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MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROL
FEVRIER. 1763.
Diverfité , c'eft ma devife . La Fontaine.
Cochin
Sins ima
1718.
Chez
A PARIS ,
CHAUBERT, rue du Hurepoix.
JORRY, vis- à-vis la Comédie Françoiſe.
PRAULT , quai de Conti .
DUCHESNE , rue Saint Jacques.
CAILLEAU , rue Saint Jacques.
CELLOT , grande Salle du Palais.
Avec Approbation & Privilége du Roi.
ད
EXBLIOTHECA
REGLA
MONACENSIS.
AVERTISSEMENT.
LE Bureau du Mercure eft chez M.
LUTTON Avocat , Greffier Commis
au Greffe Civil du Parlement , Commis
au recouvrement du Mercure , rue Sainte
Anne, Butte Saint Roch à côté du
Sellier du Roi.
C'eft à lui que l'on prie d'adreffer ,
francs de port,
les paquets & lettres
pour remettre , quant à la partie littéraire
, à M. DE LA PLACE , Auteur
du Mercure.
Le prix de chaque volume eft de 36
fols , mais l'on ne payera d'avance , en
s'abonnant , que 24 livres pour feize vo-
Lumes , à raifon de 30 fols piéce.
Les perfonnes de province aufquelles
on enverra le Mercure par la pofte ,
payeront pour feize volumes 32 livres
d'avance en s'abonnant , & elles les recevront
francs de port.
Celles qui auront des occafions pour
le faire venir , ou qui prendront les frais
du port fur leur compte , ne payeront
comme à Paris , qu'à raifon de 30 fols
parvolum . c'est -à- dire 24 livres d'avance,
en s'abonnant pour feize volumes.
Les Libraires des provinces ou des
Aij
pays étrangers , qui voudront faire venir
le Mercure , écriront à l'adreſſe cideffus.
On fupplie les perfonnes des provinces
d'envoyer par la pofte , en payant
le droit , leurs ordres , afin quele payement
en foit fait d'avance au Bureau.
Les paquets qui neferont pas affranchis
, refteront au rebut.
On prie les perfonnes qui envoyent
des Livres , Eftampes & Mufique à annoncer,
d'en marquer le prix.
Le Nouveau Choix de Piéces tirées
des Mercures & autres Journaux , par
M. DE LA PLACE , fe trouve auffi au
Bureau du Mercure. Le format , le nombre
de volumes & les conditions font
les mêmes pour une année. Il y en a jufqu'à
préfent quatre - vingt - fept volumes.
Une Table générale , rangée par
ordre des Matières , fe trouve à la fin du
foixante- douxiéme .
XX
MERCURE
DE FRANCE...
FEVRIER. 1763 .
ARTICLE PREMIER.
PIECES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
M.De Saint-Foixva donner inceffamment
un Supplément à fes Effais
hiftoriques fur Paris . On étoit étonné
qu'ayant fait mention de tant de palais
& d'hôtels de cette Capitale , il n'eût pas
parlé des deux hôtels des Moufquetaires ;
voici l'article qu'il nous a communiqué .
Quelle clarté , quelle netteté , quel ton
fimple , naturel & facile ! D'autres ont
A iij
6 MERCURE DE FRANCE .
marré ; M. de Saint- Foix peint. D'ail
leurs , il cite fes garans , à chaque fair
qu'il rapporté.
HÔTEL DES DEUX COMPAGNIES
DES MOUSQUETAÍRES .
Un Spartiate vantoit à un étranger
l'intrépidité avec laquelle les jeunes
gens de Sparte combattoient & s'expofoient
à tous les dangers : je ferois étonné
(a) , lui répondit cet étranger , qu'ils
ne cherchaffent pas la mort , attendu la
vie trifte , ennuyeufe & dure qu'ils menent
& que vous menez tous dans votre
république. On ne dira pas que les plaifirs
manquent à Paris ; qu'on y eft trifte
& morne comme à Lacédémone , &
que la nobleffe Françoife n'eft brave
que par mauvaiſe humeur contre la
vie.
9
La première Compagnie des Moufquétaires
fut créée en 1622, Elle fe
diftingua dans toutes les occafions. Ce
fut au pas de Suze , dont elle força les
trois retranchemens , l'épée à la main ,
que Louis XIII , qui y étoit en perfonne
, dit que ce qui lui plaifoit tou-
( a ) Vid. Craggium de Republ. Laced. Lib. 3.
Inftit. 8.
FEVRIER. 1763 . 7
jours dans fes Moufquetaires , c'étoit
cette gayeté célére avec laquelle ils marchoient
à tout ce qu'on leur difoit d'attaquer.
A la bataille des Dunes , le grand
Condé , qui fervoit alors contre la
France , les fit charger quatre fois par
des corps bien fupérieurs en nombre
fans pouvoir les dépofter du terrein
qu'ils occupoient.
La feconde Compagnie ne fut mife
fur le même pied que la première , & le
Roi ne s'en déclara le Capitaine qu'en
1665 .
2
La guerre entre la France & l'Efpagne
ayant recommencé en 1667`, à
Poccafion des droits de la Reine , les
Moufquetaires fuivirent le Roi en Flandres
, & continuerent d'y faire le fervice
à pied & à cheval à tous les fiéges. A
celui de Lille ils furent commandés
pour l'attaque de la demie-lune & l'emporterent
en moins d'un quart-d'heure .
Le lendemain le Gouverneur battit la
chamade ; & lorfque la capitulation fut
fignée , & que les Moufquetaires fe
furent emparés de la porte qu'il livroit ,
il fut étonné de voir que la plupart
étoient des jeunes gens de dix - fept , dixhuit
ou vingt ans .
En 1668 ils marcherent en Franche-
A iv
8 MERCURE DE FRANCE .
Comté : Dole fut la feule ville qui parut
vouloir foutenir un fiége ; mais à peine
avions -nous ouvert la tranchée
, que
trente ou quarante Moufquetaires (b)fe
jetterent dans le chemin couvert ; le
grand Condé arriva dans l'inftant &
voyant que leur audacieufe témérité en
avoit impofé à l'ennemi qui fuyoit , il
les fit foutenir par de l'infanterie &
réuffir dans une attaque où ils auroient
dû payer de leurs vies l'imprudence de
leur courage. Dole fe rendit le lendemain
.
,
En 1669 , Louis XIV joignit un
détachement de cent Moufquetaires aux
autres troupes qu'il envoyoit en Candie.
Ils fe fignalerent par tous les efforts
de la plus grande valeur dans la fortie
que fit le Duc de Navailles , & où la
cavalerie Turque fut mife dans une entiere
déroute . Deux jours après , ils défendirent
la brêche du côté de la Sabionnaire
, & repoufferent les Turcs à
tous les affauts qu'ils y donnerent. Deux
Maréchaux des logis & trente Moufquetaires
y furent bleffés , & deux Brigadiers
tués.
En. 1672 Louis XIV déclara la guerre
( b ) Journal de la conquête de la Franche- Comté
en 1668 .
FEVRIER. 1763. 9
la Hollande , & le 12 Juin les Moufquetaires
pafferent le Rhin à la nage
avec les autres efcadrons de la Maiſon.
Au fiége de Maſtrick , en 1673 , la
premiere Compagnie fut commandée
pour l'attaque de la demie-lune féche ,
tandis que la feconde attaqueroit les paliffades
entre cette demie-lune & l'ouvrage
à corne. On donne le fignal , elles
marchent ; & malgré la vigoureuſe réfiftance
de l'ennemi , malgré le feu des
fournaux qu'il fait jouer & les éclats terribles
des grenades qu'il jette fans ceffe ,
ces ouvrages furent emportés prefqu'en
même temps . L'action du lendemain fut
encore plus vive & plus meurtrière ; on
croyoit les logemens affurés & les
Moufquetaires étoient rentrés dans le
camp ;l'ennemi fit jouer tout-à- coup un
fourneau que nous n'avions pas découvert
dans la demie-lune ; on. dut crain --
dre qu'il n'y en eût d'autres. Farjaux ,
Gouverneur de la Place , qui s'étoit mis
à la tête des meilleures , troupes de fa
garnifon , profitant de ce moment d'al-
Farme , rentra dans cet ouvrage , en
chaffa nos foldats on commanda de
nouveau les Moufquétaires (c) pour le
2*
( o) Relation du Duc de Montmouth à Charles
II. Recueil depièces . p . 139.
Av
10 MERCURE DE FRANCE .
reprendre , & ils le reprirent ; mais
après un combat des plus fanglans &
des plus opiniâtres ; cinquante-trois
Moufquetaires y furent bleffés , trente .
fept tués avec le Comte d'Artagnan
Commandant de la première Compagnie.
Les Moufquetaires qui en revinrent
, dit Peliffon ( d ) , avoient tous
leurs épées fanglantes jufqu'aux gardes
, & fauffées des coups qu'ils avoient
donnés .
Deux fortes barricades & un retranchement
autour de l'Eglife de S. Etienne
, défendoient les approches de la citadelle
de Befançon ; les Moufquetaires ,
le 20 Mai 1674 , à dix heures du matin ,
marchent deux cens pas à découvert
fous tout le feu du canon & de la moufqueterie
de l'ennemi , forcent ces deux
barricades & ce retranchement , &
mettent nos travailleurs en état de commencer
le logement fur le glacis .
Louis XIV, le 21 Avril 1676, affiégea
Condé , une des plus fortes places du
Hainaut ; le prince d'Orange marcha
auffitôt pout la fecourir ; la communication
entre nos quartiers étoit très-difficile
à caufe de l'inondation , & nos
lignes embraffoient une fi grande éten-
( d ) T. 1. p. 325.
9
FEVRIER. 1763. 11
,
due de terrein , qu'il n'étoit pas poffible
de les défendre contre une armée , fut
elle-même bien inférieure à la nôtre ;
il falloit donc , ou marcher au devant de
l'ennemi & le combattre , ou preffer le
fiége par une attaque fi vive , que la
place fut obligée de fe rendre avant l'arrivée
du fecours. La nuit du 25 au 26
Avril , les deux Compagnies des Moufquetaires
, à la tête de plufieurs détachemens
d'infanterie , furent commandées
pour cette attaque ; fi jamais leur
valeur & l'émulation qu'elle infpire ;
ont rendu un fervice important , ce fut
en cette occafion : un jour de plus ou
de moins , dit Peliffon (e) , étoit de la
plus grande conféquence dans la conjoncture
des chofes ; ainfi les nôtres
ajoute-t-il , avoient ordre de ne fe point
arrêter , s'il fe pouvoit , que tout nefût
emporté. Tout le fut , les paliffades , le
foffé , la contrefcarpe , l'ouvrage avancé
, la feconde contrefcarpe avec des
redoutes fur fes angles faillans , & des
fourneaux au-deffous , les deux baſtions
détachés & leur courtine ; l'ennemi ,
dans aucun de ces ouvrages , ne put
foutenir l'impétuofité de nos affauts ;
( e) T. 3. p. 20 & 21 .
A vj
12 MERCURE DE FRANCE.
les (f) Moufquetaires , fuivis des Grenadiers
des régimens d'Artois & du
Maine , pénétrerent jufques dans lá
baffe ville ; le Gouverneur confterné fit
battre la chamade , envoya promptement
des ôtages , & fe rendit à difcrétion.
Dans ces différentes attaques , qui
furent fi vives qu'elles femblerent n'en
faire qu'une , il n'y eut qu'onze Moufquetaires
tués , & dix-fept bleffés ; la
Hoguette , Enfeigne de la premiere
Compagnie , y reçut un coup de pique
dans la cuiffe ; un des fourneaux fit
fauter Jauvelle , Capitaine-Lieutenant
de la feconde , & de Vins Sous- Lieutenant
; il en furent quittes pour quelques
meurtriffures.
De bonnes fortifications & bien entretenues
, des munitions de guerre &
des vivres en abondance ; une artillerie
des plus formidables für les remparts
& dans chaque ouvrage ; trois à quatre
mille hommes de garnifon ; la haine
des bourgeois contre la France , & leur
affection pour le gouvernement Efpagnol
tout fembloit annoncer que le
fiége de Valenciennes feroit long , pénible
& très-meurtrier. Le côté de la
( fJourna! du Maréchald'Humieres. Recueil de
pieces . p. 147.
FEVRIER. 1763. 13
étoit
ville qu'embraffoit notre attaque ,
défendu par une demie-lune à droite ,
& une autre à gauche , en avant d'un
ouvrage couronné , paliffadé , fraizé
& dont le foffé étoit coupé de plufieurs
traverſes. Dans cet ouvrage couronné ,
il y avoit encore une demie - lune avec
un bon foffé , le tout bien revêtu ; audelà
de cette demie-lune , un bras de
l'Eſcaut ; enfuite un ouvrage apellé le
pâté , & enfin le grand cours de l'Efcaut
, profond , rapide , coulant &
fervant de foflé entre le pâté & la muraille
de la ville dont les remparts , beaux
& larges , protégeoient par leur canon ,
& celui de deux baftions , toutes ces
défenſes extérieures . Le 9 Mars 1677
on avoit ouvert la tranchée. Le 16 au
foir , les Moufquetaires furent commandés
avec (g ) les Grenadiers de la Maifon
, & de gros détachemens du régiment
des Gardes & de celui de Picardie.
Le 17 , à neuf heures du matin ,
ils marcherent à l'attaque de l'ouvrage (h)
(g ) Les Grenadiers à Cheval , créés à la fin de
l'année 1676 , & unis à la Maifon du Roi. Cette
Compagnie ne fut d'abord que de quatre-vingtquatre
Maîtres . On les appelloit les Riotors du
nom de leur commandant.
( h) On palla derrière les deux demies- lunes
14 MERCURE DE FRANCE.
peu couronné , & l'emporterent en affez
de temps. Bientôt après , dit Peliffon
le Roi, à leurs habits rouges , diftingua
fort bien fes Moufquetaires (i) qui étoient
dans la demie-lune enfermée dans l'ouvrage
couronné ; cela paroiſſoit incroyable
, ajoute-t-il , car l'ordre étoit de fe
loger dans l'ouvrage couronné & de
s'arrêter là ; de quoi le Roi fe contentoit
pour cette fois. Si ce commencement
d'action parut incroyable , on dut être
encore bien plus étonné de la fuite. Il y
avoit , fur le petit bras de l'Eſcaut , un
pont qui communiquoit de cette demie
-lune au pâté , & à l'entrée de ce
pont , une barriere de groffes piéces de
bois pointues , avec un guichet au milieu
où il ne pouvoit paffer qu'un homme à la
fois. Tandis qu'une partie de ceux des
Moufquetaires qui y arriverent les premiers,
tâchoit d'en forcer l'entrée , les
autres monterent au haut de la barriere ,
bravant les coups de piques & de fufils ,
& fauterent de l'autre côté , l'épée à la
main ; l'ennemi épouvanté s'enfuit
avancées , fans les attaquer , parce qu'elles tomboient
d'elles- mêmes , & qu'on en devenoit les
maîtres en prenant l'ouvrage couronné qui les
dominoit.
( i ) T. 3. p. 172 .
FEVRIER. 1763. 15
.
abandonnant la défenfe du guichet ; on
le pourfuit fur le pont , on arrive au
pâté , on attaque cet ouvrage , & il fut
auffi rapidement emporté que l'ouvrage
couronné & la demie-lune ; mais on
alloit y être infailliblement écrasé par le
canon du rempart ; les Moufquetaires (k)
blancs apperçurent une petite porte qu'ils
enfoncerent ( 1) , & ils virent un
efcalier dérobé , pratiqué dans l'épaiffeur
du mur , & par lequel ils monterent
au haut du pâté ; ils y trouverent
une autre porte qui donnoit entrée dans
une galerie , conftruite fur le grand canal
de l'Efcaut , & qui les conduifit au
rempart , d'où ils defcendirent dans la
ville & enfilerent une rue au milieu
de laquelle étoit un pont fur un troifiéme
bras de l'Efcaut qui la traverſoit.
Moiffac , cornette , & la Barre , maréchal
des logis , qui étoient à leur tête
en logerent une partie dans les maifons
les plus proches , afin qu'ils puffent , des
fenêtres , protéger par leur feu ceux qui
défendroient le pont , & qui le défendirent
en effet avec une valeur incroyable
; la cavalerie de la garniſon ,
( k ) Ibid. 192 .
( 4 ) On les appelloit alors ainſi , à cauſe de
leurs chevaux blancs.
16 MERCURE DE FRANCE.
qui les affaillit jufqu'à trois fois , ne put
jamais les ébranler ni les enfoncer , mal--
gré leur petit nombre ; l'infanterie pou--
voit venir les prendre par derriere , en
paffant par le rempart ; mais elle y trouva
la plus grande partie des Moufquetaires
noirs , & les Grenadiers de la :
Maifon , qui la repoufferent vigoureufement.
La bourgeoifie s'étonnoit ;
l'Hôtel-de-Ville s'affembloit ; on entra
en quelque pour-parler avec Moiffac
qui reçut & donna des ôtages ; on députa
vers le Roi ; il en étoit temps
pour empêcher que la ville ne fut
pillée ; les foldats du régiment des Gardes
Françoifes , & de celui de Picardie
commençoient à y entrer en foule
quelques grenadiers de la Maiſon ayant
baiffé le (m) pont-levis du grand canal
de l'Efcaut. Je ne fais fi l'hiftoire , dit
Larrey , fournit bien des exemples d'une:
action fi brufque & fi heureufe , & de la
prife , en fi peu de temps , d'une grande
& forte ville qui ne manquoit de rien
(m ) J'ai dit que le grand cours ou canal de
l'Efcaut couloit & fervoit de follé entre la muraille
de la ville & le pâté ; les Moufquetaires ,.
ayant pris le pâté , feroient entrés dans la ville
pêle-mêle avec les fuyards , fi les affiégés n'avoient
pas promptement levé ce pont- levis·
17 FEVRIER. 1763.
pour fa défenfe. Tout en tient du prodige
, ajoute-t-il , & tout enfut attribué
à l'heureufe témérité des Moufquetaires.
Elle fut heureufe , parce que le fens
froid & la prudence acheverent ce que
l'ardeur & le feu du courage avoient
commencé. Tout y caractériſe la vraie
valeur , cette valeur qui éléve l'homme
au-deffus de lui-même , & qui fouvent
le fait triompher contre toute apparence .
& malgré le danger évident où il femble
s'être précipité.
Le 17 Mars 1677 , les Moufquetaires
avoient pris Valenciennes ; le 11 Avril
ils déciderent du gain de la bataille à
Caffel. Notre armée étoit commandée
par Monfieur , frere du Roi ; le Prin
ce d'Orange commandoit celle des ennemis
. Nous les prévînmes au paffage
d'un ruiffeau , & nous enfonçames &
mîmes en fuite les premieres troupes
qui fe préfenterent ; mais nous trouvâmes
aprèsplus de difficulté , dit (n) Peliffon ;
car quelques régimens d'infanterie , &
particulierement celui des gardes duPrince
d'Orange , fe firent tailler en pièces ,
fans que pas un foldat quitát fa place
&fon rang. Notre cavalerie , ajoute- t- il ,
qu'ils attendoient derriere des hayes , les
( a) T. 3.p.231.
18 MERCURE DE FRANCE.
piques baiffées , s'avanca , mais n'ofa
jamais les joindre , jufqu'à ce que les
Moufquetaires , pied à terre , deux bataillons
de Navarre & deux d'Humieres,
les allerent tous tuer , l'épée à la main.
Il dit dans une autre lettre que les Mouf
quetaires (o) étant defcendus de cheval ,
firent des merveilles , mais qu'en fe retirant
pour aller reprendre leurs chevaux,
ilsfaillirent à faire reculer quelques-
uns de nos bataillons qui lesfuivoient
, & qui crurent qu'ils avoient été
repouffés. Atravers cette narration féche
& peu exacte , repréfentons nous les
gardes du Prince d'Orange , foutenus
de deux autres bataillons , ayant devant
eux un foffé & des haies , leur premier
rang compofé de piquiers , & les
autres faifant un feu terrible fur notre
cavalerie qui tente de franchir le foffé
fe rompt deux fois & fe rebute ; on
commande les Moufquetaires , reffource
ordinaire (p) dans ces fortes d'occa-
( 0) T. 3. p. 289.
(p ) Au fiége d'Ypres , en 1678 , a l'attaque
de la contrefcarpe , nos troupes , dit Peliffon 2
( T. 3. p. 337. ) n'allerent point avec leur vigueur
ordinaire ; un détachement des Mousquetaires
ajoute- t-il , de cinquante feulement , rétablit l'affaire
; ilsfe mirent au-devant de tous , fans dire
FEVRIER. 1763. 19
fions ils mettent pied à terre , marchent
, & il femble que le foffé s'eft
applani , que les haies ont difparu devant
eux , & que leur impétueufe célérité
a devancé & rendu fans effet le feu
de l'ennemi ; ils joignent ces coloffes
armés de piques , les enfoncent , les terraffent
& font voir que la véritable
force dépend de la fupériorité de l'ame.
Laiffant enfuite achever la défaite & le
carnage aux bataillons qui les ont fuivis
, ils retournent promptement reprendre
leurs chevaux , & fe montrer
prêts à exécuter les nouveaux ordres
qu'on voudra leur donner. Ils ne tarderent
pas à en recevoir ; ils chargerent
& mirent en fuite ( q ) un corps affez
autre chofe que gare , comme s'il n'eût été queftion
que de paffer quelque chemin . Ils fe jetterent
dans la contrefcarpe , l'épée à la main , & forcerent
l'ennemi de l'abandonner. Ypres capitula le
lendemain .
En 1691 , au fiége de Mons , les deux batailfons
chargés de l'attaque de l'ouvrage à corhe ,
ayant été repouffés & paroiffant rebutés , Louis
XIV dit , avec quelque dépit , qu'il y enverroit
des troupes qui ne reculeroient pas. En effet les
Moufqueraires qu'il y envoya le lendemain , prirent
cet ouvrage.
(q ) Mémoires des expéditions Militaires de la
guerre de Hollande.
20 MERCURE DE FRANCE.
confidérable de cavalerie qui faifoit
différens mouvemens für leur gauche ,
& dont l'objet étoit de s'approcher de
S. Omer (r) & d'y jetter du fecours.
Le lendemain de cette mémorable
journée , Monfieur , en envoyant quelques
ordres aux commandans des deux
Compagnies , leur écrivit qu'elles avoient
ébauché la victoire & donné le branle à
toute l'affaire.
Je ne les fuivrai point aux fiéges d'Ypres
, de Courtrai , de Philifbourg , de
Mons , ( s ) de Namur ; les actions qu'ils
y firent ne méritent pas moins d'être
confacrées dans les faftes militaires de
la nation , que celles que je viens de
rapporter , mais mon deffein n'a pas été
d'entreprendre leur hiftoire , & il ne me
refte qu'à les confidérer dans ces momens
malheureux , ces circonstances fa→
tales qui font peut-être l'épreuve la plus
fure du vrai courage. La bataille de Ra-
( r ) Monfieur affiégeoit S. Omer , & avoit
marché au-devant du Prince d'Orange qui venoit
pour fecourir cette Place.
(s ) A l'attaque de la caffotte , M, de Mau--
pertuis leur dit que fi quelqu'un d'eux , avant
L'action engagée , fe précipitoit & avançoit hors de
fon rang , il avoit ordre de le tuer . le Roisi ayant
remarqué avec une extrême fenfibilité , que leur trop
Lardeur leur étoit quelquefois funefte.
FEVRIER. 1763 . 21
millies ſe donna le 23 Mai 1706, jour de
la Pentecôte. Notre armée étoit de quarante
mille hommes; celle des ennemis(t)
de foixante-cinq mille . LesGardes duRoi ,
les Gendarmes , les Chevaux- Légers
les Moufquetaires & les Grenadiers à
cheval compofoient la premiere ligne
de notre aîle droite ; ( u ) ils percerent
& enfoncerent quatre lignes de l'aîle
gauche des ennemis , firent des priſonniers
& prirent fix piéces de canon ;
mais il n'étoit que trop facile à Milord
Malboroug de leur arracher la victoire
en profitant des mauvaifes difpofitions
qu'avoient faites nos Généraux &
des fautes qu'il firent encore pendant
l'action fix bataillons , avec quelques
régimens de dragons , qu'ils avoient mis
dans le vallon de Tavieres , ne pouvoient
que foiblement protéger & couvrir
le flanc de notre aîle droite : un
marais impraticable entre notre aîle
gauche & l'aile droite de l'ennemi ,
empêchoit qu'elles ne puffent réciproquement
agir l'une contre l'autre : ainfi
Malboroug ne rifquant rien en dégarniffant
cette aîle droite , qui ne pouvoit
( t) Larrey.
(u ) Rapin de Toiras , continuat.
22 MERCURE DE FRANCE.
être attaquée , en tira cinquante eſcadrons
pour fortifier fon aîle gauche ; de
forte que la Maifon du Roi , qui avoit
percé & enfoncé , comme je l'ai dit ,
quatre lignes de cette aîle gauche , vit
tout-à-coup fe former devant elle des
efcadrons tout frais & derriere lefquels
fe rallioient les quatre lignes qu'elle
avoit battues & difperfées. Malboroug
fit en même temps attaquer , par toute
fa réſerve , les fix bataillons que nous
avions dans le vallon de Tavieress ;; ils ne
purent réfifter à la fupériorité du nombre
, & par leur déroute , tout le côté
de notre aile droite fe trouva découvert ;
la cavalerie qui compofoit la feconde
ligne de cette aîle , derriere la Maifon
du Roi , tenta de préfenter le front
en appuyant fur fa droite , & faifant un
mouvement par fa gauche ; mais cette
évolution ne put pas être affez prompte
devant un ennemi qui s'avançoit avec
rapidité & qui la prenoit en flanc ; les
efcadrons les plus proches furent culbutés
; les autres prirent la fuite ; la Maiſon
du Roi , attaquée de front , en flanc &
par derriere , fe fit jour & joignit notre
aile gauche. On voit que tandis que
Malboroug tiroit des troupes de fon
aile droite pour les porter à fon aîle
FEVRIER. 1763 . 23
>
gauche , fi nos généraux en avoient pareillement
tiré de leur aîle gauche pour
fortifier leur aîle droite , & furtout les
fix bataillons qui étoient dans le vallon
de Tavieres il y a toute apparence
que la victoire nous feroit demeurée . On
voit encore , par les relations mêmes
des ennemis , que la perte étoit à-peuprès
égale de part & d'autre ; qu'ils ne
penfoient point à nous pourſuivre; qu'ils
n'auroient donc remporté de toute cette
action que le ftérile honneur d'avoir
gagné le champ de bataille ; que notre
aîle gauche, avec la Maifon du Roi , fit
tranquillement fa retraite & ne fut
point entamée ; que même l'infanterie
& la cavalerie de l'aîle droite , quoique
battues , fe retiroient en affez bon
ordre , ( x ) lorsqu'un accident imprévu
rendit cette journée une des
plus funeftes pour la France ; quelques
chariots ayant rompu dans un
défilé , & le paffage étant embarraffé
elles crurent entendre l'ennemi qui les
pourſuivoit ; la difparution de leurs généraux
& le peu d'eftime qu'elles avoient
pour eux , ajouterent fans doute à cette
terreur panique ; elles fe débandent
& fuyent de tous côtés ; Malboroug
( x) Rapin de Toiras, continuat,
24
MERCURE
DE FRANCE
.
C
averti par les coureurs qu'il avoit en
avant , détache une partie de fa cavalerie
& fes dragons qui tombent fur
ces troupes en défordre , & ne font
des prifonniers que lorfqu'ils font las
de tuer ; bagages , artillerie , caiffons ,
tout fut pris.
Je n'entrerai en aucuns détails fur la
bataille de Malplaquet ; la Maifon du
Roi chargea quatre fois la cavalerie
des ennemis , & quatre fois la plia &
la renverfa fur fon infanterie ; quand
nous abandonnâmes le champ de bataille
, elle fit l'arriere- garde ; c'étoit le
lion bleffé qui fe retire ; dès que l'ennemi
qui nous fuivoit , s'avançoit de
trop près , elle fe retournoit , & auffitôt
il fe replioit. Les Moufquetaires firent
voir dans cette jonrnée à quel
point l'honneur fçait captiver le naturel
& commander au caractère ; cette troupe
qu'on peint fi vive fi ardente
toujours empreffée d'attaquer & frémiffant
d'impatience fous la main qui l'arrête
, refta pendant cinq heures expoſée
au feu d'une baterie de trente Piéces
de canon ; leur contenance parut toujours
ferme & tranquille dans cette
pofition & ces momens critiques où il
n'eft pas même permis de quitter fon
rang
FEVRIER . 1763. 25
rang pour s'élancer contre la foudre qui
s'allume , & n'en être du moins écrasé
qu'en marchant pour l'attaquer ; ce
mouvement fi naturel feroit regardé
comme un inftant de foibleffe ; il faut
refter immobile devant la mort , l'attendre
, l'enviſager , toujours prête à nous
frapper , & frappant fans ceffe autour
de nous. Au fiége de Philisbourg , en
1734 , quand on fit entrer la Maifon du
Roi dans les Lignes , les Moufquetaires
furent encore expofés à une canonade
très-vive , & la foutinrentavec le même
fang froid : cependant nous fortions
d'une longue paix , & la plupart voyoient
la guerre pour la première fois. Pourrions
- nous être avares d'éloges envers
une troupe dont l'honneur & la haute
réputation femblent s'imprimer dans
l'ame d'un jeune homme dès qu'il y
eft entré ? Lorfqu'à Ramillies , à Malplaquet
, à Etinguen , elle ramène fes
débris fanglans que l'ennemi n'oſe attaquer
, nous paroîtra-t-elle moins recommandable
que lorfqu'elle éleve des
trophées à fon Maître dans la plaine
de Fontenoi ?
CI
B
4
1
"
26 MERCURE DE FRANCE.
1
1
LA LOTTERIE DE L'AMOUR.
De l'Amour l'inconſtance extrême
A tel point fut portée un jour
Que las , exédé de lui-même ,
Il s'ennuya d'être l'Amour.
Je vois , dit-il , pâlir mes flâmes ;
Je vois tous mes dards s'émoufler;
L'or devient le tyran des âmes ;
Allons , il faut en amaffer.
Il fit donc une loterie
De fes joyaux , meubles , effets ;
Et tous les Dieux avec furie
S'en arracherent les billets.
Chacun en fecret couche en joue
Son lot chéri qu'il croit gagner :
Et s'imagine que la rouë ,
Comme la tête , va tourner.
Junon , trop clairvoyante épouſe ,
Defiroit encor le flambeau ;
Et Jupiter à la jalouſe
' Tour bas fouhaitoit le bandeau .
Des forêts la prude veſtale
>
Lorgnoit ces dards qui vont au coeur :
La tendre amante de Céphale
Les convoitoit pour fon chaffeur.
FEVRIER. 1763 . 27
1
L'arc plaifoit fort à la fatyre ;
Les Gens avoient été rompus
Par ces traits pefans que l'on tire
Depuis que Defpréaux n'eft plus.
L'Hymen , Dieu fans galanterie ;
Et toujonts lent à dépenser ,
Ne mit point à la loterie ,
Quoique l'amour l'en vînt preffer.
Non , non , dit-il , ces bagatelles
Ne m'offrent rien d'intéreffant :
Ami , fais un lot de tes aîles ;
Pour un billet j'en prendrai cent..
JUPITER ET JUNON.
*
JUPITI UPITER s'ennuyoit aux Cieux :
Il n'avoit plu qu'à des Déeffes :
O Princes qui n'aimez qu'en Dieux
Vous baillez près de vos Princeſſes.
En vain il paffoit tous les ans ,
Des plus belles aux plus gentilles ;
Malgré leurs charmes féduifans ,
C'étoit pour lui pâté d'anguilles.
Toujours la Reine du Printemps ,
Toujours Venus , toujours l'Aurore ,
Allufion au fameux Conte de la Fontaine.
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
Hébé, vous étiez jeune encore ,
Mais c'étoit depuis fi long- temps!
Ah ! dans la céleste demeure
Il faut jouer la dignité ;
で
Ce ton laffe au premier quart- d'heure ,
Jugez durant l'éternité.
Il quitta les fempiternelles ,
Et j'en aurois bien fait autant ;
Il vint dans les bras de nos Belles ,
Et l'on n'eft Dieu qu'en l'imitant.
Junon, dans la jalouſe flâme ,
Fit grand bruit de fes trahisons.
Elle avoit tort par vingt raiſons :
D'abord c'eft qu'elle étoit fa femme.
Plus , elle avoit de trop grands yeux :
Je l'ai cent fois lû dans Homere ;
Je crois , comme il étoit pieux ,
Que du refte il s'eft voulu taire.
D'ailleurs , pourquoi tant quereller ,
Quand le reméde eft fi facile ?
En hommes , pour la confoler ,
La terre étoit affez fertile .
* Homere appelle prefque toujours Junon la
Déeffe aux yeux de boeuf.
FEVRIER. 1763. 29
Par gloire ou curiofité ,
Qui n'eût pris part à fa trifteffe ?
Le coeur s'enfle de vanité
Entre les bras d'une Déeffe.
Ma foi , pour cet honneur divin
J'aurois paffé fur l'agréable ;
Changer Jupiter en Vulcain
Eft un exploit très- mémorable.
Je fais que cet époux coquet
N'étoit pas un époux commode ; !
Le ton de Paris lui manquoit.
Nous l'aurions mis à notre mode.
Contre Ixion ſon fier courroux
Dégrade fa gloire immortelle ;
Oh ! le bonheur d'être infidèle
Ote le droit d'être jaloux.
A une Demoiselle qui avoit promis un
baiſer à celui qui feroit de meilleurs
vers le jour de fa Fête.
QUOIpour
le prix des vers accorder aux Vainqueurs
D'an baiſer la douce carefle !
Céphife , quelle eft votre erreur ?
Biij
30 MERCURE DE FRANCE .
Vous donnez à l'efprit ce qui n'eft dû qu'au coeur •
Un bailerfut toujours le prix de la tendreſſe ,
Et c'eft à l'Amour feul qu'en appartient le don :
Les Habitans du Pinde en leur plus grande ivreſſe
N'ont jamais eſpéré qu'un laurier d'Apollon.
Des vers à mes rivaux je cede l'avantage ;
Ils riment mieux que moi , mais je fçais mieux
aimer.
Que le laurier foit leur partage ,
Et le mien fera le baiſer.
QU'UN at
A URANI E.
U'UN autre vous enfeigne , ô ma chère Uranie,
A meſurer la terre , à lire dans les cieux ,
Et foumettre à votre génie
Ce que l'amour foumet au pouvoir de vos yeux.
Pour moi , fans diſputer ni du plein ni du vuide ,
Ce que j'aime eſt mon Univers ;
Mon fyftême eft celui d'Ovide ,
Et l'amour le ſujet & l'âme de mes vers :
Ecoutez les leçons : du pays des chimeres
Souffrez qu'il vous conduiſe au pays des defirs :
Je vous apprendrai fes myſtères :.
Heureux , fi vous vouliez m'apprendre fes plaifirs !
Des Grâces vous avez la figure légère ,
D'une Mufe l'efprit , le coeur d'une Bergère ,
Un vifage charmant , où fans être empruntés ,
On voit briller les dons de Flore ,
FEVRIER. 1763 . 31
Que le doigt de l'amour marque des deux côtés ,
Quand par un doux fouris il s'embellit encore.
Mais que vous fervent tant d'appas ?
Quoi ! de fi belles mains pour tenir un compas
Ou pour pointer une lunette ?
Quoi ! des yeux fi charmans pour obferver le cours
Ou lee taches d'une Planette ?
Non , la main de Vénus eft faite
Pour toucher le lut des Amours ;
1
Et deux beaux yeux doivent eux- mêmes
Eire nos aftres ici - bas.
Laiffez donc là tous ces fyftèmes ,
Sources d'erreurs & de débats ;
Et choififfant l'Amour pour maître ,
Jouiffez au lieu de connaître.
SUR une Dame à qui on a donné le
nom de Circé,
Dx nos jours eft une Circé ,
Non la fameuse enchantereffe ,
Dont le poifon fut renversé
Par les mains d'un héros que guidoit la fageffe s
Son art ne force point les aftres pâliífans
A quitter leur brillante route ,
Jamais les magiques accens
N'ont percé l'infernale route ,
Biv
32 MERCURE DE FRANCE.
Ses enchantemens font les yeux
Sa grace , toute la perfonne ,
Un efprit émané des Cieux ,
Efprit qui badine ou raiſonne
Et toujours à propos plaifant ou férieux ,
Efprit fin fans fonger à l'être
Et qui fe montre d'autant mieux
Qu'il ne cherche point à paroître.
L'autre Circé , changeoit fes Amans en Pourceaux,
Si celle- ci fouffroit qu'on cherchât à lui plaire
Elle transformeroit les hommes en Héros .
Mais près d'elle l'Amour eft forcé de fe taire ;
Et rendu malgré lui timide & circonfpect ,
N'ofe s'y faire voir que fous l'air du reſpect.
MAL- A - PROPOS ,
OU L'EXIL DE LA PUDEUR,
Traduction libre d'un petit Poëme
trouvé dans les ruines de la Grèce.
PREMIER CHAN T.
TOUS ous les Dieux , favorables au voeu
de l'Amour , avoient calmé la jalouſẹ
colere de Vénus. Dès que le Deſtin
eut prononcé le bonheur de Psyché
l'Amour lança fur la terre un regard
enflâmé ; & plus rapidement que la
vapeur légère eft attirée vers le foleil ,
FEVRIER. 1763.
33
auffitôt Psyché fut élevée à la plus
haute Région des airs. A la voix de ce
Dieu , les Portes dorées de l'Olympe
s'ouvrirent , pour recevoir la Beauté
qui alloit l'embellir d'un nouvel éclat.
Quelles Portes ont jamais reſiſté à l'Amour
? Il tend à fon Amante une main
bienfaictrice , & de l'autre il éffuye les
derniers pleurs échappés de fes beaux
yeux ; lui-même la conduit au trône
de Jupiter. Le Maître de l'Univers
devoit trop à l'Amour pour ne pas fe
hâter de remplir fes defirs. Il appelle le
Dieu d'Hymen , & la main qui lance
le tonnerre allume les flambeaux d'Hymenée.
Il fait avancer les deux Epoux ,
on les couronne de fleurs immortelles.
LAmour approcha fes lévres divines
des lévres de Pfyché , & de la
cîme impénétrable de l'Olympe , le
Deftin cria Pfyché eft immortelle.
Toute la Cour célefte étoit affemblée ;
la jeune Pfyché y parut comme ces
aftres nouveaux que le Firmament momtre
quelquefois à la terre. La Reine
des Cieux , la fuperbe Junon , jettoit
un coup d'oeil de côté fur Vénus
& Junon fe croyoit vengée de l'outrage
de Paris ; mais Vénus dont
l'ame molle & tendre ne peut receler
ا و
B v
34 MERCURE DE FRANCE .
des haines éternelles , comme les autres
Divinités , Vénus voyoit alors avec complaifance
dans la belle Pfyché l'époufe
de fon fils. En la conſidérant, la Déeffe
imaginoit ne voir qu'elle-même dans
cette Beauté ; Pfyché regarda l'Amour ;
Vénus crut voir encore mieux qu'ellemême.
Tandis que le Ciel retentiffoit de
l'Hymne facrée , dont la Reprife étoit ,
La Beauté pour jamais eft unie à l'Amour
: l'Amour a rendu la Beauté immortelle
; la jeune Epoufe prenoit l'ambrofie
des mains de Comus , & de celles
d'Hébé elle recevoit la coupe du nectar.
Je crois connoître , dit Pfyché en
fouriant à la Jeuneffe , oui je connois
déja cette éffence de la Divinité , je l'ai
goûtée fur les lévres de l'Amour.
Après ectte célébration de l'Hymenée ,
Vénus demanda aux Dieux qu'il s'achevât
fur la terre . Je veux que mà
nouvelle fille foit reconnue dans mon
empire ; je veux qu'elle tienne ma pla→
ce fur mes autels. La nouveauté rallumera
l'encens de mes fujets ; & l'encens
qui brulera pour la nouvelle Déeffe
ne fera pour moi qu'un hommage de
plus qui affermira mon culte. Il faut
que toute ma Cour accompagne l'éFEVRIER.
1763. 35
poufe de mon fils ; la Cour de Vénus
eft celle de la Beauté. Elle dit , & tournant
fa tête enchantereffe , pour appeller
les Grâces , les boucles d'or de fa
chevelure vinrent toucher un côté dé
fon fein d'ivoire . Si un feul mouvement
des yeux de Jupiter fait trembler l'Olympe
; à ce tour de tête de Vénus ;
l'Olympe éprouve toujours un doux frémiffement
& les Immortels ont en
cet inftant un fentiment plus intime
de la divinité de leur être.
Un coup d'oeil dé Vénus a bientôt
raffemblé les Grâces autour d'elle. La
Déeffe remit Pfyché entre leurs mains ,
& les chargea du foin de fa parure .
La vénérable Pudeur , préfentée par
' Hymen à qui elle faifoit affidument
la cour , fut donnée à la jeune Époufe
pour premiere compagne. ( a ) Ainfi
tout difpofé , il fut arrêté que le cortége
de cette nôce célefte fe rendroit
fur la terre. Paphos , où la volupté
avec les jeux & les plaifirs , étoit déja
arrivée , fut le lieu défigné par Vénus
pour achever les nôces de l'Amour &
pour en célébrer les fêtes .
( a ) Ce qui , dans nos moeurs & dans no
langage fignifieroit. Dame d'Honneur.
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
DEUXIEME CHANT.
Tout Paphos attendoit la nouvelle
Déïté. La Renommée, fi prompte à fervir
l'Amour fouvent même fans attendre fes
ordres , la Renommée avoit été chargée .
de l'annoncer. Les Prêtreffes avoient orné
le Temple ; auparavant elles s'étoient
parées de tout ce qu'elles avoient de
plus brillant. L'encens fumoit fur les
autels ; l'encens de Paphos eft d'un
parfum plus exquis que celui qui brûle
dans les autres Temples. En s'élevant
par de longs tourbillons à la hauteur
des nues , il fe joignoit aux divins parfums
, dont fillonnoit les airs la céleſte
troupe fur fon paffage. Le fpectacle de
cette marche étoit invifible aux prophanes
mortels ; mais l'odeur délicieufe
des parfums portoit au loin la volupté
dans les ames. Les Voyageurs , navigans
fur ces Côtes , étoient faifis d'une
myftique yvreffe , dont ils ignoroient
la caufe , qui faifoit abandonner au
Pilote le foin de fa manoeuvre , & détefter
au Paffager la rapidité des flots
qui l'écartoient de ce rivage.
Les Peuples heureux de l'Empire de
Vénus , accourus en foule autour de
fon autel , apperçurent bientôt une coFEVRIER.
1763. 37
lonne lumineufe , d'un feu doux &
pur , qui defcendoit par l'ouverture de
la coupole , fur le piedeſtal facré , d'où
la Déeffe dicte ordinairement fes loix
& fes oracles. La colonne fe diffipe
& découvre à tous les yeux la nouvelle
Immortelle ; à fes côtés font
Hymen & l'Amour qui l'éclairent chacun
de leur flambeau. Mais le reflet
de celui de l'Amour est le plus fenfible
fur cette jeune Beauté. A fa vue
rout eft faifi d'un faint & tendre refpect
. Tel eft le pouvoir de la Beauté ,
que dès qu'elle paroît , tous les Peuples
Fadorent. Vénus, du haut des Cieux jouit
de la ferveur qu'elle-même elle infpire.
C'est alors fon ouvrage , elle n'en eft
plus irritée. Chaque amante , dans Paphos
, tremble en fecret que fon amant
ne devienne , quoique fans efpoir , le
rival de l'Amour. Dans les accès d'un
nouveau zéle les jeunes habitans de
Paphos volent aux pieds de Pfyché ,
porter en offrande les tendres dons que
d'imprudentes Beautés leur ont faits
foit en parures , foit en bracelets de
cheveux
, beaucoup plus chers à la
tendreffe que les plus riches ornemens.
Après avoir reçu l'adoration des mortels
, l'Amour conduifit fa nouvelle
?
38 MERCURE DE FRANCE .
époufe dans le Palais qui joint le Temple.
Les arts à l'envi ont décoré ce voluptueux
& brillant féjour. La Troupe
nuptiale parcourt quelques momens les
principales Piéces de ce Palais , d'où
l'on paffe bientôt dans les Jardins. C'eft
ici que les Mufes n'ont point de crayons
pour peindre ce que ces lieux renferment
de délices. Quel oil peut pénétrer
dans les bofquets de Paphos ! Tout
y refpire , tout y foufle l'efprit ineffable
des myftères de la Divinité qui les habite.
C'est tout ce qu'il eft permis à un
Mortel d'en décrire ; c'eft tout ce qu'il
eft permis aux prophanes d'en fçavoir.
Entre ces bofquets enchantés , s'élévent
, affez près l'un de l'autre , deux
Palais inférieurs au Palais principal
où la feule galanterie a fuivi les ordres
de la volupté . L'un de ces Palais appartient
plus particulierement à l'Amour.
C'eſt le Dieu même qui en a donne les
plans , c'eft lui qui en a dirigé la diftribution.
Comme en ce lieu tout parloit
à Pfyché de fon amant , foit par
un fouvenir de fes peines paffées , foit
par un fentiment de fon bonheur préfent
, elle fentit en y entrant une fecrete
émotion. L'Hymen, qui ne connoit que
trop ce lieu féducteur , en fouffioit im
>
FEVRIER. 1763 . 39
patiemment le féjour ; & la Pudeur toujours
attentive à lui complaire , cherchoit
à en faire éloigner la jeune Époufe:
l'Amours'en apperçût ; un regard de dépit
fit fentir à la vénérable Compagne
qu'il n'aimoit pas les contradictions :
mais l'Hymen méritoit des égards ( au
moins dans ces premiers jours )
, ,
Pfyché ne fut arrêtée dans ce Palais
qu'autant qu'il falloit pour lui donner
une idée de fes charmes. L'Amour la
promena dans les parterres qui environnent
fes cabinets. Là naiffent & fe
renouvellent en toutes faifons les
plus agréables fleurs du Printemps. La
tendre Pfyché y remarqua des rofes
admirables qui fe tournoient d'ellesmêmes
vers l'Amour & qui en prenoient
une fraicheur nouvelle . L'Amour,
dit- elle , eft l'Aftre qui fait éclore les
Rofes ; c'eſt fon influence qui conferve
leur beauté.
TROISIEME CHANT .
On communique par les parterres
du Palais fecret de l'Amour , à celui
où Venus vient fouvent étudier ce qui
peut faire fentir aux Mortels quelque
nouvel effet de fon pouvoir. Ce lieu
eft agréablement magique . LaCoquet40
MERCURE DE FRANCE .
,
terie y travaille fans ceffe à mille fe
crets au-deffus de l'imagination humaine.
Ce que l'induftrieufe abeille
fait pour l'utilité des hommes une
troupe d'enfans aîlés , par un art furnaturel
, l'exécute pour la toilette de leur
Souveraine. Lorſque l'aurore annonce
le Dieu de la lumière , & lorfqu'il rentre
dans les Palais de Thétis , ces enfans
voltigent autour des plantes & des
fleurs ; ils en tirent tout ce qui eft
propre à leur galante chymie . On dépofe
la précieufe récolte dans des corbeilles
d'or ; à travers les tiffus plus ou
moins ferrés de ce métal , on fépare , on
diftingue ce qui convient à chaque opération.
Ici , par l'agitation de leurs
aîles , ils éxcitent , à divers degrés , le
feu de leurs flambeaux , pour échauffer
des vafes , dans lefquels la fermentation
produit d'un côté des Beaumes & des
Effences ; de l'autre , des eaux limpides ,
chargées néanmoins de particules les
plus odoriférantes . Là par d'autres
moyens , de fucs épaiffis , paîtris avec
l'émail des perles , ils compofent des
pomades , qui donnent à la peau un
éclat dont la Nature même envieroit le
fecret. Dans un autre endroit des mains
fubtiles préparent des poudres d'un
FEVRIER . 1763. 41
S
S
C
parfum exquis , tandis que dans un
lieu plus réſervé on broye la matière
qui donne aux rofes leur incarnat , &
qui fert fi bien à réparer celui dont
brille la Beauté. Jufqu'aux infectes entrent
dans leurs magiques compofitions.
On extrait leur fombre couleur ;
on l'applique fur des tiffus de foie découpés
; on les feme comme des taches
fur un beau tein , dont ce contrafte fait
valoir la blancheur. Pardonne , ô Vénus
fi je viens de mettre au jour quelques
foibles notions des mystères que tu m'as
révélés ; nos jeunes Grecques ne pourront
en concevoir ni l'ufage ni le ſecret.
Des Prêtreffes , d'un ordre particulier,
ont la garde & la direction de ce Palais.
Elles vinrent au-devant des nouveaux
Epoux avec des parfums & des
guirlandes de fleurs . La fuite de l'Hymen
& celle de l'Amour y entrerent avec
eux. On invita la belle Pfyché à uſer
des bains que les Amours avoient préparés
de concert avec les Prêtreffes . La
Volupté , ordonnatrice de ces nôces ,
n'avoit pas négligé cette partie. Sous
des berceaux de myrthes & de jaſmins ,
inacceffibles à la chaleur du jour , des
baffins d'un criſtal auffi pur que le dia42
MERCURE DE FRANCE .
mant contiennent une onde auffi brillante
que les baffins mêmes, Des paliffades
de rofes & d'orangers en forment
les lambris . On fit entrer d'abord Pfyché
dans des cabinets prochains , que
la lumière ne pénetre pas , où la pudeur
elle- même difputa aux Prêtreffes l'honneur
de deshabiller la jeune Epoufe..
Quand il fut queftion de l'introduire
dans le lieu où l'onde devoit baigner
fon corps immortel , les Prêtreffes , un
peu jaloufes de l'air impérieux de
la Pudeur & du fervice qu'elle venoit
de leur enlever , parlerent de
lui interdire l'entrée du Bain : mais Pfyché
ne voulut point en être féparée ; elle
pria les Graces de lui donner la main .
La Pudeur rougit légérement ; les Gráces
lui fourirent , & toutes quatre réunies
dépoferent dans l'eau leur nouvelle
Maîtreffe.
Dans des Bains non moins délicieux
une troupe riante & légere avoit conduit
l'Amour. L'Hymen y accompagnoit
fon frère , tandis que les Plaifirs , difperfés
de toutes parts dans ces beaux
lieux , fe difpofoient aux fêtes qui devoient
remplir la foirée d'un fi grand
jour.
La fuite au Mercure prochain.
FEVRIER. 1763. 43
X
ODE SUR LA PAIX.
PAR M. le Chevalier DE VIGUIER ,
Moufquetaire du Roi dans la premiere
Compagnie.
OPAIX ! mère de l'abondance ,
Entends nos foupirs & nos voeux !
Jette tes regards fur la FRANCE ,
Aimable PAIX , defcends des Cieux :
Chaffe le Démon de la guerre ,
Et plante fur toute la Terre
L'olive au lieu de nos Drapeaux +
Fleuris nos campagnes fanglantess
Ereins les flâmes dévorantes ,
Qui nous confument fur les eaux.
Tu parois , & la mort s'arrête......
Romain ! par le fort combattu ,
Carthage a foufflé la tempête ,
Mais , il te refte ta vertu.
Tel un Lion de l'Hircanie
Atteint d'une fléche ennemie ,
Des coups mortels s'est échappé.
Non , il n'expire point encore ;
Il rugit , s'élance & dévore
Le Chaffeur qui l'avoit frappé .
7
44 MERCURE DE FRANCE .
Quelle mégère fratricide
Trouble nos fens , arme nos mains ›
O Dieux ! pour le meurtre perfide
Auriez-vous formé les humains ? ...
*Compagnons ! * nourris dans les armes
Loin de nous la PAIX & fes charmes
Vengeons notre Maître irrité ! ...
Comme guerrier , Louis , j'y vole ;
Mais homme , j'ai pris la parole ,
En faveur de l'humanité.
>
Toi ! qui méprifes la fortune ,
Toi ! qui dans tes fages fuccès
De l'ambition importune ,
Combats & détruits les accès *
C'eſt de toi , Déelle sévère !
·
De la PAIX , four tendre & fincère :
Que ma Mufe emprunte fes vers :
Flambeau du bonheur de la vie !
divine Philofophie !
Eclaire & régis l'Univers.
Croyez-vous , Héros magnanimes ,
Mériter le titre de Grand ?
J'ai peſé vos illuftres crimes ,
Et je ne vois que le tyran .
Où cours- tu , cruel Alexandre¿
Arrête. Pourquoi mettre en cendre
La Maifon d Roi.
FEVRIER. 1763.
45
Les Etats d'un paisible Roi ?
Injufte vainqueur de l'Afie !
Porus qui défend la Patrie ,
Moins heureux , eft plus grand que toi.
Si les humains vous ont vu naître
Rivaux de la Divinité ,
A nos coeurs faites - vous connoître
Par les bienfaits , par l'équité.
Les Dieux enchaînés fur ces traces ,
Par leur juſtice, par leurs graces ,
Méritent nos voeux , nos autels.
Princes ! fongez que leur tonnerre
Se brife en éclats fur la terre ,
Et rarement fur les mortels.
L'Univers jette un cri terrible
Sur les enfans qui ne font plus.
Augufte à ces plaintes fenfible
Ferme le Temple de Janus.
L'efprit humain ſe développe 3
De ce fiécle cher à l'Europe
Le fouvenir eft éternel :
Après la PAIX des Pyrénées ,
Renaiſſent ces mêmes années ,
Sous le bras de l'Homme * immortel.
* Alufion à la Statue de LOUIS LE Grand ,
qui eft à la Place des Victoires. Cette Statue a le
bras droit étendu. On lit au bas fur le pied-d'eftal
cette infcription en lettres d'or. VIRO IMMORTALI.
A L'HOMME
IMMORTEL.
46 MERCURE DE FRANCE.
Alors tous les beaux arts fleurirent ,
Enfans d'un innocent loifir.
Les mers de Vaiffeaux fe couvrirent,
Et rapporterent l'or d'Ophir ;
Alors le citoyen tranquille
Ne craignit plus que fon afyle.
Fût par la flamme dévoré ;
Et qu'au milieu de fa famille
La fureur maffacrât fa fille ,
Qu'un barbare a déshonoré .
Charmante PAIX ! vertu facrée !
Raméne -nous ces temps fameux ,
Où fous ta puiffance adorée
Chaque mortel vivoit heureux.
L'époule vertueuse & belle ,
D'un époux compagne fidelle ,
Le jour , partageoit les travaux.
La nuit , dans un antre ſauvage ,
Ils raffembloient , fur le feuillage ,
Leurs Dieux , leurs enfans , leurs troupeaux,
Ce jour defiré va paroître ,
Puiffe-t-il dans les coeurs Français
Imprimer l'image d'un Maître
Signalé par tant de bienfaits !
Sçavantes Filles de Mémoire !
En retraçant dans notre hiſtoire
Notte amour , nos moeurs & nos loix,
FEVRIER. 1763. 47
Dites , que fous un Roi fi jufte ,
Cette Paix fur l'ouvrage augufte
Des CHOISEULS & de NIVERNOIS,
J'ignore la docte meſure
Des fons qui charment les humains,
L'honneur , le zéle , la Nature
Infpiroient les Soldats Romains.
Libres dans leurs chanſons guerrières ,
Ils montroient leurs âmes entières
Autour d'un char triomphateur.
Telle ma Mufe , fans contrainte ,
Bravant la critique & la crainte ,
Eft l'interprête de mon coeur.
INSCRIPTIO
LUDOVICI XV
Effigiei Pedeftris
REMIS Civium amore ,
Principibus & Regni Miniftris
Liberaliter applaudentibus ,
Mox erigendæ.
DILECTUS LODOIX Laudem cognomen adimpler
Abfque pari Regem , Populorum gaudia , dicit .
Præfulgens oculis ftat . Dotes cordibus infunt.
Regis , Gentis , Amor felicia tempora fancit.
48 MERCURE
DE FRANCE
.
CHANSON
SUR le mariage de Mlle d'ALLENCOURT
avec M. le Marquis DE
NOAILLES . Par M. TA NEVOT.
Sur l'air : Il n'eft rien dans tout l'Univers , &c.
AVONS- Not VONS- nous changé de féjour?
Sommes-nous à Cythère ?
Eft-ce ici la charmante Cour
D'Amour , & de fa Mère ?
Quel Dieu , propice à nos déſirs ,
Nous luit & nous enflâme ?
Durables feux , chaftes plaifirs ,
Vous embrâfez notre âme.
Couple adoré , jeunes Epoux ,
Tel eft votre partage ,
Au fein des tranſports les plus doux ,
Recevez notre hommage.
Vous rappellez en ce moment ,
Le brillant hyménée
Qui de Pfyché , de fon amant ,
Fixa la deftinée.
On célébra des plus grands Dieux
La majefté fuprême. ,
Des
FEVRIER. 1763. 49
Des Héros s'offrent à nos yeux
Que nous chantons de même ;
Mais leurs exploits qu'ont fçu former
Et Mars , & la Victoire ,
Jamais du Dieu qui fait aimer ,
N'égaleront la gloire.
Vous répandez dans tous ces lieux
Une vive lumière :
Ainfi l'aftre éclatant des cieux
Commence fa carrière ;
Ses rayons font naître les fleurs ,
Charme de la Nature.
La vertu nourrit dans vos coeurs ,
Une flâme auffi pure.
e
Sous les aufpices de la Paix
Ces noeuds ont pris naiſſance ;
Ainfi le Ciel par ſes bienfaits ,
Signale fa puiffance :
Mufes , répondez à nos voix ,
Tout ici vous attire ;
L'Olive & le Myrthe à la fois ,
Sont faits pour votre Empire.
Vos Eléves , vos favoris
Fondent notre allégreffe :
Venez ceindre leurs fronts chéris
Des lauriers du Permeſſe :
C
50 MERCURE DE FRANCE .
1
Ils ont moiffonné les talens
Qu'on trouve fur vos traces ,
Et fous des guides vigilants ,
Joint la fageffe aux grâces.
Les tendres enfans de Cypris¸
Animent cette fête ;
Mais l'Hymen remporte le prix
Par fa belle conquête ;
Lucine , unjour du haut des cieux
On te verra defcendre ;
Car la poftérité des Dieux
Ne le fait point attendre.
A MADAME LA N *** , lifant la
Comédie des GRACES.
QUE
U tenez- vous , Philis ? Le délicat Saint-Foix :
C'eſt un Auteur charmant , que je lirois cent fois .
De la belle nature il fuit toujours les traces....
Fort bien , & votre esprit éclate à l'admirer ;
Mais , Philis , que vois- je ? les Graces !
C'eft moins lire que vous mirer.
Par M. GUICHard .
FEVRIER. 1763. SI
RÉPONSE honnête d'un homme trèshonnête
, aux procédés malhonnêtes
d'une Dame plus malhonnête encore.
E ne fuis point étonné , Madame , du
peu d'intérêt que vous prenez à votre
parente il y a des coeurs qui ne font
point faits pour fentir la nature . Mais je
trouve bien fingulier que Mlle Javotte
manque à un homme que fes pareils
font accoutumés à reſpecter. Les bienféances
les plus communes ne permettent
pas qu'on ouvré la Lettre d'un
honnête homme , & qu'on la lui renvoye
avec cet air de mépris qui n'eſt
fait que pour ceux qui l'affectent. Je connois
une fille qui ne fait que laver les
plats à barbe de M. fon pere. Cette
fille ignore le ton du monde ; on le lui
pardonne : mais vous , Madame , mais
vous , qui avez de l'ufage , qui raffemblez
chez vous une cotterie brillante
, où l'on joue au tri au liard la
fiche ; vous qui avez vécu avec des
femmes de qualité auffi intimement
que votre femme de chambre vit avec
vous vous qui donnez en hyver des
,
Cij
52 MERCURE DE FRANCE.
bals bourgeois & très - bourgeois ; comment
avez-vous pû oublier les égards
que vous me devez ? Ah ! Madame
Mlle Jeannote , votre four connoît bien
mieux les règles de la civilité ! Si vous
aviez pû voir avec quelle grace elle me
faifoit la révérence ; comme elle étoit
attentive à prévenir mon coup de chapeau
: vous me diriez que c'eſt une fille
qui n'eft jamais fortie de fon village .
Eh ! Madame , tant mieux , elle en eft
plus honnête , & cela eft bien plus
éffentiel que d'être élégante. Ninette ſe
gâte à la Cour.
J'eftime mieux cette pauvre Jeannote ,
De fa famille honorable foutien ,
Qui va traînant les patins dans la crote ,
Simple en fes moeurs, modefte en fon maintien;
Qui n'a point d'art , & dont la main légère
Pétrit le pain qui nourrit fon vieux père ,
Conduit aux champs le veau qu'elle a févré ,
Tond les moutons , & coule dans l'argile
Ce lait fi doux qu'elle- même a tiré
Des pis preffés d'une vache fertile ;
Négligemment , le fein paré de fleurs ,
En tablier , en corfet , en cornette ,
De la nature emprunte fes couleurs .
Jeannote n'est qu'une fimple grifette ,
FEVRIER . 1763 . 53
Que votre orgueil regarde avec mépris ;
Des diamans ne chargent point fa tête ,
Et du carmin elle ignore le prix :
Mais j'aime mieux , quand fon ame' eft honnête
Grifette aux champs que bégueulle à Paris.
Il y a bien long-temps , Madame
que j'ai à me plaindre de vos mauvais
procédés , & je vous en aurois déja
marqué ma fenfibilité : mais je connois
les égards que l'on doit aux Dames.
Mon filence vous a prouvé combien
je fuis honnête je voudrois que cette
Lettre vous apprît la néceffité de le devenir.
Que Madame B... vous ferve
d'exemple ; & pour Dieu ne gâtez pas
Mademoiſelle votre four : elle eft trèsheureufement
née. Mais
Si l'exemple empoisonne un naturel heureux ,
A quoi fert le bonheur d'être né vertueux ? `
J'ai l'honneur d'être , & c.
EPITRE
A M. l'Abbé CAMU , à Versailles.
ABBE fait pour la bienſéance ,
Et qui fçais fi bien obliger ,
Ciij
54 MERCURE DE FRANCE.
Qu'on te voit prèſque t'affliger
Au feul mot de reconnoillance ;
Je confens de le fupprimer
Ce terme aimable qui t'offenſe
Et que tu me fais réformer ;
Mais quand il faut par complaifance
A tes defirs me conformer ,
Penfe au moins tout ce que je penſe.
Paifibe Habitant de la Cour ,
Qui vois d'un oeil philofophique
La ſcène active & magnifique
Qu'on y contemple chaque jour ,
Et que font mouvoir tour- à- tour
L'ambition , la politique ,
L'avarice , l'intrigue oblique ,
Et fouvent la haine & l'amour.
Charmant & vertueux Stoïque !
Dans ce tumultueux féjour ,
Je le vois bien , ton âme admire
Avec un doux raviffement
Ce Prélat que fi fagement
Louis pour nous voulut élire ,
Et dont tu viens de me décrire
Avec tes naïves couleurs ,
Les talens & ces traits vainqueurs ,
Qui lui gagnent par tout l'Empire
Des efprits ainfi que des coeurs .
De vertus quel rare affemblage !
La grandeur & l'humanité ,
FEVRIER. 1763. 55
La fcience & l'humilité ,
Compofent fa brillante image ,
Où mon oeil reconnoit l'ouvrage
De la fublime piété.
Courtilan , il a le courage:
Et la voix de la vérité ;
Chef & Paſteur , il m'offre un Sage
Aux mains de qui l'autorité
N'a d'autre objet ni d'autre uſage ,
Que de prêter à l'équité
Les fentimens , le vrai langage ,
Et l'accent de la Charité.
A l'enjoûment , à la fineſſe
Que l'efprit verſe en fes difcours ,
Il joint cette chaleur qui preffe ,
Eléve l'âme & l'intéreſſe ;.
On voudroit l'entendre toujours
Ou toujours on voudroit le lire.
Dans les lettres quel agrément !
Quelle grace ! tout y reſpire
L'élégance & le fentiment.
C'eſt par ces glorieuſes marques
Que cher à la Ville , à la Cour
Il a du premier des Monarques
Mérité l'eftime & l'amour.
Telle eft , ami , l'aimable eſquiſſe
Que me préſente ton pinceau ;
Mais le dirai-je ? la juftice
Civ
56 MERCURE DE FRANCE
En examinant ce tableau
Le trouve incomplet , & déclare
Qu'on peut par quelque trait nouveau ,
Rendre plus fidéle & plus beau
Le portrait de cet homme rare.
Tu le penſes ainfi que moi :
Je veux donc, m'uniffant à toi ,
Et rival fecret de ton zèle ,
Si bien contempler ce modèle ,
Qu'un jour par toi-même éxcité ,
A l'infçu du Prélat modefte ,
Sous les yeux de la vérité
Son Chancelier dira le reſte.
> Chancelier de DESAULX , Chanoine de Reims
l'Univerfité, de la Société Royale des Infcriptions
& Belles-Lettres de Nancy.
VERS à Madame & M. DE LA BELOUZE
, Confeiller au Parlement de
Paris , étant dans leurs Terres en
Nivernois. i
D'UN
UN coeur que vos bontés vous livrent pour
jamais ,
Et qui mettroit au rang de fes plus chers fuccès.
L'avantage heureux de vous plaire ,
Daignez , fages époux , agréer les ſouhaits
FEVRIER . 1762. 57
Que pour vous , en ce jour , fon amour lui ſuggère
!
Puiffent conftamment affidus
A veiller fur vos deſtinées ,
Les Dieux meſurer vos années
Sur mon zèle & fur vos vertus.
Aux Dlles de la Belouze & de Grenam ,
leurs filles..
POUR deux jeunes beautés , par le fang bien
moins foeurs ,
Que par l'attachement , l'intime confiance ,
Les procédés , les foins prév enans & flattears ,
Quels voeux puis- je former Le Ciel , dès leur
nailfance ,
Se plut à les combler de toutes fes faveurs.
Plutus , fur leur berceau verfa fon opulence ;
La fageffe elle-même éclaira leur enfance ;
L'Amour forma leurs traits , & la Verta, leurs
coeurs .
Par un Curé du Nivernois.
Sur la paix avec l'Angleterre.
NIVERNOIS , ma Patrie , à quelle gloire infigne:
Ton renom , par la Paix , va - t- il être porté?-
Mazarini , ton Chef , rédige le Traité ;
Cv
58 MERCURE DE FRANCE .
Et l'un de res enfans le confacre & le figne.
N'envions déſormais ni le rang , ni l'éclat ,
Qu'emprunte de Paris l'lfle- de- France altière :
La Province qui rend le calme à tout l'Etat
En eft à coup für la première.
Par le même.
* La plupart des biens patrimoniaux de
M. le Duc de Praflinfont fitués dans le Nivernois.
VERS à Madame la Marquife deM....
au Bal de Versailles.
· LE
En vain fous l'habit d'Orithie ,
Flore , vous cachez vos appas ;
Le doux zéphir vous a trahie :
Je l'ai vu voler fur, vos pas.
M.... , quand on a votre mine ,
Er quinze ans ,
On eft fous la marthe & l'hermine
Le printemps .
Le mot de la premiere Enigme du
fecond Volume de Janvier eft Violon
celui de la feconde eft Oignon. Celui
du premier Logogryphe eft Tête , dans
lequel on trouve été , et. Celui du feFEVRIER.
1763. 59
*
cond eft Marte , dans lequel on trouve
art, mer, rat , ˆ mat , mare , rame de papier
,
rame de rameur , ame. Celui du
troifiéme eft Orange .
Le Combat des Rats & des Grenouilles d'Homere
, celui des Rats & des Belettes de la Fontaine.
ENIGM E.
ATTACHÉ par plus d'une chaîne ,
Et le corps dur comme un rocher ,
Perfonne n'ofe me toucher
Pendant que quelqu'un me promène.
Pour aller , venir , je fuis fait ;
Les honnêtes-gens je falue :
Quand on me voit dans quelque rue ,
C'eft roujours pour un beau fujer.
Pour bien remplir mon miniſtère ,
Je fuis rempli de feur ardens ;
Et fais honneur à bien des gens
Lorſqu'ils n'en ont plus guère affaire .
AUTRE.
LECTEUR , il eft bon d'avertir ,
Afin que ton effort redouble ,
Que cette énigme eſt une énigme double ,
C vj
60 MERCURE DE FRANCE.
Faite pour mieux te divertir.
Peut- on imaginer plus plaifante famille ?....
Il s'agit de favoir qui peut être la fille ,
( Le récit n'eſt point fabuleux , } )
Qu'on a vue épouſer ſa mère.
Cette mère étoit mâle , & n'eut jamais de père.
Devine , Lecteur , fi tu peux.
LOGO GRYPH E.
Il n'eft rien dans les cieux , fur la terre & dans
l'onde ,
Qui ne porte le fruit de ma tige féconde ;
Je ſuis univerfel dans ma production and
C'est moi qui donne à tout & la forme & le nom ;*
C'est moi qui de l'efprit parcourant les idées ,
Raffemble fous les yeux fes fecrètes penſées :
Par les refforts divers qui font en mon pouvoir ,
Je facilite à l'homme un moyen de ſavoir :
C'eſt par moi qu'il apprend , je le répéte encore ,
Ce que fans mon fecours très-fouvent il ignore.
Combien de fois , Lecteur , avant de t'éclairer ,
Ne t'ai-je pas donné maint fujet de pleurer !
Mais changeons de propos : un fi long préambule
Doit fans doute déja paroître ridicule ;
J'en conviens : voyons donc s'il fera plus aifé
De favoir qui je fuis par mon décompofé .
FEVRIER . 1763. 6r
Le nombre de mes pieds , s'il faut que je m'explique,
Ami, c'eft deux fois quatre en bonne arithmé→
tique ,
Où tu pourras trouver une interjection ;
Une idole ; un dévot par- affectation 3
Deux Evêchés de France ; une ville en Turquie ;
Un autre dans la Suiffe ; un Mont dans l'Arménie
;
La matière qui fert à former l'aliment
Qui de tous les mortels fait le foulagement ;
Ce qu'un foldat en marche aime beaucoup à
faire ;
Un innocent Hébreu mis à mort par fon frère :
Plus , un jeu d'exercice ; un terme de blafon ;
Ce qui gâte le teint ; un meuble de maiſon ;
In uftenfile de ménage ,
Grand ou pétit , toujours fort en ufage ;
La bruïante affemblée , où l'on voit bien des gens
Se tourmenter fans ceffe en dépit du bon ſens ;
Et qui...... chut !.....Sur le refte ayons la bouche
clofe
Eh bien , Lecteur , dis- moi , trouves cu quelque
chofe
Qui puiffe t'indiquer ? .... Quoi ! tu ne me vois pas?
Courage , cherche donc , pour fortir d'embarras
Mais fi tu ne veux point rendre ta peine extrême,
Il faut pour me trouver recourir à moi- même.
62 MERCURE DE FRANCE.
Qu'ai-je dit ! .... Songe bien à ce dernier avis ,
Et dans très- peu de temps tu fauras qui je fuis.
Par M. FABRE , Licentié en Droit à Strasbourg.
AUTR E.
COMME je fuis d'une maigre ſtructure,
Je ne veux point en longs propos
Dépeindre ici ma maligne figure ,
Je vais tout dire en quatre mots.
J'ai cinq pieds , dans lefquels , pour peu qu'on
les varie ,
On trouve du plaiſir la cruelle ennemie ;
Ce que dans le temps chaud l'on moiſſonne ; un
oiſeau ;
Enfin , quoiqu'en entier je ne fois qu'arbriſſeau ,
Si tu viens à m'ôter & la tête & la queue ,
Lecteur , tu trouveras alors ,
Qu'avec le reſte de mon corps ,
Jeforme un arbre auſſi haut que
la nuë.
Par le même.
20
Légerem
Dois-je t'aimer en core Ou dois -je te ha =
-
Lent.
= ir? Depuis que je t'a - do- re je nefais
que souffrir, que souffrir: Le soupçon me de:
voreL'amour,L'amour me fait languirDois-je t'ai
to
= mer encore Ou, Ou dois -je te hair?
}
FEVRIER. 1763. 63
CHANSON...
DOIS-JE t'aimer encore ,
Ou dois-je te hair ?
Depuis que je t'adore ,
Je ne fais que languir.
Dois-je t'aimer encore ,
Ou dois-je te hair ?
Les appas de Climene
Auront fçu t'aveugler ;
Cruel , de chaîne en chaîne ,
Tu te plais à voler !
Toi que mon coeur implore ,
Dis -moi , Dieu du plaifir ,
Dois-je l'aimer encore ,
Ou dois-je le hair ?
Les Paroles & la Mufique , font de M.
CUMINAL , de Montpellier.
2
64 MERCURE DE FRANCE.
ARTICLE II.
NOUVELLES LITTERAIRES..
HISTOIRE DE FRANCE depuis l'établiſſement
dela Monarchie, jufqu'au
regne de LOUIS XIV. par M. VILLARET
, Sécretaire de Noffeigneurs
les Pairs de France , Garde des Archives
de la Pairie ; à Paris chez
Defaint & Saillant , rue S. Jean de
Beauvais , vis - à - vis le Colége ;
2763 ; avec approbation & privilé--
ge
du Roi. Tomes XI & XII. Volumes.
in- 12 ..
NOUS ous avons déja fait connoître dans :
plufieurs de nos précédens Mercures
le mérite de cet . Ouvrage , & ce qui
le diftingue fpécialement de toutes nos
autres Hiftoires de France . Nous nous
bornerons donc aujourd'hui dans notre-
Analyfe , à parcourir quelques-uns des
faits principaux contenus dans les deux
FEVRIER. 1763. 65
Volumes qui paroiffent nouvellement ,
& qui commencent à l'année 1378 fous
le régne de Charles V, & finiffent fous
celui de Charles VI, l'an 1407.-
Les fréquens démêlés de Charles V,
dit le Sage , avec Jean de Montfort ,
Duc de Bretagne , eft ce qui occupe
une affez grande partie de l'onziéme
Volume. Če Duc errant & fugitif à
la Cour de Londres , ne néglige aucune
occafion de manifefter fa haine
contre la France & fon attachement
aux Anglois. Charles défefpérant de
foumettre cette ame infléxible , forma
le projet de le pouffer à bout en le
privant fans retour de fon patrimoine ;
mais fa mort qui arriva peu de temps
après , l'empêcha d'éxécuter fon projet.
Celle du vertueux & brave Duguefclin
étoit arrivée quelque temps
auparavant. » Suivant les dernieres vo-
» lontés du Connétable , on portoit fon
» corps en Bretagne , pour l'inhumer
» dans l'Eglife des Dominicains de Di-
» nan , où il avoit choifi fa fépulture.
» Le Roi fit arrêter le convoi , & or-
» donna qu'il prît la route de l'Abbaye
» de S. Denis. Il traverfa une partie de
» la France ; cette marche lugubre fit
» partout verfer des larmes ; partout
>
66 MERCURE DE FRANCE.
» on célébra des fervices funéraires , &
» on lui rendit les mêmes honneurs
» qu'on auroit pu rendre au Monarque.
» On ne voulut point augmenter l'af-
» fliction incroyable dont les Parifiens
» étoient pénétrés , en faifant paffer par
» leur ville les reftes infenfibles d'un
guerrier qu'ils regardoient comme
leur Dieu tutélaire : mais cette pré-
» caution fut inutile ; ils bordérent les
chemins où cette trifte pompe étoit
» attendue ; ils la fuivirent en l'accom-
" pagnant de leurs regrets & de leurs
» fanglots.... Le Roi fit éléver à Du-
»
29
guefclin un maufolée placé au pied
» de la fépulture qu'il avoit choifie pour
» lui-même. On lit fur fa tombe cette
» modefte épitaphe , dont la noble fimplicité
forme un contrafte fingulier
» avec ces faftueufes infcriptions , qui ,
grace à la vanité des modernes , furchargent
la cendre de ces morts obf-
» curs , dont la célébrité ne s'étend pas
" au de-là des limites de leur vie. Ici
» gît noble homme Meffire Bertrand
Duguefclin , Comte de Longueville ,
» & Connétable de France , qui trépaffa
au Chaftel neuf de Randan en
» Gévaudan , en la Sénéchauffée de
» Beaucaire , le treizième jour de Juillet
1380. Priez Dieu pour lui.
93
FEVRIER. 1763. 67
""
Après avoir rapporté la mort de Duguefclin
, & les regrets mêlés de larmes
qu'elle caufa à Charles V , M. Villares
fait un très-bel éloge de ce héros avec
lequel il compare M. de Turenne. Ce
morceau nous a paru mériter une attention
particuliere . » Si parmi cette
foule de héros connus dans nos an-
» nales il étoit permis d'en choisir un ,
» pour le placer à côté de Duguefclin ,
» le grand Turenne feroit peut -être ce-
» lui qui paroîtroit le plus propre à être
w mis en parallèle avec le bon Conné-
» table : car c'eft de ce nom que nos
» ayeux appelloient Dugucfclin long-
» temps après fa mort. Turenne aidé des
» connoiffances d'un fiécle plus éclai-
» ré , étoit fans doute plus habile Ca-
»pitaine que Bertrand : mais on peut
» dire à la gloire de ce dernier , qu'il tira
» de fon propre fonds tout ce qu'il
» fit voir de génie militaire dans un
» temps où l'art de la guerre étoit en-
" core dans fon enfance. I eft peut-
» être le premier de nos Généraux qui
» ait découvert & mis en pratique la-
» vantage des campemens , des mar-
≫ches lavantes des difpofitions ré-
, fléchies ; manoeuvres négligées par
anos ayeux , & que même ils fai68
MERCURE DE FRANCE.
,
>
·
» foient gloire d'ignorer. Avant &
»longtemps après lui on ne favoit que
» fondre avec impétuofité fur l'ennemi ;
" on fe battoit fans prèfque obferver
» d'ordre ; la fortune décidoit de l'évé
» nement. Bravoure modeſtie , gé- .
» nérofité tout fe trouve égal entre
» nos deux Héros. Turenne fit diftri-:
» buer fa vaiffelle d'argent à fes fol-
» dats ; Duguefclin vendit fes Terres
» pour payer fon Armée : la plus belle-
» campagne de Duguefclin & celle de
" Turenne fe reffemblent , ils aimerent
tous deux également leur patrie , &
» leur Souverain ; ils les fervirent utile-
» ment ; illuftrés par les mêmes vertus
» s'ils éprouverent des contradictions
» par des rapports ou des intrigues de
» quelques courtifans qu'offufquoit l'é-
» clat de leur mérite , ils fçurent dé-
"
daigner les frivoles manèges ; enfin ,.:
» après une révolution de trois fiécles ,
» ces deux Guerriers , l'honneur de la :
» France , entre lefquels tant de qua
» lités héroïques ont pris une reffem-
» blance finguliére , fe font trouvés
»réunis prèfque fous la même tombe,
» auprès des Souverains pour lefquels
" ils avoient combattu.
La mort de Charles V , l'état des
FEVRIER. 1763. 69
fciences & des arts fous le régne de
ce Monarque , l'origine de diverfes
inftitutions contiennent des détails intéreffans
& curieux , auxquels les loix
de l'analyſe ne nous permettent pas
de nous arrêter. Nous exhortons nos
Lecteurs à lire ce que rapporte M. Villaret
au fujet des Rois & Hérauts d'armes.
Ce morceau pourra piquer leur
curiofité.
Le régne de Charles VI préfente des
événemens qu'on ne lira pas avec moins
d'intérêt. L'ambition des Princes du
Sang , qui , fous un Roi mineur gouvernent
la France à leur gré , forme un
tableau dont on ne peut bien fe faire
une idée , qu'en le voyant dans l'Ouvrage
même. Les affaires de Bretagne
reparoiffent encore fur la Scène . Elles
font place aux divifions inteftines , caùfées
par la révolte de plufieurs villes
qui ne finit que lorfque le Roi prend
en main les rênes du Gouvernement.
Nous pafferons fous filence la trifte &
funefte maladie de ce Monarque , qui a
replongé la France dans l'abîme de
malheurs que M. Villaret décrit avec
autant de chaleur que d'intérêt. C'eſt ſous
ce . Prince qu'a été inventé en France
le jeu de cartes , & voici comme notre
70 MERCURE DE FRANCE .
hiftorien rapporte cette origine . « Entre
» les curieufes fuperfluités qu'enfanta
parmi nous l'ennui de l'éxistence
و و
»
il
, ne faut pas oublier le jeu de cartes
» inventé , dit- on , pour procurer quel-
" que foulagement au Roi lorfque fes
accès lui laiffoient des intervervalles
de tranquillité. Cet amufement , qui
fait aujourd'hui les délices des focié-
» tés , où l'on fe pique le plus de poli-
» teffe & de raiſon , eft tellement confacré
par l'habitude , que nous l'avons
transformé en befoin réel . Jaquemin
» Gringonneur , Peintre demeurant
» rue de la Verrerie , fut le premier qui
» peignit des cartes à or & de diverfes
» couleur , pour l'efbatement du Roi .
»L'invention de ces fortes de figures
» n'étoit certainement pas nouvelle ;
>
;
car un Statut du Synode de Wor-
» cheftre , profcrit entr'autres jeux de ha-
>
zard , celui du Roi & de la Reine. On
» trouve dans la vie de S. Bernard de
» Sienne , parmi les inftrumens de jeux
divers , tels que les palets , les dés
» qu'on apporta dans la Place publique
» pour les brûler , des figures peintes ,
» des cartes de triomphe , dont l'un de
» nos jeux de cartes retient encore le
» nom. Mais cette récréation avoit été
FEVRIER. 1763. 71
j
33
33
» long- temps négligée , lorfque la démence
du Roi la tira de l'obfcurité.
" La nation ne tarda pas à
l'adopter
» & la fureur de ce jeu abforba bien-
» tôt toutes les autres. Quatre années
» s'étoient à peine écoulées , que cette
» manie étoit devenue épidémique. Le
» Prévôt de Paris rendit une Ordon-
» nance qui l'interdifoit ; mais la dé-
» fenfe fut d'autant plus mal obſervée ,
» que la Cour donnoit publiquement le
premier éxemple de la tranfgreffion. »
Ce fut fous le même Règne de Charles
VI , qu'on vit fleurir la Cour amoureufe
, formée par le nombre & la qualité
des Officiers , fur le modèle des
Cours Souveraines : Préfidens , Confeillers
, Maîtres des Requêtes , Auditeurs
, Chevaliers d'honneur , grands-
Veneurs , Secrétaires , Gens du Roi
leurs Subftituts ; en un mot , toutes les
Charges qui formoient les Jurifdictions
fupérieures , y étoient fpécifiées . Les
plus grands Seigneurs briguoient l'honneur
d'y être admis . Les Princes du
Sang étoient à la tête de cette Compagnie
entiérement confacrée à l'Amour.
On voit dans la lifte des Officiers les
noms des plus anciennes familles du
Royaume. On y voir des Magiftrats ,
72 MERCURE DE FRANCE .
"
& ce qui doit paroître fingulier de nos
jours , on eft étonné de trouver dans
cette affociation voluptueufe des Docteurs
en Théologie , des grands Vicaires ,
des Chapelains , des Curés , des Chanoines
de Paris & de plufieurs autres
villes.
A la fin du quatorziéme fiécle , lorfqu'on
faifoit mourir des hommes revêtus
du Sacerdoce , on obfervoit une cérémonie
qui paroît s'être perdue parmi
nous c'est la dégradation. Voici ce
qui arriva à deux Religieux Prêtres qui
avoient entrepris la guérifon du Roi.
» Le Maréchal de Sancerre , dit M.
» Villaret , avoit envoyé de Guyenne
» deux Auguftins qui s'étoient vantés
» de guérir l'infirmité du Roi ..... On
» eut grand foin de leur fournir tout
» ce qu'ils demanderent : après avoir
» fans fuccès éffayé divers remèdes
» entr'autres un breuvage de perles dif-
" tillées ; ils eurent recours aux invo-
» cations magiques , qui n'opérerent pas
»davantage. On s'étoit contenté juf-
» ques -là de les obferver ; mais lorf-
» que des incifions qu'ils firent fur la
» tête du Monarque eurent redoublé la
» violence des accès , on conçut des
» foupçons que leur conduite ne détruifit
FEVRIER. 1763. 73
"
29 truifit pas ..... Ces deux Moines im-
" pudens oferent accufer le Duc d'Or-
» léans lui-même : on les interrogea ; ils
» fe couperent. Appliqués à la queſtion ,
» ils avouerent leur impofture ... Avant
» que de livrer les deux Prêtres empy-
» riques à la Juftice féculière , ils furent
dégradés. Pour cet effet on les con-
» duifit à la Grève les mains liées , ayant
» fur la tête des mîtres de papier , où
» leurs noms étoient écrits : ils s'appel-
» loient Pierre & Lancelot. Un écri-
» teau de parchemin attaché à leur dos
» contenoit leurs crimes. L'Evêque de
» Paris , en habits pontificaux , fortit
» d'une des fenêtres de l'Hôtel- de-Ville ,
» & s'avança par une gallerie fur un
» échaffaut tendu de drap de laine. Il
» étoit accompagné de fix autres Evêques
& de plufieurs Eccléfiaftiques.
» Les deux criminels monterent fur un
» échafaut élevé vis-à-vis de celui du
Clergé : un Docteur en Théologie les
» prêchoit. Le fermon fini , l'Evêque
» leur dit puifque vous avez profané
» par vos actions infâmes le glorieux
» caractére de notre Religion , nous vous
» déclarons indignes de la communion
» des Fidéles & detoute fonction Eccléfia-
»ftique. Les Prêtres de la fuite de l'Evê-
:
D
74 MERCURE DE FRANCE .
t
»
"
» que les revêtirent enfuite des ornemens
» facerdotaux. Alors ces malheureux fe
mirent à genoux , & confefferent leurs
» crimes. On leur mit entre les mains
» le Calice , que l'Evêque reprit lui-
» même , en difant : nous t'otons le Ca-
» lice avec lequel tu confacrois le nom de
N. S. On obferva la même cérémonie
» pour les autres ornemens. Lorsqu'ils
furent entiérement dépouillés , l'Evêque
ordonna qu'on leur raclât les
doigts , & qu'on les lavât dans une
» liqueur préparée à cet effet...... A
l'inftant le Sergent & les Archers du
» Prévôt de Paris s'en emparerent. Après
» les avoir promenés nuds en chemiſes
» dans les principales rues , ils les rame-
» nerent à la Grève , où ils furent dé-
» capités »
Nous defirerions que les bornes ordinaires
d'un extrait nous permiffent de
rapporter tout le morceau de cette hiftoire
, qui concerne l'origine des Spectacles
en France . M. Villaret a fait fur
cette matière des recherches curieufes
& des obfervations très-intéreffantes .
Nous nous propofons d'en entretenir
un jour nos Lecteurs , en les renvoyant
à l'article des Spectacles , où ces recherches
& ces obfervations occuperontleur
LE
JANVIER. 1763. 75
S
r
t
r
véritable place . Nous avons lu tout ce
morceau avec une extrême fatisfaction
& le Public doit favoir gré à l'Auteur
d'avoir débrouillé un cahos , d'où quelques
autres hiftoriens ne s'étoient pas
fi bien tirés.
En général nous ne pouvons que répéter
les éloges que nous avons déja
donnés plufieurs fois à l'ouvrage de
M. Villaret. Son ftyle réunit à la fois la
chaleur , l'élégance & la précifion ; & les
faits , même les moins importans , y
font toujours préfentés d'une manière
piquante.
LETTRE DE M. MARIN , Cenfeur
Royal & de Police , de l'Académie
de Marfeille , & de la Société Royale
des Sciences & Belles- Lettres de Nancy
; à Madame la P*** de *** fur
un projet intéreſſant pour l'humanité.
Brochure in- 12 , fans nom de Ville
ni de Libraire .
LEE but de cet écrit eft de propofer
un établiffement qui fait honneur à
celui qui l'a imaginé , & auquel nous
Dij
76 MERCURE DE FRANCE .
1
croyons que tous les citoyens devroient
concourir. Il s'agit d'un Bureau de confultations
pour les les pauvres , c'eſt-à -dire ,
que tous les pauvres qui ont des procès ,
& qui , faute de pouvoir payer des Avocats
& des Procureurs , font obligés d'abandonner
leurs droits trouveroient
une reffource contre l'injuftice , dans
la bonne volonté de quelques particuliers
difpofés à payer les frais de la procédure.
Ce Bureau s'établiroit par la
voie de la foufcription. On nommeroit
un Caiffier qui feroit dépofitaire
des fonds des Soufcripteurs ; & des
Avocats payés de l'argent de ces fonds
s'affembleroient
certains jours de la femaine
pour délibérer fur les affaires de
leurs pauvres cliens. Il faut lire dans la
brochure même tous les détails concernant
ce nouvel établiffement. Ils
nous ont paru concertés avec prudence,
& dictés par une charité tendre & affectueufe
, qui fait connoître l'ame fenfible
& bienfaifante de M. Marin. Ce qui
fans doute , lui a fait naître l'idée de
propofer un pareil établiffement
, eft
une hiftoire pathétique , au récit de laquelle
les coeurs les plus durs feront euxmêmes
attendris . M. Marin parle d'une
JANVIER. 1763. 77
femme malheureuſe , à qui il a été chargé
de porter les aumônes de la Princeffe
, à laquelle il a dédié fa brochure .
» J'ai erré long-temps dans cette rue ,
» où elle avoit vécu dans une forte d'o-
» pulence , fans avoir pu découvrir fa
>> retraite. Les voifins qu'elle avoit fi
>> fouvent obligés , ont oublié jufqu'à
" fon nom. Je défefpérois de réuffir
» dans mes recherches , lorfqu'une jeune
»fille m'arrête & me tend la main , en
» me cachant fes larmes. Je l'interroge ,
» & par les réponfes que je lui arrache
» je comprends qu'elle follicite la charité
» des paffans pour cette femme que je
» cherche. Je me fais conduire ; elle
» me guide en tremblant ; je la fuis dans
» un réduit obfcur ; j'entre , je vois à la
» foible lueur d'une lampe , fix enfans
>> aux genoux de leur mère , lui deman
» dant du pain. Je vois une femme , les
» yeux égarés , gardant le filence terrible
» du défefpoir , fe meurtriffant le fein
» d'une main , & foutenant de l'autre la
» tête de fon mari , étendu fur la paille ,
» brulé par une fiévre ardente , couvert
» de cicatrices , & expirant faute de
» nourriture. Comment vous peindre
» Madame , l'expreffion de leur recon-
» noiffance, lorfque j'ai annoncé à ces
D iij
78 MERCURE DE FRANCE.
» infortunés que leur malheur étoit
» venujufqu'à vous , & que vos mains
par-
» s'étoient ouvertes à leur mifére ! La
» mère étouffant de fanglots , embraf-
"fant fes enfans , fans pouvoir proférer
»une parole ; le père agitant fa tête , &
» prononçant des mots mal articulés ;
» les enfans preffant mes genoux en
» larmes , m'ont fait pouffer un cri de
» douleur & de joie , & m'ont plongé
» dans une espèce d'anéantiffement ;
"mes pieds chancelans fe déroboient
» fous moi;ma main cherchoit un appui;
" mon coeur s'eft gonflé , ma refpira-
» tion devenue plus rare & plus forte
» étouffoit ma voix , & je fuis resté
» quelque temps immobile. »
"
M. Marin nous apprend que la caufe
de l'infortune de cette famille au défefpoir
, eft venue d'un procès injuſte
qu'on lui a fait , & qu'elle a perdu
faute de s'être défendue felon les formalités
ordinaires de la Juftice . Il lui refte
encore quelque reffource ; mais n'étant
pas en état de défendre fon bien , que
d'injuftes raviffeurs veulent lui enlever ,
elle eft dans le danger de tout perdre.
C'eft ce qui a donné à M. Marin l'idée
du nouvel établiffement dont nous venons
de rendre compte.
FEVRIER: 1763. 79
AVERTISSEMENT
Aufujet du Corps complet de l'AGRICULTURE
, du Commerce & des Arts
& Métiers de France , dédié au Ror ,
fous le titre de l'AGRONOMIE & de
L'INDUSTRIE , par une Société.
d'Agriculteurs , de Commerçans &
d'Artiftes.
Renouvellement des Soufcriptions .
ANNÉE 1763.
CULTIVER
ULTIVER avec foin les bran-
» ches d'un Arbre , & négliger fes
» racines , dit un Philofophe , c'eſt tra-
" vailler en vain . Il en feroit de même
de notre Ouvrage , fi nous n'euffions
pofé des fondemens folides avant d'en
élever l'édifice .
En fuivant ce principe , nous avons
fait précéder par une Théorie lumineufe
& néceffaire , les Méthodes que
nous nous propofons de développer
dans les Volumes fuivans.
Div
80 MERCURE DE FRANCE.
Perfonne n'ignore que la fcience de
la Navigation doit le degré de perfection
où elle eſt parvenue aux découvertes
faites en Aftronomie & en Algébre
, appliquées à la Géométrie : nous
foutenons , avec la fçavante Société de
Bretagne ( a ) que les découvertes faites
en Chymie & en Phyfique feront
pareillement la fource des progrès du
Cultivateur dans fon Art.
Cet Art abandonné à des mains efclaves
de la coutume & des préjugés ,
doit puifer les fecours qui lui font néceffaires
dans les fources de la Philofophie.
Cette fcience développe les principes
de la Nature , & la connoiffance
de ces principes doit être celle des
Agriculteurs. C'est donc à ces hommes
intelligens , qui feuls peuvent conduire
les opérations du Laboureur , que nous
avons dû nous adreffer en premier lieu.
Nous allons maintenant entrer dans
les champs du Cultivateur ( b ) & faire
nos efforts pour lui dévoiler les myftères
de la Nature.
( a ) Page 131 , fecond Volume de fon Corps
d'Obfervations.
(b ) Le volume d'Agriculture qui va paroître
, traitera de l'Agriculture-pratique.
FEVRIER. 1763. 81
> Nous parlerons au Laboureur &
nous nous mettrons à fa portée . ( c )
Nous lui enfeignerons le moyen de
rendre fes travaux plus utiles à fes
Concitoyens & à lui- même.
Cette Claffe d'hommes fi néceffaire
& fi précieuſe à l'Etat , encouragée
par le Gouvernement & éclairée par nos
leçons , trouvera moins de terreins ftériles
, & rendra plus fertiles ceux qui
l'étoient déja .
Nous continuerons fur le même plan
la partie du Commerce & celle des
Arts & Métiers. Le Public fatisfait ›
nous y invite par fes éloges. On joindra
au premier Volume du Corps d'Ofervations
, qui paroîtra en 1763 , le
Tableau des perfonnes qui contribuent
avec nous à ce grand Ouvrage. Ces
Citoyens eftimables ont bien voulu confentir
que leurs noms fuiviffent ceux
des Protecteurs de la Société : on donnera
auffi les noms de ceux qui la
compofent. Heureux fi par notre zéle
& notre amour pour la patrie
pouvons inſpirer une entiere confiance
dans nos travaux !
, nous
(c) Voyez notre Préface , partie d'Agricultu
re ; pag. xxj . Nous l'y avons promis.
Dv
82 MERCURE DE FRANCE.
CONDITION S.
?
LE Public paroiffant empreffé de jouir
du fruit de l'Ouvrage de la Société
dont une partie féparée traite de l'Agriculture
, une autre du Commerce , &
une troifiéme des Arts & Métiers , il
fera formé pendant l'année 1763 , deux
Volumes complets de chacune de ces
trois parties ; au lieu que jufques à
préfent il n'en a été diſtribué que deux
d'Agriculture , & un feul des autres
parties.
Les matériaux néceffaires pour la confection
du Corps général d'Obfervations.
de cette Société , fe trouvant affez
abondans on en diftribuera trois
Volumes complets l'année prochaine.
Il n'en a été fourni précédemment que
deux Volumes.
?
Il paroîtra donc dans le courant de
1763 , fix Volumes du Corps de l'Ouvrage,
& trois volumes du Corps général
dobfervations , ce qui fera neuf Volumes
complets.
On continuera de divifer les Volumes
en Cahiers de cinq feuilles d'impreffion
, in-8° , & d'un caractère paFEVRIER.
1763. 83
reil à celui dont on s'eft fervi jufqu'à
préfent.
Les Cahiers de chaque partie du Corps
de l'Ouvrage , pafferont aux Soufcripteurs
alternativement & fucceffivement ,
chaque quinzaine. Il leur paffera auffi
chaque mois un Cahier du Corps d'Obfervations.
Les mefures & les précautions
néceffaires étant prifes pour le
conformer exactement à ce plan & à
ces Epoques , les premiers Cahiers du
Corps d'Ouvrage partiront toujours du
Bureau de la Société , dans les quatre
premiers jours de chaque mois , les feconds
Cahiers vers le 12 ou le 15 , &
ceux du Corps d'Obfervations s'enverront
réguliérement à la fin de chaque
mois.
Chaque Cahier continuera d'être timbré
à l'ordinaire . Il aura fa dénomination
, afin qu'il ne puiffe arriver aucune
confufion , & qu'on puiffe les raffembler
aifément , pour compofer les
volumes qui feront de 320 pages chacun
, ou environ .
Cette diftribution par Cahiers , n'aura
cependant lieu qu'à l'égard des Soufcripteurs
, pour la facilité des envois.
Il ne fera plus diftribué de Cahiers
féparés au Public , lorfqu'il n'aura pas
foufcrit.
" D·VI
84 MERCURE DE FRANCE.
Les Volumes qu'on diftribuera féparément
feront timbrés avec ordre , de
même que les Cahiers
afin que les
perfonnes qui les leveront , puiffent en
faire la diftinction avec facilité.
Le peu d'exactitude des Graveurs
avoit mis dans le cas d'annoncer la diftribution
des Planches par Volumes
féparés ; mais au moyen des précautions
prifes pour l'avenir , cet inconvénient
ne fubfiftera plus : on placera dorénavant
les Planches à la fin de chaque
Volume . Elles feront difpofées de façon
que le Lecteur pourra , dans le même
coup d'oeil , voir la Planche , & lire
la defcription qui lui eft relative .
Ces Planches formant un objet difpendieux
, chaque Planche tiendra lieu
d'une demie feuille d'impreffion , ainſi
qu'il eft d'ufage .
On fera paffer vers le premier de Mai
prochain , aux Soufcripteurs de l'année
dernière , les Planches concernant les
quatre Volumes du Corps de l'Ouvrage
qui ont paru ; & quant aux perfonnes
qui ont pris des Volumes féparés fans
foufeription , on leur livrera les Planches
fur la repréſentation de leurs Volumes.
Les foufcriptions pour l'année 1763
feront ouvertes dès ce jourjufqu'au premier
Mars prochain.
FEVRIER. 1763. 85
PRIX DES SOUSCRIPTIONS.
Le prix de la foufcription fera le même déja
fixé , c'est-à- dire , de 3 liv. par Volume.
Au moyen de quoi , diſtribuant en 176 ; neuf
Volumes en tout , dont deux de l'Agriculture ,
deux du Commerce , deux des Arts & Métiers , &
trois du Corps d'Obfervations , & les neufVolumes
étant pris enſemble & Planches compriſes , l'objet
de payement pour 1763 fera de 27 1.
Pour le port , par la grand-pofie , pour la Province
, à raifon de 4 1. par cahier , ou 16 f. le
vol. fait en tout , 7 1. 4 f.
Et pour le port à Paris , par la petite-pofte , à
raifon de 6 d. par cahier ou 2 f. le vol. 18 f.
On a la liberté
de l'envoyer
prendre
aux Bureaux
de l'Agronomie
, alors il n'y aura point de
frais de port
à payer
.
Les perfonnes qui n'ont point encore ſouſcrit ,
depuis que cet Ouvrage a paru , payeront pour
les fix Volumes de 1762 , 18 1 .
Pour le port de la grand-pofte pour la Pro- vince, à raifon de 4 f. le cahier , 4 1. 16 f.
Et par la petite-pofte pour Paris , à den. par cahier ,
12 f.
Ceux qui ne vondront pas foufcrire en 1763 pour
la totalité de POuvrage , payeront , favoir:
Pour la partie de l'Agriculture , en trois Volumes
complets,
Pour celle du Commerce, idem ,
Pour celle des Arts & Métiers , idem ,
7 1.
7 1.
7 1.
Et pour le Corps général d'Obfervations , en 3
Volumes complets , 10 l. 10 f.
Total , 31L 10l.
86 MERCURE DE FRANCE.
Les Soufcripteurs entrans , qui defireront avoir les
Volumes des parties dénommées ci- deſſus , qui ont
paru depuis le commencement de l'ouvrage , payerontpar
parties féparées ; favoir:
Pour les deux Vol. de l'Agriculture , ci , 7 1.6 L
Pour celui du Commerce , 31. 14 f.
3 l. 14f.
Pour les deux du Corps d'Obfervations
, 7 l. 6f.
Pour le port par la grand-pofte pour la Province
, fur le pied de 16 fols par volume ou 4 f.
par cahier , comme eft dit ci - deffus ,
Pour celui des Arts & Métiers ,
16 f.
Et pour Paris , par la petite-pofte , à raison de 2 f par volume , ou de 6 den , par cahier , comme eft dit ci- deffus ,
2 f. Chaque Volume féparé , foit de 1762 , ou qui
paroîtront à l'avenir , fe diftribueront à Paris , à
l'accoutumée , fur le pied de 4 1. chacun , 4 l .
Ceux qui voudront avoir cet Ouvrage par les
voitures publiques ou particulières , en fe chargeant
du port , pourront continuer de les faire
prendre aux Bureaux de la Société , ou écrire ,
pour donner les indications certaines , en affranchiffant
les Lettres d'Avis : Chaque volume leur
fera adreffé fur le pied feulement des foufcriptions
fufdites.
Il y aura à Paris deux Bureaux de recette établis
; l'un chez Defpilly , Libraire , rue S. Jacques
, à la Vieille- Pofte , & l'autre rue des Orties
, Butte S. Roch .
Les reconnoiffances des foufcriptions feront
fignées par le Préposé de la Société aux recouvremens.
Elles feront vilées par le Caiſſier , ainfi
que par le Libraire de ladite Société.
On tiendra des Regiftres en forme , paraphés
par la Société , & les Receveurs n'y porteront auFEVRIER.
1763 . 87
can enregistrement de foufcriptions , qu'au prealable
elle n'ait été payée comptant .
de
Les perfonnes de Province qui auront envie de
foufcrire , en préviendront par Lettres franches
port , & on leur fera paffer les reconnoiſſances
des fommes qu'ils auront payées , avec les cahiers
publiés de l'Ouvrage.
On prie les perfonnes qui écriront de vouloir
bien le faire , le plus lifiblement qu'il fera poffible
, & fur- tout d'indiquer très-politivement les
demeures & les endroits où paffe la grand-poſte ,
afin que rien n'y refte au rebut.
TARI F.
SOUSCRIPTIONS GENÉRALES
.OU
pour la totalité de l'Ovvrage & port compris .
1753.
La Soufcription générale pour la Province fera
de 34 liv. 4 f.
Pour Paris , de 27 liv. 18 f.
1762 , auffi port compris.
Pour la Province , 2.2 liv. 16 f.
Pour Paris ,
18 liv. 12 f.
1763.
SOUSCRIPTIONS PARTICULIERES,
OU
pour parties féparées de l'Ouvrage. , Port compris.
Agriculture , ou Commerce , ou Arts & Métiers
88 MERCURE DE FRANCE.
Pour la Province ,
Pour Paris ,
Corps d'Obfervations.
Pour la Province ,
Pour Paris ,
1762.
8 liv. 12 f.
7 liv. 4 f.
12 liv 18 f.
10 liv. 16 f.
SOUSCRIPTIONS PARTICULIERES.
Pour chaque Partie pour la Province , on payera
Port compris , fçavoir :
Pour les deux Vol . de l'Agriculture , ci 8 liv. 18 f.
Pour le Vol . du Commerce ,
Pour le Vol. des Arts & Métiers ,
liv . 10 f.
liv. ro f.
Pour les deux Vol du Corps d'Obfervations
8 liv. 18 f.
Pour chaque Partie pour Paris , on payera ,
Port compris fçavoir :
Pour les deux Vol. de l'Agriculture , 7 liv. 10 f.
du Commerce,
des Arts & Métiers ,
3 liv. 16 f.
3 liv. 161,
Pour les deux Vol.du Corps d'Obſervations
7. liv. 10 f.
On trouve chez DESPILLY , tous les Livres qui
concernent l'Agriculture , le Commerce & les Arts &
Métiers ; entr'autres le Guide des Laboureurs , ou
l'Abrégé de l'Agriculture Pratique . Cet Ouvrage eft
divifé en Entretiens & Recueils , pour lafacilité des
Curés , qui voudront enfeigner les Principes & la
Pratique de l'Agriculture à leurs jeunes Paroiffiens,
& en même temps pour l'utilité des Cultivateurs
aduels.
FEVRIER. 1763. 89
MÉLANGES DE PHYSIQUE
ET DE MORALE , contenant
l'Extrait de l'Homme Phyfique &
Moral ; des réfléxions fur le bonheur
; un Difcours fur la nature &
les fondemens du pouvoir politique ;
& un Mémoire fur le principe phyfique
de la régénération des Etres &c.
Nouvelle Edition , augmentée en plufieurs
endroits d'éclairciffemens & de
preuves ; & de fix Dialogues fur les
caufes & les effets de l'état de fécurité.
néceſſaire au bonheur. A Paris , chez
H. L. Guerin & L. F. Delatour , rue
S. Jacques , à S. Thomas d'Aquin.
M. D CC. LXIII.
NOUouSs avons parlé en fon temps de
la premiere édition de cet Ouvrage
avec les éloges qui lui font dûs. Les fix
dialogues dont cette feconde édition eſt
augmentée , qui ne font qu'une extenfion
des réfléxions fur le bonheur,achévent
de mettre cette matière dans tout
90 MERCURE DE FRANCE.
fon jour , nous ajouterons que s'il eft
vrai , comme il est généralement reçu ,
qu'il ne foit guère poffible d'avancer
fur des objets de connoiffances phyfiques
qu'autant qu'on y eft conduit par
le fil d'une grande vérité ; s'il eft vrai
auffi qu'un art dénué d'une juſte théorie
ne fçauroit mériter le nom d'art , c'eftà-
dire être bien entendu , bien exercé ,
fans le fecours prèfque continuel de
cette théorie ; enfin fi une des meilleures
marques d'une bonne théorie
c'eft qu'elle cmbraffe facilement & complettement
tous les faits que l'expérience
& l'obfervation peuvent offrir ;
jamais traité n'eut & ne préfenta ces
avantages mieux que celui- ci , & par
conféquent ne mérita plus d'attention.
Un grand effet dans le jeu de l'oe--
conomie animale prèfque inconnu
jufqu'à préfent , dont on fait le principal
centre du méchanifme de toutes
les fonctions du corps humain , & parlà
, dans le fonds , de toutes les actions
de la vie ; voilà ce qui frappe finguliérement
dans cet Ouvrage ; toute la
chaîne , à laquelle on lie le moral comme
le phyfique , tient fi exactement à
ce grand principe , on parvient fi ' facilement
par ce moyen à placer dans
FEVRIER. 1763. 91
leur vrai point de vue tous les phénomènes
qu'il y a à confidérer dans l'état
de fanté & celui de maladie ; enfin
ce principe paroît appuyé fur des obfervations
fi concluantes , fi aifées à vérifier
par l'expérience que chacun en
peut faire , par l'infpe&tion anolomique ,
& même par des ouvertures de cadavres
faites fuivant l'efprit de ces obfervations
, qu'il eft difficile de douter
de fa folidité; au moins fi c'étoit une
erreur n'en fut-il jamais de fi fpécieuſe .
En attendant ce que le temps appor
tera de confirmation ou de critique à
ce fujet , nous croyons pouvoir demander
fi cet Ouvrage ne manquoit pas aux
matières qu'il contient ; jamais elles n'avoient
été envifagées dans les fources
& dans l'enſemble où elles font ici
préfentées , & comme il est très-difficile
, à mesure qu'on les approfondit ,
de ne pas convenir qu'elles tiennent
éffentiellement les unes aux autres ,
c'est donc avoir beaucoup fait , pour
nous en procurer l'intelligence , que
de les avoir placées dans le point de
vue de leur enchaînement naturel , où
qui du moins en approche beaucoup .
Ainfi trouva- t- on quelque Sujet de critique
dans le principe qui les lie ; car
2
92 MERCURE DE FRANCE.
on ne fauroit fuppofer qu'il foit poffible
de le détruire entierement : la théorie
à la vérité pourroit y gagner ,
mais felon toute apparence il en reviendroit
peu d'avantage à la pratique de
l'art de vivre , & peut-être tout auffi
peu à celle de l'art de guérir.
Dira -t-on qu'on a toujours vu les
théories de Médecine fe décrier au bout
d'un certain temps , & bien moins par
les Ouvrages qui les critiquoient que
par les fréquentes & fàcheufes méprifes
où l'on tomboit en fe réglant fur
ces théories ? l'Auteur répond que c'eft
ce qui doit arriver quand elles font
mauvaifes ; & comme il eſt bien prouvé
, felon lui , qu'on n'avoit eu jufqu'à
préfent fur la phyfique du corps humain
que de mauvais principes , on a
donc dû être porté à croire que la
théorie eft plus propre à égarer les praticiens
qu'à les conduire il n'y a a
compter que fur l'expérience . Mais
quoiqu'on dife là - deffus , il n'en eft
pas moins certain qu'on n'a été conduit
à l'idée de fournir une théorie
que par l'expérience des abus infoutenables
de l'empirifme ; & en effet comment
fans aucun principe diftinguer
les cas , & juger des exceptions , ainFEVRIER.
1763. 93
fi que des précautions particulieres à
obferver en toutes méthode de traitement
? il faut pourtant convenir qu'il
vaudroit mieux ramener l'art à fes foibles
commencemens que de le laiffer
affujetti à une mauvaiſe théorie ; une
bonne théorie fait faire tirer parti de l'expérience
, & ne s'ingère point d'en tenir
lieu : en un mot elle éclaire l'art fans
dogmatifer ; & une mauvaiſe théorie
fait précisément le contraire : voilà
ce que l'Auteur s'eft principalement attaché
à faire bien fentir dans fes Ouvrages.
Il croit auffi avoir bien établi qu'une
jufte idée des loix de l'économie animale
eft non feulement le feul
moyen d'avoir des principes vrais
en Médecine , mais même d'entendre
quelque chofe à la conduite , au gouvernement
de la vie , à l'art de prendre
fes avantages contre ce qui peut la troubler
; quel état policé , dont les richeffes
confifteroient dans un commerce
de navigation , confieroit fes vaiffeaux
à des Pilotes qui ne connoîtroient
pas la bouffole , & qui ne navigueroient
qu'à la manière des anciens tems
où l'on n'avoit pas cette connoiffance ?
voilà pourtant , felon l'Auteur , l'image
94 MERCURE DE FRANCE .
de l'habileté des hommes de tous les
fiécles pour la conduite de leur vie , de
leur fanté , de leur bonheur ! ils ont érré
au gré de leurs paffions , ou fuivant
des préjugés réputés pour de bonnes
régles ; & tout au plus dans le déclin de
l'âge défabufés d'une partie de leurs
érreurs par les fruits tardifs d'une expérience
peu éclairée , ils acquéroient
enfin quelques lumières qu'ils n'étoient
plus en état de tourner à leur profit ,
& que les moeurs & les opinions reçues
rendoient inutiles aux autres.
On voit toute l'importance de ces
matières , on ne fçauroit trop s'en occuper
; c'est ce qui nous a portés à
profiter de l'ocafion de faire de nouveau
connoître l'efprit dans lequel elles font
ici traitées.
A L'AUTEUR DU MERCURE .
J'AI lu avec plaifir , Monfieur ? dans ΑΙ
votre dernier Mercure la Lettre de M.
DAIREAUX DE PRÉBOIS fur l'origine
des Palinods ; mais l'intérêt qu'ordinairement
on prend à la gloire des
lieux qu'on habite , m'engage à avertir
l'Auteur , d'une erreur dans laquelle il
FEVRIER. 1763 95
·
eft tombé au fujet de cette ville . Elle
méritoit d'être comptée parmi celles de
Rouen & de Caen, qui ont des Puys de
Palinod, puifqu'elle en a un très-ancien,
fous le nom de très -célebre , illuftre ,
grande & honorable Confrairie des Clercs
Parifiens , fous le titre de la glorieufe
& facrée Vierge Marie. Cette Confrairie
eft même encore aujourd'hui , à bien
• des égards au moins , non tels que font
actuellement les Palinods dégénérés de
Rouen & de Caen , mais tels qu'ils
étoient primitivement.
Les feuls Poëmes admis au concours
font encore , un Chant Royal & une
Ballade à refrains à chaque ftrophe,
& uniquement confacrés à célébrer le
triomphe de la fainte Vierge . Il n'y a
de changés que les prix. C'étoit autrefois
une couronne , un chapeau & un
afficquet ou image , le tout d'argent.
Aujourd'hui il y a bien encore trois
prix , mais qui ne confiftent qu'en trois
couronnes d'argent affez légères , qui fe
donnent le 15 d'Août par le Prince de
la Confrairie , à l'Auteur , ou aux Auteurs
des vers jugés les meilleurs .
4
.
Cette Confrairie n'eft aujourd'hui
compofée que d'Eccléfiaftiques , quoiqu'il
paroiffe qu'anciennement d'autres
96 MERCURE DE FRANCE.
que des Clercs y entroient. On trouve
dans le Recueil des OEuvres de Jean
Loys , Avocat & Poëte , mort ici en
1610 , un éloge funébre d'un Jean de
Bellegambe , Peintre , qui en 1609 étoit
Prince de la Confrairie des Clercs Parifiens
à Douai. On peut encore remarquer
que Jacques Loys , fils de ce
Poëte Wallon , remporta trois années
de fuite le prix Palinodique
; & qu'à ·
raifon de ce triple triomphe , il eut ou
s'arrogea le droit de prendre le titre de
Poëte Laureat.
J'aurois pu faire une plus longue
Lettre , fi j'avois fouillé dans les Archives
de notre Palinod ; mais ce que
je viens d'en dire fuffit pour le faire
connoître , & eft peut - être tout ce qui
mérite d'en être connu .
J'ai l'honneur d'être , & c.
DUMONCHAU , Médecin des hôpitaux
du Roi.
A Douai , ce 30 Décembre 1762 .
ANNONCES
FEVRIER. 1763. 97
ANNONCES DE LIVRES.
L'ART de s'enrichir promptement par
l'Agriculture , prouvé par des expériences
; par le fieur Defpommiers , nouvelle
édition , corrigée & confidérablement
augmentée de plufieurs expériences
, & de la manière de cultiver les
bois pour la conſtruction des vaiſſeaux
in- 12. Paris 1763 , chez Guillyn ,
Libraire , quai des Auguftins , au Lys
d'or , du côté du Pont S. Michel . En
attendant l'extrait de la nouvelle édition
de cet ouvrage , dont la première a été
enlevée en moins de fix mois , nous dirous
feulement que les augmentations
utiles que l'Auteur y a faites , ne peuvent
qu'ajouter à fon mérite très- connu .
LETTRE MORALE fur l'éducation
phyfique des enfans , par M. M***
brochure in-8°. Paris , 1763 , chez
Charpentier, Libraire , quai des Auguftins.
Nous nous propofons d'en rendre
coompe
.
1 ÉLÉMENS de Chorégraphie , contenant
la defcription de plufieurs pas , &
des mouvemens en ufage dans l'art de
E
98 MERCURE DE FRANCE.
"
la danfe , fuivant les principes de M.
Feuillet , rédigés , augmentés & fuivis
d'une nouvelle contredanfe , par M.
Malpied , brochure , gravée , in- 12.
Paris , 1763 , chez l'éditeur , Maître
de danfe , rue des Boucheries S. Germain
, vis -à-vis M. Bolduc , Apotiquaire
du Roi , & chez M. Guerfan ,
rue de la Comédie Françoiſe . Prix , 3 liv.
LETTRE fur la Paix , à M. le Comte
de ***.
Spes difcite veftras. Virg. Æneid. 3.
C'est l'ouvrage d'un Citoyen trèseftimable
, & dont nous donnerons l'extrait
dans le Mercure prochain , brochure
in- 12. Lyon , 1763 , & fe trouve
à Paris chez les Libraires qui vendent
les nouveautés.
ETRENNES SALUTAIRES , ou Précis
de ce qu'il eſt à propos d'éviter &
de faire pour fe conferver en bonne
fanté & prolonger fa vie. La Haye ,
1763 , & fe trouve à Paris , chez P. F.
Didor , le jeune , quai des Auguftins ,
près du Pont S. Michel. Prix , 12 fols
broché & 18 fols relié .
ALMANACH de la ville de Lyon , &
des Provinces de Lyonnois , Forez &
FEVRIER. 1763. 99
•
,
Beaujolois , pour l'année 1763 , in-8°.
Lyon , de l'Imprimerie d'Aimé de la
Roche feul Imprimeur - Libraire de
M. le Duc de Villeroy,du Gouvernement
& de la Ville , aux Halles de la Grenette
, & fe trouve à Paris chez Defaint
& Saillant , rue S. Jean-de - Beauvais .
LA PÉTRISSÉE , ou Voyage de Sire
Pierre en Dunois , badinage en vers ,
où se trouve entr'autres la conclufion
de Julie ou de la Nouvelle Héloïfe .
Liberiusfi
Dixero quid , fi fortè jocofius ; hoc mihijuris
Cum venia dabis . Horat.
in- 12 . La Haye , 1763 ; & fe trouve à
Paris chez plufieurs Libraires. Nous nous
propofons de rendre inceffamment compte
de cet Ouvrage , que l'on attribue
à un jeune Militaire , dont la bravoure
& les talens aimables font également
connus.
CONTES MORAUX , dans le goût de
ceux de M. Marmontel , recueillis de
divers Auteurs , publiés par Mlle Uncy,
in- 12 . deux volumes . Amfterdam, 1763 ;
& fe trouve à Paris , chez Vincent
rue S. Severin . On y trouve , dit l'Editeur
, du naturel , de la variété dans les
E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
瀑
caractères , des couleurs vraies & propres
à tous les âges & à toutes les conditions.
Ces Contes font au nombre de
quarante- trois ou quarante- quatre , &
tous fort amufans. Le choix fait honneur
au goût de la jeune Demoiselle qui
les a recueillis , & qui nous apprend
qu'elle y a trouvé des rapports avec certaines
circonftances de fa vie. Nous nous
propofons de les faire connoître plus
amplement.
ESSAI fur l'Horlogerie , dans lequel
on traite de cet art relativement à l'ufage
civil, à l'Aftronomie & à la Navigation ,
en établiſſant des principes confirmés
par l'expérience , dédié aux Artiftes &
aux Amateurs , par M. Ferdinand Berthoud
, horloger , deux volumes in - 12 ,
avec figures en taille- douce au nombre
de trente- huit , & très-bien traites. Paris
, 1763 , chez Jombert , Libraire , rue,
Dauphine , à la Belle- Image ; chez Mufier
, quai des Auguftins , & chez Panckoucke
, rue & près la Comédie Françoife
. Prix , 27 livres relié en deux volumes
. On en trouvera le Profpectus à
l'article des Arts utiles.
3
FEVRIER. 1763.
ΤΟΙ
LETTRE de M. D. à M. DE LA PLACE.
M. le Recteur de l'Univerſité de París
vient d'annoncer par un Mandatum,
le fujet du prix des Maîtres- ès-Arts pour
l'année 1763. Il eft conçu en ces termes:
quanti populorum interfit , eadem
in omnibus Scholis publicis , de Religione
, de Moribus ac Litteris doceri.
Comme il me femble qu'il y a une
grande conformité entre ce Sujet & la
matière qui eft traitée dans une Lettre
qui a pour titre : Lettre de M *** à M.
Abbé ** , Profeffeur en Philofophie ,
fur la néceffité & la manière de faire
entrer un cours de morale dans l'éducation
phyfique , je vous prie d'annoncer
qu'il y a chez Durand , le jeune , Libraire
, rue du Foin , des exemplaires
de cette Lettre , & qu'on y pourra trouver
des idées & des réflexions analogues
au Sujet propofé par l'Univerfité.
J'ai l'honneur d'être , & c.
DURAND.
E iij
102 MERCURE DE FRANCE .
ARTICLE III.
SCIENCES ET BELLES- LETTRES
ACADÉMIE S.
EXTRAIT de la Séance publique de la
Société Littéraire de CLERMONT
en Auvergne , tenue dans la Salle de
l'Hôtel-de-Ville.
Le 25 Août 1762.
M. DEVERNINES , ancien Directeur
, ouvrit la féance par la lecture d'une
Differtation fur un vafe antique , trouvé
dans la terre aux environs de Lezoux
petite Ville à quatre lieues de Clermont,
Ce vafe profond d'environ trois pouces
, fur cinq pouces de diamétre , eſt
compofé d'une terre qui approche de
la couleur rouge & très-fine ; il eft orné
de reliefs , repréfentant des perfonnages
, qui portent un linge déplié ;
plufieurs anneaux font déffinés autour
des perfonnages. On diftingue aifément
qu'ils font formés par un ferpent qui
FEVRIER. 1763. 103
mord fa queue ; l'Auteur s'attache d'a
bord à l'antiquité du vafe ; il le compare
à un de même nature dont il a
donné la defcription il y a quelques
années , & les rapporte l'un & l'autre
aux temps où les Romains établis dans
les Gaules , y porterent leurs ufages &
leurs moeurs. L'ufage de ces vafes , étoit
felon l'Auteur , de fervir à certaines libations
dans les Fêtes que célébroient
les Payens ; celui dont il eft queſtion
dans cette differtation paroît avoir rapport
par fes emblêmes aux Fêtes des Saturnales.
Les ferpents qui fe mordent
la queue font un emblême connu du
retour de l'année ; l'Auteur termine fa
differtation par des confidérations oeconomiques
, fur la matière dont eft compofé
ce vafe . Il prétend que dans la
Ville de Lezoux où on trouve une
grande quantité de pareils monumens ,
il y avoit une manufacture de poterie
de cette forte ; & il conclud qu'il feroit
très -utile d'établir dans ce même
lieu une manufacture de fayance ; il exhorte
fes Compatriotes à profiter de
cet avantage .
M. Ozy , a lu l'analyfe des eaux de
Contrexville en Lorraine ; M. Bagard,
premier Médecin du Roi de Pologne
E ix
104 MERCURE DE FRANCE.
Duc de Lorraine & de Bar , a attribué
aux eaux de Contrexville , la faculté
de foulager & guérir les maladies
occafionnées par la pierre & le
calcul ; le Mémoire qu'il a lu le 10 Janvier
1760 , dans une Affemblée publique
de la Société de Nancy , contient
une obfervation fuivie & détaillée des
qualités spécifiques de ces eaux découvertes
par l'analyfe & conftatées par
l'expérience. Des qualités fi falutaires
ont engagé certaines perfonnes de cette
Province à en faire tranfporter pour
leurs ufages . On ne pouvoit pas encore
juger de l'effet de ces eaux lorf
que M. de Ballainvilliers , Intendant
d'Auvergne , dont la vigilance & la
fagacité , faififfent généralement tout
ce qui peut concourrir au bien public ,
& dont l'âme bienfaifante fouhaite avec
ardeur l'éxiftence d'un remede fi puiffant
, fi confolant & fi rare , a chargé
M. Ozy de faire l'analyſe raifonnée de
ces eaux ; il a exigé que les éxpériences.
en fuffent faites en préfence des Do-
&teurs qui compofent le College de
Médecine de cette Ville. C'eft de cette
analyfe dont M. Ozy a rapporté les
procédés & les réfultats dans cette affemblée.
FEVRIER. 1763. 105
» Je m'y fuis appliqué , dit l'Auteur
» avec toute l'attention dont je fuis
» capable; mon zéle pour foulager l'hom-
» me dans fes douleurs & pour concour-
» rir à des vues fi généreufes n'a laiffé
" rien échapper de ce que l'Auteur de
la premiere Analyfe a mis fous les
" yeux du Public. Je l'ai fuivi fcrupuleuſement
, j'ai comparé mes procédés
avec les fiens , & fi je parois con-
» tredire ou affoiblir les réfultats des
» premieres expériences , c'eſt à mon
attachement invincible pour la vérité
» qu'il faut en imputer les motifs . D'ail-
» leurs je n'entreprends pas d'augmen-
» ter ou de diminuer la réputation de ces
eaux ; je me renferme dans la partie
chymique, laiffant aux Maîtres de l'art
qui ont affifté à mes Obſervations le
» droit de décider.
Il n'eft pas poffible de fuivre l'Auteur
dans fon analyfe , il faudroit rapporter
le Mémoire en entier. On fe
borne aux points de divifion entre la
première & la feconde analyſe. M. Bagard
prétend prouver par le mêlange
de l'huile de tartre par défaillance avec
le firop violat & fon changement de
couleur en verd , l'éxiftence d'un fet
alkali volatil dans ces eaux minérales ;
E v
106 MERCURE DE FRANCE.
dit
pour expliquer ce phénomène , M. Ozy
que T'alkali fixe qui a été verſé dans
ces eaux en eft la feule caufe . M. Bagard
a . paru étonné de ce qu'après
l'addition d'une certaine quantité d'alkali
fixe au mêlange de l'eau minérale
avec le firop violat , il s'eft fait un précipité
en poudre blanche. M. Ozy n'y
voit que la décompofition de la felenite
que contiennent ces eaux minérales ;
il opére le même phénomène en verfant
de l'alkali fixe ou de l'huile de
tartre par défaillance dans l'eau minérale
; il obtient un precépité blanc , qui
n'eft autre chofe que la terre feleniteufe
qui étoit unie à l'acide vitriolique , &
qui enfemble forment le fel feleniteux,
M. Bagard a cru voir des petits
criftaux de fel , après le mêlange de
l'huile de vitriol ; M. Ozy , n'y a vu
que des bulles d'air. Il prouve même
qu'il ne pouvoit y avoir aucun fel ар-
parent.
L'huile de vitriol verfée ſur le mêlange
après la diffolution de Saturne , a
préfenté aux yeux de M. Bagard des
globules blancs ; M. Ozy n'y a vu
qu'une décompofition du fel de faturne:
mais il n'y a vu aucune indication du
favon foupçonné par M. Bagard. La
FEVRIER. 1763. 107
diffolution d'argent a décélé une petite
quantité de fel marin ; le précipité jaune
d'une belle couleur de citron qui,
s'eft formé par le mêlange de la diffolution
de mercure dans l'efprit de
nitre , a donné occafion à M. Ozy ,
d'éprouver par différentes tentatives
la poffibilité de la compofition du tartre
vitriolé par l'acide nitreux . Les réſultats
ont donné l'affirmative.
M. Ozy a répété les mêmes expériences
fur une chopine des mêmes eaux ,
concentrée réduite au tiers : elles ont
toutes produit les mêmes effets . Cette
opération a été faite par le Chymiſte ,
pour rendre par la concentration les
principes que M. Bagard avoit cru voir
dans ces eaux plus fenfibles & plus
palpables. Après l'analyfe préliminaire
de ces eaux le Chymifte a éxaminé le
réfidu d'une évaporation jufqu'à ficcité
de foixante-huit livres de ces eaux , le
fédiment a été de deux onces & demie;
& après avoir fait fur ce réfidu différentes
éxpériences , il en a conclu
que ces foixante - huit livres d'eaux contenoient
environ un gros & huit grains .
de fel marin à baze terreufe , un peu
de terre calcaire & le refte de felenite .
La différence principale entre les deux
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
analyſes eft l'exiſtence d'une eſpéce de
favon que M. Bagard prétend avoir
découvert dans ces eaux , & que M.:
Ozy n'y trouve pas ; celle d'un fel acide ;
& auffi celle de l'alkali volatil minéral.
Si le fel acide eft réellement contenu
dans ces eaux , dit M. Ozy , il
en exclut néceffairement la fubftance
favoneufe pour l'alkali volatil minéral
, il eft inconnu jufqu'à préfent à
l'Académicien de Clermont. Il ne croit
pas que deux fubftances fi oppofées
l'une à l'autre , telles qu'un acide & un
alkali , puiffent librement exiſter dans
un même véhicule , fans fe détruire
mutuellement , ou plutôt fans fe combiner
enſemble. M. Ozy n'a pas découvert
de faffran de Mars dans ces
eaux. Il s'eft même convaincu par des
expériences répétées que ces eaux ne
contiennent point de fer. Il n'a point :
vu les grains blancs dont parle M. Bagard
, malgré la plus fcrupuleufe attention
qu'ily a portée . Il rend raiſon des
différens réfultats des expériences de
M. Bagard , qui ont pu l'induire en
erreur fur l'existence d'une fubftance
favoneufe & du faffran de Mars dans .
ces eaux. Il termine fon analyſe en difant
que ffii cceess eaux ont une vertu
FEVRIER. 1763 . 139
fithontriptique , il ne croit pas qu'on
puiffe l'attribuer à d'autres fubftances:
qu'à la terre calcaire qu'elle contiennent
; & pour énoncer l'expérience fuivante
, j'ai mis deux pierres tirées de la
même vefcie en éxpérience ; l'une dans
des eaux de Contrexville ; l'autre dans
de l'eau commune , chacunes fermées .
dans un bocal de verre , bouché avec
un parchemin mouillé & placé dans
la chambre chaude d'un Boulanger ; je
les
y ai laiffées pendant fix jours : après
ce temps j'ai apperçu dans chaque bocal
un commencement de décompofi- :
tion de la pierre indiquée , par des flocons
blancs qui fe précipitoient au fond :
du vaſe. J'ai retiré les pierres & les ai
pefé ; la pierre qui a féjourné dans
l'eau de Contrexville , du poids d'un
gros & quinze grains , s'eft trouvée
réduite à un gros & dix grains.
Celle qui a féjourné dans l'eau.commune
, de trois gros & quinze grains ,
s'eft trouvée réduite à trois gros & un
grain. Il réfulte de cette éxpérience que
la pierre qui a féjourné dans les eaux
minérales a perdu un feizième de plus
à-peu-près que celle qui a féjourné
dans l'eau commune.
La Séance a été terminée par un
1
110 MERCURE DE FRANCE.
Mémoire de M. de Feligonde , Secré
taire de la Société , fur les variations
fingulières des Baromêtres .
L'Auteur de ce Mémoire annonce
que par une fuite d'obfervations journalières
fur le Baromêtre , il s'eft apperçu
du peu de folidité des prédictions
météorologiques de cet inftrument
que dans le cours des années 1761 &,
1762 , & notamment lors de la levée
des foins , temps où le nombre des Obfervateurs
eft très-grand , les confultans
ont été trompés plufieurs fois . Ils
fe font plaints avec amertume de l'infidélité
de leur guide ; mais avoient - ils
raifon ? & cet inftrument , pour rem- ,
plir fon véritable objet , doit-il être infaillible
dans les applications multipliées
qu'on veut faire de fes facultés ? Ce .
font ces confidérations qui ont engagé
l'Auteur à traiter premierement de l'ap- .
plication qu'on doit faire des effets du
Baromêtre ; deuxièmement , des caufes :
qui dans certaines circonftances déran- :
gent la marche de cet inftrument.
Les premiers objets qui fixerent les
vues des Phyficiens dans la gradation
des Baromêtres , font compris dans le
Mémoire au nombre de trois.
De terminer la hauteur de l'athmofFEVRIER.
1763. ITE
phère par le poids de la colonne d'air ;
eftimer les hauteurs des montagnes &
des différens points de la terre ; annoncer
les changemens de temps , les féchereffes
, les pluyes , les vents & les
tempêtes .
L'Auteur rapporte les
expériences,
faites par les Phyficiens les plus célébres
, plufieurs obfervations inférées
dans les Mémoires de différentes Académies
, & fes propres obfervations :
defquelles il réfulte premierement , que
l'ufage du Baromêtre n'a pas également
réuffi dans tous les climats pour déterminer
le poids de l'athmosphère , ou la
hauteur de la colonne d'air.
Deuxièmement , que les méthodes
inventées pour déterminer, par le moyen
des Baromêtres , la hauteur de différens
points du globe , font encore bien imparfaites
, & quelquefois fautives par
les circonftances.
Troifiémement , que les pronostics
des vents & de la pluye , des orages ,
& c. t: ouvent dans l'expérience journa
lière des
contradictions fatales au fyftême
.
Cette fuite
d'obfervations paroît
ébranler un peu les prédictions météorologiques
des Baromêtres. L'Auteur
112 MERCURE DE FRANCE.
n'en tire cependant pas la conféquence ,"
& avant d'ouvrir fon fentiment , il paffe
à la feconde partie.
Le poids de la colonne d'air comme
caufe principale , les altérations de ce
fluide , comme cauſe accidentelle , concourent
à élever le mercure dans le tube
renverfé.
L'Auteur découvre dans les différentes
hauteurs de la colonne la denfité
des couches & l'élafticité des molécules
d'air qui la compofent ; la fource
& l'origine de toutes les variations qui
fe manifeftent dans les expériences. Il
en fait l'application aux contrariétés que
préfentent celles qu'il a rapportées dans
la première partie.
Il explique par les effets des vents
contraires , des vapeurs de différentes
natures , des fels volatils , des paffages
précipités du froid au chaud , des chaleurs
exceffives , des froids immodérés
les contremarches par lefquelles la liqueur
contenue dans le Baromêtre induit
les confultans en erreur.
D'où il conclut qu'on ne doit regarder
comme véritable objet du Baromêtre
, que la détermination du poids abfolu
de la colonne d'ajrqui le domine ;
mais que ce poids étant l'effet d'une multitude
de puiffances fujettes à des variaFEVRIER.
1763. 113
,
tions continuelles , on ne doit pas regarder
cet inftrument comme infaillible
foit dans la connoiffance de la hauteur
de l'athmosphère , foit dans les mesures
des différentes élévations , foit dans les
prédictions météorologiques .
On ne doit cependant pas abandonner
l'ufage de cet inftrument , 1 °. parce qu'il
remplit conftamment fon premier objet;
2º. parce que fes obfervations ont répandu
dans la phyfique de grandes
lumières , & qu'on a lieu d'en attendre
des découvertes intéreffantes , fi on continue
à l'obferver avec éxactitude & à
le réformer avec précaution .
PROBLEME DE GÉOMÉTRIE.
UNN triangle ifocèle étant circonfcrit
à deux cercles contigus qui ont leursdiametres
dans la raifon de trois à un ;
de manière que fa bafe touche la grande
circonférence , & chacun de fes côtés ,
celle-ci & la petite : on demande quel
eft dans ce triangle , le rapport de la
bafe aux côtés . Propofé par Albert, Etudiant
en Mathématique fous M. Baubé,
ǎ Lyon.
A Lyon , ce 7 Janvier 1763.
114 MERCURE DE FRANCE.
ARTICLE IV.
BEAUX- ARTS..
ARTS UTILE S.
CHIRURGIE.
EXTRAIT de deux Lettres de M.
DUMONT fils , Lithotomifte à
Bruxelles , à M. LE CAT , Ecuyer
Sécretaire perpétuel de l'Académie
des Sciences de Rouen , & c. fur la
méthode de tailler de ce dernier.
MONSIEUR ,
Si la feule inſpection de votre gor
geret ciftitôme ( * ) nous a épris en fa
faveur , avant même que nous euffions
lû votre recueil & votre parallèle , tellement
que nous renonçâmes dabord ,
( * ) On trouve ce Gorgeret ciftitôme , à Paris ,
chez Perret , Coutellier , à la Coupe d'Or , rue
de la Tixérandrie.
FEVRIER. 1763 . IIS
mon Père & moi , à nos propres inventions
pour ne nous fervir que de
lui ; fi la lecture que nous fimes enfuite
des Ouvrages cités ci- deffus nous
confirma de plus en plus dans notre
projet , en conféquence de la folidité
des preuves , tant de fait que de raiſon
que nous rencontrâmes partout dans
ces Ouvrages ; jugez , Monfieur , combien
peu nous fommes difpofés à renoncer
à le faire , ainfi qu'aux inſtrumens
avec lefquels vous exécutez vos
opérations , à préfent que nous fommes
convaincus de leur bonté par des
expériences réitérées fur les morts & les
vivans. Oui , Monfieur , les éffais que
nous avons faits de votre inftrument
fur les cadavres , nous ont toujours f
conftamment donné une opération latérale
des plus parfaites , que nous n'afpirâmes
dès-lors , mon Père & moi ,
qu'à l'occafion d'en faire l'éffai fur le
vivant : feuls éffais vraiment décififs de
la bonté d'une méthode ou d'un inftrument
, quand des fuccès conftans en
Couronnent l'ufage . C'eft le cas où nous
nous trouvons , Monfieur , par rapport
à votre gorgeret çiftitôme , d'après les
obfervations , dont voici l'hiſtoire. &
Nous avons taillé cette année avec
116 MERCURE DE FRANCE.
cet inftrument , ttrrooiiss ffuujjeettss , fçavoir ,
deux ce Printemps , & le troifiéme cet
Eté.
·
Le premier étoit un garçon de vingt
ans , affez bien conftitué en apparence ,
dont le père , auffi pierreux , périt il y
a quatre ans dans l'efpace de trois à
quatre jours , fous le tranchant du lithotome
caché , qui lui avoit caufé une hémorragie
interne , dont toute la veffie
avoit été remplie , ainfi que le baffin *.
Son fils fut taillé par mon père en fept
minutes avec votre gorgeret ciftitôme :
fa pierre , d'un très -grand volume , pefoit
environ trois onces. Il n'y eut point
d'hémorragie de conféquence , & le
malade fe portoit très - bien en tout jufqu'au
troifiéme jour , que fon imagination
frappée qu'il alloit mourir ce
jour-là , comme l'avoit fait fon père
il fe fit en lui une révolution fi terrible ,
qu'il tomba plufieurs fois en fyncope .
& manqua de mourir de peur. Mais àpeine
fut-il entré dans le quatriéme
jour , qu'il commença à fe tranquillifer ::
il fe porta enfuite de mieux en mieux
& fe trouva enfin guéri parfaitement
au bout de cinq femaines .
* C'eſt là un des inconvéniens nombreux que
M. Le Cat a démontré dans l'uſage du lithoto
me caché .
FEVRIER. 1763. 117
Le fecond , qui étoit un garçon âgé
de quinze ans , fut taillé par moi dans
notre Hôpital : je lui tirai en moins d'un
demi - quart-d'heure une pierre murale
de la groffeur d'un petit oeuf de poule ,
en partie brifée. Le malade , auffi - tôt
après l'opération , dormit plufieurs heures
, encore mieux les nuits fuivantes :
il retint parfaitement fes urines , & urina
à volonté le fixiéme jour , & fut parfaitement
guéri le neuvième jour.
Mon père opéra le 17 de ce mois
d'Août , en deux minutes , un garçon
de quinze ans , fort exténué des douleurs
de fa pierre , qui étoit murale &
groffe comme un maron. Le fixiéme
jour il n'urinoit plus du tout par la
playe , & aujourd'hui onzième jour la
cicatrice des tégumens eft telle que je
compte dans trois jours le voir parfaitement
guéri .
" Quoiqu'il foit vrai , Monfieur , que
nous ayons eu différentes fois des fuccès
pareils , en opérant à notre façon
( qui ne différe en rien de la vôtre, quant
aux principes , ) & avec des inftrumens
de notre invention , il faut cependant
vous avouer que nous faifons cette opération
bien plus facilement , plus promptement
& plus parfaitement avec votre
118 MERCURE DE FRANCE.
,
gorgeret ciftitôme , qu'avec tout autre
inftrument même les nôtres. Qui
Monfieur , nous y avons rencontré , par
l'ufage que nous en avons fait , un fi
grand nombre d'avantages fupérieurs à
ceux de tout autre lithotome quelconque
connu jufqu'à préfent , qu'il me
femble que vous n'en avez point encore
dit tout le bien qu'il y a à en
dire : c'eſt le témoignage que la vérité
nous force de vous rendre en faveur
de votre inftrument , lequel nous n'abandonnerons
point , que quelque génie
heureux & fupérieur nous en montre
un meilleur. C'eft ce que je crois
être très- difficile , pour ne point dire
impoffible .
J'ai l'honneur d'être , &c.
DUMONT , fils , Lithotomifte à Bruxelles.
Voyez dans le Journal de Médecine
mois de Septembre 1762 , p . 277 , les
fuccès de la même méthode à Rouen.
FEVRIER. 1763. 119
HORLOGERI E.
ÉSSAI fur l'Horlogerie ; Par M. FERDIN
AND BERTHOUD , Horloger
à Paris. *
-
L'ART de l'Horlogerie fi long-temps
ignoré a acquis de nos jours un trèsgrand
degré de perfection du côté de la
main-d'oeuvre ; mais on n'avoit pas encore
tenté de réduire cette Science en
principes. Les Auteurs qui en ont écrit
jufqu'à préfent , fe font contentés de
décrire les piéces d'Horlogerie les plus
en ufage , & de traiter chacun à ſa maniere
de quelques foins de pratique . Delà
eft venue la variété que l'on s'eft
permife dans la fabrication des Pendules
& des Montres. Ce n'eft cependant
* Cet Auteur eft déjà connu par les Articles
Horlogerie qu'il a faits pour l'Encyclopédie ;
par différens Ouvrages de fon invention , préfentés
à l'Académie Royale des Sciences ; par le Livre
de l'Art de conduire & de régler les Pendules &
les Montres &c.
On trouvera auffi chez les mêmes Libraires le Livre
de l'Art de conduire & de régler les Pendules
& les Montres.
120 MERCURE DE FRANCE.
que d'après des principes bien établis
que l'on peut parvenir au point de conftruire
& d'éxécuter ces Machines , pour
les mettre en état de mefurer le temps
avec la plus grande précifion.
C'est pour répondre au défir des Amateurs
de cet Art, & au befoin des fabricateurs
d'Horlogerie que l'Auteur de cet
Ouvrage s'eft déterminé à faire part au
Public de tout ce qu'il eft parvenu à
découvrir fur cette fcience par un travail
conftant & defintéreffé qui l'occupe
depuis plus de dix ans & par
l'étude particulière qu'il a faite des principes
de méchanique , & furtout par un
grand nombre d'expériences tendantes
vérifier ces principes .
,
Cet Ouvrage eft donc le fruit d'une
étude longue & pénible , & l'Auteur
n'y fait myſtère d'aucune des chofes qu'il
a apprifes ; il y expofe les principes fur
Lefquels il eft parvenu à compofer non
feulement des Horloges à pendule , qui
ne varient ni par le chaud ni par le froid ;
des Horloges marines pour fervir aux
longitudes , & c ; mais encore à établir
une théorie fur les Montres , vérifiée
par l'expérience , & au moyen de laquelle
il conftruit auffi des Montres
qui ne varient point par les différentes
températures ;
FEVRIER. 1763. 12.1
températures ; chofe à laquelle on n'avoit
ofé penfer jufqu'à préfent .
Le but de l'Auteur étant d'inftruire
les Artiſtes & les Amateurs , il ne fe
contente pas de les guider par des principes
mis à leur porté , il entre encore
dans tous les détails de pratique fur les
Pendules & les Montres ; enforte qu'avec
un peu de réflexion une perfonne
qui n'auroit même aucune teinture de
l'Art , pourroit parvenir à exécuter des
Pendules & des Montres qui marcheroient
avec jufteffe .
L'Ouvrage entier eft divifé en deux
Parties , qui forment chacune un Volume.
La première Partie comprend
trente-fix Chapitres , qui traitent principalement
des defcriptions des Machines
ordinaires d'Horlogerie , comme Pendules
à fecondes , fonnerie d'un an
an ,
Horloges à répétition , à équation , & c.
Des Montres ; Montres à réveil , à répétition
, à équation , à quatre parties ,
& plufieurs inftrumens & outils les plus
éffentiels , & c ; de tous les détails de
main-d'oeuvre d'une Répétition en Pendule.
Dix-neuf Planches jointes au premier
Volume , font relatives à l'objet
de cette Partie .
La feconde Partie eft divifée en qua-
F
122 MERCURE DE FRANCE.
rante-fept Chapitres , qui traitent particuliérement
des principes & de la théorie
de l'art , de la meſure du temps ;
grand nombre d'expériences & de machines
faites pour vérifier ces principes ;
la conftruction qu'il faut donner aux
machines qui mefurent le temps , tant
dans les Horloges aftronomiques , que
dans les Montres & les Horloges Marines
, &c. Dix- neuf Planches gravées
en taille-douce , font relatives aux matières
traitées dans ce Volume. Nous
allons parcourir la totalité de cet Ouvrage
, pour donner une notice de ce
qu'il contient.
PREMIERE PARTIE . Le Chapitre L
traite de la divifion du temps , qui eft
mefuré par les révolutions du foleil': on
fait voir que le foleil varie , & l'on explique
les caufes de ces écarts : Chap. II.
Pour parvenir à faire concevoir parfairement
les divers effets de cette partie
d'une Horloge qui mefure le temps ,
l'Auteur fuppofe que n'ayant aucune
notion des machines qui mefurent le
temps , on veut en compofer une. Pour
cet effet il paffe des idées les plus fimples
& par gradation , au point de former la
machine ; & l'on acquiert par cette mé-
-thode des idées générales , nettes &
FEVRIER. 1763. 123
justes de chaque partie des Horloges ;
Au Chap. III , Defcription d'une Pendule
à fecondes , à fonnerie : Chap. IV
& V , fur les fonneries . Defcription
d'une fonnerie d'un an. Chap . VI &
VII , Notion générale des répétitions ,
avec la defcription de ce méchaniſme.
Pour parvenir à donner des notions nettes
des Montres , l'Auteur fuppofe que
l'on ne connoît point le méchaniſme de
ces ingénieuſes machines , & que l'on
veut en compofer une ; il fait voir par
gradation comment on pourroit y parvenir
c'est l'objet du Chap . VIII. Le
IX eft la defcription d'une Montre ordinaire
Chap . X , Defcription d'une
Montre à répétition : Chap . XI , Defcription
d'une Montre à réveil : Chap.
XII , de l'Équation ; fes effets. Les
Chap . XIII , XIV , XV , XVI , XVII
& XVIII , contiennent des defcriptions
de différentes fortes d'Equation pour les
Pendules & pour les Montres : Montres
d'un mois fans monter à répétition , fecondes
, équation , & c. Chap. XIX , on
entre dans les détails d'exécution de ces
machines : Chap. XX , de l'uſage des
Tables d'équation jointes à ce Livre .
Les Chap . XXI , XXII , XXIII & XXIV
font des defcriptions d'échappemens
Fij
124 MERCURE DE FRANCE.
pour les Pendules ou pour les Montres :
Chap. XXV , de la machine à fendre
les roues Chap . XXVI , de l'outil à
tailler les fufées. Les Chap. XXVII ,
XXVIII & XXIX font des defcriptions
des outils les plus éffentiels qui fervent à
la pratique de l'Art. Chap . XXX , Defcription
d'une Montre à trois parties.
Chap . XXXI , de quelques foins de
conftruction & d'exécution des Montres.
Chap. XXXII & XXXIII , Examen
des caufes d'arrêts & de variations
des Montres & des Pendules. Chap.
XXXIV , fur les nouvelles productions
d'Horlogerie. Chap. XXXV, des Baromêtres
& Thermomêtres à aiguille. Enfin
on termine cette première Partie
par tous les détails de main-d'oeuvre pour
l'entière exécution d'une Pendule à répétition
: celaforme le Chapitre XXXVI,
qui eft de 260 pages.
II. PARTIE
,
POUR parvenir à établir une théorie
fur les machines qui mefurent le temps ,
objet de la feconde Partie l'Auteurcommence
dans le premier Chapitre par
démontrer les loix de l'équilibre dans le
fimple levier. Ce principe établi il
l'employe à faire entendre comment les
,
FEVRIER. 1763. 125
roues , qui ne font que des compofés de
leviers , agiffent les unes fur les autres :
c'eft le but du Chapitre II . Dans le III ,
on donne des règles générales pour mefurer
la force tranfmife par le moteur à
la dernière roue d'un rouage. On examine
dans le Chap. IV les effets des
mauvais engrénages. Au Chap . V , on
démontre les courbés que doivent avoir
les dents des roues & pignons. Les Chapitres
VI , VII & VIII , traitent du
calcul des rouages , foit pour trouver les
nombres des dents des roues & pignons,
quand on compofe un Pendule ; ou ,
cette machine ou Pendule étant faite ,
pour favoir les révolutions que les roues
font , & pour trouver le nombre de
dents de rochets relativement à la longueur
d'un Pendule donné. Les Chapitres
IX & X traitent des loix du Pendule
fimple & de fes propriétés. On recherche
dans le Chapitre XI la meilleure
manière de fufpendre un Pendule ; &
dans le XII , comment doit être la lentille
pour éprouver une moindre réfiftance
de l'air. Chap. XIII , Expériences
fur les réfiftances de l'air . Chap. XIV &
XV , calcul de la force requife pour entretenir
en mouvement un Pendule :
ce qui conduit à la meilleure manière
F iij
126 MERCURE DE FRANCE.
de régulateur . L'Auteur traite dans les
Chapitres XVI & XXVII des Pendules
qui font mus par l'action inégale des
refforts ; des effets des échappemens ; &
de la machine qu'il a conftruite pour
faire des expériences fur cette matière ,
& c. Il traite dans le Chap. XVIII , de
la dilatation & contraction des métaux
par le chaud & le froid . Chap. XIX , du
Pyrometre qu'il a compofé pour mefurer
les effets des métaux ; & Chap . XX ,
il donne le précis des expériences qu'il
a faites là -deffus. Chap . XXI , des écarts
que la différence de la température caufe
aux Horloges à pendule. L'Auteur
traite dans les Chap . XXII & XXIII
de la conftruction de plufieurs verges
compofées pour compenfer les effets du
chaud & du froid. Chap . XXIV , Defcription
d'une Horloge aftronomique ,
à fecondes concentriques , allant un an :
Sonnerie de fecondes pour faciliter les
obfervations pour les Aftronomes.
Après avoir traité des parties les plus
éffentielles des Horloges à pendule ,
l'Auteur a entrepris de parcourir tour
ce qui peut contribuer à la jufteffe des
Horloges portatives , & à établir une
théorie fur les Montres . Pour cet effet ,
il examine dans le Chapitre XXV , le
FEVRIER . 1763. 127
Balancier fimple ; & Chap. XXVI , les
propriétés du Spiral. Chap . XXVII ,
les conditions du meilleur régulateur de
Montre. Il démontre dans le Chapitre
XXVIII , tout ce qui eft relatif au Balancier
, poids , grandeurs , vîteffes ,
&c. Chap. XXIX , l'Auteur traite des
frottemens , de leurs effets , des huiles ,
& c. Il donne dans le Chap. XXX deux
propofitions qui fervent de baſe à la
théorie qu'il établit pour les compenfations
du chaud & du froid fur les Montres.
Le Chap. XXXI contient plufieurs
expériences qui confirment cette théorie.
Chap. XXXII , des effets des échappemens
dans les Montres , leurs propriétés
, &c. Il donne dans le Chapitre
XXXIII des principes fur la force de
mouvement des Balanciers , & on en
fait l'application dans le Chap . XXXIV ,
pour trouver les pefanteurs des Balanciers
, forces de refforts , étendue de
vibration , & c. Chap. XXXV , l'Auteur
y établit quelques principes fur les Ref
forts on trouve dans le Chap. XXXVI
la deſcription d'une Montre à fecondes
concentriques de fa façon ; & Chapitre
XXXVII , la defcription d'une Montre à
huit jours à fecondes , régulateur à deux
balanciers.
Fiv
128 MERCURE DE FRANCE .
L'Horloge aftronomique décrite dans
le Chap. XXIV n'ayant pas autant approché
de la perfection que l'Auteur le
defiroit , il a travaillé à une nouvelle
Horloge , dans la conftruction de laquelle
il a raffemblé tout ce que l'étude
& l'expérience ont pu lui apprendre ;
auffi a -t- elle parfaitement réuffi . Cette
Horloge a fait l'objet des Chapitres
XXXVIII & XXXIX.
Après avoir travaillé avec fuccès à
la perfection des Horloges aftronomiques
& des Montres , l'Auteur a formé
le projet de conftruire une Horloge marine
pour fervir aux longitudes : c'eſt
l'objet de quatre Chapitres. Pour parvenir
au but qu'il fe propofe ; il donne
dans le Chapitre XL une notion des longitudes
& de leur utilité en mer ; de
l'ufage de l'Horlogerie pour parvenir à
leur découverte . Le Chap. XLI traite
des principes qu'il a fuivis pour la compofition
d'une Horloge marine , laquelle
ell décrite Chap. XLII ; & d'après l'exétion
qu'il en a faite , il donne dans le
Chapitre XLIII les détails de maind'oeuvre
, & les expériences faites avec
cette machine. Il propofe dans le Chapitre
XLIV la conftruction d'une Horloge
marine plus fimple & moins coû
FEVRIER . 1763. 129
-
•
teufe que celle qu'il a exécutée . Il donne
auffi le plan de cette machine. Ce Chapitre
eft terminé par la defcription d'une
troifiéme Horloge , qu'il croit préférable
aux précédentes : il ne l'a pas exécutée
, mais il en donne le plan.
Le Chap. XLV contient quelques
additions & expériences relatives à la
perfection des Horloges aftronomiques .
Le Chapitre XLVI contient des additions
à plufieurs parties des Montres ; fur
les frottemens , compenfations du chaud
& du froid , & c : on y trouvera la defcription
de plufieurs inftrumens éffentiels
à la perfection des Montres , & entr'autres
une machine à fendre & à tailler
les roues de cylindre & roues de rencontres
enarbrées ; de l'exécution de l'échappement
à cylindre , &c . Enfin , pour
terminer cet Ouvrage , l'Auteur traite
dans le Chap. XLVII de la conftruction
& de l'exécution d'une bonne Montre
& il fait concourir tout ce qui peut la
porter à la plus grande perfection , &
entre dans tous les détails de fa conftruction
& dans les plus éffentiels de
fon exécution.
Fy
130 MERCURE DE FRANCE.
AUTRES OBSERVATIONS fur une
Opération de la Taille.
NICOLAS Moutier, agé de 67 ans,
demeurant à Guitrancourt près de Mantes
fur Seine , fouffroit beaucoup depuis
longtemps d'une pierre qu'il avoit dans
la veffie ; les douleurs devenant chaque
jour plus aigues , il fe détermina
à venir à Paris ; m'ayant confulté für
fon état , je lui dis qu'il ne pouvoit
efpérer de foulagement que par l'opération
de la taille . S'y étant réfolu , il
entra chez moi le premier Août 1762.
Je le difpofai par quelques préparatifs.
J'en retranchai les faignées comme préjudiciables
à fon tempérament & à
fon âge ; je m'en tins à deux purgations
pour vuider les gros boyaux ; cette précaution
étant utile , parce qu'il pourroit
arriver que le rectum faifant faillie
par la préfence de quelques matières
fécales, on l'ouvrît ; dans la même
vue d'obvier à cet inconvénient , je
lui fis prendre également deux lavemens
quelques heures avant l'opération .
En cet état je la lui fis le cinquiéme
jour. Voici ce qui fe paffa de parFEVRIER.
1763 . 131
:
ticulier dès que j'eus faifi la pierre avec
la tenette elle étoit fi molle qu'à la
plus légère preffion que je fis elle s'écrafa
; il s'agiffoit de parvenir à nétoyer
tout-à-fait la veffie des fragmens de
pierre briſée . Ne pouvant le faire avec
des inftruments ordinaires , je fis ufage
des injections ; le fuccès n'ayant point
répondu à mes efpérances , je pris le
parti de faire mettre le malade dans le
it & de le laiffer un peu tranquille.
Pendant ce temps je fongeai à ce qu'il
y auroit à faire ; car fi j'en fuffe refté
là , ce pauvre homme auroit paffé par
une cruelle épreuve , fans en retirer de
grands avantages. Conduit par
nité , & l'honneur de ma profeflion ,
j'examinai d'abord pourquoi les injections
que j'avois faites lors de l'opération
avoient été infructueufes ; la caufe
m'en parut fenfible : c'eft que lorf
que je ceffois de pouffer l'injection, les
parois de la playe fe rapprochant , formoient
un obstacle à l'iffue des graviers ;
& il n'y avoit alors que le fluide qui
pût refortir.
l'huma-
Pour ne rien donner au hazard , je
paffai fcrupuleufement en revue tous
les moyens que l'art offre en pareil
cas ; ce fut la canulle que je crus pro-
F vi
132 MERCURE DE FRANCE .
pre à remplir mon deffein ; pour cela
je penfai qu'il n'étoit queſtion que
de la faire faire affez groffe pour que
les graviers puffent aifément paffer par
fon embouchure. Après que j'eus placé
cette canulle , comme cela ſe pratique
ordinairement , j'eus la fatisfaction
dès la premiere injection que je fis dans
la vente par fon moyen , de voir fortir
beaucoup de graviers;l'ayant répété dans
le même moment jufqu'à trois fois , il
en fortit avec la même abondance. Le
foir il en parut moins ; ayant continué
d'injecter le lendemain matin & le
foir il n'en fortit point du tout , ce qui
me donna lieu de penfer qu'il n'y en
avoit plus. La canulle devenant pour
lors corps inutile & étranger capable
de s'opposer à la réunion de la playe
je l'ôtai & abandonnai le tout à la nature
; il vint en même temps plufieurs
graviers qui s'étoient mis entre fes parois
& celle de la playe ; ils s'y étoient
fans doute gliffés dans le moment de
l'injection , & il n'y a rien d'étonnant ,
parce que je l'avois pouffée avec affez
de force.
,
Quoi qu'il en foit , après avoir enlevé
la canulle en queftion , l'urine commença
à reprendre fon cours par la
FEVRIER . 1763. 133
verge , ce qui alla toujours en aug-
-mentant au point que le douziéme
jour elle ceffa entierement
de paffer
par la playe pour fuivre fa route naturelle
; & le malade fe portant de mieux
en mieux , obtint enfin fa guérifon radicale
au bout de vingt- cinq jours. De
même qu'il n'avoit point été faigné
avant l'opération , il ne le fut point
non plus après , je le mis feulement
pendant quatre jours au fimple bouillon;
& malgré qu'il eût un peu de fiévre
, comme elle n'étoit que l'effet de
l'opération , je ne laiffai pas d'augmen laiſſai
ter promptement
l'ufage des alimens ,
& je lui fis boire de bon vin en quantité
fuffifante . Par cette conduite , je
parvins à tirer mon malade d'affaire ;
j'eus la fatisfaction de lui voir prendre
vigueur , fes forces s'accroître , & la
fiévre difparoître fucceflivement
.
Si j'euffe agi différemment , c'est- àdire
que je lui euffe fait faire plufieurs
faignées , & que je l'euffe privé pendant
trop longtemps d'alimens , je l'au
rois jetté dans l'affaiffement & par
conféquent dans la mélancolie , puifqu'il
eft vrai que la mauvaiſe fituation
du corps influe toujours fur celle
de l'âme.
,
134 MERCURE DE FRANCE.
Il auroit également pu arriver que
dans ce Sujet déja débile par l'âge &
fa mauvaiſe nourriture habituelle , on
eût encore diminué l'action du coeur
& celle des vaiffeaux ; qu'alors le fluide
artériel n'étant plus pouffé avec force
fuffifante pour pénétrer les plus petits
vaiffeaux , du nombre defquels font
ceux de la veffie , ces derniers n'euffent
point reçu affez de fang pour la nourrir
& revivifier les fluides , qui y féjournoient
par les contufions qui avoient
été les effets de l'opération & qu'en
cet état la veffie s'étant gangrénée le
malade eût péri.
Ce raifonnement fait bien voir qu'il
eft des cas où on peut s'éloigner de la
regle générale avec prudence ; on fçait
d'ailleurs qu'il faut des fucs nourriciers
pour la réunion d'une playe ; auffi celle
en queſtion étoit-elle baveufe dans les
commencemens : mais peu- à - peu & à
mefure des reftaurans que j'ai fait prendre
, elle eft devenue d'une bonne couleur
& la fuppuration s'y eft établie
parfaitement ; l'abondance des fucs &
leur bonne qualité ont même été
telles , que la réunion de la playe , ainſi
que je l'ai dit , s'eft faite en vingt -cinq
ours
FEVRIER. 1763. 135
Toutes ces circonftances annoncent
évidemment qu'outre la main , le Chirurgien
doit avoir une connoiffance
éxacte de l'oeconomie animale ; & lorfqu'il
ne la point , c'eft un navigateur
fans bouffole , incapable de prévoir aucun
danger.
Ce qu'il y a de certain , l'opération
dont je viens de rendre compte , n'eft
devenue laborieufe que par l'infuffifance
des inftrumens ordinaires ; fi je me
trouvois dans le même cas , je n'aurois
pas les mêmes embarras , au moyen de
ce que j'ai imaginé depuis un inftrument
qui forme une efpèce de cuillier de
plombier courbée & d'une grandeur à
pouvoir être introduite dans la veffie ,
& par fa courbure pouvoir auffi être
portée dans tous les endroits de la veffie :
ce qui donnera la facilité d'avoir la
pierre lorfqu'elle ne fera pas groffe fans
le fecours des pinces ; & ce qui peut être
avantageux non-feulement lorfque la
pierre eft molle , mais pour en avoir les
fragmens , en fuppofant qu'on n'eût pas
prévu cet inconvénient.
Par M. DEJEAN , Maître en Chirurgie
de Paris.
136 MERCURE DE FRANCE.
e
la
Α Ν Α ΤΟ ΜΙΕ.
EXPOSITION AN ATOMIQUE
ftructure du corps humain , en vingt
grandes Planches imprimées en couleurs
naturelles , avec des Tables explicatives
très détaillées , par M.
GAUTIER , Penfionnaire du Roi ,
de l'Académie de Dijon , avec privilége
de Sa Majesté ; fe diftribue à
Paris chezlefieur Leroy , Marchand ,
vis-a-vis de la Comédie Françoife , & à
Marfeille , chez le fieur Feraud , Négociant
, rue Caiſſerie.
CET Ouvrage , qui s'eft d'abord donné
par diftributions , & pour lequel il
y a eu beaucoup de Soufcripteurs , eſt
préfentement complet , & forme un traité
particulier d'Anatomie. Il fert d'ailieurs
de fupplément à la premiere Edition
d'Anatomie , que l'Auteur a déja
donnée au Public , ainfi qu'à la feconde
qu'il fe propofe de donner par la fuite .
C'eft auffi fous le titre de Supplément
qu'il a d'abord été annoncé .
FEVRIER . 1763. 137
Les vingt planches repréfentent à
demi nature & fous les couleurs les
plus naturelles de nouvelles fituations
& coupes de tous les vifcères ; une femme
enceinte fur pied , ayant la Matrice
ouverte , le foetus en fituation &
toutes fes parties difféquées ; une fille
pareillement difféquée ; l'accouchement
& le foetus avec fes parties détachées ;
l'homme fur pied difféqué avec les
mufcles , les nerfs , les vaiffeaux , le
coeur , &c. Une angéologie complette
depuis la tête jufqu'aux extrémités inférieures
; les parties de la génération
de la femme & celles de l'Homme difféquées
, & fous des points de vue nouveaux
; un fquelete entier & garni de
plufieurs parties éffentielles ; des coupes
de la tête & du cerveau nouvelles &
intéreffantes ; enfin , une névrologie
qui offre le plus grand dérail , le tout
compofant dix figures entières , eft exécutée
magnifiquement fur papier de
grand colombier. Les tables explicatives
de même grandeur & fur même papier
font remplies de differtations &
des defcriptions de chaque partie.
Le prix de l'exemplaire complet en
feuilles eft de 108 liv.
138 MERCURE DE FRANCE .
ARTS AGRÉABLES.
MUSIQUE.
MÉTHODE , ou Principes pour enfeigner
& apprendre facilement l'accompagnement
du clavecin ou l'harmonie
de raifonnement
, ou la théorie des
marches de la Baffe fondamentale
avec les paffages de Baffe- continues
quelconques
, & la façon de les accompagner
à coup für, même fans chiffres ,
& une planche gravée à la fin du Livre
pour les exemples ; par M. Bretheau ,
Organifte de la Métropole de Tours.
Cette Méthode coûte douze fols , & fe
trouve à Paris aux adreffes ordinaires
de Mufique. A Orléans , chez Chevillon
, Libraire , rue Royale. A Angers ,
chez Boutemy. A Tours , chez Lambert.
SEI SONATE a due flauti , del
Signor Francefco Krafft , opera prima ,
in-folio : prix , 6 liv. A Paris , chez
Leclerc , rue S. Honoré , entre la rue
des Prouvaires & la rue du Four , à
Sainte Cécile, & aux adreffes ordinaires.
On trouve aux mêmes adreffes un
FEVRIER. 1763. 139
Trio fur la Paix , de M. ***. Prix , 18
fols.
GRAVURE.
MDE la veuve MOYREAU vient
de mettre au jour le dernier Wouvermans
, No. 89 , intitulé la Marchande de
canards , &c. par M. Moyreau , Graveur
du Roi. Elle continue de les débiter
, & demeure toujours rue des Mathurins.
SUPPLÉMENT à l'Article des Piéces
fugitives.
NOUVELLE INSCRIPTION ,
Pour être mife fur le Maufolée de M. DE CRÉ-
ΤΟΙ ,
BILLON.
qui dans la Tombe emportes nos regrets
!
La gloire te couronne au centre de la Paix.
Crébillon , Ecrivain ſublime ,
Ta mémoire à nos coeurs devient chère à jamais.
De ton Roi, de tous les Français ,
Ces marbres immortels te confacrent l'eftime.
1
140 MERCURE DE FRANCE.
HUNC Tumulum juffu Ludovici XV
Generofiffimi Artium renumeratoris ,
Pofuit
MARCHIO DE MARIGNY,
Regalium Præfectus Edificiorum ,
Anno Reparatæ Salutis ....Die... Menfis ....
Quam Mirantes Ampliffimam ingenii
Mercedem ,
Gens acclamat Erudita ,
Studiofa virtus triumphat & accenditur ;
Invidia autem erubefcit & tacet.
BRUNET .
A l'Auteur de la Comédie de DUPUIS
& DESRONAIS.
REÇOIS , mon chère Collé , le compliment fincère
De ton ami de tous les
temps :
Ton drame a fû doublement plaire ;
Le triomphe de tes talens
Eft celui de ton caractère :
Dans ton eſprit on voit ton coeur.
FEVRIER. 1763 . 141-
pomme; L'un & l'autre aujourd'hui t'ont mérité la
Et quoiqu'en puiffe dire un Monde corrupteur ,
Ce n'eſt pas l'efprit ſeul que le Public renomme.
Il n'éprouve jamais un plaifir plus flatteur ,
Que lorsqu'en couronnant l'Auteur ,
Il couronne auffi l'honnête-homme.
'DEUXIÈME LETTRE d'une jeune
Etrangére ,fur les Modes actuelles des
Françoifes . ( * )
JEE Je fuis
d'avoir réuffi à t'amufer , & fort glorieufe
que les François , qui voyagent
dans notre Patrie , t'ayent confirmé ce
que tu aurois pris fans cela pour un
Conte de mon imagination . Quelquesuns
de ces Meffieurs , plus délicats &
plus raifonnables que la Cohie de leurs
Compatriotes , s'étoient confiés à moi
fur le regret qu'ils avoient de ne plus
trouver autant de jolies Françoiſes ,
qu'ils en avoient vues autrefois. Je
leur fis faire attention aux énormes Hup.
pes dont je t'ai entretenue , dans ma
fort aife , ma chère Miſs ,
(*)Voyez la première Lettre , dans le fecond ,
Volume de Janvier.
142 MERCURE DE FRANCE.
précédente ; is convinrent que cette
caufe leur avoit fait perdre une infinité
de jolis minois. Cependant les Françoifes
m'y paroiffent fi attachées que ,
pour finir fur l'article de leur coëffure ,
tu fçauras qu'elles en ont imaginé une
dans le négligé , qui leur enveloppe
toute la tête , avec deux grands volets
en avant , pour laiffer à découvert le
fommet de ces têtes , afin de faire fortir
toujours la Huppe du toupet. J'ai de
la peine à te donner bien jufte l'idée de
ce Bonnet : tu n'en connoîtras jamais
tout le ridicule , à moins que je ne t'en
faffe paffer un de ce pays ; tu pourras
l'éffayer fur ta petite épagneule , quand
les vapeurs noires te tourmenteront
trop fort. En attendant , imagines- toi
deux grands ailerons de chaque côté
d'un vifage , qui excédent de ſept ou
huit grands pouces la phyfionomie &
de deux ou trois les plus grands nez de
France. Ces ailerons ne paroiffent tenir
à rien par le haut ; car , comme je te
l'ai déja dit , il faut que la Huppe ait fa
faillie franche : mais ils font attachés par
derrière à une ample bourfe de linge
qui enveloppe le volumineux amas
de cheveux dont les Françoifes font àpréfent
leur plus chère parure. On met
FEVRIER, 1763. 143
par là-deffus une efpèce de couronne
en rubans bouillonnés , qui paroît nouée
avec une rofette des mêmes rubans vers
l'extrémité postérieure du crâne ; je fuis
bien trompée fi tout cela ne s'appelle
pas fort ingénieufement un Cabriolet :
je n'ofe cependant t'en affurer , car
leurs ouvrières & marchandes de brillans
Chiffons , la plupart du temps fans
goût comme fans raifonnement , ont
la fuprême légiflation fur cette partie ,
& chaque femaine changent les noms
de ces bagatelles , pour obliger celles
qui les portent à en faire faire de nouvelles.
Cabriolet ou non , l'image , telle
que je viens de te la décrire , d'un vifage
qu'on donne à deviner dans cet enfoncement,
à-peu-près dans la proportion des
papillons que nous avons dans nos cabinets
, dont le corps eft fi petit pour
l'étendue de leurs aîles ; une tête oblongue
& applatie à l'inftar de quelques
Peuples fauvages ; voilà une Françoife
dans fon négligé coquet. Je te parlerai
une autre fois de l'habillement qui conftitue
ce même négligé. Il s'en faut bien
qu'il m'ait paru avoir les mêmes ridicules.
Je n'en fuis pas furprife , car il y
auroit en cela quelqu'ordre & quelque
conféquence ; dès-lors les Françoifes
144 MERCURE DE FRANCE.
feroient étrangères dans leur propre
Patrie. Donne-toi un peu de patience ;
quand je t'aurai fait paffer en revue
les femmes de ce Pays , nous examinerons
un peu les hommes , furtout ceux
qu'on appelle les Agréables : car le
nom de Petit-Maître commence à être
furanné , je t'en avertis , ce n'eſt plus
le mot , que pour les Ecrivains qui étudient
le monde dans leur petite chambre
obfcure , & qui le peignent d'après
les cercles bourgeois où ils ont
accès. Je t'embraffe de tout mon coeur
& c.
LE CYGNE RỌI ET SES SUJETS ,
FABLE.
DANANSS uunn Jardin que la Nature
Du printemps de Flore embellit ,
L'art avoit d'un canal creufé le vaſte lit ,
Où d'un jet tomboit l'onde pure.
Un éffain de Cygnes brillans
Du canal arrondi blanchiffoit la furface :
Un de ces oiſeaux éclatans
Élevoit la tête avec grace:
On voyoit à fon air qu'il en étoit le Roi.
Eh !
FEVRIER. 1763. 145
-Eh ! qui méritoit mieux de l'être ?
Entouré par l'Amour il écartoit l'éffroi
Que l'esclavage traîne à la fuite d'un Maître.
Le jour de fa Fête arriva :
Chacun de fes Sujets voulut montrer fon zéle ;
On prit foin d'inventer quelque Fête nouvelle ,
Où fans être amené le plaifir fe trouva :
Ami faux adroits politiques ,
Tous au ton de l'éloge avoient monté leurs voix.
On vit alors pour la première fois
Des courtisans flatteurs être encor véridiques .
L'un lui diſoit d'un ton mélodieux :
>> Vous enchantez le voisinage
» Par la rare beauté de votre heureux plumage ,
» Et par vos fons harmonieux.
Un autre favant dans la fable :
» Du cygne de Lida vous avez le talent :
→ Vous favez comme lui tendre , coquet , galant ,
» Prodiguer la .careffe aimable.
» Sous ce plumage éblouiſſant :
>> Vous nous cachez le Maître du tonnèrre ,
( Dit un vaſſal reconnoiffant : )
» Vous êtes un Dieu fur la Tèrre ,
" Puifque vous êtes bienfaifant.
Un jeune cygne , éloigné de la foule ,
Triſte objet du mépris , des autres le rebut ,
Attendoit qu'il fût ſeul pour offrir ſon tribut.
Des flatteurs le torrent s'écoule ;
Et ce Cygne emporté par la plus vive ardeur ,
G
146 MERCURE DE FRANCE .
S'approche en agitant les aîles :
Son regard eft plus vif , fes plumes ſont plus
belles ;
Et le Dieu du Plaifir a paffé dans fon coeur.
כ כ
Si j'avois eu l'âme commune ,
( Dit- il , au cygne avec candeur )
» J'aurois pu me mêler dans la foul importune
»Dese fclaves de la grandeur :
>> Mais je cherche votre âme & non votre fortune.
» J'ai refufé mon coeur & mon hommage au
Roi :
» Je viens l'offrir au cygne aimable.
» J'accepte votre don , dit ce Maître adorable ,
» Le fentiment eft fait pour moi .
Qu'un Grand déploye une âme tendre & belle ,
Pour enchaîner les coeurs il a de fûrs attraits :
Ma fable en préfente les traits ,
Et St. A... m'a fervi de modèle .
Par M. LEGIER.
MADRIGAL
A MADAME ***·
Un jour près de ces bords fleuris ,
Où la Seine fe mire au criſtal de ſes glaces ,
M... raffembloit les graces
Avec la fageffe & les Ris.
La plus jeune des trois , rivale de le MAURE
FEVRIER. 1763 .
147
De fon gofier brillant cadençoit les beaux fons :
L'Amour répétoit fes chanfons :
Aglaé chantoit mieux encore.
Des Bergers & des Rois le fuperbe vainqueur ,
Honteux d'être vaincu par la jeune Mortelle ,
Echappé de les yeux fe cache dans mon coeur :
Mais il y retrouvá les traits de cette Belle.
Par le même.
VERS pour accompagner un Tableau
de M. Amédée Vanloo , repréfentant
différentes vertus , lefquelles vues par
optique , forment le portrait reffemblant
du ROI.
Dis Rois & des Héros , tous les Peintres fa- DES
meux ,
Sur la toile ont tranfmis l'image reflemblante.
Vanloo feul a peint l'âme , & fon art merveilleux
Animant les vertus , en elles nous préfente
Et les traits de Louis , & fon coeur généreux.
Par REGNAUDIN DE NASSY , fils.
Gij
148 MERCURE DE FRANCE.
ARTICLE V.
SPECTACLE S.
SPECTACLES DE LA COUR A VERSAILLES,
ORDONNES par M. le Duc DE DURAS,
Pair de France , premier Gentilhomme
de la Chambre du Roi, en exercice
pendant l'année 1763, & conduits
parM. PAPILLON DE LA FERTÉ,
Intendant des menus , Plaifirs & Affaires
de la Chambre de SA MAJESTÉ.
LEE Mardi 4 Janvier , les Comédiens
François repréſenterent l'Irréfolu , Comédie
en cinq Actes & en vers du feu
fieur NERICAULT DESTOUCHES (a) ,
& pour petite Piéce le Charivari , Comédie
en un Acte & en profe (b) du
feu fieur DANCOURT. Le lendemain
( a) L'Irréfolu , repréfentée pour la première
fois en 1723 , avoit eu fix Repréſentations , remife
nouvellement au Théâtre avec plus de
fuccès.
(b) Première
repréſentation en 1697.
FEVRIER . 1763. 149
,
5, les Comédiens Italiens repréfenterent
Arlequin & Scapin rivaux , Comédie
Italienne , fuivie du Soldat magicien
Opera-Comique ; paroles du fieur L. B.
D. S.... Mufique du fieur PHILIDOR
(c).
Il n'y a point eu de Spectacle le
Jeudi 6 , à caufe de la Fête. Le Mardi
11 , par les Comédiens François , le
Curieux impertinent , Comédie en cinq
Actes & en vers du feu fieur NERICAULT
DESTOUCHES , fuivie du Fat
puni , Comédie en un Acte en profe :
Auteur Anonyme ( d) .
Le Mercredi 12 l'Académie Royale
de Muſique , conjointement avec la
Mufique du Roi , exécuta Hilas &
Zélis , Paftorale en un Acte , Poëme
d'un Auteur anonyme ; Mufique du
fieur de Bury , Surintendant de la Mufique
du Roi (e ) . Le rôle d'Hilas étoit
chanté par le fieur LARRIVÉE : celui
de Zélis par la Dlle LEMIERRE ( épouſe
du fieur LARRIVÉE . ) Le rôle de l'Amour
par la Dlle DUBOIS . Les principaux
Danfeurs & Danfeufes , dans le
(c) Première Repréſentation en 1760 fur le
Théâtre de l'Opera- Comique,
•
(d) Premiére Repréſentation en 1739.
(e) Premiére Repréfentation en 1762 .
Giij
150 MERCURE DE FRANCE .
Ballet , étoient les fieurs LAVAL
GARDEL , & les Dlles ALLARD &
VESTRIS .
Nous avons parlé avec de très-juftes
éloges de la mufique de cette Paftorale
à la dernière reprife des Caractères de la
Folie , Ballet du même Muficien , auquel
on l'avoit jointe. Cette Paftorale
en mufique avoit été précédée du Retour
d'Arlequin , Piéce Italienne , repréfentée
par les Comédiens Italiens.
Le 13 les Comédiens François repréfenterent
Phédre , Tragédie du feu fieur
RACINE. La Dile DUMESNIL jouant
le Rôle de Phédre , & la Dlle HUSSE
celui d'Aricie , le fieur BRISARD Thefee
; le fieur MOLE , Hippolite , & le
fieur DUBOIS Théramène.
Cette Tragédie fut fuivie du Confentement
forcé, Comédie en un Acte &
en Profe du feu ficur GUYOT DE
MERVILLE. (e )
Le 18 par les mêmes Comédiens le
Tambour nocturne , Comédie en cinq
Aces & en Profe du feu fieur Néricault
DESTOUCHES. (f) Cette Comédie
, qui a fait tant de plaifir à Paris ,
(e ) Premiere Repréſentation en 1738 .
(f)Imprimée dans les OEuvres de l'Auteur ,
jouée feulement dans les Provinces , repréſentée à
Paris la premiere fois en 1762 , par les foins &
avec des changemens du freur BELCOUR .
FEVRIER. 1763 . ISI
,
n'a pas moins amufé la Cour , par le
talent original , le naturel & l'intelligence
du bon comique des principaux
Acteurs . On fait particuliérement avec
quelle fineffe & quel art le fieur PRÉ-
VILLE varie continuellement le jeu du
rôle de PINCÉ dont la plaifanterie
feroit très-monotone fans cela. Le fieur
BELLECOUR , dans le Baron ; le fieur
MOLÉ , dans le Marquis ; la Dlle PREville
, dans la Baronne ; & la Dlle
LE KAIN , dans le rôle de Catau , ont
eu chacun le fuccès dû au talent avec
lequel ils jouent dans cette Piéce.
Pour petite Piéce on repréfenta le
Triple mariage (g) Comédie en un Acte
& en profe du même Auteur. Le Mercredi
, 19 , on éxécuta pour la feconde
fois la Paftorale d'Hilas & Zélis : les
rôles furent très bien rendus par les
mêmes Acteurs de la repréfentation
précédente , & les beautés diftinguées
de la mufique ont paru réunir les fuffrages
de toute la Cour , & ont fait à
l'Auteur ( le fieur de Bury ) tout l'honneur
que mérite fon talent.
Cette feconde repréfentation avoit
été précédée de la Comédie Italienne ,
intitulée la Joute d'Arlequin & de Scapin.
(g) Premiere repréſentation en 1724.
Giv
152 MERCURE DE FRANCE.
Le Jeudi 20 , les Comédiens François
repréſenterent Bajazet , Tragédie du
feu fieur RACINE . La Dlle CLAIRON
joué le rôle de Roxane , & la Demoifelle
Huss celui d'Atalide . Le fieur
MOLE le rôle de Bajazet le fieur
BRISART celui d'Acomat , & le fieur
DUBOIS Ofmin.
Après cette Tragédie , dont la repréfentation
intéreffa & toucha beaucoup
les Spectateurs , on donna le Philantrope
, Comédie en un Acte & en
profe du feu fieur LEGRAND ( h ) .
Mardi , 25 , les Comédiens François
repréfenteient la Piéce nouvelle , intitulée
Dupuis & Defronais , du fieur COLLÉ
(i ) , Comédie en vers & en trois
Actes , dont le fujet eft tiré des illuftres
Françoifes.
Un ouvrage dramatique où fe trouve
une connoiffance du monde la plus philofophique
& la plus délicate , où l'ef
prit ne femble prêter fon coloris que
pour fortifier le fentiment & orner l'inf
truction , où tout refpire les moeurs fans
trifteffe , & où tout infpire l'intérêt fans
( h) Jouée pour la première fois à Paris en
1724.
(i ) Cette Piéce avoit été repréfentée à Paris .
Voyez ci -après l'article de la Comédie Françoife.
FEVRIER. 1763. 153
affliger l'âme , ne pouvoit manquer
d'avoir un grand fuccès fur ce Théâtre .
Auffi la Cour a confirmé par fes fuffrages
la juftice que le Public avoit dérendue
à cette nouveauté. Il en a été
de même à l'égard du jeu des Acteurs
dont les trois principaux font la Dlle
GAUSSIN , pour le rôle de Mariane
: le fieur BRISART , pour celui
de Dupuis , & le fieur MOLÉ pour celui
de Desronais . Comme c'eft ce dernier
qui porte le plus de chaleur & de
mouvement dans la Piéce , nous ne
pouvons nous difpenfer de rapporter ,
fi l'on peut dire , le cri public , fur le
feu , fur le fentiment , le naturel & la
fine intelligence que met le fieur MOLÉ
jufques dans les plus petits détails de ce
rôle , qui ajoute encore à la réputation
qu'il s'étoit fi juftement acquife.
On donna pour feconde Piéce , le
même jour , les Folies amoureufes , Comédie
en vers , en trois Actes , du feu
fieur Regnard (k ). Le fieur BOURET
y joua le role de Crifpin.
Le Mercredi 26 les Comédiens Italiens
repréfenteremt Arlequin & Scapin
voleurs par amour , qui fut fuivie d'une
feconde repréfentation de Philemon &
(*) Première Repréfentation en 1704%
Gy
154. MERCURE DE FRANCE .
Baucis , Paftorale héroïque , exécutée ,
par l'Académie Royale de Mufique &
par la Mufique du Roi , telle qu'elle
l'avoit déja été ( & par les mêmes Acteurs
) le 30 Décembre dernier ( 1 ) .
L'exécution de toutes les parties de cet
Opera a été encore plus parfaite à cette
repréſentation ; & la Cour , qui l'avoit
redemandé , a paru y prendre un nouveau
plaifir. Le Poëme eft du fieur Roi ,
& la Mufique des fieurs REBEL &
FRANCEUR , Surintendans de la Mu--
fique de Sa Majesté.
Le Jeudi 27, les Comédiens François
ont repréfenté Ariane , Tragédie de
THOMAS CORNEILLE. La Dlle CLAIRON
jouoit le rôle d'Ariane , & la
Dlle Huss celui de Phédre. Les rôles
de Théfée & de Pirithoüis , par les fieurs
MOLE & BELCOUR.
On donna enfuite le Sage étourdi
Comédie en trois Actes & en vers du
feu fieur de BOISSI . ( m ) .
Les Lundi 17 & 24 Janvier il y a
eu Bal paré dans la Salle de la Comédie
du Roi , dont le parquet étoit monté au
niveau du Théâtre : elle étoit ornée de
( 1 ) Voyez le fecond Volume du Mercure de
Janvier.
(m ) Premiére repréſentation en 1748 .
FEVRIER. 1763. 155
,
beaucoup de luftres , foutenus & réunis
par des guirlandes de fleurs . Leurs
MAJESTÉS , M. le DAUPHIN Madame
la DAUPHINE & la Famille
Royale affiftent à ces Bals. Les Princes
du Sang , les jeunes Seigneurs & les
Dames de la Cour y danfent en divers
quadrilles , des entrées & ballets figurés,
dans les habits de caractères relatifs aux
fujets qu'ils ont choifis pour ces Ballets
, qui ont été extrêmement applaudis.
Le temps qu'ont duré ces Bals , depuis
11 heures & demi du foir , jufqu'à 6
ou 7 heures du matin , prouve combien
ils font agréables à ceux qui les compofent
& à ceux qui y affiftent.
G
156 MERCURE DE FRANCE.
SPECTACLES DE PARIS.
OPERA.
EXTRAIT DE POLIXENE ,
Tragédie de M. JOLIVEAU , Secrétaire
perpétuel de l'Académie Royale
de Mufique , mife en Mufique par
M. DAUVERGNE , Maître de Mufique
de la Chambre du Ro1.
PERSONNAGES.
PIRRHUS , fils d'Achille ,
TELEPHE , Prince des Myfiens.
HECUBE , Veuve de PRIAM ,
POLIXENE , fille d'HECUBE &
de PRIAM ,
JUNON
ACTEURS.
M. Geline
M. Pillot
Mlle Chevalier.
Mile Arnoud
THETIS , Mlle Rozet
LA GRANDE- PRESTRESSE DE
JUNON , Mlle Riviere,
LE GRAND-PRESTRE D'ACHILLE , M. Joli.
UN THESSALIEN ,
L'OMBRE D'ACHILLE ,
UNE TROYENNE ,
UNE THESSALIENNE ,
M. Durand.
LA JALOUSIE ,
LE DESESPOIR ,
LA
FUREUR ,
MlleBernard.
M. Larrivée.
M. Joli.
M. Muguet
FEVRIER. 1763. 157
Au premier Acte , la Scène eft dans
une Place publique de la Ville de LARRISSE
, ornée pour le triomphe de
PIRRHUS.
TELEPHE , en interrogeant PIRRHUS
fur ce qui peut troubler fon coeur ,
lorfque tout concourt à le faire jouir
d'un deftin heureux apprend qu'il
aime POLIXENE , & qu'il eft fon rival.
C'eft dans l'horreur de la deftruction
de Troye que PIRRHUS a conçu
cette funefte paffion. Il amenoit Po-
LIXENE dans fes Etats ; mais un orage
a féparé fes vaiffeaux de ceux qui la
conduifoient. TELEPHE , fans découvrir
fes feux s'efforce en vain de
combattre la paffion de PIRRHUS . La
cérémonie du triomphe de ce dernier interrompt
leur dialogue . Les Peuples &
les Guerriers. Theffaliens conduisent des
Captifs Troyens enchaînés ; ils chantent
les louanges de PIRRHUS. Ce Roi fait
ôter les fers aux Troyens , en diſant
»De ces Captifs qu'on détache les chaînes ;
» lls en ont trop fenti le poids:
>
» Que leurs coeurs connoiffent mes loir
Par les bienfaits & non pas par les peines.
Auffi-tôt , pour prix de leur liberté
158 MERCURE DE FRANCE.
ces Captifs témoignent leur reconnoiffance
en danfant , & fe joignent aux
Sujets de PIRRHUS pour célébrer fa
bonté. La Paix & l'Amour ont leur
part des éloges. On entend un bruit
finiftre ; c'eft JUNON qui du haut des
airs reproche à PIRRHUS un amour qui
l'offenfe. Elle menace les TROYENS ,
qu'elle pourfuit, & PIRRHUS lui- même,
des plus terribles traits de fa vengeance .
PIRRHUS qui n'envifage qu'un
avenir funefte , prie TELEPHE de ne
le pas abandonner. PIRRHUS fe plaint
qu'il éprouve feul la févérité des Dieux ;
il fait l'énumération des autres Héros
de la Gréce que l'on laiffe paiſiblement
emmener leurs Captives & en ufer
à leur volonté. Sur quoi l'intrépide
TÉLÉPHE l'encourage en ces termes.
,
» Eh bien , il faut braver l'orage :
» C'eft dans les grands revers que brille un grand
›› courage .
L'un & l'autre s'excitent à braver la
colère de JUNON.
Dans le deuxiéme A&te , la Scéne
eft au bord de la mer près des murs de
LARRISSE.
FEVRIER . 1763. 159
PIRRHUS vient prier la Mer de l'engloutir
, puifqu'il eft féparé de POLIXENE.
Soit par un accident naturel , foit
pour répondre à l'apoftrophe de PIRRHUS
, la Mer qui étoit calme commence
à s'agiter : PIRRRUS , par des
vers qui coupent la fymphonie , remarque
toutes les gradations de la
tempête qu'elle peint. Il craint que Po-
LIXENE n'en foit la victime. Sa crainte
redouble en appercevant des Vaiffeaux
prêts à périr. Il invoque THETIS : &
THETIS paroît ; tout eft bientôt calmé.
Elle fait une légére reprimande à fon
fils fur l'indifcrétion de fes feux. En lui
promettant de lui rendre fa Maîtreffe ,
elle l'avertit néanmoins de défarmer la
fureur de JUNON , parce que fon pou
voir limité ne pourroit le défendre contre
cette Déeffe .
PIRRHUS , qui n'eft occupé que de
fa paffion , exprime ainfi les premiers
mouvemens de fa joie , en quittant la
Scène :
» Je vais donc revoir POLIXENB ,
> Courons au- devant de ſes pas.
>> Si mon amour triomphe de ſa haine ,
>> Le courroux de Junon ne m'épouvante pas.
Des MATELOTS Theffaliens , échap
160 MERCURE DE FRANCE.
pés du naufrage forment un Divertiffement.
POLIXENE les fuivoit, elle arrive
à la fin de cette Scène. Les MATELOTS
& furtout les MATELOTES chantent
les douceurs de l'Amour. POLIXENE
dont cela aigrit la fituation , les fait écar
ter. Reftée feule , elle s'avoue & fe reproche
amérement le penchant qu'elle
éprouve pour PIRRHUS ; elle craint
qu'il ne life fa foibleffe à travers de fes
pleurs. Elle s'arme fi bien contre cette
foibleffe que dans la Scène qui fuit entre
elle & PIRRHUS , elle l'accable de
duretés , & finit par le prier de la laiffer
feule . HECUBE , échappée du même
naufrage , apparemment dans un autre
vaiffeau que celui qui portoit fa fille
furvient en ce moment. POLIXENE
vole dans fes bras. HECUBE apperçoit
PIRRHUS , le deftructeur de toute
fa Famille ; elle en frémit.
PIRRHUS à HECUBE.
» Ah ! voyez en PIRRHUS un Prince moins cou-
» pable.
HECUBE
» Je ne puis voir qu'un Vainqueur implacable ,
Dont l'afpect. eft pour moi plus cruel que la
» mort,
» O Dieux , pourquoi ce même orage,
» Qui m'a fait échouer ſur ce fatal rivage
» N'a t-il pas terminé mon fort?
FEVRIER. 1763.
161
POLIXENE veut la calmer , & en même
temps l'Amour , ingénieux à faifir
tous les pretexte , fe cache en elle fous le
motif de la piété filiale , pour implorer
PIRRHUS ; maisHECUBE s'en irrite.Ainfi
eftétabli dans cette Scène le caractère
altier de cette femme dont les Poëtes
ont toujours peint le défefpoir avec
les traits de la fureur. PIRRHUS néanmoins
ne répond à tant d'injures que
par ces vers adreffés à HECUBE.
>> Adoucir vos deftins , c'eft mon premier devoir:
» Oui , mon coeur n'en connoît plus d'autre.
» Ordonnez dans ces lieux , foumis à mon pou-
>> voir ;
» Tout mon bonheur dépend du vôtre.
HECUBE eft peu touchée d'une
proteftation auffi obligeante. POLIXENE
l'invite à goûter les douceurs de
l'efpoir elles joignent leurs voix pour
invoquer les Dieux.
Le troifiéme A&te commence dans
le Veftibule d'un Temple de Junon.
La Mufique peint un tremblement
de Terre. TELEPHE , feul alors fur la
Scène , annonce qu'à ce fléau fe joint
celui de la contagion.
162 MERCURE DE FRANCE.
» Un fouffe empoifonné , miniftre du trépas ,
» Moiffonne , à chaque inſtant , de nouvelles vic-
» times , &c .
Il craint que POLIXENE ne fuccombe
à ce danger ; il court pour la chercher
& pour l'en préferver. Il eft arrêté
par HECUBE qui connoît & approuve
fes feux . Elle lui préfente PIRRHUS
comme l'objet qui attire la colère
des Dieux ; elle veut engager cet
ami à l'immoler. Il en frémit. Sur quoi
HECUBE lui dit :
"
" · • ·
Il peut vous en punir.
S'il pénétre vos voeux ,
TELEPHE..
» Non , il eft magnanime.
HECUBE.
L'Amour jaloux eft toujours furieux.
TELEPH E.
Pirrhus eft un héros , il détefte le crime.
HECUBE lui rappelle en vain les
maux que PIRRHUS a faits à fa Patrie
à fa famille , & la mort que
PRIAM a reçue de fa main . TELEPHE ,
FEVRIER. 1763. 163
conftant dans fes principes , perfifte
dans fa réfiftance.
» La Victoire , ( dit-il , ) fouvent peut rendre
impitoyable ;
JJ
» Mais jamais d'un forfait je ne ferai coupable.
>
HECUBE , dans fa fureur , accufe
TELEPHE de lâcheté , elle trouvera
dit -elle, un autre bras pour la venger.
TELEPHE eft allarmé du danger où elle
va s'expofer ; mais cette femme violente
ne peut être détournée de fon
projet.
TELEPHE rend compte à POLIXENE
qui furvient , de la propofition barbare
que fa mère lui a faite. POLIXENE
en eft éffrayée pour PIRRHUS . Elle
ne peut diffimuler combien elle craint
l'effet du complot qu'HECUBE a formé.
Quoiqu'elle marque toute fa terreur
fur le danger qui menace fa mère
l'Amour jaloux éclaire TELEPHE fur
l'intérêt le plus fenfible pour POLIXENE.
Il lui déclare ouvertement fes foupçons.
Vous tremblez pour PIRRHUS , plus que pour
>>une mère .
164 MERCURE DE FRANCE.
POLIXENE veut s'en défendre ; mais
ce Prince , qui foutient toujours fon
caractère , calme ainfi les allarmes de
POLIXÉNE.
» Non , non , ( lui dit-i! ) ne craignez rien de
» mon amour extrême ;
>> Fe cours vous fatisfaire aux dépens de moi-
›› même :
Oui , je vais vous prouver que ce coeur ver-
>> tueux
Peut-être méritoit un fort moins malheureux.
POLIXENE, à elle- même , fe reproche
de n'avoir pu cacher des feux qu'elle
n'auroit jamais dû reffentir. Dans ce
moment les portes du Temple s'ouvrent,
& tout fe difpofe pour le facrifice qu'on
doit offrir à JUNON. Après les invocations
& les danfes religieufes des Prêtreffes
, interrompues par les cris doufoureux
des Peuples frappés de la contagion
, PIRRHUS vient lui-même invoquer
pour fes Peuples infortunés . La
Grande-Prêtreffe veut y joindre fes prières
; mais elle eft tout-à - coup faifie
d'un enthoufiafme prophétique , dont
les derniers vers contiennent l'Arrêt de
POLIXENE.
FEVRIER . 1763. 165
» Si vous voulez fléchir fa haine ,
Sur le tombeau d'ACHILLE immolez Po-
» LIXENE.
Les Prêtreffes rentrent. PIRRHUS
eft accablé de ce fatal oracle : les Peuples
généreux de LARISSE , tout fouffrans
qu'ils font , en murmurent . PIRRHUS
termine l'Acte en proteſtant qu'il
ne fouffrira pas que POLIXENE fubiffe
un fort auffi rigoureux.
Le quatrième Acte fe paffe dans le
Palais de PIRRHUS.
HECUBE n'a pû engager perfonne à
fervir fes deffeins
fanguinaires : elle en
eft furieuſe ; elle fe confole un moment
par un fentiment de courage.
» Ceſſons de vains regrets , je me reſte à moi-
» même.
Elle continue cependant à s'exciter à
la vengeance : elle fe promet de faire
du Palais un lieu d'horreur & de larmes
, fans s'expliquer fur les moyens .
POLIXENE vient apprendre en tremblant
à fa mère ce que l'Oracle a prononcé.
HECUBE dont la fureur fe
,
"
166 MERCURE DE FRANCE.
,
tourne alors contre JUNON. après
quelques imprécations contre les Dieux ,
promet à fa fille qu'elle ne périra pas.
TELEPHE peut , dit- elle , fauver fes
jours ; il a des Vaiffeaux & des Soldats
au rivage : elle va implorer fon
fecours.
POLIXENE , dans la fituation alors
de la fille de JEPHTE , n'eft pas d'abord
réfignée auffi modeftement : elle
ofe demander aux Dieux de quoi elle
eft coupable ? Mais bientôt elle fe reprend
.
ود
•
Je me plains du courroux du Ciel ,
» Quand je nourris un feu trop condamnable ! ..
Une réflexion tendre fuit ce repentir.
» Ah ! qui peut efpérer un fort plus favorable ,
» Si l'amour feul rend un coeur criminel ?
Les Peuples de Larriffe , moins généreux
par réfléxion , que dans le moment
qu'ils ont entendu prononcer la
mort de POLIXENE , demandent avec
rébellion que le facrifice s'achève .
PIRRHUS vient l'annoncerà POLIXENE;
celle-ci les plaint & les excufe : mais PIRRHUS
, dont le courage opiniâtre , ainfi
FEVRIER. 1763. 167
eſt
que l'acier , fe durcit fous les coups ,
PIRRHUS menace fes Peuples & JUNON
elle-même qu'il préviendra leur fureur.
Le moyen fur lequel il fe fonde
un paffage inconnu par lequel il peut la
faire échapper la nuit , conduite par fa
garde & par un Officier fidéle. POLIXENE
ne veut pas fuir fans fa mère .
PIRRHUS l'avoit prévu , tout eft difpofé
pour qu'elles partent enfemble.
POLIXENE qui n'a plus rien à ménager
, ne peut retenir une légère éffuion
de fa tendreffe pour PIRRHUS
dans le remerciment qu'elle lui fait .
POLIXENE à PIRRHUS.
» Plus vous vous montrez généreux ,
« Et plus je crains pour vous la colère des Dieux.
PIRRHUS.
» Quand POLIXENE à mon fort s'intéreſſe ,
» Pirrhus eft trop heureux.
» Le péril croît , craignez un Peuple furieux .
POLIXENE , àpart , en s'en allant.
» Qu'il en coûte à mon coeur pour cacher fa
> tendreſſe !
PIRRHUS s'applaudiffant déja du
fuccès de fon ftratagême , eft arrêté
168 MERCURE DE FRANCE.
par une main invifible . Il voit fortir de
Terre la JALOUSIE le DESESPOIR ,
la FUREUR & toute leur Suite . C'eſt ce
qui forme le Ballet dont nous avons
rendu compte dans le précédent Mercure
en parlant de la repréſentation de
cet Opéra.
PIRRHUS eft perfécuté par les flambeaux
de cette Troupe infernale ; le
poifon paffe dans fon coeur , il eft menacé
d'éprouver tous les tourmens qui
peuvent déchirer une âme , & la JALOUSIE
, laffe enfin de fa perfécution ,
finit la Scène avec lui comme ZORAÏ-
DE avec NINUS dans Pirame & Thibé.
ככ
LA JALOUSIE , à Pirrhus.
Téléphe adore Polixène ;
» Il eft prêt à te la ravir .
PIRRHUS fe difpofe à exhaler toute
la violence de la funefte paffion
qu'on vient de lui infpirer. TELEPHE
paroît , il fupporte d'abord les reproches
de fon ami ; TELEPHE a les forces
& la fermeté de la vertu ; il en accable
PIRRHUS à fon tour ; & celuici
, malgré les efforts de la JALOUSIE,
fecondée de la rage & du DÉSESPOIR,
céde auffitôt à ce pouvoir , & finit par
confier
FEVRIER . 1763. 169
confier fa maîtreffe à cet ami pour af
furer fa fuite , quoiqu'il le connoiffe
alors pour fon rival.
Dans le cinquième Acte le Théâtre
repréfente un Monument élevé aux Mánes
d'Achille. Un Autel eftfur le devant.
PIRRHUS eft feul , il s'applaudit d'avoir
pu triompher de lui-même ; il ne
fent pas moins ce qu'il lui en coûte. Il
termine fon Monologue par cette invocation
aux Mânes d'Achille.
» Mânes facrés , Ombre que je révére ,
» Et vous , Dieux tout-puiffans ! calmez votre
» colère ,
» Si l'Amour fit mon crime , hélas ! ce même
» Amour
» Met le comble à mes maux , & vous venge en
›› ce jour.
HECUBE vient apprendre à PIRRHUS
la mort de TELEPHE. Elle infulte
aux regrets fincères de ce Prince ,
en lui imputant la fin tragique de fon
ami. Elle prétend que c'eft lui -même
qui a guidé les affaffins dans les fentiers
obfcurs qui conduifoient au rivage.
PIRHUS , indigné , reprend en ce
moment la noble fierté d'où l'Amour
H
170 MERCURE DE FRANCE .
l'avoit fait defcendre dans tout le
cours de l'action , & répond à HECUBE.
>> Dieux , quelle horreur! qui , moi , quand , pour
>>fauver vos jours ,
» J'immolois jufqu'à ma tendreſſe !
» Quand , bravant de Junon la haine vengereffe ,
» Des maux de mes Sujets j'éternifois le cours !
HECUBE ne fe rend point ; elle perfifte
dans fes reproches injurieux . PIRRHUS
, dont la patience eft épuisée ,
lui dit enfin :
» C'en eft trop, je voulois aux dépens de ma vie ,
» Arracher votre fille à la mort :
» Mais , qu'elle vive ....ou qu'on la faerifie ....
» PIRRHUS l'abandonne à fon fort.
;
HECUBE , alors change de ton &
devient fuppliante , pour engager PIRRHUS
à fauver les jours de fa fille
mais c'eft en vain , PIRRHUS eft devenu
inexorable : la furieuſe HECUBE
apperçoit en ce moment POLIXENE ,
entre les mains des Sacrificateurs . &
ornée des funeftes guirlandes dont on
paroit les victimes . Elle ne fe contient
plus : elle tire un poignard de deffous fon
vêtement & le léve fur PIRRHUS . POFEVRIER.
1763. 171
LIXENE s'élance entre - deux & arrache
le poignard des mains d'HECUBE
en difant :
» Je frémis :
HECUBE.
» C'eft POLIXENT
» Qui vient défarmer ma fureur. "
POLIXEN E.
>>J'ai laiffé voir le fecret de mon coeur ;
» Si je mérite votre haine ,
» Bientôt ma mort ....
PIRRHUS .
Non plutôt qu'en ce jour
» Et la flamme & le fer dévaſtent ce féjour.
Le Grand- Prêtre reclame contre cet
irréligieux attentat de PIRHHUS, Ce
Prince animé par la déclaration de Po-
LIXENE , s'opiniâtre davantage contre
l'ordre des Dieux . Loin d'en être puni ,
le Monument s'ouvre . L'Ombre d'Achille
paroît , pour annoncer à PIRRHUS
le fort le plus flatteur.
»Pirrhus , au deftin le plus doux ,
»Le Ciel vous permet de prétendre :
» THÉTIS a de JUNON défarmé le courroux.
PIRRHUS remercie ; l'Ombre porte
fa bienfaifante attention jufqu'à or-
Hij
172 MERCURE DE FRANCE
donner elle-même la fête de ce grand
jour,
PIRRHUS demande l'aveu de Po-
LIXENE , qui à fon tour follicite celui
de fa mère. La cruelle HECUBE s'adoucit.
Les Guerriers & les Peuples
viennent célébrer l'hymen de PIRRHUS
& de POLIXENE,
OBSERVATIONS fur le Poëme
de POLIXENE.
Le Sujet que l'Auteur a choifi pour le premier
effai de fa Muſe avoit été traité plufieurs fois au
Théâtre Lyrique , mais toujours fans fuccès.
On ne peut refuſer à ce nouveau Poëme une
conduite raiſonnée , une action bien liée & des
Scènes affez réguliérement filées. Cependant il a
été l'objet de quelques cenfures , tant verbales ,
qu'imprimées dans des Ecrits publics . Nous altons
chercher à les réfumer & à les difcuter
par une critique impartiale , moins en faveur de
l'Auteur , qui fans doute le défendroit mieux luimême
, que pour l'intérêt de l'art dramatique
qui ne peut que gagner à ces fortes de difcuffions
, attendu qu'il n'y a pas encore de Poëtique
bien arrêtée pour ce genre de Poëmes.
En convenant que la fable de ce Drame eft
bien foutenue , on reproche d'abord qu'elle eft
contraire à ce que nous fçavons tous fur PIRRHUS
&fur POLIXENE. A cet égard le reproche
tombe de lui - même , fi cela a fervi à traiter
plus heureufement ce Sujet qu'il ne l'avoit été
auparavant, Il feroit dangereux néanmoins que
FEVRIER. 1763. 173
ces exemples fe multipliaffent , & qu'on y fût encouragé
par des fuccès ; car il eft des bornes aux
licences les plus étendues dans les Arts. On permet
au Peintre d'Hiftoire d'orner ſes ſujets , de
les modifier même à fon avantage ; mais on
ne lui pardonneroit pas de nous repréſenter les
grands traits hiſtoriques ou poëtiques d'une manière
trop oppofée à la connoiffance générale des
faits. On ne doit pas s'arrêter davantage aux inimitiés
des Pères de PIRRHUS & de TELEPHE
ni au paffage de ce dernier , de la Troade en Europe
pour retourner en Myfie. Il n'eft pas hors
du cours naturel des événemens & fur-tour
entre les héros , de voir une amitié très-étroite
entre les enfans d'ennemis irréconciliables. Quant
au voyage de TELEPHE , on ne voit pas quel eft
l'inconvénient de faire prendre le plus long à un
héros d'Opéra , lorsque cela peut être utile à la
conftitution d'un bon Poëme.
>
Il eft des queſtions plus importantes fur les
caractères des perfonnages & fur quelques parties
de la conduite de ce Poëme . 1º . Sur les caractères.
Le perfonnage fubordonné ( TELEPHE )
paroît , dit-on , fait pour être le plus intéreffant ,
parce qu'il eft le plus eftimable. En effet , ce caractère
, qui eft très- bien foutenu , a tous les avantages
de la vertu & du véritable courage , fans
en avoir le fafte , & il ſe manifefte dans tout le
drame , non par un vain étalage des maximes ,
mais par des actions dignes de toucher tous les
coeurs honnêtes. Cependant c'eſt le feul des perfonnages
véritablement malheureux dans le cours
de l'action , & le feul qui périffe à fon dénoûment.
A cela nous croyons que l'Auteur pourroit
répondre , qu'on eft obligé fouvent de mettre
le principal mobile de l'action dans les perfonf
H iij
174 MERCURE DE FRANCE.
nages fubordonnés , plutôt que dans les perfor
wages principaux. Que fi quelquefois la fcélérarelle
de ces feconds perfonnages eſt néceffaire au
mouvement de l'action & à l'intérêt des perſon ·
nagesprincipaux , lorfqu'ils font vertueux; d'autres
fois , par des moyens contraires , c'eſt la vertu de
ces perfonnages fubfidiaires qui fert à mettre dans
des fituations plus intéreffantes des caractères
mêlés de vices & de foibleffes , lefquels ne font
pas les moins propres à l'intérêt théâtral , &
prèfque toujours plus que les caractères entiérement
vertueux. De la première eſpéce font ici
les caractéres de PIRRHUS & de POLIXENÉ .
L'Auteur a donc dû les conftituer ainfi pour
remplir fon objet. Mais à l'égard de POLIXENE ,
fi l'on demande comment a-t- elle pû fe prendre
d'un penchant fi tendre & fi invincible pour un
Prince dont le premier aſpect ne lui a offert qu'un
vainqueur implacable , le fer & le feu à la main ,
ravageant fa Patrie , maflacrant tous les fiens
& particuliérement fon père , ce qui eſt ſpécialement
énoncé dans le Drame? Comment , malgré
la clémence de l'Ombre d'ACHILLE , cet
autre ennemi furieux de fa famille , comment ,
dit-on encore , peut- elle conſentir à recevoir une
main encore fumante d'un fang fi cher & fi refpectable
pour elle ? A cela nous convenons que
fi l'on ne confultoit que les moeurs & la nature
pour ces fortes de Poëmes , il feroit peut- être affez
difficile de répondre.
Quant à la conduite , il nous paroît que le
reproche qu'on fait à PIRRHUS de faire refter
TELEPHE avec lui , lorſqu'il eſt menacé par Ju-
NON n'eft pas auffi bien fondé que les autres.
Non feulement on fent bien que l'Auteur
avoit befoin de TELEPHE pour le fil de fon
FEVRIER . 1763. 175
fût
pas
action mais il a trouvé par - là , le moyen
de préfenter une vérité morale , bien importante
, contre les prétendus efprits-forts ,
qui cherchent toujours à affocier autant qu'ils
peuvent des complices contre le Ciel , & qui
femblent ne réunir leurs forces contre fes décrets
que pour mieux laiffer voir leur foibleſſe.
Il est peut- être vrai , comme on l'a remar
qué , que la colere des Dieux vengeurs n'y eft
pas peinte fous des couleurs bien redoutables.
Mais indépendamment du befoin qu'il y avoit
pour la marche de l'action que PIRRHUS ne
arrêté par un pouvoir irréfiftible dans la
paffion ; d'autre part , les Dieux font-ils moins
véritablement repréſentés par la rigueur des
châtimens que par les effets de leur clémence ?
Ce qui femble un peu plus difficile à concilier
eft l'appareil terrible & tous les efforts de la ALOUSIE
en perfonne avec la RAGE , le DESESPOIR
& tout l'Enfer déchaîné , pour verfer leur
fatal poifon dans le coeur de PIRRHUS , avec le
peu d'effet que cela produir fur lui , par la facilité
que TELEPHE trouve l'inftant d'après à le
calmer , & le confentement qu'il apporte à lui
remettre fa Maitreffe entre les mains. Paffant
aux détails , nous répondrons à ceux qui demanderoient
dans ce Poëme plus de Madrigaux
, plus de ces phrafes qui développent lesfentimens
du coeur ou les fentimens de l'efprit , que
le courage d'avoir fçû fe paffer de ces brillans
Lecours , en mérite d'autant plus d'éloges dans
un temps où l'on fait de ces frivoles Beautés
un abus , que les mêmes Critiques , qui les régrettent
davantage en cette occafion , condamnent
avec austérité dans tous les ouvrages modernes.
Peut-être eft- ce par un même motif , que
H iv
176 MERCURE DE FRANCE.
l'Auteur a dédaigné les négligences de ftyle , les
enjambemens de vers , & les répétitions des confonnes
dures dans un même vers , & qui fonnent mal
à l'oreille. La facilité d'éviter ce que la critique
reproche à cette égard , doit laiffer croire que
l'Auteur a facrifié volontiers cette molle & facile
délicateffe à l'énergie du fens & à l'éxactitude
du Dialogue lorfqu'il à crû qu'elle auroit
pû y mettre obftack .
On continue cet Opéra trois jours
de la femaine . N'étant pas informés ,
lorfque nous avons rendu compte de
la premiere repréſentation , que le Ballet
de la Jaloufie au quatriéme Acte
étoit de la compofition de M. de LAVAL
, nous avons obmis alors de faire
mention de cette circonftance .
Le Jeudi 20 Janvier on a remis les
Fêtes Grecques & Romaines , Ballet ,
pour le continuer les Jeudis fuivans . Le
Public a paru très-fatisfait de revoir cet
Opéra.
COMÉDIE
FRANÇOISE,
LE 17 Janvier on repréſenta pour la
premiere fois DUPUIS & DESRONAIS,
Comédie nouvelle en trois Actes & en vers
libres , tirée des illuftres Françoifes.
Le fuccès de cette Piéce fut décidé
FEVRIER . 1763. 177
fans aucune contrariété & par les plus
grands applaudiffemens , dès cette première
repréſentation . Ce fuccès tout
brillant qu'il étoit alors l'eft devenu encore
davantage à chaque repréſentation
fubféquente ; le concours des fpectateurs
qui a toujours augmenté , & qui
paroît devoir fe foutenir encore longtemps
, le confirme de la manière la
moins équivoque & la plus flatteufe
pour l'Auteur. Elle ne l'eft pas moins
pour les Acteurs de cette Piéce , dont
le jeu admiré dès le premier jour , s'eſt
toujours perfectionné , & ne laiffe rien
à defirer. Nous avons eu rarement , .depuis
quelque temps , des fuccès auffi célébres
& auffi mérités à annoncer à nos
Lecteurs. C'eft avec beaucoup de regret
que nous fommes obligés de remettre
au prochain Mercure l'Extrait
de cette Comédie ; mais nous avons
craint qu'une analyſe précipitée , telle
que nous aurions pu la donner actuellement
, n'eût pas fatisfait fur ce qu'on
eft en droit d'attendre , à l'égard d'un
Ouvrage dont tous nos Lecteurs doivent
avec raiſon avoir la plus ayantageufe
prévention . ( a )
( a ) V. ce que nous avons dit plus haut de cet
se Piéce à l'Art . des Spectacles de la Cour.
Hv
178 MERCURE DE FRANCE.
COMÉDIE ITALIENNE.
ONN a donné le 15 Janvier la troifiéme
repréſentation du Milicien , Comé
die nouvelle en 1 Acte mélée d'Ariettes
, qui avoit été interrompue par l'in
difpofition d'une Actrice. Cette Piéce
a été continuée .
Le 26 on a repréfenté pour la prémière
fois le Guy de Chefne ou la Fête
des Druydes , Comédie nouvelle en
vers , en un Acte , mêlée d'Arrietes.
La Mufique eft de M. la Ruette , Acteur
de ce Théâtre . Nous n'avons pas
encore été informés du nom de l'Auteur
des Paroles.
Cette Piéce a beaucoup réuffi &
elle est toujours vue avec grand plaifir.
C'est un des ouvrages de ce nouveau
genre , auquel le goût ait le
plus de part. Tout , jufqu'au Comique
, y eft d'un ton agréable , délicat
& fouvent affez fin , tant en paroles
qu'en mufique , affortis enſemble
avec beaucoup de grâces & d'intelligence.
C'est au gré de quelques Connoiffeurs
, une des plus jolies Bagatelles
auxquelles on puiffe accorder fes
fuffrages , fans déroger à la Raiſon , &
au principe fur les chofes d'agrément.
FEVRIER. 1763. 179
ARTICLE V I.
NOUVELLES POLITIQUES,
De CONSTANTINOPLE , le 16 Décembre 1762.
La quatriéme Sultane eft accouchée le 10 de ce
mois d'une Princeſſe qui a été nommée Mihr- Scha
Sultane. Il n'y a point eu de réjouiffance à cette
Occaſion .
Suivant quelques Lettres des Dardanelles , on
y a reffenti le 2 du mois dernier entre onze
heures & midi , deux fecouffes violentes de tremblement
de terre , & le 7 il s'eft élevé à une heure
de nuit un ouragan terrible , qui a déraciné les
arbres dans les jardins & dans les campagnes , &
a renversé plus de cent maiſons & un Minaret ,
qui , en retombant fur la Moſquée , a fort.endommagé
cet édifice.
De WARSOVIE , le 2 Janvier 1763.
Suivant les nouvelles qu'on reçoit de Courlande
, la fituation du Duc Charles devient
plus critique de jour en jour . Ce Prince ,
pour donner une preuve de fa conſtance
refte à Mittau , jufqu'à ce qu'il foit contraint
d'abandonner fes Etats. Cependant le
fieur Simolin , Réfident de Rutfie , a eu ordre de
fa Cour de féqueftrer les revenus domaniaux du
Duché , & il a adreffé à cet effet le 24 du mois
dernier , aux Adminiſtrateurs & Engagiftes qui en
font chargés , une Lettre circulaire dont voici la
copie :
H vj
180 MERCURE DE FRANCE.
MONSIEUR >
» Sa Majesté Impériale , ma très- clémente
» Souveraine , a appris avec autant de furpriſe
>> que de fenfibilité que Son Alteffe Royale le
» Prince Charles , fans avoir égard ni à la bonne
intelligence qui doit régner entre voifins , ni à
>> plufieurs éxemples précédens , avoit refuſé de
>> laiffer prendre aux troupes Ruffes des quartiers
» d'hyver dans les Etats , & que , témoignant ou-
>> vertement des difpofitions contraires aux in-
»tentions de Sa Majefté Impériale , il n'avoit
» voulu donner aucune facilité pour les mettre à
portée de fe procurer les chofes les plus né-
>> ceffaires à leur fubfiftance.
و ر
» En conféquence , Sa Majefté Impériale a
>>jugé équitable de mettre en féquestre tous les
> revenus du Duché de Courlande & de Semigalle
, de quelque nature qu'ils foient , & elle
>>m'a envoyé une commiffion expreffe pour établir
ce féqueftre , touchant lequel j'ai déja fait
> toutes les difpofitions néceffaires .
» C'eſt en vertu de cette commiffion que j'ai
>> l'honneur de vous informer , en votre qualité
»d'Adminiſtrateur du Bien Domanial , que ce
» Bien étant compris dans le Séqueftre Impé-
» rial , les revenus doivent y être déposés . Je
» vous prie donc de faire remettre à la Ĉaiſſe Im-
» périale établie ici , au plus tard le 10 de ce
» mois , les revenus d'une demi-année , & de ne
» rien payer ni faire payer à la Caiffe Ducale ,
» jufqu'à ce que vous receviez de nouvelles infor-
➜mations ; finon vous vous expoſerez aux fâcheux
» inconvéniens , non-feulement de payer une ſeconde
fois , mais encore d'être deftitué de la
>>geſtion du Domaine.
FEVRIER. 1763. 181
Vous voudrez bien donner tous vos foins à
» l'éxécution des volontés de Sa Majesté Impériale
, relativement à la portion du Domaine
» dont vous êtes chargé , & m'honorer d'une
→prompte réponſe En attendant , les foldats ref-
» teront, pour cet objet , chez vous juſqu'à nou-
» vel ordre.
De VIENNE, le 6 Janvier 1763 .
EXTRAIT d'une Lettre écrite de LEIPSICK , le
premier Janvier 1763.
Nous pouvons enfin efpérer de voir bientôt
finir nos malheurs . Il y a une négociation ou
verte entre l'Impératrice Reine & Sa Majeſté
Pruffienne pour le rétabliffement de la Paix. Les
Plénipotentiaires font , de la part de la Cour de
Vienne , le fieur de Colembach , Confeiller , &
l'un des premiers Commis des Affaires Etrangè
res; & de la part du Roi de Pruffe , le fieur Hertzberg
, Confeiller de ce Prince. Ils fe font affemblés
à Hubertzbourg , Maiſon de Plaifance de Sa Majefté
Polonoife. Après une conférence très-longue,
le Miniftre Pruffien s'eft rendu ici pour en
rendre compte à fon Maître & pour recevoir fes
ordres. Il y eft encore actuellement ; mais on
préfume que fon féjour ne fera pas long , & qu'il
partira muni des inftructions néceffaires à la réconciliation
des deux Puiffances. Il paroît qu'elles
defirent également de voir bientôt le fuccès de
cette négociation , afin d'épargner , pendant qu'il
en eft temps encore, une partie des frais de la campagne
prochaine , ou de fe préparer plus vigou
reufement à la continuation de la guerra
182 MERCURE DE FRANCE.
De HAMBOURG , le 4 Janvier 1763.
Le Roi de Dannemarck ayant chargé le Comte
d'Haxthaufen , fon Miniftre à Petersbourg , d'offrir
de juftifier les motifs fur lefquels il prétendoit
la co-adminiſtration du Duché de Holſtein
pendant la minorité du Grand- Duc , l'a chargé
en même temps de déclarer que pour donner à
l'Impératrice une preuve de fon eftime & du defir
fincère qu'il a de maintenir l'union & la bonne
intelligence entre les deux Cours , il offroit de fe
défifter de fon droit en fa faveur. S. M. I. y a
fait une réponſe très- amicale , dans laquelle
» après avoir reconnu dans ce défiftement un
» effet de la complaifance du Roi de Danne-
» marck & du defir qu'il marque de maintenir
» la paix , elle témoigne de fon côté qu'elle re-
» cherchera avec empreffement toutes les occa-
>> fions de referrer & de perpétuer l'union an-
» cienne & indiffoluble qui fubfifte fi heureuſe-
>> ment entre fon Empire & la Couronne de
» Dannemarck. » En conféquence de cet arran
gement , on a dû envoyer le 25 du mois dernier
aux deux Commiffaires Danois établis à Kiel
ordre de fe retirer , & de remettre les chofes fur
le même pied où elles étoient ci -devant.
On mande de Lithuanie , qu'une troupe d'environ
deux mille cinq cens Ruffes s'étant avancée
vers Mcziflaw , & ayant commis des hoftilités
dans ce Palatinat , la Nobleffe a affemblé quelques
centaines d'hommes qui ont ataqué les
Ruffes près de Zabou , en on tué foixante- dix ,
pris foixante , & mis le refte en fuite ; cent autres
fe font noyés dans la petite riviere de Sofz ,
en voulant la paffer. Les Lithuaniens n'ont perdu
dans cette affaire que trois hommes & une quaFEVRIER
. 1763. 183
rantaine de chevaux . Comme on craint que les
Ruffes ne reviennent à la charge avec des forces
plus confidérables , la Nobleffe du Palatinat
s'eft mise en état de défendre le paffage de la
Sofz , & a envoyé fur le champ deux Députés ,
l'un pour Warlovie , l'autre pour Mofcou , chargés
d'expofer les motifs de la réſolution qu'elle
s'eft vue forcée de prendre.
De RATISBONNE , le 6 Janvier 1763 .
On a appris ici avec une grande ſatisfaction
que leurs Majeſtés Très - Chrétienne & Britannique
étoient convenues d'agir de concert & d'inter
pofer leurs bons offices , pour établir , fous la
médiation de la France & de l'Angleterre , une
neutralité dans l'Empire , pendant tout le temps
que la guerre fubfiftera entre l'Impératrice- Reine
& le Roi de Prufle. La propofition a dû en être
faite aux Cours de Vienne & de Berlin , & l'on
attend inceffamment leur réponſe.
DE BONN , le 4 Janvier 1763.
Le Colonel Bawer étant arrivé fur le Bas-Rhin,
à la tête d'un Corps de quatre à cinq mille Pruffiens
, & s'étant approché fort près de Wefel , le
Marquis de Monteynard lui a fait dire que les
Loix de la guerre ne permettoient pas entre les
Nations mêmes qui ne font point ennemies ,
que des troupes approchaffent fi près d'une Ville
de guerre. L'Officier Pruffien a répondu que le
Roi fon Maître n'étant pas en guerre avec la Majefté
Très - Chrétienne , il étoit fort éloigné de
vouloir inquiéter les Troupes Françoiſes , & leur
porter aucun préjudice mais qu'il venoit occuper
les Etats appartenans au Roi de Pruffe , quand
les troupes de Sa Majesté Très- Chrétienne les au184
MERCURE DE FRANCE.
roient évacués. Après plufieurs pourparlers entre
le Général François & le Colonel Pruffien ,ce dernier
eft convenu que , jufqu'au s de ce mois , les:
Troupes qu'il commande ne paſſeroient pas le
Roer ; mais la gelée étant devenue plus forte , &
ayant arrêté néceffairement les évacuations des
Troupes Françoiſes , ainfi que le tranſport de tous
les effets qui leur appartiennent , cette convention
a été prolongée jufqu'au 1.6 .
De MADRID , le 4 Janvier 1763.
Le 24 du mois dernier , le Prince de Beauvau ,
Commandant Général des Troupes de Sa Majeſté
Très-Chrétienne en Eſpagne , a eu l'honneur de
fe couvrir devant le Roi en qualité de Grand
d'Eſpagne de la première Claffe : il a eu pour
parrain le Duc de Loffada , grand Echanſon du
Roi.
Les Troupes Françoifes qui fervoient contre le
Portugal ont traverfé cette Ville en plufieurs divilions
pour retourner dans leur pays . Le 29 du
mois dernier les Régimens d'Artois , de la Sarre
& des Cantabres y ont paffé , ainsi qu'un Régiment
d'Artillerie. Le Roi ayant témoigné au
Prince de Beauvau le defir qu'il avoit de les voir,
on leur fit faire halte hors de la porte d'Alcala .
Sa Majesté s'y rendit entre onze heures & midi ,
accompagnée du Prince des Afturies & de l'Infant
Don Louis , ainfique du Marquis d'Offun , Ambaffa
deur Extraordinaire de France , du Prince de
Beauvau & des principaux Seigneurs de fa
Cour, Ces Régimens étoient rangés en bataille .
Le Roi parcourut les rangs , leur fit faire différentes
évolutions , & les fit défiler en fa préſence.
Sa Majesté parut extrêmement fatisfaite de la
bonne grace & de la dextérité de ces Troupes , &
7
FEVRIER , 1762. 18,
en fit compliment à leur Général. Elle ordonna
enfuite qu'on prît trois mille doublons fur le
Tréfor Royal , pour être diftribués aux foldats
des différens Corps qui juſqu'à préſent ont paſſé
par cette Ville , & qu'on donnât une gratification
au détachement d'Artillerie qui s'étoit mis en
marche avec eux.
De GENES , le 10 Janvier 1763..
Les dernières nouvelles que nous avons reçues
de la Baftie, portent que le Général Matra eft
parti à la tête de deux cens Volontaires , foutenus
de mille hommes de Troupes réglées , pour
aller attaquer les Rébelles à Pie - de - Corti.
Pafchal Paoli fe trouve actuellement à Corti ,
& fait des difpofitions en cas d'attaque de notre
côté. Les Régimeus des Rébelles continuent à fe
former , & font déja prèfque complets.
De LONDRES , le 6 Janvier 1763.
Sa Majefté , fuivant les repréſentations qui lui
ont été faites par la Séréniffime République de
Gènes , par une déclaration arrêtée le 29 du
mois dernier , enjoint & ordonne exprellément
à tous les Sujets de ne donner ni fournir aide ,
affiftance , appui ni fecours , de quelque manière
que ce puiffe être , à aucun des habitans de l'Ile
de Corſe , actuellement révoltés contre ladite
Séréniffime République , fous peine d'encourir
non-feulement l'indignation de Sa Majeſté , mais
encore telle punition que la Loi inflige contre
ceux qui violent volontairement les traités de Sa
Majefté , & portent atteinte à la paix & amitié
qui fubfiftent entre elle & tout Prince ou Etat
étrangers.
Le Prince de Solre , fils du Prince de Croy, a
186 MERCURE DE FRANCE.
été attaqué ici de la petite vérole. Les deux Méđeeins
célébres auxquels il a été confié ſe ſont ſurtour
attachés , dans ce traitement , à obéir à la
nature , en la ſuivant pas à pas fans vouloir l'afflujettir
aux régles arbitraires de l'art. Il n'y a perfonne
ici qui ne fe foir vivement intéreſſé au danger
de ce jeune Prince qui a fçu le mériter une
eftime univerſelle : le courage qu'il a montré
l'habileté de fes Médecins , & les foins du Dac
de Nivernois , qui lui a tenu lieu de pere , ont
raffuré tout le monde fur fon état. Ce Prince eft
entierement hors de danger.
FRANCE,
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
De VERSAILLES , le 22 Janvier 1763 .
SA Majefté a donné le Gouvernement de Jour
& de Pontarlier au Chevalier de Montbarrey ,
Maréchal de Camp , à qui Elle a accordé auff
la dignité de Grand Croix de l'Ordre Royal &
Militaire de S. Louis , vacante par la mort du
Marquis de Villemur.
Sa Majefté a nommé le fieur O- Dune pour
remplacer le Marquis d'Alefme en qualité de fon
Miniftre Plénipotentiaire auprès de l'Electeur Palatin
; & le Chevalier du Buat , pour remplacer le
Baron de Mackau en qualité de fon Miniſtre à la
Diete générale de l'Empire à Ratisbonne.
La Marquife de Noailles a été préſentée l
16 au Roi , à la Reine & à la Famille Royale ,
par la Duchelle d'Ayen. Le même jour , Leurs
FEVRIER . 1763 .
187
Majeftés , ainsi que la Famille Royale , fignerent
le Contrat de Mariage du fieur Thiroux de Crofne,
Maître des Requêtes , avec la Demoiſelle de la
Michodiere.
Le 17 , il y eut un Bal dans la Salle de Spectacle
du Château . Leurs Majeftés , ainfi que Monfei
gneur le Dauphin , Madame la Dauphine & Madame
Sophie l'honorerent de leur préfence. Le
Duc d'Orléans , le Duc de Chartres , le Comte de
la Marche , le Comte de Luface & la Comteffe de
Henneberg , affifterent à cette Affemblée , que
le concours des Seigneurs & Dames de la Cour
rendit très-brillante.
Le 18 , le Comte de Wedelfriz , Envoyé Extraordinaire
de Dannemarck , a eu l'honneur de
préfenter au Roi avec les formalités ordinaires ,
cinquante-huit Gerfaulx d'Iflande , de la part dur
Roi de Danemarck ; Sa Majefté a témoigné au
Comte de Wedelfriz combien elle étoit fatisfaite
de ce préfent.
Le Comte de Starhemberg , Ambaſſadear de
leurs Majeftés Impériales , ayant notifié au Roi la
mort de l'Archiducheffe Jeanne , Sa Majesté a
pris le deuil le 21 pour 12 jours.
Le fieur Dejean , Maître en Chirurgie de Pa
ris a eu l'honneur de préfenter au Roi un Ouvra
ge touchant les hernies ou defcentes.
Le Roi a nommé Chevaliers des Ordres Royaux
Militaires & Hofpitaliers de Notre Dame du
Mont Carmel & de S. Lazare de Jérufalem , le
Marquis de Marbeuf , Maréchal de Camp ; le
Comte de Luppé , Colonel d'Infanterie , le Comte
de la Billarderie d'Angivilé , Meftre de Camp de
Cavalerie ; le Marquis de Montefquiou , Colonel
d'Infanterie , le Comte de Montault- Benac , Co-
Jonel d'Infanterie ; & le Vicomte de Boifgelin ,
188 MERCURE DE FRANCE.
Lieutenant des Vaiffeaux du Roi , tous fix Gen
tilshommes de la Manche de Monfeigneur le Duc
de Berry ; & le Baron Galucci- l'Hôpital , Colonet
d'Infanterie étrangere ; le Comte Laizer de Siougeat
, Colonel d'Infanterie & Députés des Etats
d'Artois auprès de Sa Majefté ; le Comte de
Quelen , Capitaine des Vaiffeaux du Roi ; le fieur
de Ruis Embito , Intendant de la Marine à Rochefort
; le fieur Durand , Miniftre de Sa Majefté
près du Roi & de la République de Pologne . Les
nouveaux Chevaliers , à l'exception du Comte de
Montault , qui s'eft trouvé indifpofé , du Marquis
de Montefquiou , qui n'a pas encore atteint l'âge
prefcrit par le réglement de fa Majefté ; du fieur
de Ruis- Embito , employé à fon Département ,
& du fieur , Durand , réfident actuellement a Londres
le fervice du Roi , ont été reçus le 20
de ce mois , dans l'Appartement & en préfence
de Monſeigneur le Duc de Berry , Grand- Maître
defdits Ordres , après avoir fait leur profeffion &
l'émiffion de leurs voeux entre les mains du
Comte de S. Florentin , Gérent & Adminiftrateur-
Général de ces Ordres pendant la minorité
de Monſeigneur le Duc de Berry . Ils furent enfaite
admis à baiſer la main du Prince Grand-
Maître , en figne d'obédience.Les Grands Officiers ,
un grand nombre de Chevaliers & Comman
deurs Eccléfiaftiques defdits Ordres , ont affifté à
cette cérémonie.
pour
Le Marquis d'Epinay Saint - Luc , Capitaine
au Régiment de Penthievre , Cavalerie , a eu
l'honneur d'être préſenté au Roi & à la Famille
Royale, par le Duc de Duras.
Le Comte de S. Florentin a préſenté à Sa Majefté
les Planches anatomiques de la troifiéme &
derniere diftribution du fupplément que donne
FEVRIER. 1763. 189
au Public le fieur Gautier. Cet Ouvrage préfenrement
complet , & éxécuté à la fatisfaction des
Amateurs , fe diftribue à Paris chez le fieur le
Roi , Marchand Bijoutier , vis-à-vis la Comédie
Françoiſe.
De PARIS , le 24 Janvier 1763 .
Le 22 de ce mois , l'Académie Françoiſe a tenu
uneSéance publique pour la réception de l'Abbé
de Voifenon. Le Duc de S. Aignan , qui exerçoit
les fonctions de Directeur à la place du Duc
de Nivernois , a répondu au Difcours du nouvel
Académicien . Le fieur Watelet a lu enfuite une
imitation en vers du troifiéme Chant de la Jérufalem
délivrée du Taffe.
Il vient de paroître une Ordonnance du Roi,
en datte du 11 Décembre 1762 , concernant le
Corps des Grenadiers de France : on joint ici le
contenu des principaux Articles qui la compo-
Lent.
Le Régiment des Grenadiers de France fera , à
l'avenir , défigné fous le nom du CORPS DES
GRENADIERS DE FRANCE, Il continuera d'être divifé
en quatre Brigades , de douze compagnies
chacune ; mais le fervice de ces brigades étant
diftingué de celui de tous les Régimens , Sa Majefté
veut qu'à l'avenir , il n'y ait plus de Drapeau
dans ce Corps. Chacune des quarante- huit Compagnies
qui compofent ledit Corps fera portée
au nombre de cinquante-deux Grenadiers , &
commandée ,foit en temps de paix , foit en temps
de guerre , par un Capitaine , un Lieutenant &
un Sous- Lieutenant ; les Grenadiers qui viendront
à manquer ne feront plus fournis par les
feules compagnies des Grenadiers Royaux , on
les tirera des compagnies des Grenadiers de tous
190 MERCURE DE FRANCE .
des Régimens de l'Infanterie Françoife . S. M. veut
que des quatre places de Lieutenans- Colonels , il
en foit fupprimé deux , pour en être confervé feulement
deux ; le premier commandera la premiere
& la feconde brigade , & le ſecond , les
deux fuivantes , en l'abfence du Colonel , ou du
Commandant en fecond. A l'avenir , le rang
de Colonel ne fera point attaché à la charge
de Major , & celui -ci ne commandera le Corps
qu'en l'abſence des Colonel , Colonel - Commandant
, & Lieutenant - Colonel , mais fupérieurement
à tous les Capitaines. Sa Majefté voulant
attacher un Major a deux brigades dudit Corps.
il fera créé un fecond Major qui jouira des mêmes
rangs & prérogratives que le premier. La charge
d'Aide- Major eft fupprimée. Sa Majesté ſe réferve
la nomination des Lieutenans-Colonels &
des Majors du Corps des Grenadiers de France ,
fon intention étant de les choifir à l'avenir parmi
ceux des Capitaines de tous les Régimens
d'Infanterie indiftinctement , Qu'elle jugera devoir
mériter cet avancement ; Elle le réferve
auffi de choisir parmi les Capitaines de ce Corps
ceux qu'elle jugera à propos de faire paffer
à des charges de Lieutenans- Colonels & de Majors
, dans d'autres Régiment de l'infanterie Françoife.
les mêmes confidérations qui ont porté Sa
Majesté à régler aux troupes de fon Infanterie
une paie de Paix & une paie de Guerre
l'ont engagé à accorder le même traitement au
Corps de Grenadiers de France ; & Sa Majeſté
voulant en même tems donner à ce Corps , qui
fera compofé de la plus précieufe partie de les
troupes , des marques de fa fatisfaction Elle
a réglé qu'il feroit , dans tous les temps , donné
un fol de plus de folde à tous les Sergens , Ca-
9
FEVRIER. 1763. -191.
peraux , Fourriers , Appointés , Grenadiers , &
Tambours de ce Corps , qu'à ceux de fon Infanterie
Françoile ; & en conféquence , Elle veut
que des appointemens & folde foient payés audit
Corps fur le pied fuivant , fçavoir , POUR
LES COMPAGNIES à chaque Capitaine , 2000
livres par an , en temps de paix , & 3000 livres
en tems de guerre ; à chaque Lieutenant , 900
livres en paix , & 1200 livres en guerre ; à
chaque Sous- Lieutenant , 600 livres en paix , &
200 livres en guerre à chaque Sergent , 240
livres en paix , & 246 livres en guerre ; à chaque
Fourrier , 198 liv . en paix , & 204 livres en
guerre ; à chaque Caporal , 174 livres en paix
& 180 livres en guerre : à chaque Appointé ,
156 liv . en paix , & 162 livres en guerre ; à chaque
Grenadier & Tambour , 138 liv. en paix , &
144 liv. en guerre . POUR L'ETAT MAJOR ; au Colonel
Propriétaire . 20000 livres par an ,
tout temps ; au Colonel Commandant en fecond
10000 livres en tout temps ; à chaque Colonel
qui fervira audit Corps , pendant le temps
qu'il fera de fervice , feulement , 3600 livres en
paix , & fooo livres en guerre ; à chaque Lieutenant-
Colonel , 5000 livres en paix & 6000 liv.
en guerres à chaque Major , 4000 livres en paix ,
& 5000 livres en guerre ; à chaque Aide- Major ,
1800 liv. en paix, & 2400 liv. en guerre; à chaque
Sous -Aide-Major , 1000 livres en paix , & 15000
livres en guerre ; au Tréforier , 3000 en paix &
4000 en guerre ; au Quartier- Maître , 600 liv.
en paix , & 800 livres en guerre ; à l'Aumônier,
soo livres en paix , & 720 livres en guerre ; au
Chirurgien , oo livres en paix , & 720 livres en
guerre ; au Tambour- Major , 252 livres en tout
temps ; à chacun des douze Inftrumens , 138 liv.
en
192 MERCURE DE FRANCE.
>
en paix , & 144 livres en guerre. La paye de guerre
ne fera donnée audit Corps , que lorsqu'il fervira
en Campagne , à commencer du jour de fon arrivée
à l'armée jufqu'à celui de ſon départ de l'ar-
-mée pour rentrer dans le Royaume. L'uniforme
du Corps des Grenadiers de France confiſtera en
un habit bleu , revers , collet , paremens & doublure
citron , avec des agrémens blancs ſur l'havefte
& culotte blanches , poches ordinaires ,
garnies de trois gros boutons & autant fur le
parement , fept petits au revers , & quatre gros
deffous ; boutons blancs & plats avec une roſe au
milieu. Les Grenadiers feront coeffés de bonnets
de peau d'ours avec une plaque blanche au - devant
marquée des Armes du Roi. Sa Majesté veut
que le Corps des Grenadiers de France foit affujetzi
à toutes les régles preſcrites par fon Ordonnance
du ro Décembre de cette année , concernant l'Infanterie
Françoife.
MORTS.
Marie- Joſeph de Rebé , veuve de Marie- Eleonor
du Maine , Marquis du Bourg , Brigadier
des Armées du Roi , & Inſpecteur Général de la
Cavalerie , eft morte le 7 de ce mois , âgée de
79 ans.
Marie de Nize de Brague , Demoiſelle de confiance
de Madame Louife , eft morte à Verſailles
le 14 , âgée de foixante ans.
Le Marquis d'Anlezy , Lieutenant - Général des
Armées du Roi , Lieutenant- Général au Gouvernement
de Bourgogne , & Commandant de
cette Province , y eft mort depuis quelques jours.
Marie- Magdeleine- Louife- Catherine de Samfon
de Lorchere , veuve de François d'Epinay
de Saint-Luc , Marquis de Lignery , Meſtre- de-
Camp
1
FEVRIER. 1763 .
193
Camp de Cavalerie , eſt morte à Paris le 16 âgée
de foixante - dix ans .
Pierre- François-Thomas de Borel , Comte de
Manerbe , Lieutenant-Général des Armées du
Roi, Commandeur de l'Ordre Royal & Militaire
de S. Louis , Gouverneur de Joux & Pontarlier ,
ancien Lieutenant & Aide-Major- Général des Gardes-
du-Corps du Roi , né le 17 Février 1686 , a
fervi Sa Majesté avec grande diftinction plus de
cinquante ans. Il avoit premiérement épousé en
1721 Marie-Françoife de Borel de Clarbec , fa
coufine germaine , morte fans enfans en 1747 .
Deuxièmement , le 9 Avril 17 50 , Henriette- Marie-
Jofephine de la Boiffiere- Chambors , fille de
Jofeph-Jean- Baptifte de la Boiffiere, Comte de
Chambors , & de Marie-Anne -Angélique de la
Fontaine Solare , de laquelle il n'a point auffi eu
d'enfans. La Maiſon de Borel est très - ancienne :
fes armes font de gueules à la bande d'azur , chargée
de quatre vairs , acoftés de deux lions rampans
d'or. Elle prouve fa nobleffe depuis lan
1015 , ainfi qu'il eft rapporté dans la recherche
faite en Normandie l'an 1463 devant M. Rémond
de Montfault , & a poffédé la Baronie de
Manerbe , près de Lizieux , de temps immémorial.
Elle eft alliée aux Maifons de Courcy , de
Harcourt , Martel , Nocey , Prefteval , Maillor ,
Mony, Vipart , Malet de Graville , Olmont , Sikingal
, aux Pays- Bas ; Hauttefort , Catteville ,
Lanquetot , Mailly & Mouchy-Hoquincourt
dont étoit Anne de Mouchy fa mère.
Louis- Philippe de Borel , Comte de Charbec ,
le feul mâle de cette Maiſon en Normandie , a
pour fille unique Jeanne-Elifabeth de Borel
mariée au mois d'Octobre 1750 à Claude- Daniel
, Marquis de Boisdennemers , Maréchal
I
>
194 MERCURE DE FRANCE.
1
de Camp , & Enfeigne des Gardes- du Corps de
Sa Majefté dont elle a eu plufieurs enfans .
Le 31 Décembre dernier les Bénédictins de
l'Abbaye de Saint Germain- des- Prés ont fait un
Service Solemnel pour tous les Officiers & Soldats
qui ont perdu la vie dans la dernière campagne.
Il y a eu un femblable Service dans
toutes les autres Maiſons de la Congrégation de
Saint- Maur.
Ily a eu dans cette Ville pendant l'année 1762
dix-fept mile huit cens neuf Baptêmes , dix- neuf
mille neuf cens foixante fept Morts , quatre mille
cent treize Mariages , & cinq mille deux cens
quatre-vingt-neuf Enfans - Trouvés.
ARTICLE VIII.
ECONOMIE ET COMMERCE.
PRIX des Grains pendant la fin de
Janvier.
FROMENT ( le feptier) 15 l . 10 f. 16 l . 5 f.
Ilen a été vendu à 12 1. 10 f.
Seigle , 7 l. 15 f. 9 l.
Orge , 9 1.5 f. 10 l .
Avoine , IS 19 1.
Ayoine , 16.1. à 16 1. 10f.
Menus Grains.
Sarrazin , 8 1. à 8 l . 10 f.
Vefce , 16 1. 10 à 17 l.
Lentilles , 24 l . 52 1.
Haricots , 28 à 36 1.
FEVRIER, 1763 .
195
Poids verds , 22 à 54 l .
Féveroles , 14 à 14 1. 10 f.
Féves Suilles , 22 à 42 1 .
VOLAILLES à lafin de Janvier.
1.
Gros Chapon ( la piéce ) 4 1. 10 f. 4 l .
Poularde , 3 1. 10 f. 3 1.2 1. 10 f.
Gros Dindon , l . 106.41.
Dindon commun , 3 l . 10 f. 3 1. à 2 l. 10 f
Poulet gras , I l. Is f. I 1. 10 f. 1 1. s f.
Poulet commun , Il. S f. 1 1. & 15 f,
Levreau , 3 1.2 1. 10 f.
Lapreau , l . 10 f. 1 1. s fil. 1
Canard fauvage , 2 l. 1of. & 2 1.5 6.
Cercelle , 2 1. & 2 1. 10 f.
Bécaffe , 3 1. & 2 l. 5 f.
Bécaffine , 1 l. 10 f. 1 l . 5 f. & 1.l.
Canard paillé , 1 l. 10 f. & 1 1.
Pigeon , 1 l. f. 1 1. & 15 f.
Agneau , 91. 10 f. 9 1. & 7 l .
Cochon de lait , 7 l . 6 l . & 4 1. 10 f.
Oye , 2 l. 10 ſ. 2 l.
Allouettes , ( le paquet ) 1 l . 10 f. & 1 l . 5 f.
Beurres & Eufs pendant le même
Le Beurre d'Iffigny , 14 f. la livre.
temps.
Le Beurre de Gournai , 17 f. celui de Chartres ,
9 f. celui de Lonjumeau , 8 à 9 f.
Les Eufs de Gournai , 37 l . le millier , ceux de
Lonjumeau , 36 1. & les OEufs Picards , 34 1.
Fourrages.
La Paille a été vendue à la Porte S. Martin 16 1.
le cent.
Le Foin a été vendu à la Porte S. Michel 35 1
36 1, le cent .
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
AVIS DIVERS.
Mlle FELLOIX , chez M. JORRY Libraire-Imprimeur
, rue & vis - à- vis la Comédie Françoiſe ,
au Grand Monarque , a une collection de 1800
Pierres de compoſition , de différentes couleurs ,
imitant les Pierres fines ; repréſentant divers
Sujets , éxécuté d'après les Pierres antiques gravées
, qui font dans le Cabinet du Roi & chez
plufieurs Princes François & Etrangers. Le prix
defdites Pierres eft depuis une livre jufqu'à fix
livres. En lui envoyant des Portraits , Medailles ,
Cachets ou des Armes gravées , elle en tire des
Copies de différentes couleurs qu'elle vend fix
livres piece. S'il fe trouvoit quelque curieux qui
voulut faire acquifition de cette collection entiere ,
elle s'engageroit à lui enfeigner la maniere de les
travailler , ainfi que les fouffres de couleurs différentes
& les Plâtres , 'dont elle a une grande quantité
dans d'autres fajers que les pierres ; comme
l'Hiftoire de Louis XIV , celles des Rois d'Angleterre
& des Ducs d'Aquitaine , ainſi que les Padouins
qui font dans le cabinet de Ste Geneviève , &
plufieurs Têtes modernes d'hommes favans qui
ont connus.
Les Tablettes d'Angleterre , pectorales & flomachales
, trouvées par lefieur ARCHBald.
CES Tablettes font un remède fûr & infaillible
contre les Maladies ordinaires de la Poitrine & du
Poulmon , telies que le Rhume , la Toux & l'Enrouement
, &c. Elles préviennent l'Afthme , la
Phtifie , la Poulmonie, & diffipent les humeurs
qui fe fixent fur la Poitrine , & dont l'irritation
occafionne des efforts continuels pour touffer.
FEVRIER. 1763 . 197
"
Ces Tablettes , par leurs vertus balfamiques &
nutritives , guérillent les tendres vaiffeaux de
l'efto mac , qui font fouvent lacérés par fes mouvemens
convulsifs ; & en fortifiant les organes ,
elles aident à la digeftion , & ne manquent
jamais d'avancer la chylification .
Ces Tablettes fe fondent dans l'eau comme
du fucre ; le goût en eft des plus agréable , & ne
manque jamais de corriger l'haleine & les exhalaifons
impures de l'eftomac .
Manière de fe fervir de ces Tablettes .
Quand on est enrhumé ou enroué , on prend
une de ces Tablettes dans la bouche , cù elles fe
fondent comme du fucre. On le répéte toutes les
fois que la toux devient incommode , & on en
peut prendre ainfi cinq cu fix fois par jour , ce
qui préviendra en même temps les maladies
dont le poulmon eft fi fouvent attaqué. Ceux
qui ont l'estomac foible , ou mauvais gout dans
la bouche , en prennent également cinq ou fix
par jour , ou plus ou moins . La quantité ne fauroit
nuire en aucune façon ; l'épreuve qu'on en
peut faire en laiffant fondre une de ces Tablettes
dans un verre d'eau , fera voir qu'il n'y entre
rien de pernicieux , & que la compofition eft bienfaifante
& des plus falutaire.
Ces Tablettes fe vendent chez LEBRUN , fuc
ceffeur dufieur LEDUC , Marchand Epicier , rue
Dauphine , au Magafin de Provence , à 36 fols la
Boëte.
Par Privilége exclufif , Permiffion & Lettres-
Patentes du Roi , enregistrées au Parlement
de Paris.
Le fieur de SIGOGNE , neveu du feu feur
I iij
198 MERCURE DE FRANCE .
DE SIGOGNE , Médecin des Cent Suiffes de la
Garde du Roi , donne avis au Public qu'il eft
feul poffeffeur , & tient du feu fieur de Sigogne
fon oncle , avec lequel il a travaillé pendant plufieurs
années , le fecret de la compofition del'Elixir
connu fous le nom d'Huile de Vénus .
M. le premier Médecin de Sa Majeſté , après
avoir vérifié par lui-même fes opérations pour
cette compofition & avoir reconnu toutes les
propriétés de cet Elixir , a donné au fieur de Sigogne
un Brévet & Privilége exclufif le s Avril
1761 , lequel a été enregiftré en la Prévôté de
l'Hôtel du Roi le 9 des mêmes mois & an.
Sa Majefté elle même voulant récompenfer
en la perfonne du fieur de Sigogne neveu , nonfeulement
le mérite de l'invention de fon oncle ,
mais encore les travaux & connoiffances perſonnelles
, a eu la bonté de lui accorder le 20 Février
1762 des Lettres-Patentes portant privilége .
exclufif pour la compofition & débit de cet Elixir
dans toute l'étendue du Royaume : elles ont été
enregistrées en la Cour de Parlement de Paris le
31 Juillet 1762 , fur les certificats des Doyen &
ancien Doyen de la Faculté de Médecine de Paris ,
& avis de Meffieurs les Lieutenant- Général de
Police & Procureur du Roi au Châtelet de Paris ,
donnés les 2 & 14 du même mois de Juillet , en
exécution d'un Arrêt préparatoire du 30 Juin
précédent.
Depuis , & par autre Arrêt du 4 Septembre
1762 , ladite Cour de Parlement , pour prévenir
tous les inconvéniens qui pourroient tromper le
Public , empêcher la contrefaction de cet Elixir ,
& même l'annonce faite par plufieurs perfonnes
qu'elles tenoient du feu fieur de Sigogne fon
fecret avec fon cachet ; a fait défenſes à toutes,
JANVIER. 1763. 199
perfonnes , de quelque qualité & condition
qu'elles foient , de contrefaire , vendre & débiter
ledit Elixir connu fous le nom d'Huile de
Vénus , & de fe fervir du nom & cachet du feu
hieur de Sigogne , fous les peines portées par
l'Arrêt.
Propriétés de l'Huile de Vénus.
Cet Elixir , un des plus puiffans ftomachiques
qu'il y ait , rétablit par fon ufage continué les
eftomachs les plus foibles , en en prenant tous
les jours une cuillerée à bouche uhe heure où
deux après le repas.
Cette Huile fortifie les vieillards , en confumant
cette pituite froide & crue qui les accable ,
aide à faire la digeſtion , & fortifie le cerveau &
toute l'oeconomie animale.
1
Elle procure les régles aux filles & aux femmes
, en réparant le vice des fermens de l'eftomach
, & en donnant de la fluidité aux humeurs
excrémenteufes qui doivent s'évacuer tous les
mois ; & c'eft de-là principalement que dépend
la fanté ou la maladie du fexe.
Elle diffipe & calme toutes fortes de vapeurs ,
en en prenant une cuillerée ou deux , & buvant
un verre d'eau fraîche par -deſſus.
Elle facilite merveilleufement les accouchemens
laborieux on en prend dans le travail jufqu'à
quatre cuillerées , & même fix : la quantité
ne peut jamais faire de mal .
C'eft un des plus puiffans Spécifiques pour calmer
& guérir fur le champ toutes fortes de coliques
; on en prend une ou deux cuillerées .
C'eft un excellent cordial pour les petites véroles
; on en mêlange une , troifiéme ou quatrième
partie avec les eaux de chardon- bénit eu de fca-
I iv
200 MERCURE DE FRANCE .
bieuſe : on en donne plus ou moins , fuivant que
la nature l'indique.
Cette Huile peut s'employer avec fuccès dans
les affections fcorbutiques : fon uſage continué
d'une cuillerée ou deux par jour après le repas ,
garantit de ces maux dangereux , ou en arrête
le progrès , en confumant cet acide fixe & froid
qui ronge la tiffure du fang , & fouvent même les
os ; ce Reméde pouffe au dehors par les excrétions
& les fecrétions naturelles.
Une ou deux cuillerées de cette liqueur arrête
fubitement le mal de mer ; c'eft à- dire ces dégoûts
, ces défaillances , ces naufées , ces vomiſ-
Lemens affreux , qui font occafionnés par le
mouvement du vaiffeau & par l'odeur de la
mer.
De toutes les liqueurs connues , il n'y en a
point de fi agréable que celle- ci pour le goût ;
d'ailleurs , bien différente des autres liqueurs ordinaires
, celle- ci ne peut jamais faire de mal ,
quelque ufage que l'on en falle.
Elle ne s'évente jamais , & plus elle eft gardée
, meilleure elle eft , & pour les qualités &
pour le goût.
י ז
Le prix de la Bouteille eft de 5 liv. Ily a des
demies bouteilles de 8 liv. & despetites de 4 liv.
La demeure dufieur DE SIGOGNE eft à Paris
rue de Perpignan en la Cité , la première porte à
droite en entrant par la rue des Marmouzets , au
premier. Les perfonnes qui écriront au Diftributeur,
font priées d'affranchir leurs Lettres.
FEVRIER. 1763 .
201
A LACROIX DE LORRAINE ,
A La Source du Parfait - Amour.
MICHELIN , Marchand Epicier & Diſtillateur
, demeure rue & près les Capucines , vis- àvis
la Place de Vendôme ; Tient & Fabrique les
Superfines Liqueurs de Lorraine & autres Pays
Etrangers ;
Marafquin ,
Bologna ,
Huile de Vénus ,
SÇAVOIR ,
Eau des Barbades d'Angleterre ,
Eau de Dardel ,
Eau de Meliffe
Scuba rouge d'Angleterre ,
Eau de Fleur d'Orange ,
Cinnamomum rouge ,
Rhubarbe >
La Vanille ,
Liqueur de Macis ,
Bergamotte rouge ,
Parfait - Amour
Scuba jaune ,
Scuba blanc .
Fine Orange ,
Superfin de Saffran ,
Cédra blanc
Crême de Barbades ,
Cinnamomum
,
Eau Couronnée ,
12
1.
12.1
12 1.
6. 1.
6 1.
6 l.
6 1.
6 L
.6 1.
61.
6 1.
}
6 1 .
6 1.
6 1
6 1.
6
6 1.
6 1
61
61.
6 น.
Liqueur d'Abricot ,
Larmes de Portugal ,
Roffolis rouge ,
Roflolis blanc ,
I v
202 MERCURE DE FRANCE.
Badian des Indes ,
Pondichery blanc ,
Pondichery rouge
Liqueur à la Dauphine,
Bergamotte ,
Chocolat ,
6 1.
6 l.
6 1 .
6 1.
61.
Caffé ,
Cachoux ,
6 1.
6 1:
Les Sept Graines , 6.1.
La Bequillette ,
6 1.
Unique Parfaite , 6 1.
Thériaque ,
6 l.
Quinquina ,
6 1.
La Renommée d'Ecoffe , 6 1.
Limette des Indes , 6 1.
Aigle d'Inde , 6 1.
Framboife blanche , 6 1.
Crême de Florence , 6 1.
Carolina ,
6 1.
Crême de Fleur d'Orange , 6 1.
La Capucine rouge ,
Liqueur de Jafmin ,
Archiepifcopale ,
Framboiſe ,
Superfin de Geniévre ,
Le Coing ,
Perficot ,
La Capucine blanche,
Angelique blanche ,
Angelique rouge ,
Fenouille ,
s 1.
sl.
s.1.
sl.
s l.
sl.
sl.
5 1.
5 1.
5 1.
5 l.
Citronelle ,
5 1.
Le Rouffillon > s l.
La Coriandre ,
L'Eillet ,
Efprit de Coclearia ,
Eau Sans- Pareille ,
s l.
·S. 1.
sļ
FEVRIER, 1763 103
Vin d'Alicant ,
Ratafiat de Fleur d'Orange ,
Eau Divine ,
Broux de Noix ,
Anis des Indes ,
Hypothéque Royal ,
Quatre Fruits rouges ,
Crême de Pêche ,
Ratafiat de Griotte ,
Kirs Wafer ,
Efprit de Lavande ,
4 1. 10 í.
4 l. 1o f.
4
.1.
4 1.
4 l.
4 1.
4 1.
4 1,
4 l.
4 1 .
Elprit-de-Vin ,
4 1.
Ratafiat de Coings ,
3 l.
Ratafiat de Caffis ,
3 1.
Ratafiat de Géniévre ,
3 l.
Ratafiat Mufcat ,
3 1.
Ratafiat de Noyau ,
3 l.
Ratafiat d'illet , 3 1.
Ratafiat de Ceriſe ,
3 l.
Eau de Lavande >
Lavande à l'infufion ,
Elprit de Vulneraire ,
3 1.
3 l
3 1.
Eau de la Reine d'Hongrie ,
5 10
Il fait & vend auffi toutes fortes de Sirops ,
& le véritable Thériaque de Venife , en gros &
détail. Le tout à jufte prix A PARIS .
NOUVEL Avis , concernant le Spécifique antivénérien
du Docteur FELS , premier Médecin &
·Bourgmestre de la ville de Scheleftat en Alface.
La Dame veuve du Docteur Fels ayant obtent
un Arrêt du Confeil d'Etat du Roi , par lequel Sa
Majefté lui a permis de continuer de compofer
& d'adminiftrer , ou faire adminiftrer par fes Pré-
I vj
204 MERCURE DE FRANCE.
pofés , tant à Paris , fous l'infpection & direction
de M. Caumont , Médecin ordinaire du Roi ,
que dans les Provinces du Royaume , le Remède ,
ou Spécifique anti - vénérien , dont fon mari a fait
la découverte , en fit publier peu après cette
obtention , les propriétés effentielles & très-intéreffantes
pour le Public . ( Voyez le Mercure
d'Août 1762 & la Feuille des Affiches du 19 Juillet
même année , &c. ) Mais , comme elle ne put
alors accompagner fon Avis ou Inftruction d'un
Extrait de Piéces juftificatives propres à prouver
& conftater l'excellence & les avantages de ce
Spécifique , ces Piéces étant pour - lors fous les
fcellés appofés après le décès de fon mari ; elle
croit devoir maintenant faire part au Public de
quelques-uns des principaux faits qui y font
énoncés & atteftés par pluſieurs Médecins & Chirurgiens
très- célébres .
1. Trois Atteftations qui prouvent très- authentiquement
qu'une femme de la Paroiffe d'Ablincourt
, Diocèle de Noyon , enceinte de 4 mois
& demi , ayant tous les fymptômes les plus graves
& les plus caractériſtiques de la V .... a été parfairement
guérie en huit jours par l'ufage de la Tifane
ou Apozême du Docteur Fels. Ces Atteftations
font fignées par M. Petit , premier Médecin de S.
A. S. Mgr. le Duc d'Orléans ; par M. Guérin ,
Chirurgien- Major des Moufquetaires Noirs , &
M. Moreau , premier Chirurgien de l'Hôtel- Dieu
de Paris. Il est à remarquer que le reste du temps
de la groffeffe de cette femme s'elt paflé en parfaite
fanté , & que l'enfant dont elle eſt accouchée
à terme & très - heureufement , ne s'est trouvé
affecté d'aucun fymptôme de maladie vénérienne.
2. Trois autres Atteftations , par lesquelles
FEVRIER. 1763 . 205
Te même M. Petit , M. le Thieullier & M. Cantwel
, Docteurs Régens de la Faculté de Médecine
de Paris , certifient que le mari de cette même
femme avoit auffi les fymptômes véroliques
les plus graves , lefquels fymprômes ont été en
outre reconnus tels par M. de Senac , premier
Médecin du Roi , par M. Quefnay , M. de la
Sone , MM. le Gagneur , Caumont , Hevin ,
Duval & autres Médecins & Chirurgiens de la
Cour & de la ville de Verſailles , où ce malade a
été traité fous leurs yeux , jufqu'à parfaite guérifon
, obtenue en pareil efpace de temps que la
précédente.
3º. Un Certificat de M. M... Capitaine de
Dragons & Chevalier de S. Louis , par lequel cet
Officier attefte qu'il a été parfaitement guéri par
la Tifane du Docteur Fels , d'une maladie vénérienne
très-grave & très-invétérée , qui l'avoit réduit
à une telle extrémité , que l'on défefpéroit
de la vie.
4. Une Déclaration volontaire , paffée devant
Me Deruelle & fon Confrère , Notaires à Paris ,
par le fieur D ... bourgeois de Paris , contenant ,
qu'après avoir été traité d'une maladie vénérienne
par plufieurs Chirurgiens , qui l'avoient manqué
(ce font les termes.) il a été parfaitement guéri par
le Reméde fpécifique qui lui a été confeillé & adminiftré
par M. Fels.
5º. Une Lettre de M. Monnet , par laquelle il
déclare que dès le neuvième jour •qu'il a fait
ufage de la Tifane du Docteur Fels , il a été délivré
de très vives douleurs de tête , de bras & de
jambes , qui le tourmentoient depuis long- temps ,
& qu'aucuns remédes n'avoient pu guérir ; qu'il
avoit confulté plufieurs Médecins , qui n'avoient
pu découvrir aucun fymptôme qui caractériſâr la
206 MERCURE DE FRANCE.
V.... mais que , fur quelques foupçons , il s'étoit
déterminé à prendre ce Remède , par lequel il
certifie avoir été parfaitement guéri en vingtquatre
jours , jouillant préfentement de la meil
leure fanté en foi de quoi , ce généreux Citoyen
a confenti que ce fait fût rendu public , & qu'on
le nommâr , pour lui donner plus d'authenticité.
On pourroit encore rapporter plufieurs autres
guérifons de maux vénériens de toutes eſpèces ,
& notamment de plufieurs caries , exoftoles &
autres maladies affectant les os , les cartilages ,
&c. que cet excellent Spécifique a radicalement
détruites ; mais les perfonnes qui ont été guéries
ne confentant pas d'être citées , on les doit
paffer fous filence ; d'autant plus que les fairs cideffus
rapportés fuffifent pour faire connoître évidemment
que ce Reméde eft un Spécifique certain
contre toute maladie vénérienne , foit récente
, ſoit invétérée , ſoit héréditaire , &c . &
que , de plus , un de fes effets particuliers eft de
réuffir parfaitement dans la cure des maladies
vénériennes qui ont réfifté à l'uſage du mercure
le mieux adminiftré ; avantage dont l'humanité
étoit privée avant la découverte de ce précieux
Reméde. Une remarque qu'il eft encore trèsnéceffaire
de faire , & qui ajoûte beaucoup à
l'importance de ce Spécifique , c'eft qu'il eft compofé
fans aucun ingrédient mercuriel , & par conféquent
exempt de tous les inconvéniens inféparables
du mercure.
M. Caumont efpere donner dans peu les obfervations
qu'il a faites fur ce Reméde & fur les
effets , depuis qu'il eft fous la direction.
Sa demeure eft à Paris , rue de Bourgogne ,
près de la rue de Varenne .
FEVRIER. 1763. 20
Madame Fels demeure toujours rue Quincampoix
, près de la rue de Venife , même maifon
que M. Arnoult , ancien Epicier- Droguifte.
Il eft bon de rappeller ici , en faveur des perfonnes
qui pourroient n'avoir pas été à portée de
lire les ouvrages périodiques où il a été fait mention
de ce Reméde , ce qui a déja été dit ſur ſes
propriétés.
Ce Spécifique eft un Apozême dont on boit trois
verres par jour.
Il a l'avantage , 1º. de guérir les maladies vénériennes,
fans jamais caufer de falivation , étant
compofé , comme on vient de le faire remarquer
, fans aucun ingrédient mercuriel.
2º. Les préparations qui le précédent fe font
-en très-peu de jours , les bains n'y étant pas néceffaires.
3º. Pendant l'ufage de ce Reméde , qui ne dure
ordinairement que vingt - quatre jours , on n'eſt
point aftreint à garder la chambre : on peut
même vaquer aux affaires qui ne caufent point
trop de fatigue & n'exigent point une trop longue
contention d'efprit , ayant foin néanmoins
de ne fe pas expofer aux injures de l'air.
4°. Ce Spécifique n'a rien de contraire aux
eftomachs débiles ni aux poitrines délicates ; il
en eſt même fouvent le véritable antidote , principalement
lorsque la langueur ou le mal- aife
de ces organes provient de quelques anciens
réfidus , vénériens maſqués ou dégénérés , comme
il n'arrive que trop communément à ceux qui
ont eu dans la jeuneffe certaines galanteries imparfaitement
terminées.
> s . Ce Reméde agit avec tant de douceur
que M. Fels , ainſi qu'on l'a vu ci-deffus , l'a
employé pendant le cours de la groffeffe même ,
208 MERCURE DE FRANCE.
avec le plus heureux fuccès ; & de même , pour
les enfans à la mammelle , en le faiſant boire à
leurs nourrices.
60. Loin d'être affoibli ou maigri par fon
ulage , on y recouvre les forces & l'embon
point détruits ou diminués par la maladie.
LETTRE de M. GUERIN , Chirurgien-Major
des Moufquetaires du Roi , à l'Auteur du Mer-
Cure.
Je croirois manquer au Public , Monfieur , fi
je ne vous priois de vouloir bien inférer dans
le prochain Mercure un fait dont il eft bon de
l'éclaircir & que voici.
J'ai vu avec étonnement dans la feuille des
Affiches du mois de Janvier que Madame Fels ,
pour accréditer vraisemblablement le remede
qu'elle diftribue pour les maladies vénériennes ,
a annoncé un Certificat de M. Moreau & de
moi. Comme j'étois perfuadé de n'en avoir pas
donné , n'ayant pas plus l'honneur de la connoître
que fon Reméde , ainfi que les effets , j'ai
cru qu'il convenoit , avant d'en faire mon défaveu
, que j'éclairciffe les raifons qui pouvoient
avoir engagé Madame Fels à me citer , & je
me tranſportai à cet effet chez elle . Ne l'ayant
pas trouvée , & M Arnoult , Auteur des Sachets
apoplectiques , m'ayant demandé ce que je voulois
, & dit qu'il étoit en état de répondre à mes
queftions , je l'interpellai fur le prétendu certificat
de M. Moreau & de moi , & le priai de me
le faire voir , ce qu'il fit en me tirant deux papiers
, dont effectivement je reconnus l'un pour
être de mon écriture , & fur lequel au lieu
' d'être un certificat , ainfi qu'il le difoit , étoir
FEVRIER. 1763. 209
un énoncé pur & fimple de différens fymptômes
d'une maladie vénérienne , pour laquelle une
femme m'étoit venu confulter avec M. Moreau ,
mon confrère , il y a environ trois ans , & qui
avoit également confulté M. Moreau , mon confrère
, Chirurgien- Major de l'Hôtel- Dieu .
Mais comme depuis ce temps je n'ai plus entendu
parler de ladite femme , que j'ai ignoré fi
elle avoit été traitée , & par quel remède , fi elle
avoit été guérie ou non , & que par conféquent je
n'avois point donné de certificat , je vous réïtére
que j'ai vu avec le plus grand étonnement
que l'on m'avoit cité pour l'avoir donné avec autant
de légéreté .
Quant à celui de M. Moreau , fon prétenda
certificat eft le même énoncé que le mien , & il
protefte ainfi que moi qu'il n'en a pas donné.
Je finis en ajoutant que je crois devoir ce témoignage
à la vérité. Les certificats en fait de
remèdes nouveaux me paroiffant pour le Public
de la derniere conféquence , & trouvant fort
mauvais que l'on me faffe parler d'une choſe
que je ne connois point , & fur laquelle je n'ai
rien dit.
J'ai l'honneur d'être & c.
Paris , le 31 Janvier 1763.
GUERIN.
Le fieur TORRE , Italien , Phyficien dont les
talens ont mérité l'attention des Miniftres qui
ront employé pour le Service du Roi , avertit le
Public qu'il démontre les plus belles Expériences
Phyfiques , ce qu'il y a de plus curieux dans l'Electricité
, les plus rares Phénomènes du Microf
210 MERCURE DE FRANCE .
cope , les plus belles Expériences du Vuide , &
une infinité d'autres dont il retranche le détail
il prend liv . par perfonne.
Il vend toutes fortes d'inftrumens de Phyfique
ou qu'il compofe ou qu'il fait fait venir d'Angleterre
, comme Microſcopes fimples & folaires
& Machines Electriques d'une nouvelle conftruction
, Télescopes de toutes grandeurs , doubles
Pompes Pneumatiques avec tout ce qui en dépend
, toutes fortes de lunettes d'approche , celles
de l'invention du fieur Dolon à double objectif
ou à 7 verres toutes de Barométres &
Thermometres, & montre l'ufage aux Acheteurs .
Il demeure dans la premiere Cour des Quinze-
Vings à droite au premier Etage.
AUDOU , Maître Vitrier , rue S. Vidor , vis- àvis
le Séminaire de S. Nicolas , proche la rue
du Paon : Tient magafin de très-beaux verres
blancs de Bohême & autres propres aux Eftampes
, Paſtelles , Voitures , Pendules , Mignatures ,
& pour les croifées . Il monte les Eftampes en
Bordures de toutes couleurs . Il colle les Cartes
Thèles , fur toile : Entreprend le Bâtiment . Le
tout à jufte prix . A Paris.
AVIS AU PUBLIC ,
REMEDE EXTERIEUR.
Le fieur THIEBAULT , Fayancier , Cour de la
Trinité , à Paris , diftribue avec fuccès des Sachets
d'une poudre ayant la vertu de faire évacuer
le lait aux Femmes en couche , & fans qu'il
en puille arriver aucun accident .
•
FEVRIER . 1763. 211
MANIERE de s'en fervir.
En appliquant le Sachet extérieurement fur
l'Eftomach ou fur le côté , à cru fur la peau : le
troifiéme jour il faut le faire fécher au feu l'efpace
d'une heure , & tous les trois jours en faire
de même.
Les prix font de a liv. & i liv. 10 f.
2
APPROBATION.
J'ai lu , par ordre de Monſeigneur le Chancelier ,
le Mercure de Février 1763 , & je n'y ai rien
trouvé qui puiffe en empêcher l'impreffion. A
Paris , ce 31 Janvier 1763. GUIROY.
TABLE DES ARTICLES.
PIECES, FUGITIVES EN VERS ET EN PROSE.
ARTICLE PREMIER.
HOTELS Horezs des deux Compagnies des Moufquetaires
.
LA Lotterie de l'Amour.
JUPITER & Junon.
A une Demoiſelle.
A Uranie.
Page 5
26
27
29
30
31
SUR une Dame à qui on a donné le nom
de Circé.
MAL A PROPOS, ou l'exil de la Pudeur. Poëme
allégorique.
212 MERCURE DE FRANCE .
ODE fur la Paix . Par M. le Chevalier de
Viguier.
INSCRIPTIO Ludovici XV.
CHANSON fur le mariage de Mlle d'Allencourt
, avec M. le Marquis de Noailles .
A Madame la N *** , lifant la Comédie
des Grâces .
RÉPONSE honnête d'un homme très-honnête
& c.
EPITRE à M. l'Abbé Camu , à Verſailles .
43
47
48
st
53
VERS à Madame & M. de la Belouge , Con-
Leiller au Parlement de Paris. 36
VERS à Madame la Marquife de M .... au
Bal de Verſailles. 58
ENIGMES. $9 & 60
LOGOGRYPHES. 62 & 62
GRAVURE.
63
ART. II. NOUVELLES LITTÉRAIRES.
HISTOIRE de France depuis l'établiſſement
de la Monarchie , jufqu'au régne de
Louis XIV. par M. Villaret. Tomes II
& 12.
LETTRE de M. Marin , Cenfeur Royal & de
Police.
AVERTISSEMENT au fujet du Corps complet
de l'Agriculture , du Commerce & des
Arts & Métiers de France , dédié au Roi ,
fous le titre de l'Agronomie & de l'Induf
trie , &c.
L
MÉLANGES de Phyfique & de Morale , contenant
l'Extrait de l'Homme Phyfique &
Moral , & c.
A l'Auteur du Mercure.
ANNONCES de Livres.
64
75
79
89
94
97 &fuiv.
FEVRIER. 1763 .
213
ARTICLE III. SCIENCES ET BELLES -LETTRES.
ACADÉMIE S.
EXTRAIT de la Séance publique de la Société
Littéraire de CLERMONT en Auvergne.
PROBLEME de Géométrie.
ART. IV. BEAUX - ARTS.
ARTS UTILES.
CHIRURGIE.
EXTRAIT de deux Lettres de M. Dumont fils
à M. Le Cat , Ecuyer , &c.
HORLOGE RĮ E.
ESSAI fur l'Horlogerie ; par M. Ferdinand
Berthoud , Horloger à Paris .
OBSERVATIONS fur une Opération de la
Taille .
ANATOMIE.
EXPOSITION anatomique de la ftructure du
corps humain , en vingt grandes Planches
imprimées en couleurs naturelles ,
par M. Gautier.
ARTS AGRÉABLES .
MUSIQUE.
GRAVURE.
102
113
114
119
130
136
738
139
SUPPLEMENT à l'Article des Piéces fugitives . ibid.
A l'Auteur de la Comédie de DUPUIS &
DESRONAIS.
DEUXIÈME LETTRE d'une jeune Etrangère ,
fur les Modes actuelles des Françoiſes .
LE Cygne Roi & fes Sujets, Fable.
MADRIGAL à Madame ***.
VERS pour accompagner un Tableau de
M. Amédée Vanloo , repréfentant différentes
vertus.
140
141
144
146
147
214 MERCURE DE FRANCE.
ART . V.
SPECTACLES.
SPECTACLES de la Cour à Verſailles.
148
SPECTACLES DE PARIS.
OPÉRA.
156
COMÉDIE Françoiſe. 176
COMEDIE Italienne .
178
ART. VI. Nouvelles Politiques. 179
MORTS.
192
ART. VIII. Economie & Commerce . 194
Avis divers.
198
De l'Imprimerie de SEBASTIEN JORRY ,
rue & vis- à- vis la Comédie Françoiſe.
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROL
FEVRIER. 1763.
Diverfité , c'eft ma devife . La Fontaine.
Cochin
Sins ima
1718.
Chez
A PARIS ,
CHAUBERT, rue du Hurepoix.
JORRY, vis- à-vis la Comédie Françoiſe.
PRAULT , quai de Conti .
DUCHESNE , rue Saint Jacques.
CAILLEAU , rue Saint Jacques.
CELLOT , grande Salle du Palais.
Avec Approbation & Privilége du Roi.
ད
EXBLIOTHECA
REGLA
MONACENSIS.
AVERTISSEMENT.
LE Bureau du Mercure eft chez M.
LUTTON Avocat , Greffier Commis
au Greffe Civil du Parlement , Commis
au recouvrement du Mercure , rue Sainte
Anne, Butte Saint Roch à côté du
Sellier du Roi.
C'eft à lui que l'on prie d'adreffer ,
francs de port,
les paquets & lettres
pour remettre , quant à la partie littéraire
, à M. DE LA PLACE , Auteur
du Mercure.
Le prix de chaque volume eft de 36
fols , mais l'on ne payera d'avance , en
s'abonnant , que 24 livres pour feize vo-
Lumes , à raifon de 30 fols piéce.
Les perfonnes de province aufquelles
on enverra le Mercure par la pofte ,
payeront pour feize volumes 32 livres
d'avance en s'abonnant , & elles les recevront
francs de port.
Celles qui auront des occafions pour
le faire venir , ou qui prendront les frais
du port fur leur compte , ne payeront
comme à Paris , qu'à raifon de 30 fols
parvolum . c'est -à- dire 24 livres d'avance,
en s'abonnant pour feize volumes.
Les Libraires des provinces ou des
Aij
pays étrangers , qui voudront faire venir
le Mercure , écriront à l'adreſſe cideffus.
On fupplie les perfonnes des provinces
d'envoyer par la pofte , en payant
le droit , leurs ordres , afin quele payement
en foit fait d'avance au Bureau.
Les paquets qui neferont pas affranchis
, refteront au rebut.
On prie les perfonnes qui envoyent
des Livres , Eftampes & Mufique à annoncer,
d'en marquer le prix.
Le Nouveau Choix de Piéces tirées
des Mercures & autres Journaux , par
M. DE LA PLACE , fe trouve auffi au
Bureau du Mercure. Le format , le nombre
de volumes & les conditions font
les mêmes pour une année. Il y en a jufqu'à
préfent quatre - vingt - fept volumes.
Une Table générale , rangée par
ordre des Matières , fe trouve à la fin du
foixante- douxiéme .
XX
MERCURE
DE FRANCE...
FEVRIER. 1763 .
ARTICLE PREMIER.
PIECES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
M.De Saint-Foixva donner inceffamment
un Supplément à fes Effais
hiftoriques fur Paris . On étoit étonné
qu'ayant fait mention de tant de palais
& d'hôtels de cette Capitale , il n'eût pas
parlé des deux hôtels des Moufquetaires ;
voici l'article qu'il nous a communiqué .
Quelle clarté , quelle netteté , quel ton
fimple , naturel & facile ! D'autres ont
A iij
6 MERCURE DE FRANCE .
marré ; M. de Saint- Foix peint. D'ail
leurs , il cite fes garans , à chaque fair
qu'il rapporté.
HÔTEL DES DEUX COMPAGNIES
DES MOUSQUETAÍRES .
Un Spartiate vantoit à un étranger
l'intrépidité avec laquelle les jeunes
gens de Sparte combattoient & s'expofoient
à tous les dangers : je ferois étonné
(a) , lui répondit cet étranger , qu'ils
ne cherchaffent pas la mort , attendu la
vie trifte , ennuyeufe & dure qu'ils menent
& que vous menez tous dans votre
république. On ne dira pas que les plaifirs
manquent à Paris ; qu'on y eft trifte
& morne comme à Lacédémone , &
que la nobleffe Françoife n'eft brave
que par mauvaiſe humeur contre la
vie.
9
La première Compagnie des Moufquétaires
fut créée en 1622, Elle fe
diftingua dans toutes les occafions. Ce
fut au pas de Suze , dont elle força les
trois retranchemens , l'épée à la main ,
que Louis XIII , qui y étoit en perfonne
, dit que ce qui lui plaifoit tou-
( a ) Vid. Craggium de Republ. Laced. Lib. 3.
Inftit. 8.
FEVRIER. 1763 . 7
jours dans fes Moufquetaires , c'étoit
cette gayeté célére avec laquelle ils marchoient
à tout ce qu'on leur difoit d'attaquer.
A la bataille des Dunes , le grand
Condé , qui fervoit alors contre la
France , les fit charger quatre fois par
des corps bien fupérieurs en nombre
fans pouvoir les dépofter du terrein
qu'ils occupoient.
La feconde Compagnie ne fut mife
fur le même pied que la première , & le
Roi ne s'en déclara le Capitaine qu'en
1665 .
2
La guerre entre la France & l'Efpagne
ayant recommencé en 1667`, à
Poccafion des droits de la Reine , les
Moufquetaires fuivirent le Roi en Flandres
, & continuerent d'y faire le fervice
à pied & à cheval à tous les fiéges. A
celui de Lille ils furent commandés
pour l'attaque de la demie-lune & l'emporterent
en moins d'un quart-d'heure .
Le lendemain le Gouverneur battit la
chamade ; & lorfque la capitulation fut
fignée , & que les Moufquetaires fe
furent emparés de la porte qu'il livroit ,
il fut étonné de voir que la plupart
étoient des jeunes gens de dix - fept , dixhuit
ou vingt ans .
En 1668 ils marcherent en Franche-
A iv
8 MERCURE DE FRANCE .
Comté : Dole fut la feule ville qui parut
vouloir foutenir un fiége ; mais à peine
avions -nous ouvert la tranchée
, que
trente ou quarante Moufquetaires (b)fe
jetterent dans le chemin couvert ; le
grand Condé arriva dans l'inftant &
voyant que leur audacieufe témérité en
avoit impofé à l'ennemi qui fuyoit , il
les fit foutenir par de l'infanterie &
réuffir dans une attaque où ils auroient
dû payer de leurs vies l'imprudence de
leur courage. Dole fe rendit le lendemain
.
,
En 1669 , Louis XIV joignit un
détachement de cent Moufquetaires aux
autres troupes qu'il envoyoit en Candie.
Ils fe fignalerent par tous les efforts
de la plus grande valeur dans la fortie
que fit le Duc de Navailles , & où la
cavalerie Turque fut mife dans une entiere
déroute . Deux jours après , ils défendirent
la brêche du côté de la Sabionnaire
, & repoufferent les Turcs à
tous les affauts qu'ils y donnerent. Deux
Maréchaux des logis & trente Moufquetaires
y furent bleffés , & deux Brigadiers
tués.
En. 1672 Louis XIV déclara la guerre
( b ) Journal de la conquête de la Franche- Comté
en 1668 .
FEVRIER. 1763. 9
la Hollande , & le 12 Juin les Moufquetaires
pafferent le Rhin à la nage
avec les autres efcadrons de la Maiſon.
Au fiége de Maſtrick , en 1673 , la
premiere Compagnie fut commandée
pour l'attaque de la demie-lune féche ,
tandis que la feconde attaqueroit les paliffades
entre cette demie-lune & l'ouvrage
à corne. On donne le fignal , elles
marchent ; & malgré la vigoureuſe réfiftance
de l'ennemi , malgré le feu des
fournaux qu'il fait jouer & les éclats terribles
des grenades qu'il jette fans ceffe ,
ces ouvrages furent emportés prefqu'en
même temps . L'action du lendemain fut
encore plus vive & plus meurtrière ; on
croyoit les logemens affurés & les
Moufquetaires étoient rentrés dans le
camp ;l'ennemi fit jouer tout-à- coup un
fourneau que nous n'avions pas découvert
dans la demie-lune ; on. dut crain --
dre qu'il n'y en eût d'autres. Farjaux ,
Gouverneur de la Place , qui s'étoit mis
à la tête des meilleures , troupes de fa
garnifon , profitant de ce moment d'al-
Farme , rentra dans cet ouvrage , en
chaffa nos foldats on commanda de
nouveau les Moufquétaires (c) pour le
2*
( o) Relation du Duc de Montmouth à Charles
II. Recueil depièces . p . 139.
Av
10 MERCURE DE FRANCE .
reprendre , & ils le reprirent ; mais
après un combat des plus fanglans &
des plus opiniâtres ; cinquante-trois
Moufquetaires y furent bleffés , trente .
fept tués avec le Comte d'Artagnan
Commandant de la première Compagnie.
Les Moufquetaires qui en revinrent
, dit Peliffon ( d ) , avoient tous
leurs épées fanglantes jufqu'aux gardes
, & fauffées des coups qu'ils avoient
donnés .
Deux fortes barricades & un retranchement
autour de l'Eglife de S. Etienne
, défendoient les approches de la citadelle
de Befançon ; les Moufquetaires ,
le 20 Mai 1674 , à dix heures du matin ,
marchent deux cens pas à découvert
fous tout le feu du canon & de la moufqueterie
de l'ennemi , forcent ces deux
barricades & ce retranchement , &
mettent nos travailleurs en état de commencer
le logement fur le glacis .
Louis XIV, le 21 Avril 1676, affiégea
Condé , une des plus fortes places du
Hainaut ; le prince d'Orange marcha
auffitôt pout la fecourir ; la communication
entre nos quartiers étoit très-difficile
à caufe de l'inondation , & nos
lignes embraffoient une fi grande éten-
( d ) T. 1. p. 325.
9
FEVRIER. 1763. 11
,
due de terrein , qu'il n'étoit pas poffible
de les défendre contre une armée , fut
elle-même bien inférieure à la nôtre ;
il falloit donc , ou marcher au devant de
l'ennemi & le combattre , ou preffer le
fiége par une attaque fi vive , que la
place fut obligée de fe rendre avant l'arrivée
du fecours. La nuit du 25 au 26
Avril , les deux Compagnies des Moufquetaires
, à la tête de plufieurs détachemens
d'infanterie , furent commandées
pour cette attaque ; fi jamais leur
valeur & l'émulation qu'elle infpire ;
ont rendu un fervice important , ce fut
en cette occafion : un jour de plus ou
de moins , dit Peliffon (e) , étoit de la
plus grande conféquence dans la conjoncture
des chofes ; ainfi les nôtres
ajoute-t-il , avoient ordre de ne fe point
arrêter , s'il fe pouvoit , que tout nefût
emporté. Tout le fut , les paliffades , le
foffé , la contrefcarpe , l'ouvrage avancé
, la feconde contrefcarpe avec des
redoutes fur fes angles faillans , & des
fourneaux au-deffous , les deux baſtions
détachés & leur courtine ; l'ennemi ,
dans aucun de ces ouvrages , ne put
foutenir l'impétuofité de nos affauts ;
( e) T. 3. p. 20 & 21 .
A vj
12 MERCURE DE FRANCE.
les (f) Moufquetaires , fuivis des Grenadiers
des régimens d'Artois & du
Maine , pénétrerent jufques dans lá
baffe ville ; le Gouverneur confterné fit
battre la chamade , envoya promptement
des ôtages , & fe rendit à difcrétion.
Dans ces différentes attaques , qui
furent fi vives qu'elles femblerent n'en
faire qu'une , il n'y eut qu'onze Moufquetaires
tués , & dix-fept bleffés ; la
Hoguette , Enfeigne de la premiere
Compagnie , y reçut un coup de pique
dans la cuiffe ; un des fourneaux fit
fauter Jauvelle , Capitaine-Lieutenant
de la feconde , & de Vins Sous- Lieutenant
; il en furent quittes pour quelques
meurtriffures.
De bonnes fortifications & bien entretenues
, des munitions de guerre &
des vivres en abondance ; une artillerie
des plus formidables für les remparts
& dans chaque ouvrage ; trois à quatre
mille hommes de garnifon ; la haine
des bourgeois contre la France , & leur
affection pour le gouvernement Efpagnol
tout fembloit annoncer que le
fiége de Valenciennes feroit long , pénible
& très-meurtrier. Le côté de la
( fJourna! du Maréchald'Humieres. Recueil de
pieces . p. 147.
FEVRIER. 1763. 13
étoit
ville qu'embraffoit notre attaque ,
défendu par une demie-lune à droite ,
& une autre à gauche , en avant d'un
ouvrage couronné , paliffadé , fraizé
& dont le foffé étoit coupé de plufieurs
traverſes. Dans cet ouvrage couronné ,
il y avoit encore une demie - lune avec
un bon foffé , le tout bien revêtu ; audelà
de cette demie-lune , un bras de
l'Eſcaut ; enfuite un ouvrage apellé le
pâté , & enfin le grand cours de l'Efcaut
, profond , rapide , coulant &
fervant de foflé entre le pâté & la muraille
de la ville dont les remparts , beaux
& larges , protégeoient par leur canon ,
& celui de deux baftions , toutes ces
défenſes extérieures . Le 9 Mars 1677
on avoit ouvert la tranchée. Le 16 au
foir , les Moufquetaires furent commandés
avec (g ) les Grenadiers de la Maifon
, & de gros détachemens du régiment
des Gardes & de celui de Picardie.
Le 17 , à neuf heures du matin ,
ils marcherent à l'attaque de l'ouvrage (h)
(g ) Les Grenadiers à Cheval , créés à la fin de
l'année 1676 , & unis à la Maifon du Roi. Cette
Compagnie ne fut d'abord que de quatre-vingtquatre
Maîtres . On les appelloit les Riotors du
nom de leur commandant.
( h) On palla derrière les deux demies- lunes
14 MERCURE DE FRANCE.
peu couronné , & l'emporterent en affez
de temps. Bientôt après , dit Peliffon
le Roi, à leurs habits rouges , diftingua
fort bien fes Moufquetaires (i) qui étoient
dans la demie-lune enfermée dans l'ouvrage
couronné ; cela paroiſſoit incroyable
, ajoute-t-il , car l'ordre étoit de fe
loger dans l'ouvrage couronné & de
s'arrêter là ; de quoi le Roi fe contentoit
pour cette fois. Si ce commencement
d'action parut incroyable , on dut être
encore bien plus étonné de la fuite. Il y
avoit , fur le petit bras de l'Eſcaut , un
pont qui communiquoit de cette demie
-lune au pâté , & à l'entrée de ce
pont , une barriere de groffes piéces de
bois pointues , avec un guichet au milieu
où il ne pouvoit paffer qu'un homme à la
fois. Tandis qu'une partie de ceux des
Moufquetaires qui y arriverent les premiers,
tâchoit d'en forcer l'entrée , les
autres monterent au haut de la barriere ,
bravant les coups de piques & de fufils ,
& fauterent de l'autre côté , l'épée à la
main ; l'ennemi épouvanté s'enfuit
avancées , fans les attaquer , parce qu'elles tomboient
d'elles- mêmes , & qu'on en devenoit les
maîtres en prenant l'ouvrage couronné qui les
dominoit.
( i ) T. 3. p. 172 .
FEVRIER. 1763. 15
.
abandonnant la défenfe du guichet ; on
le pourfuit fur le pont , on arrive au
pâté , on attaque cet ouvrage , & il fut
auffi rapidement emporté que l'ouvrage
couronné & la demie-lune ; mais on
alloit y être infailliblement écrasé par le
canon du rempart ; les Moufquetaires (k)
blancs apperçurent une petite porte qu'ils
enfoncerent ( 1) , & ils virent un
efcalier dérobé , pratiqué dans l'épaiffeur
du mur , & par lequel ils monterent
au haut du pâté ; ils y trouverent
une autre porte qui donnoit entrée dans
une galerie , conftruite fur le grand canal
de l'Efcaut , & qui les conduifit au
rempart , d'où ils defcendirent dans la
ville & enfilerent une rue au milieu
de laquelle étoit un pont fur un troifiéme
bras de l'Efcaut qui la traverſoit.
Moiffac , cornette , & la Barre , maréchal
des logis , qui étoient à leur tête
en logerent une partie dans les maifons
les plus proches , afin qu'ils puffent , des
fenêtres , protéger par leur feu ceux qui
défendroient le pont , & qui le défendirent
en effet avec une valeur incroyable
; la cavalerie de la garniſon ,
( k ) Ibid. 192 .
( 4 ) On les appelloit alors ainſi , à cauſe de
leurs chevaux blancs.
16 MERCURE DE FRANCE.
qui les affaillit jufqu'à trois fois , ne put
jamais les ébranler ni les enfoncer , mal--
gré leur petit nombre ; l'infanterie pou--
voit venir les prendre par derriere , en
paffant par le rempart ; mais elle y trouva
la plus grande partie des Moufquetaires
noirs , & les Grenadiers de la :
Maifon , qui la repoufferent vigoureufement.
La bourgeoifie s'étonnoit ;
l'Hôtel-de-Ville s'affembloit ; on entra
en quelque pour-parler avec Moiffac
qui reçut & donna des ôtages ; on députa
vers le Roi ; il en étoit temps
pour empêcher que la ville ne fut
pillée ; les foldats du régiment des Gardes
Françoifes , & de celui de Picardie
commençoient à y entrer en foule
quelques grenadiers de la Maiſon ayant
baiffé le (m) pont-levis du grand canal
de l'Efcaut. Je ne fais fi l'hiftoire , dit
Larrey , fournit bien des exemples d'une:
action fi brufque & fi heureufe , & de la
prife , en fi peu de temps , d'une grande
& forte ville qui ne manquoit de rien
(m ) J'ai dit que le grand cours ou canal de
l'Efcaut couloit & fervoit de follé entre la muraille
de la ville & le pâté ; les Moufquetaires ,.
ayant pris le pâté , feroient entrés dans la ville
pêle-mêle avec les fuyards , fi les affiégés n'avoient
pas promptement levé ce pont- levis·
17 FEVRIER. 1763.
pour fa défenfe. Tout en tient du prodige
, ajoute-t-il , & tout enfut attribué
à l'heureufe témérité des Moufquetaires.
Elle fut heureufe , parce que le fens
froid & la prudence acheverent ce que
l'ardeur & le feu du courage avoient
commencé. Tout y caractériſe la vraie
valeur , cette valeur qui éléve l'homme
au-deffus de lui-même , & qui fouvent
le fait triompher contre toute apparence .
& malgré le danger évident où il femble
s'être précipité.
Le 17 Mars 1677 , les Moufquetaires
avoient pris Valenciennes ; le 11 Avril
ils déciderent du gain de la bataille à
Caffel. Notre armée étoit commandée
par Monfieur , frere du Roi ; le Prin
ce d'Orange commandoit celle des ennemis
. Nous les prévînmes au paffage
d'un ruiffeau , & nous enfonçames &
mîmes en fuite les premieres troupes
qui fe préfenterent ; mais nous trouvâmes
aprèsplus de difficulté , dit (n) Peliffon ;
car quelques régimens d'infanterie , &
particulierement celui des gardes duPrince
d'Orange , fe firent tailler en pièces ,
fans que pas un foldat quitát fa place
&fon rang. Notre cavalerie , ajoute- t- il ,
qu'ils attendoient derriere des hayes , les
( a) T. 3.p.231.
18 MERCURE DE FRANCE.
piques baiffées , s'avanca , mais n'ofa
jamais les joindre , jufqu'à ce que les
Moufquetaires , pied à terre , deux bataillons
de Navarre & deux d'Humieres,
les allerent tous tuer , l'épée à la main.
Il dit dans une autre lettre que les Mouf
quetaires (o) étant defcendus de cheval ,
firent des merveilles , mais qu'en fe retirant
pour aller reprendre leurs chevaux,
ilsfaillirent à faire reculer quelques-
uns de nos bataillons qui lesfuivoient
, & qui crurent qu'ils avoient été
repouffés. Atravers cette narration féche
& peu exacte , repréfentons nous les
gardes du Prince d'Orange , foutenus
de deux autres bataillons , ayant devant
eux un foffé & des haies , leur premier
rang compofé de piquiers , & les
autres faifant un feu terrible fur notre
cavalerie qui tente de franchir le foffé
fe rompt deux fois & fe rebute ; on
commande les Moufquetaires , reffource
ordinaire (p) dans ces fortes d'occa-
( 0) T. 3. p. 289.
(p ) Au fiége d'Ypres , en 1678 , a l'attaque
de la contrefcarpe , nos troupes , dit Peliffon 2
( T. 3. p. 337. ) n'allerent point avec leur vigueur
ordinaire ; un détachement des Mousquetaires
ajoute- t-il , de cinquante feulement , rétablit l'affaire
; ilsfe mirent au-devant de tous , fans dire
FEVRIER. 1763. 19
fions ils mettent pied à terre , marchent
, & il femble que le foffé s'eft
applani , que les haies ont difparu devant
eux , & que leur impétueufe célérité
a devancé & rendu fans effet le feu
de l'ennemi ; ils joignent ces coloffes
armés de piques , les enfoncent , les terraffent
& font voir que la véritable
force dépend de la fupériorité de l'ame.
Laiffant enfuite achever la défaite & le
carnage aux bataillons qui les ont fuivis
, ils retournent promptement reprendre
leurs chevaux , & fe montrer
prêts à exécuter les nouveaux ordres
qu'on voudra leur donner. Ils ne tarderent
pas à en recevoir ; ils chargerent
& mirent en fuite ( q ) un corps affez
autre chofe que gare , comme s'il n'eût été queftion
que de paffer quelque chemin . Ils fe jetterent
dans la contrefcarpe , l'épée à la main , & forcerent
l'ennemi de l'abandonner. Ypres capitula le
lendemain .
En 1691 , au fiége de Mons , les deux batailfons
chargés de l'attaque de l'ouvrage à corhe ,
ayant été repouffés & paroiffant rebutés , Louis
XIV dit , avec quelque dépit , qu'il y enverroit
des troupes qui ne reculeroient pas. En effet les
Moufqueraires qu'il y envoya le lendemain , prirent
cet ouvrage.
(q ) Mémoires des expéditions Militaires de la
guerre de Hollande.
20 MERCURE DE FRANCE.
confidérable de cavalerie qui faifoit
différens mouvemens für leur gauche ,
& dont l'objet étoit de s'approcher de
S. Omer (r) & d'y jetter du fecours.
Le lendemain de cette mémorable
journée , Monfieur , en envoyant quelques
ordres aux commandans des deux
Compagnies , leur écrivit qu'elles avoient
ébauché la victoire & donné le branle à
toute l'affaire.
Je ne les fuivrai point aux fiéges d'Ypres
, de Courtrai , de Philifbourg , de
Mons , ( s ) de Namur ; les actions qu'ils
y firent ne méritent pas moins d'être
confacrées dans les faftes militaires de
la nation , que celles que je viens de
rapporter , mais mon deffein n'a pas été
d'entreprendre leur hiftoire , & il ne me
refte qu'à les confidérer dans ces momens
malheureux , ces circonstances fa→
tales qui font peut-être l'épreuve la plus
fure du vrai courage. La bataille de Ra-
( r ) Monfieur affiégeoit S. Omer , & avoit
marché au-devant du Prince d'Orange qui venoit
pour fecourir cette Place.
(s ) A l'attaque de la caffotte , M, de Mau--
pertuis leur dit que fi quelqu'un d'eux , avant
L'action engagée , fe précipitoit & avançoit hors de
fon rang , il avoit ordre de le tuer . le Roisi ayant
remarqué avec une extrême fenfibilité , que leur trop
Lardeur leur étoit quelquefois funefte.
FEVRIER. 1763 . 21
millies ſe donna le 23 Mai 1706, jour de
la Pentecôte. Notre armée étoit de quarante
mille hommes; celle des ennemis(t)
de foixante-cinq mille . LesGardes duRoi ,
les Gendarmes , les Chevaux- Légers
les Moufquetaires & les Grenadiers à
cheval compofoient la premiere ligne
de notre aîle droite ; ( u ) ils percerent
& enfoncerent quatre lignes de l'aîle
gauche des ennemis , firent des priſonniers
& prirent fix piéces de canon ;
mais il n'étoit que trop facile à Milord
Malboroug de leur arracher la victoire
en profitant des mauvaifes difpofitions
qu'avoient faites nos Généraux &
des fautes qu'il firent encore pendant
l'action fix bataillons , avec quelques
régimens de dragons , qu'ils avoient mis
dans le vallon de Tavieres , ne pouvoient
que foiblement protéger & couvrir
le flanc de notre aîle droite : un
marais impraticable entre notre aîle
gauche & l'aile droite de l'ennemi ,
empêchoit qu'elles ne puffent réciproquement
agir l'une contre l'autre : ainfi
Malboroug ne rifquant rien en dégarniffant
cette aîle droite , qui ne pouvoit
( t) Larrey.
(u ) Rapin de Toiras , continuat.
22 MERCURE DE FRANCE.
être attaquée , en tira cinquante eſcadrons
pour fortifier fon aîle gauche ; de
forte que la Maifon du Roi , qui avoit
percé & enfoncé , comme je l'ai dit ,
quatre lignes de cette aîle gauche , vit
tout-à-coup fe former devant elle des
efcadrons tout frais & derriere lefquels
fe rallioient les quatre lignes qu'elle
avoit battues & difperfées. Malboroug
fit en même temps attaquer , par toute
fa réſerve , les fix bataillons que nous
avions dans le vallon de Tavieress ;; ils ne
purent réfifter à la fupériorité du nombre
, & par leur déroute , tout le côté
de notre aile droite fe trouva découvert ;
la cavalerie qui compofoit la feconde
ligne de cette aîle , derriere la Maifon
du Roi , tenta de préfenter le front
en appuyant fur fa droite , & faifant un
mouvement par fa gauche ; mais cette
évolution ne put pas être affez prompte
devant un ennemi qui s'avançoit avec
rapidité & qui la prenoit en flanc ; les
efcadrons les plus proches furent culbutés
; les autres prirent la fuite ; la Maiſon
du Roi , attaquée de front , en flanc &
par derriere , fe fit jour & joignit notre
aile gauche. On voit que tandis que
Malboroug tiroit des troupes de fon
aile droite pour les porter à fon aîle
FEVRIER. 1763 . 23
>
gauche , fi nos généraux en avoient pareillement
tiré de leur aîle gauche pour
fortifier leur aîle droite , & furtout les
fix bataillons qui étoient dans le vallon
de Tavieres il y a toute apparence
que la victoire nous feroit demeurée . On
voit encore , par les relations mêmes
des ennemis , que la perte étoit à-peuprès
égale de part & d'autre ; qu'ils ne
penfoient point à nous pourſuivre; qu'ils
n'auroient donc remporté de toute cette
action que le ftérile honneur d'avoir
gagné le champ de bataille ; que notre
aîle gauche, avec la Maifon du Roi , fit
tranquillement fa retraite & ne fut
point entamée ; que même l'infanterie
& la cavalerie de l'aîle droite , quoique
battues , fe retiroient en affez bon
ordre , ( x ) lorsqu'un accident imprévu
rendit cette journée une des
plus funeftes pour la France ; quelques
chariots ayant rompu dans un
défilé , & le paffage étant embarraffé
elles crurent entendre l'ennemi qui les
pourſuivoit ; la difparution de leurs généraux
& le peu d'eftime qu'elles avoient
pour eux , ajouterent fans doute à cette
terreur panique ; elles fe débandent
& fuyent de tous côtés ; Malboroug
( x) Rapin de Toiras, continuat,
24
MERCURE
DE FRANCE
.
C
averti par les coureurs qu'il avoit en
avant , détache une partie de fa cavalerie
& fes dragons qui tombent fur
ces troupes en défordre , & ne font
des prifonniers que lorfqu'ils font las
de tuer ; bagages , artillerie , caiffons ,
tout fut pris.
Je n'entrerai en aucuns détails fur la
bataille de Malplaquet ; la Maifon du
Roi chargea quatre fois la cavalerie
des ennemis , & quatre fois la plia &
la renverfa fur fon infanterie ; quand
nous abandonnâmes le champ de bataille
, elle fit l'arriere- garde ; c'étoit le
lion bleffé qui fe retire ; dès que l'ennemi
qui nous fuivoit , s'avançoit de
trop près , elle fe retournoit , & auffitôt
il fe replioit. Les Moufquetaires firent
voir dans cette jonrnée à quel
point l'honneur fçait captiver le naturel
& commander au caractère ; cette troupe
qu'on peint fi vive fi ardente
toujours empreffée d'attaquer & frémiffant
d'impatience fous la main qui l'arrête
, refta pendant cinq heures expoſée
au feu d'une baterie de trente Piéces
de canon ; leur contenance parut toujours
ferme & tranquille dans cette
pofition & ces momens critiques où il
n'eft pas même permis de quitter fon
rang
FEVRIER . 1763. 25
rang pour s'élancer contre la foudre qui
s'allume , & n'en être du moins écrasé
qu'en marchant pour l'attaquer ; ce
mouvement fi naturel feroit regardé
comme un inftant de foibleffe ; il faut
refter immobile devant la mort , l'attendre
, l'enviſager , toujours prête à nous
frapper , & frappant fans ceffe autour
de nous. Au fiége de Philisbourg , en
1734 , quand on fit entrer la Maifon du
Roi dans les Lignes , les Moufquetaires
furent encore expofés à une canonade
très-vive , & la foutinrentavec le même
fang froid : cependant nous fortions
d'une longue paix , & la plupart voyoient
la guerre pour la première fois. Pourrions
- nous être avares d'éloges envers
une troupe dont l'honneur & la haute
réputation femblent s'imprimer dans
l'ame d'un jeune homme dès qu'il y
eft entré ? Lorfqu'à Ramillies , à Malplaquet
, à Etinguen , elle ramène fes
débris fanglans que l'ennemi n'oſe attaquer
, nous paroîtra-t-elle moins recommandable
que lorfqu'elle éleve des
trophées à fon Maître dans la plaine
de Fontenoi ?
CI
B
4
1
"
26 MERCURE DE FRANCE.
1
1
LA LOTTERIE DE L'AMOUR.
De l'Amour l'inconſtance extrême
A tel point fut portée un jour
Que las , exédé de lui-même ,
Il s'ennuya d'être l'Amour.
Je vois , dit-il , pâlir mes flâmes ;
Je vois tous mes dards s'émoufler;
L'or devient le tyran des âmes ;
Allons , il faut en amaffer.
Il fit donc une loterie
De fes joyaux , meubles , effets ;
Et tous les Dieux avec furie
S'en arracherent les billets.
Chacun en fecret couche en joue
Son lot chéri qu'il croit gagner :
Et s'imagine que la rouë ,
Comme la tête , va tourner.
Junon , trop clairvoyante épouſe ,
Defiroit encor le flambeau ;
Et Jupiter à la jalouſe
' Tour bas fouhaitoit le bandeau .
Des forêts la prude veſtale
>
Lorgnoit ces dards qui vont au coeur :
La tendre amante de Céphale
Les convoitoit pour fon chaffeur.
FEVRIER. 1763 . 27
1
L'arc plaifoit fort à la fatyre ;
Les Gens avoient été rompus
Par ces traits pefans que l'on tire
Depuis que Defpréaux n'eft plus.
L'Hymen , Dieu fans galanterie ;
Et toujonts lent à dépenser ,
Ne mit point à la loterie ,
Quoique l'amour l'en vînt preffer.
Non , non , dit-il , ces bagatelles
Ne m'offrent rien d'intéreffant :
Ami , fais un lot de tes aîles ;
Pour un billet j'en prendrai cent..
JUPITER ET JUNON.
*
JUPITI UPITER s'ennuyoit aux Cieux :
Il n'avoit plu qu'à des Déeffes :
O Princes qui n'aimez qu'en Dieux
Vous baillez près de vos Princeſſes.
En vain il paffoit tous les ans ,
Des plus belles aux plus gentilles ;
Malgré leurs charmes féduifans ,
C'étoit pour lui pâté d'anguilles.
Toujours la Reine du Printemps ,
Toujours Venus , toujours l'Aurore ,
Allufion au fameux Conte de la Fontaine.
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
Hébé, vous étiez jeune encore ,
Mais c'étoit depuis fi long- temps!
Ah ! dans la céleste demeure
Il faut jouer la dignité ;
で
Ce ton laffe au premier quart- d'heure ,
Jugez durant l'éternité.
Il quitta les fempiternelles ,
Et j'en aurois bien fait autant ;
Il vint dans les bras de nos Belles ,
Et l'on n'eft Dieu qu'en l'imitant.
Junon, dans la jalouſe flâme ,
Fit grand bruit de fes trahisons.
Elle avoit tort par vingt raiſons :
D'abord c'eft qu'elle étoit fa femme.
Plus , elle avoit de trop grands yeux :
Je l'ai cent fois lû dans Homere ;
Je crois , comme il étoit pieux ,
Que du refte il s'eft voulu taire.
D'ailleurs , pourquoi tant quereller ,
Quand le reméde eft fi facile ?
En hommes , pour la confoler ,
La terre étoit affez fertile .
* Homere appelle prefque toujours Junon la
Déeffe aux yeux de boeuf.
FEVRIER. 1763. 29
Par gloire ou curiofité ,
Qui n'eût pris part à fa trifteffe ?
Le coeur s'enfle de vanité
Entre les bras d'une Déeffe.
Ma foi , pour cet honneur divin
J'aurois paffé fur l'agréable ;
Changer Jupiter en Vulcain
Eft un exploit très- mémorable.
Je fais que cet époux coquet
N'étoit pas un époux commode ; !
Le ton de Paris lui manquoit.
Nous l'aurions mis à notre mode.
Contre Ixion ſon fier courroux
Dégrade fa gloire immortelle ;
Oh ! le bonheur d'être infidèle
Ote le droit d'être jaloux.
A une Demoiselle qui avoit promis un
baiſer à celui qui feroit de meilleurs
vers le jour de fa Fête.
QUOIpour
le prix des vers accorder aux Vainqueurs
D'an baiſer la douce carefle !
Céphife , quelle eft votre erreur ?
Biij
30 MERCURE DE FRANCE .
Vous donnez à l'efprit ce qui n'eft dû qu'au coeur •
Un bailerfut toujours le prix de la tendreſſe ,
Et c'eft à l'Amour feul qu'en appartient le don :
Les Habitans du Pinde en leur plus grande ivreſſe
N'ont jamais eſpéré qu'un laurier d'Apollon.
Des vers à mes rivaux je cede l'avantage ;
Ils riment mieux que moi , mais je fçais mieux
aimer.
Que le laurier foit leur partage ,
Et le mien fera le baiſer.
QU'UN at
A URANI E.
U'UN autre vous enfeigne , ô ma chère Uranie,
A meſurer la terre , à lire dans les cieux ,
Et foumettre à votre génie
Ce que l'amour foumet au pouvoir de vos yeux.
Pour moi , fans diſputer ni du plein ni du vuide ,
Ce que j'aime eſt mon Univers ;
Mon fyftême eft celui d'Ovide ,
Et l'amour le ſujet & l'âme de mes vers :
Ecoutez les leçons : du pays des chimeres
Souffrez qu'il vous conduiſe au pays des defirs :
Je vous apprendrai fes myſtères :.
Heureux , fi vous vouliez m'apprendre fes plaifirs !
Des Grâces vous avez la figure légère ,
D'une Mufe l'efprit , le coeur d'une Bergère ,
Un vifage charmant , où fans être empruntés ,
On voit briller les dons de Flore ,
FEVRIER. 1763 . 31
Que le doigt de l'amour marque des deux côtés ,
Quand par un doux fouris il s'embellit encore.
Mais que vous fervent tant d'appas ?
Quoi ! de fi belles mains pour tenir un compas
Ou pour pointer une lunette ?
Quoi ! des yeux fi charmans pour obferver le cours
Ou lee taches d'une Planette ?
Non , la main de Vénus eft faite
Pour toucher le lut des Amours ;
1
Et deux beaux yeux doivent eux- mêmes
Eire nos aftres ici - bas.
Laiffez donc là tous ces fyftèmes ,
Sources d'erreurs & de débats ;
Et choififfant l'Amour pour maître ,
Jouiffez au lieu de connaître.
SUR une Dame à qui on a donné le
nom de Circé,
Dx nos jours eft une Circé ,
Non la fameuse enchantereffe ,
Dont le poifon fut renversé
Par les mains d'un héros que guidoit la fageffe s
Son art ne force point les aftres pâliífans
A quitter leur brillante route ,
Jamais les magiques accens
N'ont percé l'infernale route ,
Biv
32 MERCURE DE FRANCE.
Ses enchantemens font les yeux
Sa grace , toute la perfonne ,
Un efprit émané des Cieux ,
Efprit qui badine ou raiſonne
Et toujours à propos plaifant ou férieux ,
Efprit fin fans fonger à l'être
Et qui fe montre d'autant mieux
Qu'il ne cherche point à paroître.
L'autre Circé , changeoit fes Amans en Pourceaux,
Si celle- ci fouffroit qu'on cherchât à lui plaire
Elle transformeroit les hommes en Héros .
Mais près d'elle l'Amour eft forcé de fe taire ;
Et rendu malgré lui timide & circonfpect ,
N'ofe s'y faire voir que fous l'air du reſpect.
MAL- A - PROPOS ,
OU L'EXIL DE LA PUDEUR,
Traduction libre d'un petit Poëme
trouvé dans les ruines de la Grèce.
PREMIER CHAN T.
TOUS ous les Dieux , favorables au voeu
de l'Amour , avoient calmé la jalouſẹ
colere de Vénus. Dès que le Deſtin
eut prononcé le bonheur de Psyché
l'Amour lança fur la terre un regard
enflâmé ; & plus rapidement que la
vapeur légère eft attirée vers le foleil ,
FEVRIER. 1763.
33
auffitôt Psyché fut élevée à la plus
haute Région des airs. A la voix de ce
Dieu , les Portes dorées de l'Olympe
s'ouvrirent , pour recevoir la Beauté
qui alloit l'embellir d'un nouvel éclat.
Quelles Portes ont jamais reſiſté à l'Amour
? Il tend à fon Amante une main
bienfaictrice , & de l'autre il éffuye les
derniers pleurs échappés de fes beaux
yeux ; lui-même la conduit au trône
de Jupiter. Le Maître de l'Univers
devoit trop à l'Amour pour ne pas fe
hâter de remplir fes defirs. Il appelle le
Dieu d'Hymen , & la main qui lance
le tonnerre allume les flambeaux d'Hymenée.
Il fait avancer les deux Epoux ,
on les couronne de fleurs immortelles.
LAmour approcha fes lévres divines
des lévres de Pfyché , & de la
cîme impénétrable de l'Olympe , le
Deftin cria Pfyché eft immortelle.
Toute la Cour célefte étoit affemblée ;
la jeune Pfyché y parut comme ces
aftres nouveaux que le Firmament momtre
quelquefois à la terre. La Reine
des Cieux , la fuperbe Junon , jettoit
un coup d'oeil de côté fur Vénus
& Junon fe croyoit vengée de l'outrage
de Paris ; mais Vénus dont
l'ame molle & tendre ne peut receler
ا و
B v
34 MERCURE DE FRANCE .
des haines éternelles , comme les autres
Divinités , Vénus voyoit alors avec complaifance
dans la belle Pfyché l'époufe
de fon fils. En la conſidérant, la Déeffe
imaginoit ne voir qu'elle-même dans
cette Beauté ; Pfyché regarda l'Amour ;
Vénus crut voir encore mieux qu'ellemême.
Tandis que le Ciel retentiffoit de
l'Hymne facrée , dont la Reprife étoit ,
La Beauté pour jamais eft unie à l'Amour
: l'Amour a rendu la Beauté immortelle
; la jeune Epoufe prenoit l'ambrofie
des mains de Comus , & de celles
d'Hébé elle recevoit la coupe du nectar.
Je crois connoître , dit Pfyché en
fouriant à la Jeuneffe , oui je connois
déja cette éffence de la Divinité , je l'ai
goûtée fur les lévres de l'Amour.
Après ectte célébration de l'Hymenée ,
Vénus demanda aux Dieux qu'il s'achevât
fur la terre . Je veux que mà
nouvelle fille foit reconnue dans mon
empire ; je veux qu'elle tienne ma pla→
ce fur mes autels. La nouveauté rallumera
l'encens de mes fujets ; & l'encens
qui brulera pour la nouvelle Déeffe
ne fera pour moi qu'un hommage de
plus qui affermira mon culte. Il faut
que toute ma Cour accompagne l'éFEVRIER.
1763. 35
poufe de mon fils ; la Cour de Vénus
eft celle de la Beauté. Elle dit , & tournant
fa tête enchantereffe , pour appeller
les Grâces , les boucles d'or de fa
chevelure vinrent toucher un côté dé
fon fein d'ivoire . Si un feul mouvement
des yeux de Jupiter fait trembler l'Olympe
; à ce tour de tête de Vénus ;
l'Olympe éprouve toujours un doux frémiffement
& les Immortels ont en
cet inftant un fentiment plus intime
de la divinité de leur être.
Un coup d'oeil dé Vénus a bientôt
raffemblé les Grâces autour d'elle. La
Déeffe remit Pfyché entre leurs mains ,
& les chargea du foin de fa parure .
La vénérable Pudeur , préfentée par
' Hymen à qui elle faifoit affidument
la cour , fut donnée à la jeune Époufe
pour premiere compagne. ( a ) Ainfi
tout difpofé , il fut arrêté que le cortége
de cette nôce célefte fe rendroit
fur la terre. Paphos , où la volupté
avec les jeux & les plaifirs , étoit déja
arrivée , fut le lieu défigné par Vénus
pour achever les nôces de l'Amour &
pour en célébrer les fêtes .
( a ) Ce qui , dans nos moeurs & dans no
langage fignifieroit. Dame d'Honneur.
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
DEUXIEME CHANT.
Tout Paphos attendoit la nouvelle
Déïté. La Renommée, fi prompte à fervir
l'Amour fouvent même fans attendre fes
ordres , la Renommée avoit été chargée .
de l'annoncer. Les Prêtreffes avoient orné
le Temple ; auparavant elles s'étoient
parées de tout ce qu'elles avoient de
plus brillant. L'encens fumoit fur les
autels ; l'encens de Paphos eft d'un
parfum plus exquis que celui qui brûle
dans les autres Temples. En s'élevant
par de longs tourbillons à la hauteur
des nues , il fe joignoit aux divins parfums
, dont fillonnoit les airs la céleſte
troupe fur fon paffage. Le fpectacle de
cette marche étoit invifible aux prophanes
mortels ; mais l'odeur délicieufe
des parfums portoit au loin la volupté
dans les ames. Les Voyageurs , navigans
fur ces Côtes , étoient faifis d'une
myftique yvreffe , dont ils ignoroient
la caufe , qui faifoit abandonner au
Pilote le foin de fa manoeuvre , & détefter
au Paffager la rapidité des flots
qui l'écartoient de ce rivage.
Les Peuples heureux de l'Empire de
Vénus , accourus en foule autour de
fon autel , apperçurent bientôt une coFEVRIER.
1763. 37
lonne lumineufe , d'un feu doux &
pur , qui defcendoit par l'ouverture de
la coupole , fur le piedeſtal facré , d'où
la Déeffe dicte ordinairement fes loix
& fes oracles. La colonne fe diffipe
& découvre à tous les yeux la nouvelle
Immortelle ; à fes côtés font
Hymen & l'Amour qui l'éclairent chacun
de leur flambeau. Mais le reflet
de celui de l'Amour est le plus fenfible
fur cette jeune Beauté. A fa vue
rout eft faifi d'un faint & tendre refpect
. Tel eft le pouvoir de la Beauté ,
que dès qu'elle paroît , tous les Peuples
Fadorent. Vénus, du haut des Cieux jouit
de la ferveur qu'elle-même elle infpire.
C'est alors fon ouvrage , elle n'en eft
plus irritée. Chaque amante , dans Paphos
, tremble en fecret que fon amant
ne devienne , quoique fans efpoir , le
rival de l'Amour. Dans les accès d'un
nouveau zéle les jeunes habitans de
Paphos volent aux pieds de Pfyché ,
porter en offrande les tendres dons que
d'imprudentes Beautés leur ont faits
foit en parures , foit en bracelets de
cheveux
, beaucoup plus chers à la
tendreffe que les plus riches ornemens.
Après avoir reçu l'adoration des mortels
, l'Amour conduifit fa nouvelle
?
38 MERCURE DE FRANCE .
époufe dans le Palais qui joint le Temple.
Les arts à l'envi ont décoré ce voluptueux
& brillant féjour. La Troupe
nuptiale parcourt quelques momens les
principales Piéces de ce Palais , d'où
l'on paffe bientôt dans les Jardins. C'eft
ici que les Mufes n'ont point de crayons
pour peindre ce que ces lieux renferment
de délices. Quel oil peut pénétrer
dans les bofquets de Paphos ! Tout
y refpire , tout y foufle l'efprit ineffable
des myftères de la Divinité qui les habite.
C'est tout ce qu'il eft permis à un
Mortel d'en décrire ; c'eft tout ce qu'il
eft permis aux prophanes d'en fçavoir.
Entre ces bofquets enchantés , s'élévent
, affez près l'un de l'autre , deux
Palais inférieurs au Palais principal
où la feule galanterie a fuivi les ordres
de la volupté . L'un de ces Palais appartient
plus particulierement à l'Amour.
C'eſt le Dieu même qui en a donne les
plans , c'eft lui qui en a dirigé la diftribution.
Comme en ce lieu tout parloit
à Pfyché de fon amant , foit par
un fouvenir de fes peines paffées , foit
par un fentiment de fon bonheur préfent
, elle fentit en y entrant une fecrete
émotion. L'Hymen, qui ne connoit que
trop ce lieu féducteur , en fouffioit im
>
FEVRIER. 1763 . 39
patiemment le féjour ; & la Pudeur toujours
attentive à lui complaire , cherchoit
à en faire éloigner la jeune Époufe:
l'Amours'en apperçût ; un regard de dépit
fit fentir à la vénérable Compagne
qu'il n'aimoit pas les contradictions :
mais l'Hymen méritoit des égards ( au
moins dans ces premiers jours )
, ,
Pfyché ne fut arrêtée dans ce Palais
qu'autant qu'il falloit pour lui donner
une idée de fes charmes. L'Amour la
promena dans les parterres qui environnent
fes cabinets. Là naiffent & fe
renouvellent en toutes faifons les
plus agréables fleurs du Printemps. La
tendre Pfyché y remarqua des rofes
admirables qui fe tournoient d'ellesmêmes
vers l'Amour & qui en prenoient
une fraicheur nouvelle . L'Amour,
dit- elle , eft l'Aftre qui fait éclore les
Rofes ; c'eſt fon influence qui conferve
leur beauté.
TROISIEME CHANT .
On communique par les parterres
du Palais fecret de l'Amour , à celui
où Venus vient fouvent étudier ce qui
peut faire fentir aux Mortels quelque
nouvel effet de fon pouvoir. Ce lieu
eft agréablement magique . LaCoquet40
MERCURE DE FRANCE .
,
terie y travaille fans ceffe à mille fe
crets au-deffus de l'imagination humaine.
Ce que l'induftrieufe abeille
fait pour l'utilité des hommes une
troupe d'enfans aîlés , par un art furnaturel
, l'exécute pour la toilette de leur
Souveraine. Lorſque l'aurore annonce
le Dieu de la lumière , & lorfqu'il rentre
dans les Palais de Thétis , ces enfans
voltigent autour des plantes & des
fleurs ; ils en tirent tout ce qui eft
propre à leur galante chymie . On dépofe
la précieufe récolte dans des corbeilles
d'or ; à travers les tiffus plus ou
moins ferrés de ce métal , on fépare , on
diftingue ce qui convient à chaque opération.
Ici , par l'agitation de leurs
aîles , ils éxcitent , à divers degrés , le
feu de leurs flambeaux , pour échauffer
des vafes , dans lefquels la fermentation
produit d'un côté des Beaumes & des
Effences ; de l'autre , des eaux limpides ,
chargées néanmoins de particules les
plus odoriférantes . Là par d'autres
moyens , de fucs épaiffis , paîtris avec
l'émail des perles , ils compofent des
pomades , qui donnent à la peau un
éclat dont la Nature même envieroit le
fecret. Dans un autre endroit des mains
fubtiles préparent des poudres d'un
FEVRIER . 1763. 41
S
S
C
parfum exquis , tandis que dans un
lieu plus réſervé on broye la matière
qui donne aux rofes leur incarnat , &
qui fert fi bien à réparer celui dont
brille la Beauté. Jufqu'aux infectes entrent
dans leurs magiques compofitions.
On extrait leur fombre couleur ;
on l'applique fur des tiffus de foie découpés
; on les feme comme des taches
fur un beau tein , dont ce contrafte fait
valoir la blancheur. Pardonne , ô Vénus
fi je viens de mettre au jour quelques
foibles notions des mystères que tu m'as
révélés ; nos jeunes Grecques ne pourront
en concevoir ni l'ufage ni le ſecret.
Des Prêtreffes , d'un ordre particulier,
ont la garde & la direction de ce Palais.
Elles vinrent au-devant des nouveaux
Epoux avec des parfums & des
guirlandes de fleurs . La fuite de l'Hymen
& celle de l'Amour y entrerent avec
eux. On invita la belle Pfyché à uſer
des bains que les Amours avoient préparés
de concert avec les Prêtreffes . La
Volupté , ordonnatrice de ces nôces ,
n'avoit pas négligé cette partie. Sous
des berceaux de myrthes & de jaſmins ,
inacceffibles à la chaleur du jour , des
baffins d'un criſtal auffi pur que le dia42
MERCURE DE FRANCE .
mant contiennent une onde auffi brillante
que les baffins mêmes, Des paliffades
de rofes & d'orangers en forment
les lambris . On fit entrer d'abord Pfyché
dans des cabinets prochains , que
la lumière ne pénetre pas , où la pudeur
elle- même difputa aux Prêtreffes l'honneur
de deshabiller la jeune Epoufe..
Quand il fut queftion de l'introduire
dans le lieu où l'onde devoit baigner
fon corps immortel , les Prêtreffes , un
peu jaloufes de l'air impérieux de
la Pudeur & du fervice qu'elle venoit
de leur enlever , parlerent de
lui interdire l'entrée du Bain : mais Pfyché
ne voulut point en être féparée ; elle
pria les Graces de lui donner la main .
La Pudeur rougit légérement ; les Gráces
lui fourirent , & toutes quatre réunies
dépoferent dans l'eau leur nouvelle
Maîtreffe.
Dans des Bains non moins délicieux
une troupe riante & légere avoit conduit
l'Amour. L'Hymen y accompagnoit
fon frère , tandis que les Plaifirs , difperfés
de toutes parts dans ces beaux
lieux , fe difpofoient aux fêtes qui devoient
remplir la foirée d'un fi grand
jour.
La fuite au Mercure prochain.
FEVRIER. 1763. 43
X
ODE SUR LA PAIX.
PAR M. le Chevalier DE VIGUIER ,
Moufquetaire du Roi dans la premiere
Compagnie.
OPAIX ! mère de l'abondance ,
Entends nos foupirs & nos voeux !
Jette tes regards fur la FRANCE ,
Aimable PAIX , defcends des Cieux :
Chaffe le Démon de la guerre ,
Et plante fur toute la Terre
L'olive au lieu de nos Drapeaux +
Fleuris nos campagnes fanglantess
Ereins les flâmes dévorantes ,
Qui nous confument fur les eaux.
Tu parois , & la mort s'arrête......
Romain ! par le fort combattu ,
Carthage a foufflé la tempête ,
Mais , il te refte ta vertu.
Tel un Lion de l'Hircanie
Atteint d'une fléche ennemie ,
Des coups mortels s'est échappé.
Non , il n'expire point encore ;
Il rugit , s'élance & dévore
Le Chaffeur qui l'avoit frappé .
7
44 MERCURE DE FRANCE .
Quelle mégère fratricide
Trouble nos fens , arme nos mains ›
O Dieux ! pour le meurtre perfide
Auriez-vous formé les humains ? ...
*Compagnons ! * nourris dans les armes
Loin de nous la PAIX & fes charmes
Vengeons notre Maître irrité ! ...
Comme guerrier , Louis , j'y vole ;
Mais homme , j'ai pris la parole ,
En faveur de l'humanité.
>
Toi ! qui méprifes la fortune ,
Toi ! qui dans tes fages fuccès
De l'ambition importune ,
Combats & détruits les accès *
C'eſt de toi , Déelle sévère !
·
De la PAIX , four tendre & fincère :
Que ma Mufe emprunte fes vers :
Flambeau du bonheur de la vie !
divine Philofophie !
Eclaire & régis l'Univers.
Croyez-vous , Héros magnanimes ,
Mériter le titre de Grand ?
J'ai peſé vos illuftres crimes ,
Et je ne vois que le tyran .
Où cours- tu , cruel Alexandre¿
Arrête. Pourquoi mettre en cendre
La Maifon d Roi.
FEVRIER. 1763.
45
Les Etats d'un paisible Roi ?
Injufte vainqueur de l'Afie !
Porus qui défend la Patrie ,
Moins heureux , eft plus grand que toi.
Si les humains vous ont vu naître
Rivaux de la Divinité ,
A nos coeurs faites - vous connoître
Par les bienfaits , par l'équité.
Les Dieux enchaînés fur ces traces ,
Par leur juſtice, par leurs graces ,
Méritent nos voeux , nos autels.
Princes ! fongez que leur tonnerre
Se brife en éclats fur la terre ,
Et rarement fur les mortels.
L'Univers jette un cri terrible
Sur les enfans qui ne font plus.
Augufte à ces plaintes fenfible
Ferme le Temple de Janus.
L'efprit humain ſe développe 3
De ce fiécle cher à l'Europe
Le fouvenir eft éternel :
Après la PAIX des Pyrénées ,
Renaiſſent ces mêmes années ,
Sous le bras de l'Homme * immortel.
* Alufion à la Statue de LOUIS LE Grand ,
qui eft à la Place des Victoires. Cette Statue a le
bras droit étendu. On lit au bas fur le pied-d'eftal
cette infcription en lettres d'or. VIRO IMMORTALI.
A L'HOMME
IMMORTEL.
46 MERCURE DE FRANCE.
Alors tous les beaux arts fleurirent ,
Enfans d'un innocent loifir.
Les mers de Vaiffeaux fe couvrirent,
Et rapporterent l'or d'Ophir ;
Alors le citoyen tranquille
Ne craignit plus que fon afyle.
Fût par la flamme dévoré ;
Et qu'au milieu de fa famille
La fureur maffacrât fa fille ,
Qu'un barbare a déshonoré .
Charmante PAIX ! vertu facrée !
Raméne -nous ces temps fameux ,
Où fous ta puiffance adorée
Chaque mortel vivoit heureux.
L'époule vertueuse & belle ,
D'un époux compagne fidelle ,
Le jour , partageoit les travaux.
La nuit , dans un antre ſauvage ,
Ils raffembloient , fur le feuillage ,
Leurs Dieux , leurs enfans , leurs troupeaux,
Ce jour defiré va paroître ,
Puiffe-t-il dans les coeurs Français
Imprimer l'image d'un Maître
Signalé par tant de bienfaits !
Sçavantes Filles de Mémoire !
En retraçant dans notre hiſtoire
Notte amour , nos moeurs & nos loix,
FEVRIER. 1763. 47
Dites , que fous un Roi fi jufte ,
Cette Paix fur l'ouvrage augufte
Des CHOISEULS & de NIVERNOIS,
J'ignore la docte meſure
Des fons qui charment les humains,
L'honneur , le zéle , la Nature
Infpiroient les Soldats Romains.
Libres dans leurs chanſons guerrières ,
Ils montroient leurs âmes entières
Autour d'un char triomphateur.
Telle ma Mufe , fans contrainte ,
Bravant la critique & la crainte ,
Eft l'interprête de mon coeur.
INSCRIPTIO
LUDOVICI XV
Effigiei Pedeftris
REMIS Civium amore ,
Principibus & Regni Miniftris
Liberaliter applaudentibus ,
Mox erigendæ.
DILECTUS LODOIX Laudem cognomen adimpler
Abfque pari Regem , Populorum gaudia , dicit .
Præfulgens oculis ftat . Dotes cordibus infunt.
Regis , Gentis , Amor felicia tempora fancit.
48 MERCURE
DE FRANCE
.
CHANSON
SUR le mariage de Mlle d'ALLENCOURT
avec M. le Marquis DE
NOAILLES . Par M. TA NEVOT.
Sur l'air : Il n'eft rien dans tout l'Univers , &c.
AVONS- Not VONS- nous changé de féjour?
Sommes-nous à Cythère ?
Eft-ce ici la charmante Cour
D'Amour , & de fa Mère ?
Quel Dieu , propice à nos déſirs ,
Nous luit & nous enflâme ?
Durables feux , chaftes plaifirs ,
Vous embrâfez notre âme.
Couple adoré , jeunes Epoux ,
Tel eft votre partage ,
Au fein des tranſports les plus doux ,
Recevez notre hommage.
Vous rappellez en ce moment ,
Le brillant hyménée
Qui de Pfyché , de fon amant ,
Fixa la deftinée.
On célébra des plus grands Dieux
La majefté fuprême. ,
Des
FEVRIER. 1763. 49
Des Héros s'offrent à nos yeux
Que nous chantons de même ;
Mais leurs exploits qu'ont fçu former
Et Mars , & la Victoire ,
Jamais du Dieu qui fait aimer ,
N'égaleront la gloire.
Vous répandez dans tous ces lieux
Une vive lumière :
Ainfi l'aftre éclatant des cieux
Commence fa carrière ;
Ses rayons font naître les fleurs ,
Charme de la Nature.
La vertu nourrit dans vos coeurs ,
Une flâme auffi pure.
e
Sous les aufpices de la Paix
Ces noeuds ont pris naiſſance ;
Ainfi le Ciel par ſes bienfaits ,
Signale fa puiffance :
Mufes , répondez à nos voix ,
Tout ici vous attire ;
L'Olive & le Myrthe à la fois ,
Sont faits pour votre Empire.
Vos Eléves , vos favoris
Fondent notre allégreffe :
Venez ceindre leurs fronts chéris
Des lauriers du Permeſſe :
C
50 MERCURE DE FRANCE .
1
Ils ont moiffonné les talens
Qu'on trouve fur vos traces ,
Et fous des guides vigilants ,
Joint la fageffe aux grâces.
Les tendres enfans de Cypris¸
Animent cette fête ;
Mais l'Hymen remporte le prix
Par fa belle conquête ;
Lucine , unjour du haut des cieux
On te verra defcendre ;
Car la poftérité des Dieux
Ne le fait point attendre.
A MADAME LA N *** , lifant la
Comédie des GRACES.
QUE
U tenez- vous , Philis ? Le délicat Saint-Foix :
C'eſt un Auteur charmant , que je lirois cent fois .
De la belle nature il fuit toujours les traces....
Fort bien , & votre esprit éclate à l'admirer ;
Mais , Philis , que vois- je ? les Graces !
C'eft moins lire que vous mirer.
Par M. GUICHard .
FEVRIER. 1763. SI
RÉPONSE honnête d'un homme trèshonnête
, aux procédés malhonnêtes
d'une Dame plus malhonnête encore.
E ne fuis point étonné , Madame , du
peu d'intérêt que vous prenez à votre
parente il y a des coeurs qui ne font
point faits pour fentir la nature . Mais je
trouve bien fingulier que Mlle Javotte
manque à un homme que fes pareils
font accoutumés à reſpecter. Les bienféances
les plus communes ne permettent
pas qu'on ouvré la Lettre d'un
honnête homme , & qu'on la lui renvoye
avec cet air de mépris qui n'eſt
fait que pour ceux qui l'affectent. Je connois
une fille qui ne fait que laver les
plats à barbe de M. fon pere. Cette
fille ignore le ton du monde ; on le lui
pardonne : mais vous , Madame , mais
vous , qui avez de l'ufage , qui raffemblez
chez vous une cotterie brillante
, où l'on joue au tri au liard la
fiche ; vous qui avez vécu avec des
femmes de qualité auffi intimement
que votre femme de chambre vit avec
vous vous qui donnez en hyver des
,
Cij
52 MERCURE DE FRANCE.
bals bourgeois & très - bourgeois ; comment
avez-vous pû oublier les égards
que vous me devez ? Ah ! Madame
Mlle Jeannote , votre four connoît bien
mieux les règles de la civilité ! Si vous
aviez pû voir avec quelle grace elle me
faifoit la révérence ; comme elle étoit
attentive à prévenir mon coup de chapeau
: vous me diriez que c'eſt une fille
qui n'eft jamais fortie de fon village .
Eh ! Madame , tant mieux , elle en eft
plus honnête , & cela eft bien plus
éffentiel que d'être élégante. Ninette ſe
gâte à la Cour.
J'eftime mieux cette pauvre Jeannote ,
De fa famille honorable foutien ,
Qui va traînant les patins dans la crote ,
Simple en fes moeurs, modefte en fon maintien;
Qui n'a point d'art , & dont la main légère
Pétrit le pain qui nourrit fon vieux père ,
Conduit aux champs le veau qu'elle a févré ,
Tond les moutons , & coule dans l'argile
Ce lait fi doux qu'elle- même a tiré
Des pis preffés d'une vache fertile ;
Négligemment , le fein paré de fleurs ,
En tablier , en corfet , en cornette ,
De la nature emprunte fes couleurs .
Jeannote n'est qu'une fimple grifette ,
FEVRIER . 1763 . 53
Que votre orgueil regarde avec mépris ;
Des diamans ne chargent point fa tête ,
Et du carmin elle ignore le prix :
Mais j'aime mieux , quand fon ame' eft honnête
Grifette aux champs que bégueulle à Paris.
Il y a bien long-temps , Madame
que j'ai à me plaindre de vos mauvais
procédés , & je vous en aurois déja
marqué ma fenfibilité : mais je connois
les égards que l'on doit aux Dames.
Mon filence vous a prouvé combien
je fuis honnête je voudrois que cette
Lettre vous apprît la néceffité de le devenir.
Que Madame B... vous ferve
d'exemple ; & pour Dieu ne gâtez pas
Mademoiſelle votre four : elle eft trèsheureufement
née. Mais
Si l'exemple empoisonne un naturel heureux ,
A quoi fert le bonheur d'être né vertueux ? `
J'ai l'honneur d'être , & c.
EPITRE
A M. l'Abbé CAMU , à Versailles.
ABBE fait pour la bienſéance ,
Et qui fçais fi bien obliger ,
Ciij
54 MERCURE DE FRANCE.
Qu'on te voit prèſque t'affliger
Au feul mot de reconnoillance ;
Je confens de le fupprimer
Ce terme aimable qui t'offenſe
Et que tu me fais réformer ;
Mais quand il faut par complaifance
A tes defirs me conformer ,
Penfe au moins tout ce que je penſe.
Paifibe Habitant de la Cour ,
Qui vois d'un oeil philofophique
La ſcène active & magnifique
Qu'on y contemple chaque jour ,
Et que font mouvoir tour- à- tour
L'ambition , la politique ,
L'avarice , l'intrigue oblique ,
Et fouvent la haine & l'amour.
Charmant & vertueux Stoïque !
Dans ce tumultueux féjour ,
Je le vois bien , ton âme admire
Avec un doux raviffement
Ce Prélat que fi fagement
Louis pour nous voulut élire ,
Et dont tu viens de me décrire
Avec tes naïves couleurs ,
Les talens & ces traits vainqueurs ,
Qui lui gagnent par tout l'Empire
Des efprits ainfi que des coeurs .
De vertus quel rare affemblage !
La grandeur & l'humanité ,
FEVRIER. 1763. 55
La fcience & l'humilité ,
Compofent fa brillante image ,
Où mon oeil reconnoit l'ouvrage
De la fublime piété.
Courtilan , il a le courage:
Et la voix de la vérité ;
Chef & Paſteur , il m'offre un Sage
Aux mains de qui l'autorité
N'a d'autre objet ni d'autre uſage ,
Que de prêter à l'équité
Les fentimens , le vrai langage ,
Et l'accent de la Charité.
A l'enjoûment , à la fineſſe
Que l'efprit verſe en fes difcours ,
Il joint cette chaleur qui preffe ,
Eléve l'âme & l'intéreſſe ;.
On voudroit l'entendre toujours
Ou toujours on voudroit le lire.
Dans les lettres quel agrément !
Quelle grace ! tout y reſpire
L'élégance & le fentiment.
C'eſt par ces glorieuſes marques
Que cher à la Ville , à la Cour
Il a du premier des Monarques
Mérité l'eftime & l'amour.
Telle eft , ami , l'aimable eſquiſſe
Que me préſente ton pinceau ;
Mais le dirai-je ? la juftice
Civ
56 MERCURE DE FRANCE
En examinant ce tableau
Le trouve incomplet , & déclare
Qu'on peut par quelque trait nouveau ,
Rendre plus fidéle & plus beau
Le portrait de cet homme rare.
Tu le penſes ainfi que moi :
Je veux donc, m'uniffant à toi ,
Et rival fecret de ton zèle ,
Si bien contempler ce modèle ,
Qu'un jour par toi-même éxcité ,
A l'infçu du Prélat modefte ,
Sous les yeux de la vérité
Son Chancelier dira le reſte.
> Chancelier de DESAULX , Chanoine de Reims
l'Univerfité, de la Société Royale des Infcriptions
& Belles-Lettres de Nancy.
VERS à Madame & M. DE LA BELOUZE
, Confeiller au Parlement de
Paris , étant dans leurs Terres en
Nivernois. i
D'UN
UN coeur que vos bontés vous livrent pour
jamais ,
Et qui mettroit au rang de fes plus chers fuccès.
L'avantage heureux de vous plaire ,
Daignez , fages époux , agréer les ſouhaits
FEVRIER . 1762. 57
Que pour vous , en ce jour , fon amour lui ſuggère
!
Puiffent conftamment affidus
A veiller fur vos deſtinées ,
Les Dieux meſurer vos années
Sur mon zèle & fur vos vertus.
Aux Dlles de la Belouze & de Grenam ,
leurs filles..
POUR deux jeunes beautés , par le fang bien
moins foeurs ,
Que par l'attachement , l'intime confiance ,
Les procédés , les foins prév enans & flattears ,
Quels voeux puis- je former Le Ciel , dès leur
nailfance ,
Se plut à les combler de toutes fes faveurs.
Plutus , fur leur berceau verfa fon opulence ;
La fageffe elle-même éclaira leur enfance ;
L'Amour forma leurs traits , & la Verta, leurs
coeurs .
Par un Curé du Nivernois.
Sur la paix avec l'Angleterre.
NIVERNOIS , ma Patrie , à quelle gloire infigne:
Ton renom , par la Paix , va - t- il être porté?-
Mazarini , ton Chef , rédige le Traité ;
Cv
58 MERCURE DE FRANCE .
Et l'un de res enfans le confacre & le figne.
N'envions déſormais ni le rang , ni l'éclat ,
Qu'emprunte de Paris l'lfle- de- France altière :
La Province qui rend le calme à tout l'Etat
En eft à coup für la première.
Par le même.
* La plupart des biens patrimoniaux de
M. le Duc de Praflinfont fitués dans le Nivernois.
VERS à Madame la Marquife deM....
au Bal de Versailles.
· LE
En vain fous l'habit d'Orithie ,
Flore , vous cachez vos appas ;
Le doux zéphir vous a trahie :
Je l'ai vu voler fur, vos pas.
M.... , quand on a votre mine ,
Er quinze ans ,
On eft fous la marthe & l'hermine
Le printemps .
Le mot de la premiere Enigme du
fecond Volume de Janvier eft Violon
celui de la feconde eft Oignon. Celui
du premier Logogryphe eft Tête , dans
lequel on trouve été , et. Celui du feFEVRIER.
1763. 59
*
cond eft Marte , dans lequel on trouve
art, mer, rat , ˆ mat , mare , rame de papier
,
rame de rameur , ame. Celui du
troifiéme eft Orange .
Le Combat des Rats & des Grenouilles d'Homere
, celui des Rats & des Belettes de la Fontaine.
ENIGM E.
ATTACHÉ par plus d'une chaîne ,
Et le corps dur comme un rocher ,
Perfonne n'ofe me toucher
Pendant que quelqu'un me promène.
Pour aller , venir , je fuis fait ;
Les honnêtes-gens je falue :
Quand on me voit dans quelque rue ,
C'eft roujours pour un beau fujer.
Pour bien remplir mon miniſtère ,
Je fuis rempli de feur ardens ;
Et fais honneur à bien des gens
Lorſqu'ils n'en ont plus guère affaire .
AUTRE.
LECTEUR , il eft bon d'avertir ,
Afin que ton effort redouble ,
Que cette énigme eſt une énigme double ,
C vj
60 MERCURE DE FRANCE.
Faite pour mieux te divertir.
Peut- on imaginer plus plaifante famille ?....
Il s'agit de favoir qui peut être la fille ,
( Le récit n'eſt point fabuleux , } )
Qu'on a vue épouſer ſa mère.
Cette mère étoit mâle , & n'eut jamais de père.
Devine , Lecteur , fi tu peux.
LOGO GRYPH E.
Il n'eft rien dans les cieux , fur la terre & dans
l'onde ,
Qui ne porte le fruit de ma tige féconde ;
Je ſuis univerfel dans ma production and
C'est moi qui donne à tout & la forme & le nom ;*
C'est moi qui de l'efprit parcourant les idées ,
Raffemble fous les yeux fes fecrètes penſées :
Par les refforts divers qui font en mon pouvoir ,
Je facilite à l'homme un moyen de ſavoir :
C'eſt par moi qu'il apprend , je le répéte encore ,
Ce que fans mon fecours très-fouvent il ignore.
Combien de fois , Lecteur , avant de t'éclairer ,
Ne t'ai-je pas donné maint fujet de pleurer !
Mais changeons de propos : un fi long préambule
Doit fans doute déja paroître ridicule ;
J'en conviens : voyons donc s'il fera plus aifé
De favoir qui je fuis par mon décompofé .
FEVRIER . 1763. 6r
Le nombre de mes pieds , s'il faut que je m'explique,
Ami, c'eft deux fois quatre en bonne arithmé→
tique ,
Où tu pourras trouver une interjection ;
Une idole ; un dévot par- affectation 3
Deux Evêchés de France ; une ville en Turquie ;
Un autre dans la Suiffe ; un Mont dans l'Arménie
;
La matière qui fert à former l'aliment
Qui de tous les mortels fait le foulagement ;
Ce qu'un foldat en marche aime beaucoup à
faire ;
Un innocent Hébreu mis à mort par fon frère :
Plus , un jeu d'exercice ; un terme de blafon ;
Ce qui gâte le teint ; un meuble de maiſon ;
In uftenfile de ménage ,
Grand ou pétit , toujours fort en ufage ;
La bruïante affemblée , où l'on voit bien des gens
Se tourmenter fans ceffe en dépit du bon ſens ;
Et qui...... chut !.....Sur le refte ayons la bouche
clofe
Eh bien , Lecteur , dis- moi , trouves cu quelque
chofe
Qui puiffe t'indiquer ? .... Quoi ! tu ne me vois pas?
Courage , cherche donc , pour fortir d'embarras
Mais fi tu ne veux point rendre ta peine extrême,
Il faut pour me trouver recourir à moi- même.
62 MERCURE DE FRANCE.
Qu'ai-je dit ! .... Songe bien à ce dernier avis ,
Et dans très- peu de temps tu fauras qui je fuis.
Par M. FABRE , Licentié en Droit à Strasbourg.
AUTR E.
COMME je fuis d'une maigre ſtructure,
Je ne veux point en longs propos
Dépeindre ici ma maligne figure ,
Je vais tout dire en quatre mots.
J'ai cinq pieds , dans lefquels , pour peu qu'on
les varie ,
On trouve du plaiſir la cruelle ennemie ;
Ce que dans le temps chaud l'on moiſſonne ; un
oiſeau ;
Enfin , quoiqu'en entier je ne fois qu'arbriſſeau ,
Si tu viens à m'ôter & la tête & la queue ,
Lecteur , tu trouveras alors ,
Qu'avec le reſte de mon corps ,
Jeforme un arbre auſſi haut que
la nuë.
Par le même.
20
Légerem
Dois-je t'aimer en core Ou dois -je te ha =
-
Lent.
= ir? Depuis que je t'a - do- re je nefais
que souffrir, que souffrir: Le soupçon me de:
voreL'amour,L'amour me fait languirDois-je t'ai
to
= mer encore Ou, Ou dois -je te hair?
}
FEVRIER. 1763. 63
CHANSON...
DOIS-JE t'aimer encore ,
Ou dois-je te hair ?
Depuis que je t'adore ,
Je ne fais que languir.
Dois-je t'aimer encore ,
Ou dois-je te hair ?
Les appas de Climene
Auront fçu t'aveugler ;
Cruel , de chaîne en chaîne ,
Tu te plais à voler !
Toi que mon coeur implore ,
Dis -moi , Dieu du plaifir ,
Dois-je l'aimer encore ,
Ou dois-je le hair ?
Les Paroles & la Mufique , font de M.
CUMINAL , de Montpellier.
2
64 MERCURE DE FRANCE.
ARTICLE II.
NOUVELLES LITTERAIRES..
HISTOIRE DE FRANCE depuis l'établiſſement
dela Monarchie, jufqu'au
regne de LOUIS XIV. par M. VILLARET
, Sécretaire de Noffeigneurs
les Pairs de France , Garde des Archives
de la Pairie ; à Paris chez
Defaint & Saillant , rue S. Jean de
Beauvais , vis - à - vis le Colége ;
2763 ; avec approbation & privilé--
ge
du Roi. Tomes XI & XII. Volumes.
in- 12 ..
NOUS ous avons déja fait connoître dans :
plufieurs de nos précédens Mercures
le mérite de cet . Ouvrage , & ce qui
le diftingue fpécialement de toutes nos
autres Hiftoires de France . Nous nous
bornerons donc aujourd'hui dans notre-
Analyfe , à parcourir quelques-uns des
faits principaux contenus dans les deux
FEVRIER. 1763. 65
Volumes qui paroiffent nouvellement ,
& qui commencent à l'année 1378 fous
le régne de Charles V, & finiffent fous
celui de Charles VI, l'an 1407.-
Les fréquens démêlés de Charles V,
dit le Sage , avec Jean de Montfort ,
Duc de Bretagne , eft ce qui occupe
une affez grande partie de l'onziéme
Volume. Če Duc errant & fugitif à
la Cour de Londres , ne néglige aucune
occafion de manifefter fa haine
contre la France & fon attachement
aux Anglois. Charles défefpérant de
foumettre cette ame infléxible , forma
le projet de le pouffer à bout en le
privant fans retour de fon patrimoine ;
mais fa mort qui arriva peu de temps
après , l'empêcha d'éxécuter fon projet.
Celle du vertueux & brave Duguefclin
étoit arrivée quelque temps
auparavant. » Suivant les dernieres vo-
» lontés du Connétable , on portoit fon
» corps en Bretagne , pour l'inhumer
» dans l'Eglife des Dominicains de Di-
» nan , où il avoit choifi fa fépulture.
» Le Roi fit arrêter le convoi , & or-
» donna qu'il prît la route de l'Abbaye
» de S. Denis. Il traverfa une partie de
» la France ; cette marche lugubre fit
» partout verfer des larmes ; partout
>
66 MERCURE DE FRANCE.
» on célébra des fervices funéraires , &
» on lui rendit les mêmes honneurs
» qu'on auroit pu rendre au Monarque.
» On ne voulut point augmenter l'af-
» fliction incroyable dont les Parifiens
» étoient pénétrés , en faifant paffer par
» leur ville les reftes infenfibles d'un
guerrier qu'ils regardoient comme
leur Dieu tutélaire : mais cette pré-
» caution fut inutile ; ils bordérent les
chemins où cette trifte pompe étoit
» attendue ; ils la fuivirent en l'accom-
" pagnant de leurs regrets & de leurs
» fanglots.... Le Roi fit éléver à Du-
»
29
guefclin un maufolée placé au pied
» de la fépulture qu'il avoit choifie pour
» lui-même. On lit fur fa tombe cette
» modefte épitaphe , dont la noble fimplicité
forme un contrafte fingulier
» avec ces faftueufes infcriptions , qui ,
grace à la vanité des modernes , furchargent
la cendre de ces morts obf-
» curs , dont la célébrité ne s'étend pas
" au de-là des limites de leur vie. Ici
» gît noble homme Meffire Bertrand
Duguefclin , Comte de Longueville ,
» & Connétable de France , qui trépaffa
au Chaftel neuf de Randan en
» Gévaudan , en la Sénéchauffée de
» Beaucaire , le treizième jour de Juillet
1380. Priez Dieu pour lui.
93
FEVRIER. 1763. 67
""
Après avoir rapporté la mort de Duguefclin
, & les regrets mêlés de larmes
qu'elle caufa à Charles V , M. Villares
fait un très-bel éloge de ce héros avec
lequel il compare M. de Turenne. Ce
morceau nous a paru mériter une attention
particuliere . » Si parmi cette
foule de héros connus dans nos an-
» nales il étoit permis d'en choisir un ,
» pour le placer à côté de Duguefclin ,
» le grand Turenne feroit peut -être ce-
» lui qui paroîtroit le plus propre à être
w mis en parallèle avec le bon Conné-
» table : car c'eft de ce nom que nos
» ayeux appelloient Dugucfclin long-
» temps après fa mort. Turenne aidé des
» connoiffances d'un fiécle plus éclai-
» ré , étoit fans doute plus habile Ca-
»pitaine que Bertrand : mais on peut
» dire à la gloire de ce dernier , qu'il tira
» de fon propre fonds tout ce qu'il
» fit voir de génie militaire dans un
» temps où l'art de la guerre étoit en-
" core dans fon enfance. I eft peut-
» être le premier de nos Généraux qui
» ait découvert & mis en pratique la-
» vantage des campemens , des mar-
≫ches lavantes des difpofitions ré-
, fléchies ; manoeuvres négligées par
anos ayeux , & que même ils fai68
MERCURE DE FRANCE.
,
>
·
» foient gloire d'ignorer. Avant &
»longtemps après lui on ne favoit que
» fondre avec impétuofité fur l'ennemi ;
" on fe battoit fans prèfque obferver
» d'ordre ; la fortune décidoit de l'évé
» nement. Bravoure modeſtie , gé- .
» nérofité tout fe trouve égal entre
» nos deux Héros. Turenne fit diftri-:
» buer fa vaiffelle d'argent à fes fol-
» dats ; Duguefclin vendit fes Terres
» pour payer fon Armée : la plus belle-
» campagne de Duguefclin & celle de
" Turenne fe reffemblent , ils aimerent
tous deux également leur patrie , &
» leur Souverain ; ils les fervirent utile-
» ment ; illuftrés par les mêmes vertus
» s'ils éprouverent des contradictions
» par des rapports ou des intrigues de
» quelques courtifans qu'offufquoit l'é-
» clat de leur mérite , ils fçurent dé-
"
daigner les frivoles manèges ; enfin ,.:
» après une révolution de trois fiécles ,
» ces deux Guerriers , l'honneur de la :
» France , entre lefquels tant de qua
» lités héroïques ont pris une reffem-
» blance finguliére , fe font trouvés
»réunis prèfque fous la même tombe,
» auprès des Souverains pour lefquels
" ils avoient combattu.
La mort de Charles V , l'état des
FEVRIER. 1763. 69
fciences & des arts fous le régne de
ce Monarque , l'origine de diverfes
inftitutions contiennent des détails intéreffans
& curieux , auxquels les loix
de l'analyſe ne nous permettent pas
de nous arrêter. Nous exhortons nos
Lecteurs à lire ce que rapporte M. Villaret
au fujet des Rois & Hérauts d'armes.
Ce morceau pourra piquer leur
curiofité.
Le régne de Charles VI préfente des
événemens qu'on ne lira pas avec moins
d'intérêt. L'ambition des Princes du
Sang , qui , fous un Roi mineur gouvernent
la France à leur gré , forme un
tableau dont on ne peut bien fe faire
une idée , qu'en le voyant dans l'Ouvrage
même. Les affaires de Bretagne
reparoiffent encore fur la Scène . Elles
font place aux divifions inteftines , caùfées
par la révolte de plufieurs villes
qui ne finit que lorfque le Roi prend
en main les rênes du Gouvernement.
Nous pafferons fous filence la trifte &
funefte maladie de ce Monarque , qui a
replongé la France dans l'abîme de
malheurs que M. Villaret décrit avec
autant de chaleur que d'intérêt. C'eſt ſous
ce . Prince qu'a été inventé en France
le jeu de cartes , & voici comme notre
70 MERCURE DE FRANCE .
hiftorien rapporte cette origine . « Entre
» les curieufes fuperfluités qu'enfanta
parmi nous l'ennui de l'éxistence
و و
»
il
, ne faut pas oublier le jeu de cartes
» inventé , dit- on , pour procurer quel-
" que foulagement au Roi lorfque fes
accès lui laiffoient des intervervalles
de tranquillité. Cet amufement , qui
fait aujourd'hui les délices des focié-
» tés , où l'on fe pique le plus de poli-
» teffe & de raiſon , eft tellement confacré
par l'habitude , que nous l'avons
transformé en befoin réel . Jaquemin
» Gringonneur , Peintre demeurant
» rue de la Verrerie , fut le premier qui
» peignit des cartes à or & de diverfes
» couleur , pour l'efbatement du Roi .
»L'invention de ces fortes de figures
» n'étoit certainement pas nouvelle ;
>
;
car un Statut du Synode de Wor-
» cheftre , profcrit entr'autres jeux de ha-
>
zard , celui du Roi & de la Reine. On
» trouve dans la vie de S. Bernard de
» Sienne , parmi les inftrumens de jeux
divers , tels que les palets , les dés
» qu'on apporta dans la Place publique
» pour les brûler , des figures peintes ,
» des cartes de triomphe , dont l'un de
» nos jeux de cartes retient encore le
» nom. Mais cette récréation avoit été
FEVRIER. 1763. 71
j
33
33
» long- temps négligée , lorfque la démence
du Roi la tira de l'obfcurité.
" La nation ne tarda pas à
l'adopter
» & la fureur de ce jeu abforba bien-
» tôt toutes les autres. Quatre années
» s'étoient à peine écoulées , que cette
» manie étoit devenue épidémique. Le
» Prévôt de Paris rendit une Ordon-
» nance qui l'interdifoit ; mais la dé-
» fenfe fut d'autant plus mal obſervée ,
» que la Cour donnoit publiquement le
premier éxemple de la tranfgreffion. »
Ce fut fous le même Règne de Charles
VI , qu'on vit fleurir la Cour amoureufe
, formée par le nombre & la qualité
des Officiers , fur le modèle des
Cours Souveraines : Préfidens , Confeillers
, Maîtres des Requêtes , Auditeurs
, Chevaliers d'honneur , grands-
Veneurs , Secrétaires , Gens du Roi
leurs Subftituts ; en un mot , toutes les
Charges qui formoient les Jurifdictions
fupérieures , y étoient fpécifiées . Les
plus grands Seigneurs briguoient l'honneur
d'y être admis . Les Princes du
Sang étoient à la tête de cette Compagnie
entiérement confacrée à l'Amour.
On voit dans la lifte des Officiers les
noms des plus anciennes familles du
Royaume. On y voir des Magiftrats ,
72 MERCURE DE FRANCE .
"
& ce qui doit paroître fingulier de nos
jours , on eft étonné de trouver dans
cette affociation voluptueufe des Docteurs
en Théologie , des grands Vicaires ,
des Chapelains , des Curés , des Chanoines
de Paris & de plufieurs autres
villes.
A la fin du quatorziéme fiécle , lorfqu'on
faifoit mourir des hommes revêtus
du Sacerdoce , on obfervoit une cérémonie
qui paroît s'être perdue parmi
nous c'est la dégradation. Voici ce
qui arriva à deux Religieux Prêtres qui
avoient entrepris la guérifon du Roi.
» Le Maréchal de Sancerre , dit M.
» Villaret , avoit envoyé de Guyenne
» deux Auguftins qui s'étoient vantés
» de guérir l'infirmité du Roi ..... On
» eut grand foin de leur fournir tout
» ce qu'ils demanderent : après avoir
» fans fuccès éffayé divers remèdes
» entr'autres un breuvage de perles dif-
" tillées ; ils eurent recours aux invo-
» cations magiques , qui n'opérerent pas
»davantage. On s'étoit contenté juf-
» ques -là de les obferver ; mais lorf-
» que des incifions qu'ils firent fur la
» tête du Monarque eurent redoublé la
» violence des accès , on conçut des
» foupçons que leur conduite ne détruifit
FEVRIER. 1763. 73
"
29 truifit pas ..... Ces deux Moines im-
" pudens oferent accufer le Duc d'Or-
» léans lui-même : on les interrogea ; ils
» fe couperent. Appliqués à la queſtion ,
» ils avouerent leur impofture ... Avant
» que de livrer les deux Prêtres empy-
» riques à la Juftice féculière , ils furent
dégradés. Pour cet effet on les con-
» duifit à la Grève les mains liées , ayant
» fur la tête des mîtres de papier , où
» leurs noms étoient écrits : ils s'appel-
» loient Pierre & Lancelot. Un écri-
» teau de parchemin attaché à leur dos
» contenoit leurs crimes. L'Evêque de
» Paris , en habits pontificaux , fortit
» d'une des fenêtres de l'Hôtel- de-Ville ,
» & s'avança par une gallerie fur un
» échaffaut tendu de drap de laine. Il
» étoit accompagné de fix autres Evêques
& de plufieurs Eccléfiaftiques.
» Les deux criminels monterent fur un
» échafaut élevé vis-à-vis de celui du
Clergé : un Docteur en Théologie les
» prêchoit. Le fermon fini , l'Evêque
» leur dit puifque vous avez profané
» par vos actions infâmes le glorieux
» caractére de notre Religion , nous vous
» déclarons indignes de la communion
» des Fidéles & detoute fonction Eccléfia-
»ftique. Les Prêtres de la fuite de l'Evê-
:
D
74 MERCURE DE FRANCE .
t
»
"
» que les revêtirent enfuite des ornemens
» facerdotaux. Alors ces malheureux fe
mirent à genoux , & confefferent leurs
» crimes. On leur mit entre les mains
» le Calice , que l'Evêque reprit lui-
» même , en difant : nous t'otons le Ca-
» lice avec lequel tu confacrois le nom de
N. S. On obferva la même cérémonie
» pour les autres ornemens. Lorsqu'ils
furent entiérement dépouillés , l'Evêque
ordonna qu'on leur raclât les
doigts , & qu'on les lavât dans une
» liqueur préparée à cet effet...... A
l'inftant le Sergent & les Archers du
» Prévôt de Paris s'en emparerent. Après
» les avoir promenés nuds en chemiſes
» dans les principales rues , ils les rame-
» nerent à la Grève , où ils furent dé-
» capités »
Nous defirerions que les bornes ordinaires
d'un extrait nous permiffent de
rapporter tout le morceau de cette hiftoire
, qui concerne l'origine des Spectacles
en France . M. Villaret a fait fur
cette matière des recherches curieufes
& des obfervations très-intéreffantes .
Nous nous propofons d'en entretenir
un jour nos Lecteurs , en les renvoyant
à l'article des Spectacles , où ces recherches
& ces obfervations occuperontleur
LE
JANVIER. 1763. 75
S
r
t
r
véritable place . Nous avons lu tout ce
morceau avec une extrême fatisfaction
& le Public doit favoir gré à l'Auteur
d'avoir débrouillé un cahos , d'où quelques
autres hiftoriens ne s'étoient pas
fi bien tirés.
En général nous ne pouvons que répéter
les éloges que nous avons déja
donnés plufieurs fois à l'ouvrage de
M. Villaret. Son ftyle réunit à la fois la
chaleur , l'élégance & la précifion ; & les
faits , même les moins importans , y
font toujours préfentés d'une manière
piquante.
LETTRE DE M. MARIN , Cenfeur
Royal & de Police , de l'Académie
de Marfeille , & de la Société Royale
des Sciences & Belles- Lettres de Nancy
; à Madame la P*** de *** fur
un projet intéreſſant pour l'humanité.
Brochure in- 12 , fans nom de Ville
ni de Libraire .
LEE but de cet écrit eft de propofer
un établiffement qui fait honneur à
celui qui l'a imaginé , & auquel nous
Dij
76 MERCURE DE FRANCE .
1
croyons que tous les citoyens devroient
concourir. Il s'agit d'un Bureau de confultations
pour les les pauvres , c'eſt-à -dire ,
que tous les pauvres qui ont des procès ,
& qui , faute de pouvoir payer des Avocats
& des Procureurs , font obligés d'abandonner
leurs droits trouveroient
une reffource contre l'injuftice , dans
la bonne volonté de quelques particuliers
difpofés à payer les frais de la procédure.
Ce Bureau s'établiroit par la
voie de la foufcription. On nommeroit
un Caiffier qui feroit dépofitaire
des fonds des Soufcripteurs ; & des
Avocats payés de l'argent de ces fonds
s'affembleroient
certains jours de la femaine
pour délibérer fur les affaires de
leurs pauvres cliens. Il faut lire dans la
brochure même tous les détails concernant
ce nouvel établiffement. Ils
nous ont paru concertés avec prudence,
& dictés par une charité tendre & affectueufe
, qui fait connoître l'ame fenfible
& bienfaifante de M. Marin. Ce qui
fans doute , lui a fait naître l'idée de
propofer un pareil établiffement
, eft
une hiftoire pathétique , au récit de laquelle
les coeurs les plus durs feront euxmêmes
attendris . M. Marin parle d'une
JANVIER. 1763. 77
femme malheureuſe , à qui il a été chargé
de porter les aumônes de la Princeffe
, à laquelle il a dédié fa brochure .
» J'ai erré long-temps dans cette rue ,
» où elle avoit vécu dans une forte d'o-
» pulence , fans avoir pu découvrir fa
>> retraite. Les voifins qu'elle avoit fi
>> fouvent obligés , ont oublié jufqu'à
" fon nom. Je défefpérois de réuffir
» dans mes recherches , lorfqu'une jeune
»fille m'arrête & me tend la main , en
» me cachant fes larmes. Je l'interroge ,
» & par les réponfes que je lui arrache
» je comprends qu'elle follicite la charité
» des paffans pour cette femme que je
» cherche. Je me fais conduire ; elle
» me guide en tremblant ; je la fuis dans
» un réduit obfcur ; j'entre , je vois à la
» foible lueur d'une lampe , fix enfans
>> aux genoux de leur mère , lui deman
» dant du pain. Je vois une femme , les
» yeux égarés , gardant le filence terrible
» du défefpoir , fe meurtriffant le fein
» d'une main , & foutenant de l'autre la
» tête de fon mari , étendu fur la paille ,
» brulé par une fiévre ardente , couvert
» de cicatrices , & expirant faute de
» nourriture. Comment vous peindre
» Madame , l'expreffion de leur recon-
» noiffance, lorfque j'ai annoncé à ces
D iij
78 MERCURE DE FRANCE.
» infortunés que leur malheur étoit
» venujufqu'à vous , & que vos mains
par-
» s'étoient ouvertes à leur mifére ! La
» mère étouffant de fanglots , embraf-
"fant fes enfans , fans pouvoir proférer
»une parole ; le père agitant fa tête , &
» prononçant des mots mal articulés ;
» les enfans preffant mes genoux en
» larmes , m'ont fait pouffer un cri de
» douleur & de joie , & m'ont plongé
» dans une espèce d'anéantiffement ;
"mes pieds chancelans fe déroboient
» fous moi;ma main cherchoit un appui;
" mon coeur s'eft gonflé , ma refpira-
» tion devenue plus rare & plus forte
» étouffoit ma voix , & je fuis resté
» quelque temps immobile. »
"
M. Marin nous apprend que la caufe
de l'infortune de cette famille au défefpoir
, eft venue d'un procès injuſte
qu'on lui a fait , & qu'elle a perdu
faute de s'être défendue felon les formalités
ordinaires de la Juftice . Il lui refte
encore quelque reffource ; mais n'étant
pas en état de défendre fon bien , que
d'injuftes raviffeurs veulent lui enlever ,
elle eft dans le danger de tout perdre.
C'eft ce qui a donné à M. Marin l'idée
du nouvel établiffement dont nous venons
de rendre compte.
FEVRIER: 1763. 79
AVERTISSEMENT
Aufujet du Corps complet de l'AGRICULTURE
, du Commerce & des Arts
& Métiers de France , dédié au Ror ,
fous le titre de l'AGRONOMIE & de
L'INDUSTRIE , par une Société.
d'Agriculteurs , de Commerçans &
d'Artiftes.
Renouvellement des Soufcriptions .
ANNÉE 1763.
CULTIVER
ULTIVER avec foin les bran-
» ches d'un Arbre , & négliger fes
» racines , dit un Philofophe , c'eſt tra-
" vailler en vain . Il en feroit de même
de notre Ouvrage , fi nous n'euffions
pofé des fondemens folides avant d'en
élever l'édifice .
En fuivant ce principe , nous avons
fait précéder par une Théorie lumineufe
& néceffaire , les Méthodes que
nous nous propofons de développer
dans les Volumes fuivans.
Div
80 MERCURE DE FRANCE.
Perfonne n'ignore que la fcience de
la Navigation doit le degré de perfection
où elle eſt parvenue aux découvertes
faites en Aftronomie & en Algébre
, appliquées à la Géométrie : nous
foutenons , avec la fçavante Société de
Bretagne ( a ) que les découvertes faites
en Chymie & en Phyfique feront
pareillement la fource des progrès du
Cultivateur dans fon Art.
Cet Art abandonné à des mains efclaves
de la coutume & des préjugés ,
doit puifer les fecours qui lui font néceffaires
dans les fources de la Philofophie.
Cette fcience développe les principes
de la Nature , & la connoiffance
de ces principes doit être celle des
Agriculteurs. C'est donc à ces hommes
intelligens , qui feuls peuvent conduire
les opérations du Laboureur , que nous
avons dû nous adreffer en premier lieu.
Nous allons maintenant entrer dans
les champs du Cultivateur ( b ) & faire
nos efforts pour lui dévoiler les myftères
de la Nature.
( a ) Page 131 , fecond Volume de fon Corps
d'Obfervations.
(b ) Le volume d'Agriculture qui va paroître
, traitera de l'Agriculture-pratique.
FEVRIER. 1763. 81
> Nous parlerons au Laboureur &
nous nous mettrons à fa portée . ( c )
Nous lui enfeignerons le moyen de
rendre fes travaux plus utiles à fes
Concitoyens & à lui- même.
Cette Claffe d'hommes fi néceffaire
& fi précieuſe à l'Etat , encouragée
par le Gouvernement & éclairée par nos
leçons , trouvera moins de terreins ftériles
, & rendra plus fertiles ceux qui
l'étoient déja .
Nous continuerons fur le même plan
la partie du Commerce & celle des
Arts & Métiers. Le Public fatisfait ›
nous y invite par fes éloges. On joindra
au premier Volume du Corps d'Ofervations
, qui paroîtra en 1763 , le
Tableau des perfonnes qui contribuent
avec nous à ce grand Ouvrage. Ces
Citoyens eftimables ont bien voulu confentir
que leurs noms fuiviffent ceux
des Protecteurs de la Société : on donnera
auffi les noms de ceux qui la
compofent. Heureux fi par notre zéle
& notre amour pour la patrie
pouvons inſpirer une entiere confiance
dans nos travaux !
, nous
(c) Voyez notre Préface , partie d'Agricultu
re ; pag. xxj . Nous l'y avons promis.
Dv
82 MERCURE DE FRANCE.
CONDITION S.
?
LE Public paroiffant empreffé de jouir
du fruit de l'Ouvrage de la Société
dont une partie féparée traite de l'Agriculture
, une autre du Commerce , &
une troifiéme des Arts & Métiers , il
fera formé pendant l'année 1763 , deux
Volumes complets de chacune de ces
trois parties ; au lieu que jufques à
préfent il n'en a été diſtribué que deux
d'Agriculture , & un feul des autres
parties.
Les matériaux néceffaires pour la confection
du Corps général d'Obfervations.
de cette Société , fe trouvant affez
abondans on en diftribuera trois
Volumes complets l'année prochaine.
Il n'en a été fourni précédemment que
deux Volumes.
?
Il paroîtra donc dans le courant de
1763 , fix Volumes du Corps de l'Ouvrage,
& trois volumes du Corps général
dobfervations , ce qui fera neuf Volumes
complets.
On continuera de divifer les Volumes
en Cahiers de cinq feuilles d'impreffion
, in-8° , & d'un caractère paFEVRIER.
1763. 83
reil à celui dont on s'eft fervi jufqu'à
préfent.
Les Cahiers de chaque partie du Corps
de l'Ouvrage , pafferont aux Soufcripteurs
alternativement & fucceffivement ,
chaque quinzaine. Il leur paffera auffi
chaque mois un Cahier du Corps d'Obfervations.
Les mefures & les précautions
néceffaires étant prifes pour le
conformer exactement à ce plan & à
ces Epoques , les premiers Cahiers du
Corps d'Ouvrage partiront toujours du
Bureau de la Société , dans les quatre
premiers jours de chaque mois , les feconds
Cahiers vers le 12 ou le 15 , &
ceux du Corps d'Obfervations s'enverront
réguliérement à la fin de chaque
mois.
Chaque Cahier continuera d'être timbré
à l'ordinaire . Il aura fa dénomination
, afin qu'il ne puiffe arriver aucune
confufion , & qu'on puiffe les raffembler
aifément , pour compofer les
volumes qui feront de 320 pages chacun
, ou environ .
Cette diftribution par Cahiers , n'aura
cependant lieu qu'à l'égard des Soufcripteurs
, pour la facilité des envois.
Il ne fera plus diftribué de Cahiers
féparés au Public , lorfqu'il n'aura pas
foufcrit.
" D·VI
84 MERCURE DE FRANCE.
Les Volumes qu'on diftribuera féparément
feront timbrés avec ordre , de
même que les Cahiers
afin que les
perfonnes qui les leveront , puiffent en
faire la diftinction avec facilité.
Le peu d'exactitude des Graveurs
avoit mis dans le cas d'annoncer la diftribution
des Planches par Volumes
féparés ; mais au moyen des précautions
prifes pour l'avenir , cet inconvénient
ne fubfiftera plus : on placera dorénavant
les Planches à la fin de chaque
Volume . Elles feront difpofées de façon
que le Lecteur pourra , dans le même
coup d'oeil , voir la Planche , & lire
la defcription qui lui eft relative .
Ces Planches formant un objet difpendieux
, chaque Planche tiendra lieu
d'une demie feuille d'impreffion , ainſi
qu'il eft d'ufage .
On fera paffer vers le premier de Mai
prochain , aux Soufcripteurs de l'année
dernière , les Planches concernant les
quatre Volumes du Corps de l'Ouvrage
qui ont paru ; & quant aux perfonnes
qui ont pris des Volumes féparés fans
foufeription , on leur livrera les Planches
fur la repréſentation de leurs Volumes.
Les foufcriptions pour l'année 1763
feront ouvertes dès ce jourjufqu'au premier
Mars prochain.
FEVRIER. 1763. 85
PRIX DES SOUSCRIPTIONS.
Le prix de la foufcription fera le même déja
fixé , c'est-à- dire , de 3 liv. par Volume.
Au moyen de quoi , diſtribuant en 176 ; neuf
Volumes en tout , dont deux de l'Agriculture ,
deux du Commerce , deux des Arts & Métiers , &
trois du Corps d'Obfervations , & les neufVolumes
étant pris enſemble & Planches compriſes , l'objet
de payement pour 1763 fera de 27 1.
Pour le port , par la grand-pofie , pour la Province
, à raifon de 4 1. par cahier , ou 16 f. le
vol. fait en tout , 7 1. 4 f.
Et pour le port à Paris , par la petite-pofte , à
raifon de 6 d. par cahier ou 2 f. le vol. 18 f.
On a la liberté
de l'envoyer
prendre
aux Bureaux
de l'Agronomie
, alors il n'y aura point de
frais de port
à payer
.
Les perfonnes qui n'ont point encore ſouſcrit ,
depuis que cet Ouvrage a paru , payeront pour
les fix Volumes de 1762 , 18 1 .
Pour le port de la grand-pofte pour la Pro- vince, à raifon de 4 f. le cahier , 4 1. 16 f.
Et par la petite-pofte pour Paris , à den. par cahier ,
12 f.
Ceux qui ne vondront pas foufcrire en 1763 pour
la totalité de POuvrage , payeront , favoir:
Pour la partie de l'Agriculture , en trois Volumes
complets,
Pour celle du Commerce, idem ,
Pour celle des Arts & Métiers , idem ,
7 1.
7 1.
7 1.
Et pour le Corps général d'Obfervations , en 3
Volumes complets , 10 l. 10 f.
Total , 31L 10l.
86 MERCURE DE FRANCE.
Les Soufcripteurs entrans , qui defireront avoir les
Volumes des parties dénommées ci- deſſus , qui ont
paru depuis le commencement de l'ouvrage , payerontpar
parties féparées ; favoir:
Pour les deux Vol. de l'Agriculture , ci , 7 1.6 L
Pour celui du Commerce , 31. 14 f.
3 l. 14f.
Pour les deux du Corps d'Obfervations
, 7 l. 6f.
Pour le port par la grand-pofte pour la Province
, fur le pied de 16 fols par volume ou 4 f.
par cahier , comme eft dit ci - deffus ,
Pour celui des Arts & Métiers ,
16 f.
Et pour Paris , par la petite-pofte , à raison de 2 f par volume , ou de 6 den , par cahier , comme eft dit ci- deffus ,
2 f. Chaque Volume féparé , foit de 1762 , ou qui
paroîtront à l'avenir , fe diftribueront à Paris , à
l'accoutumée , fur le pied de 4 1. chacun , 4 l .
Ceux qui voudront avoir cet Ouvrage par les
voitures publiques ou particulières , en fe chargeant
du port , pourront continuer de les faire
prendre aux Bureaux de la Société , ou écrire ,
pour donner les indications certaines , en affranchiffant
les Lettres d'Avis : Chaque volume leur
fera adreffé fur le pied feulement des foufcriptions
fufdites.
Il y aura à Paris deux Bureaux de recette établis
; l'un chez Defpilly , Libraire , rue S. Jacques
, à la Vieille- Pofte , & l'autre rue des Orties
, Butte S. Roch .
Les reconnoiffances des foufcriptions feront
fignées par le Préposé de la Société aux recouvremens.
Elles feront vilées par le Caiſſier , ainfi
que par le Libraire de ladite Société.
On tiendra des Regiftres en forme , paraphés
par la Société , & les Receveurs n'y porteront auFEVRIER.
1763 . 87
can enregistrement de foufcriptions , qu'au prealable
elle n'ait été payée comptant .
de
Les perfonnes de Province qui auront envie de
foufcrire , en préviendront par Lettres franches
port , & on leur fera paffer les reconnoiſſances
des fommes qu'ils auront payées , avec les cahiers
publiés de l'Ouvrage.
On prie les perfonnes qui écriront de vouloir
bien le faire , le plus lifiblement qu'il fera poffible
, & fur- tout d'indiquer très-politivement les
demeures & les endroits où paffe la grand-poſte ,
afin que rien n'y refte au rebut.
TARI F.
SOUSCRIPTIONS GENÉRALES
.OU
pour la totalité de l'Ovvrage & port compris .
1753.
La Soufcription générale pour la Province fera
de 34 liv. 4 f.
Pour Paris , de 27 liv. 18 f.
1762 , auffi port compris.
Pour la Province , 2.2 liv. 16 f.
Pour Paris ,
18 liv. 12 f.
1763.
SOUSCRIPTIONS PARTICULIERES,
OU
pour parties féparées de l'Ouvrage. , Port compris.
Agriculture , ou Commerce , ou Arts & Métiers
88 MERCURE DE FRANCE.
Pour la Province ,
Pour Paris ,
Corps d'Obfervations.
Pour la Province ,
Pour Paris ,
1762.
8 liv. 12 f.
7 liv. 4 f.
12 liv 18 f.
10 liv. 16 f.
SOUSCRIPTIONS PARTICULIERES.
Pour chaque Partie pour la Province , on payera
Port compris , fçavoir :
Pour les deux Vol . de l'Agriculture , ci 8 liv. 18 f.
Pour le Vol . du Commerce ,
Pour le Vol. des Arts & Métiers ,
liv . 10 f.
liv. ro f.
Pour les deux Vol du Corps d'Obfervations
8 liv. 18 f.
Pour chaque Partie pour Paris , on payera ,
Port compris fçavoir :
Pour les deux Vol. de l'Agriculture , 7 liv. 10 f.
du Commerce,
des Arts & Métiers ,
3 liv. 16 f.
3 liv. 161,
Pour les deux Vol.du Corps d'Obſervations
7. liv. 10 f.
On trouve chez DESPILLY , tous les Livres qui
concernent l'Agriculture , le Commerce & les Arts &
Métiers ; entr'autres le Guide des Laboureurs , ou
l'Abrégé de l'Agriculture Pratique . Cet Ouvrage eft
divifé en Entretiens & Recueils , pour lafacilité des
Curés , qui voudront enfeigner les Principes & la
Pratique de l'Agriculture à leurs jeunes Paroiffiens,
& en même temps pour l'utilité des Cultivateurs
aduels.
FEVRIER. 1763. 89
MÉLANGES DE PHYSIQUE
ET DE MORALE , contenant
l'Extrait de l'Homme Phyfique &
Moral ; des réfléxions fur le bonheur
; un Difcours fur la nature &
les fondemens du pouvoir politique ;
& un Mémoire fur le principe phyfique
de la régénération des Etres &c.
Nouvelle Edition , augmentée en plufieurs
endroits d'éclairciffemens & de
preuves ; & de fix Dialogues fur les
caufes & les effets de l'état de fécurité.
néceſſaire au bonheur. A Paris , chez
H. L. Guerin & L. F. Delatour , rue
S. Jacques , à S. Thomas d'Aquin.
M. D CC. LXIII.
NOUouSs avons parlé en fon temps de
la premiere édition de cet Ouvrage
avec les éloges qui lui font dûs. Les fix
dialogues dont cette feconde édition eſt
augmentée , qui ne font qu'une extenfion
des réfléxions fur le bonheur,achévent
de mettre cette matière dans tout
90 MERCURE DE FRANCE.
fon jour , nous ajouterons que s'il eft
vrai , comme il est généralement reçu ,
qu'il ne foit guère poffible d'avancer
fur des objets de connoiffances phyfiques
qu'autant qu'on y eft conduit par
le fil d'une grande vérité ; s'il eft vrai
auffi qu'un art dénué d'une juſte théorie
ne fçauroit mériter le nom d'art , c'eftà-
dire être bien entendu , bien exercé ,
fans le fecours prèfque continuel de
cette théorie ; enfin fi une des meilleures
marques d'une bonne théorie
c'eft qu'elle cmbraffe facilement & complettement
tous les faits que l'expérience
& l'obfervation peuvent offrir ;
jamais traité n'eut & ne préfenta ces
avantages mieux que celui- ci , & par
conféquent ne mérita plus d'attention.
Un grand effet dans le jeu de l'oe--
conomie animale prèfque inconnu
jufqu'à préfent , dont on fait le principal
centre du méchanifme de toutes
les fonctions du corps humain , & parlà
, dans le fonds , de toutes les actions
de la vie ; voilà ce qui frappe finguliérement
dans cet Ouvrage ; toute la
chaîne , à laquelle on lie le moral comme
le phyfique , tient fi exactement à
ce grand principe , on parvient fi ' facilement
par ce moyen à placer dans
FEVRIER. 1763. 91
leur vrai point de vue tous les phénomènes
qu'il y a à confidérer dans l'état
de fanté & celui de maladie ; enfin
ce principe paroît appuyé fur des obfervations
fi concluantes , fi aifées à vérifier
par l'expérience que chacun en
peut faire , par l'infpe&tion anolomique ,
& même par des ouvertures de cadavres
faites fuivant l'efprit de ces obfervations
, qu'il eft difficile de douter
de fa folidité; au moins fi c'étoit une
erreur n'en fut-il jamais de fi fpécieuſe .
En attendant ce que le temps appor
tera de confirmation ou de critique à
ce fujet , nous croyons pouvoir demander
fi cet Ouvrage ne manquoit pas aux
matières qu'il contient ; jamais elles n'avoient
été envifagées dans les fources
& dans l'enſemble où elles font ici
préfentées , & comme il est très-difficile
, à mesure qu'on les approfondit ,
de ne pas convenir qu'elles tiennent
éffentiellement les unes aux autres ,
c'est donc avoir beaucoup fait , pour
nous en procurer l'intelligence , que
de les avoir placées dans le point de
vue de leur enchaînement naturel , où
qui du moins en approche beaucoup .
Ainfi trouva- t- on quelque Sujet de critique
dans le principe qui les lie ; car
2
92 MERCURE DE FRANCE.
on ne fauroit fuppofer qu'il foit poffible
de le détruire entierement : la théorie
à la vérité pourroit y gagner ,
mais felon toute apparence il en reviendroit
peu d'avantage à la pratique de
l'art de vivre , & peut-être tout auffi
peu à celle de l'art de guérir.
Dira -t-on qu'on a toujours vu les
théories de Médecine fe décrier au bout
d'un certain temps , & bien moins par
les Ouvrages qui les critiquoient que
par les fréquentes & fàcheufes méprifes
où l'on tomboit en fe réglant fur
ces théories ? l'Auteur répond que c'eft
ce qui doit arriver quand elles font
mauvaifes ; & comme il eſt bien prouvé
, felon lui , qu'on n'avoit eu jufqu'à
préfent fur la phyfique du corps humain
que de mauvais principes , on a
donc dû être porté à croire que la
théorie eft plus propre à égarer les praticiens
qu'à les conduire il n'y a a
compter que fur l'expérience . Mais
quoiqu'on dife là - deffus , il n'en eft
pas moins certain qu'on n'a été conduit
à l'idée de fournir une théorie
que par l'expérience des abus infoutenables
de l'empirifme ; & en effet comment
fans aucun principe diftinguer
les cas , & juger des exceptions , ainFEVRIER.
1763. 93
fi que des précautions particulieres à
obferver en toutes méthode de traitement
? il faut pourtant convenir qu'il
vaudroit mieux ramener l'art à fes foibles
commencemens que de le laiffer
affujetti à une mauvaiſe théorie ; une
bonne théorie fait faire tirer parti de l'expérience
, & ne s'ingère point d'en tenir
lieu : en un mot elle éclaire l'art fans
dogmatifer ; & une mauvaiſe théorie
fait précisément le contraire : voilà
ce que l'Auteur s'eft principalement attaché
à faire bien fentir dans fes Ouvrages.
Il croit auffi avoir bien établi qu'une
jufte idée des loix de l'économie animale
eft non feulement le feul
moyen d'avoir des principes vrais
en Médecine , mais même d'entendre
quelque chofe à la conduite , au gouvernement
de la vie , à l'art de prendre
fes avantages contre ce qui peut la troubler
; quel état policé , dont les richeffes
confifteroient dans un commerce
de navigation , confieroit fes vaiffeaux
à des Pilotes qui ne connoîtroient
pas la bouffole , & qui ne navigueroient
qu'à la manière des anciens tems
où l'on n'avoit pas cette connoiffance ?
voilà pourtant , felon l'Auteur , l'image
94 MERCURE DE FRANCE .
de l'habileté des hommes de tous les
fiécles pour la conduite de leur vie , de
leur fanté , de leur bonheur ! ils ont érré
au gré de leurs paffions , ou fuivant
des préjugés réputés pour de bonnes
régles ; & tout au plus dans le déclin de
l'âge défabufés d'une partie de leurs
érreurs par les fruits tardifs d'une expérience
peu éclairée , ils acquéroient
enfin quelques lumières qu'ils n'étoient
plus en état de tourner à leur profit ,
& que les moeurs & les opinions reçues
rendoient inutiles aux autres.
On voit toute l'importance de ces
matières , on ne fçauroit trop s'en occuper
; c'est ce qui nous a portés à
profiter de l'ocafion de faire de nouveau
connoître l'efprit dans lequel elles font
ici traitées.
A L'AUTEUR DU MERCURE .
J'AI lu avec plaifir , Monfieur ? dans ΑΙ
votre dernier Mercure la Lettre de M.
DAIREAUX DE PRÉBOIS fur l'origine
des Palinods ; mais l'intérêt qu'ordinairement
on prend à la gloire des
lieux qu'on habite , m'engage à avertir
l'Auteur , d'une erreur dans laquelle il
FEVRIER. 1763 95
·
eft tombé au fujet de cette ville . Elle
méritoit d'être comptée parmi celles de
Rouen & de Caen, qui ont des Puys de
Palinod, puifqu'elle en a un très-ancien,
fous le nom de très -célebre , illuftre ,
grande & honorable Confrairie des Clercs
Parifiens , fous le titre de la glorieufe
& facrée Vierge Marie. Cette Confrairie
eft même encore aujourd'hui , à bien
• des égards au moins , non tels que font
actuellement les Palinods dégénérés de
Rouen & de Caen , mais tels qu'ils
étoient primitivement.
Les feuls Poëmes admis au concours
font encore , un Chant Royal & une
Ballade à refrains à chaque ftrophe,
& uniquement confacrés à célébrer le
triomphe de la fainte Vierge . Il n'y a
de changés que les prix. C'étoit autrefois
une couronne , un chapeau & un
afficquet ou image , le tout d'argent.
Aujourd'hui il y a bien encore trois
prix , mais qui ne confiftent qu'en trois
couronnes d'argent affez légères , qui fe
donnent le 15 d'Août par le Prince de
la Confrairie , à l'Auteur , ou aux Auteurs
des vers jugés les meilleurs .
4
.
Cette Confrairie n'eft aujourd'hui
compofée que d'Eccléfiaftiques , quoiqu'il
paroiffe qu'anciennement d'autres
96 MERCURE DE FRANCE.
que des Clercs y entroient. On trouve
dans le Recueil des OEuvres de Jean
Loys , Avocat & Poëte , mort ici en
1610 , un éloge funébre d'un Jean de
Bellegambe , Peintre , qui en 1609 étoit
Prince de la Confrairie des Clercs Parifiens
à Douai. On peut encore remarquer
que Jacques Loys , fils de ce
Poëte Wallon , remporta trois années
de fuite le prix Palinodique
; & qu'à ·
raifon de ce triple triomphe , il eut ou
s'arrogea le droit de prendre le titre de
Poëte Laureat.
J'aurois pu faire une plus longue
Lettre , fi j'avois fouillé dans les Archives
de notre Palinod ; mais ce que
je viens d'en dire fuffit pour le faire
connoître , & eft peut - être tout ce qui
mérite d'en être connu .
J'ai l'honneur d'être , & c.
DUMONCHAU , Médecin des hôpitaux
du Roi.
A Douai , ce 30 Décembre 1762 .
ANNONCES
FEVRIER. 1763. 97
ANNONCES DE LIVRES.
L'ART de s'enrichir promptement par
l'Agriculture , prouvé par des expériences
; par le fieur Defpommiers , nouvelle
édition , corrigée & confidérablement
augmentée de plufieurs expériences
, & de la manière de cultiver les
bois pour la conſtruction des vaiſſeaux
in- 12. Paris 1763 , chez Guillyn ,
Libraire , quai des Auguftins , au Lys
d'or , du côté du Pont S. Michel . En
attendant l'extrait de la nouvelle édition
de cet ouvrage , dont la première a été
enlevée en moins de fix mois , nous dirous
feulement que les augmentations
utiles que l'Auteur y a faites , ne peuvent
qu'ajouter à fon mérite très- connu .
LETTRE MORALE fur l'éducation
phyfique des enfans , par M. M***
brochure in-8°. Paris , 1763 , chez
Charpentier, Libraire , quai des Auguftins.
Nous nous propofons d'en rendre
coompe
.
1 ÉLÉMENS de Chorégraphie , contenant
la defcription de plufieurs pas , &
des mouvemens en ufage dans l'art de
E
98 MERCURE DE FRANCE.
"
la danfe , fuivant les principes de M.
Feuillet , rédigés , augmentés & fuivis
d'une nouvelle contredanfe , par M.
Malpied , brochure , gravée , in- 12.
Paris , 1763 , chez l'éditeur , Maître
de danfe , rue des Boucheries S. Germain
, vis -à-vis M. Bolduc , Apotiquaire
du Roi , & chez M. Guerfan ,
rue de la Comédie Françoiſe . Prix , 3 liv.
LETTRE fur la Paix , à M. le Comte
de ***.
Spes difcite veftras. Virg. Æneid. 3.
C'est l'ouvrage d'un Citoyen trèseftimable
, & dont nous donnerons l'extrait
dans le Mercure prochain , brochure
in- 12. Lyon , 1763 , & fe trouve
à Paris chez les Libraires qui vendent
les nouveautés.
ETRENNES SALUTAIRES , ou Précis
de ce qu'il eſt à propos d'éviter &
de faire pour fe conferver en bonne
fanté & prolonger fa vie. La Haye ,
1763 , & fe trouve à Paris , chez P. F.
Didor , le jeune , quai des Auguftins ,
près du Pont S. Michel. Prix , 12 fols
broché & 18 fols relié .
ALMANACH de la ville de Lyon , &
des Provinces de Lyonnois , Forez &
FEVRIER. 1763. 99
•
,
Beaujolois , pour l'année 1763 , in-8°.
Lyon , de l'Imprimerie d'Aimé de la
Roche feul Imprimeur - Libraire de
M. le Duc de Villeroy,du Gouvernement
& de la Ville , aux Halles de la Grenette
, & fe trouve à Paris chez Defaint
& Saillant , rue S. Jean-de - Beauvais .
LA PÉTRISSÉE , ou Voyage de Sire
Pierre en Dunois , badinage en vers ,
où se trouve entr'autres la conclufion
de Julie ou de la Nouvelle Héloïfe .
Liberiusfi
Dixero quid , fi fortè jocofius ; hoc mihijuris
Cum venia dabis . Horat.
in- 12 . La Haye , 1763 ; & fe trouve à
Paris chez plufieurs Libraires. Nous nous
propofons de rendre inceffamment compte
de cet Ouvrage , que l'on attribue
à un jeune Militaire , dont la bravoure
& les talens aimables font également
connus.
CONTES MORAUX , dans le goût de
ceux de M. Marmontel , recueillis de
divers Auteurs , publiés par Mlle Uncy,
in- 12 . deux volumes . Amfterdam, 1763 ;
& fe trouve à Paris , chez Vincent
rue S. Severin . On y trouve , dit l'Editeur
, du naturel , de la variété dans les
E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
瀑
caractères , des couleurs vraies & propres
à tous les âges & à toutes les conditions.
Ces Contes font au nombre de
quarante- trois ou quarante- quatre , &
tous fort amufans. Le choix fait honneur
au goût de la jeune Demoiselle qui
les a recueillis , & qui nous apprend
qu'elle y a trouvé des rapports avec certaines
circonftances de fa vie. Nous nous
propofons de les faire connoître plus
amplement.
ESSAI fur l'Horlogerie , dans lequel
on traite de cet art relativement à l'ufage
civil, à l'Aftronomie & à la Navigation ,
en établiſſant des principes confirmés
par l'expérience , dédié aux Artiftes &
aux Amateurs , par M. Ferdinand Berthoud
, horloger , deux volumes in - 12 ,
avec figures en taille- douce au nombre
de trente- huit , & très-bien traites. Paris
, 1763 , chez Jombert , Libraire , rue,
Dauphine , à la Belle- Image ; chez Mufier
, quai des Auguftins , & chez Panckoucke
, rue & près la Comédie Françoife
. Prix , 27 livres relié en deux volumes
. On en trouvera le Profpectus à
l'article des Arts utiles.
3
FEVRIER. 1763.
ΤΟΙ
LETTRE de M. D. à M. DE LA PLACE.
M. le Recteur de l'Univerſité de París
vient d'annoncer par un Mandatum,
le fujet du prix des Maîtres- ès-Arts pour
l'année 1763. Il eft conçu en ces termes:
quanti populorum interfit , eadem
in omnibus Scholis publicis , de Religione
, de Moribus ac Litteris doceri.
Comme il me femble qu'il y a une
grande conformité entre ce Sujet & la
matière qui eft traitée dans une Lettre
qui a pour titre : Lettre de M *** à M.
Abbé ** , Profeffeur en Philofophie ,
fur la néceffité & la manière de faire
entrer un cours de morale dans l'éducation
phyfique , je vous prie d'annoncer
qu'il y a chez Durand , le jeune , Libraire
, rue du Foin , des exemplaires
de cette Lettre , & qu'on y pourra trouver
des idées & des réflexions analogues
au Sujet propofé par l'Univerfité.
J'ai l'honneur d'être , & c.
DURAND.
E iij
102 MERCURE DE FRANCE .
ARTICLE III.
SCIENCES ET BELLES- LETTRES
ACADÉMIE S.
EXTRAIT de la Séance publique de la
Société Littéraire de CLERMONT
en Auvergne , tenue dans la Salle de
l'Hôtel-de-Ville.
Le 25 Août 1762.
M. DEVERNINES , ancien Directeur
, ouvrit la féance par la lecture d'une
Differtation fur un vafe antique , trouvé
dans la terre aux environs de Lezoux
petite Ville à quatre lieues de Clermont,
Ce vafe profond d'environ trois pouces
, fur cinq pouces de diamétre , eſt
compofé d'une terre qui approche de
la couleur rouge & très-fine ; il eft orné
de reliefs , repréfentant des perfonnages
, qui portent un linge déplié ;
plufieurs anneaux font déffinés autour
des perfonnages. On diftingue aifément
qu'ils font formés par un ferpent qui
FEVRIER. 1763. 103
mord fa queue ; l'Auteur s'attache d'a
bord à l'antiquité du vafe ; il le compare
à un de même nature dont il a
donné la defcription il y a quelques
années , & les rapporte l'un & l'autre
aux temps où les Romains établis dans
les Gaules , y porterent leurs ufages &
leurs moeurs. L'ufage de ces vafes , étoit
felon l'Auteur , de fervir à certaines libations
dans les Fêtes que célébroient
les Payens ; celui dont il eft queſtion
dans cette differtation paroît avoir rapport
par fes emblêmes aux Fêtes des Saturnales.
Les ferpents qui fe mordent
la queue font un emblême connu du
retour de l'année ; l'Auteur termine fa
differtation par des confidérations oeconomiques
, fur la matière dont eft compofé
ce vafe . Il prétend que dans la
Ville de Lezoux où on trouve une
grande quantité de pareils monumens ,
il y avoit une manufacture de poterie
de cette forte ; & il conclud qu'il feroit
très -utile d'établir dans ce même
lieu une manufacture de fayance ; il exhorte
fes Compatriotes à profiter de
cet avantage .
M. Ozy , a lu l'analyfe des eaux de
Contrexville en Lorraine ; M. Bagard,
premier Médecin du Roi de Pologne
E ix
104 MERCURE DE FRANCE.
Duc de Lorraine & de Bar , a attribué
aux eaux de Contrexville , la faculté
de foulager & guérir les maladies
occafionnées par la pierre & le
calcul ; le Mémoire qu'il a lu le 10 Janvier
1760 , dans une Affemblée publique
de la Société de Nancy , contient
une obfervation fuivie & détaillée des
qualités spécifiques de ces eaux découvertes
par l'analyfe & conftatées par
l'expérience. Des qualités fi falutaires
ont engagé certaines perfonnes de cette
Province à en faire tranfporter pour
leurs ufages . On ne pouvoit pas encore
juger de l'effet de ces eaux lorf
que M. de Ballainvilliers , Intendant
d'Auvergne , dont la vigilance & la
fagacité , faififfent généralement tout
ce qui peut concourrir au bien public ,
& dont l'âme bienfaifante fouhaite avec
ardeur l'éxiftence d'un remede fi puiffant
, fi confolant & fi rare , a chargé
M. Ozy de faire l'analyſe raifonnée de
ces eaux ; il a exigé que les éxpériences.
en fuffent faites en préfence des Do-
&teurs qui compofent le College de
Médecine de cette Ville. C'eft de cette
analyfe dont M. Ozy a rapporté les
procédés & les réfultats dans cette affemblée.
FEVRIER. 1763. 105
» Je m'y fuis appliqué , dit l'Auteur
» avec toute l'attention dont je fuis
» capable; mon zéle pour foulager l'hom-
» me dans fes douleurs & pour concour-
» rir à des vues fi généreufes n'a laiffé
" rien échapper de ce que l'Auteur de
la premiere Analyfe a mis fous les
" yeux du Public. Je l'ai fuivi fcrupuleuſement
, j'ai comparé mes procédés
avec les fiens , & fi je parois con-
» tredire ou affoiblir les réfultats des
» premieres expériences , c'eſt à mon
attachement invincible pour la vérité
» qu'il faut en imputer les motifs . D'ail-
» leurs je n'entreprends pas d'augmen-
» ter ou de diminuer la réputation de ces
eaux ; je me renferme dans la partie
chymique, laiffant aux Maîtres de l'art
qui ont affifté à mes Obſervations le
» droit de décider.
Il n'eft pas poffible de fuivre l'Auteur
dans fon analyfe , il faudroit rapporter
le Mémoire en entier. On fe
borne aux points de divifion entre la
première & la feconde analyſe. M. Bagard
prétend prouver par le mêlange
de l'huile de tartre par défaillance avec
le firop violat & fon changement de
couleur en verd , l'éxiftence d'un fet
alkali volatil dans ces eaux minérales ;
E v
106 MERCURE DE FRANCE.
dit
pour expliquer ce phénomène , M. Ozy
que T'alkali fixe qui a été verſé dans
ces eaux en eft la feule caufe . M. Bagard
a . paru étonné de ce qu'après
l'addition d'une certaine quantité d'alkali
fixe au mêlange de l'eau minérale
avec le firop violat , il s'eft fait un précipité
en poudre blanche. M. Ozy n'y
voit que la décompofition de la felenite
que contiennent ces eaux minérales ;
il opére le même phénomène en verfant
de l'alkali fixe ou de l'huile de
tartre par défaillance dans l'eau minérale
; il obtient un precépité blanc , qui
n'eft autre chofe que la terre feleniteufe
qui étoit unie à l'acide vitriolique , &
qui enfemble forment le fel feleniteux,
M. Bagard a cru voir des petits
criftaux de fel , après le mêlange de
l'huile de vitriol ; M. Ozy , n'y a vu
que des bulles d'air. Il prouve même
qu'il ne pouvoit y avoir aucun fel ар-
parent.
L'huile de vitriol verfée ſur le mêlange
après la diffolution de Saturne , a
préfenté aux yeux de M. Bagard des
globules blancs ; M. Ozy n'y a vu
qu'une décompofition du fel de faturne:
mais il n'y a vu aucune indication du
favon foupçonné par M. Bagard. La
FEVRIER. 1763. 107
diffolution d'argent a décélé une petite
quantité de fel marin ; le précipité jaune
d'une belle couleur de citron qui,
s'eft formé par le mêlange de la diffolution
de mercure dans l'efprit de
nitre , a donné occafion à M. Ozy ,
d'éprouver par différentes tentatives
la poffibilité de la compofition du tartre
vitriolé par l'acide nitreux . Les réſultats
ont donné l'affirmative.
M. Ozy a répété les mêmes expériences
fur une chopine des mêmes eaux ,
concentrée réduite au tiers : elles ont
toutes produit les mêmes effets . Cette
opération a été faite par le Chymiſte ,
pour rendre par la concentration les
principes que M. Bagard avoit cru voir
dans ces eaux plus fenfibles & plus
palpables. Après l'analyfe préliminaire
de ces eaux le Chymifte a éxaminé le
réfidu d'une évaporation jufqu'à ficcité
de foixante-huit livres de ces eaux , le
fédiment a été de deux onces & demie;
& après avoir fait fur ce réfidu différentes
éxpériences , il en a conclu
que ces foixante - huit livres d'eaux contenoient
environ un gros & huit grains .
de fel marin à baze terreufe , un peu
de terre calcaire & le refte de felenite .
La différence principale entre les deux
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
analyſes eft l'exiſtence d'une eſpéce de
favon que M. Bagard prétend avoir
découvert dans ces eaux , & que M.:
Ozy n'y trouve pas ; celle d'un fel acide ;
& auffi celle de l'alkali volatil minéral.
Si le fel acide eft réellement contenu
dans ces eaux , dit M. Ozy , il
en exclut néceffairement la fubftance
favoneufe pour l'alkali volatil minéral
, il eft inconnu jufqu'à préfent à
l'Académicien de Clermont. Il ne croit
pas que deux fubftances fi oppofées
l'une à l'autre , telles qu'un acide & un
alkali , puiffent librement exiſter dans
un même véhicule , fans fe détruire
mutuellement , ou plutôt fans fe combiner
enſemble. M. Ozy n'a pas découvert
de faffran de Mars dans ces
eaux. Il s'eft même convaincu par des
expériences répétées que ces eaux ne
contiennent point de fer. Il n'a point :
vu les grains blancs dont parle M. Bagard
, malgré la plus fcrupuleufe attention
qu'ily a portée . Il rend raiſon des
différens réfultats des expériences de
M. Bagard , qui ont pu l'induire en
erreur fur l'existence d'une fubftance
favoneufe & du faffran de Mars dans .
ces eaux. Il termine fon analyſe en difant
que ffii cceess eaux ont une vertu
FEVRIER. 1763 . 139
fithontriptique , il ne croit pas qu'on
puiffe l'attribuer à d'autres fubftances:
qu'à la terre calcaire qu'elle contiennent
; & pour énoncer l'expérience fuivante
, j'ai mis deux pierres tirées de la
même vefcie en éxpérience ; l'une dans
des eaux de Contrexville ; l'autre dans
de l'eau commune , chacunes fermées .
dans un bocal de verre , bouché avec
un parchemin mouillé & placé dans
la chambre chaude d'un Boulanger ; je
les
y ai laiffées pendant fix jours : après
ce temps j'ai apperçu dans chaque bocal
un commencement de décompofi- :
tion de la pierre indiquée , par des flocons
blancs qui fe précipitoient au fond :
du vaſe. J'ai retiré les pierres & les ai
pefé ; la pierre qui a féjourné dans
l'eau de Contrexville , du poids d'un
gros & quinze grains , s'eft trouvée
réduite à un gros & dix grains.
Celle qui a féjourné dans l'eau.commune
, de trois gros & quinze grains ,
s'eft trouvée réduite à trois gros & un
grain. Il réfulte de cette éxpérience que
la pierre qui a féjourné dans les eaux
minérales a perdu un feizième de plus
à-peu-près que celle qui a féjourné
dans l'eau commune.
La Séance a été terminée par un
1
110 MERCURE DE FRANCE.
Mémoire de M. de Feligonde , Secré
taire de la Société , fur les variations
fingulières des Baromêtres .
L'Auteur de ce Mémoire annonce
que par une fuite d'obfervations journalières
fur le Baromêtre , il s'eft apperçu
du peu de folidité des prédictions
météorologiques de cet inftrument
que dans le cours des années 1761 &,
1762 , & notamment lors de la levée
des foins , temps où le nombre des Obfervateurs
eft très-grand , les confultans
ont été trompés plufieurs fois . Ils
fe font plaints avec amertume de l'infidélité
de leur guide ; mais avoient - ils
raifon ? & cet inftrument , pour rem- ,
plir fon véritable objet , doit-il être infaillible
dans les applications multipliées
qu'on veut faire de fes facultés ? Ce .
font ces confidérations qui ont engagé
l'Auteur à traiter premierement de l'ap- .
plication qu'on doit faire des effets du
Baromêtre ; deuxièmement , des caufes :
qui dans certaines circonftances déran- :
gent la marche de cet inftrument.
Les premiers objets qui fixerent les
vues des Phyficiens dans la gradation
des Baromêtres , font compris dans le
Mémoire au nombre de trois.
De terminer la hauteur de l'athmofFEVRIER.
1763. ITE
phère par le poids de la colonne d'air ;
eftimer les hauteurs des montagnes &
des différens points de la terre ; annoncer
les changemens de temps , les féchereffes
, les pluyes , les vents & les
tempêtes .
L'Auteur rapporte les
expériences,
faites par les Phyficiens les plus célébres
, plufieurs obfervations inférées
dans les Mémoires de différentes Académies
, & fes propres obfervations :
defquelles il réfulte premierement , que
l'ufage du Baromêtre n'a pas également
réuffi dans tous les climats pour déterminer
le poids de l'athmosphère , ou la
hauteur de la colonne d'air.
Deuxièmement , que les méthodes
inventées pour déterminer, par le moyen
des Baromêtres , la hauteur de différens
points du globe , font encore bien imparfaites
, & quelquefois fautives par
les circonftances.
Troifiémement , que les pronostics
des vents & de la pluye , des orages ,
& c. t: ouvent dans l'expérience journa
lière des
contradictions fatales au fyftême
.
Cette fuite
d'obfervations paroît
ébranler un peu les prédictions météorologiques
des Baromêtres. L'Auteur
112 MERCURE DE FRANCE.
n'en tire cependant pas la conféquence ,"
& avant d'ouvrir fon fentiment , il paffe
à la feconde partie.
Le poids de la colonne d'air comme
caufe principale , les altérations de ce
fluide , comme cauſe accidentelle , concourent
à élever le mercure dans le tube
renverfé.
L'Auteur découvre dans les différentes
hauteurs de la colonne la denfité
des couches & l'élafticité des molécules
d'air qui la compofent ; la fource
& l'origine de toutes les variations qui
fe manifeftent dans les expériences. Il
en fait l'application aux contrariétés que
préfentent celles qu'il a rapportées dans
la première partie.
Il explique par les effets des vents
contraires , des vapeurs de différentes
natures , des fels volatils , des paffages
précipités du froid au chaud , des chaleurs
exceffives , des froids immodérés
les contremarches par lefquelles la liqueur
contenue dans le Baromêtre induit
les confultans en erreur.
D'où il conclut qu'on ne doit regarder
comme véritable objet du Baromêtre
, que la détermination du poids abfolu
de la colonne d'ajrqui le domine ;
mais que ce poids étant l'effet d'une multitude
de puiffances fujettes à des variaFEVRIER.
1763. 113
,
tions continuelles , on ne doit pas regarder
cet inftrument comme infaillible
foit dans la connoiffance de la hauteur
de l'athmosphère , foit dans les mesures
des différentes élévations , foit dans les
prédictions météorologiques .
On ne doit cependant pas abandonner
l'ufage de cet inftrument , 1 °. parce qu'il
remplit conftamment fon premier objet;
2º. parce que fes obfervations ont répandu
dans la phyfique de grandes
lumières , & qu'on a lieu d'en attendre
des découvertes intéreffantes , fi on continue
à l'obferver avec éxactitude & à
le réformer avec précaution .
PROBLEME DE GÉOMÉTRIE.
UNN triangle ifocèle étant circonfcrit
à deux cercles contigus qui ont leursdiametres
dans la raifon de trois à un ;
de manière que fa bafe touche la grande
circonférence , & chacun de fes côtés ,
celle-ci & la petite : on demande quel
eft dans ce triangle , le rapport de la
bafe aux côtés . Propofé par Albert, Etudiant
en Mathématique fous M. Baubé,
ǎ Lyon.
A Lyon , ce 7 Janvier 1763.
114 MERCURE DE FRANCE.
ARTICLE IV.
BEAUX- ARTS..
ARTS UTILE S.
CHIRURGIE.
EXTRAIT de deux Lettres de M.
DUMONT fils , Lithotomifte à
Bruxelles , à M. LE CAT , Ecuyer
Sécretaire perpétuel de l'Académie
des Sciences de Rouen , & c. fur la
méthode de tailler de ce dernier.
MONSIEUR ,
Si la feule inſpection de votre gor
geret ciftitôme ( * ) nous a épris en fa
faveur , avant même que nous euffions
lû votre recueil & votre parallèle , tellement
que nous renonçâmes dabord ,
( * ) On trouve ce Gorgeret ciftitôme , à Paris ,
chez Perret , Coutellier , à la Coupe d'Or , rue
de la Tixérandrie.
FEVRIER. 1763 . IIS
mon Père & moi , à nos propres inventions
pour ne nous fervir que de
lui ; fi la lecture que nous fimes enfuite
des Ouvrages cités ci- deffus nous
confirma de plus en plus dans notre
projet , en conféquence de la folidité
des preuves , tant de fait que de raiſon
que nous rencontrâmes partout dans
ces Ouvrages ; jugez , Monfieur , combien
peu nous fommes difpofés à renoncer
à le faire , ainfi qu'aux inſtrumens
avec lefquels vous exécutez vos
opérations , à préfent que nous fommes
convaincus de leur bonté par des
expériences réitérées fur les morts & les
vivans. Oui , Monfieur , les éffais que
nous avons faits de votre inftrument
fur les cadavres , nous ont toujours f
conftamment donné une opération latérale
des plus parfaites , que nous n'afpirâmes
dès-lors , mon Père & moi ,
qu'à l'occafion d'en faire l'éffai fur le
vivant : feuls éffais vraiment décififs de
la bonté d'une méthode ou d'un inftrument
, quand des fuccès conftans en
Couronnent l'ufage . C'eft le cas où nous
nous trouvons , Monfieur , par rapport
à votre gorgeret çiftitôme , d'après les
obfervations , dont voici l'hiſtoire. &
Nous avons taillé cette année avec
116 MERCURE DE FRANCE.
cet inftrument , ttrrooiiss ffuujjeettss , fçavoir ,
deux ce Printemps , & le troifiéme cet
Eté.
·
Le premier étoit un garçon de vingt
ans , affez bien conftitué en apparence ,
dont le père , auffi pierreux , périt il y
a quatre ans dans l'efpace de trois à
quatre jours , fous le tranchant du lithotome
caché , qui lui avoit caufé une hémorragie
interne , dont toute la veffie
avoit été remplie , ainfi que le baffin *.
Son fils fut taillé par mon père en fept
minutes avec votre gorgeret ciftitôme :
fa pierre , d'un très -grand volume , pefoit
environ trois onces. Il n'y eut point
d'hémorragie de conféquence , & le
malade fe portoit très - bien en tout jufqu'au
troifiéme jour , que fon imagination
frappée qu'il alloit mourir ce
jour-là , comme l'avoit fait fon père
il fe fit en lui une révolution fi terrible ,
qu'il tomba plufieurs fois en fyncope .
& manqua de mourir de peur. Mais àpeine
fut-il entré dans le quatriéme
jour , qu'il commença à fe tranquillifer ::
il fe porta enfuite de mieux en mieux
& fe trouva enfin guéri parfaitement
au bout de cinq femaines .
* C'eſt là un des inconvéniens nombreux que
M. Le Cat a démontré dans l'uſage du lithoto
me caché .
FEVRIER. 1763. 117
Le fecond , qui étoit un garçon âgé
de quinze ans , fut taillé par moi dans
notre Hôpital : je lui tirai en moins d'un
demi - quart-d'heure une pierre murale
de la groffeur d'un petit oeuf de poule ,
en partie brifée. Le malade , auffi - tôt
après l'opération , dormit plufieurs heures
, encore mieux les nuits fuivantes :
il retint parfaitement fes urines , & urina
à volonté le fixiéme jour , & fut parfaitement
guéri le neuvième jour.
Mon père opéra le 17 de ce mois
d'Août , en deux minutes , un garçon
de quinze ans , fort exténué des douleurs
de fa pierre , qui étoit murale &
groffe comme un maron. Le fixiéme
jour il n'urinoit plus du tout par la
playe , & aujourd'hui onzième jour la
cicatrice des tégumens eft telle que je
compte dans trois jours le voir parfaitement
guéri .
" Quoiqu'il foit vrai , Monfieur , que
nous ayons eu différentes fois des fuccès
pareils , en opérant à notre façon
( qui ne différe en rien de la vôtre, quant
aux principes , ) & avec des inftrumens
de notre invention , il faut cependant
vous avouer que nous faifons cette opération
bien plus facilement , plus promptement
& plus parfaitement avec votre
118 MERCURE DE FRANCE.
,
gorgeret ciftitôme , qu'avec tout autre
inftrument même les nôtres. Qui
Monfieur , nous y avons rencontré , par
l'ufage que nous en avons fait , un fi
grand nombre d'avantages fupérieurs à
ceux de tout autre lithotome quelconque
connu jufqu'à préfent , qu'il me
femble que vous n'en avez point encore
dit tout le bien qu'il y a à en
dire : c'eſt le témoignage que la vérité
nous force de vous rendre en faveur
de votre inftrument , lequel nous n'abandonnerons
point , que quelque génie
heureux & fupérieur nous en montre
un meilleur. C'eft ce que je crois
être très- difficile , pour ne point dire
impoffible .
J'ai l'honneur d'être , &c.
DUMONT , fils , Lithotomifte à Bruxelles.
Voyez dans le Journal de Médecine
mois de Septembre 1762 , p . 277 , les
fuccès de la même méthode à Rouen.
FEVRIER. 1763. 119
HORLOGERI E.
ÉSSAI fur l'Horlogerie ; Par M. FERDIN
AND BERTHOUD , Horloger
à Paris. *
-
L'ART de l'Horlogerie fi long-temps
ignoré a acquis de nos jours un trèsgrand
degré de perfection du côté de la
main-d'oeuvre ; mais on n'avoit pas encore
tenté de réduire cette Science en
principes. Les Auteurs qui en ont écrit
jufqu'à préfent , fe font contentés de
décrire les piéces d'Horlogerie les plus
en ufage , & de traiter chacun à ſa maniere
de quelques foins de pratique . Delà
eft venue la variété que l'on s'eft
permife dans la fabrication des Pendules
& des Montres. Ce n'eft cependant
* Cet Auteur eft déjà connu par les Articles
Horlogerie qu'il a faits pour l'Encyclopédie ;
par différens Ouvrages de fon invention , préfentés
à l'Académie Royale des Sciences ; par le Livre
de l'Art de conduire & de régler les Pendules &
les Montres &c.
On trouvera auffi chez les mêmes Libraires le Livre
de l'Art de conduire & de régler les Pendules
& les Montres.
120 MERCURE DE FRANCE.
que d'après des principes bien établis
que l'on peut parvenir au point de conftruire
& d'éxécuter ces Machines , pour
les mettre en état de mefurer le temps
avec la plus grande précifion.
C'est pour répondre au défir des Amateurs
de cet Art, & au befoin des fabricateurs
d'Horlogerie que l'Auteur de cet
Ouvrage s'eft déterminé à faire part au
Public de tout ce qu'il eft parvenu à
découvrir fur cette fcience par un travail
conftant & defintéreffé qui l'occupe
depuis plus de dix ans & par
l'étude particulière qu'il a faite des principes
de méchanique , & furtout par un
grand nombre d'expériences tendantes
vérifier ces principes .
,
Cet Ouvrage eft donc le fruit d'une
étude longue & pénible , & l'Auteur
n'y fait myſtère d'aucune des chofes qu'il
a apprifes ; il y expofe les principes fur
Lefquels il eft parvenu à compofer non
feulement des Horloges à pendule , qui
ne varient ni par le chaud ni par le froid ;
des Horloges marines pour fervir aux
longitudes , & c ; mais encore à établir
une théorie fur les Montres , vérifiée
par l'expérience , & au moyen de laquelle
il conftruit auffi des Montres
qui ne varient point par les différentes
températures ;
FEVRIER. 1763. 12.1
températures ; chofe à laquelle on n'avoit
ofé penfer jufqu'à préfent .
Le but de l'Auteur étant d'inftruire
les Artiſtes & les Amateurs , il ne fe
contente pas de les guider par des principes
mis à leur porté , il entre encore
dans tous les détails de pratique fur les
Pendules & les Montres ; enforte qu'avec
un peu de réflexion une perfonne
qui n'auroit même aucune teinture de
l'Art , pourroit parvenir à exécuter des
Pendules & des Montres qui marcheroient
avec jufteffe .
L'Ouvrage entier eft divifé en deux
Parties , qui forment chacune un Volume.
La première Partie comprend
trente-fix Chapitres , qui traitent principalement
des defcriptions des Machines
ordinaires d'Horlogerie , comme Pendules
à fecondes , fonnerie d'un an
an ,
Horloges à répétition , à équation , & c.
Des Montres ; Montres à réveil , à répétition
, à équation , à quatre parties ,
& plufieurs inftrumens & outils les plus
éffentiels , & c ; de tous les détails de
main-d'oeuvre d'une Répétition en Pendule.
Dix-neuf Planches jointes au premier
Volume , font relatives à l'objet
de cette Partie .
La feconde Partie eft divifée en qua-
F
122 MERCURE DE FRANCE.
rante-fept Chapitres , qui traitent particuliérement
des principes & de la théorie
de l'art , de la meſure du temps ;
grand nombre d'expériences & de machines
faites pour vérifier ces principes ;
la conftruction qu'il faut donner aux
machines qui mefurent le temps , tant
dans les Horloges aftronomiques , que
dans les Montres & les Horloges Marines
, &c. Dix- neuf Planches gravées
en taille-douce , font relatives aux matières
traitées dans ce Volume. Nous
allons parcourir la totalité de cet Ouvrage
, pour donner une notice de ce
qu'il contient.
PREMIERE PARTIE . Le Chapitre L
traite de la divifion du temps , qui eft
mefuré par les révolutions du foleil': on
fait voir que le foleil varie , & l'on explique
les caufes de ces écarts : Chap. II.
Pour parvenir à faire concevoir parfairement
les divers effets de cette partie
d'une Horloge qui mefure le temps ,
l'Auteur fuppofe que n'ayant aucune
notion des machines qui mefurent le
temps , on veut en compofer une. Pour
cet effet il paffe des idées les plus fimples
& par gradation , au point de former la
machine ; & l'on acquiert par cette mé-
-thode des idées générales , nettes &
FEVRIER. 1763. 123
justes de chaque partie des Horloges ;
Au Chap. III , Defcription d'une Pendule
à fecondes , à fonnerie : Chap. IV
& V , fur les fonneries . Defcription
d'une fonnerie d'un an. Chap . VI &
VII , Notion générale des répétitions ,
avec la defcription de ce méchaniſme.
Pour parvenir à donner des notions nettes
des Montres , l'Auteur fuppofe que
l'on ne connoît point le méchaniſme de
ces ingénieuſes machines , & que l'on
veut en compofer une ; il fait voir par
gradation comment on pourroit y parvenir
c'est l'objet du Chap . VIII. Le
IX eft la defcription d'une Montre ordinaire
Chap . X , Defcription d'une
Montre à répétition : Chap . XI , Defcription
d'une Montre à réveil : Chap.
XII , de l'Équation ; fes effets. Les
Chap . XIII , XIV , XV , XVI , XVII
& XVIII , contiennent des defcriptions
de différentes fortes d'Equation pour les
Pendules & pour les Montres : Montres
d'un mois fans monter à répétition , fecondes
, équation , & c. Chap. XIX , on
entre dans les détails d'exécution de ces
machines : Chap. XX , de l'uſage des
Tables d'équation jointes à ce Livre .
Les Chap . XXI , XXII , XXIII & XXIV
font des defcriptions d'échappemens
Fij
124 MERCURE DE FRANCE.
pour les Pendules ou pour les Montres :
Chap. XXV , de la machine à fendre
les roues Chap . XXVI , de l'outil à
tailler les fufées. Les Chap. XXVII ,
XXVIII & XXIX font des defcriptions
des outils les plus éffentiels qui fervent à
la pratique de l'Art. Chap . XXX , Defcription
d'une Montre à trois parties.
Chap . XXXI , de quelques foins de
conftruction & d'exécution des Montres.
Chap. XXXII & XXXIII , Examen
des caufes d'arrêts & de variations
des Montres & des Pendules. Chap.
XXXIV , fur les nouvelles productions
d'Horlogerie. Chap. XXXV, des Baromêtres
& Thermomêtres à aiguille. Enfin
on termine cette première Partie
par tous les détails de main-d'oeuvre pour
l'entière exécution d'une Pendule à répétition
: celaforme le Chapitre XXXVI,
qui eft de 260 pages.
II. PARTIE
,
POUR parvenir à établir une théorie
fur les machines qui mefurent le temps ,
objet de la feconde Partie l'Auteurcommence
dans le premier Chapitre par
démontrer les loix de l'équilibre dans le
fimple levier. Ce principe établi il
l'employe à faire entendre comment les
,
FEVRIER. 1763. 125
roues , qui ne font que des compofés de
leviers , agiffent les unes fur les autres :
c'eft le but du Chapitre II . Dans le III ,
on donne des règles générales pour mefurer
la force tranfmife par le moteur à
la dernière roue d'un rouage. On examine
dans le Chap. IV les effets des
mauvais engrénages. Au Chap . V , on
démontre les courbés que doivent avoir
les dents des roues & pignons. Les Chapitres
VI , VII & VIII , traitent du
calcul des rouages , foit pour trouver les
nombres des dents des roues & pignons,
quand on compofe un Pendule ; ou ,
cette machine ou Pendule étant faite ,
pour favoir les révolutions que les roues
font , & pour trouver le nombre de
dents de rochets relativement à la longueur
d'un Pendule donné. Les Chapitres
IX & X traitent des loix du Pendule
fimple & de fes propriétés. On recherche
dans le Chapitre XI la meilleure
manière de fufpendre un Pendule ; &
dans le XII , comment doit être la lentille
pour éprouver une moindre réfiftance
de l'air. Chap. XIII , Expériences
fur les réfiftances de l'air . Chap. XIV &
XV , calcul de la force requife pour entretenir
en mouvement un Pendule :
ce qui conduit à la meilleure manière
F iij
126 MERCURE DE FRANCE.
de régulateur . L'Auteur traite dans les
Chapitres XVI & XXVII des Pendules
qui font mus par l'action inégale des
refforts ; des effets des échappemens ; &
de la machine qu'il a conftruite pour
faire des expériences fur cette matière ,
& c. Il traite dans le Chap. XVIII , de
la dilatation & contraction des métaux
par le chaud & le froid . Chap. XIX , du
Pyrometre qu'il a compofé pour mefurer
les effets des métaux ; & Chap . XX ,
il donne le précis des expériences qu'il
a faites là -deffus. Chap . XXI , des écarts
que la différence de la température caufe
aux Horloges à pendule. L'Auteur
traite dans les Chap . XXII & XXIII
de la conftruction de plufieurs verges
compofées pour compenfer les effets du
chaud & du froid. Chap . XXIV , Defcription
d'une Horloge aftronomique ,
à fecondes concentriques , allant un an :
Sonnerie de fecondes pour faciliter les
obfervations pour les Aftronomes.
Après avoir traité des parties les plus
éffentielles des Horloges à pendule ,
l'Auteur a entrepris de parcourir tour
ce qui peut contribuer à la jufteffe des
Horloges portatives , & à établir une
théorie fur les Montres . Pour cet effet ,
il examine dans le Chapitre XXV , le
FEVRIER . 1763. 127
Balancier fimple ; & Chap. XXVI , les
propriétés du Spiral. Chap . XXVII ,
les conditions du meilleur régulateur de
Montre. Il démontre dans le Chapitre
XXVIII , tout ce qui eft relatif au Balancier
, poids , grandeurs , vîteffes ,
&c. Chap. XXIX , l'Auteur traite des
frottemens , de leurs effets , des huiles ,
& c. Il donne dans le Chap. XXX deux
propofitions qui fervent de baſe à la
théorie qu'il établit pour les compenfations
du chaud & du froid fur les Montres.
Le Chap. XXXI contient plufieurs
expériences qui confirment cette théorie.
Chap. XXXII , des effets des échappemens
dans les Montres , leurs propriétés
, &c. Il donne dans le Chapitre
XXXIII des principes fur la force de
mouvement des Balanciers , & on en
fait l'application dans le Chap . XXXIV ,
pour trouver les pefanteurs des Balanciers
, forces de refforts , étendue de
vibration , & c. Chap. XXXV , l'Auteur
y établit quelques principes fur les Ref
forts on trouve dans le Chap. XXXVI
la deſcription d'une Montre à fecondes
concentriques de fa façon ; & Chapitre
XXXVII , la defcription d'une Montre à
huit jours à fecondes , régulateur à deux
balanciers.
Fiv
128 MERCURE DE FRANCE .
L'Horloge aftronomique décrite dans
le Chap. XXIV n'ayant pas autant approché
de la perfection que l'Auteur le
defiroit , il a travaillé à une nouvelle
Horloge , dans la conftruction de laquelle
il a raffemblé tout ce que l'étude
& l'expérience ont pu lui apprendre ;
auffi a -t- elle parfaitement réuffi . Cette
Horloge a fait l'objet des Chapitres
XXXVIII & XXXIX.
Après avoir travaillé avec fuccès à
la perfection des Horloges aftronomiques
& des Montres , l'Auteur a formé
le projet de conftruire une Horloge marine
pour fervir aux longitudes : c'eſt
l'objet de quatre Chapitres. Pour parvenir
au but qu'il fe propofe ; il donne
dans le Chapitre XL une notion des longitudes
& de leur utilité en mer ; de
l'ufage de l'Horlogerie pour parvenir à
leur découverte . Le Chap. XLI traite
des principes qu'il a fuivis pour la compofition
d'une Horloge marine , laquelle
ell décrite Chap. XLII ; & d'après l'exétion
qu'il en a faite , il donne dans le
Chapitre XLIII les détails de maind'oeuvre
, & les expériences faites avec
cette machine. Il propofe dans le Chapitre
XLIV la conftruction d'une Horloge
marine plus fimple & moins coû
FEVRIER . 1763. 129
-
•
teufe que celle qu'il a exécutée . Il donne
auffi le plan de cette machine. Ce Chapitre
eft terminé par la defcription d'une
troifiéme Horloge , qu'il croit préférable
aux précédentes : il ne l'a pas exécutée
, mais il en donne le plan.
Le Chap. XLV contient quelques
additions & expériences relatives à la
perfection des Horloges aftronomiques .
Le Chapitre XLVI contient des additions
à plufieurs parties des Montres ; fur
les frottemens , compenfations du chaud
& du froid , & c : on y trouvera la defcription
de plufieurs inftrumens éffentiels
à la perfection des Montres , & entr'autres
une machine à fendre & à tailler
les roues de cylindre & roues de rencontres
enarbrées ; de l'exécution de l'échappement
à cylindre , &c . Enfin , pour
terminer cet Ouvrage , l'Auteur traite
dans le Chap. XLVII de la conftruction
& de l'exécution d'une bonne Montre
& il fait concourir tout ce qui peut la
porter à la plus grande perfection , &
entre dans tous les détails de fa conftruction
& dans les plus éffentiels de
fon exécution.
Fy
130 MERCURE DE FRANCE.
AUTRES OBSERVATIONS fur une
Opération de la Taille.
NICOLAS Moutier, agé de 67 ans,
demeurant à Guitrancourt près de Mantes
fur Seine , fouffroit beaucoup depuis
longtemps d'une pierre qu'il avoit dans
la veffie ; les douleurs devenant chaque
jour plus aigues , il fe détermina
à venir à Paris ; m'ayant confulté für
fon état , je lui dis qu'il ne pouvoit
efpérer de foulagement que par l'opération
de la taille . S'y étant réfolu , il
entra chez moi le premier Août 1762.
Je le difpofai par quelques préparatifs.
J'en retranchai les faignées comme préjudiciables
à fon tempérament & à
fon âge ; je m'en tins à deux purgations
pour vuider les gros boyaux ; cette précaution
étant utile , parce qu'il pourroit
arriver que le rectum faifant faillie
par la préfence de quelques matières
fécales, on l'ouvrît ; dans la même
vue d'obvier à cet inconvénient , je
lui fis prendre également deux lavemens
quelques heures avant l'opération .
En cet état je la lui fis le cinquiéme
jour. Voici ce qui fe paffa de parFEVRIER.
1763 . 131
:
ticulier dès que j'eus faifi la pierre avec
la tenette elle étoit fi molle qu'à la
plus légère preffion que je fis elle s'écrafa
; il s'agiffoit de parvenir à nétoyer
tout-à-fait la veffie des fragmens de
pierre briſée . Ne pouvant le faire avec
des inftruments ordinaires , je fis ufage
des injections ; le fuccès n'ayant point
répondu à mes efpérances , je pris le
parti de faire mettre le malade dans le
it & de le laiffer un peu tranquille.
Pendant ce temps je fongeai à ce qu'il
y auroit à faire ; car fi j'en fuffe refté
là , ce pauvre homme auroit paffé par
une cruelle épreuve , fans en retirer de
grands avantages. Conduit par
nité , & l'honneur de ma profeflion ,
j'examinai d'abord pourquoi les injections
que j'avois faites lors de l'opération
avoient été infructueufes ; la caufe
m'en parut fenfible : c'eft que lorf
que je ceffois de pouffer l'injection, les
parois de la playe fe rapprochant , formoient
un obstacle à l'iffue des graviers ;
& il n'y avoit alors que le fluide qui
pût refortir.
l'huma-
Pour ne rien donner au hazard , je
paffai fcrupuleufement en revue tous
les moyens que l'art offre en pareil
cas ; ce fut la canulle que je crus pro-
F vi
132 MERCURE DE FRANCE .
pre à remplir mon deffein ; pour cela
je penfai qu'il n'étoit queſtion que
de la faire faire affez groffe pour que
les graviers puffent aifément paffer par
fon embouchure. Après que j'eus placé
cette canulle , comme cela ſe pratique
ordinairement , j'eus la fatisfaction
dès la premiere injection que je fis dans
la vente par fon moyen , de voir fortir
beaucoup de graviers;l'ayant répété dans
le même moment jufqu'à trois fois , il
en fortit avec la même abondance. Le
foir il en parut moins ; ayant continué
d'injecter le lendemain matin & le
foir il n'en fortit point du tout , ce qui
me donna lieu de penfer qu'il n'y en
avoit plus. La canulle devenant pour
lors corps inutile & étranger capable
de s'opposer à la réunion de la playe
je l'ôtai & abandonnai le tout à la nature
; il vint en même temps plufieurs
graviers qui s'étoient mis entre fes parois
& celle de la playe ; ils s'y étoient
fans doute gliffés dans le moment de
l'injection , & il n'y a rien d'étonnant ,
parce que je l'avois pouffée avec affez
de force.
,
Quoi qu'il en foit , après avoir enlevé
la canulle en queftion , l'urine commença
à reprendre fon cours par la
FEVRIER . 1763. 133
verge , ce qui alla toujours en aug-
-mentant au point que le douziéme
jour elle ceffa entierement
de paffer
par la playe pour fuivre fa route naturelle
; & le malade fe portant de mieux
en mieux , obtint enfin fa guérifon radicale
au bout de vingt- cinq jours. De
même qu'il n'avoit point été faigné
avant l'opération , il ne le fut point
non plus après , je le mis feulement
pendant quatre jours au fimple bouillon;
& malgré qu'il eût un peu de fiévre
, comme elle n'étoit que l'effet de
l'opération , je ne laiffai pas d'augmen laiſſai
ter promptement
l'ufage des alimens ,
& je lui fis boire de bon vin en quantité
fuffifante . Par cette conduite , je
parvins à tirer mon malade d'affaire ;
j'eus la fatisfaction de lui voir prendre
vigueur , fes forces s'accroître , & la
fiévre difparoître fucceflivement
.
Si j'euffe agi différemment , c'est- àdire
que je lui euffe fait faire plufieurs
faignées , & que je l'euffe privé pendant
trop longtemps d'alimens , je l'au
rois jetté dans l'affaiffement & par
conféquent dans la mélancolie , puifqu'il
eft vrai que la mauvaiſe fituation
du corps influe toujours fur celle
de l'âme.
,
134 MERCURE DE FRANCE.
Il auroit également pu arriver que
dans ce Sujet déja débile par l'âge &
fa mauvaiſe nourriture habituelle , on
eût encore diminué l'action du coeur
& celle des vaiffeaux ; qu'alors le fluide
artériel n'étant plus pouffé avec force
fuffifante pour pénétrer les plus petits
vaiffeaux , du nombre defquels font
ceux de la veffie , ces derniers n'euffent
point reçu affez de fang pour la nourrir
& revivifier les fluides , qui y féjournoient
par les contufions qui avoient
été les effets de l'opération & qu'en
cet état la veffie s'étant gangrénée le
malade eût péri.
Ce raifonnement fait bien voir qu'il
eft des cas où on peut s'éloigner de la
regle générale avec prudence ; on fçait
d'ailleurs qu'il faut des fucs nourriciers
pour la réunion d'une playe ; auffi celle
en queſtion étoit-elle baveufe dans les
commencemens : mais peu- à - peu & à
mefure des reftaurans que j'ai fait prendre
, elle eft devenue d'une bonne couleur
& la fuppuration s'y eft établie
parfaitement ; l'abondance des fucs &
leur bonne qualité ont même été
telles , que la réunion de la playe , ainſi
que je l'ai dit , s'eft faite en vingt -cinq
ours
FEVRIER. 1763. 135
Toutes ces circonftances annoncent
évidemment qu'outre la main , le Chirurgien
doit avoir une connoiffance
éxacte de l'oeconomie animale ; & lorfqu'il
ne la point , c'eft un navigateur
fans bouffole , incapable de prévoir aucun
danger.
Ce qu'il y a de certain , l'opération
dont je viens de rendre compte , n'eft
devenue laborieufe que par l'infuffifance
des inftrumens ordinaires ; fi je me
trouvois dans le même cas , je n'aurois
pas les mêmes embarras , au moyen de
ce que j'ai imaginé depuis un inftrument
qui forme une efpèce de cuillier de
plombier courbée & d'une grandeur à
pouvoir être introduite dans la veffie ,
& par fa courbure pouvoir auffi être
portée dans tous les endroits de la veffie :
ce qui donnera la facilité d'avoir la
pierre lorfqu'elle ne fera pas groffe fans
le fecours des pinces ; & ce qui peut être
avantageux non-feulement lorfque la
pierre eft molle , mais pour en avoir les
fragmens , en fuppofant qu'on n'eût pas
prévu cet inconvénient.
Par M. DEJEAN , Maître en Chirurgie
de Paris.
136 MERCURE DE FRANCE.
e
la
Α Ν Α ΤΟ ΜΙΕ.
EXPOSITION AN ATOMIQUE
ftructure du corps humain , en vingt
grandes Planches imprimées en couleurs
naturelles , avec des Tables explicatives
très détaillées , par M.
GAUTIER , Penfionnaire du Roi ,
de l'Académie de Dijon , avec privilége
de Sa Majesté ; fe diftribue à
Paris chezlefieur Leroy , Marchand ,
vis-a-vis de la Comédie Françoife , & à
Marfeille , chez le fieur Feraud , Négociant
, rue Caiſſerie.
CET Ouvrage , qui s'eft d'abord donné
par diftributions , & pour lequel il
y a eu beaucoup de Soufcripteurs , eſt
préfentement complet , & forme un traité
particulier d'Anatomie. Il fert d'ailieurs
de fupplément à la premiere Edition
d'Anatomie , que l'Auteur a déja
donnée au Public , ainfi qu'à la feconde
qu'il fe propofe de donner par la fuite .
C'eft auffi fous le titre de Supplément
qu'il a d'abord été annoncé .
FEVRIER . 1763. 137
Les vingt planches repréfentent à
demi nature & fous les couleurs les
plus naturelles de nouvelles fituations
& coupes de tous les vifcères ; une femme
enceinte fur pied , ayant la Matrice
ouverte , le foetus en fituation &
toutes fes parties difféquées ; une fille
pareillement difféquée ; l'accouchement
& le foetus avec fes parties détachées ;
l'homme fur pied difféqué avec les
mufcles , les nerfs , les vaiffeaux , le
coeur , &c. Une angéologie complette
depuis la tête jufqu'aux extrémités inférieures
; les parties de la génération
de la femme & celles de l'Homme difféquées
, & fous des points de vue nouveaux
; un fquelete entier & garni de
plufieurs parties éffentielles ; des coupes
de la tête & du cerveau nouvelles &
intéreffantes ; enfin , une névrologie
qui offre le plus grand dérail , le tout
compofant dix figures entières , eft exécutée
magnifiquement fur papier de
grand colombier. Les tables explicatives
de même grandeur & fur même papier
font remplies de differtations &
des defcriptions de chaque partie.
Le prix de l'exemplaire complet en
feuilles eft de 108 liv.
138 MERCURE DE FRANCE .
ARTS AGRÉABLES.
MUSIQUE.
MÉTHODE , ou Principes pour enfeigner
& apprendre facilement l'accompagnement
du clavecin ou l'harmonie
de raifonnement
, ou la théorie des
marches de la Baffe fondamentale
avec les paffages de Baffe- continues
quelconques
, & la façon de les accompagner
à coup für, même fans chiffres ,
& une planche gravée à la fin du Livre
pour les exemples ; par M. Bretheau ,
Organifte de la Métropole de Tours.
Cette Méthode coûte douze fols , & fe
trouve à Paris aux adreffes ordinaires
de Mufique. A Orléans , chez Chevillon
, Libraire , rue Royale. A Angers ,
chez Boutemy. A Tours , chez Lambert.
SEI SONATE a due flauti , del
Signor Francefco Krafft , opera prima ,
in-folio : prix , 6 liv. A Paris , chez
Leclerc , rue S. Honoré , entre la rue
des Prouvaires & la rue du Four , à
Sainte Cécile, & aux adreffes ordinaires.
On trouve aux mêmes adreffes un
FEVRIER. 1763. 139
Trio fur la Paix , de M. ***. Prix , 18
fols.
GRAVURE.
MDE la veuve MOYREAU vient
de mettre au jour le dernier Wouvermans
, No. 89 , intitulé la Marchande de
canards , &c. par M. Moyreau , Graveur
du Roi. Elle continue de les débiter
, & demeure toujours rue des Mathurins.
SUPPLÉMENT à l'Article des Piéces
fugitives.
NOUVELLE INSCRIPTION ,
Pour être mife fur le Maufolée de M. DE CRÉ-
ΤΟΙ ,
BILLON.
qui dans la Tombe emportes nos regrets
!
La gloire te couronne au centre de la Paix.
Crébillon , Ecrivain ſublime ,
Ta mémoire à nos coeurs devient chère à jamais.
De ton Roi, de tous les Français ,
Ces marbres immortels te confacrent l'eftime.
1
140 MERCURE DE FRANCE.
HUNC Tumulum juffu Ludovici XV
Generofiffimi Artium renumeratoris ,
Pofuit
MARCHIO DE MARIGNY,
Regalium Præfectus Edificiorum ,
Anno Reparatæ Salutis ....Die... Menfis ....
Quam Mirantes Ampliffimam ingenii
Mercedem ,
Gens acclamat Erudita ,
Studiofa virtus triumphat & accenditur ;
Invidia autem erubefcit & tacet.
BRUNET .
A l'Auteur de la Comédie de DUPUIS
& DESRONAIS.
REÇOIS , mon chère Collé , le compliment fincère
De ton ami de tous les
temps :
Ton drame a fû doublement plaire ;
Le triomphe de tes talens
Eft celui de ton caractère :
Dans ton eſprit on voit ton coeur.
FEVRIER. 1763 . 141-
pomme; L'un & l'autre aujourd'hui t'ont mérité la
Et quoiqu'en puiffe dire un Monde corrupteur ,
Ce n'eſt pas l'efprit ſeul que le Public renomme.
Il n'éprouve jamais un plaifir plus flatteur ,
Que lorsqu'en couronnant l'Auteur ,
Il couronne auffi l'honnête-homme.
'DEUXIÈME LETTRE d'une jeune
Etrangére ,fur les Modes actuelles des
Françoifes . ( * )
JEE Je fuis
d'avoir réuffi à t'amufer , & fort glorieufe
que les François , qui voyagent
dans notre Patrie , t'ayent confirmé ce
que tu aurois pris fans cela pour un
Conte de mon imagination . Quelquesuns
de ces Meffieurs , plus délicats &
plus raifonnables que la Cohie de leurs
Compatriotes , s'étoient confiés à moi
fur le regret qu'ils avoient de ne plus
trouver autant de jolies Françoiſes ,
qu'ils en avoient vues autrefois. Je
leur fis faire attention aux énormes Hup.
pes dont je t'ai entretenue , dans ma
fort aife , ma chère Miſs ,
(*)Voyez la première Lettre , dans le fecond ,
Volume de Janvier.
142 MERCURE DE FRANCE.
précédente ; is convinrent que cette
caufe leur avoit fait perdre une infinité
de jolis minois. Cependant les Françoifes
m'y paroiffent fi attachées que ,
pour finir fur l'article de leur coëffure ,
tu fçauras qu'elles en ont imaginé une
dans le négligé , qui leur enveloppe
toute la tête , avec deux grands volets
en avant , pour laiffer à découvert le
fommet de ces têtes , afin de faire fortir
toujours la Huppe du toupet. J'ai de
la peine à te donner bien jufte l'idée de
ce Bonnet : tu n'en connoîtras jamais
tout le ridicule , à moins que je ne t'en
faffe paffer un de ce pays ; tu pourras
l'éffayer fur ta petite épagneule , quand
les vapeurs noires te tourmenteront
trop fort. En attendant , imagines- toi
deux grands ailerons de chaque côté
d'un vifage , qui excédent de ſept ou
huit grands pouces la phyfionomie &
de deux ou trois les plus grands nez de
France. Ces ailerons ne paroiffent tenir
à rien par le haut ; car , comme je te
l'ai déja dit , il faut que la Huppe ait fa
faillie franche : mais ils font attachés par
derrière à une ample bourfe de linge
qui enveloppe le volumineux amas
de cheveux dont les Françoifes font àpréfent
leur plus chère parure. On met
FEVRIER, 1763. 143
par là-deffus une efpèce de couronne
en rubans bouillonnés , qui paroît nouée
avec une rofette des mêmes rubans vers
l'extrémité postérieure du crâne ; je fuis
bien trompée fi tout cela ne s'appelle
pas fort ingénieufement un Cabriolet :
je n'ofe cependant t'en affurer , car
leurs ouvrières & marchandes de brillans
Chiffons , la plupart du temps fans
goût comme fans raifonnement , ont
la fuprême légiflation fur cette partie ,
& chaque femaine changent les noms
de ces bagatelles , pour obliger celles
qui les portent à en faire faire de nouvelles.
Cabriolet ou non , l'image , telle
que je viens de te la décrire , d'un vifage
qu'on donne à deviner dans cet enfoncement,
à-peu-près dans la proportion des
papillons que nous avons dans nos cabinets
, dont le corps eft fi petit pour
l'étendue de leurs aîles ; une tête oblongue
& applatie à l'inftar de quelques
Peuples fauvages ; voilà une Françoife
dans fon négligé coquet. Je te parlerai
une autre fois de l'habillement qui conftitue
ce même négligé. Il s'en faut bien
qu'il m'ait paru avoir les mêmes ridicules.
Je n'en fuis pas furprife , car il y
auroit en cela quelqu'ordre & quelque
conféquence ; dès-lors les Françoifes
144 MERCURE DE FRANCE.
feroient étrangères dans leur propre
Patrie. Donne-toi un peu de patience ;
quand je t'aurai fait paffer en revue
les femmes de ce Pays , nous examinerons
un peu les hommes , furtout ceux
qu'on appelle les Agréables : car le
nom de Petit-Maître commence à être
furanné , je t'en avertis , ce n'eſt plus
le mot , que pour les Ecrivains qui étudient
le monde dans leur petite chambre
obfcure , & qui le peignent d'après
les cercles bourgeois où ils ont
accès. Je t'embraffe de tout mon coeur
& c.
LE CYGNE RỌI ET SES SUJETS ,
FABLE.
DANANSS uunn Jardin que la Nature
Du printemps de Flore embellit ,
L'art avoit d'un canal creufé le vaſte lit ,
Où d'un jet tomboit l'onde pure.
Un éffain de Cygnes brillans
Du canal arrondi blanchiffoit la furface :
Un de ces oiſeaux éclatans
Élevoit la tête avec grace:
On voyoit à fon air qu'il en étoit le Roi.
Eh !
FEVRIER. 1763. 145
-Eh ! qui méritoit mieux de l'être ?
Entouré par l'Amour il écartoit l'éffroi
Que l'esclavage traîne à la fuite d'un Maître.
Le jour de fa Fête arriva :
Chacun de fes Sujets voulut montrer fon zéle ;
On prit foin d'inventer quelque Fête nouvelle ,
Où fans être amené le plaifir fe trouva :
Ami faux adroits politiques ,
Tous au ton de l'éloge avoient monté leurs voix.
On vit alors pour la première fois
Des courtisans flatteurs être encor véridiques .
L'un lui diſoit d'un ton mélodieux :
>> Vous enchantez le voisinage
» Par la rare beauté de votre heureux plumage ,
» Et par vos fons harmonieux.
Un autre favant dans la fable :
» Du cygne de Lida vous avez le talent :
→ Vous favez comme lui tendre , coquet , galant ,
» Prodiguer la .careffe aimable.
» Sous ce plumage éblouiſſant :
>> Vous nous cachez le Maître du tonnèrre ,
( Dit un vaſſal reconnoiffant : )
» Vous êtes un Dieu fur la Tèrre ,
" Puifque vous êtes bienfaifant.
Un jeune cygne , éloigné de la foule ,
Triſte objet du mépris , des autres le rebut ,
Attendoit qu'il fût ſeul pour offrir ſon tribut.
Des flatteurs le torrent s'écoule ;
Et ce Cygne emporté par la plus vive ardeur ,
G
146 MERCURE DE FRANCE .
S'approche en agitant les aîles :
Son regard eft plus vif , fes plumes ſont plus
belles ;
Et le Dieu du Plaifir a paffé dans fon coeur.
כ כ
Si j'avois eu l'âme commune ,
( Dit- il , au cygne avec candeur )
» J'aurois pu me mêler dans la foul importune
»Dese fclaves de la grandeur :
>> Mais je cherche votre âme & non votre fortune.
» J'ai refufé mon coeur & mon hommage au
Roi :
» Je viens l'offrir au cygne aimable.
» J'accepte votre don , dit ce Maître adorable ,
» Le fentiment eft fait pour moi .
Qu'un Grand déploye une âme tendre & belle ,
Pour enchaîner les coeurs il a de fûrs attraits :
Ma fable en préfente les traits ,
Et St. A... m'a fervi de modèle .
Par M. LEGIER.
MADRIGAL
A MADAME ***·
Un jour près de ces bords fleuris ,
Où la Seine fe mire au criſtal de ſes glaces ,
M... raffembloit les graces
Avec la fageffe & les Ris.
La plus jeune des trois , rivale de le MAURE
FEVRIER. 1763 .
147
De fon gofier brillant cadençoit les beaux fons :
L'Amour répétoit fes chanfons :
Aglaé chantoit mieux encore.
Des Bergers & des Rois le fuperbe vainqueur ,
Honteux d'être vaincu par la jeune Mortelle ,
Echappé de les yeux fe cache dans mon coeur :
Mais il y retrouvá les traits de cette Belle.
Par le même.
VERS pour accompagner un Tableau
de M. Amédée Vanloo , repréfentant
différentes vertus , lefquelles vues par
optique , forment le portrait reffemblant
du ROI.
Dis Rois & des Héros , tous les Peintres fa- DES
meux ,
Sur la toile ont tranfmis l'image reflemblante.
Vanloo feul a peint l'âme , & fon art merveilleux
Animant les vertus , en elles nous préfente
Et les traits de Louis , & fon coeur généreux.
Par REGNAUDIN DE NASSY , fils.
Gij
148 MERCURE DE FRANCE.
ARTICLE V.
SPECTACLE S.
SPECTACLES DE LA COUR A VERSAILLES,
ORDONNES par M. le Duc DE DURAS,
Pair de France , premier Gentilhomme
de la Chambre du Roi, en exercice
pendant l'année 1763, & conduits
parM. PAPILLON DE LA FERTÉ,
Intendant des menus , Plaifirs & Affaires
de la Chambre de SA MAJESTÉ.
LEE Mardi 4 Janvier , les Comédiens
François repréſenterent l'Irréfolu , Comédie
en cinq Actes & en vers du feu
fieur NERICAULT DESTOUCHES (a) ,
& pour petite Piéce le Charivari , Comédie
en un Acte & en profe (b) du
feu fieur DANCOURT. Le lendemain
( a) L'Irréfolu , repréfentée pour la première
fois en 1723 , avoit eu fix Repréſentations , remife
nouvellement au Théâtre avec plus de
fuccès.
(b) Première
repréſentation en 1697.
FEVRIER . 1763. 149
,
5, les Comédiens Italiens repréfenterent
Arlequin & Scapin rivaux , Comédie
Italienne , fuivie du Soldat magicien
Opera-Comique ; paroles du fieur L. B.
D. S.... Mufique du fieur PHILIDOR
(c).
Il n'y a point eu de Spectacle le
Jeudi 6 , à caufe de la Fête. Le Mardi
11 , par les Comédiens François , le
Curieux impertinent , Comédie en cinq
Actes & en vers du feu fieur NERICAULT
DESTOUCHES , fuivie du Fat
puni , Comédie en un Acte en profe :
Auteur Anonyme ( d) .
Le Mercredi 12 l'Académie Royale
de Muſique , conjointement avec la
Mufique du Roi , exécuta Hilas &
Zélis , Paftorale en un Acte , Poëme
d'un Auteur anonyme ; Mufique du
fieur de Bury , Surintendant de la Mufique
du Roi (e ) . Le rôle d'Hilas étoit
chanté par le fieur LARRIVÉE : celui
de Zélis par la Dlle LEMIERRE ( épouſe
du fieur LARRIVÉE . ) Le rôle de l'Amour
par la Dlle DUBOIS . Les principaux
Danfeurs & Danfeufes , dans le
(c) Première Repréſentation en 1760 fur le
Théâtre de l'Opera- Comique,
•
(d) Premiére Repréſentation en 1739.
(e) Premiére Repréfentation en 1762 .
Giij
150 MERCURE DE FRANCE .
Ballet , étoient les fieurs LAVAL
GARDEL , & les Dlles ALLARD &
VESTRIS .
Nous avons parlé avec de très-juftes
éloges de la mufique de cette Paftorale
à la dernière reprife des Caractères de la
Folie , Ballet du même Muficien , auquel
on l'avoit jointe. Cette Paftorale
en mufique avoit été précédée du Retour
d'Arlequin , Piéce Italienne , repréfentée
par les Comédiens Italiens.
Le 13 les Comédiens François repréfenterent
Phédre , Tragédie du feu fieur
RACINE. La Dile DUMESNIL jouant
le Rôle de Phédre , & la Dlle HUSSE
celui d'Aricie , le fieur BRISARD Thefee
; le fieur MOLE , Hippolite , & le
fieur DUBOIS Théramène.
Cette Tragédie fut fuivie du Confentement
forcé, Comédie en un Acte &
en Profe du feu ficur GUYOT DE
MERVILLE. (e )
Le 18 par les mêmes Comédiens le
Tambour nocturne , Comédie en cinq
Aces & en Profe du feu fieur Néricault
DESTOUCHES. (f) Cette Comédie
, qui a fait tant de plaifir à Paris ,
(e ) Premiere Repréſentation en 1738 .
(f)Imprimée dans les OEuvres de l'Auteur ,
jouée feulement dans les Provinces , repréſentée à
Paris la premiere fois en 1762 , par les foins &
avec des changemens du freur BELCOUR .
FEVRIER. 1763 . ISI
,
n'a pas moins amufé la Cour , par le
talent original , le naturel & l'intelligence
du bon comique des principaux
Acteurs . On fait particuliérement avec
quelle fineffe & quel art le fieur PRÉ-
VILLE varie continuellement le jeu du
rôle de PINCÉ dont la plaifanterie
feroit très-monotone fans cela. Le fieur
BELLECOUR , dans le Baron ; le fieur
MOLÉ , dans le Marquis ; la Dlle PREville
, dans la Baronne ; & la Dlle
LE KAIN , dans le rôle de Catau , ont
eu chacun le fuccès dû au talent avec
lequel ils jouent dans cette Piéce.
Pour petite Piéce on repréfenta le
Triple mariage (g) Comédie en un Acte
& en profe du même Auteur. Le Mercredi
, 19 , on éxécuta pour la feconde
fois la Paftorale d'Hilas & Zélis : les
rôles furent très bien rendus par les
mêmes Acteurs de la repréfentation
précédente , & les beautés diftinguées
de la mufique ont paru réunir les fuffrages
de toute la Cour , & ont fait à
l'Auteur ( le fieur de Bury ) tout l'honneur
que mérite fon talent.
Cette feconde repréfentation avoit
été précédée de la Comédie Italienne ,
intitulée la Joute d'Arlequin & de Scapin.
(g) Premiere repréſentation en 1724.
Giv
152 MERCURE DE FRANCE.
Le Jeudi 20 , les Comédiens François
repréſenterent Bajazet , Tragédie du
feu fieur RACINE . La Dlle CLAIRON
joué le rôle de Roxane , & la Demoifelle
Huss celui d'Atalide . Le fieur
MOLE le rôle de Bajazet le fieur
BRISART celui d'Acomat , & le fieur
DUBOIS Ofmin.
Après cette Tragédie , dont la repréfentation
intéreffa & toucha beaucoup
les Spectateurs , on donna le Philantrope
, Comédie en un Acte & en
profe du feu fieur LEGRAND ( h ) .
Mardi , 25 , les Comédiens François
repréfenteient la Piéce nouvelle , intitulée
Dupuis & Defronais , du fieur COLLÉ
(i ) , Comédie en vers & en trois
Actes , dont le fujet eft tiré des illuftres
Françoifes.
Un ouvrage dramatique où fe trouve
une connoiffance du monde la plus philofophique
& la plus délicate , où l'ef
prit ne femble prêter fon coloris que
pour fortifier le fentiment & orner l'inf
truction , où tout refpire les moeurs fans
trifteffe , & où tout infpire l'intérêt fans
( h) Jouée pour la première fois à Paris en
1724.
(i ) Cette Piéce avoit été repréfentée à Paris .
Voyez ci -après l'article de la Comédie Françoife.
FEVRIER. 1763. 153
affliger l'âme , ne pouvoit manquer
d'avoir un grand fuccès fur ce Théâtre .
Auffi la Cour a confirmé par fes fuffrages
la juftice que le Public avoit dérendue
à cette nouveauté. Il en a été
de même à l'égard du jeu des Acteurs
dont les trois principaux font la Dlle
GAUSSIN , pour le rôle de Mariane
: le fieur BRISART , pour celui
de Dupuis , & le fieur MOLÉ pour celui
de Desronais . Comme c'eft ce dernier
qui porte le plus de chaleur & de
mouvement dans la Piéce , nous ne
pouvons nous difpenfer de rapporter ,
fi l'on peut dire , le cri public , fur le
feu , fur le fentiment , le naturel & la
fine intelligence que met le fieur MOLÉ
jufques dans les plus petits détails de ce
rôle , qui ajoute encore à la réputation
qu'il s'étoit fi juftement acquife.
On donna pour feconde Piéce , le
même jour , les Folies amoureufes , Comédie
en vers , en trois Actes , du feu
fieur Regnard (k ). Le fieur BOURET
y joua le role de Crifpin.
Le Mercredi 26 les Comédiens Italiens
repréfenteremt Arlequin & Scapin
voleurs par amour , qui fut fuivie d'une
feconde repréfentation de Philemon &
(*) Première Repréfentation en 1704%
Gy
154. MERCURE DE FRANCE .
Baucis , Paftorale héroïque , exécutée ,
par l'Académie Royale de Mufique &
par la Mufique du Roi , telle qu'elle
l'avoit déja été ( & par les mêmes Acteurs
) le 30 Décembre dernier ( 1 ) .
L'exécution de toutes les parties de cet
Opera a été encore plus parfaite à cette
repréſentation ; & la Cour , qui l'avoit
redemandé , a paru y prendre un nouveau
plaifir. Le Poëme eft du fieur Roi ,
& la Mufique des fieurs REBEL &
FRANCEUR , Surintendans de la Mu--
fique de Sa Majesté.
Le Jeudi 27, les Comédiens François
ont repréfenté Ariane , Tragédie de
THOMAS CORNEILLE. La Dlle CLAIRON
jouoit le rôle d'Ariane , & la
Dlle Huss celui de Phédre. Les rôles
de Théfée & de Pirithoüis , par les fieurs
MOLE & BELCOUR.
On donna enfuite le Sage étourdi
Comédie en trois Actes & en vers du
feu fieur de BOISSI . ( m ) .
Les Lundi 17 & 24 Janvier il y a
eu Bal paré dans la Salle de la Comédie
du Roi , dont le parquet étoit monté au
niveau du Théâtre : elle étoit ornée de
( 1 ) Voyez le fecond Volume du Mercure de
Janvier.
(m ) Premiére repréſentation en 1748 .
FEVRIER. 1763. 155
,
beaucoup de luftres , foutenus & réunis
par des guirlandes de fleurs . Leurs
MAJESTÉS , M. le DAUPHIN Madame
la DAUPHINE & la Famille
Royale affiftent à ces Bals. Les Princes
du Sang , les jeunes Seigneurs & les
Dames de la Cour y danfent en divers
quadrilles , des entrées & ballets figurés,
dans les habits de caractères relatifs aux
fujets qu'ils ont choifis pour ces Ballets
, qui ont été extrêmement applaudis.
Le temps qu'ont duré ces Bals , depuis
11 heures & demi du foir , jufqu'à 6
ou 7 heures du matin , prouve combien
ils font agréables à ceux qui les compofent
& à ceux qui y affiftent.
G
156 MERCURE DE FRANCE.
SPECTACLES DE PARIS.
OPERA.
EXTRAIT DE POLIXENE ,
Tragédie de M. JOLIVEAU , Secrétaire
perpétuel de l'Académie Royale
de Mufique , mife en Mufique par
M. DAUVERGNE , Maître de Mufique
de la Chambre du Ro1.
PERSONNAGES.
PIRRHUS , fils d'Achille ,
TELEPHE , Prince des Myfiens.
HECUBE , Veuve de PRIAM ,
POLIXENE , fille d'HECUBE &
de PRIAM ,
JUNON
ACTEURS.
M. Geline
M. Pillot
Mlle Chevalier.
Mile Arnoud
THETIS , Mlle Rozet
LA GRANDE- PRESTRESSE DE
JUNON , Mlle Riviere,
LE GRAND-PRESTRE D'ACHILLE , M. Joli.
UN THESSALIEN ,
L'OMBRE D'ACHILLE ,
UNE TROYENNE ,
UNE THESSALIENNE ,
M. Durand.
LA JALOUSIE ,
LE DESESPOIR ,
LA
FUREUR ,
MlleBernard.
M. Larrivée.
M. Joli.
M. Muguet
FEVRIER. 1763. 157
Au premier Acte , la Scène eft dans
une Place publique de la Ville de LARRISSE
, ornée pour le triomphe de
PIRRHUS.
TELEPHE , en interrogeant PIRRHUS
fur ce qui peut troubler fon coeur ,
lorfque tout concourt à le faire jouir
d'un deftin heureux apprend qu'il
aime POLIXENE , & qu'il eft fon rival.
C'eft dans l'horreur de la deftruction
de Troye que PIRRHUS a conçu
cette funefte paffion. Il amenoit Po-
LIXENE dans fes Etats ; mais un orage
a féparé fes vaiffeaux de ceux qui la
conduifoient. TELEPHE , fans découvrir
fes feux s'efforce en vain de
combattre la paffion de PIRRHUS . La
cérémonie du triomphe de ce dernier interrompt
leur dialogue . Les Peuples &
les Guerriers. Theffaliens conduisent des
Captifs Troyens enchaînés ; ils chantent
les louanges de PIRRHUS. Ce Roi fait
ôter les fers aux Troyens , en diſant
»De ces Captifs qu'on détache les chaînes ;
» lls en ont trop fenti le poids:
>
» Que leurs coeurs connoiffent mes loir
Par les bienfaits & non pas par les peines.
Auffi-tôt , pour prix de leur liberté
158 MERCURE DE FRANCE.
ces Captifs témoignent leur reconnoiffance
en danfant , & fe joignent aux
Sujets de PIRRHUS pour célébrer fa
bonté. La Paix & l'Amour ont leur
part des éloges. On entend un bruit
finiftre ; c'eft JUNON qui du haut des
airs reproche à PIRRHUS un amour qui
l'offenfe. Elle menace les TROYENS ,
qu'elle pourfuit, & PIRRHUS lui- même,
des plus terribles traits de fa vengeance .
PIRRHUS qui n'envifage qu'un
avenir funefte , prie TELEPHE de ne
le pas abandonner. PIRRHUS fe plaint
qu'il éprouve feul la févérité des Dieux ;
il fait l'énumération des autres Héros
de la Gréce que l'on laiffe paiſiblement
emmener leurs Captives & en ufer
à leur volonté. Sur quoi l'intrépide
TÉLÉPHE l'encourage en ces termes.
,
» Eh bien , il faut braver l'orage :
» C'eft dans les grands revers que brille un grand
›› courage .
L'un & l'autre s'excitent à braver la
colère de JUNON.
Dans le deuxiéme A&te , la Scéne
eft au bord de la mer près des murs de
LARRISSE.
FEVRIER . 1763. 159
PIRRHUS vient prier la Mer de l'engloutir
, puifqu'il eft féparé de POLIXENE.
Soit par un accident naturel , foit
pour répondre à l'apoftrophe de PIRRHUS
, la Mer qui étoit calme commence
à s'agiter : PIRRRUS , par des
vers qui coupent la fymphonie , remarque
toutes les gradations de la
tempête qu'elle peint. Il craint que Po-
LIXENE n'en foit la victime. Sa crainte
redouble en appercevant des Vaiffeaux
prêts à périr. Il invoque THETIS : &
THETIS paroît ; tout eft bientôt calmé.
Elle fait une légére reprimande à fon
fils fur l'indifcrétion de fes feux. En lui
promettant de lui rendre fa Maîtreffe ,
elle l'avertit néanmoins de défarmer la
fureur de JUNON , parce que fon pou
voir limité ne pourroit le défendre contre
cette Déeffe .
PIRRHUS , qui n'eft occupé que de
fa paffion , exprime ainfi les premiers
mouvemens de fa joie , en quittant la
Scène :
» Je vais donc revoir POLIXENB ,
> Courons au- devant de ſes pas.
>> Si mon amour triomphe de ſa haine ,
>> Le courroux de Junon ne m'épouvante pas.
Des MATELOTS Theffaliens , échap
160 MERCURE DE FRANCE.
pés du naufrage forment un Divertiffement.
POLIXENE les fuivoit, elle arrive
à la fin de cette Scène. Les MATELOTS
& furtout les MATELOTES chantent
les douceurs de l'Amour. POLIXENE
dont cela aigrit la fituation , les fait écar
ter. Reftée feule , elle s'avoue & fe reproche
amérement le penchant qu'elle
éprouve pour PIRRHUS ; elle craint
qu'il ne life fa foibleffe à travers de fes
pleurs. Elle s'arme fi bien contre cette
foibleffe que dans la Scène qui fuit entre
elle & PIRRHUS , elle l'accable de
duretés , & finit par le prier de la laiffer
feule . HECUBE , échappée du même
naufrage , apparemment dans un autre
vaiffeau que celui qui portoit fa fille
furvient en ce moment. POLIXENE
vole dans fes bras. HECUBE apperçoit
PIRRHUS , le deftructeur de toute
fa Famille ; elle en frémit.
PIRRHUS à HECUBE.
» Ah ! voyez en PIRRHUS un Prince moins cou-
» pable.
HECUBE
» Je ne puis voir qu'un Vainqueur implacable ,
Dont l'afpect. eft pour moi plus cruel que la
» mort,
» O Dieux , pourquoi ce même orage,
» Qui m'a fait échouer ſur ce fatal rivage
» N'a t-il pas terminé mon fort?
FEVRIER. 1763.
161
POLIXENE veut la calmer , & en même
temps l'Amour , ingénieux à faifir
tous les pretexte , fe cache en elle fous le
motif de la piété filiale , pour implorer
PIRRHUS ; maisHECUBE s'en irrite.Ainfi
eftétabli dans cette Scène le caractère
altier de cette femme dont les Poëtes
ont toujours peint le défefpoir avec
les traits de la fureur. PIRRHUS néanmoins
ne répond à tant d'injures que
par ces vers adreffés à HECUBE.
>> Adoucir vos deftins , c'eft mon premier devoir:
» Oui , mon coeur n'en connoît plus d'autre.
» Ordonnez dans ces lieux , foumis à mon pou-
>> voir ;
» Tout mon bonheur dépend du vôtre.
HECUBE eft peu touchée d'une
proteftation auffi obligeante. POLIXENE
l'invite à goûter les douceurs de
l'efpoir elles joignent leurs voix pour
invoquer les Dieux.
Le troifiéme A&te commence dans
le Veftibule d'un Temple de Junon.
La Mufique peint un tremblement
de Terre. TELEPHE , feul alors fur la
Scène , annonce qu'à ce fléau fe joint
celui de la contagion.
162 MERCURE DE FRANCE.
» Un fouffe empoifonné , miniftre du trépas ,
» Moiffonne , à chaque inſtant , de nouvelles vic-
» times , &c .
Il craint que POLIXENE ne fuccombe
à ce danger ; il court pour la chercher
& pour l'en préferver. Il eft arrêté
par HECUBE qui connoît & approuve
fes feux . Elle lui préfente PIRRHUS
comme l'objet qui attire la colère
des Dieux ; elle veut engager cet
ami à l'immoler. Il en frémit. Sur quoi
HECUBE lui dit :
"
" · • ·
Il peut vous en punir.
S'il pénétre vos voeux ,
TELEPHE..
» Non , il eft magnanime.
HECUBE.
L'Amour jaloux eft toujours furieux.
TELEPH E.
Pirrhus eft un héros , il détefte le crime.
HECUBE lui rappelle en vain les
maux que PIRRHUS a faits à fa Patrie
à fa famille , & la mort que
PRIAM a reçue de fa main . TELEPHE ,
FEVRIER. 1763. 163
conftant dans fes principes , perfifte
dans fa réfiftance.
» La Victoire , ( dit-il , ) fouvent peut rendre
impitoyable ;
JJ
» Mais jamais d'un forfait je ne ferai coupable.
>
HECUBE , dans fa fureur , accufe
TELEPHE de lâcheté , elle trouvera
dit -elle, un autre bras pour la venger.
TELEPHE eft allarmé du danger où elle
va s'expofer ; mais cette femme violente
ne peut être détournée de fon
projet.
TELEPHE rend compte à POLIXENE
qui furvient , de la propofition barbare
que fa mère lui a faite. POLIXENE
en eft éffrayée pour PIRRHUS . Elle
ne peut diffimuler combien elle craint
l'effet du complot qu'HECUBE a formé.
Quoiqu'elle marque toute fa terreur
fur le danger qui menace fa mère
l'Amour jaloux éclaire TELEPHE fur
l'intérêt le plus fenfible pour POLIXENE.
Il lui déclare ouvertement fes foupçons.
Vous tremblez pour PIRRHUS , plus que pour
>>une mère .
164 MERCURE DE FRANCE.
POLIXENE veut s'en défendre ; mais
ce Prince , qui foutient toujours fon
caractère , calme ainfi les allarmes de
POLIXÉNE.
» Non , non , ( lui dit-i! ) ne craignez rien de
» mon amour extrême ;
>> Fe cours vous fatisfaire aux dépens de moi-
›› même :
Oui , je vais vous prouver que ce coeur ver-
>> tueux
Peut-être méritoit un fort moins malheureux.
POLIXENE, à elle- même , fe reproche
de n'avoir pu cacher des feux qu'elle
n'auroit jamais dû reffentir. Dans ce
moment les portes du Temple s'ouvrent,
& tout fe difpofe pour le facrifice qu'on
doit offrir à JUNON. Après les invocations
& les danfes religieufes des Prêtreffes
, interrompues par les cris doufoureux
des Peuples frappés de la contagion
, PIRRHUS vient lui-même invoquer
pour fes Peuples infortunés . La
Grande-Prêtreffe veut y joindre fes prières
; mais elle eft tout-à - coup faifie
d'un enthoufiafme prophétique , dont
les derniers vers contiennent l'Arrêt de
POLIXENE.
FEVRIER . 1763. 165
» Si vous voulez fléchir fa haine ,
Sur le tombeau d'ACHILLE immolez Po-
» LIXENE.
Les Prêtreffes rentrent. PIRRHUS
eft accablé de ce fatal oracle : les Peuples
généreux de LARISSE , tout fouffrans
qu'ils font , en murmurent . PIRRHUS
termine l'Acte en proteſtant qu'il
ne fouffrira pas que POLIXENE fubiffe
un fort auffi rigoureux.
Le quatrième Acte fe paffe dans le
Palais de PIRRHUS.
HECUBE n'a pû engager perfonne à
fervir fes deffeins
fanguinaires : elle en
eft furieuſe ; elle fe confole un moment
par un fentiment de courage.
» Ceſſons de vains regrets , je me reſte à moi-
» même.
Elle continue cependant à s'exciter à
la vengeance : elle fe promet de faire
du Palais un lieu d'horreur & de larmes
, fans s'expliquer fur les moyens .
POLIXENE vient apprendre en tremblant
à fa mère ce que l'Oracle a prononcé.
HECUBE dont la fureur fe
,
"
166 MERCURE DE FRANCE.
,
tourne alors contre JUNON. après
quelques imprécations contre les Dieux ,
promet à fa fille qu'elle ne périra pas.
TELEPHE peut , dit- elle , fauver fes
jours ; il a des Vaiffeaux & des Soldats
au rivage : elle va implorer fon
fecours.
POLIXENE , dans la fituation alors
de la fille de JEPHTE , n'eft pas d'abord
réfignée auffi modeftement : elle
ofe demander aux Dieux de quoi elle
eft coupable ? Mais bientôt elle fe reprend
.
ود
•
Je me plains du courroux du Ciel ,
» Quand je nourris un feu trop condamnable ! ..
Une réflexion tendre fuit ce repentir.
» Ah ! qui peut efpérer un fort plus favorable ,
» Si l'amour feul rend un coeur criminel ?
Les Peuples de Larriffe , moins généreux
par réfléxion , que dans le moment
qu'ils ont entendu prononcer la
mort de POLIXENE , demandent avec
rébellion que le facrifice s'achève .
PIRRHUS vient l'annoncerà POLIXENE;
celle-ci les plaint & les excufe : mais PIRRHUS
, dont le courage opiniâtre , ainfi
FEVRIER. 1763. 167
eſt
que l'acier , fe durcit fous les coups ,
PIRRHUS menace fes Peuples & JUNON
elle-même qu'il préviendra leur fureur.
Le moyen fur lequel il fe fonde
un paffage inconnu par lequel il peut la
faire échapper la nuit , conduite par fa
garde & par un Officier fidéle. POLIXENE
ne veut pas fuir fans fa mère .
PIRRHUS l'avoit prévu , tout eft difpofé
pour qu'elles partent enfemble.
POLIXENE qui n'a plus rien à ménager
, ne peut retenir une légère éffuion
de fa tendreffe pour PIRRHUS
dans le remerciment qu'elle lui fait .
POLIXENE à PIRRHUS.
» Plus vous vous montrez généreux ,
« Et plus je crains pour vous la colère des Dieux.
PIRRHUS.
» Quand POLIXENE à mon fort s'intéreſſe ,
» Pirrhus eft trop heureux.
» Le péril croît , craignez un Peuple furieux .
POLIXENE , àpart , en s'en allant.
» Qu'il en coûte à mon coeur pour cacher fa
> tendreſſe !
PIRRHUS s'applaudiffant déja du
fuccès de fon ftratagême , eft arrêté
168 MERCURE DE FRANCE.
par une main invifible . Il voit fortir de
Terre la JALOUSIE le DESESPOIR ,
la FUREUR & toute leur Suite . C'eſt ce
qui forme le Ballet dont nous avons
rendu compte dans le précédent Mercure
en parlant de la repréſentation de
cet Opéra.
PIRRHUS eft perfécuté par les flambeaux
de cette Troupe infernale ; le
poifon paffe dans fon coeur , il eft menacé
d'éprouver tous les tourmens qui
peuvent déchirer une âme , & la JALOUSIE
, laffe enfin de fa perfécution ,
finit la Scène avec lui comme ZORAÏ-
DE avec NINUS dans Pirame & Thibé.
ככ
LA JALOUSIE , à Pirrhus.
Téléphe adore Polixène ;
» Il eft prêt à te la ravir .
PIRRHUS fe difpofe à exhaler toute
la violence de la funefte paffion
qu'on vient de lui infpirer. TELEPHE
paroît , il fupporte d'abord les reproches
de fon ami ; TELEPHE a les forces
& la fermeté de la vertu ; il en accable
PIRRHUS à fon tour ; & celuici
, malgré les efforts de la JALOUSIE,
fecondée de la rage & du DÉSESPOIR,
céde auffitôt à ce pouvoir , & finit par
confier
FEVRIER . 1763. 169
confier fa maîtreffe à cet ami pour af
furer fa fuite , quoiqu'il le connoiffe
alors pour fon rival.
Dans le cinquième Acte le Théâtre
repréfente un Monument élevé aux Mánes
d'Achille. Un Autel eftfur le devant.
PIRRHUS eft feul , il s'applaudit d'avoir
pu triompher de lui-même ; il ne
fent pas moins ce qu'il lui en coûte. Il
termine fon Monologue par cette invocation
aux Mânes d'Achille.
» Mânes facrés , Ombre que je révére ,
» Et vous , Dieux tout-puiffans ! calmez votre
» colère ,
» Si l'Amour fit mon crime , hélas ! ce même
» Amour
» Met le comble à mes maux , & vous venge en
›› ce jour.
HECUBE vient apprendre à PIRRHUS
la mort de TELEPHE. Elle infulte
aux regrets fincères de ce Prince ,
en lui imputant la fin tragique de fon
ami. Elle prétend que c'eft lui -même
qui a guidé les affaffins dans les fentiers
obfcurs qui conduifoient au rivage.
PIRHUS , indigné , reprend en ce
moment la noble fierté d'où l'Amour
H
170 MERCURE DE FRANCE .
l'avoit fait defcendre dans tout le
cours de l'action , & répond à HECUBE.
>> Dieux , quelle horreur! qui , moi , quand , pour
>>fauver vos jours ,
» J'immolois jufqu'à ma tendreſſe !
» Quand , bravant de Junon la haine vengereffe ,
» Des maux de mes Sujets j'éternifois le cours !
HECUBE ne fe rend point ; elle perfifte
dans fes reproches injurieux . PIRRHUS
, dont la patience eft épuisée ,
lui dit enfin :
» C'en eft trop, je voulois aux dépens de ma vie ,
» Arracher votre fille à la mort :
» Mais , qu'elle vive ....ou qu'on la faerifie ....
» PIRRHUS l'abandonne à fon fort.
;
HECUBE , alors change de ton &
devient fuppliante , pour engager PIRRHUS
à fauver les jours de fa fille
mais c'eft en vain , PIRRHUS eft devenu
inexorable : la furieuſe HECUBE
apperçoit en ce moment POLIXENE ,
entre les mains des Sacrificateurs . &
ornée des funeftes guirlandes dont on
paroit les victimes . Elle ne fe contient
plus : elle tire un poignard de deffous fon
vêtement & le léve fur PIRRHUS . POFEVRIER.
1763. 171
LIXENE s'élance entre - deux & arrache
le poignard des mains d'HECUBE
en difant :
» Je frémis :
HECUBE.
» C'eft POLIXENT
» Qui vient défarmer ma fureur. "
POLIXEN E.
>>J'ai laiffé voir le fecret de mon coeur ;
» Si je mérite votre haine ,
» Bientôt ma mort ....
PIRRHUS .
Non plutôt qu'en ce jour
» Et la flamme & le fer dévaſtent ce féjour.
Le Grand- Prêtre reclame contre cet
irréligieux attentat de PIRHHUS, Ce
Prince animé par la déclaration de Po-
LIXENE , s'opiniâtre davantage contre
l'ordre des Dieux . Loin d'en être puni ,
le Monument s'ouvre . L'Ombre d'Achille
paroît , pour annoncer à PIRRHUS
le fort le plus flatteur.
»Pirrhus , au deftin le plus doux ,
»Le Ciel vous permet de prétendre :
» THÉTIS a de JUNON défarmé le courroux.
PIRRHUS remercie ; l'Ombre porte
fa bienfaifante attention jufqu'à or-
Hij
172 MERCURE DE FRANCE
donner elle-même la fête de ce grand
jour,
PIRRHUS demande l'aveu de Po-
LIXENE , qui à fon tour follicite celui
de fa mère. La cruelle HECUBE s'adoucit.
Les Guerriers & les Peuples
viennent célébrer l'hymen de PIRRHUS
& de POLIXENE,
OBSERVATIONS fur le Poëme
de POLIXENE.
Le Sujet que l'Auteur a choifi pour le premier
effai de fa Muſe avoit été traité plufieurs fois au
Théâtre Lyrique , mais toujours fans fuccès.
On ne peut refuſer à ce nouveau Poëme une
conduite raiſonnée , une action bien liée & des
Scènes affez réguliérement filées. Cependant il a
été l'objet de quelques cenfures , tant verbales ,
qu'imprimées dans des Ecrits publics . Nous altons
chercher à les réfumer & à les difcuter
par une critique impartiale , moins en faveur de
l'Auteur , qui fans doute le défendroit mieux luimême
, que pour l'intérêt de l'art dramatique
qui ne peut que gagner à ces fortes de difcuffions
, attendu qu'il n'y a pas encore de Poëtique
bien arrêtée pour ce genre de Poëmes.
En convenant que la fable de ce Drame eft
bien foutenue , on reproche d'abord qu'elle eft
contraire à ce que nous fçavons tous fur PIRRHUS
&fur POLIXENE. A cet égard le reproche
tombe de lui - même , fi cela a fervi à traiter
plus heureufement ce Sujet qu'il ne l'avoit été
auparavant, Il feroit dangereux néanmoins que
FEVRIER. 1763. 173
ces exemples fe multipliaffent , & qu'on y fût encouragé
par des fuccès ; car il eft des bornes aux
licences les plus étendues dans les Arts. On permet
au Peintre d'Hiftoire d'orner ſes ſujets , de
les modifier même à fon avantage ; mais on
ne lui pardonneroit pas de nous repréſenter les
grands traits hiſtoriques ou poëtiques d'une manière
trop oppofée à la connoiffance générale des
faits. On ne doit pas s'arrêter davantage aux inimitiés
des Pères de PIRRHUS & de TELEPHE
ni au paffage de ce dernier , de la Troade en Europe
pour retourner en Myfie. Il n'eft pas hors
du cours naturel des événemens & fur-tour
entre les héros , de voir une amitié très-étroite
entre les enfans d'ennemis irréconciliables. Quant
au voyage de TELEPHE , on ne voit pas quel eft
l'inconvénient de faire prendre le plus long à un
héros d'Opéra , lorsque cela peut être utile à la
conftitution d'un bon Poëme.
>
Il eft des queſtions plus importantes fur les
caractères des perfonnages & fur quelques parties
de la conduite de ce Poëme . 1º . Sur les caractères.
Le perfonnage fubordonné ( TELEPHE )
paroît , dit-on , fait pour être le plus intéreffant ,
parce qu'il eft le plus eftimable. En effet , ce caractère
, qui eft très- bien foutenu , a tous les avantages
de la vertu & du véritable courage , fans
en avoir le fafte , & il ſe manifefte dans tout le
drame , non par un vain étalage des maximes ,
mais par des actions dignes de toucher tous les
coeurs honnêtes. Cependant c'eſt le feul des perfonnages
véritablement malheureux dans le cours
de l'action , & le feul qui périffe à fon dénoûment.
A cela nous croyons que l'Auteur pourroit
répondre , qu'on eft obligé fouvent de mettre
le principal mobile de l'action dans les perfonf
H iij
174 MERCURE DE FRANCE.
nages fubordonnés , plutôt que dans les perfor
wages principaux. Que fi quelquefois la fcélérarelle
de ces feconds perfonnages eſt néceffaire au
mouvement de l'action & à l'intérêt des perſon ·
nagesprincipaux , lorfqu'ils font vertueux; d'autres
fois , par des moyens contraires , c'eſt la vertu de
ces perfonnages fubfidiaires qui fert à mettre dans
des fituations plus intéreffantes des caractères
mêlés de vices & de foibleffes , lefquels ne font
pas les moins propres à l'intérêt théâtral , &
prèfque toujours plus que les caractères entiérement
vertueux. De la première eſpéce font ici
les caractéres de PIRRHUS & de POLIXENÉ .
L'Auteur a donc dû les conftituer ainfi pour
remplir fon objet. Mais à l'égard de POLIXENE ,
fi l'on demande comment a-t- elle pû fe prendre
d'un penchant fi tendre & fi invincible pour un
Prince dont le premier aſpect ne lui a offert qu'un
vainqueur implacable , le fer & le feu à la main ,
ravageant fa Patrie , maflacrant tous les fiens
& particuliérement fon père , ce qui eſt ſpécialement
énoncé dans le Drame? Comment , malgré
la clémence de l'Ombre d'ACHILLE , cet
autre ennemi furieux de fa famille , comment ,
dit-on encore , peut- elle conſentir à recevoir une
main encore fumante d'un fang fi cher & fi refpectable
pour elle ? A cela nous convenons que
fi l'on ne confultoit que les moeurs & la nature
pour ces fortes de Poëmes , il feroit peut- être affez
difficile de répondre.
Quant à la conduite , il nous paroît que le
reproche qu'on fait à PIRRHUS de faire refter
TELEPHE avec lui , lorſqu'il eſt menacé par Ju-
NON n'eft pas auffi bien fondé que les autres.
Non feulement on fent bien que l'Auteur
avoit befoin de TELEPHE pour le fil de fon
FEVRIER . 1763. 175
fût
pas
action mais il a trouvé par - là , le moyen
de préfenter une vérité morale , bien importante
, contre les prétendus efprits-forts ,
qui cherchent toujours à affocier autant qu'ils
peuvent des complices contre le Ciel , & qui
femblent ne réunir leurs forces contre fes décrets
que pour mieux laiffer voir leur foibleſſe.
Il est peut- être vrai , comme on l'a remar
qué , que la colere des Dieux vengeurs n'y eft
pas peinte fous des couleurs bien redoutables.
Mais indépendamment du befoin qu'il y avoit
pour la marche de l'action que PIRRHUS ne
arrêté par un pouvoir irréfiftible dans la
paffion ; d'autre part , les Dieux font-ils moins
véritablement repréſentés par la rigueur des
châtimens que par les effets de leur clémence ?
Ce qui femble un peu plus difficile à concilier
eft l'appareil terrible & tous les efforts de la ALOUSIE
en perfonne avec la RAGE , le DESESPOIR
& tout l'Enfer déchaîné , pour verfer leur
fatal poifon dans le coeur de PIRRHUS , avec le
peu d'effet que cela produir fur lui , par la facilité
que TELEPHE trouve l'inftant d'après à le
calmer , & le confentement qu'il apporte à lui
remettre fa Maitreffe entre les mains. Paffant
aux détails , nous répondrons à ceux qui demanderoient
dans ce Poëme plus de Madrigaux
, plus de ces phrafes qui développent lesfentimens
du coeur ou les fentimens de l'efprit , que
le courage d'avoir fçû fe paffer de ces brillans
Lecours , en mérite d'autant plus d'éloges dans
un temps où l'on fait de ces frivoles Beautés
un abus , que les mêmes Critiques , qui les régrettent
davantage en cette occafion , condamnent
avec austérité dans tous les ouvrages modernes.
Peut-être eft- ce par un même motif , que
H iv
176 MERCURE DE FRANCE.
l'Auteur a dédaigné les négligences de ftyle , les
enjambemens de vers , & les répétitions des confonnes
dures dans un même vers , & qui fonnent mal
à l'oreille. La facilité d'éviter ce que la critique
reproche à cette égard , doit laiffer croire que
l'Auteur a facrifié volontiers cette molle & facile
délicateffe à l'énergie du fens & à l'éxactitude
du Dialogue lorfqu'il à crû qu'elle auroit
pû y mettre obftack .
On continue cet Opéra trois jours
de la femaine . N'étant pas informés ,
lorfque nous avons rendu compte de
la premiere repréſentation , que le Ballet
de la Jaloufie au quatriéme Acte
étoit de la compofition de M. de LAVAL
, nous avons obmis alors de faire
mention de cette circonftance .
Le Jeudi 20 Janvier on a remis les
Fêtes Grecques & Romaines , Ballet ,
pour le continuer les Jeudis fuivans . Le
Public a paru très-fatisfait de revoir cet
Opéra.
COMÉDIE
FRANÇOISE,
LE 17 Janvier on repréſenta pour la
premiere fois DUPUIS & DESRONAIS,
Comédie nouvelle en trois Actes & en vers
libres , tirée des illuftres Françoifes.
Le fuccès de cette Piéce fut décidé
FEVRIER . 1763. 177
fans aucune contrariété & par les plus
grands applaudiffemens , dès cette première
repréſentation . Ce fuccès tout
brillant qu'il étoit alors l'eft devenu encore
davantage à chaque repréſentation
fubféquente ; le concours des fpectateurs
qui a toujours augmenté , & qui
paroît devoir fe foutenir encore longtemps
, le confirme de la manière la
moins équivoque & la plus flatteufe
pour l'Auteur. Elle ne l'eft pas moins
pour les Acteurs de cette Piéce , dont
le jeu admiré dès le premier jour , s'eſt
toujours perfectionné , & ne laiffe rien
à defirer. Nous avons eu rarement , .depuis
quelque temps , des fuccès auffi célébres
& auffi mérités à annoncer à nos
Lecteurs. C'eft avec beaucoup de regret
que nous fommes obligés de remettre
au prochain Mercure l'Extrait
de cette Comédie ; mais nous avons
craint qu'une analyſe précipitée , telle
que nous aurions pu la donner actuellement
, n'eût pas fatisfait fur ce qu'on
eft en droit d'attendre , à l'égard d'un
Ouvrage dont tous nos Lecteurs doivent
avec raiſon avoir la plus ayantageufe
prévention . ( a )
( a ) V. ce que nous avons dit plus haut de cet
se Piéce à l'Art . des Spectacles de la Cour.
Hv
178 MERCURE DE FRANCE.
COMÉDIE ITALIENNE.
ONN a donné le 15 Janvier la troifiéme
repréſentation du Milicien , Comé
die nouvelle en 1 Acte mélée d'Ariettes
, qui avoit été interrompue par l'in
difpofition d'une Actrice. Cette Piéce
a été continuée .
Le 26 on a repréfenté pour la prémière
fois le Guy de Chefne ou la Fête
des Druydes , Comédie nouvelle en
vers , en un Acte , mêlée d'Arrietes.
La Mufique eft de M. la Ruette , Acteur
de ce Théâtre . Nous n'avons pas
encore été informés du nom de l'Auteur
des Paroles.
Cette Piéce a beaucoup réuffi &
elle est toujours vue avec grand plaifir.
C'est un des ouvrages de ce nouveau
genre , auquel le goût ait le
plus de part. Tout , jufqu'au Comique
, y eft d'un ton agréable , délicat
& fouvent affez fin , tant en paroles
qu'en mufique , affortis enſemble
avec beaucoup de grâces & d'intelligence.
C'est au gré de quelques Connoiffeurs
, une des plus jolies Bagatelles
auxquelles on puiffe accorder fes
fuffrages , fans déroger à la Raiſon , &
au principe fur les chofes d'agrément.
FEVRIER. 1763. 179
ARTICLE V I.
NOUVELLES POLITIQUES,
De CONSTANTINOPLE , le 16 Décembre 1762.
La quatriéme Sultane eft accouchée le 10 de ce
mois d'une Princeſſe qui a été nommée Mihr- Scha
Sultane. Il n'y a point eu de réjouiffance à cette
Occaſion .
Suivant quelques Lettres des Dardanelles , on
y a reffenti le 2 du mois dernier entre onze
heures & midi , deux fecouffes violentes de tremblement
de terre , & le 7 il s'eft élevé à une heure
de nuit un ouragan terrible , qui a déraciné les
arbres dans les jardins & dans les campagnes , &
a renversé plus de cent maiſons & un Minaret ,
qui , en retombant fur la Moſquée , a fort.endommagé
cet édifice.
De WARSOVIE , le 2 Janvier 1763.
Suivant les nouvelles qu'on reçoit de Courlande
, la fituation du Duc Charles devient
plus critique de jour en jour . Ce Prince ,
pour donner une preuve de fa conſtance
refte à Mittau , jufqu'à ce qu'il foit contraint
d'abandonner fes Etats. Cependant le
fieur Simolin , Réfident de Rutfie , a eu ordre de
fa Cour de féqueftrer les revenus domaniaux du
Duché , & il a adreffé à cet effet le 24 du mois
dernier , aux Adminiſtrateurs & Engagiftes qui en
font chargés , une Lettre circulaire dont voici la
copie :
H vj
180 MERCURE DE FRANCE.
MONSIEUR >
» Sa Majesté Impériale , ma très- clémente
» Souveraine , a appris avec autant de furpriſe
>> que de fenfibilité que Son Alteffe Royale le
» Prince Charles , fans avoir égard ni à la bonne
intelligence qui doit régner entre voifins , ni à
>> plufieurs éxemples précédens , avoit refuſé de
>> laiffer prendre aux troupes Ruffes des quartiers
» d'hyver dans les Etats , & que , témoignant ou-
>> vertement des difpofitions contraires aux in-
»tentions de Sa Majefté Impériale , il n'avoit
» voulu donner aucune facilité pour les mettre à
portée de fe procurer les chofes les plus né-
>> ceffaires à leur fubfiftance.
و ر
» En conféquence , Sa Majefté Impériale a
>>jugé équitable de mettre en féquestre tous les
> revenus du Duché de Courlande & de Semigalle
, de quelque nature qu'ils foient , & elle
>>m'a envoyé une commiffion expreffe pour établir
ce féqueftre , touchant lequel j'ai déja fait
> toutes les difpofitions néceffaires .
» C'eſt en vertu de cette commiffion que j'ai
>> l'honneur de vous informer , en votre qualité
»d'Adminiſtrateur du Bien Domanial , que ce
» Bien étant compris dans le Séqueftre Impé-
» rial , les revenus doivent y être déposés . Je
» vous prie donc de faire remettre à la Ĉaiſſe Im-
» périale établie ici , au plus tard le 10 de ce
» mois , les revenus d'une demi-année , & de ne
» rien payer ni faire payer à la Caiffe Ducale ,
» jufqu'à ce que vous receviez de nouvelles infor-
➜mations ; finon vous vous expoſerez aux fâcheux
» inconvéniens , non-feulement de payer une ſeconde
fois , mais encore d'être deftitué de la
>>geſtion du Domaine.
FEVRIER. 1763. 181
Vous voudrez bien donner tous vos foins à
» l'éxécution des volontés de Sa Majesté Impériale
, relativement à la portion du Domaine
» dont vous êtes chargé , & m'honorer d'une
→prompte réponſe En attendant , les foldats ref-
» teront, pour cet objet , chez vous juſqu'à nou-
» vel ordre.
De VIENNE, le 6 Janvier 1763 .
EXTRAIT d'une Lettre écrite de LEIPSICK , le
premier Janvier 1763.
Nous pouvons enfin efpérer de voir bientôt
finir nos malheurs . Il y a une négociation ou
verte entre l'Impératrice Reine & Sa Majeſté
Pruffienne pour le rétabliffement de la Paix. Les
Plénipotentiaires font , de la part de la Cour de
Vienne , le fieur de Colembach , Confeiller , &
l'un des premiers Commis des Affaires Etrangè
res; & de la part du Roi de Pruffe , le fieur Hertzberg
, Confeiller de ce Prince. Ils fe font affemblés
à Hubertzbourg , Maiſon de Plaifance de Sa Majefté
Polonoife. Après une conférence très-longue,
le Miniftre Pruffien s'eft rendu ici pour en
rendre compte à fon Maître & pour recevoir fes
ordres. Il y eft encore actuellement ; mais on
préfume que fon féjour ne fera pas long , & qu'il
partira muni des inftructions néceffaires à la réconciliation
des deux Puiffances. Il paroît qu'elles
defirent également de voir bientôt le fuccès de
cette négociation , afin d'épargner , pendant qu'il
en eft temps encore, une partie des frais de la campagne
prochaine , ou de fe préparer plus vigou
reufement à la continuation de la guerra
182 MERCURE DE FRANCE.
De HAMBOURG , le 4 Janvier 1763.
Le Roi de Dannemarck ayant chargé le Comte
d'Haxthaufen , fon Miniftre à Petersbourg , d'offrir
de juftifier les motifs fur lefquels il prétendoit
la co-adminiſtration du Duché de Holſtein
pendant la minorité du Grand- Duc , l'a chargé
en même temps de déclarer que pour donner à
l'Impératrice une preuve de fon eftime & du defir
fincère qu'il a de maintenir l'union & la bonne
intelligence entre les deux Cours , il offroit de fe
défifter de fon droit en fa faveur. S. M. I. y a
fait une réponſe très- amicale , dans laquelle
» après avoir reconnu dans ce défiftement un
» effet de la complaifance du Roi de Danne-
» marck & du defir qu'il marque de maintenir
» la paix , elle témoigne de fon côté qu'elle re-
» cherchera avec empreffement toutes les occa-
>> fions de referrer & de perpétuer l'union an-
» cienne & indiffoluble qui fubfifte fi heureuſe-
>> ment entre fon Empire & la Couronne de
» Dannemarck. » En conféquence de cet arran
gement , on a dû envoyer le 25 du mois dernier
aux deux Commiffaires Danois établis à Kiel
ordre de fe retirer , & de remettre les chofes fur
le même pied où elles étoient ci -devant.
On mande de Lithuanie , qu'une troupe d'environ
deux mille cinq cens Ruffes s'étant avancée
vers Mcziflaw , & ayant commis des hoftilités
dans ce Palatinat , la Nobleffe a affemblé quelques
centaines d'hommes qui ont ataqué les
Ruffes près de Zabou , en on tué foixante- dix ,
pris foixante , & mis le refte en fuite ; cent autres
fe font noyés dans la petite riviere de Sofz ,
en voulant la paffer. Les Lithuaniens n'ont perdu
dans cette affaire que trois hommes & une quaFEVRIER
. 1763. 183
rantaine de chevaux . Comme on craint que les
Ruffes ne reviennent à la charge avec des forces
plus confidérables , la Nobleffe du Palatinat
s'eft mise en état de défendre le paffage de la
Sofz , & a envoyé fur le champ deux Députés ,
l'un pour Warlovie , l'autre pour Mofcou , chargés
d'expofer les motifs de la réſolution qu'elle
s'eft vue forcée de prendre.
De RATISBONNE , le 6 Janvier 1763 .
On a appris ici avec une grande ſatisfaction
que leurs Majeſtés Très - Chrétienne & Britannique
étoient convenues d'agir de concert & d'inter
pofer leurs bons offices , pour établir , fous la
médiation de la France & de l'Angleterre , une
neutralité dans l'Empire , pendant tout le temps
que la guerre fubfiftera entre l'Impératrice- Reine
& le Roi de Prufle. La propofition a dû en être
faite aux Cours de Vienne & de Berlin , & l'on
attend inceffamment leur réponſe.
DE BONN , le 4 Janvier 1763.
Le Colonel Bawer étant arrivé fur le Bas-Rhin,
à la tête d'un Corps de quatre à cinq mille Pruffiens
, & s'étant approché fort près de Wefel , le
Marquis de Monteynard lui a fait dire que les
Loix de la guerre ne permettoient pas entre les
Nations mêmes qui ne font point ennemies ,
que des troupes approchaffent fi près d'une Ville
de guerre. L'Officier Pruffien a répondu que le
Roi fon Maître n'étant pas en guerre avec la Majefté
Très - Chrétienne , il étoit fort éloigné de
vouloir inquiéter les Troupes Françoiſes , & leur
porter aucun préjudice mais qu'il venoit occuper
les Etats appartenans au Roi de Pruffe , quand
les troupes de Sa Majesté Très- Chrétienne les au184
MERCURE DE FRANCE.
roient évacués. Après plufieurs pourparlers entre
le Général François & le Colonel Pruffien ,ce dernier
eft convenu que , jufqu'au s de ce mois , les:
Troupes qu'il commande ne paſſeroient pas le
Roer ; mais la gelée étant devenue plus forte , &
ayant arrêté néceffairement les évacuations des
Troupes Françoiſes , ainfi que le tranſport de tous
les effets qui leur appartiennent , cette convention
a été prolongée jufqu'au 1.6 .
De MADRID , le 4 Janvier 1763.
Le 24 du mois dernier , le Prince de Beauvau ,
Commandant Général des Troupes de Sa Majeſté
Très-Chrétienne en Eſpagne , a eu l'honneur de
fe couvrir devant le Roi en qualité de Grand
d'Eſpagne de la première Claffe : il a eu pour
parrain le Duc de Loffada , grand Echanſon du
Roi.
Les Troupes Françoifes qui fervoient contre le
Portugal ont traverfé cette Ville en plufieurs divilions
pour retourner dans leur pays . Le 29 du
mois dernier les Régimens d'Artois , de la Sarre
& des Cantabres y ont paffé , ainsi qu'un Régiment
d'Artillerie. Le Roi ayant témoigné au
Prince de Beauvau le defir qu'il avoit de les voir,
on leur fit faire halte hors de la porte d'Alcala .
Sa Majesté s'y rendit entre onze heures & midi ,
accompagnée du Prince des Afturies & de l'Infant
Don Louis , ainfique du Marquis d'Offun , Ambaffa
deur Extraordinaire de France , du Prince de
Beauvau & des principaux Seigneurs de fa
Cour, Ces Régimens étoient rangés en bataille .
Le Roi parcourut les rangs , leur fit faire différentes
évolutions , & les fit défiler en fa préſence.
Sa Majesté parut extrêmement fatisfaite de la
bonne grace & de la dextérité de ces Troupes , &
7
FEVRIER , 1762. 18,
en fit compliment à leur Général. Elle ordonna
enfuite qu'on prît trois mille doublons fur le
Tréfor Royal , pour être diftribués aux foldats
des différens Corps qui juſqu'à préſent ont paſſé
par cette Ville , & qu'on donnât une gratification
au détachement d'Artillerie qui s'étoit mis en
marche avec eux.
De GENES , le 10 Janvier 1763..
Les dernières nouvelles que nous avons reçues
de la Baftie, portent que le Général Matra eft
parti à la tête de deux cens Volontaires , foutenus
de mille hommes de Troupes réglées , pour
aller attaquer les Rébelles à Pie - de - Corti.
Pafchal Paoli fe trouve actuellement à Corti ,
& fait des difpofitions en cas d'attaque de notre
côté. Les Régimeus des Rébelles continuent à fe
former , & font déja prèfque complets.
De LONDRES , le 6 Janvier 1763.
Sa Majefté , fuivant les repréſentations qui lui
ont été faites par la Séréniffime République de
Gènes , par une déclaration arrêtée le 29 du
mois dernier , enjoint & ordonne exprellément
à tous les Sujets de ne donner ni fournir aide ,
affiftance , appui ni fecours , de quelque manière
que ce puiffe être , à aucun des habitans de l'Ile
de Corſe , actuellement révoltés contre ladite
Séréniffime République , fous peine d'encourir
non-feulement l'indignation de Sa Majeſté , mais
encore telle punition que la Loi inflige contre
ceux qui violent volontairement les traités de Sa
Majefté , & portent atteinte à la paix & amitié
qui fubfiftent entre elle & tout Prince ou Etat
étrangers.
Le Prince de Solre , fils du Prince de Croy, a
186 MERCURE DE FRANCE.
été attaqué ici de la petite vérole. Les deux Méđeeins
célébres auxquels il a été confié ſe ſont ſurtour
attachés , dans ce traitement , à obéir à la
nature , en la ſuivant pas à pas fans vouloir l'afflujettir
aux régles arbitraires de l'art. Il n'y a perfonne
ici qui ne fe foir vivement intéreſſé au danger
de ce jeune Prince qui a fçu le mériter une
eftime univerſelle : le courage qu'il a montré
l'habileté de fes Médecins , & les foins du Dac
de Nivernois , qui lui a tenu lieu de pere , ont
raffuré tout le monde fur fon état. Ce Prince eft
entierement hors de danger.
FRANCE,
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
De VERSAILLES , le 22 Janvier 1763 .
SA Majefté a donné le Gouvernement de Jour
& de Pontarlier au Chevalier de Montbarrey ,
Maréchal de Camp , à qui Elle a accordé auff
la dignité de Grand Croix de l'Ordre Royal &
Militaire de S. Louis , vacante par la mort du
Marquis de Villemur.
Sa Majefté a nommé le fieur O- Dune pour
remplacer le Marquis d'Alefme en qualité de fon
Miniftre Plénipotentiaire auprès de l'Electeur Palatin
; & le Chevalier du Buat , pour remplacer le
Baron de Mackau en qualité de fon Miniſtre à la
Diete générale de l'Empire à Ratisbonne.
La Marquife de Noailles a été préſentée l
16 au Roi , à la Reine & à la Famille Royale ,
par la Duchelle d'Ayen. Le même jour , Leurs
FEVRIER . 1763 .
187
Majeftés , ainsi que la Famille Royale , fignerent
le Contrat de Mariage du fieur Thiroux de Crofne,
Maître des Requêtes , avec la Demoiſelle de la
Michodiere.
Le 17 , il y eut un Bal dans la Salle de Spectacle
du Château . Leurs Majeftés , ainfi que Monfei
gneur le Dauphin , Madame la Dauphine & Madame
Sophie l'honorerent de leur préfence. Le
Duc d'Orléans , le Duc de Chartres , le Comte de
la Marche , le Comte de Luface & la Comteffe de
Henneberg , affifterent à cette Affemblée , que
le concours des Seigneurs & Dames de la Cour
rendit très-brillante.
Le 18 , le Comte de Wedelfriz , Envoyé Extraordinaire
de Dannemarck , a eu l'honneur de
préfenter au Roi avec les formalités ordinaires ,
cinquante-huit Gerfaulx d'Iflande , de la part dur
Roi de Danemarck ; Sa Majefté a témoigné au
Comte de Wedelfriz combien elle étoit fatisfaite
de ce préfent.
Le Comte de Starhemberg , Ambaſſadear de
leurs Majeftés Impériales , ayant notifié au Roi la
mort de l'Archiducheffe Jeanne , Sa Majesté a
pris le deuil le 21 pour 12 jours.
Le fieur Dejean , Maître en Chirurgie de Pa
ris a eu l'honneur de préfenter au Roi un Ouvra
ge touchant les hernies ou defcentes.
Le Roi a nommé Chevaliers des Ordres Royaux
Militaires & Hofpitaliers de Notre Dame du
Mont Carmel & de S. Lazare de Jérufalem , le
Marquis de Marbeuf , Maréchal de Camp ; le
Comte de Luppé , Colonel d'Infanterie , le Comte
de la Billarderie d'Angivilé , Meftre de Camp de
Cavalerie ; le Marquis de Montefquiou , Colonel
d'Infanterie , le Comte de Montault- Benac , Co-
Jonel d'Infanterie ; & le Vicomte de Boifgelin ,
188 MERCURE DE FRANCE.
Lieutenant des Vaiffeaux du Roi , tous fix Gen
tilshommes de la Manche de Monfeigneur le Duc
de Berry ; & le Baron Galucci- l'Hôpital , Colonet
d'Infanterie étrangere ; le Comte Laizer de Siougeat
, Colonel d'Infanterie & Députés des Etats
d'Artois auprès de Sa Majefté ; le Comte de
Quelen , Capitaine des Vaiffeaux du Roi ; le fieur
de Ruis Embito , Intendant de la Marine à Rochefort
; le fieur Durand , Miniftre de Sa Majefté
près du Roi & de la République de Pologne . Les
nouveaux Chevaliers , à l'exception du Comte de
Montault , qui s'eft trouvé indifpofé , du Marquis
de Montefquiou , qui n'a pas encore atteint l'âge
prefcrit par le réglement de fa Majefté ; du fieur
de Ruis- Embito , employé à fon Département ,
& du fieur , Durand , réfident actuellement a Londres
le fervice du Roi , ont été reçus le 20
de ce mois , dans l'Appartement & en préfence
de Monſeigneur le Duc de Berry , Grand- Maître
defdits Ordres , après avoir fait leur profeffion &
l'émiffion de leurs voeux entre les mains du
Comte de S. Florentin , Gérent & Adminiftrateur-
Général de ces Ordres pendant la minorité
de Monſeigneur le Duc de Berry . Ils furent enfaite
admis à baiſer la main du Prince Grand-
Maître , en figne d'obédience.Les Grands Officiers ,
un grand nombre de Chevaliers & Comman
deurs Eccléfiaftiques defdits Ordres , ont affifté à
cette cérémonie.
pour
Le Marquis d'Epinay Saint - Luc , Capitaine
au Régiment de Penthievre , Cavalerie , a eu
l'honneur d'être préſenté au Roi & à la Famille
Royale, par le Duc de Duras.
Le Comte de S. Florentin a préſenté à Sa Majefté
les Planches anatomiques de la troifiéme &
derniere diftribution du fupplément que donne
FEVRIER. 1763. 189
au Public le fieur Gautier. Cet Ouvrage préfenrement
complet , & éxécuté à la fatisfaction des
Amateurs , fe diftribue à Paris chez le fieur le
Roi , Marchand Bijoutier , vis-à-vis la Comédie
Françoiſe.
De PARIS , le 24 Janvier 1763 .
Le 22 de ce mois , l'Académie Françoiſe a tenu
uneSéance publique pour la réception de l'Abbé
de Voifenon. Le Duc de S. Aignan , qui exerçoit
les fonctions de Directeur à la place du Duc
de Nivernois , a répondu au Difcours du nouvel
Académicien . Le fieur Watelet a lu enfuite une
imitation en vers du troifiéme Chant de la Jérufalem
délivrée du Taffe.
Il vient de paroître une Ordonnance du Roi,
en datte du 11 Décembre 1762 , concernant le
Corps des Grenadiers de France : on joint ici le
contenu des principaux Articles qui la compo-
Lent.
Le Régiment des Grenadiers de France fera , à
l'avenir , défigné fous le nom du CORPS DES
GRENADIERS DE FRANCE, Il continuera d'être divifé
en quatre Brigades , de douze compagnies
chacune ; mais le fervice de ces brigades étant
diftingué de celui de tous les Régimens , Sa Majefté
veut qu'à l'avenir , il n'y ait plus de Drapeau
dans ce Corps. Chacune des quarante- huit Compagnies
qui compofent ledit Corps fera portée
au nombre de cinquante-deux Grenadiers , &
commandée ,foit en temps de paix , foit en temps
de guerre , par un Capitaine , un Lieutenant &
un Sous- Lieutenant ; les Grenadiers qui viendront
à manquer ne feront plus fournis par les
feules compagnies des Grenadiers Royaux , on
les tirera des compagnies des Grenadiers de tous
190 MERCURE DE FRANCE .
des Régimens de l'Infanterie Françoife . S. M. veut
que des quatre places de Lieutenans- Colonels , il
en foit fupprimé deux , pour en être confervé feulement
deux ; le premier commandera la premiere
& la feconde brigade , & le ſecond , les
deux fuivantes , en l'abfence du Colonel , ou du
Commandant en fecond. A l'avenir , le rang
de Colonel ne fera point attaché à la charge
de Major , & celui -ci ne commandera le Corps
qu'en l'abſence des Colonel , Colonel - Commandant
, & Lieutenant - Colonel , mais fupérieurement
à tous les Capitaines. Sa Majefté voulant
attacher un Major a deux brigades dudit Corps.
il fera créé un fecond Major qui jouira des mêmes
rangs & prérogratives que le premier. La charge
d'Aide- Major eft fupprimée. Sa Majesté ſe réferve
la nomination des Lieutenans-Colonels &
des Majors du Corps des Grenadiers de France ,
fon intention étant de les choifir à l'avenir parmi
ceux des Capitaines de tous les Régimens
d'Infanterie indiftinctement , Qu'elle jugera devoir
mériter cet avancement ; Elle le réferve
auffi de choisir parmi les Capitaines de ce Corps
ceux qu'elle jugera à propos de faire paffer
à des charges de Lieutenans- Colonels & de Majors
, dans d'autres Régiment de l'infanterie Françoife.
les mêmes confidérations qui ont porté Sa
Majesté à régler aux troupes de fon Infanterie
une paie de Paix & une paie de Guerre
l'ont engagé à accorder le même traitement au
Corps de Grenadiers de France ; & Sa Majeſté
voulant en même tems donner à ce Corps , qui
fera compofé de la plus précieufe partie de les
troupes , des marques de fa fatisfaction Elle
a réglé qu'il feroit , dans tous les temps , donné
un fol de plus de folde à tous les Sergens , Ca-
9
FEVRIER. 1763. -191.
peraux , Fourriers , Appointés , Grenadiers , &
Tambours de ce Corps , qu'à ceux de fon Infanterie
Françoile ; & en conféquence , Elle veut
que des appointemens & folde foient payés audit
Corps fur le pied fuivant , fçavoir , POUR
LES COMPAGNIES à chaque Capitaine , 2000
livres par an , en temps de paix , & 3000 livres
en tems de guerre ; à chaque Lieutenant , 900
livres en paix , & 1200 livres en guerre ; à
chaque Sous- Lieutenant , 600 livres en paix , &
200 livres en guerre à chaque Sergent , 240
livres en paix , & 246 livres en guerre ; à chaque
Fourrier , 198 liv . en paix , & 204 livres en
guerre ; à chaque Caporal , 174 livres en paix
& 180 livres en guerre : à chaque Appointé ,
156 liv . en paix , & 162 livres en guerre ; à chaque
Grenadier & Tambour , 138 liv. en paix , &
144 liv. en guerre . POUR L'ETAT MAJOR ; au Colonel
Propriétaire . 20000 livres par an ,
tout temps ; au Colonel Commandant en fecond
10000 livres en tout temps ; à chaque Colonel
qui fervira audit Corps , pendant le temps
qu'il fera de fervice , feulement , 3600 livres en
paix , & fooo livres en guerre ; à chaque Lieutenant-
Colonel , 5000 livres en paix & 6000 liv.
en guerres à chaque Major , 4000 livres en paix ,
& 5000 livres en guerre ; à chaque Aide- Major ,
1800 liv. en paix, & 2400 liv. en guerre; à chaque
Sous -Aide-Major , 1000 livres en paix , & 15000
livres en guerre ; au Tréforier , 3000 en paix &
4000 en guerre ; au Quartier- Maître , 600 liv.
en paix , & 800 livres en guerre ; à l'Aumônier,
soo livres en paix , & 720 livres en guerre ; au
Chirurgien , oo livres en paix , & 720 livres en
guerre ; au Tambour- Major , 252 livres en tout
temps ; à chacun des douze Inftrumens , 138 liv.
en
192 MERCURE DE FRANCE.
>
en paix , & 144 livres en guerre. La paye de guerre
ne fera donnée audit Corps , que lorsqu'il fervira
en Campagne , à commencer du jour de fon arrivée
à l'armée jufqu'à celui de ſon départ de l'ar-
-mée pour rentrer dans le Royaume. L'uniforme
du Corps des Grenadiers de France confiſtera en
un habit bleu , revers , collet , paremens & doublure
citron , avec des agrémens blancs ſur l'havefte
& culotte blanches , poches ordinaires ,
garnies de trois gros boutons & autant fur le
parement , fept petits au revers , & quatre gros
deffous ; boutons blancs & plats avec une roſe au
milieu. Les Grenadiers feront coeffés de bonnets
de peau d'ours avec une plaque blanche au - devant
marquée des Armes du Roi. Sa Majesté veut
que le Corps des Grenadiers de France foit affujetzi
à toutes les régles preſcrites par fon Ordonnance
du ro Décembre de cette année , concernant l'Infanterie
Françoife.
MORTS.
Marie- Joſeph de Rebé , veuve de Marie- Eleonor
du Maine , Marquis du Bourg , Brigadier
des Armées du Roi , & Inſpecteur Général de la
Cavalerie , eft morte le 7 de ce mois , âgée de
79 ans.
Marie de Nize de Brague , Demoiſelle de confiance
de Madame Louife , eft morte à Verſailles
le 14 , âgée de foixante ans.
Le Marquis d'Anlezy , Lieutenant - Général des
Armées du Roi , Lieutenant- Général au Gouvernement
de Bourgogne , & Commandant de
cette Province , y eft mort depuis quelques jours.
Marie- Magdeleine- Louife- Catherine de Samfon
de Lorchere , veuve de François d'Epinay
de Saint-Luc , Marquis de Lignery , Meſtre- de-
Camp
1
FEVRIER. 1763 .
193
Camp de Cavalerie , eſt morte à Paris le 16 âgée
de foixante - dix ans .
Pierre- François-Thomas de Borel , Comte de
Manerbe , Lieutenant-Général des Armées du
Roi, Commandeur de l'Ordre Royal & Militaire
de S. Louis , Gouverneur de Joux & Pontarlier ,
ancien Lieutenant & Aide-Major- Général des Gardes-
du-Corps du Roi , né le 17 Février 1686 , a
fervi Sa Majesté avec grande diftinction plus de
cinquante ans. Il avoit premiérement épousé en
1721 Marie-Françoife de Borel de Clarbec , fa
coufine germaine , morte fans enfans en 1747 .
Deuxièmement , le 9 Avril 17 50 , Henriette- Marie-
Jofephine de la Boiffiere- Chambors , fille de
Jofeph-Jean- Baptifte de la Boiffiere, Comte de
Chambors , & de Marie-Anne -Angélique de la
Fontaine Solare , de laquelle il n'a point auffi eu
d'enfans. La Maiſon de Borel est très - ancienne :
fes armes font de gueules à la bande d'azur , chargée
de quatre vairs , acoftés de deux lions rampans
d'or. Elle prouve fa nobleffe depuis lan
1015 , ainfi qu'il eft rapporté dans la recherche
faite en Normandie l'an 1463 devant M. Rémond
de Montfault , & a poffédé la Baronie de
Manerbe , près de Lizieux , de temps immémorial.
Elle eft alliée aux Maifons de Courcy , de
Harcourt , Martel , Nocey , Prefteval , Maillor ,
Mony, Vipart , Malet de Graville , Olmont , Sikingal
, aux Pays- Bas ; Hauttefort , Catteville ,
Lanquetot , Mailly & Mouchy-Hoquincourt
dont étoit Anne de Mouchy fa mère.
Louis- Philippe de Borel , Comte de Charbec ,
le feul mâle de cette Maiſon en Normandie , a
pour fille unique Jeanne-Elifabeth de Borel
mariée au mois d'Octobre 1750 à Claude- Daniel
, Marquis de Boisdennemers , Maréchal
I
>
194 MERCURE DE FRANCE.
1
de Camp , & Enfeigne des Gardes- du Corps de
Sa Majefté dont elle a eu plufieurs enfans .
Le 31 Décembre dernier les Bénédictins de
l'Abbaye de Saint Germain- des- Prés ont fait un
Service Solemnel pour tous les Officiers & Soldats
qui ont perdu la vie dans la dernière campagne.
Il y a eu un femblable Service dans
toutes les autres Maiſons de la Congrégation de
Saint- Maur.
Ily a eu dans cette Ville pendant l'année 1762
dix-fept mile huit cens neuf Baptêmes , dix- neuf
mille neuf cens foixante fept Morts , quatre mille
cent treize Mariages , & cinq mille deux cens
quatre-vingt-neuf Enfans - Trouvés.
ARTICLE VIII.
ECONOMIE ET COMMERCE.
PRIX des Grains pendant la fin de
Janvier.
FROMENT ( le feptier) 15 l . 10 f. 16 l . 5 f.
Ilen a été vendu à 12 1. 10 f.
Seigle , 7 l. 15 f. 9 l.
Orge , 9 1.5 f. 10 l .
Avoine , IS 19 1.
Ayoine , 16.1. à 16 1. 10f.
Menus Grains.
Sarrazin , 8 1. à 8 l . 10 f.
Vefce , 16 1. 10 à 17 l.
Lentilles , 24 l . 52 1.
Haricots , 28 à 36 1.
FEVRIER, 1763 .
195
Poids verds , 22 à 54 l .
Féveroles , 14 à 14 1. 10 f.
Féves Suilles , 22 à 42 1 .
VOLAILLES à lafin de Janvier.
1.
Gros Chapon ( la piéce ) 4 1. 10 f. 4 l .
Poularde , 3 1. 10 f. 3 1.2 1. 10 f.
Gros Dindon , l . 106.41.
Dindon commun , 3 l . 10 f. 3 1. à 2 l. 10 f
Poulet gras , I l. Is f. I 1. 10 f. 1 1. s f.
Poulet commun , Il. S f. 1 1. & 15 f,
Levreau , 3 1.2 1. 10 f.
Lapreau , l . 10 f. 1 1. s fil. 1
Canard fauvage , 2 l. 1of. & 2 1.5 6.
Cercelle , 2 1. & 2 1. 10 f.
Bécaffe , 3 1. & 2 l. 5 f.
Bécaffine , 1 l. 10 f. 1 l . 5 f. & 1.l.
Canard paillé , 1 l. 10 f. & 1 1.
Pigeon , 1 l. f. 1 1. & 15 f.
Agneau , 91. 10 f. 9 1. & 7 l .
Cochon de lait , 7 l . 6 l . & 4 1. 10 f.
Oye , 2 l. 10 ſ. 2 l.
Allouettes , ( le paquet ) 1 l . 10 f. & 1 l . 5 f.
Beurres & Eufs pendant le même
Le Beurre d'Iffigny , 14 f. la livre.
temps.
Le Beurre de Gournai , 17 f. celui de Chartres ,
9 f. celui de Lonjumeau , 8 à 9 f.
Les Eufs de Gournai , 37 l . le millier , ceux de
Lonjumeau , 36 1. & les OEufs Picards , 34 1.
Fourrages.
La Paille a été vendue à la Porte S. Martin 16 1.
le cent.
Le Foin a été vendu à la Porte S. Michel 35 1
36 1, le cent .
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
AVIS DIVERS.
Mlle FELLOIX , chez M. JORRY Libraire-Imprimeur
, rue & vis - à- vis la Comédie Françoiſe ,
au Grand Monarque , a une collection de 1800
Pierres de compoſition , de différentes couleurs ,
imitant les Pierres fines ; repréſentant divers
Sujets , éxécuté d'après les Pierres antiques gravées
, qui font dans le Cabinet du Roi & chez
plufieurs Princes François & Etrangers. Le prix
defdites Pierres eft depuis une livre jufqu'à fix
livres. En lui envoyant des Portraits , Medailles ,
Cachets ou des Armes gravées , elle en tire des
Copies de différentes couleurs qu'elle vend fix
livres piece. S'il fe trouvoit quelque curieux qui
voulut faire acquifition de cette collection entiere ,
elle s'engageroit à lui enfeigner la maniere de les
travailler , ainfi que les fouffres de couleurs différentes
& les Plâtres , 'dont elle a une grande quantité
dans d'autres fajers que les pierres ; comme
l'Hiftoire de Louis XIV , celles des Rois d'Angleterre
& des Ducs d'Aquitaine , ainſi que les Padouins
qui font dans le cabinet de Ste Geneviève , &
plufieurs Têtes modernes d'hommes favans qui
ont connus.
Les Tablettes d'Angleterre , pectorales & flomachales
, trouvées par lefieur ARCHBald.
CES Tablettes font un remède fûr & infaillible
contre les Maladies ordinaires de la Poitrine & du
Poulmon , telies que le Rhume , la Toux & l'Enrouement
, &c. Elles préviennent l'Afthme , la
Phtifie , la Poulmonie, & diffipent les humeurs
qui fe fixent fur la Poitrine , & dont l'irritation
occafionne des efforts continuels pour touffer.
FEVRIER. 1763 . 197
"
Ces Tablettes , par leurs vertus balfamiques &
nutritives , guérillent les tendres vaiffeaux de
l'efto mac , qui font fouvent lacérés par fes mouvemens
convulsifs ; & en fortifiant les organes ,
elles aident à la digeftion , & ne manquent
jamais d'avancer la chylification .
Ces Tablettes fe fondent dans l'eau comme
du fucre ; le goût en eft des plus agréable , & ne
manque jamais de corriger l'haleine & les exhalaifons
impures de l'eftomac .
Manière de fe fervir de ces Tablettes .
Quand on est enrhumé ou enroué , on prend
une de ces Tablettes dans la bouche , cù elles fe
fondent comme du fucre. On le répéte toutes les
fois que la toux devient incommode , & on en
peut prendre ainfi cinq cu fix fois par jour , ce
qui préviendra en même temps les maladies
dont le poulmon eft fi fouvent attaqué. Ceux
qui ont l'estomac foible , ou mauvais gout dans
la bouche , en prennent également cinq ou fix
par jour , ou plus ou moins . La quantité ne fauroit
nuire en aucune façon ; l'épreuve qu'on en
peut faire en laiffant fondre une de ces Tablettes
dans un verre d'eau , fera voir qu'il n'y entre
rien de pernicieux , & que la compofition eft bienfaifante
& des plus falutaire.
Ces Tablettes fe vendent chez LEBRUN , fuc
ceffeur dufieur LEDUC , Marchand Epicier , rue
Dauphine , au Magafin de Provence , à 36 fols la
Boëte.
Par Privilége exclufif , Permiffion & Lettres-
Patentes du Roi , enregistrées au Parlement
de Paris.
Le fieur de SIGOGNE , neveu du feu feur
I iij
198 MERCURE DE FRANCE .
DE SIGOGNE , Médecin des Cent Suiffes de la
Garde du Roi , donne avis au Public qu'il eft
feul poffeffeur , & tient du feu fieur de Sigogne
fon oncle , avec lequel il a travaillé pendant plufieurs
années , le fecret de la compofition del'Elixir
connu fous le nom d'Huile de Vénus .
M. le premier Médecin de Sa Majeſté , après
avoir vérifié par lui-même fes opérations pour
cette compofition & avoir reconnu toutes les
propriétés de cet Elixir , a donné au fieur de Sigogne
un Brévet & Privilége exclufif le s Avril
1761 , lequel a été enregiftré en la Prévôté de
l'Hôtel du Roi le 9 des mêmes mois & an.
Sa Majefté elle même voulant récompenfer
en la perfonne du fieur de Sigogne neveu , nonfeulement
le mérite de l'invention de fon oncle ,
mais encore les travaux & connoiffances perſonnelles
, a eu la bonté de lui accorder le 20 Février
1762 des Lettres-Patentes portant privilége .
exclufif pour la compofition & débit de cet Elixir
dans toute l'étendue du Royaume : elles ont été
enregistrées en la Cour de Parlement de Paris le
31 Juillet 1762 , fur les certificats des Doyen &
ancien Doyen de la Faculté de Médecine de Paris ,
& avis de Meffieurs les Lieutenant- Général de
Police & Procureur du Roi au Châtelet de Paris ,
donnés les 2 & 14 du même mois de Juillet , en
exécution d'un Arrêt préparatoire du 30 Juin
précédent.
Depuis , & par autre Arrêt du 4 Septembre
1762 , ladite Cour de Parlement , pour prévenir
tous les inconvéniens qui pourroient tromper le
Public , empêcher la contrefaction de cet Elixir ,
& même l'annonce faite par plufieurs perfonnes
qu'elles tenoient du feu fieur de Sigogne fon
fecret avec fon cachet ; a fait défenſes à toutes,
JANVIER. 1763. 199
perfonnes , de quelque qualité & condition
qu'elles foient , de contrefaire , vendre & débiter
ledit Elixir connu fous le nom d'Huile de
Vénus , & de fe fervir du nom & cachet du feu
hieur de Sigogne , fous les peines portées par
l'Arrêt.
Propriétés de l'Huile de Vénus.
Cet Elixir , un des plus puiffans ftomachiques
qu'il y ait , rétablit par fon ufage continué les
eftomachs les plus foibles , en en prenant tous
les jours une cuillerée à bouche uhe heure où
deux après le repas.
Cette Huile fortifie les vieillards , en confumant
cette pituite froide & crue qui les accable ,
aide à faire la digeſtion , & fortifie le cerveau &
toute l'oeconomie animale.
1
Elle procure les régles aux filles & aux femmes
, en réparant le vice des fermens de l'eftomach
, & en donnant de la fluidité aux humeurs
excrémenteufes qui doivent s'évacuer tous les
mois ; & c'eft de-là principalement que dépend
la fanté ou la maladie du fexe.
Elle diffipe & calme toutes fortes de vapeurs ,
en en prenant une cuillerée ou deux , & buvant
un verre d'eau fraîche par -deſſus.
Elle facilite merveilleufement les accouchemens
laborieux on en prend dans le travail jufqu'à
quatre cuillerées , & même fix : la quantité
ne peut jamais faire de mal .
C'eft un des plus puiffans Spécifiques pour calmer
& guérir fur le champ toutes fortes de coliques
; on en prend une ou deux cuillerées .
C'eft un excellent cordial pour les petites véroles
; on en mêlange une , troifiéme ou quatrième
partie avec les eaux de chardon- bénit eu de fca-
I iv
200 MERCURE DE FRANCE .
bieuſe : on en donne plus ou moins , fuivant que
la nature l'indique.
Cette Huile peut s'employer avec fuccès dans
les affections fcorbutiques : fon uſage continué
d'une cuillerée ou deux par jour après le repas ,
garantit de ces maux dangereux , ou en arrête
le progrès , en confumant cet acide fixe & froid
qui ronge la tiffure du fang , & fouvent même les
os ; ce Reméde pouffe au dehors par les excrétions
& les fecrétions naturelles.
Une ou deux cuillerées de cette liqueur arrête
fubitement le mal de mer ; c'eft à- dire ces dégoûts
, ces défaillances , ces naufées , ces vomiſ-
Lemens affreux , qui font occafionnés par le
mouvement du vaiffeau & par l'odeur de la
mer.
De toutes les liqueurs connues , il n'y en a
point de fi agréable que celle- ci pour le goût ;
d'ailleurs , bien différente des autres liqueurs ordinaires
, celle- ci ne peut jamais faire de mal ,
quelque ufage que l'on en falle.
Elle ne s'évente jamais , & plus elle eft gardée
, meilleure elle eft , & pour les qualités &
pour le goût.
י ז
Le prix de la Bouteille eft de 5 liv. Ily a des
demies bouteilles de 8 liv. & despetites de 4 liv.
La demeure dufieur DE SIGOGNE eft à Paris
rue de Perpignan en la Cité , la première porte à
droite en entrant par la rue des Marmouzets , au
premier. Les perfonnes qui écriront au Diftributeur,
font priées d'affranchir leurs Lettres.
FEVRIER. 1763 .
201
A LACROIX DE LORRAINE ,
A La Source du Parfait - Amour.
MICHELIN , Marchand Epicier & Diſtillateur
, demeure rue & près les Capucines , vis- àvis
la Place de Vendôme ; Tient & Fabrique les
Superfines Liqueurs de Lorraine & autres Pays
Etrangers ;
Marafquin ,
Bologna ,
Huile de Vénus ,
SÇAVOIR ,
Eau des Barbades d'Angleterre ,
Eau de Dardel ,
Eau de Meliffe
Scuba rouge d'Angleterre ,
Eau de Fleur d'Orange ,
Cinnamomum rouge ,
Rhubarbe >
La Vanille ,
Liqueur de Macis ,
Bergamotte rouge ,
Parfait - Amour
Scuba jaune ,
Scuba blanc .
Fine Orange ,
Superfin de Saffran ,
Cédra blanc
Crême de Barbades ,
Cinnamomum
,
Eau Couronnée ,
12
1.
12.1
12 1.
6. 1.
6 1.
6 l.
6 1.
6 L
.6 1.
61.
6 1.
}
6 1 .
6 1.
6 1
6 1.
6
6 1.
6 1
61
61.
6 น.
Liqueur d'Abricot ,
Larmes de Portugal ,
Roffolis rouge ,
Roflolis blanc ,
I v
202 MERCURE DE FRANCE.
Badian des Indes ,
Pondichery blanc ,
Pondichery rouge
Liqueur à la Dauphine,
Bergamotte ,
Chocolat ,
6 1.
6 l.
6 1 .
6 1.
61.
Caffé ,
Cachoux ,
6 1.
6 1:
Les Sept Graines , 6.1.
La Bequillette ,
6 1.
Unique Parfaite , 6 1.
Thériaque ,
6 l.
Quinquina ,
6 1.
La Renommée d'Ecoffe , 6 1.
Limette des Indes , 6 1.
Aigle d'Inde , 6 1.
Framboife blanche , 6 1.
Crême de Florence , 6 1.
Carolina ,
6 1.
Crême de Fleur d'Orange , 6 1.
La Capucine rouge ,
Liqueur de Jafmin ,
Archiepifcopale ,
Framboiſe ,
Superfin de Geniévre ,
Le Coing ,
Perficot ,
La Capucine blanche,
Angelique blanche ,
Angelique rouge ,
Fenouille ,
s 1.
sl.
s.1.
sl.
s l.
sl.
sl.
5 1.
5 1.
5 1.
5 l.
Citronelle ,
5 1.
Le Rouffillon > s l.
La Coriandre ,
L'Eillet ,
Efprit de Coclearia ,
Eau Sans- Pareille ,
s l.
·S. 1.
sļ
FEVRIER, 1763 103
Vin d'Alicant ,
Ratafiat de Fleur d'Orange ,
Eau Divine ,
Broux de Noix ,
Anis des Indes ,
Hypothéque Royal ,
Quatre Fruits rouges ,
Crême de Pêche ,
Ratafiat de Griotte ,
Kirs Wafer ,
Efprit de Lavande ,
4 1. 10 í.
4 l. 1o f.
4
.1.
4 1.
4 l.
4 1.
4 1.
4 1,
4 l.
4 1 .
Elprit-de-Vin ,
4 1.
Ratafiat de Coings ,
3 l.
Ratafiat de Caffis ,
3 1.
Ratafiat de Géniévre ,
3 l.
Ratafiat Mufcat ,
3 1.
Ratafiat de Noyau ,
3 l.
Ratafiat d'illet , 3 1.
Ratafiat de Ceriſe ,
3 l.
Eau de Lavande >
Lavande à l'infufion ,
Elprit de Vulneraire ,
3 1.
3 l
3 1.
Eau de la Reine d'Hongrie ,
5 10
Il fait & vend auffi toutes fortes de Sirops ,
& le véritable Thériaque de Venife , en gros &
détail. Le tout à jufte prix A PARIS .
NOUVEL Avis , concernant le Spécifique antivénérien
du Docteur FELS , premier Médecin &
·Bourgmestre de la ville de Scheleftat en Alface.
La Dame veuve du Docteur Fels ayant obtent
un Arrêt du Confeil d'Etat du Roi , par lequel Sa
Majefté lui a permis de continuer de compofer
& d'adminiftrer , ou faire adminiftrer par fes Pré-
I vj
204 MERCURE DE FRANCE.
pofés , tant à Paris , fous l'infpection & direction
de M. Caumont , Médecin ordinaire du Roi ,
que dans les Provinces du Royaume , le Remède ,
ou Spécifique anti - vénérien , dont fon mari a fait
la découverte , en fit publier peu après cette
obtention , les propriétés effentielles & très-intéreffantes
pour le Public . ( Voyez le Mercure
d'Août 1762 & la Feuille des Affiches du 19 Juillet
même année , &c. ) Mais , comme elle ne put
alors accompagner fon Avis ou Inftruction d'un
Extrait de Piéces juftificatives propres à prouver
& conftater l'excellence & les avantages de ce
Spécifique , ces Piéces étant pour - lors fous les
fcellés appofés après le décès de fon mari ; elle
croit devoir maintenant faire part au Public de
quelques-uns des principaux faits qui y font
énoncés & atteftés par pluſieurs Médecins & Chirurgiens
très- célébres .
1. Trois Atteftations qui prouvent très- authentiquement
qu'une femme de la Paroiffe d'Ablincourt
, Diocèle de Noyon , enceinte de 4 mois
& demi , ayant tous les fymptômes les plus graves
& les plus caractériſtiques de la V .... a été parfairement
guérie en huit jours par l'ufage de la Tifane
ou Apozême du Docteur Fels. Ces Atteftations
font fignées par M. Petit , premier Médecin de S.
A. S. Mgr. le Duc d'Orléans ; par M. Guérin ,
Chirurgien- Major des Moufquetaires Noirs , &
M. Moreau , premier Chirurgien de l'Hôtel- Dieu
de Paris. Il est à remarquer que le reste du temps
de la groffeffe de cette femme s'elt paflé en parfaite
fanté , & que l'enfant dont elle eſt accouchée
à terme & très - heureufement , ne s'est trouvé
affecté d'aucun fymptôme de maladie vénérienne.
2. Trois autres Atteftations , par lesquelles
FEVRIER. 1763 . 205
Te même M. Petit , M. le Thieullier & M. Cantwel
, Docteurs Régens de la Faculté de Médecine
de Paris , certifient que le mari de cette même
femme avoit auffi les fymptômes véroliques
les plus graves , lefquels fymprômes ont été en
outre reconnus tels par M. de Senac , premier
Médecin du Roi , par M. Quefnay , M. de la
Sone , MM. le Gagneur , Caumont , Hevin ,
Duval & autres Médecins & Chirurgiens de la
Cour & de la ville de Verſailles , où ce malade a
été traité fous leurs yeux , jufqu'à parfaite guérifon
, obtenue en pareil efpace de temps que la
précédente.
3º. Un Certificat de M. M... Capitaine de
Dragons & Chevalier de S. Louis , par lequel cet
Officier attefte qu'il a été parfaitement guéri par
la Tifane du Docteur Fels , d'une maladie vénérienne
très-grave & très-invétérée , qui l'avoit réduit
à une telle extrémité , que l'on défefpéroit
de la vie.
4. Une Déclaration volontaire , paffée devant
Me Deruelle & fon Confrère , Notaires à Paris ,
par le fieur D ... bourgeois de Paris , contenant ,
qu'après avoir été traité d'une maladie vénérienne
par plufieurs Chirurgiens , qui l'avoient manqué
(ce font les termes.) il a été parfaitement guéri par
le Reméde fpécifique qui lui a été confeillé & adminiftré
par M. Fels.
5º. Une Lettre de M. Monnet , par laquelle il
déclare que dès le neuvième jour •qu'il a fait
ufage de la Tifane du Docteur Fels , il a été délivré
de très vives douleurs de tête , de bras & de
jambes , qui le tourmentoient depuis long- temps ,
& qu'aucuns remédes n'avoient pu guérir ; qu'il
avoit confulté plufieurs Médecins , qui n'avoient
pu découvrir aucun fymptôme qui caractériſâr la
206 MERCURE DE FRANCE.
V.... mais que , fur quelques foupçons , il s'étoit
déterminé à prendre ce Remède , par lequel il
certifie avoir été parfaitement guéri en vingtquatre
jours , jouillant préfentement de la meil
leure fanté en foi de quoi , ce généreux Citoyen
a confenti que ce fait fût rendu public , & qu'on
le nommâr , pour lui donner plus d'authenticité.
On pourroit encore rapporter plufieurs autres
guérifons de maux vénériens de toutes eſpèces ,
& notamment de plufieurs caries , exoftoles &
autres maladies affectant les os , les cartilages ,
&c. que cet excellent Spécifique a radicalement
détruites ; mais les perfonnes qui ont été guéries
ne confentant pas d'être citées , on les doit
paffer fous filence ; d'autant plus que les fairs cideffus
rapportés fuffifent pour faire connoître évidemment
que ce Reméde eft un Spécifique certain
contre toute maladie vénérienne , foit récente
, ſoit invétérée , ſoit héréditaire , &c . &
que , de plus , un de fes effets particuliers eft de
réuffir parfaitement dans la cure des maladies
vénériennes qui ont réfifté à l'uſage du mercure
le mieux adminiftré ; avantage dont l'humanité
étoit privée avant la découverte de ce précieux
Reméde. Une remarque qu'il eft encore trèsnéceffaire
de faire , & qui ajoûte beaucoup à
l'importance de ce Spécifique , c'eft qu'il eft compofé
fans aucun ingrédient mercuriel , & par conféquent
exempt de tous les inconvéniens inféparables
du mercure.
M. Caumont efpere donner dans peu les obfervations
qu'il a faites fur ce Reméde & fur les
effets , depuis qu'il eft fous la direction.
Sa demeure eft à Paris , rue de Bourgogne ,
près de la rue de Varenne .
FEVRIER. 1763. 20
Madame Fels demeure toujours rue Quincampoix
, près de la rue de Venife , même maifon
que M. Arnoult , ancien Epicier- Droguifte.
Il eft bon de rappeller ici , en faveur des perfonnes
qui pourroient n'avoir pas été à portée de
lire les ouvrages périodiques où il a été fait mention
de ce Reméde , ce qui a déja été dit ſur ſes
propriétés.
Ce Spécifique eft un Apozême dont on boit trois
verres par jour.
Il a l'avantage , 1º. de guérir les maladies vénériennes,
fans jamais caufer de falivation , étant
compofé , comme on vient de le faire remarquer
, fans aucun ingrédient mercuriel.
2º. Les préparations qui le précédent fe font
-en très-peu de jours , les bains n'y étant pas néceffaires.
3º. Pendant l'ufage de ce Reméde , qui ne dure
ordinairement que vingt - quatre jours , on n'eſt
point aftreint à garder la chambre : on peut
même vaquer aux affaires qui ne caufent point
trop de fatigue & n'exigent point une trop longue
contention d'efprit , ayant foin néanmoins
de ne fe pas expofer aux injures de l'air.
4°. Ce Spécifique n'a rien de contraire aux
eftomachs débiles ni aux poitrines délicates ; il
en eſt même fouvent le véritable antidote , principalement
lorsque la langueur ou le mal- aife
de ces organes provient de quelques anciens
réfidus , vénériens maſqués ou dégénérés , comme
il n'arrive que trop communément à ceux qui
ont eu dans la jeuneffe certaines galanteries imparfaitement
terminées.
> s . Ce Reméde agit avec tant de douceur
que M. Fels , ainſi qu'on l'a vu ci-deffus , l'a
employé pendant le cours de la groffeffe même ,
208 MERCURE DE FRANCE.
avec le plus heureux fuccès ; & de même , pour
les enfans à la mammelle , en le faiſant boire à
leurs nourrices.
60. Loin d'être affoibli ou maigri par fon
ulage , on y recouvre les forces & l'embon
point détruits ou diminués par la maladie.
LETTRE de M. GUERIN , Chirurgien-Major
des Moufquetaires du Roi , à l'Auteur du Mer-
Cure.
Je croirois manquer au Public , Monfieur , fi
je ne vous priois de vouloir bien inférer dans
le prochain Mercure un fait dont il eft bon de
l'éclaircir & que voici.
J'ai vu avec étonnement dans la feuille des
Affiches du mois de Janvier que Madame Fels ,
pour accréditer vraisemblablement le remede
qu'elle diftribue pour les maladies vénériennes ,
a annoncé un Certificat de M. Moreau & de
moi. Comme j'étois perfuadé de n'en avoir pas
donné , n'ayant pas plus l'honneur de la connoître
que fon Reméde , ainfi que les effets , j'ai
cru qu'il convenoit , avant d'en faire mon défaveu
, que j'éclairciffe les raifons qui pouvoient
avoir engagé Madame Fels à me citer , & je
me tranſportai à cet effet chez elle . Ne l'ayant
pas trouvée , & M Arnoult , Auteur des Sachets
apoplectiques , m'ayant demandé ce que je voulois
, & dit qu'il étoit en état de répondre à mes
queftions , je l'interpellai fur le prétendu certificat
de M. Moreau & de moi , & le priai de me
le faire voir , ce qu'il fit en me tirant deux papiers
, dont effectivement je reconnus l'un pour
être de mon écriture , & fur lequel au lieu
' d'être un certificat , ainfi qu'il le difoit , étoir
FEVRIER. 1763. 209
un énoncé pur & fimple de différens fymptômes
d'une maladie vénérienne , pour laquelle une
femme m'étoit venu confulter avec M. Moreau ,
mon confrère , il y a environ trois ans , & qui
avoit également confulté M. Moreau , mon confrère
, Chirurgien- Major de l'Hôtel- Dieu .
Mais comme depuis ce temps je n'ai plus entendu
parler de ladite femme , que j'ai ignoré fi
elle avoit été traitée , & par quel remède , fi elle
avoit été guérie ou non , & que par conféquent je
n'avois point donné de certificat , je vous réïtére
que j'ai vu avec le plus grand étonnement
que l'on m'avoit cité pour l'avoir donné avec autant
de légéreté .
Quant à celui de M. Moreau , fon prétenda
certificat eft le même énoncé que le mien , & il
protefte ainfi que moi qu'il n'en a pas donné.
Je finis en ajoutant que je crois devoir ce témoignage
à la vérité. Les certificats en fait de
remèdes nouveaux me paroiffant pour le Public
de la derniere conféquence , & trouvant fort
mauvais que l'on me faffe parler d'une choſe
que je ne connois point , & fur laquelle je n'ai
rien dit.
J'ai l'honneur d'être & c.
Paris , le 31 Janvier 1763.
GUERIN.
Le fieur TORRE , Italien , Phyficien dont les
talens ont mérité l'attention des Miniftres qui
ront employé pour le Service du Roi , avertit le
Public qu'il démontre les plus belles Expériences
Phyfiques , ce qu'il y a de plus curieux dans l'Electricité
, les plus rares Phénomènes du Microf
210 MERCURE DE FRANCE .
cope , les plus belles Expériences du Vuide , &
une infinité d'autres dont il retranche le détail
il prend liv . par perfonne.
Il vend toutes fortes d'inftrumens de Phyfique
ou qu'il compofe ou qu'il fait fait venir d'Angleterre
, comme Microſcopes fimples & folaires
& Machines Electriques d'une nouvelle conftruction
, Télescopes de toutes grandeurs , doubles
Pompes Pneumatiques avec tout ce qui en dépend
, toutes fortes de lunettes d'approche , celles
de l'invention du fieur Dolon à double objectif
ou à 7 verres toutes de Barométres &
Thermometres, & montre l'ufage aux Acheteurs .
Il demeure dans la premiere Cour des Quinze-
Vings à droite au premier Etage.
AUDOU , Maître Vitrier , rue S. Vidor , vis- àvis
le Séminaire de S. Nicolas , proche la rue
du Paon : Tient magafin de très-beaux verres
blancs de Bohême & autres propres aux Eftampes
, Paſtelles , Voitures , Pendules , Mignatures ,
& pour les croifées . Il monte les Eftampes en
Bordures de toutes couleurs . Il colle les Cartes
Thèles , fur toile : Entreprend le Bâtiment . Le
tout à jufte prix . A Paris.
AVIS AU PUBLIC ,
REMEDE EXTERIEUR.
Le fieur THIEBAULT , Fayancier , Cour de la
Trinité , à Paris , diftribue avec fuccès des Sachets
d'une poudre ayant la vertu de faire évacuer
le lait aux Femmes en couche , & fans qu'il
en puille arriver aucun accident .
•
FEVRIER . 1763. 211
MANIERE de s'en fervir.
En appliquant le Sachet extérieurement fur
l'Eftomach ou fur le côté , à cru fur la peau : le
troifiéme jour il faut le faire fécher au feu l'efpace
d'une heure , & tous les trois jours en faire
de même.
Les prix font de a liv. & i liv. 10 f.
2
APPROBATION.
J'ai lu , par ordre de Monſeigneur le Chancelier ,
le Mercure de Février 1763 , & je n'y ai rien
trouvé qui puiffe en empêcher l'impreffion. A
Paris , ce 31 Janvier 1763. GUIROY.
TABLE DES ARTICLES.
PIECES, FUGITIVES EN VERS ET EN PROSE.
ARTICLE PREMIER.
HOTELS Horezs des deux Compagnies des Moufquetaires
.
LA Lotterie de l'Amour.
JUPITER & Junon.
A une Demoiſelle.
A Uranie.
Page 5
26
27
29
30
31
SUR une Dame à qui on a donné le nom
de Circé.
MAL A PROPOS, ou l'exil de la Pudeur. Poëme
allégorique.
212 MERCURE DE FRANCE .
ODE fur la Paix . Par M. le Chevalier de
Viguier.
INSCRIPTIO Ludovici XV.
CHANSON fur le mariage de Mlle d'Allencourt
, avec M. le Marquis de Noailles .
A Madame la N *** , lifant la Comédie
des Grâces .
RÉPONSE honnête d'un homme très-honnête
& c.
EPITRE à M. l'Abbé Camu , à Verſailles .
43
47
48
st
53
VERS à Madame & M. de la Belouge , Con-
Leiller au Parlement de Paris. 36
VERS à Madame la Marquife de M .... au
Bal de Verſailles. 58
ENIGMES. $9 & 60
LOGOGRYPHES. 62 & 62
GRAVURE.
63
ART. II. NOUVELLES LITTÉRAIRES.
HISTOIRE de France depuis l'établiſſement
de la Monarchie , jufqu'au régne de
Louis XIV. par M. Villaret. Tomes II
& 12.
LETTRE de M. Marin , Cenfeur Royal & de
Police.
AVERTISSEMENT au fujet du Corps complet
de l'Agriculture , du Commerce & des
Arts & Métiers de France , dédié au Roi ,
fous le titre de l'Agronomie & de l'Induf
trie , &c.
L
MÉLANGES de Phyfique & de Morale , contenant
l'Extrait de l'Homme Phyfique &
Moral , & c.
A l'Auteur du Mercure.
ANNONCES de Livres.
64
75
79
89
94
97 &fuiv.
FEVRIER. 1763 .
213
ARTICLE III. SCIENCES ET BELLES -LETTRES.
ACADÉMIE S.
EXTRAIT de la Séance publique de la Société
Littéraire de CLERMONT en Auvergne.
PROBLEME de Géométrie.
ART. IV. BEAUX - ARTS.
ARTS UTILES.
CHIRURGIE.
EXTRAIT de deux Lettres de M. Dumont fils
à M. Le Cat , Ecuyer , &c.
HORLOGE RĮ E.
ESSAI fur l'Horlogerie ; par M. Ferdinand
Berthoud , Horloger à Paris .
OBSERVATIONS fur une Opération de la
Taille .
ANATOMIE.
EXPOSITION anatomique de la ftructure du
corps humain , en vingt grandes Planches
imprimées en couleurs naturelles ,
par M. Gautier.
ARTS AGRÉABLES .
MUSIQUE.
GRAVURE.
102
113
114
119
130
136
738
139
SUPPLEMENT à l'Article des Piéces fugitives . ibid.
A l'Auteur de la Comédie de DUPUIS &
DESRONAIS.
DEUXIÈME LETTRE d'une jeune Etrangère ,
fur les Modes actuelles des Françoiſes .
LE Cygne Roi & fes Sujets, Fable.
MADRIGAL à Madame ***.
VERS pour accompagner un Tableau de
M. Amédée Vanloo , repréfentant différentes
vertus.
140
141
144
146
147
214 MERCURE DE FRANCE.
ART . V.
SPECTACLES.
SPECTACLES de la Cour à Verſailles.
148
SPECTACLES DE PARIS.
OPÉRA.
156
COMÉDIE Françoiſe. 176
COMEDIE Italienne .
178
ART. VI. Nouvelles Politiques. 179
MORTS.
192
ART. VIII. Economie & Commerce . 194
Avis divers.
198
De l'Imprimerie de SEBASTIEN JORRY ,
rue & vis- à- vis la Comédie Françoiſe.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères