl . IV.
Brochure in- 8°. ornée de deux portraits
en pendans , de celui de Henri
IV & de celui de Sa Majesté Louis
XVI . A Paris , chez la veuve Duchef.
ne , rue St Jacques.
Le refurrexit que l'on a trouvé écrit
au bas de la ſtatue équestre de Henri IV ,
quand Louis XVI eſt monté ſur le trône ,
a ſans doute inſpiré à M. l'Abbé Regley
l'idée de ce Dialogue. Les deux Interlocuteurs
qui accompagnent Henri IV paroiffent
appuyer le bonheur de la France
fur trois objets , l'honneur , les incoeurs ,
la vérité. Le Maréchal de Biron defire
que la vérité ſoit connue des Rois , pour
leur laiſſer appercevoir les moyens de
1
MARS . 1775 . 113
faire le bonheur de leurs peuples. Le bra .
ve Crillon , qui aima paſſionnément la
gloire, veut que ce ſentiment paſſe dans
tous les individus de la Nation , & que ,
pour l'y établir fortement , on lui donne
des moeurs. " La cauſe , Sire , dit Cril-
>>lon à Henri IV , qui éteint les maurs
>> dans les Empires , eſt ſouvent la misère
>>qu'éprouvent les peuples. Comment
>> un malheureux , qui eſt affligé par tous
→ les beſoins de la vie , peut- il fonger
>> à avoir des moeurs & en donner à ſa
» famille, auſſi malheureuſe que lui ? Il
>devient chagrin , dur; ſon âme ſe con-
» trace , ſe reſſerre; tout le fatigue &
» l'importune , il a de l'aigreur , de l'em-
>>portement ; le ton de la colère ſe natu-
>>raliſe avec lui ; l'enfant le reçoit & le
» communique à ſon tour : voilà toute
>> une claſſe deCitoyens que l'indigence a
>> infectée d'un vice d'habitude , & cette
>> claſſe eſt la plus nombreuſe de l'Etat.
> Autrefois il y avoit de l'aiſance dans
>> les campagnes& juſques dans les chau-
>> mières. Tous nos François étoient pa-
>> triotes ; ils avoient entre eux une fran-
>>chiſe droite , & cette gaieté naïve qui
>> marque ſi bien le repos de l'âme. Vou-
> lez vous voir revivre cette antique
114 MERCURE DE FRANCE.
>> bonne foi de nos ayeux ? Faites jouir
>> nos François de l'immenſe abondance
>> que donne la nature.
ود Voilà précisément , répond Henri
» IV , ce qui a fait l'objet de mes voeux
>> ſur la fin de mon règne ; j'ai tourné
» mes voeux du côté de mes Laboureurs ,
>> au moment où j'ai commencé à goûter
> les douceurs de la paix. Mon petit fils
>> a connu l'objet de mes derniers fou-
>> pirs , & fes premiers foins ont été de
>> rétablir dans ſon Royaume l'honneur
>>>du labourage ; toute la France en ref.
>>fent déjà les douceurs : mais attendons
>>quelque temps encore , que le jeune
>>Roi puiffe toucher tous les refforts qui
>> compoſentla grande machine de l'Etat ,
>>que fon oeil en apperçoive l'enſemble ;
>> il faura en ſimplifier les mouvemens ,
» & tous ſes Sujets s'étonneront de ſe voir
>>des richeſles qu'ils devront à ſa ſageſſe
"&à fes travaux ».
Henri , Biron &Crillon ſe réuniſſent
de concert à la fin de ce Dialogue pour
chanter la félicité de leur ancienne patrie.
Comme leurs chants paroiſſent tirés de
la quatrième Eglogue de Virgile , cette
Eglogue eſt placée à la fin du Dialogue ,
avec la traduction . C'eſt celle où le Poëte
MARS. 17750 τις
célèbre la naiſſance de Drufus , fils d'Auguſte
, qui devoit bannir le ſiècle de fer
& ramener l'âge d'or parmi les Romains.
Si cet âge n'eft autre choſe que celui de
la vertu , tousles Lecteurs François verront
fans doute avec délice l'heureuſe
application que l'Auteur du Dialogue
fait des brillantes fictions de Virgile à la
pofition actuelle de la France ſous Louis
XVI.
Difcours fur la découverte , les propriétés
& l'ufage de l'eau vulnéraire de Comère ,
de Montpellier , par Pierre Duchans ,
Botaniſte . Broch . in-8 ° . A Paris , chez
Pierre de Lormel , Imprimeur , rue du
Foin.
M. Duchans qui a hérité de Paul Comère
, ſon grand oncle , Chirurgien Major
au Régiment de Toiras , Cavalerie ,
du ſecretde la compoſition de l'ean vulnéraire
, connue ſous le nom d'Eau de
Comère , expoſe , dans cette brochure ,
les principaux accidens contre leſquels
on doit faire uſage de cette eau , avec la
manière de l'employer. Il rapporte dans
ce même écrit les témoignages rendus
par les gens de l'art & par des perſonnes
116 MERCURE DE FRANCE.
de diſtinction , en faveur de te topique.
M. Duchans , dans l'intention de folliciter
un privilége excluſif, ayant propoſé
l'examen de ſon eau vulnéraire à Mм.
de l'Académie Royale des Sciences , &
leur en ayant confié la recette ; nous nous
contenterons de citer ici le rapport qui
en fut fait par MM. Malouin & Macquer,
Commiſſaires nommés par l'Académie.
« Cette eau , diſent les Commif.
>> ſaires , eſt déjà anciennement connue ,
>> ſous le nom du ſieur Comère , de
2
Montpellier. Le Geur Duchans , qui
>> eſt le neveu du ſieur Comère , & qui
>>ſe dit ſeul poſſeſſeur du ſecret de la
>> composition de fon eau nous en a
>> confié la recette ; & il nous paroît que
>> les ingrédiens dont elle est compoſée ,
>> la rendent en effet propre à accélérer
>>la guériſon de pluſieurs eſpèces de
>> plaies , & fingulièrement de celles où
>> il y a meurtriffures ou extravaſion du
>> ſang ou échinofe. Nous pouvons dire
>> en général que les drogues qui entrent
>>dans la compoſition de cette eau , ont
>>une qualité fondante, réſolutive & to-
>> nique ; elles ſont du nombre de celles
>> dont l'efficacité eſt reconnue en Méde-
>>cine . Il y a même des remèdes uſités
MARS. 17750 117
»& décrits dans le Diſpenſaire , qui font
> fort analogues à celui-ci. Cela nous
» porte à croire qu'on peut ſe ſervir de
>>ce dernier , avec ſuccès , dans tous les
> cas où les médicamens en même temps
>>toniques , fondans & difcuflifs font in-
>>diqués » .
:
La Nouvelle imprévue , Drame en un acte
& en proſe , dédié aux Dames ; par M.
de Ste C ***.
La vertu la plus pure , unieàla beauté ,
Eſt l'ouvrage chéri de la Divinité.
Venisesauvée , Trag. act. 1 , ſc. s.
Brochure in- 8 ° . A Paris , chez Hardouin
, Libraire , au vieux Louvre.
La ſcène de ce Drame eſt à l'Hôtel de
Florange. Les Acteurs font la Marquiſe
de Florange , femme tendre , ſenſible , &
qui ſoupire après le retour de fon mari ,
qui eſt à la tête de ſon Régiment en
Corſe;le Chevalier de Monval , ami in.
time du Marquis ; Marcelle , jeune perfonne
qui a la confiance de la Marquiſe ;
Dufreſne , valet-de- chambre du Chevalier
, & pluſieurs domeftiques de la Mar
118 MERCURE DE FRANCE.
quiſe. Le théâtre repréſente un fallon fuperbement
meuble ; il denne fur un jardin
; il est neuf heures du matin , en été ;
le ſecrétaire de la Marquiſe eſt ouvert ,
& laiſſe voir quelques brochures , de la
muſique , une lettre qui n'eſt pas achevée
& une bougie allumée. Sur un petit chevalet
eſt le portrait de fon époux , qui eſt
preſque fini. Tout près on voit un pianofortè,
de l'autre côté une harpe & un
petit métier , avec tout ce qui est néceffaire
pour broder. Contre une des croiſées
eſt une corbeille remplie de fleurs ; la
porte vitrée qui donne ſur le jardin , eſt
ouverte. La ſcène première de ce Drame
nous repréſente Marcelle ſeule , affile ,
accordant une guittare.
« Madame eſt bien heureuſe que je
» l'aime ... Lui tenir compagnie , malgré
» la triſte vie qu'elle nous fait mener !
>> Toujours amante de ſon mari , elle né
>> reſpire que pour lui,& fon abfence lui
>> fait tourner la tête...( Elle tire quelques
»fons de ſa guittare ) . La vilaine choſe
>>que la guerre ! Pourquoi eſt- ilColonel ?
» Et d'où vient ſon Régiment eſt-il en
> Corfe ? ... Si Monfieur étoit ici , tour
>> feroit charmant dans cet hôtel... ( Elle
» prélude ). Il eſt bon , généreux , adore
MARS. 1775. 119
>> ſa femme... contre l'uſage du ſiècle ...
cherche à embellir tous les momens de
» Madame ... Nous ferions tous contens :
>> mais il eſt loin de Paris ; cela change la
>> thèſe . ( Elle poſe la guittare sur unfau-
>> teuil , d'un air de mauvaise humeur ) . Si
>> cela ne finit point , je tomberai malade :
>>Madame de Florange ne dort point , ne
> prend aucun plaiſir , ne fait que ſoupi-
>> rer , tout l'ennuie... Ah! ſi jamais je
» me marie... Je crois que j'aimerai mon
» époux , mais ce ſera raiſonnablement :
>> pourquoi s'afflige-t- elle? ... Il y a fû
> rement biendesfemmes quivoudroient
>> être à ſa place ... ( Ellese lève & regarde
» une carte de la Corſe , qui estfur le pia-
» no-fortè) . Voilà une Iſle qui occupe
>> bien ma Maîtreſle ; fon coeur & fon
>> eſprit y voyagent continuellement .
» ( Elle regarde le tableau du chevalet ) .
» Elle a preſque achevé le portrait de
>> ſon mari ... Il eſt , en vérité , plus ref-
> ſemblant que celui qui eſt au bracelet
>> de Madame... On a bien raiſon de
>> dire que l'amour donne des talens ! ...
> Peindre ſon amant avec plaifir... on
>> conçoit cela ; mais fon mari , cela me
>> paſſe ! ... La veſte eſt commencée...
» Elle la brode en chenille ; c'eſt pour
120 MERCURE DE FRANCE.
>>l'hiver , à fon retour... Verd & gris
>> de lin , eſpérance , amour ſans fin . Ah!
>> ma chère Maîtreſſe , votre amour tire
» patti de tout ! .. Duffiez-vous me querel-
> ler , je ne veux plus que vous vous cha-
> griniez ; vous reverrez dans peu Mon-
> ſieur , plus amoureux que jamais ; à
» quoi vous aura ſervi de vous être attrif-
> tée ? ... Je n'ai jamais eu une li grande
» envie de dormir... ( Elle se raffied) .
>> Nous nous ſominas couchées ce matin
» à cinq heures & levées à neuf... Pour-
>> quoi ? Je n'en fais rien! ... Madame a
>>rêvé que le Marquis étoit très-mal de
>> ſa bleſſure ... Cela n'a pas le ſens com-
>> mun ; il nous a écrit qu'il étoit preſque
> rétabli... Allons , allons , Madame ,
» vous êtes chimérique . Mais la pen-
>> dule ſonne neuf heures & demie...Ar-
>>rangeons dans ces vaſes les fleurs que
» le Jardinier vient d'apporter... ( Elle
>>tire de ſa poche une étrenne mignone &
>> lafeuillette ) . Peut être s'amuſera- t elle
>>aujourd'hui ... C'eſt le quinze , oui , le
>>quinze de Juiller, fête de ſon époux ;
>>elledoit lui donner ſon bouquet,comme
» s'il étoit préſent; le Chevalier deMon-
>> val , l'ami de Monfieur , dînera ici , &
>>quelques Dames qui doivent concerter
..
»avec
MARS. 1775 . 121
>> avec la Marquiſe. Puiffe t-elle ſur ſes
>>inquiétudes ſe faire un peu d'illuſion ! »
Cette expoſition nous annonce aſſez
bien la conduite touchante d'une femme
qui n'eſt , en quelque forte , animée que
par l'amour qu'elle conſerve pour fon
époux . Le ton de cette pièce eſt mélancolique
& monotone ; mais il eſt ſi doux
de voir la ſenſibilité reſſerrer les liens de
l'union conjugale , que la lecture de ce
Drame pourra intéreſſer. Le dialogue en
eſt affez naturel . Mais la pièce eſt dépourvue
d'action ; on eſt d'ailleurs un peu
tâché du dénouement que l'Auteur a donné
à fon Drame. Le ſpectateur auroit defiré
de voir une femme auſſi fidèle , auſſi
ſenſible que la Marquiſe , jouir du bonheur
dû à ſes vertus ; mais au milieu même
de la fêre qu'elle célèbre en l'honneur
du Marquis de Florange , elle ſurprend
entre les mains du Chevalier de Monval
une lettre qui lui apprend que cet époux
chéri touche à ſon dernier moment.
Discours contenant l'hiſtoire des Jeux Floraux
, & celle de Dame Clémence , pro.
noncé au Conſeil de la ville de Toulouſe
, par M. Lagane , Procureur du
Roi de la Ville & Sénéchauffée , &
F
122 MERCURE DE FRANCE .
ancien Capitoul , imprimé par délibération
du même Conſeil , pour ſervir
à l'inſtance que la Ville a arrêté de
former devant le Roi , en rapport de
J'Edit du mois d'Août 1773 , portant
Statuts pour l'Académie des Jeux Floraux.
Vol . in-8 °. de 246 pag .
Veritati nemo prefcriberepoteft , nonſpatium
temporum , non patrocinia perfonarum , non
privilegium regionum ; fi tempus confulatur ,
veritas æterna eft;fi patrocinia perfonarum ,
'à Deo eft; fi privilegium regionum , natura
imò omnium eft.
Tertulien , Traité de velandis virginibus ,
Chap. premier.
Si les Villes , dit l'Orateur au com-
» mencement de ce Diſcours , ont tou-
> jours ambitionné d'acquérir de la gloire
> par des établiſſemens littéraires , Tou-
>> louſe , attachée de touttemps à cultiver
» & à protéger les belles lettres , s'eſt dif-
>> tinguée par des fondations de cette
>> nature ; mais reconnoiſſant les avanta-
>> ges ſupérieurs de la poësie , elle donna
la préférence à cet art divin, que toutes
MARS. 1775 . 123
>> les Nations ont mis en uſage , parce
- qu'il élève l'âme & qu'il exprime toute
>> l'énergie de ſes ſentimens. C'eſt à cette
> préférence que nous devons les jeux
>> poëtiques : inſtitution conçue par di-
>>vers Citoyens recommandables par leur
>>génie , & perfectionnée par la munifi-
>> cence de la Ville : inſtitution la plus
» ancienne , la plus célèbre , qui l'élève
>> au -deſſus des autres villes de l'Europe ,
» & qui a dû lui attirer un honneur im-
» mortel. Devroit telle s'attendre qu'un
>>Corps qui eſt dans ſon ſein, le Corps
» Académique de ces Jeux, s'efforçât de
» lui ravir cet honneur, pour l'attribuer à
> un perſonnage chimérique , qu'il fit
> conſacrer ce fantôme dans un Edit éga-
> lement préjudiciable à ſesdroits , à ceux
>>de ſes Capitouls , & au progrès des
>>beaux arts ? Mais quel eſt ce fantôme
>> qui forme preſque l'unique baſe d'un
>> tel Edit ? Dame Clémence , qu'on fait
>>paroître comme la fondatrice de cet
>> établiſſement ; preſtige qui règne dans
>> l'eſprit de nos Concitoyens depuis deux
>> cents cinquante ans ; qui , par des mo-
»tifs d'intérêt , a dominé dans ce Con-
>>feil durant près de quatre-vingts ans";
>>fable inventée & accréditée par les
Fij
124
MERCURE DE FRANCE.
>> Mainteneurs , par une ſociéré jalouſe de
>> la réputation de la ville , des prérogatives
& de la puiſſance de ſes Magif-
>>trats ; par des Capitouls attachés à cette
>> Société , ou initiés à ſes exercices ; qui ,
>>par ſon ancienneté & par les couleurs
>>ſpécieuſes qu'on lui a données , aſéduit
>> les Compagnies littéraires & les Litté-
>> rateurs du Royaume. Il eſt donc bien
>> eſſentiel de diſſiper ce preſtige juſques
>> dans ſes fondemens; de rétablir , par
>> ce moyen , les avantages de la patrie&
»de ſes repréſentans; il n'eſt aucun de
>> nous qui n'y prenne intérêt; quelque
» juſte & néceſſaire qu'en ſoit l'entrepri-
>> ſe , perſonne juſqu'ici ne s'en est char-
» gé. Le ſavant Caſeneuve laiſſa ſeule-
>>>ment entrevoir ſes ſentimens contre
>>cette chimère , parce que des conſidéra-
„tions particulières l'empêchèrent d'entrer
»dans des détails & de s'expliquer ou-
>> vertement. Catel & Lafaille l'ont plus
>> approfondie ; mais , loin de la détruire,
>> il paroît qu'ils ont eu en vue de four-
>> nir à ſes partiſans des armes pour la
» défendre » .
Le zèle de M. Lagane pour la gloire
de la Ville, ou plutôt le double devoir
que lui impoſent ſa qualité de Citoyen ,
MARS . 177
1
& celle de Membre de for
tique , l'ont engagé à faire u
il examine de près l'établ
Jeux Floraux , & où il coml
tion de Clémence. L'Auteur , pu .
ſenter cet ouvrage avec ordre , l'a divne
en deux parties. La première y trace l'hiftoire
& les progrès de ces Jeux ; l'influen .
ce de la Ville dans une inſtitution ſi ancienne;
les contradictions qu'elles a efſuyées
à cet égard en différentes occaſions
; le grand préjudice qui réſulta pour
elle à la réformation qu'introduifirent les
Lettres -Patentes & les Statuts du mois
de Septembre 1694 ; les atteintes que
l'Edit du mois d'Août dernier donne à la
gloire , à ſes intérêts , aux droits , à l'autorité
de ſes Magiſtrats , & à l'avancement
des Lettres. L'Auteur s'attache ,
dans la ſeconde partie , à mettre dans tout
fon jour la fable de Clémence , à déchirer
, ſuivant ſon expreſſion , le voile im.
poſant & trompeur , ſous lequel on préſente
cet être imaginaire. Cet écrit eft
accompagné de notes , de citations , &
offre bien des recherches qui ont rapport
à l'hiſtoire des Troubadours .
Almanach dédié à MONSIEUR , Fils de
Fiij
126 MERCURE DE FRANCE.
2
France , frère du Roi , Duc d'Anjou ,
Comte du Maine , du Perche & de
Senonches , imprimé pour fon apanage
; contenant la Maiſon de Monfieur
& celle de Madame , les Jurifdictions
& détails intéreſſans des villes
de l'Anjou , du Maine , du Perche
&de Senonches ; augmenté de quelques
petites villes , dont on n'avoit pu
avoir les détails l'année précédente.
Année 1775. Prix 24 fols br. A Paris ,
chez Michel Lambert , Imprimeur-
Libraire , rue de la Harpe , près Saint
Côme ; au Mans , chez Toutain , Libraire.
La Ferme de Pensylvanie, les avantages
de la vertu ; plan d'inftruction pour le
peuple , avec quelques obſervations fur
la liberté du commerce des grains. A
Paris , chez Ribou , cloître Saint Germain
l'Auxerrois , attenant l'Eglife.
L'Auteur de cet Ouvrage a renfermé
dans la Préface une Lettre patriotique
que nous mettons ſous les yeux du Lecteur.
« Je ſuis plein d'humeur , mon
» Ami , contre deux eſpèces de gens que
➤ je voudrois tenir dans ma main , pour
MARS. 1775. 127
>>> ouvrir la bouche aux uns & la fermer
>>>aux autres , ce font les bons Ecrivains
» & les mauvais Politiques. Deux ou trois
>> ſeulement des premiers ont chanté le
>> bonheur dontnous commençons à jouir,
» & preſque tous les Politiques déraiſon-
» nent à la journée » . (Ce nombre eſt
augmenté depuis que la Lettre eſt écrite) .
«Si je pouvois raſſembler ces derniers ,
>> je leur dirois : Taiſez vous donc , ba-
» vards impitoyables ! ne calculez point
> le temps qu'il faut pour réparer le mal
>>fur ce qu'il a fallu pour qu'il arrivât.
>> Un moment ſuffit pour détruire ; mais
» pour trouver & décider le régime le
>>plus capable de rétablir & d'aſſurer la
>> ſanté d'un corps politique , tel que la
>> nôtre , il faut du temps & de bonnes
» têtes. Nous les poſlédons ces bonnes
>>>têtes; le Roi veut nous rendre heu-
» reux ; nous le ferons : prenez patience ,
» & taiſez vous .
» Que ſi je pouvois me faire entendre
>> de nos Poëtes , de nos Hiſtoriens , de
» nos Orateurs , je leur dirois : Meſſieurs,
,, fi autrefois deshom.

» mes de lettres ont proſtitué leur plume
» au menfonge , à l'adulation , à la fri .
» volité , hâtez- vous de réparer cet ou
Fiv
128 MERCURE DE FRANCE .
>>>trage fait à la philofophie. C'eſt la
" vertu , la vérité, le patriotiſme que
>> vous devez déſormais célébrer ; ne dif-
>> férez donc plus. Qu'attendez - vous !
>>pourquoi vous taire dans un moment
>> ſi intéreſſant! tout conſpire aujourd'hui
>> à notre bonheur. La confiance dont le
>>Roi honore les premiers hommes de
>> fon Royaume , les opérations admira-
>> bles qu'il fait chaque jour , & par leurs
>>> ſages conſeils ,& par les tendres mou-
>> vemens de fon coeur paternel ; tout cela
>>ne doit- il pas exciter votre émulation ?
>> Encore une fois , Meſſieurs , qu'atten-
>>>dez vous pour peindre notre joie , no-
>> tre reconnoiſſance ? Vous n'avez plus ,
>> beſoin de votre imagination pour don-
>> ner de la chaleur aux écrits , que je vous.
» demande en qualité de Citoyens ; di-
>>tes , dites ſeulement ce que vous ſavez ,
>> préſentez-nous le tableau fi touchant
>> de notre jeune Monarque , entouré de
>> vrais ſages , d'amis de ſa gloire & du
» bonheur public. Célebrez le triomphe
>>de la vertu , célébrez notre adorable
» Reine ».
Le premier Ouvrage du Recueil nous
fait connoître la Ferme de Pensylvanie .
On fait que cette contrée de l'Amérique ,
MARS . 1775. 129
éclairée des lumières qu'y ont répandues
des hommes de la plus haute ſageſſe ,
Dikinson , Franklin , &c. , ſe gouverne
aujourd'hui par les loix éternelles de
l'ordre , par ces loix écrites en caractères
de feu dans tous les coeurs qui ne font
point dépravés , par ces loix qui peuvent
feules & immuablement faire le bonheur
des peuples & des Souverains .
1
La Ferme dont on donne l'hiſtoire ,
eſt adminiſtrée de la même manière que
l'Etat dont elle fait partie ; & comme la
différence d'un peuple à une famille, n'eſt
guère que celle d'un plus grand nombre
d'enfans à un moindre nombre , on voit
dans le tableau que l'Auteur en donne ,
l'abrégé du Gouvernement de la Penſylvanie
entière , cette belle partie du nouveau
monde , ſi légitimement acquiſe par
Guillaume Pen .
Cette Ferme emblématique (le nom de
Nobrond qu'on lui donne explique l'em .
blême ) eſt aujourd'hui gouvernée par
un jeune Maître , qui joint à beaucoup
d'intelligence & d'application aux choſes
utiles , une probité ſévère. Ils'informe des
moindres détails , parce qu'il eſt à propos
qu'il les connoiſſe ; mais il ne s'y arrête
pas trop ; il en charge des hommes qu'il
Fv
130 MERCURE DE FRANCE.
choiſit avec foin . Il s'occupe en perſonne ,
des grandes opérations que lui ſeul peut
&doitdiriger.
Ce que le premier des Nobrond , arrêté
dans fa courſe bienfaiſante par une
main meurtrière, n'a pu finir , il l'achevera
; tout , dans ſa conduite , le promet.
Il répandra le bonheur & l'aiſance jufques
fur fes derniers Sujets qui font ,
comme les autres , fes enfans.
Il fe propoſe de rectifier des calculs
faux & ruineux , par leſquels on a trompé
fes prédéceffeurs ; il abandonne une
politique fauffle , cruelle , & , par cette
raiſon , doublement ruineufe , qu'ils ont
eu le malheur de fuivre en pluſieurs
points. Ila un Econome &d'autres Officiers
fi habiles , fi honnêtes gens , qu'il
ne tardera pas , avec leur ſecours & celui
de fa famille , de remertre tout dans l'ordre
. En conféquence , il cherche tous les
moyens de faciliter les communications
en faiſant faire à prix d'argent , & fans
corvées , les ponts , les chemins & l'es
autres grands travaux néceſſaires. Il veut
que, felon la première & la plus facrée
des loix naturelles , tout homme qui a
des propriétés ,de l'induſtrie , des talens ,
puiſle les faire valoir par le commerce &
MARS. 17750 :
13r
les arts , ſeuls vrais moyens de trouver
ſon bien être , non ſeulement fans nuire
à celui des autres , mais même en l'augmentant.
L'impôt doit être pris , felon le
ſyſtême du poſſeſſeur de la Ferme , à la
ſource des richeſſes , c'est -à- dire , ſur le
territoire. Cet impôt n'exige aucun
frais de régie & de perception , & n'a
d'autre inconvénient que celui d'empêcher
pluſieurs grandes fortunes illégitimes;
mais celle du Maître & celle des
Sujets contribuans & productifs , y gagnent
beaucoup. On y réprouve toute
loterie , parce qu'on ne veut pas ruiner
des dupes en irritant leur cupidité.
L'Hiſtorien de cette Ferme eſt un moraliſte
exact & févère , qui démontre que
le bonheur & la vertu font inséparables ,
& qu'il fuffit d'être coupable pour être
malheureux . On ne peut être heureux
que par le bonheur des autres. Et le prétendu
bonheur du crime n'eſt proprement
que l'aſſemblage de tous les maux.
Le Recueil eſt terminé par un plan
d'inſtruction pour le peuple. On trouve
dans ce dernier Ouvrage , comme dans
les précédens, les mémoires d'une ſaine
morale , & les régles d'une ſage adminiftration
, qui ne ſépare point les inté
F vj
132 MERCURE DE FRANCE .
Têts du Souverain , de ceux de ſes Sujets.
:
Hiftoire de Maurice , Comte de Saxe , Duc
de Courlande & de Semigale , Maré
chal Général desCamps & Armées de
Sa Majesté Très-Chrétienne ; par M. le
Baron d'Eſpagnac . Nouv. édition corrigée
& confidérablement augmentée ;
dédiée au Roi , 2 vol . in- 12 .br. s liv .
A Paris , chez Saillant & Nyon , Libr .
rue St Jean- de-Bauvais ; Piſfot , quai
de Conti ; la veuve Ducheſne , rue St
Jacques ; la veuve Deſſaint , rue du
• Foin ; l'Eſprit , au Palais Royal.
L'Hiſtorien du Maréchal de Saxe , encouragé
par l'accueil du Public & par les
Lettres de M. de Voltaire , a fait réimprimer
fon. Ouvrage in 4º. avec des
planches , & in- 12 fans planches. Il nous
apprend qu'il a corrigé & conſidérablement
augmenté cette nouvelle édition ,
au moyen des inſtructions qu'il s'eſt procurées
ſur les faits dont il n'a pas été témoin
; il a profité des notes critiques &
intéreſlantes qu'on lui a fait paffer; il
a eu la permiſſion de s'éclairer dans le
dépôt précieux de la correſpondance
d'Etat , des Officiers généraux & partiMARS.
17750 133
culiers ; il n'a de plus épargné aucuns
foins , aucunes recherches pour bien caractériſer
ces belles actions , d'où naiffent
les ſentimens d'eſtime qu'on a pour
ſes ennemis.
Quoiqu'une hiſtoire telle que celle- ci
ne ſoit fufceptible que de grands événemens
, il a cependant fait uſage de tous
les mémoires particuliers qui lui ont été
adreſſés ; ainſi , ajoute- t- il , on ne doit pas
être ſurpris s'il n'a point parlé des actions
perſonnelles qu'on lui a laiſſé ignorer.
Il fait entrer dans ſon récit les motifs
des guerres ; il en a développé les plans
& les moyens , relativement à des faits
qui ſe ſont paflés de nos jours; il affure
que ces faits , quoique préſentés ſimplement
, font mis ici dans le grand jour de
l'hiſtoire , qui n'eſt autre choſe que la
vérité elle-même.
• Il a ſuivi dans cette édition le même
plan que dans les précédentes.La première
partie finit à l'époque de l'élévation du
Comte de Saxe au grade de Maréchal de
France ; la ſeconde eſt le récit de ſes
campagnes de Flandres , d'autant plus
glorieuſes pour lui , que ſes belles actions
ſe ſont faites ſous les ordres & en préſence
du Roi.
134 MERCURE DE FRANCE.
Etat actuel de la Muſique du Roi & des
trois Spectacles de Paris. A Paris , chez
Vente , Libraire des Menus Plaiſirs du
Roi, au bas de la montagne Ste Geneviève
, 1775 .
Ce petit Ouvrage ſe renouvelle tous
les ans ; il contient 1. l'Etat de la Mu-
• ſique du Roi; 2°. celui de toutes les pièces
jouées & reſtées aux trois Spectacles
de Paris , avec le nom de leurs Auteurs ;
3°. les noms & demeures des Acteurs &
Actrices , ainſi que des Muſiciens & Danfeurs
dont les talens font néceſſaires à
l'éducation . Il y a de petits diſcours à la
tête de chaque Spectacle , où l'on trouve
une notice abrégée des nouveautés dans =
tous les genres.
L'Etat de la Muſique du Roi eſt précédé
par l'éloge de Guignon , qui fut le
violon le plus célèbre , & le Roi des Violons.
Il eut la généroſité de donner volontairement
la démiſſion des Charges de
Roi & Maître des Ménétriers , au mois
de Mars 1773 , & d'en demander la
fuppreffion ; parce que ce titre étoit devenu
un moyen de vexation contre les
Profeſſeurs d'inſtrumens & d'art muſical.
MARS. 17750 135
Les Spectacles de Paris , ou Calendrier
hiſtorique & chronologique des Théâtres
, avec des anecdotes & un catalogue
de toutes les pièces jonées ſur les
différens Théâtres; le nom des Auteurs
vivans qui ont travaillé dans le genre
dramatique , & la liſte de leurs Ouvrages
. On y a joint les demeures des
principaux Acteurs , Danfeurs , Maficiens
& autres perſonnes employées
aux Spectacles ; vingt-quatrième partie
, pour l'année 1775. A Paris , chez
la veuve Duchefne , Libraire , rue St
Jacques .
Ce Calendrier des Spectacles eſt à ſa
vingt -quatrième année , & forme une
ſuite auffi curieuſe qu'utile pour l'hiſtoire
des Théâtres . On y trouve une analyſe
bien faite des pièces nouvelles , tous les
détails qu'il faut connoître de l'intérieur
des Spectacles , la liſte chronologique
& alphabétique des pièces des différens
Théâtres , & le nom des Auteurs , avec
des anecdotes amuſantes .
Nous ferons connoître plus particulièrement
quelques Ouvrages ſuivans , dont
nous ne pouvons à préſent que donner
lestitres.
136 MERCURE DE FRANCE.
Petit Guide des Lettres , pour l'année
1775 , contenant les jours & heures
du départ & de l'arrivée des Couriers
au Bureau général des Poſtes de Paris,
la taxe des lettres , le prix de l'affranchiffement
& le temps qu'elles font
en route , préſenté à MM. les Intendans
& Adminiſtrateurs généraux des
Poſtes de France ; par M. Guyot , de
la Société littéraire militaire , & Directeur
au Bureau général des Poſtes.
Prix 1 1. 4 f. en blanc , emboîte 1 1.
16 f. relié en veau 2 l. 8 f. , relié en
maroquin 3 1. A Paris , chez Saugrain ,
quai des Auguſtins .
,
Conférences Eccléſiaſtiques du Diocèſe
d'Angers ſur les péchés & fur les actes
humains , tenues pendant l'année 1760
& les ſuivantes , par l'ordre de Mgr
l'illuſt. & Révér. Jacques de Graffe
Evêque d'Angers ; rédigées par l'Auteur
des Cas réſervés && des Loix : 2
volumes in- 12 rel. 6 liv. faiſant ſuite
aux Conférences d'Angers . A Paris ,
chez la veuve Deſſaint , Lib . rue du
Foin St Jacques .
Opérations des changes des principales
MARS. 1775 . 137
Places de l'Europe , contenant lesnoms
& la diviſion de leurs différentes monnoies
de changes , conſidérées entre
elles& relativement les unes aux autres
; la manière dont on y tient les
écritures , &c. &c. avec la réduction
réciproque des monnoies d'une Place
à l'autre , calculée ſur le cours des
changes établis entre elles. Par J. R.
Ruelle , Arithméticien & Teneur de
Livres ; deuxième édition revue , cor.
rigée & augmentée ; in- 8°. prix 6 liv.
br. A Lyon , chez l'Auteur , rue Puits.
Gaillot; & les Frères Périſſe , Libr .
rue Merciere .
Contes mis en vers , par un petit Coufin
de Rabelais ; in- 8º. avec figures , prix
6 liv. br. A Paris , chez Ruault , Libr.
rue de la Harpe.
Discoursfur l'éducation, prononcé au College
Royal de Rouen , ſuivi de notestirées
des meilleurs Auteurs anciens &
modernes , auxquels on a joint des ré-
Hexions ſur l'amitié; in- 12. ParM. Au.
ger , Prêtre , Profeſſeur d'Eloquence au
Collége de Rouen , de l'Académie des
Sciences , Belles- Lettres & Arts de la
138 MERCURE DE FRANCE .
même ville . A Rouen , chez Boucher
fils , Libraire ; à Paris , chez Durand
neveu , Libr. rue Galande .
Cléopâtre , Tragédie en cinq actes ; par
M. L ** , Avocat. A Dijon , chez
Frantin ; à Paris , chez Piſſor , Libr.
quai des Auguſtins.
Mémoires pour fervir à l'Histoire de notre
Littérature , depuis François I juſqu'à
nos jours ; par M. Paliſfor. Nouv . édit.
vol . in 8°. A Paris , chez Moutard ,
Libr. quai des Auguſtins , près le pont
StMichel .
Théorie des Paradoxes ; in- 12 . A Amberdam
; & à Paris , chez Piſſot , Libraire ,
quai des Auguſtins .
Abrégé de l'Histoire & des Mémoires de
l'Académie Royale des Sciences ; contenant
l'hiſtoire générale & particu.
lière , la phyſique , la chimie , la médecine
, & toutes les ſciences naturelles.
Par M. Paul , de la Société Royale
de Montpellier , &c . de l'Académie
de Marſeille . Tome V. in -4°. A Paris
, Hôtel de Thou, rue des Poitevins.
MARS. 17756 139
La Finance Politique réduite en principe
& en pratique , pour ſervir de ſyſtême
général en France ; par M. Grouber de
Groubentall , Ecuyer , Avocat au Parlement
de Paris ; in- 80.A Paris , chez
Grangé , Imprim. Libr. rue de la Parcheminerie
; l'Auteur , rue du Four St
Germain , vis- à- vis le Notaire.
Examen & réfutation des réflexionsfur le
prêt de commerce; par le R. P. Auguſte
de St Lô , Capucin Miſſionnaire ; Ouvrage
utile aux Eccléſiaſtiques , aux Jurifconfultes
& aux Commerçans; in- 12
prix 30 f. A Vire ,chez Chalme , Lib.
à Paris , chez Moutard , Libr. rue du
Hurepoix.
Précis des maladies chroniques & aiguës ;
par M. Didelot; ſervant de ſuite à
l'avis aux gens de la campagne du même
Auteur : contenant l'hiſtoire des
maladies , la manière de les traiter ,
d'après les plus célèbres Médecins ;
avec des remarques & des obſervations
intéreſſantes pour la pratique ; 2 vol .
in - 12 . ANancy , chez Mathieu , Libr.
Des tropes , ou des différens ſens dans lef140
MERCURE DE FRANCE.
quels on peut prendre un même motdans
une méme langue ; ouvrage utile pour
l'intelligence des Auteurs , & qui peut
ſervir d'introduction à la rhétorique
& à la logique ; par M. Dumarſais ,
troiſième édit. in- 12. A Paris , chez
Pafchal Prault , Libr. rue de Tournon.
Mémoires de Mademoiselle de Sternheim ,
publiés par M. Wieland , & traduits
de l'Allemand par Madame .... deux
parties in- 12 , prix 3 1. A Paris , chez
Moutard , quai des Auguſtins.
Théâtre de Campagne , par l'Auteur des
Proverbes Dramatiques , 3 vol. in - 8°.
prix 15 1. broch.A Paris , chez Ruault ,
Libr. rue de la Harpe.
OEuvres de M. de Saint Marc; vol . in- 8 ° .
très bien imprimé & orné de gravures ,
prix 6 1. broch . A Paris , chez Monory,
Libr. rue de la Comédie Françoiſe .
Zély ou la difficulté d'être heureux , Ro .
man Indien , ſuivi de Zima & des
amours de Victoire & de Philogène ,
publié par A. M. Dantu; in-8°. A
Paris , chez la veuve Ducheſne , Libr.
rue St Jacques .
MARS. 17750 141
Almanach des Muſes ou choix des poëfies
fugitives de 1774. A Paris , chez Delalain
, rue de laComédie Françoife .
Les OEuvres de Théâtre de M. de Saint .
Foix , 3 vol . in-8°. de plus de 400 pag .
chacun ; de l'Imprimerie Royale ; édition
nouvelle , la plus complette qui ait
paru des charmantes Comédies de M.
de Saint Foix. A Paris , chez Lacombe
, Libraire , rue Chriſtine , & non à
la fauſſe adreſſe indiquée par l'Editeur
de l'Almanach .
Les Confidences d'unejoliefemme ; quatre
parties in- 12 . A Paris , chez la veuve
Ducheſne , Libraire , rue St Jacques ;
Guillyn , Libr. quai des Auguſtins , au
Lisd'or.
La Victime mariée ou Histoire de Lady
Villars ; traduite de l'Anglois , par M.
A. 2 parties in- 12 . A Paris , chez Mérigot
le jeune , Libr. quai des Auguftios
, au coin de la rue Pavée.
Le Décameron François , par M. d'Urfieux
; in 8 ° . orné de gravures & trèsbien
imprimé. A Paris , chez Brunet ,
Libr. rue des Ecrivains , cloître Saint
Jacques de la Boucherie .
142 MERCURE DE FRANCE.
Ode fur l'Histoire de France du Préfident
Hénault ; chez les Libraires au Palais
Royal.
Jean Hennuyer , Evêque de Lisieux , Drame
en 3 actes ; in- 8 °. par M. Mercier.
Nouv. edit. prix 30 f. A Paris , chez
Ruault , Libr. rue de la Harpe.
Les Cent Nouvelles nouvelles de Madame
de Gomez. Nouvelle édit. 8 volumes
in- 12 de près de soo pag. chaque vol.
prix 12 liv. broch .
Les mêmes Cent Nouvelles nouvelles
en groſſes lettres , 36 parties br. 181.
A Paris , chez Fournier , Libraire , rue
du Hurepoix ; Guillaume neveu , Lib .
au coin de la rue du Hurepoix ; Dorez
, Lib. rue St Jacques , près la rue
du Plâtre.
L'Art de régner, poëme , par M. D**t ;
in- 8 °. prix 8 f. A Lauſanne ; & à Paris ,
chez d'Houry , Imprim . Libr. rue de
la vieille Bouclerie .
Epître à un Ami , en lui envoyant pour
étrennes les différens Poëmes adreſlés
au Roi ; ſuivie d'une autre Epître en
MARS. 1775 . 143
vers & d'un remercîment à M. Saut**
de Mor ** . A Berne ; & à Paris , chez
les Marchands de nouveautés .
Eloge de M. Piron, lu à la ſcéance publi .
que de l'Académie de Dijon , du 23
Décembre 1773 ; par M. Perrin , Avocat
, Secrétaire perpétuel pour la partie
des Belles - Lettres. A Dijon , chez
Frantin ; & à Paris , chez Piſſot , Lib.
quai des Auguſtins .
L'Ame d'un bon Roi, ou choix d'anecdotes
& de penſées de Henri IV , les
plus proptes à caractériſer le coeur &
le génie de ce Prince; précédé de fon
éloge hiſtorique & des portraits qu'en
ont tracés les meilleurs Hiftoriens. Par
M. Coſtard , Libraire à Paris. A Londres
, & fe trouve à Paris rue St Jeande
Beauvais , la première porte cochère
au-deſſus du College , 1775 ; in- 8 °.
grand format , avec fig. br. 3 1.
Dictionnaire portatifde l'Ecriture Sainte ,
contenant l'hiſtoire, la chronologie &
la topographie des Royaumes , Villes ,
Tribus , rivières , &c. dont il eſt fait
mention dans l'Histoire facrée , & l'état
144 MERCURE DE FRANCE
actueldecescontrées;ouvrage néceſſaire
pour l'intelligence de l'Ecriture Sainte .
Parle R. P. Colome, Barnabite.AParis
rue St Jean de-Bauvais , la première
porte cochère au-deſſus du College ,
1775 ; 1 vol . in- 8 °. prix 6 l. br.
Almanach général des Marchands , Négocians
, Armateurs , & Fabricans de
la France & de l'Europe , & autres parties
du monde; année 1775 , conte.
nant l'état préſent des principales villes
commerçantes , la nature des marchan
diſes ou denrées qui s'y trouvent , les
manufactures ou fabriques relatives
au commerce ; avec les noms de leurs
principaux Marchands , Négocians ,
Fabricans , Banquiers , Artiſtes & Artifans.
Nouvelle édition , revue , corrigée
& augmentée. Vol. in 8°. prix
4 liv. 10 f. br. A Paris , chez Grangé ,
Imprimeur- Libraire , au Cabinet Littéraire
, pont Notre-Dame, près la pompe;
Deſnos , Libraire , rue St Jacques ,
auGlobe.
Cet Almanach donne des notions générales
ſur le commerce , fur les lettres ,
billets & monnoies de change , ſur les
différentes
MARS. 1775 . 145
différentes Foires de l'Europe . Il préſente
même des détails ſur les principales villes
commerçantes ; il indique la nature de
leurs denrées , les marchandiſes fabriquées
qu'elles mettent dans le commerce ,
les noms de ceux qui ſont à la tête de
leurs fabriques , ou qui ſe ſont rendus les
Agens de leur commerce. Mais ces détails
, toujours très-ſujets par leur nature
à varier , ne feront jamais bien exacts
qu'autant que les Fabricans , Négocians ,
Banquiers , &c. répondront à l'invitation
que leur a déjà faite l'année dernière
l'Editeur de cet Almanach , de lui faire
paſſer les nouvelles connoifances qu'ils
auront pu acquérir ſur les objets ci-deſſus
indiqués . Ces inſtructions , en rendant
l'Ouvrage plus exact , contribueront à
former entre le Cultivateur , le Négociant
, le Fabricant & le Conſommateur
une correſpondance qui ſera également
utile à tous.
Almanach astronomique & hiſtorique de
la Ville de Lyon & des Provinces de
Lyonnois, Forêt & Beaujolois , pour
l'année 1775 , avec un diſcours fur
les progrès de l'aſtronomie ſous le
règne de Louis XV; prix trois livres
G L
146 MERCURE DE FRANCE.
broché. A Lyon , chez Aimé de la
Roche , Imprimeur; & à Paris , chez
Humblot , Lib, rue St Jacques.
Effai patriotique ou Mémoire , pour fervir
à prouver l'inutilité des communaux
, l'avantage qu'il y auroit de les
défricher , ainſi que toutes les terres
incultes ; celui que l'Etat retireroit de
la protection accordée à l'Agriculture ,
&les cauſes qui en empêchent les progrès
; par le Baron Scott , Capitaine
de Dragons à la ſuite des Troupes
légères ; in - 8 °. de 37 pag. A Paris ,
chez Simon , Imprimeur , rue Mignon
St André des Arts.
Mémoires littéraires , critiques , philologiques
, biographiques & bibliographiques
pourfervir à l'histoire ancienne & modernede
laMédecine , dédiés à Mgr le
Garde des Sceaux. A Paris , chez Pyre ,
Libr. rue St Jacques , près les Jacobins ;
&Baſtien , Lib. rue du petitLyon , F.
St G.
CesMémoires ſont imprimés in 4º. Il
en paroît deux feuilles tous les quinze
jours depuis le 15 Janvier dernier , & enMARS.
1775 . 147
fuite les premier & quinze de chaque
mois.
Le prix de l'abonnement eſt pour Paris
de 12 liv. & franc de port en Province ,
as liv .
Réflexions en faveur de la Caiſſe de Poif-
Sv; in- 12,
L'étude propre à l'homme , par M. Coutan
; in- 12 , prix 36 f. A Paris , chez
Delalain , Libr. rue & à côté de la
Comédie Françoiſe.
Et chez le même Libraire .
Legrand OEuvre dévoilé en faveur des Enfans
de la lumière ; traduit duChaldaï.
que par M. Coutan; br. in- 12 , prix 1
liv. 4 f.
Le Livre fans titre, à l'uſage de ceux qui
font éveillés pour les endormir , & de
ceux qui font endormis pour les éveil .
ler ; par M. Coutan ; in 12 , prix 36 f.
broché.
Etrennes du Parnaſſe. A Paris , chez Fé.
til , Lib . rue des Cordeliers.
1.
Gij
148 MERCURE DE FRANCE.
Les cinq volumes du choix de poëlies
ſe vendront , juſqu'à la fin de Décembre
prochain , 3 liv . au lieu de liv . & chaque
vol. ſéparé 1 l. 4 f.
Le même Libraire propoſe auſſi au
rabais pour le même terme , les autres
articles des Étrennes du Parnaſſe , 7 vol .
pour 6 liv. au lieu de 111. 8 f. ſavoir :
Recherches & réflexions ſur la poësie en
général , & en particulier ſur la poësie
latine , ſur ſon origine , ſes progrès , ſa
décadence fur les Théâtres Romains , le
génie de la langue & le caractère de
leurs Poëtes , I vol. 1 1. 16 ,
Notice des Poetes Latins , contenant la
vie de chaque Poëte , les jugemens fur
ſes Ouvrages , avec un choix des plus
beaux morceaux , traduits ou imités en
vers françois , 4 vol. 7 l . 4 f. مه
Idem des Poëtes Grecs , 2 vol . 2 1. 8 f.
SPECTACLE S..
CONCERT SPIRITUEL .
2 LE Jeudi Février on a exécuté dans
le Concert du Château des Tuileries au
MARS. 1775 . 149
Louvre , une belle ſymphonie de M.
Davau. M. Guichard a bien chanté un
joli motet à voix ſeule de M. Baur
Schmit. On a entendu un motet à grand
choeur , Notus in Judaâ Deus, deM. Rey ,
Maître de muſique de Nantes , ouvrage
eſtimable , d'une compoſition ſavante , où
il y a de beaux effets d'harmonie & des
chants agréables . Il a été fort applaudi .
Une ſymphonie concertante nouvelle de
M. Cambini , parfaitement exécutée par
MM. Paiſible , Guénin & Leduc,l'aîné
, a fait le plus grand plaifir. Mlle Duchâteau
a chanté avec goût un petit motet.
M. Stamits , connu par l'élégance &
la perfection de fon jeu , a exécuté avec
applaudiſſement un concerto de violon
de ſa compoſition. Ce Concert a fini par
la Nativité , oratoire à deux choeurs , de
M. Goſſec , qui a été redemandé ; muſique
d'un effet brillant & impoſant.
OPERA.
L'ACADÉMIE royale de Muſique continue
avec un très grand ſuccès les repré
Giij
150 MERCURE DE FRANCE..
ſentaions d'Iphigénie en Aulide , Tragé
die-Opéra en trois actes. Mlle de la
Guerre, qui s'étoit déjà diſtinguée parun
jeu animé& par un chant plein d'expreffion
dans le rôle d'Euridice , reçoit de
nouveaux applaudiſſemens dans le rôle
d'Iphigénie , qu'elle repréſente avec beau
coup d'intelligence , de nobleſſe & d'intérêt
On a donné le 16 de Février , pour
les ſpectacles du Jeudi , la première repréſentation
de l'Acte Turc, d'Hylas &
Eglé, ballet héroïque en un acte , & de
laProvençale.
L'Acte Turc eſt la dernière entrée de
l'Europe galante , ballet, dont les paroles
fontde laMothe &la muſique de Campra.
L'Acte Turc forme un ſpectacle plein
de gaîté &d'agrémens. Le rôlede Roxane
, ou de la Sultane jalouſe , eſt bien
repréſenté par Mile Durancy; & celuide
Zayde , Sultane favorite , par Mde Larrivé.
M. Gelin joue le Sultan Zuliman.
Les divertiſſemens ſont deſſinés agréablement
par M. Veſtris & par M. Dauberval.
La pantomime de la fin de cet acte
fait le plus grand plaifir.
L'Acte d'Hylas & Eglé eſt une des entrées
du Triomphe de l'Harmonie ,baller
MARS. 1775. 151
héroïque , repréſenté en 1737 , dont les
paroles ſont de M. le Franc & la muſique
de M. Grenet. M. Legros &M. Deforme
ty viennent d'en refaire la muſique& d'y
ajouter de nouveaux airs. Leur tentative
a été couronnée par un ſuccès flatteur. Ils
ont répandu dans leur ouvrage beaucoup
de gaîté & d'agrémens , dans le genre
des compoſitions charmantes des Muſiciens
modernes . Il ne leur manque peutêtre
que d'avoir choiſi un ſujet plus animé
, plus intéreſſant & qui eût plus de
contraſtes ou plus de moyens de faire
reſſortir les effets de leur muſique ; quoique
d'ailleurs cet acte ſoit d'une poësie
élégante & facile. M. Legros , jouant le
rôle d'Hylas , a réuni les applaudiſſemens
de Compoſiteur ingénieux , d'Acteur excellent&
de Chanteur admirable ; le rôle
d'Eglé est très -bien joné & chanté par
Mlle de la Guerre. Le ballet eſt agréable
&de la compoſition de M. Veſtris.
La Provençale eſt un acte du Ballet des
Fêtes de Thalie , dont les paroles font
de Lafont & la muſique de Mouret .
Le rôle de la Provençale eſt repréſenté
par Mile Rofalie , celui de Nérine par
Mile Durancy, le Tuteur par M. Durand ,
& l'Amant par M. Tiror. Cet acte a été
Giv
152 MERCURE DE FRANCE.
repris fouvent & joué toujours avec fuccès
, parce qu'il fait une petite comédie
gaie & intéreſſante. Le ballet en eſt charmant,
& les airs de danſe ſont d'une
grande vivacité. M. Dauberval & Mile
Peflin y brillent par leur danſe vive &
pantomime. Mlle Guimard danſe dans
ces divertiſſemens avec les grâces & la
ſupériorité qui la diftinguent. M. Veſtris
y réunit les applaudiſſemens dus à la perfection
de ſon talent; M. Veftris fils ,
encore très jeune , paroît auſſi étonnant
qu'admirable , par la force & la hardieſſe
heureuſe qu'il met dans ſes entrées.
COMÉDIE FRANÇOISE .
LES Comédiens François ordinaires du
Roi ont donné , le ſamedi 4 Février , la
première repréſentation d'Albert I , ou
Adeline , Comédie héroïque en trois
actes , en vers de dix ſyllables , par M. le
Blanc*.
*Cette pièce est imprimée in- 8 °. & ſe vend ,
prix 30 l. à Paris chez le Jay , Libraire , rue Saint
Jacques.
:
MARS . 17750 153
Une aventure arrivée à un grand Prince
, ou plutôt un acte de bienfaiſance &
de justice , que nous avons rapporté dans
le Mercure , a donné l'idée de ce Drame
, d'une eſpèce aſſez ſingulière . On
n'a pas cru , dit M. le Blanc , devoir
étouffer le fond du ſujet ſous une intrigue
qui l'eut fait diſparoître , ou du moins
l'eût affoibli beaucoup .
Les Acteurs de ce Drame ſont
L'Empereur , le Baron de Tezel , courtiſan
; le Comte Valter , Capitaine des
Gardes de l'Empereur, Madame Lavrance
, veuve d'un Officier mort au ſervice ;
Adeline , fille de Madame Lavrance ;
Vilkin , Garde de l'Empereur ; Derick ,
Menuifier ; Gerard, Laquais du Baron
deTezel.
ACTE 1. Le Théâtre repréſente un attelier
de Menuifier.
Derick eſt dans la plus grande affliction
. Le Baron s'informe de l'état de ces
femmes infortunées. Derick lui fait une
peinture touchante des vertus de la mère
&des ſentimens de la fille; il lui apprend
que ce jour même Faucher , leur
créancier , doit les pourſuivre. Le cruel
Gv
154 MERCURE DE FRANCE.
Baron, fous prétexte de les obliger , veur
ſe rendre maître des droits de leur créancier;
il compte s'en ſervir comme dé
moyens de ſéduction auprès de la jeune
Adeline. Mde Lavrance implore vainement
ſa protection pour obtenir d'un
Prince humain & généreux des bienfaits
dûs aux ſervices de fon mari. Le perfide
Courtiſan lui repréſente la Cour fous les
couleurs les plus fauſſes& les plus dures ;.
il offre ſes ſecouts que la malheureuſe
veuve eſt loin de vouloir accepter ; elle
s'afflige ſur le ſort de ſa fille , qui tâche
de la conſoler ; mais elle déſeſpère Adeline
en lui ordonnant de renoncer à l'efpérance
qu'elle avoitde donner ſa main
au vettueux Vilkin , jeune homme , qui
vient d'être nomméGardede l'Empereur,
&dont cette place fait toute la fortune .
Cependant Vilkin , plein d'amour , vient
apporter le conſentement de ſon père.
Adeline ſe jette dans les bras de fa mère ;
& cette mère apprend à Vilkin qu'il faut
renoncer à ſa fille. Vilkin est obligé
d'obéir , mais avec encore plus d'amour.
UnHuifier arrête Mde Lavrance . Derick
ſe rend caution , & ſuſpend ſa captivité
en difant: Le bien n'est rien pour fauver
fesamis.
MARS. 17790 . ISS
ACTE II. Le Théâtre repréſente la rue où eft
fituée la maison de Derick.
Mde Lavrance engage Derick d'accompagner
ſa fille pour aller vendre
quelques bijoux qui lui reſtoient. Derick.
réſſte en vair ; il ſe meten chemin avec
Adeline , qui ſe plaint moins de ſon infortune
que de la perte de fon Amant.
L'Empereur déguisé & le Capitaine des
Gardes vont au- devant d'Adeline. Elle
marque ſon effroi. L'Empereur la raſſure
& lui demande le ſujetde ſa triſteſſe ;
elle garde le filence. Il interroge Derick ,
qui raconte tout ce qu'il fait. L'Empereur
attendri , demande pourquoi on ne s'eft
pasadreflé à l'Empereur; Adeline dit alors
ce que le Baron de Tezel lui a rapporté
de ſes ſollicitations , & des refus
qu'il prétend avoir eſſuyés. Ce grand
Prince eſt indigné de cette horrible cakomnie
; il préfente de l'or & un diamant
à cette jeune infortunée , qui ne
veut rien recevoir d'un inconnu; mais il
force Derick de tout accepter,&[lui dic
de venir demain avec Adeline à l'au
dience de l'Empereur.
1.
Gvj
156 MERCURE DE FRANCE.
Le Comte à l'Empereur.
Sur leur parole & ſans mieux les connoître ,
Donner ainfi !
L'EMPEREUR.
Vas , quoi qu'il en puifle être ,
J'aime encor mieux , Valter , & tu m'en crois ,
Perdre ſouvent , que manquer une fois
L'occaſion , toujours ſi précieuſe ,
De fecourir la vertu malheureuſe.
Derick , tranſporté de joie , rapporte à
Mde Lavrance l'heureuſe rencontre du
bienfaiteur qui lui adonné ſi généreuſement
des fecours , & qui leur promet la
protection de l'Empereur. Mde Lavrance
& fa fille ne veulent rien recevoir de
l'inconnu ; mais ils promettent de ſerendre
à l'audience . Cependant Vilkin reconnoît
à ces traits la main bienfaiſante
de ſon Maître. Il en fait la confidence à
Derick , qui s'écrie :
J'ai vu l'Empereur ?
Il m'a parlé ! ſe peut- il !
VILKIN.
Quelbonheur !
MARS. 1775 . 157
C'eſt lui . Cet autre eſt notre Capitaine ,
Monfieur Valter.
DERIск.
Je le croirois ſans peine ,
Lorſqu'en effet jeſonge à ſes diſcours.
On a beau feindre , on ſe trahit toujours :
Tout peint en nous le fond du caractère.
A ce trait même on reconnoît ſa mère ,
Dont les vertus paſſent dans ſes enfans.
Souvenez - vous de ces tendres momens
Où de ces lieux on vit partir ſa fille.
Chacun pleuroit , ainſi que ſa famille;
Mais après tout , d'un Prince vertueux ,
L'eſpoir d'un Peuple , objet de tous ſes voeux ,
C'eſt le bonheur qu'on dit qu'elle va faire ;
Puiſſe leur fang remplir un jour la terre !
ACTE III . Le Théâtre repréſente la Salle où
l'Empereurdonne fes audiences.
Le Baron de Tezel regrette les momens
qu'il donne à faire ſa Cour. Il ſe
félicite d'être le maître du fort de Mde
Lavrance & d'Adeline . Il a fait arrêter la
mère , & compte voir bientôt la fille
éplorée chez lui. L'Empereur arrive. Il
s'indigne en voyant le Baron de Tezel ,
138 MERCURE DE FRANCE.
qui l'a calomnié. Cet auguſte Souverain
récompenſe les ſervices d'un vieux Offi
cier. Ilhonore un Fermier,& le montrant
àſes Courtiſans , il leur dit :
Oui, cefont- là les premiersCitoyens;
Je les honore.Une erreur trop cruelle
Lesdégradoit ,& leur utile zèle
Peut ſeul du Trône aſſurer la grandeur.
Il encourage un Artiſte utile & un bon
Ecrivain; il accorde aux larmes d'une
mère la liberté du fils d'un Magiſtrat , que
le jeu avoit égaré; il donne des ordres
pour profcrire à jamais.
Cejeu cruel , l'école des forfaits.
Il s'inquiète de ne point voir venit les
inconnus qu'il a rencontrés & qu'il veur
fecourir en confondant le perfide Tezel.
Il lui demande s'il n'a pas connoillance
de quelque malheureuſe famille qui
mérite ſes bienfaits; il lui nomme même
Lavrance ; il reconnoît toute ſa perfidie
à ſes réponſes. Il accorde aux follicitations
d'un grand Seigneur la défenſe
d'une Maiſon opprimée. Il applaudit aux
heureux travaux d'un Négociant; & lève
les obſtacles qui gênoient le commerce.
MARS. 1779 . 19%
Il rejette un projet immenſe pour le produit
, mais ruineux pour les peuples .
*
LetréſordesEtats
Eſtdans la terre avec ſoin cultivée ,
Dans la jeuneſſe au travail élevée ,
Dans le commerce , &non dans ces projets ,
Donttant de maux conſacrent les fuccès ,
Qui groſſillant une faufle richeſſe ,
Entraîneroient le luxe , la pareffe ,
La pauvreté qui ſuit bientôt leurs pas.
Enfin Adeline &Derick viennent à l'audience.
L'Emper ur s'en apperçoit au
trouble qu'il remarque dans les yeux du
Baron . Ce Courtiſan veut les écarter ,
mais en vain. Adeline voyant l'Empereur
dans l'inconnu de la veille , eſt troublée.
L'Empereur la raſſure par un accueil
favorable . Adeline veut rendre l'or & le
diamant qui lui avoient été donnés.
L'Empereur les refuſe; il envoye chercher
la veuve Lavrance , que le Baron
avoit fait arrêter. Il confond cet homme
perfide & le bannit de ſes Etats. Vilkin
eſt de garde dans la ſalle d'audience , &
rémoinde cette ſcène ſi intéreſſante pour
fon coeur , & de la bienfaiſance de l'Empereur
pour celle qu'il aime. L'Empereur
rend la paix & l'aiſance àcette famille
160 MERCURE DE FRANCE.
honorable ; il élève Vilkin aux emplois
de Lavrance ; il veut que ce ſoit de la
main même d'Adeline qu'il tienne ces
bienfaits . Derick eſt heureux de leur
bonheur , & ſe livre aux tranſports de ſa
joie & de ſa reconnoiſſance .
On fent que le Poëte n'a eu intention
quede mettre ſous les yeux du Spectateur
le tableau intéreſlant de la bienfaiſance ,
& qu'il a négligé les règles de l'art pour
ne faire voir que la ſimple vérité & la
belle nature.
Ce Drame eſt parfaitement joué par
MM . Molé , Préville , Montvel , Dauberval
, & par Mlles Dumeſnil & Doligny
.
Le Jeudi 23 on a donné à ce Théâtre
la première repréſentation du Barbier
de Séville ou la Précaution inutile , Comédie
nouvelle en cing actes , réduite à
quatre actes , en profe , de M. de Beaumarchais.
Les Acteurs font
Le Comte d'Almaviva , Amant , tantôt
Lindor , Bachelier , & Cascarillo , élève
du Maître de muſique .
M. Belcourt .
Rofine , pupille de Bartholo .
MlleDoligny.
MARS. 1775. 161
M. Déſeſſarts .
Bartholo , Docteur- Médecin , tuteur de
Rofine .
Figaro , Barbier de Séville. M. Préville .
Dom Bazile , Maître de muſique .
M. Auger.
L'Eveillé, Laquais de Bartholo .
M. Belmont.
La Jeuneſſe , autre Laquais. M. Dugazon .
Le Notaire . M. Bouret.
Bartholo veut épouſer Roſine , ſa pupille.
C'eſt un Tuteur avare , dur & jaloux
, qui fait tout ce qu'il faut pour ſe
rendre odieux. Le Comte d'Almaviva ,
jeune homme , cherche tous les moyens
de gagner le coeur & d'obtenir la main
de Rofine. Il emploie différens ſtratagêmes
pour lui faire tenir des lettres , &
pour la voir. Il y parvient en jouant de
laguittare ſous ſes fenêtres , en ſe déguiſant,
en faifant des confidences , qui lui
ſont même contraires , au Tuteur ; en ſéduiſant
les valets. Il eſt ſur-tout bien ſecondé
par Figaro , Barbier , qui eſt un
intriguant prêt à tout faire pour de l'argent.
Comme Figaro eſt le Chirurgien
de la maiſon de Bartholo , il rend ſes
valets des ſurveillans inutiles , en donnant
des drogues ſoporifiques à l'Eveillé ,
162 MERCURE DE FRANCE.
qui ne fait que bâiller , & un ſternutatoire
à la Jeuneffe , qui éternue à chaque
inſtant.Dom Bazile , Maître de muſique ,
quoique attaché au Docteur, reçoit de l'argentduComted'Almaviva
puis le trahit,
puis le ſeconde dans ſes amours. Rofine
ſeſertde toutes fortes deruſes pour tromper
ſon Tuteur , qui , toujours très défiant
, eſt toujours dupé. Enfin il mande
le Notaire , qui eſt auſſi mandé par le
Comte d'Almaviva . Le Comte, introduit
dans la maiſon du Tuteur , ſe fait
connoître à Roſine pour unAmant fidèle ,
dérange le projet qu'elle avoit conçu , par
dépit , d'épouſer ſon Tuteur , découvre
dans les différens déguiſemens de Lindor
&de Cafcarillo l'amoureux Comte d'AlΙ.
maviva , obtient ſon conſentement , ſe
fertdesgens mêmes de Bartholo pour être
ſes témoins , & le contraint enfin de
convenir que toutes les précautions font
inutiles contre l'amour. Cette Comédie
eſt une inbroglio comique , où il y a
beaucoup de facéties , d'allufions plaiſantes
, de jeux de mots , de lazzis , de
ſatires groteſques , de ſituations ſingulières
& vraiment théâtrales , de caractères
originaux , & fur- tout de gaîté vive
& ingénieuſe. Les retranchemens que
l'Auteur a faits à la ſeconde repréſentaMARS.
1775. 163
tion , affurent le ſuccès de cette Comédie.
Elle eſt parfaitement jouée par MM.
Belcourt , Préville, Auger , Déſeſſarts ,
Dugazon , Belmont , & Mile Doligny .
DÉBUT.
Mile Lavoy , petite fille d'un Comédien
du Roi , a débuté le ſamedi 11 Février
dans le rôle d'Iphigénie , qu'elle a
encore joué le lundi ſuivant; le mercredi
15 elle a repréſenté le rôle d'Hypermenestre;
elle a joué enfuite le rôle d'Alzire.
Cette jeune Actrice a paru mettre dans
fon jeu beaucoup d'intelligence , de fenfabilité
& de vérité. On ne perd rien de
cequ'elle dit, & elle détaille à merveille
ſes rôles. Ces avantages peuvent en quel.
que forte fuppléer aux dons naturels que
Pon ſemble exiger des perſonnes qui font
fur la ſcène.
COMÉDIE ITALIENNE.
LES Comédiens Italiens ordinaires da
Roi ont donné le mercredi 1 Février, la
164 MERCURE DE FRANCE.
prémière repréſentation de la FauffeMagie
, Comédie mêlée de chant. Les paroles
font de M. Marmontel , la muſique
eſt de M. Grétry.
Cette Comédie a été d'abord repréſentée
en deux actes ; elle a été enſuite
remiſe en un .
Les perſonnages font
Dalin , homme crédule , Tuteur &
Amant de Lucette ; Lucette , nièce de Dalin
& de Mde de St-Clair; Madame de
Saint- Clair , foeur de Dalin ; Dorimon ,
vieillard à qui Lucette étoit promiſe ;
Linval , neveu de Dorimon; troupe de
Bohémiens .
Madame de Saint-Clair eft une bonne
tante qui , dans un âge avancé , ſait goûter
encore des plaiſirs tranquilles , & s'intéreſſer
au bonheur de ſa Nièce. Elle la
trouve inquiète , & l'engage à lui faire
l'aveu de ſes amours. Elle lui raconte
comment elle a autrefois aimé , & comment
une vieille Tante a ſervi ſa tendreſſe.
La Nièce , encouragée par cette
confidence , lui dit naïvement que fon
fecret eſt le ſien ; elle la prie de lui ſervir
de mère , & d'être ſon guide & fon appui.
Elle avoue qu'elle aime Linval . Ce
jeune homme implore auſſi Madame de
MARS. 1775 . 165
St-Clair. La bonne Tante s'attendrit , &
demande aux jeunes Amans de lui conter
comment cet amour est venu.
Duo.
LUCETTE & LINVAL.
Il vous ſouvient de cette fête ,
Où l'on voulut nous voir danſer :
Pour faire de nous ſa conquête ,
L'Amour n'eut qu'un trait à lancer.
LINVAL.
Dans mon ſein une douce flamme
De veine en veine ſe gliſſa.
LUCETTI.
Je ſentis que j'avois une âme :
Un feu naiſſant me l'annonça.
1
Mamain , qui trembloit dans la ſienne ,
1
LINVAL.
Sa main qui trembloit dans la mienne ,
LUCETTE.
Donna pourmoi
166 MERCURE DE FRANCE.
LINY L.
Reçutdemoi
Ensemble.
Le témoignage de ma foi.
LINVAL.
Je m'égarois parmi la danſe;
Je n'entendois plus le hautbois.
UCETTE.
Je rencontrai ſes yeux deux fois;
Deux fois j'oubliai la cadence.
Ma main , &c.
LINVAL.
Samain, &c .
T
Comme tout cela m'intéreſſe ! dit la
Tante:
Onneméditde la jeuneſſe
Que par le chagrin de vieillir.
L'Oncle de Linval avoit la promeſſe
d'épouſer Lucette , mais Dalin veut le
refuſer pour ſe mettre à ſa place. Mde
de Saint-Clair craint ſa folie; cependant
MARS. 1775. 167
elle fait un moyen de le déſabuſer en
profitant de ſa crédulité &de la croyance
qu'il donne aux préſages. En effet il eſt
tourmenté par un fonge dans lequel il a
cru voir un milan enlever une poulette ,
& le coq qui l'aimoit ſe changer en
oifon. Il vient parler d'amour à ſa pupille;
mais Lucette, déjà inſtruite de fon
rêve , feint d'en avoir eu un pareil , dont
elle ſe dit fort inquière. Le Tuteur ne
tient pas à ce préſage; il avoue qu'il a
fait le même ſonge ; ce qui donne lieu
à un duo charmant , où chacun dit ce
qu'il a vu & ce qui le tourmente. Dalin
veut vaincre ſa foibleffe & pourfuit fon
projet. Il commence par congédier Dorimon
, oncle de Linval , en lui annonçant
que Lucette en aime un autre que lui .
Cet homme raisonnable ſe rend juſtice
ſur ſon âge , qui n'eſt plus le temps de
l'amour , mais il ne peut s'empêcher de
ſe moquer de Dalin, quand il lui dit .
que c'eſt lui que Lucette préfère. Autre
duo délicieux , dans lequel ces deux vieillards
ſe raillent l'un l'autre. Dorimon
uſe de détour pour faire avouer à Linval
que c'eſt lui qui eſt l'Amant aimé. Il paroît
d'abord ſe fâcher ; mais il eſt enfuite
d'intelligence avec Madame de St Clair
168 MERCURE DE FRANCE.
:
:
,
& Lucette , pour arracher le conſentement
du Tuteur. Cette Tante officieuſe
témoigne tout l'intérêt qu'elle prend au
bonheur de ſa chère Nièce , & craint que
Linval ne ſoit un infidèle. Elle eſt raſſurée
par l'Oncle & le Neveu , ce qui fait
naître un trio contraſté & parfaitement
exprimé. Dalin vient déranger leur projet
, en diſant qu'il a la parole de ſa Nièce.
Il ſe forme alors entre Linval , Lucette
, Mde de Saint-Clair & Dorimon
une ſcène en quatuor , qui eſt raviſſante
par l'expreſſion des différens ſentimens
des perſonnages. L'officieuſe Tante difpoſe
une troupe de Bohémiennes à tirer
le blanc-ſeing de Dalin , & à lui faire
une belle peur fur la folie qu'il a d'épouſer
ſa jeune pupille. On raconte devant
Dalin des choſes merveilleuſes de ces
Magiciens. Il veut les confulter , faiſant
toujours l'eſprit fort , & voulant maſquer
ſa foibleſſe , qui le trahit à chaque inftant.
Dorimon eſt bien plus ſage, il ne
cherche pas à prévenir ſon deſtin.
AIR.
Sur l'avenir jamais je ne raiſonne :
Tant mieux pour moi s'il me ſurprend ;
Eft-ce
MARS. 17756 169
Eſt-ce un plaiſir ? il eſt plus grand ,
Et la ſurpriſe l'aflaiſonne .
Sur l'avenir jamais je ne raiſonne :
Tant mieux pour moi s'il me ſurprend.
Eſt-ce une peine qui m'arrive ?
Qu'ai - je beſoin de la ſavoir ?
En ſera-t elle plus tardive ?
C'eſt bien aflez , lorſqu'elle arrive,
De la ſentir ſans la prévoir.
Linval raconte ce que les Bohémiens
ont lu dans ſa main & dans celle de Lucette.
Il rappelle comiquement l'aventure
du coq , de la poule & du milan.
Lucette paroît s'en effrayer , & Dalin en
eſt véritablement inquiet. Enfin les Bohémiens
s'aſſemblent ; il font leur invocation
au grand Albert & à Mathieu
Lansberch. Dalin apporte un ruban de
Lucette , avec ſa ſignature & la ſienne fur
un papier en blanc ; on le fait mettre à
genoux devant an miroir magique , & là
illit fa destinée; il voit que Lucette en
aime un autre que lui , & que cet autre
eſt Linval . Il veut ſe fâcher : mais on lui
chante en choeur que c'eſt pour lui une
bonne affaire. Il eſt donc obligé de prendre
fon parti , en enrageant du triomphe
de fon rival. Le comique de cette pièce
H
170 MERCURE DE FRANCE.
eſt comme celui du Bourgeois Gentilhomme
, du Malade imaginaire & de
tant d'autres pièces , dont le principal
objet eft de faire rire, par l'imbécille crédulité
de vieillards , qui ſe prêtent à tout
ce qu'on exige d'eux. Le défaut du Tuteur
de la Fauſſe Magie eſt de raiſonner ,
&de dire lui - même qu'il n'a point peur .
Un vieux Payſan bien crédule , que des
Maîtres , en s'amusant à la campagne ,
auroient effrayé par la magie , pour le
détourner de fon fol amour , eût fourni
peut-être un comique moins invraiſemblable
& plus plaiſant. Au reſte cette
Comédie , quoi qu'on en diſe , eſt bien
écrite , à quelques expreſſions près , qui
ont été corrigées; elle n'a point l'intérêt
des autres Drames lyriques de M. Marmontel
, tels que Lucile , Sylvain , l'Ami
de la Maifon , Zemire & Azor: mais elle
a le même mérite du ſtyle. Le caractère
de labonneTante eſt charmant. Perſonne
n'entend mieux la préparation des airs &
la coupe des ſcènes de muſique ; & ces
répétitions de mots , qui ont été relevées
, font ſouvent des grâces dans la
poëfie lyrique.
C'eſt un étatbien pénible
Que celuid'unjeune coeur ,
MARS. 1775 . 171
D'un coeur timide & ſenſible
Que fait taire la pudeur.
On en trouve mille exemples dans Quinault
, dans Racine , & dans ceux qui
ont le mieux entendu la poëſie lyrique.
Il n'y a qu'une ſeule voix ſur la muſique
de cette pièce. M. Grétry ſemble s'être
forpaflé lui - même ; chaque air eſt un
morceau achevé , qui charme autant qu'il
étonne. Invention dans les penſées, choix
heureux des motifs , art prodigieux pour
varier les formes muſicales , talent particulier
de rendre tous les inſtrumens
acteurs , goût exquis pour ſaiſir , embellir
& fortifier le langage propre du ſentiment
ou de la paflion , ſcienceprofonde
de l'art , avec toutes les grâces de la belle
nature ; tant d'avantages réunis feront
toujours diftinguer les compoſitions de
M. Grétry. L'ouverture eſt une très-belle
ſymphonie ſuivie d'un air , dont la modulation
eſt neuve & très agréable. Le
grand air Comme la flatteuse espérance,
a plus qu'on exige dans ces morceaux
d'éclat ; il y a un chant délicat & varié.
Comme l'expreſſion de l'ariette C'est un
état bien pénible , & de celle Je ne le dis
qu'à vous , eſt ſenſible & intéreſſante ! La
Hij
172 MERCURE DE FRANCE .
muſique de ce duo Il vous souvient de
cettefête , a une fraîcheur , une aménité ,
un charme délicieux , qui ſe ſent mieux
qu'on ne peut le décrire. Quoi de plus
comique & d'une imitation plus pantomime
que le duo du ſonge ? Le duo des
vieillards eſt encore d'une muſique faillante
& plaiſamment imitative. Le quatuor
eſt un chef- d'oeuvre où les traits de
caractères & de vérité , où les contraſtes ,
la variété , les différens mouvemens , les
expreffions pittoreſques de la muſique
forment un enſemble raviſſant. Mais il
faudroit citer tous les airs de ce Drame
pour en citer toutes les beautés ; &
nous craignons de ne pas aſſez dire pour
ceux qui ont entendu cette muſique , &
trop pour ceux qui n'ont encore pu
l'entendre.
Les rôles ont été parfaitement remplis
par M. Trial , excellent muſicien &
charmant acteur , repréſentant Dalin ;
par M. Clairval , qui joue avec autant
de fineſſe qu'il chante avec goût dans le
rôle de Linval ; par Mde Trial , dont
l'organe admirable & le jeu intéreſſant
ont été applaudis dans le perſonnage de
Lucette; par Mde Billioni , qui a joué
&chanté avec beaucoup d'intelligence &
de ſenſibilité le rôle de la Tante ; par
ta

MARS.. 17758 173
M. Nainville , dont la voix ſuperbe &
le jeu franc & gai , font le plus grand
plaifir dans le rôle de Dorimon ; par
Mde Moulinghen , qui a très-bien joué
&chanté le rôle de Magicienne.
Le Samedi 25 Février Mde Laruette ,
abſente depuis plus d'un an , pour cauſe
de maladie , a rentré à la Comédie dans
le rôle d'Agathe de l'Ami de la Maiſon ,
& a excité les tranſports de toute l'affemblée
, qu'elle a enchantée par la fineſſe de
fon jeu , par la beauté de fon organe , &
par le charmede ſon chant.
ACADÉMIE.
ACADÉMIE FRANÇOISE. *
La ſéance publique du jeudi 16 Février
eſt une époque mémorable pour la gloire
des Lettres. Ce que la Cour a de.plus
brillant , ce que les différens Ordres de
l'Etat ont de plus reſpectable , s'était réuni
pour voir l'Académie Françaiſe préſenter
, au nom de la Nation , une couronne
à la vertu & au génie. Jamais le concours
ne fut plus nombreux , ni les acclama-
*Article de M. de la Harpe.
H iij
174 MERCURE DE FRANCE.
tions plus vives. Dois-je croire , dit modeſtement
M. de Malesherbes dans fon
exorde , que vous mettez les ſentimens
patriotiques au nombre des titres littéraires
?
Certes les ſentimens patriotiques ſont
le premier titre du Citoyen. Mais quand
ils produifent d'auſſi beaux monumens
que les diſcours de M. de Malesherbes ,
(ce qui eſt fort rare ) la Littérature s'honore
de ces productions glorieuſes qu'elle
annonce à la renommée & à la poſtérité.
L'illuſtre Récipiendaire ſe propoſe de
confidérer en Citoyen le rang que tiennent
à préſent les Lettres entre les différens
Ordres de l'Etat.
ود
« Je félicite l'Académie , je félicite
• mon fiécle & ma patrie , de ce qu'aujourd'hui
tout ce qui mérite d'occuper
»& d'intéreſſer les hommes eſt du reſſort
» de la Littérature. Le Public porte une
curioſité avide fur les objets qui au-
>>>trefois lui étaient le plus indifférens.
» Il s'eſt élevé un Tribunal indépendant
>>de toutes les Puiſſances & que toutes
>>les Puiſſances reſpectent , qui apprécie
>> tous les talens , qui prononce fur tous
>> les genres de mérite ;& dans un fiécle
> éclairé , dans un ſiécle où chaque CiMARS.
1775 . 175
>>toyen peut parler à la Nation entière
>>par la voie de l'impreſſion , ceux qui
>> ont le talent d'inſtruire les hommes ou
>>le don de les émouvoir , les Gens de
>> Lettres en un mot, font au milieu du
>>Public diſperſé , ce qu'étaient les Ora-
>> teurs de Rome & d'Athènes au milieu
>>du Peuple aſſemblé. Cette vérité que
>> j'expoſe dans l'aſſemblée des Gens de
» Lettres , a déjà été préſentée à des Magiſtrats
, & aucun n'a refufé de recon-
>> naître le Tribunal du Public comme le
>>Juge ſouverain de tous les Juges de la
>>> terre ».
M. de Malesherbes jette un coup-d'oeil
lumineux fur les progrès des Lettres depuis
Louis XIV juſqu'à nos jours , & fur
les différens caractères qui ont marqué
leurs différentes époques.
« Louis , né avec un eſprit juste &
» l'âme la plus ferme & la plus élevée ,
> était fait pour porter au plus haut point
> les vertus où il ferait appelé par le génie
de fon Gécle. S'il eût vécu dans le
>>temps des Valois , il n'eût peut- être été
>>que Guerrier & Conquérant. S'il ré-
>> gnait aujourd'hui , il ne ferait fans
>>doute que Législateur & Bienfaiteur
» de fon Peuple. Dans le moment où il
Hiv
176 MERCURE DE FRANCE.
fut placé ſur le Trône , il mit le com-
>>ble à la gloire des Français par des
>> victoires , & prépara leur bonheur par
> des Loix plus ſages que celles qu'on
> avait connues juſqu'alors , & par la
>> protection qu'il accorda aux Lettres. La
>> brillante Littérature , appelée en France
>>avec les beaux Arts , du temps de Fran-
>> çois Premier , parvint , ſous Louis XIV,
>>à ce degré de ſplendeur , après lequel
>> elle ne fait ſouvent que décroître ; &
>> les ſciences de raiſonnement , dont la
>> marche eſt plus lente , mais qui n'ont
>> jamais de mouvement rétrograde ,
> arrivèrent auſſi à la voix de ce Roi , &
>> furent poſées par lui ſur la plus ſolide
>> de toutes les baſes , ſur les établiſſe-
» mens dirigés par Colbert. Ce fut fous
>> ce règne que diſparut tout-à-fait le
» préjugé barbare qui avait condamné
>>nos Ancêtres à l'ignorance. Le nom &
>> l'objet de chaque ſcience furent con-
>> nus , & les Savans de toutes les claſſes
>> obtinrent la conſidération qui leur eſt
>> due. Il parut un Sage qui parlait éga-
>> lement la langue des Savans & celle
>> des Gens du monde , & qui avait le
>> don de répandre la lumière & l'agré-
> ment ſur les ſujets les plus obfcurs &
MARS. 1775. 177
> les plus ingrats. C'était le neveu des
>> Corneilles . Ce fut lui qui ſervit d'in-
>> terprète entre tous les hommes de fon
>> fiècle ; & c'eſt depuis cette époque qu'il
» n'eſt plus de barrière entre la ſcience
» & les talens , & que l'art d'écrire eſt
>> preſque inſéparable de l'art de penſer.
>> Aujourd'hui les ſecrets de tous les Arts
>> font dévoilés ou vont l'être . On a
>> trouvé ce qu'on aurait cherché inutile-
>> ment dans les fiècles paflés , des Artif-
>> tes capables de les écrire , & des Lec
>> teurs capables de les entendre. L'étude
>> de la Nature n'eſt plus une froide con-
>>templation. Elle remue l'âme par des
>> refforts auſſi puiſſans que ceux de l'épo-
> pée . Le Pline Français a ſu , par la ſeule
> magie du ſtyle & fans le ſecours de la
>> fiction , prêter aux brutes fon éloquen-
>> ce , & nous intéreſſer pour les êtres
» inanimés . La géométrie même eſt juf-
>>tifiée du reproche d'aridité qu'on lui a
>>fait pendant tant de ſiècles . Les oracles
>> de cette ſcience font encore proférés
>>dans une langue mystérieuſe ; mais les
>>Prêtres de ce Temple ne ſe tiennent
>>plus éloignés des autres hommes . Celui
> qui inſtruit les Savans par de lumineu-
>> ſes théories, fait aufli obtenir du Pur
Hv
178 MERCURE DE FRANCE.
> blic les applaudiſſemens dûs à l'hom-
> me de génie. Le profond Mathémati-
» cien devient le rival de Tacite ; que
>> dis- je ? il s'élève au ſommet de toutes
>> les ſciences , & c'eſt lui qui en a tracé
>> le tableau & tous les rapports. Il mar-
>>che au milieu de vous , Meſſieurs , le
>front ceint d'un laurier inconnu à Neu-
> ton lui nême. Enfin la Littérature &
>>la Philofophie ſemblent avoir repris le
>> droit qu'elles avoient dans l'ancienne
>> Grèce , de donner des Légiflateurs aux
>>Nations. Nous n'avons plus à la vérité
>> la Tribune des Démosthènes & des
>>Cicérons. Les Souverains & les Répu-
>>bliques n'appellent point encore les
>>Philofophes , ſur la foi de leur tenom-
» mée , pour leur dicter des Loix. Ce-
>>pendant une voix s'eſt élevée , & c'eſt
» au milieu de vous , Meſſieurs , c'eſt du
fein de cette Académie que Montefquieu
a parlé , & les Nations ont
>> accouru pour l'entendre. Il eut des dif-
>> ciples paſſionnés ; il fit naître de puiſ.
>>ſantes contradictions. Quelque juge-
>> ment qu'en porte la poſtérité , il eſt
>>toujours certain qu'aujourd'hui les Phi-
>>loſophes regardent la législation com-
> me un champ ouvert à leurs ſpécula-
>> tions , & que les Jurifconfultes cher-
ود
MARS. 1775 . 179
>> chent à porter dans leurs travaux le
> flambeau de la philoſophie » .
Aces différentes révolutions l'Orateur
ne pouvait manquer de joindre celle qui
s'eſt faite dans la manière d'écrire l'Hiftoire.
« L'Histoire , deſtinée à être l'école
>>des Rois & des Grands , s'était preſque
>>entièrement bornée , depuis pluſieurs
>> fiécles , à des récits de combats. Au-
>> jourd'hui on y démontre aux ambitieux
>> l'inutilité de leurs rivalités & de leurs
>> guerres . On leur prouve que la cruauté
>> eſt auſſi une abſurdité; & j'oſe pré
>> dire , Meſſieurs , qu'à l'avenir nulde
>> vous ne ſe rappellera le ſouvenir des
>> temps d'héroïſme & de barbarie , ſans
» déteſter ce qui a fait l'admiration de
>> nos Ancêtres » .
Il n'eſt pas difficile de reconnaître ici
l'éloquent Auteur de la Rivalité de la
France & de l'Angleterre , & de la belle
Hiſtoire de François Premier , l'un des
Ouvrages les mieux faits dans ce genre
qui ayent paru dans ce ſiècle. Tous les
Gens de, Lettres applaudiront d'autant
plus volontiers à la juſtice que le refpectable
Récipiendaire rend ici à M. Gaillard
, que M. Gaillard lui-même la rend
à tous fes Confrères avec la plus noble
Hvj
180 MERCURE DE FRANCE:
impartialité ; que nul homme de talent
n'eſt plus ſenſible aux talens d'autrui ; &
que dans les articles pleins de goût & de
ſaine critique qu'il insère depuis bien
des années dans le Journal des Savans ,
on a remarqué toujours & le Littérateur
excellent, & , ce qui eſt beaucoup plus
rare , l'homme élevé au-deſſus de la jalouſie.
M. de Malesherbes pourfuit le dénombrement
de nos ticheſſes Littéraires.
« Déjà le progrès des moeurs depuis
>> Charlemagne juſqu'à nos jours , a été
>>préſenté dans des tableaux faits pour
>> intéreſſer les Lecteurs de tout âge , de
>>>tout ſexe , de toute condition . On ne
peut méconnaître à ces traits l'Effai fur
l'Histoire générale.
L'Auteur de cet article retrace ces éloges
avec d'autant plus de plaiſir , que lui
même eſt le premier qui ait rendu une
justice publique à ce grand monument
d'hiſtoire * , en butte à tant de détracteurs
; juſtice qui ne manqua pas de lui
attirer beaucoup d'injures dans certaines
feuilles périodiques .
* Voyez le Diſcours préliminaire de la traduction
de Suétone.
MARS. 17750 18-1
M. de Malesherbes déſigne dans le
paſlage ſuivant , un homme d'une trèsgrande
naiſſance , qui était préſent à l'afſemblée
, & qui entendit le Public confirmer
par ſes applaudiſſemens les témoignages
honorables qu'on lui rendait. " Je
> vois un Philoſophe , un Littérateur ,
>> qui remplirait plus dignement que moi
>>la place dont vous m'avez honoré ; je
>> le vois renoncer aux ſuccès flatteurs
>>qu'il obtint plus d'une fois dans le
>> commerce des Muſes, pour fe livrer à
>> de penibles recherches fur les cauſes
>> du bonheur des hommes. Je le vois
>> après s'être diftingué dans la guerre ,
>>>annoncer aux Souverains la neceffité
>> de la paix , digne de pluſieurs Ancêtres
>> que l'Hiſtoire nomme parmi nos plus
> célèbres Guerriers , digne auſſi de ce
>> ſavant , cet éloquent , ce vertueux Ma-
>> giſtrat , qu'aucun Citoyen ne peut en-
>> tendre nommer ſans rendre à ſa mé-
>> moire un tribut de tendreſſe & de
>> vénération , & qui auroit reconnu fon
>>petit fils dans l'Auteur de la Félicité
» publique *.
* Ouvrage plein de connaiſſances , de raiſon
**&de lumières , déjà traduit dans pluſieurs lan
18 : MERCURE DE FRANCE.
M. de Malesherbes s'acquitte du légitime
tribut de louanges qu'il devait à la
mémoire de l'Académicien qu'il remplace.
« Né dans la Magiſtrature , il avait
» été entraîné vers les Lettres par un
>> goût invincible. L'eſſai de ſes talens
> avait été d'enrichir notre Littérature
>> du chef - d'oeuvre de la Nation notre
>>rivale. C'eſt avec ce titre brillant qu'il
>>avait été reçu dans cette Académie. Sa
>>maiſon même devint un Lycée où ſe
>>réuniſſait la ſcience , l'eſprit & la dé-
>> cence , où ce grand Monteſquieu dif-
>>ſertait avec le naturaliſte Réaumur , où
>> toutes les ſciences ſe communiquaient
>> à l'envi leurs fecrets . Ceſt là , c'eſt au
>> milieu de ces entretiens intéreſſans que
>> ce vertueux Citoyen conçut & exécuta
>>> le projet de ſe dévouer entièrement à
>>de laborieuſes & effrayantes compila.
>> tions ſur la valeur des monnoies , fut
>> le prix des denrées; travaux faſtidieux
>>pour le Traducteur de Milton , mais
gues , qui ſuppoſe en effet beaucoup d'études &
de recherches , & dont il faut ſavoir d'autant
plus de gré à l'Auteur , qu'après avoir réuſli
dans des Ouvrages d'agrément , il a bien voutu
être utile.
MARS. 1775 . 183
» dignes de l'ami de Montesquieu , puif
>> qu'ils font utiles à l'humanité ».
M. de Malesherbes nous apprend que
les précieux manufcrits de M. Dupré de
Saint- Maur ont été remis à un Miniſtre
"dont les opérations ne font envelop-
>>péesd'aucun voile; qui penſe que fon
>> coeur doit être ouvert à tous les Ci-
>> toyens , parce que leur bonheur doit
>>être l'unique objet de ſes travaux ; &
** » qui trouvera toujours dans l'eſtime &
» l'amitié des Gens de Lettres , le prix
>> de tout le bien qu'il veut faire aux
>> hommes ».
C'eſt à M. de Malesherbes qu'il convenait
de louer ſi dignement le Citoyen
éclairé & vertueux qui a fait du miniſtère
de la finance un miniſtère de bienfaits .
Enfin l'Orateur termine ainſi tout ce
que les Lettres ont acquis ſous le règne
de Louis XV. « Sous fon règne , les Sa-
>> vans de tous les genres furent protégés ;
>>parce qu'il ſavait que cette protection
>>leur était due; parce qu'un ſentiment
>>naturel le portait à honorer le mérite ,
» & toujours fans ce faſte de protection ,
>> fans aucun retour vers ſa propre gloire ,
>>fans vouloir diriger des travaux , qu'un
>>Souverain ne doit qu'encourager , fans
184 MERCURE DE FRANCE.
> prétendre dicter des loix impérieuſes
» au génie ; & c'eſt ſous cette douce &
» tranquille adminiſtration que les ſcien-
>> ces , livrées à elles - mêmes , ont fait
>> des progrès ſupérieurs à ceux des autres
>> ſiécles ; que la raiſon humaine s'eſt per-
>> fectionnée ; enfin , que l'humanité a
> ſemblé renaître dans tous les coeurs ,
>& en chaffer les reftes de la barbarie :
>> l'humanité qui exiſte en nous avant
>> la ſcience & même avant la ſageſſe ;
» l'humanité , qui n'eſt point un préſent
>> de la philoſophie , mais qui ſouvent
>> étouffée par des préjugés , enfans de
» l'ignorance , par une paffion excluſive
»& infenfée pour la ſeule gloire des
> armes , par des haines aveugles de
>> parti , de Nation , de Religion , & qui
> reprend aifément ſon empire dans
> l'inſtant heureux où le retour de la tai-
>> fon ramène la morale à ſes vrais prin-
>> cipes , & où le charme des Lettres fait
>> revivre les vrais ſentimens de la Na-
» ture ».
C'eſt ainſi qu'en préſence de l'élite de
la Nation , un des premiers Magiſtrats du
Royaume a parlé des Lettres & du bien
qu'elles ont fait à ce ſiècle & à ceux qui
le ſuivront. L'Aſemblée a répondu à ce
MARS. 1775 . 183
» dignes de l'ami de Montesquieu , puif-
>> qu'ils font utiles à l'humanité » .
M. de Malesherbes nous apprend que
les précieux manufcrits de M. Dupré de
Saint- Maur ont été remis à un Miniſtre
•dont les opérations ne font envelop-
>> péesd'aucun voile ; qui penſe que fon
>> coeur doit être ouvert à tous les Ci-
>> toyens , parce que leur bonheur doit
>>être l'unique objet de ſes travaux ; &
>> qui trouvera toujours dans l'eſtime &
> l'amitié des Gens de Lettres , le prix
>> de tout le bien qu'il veut faire aux
>>> hommes » .
C'eſt à M. de Malesherbes qu'il convenait
de louer ſi dignement le Citoyen
éclairé & vertueux qui a fait du miniſtère
de la finance un miniſtère de bienfaits .
Enfin l'Orateur termine ainſi tout ce
que les Lettres ont acquis ſous le règne
de Louis XV. « Sous fon règne , les Sa-
>> vans de tous les genres furent protégés ;
>>parce qu'il ſavait que cette protection
>>leur était due; parce qu'un ſentiment
> naturel le portait à honorer le mérite ,
» & toujours fans ce faſte de protection ,
>>fans aucun retour vers ſa propre gloire ,
>>fans vouloir diriger des travaux , qu'un
>>Souverain ne doit qu'encourager , fans
186 MERCURE DE FRANCE.
>> innocens ſous la protection de la Na-
» tion entière ; & je dois obſerver , à
>> l'honneur de notre fiécle , que les Poëtes
immortels qui ont illuſtré la Cour
>> d'Augufte & celle de Louis XIV
» n'ont pas eu cette gloire , de joindre
> aux titres littéraires le titre ſacré de
> protecteur des opprimés » .
>
Ce diſcours , plein d'une éloquence
vraie , de cette éloquence de l'âme , qui
rend la vérité touchante& la raiſon perſuaſive
, eſt dignement terminé par les
remerciemens & les voeux que le Magiftrat
, le Citoyen, l'homme de Lettres
adreſſe au jeune Monarque qui fait le
bonheur de la France. Il ne loue ce Prince
qu'en lui parlant de tout le bien qu'il
fera, &dont celui qu'il a déjà fait eſt le
garant infaillible .
ود
" Vous , Monfieur , ( dit il au Direc-
>>>teur de l'Académie , M. l'Abbé de
>> Radonvilliers) qui avez le bonheur
• d'approcher du Roi , & la gloire d'avoir
contribué à ſon éducation , vous nous
>> avez annoncé que ſa grande âme s'in-
> digne de la louange , dès qu'elle ap-
> proche de la flatterie; c'eſt nous dire
>>aſſez que toute louange nous eſt défen-
-> due; car les éloges donnés à un Roi
MARS. 1775 . 185
témoignage par des applaudiſſemens réitérés.
Ce fut fans doute un beau moment
pour les Lettres , un beau ſpectacle pour
les âmes éclairées & ſenſibles ;& fi l'on
veut oppoſer à ce tableau de gloire l'opprobre
& l'abjection où rampent ceux
qui calomnient les arts & les talens dans
desdictionnaires d'injures , on aura l'idée
des deux extrêmes de l'humanité .
Ces mêmes hommes ne feront pas
moins humiliés des actions de grâce que
l'on rend dans le même diſcours , au
nom de l'humanité , à ce grand homme
dont ils inſultent 6 baſſement la vieilleffe.
« Songeons que le plus beau gé-
>> nie de notre ſiècle aurait cru ſa gloire
>> imparfaite , s'il n'eût employé à fecou-
>> rir les malheureux , l'afcendant qu'il a
> pris ſur le Public. Je fais que ce n'eſt
>> point à moi à louer les talens de cet
>> homme univerſel en préſence du Pu-
>> blic , accoutumé à lui prodiguer fes
>>acclamations , & devant vous , Mef-
> ſieurs , à qui ſeuls il appartient de dé-
>> cerner la palme du génie . Mais il m'eſt
>>permis de remercier , au nom de l'hu-
» manité , le généreux défenſeur de plu-
>> ſieurs familles infortunées ; celui qui ,
>> du fond de ſa retraite , ſait mettre les
186 MERCURE DE FRANCE .
>> innocens ſous la protection de la Na-
» tion entière ; & je dois obſerver , à
» l'honneur de notre fiécle , que les Poë-
>> *tes immortels qui ont illuſtré la Cour
>> d'Auguſte & celle de Louis XIV ,
» n'ont pas eu cette gloire , de joindre
>>aux titres littéraires le titre ſacré de
> protecteur des opprimés » .
Ce diſcours , plein d'une éloquence
vraie , de cette éloquence de l'âme , qui
rend la vérité touchante & la raiſon perfuafive,
eſt dignement terminé par les
remerciemens & les voeux que leMagiftrat
, le Citoyen, l'homme de Lettres
adreſſe au jeune Monarque qui fait le
bonheur de la France. Il ne loue ce Prince
qu'en lui parlant de tout le bien qu'il
fera , &dont celui qu'il a déjà fait eſt le
garant infaillible.
ود
" Vous , Monfieur , ( dit il au Direc-
>>> teur de l'Académie , M. l'Abbé de
>> Radonvilliers ) qui avez le bonheur
• d'approcher du Roi , & la gloire d'avoir
contribué à ſon éducation , vous nous
>> avez annoncé que ſa grande âme s'in-
>digne de la louange , dès qu'elle ap-
> proche de la flatterie ; c'eſt nous dire
>> aſſez que toute louange nous eſt défen.
>> due; car les éloges donnés à un Roi
MARS. 1775 . 187
>> font toujours voiſins de l'adulation. La
>>poſtérité ſeule peut louer dignement les
>>Rois , puiſqu'elle ſeule a le droit de
>>> les juger ; mais l'amour des Peuples 2
>> une autre expreſſion à laquelle ils ne
>> ſauraient fe méprendre , & qui eſt la
>>récompenſe de leurs bienfaits. Ofons
>> donc ſubſtituer à ces éloges , qu'un
>> long uſage ſemblait avoir conſacrés ,
>> la naïve & fincère expreſſion des ſen-
>> timens des Gens de Lettres. Plus le Roi
>> ſe refuſe aux louanges , plus il nous
>>inſpire la confiance de lui adreffer nos
>> voeux & de lui montrer nos eſpérances :
>> car une âme inacceſſible à la flatterie
>> eſt toujours ouverte à la vérité. Le Roi
> protégera les Lettres. Il le doit à ſa
>>gloire , il le doit au Public , à qui la
>>Littérature devient tous les jours plus
>>chère , & dont les voeux unanimes dé-
>> terminent toujours la volonté des bons
>> Rois. Eſpérons qu'il ſera érigé ſous
>> fon règne de grands monumens , qu'il
>>ſera fait des établiſſemens utiles aux
>> ſciences , qu'on exécutera de ces gran-
>> des entrepriſes , qui doivent être faites
» par les Souverains , parce qu'elles ne
>>peuvent l'être que par eux .
» Il eſt vrai qu'on ne voit point parmi
188 MERCURE DE FRANCE.
>> vous un Miniſtre puiſſant qui vienne ſe
>> repoſer de ſes travaux dansle ſanctuaire
>> des Muſes , & faire réfléchir ſur elle
>> les rayons de ſa gloire : mais il exifte
>>un génie inviſible qui prêtant à la jeu-
>> neſle du Roi les ſecours de l'expérien-
>> ce , lui fera connaître toutes les reſlour-
>> ces de la Nation qu'il a le bonheur de
>> gouverner ; & on reconnaîtra fans pei-
> ne la main qui raſſembla dans de vaſtes
>> édifices toutes les productions de la
>> Nature , & dans d'autres, le dépôt im-
> menſe des connoiffances humaines ;
» qui dirigea les voyages des Savans dans
>>toutes les parties de l'Univers , ſoit
>>pour recueillir les précieux reſtes de
>>l'antiquité , ſoit pour rapporter cette
> meſure de la terre , que la France a la
>> gloire d'avoir donnée aux autres Na-
>>>tions. Mais ces bienfaits éclatans ne
>> ſont pas les ſeuls que les Lettres doi-
>> vent attendre dans le dix-huitième Gé-
>>cle. Quand on fortait de la barbarie ,
>> c'était aux Princes à faire de grands
>> efforts pour introduire laLittératuredans
>>leur patrie.Mais chez uneNationdéjà inf
>> ruite , & par qui la ſcience & les talens
>>font révérés , le plus précieux de tous les
>>>biens pour les Gens de Lettres , eſt la
MARS. 1775 . 191
>>>du Public ; & le Public , fur tout dans
- ce moment , nous indiquait les vôtres .
» Il n'a pas tenu à nos Predéceſſeurs que
>> vous ne trouvaſſiez un de vos An-
>> cêtres inſcrit dans nos Faſtes . Vous dé-
> dommagerez l'Académie , Monfieur ,
> de ſes regrets pafles , en lui rendant le
» même nom , auquel vous avez ajouté
» un nouveau lustre. Ce nom vous doit
رد
50
la distinction flatteuſe d'être placé en
même temps dans toutes les Acadé-
» mies , honneur rare , mais juſtement
>> accordé au nombre & à la variété de
- vos connaiſſances. Je ne fais pourtant
>>> ſi l'amour des ſciences & des lettres
> devrait vous être compté pour un mé-
>> rite perſonnel ; il eſt ancien dans votre
>>Maiſon , & vous l'avez recueilli dans
» la ſucceſſion de vos pères » .
Le Directeur revient fur l'uſage & far
les travaux de M. Dupré de Saint-Maur.
Il termine très heureuſement ſa réponſe
par ce morceau plein de vérité & d'intérêt.
Pour inſpirer le goût de la bienfaiſance
, les exemples feront toujours
plus éloquens que les difcours. Il n'eft
>> pas beſoin d'en chercher loin de nous ,
>>tandis que nous avons ſous les yeux
> notre auguſte Protecteur. Je ne parle
192 MERCURE DE FRANCE.
> point des preuves journalières d'un
» coeur humain&bienfaiſant ;je ne parle
>> point des traits ſouvent répétés d'une
> bonté noble & généreuse. Les dons ,
>>les grâces , les largeſſes , font le bon-
>> heur d'un petit nombre d'hommes. Les
>> bienfaits d'un Roi doivent rendre heu-
>> reux un Peuple entier. La libéralité eſt
>> la bienfaiſance des Particuliers : la
» bienfaiſance des Rois , c'eſt le ſoin de
>> l'Etat. Un Prince de vingt ans appelle
> un Sage auprès de lui pour donner à fa
> jeunelle l'appui de l'expérience. Dans
>> le choix de ſes Miniſtres , il ferme
>> l'oreille aux voeux de l'ambition pour
>> n'écouter que l'intérêt public. Dans un
» âge , ennemi de la contrainte , il refuſe
>> au plaifir toutes les heures demandées
>>par le devoir , quoique le devoir de-
>> mande preſque tous les jours entiers;
» voilà le Roi bienfaiſant. Combien
>> d'autres traits je pourrais citer ? Mais
>> j'en ai dit aſſez , peut- être même j'en ai
>> trop dit pour lui plaire. Cependant la
>> bienfaiſance dans le Roi , la reconnoif-
>> fance dans ſes Sujets , font des vertus
» qu'il eſt précieux de publier » .
M. l'Abbé de Lille lut enſuite deux
chants d'un Poëme ſur la Nature champêtre,
1
MARS. 1775. 193
pêtre , Ouvrage charmant, plein de poëfie
, de mouvemens & de ſenſibilité , &
qui a été vivement applaudi. Enfin cette
ſcance ſi intéreſſante a été couronnée par
la lecture d'un Eloge de l'Abbé de Saint-
Pierre , morceau excellent de M. d'Alem
bert , & digne de toute la réputation &
de tout le génie de ſon illuſtre Auteur.
SCIENCE.S. )
Canaux de navigation dans l'intérieurdu
Royaume.
On a répandu dans le Public, & même
imprimé dans quelques Gazettes étrangères
que M. le Contrôleur - Général
avoit créé pour MM. d'Alembert , l'Abbé
Boſlur & le Marquis de Condorcet ,
trois places de Directeurs de la navigation
dans l'intérieur du Royaume , chacune
de6000 liv. d'appointement. Voici
la vérité du fait. M. le Contrôleur Général
, fans créer aucune place pour ces Académiciens
, les a chargés , par ordre du
Roi , de s'occuper des recherches théori
ques&expérimentales, relatives aux ca
I
194 MERCURE DE FRANCE.
naux de navigation , pour l'avantage du
commerce ; & en ſe chargeant de cetravail
, ces trois Académiciens y ont mis
pour conditions qu'ils ne recevroient
point d'appointement .
ARTS.
GRAVURES.
I.
)
La Confiance enfantine & la Crainte enfantine;
deux,eſtampes en pendant, de
format in- folio ; prix 6 liv. chaque
eſtampe. A Paris , chez le Père &
Avaulez , Marchands d'Eſtampes , rue
St Jacques , près la Fontaine St Séverin
, à la ville de Rouen.
Ces deux eſtampes font gravées par Fr.
Janinet dans la manière du deſſin au lavis
de pluſieurs couleurs , d'après les deſſins
de même grandeur de M. Fruçdeberg. On
connoît la difficulté de cette gravure , qui
exige pluſieurs planches pour rendre avec
une forte d'illuſion les différentes couMARS.
1775. 193
pêtre , Ouvrage charmant, plein de poëfie
, de mouvemens& de ſenſibilité , &
qui a été vivement applaudi. Enfin cette
ſéance ſi intéreſſante a été couronnée par
la lecture d'un Eloge de l'Abbé de Saint-
Pierre , morceau excellent de M. d'Alem
bert , & digne de toute la réputation &
de tout le génie de ſon illuſtre Auteur.
SCIENCES. )
Canaux de navigation dans l'intérieurdu
Royaume.
On a répandu dans le Public, & même
imprimé dans quelques Gazettes étrangères
que M. le Contrôleur - Général
avoit créé pour MM. d'Alembert , l'Abbé
Boſlur & le Marquis de Condorcet ,
trois places de Directeurs de la navigation
dans l'intérieur du Royaume , chacune
de6000 liv. d'appointement. Voici
la vérité du fait.M.le Contrôleur Général
, fans créer aucune place pour ces Académiciens
, les a chargés , par ordre du
Roi , de s'occuper des recherches théori
ques&expérimentales, relatives aux car
I
194 MERCURE DE FRANCE.
naux de navigation , pour l'avantage du
commerce ; & en ſe chargeant de ce travail
, ces trois Académiciens y ont mis
pour conditions qu'ils ne recevroient
point d'appointement .
ARTS.
GRAVURES.
I.
;
La Confiance enfantine & la Crainte enfantine
; deux, eſtampes en pendant, de
format in- folio ; prix 6 liv. chaque
eſtampe. A Paris , chez le Père &
Avaulez , Marchands d'Eſtampes , rue
St Jacques , près la Fontaine St Séverin
, à la ville de Rouen.
Ces deux eſtampes font gravées par Fr.
Janinet dans la manière du deſſin au lavis
de pluſieurs couleurs , d'après les deſſins
de même grandeur de M. Fruçdeberg. On
connoît ladifficulté de cette gravure , qui
exige pluſieurs planches pour rendre avec
une forte d'illuſion les différentes cou-
1
MARS. 17710 197
IV.
La Poule au pot , dédiée & préſentée àla
Reine par M. David.
Cette eſtampe , annoncée ſous le titre
de trait de bienfaiſance , ayant fait le
plus grand plaiſir , & le nombre des bonnes
épreuves tirées n'étant point fuffifant
pour contenter tous ceux qui vouloient ſe
la procurer , M. David l'a gravée de nouveau.
Elle ſe vend à Paris chez l'Auteur ,
rue des Noyers , au coin de celle des Anglois;
prix 1 1. 10 f.
V.
Portrait de l'Impératrice de Ruffie.
Ce Portrait, gravé par M. David , ne
laiſſe rien à deſirer , tant pour la reſſemblance
que pour les travaux , variés avec
intelligence , qui en rendent l'effet trèspiquant.
Prix 11. 10 f.
Il ſe trouve à Paris chez l'Auteur , rue
des Noyers , au coin de la rue des Anglois
.
1
I tij
196 MERCURE DE FRANCE .
AParis par M. Miger ; prix 2 liv. 8 f.
chez Miger , Graveur , rue Montmartre ,
au coin de celle des vieux Auguſtins.
On lit ces vers au bas du Portrait :
Del'art d'aller au coeur par des accens touchans ,
Nul autre mieux que lui n'a montré la puiſlance ;
Etde tous ſes rivaux c'eſt le ſeul dont les chants
Ayent charmé ſon Pays , l'Italie & la France.
J
III .
Le Médecin clairvoyant , Eſtampe de 18
pouces 8 lignes ſur 13 pouces & lignes
, d'après le tableau de M. le
Prince , gravé par H. M. Helman ,
Graveur de Monſeigneur le Duc de
Chartres.
Une jeune fille confulte un vieux Médecin,
qui lui apprend que ſa maladie
eſt dans ſon coeur , & que l'amour en eſt
la cauſe . Ce ſujet eſt rendu avec intelligence,
& d'une manière pittoreſque. Prix
1. à Paris chez l'Auteur, rue des Mathurins
, au petit hôtel de Cluni .
MARS. 1771 . 197
I V.
La Poule au pot , dédiée & préſentée à la
Reine par M. David.
Cette eſtampe , annoncée ſous le titre
de trait de bienfaiſance , ayant fait le
plus grand plaiſir ,& le nombre des bonnesépreuves
titées n'étant point fuffifant
pour contenter tous ceux qui vouloient ſe
la procurer , M. David l'a gravée de nouveau.
Elle ſe vend à Paris chez l'Auteur ,
rue des Noyers , au coin decelle des Anglois;
prix 1 1. 10 f.
V.
:
Portrait de l'Impératrice de Ruffie.
Ce Portrair , gravé par M. David , ne
laiſſe rien à deſirer , tant pour la reſſemblance
que pour les travaux , variés avec
intelligence , qui en rendent l'effet trèspiquant.
Prix 1 1. 10 f.
Il ſe trouve à Paris chez l'Auteur , rue
des Noyers , au coin de la rue des Anglois
.
!
1
Ilij
198 MERCURE DE FRANCE.
1
VI
La Pharmacie ruftique , ou repréſentation
exacte de l'intérieur de la chambre où
Michel Schuppach , connu ſous le nom
de Médecin de la Montagne , tient
fes confultations .
: Certe eſtampe fingulière , & dont
pluſieurs perſonnes ont demandé l'exécution
, repréſente le célèbre Médecin
Michel Schuppach , de Langnau , au canton
de Berne , dans le moment où une
Dame de la première diſtinction le conſulte.
Ce perſonnage extraordinaire y eſt
vu de profil , dans tout ſon coſtume , &
d'une reſſemblance frappante . On a pareillement
rendu l'arrangement pittorefque
du lieu où il donne ſes audiences ,
avec une telle exactitude , qu'on y lit aiſément
les étiquettes, ſouvent facétieuſes
, du grand nombre de boîtes & de
flacons qui y font expoſés .
. Cette eſtampe paroît à Bâle en Suifle ,
chez M. Chrétien de Mechel , Graveur
eſtimé , ſous la direction duquel elle a
été gravée , & ſe trouve à Paris chez Bafan
& Poignant , rue & hôtel Serpente , &
MARS. 1775 . 199
chez les principaux Marchands d'Eſtampes.
Elle a environ 12 pouces de largeur
ſur 10 pouces de hauteur. Prix 6
liv.
Ce nouveau morceau , vraiment curieux
& intéreſſant , eſt accompagné d'une
petite vue de la montagne & des habitations
de M. Schuppach , de la largeur
de 6 pouces & de la hauteur de 4 pouces
.Prix 12 f.
L'on trouve de plus aux mêmes adreffes
:
La Mort d'Adonis , nouvelle eſtampe
gravée d'après le tableau de Jean Kupertzky
, par L. A. Romanet , hauteur
14 pouces , largeur II pouces. Prix 31.
VII.
Estampe allégorique préſentée à Monfeigneur
le Garde des Sceaux.
Sur la face antérieure d'un obéliſque ,
qui s'élève fort haut , eſt attachée une
ſuite de médaillons : les premiers font
cachés par des nues , au milieu deſquelles
le ſommet de l'obéliſque va ſe perdre;
mais on diftingue parfaitement les portraits
de Montholon , Sulli , Molé , d'AI
iy
201 MERCURE DE FRANCE.
GÉOGRAPHIE.
I.
CARTE, en quatre feuilles, du Gouvernement
de Normandie , diviſé par
Bailliages, contenant toutes les Paroifles,
annexes & Abbayes , avec toutes les routes
& chemins, d'après la grande carte
de France; prix 2 liv. 8 f. A Paris , chez
Bourgouin , Graveur , rue & porte Saint
Jacques , au coin de la rue des Foffés St
Jacques.
II.
Plan de Bellevue , Maiſon Royale à
deux lieues queſt de Paris; chez le Rou.
ge , rue des Grands Auguſtins.
1
:
III
Cartes topographiques des environs de
Paris , en quatre feuilles , dédiées & préſentées
au Roi , par Dom Coutans , Bénédictin
de Saint- Maur. A Paris , chez
Vignon , débitant les nouvelles feuilles
de la France , rue Dauphine , vis- à-vis
MARS. 17750 203
celle d'Anjou. Prix 16 livres les quatre
feuilles.
MUSIQUE.
I.
Six Sonates pour le Clavecin , par M.
Edelinan , Maître de Clavecin. A Paris
, chez l'Auteur , rue de la Feuillade
, maiſon de M. le Baron de Bacq ,
& aux adreſſes ordinaires de muſique.
CaEsS fonates font d'un excellent goût
de compoſition ,& dans les bons princi
pes des Ecoles Italiennes , où M. Edelmann
a formé ſon talent; il enſeigne
avec beaucoup de ſuccès le clavecin &
le forte piano , & les règles de l'accom
pagnement à la manière des bons Maîtres
Italiens.
I I.
Pièces de clavecin , harpe ou pianoforte,
avec l'accompagnement d'un violon ,
ad libitum , composé par M. de Chabanon
, mis au jour par Rigel ; prix 6
I vj
101 MERCURE DE FRANCE:
GEOGRAPHIE.
I.
CARTE, en quatre feuilles , du Gouvernement
de Normandie , diviſé par
Bailliages, contenant toutes les Paroifles,
annexes & Abbayes , avec toutes les routes
& chemins , d'après la grande carte
de France; prix 2 liv. 8 f. A Paris , chez
Bourgouin , Graveur , rue & porte Saint
Jacques , au coin de la rue des Foffés St
Jacques.
II.
Plan de Bellevue , Maiſon Royale à
deux lieues oueſt de Paris; chez le Rou.
ge , rue des Grands Auguſtins .
1
: III.
:
Cartes topographiques des environs de
Paris , en quatre feuilles , dédiées & préſentées
au Roi , par Dom Coutans , Bénédictin
de Saint- Maur. A Paris , chez
Vignon , débitant les nouvelles feuilles
de la France , rue Dauphine , vis-à-vis
MARS. 1775 . 203
celle d'Anjou. Prix 16 livres les quatre
feuilles.
MUSIQUE.
I.
Six Sonates pour le Clavecin , par M.
Edelınan , Maître de Clavecin . A Paris
, chez l'Auteur , rue de la Feuillade
, maiſon de M. le Baron de Bacq ,
& aux adreſſes ordinaires de muſique.
Cas fonates font d'un excellent goût
de compoſition ,& dans les bons princi
pes des Ecoles Italiennes , où M. Edelmann
a formé ſon talent; il enſeigne
avec beaucoup de ſuccès le clavecin &
le forte piano , & les règles de l'accom
pagnement à la manière des bons Maîtres
Italiens.
I I.
Pièces de clavecin , harpe ou pianoforte,
avec l'accompagnement d'un violon ,
ad libitum , composé par M. de Chabanon
, mis au jour par Rigel ; prix 6
I vj
106 MERCURE DE FRANCE .
violons alto & bafle , deux cors , par C.
Stamitz ; chez le même .
VIII.
Un concerto à violon principal , deux
violons alto & baſſe , par C. Stamitz ;
chez le même .
IX.
Vingt - neuvième Recueil d'ariettes
d'Opéra - Comique , arrangées pour le
fortè- piano & le clavecin , par M. Pouteau
, Organiſte de St Jacques de la Boucherie
& de St Martin-des Champs , &
Maître de Clavecin ; prix 1 liv. 16 f. A
Paris , chez M. Bouin , Marchand de
muſique & de cordes d'inſtrumens , rue
St Honoré , près Saint Roch , au Gagne-
Perit. Ce recueil eſt compoſé de la ronde
d'Henri IV & autres ariettes .
Χ.
Six quatuors pour deux violons alto
& violoncelle , composés par M. J. B.
Moulinghen d'Halem , ordinaire de la
Comédie Italienne , mis au jour par M.
Bouin; OEuvre II . Prix 9 l.AParis, chez
MARS. 1775 . 205
I V.
Partition d'Henri IV, Drame lyrique ,
en trois actes & en proſe , mêlé d'ariettes,
mis en muſique par M. Martini , repréſenté
pour la première fois par les Comédiens
Italiens ordinaires du Roi , le 14 .
Novembre 1774. Cette pièce a eu le plus
grand ſuccès , & ſe vend 18 liv. chez le
fieur Sieber , rue Saint Honoré , à l'hôtel
d'Aligre, où l'on trouve plufieurs autres
oeuvres des bons Auteurs.
V.
:
1
3
Six quatuors pour deux violons alto
& baffe , par C. F. Abel , Op. XI ; chez
le ſieur Sieber , rue St Honoré , à l'hôtel
d'Aligre , ancien GrandConfeil.
1
V. I.
:
Six trio à trois violons concertans ,
par Demaky , Opera VIII ; chez le
même.
:
1
VII.
: Deux concerto à fûte principale,deux
106 MERCURE DE FRANCE.
violons alto & bafle , deux cors , par C.
Stamitz ; chez le même.
VIII.
Un concerto à violon principal, deux
violons alto & baſſe , par C. Stamitz ;
chez le même .
IX.
Vingt - neuvième Recueil d'ariettes
d'Opéra - Comique , arrangées pour le
fortè- piano & le clavecin , par M. Pouteau
, Organiſte de St Jacques de la Boucherie
& deSt Martin-des Champs , &
Maître de Clavecin ; prix I liv. 16 f. A
Paris , chez M. Bouin , Marchand de
muſique & de cordes d'inſtrumens , rue
St Honoré , près Saint Roch , au Gagne-
Perit . Ce recueil eſt compoſé de la ronde
d'Henri IV & autres ariettes .
Χ.
Six quatuors pour deux violons alto
& violoncelle , composés par M. J. B.
Moulinghen d'Halem , ordinaire de la
Comédie Italienne , mis au jour par M.
Bouin ; OEuvre II . Prix 9 l.AParis, chez
MARS. 1775. 207
M. Bouin, Marchand de muſique & de
cordes d'inſtrumens , rue St Honoré , près
Saint Roch ; Mile Castagnery , rue des
Prouvaires ; en Province , chez les Marchands
de muſique .
X I.
La Nouveauté, contredanſe Allemande
& Françoiſe , à douze figurans , dont
les figures font de M. Bacquoi Guédon ,
ci -devant Danſeur du Théâtre François ;
la muſique par M. Tiſſier , de l'Académie
Royale de Muſique .
La Nouvelle Mode , contredanſe à neuf
figurans , dédiée à M. Dauberval , Pea
fionaire du Roi , Académicien , & pre .
mier Danſeur de l'Opéra ; par M. Bacquoy
Guédon , Auteur des figures & de
la muſique .
La Rose, contredanſe à douze figurans
, dédiée à Mile de Cardonne ; par
le même , Auteur des figures & de la
muſique.
:
Le Génie de la danse , contredanſe
Allemande & Françoiſe à huit figurans ,
210 MERCURE DE FRANCE.
Roi , & épargna plus de douze cent
mille livres de dépenſes extraordinaires .
Cette action s'étant pallée en préſence
de Sa Majesté , Elle accorda la Croix de
St Louis à M. de l'Eſtang , & lui permit
de porter dans ſes armes cette deviſe honorable
: Ypris coram Rege captis. *
,
* Ce brave Officier , anobli déjà par ſon
zèle héroïque , & par le bonheur de ſes actions ,
le fut encore par les Lettres honorables que le
Roi , qui en avoit été témoin , lui accorda. Ce
fut après avoir rendu à ſa Patrie tous les ſervices
que ſa valeur , ſes talens & ſon expérience
pouvoient payer en tribut qu'il ſe
retira du ſervice , que ſes infirmités , fruits de
longs & pénibles travaux , ne lui permettoient
pas de continuer. Il eſt dans un âge
avancé , ſans fortune , père de pluſieurs jeunes
enfans , dont quatre fils ſollicitent à tant
de titres les bienfaits de l'Etat & larécompenfet
militaire d'un Officier diftingué.
MARS. 1775. 211
ACTE DE BIENFAISANCE .
PARMI les différens traits de bienfaiſance
conſacrés dans l'Hiſtoire , il n'y en
a point de plus capable d'intéreſſer les
âmes honnêtes & ſenſibles , que celui qui
vient d'arriver au Collège d'Harcourt.
C'eſt la leçon de tous les âges & de tous
les ſiècles. Il eſt au-deſſus des éloges
comme des expreſſions , parce que le
langage de l'âme ne ſe parle ni ne s'écrit.
Un Ecolier , âgé de dix- sept ans , étudiant
en rhétorique au Collège d'Harcourt
, a rencontré , il y a près de huit
mois , dans une de ſes promenades , un
homme couvert des haillons de la misère.
L'indigence & les malheurs avoient
altéré dans cet infortuné les traits d'un
anciendomeſtique qui l'avoit fervi autrefois
chez ſes parens. Il le reconnut avec
peine , & s'en approcha avec la pitié la
plus vive & le plus preſſant intérêt. Après
l'avoir interrogé ſur les cauſes de fon
infortune , à laquelle il remarqua que les
vices ni la pareſſe n'avoient aucune part ,
il lui affigna un rendez-vous ſecret pour
210 MERCURE DE FRANCE.
Roi , & épargna plus de douze cent
mille livres de dépenſes extraordinaires .
Cette action s'étant paffée en préſence
de Sa Majesté , Elle accorda la Croix de
St Louis à M. de l'Eſtang , & lui permit
deporter dans ſes armes cette deviſe honorable
: Ypris coram Rege captis. *
* Ce brave Officier , anobli déjà par fon
zèle héroïque , & par le bonheur de ſes actions ,
le fut encore par les Lettres honorables que le
Roi , qui en avoit été témoin , lui accorda. Ce
fut après avoir rendu à ſa Patrie tous les ſervices
que ſa valeur , ſes talens & fon expérience
pouvoient payer en tribut , qu'il ſe
retira du ſervice , que ſes infirmités , fruits de
longs & pénibles travaux ne lui permettoient
pas de continuer. Il eſt dans un âge
avancé , ſans fortune , père de pluſieurs jeunes
enfans , dont quatre fils ſollicitent à tant
de titres les bienfaits de l'Etat & larécompenfet
militaire d'un Officier diftingué.
د
MARS. 1775. 211
ACTE DE BIENFAISANCE .
PARMI les différens traits de bienfaiſance
confacrés dans l'Hiſtoire , il n'y en
a point de plus capable d'intéreſſer les
âmes honnêtes & ſenſibles , que celui qui
vient d'arriver au Collège d'Harcourt.
C'eſt la leçon de tous les âges & de tous
les ſiècles. Il eſt au-deſſus des éloges
comme des expreffions , parce que le
langage de l'âme ne ſe parle ni ne s'écrit.
Un Ecolier , âgé de dix- sept ans , étudiant
en thétorique au Collège d'Harcourt
, a rencontré , il y a près de huit
mois , dans une de ſes promenades , un
homme couvert des haillons de la misère.
L'indigence & les malheurs avoient
altéré dans cet infortuné les traits d'un
ancien domeſtique qui l'avoit ſervi autrefois
chez ſes parens. Il le reconnut avec
peine , & s'en approcha avec la pitié la
plus vive & le plus preſſant intérêt. Après
l'avoir interrogé ſur les cauſes de fon
infortune , à laquelle il remarqua que les
vices ni la pareſſe n'avoient aucune part ,
il lui affigna un rendez-vous fecret pour
214 MERCURE DE FRANCE.
F
ANECDOTES.
I.
Un Empereur Turc ſe faifoit montrer
fur la carte , la province de Flandre , le
ſujet & le théâtre de tant de guerres entre
les Princes Chrétiens. « Ce n'eſt que
>> cela , diſoit il avec mépris ? Si c'étoit
» mon affaire , la querelle ſeroit bientôt
» terminée ; j'enverrois un bon nombre
>> de pionniers , & je ferois jeter ce petit
>> coinde terre-là dans la mer » .
I I.
Henri IV voyoit Henriette de Balzac
d'Entrague , depuis Marquise de Verneuil
, du conſentement de ſes parens;
mais ils lui ſuſcitoient ſouvent des obftacles
: on vouloit apparemment ammener
le bon Prince àla promeſſe de mariage.
Un jour que le Roi alloit voir ſa
Maîtreſſe au Château de Marcouſſi , où
elle étoit avec ſa Mère , le Roi fit le tour
du Château , & en trouva tous les ponts
levés & toutes les portes fermées : il apMARS.
1775 . 215
perçut la Dame d'Entrague à une croiſée
, & lui demanda par où on entroit
chez elle : >> par l'Eglife , Sire , répondit.
elle ..
III.
Unjeune homme ſe vantoit d'avoir en
peude temps appris beaucoup de choſes ,
&d'avoir dépensé mille écus pour payer
ſes Maîtres.Quelqu'un de ceux qui l'écou
toient dit :fi vous trouvez cent écus de tout
ce que vous avez appris , je vous conseille
de lesprendrefans hésiter.
IV.
Un Faiſeur de critiques périodiques
diſoit dans une compagnie qu'il diſtribuoit
la gloire. Oui , Monfieur , lui répondit
quelqu'un , ſi généreusement , que
vous n'en gardezpas pour vous.
V.
Catherine de Médicis , Reine de
France , fit voeu que ſi elle terminoit heureuſement
une entrepriſe , elle enverroit
à Jérusalem un Pélerin, qui en feroit
214 MERCURE DE FRANCE.
ANECDOTES.
I.
Un Empereur Turc ſe faifoit montrer
fur la carte , la province de Flandre , le
ſujet & le théâtre de tant de guerres entre
les Princes Chrétiens. « Ce n'eſt que
>> cela , diſoit- il avec mépris ? Si c'étoit
» mon affaire , la querelle ſeroit bientôt
» terminée ; j'enverrois un bon nombre
>> de pionniers , & je ferois jeter ce petit
> coin de terre-là dans la mer » .
I I.
Henri IV voyoit Henriette de Balzac
d'Entrague , depuis Marquiſe de Verneuil
, du conſentement de ſes parens ;
mais ils lui ſuſcitoient ſouvent des obftacles:
on vouloit apparemment ammener
le bon Prince à la promeſſe de mariage.
Un jour que le Roi alloit voir ſa
Maîtreſſe au Château de Marcouſſi , où
elle étoit avec ſa Mère , le Roi fit le tour
du Château , & en trouva tous les ponts
levés & toutes les portes fermées : il apMARS.
1775 . 219
Journal des Causes célèbres , curieuses &
intéreſſantes de toutes les Cours Souve
raines du Royaume, avec les jugemens
qui les ontdécidées.
E Le ſecond volume de ce Journal a paru
le premier Février dernier; il contient
deux cauſes également célèbres. La première
préſente une accuſation d'impuifſance
intentée par une Marquiſe contre
fon mati . Elle contient les détails les
plus piquans , & l'analyſe des autorités
qui ſont éparſes dans tous les Ouvrages
des Jurifconfultes qui ont traité cette
queſtion. Ainſi cette cauſe peut fatisfaire
Ja curioſité de tous les Lecteurs , & inftruire
ceux qui s'occupent de l'étude des
Joix.
La feconde cauſe eſt la Roſière de
Salency , qui a été jugée le mois de Décembre
dernier , par le Parlement de Paris
. La célébrité de cette affaire nous difpenſed'endonner
une idée. Il n'eſt point
de Lecteurs auxquels cette cauſe nepuiſſe
plaire. Elle eſt écrite avec l'intérêt & la
ſtyle qui lui étoit propre.
K
216 MERCURE DE FRANCE.
le chemin à pied , en avançant de trois
pas & en reculant d'un pas à chaque
troiſième pas. Il fut queſtion de trouver
un homme allez vigoureux pour entreprendre
un ſi long voyage.Un Bourgeois
de Verberie , Bourg de Picardie , promit
d'accomplir ſcrupuleuſement le voeu ,
& remplir ſes engagemens avec une
exactitude dont la Reine s'aſſura . Cet
homme qui étoit Marchand de profefſion
reçut une ſomme en récompenſe ,
& fut annobli .
V I.
Une Dame de condition faifoit un
reproche au dernier Ambaſladeur Turc
en France , de ce que la loi de Mahomet
permettoit d'avoir pluſieurs femmes.
Ellele permet , Madame , lui répondit
galamment cet Ambaſſadeur , afin de
pouvoir trouver dans plusieurs , toutes
les qualités quifont raffemblées dans vous
Seule.
Journal
MARS. 1775 . 219
Journal des Causes célèbres , curieuses &
intéreſſantes de toutes les Cours Souve
raines du Royaume, avec les jugemens
qui les ont décidées.
Le ſecond volume de ce Journal a paru
le premier Février dernier; il contient
deux cauſes également célèbres. La première
préſente une accuſation d'impuifſance
intentée par une Marquiſe contre
fon mari . Elle contient les détails les
plus piquans , & l'analyse des autorités
qui ſont éparſes dans tous les Ouvrages
des Jurifconfultes qui ont traité cette
queſtion . Ainſi cette cauſe peut fatisfaire
la curiofité de tous les Lecteurs , & inftruire
ceux qui s'occupent de l'étude des
loix.
La feconde cauſe eſt la Roſière de
Salency , qui a été jugée le mois de Déceinbre
dernier , par le Parlement de Paris
. La célébrité de cette affaire nous difpenſed'endonner
une idée. Il n'eſt point
de Lecteurs auxquels cette cauſe ne puiſſe
plaire. Elle eſt écrite avec l'intérêt & la
ſtyle qui lui étoit propre.
248 MERCURE DE FRANCE.
On doit favoir gré aux Auteurs de
cèt Ouvrage d'avoir enrichi la littérature
Françoiſe d'un genre qui réunit l'utile à
l'agréable. Ce Journal ſera dans la ſuite
undes recueils les plus intéreſſans & les
plus inſtructifs que nous ayons en Jurifprudence.
Il eſt compoſé de 12 volumes par an
dont il'en paroît un chaque mois. Le
prix de la ſouſcription pour la Province ,
franc de port , eſt de 24 liv. & pour Paris
de 18 liv. On ſouſcrit chez le ſieur Lacombe,
Libraire , rue Chriſtine.
AVIS.
I.
Chocolat de ſanté.
Is ficur Rouffel , Marehand Epicier dans l'Abbaye
St Germain des Prez , en entrant par la rue
Sainte Marguerite , attenant à la Fontaine ,
Conſidérant que l'uſage du chocolat devient
ordinaire , tant pour la ſanté que pour l'agrément
, afluré d'ailleurs de la bonté de fa fabrique
, par le témoignage & les applaudiflemens de
pluſieurs perſonnes de distinction & de goût , qui
lui ont conſeillé de le faire connoître , il donne!
avis au Public , qu'en qualité de Citoyen , qui
MARS . 1775 . 219.
veut être utile à ſes Compatriotes , & pour éviter
toute mépriſe , il fait mettre fur chaque pain de
chocolat fortant de ſa fabrique , l'empreinte de
fon nom & fa demeure. Le prix du chocolat de
ſanté de la meilleure qualité , eſt de 3 liv . à une
demi vanille , 31 , celui à une vanille , 41.; & 5
1. pour celui qui eſt à deux vanilles .
I 1 .
Boîte nouvelle.
La Faye , Marchand , rue Plâtriere , à Paris , a
eu l'honneur de préſenter , le 17 Janvier , à Sa
Majesté une boîte allégorique du vrai bonheur
des François . C'eſt' le Temps qui decouvre la Vé
rité & terrafle l'Envie , la Fourberie & la Difcorde.
La Vérité parvient au Roi, qui la ſoutient
avec bonté d'une main , & de l'autre défigne la
juſtice qu'il fait rendre à tous ſes Sujets.
3
Ce médaillon a été trouvé ingénieuſement
imaginé , & intéreſſant ; en conféquence le fieur
la Faye a fait établir de ces mêmes médaillons fur
diverſes boîtes de différens prix pour mettre le
Public à portée d'avoir l'allégorie qui démontre à
tout bon Citoyen que Sa Majesté eſt toujours prête
àloutenir la Vérité , & à faire le bonheur de ſes
Sujets.
111.
Magafin Littéraire.
Quillau , Libraire à Paris , rue Chriſtine , près
la rue Dauphine , Fauxbourg St Germain , tenant
leMagaſin Littéraire pour la lecture par abonne
Kij
220 MERCURE DE FRANCE.
ment, ſoit à l'année , ſoit au mois , donne avis
au Public qu'il vientd'augmenter ſa Bibliothèque
des livres les plus intéreſſans endifférens genres ,
qui ont paru en 1773 & 1774. On trouve au Magafin
Littéraire le Profpectus de cet utile& agréa
ble établiſſement , où les conditions de l'abonnement
font expliquées plus au long , avec le catalogue
des livres deſtinés à la lecture. Le prix de
J'abonnement est de 24 liv. par an , &de 3 liv.
par mois. Les perſonnes qui font abonnées peuvent
venir lire gratis au Magaſin les Ouvrages
périodiques , comme Journaux &Gazettes , confulter
lesgrands Dictionnaires , ainſi que les Mé
moires de l'Académie des Sciences & ceux de
PAcadémie des Inſcriptions & Belles-Lettres.
IV.
Nécrolage,
Le Nécrologe de l'année dernière eſt imprimé ;
cevolume contient les éloges de MM. de la Condamine
, de Pont- de- Vêle , Tannevor , Dupré de
St Maur , Mariette , Hériſſant , Dorigny , Fré
zier , l'Abbé de Villars , le Gouz de Gerland &
Blondel.
On trouve auſſi à la fin de ce volume l'étiquette
des différens deuils de famille,
CerOuvrage ne ſe diſtribue qu'au Bureau royal
de correſpondance , rue des deux Portes Saint
Sauveur. La ſouſcription eſt de trois livres , franc
de port , pour Paris , & le même prix pour les
étiquettes des deuils de Cour pour l'année.
On ſouſcrit auſh audit Bureau pour la Gazette
d'agriculture, commerce , arts & finances , par
M. l'Abbé Roubaud , ainſi que pour les Nouvel
MARS. 17730 221
les Ephémérides économiques par M. l'Abbé Bau
deau; l'abonnement de chacun de ces Ouvrages
périodiques , eſt 241. pour l'année , franc de post
par tout le Royaume.
V.
Cours public de maladies des femmes
d'accouchemens.
M Alphonſe Leroy , Docteur-Régent en la
Faculté de Médecine de Paris ; commencera le
lundi 6 Mars 1775 , en faveur des Etudians en
Médecine , un cours publicde maladies des femmes&
d'accouchemens , qu'il continuera les londi
, mardi , jeudi & vendredi de chaque ſemaine ,
àquatre heures&demie duſoir.
Dans l'amphithéâtre de la Faculté , rue de la
Bucherie, vis-à- vis le Petit- Pont de l'Hôtel-
Dien.
NOUVELLES POLITIQUES.
De Constantinople , le4 Janvier 1775 .
Οn mande que le Comte de Romanzow n'a
point encore achevé l'évacuation de la Moldavie.
On en donne pour raifon que la Porte ne
lui a pas encore remis la forterelle de Kilbourn.
Suivant le Traité , il eſt autorisé à retenir , dans
se cas, les villes de Bender & de Choczim.Me-
Кüj
222 MERCURE DE FRANCE.
lekMehemet Pacha , ci-devant Caïmacan , vient
d'être nommé Pacha de cette derniere ville.
Des Frontières de la Pologne, le 28 Janvier
1775.
La Cour de Pétersbourg a fait publier une
eſpece de Manifeſte ou de Déclaration ſur la
findes troubles intérieurs de la Ruſſie , & fur la
priſe du Chef des Rebelles. L'entrée triomphante
du Feld-Maréchal Comte de Romanzow à Mofcou
, ſuivra celle de l'Impératrice. Cette Princefle
le recevra à cheval ; & le Général ne defcendra
pas du ſien. Ils paſſeront ſous deux arcs
de triomphe oppofés , & ſe rencontreront dans
l'intervalle qui les ſépare. L'un de ces arcs a
coûté quinze mille roubles , & l'autre vingthuit
mille. Toute l'armée Ruffe a paflé le Dniefter.
Le Feld-Maréchal aura ſon quartier général
à Kaniou , près de Bralacierkiew , dans l'Ukraine.
Polonoife. Vingt Régimens s'étendront du Dniefter
, par la Lithuanie , juſqu'à la Livonie. Le
refte demeurera en Volhynie & en Ukraine avec
le Général .
De Vienne , le 18 Janvier 1775 .
Les glaces , en fe rompant , avoient empotté
une arche du Pont du Danube. L'Empereur
adonné des ordres ſi précis , que cette arche
a été réparée en deux jours , & qu'on pafle actuellement
ſur le pont.
DeBerlin , le 28 Janvier 1775 .
Le Profeſſeur Gleditích ayant donné un Ou
MARS. 1775 . 223
vrage qui a pour titre : Introduction systématique
à la science des Forêts , le koi en a été fi
fatisfait, qu'il lui a fait remettre une ſomme
conſidérable par le Directoire en chef des Finances
, des Guerres & des Domaines , une lettre circulaire
, par laquelle Elle recommande effentiellement
la lecture de cet Ouvrage , aux Officiers
des Forêts .
De Berghen en Norwege , le 13 Décembre
1774
11 regne en ce pays une parfaite tranquillité :
on ne s'y occupe que du ſoin d'en améliorer le
terroir , naturellement peu fertile , & de mettre
à profit le produit des pêches . Quoique la Littérature&
les Arts y ſoient encore dans l'enfance ,
il y a cependant quelques perſonnes éclairées qui
s'occupent des Sciences utiles. Pluſieurs ſe ſont
réunies , & ont formé une eſpece de Société
d'Agriculture. Ce premier de tous les Arts com -
nience à faire quelques progrès. Les Cultivateurs
font encouragés pardes récompenfes proportionnées
à leurs talens &à leur intelligence,
De Drefde , le 7 Février 1775 .
Il n'ya point eu d'exemple dans ce ſiècle d'un
froid auffi violent que celui qu'on a éprouvé
deux jours de ſuite en Siléfie. Le 21 Janvier le
thermometre étoit à 17 degrés au-deſlous de la
glace , & le lendemain il defcendit à 20. Le froid
apar conséquent été de 4 degrés plus rigoureux
qu'en 1709. Tout commerce a été interrompu
pendant ces deux jours. Des ſentinelles ont été
Kiv
224 MERCURE DE FRANCE.
trouvés gelés dans leurs guérites , &on n'apu les
tappeler àla vie.
De la Haye, le 20 Janvier 1775.
On a cru ici ne pouvoir mieux remédier à la
mortalité des beftiaux qu'en introduiſant des bêtes
étrangeres , à la faveur d'unediminution fur
les droits d'entrée qui , en conféquence , feront
réduits cette année de vingt florins à cinq , entre
le premier jour d'Avril &le dernier de Juin.
Les départemens de l'Amirauté d'Amſterdam
&de Rotterdam ont publié , à l'occaſion de la
déclaration de guerre du Roi de Maroc , un avis
qui , àcommencer au premier Février prochain ,
allure aux Négocians , un convoi depuis Portf
mouth juſqu'àGibraltar.
Les Etats Généraux ont rendu le 23 Janvier;
une Ordonnance relative à la déclaration de
guerre du Roi de Maroc. En conséquence de ce
réglement, dont les diſpoſitions tendent à exciter
lezele des Officiers & des Equipages , la portion
des priſes qui'a appartenu juſqu'ici au Fiſc , refrera
en propriété aux vaiſſeaux qui les auront
faites. Il leur fera cédé un cinquieme des effets
ou des bâtimens Hollandois repris ſur l'ennemi
enquarante- huit heures ; & un quart , a la res
priſe a lieu plus tard.
On voit ici depuis quelques jours l'Ukrafe de
l'Impératrice de Ruſſie du 19 ( 30 ) Décembre ,
concernantle Chef des Rebelles du Jaïck, Le nom
&la patrie que quelques relations lui ont donnés,
s'y trouvent confirmés.
Jemelka Pugatſchew , ne ſur leDon, àStanite
MARS. 1775 . 225
zaen Simoweis , a eu pour pere & pour ayeul
des Colaquesdu même endroit. Sa femme , appelée
Sopha , eſt fille d'un Coſaque nommé Dmitry
Nicoforow . Pugatſchew a ſervi chez les Pruffiens
, & enſuite dans les campagnes des Rufles
& des Turcs. Après la priſe de Bender il follicita
fon congé , qui lui fut refuſé. Apprenant que fon
beau- frere étoit envoyé à Taganrok, il alla le trouver
,& lui perſuada de fuir avec lui & pluſieurs
de leurs Compatriotes , aux bords du Jaïk , où
les nouvelles publiques Font fuivijuſqu'au moment
de la détention.
D'Anamour en Caramanie , le 12 Novembre
1774
Koyoundgy Paclia , qui pafle au Gouverne
ment d'Adena , eſt arrivé depuis quelques jours ,
à la tête de dix mille hommes de troupes', de
Conſtantinople au Caraman , ville capitale de
cette Province. Il leve , par- tout où il pafle , de
fortes contributions ; & le Caraman n'en ſera pas
quitte pour cent bourſes. Ce Pacha , Grand Jufticier
, &muni des ordres de la Porte , fait ſaiſir
fur la toute tous les Agas des envitons , qui tya
rannifoient les Peuples , & qui s'étoient rendus
indépendans. Il les dépouille & leur fait couper
la tête : il en a déjà fait périr un grand nombre.
La confternation augmente dans chaque endroit
où il arrive , à proportion du léjour qu'il y fait.
Tout particulier riche craint d'être impoſé : cependant
il n'opprime point le peuple , & il fait
obferveràſa troupe une exacte difcipline.
226 MERCURE DE FRANCE.
Dela Corogne , le 21 Janvier 1775 .
On vientd'envoyer en toute diligence , à Malaga
, un détachement de deux cens hommes du
Corps Royal d'Artillerie , qui paſſeront vraiſemblablement
aux Préſides d'Afrique.
De Carthagène , le 28 Janvier 1775.
Treize bâtimens marchands de différens pavillons
, firent voile hier matin , ſous l'eſcorte d'un
chebec & d'une frégate de Sa Majesté , que commande
le ſieur de Salafranca . Ce convoi tranfporte
à Oran des munitions de guerre & de bouche.
DeCadix , le 13 Janvier 1775.
Les Eſclaves Maures dont Sa Majesté fait préſent
au Roi de Maroc , ont été embarqués le
de ce mois , au nombre de cent treize , avec l'Envoyé
de ce Prince & fa ſuite , ſur le vaiſleau le
Saint Janvier , qui a fait voile , le 11 , pour
Larache.
De Turin , le 15 Janvier 1774-
Dimanche , 12 de ce mois , le Roi déclara à ſa
Cour le mariage arrêté entre le Prince de Piémont
fon fils & Madame Clotilde de France. il y a cu
beaucoup de fêtes à cette occafion.
De Gênes , le 6 Février 1775-
Le 26 Janvier , le Doge Pierre- François GriMARS.
1775 . 227
maldi , ayant fini le temps preſcrit pour l'exercice
de cette dignité , quitta le Palais Ducal , &
ſe retira dans le ſien, avec les formalités ordinaires.
Le lendemain matin le Grand Conſeil s'alfembla
pour procéder à l'élection d'un nouveau
Doge. Il nomma quinze Sujets , que le petit Confeil
réduifit à fix ; & mercredi dernier il choifitentre
ces fix Candidats le noble Brizio Giuſtiani.
Cette élection fut annoncée au peuple par le fon
de la grande cloche. Le nouveau Doge reçut le
même jour , les complimens du Corps de la Nobleſle
, de l'Archevêque , des Miniſtres étrangers ,
&des Chefs d'Ordres Religieux.
Le Capitaine d'un Navire Anglois , venant de
Tunis , a rapporté qu'au moment de ſon départ ,
il y étoit arrivé une Frégate d'Alger de trentefix
piéces de canon &de cent hommes d'équipage,
avec une Polacre & une Tartane Napolitaines
dont elle s'étoit emparé. La Polacre , qui étoit
en leſt , eſt restée à Tunis pour y être vendue ; &
la Tartane , qui avoit un chargement de diverſes
marchandises , a été renvoyée à Alger.
:
De Rome , le 25 Janvier 1775.
Dans une fouille qui ſe fait à deux milles de la
Porte Majeure , on a découvert , entr'autres monumens
antiques , trois grands buſtes de marbre ,
très bien conſervés : on ne fait quels perſonnages
ils repréſentent. Il y avoit à côté un farcophage
demarbre blanc , orné de bas-reliefs , avec une
inſcription grecque dans le milien , & deux têtesqui
parviflorent être celles de Bacchus &d'Ariane.
K vj
228 MERCURE DE FRANCE.
De Londres, le 3. Février 1775 .
On mande de Williamsbsurg dans la Virginie
endate du 12 Novembre , que les Virginiens ſoutiennent
avec chaleur la cauſe de l'Amérique.
Le Capitaine Eaſton étant arrivé à New-Yorck
avec deux caiſſes de thé , le Comité du Comté
s'atlembla & décida que le thé ſeroit détruit. &&&
quedans vingt jours le vaiſſeau partiroit pourLondres
, ſans pouvoir faire aucun chargement. Le
thé futen conféquence jeté à la mer,& le vaisseau
fera forcé de s'en retourner en laſt.
Des nouvelles récentes de Boſton portoient que
le 22 Décembre on y avoit reçu de l'orſmouth la
lettre ſuivante datée du 16 du même mois.
Nous avons éprouvé ici , il y a deuxjours , une
violente alarme. Sur un avis reçu de Boſton par
un Exprès , que deux Régimens étoient en marche
pour prendre potleſſion de notre fort, deux cens
hommes s'aflemblèrent au bruit du tambour , &
s'y rendirent dans deux Gondoles. Un autre corps
de cent cinquante hommes ſe joignit à eux , &
cette troupe demanda qu'on leur livrât le fort. Le
Capitaine Cookran , qui y commandoit , refuſa
de ſe rendre , & fit pointer contre eux deux canons.
Alors latroupe eſcalada les remparts , dé
farma le Capitaine & ſes gens, & s'empara de
quatre- vingt dix- sept barilsde poudre, qui furent
mis àbord des Gondoles , après quoi on les tranf
porta dans la ville , & enfuite à quelque diſtance
dans les-terres . Depuis cette expédition , une foule
de gens accourent de la campagne en corps de
roupe, & la ville en étoit hier remplie. Ils ont
choisi des Députés pour aller trouver leGouver
MARS. 1775 229
neur. Celui ci les a atlurés qu'il ignoroir qu'on
eût aucun deſſein d'envoyer des troupes , ar des
vaifleaux.
De Versailles , le 9 Janvier 1775-
L'Archiduc Maximilien - François , frere de
Empereur , qui voyage ſous le nom du Comte
deBourgau , arriva mardi dernier au château de
la Muette , où la Reine alla le recevoir; & le lendemain
il fut préſenté à Leurs Majestés & àla Famale
Royale par le Comte de Mercy , Ambafladeur
de LL. MM. Im. & R.
On a appris par un Courier arrivé de Rome le
22, que le Cardinal Braſchi , né à Celene le 27
Décembre 1717 , & élevé à la pou: pre Romaine
en 1773 , a été élu Pape le 15 de ce mois &a
pris lenom de Pie VI.
De Paris , le 4 Février 1775.
:
Les. Préſidens & Conſeillers de ancien Parle
ment de Bretagne , qui avoient été mandés à
Rennes le 15 Décembre , & à qui le Comte de
Goyon , Commandantde la Province , avoit fart
diftribuer des lettres de cacher , par leſquelles il
leur étoit ordonné de ſe ren Ire au Palais le lende
main pour y attendre en filence les ordres du Roi ,
qui devoient leut être notifiés par le fieur de Viar
mes , Conſeiller d'Etat , y'entrerent (éparément le
16 à huit heures du matin ; & à neuf heures , le
heur de Viarmes y arriva au bruit du canon de la
Ville & au milieu des acclamations du Peuple.
Après ſon discours , on fit lecture de trois Edits ,
L'unpour la ren rée du Parlement,l'autre pour fa
230 MERCURE DE FRANCE.
difcipline & le troiſieme pour l'attribution aux
Préfidiaux . Les Gens du Roi ayant enſuite requis
l'enregistrement de ces Edits , on y procédadans
la même féance.
:
PRÉSENTATIONS .
La marquiſe de Turpin de Criflé , & la marquiſedeCourbon-
Blenac , furent présentées le 29
Janvier à Leurs Majeſtés , & à la Famille Royale ;
la premiere , par la Conteffe de Turpin de Criſfé,
&la ſeconde , par la Duchefle de la Vauguyon ,
dame d'honneur de Madame.
La vicomteſſe d'Eſpinchal , & la comtefle de
Pardaillan ont eu l'honneur d'être préſentées , le
5 Février , au Roi & à la Famille Royale; la
premiere , par la comtefle de Teffé , &la ſeconde,
par la duchefle d'Uzès.
Le 12 Février , le comte d'Adhémar , Miniſtre
plénipotentiaire du Roi à Bruxelles , lui fut préſenté
par le comte de Vergennes , & prit congé
de Sa Majefté.
Les ſieurs Brunet , Aubier & Dalbiat , députés
de la Sénéchauflée & Siége Préſidial deClermont-
Ferrand , curent l'honneur d'être préſentés , le s
Février , àMonſeigneur le Comte d'Artois , & de
lui faire leurs remercimens , au nom de leur compagnie
, pour laquelle ils ont obtenu la distinction
deporter la robe rouge.
Le 19 Février , la comtefle de Ségur fut préfentée
au Roi & à la Reine , ainſi qu'à la Famille
Royale , par la marquiſe de Segur...
MARS. 1775 . 231
:
NOMINATIONS .
Le Roi a diſpoſé du Confulat de Cadix , vacant
par la mort dn ſieur de Guyabry , en faveur du
fheur du Pleſſis de Mongelas.
Le Roi a nommé auConsulat deLisbonne, vacant
par la retraite du ſieur Beffiere, le fieur Brochier,
Conful àAlicante ;& à celui d'Alicante, le ſieur de
Puyabry. S. M. a également diſpoté du Confulat
de Gênes , vacant par la retraite du fieur Regny ,
en faveur du ſieur Raulin , Chancelier , & ci devant
Secrétaire d'Ambaſlade à Conſtantinople.
Le 12 Février , le duc de Coflé , Capitaine
commandant les Cent-Suifles de la garde du Roi ,
en ſurvivance , eut l'honneur de faire ſes remercîmens
à Sa Majesté , pour la place de Gouverneur
de Paris , dont Elle l'a porvu , fur la démiſſion du
Maréchal Ducde Briflac , fon pere Il fut préſenté,
en cette qualité , à la Reine & à la Famille
Royale.
Le même jour , le comte de Caraman prêta
ferment entre les mains du Roi , pour la Lieutenance-
générale de la province de Languedoc ,
dont s'est démis le comte de Maillebois .
Le Roi a donné l'Abbaye de Fontenay , Ordre
de St Benoît , dioceſe de Bayeux , à l'abbé de
Montazet , vicaire général de Lyon .
Le 20 Février , le ſieur de Fourgueux , Conſeiller
d'État , eut l'honneur de faire ſes remercîmens
au Roi pour l'adjonction à la charge d'Intendant
des finances du ſieur Trudaine , & prit en
même temps congé de Sa Majesté , qui l'a nommé
232 MERCURE DE FRANCE.
pour accompagner en Guyenne le comte de
Noailles , à la place du ſieur Ogier.
Le Roi a accordé àM. le marquis de Durfort
unbrevet de duc , & lui a permis de prendre le
nom de Civrac , qui eſt celui de ſa branche
dont il eſt l'atoé. Il a eu l'honneur de faire à ce
fujet ſes remercimens au Koi , à la Reine & à la
Famille Royale , & de leur être préſenté , en
cette qualité , le 24 Novembre 1774 .
Madame la ducheſſe de Civrac a été préſentée
par madame la ducheſle de Duras le 27 .
NAISS NCES
UnefemmedeClelles , en Dauphiné , nommés
Brun , accoucha au mois de Décembre dernier ,
de deux garçons & d'une fille , qui moururent peu
⚫dejoursaprès.
Marie- Magdeleine-Louiſe Coureux , épouſe de
Nicolas Chaſlinte , graveur , eſt accouchée à
Paris le 23 Janvier , de trois garçons , qui ont
été baprilés le même jour à St Barthélemy , &
qui ſe portentbien, ainſi que leur mère.
La Comrefle de Baſchi du Cayla eſt accouchée
d'un garçon le 17Février.
Le 23 Décembre 1774 , la nommée Catalina
de Magueta , native d'Ongot , au royaume de
Navarre , étant groffe de ſept mois accoucha às
fept heures du matin , d'un garçon , qui meurur
un quart d'heure après; & à ſept heures du feir ,
d'un garçon & d'une fille , qui ne vécurent qu'une
demi-heure. A minuit , elle fut encore délivrée
d'une fillemorte,&dont le corps paroifloitmeur
MARS. 1775. 233
tri. Les trois premiers enfans ont été ondoyés ; la
mere , quoiqu'âgée de trente- fix ans , n'a été que
peu de temps à ſe rétablir de ſes couches.
On écrit de Poitiers , que la nommée Susanne-
Elifabeth Roufleau , de l'Ifie de Noirmoutier
enceinte de ſept à huit mois , y eſt accouchée le
28 Janvier de quatre filles , qui ont reçu le baptême
, & font mortes quelques heures après.
MARIAGES.
1
Le 1s Janvier , Leurs Majestés , ainſi que la
Famille Royale , ſignerent le contrat de mariage
du marquis de Fraguier , Brigadier des armées du
Roi , & Lieutenant de ſes Gardes -du- Corps , compagnie
Écoffoiſe , avec la marquiſe d'Oyfonville .
Le 29 Janvier , elles ſignerent celui du marquis
d'Eſcorches de Sainte-Croix ,& demoiselle Talon.
Le Roi & la Reine , ainſi que la Famille Royale,
fignerent , le 12 Février , le contrat de mariagedu
marquis de Creſt , Lieutenant- colonel d'Infanterie
, avec demoiselle de Raffelot.
Le 14 Janvier , Leurs Majestés & la Famille
Royale , ignerent le contrat de mariage du marquis
de Coigny avec demoiselle de Conflans.
MORTS.
N. de Montvalon , Conſeiller clerc au Parlement
d'Aix , & de la Chambre - Souveraine du
Clergé de la Province , abbé commandataire de
P'Abbaye royale de Saint-Rambert , Ordre de St
Benoît diocéſe de Lyon , eſt mort à Aix ,le ar
234 MERCURE DE FRANCE.
Janvier dernier, dans ſa ſoixante- neuvieme année.
Marc- Jofeph Bally de Roiſon , prevêt du Chapitre
de l'égliſe collégiale &chapelle royale de
Saint-André , abbé commandataire de l'Abbaye
royale de Bonnevaux , ordre de Cîtaux, dioceſe de
Vienne,&vicaire général du dioceſe de Grenoble ,
eſt mort à Paris ,le 24 Janvier , âgé de quarantetrois
ans .
N. de Piedoue de Charſigné, prêtre , abbé commandataire
de l'Abbaye royale de Fontenay, ordre
de St Benoît , dioceſe de Bayeux , eſt mort à Caen,
le 24 Janvier , dans la foixante - treizieme année
de fon âge.
Claude-Marie- Joſeph de Saint George , épouſe
d'Abel-Claude- Marie , marquis de Vichy , ancien
guidon des Gendarmes de Berry, & chevalier de
Fordre royal & militaire de Saint- Louis , eſt morte
le 27 Janvier en ſon château de Montceaux , en
Maconnois , dans la trente- troiſieme année .
Magdeleine-Angélique de Montmorency-Luxembourg
, foeur de la ducheſſe de Montmorency,
& ſeconde fille du feu duc de Montmorency ,
capitaine des Gardes -du-Corps , & de Louiſe Françoiſe
Pauline de Montmorency Luxembourg-
Tingry , aujourd'hui princeſſe de Montmorency ,
eltmorteàGenève, le 27 Janvier,dans ſa ſeizteme
année.
Le nommé Langevin , ancien ſoldat au régiment
de Champagne , eſt mortà Arpajon , âgé de
cont ans & deux mois ; il fe reſſouvenoit de tous
les fieges & de toutes les batailles où il s'étoit
trouvé,& il en rendoit un compte exact . Il ajoui,
juſqu'à ſa mort , d'une très -bonne ſanté.
Sophic Auguſte , princeſſe de Salm-Salm , chanoineſle
de Mons , mourut le 30 Janvier à Seno
$
MARS. 1775. 235
nes , capitale de la principauté de Salm - Salm ,
àquinze lieues de Nancy âgée de trente- neufans .
Marie-Louiſe- Catherine de Rogrès de Lufignan
de Champignelles , veuve du marquis de Dampierre
, capitaine des vaifleaux du Roi , eſt morte
le 3 Février en ſon château de Dompierreen Cham-.
pagne , âgée de ſoixante- onze ans.
La nommée Marie Marti eſt morte le 20 Décembredans
la paroifle de la Mongie Montaſtruc ,
près de Bergerac , âgée de cent fix ans. Elle a conſervé
, juſqu'au dernier moment de fa vie , une
mémoire ſurprenante.
Antoine-Joſepli Gaſpart de Noizet de Saint-
Paul , maréchal de camp , directeur des fortifications
de la province d'Artois , & de partie de celle
de Flandre , & commandant pour le Roi au fort
de Saint-Sauveur de l'Iſſe , eſt mort à Aire , le 8
Février , dans la foixante-ſeizieme année de fon
âge.
Jean-BaptisteVivien de Chateaubrun , l'un des
fous-gouverneurs du duc de Chartres , & l'un des
quarante de l'Académie françoise , eſt mort à
Paris, le 16 Février, âgé de quatre- vingt-trois ans.
Lanomméé Barbe Zakrzewska vient de mourir
à Minski , en Pologne , à l'âge de cent quinze
ans & trois mois.
La nommée Magdeleine Lori eſt morte à Florence
dans ſa cent quatrieme année. Elle laisse
'une fille âgée de ſoixante- treize ans , & deux fils ,
dont l'un en a quatre-vingt , & l'autre ſoixantefeize.
Frere Achille Charles - Paul- Alexis - Anne de
Kerouartz , chevalier de l'ordre de Saint-Jean de
Jérusalem, commandeur de la commanderie de
Théval , eſt mort à Paris le rs Février , dans la
ſoixante-neuvieme année de lon âge.
236 MERCURE DE FRANCE.
Frere Jacques de Foudras , chevalier-grandcroix
de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem , comm
mandeur des commanderies de Pontaubert , & de
Thors & Corgebin , eſt mort à Paris , le 16 Février,
dans ſa ſoixante-unieme année.
Jean- Joseph Chapelle de Jumilhac de Saint-
Jean , archevêque d'Arles , abbé commandataire
de l'Abbaye royale de Bonneval- Saint- Florentin ,
ordre de Saint Benoît , diocese de Chartres, pre
Jat-commandeur de l'ordre du Saint-Esprit, eft
mort à Paris , le 21 Février , dans la foixante-newvieme
année de ſon âge.
Jean- François Ogier , préſident honoraire au
Parlement de Paris , ci-devant ambalfadeur de
France en Dannemarck , nommé conseiller d'état
en 1766 , eft mort à Paris , le 23 Février , dans
ſa ſoixante onzieme année. Ce magiftrat , qui a
toujours fait connoître des talens lupérieurs dans
Jes différentes places qu'il a remplies , eſt univer
ſellementregretté.
LOTERIES.
Le cent ſoixante-dixième tirage de la Loterie
de l'Hôtel - de - Ville s'eſt fair , le 25 du mois
de Février , en la manière accoutumée. Le lot de
cinquante mille liv. eſt échu au No. 58361. Celui
de vingt mille livres au N°. 45996 , & les deux
dedixmille , aux numéros 46251 & 58649 .
Letiragede la loterie de l'Ecole royale militaire
s'est fait le 6 de Février. Les numéros fortis de
la rouede fortune ſont 80 , 5 , 11, 28 , 35. Le
prochaintirage le fera le 6Mars,
MARS. 17750 237
PIECES
Les Chevaux , fable .
TABLE.
IECES FUGITIVES en vers&en proſe , pages
Eglogue , la Bergere déſintéreſlée ,
ibid.
10
L'heureux débarquement , 13
La Bienfaiſance , 15
Couplets d'Henri IV à M. de Roz 29
Iris & fa Bonne , conte. 31
Au Roi , 33
Chanſon faitepar le Régiment du Roi à Nanci . 34
Couplets adreſlés à M. le Marquis de Choiſeul
la Baume , 35
Couplets , 37
Dialogue entre Olivier Cromwel & le Cardinal
deRichelieu , 39
Quatrain à Mode de Laifle , 46
pour mettre au bas du portrait du Roi. 47
-- à M *** qui étoit après à faire le portrait
du Roi . ibid.
AM. le Comtede Rochechouars Faudouas , 48
Etrennes à Mde la Comtefle de Brionne. 49
Quatrain. ibid.
Impromptu à M. Pouteau , 50
à unejeune Dame , ibid.
Le Miroir & l'Eau , fable. SF
AM. Greflet.
52
A Mlle deSt Marcel ,
Lepouvoir de l'Amour & celui de Plutus. ibid.
Imitation d'un madrigal Italien , 54
Air , ibid.
Tableaux de l'Amour & de l'Amitié ,
55
Vers pour les portraits de M. & Mde D. 58
Explication des Enigmes & Logogryphes , ibid.
ENIGMES, رو
238 MERCURE DE FRANCE.
LOGOGRYPHES ,
Couplets de la Faufle Magie.
NOUVELLES LITTÉRAIRES ,
Nouvelles Ephémerides économiques.
Hiſtoire fecretedu Prophete des Turcs .
Directions pour la conſcience d'un Roi ,
61
65
71
ibid.
70
71
Almanach de l'étranger qui ſéjourne à Paris , 72
Révolutious d'Italie , 73
Réfutation de l'Ouvrage qui a pour titre : Dialogue
ſur le commerce des bleds ,
Almanach encyclopédique de l'Hift . de France . 82
Le Clergé de France ,
81.
83
Recherches fur les remedes capables de difloudre
la pierre& la gravelle, 85
Traduction d'anciens ouvrages latins relatifs à
l'agriculture , &c .
88
4
Ecrits politiques &économiques १०
Eloge deMathieu Molé , 92
Hiſtoire générale de l'Afie , de l'Afrique & de
l'Amérique. 94
George&Molly. 109
Dralogue entreHenri IV , le Maréchal de Biron
&le brave Crillon , 112
Difcours fur la découverte de l'eau vulnéraire
de Comere . IIS
La nouvelle imprévue , 117
Difcours contenant l'hiſtoire des Jeux Floraux
& celle de Dame Clémence , 121
Almanach dédié à Monfieur , 125
La Ferme de Penſylvanie , 126
Hiftoire de Maurice , Comte de Saxe , 132
Etat actuel de la Muſique du Roi.
Les Spectacles de Paris ,
Petit guide des lettres ,
Conférences Eccléſiaſtiques ,
Opérations des changes des principales places
134
135
136
ibid.
de l'Europe , ibid.
MARS. 1775 . 239-
Contes mis en vers , 137
Diſcours ſur l'éducation , ibid.
Cléopâtre , Tragédie , 138
Mémoires pour ſervirà l'hiſt. de notre Littérat . ib .
Théorie des paradoxes , ibid.
Abrégé de l'Hift. &des Mém. de l'Acad. Royale
des Sciences , ibid .
La Finance politique , 139
Examen & réfutation des réflexions ſur le prêt
de commerce , ibid.
Précis des maladies chroniques & aiguës , ibid.
Des tropes , ibid.
Mém, de Mlle de Steruheim , 140
Théâtre de campagne , ibid.
OEuvres de M. de Saint Marc , ibid.
Zély ou la difficulté d'être heureux , ibid .
Alınanach des Muſes , 141
:
OEuvres de Théâtre de M. de Saint - Foix , ibid.
Les confidences d'une jolie femme , ibid.
La Victime mariée , ibid.
Le Décaméron françois , ibid.
Ode fur l'hift, de France du Préſid. Hénault , 142
Jean Hennuyer , Evêque de Lisieux , ibid.
Les cent Nouvelles nouvelles , ibid.
L'art de régner , ibid.
Epître à un Ami.
ibid.
Eloge de M. Piron . 143
*L'âme d'un bon Roi ,
ibid...
Dica portatifde l'Ecriture Sainte , ibid.
144 Almanach général des Marchands ,
-
aſtronom . & hift. de la ville de Lyon , 145
Effai patriotique ,
Mémoires littéraires , critiques , &c.
Réflexions fur la caifle de Poifly ,
L'étude propre à l'homme ,
Le grand oeuvre dévoilé ,
146
ibid.
147
ibid.
Lelivre fans titre ,
ibid.
ibid.
240 MERCURE DE FRANCE.
Etrennes du Parnaſſe , ibid.
Recherches & réflex . fur la poësieen général. 148
Notices des Poëtes Latins &Grecs , ibid.
SPECTACLES , Concert Spirituel , ibid.
Opéra , 149
Comédie Françoiſe 152
Comédie Italienne
, 163
ACADÉMIE Françoiſe , 173
Sciences ,
ARTS , Gravures ,
Topographie,
Géographie,
Muique.
Acte de valeur ,
193
194
200
202
203
208
- -bienfaiſance, 211
Anecdotes. 214
Journaldes cauſes célebres , 217
AVIS ,
218
Nouvelles politiques , 221
Préſentations , 230
Nominations, 231
Naiſlances, 232
Mariages , Morts , 233
Loteries , 236
J'AI tu,
APPROBATION.
1, par ordre deMgrleGardedes Sceaux,
Le Volume du Mercure du mois de Mars
1775 , & je n'y ai rien trouvé qui m'ait para deyoir
en empêcher l'impreſſion .
AParis ,le Mars 1775.
LOUVEL.
Del'Imp. de M. LAMBERT , rue de la Harpe
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le