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MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI.
JANVIER . 1764.
SECOND VOLUME.
Diverfité , c'est ma devife . La Fontaine .
Cochin
Fitime.
Perpition Scip. 1715.
A PARIS ,
CHAUBERT, rue du Hurepoix.
JORRY, vis- à-vis la Comédie Françoife :
PRAULT , quai de Conti .
Chez DUCHESNE , rue Saint Jacques.
CAILLEAU , rue Saint Jacques..
CELLOT , grande Salle du Palais.
Avec Approbation & Privilége du Roi,
BIBLIOTHECA
REGIA
MONACENSIS.
AVERTISSEMENT.
LEE Bureau du Mercure eft chez M.
LUTTON Avocat , Greffier Commis
au Greffe Civil du Parlement , Commis
au recouvrement du Mercure , rue Sainte
Anne , Butte Saint Roch à côté du
Sellier du Roi.
C'eft à lui que l'on prie d'adreffer ,
francs de port , les paquets & lettres
pour remettre , quant à la partie littéraire
, à M. DE LA PLACE , Auteur
du Mercure.
Le prix de chaque volume eft de 36
fols , mais l'on ne payera d'avance , en
s'abonnant , que 24 livres pourfeize volumes
, à raifon de 30 fols piéce.
Les perfonnes de province aufquelles
on enverra le Mercure par la poste
payeront pour feize volumes 32 livres
d'avance en s'abonnant , & elles les recevront
francs de port.
Celles qui auront d'autres voies que
la Pofte pour le faire venir , & qui pren •
dront les frais du port fur leur compte
, ne payeront comme à Paris , qu'à
raifon de 30 fols par volume , c'est- àdire
, 24 liv. d'avance en s'abonnant
pour feize volumes.
A ij
Les Libraires des provinces ou des
pays étrangers , qui voudront faire venir
le Mercure , écriront à l'adreſſe cideffus.
On fupplie les perfonnes des provinces
d'envoyer par la pofte , en payant
le droit , leurs ordres , afin que le payement
en foit fait d'avance au Bureau.
Les paquets qui neferont pas affranchis
, refteront au rebut.
On prie les perfonnes qui envoyent
des Livres , Eftampes & Mufique à annoncer
, d'en marquer le prix.
Le Nouveau Choix de Piéces tirées
des Mercures & autres Journaux , par
M. DE LA PLACE , fe trouve auffi au
Bureau du Mercure. Le format , le nombre
de volumes & les conditions font
les mêmes pour une année. Il y en a jufqu'à
préfent cent deux vol. Une Table
générale, rangée par ordre des Matières,
fe trouve à la fin du foixante - douzième.
MERCURE
DE FRANCE.
JANVIER. 1764 .
ARTICLE PREMIER.
PIECES
FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
ODE fur la mort de M. RACINE.
Dignum laude virum muſa vetat mori ,
Coelo mufa beat.
Q
Hor, Ode 8. l. 4.
UBL Crifunébre & formidable
Réveille mes fens alloupis ?
Quelle Déeffe inexorable
Vole fur l'Univers furpris ?
Cruelle mort , Monſtre infléxible ,
Tu fais briller ta faulx terrible ,
Tout eft en proie à ta fureur ;
II. Vol. A iij
6 MERCURE DE FRANCE.
Tout fuccombe fous ta puiffance ,
Le talent , le rang , la naiffance ,
Rien n'arrête ton bras vengeur.
Hélas ! dans quel temps déplorable
Le Ciel contre nous irrité
Frappe ce Mortel refpectable ,
Organe de la Vérité !
L'impiété fière & terrible
A fait gronder fa voix horrible
Son fouffle empoisonne les airs.
La Fureur pâle & dévorante
Suit cette Gorgone effrayante ;
Sa marche obfcurcit l'Univers,
O Vertu ta douceur aimable
Ne peut des farouches humains
Enchaîner le coeur indomptable
Ils bravent tes attraits divins.
L'Aftre brulant qui nous éclaire
N'ouvre plus fa vaſte carrière
Que far des Mortels furieux.
Il finit fa courfe féconde ,
Et ne voit dans le tour du monde
Que des monftres audacieux.
Etre immortel , être fublime ,
Que d'attentats ! que de forfaits !
La main facrilége du crime
JANVIER. 1764.
/
Ofe fur toi lancer les traits.
Dans leur ivreffe téméraire ,
Les hommes fur ton fanctuaire
Jettent de fuperbes regards.
Fais partir ta foudre brulante ,
Què ta colère étincelante
Les pourſuive de toutes parts.
Longtemps rempli d'un faint courage ,
Un héros à tes loix foumis
Confondit l'orgueil & la rage
De tes perfides ennemis.
A la vertu trifte & captive
Rendant la gloire primitive ,
Sa main vint effuyer fes pleurs.
Ainfi parmi les noirs orages
Le Soleil perçant les nuages ,
Bannit la crainte de nos coeurs.
Fils & rival d'un père illuftre ,
Il foutint ce nom glorieux ,
Et le couvrit d'un nouveau luftre
Par les ouvrages précieux.
S'il prend en main la harpe fainte ,
Saifi d'une fublime crainte ,
Mon coeur à les tranſports divins ,
Croit entendre l'être invisible ,
Quand fur la montagne terrible
Il dictoit fes loix aux humains.
A iv
81 MERCURE DE FRANCE
La Religion triomphante
Par lui captive nos eſprits :
Sa beauté fublime & touchante
Dompte & foumet nos coeurs furpris
Par les routes impénétrables
De fes mystères redoutables ,
Il conduit nos pas vers la foi.
Raifon fuperbe & téméraire ,
Connois le flambeau qui t'éclaire ,
Qu'il luife toujours devant toi.
*
Mais quand ta lyre enchantereffe
Retentit de les fons touchans ,
Quelle douceur ! quelle nobleffe !
Quel coloris ! quels traits brillans ! ....
Embraté du feu qui l'éclaire ,
Il entre dans le Sanctuaire ,
Séjour des fublimes tranfports..
Des Dieux du goût fuivant les traces
Inftruit & guidé par les grâces ,
Il produit les plus doux accords.
Peintre hardi , divin Racine !
A ces accords mélodieux,
Je reconnois ton origine
* Odesfur la Paix , fur l'harmonie . On peut voir
l'éloge admirable qu'en fait Rouffeau , dont l'approbationfeule
en ce genre feroit un titre d'honneur.
JANVIER. 1764. 9
Et le pur fang des demi - Dieux.
Nourri fur les bords du Permeffe
La Poëfie enchanterelle
Te prodigue fes traits vainqueurs.
L'aimable & brillante harmonie
Orna ton immortel génie
De les preftiges féducteurs >>
Venez , Déeffes immortelles ,
Mères des arts & des talens ,
Parez de vos fleurs les plus belles
Le plus chéri de vos enfans.
Et toi , vertu , vierge facrée ,
Toi qu'il a toujours célébrée ,
Confacre à jamais les travaux.
Le vif éclat qui l'environne
Peut feul de ton augufte trône :
Confondre les pâles rivaux.
912
C'est ainsi , Religion fainte ,
Que tes fages adorateurs , .
De la mort fubiffant l'atteinte ,.
De l'oubli bravent les horreur .
Du fein de ces tombeaux funébres
Qui couvrent les mortels célébres ,
Tu fais fortir leurs noms fameux
Tu leur affures cette gloire
Qui dans le Temple de Mémoire
Place les héros vertueux.
AV
MERCURE DE FRANCE .
Suivons la route du génie :
Mais dans les plus nobles éffors ,
Que la vertu lui foit unie ,
Qu'elle dirige fes tranſports.
Si la fageffe dans notre âme
Ne répand cette 'vive flâme
Qui nous éclaire & nous inftruit ,
C'eſt une lueur paffagère
Semblable à la vapeur légère
Qui s'élève , brille & s'enfuit.
A S... en Saintonge Pr. ch. r. Abonné
au Mercure.
ÉPITAPHE
D'une jolie Enfant de 4 ans & demi.
ESPOIR , amour , douceur , tout eft détruit ;
Mais tout , hélas ! doit ainfi difparoître.
Telle une fleur qu'un beau jour a vû naitre ,
Brille un moment , & tombe avant la nuit ...
Ah , calmons- nous ! cet Enfant dans la gloire ,
Sourit des pleurs qu'on donne à fa mémoire.
Par M. FEU TRY.
JANVIER. 1764.
II
VERS à Mlle L. P...
Oui , Lucinde , je t'aime , & mon âmeravie
A puifé dans tes yeux la fource de la vie ,
Volage dans mes gouts & froid dans mes deſirs ,
Je ne trouvois par tout que l'ombre des plaifirs ."
Je t'ai vue , & mon coeur a reconnu fon Maître.
Surpris de les tranfports , il s'eft fenti renaître ,
Et pareil à l'Aiglon de fon oeuf échappé
Sous l'aile de l'amour il s'eft développé.
Ce feu que je puifois dans le fein de Voltaire ,
N'eft plus dans ton Amant que l'ardeur de te
plaire.
3 .
L'Amour est mon génie , il dicte mes écrits :
Comme il en eft la fource , en fera - t- il le prix ?
Heureux fi fur les pas de Tibulle & d'Ovide ,
Cueillant pour toi les fleurs du Parnaffe & de
Gnide >
Je pouvois voir ta main mêler à mon retour
Aux rameauxd'Apollon les myrthes de l'Amour >
La lyre de Tyrtée a gagné des Batailles ;
Aux accens d'Amphion , Thebes dat fes murailles ;
Orphée a fçu toucher par fes tendres accords
Les monftres de la Thrace & le tyran des morts ;
Ovide , abandonné fur des rives profcrites ,
Des traits de la pitié perça l'ame des Scythes :
"
A vj
12 MERCURE DE FRANCE.
Je n'en fuis point jaloux , & ce talent vainqueur -
Aura plus fait pour moi s'il attendrit ton coeur,
Ce climat vif & pur , ces lieux plus beaux encore ,
Depuis qu'ils t'ont vu naître & mille amours
éclorre ,
Ce pays des Héros , des grâces , des talens ,
Avoient produit Cinthye aux yeux étincelans ,,
Corinne au teint de rofe , au coeur tendre &
volage ,
+
Delie au doux fourire , au féduifant langage.
Mais crois - moi , ma Lucinde , en ces temps f
vantés ,
S'y l'on t'eût vû paroître auprès de ces beautés,
Avec cette fraicheur , cet éclat , ce fourire ,
Cette bouche appellant les plaifirs qu'elle infpire ,
Ce corfage élégant tel que l'avoit Pfyché
Quand l'amour comme un lierre y fembloit
attaché :
Crois-moi , dis-je , Properce , Ovide , ni Tibulle,
N'auroient jamais brulé que des feux dont je :
1
brule ;
Et les noms des beautés célébres dans leurs vers
N'auroient jamais reçu l'encens de l'Univers
ParM. LEZAN Capitaine au régiment de
6
Hainault, Abbonné au Mercure..
JANVIRE. 1764 13
QUBL
VERS à Mlle CAMILLE.
UBL nouveau- preſtige m'entraîne ? -
O fécond Goldoni ! que j'aime tes fuccès ::
Ils enrichiffent notre fcène ;
Et , grace à tes travaux , Thalie & Melpomène
Vont encor charmer les François.
Jouis...mais tombe aux pieds de l'Actrice applaudie
Dont les talens animent tes efforts.
Comme Pigmalion , tu n'as formé qu'un corps:
Camille vient , elle y donne la vie :
Ainfi que tes Lauriers , tu lui dois nos tranſports.
Est-ce une femme?... eft - ce un génie ? -
Pour lui prodiguer les trésors ,
La nature à l'art s'eft unie.
Tendre Gauffin , tes doux accens
De l'amour dans nos coeurs portaient jadis la fâme į :
Clairon frappe , étonne mes fens ;
En Dumefnil je vois plus qu'une femme.
Sur moi Camille a des droits plus puiffans ;
Et je ne dois qu'à ſes talens
La connoillance de mon âme
14 MERCURE DE FRANCE .
LES PÉRIS ET LES NÉRIS,
Ou l'Amour comme on le mene.
CONTE.
Les Péris & les Néris font des Êtres
ES
demi-intellectuels . Ils tiennent le milieu
entre la nature des Génies & la nôtre :
mais ils s'occupent très -férieufement de
ce qui ne fait plus guères qu'amufer nos
femblables ; je veux dire , que leur plus
grande affaire eft de s'aimer comme on
aime dans nos vieux Romans. Il arriva
même que les Néris exigèrent un amour
encore plus quinteffencié. Elles vouloient
par- là s'égaler aux Sylphides. Les Péris
ambitionnoient un peu moins de s'égaler
aux Génies . Toutefois la volonté de
leurs Compagnes devint une loi pour
eux . Bientôt ils réalifèrent l'Amour Platonique
, regardé comme une chimère
par nos amans les plus délicats.
Bientôt auffi un pareil amour périt d'inanition
. Une langueur plus froide que
l'indifférence même lui fuccéde . On fe
fépare , & l'ennui n'en devient que plus
grand . On dit même que les Néris y
1
JANVIER. 1764.
15
ވ
fuccombèrent les premières. Zélinde
une des moins prudes , & des plus expérimentées
d'entre elles , prit le parti d'affembler
fes compagnes . Elles accourent
avec précipitation , & la nomment Préfidente
du Confeil qui va fe tenir. Zélinde
adreffe aux Néris affemblées un
difcours des plus pathétiques fur leur fituation
préfente : les détails en étoient
vivement frappés. Cependant on l'interrompit
on trouva qu'elle ne peignoir
point affez énergiquement le trifte abandon
où fe trouvoient , & fes compagnes ,
& elle-même . Chaque Néris ajouta un
trait au tableau : mais la peinture des
maux n'en indiquoit point le remède.
On propofa de rappeller les Péris ; & ,
après quelque incertitude , cet avis fur
rejetté à la pluralité d'une voix. Qui
voulez -vous donc qu'on appelle ? demanda
la Préfidente : car enfin il faut
appeller quelqu'un . C'eft de quoi l'on
convenoit unanimement. Zélinde propofa
de faire venir des hommes . Quoi ,
des hommes qui ont un corps tout terreftre
s'écrièrent quelques Néris , en
rougiffant. Eh oui , répliqua la Préfidente
, qui ne rougiffoit plus. Ils ont bien
des défauts , reprit avec douceur une
blonde Néris ; il faudra du moins nous
16 MERCURE DE FRANCE.
réunir
pour les rendre parfaits. Hélas A
ma chère compagne , ajouta Zélinde ,
nous en ferons des ètres bien infipides.
Cet état de perfection feroit pour eux le.
pire de tous, & remédieroit mal au nôtre.
Enfin l'on prit le parti de donner la
préférence aux hommes qui aimoient.
avec le plus de délicateffe : les Néris
étant perfuadées qu'il étoit rare que des
hommes portaffent cette vertu trop loin ..
Mais pour connoître ceux qui la pratiquoient
, il falloit d'amples recherches ;
il falloit par cette raifon parcourir plus
d'un climat. Zélinde , qui avoit propofé
cet expédient , fut priée d'entreprendre.
ce long voyage , & Zélinde ne s'en fit
pas prier deux fois..
Dans le même temps , les Péris prenoient
une réfolution toute femblable :
c'est-à-dire , que l'un d'entre eux fut
chargé de parcourir notre monde , pour .
voir quelles femmes pourroient fuppléer.
à l'extrême délicateffe des Néris , fans.
toutefois s'en éloigner trop . Celui qu'on .
chargea de cette recherche étoit le même.
qui l'avoit propofée . Son humeur avoit
beaucoup de rapport avec celle de Zé-
Linde ; & le hafard les ayant fait ſe rencontrer
, tous deux en furent également.
fatisfaits. Ils ne fe déguifèrent point l'un
JANVIER. 1764. 17
à l'autre le motif de leur miffion . Ils
firent plus , ils réfolurent de voyager enfemble.
Bien entendu que celui des deux
qui auroit le plutôt réuſſi dans fes recherches
, laifferoit l'autre continuer les fiennes.
Reftoit feulement à fçavoir par quel
canton du monde ils, commenceroient
leur tournée. Après y avoir un peu rêvé,
ils crurent s'épargner de plus longues
courfes , en vifitant d'abord les Nations
qui fuivoient de plus près l'inftinct de la
Nature , & qui par cette raifon l'avoient
fans doute moins pervertie.
Un voyage eft peu embarraffant pour
des êtres de cette efpèce. Ils peuvent par
courir le monde entier avec la même ra
pidité que les Génies : mais , comme ils
ont plus de confiftance , ils peuvent en
même tems s'envelopper d'un nuage qui
les dérobe aux regards de nos pareils.
Zélinde & Alcindor ( c'eft le nom du
Péris ) parurent tout - à - coup dans un
canton de l'Amérique habité par des
Sauvages , & où n'avoit encore pénétré
aucun Européan. Rien , par cette raifon
, n'avoit pu en altérer les ufages . Ils
étoient auffi fimples & auffi groffiers
que ceux de l'age d'or.
Nos deux fecrets Agens prirent la
forme dont ils étoient convenus ; c'est-à-
་
18 MERCURE DE FRANCE.
dire , celle d'un jeune homme & d'une
jeune fille de cette contrée. Il n'y avoit
pour cette Nation aucune demeure fixe:
Un antre , le creux d'un arbre , un buiffon
épais , fouvent la pleine campagne ,
fervoient d'afyle à ces habitans beaucoup
plus fauvages que ce nom même ne l'exprime.
Il falloit avoir la puiffance & les
reffources intérieures d'Alcindor & de
Zélinde pour ne pas être effrayé d'un tel
fpectacle. Ils étoient d'ailleurs convenus
de s'entr'aider au befoin . J'oubliois de
dire auffi qu'ils avoient la faculté de fe
deviner : avantage qui pourroit n'en être
pas un en amour ; mais qui favorifoit
infiniment leur entreprife.
Ce fut donc fans crainte qu'ils fe fépa
fèrent. Alcindor ne tarda pas à rencontrer
une jeune Sauvage qui ne cherchoit
point à l'éviter. Il l'aborda avec une politeffe
qui la furprit beaucoup . Il lui dit
quelques douceurs qui l'étonnèrent encore
plus . On préfume bien qu'un être
auffi intelligent qu'Alcindor , entendoit
la langue du pays , & fçavoit la parler:
c'eft un privilége qu'on accorde aifément
au voyageur le moins érudit ; à
peine met-il le pied chez telle ou telle
Nation , qu'il eft fuppofé l'entendre &
en être entendu . Revenons à la jeune
Sauvage .
JANVIER. 1764. 19
Elle répondoit aux douceurs d'Alcindor
fur le ton d'une efclave avec qui fon
maître daigne s'humanifer. Elle igno-
Foit l'art des réſiſtances , & même celui
de la gradation . En un mot , elle pa
rut offrir ce qu'Alcindor ne demandoit
pas. Tant de facilité le rendit lui - même
plus difficile . Peu s'en fallut qu'il ne re
grettât l'extrême délicateffe des Néris.
En même temps il fongeoit à donner
une leçon utile à la jeune Sauvage . Deux
péruches lui en fournirent l'occafion
Voyez-vous , difoit-il , ces deux oifeaux
de la même eſpèce ? L'un des deux fuit
l'autre , fans pourtant fuir trop loin.
N'eft-ce pas la femelle qui en ufe ainfi ?
La Sauvage ne répondit que par une au
tre comparaifon . Vois-tu , dit- elle à Alcindor
, cette géniffe & ce boeuf fauva
ge ? C'eft le boeuf qui s'éloigne , & la
géniffe court après. Alcindor ne fut rien
moins que perfuadé par cette réponſe.
Il s'éloigna , en concluant que fi c'étoit
là le pur inftin&t de la Nature , cet inſtinct
devoit être corrigé.
Zélinde avoit déja en occafion de por
ter unjugement tout femblable . A peine
Alcindor l'avoit quittée , qu'un Sauvage
s'étoit approché d'elle en courant. Elle
avoit cru devoir s'éloigner un peu , mais
20 MERCURE DE FRANCE .
fans courir. Ainfi le Sauvage n'eut pas de
peine a l'atteindre. Elle s'attendoit à que
que préambule , à quelque déclaration
tendre , quoique ruſtique . Mais le Sauvage
ignoroit ce formulaire : il alloit
tout naturellement fuivre l'ufage de fes
femblables ; c'eft - à - dire , brufquer horriblement
les chofes. A l'inftant furvient
un aut e Sauvage qui fond avec impétuofité
fur celui- ci . Le combat devient
entre eux des plus cruels. Eft- ce un libé
rateur qui vient à mon fecours , difoit la
Néris , ou bien n'eft- ce qu'un rival qui
attaque un rival ? N'importe , attendons
l'événement ; il me fera toujours facilė
d'échapper au vainqueur. L'événement
ne fe fit pas beaucoup attendre. Le nou
veau venu ayant mis fon adverfaire prèfque
hors de combat , ce dernier s'enfuit,
renonçant à fes prétentions fur Zélinde ;
fauf à les reprendre à la première rencontre.
Pour le vainqueur , il fongeoit dès
ce moment à faire valoir les fiennes , &
il s'y prit comme fon devancier. Arrêtez
!-lui cria Zélinde ; c'eft en ufer bien
cavalièrement. N'y a- t- il pas certains
préliminaires Le Sauvage lui demanda
ce que vouloient dire ces mots . La
Néris les lui expliqua de fon mieux ;
mais elle ne perfuada point celui qu'elle
JANVIER. 1764. 21
inftruifoit. Tu te moques , lui dit - il :
veux- tu , quand la faim me preffe , que
je m'amufe à danfer autour du morceau ?
Tout en parlant ainfi , il agiffoit en conféquence.
Il fallut que Zélinde employât
tout fon pouvoir pour s'échapper de fes
mains. Elle voulut voir cependant s'il
regrettoit beaucoup d'avoir ainfi perdu
fa proie. Elle le vit occupé à pourſuivre
un renard , & , après l'avoir tué , s'en
retourner avec l'air d'un homme qui ne
regre te rien. Ah ! dit - elle avec dépit ,
fi c'eft-là ce qu'on nomme l'innocent
inſtinct de la Nature ; quelle horreur
qu'une telle innocence !
Alcindor la rejoignit l'inftant après .
Hé bien ! lui dit Zélinde , avez-vous fait
d'heureufes découvertes ? N'en doutez
pas , reprit-il ; cette contrée barbare eft
vraiment un pays à bonnes fortunes . Si
les hommes y font féroces , les femmes
y font des plus humaines. Alors il l'inftruifit
de fon aventure , & Zélinde lui fit
part de la fienne. Tous deux convinrent
qu'il falloit paffer chez d'autres Peuples
de l'Amérique un peu plus policés que
celui-ci , mais beaucoup moins que ceux
de l'ancien Monde. C'eft- là qu'ils eſpéroient
trouver la Nature encore fimple
fans être entièrement brute .
22 MERCURE DE FRANCE.
Après une courfe affez longue , ils ar
rivent fur les terres des Nadoueffis ; Nation
fauvage , mais dont le caractère n'a
rien de féroce . Les deux voyageurs en
font accueillis favorablement On leur
demande où ils vont & ce qu'ils veulent ?
Vivre avec des hommes , répondit Alcindor.
Les Nadoueffis , qui fe piquent
d'être des hommes par excellence , ne
portent pas plus loin leurs queſtions . Ils
affignent à leurs nouveaux hôtes une cabanne
, où ils doivent être nourris durant
un certain temps aux dépens de toute
la Nation. Dans tout autre cas , il eût
été prudent à eux de s'annoncer comme
époux ; mais le motif de leur voyage s'y
oppofoit. Ils ne s'annoncèrent que comme
le frère & la foeur. En conféquence
leur cabanne fut divifée en deux parts.
Mais l'entrée de l'une & de l'autre étoit .
libre à tous venans , la nuit comme le
jour C'est l'ufage : parmi ces Peuples..
Toutefois il n'en réfulte aucun inconvévénient
, excepté ceux que l'ufage même.
autorife , & qui ne paffent point pour
tels chez les Nadoueffis.
Zélinde étoit , à coup fûr , la plus belle
Sauvage de tout le canton . C'eft de quoi
une foule de jeunes gens l'auroient inftruite
, fi elle ne l'eût pas fçu d'avance.
JANVIER. 1764. 23
Il fe paffoit peu d'heures dans la journée
fans que quelqu'un d'entre eux vînt lui
dire à l'oreille : Je t'aime plus que la
clarté du grand Aftre. Paffe encore pour
ce préalable , difoit intérieurement la
Néris ; & elle y répondoit de manière
à ne décourager perfonne , fans toutefois
s'engager trop elle- même. La nuit
venue , Zelinde vit entrer dans fa cabanne
un jeune Sauvage qui portoit un bâ
ton allumé. Elle lui demanda ce que cela
fignifioit? Cela s'appelle, reprit- il , courir
l'allumette : c'eſt à toi de l'éteindre
ou de la laiffer brûler ; & il lui fit entrevoir
qu'il defiroit fort qu'elle l'éteignît,
Zélinde n'en fit rien , & le Sauvage fortit
comme il étoit entré. Un fecond furvient
, obſerve la même formule ; & ,
voyant que Zélinde ne fouffloit point
fur l'allumette , il fe retire avec la même
docilité que le précédent. La Néris trouvoit
cette méthode un peu bifarre ; mais
elle y découvroit un mêlange d'ardeur
& de refpect très propre à fatisfaire
fes compagnes, Elle eût cependant voulu
fçavoir où les deux jeunes aventuriers
étoient allés en la quittant. Un troisième
qui furvint leva une partie de fes doutes,
Auffi peu favorifé lui - même , que l'avoient
été les deux autres , il alloit fe
-
24 MERCURE DE FRANCE .
retirer comme eux . Zélinde l'arrêta. Ou
vas-tu en fortant de ma cabanne , lui demanda
la Néris ? Courir l'allumette , répondit
le Sauvage tu la laiffes brûler ,
une autre pourra l'éteindre. Une autre !
s'écria Zélinde ; il n'importe donc laquelle
ce foit ? Cela eft tout fimple , répliqua-
t-il ; quand la chaleur du grand
Aftre me brûle , c'eft dans la rivière la
plus proche que je me baigne . Mais ,
reprit Zélinde , vous n'aimez donc aucune
femme en particulier ? Je les aime
toutes , ajouta le Nadoueffis , quand cela
ne me dérange point ; & celle qui
foufle fur l'allumette eft toujours celle
que j'aime le mieux . Zélinde lui fit encore
d'autres queſtions fur le même fujet
, & il y répondit avec franchiſe , en
appuyant fon difcours de ces expreffions
extrêmement familières aux Sauvages :
voilà qui eft bien , voilà qui eftjufte , voilà
qui eft raifonnable. Je fuis jeune , difoit-
il , & je me proméne quelquefois
la nuit : Voilà qui eft bien. Je donne la
préférence à celle qui me la donne :
Voilà qui eftjufte. Je n'aime qu'autant
que cela ne me met point hors d'état de
courir après les caftors , & de fuir ou de
poursuivre l'ennemi : Voilà qui eft rat-
Jonnable.
Il
Louré.
Que d'une
-sés dans vos
=ple nature
25
lerniers
ent peroit
pas
n'étoit
s'étoit
es noclement
Toujou
dant à
fatisfit
t. Mais
d'une tet le fielques
t bien,
gna fa
- més: de ce
éconsirsjamais
W
de sidoux tr
votre hommage
Majeur.
-sors . Sans
Foit-il ,
moins
Finit
On a
W
s conanterie
vive its printrées
.
où les
depuis
Graveparios re-
Imprime
confé- es
que
t fubi24
MET
retirer cor
vas-tu en
manda la
pondit le
une autre
s'écria Ze
quelle cers amans , toujours aimés : Sur lafoi
pliqua-t- il
Aftre me
plus proch
W
reprit Zendre ami e Vous n'êtesjamais allar -
cune fem
toutes , aj
W
la ne me Parmi vous la plus courte absence
foufle fur
que j'aim
core d'aut
jet , & il par le plusprompt retour, Toujours la
appuyant w
extrêmen
voilà qui
là qui eft npatience Vous prète l'aile de l'amour .
foit-il , &
la nuit :
préférence :
Charpentie .
Voilà qui
que
cela par
Tournelle
courir apr
poursuivre
fonnable
.
JANVIER . 1764. 25
a
Il fortit en prononçant ces derniers
mots , & laiffa Zélinde entièrement perfuadée
que l'Amérique ne mettroit pas
fin à fes recherches. Alcindor n'étoit
guères plus fatisfait des fiennes. Il s'étoit
déterminé à rendre quelques vifites nocturnes
, & avoit été reçu favorablement
dès la première. Il fe borna cependant à
certaines queſtions auxquelles on fatisfit
dans l'efpérance qu'elles finiroient. Mais
la fin des demandes d'Alcinder fut le fignal
de fa retraite. Il entra dans quelques
autres cabanes , réuffit également bien,
s'en tira également mal , & regagna fa
cabane auffi peu fatisfait des filles de ce
canton , qu'elles mêmes étoient mécontentes
de lui. Il faut l'avouer , difoit- il ,
cette extrême facilité vaut encore moins
que l'extrême réferve des Néris . On a
vu que Zélinde avoit auffi tiré des conféquences
peu favorables à la galanterie
fauvage. Ainfi les deux voyageurs prirent
le parti de vifiter d'autres contrées.
Il en eft une , difoit Alcindor , où les
ufages n'ont prèfque point varié depuis
l'origine des chofes. Voyons fi nos recherches
y feront plus fructueufes que
dans ce nouveau Monde. En conféquence
les deux voyageurs partent fubitement
pour la Chine .
II. Vol. B
26 MERCURE DE FRANCE.
Ce fut à Pékin même qu'ils jugèrent
à propos de defcendre. Ils y parurent
fous la formed'un Mofcovite. Un fpectacle
des plus pompeux s'offrit à leurs premiers
regards . Un cortége nombreux
portoit des torches & des flambeaux en
plein midi , & environnoit une chaiſe
magnifiquement ornée , & portée par
des efclaves. Des fifrés , des hautbois ,
des tambours précédoient & fuivoient .
Alcindor s'informa de ce que renfermoit
ce pavillon.Unejeune épousée qu'on méne
à fon époux , lui répondit un des fpectateurs.
Sans doute , reprit Alcindor ,
que fa beauté répond à toute cette pompe
? Je n'en fçais rien , répliqua le Chinois.
Il eft du moins à croire , ajouta
Alcindor , qu'elle a paru telle aux yeux
de celui qui l'époufe ? Il ne l'a jamais
envifagée , reprit encore l'habitant de
Pékin . Quoi ! il l'époufe fans la
connoître ? .... Eh mais ! fans doute :
én uſe - t- on autrement parmi vous ? Il a
recours à un expédient tout fimple , ſuppofé
qu'elle ne lui plaife pas , ou qu'elle
ceffe de lui plaire : c'eft de prendre une
ou plufieurs concubines , auxquelles il
eft également libre d'en fubftituer d'autres
, quand il vient à fe dégouter des
premières.
JANVIER. 1764. 27
Ceci ne me femble point mal imaginé
, difoit intérieurement Alcindor. Voila
qui eft abominable , difoit , en même
temps , Zelinde. Etre quittée ainfi , &
condamnée à un éternel efclavage ! En
vérité c'eft joindre l'injuftice à la tyrannie
! toute autre perquifition me femble
fuperflue dans cet immenfe pays où les
ufages font fi uniformes , fi anciens , &
malheureufement fi révérés .
Pour Alcindor , il continuoit à queftionner
l'obligeant Chinois. Il lui demanda
, entre autres chofes , fi les femmes
de cette contrée fe piquoient d'une
fidelité à toute épreuve ? Ce feroit trop
exiger, repondit - il : on tâche d'éloigner
d'elles tous les Séducteurs , on veille
éxactement ſur leur conduite , & il arrive
, quelquefois , que leur vertu fait le
refte.
Ces détails étoient d'un augure peu
favorable pour nos voyageurs. Ils entrevirent
qu'ils s'étoient trompé fur le
compte des Chinois comme fur celui
des Sauvages. Cependant ils voulurent
en juger par eux - mêmes. Ils fe logent
dans la Capitale & continuent d'obfer
ver. Zélinde qui effaçoit , fans peine ,
la plus belle Chinoife , charma tous ceux
qui purent l'envifager. Un jeune hom-
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
me qui fuivoit la doctrine de Fo , c'eftà-
dire qui croyoit , ou feignoit de croire
à la tranfmigration des âmes , l'aborda
un jour avec un éxtrême familiarité . Tu
fus , lui dit- il , ma femme avant que de
reprendre un nouvel être. Une mort
prématurée t'enleva a mes veux. Aujourd'hui
que tu m'es rendue
grand Fo ordonne que tu me laiffes
rentrer dans tous mes droits , & cela
fans aucune cérémonie éxterieure . Fo
nous difpenfe de ces vaines répétitions.
›
le
La fauffe Mofcovite trouva cette faillie
amufante. Elle revenoit au fonds à l'alumette
des Sauvages . Mais Zelinde qui
n'avoit pas daigné éteindre l'une , répondit
auffi peu favorablement à l'autre .Elle
voulut voir , cependant , fi le Chinois ſe
menageoit les mêmes reffources que le
Nadoueffis. La faculté qu'elle avoit de
fe rendre invifible l'aida beaucoup dans
ce projet. Zélinde épia la conduite du
jeune homme , & le vit bientôt adreffer
le même difcours à une jeune Chinoiſe
qui ne parut point douter du fait , &
qui parut encore plus difpofée à fuivre
les volontés du Dieu Fo.
Alcindor, de fon côté , ne reftoit pas
inutile. Une jolie veuve Chinoiſe avoit
fixé fon attention, Il l'avoit vue dans
JANVIER. 1764. 29
une Pagode confacrée à Lao , lieu qu'elle
fréquentoit fort fouvent. Il faifit l'occafion
de l'aborder & de l'entretenir.
Ses difcours étoient des plus ingénieux
& des plus galans ; mais par malheur
la Veuve étoit dévote , & à la Chine
cette qualité étoit un obftacle réel en
amour. En vain , dit- elle au faux Japonnois
, en vain tenteriez vous de me féduire
; mon coeur n'eft plus à moi , il
eft tout entier au divin Lao : lui feul
peut me faire jouir de la fuprême félicité.
Alcindor alloit lui demander en quoi
cette félicité confiftoit ; elle le quitta
brufquement pour courir à un Bonze
qui lui faifoit figne. Le curieux Péris
s'approcha d'eux fans pouvoir être vû.
Il entendit le Bonze parler ainfi à la
Chinoife : objet cher à Lao , ce Dieu
puiffant vous ordonne par ma voix de
refter cette nuit dans fon Temple : Il
Vous y fera goûter les douceurs qu'il
réferve à fes feules favorites . Alcindor
vit dès l'inftant où aboutiroit ce myftere
, & l'entretien de deux Bonges qu'il
écouta fans être apperçu,ne lui laiſſa aucun
doute à cet égard.
Nos Voyageurs fe rejoignent , également
perfuadés qu'il eft à propos de paffer
outre. Leur deffein étoit de parcou-
Biij
30 MERCURE DE FRANCE.
rir toute l'Afie. Ils partent , & dès le
jour fuivant ils découvrent à vue d'Oifeau
le Royaume du Japon . Ce fut à
Meako qu'ils defcendirent. Le temps de
la nouvelle lune y donnoit lieu à une cérémonie
qui fe renouvelle tous les mois.
Une troupe de Bonzis conduifoit en
pompe une jeune fille de la plus grande
beauté. Nos Voyageurs n'eurent pas
de peine à s'inftruire de ce que cela fignifioit.
On la mene au Temple , leur
dit- on , où le Diable daignera ce foir
converfer avec elle . C'eft là tout ce qu'il
faut pour en faire une fainte. Alcindor
jugea par ce difcours que les Bonzis du
Japon & les Prêtres de Lao , obfervoient
à-peu- près les mêmes Rites .
En paffant auprès d'un autre Temple ,
il en vit fortir une foule de Japonois qui
tous dirigeoient leurs pas vers un même
canton de la Ville . De là nouvelles queftions
d'Alcindor. Un de ceux à qui il
s'adreffoit lui fit cette réponse. Nous.
fortons du Temple & nous allons au
Kafiematz. C'est un ufage que nous
ont tranfmis nos Pères , & que nous ef
perons tranfmettre à nos defcendans..
Tout en parlant ainfi , le Japonnois avançoit
tonjours Alcindor le fuivoit ; de
manière qu'ils arriverent enſemble au
JANVIER. 1764. 31
Kafiematz. Une foule de jeunes beautés
y prodiguoient leurs charmes au premier
venu. Elles n'avoient point la liberté
du choix , & fembloient peu cu .,
rieufes de choifir. Alcindor fe hâta de
rejoindre Zélinde qu'une vieille Japonnoife
avoit abordée . Leur entretien.
avoit affez de rapport avec ce que luimême
venoit de voir. L'amour est donc:
ignoré chez vous ? lui difoit Zélinde ,
Qu'est - ce que l'amour demanda la
Vieille ? Ce mot eft un peu étranger ici.
Celui de mariage qui , je penfe, ne veut
pas dire la même chofe , nous est un
peu mieux connu. Un Japonnois époufe
une femme , l'enferme avec foin , la néglige
fort quant au refte ; & je vous jure
parle grand Thé , que la plus fage d'entr'elles
quitteroit volontiers fa maiſon
pour habiter le Kafiematz.Allons, partons,
s'écrierent , en même temps Alcindor
& Zelinde ; nos recherches ne feront
par plus heureufes au Japon qu'à la Chine.
Ils difent , & s'élévent de nouveau
dans les airs.
Après un affez long trajet , l'Ifle de
Macaffar fe découvre à leurs yeux.
Tout y eft agréable , excepté les habitans:
Les deux féxes ignorent l'ufage
des habits. L'unique parure des femmes
Biv
32 MERCURE DE FRANCE.
eft de fe taillader le vifage & à peuprès
tout le reste du corps. Ces hideufes
perfonnes accouroient par bandes
vers le rivage où des étrangers venoient
de mettre pied à terre. Là elles offroient
ce qu'on ne leur demandoit pas. Ceux
qui avoient la complaifance de ne pas les
rebuter en étoient bientôt punis par elles-
mêmes. Lorſqu'ils avoient fuffiſamment
fait preuve de mauvais goût , leurs
cruelles amantes leur offroient du tabac ,
en les invitant à fumer. Mais à peine
commençoient-ils à en faire ufage qu'ils
perdoient connoiffance & bientôt après.
la vie. Alcindor fut témoin de cette cataftrophe
& en frémit. Zélinde qui obfervoit
les hommes de cette contrée
n'eut pas lieu d'en être plus fatisfaite
. Ils connoiffoient , ils approuvoient
l'indécente & barbare mannoeuvre de
leurs femmes & fe difpofoient à aſſaſſiner
ceux qu'elles n'empoifonneroient
pas.
.
Nos Voyageurs quitterent cette Ifle
infernale avec autant de promptitude
que d'indignation . Ils arriverent au
Royaume de Siam & s'y arrêterent peu.
La nudité des femmes , leur empreffement
à chercher les hommes qui , en
général , font auffi difpofés à les fuir ;
JANVIER. 1764. 33
要
,
toutes ces images déplurent au couple
Obfervateur. Il partit fans différer pour
le petit Royaume de Patania. Zélinde ,
ne voulut pas même s'y rendre viſible.
Alcindor y parut fous l'extérieur d'un
Anglois. Il fut abordé par un des
principaux Citoyens de la Capitale qui
l'invita fort poliment à prendre fa maifon
pour gîte. Vous y mangerez , lui
dit-il , comme chez tout autre des
viandes & du riz dans des plats d'or ;
mais ce qui vaut infiniment mieux,vous
y verrez ma fille & ma nièce , toutes deux
fort jolies , & avec lefquelles je vous
prie d'en ufer fans façon. Le Péris étonné
de ce difcours , demanda au Patanien
fi , outre fa fille & fa niéce , il
n'avoit pas auffi une femme ? J'en ai
plus d'une , reprit l'Indien ; mais je les
garde pour moi . Ce font là les feules
bornes que nous mettons à nos égards
envers les étrangers. Il y a temps pour
tout. Nos femmes , lorfqu'elles n'étoient
que filles , ont également fait les honneurs
de la maifon de leurs Peres , ou
de leurs Oncles.
Ces détails ne féduifirent point Alcindor
, & encore moins Zélinde , qui , fans
fe laiſſer voir , avoit tout entendu . Le
Péris remercia l'officieux Indien , & fe
Bv
34 MERCURE
DE
FRANCE
.
retira fort humilié. Après quoi nos voya
geurs aëriens prirent leur éffor jufqu'à
Narfingua. Ils mirent pied à terre à quelque
diftance de la ville , & rencontrèrent
une femme qui s'en éloignoit. Alcindor "
l'interrogea fur ce qui pouvoit caufer fa
fuite. C'eft , répondit- elle , parce que je
ne puis me réfoudre à être brûlée . Je fuis.
veuve depuis vingt- quatre heures : mon
mari en ufoit paffablement avec moi , &
je l'aimois autant que cette forte d'amour
peut s'étendre ; mais j'avoue que je n'ai
pas le courage de mêler mes cendres avec
les fiennes . Par cette raiſon , me voilà déclarée
infâme , & condamnée à vivre
dans l'éxil; tandis qu'une de mes compagnes
, qui va dans ce moment obéir à
l'ufage, voit fes louanges portées jufqu'au
Trône de Brama . Sans doute , reprit Alcindor,
que cette courageufe héroïne aimoit
prodigieufement votre époux commun
? Point du tout , répliqua l'Índienne
; elle ne lui fut pas même fidelle : &
moi , tout au contraire , je me fis un de-.
voir de ne jamais lui manquer. Cependant
je vais paffer pour une ingrate , une
perfide ,, & elle pour un exemple d'attachement
conjugal ..... Entendez -vous ,
ajouta l'Indienne , ces cris confus , mêlés
au bruit des inſtrumens ? C'eſt pour hoJANVIER.
1764. 35
norer ce barbare facrifice. Il va bientôt
commencer , & il ne dépend que de vous
d'en être les témoins. En effet , Alcindor
& Zélinde s'avancèrent vers le lieu d'où.
partoit ce bruit. Il virent , au milieu d'une
foule d'affiftans , une jeune Indienne
conduite par un Bramine . Elle portoit
dans fa main droite une fleur , dans fa
main gauche une boule. Ses doigts
étoient ornés de quantité de perles & de
pierres précieufes ; des chaînes en lacs.
d'amour & très- riches chargeoient fes
bras & même fes jambes. Une toile
très-fine lui tenoit lieu de vêtemens. Sa
beauté feule eût pu lui tenir lieu de parure
. Elle s'avançoit avec un fouris &
un empreffement affectés vers le bucher
fur lequel étoit déja le corps de fon mari.
On y met le feu : l'Indienne , après avoir
pris congé de fes parens & de fes amis ,..
s'élance au milieu des flammes , où elle
eft bientôt réduite en cendres. Les applaudiffemens
redoublèrent ; mais Alcin--
dor & Zélinde frémirent. Tous deux fe
retiroient , lorsqu'ils apperçurent un
Jeune Indien qui lui-même s'éloignoit
affez triftement. Je vois , lui dit Alcindor
, qu'un tel fpectacle vous affiige , &
certainement c'est avec raiſon . Hélas
oui répondit ce dernier. J'avoue ce
B.vj.
36 MERCURE DE FRANCE.
dant que j'ai tort , puifque celle qui vient
de fe brûler étoit ma maîtreffe . Eh quoi !
s'écria Zélinde avec furprife , n'y trouvez-
vous pas un motif de plus pour gémir
de fa perte ? Tout au contraire , interrompit
l'Indien ; comme fon amant , je
prends part à fa gloire , & cette gloire
exigeoit qu'elle fe brûlât. Notre intelligence
a duré juſqu'à la fin des jours de
fon mari , & nous faifions des voeux
pour qu'il vêcût long-temps. Aujourd'hui
qu'il eft mort , tout eft fini entre
elle & moi. Une femme d'honneur peut
tromper fon époux , mais elle ne doit
point lui furvivre . A ces mots l'Indien
pourſuivit fa route , & nos voyageurs
prirent celle de l'Etat le plus voifin.
C'étoit le Royaume de Callicut. Ils
s'arrêtèrent auprès d'un Temple dédié au
grand Singe , & dont le portique étoit
orné de fept cens piliers ou colonnes
de marbre. On voyoit un grand nombre
d'Indiens des deux féxes , raſſemblés
fous cet immenfe veftibule , y parler
d'affaires ou de plaifir. Mais le principal
amufement des maris étoit d'y troquer
de femmes entre eux , & cet échange déplaifoit
rarement à celles qui en étoient
l'objet. Zélinde eut occafion d'en entretenir
une , ffoorrtt jjeeuunnee eennccoorree ,, & qui lui
JANVIER. 1764 .
37
avoua en êtreà fon douzième mari , fans
que la mort lui en eût ravi un feul . Je
m'attends , pourſuivit- elle , à tripler ce
nombre en moins de trois ans . Celle qui
parloit ainfi avoit cependant l'air d'une
perfonne diftinguée : elle étoit vêtue depuis
la ceinture jufqu'aux genoux , avoit
la tête enveloppée d'un linge brodé en
or , & portoit de riches perles à fes oreilles
& à fon nez. Elle apprit de plus à Zélinde
, qu'en fait de mariage , les Princeffes
elles-mêmes n'y regardoient pas de
fort près. Elles choififfent tel gentilhomme
qui leur plaît le mieux , en prennent
un autre quand il ceffe de leur plaire
, & lui donnent fouvent plus d'un Bramine
pour affociés. Et le Roi , demanda
Zélinde , en ufe- t- il autrement que fes
Sujets , ou leur fert-il d'exemple ? Oh !
c'est encore toute autre chofe , reprit
la jeune Indienne . Le Roi n'eft auprès
de fa femme que le fucceffeur du Chef
des Bramines. La première nuit du mariage
eſt deſtinée à ce Grand - Prêtre
avec cinq cens ducats de récompenfe.
Le même emploi l'attend lorfque le Souverain
fait quelque voyage , & la gratification
est toujoursproportionnée à la longueur
de l'abfence du Souverain .
La Néris n'en voulut pas fçavoir da38
MERCURE DE FRANCE.
vantage , & rejoignit Alcindor , qui de
fon côté avoit auffi fait fes remarques .
Tous deux conclurent à chercher mieux.
Le reste au Mercure prochain.
VERS à M. l'Év ÉQUE D'ORLÉANS ,
fur le danger de la maladie dont il
eft convalefcent , par M. AYGOU
de l'Académie des Belles- Lettres de
Cain .
QUAND la fière Atropos eut ouvert ſon ciſeau .
Pour couper de vos jours la trame fortunée ,
L'Orléanois frémit ... Il crut voir au tombeau --
L'Auteur de fon bien- être & de fa deſtinée !!
Minerve a diffipé ces critiques inftans :
Elle a faifi la main de la Parque cruelle...
ככ
Que vas- tu faire . lui dit-elle ?
1
►Arrête... c'eſt Jarente….. 11 eft de mes enfans...
» Attends que de Neftor il ait paffé les ans.
»Reſpecte ce Prélat que la France contemple.....
Apprends qu'il eft l'appui des Vertus , desa.:
>> Talens :
Il eſt plus : il en eft l'exemples
1
JANVIER 1764. 399
DIANE ET ENDYMION.
Au tendre amour Diane enfin foumife,
Pour obtenir & pour fixer les voeux
Du jeune amant dont fon âme eſt épriſe ,
L'entretenoit de fon rang glorieux
Dans les enfers , dans les bois , dans les cieux.
De tant d'honneurs qu'elle alléguoit ſans ceſſe ,
Endymion moins féduit que gêné ,
Gardoit toujours un filence obftiné.
Ce trifte accueil éclaira fa tendreſſe :
Elle oublia fon immortalité.
Un air riant , une aimable ſoupleſſe
Vint adoucir fa fuperbe beauté ;
Et le Berger vaincu par cette adreffe ,
Tömbe à ſes pieds , s'écriant , tranſporté :
Quel changement ! quelle félicité !
Grace à l'Amour , vous n'êtes plus Déeffe......
Ah ! je répons de ma fidélité.
Parfeu M. le Marquis de ROCHEMORE..
MADRIGAL..
LORSQUE l'Amour mépriſoir mes ſoupirs ,
Tendre & foumis je chantois fa puiffance ;
Le Dieu plus doux enfin me récompenſe
Et rien ne parle encor de mes plaifirs
40 MERCURE DE FRANCE.
Pardonne , Amour ! dans l'ombre du filence ;
Si j'ai caché les biens que tu me fais :
C'eſt au myſtère , à la longue conſtance
Qu'on doit un coeur digne de tes bienfaits.
Le mien brûle percé de mille traits ,
A fes tranfports peur à peine fuffire.
Je jure, Amour , de ne changer jamais.
Que ne te puis -je affurer de Thémire !
Par le même.
AUTRE MADRIGAL.
Our , j'adore Thémire , & ma fatale ardeur
S'accroît à chaque inftant ; rien ne peut la détruire.
Pour brifer mes liens , pour finir mon martyre ,
Je n'ai que la Raiſen ; & l'ingrate Thémire
A pour elle l'Amour , fes charmes & mon coeur.
Par le même.
སྙིང་ངེ།
JANVIER . 1764. 41
VERS à M.leMarquis d'ENTRAGUES,
Brigadier des Armées du Roi & Enfeigne
des Gendarmes de fa Garde ,
nommé par S. M. à la Survivance de
Grand Fauconnier de France.
Naiffance , efprit , talens , & cetart plus flatteur ,
L'art de plaire , heureux avantage
Que tu fçais réunir aux qualités du coeur ,
Sont de tes jeunes ans l'éclatant appanage.
Favori de la Gloire , ainfi qué de l'Amour ,
On t'aime également à la Ville , à la Cour.
D'ENTRAGUES , ta brillante aurore ,
Des bienfaits de ton Roi , va s'embellir encore.
Louis à ton amour donne un nouveau lien :
Son choix fait ſon éloge autant qu'il fait le tien.
Par M. DELPORTE DESFONTAINES ',
Gendarme de la Garde du Roi.
ETRENNES à Madame la Marquife.
de Pr....
Vous fûtes Reine des Amours ;
Par l'efprit aujourd'hui vous fçavez nous féduire.
Sur les coeurs vous régnez toujours ,
Vous n'avez que changé d'empire.
42 MERCURE
DE FRANCE.
Le temps détruit les plus beaux monumens ;
A vos jours chacun s'intéreſſe .
Ciel daigne conferver long- temps
Des jours filés par la fageile
Honorés par lés féntimens .
Par M: de C** **
RÉFLEXIONS SUS LES HOMMES.
Par Madame D *** .
LES Hommes font fouvent affez vains
pour fe dire favorifés des Femmes , &
ils font quelquefois affez fincères pour
convenir qu'ils n'en font point aimés
& qu'ils ignorent le vrai moyen de leur
plaire. Il en est beaucoup , il eft vrai ,
qui doivent leurs bonnes fortunes à leur
générofité , au caprice , à la foibleffe , &
prèfque jamais aux fentimens que le vrai
mérite doit infpirer. Mais , que leur importe
après tout d'être aimés , quand ils
n'aiment pas eux-mêmes ? Ils ne s'attachent
en effet prèſque tous qu'à l'extérieur
d'une Femme; ils font fi peu de cas du refte
, ils font fi perfuadés de la foibleffe de
nos lumières, qu'ils ne daignent pas feule--
ment nous tromper avec art. Ils louent :
JANVIER 1764. 43€
la jeuneffe de celle qui n'en a plus les
agrémens ; ils vantent la beauté de qui
n'y peut prétendre ; pour plaire à celles.
qui les écoutent , ils déchirent les abſentes
; mais quand ces dernières paroiffent ,
le mafque tombe , le beau parleur oublie
fon rôle, & rend à celle qu'il vient de maltraiter
les éloges qu'elle mérite. Je fçai que
la louange plait ; que c'eft par elle qu'on
gagne prefquetous les coeurs : mais qu'il
faut d'art pour bien louer ! Ce n'eft qu'en
penfant ce qu'on dit , qu'on parvient à le
perfuader. Si l'amour-propre nous aveugle
, la raifon nous éclaire , & nous fça ---
vons apprécier en fecret ce que nous valons
. Qu'une Femme ofe tenter de fortir
du cercle étroit où fon éducation femble :
la renfermer , on lui prodigue les éloges ;
on l'élève non - feulement au -deffus de
fon féxe , mais encore au - deffus des
plus illuftres Ecrivains . Que cette même
Femme , enhardie par des éloges fi flat--
teurs , uſe en conféquence du privilége
accordé à tout être penfant ; à peine
daigne - t - on l'écouter. On eft fi convaincu
de la fauffété de fes argumens ,
que la feule politeffe femble engager à y
répondre . Eh , Meffieurs ! foyez plus juf
ou connoiffez mieux vos intérêts ,
Eft-ce en humiliant les femmes que vous
9
44 MERCURE DE FRANCE .
prétendez les gagner ? Vantez moins
leurs charmes ; accordez -leur du moins
le fens commun vous leur plairez , je
crois , plus fùrement.
LETTRE à M. DE LA PLACE ,
fur les Priviléges des DAMES DE
BEAUVAIS.
JE N' E N'AI pas l'honneur , Monfieur , de
connoître Madame le Begue Dupont ,
dont on trouve une Lettre à l'article des
Cérémonies publiques , dans votre Mercure
du mois de Décembre 1763 ; je
voudrois cependant fervir d'écho à la
voix publique , & faire part à l'ingénieux
Auteur de cette pièce , de l'effet qu'elle
a produit dans le monde . On a été charmé
d'apprendre que les Dames de Beauvais
étoient rentrées dans leurs Priviléges
, & qu'elles alloient jouir de nouveau
d'une prérogative auffi glorieuſe
que juftement méritée . Cet événement
doit faire époque dans le fiécle de la
-Philofophie & de la Politeffe ; il ne fçauroit
être trop répété : nos faſtes litté
raires doivent l'immortalifer. Si, j'étois
JANVIER. 1764. 45
Poëte , je voudrois faire des vers en
l'honneur des Dames de Beauvais , & de
leur éloquente Panégyrifte. Mais , comme
le Ciel ne m'a pas départi ce talent ,
je prie Madame le Begue de vouloir bien
fe contenter de cette foible marque de
ma reconnoiffance & de ma fatisfaction.
J'ai l'honneur d'être , Monfieur , avec
toute la confidération dûe aux talens qui
vous diftinguent dans la République littéraire
, & c.
DE DUPUIS ,
Gentilhomme de Périgord.
P.S. Vous m'obligerez fenfiblement ,
Monfieur , fi vous voulez bien faire imprimer
ma Lettre dans le fecond volume
du Mercure de Janvier 1764 , à l'article
des Pièces fugitives . L'ufage que vous
en ferez me déterminera à vous envoyer
plufieurs morceaux fur laLittérature &
les Sciences.
46 MERCURE DE FRANCE .
QUATRIEME LETTRE d'une jeune
Etrangère fur les MODES & USAGES
DE FRANCE . }
J'AUROIS 'AUROIS eu , ma chère Mifs, bien des
chofes encore à t'écrire fur toutes les efpèces
de coëffures desFrançoifes,fi je m'étois
engagée à des détails exacts .Ce feul article
fourniroit à des volumes confidérables
je fuis furpriſe même , attendu la
mode des Ouvrages philofophiques en
France , que l'on n'en ait pas fait déja
une forte de Deſcription Encyclopédique,
ou tout au moins un gros Almanach
, auffi inftructif que bien d'autres ;
car je conçois bien que la fréquence des
variations exigeroit des éditions fouvent
renouvellées , avec changemens & augmentations
. Je t'ai promis de te faire
voir les Dames Françoiſe en deshabillé.
Imagine- toi le fpectacle le plus galant ,
& en même temps le plus modefte : car
elles ne font peut- être jamais plus complettement
vêtues que dans plufieurs de
ces Deshabillés. Remarque avec moi ,
en cette occafion comme en d'autres ,
l'efprit conféquent & jufte qui gouverne
JANVIER. 1764. 47
cette agréable partie de la Nation. Je
n'entends point par Deshabillé , ces premiers
vêtemens très- courts que l'on paffe
négligemment dans les bras , immédiatement
en fortant du lit. Ils font charmans
néanmoins , fur- tout dans les premiers
inftans où les vapeurs fugitives du fommeil
ne laiffent pas encore la force de
nouer tous les rubans qui en font les attaches
; ou bien les font nouer filaches ,
qu'ils feroient à la merci de toutes les
furprifes. Quelques inftans après ils deviennent
des vêtemens qui joignent &
-marquent affez jufte la taille . Ils font
blancs , && ggaarrnniiss ,, aaiinnffii que les jupons ,
d'une quantité prodigieufe de dentelles ,
de blondes , ou de très-belles mouffelines
fort pliffées. Comme le temps où fervent
ces demi- vêtemens n'eft confacié
qu'aux foins les plus myftérieux de la
toilette de propreté , ou à la plus intime
familarité , je ne compte le Deshabillé
que de ce qu'on appelle la Robe à peigner,
c'eft-à-dire , celle que l'on prend pour
paffer à la toilette d'apparat. Ces robes
font d'étoffes fimples en foye ou en toile
de Perfe , mais agréables ordinairement
-par la variété des couleurs , que le goût
prefcrit de choifir douces & tranquilles ;
quelquefois même un peu fombres. On
48 MERCURE DE FRANCE.
a fes raifons pour cela. C'eſt le moment
où la nature eft abandonnée à elle-même,
où les charmes d'un beau tein font
livrés à leurs propres forces : ils n'auroient
pas toujours celle de difputer avec
avantage contre des couleurs trop éclatantes.
C'eſt pardeffus cette robe que les
Dames prennent , quelquefois affez longtemps
avant la toilette même , un furvetement
de la mouffeline ou du linon le
plus fin , que l'on appelle Peignoir : ornement
mille fois plus galant & plus
riche , que l'ufage défigné par fon nom
paroîtroit l'indiquer. Ils font ordinairement
bordés par- tout d'une dentelle ,
plus ou moins large , plus ou moins précieufe
, fuivant l'état de dignité ou de
luxe , & fuivant l'éclat des toilettes. Les
manches fort amples de ces peignoirs ,
ont été abrégées depuis quelque- temps
dans leur longueur, pour ne venir que juf
ques aux coudes. Ingénieufe prévoyance
de ce féxe charmant fur les plus petites
reffources du beau deffein de plaire ! Les
manches de ces peignoirs, ainfi raccourcies
, accompagnent avec grâces un beau
bras nud qui travaille à la chevelure ,
fans le gêner , ni fans le dérober aux defirs
des fpectateurs. Si tu voyois , ma
chère Mifs , quelques-unes de ces jolies
Françoiſes ,
JANVIER. 1764. 49
Françoiſes , ainfi vêtues de lin , vis-à-vis
de leurs toilettes chargées de mille bijoux
dont la richeffe & la galanterie ,
réunies dans une adroite confufion , of
frent un spectacle étincelant ; fi tu les
voyois , dis-je , avec toutes leurs petités
grâces , qu'on ne peut décrire ni imiter
avec ces grâces artificielles en toute autre
qu'une Françoife , mais la nature même
en elles ; tu les prendrois alors pour les
Prêtreffes de l'Amour , facrifiant fur l'autel
de la Galanterie ; ou pour quelques
Enchantereffes , d'un ordre fupérieur &
céleste , qui préparent ou qui opérent les
charmes de la volupté,
N. B. C'eft avec regret que les bornes de
notre Journal nous obligent à remettre la
fuite de cette Lettre au volume prochain.
?
LEE mot de la première Énigme du
premier volume du Mercure de Janvier
eft le Diable. Celui de la feconde eft
la fauffe Monnoie. Celui de la troifiéme
eft l'an ou l'année . Celui du premier
Logogryphe eft Hiver , où l'on trouve
ver ; & en ôtant l'v , refte hier. Celui du
fecond Logogryphe eft Chandelle , où
II.Vol. C
+
50 MERCURE DE FRANCE.
l'on trouve l'Abbaye de Chelle , halle 3
lande.
J
ENIGM E.
POURROIS- JE fans gémir te déclarer mon fort ?
A peine mon époux a -t-il vu la lumière ,
Que de fiers ennemis confpirèrent fa mort,
Dans un piége imprévu cette troupe guerrière,
L'engage par degrés ; & je lui fers d'appui ,
En m'expofant aux coups qu'on prépare pour lui
Il s'échappe en fuyant , & je fuis prisonnière .
Il alloit fuccomber , privé de mon fecours ;
Mais un puiffant génie a protégé les jours.
Les vainqueurs infolens , ivres de leur victoire ,
Avoient cru l'accabler fous leurs vaſtes projets ;
Lorfqu'en changeant de féxe, un feul de fes Sujets
Brifa mes fers & lui rendit fa gloire.
Mais les vainqueurs en vain fe preffent fous mes
pas :
Tous ces honneurs ne font rien que fumée.
Après avoir vaincu dans cent & cent combats ,
Un enfant quelquefois diffipe les foldats ,
Me foule aux pieds & détruit mon armée .
Par M. D. R *** .
JANVIER. 1764.
51
"
A. UT RE..
J fuis tout feul quelquefois , E
Et j'ai quelquefois un frère ;
Nous fuivons les mêmes loix
Par un chemin tout contraire.
Sans regret je fuis caché
Dans une fombre demeure :
Je l'aime tant , que je pleure
Lorfque j'en fais arraché.
Quoique fans ceffe je nage
Sur un perfide élément ,
Je ne crains point le naufrage,
Et me noye à tout moment..
Je n'ai bras , ni pieds , ni tête :
Je ne fuis de chair ni d'os ;
Et fitôt que l'un m'arrête ,
L'autre trouble mon repos.
LOGO GRYPH E.
JV
LECTEUR , je ne sçaurois paroître
Sans vous caufer beaucoup d'eff: oi,
Tranfpofez quelques pieds , je n'appartiens qu'au
Roi.
C'en eft affez pour me connoître,
51
Par M. LAGACHE fils , à Amiens .
Cij
2 MERCURE DE FRANCE.´
AUTRE.
DANS buit lettres trouvez Châtel ,
Érole , écho , lacet , hôtel ,
Calote , lac , taloche , cole ,
Chat , côte , tache , cale , Eole.
COUPLETS
A Mlle de la M..... qui avoit demandé
à l'Auteur ce que c'étoit que l'Amour.
Sur l'AIR : Etre fille , avoir des Enfans.
IR
RIS , l'Amour eft un Enfant
Dont le doux badinage
Fait le plaifir ou le tourment
Des filles de votre âge.
Comme vous il eſt plein d'attraits ,'
Comme vous il fçait plaire ;
On diroit en voyant les traits ,
Que vous êtes ſa mère.
a les yeux pleins de douceur,
La voix intéreſſante ,
Le langage tendre & flatteur ,
Et l'humeur complaifante ;
Dans les ris comme dans les jeux
Même dans les allarmes
JANVIER. 1764. 53
Les pleurs qui coulent de les yeux
Ont toujours mille charmes.
İl fçait attendrir la beauté
▸
Quand il veut la furprendre ,
Et le coeur le plus indompré
Ne fçauroit s'en défendre ;
C'eft un tyran , un doux vainqueur ,
Qui par des traits de flâme
Fait fa gloire & notre bonheur
En régnant dans notre âme.
S'il fait l'aveugle quelquefois ,
C'eſt un pur artifice ;
S'il femble n'avoir point de loix ,
Redoutez fon caprice.
2
Pour mieux s'aflurer du flambeau
Qu'il porte auprès des Belles ,
Il faut arracher ſon bandeau ,
Et lui couper les aîles.
Iris , reconnoiffez l'Amour
A tous ces caractères .
Je voudrois pouvoir en ce jour
Vous chanter fes myſtères :
Mais le reſpect me fait la loi ,
Je n'ofe vous les dire ;
Un Mortel plus heureux que moi
Sçaura vous en inſtruire.
Par M. LE BOUVYER DESMORTIERS.
C iij
54 MERCURE DE FRANCE.
ARTICLE II
NOUVELLES LITTERAIRES.
LETTRE à M. DE LA PLACE , Auteur
du Mercure,fur l'ELOGE DE SULLY,
par M. THOMAS.
MONSIEUR ,
DANS un Ouvrage périodique intitu
lé , l'Année Littéraire , qui fe vend à Paris
chez Panckouke , on a imprimé une
Lettre contre l'Eloge de Sully , par M.
Thomas. On y accufe cet Ecrivain d'avoir
pris plufieurs morceaux de fon Difcours
dans les Confidérations fur les Finances
, de M. de Forbonnais . J'ai voulu
examiner par moi - même fur quoi cette
accufation pouvoit être fondée : voici le
réfultat de mes recherches . Permettezmoi
, Monfieur , de vous en rendre
compte. J'avois efpéré quelque temps ,
que M. Thomas pourroit répondre luimême
mais fans doute il a dédaigné
des accufations qui étoient trop inju
JANVIER. 1764.
55
rieufes pour pouvoir lui nuire. Je me
charge très- volontiers de ce qu'il n'a
pas voulu faire ; & c'eft encore plus par
Pintérêt de la vérité , que par l'eftime particulière
qui m'attache à cet Ecrivain .
Je vais commencer par le Diſcours , &
je viendrai enfuite aux notes.
M. Thomas , dans fon Difcours , a dit,
page 30 , que les Membres du Confeil des
Financesforçoient, par d'indignes délais,
des Créanciers de l'Etat à réduire euxmêmes
leurs fommes , & les portoient enfuite
toutes entières fur leurs comptes ;
pag. 37 , que Sully commença par remettre
aux Provinces vingt millions d'arrérages
de Taille ; que depuis il diminua
d'année en année cet impôt de deux millions
qu'ilregardoit la Taille comme un
impôt vicieux de fa nature , & fur- tout
la Taille arbitraire. Il rapporte , p . 41 ,
ce mot célébre de Sully , contre les Officiers
de Juftice qui avoient ofé défendre
la fortie des bleds de leur Province :
SIRE , fi chaque Officier en faifoit autant
, votre Peuple feroit bientôt fans argent
, & par conféquent VOTRE MAJESTE.
Je vois dans ces trois articles
trois faits qui fe trouvent exactement
Trapportés dans les Mémoires de Sully :
& il feroit affez difficile de prouver que
Civ
56 MERCURE DE FRANCE .
ces faits appartiennent à M. de Forbonnais
, parce qu'il les a tranfcrits dans fes
Confidérations fur les Finances.
On a ofé avancer que le parallèle de
Colbert & de Sully étoit puifé tout entier
dans l'Ouvrage de M. de Forbonnais. II
eft vrai que M. Thomas n'a point créé
lesfaits , fur lefquels eft fondé ce parallèle
; il eft vrai encore que les mots de
courage , d'activité , d'ordre , d'oeconomie
, de droits intérieurs , de commerce ,
de calculs politiques , d'Agriculture , de
combinaifon d'impôts , fe trouvent également
dans les deux Ouvrages : mais
voilà à - peu - près ce qu'ils ont de commun.
M. de Forbonnais a fait quelques
réfléxions générales fur le Ministère de
Sully , p. 88 , & fur celui de Colbert , p.
271 mais il n'y a pas la moindre trace
d'un parallèle. M. Thomas , dans fon
Difcours , a rapproché ces deux grands
Hommes , & il a comparé fucceffivement
leurs opérations , leurs principes ,
leurs fuccès , leurs talens , & leur caractère.
Il a fait voir en quoi ces deux Miniftres
fe reffembloient, en quoi ils différoient
l'un de l'autre. Ce parallèle exact
& détaillé n'avoit été fait , ni par M. de
Forbonnais , ni par aucun Ecrivain avant
l'Auteur de l'Eloge de Sully. S'il y a,
JANVIER. 1764.
57
dans les recherches & dans l'Eloge, quelques
mots qui fe reffemblent , c'eft que
les faits , dont l'un & l'autre parlent ,
font précisément les mêmes pour tout
le monde ; c'est qu'on ne peut parler
d'adminiſtration , fans employer les termes
d'Agriculture , de Navigation , de
Commerce , d'Impôt ; c'eft qu'enfin il
n'y a qu'une manière de juger de certai
nes opérations , pour tous ceux qui ont
des lumières & du bon fens.
Je paffe maintenant aux notes . Voyons
fi l'accufation de plagiat , pour cette
partie , eft mieux fondée. M. Thomas ,
pag . 71 , dit que Sully fe transporta en
1596 dans les principales Généralités
du Royaume , pour en connoître les reve-
.nus , હ que les Financiers n'omirent rien
pour le traverfer. Il entre là -deffus dans
quelque détail fur les difficultés qu'il eur
à effuyer. Qui ne voit que ce font - là
des faits qui appartiennent à l'Hiftoire ?
Et de quel front ofe - t- on attribuer ces
-faits à M. de Forbonnais , comme fi c'étoit
un bien qui lui appartînt en propre ?
Qu'on ouvre les Mémoires de Sully , &
F'on trouvera ces faits tels que l'Auteur
de l'Eloge les a rapportés. Falloit- il donc
qu'il les falfifiât , pour ne pas fe rencontrer
avec M. de Forbonnais ? On cite en-
-
-
Cv
$ 8 MERCURE DE FRANCE .
core trois notes , l'une fur les opérations
de Sully dans les Monnoyes , l'autre fur
la Gabelle , & la dernière fur la réduction
de l'intérêt. Ces trois notes roulentégalement
fur des faits. M. Thomas dit:
que les opérations de Sully fur les Monnoyes
ne valurent rien , & il en rapporte
les raifons. Devoit- il donc en apporter de
fauffes , parce qu'on avoit déja écrit làdeffus
avant lui ? Et ne lui étoit -il pas
auffi permis de dire , qu'il y avoit en
France beaucoup d'Espèces étrangères ,,
&que , malgré l'Ordonnance du Roi , on:
ne voulut pas les porter à la Monnoye ,
parce qu'on devoit y retenir des droits confidérables
? M. Thomas rapporte enfuite
quelle étoit la proportion de l'or à l'argent
en France , en Espagne , en Angle--
terre , & en Allemagne mais il avoue
de très-bonne foi qu'il n'a pas inventé
cela . Il n'y a pas d'apparence que M. de
Forbonnais l'ait plus inventé que lui ; &
probablement cent perfonnes , qui auroient
à parler de cette proportion , feroient
toutes obligées de dire la même
chofe . Car une opération d'Arithmétique
, lorfqu'elle eft jufte , appartient , je
crois , à tous ceux qui fçavent compter..
Des faits que M. Thomas cite fur la Ga-.
belle , les uns font dans les Mémoires de
JANVIER. 1754. 59
-Sully , les autres font connus de toute
la France. Qui ne fçait , par exemple ,
que le Sel eft une denrée très -commune
& qu'on la vend fort cher à des pauvres ?
Qui ne fçait que les Troupeaux , faute de
Sel , périffent de plufieurs maladies ; &
qu'on les écarte même des bords de la
Imer, où ilspourroient fe guérir? Qui eſtce
qui ne fe plaint tous les jours de ce
grand nombre de brigands qui paffent
leur vie aufaux-faunage , & qui auroient
pu exercer une profeffion utile ? Quoi !
parce que M de Forbonnais a écrit fur
ces abus , il feroit défendu de dire que
ces abus fubfiftent encore ? Il s'agit bien
ici de répéter ou non une phrafe qui ait
déja été dite ; il s'agit du bien de l'Etat ,
& de vérités utiles ; & , ces vérités , il :
-faut les répéter fans ceffe , jufqu'à ce
qu'elles ayent enfin produit leur effet.
Enfin , dans fa note fur la réduction de
Pintérêt , M. Thomas a dit que cette opé-
·ration de Sully avoit été fort utile à la
~France ; & il a remarqué que toutes les
Nations voisines pavent aujourd hui l'intérêt
de l'argent moins cher que nous. Il
n'y a pas de Banquier , d'Agioteur , ou
d'Agent de Change , qui ne fcache cela ,
& probablement , fans avoir jamais lû les
recherchés de M. de Forbonnais fur les
Cvj
60 MERCURE DE FRANCE.
Finances. Pourquoi M. Thomas n'auroit-
il point eu le même avantage ?
Voilà pourtant à quoi fe réduir cette
prétendue accufation de plagiat. 1º:Quelques
faits qui fe trouvent dans les Mémoires
de Sully , où M. de Forbonnais les
a puifés ainfi que M. Thomas ; desfaits
liés néceffairement à l'Eloge , & qu'il
étoit impoffible de paffer fous filence.
2º. Quelques autres faits , qui ne font
point à la vérité dans les Mémoires , mais
dont les uns font connus de tout le monde
, comme les abus de la Gabelle ; les
autres font des faits de calcul , comme
la proportion de l'or à l'argent du temps
de Sully. Il faut voir cependant comment
l'Auteur de la Lettre s'accroche à
tous les mots , pour tâcher de trouver
quelque reffemblanche entre les Recher
ches fur les Finances & l'Eloge de Sully.
M. de Forbonnais a employé l'expreffion
puifer dans les mines , & elle fe trouve
auffi dans l'Ouvrage de M. Thomas.
L'Auteur des Recherches a dit , que Sully
foutint en homme de Guerre fon opération
de Finance. L'Auteur de l'Eloge a dit , ce
n'eft point à Sully à trembler ; comme Miniftre
, il écrase l'injuftice ; comme Guerrier
, il brave les menaces. Voilà ce qu'on
appelle plagiat ! En effet , il y a dans les
JANVIER. 1764.
61
deux phraſes le mot de Sully , & le mot
de Guerier reffemble affez à celui d'homme
de Guerre.
Quelles accufations ! On prouveroit
de même que l'Oraifon funèbre de Turenne
, par Flechier , a été prife toute entière
de celle de Mafcaron , parce qu'on
trouve tous les mêmes mots dans l'une
& dans l'autre . En vérité , M. de Forbonnais
lui- même a dû être plus indigné
que M. Thomas contre l'Auteur de cette
Lettre , quel qu'il foit. Connu par un
bon Ouvrage fur les Finances , n'a-t- il
point affez de fa propre gloire , fans
qu'on s'efforce de lui attribuer encore
les Ouvrages des autres ; & fon mérite
a-t-il donc befoin d'être relevé par un fi
petit artifice ?
Il ne tient pas à l'Auteur de la Lettre
qu'on ne croye que tout l'Eloge de Sully
fe trouve dans les Recherches fur les Fi
nances . Il commence d'abord par retrancher
les deux premières parties , comme
n'ayant pas réuffi . Je conviens qu'elles
ne devoient ni ne pouvoient pas être auffi
intéreffantes que la troifiéme ; mais elles
ont tout le degré d'intérêt & d'éloquence
dont elles étoient fufceptibles : & il
me femble que le Public a retrouvé dans
ces deux parties le Panégyrifte du Maré
62 MERCURE DE FRANCE.
(
ہ پ
chal de Saxe , dù Chandelier Dague
feau, & de Duguay- Trouin. A l'égard
de la troifième partie , l'Auteur de la
Lettre eft forcé d'avouer qu'elle a eu du
fuccès : mais , dit- il , elle n'appartient
point à M. Thomas. Il est bien fingulier
que , cette partie ayant déja été faite ,
M. Thomas foit le feul qui l'ait trouvée ,
& que perfonne avant lui n'eût fait cette
heureufe découverte. Mais , je demande
à l'Auteur de la Lettre , fi M. Thomas a
trouvé dans les Recherches furles Finances
, le portrait du Miniftre ou de l'Homme
d'Etat qui ouvre fa troifiéme partie;
s'il a trouvé cette peinture fi forte de l'é
tat des Finances fous Henri IV , des horribles
déprédations des Financiers , & de
tous les maux qui défoloient les Provint
ces ; s'il a trouvé le tableau affreux des
véxations qu'entraîne la Taille arbitraire,
& tout le morceau où il peint à
grands traits Sully réformant les abus ,
& créant l'Etat une feconde fois ; & celui
où il développe , avec autant de cha
leur que de netteté , les principes de fon
adminiſtration , & tout ce qu'il dit d'éloquent
fur les Impôts , fur l'Agricul→
ture , fur le Commerce & fur l'Econo
mie ? Je demande enfin s'il a trouvé la
peinture qu'il fait de l'Homme moral
i
JANVIER, 1764: 63:
dans Sully; ce portrait fi vrai d'une ver-
-tu antique & auftère , & ces détails fi
touchans fur fa retraite , & cette pérorai--
fon qui a paru tout à la fois noble , coul
tageufe & fimple ? Qu'on ofe dire fi
rien de tout cela fe trouve dans les Cónfiderations
fur les Finances ou ailleurs ?
Voilà pourtant prèfque tout ce qui com
pofe cette troifiéme partie.
A l'égard des faits , comme j'ai déja
dit , on fent bien qu'ils doivent fe trouver
dans les Mémoires de Sully , & dans
l'Ouvrage de M. dé Forbonnais ; puifque
M. de Forbonnais a travaillé , comme
M. Thomas , fur ces Mémoires . Pour la
reffemblance d'expreffion , qui paroît
marquée dans trois ou quatre endroits des
notes feulement , ce font fans doute des
-formes qui font reftées dans la tête de
M. Thomas , fans qu'il s'enfoit apperçu
lui-même ; & la plus grande preuve.
qu'il n'a point copié , c'est cette reffem-
-blance même. Car rien affurément . ne
lui eût été plus facile que de changer.ces
phrafes , & de leur donner une autre
tournure. Le plus mince Ecolier n'y auroit
pas manqué ; à plus forte raiſon un
Ecrivain connu , & qui peut être jaloux
de fa gloire.
Une réfléxion qui fe préfente naturel64
MERCURE DE FRANCE .
lement en lifant l'Eloge de Sully , c'eff
que M. Thomas , pour le faire , a dû étudier
les Finances , comme il avoit étudié
l'Art Militaire pour l'Eloge du Maréchal
de Saxe , la Jurifprudence pour l'Eloge de
Dagueffeau , & la Marine pour celui de
Duguay-Trouin. Il a donc fallu qu'il lût
beaucoup d'Ouvrages fur les Finances ,
parce que probablement il ne pouvoit pas
s'inftruire de cette matière par lui-même ;
ainfi fon premier travail a conſiſté à examiner
une grande partie de ce qui avoit
été écrit là - deffus ; à démêler les vrais principes
des faux , à fe faire un ſyſtême d'après
lequel il pût connoître & juger les
différentes opérations de Sully , & qui
pût lui fervir de guide dans fon Ouvrage .
C'eft après ce travail qu'il a fans doute
compofé fon Difcours , qui lui appartient
tout entier comme Orateur. Ceux
qui lui reprochent que tout ce qu'il dit
fur les Finances n'eft pas de lui , font àpeu-
près auffi raifonnables que s'ils prétendoient
qu'un Architecte n'a aucun
mérite à avoir conftruit un bel Edifice ,
parce qu'il n'a point créé les matériaux
qui le compofent.
L'Auteur de la Lettre , après avoir cité
encore quelques phrafes , qui , pour
la plupart , font tirées des Mémoires de
JANVIER. 1764; 65
Sully , ou qui fe trouvent par-tout comme
celle-ci , la liberté eft l'âme du Commerce
; après avoir tâché de rapprocher
des chofes qui n'ont aucune reffemblance
entre elles , ou qui n'ont que celle
des mots ; après avoir jetté des foupçons
où les accufations lui manquent ; ofe
demander ce qui reftera à M. Thomas.
On répond qu'il lui reftera la première
la feconde & la troifiéme partie de fon
Difcours , excepté ces mots , en parlant
de la Taille , impôt vicieux defa nature ;
& ces autres mots , en parlant de la fameuſe
réponſe de Sully fur la fortie des
bleds , paroles mémorables , & qui mériteroient
d'être écrites.... On avoue que
ces deux bouts de phrafes , qui ne font
pas des faits , fe trouvent dans les Recherches
fur les Finances. I lui reftera
toutes les notes , à l'exception de quelques
lignes éparfes çà & la dans les deux
volumes in-4 ° . des Recherches fur les Fi
nances , & qui ne contiennent encore
que desfaits , comme on l'a détaillé plus
haut. Il lui reftera l'ordonnance & le
plan de fon Difcours , la manière dont
il préfente les faits , les réfléxions qu'il y
mêle , l'ordre & l'enchaînement des vérités
, l'éloquence qu'il a pu y joindre ,
les fentimens de Citoyen qui l'animent
66 MERCURE DE FRANCE .
戛
Il lui reftera enfin tout fon Ouvrage
excepté les faits hiftoriques qu'il n'a pu
ni dù créer , qui étoient néceffairement
le canevas de l'Eloge , & qui lui appar
tenoient fans doute comme ils appartien
nent à tous ceux qui ont écrit , qui écri
vent , & qui écriront après lui . J'ai
Phonneur d'être , Monfieur , votre trèshumble
& rrès-obéiffant Serviteur ,
D'A ***
LETTRE à l'Auteur du Mercure.
LAAUUTEURanonyme , Monfieur , qui
dans le Mercure de ce mois m'a fait
Phonneur de me demander dés éclairciffemens
fur le Sujet du Prix de Poëfie
propofé par l'Académie de Rouen , paroit
n'avoir pas de connoiffance des
anciens programmes qui ont été envoyés
aux Ouvrages périodiques en
1760 , 1761 & 1762 , puifque ces programmes
fatisfont à la plupart des queftions
fur lefquelles il defire de connoître
les intentions de l'Académie.
Comme elle n'a jamais entendu y faire
aucun changement , elle me charge ,
Monfieur , de vous prier de fa part de
JANVIER 1764.
Tes inférer de nouveau dans l'un de vos
premiers volumes , tant pour cet Auteur
que pour tous ceux qui voudront
concourir au même Prix. Voici celui de
1760.
L'Académie a propofé pour Sujet du
Prix de Poëfie fondé par M. le Maréchal
Duc de Luxembourg , Gouverneur
de Normandie & fon protecteur, la délivrance
de Salerne par 40 Chevaliers
Normands & la fondation du Royaume
de Sicile qui fut la fuite de cette ex.
pédition.
Elle laiffe aux Auteurs liberté entière
fur le choix du genre du Poëme , fur
fon étendue , & fur la meſure des vers..
Elle exige feulement qu'il foit propor
tionné au Sujet , & qu'il célébre dignément
l'un des plus finguliers événemens
de notre histoire .
En 1761 ..
L'Académie n'a point reçu de Poëme
qui ait rempli fes vues ; elle propofe
de nouveau le même Sujet & aux mêmes
conditions.
.. Elle exhorte les Auteurs à le traitermoins
en Hiftoriens qu'en Poëtes . Elle:
-ne demande pas une hiftoire fuivié d'é--
vénemens qui occ pent près d'un fiécle.
Cette exactitude chronologique ré--
68 MERCURE DE FRANCE.
聊
•
pand un froid mortel fur un Poëme. II
s'agit de choisir celle des deux époques
qu'on croira la plus intéreffante & de
F'embellir par quelque fiction ingénieufe
qui donnera les moyens d'y enchâffer
les événemens qui l'auront ou précédée
ou fuivie. Ce font les feuls avis que
l'Académie croye devoir donner aux
Auteurs , perfuadée qu'il faut laiſſer au
génie une entière liberté , & qu'il eft
peu de faits hiftoriques dont le merveilleux
& la fingularité prêtent davantage
à la Poëfie.
En 1762.'
On a réïtéré le même Programme &
doublé le Prix.
En 1763.
On a encore remis le Prix , & dans
le Programme inféré dans le Mercure
de Septembre on n'a parlé que de la
délivrance de Salerne , parce qu'on a
fuppofé le Sujet affez connu du Public
pour ne le pas répéter tout au long.
Vous voyez , Monfieur , que PAcadémie
a été bien éloignée de donner
l'exclufion à un Poëme épique régulier,
fi elle étoit affez heureufe pour que fa
perfévérance fît éclore un Ouvrage digne
de ce nom. Elle a encore moins
gêné les Auteurs fur le choix du Sujet
JANVIER, 1764. 69
1
principal; elle a feulement exigé que cer
lui des deux événemens qui ne feroit
pas choifi, entrât dans le Poëme comme
Epifode. A l'égard des moyens de lier
cette Epiſode , la difficulté de la différence
des Chevaliers n'eft pas infurmontable.
L'Académie a même déja
vu des Poëmes qui employent pour y
parvenir des expédiens ingénieux & que
le filence de l'Hiftoire autorife. C'eft
aux Poëtes à fçavoir jufqu'à quel point
ils peuvent altérer la vérité historique .
Qu'une fiction noble & ingénieuſe répande
la chaleur & la vie dans un Sujet
déja fi difpofé à recevoir le mer
veilleux ; l'Académie bien loin de reclamer
pour une froide exactitude , applaudira
comme le Public aux fituations
& aux images que le génie créateur
du Poëte aura fçu enchâffer dans fon
Ouvrage.
J'ai l'honneur d'être & c.
MAILLET DU BOULLAY , Maître des Comptes
& Secrétaire de l'Académie, de Rouen pour
les Belles-Lettres , derrière l'Archevêché,
A Rouen , le 29 Décembre 17639
70 MERCURE DE FRANCE .
LETTRE fur un Auteur du 17 fiècle ,
écrite par M. DE MASSAC , Receyeur
Général des Fermes du Roi
Abonné au Mercure , & de la Socié
té Royale d'Agriculture de la Généra
lité de Limoges , à M. le Chevalier de
VIVENS , de la même Société , de
celle de Metz, & de l'Académie des
Sciences & Belles - Lettres de Bordeaux.
MONSIEU ONSIEUR,
I
PERSONNE ne rend plus de juftice
que moi à M. le Franc de Pompignan. ,
Tous les efforts que les Beaux - Efprits de ..
ce fiécle ont fait depuis quelque temps
pour indifpofer le Public contre lui , ne
m'ont point fait changer de façon de
penfer fur cet Auteur eftimable, dont
j'admire comme vous , & les talens , &
les vertus. Je viens de relire fes Ouvrages
avec un nouveau plaifir : cette lecture
m'a rappellé ce que vous me fires l'hon A
neur de m'écrire le 11 Février 1762 .
» M. de Pompignan , me marquiezJANVIER.
1764.
7 *
» vous , ne dit rien de bien flatteur ( a )
» pour Coftabadie . Sur huit Livres d'Epi-
» grammes latines de cet Auteur , il ne
> reconnoît pour bons que, quatre vers
» que Santeuila pillés. Il paroît étonnant
» que tout le refte foit abfolument mau¬
» vais : j'ai quelques doutes fur ce juge-
» ment rigoureux , & j'en appelle avaus
Qui mieux que vous , Monfieur , feroit
en état de réformer , s'il y a lieu , le ju
gement prononcé par M. le Franc , fur le
mérite littéraire du Poëte dont il s'agitè
J'imagine que vous n'avez pas fes Ŏuvrages
: vous fçavez que j'en fuis poffeffeur
; ce ne peut être que cette raifon qui
vous engage à me demander ce que j'en
penfe moi-même. Le voici.ve
Je conviens , avec M. de Pompignan ,
que notre Auteur n'avoit pas l'efprit
épigrammatique à un certain point , &
que fes Epigrammes , qui font en génér
ral d'une latinité médiocre , ne font pref
que toutes que des defcriptions des cha
fes , ou des éloges des perfonnes dont il
parle. Mais il faut convenir auffi qu'il y
en a plus de trois ou quatre qui méritoient
de fixer l'attention de notre Critique. Son
( a ) Voyez les Oeuvres diverfes de M. le Frang
de Pompignan , edit . Paris , 1733. tom . 2
282021
3
酱
2:p
72 MERCURE DE FRANCE .
jugement me paroît contradictoire
d'un côté, il reconnoît pour bonnes au
moins trois ou quatre Epigrammes ; de
l'autre côté , il déclare qu'il alloit fermer
fon Coftabadius , fans quatre vers
qu'il affure être les feuls bons que cet
Auteur ait fais . Cette derniere affertion
fe trouve encore placée après l'aveu
formel de M. de Pompignan , que
notre Poëte a bien caractériſé la perfonne
& les Ecrits de M. Garifolles ;
qu'il a honoré par fes vers plufieurs autres
Montalbanois & qu'on doit être
flatté de l'Epigramme qu'il a compofée
à l'honneur de Montauban .
S'il eft vrai qu'il n'y ait que quatre
bons vers dans tout Coftabadie , il fera
également vrai que M. Gariffoles , plufieurs
autres Montalbanois & Montauban
lui-même ont été honorés par de
mauvais vers, S'il font trouvés bons par
des Montalbanois , parce qu'ils font
faits à leur honneur , comment tous
es hommes en général doivent-ils trouyer,
par un intérêt commun , la deuxiéme
Epigramme du Liv. I. Sur la chute
d'Adam , qui finit ainfi ;
Si locus humano pateat , fine crimine , voto ,
Adam , utinam furdus , muta vel Eva fores ,
dont
JANVIER. 1764. 73
,
dont M. de Pompignan n'a pas jugé à
propos de parler. Celle - ci , euffé - je
l'honneur d'être de Montauban me
paroîtra toujours fupérieure à celles qui
flattent les Montalbanois ; mais vous
& moi , Monfieur , & tous nos compatriotes
, ne devons -nous pas être pour
le moins auffi flattés de la trente &
uniéme Epigramme du Livre VII . fur
la deftruction de Tonneins , qui eft terminée
par ces mots.
• · •
Mihi patria noftra dediſti
Vitam unam , luctus funera mille dabit.
Coftabadie nous apprend par cette
Epigramme , que Tonneins étoit le lieu
de fa naiffance , qu'il avoit vu cette
Ville avant qu'elle fût détruite ; d'où
l'on peut juger qu'il étoit né vers le
commencement du dix-feptiéme fiécle ,
puifque ce ne fut qu'en 1621 que les
Villes de Tonneins & de Clairac fudétruites
de fond en comble & réduites
en cendres par ordre de LOUIS XIII .
Sans m'arrêter aux Epigrammes 50
& 58 du Livre V , à la 22° du Livre
VIII , &c , que je crois au-deffus de
celles dont parle M. de P ...... je me
fais un plaifir de tranfcrire en entier
IL Vol.
.: D
74 MERCURE DE FRANCE .
la 36° du Livre VII fur la Garonne. H
n'eft pas douteux , comme vous le dites ,
& comme le croit M. de P .... qu'elle
n'ait fourni à Santeuil la plus belle
image de fa belle infcription pour la
Pompe de Notre Dame de Paris :
Sequana cum primum reginæ allabitur urbi
Tardat præcipites ambitiofus aquas ;
Captus amore loci , curfum oblivifcitur , anceps
Quò fluat , & dulces nectit in urbe moras.
Voyons à préfent comment s'exprime
notre Poëte Gafcon. Quoique fon
idée fur la Garonne ne foit pas auffi
pompeufement rendue que celle de
Santeuil fur la Seine , il n'en a pas
moins le mérite de l'invention .
Monte Pyrenæo , & celfis natalibus undans ,
Fæcundo erumpit fonte , garumma levis .
Nafcitur iratus , primâque obmurmurat undâ ;
Huic inimica quies , jamque ruina placet .
Præter greffus abit media impedimenta Tholofe,
Terra & agenna tuos confpuit altus ogros.
Inde falutat aquis & amica voce thonenfum ,
Pronus in oceanum fudat abire fuum .
Burdigalæ fed tantus amor , cum littora tangit
Vivifca ambiguâ currit & hæret aquâ.
>
* L'Auteur auroit dû dire Vibifca au lieu de
Vivifca , il y a un V pour un B felon la
mauvaite habitude des Gafcons. Vibifci ou plutot
Buturiges.
JANVIER. 1764. 75
Penituit liquifle urbem fimilisque do lenti
In muros refluis ecce recurrit aquis.
»
» La Garonne fort des Monts Pyren-
» nées : dès fa fource elle eſt abondante ,
» rapide , courroucée ; elle fait entendra
» le bruit de ſes eaux ; le repos lui dé-
» plaît , il faut qu'elle caufe du ravage .
» Franchiffant les digues que Toulouſe
» lui oppoſe , elle traverſe cette ville &
groffiffant dans fon cours , Agen , elle
» arrofe tes campagnes. De là après avoir
falué Tonneins du doux bruit de fes
» flots , elle s'efforce d'aller fe précipi-
» te dans l'Océan ; mais à peine tou-
» che-t-elle les rivages du pays Bordelois,
qu'éprife d'amour pour Bordeaux , elle
» fe ralentit , n'a qu'un cours incertain ;
» & comme fi elle étoit affligée d'avoir
» quitté cette ville , elle revient fur elle-
» même & reflue jufques fur fes murs .
Au refte il plaît à M. de P
d'appeller notre Auteur Coftabadius, en
ajoutant que ce nom eft fort obfcur,
mais en us & par conféquent en régle ,
dit- il , pour un Verfificateur latin .
»
... •
Le véritable nom françois de notre
Poëte étoit Coftabadie. Il éxiftoit encore
une demoiſelle de cette Famille
il n'y a pas long- temps , & elle s'ap-
Dij
76 MERCURE DE FRANCE .
pelloit Coftabadie , comme fes ancê
tres. Je ne ne vois pas que ce nom
foit plus obfcur que tout autre. Quand
fa terminaifon eût été en us , cela auroit-
il pû faire croire à celui qui le
portoit , qu'il devoit verfifier en latin.
Nous voyons à la vérité que les
noms de plufieurs grands Poëtes finif
fent en us , mais n'avons nous pas auffi
les Martial , les Juvenal ? & c , & c.
Je pense donc , avec tout le refpect
que je dois à M. de P .... qu'il auroit
pû fe difpenfer , quand bien même
Coftabadie fe fût appellé Coftabadius ,
de profiter de cette circonftance pour
jetter une espéce de ridicule fur un
Auteur plus digne , à certains égards ,
d'être connu , que plufieurs autres dont
nous voyons les ouvrages célébrés dans
nos Annales Litteraires.
Vibifci étoient des Peuples de l'ancienne
Aquitaine , qui occupoient le
pays qu'on nomme aujourd'hui Bor ,
delois. Ainfi littora vibifca , fignifie
à la rigueur , les bords de la Garonne
depuis Langon ou S. Macaire , jufqu'à
l'embouchure de ce fleuve dans l'Océan .
Les Bituriges vibifci, étoient ainfi nommés
pour les diftinguer des Bituriges
JANVIER. 1764. 77 .
cubi , qui font aujourd'hui les Peuples
du Berri.
Je finirai cette lettre , Monfieur
en vous annoncant que la Société d'Agriculture
du Limoufin , qui fe félicite
tous les jours de vous compter au
nombre de fes Affociés , vient enfin
d'acquérir un degré de ftabilité
q i
lui étoit abfolument néceffaire . C'eſt aux
foins de M. Turgot notre Intendant, fans
ceffe utilement occupé des moindres détails
de l'adminiftration qui lui eft confiée
, que nos Bureaux font redevables
de la jouiffance d'un revenu
annuel pour fubvenir aux frais indifpenfables
qu'ils font obligés de faire. Cer
événement a ranimé le zéle de la plû
part de nos Confrères. Ils ont commencé
l'emploi de leurs fonds par
l'acquifition des inftrumens néceffaires
pour faire des expériences météorologiques
, fuivant les inftructions dont vous
avez bien voulu nous faire part . II
faut efpérer que notre exemple fera
fuivi par les autres Sociétés Royales ,
qui ne doivent pas attendre , avec moins
d'empreffement que nous-mêmes , de
voir paroître la cinquième partie de
* Celui de Brive à 300 liv. par an.
D iij
78 MERCURE DE FRANCE.
an
vos obfervations d'Agriculture ,
noncée dans le Mercure de France , du
mois d'Octobre dernier , premier vol.
page 108.
à Brive la Gaillarde , le 15 Décembre 1763.
ÉLOGE de MAXÍMILIEN DE
BETHUNE , Duc de SULLY ,
Sur-Intenant des Finances fous HENRI
IV ; par Mlle Mazarelli ; à Paris ,
chez Duchefne , Libraire , rue S. Jac
ques , au Temple du Goût , 1764 ;
avec approbation & permiffion , in- 8° .
PENSÉES ENSÉ ES naturelles , diction pure ,
termes choifis & juftes , fentimens nobles
, vertueux , pathétiques & touchans ,
traits ingénieux fans affectation , rien
qui fente la déclamation , le faux belefprit
, le clinquant ; un ton toujours fage
, toujours décent ; une éloquence
en un mot , qui réunit l'élégance & la
précifion à ce goût , à cette politeffe que
donne l'ufage du monde : voilà ce que
le Public , dont nous ne fommes ici que
les interprêtes , a le plus loué dans l'Ouvrage
de Mlle Mazarelli.
JANVIER. 1764. 79
Sans s'aftreindre à cette marche régulière
& fymétrique qui partage , divife &
fubdivife la plupart des Ecrits de ce genre
, l'Auteur fuit fon Héros ( qu'on ne
perd jamais de vue ) dans les principales
circonftances de fa vie ; & c'eft d'après
la fimplicité de ce plan , que nous - mêmes
, fans nous affujettir à aucun ordre ,
nous allons extraire quelques morceaux
qui caractérisent le Duc de Sully , & l'éloquence
de fon Panégyrifte .
Après un Exorde plein de douceur ,
de fimplicité & de nobleffe fur les caractères
de la véritable grandeur , fuit un
tableau de la fituation de la France lorfque
Sully parut à la Cour de Navarre.
" La France toujours guerrière ne fut
» pas toujours vertueufe. Une politique
» impie alluma dans fon fein les feux de
» la haine & de la vengeance. Ce n'é-
» toient plus ces François fi fidèles à leurs
» Rois , fi généreux aux champs de la
» victoire , fi recommandables par la
» franchiſe & la fimplicité des moeurs.
» Victimes d'un Fanatifme aveugle &
» barbare , ils ne refpiroient que le
» meurtre , les ravages , les profcriptions
; & cet Empire touchoit à fes
» derniers momens , fi , pour lui donner
» une nouvelle fplendeur , le Ciel n'eût
Div
80 MERCURE DE FRANCE.
» confervé Henri IV , qui , joignant à
» fes qualités héroïques l'heureux talent
» de connoître les hommes , choifit pour
» ami , pour Miniftre , Maximilien de Bé-
» thune , Duc de Sully.
» Agé de douze ans , Sully fut con-
» duit par fon père à la Cour de Navarre.
Je ne puis vous enrichir , dit
» Béthune à fon fils ; mais vous avez des
» vertus , elles vous placeront au - deffus
» de la fortune. Préparez-vous àSuppor-
» ter les malheurs , lesfatigues . Attachez-
» vous au Maître que je vais vous don
» ner , & méritez l'eftime des gens d'hon-
» neur. C'eft ainfi que ce père éclairé
» voit & peint en grand les principes
» d'une fage conduite. A peine forti de
» l'enfance , Sully les entend & les fuit .
» Béthune laiffoit au vulgaire cette févé-
» rité qui ne fert qu'à rendre fufpects ,
» & celui qui l'employe , & celui qui
» l'éprouve. On peut croire que
» dans fon propre coeur des raifons pour
» craindre le vice , & que l'autre laiffe
> entrevoir des difpofitions à s'y livrer.
» Une âme forte ne fuccombe jamais ;
» & tel penfe être féduit qui n'eft que
» foible. Sully avoit atteint l'âge des paf-
» fions & des erreurs. Il
accompagne le
» Prince de Navarre à la Cour de Cathe
l'un a
JANVIER. 1764.
81
rine de Médicis . Cette Cour volup-
» tueufe lui préfente des attraits flat-
» teurs , mais dangereux ; la fortune des
» moyens infaillibles , mais criminels :
» il ne peut être ébranlé ni corrompu ;
» l'honneur feul eft écouté. Plein de l'an-
» tique vertu de fes ayeux , Sully mar-
» che fous les enfeignes de Henri. Aimer
» ce Prince , vivre & mourir à fon fer-
» vice fut le premier ferment de fon
» coeur; fa vie entière en fut l'accompliſ
.ferment
و د
Nous rapporterons quelques - unes des
actions qui ont fignalé ce zèle de Sully
pour Henri IV , & dont Mlle Mazarelli
fait un détail fi brillant dans un récit plein
d'intérêt & de chaleur. » Henri com-
» mande en perfonne à Cahors ; avec
"
quinze cens hommes il furprend la
» Ville , défendue par une nombreufe,
» garnifon ; ce fuccès même dévient un
» danger ; il irrite , il enflamme , il arme
» jufqu'aux habitans , qui des toits de
» leurs maifons lancent une mort certaine
; celui qui foutient le choc des
» armes eft écrafé fous les débris des
» édifices ; un monceau de ruines couvre
» Sully; on l'en retire ; foible , refpirant
à peine , il demande , il apprend
"" où eftfon roi . Un fi tendre intérêt r-
Dv
82 MERCURE DE FRANCE .
nime toutes fes forces ; il vole où
» Henri , prefque feul , eft entouré d'un
» peuple furieux qui fe renouvelle fans
» ceffe. Tout eft attaqué , tout réſiſte ;
plus on gagne de terrein , plus on s'interdit
la retraite ; il faut vaincre ou pé-
» rir. Henri brave les efforts des enne-
"
mis , les repouffe , les terraffe ,, les
» anéantit ; & Sully , que fon armure,
» brifée livre à tous les coups , Sully.
» meurtri , déchiré , fanglant , combat
» pendant cinq jours & cinq nuits , fans
»jamais abandonner fon Maître .
C'eft avec la même rapidité & la même
précifion, que Mile Mazarelli rappelle
tous les autres exploits de Sully. A l'activité
du Guerrier il fçut allier la prudence
du Négociateur. Tout autre au-
» roit vu fes deffeins déconcertés à la
» Cour de Henri III : Cour artificieuſe
» & bifarre , où régnoient le menfonge ,
» la fuperftition & la galanterie ; où les
» conjectures les plus oppofées trou-
» voient à s'appuyer fur d'égales vrai-
» femblances . Sourd aux infinuations ,
» indifférent aux careffes , infenfible
» aux menaces ; tranquille au milieu
» des orages , fidèle à l'aftre qui règle fa
» courſe , il fçait éviter les écueils , veiller
aux intérêts du Roi de Navarre ,
- JANVIER. 1764 . 83
१
» remplir l'objet important & fecret
» dont il eft chargé.
Nous croyons remarquer dans le ftyle
de Mlle Mazarelli , des nuances qui différencient
les diverfes qualités de fon
Héros . Elle peint le Guerrier avec cette
activité , cette chaleur qui caractériſe
l'Homme de Guerre. Il y a moins de
feu , moins de rapidité dans le portrait
du Négociateur ; le ftyle en eft plus me--
furé , pour ainfi dire , plus réfléchi . Le
caractère du Miniftre. , de l'Homme d'Etat
demandoit plus de variété ; auffi y a---
t-on employé toutes les nuances propres
à exprimer les différentes fonctions du:
Ministère. Comme cette partie du Difcours
de Mlle Mazarelli eft la plus étendue
, nous nous bornerons à quelques
citations prifes au hafard » Avec une
» pénétration vive , un efprit jufte , va
» zèle ardent , Sully conçut , il traça ,
" il exécuta les plans des opérations les
» plus difficiles. Que l'ignorance accufe
» la fatalité ; un Miniftre fage fçait en--
» chaîner les fuccès
2271Sully veut que la Nobleffe ne doive
» fa. fplendeur qu'au mérite , & qu'elle
» ne puiffe être confondue avec Phom--
» me vil , à qui les richeſſes attirent unë.
fauffe confidération. Illuftres defcen 22
D vj
84 ME RCURE DE FRANCE.
»
» dans des anciens Nobles de la France ,
» quelle gloire peut vous procurer votre
» luxe ? Vous n'atteindrez jamais à la
» magnificence de ces enfans de la for-
» tune , qui chaque jour réparent les dépenfes
qu'ils font , par les injuftices
qu'ils commettent. Ce n'eft pas dans
» des palais fuperbes que vous trou ve-
» rez de vrais titrés ; fi vous avez des
» moeurs , il ne vous faut qu'un champ
» & desarmes. Comptez fur vos actions ,
» fi vous aimez la vertu pour elle-même ;
» comptez fur votre Roi , fi vous defi-
» rez des honneurs. La Majefté doit ré-
» pandre fon éclat fur ceux qui font fa
grandeur & fa force. Un fleuve , en
» traverfant les terres , leur donne l'abon-
» dance & la fertilité ; mais ce font elles
» qui le foutiennent , & lui forment ce
» lit qui le porte jufques aux mers.
"
و د
» Sully eft un témoignage éclatant ,
» que la récompenfe ne manque point
» aux travaux : la fortune , fans ceffe re-
» pouffée par l'austérité du Miniftre , fut
» contrainte , pour parvenir jufqu'à lui ,
» de prendre le nom de la reconnoiffance
"» dans les mains du Monarque..
"
و ر
» Courtifans , qui trompez vos Maîtres
, craignez d'étendre juſques fur vos
" defcendans l'opprobre dont vous vous
JANVIER. 1764. 84
» couvrez ; & fi jamais vous élevez vos
» defirs fur le Ministère , apprenez de
» Sully qu'il n'eſt d'autre bonheur que
" celui d'en procurer aux hommes que
» l'on gouverne. Ebloui par l'honneur
» d'être le premier dans l'Etat , on ou-
» blie fouvent d'en être le foutien ; on
» oublie que le pouvoir de difpofer des
» richeffes du peuple , n'eft que celui de
» les faire fervir à fa profpérité. Les temps
» de la guerre veulent fans doute des
» reffources extraordinaires ; mais l'in-
» capacité ou l'infidélité les rendent fi
» funeftes , qu'on ne peut jouir des dou-
» ceurs de la paix lorſqu'elle eft rendue
» au monde. Les malheurs s'accumu-
» lent , la confiance fe perd , & le Mi-
» niftre tombe dans un mépris dont
» toute la faveur du Maître ne peut le re-
» lever. Sully fcait faire marcher les fe-
» cours avec les beſoins ; mais il fçait les
» faire ceffer enfemble. Son pouvoir
» & l'amitié de Henri ne l'aveuglèrent
» point fur la néceffité d'être eftimé de
» fes concitoyens. Il fuyoit les plaifirs
" que la foibleffe nomme délaffement ,
" & cette inaction criminelle , fi révol-
» tante pour le malheureux qui voit pro-
» longer fes peines . Pefant les intérêts
» facrés qui lui étoient confiés , il vouloir
86 MERCURE DE FRANCE .
"
» égaler chaque jour le bonheur de fa Na-
>> tion à la gloire de fon Maître ; & fes fuc-
» cès annonçoient auRoi fes travaux. Un
» Prince peut aifément connoître fi fon
" Peuple eft heureux ; qu'il examine cette
» foule qui s'empreffe auour de lui. Si
» l'on abufe de fon autorité , il ne verra
» qu'une froide curiofité; point de ces
» tranfports , de ces cris d'allégreffe
» qu'infpire le bonheur & la préfence
» de celui qui le donne qu'il life fur les
» vifages ; l'injuftice de fes Miniftres y
» fera gravée par la fombre trifteffe.
99
"
L'Auteur parcourt toutes les parties du
Ministère de Sully , & peint avec autant
de variété que de jufteffe , la conduite
de ce grand Homme , dans l'éxercice
de toutes fes Charges. C'eft
dans l'Ouvrage même qu'il faut lire
le morceau touchant & pathétique de la
mort de Henri IV : il eft trop long pour
être cité en entier ; & nous l'affoiblirions
, fi nous ne le rapportions que par
extrait. D'ailleurs les bornes de l'analyſe
nous forcent de finir ; & nous ne nous
arrêterons plus qu'à la peinture touchante
de la retraite de Sully. » La Cour n'é-
» toit plus à fes yeux qu'un théâtre décoré
pour le vulgaire , où fouvent l'on
ne voit que des Sujets fans talens , fans
"
JANVIER 1764 87.
"
vertus , ufurpant , à l'abri de la faveur ,
» les honneurs dûs au mérite . Les Cour
tifans , ce peuple défoeuvré , ofent por
» ter.fur lui les regards d'une maligne
» curiofité ; fes vêtemens leur paroiffent
antiques; fa modefte contenance eft pri
fe pour la foible timidité . Sully n'eft
» point décoré de ces Ordres que la politique
inventa , dont l'orgueil abuſe ,
» & que la faveur donne ; il portoit un
» figne plus touchant pour les âmes ver-
» tueufes une chaîne d'or fufpendoit
»fur fa poitrine une médaille où les traits
» de Henri IV étoient gravés. Cette
» image précieufe , qui femble accuſer
» la baffeffe des . Courtifans , ne leur en
» impofe pas encore ; ils ont la raillerie
» fur les lévres , quand la honte devroit
couvrir leur front. Mais Sully leur fait
» fentir enfin tout le mépris qu'ils lui infpirent.
Sire , dit - il au jeune. Louis
» XIII , lorfque votre Père de glorieufe
» mémoire m'appelloit auprès de fa Perfonne
, ilfaifoit retirer fes Bouffons.
» Sully s'éloigne ; il emporte avec lui
» l'eftime & les regrets de la France . Un
Miniftre que tout un Peuple pleure , eft
» au- deffus de toutes les injuftices de la
» Cour ; on l'honore , on le reſpecte ;
» fes ennemis les plus cruels n'ofent fe
88 MERCURE DE FRANCE:
» vanter de leur triomphe , & cachent
leurs fuccès honteux , quand Sully pu-
» blie fa difgrace ... L'éloignement de
» Sully remit la France prèfque au mê-
" me état où il l'avoit trouvée . Ainfi
» l'âme échappée des liens du corps , le
livre aux loix de la diffolution.
» Au milieu d'une Famille qui le rés
» vère , Sully entouré de Nobles , de
» Vaffaux qui l'aiment & le refpe&tent ,
meut & régit tout par les mêmes prin-
» cipes qui l'ont rendu le plus grand des
» Miniftres & le premier des Sages. On
» s'empreffe auprès de lui ; on s'inftruit
» à l'entendre ; on fe plaît à l'admirer.
» Sa magnificence fans fafte , fa générofité
fans oftentation , une dignité
» fans hauteur, une bonté fans cette fauf-
» fe familiarité qui infulte ceux qu'elle
accueille , la fimplicité , la décence de
» fes moeurs , la fermeté , la majeſté mê-
» me de fa conduite : tout le diftingue ,
tout le peint.
» Sa vie régulière annonce la gravité
» de fon caractère , & ce goût qu'il eut
" toujours pour l'ordre. Comme fon
" âme a befoin de faire des heureux ,
fon efprit a befoin de travail : ces deux
» mobiles régloient tout fon temps. Il
avoit confervé l'habitude de fè lever
JANVIER. 1764. 84
avec le jour ; une partie de fa matinée
» étoit employée à prendre connoiffance
» de tout ce qui concernoit les Charges
» dont on n'avoit point ofé le dépouiller;
» l'autre à rédiger ces Mémoires économiques
, qui font heureusement par-
» venus jufqu'à nous , & qui dès-lors
" rendoient Sully plus utile à l'Etat , que
» ne l'étoient tous ceux qui l'avoient
» remplacé dans le Ministère. En raf
» femblant tous fes papiers , il relifoit
les précieufes Lettres de Henri ; fou-
» vent il s'arrêtoit à contempler le por-
» trait de ce Héros , il le preffoit de les
" lévres , il le baignoit de fes pleurs , fe
» rappellant les malheurs de ce Prince &
» fes vertus , comparant fa bonté avec
» fa mort cruelle . Chaque inftant enfon-
» ce dans fon coeur le trait dont il eſt
» déchiré , & qui feul l'empêche de jouir
» de la tranquilité de fa retraite . En vain
» il s'occupe du bonheur de fes Vaffaux ;
»> il eft digne époux , fidèle ami , tendre
» père , fes larmes coulent fans ceffe :
trente années qu'il furvécut à fon
Maître chéri , ne purent en tarir la
» fource ; & fes derniers foupirs eurent
» encore toute l'amertume des regrets.
و د
Ainfi finit cet Ouvrage intéreffant ,
qu'on ne peut lire fans fe fentir attendri.
go MERCURE DE FRANCE.
C'eft-là principalement ce qui diftingue
le Difcours de Mlle Mazarelli de tous
ceux avec lesquels elle a concouru . Elle
a peint dans Sully l'ami de Henri IV ;
& , fous ce point de vue , que perfonne
n'a faifi comme elle , elle infpire à tous
les François de l'amour pour fon Héros .
"
HISTOIRE des Loix & Ufages de la
Lorraine & du Barrois , dans les matières
bénéficiales , fuivie d'une Differtation
fur la manière d'accommoder
ces Loix & Ufages à l'indult du Pape
Clément XII , de 1740 , & aux Ordonnances
& Maximes de France; par
M.François-Timothée Thibault, Chevalier,
Confeiller d'Etat , Procureur Géné
raldu Roi en fa Chambre des Comptes
de Lorraine , de la Société Royale des
Sciences & Belles Lettres de Nancy.
A Nancy , chez Pierre Antoine , Imprimeur
ordinaire du Roi , de la Cour
fouveraine de la Chambre des Comptes
, du Bailliage Royal , &c ; 1763,
avec Approbation & Privilége du Roi,
volume in-folio .
JANVIER . 1764.
91
L'ACADÉMIE de Nanci s'étant propofé
de donner une Hiftoire Civile , Politique
, Militaire , Eccléfiaftique
, Bénéficiale
, Littéraire
& Naturelle
de la
Lorraine & du Barrois , a affigné à
quelques-uns de fes Membres
le travail
de ces divers objets , & la matière bénéficiale
est tombée dans le partage de
M. Thibault , comme la plus relative à
fon état . On fçait que la Lorrainé & le
Barrois
faifoient
autrefois partie de la
Gaule Belgique ; mais ils avoient trop
perdu de leurs forces , lorfqu'ils en fu
rent détachés, pour pouvoir réfifter aux
réferves
apoftoliques
qui inonderent
les Etats
Catholiques
de l'Europe. Les
Ducs montrerent
néanmoins
la plus
grande
fermeté
dans la défenfe des
Ufages du Pays ; & c'est l'hiftoire
de
leurs Loix & de ces anciennes
Coutumes
, que l'Auteur
entreprend
de tracer
dans ce grand Ouvrage.
Il le divife en deux parties : la première
est toute hiftorique , & commence
à la décadence de l'Empire Romain
. L'Auteur la conduit jufqu'à nos
jours ; & quoique fur des matières affez
férieufes par elles-mêmes , il a fçu la
rendre curieufe & intéreffante , même.
2 MERCURE DE FRANCE.
pour les Lecteurs qui ne font point du
Pays. La 2 partie n'eft à proprement
parler qu'un Rudiment des matières
bénéficiales les plus familières au Barteau
. On y applique les ufages de la
Lorraine conférés avec les maximes
du Royaume. Nos jeunes Avocats y
trouveront de quoi s'initier plus prompte
ment dans les principes trop répandus ;
pour pouvoir les étudier avec la même
facilité. Il ne faut donc pas croire que
cette hiftoire foit fi particulière à la
Lorraine & au Barrois , qu'elle devienne
inutile pour les Provinces étrangères ;
M. Thibault a comparé les Loix & les
Ufages , & en a tiré des conféquent
ces générales qui conviennent également
à toutes les Provinces de France:
La différence de leur nature entraînoit
néceffairement la difcuffion des matières
propres aux unes & aux autres.
On fent bien qu'un ouvrage de cette
efpéce n'eft point fufceptible d'une ana
lyfe fuivie & détaillée. Il fuffira d'indiquer
les divers articles qui compofent
ce volume , & principalement la feconde
partie , pour en faire connoître l'uti
lité. Indépendamment de tout ce qui
concerne ſpécialement la Lorraine , on
y trouve encore des principes généraux
JANVIER. 1764. 93
fur la régale , l'oeconomat , le droit de
joyeux avénement , le ferment de fi
délité de premiere entrée dans les
Eglifes , & des oblats ; les indults des
Chanceliers , des Garde des Sceaux de
France , du Parlement de Paris , des
Maîtres des Requêtes & Univerfités du
Royaume ; l'âge & les qualités, néceffaires
pour pofféder les bénéfices ; la
maniere d'y pourvoir , la poffeffion ;
le droit de patronage & fes différentes
efpéces ; la vacance des bénéfices ; les
démiffions , réfignations , permutations
penfions & regrès ; les élections , poftulations
& compromi ; les unions ,
défunions ; les dévolus , bulles , brefs ,
fignatures , appels des jugemens eccléfiaftiques
, le pécule monacal ; l'aliénation
des biens de l'Eglife; les obligations
& charges des bénéficiers ; la juriſdiction
éccléfiaftique : voilà les matières
principales qui compofent la feconde
partie du livre eſtimable de M. Thibault,
Les recherches profondes , les difcuffions
critiques , la connoiffance des
Loix , la liaifon des matières , l'ordre ,
la clarté, la précision, tout enfin prouve
dans cette ouvrage , que ce travail ne
pouvoit être mieux confié qu'au fage
& fçavant Magiftrat qui décore à la
.
1
94 MERCURE DE FRANCE.
fois la Magiftrature & le Barreau par
fes lumières , & l'Académie de Nancy
par l'efprit , le goût , l'élégance qui
régnent dans ce Livre , & dans plufieurs
autres écrits de différens genres
qu'il avoit déja donnés au Public.
INTRODUCTION à la Science des
Médailles , pourfervir à la connoifnoiffance
des Dieux , de la Religion ,
des Sciences , des Arts , & de tout
ce qui appartient à l'Hiftoire ancienne
, avec les preuves tirées des Médailles
; Ouvrage propre à fervir de
Supplément à l'Antiquité expliquée
par Dom Monfaucon ; par Dom Thomas
Mangeart , Religieux Bénédic
tin de la Congrégation de S. Vannes
& S. Hidulphe , Antiquaire , Biblio
thécaire & Confeiller de Son Alteffe
Monfeigneur le Duc CHARLES De
LORRAINE , & è , & c , & c . A Paris,
chez D'houry , Imprimeur - Libraire
de Monfeigneur le Duc d'Orléans ,
1.
JANVIER. 1764. 95
rue de la vieille Bouclerie ; & fe trouve
auffi chez Davidts & Tilliard, quai
des Auguftins , 1763 ; avec Approbation
& Privilége du Roi , un volume
, grand in-folio.
LE titre de ce Livre en forme le précis
, en même temps qu'il en fait voir
l'objet & l'utilité . Le but de l'Auteur a
été de raffembler , pour ainfi dire , tout
ce qu'il y a de plus utile & de plus intéreffànt
dans les autres Ouvrages qui
traitent de la même matière. Ce -volume
n'eft donc que comme l'Extrait raifonné
de plufieurs traités & mémoires
donnés par d'illuftres Antiquaires. Dom
Mangeart n'a fait que raffembler fous
un nouvel ordre , & préfenter fous un
point de vue fimple , tout ce qui peut
faciliter la connoiffance des Médailles .
En deux mots , voici l'efquiffe de cet
Ouvrage après avoir traité de tout ce
qui regarde les Médailles en général ,
c'est-à - dire de leur fabrique , de leur
matière , de leurs modules , de leurs faces
, de leur antiquité , & c , l'Auteur
rapporte à différentes claffes ces mêmes
monumens , & tout ce qui peut y avoir
quelque rapport. Pour donner à fes
,
96 MERCURE DE FRANCE .
Lecteurs une idée jufte de la Mythologie
ancienne , il commence par les Médailles
qui regardent les divinités des anciens
, leurs facrifices , leurs autels , &
tout ce qui eft relatif à la Religion . Il
parle enfuite des Médailles qui ont rapport
aux Sciences & aux Arts. On trou
ve dans plufieurs Chapitres tout ce que
les Anciens nous ont tranfmis fur les
types des monnoyes , foit au fujet du au
foleil , de la lune , des étoiles , du
temps , des faifons , &c , ſoit par rap¬
port à la terre , aux trois parties du
monde connues de leurs temps , aux
Provinces , aux Villes , aux Animaux ,
aux plantes , aux édifices , & à ce qui
fert d'ornement à la terre , & c ; foit enfin
concernant la mer , les fleuves , les
rivieres , les animaux , les poiffons qui
les habitent , &c,
De ces différens objets , Dom Mangeart
paffe aux Médailles qui regardent
les jeux des anciens , leurs fpectacles ,
leurs danfes, leurs exercices , leurs guer,
res , leurs armes , leurs victoires , leurs
trophées , leurs triomphes , leurs couronnes
, leurs récompenfes , leurs habillemens
, &c, Il donne enfuite tous
les noms , lleess titres && lleess marques des
dignités , des charges , des emplois facrés
JANVIER. 1764. 99
crés , civiles & militaires dont les médailles
grecques & latines font mention .
C'eft-la que les curieux apprendront
ce que les Romains entendoient par
les titre de Pontife , de Prêtre , de Prêtreffe
, de Veftale , d'augure , d'Empereur
, de Conful , de Cenfeur , de Tribun
, d'Ediles , de Prêteur, de Préfet, & c.
& ce que fignifient ceux d'Archonte ,
de Pritanes , & c. chez les Grecs.
Il finit enfin par des réfléxions fur
l'utilité & les avantages que l'on peut
tirer de l'étude de la Numifmatique.
Pour prévenir les jeunes amateurs contre
les fraudes de certains marchands de
Médailles , il ajoute le détail des moyens
que l'on met en ufage pour tromper les
nouveaux connoiffeurs , comme de ceux
que l'on peut employer pour fe garantir
de leurs rufes & de leurs fupercheries.
LETTRE à M. DE LA PLACE , fur
M. le Président de MONTESQUIEU.
PLUSIEU LUSIEURS Gens de Lettres , Monfieur
, ont lu avec autant de ſurpriſe
que de peine , une prétendue Anec-
II. Vol. E
08 MERCURE DE FRANCE .
dote , rapportée dans le N° 33 , de
l'Année Littéraire , pag. 177 , au fujet
de l'Esprit des Loix , de M.le Préfident
de Montefquieu .
Le but de cette hiftoriette eft de traveftir
ce fçavant Magiftrat , nommé par
les Etrangers mêmes , le Légiflateur des
Nations , en un bel-efprit frivole & fuperficiel
, en un compilateur fans jufteffe
& fans fidélité. Pour y parvenir ›
on
avance que les 70 premieres pages de
l'Esprit des Loix , font pleines de citations
fauffes , tronquées ou alterées ;
on ajoute que cette infidélité de M. de
Montesquieu a été prouvée par un Livre
en deux volumes que l'illuftre mort eft
venu à bout de faire fupprimer.
Rien de plus mal-adroit qu'une pareille
accufation . J'ai vérifié , Monfieur ,
tous les endroits cités avec le texte même
des Auteurs dont ils font tirés . Je puis
vous garantir l'exactitude fcrupuleufe de
tous les paffages renfermés dans ces 70
pages : à l'exception d'une demie douzaine
au plus , que la mémoire du défunt
lui avoit fait citer d'après un tel
Livre , tandis qu'on le trouve dans l'autre
. Mépriſe pardonnable à tour Auteur ,
qui cite beaucoup , & plus encore à
M. de Montefquieu dont le fyftême ,
JANVIER. 1764. 99
peuaprès
tout , peut fe paffer des citations.
Je vous enverrois la confrontation
de plus de 54 paffages fur 60 àprès
qui fe trouvent dans le Livre qu'on
attaque , fi je ne craignois d'occuper déjà
trop de place dans un volume que la
nouvelle année doit remplir de matières
plus intéreffantes qu'un texte grec ,
d'Ariftote , de Platon , de Lyfias ou de
Denys d'Halicarnaffe.
J'ai les preuves dans les mains , & je
vous les enverrai dans le Mercure fuivant
, fi vous le defirez & fi le Public,
les Gens de Lettres , ou l'anonyme dont
parle l'Année Littéraire , le demandent.
Au refte , il fuffit d'avoir des yeux &
de comparer , pour fe convaincre de
de ce j'avance.
J'efpére que vous voudrez bien inférer
ma Lettre dans votre Journal . C'eſt
remplir fon véritable objet que de laiffer
rendre à la vérité l'hommage qui
lui eft du , à un Ecrivain fi célébre
le tribut de reconnoiffance que lui doit
la Nation pour l'avoir juſtifiée de la frivolité
que lui reprochoient les Etrangers
, indignés de voir outrager ainfi
ce grand homme dans fa Patrie : c'eſt
procurer aux Gens de Lettres , dont
votre Journal oft déja le patrimoine ,
E ij
Too MERCURE DE FRANCE .
la confolation de voir qu'on ne trouble
point impunément leurs cendres
après leur mort .
Je fuis , & c.
9 Décembre 1763 .
ANGAR.
A L'AUTEUR DU MERCURE
fur deux Médailles.
ETANT TANT l'année dernière en Picardie
, Monfieur , il me tomba entre les
mains deux Médailles qui me paroiffent
fort curieufes , & dont je voudrois
avoir une explication préciſe. Le
peu de connoiffance que j'ai de ces
fortes de matières , m'a engagé à recourir
à vous , perfuadé que vous voudrez
bien inférer ma lettre dans votre
prochain Mercure peut- être quelque
Antiquaire y répondra- t -il.
La premiere , que je crois fort ancienne
, repréfente une tête affez grofièrement
gravée , fans aucune infcription
, du moins n'en apperçoit -on point.
J'ai cru lire fur le revers ces mots à
demi effacés : vici Germanos apud cof...
JANVIER . 1764.
101
*
•
le refte m'eft inconnu , il n'y a point
d'exergue .
La feconde qui eft incomparablement
mieux frappée , repréſente auffi une fort
belle tête. Il paroît que cette perfonne
ainfi repréſentée , portoit une côte d'armes
, ou un collier. Voici ce que j'ai
pu ramaffer de l'infcription qu'on voit
encore affez bien.
I M( effacé) ANAVGCO VIII.
Sur le revers eft une belle femme debout
, ayant le bras gauche levé fur
Pépaule , la main fermée , entièrement.
excepté le doigt index ; l'autre bras
eft dans une attitude qui me paroît
ménagée , comme pour donner ou recevoir
quelque chofe. Cette figure eft
placée entre ces deux lettres S C qu'on
remarque fur le champ de la médaille.
Il y a une légende que des gens verfés
dans ces matières déchiffroient aifé
ment. Il n'y a point d'exergue.
J'ai l'honneur d'être , & c.
DE CAYEUX..
A Paris , le 16 Décembre 1763.
Bij
102 MERCURE DE FRANCE.
ARTICLE III
SCIENCES ET BELLES-LETTRES
GÉOMETRIE.
LETTRE A M. DE LA PLACE.
L'UTILE
' UTILE & l'agréable , Monfieur , fe
trouvent mêlés heureufement dans
votre Journal , qu'on le voit toujours
avec un nouveau plaifir. L'amour que
j'ai pour les Sciences joint au defir que
j'ai d'être utile au Public , m'ont fait
préférer le Mercure pour lui faire part
de deux problêmes fuivans. Une dernière
raifon qui m'enhardit à vous prier
'de vouloir bien les y honorer d'une
place , eft qu'ils ont paffé , de tout
tems , pour infolubles : & que je les crois
d'ailleurs propres à donner jour à de
nouvelles découvertes.La chofe trouvera
fans doute bien des incrédules. Je m'y attends
.Au refte ,fi perfonne ne veut fe donner
la peine de les réfoudre , j'aurai
l'honneur de vous faire paffer dans peu
la folution que je me propofe d'en
donner.
JANVIER. 1764. 103
La méthode dont je me fers , & que
je crois unique , eft auffi fimple qu'infaillible.
Un autre avantage qu'elle
réunit eft d'être applicable à tous les
cas imaginables ; ce qu'on ne sçauroit
faire éxactement par la méthode ordinaire
de l'extraction des racines quarrées
& cubiques , fi les nombres fur
lefquelles elle fe propofe d'agir ne
font eux-mêmes des quarrés & des
cubes parfaits ; ce qui éxige déja
comme vous le fcavez , une certaine
fagacité dans les Mathématiques ; au
lieu que par ma méthode il ne faut
fçavoir que le gros de l'Arithmétique.
J'ai l'honneur d'être , & c.
M***
,
On propofe de trouver 2 moyennes
géométriques entre 3 & 7 , par une méthode
fimple & fans Algèbre.
On propofe de trouver 2 moyennes
proportionnelles Arithmétiques entre les
deux mêmes nombres avec les mêmes
conditions , de forte que les deux méthodes
foient appliquables à tous les
.cas poffibles.
Hiv
104 MERCURE DE FRANCE .
ASTRONOMI E.
NOUVEAUX CADRANS SOLAIRES
qu'on peut orienter fans le fecours
de la Bouffole.
BARADELLE >
LE
E Sieur BARA DELLE ,
Ingénieur
du Roi pour les Inftrumens
de Mathématiques
, demeurant
à Paris.
Quai de l'Horloge
du Palais , à l'enfeigne
de l'Obfervatoire
, donne avis
qu'il a conftruit
huit Cadrans
verticaux
qu'on peut orienter fans le fecours de
la bouffole . Ces Cadrans font collés
fur une feuille de carton de la grandeur
d'un in-8° . Ils marquent
l'heure
par le moyen d'une pinule de peau &
d'un fil à plomb avec une perle qu'on
fait gliffer fur les jours du mois. C'eft
un invention
de feu M. de la Hire
qui eft connue & eftimée fous le nom
de la Harpe de M. de la Hire . Les lieux
pour lesquels ces Cadrans font conftruits ,
font 1. Paris. 2. Marfeille & Bayonne. 3
Turin & Bordeaux. 4. Lyon . 5. Dijon
& Tours. 6. Vienne en Autriche &
Breft. 7. Rheims & Rouen. 8. Amiens.
Ils peuvent fervir non-feulement pour
1
JANVIER. 1764. 105
tous les lieux qui ont la même latitude,
mais encore pour tous ceux qui n'en
différent que d'un quart ou d'un tiers
de degrés en deffus & en deffous de
chacun de ces Cadrans nommés cideffus
; parce que cette différence n'eft
pas fenfible. Ces Cadrans font tracés
gravés & faits fort proprement : leur
ufage fe trouve derrière le carton fur
lequel ils font collés. L'on y trouve auffi
les temps des Equinoxes de Printemps
& d'Automne , ceux des folftices d'Eté.
& d'Hyver ; on peut encore par leur
moyen , connoître l'heure du lever &
du coucher du folei!. Le prix de chacun
de ces Cadrans , eft de 2 liv ..
MÉDECIN E ..
TOPIQUE pour détourner la GOUTE
LETTRE à M. de BOIS ANDRÉ ,
Ecuyer de S. A. S. Mgr le Duc
d'ORLÉANS.
O N vous a dir , Monfieur , que j'avois
un fecret pour attirer la Goute au
ped . Je voudrois bien l'avoir ce fecret ;
E.v.
roб MERCURE DE FRANCE.
mais je n'en connois uniquement que
la vertu. Voici le fait.
, Un homme digne de foi & affu--
rément très- refpectable à tous égards ,
m'adreffa il y a quinze jours un Particulier
qu'il avoit vû détourner une
goute remontée par le fecours d'un fimple
topique ; en m'adreffant ce particulier
, il me garantit que je pouvois
avoir toute confiance en lui,
-
Six femaines auparavant j'avois horriblement
fouffert de la goute dans les
reins & dans les entrailles , avec des
vomiffemens de vingt-quatre heures.
L'humeur alloit reprendre la même
route. Elle étoit déja au col , dans les
reins , & très forte fur un genou.
Avec le confentement de M. Dixte
mon Médecin & mon ami , j'effayai
de me faire appliquer le topique fur les
deux pieds . Dès le lendemain le col
& les reins fe trouverent dégagés
toute l'humeur enfin tomba des genoux
fur les pieds , ils devinrent fort
enflés , un peu rouges. Chaque jour ilen
fortoit des férofités • quelquefois
à
percer les linges , quoiqu'ils fuffent
en plufieurs doubles. Le Topique a agi
pendant douze jours environ & je
fuis depuis Mercredi fans la moindre
enflure ni la moindre douleur,
JANVIER. 1764. - 107
Je ne prendrai pas la liberté de hazarder
des confeils fur une ſanté auffi
précieufe que celle de S. A. mais je dirai
que ma fanté m'eft très- précieuſe
auffi , & que je fuis bien sûr qu'à la
premiere tracafferie de goute , je ne perdrai
pas un moment à faire encore ufage
du Topique. M. Dixte , témoin du fuccès
en a été étonné , & a promis de
bonne foi qu'il en rendroit témoignage
dans l'occafion. Voilà , Monfieur , tout
ce que je fçai de ma goute & du Topique
..
Votre homme m'a dit ce matin , en
me remettant votre Lettre , que vous
étiez mieux depuis deux jours . Jugez
du plaifir que j'en ai , par les fentimens
que vous connoiffez depuis fi longtemps
au vieux
MONTDORGE..
A Paris , le 23 Décembre 1763 .
2
P. S. J'oubliois de vous dire , Monfieur
, que le poffeffeur du Topique
fe nomme M. de Mezoneis. Il loge par
entrepôt , au coin de la rue des Foffés
Monmartre , du côté de la rue Monmartre
même. Il a , de père en fils ,
la goute & le Topique. Il avoue qu'il
Evi
108 MERCURE DE FRANCE .
n'eft ni Médecin , ni rien qui en approche
il répond en conféquence aux
questions qu'on peut lui faire fur les
grands principes . Mais en revanche il
eft affuré, par une longue expérience, de
déloger la goute quand elle eft mal placée
; & l'expériencc eft plus forte, ce me
femble , que les plus beaux raiſonnemens.
OBSERVATION fur les mauvais
effets du Sublimé Corrofif employé
extérieurement..
AUTANT UTANT il est néceffaire , pour le
progrès de la Médecine & l'intérêt
commun , de publier les effets falutaires
des médicamens , autant il feroit.
préjudiciable de celer le danger qu'il
y auroit de faire ufage de quelqu'uns.
Plus ces remédes font préconifés , plus
les perfonnes qui les confeillent ont de
réputation & de connoiffances , & plus
nous devons dévoiler leurs qualités
pernicieufes, quand l'expérience ne nous
laiffe aucun doute à cet égard.
L'obfervation fuivante m'a appris à
me défier d'une infinité de formules
JANVIER. 1764. 109
d'autant plus dangereufes , qu'elles fe
trouvent inférées dans des ouvrages
fort connus , fort eftimés , & que tout
particulier a d'ordinaire entre les mains.
Une Demoiselle avoit à la partie
moyenne de l'avant- bras , une dartre
vive de la largeur de la paume de la
main ; cette perfonne , qui d'ailleurs étoit
affez faine & bien réglée , en reffentoit
peu de douleur ; mais le défagrément.
d'avoir le bras continuellement enveloppé
de linge & couvert d'onguent , la
détermina à fe faire guérir à quelque
prix que ce fût . Elle avoit déja effuyé
les traitemens les plus méthodiques ; cependant
elle voulut encore que je l'entrepriffe.
Après avoir mis en ufage les
remédes intérieurs qui conviennent en
pareil cas , & le tout fans fuccès , je
me déterminai à appliquer fur la dartre
quelques uns de ces cauftiques vantés
dans un Ouvrage fort connu . En conféquence
je fis une pommade avec le
beurre , la cérufe & le fublimé corrofif.
J'obfervai exactement la dofe prefcrite
, & je pris de ce mêlange à-peuprès
la pefanteur d'un demi gros que
j'étendis fur la dartre . A peine y fut- il
appliqué , qu'il caufa de vives douleurs
410 MERCURE DE FRANCE.
qui fe calmerent : cependant quelques
inftans après. Je méloignai enfuite de
là malade , mais au bout de deux heures
on accourut me chercher en me
difant qu'elle alloit périr. En effet je la
trouvais dans l'état le plus fâcheux. Elle
avoit des mouvemens convulfifs dans
prèfque toutes les parties du corps ,
& elle étoit fi violemment agitée
qu'elle fe rouloit par terre. Elle avoit
en outre des hoquets & des naufées
fuivies de vomiffemens fréquens
qui me firent craindre pour fa vie..
Mon premier foin fut d'enlever avec.
de l'huile d'olive le refte du fublimé
enveloppé dans cette pommade , & je
fis prendre à la malade quelques verres
d'eau tiède pour rendre les vomiffemensmoins
pénibles & moins douloureux .
Je lui donnai enfuite du lait coupé avec
de l'eau commune , dans le deffein de
calmer l'irritation que caufoit le corrofif
qui fans doute avoit paffé dans le
fang & produit tous ces défordres. Elle
prit auffi plufieurs lavemens compofés
de plantes mucilagineufes , & peu-àpeu
les accidens diminuerent au point
qu'elle ne reffentoit plus que de légères
douleurs de colique. La nuit fuivante
fut affez tranquille ; mais le ma
JANVIER 1764. MT
+
tin la bouche parut enflammée , la fa-
Nivation fe manifefta ; & malgré l'eau
de caffe que je lui donnai abondam--
ment , je ne pus empêcher qu'elle ne
durât l'efpace de huit jours . Après ce
temps elle n'en fentit plus aucune incommodité
; la dartre refta toujours dans
le même état , & la Démoifelle dès
cet inftant réfolut de l'abandonner à la
Nature.
>
Si une auffi petite quantité de fubli--
mé corrofif a pu porter tant de trouble
dans l'oeconomie animale , qu'auroit-ce
donc été fi une dartre plus étendue ou
plufieurs dartres m'euffent contraint
d'employer une plus grande dofe de
cette pommade ? car dans l'ouvrage
d'où j'ai tiré cette formule il est dit:
qu'on peut s'en frotter tout le corps ,
excepté la tête & la poitrine ; que cet
onguent eft fpécifique pour la galle &
les dartres ; & qu'il eft fans danger.
Pour moi , je penfe bien différemment ;
& d'après cette obfervation je conclus
qu'il peut être très- pernicieux. Il eft des
perfonnes où les pôres de la peau font
Ouverts au point d'abſorber de ce poifon
une affez grande quantité pour
faire périr les malades dans des tour
mens affreux .
T MERCURE DE FRANCE.
煮
Je ne prétends cependant pas infir.
mer le mérite de ces Médecins labo
rieux qui ont confacré leurs veilles
nous mettre fous les yeux différente
formules . Par là ils foulagent la mé
moire des jeunes gens qui ne font pas
encore dans l'ufage de compofer , &
rappellent l'idée des médicamens utiles
qu'on auroit pu oublier fans de tels
dépôts. Mais il faut avouer en même
temps que la plupart de ces Ouvrages
préfentés au Public fous des titres fpécieux
qui excitent fa curiofité , font
caufe de bien des accidens. Tout le
monde veut les pofféder , on les lliitt ,
dès- lors on fe croit un Hypocrate ; &
fans principes , fans expérience , on s'imagine
fe fuffire à foi- même & être en
état de traiter fon ami , fon voifin , & c.
Il feroit à fouhaiter que les perfonnes
qui s'adonnent à ces fortes de travaux
rejettaffent de leurs formules les drogues
violentes dont la plus légère erreur
dans la dofe & dans l'ufage peutcaufer
un défordre capable de laiffer
Pour
le
refte
de
la
vie
les
impreffions
les
plus
fâcheufes
. En général foyons toujours en garde
contre ces fels métalliques avec excès
d'acide. Il eſt vrai que leur caufticité
JANVIER. 1764. 113
dépend principalement de la nature de
l'acide , & que l'acide végétal ne forme
pas un corrofif fi violent que le minéral
; mais malgré cette différence , ce
font toujours des remédes dont on doit
craindre les fuites . L'expérience n'a que
trop fouvent confirmé leurs pernicieux
effets.
Par M. HOURY , Chirurgien Bréveté du Roy
pour la Guadeloupe & dépendances , ci-devant
Chirurgien interne de l'Hôtel- Dieu de
Paris.
RECHERCHES hiftoriques fur les Cafques
& fur quelques Vêtemens des Anciens
; lûtes à l'Aſſemblée de l'Académie
Royale de Peinture & de Sculpture ,
le 31 Décembre 1763. Par M. D. B.
32
MESSIEURS ,
JE viens foumettre à votre Jugement
de légères Réfléxions fur les Coëffures
militaires & fur quelques Vêtemens des
Anciens. Trop peu verfé dans la fcience
des difcuffions pour prendre le ton d'Antiquaire
, je n'envifagerai ces objets du
114 MERCURE DE FRANCE.
coftume que relativement à l'intérêt de
nos Arts.
Le penchant naturel aux hommes de
veiller à leur confervation , fuggéra aux
plus induſtrieux le foin de pourvoir à la
commodité des vêtemens , immédiatement
après qu'ils eurent pourvu aux
moyens de la fubfiftance . Leurs premières
précautions n'eurent en vue que
l'ajustement du corps. La cocffure naturelle
les difpenfoit de chercher d'autres
parures , pour garantir leur tête de l'incommodité
des faifons . A peine les Patriarches
, que l'âge rendoit fenfibles aux
viciffitudes ordinaires , portoient de légères
bandes de lin , dont ils ceignoient
leur front en guife de turban , pour-compenfer
le dépériffement des cheveux. La
chauffure des Anciens fe réduifoit à des
demi- bottines , terminées par des fandales
précaution indifpenfable à des
hommes que leur état , leur profeffion
& leur goût foumettoient à des fatigués
continuelles.
Telle étoit la fituation des premiers
habitans de l'univers , tant qu'ils ne furent
occupés que du befoin de leur éxiftance.
Mais dès que l'ambition leur infpira
des motifs de cupidité , qu'ils s'aviferent
devouloir augmenter leurs richeſ
JANVIER . 1764. Bry
fes en étendant leurs domaines , & que
La loi du plus fort parla plus haut dans
leur coeur que la voix de la raiſon & de
l'équité , ils penfèrent à s'armer , pour
ainfi dire , de pied en cap , à garantir
toutes les parties de leur corps , & à fe
précautionner contre les traits de ceux.
dont ils fe propofoient d'ufurper les poffeffions.
Les inftrumens de la vengeance,
les bâtons , les haches , les flèches , les
maffues leur faifoient craindre des coups
trop violens , pour ne leur oppofer que
les fecours de la nature .
Il fallut avoir recours à l'induſtrie. Le
fecret de réduire le fer en lames , & de
fondre les métaux pour en former des
coeffures n'étoit point encore trouvé.
L'dée que les audacieux mortels avoient
de la fupériorité de leurs forces , les arma
contre les paifibles habitans des forêts.
La préfomption leur perfuada qu'ils fubjugueroient
aifément des êtres affectés
d'une ftupidité invincible. Ils leur ten--
dent des piéges , les attaquent , les forcent
dans leurs tanières ; ils en devien--
nent vainqueurs , & fe propofent dèslors
de fe vêtir de leurs dépouilles.
*
Le premier ufage qu'ils en firent fut
de s'en couronner. On vit la tête de la
bête féroce fervir de coëffure à fon meur116
MERCURE DE FRANCE .
trier. I fatisfaifoit ainfi tout-à-la -fois
fes befoins & fon orgueil. En arborant
cette marque de fa victoire fur un animal
redoutable , il croyoit paroître redoutable
lui- même aux yeux de fes ennemis .
Cette coëffure , qui vraisemblablement
a précédé l'invention des Cafques ,
en a été le premier modèle. Tous les monumens
de l'Antiquité atteftent que les
hommes ont confervé dans leurs coëffures
militaires l'idée des animaux les
plus hideux & les plus féroces , ou les
plus nobles & les plus utiles. Herodote
nous apprend , que les Ethiopiens portoient
des Cafques faits de la peau d'une
tête de cheval : les oreilles & la crinière
y étoient jointes . Les anciens Gaulois
formoient les leurs de la dépouille d'une
tête de boeuf, dont la crinière fervoit
d'aigrette. Les Milyens n'étoient coëffés
qu'avec des bonnets faits de peaux de
toutes fortes de bêtes fauvages.
Après même que les métaux furent
employés à former des armures, plufieurs.
peuples confervèrent dans leurs coëffures
militaires des portions de la tête & furtout
le muffle des animaux, dont ils ne
portoient plus les dépouilles. Les Thraciens
Afiatiques avoient des Cafques
d'airain , avec des oreilles & des cornes
JANVIER. 1764. 117
de boeuf. Le Brun , cet Artifte érudit .
qui fçut unir fous fon pinceau les vérités
hiſtoriques aux bienféances du coftume
, a ainfi coëffé , dans fon Paffage du
Granique ( a ) , un Cavalier qui s'élance
fur la rive. Tout le monde fçait qu'une
pareille coëffure étoit l'attribut de Jupiter
Ammon. Comment les hommes ne
fe feroient- ils pas fait gloire d'avoir une
parure qu'ils donnoient même à leurs
Dieux ?
Non-feulement les Anciens ménageoient
à leurs Cafques des ornemens
qui annonçoient la première origine de:
cette armure , mais encore ils affocioient
au métal dont il les formoient,la peau de
la tête de quelque bête fauvage. L'éxemple
en eft offert dans plufieurs monumens
antiques , & fingulièrement dans
un Cafque élégamment adapté au trophée
de la Victoire , placé au pont-tournant
du Jardin des Thuileries.
Loin de regarder cet affortiment comme
l'ouvrage de l'imagination ou du caprice
de l'habile Coëzevox , nous devons
l'envifager comme une judicieufe imitation
de l'Antique . La Colonne érigée
en l'honneur de Trajan , préfente un
(a ) Un des Tableaux des Batailles d'Aléxandre.
118 MERCURE DE FRANCE .
nombre infini de foldats coëffés indifféremment
avec des peaux de bêtes féroces
, & avec des cafques de fer à demi-recouverts
de femblables dépouilles, Cette
pratique eft répétée dans les bas -reliefs
de la Colonne Antonine , & déposée
dans d'innombrables monumens , que
nous ont tranfmis les fiécles les plus reculés
.
L'envie de fe donner un air formidable
fit naître aux Nations barbares (b) le
deffein de fe former des coëffures monftrueuſes
, tant par la repréſentation des
animaux choifis dans les espèces malfaifantes
, que par les horribles crinières que
ces Peuples mettoient à leurs Cafques.
L'idée de cette bifarrerie eft judicieuſe
à quelques égards un ennemi effrayé
eft prèfqu'àdemi vaincu . C'eft dans cette
vue que ces Nations portoient dans leurs
enfeignes militaires des figures d'animaux
terribles , ou d'objets capables
d'intimider . Les Phrygiens arboroient un
( b ) Les Romains appelloient Barbares tous
les Peuples , hormis les Grecs & ceux qui vivoient
fous leurs loix. Les Barbares fe faifoient honneur
de cetitre. Il ne fignifioit autre chofe que : Peuple
exempt de la domination des Romains , & n'avoit
aucun rapport avec l'idée de cruauté que cette expreffion
nous préfente aujourd'hui.
JANVIER. 1764. 114
·
fanglier , les Gotgs un ours , les Daces
un dragon , les Thraciens la figure de la
mort. Ces Peuples s'accoutumoient ainfi
à ne s'effrayer de rien . Ils fe familiarifoient
avec les fpectacles les plus affreux,
& infpiroient aux foldats la hardieffe &
la férocité des monftres qui leur fervoient
d'etendarts.
Inſpirer la terreur , éguillonner le courage,
n'étoient pas les feuls motifs que les
Anciens fe propofoient dans la forme
effrayante de leurs Cafques. Les crêtes
redoutables & tranchantes , faites de
lames d'airain , dont les Etrufques armoient
leurs coëffures , les pointes fortes
& extrêmement aiguës dont ils les hériffoient
, transformoient en arme offenfive
un objet qui ſembloit ne devoir fervir
qu'à la défenſe du foldat. Par cet artifice
, les combattans fe ménageoient la
double reffource de parer des coups :
meurtriers , & de bleffer les ennemis qui
auroient voulu les forcer à fe rendre (c).
Statagême victorieux pour ſe dégager
de leurs mains !
Quelle variété les Nations Orientales
& les Peuples du Nord n'employèrent
ils pas dans leurs coëffures militaires ? Le
(c) Recueil d' Antiq. par M. le C. de Caylus
Tom . III. pag. 64.
120 MERCURE DE FRANCE .
porbois
, les nerfs tiffus , le fer , l'airain fervirent
indifféremment àla conftruction
de ces armures. On leur donna les diverfes
formes de bonnets , de demifphère
, de corno - phrygien & dethiare .
Celle- ci étoit plus ordinairement pratiquée
par les Daces , par les Sarmates ;
& les Parthes , qui la tenoient des Perfes
, & n'en connoiffoient point d'autres.
Ces Cafques , qui s'élevoient en cône
étoient allongés d'une pièce qui s'étendoit
entre les deux épaules , où elle finiffoit
en fe rétréciflant. Elle garantifſoit
le foldat des coups que l'ennemi lui
toit fur le col , par préférence , dans le
deffein de lui abattre la tête . La coutume
établie chez les Romains de montrer au
Général la tête d'un Barbare , pour obtenir
la récompenfe de leur valeur , avoit fans
doute fuggéré cette précaution à leurs ennemis
. En combien d'endroits desColonnes
Trajane & Antonine ne voit-on pas
des Romains montrant à l'Empereur des
têtes qu'ils ont coupées à leurs ennemis ;
des foldats ayant entre leurs dents des tê- ,
tes qu'ils tiennent fufpendues par les cheveux
, tandis qu'ils en coupent d'autres ?
Raphaël , le Brun , dans leurs Batailles
de Conftantin , Rubens , dans fon.Combat
des Amazones , ont enrichi leurs
compofitions
JANVIER. 1764. 121
compofitions de ces images pathétiques
imitées d'après les Anciens : ils fe les font
appropriées par la manières de les rendre .
Beau privilége des Modernes , dont il
eft louable de fçavoir uſer à propos !
L'attention des Barbares à ne faire
ufage que des inventions utiles , leur fit
négliger la recherche de celles qui ne
leur paroiffoient être que de pur agrément.
Ils ne mirent fur leurs Cafques ,
ni riches aigrettes , ni panaches éclatans.
Ils ne fe formèrent des crinières qu'avec
des queues de chevaux flottantes , établies
fur la figure de quelque griffon ou
autre monftre. Ce font eux qui nous ont
particulièrement confervé l'idée de la
première origine des Cafques . On en
trouve cependant encore différentes empreintes
dans les coëffures militaires des
Grecs & des Romains , malgré la réforme
qu'ils y ont faite de certains objets
effrayans , plus capables d'infpirer la férocité
, que de ranimer la valeur.
C'est l'annobliffement ,' la richeffe des
Cafques , leur utilité , & quelques avantages
particuliers qui déterminèrent les
Grecs aux formes élégantes qu'ils leur ont
données. La calote de la coëffure étoit
plus élevée dans fa partie fupérieure &
plus large que la tête du guerrier. Par ce
II. Vol. F
*
122 MERCURE DE FRANCE .
moyen , l'armure ne touchoit point im →
médiatement au crâne. Il étoit d'ailleurs
garanti par la figure de quelque divinité
ou de quelque animal qui fervoit de bafe
à de riches aigrettes & à des panaches
volumineux . Ces couronnes flottantes
étoient ordinairement compofées
de plumés d'autruches ou de hérons, réunies
& teintes des plus brillantes couleurs .
Elles ont été , dans les occafions les plus
périlleuses , d'une très-grande utilité aux
combattans, Sans le fecours de cette parure
, qui tout à-la- fois prête de la dignité
au guerrier , & influe fur la fureté de
fes jours , le Barbare Rofacès eût peutêtre
, du premier coup de hache , fendu
la tête à Alexandre : la générofité de
Clius fût venue trop tard au fecours du
Héros . ( d )
Le Cafque des Grecs , qui étoit ſouvent
à triple aigrette , c'eft à-dire , avec
trois rangs de plumes , avoit encore un
autre avantage : c'étoit une vifière qui
pouvoit fe rabattre fur le vifage & le
couvrir ; mais qui , prèfque toujours relevée
, formoit une efpèce de petit auvent
, fous lequel les yeux & toutes les
parties faillantes du vifage étoient à l'abri
des traits qui tomboient à plomb.
(d ) Quinte- Curce.
JANVIER. 1764. 123
Une double confidération doit , Meffieurs
, nous rendre remarquable cette
forme de Cafque . Elle contribue aux
effets des lumières interceptées & des
ombres portées par un corps faillant. Reffource
extrêmement pittorefque , qui faacilite
à l'Artiſte la rondeur , la fierté &
l'expreffion d'une tête. D'ailleurs ce gabarit
diftingue particulièrement de Cafque
Grec du Cafque Romain . Celui -ci
couvroit exactement la tête du guerrier
comme une calote , n'ayant ni élévation
, ni faillie , & ne le garantiffant pas
davantage des coups portés de haut que
de ceux qui lui venoient en face.
Il paroît étonnant que les Romains
n'ayent jamais emprunté les parties avantageufes
du Cafque des Grecs ; eux qui ,
dans la guerre qu'ils eurent contre les
Parthes , imitèrent une portion de la thiare
de leurs ennemis , en relevant par der
rière la pointe de leur Cafque , commè
on le voit dans l'Arc de Septime Severe.
Cette forme donne à l'armure une
forte de rapport avec le Bonnet-Phry
gien. Elle peut fervir aux Artiſtes à mettre
quelque différence entre les princi
paux Officiers Troyens & les Généraux
des Grecs , dans la peinture du fameux
Siége de Troye. La différence que doi-
Fij
124 MERCURE DE FRANCE .
vent préfenter les coëffures de ces illuftres
ennemis , ne concerne que les Cafques
Troyens . La partie de la crête , fur
laquelle le panache eft attaché , doit en
être arrondie & repliée fur le devant , &
au plus haut de la tête ( e ) .
Les Romains n'imitèrent les coëffures
militaires des Peuples de la Grece , que
dans leur magnificence. Ils les ornèrent
de panaches éclatans , qu'ils faifoient ,
plus ordinairement que les Grecs , de plumes
blanches. Lorfqu'ils les décoroient
de la triple aigrette , ils la furmontoient
de quelque figure emblêmatique. Tel
étoit , felon Virgile , le Gafque de Tur
nus une chimère vomiffant des flammes
s'élevoit fur le triple rang de plumes
dont l'armure du Prince étoit enrichie.
A l'égard des oreillettes , ces petites
plaques à charnières qui garantiffent
les tempes & les joues du foldat , elles
furent communes à tous les Peuples anciens.
Il paroît néanmoins que les Na
tons Septentrionales s'en font fervi plus
invariablement que les autres.
Lorfque les Militaires des premiers fiécles
eurent éprouvé l'avantage d'avoir
(e)Tableaux tirés d'Homère , &c. Voy. Oba
fervat. fur le Costume , par M. le C. de Caylus ,
Fag. xliv, &fuiv, Toba
JANVIER . 1764 . 125
des coëffures de peaux de bêtes ; de ;
qu'ils eurent fenti que les moelleuſes crinières
de ces dépouilles , non-feulement,
les garantiffoient des plus vives impreffions
de l'air , mais qu'elles amortiffoient
encore les coups les plus rudes de l'ennemi
, ils ne tardèrent pas à fe vêtir de
la dépouille entière , à l'éxemple de nos
premiers Pères (f) , & l'employèrent à
mille ufages effentiels .
là
D'abord ils s'en firent uue efpèce de
mantelet , qui ne leur couvtoit que les
épaules . C'étoit l'ajuſtement des Tubicines
& des Trompettes. Ils s'en formerent
enfuite un manteau qui recouvroit
la portion du corps que le volume de la
dépouille pouvoit embraffer. Tel étoit
le vêtement des Porte-étendarts. Ils renouoient
les pattes de l'animal fur la poitrine
& au-deffus de la ceinture . Par ce
moyen , ils n'avoient que le bas des cuiffes
à découvert Cette forme de vêtement
eft confignée dans plufieurs bareliefs
antiques . Elle eft auffi très -élégamment
retracée en la figure d'un Porte-
enfeigne , dans le Triomphe de Jules-
Cefar, peint par André Mantinea ( g ) .
( £) Geneſe. <
( g ) Cet Ouvrage , que l'on voit au Palais du
Fiij
126 MERCURE DE FRANCE.
Ouvrage qui , par la quantité d'objets
du coftume dont il eft enrichi , mérite
bien de la confidération .
Les Grecs & les Romains ne donnoient
ces fourrures , qu'à certains Officiers militaires
; dans ces mêmes fiécles des Peuples
entiers ne s'habilloient pas autrement
en guerre. Herodotenous apprend,
que dans la fameuse expédition de
Xercès , les Cafpiens & les Paties
étoient vêtus de Saïes , faits de peaux
de bêtés fauvages ; les Lyciens fe couvroient
de peaux de chêvres ; les Thraciens
étoient habillés de peaux de
renards & les Ethiopiens de peaux de
léopards & de lions .
Les Francs , après même la conquête,
des Gaules & au commencement de la
deuxiéme race de nos Rois , fe faifoient
une gloire & un devoir de conferver l'ancien
habillement , fait de peaux de bêtes.
Au rapport d'Eginard ( h) , Charlemagne
, ayant été informé que quelques
Seigneurs de fa Cour avoient pris des vê--
temens plus fomptueux , & propres au
Peuple vaincu , les en inculpa févére-
Duc de Mantoue , eft gravé en dix feuilles & ſe
vend à Rome , alla pace. Voy. feuille 8.
( b ): Vie de Charlemagne 150
JANVIER. 1764. 127
ment en plein Confeil , & les obligea de
reprendre les habits de la Nation Francque
victorieufe.
On n'eft pas étonné des moyens qu'avoient
les Anciens de vêtir de peaux de
bêtes tous les foldats de plufieurs armées,
quand on fe rappelle les innombrables
reffources que leur fourniffoit la chaffe .
Exercice d'autant plus commun dans
ces temps , qu'il éroit abſolument néceſfaire
, pour empêcher les bêtes fauvages
d'infefter les bois & les campagnes . Aux
profits de la chaffe , ils joignoient ceux
d'une quantité infinie de Sacrifices ,
d'Hécatombes divers , de cinq cens , de
mille victimes , qu'ils immoloient à leurs
Dieux , & dont les dépouilles étoient au
bénéfice des Sacrificateurs. Mais , ce que
l'on ne conçoit que difficilement , c'eſt
qu'il y ait eu des Peuples qui fe revêtoient
de dépouilles humaines . Tels
étoient les Scythes. Ils écorchoient le
prifonnier de guerre , après en avoir humé
le fang , s'habilloient de fa peau , &
mettoient la tête au faîte de leurs cabanes
. Les Perfes fe faifoient honneur de
cruautés non moins horribles témoin
le procédé d'un de leurs Rois , qui , voulant
donner l'éxemple de la plus grande
févérité , fit écorcher vifun Juge crimi-
Fiv
128 MERCURE DE FRANCE.
nel , ordonna qu'on recouvrit de fa dépouille
le fiége du Tribunal , & obligea
le fils du prévaricateur à rendre la Justice
affis fur la peau de fon pere. Ce trait ,
pris dans l'Hiftoire de Cambyfe , fecond
Roi de Perfe , & fils du grand Cyrus
, fe trouve gravé dans l'Euvre de
Rubens.
Les mêmes fourrures d'animaux fauvages
, qui prêtoient un caractère de
férocité aux foldats d'infanterie , donnoient
aux cavaliers un air de magnificence
. Ceux - ci s'en formoient des houf .
fes , qui couvroient prèfque entièrement
le corps de leurs chevaux. Ils agraffoient
au poitrail la tête refendue , & y renouoient
les pattes antérieures de la dépouille
; tandis que celles de derrière
voltigeantes fur les flancs & fur la'croupe
du courfier , ajoutoient à la richeffe de
la parure la vivacité de l'action. Quel
affortiment pittorefque , Meffieurs !
Qu'il eft favorable à nos Arts ! Tout ce
qui contribue au mouvement des objets
les rend intéreffans , leur communique
de l'efprit , & les difpofe aux effets de
lumière les plus heureux. D'ailleurs , quel
contrafte piquant n'occafionne point la
couleur propre d'une fourrure d'ours ,
de tigre , de lion , foit qu'on l'affortiffe.
JANVIER . 1764. 129
a
e
avec un courfier blanc , dont elle relève ,
l'éclat , foit qu'on l'oppofe à un cheval
del teinte brune , qu'elle fert à colorer !
Telle la peau du lion de Némée fait briller
avec plus de vivacité le tendre coloris
d'Omphale ( i ) , & les tons vigoureux
du Héros qui file auprès d'elle ; tel auffi
le caractère nerveux , & le poil hériffé,
de l'animal qui dévore Milon ( 1 ) , font,
mieux fentir , dans les chairs du Crotoniate
, la force , le fentiment & le moëleux
du naturel .
Les peaux de bêtes les plus communes ,
furent employées à des ufages importans.
Didon fit fervir une peau de boeuf, coupée
par lanières , à tracer l'enceinte de
Carthage. Les Peuples de la Colchide ramaffoient
avec des peaux de moutons le
fable d'or qui rouloit dans certains torrens
( m ) . Dans les fiéges des villes , les
deux armées fe fervoient de dépouilles ,
fraîchement écorchées , pour mettre obe
ftacle aux attaques de l'ennemi. Les
affiégés tendoient des peaux de vaches
ou de moutons , trempées dans des liqueurs
fortes & acides , & enduites
B
(i ) Tableau de François le Moine , placé chez
M. B.
(1 ) Chef- d'oeuvre de Pujet , à Verfailles.
(m )L'Abbé Banier , T. III. p. 237.
Fv
130 MERCURE DE FRANCE .
d'herbe marine , de mouffe , owdeлtesre
molle , pour rompre l'effet des traita,
des pierres } des feux lancés contrer les
ramparts & les tours ( n ) . Les affiégeans
matelaffoient avec de pareilles fourrures
les guérites ou les foldats agitoient les
béliers militaires ils en couvroient auffi
celles qui fervoient à fapper les murs.!
Ce fut fur une toifon de chevreau qué bé
Vainqueur des Madianites exigea & obe
tint un double miracle pour prouyer fas
Miffion , qui devoit procurer la délivrani
ce du Peuple de Dieu (o ). C'eft avec des
peaux de bêtes peu rares qu'alloient vêtus
le Maître d'Elifée, le Précurfeur du Meffie,
plufieurs Anachorettes de la Thébaïde
& quantité de Philofophés de l'Egypte ,
de la Grece & de Rome. Les peaux
moins communes , l'hermine ela marthre
, enrichiffoient les mantéaux des
Fézabel , des Thomiris , des Cleopatre , &
les Simarres des plus faftueux Souverains
du Nord & de l'Orient.
On diroit que les oifeaux même ayent
voulu participer au privilége de prêter
leurs dépouilles à l'utilité des Anciens .
Les
peaux de grues
fervirent
aux Ethiopiens
Orientaux à couvrir leurs boucliers.
( n ) Chevalier Follard.
( o ) Gedeon. Jug.
JANVIER 1764 131
Les plumes d'autruches & de hérons formèrent
, ainfi que nous l'avons obſervé ,
des aigrettes , des panaches aux Pirrhus
aux Céfars. Ajoutons que celles de la
pintade & du faifan couronnèrent le
bonnet des Lyciens. Ainfi celui de nos
Américains et aujourd'hui décoré des
plumès de la bluette & du courli (p ).
Un autre ufage auquel les dépouilles.
d'oifeaux furent employées , doit leur
valoir quelque confidération de la part
des Artistes. C'eft avec ces peaux que les
Anciens caractérifèrent des événemens .
de la Fable , des objets de la Nature , &
même des traits de Morale. La dépouille
d'un vautour, artiftement dégarnie de
quelques plumes , & groupée avec un
are , fous une maffue environnée de
flêches , défigna Prométhée délivré par
Hercule; celle d'un épervier , ayant fon
chef enté fur un corps humain , annonça
le plus grand Dieu des Egyptiens (4) .
La peau d'un aigle, ingénieufement adaptée
au bufte d'un jeune homme , repréfentoit
l'Air. La Terre fur quelquefois indiquée
par la dépouille d'une chouette ,
pofée fur un vafe de terre près d'un lion
enfin la dépouille du paon , foulée aux
( p ) Oifeaux de Amérique..
(q Ofiris. {
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
*
pieds d'un verrat , étoit l'image de la vanité
humiliée ; & la peau du phénix, ajuſtée
autour d'un cercle , fut l'attribut de
l'immortalité. Idées heureufes que lesAnciens
nous ont fuggérées , & dont les
plus grands Peintres , & les Sculpteurs
Nota. Les divers ufages d'employer dans les
vêtemens , les peaux de bétes fauvages & d'oifeaux
carnaciers , pour fe donner un air formidable
, fe font perpétués jufqu'à nos derniers fiécles .
En parlant des Dellys , Nicolaï rapporte que
ccs troupes légères qui combattent fous l'étendart
Mahometan , font vétues d'une camisole aſſez longues
& de hauts- de-chauffe, très -larges ; le tout
fait de dépouilles de jeunes ours , dont le poil
eft en dehors . Le bonnet à la Polaque , queportent
ces Croates , penche fur une épaule. Il eft formé
d'unepeau de léopard , bien moucheté . Sur le
devant de cette coëffure eft attachée , en large , la
queue d'un aigle. Leur bouclier eft orné des deux
ailes de l'oifeau vorace . Elles font ouvertes & attachées
avec des clous d'or , de manière que toutes
les plumes préfentent comme autant de lances hériffies
contre l'ennemi ,
Plufieurs Religieux Mahometans s'ajuftent avec
des fourrures de bêtes , pour ſe donner un airfingulier.
Les Calenders n'ont pour tout vêtement que
lapeau de quelque animal féroce , dont ils fe couvrent
les épaules. Les Geomailers portent , en guife
de manteau , une dépouille de lion ou de léopard
, qu'ils attachent devant la poitrine , en
y renouant les pattes antérieures de l'animal ; ils
* Voy. les voyages que cet Ecrivain a faits en
Turquie , p. 121 & 160.
JANVIER. 1764. 133
les plus fameux n'ont pas négligé de faire
un utile emploi.
Outre la deftination ordinaire des peaux
de bêtes , à fournir des vêtemens aux foldats
, des houffes aux cavaliers , des armes
défenfives aux affiégés , ainfi qu'aux
affiégeans , & à former la parure caractériſtique
de divers perfonnages diftingués
, elles furent encore deſtinées à faire
des lits aux Héros , & à leur fervir de
fiéges. C'étoit fur de pareilles fourrures
étendues par terre , dit Homère , que les
Anciens couchoient. Sur ces peaux on
mettoit , pour les perfonnes de confidération
, des étoffes de pourpre qui leur
fervoient de matelas ; fur ces étoffes de
beaux tapis , c'étoient leurs draps ; & fur
ces draps de riches couvertures. Les
peaux garnies de tout leur poil fervoient
de fommier contre l'humidité. C'eſt dans
cette vue que le Législateur des Hébreux
fit recouvrir tout le Tabernacle d'une
ajuftent à volonté les autres portions de la fourrure
; mais ordinairement ils laiffent traîner la
queue par terre ; fe revêtent de peaux de mouton
& de chèvre , dont ils fe font des tuniques fans
manches & dont ils renouent les pattes à l'endroit
de la ceinture . Ils accompagnent ce vêtement
d'un manteau fait de peau d'ours. Les Dervis
font vêtus à-peu-près de même.
134 MERCURE DE FRANCE .
troifiéme tenture faite de dépouilles d'a
nimaux (r).
Plufieurs Peuples , les Grecs même
tenoient des Perfes la coutume de s'af
feoir fur les peaux des bêtes les plus..
moelleufes . Les Spartiates , Peuple fier
auftère , ennemi de tout luxe , n'adop
terent point cet ufage . Dans la fameufe
entrevue d'Agefilas ( s ) & de Pharnabafe.
( t ) Celui- ci , voyant que le Géné
ral Spartiate s'afféyoit uniment par ter
re , s'affit de même , fans égard aux
peaux très - douces & à longs poils , qu'on
avoit préparées. La fimplicité Spartiate
fit honte au fafte Perfan..
A la fatiété de jouir des biens utiles
fuccéde mille fois l'ambition de fe procurer
ceux qui font plus difficiles à
abtenir. Etre vêtus de dépouilles d'animaux
ordinaires devint un uſage trop
commun. On afpira à la prérogative
d'endoffer les peaux des bêtes les plus
rédoutables & l'on mit la plus grande
gloire à fe procurer celles dont la poffeffion
étoit plus rare . Dans quels fiécles
cette manie n'a-t- elle pas affecté les
hommes les plus judicieux en apparence
? De nos jours même , ne por-
( r ) Exode.
( s ) Général des Spartiates:
( t ) Commandant des Armées du Roi de Perfe
JANVIER 1764 18?
tons nous pas à l'excès un pareil luxo
en faifant éventerà grands frais , les
brebis d'Aftracanju ) pour arracher
de leurs entrailles des agneaux , à peine
formés , dont les toifans nous fervent
de parure.
Tant que les Anciens furent entichés
de cette prévention bifarre , ils n'efti
mèrent que médiocrement les dépouilles
des animaux , dont on pouvoit fe rendre
maitre fans danger & fans bravoure. Ils
les abandonnèrent aux Miniftres de leurs
Divinités Ce n'eft pas qu'on n'en cong
facrât dé très rares & de fort précieufes
au fervice des Temples. A Delphes , la
peau du ferpent Python recouvroit le
Trépied d'où la Prophéteffe d'Apollon
rendoit fes oracles. La fameufe toifon
du bélier qu'immola Phryxus , faifoit le
riche ornement du Temple que Mars
avoit à Colchos . Mais l'habit facerdotal
étoit fait ordinairement de fourrures les
plus fimples. Les peaux de faon fervirent
à vêtir les initiés aux myftères de Bace
chus ; celles de cabrit les Luperces ; cel
les de chevreuil les Faunes ; celles de bi
ches les Prêtreffes de Diane ; celles de
brebis les compagnes de Palès Les Bac
( u) Ville de la Mofcovie Afiat. dans la Tarta
rie , d'où viennent les ferues de peaux d'agneaux
, tirés forcément de venta, le lévéres,
136 MERCURE DE FRANCE.
chantes eurent feules le privilége de por
ter les peaux de panthères , qui défignoient
& redoubloient tout-à -la-fois
leurs tranfports furieux . La dépouille
de l'animal confacré à Silène fut , ainfi
que celle du bouc & du tigre , prodiguée
dans les Orgies à tous les fuppôts de
Bacchus ,
pour défigner l'abrutiffement ,
l'intempérance & la cruauté où fouvent
l'yvreffe conduit. En vain des préjugés
du culte rendoient plufieurs de ces dépouilles
fufceptibles d'une forte de dignité
; foit par refpect , foit par prévention
, les grands Guerriers affectèrent de
ne s'en point revêtir. Cependant les Amazones
s'en firent des plaftrons , à l'imitation
de Minerve dont l'Egide étoit recouvert
de la chévre Amalthée.
' L'Abbé Guyon , Auteur de l'Hiftoire
des Amazones , après avoir fait mention
de leurs divers vêtemens , ajoute d'après
Quinte- Curce : » Mais quelque forme
qu'ils euffent , les uns & les autres
» étoient communément faits de la peau
» des bêtes que les Amazones tuoient à
» la chaffe . Ils étoient attachés fur l'épaule
gauche , laiffant tout le côté
» droit à découvert , & ne defcendoient
» pas au-deffous du genou. Pag. 65.
On rechercha avec un très- grand foin
JANVIER. 1764 . 137
les dépouilles des bêtes les plus furieufes
& les plus carnacières. Les Peuples fe
difputèrent la gloire d'en être poffeffeurs.
Ceux de la Colchide gardèrent avec vénération
la dépouille des taureaux domptés,
vaincus par Jafon ; ceux de Thébes
confervèrent long- temps dans un afyle
facré la dépouille du Sphinx dont Edipe
les délivra ; les Etoliens s'approprièrent
par la force des armes la peau du fanglier
que tua Méléagre (x ) .
Mais quelque grande que foit l'idée
que les Anciens attachoient à ces objets ,
de leur valeur & de leur fafte , les dépouilles
du lion eurent la préférence fur
toutes les autres . On fe fit plus d'honneur
à dompter le Roi des Animaux ;
quoique , fuivant la judicieuſe obſerva- >
tion d'un Littérateur , également recommandable
par fon amour pour les
Lettres & pour les Arts ( y ) , il y ait des
bêtes fauvages plus dangereufes à combattre
& plus difficile à vaincre que le
( x) Ily eut au fujet de cette dépouille une bataille
entre les Etoliens & les Curettes , qui fe donna
fous les murs de Calydon. Voy. l'Ab Banier.
T. III. p . 352.
(y ) M. le Comte de Caylus , Amateur Honoraire
de l'Acad. Roy. de Peint & de Sculpt . Membre
de celle des Belles-Lett. & Infcriptions , &c.
138 MERCURE DE FRANCE.
lion . Le volume de fa peau , qui donnoit
la facilité de couvrir une grande
partie du corps, & de renouer commodé--
ment fes pattes fur la poitrine , fut fans
doute une des raifons de la prédilection
qu'on lui accorda .
Des motifs de préférence plus honorables
lui étoient refervés. Le lion fut
deftiné a être le fymbole de la puiffance
fouveraine : les premiers Rois
d'Egypte n'avoient pas d'autre marque
extérieure de leur autorité. ( ) Difons
tout le lion feul par un privilége
propre & exclufif , fut confacré au plus
noble des emplois ; à être l'attribut caractéristique
de la valeur & de la vertu
. Les Héros ont adopté ce ſymbole
d'après l'exemple d'Hercule : les Sou
verains , les Nations , fe font fait gloire
de le fuivre. L'Empereur Commode
veut-il publier les prétentions , qu'il
croit avoir à l'immortalité ? Il ordonne
que fa ftatue foit parée de la dépouille
que portoit Alcide. Les Lacédémoniens
veulent - ils illuftrer leur
Chef, qui avoit défendu le paffage des
Thermopyles , à la tête de trois cens
Spartiates ? ils lui font ériger un mo-
(2) Rec. d'Antig. Tom. IIIpag. 620..
JANVIER 1764. $39
9" nument où la figure d'un lion immortalife
la force & le courage de
l'intrépide Général .
.
La dépouille du Lion jouit , àà cet
égard, du même droit que le lion même.
Elle eft , comme lui , l'emblême de
l'héroïfme. l'image noble , qu'elle préfente
, lui donne un jufte rapport avec
nos talens , dont la plus belle prérogative
eft d'être mille fois confacrés à
éternifer les Héros. Quel avantage d'avoir
fans ceffe à notre difpofition le
modèle de l'attribut de leurs vertus ?
N'on doutons pas , Meffieurs , cette
confidération infpira à M. le Comte
de Caylus le projet de tirer du fond
de l'Inde ce modèle rare , pour nous
en gratifier. L'intérêt des Arts
& le bien des Artiftes furent de tout
temps , l'objet du zéle de cet illuftre
Amateur. Puiffe- t - il être auffi fenfible
à notre vive reconnoiffance , que nous
le fommes à fes procédés généreux !
3
*
F Nota . Dans l'Affemblée du Décembre 17633
M. le Comte de Caylus fit préfent à l'Académie
dune magnifique peau de lion , qu'il a fait venir
des Indes. La Compagnie l'en remercia le même.
jour , & dépofa dans fes Regiftres le témoignage
de fa reconnoiffance . A l Affemblée fuivante , M.
Dandre Bardon fit lecture de ce petit Ouviage
Binfçu de l'illuftré Amateur.
140 MERCURE DE FRANCE .
ADDITION envoyée après l'impreffion
de l'Ouvrage.
A la page 119 , lig. 25 , où il eft parlé
des Etrufques , après ces mots : Stratagême
victorieux pour fe dégager de leurs
mains , ajoutez ce quifuit.
Ces Peuples fe coëffoient auffi avec
des peaux de bêtes . Virgile , parlant
d'Ornyte , ce vieux Chaffeur qui ofa défier
Camille , Reine des Volfques , raconte
que le téméraire Etrurien n'avoit
les épaules couvertes que d'une peau
boeuf fans apprêt , & que fon cafque
étoit formé de la tête d'un loup qui'ouvroit
la gueule , où étoient encore attachées
des dents très -blanches.
de
OBSERVATIONS SUR LE VER
SOLITAIRE.
DANS le Mercure de France , mois
de Décembre 1749 , le fieur Borin
Maître de penfion de cette Ville , fit
inférer des obfervations fur le ver folitaire.
Il étoit lui - même le fujet de ces
Obfervations , & fe cacha , je ne fçais
JANVIER. 1764. 141
pourquoi , fous le nom du fieur Lion.
On voit dans cette Ouvrage un peu
prolixe , une peinture vive des maux
que caufe cet infecte ; & on y admire
en même tems ce que peut l'induſtrie
lorfque la néceffité & une forte de défefpoir
lui fervent d'aiguillon.
Le fieur Borin eft mort fans avoir pu
donner la fuite des Obfervations qu'il
avoit promiſes , & que deux lettres venues
de Londres demandoient avec inf
tance . J'ai donc penfé qu'on apprendroit
avec plaifir le fort d'un homme
qui s'étoit avifé d'attaquer fon ennemi
avec des crochets de plomb , & dont
les tentatives avoient été courronnées
du fuccès.
Après avoir épuifés tous les Confeils
qu'il pût recevoir de vive voix ou par
écrit ; comme il étoit en état de fouiller
dans les livres de Médecine ; il mit
fucceffivement en ufage tous ceux dont
les livres tant anciens que modernes ,
lui fournirent l'indice. Il fit enfuite le
voyage de Suiffe pour être traité par
deux Médecins de ce pays , chacun defquels
prétendoit avoir un fpécifique affuré
pour l'expulfion du Ver folitaire. De.
la Suiffe il paffa dans les montagnès
d'Auvergne , où un Païfan , que le Pu
442 MERCURE DE FRANCE.
A blic avoit fait Médecin , lui dit qu'il
étoit Hydropique , trompé apparemment
par l'étendue prodigieufe de fon ventre :
En conféquence le Paifan propofa la pontion
: il fit apporter , dit le fieur Borin ,
un grand bacquet : il me perça le ventre
; mais il ne vint pas d'eau. Il perça
une feconde fois : rien ne fortit. Il perça
une troisième , & tourna fon inftrument
entre la peau & la chair fans qu'il
fortît de l'eau. Le bruit que j'entendis
de la chair qui fe déchiroit me fit frémir.
Les affiftans qui m'avoient encouragé
jufques-là ne purent retenir leurs
larmes , & s'emporterent avec menaces
contre mon Auvergnac .
་
Tel eft le récit du malade que j'ai ſeulement
élagué . Il m'a montré la cicatrice
réſultante de cette opération ; & a
ajouté que l'inftrument dont fe fervit le
Païfan étoit un efpéce de couteau ; &
qu'heureuſement il n'avoit pas pénétré
dans le ventre.
Revenu à Lyon , & n'efperant plus
rien de lui - même , il erra le long des
bois , des hayes & des rivieres. Il effaya
toutes les plantes qui fe préfentérent
fans diftinction . Lorfqu'il en avoit man
gé quelqu'une , il écoutoit avec attens !
tion quelle impreffion elle feroit au Ver
" JANVIER . 1764. 143
US
folitaire s'il le fentoit s'agiter ; cet aμ-
gure étoit à l'inftant faifi . Il faifoit ample
provifion de la même plante , & en
ufoit en quantité fous toute forte de
forme . Excedé enfin d'une infinité d'effais
infructueux , & quelquefois dangereux
, il vint me confulter fur le projet
qu'il avoit formé depuis long- tems
d'attraper fon Ver avec des crochets de
plomb. J'écoutai avec plaifir un homme
que fes recherches & fon expérience
avoit rendu très-fçavant fur fa
maladie & qui d'ailleurs faifoit de fa
fituation la peinture la plus vive & la
plus pittorefque. Il avoit fabriqué avec
du plomb des crochets parfaitement
femblables à un ancre à trois crampons.
Leurs pointes étoient mouffées& légérement
coudées en dedans . A l'anneau
quieft à l'extrêmité de la tige de l'ancre ,
il avoit attaché un fil de quatre pouces
de longueur. Ce fil traverſoit une bale
de plomb de moyen calibre. Il fe propofoit
d'avaler la bale de plomb & enfuite
le crochet à trois crampons , lequel
feroit entrainé par le poids de la
bale. Il avoit pour efpérance que les
crampons accrocheroient le Ver , & que
le poids de la bale ainfi que celui du crochet
l'entraîneroient.
144 MERCURE DE FRANCE.
Quelques Médecins qu'il avoit déjà
confultés lui avoient fait craindre que
que ces crochets ne déchiraffent les inteftins
en s'accrochant à leurs valvules :
mais je le raffurai là - deffus , en lui donnant
une idée plus éxacte de la direction
de ces valvules , & de leur foupleffe.
Il avala donc la bale & les crochets
. Ce qu'il a réitéré depuis un
grand nombre de fois fans le moindre
inconvénient, Si au bout de quelquetems
, il ne voyoit point dans les felles
reparoître fon crochet , il en avaloit un
fecond , & quelques jours encore après
un troifiéme. Souvent à ces crochets il
a été obligé de joindre des bales de
plomb unies par une petite traverſe de
même métal en forme de boulets ramés ,
Enfin à l'aide des crochets , il a rendu
en différens tems près de trois aunes
de Ver. La totalité du plomb avalé
allant une fois à trois onces & demi ,
fon féjour dans les inteftins fut de trois
mois cependant il n'en reffentoit aucune
incommodité. Seulement , lorfque
le Ver étoit accroché , il fe fentoit tout
bouleversé par les efforts de cet animal .
Il fe rompit enfin , & le plomb fortit
bientôt après , entraînant avec lui des
portions de Ver plus ou moins longues.
Dégoûté
JANVIER. 1764 145
: Dégoûté un jour de ces crochets ,
par la raifon feule , qu'après un séjour
de trois mois dans le ventre , ils étoient
fortis fans emmener avec eux aucune
portion de Ver , il imagina d'en avaler
un dans une telle direction que la tige
de l'ancre fût en haut ; fe propofant de
le retirer de l'ofophage par le moyen du
fil attaché à la tige comme le cable
l'eſt à l'ancre. Son objet étoit de faifir
la partie fupérieure du Ver. Il la fentoit
en effet quelquefois remonter juſ
ques à la racine de la langue ; & il m'á
dit fouvent qu'il ne lui trouvoit en cette
partie que la groffeur d'un fil terminé
par un noeud.
Pour réuffir dans cette opération qui
lui donnoit quelques inquiétudes à caufe
de la fenfibilité de l'oefophage , il falloit
profiter du moment où la tête du Ver
feroit fenfiblement dans le gofier . Un
jour que l'irritation d'une Médecine
is avoit fait remonter le Ver dans le gofier
, de façon qu'il fembloit au malade
qu'il alloit être étanglé , il fe déter-.
mina malgré mon abfence à avaler fon.
crochet. Sa femme & fon neveu effrayés
des fuites l'abandonnerent malgré fes
inftances. Il retira néanmoins le crochet ,
de la longueur d'un pouce. Une douleur
II. Vol. G
146 MERCURE DE FRANCE .
aux dents auffi aiguë que fi on les lui eût
a rachées, fans que d'ailleurs l'oefophage
fit fenfiblement irrité & la crainte d'une
défaillance ne lui permirent pas
d'en faire davantage. Il coupa le fil &
avala le crochet. Il vint me voir quelques
heures après , & m'affùra que fi on
m'avoit appellé comme il l'avoit demandé
, il n'eût pas craint malgré la douleur
de retirer le crochet en entier.
. Cette tentative eut plus de fuccès qu'il
n'en avoit eſpéré. La partie effilée du
Ver , qu'on peut appeller fon col , s'embarraffa
fans doute dans le crochet aucuel
il avoit eu foin de faire des dents.
de fcie derriére les crampons. En effet ,
il rendit quelques jours après par les felles
, cette partie entraînée par
les crochets,
avec environ trente aulnes de Ver.
Dépourvû d'un bon microfcope , je lui
confeillai d'avoir recours à M.Bourgelat,
ce Citoyen fi recommandable par fes
Ouvrages fur l'Hippiatrique, & par l'établiffement
de l'Ecole Royale Vétérinaire.
L'éxamen de cette partie ne montra à
M. Bourgelat qu'une efpéce de noeud.
garni d'un point noir & placé à l'extrémité
d'un fil. M. Bourgelat conferve
encore ce fil dans fon cabinet .
Des reftes d'incommodité ayanr enJANVIER.
1764. 147
>
gagé le malade à fe purger quelques jours
après , il rendit encore quelques lambeaux
de Vers vivans. C'en a été affez
pour empoifonner le refte de fes jours.
Perfuadé que fon Ver avoit des compagnons
, il n'a pas difcontinué de prendre
des remèdes , & en grand nombre
& étant tombé dans l'Hydropifie , il
me demanda expreffément d'ouvrir fon
corps après la mort , perfuadé que j'y
trouverois des Vers folitaires , quoiqu'il
n'en eût rendu aucun lambeau depuis
l'époque que je viens de citer. Epoque
qui avoit fix ans d'ancienneté . Je procédai
donc à cette ouverture avec M.
Raft fils , Docteur en Médecine & aggrégé,
& M. Faure , Docteur en Médecine
& Maître en Chirurgie ; mais les recherches
les plus éxactes & les plus étendues
ne montrerent aucune trace de Ver folitaire
.
Que penfera-t-on du dernier lambeau
de Ver encor vivant rendu quelques
jours après l'opération du crochet
? Ne peut-on pas le regarder comme
un débri de celui dont la tête avoit
été fi heureufement entraînée ? Si le
lambeau a furvécu à la deftruction du
Ver dont il faifoit partie ; c'eft que jamais
ver ne fut plus vivace que celui là .
Gij
148 MERCURE DE FRANCE.
Un lambeau de deux aulnes ,. ayant été
mis par le malade fur une table , il s'y
promenoit encore plus de deux heures
après. Un des bouts du même lambeau
fut placé fur le bord d'une petite bouteille
remplie d'eau chaude il y entra
peu- à-peu tout entier. Le même bout.
ayant été remis fur le dehors de la bouteille
, il s'y accrocha tellement que .
lorfqu'on voulut le tirer en ligne droite.
il fe caffa plutôt que de céder.
Je n'ai point vu ce dernier lambeau
rendu par le fieur Borin. Peut-être y.
aurois - je apperçu quelque régénération
de tête. Cette conjecture n'eft point
hazardée. Qui fe feroit imaginé , avant .
les Obfervations de l'illuftre Trembley ,
qu'un animal pût être coupé en mille
piéces , & que chacune de ces piéces
deviendroit en peu de temps un animal
auffi complet que celui dont elle .
faifoit partie ? C'est cependant ce qu'a
appris la multiplication du Polipe d'eau
douce par bouture. Ily a plus , le fçavant.
M. Bonnet de Genêve a vû des Vers
d'eau douce coupés en plufieurs piéces
former bientôt autant de Vers parfaits
en tout point. Il a vû des Vers de terre .
coupés par moitié , repouffer une tête
d'un côté de la fection & une quene de.
l'autre. Pourquoi la même régénération
JANVIER. 1764 . 149
ne fe feroit-elle pas faite dans le lambeau
du Tonia reftant , fi l'effet du purgatif
ne l'eût entrainé , foible encore &
hors de défenſe par fon état d'imperfection
. Il n'y a point d'objection victorieufe
contre cette analogie ?
La longueur du Ver folitaire n'a point
de bornes déterminées. Le fieur Borin
affùroit en avoir rendu neuf cens aulnes
dans une feule année , & cette affertion
n'eſt point exagérée fi je dois en juger
par la quantité qu'il m'en a montrée en
différens temps , & plus encore par la diminution
extraordinaire de fon ventre
pendant cette année.
fait
Si ce reptile doit prendre chaque jour
une nourriture proportionnée à fon
étendue , les quatres petites ouvertures
ou fuçoirs que M. Bonnet a obfervées
à fa tête ,font- elles fuffifantes pour fucer
la quantité néceffaire d'alimens ? Cette
tête , qui n'excéde jamais la groffeur
de celle d'une épingle ordinaire
préfumer que le tenia afpire fa nourriture
, finon en tout , du moins en grande
partie , par ce grand nombre de trachées
placées fous les annelures. Nourriture
qui n'a pas befoin d'amples préparations
pour fournir à l'accroiffement de
Panimal; puifqu'elle eft extraite de la par-
Gij
150 MERCURE DE FRANCE.
tie chileufe des alimens de l'hôte au dé
pens de qui il fe nourrit.
Cette opinion feroit commé démontrée
par le grand appétit de ceux en qui
habite le Ver folitaire , fi , dans l'irritation
continuelle des inteftins , par le mouvement
vermiculaire du tænia , on ne
trouvoit une caufe irritante capable de
troubler l'ordre naturel des digeftions
& d'occafionner tous les fymptomes
concomitans .
Pour découvrir l'origine du tonia , il
eft inutile de fe promettre d'en rencontrer
des traces , ou dans les eaux , ou fur
la furface de la terre. On ne trouve point
le gui de chêne dans les prés , fur les côteaux
, fur le bord des rivières , & c. Sa
femence emportée par les vents , fe loge
en différens endroits. Quelques arbres ,
comme le prunier , le poirier , lui offrent
fans peine des fucs propres à fon développement
; tandis que fur le chêne elle
germe très - difficilement. Auffi le vérirable
gui de chêne eft-il fi rare , que la
recherche de cette plante parafite étoit
chez les Druïdes nn acte folemnel de
religion. Cette raifon ne demande qu'à
être appliquée au toenia. Elle explique
pourquoi quelques animaux y font plus
fujets que d'autres, pourquoi les habitans
JANVIER. 1764.
du Nord & des pays aquatiques y font
plus expofés que ceux du Midi. On fçait
que les poiffons qui vivent dans les eaux ,
ainfi que les oifeaux de rivières , y font
fort fujets ; ainfi la boiffon eft le véhi -
cule le plus commun de la femence du
Ver folitaire .
LeTonia eft donc un animal vraiment
parafite , qu'on ne doit rencontrer que
dans le corps des autres animaux. Qu'on
apprécie à préfent l'obfervation fuivante
tirée du Magafin de Hambourg. Une
femme avoit rendu , par le moyen des
remèdes , un grand nombre de portions
de Vers folitaires. Son Médecin s'avifa
de chercher dans l'eau de puits la pépinière
de ces Vers. Il y trouva en effet
une portion de Tonia de la longeur de
deux paulmes de main , & un grand
nombre de lambeaux très-petits. Le remède
fut facile à trouver. Cette femme
ceffa de boire de l'eau , & dès- lors elle
ne fut plus incommodée par le Ver folitaire.
Voilà , fans contredit , un remède
bien fimple contre un reptile qu'on fçait
échapper à l'action des remèdes les plus
violens.
Comment fe multiplie le Tonia , lorſque
fon éxiftence ifolée juftifie le nom
de Ver folitaire qu'on lui a donné ? Saus
Giv
152 MERCURE DE FRANCE ..
doute , nos idées communes de l'anima
lité répugnent à la fécondité d'un animal
qui n'a pas été fécondé. Mais il s'en faut
de beaucoup que nous connoiffions tous
les poffibles en ce genre. Un puceron ,
renfermé avec foin , fit de petits pucerons
; ceux- ci féparés auffi-tôt , eurent
chacun une postérité . M. Bonner croyoit .
déja être fuffifamment affuré qu'il étoit
des êtres animés qui fe multiplioient par
eux-mêmes , lorfqu'on lui demanda ſi
une feconde & même une troifiéme génération
n'auroit pas reçu la fécondation
de la première femelle de puceron qu'il
avoit renfermée avec un puceron mâle.
Il continua donc de féparer fes pucerons
de génération en génération jufques à la
onzième. Il fut ainfi convaincu que cet :
infecte , dont il a vu quelquefois l'accouplement
, n'en multiploit pas moins fans .
cette allure ordinaire de l'animalité ..
Il eſt inutile de preffer davantage des
parties qui s'accolent d'elles- mêmes ; il:
feroit encore fuperflu de les multiplier .
Ainfi le Tonia le plus folitaire dépofe
des oeufs féconds ; ces oeufs , échappés à
mille dangers , à caufe de leur petiteffe ,
& entraînés par mille hafards qu'on ne
fçauroit apprécier , éclofent enfin lorfqu'ils
font parvenus dans quelque efta
JANVIER. 1764. 153
mach , dont la chaleur & les fucs font
analogues à leurs befoins . Mais cet animal
, qui multiplie par des oeufs , peut
auffi multiplier par bouture , comme
nous l'avons fait obferver au fujet du
-Ver du Sieur Borin . Peut- être auffi multiplie-
t-il par rejetton , à la manière des
polipes. Voyez la figure qui eft à la
page 268 du traité des Vers de M. Andry.
Elle difpofe à ce foupçon. J'ai encore
été tenté de prendre pour rejetton de:
vers folitaire , ces débris blancs en forme
de grains de courge , que rendent
quelquefois avec les excrémens ceux
sen qui habite cet animal . L'opinion
qui les regarde , comme le dépôt fé-··
cal de l'infecte , n'explique pas pour--
quoi on ne trouve pas toujours & en
tout temps ces débris.
: Combattons à préfent un préjugé
qu'accrédite l'épithète de folitaire don--
née au tænia , epithète qu'il faut bien
fe garder de prendre trop à la lettre
-& dont on ne connoît pas encore toute
l'étendue. J'ai vu en effet quelques perfonnes
attaquées du tænia rendre avec
les excrémens de petits vers blancs.
de trois à quatre lignes de longueur , &
qui fe remuoient avec beaucoup d'agi--
lité. Comme ils en ont été quite auffi
G. v.
154 MERCURE DE FRANCE.
tôt que le tænia a été expulfé , je penfe
que ce font des oeufs éclos des petits
tania , lefquels font enchaînés par les
matières fécales. En donnant le ſpécifique
contre le ver folitaire , fpécifique
qui ne tue que ce ver-là , j'ai vu rendre
par fon effet des vers longs appellés
ftrongles & qui étoient en vie.
Ces dernières obfervations ne démentent
pas affez l'épithète de folitaire
fi on la borne à lui faire fignifier que
le toenia eft feul de fon efpèce ; mais
il s'en faut de beaucoup que cet état
de folitude foit conftant. La veuve du
Docteur Nouter , Médecin Suiffe , de
laquelle j'ai acquis le fpécifique dont
je
Viens de parler , découvert par feu
fon époux , m'a dit qu'il n'étoit pas .
rare de voir rendre par l'effet de ce
reméde deux & quelquefois trois tænia ;
mais elle ne vit qu'avec furprife le fait
fuivant qui fe paffa fous fes
yeux le 4
Janvier 1763 , & fous ceux de M. Brun,
Docteur Aggrégé au Collège des Médecins
de Lyon : le voici. Dès le lendemain
de l'acquifition de ce reméde , je le
donnai pour premier effai à un Seigneur
Ruffe qui avoit fait à Montpellier
un féjour de plufieurs mois fous le
nom de Philofophe. Le feul produit
JANVIER. 1764. 155
·
d'un grand nombre de remédes qu'on
lui avoit prefcrits , avoit été de faire
fortir plufieurs lambeaux de tænia . Il
prit le ſpécifique à fept heures du matin .
M. Brun , avec qui il avoit lié connoiffance
à Montpellier , lui tint affiduement
compagnie. A dix heures il fe mit fur
le fiége & y refta jufqu'à onze , rendant
une fuite continuelle de vers. Leur
nombre , débrouillé & compté par les
têtes , fe trouva monter à vingt- un ,
tous à peu près de la même largeur
mais de longueur différente , depuis
demi aulne jufqu'à deux. Le malade
ne fut aucunement fatigué. Il dina de
bon appetit ; alla le même jour au Spec .
tacle , & partit après un jour de repos.
Sa fanté n'avoit jamais beaucoup foulfert
de la préſence d'un fi grand nombre
de vers. L'incommodité la plus grande
confiftoit dans des étourdiffemens avec
perte de connoiffance , mais fans convulfions
il en revenoit comme d'un
affoupiffement.
Qu'un feul tænia caffé & recaffé ait
produit par rejettons de ces débris
ce grand nombre de vers ; qu'ils fe
foient multipliés par bouture à la manière
des polipes d'eau douce ou que
les oeufs du tænia aient été , ainfi que
G vj
56 MERCURE DE FRANCE.
ceux du puceron ifolé , affez féconds
pour cette multiplication ; il n'y a rien
là qui ne trouve des exemples avérés dans
l'hiftoire des infectes. Que plufieursoeufs
de tania avalés en une ou plufieurs
fois , aient fourni cette pépinière ·
de vers , parce qu'ils ont trouvé dans
les inteftins une chaleur & des fucs
propres à leur accroiffement , voilà à
mon avis l'opinion la plus vraisemblable..
Il n'y a fans doute que les eaux du
Nord qui foient fi abondantes en oeufs
de toenia. Un jeune homme qui foup-..
çonnoit avoir été affailli en Suiffe parle
ver folitaire , ne voulut point s'en
débarraffer ayant encore un voyage à
faire en ce pays. Il m'affura s'y être
trouvé le douziéme d'une table de vingt
couverts, attaqué d'un ver folitaire. Obfervons
néanmoins qu'un tel recit fait :
par un malade voyageur , annonce fans :
doute par fa nature l'ordre de quel-.
que réduction.
A quoi bon le Ver folitaire ? Cette
queftion n'eft point frivole . Rien ne fut
fait en vain , difoit un malade prétendu
Philofophe ; & fi cet animal héberge
chez moi plutôt que chez un autre , c'eſt
apparemment pour de bonnes raifons .
Les maux qu'il me donne en éloignent
à
JANVIER 1764 157°
de plus fâcheux . Mais les caufes finales
ne font-elles pas toutes autant d'énigmes
? Et avant qu'on en ait trouvé lemot
, faudra- t-il ne point donner de
vermifuges aux enfans que les vers font
quelquefois périr ? Faudra- t-il ne pas fe
garantir de tant d'infectes qui vivent à
nos dépens ? L'expérience de tous les
pays ne dit-elle pas affez haut , que ces
hôtes incommodes , à qui nous fourniſ--
fons la pâture , & qui font différens en
différens climats , ne fçauroient en au--
cune façon concourir à notre bien-être ?
ParM. P ... ..... Docteur en Médecine ;
ancien Chir. en chefdu G. H. D. de L.
SUPPLÉMENT à l'Article des Nouvelles
Littéraires.
ANNONCES DE LIVRES.
ESSA1 critique für l'Etat préfent de la
République des Lettres , par M. l'Abbé
le Franc de Pompignan , aujourd'hui
Evêque du Puy. Nouvelle Edition . Petite
brochure in- 12 , petit format , dont
on trouve des Exemplaires chez Chau
bert ,Libraire, rue du Hurepoix , près le
158 MERCURE DE FRANCE .
quai des Auguftins , 1764. Cet Ecrit a
été compofé il y a environ 24 ans , &
parut imprimé pour la première fois dans
les Recueils de l'Académie de Montauban.
On y voit ce que M. de Pompignan
penfoit de la Littérature Françoife , &
du goût qui régnoit en France dans le
temps qu'il écrivoit.
ABRÉGÉ chronologique de l'Hiftoire
générale d'Italie , depuis la chute de
l'Empire Romain en Occident ; c'eſt-àdire
, depuis l'an 476 de l'Ere Chrétienne
, jufqu'au Traité d'Aix- la - Chapelle
en 1748 ; par M. de Saint - Marc , de
l'Académie de la Rochelle ; tome fecond
, ou feconde partie du tome premier
, depuis l'an 840jufqu'à l'an 1027 ;
à Paris , chez Jean-Thomas Hériffant ,
Imprimeur ordinaire du Roi , des Cabinet
& Maifon de Sa Majefté , rue S. Jacques
, à S. Paul & à S. Hilaire ; avec approbation
& Privilége du Roi , 1763.
Nous avons annoncé dans le temps la
première partie de cet Ouvrage , qui
n'eft point entièrement modelé fur celui
de M. le Préfident Hainault. Il n'auroit
pas fuffi , pour des Lecteurs François à
qui l'Hiftoire d'Italie n'eft pas auffi connue
que la nôtre , de rappeller en peu de
JANVIER. 1764. 159
mots les principaux événemens. M. de
Saint-Marc , ayant à conduire fes Lecteurs
dans des routes peu battues , s'eft
appliqué à les leur applanir : il détaille
donc,jufqu'à un certain point, les événe →
mens , & les préfente avec leurs caufes
& leurs fuites.
DISCOURS de M. d'Açarcq, de la Société
Littéraire d'Arras , pour fa réception
à l'Académie Royale des Belles-
Lettres de la Rochelle ; à Amfterdam ,
1763 , brochure in- 8°. Ce Difcours eft
la première partie d'un Ouvrage que
l'Auteur médite , & qui doit avoir pour
titre , la Balance philofophique . Cette
première partie eft un Effaifur les Idées .
ALMANACH des Centenaires , ou durée
de la Vie humaine au-delà de cent
ans , démontrée
par des éxemples fans
nombre , tant anciens que modernes ;
avec le Calendrier
de l'année 1764. Second
Supplément
, avec cette Epigra
phe : Sic vivite juvenes , ut fenes ;fenes
ut feniores fiatis . A Paris , chez A. M.
Lottin , Libraire & Imprimeur
de M. le
Duc de Berry , rue S. Jacques , près S.
Yves , au Coq , 1764 ; avec approbation
& permiffion
, in-16. Voici la troiſième
160 MERCURE DE FRANCE.
annéé que ce petit Almanach paroît. On
continue de prier ceux qui pourront juftifier
leur qualité de Centenaire , d'envoyer
leurs noms écrits bien lifiblement
pour être cités dans l'Almanach de l'année
prochaine. On trouve chez le même
Libraire les deux premières parties de cet.
Ouvrage..
LE TRIOMPHE du Beau-Séxe , ou Ca
lendrier des Dames Illuftres, contenant les
Eloges hiftoriques des Dames qui fe font:
diftinguées par leur politique , leur attachement
pour leurs époux , leur courage,.
leur chasteté & leur efprit ; enrichi de
Chanfons nouvelles fur les plus beaux .
Airs connus ; à Paris , chez Grange &
Dufour, au Cabinet Littéraire , Pont:
Notre-Dame , près la Pompe ; & chez
Manier , dans S. Jean de Latran ; in-32-
On ne doit pas confondre cet Almanach
avec les Etrennes aux Dames , qui fe
vendent chez Mufier. Le deffein en eft
différent. Celui de Mufier contient une
notice des Femmes qui fe font diſtinguées
dans les Belles- Lettres ; & leur:
Eloge hiftorique.
Campagne de M. le Maréchal de
Créquy, en Lorraine & en Alface., en
JANVIER. 1764. 161
1677 , rédigée par M. Carlet de la Roziére
, Chevalier de l'Ordre Royal & Militaire
de S. Louis , Capitaine réformé de
Dragons , & ci-devant Aide - Maréchal
Général des Logis de l'Armée du Haut-
Rhin ; avec cette Epigraphe : Sæpius:
enim penuria , quam pugna , confumit
exercitum ; &ferrofæviorfames eft. Veg..
lib. 3 , cap . 3. à Paris , 1764. Volume
petit in-8 . Nous rendrons un compte
détaillé de cet Ouvrage utile aux Gens
de Guerre.
MAGASIN hiftorique pour l'Efprit &
le Coeur; à Strasbourg, chez J. Godefroy-
Bauer , Libraire , & fe trouve à Paris ,.
chez Durand neveu , Libraire , rue S.
Jacques , à la Sageffe ; 1764 , 2 volum..
in- 12 ; prix 2. liv. 8 f. brochés. Cette
double Brochure renferme . trois cens
traits historiques très-connus pour la plu--
part , & dont nous croyons pouvoir nous
difpenfer d'entretenir nos lecteurs . L'Au--
teur de cette Collection nous apprend
qu'il ne l'a entreprise que pour ceux qui
s'appliquent à l'étude des Langues Françoife
& Allemande ; & , pour cet effet ,
on a eu foin de publier en même temps.
une Traduction Allemande de cet Ouvrage
; elle fe trouve chez le même
Libraire..
162 MERCURE DE FRANCE.
OBSERVATIONS fur les Principes de
l'Harmonie , occafionnées par quelques
Ecrits modernes fur ce fujet , & particu
lièrement par l'Article FONDAMENTAL
de M. d'Alembert , dans l'Encyclopédie ;
le Traité de Théorie Muficale de M. Tar
tini , & le Guide Harmonique de M. Geminiani
; par M. J. A. Serra ; avec cette
Epigraphe Amant alterna camenæ ; à
Genève , chez Henri- Albert Goſſe & Jean
Goffe , Libraires & Imprimeurs ; 1763.
Brochure in-8 ° . Ce Livre divifé en trois
parties , contient , 1 ° . des Réflexions fur
divers points de Théorie Muficale traités
dans l'Encyclopédie par M. d'Alembert ;
2º. une Analyſe critique de l'Ouvrage
de M. Tartini ; 3 ° . des Réfléxions critiques
fur l'Ecrit de M. Gemeniani.
TRAITÉ des Odeurs , fuite du Traité
de la Diſtilation , par M. de Jean , Diftilateur
; à Paris chez Nyon , à l'Occafion ,
chez Guillyn , au Lys d'or , chez Saugrain
, le jeune , à la Fleurs-de-lys , Quai
des Auguftins , du côté du Pont faint
Michel , 1764 , avec Approbation &
Privilége du Roi , un vol . in 12. prix
2 livres. Dans fon Traité de la Diftilation
, M. de Jean avoit donné une partie
des parfums, les huiles effentielles, quelques
eaux d'odeurs fpiritueufes & fimples,
-
JANVIER. 1764. 163
Ces différens objets entroient naturellement
dans cette feconde partie que
l'Auteur continue fur le même plan ,
pour rendre complet fon premier Ouvrage.
,
AVIS très- important au Public , fur
differentes espèces de Corps & de Bottines
d'une nouvelle invention , par le
Sr. d'Offémont , Maître & Marchand
Tailleur de corps de Monfeigneur le
Duc de Bourgogne , rue de la Verrerie
vis -à-vis l'Eglife de faint Merry , à côté
du Coq-lié de perles , au coin de la rue
faint Bon , au fecond fur le devant ; à
Paris , chez le Prieur , rue faint Jacques
, 1763. Cet avis important que
l'Auteur diftribue gratuitement , paroît
déjà depuis plufieurs années , & ap
prend aux lecteurs de quel avantage
peuvent être les Corps & Bottines de
M. d'Offémont .
》』》
ECOLE de Littérature , tirée de nos
meilleurs Ecrivains ; à Paris chez Babuty
, fils , Libraire , Quai des Auguftins
, entre les rues Gille - Coeur & Pavée,
à l'Etoile , & chez Brocas & Humblot
rue faint Jacques , au - deffus de la rue
des Mathurins , au Chef S. Jean ; 1764,
164 MERCURE DE FRANCE.
9 aux
avec Approbation & Privilége du Roi ;
2 vol. in 12. Prix 2 livres 10 fols brc
ché , 3 liv. relié. M. Duclos a dit dans fes
Confidérations fur les Moeurs , que le
plus grand fervice que les Académies
puffent rendre aux Lettres
Sciences & aux Arts , étoit de faire des
méthodes , & de tracer des routes qui
épargnaffent du travail & des erreurs ,.
& qui conduififfent à la vérité par les
voyes les plus courtes & les plus fûres .
M. de la Chalotais , dans fon plan d'étude
pour la jeuneffe , cite les mêmes
paroles de M. Duclos , & forme les mêmes
voeux dans le cours de fon
ouvrage.
Les Sociétés littéraire n'ont point encore
éxécuté ce projet , & peut- être en feront
elles difpenfées quand elles auront vû
cette Ecole de Littérature composée exactement
d'après l'idée de M. Duclos ,
& le plan de M : de la Chalotais : ce font
en effet , non pas des Sociétés littéraires
, mais tout ce que nous avons eu
d'Ecrivains diftingués , ou de célébres
Académiciens , qui ont fourni le fond
de cet ouvrage , le plus utile que nous
ayons en ce genre , & fur lequel nous
feront obligés de revenir plus d'une fois.
Nous dirons feulement aujourd'hui que
depuis l'impromptu jufqu'au poëme
épique, depuis lé dialogue jufqu'au ferJANVIER
1764 165
mon , depuis le conte jufqu'à l'hiftoire
générale , il n'y a point de genre de littérature
qui ne trouve ici des précéptes
fournis par les plus grands Maitres ;
non feulement pour juger de ces dif
ferens ouvrages, mais pour en compofer
avec fuccès.
APPEL aux Sçavans & aux Gens de
Lettres , au fujet de la Bibliographie
inftructive . Brochure in-8° . 1764. On
apprend dans cet écrit , que le Sr Debure
Libraire , Auteur d'un Catalogue des
Livres les plus curieux & les plus rares,
ayant effuyé plufieurs critiques fur cet
Ouvrage , s'eft cru enfin obligé d'y répondre
, & il en appelle aux Sçavans &
aux Gens de Lettres qu'il prend pour-
Juges entre lui & fes Adverfaires .
L'OFFICIER Partifan ; par M. de
S. Geniés , Chevalier de l'Ordre Militaire
de S. Louis , & Commandant de
Bataillon ; à Paris , chez Mufier , Libraire
, quai des Auguftins , & chez
Panckoucke , Libraire , rue de la Co-,
médie Françoife ; 1763 , avec approbation
& privilége du Roi , 1 vol . in 12.
C'est une feconde édition revue & corrigée
, & confidérablement augmentée
3
166 MERCURE
DE FRANCE ,
par l'Auteur. La première parut en
1754. Cet Ouvrage eft connu , & on
l'a traduit en plufieurs langues. On en
promet inceffamment un fecond volume
dont nous rendrons compte dans
le temps.
DISSSERTATION
fur la petite Vérole
& l'Inoculation ; Londres , 1763. Brochure
in-12 , dont la première partie
prouve que la petite vérole n'eft pas
dangereufe ; & la feconde donne les
moyens de prévenir les dommages qu'-
elle fait à la beauté,
RÉPONSE à une des principales objections
qu'on oppoſe maintenant aux
Partifans de l'Inoculation de la petite
vérole ; feuille in- 12.
NOUVEAUX éclairciffemens
fur l'inoculation
de la petite vérole , pour.
fervir de réponse à un écrit de M. Raft,
Médecin à Lyon ; Brochure in - 12 .
LETTRE de Barnevelt dans fa priſon ,
à Truman fon ami , précédée d'une Lettre
de l'Auteur , In -8 ° . Paris , 1764.
Chez Sébastien Jorry , Imprimeur - Libraire,
rue & vis-à-vis la Comédie Frangoife.
JANVIER. 1764. 1.67
Les âmes fenfibles peuvent feules apprécier
tout le mérite de cet Ouvrage ,
dont nous nous propofons de rendre
compte dans le Mercure prochain . On
peut d'ailleurs le regarder comme un
petit chef- d'oeuvre d'impreffion.
ARTICLE IV.
BEAUX-ARTS.
ARTS AGRÉABLES.
GRAVURE.
TABLEAU généalogique & chronologique
de la Maiſon Royale de FRANCE
, dédié à Mgr LE COMTE D'ARTOIS
, par M. Clabault. Gravé en 8
feuilles , grand Colombier , fe vend à
Paris , chez l'Auteur , rue du Petit-Pont ,
près le petit Châtelet , dans la porte
cochère , entre un Marchand Papetier
& un Marchand Chapelier.
Cet Ouvrage plein de recherches intéreffantes
, eft très- bien exécuté de la
part du Graveur. On en trouve l'analyfe
chez Aug. Mart . Lottin l'aîné
168 MERCURE DE FRANCE.
Imprimeur-Libraire de Mgr le DUC DE
BERRY , rue S. Jacques , près S. Yves ,
au Coq . Brochure in- 8°.
ON diftribue actuellement avec fuccès
chez le fieur BASAN , Graveur
rue du Foin S. Jacques à Paris les 2
vol. in-fol. forme d'Atlas , qui compofent
l'Ouvrage connu fous le nom du
Cabinet de Crozat qui depuis plufieurs
années étoit devenu rare faute d'être
imprimé. Ces deux vol. contiennent
182 Eftampes gravées à grands frais &
par les foins de M. Crozat , d'après les
plus beaux Tableaux des plus grands
Maîtres Italiens , qui font en France
dans les cabinets du Roi , du Duc d'Orléans
, & c. A la tête de chaque volume
il y a une defcription de chaque Eftampe
qui le compofe. Les Graveurs
qui ont été employés à cet Ouvrage
ont été & font encore les plus habiles
de ce fiécle , tels que les Chereau , Duchange
, l'Epicié , Desplaces , Larmeſfin
, Simoneau , Tardieu , Vallée , Vermeulen
, Dupuis , le Bas , Ravenet
&c. &c.
Le fieur Bafan aujourd'hui poffeffeur
defi.tes Planches , n'a rien ménagé,
pour la perfection de l'Ouvrage tant
pour
JANVIER. 1764. 169
pour l'impreffion que le papier ; il le
vend en feuilles imprimé fur le papier
de grand Aigle fin 192 liv. & 160 liv.
fur celui de Colombier
Il eft auffi poffeffeur des 118 Plan
ches qui compofent le volume , connu
fous le nom du Cabinet d'Aguilles , lequel
étoit auffi devenu rare faute d'ê
tre imprimé ; il vient de l'être avec
foin & fe diftribue auffi chez ledit Sr
pour 90 liv. en feuilles , imprimé fur
le papier de grand aigle fin & 72 liv.
fur celui de Colombier. On trouve
chez le fieur Bafan un affortiment général
d'Eſtampes anciennes & moder
nes tant Etrangères que Françoifes . II.
vient de mettre en vente une Eftampe
nouvelle d'après Poters , d'après le Sr
Charpentier , dont le Sujet eft une Tempêre
. Elle eft d'un très- grand effet , &
foigneufement exécutée. Prix , 3 liv .
ro f.900
39 0
LES
MUSLQUE.
7.
ES CHARMES de l'HARMONIE ,
Ariette de Baffe- Taille , Taille , ou Basdeffus
, avec grande Symphonie , chantée
par M. Caillot jouant le rôle de
II. Vol. H
170 MERCURE DE FRANCE.
Muficien dans les deur Talens , Comé
die nouvelle mife en Mufique par M.
le Chevalier d'Herbain , & repréſentée
fur le Théâtre Italien . Prix , 2 liv . 8 f.
aux adreffes ordinaires de Mufique .
Le Coeur enflammé , Ariette en rondeau
, avec fymphonie , chantée par
Madame la Ruette , jouant le rôle d'Eleonore
dans les deux Talens . Par le
même Auteur & aux mêmes adreffes.
91-
La Famille chantante , ou le Journal
hebdomadaire , compofé de Chanfons
Vaudevilles , Rondeaux , Ariettes , Romances
, Duo , Brunettes , & c, avec accompagnement
de Violon & Baffe chiffrée
pour le Clavecin ou la Harpe , dont
il paroîtra une feuille périodique tous
les Lundis , à commencer, du 2 Janvier
1764. Le prix de la Soufcription pour
Paris eft de 12 liv. par an , par an , & pour la
Province , port franc , 18 liv. On foufcrit
à Paris chez M. de la Chevardiere
Editeur de ce Journal , rue du Roule
à la Croix d'Or.
WOMTAH" 95
9.
JANVIER. 1764. ་ ཏ་
ARTICLE V.
SPECTACLE S.
SUITE DES Spectacles DE LA COUR
LE
A VERSAILLES.
E Mardi 20 Décembre les Comédiens
François repréfenterent le Jaloux
défabufé , Comédie en cinq Actes en
vers de feu M. CAMPISTRON , ( de
1709. ) Le fieur BELLECOUR a joué
le rôle de Dorante , le fieur MOLÉ
celui d'Erafte , le fieur ARMAND celui
de Dubois , & le fieur PRÉVILLE celui
de Champagne. Les rôles de Célie & de
Julie étoient remplis par les Dlles PRÉ-
VILLE & DOLIGNI . Les Dlle BELLECOUR
& le KAIN ont joué les
rôles de Juftine & de Babet. Pour la
feconde Piéce on donna Crifpin rival
de fon Maître , Comédie en un Acte
& en profe de feu M. LE SAGE , ( de
1707. ) Le rôle de Crispin a été joué
par le fieur PREVILLE. La Dile
DROUIN jouoit Mde Oronté & la Dlle
1
*
Hij
172 MERCURE DE FRANCE .
DOLIGNI Angélique. La Dlle le Kain
celui de Lifette.
Le Mercredi , jour des Italiens , il
n'y eut point de Spectacle à caufe de
la Fête.
Le Jeudi 22 , on repréfenta l'Orphelin
de la Chine de M. DE VOLTAIRE ,
( de 1755. ).
Gingis- Kan des Tartares repréfenté
par M. LE Kain , Zamti Mandarin par
le fieur BRIZARD , Idamé par la Dlle
CLAIRON , & c. Pour petite Piéce
Impromptu de Campagne , Comédie
en un Acte & en vers de feu M.
POISSON , ( de 1731. ) Le rôle d'Erafte
joué par le fieur MOLE , celui de Père
par le fieur Brizard la Comtefe
par la Dile DROUIN , Ifabelle par la
Dlle DOLIGNI , Lifette par la Dlle
LE KAIN , & c.
?
La folemnité des Fêtes de Noël ayant
interrompu les Spectacles , les jours fuivans
, on a terminé cette année , le
Jeudi 29 Décembre , par la repréfentation
de deux Actes d'Opéra . L'un
de ces Actes étoit le Feu , troifiéme
Entrée du Ballet des Elémens , Poëme
de feu M. Roy , Chevalier de l'Ordre
de S. Michel , la Mufique de feu M.
* M. Roy , étoit mort peu de temps aupas .
JANVIER. 1764. 173
DESTOUCHES Surintendant de la Mufique
du Roi. ( de 1721. )
M. le BERTON , Maître de Mufique
de l'Académie Royale , a fait les augmentations
& les changemens qu'on
avoit crû néceffaires à la perfection
de cet Acte , compofé dans un temps
où les progrès de la Mufique n'étoient
pas encore portés en France au point
où cet Art eft aujourd'hui .
D'ailleurs cet Acte eft trop connu
pour en renouveller l'éloge .
La Dile ARNOUD a chanté le rôle
d'Emilie. Le fieur LARRIVÉE celui
de Valere. Le fieur DUBUT jeune
homme dont nous avons eu occafion
de parler avantageufement dans l'article
des Concerts Spirituels , exécuta le rôle
ravant cette repréſentation. Tout le monde connoît
les Poëmes qu'il a faits pour le Théâtre de
l'Opéra,& les talens particuliers de fa mufe pour
ce genre de Poëfie. Qu'il nous foit permis à
fon occafion de nous plaindre publiquement de
la négligence des familles ou des perfonnes qui
ont des mémoires exacts fur les Gens de Lettres
d'une certaine célébrité , auxquels il ne devroit
pas être auffi indifférent que leur conduite le
laiffe croire , de nous mettre en état de configner
dans ce Journal les particularités ou au
moins des époques de réputation littéraire qui
procureroient autant de certitude que de facili- .
té à cette branche intéreffante de notre hiftoire .
H iij
174 MERCURE DE FRANCE .
de l'Amour. La Demoifelle LAN Y
danfoit les Entrées feulés dans le caractère
de Prêtreffe , & le fieur LAVAL
dans celui du Chevalier Romain . Les
fieurs GARDEL & CAMPIONI ont
danfé dans les Entrées de Peuples ,
ainfi que la Dlle ALLARD .
L'autre Acte étoit la Guirlande ou
les Fleurs enchantées , Poëme de M.
MARMONTEL , Mufique de M. Ra-
MEAU , ( de 1751. ) Le fieur JÉLIOTE
& la Dile LARRIVÉE ont chanté les
rôles de Berger & de Bergère qui
forment tonte l'action de cet Acte.
La Dlle VESTRIS & la Dile GUIMARD
ont danfé les principales Entrées
de Bergères , les fieurs GARDEL
& CAMPIONI celles de Bergers . Le
fieur LANY & la Dlle ALLARD étoient
à la tête des Pâtres & des Paftourelles.
Nous avons précédemment nommé
tous ceux dont les talens font employés
à l'ordonnance de ces Spectacles. MM .
LAVALpère & fils , Maîtres des Ballets ,
& c ; ainfi nous ne les répéterons plus .
N B. Nous croyons obliger tous ceux qui
ordonnent & font exécuter des Spectacles en
Europe , de rappeller ici le goût & les talens
du fieur L'ECUYER , Pannacher du Roi , pour tous
les genres de Coeffures en ufage au Théâtre,
JANVIER 1764 # 175
ainfifi que dans tout ce qui a rapport aux ornemens
en Plumes.
On peut dire de même de l'intelligence du .
fieur de LAITRE chargé de l'exécution des habillemens
de Théâtre & Mafcarades des Menus.
Plaifirs du Roi & de l'Académie Royale de
Mufique.
La fuite des Spectacles , en Janvier,
pour le Mercure prochain.
SPECTACLES DE PARIS.
Pphbm0, PERA.
L'OOUUVVEERRTTUURREE de ce Théâtre , dans
la nouvelle Salle du Palais des Thuileries
doit fefaire le Mardi 24 de ce mois , par
la repréſentation de Caftor & Pollux ,
Tragédie-Opéra , Poëme de M. BERNARD
, Mufique de M. RAMEAU .
Nous avons déjà parlé de cet Opéra
dans l'Article des Spectacles de la Cour
à Fontainebleau . Il feroit fuperflu de
répéter ici les éloges tant de fois donnés
par le Public au mérite de cet
Ouvrage. Il paroît que l'on fait les
plus grands efforts pour fuppléer par
d'autres parties , dans la repréfentation ,
à Paris , à quelques avantages exclu-
Hiv
176 MERCURE DE FRANCE.
fivement attachés à celles qu'on a données
à la Cour.
On continuera le même Opéra les
Jeudi , Vendredi & Dimanche fuivans.
Il y aura Bal le Dimanche 29.
Le Public entrera dans cette Salle par
deux endroits . D'un côté par la principale
porte , Cour des Suiffes ; de l'autre
par une conduite pratiquée à l'extrémité
d'une des deux Galleries qui régnent
fur le Jardin , à laquelle on pourra arriver
à couvert en defcendant dans la
Cour des Princes. Il y aura à chacune de
ces entrées des Bureaux pour délivrer les
billets & recevoir l'argent ; mais on ne
le rendra aux perfonnes qui fortent
avant le Spectacle qu'au Bureau de la
porte principale du côté de la Cour des
Suiffes ; laquelle fera auffi l'unique entrée
pour les Bals . Lorfqu'on aura pris
des billets on entrera dans un très- grand
veftibule bien éclairé , d'où par deux
perrons on fe diftribuera dans toute
les places de la Salle. Une des portes
de ce veftibule , donnant fur le Jardin
des Thuileries, fera ouverte pour la fortie
du Public , dans les beaux jours ,
à la fin du Spectacle . Indépendament
des deux entrées générales , il y en a
de particulières pour fe rendre fur le
1
JANVIER. 1764 : 177
Théâtre & d'autres pour une partie des
Logês louées à l'année .
Ceux qui ont droit d'ordonner fur la
police des Voitures aux entrées & forties
des Spectacles , ont pris les plus fages
mefures pour la circulation libre & facile
de ces voitures , & en même temps
pour la fùreté des gens de pied .
En donnant dans le deuxième volume
de Juillet de l'année précédente
les Etats des Acteurs des deux Comédies
, nous avions remis à l'ouverture
du Théâtre après Pâques celui de l'Opéra
; on fçait les conjonctures qui
l'ont fufpendu. Nous croyons devoir
publier actuellement cet Etat dont nous
pouvons garantir l'éxactitude.
LETTRE à M. DE LA GARDE , par
l'Auteur de l'Almanach des Théâtres.
L
Il s'eft glife , Monfieur , plufieurs erreurs dans
l'Almanach dee Théâtres. Une regarde le Sieur
Augé , Comédien du Roi , placé parmi les Acteurs
à Pension ; il eft reçu à Demi-part. Dans un autre
endroit , j'ai attribué à M. Philidor la Mufique
du Roi & le Fermier ; c'est encore une faute ; cette
Mulique eft de M. de Monfigny. J'ai l'honneur
d'être , &c.
Hv
178 MERCURE DE FRANCE.
ETAT de l'Académie Royale de Mufique , a
l'Ouverture du Théâtre dans la Salle des Thuileries
, le 24 Janvier 4764.
DIRECTEURS >
M. REBEL , Chevalier de
Surintendans de la
l'Ordre de S. Michel. 3 Mufique du Roi.
M. FRANCOEUR.
SECRETAIRE PERPÉTUEL ,
M. JO LIVEAU.
'ACTEURS chantans dans les Rôles.
MESSIEURS
GELIN
LARRIVÉE ,
DURAND , Baffes-Tailles.
REGNAULT ,
CASSAGNADE ,
PILLOT ,
MUGUET ,
LE GROS ,
DU PAR ,
Hautes-Contres.
ACTRICES chantantes dans les Rôles.
MESDEMOISELLES
CHEVALIER ,
ARNOUD ,
SAINT-HILLAIRE ,
LE MIERRE ( Epoufe du Sieur Larrivée ) ,
DU BOIS ,
RIVIERE ,
ROZET ,
DU RANCI ,
BERNARD ,
DU BRIEULle.
N. B. On n'apas cru devoirgroffir cet Etat de celui
des Chaurs chantans , attendu qu'il fe trouve imprimé
à la têtedechaque Edition des Livres de Paroles,
JANVIER 1764. 179
BALLET
Maitre & Compofiteur des Ballets.
M. LANY .
DANSEURS feuls.
MESSIEURS
LANY , 3 .
LAVAL, Adjoint au Maître des Ballets ,
LYONNOIS J
VESTRIS,
7
I. GARDEL .
DANSEURS en double & figurans,
MESSIEURS
BEAT , ROGIER ,
HYACINTHE , DUBOIS
TRUSTY , RIVIERE
HAMOCHE L. LANY C
CESERON , HENRY.
GOUGY ,
A SURNUMERAIRES.
MESSIEURS
LIESSE . ANO DOSSION ,
MARTINET HAMOCHE COM
LANY ,
DANSEUSES feules A
JAMESDEMOISELLES
LYONNOISMESTRIS
,
ALLARD .
DANSEUSES feules , en double & figurantes
MESDEMOISELLES
PESLIN , GUIMARD.
H vj
180 MERCURE DE FRANCE.
DANSEUSES en double & figurantes..
MISDEMOISELLEST
SARON ,
SAINT-MARTIN ,
PETITOT ,
DEMIRÉ ,
REI ,
BASSE ,
PERRIN , LE CLERC . 4.09
SURNUMERAIRES.
DORNET ,
SIANNE ,
VILLETTE ,
LA HAYE ,
MBSDEMOISELLES
MARTAISE ,
CONTAT
GODEAU ,
MARCILLY
ROUSSILLON ,
LAVEAU ,
COUSTON ,
VERNIER,
DACHÉ , MIMI ,
BOUSCARELLE ; CORNU ,
TELIS , BUARD .
LOZANGE ,
Maître de Mufique de l'Orchestre battant la Meſure.
M. BERTON .
ECOLE DE CHANT.
M. LE VASSEUR , Maître de Chant .
M. CHAPOTIN , Maître de Mufique.
ECOLE DE4DANSE.
M. HYACINTHE , Maître de Danſe.
* T
201804
JANVIER. 1764. 181
COMEDIE FRANÇOISE.
Νουous avions précédemment annoncé
, d'après les Affiches publiques , la
première repréſentation d'une Comédie
de M. BRET , intitulée , la Confiance
trahie. Comme nos Lecteurs éloignés
pourroient foupçonner notre filence fur
cette Piéce , d'un voile officieux à fon
mauvais fuccès , nous fommes obligés
d'avertir qu'elle n'a pas été repréſentée ,
par des raifons particulières qu'il ne nous
appartient pas de fçavoir ; mais qui ne
doivent & ne peuvent donner aucune
idée contre le mérite de l'Ouvrage , ni
le talent de l'Auteur , ni les procédés
des Comédiens.
Le II du préfent mois , Mlle FANİER,
jeune Actrice nouvelle , qui n'avoit para
fur aucun Théâtre , a débuté dans les
rôles de Soubrettes du Diſſipateur , &
du Préjugé vaincu. La taille & le caractère
de la phyfionomie de cette jeune
Perfonne ont paru affez convenables à
celui de l'emploi pour lequel elle fe préfente.
On a applaudi au commencement
de fon premier rôle , dans lequel
182 MERCURE DE FRANCE.
on a été fatisfait de plufieurs traits. Au
furplus , nous avons fi fouvent expofé
les juftes raifons qu'il y a pour ne rien
hazarder fur les talens des Débutans
dans les premiers jours , que l'on ne
doit pas être furpris fi nous différons de
rendre compte du fuccès de ce début.
COMÉDIE ITALIENNE.
LE 2de
f
E 2 de ce mois on donna fur ce Théâ
tre la première répréfentation du Sorcier
, Comédie en deux Actes mêlée
d'Ariettes , les paroles font de M. Poincinet
le jeune , & la Mufique de M. Philidor.
Dans ce genre même qui domine
aujourd'hui la raifon en la contrariant
, il n'avoit paru encore aucun
ouvrage dont le fuccès eût été marqué
, à la première répréfentation , par
des circonftances auffi éclatantes . Après
des applaudiffemens redoublés , les Auteurs
furent forcés par les acclamations
du Public de paroître fur la Scène , ce
qui n'étoit point encore en ufage à ce
Théâtre , & ce qui confirme bien que
les goûts de mode ont des Périodes
JANVIER. 1764. 183
dont on ne peut mefurer les bornes.
Ne pouvant tranfmettre à ros Lecteurs
aucune idée précife des beautés qu'on
admire dans la Mufique de cette Piéce ,
nous allons effayer de leur en donner
une du Drame , par une Analyfe exactement
fuivie ; afin , s'il eft poffible , de
les mettre en état d'entrevoir les motifs
fur lefquels eft fondé en partie un fi
grand fuccès.
ANALYSE du drame de la Piéce
intitulée le Sorcier.
Le Théâtre représente un Paysage.
DANS la première fcène , Agathe s'occupe ✯
repaffer , refléchit fur fes malheurs & regrette
fon Amant Julien. Blaife Vigneron , qui la
doit époufer , profite de l'inftant où elle eft feule
& voudroit lui ravir un bailer. Mais Agathe à qui
l'on veut en vain faire accroire qu'elle ne reverra
plus fon Amant , parce qu'il y a trois ans
qu'on n'a eu de fes nouvelles , Agathe qui n'a
point perdu l'efpoir , reçoit fort mal les careffes
de Blaife. Il s'en plaint à Simone fa future Belle-
Mère. celle - ci qui a intérêt de fe débarraſſer de
fa fille pour fe remarier , la force d'écouter Blaife
qui fait un long éloge de fonétat , & fort pour
avertir le Notaire de tenir le contrat prêt pour
le foir même. Agathe repréfente inutilement
184 MERCURE DE FRANCE.
à fa mère qu'elle eft promiſe à Julien , qu'elle
l'aime , qu'il peut revenir ; en vain elle lui demande
la permiffion d'aller confulter un forcier
qui fait grand bruit aux environs. Simone ne
veut rien entendre. Juftine la filleule & foeur
de Julien abfent , vient prier fa maraine de lui
donner un mari ; tout en difant qu'elle n'aime
pas Baflien , l'éloge naïf qu'elle en fait , fâche
Simone, qui voit avec chagrin fa filleule prétendre
à un Garçon fur lequel elle a des vues pour
elle-même. Elle lui défend d'y penfer mais
Baftien qui furvient , loin d'entrer dans les vues
de Simone , protefte qu'il n'a jamais aimé que
Juftine. La bonne femme très-piquée , congédie
les filles ; elle envoye Agathe joindre Blaife &
le Notaire qui l'attendent , défend à Juftine
de jamais caufer avec un Garçon , & fort elle
même en faisant à Baflien quelques careffes qui
lui ouvrent les yeux fur les prétentions de la
mère. Mais elle le prive de Juftine . Le retour de
Julien pourroit aider à fon bonheur , il détermineroit
Juftine , qui jeune encore ne voit pas
clair dans fon coeur. C'est en s'occupant de
ces idées & en inftruifant les Auditeurs de la
naiffance & des progrès de fon amour que Baftien
, feul alors fur la fcène , chante cette jolie
Romance que nous avons reconnu être imitée
d'un fonnet italien du Chevalier ZAPPI . Nous
croyons faire plaifir à nos Lecteurs de la mettre
fous leurs yeux,
>> Nous étions dans cet âge encore
» Où chacun ignore
» L'amour & l'efpoir ,
J...
JANVIER. 1764.
185
Dans fon coeur on ne fent éclore
» Que le feul defir de fe voir.
» D'un bouquet cueilli pour Juftine ,
>> Que ma main badine
פכ
» Dans fon fein a mis ,
Sur fa bouche encore enfantine
» Le plus doux baifer fut le prix.
» Aujourd'hui la friponne oublie
» La fleur fi jolie
» Qui fit fon plaifir
» Et je n'oublîrai de ma vie
» Le baiſer que j'oſai cueillir .
Cette Romance nous a paru d'autant plas remarquable
qu'elle a comme un Poëme plus confidérable
, une expoſition , un noeud & une conclufion
, telles que devroient être toutes ces fortes
de chanfons. L'imitation du Poëte Italien ne
déprime point l'honneur du talent de l'Auteur
françois , elle prouve au contraire le bon ufage
qu'il fait de la connoiffance d'une langue étran
gère. On nous permettra fans doute cette légère
difgreffion : nous revenons à Baftien. Ainsi qu'Agathe
, il n'attend fon honheur que du retour de
Julien, il fe détermine , comme elle , à confulter
le forcier dont on a déja parlé . Un foldat
arrive , Baftien l'envifage , ce foldat eft Julien. Il
apprend à Baflien qu'il revient des Indes , qu'il
s'eft fait foldat. J'étois né pour fervir , dit-il , ah
j'ai choifi le meilleur maître ! Tout François fent
pourquoi cette phraſe eft fi vivement applaudie à
186 MERCURE DE FRANCE.
·
chaque repréſentation. Julien fait la defcription
d'une tempête & s'informe d'Agathe. Quelle eft fa
douleur en apprenant qu'elle va le marier avec le
Vigneron Blaife , qu'il croioit fon plus fidéle ami,
auquel même en partant , il avoit confié tout fon
bien; qu'il n'a pas fait difficulté de s'approprier ! Il
fe livre à fa colère , il veurt retourner d'où il
il vient , il veut fuir pour toujours Agathe ;
Cependant il veut auparavant la voir & lui
parler. Tandis qu'il en cherche les moyens, Juf
tine s'avile de lui conter l'hiftoire du forcier
qu'on attend ; elle lui confeille de le faire paffer
pour ce forcier . Il accepte ce parti, Il a rapporté
avec lui l'habit d'un Dervis indien; il fe propofe
de l'employer & fort en terminant cet Acte
par un Duo du plus grand effet. Baftien ouvre
le fecond acte fuivi de Julien travelti . Il lui recommande
à ſon tour les propres intérêts & le
prie de déterminer la petite Juftine en fa faveur
, elle paroît . Baflien le cache. La jeune enfant
commence par avoir peur du forcier . qu'elle
eft bien loin de croire fon frère. Mais peu-à- peu
elle s'enhardit , & finit par avouer , dans une
chanfon très - applaudie , qu'elle aime Baftien .
L'heureux Amant l'entend & paroît. Tout le
Village , informé de l'arrivée du forcier , fe raffemble
pour le confulter. A l'afpe&t d'Agathe &
de Blaife , Julien a peine à calmer fa colère.
Il fe contient cependant , chacun veut être écouté
le premier. Simone , plus bavarde que les autres ,
s'empare du forcier , chacun fe retire en fe promettant
de revenir dans un moment plus favorable.
Simone ne croit pas trop aux forciers , mais.
elle croit defon intérêt de faire parler celui-ci conformément
à les vues & lui donne de l'argent.
JANVIER . 1764. 187
En conféquence . En caufant avec lui elle lui
dit beaucoup de mal de lui - même , enfin de tout
ce qu'elle lui dit , il ne peut rien conclure qui
ne ferve à le convaincre de l'infidélité d'Agathe
Simone l'apperçoit , fe retire , & entraîne avec
elle Julien. Agathe , feule prête a figner le contrat
qui l'unit a Blaife , fe livre alors à tout fon
chagrin. Elle appelle Julien , le Sorcier ou plutôt
ce cher Julien arrive ; il fe repand en reproches ,
elle tremble , elle fe juftifie , il renaît , en apprenant
qu'il eft encore aimé , dans l'exces de fa
joie , il va fe découvrir : mais Blaife le furprend
& l'arrête. Blaife eft jaloux , il n'aime pas
qu'on caufe avec fa future auffi la renvoye-
t-il auprès de fa mere , & le détermine à
confulter le Sorcier , fur les fuites de fon mariage.
Julien profite de l'occafion pour recouvrer fa
caflette , il en parle a Blaife qui commence par
nier ; mais Julien , affecte de faire des conjurations
terribles. Blaife s'intimide & fe couvre les yeux.
Julien imite fucceffivement un choeur de Démons >
& la voix du Diable même qui prononce a Blaife
fon Arrêt. Le pauvre Vigneron , épouvanté.
Avoue fa furpercherie , il promet de tout rendre
& fort en effet pour aller chercher la caffette.
C'eſt en ce moment que Baftien , Juftine , Agathe ,
accourent rapidément les uns après - les- autres
pour confier au Sorcier , qu'ils font perdus ,
s'ils ne les confeille , ou plutôt s'il ne leur rend
Julien , ainsi qu'il l'a promis. Juftement enchanté
, celui - ci le raffure , les réunit , & les prend
entre fes bras. En moins d'un clin - d'oeil cette
robe finiftre , dont il s'étoit affublé , ſe détruit , difparoît
, & Julien le montre à leurs yeux tel qu'on
l'a vu au premier Acte. Il y a dans cette Scène de
la naïveté & de la chaleur, cequi ne peut être bien
188 MERCURE DE FRANCE .
rendu dans un Extrait . La joie fuccéde aux allarmes.
Blaife arrive avec la caffette ; il reconnoît
Julien , il veut fuir ; on l'arrête. Simone accourt au
bruit qu'elle entend , & reconnoît Julien à lon tour.
D'abord elle veut fe fâcher ; mais elle eft contrainte
de céder elle -même. L'heureux Sorcier , qui n'a
plus befoin de l'être , reprend la Maîtrelle & fon
argent; donne Jufine la foeur à Baftien ; & , pour
terminer les débats , engage Dame Simone à épouifer
Blaife : elle y confent ; tout le monde s'embraffe
, & la Piéce finit par un Vaudeville trèsagréable
en Paroles & en Mufique.
REMARQUES
Sur le Drame , & fur la Mufique.
Ce Drame , a par - deffus beaucoup
d'autres , dans les Ouvrages de ce genre
moitié lyrique moitié récité , d'être plus
lié , plus filé , & de contenir une forte
de conduite réguliére dans l'action . Pour
faire fentir cet avantage à nos Lecteurs ,
qui feroient étonnés peut- être de l'étenduë
de cette Analyfe , il étoit indifpenfable
d'expofer non feulement le Plan
de toute cette petite intrigue , mais encore
prèfque celui du Dialogue , afin de
faire connoître le fil des Scènes , & les
mouvemens de l'action : cela nous a
paru d'autant plus nécéffaire qu'un précis
plus abregé n'auroit fait voir que les
fources d'où l'Auteur ne paroît pas difJANVIER.
1764, 189
fimuler avoir puifé la principale partie
de l'invention ; mais dont on ne
peut lui refufer le mérite d'un ufage
adroit , d'où réfulte de l'agrément , &
furtout un fond très heureux pour
mettre en oeuvre le génie du Muficien
& lui procurer une grande variété de
caractères. La grande part qu'a ce dernier
au brillant fuccès de cette Piéce
ne nous permet pas de nous taire fur
les juftes éloges qu'il mérite ; elle femble
en effet mettre le fceau à la réputa
tion de M. Philidor. Les amateurs les
plus outrés de la frivolité du nouveau
genre , ont vu cependant avec fatisfaction
ce jeune Muficien fournir une
carrière nouvelle , & s'éloigner de ce
genre peut-être naturel , mais toujours
trivial quand il n'eft pas bifarre , qui domine
dans bien des Pièces de cette nouvelle
eſpéce . Au- contraire ici , fucceffivement
intéreffant , fouvent fublime
fçavant fans être moins gracieux , il fem
ble avoir déployé les plus heureuſes ref
fources de fon Art. Nous avons pour
preuves de ce que nous avançons entre
autres morceaux la Romance dont nous
avons rapporté les paroles ; le Duo du
premier Acte , la defcription de la Tempête
, l'Ariette de Blaiſe , la Scène de
130 MERCURE DE FRANCE.
la Reconnoiffance de Julien , l'admirable
Monologue d'Agathe , enfin le Vaudeville
de la fin , & nous pourrions dire
tout l'ouvrage. Ce qui laiffe efpérer que
le Muficien ne négligera pas d'étendre
fa gloire , en briguant de pareils fuccès
dans le premier genre, plus digne de fes
talens , & auquel il paroît fait pour atteindre
, & pour y réuffir.
Nous defirerions que
l'étenduë qu'a
déjà cet Article nous permît de rendre
inftice en particulier au talent de chaque
Acteur, dans la jufte appréciation
que l'on doit faire de ce genre. On peut
toujours convenir que M. Caillot , entre
autres , indépendament des dons heureux
de la nature , & du talent de chanter ,
acquiert journellement celui de bon Comédien.
Les Amateurs de ce Théâtre ont vu
avec plaifir le retour de M. Audinot, dans
fes , Rôles de certains Caractéres qu'il
avoit pour ainfi dire établis dans leur
origine.
JANVIER. 1764. 191
ARTICLE VI.
NOUVELLES POLITIQUES.
L&R
De WARSOVIE , le 10 Décembre 1763.
E Comte de Bielinski , Starofte de Czersɛ ,
eft parti le 7 de ce mois pour le rendre à Verfailles
& y notifier à Sa Majefté Très- Chrétienne
la mort du Roi Augußte III. Il eft chargé de la
même commiffion auprès du Roi Stanillas , Duc.
de Lorraine & de Bar.
De STOCKOLM , le 6 Décembre 1763.
Le Baron de Breteuil Ambafladeur de Sa
Majefté Très- Chrétienne auprès du Roi , vient
d'arriver en cette Capitale avec la Baronne fon
époule. En paffant par les Etats de Dannemarck,
ce Miniftre fut préfenté le 18 Novembre à Leurs
Majeftés , qui étoient à Friedensbourg , par le
Préfident Ogier , Ambaffadeur de Sa Majefté :
Très-Chrétienne auprès du Roi de Dannemarck .
De COPPENHAGUE , le 3 Décembre 1763 .
Le Préfident Ogier , Ambaffadeur de France.
en cette Cour , remit , le 20 du mois dernier ,
au nom de Sa Majefté Très- Chrétienne , une
épée d'or au fieur Laub , Capitaine- Lieutenant
de la Marine Danoife , lequel a fervi avec diftination
pendant la derniere guerre dans la Marine
de France . Des fept Officiers Danois qui ont
été admis à fervir conjointement avec les Offi192
MERCURE DE FRANCE .
ciers François , le fieur Laub eft le quatrième qui
air reçu des marques diftinguées de la bienveillance
de Sa Majesté Très- Chrétienne ; deux autres
ont été tués en combattant avec vvaleur fur
les Vailleaux François , & un troifiéme eft mort
ici peu de temps après fon retour en cette Ca- cette Capitale.
ANGA
De VIENNE , le 21 Novembre 1763.
Madame l'Archiducheffe Infante a été attaquée,
le 18 de ce mois , d'une fiévre affez forte , accompagnée
de maux de reins : elle a été faignée
le 19. Le lendemain la petite vérole s'eſt manifeftée
, elle eft aflez abondante , mais elle eft fortie
avec des fymptômes favorables , fans qu'on
puille encore juger fi elle eft de bonne ou de¹
mauvaiſe eſpéce. Cette Princeffe eft aujourd'hui
aufli bien que fon état le comporte.
Du 24.
Madame l'Archiducheffe Infante , qui étoit
groffe de fept mois , eft accouchée d'une fille
qui a vécu aflez de temps pour recevoir le baptême.
Cette faulle couche avoit rendu plus dangereux
les accidens da la petite vérole , les bou
tons s'étoient applatis , & la tête étoit embarrallée
; ces fymptêmes donnoient les plus vives
inquiétudes fur l'état de cette Princeſſe ; mais
aujourd'hui l'éruption paroît le rétablir , la tête
eft libre , & les Médecins ont repris efpérance.
Du 24. กา
·Rien ne peut exprimer la déſolation que répand
à la Cour & dans cette Ville la perte que
nous venons de faire. Tous les fecours de l'Art
n'ont pû conferver Madame l'Archiducheffe Inwicy
to tivist Alefante
JANVIER. 1764. 193
fante: les fuites de fa fauffe couche avoient entiérement
épuisé les forces , & rendoient , chaque
jour , plus dangereux les accidens de la petite vérole.
Hier au matin fe font manifeftés quelques
fymptômes de gangrene ; après midi , la Princeffe
a commencé à avoir la diglutition plus difficile ,
& peu de temps après , elle a refufé tout ce qu'on
lui préfentoit , le poulx s'eft affoibli , la refpira--
tion s'eft embarraffée de plus en plus , & tout a
annoncé dès ce moment les approches de la mort.
Cet état a duré toute la nuit ; ce matin à cinq
heures , fon Alteffe Royale a rendu le dernier foupir
après une agonie courte & tranquille . Cette
Princeffe avoit reçu les facremens le 22 , & le lendemain
, on lui avoit adminiftré l'extrême-onction
dans tout le cours de fa maladie ,
elle a
montré beaucoup de réfignation & de courage.
L'Archiduc s'eſt enfermé avec elle , dès l'inſtant
que la petite véroles'eft manifeftée, & il ne l'a pas
quittée jufqu'au dernier moment.7
Durs Décembre.
L'Empereur a nommé pour fon premier Commiffaire
à la Diete Electorale de Francfort le Prin
ce Jofeph de Lichtenſtein & pour ſecond , le Baron
de Bartenſtein , Confeiller Aulique de Sa Majefté
Impériale . On travaille avec activité aux préparatifs
néceffaires pour le départ de l'Empereur
& des Ambafladeurs qui fuivront Sa Majeſté Impériale
à Francfort .
De RATISBONNE , le 19 Novembre 1763 .
Voici la liste des noms des Ambaſſadeurs qui
doivent affifter à l'Aſſemblée Electorale convoquée
à Ausbourg pour le 15 Décembre prochain.
De la part de l'Electeur de Mayence , les Barons
d'Erthal & de Grofchlag ; de Treves , les Barons
II. Vol. I
194 MERCURE DE FRANCE.
de Breidenbach & de Keffelstadt , & le fieur de
Munch ; de Cologne , le Comte de Hohenzollern
& le Baron de Francken Sierstorff ; de Bohéme ,
Prince Efterhazy , le Comte de Pergen & le Baron
de Borić , Confeiller d'Etat ; de Saxe , le Comte
de Rex & le Baron de Ponickau ; de Brandebourg,
le Comte de Reuſſ & le Baron de Plotho ; de Baviere
, le Comte de Paumgarten & le Baron de
Schneid ; Palatin , le Comte de Linange & le Ba-
1on de Beckers , & de Hanovre , les Barons de
Buſch & de Gemmingen.
*
De BERLIN , le 15 Novembre 1763.
L'Envoyé de la Porte , Achmet Effendi , fit le
de ce mois fon entrée publique en cette Ville
& alla loger au Palais de Wernefobre qui avoit
étédifpofe pour le recevoir.
De LISBONNE , le 22 Novembre 1763 .
Le Chevalier de Saint Prieft , Miniftre Plénipotentiaire
de Sa Majesté Très- Chrétienne , & le
Geur Semonin , Conful de France , font arrivés
hier fur la Frégate la Terpficore..
De ROME , le 14 Décembre 1763.
Le Marquis d'Aubeterre, Ambaffadeur Extraor
dinaire du Roi Très- Chrétien , auprès du Saint
Siége , arriva le 6 de Lerici en cette Capitale : il y
entra dans les équipages que le Cardinal Colonna
de Sciarra , Protecteur des Eglifes de France, avoir
envoyés à la rencontre . Le Bailli de Breteuil , Ams
bafladeur de Malte , le Chevalier de la Houze ,
chargé des Affaires de France , & l'Abbé de Véri ,
Auditeur de Rote , étoient allés au -devant de cer
Ambaffadeur hors des portes dela Ville. Le Marquis
d'Aubeterre vit hier le Cardinal Neveu & le
JANVIER. 1764. 195
Cardinal Secrétaire d'Etat : il a eu , ce foir , une
audience du Souverain Pontife qui lui a fait l'accueil
le plus diftingué & à qui il a préſenté le fieur
Melon , fon Secrétaire d'Ambaſſade , ainſi que
plufieurs François de fa fuite , parmi lesquels s'eft
trouvé l'Abbé Coyer , connu par divers ouvrages
eftimés.
De LONDRES , le 8 Décembre 1763 .
Extrait d'une Lettre écrite de Kingston à la Jamaique
le 30 Septembre 1763 .
Le magafin à poudre du Fort Auguſta a ſauté
en l'air , le 28 de ce mois , entre une & deux heures
après midi. Cet accident , que l'on croit occa
fionné par le tonnerre , a détruit la meilleure fortereffe
qu'il y eût dans l'ifle . L'exploſion a été fi
violente qu'il n'eft pas refté en ſa place une feule
pierre du bâtiment & des murs qui l'environnoient.
Une partie du terrein fur lequel étoit ſitué le magafin
, a fauté auffi en l'air , & a formé une ouver
rure de plus de vingt pieds de profondeur , de
cinquante de largeur , & de cent de longueur.
Plufieurs canons de vingt- quatre livres de balle
qui étoient placés fur un baltion contigu , ont été
démontés de leurs affuts , & ily en a eu un qui a été
enlevé à plus de cent toifés de la Place. On a fenti
la terre trembler dans l'efpace de dix milles à la
ronde. Tout ce qui fe trouvoit dans le port a été
bouleverfé : la maison du Commandant , les baraques
des Officiers & plufieurs autres bâtimens
ont été renverfés : il y a eu un grand nombre de
perfonnes tuées ou bleflées; onfait monter le nom
bre des morts à trente blancs & onze négres . Le
Fort avoitt été conftruit par Amiral Knowlles
& étoit regardé comme un des meilleurs des In-
-Iij
196 MERCURE DE FRANCE.
des Occidentales : les murs avoient feize pieds
d'épaiffeur. On évalue à plus de 150000 livres
Sterling les dommages occafionnés par cet accident
, fans compter plus de 28 50 barils de pou-.
dre.
De la HAYE , le 23 Décembre 1763 .
Le Comte de Wartenfleben , Miniftre des Seigneurs
Etats-Généraux auprès des trois Electeurs
Eccléfiaftiques & des Cercles du Haut & Bas-
Rhin , s'étant rendu à Caffel pour les affaires parculieres
, le Landgrave de Heffe l'a fait arrêter
par un bas- Officier & huit fufiliers qui , après
lui avoir ôté ſon épée , l'ont étroitement enfermé
dans une chambre où il eſt gardé à vue. Leurs
Hautes Puiffances , étonnées d'un acte de violence
fi contraire aux droits des gens , ont dépêché au
Landgrave de Heffe un Courier qui eft revenu
fans apporter réponſe , mais depuis le Langdgrave
a répondu à la Lettre des Etats-Généraux. Cette
réponse fut accompagnée d'un mémoire contenant
l'expofé des motifs juftificatifs de la conduite
du Landgrave en cette occafion. Le Comte de
Wartenfleben a envoyé , de fon côté , à les maîtres
un mémoire contenant le détail des faits. Les mo
tifs du Landgrave n'ayant pas paru fuffifans pour,
autorifer la violence commife envers le Comte
Leurs Hautes Puiffances ont envoyé hier à Caffel
une Eftafette chargée de la réplique qu'Elles ont
jugé à propos de faire à la réponſe du Landgrave
, & par laquelle Elles infiftent avec force fur
la demande d'une fatisfaction éclatante & proportionnée
à l'injure faite à la République dans
la perfonne de fon Miniftre. Les Etats Généraux
témoignent dans cette réplique le defir qu'ils
ant de ne devoir cette fatisfaction qu'à l'équité de
ji I.
JANVIER. 1764. 197
ce Prince fans être obligés de recourir à des
moyens dont ils ne feroient ufage qu'à regret.
Le Landgrave a fait publier le mémoire dans
lequel il expofe fes motifs . Voici le précis des faits
qui ont donné lieu à la détention du Comte.
>
La Baronne de Gorz'avoit quitté la Heffe pour
éviter les troubles de la guerre & s'étoit retirée
à Francfort fur le Mein , où elle mourut en 1762 .
Elle légua par fon Teftament tous les biens pour
établir un Chapitre de Dames à fon Château de
Homberg dans la Heffe & elle nomma - le
.Comte de Wartenfleben fon éxécuteur Teftamentaire
& Directeur de cet établiffement. On
accufe ce Miniftre d'avoir eu des vues contraires
-aux intérêts de la Nobleffe du Pays , & aux difpolitions
da Teftament de la Baronne de Goerz ,
en prétendant fonder hors de la Heffe le Chapitre
dont l'établiffement lui étoit confié. Le Landgrave
: lui fit déclarer qu'il ne permettroit pas que l'on
s'écartât des difpofitions du Teftament & enjoignit
à la Régence de pourvoit a la fûreté de l'héritage,
En conféquence , la Régence demanda au Comte
la reftitution des deniers & effets dont il avoit été
mis en poffeffion ; mais ce Miniftre , au lieu de les
rendre , les fit fortir hors de la Heffe. Ces procédés
ayant paru auffi injurieux à la dignité du
Landgrave & de la Régence , que contraires aux
intentions de la Baronne de Goerz , le Comte de
Wartenfleben n'étant pas d'ailleurs accrédité à
la Cour de Caffel , le Landgrave a cru devoir
le faire arrêter pour l'obliger à fe foumettre aux
clauſes du Teftament dont il eft l'Exécuteur.
Iiij
198 MERCURE DE FRANCE.
7
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
De VERSAILLES , le 31 Décembre 1763.
La Roi a nommé l'Evêque de Vence à l'Evêché.
de Mâcon ; & à l'Evêché de Vence l'Abbé de
Lorry , Vicaire-Général du Diocèfe de Rouen :
à l'Abbaye de Vallemont , Ordre de Saint Be
noît , Diocèle de Rouen , l'Abbé Desforges ,
Vicaire Général du Diocèfe du Mans ; à l'Ab- .
baye de Previlly , Ordre de Citeaux , Diocèle
de Sens , l'Abbé de Trudaine , Vicaire- Général du
Diocèſe de Senlis ; à l'Abbaye de Saint Manfuy ,
Ordre de Saint Benoît , Diocèfe de Toul , l'Abbé
Bertin , Confeiller d'Etat ; à l'Abbaye de Saint
Sauveur de Blaye , Ordre de Saint Benoît , Diocèfe
de Bourdeaux , l'Abbé de Pingon , Comte de
Lyon , Vicaire Général du Diocèle de Vienne ; à
l'Abbaye de la Prée , Ordre de Citeaux , Diocèfe
de Bourges , l'Evêque d'Apollonie ; à l'Abbaye
de Saint Georges des Bois , Ordre de Saint Au
guftin , Diocèfe du Mans , l'Abbé de Pujols ,
Vicaire-Général du Diocèfe de Blois ; à l'Abbaye
Saint Vincent du Mans , Ordre de Saint Benoît
l'Evêque d'Orléans à l'Abbaye de Saint Alire ,
même Ordre , Diocèfe de Clermont , l'Archevêque
de Lyon , à l'Abbaye de Saint Auguftin de
Limoges , même Ordre de Saint Benoît , l'Abbé
de Veri , Auditeur de Rote; à l'Abbaye de Saint-
Sulpice de Bourges , même Ordre , l'Abbé le
Noir , Confeiller Clerc au Parlement de Paris
-
:
JANVLER . 1764. 1.99
à l'Abbaye de Chezal , même Ordre , l'Abbé
Gougenot , Confeiller - Clerc au Grand- Confeil
& à l'Abbaye de Saint Martin de Séez , même
Ordre , l'Abbé de Foy ; à l'Abbaye de Laval-
Brefliere , Ordre de Citeaux , Diocèle de Vienne
la Dame de Boiffac ,,Religieufe du Monaftere de
Montfleury , Diocèle de Grenoble ; & à l'Abbaye
de la Scauve , Ordre de Citeaux , Diocèle du ,
Puy, la Dame de Montmorin , Abbeffe de l'Abbaye,
de Clavas , du même Ordre & du même Diocèle :
Cette derniere Abbaye éteinte & demeurera
Ter
unie à celle de la Scauve.
Sa Majesté a nommé Aumônier de la Reine`
l'Abbé de Chilleau , Grand- Vicaire du Diocèſe,
de Metz .
La Ducheffe de Beauvilliers fut préfentée le 27
du mois dernier , à Leurs Majeftés & à la Famille.
Royale par la Ducheffe de Saint Aignan , & prit
enfuite le tabouret chez la Reine.
Le 29 du même mois , le Baron de Gleicken
Envoyé Extraordinaire de la Cour de Dannemarck
, a préfenté à Sa Majefté , de la part du
Roi fon Maître , cinquante- huit faucons d'Iflande.
Le Roi a nommé au Gouvernement de Belle-
Ifle , vacant par la mort du Vicomte de Belfunce
, le Marquis de Vibraye , Lieutenant- Général
de fes Armées , & a bien voulu , en confidération
des fervices de cet Officier , lui accorder la
première Place de Commandeur qui vaquera
dans l'Ordre de Saint Louis. En conféquence , le
Marquis de Vibraye a eu l'honneur de remercier
Sa Majefté le 24 du même mois , & a prêté ferment
le 30 entre les mains du fieur de Maupeou,
Garde des Sceaux , Vice- Chancelier.
Le même jour , la Comtelfe de Holderneff fut
I iv
200 MERCURE DE FRANCE.
préfentée à Leurs Majeftés & à la Famille Royale
par la Maréchale de Mirepoix ; & le Chevalier du
Buat , Miniftre du Roi auprès de la Diéte Générale
de l'Empire , prit congé de Sa Majefté pour
retourner à Ratisbonne.
Le i de ce mois , le Marquis de Villeroy prêta
ferment entre les mains de Sa Majefté , pour le
Gouvernement du Lyonnois , du Forez & du
Beaujollois.
Le 4 , la Comteffe de Gacé , préfentée par la
Princeffe de Monaco , fit ſes révérences à Leurs
Majeftés & à la Famille Royale.
Le même jour , le Baron de Zuckmantel, Maréchal
de Camp , l'un des Directeurs de la Nobleffe
immatriculée de la Baffe - Alface , & nommé
Miniftre Plénipotentiaire du Roi auprès de
l'Electeur de Saxe , prit congé de Sa Majesté à.
qui il fut préfenté par le Duc de Praflin , Miniftre
& Secrétaire d'Etat ayant le Département
des Affaires Etrangères .
Le 6 , on a célébré dans l'Eglife Paroiffiale de
Notre-Dame , un Service pour le repos de l'ame.
de Louife-Elifabeth de France , Ducheffe de Parme.
La Reine y a affifté , ainſi que Mgr le Dauphin
, Madame Adélaïde , & Mefdames Sophie
& Louife.
Le 8 , la Marquise de Pons fut préſentée à
Leurs Majeftés , ainſi qu'à la Famille Royale ,
par la Comtelle de Pons- Saint- Maurice.
Le 11 , la Marquife de Chalmazel , accompagnée
de la Marquife de Tallara & de la Marquife
de Caftries , fit fes révérences à Leurs Majeftés
& à la Famille Royale.
Le fieur Bertin , Contrôleur-Général des Fid
nances , ayant demandé au Roi la permiſſion dé
fe démettre de fa Place , Sa Majefté y a nommé le
JANVIER. 1764. 201
Sieur de L'Averdy, Conſeiller au Parlement de Paris
, & a rétabli en faveur du Sr Bertin , une Charge
de Secrétaire d'Etat qui avoit été fupprimée.
Le 13 , le Comte de Stharemberg , Ambaſſadeur
de la Cour de Vienne , eut une audience
particulière du Roi , à qui il notifia , de la part
de Leurs Majeftés Impériales & Royale , la mort
de l'Archiducheffe Infante . Il fut conduit , en
long manteau de deuil , à cette audience , ainfi
qu'à celles de la Reine & de la Famille Royale ,
par le fieur de la Live , Introducteur des Ambaf
fadeurs. Le 15 , la Cour a pris le deuil , à cette
occafion , pour trois ſemaines.
La Marqnife de Pons , ayant été nommée par
Sa Majefté Dame pour accompagner Madame la
Dauphine , a eu l'honneur d'être préfentée au
Roi en cette qualité.
Le 18 , le fieur Bertin prêta ferment , entre les
mains de Sa Majefté , en qualité de Secrétaire
d'Etat. Le même jour , le Marquis de Bauffer ,
Miniftre Plénipotentiaire du Roi auprès de l'Impératrice
de Ruffie , prit congé de Sa Majesté pour
fe rendre à fa deſtination .
Le 21 , la Comteffe de Virieu fut préſentée à
Leurs Majeftés & à la Famille Royale , par la Marquife
de Sourches.
Le 27 , la Comteffe de Sparre de Cronneberge
fut préfentée à Leurs Majeftés & à la Famille
Royale , par la Comteffe de Sparre , fa belle-
Soeur.
On a appris que , le 17 , l'Electeur de Saxe étoit
mort à Drefde , le troifiémejour d'une petite vérole
qu'on avoit prife d'abord pour une ébulli
tion peu dangereufe. Ce Prince s'appelloit Fréderic
- Chrétien - Léopold ; il étoit né le s Septem
bre 1722 & avoit été marié le 20 Juin 1747 à la
5
I-v
202 MERCURE DE FRANCE.
Soeur de l'Electeur de Baviere Frederic Augufte ,
Prince Electoral de Saxe , âgé de treize ans , fucèède
aux Etats du feu Electeur fon pere.
Le Marquis de Roux , de Marfeille , qui , en plafieurs
occafions , a donné des preuves de fon zèle
pour le bien de l'Etat , ayant demandé au Roi la
permiffion d'employer à la culture de fes terres
deux cens des familles étrangeres qui traverſent
le Royaume pour fe rendre à Cayenne , Sa Majefté
la lui a accordée & a donné ſes ordres en
conféquence.
Leurs Majeftés & la Famille Royale ont figné
Tes Contrats de mariage du Marquis de Beaucaire
avec Demoiselle de Hornbourg , fille du Comte
dé ce nom ; le 27 du mois dernier ) du Comte
de Sparre avec la Demoifelle Hardouin de Beaumois
, fille du Tréforier Général du Marc d'Or des
Ordres du Roi; du Marquis de Gauville avec la Demoifelle
Filleu , Dame & Patrone de S.Martin - le-
Viel des-Chenets : ( le 11'de ce mois ) da Comte
de Rouault avec la Dame de Brou , veuve du Sr
de Brou,Intendant de Rouen ; ( le 21 ) du Marquis
du Terrail avec Demoiſelle de Cruffol de Montauzier
; ( le 27 ) & du Baron de Boeil avec De
moifelle Saget , fille du fieur Saget , Confeiller
au Parlement de Paris. ľ le 28. )
Le Pere Bertier , Prêtre de l'Oratoire , a eur
T'honneur de préfenter à Sa Majesté trois volumes
de fa compofition , intitulés : Principes Phyfiques ,
"pour fervir de fuite aux Principes Mathématiques
d. Newton.
Le Baron de Zur- Lauben , Maréchal de Camp ,
commandant un bataillon de régiment des Gardes
Striffes & Honoraire Etranger de l'Académie
Royale des Infcriptons & Belles - Lettres , eut
Phonneur de préfenter le 13 de ce mois , fes Ou
A
JANVIER. 1764. 203
vrages à Monfeigneur le Duc de Berty & à Monfeigneur
le Comte de Provence : fçavoir , L'HISTOIRE
MILITAIRE des Suifes au fervice de la
France ; LES MÉMOIRES & LETTRES de Henry
Duc de Rohan ,fur la guerre de la Valteline , publiés
pour la premiere fois , & accompagnées de notes
Géographiques , Hiftoriques & Généalogiques ;
LE GÉNÉRAL D'ARMÉ E par Onofander , Ouvra➡
ge traduitdu Grec & dédié à Monfeigneur le Dauphin
; & les trois volumes de LA BIBLIOTHE
QUE Militaire , Politique & Hiftorique.
19,
Le fieur Clabault a eu l'honneur de préſenter,
fe
à Monfeigneur le Comte d'Artois un Tableau
Généalogique & Chronologique de la Maifon
Royale de France , dédié à ce Prince. Le len
demain , il a eu l'honneur de préfenter le même
Ouvrage à Monfeigneur le Dauphin , à Madame
la Dauphine , à Monseigneur le Duc de Berry & à
Monſeigneur le Comte de Provence.
Le fieur de Saint Geniès Chevalier de Sains
Louis , & Commandant de Bataillon , a eu l'honi
neur de préfenter au Roi un Ouvrage de la com→
pofition, intitulé , l'Officier Partifan.
Le 26 , le fieur Marmontel eut l'honneur de
préfenter à Leurs Majestés & à la Famille Royale
Je Difcours qu'il a prononcé pour la réception à
P'Académie Françoife.
Du 4 Janvier 1764.
Le premier de ce mois , les Princes & Princeffes ,
ainfi que les Seigneurs & Dames de la Cour , ren
dirent leurs refpects au Roi à l'occaſion de la nouvelle
année. Le Corps de Ville de Paris eut le mê
me honneur. Les Hautbois de la Chambre exécu
terent différens morceaux de Mufique pendant le
lever de Sa Majesté.
I vj
204 MERCURE DE FRANCE .
1
Les Chevaliers , Commandeurs & Officiers de
l'Ordre du Saint-Elprit , s'étant allemblés dans <
le Cabinet du Roi vers les onze heures du matin ,
Sa Majesté tint un Chapitre dans lequel Elle nomma
Chevaliers dudit Ordre , le Comte de Saulx
Tavannes, Lieutenant-Général & Chevalier d'Honneur
de la Reine , le Chevalier de Muy , Lieutenant-
Général & Menin de Monfeigneur le Dauphin ,.
le Comte du Châtelet-Lomont , Maréchal de Camp
& Ambaffadeur du Roi à la Cour de Vienne ,
& le Comte d'Eftaing , Maréchal de Camp.
Après le Chapitre , le Roi fe rendit à la Chapelle ,
précédé de Monfeigneur le Dauphin , du Duc
d'Orléans , du Duc de Chartres , du Prince de
Gondé , du Comte de Clermont , du Prince de
Conty , du Comte la Marche , du Comte d'Eu ,
du Duc de Penthievre & du Prince de Lamballe ?
& des Chevaliers , Commandeurs & Officiers de
l'Ordre. Les deux Huiffiers portoient leurs maſſes
devant Sa Majesté qui étoit revêtue du manteau :
Royal , ayant par - deffus , le Collier de l'Ordre &
celui de la Toifon d'Or. L'Evêque Duc de Langres
, Prélat Commandeur , célébra la Grand'
Meffe , à laquelle la Reine , Madame la Dauphine
, Madame Adelaide, & Meſdames Victoire ,
Sophie & Louiſe affifterent dans la Tribune. La
quête fut faite par la Princeffe de Monaco . Après
la Meffe , le Roi fut reconduit à fon appartement
en la maniere accoutumée. Il y eut le même jour
grand couvert pendant lequel les Muficiens du
Roi exécuterent plufieurs fymphonies.
•
Les Chevaliers , Commandeurs & Officiers de
l'Ordre affifterent , le 2 , au Service anniverſaire
qu'on célébre pour les Chevaliers défunts , & au- -
quel officia l'Evêque d'Orléans , Commandeur de
l'Ordre.
JANVIER 1764. 205
Le même jour , la Cour prit le deuil pour quatorze
jours , à l'occafion de la mort de l'Electeur
de Saxe.
Le 3 , le Parlement de Paris fe rendit à la Cour
pour rendre les reſpects au Roi à l'occafion de la
nouvelle année .
L'Académie Royale des Sciences a eu l'honneur
de préſenter au Roi le Volume de ſes Mémoires
pour l'année 17 ; 8. C'eft le fecond des quatre
volumes dont les fieurs le Roi , de la Lande ,
Tillet & Befout avoient été chargés par Sa Majesté
de compofer la Parrie Hiftorique & de procurer
la publication.
Les fieurs de Caffini , Camus & de Montigny ,
Membres de l'Académie Royale des Sciences , ont
préfenté au Roi une fuite de leur Carte Géographique
, c'eft -à - dire la foixante- neuviéme
Feuille N ° .175 , comprenant les Villes de Sierck,
Luxembourg & Treyes , le cours de la Mozelle
depuis Berg jufqu'à Treves , & celui de la Saxe
depuis Fremerdorfjufqu'à Conds où elle fe joint à
la Mozelle; & la foixante-dixiéme Feuille N° .165 ,-
qui comprend les Villes de Bafle, Huningue , Porrentru
, une partie du cours du Rhin & les lignes
qui féparent la France de la Suiffe .
Le fieur de la Lande , de l'Académie Royale des
Sciences , chargé par le Roi de compoſer chaque
année le Livre de la Connoiffance des Mouvemens
Céleftes , a eu l'honneur de préfenter à Sa Majesté
le Volume de cet Ouvrage , deſtiné pour l'année
prochaine 1765. Indépendamment des calculs
ordinaires faits pour l'ufage des Aftronomes & des
Navigateurs , ce Volume contient de nouvelles
Tables pour l'Aftronomie , une nouvelle théorie
fur la conftruction des Barometres , un détail cus
rieux des expériences faites depuis peu pour la dés
206 MERCURE DE FRANCE .
couverte des longitudes , & plufieurs articles inté
reffans.
L'Abbé de de Burle de Curban a eu l'honneur
de préfenter à Leurs Majeftés , à Monseigneur le
Dauphin & à Madame Adélaide la cinquiéme
Partie de la Science du Gouvernement , Ouvrage
compofé par le feu fieur de Réal. Cette cinquiéme
Partie , qui contient le Droit des Gens , eft dédiée
au Roi. Le fieur le Rouge , ancien Ingénieur--
Géographe du Roi , a préfenté auffi à Sa Majefté &
à Monfeigneur le Dauphin les premiers Exem
plaires des Plans , Profils & Elévation de la nouvelle
Paroifle de la Magdelaine , gravés d'après
les deffeins du fieur Content , Architecte du Roi.
Cet Edifice , qu'on doit conſtruire à l'extrémité
Septentrionale de la nouvelle rue Royale , fervira
de point de vue à la Place de Louis XV.
La fuite des Nouvelles Politiques au Mereure
prochain.
AVIS DIVER S.
LE Sieur MAR ME vend la véritable Pâte ďa
mande qui blanchit & adoucit la peau. L'on s'en
fert fans eau ou avec de l'eau : mais elle eft meilleure
fans eau. L'on s'en fert pour le vifage , les
mains & le bain, Elle garantit des boutons qui
viennent fur la peau , emporte toutes fortes de taches
d'encre , nourire & garantit la peau féche,
Certe Pâte ne s'aigrit ni ne fe moifit jamais , & fe
conferve fur mer comme fur terre & ne fe cor
rompt point. Elle fe vend chez le Suiffe de S. A S.
M. le Comte de Clermont , au Palais Abbatial de
l'Abbaye S. Germain' des Prés , à Paris. Les pots
ordinaires font du poids d'une livre , & le vendent
3 liv. 12 fols , & en rapportant le por 3 liv. Hyd
JANVIER. 1764 . 207
dès pots depuis une livre jufqu'à huit. On fait des
envois en Province & dans les Pays Etrangers.
Pareilles Affiches font fur les Pocs.
LE Sieur DE CRAMPIGNY donne avis au Public',
qu'il a obtenu la Permiffion de diftribuer un Bagme
fouverain pour la Guérifon des Crampes , par le
moyen duquel un Médecin de les parens faifoit
des Cures furprenantes dans le Levant. Ceux qui
en font attaqués , & qui auront befoin de fon reméde
, s'adrefferont à Paris , rue & Hôtel du Pe--
tit-Lion , fauxbourg S. Germain , chez Madame-
BERTEL , au premier étage , entre un Vinaigrier
& un Marchand de Vin , vis- à- vis un Pâtiffier.
Le prix de ce Baume eft de 6 liv. l'once. One
donnera des Imprimés qui enfeigneront la manière
de s'en fervir . Les Perfonnes de la Provincequi
écriront au Sieur DE CRAMPIGNY , pour avoir
de fon Baume , font priées d'affranchir leurs Let--
tres , fans quoi elles ne feront pas reçues.
LE Sieur SAUVEL , Marchand Diftilateur , rue
neuve des Petits - Champs , au coin de la rue des
Bons- Enfans , au Magafin de Provence , avertit le
Public qu'il lui eft arrivé plufieurs fortes de Liqueurs
étrangères ; entr'autres , du Marafquin de
Zara & de Bologne , à 18 liv . la bouteille ; nouvelle
Crême de Fleur-d'Orange au Vin de S. Lautent
, Supérieure à celle au Vin de Champagne
à 6 liv la bouteille ; Roffoglio de Bologne à 10 liv.
la bouteille ; Huile de Gérofle à 6 liv . la bouteille ;
Huile & Crême d'Anis des Indes à 6 liv . la bouteille
, double Hypotheque de Gérofle à 3 liv . la
bouteille de pinte.
Il vend auffi des Eaux de Senteur ; Eau de
Fleur- d'Orange de Malthe à 3 liv. la bouteilles
Eau de Lavande à a liv. 10 f. la pinte ; la parfu
mée à 3 liv.
208 MERCURE DE FRANCE.
On trouve encore dans fon Magafin d'excellent
Chocolat de toute eſpéce . La réputation de cet Ar
tifte s'étend tous les jours davantage , il ne peut
trop mériter l'empreffement du Public.
CHAUMONT , Perruquier , fait non -feulement
toutes fortes de Perruques dans les goûts les plus
nouveaux , fpécialement celles qui font nouées
& celles en bourfes ; mais le deſſein dont il fait
ufage lui donne une grande facilité pour bien
prendre l'air du vifage , & coëffer le plus avantageufement
qu'on puiffe le defirer. Il fait voir
fes Defleins en plufieurs genres d'Accommodages
, & variés fuivant les différens goûts. Il les
éxécute enfuite au choix & à la fatisfaction des
perfonnes qui les lui demandent. De plus , il vient
de trouver l'invention d'un nouveau Reffort pour
fes Perruques bien fupérieur à tous ceux qui ont
paru jufques à ce jour , lequel eft d'autant plus
avantageux qu'il maintient l'ouvrage dans fa première
forme , l'empêche de fe retirer , & que fon
élafticité qui eft très- douce , ne fe relâche jamais
par l'ufage : en forte que durant tout celui de la
Perruque , elle joint également bien le contour du
vifage , & aufli parfaitement , pour ainfi dire , que
le pourroit faire le naturel des cheveux .
Il demeure rae S. Nicaife , au Mont Véluve.
LE Sieur BRESSON DE MAILLARD , Marchand
d'Eftampes , & Privilégié des Enfans de France ,
en ouvrages de Caractères , Deffeins , Vignettes ,
demeurant rue S. Jacques , Maifon de M. de Lambon
, Avocat , proche M. Duchefne , Marchand
Libraire à Paris , tient un affortiment de Caractères,
Vignettes , & de différentes Fleurs , qu'il a
deffinées d'après nature, & exécutées fur des Planches
de cuivre , avec lefquelles on peut, avec faci
JANVIER . 1764. 209
lité & fur le champ , faire divers Deffeins pour
meubles , & c .
Ledit Sieur exécute pareillement à jour nombre
d'autres ouvrages utiles , & d'une même facilité
dans l'ufage , comme des Adreſſes , Alphabeths
pour apprendre les Enfans à lire , Notes , Etiquettes
, Noms à laiffer en vifite , ou pour mettre fur
les Livres , Marques & Chiffres , Deffeins au fimple
trait pour broder ou peindre d'après.
Il dient auffi un alfortiment de toutes fortes de
Papiers peints en Vignettes , & entreprend de noter
les Livres de Plein- chant.
Il grave auffi en Taille-douce des Adreſſes avec
les attributs des différentes Profeffions , & autres
fujets.
L'Epoufe du Sieur MAILLARD deffine & colore
très - proprement les Fleurs , Emblêmes & Armoiries
, Ecrans. Elle montre aux Dames la manière
de fe fervir des Planches à jour , que l'on peut
qualifier d'Art de deffiner & de peindrefans Maitres
& fournit les Couleurs & autres chofes qui y font
relatives.
On trouvera auffi chez ledit Sieur une fuite affez
confidérable de petites Eftampes en Emblèmes ,
Deviles , Fables choilies , Prières , Bouquets & Sou
haits de bonnes Fêtes , Etrennes brochées en forme
de Calendrier, Emblématiques & Chantantes , pour
la nouvelle Année , préfentées aux Enjans de France..
Ceux qui defireront acheter & connoitre plus
particulièrement toutes lefdites Marchan difes d'Eltampes
, Caractères & Deffeins , & qui fouhaiteront
les vrais Originaux , s'adrefferont directement à
Paris au Sieur MAILLARD ; & en Province à MM.
les Libraires & Marchands d'Eftampes qu'il fournit.
Sçavoir ,
A Lyon , M. Daudet.
Rouen , M. Frere , fur le Port.
2TO MERCURE DE FRANCE.
Toulouſe , M. Jouques , rue S. Rome.
Tours , M. Jagus , Marchand Papetier.
Poitiers , M, Fatour.
Bordeaux , M. Noblet.
La Rochelle , M. Pavie , Marchand, Libraire.
A Nantes , M. Tancrer.
Liege , M. Soer , Marchand Libraire.
Dijon , M. Desventes , Marchand Libraire .
ON S'ABONNE au Cabinet Littéraire , Pont de
Notre-Dame , pour la lecture de tous les Livres
qui compofent le Cabinet ,
pour l'année
pour
fix mois
pour
trois mois
pour un mois •
au volume , pour deux jours .
18 liv.
12.
T
3
1
10 £
4f..
On diftribue un Avis plus détaillé , & le Cataloguegratis.
On tient au Cabinet un affortiment complet de
tous les Almanachs chantans & autres intéreffans
pour l'année 1764 5 & particulièrement les Almanachs
fuivans en grand nombre,
*
9
Les Tablettes Mythologiques & Pirtorefques
ou l'explication & la manière de connoître les Tableaux
& Statues , avec des Couplers relatifs au:
fujet. (fous preffe. )
Le Cadeau de l'Amour. ( fous preffe. )
Les Délaffemens de Paphos. fous preſſe . )
Tous lefdits Almanachs fur les Airs les plus
nouveaux .
L'Almanach fous verre ,
L'Almanach de Cabinet de la petite Pofte de
Baris , en carton .
L'Almanach Hiftorique de la petite Pofte de
Paris , avec une notion exacte de ce qu'il y a de
curieux & de rare à Paris , avec la Lifte des Rues
de Paris ; Almanach très- utile aux Etrangers.
1
1
JANVIER. 1764. 201
SECOND SUPPLÉMENT à la Lifte des
Abonnés au Mercure , qui fe trouve
dans le Volume de Décembre dernier ,
& dont lepremier Supplément eft dans
le Mercure du premier Janvier. *
ABONNÉS DE PARIS.
MESSIEURS ,
-ANTOINE , à l'Ecu Dauphin , rue Bourg- l'Abbé..
Bardou de Farceville , rue d'Argenteuil.
Chardon , Fermier du Roi , rue Montmartre , vis--
à-vis la rue du Jours
Chopin , Confeiller au Grand-Confeil , à l'Hôtel
d'Aumont , rue de Jouy.
Cochu , Médecin , cloître Notre-Dame.
D'Aihene , Maître des Requêtes , rue des Deux
Portes:
D'Hémery ( Madame ) , rue des Poftes..
La Bonne ( de ) , Lieutenant de MM . les Maré--
chaux de France rue du Bacq , à l'Hôtel de
Nevers.
Le Fevre , Avocat au Parlement , rue la Tixeran--
derie .
* Onfoufcrit en tout temps pour le Mercure , chez
M. LUTTON , Greffier au Parlement , rue Sainte
Anne , Butte S. Roch , au Bureau du Mercure de
France. En fe faifant infcrire chez lui , on reçoit le
Mercure plus promptement , & plus exactement
212 MERCURE DE FRANCE .
Noël , Marchand de Bois , place de la Baftille.
Paulain , Commiffaire des Guerres , rue des Francs-
Bourgeois.
Puffan , Fermier Général , rue S Marc.
Puiffan , Premier Commis de la Police, rue Saint-
Marc.
Wimpffen ( le Baron de ) , Brigadier des Armées
du Roi , Colonel - Commandant da Régiment
de la Marck , à l'Hôtel de Luxembourg , rue S.
Marc
ABONNÉS DE PROVINCE.
MESSIEURS
Alcock & Compagnie , Entrepreneur de la Manufacture
Royale , à la Charitéfür Loire,
Barrey ( le Chevalier de , Capitaine d'Infanterie,
à Bernay en Normandie .
Batlematon l'aîné , à Quimper.
Beaufort le Comte de ) , en
lé en Artois.
fon Château de Moul-
Blachere , Directeur de la Pofte , à l'Argentiere ,
par Aubenas en Vivarais.
Boillelet ( de ) , ancien Moufquetaire du Roi , au
Château de la Noue , près Vierzon.
Cannac , à Lyon.
Champdoré de , ancien Notaire , à Fontenayle-
Comte en Bas- Poitou .
Comcy de ) , Maréchal de Camp , Commandant
à Toulon.
Courrejolles ( de ) , Négociant , à Baïonne .
Crefcia ( la Marquife de ) , enfa Terre de Crefcia ,
près d'Orgelet , en Franche-Comté .
Dupin , à Saint Jean-pied-de-port.
Geoffroy de Vaudiere, Secrétaire du 'Roi , à Epernay
en Champagne.
Gros , Libraire , à Lons -le-Saunier en Franche-
Comté,
JANVIER . 1764.
213
Hébert , Tréforier de France honoraire au Bureau
des Finances , à Soiffons.
La Baupaumerie ( de , Lieutenant Général , à
Montere u-faut- Yonne.
Laporte ( de ) , Directeur des Poftes , à Betfort.
Le Baron l'aîné , Libraire , à Caën .
Le Roux , Libraire , à Strasbourg , deux exemplaires.
L'Efcouer le Marquis de ) , au Château de L'Efquiffiou
, près Morlaix.
Lobreau ( Madame ) , Directrice des Spectacles , à
Lyon .
May ( de ) , Officier au Régiment de la Ferre , à
Perpignan.
Portalis ( de ) , Chevalier de S. Louis , Commiffaire
Ordonnateur des Guerres , à Toulon.
Portally , Négociant , à Toulon.
Rannon , Lieutenant de l'Amirauté , à Quimper.
Saint-Vaft ( de ) , ancien Capitaine de Cavalerie ,
Chevalier de l'Ordre Røyal & Militaire de Saint
Louis , à Tinchebray.
Turin ( le Comte de ) , au Mans .
APPROBATION.
J'AI lu , par ordre de Monſeigneur ΑΙ le Vice-Chan-
> celier le fecond volume du Mercure du mois.
de Janvier 1764 , & je n'y ai rien trouvé qui puiſſe
en empêcher l'impreffion. A Paris , ce 14 Janvier
1764. GUIROY.
3
20
.2 .
214 MERCURE DE FRANCE.
TABLE DES ARTICLES.
PIECES FUGITIVES EN VERS ET EN Prose.
ARTICLE PREMIER.
ODE fur DE fur la mort de M. Racine.
ÉPITAPHE d'une jolie Enfant de 4 ans &
demi.
VERS à Mile L. P.
VERS à Mile Camille.
LES Péris & les Néris , Conte.
Page 5
ΤΟ
II
13
14
38
39
ibid.
40
VERS à M. l'Evêque d'Orléans , par M.
Ygou.
DIANE & Endimion.
MADRIGAL.
AUTRE Madrigal.
4I VERS à M. le Marquis d'Entragues , &c.
ÉTRENNES à Madame la Marquile de Pr... ibid.
RÉFLEXIONS fur les Hommes , par Madame
D***
LETTRE à M. De la Place , fur les Priviléges
des Dames de Beauvais.
QUATRIEME Lettre d'une jeune Étrangère
fur les Modes & Usages de France.
ENIGMES.
LOGOGRYPHES.
CHANSON.
42
44
46
50 & SI
51 &52
ibid.
ART. II . NOUVELLES LITTÉRAIRES .
LETTRE à M. de la Place , Auteur du Mercure
, fur l'éloge de Sully par M. Thomas . 53
LETTRE à l'Auteur du Mercure . 66
JANVIER. 1764.
275
LETTRE fur un Auteur du 17. Siécle , par
M. de Maffac , &c.
ELOGE de Maximilien de Béthune , Duc de
Sully , & c. par Mile Mazarelli.
HISTOIRE des Loix &Ufages de la Lorraine
& du Barrois , par M. François - Timothée
Thibault.
INTRODUCTION à la Science des Médailles ,
&c , par Dom Thomas Mangeart.
LETTRE à M. de la Piace , fur M. le Préfident
de Montefquieu .
A l'Auteur du Mercure , fur deux Médailles.
70
78
90.
94
99
100
ARTICLE III . SCIENCES ET BELLES- LETtres.
GEOMÉTRIE.
LETTRE à M. de la Place.
ASTRONOMIB.
NOUVEAUX Cadrans folaires qu'on peut
orienter fans le fecours de la Bouffole.
MÉDECINE.
102
104
TOPIQUE pour détourner la Goute.
blimé corroſif.
OBSERVATION fur les mauvais effets du Su-
109
108
RECHERCHES hiftoriques, &c. Par M. D. R. 113
OBSERVATIONS fur le Ver folitaire.
SUPPLEMENT aux Nouvelles Littéraires.
ANNONCES de Livres.
140
157 & fuiv.
ART. IV . BEAUX - ARTS .
ARTS AGRÉABLES.
GRAVURE.
MUSIQUE.
167
169
216 MERCURE DE FRANCE.
ART. V. SPECTACLES.
SPECTACLES de la Cour à Versailles. 171
SPECTACLES de Paris , Opéra. 175
LETTRE de l'Auteur de l'Almanach des Théâtres
à M. Dela Garde. 177
COMÉDIE Françoife. 181
COMÉDIE Italienne. 182
ART. VI. Nouvelles Politiques. 191
AVIS, 296
02
De l'Imprimerie de SEBASTIEN JORRY
rue & vis-à- vis la Comédie Françoife.
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI.
JANVIER . 1764.
SECOND VOLUME.
Diverfité , c'est ma devife . La Fontaine .
Cochin
Fitime.
Perpition Scip. 1715.
A PARIS ,
CHAUBERT, rue du Hurepoix.
JORRY, vis- à-vis la Comédie Françoife :
PRAULT , quai de Conti .
Chez DUCHESNE , rue Saint Jacques.
CAILLEAU , rue Saint Jacques..
CELLOT , grande Salle du Palais.
Avec Approbation & Privilége du Roi,
BIBLIOTHECA
REGIA
MONACENSIS.
AVERTISSEMENT.
LEE Bureau du Mercure eft chez M.
LUTTON Avocat , Greffier Commis
au Greffe Civil du Parlement , Commis
au recouvrement du Mercure , rue Sainte
Anne , Butte Saint Roch à côté du
Sellier du Roi.
C'eft à lui que l'on prie d'adreffer ,
francs de port , les paquets & lettres
pour remettre , quant à la partie littéraire
, à M. DE LA PLACE , Auteur
du Mercure.
Le prix de chaque volume eft de 36
fols , mais l'on ne payera d'avance , en
s'abonnant , que 24 livres pourfeize volumes
, à raifon de 30 fols piéce.
Les perfonnes de province aufquelles
on enverra le Mercure par la poste
payeront pour feize volumes 32 livres
d'avance en s'abonnant , & elles les recevront
francs de port.
Celles qui auront d'autres voies que
la Pofte pour le faire venir , & qui pren •
dront les frais du port fur leur compte
, ne payeront comme à Paris , qu'à
raifon de 30 fols par volume , c'est- àdire
, 24 liv. d'avance en s'abonnant
pour feize volumes.
A ij
Les Libraires des provinces ou des
pays étrangers , qui voudront faire venir
le Mercure , écriront à l'adreſſe cideffus.
On fupplie les perfonnes des provinces
d'envoyer par la pofte , en payant
le droit , leurs ordres , afin que le payement
en foit fait d'avance au Bureau.
Les paquets qui neferont pas affranchis
, refteront au rebut.
On prie les perfonnes qui envoyent
des Livres , Eftampes & Mufique à annoncer
, d'en marquer le prix.
Le Nouveau Choix de Piéces tirées
des Mercures & autres Journaux , par
M. DE LA PLACE , fe trouve auffi au
Bureau du Mercure. Le format , le nombre
de volumes & les conditions font
les mêmes pour une année. Il y en a jufqu'à
préfent cent deux vol. Une Table
générale, rangée par ordre des Matières,
fe trouve à la fin du foixante - douzième.
MERCURE
DE FRANCE.
JANVIER. 1764 .
ARTICLE PREMIER.
PIECES
FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
ODE fur la mort de M. RACINE.
Dignum laude virum muſa vetat mori ,
Coelo mufa beat.
Q
Hor, Ode 8. l. 4.
UBL Crifunébre & formidable
Réveille mes fens alloupis ?
Quelle Déeffe inexorable
Vole fur l'Univers furpris ?
Cruelle mort , Monſtre infléxible ,
Tu fais briller ta faulx terrible ,
Tout eft en proie à ta fureur ;
II. Vol. A iij
6 MERCURE DE FRANCE.
Tout fuccombe fous ta puiffance ,
Le talent , le rang , la naiffance ,
Rien n'arrête ton bras vengeur.
Hélas ! dans quel temps déplorable
Le Ciel contre nous irrité
Frappe ce Mortel refpectable ,
Organe de la Vérité !
L'impiété fière & terrible
A fait gronder fa voix horrible
Son fouffle empoisonne les airs.
La Fureur pâle & dévorante
Suit cette Gorgone effrayante ;
Sa marche obfcurcit l'Univers,
O Vertu ta douceur aimable
Ne peut des farouches humains
Enchaîner le coeur indomptable
Ils bravent tes attraits divins.
L'Aftre brulant qui nous éclaire
N'ouvre plus fa vaſte carrière
Que far des Mortels furieux.
Il finit fa courfe féconde ,
Et ne voit dans le tour du monde
Que des monftres audacieux.
Etre immortel , être fublime ,
Que d'attentats ! que de forfaits !
La main facrilége du crime
JANVIER. 1764.
/
Ofe fur toi lancer les traits.
Dans leur ivreffe téméraire ,
Les hommes fur ton fanctuaire
Jettent de fuperbes regards.
Fais partir ta foudre brulante ,
Què ta colère étincelante
Les pourſuive de toutes parts.
Longtemps rempli d'un faint courage ,
Un héros à tes loix foumis
Confondit l'orgueil & la rage
De tes perfides ennemis.
A la vertu trifte & captive
Rendant la gloire primitive ,
Sa main vint effuyer fes pleurs.
Ainfi parmi les noirs orages
Le Soleil perçant les nuages ,
Bannit la crainte de nos coeurs.
Fils & rival d'un père illuftre ,
Il foutint ce nom glorieux ,
Et le couvrit d'un nouveau luftre
Par les ouvrages précieux.
S'il prend en main la harpe fainte ,
Saifi d'une fublime crainte ,
Mon coeur à les tranſports divins ,
Croit entendre l'être invisible ,
Quand fur la montagne terrible
Il dictoit fes loix aux humains.
A iv
81 MERCURE DE FRANCE
La Religion triomphante
Par lui captive nos eſprits :
Sa beauté fublime & touchante
Dompte & foumet nos coeurs furpris
Par les routes impénétrables
De fes mystères redoutables ,
Il conduit nos pas vers la foi.
Raifon fuperbe & téméraire ,
Connois le flambeau qui t'éclaire ,
Qu'il luife toujours devant toi.
*
Mais quand ta lyre enchantereffe
Retentit de les fons touchans ,
Quelle douceur ! quelle nobleffe !
Quel coloris ! quels traits brillans ! ....
Embraté du feu qui l'éclaire ,
Il entre dans le Sanctuaire ,
Séjour des fublimes tranfports..
Des Dieux du goût fuivant les traces
Inftruit & guidé par les grâces ,
Il produit les plus doux accords.
Peintre hardi , divin Racine !
A ces accords mélodieux,
Je reconnois ton origine
* Odesfur la Paix , fur l'harmonie . On peut voir
l'éloge admirable qu'en fait Rouffeau , dont l'approbationfeule
en ce genre feroit un titre d'honneur.
JANVIER. 1764. 9
Et le pur fang des demi - Dieux.
Nourri fur les bords du Permeffe
La Poëfie enchanterelle
Te prodigue fes traits vainqueurs.
L'aimable & brillante harmonie
Orna ton immortel génie
De les preftiges féducteurs >>
Venez , Déeffes immortelles ,
Mères des arts & des talens ,
Parez de vos fleurs les plus belles
Le plus chéri de vos enfans.
Et toi , vertu , vierge facrée ,
Toi qu'il a toujours célébrée ,
Confacre à jamais les travaux.
Le vif éclat qui l'environne
Peut feul de ton augufte trône :
Confondre les pâles rivaux.
912
C'est ainsi , Religion fainte ,
Que tes fages adorateurs , .
De la mort fubiffant l'atteinte ,.
De l'oubli bravent les horreur .
Du fein de ces tombeaux funébres
Qui couvrent les mortels célébres ,
Tu fais fortir leurs noms fameux
Tu leur affures cette gloire
Qui dans le Temple de Mémoire
Place les héros vertueux.
AV
MERCURE DE FRANCE .
Suivons la route du génie :
Mais dans les plus nobles éffors ,
Que la vertu lui foit unie ,
Qu'elle dirige fes tranſports.
Si la fageffe dans notre âme
Ne répand cette 'vive flâme
Qui nous éclaire & nous inftruit ,
C'eſt une lueur paffagère
Semblable à la vapeur légère
Qui s'élève , brille & s'enfuit.
A S... en Saintonge Pr. ch. r. Abonné
au Mercure.
ÉPITAPHE
D'une jolie Enfant de 4 ans & demi.
ESPOIR , amour , douceur , tout eft détruit ;
Mais tout , hélas ! doit ainfi difparoître.
Telle une fleur qu'un beau jour a vû naitre ,
Brille un moment , & tombe avant la nuit ...
Ah , calmons- nous ! cet Enfant dans la gloire ,
Sourit des pleurs qu'on donne à fa mémoire.
Par M. FEU TRY.
JANVIER. 1764.
II
VERS à Mlle L. P...
Oui , Lucinde , je t'aime , & mon âmeravie
A puifé dans tes yeux la fource de la vie ,
Volage dans mes gouts & froid dans mes deſirs ,
Je ne trouvois par tout que l'ombre des plaifirs ."
Je t'ai vue , & mon coeur a reconnu fon Maître.
Surpris de les tranfports , il s'eft fenti renaître ,
Et pareil à l'Aiglon de fon oeuf échappé
Sous l'aile de l'amour il s'eft développé.
Ce feu que je puifois dans le fein de Voltaire ,
N'eft plus dans ton Amant que l'ardeur de te
plaire.
3 .
L'Amour est mon génie , il dicte mes écrits :
Comme il en eft la fource , en fera - t- il le prix ?
Heureux fi fur les pas de Tibulle & d'Ovide ,
Cueillant pour toi les fleurs du Parnaffe & de
Gnide >
Je pouvois voir ta main mêler à mon retour
Aux rameauxd'Apollon les myrthes de l'Amour >
La lyre de Tyrtée a gagné des Batailles ;
Aux accens d'Amphion , Thebes dat fes murailles ;
Orphée a fçu toucher par fes tendres accords
Les monftres de la Thrace & le tyran des morts ;
Ovide , abandonné fur des rives profcrites ,
Des traits de la pitié perça l'ame des Scythes :
"
A vj
12 MERCURE DE FRANCE.
Je n'en fuis point jaloux , & ce talent vainqueur -
Aura plus fait pour moi s'il attendrit ton coeur,
Ce climat vif & pur , ces lieux plus beaux encore ,
Depuis qu'ils t'ont vu naître & mille amours
éclorre ,
Ce pays des Héros , des grâces , des talens ,
Avoient produit Cinthye aux yeux étincelans ,,
Corinne au teint de rofe , au coeur tendre &
volage ,
+
Delie au doux fourire , au féduifant langage.
Mais crois - moi , ma Lucinde , en ces temps f
vantés ,
S'y l'on t'eût vû paroître auprès de ces beautés,
Avec cette fraicheur , cet éclat , ce fourire ,
Cette bouche appellant les plaifirs qu'elle infpire ,
Ce corfage élégant tel que l'avoit Pfyché
Quand l'amour comme un lierre y fembloit
attaché :
Crois-moi , dis-je , Properce , Ovide , ni Tibulle,
N'auroient jamais brulé que des feux dont je :
1
brule ;
Et les noms des beautés célébres dans leurs vers
N'auroient jamais reçu l'encens de l'Univers
ParM. LEZAN Capitaine au régiment de
6
Hainault, Abbonné au Mercure..
JANVIRE. 1764 13
QUBL
VERS à Mlle CAMILLE.
UBL nouveau- preſtige m'entraîne ? -
O fécond Goldoni ! que j'aime tes fuccès ::
Ils enrichiffent notre fcène ;
Et , grace à tes travaux , Thalie & Melpomène
Vont encor charmer les François.
Jouis...mais tombe aux pieds de l'Actrice applaudie
Dont les talens animent tes efforts.
Comme Pigmalion , tu n'as formé qu'un corps:
Camille vient , elle y donne la vie :
Ainfi que tes Lauriers , tu lui dois nos tranſports.
Est-ce une femme?... eft - ce un génie ? -
Pour lui prodiguer les trésors ,
La nature à l'art s'eft unie.
Tendre Gauffin , tes doux accens
De l'amour dans nos coeurs portaient jadis la fâme į :
Clairon frappe , étonne mes fens ;
En Dumefnil je vois plus qu'une femme.
Sur moi Camille a des droits plus puiffans ;
Et je ne dois qu'à ſes talens
La connoillance de mon âme
14 MERCURE DE FRANCE .
LES PÉRIS ET LES NÉRIS,
Ou l'Amour comme on le mene.
CONTE.
Les Péris & les Néris font des Êtres
ES
demi-intellectuels . Ils tiennent le milieu
entre la nature des Génies & la nôtre :
mais ils s'occupent très -férieufement de
ce qui ne fait plus guères qu'amufer nos
femblables ; je veux dire , que leur plus
grande affaire eft de s'aimer comme on
aime dans nos vieux Romans. Il arriva
même que les Néris exigèrent un amour
encore plus quinteffencié. Elles vouloient
par- là s'égaler aux Sylphides. Les Péris
ambitionnoient un peu moins de s'égaler
aux Génies . Toutefois la volonté de
leurs Compagnes devint une loi pour
eux . Bientôt ils réalifèrent l'Amour Platonique
, regardé comme une chimère
par nos amans les plus délicats.
Bientôt auffi un pareil amour périt d'inanition
. Une langueur plus froide que
l'indifférence même lui fuccéde . On fe
fépare , & l'ennui n'en devient que plus
grand . On dit même que les Néris y
1
JANVIER. 1764.
15
ވ
fuccombèrent les premières. Zélinde
une des moins prudes , & des plus expérimentées
d'entre elles , prit le parti d'affembler
fes compagnes . Elles accourent
avec précipitation , & la nomment Préfidente
du Confeil qui va fe tenir. Zélinde
adreffe aux Néris affemblées un
difcours des plus pathétiques fur leur fituation
préfente : les détails en étoient
vivement frappés. Cependant on l'interrompit
on trouva qu'elle ne peignoir
point affez énergiquement le trifte abandon
où fe trouvoient , & fes compagnes ,
& elle-même . Chaque Néris ajouta un
trait au tableau : mais la peinture des
maux n'en indiquoit point le remède.
On propofa de rappeller les Péris ; & ,
après quelque incertitude , cet avis fur
rejetté à la pluralité d'une voix. Qui
voulez -vous donc qu'on appelle ? demanda
la Préfidente : car enfin il faut
appeller quelqu'un . C'eft de quoi l'on
convenoit unanimement. Zélinde propofa
de faire venir des hommes . Quoi ,
des hommes qui ont un corps tout terreftre
s'écrièrent quelques Néris , en
rougiffant. Eh oui , répliqua la Préfidente
, qui ne rougiffoit plus. Ils ont bien
des défauts , reprit avec douceur une
blonde Néris ; il faudra du moins nous
16 MERCURE DE FRANCE.
réunir
pour les rendre parfaits. Hélas A
ma chère compagne , ajouta Zélinde ,
nous en ferons des ètres bien infipides.
Cet état de perfection feroit pour eux le.
pire de tous, & remédieroit mal au nôtre.
Enfin l'on prit le parti de donner la
préférence aux hommes qui aimoient.
avec le plus de délicateffe : les Néris
étant perfuadées qu'il étoit rare que des
hommes portaffent cette vertu trop loin ..
Mais pour connoître ceux qui la pratiquoient
, il falloit d'amples recherches ;
il falloit par cette raifon parcourir plus
d'un climat. Zélinde , qui avoit propofé
cet expédient , fut priée d'entreprendre.
ce long voyage , & Zélinde ne s'en fit
pas prier deux fois..
Dans le même temps , les Péris prenoient
une réfolution toute femblable :
c'est-à-dire , que l'un d'entre eux fut
chargé de parcourir notre monde , pour .
voir quelles femmes pourroient fuppléer.
à l'extrême délicateffe des Néris , fans.
toutefois s'en éloigner trop . Celui qu'on .
chargea de cette recherche étoit le même.
qui l'avoit propofée . Son humeur avoit
beaucoup de rapport avec celle de Zé-
Linde ; & le hafard les ayant fait ſe rencontrer
, tous deux en furent également.
fatisfaits. Ils ne fe déguifèrent point l'un
JANVIER. 1764. 17
à l'autre le motif de leur miffion . Ils
firent plus , ils réfolurent de voyager enfemble.
Bien entendu que celui des deux
qui auroit le plutôt réuſſi dans fes recherches
, laifferoit l'autre continuer les fiennes.
Reftoit feulement à fçavoir par quel
canton du monde ils, commenceroient
leur tournée. Après y avoir un peu rêvé,
ils crurent s'épargner de plus longues
courfes , en vifitant d'abord les Nations
qui fuivoient de plus près l'inftinct de la
Nature , & qui par cette raifon l'avoient
fans doute moins pervertie.
Un voyage eft peu embarraffant pour
des êtres de cette efpèce. Ils peuvent par
courir le monde entier avec la même ra
pidité que les Génies : mais , comme ils
ont plus de confiftance , ils peuvent en
même tems s'envelopper d'un nuage qui
les dérobe aux regards de nos pareils.
Zélinde & Alcindor ( c'eft le nom du
Péris ) parurent tout - à - coup dans un
canton de l'Amérique habité par des
Sauvages , & où n'avoit encore pénétré
aucun Européan. Rien , par cette raifon
, n'avoit pu en altérer les ufages . Ils
étoient auffi fimples & auffi groffiers
que ceux de l'age d'or.
Nos deux fecrets Agens prirent la
forme dont ils étoient convenus ; c'est-à-
་
18 MERCURE DE FRANCE.
dire , celle d'un jeune homme & d'une
jeune fille de cette contrée. Il n'y avoit
pour cette Nation aucune demeure fixe:
Un antre , le creux d'un arbre , un buiffon
épais , fouvent la pleine campagne ,
fervoient d'afyle à ces habitans beaucoup
plus fauvages que ce nom même ne l'exprime.
Il falloit avoir la puiffance & les
reffources intérieures d'Alcindor & de
Zélinde pour ne pas être effrayé d'un tel
fpectacle. Ils étoient d'ailleurs convenus
de s'entr'aider au befoin . J'oubliois de
dire auffi qu'ils avoient la faculté de fe
deviner : avantage qui pourroit n'en être
pas un en amour ; mais qui favorifoit
infiniment leur entreprife.
Ce fut donc fans crainte qu'ils fe fépa
fèrent. Alcindor ne tarda pas à rencontrer
une jeune Sauvage qui ne cherchoit
point à l'éviter. Il l'aborda avec une politeffe
qui la furprit beaucoup . Il lui dit
quelques douceurs qui l'étonnèrent encore
plus . On préfume bien qu'un être
auffi intelligent qu'Alcindor , entendoit
la langue du pays , & fçavoit la parler:
c'eft un privilége qu'on accorde aifément
au voyageur le moins érudit ; à
peine met-il le pied chez telle ou telle
Nation , qu'il eft fuppofé l'entendre &
en être entendu . Revenons à la jeune
Sauvage .
JANVIER. 1764. 19
Elle répondoit aux douceurs d'Alcindor
fur le ton d'une efclave avec qui fon
maître daigne s'humanifer. Elle igno-
Foit l'art des réſiſtances , & même celui
de la gradation . En un mot , elle pa
rut offrir ce qu'Alcindor ne demandoit
pas. Tant de facilité le rendit lui - même
plus difficile . Peu s'en fallut qu'il ne re
grettât l'extrême délicateffe des Néris.
En même temps il fongeoit à donner
une leçon utile à la jeune Sauvage . Deux
péruches lui en fournirent l'occafion
Voyez-vous , difoit-il , ces deux oifeaux
de la même eſpèce ? L'un des deux fuit
l'autre , fans pourtant fuir trop loin.
N'eft-ce pas la femelle qui en ufe ainfi ?
La Sauvage ne répondit que par une au
tre comparaifon . Vois-tu , dit- elle à Alcindor
, cette géniffe & ce boeuf fauva
ge ? C'eft le boeuf qui s'éloigne , & la
géniffe court après. Alcindor ne fut rien
moins que perfuadé par cette réponſe.
Il s'éloigna , en concluant que fi c'étoit
là le pur inftin&t de la Nature , cet inſtinct
devoit être corrigé.
Zélinde avoit déja en occafion de por
ter unjugement tout femblable . A peine
Alcindor l'avoit quittée , qu'un Sauvage
s'étoit approché d'elle en courant. Elle
avoit cru devoir s'éloigner un peu , mais
20 MERCURE DE FRANCE .
fans courir. Ainfi le Sauvage n'eut pas de
peine a l'atteindre. Elle s'attendoit à que
que préambule , à quelque déclaration
tendre , quoique ruſtique . Mais le Sauvage
ignoroit ce formulaire : il alloit
tout naturellement fuivre l'ufage de fes
femblables ; c'eft - à - dire , brufquer horriblement
les chofes. A l'inftant furvient
un aut e Sauvage qui fond avec impétuofité
fur celui- ci . Le combat devient
entre eux des plus cruels. Eft- ce un libé
rateur qui vient à mon fecours , difoit la
Néris , ou bien n'eft- ce qu'un rival qui
attaque un rival ? N'importe , attendons
l'événement ; il me fera toujours facilė
d'échapper au vainqueur. L'événement
ne fe fit pas beaucoup attendre. Le nou
veau venu ayant mis fon adverfaire prèfque
hors de combat , ce dernier s'enfuit,
renonçant à fes prétentions fur Zélinde ;
fauf à les reprendre à la première rencontre.
Pour le vainqueur , il fongeoit dès
ce moment à faire valoir les fiennes , &
il s'y prit comme fon devancier. Arrêtez
!-lui cria Zélinde ; c'eft en ufer bien
cavalièrement. N'y a- t- il pas certains
préliminaires Le Sauvage lui demanda
ce que vouloient dire ces mots . La
Néris les lui expliqua de fon mieux ;
mais elle ne perfuada point celui qu'elle
JANVIER. 1764. 21
inftruifoit. Tu te moques , lui dit - il :
veux- tu , quand la faim me preffe , que
je m'amufe à danfer autour du morceau ?
Tout en parlant ainfi , il agiffoit en conféquence.
Il fallut que Zélinde employât
tout fon pouvoir pour s'échapper de fes
mains. Elle voulut voir cependant s'il
regrettoit beaucoup d'avoir ainfi perdu
fa proie. Elle le vit occupé à pourſuivre
un renard , & , après l'avoir tué , s'en
retourner avec l'air d'un homme qui ne
regre te rien. Ah ! dit - elle avec dépit ,
fi c'eft-là ce qu'on nomme l'innocent
inſtinct de la Nature ; quelle horreur
qu'une telle innocence !
Alcindor la rejoignit l'inftant après .
Hé bien ! lui dit Zélinde , avez-vous fait
d'heureufes découvertes ? N'en doutez
pas , reprit-il ; cette contrée barbare eft
vraiment un pays à bonnes fortunes . Si
les hommes y font féroces , les femmes
y font des plus humaines. Alors il l'inftruifit
de fon aventure , & Zélinde lui fit
part de la fienne. Tous deux convinrent
qu'il falloit paffer chez d'autres Peuples
de l'Amérique un peu plus policés que
celui-ci , mais beaucoup moins que ceux
de l'ancien Monde. C'eft- là qu'ils eſpéroient
trouver la Nature encore fimple
fans être entièrement brute .
22 MERCURE DE FRANCE.
Après une courfe affez longue , ils ar
rivent fur les terres des Nadoueffis ; Nation
fauvage , mais dont le caractère n'a
rien de féroce . Les deux voyageurs en
font accueillis favorablement On leur
demande où ils vont & ce qu'ils veulent ?
Vivre avec des hommes , répondit Alcindor.
Les Nadoueffis , qui fe piquent
d'être des hommes par excellence , ne
portent pas plus loin leurs queſtions . Ils
affignent à leurs nouveaux hôtes une cabanne
, où ils doivent être nourris durant
un certain temps aux dépens de toute
la Nation. Dans tout autre cas , il eût
été prudent à eux de s'annoncer comme
époux ; mais le motif de leur voyage s'y
oppofoit. Ils ne s'annoncèrent que comme
le frère & la foeur. En conféquence
leur cabanne fut divifée en deux parts.
Mais l'entrée de l'une & de l'autre étoit .
libre à tous venans , la nuit comme le
jour C'est l'ufage : parmi ces Peuples..
Toutefois il n'en réfulte aucun inconvévénient
, excepté ceux que l'ufage même.
autorife , & qui ne paffent point pour
tels chez les Nadoueffis.
Zélinde étoit , à coup fûr , la plus belle
Sauvage de tout le canton . C'eft de quoi
une foule de jeunes gens l'auroient inftruite
, fi elle ne l'eût pas fçu d'avance.
JANVIER. 1764. 23
Il fe paffoit peu d'heures dans la journée
fans que quelqu'un d'entre eux vînt lui
dire à l'oreille : Je t'aime plus que la
clarté du grand Aftre. Paffe encore pour
ce préalable , difoit intérieurement la
Néris ; & elle y répondoit de manière
à ne décourager perfonne , fans toutefois
s'engager trop elle- même. La nuit
venue , Zelinde vit entrer dans fa cabanne
un jeune Sauvage qui portoit un bâ
ton allumé. Elle lui demanda ce que cela
fignifioit? Cela s'appelle, reprit- il , courir
l'allumette : c'eſt à toi de l'éteindre
ou de la laiffer brûler ; & il lui fit entrevoir
qu'il defiroit fort qu'elle l'éteignît,
Zélinde n'en fit rien , & le Sauvage fortit
comme il étoit entré. Un fecond furvient
, obſerve la même formule ; & ,
voyant que Zélinde ne fouffloit point
fur l'allumette , il fe retire avec la même
docilité que le précédent. La Néris trouvoit
cette méthode un peu bifarre ; mais
elle y découvroit un mêlange d'ardeur
& de refpect très propre à fatisfaire
fes compagnes, Elle eût cependant voulu
fçavoir où les deux jeunes aventuriers
étoient allés en la quittant. Un troisième
qui furvint leva une partie de fes doutes,
Auffi peu favorifé lui - même , que l'avoient
été les deux autres , il alloit fe
-
24 MERCURE DE FRANCE .
retirer comme eux . Zélinde l'arrêta. Ou
vas-tu en fortant de ma cabanne , lui demanda
la Néris ? Courir l'allumette , répondit
le Sauvage tu la laiffes brûler ,
une autre pourra l'éteindre. Une autre !
s'écria Zélinde ; il n'importe donc laquelle
ce foit ? Cela eft tout fimple , répliqua-
t-il ; quand la chaleur du grand
Aftre me brûle , c'eft dans la rivière la
plus proche que je me baigne . Mais ,
reprit Zélinde , vous n'aimez donc aucune
femme en particulier ? Je les aime
toutes , ajouta le Nadoueffis , quand cela
ne me dérange point ; & celle qui
foufle fur l'allumette eft toujours celle
que j'aime le mieux . Zélinde lui fit encore
d'autres queſtions fur le même fujet
, & il y répondit avec franchiſe , en
appuyant fon difcours de ces expreffions
extrêmement familières aux Sauvages :
voilà qui eft bien , voilà qui eftjufte , voilà
qui eft raifonnable. Je fuis jeune , difoit-
il , & je me proméne quelquefois
la nuit : Voilà qui eft bien. Je donne la
préférence à celle qui me la donne :
Voilà qui eftjufte. Je n'aime qu'autant
que cela ne me met point hors d'état de
courir après les caftors , & de fuir ou de
poursuivre l'ennemi : Voilà qui eft rat-
Jonnable.
Il
Louré.
Que d'une
-sés dans vos
=ple nature
25
lerniers
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quelle cers amans , toujours aimés : Sur lafoi
pliqua-t- il
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W
reprit Zendre ami e Vous n'êtesjamais allar -
cune fem
toutes , aj
W
la ne me Parmi vous la plus courte absence
foufle fur
que j'aim
core d'aut
jet , & il par le plusprompt retour, Toujours la
appuyant w
extrêmen
voilà qui
là qui eft npatience Vous prète l'aile de l'amour .
foit-il , &
la nuit :
préférence :
Charpentie .
Voilà qui
que
cela par
Tournelle
courir apr
poursuivre
fonnable
.
JANVIER . 1764. 25
a
Il fortit en prononçant ces derniers
mots , & laiffa Zélinde entièrement perfuadée
que l'Amérique ne mettroit pas
fin à fes recherches. Alcindor n'étoit
guères plus fatisfait des fiennes. Il s'étoit
déterminé à rendre quelques vifites nocturnes
, & avoit été reçu favorablement
dès la première. Il fe borna cependant à
certaines queſtions auxquelles on fatisfit
dans l'efpérance qu'elles finiroient. Mais
la fin des demandes d'Alcinder fut le fignal
de fa retraite. Il entra dans quelques
autres cabanes , réuffit également bien,
s'en tira également mal , & regagna fa
cabane auffi peu fatisfait des filles de ce
canton , qu'elles mêmes étoient mécontentes
de lui. Il faut l'avouer , difoit- il ,
cette extrême facilité vaut encore moins
que l'extrême réferve des Néris . On a
vu que Zélinde avoit auffi tiré des conféquences
peu favorables à la galanterie
fauvage. Ainfi les deux voyageurs prirent
le parti de vifiter d'autres contrées.
Il en eft une , difoit Alcindor , où les
ufages n'ont prèfque point varié depuis
l'origine des chofes. Voyons fi nos recherches
y feront plus fructueufes que
dans ce nouveau Monde. En conféquence
les deux voyageurs partent fubitement
pour la Chine .
II. Vol. B
26 MERCURE DE FRANCE.
Ce fut à Pékin même qu'ils jugèrent
à propos de defcendre. Ils y parurent
fous la formed'un Mofcovite. Un fpectacle
des plus pompeux s'offrit à leurs premiers
regards . Un cortége nombreux
portoit des torches & des flambeaux en
plein midi , & environnoit une chaiſe
magnifiquement ornée , & portée par
des efclaves. Des fifrés , des hautbois ,
des tambours précédoient & fuivoient .
Alcindor s'informa de ce que renfermoit
ce pavillon.Unejeune épousée qu'on méne
à fon époux , lui répondit un des fpectateurs.
Sans doute , reprit Alcindor ,
que fa beauté répond à toute cette pompe
? Je n'en fçais rien , répliqua le Chinois.
Il eft du moins à croire , ajouta
Alcindor , qu'elle a paru telle aux yeux
de celui qui l'époufe ? Il ne l'a jamais
envifagée , reprit encore l'habitant de
Pékin . Quoi ! il l'époufe fans la
connoître ? .... Eh mais ! fans doute :
én uſe - t- on autrement parmi vous ? Il a
recours à un expédient tout fimple , ſuppofé
qu'elle ne lui plaife pas , ou qu'elle
ceffe de lui plaire : c'eft de prendre une
ou plufieurs concubines , auxquelles il
eft également libre d'en fubftituer d'autres
, quand il vient à fe dégouter des
premières.
JANVIER. 1764. 27
Ceci ne me femble point mal imaginé
, difoit intérieurement Alcindor. Voila
qui eft abominable , difoit , en même
temps , Zelinde. Etre quittée ainfi , &
condamnée à un éternel efclavage ! En
vérité c'eft joindre l'injuftice à la tyrannie
! toute autre perquifition me femble
fuperflue dans cet immenfe pays où les
ufages font fi uniformes , fi anciens , &
malheureufement fi révérés .
Pour Alcindor , il continuoit à queftionner
l'obligeant Chinois. Il lui demanda
, entre autres chofes , fi les femmes
de cette contrée fe piquoient d'une
fidelité à toute épreuve ? Ce feroit trop
exiger, repondit - il : on tâche d'éloigner
d'elles tous les Séducteurs , on veille
éxactement ſur leur conduite , & il arrive
, quelquefois , que leur vertu fait le
refte.
Ces détails étoient d'un augure peu
favorable pour nos voyageurs. Ils entrevirent
qu'ils s'étoient trompé fur le
compte des Chinois comme fur celui
des Sauvages. Cependant ils voulurent
en juger par eux - mêmes. Ils fe logent
dans la Capitale & continuent d'obfer
ver. Zélinde qui effaçoit , fans peine ,
la plus belle Chinoife , charma tous ceux
qui purent l'envifager. Un jeune hom-
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
me qui fuivoit la doctrine de Fo , c'eftà-
dire qui croyoit , ou feignoit de croire
à la tranfmigration des âmes , l'aborda
un jour avec un éxtrême familiarité . Tu
fus , lui dit- il , ma femme avant que de
reprendre un nouvel être. Une mort
prématurée t'enleva a mes veux. Aujourd'hui
que tu m'es rendue
grand Fo ordonne que tu me laiffes
rentrer dans tous mes droits , & cela
fans aucune cérémonie éxterieure . Fo
nous difpenfe de ces vaines répétitions.
›
le
La fauffe Mofcovite trouva cette faillie
amufante. Elle revenoit au fonds à l'alumette
des Sauvages . Mais Zelinde qui
n'avoit pas daigné éteindre l'une , répondit
auffi peu favorablement à l'autre .Elle
voulut voir , cependant , fi le Chinois ſe
menageoit les mêmes reffources que le
Nadoueffis. La faculté qu'elle avoit de
fe rendre invifible l'aida beaucoup dans
ce projet. Zélinde épia la conduite du
jeune homme , & le vit bientôt adreffer
le même difcours à une jeune Chinoiſe
qui ne parut point douter du fait , &
qui parut encore plus difpofée à fuivre
les volontés du Dieu Fo.
Alcindor, de fon côté , ne reftoit pas
inutile. Une jolie veuve Chinoiſe avoit
fixé fon attention, Il l'avoit vue dans
JANVIER. 1764. 29
une Pagode confacrée à Lao , lieu qu'elle
fréquentoit fort fouvent. Il faifit l'occafion
de l'aborder & de l'entretenir.
Ses difcours étoient des plus ingénieux
& des plus galans ; mais par malheur
la Veuve étoit dévote , & à la Chine
cette qualité étoit un obftacle réel en
amour. En vain , dit- elle au faux Japonnois
, en vain tenteriez vous de me féduire
; mon coeur n'eft plus à moi , il
eft tout entier au divin Lao : lui feul
peut me faire jouir de la fuprême félicité.
Alcindor alloit lui demander en quoi
cette félicité confiftoit ; elle le quitta
brufquement pour courir à un Bonze
qui lui faifoit figne. Le curieux Péris
s'approcha d'eux fans pouvoir être vû.
Il entendit le Bonze parler ainfi à la
Chinoife : objet cher à Lao , ce Dieu
puiffant vous ordonne par ma voix de
refter cette nuit dans fon Temple : Il
Vous y fera goûter les douceurs qu'il
réferve à fes feules favorites . Alcindor
vit dès l'inftant où aboutiroit ce myftere
, & l'entretien de deux Bonges qu'il
écouta fans être apperçu,ne lui laiſſa aucun
doute à cet égard.
Nos Voyageurs fe rejoignent , également
perfuadés qu'il eft à propos de paffer
outre. Leur deffein étoit de parcou-
Biij
30 MERCURE DE FRANCE.
rir toute l'Afie. Ils partent , & dès le
jour fuivant ils découvrent à vue d'Oifeau
le Royaume du Japon . Ce fut à
Meako qu'ils defcendirent. Le temps de
la nouvelle lune y donnoit lieu à une cérémonie
qui fe renouvelle tous les mois.
Une troupe de Bonzis conduifoit en
pompe une jeune fille de la plus grande
beauté. Nos Voyageurs n'eurent pas
de peine à s'inftruire de ce que cela fignifioit.
On la mene au Temple , leur
dit- on , où le Diable daignera ce foir
converfer avec elle . C'eft là tout ce qu'il
faut pour en faire une fainte. Alcindor
jugea par ce difcours que les Bonzis du
Japon & les Prêtres de Lao , obfervoient
à-peu- près les mêmes Rites .
En paffant auprès d'un autre Temple ,
il en vit fortir une foule de Japonois qui
tous dirigeoient leurs pas vers un même
canton de la Ville . De là nouvelles queftions
d'Alcindor. Un de ceux à qui il
s'adreffoit lui fit cette réponse. Nous.
fortons du Temple & nous allons au
Kafiematz. C'est un ufage que nous
ont tranfmis nos Pères , & que nous ef
perons tranfmettre à nos defcendans..
Tout en parlant ainfi , le Japonnois avançoit
tonjours Alcindor le fuivoit ; de
manière qu'ils arriverent enſemble au
JANVIER. 1764. 31
Kafiematz. Une foule de jeunes beautés
y prodiguoient leurs charmes au premier
venu. Elles n'avoient point la liberté
du choix , & fembloient peu cu .,
rieufes de choifir. Alcindor fe hâta de
rejoindre Zélinde qu'une vieille Japonnoife
avoit abordée . Leur entretien.
avoit affez de rapport avec ce que luimême
venoit de voir. L'amour est donc:
ignoré chez vous ? lui difoit Zélinde ,
Qu'est - ce que l'amour demanda la
Vieille ? Ce mot eft un peu étranger ici.
Celui de mariage qui , je penfe, ne veut
pas dire la même chofe , nous est un
peu mieux connu. Un Japonnois époufe
une femme , l'enferme avec foin , la néglige
fort quant au refte ; & je vous jure
parle grand Thé , que la plus fage d'entr'elles
quitteroit volontiers fa maiſon
pour habiter le Kafiematz.Allons, partons,
s'écrierent , en même temps Alcindor
& Zelinde ; nos recherches ne feront
par plus heureufes au Japon qu'à la Chine.
Ils difent , & s'élévent de nouveau
dans les airs.
Après un affez long trajet , l'Ifle de
Macaffar fe découvre à leurs yeux.
Tout y eft agréable , excepté les habitans:
Les deux féxes ignorent l'ufage
des habits. L'unique parure des femmes
Biv
32 MERCURE DE FRANCE.
eft de fe taillader le vifage & à peuprès
tout le reste du corps. Ces hideufes
perfonnes accouroient par bandes
vers le rivage où des étrangers venoient
de mettre pied à terre. Là elles offroient
ce qu'on ne leur demandoit pas. Ceux
qui avoient la complaifance de ne pas les
rebuter en étoient bientôt punis par elles-
mêmes. Lorſqu'ils avoient fuffiſamment
fait preuve de mauvais goût , leurs
cruelles amantes leur offroient du tabac ,
en les invitant à fumer. Mais à peine
commençoient-ils à en faire ufage qu'ils
perdoient connoiffance & bientôt après.
la vie. Alcindor fut témoin de cette cataftrophe
& en frémit. Zélinde qui obfervoit
les hommes de cette contrée
n'eut pas lieu d'en être plus fatisfaite
. Ils connoiffoient , ils approuvoient
l'indécente & barbare mannoeuvre de
leurs femmes & fe difpofoient à aſſaſſiner
ceux qu'elles n'empoifonneroient
pas.
.
Nos Voyageurs quitterent cette Ifle
infernale avec autant de promptitude
que d'indignation . Ils arriverent au
Royaume de Siam & s'y arrêterent peu.
La nudité des femmes , leur empreffement
à chercher les hommes qui , en
général , font auffi difpofés à les fuir ;
JANVIER. 1764. 33
要
,
toutes ces images déplurent au couple
Obfervateur. Il partit fans différer pour
le petit Royaume de Patania. Zélinde ,
ne voulut pas même s'y rendre viſible.
Alcindor y parut fous l'extérieur d'un
Anglois. Il fut abordé par un des
principaux Citoyens de la Capitale qui
l'invita fort poliment à prendre fa maifon
pour gîte. Vous y mangerez , lui
dit-il , comme chez tout autre des
viandes & du riz dans des plats d'or ;
mais ce qui vaut infiniment mieux,vous
y verrez ma fille & ma nièce , toutes deux
fort jolies , & avec lefquelles je vous
prie d'en ufer fans façon. Le Péris étonné
de ce difcours , demanda au Patanien
fi , outre fa fille & fa niéce , il
n'avoit pas auffi une femme ? J'en ai
plus d'une , reprit l'Indien ; mais je les
garde pour moi . Ce font là les feules
bornes que nous mettons à nos égards
envers les étrangers. Il y a temps pour
tout. Nos femmes , lorfqu'elles n'étoient
que filles , ont également fait les honneurs
de la maifon de leurs Peres , ou
de leurs Oncles.
Ces détails ne féduifirent point Alcindor
, & encore moins Zélinde , qui , fans
fe laiſſer voir , avoit tout entendu . Le
Péris remercia l'officieux Indien , & fe
Bv
34 MERCURE
DE
FRANCE
.
retira fort humilié. Après quoi nos voya
geurs aëriens prirent leur éffor jufqu'à
Narfingua. Ils mirent pied à terre à quelque
diftance de la ville , & rencontrèrent
une femme qui s'en éloignoit. Alcindor "
l'interrogea fur ce qui pouvoit caufer fa
fuite. C'eft , répondit- elle , parce que je
ne puis me réfoudre à être brûlée . Je fuis.
veuve depuis vingt- quatre heures : mon
mari en ufoit paffablement avec moi , &
je l'aimois autant que cette forte d'amour
peut s'étendre ; mais j'avoue que je n'ai
pas le courage de mêler mes cendres avec
les fiennes . Par cette raiſon , me voilà déclarée
infâme , & condamnée à vivre
dans l'éxil; tandis qu'une de mes compagnes
, qui va dans ce moment obéir à
l'ufage, voit fes louanges portées jufqu'au
Trône de Brama . Sans doute , reprit Alcindor,
que cette courageufe héroïne aimoit
prodigieufement votre époux commun
? Point du tout , répliqua l'Índienne
; elle ne lui fut pas même fidelle : &
moi , tout au contraire , je me fis un de-.
voir de ne jamais lui manquer. Cependant
je vais paffer pour une ingrate , une
perfide ,, & elle pour un exemple d'attachement
conjugal ..... Entendez -vous ,
ajouta l'Indienne , ces cris confus , mêlés
au bruit des inſtrumens ? C'eſt pour hoJANVIER.
1764. 35
norer ce barbare facrifice. Il va bientôt
commencer , & il ne dépend que de vous
d'en être les témoins. En effet , Alcindor
& Zélinde s'avancèrent vers le lieu d'où.
partoit ce bruit. Il virent , au milieu d'une
foule d'affiftans , une jeune Indienne
conduite par un Bramine . Elle portoit
dans fa main droite une fleur , dans fa
main gauche une boule. Ses doigts
étoient ornés de quantité de perles & de
pierres précieufes ; des chaînes en lacs.
d'amour & très- riches chargeoient fes
bras & même fes jambes. Une toile
très-fine lui tenoit lieu de vêtemens. Sa
beauté feule eût pu lui tenir lieu de parure
. Elle s'avançoit avec un fouris &
un empreffement affectés vers le bucher
fur lequel étoit déja le corps de fon mari.
On y met le feu : l'Indienne , après avoir
pris congé de fes parens & de fes amis ,..
s'élance au milieu des flammes , où elle
eft bientôt réduite en cendres. Les applaudiffemens
redoublèrent ; mais Alcin--
dor & Zélinde frémirent. Tous deux fe
retiroient , lorsqu'ils apperçurent un
Jeune Indien qui lui-même s'éloignoit
affez triftement. Je vois , lui dit Alcindor
, qu'un tel fpectacle vous affiige , &
certainement c'est avec raiſon . Hélas
oui répondit ce dernier. J'avoue ce
B.vj.
36 MERCURE DE FRANCE.
dant que j'ai tort , puifque celle qui vient
de fe brûler étoit ma maîtreffe . Eh quoi !
s'écria Zélinde avec furprife , n'y trouvez-
vous pas un motif de plus pour gémir
de fa perte ? Tout au contraire , interrompit
l'Indien ; comme fon amant , je
prends part à fa gloire , & cette gloire
exigeoit qu'elle fe brûlât. Notre intelligence
a duré juſqu'à la fin des jours de
fon mari , & nous faifions des voeux
pour qu'il vêcût long-temps. Aujourd'hui
qu'il eft mort , tout eft fini entre
elle & moi. Une femme d'honneur peut
tromper fon époux , mais elle ne doit
point lui furvivre . A ces mots l'Indien
pourſuivit fa route , & nos voyageurs
prirent celle de l'Etat le plus voifin.
C'étoit le Royaume de Callicut. Ils
s'arrêtèrent auprès d'un Temple dédié au
grand Singe , & dont le portique étoit
orné de fept cens piliers ou colonnes
de marbre. On voyoit un grand nombre
d'Indiens des deux féxes , raſſemblés
fous cet immenfe veftibule , y parler
d'affaires ou de plaifir. Mais le principal
amufement des maris étoit d'y troquer
de femmes entre eux , & cet échange déplaifoit
rarement à celles qui en étoient
l'objet. Zélinde eut occafion d'en entretenir
une , ffoorrtt jjeeuunnee eennccoorree ,, & qui lui
JANVIER. 1764 .
37
avoua en êtreà fon douzième mari , fans
que la mort lui en eût ravi un feul . Je
m'attends , pourſuivit- elle , à tripler ce
nombre en moins de trois ans . Celle qui
parloit ainfi avoit cependant l'air d'une
perfonne diftinguée : elle étoit vêtue depuis
la ceinture jufqu'aux genoux , avoit
la tête enveloppée d'un linge brodé en
or , & portoit de riches perles à fes oreilles
& à fon nez. Elle apprit de plus à Zélinde
, qu'en fait de mariage , les Princeffes
elles-mêmes n'y regardoient pas de
fort près. Elles choififfent tel gentilhomme
qui leur plaît le mieux , en prennent
un autre quand il ceffe de leur plaire
, & lui donnent fouvent plus d'un Bramine
pour affociés. Et le Roi , demanda
Zélinde , en ufe- t- il autrement que fes
Sujets , ou leur fert-il d'exemple ? Oh !
c'est encore toute autre chofe , reprit
la jeune Indienne . Le Roi n'eft auprès
de fa femme que le fucceffeur du Chef
des Bramines. La première nuit du mariage
eſt deſtinée à ce Grand - Prêtre
avec cinq cens ducats de récompenfe.
Le même emploi l'attend lorfque le Souverain
fait quelque voyage , & la gratification
est toujoursproportionnée à la longueur
de l'abfence du Souverain .
La Néris n'en voulut pas fçavoir da38
MERCURE DE FRANCE.
vantage , & rejoignit Alcindor , qui de
fon côté avoit auffi fait fes remarques .
Tous deux conclurent à chercher mieux.
Le reste au Mercure prochain.
VERS à M. l'Év ÉQUE D'ORLÉANS ,
fur le danger de la maladie dont il
eft convalefcent , par M. AYGOU
de l'Académie des Belles- Lettres de
Cain .
QUAND la fière Atropos eut ouvert ſon ciſeau .
Pour couper de vos jours la trame fortunée ,
L'Orléanois frémit ... Il crut voir au tombeau --
L'Auteur de fon bien- être & de fa deſtinée !!
Minerve a diffipé ces critiques inftans :
Elle a faifi la main de la Parque cruelle...
ככ
Que vas- tu faire . lui dit-elle ?
1
►Arrête... c'eſt Jarente….. 11 eft de mes enfans...
» Attends que de Neftor il ait paffé les ans.
»Reſpecte ce Prélat que la France contemple.....
Apprends qu'il eft l'appui des Vertus , desa.:
>> Talens :
Il eſt plus : il en eft l'exemples
1
JANVIER 1764. 399
DIANE ET ENDYMION.
Au tendre amour Diane enfin foumife,
Pour obtenir & pour fixer les voeux
Du jeune amant dont fon âme eſt épriſe ,
L'entretenoit de fon rang glorieux
Dans les enfers , dans les bois , dans les cieux.
De tant d'honneurs qu'elle alléguoit ſans ceſſe ,
Endymion moins féduit que gêné ,
Gardoit toujours un filence obftiné.
Ce trifte accueil éclaira fa tendreſſe :
Elle oublia fon immortalité.
Un air riant , une aimable ſoupleſſe
Vint adoucir fa fuperbe beauté ;
Et le Berger vaincu par cette adreffe ,
Tömbe à ſes pieds , s'écriant , tranſporté :
Quel changement ! quelle félicité !
Grace à l'Amour , vous n'êtes plus Déeffe......
Ah ! je répons de ma fidélité.
Parfeu M. le Marquis de ROCHEMORE..
MADRIGAL..
LORSQUE l'Amour mépriſoir mes ſoupirs ,
Tendre & foumis je chantois fa puiffance ;
Le Dieu plus doux enfin me récompenſe
Et rien ne parle encor de mes plaifirs
40 MERCURE DE FRANCE.
Pardonne , Amour ! dans l'ombre du filence ;
Si j'ai caché les biens que tu me fais :
C'eſt au myſtère , à la longue conſtance
Qu'on doit un coeur digne de tes bienfaits.
Le mien brûle percé de mille traits ,
A fes tranfports peur à peine fuffire.
Je jure, Amour , de ne changer jamais.
Que ne te puis -je affurer de Thémire !
Par le même.
AUTRE MADRIGAL.
Our , j'adore Thémire , & ma fatale ardeur
S'accroît à chaque inftant ; rien ne peut la détruire.
Pour brifer mes liens , pour finir mon martyre ,
Je n'ai que la Raiſen ; & l'ingrate Thémire
A pour elle l'Amour , fes charmes & mon coeur.
Par le même.
སྙིང་ངེ།
JANVIER . 1764. 41
VERS à M.leMarquis d'ENTRAGUES,
Brigadier des Armées du Roi & Enfeigne
des Gendarmes de fa Garde ,
nommé par S. M. à la Survivance de
Grand Fauconnier de France.
Naiffance , efprit , talens , & cetart plus flatteur ,
L'art de plaire , heureux avantage
Que tu fçais réunir aux qualités du coeur ,
Sont de tes jeunes ans l'éclatant appanage.
Favori de la Gloire , ainfi qué de l'Amour ,
On t'aime également à la Ville , à la Cour.
D'ENTRAGUES , ta brillante aurore ,
Des bienfaits de ton Roi , va s'embellir encore.
Louis à ton amour donne un nouveau lien :
Son choix fait ſon éloge autant qu'il fait le tien.
Par M. DELPORTE DESFONTAINES ',
Gendarme de la Garde du Roi.
ETRENNES à Madame la Marquife.
de Pr....
Vous fûtes Reine des Amours ;
Par l'efprit aujourd'hui vous fçavez nous féduire.
Sur les coeurs vous régnez toujours ,
Vous n'avez que changé d'empire.
42 MERCURE
DE FRANCE.
Le temps détruit les plus beaux monumens ;
A vos jours chacun s'intéreſſe .
Ciel daigne conferver long- temps
Des jours filés par la fageile
Honorés par lés féntimens .
Par M: de C** **
RÉFLEXIONS SUS LES HOMMES.
Par Madame D *** .
LES Hommes font fouvent affez vains
pour fe dire favorifés des Femmes , &
ils font quelquefois affez fincères pour
convenir qu'ils n'en font point aimés
& qu'ils ignorent le vrai moyen de leur
plaire. Il en est beaucoup , il eft vrai ,
qui doivent leurs bonnes fortunes à leur
générofité , au caprice , à la foibleffe , &
prèfque jamais aux fentimens que le vrai
mérite doit infpirer. Mais , que leur importe
après tout d'être aimés , quand ils
n'aiment pas eux-mêmes ? Ils ne s'attachent
en effet prèſque tous qu'à l'extérieur
d'une Femme; ils font fi peu de cas du refte
, ils font fi perfuadés de la foibleffe de
nos lumières, qu'ils ne daignent pas feule--
ment nous tromper avec art. Ils louent :
JANVIER 1764. 43€
la jeuneffe de celle qui n'en a plus les
agrémens ; ils vantent la beauté de qui
n'y peut prétendre ; pour plaire à celles.
qui les écoutent , ils déchirent les abſentes
; mais quand ces dernières paroiffent ,
le mafque tombe , le beau parleur oublie
fon rôle, & rend à celle qu'il vient de maltraiter
les éloges qu'elle mérite. Je fçai que
la louange plait ; que c'eft par elle qu'on
gagne prefquetous les coeurs : mais qu'il
faut d'art pour bien louer ! Ce n'eft qu'en
penfant ce qu'on dit , qu'on parvient à le
perfuader. Si l'amour-propre nous aveugle
, la raifon nous éclaire , & nous fça ---
vons apprécier en fecret ce que nous valons
. Qu'une Femme ofe tenter de fortir
du cercle étroit où fon éducation femble :
la renfermer , on lui prodigue les éloges ;
on l'élève non - feulement au -deffus de
fon féxe , mais encore au - deffus des
plus illuftres Ecrivains . Que cette même
Femme , enhardie par des éloges fi flat--
teurs , uſe en conféquence du privilége
accordé à tout être penfant ; à peine
daigne - t - on l'écouter. On eft fi convaincu
de la fauffété de fes argumens ,
que la feule politeffe femble engager à y
répondre . Eh , Meffieurs ! foyez plus juf
ou connoiffez mieux vos intérêts ,
Eft-ce en humiliant les femmes que vous
9
44 MERCURE DE FRANCE .
prétendez les gagner ? Vantez moins
leurs charmes ; accordez -leur du moins
le fens commun vous leur plairez , je
crois , plus fùrement.
LETTRE à M. DE LA PLACE ,
fur les Priviléges des DAMES DE
BEAUVAIS.
JE N' E N'AI pas l'honneur , Monfieur , de
connoître Madame le Begue Dupont ,
dont on trouve une Lettre à l'article des
Cérémonies publiques , dans votre Mercure
du mois de Décembre 1763 ; je
voudrois cependant fervir d'écho à la
voix publique , & faire part à l'ingénieux
Auteur de cette pièce , de l'effet qu'elle
a produit dans le monde . On a été charmé
d'apprendre que les Dames de Beauvais
étoient rentrées dans leurs Priviléges
, & qu'elles alloient jouir de nouveau
d'une prérogative auffi glorieuſe
que juftement méritée . Cet événement
doit faire époque dans le fiécle de la
-Philofophie & de la Politeffe ; il ne fçauroit
être trop répété : nos faſtes litté
raires doivent l'immortalifer. Si, j'étois
JANVIER. 1764. 45
Poëte , je voudrois faire des vers en
l'honneur des Dames de Beauvais , & de
leur éloquente Panégyrifte. Mais , comme
le Ciel ne m'a pas départi ce talent ,
je prie Madame le Begue de vouloir bien
fe contenter de cette foible marque de
ma reconnoiffance & de ma fatisfaction.
J'ai l'honneur d'être , Monfieur , avec
toute la confidération dûe aux talens qui
vous diftinguent dans la République littéraire
, & c.
DE DUPUIS ,
Gentilhomme de Périgord.
P.S. Vous m'obligerez fenfiblement ,
Monfieur , fi vous voulez bien faire imprimer
ma Lettre dans le fecond volume
du Mercure de Janvier 1764 , à l'article
des Pièces fugitives . L'ufage que vous
en ferez me déterminera à vous envoyer
plufieurs morceaux fur laLittérature &
les Sciences.
46 MERCURE DE FRANCE .
QUATRIEME LETTRE d'une jeune
Etrangère fur les MODES & USAGES
DE FRANCE . }
J'AUROIS 'AUROIS eu , ma chère Mifs, bien des
chofes encore à t'écrire fur toutes les efpèces
de coëffures desFrançoifes,fi je m'étois
engagée à des détails exacts .Ce feul article
fourniroit à des volumes confidérables
je fuis furpriſe même , attendu la
mode des Ouvrages philofophiques en
France , que l'on n'en ait pas fait déja
une forte de Deſcription Encyclopédique,
ou tout au moins un gros Almanach
, auffi inftructif que bien d'autres ;
car je conçois bien que la fréquence des
variations exigeroit des éditions fouvent
renouvellées , avec changemens & augmentations
. Je t'ai promis de te faire
voir les Dames Françoiſe en deshabillé.
Imagine- toi le fpectacle le plus galant ,
& en même temps le plus modefte : car
elles ne font peut- être jamais plus complettement
vêtues que dans plufieurs de
ces Deshabillés. Remarque avec moi ,
en cette occafion comme en d'autres ,
l'efprit conféquent & jufte qui gouverne
JANVIER. 1764. 47
cette agréable partie de la Nation. Je
n'entends point par Deshabillé , ces premiers
vêtemens très- courts que l'on paffe
négligemment dans les bras , immédiatement
en fortant du lit. Ils font charmans
néanmoins , fur- tout dans les premiers
inftans où les vapeurs fugitives du fommeil
ne laiffent pas encore la force de
nouer tous les rubans qui en font les attaches
; ou bien les font nouer filaches ,
qu'ils feroient à la merci de toutes les
furprifes. Quelques inftans après ils deviennent
des vêtemens qui joignent &
-marquent affez jufte la taille . Ils font
blancs , && ggaarrnniiss ,, aaiinnffii que les jupons ,
d'une quantité prodigieufe de dentelles ,
de blondes , ou de très-belles mouffelines
fort pliffées. Comme le temps où fervent
ces demi- vêtemens n'eft confacié
qu'aux foins les plus myftérieux de la
toilette de propreté , ou à la plus intime
familarité , je ne compte le Deshabillé
que de ce qu'on appelle la Robe à peigner,
c'eft-à-dire , celle que l'on prend pour
paffer à la toilette d'apparat. Ces robes
font d'étoffes fimples en foye ou en toile
de Perfe , mais agréables ordinairement
-par la variété des couleurs , que le goût
prefcrit de choifir douces & tranquilles ;
quelquefois même un peu fombres. On
48 MERCURE DE FRANCE.
a fes raifons pour cela. C'eſt le moment
où la nature eft abandonnée à elle-même,
où les charmes d'un beau tein font
livrés à leurs propres forces : ils n'auroient
pas toujours celle de difputer avec
avantage contre des couleurs trop éclatantes.
C'eſt pardeffus cette robe que les
Dames prennent , quelquefois affez longtemps
avant la toilette même , un furvetement
de la mouffeline ou du linon le
plus fin , que l'on appelle Peignoir : ornement
mille fois plus galant & plus
riche , que l'ufage défigné par fon nom
paroîtroit l'indiquer. Ils font ordinairement
bordés par- tout d'une dentelle ,
plus ou moins large , plus ou moins précieufe
, fuivant l'état de dignité ou de
luxe , & fuivant l'éclat des toilettes. Les
manches fort amples de ces peignoirs ,
ont été abrégées depuis quelque- temps
dans leur longueur, pour ne venir que juf
ques aux coudes. Ingénieufe prévoyance
de ce féxe charmant fur les plus petites
reffources du beau deffein de plaire ! Les
manches de ces peignoirs, ainfi raccourcies
, accompagnent avec grâces un beau
bras nud qui travaille à la chevelure ,
fans le gêner , ni fans le dérober aux defirs
des fpectateurs. Si tu voyois , ma
chère Mifs , quelques-unes de ces jolies
Françoiſes ,
JANVIER. 1764. 49
Françoiſes , ainfi vêtues de lin , vis-à-vis
de leurs toilettes chargées de mille bijoux
dont la richeffe & la galanterie ,
réunies dans une adroite confufion , of
frent un spectacle étincelant ; fi tu les
voyois , dis-je , avec toutes leurs petités
grâces , qu'on ne peut décrire ni imiter
avec ces grâces artificielles en toute autre
qu'une Françoife , mais la nature même
en elles ; tu les prendrois alors pour les
Prêtreffes de l'Amour , facrifiant fur l'autel
de la Galanterie ; ou pour quelques
Enchantereffes , d'un ordre fupérieur &
céleste , qui préparent ou qui opérent les
charmes de la volupté,
N. B. C'eft avec regret que les bornes de
notre Journal nous obligent à remettre la
fuite de cette Lettre au volume prochain.
?
LEE mot de la première Énigme du
premier volume du Mercure de Janvier
eft le Diable. Celui de la feconde eft
la fauffe Monnoie. Celui de la troifiéme
eft l'an ou l'année . Celui du premier
Logogryphe eft Hiver , où l'on trouve
ver ; & en ôtant l'v , refte hier. Celui du
fecond Logogryphe eft Chandelle , où
II.Vol. C
+
50 MERCURE DE FRANCE.
l'on trouve l'Abbaye de Chelle , halle 3
lande.
J
ENIGM E.
POURROIS- JE fans gémir te déclarer mon fort ?
A peine mon époux a -t-il vu la lumière ,
Que de fiers ennemis confpirèrent fa mort,
Dans un piége imprévu cette troupe guerrière,
L'engage par degrés ; & je lui fers d'appui ,
En m'expofant aux coups qu'on prépare pour lui
Il s'échappe en fuyant , & je fuis prisonnière .
Il alloit fuccomber , privé de mon fecours ;
Mais un puiffant génie a protégé les jours.
Les vainqueurs infolens , ivres de leur victoire ,
Avoient cru l'accabler fous leurs vaſtes projets ;
Lorfqu'en changeant de féxe, un feul de fes Sujets
Brifa mes fers & lui rendit fa gloire.
Mais les vainqueurs en vain fe preffent fous mes
pas :
Tous ces honneurs ne font rien que fumée.
Après avoir vaincu dans cent & cent combats ,
Un enfant quelquefois diffipe les foldats ,
Me foule aux pieds & détruit mon armée .
Par M. D. R *** .
JANVIER. 1764.
51
"
A. UT RE..
J fuis tout feul quelquefois , E
Et j'ai quelquefois un frère ;
Nous fuivons les mêmes loix
Par un chemin tout contraire.
Sans regret je fuis caché
Dans une fombre demeure :
Je l'aime tant , que je pleure
Lorfque j'en fais arraché.
Quoique fans ceffe je nage
Sur un perfide élément ,
Je ne crains point le naufrage,
Et me noye à tout moment..
Je n'ai bras , ni pieds , ni tête :
Je ne fuis de chair ni d'os ;
Et fitôt que l'un m'arrête ,
L'autre trouble mon repos.
LOGO GRYPH E.
JV
LECTEUR , je ne sçaurois paroître
Sans vous caufer beaucoup d'eff: oi,
Tranfpofez quelques pieds , je n'appartiens qu'au
Roi.
C'en eft affez pour me connoître,
51
Par M. LAGACHE fils , à Amiens .
Cij
2 MERCURE DE FRANCE.´
AUTRE.
DANS buit lettres trouvez Châtel ,
Érole , écho , lacet , hôtel ,
Calote , lac , taloche , cole ,
Chat , côte , tache , cale , Eole.
COUPLETS
A Mlle de la M..... qui avoit demandé
à l'Auteur ce que c'étoit que l'Amour.
Sur l'AIR : Etre fille , avoir des Enfans.
IR
RIS , l'Amour eft un Enfant
Dont le doux badinage
Fait le plaifir ou le tourment
Des filles de votre âge.
Comme vous il eſt plein d'attraits ,'
Comme vous il fçait plaire ;
On diroit en voyant les traits ,
Que vous êtes ſa mère.
a les yeux pleins de douceur,
La voix intéreſſante ,
Le langage tendre & flatteur ,
Et l'humeur complaifante ;
Dans les ris comme dans les jeux
Même dans les allarmes
JANVIER. 1764. 53
Les pleurs qui coulent de les yeux
Ont toujours mille charmes.
İl fçait attendrir la beauté
▸
Quand il veut la furprendre ,
Et le coeur le plus indompré
Ne fçauroit s'en défendre ;
C'eft un tyran , un doux vainqueur ,
Qui par des traits de flâme
Fait fa gloire & notre bonheur
En régnant dans notre âme.
S'il fait l'aveugle quelquefois ,
C'eſt un pur artifice ;
S'il femble n'avoir point de loix ,
Redoutez fon caprice.
2
Pour mieux s'aflurer du flambeau
Qu'il porte auprès des Belles ,
Il faut arracher ſon bandeau ,
Et lui couper les aîles.
Iris , reconnoiffez l'Amour
A tous ces caractères .
Je voudrois pouvoir en ce jour
Vous chanter fes myſtères :
Mais le reſpect me fait la loi ,
Je n'ofe vous les dire ;
Un Mortel plus heureux que moi
Sçaura vous en inſtruire.
Par M. LE BOUVYER DESMORTIERS.
C iij
54 MERCURE DE FRANCE.
ARTICLE II
NOUVELLES LITTERAIRES.
LETTRE à M. DE LA PLACE , Auteur
du Mercure,fur l'ELOGE DE SULLY,
par M. THOMAS.
MONSIEUR ,
DANS un Ouvrage périodique intitu
lé , l'Année Littéraire , qui fe vend à Paris
chez Panckouke , on a imprimé une
Lettre contre l'Eloge de Sully , par M.
Thomas. On y accufe cet Ecrivain d'avoir
pris plufieurs morceaux de fon Difcours
dans les Confidérations fur les Finances
, de M. de Forbonnais . J'ai voulu
examiner par moi - même fur quoi cette
accufation pouvoit être fondée : voici le
réfultat de mes recherches . Permettezmoi
, Monfieur , de vous en rendre
compte. J'avois efpéré quelque temps ,
que M. Thomas pourroit répondre luimême
mais fans doute il a dédaigné
des accufations qui étoient trop inju
JANVIER. 1764.
55
rieufes pour pouvoir lui nuire. Je me
charge très- volontiers de ce qu'il n'a
pas voulu faire ; & c'eft encore plus par
Pintérêt de la vérité , que par l'eftime particulière
qui m'attache à cet Ecrivain .
Je vais commencer par le Diſcours , &
je viendrai enfuite aux notes.
M. Thomas , dans fon Difcours , a dit,
page 30 , que les Membres du Confeil des
Financesforçoient, par d'indignes délais,
des Créanciers de l'Etat à réduire euxmêmes
leurs fommes , & les portoient enfuite
toutes entières fur leurs comptes ;
pag. 37 , que Sully commença par remettre
aux Provinces vingt millions d'arrérages
de Taille ; que depuis il diminua
d'année en année cet impôt de deux millions
qu'ilregardoit la Taille comme un
impôt vicieux de fa nature , & fur- tout
la Taille arbitraire. Il rapporte , p . 41 ,
ce mot célébre de Sully , contre les Officiers
de Juftice qui avoient ofé défendre
la fortie des bleds de leur Province :
SIRE , fi chaque Officier en faifoit autant
, votre Peuple feroit bientôt fans argent
, & par conféquent VOTRE MAJESTE.
Je vois dans ces trois articles
trois faits qui fe trouvent exactement
Trapportés dans les Mémoires de Sully :
& il feroit affez difficile de prouver que
Civ
56 MERCURE DE FRANCE .
ces faits appartiennent à M. de Forbonnais
, parce qu'il les a tranfcrits dans fes
Confidérations fur les Finances.
On a ofé avancer que le parallèle de
Colbert & de Sully étoit puifé tout entier
dans l'Ouvrage de M. de Forbonnais. II
eft vrai que M. Thomas n'a point créé
lesfaits , fur lefquels eft fondé ce parallèle
; il eft vrai encore que les mots de
courage , d'activité , d'ordre , d'oeconomie
, de droits intérieurs , de commerce ,
de calculs politiques , d'Agriculture , de
combinaifon d'impôts , fe trouvent également
dans les deux Ouvrages : mais
voilà à - peu - près ce qu'ils ont de commun.
M. de Forbonnais a fait quelques
réfléxions générales fur le Ministère de
Sully , p. 88 , & fur celui de Colbert , p.
271 mais il n'y a pas la moindre trace
d'un parallèle. M. Thomas , dans fon
Difcours , a rapproché ces deux grands
Hommes , & il a comparé fucceffivement
leurs opérations , leurs principes ,
leurs fuccès , leurs talens , & leur caractère.
Il a fait voir en quoi ces deux Miniftres
fe reffembloient, en quoi ils différoient
l'un de l'autre. Ce parallèle exact
& détaillé n'avoit été fait , ni par M. de
Forbonnais , ni par aucun Ecrivain avant
l'Auteur de l'Eloge de Sully. S'il y a,
JANVIER. 1764.
57
dans les recherches & dans l'Eloge, quelques
mots qui fe reffemblent , c'eft que
les faits , dont l'un & l'autre parlent ,
font précisément les mêmes pour tout
le monde ; c'est qu'on ne peut parler
d'adminiſtration , fans employer les termes
d'Agriculture , de Navigation , de
Commerce , d'Impôt ; c'eft qu'enfin il
n'y a qu'une manière de juger de certai
nes opérations , pour tous ceux qui ont
des lumières & du bon fens.
Je paffe maintenant aux notes . Voyons
fi l'accufation de plagiat , pour cette
partie , eft mieux fondée. M. Thomas ,
pag . 71 , dit que Sully fe transporta en
1596 dans les principales Généralités
du Royaume , pour en connoître les reve-
.nus , હ que les Financiers n'omirent rien
pour le traverfer. Il entre là -deffus dans
quelque détail fur les difficultés qu'il eur
à effuyer. Qui ne voit que ce font - là
des faits qui appartiennent à l'Hiftoire ?
Et de quel front ofe - t- on attribuer ces
-faits à M. de Forbonnais , comme fi c'étoit
un bien qui lui appartînt en propre ?
Qu'on ouvre les Mémoires de Sully , &
F'on trouvera ces faits tels que l'Auteur
de l'Eloge les a rapportés. Falloit- il donc
qu'il les falfifiât , pour ne pas fe rencontrer
avec M. de Forbonnais ? On cite en-
-
-
Cv
$ 8 MERCURE DE FRANCE .
core trois notes , l'une fur les opérations
de Sully dans les Monnoyes , l'autre fur
la Gabelle , & la dernière fur la réduction
de l'intérêt. Ces trois notes roulentégalement
fur des faits. M. Thomas dit:
que les opérations de Sully fur les Monnoyes
ne valurent rien , & il en rapporte
les raifons. Devoit- il donc en apporter de
fauffes , parce qu'on avoit déja écrit làdeffus
avant lui ? Et ne lui étoit -il pas
auffi permis de dire , qu'il y avoit en
France beaucoup d'Espèces étrangères ,,
&que , malgré l'Ordonnance du Roi , on:
ne voulut pas les porter à la Monnoye ,
parce qu'on devoit y retenir des droits confidérables
? M. Thomas rapporte enfuite
quelle étoit la proportion de l'or à l'argent
en France , en Espagne , en Angle--
terre , & en Allemagne mais il avoue
de très-bonne foi qu'il n'a pas inventé
cela . Il n'y a pas d'apparence que M. de
Forbonnais l'ait plus inventé que lui ; &
probablement cent perfonnes , qui auroient
à parler de cette proportion , feroient
toutes obligées de dire la même
chofe . Car une opération d'Arithmétique
, lorfqu'elle eft jufte , appartient , je
crois , à tous ceux qui fçavent compter..
Des faits que M. Thomas cite fur la Ga-.
belle , les uns font dans les Mémoires de
JANVIER. 1754. 59
-Sully , les autres font connus de toute
la France. Qui ne fçait , par exemple ,
que le Sel eft une denrée très -commune
& qu'on la vend fort cher à des pauvres ?
Qui ne fçait que les Troupeaux , faute de
Sel , périffent de plufieurs maladies ; &
qu'on les écarte même des bords de la
Imer, où ilspourroient fe guérir? Qui eſtce
qui ne fe plaint tous les jours de ce
grand nombre de brigands qui paffent
leur vie aufaux-faunage , & qui auroient
pu exercer une profeffion utile ? Quoi !
parce que M de Forbonnais a écrit fur
ces abus , il feroit défendu de dire que
ces abus fubfiftent encore ? Il s'agit bien
ici de répéter ou non une phrafe qui ait
déja été dite ; il s'agit du bien de l'Etat ,
& de vérités utiles ; & , ces vérités , il :
-faut les répéter fans ceffe , jufqu'à ce
qu'elles ayent enfin produit leur effet.
Enfin , dans fa note fur la réduction de
Pintérêt , M. Thomas a dit que cette opé-
·ration de Sully avoit été fort utile à la
~France ; & il a remarqué que toutes les
Nations voisines pavent aujourd hui l'intérêt
de l'argent moins cher que nous. Il
n'y a pas de Banquier , d'Agioteur , ou
d'Agent de Change , qui ne fcache cela ,
& probablement , fans avoir jamais lû les
recherchés de M. de Forbonnais fur les
Cvj
60 MERCURE DE FRANCE.
Finances. Pourquoi M. Thomas n'auroit-
il point eu le même avantage ?
Voilà pourtant à quoi fe réduir cette
prétendue accufation de plagiat. 1º:Quelques
faits qui fe trouvent dans les Mémoires
de Sully , où M. de Forbonnais les
a puifés ainfi que M. Thomas ; desfaits
liés néceffairement à l'Eloge , & qu'il
étoit impoffible de paffer fous filence.
2º. Quelques autres faits , qui ne font
point à la vérité dans les Mémoires , mais
dont les uns font connus de tout le monde
, comme les abus de la Gabelle ; les
autres font des faits de calcul , comme
la proportion de l'or à l'argent du temps
de Sully. Il faut voir cependant comment
l'Auteur de la Lettre s'accroche à
tous les mots , pour tâcher de trouver
quelque reffemblanche entre les Recher
ches fur les Finances & l'Eloge de Sully.
M. de Forbonnais a employé l'expreffion
puifer dans les mines , & elle fe trouve
auffi dans l'Ouvrage de M. Thomas.
L'Auteur des Recherches a dit , que Sully
foutint en homme de Guerre fon opération
de Finance. L'Auteur de l'Eloge a dit , ce
n'eft point à Sully à trembler ; comme Miniftre
, il écrase l'injuftice ; comme Guerrier
, il brave les menaces. Voilà ce qu'on
appelle plagiat ! En effet , il y a dans les
JANVIER. 1764.
61
deux phraſes le mot de Sully , & le mot
de Guerier reffemble affez à celui d'homme
de Guerre.
Quelles accufations ! On prouveroit
de même que l'Oraifon funèbre de Turenne
, par Flechier , a été prife toute entière
de celle de Mafcaron , parce qu'on
trouve tous les mêmes mots dans l'une
& dans l'autre . En vérité , M. de Forbonnais
lui- même a dû être plus indigné
que M. Thomas contre l'Auteur de cette
Lettre , quel qu'il foit. Connu par un
bon Ouvrage fur les Finances , n'a-t- il
point affez de fa propre gloire , fans
qu'on s'efforce de lui attribuer encore
les Ouvrages des autres ; & fon mérite
a-t-il donc befoin d'être relevé par un fi
petit artifice ?
Il ne tient pas à l'Auteur de la Lettre
qu'on ne croye que tout l'Eloge de Sully
fe trouve dans les Recherches fur les Fi
nances . Il commence d'abord par retrancher
les deux premières parties , comme
n'ayant pas réuffi . Je conviens qu'elles
ne devoient ni ne pouvoient pas être auffi
intéreffantes que la troifiéme ; mais elles
ont tout le degré d'intérêt & d'éloquence
dont elles étoient fufceptibles : & il
me femble que le Public a retrouvé dans
ces deux parties le Panégyrifte du Maré
62 MERCURE DE FRANCE.
(
ہ پ
chal de Saxe , dù Chandelier Dague
feau, & de Duguay- Trouin. A l'égard
de la troifième partie , l'Auteur de la
Lettre eft forcé d'avouer qu'elle a eu du
fuccès : mais , dit- il , elle n'appartient
point à M. Thomas. Il est bien fingulier
que , cette partie ayant déja été faite ,
M. Thomas foit le feul qui l'ait trouvée ,
& que perfonne avant lui n'eût fait cette
heureufe découverte. Mais , je demande
à l'Auteur de la Lettre , fi M. Thomas a
trouvé dans les Recherches furles Finances
, le portrait du Miniftre ou de l'Homme
d'Etat qui ouvre fa troifiéme partie;
s'il a trouvé cette peinture fi forte de l'é
tat des Finances fous Henri IV , des horribles
déprédations des Financiers , & de
tous les maux qui défoloient les Provint
ces ; s'il a trouvé le tableau affreux des
véxations qu'entraîne la Taille arbitraire,
& tout le morceau où il peint à
grands traits Sully réformant les abus ,
& créant l'Etat une feconde fois ; & celui
où il développe , avec autant de cha
leur que de netteté , les principes de fon
adminiſtration , & tout ce qu'il dit d'éloquent
fur les Impôts , fur l'Agricul→
ture , fur le Commerce & fur l'Econo
mie ? Je demande enfin s'il a trouvé la
peinture qu'il fait de l'Homme moral
i
JANVIER, 1764: 63:
dans Sully; ce portrait fi vrai d'une ver-
-tu antique & auftère , & ces détails fi
touchans fur fa retraite , & cette pérorai--
fon qui a paru tout à la fois noble , coul
tageufe & fimple ? Qu'on ofe dire fi
rien de tout cela fe trouve dans les Cónfiderations
fur les Finances ou ailleurs ?
Voilà pourtant prèfque tout ce qui com
pofe cette troifiéme partie.
A l'égard des faits , comme j'ai déja
dit , on fent bien qu'ils doivent fe trouver
dans les Mémoires de Sully , & dans
l'Ouvrage de M. dé Forbonnais ; puifque
M. de Forbonnais a travaillé , comme
M. Thomas , fur ces Mémoires . Pour la
reffemblance d'expreffion , qui paroît
marquée dans trois ou quatre endroits des
notes feulement , ce font fans doute des
-formes qui font reftées dans la tête de
M. Thomas , fans qu'il s'enfoit apperçu
lui-même ; & la plus grande preuve.
qu'il n'a point copié , c'est cette reffem-
-blance même. Car rien affurément . ne
lui eût été plus facile que de changer.ces
phrafes , & de leur donner une autre
tournure. Le plus mince Ecolier n'y auroit
pas manqué ; à plus forte raiſon un
Ecrivain connu , & qui peut être jaloux
de fa gloire.
Une réfléxion qui fe préfente naturel64
MERCURE DE FRANCE .
lement en lifant l'Eloge de Sully , c'eff
que M. Thomas , pour le faire , a dû étudier
les Finances , comme il avoit étudié
l'Art Militaire pour l'Eloge du Maréchal
de Saxe , la Jurifprudence pour l'Eloge de
Dagueffeau , & la Marine pour celui de
Duguay-Trouin. Il a donc fallu qu'il lût
beaucoup d'Ouvrages fur les Finances ,
parce que probablement il ne pouvoit pas
s'inftruire de cette matière par lui-même ;
ainfi fon premier travail a conſiſté à examiner
une grande partie de ce qui avoit
été écrit là - deffus ; à démêler les vrais principes
des faux , à fe faire un ſyſtême d'après
lequel il pût connoître & juger les
différentes opérations de Sully , & qui
pût lui fervir de guide dans fon Ouvrage .
C'eft après ce travail qu'il a fans doute
compofé fon Difcours , qui lui appartient
tout entier comme Orateur. Ceux
qui lui reprochent que tout ce qu'il dit
fur les Finances n'eft pas de lui , font àpeu-
près auffi raifonnables que s'ils prétendoient
qu'un Architecte n'a aucun
mérite à avoir conftruit un bel Edifice ,
parce qu'il n'a point créé les matériaux
qui le compofent.
L'Auteur de la Lettre , après avoir cité
encore quelques phrafes , qui , pour
la plupart , font tirées des Mémoires de
JANVIER. 1764; 65
Sully , ou qui fe trouvent par-tout comme
celle-ci , la liberté eft l'âme du Commerce
; après avoir tâché de rapprocher
des chofes qui n'ont aucune reffemblance
entre elles , ou qui n'ont que celle
des mots ; après avoir jetté des foupçons
où les accufations lui manquent ; ofe
demander ce qui reftera à M. Thomas.
On répond qu'il lui reftera la première
la feconde & la troifiéme partie de fon
Difcours , excepté ces mots , en parlant
de la Taille , impôt vicieux defa nature ;
& ces autres mots , en parlant de la fameuſe
réponſe de Sully fur la fortie des
bleds , paroles mémorables , & qui mériteroient
d'être écrites.... On avoue que
ces deux bouts de phrafes , qui ne font
pas des faits , fe trouvent dans les Recherches
fur les Finances. I lui reftera
toutes les notes , à l'exception de quelques
lignes éparfes çà & la dans les deux
volumes in-4 ° . des Recherches fur les Fi
nances , & qui ne contiennent encore
que desfaits , comme on l'a détaillé plus
haut. Il lui reftera l'ordonnance & le
plan de fon Difcours , la manière dont
il préfente les faits , les réfléxions qu'il y
mêle , l'ordre & l'enchaînement des vérités
, l'éloquence qu'il a pu y joindre ,
les fentimens de Citoyen qui l'animent
66 MERCURE DE FRANCE .
戛
Il lui reftera enfin tout fon Ouvrage
excepté les faits hiftoriques qu'il n'a pu
ni dù créer , qui étoient néceffairement
le canevas de l'Eloge , & qui lui appar
tenoient fans doute comme ils appartien
nent à tous ceux qui ont écrit , qui écri
vent , & qui écriront après lui . J'ai
Phonneur d'être , Monfieur , votre trèshumble
& rrès-obéiffant Serviteur ,
D'A ***
LETTRE à l'Auteur du Mercure.
LAAUUTEURanonyme , Monfieur , qui
dans le Mercure de ce mois m'a fait
Phonneur de me demander dés éclairciffemens
fur le Sujet du Prix de Poëfie
propofé par l'Académie de Rouen , paroit
n'avoir pas de connoiffance des
anciens programmes qui ont été envoyés
aux Ouvrages périodiques en
1760 , 1761 & 1762 , puifque ces programmes
fatisfont à la plupart des queftions
fur lefquelles il defire de connoître
les intentions de l'Académie.
Comme elle n'a jamais entendu y faire
aucun changement , elle me charge ,
Monfieur , de vous prier de fa part de
JANVIER 1764.
Tes inférer de nouveau dans l'un de vos
premiers volumes , tant pour cet Auteur
que pour tous ceux qui voudront
concourir au même Prix. Voici celui de
1760.
L'Académie a propofé pour Sujet du
Prix de Poëfie fondé par M. le Maréchal
Duc de Luxembourg , Gouverneur
de Normandie & fon protecteur, la délivrance
de Salerne par 40 Chevaliers
Normands & la fondation du Royaume
de Sicile qui fut la fuite de cette ex.
pédition.
Elle laiffe aux Auteurs liberté entière
fur le choix du genre du Poëme , fur
fon étendue , & fur la meſure des vers..
Elle exige feulement qu'il foit propor
tionné au Sujet , & qu'il célébre dignément
l'un des plus finguliers événemens
de notre histoire .
En 1761 ..
L'Académie n'a point reçu de Poëme
qui ait rempli fes vues ; elle propofe
de nouveau le même Sujet & aux mêmes
conditions.
.. Elle exhorte les Auteurs à le traitermoins
en Hiftoriens qu'en Poëtes . Elle:
-ne demande pas une hiftoire fuivié d'é--
vénemens qui occ pent près d'un fiécle.
Cette exactitude chronologique ré--
68 MERCURE DE FRANCE.
聊
•
pand un froid mortel fur un Poëme. II
s'agit de choisir celle des deux époques
qu'on croira la plus intéreffante & de
F'embellir par quelque fiction ingénieufe
qui donnera les moyens d'y enchâffer
les événemens qui l'auront ou précédée
ou fuivie. Ce font les feuls avis que
l'Académie croye devoir donner aux
Auteurs , perfuadée qu'il faut laiſſer au
génie une entière liberté , & qu'il eft
peu de faits hiftoriques dont le merveilleux
& la fingularité prêtent davantage
à la Poëfie.
En 1762.'
On a réïtéré le même Programme &
doublé le Prix.
En 1763.
On a encore remis le Prix , & dans
le Programme inféré dans le Mercure
de Septembre on n'a parlé que de la
délivrance de Salerne , parce qu'on a
fuppofé le Sujet affez connu du Public
pour ne le pas répéter tout au long.
Vous voyez , Monfieur , que PAcadémie
a été bien éloignée de donner
l'exclufion à un Poëme épique régulier,
fi elle étoit affez heureufe pour que fa
perfévérance fît éclore un Ouvrage digne
de ce nom. Elle a encore moins
gêné les Auteurs fur le choix du Sujet
JANVIER, 1764. 69
1
principal; elle a feulement exigé que cer
lui des deux événemens qui ne feroit
pas choifi, entrât dans le Poëme comme
Epifode. A l'égard des moyens de lier
cette Epiſode , la difficulté de la différence
des Chevaliers n'eft pas infurmontable.
L'Académie a même déja
vu des Poëmes qui employent pour y
parvenir des expédiens ingénieux & que
le filence de l'Hiftoire autorife. C'eft
aux Poëtes à fçavoir jufqu'à quel point
ils peuvent altérer la vérité historique .
Qu'une fiction noble & ingénieuſe répande
la chaleur & la vie dans un Sujet
déja fi difpofé à recevoir le mer
veilleux ; l'Académie bien loin de reclamer
pour une froide exactitude , applaudira
comme le Public aux fituations
& aux images que le génie créateur
du Poëte aura fçu enchâffer dans fon
Ouvrage.
J'ai l'honneur d'être & c.
MAILLET DU BOULLAY , Maître des Comptes
& Secrétaire de l'Académie, de Rouen pour
les Belles-Lettres , derrière l'Archevêché,
A Rouen , le 29 Décembre 17639
70 MERCURE DE FRANCE .
LETTRE fur un Auteur du 17 fiècle ,
écrite par M. DE MASSAC , Receyeur
Général des Fermes du Roi
Abonné au Mercure , & de la Socié
té Royale d'Agriculture de la Généra
lité de Limoges , à M. le Chevalier de
VIVENS , de la même Société , de
celle de Metz, & de l'Académie des
Sciences & Belles - Lettres de Bordeaux.
MONSIEU ONSIEUR,
I
PERSONNE ne rend plus de juftice
que moi à M. le Franc de Pompignan. ,
Tous les efforts que les Beaux - Efprits de ..
ce fiécle ont fait depuis quelque temps
pour indifpofer le Public contre lui , ne
m'ont point fait changer de façon de
penfer fur cet Auteur eftimable, dont
j'admire comme vous , & les talens , &
les vertus. Je viens de relire fes Ouvrages
avec un nouveau plaifir : cette lecture
m'a rappellé ce que vous me fires l'hon A
neur de m'écrire le 11 Février 1762 .
» M. de Pompignan , me marquiezJANVIER.
1764.
7 *
» vous , ne dit rien de bien flatteur ( a )
» pour Coftabadie . Sur huit Livres d'Epi-
» grammes latines de cet Auteur , il ne
> reconnoît pour bons que, quatre vers
» que Santeuila pillés. Il paroît étonnant
» que tout le refte foit abfolument mau¬
» vais : j'ai quelques doutes fur ce juge-
» ment rigoureux , & j'en appelle avaus
Qui mieux que vous , Monfieur , feroit
en état de réformer , s'il y a lieu , le ju
gement prononcé par M. le Franc , fur le
mérite littéraire du Poëte dont il s'agitè
J'imagine que vous n'avez pas fes Ŏuvrages
: vous fçavez que j'en fuis poffeffeur
; ce ne peut être que cette raifon qui
vous engage à me demander ce que j'en
penfe moi-même. Le voici.ve
Je conviens , avec M. de Pompignan ,
que notre Auteur n'avoit pas l'efprit
épigrammatique à un certain point , &
que fes Epigrammes , qui font en génér
ral d'une latinité médiocre , ne font pref
que toutes que des defcriptions des cha
fes , ou des éloges des perfonnes dont il
parle. Mais il faut convenir auffi qu'il y
en a plus de trois ou quatre qui méritoient
de fixer l'attention de notre Critique. Son
( a ) Voyez les Oeuvres diverfes de M. le Frang
de Pompignan , edit . Paris , 1733. tom . 2
282021
3
酱
2:p
72 MERCURE DE FRANCE .
jugement me paroît contradictoire
d'un côté, il reconnoît pour bonnes au
moins trois ou quatre Epigrammes ; de
l'autre côté , il déclare qu'il alloit fermer
fon Coftabadius , fans quatre vers
qu'il affure être les feuls bons que cet
Auteur ait fais . Cette derniere affertion
fe trouve encore placée après l'aveu
formel de M. de Pompignan , que
notre Poëte a bien caractériſé la perfonne
& les Ecrits de M. Garifolles ;
qu'il a honoré par fes vers plufieurs autres
Montalbanois & qu'on doit être
flatté de l'Epigramme qu'il a compofée
à l'honneur de Montauban .
S'il eft vrai qu'il n'y ait que quatre
bons vers dans tout Coftabadie , il fera
également vrai que M. Gariffoles , plufieurs
autres Montalbanois & Montauban
lui-même ont été honorés par de
mauvais vers, S'il font trouvés bons par
des Montalbanois , parce qu'ils font
faits à leur honneur , comment tous
es hommes en général doivent-ils trouyer,
par un intérêt commun , la deuxiéme
Epigramme du Liv. I. Sur la chute
d'Adam , qui finit ainfi ;
Si locus humano pateat , fine crimine , voto ,
Adam , utinam furdus , muta vel Eva fores ,
dont
JANVIER. 1764. 73
,
dont M. de Pompignan n'a pas jugé à
propos de parler. Celle - ci , euffé - je
l'honneur d'être de Montauban me
paroîtra toujours fupérieure à celles qui
flattent les Montalbanois ; mais vous
& moi , Monfieur , & tous nos compatriotes
, ne devons -nous pas être pour
le moins auffi flattés de la trente &
uniéme Epigramme du Livre VII . fur
la deftruction de Tonneins , qui eft terminée
par ces mots.
• · •
Mihi patria noftra dediſti
Vitam unam , luctus funera mille dabit.
Coftabadie nous apprend par cette
Epigramme , que Tonneins étoit le lieu
de fa naiffance , qu'il avoit vu cette
Ville avant qu'elle fût détruite ; d'où
l'on peut juger qu'il étoit né vers le
commencement du dix-feptiéme fiécle ,
puifque ce ne fut qu'en 1621 que les
Villes de Tonneins & de Clairac fudétruites
de fond en comble & réduites
en cendres par ordre de LOUIS XIII .
Sans m'arrêter aux Epigrammes 50
& 58 du Livre V , à la 22° du Livre
VIII , &c , que je crois au-deffus de
celles dont parle M. de P ...... je me
fais un plaifir de tranfcrire en entier
IL Vol.
.: D
74 MERCURE DE FRANCE .
la 36° du Livre VII fur la Garonne. H
n'eft pas douteux , comme vous le dites ,
& comme le croit M. de P .... qu'elle
n'ait fourni à Santeuil la plus belle
image de fa belle infcription pour la
Pompe de Notre Dame de Paris :
Sequana cum primum reginæ allabitur urbi
Tardat præcipites ambitiofus aquas ;
Captus amore loci , curfum oblivifcitur , anceps
Quò fluat , & dulces nectit in urbe moras.
Voyons à préfent comment s'exprime
notre Poëte Gafcon. Quoique fon
idée fur la Garonne ne foit pas auffi
pompeufement rendue que celle de
Santeuil fur la Seine , il n'en a pas
moins le mérite de l'invention .
Monte Pyrenæo , & celfis natalibus undans ,
Fæcundo erumpit fonte , garumma levis .
Nafcitur iratus , primâque obmurmurat undâ ;
Huic inimica quies , jamque ruina placet .
Præter greffus abit media impedimenta Tholofe,
Terra & agenna tuos confpuit altus ogros.
Inde falutat aquis & amica voce thonenfum ,
Pronus in oceanum fudat abire fuum .
Burdigalæ fed tantus amor , cum littora tangit
Vivifca ambiguâ currit & hæret aquâ.
>
* L'Auteur auroit dû dire Vibifca au lieu de
Vivifca , il y a un V pour un B felon la
mauvaite habitude des Gafcons. Vibifci ou plutot
Buturiges.
JANVIER. 1764. 75
Penituit liquifle urbem fimilisque do lenti
In muros refluis ecce recurrit aquis.
»
» La Garonne fort des Monts Pyren-
» nées : dès fa fource elle eſt abondante ,
» rapide , courroucée ; elle fait entendra
» le bruit de ſes eaux ; le repos lui dé-
» plaît , il faut qu'elle caufe du ravage .
» Franchiffant les digues que Toulouſe
» lui oppoſe , elle traverſe cette ville &
groffiffant dans fon cours , Agen , elle
» arrofe tes campagnes. De là après avoir
falué Tonneins du doux bruit de fes
» flots , elle s'efforce d'aller fe précipi-
» te dans l'Océan ; mais à peine tou-
» che-t-elle les rivages du pays Bordelois,
qu'éprife d'amour pour Bordeaux , elle
» fe ralentit , n'a qu'un cours incertain ;
» & comme fi elle étoit affligée d'avoir
» quitté cette ville , elle revient fur elle-
» même & reflue jufques fur fes murs .
Au refte il plaît à M. de P
d'appeller notre Auteur Coftabadius, en
ajoutant que ce nom eft fort obfcur,
mais en us & par conféquent en régle ,
dit- il , pour un Verfificateur latin .
»
... •
Le véritable nom françois de notre
Poëte étoit Coftabadie. Il éxiftoit encore
une demoiſelle de cette Famille
il n'y a pas long- temps , & elle s'ap-
Dij
76 MERCURE DE FRANCE .
pelloit Coftabadie , comme fes ancê
tres. Je ne ne vois pas que ce nom
foit plus obfcur que tout autre. Quand
fa terminaifon eût été en us , cela auroit-
il pû faire croire à celui qui le
portoit , qu'il devoit verfifier en latin.
Nous voyons à la vérité que les
noms de plufieurs grands Poëtes finif
fent en us , mais n'avons nous pas auffi
les Martial , les Juvenal ? & c , & c.
Je pense donc , avec tout le refpect
que je dois à M. de P .... qu'il auroit
pû fe difpenfer , quand bien même
Coftabadie fe fût appellé Coftabadius ,
de profiter de cette circonftance pour
jetter une espéce de ridicule fur un
Auteur plus digne , à certains égards ,
d'être connu , que plufieurs autres dont
nous voyons les ouvrages célébrés dans
nos Annales Litteraires.
Vibifci étoient des Peuples de l'ancienne
Aquitaine , qui occupoient le
pays qu'on nomme aujourd'hui Bor ,
delois. Ainfi littora vibifca , fignifie
à la rigueur , les bords de la Garonne
depuis Langon ou S. Macaire , jufqu'à
l'embouchure de ce fleuve dans l'Océan .
Les Bituriges vibifci, étoient ainfi nommés
pour les diftinguer des Bituriges
JANVIER. 1764. 77 .
cubi , qui font aujourd'hui les Peuples
du Berri.
Je finirai cette lettre , Monfieur
en vous annoncant que la Société d'Agriculture
du Limoufin , qui fe félicite
tous les jours de vous compter au
nombre de fes Affociés , vient enfin
d'acquérir un degré de ftabilité
q i
lui étoit abfolument néceffaire . C'eſt aux
foins de M. Turgot notre Intendant, fans
ceffe utilement occupé des moindres détails
de l'adminiftration qui lui eft confiée
, que nos Bureaux font redevables
de la jouiffance d'un revenu
annuel pour fubvenir aux frais indifpenfables
qu'ils font obligés de faire. Cer
événement a ranimé le zéle de la plû
part de nos Confrères. Ils ont commencé
l'emploi de leurs fonds par
l'acquifition des inftrumens néceffaires
pour faire des expériences météorologiques
, fuivant les inftructions dont vous
avez bien voulu nous faire part . II
faut efpérer que notre exemple fera
fuivi par les autres Sociétés Royales ,
qui ne doivent pas attendre , avec moins
d'empreffement que nous-mêmes , de
voir paroître la cinquième partie de
* Celui de Brive à 300 liv. par an.
D iij
78 MERCURE DE FRANCE.
an
vos obfervations d'Agriculture ,
noncée dans le Mercure de France , du
mois d'Octobre dernier , premier vol.
page 108.
à Brive la Gaillarde , le 15 Décembre 1763.
ÉLOGE de MAXÍMILIEN DE
BETHUNE , Duc de SULLY ,
Sur-Intenant des Finances fous HENRI
IV ; par Mlle Mazarelli ; à Paris ,
chez Duchefne , Libraire , rue S. Jac
ques , au Temple du Goût , 1764 ;
avec approbation & permiffion , in- 8° .
PENSÉES ENSÉ ES naturelles , diction pure ,
termes choifis & juftes , fentimens nobles
, vertueux , pathétiques & touchans ,
traits ingénieux fans affectation , rien
qui fente la déclamation , le faux belefprit
, le clinquant ; un ton toujours fage
, toujours décent ; une éloquence
en un mot , qui réunit l'élégance & la
précifion à ce goût , à cette politeffe que
donne l'ufage du monde : voilà ce que
le Public , dont nous ne fommes ici que
les interprêtes , a le plus loué dans l'Ouvrage
de Mlle Mazarelli.
JANVIER. 1764. 79
Sans s'aftreindre à cette marche régulière
& fymétrique qui partage , divife &
fubdivife la plupart des Ecrits de ce genre
, l'Auteur fuit fon Héros ( qu'on ne
perd jamais de vue ) dans les principales
circonftances de fa vie ; & c'eft d'après
la fimplicité de ce plan , que nous - mêmes
, fans nous affujettir à aucun ordre ,
nous allons extraire quelques morceaux
qui caractérisent le Duc de Sully , & l'éloquence
de fon Panégyrifte .
Après un Exorde plein de douceur ,
de fimplicité & de nobleffe fur les caractères
de la véritable grandeur , fuit un
tableau de la fituation de la France lorfque
Sully parut à la Cour de Navarre.
" La France toujours guerrière ne fut
» pas toujours vertueufe. Une politique
» impie alluma dans fon fein les feux de
» la haine & de la vengeance. Ce n'é-
» toient plus ces François fi fidèles à leurs
» Rois , fi généreux aux champs de la
» victoire , fi recommandables par la
» franchiſe & la fimplicité des moeurs.
» Victimes d'un Fanatifme aveugle &
» barbare , ils ne refpiroient que le
» meurtre , les ravages , les profcriptions
; & cet Empire touchoit à fes
» derniers momens , fi , pour lui donner
» une nouvelle fplendeur , le Ciel n'eût
Div
80 MERCURE DE FRANCE.
» confervé Henri IV , qui , joignant à
» fes qualités héroïques l'heureux talent
» de connoître les hommes , choifit pour
» ami , pour Miniftre , Maximilien de Bé-
» thune , Duc de Sully.
» Agé de douze ans , Sully fut con-
» duit par fon père à la Cour de Navarre.
Je ne puis vous enrichir , dit
» Béthune à fon fils ; mais vous avez des
» vertus , elles vous placeront au - deffus
» de la fortune. Préparez-vous àSuppor-
» ter les malheurs , lesfatigues . Attachez-
» vous au Maître que je vais vous don
» ner , & méritez l'eftime des gens d'hon-
» neur. C'eft ainfi que ce père éclairé
» voit & peint en grand les principes
» d'une fage conduite. A peine forti de
» l'enfance , Sully les entend & les fuit .
» Béthune laiffoit au vulgaire cette févé-
» rité qui ne fert qu'à rendre fufpects ,
» & celui qui l'employe , & celui qui
» l'éprouve. On peut croire que
» dans fon propre coeur des raifons pour
» craindre le vice , & que l'autre laiffe
> entrevoir des difpofitions à s'y livrer.
» Une âme forte ne fuccombe jamais ;
» & tel penfe être féduit qui n'eft que
» foible. Sully avoit atteint l'âge des paf-
» fions & des erreurs. Il
accompagne le
» Prince de Navarre à la Cour de Cathe
l'un a
JANVIER. 1764.
81
rine de Médicis . Cette Cour volup-
» tueufe lui préfente des attraits flat-
» teurs , mais dangereux ; la fortune des
» moyens infaillibles , mais criminels :
» il ne peut être ébranlé ni corrompu ;
» l'honneur feul eft écouté. Plein de l'an-
» tique vertu de fes ayeux , Sully mar-
» che fous les enfeignes de Henri. Aimer
» ce Prince , vivre & mourir à fon fer-
» vice fut le premier ferment de fon
» coeur; fa vie entière en fut l'accompliſ
.ferment
و د
Nous rapporterons quelques - unes des
actions qui ont fignalé ce zèle de Sully
pour Henri IV , & dont Mlle Mazarelli
fait un détail fi brillant dans un récit plein
d'intérêt & de chaleur. » Henri com-
» mande en perfonne à Cahors ; avec
"
quinze cens hommes il furprend la
» Ville , défendue par une nombreufe,
» garnifon ; ce fuccès même dévient un
» danger ; il irrite , il enflamme , il arme
» jufqu'aux habitans , qui des toits de
» leurs maifons lancent une mort certaine
; celui qui foutient le choc des
» armes eft écrafé fous les débris des
» édifices ; un monceau de ruines couvre
» Sully; on l'en retire ; foible , refpirant
à peine , il demande , il apprend
"" où eftfon roi . Un fi tendre intérêt r-
Dv
82 MERCURE DE FRANCE .
nime toutes fes forces ; il vole où
» Henri , prefque feul , eft entouré d'un
» peuple furieux qui fe renouvelle fans
» ceffe. Tout eft attaqué , tout réſiſte ;
plus on gagne de terrein , plus on s'interdit
la retraite ; il faut vaincre ou pé-
» rir. Henri brave les efforts des enne-
"
mis , les repouffe , les terraffe ,, les
» anéantit ; & Sully , que fon armure,
» brifée livre à tous les coups , Sully.
» meurtri , déchiré , fanglant , combat
» pendant cinq jours & cinq nuits , fans
»jamais abandonner fon Maître .
C'eft avec la même rapidité & la même
précifion, que Mile Mazarelli rappelle
tous les autres exploits de Sully. A l'activité
du Guerrier il fçut allier la prudence
du Négociateur. Tout autre au-
» roit vu fes deffeins déconcertés à la
» Cour de Henri III : Cour artificieuſe
» & bifarre , où régnoient le menfonge ,
» la fuperftition & la galanterie ; où les
» conjectures les plus oppofées trou-
» voient à s'appuyer fur d'égales vrai-
» femblances . Sourd aux infinuations ,
» indifférent aux careffes , infenfible
» aux menaces ; tranquille au milieu
» des orages , fidèle à l'aftre qui règle fa
» courſe , il fçait éviter les écueils , veiller
aux intérêts du Roi de Navarre ,
- JANVIER. 1764 . 83
१
» remplir l'objet important & fecret
» dont il eft chargé.
Nous croyons remarquer dans le ftyle
de Mlle Mazarelli , des nuances qui différencient
les diverfes qualités de fon
Héros . Elle peint le Guerrier avec cette
activité , cette chaleur qui caractériſe
l'Homme de Guerre. Il y a moins de
feu , moins de rapidité dans le portrait
du Négociateur ; le ftyle en eft plus me--
furé , pour ainfi dire , plus réfléchi . Le
caractère du Miniftre. , de l'Homme d'Etat
demandoit plus de variété ; auffi y a---
t-on employé toutes les nuances propres
à exprimer les différentes fonctions du:
Ministère. Comme cette partie du Difcours
de Mlle Mazarelli eft la plus étendue
, nous nous bornerons à quelques
citations prifes au hafard » Avec une
» pénétration vive , un efprit jufte , va
» zèle ardent , Sully conçut , il traça ,
" il exécuta les plans des opérations les
» plus difficiles. Que l'ignorance accufe
» la fatalité ; un Miniftre fage fçait en--
» chaîner les fuccès
2271Sully veut que la Nobleffe ne doive
» fa. fplendeur qu'au mérite , & qu'elle
» ne puiffe être confondue avec Phom--
» me vil , à qui les richeſſes attirent unë.
fauffe confidération. Illuftres defcen 22
D vj
84 ME RCURE DE FRANCE.
»
» dans des anciens Nobles de la France ,
» quelle gloire peut vous procurer votre
» luxe ? Vous n'atteindrez jamais à la
» magnificence de ces enfans de la for-
» tune , qui chaque jour réparent les dépenfes
qu'ils font , par les injuftices
qu'ils commettent. Ce n'eft pas dans
» des palais fuperbes que vous trou ve-
» rez de vrais titrés ; fi vous avez des
» moeurs , il ne vous faut qu'un champ
» & desarmes. Comptez fur vos actions ,
» fi vous aimez la vertu pour elle-même ;
» comptez fur votre Roi , fi vous defi-
» rez des honneurs. La Majefté doit ré-
» pandre fon éclat fur ceux qui font fa
grandeur & fa force. Un fleuve , en
» traverfant les terres , leur donne l'abon-
» dance & la fertilité ; mais ce font elles
» qui le foutiennent , & lui forment ce
» lit qui le porte jufques aux mers.
"
و د
» Sully eft un témoignage éclatant ,
» que la récompenfe ne manque point
» aux travaux : la fortune , fans ceffe re-
» pouffée par l'austérité du Miniftre , fut
» contrainte , pour parvenir jufqu'à lui ,
» de prendre le nom de la reconnoiffance
"» dans les mains du Monarque..
"
و ر
» Courtifans , qui trompez vos Maîtres
, craignez d'étendre juſques fur vos
" defcendans l'opprobre dont vous vous
JANVIER. 1764. 84
» couvrez ; & fi jamais vous élevez vos
» defirs fur le Ministère , apprenez de
» Sully qu'il n'eſt d'autre bonheur que
" celui d'en procurer aux hommes que
» l'on gouverne. Ebloui par l'honneur
» d'être le premier dans l'Etat , on ou-
» blie fouvent d'en être le foutien ; on
» oublie que le pouvoir de difpofer des
» richeffes du peuple , n'eft que celui de
» les faire fervir à fa profpérité. Les temps
» de la guerre veulent fans doute des
» reffources extraordinaires ; mais l'in-
» capacité ou l'infidélité les rendent fi
» funeftes , qu'on ne peut jouir des dou-
» ceurs de la paix lorſqu'elle eft rendue
» au monde. Les malheurs s'accumu-
» lent , la confiance fe perd , & le Mi-
» niftre tombe dans un mépris dont
» toute la faveur du Maître ne peut le re-
» lever. Sully fcait faire marcher les fe-
» cours avec les beſoins ; mais il fçait les
» faire ceffer enfemble. Son pouvoir
» & l'amitié de Henri ne l'aveuglèrent
» point fur la néceffité d'être eftimé de
» fes concitoyens. Il fuyoit les plaifirs
" que la foibleffe nomme délaffement ,
" & cette inaction criminelle , fi révol-
» tante pour le malheureux qui voit pro-
» longer fes peines . Pefant les intérêts
» facrés qui lui étoient confiés , il vouloir
86 MERCURE DE FRANCE .
"
» égaler chaque jour le bonheur de fa Na-
>> tion à la gloire de fon Maître ; & fes fuc-
» cès annonçoient auRoi fes travaux. Un
» Prince peut aifément connoître fi fon
" Peuple eft heureux ; qu'il examine cette
» foule qui s'empreffe auour de lui. Si
» l'on abufe de fon autorité , il ne verra
» qu'une froide curiofité; point de ces
» tranfports , de ces cris d'allégreffe
» qu'infpire le bonheur & la préfence
» de celui qui le donne qu'il life fur les
» vifages ; l'injuftice de fes Miniftres y
» fera gravée par la fombre trifteffe.
99
"
L'Auteur parcourt toutes les parties du
Ministère de Sully , & peint avec autant
de variété que de jufteffe , la conduite
de ce grand Homme , dans l'éxercice
de toutes fes Charges. C'eft
dans l'Ouvrage même qu'il faut lire
le morceau touchant & pathétique de la
mort de Henri IV : il eft trop long pour
être cité en entier ; & nous l'affoiblirions
, fi nous ne le rapportions que par
extrait. D'ailleurs les bornes de l'analyſe
nous forcent de finir ; & nous ne nous
arrêterons plus qu'à la peinture touchante
de la retraite de Sully. » La Cour n'é-
» toit plus à fes yeux qu'un théâtre décoré
pour le vulgaire , où fouvent l'on
ne voit que des Sujets fans talens , fans
"
JANVIER 1764 87.
"
vertus , ufurpant , à l'abri de la faveur ,
» les honneurs dûs au mérite . Les Cour
tifans , ce peuple défoeuvré , ofent por
» ter.fur lui les regards d'une maligne
» curiofité ; fes vêtemens leur paroiffent
antiques; fa modefte contenance eft pri
fe pour la foible timidité . Sully n'eft
» point décoré de ces Ordres que la politique
inventa , dont l'orgueil abuſe ,
» & que la faveur donne ; il portoit un
» figne plus touchant pour les âmes ver-
» tueufes une chaîne d'or fufpendoit
»fur fa poitrine une médaille où les traits
» de Henri IV étoient gravés. Cette
» image précieufe , qui femble accuſer
» la baffeffe des . Courtifans , ne leur en
» impofe pas encore ; ils ont la raillerie
» fur les lévres , quand la honte devroit
couvrir leur front. Mais Sully leur fait
» fentir enfin tout le mépris qu'ils lui infpirent.
Sire , dit - il au jeune. Louis
» XIII , lorfque votre Père de glorieufe
» mémoire m'appelloit auprès de fa Perfonne
, ilfaifoit retirer fes Bouffons.
» Sully s'éloigne ; il emporte avec lui
» l'eftime & les regrets de la France . Un
Miniftre que tout un Peuple pleure , eft
» au- deffus de toutes les injuftices de la
» Cour ; on l'honore , on le reſpecte ;
» fes ennemis les plus cruels n'ofent fe
88 MERCURE DE FRANCE:
» vanter de leur triomphe , & cachent
leurs fuccès honteux , quand Sully pu-
» blie fa difgrace ... L'éloignement de
» Sully remit la France prèfque au mê-
" me état où il l'avoit trouvée . Ainfi
» l'âme échappée des liens du corps , le
livre aux loix de la diffolution.
» Au milieu d'une Famille qui le rés
» vère , Sully entouré de Nobles , de
» Vaffaux qui l'aiment & le refpe&tent ,
meut & régit tout par les mêmes prin-
» cipes qui l'ont rendu le plus grand des
» Miniftres & le premier des Sages. On
» s'empreffe auprès de lui ; on s'inftruit
» à l'entendre ; on fe plaît à l'admirer.
» Sa magnificence fans fafte , fa générofité
fans oftentation , une dignité
» fans hauteur, une bonté fans cette fauf-
» fe familiarité qui infulte ceux qu'elle
accueille , la fimplicité , la décence de
» fes moeurs , la fermeté , la majeſté mê-
» me de fa conduite : tout le diftingue ,
tout le peint.
» Sa vie régulière annonce la gravité
» de fon caractère , & ce goût qu'il eut
" toujours pour l'ordre. Comme fon
" âme a befoin de faire des heureux ,
fon efprit a befoin de travail : ces deux
» mobiles régloient tout fon temps. Il
avoit confervé l'habitude de fè lever
JANVIER. 1764. 84
avec le jour ; une partie de fa matinée
» étoit employée à prendre connoiffance
» de tout ce qui concernoit les Charges
» dont on n'avoit point ofé le dépouiller;
» l'autre à rédiger ces Mémoires économiques
, qui font heureusement par-
» venus jufqu'à nous , & qui dès-lors
" rendoient Sully plus utile à l'Etat , que
» ne l'étoient tous ceux qui l'avoient
» remplacé dans le Ministère. En raf
» femblant tous fes papiers , il relifoit
les précieufes Lettres de Henri ; fou-
» vent il s'arrêtoit à contempler le por-
» trait de ce Héros , il le preffoit de les
" lévres , il le baignoit de fes pleurs , fe
» rappellant les malheurs de ce Prince &
» fes vertus , comparant fa bonté avec
» fa mort cruelle . Chaque inftant enfon-
» ce dans fon coeur le trait dont il eſt
» déchiré , & qui feul l'empêche de jouir
» de la tranquilité de fa retraite . En vain
» il s'occupe du bonheur de fes Vaffaux ;
»> il eft digne époux , fidèle ami , tendre
» père , fes larmes coulent fans ceffe :
trente années qu'il furvécut à fon
Maître chéri , ne purent en tarir la
» fource ; & fes derniers foupirs eurent
» encore toute l'amertume des regrets.
و د
Ainfi finit cet Ouvrage intéreffant ,
qu'on ne peut lire fans fe fentir attendri.
go MERCURE DE FRANCE.
C'eft-là principalement ce qui diftingue
le Difcours de Mlle Mazarelli de tous
ceux avec lesquels elle a concouru . Elle
a peint dans Sully l'ami de Henri IV ;
& , fous ce point de vue , que perfonne
n'a faifi comme elle , elle infpire à tous
les François de l'amour pour fon Héros .
"
HISTOIRE des Loix & Ufages de la
Lorraine & du Barrois , dans les matières
bénéficiales , fuivie d'une Differtation
fur la manière d'accommoder
ces Loix & Ufages à l'indult du Pape
Clément XII , de 1740 , & aux Ordonnances
& Maximes de France; par
M.François-Timothée Thibault, Chevalier,
Confeiller d'Etat , Procureur Géné
raldu Roi en fa Chambre des Comptes
de Lorraine , de la Société Royale des
Sciences & Belles Lettres de Nancy.
A Nancy , chez Pierre Antoine , Imprimeur
ordinaire du Roi , de la Cour
fouveraine de la Chambre des Comptes
, du Bailliage Royal , &c ; 1763,
avec Approbation & Privilége du Roi,
volume in-folio .
JANVIER . 1764.
91
L'ACADÉMIE de Nanci s'étant propofé
de donner une Hiftoire Civile , Politique
, Militaire , Eccléfiaftique
, Bénéficiale
, Littéraire
& Naturelle
de la
Lorraine & du Barrois , a affigné à
quelques-uns de fes Membres
le travail
de ces divers objets , & la matière bénéficiale
est tombée dans le partage de
M. Thibault , comme la plus relative à
fon état . On fçait que la Lorrainé & le
Barrois
faifoient
autrefois partie de la
Gaule Belgique ; mais ils avoient trop
perdu de leurs forces , lorfqu'ils en fu
rent détachés, pour pouvoir réfifter aux
réferves
apoftoliques
qui inonderent
les Etats
Catholiques
de l'Europe. Les
Ducs montrerent
néanmoins
la plus
grande
fermeté
dans la défenfe des
Ufages du Pays ; & c'est l'hiftoire
de
leurs Loix & de ces anciennes
Coutumes
, que l'Auteur
entreprend
de tracer
dans ce grand Ouvrage.
Il le divife en deux parties : la première
est toute hiftorique , & commence
à la décadence de l'Empire Romain
. L'Auteur la conduit jufqu'à nos
jours ; & quoique fur des matières affez
férieufes par elles-mêmes , il a fçu la
rendre curieufe & intéreffante , même.
2 MERCURE DE FRANCE.
pour les Lecteurs qui ne font point du
Pays. La 2 partie n'eft à proprement
parler qu'un Rudiment des matières
bénéficiales les plus familières au Barteau
. On y applique les ufages de la
Lorraine conférés avec les maximes
du Royaume. Nos jeunes Avocats y
trouveront de quoi s'initier plus prompte
ment dans les principes trop répandus ;
pour pouvoir les étudier avec la même
facilité. Il ne faut donc pas croire que
cette hiftoire foit fi particulière à la
Lorraine & au Barrois , qu'elle devienne
inutile pour les Provinces étrangères ;
M. Thibault a comparé les Loix & les
Ufages , & en a tiré des conféquent
ces générales qui conviennent également
à toutes les Provinces de France:
La différence de leur nature entraînoit
néceffairement la difcuffion des matières
propres aux unes & aux autres.
On fent bien qu'un ouvrage de cette
efpéce n'eft point fufceptible d'une ana
lyfe fuivie & détaillée. Il fuffira d'indiquer
les divers articles qui compofent
ce volume , & principalement la feconde
partie , pour en faire connoître l'uti
lité. Indépendamment de tout ce qui
concerne ſpécialement la Lorraine , on
y trouve encore des principes généraux
JANVIER. 1764. 93
fur la régale , l'oeconomat , le droit de
joyeux avénement , le ferment de fi
délité de premiere entrée dans les
Eglifes , & des oblats ; les indults des
Chanceliers , des Garde des Sceaux de
France , du Parlement de Paris , des
Maîtres des Requêtes & Univerfités du
Royaume ; l'âge & les qualités, néceffaires
pour pofféder les bénéfices ; la
maniere d'y pourvoir , la poffeffion ;
le droit de patronage & fes différentes
efpéces ; la vacance des bénéfices ; les
démiffions , réfignations , permutations
penfions & regrès ; les élections , poftulations
& compromi ; les unions ,
défunions ; les dévolus , bulles , brefs ,
fignatures , appels des jugemens eccléfiaftiques
, le pécule monacal ; l'aliénation
des biens de l'Eglife; les obligations
& charges des bénéficiers ; la juriſdiction
éccléfiaftique : voilà les matières
principales qui compofent la feconde
partie du livre eſtimable de M. Thibault,
Les recherches profondes , les difcuffions
critiques , la connoiffance des
Loix , la liaifon des matières , l'ordre ,
la clarté, la précision, tout enfin prouve
dans cette ouvrage , que ce travail ne
pouvoit être mieux confié qu'au fage
& fçavant Magiftrat qui décore à la
.
1
94 MERCURE DE FRANCE.
fois la Magiftrature & le Barreau par
fes lumières , & l'Académie de Nancy
par l'efprit , le goût , l'élégance qui
régnent dans ce Livre , & dans plufieurs
autres écrits de différens genres
qu'il avoit déja donnés au Public.
INTRODUCTION à la Science des
Médailles , pourfervir à la connoifnoiffance
des Dieux , de la Religion ,
des Sciences , des Arts , & de tout
ce qui appartient à l'Hiftoire ancienne
, avec les preuves tirées des Médailles
; Ouvrage propre à fervir de
Supplément à l'Antiquité expliquée
par Dom Monfaucon ; par Dom Thomas
Mangeart , Religieux Bénédic
tin de la Congrégation de S. Vannes
& S. Hidulphe , Antiquaire , Biblio
thécaire & Confeiller de Son Alteffe
Monfeigneur le Duc CHARLES De
LORRAINE , & è , & c , & c . A Paris,
chez D'houry , Imprimeur - Libraire
de Monfeigneur le Duc d'Orléans ,
1.
JANVIER. 1764. 95
rue de la vieille Bouclerie ; & fe trouve
auffi chez Davidts & Tilliard, quai
des Auguftins , 1763 ; avec Approbation
& Privilége du Roi , un volume
, grand in-folio.
LE titre de ce Livre en forme le précis
, en même temps qu'il en fait voir
l'objet & l'utilité . Le but de l'Auteur a
été de raffembler , pour ainfi dire , tout
ce qu'il y a de plus utile & de plus intéreffànt
dans les autres Ouvrages qui
traitent de la même matière. Ce -volume
n'eft donc que comme l'Extrait raifonné
de plufieurs traités & mémoires
donnés par d'illuftres Antiquaires. Dom
Mangeart n'a fait que raffembler fous
un nouvel ordre , & préfenter fous un
point de vue fimple , tout ce qui peut
faciliter la connoiffance des Médailles .
En deux mots , voici l'efquiffe de cet
Ouvrage après avoir traité de tout ce
qui regarde les Médailles en général ,
c'est-à - dire de leur fabrique , de leur
matière , de leurs modules , de leurs faces
, de leur antiquité , & c , l'Auteur
rapporte à différentes claffes ces mêmes
monumens , & tout ce qui peut y avoir
quelque rapport. Pour donner à fes
,
96 MERCURE DE FRANCE .
Lecteurs une idée jufte de la Mythologie
ancienne , il commence par les Médailles
qui regardent les divinités des anciens
, leurs facrifices , leurs autels , &
tout ce qui eft relatif à la Religion . Il
parle enfuite des Médailles qui ont rapport
aux Sciences & aux Arts. On trou
ve dans plufieurs Chapitres tout ce que
les Anciens nous ont tranfmis fur les
types des monnoyes , foit au fujet du au
foleil , de la lune , des étoiles , du
temps , des faifons , &c , ſoit par rap¬
port à la terre , aux trois parties du
monde connues de leurs temps , aux
Provinces , aux Villes , aux Animaux ,
aux plantes , aux édifices , & à ce qui
fert d'ornement à la terre , & c ; foit enfin
concernant la mer , les fleuves , les
rivieres , les animaux , les poiffons qui
les habitent , &c,
De ces différens objets , Dom Mangeart
paffe aux Médailles qui regardent
les jeux des anciens , leurs fpectacles ,
leurs danfes, leurs exercices , leurs guer,
res , leurs armes , leurs victoires , leurs
trophées , leurs triomphes , leurs couronnes
, leurs récompenfes , leurs habillemens
, &c, Il donne enfuite tous
les noms , lleess titres && lleess marques des
dignités , des charges , des emplois facrés
JANVIER. 1764. 99
crés , civiles & militaires dont les médailles
grecques & latines font mention .
C'eft-la que les curieux apprendront
ce que les Romains entendoient par
les titre de Pontife , de Prêtre , de Prêtreffe
, de Veftale , d'augure , d'Empereur
, de Conful , de Cenfeur , de Tribun
, d'Ediles , de Prêteur, de Préfet, & c.
& ce que fignifient ceux d'Archonte ,
de Pritanes , & c. chez les Grecs.
Il finit enfin par des réfléxions fur
l'utilité & les avantages que l'on peut
tirer de l'étude de la Numifmatique.
Pour prévenir les jeunes amateurs contre
les fraudes de certains marchands de
Médailles , il ajoute le détail des moyens
que l'on met en ufage pour tromper les
nouveaux connoiffeurs , comme de ceux
que l'on peut employer pour fe garantir
de leurs rufes & de leurs fupercheries.
LETTRE à M. DE LA PLACE , fur
M. le Président de MONTESQUIEU.
PLUSIEU LUSIEURS Gens de Lettres , Monfieur
, ont lu avec autant de ſurpriſe
que de peine , une prétendue Anec-
II. Vol. E
08 MERCURE DE FRANCE .
dote , rapportée dans le N° 33 , de
l'Année Littéraire , pag. 177 , au fujet
de l'Esprit des Loix , de M.le Préfident
de Montefquieu .
Le but de cette hiftoriette eft de traveftir
ce fçavant Magiftrat , nommé par
les Etrangers mêmes , le Légiflateur des
Nations , en un bel-efprit frivole & fuperficiel
, en un compilateur fans jufteffe
& fans fidélité. Pour y parvenir ›
on
avance que les 70 premieres pages de
l'Esprit des Loix , font pleines de citations
fauffes , tronquées ou alterées ;
on ajoute que cette infidélité de M. de
Montesquieu a été prouvée par un Livre
en deux volumes que l'illuftre mort eft
venu à bout de faire fupprimer.
Rien de plus mal-adroit qu'une pareille
accufation . J'ai vérifié , Monfieur ,
tous les endroits cités avec le texte même
des Auteurs dont ils font tirés . Je puis
vous garantir l'exactitude fcrupuleufe de
tous les paffages renfermés dans ces 70
pages : à l'exception d'une demie douzaine
au plus , que la mémoire du défunt
lui avoit fait citer d'après un tel
Livre , tandis qu'on le trouve dans l'autre
. Mépriſe pardonnable à tour Auteur ,
qui cite beaucoup , & plus encore à
M. de Montefquieu dont le fyftême ,
JANVIER. 1764. 99
peuaprès
tout , peut fe paffer des citations.
Je vous enverrois la confrontation
de plus de 54 paffages fur 60 àprès
qui fe trouvent dans le Livre qu'on
attaque , fi je ne craignois d'occuper déjà
trop de place dans un volume que la
nouvelle année doit remplir de matières
plus intéreffantes qu'un texte grec ,
d'Ariftote , de Platon , de Lyfias ou de
Denys d'Halicarnaffe.
J'ai les preuves dans les mains , & je
vous les enverrai dans le Mercure fuivant
, fi vous le defirez & fi le Public,
les Gens de Lettres , ou l'anonyme dont
parle l'Année Littéraire , le demandent.
Au refte , il fuffit d'avoir des yeux &
de comparer , pour fe convaincre de
de ce j'avance.
J'efpére que vous voudrez bien inférer
ma Lettre dans votre Journal . C'eſt
remplir fon véritable objet que de laiffer
rendre à la vérité l'hommage qui
lui eft du , à un Ecrivain fi célébre
le tribut de reconnoiffance que lui doit
la Nation pour l'avoir juſtifiée de la frivolité
que lui reprochoient les Etrangers
, indignés de voir outrager ainfi
ce grand homme dans fa Patrie : c'eſt
procurer aux Gens de Lettres , dont
votre Journal oft déja le patrimoine ,
E ij
Too MERCURE DE FRANCE .
la confolation de voir qu'on ne trouble
point impunément leurs cendres
après leur mort .
Je fuis , & c.
9 Décembre 1763 .
ANGAR.
A L'AUTEUR DU MERCURE
fur deux Médailles.
ETANT TANT l'année dernière en Picardie
, Monfieur , il me tomba entre les
mains deux Médailles qui me paroiffent
fort curieufes , & dont je voudrois
avoir une explication préciſe. Le
peu de connoiffance que j'ai de ces
fortes de matières , m'a engagé à recourir
à vous , perfuadé que vous voudrez
bien inférer ma lettre dans votre
prochain Mercure peut- être quelque
Antiquaire y répondra- t -il.
La premiere , que je crois fort ancienne
, repréfente une tête affez grofièrement
gravée , fans aucune infcription
, du moins n'en apperçoit -on point.
J'ai cru lire fur le revers ces mots à
demi effacés : vici Germanos apud cof...
JANVIER . 1764.
101
*
•
le refte m'eft inconnu , il n'y a point
d'exergue .
La feconde qui eft incomparablement
mieux frappée , repréſente auffi une fort
belle tête. Il paroît que cette perfonne
ainfi repréſentée , portoit une côte d'armes
, ou un collier. Voici ce que j'ai
pu ramaffer de l'infcription qu'on voit
encore affez bien.
I M( effacé) ANAVGCO VIII.
Sur le revers eft une belle femme debout
, ayant le bras gauche levé fur
Pépaule , la main fermée , entièrement.
excepté le doigt index ; l'autre bras
eft dans une attitude qui me paroît
ménagée , comme pour donner ou recevoir
quelque chofe. Cette figure eft
placée entre ces deux lettres S C qu'on
remarque fur le champ de la médaille.
Il y a une légende que des gens verfés
dans ces matières déchiffroient aifé
ment. Il n'y a point d'exergue.
J'ai l'honneur d'être , & c.
DE CAYEUX..
A Paris , le 16 Décembre 1763.
Bij
102 MERCURE DE FRANCE.
ARTICLE III
SCIENCES ET BELLES-LETTRES
GÉOMETRIE.
LETTRE A M. DE LA PLACE.
L'UTILE
' UTILE & l'agréable , Monfieur , fe
trouvent mêlés heureufement dans
votre Journal , qu'on le voit toujours
avec un nouveau plaifir. L'amour que
j'ai pour les Sciences joint au defir que
j'ai d'être utile au Public , m'ont fait
préférer le Mercure pour lui faire part
de deux problêmes fuivans. Une dernière
raifon qui m'enhardit à vous prier
'de vouloir bien les y honorer d'une
place , eft qu'ils ont paffé , de tout
tems , pour infolubles : & que je les crois
d'ailleurs propres à donner jour à de
nouvelles découvertes.La chofe trouvera
fans doute bien des incrédules. Je m'y attends
.Au refte ,fi perfonne ne veut fe donner
la peine de les réfoudre , j'aurai
l'honneur de vous faire paffer dans peu
la folution que je me propofe d'en
donner.
JANVIER. 1764. 103
La méthode dont je me fers , & que
je crois unique , eft auffi fimple qu'infaillible.
Un autre avantage qu'elle
réunit eft d'être applicable à tous les
cas imaginables ; ce qu'on ne sçauroit
faire éxactement par la méthode ordinaire
de l'extraction des racines quarrées
& cubiques , fi les nombres fur
lefquelles elle fe propofe d'agir ne
font eux-mêmes des quarrés & des
cubes parfaits ; ce qui éxige déja
comme vous le fcavez , une certaine
fagacité dans les Mathématiques ; au
lieu que par ma méthode il ne faut
fçavoir que le gros de l'Arithmétique.
J'ai l'honneur d'être , & c.
M***
,
On propofe de trouver 2 moyennes
géométriques entre 3 & 7 , par une méthode
fimple & fans Algèbre.
On propofe de trouver 2 moyennes
proportionnelles Arithmétiques entre les
deux mêmes nombres avec les mêmes
conditions , de forte que les deux méthodes
foient appliquables à tous les
.cas poffibles.
Hiv
104 MERCURE DE FRANCE .
ASTRONOMI E.
NOUVEAUX CADRANS SOLAIRES
qu'on peut orienter fans le fecours
de la Bouffole.
BARADELLE >
LE
E Sieur BARA DELLE ,
Ingénieur
du Roi pour les Inftrumens
de Mathématiques
, demeurant
à Paris.
Quai de l'Horloge
du Palais , à l'enfeigne
de l'Obfervatoire
, donne avis
qu'il a conftruit
huit Cadrans
verticaux
qu'on peut orienter fans le fecours de
la bouffole . Ces Cadrans font collés
fur une feuille de carton de la grandeur
d'un in-8° . Ils marquent
l'heure
par le moyen d'une pinule de peau &
d'un fil à plomb avec une perle qu'on
fait gliffer fur les jours du mois. C'eft
un invention
de feu M. de la Hire
qui eft connue & eftimée fous le nom
de la Harpe de M. de la Hire . Les lieux
pour lesquels ces Cadrans font conftruits ,
font 1. Paris. 2. Marfeille & Bayonne. 3
Turin & Bordeaux. 4. Lyon . 5. Dijon
& Tours. 6. Vienne en Autriche &
Breft. 7. Rheims & Rouen. 8. Amiens.
Ils peuvent fervir non-feulement pour
1
JANVIER. 1764. 105
tous les lieux qui ont la même latitude,
mais encore pour tous ceux qui n'en
différent que d'un quart ou d'un tiers
de degrés en deffus & en deffous de
chacun de ces Cadrans nommés cideffus
; parce que cette différence n'eft
pas fenfible. Ces Cadrans font tracés
gravés & faits fort proprement : leur
ufage fe trouve derrière le carton fur
lequel ils font collés. L'on y trouve auffi
les temps des Equinoxes de Printemps
& d'Automne , ceux des folftices d'Eté.
& d'Hyver ; on peut encore par leur
moyen , connoître l'heure du lever &
du coucher du folei!. Le prix de chacun
de ces Cadrans , eft de 2 liv ..
MÉDECIN E ..
TOPIQUE pour détourner la GOUTE
LETTRE à M. de BOIS ANDRÉ ,
Ecuyer de S. A. S. Mgr le Duc
d'ORLÉANS.
O N vous a dir , Monfieur , que j'avois
un fecret pour attirer la Goute au
ped . Je voudrois bien l'avoir ce fecret ;
E.v.
roб MERCURE DE FRANCE.
mais je n'en connois uniquement que
la vertu. Voici le fait.
, Un homme digne de foi & affu--
rément très- refpectable à tous égards ,
m'adreffa il y a quinze jours un Particulier
qu'il avoit vû détourner une
goute remontée par le fecours d'un fimple
topique ; en m'adreffant ce particulier
, il me garantit que je pouvois
avoir toute confiance en lui,
-
Six femaines auparavant j'avois horriblement
fouffert de la goute dans les
reins & dans les entrailles , avec des
vomiffemens de vingt-quatre heures.
L'humeur alloit reprendre la même
route. Elle étoit déja au col , dans les
reins , & très forte fur un genou.
Avec le confentement de M. Dixte
mon Médecin & mon ami , j'effayai
de me faire appliquer le topique fur les
deux pieds . Dès le lendemain le col
& les reins fe trouverent dégagés
toute l'humeur enfin tomba des genoux
fur les pieds , ils devinrent fort
enflés , un peu rouges. Chaque jour ilen
fortoit des férofités • quelquefois
à
percer les linges , quoiqu'ils fuffent
en plufieurs doubles. Le Topique a agi
pendant douze jours environ & je
fuis depuis Mercredi fans la moindre
enflure ni la moindre douleur,
JANVIER. 1764. - 107
Je ne prendrai pas la liberté de hazarder
des confeils fur une ſanté auffi
précieufe que celle de S. A. mais je dirai
que ma fanté m'eft très- précieuſe
auffi , & que je fuis bien sûr qu'à la
premiere tracafferie de goute , je ne perdrai
pas un moment à faire encore ufage
du Topique. M. Dixte , témoin du fuccès
en a été étonné , & a promis de
bonne foi qu'il en rendroit témoignage
dans l'occafion. Voilà , Monfieur , tout
ce que je fçai de ma goute & du Topique
..
Votre homme m'a dit ce matin , en
me remettant votre Lettre , que vous
étiez mieux depuis deux jours . Jugez
du plaifir que j'en ai , par les fentimens
que vous connoiffez depuis fi longtemps
au vieux
MONTDORGE..
A Paris , le 23 Décembre 1763 .
2
P. S. J'oubliois de vous dire , Monfieur
, que le poffeffeur du Topique
fe nomme M. de Mezoneis. Il loge par
entrepôt , au coin de la rue des Foffés
Monmartre , du côté de la rue Monmartre
même. Il a , de père en fils ,
la goute & le Topique. Il avoue qu'il
Evi
108 MERCURE DE FRANCE .
n'eft ni Médecin , ni rien qui en approche
il répond en conféquence aux
questions qu'on peut lui faire fur les
grands principes . Mais en revanche il
eft affuré, par une longue expérience, de
déloger la goute quand elle eft mal placée
; & l'expériencc eft plus forte, ce me
femble , que les plus beaux raiſonnemens.
OBSERVATION fur les mauvais
effets du Sublimé Corrofif employé
extérieurement..
AUTANT UTANT il est néceffaire , pour le
progrès de la Médecine & l'intérêt
commun , de publier les effets falutaires
des médicamens , autant il feroit.
préjudiciable de celer le danger qu'il
y auroit de faire ufage de quelqu'uns.
Plus ces remédes font préconifés , plus
les perfonnes qui les confeillent ont de
réputation & de connoiffances , & plus
nous devons dévoiler leurs qualités
pernicieufes, quand l'expérience ne nous
laiffe aucun doute à cet égard.
L'obfervation fuivante m'a appris à
me défier d'une infinité de formules
JANVIER. 1764. 109
d'autant plus dangereufes , qu'elles fe
trouvent inférées dans des ouvrages
fort connus , fort eftimés , & que tout
particulier a d'ordinaire entre les mains.
Une Demoiselle avoit à la partie
moyenne de l'avant- bras , une dartre
vive de la largeur de la paume de la
main ; cette perfonne , qui d'ailleurs étoit
affez faine & bien réglée , en reffentoit
peu de douleur ; mais le défagrément.
d'avoir le bras continuellement enveloppé
de linge & couvert d'onguent , la
détermina à fe faire guérir à quelque
prix que ce fût . Elle avoit déja effuyé
les traitemens les plus méthodiques ; cependant
elle voulut encore que je l'entrepriffe.
Après avoir mis en ufage les
remédes intérieurs qui conviennent en
pareil cas , & le tout fans fuccès , je
me déterminai à appliquer fur la dartre
quelques uns de ces cauftiques vantés
dans un Ouvrage fort connu . En conféquence
je fis une pommade avec le
beurre , la cérufe & le fublimé corrofif.
J'obfervai exactement la dofe prefcrite
, & je pris de ce mêlange à-peuprès
la pefanteur d'un demi gros que
j'étendis fur la dartre . A peine y fut- il
appliqué , qu'il caufa de vives douleurs
410 MERCURE DE FRANCE.
qui fe calmerent : cependant quelques
inftans après. Je méloignai enfuite de
là malade , mais au bout de deux heures
on accourut me chercher en me
difant qu'elle alloit périr. En effet je la
trouvais dans l'état le plus fâcheux. Elle
avoit des mouvemens convulfifs dans
prèfque toutes les parties du corps ,
& elle étoit fi violemment agitée
qu'elle fe rouloit par terre. Elle avoit
en outre des hoquets & des naufées
fuivies de vomiffemens fréquens
qui me firent craindre pour fa vie..
Mon premier foin fut d'enlever avec.
de l'huile d'olive le refte du fublimé
enveloppé dans cette pommade , & je
fis prendre à la malade quelques verres
d'eau tiède pour rendre les vomiffemensmoins
pénibles & moins douloureux .
Je lui donnai enfuite du lait coupé avec
de l'eau commune , dans le deffein de
calmer l'irritation que caufoit le corrofif
qui fans doute avoit paffé dans le
fang & produit tous ces défordres. Elle
prit auffi plufieurs lavemens compofés
de plantes mucilagineufes , & peu-àpeu
les accidens diminuerent au point
qu'elle ne reffentoit plus que de légères
douleurs de colique. La nuit fuivante
fut affez tranquille ; mais le ma
JANVIER 1764. MT
+
tin la bouche parut enflammée , la fa-
Nivation fe manifefta ; & malgré l'eau
de caffe que je lui donnai abondam--
ment , je ne pus empêcher qu'elle ne
durât l'efpace de huit jours . Après ce
temps elle n'en fentit plus aucune incommodité
; la dartre refta toujours dans
le même état , & la Démoifelle dès
cet inftant réfolut de l'abandonner à la
Nature.
>
Si une auffi petite quantité de fubli--
mé corrofif a pu porter tant de trouble
dans l'oeconomie animale , qu'auroit-ce
donc été fi une dartre plus étendue ou
plufieurs dartres m'euffent contraint
d'employer une plus grande dofe de
cette pommade ? car dans l'ouvrage
d'où j'ai tiré cette formule il est dit:
qu'on peut s'en frotter tout le corps ,
excepté la tête & la poitrine ; que cet
onguent eft fpécifique pour la galle &
les dartres ; & qu'il eft fans danger.
Pour moi , je penfe bien différemment ;
& d'après cette obfervation je conclus
qu'il peut être très- pernicieux. Il eft des
perfonnes où les pôres de la peau font
Ouverts au point d'abſorber de ce poifon
une affez grande quantité pour
faire périr les malades dans des tour
mens affreux .
T MERCURE DE FRANCE.
煮
Je ne prétends cependant pas infir.
mer le mérite de ces Médecins labo
rieux qui ont confacré leurs veilles
nous mettre fous les yeux différente
formules . Par là ils foulagent la mé
moire des jeunes gens qui ne font pas
encore dans l'ufage de compofer , &
rappellent l'idée des médicamens utiles
qu'on auroit pu oublier fans de tels
dépôts. Mais il faut avouer en même
temps que la plupart de ces Ouvrages
préfentés au Public fous des titres fpécieux
qui excitent fa curiofité , font
caufe de bien des accidens. Tout le
monde veut les pofféder , on les lliitt ,
dès- lors on fe croit un Hypocrate ; &
fans principes , fans expérience , on s'imagine
fe fuffire à foi- même & être en
état de traiter fon ami , fon voifin , & c.
Il feroit à fouhaiter que les perfonnes
qui s'adonnent à ces fortes de travaux
rejettaffent de leurs formules les drogues
violentes dont la plus légère erreur
dans la dofe & dans l'ufage peutcaufer
un défordre capable de laiffer
Pour
le
refte
de
la
vie
les
impreffions
les
plus
fâcheufes
. En général foyons toujours en garde
contre ces fels métalliques avec excès
d'acide. Il eſt vrai que leur caufticité
JANVIER. 1764. 113
dépend principalement de la nature de
l'acide , & que l'acide végétal ne forme
pas un corrofif fi violent que le minéral
; mais malgré cette différence , ce
font toujours des remédes dont on doit
craindre les fuites . L'expérience n'a que
trop fouvent confirmé leurs pernicieux
effets.
Par M. HOURY , Chirurgien Bréveté du Roy
pour la Guadeloupe & dépendances , ci-devant
Chirurgien interne de l'Hôtel- Dieu de
Paris.
RECHERCHES hiftoriques fur les Cafques
& fur quelques Vêtemens des Anciens
; lûtes à l'Aſſemblée de l'Académie
Royale de Peinture & de Sculpture ,
le 31 Décembre 1763. Par M. D. B.
32
MESSIEURS ,
JE viens foumettre à votre Jugement
de légères Réfléxions fur les Coëffures
militaires & fur quelques Vêtemens des
Anciens. Trop peu verfé dans la fcience
des difcuffions pour prendre le ton d'Antiquaire
, je n'envifagerai ces objets du
114 MERCURE DE FRANCE.
coftume que relativement à l'intérêt de
nos Arts.
Le penchant naturel aux hommes de
veiller à leur confervation , fuggéra aux
plus induſtrieux le foin de pourvoir à la
commodité des vêtemens , immédiatement
après qu'ils eurent pourvu aux
moyens de la fubfiftance . Leurs premières
précautions n'eurent en vue que
l'ajustement du corps. La cocffure naturelle
les difpenfoit de chercher d'autres
parures , pour garantir leur tête de l'incommodité
des faifons . A peine les Patriarches
, que l'âge rendoit fenfibles aux
viciffitudes ordinaires , portoient de légères
bandes de lin , dont ils ceignoient
leur front en guife de turban , pour-compenfer
le dépériffement des cheveux. La
chauffure des Anciens fe réduifoit à des
demi- bottines , terminées par des fandales
précaution indifpenfable à des
hommes que leur état , leur profeffion
& leur goût foumettoient à des fatigués
continuelles.
Telle étoit la fituation des premiers
habitans de l'univers , tant qu'ils ne furent
occupés que du befoin de leur éxiftance.
Mais dès que l'ambition leur infpira
des motifs de cupidité , qu'ils s'aviferent
devouloir augmenter leurs richeſ
JANVIER . 1764. Bry
fes en étendant leurs domaines , & que
La loi du plus fort parla plus haut dans
leur coeur que la voix de la raiſon & de
l'équité , ils penfèrent à s'armer , pour
ainfi dire , de pied en cap , à garantir
toutes les parties de leur corps , & à fe
précautionner contre les traits de ceux.
dont ils fe propofoient d'ufurper les poffeffions.
Les inftrumens de la vengeance,
les bâtons , les haches , les flèches , les
maffues leur faifoient craindre des coups
trop violens , pour ne leur oppofer que
les fecours de la nature .
Il fallut avoir recours à l'induſtrie. Le
fecret de réduire le fer en lames , & de
fondre les métaux pour en former des
coeffures n'étoit point encore trouvé.
L'dée que les audacieux mortels avoient
de la fupériorité de leurs forces , les arma
contre les paifibles habitans des forêts.
La préfomption leur perfuada qu'ils fubjugueroient
aifément des êtres affectés
d'une ftupidité invincible. Ils leur ten--
dent des piéges , les attaquent , les forcent
dans leurs tanières ; ils en devien--
nent vainqueurs , & fe propofent dèslors
de fe vêtir de leurs dépouilles.
*
Le premier ufage qu'ils en firent fut
de s'en couronner. On vit la tête de la
bête féroce fervir de coëffure à fon meur116
MERCURE DE FRANCE .
trier. I fatisfaifoit ainfi tout-à-la -fois
fes befoins & fon orgueil. En arborant
cette marque de fa victoire fur un animal
redoutable , il croyoit paroître redoutable
lui- même aux yeux de fes ennemis .
Cette coëffure , qui vraisemblablement
a précédé l'invention des Cafques ,
en a été le premier modèle. Tous les monumens
de l'Antiquité atteftent que les
hommes ont confervé dans leurs coëffures
militaires l'idée des animaux les
plus hideux & les plus féroces , ou les
plus nobles & les plus utiles. Herodote
nous apprend , que les Ethiopiens portoient
des Cafques faits de la peau d'une
tête de cheval : les oreilles & la crinière
y étoient jointes . Les anciens Gaulois
formoient les leurs de la dépouille d'une
tête de boeuf, dont la crinière fervoit
d'aigrette. Les Milyens n'étoient coëffés
qu'avec des bonnets faits de peaux de
toutes fortes de bêtes fauvages.
Après même que les métaux furent
employés à former des armures, plufieurs.
peuples confervèrent dans leurs coëffures
militaires des portions de la tête & furtout
le muffle des animaux, dont ils ne
portoient plus les dépouilles. Les Thraciens
Afiatiques avoient des Cafques
d'airain , avec des oreilles & des cornes
JANVIER. 1764. 117
de boeuf. Le Brun , cet Artifte érudit .
qui fçut unir fous fon pinceau les vérités
hiſtoriques aux bienféances du coftume
, a ainfi coëffé , dans fon Paffage du
Granique ( a ) , un Cavalier qui s'élance
fur la rive. Tout le monde fçait qu'une
pareille coëffure étoit l'attribut de Jupiter
Ammon. Comment les hommes ne
fe feroient- ils pas fait gloire d'avoir une
parure qu'ils donnoient même à leurs
Dieux ?
Non-feulement les Anciens ménageoient
à leurs Cafques des ornemens
qui annonçoient la première origine de:
cette armure , mais encore ils affocioient
au métal dont il les formoient,la peau de
la tête de quelque bête fauvage. L'éxemple
en eft offert dans plufieurs monumens
antiques , & fingulièrement dans
un Cafque élégamment adapté au trophée
de la Victoire , placé au pont-tournant
du Jardin des Thuileries.
Loin de regarder cet affortiment comme
l'ouvrage de l'imagination ou du caprice
de l'habile Coëzevox , nous devons
l'envifager comme une judicieufe imitation
de l'Antique . La Colonne érigée
en l'honneur de Trajan , préfente un
(a ) Un des Tableaux des Batailles d'Aléxandre.
118 MERCURE DE FRANCE .
nombre infini de foldats coëffés indifféremment
avec des peaux de bêtes féroces
, & avec des cafques de fer à demi-recouverts
de femblables dépouilles, Cette
pratique eft répétée dans les bas -reliefs
de la Colonne Antonine , & déposée
dans d'innombrables monumens , que
nous ont tranfmis les fiécles les plus reculés
.
L'envie de fe donner un air formidable
fit naître aux Nations barbares (b) le
deffein de fe former des coëffures monftrueuſes
, tant par la repréſentation des
animaux choifis dans les espèces malfaifantes
, que par les horribles crinières que
ces Peuples mettoient à leurs Cafques.
L'idée de cette bifarrerie eft judicieuſe
à quelques égards un ennemi effrayé
eft prèfqu'àdemi vaincu . C'eft dans cette
vue que ces Nations portoient dans leurs
enfeignes militaires des figures d'animaux
terribles , ou d'objets capables
d'intimider . Les Phrygiens arboroient un
( b ) Les Romains appelloient Barbares tous
les Peuples , hormis les Grecs & ceux qui vivoient
fous leurs loix. Les Barbares fe faifoient honneur
de cetitre. Il ne fignifioit autre chofe que : Peuple
exempt de la domination des Romains , & n'avoit
aucun rapport avec l'idée de cruauté que cette expreffion
nous préfente aujourd'hui.
JANVIER. 1764. 114
·
fanglier , les Gotgs un ours , les Daces
un dragon , les Thraciens la figure de la
mort. Ces Peuples s'accoutumoient ainfi
à ne s'effrayer de rien . Ils fe familiarifoient
avec les fpectacles les plus affreux,
& infpiroient aux foldats la hardieffe &
la férocité des monftres qui leur fervoient
d'etendarts.
Inſpirer la terreur , éguillonner le courage,
n'étoient pas les feuls motifs que les
Anciens fe propofoient dans la forme
effrayante de leurs Cafques. Les crêtes
redoutables & tranchantes , faites de
lames d'airain , dont les Etrufques armoient
leurs coëffures , les pointes fortes
& extrêmement aiguës dont ils les hériffoient
, transformoient en arme offenfive
un objet qui ſembloit ne devoir fervir
qu'à la défenſe du foldat. Par cet artifice
, les combattans fe ménageoient la
double reffource de parer des coups :
meurtriers , & de bleffer les ennemis qui
auroient voulu les forcer à fe rendre (c).
Statagême victorieux pour ſe dégager
de leurs mains !
Quelle variété les Nations Orientales
& les Peuples du Nord n'employèrent
ils pas dans leurs coëffures militaires ? Le
(c) Recueil d' Antiq. par M. le C. de Caylus
Tom . III. pag. 64.
120 MERCURE DE FRANCE .
porbois
, les nerfs tiffus , le fer , l'airain fervirent
indifféremment àla conftruction
de ces armures. On leur donna les diverfes
formes de bonnets , de demifphère
, de corno - phrygien & dethiare .
Celle- ci étoit plus ordinairement pratiquée
par les Daces , par les Sarmates ;
& les Parthes , qui la tenoient des Perfes
, & n'en connoiffoient point d'autres.
Ces Cafques , qui s'élevoient en cône
étoient allongés d'une pièce qui s'étendoit
entre les deux épaules , où elle finiffoit
en fe rétréciflant. Elle garantifſoit
le foldat des coups que l'ennemi lui
toit fur le col , par préférence , dans le
deffein de lui abattre la tête . La coutume
établie chez les Romains de montrer au
Général la tête d'un Barbare , pour obtenir
la récompenfe de leur valeur , avoit fans
doute fuggéré cette précaution à leurs ennemis
. En combien d'endroits desColonnes
Trajane & Antonine ne voit-on pas
des Romains montrant à l'Empereur des
têtes qu'ils ont coupées à leurs ennemis ;
des foldats ayant entre leurs dents des tê- ,
tes qu'ils tiennent fufpendues par les cheveux
, tandis qu'ils en coupent d'autres ?
Raphaël , le Brun , dans leurs Batailles
de Conftantin , Rubens , dans fon.Combat
des Amazones , ont enrichi leurs
compofitions
JANVIER. 1764. 121
compofitions de ces images pathétiques
imitées d'après les Anciens : ils fe les font
appropriées par la manières de les rendre .
Beau privilége des Modernes , dont il
eft louable de fçavoir uſer à propos !
L'attention des Barbares à ne faire
ufage que des inventions utiles , leur fit
négliger la recherche de celles qui ne
leur paroiffoient être que de pur agrément.
Ils ne mirent fur leurs Cafques ,
ni riches aigrettes , ni panaches éclatans.
Ils ne fe formèrent des crinières qu'avec
des queues de chevaux flottantes , établies
fur la figure de quelque griffon ou
autre monftre. Ce font eux qui nous ont
particulièrement confervé l'idée de la
première origine des Cafques . On en
trouve cependant encore différentes empreintes
dans les coëffures militaires des
Grecs & des Romains , malgré la réforme
qu'ils y ont faite de certains objets
effrayans , plus capables d'infpirer la férocité
, que de ranimer la valeur.
C'est l'annobliffement ,' la richeffe des
Cafques , leur utilité , & quelques avantages
particuliers qui déterminèrent les
Grecs aux formes élégantes qu'ils leur ont
données. La calote de la coëffure étoit
plus élevée dans fa partie fupérieure &
plus large que la tête du guerrier. Par ce
II. Vol. F
*
122 MERCURE DE FRANCE .
moyen , l'armure ne touchoit point im →
médiatement au crâne. Il étoit d'ailleurs
garanti par la figure de quelque divinité
ou de quelque animal qui fervoit de bafe
à de riches aigrettes & à des panaches
volumineux . Ces couronnes flottantes
étoient ordinairement compofées
de plumés d'autruches ou de hérons, réunies
& teintes des plus brillantes couleurs .
Elles ont été , dans les occafions les plus
périlleuses , d'une très-grande utilité aux
combattans, Sans le fecours de cette parure
, qui tout à-la- fois prête de la dignité
au guerrier , & influe fur la fureté de
fes jours , le Barbare Rofacès eût peutêtre
, du premier coup de hache , fendu
la tête à Alexandre : la générofité de
Clius fût venue trop tard au fecours du
Héros . ( d )
Le Cafque des Grecs , qui étoit ſouvent
à triple aigrette , c'eft à-dire , avec
trois rangs de plumes , avoit encore un
autre avantage : c'étoit une vifière qui
pouvoit fe rabattre fur le vifage & le
couvrir ; mais qui , prèfque toujours relevée
, formoit une efpèce de petit auvent
, fous lequel les yeux & toutes les
parties faillantes du vifage étoient à l'abri
des traits qui tomboient à plomb.
(d ) Quinte- Curce.
JANVIER. 1764. 123
Une double confidération doit , Meffieurs
, nous rendre remarquable cette
forme de Cafque . Elle contribue aux
effets des lumières interceptées & des
ombres portées par un corps faillant. Reffource
extrêmement pittorefque , qui faacilite
à l'Artiſte la rondeur , la fierté &
l'expreffion d'une tête. D'ailleurs ce gabarit
diftingue particulièrement de Cafque
Grec du Cafque Romain . Celui -ci
couvroit exactement la tête du guerrier
comme une calote , n'ayant ni élévation
, ni faillie , & ne le garantiffant pas
davantage des coups portés de haut que
de ceux qui lui venoient en face.
Il paroît étonnant que les Romains
n'ayent jamais emprunté les parties avantageufes
du Cafque des Grecs ; eux qui ,
dans la guerre qu'ils eurent contre les
Parthes , imitèrent une portion de la thiare
de leurs ennemis , en relevant par der
rière la pointe de leur Cafque , commè
on le voit dans l'Arc de Septime Severe.
Cette forme donne à l'armure une
forte de rapport avec le Bonnet-Phry
gien. Elle peut fervir aux Artiſtes à mettre
quelque différence entre les princi
paux Officiers Troyens & les Généraux
des Grecs , dans la peinture du fameux
Siége de Troye. La différence que doi-
Fij
124 MERCURE DE FRANCE .
vent préfenter les coëffures de ces illuftres
ennemis , ne concerne que les Cafques
Troyens . La partie de la crête , fur
laquelle le panache eft attaché , doit en
être arrondie & repliée fur le devant , &
au plus haut de la tête ( e ) .
Les Romains n'imitèrent les coëffures
militaires des Peuples de la Grece , que
dans leur magnificence. Ils les ornèrent
de panaches éclatans , qu'ils faifoient ,
plus ordinairement que les Grecs , de plumes
blanches. Lorfqu'ils les décoroient
de la triple aigrette , ils la furmontoient
de quelque figure emblêmatique. Tel
étoit , felon Virgile , le Gafque de Tur
nus une chimère vomiffant des flammes
s'élevoit fur le triple rang de plumes
dont l'armure du Prince étoit enrichie.
A l'égard des oreillettes , ces petites
plaques à charnières qui garantiffent
les tempes & les joues du foldat , elles
furent communes à tous les Peuples anciens.
Il paroît néanmoins que les Na
tons Septentrionales s'en font fervi plus
invariablement que les autres.
Lorfque les Militaires des premiers fiécles
eurent éprouvé l'avantage d'avoir
(e)Tableaux tirés d'Homère , &c. Voy. Oba
fervat. fur le Costume , par M. le C. de Caylus ,
Fag. xliv, &fuiv, Toba
JANVIER . 1764 . 125
des coëffures de peaux de bêtes ; de ;
qu'ils eurent fenti que les moelleuſes crinières
de ces dépouilles , non-feulement,
les garantiffoient des plus vives impreffions
de l'air , mais qu'elles amortiffoient
encore les coups les plus rudes de l'ennemi
, ils ne tardèrent pas à fe vêtir de
la dépouille entière , à l'éxemple de nos
premiers Pères (f) , & l'employèrent à
mille ufages effentiels .
là
D'abord ils s'en firent uue efpèce de
mantelet , qui ne leur couvtoit que les
épaules . C'étoit l'ajuſtement des Tubicines
& des Trompettes. Ils s'en formerent
enfuite un manteau qui recouvroit
la portion du corps que le volume de la
dépouille pouvoit embraffer. Tel étoit
le vêtement des Porte-étendarts. Ils renouoient
les pattes de l'animal fur la poitrine
& au-deffus de la ceinture . Par ce
moyen , ils n'avoient que le bas des cuiffes
à découvert Cette forme de vêtement
eft confignée dans plufieurs bareliefs
antiques . Elle eft auffi très -élégamment
retracée en la figure d'un Porte-
enfeigne , dans le Triomphe de Jules-
Cefar, peint par André Mantinea ( g ) .
( £) Geneſe. <
( g ) Cet Ouvrage , que l'on voit au Palais du
Fiij
126 MERCURE DE FRANCE.
Ouvrage qui , par la quantité d'objets
du coftume dont il eft enrichi , mérite
bien de la confidération .
Les Grecs & les Romains ne donnoient
ces fourrures , qu'à certains Officiers militaires
; dans ces mêmes fiécles des Peuples
entiers ne s'habilloient pas autrement
en guerre. Herodotenous apprend,
que dans la fameuse expédition de
Xercès , les Cafpiens & les Paties
étoient vêtus de Saïes , faits de peaux
de bêtés fauvages ; les Lyciens fe couvroient
de peaux de chêvres ; les Thraciens
étoient habillés de peaux de
renards & les Ethiopiens de peaux de
léopards & de lions .
Les Francs , après même la conquête,
des Gaules & au commencement de la
deuxiéme race de nos Rois , fe faifoient
une gloire & un devoir de conferver l'ancien
habillement , fait de peaux de bêtes.
Au rapport d'Eginard ( h) , Charlemagne
, ayant été informé que quelques
Seigneurs de fa Cour avoient pris des vê--
temens plus fomptueux , & propres au
Peuple vaincu , les en inculpa févére-
Duc de Mantoue , eft gravé en dix feuilles & ſe
vend à Rome , alla pace. Voy. feuille 8.
( b ): Vie de Charlemagne 150
JANVIER. 1764. 127
ment en plein Confeil , & les obligea de
reprendre les habits de la Nation Francque
victorieufe.
On n'eft pas étonné des moyens qu'avoient
les Anciens de vêtir de peaux de
bêtes tous les foldats de plufieurs armées,
quand on fe rappelle les innombrables
reffources que leur fourniffoit la chaffe .
Exercice d'autant plus commun dans
ces temps , qu'il éroit abſolument néceſfaire
, pour empêcher les bêtes fauvages
d'infefter les bois & les campagnes . Aux
profits de la chaffe , ils joignoient ceux
d'une quantité infinie de Sacrifices ,
d'Hécatombes divers , de cinq cens , de
mille victimes , qu'ils immoloient à leurs
Dieux , & dont les dépouilles étoient au
bénéfice des Sacrificateurs. Mais , ce que
l'on ne conçoit que difficilement , c'eſt
qu'il y ait eu des Peuples qui fe revêtoient
de dépouilles humaines . Tels
étoient les Scythes. Ils écorchoient le
prifonnier de guerre , après en avoir humé
le fang , s'habilloient de fa peau , &
mettoient la tête au faîte de leurs cabanes
. Les Perfes fe faifoient honneur de
cruautés non moins horribles témoin
le procédé d'un de leurs Rois , qui , voulant
donner l'éxemple de la plus grande
févérité , fit écorcher vifun Juge crimi-
Fiv
128 MERCURE DE FRANCE.
nel , ordonna qu'on recouvrit de fa dépouille
le fiége du Tribunal , & obligea
le fils du prévaricateur à rendre la Justice
affis fur la peau de fon pere. Ce trait ,
pris dans l'Hiftoire de Cambyfe , fecond
Roi de Perfe , & fils du grand Cyrus
, fe trouve gravé dans l'Euvre de
Rubens.
Les mêmes fourrures d'animaux fauvages
, qui prêtoient un caractère de
férocité aux foldats d'infanterie , donnoient
aux cavaliers un air de magnificence
. Ceux - ci s'en formoient des houf .
fes , qui couvroient prèfque entièrement
le corps de leurs chevaux. Ils agraffoient
au poitrail la tête refendue , & y renouoient
les pattes antérieures de la dépouille
; tandis que celles de derrière
voltigeantes fur les flancs & fur la'croupe
du courfier , ajoutoient à la richeffe de
la parure la vivacité de l'action. Quel
affortiment pittorefque , Meffieurs !
Qu'il eft favorable à nos Arts ! Tout ce
qui contribue au mouvement des objets
les rend intéreffans , leur communique
de l'efprit , & les difpofe aux effets de
lumière les plus heureux. D'ailleurs , quel
contrafte piquant n'occafionne point la
couleur propre d'une fourrure d'ours ,
de tigre , de lion , foit qu'on l'affortiffe.
JANVIER . 1764. 129
a
e
avec un courfier blanc , dont elle relève ,
l'éclat , foit qu'on l'oppofe à un cheval
del teinte brune , qu'elle fert à colorer !
Telle la peau du lion de Némée fait briller
avec plus de vivacité le tendre coloris
d'Omphale ( i ) , & les tons vigoureux
du Héros qui file auprès d'elle ; tel auffi
le caractère nerveux , & le poil hériffé,
de l'animal qui dévore Milon ( 1 ) , font,
mieux fentir , dans les chairs du Crotoniate
, la force , le fentiment & le moëleux
du naturel .
Les peaux de bêtes les plus communes ,
furent employées à des ufages importans.
Didon fit fervir une peau de boeuf, coupée
par lanières , à tracer l'enceinte de
Carthage. Les Peuples de la Colchide ramaffoient
avec des peaux de moutons le
fable d'or qui rouloit dans certains torrens
( m ) . Dans les fiéges des villes , les
deux armées fe fervoient de dépouilles ,
fraîchement écorchées , pour mettre obe
ftacle aux attaques de l'ennemi. Les
affiégés tendoient des peaux de vaches
ou de moutons , trempées dans des liqueurs
fortes & acides , & enduites
B
(i ) Tableau de François le Moine , placé chez
M. B.
(1 ) Chef- d'oeuvre de Pujet , à Verfailles.
(m )L'Abbé Banier , T. III. p. 237.
Fv
130 MERCURE DE FRANCE .
d'herbe marine , de mouffe , owdeлtesre
molle , pour rompre l'effet des traita,
des pierres } des feux lancés contrer les
ramparts & les tours ( n ) . Les affiégeans
matelaffoient avec de pareilles fourrures
les guérites ou les foldats agitoient les
béliers militaires ils en couvroient auffi
celles qui fervoient à fapper les murs.!
Ce fut fur une toifon de chevreau qué bé
Vainqueur des Madianites exigea & obe
tint un double miracle pour prouyer fas
Miffion , qui devoit procurer la délivrani
ce du Peuple de Dieu (o ). C'eft avec des
peaux de bêtes peu rares qu'alloient vêtus
le Maître d'Elifée, le Précurfeur du Meffie,
plufieurs Anachorettes de la Thébaïde
& quantité de Philofophés de l'Egypte ,
de la Grece & de Rome. Les peaux
moins communes , l'hermine ela marthre
, enrichiffoient les mantéaux des
Fézabel , des Thomiris , des Cleopatre , &
les Simarres des plus faftueux Souverains
du Nord & de l'Orient.
On diroit que les oifeaux même ayent
voulu participer au privilége de prêter
leurs dépouilles à l'utilité des Anciens .
Les
peaux de grues
fervirent
aux Ethiopiens
Orientaux à couvrir leurs boucliers.
( n ) Chevalier Follard.
( o ) Gedeon. Jug.
JANVIER 1764 131
Les plumes d'autruches & de hérons formèrent
, ainfi que nous l'avons obſervé ,
des aigrettes , des panaches aux Pirrhus
aux Céfars. Ajoutons que celles de la
pintade & du faifan couronnèrent le
bonnet des Lyciens. Ainfi celui de nos
Américains et aujourd'hui décoré des
plumès de la bluette & du courli (p ).
Un autre ufage auquel les dépouilles.
d'oifeaux furent employées , doit leur
valoir quelque confidération de la part
des Artistes. C'eft avec ces peaux que les
Anciens caractérifèrent des événemens .
de la Fable , des objets de la Nature , &
même des traits de Morale. La dépouille
d'un vautour, artiftement dégarnie de
quelques plumes , & groupée avec un
are , fous une maffue environnée de
flêches , défigna Prométhée délivré par
Hercule; celle d'un épervier , ayant fon
chef enté fur un corps humain , annonça
le plus grand Dieu des Egyptiens (4) .
La peau d'un aigle, ingénieufement adaptée
au bufte d'un jeune homme , repréfentoit
l'Air. La Terre fur quelquefois indiquée
par la dépouille d'une chouette ,
pofée fur un vafe de terre près d'un lion
enfin la dépouille du paon , foulée aux
( p ) Oifeaux de Amérique..
(q Ofiris. {
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
*
pieds d'un verrat , étoit l'image de la vanité
humiliée ; & la peau du phénix, ajuſtée
autour d'un cercle , fut l'attribut de
l'immortalité. Idées heureufes que lesAnciens
nous ont fuggérées , & dont les
plus grands Peintres , & les Sculpteurs
Nota. Les divers ufages d'employer dans les
vêtemens , les peaux de bétes fauvages & d'oifeaux
carnaciers , pour fe donner un air formidable
, fe font perpétués jufqu'à nos derniers fiécles .
En parlant des Dellys , Nicolaï rapporte que
ccs troupes légères qui combattent fous l'étendart
Mahometan , font vétues d'une camisole aſſez longues
& de hauts- de-chauffe, très -larges ; le tout
fait de dépouilles de jeunes ours , dont le poil
eft en dehors . Le bonnet à la Polaque , queportent
ces Croates , penche fur une épaule. Il eft formé
d'unepeau de léopard , bien moucheté . Sur le
devant de cette coëffure eft attachée , en large , la
queue d'un aigle. Leur bouclier eft orné des deux
ailes de l'oifeau vorace . Elles font ouvertes & attachées
avec des clous d'or , de manière que toutes
les plumes préfentent comme autant de lances hériffies
contre l'ennemi ,
Plufieurs Religieux Mahometans s'ajuftent avec
des fourrures de bêtes , pour ſe donner un airfingulier.
Les Calenders n'ont pour tout vêtement que
lapeau de quelque animal féroce , dont ils fe couvrent
les épaules. Les Geomailers portent , en guife
de manteau , une dépouille de lion ou de léopard
, qu'ils attachent devant la poitrine , en
y renouant les pattes antérieures de l'animal ; ils
* Voy. les voyages que cet Ecrivain a faits en
Turquie , p. 121 & 160.
JANVIER. 1764. 133
les plus fameux n'ont pas négligé de faire
un utile emploi.
Outre la deftination ordinaire des peaux
de bêtes , à fournir des vêtemens aux foldats
, des houffes aux cavaliers , des armes
défenfives aux affiégés , ainfi qu'aux
affiégeans , & à former la parure caractériſtique
de divers perfonnages diftingués
, elles furent encore deſtinées à faire
des lits aux Héros , & à leur fervir de
fiéges. C'étoit fur de pareilles fourrures
étendues par terre , dit Homère , que les
Anciens couchoient. Sur ces peaux on
mettoit , pour les perfonnes de confidération
, des étoffes de pourpre qui leur
fervoient de matelas ; fur ces étoffes de
beaux tapis , c'étoient leurs draps ; & fur
ces draps de riches couvertures. Les
peaux garnies de tout leur poil fervoient
de fommier contre l'humidité. C'eſt dans
cette vue que le Législateur des Hébreux
fit recouvrir tout le Tabernacle d'une
ajuftent à volonté les autres portions de la fourrure
; mais ordinairement ils laiffent traîner la
queue par terre ; fe revêtent de peaux de mouton
& de chèvre , dont ils fe font des tuniques fans
manches & dont ils renouent les pattes à l'endroit
de la ceinture . Ils accompagnent ce vêtement
d'un manteau fait de peau d'ours. Les Dervis
font vêtus à-peu-près de même.
134 MERCURE DE FRANCE .
troifiéme tenture faite de dépouilles d'a
nimaux (r).
Plufieurs Peuples , les Grecs même
tenoient des Perfes la coutume de s'af
feoir fur les peaux des bêtes les plus..
moelleufes . Les Spartiates , Peuple fier
auftère , ennemi de tout luxe , n'adop
terent point cet ufage . Dans la fameufe
entrevue d'Agefilas ( s ) & de Pharnabafe.
( t ) Celui- ci , voyant que le Géné
ral Spartiate s'afféyoit uniment par ter
re , s'affit de même , fans égard aux
peaux très - douces & à longs poils , qu'on
avoit préparées. La fimplicité Spartiate
fit honte au fafte Perfan..
A la fatiété de jouir des biens utiles
fuccéde mille fois l'ambition de fe procurer
ceux qui font plus difficiles à
abtenir. Etre vêtus de dépouilles d'animaux
ordinaires devint un uſage trop
commun. On afpira à la prérogative
d'endoffer les peaux des bêtes les plus
rédoutables & l'on mit la plus grande
gloire à fe procurer celles dont la poffeffion
étoit plus rare . Dans quels fiécles
cette manie n'a-t- elle pas affecté les
hommes les plus judicieux en apparence
? De nos jours même , ne por-
( r ) Exode.
( s ) Général des Spartiates:
( t ) Commandant des Armées du Roi de Perfe
JANVIER 1764 18?
tons nous pas à l'excès un pareil luxo
en faifant éventerà grands frais , les
brebis d'Aftracanju ) pour arracher
de leurs entrailles des agneaux , à peine
formés , dont les toifans nous fervent
de parure.
Tant que les Anciens furent entichés
de cette prévention bifarre , ils n'efti
mèrent que médiocrement les dépouilles
des animaux , dont on pouvoit fe rendre
maitre fans danger & fans bravoure. Ils
les abandonnèrent aux Miniftres de leurs
Divinités Ce n'eft pas qu'on n'en cong
facrât dé très rares & de fort précieufes
au fervice des Temples. A Delphes , la
peau du ferpent Python recouvroit le
Trépied d'où la Prophéteffe d'Apollon
rendoit fes oracles. La fameufe toifon
du bélier qu'immola Phryxus , faifoit le
riche ornement du Temple que Mars
avoit à Colchos . Mais l'habit facerdotal
étoit fait ordinairement de fourrures les
plus fimples. Les peaux de faon fervirent
à vêtir les initiés aux myftères de Bace
chus ; celles de cabrit les Luperces ; cel
les de chevreuil les Faunes ; celles de bi
ches les Prêtreffes de Diane ; celles de
brebis les compagnes de Palès Les Bac
( u) Ville de la Mofcovie Afiat. dans la Tarta
rie , d'où viennent les ferues de peaux d'agneaux
, tirés forcément de venta, le lévéres,
136 MERCURE DE FRANCE.
chantes eurent feules le privilége de por
ter les peaux de panthères , qui défignoient
& redoubloient tout-à -la-fois
leurs tranfports furieux . La dépouille
de l'animal confacré à Silène fut , ainfi
que celle du bouc & du tigre , prodiguée
dans les Orgies à tous les fuppôts de
Bacchus ,
pour défigner l'abrutiffement ,
l'intempérance & la cruauté où fouvent
l'yvreffe conduit. En vain des préjugés
du culte rendoient plufieurs de ces dépouilles
fufceptibles d'une forte de dignité
; foit par refpect , foit par prévention
, les grands Guerriers affectèrent de
ne s'en point revêtir. Cependant les Amazones
s'en firent des plaftrons , à l'imitation
de Minerve dont l'Egide étoit recouvert
de la chévre Amalthée.
' L'Abbé Guyon , Auteur de l'Hiftoire
des Amazones , après avoir fait mention
de leurs divers vêtemens , ajoute d'après
Quinte- Curce : » Mais quelque forme
qu'ils euffent , les uns & les autres
» étoient communément faits de la peau
» des bêtes que les Amazones tuoient à
» la chaffe . Ils étoient attachés fur l'épaule
gauche , laiffant tout le côté
» droit à découvert , & ne defcendoient
» pas au-deffous du genou. Pag. 65.
On rechercha avec un très- grand foin
JANVIER. 1764 . 137
les dépouilles des bêtes les plus furieufes
& les plus carnacières. Les Peuples fe
difputèrent la gloire d'en être poffeffeurs.
Ceux de la Colchide gardèrent avec vénération
la dépouille des taureaux domptés,
vaincus par Jafon ; ceux de Thébes
confervèrent long- temps dans un afyle
facré la dépouille du Sphinx dont Edipe
les délivra ; les Etoliens s'approprièrent
par la force des armes la peau du fanglier
que tua Méléagre (x ) .
Mais quelque grande que foit l'idée
que les Anciens attachoient à ces objets ,
de leur valeur & de leur fafte , les dépouilles
du lion eurent la préférence fur
toutes les autres . On fe fit plus d'honneur
à dompter le Roi des Animaux ;
quoique , fuivant la judicieuſe obſerva- >
tion d'un Littérateur , également recommandable
par fon amour pour les
Lettres & pour les Arts ( y ) , il y ait des
bêtes fauvages plus dangereufes à combattre
& plus difficile à vaincre que le
( x) Ily eut au fujet de cette dépouille une bataille
entre les Etoliens & les Curettes , qui fe donna
fous les murs de Calydon. Voy. l'Ab Banier.
T. III. p . 352.
(y ) M. le Comte de Caylus , Amateur Honoraire
de l'Acad. Roy. de Peint & de Sculpt . Membre
de celle des Belles-Lett. & Infcriptions , &c.
138 MERCURE DE FRANCE.
lion . Le volume de fa peau , qui donnoit
la facilité de couvrir une grande
partie du corps, & de renouer commodé--
ment fes pattes fur la poitrine , fut fans
doute une des raifons de la prédilection
qu'on lui accorda .
Des motifs de préférence plus honorables
lui étoient refervés. Le lion fut
deftiné a être le fymbole de la puiffance
fouveraine : les premiers Rois
d'Egypte n'avoient pas d'autre marque
extérieure de leur autorité. ( ) Difons
tout le lion feul par un privilége
propre & exclufif , fut confacré au plus
noble des emplois ; à être l'attribut caractéristique
de la valeur & de la vertu
. Les Héros ont adopté ce ſymbole
d'après l'exemple d'Hercule : les Sou
verains , les Nations , fe font fait gloire
de le fuivre. L'Empereur Commode
veut-il publier les prétentions , qu'il
croit avoir à l'immortalité ? Il ordonne
que fa ftatue foit parée de la dépouille
que portoit Alcide. Les Lacédémoniens
veulent - ils illuftrer leur
Chef, qui avoit défendu le paffage des
Thermopyles , à la tête de trois cens
Spartiates ? ils lui font ériger un mo-
(2) Rec. d'Antig. Tom. IIIpag. 620..
JANVIER 1764. $39
9" nument où la figure d'un lion immortalife
la force & le courage de
l'intrépide Général .
.
La dépouille du Lion jouit , àà cet
égard, du même droit que le lion même.
Elle eft , comme lui , l'emblême de
l'héroïfme. l'image noble , qu'elle préfente
, lui donne un jufte rapport avec
nos talens , dont la plus belle prérogative
eft d'être mille fois confacrés à
éternifer les Héros. Quel avantage d'avoir
fans ceffe à notre difpofition le
modèle de l'attribut de leurs vertus ?
N'on doutons pas , Meffieurs , cette
confidération infpira à M. le Comte
de Caylus le projet de tirer du fond
de l'Inde ce modèle rare , pour nous
en gratifier. L'intérêt des Arts
& le bien des Artiftes furent de tout
temps , l'objet du zéle de cet illuftre
Amateur. Puiffe- t - il être auffi fenfible
à notre vive reconnoiffance , que nous
le fommes à fes procédés généreux !
3
*
F Nota . Dans l'Affemblée du Décembre 17633
M. le Comte de Caylus fit préfent à l'Académie
dune magnifique peau de lion , qu'il a fait venir
des Indes. La Compagnie l'en remercia le même.
jour , & dépofa dans fes Regiftres le témoignage
de fa reconnoiffance . A l Affemblée fuivante , M.
Dandre Bardon fit lecture de ce petit Ouviage
Binfçu de l'illuftré Amateur.
140 MERCURE DE FRANCE .
ADDITION envoyée après l'impreffion
de l'Ouvrage.
A la page 119 , lig. 25 , où il eft parlé
des Etrufques , après ces mots : Stratagême
victorieux pour fe dégager de leurs
mains , ajoutez ce quifuit.
Ces Peuples fe coëffoient auffi avec
des peaux de bêtes . Virgile , parlant
d'Ornyte , ce vieux Chaffeur qui ofa défier
Camille , Reine des Volfques , raconte
que le téméraire Etrurien n'avoit
les épaules couvertes que d'une peau
boeuf fans apprêt , & que fon cafque
étoit formé de la tête d'un loup qui'ouvroit
la gueule , où étoient encore attachées
des dents très -blanches.
de
OBSERVATIONS SUR LE VER
SOLITAIRE.
DANS le Mercure de France , mois
de Décembre 1749 , le fieur Borin
Maître de penfion de cette Ville , fit
inférer des obfervations fur le ver folitaire.
Il étoit lui - même le fujet de ces
Obfervations , & fe cacha , je ne fçais
JANVIER. 1764. 141
pourquoi , fous le nom du fieur Lion.
On voit dans cette Ouvrage un peu
prolixe , une peinture vive des maux
que caufe cet infecte ; & on y admire
en même tems ce que peut l'induſtrie
lorfque la néceffité & une forte de défefpoir
lui fervent d'aiguillon.
Le fieur Borin eft mort fans avoir pu
donner la fuite des Obfervations qu'il
avoit promiſes , & que deux lettres venues
de Londres demandoient avec inf
tance . J'ai donc penfé qu'on apprendroit
avec plaifir le fort d'un homme
qui s'étoit avifé d'attaquer fon ennemi
avec des crochets de plomb , & dont
les tentatives avoient été courronnées
du fuccès.
Après avoir épuifés tous les Confeils
qu'il pût recevoir de vive voix ou par
écrit ; comme il étoit en état de fouiller
dans les livres de Médecine ; il mit
fucceffivement en ufage tous ceux dont
les livres tant anciens que modernes ,
lui fournirent l'indice. Il fit enfuite le
voyage de Suiffe pour être traité par
deux Médecins de ce pays , chacun defquels
prétendoit avoir un fpécifique affuré
pour l'expulfion du Ver folitaire. De.
la Suiffe il paffa dans les montagnès
d'Auvergne , où un Païfan , que le Pu
442 MERCURE DE FRANCE.
A blic avoit fait Médecin , lui dit qu'il
étoit Hydropique , trompé apparemment
par l'étendue prodigieufe de fon ventre :
En conféquence le Paifan propofa la pontion
: il fit apporter , dit le fieur Borin ,
un grand bacquet : il me perça le ventre
; mais il ne vint pas d'eau. Il perça
une feconde fois : rien ne fortit. Il perça
une troisième , & tourna fon inftrument
entre la peau & la chair fans qu'il
fortît de l'eau. Le bruit que j'entendis
de la chair qui fe déchiroit me fit frémir.
Les affiftans qui m'avoient encouragé
jufques-là ne purent retenir leurs
larmes , & s'emporterent avec menaces
contre mon Auvergnac .
་
Tel eft le récit du malade que j'ai ſeulement
élagué . Il m'a montré la cicatrice
réſultante de cette opération ; & a
ajouté que l'inftrument dont fe fervit le
Païfan étoit un efpéce de couteau ; &
qu'heureuſement il n'avoit pas pénétré
dans le ventre.
Revenu à Lyon , & n'efperant plus
rien de lui - même , il erra le long des
bois , des hayes & des rivieres. Il effaya
toutes les plantes qui fe préfentérent
fans diftinction . Lorfqu'il en avoit man
gé quelqu'une , il écoutoit avec attens !
tion quelle impreffion elle feroit au Ver
" JANVIER . 1764. 143
US
folitaire s'il le fentoit s'agiter ; cet aμ-
gure étoit à l'inftant faifi . Il faifoit ample
provifion de la même plante , & en
ufoit en quantité fous toute forte de
forme . Excedé enfin d'une infinité d'effais
infructueux , & quelquefois dangereux
, il vint me confulter fur le projet
qu'il avoit formé depuis long- tems
d'attraper fon Ver avec des crochets de
plomb. J'écoutai avec plaifir un homme
que fes recherches & fon expérience
avoit rendu très-fçavant fur fa
maladie & qui d'ailleurs faifoit de fa
fituation la peinture la plus vive & la
plus pittorefque. Il avoit fabriqué avec
du plomb des crochets parfaitement
femblables à un ancre à trois crampons.
Leurs pointes étoient mouffées& légérement
coudées en dedans . A l'anneau
quieft à l'extrêmité de la tige de l'ancre ,
il avoit attaché un fil de quatre pouces
de longueur. Ce fil traverſoit une bale
de plomb de moyen calibre. Il fe propofoit
d'avaler la bale de plomb & enfuite
le crochet à trois crampons , lequel
feroit entrainé par le poids de la
bale. Il avoit pour efpérance que les
crampons accrocheroient le Ver , & que
le poids de la bale ainfi que celui du crochet
l'entraîneroient.
144 MERCURE DE FRANCE.
Quelques Médecins qu'il avoit déjà
confultés lui avoient fait craindre que
que ces crochets ne déchiraffent les inteftins
en s'accrochant à leurs valvules :
mais je le raffurai là - deffus , en lui donnant
une idée plus éxacte de la direction
de ces valvules , & de leur foupleffe.
Il avala donc la bale & les crochets
. Ce qu'il a réitéré depuis un
grand nombre de fois fans le moindre
inconvénient, Si au bout de quelquetems
, il ne voyoit point dans les felles
reparoître fon crochet , il en avaloit un
fecond , & quelques jours encore après
un troifiéme. Souvent à ces crochets il
a été obligé de joindre des bales de
plomb unies par une petite traverſe de
même métal en forme de boulets ramés ,
Enfin à l'aide des crochets , il a rendu
en différens tems près de trois aunes
de Ver. La totalité du plomb avalé
allant une fois à trois onces & demi ,
fon féjour dans les inteftins fut de trois
mois cependant il n'en reffentoit aucune
incommodité. Seulement , lorfque
le Ver étoit accroché , il fe fentoit tout
bouleversé par les efforts de cet animal .
Il fe rompit enfin , & le plomb fortit
bientôt après , entraînant avec lui des
portions de Ver plus ou moins longues.
Dégoûté
JANVIER. 1764 145
: Dégoûté un jour de ces crochets ,
par la raifon feule , qu'après un séjour
de trois mois dans le ventre , ils étoient
fortis fans emmener avec eux aucune
portion de Ver , il imagina d'en avaler
un dans une telle direction que la tige
de l'ancre fût en haut ; fe propofant de
le retirer de l'ofophage par le moyen du
fil attaché à la tige comme le cable
l'eſt à l'ancre. Son objet étoit de faifir
la partie fupérieure du Ver. Il la fentoit
en effet quelquefois remonter juſ
ques à la racine de la langue ; & il m'á
dit fouvent qu'il ne lui trouvoit en cette
partie que la groffeur d'un fil terminé
par un noeud.
Pour réuffir dans cette opération qui
lui donnoit quelques inquiétudes à caufe
de la fenfibilité de l'oefophage , il falloit
profiter du moment où la tête du Ver
feroit fenfiblement dans le gofier . Un
jour que l'irritation d'une Médecine
is avoit fait remonter le Ver dans le gofier
, de façon qu'il fembloit au malade
qu'il alloit être étanglé , il fe déter-.
mina malgré mon abfence à avaler fon.
crochet. Sa femme & fon neveu effrayés
des fuites l'abandonnerent malgré fes
inftances. Il retira néanmoins le crochet ,
de la longueur d'un pouce. Une douleur
II. Vol. G
146 MERCURE DE FRANCE .
aux dents auffi aiguë que fi on les lui eût
a rachées, fans que d'ailleurs l'oefophage
fit fenfiblement irrité & la crainte d'une
défaillance ne lui permirent pas
d'en faire davantage. Il coupa le fil &
avala le crochet. Il vint me voir quelques
heures après , & m'affùra que fi on
m'avoit appellé comme il l'avoit demandé
, il n'eût pas craint malgré la douleur
de retirer le crochet en entier.
. Cette tentative eut plus de fuccès qu'il
n'en avoit eſpéré. La partie effilée du
Ver , qu'on peut appeller fon col , s'embarraffa
fans doute dans le crochet aucuel
il avoit eu foin de faire des dents.
de fcie derriére les crampons. En effet ,
il rendit quelques jours après par les felles
, cette partie entraînée par
les crochets,
avec environ trente aulnes de Ver.
Dépourvû d'un bon microfcope , je lui
confeillai d'avoir recours à M.Bourgelat,
ce Citoyen fi recommandable par fes
Ouvrages fur l'Hippiatrique, & par l'établiffement
de l'Ecole Royale Vétérinaire.
L'éxamen de cette partie ne montra à
M. Bourgelat qu'une efpéce de noeud.
garni d'un point noir & placé à l'extrémité
d'un fil. M. Bourgelat conferve
encore ce fil dans fon cabinet .
Des reftes d'incommodité ayanr enJANVIER.
1764. 147
>
gagé le malade à fe purger quelques jours
après , il rendit encore quelques lambeaux
de Vers vivans. C'en a été affez
pour empoifonner le refte de fes jours.
Perfuadé que fon Ver avoit des compagnons
, il n'a pas difcontinué de prendre
des remèdes , & en grand nombre
& étant tombé dans l'Hydropifie , il
me demanda expreffément d'ouvrir fon
corps après la mort , perfuadé que j'y
trouverois des Vers folitaires , quoiqu'il
n'en eût rendu aucun lambeau depuis
l'époque que je viens de citer. Epoque
qui avoit fix ans d'ancienneté . Je procédai
donc à cette ouverture avec M.
Raft fils , Docteur en Médecine & aggrégé,
& M. Faure , Docteur en Médecine
& Maître en Chirurgie ; mais les recherches
les plus éxactes & les plus étendues
ne montrerent aucune trace de Ver folitaire
.
Que penfera-t-on du dernier lambeau
de Ver encor vivant rendu quelques
jours après l'opération du crochet
? Ne peut-on pas le regarder comme
un débri de celui dont la tête avoit
été fi heureufement entraînée ? Si le
lambeau a furvécu à la deftruction du
Ver dont il faifoit partie ; c'eft que jamais
ver ne fut plus vivace que celui là .
Gij
148 MERCURE DE FRANCE.
Un lambeau de deux aulnes ,. ayant été
mis par le malade fur une table , il s'y
promenoit encore plus de deux heures
après. Un des bouts du même lambeau
fut placé fur le bord d'une petite bouteille
remplie d'eau chaude il y entra
peu- à-peu tout entier. Le même bout.
ayant été remis fur le dehors de la bouteille
, il s'y accrocha tellement que .
lorfqu'on voulut le tirer en ligne droite.
il fe caffa plutôt que de céder.
Je n'ai point vu ce dernier lambeau
rendu par le fieur Borin. Peut-être y.
aurois - je apperçu quelque régénération
de tête. Cette conjecture n'eft point
hazardée. Qui fe feroit imaginé , avant .
les Obfervations de l'illuftre Trembley ,
qu'un animal pût être coupé en mille
piéces , & que chacune de ces piéces
deviendroit en peu de temps un animal
auffi complet que celui dont elle .
faifoit partie ? C'est cependant ce qu'a
appris la multiplication du Polipe d'eau
douce par bouture. Ily a plus , le fçavant.
M. Bonnet de Genêve a vû des Vers
d'eau douce coupés en plufieurs piéces
former bientôt autant de Vers parfaits
en tout point. Il a vû des Vers de terre .
coupés par moitié , repouffer une tête
d'un côté de la fection & une quene de.
l'autre. Pourquoi la même régénération
JANVIER. 1764 . 149
ne fe feroit-elle pas faite dans le lambeau
du Tonia reftant , fi l'effet du purgatif
ne l'eût entrainé , foible encore &
hors de défenſe par fon état d'imperfection
. Il n'y a point d'objection victorieufe
contre cette analogie ?
La longueur du Ver folitaire n'a point
de bornes déterminées. Le fieur Borin
affùroit en avoir rendu neuf cens aulnes
dans une feule année , & cette affertion
n'eſt point exagérée fi je dois en juger
par la quantité qu'il m'en a montrée en
différens temps , & plus encore par la diminution
extraordinaire de fon ventre
pendant cette année.
fait
Si ce reptile doit prendre chaque jour
une nourriture proportionnée à fon
étendue , les quatres petites ouvertures
ou fuçoirs que M. Bonnet a obfervées
à fa tête ,font- elles fuffifantes pour fucer
la quantité néceffaire d'alimens ? Cette
tête , qui n'excéde jamais la groffeur
de celle d'une épingle ordinaire
préfumer que le tenia afpire fa nourriture
, finon en tout , du moins en grande
partie , par ce grand nombre de trachées
placées fous les annelures. Nourriture
qui n'a pas befoin d'amples préparations
pour fournir à l'accroiffement de
Panimal; puifqu'elle eft extraite de la par-
Gij
150 MERCURE DE FRANCE.
tie chileufe des alimens de l'hôte au dé
pens de qui il fe nourrit.
Cette opinion feroit commé démontrée
par le grand appétit de ceux en qui
habite le Ver folitaire , fi , dans l'irritation
continuelle des inteftins , par le mouvement
vermiculaire du tænia , on ne
trouvoit une caufe irritante capable de
troubler l'ordre naturel des digeftions
& d'occafionner tous les fymptomes
concomitans .
Pour découvrir l'origine du tonia , il
eft inutile de fe promettre d'en rencontrer
des traces , ou dans les eaux , ou fur
la furface de la terre. On ne trouve point
le gui de chêne dans les prés , fur les côteaux
, fur le bord des rivières , & c. Sa
femence emportée par les vents , fe loge
en différens endroits. Quelques arbres ,
comme le prunier , le poirier , lui offrent
fans peine des fucs propres à fon développement
; tandis que fur le chêne elle
germe très - difficilement. Auffi le vérirable
gui de chêne eft-il fi rare , que la
recherche de cette plante parafite étoit
chez les Druïdes nn acte folemnel de
religion. Cette raifon ne demande qu'à
être appliquée au toenia. Elle explique
pourquoi quelques animaux y font plus
fujets que d'autres, pourquoi les habitans
JANVIER. 1764.
du Nord & des pays aquatiques y font
plus expofés que ceux du Midi. On fçait
que les poiffons qui vivent dans les eaux ,
ainfi que les oifeaux de rivières , y font
fort fujets ; ainfi la boiffon eft le véhi -
cule le plus commun de la femence du
Ver folitaire .
LeTonia eft donc un animal vraiment
parafite , qu'on ne doit rencontrer que
dans le corps des autres animaux. Qu'on
apprécie à préfent l'obfervation fuivante
tirée du Magafin de Hambourg. Une
femme avoit rendu , par le moyen des
remèdes , un grand nombre de portions
de Vers folitaires. Son Médecin s'avifa
de chercher dans l'eau de puits la pépinière
de ces Vers. Il y trouva en effet
une portion de Tonia de la longeur de
deux paulmes de main , & un grand
nombre de lambeaux très-petits. Le remède
fut facile à trouver. Cette femme
ceffa de boire de l'eau , & dès- lors elle
ne fut plus incommodée par le Ver folitaire.
Voilà , fans contredit , un remède
bien fimple contre un reptile qu'on fçait
échapper à l'action des remèdes les plus
violens.
Comment fe multiplie le Tonia , lorſque
fon éxiftence ifolée juftifie le nom
de Ver folitaire qu'on lui a donné ? Saus
Giv
152 MERCURE DE FRANCE ..
doute , nos idées communes de l'anima
lité répugnent à la fécondité d'un animal
qui n'a pas été fécondé. Mais il s'en faut
de beaucoup que nous connoiffions tous
les poffibles en ce genre. Un puceron ,
renfermé avec foin , fit de petits pucerons
; ceux- ci féparés auffi-tôt , eurent
chacun une postérité . M. Bonner croyoit .
déja être fuffifamment affuré qu'il étoit
des êtres animés qui fe multiplioient par
eux-mêmes , lorfqu'on lui demanda ſi
une feconde & même une troifiéme génération
n'auroit pas reçu la fécondation
de la première femelle de puceron qu'il
avoit renfermée avec un puceron mâle.
Il continua donc de féparer fes pucerons
de génération en génération jufques à la
onzième. Il fut ainfi convaincu que cet :
infecte , dont il a vu quelquefois l'accouplement
, n'en multiploit pas moins fans .
cette allure ordinaire de l'animalité ..
Il eſt inutile de preffer davantage des
parties qui s'accolent d'elles- mêmes ; il:
feroit encore fuperflu de les multiplier .
Ainfi le Tonia le plus folitaire dépofe
des oeufs féconds ; ces oeufs , échappés à
mille dangers , à caufe de leur petiteffe ,
& entraînés par mille hafards qu'on ne
fçauroit apprécier , éclofent enfin lorfqu'ils
font parvenus dans quelque efta
JANVIER. 1764. 153
mach , dont la chaleur & les fucs font
analogues à leurs befoins . Mais cet animal
, qui multiplie par des oeufs , peut
auffi multiplier par bouture , comme
nous l'avons fait obferver au fujet du
-Ver du Sieur Borin . Peut- être auffi multiplie-
t-il par rejetton , à la manière des
polipes. Voyez la figure qui eft à la
page 268 du traité des Vers de M. Andry.
Elle difpofe à ce foupçon. J'ai encore
été tenté de prendre pour rejetton de:
vers folitaire , ces débris blancs en forme
de grains de courge , que rendent
quelquefois avec les excrémens ceux
sen qui habite cet animal . L'opinion
qui les regarde , comme le dépôt fé-··
cal de l'infecte , n'explique pas pour--
quoi on ne trouve pas toujours & en
tout temps ces débris.
: Combattons à préfent un préjugé
qu'accrédite l'épithète de folitaire don--
née au tænia , epithète qu'il faut bien
fe garder de prendre trop à la lettre
-& dont on ne connoît pas encore toute
l'étendue. J'ai vu en effet quelques perfonnes
attaquées du tænia rendre avec
les excrémens de petits vers blancs.
de trois à quatre lignes de longueur , &
qui fe remuoient avec beaucoup d'agi--
lité. Comme ils en ont été quite auffi
G. v.
154 MERCURE DE FRANCE.
tôt que le tænia a été expulfé , je penfe
que ce font des oeufs éclos des petits
tania , lefquels font enchaînés par les
matières fécales. En donnant le ſpécifique
contre le ver folitaire , fpécifique
qui ne tue que ce ver-là , j'ai vu rendre
par fon effet des vers longs appellés
ftrongles & qui étoient en vie.
Ces dernières obfervations ne démentent
pas affez l'épithète de folitaire
fi on la borne à lui faire fignifier que
le toenia eft feul de fon efpèce ; mais
il s'en faut de beaucoup que cet état
de folitude foit conftant. La veuve du
Docteur Nouter , Médecin Suiffe , de
laquelle j'ai acquis le fpécifique dont
je
Viens de parler , découvert par feu
fon époux , m'a dit qu'il n'étoit pas .
rare de voir rendre par l'effet de ce
reméde deux & quelquefois trois tænia ;
mais elle ne vit qu'avec furprife le fait
fuivant qui fe paffa fous fes
yeux le 4
Janvier 1763 , & fous ceux de M. Brun,
Docteur Aggrégé au Collège des Médecins
de Lyon : le voici. Dès le lendemain
de l'acquifition de ce reméde , je le
donnai pour premier effai à un Seigneur
Ruffe qui avoit fait à Montpellier
un féjour de plufieurs mois fous le
nom de Philofophe. Le feul produit
JANVIER. 1764. 155
·
d'un grand nombre de remédes qu'on
lui avoit prefcrits , avoit été de faire
fortir plufieurs lambeaux de tænia . Il
prit le ſpécifique à fept heures du matin .
M. Brun , avec qui il avoit lié connoiffance
à Montpellier , lui tint affiduement
compagnie. A dix heures il fe mit fur
le fiége & y refta jufqu'à onze , rendant
une fuite continuelle de vers. Leur
nombre , débrouillé & compté par les
têtes , fe trouva monter à vingt- un ,
tous à peu près de la même largeur
mais de longueur différente , depuis
demi aulne jufqu'à deux. Le malade
ne fut aucunement fatigué. Il dina de
bon appetit ; alla le même jour au Spec .
tacle , & partit après un jour de repos.
Sa fanté n'avoit jamais beaucoup foulfert
de la préſence d'un fi grand nombre
de vers. L'incommodité la plus grande
confiftoit dans des étourdiffemens avec
perte de connoiffance , mais fans convulfions
il en revenoit comme d'un
affoupiffement.
Qu'un feul tænia caffé & recaffé ait
produit par rejettons de ces débris
ce grand nombre de vers ; qu'ils fe
foient multipliés par bouture à la manière
des polipes d'eau douce ou que
les oeufs du tænia aient été , ainfi que
G vj
56 MERCURE DE FRANCE.
ceux du puceron ifolé , affez féconds
pour cette multiplication ; il n'y a rien
là qui ne trouve des exemples avérés dans
l'hiftoire des infectes. Que plufieursoeufs
de tania avalés en une ou plufieurs
fois , aient fourni cette pépinière ·
de vers , parce qu'ils ont trouvé dans
les inteftins une chaleur & des fucs
propres à leur accroiffement , voilà à
mon avis l'opinion la plus vraisemblable..
Il n'y a fans doute que les eaux du
Nord qui foient fi abondantes en oeufs
de toenia. Un jeune homme qui foup-..
çonnoit avoir été affailli en Suiffe parle
ver folitaire , ne voulut point s'en
débarraffer ayant encore un voyage à
faire en ce pays. Il m'affura s'y être
trouvé le douziéme d'une table de vingt
couverts, attaqué d'un ver folitaire. Obfervons
néanmoins qu'un tel recit fait :
par un malade voyageur , annonce fans :
doute par fa nature l'ordre de quel-.
que réduction.
A quoi bon le Ver folitaire ? Cette
queftion n'eft point frivole . Rien ne fut
fait en vain , difoit un malade prétendu
Philofophe ; & fi cet animal héberge
chez moi plutôt que chez un autre , c'eſt
apparemment pour de bonnes raifons .
Les maux qu'il me donne en éloignent
à
JANVIER 1764 157°
de plus fâcheux . Mais les caufes finales
ne font-elles pas toutes autant d'énigmes
? Et avant qu'on en ait trouvé lemot
, faudra- t-il ne point donner de
vermifuges aux enfans que les vers font
quelquefois périr ? Faudra- t-il ne pas fe
garantir de tant d'infectes qui vivent à
nos dépens ? L'expérience de tous les
pays ne dit-elle pas affez haut , que ces
hôtes incommodes , à qui nous fourniſ--
fons la pâture , & qui font différens en
différens climats , ne fçauroient en au--
cune façon concourir à notre bien-être ?
ParM. P ... ..... Docteur en Médecine ;
ancien Chir. en chefdu G. H. D. de L.
SUPPLÉMENT à l'Article des Nouvelles
Littéraires.
ANNONCES DE LIVRES.
ESSA1 critique für l'Etat préfent de la
République des Lettres , par M. l'Abbé
le Franc de Pompignan , aujourd'hui
Evêque du Puy. Nouvelle Edition . Petite
brochure in- 12 , petit format , dont
on trouve des Exemplaires chez Chau
bert ,Libraire, rue du Hurepoix , près le
158 MERCURE DE FRANCE .
quai des Auguftins , 1764. Cet Ecrit a
été compofé il y a environ 24 ans , &
parut imprimé pour la première fois dans
les Recueils de l'Académie de Montauban.
On y voit ce que M. de Pompignan
penfoit de la Littérature Françoife , &
du goût qui régnoit en France dans le
temps qu'il écrivoit.
ABRÉGÉ chronologique de l'Hiftoire
générale d'Italie , depuis la chute de
l'Empire Romain en Occident ; c'eſt-àdire
, depuis l'an 476 de l'Ere Chrétienne
, jufqu'au Traité d'Aix- la - Chapelle
en 1748 ; par M. de Saint - Marc , de
l'Académie de la Rochelle ; tome fecond
, ou feconde partie du tome premier
, depuis l'an 840jufqu'à l'an 1027 ;
à Paris , chez Jean-Thomas Hériffant ,
Imprimeur ordinaire du Roi , des Cabinet
& Maifon de Sa Majefté , rue S. Jacques
, à S. Paul & à S. Hilaire ; avec approbation
& Privilége du Roi , 1763.
Nous avons annoncé dans le temps la
première partie de cet Ouvrage , qui
n'eft point entièrement modelé fur celui
de M. le Préfident Hainault. Il n'auroit
pas fuffi , pour des Lecteurs François à
qui l'Hiftoire d'Italie n'eft pas auffi connue
que la nôtre , de rappeller en peu de
JANVIER. 1764. 159
mots les principaux événemens. M. de
Saint-Marc , ayant à conduire fes Lecteurs
dans des routes peu battues , s'eft
appliqué à les leur applanir : il détaille
donc,jufqu'à un certain point, les événe →
mens , & les préfente avec leurs caufes
& leurs fuites.
DISCOURS de M. d'Açarcq, de la Société
Littéraire d'Arras , pour fa réception
à l'Académie Royale des Belles-
Lettres de la Rochelle ; à Amfterdam ,
1763 , brochure in- 8°. Ce Difcours eft
la première partie d'un Ouvrage que
l'Auteur médite , & qui doit avoir pour
titre , la Balance philofophique . Cette
première partie eft un Effaifur les Idées .
ALMANACH des Centenaires , ou durée
de la Vie humaine au-delà de cent
ans , démontrée
par des éxemples fans
nombre , tant anciens que modernes ;
avec le Calendrier
de l'année 1764. Second
Supplément
, avec cette Epigra
phe : Sic vivite juvenes , ut fenes ;fenes
ut feniores fiatis . A Paris , chez A. M.
Lottin , Libraire & Imprimeur
de M. le
Duc de Berry , rue S. Jacques , près S.
Yves , au Coq , 1764 ; avec approbation
& permiffion
, in-16. Voici la troiſième
160 MERCURE DE FRANCE.
annéé que ce petit Almanach paroît. On
continue de prier ceux qui pourront juftifier
leur qualité de Centenaire , d'envoyer
leurs noms écrits bien lifiblement
pour être cités dans l'Almanach de l'année
prochaine. On trouve chez le même
Libraire les deux premières parties de cet.
Ouvrage..
LE TRIOMPHE du Beau-Séxe , ou Ca
lendrier des Dames Illuftres, contenant les
Eloges hiftoriques des Dames qui fe font:
diftinguées par leur politique , leur attachement
pour leurs époux , leur courage,.
leur chasteté & leur efprit ; enrichi de
Chanfons nouvelles fur les plus beaux .
Airs connus ; à Paris , chez Grange &
Dufour, au Cabinet Littéraire , Pont:
Notre-Dame , près la Pompe ; & chez
Manier , dans S. Jean de Latran ; in-32-
On ne doit pas confondre cet Almanach
avec les Etrennes aux Dames , qui fe
vendent chez Mufier. Le deffein en eft
différent. Celui de Mufier contient une
notice des Femmes qui fe font diſtinguées
dans les Belles- Lettres ; & leur:
Eloge hiftorique.
Campagne de M. le Maréchal de
Créquy, en Lorraine & en Alface., en
JANVIER. 1764. 161
1677 , rédigée par M. Carlet de la Roziére
, Chevalier de l'Ordre Royal & Militaire
de S. Louis , Capitaine réformé de
Dragons , & ci-devant Aide - Maréchal
Général des Logis de l'Armée du Haut-
Rhin ; avec cette Epigraphe : Sæpius:
enim penuria , quam pugna , confumit
exercitum ; &ferrofæviorfames eft. Veg..
lib. 3 , cap . 3. à Paris , 1764. Volume
petit in-8 . Nous rendrons un compte
détaillé de cet Ouvrage utile aux Gens
de Guerre.
MAGASIN hiftorique pour l'Efprit &
le Coeur; à Strasbourg, chez J. Godefroy-
Bauer , Libraire , & fe trouve à Paris ,.
chez Durand neveu , Libraire , rue S.
Jacques , à la Sageffe ; 1764 , 2 volum..
in- 12 ; prix 2. liv. 8 f. brochés. Cette
double Brochure renferme . trois cens
traits historiques très-connus pour la plu--
part , & dont nous croyons pouvoir nous
difpenfer d'entretenir nos lecteurs . L'Au--
teur de cette Collection nous apprend
qu'il ne l'a entreprise que pour ceux qui
s'appliquent à l'étude des Langues Françoife
& Allemande ; & , pour cet effet ,
on a eu foin de publier en même temps.
une Traduction Allemande de cet Ouvrage
; elle fe trouve chez le même
Libraire..
162 MERCURE DE FRANCE.
OBSERVATIONS fur les Principes de
l'Harmonie , occafionnées par quelques
Ecrits modernes fur ce fujet , & particu
lièrement par l'Article FONDAMENTAL
de M. d'Alembert , dans l'Encyclopédie ;
le Traité de Théorie Muficale de M. Tar
tini , & le Guide Harmonique de M. Geminiani
; par M. J. A. Serra ; avec cette
Epigraphe Amant alterna camenæ ; à
Genève , chez Henri- Albert Goſſe & Jean
Goffe , Libraires & Imprimeurs ; 1763.
Brochure in-8 ° . Ce Livre divifé en trois
parties , contient , 1 ° . des Réflexions fur
divers points de Théorie Muficale traités
dans l'Encyclopédie par M. d'Alembert ;
2º. une Analyſe critique de l'Ouvrage
de M. Tartini ; 3 ° . des Réfléxions critiques
fur l'Ecrit de M. Gemeniani.
TRAITÉ des Odeurs , fuite du Traité
de la Diſtilation , par M. de Jean , Diftilateur
; à Paris chez Nyon , à l'Occafion ,
chez Guillyn , au Lys d'or , chez Saugrain
, le jeune , à la Fleurs-de-lys , Quai
des Auguftins , du côté du Pont faint
Michel , 1764 , avec Approbation &
Privilége du Roi , un vol . in 12. prix
2 livres. Dans fon Traité de la Diftilation
, M. de Jean avoit donné une partie
des parfums, les huiles effentielles, quelques
eaux d'odeurs fpiritueufes & fimples,
-
JANVIER. 1764. 163
Ces différens objets entroient naturellement
dans cette feconde partie que
l'Auteur continue fur le même plan ,
pour rendre complet fon premier Ouvrage.
,
AVIS très- important au Public , fur
differentes espèces de Corps & de Bottines
d'une nouvelle invention , par le
Sr. d'Offémont , Maître & Marchand
Tailleur de corps de Monfeigneur le
Duc de Bourgogne , rue de la Verrerie
vis -à-vis l'Eglife de faint Merry , à côté
du Coq-lié de perles , au coin de la rue
faint Bon , au fecond fur le devant ; à
Paris , chez le Prieur , rue faint Jacques
, 1763. Cet avis important que
l'Auteur diftribue gratuitement , paroît
déjà depuis plufieurs années , & ap
prend aux lecteurs de quel avantage
peuvent être les Corps & Bottines de
M. d'Offémont .
》』》
ECOLE de Littérature , tirée de nos
meilleurs Ecrivains ; à Paris chez Babuty
, fils , Libraire , Quai des Auguftins
, entre les rues Gille - Coeur & Pavée,
à l'Etoile , & chez Brocas & Humblot
rue faint Jacques , au - deffus de la rue
des Mathurins , au Chef S. Jean ; 1764,
164 MERCURE DE FRANCE.
9 aux
avec Approbation & Privilége du Roi ;
2 vol. in 12. Prix 2 livres 10 fols brc
ché , 3 liv. relié. M. Duclos a dit dans fes
Confidérations fur les Moeurs , que le
plus grand fervice que les Académies
puffent rendre aux Lettres
Sciences & aux Arts , étoit de faire des
méthodes , & de tracer des routes qui
épargnaffent du travail & des erreurs ,.
& qui conduififfent à la vérité par les
voyes les plus courtes & les plus fûres .
M. de la Chalotais , dans fon plan d'étude
pour la jeuneffe , cite les mêmes
paroles de M. Duclos , & forme les mêmes
voeux dans le cours de fon
ouvrage.
Les Sociétés littéraire n'ont point encore
éxécuté ce projet , & peut- être en feront
elles difpenfées quand elles auront vû
cette Ecole de Littérature composée exactement
d'après l'idée de M. Duclos ,
& le plan de M : de la Chalotais : ce font
en effet , non pas des Sociétés littéraires
, mais tout ce que nous avons eu
d'Ecrivains diftingués , ou de célébres
Académiciens , qui ont fourni le fond
de cet ouvrage , le plus utile que nous
ayons en ce genre , & fur lequel nous
feront obligés de revenir plus d'une fois.
Nous dirons feulement aujourd'hui que
depuis l'impromptu jufqu'au poëme
épique, depuis lé dialogue jufqu'au ferJANVIER
1764 165
mon , depuis le conte jufqu'à l'hiftoire
générale , il n'y a point de genre de littérature
qui ne trouve ici des précéptes
fournis par les plus grands Maitres ;
non feulement pour juger de ces dif
ferens ouvrages, mais pour en compofer
avec fuccès.
APPEL aux Sçavans & aux Gens de
Lettres , au fujet de la Bibliographie
inftructive . Brochure in-8° . 1764. On
apprend dans cet écrit , que le Sr Debure
Libraire , Auteur d'un Catalogue des
Livres les plus curieux & les plus rares,
ayant effuyé plufieurs critiques fur cet
Ouvrage , s'eft cru enfin obligé d'y répondre
, & il en appelle aux Sçavans &
aux Gens de Lettres qu'il prend pour-
Juges entre lui & fes Adverfaires .
L'OFFICIER Partifan ; par M. de
S. Geniés , Chevalier de l'Ordre Militaire
de S. Louis , & Commandant de
Bataillon ; à Paris , chez Mufier , Libraire
, quai des Auguftins , & chez
Panckoucke , Libraire , rue de la Co-,
médie Françoife ; 1763 , avec approbation
& privilége du Roi , 1 vol . in 12.
C'est une feconde édition revue & corrigée
, & confidérablement augmentée
3
166 MERCURE
DE FRANCE ,
par l'Auteur. La première parut en
1754. Cet Ouvrage eft connu , & on
l'a traduit en plufieurs langues. On en
promet inceffamment un fecond volume
dont nous rendrons compte dans
le temps.
DISSSERTATION
fur la petite Vérole
& l'Inoculation ; Londres , 1763. Brochure
in-12 , dont la première partie
prouve que la petite vérole n'eft pas
dangereufe ; & la feconde donne les
moyens de prévenir les dommages qu'-
elle fait à la beauté,
RÉPONSE à une des principales objections
qu'on oppoſe maintenant aux
Partifans de l'Inoculation de la petite
vérole ; feuille in- 12.
NOUVEAUX éclairciffemens
fur l'inoculation
de la petite vérole , pour.
fervir de réponse à un écrit de M. Raft,
Médecin à Lyon ; Brochure in - 12 .
LETTRE de Barnevelt dans fa priſon ,
à Truman fon ami , précédée d'une Lettre
de l'Auteur , In -8 ° . Paris , 1764.
Chez Sébastien Jorry , Imprimeur - Libraire,
rue & vis-à-vis la Comédie Frangoife.
JANVIER. 1764. 1.67
Les âmes fenfibles peuvent feules apprécier
tout le mérite de cet Ouvrage ,
dont nous nous propofons de rendre
compte dans le Mercure prochain . On
peut d'ailleurs le regarder comme un
petit chef- d'oeuvre d'impreffion.
ARTICLE IV.
BEAUX-ARTS.
ARTS AGRÉABLES.
GRAVURE.
TABLEAU généalogique & chronologique
de la Maiſon Royale de FRANCE
, dédié à Mgr LE COMTE D'ARTOIS
, par M. Clabault. Gravé en 8
feuilles , grand Colombier , fe vend à
Paris , chez l'Auteur , rue du Petit-Pont ,
près le petit Châtelet , dans la porte
cochère , entre un Marchand Papetier
& un Marchand Chapelier.
Cet Ouvrage plein de recherches intéreffantes
, eft très- bien exécuté de la
part du Graveur. On en trouve l'analyfe
chez Aug. Mart . Lottin l'aîné
168 MERCURE DE FRANCE.
Imprimeur-Libraire de Mgr le DUC DE
BERRY , rue S. Jacques , près S. Yves ,
au Coq . Brochure in- 8°.
ON diftribue actuellement avec fuccès
chez le fieur BASAN , Graveur
rue du Foin S. Jacques à Paris les 2
vol. in-fol. forme d'Atlas , qui compofent
l'Ouvrage connu fous le nom du
Cabinet de Crozat qui depuis plufieurs
années étoit devenu rare faute d'être
imprimé. Ces deux vol. contiennent
182 Eftampes gravées à grands frais &
par les foins de M. Crozat , d'après les
plus beaux Tableaux des plus grands
Maîtres Italiens , qui font en France
dans les cabinets du Roi , du Duc d'Orléans
, & c. A la tête de chaque volume
il y a une defcription de chaque Eftampe
qui le compofe. Les Graveurs
qui ont été employés à cet Ouvrage
ont été & font encore les plus habiles
de ce fiécle , tels que les Chereau , Duchange
, l'Epicié , Desplaces , Larmeſfin
, Simoneau , Tardieu , Vallée , Vermeulen
, Dupuis , le Bas , Ravenet
&c. &c.
Le fieur Bafan aujourd'hui poffeffeur
defi.tes Planches , n'a rien ménagé,
pour la perfection de l'Ouvrage tant
pour
JANVIER. 1764. 169
pour l'impreffion que le papier ; il le
vend en feuilles imprimé fur le papier
de grand Aigle fin 192 liv. & 160 liv.
fur celui de Colombier
Il eft auffi poffeffeur des 118 Plan
ches qui compofent le volume , connu
fous le nom du Cabinet d'Aguilles , lequel
étoit auffi devenu rare faute d'ê
tre imprimé ; il vient de l'être avec
foin & fe diftribue auffi chez ledit Sr
pour 90 liv. en feuilles , imprimé fur
le papier de grand aigle fin & 72 liv.
fur celui de Colombier. On trouve
chez le fieur Bafan un affortiment général
d'Eſtampes anciennes & moder
nes tant Etrangères que Françoifes . II.
vient de mettre en vente une Eftampe
nouvelle d'après Poters , d'après le Sr
Charpentier , dont le Sujet eft une Tempêre
. Elle eft d'un très- grand effet , &
foigneufement exécutée. Prix , 3 liv .
ro f.900
39 0
LES
MUSLQUE.
7.
ES CHARMES de l'HARMONIE ,
Ariette de Baffe- Taille , Taille , ou Basdeffus
, avec grande Symphonie , chantée
par M. Caillot jouant le rôle de
II. Vol. H
170 MERCURE DE FRANCE.
Muficien dans les deur Talens , Comé
die nouvelle mife en Mufique par M.
le Chevalier d'Herbain , & repréſentée
fur le Théâtre Italien . Prix , 2 liv . 8 f.
aux adreffes ordinaires de Mufique .
Le Coeur enflammé , Ariette en rondeau
, avec fymphonie , chantée par
Madame la Ruette , jouant le rôle d'Eleonore
dans les deux Talens . Par le
même Auteur & aux mêmes adreffes.
91-
La Famille chantante , ou le Journal
hebdomadaire , compofé de Chanfons
Vaudevilles , Rondeaux , Ariettes , Romances
, Duo , Brunettes , & c, avec accompagnement
de Violon & Baffe chiffrée
pour le Clavecin ou la Harpe , dont
il paroîtra une feuille périodique tous
les Lundis , à commencer, du 2 Janvier
1764. Le prix de la Soufcription pour
Paris eft de 12 liv. par an , par an , & pour la
Province , port franc , 18 liv. On foufcrit
à Paris chez M. de la Chevardiere
Editeur de ce Journal , rue du Roule
à la Croix d'Or.
WOMTAH" 95
9.
JANVIER. 1764. ་ ཏ་
ARTICLE V.
SPECTACLE S.
SUITE DES Spectacles DE LA COUR
LE
A VERSAILLES.
E Mardi 20 Décembre les Comédiens
François repréfenterent le Jaloux
défabufé , Comédie en cinq Actes en
vers de feu M. CAMPISTRON , ( de
1709. ) Le fieur BELLECOUR a joué
le rôle de Dorante , le fieur MOLÉ
celui d'Erafte , le fieur ARMAND celui
de Dubois , & le fieur PRÉVILLE celui
de Champagne. Les rôles de Célie & de
Julie étoient remplis par les Dlles PRÉ-
VILLE & DOLIGNI . Les Dlle BELLECOUR
& le KAIN ont joué les
rôles de Juftine & de Babet. Pour la
feconde Piéce on donna Crifpin rival
de fon Maître , Comédie en un Acte
& en profe de feu M. LE SAGE , ( de
1707. ) Le rôle de Crispin a été joué
par le fieur PREVILLE. La Dile
DROUIN jouoit Mde Oronté & la Dlle
1
*
Hij
172 MERCURE DE FRANCE .
DOLIGNI Angélique. La Dlle le Kain
celui de Lifette.
Le Mercredi , jour des Italiens , il
n'y eut point de Spectacle à caufe de
la Fête.
Le Jeudi 22 , on repréfenta l'Orphelin
de la Chine de M. DE VOLTAIRE ,
( de 1755. ).
Gingis- Kan des Tartares repréfenté
par M. LE Kain , Zamti Mandarin par
le fieur BRIZARD , Idamé par la Dlle
CLAIRON , & c. Pour petite Piéce
Impromptu de Campagne , Comédie
en un Acte & en vers de feu M.
POISSON , ( de 1731. ) Le rôle d'Erafte
joué par le fieur MOLE , celui de Père
par le fieur Brizard la Comtefe
par la Dile DROUIN , Ifabelle par la
Dlle DOLIGNI , Lifette par la Dlle
LE KAIN , & c.
?
La folemnité des Fêtes de Noël ayant
interrompu les Spectacles , les jours fuivans
, on a terminé cette année , le
Jeudi 29 Décembre , par la repréfentation
de deux Actes d'Opéra . L'un
de ces Actes étoit le Feu , troifiéme
Entrée du Ballet des Elémens , Poëme
de feu M. Roy , Chevalier de l'Ordre
de S. Michel , la Mufique de feu M.
* M. Roy , étoit mort peu de temps aupas .
JANVIER. 1764. 173
DESTOUCHES Surintendant de la Mufique
du Roi. ( de 1721. )
M. le BERTON , Maître de Mufique
de l'Académie Royale , a fait les augmentations
& les changemens qu'on
avoit crû néceffaires à la perfection
de cet Acte , compofé dans un temps
où les progrès de la Mufique n'étoient
pas encore portés en France au point
où cet Art eft aujourd'hui .
D'ailleurs cet Acte eft trop connu
pour en renouveller l'éloge .
La Dile ARNOUD a chanté le rôle
d'Emilie. Le fieur LARRIVÉE celui
de Valere. Le fieur DUBUT jeune
homme dont nous avons eu occafion
de parler avantageufement dans l'article
des Concerts Spirituels , exécuta le rôle
ravant cette repréſentation. Tout le monde connoît
les Poëmes qu'il a faits pour le Théâtre de
l'Opéra,& les talens particuliers de fa mufe pour
ce genre de Poëfie. Qu'il nous foit permis à
fon occafion de nous plaindre publiquement de
la négligence des familles ou des perfonnes qui
ont des mémoires exacts fur les Gens de Lettres
d'une certaine célébrité , auxquels il ne devroit
pas être auffi indifférent que leur conduite le
laiffe croire , de nous mettre en état de configner
dans ce Journal les particularités ou au
moins des époques de réputation littéraire qui
procureroient autant de certitude que de facili- .
té à cette branche intéreffante de notre hiftoire .
H iij
174 MERCURE DE FRANCE .
de l'Amour. La Demoifelle LAN Y
danfoit les Entrées feulés dans le caractère
de Prêtreffe , & le fieur LAVAL
dans celui du Chevalier Romain . Les
fieurs GARDEL & CAMPIONI ont
danfé dans les Entrées de Peuples ,
ainfi que la Dlle ALLARD .
L'autre Acte étoit la Guirlande ou
les Fleurs enchantées , Poëme de M.
MARMONTEL , Mufique de M. Ra-
MEAU , ( de 1751. ) Le fieur JÉLIOTE
& la Dile LARRIVÉE ont chanté les
rôles de Berger & de Bergère qui
forment tonte l'action de cet Acte.
La Dlle VESTRIS & la Dile GUIMARD
ont danfé les principales Entrées
de Bergères , les fieurs GARDEL
& CAMPIONI celles de Bergers . Le
fieur LANY & la Dlle ALLARD étoient
à la tête des Pâtres & des Paftourelles.
Nous avons précédemment nommé
tous ceux dont les talens font employés
à l'ordonnance de ces Spectacles. MM .
LAVALpère & fils , Maîtres des Ballets ,
& c ; ainfi nous ne les répéterons plus .
N B. Nous croyons obliger tous ceux qui
ordonnent & font exécuter des Spectacles en
Europe , de rappeller ici le goût & les talens
du fieur L'ECUYER , Pannacher du Roi , pour tous
les genres de Coeffures en ufage au Théâtre,
JANVIER 1764 # 175
ainfifi que dans tout ce qui a rapport aux ornemens
en Plumes.
On peut dire de même de l'intelligence du .
fieur de LAITRE chargé de l'exécution des habillemens
de Théâtre & Mafcarades des Menus.
Plaifirs du Roi & de l'Académie Royale de
Mufique.
La fuite des Spectacles , en Janvier,
pour le Mercure prochain.
SPECTACLES DE PARIS.
Pphbm0, PERA.
L'OOUUVVEERRTTUURREE de ce Théâtre , dans
la nouvelle Salle du Palais des Thuileries
doit fefaire le Mardi 24 de ce mois , par
la repréſentation de Caftor & Pollux ,
Tragédie-Opéra , Poëme de M. BERNARD
, Mufique de M. RAMEAU .
Nous avons déjà parlé de cet Opéra
dans l'Article des Spectacles de la Cour
à Fontainebleau . Il feroit fuperflu de
répéter ici les éloges tant de fois donnés
par le Public au mérite de cet
Ouvrage. Il paroît que l'on fait les
plus grands efforts pour fuppléer par
d'autres parties , dans la repréfentation ,
à Paris , à quelques avantages exclu-
Hiv
176 MERCURE DE FRANCE.
fivement attachés à celles qu'on a données
à la Cour.
On continuera le même Opéra les
Jeudi , Vendredi & Dimanche fuivans.
Il y aura Bal le Dimanche 29.
Le Public entrera dans cette Salle par
deux endroits . D'un côté par la principale
porte , Cour des Suiffes ; de l'autre
par une conduite pratiquée à l'extrémité
d'une des deux Galleries qui régnent
fur le Jardin , à laquelle on pourra arriver
à couvert en defcendant dans la
Cour des Princes. Il y aura à chacune de
ces entrées des Bureaux pour délivrer les
billets & recevoir l'argent ; mais on ne
le rendra aux perfonnes qui fortent
avant le Spectacle qu'au Bureau de la
porte principale du côté de la Cour des
Suiffes ; laquelle fera auffi l'unique entrée
pour les Bals . Lorfqu'on aura pris
des billets on entrera dans un très- grand
veftibule bien éclairé , d'où par deux
perrons on fe diftribuera dans toute
les places de la Salle. Une des portes
de ce veftibule , donnant fur le Jardin
des Thuileries, fera ouverte pour la fortie
du Public , dans les beaux jours ,
à la fin du Spectacle . Indépendament
des deux entrées générales , il y en a
de particulières pour fe rendre fur le
1
JANVIER. 1764 : 177
Théâtre & d'autres pour une partie des
Logês louées à l'année .
Ceux qui ont droit d'ordonner fur la
police des Voitures aux entrées & forties
des Spectacles , ont pris les plus fages
mefures pour la circulation libre & facile
de ces voitures , & en même temps
pour la fùreté des gens de pied .
En donnant dans le deuxième volume
de Juillet de l'année précédente
les Etats des Acteurs des deux Comédies
, nous avions remis à l'ouverture
du Théâtre après Pâques celui de l'Opéra
; on fçait les conjonctures qui
l'ont fufpendu. Nous croyons devoir
publier actuellement cet Etat dont nous
pouvons garantir l'éxactitude.
LETTRE à M. DE LA GARDE , par
l'Auteur de l'Almanach des Théâtres.
L
Il s'eft glife , Monfieur , plufieurs erreurs dans
l'Almanach dee Théâtres. Une regarde le Sieur
Augé , Comédien du Roi , placé parmi les Acteurs
à Pension ; il eft reçu à Demi-part. Dans un autre
endroit , j'ai attribué à M. Philidor la Mufique
du Roi & le Fermier ; c'est encore une faute ; cette
Mulique eft de M. de Monfigny. J'ai l'honneur
d'être , &c.
Hv
178 MERCURE DE FRANCE.
ETAT de l'Académie Royale de Mufique , a
l'Ouverture du Théâtre dans la Salle des Thuileries
, le 24 Janvier 4764.
DIRECTEURS >
M. REBEL , Chevalier de
Surintendans de la
l'Ordre de S. Michel. 3 Mufique du Roi.
M. FRANCOEUR.
SECRETAIRE PERPÉTUEL ,
M. JO LIVEAU.
'ACTEURS chantans dans les Rôles.
MESSIEURS
GELIN
LARRIVÉE ,
DURAND , Baffes-Tailles.
REGNAULT ,
CASSAGNADE ,
PILLOT ,
MUGUET ,
LE GROS ,
DU PAR ,
Hautes-Contres.
ACTRICES chantantes dans les Rôles.
MESDEMOISELLES
CHEVALIER ,
ARNOUD ,
SAINT-HILLAIRE ,
LE MIERRE ( Epoufe du Sieur Larrivée ) ,
DU BOIS ,
RIVIERE ,
ROZET ,
DU RANCI ,
BERNARD ,
DU BRIEULle.
N. B. On n'apas cru devoirgroffir cet Etat de celui
des Chaurs chantans , attendu qu'il fe trouve imprimé
à la têtedechaque Edition des Livres de Paroles,
JANVIER 1764. 179
BALLET
Maitre & Compofiteur des Ballets.
M. LANY .
DANSEURS feuls.
MESSIEURS
LANY , 3 .
LAVAL, Adjoint au Maître des Ballets ,
LYONNOIS J
VESTRIS,
7
I. GARDEL .
DANSEURS en double & figurans,
MESSIEURS
BEAT , ROGIER ,
HYACINTHE , DUBOIS
TRUSTY , RIVIERE
HAMOCHE L. LANY C
CESERON , HENRY.
GOUGY ,
A SURNUMERAIRES.
MESSIEURS
LIESSE . ANO DOSSION ,
MARTINET HAMOCHE COM
LANY ,
DANSEUSES feules A
JAMESDEMOISELLES
LYONNOISMESTRIS
,
ALLARD .
DANSEUSES feules , en double & figurantes
MESDEMOISELLES
PESLIN , GUIMARD.
H vj
180 MERCURE DE FRANCE.
DANSEUSES en double & figurantes..
MISDEMOISELLEST
SARON ,
SAINT-MARTIN ,
PETITOT ,
DEMIRÉ ,
REI ,
BASSE ,
PERRIN , LE CLERC . 4.09
SURNUMERAIRES.
DORNET ,
SIANNE ,
VILLETTE ,
LA HAYE ,
MBSDEMOISELLES
MARTAISE ,
CONTAT
GODEAU ,
MARCILLY
ROUSSILLON ,
LAVEAU ,
COUSTON ,
VERNIER,
DACHÉ , MIMI ,
BOUSCARELLE ; CORNU ,
TELIS , BUARD .
LOZANGE ,
Maître de Mufique de l'Orchestre battant la Meſure.
M. BERTON .
ECOLE DE CHANT.
M. LE VASSEUR , Maître de Chant .
M. CHAPOTIN , Maître de Mufique.
ECOLE DE4DANSE.
M. HYACINTHE , Maître de Danſe.
* T
201804
JANVIER. 1764. 181
COMEDIE FRANÇOISE.
Νουous avions précédemment annoncé
, d'après les Affiches publiques , la
première repréſentation d'une Comédie
de M. BRET , intitulée , la Confiance
trahie. Comme nos Lecteurs éloignés
pourroient foupçonner notre filence fur
cette Piéce , d'un voile officieux à fon
mauvais fuccès , nous fommes obligés
d'avertir qu'elle n'a pas été repréſentée ,
par des raifons particulières qu'il ne nous
appartient pas de fçavoir ; mais qui ne
doivent & ne peuvent donner aucune
idée contre le mérite de l'Ouvrage , ni
le talent de l'Auteur , ni les procédés
des Comédiens.
Le II du préfent mois , Mlle FANİER,
jeune Actrice nouvelle , qui n'avoit para
fur aucun Théâtre , a débuté dans les
rôles de Soubrettes du Diſſipateur , &
du Préjugé vaincu. La taille & le caractère
de la phyfionomie de cette jeune
Perfonne ont paru affez convenables à
celui de l'emploi pour lequel elle fe préfente.
On a applaudi au commencement
de fon premier rôle , dans lequel
182 MERCURE DE FRANCE.
on a été fatisfait de plufieurs traits. Au
furplus , nous avons fi fouvent expofé
les juftes raifons qu'il y a pour ne rien
hazarder fur les talens des Débutans
dans les premiers jours , que l'on ne
doit pas être furpris fi nous différons de
rendre compte du fuccès de ce début.
COMÉDIE ITALIENNE.
LE 2de
f
E 2 de ce mois on donna fur ce Théâ
tre la première répréfentation du Sorcier
, Comédie en deux Actes mêlée
d'Ariettes , les paroles font de M. Poincinet
le jeune , & la Mufique de M. Philidor.
Dans ce genre même qui domine
aujourd'hui la raifon en la contrariant
, il n'avoit paru encore aucun
ouvrage dont le fuccès eût été marqué
, à la première répréfentation , par
des circonftances auffi éclatantes . Après
des applaudiffemens redoublés , les Auteurs
furent forcés par les acclamations
du Public de paroître fur la Scène , ce
qui n'étoit point encore en ufage à ce
Théâtre , & ce qui confirme bien que
les goûts de mode ont des Périodes
JANVIER. 1764. 183
dont on ne peut mefurer les bornes.
Ne pouvant tranfmettre à ros Lecteurs
aucune idée précife des beautés qu'on
admire dans la Mufique de cette Piéce ,
nous allons effayer de leur en donner
une du Drame , par une Analyfe exactement
fuivie ; afin , s'il eft poffible , de
les mettre en état d'entrevoir les motifs
fur lefquels eft fondé en partie un fi
grand fuccès.
ANALYSE du drame de la Piéce
intitulée le Sorcier.
Le Théâtre représente un Paysage.
DANS la première fcène , Agathe s'occupe ✯
repaffer , refléchit fur fes malheurs & regrette
fon Amant Julien. Blaife Vigneron , qui la
doit époufer , profite de l'inftant où elle eft feule
& voudroit lui ravir un bailer. Mais Agathe à qui
l'on veut en vain faire accroire qu'elle ne reverra
plus fon Amant , parce qu'il y a trois ans
qu'on n'a eu de fes nouvelles , Agathe qui n'a
point perdu l'efpoir , reçoit fort mal les careffes
de Blaife. Il s'en plaint à Simone fa future Belle-
Mère. celle - ci qui a intérêt de fe débarraſſer de
fa fille pour fe remarier , la force d'écouter Blaife
qui fait un long éloge de fonétat , & fort pour
avertir le Notaire de tenir le contrat prêt pour
le foir même. Agathe repréfente inutilement
184 MERCURE DE FRANCE.
à fa mère qu'elle eft promiſe à Julien , qu'elle
l'aime , qu'il peut revenir ; en vain elle lui demande
la permiffion d'aller confulter un forcier
qui fait grand bruit aux environs. Simone ne
veut rien entendre. Juftine la filleule & foeur
de Julien abfent , vient prier fa maraine de lui
donner un mari ; tout en difant qu'elle n'aime
pas Baflien , l'éloge naïf qu'elle en fait , fâche
Simone, qui voit avec chagrin fa filleule prétendre
à un Garçon fur lequel elle a des vues pour
elle-même. Elle lui défend d'y penfer mais
Baftien qui furvient , loin d'entrer dans les vues
de Simone , protefte qu'il n'a jamais aimé que
Juftine. La bonne femme très-piquée , congédie
les filles ; elle envoye Agathe joindre Blaife &
le Notaire qui l'attendent , défend à Juftine
de jamais caufer avec un Garçon , & fort elle
même en faisant à Baflien quelques careffes qui
lui ouvrent les yeux fur les prétentions de la
mère. Mais elle le prive de Juftine . Le retour de
Julien pourroit aider à fon bonheur , il détermineroit
Juftine , qui jeune encore ne voit pas
clair dans fon coeur. C'est en s'occupant de
ces idées & en inftruifant les Auditeurs de la
naiffance & des progrès de fon amour que Baftien
, feul alors fur la fcène , chante cette jolie
Romance que nous avons reconnu être imitée
d'un fonnet italien du Chevalier ZAPPI . Nous
croyons faire plaifir à nos Lecteurs de la mettre
fous leurs yeux,
>> Nous étions dans cet âge encore
» Où chacun ignore
» L'amour & l'efpoir ,
J...
JANVIER. 1764.
185
Dans fon coeur on ne fent éclore
» Que le feul defir de fe voir.
» D'un bouquet cueilli pour Juftine ,
>> Que ma main badine
פכ
» Dans fon fein a mis ,
Sur fa bouche encore enfantine
» Le plus doux baifer fut le prix.
» Aujourd'hui la friponne oublie
» La fleur fi jolie
» Qui fit fon plaifir
» Et je n'oublîrai de ma vie
» Le baiſer que j'oſai cueillir .
Cette Romance nous a paru d'autant plas remarquable
qu'elle a comme un Poëme plus confidérable
, une expoſition , un noeud & une conclufion
, telles que devroient être toutes ces fortes
de chanfons. L'imitation du Poëte Italien ne
déprime point l'honneur du talent de l'Auteur
françois , elle prouve au contraire le bon ufage
qu'il fait de la connoiffance d'une langue étran
gère. On nous permettra fans doute cette légère
difgreffion : nous revenons à Baftien. Ainsi qu'Agathe
, il n'attend fon honheur que du retour de
Julien, il fe détermine , comme elle , à confulter
le forcier dont on a déja parlé . Un foldat
arrive , Baftien l'envifage , ce foldat eft Julien. Il
apprend à Baflien qu'il revient des Indes , qu'il
s'eft fait foldat. J'étois né pour fervir , dit-il , ah
j'ai choifi le meilleur maître ! Tout François fent
pourquoi cette phraſe eft fi vivement applaudie à
186 MERCURE DE FRANCE.
·
chaque repréſentation. Julien fait la defcription
d'une tempête & s'informe d'Agathe. Quelle eft fa
douleur en apprenant qu'elle va le marier avec le
Vigneron Blaife , qu'il croioit fon plus fidéle ami,
auquel même en partant , il avoit confié tout fon
bien; qu'il n'a pas fait difficulté de s'approprier ! Il
fe livre à fa colère , il veurt retourner d'où il
il vient , il veut fuir pour toujours Agathe ;
Cependant il veut auparavant la voir & lui
parler. Tandis qu'il en cherche les moyens, Juf
tine s'avile de lui conter l'hiftoire du forcier
qu'on attend ; elle lui confeille de le faire paffer
pour ce forcier . Il accepte ce parti, Il a rapporté
avec lui l'habit d'un Dervis indien; il fe propofe
de l'employer & fort en terminant cet Acte
par un Duo du plus grand effet. Baftien ouvre
le fecond acte fuivi de Julien travelti . Il lui recommande
à ſon tour les propres intérêts & le
prie de déterminer la petite Juftine en fa faveur
, elle paroît . Baflien le cache. La jeune enfant
commence par avoir peur du forcier . qu'elle
eft bien loin de croire fon frère. Mais peu-à- peu
elle s'enhardit , & finit par avouer , dans une
chanfon très - applaudie , qu'elle aime Baftien .
L'heureux Amant l'entend & paroît. Tout le
Village , informé de l'arrivée du forcier , fe raffemble
pour le confulter. A l'afpe&t d'Agathe &
de Blaife , Julien a peine à calmer fa colère.
Il fe contient cependant , chacun veut être écouté
le premier. Simone , plus bavarde que les autres ,
s'empare du forcier , chacun fe retire en fe promettant
de revenir dans un moment plus favorable.
Simone ne croit pas trop aux forciers , mais.
elle croit defon intérêt de faire parler celui-ci conformément
à les vues & lui donne de l'argent.
JANVIER . 1764. 187
En conféquence . En caufant avec lui elle lui
dit beaucoup de mal de lui - même , enfin de tout
ce qu'elle lui dit , il ne peut rien conclure qui
ne ferve à le convaincre de l'infidélité d'Agathe
Simone l'apperçoit , fe retire , & entraîne avec
elle Julien. Agathe , feule prête a figner le contrat
qui l'unit a Blaife , fe livre alors à tout fon
chagrin. Elle appelle Julien , le Sorcier ou plutôt
ce cher Julien arrive ; il fe repand en reproches ,
elle tremble , elle fe juftifie , il renaît , en apprenant
qu'il eft encore aimé , dans l'exces de fa
joie , il va fe découvrir : mais Blaife le furprend
& l'arrête. Blaife eft jaloux , il n'aime pas
qu'on caufe avec fa future auffi la renvoye-
t-il auprès de fa mere , & le détermine à
confulter le Sorcier , fur les fuites de fon mariage.
Julien profite de l'occafion pour recouvrer fa
caflette , il en parle a Blaife qui commence par
nier ; mais Julien , affecte de faire des conjurations
terribles. Blaife s'intimide & fe couvre les yeux.
Julien imite fucceffivement un choeur de Démons >
& la voix du Diable même qui prononce a Blaife
fon Arrêt. Le pauvre Vigneron , épouvanté.
Avoue fa furpercherie , il promet de tout rendre
& fort en effet pour aller chercher la caffette.
C'eſt en ce moment que Baftien , Juftine , Agathe ,
accourent rapidément les uns après - les- autres
pour confier au Sorcier , qu'ils font perdus ,
s'ils ne les confeille , ou plutôt s'il ne leur rend
Julien , ainsi qu'il l'a promis. Juftement enchanté
, celui - ci le raffure , les réunit , & les prend
entre fes bras. En moins d'un clin - d'oeil cette
robe finiftre , dont il s'étoit affublé , ſe détruit , difparoît
, & Julien le montre à leurs yeux tel qu'on
l'a vu au premier Acte. Il y a dans cette Scène de
la naïveté & de la chaleur, cequi ne peut être bien
188 MERCURE DE FRANCE .
rendu dans un Extrait . La joie fuccéde aux allarmes.
Blaife arrive avec la caffette ; il reconnoît
Julien , il veut fuir ; on l'arrête. Simone accourt au
bruit qu'elle entend , & reconnoît Julien à lon tour.
D'abord elle veut fe fâcher ; mais elle eft contrainte
de céder elle -même. L'heureux Sorcier , qui n'a
plus befoin de l'être , reprend la Maîtrelle & fon
argent; donne Jufine la foeur à Baftien ; & , pour
terminer les débats , engage Dame Simone à épouifer
Blaife : elle y confent ; tout le monde s'embraffe
, & la Piéce finit par un Vaudeville trèsagréable
en Paroles & en Mufique.
REMARQUES
Sur le Drame , & fur la Mufique.
Ce Drame , a par - deffus beaucoup
d'autres , dans les Ouvrages de ce genre
moitié lyrique moitié récité , d'être plus
lié , plus filé , & de contenir une forte
de conduite réguliére dans l'action . Pour
faire fentir cet avantage à nos Lecteurs ,
qui feroient étonnés peut- être de l'étenduë
de cette Analyfe , il étoit indifpenfable
d'expofer non feulement le Plan
de toute cette petite intrigue , mais encore
prèfque celui du Dialogue , afin de
faire connoître le fil des Scènes , & les
mouvemens de l'action : cela nous a
paru d'autant plus nécéffaire qu'un précis
plus abregé n'auroit fait voir que les
fources d'où l'Auteur ne paroît pas difJANVIER.
1764, 189
fimuler avoir puifé la principale partie
de l'invention ; mais dont on ne
peut lui refufer le mérite d'un ufage
adroit , d'où réfulte de l'agrément , &
furtout un fond très heureux pour
mettre en oeuvre le génie du Muficien
& lui procurer une grande variété de
caractères. La grande part qu'a ce dernier
au brillant fuccès de cette Piéce
ne nous permet pas de nous taire fur
les juftes éloges qu'il mérite ; elle femble
en effet mettre le fceau à la réputa
tion de M. Philidor. Les amateurs les
plus outrés de la frivolité du nouveau
genre , ont vu cependant avec fatisfaction
ce jeune Muficien fournir une
carrière nouvelle , & s'éloigner de ce
genre peut-être naturel , mais toujours
trivial quand il n'eft pas bifarre , qui domine
dans bien des Pièces de cette nouvelle
eſpéce . Au- contraire ici , fucceffivement
intéreffant , fouvent fublime
fçavant fans être moins gracieux , il fem
ble avoir déployé les plus heureuſes ref
fources de fon Art. Nous avons pour
preuves de ce que nous avançons entre
autres morceaux la Romance dont nous
avons rapporté les paroles ; le Duo du
premier Acte , la defcription de la Tempête
, l'Ariette de Blaiſe , la Scène de
130 MERCURE DE FRANCE.
la Reconnoiffance de Julien , l'admirable
Monologue d'Agathe , enfin le Vaudeville
de la fin , & nous pourrions dire
tout l'ouvrage. Ce qui laiffe efpérer que
le Muficien ne négligera pas d'étendre
fa gloire , en briguant de pareils fuccès
dans le premier genre, plus digne de fes
talens , & auquel il paroît fait pour atteindre
, & pour y réuffir.
Nous defirerions que
l'étenduë qu'a
déjà cet Article nous permît de rendre
inftice en particulier au talent de chaque
Acteur, dans la jufte appréciation
que l'on doit faire de ce genre. On peut
toujours convenir que M. Caillot , entre
autres , indépendament des dons heureux
de la nature , & du talent de chanter ,
acquiert journellement celui de bon Comédien.
Les Amateurs de ce Théâtre ont vu
avec plaifir le retour de M. Audinot, dans
fes , Rôles de certains Caractéres qu'il
avoit pour ainfi dire établis dans leur
origine.
JANVIER. 1764. 191
ARTICLE VI.
NOUVELLES POLITIQUES.
L&R
De WARSOVIE , le 10 Décembre 1763.
E Comte de Bielinski , Starofte de Czersɛ ,
eft parti le 7 de ce mois pour le rendre à Verfailles
& y notifier à Sa Majefté Très- Chrétienne
la mort du Roi Augußte III. Il eft chargé de la
même commiffion auprès du Roi Stanillas , Duc.
de Lorraine & de Bar.
De STOCKOLM , le 6 Décembre 1763.
Le Baron de Breteuil Ambafladeur de Sa
Majefté Très- Chrétienne auprès du Roi , vient
d'arriver en cette Capitale avec la Baronne fon
époule. En paffant par les Etats de Dannemarck,
ce Miniftre fut préfenté le 18 Novembre à Leurs
Majeftés , qui étoient à Friedensbourg , par le
Préfident Ogier , Ambaffadeur de Sa Majefté :
Très-Chrétienne auprès du Roi de Dannemarck .
De COPPENHAGUE , le 3 Décembre 1763 .
Le Préfident Ogier , Ambaffadeur de France.
en cette Cour , remit , le 20 du mois dernier ,
au nom de Sa Majefté Très- Chrétienne , une
épée d'or au fieur Laub , Capitaine- Lieutenant
de la Marine Danoife , lequel a fervi avec diftination
pendant la derniere guerre dans la Marine
de France . Des fept Officiers Danois qui ont
été admis à fervir conjointement avec les Offi192
MERCURE DE FRANCE .
ciers François , le fieur Laub eft le quatrième qui
air reçu des marques diftinguées de la bienveillance
de Sa Majesté Très- Chrétienne ; deux autres
ont été tués en combattant avec vvaleur fur
les Vailleaux François , & un troifiéme eft mort
ici peu de temps après fon retour en cette Ca- cette Capitale.
ANGA
De VIENNE , le 21 Novembre 1763.
Madame l'Archiducheffe Infante a été attaquée,
le 18 de ce mois , d'une fiévre affez forte , accompagnée
de maux de reins : elle a été faignée
le 19. Le lendemain la petite vérole s'eſt manifeftée
, elle eft aflez abondante , mais elle eft fortie
avec des fymptômes favorables , fans qu'on
puille encore juger fi elle eft de bonne ou de¹
mauvaiſe eſpéce. Cette Princeffe eft aujourd'hui
aufli bien que fon état le comporte.
Du 24.
Madame l'Archiducheffe Infante , qui étoit
groffe de fept mois , eft accouchée d'une fille
qui a vécu aflez de temps pour recevoir le baptême.
Cette faulle couche avoit rendu plus dangereux
les accidens da la petite vérole , les bou
tons s'étoient applatis , & la tête étoit embarrallée
; ces fymptêmes donnoient les plus vives
inquiétudes fur l'état de cette Princeſſe ; mais
aujourd'hui l'éruption paroît le rétablir , la tête
eft libre , & les Médecins ont repris efpérance.
Du 24. กา
·Rien ne peut exprimer la déſolation que répand
à la Cour & dans cette Ville la perte que
nous venons de faire. Tous les fecours de l'Art
n'ont pû conferver Madame l'Archiducheffe Inwicy
to tivist Alefante
JANVIER. 1764. 193
fante: les fuites de fa fauffe couche avoient entiérement
épuisé les forces , & rendoient , chaque
jour , plus dangereux les accidens de la petite vérole.
Hier au matin fe font manifeftés quelques
fymptômes de gangrene ; après midi , la Princeffe
a commencé à avoir la diglutition plus difficile ,
& peu de temps après , elle a refufé tout ce qu'on
lui préfentoit , le poulx s'eft affoibli , la refpira--
tion s'eft embarraffée de plus en plus , & tout a
annoncé dès ce moment les approches de la mort.
Cet état a duré toute la nuit ; ce matin à cinq
heures , fon Alteffe Royale a rendu le dernier foupir
après une agonie courte & tranquille . Cette
Princeffe avoit reçu les facremens le 22 , & le lendemain
, on lui avoit adminiftré l'extrême-onction
dans tout le cours de fa maladie ,
elle a
montré beaucoup de réfignation & de courage.
L'Archiduc s'eſt enfermé avec elle , dès l'inſtant
que la petite véroles'eft manifeftée, & il ne l'a pas
quittée jufqu'au dernier moment.7
Durs Décembre.
L'Empereur a nommé pour fon premier Commiffaire
à la Diete Electorale de Francfort le Prin
ce Jofeph de Lichtenſtein & pour ſecond , le Baron
de Bartenſtein , Confeiller Aulique de Sa Majefté
Impériale . On travaille avec activité aux préparatifs
néceffaires pour le départ de l'Empereur
& des Ambafladeurs qui fuivront Sa Majeſté Impériale
à Francfort .
De RATISBONNE , le 19 Novembre 1763 .
Voici la liste des noms des Ambaſſadeurs qui
doivent affifter à l'Aſſemblée Electorale convoquée
à Ausbourg pour le 15 Décembre prochain.
De la part de l'Electeur de Mayence , les Barons
d'Erthal & de Grofchlag ; de Treves , les Barons
II. Vol. I
194 MERCURE DE FRANCE.
de Breidenbach & de Keffelstadt , & le fieur de
Munch ; de Cologne , le Comte de Hohenzollern
& le Baron de Francken Sierstorff ; de Bohéme ,
Prince Efterhazy , le Comte de Pergen & le Baron
de Borić , Confeiller d'Etat ; de Saxe , le Comte
de Rex & le Baron de Ponickau ; de Brandebourg,
le Comte de Reuſſ & le Baron de Plotho ; de Baviere
, le Comte de Paumgarten & le Baron de
Schneid ; Palatin , le Comte de Linange & le Ba-
1on de Beckers , & de Hanovre , les Barons de
Buſch & de Gemmingen.
*
De BERLIN , le 15 Novembre 1763.
L'Envoyé de la Porte , Achmet Effendi , fit le
de ce mois fon entrée publique en cette Ville
& alla loger au Palais de Wernefobre qui avoit
étédifpofe pour le recevoir.
De LISBONNE , le 22 Novembre 1763 .
Le Chevalier de Saint Prieft , Miniftre Plénipotentiaire
de Sa Majesté Très- Chrétienne , & le
Geur Semonin , Conful de France , font arrivés
hier fur la Frégate la Terpficore..
De ROME , le 14 Décembre 1763.
Le Marquis d'Aubeterre, Ambaffadeur Extraor
dinaire du Roi Très- Chrétien , auprès du Saint
Siége , arriva le 6 de Lerici en cette Capitale : il y
entra dans les équipages que le Cardinal Colonna
de Sciarra , Protecteur des Eglifes de France, avoir
envoyés à la rencontre . Le Bailli de Breteuil , Ams
bafladeur de Malte , le Chevalier de la Houze ,
chargé des Affaires de France , & l'Abbé de Véri ,
Auditeur de Rote , étoient allés au -devant de cer
Ambaffadeur hors des portes dela Ville. Le Marquis
d'Aubeterre vit hier le Cardinal Neveu & le
JANVIER. 1764. 195
Cardinal Secrétaire d'Etat : il a eu , ce foir , une
audience du Souverain Pontife qui lui a fait l'accueil
le plus diftingué & à qui il a préſenté le fieur
Melon , fon Secrétaire d'Ambaſſade , ainſi que
plufieurs François de fa fuite , parmi lesquels s'eft
trouvé l'Abbé Coyer , connu par divers ouvrages
eftimés.
De LONDRES , le 8 Décembre 1763 .
Extrait d'une Lettre écrite de Kingston à la Jamaique
le 30 Septembre 1763 .
Le magafin à poudre du Fort Auguſta a ſauté
en l'air , le 28 de ce mois , entre une & deux heures
après midi. Cet accident , que l'on croit occa
fionné par le tonnerre , a détruit la meilleure fortereffe
qu'il y eût dans l'ifle . L'exploſion a été fi
violente qu'il n'eft pas refté en ſa place une feule
pierre du bâtiment & des murs qui l'environnoient.
Une partie du terrein fur lequel étoit ſitué le magafin
, a fauté auffi en l'air , & a formé une ouver
rure de plus de vingt pieds de profondeur , de
cinquante de largeur , & de cent de longueur.
Plufieurs canons de vingt- quatre livres de balle
qui étoient placés fur un baltion contigu , ont été
démontés de leurs affuts , & ily en a eu un qui a été
enlevé à plus de cent toifés de la Place. On a fenti
la terre trembler dans l'efpace de dix milles à la
ronde. Tout ce qui fe trouvoit dans le port a été
bouleverfé : la maison du Commandant , les baraques
des Officiers & plufieurs autres bâtimens
ont été renverfés : il y a eu un grand nombre de
perfonnes tuées ou bleflées; onfait monter le nom
bre des morts à trente blancs & onze négres . Le
Fort avoitt été conftruit par Amiral Knowlles
& étoit regardé comme un des meilleurs des In-
-Iij
196 MERCURE DE FRANCE.
des Occidentales : les murs avoient feize pieds
d'épaiffeur. On évalue à plus de 150000 livres
Sterling les dommages occafionnés par cet accident
, fans compter plus de 28 50 barils de pou-.
dre.
De la HAYE , le 23 Décembre 1763 .
Le Comte de Wartenfleben , Miniftre des Seigneurs
Etats-Généraux auprès des trois Electeurs
Eccléfiaftiques & des Cercles du Haut & Bas-
Rhin , s'étant rendu à Caffel pour les affaires parculieres
, le Landgrave de Heffe l'a fait arrêter
par un bas- Officier & huit fufiliers qui , après
lui avoir ôté ſon épée , l'ont étroitement enfermé
dans une chambre où il eſt gardé à vue. Leurs
Hautes Puiffances , étonnées d'un acte de violence
fi contraire aux droits des gens , ont dépêché au
Landgrave de Heffe un Courier qui eft revenu
fans apporter réponſe , mais depuis le Langdgrave
a répondu à la Lettre des Etats-Généraux. Cette
réponse fut accompagnée d'un mémoire contenant
l'expofé des motifs juftificatifs de la conduite
du Landgrave en cette occafion. Le Comte de
Wartenfleben a envoyé , de fon côté , à les maîtres
un mémoire contenant le détail des faits. Les mo
tifs du Landgrave n'ayant pas paru fuffifans pour,
autorifer la violence commife envers le Comte
Leurs Hautes Puiffances ont envoyé hier à Caffel
une Eftafette chargée de la réplique qu'Elles ont
jugé à propos de faire à la réponſe du Landgrave
, & par laquelle Elles infiftent avec force fur
la demande d'une fatisfaction éclatante & proportionnée
à l'injure faite à la République dans
la perfonne de fon Miniftre. Les Etats Généraux
témoignent dans cette réplique le defir qu'ils
ant de ne devoir cette fatisfaction qu'à l'équité de
ji I.
JANVIER. 1764. 197
ce Prince fans être obligés de recourir à des
moyens dont ils ne feroient ufage qu'à regret.
Le Landgrave a fait publier le mémoire dans
lequel il expofe fes motifs . Voici le précis des faits
qui ont donné lieu à la détention du Comte.
>
La Baronne de Gorz'avoit quitté la Heffe pour
éviter les troubles de la guerre & s'étoit retirée
à Francfort fur le Mein , où elle mourut en 1762 .
Elle légua par fon Teftament tous les biens pour
établir un Chapitre de Dames à fon Château de
Homberg dans la Heffe & elle nomma - le
.Comte de Wartenfleben fon éxécuteur Teftamentaire
& Directeur de cet établiffement. On
accufe ce Miniftre d'avoir eu des vues contraires
-aux intérêts de la Nobleffe du Pays , & aux difpolitions
da Teftament de la Baronne de Goerz ,
en prétendant fonder hors de la Heffe le Chapitre
dont l'établiffement lui étoit confié. Le Landgrave
: lui fit déclarer qu'il ne permettroit pas que l'on
s'écartât des difpofitions du Teftament & enjoignit
à la Régence de pourvoit a la fûreté de l'héritage,
En conféquence , la Régence demanda au Comte
la reftitution des deniers & effets dont il avoit été
mis en poffeffion ; mais ce Miniftre , au lieu de les
rendre , les fit fortir hors de la Heffe. Ces procédés
ayant paru auffi injurieux à la dignité du
Landgrave & de la Régence , que contraires aux
intentions de la Baronne de Goerz , le Comte de
Wartenfleben n'étant pas d'ailleurs accrédité à
la Cour de Caffel , le Landgrave a cru devoir
le faire arrêter pour l'obliger à fe foumettre aux
clauſes du Teftament dont il eft l'Exécuteur.
Iiij
198 MERCURE DE FRANCE.
7
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
De VERSAILLES , le 31 Décembre 1763.
La Roi a nommé l'Evêque de Vence à l'Evêché.
de Mâcon ; & à l'Evêché de Vence l'Abbé de
Lorry , Vicaire-Général du Diocèfe de Rouen :
à l'Abbaye de Vallemont , Ordre de Saint Be
noît , Diocèle de Rouen , l'Abbé Desforges ,
Vicaire Général du Diocèfe du Mans ; à l'Ab- .
baye de Previlly , Ordre de Citeaux , Diocèle
de Sens , l'Abbé de Trudaine , Vicaire- Général du
Diocèſe de Senlis ; à l'Abbaye de Saint Manfuy ,
Ordre de Saint Benoît , Diocèfe de Toul , l'Abbé
Bertin , Confeiller d'Etat ; à l'Abbaye de Saint
Sauveur de Blaye , Ordre de Saint Benoît , Diocèfe
de Bourdeaux , l'Abbé de Pingon , Comte de
Lyon , Vicaire Général du Diocèle de Vienne ; à
l'Abbaye de la Prée , Ordre de Citeaux , Diocèfe
de Bourges , l'Evêque d'Apollonie ; à l'Abbaye
de Saint Georges des Bois , Ordre de Saint Au
guftin , Diocèfe du Mans , l'Abbé de Pujols ,
Vicaire-Général du Diocèfe de Blois ; à l'Abbaye
Saint Vincent du Mans , Ordre de Saint Benoît
l'Evêque d'Orléans à l'Abbaye de Saint Alire ,
même Ordre , Diocèfe de Clermont , l'Archevêque
de Lyon , à l'Abbaye de Saint Auguftin de
Limoges , même Ordre de Saint Benoît , l'Abbé
de Veri , Auditeur de Rote; à l'Abbaye de Saint-
Sulpice de Bourges , même Ordre , l'Abbé le
Noir , Confeiller Clerc au Parlement de Paris
-
:
JANVLER . 1764. 1.99
à l'Abbaye de Chezal , même Ordre , l'Abbé
Gougenot , Confeiller - Clerc au Grand- Confeil
& à l'Abbaye de Saint Martin de Séez , même
Ordre , l'Abbé de Foy ; à l'Abbaye de Laval-
Brefliere , Ordre de Citeaux , Diocèle de Vienne
la Dame de Boiffac ,,Religieufe du Monaftere de
Montfleury , Diocèle de Grenoble ; & à l'Abbaye
de la Scauve , Ordre de Citeaux , Diocèle du ,
Puy, la Dame de Montmorin , Abbeffe de l'Abbaye,
de Clavas , du même Ordre & du même Diocèle :
Cette derniere Abbaye éteinte & demeurera
Ter
unie à celle de la Scauve.
Sa Majesté a nommé Aumônier de la Reine`
l'Abbé de Chilleau , Grand- Vicaire du Diocèſe,
de Metz .
La Ducheffe de Beauvilliers fut préfentée le 27
du mois dernier , à Leurs Majeftés & à la Famille.
Royale par la Ducheffe de Saint Aignan , & prit
enfuite le tabouret chez la Reine.
Le 29 du même mois , le Baron de Gleicken
Envoyé Extraordinaire de la Cour de Dannemarck
, a préfenté à Sa Majefté , de la part du
Roi fon Maître , cinquante- huit faucons d'Iflande.
Le Roi a nommé au Gouvernement de Belle-
Ifle , vacant par la mort du Vicomte de Belfunce
, le Marquis de Vibraye , Lieutenant- Général
de fes Armées , & a bien voulu , en confidération
des fervices de cet Officier , lui accorder la
première Place de Commandeur qui vaquera
dans l'Ordre de Saint Louis. En conféquence , le
Marquis de Vibraye a eu l'honneur de remercier
Sa Majefté le 24 du même mois , & a prêté ferment
le 30 entre les mains du fieur de Maupeou,
Garde des Sceaux , Vice- Chancelier.
Le même jour , la Comtelfe de Holderneff fut
I iv
200 MERCURE DE FRANCE.
préfentée à Leurs Majeftés & à la Famille Royale
par la Maréchale de Mirepoix ; & le Chevalier du
Buat , Miniftre du Roi auprès de la Diéte Générale
de l'Empire , prit congé de Sa Majefté pour
retourner à Ratisbonne.
Le i de ce mois , le Marquis de Villeroy prêta
ferment entre les mains de Sa Majefté , pour le
Gouvernement du Lyonnois , du Forez & du
Beaujollois.
Le 4 , la Comteffe de Gacé , préfentée par la
Princeffe de Monaco , fit ſes révérences à Leurs
Majeftés & à la Famille Royale.
Le même jour , le Baron de Zuckmantel, Maréchal
de Camp , l'un des Directeurs de la Nobleffe
immatriculée de la Baffe - Alface , & nommé
Miniftre Plénipotentiaire du Roi auprès de
l'Electeur de Saxe , prit congé de Sa Majesté à.
qui il fut préfenté par le Duc de Praflin , Miniftre
& Secrétaire d'Etat ayant le Département
des Affaires Etrangères .
Le 6 , on a célébré dans l'Eglife Paroiffiale de
Notre-Dame , un Service pour le repos de l'ame.
de Louife-Elifabeth de France , Ducheffe de Parme.
La Reine y a affifté , ainſi que Mgr le Dauphin
, Madame Adélaïde , & Mefdames Sophie
& Louife.
Le 8 , la Marquise de Pons fut préſentée à
Leurs Majeftés , ainſi qu'à la Famille Royale ,
par la Comtelle de Pons- Saint- Maurice.
Le 11 , la Marquife de Chalmazel , accompagnée
de la Marquife de Tallara & de la Marquife
de Caftries , fit fes révérences à Leurs Majeftés
& à la Famille Royale.
Le fieur Bertin , Contrôleur-Général des Fid
nances , ayant demandé au Roi la permiſſion dé
fe démettre de fa Place , Sa Majefté y a nommé le
JANVIER. 1764. 201
Sieur de L'Averdy, Conſeiller au Parlement de Paris
, & a rétabli en faveur du Sr Bertin , une Charge
de Secrétaire d'Etat qui avoit été fupprimée.
Le 13 , le Comte de Stharemberg , Ambaſſadeur
de la Cour de Vienne , eut une audience
particulière du Roi , à qui il notifia , de la part
de Leurs Majeftés Impériales & Royale , la mort
de l'Archiducheffe Infante . Il fut conduit , en
long manteau de deuil , à cette audience , ainfi
qu'à celles de la Reine & de la Famille Royale ,
par le fieur de la Live , Introducteur des Ambaf
fadeurs. Le 15 , la Cour a pris le deuil , à cette
occafion , pour trois ſemaines.
La Marqnife de Pons , ayant été nommée par
Sa Majefté Dame pour accompagner Madame la
Dauphine , a eu l'honneur d'être préfentée au
Roi en cette qualité.
Le 18 , le fieur Bertin prêta ferment , entre les
mains de Sa Majefté , en qualité de Secrétaire
d'Etat. Le même jour , le Marquis de Bauffer ,
Miniftre Plénipotentiaire du Roi auprès de l'Impératrice
de Ruffie , prit congé de Sa Majesté pour
fe rendre à fa deſtination .
Le 21 , la Comteffe de Virieu fut préſentée à
Leurs Majeftés & à la Famille Royale , par la Marquife
de Sourches.
Le 27 , la Comteffe de Sparre de Cronneberge
fut préfentée à Leurs Majeftés & à la Famille
Royale , par la Comteffe de Sparre , fa belle-
Soeur.
On a appris que , le 17 , l'Electeur de Saxe étoit
mort à Drefde , le troifiémejour d'une petite vérole
qu'on avoit prife d'abord pour une ébulli
tion peu dangereufe. Ce Prince s'appelloit Fréderic
- Chrétien - Léopold ; il étoit né le s Septem
bre 1722 & avoit été marié le 20 Juin 1747 à la
5
I-v
202 MERCURE DE FRANCE.
Soeur de l'Electeur de Baviere Frederic Augufte ,
Prince Electoral de Saxe , âgé de treize ans , fucèède
aux Etats du feu Electeur fon pere.
Le Marquis de Roux , de Marfeille , qui , en plafieurs
occafions , a donné des preuves de fon zèle
pour le bien de l'Etat , ayant demandé au Roi la
permiffion d'employer à la culture de fes terres
deux cens des familles étrangeres qui traverſent
le Royaume pour fe rendre à Cayenne , Sa Majefté
la lui a accordée & a donné ſes ordres en
conféquence.
Leurs Majeftés & la Famille Royale ont figné
Tes Contrats de mariage du Marquis de Beaucaire
avec Demoiselle de Hornbourg , fille du Comte
dé ce nom ; le 27 du mois dernier ) du Comte
de Sparre avec la Demoifelle Hardouin de Beaumois
, fille du Tréforier Général du Marc d'Or des
Ordres du Roi; du Marquis de Gauville avec la Demoifelle
Filleu , Dame & Patrone de S.Martin - le-
Viel des-Chenets : ( le 11'de ce mois ) da Comte
de Rouault avec la Dame de Brou , veuve du Sr
de Brou,Intendant de Rouen ; ( le 21 ) du Marquis
du Terrail avec Demoiſelle de Cruffol de Montauzier
; ( le 27 ) & du Baron de Boeil avec De
moifelle Saget , fille du fieur Saget , Confeiller
au Parlement de Paris. ľ le 28. )
Le Pere Bertier , Prêtre de l'Oratoire , a eur
T'honneur de préfenter à Sa Majesté trois volumes
de fa compofition , intitulés : Principes Phyfiques ,
"pour fervir de fuite aux Principes Mathématiques
d. Newton.
Le Baron de Zur- Lauben , Maréchal de Camp ,
commandant un bataillon de régiment des Gardes
Striffes & Honoraire Etranger de l'Académie
Royale des Infcriptons & Belles - Lettres , eut
Phonneur de préfenter le 13 de ce mois , fes Ou
A
JANVIER. 1764. 203
vrages à Monfeigneur le Duc de Berty & à Monfeigneur
le Comte de Provence : fçavoir , L'HISTOIRE
MILITAIRE des Suifes au fervice de la
France ; LES MÉMOIRES & LETTRES de Henry
Duc de Rohan ,fur la guerre de la Valteline , publiés
pour la premiere fois , & accompagnées de notes
Géographiques , Hiftoriques & Généalogiques ;
LE GÉNÉRAL D'ARMÉ E par Onofander , Ouvra➡
ge traduitdu Grec & dédié à Monfeigneur le Dauphin
; & les trois volumes de LA BIBLIOTHE
QUE Militaire , Politique & Hiftorique.
19,
Le fieur Clabault a eu l'honneur de préſenter,
fe
à Monfeigneur le Comte d'Artois un Tableau
Généalogique & Chronologique de la Maifon
Royale de France , dédié à ce Prince. Le len
demain , il a eu l'honneur de préfenter le même
Ouvrage à Monfeigneur le Dauphin , à Madame
la Dauphine , à Monseigneur le Duc de Berry & à
Monſeigneur le Comte de Provence.
Le fieur de Saint Geniès Chevalier de Sains
Louis , & Commandant de Bataillon , a eu l'honi
neur de préfenter au Roi un Ouvrage de la com→
pofition, intitulé , l'Officier Partifan.
Le 26 , le fieur Marmontel eut l'honneur de
préfenter à Leurs Majestés & à la Famille Royale
Je Difcours qu'il a prononcé pour la réception à
P'Académie Françoife.
Du 4 Janvier 1764.
Le premier de ce mois , les Princes & Princeffes ,
ainfi que les Seigneurs & Dames de la Cour , ren
dirent leurs refpects au Roi à l'occaſion de la nouvelle
année. Le Corps de Ville de Paris eut le mê
me honneur. Les Hautbois de la Chambre exécu
terent différens morceaux de Mufique pendant le
lever de Sa Majesté.
I vj
204 MERCURE DE FRANCE .
1
Les Chevaliers , Commandeurs & Officiers de
l'Ordre du Saint-Elprit , s'étant allemblés dans <
le Cabinet du Roi vers les onze heures du matin ,
Sa Majesté tint un Chapitre dans lequel Elle nomma
Chevaliers dudit Ordre , le Comte de Saulx
Tavannes, Lieutenant-Général & Chevalier d'Honneur
de la Reine , le Chevalier de Muy , Lieutenant-
Général & Menin de Monfeigneur le Dauphin ,.
le Comte du Châtelet-Lomont , Maréchal de Camp
& Ambaffadeur du Roi à la Cour de Vienne ,
& le Comte d'Eftaing , Maréchal de Camp.
Après le Chapitre , le Roi fe rendit à la Chapelle ,
précédé de Monfeigneur le Dauphin , du Duc
d'Orléans , du Duc de Chartres , du Prince de
Gondé , du Comte de Clermont , du Prince de
Conty , du Comte la Marche , du Comte d'Eu ,
du Duc de Penthievre & du Prince de Lamballe ?
& des Chevaliers , Commandeurs & Officiers de
l'Ordre. Les deux Huiffiers portoient leurs maſſes
devant Sa Majesté qui étoit revêtue du manteau :
Royal , ayant par - deffus , le Collier de l'Ordre &
celui de la Toifon d'Or. L'Evêque Duc de Langres
, Prélat Commandeur , célébra la Grand'
Meffe , à laquelle la Reine , Madame la Dauphine
, Madame Adelaide, & Meſdames Victoire ,
Sophie & Louiſe affifterent dans la Tribune. La
quête fut faite par la Princeffe de Monaco . Après
la Meffe , le Roi fut reconduit à fon appartement
en la maniere accoutumée. Il y eut le même jour
grand couvert pendant lequel les Muficiens du
Roi exécuterent plufieurs fymphonies.
•
Les Chevaliers , Commandeurs & Officiers de
l'Ordre affifterent , le 2 , au Service anniverſaire
qu'on célébre pour les Chevaliers défunts , & au- -
quel officia l'Evêque d'Orléans , Commandeur de
l'Ordre.
JANVIER 1764. 205
Le même jour , la Cour prit le deuil pour quatorze
jours , à l'occafion de la mort de l'Electeur
de Saxe.
Le 3 , le Parlement de Paris fe rendit à la Cour
pour rendre les reſpects au Roi à l'occafion de la
nouvelle année .
L'Académie Royale des Sciences a eu l'honneur
de préſenter au Roi le Volume de ſes Mémoires
pour l'année 17 ; 8. C'eft le fecond des quatre
volumes dont les fieurs le Roi , de la Lande ,
Tillet & Befout avoient été chargés par Sa Majesté
de compofer la Parrie Hiftorique & de procurer
la publication.
Les fieurs de Caffini , Camus & de Montigny ,
Membres de l'Académie Royale des Sciences , ont
préfenté au Roi une fuite de leur Carte Géographique
, c'eft -à - dire la foixante- neuviéme
Feuille N ° .175 , comprenant les Villes de Sierck,
Luxembourg & Treyes , le cours de la Mozelle
depuis Berg jufqu'à Treves , & celui de la Saxe
depuis Fremerdorfjufqu'à Conds où elle fe joint à
la Mozelle; & la foixante-dixiéme Feuille N° .165 ,-
qui comprend les Villes de Bafle, Huningue , Porrentru
, une partie du cours du Rhin & les lignes
qui féparent la France de la Suiffe .
Le fieur de la Lande , de l'Académie Royale des
Sciences , chargé par le Roi de compoſer chaque
année le Livre de la Connoiffance des Mouvemens
Céleftes , a eu l'honneur de préfenter à Sa Majesté
le Volume de cet Ouvrage , deſtiné pour l'année
prochaine 1765. Indépendamment des calculs
ordinaires faits pour l'ufage des Aftronomes & des
Navigateurs , ce Volume contient de nouvelles
Tables pour l'Aftronomie , une nouvelle théorie
fur la conftruction des Barometres , un détail cus
rieux des expériences faites depuis peu pour la dés
206 MERCURE DE FRANCE .
couverte des longitudes , & plufieurs articles inté
reffans.
L'Abbé de de Burle de Curban a eu l'honneur
de préfenter à Leurs Majeftés , à Monseigneur le
Dauphin & à Madame Adélaide la cinquiéme
Partie de la Science du Gouvernement , Ouvrage
compofé par le feu fieur de Réal. Cette cinquiéme
Partie , qui contient le Droit des Gens , eft dédiée
au Roi. Le fieur le Rouge , ancien Ingénieur--
Géographe du Roi , a préfenté auffi à Sa Majefté &
à Monfeigneur le Dauphin les premiers Exem
plaires des Plans , Profils & Elévation de la nouvelle
Paroifle de la Magdelaine , gravés d'après
les deffeins du fieur Content , Architecte du Roi.
Cet Edifice , qu'on doit conſtruire à l'extrémité
Septentrionale de la nouvelle rue Royale , fervira
de point de vue à la Place de Louis XV.
La fuite des Nouvelles Politiques au Mereure
prochain.
AVIS DIVER S.
LE Sieur MAR ME vend la véritable Pâte ďa
mande qui blanchit & adoucit la peau. L'on s'en
fert fans eau ou avec de l'eau : mais elle eft meilleure
fans eau. L'on s'en fert pour le vifage , les
mains & le bain, Elle garantit des boutons qui
viennent fur la peau , emporte toutes fortes de taches
d'encre , nourire & garantit la peau féche,
Certe Pâte ne s'aigrit ni ne fe moifit jamais , & fe
conferve fur mer comme fur terre & ne fe cor
rompt point. Elle fe vend chez le Suiffe de S. A S.
M. le Comte de Clermont , au Palais Abbatial de
l'Abbaye S. Germain' des Prés , à Paris. Les pots
ordinaires font du poids d'une livre , & le vendent
3 liv. 12 fols , & en rapportant le por 3 liv. Hyd
JANVIER. 1764 . 207
dès pots depuis une livre jufqu'à huit. On fait des
envois en Province & dans les Pays Etrangers.
Pareilles Affiches font fur les Pocs.
LE Sieur DE CRAMPIGNY donne avis au Public',
qu'il a obtenu la Permiffion de diftribuer un Bagme
fouverain pour la Guérifon des Crampes , par le
moyen duquel un Médecin de les parens faifoit
des Cures furprenantes dans le Levant. Ceux qui
en font attaqués , & qui auront befoin de fon reméde
, s'adrefferont à Paris , rue & Hôtel du Pe--
tit-Lion , fauxbourg S. Germain , chez Madame-
BERTEL , au premier étage , entre un Vinaigrier
& un Marchand de Vin , vis- à- vis un Pâtiffier.
Le prix de ce Baume eft de 6 liv. l'once. One
donnera des Imprimés qui enfeigneront la manière
de s'en fervir . Les Perfonnes de la Provincequi
écriront au Sieur DE CRAMPIGNY , pour avoir
de fon Baume , font priées d'affranchir leurs Let--
tres , fans quoi elles ne feront pas reçues.
LE Sieur SAUVEL , Marchand Diftilateur , rue
neuve des Petits - Champs , au coin de la rue des
Bons- Enfans , au Magafin de Provence , avertit le
Public qu'il lui eft arrivé plufieurs fortes de Liqueurs
étrangères ; entr'autres , du Marafquin de
Zara & de Bologne , à 18 liv . la bouteille ; nouvelle
Crême de Fleur-d'Orange au Vin de S. Lautent
, Supérieure à celle au Vin de Champagne
à 6 liv la bouteille ; Roffoglio de Bologne à 10 liv.
la bouteille ; Huile de Gérofle à 6 liv . la bouteille ;
Huile & Crême d'Anis des Indes à 6 liv . la bouteille
, double Hypotheque de Gérofle à 3 liv . la
bouteille de pinte.
Il vend auffi des Eaux de Senteur ; Eau de
Fleur- d'Orange de Malthe à 3 liv. la bouteilles
Eau de Lavande à a liv. 10 f. la pinte ; la parfu
mée à 3 liv.
208 MERCURE DE FRANCE.
On trouve encore dans fon Magafin d'excellent
Chocolat de toute eſpéce . La réputation de cet Ar
tifte s'étend tous les jours davantage , il ne peut
trop mériter l'empreffement du Public.
CHAUMONT , Perruquier , fait non -feulement
toutes fortes de Perruques dans les goûts les plus
nouveaux , fpécialement celles qui font nouées
& celles en bourfes ; mais le deſſein dont il fait
ufage lui donne une grande facilité pour bien
prendre l'air du vifage , & coëffer le plus avantageufement
qu'on puiffe le defirer. Il fait voir
fes Defleins en plufieurs genres d'Accommodages
, & variés fuivant les différens goûts. Il les
éxécute enfuite au choix & à la fatisfaction des
perfonnes qui les lui demandent. De plus , il vient
de trouver l'invention d'un nouveau Reffort pour
fes Perruques bien fupérieur à tous ceux qui ont
paru jufques à ce jour , lequel eft d'autant plus
avantageux qu'il maintient l'ouvrage dans fa première
forme , l'empêche de fe retirer , & que fon
élafticité qui eft très- douce , ne fe relâche jamais
par l'ufage : en forte que durant tout celui de la
Perruque , elle joint également bien le contour du
vifage , & aufli parfaitement , pour ainfi dire , que
le pourroit faire le naturel des cheveux .
Il demeure rae S. Nicaife , au Mont Véluve.
LE Sieur BRESSON DE MAILLARD , Marchand
d'Eftampes , & Privilégié des Enfans de France ,
en ouvrages de Caractères , Deffeins , Vignettes ,
demeurant rue S. Jacques , Maifon de M. de Lambon
, Avocat , proche M. Duchefne , Marchand
Libraire à Paris , tient un affortiment de Caractères,
Vignettes , & de différentes Fleurs , qu'il a
deffinées d'après nature, & exécutées fur des Planches
de cuivre , avec lefquelles on peut, avec faci
JANVIER . 1764. 209
lité & fur le champ , faire divers Deffeins pour
meubles , & c .
Ledit Sieur exécute pareillement à jour nombre
d'autres ouvrages utiles , & d'une même facilité
dans l'ufage , comme des Adreſſes , Alphabeths
pour apprendre les Enfans à lire , Notes , Etiquettes
, Noms à laiffer en vifite , ou pour mettre fur
les Livres , Marques & Chiffres , Deffeins au fimple
trait pour broder ou peindre d'après.
Il dient auffi un alfortiment de toutes fortes de
Papiers peints en Vignettes , & entreprend de noter
les Livres de Plein- chant.
Il grave auffi en Taille-douce des Adreſſes avec
les attributs des différentes Profeffions , & autres
fujets.
L'Epoufe du Sieur MAILLARD deffine & colore
très - proprement les Fleurs , Emblêmes & Armoiries
, Ecrans. Elle montre aux Dames la manière
de fe fervir des Planches à jour , que l'on peut
qualifier d'Art de deffiner & de peindrefans Maitres
& fournit les Couleurs & autres chofes qui y font
relatives.
On trouvera auffi chez ledit Sieur une fuite affez
confidérable de petites Eftampes en Emblèmes ,
Deviles , Fables choilies , Prières , Bouquets & Sou
haits de bonnes Fêtes , Etrennes brochées en forme
de Calendrier, Emblématiques & Chantantes , pour
la nouvelle Année , préfentées aux Enjans de France..
Ceux qui defireront acheter & connoitre plus
particulièrement toutes lefdites Marchan difes d'Eltampes
, Caractères & Deffeins , & qui fouhaiteront
les vrais Originaux , s'adrefferont directement à
Paris au Sieur MAILLARD ; & en Province à MM.
les Libraires & Marchands d'Eftampes qu'il fournit.
Sçavoir ,
A Lyon , M. Daudet.
Rouen , M. Frere , fur le Port.
2TO MERCURE DE FRANCE.
Toulouſe , M. Jouques , rue S. Rome.
Tours , M. Jagus , Marchand Papetier.
Poitiers , M, Fatour.
Bordeaux , M. Noblet.
La Rochelle , M. Pavie , Marchand, Libraire.
A Nantes , M. Tancrer.
Liege , M. Soer , Marchand Libraire.
Dijon , M. Desventes , Marchand Libraire .
ON S'ABONNE au Cabinet Littéraire , Pont de
Notre-Dame , pour la lecture de tous les Livres
qui compofent le Cabinet ,
pour l'année
pour
fix mois
pour
trois mois
pour un mois •
au volume , pour deux jours .
18 liv.
12.
T
3
1
10 £
4f..
On diftribue un Avis plus détaillé , & le Cataloguegratis.
On tient au Cabinet un affortiment complet de
tous les Almanachs chantans & autres intéreffans
pour l'année 1764 5 & particulièrement les Almanachs
fuivans en grand nombre,
*
9
Les Tablettes Mythologiques & Pirtorefques
ou l'explication & la manière de connoître les Tableaux
& Statues , avec des Couplers relatifs au:
fujet. (fous preffe. )
Le Cadeau de l'Amour. ( fous preffe. )
Les Délaffemens de Paphos. fous preſſe . )
Tous lefdits Almanachs fur les Airs les plus
nouveaux .
L'Almanach fous verre ,
L'Almanach de Cabinet de la petite Pofte de
Baris , en carton .
L'Almanach Hiftorique de la petite Pofte de
Paris , avec une notion exacte de ce qu'il y a de
curieux & de rare à Paris , avec la Lifte des Rues
de Paris ; Almanach très- utile aux Etrangers.
1
1
JANVIER. 1764. 201
SECOND SUPPLÉMENT à la Lifte des
Abonnés au Mercure , qui fe trouve
dans le Volume de Décembre dernier ,
& dont lepremier Supplément eft dans
le Mercure du premier Janvier. *
ABONNÉS DE PARIS.
MESSIEURS ,
-ANTOINE , à l'Ecu Dauphin , rue Bourg- l'Abbé..
Bardou de Farceville , rue d'Argenteuil.
Chardon , Fermier du Roi , rue Montmartre , vis--
à-vis la rue du Jours
Chopin , Confeiller au Grand-Confeil , à l'Hôtel
d'Aumont , rue de Jouy.
Cochu , Médecin , cloître Notre-Dame.
D'Aihene , Maître des Requêtes , rue des Deux
Portes:
D'Hémery ( Madame ) , rue des Poftes..
La Bonne ( de ) , Lieutenant de MM . les Maré--
chaux de France rue du Bacq , à l'Hôtel de
Nevers.
Le Fevre , Avocat au Parlement , rue la Tixeran--
derie .
* Onfoufcrit en tout temps pour le Mercure , chez
M. LUTTON , Greffier au Parlement , rue Sainte
Anne , Butte S. Roch , au Bureau du Mercure de
France. En fe faifant infcrire chez lui , on reçoit le
Mercure plus promptement , & plus exactement
212 MERCURE DE FRANCE .
Noël , Marchand de Bois , place de la Baftille.
Paulain , Commiffaire des Guerres , rue des Francs-
Bourgeois.
Puffan , Fermier Général , rue S Marc.
Puiffan , Premier Commis de la Police, rue Saint-
Marc.
Wimpffen ( le Baron de ) , Brigadier des Armées
du Roi , Colonel - Commandant da Régiment
de la Marck , à l'Hôtel de Luxembourg , rue S.
Marc
ABONNÉS DE PROVINCE.
MESSIEURS
Alcock & Compagnie , Entrepreneur de la Manufacture
Royale , à la Charitéfür Loire,
Barrey ( le Chevalier de , Capitaine d'Infanterie,
à Bernay en Normandie .
Batlematon l'aîné , à Quimper.
Beaufort le Comte de ) , en
lé en Artois.
fon Château de Moul-
Blachere , Directeur de la Pofte , à l'Argentiere ,
par Aubenas en Vivarais.
Boillelet ( de ) , ancien Moufquetaire du Roi , au
Château de la Noue , près Vierzon.
Cannac , à Lyon.
Champdoré de , ancien Notaire , à Fontenayle-
Comte en Bas- Poitou .
Comcy de ) , Maréchal de Camp , Commandant
à Toulon.
Courrejolles ( de ) , Négociant , à Baïonne .
Crefcia ( la Marquife de ) , enfa Terre de Crefcia ,
près d'Orgelet , en Franche-Comté .
Dupin , à Saint Jean-pied-de-port.
Geoffroy de Vaudiere, Secrétaire du 'Roi , à Epernay
en Champagne.
Gros , Libraire , à Lons -le-Saunier en Franche-
Comté,
JANVIER . 1764.
213
Hébert , Tréforier de France honoraire au Bureau
des Finances , à Soiffons.
La Baupaumerie ( de , Lieutenant Général , à
Montere u-faut- Yonne.
Laporte ( de ) , Directeur des Poftes , à Betfort.
Le Baron l'aîné , Libraire , à Caën .
Le Roux , Libraire , à Strasbourg , deux exemplaires.
L'Efcouer le Marquis de ) , au Château de L'Efquiffiou
, près Morlaix.
Lobreau ( Madame ) , Directrice des Spectacles , à
Lyon .
May ( de ) , Officier au Régiment de la Ferre , à
Perpignan.
Portalis ( de ) , Chevalier de S. Louis , Commiffaire
Ordonnateur des Guerres , à Toulon.
Portally , Négociant , à Toulon.
Rannon , Lieutenant de l'Amirauté , à Quimper.
Saint-Vaft ( de ) , ancien Capitaine de Cavalerie ,
Chevalier de l'Ordre Røyal & Militaire de Saint
Louis , à Tinchebray.
Turin ( le Comte de ) , au Mans .
APPROBATION.
J'AI lu , par ordre de Monſeigneur ΑΙ le Vice-Chan-
> celier le fecond volume du Mercure du mois.
de Janvier 1764 , & je n'y ai rien trouvé qui puiſſe
en empêcher l'impreffion. A Paris , ce 14 Janvier
1764. GUIROY.
3
20
.2 .
214 MERCURE DE FRANCE.
TABLE DES ARTICLES.
PIECES FUGITIVES EN VERS ET EN Prose.
ARTICLE PREMIER.
ODE fur DE fur la mort de M. Racine.
ÉPITAPHE d'une jolie Enfant de 4 ans &
demi.
VERS à Mile L. P.
VERS à Mile Camille.
LES Péris & les Néris , Conte.
Page 5
ΤΟ
II
13
14
38
39
ibid.
40
VERS à M. l'Evêque d'Orléans , par M.
Ygou.
DIANE & Endimion.
MADRIGAL.
AUTRE Madrigal.
4I VERS à M. le Marquis d'Entragues , &c.
ÉTRENNES à Madame la Marquile de Pr... ibid.
RÉFLEXIONS fur les Hommes , par Madame
D***
LETTRE à M. De la Place , fur les Priviléges
des Dames de Beauvais.
QUATRIEME Lettre d'une jeune Étrangère
fur les Modes & Usages de France.
ENIGMES.
LOGOGRYPHES.
CHANSON.
42
44
46
50 & SI
51 &52
ibid.
ART. II . NOUVELLES LITTÉRAIRES .
LETTRE à M. de la Place , Auteur du Mercure
, fur l'éloge de Sully par M. Thomas . 53
LETTRE à l'Auteur du Mercure . 66
JANVIER. 1764.
275
LETTRE fur un Auteur du 17. Siécle , par
M. de Maffac , &c.
ELOGE de Maximilien de Béthune , Duc de
Sully , & c. par Mile Mazarelli.
HISTOIRE des Loix &Ufages de la Lorraine
& du Barrois , par M. François - Timothée
Thibault.
INTRODUCTION à la Science des Médailles ,
&c , par Dom Thomas Mangeart.
LETTRE à M. de la Piace , fur M. le Préfident
de Montefquieu .
A l'Auteur du Mercure , fur deux Médailles.
70
78
90.
94
99
100
ARTICLE III . SCIENCES ET BELLES- LETtres.
GEOMÉTRIE.
LETTRE à M. de la Place.
ASTRONOMIB.
NOUVEAUX Cadrans folaires qu'on peut
orienter fans le fecours de la Bouffole.
MÉDECINE.
102
104
TOPIQUE pour détourner la Goute.
blimé corroſif.
OBSERVATION fur les mauvais effets du Su-
109
108
RECHERCHES hiftoriques, &c. Par M. D. R. 113
OBSERVATIONS fur le Ver folitaire.
SUPPLEMENT aux Nouvelles Littéraires.
ANNONCES de Livres.
140
157 & fuiv.
ART. IV . BEAUX - ARTS .
ARTS AGRÉABLES.
GRAVURE.
MUSIQUE.
167
169
216 MERCURE DE FRANCE.
ART. V. SPECTACLES.
SPECTACLES de la Cour à Versailles. 171
SPECTACLES de Paris , Opéra. 175
LETTRE de l'Auteur de l'Almanach des Théâtres
à M. Dela Garde. 177
COMÉDIE Françoife. 181
COMÉDIE Italienne. 182
ART. VI. Nouvelles Politiques. 191
AVIS, 296
02
De l'Imprimerie de SEBASTIEN JORRY
rue & vis-à- vis la Comédie Françoife.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères