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1757, 06, vol. 2
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MERCURE
DE FRANCE,
DÉDIÉ AU ROI.
JUIN. 1757.
SECOND VOLUME;
Qui tiendra lieu du ſecond Volume de Juillet.
Diverfité , c'est ma devife. La Fontaine.
Chez
Cochin
Filiue inve
PupillenSculp
A PARIS ,
CHAUBERT , rue du Hurepoix.
PISSOT , quai de Conty.
DUCHESNE , rue Saint Jacques,
CAILLEAU , quai des Auguftins.
CELLOT , grande Salle du Palais,
Avec Approbation & Privilege du Roi,
RIBLIOTHEKA
BEGIA
BIONAGENSIS
}
LE
AVIS
De l'Auteur du Mercure.
E jufte defir de répondre à
l'empreffement de plufieurs de nos
Abonnés , nous oblige de donner
en Juin le fecond volume de Juili
let , pour y joindre le premier
tome de la collection des anciens
Mercures. Nous ne l'avions annoncé
que pour le premier d'Août ;
mais nous avons preffé notre travail
, perfuadés que le Public nous
fçaura gré de recevoir ce volume
fix femaines plutôt , & qu'il pardonnera
à notre zele d'avoir accéléré
à ce deffein l'impreffion dụ
Mercure qui paroît aujourd'hui .
Ce déplacement ou plutôt cette
anticipation , n'aura lieu que cette
A ij
fois - ci . On aura le ſecond volume
de la Collection le premier Juillet ,
fans faute. Les autres fuivront de
mois en mois.
Pour avoir chaque volume de
cette Collection , on s'adreffera à
M. LUTTON , qui le diftribuera
conjointement avec le Mercure du
mois. Il demeure toujours rue Sainte-
Anne , Butte Saint Roch , entre
deux Selliers. Le prix eft le même ,
c'eft-à- dire 30 fols le volume pour
ceux qui s'abonneront , & 36 fols
pour les autres. Comme nous ne
donnerons de l'ancien Mercure
que douze volumes par an , l'abonnement
ne fera que de 18 liv . d'avance
, ainfi que nous l'avons annoncé
dans le premier Avis que
nous avons publié .
HOLLO 亞類

0 .
man
0
MERCURE
DE FRANCE .
JUIN. 1757.
ARTICLE PREMIER.
PIECES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
VERS
A Madame de l'Eft... fur ce qu'à la lecture
de l'éloge de M. de Fontenelle dans le
Mercure , elle s'applaudiffoit à fon exemple
de nefçavoir que fourire.
Ca trait vous enchante , Silvie ;
Fontenelle en toute fa vie
Ne connut que le doux fouris :
Ce Maître aimable en l'art de plaire ,
A iij
6 MERCURE DE FRANCE.
Laiffoit au profane vulgaire
Le bruyant éclat & les ris. -
Des immortels tous deux vous tenez cet ufage :
Eleve de ce Dieu dont il eut les faveurs ,
Apollon lui donna ce fourire en partage :
Préfent heureux ! expreffion du fage ;
Mais par ce doux fouris qui foumet tous les
coeurs ,
L'amour vous accorda mille fois davantage.
Par le Montagnard des Pyrenées.
LE CHOIX DIFFICILE,
Avis à Life.
A Madame de Mol. de L ***:
LA folie des femmes eſt d'être aimées .
Leur foibleffe eft l'amour : j'ajoute que
c'eft le principe de toutes leurs vertus &
de leurs défauts.
La qualité de leur efprit lui donne fa
tournure. Il eft vif , actif dans les unes ,
intéreffé dans les autres : ambitieux dans
celles-ci , quelquefois fenfible & vertueux :
toujours porté vers le plaifir ; mais fouvent
arrêté par la honte , les yeux du public &
la vanité.
L'amour eft l'élément des femmes : c'éJUIN.
1757:
les
toit pour flatter tout fon fexe que Mademoifelle
de Scuderi difoit , que la vraie
meſure du mérite fe doit prendre fur l'étendue
de la capacité qu'on a d'aimer.
Les femmes font plus faites pour
fentimens que pour les fciences. Celles
qui s'y adonnent uniffent l'un à l'autre.
Colomb amoureux, & la tendre Zama font
les héros de Madame du Bocage . Madame
Deshouliere ne parle que tendreffe dans
fes vers ; & le fentiment qui regne dans
les Lettres de Madame de Sévigné les rend
délicieufes les femmes ne fe plaignent
que de voir ce ton fi mal employé ; elles
ne peuvent pardonner une fi vive tendreffe
d'une mere à fa fille . Qu'elles faffent
réflexion à ce qu'elle dit , que cet attachement
la fauvoit d'un autre qu'elle
appelloit plus dangereux , & fûrement il
ne fe préfenta perfonne d'affez délicat
pour fatisfaire fon goût , fon génie & fon
coeur. On peut affurer , fans médifance ,
que fi elle l'eût trouvé , tout feroit rentré
dans l'ordre ; elle n'eût eu que de l'amitié.
pour fa fille , elle eût adoré fon amant.
:
Bref , c'eft le fort des femmes ; elles doivent
aimer : c'eft le goût des femmes d'être
aimées ; elles le font moins à mefure.
qu'elles veulent multiplier leurs adorateurs.
Telle eft la fphere du feu qui agit
A iv
8 MERCURE DE FRANCE.
avec bien plus de force fur la poudre & le
falpêtre , à mesure qu'il eft plus refferré .
Je prêche une morale qui fera goûtée
de peu de femmes : où eft celle qui fe
contente d'un amant ? où eft celle qui peut
en avoir trois & qui n'en a que deux ?
La coquetterie a tout gagné. Il ne refte
de couples fideles que ces vieux attachemens
dont l'habitude eft le lien , & quelques
belles dont le coeur vertueux & fenfible
ſe borne à régner fur un coeur fenfible
& vertuenx .
Notre fiecle aime le changement , la
légéreté , le papillonage. Telle femme eft
courue par dix agréables ; parce que dix
agréables , qui l'ont quittée , l'aimoient
auparavant. On fe les arrache , la mode
décide ; rien ne cede à ce goût que celui
des Actrices. Reines fur le théâtre , elles
femblent l'être de tous les cours .
Life , ce ton étoit de mode dans la Capitale
: changez de goût en changeant de
climat. Life , foyez attentive à mon hiftoire.
Le nombre des amans n'eft point inépuifable
en Province ; courez de l'un à
l'autre , j'y confens. Vous êtes aimable
vous les aurez tous ; mais tous vous quitteront.
Life , retournez fur le grand théâtre
, ou faites un choix . Trouvez les fentimens
, la fincérité & la vertu : aimez alors,
JUIN. 1757 . 9
Je vous le permets . Je ne me cite que dans
la foule choififfez . Si le fort tombe fur
moi , fi votre choix me regarde ; j'ôte le
mafque , je me nomme ; j'ofe dire que
mon coeur vous répond de ce que vous
cherchez .
par
Silvie avoit aimé ; elle étoit femme ,
elle avoit paffé vingt ans. Le fort lui avoit
ravi deux amans . Elle avoit pris un époux
raifon de convenance : elle l'eftimoit ;
mais qu'est- ce qu'un époux qu'on eſtime ,
après des amans qu'on a adorés ? Cette vie
tranquille lui laiffoit un chagrin , un dégoût
qui la rendoit méconnoiffable.
*
Silvie avoit des traits délicats , une figure
intéreffante , de beaux yeux , un fon
de voix gracieux , une taille aifée & naturelle
, que la maigreur rendoit peut- être
un peu moins agréable lorfqu'elle fe négligeoit.
Ce défaut ne s'étendoit point fur
fon vifage. Nos merveilleux l'euffent appellé
un vifage à croquer. Elle étoit blonde
fans fadeur , trifte par goût , vive par
caractere ; animée , lorfque le jeu lui plaifoit
, fuyant l'ennui , & femblant le porter
partout où la compagnie pouvoit lui déplaire
aimant le jeu au défaut d'autres .
plaifirs , paroiffant ne faire myftere de
rien , & ne confiant fon fecret à perfonne,
Naturelle dans fes propos , heureuſe dans
A v
To MERCURE DE FRANCE.
le choix de fes termes , s'exprimant avec
légéreté & nobleffe , d'un efprit aifé &
délicat , plaiſantant avec grace , tranchante
dans l'humeur , peu vindicative , mais
coquette.
Certains hommes lui déplaifoient , &
n'auroient pu lui arracher une parole.
Beaucoup avoient le don de lui plaire ;
elle parloit peu avec eux , mais parloit
bien. Ceux qu'elle aimoit la trouvoient
différente ; la converfation ne languiffoit
plus ; fes yeux animoient tout , & parÎoient
à plus d'un amant à la fois : elle
étoit amufante dans fes récits ; touchante
par fes fentimens : elle peignoit la douleur
ou la gaieté dans fon gefte & fes
manieres.
Elle avoit le fecret des légeres incommodités
; des infomnies , des migraines
des douleurs de poitrine , des vapeurs ,
tous maux à la mode ; elle jouoit tout cela
avec une adreffe admirable : elle n'en étoit
pas moins belle . Elle fe fervoit de ces prétextes
dans des momens d'humeur pour
peindre le ridicule des gens qui lui déplaifoient
, le leur dire à eux-mêmes comme
malgré elle ; mais rien ne lui échappoit
fans deffein.
Ce caractere fingulier intéreffa Damon ;
la figure & les traits l'avoient déja frappé.
By
JUI N. 1757.
ΣΓ
Il avoit aimé une femme dont Silvie avoit
les yeux & les manieres. Amour malheureux
! il regrettoit cette amante. La mort
avoit tranché fes jours. Il l'avoit pleurée ,
& la pleuroit encore ; il avoit été heureux ,
& n'avoit pu l'être depuis . Il s'étoit même
défendu l'amour comme un crime fon
coeur lui échappa , il aima Silvie . Elle s'applaudit
de fa conquête. Damon avoit de
quoi plaire ; il avoit été aimé de bien des
femmes fans le chercher. A peine , pour fe
diftraire de fa douleur, avoit il voulu fein
dre pour quelques inftans de partager leurs
fentimens & leur amour.
Incapable de tromper , il portoit la fincérité
au-delà de fes bornes ordinaires. On
lui trouvoit de l'efprit fans affectation ,
du feu & du génie dans les moindres bagatelles
: une grace , des yeux , & une façon
de fe préfenter qui l'avoit fait préférer
aux traits réguliers , aux teins fleuris , & à
l'air important & décidé des petirs maîtres.
Il les déteftoit , & il en étoit le fléau.
Silvie lui rappella tout fon amour ; il
s'y livra avec cette facilité qu'on trouve à
faire reprendre à une riviere que des digues
détournoient , le cours qu'on l'avoit
forcé d'abandonner . Son coeur Aétri , fembla
renaître . Il crut plaire , & it plut. 11
aima , & il fut aimé. Son bonheur auroit
A vj
12 MERCURE DE FRANCE.
duré autant que fa vie , s'il avoit été tou
jours également aimé. Silvie flattée de fa
conquête vouloit la conferver. Si Damon
eût été feul à lui faire la cour , Damon
eût peut- être toujours été heureux . Silvie
n'auroit point cherché d'autres amans :
mais ils vinrent ; comment fe défendre de
les écouter ? Ils parlerent , comment ne
pas leur répondre ? Elle les enlevoit à
d'autres comment ne pas ajouter ce nouveau
triomphe au premier ?
L'inconftance de l'un ne l'inquiétoit pas ;
il étoit petit -maître , elle croyoit le fixer.
L'air mauffade de l'autre ne la dégoûtoit
point ; il avoit le teint vif , les cheveux
bien placés & de beaux traits. La taille
avantageufe du troifieme la charmoit
ainfi que fon ton de badinage. Peut- être
la légèreté , le goût pour la danfe & l'adreffe
à tous les jeux , lui donnoient du
penchant à aimer le quatrieme. Combien
d'autres qui l'entouroient cherchoient à
lui plaire , & dont elle aimoit les talens !
Un mot à l'un , un fourire à l'autre ; elle
ménageoit tout. Ce filence obftiné , l'humeur
difparoiffoient avec eux ; elle fembloit
s'être ménagée ailleurs pour fuffice
à tant de coquetterie. Tous lui plaifoient ;
mais fon goût étoit décidé pour Damon .
Il avoit les momens de choix ; les moin
JUIN. 1757. 17
dres faveurs lui en annonçoient de plus
grandes. Silvie y mettoit tout le charme
qui dépendoit d'elle : il avoit lui feul tour
ce qu'elle accordoit aux autres en divers
temps.
y
Cette légéreté l'amufa d'abord ; il crut
voir de la joie , & peut- être trop préfomptueux
, il fe perfuada d'être caufe de
ce changement & de cette vivacité . S'il
n'avoit cherché qu'à amufer fon loifir ,
cette humeur l'eût diverti. Ce ton qu'il
avoit vu dans d'autres fans peine , il l'auroit
vu de même encore. Mais il aimoit :
il fouffroit , il voulut fe plaindre. Il avoit
tort tout étoit pour lui ; il craignoit fon
ombre , diſoit Silvie. Se plaignoit- elle des
femmes qu'il voyoit ? Il y en avoit d'aimables
, qui joignoient à de beaux traits ,
de l'efprit , de l'agrément , & même de
l'attachement pour lui . Je le vois , difoit
Silvie , & je ne crains rien . Je fuis fûre de
votre coeur , cela me fuffit. Elle triomphoit ,
elle penfoit vrai ; mais elle ne fe juftifioit
pas. Damon , dès qu'il lui avoit plu , avoit
fermé les yeux aux charmes qui auroient
pu lui plaire. Silvie l'avoit arraché à la
plûpart de fes fociétés ; elle s'y étoit brouillée
pour jouir plus amplement de fa victoire
; je ne dis pas affez , pour jouir de fa
liberté toute entiere , fe trouver avec les
14 MERCURE DE FRANCE.
amans , écouter leurs difcours , s'applau
dir de pouvoir attirer tout le monde après
elle , enlever aux autres ceux qui leur
plaifoient , & fixer loin d'elles ceux qu'elle
craignoit qu'elles ne lui enlevaffent.
Damon étoit trop fincere pour diffimu-
Ier. Il fe plaignit encore ; il voulut rompre ,
il chercha à le faire : il ne put y réuffir ,
fon coeur s'y oppofa. L'abfence & l'éloignement
lui firent fentir toute la force de
fa paffion ; il fe trouva malheureux de s'être
laifé aller à ce penchant flatteur : il avoit
trouvé fous les mêmes traits un coeur bien
différent. De quoi ne fut il pas témoin ?
S'il étoit aimé , fes rivaux l'étoient autant
& peut être davantage. Il en feroit mort
de douleur , fi la douleur caufoit la mort ;
mais il n'avoit déja que trop éprouvé qu'elle
rend mille fois plus malheureux que fi
elle raviffoit la vie.
La même main qui le flatroit , flattoit
fon rival. Les yeux qui difoient qu'il étoit
aimé , venoient de dire la même chofe à
un autre , ou alloient le faire .
Silvie offroit d'éloigner d'elle tous ceux
qui déplaifoient à Damon. Il n'acceptoit
rien ; il faifoit bien : tout cela n'eût fervi
qu'à la rendre parjure. L'adreffe de Silvie
faifoit naître pour elle des fujets de brouillerie
partout où elle ne vouloit pas fe
JUIN. 1757 . TS
trouver avec Damon. Elle formoit des liaifons
avec ceux que le goût de fon amant
lui défendoit de voir. Si elle étoit coquette
, elle étoit plus adroite encore ; mais
Damon le lui avoit dit cent fois. Il n'eſt
pas poffible de tromper les yeux d'un
amant.
Damon vit toute la légéreté de Silvie
Sa philofophie revint ; il continua à la voir
quelquefois , ce manege l'amufoit ; il l'aimoit
moins , & lui laiffoit entrevoir fa
froideur. L'expreffion des plus tendres
fentimens ne put ranimer fa tendreffe . Il
voyoit la fauffeté de Silvie ; il l'aima moins
encore , & ceffa enfin de la voir. Elle courut
ceux qui l'avoient cherchée , ils s'en
lafferent. Elle en eut de nouveaux , ils la
quitterent de même . Elle fut contrainte
de fe borner à un homme qui l'ennuya ,
qu'elle ennuyoit , & finit par regretter tendrement
Damon , qui la plaignit toujours.
Life , cette leçon vous plaît- elle ? Vous
aurez mille amans ; vous uniffez tant de
charmes à un caractere heureux , au goût
de la lecture & des belles chofes ! Vous
avez fçu , dans un âge où il eft permis de
l'ignorer , que la beauté paffe , que le
teint fe flétrit , que les graces fugitives
s'envolent après ces premieres années de
16 MERCURE DE FRANCE.
jeuneffe ; que les ris & les jeux s'éloignent
avec les amans , que la raifon feule demeure
, & qu'elle eft bien foible , fi on ne
l'a éclairée par la lecture , ornée & embellie
par le goût , étayée par les réflexions.
Vous avez fçu tout cela ; le grand monde ,
les fpectacles , le ton de la Capitale , où les
belles ne font eftimées telles que lorſque
l'efprit répond à la beauté , vous ont appris
à dédaigner le frivole des femmes qui
jouiffent fans penfer , & qui ne réfléchiffent
que fur l'amant du jour & fur l'ajuftement
à la mode.
L'inclination fondée fur la vertu , fur
l'affortiment de caractere , fur les qualités
effentielles dure toujours . Si vous trouvez
un amant de cette efpece , ménagez fa
tendreffe & fon coeur , il ne peut manquer
d'être jaloux de vos charmes. Evitez-lui
des chagrins que ne doit point connoître
un amant fincere.
pas
Le befoin d'aimer eft dans votre fexe
un befoin du coeur. Que le vôtre ne vous
aveugle pas. Choififfez , décidez - vous ,
que ce ne foit d'un coup d'oeil. Approfondiffez
l'ame , les fentimens ; que
l'efprit vous détermine & le caractere :
faire choix d'un amant fur la fineſſe de
fes traits , fur le brillant de fon teint , c'eſt
vouloir être trompée. La beauté dans les
JUI N. 1757 17
¦
hommes , la régularité & la délicateffe des
traits , annonce le goût , l'efprit & le caractere
des femmes , & les femmes ne font
point faites pour s'aimer les unes & les
autres. Les femmes frivoles courent ces
jolis vifages ; elles fe retrouvent bientôt
en eux avec tous leurs défauts ; & comme
dit la Bruyere , les femmes ne fe plaiſent
point entr'elles par les mêmes agrémens
qu'elles plaifent aux hommes. Mille manieres
qui allument dans ceux- ci les grandes
paffions , forment entr'elles l'averfion
& l'antipathie. Les femmes en effet éprouvent
bientôt ces fentimens pour les hommes
qui leur avoient plu par la beauté.
Ces agrémens même font naître le dégoût ;
ils font accompagnés de mille défauts , &
de plus de foibleffe encore & de fatuité. Il
n'eſt que celles qui n'en ont point été recherchées
, qui ne les ont point connus ,
qui les regardent encore.
* Life , vous êtes trop fage pour vous déterminer
par la beauté : vous êtes trop
belle pour la chercher en autrui , ce ne
feroit qu'une foible image de vous-même.
Pour fixer votre goût , Life , je finis par
ce que dit la Bruyere : L'air fpirituel eft
dans les hommes ce que la beauté des traits
eft dans les femmes ; c'eft le genre de
beauté où les plus vains puiffent aſpirer,
18 MERCURE DE FRANCE.
J'ajouterai , & c'eft d'eux que les femmes
reçoivent l'hommage le plus flatteur où elles
puiffent prétendre .
Par le même.
LE BILLET D'ENTERREMENT
ET LE BILLET DE MARIAGE.
FABLE.
DEUX Billets , à l'envi , vantant leur deſtinée ;
De leur prix difputoient entr'eux .
L'un , qu'avoit figné l'Hyménée ,
De l'étroite union de deux coeurs amoureux
Annonçoit l'heureuſe journée ;
Et l'autre , qui portoit le cachet d'Atropos ;
Du convoi d'un mortel reçu dans l'Elyſée ,
Fixoit la pompe peu fenfée ,
Et demandoit aux gens des voeux pour fon repos
Le premier fe donnoit fiérement l'avantage.
Il charmoit deux Amans dont il combloit les
voeux ;
Il marquoit l'inſtant précieux ,
Où l'Hymen fcelleróit un fi doux efclavage.
Halloit affembler les plaifirs & les jeux...
Frere , de vos deftins faites moins d'étalage ,
Repartit celui- ci . Vous flattez deux Amans ;
Mais combien de rivaux rendez - vous mécon→
tens !
1
JUI N. 1757. ra
De combien d'héritiers trompez - vous l'eſpérance
!
:
Ce n'eft pas tout l'amour perd fa puiffance ;
Sitôt qu'Hymen difpenfe fes préfens.
Laiffez agir, & l'Hymen, & le temps :
( Tous deux fçavent livrer les coeurs à l'inconf
tance :)
Vous verrez vos époux , d'abord indifférens ,
Puis dégoûtés , puis à la haine en proie ,
Attendre de moi feul la fin de leurs tourmens,
Que de gens aujourd'hui me liſent avec joie !
La veuve du défunt , & nombre de galans ;
Ceux qui fuccedent à fes places ,
Et ceux qu'ombrageoient fes talens ;
Ceux qu'au retour engageoient quelques graces ,
Que fa pitié leur fit en des temps malheureux ;
Ses héritiers , valets , fils ou neveux ,
Dont la douleur eft peu fincere ;
Le Curé , les Plaideurs , l'Huiffier & le Notaire ;
Tous gens qui pilleront fon bien à qui mieux
mieux.
Vous voyez , mon ami , qu'on në vous cede guere,
Mais , pour vous confondre en deux mots ,
J'annonce un éternel repos ;
Vous , une éternelle fouffrance :
Je défigne l'heureux moment
Qui de la vie acheve le tourment ,
Et vous , l'inftant qui le commence:
J. L. AUBERT.
20 MERCURE DE FRANCE.
SUR la maniere d'écrire & de lire la Vie
des Grand Hommes , par M. de Manpertuis.
Si l'on penfe que les grands hommes font
donnés au monde pour fervir d'exemples ,
on verra de quelle utilité il eft d'écrire leur
vie. Auffi les plus excellens Auteurs ont- ils
regardé comme une de leurs plus dignes
Occupations celle de faire connoître ces
hommes précieux à ceux qui n'ont pas pu
les voir , & aux fiecles où ils n'ont pas
γέρη .
7
Les vies des anciens Philofophes que
nous a laiffées Diogene Laërce , ne font pas
feulement un des livres les plus agréables ;
elles font un de ceux dont la lecture eft la
plus utile. L'hiftoire de la philofophie de
M. Brucher , qui joint à la vie de tous les
Philofophes anciens & modernes le précis.
de leurs opinions , ne fçauroit être affez
lue , ni affez louée. Le Recueil des vies de
nos Philofophes François écrites avec
tant d'élégance par M. de Fontenelle
moins l'éloge des morts que l'inftruction
des vivans , auroit dû nous délivrer
pour jamais de ces oraifons funebres , où
le mort ne fournit qu'une généalogie &
,
JUIN. 1757. 21
des titres , où l'Auteur ne met que de l'efprit
& des mots.
que
Un ftyle pur , une analyfe exacte , un
examen judicieux , femblent fuffire à ce
genre : il y refte cependant encore quelque
chofe à defirer , & qui demande plus de
fubtilité le refte : c'eft de comparer
les grands hommes les uns avec les autres.
D'une exacte difcuffion de ce qui leur appartient
, il fe forme un réſultat plus juſte
& plus animé que ne le peut être tout ju
gement abftrait fur les différents genres de
mérite .
C'est ainsi que Plutarque , après avoir
peint les perfonnages les plus illuftres de
l'antiquité, du pinceau le plus agréable &
le plus fidele , n'a pas cru avoir tout fait ; il
a voulu rapprocher fes tableaux les uns des
autres , pour faire mieux diftinguer les
traits de ceux qu'il avoit peints. On a une
idée trop imparfaite des grands hommes
lorfqu'on n'en juge que par leur fupériorité
fur les hommes ordinaires qui font à
une trop grande diftance d'eux ; ce n'eſt
que par les rapports qu'ils ont avec leurs
femblables qu'on peut les bien connoître ;
ce n'eft que par cette comparaifon qu'on
peut bien juger de ce qui manque à chacun
, & de ce que chacun auroit du avoir
pour atteindre à la perfection.
#2 MERCURE DE FRANCE.
Les paralleles de Plutarque ne tombent
guere que fur des Héros ou des Légiflateurs
mais il ne faut pas croire qu'on ne
puiffe appliquer qu'à de tels fujets ce genre
de fpéculation ; tout génie diftingué , dans
quelqu'ordre que ce foit , en eft fufceptible
& en eft digne. Un homme illuftre
que cette Académie vient d'acquérir nous
en a bien donné la preuve dans le parallele
qu'il a fait de trois Poëtes fameux ; à
moins qu'on ne voulût dire que le charme
de fon tyle & la fineffe de fes jugemens
compenfoient la différence qui fe trouvoit
entre les fujets qu'il a choifis & ceux de
Plutarque . Quoi qu'il en foit , la dignité
de ceux dont je vais parler , ne me laiffe
aucun fcrupule à cet égard.
Nous avons trois Auteurs modernes
d'Ouvrages philofophiques , qu'on peut
en quelque maniere comparer les uns aux
autres , Montaigne , Bacon , & la Mothe
le Vayer. Le premier a le plus d'imagination
; le fecond le plus d'efprit ; le troifieme
a le plus de patience pour écrire des
chofes dont fouvent les deux autres ne fe
feroient point chargés.
On trouvera peut - être exceffive la préférence
que nous donnons à Montaigne & à
Bacon fur le Vayer. Celui- ci paroît deftiné
à avoir le plus grand nombre pour lui : ce
JUIN. 1757. 23
qui eft fimplement au deffus du médiocre
a un fuccès plus univerfel que ce qui eft
trop au deffus. Le Vayer a l'efprit juſte &
clair , beaucoup d'érudition , un ſtyle coulant
& facile , tout le monde fent cela ; le
génie & la profondeur lui manquent , pen
de gens s'en apperçoivent incapable de
créer , ni de difcuter à fonds , il a traité
toutes fortes de matieres , toutes avec la
même meſure d'efprit , & toujours prêt à
écrire fur tout.
On peut trouver du plaifir dans la lec
ture de fes ouvrages par le grand nombre
de faits finguliers tirés des relations dé
voyages , & par un nombre auffi grand de
traits de l'antiquité qu'il avoit bien recueil
lis : mais il préfente tout fans en faire affez
d'ufage philofophique ; & il n'eft jamais
guere que voyageur ou hiftorien . On ne
fçauroit , par exemple , voir plus de cariofités
raffemblées , qu'on en trouve dans
fon Chapitre des Monftres : rien n'eft fi pitoyable
par rapport au phyfique & par rapport
au moral que ce qu'il en dit. Dans for
Hexameron , qui eft celui de tous les ouvrages
dont fes partifans font le plus de cas ,
& qui en effet eſt le plus raifonné , on ne
trouve cependant que des lieux communs
de Scepticiſme , & un efprit fort bien fu
perficiel.
24 MERCURE DE FRANCE.
Bacon eft bien un autre homme . Si fon
imagination paroît céder à celle de Montaigne
, ce n'eft que parce qu'elle eft mieux
réglée : fi fes livres font moins agréables ,
ce n'eft que parce qu'il a trop de méthode
& trop de fcience , dont Montaigne avoit
trop peu. Il n'a pas traité moins de fujets
que leVayer , mais toujours exact , toujours
profond , il n'en a laiffé aucun dans
lequel il n'ait mis beaucoup du fien .
lef-
Dans fon admirable fyftême des Sciences
, on voit non feulement l'état où chaque
branche de nos connoiffances fe trouvoit
alors , & où la plûpart fe trouvent encore
aujoud'hui , il marque ce qui manquoit
à chacune , & les moyens par
quels elles pouvoient être perfectionnées.
Il faut avouer que l'excès de divifions &
de fubdivifions , le choix fingulier de termes
peu ufités , ou employés d'une maniere
peu ufitée , rendent pénible la lecture
de cet Ouvrage ; mais il faut avouer
auffi qu'il falloit un génie auffi vaſte &
auffi univerfel que le fien , pour ofer former
le plan d'un tel Ouvrage.
Il a peut-être encore mis plus d'efprit ,
mais affurément il n'en a pas fait un fi heureux
ufage , dans fon traité de la Sageffe
des Anciens . On regrette de voir tant de
fubtilité employée à deviner des énigmes
qui
JUI N. 1757. 25
1
qui n'ont point de mot : tant d'art pour
trouver une fageffe profonde dans des extravagances
que le refpect pour l'antiquité,
& le charme de la poéfie peuvent à peine
faire fupporter. Bacon s'eft donné affurément
, pour fon explication des Fables, une
peine que le fujet ne méritoit point , &
perfonne ne l'a blâmé ; un auffi grand génie
que lui , pour s'être appliqué à chercher
le fens caché de quelques- uns des
Oracles de notre Religion , eft aujourd'hui .
prefque un objet de rifée : telle eft la différence
des temps !
Un autre Ouvrage de Bacon , qui pouvoit
être bien plus utile , s'il eût été bien
exécuté & entiérement exécuté , c'eft fon
Atlantis . On y trouve de grandes vues &
des chofes excellentes ; mais il faut avouer
que ce fragment femble plutôt être la re-.
gle d'un Couvent , ou le plan d'une Académie
, qu'une forme de Gouvernement.
Cet homme univerfel a auffi écrit quelques
morceaux d'hiftoire , & la vie de
Henri VII , Roi d'Angleterre : malgré
quelques métaphores eftimées alors , on y
reconnoît un ftyle fimple & pur , l'ordre,
la clarté , la vérité , l'exactitude , tous les
caracteres de l'hiftoire écrite par un Philofophe
.
Entre tant d'ouvrages excellens, s'il m'en
II. Vol. B
1
26 : MERCURE DE FRANCE.
falloit préférer un , ce feroit fes Réflexions
morales & politiques. ( 1 ) Il a donné à un de
fes Livres le titre de la Sageffe des Anciens ,
on devroit appeller celui- ci la Sageſſe de tous
les hommes de tous les temps. C'est tout ce
que l'expérience la plus univerfelle pouvoit
apprendre à l'efprit le plus pénétrant & le
plus étendu. Ces réflexions fi fortes de
fens font écrites d'un ftyle fi fimple , qu'on
les prendroit d'abord pour des chofes
communes , d'un ftyle fi court que quelquefois
elles paroiffent obfcures. A meſure
qu'on les relit & qu'on les examine , leur
importance. & leur lumiere fe font fentir ;
& l'on découvre des tréfors. Quelle différence
entre cet ouvrage & quelques autres
qu'on a depuis voulu nous donner dans ce
genre , où dans des mots élégamment &
agréablement arrangés , on cherche en
vain la pensée !
Bacon a eu un deffein trop marqué d'être
univerfel , qui l'a fait quelquefois traiter
des fujets trop petits pour lui , & quel
quefois d'autres qu'il n'entendoit pas affeza
Je n'aime point à voir celui qui vient de
donner de fi excellens préceptes aux Philo- 1
fophes , aux Rois , & aux Peuples , soc-!
cuper 'de m'apprendre qu'il faut planter
(1 ) Sermones fidetés.Dat
JUI N. 1757. 27
dans mon jardin de la marjolaine , des violettes
blanches , & y faire des grottes de
verres colorés. Peut- être cependant me
trompé-je ; une grande fupériorité d'efprit
rapproche toutes ces chofes , & les fait
regarder du même oeil.
Bacon feroit peut - être moins excufable
dans plufieurs endroits de fes Ouvrages ,
où ce fage réformateur de la philoſophie
femble avoir oublié toutes fes regles :
Lors , par exemple , que remarquant que
les Guerres font plus fréquentes dans les
Pays du Nord que dans ceux du Midi ,
( fuppofé que cela fût , ) il penfe que la
caufe en peut être attribuée aux Etoiles de
l'hémisphere Boréal ( 1 ) ; lorſqu'il reproche
aux Aftronomes d'être plus attentifs à
obferver le cours des Cometes dans les
Cieux , qu'à marquer leurs effets fur la
Terre. On ne trouve que trop de raiſonnemens
femblables dans fes Ouvrages : il
faut les pardonner à la force des préjugés
de fon temps. A tout prendre je ne crois
pas que parmi les Anciens , ni parmi les
Modernes , ily ait eu un plus grand génie.
Dans les éditions pofthumes de Bacon ,.
où l'on a recueilli tout ce qui reftoit de lui,
on trouve quelque pieces qui répondent
(1) Sermones fid. de Vicif. Rerum:
1
*
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
peu à l'idée d'un fi grand homme , & même
qu'on pourroit dire affez médiocres.
Ces pieces font celles qui ont rapport à ſa
vie civile & à l'exercice de fes charges : par
la négligence qui y regne , & par tout ce
qui y manque , on voit qu'il avoit tout
donné à la philofophie.
Que dire de Montaigne , qu'il n'ait pas
dit lui- même de foi ? Rempli d'amourpropre
, libre dans le choix de fes fujets
comme dans la maniere de les traiter , ila
tour parcouru , n'a rien approfondi , mais
a répandu de l'agrément partout. Quelquefois
à force d'efprit il a pénétré des matieres
qu'on croiroit qu'il n'a qu'effleurées ,
& qu'a cru peut- être lui- même qu'effleurer.
Une grande partie de fes fuccès
eft he à fon temps & à fon ftyle. Plus
Philofophe que les Philofophes de fon fiecle
, il demeure encore aujourd'hui auſſi
bel efprit que les plus beaux efprits du nôtre.
Les Anglois dont le caractere eft la
profondeur & la jufteffe , font plus de cas
de lui que d'auçun autre Auteur François ;
eft ce pour exalter Montaigne , ou pour déprimer
notre Nation ?
Si l'on vouloit faire un choix dans les
Ouvrages de ces trois Auteurs , on tireroit
de Bacon un gros volume , un affez
petit de Montaigne il faudroit laiffer la
JUIN. 1757: 29
Mothe le Vayer tel qu'il eft , & le lire aux
heures perdues.
Après avoir comparé Bacon avec deux
Philofophes modernes , je vais le comparer
avec deux de l'antiquité , avec Plutarque
, & Seneque ; car il faut remonter bien
des fiecles pour trouver des hommes qui
puiffent avec lui entrer en quelque forte
de comparaiſon.
Bacon aura encore ici prefque le même
avantage qu'il a eu fur les Philofophes
François. Plutarque & Seneque , fupérieurs
à le Vayer & à Montaigne , leur
reſſemblent en grand , & ont à peu près
les mêmes défauts. Plutarque , ceci paroîtra
à quelques- uns un blafphême , mais je
ne puis m'empêcher de le dire , plus fçavant
que Philofophe , fait plus briller fa
mémoire que fon jugement. Sans choix &
fans jufteffe d'efprit , un moment après
qu'il a rapporté quelque trait admirable de
morale , ou quelque réflexion profonde ,
il vous fait des Contes de Fées moins
fenfé alors que le Vayer , il eft fouvent
dans fa maniere de conter auffi alongé
que lui. Combien par ces défauts n'eft il
pas
inférieur à Bacon !
Seneque efprit plus vif & plus jufte, reffemble
fouvent à Montaigne : mais quoique
toujours fupérieur & plus attaché à un
B iij
30 MERCURE DE FRANCE.
fyftême , il eft preſqu'auffi rempli d'inconféquences
& de contradictions que lui.Partout
le bel efprit & le tour de la phrafe
l'emportent au-delà du vrai , & l'emportent
quelquefois plus loin que Montaigne.
On peut
voir par la defcription que Bacon
faifoit de ce défaut ( 1 ) , combien il eft fupérieur
à ceux qui l'ont.
Seneque & Bacon ont beaucoup écrit fur
la phyfique. Bacon , dans fon fyftême des
fciences , a tracé de cette étude un plan
magnifique ; mais dans quelques effais
qu'il en a voulu faire , malgré l'avantage
de fon fiecle fur celui de Seneque , il eft
prefqu'auffi mauvais Phyficien que lui .
Le Philofophe Anglois femble avoir
voulu faire lui - même une comparaifon
entre Demofthene , Ciceron , Seneque & lui.
Tous quatre ont été à la tête des plus grandes
affaires , tous quatre ont éprouvé les plus
cruels revers . Cette comparaifon portant
plus fur les moeurs que fur le genre d'efprit
de ces grands hommes , elle n'entre
pas dans le plan que je me fuis fait ici :
& je n'en dirai qu'un mot. Demofthene
convaincu de corruption & lâche les armes
à la main , retrouva le courage & la vertu
dans la difgrace : Ciceron vertueux & foible
, fut un Héros dans fa conduite : Seneque
(1) De augm . Scient. Lib. 1 .
>
JUI N. 1757.

dont la réputation cependant n'eft pas
demeurée entiere , femble avoir confervé
la même ame à la Cour , dans l'exil , &
dans la mort. On ne doit pas être furpris fi
des hommes plus Orateurs que Philofophes
, dont la vertu n'étoit fondée que
fur des principes affez incertains ,
ont
montré tant de contradictions. Pour Bacon
, il feroit bien étonnant que l'efprit le
plus jufte , le plus profond , le plus fubli
me , auffi pénétré qu'il l'étoit des lumieres
de la Religion , eût commis les indignités
qu'un parti lui a reprochées : mais il pouffa
trop loin les complaifances pour le favori
de fon Roi. C'eft un crime dans tous les
pays : & les Loix le puniffent en Angleterre.
IDYLLE ,
Par le Pere Jean- Baptifte de Pradal , Capucin
de la Province de Guyenne.
C'EST
3
'EST ici le Temple de Flore : 2
Ses Autels font ornés de guirlandes de fleurs;
Zéphyre anime leur couleurs ,
... Et chaque jour la jeune Aurore
Leur prodigue fes tendres pleurs .
Que j'aime à cultiver ces dons de la nature !
B iv
32 MERCURE DE FRANCE .
H
1
De leur riche & vive peinture
Mes
yeux font éblouis , mon coeur eft enchanté,
Quel parfum dans les airs s'exhale !
Pure & tranquille volupté ,
Non , il n'eft rien qui vous égale.
Loin de moi , plaiſirs dangereux ,
Loin de moi , grandeur importune ,
Préſens d'une aveugle fortune :
Vous ne fçauriez me rendre heureux.
Que je méprife , ami , ces biens que tu me vantes
Qu'ils méritent peu nos tranfports !
Approche de ces fleurs brillantes ,
Voilà quels font les vrais tréſors.
Je ne veux m'occuper , malgré tes vains efforts ;
Que de ces beautés innocentes ;
Je les vois fans danger, j'en jouis fans remords . »
Envoi à la Jeuneffe.
Objet de mes vives frayeurs ;
C'est à vous , Jeuneffe volage ,
Que j'adreffe ces vers infpirés par mes fleurs.
Pour vous préſerver du naufrage ,
Venez entendre leur langage :
On vous verra flétrir & tomber comme nous ,
Et jamais le printemps ne reviendra pour vous. »
Les vers & le ton de cette Idylle nous
paroiffent auffi bons , que l'envoi en eft
édifiant & convenable à l'état de l'Auteur.
JUIN. 1757. 33
A L'AUTEUR DU MERCURE.
MONSIEUR , voici
quelques vers que
m'a infpiré l'Ecole de l'Amitié ( 1 ) : une de
fes fituations a fait pleurer une jolie femme
à qui je l'ai lue ; je n'ai pu moi- même
retenir mes larmes. Je ne m'étendrai
point
fur cette brochure ; je dirai ſeulement que
l'Auteur me paroît connoître
bien le coeur
humain , & cela d'après les mouvemens
intérieurs du mien.
VERS à l'Auteur de l'Ecole de l'Amitié.
Enfin donc il exifte un Roman qu'on peut lire !
O vous ! que la nature inſpire ,
Aimable fils du fentiment ,
Que votre deftin a de charmes !
De deux beaux yeux en ce moment ,
Ah ! venez voir couler des larmes !
De vos tendres Héros fi j'en crois le portrait ,
( Souvent on fe peint dans un autre )
Vous êtes des Amis le modele parfait :
Je voudrois devenir le vôtre.
Par M. G ***.
De Chartrait , près Melun.
( 1 ) Nous l'avons annoncée avec éloge dans le
premier Mercure d'Avril , page 137 , & nous en
avons donné l'extrait dans le fecond volume du
même mois , page 71.
Bv.
34 MERCURE DE FRANCE.
A Mademoiselle de M ***.
J'AIME à lire vos 'AIME à lire vos lettres ; elles me font
penfer & fentir tout enfemble , deux chofes
que je n'ai guere éprouvées qu'avec
vous. Vous pouvez juger de mon plaific
par mon exactitude . Continuez à écrire de
même. En penfant comme vous faites ,
on eft toujours en commerce avec fon
coeur ; car on trouve toujours à fentir
lorfqu'on préfere à tout les chofes qui méritent
d'être fenties.... Ma lettre , ditesvous
, vous a fait éprouver de la joie &
de la douleur ? Je puis vous en dire autant
de la vôtre . Vous êtes donc tranquille !
Jouiffez de ce bonheur avec économie , il
s'évanouit aifément. Ces confeils font généreux
; car enfin votre bonheur ne fait
pas le mien il va nous féparer peut- être
pour jamais vous apprendre à en jouir
c'eft vous éloigner de moi. N'en parlons
plus , je vais vous regretter ; mes regrets
me rendront fans ceffe préfent votre mérite
infini ; ce fera une efpece de jouiffance ,
il faut fe faire des confolations. ..... Les
confeils que vous me donnez , font bien
de mon goût. Il faut patienter avec les
hommes , ils ne valent pas la peine d'une
JUI N. 1757 35
brouillerie en forme . Cependant patienter
toujours , c'eft fouffrir toujours , furtout
dans les chofes qui font la fituation . Vous
avouerez pourtant que mon ambition étoit
bien fimple , bien raifonnable . Avec des
voeux auffi bornés , croiroit-t'on qu'il fût
auffi difficile d'être heureux ? J'attends tout
des livres , fans en attendre pourtant plus
qu'ils ne peuvent me donner. On ne lit
pas toujours avec le même plaifir ; la fociété
, quand nous l'aimons , nous appelle
à elle , fa voix parle au coeur : dans
les momens où cette voix fe fait entendre ,
adieu les projets de la philofophie ; un cabinet
devient un tombeau , il faut en fortir
; vous fçavez cela comme moi , & vous
ne me confeilleriez pas de l'oublier dans le
plan que je me fais. Le plus grand malheur
d'un homme fenfible aux charmes du monde
, c'eft d'oublier qu'il l'eft dans les partis
qu'il prend...
...
Madame de P *** en vous féduifant , en
vous éloignant de moi , croit que je fuis
fâché contr'elle tranquillifez - la ; dites
lui que tout reffentiment contr'elle m'a
été interdit depuis le moment que je l'ai
vue. Je lui pardonne fon mérite , mon
chagrin , fon triomphe ; je vous aime
trop pour n'être pas généreux envers ceux
qui vous rendent heureufe.... Quant aux
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
reflexions que vous avez faites fur le pro
jet que je vous ai confié , je les trouve
très- fenfées. Je ferai de mon mieux pour
les pouvoir mettre à profit ; je ne réponds
pourtant , ni ne puis répondre de rien ;
vous fçavez qu'on eft quelquefois forcé de
prendre le moins bon parti après avoir vų
le meilleur. Je m'étois déterminé aisément,
parce que j'efpérois vous pofféder ; j'irai
à préfent , bride en main je vois que cela
vous fera plaifir , le defir de vous plairé
fera toujours en tout ma premiere raiſon ..
Ma femme fe porte très - bien . Elle vous aime
très- tendrement , & n'a pas moins été
fâchée que moi de votre refus qu'elle trouve
cependant raifonnable . S'il arrive jamais
que vous puiffiez penfer autrement , Vous
ferez toujours la maîtreffe d'accepter ce
que nous vous avons offert du fonds de notre
coeur. ...
:
Venons à ce que vous appellez votre petit
ouvrage. Vous ne l'eftimez pas affez . Je
vous affure qu'il a beaucoup réuffi , je vous
affure encore qu'il ne devoit pas réuffir
moins . Il faut pourtant vous dire que le
véritable théâtre de votre gloire , a été la
Cour. J'ai entendu fur cela des juges
qui en venoient. Leur récit ne m'a point
furpris. La Cour faifira toujours ces chofes
de l'efprit,qui confervent leur fimplicité
JUI N. 1757: 37
fous la fineffe du langage. C'eſt un pays où
l'on n'a pas le temps de méthaphyfiquer, &
par conféquent de faire des phraſes ; la
préciſion indifpenfable des difcours comme
des actions , fait qu'en général , on y
eft clair , laconique , naturel . Votre ouvrage
a donc dû y être goûté , couronné.
C'eft un fuccès dont je voudrois que vous
puffiez vous pénétrer ; il feroit à l'avenir
auprès de vous la caution de mon goût
& de mon jugement , & il vous donneroit
peut- être cette émulation , cette eſtime
pour votre efprit que je n'ai jamais pu vous
infpirer. Je me fouviens de toutes les querelles
que j'ai été obligé de vous faire pour
obtenir , je dirois prefque quelques pages
de votre écriture ; car vous avez fait ce
petit conte en courant , fans y donner la
moindre attention . Vous ne vous êtes rendue
qu'en grondant , qu'en me menaçant
du plus mortel ennui ; je fuis juſtifié
vous êtes applaudie ; mais vous ne vous
êtes rendue qu'à l'importunité , & par
conféquent , la moitié de votre talent eft
encore ignoré du public & de vous- même ;
il ne paroîtra tout entier que lorsque vous
aurez été frappée de ce premier cri de l'amour
propre. Sa voix bienfaifante eft l'ame
des talens. Mais s'il arrive jamais que
vous l'entendiez , vous ferez encore long-
,
38 MERCURE DE FRANCE.
temps à vouloir l'écouter. Malgré votre
philofophie , vous confervez pour bien
des chofes , les premieres impreffions .
Tout ce qu'on vous a peint comme un défaut
, eft un fujet de querelle & de differtation
infinies pour quiconque veut vous
éclairer. Je fçais que c'eft la crainte d'avoir
des défauts qui perpétue à cet égard la jeuneffe
de votre efprit ; c'eft une vertu ,
mais il y a des vertus qu'on doit bannir :
je vous en dirois la raiſon , fi elle ne fe
devinoit pas. Je fuis fûr qu'elle fe préfente
à votre imagination ; faiffiffez- la pour votre
bonheur & pour le mien. C'eſt le confeil
d'un ami , c'est le voeu de tous les honnêtes
gens qui vous connoiffent : après
vous avoir lue une fois , ils attendent des
chef- d'oeuvres ; voudrez - vous vous refufer
à leur admiration . Adieu , Mademoifelle
; voilà une lettre bien longue ! On
ne fçauroit dire en peu de mots ce qui eft
le fruit de beaucoup d'amitié , & de beaucoup
de réflexions . Je finis par un fecond
confeil. Songez à vous mieux porter.
Soyez moins folitaire , moins appliquée.
Il faut de la diffipation ; on n'eft pas
tout efprit. Croyez - moi , les Arts que
vous adorez , & qui vous enchaînent , partagent
moins votre vie qu'il ne la confumen
La bonne fanté aide aux talens & à
JUI N. 1757. 39
la bonne philofophie. Cette fanté dont le
prix eft fi peu connu , eft à préfent l'objet
de mes premiers foins ; je commence à la
voir renaître. Plus d'ordre dans le genre
de vie ; moins de travail , & plus de diffipation
, voilà mon art & mon médecin .
Que n'ai-je toujours penfé de même ; que
de jours j'ai perdus pour n'avoir pas fçu
perdre quelque momens ! J'ai fait là deffus
de mûres réflexions , & je les refpecte.
L'art de jouir peut paroître pénible à la
jeuneffe volage & étourdie ; mais à trente
ans les idées changent , & deviennent raifonnables
; on trouve naturel le foin du
lendemain , & l'on ne compte le moment
préfent que pour ce qu'il eft. Adieu .
D. B.
RÉPONSE
De Mademoiſelle de M ***, à M. de B ***.
Vos Lettres ne fçauroient me faire
moins de plaifir que vous m'affurez en
avoir à lire les miennes ; peut- être ai- je
même fur vous l'avantage d'être plus fincere
; vous me louez trop pour que je
puiffe croire que vous l'êtes. Que vos fentimens
pour moi foient toujours les mê40
MERCURE DE FRANCE.
mes. Ils font mieux l'éloge de mon coeur
que votre efprit . Cet éloge eft le feul que
je puiffe trouver vrai , & j'aime trop à le
croire tel pour ne pas m'occuper de tout
ce qui peut me le faire mériter .
Vous me feriez abandonner le parti
que j'ai pris , fi je pouvois craindre qu'il
m'éloignât de vous pour jamais ; & fi
vous ne me laiffez pas l'efpérance que vos
arrangemens pourront par la fuite vous
rapprocher de moi , vous n'êtes pas auffi
généreux que vous croyez l'être ; car c'eft
m'ôter la moitié de mon bonheur. Or
vous fçavez ( eh ! qui ne le fçait pas ? ).
que l'on ne fe trouve jamais trop heureux.
Autre fujet de querelle , Monfieur ; car je
ne peux pas plus me paffer de vous en faire
que de vous aimer ; c'eft bien vous prouver
la néceffité où je fuis de vous gronder.
Vous ne ferez jamais heureux en penfant
toujours comme vous faites , & cette idée
me chagrine ; je voudrois bien , fi cela
m'étoit poffible , vous faire adopter les
miennes; elles tendent toutes à me trouver
aisément contente : c'eft un grand bonheur
, & ce bonheur eft vraisemblablement
né en moi ; mais peut- être auffi dépendil
de foi de fe le procurer par la réflexion .
Par exemple , pourquoi tant méprifer les
hommes Ce fentiment offufque défaJUIN.
1757 . 4t
gréablement notre ame , il répand de l'aigreur
dans l'efprit , & jette de l'amertume
dans le coeur. Je vous pardonnerois tout
au plus fi vous leur étiez inutile , parce
qu'il vous feroit permis de les fuir ; mais
vous n'êtes point dans ce cas , votre efprit
& plus encore votre coeur , vous lient indifpenfablement
à eux ; il faut les aimer
quand on peut leur être néceffaire , & le
plaifir que l'on trouve à les obliger eſt la
récompenfe des fervices qu'on leur rend.
Je fçais bien que votre façon de penfer
revient au même à l'égard des autres ;
mais vous ne fçavez pas vous en faire un
bonheur , & c'est ce dont je vous plains ;
j'efpere bien que votre fanté pour laquelle
vous me promettez de prendre des foins ,
vous difpofera à vous rendre à mes confeils
; elle ramenera votre imagination
fur des objets plus riants , vous vous accoutumerez
à avoir des idées plus gaies
& vous aurez en un mot une autre façon
de voir ; car tel eft l'effet de la maladie
qui , felon moi , eft bien plus l'hyver de
notre vie que la vieilleffe : quand elle eft
fans infirmité , tout fe peint avec des couleurs
triftes ; nos idées font moins décidées
& moins juftes , parce qu'elles naiffent
plus de notre état préfent , que des
objets auxquels elles veulent avoir rapport.

42 MERCURE DE FRANCE,
> -Voilà du moins , Monfieur ma façon
d'en juger ; je fouhaite qu'elle puiffe bien
vous convaincre de la néceffité où vous
êtes de vous porter mieux pour vous trouver
plus heureux .
:
Il faut à préfent que je vous parle de
moi ce ne fera cependant pas conformément
à ce que vous en exigez. Vous ne
m'avez pas encore perfuadée cet aveu
vous fâche peut- être ; mais il eft vrai , &
j'aime à dire la vérité. Il y a fi loin de
l'idée que j'ai de moi à celle que vous
effayez de m'en donner , qu'il faut néceffairement
que l'une ou l'autre foit bien
fauffe , & il me paroît fi peu vraiſemblable
que ce foit la vôtre qui puiffe ne l'être
pas , qu'au lieu de détruire la mienne
vous m'y affermiffez encore davantage . Je
refpecte infiniment tous ceux qui ont eu
la bonté de me juger favorablement ; mais
je vous avoue que fur cet article , je me
défie encore beaucoup de vous . Vous avez
fans doute voulu rendre mes juges plus
refpectables , pour que leurs éloges devinffent
plus flatteurs ; ce foupçon trop fondé
me diſpenſe de me croire plus de mérite.
Quant à ce que vous penfez de moi , vous
êtes dans l'erreur. Vous me croyez prefque
fans défaut ! c'eft en quoi je puis vous
prouver que je ne fuis pas fans amourJUIN.
1757. 43
2
propre. C'est lui qui me donne le defir de
me montrer toujours en bien ; & quoique
cela me paroiffe difficile , j'ofe cependant
y prétendre , & vous le voyez , puifque
je me donne des peines pour y réuffir . Je
crois que les foins que l'on prend pour fe
rendre aimable , nous font mériter de
plaire , & il me femble que l'on n'eft pas
fans amour-propre , quand on penſe ainfi .
J'en ai affez pour me défendre d'exercer
un talent qui , malgré mes foins , ne pourroit
jamais être que très - médiocre . ( 1 )
Croyez -vous que fi j'euffe été capable
de mieux écrire , je ne l'euffe pas fait.
Vous me dités d'ailleurs que l'on attend
de moi des chofes plus que paffables ; je
me garderai bien après cela de rien faire ;
car je ne veux pas détromper les honnêtes
gens qui veulent bien avoir auffi bonne
opinion de moi : vous allez fans doute
vous récrier fur mon obftination , fur
mon enfance ? A la bonne heure : trouvezmoi
fi vous voulez même de la fottife ; je
vous pardonne tout , pourvu que vous
penfiez que fi je réfifte à vos confeils
c'eſt que fur cela je ne puis me rendre à
ceux de perfonne . Adieu .
D. M.
( 1 ) Nous ofons , d'après le Public , lui répondre
du contraire.
44 MERCURE DE FRANCE.
VOYAGE DE SAINT CLOUD ,
A Mademoiselle de L....
ELEVE du Dieu de Cythere ,
Vous, qui joignez à la beauté
L'eſprit & l'uniformité
Du plus excellent caractere ,
Aux loix de votre volonté ,
Il eft jufte de fatisfaire ;
Tout va vous être raconté
Dans la derniere vérité :
Ennemi de toute impofture ;
J'abhore la duplicité ;
La fincérité , je vous jure ,
Eft ma feule Divinité.
Avec un ami que j'eftime ;
Citoyen des bords Rochellais ;
Loin de vos féduiſans attraits ,
Et du haut ton , & du fublime ,
Que l'on refpire dans Paris ,
Au milieu des jeux & des ris ,
Habitans du lieu (1 ) délectable ,
Où j'ai vécu pendant deux jours ,
Des amuſemens de la table ,
Je goûtois les plaifirs trop courts .
(1) Saint-Cloud.
JUIN. 1757. 45
Soit par goût ou par fympathie ,
Unis par le même lien
Nos coeurs ne defiroient plus rien :
Du fein de fa philofophie ,
Je voyois fortir le vrai bien ;
Et dans les douceurs de l'orgie ,
Qui naiffoient de notre entretien ;
Loin des traits de la perfidie ,
Et du menfonge & de l'envie ,
Mon coeur s'épenchoit dans le fien ;
Le fien s'épenchoit dans le mien.
Du climat ( 1 ) de notre naiffance ™
Nous nous rappellions les douceurs ,
En nous retraçant les erreurs
Des preftiges de notre enfance ;
Ou bien les jours purs & fereins ,
De l'aurore de nos années ,
Tributaires infortunées
Du noir caprice des deftins .
Là nous comparions l'ignorance
Des premiers inftans de nos jours ,
A la méprifable ſcience ,
Et du monde , & de fes détours :
Pénétrés de la différence
Qui regne entre ces deux objets ,
Là nous confondions nos regrets
En déteftant l'expérience
(1 ) La Rochelle , ville maritime,
46 MERCURE DE FRANCE.
Que donne l'âge de raiſon ,
Et la futile connoiffance
De ces moeurs de convention ,
Préjugé d'éducation
1
Dont fe pare l'humaine engeance ,
Chimere de l'extravagance
De fon imagination ,
Et qui ne doit fon exiſtence
Qu'aux fonges de la fiction.
Quand dans notre aſyle ruftique ,
Le foir nous étions retirés ,
De toute la terre ignorés ,
Nous faifions l'examen critique
Des vertus de l'humanité ,
En jouant la troupe comique
De ces êtres de probité ,
De fageffe , de politique ,
De grandeur d'amé , d'équité ,
D'amour & de fidélité ;
Enfant de l'erreur fantaftique ,
D'un fonge de réalité ,
Dont l'affemblage méthodique
t N'eft purement qu'un jeu de mots
Fait pour en impofer aux fots .
Au fein de l'heureufe abondance ,
Des dans de Bacchus , de Cerès ,
Nous inftruisîmes le procès do
Des petits riens de bienféance
1
JUI N. 1757 . 47.
D'attention , de complaifance ,
D'égards , de foins & de refpects ,
De politeffe , de décence ,
De fauffeté toujours fufpects ,
Dont la coutume puérile
Ne doit fon inftitution
Qu'à l'extravagance fertile
De la Françoiſe Nation .
A notre tribunal Bacchique
Semé de pampres & de fleurs ,
Nous ajournâmes les fadeurs ,
De l'ufage mélancholique
Des maux de tête & des vapeurs
Ainfi que les groffes faveurs.
De ces Bourgeoifes femmelettes ,
Dont les manieres contrefaites
Voudroient jouer la dignité
Et l'art de l'infidélité ,
Avec toute cette fineffe ,
Ce goût , cette délicateffe
Qui ne fied qu'à l'oifiveté ,
A l'indolence , à la molleffe
De la femme de qualité.no ofi
A l'aſpect de tant de miferes
De bagatelles menfongeres
Dont tout ce bas monde eft
Tout bien confideré , tout
[L
2.
pourvu
Nous condamnâmes l'impofture
1
2.CI
I
48 MERCURE DE FRANCE.
A rendre à la fimple nature
Les graces & les agrémens ,
Que l'art fans ceffe défigure ,,
Et qu'il retient depuis long- temps
Avec intérêts & dépens.
D'un arrêt auſſi raiſonnable
Rendu fans partialité ,
Nous arrosârnes l'équité,
En buvant le jus délectable
Du Bourgogne le plus fameux ,
Plus folide , plus véritable ,
Plus fin & plus délicieux ,
Que celui dont parle la fable ;
Et qu'on verfe encore à la table
Des céleftes voluptueux ,
Quand le dépofitaire aimable ,
Des doux preftiges du repos ,
Vint nous plonger dans fes pavots.
Livré tout entier aux délices ,
Du fommeil & de ſes erreurs ,
Du fein des roſes & des fleurs
Qui naiffoient des légers caprices
De mille fonges enchanteurs ,
Je vis s'élever un nuage
Porté fur l'aîle des Zéphyrs ,
Qui m'offrit à l'inſtant l'image
De l'objet de tous mes defirs,
C'ef
JUIN. 1757. 49
C'eſt vous , féduiſante Emilie ,
C'est vous que ce grouppe amoureux
Portoit dans fes flancs radieux ;
Vous , le feul bonheur de ma vie ,
Vous , qui conduisîtes mes pas
Vers les voluptueux climats
De Paphos & de l'Idalie ,
Demeures des tendres amours ,
Où vous enchaînâtes mes jours ,
Où vous m'apprêtes l'éloquence
Du véritable fentiment ,
L'art de plaire fans ſuffiſance ,
L'art d'aimer délicatement.
Trompé par le preftige affable ,
Qui vous préfentoit à mes yeux ,
J'étois au comble de mes voeux ,
Lorsqu'un menfonge favorable
Nous tranfporta fubitement
Dans le féjour le plus charmant ,
Dans le bois ( 1 ) le plus agréable ,
Couronné d'un printemps durable
Qu'ont toujours reſpecté les temps ,
Dont les rameaux & les feuillages
N'ont jamais fenti les outrages
Du fer, ni du feu , ni des vents.
Dans ce dédale vénérable ,
Non loin d'un jet d'eau remarquable ,
(1) Leparc de S. Cloud,
11.Val. C
MERCURE DE FRANCE.
Qui dans fon cours impétueux ,
Va fe joindre à l'azur des Cieux
S'éleve un temple reſpectable ,
Couvert de myrthes éternels
Dont la ruftique architecture
Tient tout des mains de la nature
Et rien des profanes mortels.
Ses fondemens font de fougere ,
Ses colonnes font.de rofier ,
Ses murs font couronnés de lierre ,
Et fes Autels font d'olivier.
07
Dans cet afyle de verdure ,
Tout aime mutuellement ,
Tout eft foumis à la nature
Tout refpire le fentiment :
L'amour y regre fans parjure .
La tendreffe fans impofture ,
Et l'amitié fans faux ferment.
Là de vos aimables caprices
Je vous retraçois les rigueurs
En vous peignant les artifices ,
1
-
2 .
Les détours & les injuftices , Q
с
De tous ces petits riens flatteurs ,
Faits pour amufer les novices ,
De l'empire du Dieu des coeurs,
Cependant une flamme pures .
Eclate & brille dans vos yeux
Que dis-je toute la nature st
هان
JUIN. 1757.
S'embrafe des plus tendres feux :
Tout eft plongé dans le filence ,
Tout s'empreffe à nous rendre heureux ;
Sur nous bientôt l'amour s'élance :
O moment trop délicieux !
Que vois- je ? ... Emilie enflammée ? ...
Ses ſoupirs animent les Dieux ;
Et foudain mon ame charmée
Meurt & s'envole vers les cieux ;
Lorfque ce petit Dieu volage ,
Que l'on peint avec un bandeau ,
Trois fois fecoua fon flambleau
Rit , & s'éloigna du rivage ,
Qui n'offrit plus à mon réveil ,
Que l'inutile & trifte image
Des fruits du plus tendre fommeil.
Par M. LE LORRAIN , de la Rochelle
Nous penfons que cette Piece annonce
du talent . On y voit une heureuſe facilité ,
du coloris , de l'élégance . L'Auteur promet
d'autant plus , qu'il eft très- jeune . Il
ne manque à fes vers que plus de précifion
& d'exactitude . Nous devons furtout l'avertir
d'être moins négligé dans fes rimes
dont nous avons corrigé les plus défectueufes
, telles que celles- ci , oranger & olivier,
respects & colifichets , en leur fubftituant
les rimes de rofier & olivier , de refpects &
Cij
52 MERCURE DE FRANCE.
fufpects. Quand l'ouvrage en vaut la peine ,
nous la prenons avec d'autant plus de plaifir
, que les occafions font rares.
Å
LETTRE.
A L'AUTEUR DU MERCURE.
MONSIEUR , fi celui de mes compatriotes
, qui a découvert l'ingénieux Madrigal
de M. de la Monnoie , inféré dans votre
Mercure du mois de Décembre dernier ,
m'eût fait part du deffein qu'il avoit de
vous l'envoyer , je l'aurois prié d'y joindre
un Sonbet du même Auteur , que l'on
ne trouve dans aucun de fes recueils imprimés.
C'eſt le même M. Soyrot , dont vous
parle mon compatriote , qui nous l'a confervé
dans la copie d'une lettre qui lui avoit
été écrite par M. de la Monnoie lui - même
le 2 Novembre 1690. J'ai cette copie entre
les mains . M. de la Monnoie , après
s'être plaint de l'injuftice des Partifans
qui lui avoient fait un commandement
itératif de reftituer certains gages intermédiaires
, que ni lui , ni fes Auteurs n'avoient
jamais touchés , ajoute : « Au reſte
» j'ai pardevers moi un certain remede gé-
» néral contre tous les maux qui m'atta-
» quent , dont voici le dénombrement
. »
"
JUIN. 1757. 53
Ami , je fuis mort ; autant vaut.
A me défoler tout confpire :
Je joue & perds ; c'eft mon défaut ;
Et joueur qui perd , ne peut rire.
J'ai toujours trop froid ou trop chaud ;
Si je choisis , je prends le pire :
J'ai moins de fanté qu'il ne faut ,
D'enfans plus que je n'en defire .
Mes plus beaux jours s'en vont paffés ,
Mes meilleurs contrats évincés ,
Un cruel traitant me dévore.
Cependant je fuis amoureux ,
Et ma Climene m'aime encore ;
Je ne fuis pas trop malheureux.
" A vous dire le vrai , continue M. de la
» Monnoie , ce remede qui paroît fi beau
fur le papier , n'eſt pas des plus fûrs dans
و ر
»
33
l'expérience , & je fens bien qu'il y a
» tels articles dans le Sonnet , defquels je
» me garantirois volontiers aux dépens de
» toutes les faveurs de ma Maîtreffe. ود
Tel eft , Monfieur , le Sonnet de M. de
la Monnoie : vous en ferez l'ufage qu'il
vous plaira. Je fuis , &c .
JOLY D'ESPASSES , Avocat.
A Châtillon-fur- Seine , 1757 •
C iij
54
MERCURE DE FRANCE.
VERS
A Madame De ... Abbeſſe du Couvent de ...
le jour de fa Fête .
Des Coeurs formés avec des fleurs lui
furent préfentés par les Penfionnaires
dont une lui fit ce compliment :
Vous , dont les vertus , les bienfaits
Vous donnent en ces lieux le plus aimable em
pire ,
Dans les juftes tranſports que ce jour nous inſpire,
N'entendrez - vous que des fouhaits &
De nos coeurs voici la copie :
Le préfent eft peu libéral ;
Mais nous gardons l'original ,
Pour vous aimer toute la vie.
L'AMOUR,
A Mademoiselle de R....
.. Quid me alta filentia cogis
Rumpere.
LES Vers qu'on appelle le langage des
Dieux , font ordinairement les interpreJUI
N. 1757.
tes de mes volontés. Ils fervent prefque
toujours à parler de moi , foit pour'
me peindre , foit afin de publier mes bienfaits.
Ce langage , celui de la fiction ,
pourroit vous être fufpect . Je ne veux rien
emprunter de l'art , pour vous perfuader.
Toute vérité frappe : l'amour va fe dévoiler
à vos yeux ; j'en jure même par le
Stix je n'avancerai rien qui ne foit pris
dans le fonds de la nature .
1
Je fuis : il eft certain que rien fous les
cieux n'existe ni auffi réellement ni
auffi néceffairement que moi . Une Lol
éternelle m'a fait l'arbitre , & le moteur
de prefque tous les mouvemens dont
les hommes font agités. Pour cela je fuis
placé dans leurs coeurs , où j'exerce un
empire flatteur & abfolu.
On me reconnoît à mille & mille marques
fenfibles , par des plaifirs d'aurant
plus vrais qu'ils font mon ouvrage , &
que l'homme ne peut y avoir part.
Un rien me décele : on penfe me cacher
dans un fourire ; mais je fçais y répandre
tant de graces , qu'auffi - tôt on
me voit. Semblable à la flamme , plus
vif encore , je penetre partout. J'affecte
l'ame d'une langueur fi douce , je lui deftine
une joie fi pure , des plaifirs fi parfaits ,
que qui ne les a point femtis n'a pas vécu.
Civ
$6. MERCURE DE FRANCE.
J'ai un frere. Il est né plus tard &
d'une autre mere que moi . Son origine
eft moins illuftre de ce côté. Il eſt à
propos
de vous le faire connoître : car quoiqu'avec
vous je ne craigne pas la méprife
, je vous avertis , foyez fur vos gardes
: il tâche de me contrefaire ; la diffimulation
lui prête les fentimens du coeur.
Quelquefois il eft complaifant. On le croit
tendre , empreffé , délicat. Afin de tromper
, il fe déguife fous cent formes différentes
fous ces dehors impofteurs , il
eft fourbe , volage , fujet aux caprices ,
aux dégoûts. Il eft intraitable. Il demande
fans ceffe . Tout ce qui eft à vous lui fait
envie. Sans probité , dès qu'il eft fatisfait
, il prend fon vol , il difparoît , &
ne revient plus. C'eft fûrement par fes
perfidies qu'il fe demafque.
:
Je ne lui reffemble pas ; j'ai été infiniment
mieux élevé. Le temps eft mon
pere , & la volupté ma mere. Ce terme
au commencement n'avoit pas la même
fignification , ni toute l'étendue qu'on
lui donne préfentement. Alors on ne la
plaçoit pas dans des plaifirs fufpects , défendus.
Tout s'eft corrompu , l'amour
étoit vrai , fincere , il étoit réciproque ,
il étoit durable , & fans l'affreufe jaloufie.
La vertu guidoit les hommes , & l'aJUIN.
1757. 57
mour étoit vertueux ; un tendre retour
formoit les liens qui uniffoient les coeurs.
Les defirs remplis en faifoient naître d'autres
qui ne cédoient aux premiers ni en
vivacité , ni en douceurs.
: Mon frere qui eft la caufe de toute
corruption , m'a contraint , m'a fait af
fujettir à de certaines loix que je détefte.
Il m'a forcé de répandre des maux
qui feroient réels , fi je n'avois fçu leur
donner les attraits des plaifirs. Des impatiences
, des inquiétudes , des defirs empreffés
; dans ces troubles , je mêle à
coup fûr des agrémens que nulle autre
paffion n'a point le droit de produire ,
& ne fçauroit imiter. Avec ce qu'on aime
, dans la folitude la plus effrayante,
je prépare , j'accorde des jours fi fortunés
, que ni l'ambition fatisfaite , ni la
grandeur la plus marquée , ni tous les
tréfors de la terre accumulés ne pourroient
les balancer. Deux beaux yeux dans lef
quels l'amour fe peint , car ils ne font
jamais beaux fans moi , deviennent un ſpectacle
enchanteur auquel tout cede.
Le coeur que je touche ne veut plus
que moi , & cette préférence eft due à
ane fatisfaction parfaite que je fuis feul
capable de difpenfer. Qui peut comprendre
qui fçait exprimer le raviffement !
C▾
58 MERCURE DE FRANCE.
de deux coeurs qui fe difent cent fois , je
vous aime , fans le prononcer ! Ce langage
féduifant , que les paroles n'imitent
pas ; cet accord de volonté qui n'eſt af
fujetti qu'aux loix du fentiment qu'au
cune puiffance ne peut borner , qu'elle
ne fçauroit faire finir ; ce faififfement que
produit ma préfence , font des attraits
qui me font propres , & voilà les charmes
touchans qui m'ont fair élever tant
d'autels.
Loin de moi la pâle jaloufie ! Loin
de moi la méfiance & le cruel défeſpoir ,
partages terribles des fureurs que mon
frere infpire ! Nulles loix, nulle pudeur ne
le retiennent. Des plaifirs effrénés que la
plus infame cupidité fait naître , qui ne
font préparés par aucun goûr , toujours
fuivis de trifteffe , de remords , font fon
partage . Tout eft indifférent à la paffion
forcenée qu'il infpire . Des dehors
toujours au moins équivoques , lui donnent
la naiffance . Elle méconnoît le mé-.
rite. La facilité de la fatisfaire l'enflamme
, mais ce feu s'exhale par tout ce qui
devroit le rendre durable..
Je commence par l'efprit , je finis par
le coeur. Je découvre les bonnes qualités.
La droiture , la fincérité , l'affabilité , la
politeffe font les liens dont je me fers:
JUI N. 1757. 59
je fçais les ferrer par des regards que j'anime
, par des dehors touchans que la
modeſtie rend aimables. Enfin , fi on
accorde quelque chofe à la droiture , à la
candeur & à l'amour parfait , la reconnoiffance
qui n'eft peut- être que d'ufage
ailleurs , augmente les feux que j'allume:
d'un flambeau immortel , dont je les rends
participans.
Quis enim modus adfit amori. Bxe:
A Abbeville.
BY NG JUSTIFIÉ.-
TELLE fut autrefois cette ingrate Carthage ,
Aveugle en fes confeils , cruelle dans fa rage ,
Ivre au premier fuccès , foible au premier reversys
Des mains de fes Héros , pour les charger de fers
Arrachant les lauriers acquis par la victoire ,
Et livrant aux Bourreaux des jours remplis de
gloire.
Victimes d'un Sénat implacable & jaloux ,-
Ses meilleurs Citoyens tombérent fous les coups .
Il croyoit dans leur fang enfevelir les traces
Des décrets où le peuple auroit la fes difgraces :
Emules , fans vertu , de celle des Romains ,
Sénateurs fans courage , ils furent inhumains

Gvj
60 MERCURE DE FRANCE.
C'eſt ainfi qu'Albion , dédaigneufe rivale
De la gloire des Lys à fes projets fatale ,
Croit dérober fa honte à fon peuple aveuglé ,
Par la mort d'un foldat à fa rage immolé :
Politique barbare ! odieux facrifice !
Reffource des Tyrans , aux bords du précipice,
◇ toi , malheureux Byng ! à ton trépas fi grand ,
Jugé dans la fureur d'un tribunal de fang ,
Tu n'as point à Minorque avili ta patrie :
C'eft par ta feule mort qu'elle refte flétrie.
Depuis quand , répondez , Juges fi rigoureux ,
Etes- vous enivrés par des fuccès heureux ,
Au point de n'imputer qu'aux fautes d'une tête ,
Le combat de Mahon , ſuivi de fa conquête ?
Depuis quand , du François provoquant la valeur ,
L'Anglois , égal en force , en fut-il le vainqueure
Par vos faftes féduits , recourez à l'hiftoire ;
Elle a de vos revers confervé la mémoire :
La vérité par elle abaiffant votre orgueil ,
Compte moins de fuccès que d'époques de deuil
Inftruits à redouter la France en fa marine ,
Oubliez-vous Vivonne interrogez Meſline ,
Le célebre Tourville , & du Quefne auffi grand ,
Tant d'autres dont les noms font mis au même
rang :
Valbelle , Coëtlogon , Chateaurenaud , d'Eftrées ,
Ont fait trembler cent fois vos rives éplorées .
JUIN. 1757.
Gi
Avez- vous oublié la victoire , on Bourbon
Fit voir à Malaga l'afcendant de ce nom :
Ne vous fouvient- il plus , malgré tous ces vaing
titres
Que Scelden vous prodigue , en vous nommant
arbitres
De l'empire des mers , de ce Dugué-Trouin
De vos calamités l'auteur & le témoin ?
Ne fe fouvient-on plus dans votre républiqué
De Bart & de Forbin , de Caffan en Afrique ?
Pourquoi vos Généraux , vaincus par ces François ;
N'ont- ils pas , comme Byng , répondu des fuccès ?
Ils étoient les plus forts , pourquoi leur faire
grace ?
Ils ont par leur défaite à Byng marqué la trace
Du fort qu'à nombre égal attendoient
ſes vaif,
feaux ,
Såns être , à fon exemple , en proie à vos Bour
reaux.
Peut-être de nos jours les fuccès de la guerre
Ont-ils , par leur éclat , ébloui l'Angleterre ?
Dix flottes à la fois couvrant le fein des mers ,
Sembloient au monde entier vouloir donner des
fers :
Du pavillon François la gloire humiliée ,
A Londres de long-temps ne doit être oubliée.
Mais ce qu'on y doit taire , ou cet honneur eft
faux ,
62 MERCURE- DE FRANCE.
8
C'est que Louis à George oppofa vingt vaiffeaux
Débris dignes encor des flottes qui vainquirent
Le Batave & l'Anglois qui contr'elles s'unirent
Il y faut condamner au fecret éternel
La honte de Moftyn , de Fox & de Mitchel ,
De Hauke & de Townshend, encore de tant d'au
tres
Chefs battus , ou fuyans au feul afpect des nôtres
Je le veux : que conclure en effaçant ces traits
Byng put- il arracher la victoire aux François ?
Sous un nouveau Colbert , leur marine naiffante
Etoit à fon nom feul devenue impofante :
Les tréfors , les chantiers , les arfénaux remplis ,
Affuroient le repos ou la gloire des lys :
A l'ombre de la paix , Londres qui fait là guerre ,
Infenfible au parjure attaque leur banniere :
Quand on brife des noeuds dans Alger refpectés ,.
Louis venge l'Europe & la foi des Traités :
Il arme , & de fes coups le vrai but fe dévoile ;
C'eft Mahon & déja les vents enflans la toile ,
Font voler fous les murs , fous fes rocs orgueil
...
leux ,
**
Des combattans plus fiers , faits pour triomphez
d'eux :
Ils travaillent couverts de douze citadelles ;
La garde du rivage eft mife fous leurs aîles,
Pourquoi donc fi long- temps engourdis par l'ox
gueil
·JUIN 1757.
Voyez-vous le danger , fans éviter l'écueil
Pourquoi vous confier, Anglois, en vos murailles à
Vous, fivains fur les mers du gain de vos batailless
Accourez , ou Mahon va tomber fous nos coups.
Miniftres affoupis , parlez , réveillez-vous :
L'art de furprendre eft- il le feul art qui vous fláte
Votre marine enfin n'eft - elle que pirate ?
Mais je vous vois fortir de ce profond ſommeil
Preftige du mépris , puni par le réveil :
yous penfez au fecours ... & Byng marche , il
arrive. . . . 3
De Minorque embrafée , il voit la trifte rive :
Mais un rempart terrible en empêche l'abord ;
D'une flotte ennemie , il faut vaincre l'effort ;
Byng l'égale , il l'attaque... & la fienne eft battue...
Fox de l'égalité devoit prévoir l'iffue.
Etoit- ce done au fort de ce foible combat
Qu'il falloit confier le falut de l'état ?
Pourquoi ne pas doubler cette elcadre impor
tante ?
Anglois , de Byng , de Fox , qui trahit votre ate
tente ,
Le choix eft - il douteux ? Cependant Byng eft
mort ?
Et tranqui'le chez vous , le Miniftre s'endort.
Anfon , ce Chef vanté d'une marine altiere ,
Ne dut- il pas à Fox préfenter la lumiere ?
Depuis plus de dix ans , Oracle accrédité , •
"
64 MERCURE DE FRANCE.
Tout émanoit de lui dans votre Amirauté :
Ce Voyageur fameux , enrichi des deux mondes ,
Avoit dans cent vaiffeaux des reffources fécondes.
Blackeney , ce vieillard en Héros travefti 2
Pouvoit l'être en effet dans fon fort invefti :
Ses murs étoient entiers ; au fecours de fon Ifle ,
Hawke, pour joindre Byng, venoit d'un pas agile :
Aux efforts des François réfiftant jufqu'au bout ,
Ces Amiraux unis battoient , ou fauvoient tout :
Ce Blackeney pourtant , qui feul caufe vos pertes ,
A Londres de lauriers voit fes fautes couvertes !
Avouez , peuple injufte , aveugle en vos décrets ,
Que vous difpenfez mal la peine , & les bienfaits,
Le mot de l'Enigme du premier volume
de Juin eft l'Aiguille à coudre . Celui du
Logogryphe eft Martingale ( 1 ) , dans lequel
on trouve Milan , tym, tigre, âne, aîle,
rime,geai, mari, Ifle, larme , rame , gre, mitre,
gale , Martin , Remi , air , ré , mi , la , mite ,
Marte , latine , arme , rage , nire , mariage
, Marli , Mai , Tage , rien , magie.
(1 ) C'eft une courroie attachée aux fangles
fous le ventre du cheval , qui paffe entre les jambes
de devant , & qu'on attache à la muferolle
pour l'empêcher de battre à la main.
C'est ainsi que l'a définie M. de la Guériniere
dans fon Ecole de Cavalerie.
JUIN. 1757.
(
A. L'AUTEUR DU MERCURE
CECI eft , une faillie , Monfieur ; c'en
eft une auffi de vous l'envoyer. L'envie de
vous engager à me dire quelque chofe me
fart agir. Mon coup d'effai ne fera pas heureux
, fi vous ne me dites rien. De grace ,
honorez- moi d'une réprimande :
Tout ce qui vient de vous eft en droit de me plaire;
Ce vers de Fontenelle vous exprime ce
que je penfe ; il me feroit inutile d'en
dire d'avantage. J'ai l'honneur d'être, & c.
İSMENE.
Je vous prie de me parler le plutôt que
Vous pourrez ; car je fuis bien impatiente.
L'Auteur nous écrit d'une façon trop
imable pour ne pas nous prêter à fa faillie.
Nous lui devons d'autant plus cette politeffe
qu'il fe donne pour femme , & qu'il
a la bonté de nous faire les avances. Pour
répondre à fa galanterie , & à fon impatience
en même temps , nous mettons ici fa
piece Hermaphrodite. Comme elle eft de
deux fexes , elle joindra au mérite de la
nouveauté un autre avantage ; elle abrégera
, & tiendra lieu elle feule de l'Enigme
& du Logogryphe tout enſemble.
56 MERCURE DE FRANCE.
L
ENIGMOGO GRYPHE.
ECTEUR charmant, brave , mais trop volage,
Je ne fuis point de ton pays ,
Et ne veux fur mon tout tenir autre langage.
Vole toujours de Laïs en Laïs ,
Tandis que pour jamais en amour je m'engage
Et que , fans rien changer, uniment je le dis ;.
Je te le dis , Nymphe charmante :
Mon ton eft familier , n'en prends aucun effroi
L'honnêteté réſide en moi ,
Et fuit ton nom , à bon droit je m'en vante
Du refte , je ne dirai riens
Je fuis prefqu'auffi long que le plus long rofaire
Et de ma dixaine derniere
Le Public fe paſſera bien.
CHANSON.
AMademoiſelle V... fur ce qu'elle avoit verfe
à boire à l'Auteur.
Air. Que chacun de nous fe livre.
Ne fuis-je pas de la terre E
Le plus fortune Buveur ?
Ce vin que j'ai dans mon verre
Je vais l'avoir dans mon coeur ;
Le Dieu qui pour vous m'engage
L'y fera paffer foudain ;
Jaloux d'avoir l'avantage .
De boire de votre main,
JUI N. 1757.
ARTICLE
II.
NOUVELLES LITTERAIRES.:
On a découvert à Paffy , près de Paris , Na
-
dans la maifon de Madame de Calfabigi ,
de nouvelles Eaux minérales , vitrioliques,
ferrugineufes, aftringentes , qui font d'une
efficacité finguliere pour fortifier les fibres:
relâchées , arrêter les hémorragies , les
écoulemens féreux , les diarrhées. Les
Médecins les plus célebres en ont déja fait
un grand nombre d'expériences. Leurs
Certificats qui établiffent les propriétés
médicinales de ces Eaux , fe trouvent imprimés
, ainfi que les analyfes chymiques
de ces mêmes Eaux & la maniere d'en
faire ufage , dans une brochure qui fe
diftribue avec les Eaux , chez M. Girard ,
dans une maison qui communique avec les
rues Beaurepaire & Tireboudin , prés l'Hôtel
de Coaflin , & chez le fieur Nay , au Café
Anglois , rue Jacob , Fauxbourg S. Germain.
Le prix de ces Eaux a été fixé par Arrêt du
Confeil d'Etat à 15 fols la bouteille. Avec
IS
une feule bouteille de ces Eaux & quatre:
fois autant d'eau.commune , on peut faire
68 MERCURE DE FRANCE.
cinq bouteilles d'une Eau minérale , qui
aura beaucoup de rapport avec celle de
Spa. Ces nouvelles Eaux de Paffy étant les
plus riches en minéraux qui foient connues
jufqu'à préfent.
ELÉMENS de Chymie, fuivant les principes
de Becker & de Stahl , traduits du Latin
fur la feconde édition de M. Juncker ,
avec des notes par M.de Machy , Apothicaire
gagnant Maîtrife de l'Hôtel - Dieu de
Paris , fix volumes brochés 1 2 liv . AParis,
chez Simon- Profper Hardi , rue S. Jacques,
deffus de celle de la Parcheminerie , à la
Colonne d'or , 1757.

Ce Livre que M. Macquer , très- bon
juge en cette partie dit dans fon Approba
rion être très bien traduit , nous paroît
avoir pour les Chymiftes un avantage fingulier
. On ne manque point de livres
élémentaires de cette fcience ; mais il en
eft peu où l'Auteur approfondiffant la doctrine
qu'il adopte , la développe avec plus
de fagacité & d'équité. M. Juncker qui
fuit dans tout fon ouvrage le fyftême de
Becker & de Stahl , n'eft cependant pas fi
efclave de leurs hypothefes , qu'il ne les
contredife ou ne les réforme quelquefois.
Les Chymiftes modernes qui ont pu dans
leurs écrits adopter le même fyftême , n'en
JUI N. 1757. 69
ont pris , pour ainfi dire , que l'empreinte
qu'ils ont attachée à leurs idées . Cette efpece
d'enluminure rend plus précieux à la
littérature un livre effentiellement formé
des ouvrages de Becker & de Stahl ; & G
l'on ajoute à ces confidérations l'eftime
que font de l'original Latin , les Chymiftes
qui le connoiffent ; la rareté dont il eft en
France , à caufe du prix exceffif de tous les
livres d'Allemagne ; l'efpece de défectuofité
qu'a cet original , relativement à une
édition Allemande dont on a profité
pour compléter la Traduction que nous
annonçons ; les foins qu'il nous paroît qu'à
pris M. Demachy pour l'enrichir encore
de notes qu'il convient lui - même qu'il
n'auroit pas faites , s'il n'étoit initié dans
les myfteres de la chymie , & qui mettent
fous le même point de vue les productions
de nos Chymiftes François & celles des
Etrangers ( attention bien digne d'un vrai
Citoyen ) ; fi enfin on confidere tous ces
avantages réunis , on conviendra que la
traduction des Elémens de Chymie de
M. Juncker devient un livre claffique
pour cette partie des fciences , & que le
Traducteur doit partager avec fon Auteur
l'avantage d'ouvrir une nouvelle fource
pour les amateurs & les éleves.
70 MERCURE DE FRANCE.
4.
CONTRE les craintes de la mort. A la
Haye; & fe vend à Paris , chez Ducheſne ,
rue S. Jacques , 1757 .
Cette petite brochure qui ne contient
que 63 pages , nous paroît l'ouvrage eftimable
d'un Philofophe Chrétien . L'Auteur
a cru (comme il le déclare lui- même dans
fa préface ) qu'il pouvoit être utile de faire
connoître que les feules lumieres de la
philofophie naturelle , même au milieu
des ténèbres du paganifme , avoient préfenté
ces inftans redoutés du dernier terme
de notre vie , fous un point de vue femblable
à celui fous lequel l'Evangile apprend
à les confidérer . Delà , ajoute l'Auteur
, une vérité bien fatisfaifante , que la
faine raifon ne dicte rien que notre Religion
ne confirme & ne fanctifie. Il termine
La préface en difant , que le fecret pour
mourir fans peine eft de bien vivre. Rien
n'eft plus fage ni plus vrai ; mais par malheur
ce confeil pour le grand nombre des
hommes eft plus facile à donner qu'à
fuivre.
Nous annonçons deux belles Odes imprimées
à Nancy , l'une au Roi de Pologne
, Duc de Lorraine & de Bar , à l'occafon
de la nouvelle place de l'alliance , &
du monument que Sa Majefté y fait élever
JUIN. 1757.. 71
pour immortaliser le Traité d'alliance, conclu
le premier Mai 1755 , entre Sa Majesté
très-Chrétienne , & Sa Majeſté l'Impératrice-
Reine de Hongrie & de Boheme ;
l'autre à l'Impératrice , à l'occafion du Médaillon
en or envoyé au R. P. Demenoux ,
Jéfuite , Supérieur des Miffions royales
de Lorraine , en Juillet 1756. Elles font
du R. P. Leflie , Jéfuite , de la Société
royale de Nancy. On en trouve quelques
Exemplaires à Paris , chez Tilliard , quai
des Auguftins.
LE GEOGRAPHE manuel , contenant la
defcription de tous les Pays du monde"
leurs qualités , leurs climats , le caractere
de leurs habitans , leurs villes Capitales ,
avec leurs diftances de Paris , & des routes
qui y menent tant par terre que par mer ;
les Changes & les Monnoies des principales
places de l'Europe , en correfpondance
avec Paris ; la maniere de tenir les écritures
de chaque Nation de l'Europe , &c.
par M. l'Abbé Expilly , ci-devant Secretaire
d'Ambaffade de S. M. Sicilienne , &
enfuite Examinateur & Auditeur général
de l'Evêché de Sagone. A Paris , chez
Bauche , quai des Auguftins , 1757 .
Ce petit livre nous a paru auffi com-"
mode le format qui eft un infeize par
72 MERCURE DE FRANCE.
qu'il est utile par la maniere dont il eft
fait. Il mérite d'être acheté.
POESIES de Malherbe rangées par ordre
chronologique , avec un Difcours far les
obligations que la Langue & la Poéfie
Françoiſe ont à Malherbe , & quelques
remarques hiftoriques & critiques , in- 8 ° .
492 pages , avec la table raifonnée. A
Paris , de l'Imprimerie de Jofeph Barbou ,
rue S. Jacques , aux Cicognes.
Cette nouvelle édition eft de la plus
grande beauté. L'Imprimeur n'a rien épargné
pour la rendre auffi magnifique que
correcte on en a tiré quelques Exemplaires
en papier de Hollande. Nous joignons
à cette indication le nouvel Avis fur
les éditions des Auteurs Latins : on ne
fçauroit annoncer dans un trop grand détail
une collection qui fait tant d'honneur
à la Typographie Françoife , & dont nous
fommes aujourd'hui redevable au zele &
aux foins éclairés du fieur Barbou .
Couftelier entreprit en 1742 de donner
dans le goût d'Elzevir , une Collection des
Auteurs Latins . Les premiers parurent fous
fon nom , & Barbou devenu poffeffeur de
fon fonds quant à cette partie , continue
cette entreprife. M. Philippe de Prétot ,
Cenfeur Royal , a été l'Editeur des premiers
,
JUI N. 4757. 73
miers , & un Homme de Lettres , Editeur
du Céfar , a bien voulu fe charger de revoir
les fuivans.
3
On a confulté , comparé les manufcrits
& toutes les éditions précédentes , pour
rendre celles - ci plus correctes. On y trouve
la vie des Auteurs , les jugemens qu'en
portent les Sçavans , l'année & le lieu des
éditions précédentes , un choix de variantes
, une table exacte , & quelques notes
excellentes par leur briéveté & par leur
exactitude. Ce font des in- 12 , où brillent
le choix du papier & la netteté des carac- .
teres. Planches , eftampes , vignettes , culs
de lampe , fleurons , frontispices ornés
portraits des Auteurs d'après les plus an
ciens monumens , figures relatives aux fu- 1
jets , tout y annonce la main du célebre
Cochin & des meilleurs Artiftes de Paris.
Le Deffein , la Gravure & la Typographie ,
répondent également au mérite des Ecri-.
vains de Rome. Nous les indiquons ici
fuivant l'ordre des années où ils ont été
publiés dans cette Capitale.r
Catulle , Tibulle , Properce & Cornelius
Gallus Auteurs connus par leurs :
amours , font réunis dans un même volume
qui préfente leurs portraits . Une troupe
de Génies danfe autour du bufte de Catulle
couronné par l'Amour. Plufieurs de cês
11. Vol. D
74 MERCURE DE FRANCE.
Génies paroiffent dans les vignettes , dans
les culs de lampe , & font allufion aux différentes
poéfies de ces Auteurs. Le texte
de Catulle , conforme à l'édition faite à
Veniſe en 1738 , a des avantages qui lui
font propres. Des vers placés dans un ordre
différent , & le changement de certains
mots répandent un plus grand jour fur les
poéfies de cet Auteur. Comme il a des
expreffions peu communes , ou qui font
d'un ufage rare , on en donne l'intelligence
au Lecteur dans une table où elles font
rangées felon l'ordre alphabétique . On a
confervé fous fon nom le Pervigilium Veneris
, & quelques autres pieces que beaucoup
d'Auteurs lui attribuent. Tibulle &
Properce ne font pas moins exacts. On a
profité des folides corrections de Joſeph
Scaliger , & des meilleurs critiques , & qui
font préférables à celles hazardées dans
les éditions de Cambridge 1702 , de Londres
1715. Les Poéfies attribuées à Cornelius
Gallus , confervent ici leur place.
( 1 vol. en 1743. )
On trouve les mêmes agrémens & la
même correction dans Lucrece. Les ornemens
& les gravures font travaillés avec
un goût fupérieur ; ce qui rend la préfente
édition préférable à toutes les autres du
même Auteur. ( 1 vol. en 1744. )
JUIN. 1757 . 75
Dans l'édition de Sallufte , on a revu
tous les manufcrits ; on a inféré deux Lettrès
écrites à Céfar & attribuées à cet Hiftorien
; on a recueilli les fragmens des
Hiftoires de cet Auteur , qui étoient difperfés
dans différens ouvrages. ( 1 vol. en
1744. )
Virgile eft purgé de plufieurs fautes fur
un manufcrit de treize cens ans , de la Bibliotheque
de Laurent de Médicis. Il forme
trois tomes ornés de planches relatives à
quelques traits renfermés dans les livres
qu'elles précedent. ( 3 vol. en 1745. )
$
La même attention fe fait remarquer
dans Cornelius Nepos. On y voit les têtes
des Généraux Grecs , gravées d'après les
monumens de l'antiquité . Les fragmens fe
trouvent encore ici réunis avec une chronologie
par les Olympiades. ( 1 vol . en
1745. )
Horace n'eft pas moins élégant ; tout
dans ſon édition répond au mérite de cet
aimable Poëte de la cour d'Auguftè. ( 1 vol.
en 1745. )
Eutrope eft décoré & imprimé avec le
même foin. ( 1 vol . en 1746. )
- Velleius Paterculus eft accompagné d'une
nomenclature géographique. ( 1 vol. em
1746. )
a.Juvenal paroît à la tête de fes Poéfies ,
Dij
76 MERCURE DE FRANCE .
environné de jeunes Satyres. On le reconnoît
à fon air , & les moeurs plus douces de
Perfe qui l'accompagne , ne font point défroncer
le fourcil à ce Poëte cauftique &
mifantrope. ( 1 vol . en 1746. )
Phédre , ce Fabulifte agréable par la
candeur des penfées , la naïveté de la narratión
& la pureté du ftyle , tient un rang
diftingué dans cette collection . Le frontifpice
repréſente Mercure , qui reçoit les
Fables des mains de l'Auteur , pour les répandre
chez tous les peuples. Dans les vignettes
& les culs de lampe , l'Artifte a
traité quelques- unes des Fables relativement
aux livres auxquels elles fervent d'ornement.
Un appendix de Fables extraites:
d'un ancien manufcrit , & un fecond de :
Fables Latines , foit en profe , foit en vers ,¹
tirées des Anciens qui ont traité les mêmes
fujets , fuivent celles de Phédre . Cette petite
collection procure le plaifir de la comparaiſon
, & releve le mérite des Fables dé
notre Affranchi . On liv à la fuite les Fables :
de Flavius Avianus en vers élégiaques .
Cet Auteur très- châtié dans la diction ,
marche fur les traces des bons Poëtes , &
il ne doit qu'à l'inattention ou à l'ignoranče
des copiftes , les fautes légeres qui fet
rencontrent dans fa poéfie. Comme Publius
Syrus eft un Auteur propre à former les
JUIN. 1757 . 77
X
moeurs, & qu'il entre dans le même plan
que Phédre , il eft naturellement affocié à
ce dernier. Ses Sentences font admirables
par le fens qu'elles renferment en peu de
mots , & par l'utilité dont elles font dans
la conduite de la vie. On peut s'en rapporter
au jugement de Céfar, qui en connoilloit
tout le prix. Ce volume eft terminé par
quelques notes courtes & choifies ; notes
néceffaires pour éclaircir le texte , & qu'on
defireroit trouver dans les éditions d'Elzévir.
( 1 vol. en 1748. )
L'édition de Martial , en deux tomes , eft
auffi élégante que fa poéfie. La gravure de
ces deux volumes eft dans le goût des
Grecs dont parle Pline , Graca res eft nihil
velare. ( 2 vol. en 1754 )
Céfar figure avec honneur dans cette
collection. Il eft comparable aux éditions
les plus parfaites d'Elzévir. C'eſt le jugement
qu'en ont porté nos Journaliſtes , &
que le fuccès du débit paroît confirmer .
( 2 vol . en 1755. ).
Quint-Curce qui paroît actuellement ,
préfente un frontifpice & des vignettes
qui font honneur au burin François . Le
texte , qui eft celui de l'édition de Henri
Snakenburg , eft d'une correction peu
commune. Il a été revu fur les manufcrits
de la Bibliotheque du Roi , dont l'un de
Diij
78 MERCURE DE FRANCE.
plus de 700 ans , a fourni l'occafion de
reftituer à Juftin ce qui avoit été inféré
fans raifon dans l'Hiftoire de Q. Curce
liv. 4 , fur la fin du chap. 11.
Plaute eft fous-preffe , & paroîtra à la
fin de l'année 1757. Nous fommes perfuadés
que les Gens de Lettres s'intéreffent à
l'édition d'un Auteur fi néceffaire , & qui
tient un rang fi diftingué dans la littérature.
Si l'exécution n'en eft pas facile , les
foins que nous y apportons nous répondent
de vaincre au moins la plus grande
partie des difficultés. Nous ne négligerons
rien pour en donner une édition digne decet
ancien Poëte comique , & qui puiffe
fatisfaire le Public fçavant. Elle fera diftinguée
, & par le nombre des gravures ;
relatives aux fujets des Comédies , & par
la nouvelle difpofition du texte. Cet Autteur
fera fuivi d'Ovide , de Pline le naturaliſte
, de Ciceron & des autres Auteurs
célebres , exécutés dans le même goût.
Cette collection formant aujourd'hui
17 volumes reliés en veau , dorés fur tranche,
avec filets d'or , coûte 102 liv. Chaque
volume ſe vend féparément 6 liv.
Les premiers Auteurs étoient imprimés
fous le nom de Conftelier ; mais pour rendre
les frontifpices plus uniformes , tous
les volumes portent aujourd'hui le nom de
JUIN. 1757.
Barbon , qui poffede feul cette collection ,
& qui la continue.
Čes Auteurs font imprimés dans le même
format , & fur le même papier que le
préfent Avis.
Le Libraire prie les Gens de Lettres de
lui communiquer leurs lumieres & leurs
idées , tant fur les éditions précédentes
que fur celles qu'il prépare.
Il fe trouve auffi quelques Exemplaires
des Auteurs Latins , en papier d'Hollande .
On trouve chez le même Libraire les
Aventures de Télémaque , fils d'Uliffe , derniere
édition conforme au manufcrit original
de l'Auteur , avec des augmentations
très-confidérables & des notes , & un Difcours
fur la Poéfie épique , enrichie de
figures en taille- douce , 2 vol. in- 12.
Les mêmes in- 4° . avec des notes ,
des belles figures en taille -douce.
LA BANQUE rendue facile aux principales
Nations de l'Europe , par le fieur
Giraudeau l'aîné , Négociant : in-4° . leconde
édition 1756 , qui fe vend à Paris ,
chez Duchefne , Libraire , rue S. Jacques ,
an deffous de la Fontaine S. Benoît , au
Temple du Goût ; à Lyon , chez Geofroy
Regnault , Imprimeur - Libraire , grande rue
Merciere ; & à Geneve , chez l'Auteur.
Div
So MERCURE DE FRANCE.
Cette nouvelle édition eft augmentée d'un
Supplément , qui a pour titre , Abrégé des
Combinaifons des prix des Changes des principales
Places cambistes de l'Europe . Cette
augmentation qui eft très - effentielle
jointe aux autres parties de l'Ouvrage , le
rend le plus exact & le plus utile de tous
ceux qui ont paru jufqu'à préfent fur cette
matiere . Cet Ouvrage eft en partie compilé
fur les nouveaux mémoires & avis
des plus fameux Banquiers & autres Négo
cians de l'Europe , qui ont bien voulu les
communiquer à l'Auteur ; ce qui rend par
cela même fon ouvrage conforme aux
ufages de chaque Place .
Comme cet Ouvrage eft connu & généralement
approuvé , il fuffira d'indiquer
en abrégé ce qu'il contient. On y trouve
10. tout ce qui concerne le commerce de
banque ; 2 ° . un traité de l'achat des matieres
, & efpeces d'or & d'argent dans les
principales Places de l'Europe ; les rapports
des poids & des mefures tant longues que
rondes , pour les grains & pour les liquides
; plufieurs , comptes fimulés d'achat &
de vente , le commerce de Cadix à la mer
du Sud , un traité des fpéculations les plus
ufitées parmi les Négocians ; 4° . enfin un
traité contenant la véritable maniere de
tenir les livres en parties doubles , tant
JUIN. 1757 .
81
pour un commerce en feul , que pour un
commerce en compagnie , avec plufieurs
comptes en partitipation. Ce petit abrégé
doit être fuffifant pour faire connoître
l'utilité de cet Ouvrage.
On a, pour plus grande commodité
iraprimé auffi in - octavo , l'abrégé des combinaifons
des prix des changes , & l'abrégé
réciproque des changes étrangers.
MANDEMENT de Meffieurs les Vicaires-
Généraux du Chapitre de l'Eglife Patriatchale
, Primatiale & Métropolitaine de
Bourges , le Siege Archiepifcopal vacant ,
pour ordonner des prieres dans tout le
Dioceſe , pour le repos de l'ame de Son
Eminence Monfeigneur le Cardinal de la
Rochefoucauld , Archevêque de Bourges.
Les Vicaires - Généraux du Chapitre de
l'Eglife Patriarchale , Primatiale & Métropolitaine
de Bourges , le Siege Archiepif
copal vacant au Clergé Séculier & Régulier
, & aux fideles du Dioceſe : Salut en
notre Seigneur Jeſus- Chriſt .
Que nos yeuxfondent en pleurs , & qu'il
forte de nos paupieres des ruiffeaux de larmes!
Une voix lamentable a retenti dans Sion ;
les cris éclateront dans toutes les Places &
dans tous les dehors de la Ville ; on n'enandra
dire que malheur , malheur ! Les la-
Dv
82 MERCURE DE FRANCE.
boureurs même feront appellés à ce denil , &
inviteront aux pleurs tous ceux qui fçaveni
pleurer. Toutes les campagnes retentiront de
gémiffemens ; nous fommes devenus comme
des Orphelins privés de leur pere , nos Eglifes
font des époufes défolées : la joie de notre
coeur est éteinte , nos concerts font changés en
lamentations ; la couronne de notre tête eft
tombée ; malheur à nous ! parce que nous
avons péché. Vos voeux & les nôtres n'ont
point été exaucés , le ciel a paru inſenſible
nos cris.
Qui de vous ignore que cette Eglife eft pri .
vée de fon illuftre Chef, Monfeigneur le
Cardinal de la Rochefoucauld , Patriarche
, Archevêque de Bourges , Primat des
Aquitaines , Grand-Aumonier de France ,
Commandeur de l'Ordre du Saint - Efprit ,
Abbé, Chef, Supérieur & Adminiſtrateur
Général de tout l'Ordre de Cluny ? Hélas !
étions - nous dignes de le conferver , ce
Prelat chéri de Dieu des hommes , dont la
mémoire fera toujours en bénédiction Dieu.
l'avoit fanctifié dans fa foi & dans fa donceur
, cet homme de charité & de mifericorde
, dont les oeuvres de piété fubfifteront à jamais
; cet homme riche en vertu , qui aimoit
avec ardeur la beauté de la maison de
Dieu , & qui gouvernois fa famille en paix .
Le Seigneur l'avoit élevé en honneur devant
JUIN. 1737.
83
les Rois , & l'avoit comblé de bonheur & de
gloire. Le Seigneur , qui nous l'avoit accordé
dans fes jours de miféricorde , vient
de nous l'enlever.
La Religion doit nous confoler & nous
inftruire ; & notre miniftere nous oblige à
vous entretenir , du moins quelques inftans
, d'un malheur dont nous pouvons
-peine foutenir la penfée.
Que la douleur univerfelle eft éloquente
, & qu'elle exprime bien mieux que.
toutes les paroles, l'immenfité de notre perte
gravée fi profondément dans tous les
coeurs !
!
Il n'eft plus , ce Paſteur fi cher & fi fidele
à fon troupeau , ce Pere fi aimé , fi
.refpecté dans ce vafte Diocefe , qu'il regardoit
tout entier comme fa famille , &
dont il étoit fi tendrement occupé. Il vit , &
vivra éternellement dans notre mémoire .
Les Peres raconteront fes vertus à leurs enfans
, & ceux- ci les tranfmettront à la poſtéri-
-té. Tous diront , où pourrons- nous , trouver
un homme femblable , & qui foit également
rempli de l'esprit de Dicu ? Heureux ceux
qui l'ont vu , & qui ont tenu quelque place:
dans fon coeur !
Peuples defolés, qu'il a continuellement
aimés jufqu'à la fin , vous, dont la douleur
étouffe aujourd'hui la voix , vous racon-
D. vj
34 MERCURE DE FRANCE.
terez un jour , mieux que nous , avec quel
zele vous l'avez vu parcourir tant de fois
toutes les parties de fon Dioceſe qu'il connoiffoit
fi parfaitement. Partout il étoit
connu par fes réglemens & par fes exemples
, partout on l'avoit vu remplir toutes
les fonctions de fon miniftere avec la connoiffance
la plus profonde & l'attention la
plus exacte. Quelle dignité ! Quelle modeftie
! Quelle piété ! lorfqu'il paroiffoit
aux pieds des Autels !
Ses Prêtres étoient autour de lui comme fes
freres , ou comme fes enfans en J. C. plutôt
conduits par fes principes ,& animés par
fes fentimens, que gouvernés par fon autorité.
Sa préfence & fon nom feul rétablis
foient la difcipline , & ranimoient le zele.
Les intérêts des Eccléfiaftiques de tous les
ordres de fon Dioceſe étoient les fiens : il
fixoit leurs doutes , il calmoit leurs peines ,
il étoit leur confeil , leur ami , leur prorecteur.
Ce nom fi cher , & qui nous coûte
tant aujourd'hui à prononcer ,
étoit perpétuellement
dans leurs bouches. Ils le reclamoient
avec confiance en toute occafion
, & jamais leur attente fut- elle trompée
?
Les habitans de fon Dioceſe ne lui rendoient-
ils pas tous la même juftice que les
Ifraelites rendoient à Samuel . Vous n'avez
JUIN. 1757. 88
opprimé aucun de nous. Vous n'avez fait tort
àperfonne.
N'étoit-il pas toujours prêt à recevoir
leurs plaintes , à entrer dans tous leurs be-.
foins , à pacifier leurs différends ? Si l'éclat
de fes dignités leur impofoit , n'étoient-
ils pas bbiieennttôôtt rraaffffuurrééss par la douceur
& la bonté de fon accueil ? Ils
voyoient dans fes yeux qu'ils avoient droit
de lui parler, & qu'il fe croyoit obligé de les
écouter. Il démêloit dans leurs yeux leurs
penfées & leurs peines , & leur épargnoit
fouvent l'embarras de s'expliquer. S'il avoit
été capable de prédilection, c'étoit pour les
plus timides , & les plus malheureux . Sa
grande ame ne réfiftoit point à la vue des
infortunés le fimple récit des malheurs
l'affectoit fenfiblement , & fes entraillos
étoient émues..
:
A l'exemple du premier Pafteur , fes traces
étoient marquées par fes bienfaits ; les
pauvres foulagés par des aumônes abondantes
, béniffoient leur bienfaiteur. Que
de familles , dont il a terminé les procés ,
lui doivent leur tranquillité ! Que de Temples
décorés par fa vigilance & par fes dons !
Que de monumens éternels de fon Epifcopat
! Par combien de témoignages éclatans
n'a-t'il pas manifefté fon amour pour
fon Eglife , & fa bienveillance pour fon
86 MERCURE DE FRANCE
Chapitre , qui lui étoit fi tendrement & fi
refpectueufement dévoué ! Jeunes éleves
du Clergé , fi chers à fon coeur , votre
afyle , qui fubfiftera après lui , étoit doté
par fes foins , foutenu par fes libéralités ,
dirigé par fes lumieres & par fon attention
continuelle à tous les détails de vos be--
foins temporels & fpirituels . Il a eu du
moins la confolation de recueillir les prémiers
fruits de cet établiffement , qui a
déja fourni au Dioceſe tant d'Eccléfiaftiques
, dont la fcience & les moeurs font
l'éloge des mains qui les ont formés . Miniftres
du Seigneur , vous fçavez avec
quelle exactitude , quels juftes fcrupules
il pefoit au poids du Sanctuaire votre doctrine
& vos moeurs , avant de vous admettre
aux Ordres facrés & aux fonctions redoutables
du faint miniftere .
Quand des ordres fupérieurs le forcerent
à s'éloigner de fon Diocefe , fon coeur fut
toujours parmi vous. Rome a admiré fes
vertus : il mérita la tendreffe & l'eftime
particuliere du Souverain Pontife , fi digne
de l'amour & de la vénération de tou
te l'Eglife.
92
Les dignités les plus éclatantes n'eurent
jamais d'attraits pour lui : il les envifagca:
toujours d'un oeil chrétien . Un grand nom,.
une probité, une nobleffe de fentimens héJUIN.
17 57:
87
réditaires , des talens & des vertus connues-
-dès fes premieres années , une réputation.
acquife avant l'âge , les voeux du Public ,,
tout concouroit à le deftiner. de bonne
heure aux plus grands honneurs de l'Eglife
& de l'Etat . Il s'en eft vu comblé , &
fon coeur n'y a point été attaché. Vous l'avez
vu , nos tres chers freres , revenir. parmi
vous , comme s'il n'exiftoit que pour
vous. Vous l'avez retrouvé , comme auparavant
, bon , généreux , affable , toujours
Pafteur charitable , Pere tendre , & ne laiffant
appercevoir de fon élévation & de fon
crédit , que ce qui pouvoit animer votre
confiance.
Quelles faveurs du Prince furent plus
applaudies que celles dont il fe plut à combler
ce Prélat ! Le jufte difcernement du
Monarque étoit prévenu par la voix publique
; & quand il remit en des mains fi pu
res la diftribution des graces eccléfiaftiques
, il parut avoir recueilli les fuffrages .
de toutes les Eglifes. Quand il l'attachoit
à fa perfonne par de nouveaux liens , il paroiffoit
avoir confulté les voeux de la Cour
& du Public. Un Prince fi digne d'être aimé,
fçait aimer le mérite & le récompenfer.
Mais la récompenfe la plus touchante qu'il
ait accordée aux vertus , & au tendre refpect
de notre Prélat pour fa perfonne ſa.88
MERCURE DE FRANCE.
crée , étoit fans doute cette confiance intime
, qui fembloit augmenter tous les
jours.
O fragilité des grandeurs humaines ! ....
Le monde toutes les grandeurs du monde
ne font qu'une vaine fumée ; un fouffle léger
peut la diffiper.
Telles font , nos chers freres , les paroles
que ce Pontife vous adreffoit la derniere
fois qu'il vous a fait entendre fa voix , en
fignalant fon religieux amour pour notre
Monarque . ( 1 )
Hélas ! penfions- nous alors que ce Pontife
lui même nous prouveroit fitôt ces
grandes vérités par l'exemple qui nous
confterne ! Dans le temps qu'il fe propofoit
de revoir bientôt fon troupeau , cinq
jours d'une maladie cruelle & imprévue
nous l'ont ravi pour toujours. Sa patience
a été admirable au milieu des douleurs les
plus vives & les plus aigus. Ceux qui en
ont été témoins , en ont été auffi attendris
qu'édifiés. Les derniers voeux qu'il a exprimés,
ont été pour fon Diocefe. C'eft le dernier
facrifice qu'il a fait à Dieu , & celui qui
fans doute a le plus coûté à fon coeur.
Fortifié & confolé par la réception des
Sacremens , libre & dégagé de tout attachement
aux objets périffables , il ne s'eft
(1 ) Mandement de S. E. du 18 Avril dernier
*
JUI N. 1757. 89
plus occupé que de la mort , de l'éternité ,
& de Dieu ; il a confervé fa connoiffance
jufqu'à la derniere heure ; il a rendu fon
ame à Dieu le vingt-neuf Avril dernier.
Seigneur , qui habitera dans vos tabernacles
éternels , ou qui repofera fur votre mon◄ \
tagne fainte ? Celui qui fe préfentefans tache ,
qui a obfervé les regles de la justice , qui a
la vérité dans le coeur & fur les levres , qui
n'a fait aucun mal , aucune injure à ſon prcchain.
Si la foi & la raifon nous apprennent
que l'homme a été créé à l'image de Dieu , fi
la bonté & la juftice font les attributs fous
lefquels le Seigneur , dans les écritures ,
aime à fe montrer ; qui mieux que ce
grand homme , a exprimé à nos yeux ces
traits de reffemblance avec lá Divinité ?
L'équité régloit toutes fes démarches , il
n'avoit de peine qu'à modérer la bonté de
fon coeur. Qui de nous a eu le bonheur de
l'approcher , fans fortir pénétré de confiance
, d'amour & de vénération . Senfible
à l'amitié , il en goûtoit les douceurs ,
& en rempliffoit les devoirs . Tendre & réconnoiffant
, il n'oublioit jamais les plus
légers fervices ; il pardonnoit fans peine à
ceux qui l'avoient offenfé . Ceux qui le
voyoient habituellement & de plus près ,
étoient ceux qui l'admiroient davantage,
4
90 MERCURE DE FRANCE.
Humble de coeur , il ne développoit fes
grands talens , ni même fes vertus , dans
toute leur étendue , que quand les circonftances
l'exigoient. Son ame , exempte
de toute prévention , n'étoit acceffible
qu'aux lumières pures de la Religion & de la
raifon. Il cherchoit la vérité & l'exprimoit
avec cette candeur fi digne d'elle. Mais avec
quelle folidité , quelle pénétration , quelle
profondeur de vues ne jugeoit - il pas toujours
des hommes & des chofes ? La vertu ,
qui paroiffoit dominer dans fon ame fur
toutes fes qualités, étoit cette fimplicité fùblime
, fi belle devant les hommes , & fi
précieuſe devant Dieu .
Sesjours ont été courts , mais remplis . Que
de grandes oeuvres l'ont précédé devant le
tribunal du fouverain Juge ? Si , fuivant la
réflexion d'un grand Saint , celui qui a été
bienfaifant & libéral , eft appellé avant les
autres juftes à la vie éternelle , quelle confiance
ne devons - nous pas avoir dans ces
libéralités immenfes que notre Pontife a
répandues dans tous les temps , & furtont
dans ceux de calamité Il a toujours été
fpécialement le Pere des pauvres & des
malheureux .
Que fr celui qui juge les juftices , & dont
les jugemens infpirent une fainte frayeur
aux plusjuftes , avoit trouvé encore en lui
JUIN 1757. L
au fortir de cette vie , quelques reftes de
fragilité dont l'expiation eût pu échapper
dans le cours d'une fi belle vie terminée
par tant de fouffrances , que ne devonsnous
pas attendre de la réunion des prieres
de tout ce Dioceſe , pour leur Paſteur , &
de l'application du fang de J. C. offert
par tous les Prêtres pour leur Pontife ? Il
nous a apris lui-même , nos très- chers freres
, à prier , dans ces livres pleins d'onction
qu'il nous a mis entre les mains : mais.
ne nous bornons pas à des larmes ftériles &
à des voeux fans action . Honorons fa mémoire
par la pratique des vertus dont il
nous a donné fi conftamment l'exemple..
Gardons précieusement le dépot qu'il nous a
confié , obfervons les fages réglemens qu'il
nous a laiffés , cheriffons la paix chrétienne
qu'il a tant aimée , imitons fa charité
envers les pauvres , confervons toujours
dans nos coeurs un tendre fouvenir de fon
amour pour ce Dioceſe ; & que notre langue
s'attache ànotre palais, fi nous perdons jamais
la mémoire de fes vertus & defes bienfaits.
A ces cauſes , nous ordonnons qu'il fera
fait dans chaque Eglife du Dioceſe une
Service folemnel pour le repos de l'ame de:
fon Eminence Monfeigneur de la Rochefoucauld
, lequel fera célébré dans la femaine
qui fuivra la réception de notre pré
92 MERCURE DE FRANCE.
fent Mandement. Nous invitons de plus
& exhortons tous les Prêtres du Dioceſe ,
à célébrer chacun une Meffe baffe , à la
même intention , & à le recommander à
-Dieu dans toutes les Meffes qu'ils célébreront
pendant le cours de l'année de fon
décès . Nous exhortons pareillement tous
les Fideles de l'un & de l'autre fexe , à
unir leurs prieres particulieres aux faints
-Sacrifices qui feront offerts pour fon Eminence.
Enjoignons aux Archiprêtres & Vice
- Archiprêtres , chacun en droit foi , de
diftribuer notre préfent Mandement , fans
différer , dans les Paroiffes , Eglifes Col
légiales & Communautés Régulieres de
l'un & de l'autre fexe , exemptes & non
exemptes , & de tenir la main à ſon exécution
. Donné à Bourges le cinq Mai mil
fept cent cinquante fept..
.
Nous devons ce Mandement au zele de
M. Triboudet , Lieutenant Particulier au
Préfidial de Bourges , & Maire de la même
Ville. Comme la vérité l'a dicté , & qu'il
eft un hommage fincere que l'eftime & la
reconnoiffance d'un Chapitre refpectable
rendent à la vertu du Prélat le plus digne
d'être regretté , nous nous fommes empreffés
de le rendre public.
JUIN. 1757 . 955
pour
7
DEVENU propriétaire de l'Ouvrage intitulé
, Epoques principales , élémentaires de
l'Hiftoire univerfelle , en trois grandes feuilles
, & ci-devant annoncé très- avantageufement
dans les Journaux publics , le fieur
Mahaux le cadet , héritier du fonds & des
talens de fon frere , qu'il a eu le malheur .
de perdre, nous a priés de faire fçavoir que,
dans le deffein de fe rendre également utile
à la jeuneffe , il fait tous fes efforts
mériter d'être honoré de la confiance qui ›
avoit été juſtement accordée à fon aîné , en
fe fervant de la même méthode pour la
Géographie , la Chronologie & l'Hiftoire ,
& qu'il a trouvé le moyen d'enfeigner à
lire & écrire tout enfemble , en moins de
trois mois. Ce moyen eft typographique ,
mais plus analyfé que celui du feu fieur
Dumas , & mis davantage à la portée des
plus petits enfans. Il eft d'une préciſion &
d'une fimplicité qui le rendent digne de
l'attention des connoiffeurs ; ce qu'il offre ,
de juftifier autant par les faits , que par la
théorie. Il ne force point la nature ; mais
ibla feconde, & met à profit jufqu'à la diffipation
des enfans , à la faveur d'un jeu
méthodique, dont il les amufe adroitement,
& fe réferve toute la peine . Pour être affuré
que ce maître induftrieux n'avance rien ici
que de vrai , on peut fe tranfporter chez
>.
94 MERCURE DE FRANCE.
le fieur Viard , rue de Seine , fauxbourg
Saint Victor , académie des enfans . C'eſt
là que le défunt fieur Mahaux , & depuis
fon cadet , ont fuffisamment fait voir que
cette nouvelle maniere qui y ſubſiſte toujours,
a produit conftamment les plus heu-
Teux effets.
"
Le fieur Mahaux demeure actuellement
rue de l'Arbre fec , vis-à- vis la rue Bailleul
, à l'Hermitage , chez le fieur Marx ,
célebre Tailleur , où il recevra des enfans ,
fi on veut les lui envoyer pour y être inf
truits , finon il fe rendra chez Meffieurs
leurs parens.
On trouvera chez lui les trois feuilles
fufdites de l'Ouvrage de fon frere , chez
les Libraires Piffet, quai de Conti , & Lam
bert , rue de la Comédie , & chez le fieur
Viard. Puiffe le foupçon de l'intérêt particulier
faire place à l'idée du bien général ,
dont le fieur Mahaux eft le plus occupé ,
& auquel il va confacrer tout fon temps &
fes foins! Daignent les perfonnes qui ne ſe
préviennent point légèrement , examiner.
ce qui leur eft propofe , & ne pas rejetter
un Ouvrage dont le prix eft modique , &
l'utilité reconnue de tous ceux qui en ont
fait l'acquiſition !
JUIN. 1757.
༡༣
LAMENTATIONS de Jérémie. Odes dédiées
à la Reine de Pologne , Electrice de
Saxe , par M. d'Arnaud , Confeiller de légation
du Roi de Pologne , Electeur de
Saxe , des Académies Impériales & Royales
des Sciences & Belles-Lettres de Ruffie,
Pruffe , Dannemarck , &c.
·
Le filence que nous nous fommes impofés
fur tous les ouvrages relatifs à l'attentat
dus Janvier , nous ayant empêché de parler
de la France fauvée , de M. d'Arnaud
nous annonçons fesLamentations avec d'autant
plus de plaifir, qu'elles font dignes des
juftes éloges que nous avons été forcés de
refufer à fon poëne.
7
Ces Lamentations de Jérémie font déja
connues par trois Editions confécutives
qu'on en a faites en Allemagne. L'Edition
qu'on vient d'en donner à Paris , a de
grands avantages fur ces trois premieres.
Elle eft plus correcte ; elle eft enrichie du
texte Latin , & revue fur un manuſcrit corrigé
de l'Auteur. Elle eft auffi augmentée
d'une lettre de M. d'Arnaud , à laquelle on
a ajouté celles que le Pape , le Cardinal
Valenti , le Cardinal Paffionei , & le célebre
Wolff, lui ont écrites au fujet des Lamentations.
Des fuffrages fi refpectables
honorent à la fois les arts & les Souverains,
& rempliffent par - là tous les voeux de M.
95 MERCURE DE FRANCE.
d'Arnaud; car, comme dit l'Editeur , l'homme
de génie ne connoît point de récompenfe
plus flatteufe que la gloire des arts
& de l'humanité.
La lettre de M. d'Arnaud peut fervir de
préface aux Lamentations . Elle eft remplie
de réflexions auffi utiles , que judicieuſes
fur les regles trop bornées de notre littérature.
On y examine le génie fublime du
Prophete , dans la vie & dans les ouvrages
de ce grand homme . On y expofe les difficultés
de traduire fidélement Jérémie , dont
les ouvrages , ainfi que ceux des anciens
Poëtes , font remplis de répétitions qui
nous paroiffent déplacées, & qui fans doute
étoient des beautés , dit M. d'Arnaud .
Invocation à la douleur .
$
Fille de l'infortune , ô toi de qui les larmes
Pour les triftes regards femblent avoir des charmes
!
Viens , touchante douleur , me prêter tes accens ,
De tes pleurs viens tremper les cordes de ma lyre ;
Dans mes fons attendris que ta langueur reſpire :
Reporte à la pitié mes accens gémiflans.
Quel Dieu m'a tranfporté fur ces fatales rives?
Que vois-je autour de moi ? des ruines plaintives
Que de fon aîle couvre un Ange déſolé ,
2
Des
JUI N. 1757. 97
Des manes outragés la cendre profanée ,
Le fang fumant encor fur ta terre indignée ,
Tout un Empire entier comme un fonge exhalé.
Trifte Jérufalem , t'ai -je pu méconnoître ?
1
Quel vieillard , dans l'eſpoir de défarmer ton
maître ,
Arrofe de fes pleurs tes malheureux débris ! ...
Mais il parle , il gémit ! que l'humanité fainte
Sente avec moi ſes maux & répete fa plainte ;
Les morts , les enfers même en feront attendrís.
Cette Ode n'eft point une traduction de
Jérémie ; elle eft entiérement de M. d'Arnaud
: on fent que cet Auteur eſt tout rempli
de l'efprit du Prophete , fon invocation
eft digne d'un fi grand génie.
C
La premiere Lamentation eft une peinture
des malheurs qui ont défolé la Judée
faccagée par les Caldéens. C'eft Jérémie
qui parle :
Quel ſpectre en ces déferts ! eft-ce toi ma patrie ,
Du pain de la douleur , d'amertumes nourrie ,
Sous le fac & la cendre aux portes du tombeau !
O Sior ! eft-ce toi qui meurs dans la pouffiere ?
Tes champs ne m'offrent plus qu'un vafte cime
tiere ,
Où fume de la mort le lugubre flambeau.
II.Vol. E
98 MERCURE DE FRANCE.
La gloire de Sion a fui loin de ſes traces ;
Son orgueil s'eft brifé fous le joug des difgraces ;
Et dans fes traits flétris a péri fa beauté :
Tels qu'un foible troupeau privé de pâturage ,
Ses Princes dépouillés de leur premier courage,
Captifs devant le char ont marché fans fierté.
De la terre , du ciel , de tout abandonnée ,
En tombant fous la main qui la tient enchaînée
Sion tourne fes yeux encor für fes beaux jours :
O Dieu , quel changement ! pour combler fa mifere
; no bagni
Tu l'offres aux regards d'un impie adverſaire ,
Ses fêtes font l'objet d'injurieux difcours !
Grand Dieu ! Dieu de Jacob : 6 mon Dieu ! qui
pardonnes ,
Toi , qui punis les Rois , qui renverfes les trônes ,
Prends pitié des tourmens de ton peuple égaré,
Rappelle des enfans dans le fein d'une mere ,
Qui fans ceffe te crie en fa douleur amere ,
Et que par eux ton nom foit encor célébré.
La continuation des complaintes du
Prophete fur la déſolation de Jérufalem
eft le fujer de la feconde Lamentation :
Ce pavillon altier de la grandeur fuprême ,
Eft déchiré des mains de l'Eternel :
Ce tabernacle faint , le trône de Dieu même
Regrette dans la poudre un culte folemnel.
JUI N. 1757. ୨୨
D'un ouragan fougueux tour m'offre le ravage :
On ne voit plus ces jours ordonnés par la loi ,
Et Dieu qu'également indigne leur hommage ,
Repouffe avec fureur le Pontife & le Roi .
Marbres enfanglantés , & terre gémiffante !
Vous ne m'offrez que des débris épars ,
Que des enfans meurtris fur leur mere expirante ,
Le couteau dans le flanc des malheureux vieillards ;
Des corps pâles , ſanglans & traînés dans la pou◄
dre ,
Comme un feu dévorant le trépas répandu ,
Tout un champ labouré des fillons de la foudre ,
Dieu même un glaive en main für Sion defcendu.
* 19
que
La troifieme , & la derniere Lamenta
tion , ainfi que la priere de Jérémie au
nom du peuple d'Ifrael , font traduites
avec la même fidélité , la même force
ces deux premieres. On peut dire que M
d'Arnaud a heureufement rendu l'efprit du
Prophere. Cette traduction fait honneur
à fon coeur & à fon génie , & ne peut
qu'augmenter l'idée déja très- avantageufe
qu'on a de fes talens. On trouvera des
exemplaires des Lamentations & de la
France fauvée , chez Butard , rue Saint-
Jacques , à la Vérité ; Hériffant , rue
neuve Notre- Dame ; Lambert , à côté de
la Comédie Françoife ; la veuve Amaury ,
Eij
100 MERCURE DE FRANCE.
grande falle du Palais ; Lefclapart , quai de
Gêvres , au bout du Pont Notre-Dame ;
& chez la Marche , au paffage du Palais
Royal de la rue Richelieu.
A L'AUTEUR DU MERCURE.
MONSIEU
ONSIEUR , des jeunes gens amateurs
des lettres & des fciences , & qui defireroient
effayer leurs forces , fe plaignent de
ce qu'ils font avertis trop tard par la voie
des Journaux , des fujets propofés pour les
prix des différentes Académies ou Sociétés
de l'Europe , & même la plupart n'y font
pas annoncés. Il y va de la gloire des Académies
, & de l'avantage des lettres. Le but
de ces Sociétés , en propofant des prix , eft
d'exciter l'émulation , & de faire éclorre des
talens . Comme votre Journal , Monfieur ,
eft, je crois , le plus répandu , fi vous rendiez
ce court avertiffement public , Meffieurs les
Secretaires des Académies , & Meffieurs
les Journaliſtes , pourroient y faire quelqu'attention
, & par-là peut- être procurer
quelque bon Auteur à la République des
Lettres ; car un effai couronné eft pour un
jeune homme un fort engagement. Peutêtre
ne devons-nous la plupart de nos chefd'oeuvres
qu'à de foibles effais applaudis ?
J'ai l'honneur d'être , & c. ·D....
JUIN. 1757:
ΙΟΙ
ARTICLE III.
SCIENCES ET BELLES - LETTRES.
GRAMMAIRE.
DISCOURS hiftorique fur l'origine de
la Langue Françoiſe .
On a déja beaucoup écrit ſur l'origine
de notre Langue ; & ceux qui fe font appliqués
à cette recherche , ont embraffé
différentes opinions. Les uns regardent le
François comme un Latin corrompu ; les
autres , comme un mêlange du Latin & du
Tudefque. Quelques-uns y admettent un
certain nombre d'expreffions que les Goths,
les Alains , les Vandales, &c . y ont , difentils
, répandues dans leurs paffages . Plufieurs
enfin reconnoiffoient pour une des
fources de notre Langue celle des anciens
Gaulois : mais prefque tous s'accordent à
n'y laiffer à cette derniere, que la moindre
part.
Il femble cependant que le langage originaire
de nos ancêtres devroit être le
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
à
principe du nôtre ; & pour en juger fainement
, il faudroit commencer par être bien
inftruit de ce qui nous refte du Gaulois
primitif , & connoître même les autres
Langues qui peuvent en dériver. Mais par
une fatalité , dont j'ignore la caufe , nous
nous fommes accoutumés à voir d'un oeil
indifférent tout ce qui appartient aux anciens
habitans de la Gaule. Ce n'eſt pas
la vérité quand nous difcutons les antiquités
particulieres de nos provinces : alors
nous cherchons avec foin les traces qui
nous aident à remonter jufqu'à eux. Mais
nous les oublions dans les chofes générales,
foit que les Romains , qui les ont foumis ,
nous les faffent perdre de vue , foit que
l'invafion des Francs nous les faffe confidérer
comme un peuple confondu dans un
autre. Toutefois cette nation antique &
fameufe a continué de fubfifter avec gloire
fous l'empire des Romains. Les Francs mê
me , qui ont chaffé ces derniers , n'étoient
pas , à beaucoup près , affez nombreux ,
quand on fuppoferoit leur armée de trois
à quatre cens mille combattans , pour éclipfer
des millions d'hommes , avec qui ils fe
réunirent. A la réferve de quelques priviles
vainqueurs s'attribuerent , les
Gaulois conferverent toute leur liberté. Ce leges
que
font nos peres , nos véritables ayeux , dù
JUIN 17377 401
moins pour la plupart d'entre nous. Et où
trouverions- nous une plus illuftre origine?
Si la vanité nous guidoit ici , comme en
toute autre recherche d'extraction , nous
nous ne voudrions pas trouver la nôtre
dans un effain de Barbares prefque toujours
inconnus deux fiècles avant leur conquête
, & qui n'eurent d'autre titre de fupériorité
, que celui de la victoire . Les
Francs refpecterent leurs nouveaux concitoyens.
Ils fe policerent parmi eux , & y
prirent ces moeurs , ces habitudes , ce génie
national , qu'une longue fuite de fiecles
nous a tranfimis . Partout où des preuves
certaines ne nous montrent point de changemens
introduits les Romains ou par
les Francs , nous devons reconnoître dans
nos loix & dans nos coutumes celles de nos
premiers ayeux : regle de critique , qui eûr
épargné aux Sçavans bien des embarras , &
tant de difficultés qu'ils n'ont fait naître ,
que par ce qu'ils ont voulu puifer dans des
fources étrangeres nos différentes origines.'
par
Je n'ai pas deffein d'entreprendre ici une
hiftoire complette de notre Langue . Je
n'examinerai pas les rapports que le Gaulois
, dans fes premiers commencemens ,
eut , à ce qu'on dit, avec les Langues orientales
, ni s'il eft vrai qu'il ait donné naif-
E iv
104 MERCURE DE FRANCE.
fance à toutes celles de l'occident . Je ne
parcourrai que les faits principaux , qui
peuvent éclaircir mon fujet.
L'hiſtoire nous apprend que long -temps
avant l'ere chrétienne , les peuples de la
Gaule cultivoient les fciences & les arts.
L'éloquence étoit chez eux dans une haute
eftime, & ils en connoiffoient fi bien l'importance
& les effets , qu'ils lui donnoient
pour Dieu tutélaire un Hercule , qui avoit
à la bouche des chaînes d'or . Les Druides,
les Bardes, les Eubages traitoient dans leur
Langue les objets de leur miniftere. La
Théologie , la Philofophie , les Mathématiques
, la Poéfie même , en faifoient par
tie. Ils inftruifoient leurs difciples de vive
voix, au milieu des forêts , & ne fouffroient
point qu'ils miffent rien par écrit ; c'eſt ce
qui nous prive des monumens qui nous
donneroient une idée fûre de cet ancien
dangage . Mais il paroît évident qu'on ne
pouvoit l'employer à des fujets fi relevés ,
fans qu'il y eût une conftruction fixe , des
regles , une grammaire & une abondance
fuffifante de mots & d'expreffions. Auffi
voyons -nous que dès le temps même de
Caton , ces peuples ne fe faifoient pas plus
de gloire de bien manier les armes , que
de parler avec agrément , & avec fineffe. ( 1 )
(1) Pleraque Gallia duas res induftriofiffimè per
JUIN. 1757. 105
}
Cette Langue , dont le mérite fe trouve
établi fur des témoignages fi pofitifs , n'étoit
pas précisément la même chez tous les
Gaulois. Nous lifons , dans les commentaires
de Jules- Céfar , que la Gaule étoit di
vifée en trois parties , dont les habitans
avoient chacun leurs coutumes & leur langage.
Mais certe différence d'idiomes ne
confiftoit que dans quelques dialectes particuliers
à chaque canton , qui n'empêchoient
pas que ces peuples unis en un feul
corps de nation , & marchant fouvent fous
les mêmes étendards , ne s'entendiffent les
uns les autres. ( 1 )
fequitur , rem militarem & argutè loqui . M. Cato,
Orig. 2. Apud vos ( Gallos ) verba plurimùm valent
, Tacit. Hift . lib. 4.
(1) Hi omnes Lingua , inftitutis legibus , interfe
differunt. Jul . Cæf. lib . 1.
Aquitani à cæterorum planè differentes,non Lingua
modo , fed & corporibus , Hifpanis quam Gallis
funt fimiliores. Reliqui ( Celta ac Belga ) Gallica
Specie ; ne ipfi quidem omnes eodem utuntur fermone
; fed aliquid ( xfoi parum ) non nulli habent
diverfitatis. Strabo , 1. 4. Une partie des Eſpagnols
parloit originairement la Langue Celtique : on les
nommoit Celtiberes . Ainfi le langage des Aqui
taniens , parce qu'il approchoit du leur , ne devoit
pas différer abfolument de celui des Celtes . On
voit par un paffage de Sulpice Sévere , qui fera
rapporté ci-après , qu'ils s'entendoient récipro
quement.
ごす
E v
106 MERCURE DE FRANCE.
*
Le Celtique étoit , dit -on , l'idiome le
plus pur ; & cela devoit être. Les Celte's
placés au centre des Gaules , avoient moins
de commerce avec les étrangers. Les Aqui
raniens , au rapport de Strabon , partici
poient du langage des Eſpagnols , & com
me voisins de la province Narbonoiſe , fub
juguée avant les autres par les Romains
ils avoient pu contracter quelque connoif
fance du Latin , peut- être même de la Lane
gue des Grecs , dont ils fe vantoient de
defcendre , & qui avoient une colonie à
Marſeille , où l'on parloit Grec , Latin &
Gaulois. ( 1 ) Les Belges étoient limitrophes
de la Germanie. Ils reçurent en différens
temps, de gré ou de force , plufieurs colonies
de Germains , ( 2) dont le langage a
(1) Maffiliam Phocai condiderunt ; quos ait
Varro trilingues effe , quod & Grace loquantur , &
Latinè & Gallicè ... Aquitania Graca fe jactat
origine. D. Hieron. Prolog. in lib . 2. Commentar.
in Epiftol. ad Galatas , cap. 3.
Joach. Perionius , Henri Eftienne & d'autres
ont fait des Traités de la conformité de notre Langue
avec le Grec .
(2 ) Quelques Ecrivains , comme Borel & l'Auteur
de la Préface du Dictionnaire Etymologique ,
vont plus loin , & difent que ces Germains ( que
l'an nomme Celtes & l'autre Françons ) le font
répandus dans toutes les Gaules, & y ont mêlé leur
Langage à celui des Gaulois , d'où s'eft formé celui
qu'on parloit du temps de Jules Céfar . Cette opi
J. U I N.
1757.
197
fans doute influé parmi eux , du moins
parmi ceux du nord ; & cela patoît d'autant
plus vraisemblable , qu'encore à préfent
la Langue Flamande approche fort de
celle des Allemands. On prétend même
qu'une partie de certe Belgique , que les
Romains nommoient premiere & feconde
Germanie , employoient vulgairement le
Tudefque , (1 ) premiere époque de la divifion
de ces contrées en Flandre Wallone
ou Gauloife , & en Flandre Teutonique,
Mais où chercher aujourd'hui des traces
plus fenfibles de ces antiquités ? En
croirons- nous ceux qui affurent que le patois
de la baffe Bretagne , fort femblable à
celui du pays de Galles en Angleterre, n'eft
autre chofe que le Celtique appauvri
maintenant par le défaut de culture &
d'exercice dans les fciences ? Le Flamand ,
le Hollandois font -ils véritablement dérivés
du langage des Belges feptentrionaux ?
Les Bafques , qui ont une Langue particu
TO 说23
nion paroît outrée , les Gaulois n'ayant jamais été
véritablement affujettis que par les Romains.
( 1 ) Fauchet , liv. de l'Origine de la Langue
Françoife , chap . 3 , fur la fin.
M. Pelloutier , dans fon Hiftoire des Celtes ,
prétend que la Langue,des Germains étoit con
forme en beaucoup de chofes à celle des Gaulois .
M. Schaphlin , dans fon Livre intitulé , Vindicio
Celtica , foutient tour le contraire. myrtles
1
E VI
108 MERCURE DE FRANCE.
liere , qui paroît être très- ancienne , peu
vent- ils nous donner quelque idée de celle
des Aquitaniens ? Il ne faudroit pas s'étonner
des différences qui fe trouvent préfentement
entre toutes ces Langues , ni des
variations qu'elles ont éprouvées en ellesmêmes.
C'est l'effet de la fucceffion des
temps , de la feparation de ceux qui les
parloient , ou de leur réunion avec d'autres
peuples. Mais qui connoîtroit affez ces
divers idiomes , pour les comparer avec
notre vieux François , y découvriroit- il des
reffemblances & des analogies qui décéle
roient une même origine ? Je ne crois pas
que les Sçavans qui ont difcuté celle de
notre Langue , aient pouffé leurs connoiffances
jufques- là. ( 1 ) Avant que de nous
décider fur l'utilité qu'on en pourroit tirer,
fuivons les révolutions que le langage des
(1 ) On trouveroit bien des facilités pour acquérir
ces connoiffances. Emmanuel , Poza , Ohenart
, & le Pere Moret , Jéfuite , ont compofé
divers Traités fur la Langue Bafque. Les Anglois
ont fait des Dictionnaires & une Grammaire de la
Langue du pays de Galles. Il y a auffi un Dictionnaire
bas-Breton , par le P. de Roftreren , Capucin ;
& les Journaux nous en ont annoncé un nouveau
qui commence à paroître , compofé par Dom le
Pelletier , de la Congrégation de S. Maur , don't
l'édition eft dûe aux foins de Dom Taillandier ,
d'Arras , qui en a fait la préface
JUI N. 1757. 109
Gaulois a fubies , & voyons ce qu'il eft devenu
.
La fameule conquête des Gaules , par
Jules Céfar , eft l'événement qui fe pré
fente le premier dans cette recherche . Les
rapports qu'on eut alors avec Rome , le
fervice dans fes armées , l'étude de fes
loix , le commerce , la fréquentation de la
cour des Empereurs ou des Gouverneurs ,
la pourfuite des affaires , & mille autres
circonftances , obligerent les Gaulois , furtout
les principaux de la nation , à s'inf
truire du Latin. La plupart des Sçavans, dégoûtés
des leçons myftérieufes des Druides,
ne s'adonnerent plus qu'aux lettres Romaines
, & commencerent à rédiger leurs compofitions
par écrit. Ainfi le Latin pénétra
peu à peu dans le pays , & y mêla néceffairement
une partie de fes locutions à celles
des vaincus. Les Romains avides de dominer
en tout , firent eux-mêmes des efforts
pour l'y établir . Ce peuple impérieux ,
non content d'impofer le joug
entier , vouloit encore l'affujettir à fa Langue.
( 1 ) Les écoles qu'ils fonderent à Lyon
au'n
Depuis la compofition de ce Difcours , on nous
promet encore les Mémoires de M. Bullet fur la
Langue Celtique , qui feront fuivis d'un Dictionnaire
de la même Langue.
1.) Opera data eft ut imperiofa Livitas no
110 MERCURE DE FRANCE.
& à Toulouſe , n'eurent point d'autre but ;
& ces académies devenues rivales de celle
qui illuftroit depuis long- temps Marfeille ,
acquirent bientôt une réputation éclatante.
L'éloquence des Gaulois , qui avoient déja
donné un maître de réthorique à Célar &
à Ciceron , ( 1 ) fe rendit célebre dans tout
l'empire ; ( 2 ) & les fciences, au rapport de
Juftin , furent cultivées chez eux avec tant
de fupériorité , qu'il fembloit que la Gaut
le fe fût tranfportée au milieu de la Gre,
ce. (3 )
Un autre événement beaucoup plus
heureux , contribua encore à y mettre en
crédit le goût de la Latinité. Ce fut l'établiſſement
du chriftianifme. L'ufage qui
s'introduifit dans l'occident, de célébrer en
folumjugum , verum etiam Linguam fuam domitis
gentibus imponeret. D. Aug. de Civit . Dei , L. 19 ,
ch. 7.
(1 ) Le Rhéteur Goyphon.
(2 ) Gallia Caufidicos docuit facunda Britannos.
Juvenal , Satyr. 15. Gallicana factus
A
requiro. Symmachus , liv. 9 , Epift. 83. Quod nune
Oratorum fertiles ( Galli ) funt , non tam ad regio
nis diligentiam , quàm ad Rethoricorum clamorem
pertinet. D. Hieron . Loco citat . Viris fortibus &
eloquentiffimis Gallia femper abundavit. Idem , lib.
Adverfus vigilantium .
(3 ) Adeo magnus hominibus , & rebus ima
pofitus eft nitor, ut non Gracia in Galliam émigraffe,
fed Gallia in Graciam tranflata videretur. Juftin.
JUIN. 1717.
IF
"
Latin tous les offices de l'églife , accoutuma
les eccléfiaftiques à regarder cette Langue
comme la leur propre , & ils en vinrent
dans la fuite jufqu'à s'en fervir dans leurs
cathéchifmes & leurs prédications.
Cependant le langage national fubfiſta
toujours ; mais il fe maintint avec plus de
vigueur dans les endroits où les Romains
eurent moins d'autorité , par conféquent
dans la Belgique & dans nos contrées . La
Gaule Narbonoife , l'Aquitaine & une
partie de la Celtique , réduites en provin
ces , furent affervies à fuivre les loix & les
ufages de Rome , tandis que les Belges
fous le titre d'alliés , confervoient en liberté
leurs moeurs & leurs coutumes : c'eft ce
qui fait encore aujourd'hui la différence
des pays coutumiers d'avec ceux qui fuivent
le droit écrit. ( 1 ) Il en dut être de même, à
proportion de la Langue : mais quoiqu'elle
fe foit mieux foutenue dans certains canelle
ne laiffe pas d'être toujours la tons ,
1
( 1 ) On a fait bien des recherches fur l'origine
de notre Droit Coutumier qu'on devroit peut-être
regarder tout fimplement , ainfi que beaucoup
d'autres chofes , comme provenant des Gaulois..
Il varioit dès -lors dans chaque canton de même
qu'aujourd'hui. Le commerce des Romains , les
invafions des Barbares , les Capitulaires & les ON
donnances de nos Rois n'ont fait qu'y apporter
quelques changemens
112 MERCURE DE FRANCE.
vulgaire pour les uns , comme pour les autres.
Nous appercevons de temps en temps,
chez les anciens Auteurs, des traces de fon
exiſtence . Dans un panégyrique , que Pacatus
prononça devant Théodofe , il s'excufe
de ce qu'étant Gaulois , & accoutumé
à fa Langue maternelle , il avoit peu d'habitude
du Latin , quoique né pourtant en
Aquitaine. S. Jérôme retrouvoit parmi les
Galates, au fein de l'Afie , le même idiome ,
à peu près , que celui des Trévires , habitans
de la Belgique . ( 1 ) Ce pere , qui avoit
vécu dans les Gaules , s'explique avec éloge
fur la Langue qu'on y parloit , & rend témoignage
de fon abondance & de fa polireffe.
( 2 ) Pourroit- on penfet, après l'atteſtation
d'un homme fi éloquent , que le
langage de nos ancêtres , déja vanté par
M. Caton , n'étoit qu'un jargon borné à
(1) Promiffum in exordio reddimus , Galatas ,
excepto fermone Graco , quo omnis oriens loquitur
propriam Linguam eamdempenè habere quam Treviros
, nec referre fi aliqua ex inde corruperint.
D. Hieron. prolog . citato.
(2 ) Audio te ... habere matrem x.. que...poft
ftudia Galliarum qua vel florentiſſima ſunt , mifit
Rom am ... ut ubertatem Gallici nitoremque fermonis
gravitas Romana condiret. Id. Hieron.
Epift. 95. ad rufticum.
Il y a des Traducteurs qui rendent ce mot (fermonis)
par celui d'éloquence en général.
JUI N. 1757
113
exprimer les befoins ordinaires de la fociété?
Il eft vrai qu'environ le même temps
nous remarquons , dans un dialogue de
Sulpice Sévere , ( 1 ) qu'un des interlocuteurs
craint d'offenfer , en parlant Gaulois,
les oreilles trop délicates des Aquitaniens .
Mais ils lui répondent qu'il peut s'énoncer
en Langue Celtique ou Gauloife , à fon
choix réponſe qui démontre bien qu'il
exiftoit encore des dialectes , & qu'ils
étoient familiers aux différens peuples . ( 2 )
Si dans ce dialogue la Langue eft traitée de
ruftique , cela ne fuffit pas pour détruire
l'autorité de Caton , ni de S. Jerôme. C'est
:
( 1 ) Cet Auteur vivoit encore au commencement
du cinquieme fiecle ; il mourut , à ce qu'on
croit , l'an 420 .
(2 ) Dum cogito me hominem Gallum interAquitanos
verba facturum , vereor nè offendat veftras
nimium urbanas aures fermo rufticior... vel Celticè,
aut, fi mavis , Gallicè loquere. Dialog. 1 , ch. 20.
Ce paffage eft difficile à interpréter , quant à la
diftinction des deux Langues . L'Editeur de la collection
des Hiftoriens de France , dit que la Langue
Celtique étoit celle dont on ufoit avant Parrivée
des Romains , & la Gauloife celle qui s'étoit
corrompue par le Latin. Cette explication dénuée
de toute preuve n'eft pas naturelle. Je croirois
plutôt que le Gaulois étoit la Langue commune
& la Celtique un dialecte particulier. Quoi qu'il
en foit , il réfulte toujours de cette citation qu'on
parloit encore la Langue nationale.

114 MERCURE DE FRANCE.
un fimple hommage rendu à la ſupériorité
de la Langue des Romains .
Ces conquérans n'avoient pu anéantir
l'idiome naturel pendant quatre cens ans
qu'ils gouvernerent en vainqueurs. On
doit en conclure qu'il demeura dans fon
entier durant tout le temps qu'ils furent
aux mains avec les Barbares , pour la conſervation
de cette belle partie de leur em
pire. Tout le changement qui put arrivet
alors dans la Langue, s'étendit tout au plus
à l'acquifition de quelques mots étrangers;
car on ne penfera pas que des armées de
furieux , qui paffoient comme des torrens,
y aient caufé une plus grande révolution .
Suppofer que les Huns , les Hérules & les
Vandales aient mêlé dans un fi court efpace
leur Langue à la Gauloife , c'est vouloir ,
même contre l'apparence , tirer partie de
tout pour étayer un fyftême. Voyons- nous
aujourd'hui changer les Langues pour une
guerre de plufieurs années ? Les Bourguignons
, les Vifigots s'établirent d'une maniere
plus folide. Ils ont pu répandre leur
langage dans les lieux où ils fe fixerente
mais cela ne fit aucun changement dans les
autres parties de la Gaule.
Les Francs , iffus de la Germanie , vinrent
à leur tour , & fonderent cette domination
glorieufe , qui fubfifte depuis près
JUI N. 1757.
de treize cens ans. Il y avoit alors environ
deux fiecles qu'ils s'étoient mis en poffeffion
des contrées de la Belgique voifine du
Rhin. Ces peuples inquiets & belliqueux
en fortoient fouvent pour faire des courfes
fur leurs ennemis. Šous Clodion , ils acquirent
enfin un établiſſement fixe dans la
Flandre , le Cambrefis & l'Artois , provinces
qu'on peut appeller juftement le berceau
de la Monarchie. Ils y féjournerent
plufieurs années avant que d'entreprendre
aucune invafion au- delà de la Somme.
Leur demeure en ces pays ne put qu'accréditer
de plus en plus le Tudefque , dans
les cantons où nous avons obfervé qu'il
s'étoit déja introduit : mais il ne paroît
pas qu'il ait pris le même empire , ni dans
l'Artois , ni dans le Cambrefis , non plus
que dans les autres provinces qui n'ont
rien de commun avec l'idiome des Flamands
.
Ainfi , lorfque Clovis pénétra dans les
Gaules , le gros de la nation n'y connoiffoit
encore d'autre Langue vulgaire , que
celle de fes ancêtres. C'étoit une exception
quand les Grands mêmes l'abandonnoient
dans le commerce familier ; & c'eft la con
féquence qu'on doit tirer des louanges que
Sidonius Appollinaris donnoit aux Nobles
d'Auvergne , fur ce qu'ils préféroient le
116 MERCURE DE FRANCE
Latin à leur Langue maternelle. ( 1 )
la
Clovis , Prince auffi politique que guer
rier , cimenta par la clémence le trône
qu'il devoit à fes victoires . Né dans les
camps, parmi des Barbares , & dans l'ardeur
de fa premiere jeuneffe , il fçut comprendre
que la douceur a plus d'autorité que
force , pour affurer une conquête. Il traita
avec bonté les peuples qu'il avoit foumis ,
& leur permit de conferver leurs ufages ,
leurs loix & leur Langue. Le Latin continua
toujours de dominer parmi les Sçavans
; & dans les actes publics , les Francs
eux-mêmes fe fervoient de cette Langue.
C'eſt ce que nous atteftent les diplomes de
ce temps , & les chartres de nos premiers
Rois . Ĉes Princes ne manquoient guere de
s'inftruire d'une Langue dépofitaire de tous
leurs intérêts ; quelquefois même ils la cultivoient
avec foin , comme Fortunat le dit
de Charibert. ( 2) Chilperic alla plus loin.
Il fit des hymnes , & compofa des offices
pour l'églife. L'on parloit donc alors , &
on parla long - temps depuis dans les Gaules
trois Langues différentes : le Latin ,
(1 ) Epift . ad Hecdic. lib . 3. Il mourut en 482
un an après l'irruption des Francs.
(2) Cum fi progenitus clara de gente Sicamber,
Floret in eloquio Lingua Latina tuo.
JUIN. 1757. 117
parmi les lettrés, & chez les gens d'affaires ;
le Tudefque , entre les Francs , & dans
l'ufage ordinaire de la cour ; le Gaulois ,
chez le reste de la nation .
Ces trois Langues ufitées en même temps
dans un même royaume , n'ont rien qui
doive paroître furprenant. Encore aujourd'hui
, dans plufieurs de nos provinces , on
voit courir des patois populaires , qui ne
s'y mêlent point avec l'idiome dominant.
Je ne nie pourtant pas que les trois Langues
ne fe foient prêté l'une à l'autre bien
des locutions , & qu'il ne foit entré par-là
quelque partie de Tudefque dans l'ancien
Gaulois , beaucoup moins cependant qu'il
n'y étoit entré de Latin , parce que les Francs
ne s'attacherent pas , comme les Romains ,
à faire régner leur jargon groffier , qui n'étoit
utile , ni pour l'églife , ni pour le barreau
, & dont ils ne faifoient eux -mêmes
aucun cas . L'idée que le Moine Otfrid
nous en donne dans fa préface fur les évangiles
, ( 1 ) eft en effet bien différente de
celle que Caton avoit de la Langue des
Gaulois .
Les chofes refterent en cet état tant que
les Rois de la Maiſon Mérovingienne regnerent
fur la France . Une autre Maiſon ,
(1 ) Rapportée par Fauchet, liv. 1 , de l'Origine
de la Langue Françoife , chap. 3.
118 MERCURE DE FRANCE.
s'étant élevée fur leurs ruines , s'empara
des rênes du gouvernement ; & Pepin ,
après avoir ufurpé, à l'exemple de fon pere,
toute l'autorité royale , fe faifit enfin de la
couronne. Sous fon regne , comme fous les
précédens , fi nous en croyons Fauchet , le
Gaulois étoit la Langue commune en-deçà.
de la Meufe , & le Tudefque au - delà ( 1) .
Mais c'est trop borner le cours de cette derniere
Langue que les Francs avoient apportée
avec eux , & répandue dans la Gaule.
Il fuffit que pendant près de trois fiecles
elle n'ait point anéanti l'autre.
Dans ces temps d'ignorance & de défordre
, les Langues vulgaires s'appauvrirent
plus que jamais , & dégénérerent infenfiblement.
Des hommes , uniquement occupés
du tumulte de la guerre , n'étoient pas
propres à leur donner de l'éclat. Charlemagne
monta fut le trône , & l'Europe
entiere changea de face. Ce Prince d'un
génie vafte & fublime , peu content des
triomphes qui faifoient retentir fon nom
jufques dans l'orient , entreprit de reffufciter
les fciences, & voulut porter leur empire
auffi loin que le fien. Au milieu des travaux
d'un conquérant & d'un légiflateur ,
il trouva , comme avant lui Jules Céfar
( 1 ) Ibid. in fin.
JUIN. 175721
7
des heures qu'il donna à l'étude de la
Grammaire , & en commença lui- même
un Traité , ( 1 ) où il réduifoit fa Langue
Tudefque en principes. Mais bientôt après,
laffé de l'idiome maternel , il fe livra tout
entier à fon goût pour les Langues étrangeres.
( 2 ) De fon temps , & fous Louis le
Débonnaire , fon fils , ( 3 ) le Latin prit une
telle faveur , qu'on prétend qu'il devint le
langage de la cour , comme il avoit été juf
ques - là celui des eccléfiaftiques & des
de lettres ,
gens
Ce coup fut peut- être le plus funefte
que la Langue Gauloife ait reçu . Réléguée
chez le plus bas peuple , il ne lui reſta que
les dictions néceffaires au commerce de la
vie ; & le mépris qu'on en eut, la fit traiter
de ruftique . Je hazarderai ici une conjec
ture finguliere. Cet aviliffement même
n'auroit-il pas fervi du moins à la mainte
nir dans fon caractere originaire ? Ce n'eft
guere fur l'élocution de la populace , ni
parmi les ignorans , que l'ufage exerce fes
(1) Inchoavit & grammaticaṁ patriï fermonis.
Eginh . du Chefne , L. 2 , p. 103.
(2 ) Peregrinis Linguis edifcendis operam dedit ,
in quibus Latinam ità didicit , ut aquè illâ acpatriâ
linguâ orare effetfolitus. Eginhard.
(3) Latinam Linguam ...ficut naturalem aqualit
er loqui poterat . Thegan, ch. 19.
120 MERCURE DE FRANCE.
tée
caprices; & les Langues les plus négligées,
font fans doute les moins fujettes aux variations.
Il est
vraisemblable que ce peuple
, qui l'eut en dépôt , l'a confervée fidélement
; car il continua toujours de la parler
, & jamais le Latin ne fut affez à ſa
porpour
qu'il pût l'employer comme Langue
vulgaire. Il l'entendoit fi
peu, que les
ordonnances enjoignirent aux prêtres d'enfeigner
leurs auditeurs dans la Langue
qu'ils fçavoient. ( 1 ) Et à la fin du regne
de Charlemagne , en l'année huit cens treize,
le troifieme Concile de Tours ordonna,
dans un de fes Canons , que chaque Evêque
feroit traduire les homélies en Langue
Ruftique Romaine ( c'étoit la Gauloife
comme je le prouverai tout à l'heure ) ou
en Langue Tudefque , afin que les inftructions
puffent être entendues de tout le
monde. (2 )
Ce Canon indique bien les trois Langues
qui étoient d'ufage en France. Il diftingue
expreffément la Ruftique Romaine d'avec
(1 ) Nullus fit Prefbyter qui in Ecclefia publicè
non doseat Linguâ quam auditores» intelligant,
Capitul. ch. 1852 .
(2) Eafdem homilias quifque Epifcopus apertè
transferre ftudeat in rufticam Romanam Linguam
aut Theotifcam , quo facilius cuncti poffint intelligere
que dicuntur. Can, 18.gad
le
JUIN. 1757. 121
le Latin , puifqu'il étoit queſtion de traduire
du Latin en cette Langue ; & il eſt
certain d'ailleurs que c'étoit la vulgaire.
Outre que ce fait eft reconnu partout, nous
en avons la preuve formelle dans la vie de
S. Adelart , mort en huit cens vingt - fix , où
fon hiſtorien S. Pafchaſe Ratbert , le loue
d'avoir bien parlé la Langue populaire ,
fçavoir la Romaine. ( 1 ) Quelquefois cet
idiome étoit fimplement défigné fous le
nom de Ruftique , ( 2 ) mais plus fouvent
fous celui de Romain ; & c'eft delà qu'on
a tiré l'époque de ce langage , que nos Anciens
appelloient Roman : car ils traduifirent
ainfi l'expreffion latine , qui fignific
Langue Romaine .
La plupart la diftinguent du Gaulois ,
qu'ils nomment Gallon ou Wallon , ( 3 )
comme nous nommons encore l'idiome de
certains cantons des Pays- Bas , & même
( 1 ) Quòd fi vulgari , id eft , Romanâ linguâ
loqueretur , omnium aliarum puteretur inſcius.
Bolland. Januar. tom. I , p. 116 , num. 42.
(2 ) Scriptores id fe ruftico fcribere dicebant , ut
qui ad rufticorum feu popularium fermonem proximè
accederet. Gloff. de Ducange , prafat. p. 29 ;
édit . 1733 .
(3 ) On a dit Galli pour Walli , Guilleaume
pour Willam , Guetter pour Wetter. Les Gaulois
& même les anciens François employoient l'w an
lieu du g.
II: Vol. F
122 MERCURE DE FRANCE.
celui du peuple en Artois . Mais les uns regardent
le Gaulois comme éteint par ce
Roman ; les autres les font fubfifter enfemble.
Les deux parties confiderent le Roman
comme une Langue nouvelle , qui fe forma,
difent- ils , vers ce temps - là , ou même
auparavant, & qui étoit prefque toute tirée
du Latin. Remarquons , en paffant , que
dans l'un de ces fyftêmes on compte quatre
langages différens , qui avoient cours dans
un même pays.
C'est ici que je commence à m'éloigner
davantage de ceux qui ont agité cette matiere
; & je crois qu'il y a de l'erreur dans
l'une & dans l'autre de leurs opinions , où
il regne une confufion qui les jette fouvent
en contradiction avec eux - mêmes. Le Ruftique
Romain , ou , fi l'on veut , le Roman
dont parle le Concile de Tours , ne
doit pas , à ce qu'il me femble , être diftingué
de l'ancien Gaulois. Le nom de Romain
en a impofé . On a cru qu'une Langue
Romaine , traitée de Ruftique , ne
pouvoit être qu'un Latin corrompu. Et
comme une femblable idée ne convenoit
pas aux Gaulois , il a fallu l'appliquer à
cette Langue Romanfe , qu'on a fuppofé
différente, & dont la dénomination répondoit
à ce que le Latin du Concile appelle
Langue Romaine.
JUIN. 17$ 7.
123
Mais fi on avoit voulu y prendre garde
de plus près , on auroit fenti que ces termes
de Langue Romaine , dans le Latin de ce
temps- là , ne défignoient pas une Langue
dérivée de celle de Rome. D
En effet le Canon , comme j'ai dit , en
parle par oppofition au Latin ; & il eft
prouvé que c'étoit l'idiome populaire.
Pourquoi donc le Concile lui donne- til
le nom de Langue Romaine ? c'eft ce qu'il
eft aifé d'expliquer
pes
7 12
Tous les Hiftoriens & les Sçavans nous
apprennent que les Francs , lorfqu'ils entrerent
dans les Gaules , confondirent. les
Gaulois avec les Romains. C'étoient deux
peuples réunis , fujets d'un même empire ,,
qui fuivoient les mêmes enfeignes, & fou-.
tenoient les mêmes intérêts. Les Francs
qui les eurent en même temps àcombattre,
ne les confidérerent que comme une feule,
nation , & les comprirent tous également
fous le titre de Romains ; ce qui paffa fi
fort en ufage , que long-temps après on ne
diſtinguoit encore un Gaulois d'un Franc
que par ce nomde Romain ( 1 ) . La Gaule
i
(1 ) Si Romanus Francum ligaverit fine caufà
MCC. den qui faciunt folidos xxx , culpabilis judicetur.
Si verò Francus Romanum ligaverit fine
caufâ DC. den. qui faciunt folidos. xv. culpabilis
judicetur, Loi Şalique, tit . 37. Nè quis Britannum
Ten Fij

124 MERCURE
DE FRANCE.
même , conquife par les Francs , fut nommée
France Romaine ( 1 ) ou Romanie , &.
conféquemment le Gaulois , Langue Roinaine.
(2 )
Cette dénomination ne fouffre aucune
équivoque chez nos anciens Auteurs . Elle
étoit tellement affectée à la Langue vulgaire
, que jamais ils ne l'emploient pour
fignifierla vraie Langue des Romains , qu'ils
appellent toujours de fon propre nom Langue
Latine . Si cette vulgaire avoit été un
compofé de l'autre , il n'eft pas poffible
qu'ils ne l'euffent appellée quelquefois
Latin corrompu ou Latin ruftique . Mais
aut Romanum in Armerico fine Metropolitanorum.
comprovincialium voluntate aut litteris Epifcoporum
ordinare prafumat , 2 Conc . de Tours tenu en 567 :
Voyez auffi l'Abrégé Chronol , de Mézeray , Reg .
de Clovis,
(1 ) Francium quam Romanam vocant. Luithprand.
1. 1 , ch. 6. Ludovicus Rex Galliæ Romanæ,
filius Caroli , Supplem . regi non.
(2) Linguam ... Romanæ nomine dignatur ,
quia nimirum in Romanis Provinciis vulgo utcumque
terebatur , quas Romaniam Franci vocabant ,
fortunato tefte ad Chilpericum : Hinc tibi Barbaries
illinc Romania plaudit , Differtat . de Marquard. Freher, rapportée dans la collection des Hiſtoriens
de France , t , 7. Voyez auffi Fauchet , 1. de la
Langue Françoife , ch. 3 & 4. Pafqujer , Rech. de
la Fr. 1. 8 , ch. 1 .
Les Vifigots appellerent auffi l'Eſpagnol , Lan- »
gue Romaine , parce que les Efpagnols étoient
fujets des Romains,
JUIN. 1757. 125
$
ils fe font bien gardé d'ufer de cette expreffion
, & ne l'ont jamais confondue avec
celle de Langue Romaine , qui eft demeurée
fpécialement affectée à la Gauloife .
Cette Langue avoit pourtant , comme
nous l'avons avoué, participé beaucoup du
Latin mais cela n'empêchoit pas qu'elle
n'en fût encore fort différente , puifque ,
fuivant le témoignage du Concile , ceux
qui parloient l'une , entendoient très - peu
l'autre. C'étoit toujours la Langue naticnale
& primitive , quoiqu'altérée par une
Langue étrangere , & dégradée par le défaut
d'exercice .
Le Gaulois ne fut donc pas détruit , &
le Roman ne fut autre que le Gaulois . Il
eft vrai qu'on en a fait depuis quelque différence
: mais ç'a été long- temps après l'époque
dont nous parlons ; & lorfque la
Langue vulgaire s'étant peu à peu relevée
dans le douzieme fiecle , il fe forma dans
la fuite deux nouveaux dialectes , dont l'un
fut appellé Gallon , & l'autre Roman ( 1 ).
N'abulons pas des Auteurs Latins qui ont
écrit auparavant , & qui parlent indifféremment
de Langue Gauloife ou de Langue
Romaine , termes fynonymes , qui ne
(1 ) Je crois , comme je le dirai ci - après , que
cette diftinction ne s'eft faire que depuis le regne
de Louis le jeune,
Fiij
126 MERCURE DE FRANCE.
répondent nullement à la diftinction qui
s'eft faite depuis entre le Gallon & le Roman.
Recourons aux actes . Le Concile de
Tours , l'Hiftoire même , ne font mention
que d'une feule Langue pour les Gaulois ;
car le Tudefque étoit pour les Francs. Et
compterons- nous deux où nous n'en trouvons
qu'une ? Mais , dira- t'on , cette Lan
gue n'étoit plus le Gaulois . Je crois bien
encore un coup qu'il étoit fort défiguré :
mais étoit- ce un tout autre langage , qui
n'eût plus celui - ci pour fondement princi
pal ? Il faudroit , pour le perfuader , des
preuves bien pofitives. L'extinction d'une
Langue , la création d'une autre , ne font
pas des faits qu'on admette aifément . Aucun
Hiftorien des temps dont il s'agit , ne
dépofe de la deftruction du Gaulois ; &
ceux qui parlent d'un langage ruftique ou
romain , ne l'annoncent jamais comme
nouveau . Sommes - nous en droit de foutenir
que ce n'étoit pas l'ancien ?
Les Sçavans ont rencontré un autre embarras
dans deux actes que Nithard nous a
confervés. C'eſt à fçavoir le ferment què
Louis, Roi de Germanie, prêta à Charles le
Chauve, en Langue Romaine, & celui que
les gens de Charles prêterent à Louis ( 1 ) .
(1 ) Voici ces fermens fuivant le texte de Nithard
, 1.3 , dans la collection des Hiftoriens de
France : les mots entre parentheſes font ceux qui
JUI N. 1757. 127
Ce monument , le plus antique que nous
connoiffions d'un langage vulgaire, a part
tellement mêlé de Latin , & fi peu propre
à donner une idée du Gaulois , qu'on l'a
pris pour un exemple du Roman , & pour
de leur différence .
la
preuve
Il faut convenir que dans ces fermens il
y a bien des mots qui fe reffentent du Latin,
même pour la terminaifon : mais d'autres
n'y ont aucun rapport ; & il s'en trouve
quelques- uns d'incertains , dont on peut
nier l'étymologie latine. L'e féminin est
fe trouvent changés dans le texte donné par Marquard
Freher , & rapporté dans la même coll . t. 7.
Serment de Louis : Pro Deo ( don ) amur , é
pro Chriftian. poblo , & noftro commun Salvamento
( Salvament. ) Dift . di in avant , in quant Deus
Savir & podir ( potir ) me dunat , fi Salvareio
( Salvaraico ) cift. ( ceft ) meon fradre Karlo ,
in adjudha , & in cadhuna cofa , fi cum om ( hom )
per dreit fon fradre Salvar dift in ò quid il mi *
( imi ) altre fi fazet ( faret ) , & ab Ludher ( ab
Ludher ** ) nulplaid numquam prindrai , qui meon
vol cift meon fradre Karle in damno fit.
Sermens des gens de Charles : Si Lodhuvigs
( Lodwigs ) Sagrament ( Sacrament ) que fon
fradre *** Karlo **** jurat , confervat , Karlus
meos ( meo ) fendra ***** de ſuo par non Lo Stanit
( Los tanit ) , fi io returnar non l'int pois , ne io ne
veuls ( neuls ) cui eo returnar int ( nit) poit , in nulla
ad Judha contra Lodwig nun Li iver.
* Fanchet, Loco citato , écrit : il un. ** Lothaire , Luther.
*** Fauchet écrit frade , & ailleurs frada **** . Il écrit
ici Karle ***** & ici Sendr.
> Fiv
128 MERCURE DE FRANCE
>
employé dans plufieurs de ces mots ( 1 ) ,
quoiqu'un Ecrivain de réputation en ait
fixé l'origine dans un temps bien poftérieur
( 2 ) . Il eft d'ailleurs fort poffible que
le ſtyle de ces actes fe foit beaucoup plus
approché du Latin , que le langage ordinaire
du peuple. Ils étoient l'ouvrage des
deux cours qui , depuis Charlemagne ,
aimoient à pailer une Langue fçavante. Je
remarque encore que , dans quelques manufcrits
, les mots tiennent plus du Latin ,
que dans les autres. Le nom de Charles y
eft écrit de trois manieres différentes , dont
une feule eft Françoife ; les deux autres ont
une terminaifon latine ( 3 ) . Au lieu de
podir ( pouvoir ) , qui fe trouve dans un
manufcrit , & qui n'eft aucunement Latin,
on lit ailleurs potir , qui l'eſt davantage .
Salvarai ( je fauverai ) , premiere perfonne
du futur , & bien remarquable ici , puifqu'elle
fe termine comme dans nos conjugaifons
actuelles , eft défiguré totalement
dans un autre texte. Salvareio , frade ou
fradre a été changé en fradra , & Sendr
( Seigneur ) en Sendra. Enfin le mot falvament
( falut ) , a été décoré par undes copif-
(1 ) Altre, Karle , & peut- être fradre ou frade.
( 2 ) Le Pere Bouhours , Entretien d'Arifte &
'd'Eugene.
(3) Karle , karlo , karlus .
JUIN. 1757 . 129
tes de l'o final , falvamento. En comparant
plufieurs manufcrits, on appercevroit d'autres
changemens . C'eſt ainfi que dans certaines
mains tout prenoit de plus en plus
un air de Latinité, qui n'étoit pas vraifemblablement
dans la bouche du peuple ( 1 ).
Je laiffe à juger , comme on voudra , de
ces réflexions : mais qu'on ne perde pas de
vue que c'eft fur ce monument unique
qu'on a décidé du fort de notre Langue .
Dix ou douze lignes mal copiées , voilà ce
titre qui a fait fuppofer l'anéantiffement du
langage originaire d'une nation.
(1 ) Plufieurs ont cru reconnoître dans ces fermens
l'idiome des pays d'au -delà de la Loire ;
d'autres le Provençal ou le Catalan , tous dialectes
qui devoient fe reffentir du Latin beaucoup plus
que les autres.
La fuite pour un autre Mercure .
CHIRURGIE.
MEMOIRE préfenté à Mefſicurs de l'Académie
royale de Chirurgie , touchant un
Trépan coronnaire 3 par M. J. Sedillier
Maître en Chirurgie à Laval.
UNE fille , âgée de vingt- deux ans , reil
y a environ fept ans , un violent
çut ,
Fy
130 MERCURE DE FRANCE .
coup de pomme à la partie moyenne de l'os
fternum . Etant obligée de gagner fa vie ,
elle négligea les remedes généraux qui euffent
été capables de prévenir le féjour des
liqueurs dans cette partie ; & il s'y forma
quelque temps après une tumeur confidérable.
Le Chirurgien qui fut appellé , jugeant
la tumeur à maturité , par la flucnation
qui s'y faifoit fentir , en fit l'ouverture
; & n'ayant pas porté fes vues au- delà
des tégumens , il fe contenta d'en faire le
panfement , comme d'une plaie fimple :
cependant le pus qui avoit pénétré jufques
fur le médiaftin dans la poitrine , ne trouvant
point d'iffue pour s'évacuer , cette
plaie dégénéra en un ulcere fiftuleux ; &
cette pauvre fillé , ennuyée d'un panfement
long & infructueux , prit le parti de fe
tranfporter à l'Hôpital qui m'étoit confié.
Après lui avoir fait raconter la caufe & les
circonftances de fon accident , j'examinai
la plaie ; & ayant apperçu un trou ou finus
à paffer un ftylet fur le médiaftin , je le
promenai en tout fens , fans. rencontrer
de réfiftance dans une circonférence de
plus de vingt lignes : fur cette indication
, je jugeai qu'il y avoit du pus épanché
entre le médiaftin & le fternum , qui
ne pouvoit être évacué que par l'application
du trépafi coronnaire fur cet os ; & je
}
JUIN. 1757. 131
portai un pronoftic favorable à la malade ,
fi elle vouloit fouffrir cette opération : cependant
ne voulant point me charger fcul
du fuccès , j'appellai Meffieurs les Médecins
& Chirurgiens dudit Hôpital , pour
m'aider de leurs lumieres. Je répétai en
leur préfence la même manoeuvre avec mon
ftylet fur le fternum , & leur fis voir qu'on
ne pouvoit donner iffue au pus épanché
fous le fternum , fans en venir à l'opération
du trépan. Tous ces Apparens , d'une
commune voix , & bien contens d'opiner ,
pour une cure palliative , que cette opération
n'avoit été jamais pratiquée , fe retirerent.
Cette malade , chagrine de voir fa
plaie jugée incurable , fe détermina , au
bout de quelque temps , à fouffrir l'opération
, au moyen de laquelle je lui promis
une entiere guérifon . Je me contentai de
prendre mon Garçon avec moi ; & après
avoir fait une incifion cruciale aux tégumens
, j'appliquai mon trépan à la partie
de l'os fternum , où il fe joint avec les
côtes ; au moyen duquel j'enlevai une
partie de cet os en préfence de Madame
Lobiniere , Religieufe de la falle , & de
quelques malades de l'Hôpital . L'opération
étant faite , il fortit dans l'inftant , par
l'ouverture que je venois de pratiquer, environ
une once de pus affez louable , mêlé
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
d'un peu de fang ; après quoi j'apperçus le
médiaſtin qui me parut avoir quelques rugofités
caufées apparemment par le long
féjour du pus fur cette partie ; elle avoit
un mouvement alternatif qui répondoit
parfaitement au fiftole & diastole du coeur.
La fievre étant furvenue à la malade , je
lui fis plufieurs faignées ; je réitérai des lavemens
& une diette pendant le panfement
qui fut le même que celui du trépan
au crâne il fe fit quelques exfoliations ;
& au bout de trois mois la plaie s'eſt trouvée
parfaitement cicarrifée . Depuis ce
temps - là cette fille fe porte bien . Elle s'eft
mariée à un Cloutier de notre Ville , & a
eu des enfans . Elle ne me rencontre jamais
dans les rues , qu'elle ne me témoigne
la plus vive reconnoiffance.
J'ai cru , Meffieurs , cette opération affez
intéreffante pour mériter d'avoir place dans
vos Archives.
JUI N. 1757• 133
ARTICLE IV.
BEAUX- ARTS.
ARTS AGRÉABLES.
MUSIQUE.
PIECES de clavecin , compofées par J. H.
Fiocco, Maître de Mufique de l'Eglife Cathédrale
d'Anvers , & ci - devant Maître de
la Chapelle Royale de Bruxelles . OEuvre
premier. Nouvelle Edition , revue , corrigée,
augmentée & notée felon la tablature
la plus reçue des grands Maîtres . Se trouvent
à Paris, aux adreffes ordinaires . Prix ,
6 liv.
Le nom de l'Auteur fait l'éloge de ces
Pieces , & nous difpenfe d'en dire davantage
.
M. J. B. Dupuits des Bricettes , Directeur
& Profeffeur de l'Ecole publique de
Mufique , où l'on donne tous les jours
( excepté les Dimanches & Fêtes ) des leçons
dans les différens genres , & trois fois
134
MERCURE
DE FRANCE
.
la femaine des concerts , pour apprendre
l'enſemble , & à aller de mefure , vient de
mettre au jour la premiere partie de fon
Cours de Leçons concernant la vocale .
Cette méthode differe entiérement de celles
qui ont parues jufqu'à ce jour , & eft
également propre à ceux qui ne fe deftinent
que pour la Mufique inftrumentale ,
étant indifpenfablement néceffaire pour
ceux- ci d'avoir une connoiffance de la vocale
, pour parvenir à bien accompagner .
On trouvera cette méthode & tous les ouvrages
fuivans aux adreffes ordinaires , &
chez l'Auteur, rue du Bout du monde , chez
le fieur Arnault , Sellier.
Premier oeuvre. Principes pour la vielle ,
avec des pieces & fonates La premiere
partie , 6 liv. la feconde & la troifieme ,
4 liv. 10 f. piece. enſemble , 12 liv .
Second oeuvre. Six fuites d'amuſemens
en duo , pour les vielles , hautbois , flûtes ,
&c. Chaque partie , 1 liv. 4 f. enſemble ,
6. liv.
Troisieme oeuvre. Sonates pour le clavecin
, avec accompagnement de vielle , 6
liv.
Quatrieme oeuvre. Sonates ou fuites à
deux vielles , 6 liv.
Cinquieme oeuvre. Pieces de caracteres
pour la vielle , 9 liv.
JUI N. 1757: 135
Sixieme oeuvre . Premiere , feconde, troifieme
, quatrieme , cinquieme & fixieme
parties des mille & une bagatelles . Chaque ,
1 liv. 4 f. enſemble, 6 liv.
Septieme oeuvre. Six cantatilles . La Jeuneffe,
D. Pan & Syrinx , D. Le Printemps,
D. L'Inconftance , D. Chaque , 1 liv. 4 f.
enfemble , 6 liv.
Huitieme oeuvre . Sept , huit , neuf , dix ,
onze & douzieme partie des bagatelles ,
6 liv.
10
Neuvieme oeuvre . Six cantatės . Le Retour
de Mars , 2 liv. i f. Le Bouquet , Fliv.
Le Retour de Thémire , i liv. 10 f. Les
Plaifirs de l'Hymen , 1 liv. 16 f. enſemble ,
9 liv.
Dixieme oeuvre. Treize, quatorze, quinze
, feize , dix- fept & dix-huitième parties
des bagatelles , 6 liv .
Onzieme oeuvre . Recueil des menuets
exécutés aux Comédies Françoiſes & Italiennes
, 3 liv. 10 f.
Douzieme oeuvre. Dix- neuf, vingt, vingtun
, ving- leux , vingt- trois & vingt - quatrieme
partie des bagatelles , 6 liv.
Treizieme oeuvre . Premier livre de menuets
pour les bals , 3 liv. 10 f.
Quatorzieme oeuvre . Sei fonate per il
flauto folo , premier livre , 3 liv. 12 f.
Quinsieme oeuvre . Vingt-cinq, vingt- fix,
I
136 MERCURE DE FRANCE.
vingt-fept , vingt - huit , vingt-neuf & trentieme
partie des bagatelles , 6 liv.
Seizieme oeuvre. Trietti per due violini
e cimbalo , premier livre , 4 liv . 10 f.
Dix -feptieme oeuvre. Six fonates pour
deux violoncelles , premier livre , 3 liv.
12 f.
I
Dix-huitieme oeuvre. Concert en duo
pour les violons , flûtes , hautbois , donné
fous le titre de Récréations . Chaque, 1 liv .
f. Enſemble , 6 liv. 4
Dix- neuvieme oeuvre. Cours de leçons ,
ou Nouvelle Méthode de mufique , premiere
partie , 6 liv.
Le public paroiffant reprendre du goût
pour la guittare , on lui propofe un Livre
par foufcription. La premiere partie contiendra
les regles de l'accompagnement par
mufique & par tablature , fuivant un fyftême
plus court & plus facile que ceux qui
ont paru . La feconde , un choix des meilleurs
morceaux connus , ajuftés pour cet
inftrument . Chaque foufcription , qui fe
payera d'avance , fera de 12 liv. Ceux qui
n'auront pas fouferit , payeront 18 liv.
Elles fe délivreront chez M. Dupuits des
Bricettes , jufqu'à la fin d'Août. Ce Livre.
paroîtra au mois de Janvier 1758 ; & fi le
nombre des foufcripteurs , qui eft fixé à
deux cens , n'eft pas rempli , on rendra
l'argent au mois de Septembre 175 7.
JUIN. 1757. 137
E
GRAVURE.
Le fieur Chenu a mis au jour une nouvelle
Eftampe intitulée , le Repos , d'après
Teniers. Il l'a dédiée au fieur le Bas , dont
il eft le digne éleve. Elle fe vend chez l'Auteur
, rue de la Harpe , à côté du paſſage
des Jacobins.
Le fieur d'Heuland , Deffinateur & Graveur
du Roi , pour la marine , vient de
donner au public le Plan de Paris . Il nous
apprend que ce Plan de Paris , ancien , eſt
une copie fidelle d'un plan gravé de la bibliotheque
de Saint Victor, qu'il croit unique.
Meffieurs de Saint Victor , dans la
vue du bien public, n'en ont pas voulu être
les feuls poffeffeurs ; & pour le multiplier
par la gravure , ils ont confenti avec plaifir
à le communiquer. Ils ne pouvoient le remettre
en de meilleures mains. Ce plan eſt
auffi le même que celui qui eft repréſenté
fur une tapifferie qui avoit autrefois appartenu
à la Maiſon de Guife , & dont la Ville
a fait l'acquifition , fous les prevôtés de M.
Turgos. Il eft d'autant plus curieux , qu'il
repréſente Paris tel qu'il étoit fous les regnes
de Charles V & de Charles VI , à
138 MERCURE DE FRANCE.
l'exception de quelques changemens faits
dans l'intérieur de fon enceinte , fous les
regnes fuivans.
On le trouve chez l'Auteur , rue Hyacinte
, près la porte Saint Jacques , vis- àvis
le jeu de paume. Le prix eft de 3 liv.
La Boheme détaillée en neuf grandes
cartes égales aux vingt- cinq feuilles de l'illuftre
Muller , vient de paroître chez le
fieur le Rouge, Géographe, rue des grands
Auguftins. Prix , 12 liv. On peut affurer le
public qu'il n'y a rien au deffus de cette
carte pour ce pays-là . Les officiers qui y
ont été , la connoiffent .
L'Auteur vient de donner en même
temps le véritable Plan de Wefel, avec toutes
fes fortifications, depuis 1727 , jufqu'en
1756.
Le Plan de Gueldres .
La Carte du Duché de Cleves , & du
Duché de Gueldres.
Bergue & Juliers , Electorat de Cologne.
Le Duché de Brandebourg, par de Gundling
, dreffé à Berlin.
L'Evêché d'Ofnabruck , & c .
On trouve enfin , chez lui , toutes les
cartes néceffaires pour l'intelligence de la
guerre préfente , tant impreffion de paris ,
qu'étrangere.
JUIN. 1757 . 139
THEATRE de la guerre dans les Pays- Bas,
& des environs du Rhin , depuis Bonne ,
jufqu'à fes embouchures , par les fieurs
Daumont , Nolin & d'Heuland. Cet Ouvrage
eft divifé en trois parties. La premiere
comprend les Comtés de Flandre &
de Hainaut ; la deuxieme , le Duché de
Brabant , & partie de Hollande , jufqu'à
Utrecht ; & la troifieme , le théâtre de la
guerre actuelle fur le Bas-Rhin , le tout en
cinquante-une feuilles in - 4° . dont trois
cartes générales pour fervir à les affembler.
Le prix eft de 9 liv. broché , & 12 liv.
relié , & fe trouve à Paris , chez Daumont,
Géographe & Marchand d'eftampes , rue
de la Feronnerie,
Sur les Cartes de l'Univers , par M. l'Abbé,
de Brancas.
CES Cartes ( 1 ) ne préſentent point un
fyftême & une hypothefe . L'aftronomie
eft parvenue à une trop haute perfection ,
pour qu'il ne fût pas temps de décéler l'or
dre naturel & réel de l'univers par fon plan
même , qui dans la diverfité refpective à
( 1 ) Ce précis eft de l'Auteur , dont nous avons
refpecté le profond fçavoir dans cette partie : nos
lumieres ne vont pas jufques - là.
140 MERCURE DE FRANCE.
l'état annuel du ciel , peut être étendu à
chaque année future & révolue .
Avec la même méthode qu'une Carte de
Géographie eft dreffée d'après les tables des
latitudes , des longitudes , des orientations
& diftances réciproques des villes & cités ,
qui entrent dans le fpectacle terreftre qu'elle
donne , ces Cartes en offrent un célefte ,
qui eft inſtructif, ou a été, ou fera apparent
dans le ciel , comme réel. Quelles preuves
plus détaillées & plus exactes peut- on exiger
& fournir de cette découverte , qui renverfe
tous les fyftêmes antérieurs de Cofmographie
& de Phyfique , que de préfenter
ainfi des éphémérides en figures & en
planches , d'après les calculs & les énonciations
des éphémérides ordinaires, en tables
& en chiffres, qui ne peuvent être rendues
auffi hiftoriées & inftructives en tout
détail , ni avoit cet avantage inestimable
des images fenfibles ? Une defcription n'égale
jamais celui d'un tableau & d'un portrait.
Pour réuffir à cette repréſentation fur
les traces des Reftaurateurs de l'Aftronomie,
Képler & Caffini , & pour furpaffer. leur entrepriſe
, en dévoilant le réel en place de
l'apparent , auquel ils s'étoient bornés ,
c'étoit peu de reconnoître , dans la réalité
même , la cauſe de l'apparence du cours
ciclique du foleil , & de l'épicicloïdal des
JUI N. 1757. 141
"
planetes. Leurs orbes étant compofés en
même temps de courbes feuillées & d'épicicloïdes
, il a fallu déterminer , pour tous
les temps , la pofition confécutive de la
terre , qui fait changer continuellement ,
fans retour , les rapports des fignes de l'écliptique
& des conftellations du zodiaque ,
par les mouvemens combinés en progreffons
& regreffions . La période en eft heureufement
décélée par la marche diurne ,
annuelle & féculaire de l'apogée folaire ,
qui en tire fon mouvement , & par la rétrogreffion
des points cardinaux, & des degrés
de l'écliptique à fon égard , & à l'égard.
des étoiles zodiacales , & par la variation
fucceffive de la durée réciproque des quatre
faifons , ou du cours du foleil en chaque
fegment & figne de fon orbe. J'ai porté
mon travail jufqu'à en dreffer des tables
annuelles , depuis l'an 3212 , avant l'incarnation
, jufqu'à la fin du fiecle courant.
Cet ordre de l'univers , qui s'approprie
à l'état fucceffif & changeant du ciel , comme
le juftifie le Plan annuel qu'en fourniffent
mes Cartes déja publiques , depuis
1751 jufqu'en 1759 , indique les équations
, avec les anomalies optiques de tous
les aftres mobiles , & en fatisfaifant à toute
obfervation conftatée , refte à l'abri de
toute objection valable. La Phyfique Ex142
MERCURE DE FRANCE.
1
périmentale eft devenue trop
éclairée pour
ne la
pas rendre explicable phyfiquement
dans tous les ans des orbes qu'il manifefte
par la compreffion univerfelle , modifiée
felon l'électricité ou la defélectricité ,
que
la terre & toute planete excitent dans fa
fphere de radiation & d'ombre , fur l'éther
ambiant & intermoyen , refpectivement
au cours annuel du foleil , principe de la
fplendeur & du mouvement. Mes éphémérides
cofmographiques démontrent que ces
trois agens naturels ; la compreffion, l'électricité
& la defélectricité , font expérimentaux
en tout phénomene naturel & artificiel
.
La maxime fondamentale , qui me dirige
, eft que toutes les vérités fcientifiques
doivent fe réunir en corps de doctrine ,"
pour former la raifon humaine , qui en eſt
une collection ; qu'ainfi les vérités mêmes
de l'ordre aftronomique & phyfique , font
à concilier avec celles qui font révélées
dans les Livres Canoniques , & doivent
même en émaner quand c'eft poffible , fous :
l'interprétation de la feule Eglife qui fel
croit , fe déclare & fe montre infaillible &
indéfectible depuis fa divine inſtitution.
Ces Cartes fe trouvent chez le fieur le
Rouge , Ingénieur- Géographe du Roi , rue
des Grands Auguſtins.
JUI N. 1757. 143
ARTS UTILES.
ARCHITECTURE.
L'ACADÉMIE Royale d'Architecture , fur,
l'examen qu'elle a fait elle-même d'un nouveau
genre de Chipolin , nommé l'Encauftique,
inventé par le fieurThéodore Odior,
Peintre & Verniffeur du Roi , & oui le rapport
de Meffieurs Content & Blondel , deux
de fes Membres nommés Commiffaires à
cet effet , a reconnu que ce Chipolin n'a
point d'odeur, qu'il prend un poli éclatant,
qu'il le garde folidement , qu'il eft fans
aucune des qualités pernicieufes des vernis
, que la chaleur la plus forte , & l'humidité
la plus pénétrante , ne l'endommagent
point , que par ces raifons il doit être
préféré à toute efpece de vernis , dont il a
les avantages , fans aucun de leurs dangers
, & c.
En foi de quoi l'Académie lui a délivré
un certificat le 12 Mai de cette année 17579
avec permiffion de faire ufage de fon approbation
, pour s'affurer la confiance
blique , & donner à une découverte auffi
utile toute la faveur qu'elle mérite . Les
pu144
MERCURE DE FRANCE.
Commiffaires avoient eu la précaution de
vifiter , avant leur rapport , des appartemens
décorés de ce Chipolin ; & c'eſt d'après
le fuccès conftaté des expériences ,
qu'ils ont décidé.
Le fieur Théodore Odiot demeure rue
Baffe , à la porte Saint Denis , à Paris. Il
travaille actuellement à Choify , pour le
Roi .
MÉCHANIQUE.
EXPOSÉ de la nouvelle Méthode d'Encaiffement
, pour fonder facilement & folidement
, à telle profondeur qu'il fera néceffaire
, dans les rivieres , dans les marais ,
dans la mer, à proximité des Côtes , &généralement
dans les terreins fabloneux ou
vafeux. Préfenté aauu RRooii,, llee 15 Mai 1757,
par M. Tardif, Ingénieur des Ponts &
Chauffées.
CETTE nouvelle Méthode peut diminuer
de plus de moitié la dépenfe d'une fondation
dans une riviere , pour laquelle on
emploie l'ufage ordinaire des batardeaux ;
& dans les cas où cet ufage eft infuffifant,
à caufe de la hauteur d'eau & de fable ou
vafe
JUIN. 1757. 145
vafe, pour parvenir jufqu'au tuf, on peut,
par la nouvelle méthode , y établir facilement
& folidement cette fondation.
-
Elle fait voir que dans des fonds aquatiques
ou marécageux , on peut y établir facilement,
& fonder folidement des ouvrages
de fortification .
Elle met à portée de reconnoître qu'on
peut établir folidement des fondations en
mer, furtout à proximité des côtes , & dans
les endroits où fa profondeur n'eft pas confidérable
pour y élever des forts , tels que
la Tour de Cordouan , à l'embouchure de
la Gironde , & le Château- d'If , vis -à- vis
Marſeille , qui ont été conftruits fur, des
roches à fleur d'eau , que la nature avoit
offert , & qu'il eft encore plus aifé d'en
établir fur les parties du rivage , qui ne
font recouvertes d'eau , que par les marées;
qu'il eft facile de former des digues fur le
bord de la mer, fans qu'elles foient fujettes
à des réparations fréquentes , & à des reconftructions
faites fouvent fans fuccès ,
comme il arrive à la plus grande partie de
celles , foit en terres , foit en bois , qu'on a
faites jufqu'à préfent , pour prévenir fes irruptions
; qu'on peut auffi établir & former
des ports dans beaucoup d'embouchures
de rivieres & autres endroits des côtes ,
& carer & nettoyer facilement , & auffi
II.Vol. G
146 MERCURE DE FRANCE.
fouvent qu'il en fera befoin , un grand
nombre de ceux anciennement conſtruits.
Précis de la manoeuvre de la nouvelle Méthode
d'Encaiffement.
Le principe de cette nouvelle Méthode
d'encaiffement confifte dans la conftruction
d'un caiffon , qui n'eft proprement qu'un
batardeau tout d'une piece , composé de
deux pourtours ou bâtis de charpente , affemblés
& retenus enfemble folidement ,
placés l'un dans l'autre , laiffant entr'eux
un intervalle d'environ deux pieds fix pouces
, & réunis enfemble par le moyen d'un
plan incliné , que forme , par le bas , le
bâtis intérieur.
Ce batardeau établi fur l'emplacement
d'une fondation à faire , & chargé de maçonnerie
ou de terre glaife , entre fes deux
bâtis , eft enfoncé dans l'eau & dans le terrein
, par fon poids , & par le moyen du
draguage ou enlévement des fables ou vafes
, qui eft fait dans fon milieu ; & lorfqu'il
eft parvenu fur le tuf , il donne la facilité
d'y établir folidement la fondation.
La maçonnerie de cette fondation eft
faite à fec , fi les épuifemens de l'eau renfermée
dans l'encaiffement font faciles &
peu coûteux , comme il arrivera aſſez fréJUIN.
1757. 147
quemment , furtout fi la hauteur à épuifer
n'eft pas trop confidérable; ou elle eft faite
à pierre perdue, fi la profondeur eft grande ,
que les pompes ne puiffent pas épuifer
jufqu'au tuf , par la grande abondance de
fources qui fe rencontrent dans le fond de
l'emplacement.
&
La maçonnerie de la fondation faite dans
ce dernier cas , eft également folide , puiſque
fes mortiers ne peuvent être délayés &
emportés par des courans , & quela charpente
de l'encaiffement , dans laquelle elle
eft renfermée , la préferve de toutes dégradations.
L'examen de cet Ouvrage peut feul donner
une jufte idée de l'étendue des objets
auxquels cette nouvelle Méthode d'encaif
fement peut s'appliquer.
HORLOGERIE.
MÉMOIRE inftructif, ou Defcription
raiſonnée ſur une nouvelle conftruction de
Pendules àgrande Répétition , par lefieur
Ridrot , Maître Horloger , à Paris.
C'EST l'utilité que l'on retire des Sciences
qui leur donne leur jufte valeur. Les

Gij
148 MERCURE DE FRANCE.
avantages que l'horlogerie a procuré à l'Etat
jufqu'à nos jours , prouvent affez l'importance
de cet objet . Il n'y a perfonne
qui l'ait mieux fenti que Louis XIV . Ce
Prince qui avoit un goût décidé pour tous
les Arts qu'il fçut tirer de la pouffiere , en
a fait , par fes Lettres Patentes du mois de
Novembre 1652 , un éloge bien glorieux
pour ceux qui s'adonnent à cette partie de
méchanique. Auffi avons- nous vu fous
fon Regne , où tout floriffoit , les Artiftes
encouragés pouffer cet Art à un tel
degré de perfection , que l'Etranger tire
aujourd'hui de chez nous les productions
de l'horlogerie , que nous étions obligés
d'aller chercher chez lui. Il ne faudroit
"plus , pour donner la derniere main à un
Art fi néceffaire , & déja porté fi haut ,
qu'un Artifte qui pût , en augmentant les
propriétés , fimplifier les mouvemens , &
donner une Conſtruction moins compliquée
que celle qui eft actuellement adoptée.
Le fieur Ridrot a tenté cet effai . Il a réfléchi
fur les inconvéniens qui réfultoient
de la multiplicité des mouvemens & de la
complication des rouages. Il a fenti que
plus les chofes feroient ramenées à l'unité
, plus elles approcheroient de la perfection
. C'eft dans cette idée qui a formé le
JUI N. 1757 .
149
deffein de fupprimer une partie des pieces
que l'on emploie ordinairement dans les
pendules à quatre parties. Quatre rouages
complets , vingt pieces de quadrature
font naître mille inconvéniens , & pas un
avantage de plus.
Après quatre années de recherches & de
travaux , il eft enfin parvenu à fon but. Il
a compofé une pendule à quatre parties ,
beaucoup plus fimple , plus folide , &..
qui renferme plus de propriétés que toutes
celles dont on a connoiffance. Elle eſt
en tout exemte des défauts auxquels
font fujettes les meilleures pendules
de nos jours , & elle a des commodités
que les autres n'ont pas . C'eft ce qu'on reconnoîtra
facilement par la defcription
fuccincte que l'on en va faire.
"
Cette pendule n'a rien d'extraordinaire ,
quant au mouvement : ce font mêmes
roues , mêmes pignons que dans les pen-..
dules fimples. Il n'y a dans celle du
fieur Ridrot , qui a quatre parties , qu'u
ne augmentation de quatre piece en tout ;
ce qui annonce une plus grande fimplifica-,
tion , vu qu'elle produit bien d'autres effets
que les Pendules fimples..
Cette fimplification fe fait fentir bien,
davantage relativement aux pendules, à
quatre partie. Le fieur Ridrot en a fuppri-
G iij
150 MERCURE DE FRANCE.
mé deux mouvemens , celui des quarts ,
celui de la répétition , huit ou dix pieces'
dequadrature , & tous les refforts qui les
font agir.
Les pieces de la quadrature de la houvelle
pendule font fur deux broches fixes à
la platine des piliers. La tige de la quatrieme
roue de la fonnerie porte quarrément
un pignon à deux aîles , qui, en tournant ,
prend une dent d'un rocher qu'on appellera
chevillier , lequel roulé une broche
au deffous. Le rocher compteur roule auffi
fur cette même broche.
Le chevillier porte treize chevilles ,
dont douze font deftinées à faire frapper
fur les timbres les coups qui font réglés
la treizieme qui va s'appuyer fur un petit
maffif que porte le rocher compteur.
Chaque fois que le rouage agit , le comppar
teur fert de mentor au chevillier , marche
avecgravité pendant douze heures , &
eft conduit par la feconde roue de minute.
qui à chaque heure l'éloigne d'une divifion
; ce qui fait que lorfque le chevillier
eft libre , la treizieme cheville vient fe repofer
fur fon appui , qui étant éloigné
d'une divifion , augmente d'une cheville ,
qui donne un coup de plus , ainfi qu'à
toutes les autres heures.
La premiere roue de minute porte qua
JUI N. 1757. 151
tre chevilles à quatre- vingt- dix degrés l'une
de l'autre , elles prennent en paffant le
bout du détentillon qui tient au coin de la
cage ; à côté des rochers eft fixée une broche
fur laquelle roule un petit mantonnet
avec la queue en forme d'un angle obtus ,
ce mantonnet fert de valet au chevillier à
chaque fois qu'il agit , & la queue appuie
fur une cheville qui eft aux deux tiers du
détentillon qui entre dans la cage à l'endroit
du volant, & qui fait le délai ou la
préparation à la fonnerie ; le chevillier eft
retenu par le mantonnet qui lui fert de valet,
& qui le tient toujours en arrêt , & il
ne lui rend fa liberté qu'autant qu'on tire
la répétion , ou que le détentillon le dégage
; comme on vient de dire que le chevillier
n'eft libre que lorfqu'il n'eſt plus
captivé par le valet , il faut expliquer
comment fe fait cette operation.
La roue de minute par une des chevilles
qu'elle porte , leve le détentillon , ce
détentillon leve la queue du valet , qui
une fois fortie du rocher , lui laiffe toute
fa liberté ; pour lors il tourne facilement ,
y étant contraint par la pefanteur d'un pe
tit poids en forme d'olive pendu à une foie
qui roule fur une gorge prife fur fon canon
cette pefanteur l'entraînant néceffairement
, lui fait relever les levées pour les
Giv
152 MERCURE DE FRANCE.
abaiffer à fon retour qui arrive fitôt que le
détentillon acheve fon effet ; lorfque ce
détentillon retombe , le rouage tourne le
pignon à deux aîles , prend en tournant
-les dents du chevillier qui baiffe les levées
qu'il avoit relevé par fa rétrogradation , &
frappe les coups réglés par la treizieme
cheville.
ນ Pour équipoler au mouvement des quarts
fupprimé par le fieur Ridrot , il a hanté fur
la même broche des rochers la piece fer- ››
vant à exprimer les quarts : cette piece porte
par un bout fur une portion de cercle de
même rayon que celle des heures , les chevilles
des trois quarts ; quant à l'autre
bout , il eft plié en forme d'équerre qui
fert d'étoto pour arrêter le rouage : une
partie de cette piece à quarts eft brifée ,
& appuie fur le limaçon que la feconde
roue de minute porte , & fournit par ces
différens éloignemens du centre le nombre
des quarts.
Quant au mouvement de répétition pareillement
fupprimé , le fieur Ridrot, pour
le remplacer , a fait fervir le chevillier
qui, par le moyen d'une petite bafcule , & :
en tirant & lâchant fubitement le cordon
de répétition y attaché , leve le détentillon
, dégage le valet du chevillier , & rend
le rouage libre ; le chevillier mis ainfi en
=
JUIN. 1757. 153.
"
liberté , rétrograde par le fecours du petit,
poids dont on vient de parler , & pour
lorsla treizieme cheville s'appuyant fur fon
maffif , fournit autant de coups que le
compteur en indique.
Par le détail qu'on vient de faire du méchanifme
de cette pendule , il fera aifé
aux connoiffeurs de voir quelles font les
pieces de quadrature qui peuvent avoir été
retranchées ; vouloir en rendre compte ,
ce feroit abufer de l'attention des Lecteurs
qui peuvent , en comparant les pendules
ordinaires avec celles du feur Ridrot ,
appercevoir par eux -mêmes la fuppreffion
qui a été faite.
9 .
J
la
A tout ce qui vient d'être détaillé , le
fieur Ridrot a ajouté , par précaution pour
ceux qui n'aimeroient point entendre une
fonnerie prefque perpetuelle , un piece
qu'on nommera filence : par ce moyen
fonnerie eft totalement fufpendue ; fi au
contraire on veut la rétablir , il fera facile
de le faire ; on tire le cordon attaché à la
répétition , le filence fe releve & fe remet
lorfque l'heure a fonné ; on pourra ,
l'on veut , le relever pour toujours par un
moyen que l'on indiquera , & pour lors il
fera pour ceux qui n'en voudroient point,
comme s'il n'exiftoit pas.
1
"
fi
Heft fenfible par l'expofe qui vient d'e-
Gv
154 MERCURE DE FRANCE.
11 tre fait , que le fieur Ridrot a apporté
dans la cónftruction de fa pendule une
fimplicité qui ne fe rencontre point dans
les autres , puifqu'il en a fupprimé une fi
grande quantité de pieces qu'il a rendu
Inutiles par le bon ufage qu'il a fait de celles
qui font indifpenfables ; il ne lui refte
plus qu'à faire voir que fa nouvelle maniere
de compofer une pendule eft bien plus folide
, plus commode , & moins fufceptible
d'inconveniens que les autres.
Premiérement , lorfqu'il s'agit de mettre
à l'heure les pendules ordinaires , on
rencontre deux inconveniens .
Le premier eft que , pour tourner l'aiguille
, & la
ettre fur l'heure actuelle, on
eft obligé de faire répéter toutes les heures
qui ont précédé le moment où l'on fait cette
opération.
En fecond lieu , en les faifant répéter
il arrive que le reffort débite trop , défaut
qui fait que la fonnerie fe trouve en bas
avant le mouvement ; ce qui dérange l'accord
qui doit régner entre l'un & l'autre.
Ces inconvéniens ne fe rencontrent
point dans l'Ouvrage du fieur Ridrot ; on
a la facilité de tourner les aiguilles , & de
leur faire faire le tour du cadran , fans que
l'heure fonne, & fans que le rouage débite
plus que celui du mouvement.
JUI N. 1757. 133
Pour opérer cet effet, il faut obferver de
ne jamais tourner l'aiguille à rebours ; ce
qui mettroit la pendule dans un danger
évident : mais il faut d'une main prendre
le cordon de répétition , & le tirer , fans
le lâcher , comme fi on vouloit faire répéter
la pendule ; enfuite de l'autre main
mettre l'aiguille des minutes fur l'heure
que l'on penfe qu'il eft , & lâcher le cordon
: pour lors la fonnerie ne répétera que
ce que l'aiguille marquera . Premier avantage
des pendules du fieur Ridrot , fur les
autres.
Secondement , dans les pendules ordinaires
on trouve encore deux inconvéniens
relativement à la répétition .

Le premier eft que la répétition eft trèsdure
à tirer.
Le fecond eft que fi l'on veut faire répéter
, & l'on ne tire
que
pas affez fort le
cordon fervant à cet ufage , il arrive que
la pendule ne fonne pas l'heure jufte , &
par conféquent induit en erreur.
Par exemple , s'il eft midi , & qu'on
veuille fçavoir l'heure on'il
eft ,
fi le
fi le cordon
n'eft pas tiré avec toute la force néceffaire,
la pendule fonnera dix , onze ou telle
autre , proportionnellement au degré de
force qu'on employera pour tirer le cotdon
.
G vj
156 MERCURE DE FRANCE.

Il eft vrai que depuis quelque temps ,
pour éviter cet inconvénient , on a ajouté
à la quadrature une piece qu'on nomme
tout ou rien . Il y a quelques unes de ces
pieces qui rempliffent affez l'objet qu'on
s'eft propofé : mais la plus grande partie ,
c'eft- à-dire , dix fur douze , n'en font pas
plus régulieres , & n'offrent que le défaut
de complication , fans remédier à celui
qu'on vouloit éviter.
Dans la nouvelle façon d'opérer du
fieur Ridrot , ces inconvéniens ne fe rencontrent
nullement. La répétition eft facile
à faire jouer ; & telle force qu'on emploie
à cet effet , on eft toujours affuré que la
pendule ne fonnera précisément que l'heure
actuelle. Second avantage des pendules du
fieur Ridrot .
Troifiémement , les pendules ordinaires
font fujettes à un autre inconvénient auffi
grand que les précédens : c'eft le défaut
de précifion à marquer l'heure & les
quarts , au moment qu'ils doivent être
répétés.
Par exemple , fuppofé qu'il foir onze
heures cinquante- huit ou cinquante- neuf
minutes , & qu'on tire le cordon de la répétition
, la pendule fonnera onze heures
trois quarts. N'est - ce pas un défaut de précifion
, que de fonner l'heure la plus éloiJUIN
1757. 157
gnée , au lieu de fonner l'heure la plus
proche
Dans l'exemple propofé , il n'y a que
deux minutes pour arriver à midi. N'est-il
pas plus raifonnable que la répétition l'annonce
plutôt qu'une heure plus éloignée ?
N'y a-t'il pas plus long- temps que les trois
quarts font fonnés , qu'il n'en refte pour
aller jufqu'à midi ? Sur quel fondement
donc pourroit- on s'oppofer à ce que la pendule
donne midi plutôt que les trois quarts ?
Deux minutes font- elles une plus grande
erreur que treize ?
Le fieur Ridrot a penfé qu'il étoit plus
conforme à la raifon de faire fonner l'heure
la plus proche ; il a partagé le différend ;
enforte qu'aux trois quarts & demi , fi l'on
tire la répétition , elle donnera l'heure la
plus prochaine , qui fonnera encore à fon
temps précis. Troisieme avantage des pendules
du fieur Ridrot.
Quatrièmement , dans les pendules qui
n'ont qu'un rouage pour les trois fonneries
, on remarque encore un défaut effentiel
, qui eft que lorfqu'on tire les répéti→
tions trois ou quatre minutes avant l'heure,
les pendules ne répetent plus l'heure qu'il
eft lorfque ces trois ou quatre minutes font
écoulées, & font conféquemment dix- huit
ou dix- neuf minutes fans fonner , défaut
58 MERCURE DE FRANCE.
auquel on n'a point encore remédié jufqu'à
préfent , bien qu'elles duffent fonner tous
les quarts.
Lorfque le fieur Ridrot préfenta fa pendule
à l'Académie, pour avoir fon fuffrage,
elle avoit une partie de ce défaut il en a
été fait mention dans le rapport de Mef
fieurs les Commiffaires prépofés pour l'examen
de fon Ouvrage. Ne trouvant pour
lors aucun expédient pour le corriger , it
le laiffa fubfifter , aimant mieux éviter le
défaut de complication , qui eft toujours
accompagné de mille autres , que d'y ajouter
une perfection , d'où naîtroient tant de
défectuofités .
Mais depuis quelque temps, ayant réfléchi
avec plus d'attention fur les moyens de
remédier à cet inconvénient , il y eft enfin
parvenu, en ajuftant fur la quadrature une
piece d'un feul morceau , qui agit librement
& fans aucun reffort , & qui corrige
entiérement ce défaut.
Cette Piece , à quinze fecondes , releve
le détentillon fur la cheville de la roue de
minutes , & le délai ou la préparation à la
fonnerie fe forme , quand bien même on
auroit tiré la répétition dix fois , dans l'intervalle
d'un quart à l'autre. Cette Piece
fait agir la fonnerie comme s'il y avoit
quatre rouages, & que chacun d'eux fit fes
JUIN . 1757. 159
fonctions particulieres . Quatrieme avantage
des pendules du fieur Ridrot .
Cinquièmement , il arrive que les
pendules
ordinaires mécomptent fort fouvent,
& que la fonnerie ne donne point l'heure
que l'aiguille indique ; ce qui provient ,
foit de la mauvaife conftruction de l'Ou-'
vrage , foit de l'impéritie ou négligence de
l'ouvrier.
L'Ouvrage du fieur Ridrot n'eft point
fujet à cés dérangemens ; fa conftruction
eft telle qu'il eft impoffible que la fonnerie
ne s'accorde parfaitement avec le cours de
l'aiguille . Cinquieme avantage qui en réfulte.
DA
Il eſt évident, par tout ce que l'on vient
de dire , que l'Ouvrage qu'on annonce au
public , l'emporte par fes avantages fur tous
ceux qui ont paru jufqu'à préfent. On peut
fe procurer une pendule qui fonne l'heure
& les quarts , répete à volonté & d'ellemême
, étant à grande répétition , c'eft-àdire
, fonnant à chaque quart l'heure & le
quart tout enfemblé , & cela fans embarras,
fans complication & fans inconvéniens :
c'eft le témoignage qu'en ont rendu Meffieurs
des Commiffaires choifis pour l'examen
qui en a été fait le 18 Décembre
1756.
S'il sil le trouve des curieux qui défirent
160, MERCURE DE FRANCE.
un réveil , il y a dans la cage une place
plus que fuffifante pour l'ajuſter ; & fur le
défir que l'on témoignera d'en avoir un ,
fera facile de donner cette fatisfaction en
peù de temps.
ir
On peut auffi bien qu'aux pendules qui
ont été annoncées au ppuubblliicc avec tant d'étalage
, ajouter à celles qu'on lui préfente
aujourd'hui , un cadran de glace , pour y
voir jouer la quadrature. Ces pendules fe
mettent dans toutes fortes de boetes , fe
pofent à tel endroit que l'on veut , & on
n'en eft pas efclave , comme on l'eft de
celles qu'on a données en 1751 & 1752,
& depuis.
On pourra encore , fi l'on veut , fur la
quadrature des pendules ordinaires faire
appliquer le nouveau mouvement du fieur
Ridrot , fans qu'on ait à craindre plus d'inconvéniens
, que pour celles qu'il fait luimême.
Il offre la garantie de fes Ouvrages,
autant que garantie peut raifonnablement
s'étendre , & des foins gratuits pour les
pendules qu'il débitera.
Extrait des Regiftres de l'Académie Rojale
des Sciences , du 18 Décembre 175.6.
Meffieurs Camus & Leroi , qui avoient
été nommés pour examiner une pendule
JUI N. 1757.
161
préfentée par le fieur Ridrot , Maître Horloger
à Paris , laquelle fonne les heures
les quarts , & eft à répétition , avec un feul
rouage de fonnerie . En ayant fait leur rapport
, l'Académie a jugé que quoiqu'on ait
déja fait des pendules qui fonnent & qui
répetent par un feul rouage , & où une
roue de la fonnerie mene un rocher qui
leve les marteaux , cependant celle du feur
Ridrot paroiffoit plus fimple qu'aucune de
celles dont on a connoiffance; que les effets
en étoient très -fûrs; & que malgré l'inconvénient
auquel elle eft fujette de manquer
à fonner à l'heure, lorfqu'on la fait répéter
trop près du moment auquel elle doit fonner
d'elle-même , elle méritoit d'être approuvée
. En foi de quoi j'ai figné le préſent
certificat. A Paris , ce 22 Décembre 1756.
GRANDIEAN DE FOUCHY ,
Secrétaire perpétuel de l'Académie Royale des :
Sciences.
Lefieur Ridrot demeure place Maubert ;
chez un Marchand Mercier , au Printemps.
Ceux qui voudront l'honorer de leur vifite ,
le trouveront tous les jours de travail , après
midi , & il fefera un devoir de recevoir les
avis de tous ceux qui vendront bien lui en
donner.
162 MERCURE DE FRANCE.
E
ART D'ÉMAILLER.
Le fieur Capy donne avis au public qu'il
fait & vend des Lampes d'émailleur , qui
n'ont ni table , ni foufflet, qui n'occupent
qu'un espace d'environ huit pouces; en outre
elles n'exigent d'autre mouvement que
celui de travailler le verre. Il en vend depuis
quatre ans , & a eu l'honneur de s'en
fervir devant le Roi . Il travaille pour prefque
tous les Phyficiens connus ; il fait en
verre foufflé, en émail , en thermometres &
barometres tout ce qu'on a fait jufqu'ici ,
fans compter plufieurs chofes de fon invention.
Les Lampes coutent 12 liv. en fer
blanc ; 24 liv. , fi on les veut en cuivre ,
Il demeure à Paris , rue Royale , Place
Royale , chez un Fondeur de plomb. Il
prie d'affranchir le port des lettres qu'on
écrira il enverra les Lampes où l'on
voudra en convenant de prix , & pourra
procurer tous les affortimens néceffaires de
verres & d'émaux .
JUI N. 1757 : 183
ARTICLE V.
SPECTACLES.
OPERA.
Le mardi 31 Mai, l'Académie Royale de
mufique a donné , pour la premiere fois ,
les Surprifes de l'Amour , Ballet compofé de
trois actes féparés , l'Enlèvement d'Adonis ,
la Lyre enchantée , & Anacréon. Meffieurs
Rebel & Francoeur n'ont rien oublié pour
le bien mettre au Théâtre , & pour affurer
la réuffite qu'il a, & qu'il mérité. Les deux
premiers actes ont été repréſentés à Verfailles
, devant le Roi , fur le Théâtre des
petits appartemens , en 1748. Celui d'Anacréon
a tout le mérite de la nouveauté.
On
peut dire que le plaifir l'a dicté , & que
les graces l'exécutent. Mademoiſelle Puvigné
y préfide, & fous le nom de Lycoris,
fait l'office d'Hébé auprès d'Anacréon , à
qui elle verfe à boire . Ses pas féducteurs
ont toute l'expreffion du chant le plus tendre
, & fe marient parfaitement à la voixi
164 MERCURE DE FRANCE.
harmonieuſe de fon maître ( 1 ) , qui devient
fon eſclave. Cet acte plaît généralement.
Le fecond , qui eft l'Enlèvement d'Adonis ,
n'eft pas moins goûté . Nombre de connoiffeurs
lui donnent même la préférence . Il a
l'avantage d'être terminé par un Ballet figuré
, qui eft auffi bien rendu , qu'il eſt imaginé.
Il naît du fujer. Endimion & Diane ,
qui, conduite par l'Amour, defcend exprès
du ciel pour venir le trouver , en font les
Acteurs . Ces deux perfonnages font repréfentés
par Monfieur & Mademoifelle Veftris
, qui exécutent ce pas avec toutes les
graces & toute la volupté qu'il demande ,
& que la mufique infpire. On ne peut pas
mieux jouer la danfe. Leur départ avec
l'Amour , dans un char qui les enleve au
ciel , forme le tableau le plus féduifant , &
laiffe dans l'ame des fpectateurs une impreffion
de plaifir, qui leur arrache un applaudiffement
unanime.
4
L'acte de la Lyre enchantée , quoique
moins vif, & que l'enfemble paroiffe faire
moins d'effet , offre des détails très-agréables.
Il y a furtout un air de diftinction
(la fageffe eft de bien aimer ) , qui eft.
chantée fupérieurement par Mademoiselle.
( 1 ) Le rôle d'Anacréon eft heureuſement rempli
par Monfieur Gélin , qui fe perfectionne tous
Les jours.
JUIN. 1757 . 165
1
Chevalier , & qui pourroit feul faire le
fuccès d'un acte. Ce qui donne un nouveau
prix à cette entrée, Mademoiſelle Fel ,
qu'on avoit craint de perdre , y repréſente
une Syrene, dont le rôle lui convient fi parfaitement
, & Mademoiſelle Lany y fait les
'honneurs de la danfe , fous le nom de
Terpsichore , qui eft devenu le fien par la
fupériorité de fon talent.
La mufique de cet Opera eft de Monfieur
Rameau , & digne de lui . Les paroles font
de Monfieur Bernard, & l'on peut les louer ,
fans être accufé de mauvais goût, ou foupçonné
de mauvaiſe foi. L'extrait & les détails
que nous en donnerons au plutôt , juftifieront
ce ſentiment . Pour commencer aujourd'hui
à le prouver, nous allons citer les
paroles fuivantes , qui font tranfcrites de
la troifieme ſcene du premier acte. Elles
fuffiront pour prévenir avantageufement
ceux de nos Lecteurs qui ne connoiffent
pas l'ouvrage.
L'AMOUR à Adonis.
Dans ces lieux écartés n'a -t'on point vu l'Amour ¿
ADONIS.
L'Amour ? qui ? ce monftre terrible !
Ce fatal ennemi du repos des humains !
Ah ! qu'il éprouveroit un châtiment horrible,
S'il tomboit dans nos mains !
166 MERCURE DE FRANCE.
1
L'AMOUR,
Le Dieu qui fait aimer , le Dieu qui rend aimable,
Eft-il un monftre redoutable ?
Hélas ! peut-on le craindre : il eft fait comme vous.
Dans un âge fi tendre , avec des yeux fi doux ,
Le Dieu qui fait aimer , le Dieu qui rend aimable,
Eft- il un monſtre redoutable ?
ADONIS.
Heft armé de feux vengeurs.
L'AMOUR.
Ses feux font de douces ardeurs
Qui brillent dans les yeux , qui coulent dans les
veines.
1
ADONIS.
■ mêle à ſes plaiſirs des rigueurs inhumaines,
L'AMOUR.
Jugez du prix de les faveurs ,
Puifqu'il fait adorer ſes peines
ADONIS.
Il ne fe nourrit que de pleurs,
L'AMOUR.
Il eſt le Dieu des rís.
ADONIS.
Sesliens font des chaînés.
L'AMOUR .
Ses chaînes font des fleurs,
JUIN. 1757. 167
A ce dialogue léger , à ces images riantes,
on reconnoît l'aimable Auteur de l'Art
d'aimer. Nous ne devons pas oublier les
deux Actrices qui rempliffent cette fcene.
Mademoiſelle Dubois y eft applaudie dans
le rôle d'Adonis , qu'elle repréfente , &
Mademoiſelle le Miere y brille dans celui
de l'Amour , à qui elle reffemble . Elle le
joue avec autant de grace, qu'elle le chante.
Elle paroît fous le même perfonnage dans
Anacréon : mais elle y eft fi bien , qu'on l'y
trouve toujours nouvelle. Elle a tout ce
qu'il faut pour féduire . Elle joint à l'art du
chant les charmes de la figure ; & l'Académie
de mufique ne pouvoit faire une meilleure
acquifition . Nous ne fçaurions finir
cet article , fans rendre juſtice aux Ballers.
Ilsfont tous auffi agréables, qu'ils font bien
deffinés , & contribuent beaucoup à la
réuffite de cet Opera , qui eft aufſi-bien
décoré qu'il eft habillé.
COMEDIE FRANÇOISE.
Le famedi 4 Juin , les Comédiens Fran
çois ont donné la premiere repréſentation
d'Iphigénie en Tauride, Tragédie nouvelle.
Elle eft de M. de la Touche , jeune homme
âgé de vingt-deux ans. C'eſt ſa premiere
168 MERCURE DE FRANCE.
piece. Avec le talent qu'elle annonce, il en
pourra faire une meilleure , mais il n'en
fera jamais une plus applaudie. Mérope ,
dans fa nouveauté, n'a pas été mieux reçue.
On a fait à l'Auteur le même honneur qu'on
fit alors à M. de Voltaire. On l'a demandé
à grands cris. Il a été contraint de fe montrer
. Les acclamations , dans ce moment ,
ont redoublé fi fort , qu'il en a été déconcerté
jufqu'au faififfement , & qu'il s'eft retiré
pâle & tremblant dans les foyers , où
l'on a nous a affuré qu'il s'étoit évanoui.
Cette révolution eft naturelle . L'extrême
furpriſe en bien , produit le même effet
qu'en mal.
Et l'on pâme de joie , ainfi que de triſteſſe. ( 1 )
Nous penfons en même temps qu'elle
doit donner de l'Auteur une idée très- avantageufe.
Elle eft la marque d'un coeur ſenfible
, & d'une ame modefte. L'applaudiffement
du Public, tout exceffif qu'il paroît,
nous femble jufte. Nous croyons que M.
de la Touche mérite.cet encouragement ,
n'eût-il fait que le troifieme acte . S'il nous
étoit permis de mêler notre fentiment particulier
au jugement général, nous dirions
que cet acte eft de la plus grande beauté ,
qu'il vaut lui feul une Tragédie entiere
(1 ) vers du Cid.
*
(nous
JUIN. 1757. 169
( nous ne parlons que des modernes ) , &
qu'il pourroit même être avoué
teur d'Electre & de Rhadamiſte.
par l'Au-
COMEDIE
ITALIENNE.
LESES Comédiens Italiens n'ont rien donné
de nouveau jufqu'à ce jour. L'extrait de
Ramir ,, que nous n'avons pu inférer plutôt
, remplira leur article.
Extrait de Ramir , Comédie héroïque , en
quatre Altes , en vers , tirée de l'Italien ,
par M. Mailbel .
Le Comte de Cerdagne , connu par fes
vertus & fes exploits , a époufé en fecret
Léonor , foeur d'Alphonfe , Roi de Léon
& de Caftille. Ils ont enfreint , par cet
Hymen , les loix féveres du pays . Ramir
en a été le fruit . Il vit depuis fon enfance
dans une retraite environnée de
forêts , & voifine de Burgos , fous la tutelle
d'Ernefte , qui , par néceffité , lui
cache fa naiffance. Ce jeune Heros s'eft
déja couvert de gloire , par des actions dignes
de fon fang : il a défait , à la tête de
quelques Paftres , des partis de Maures ,
qui ravagoient l'Espagne. Ernefte informe
II. Vol. H
170 MERCURE DE FRANCE.
fouvent le Comte de l'état de fon fils.
Arlequin , Villageois bon & fidele , eft
le porteur de fes avis fecrets.
,
>
Rivaros , Miniftre d'Alphonfe , jaloux
de la faveur du Comte de Cerdagne , &
fon plus grand ennemi , fur des foupçons
fondés , fait arrêter Arlequin , chargé
'd'une lettre d'Ernefte . Léonor en eft informée
par Coraline , fa fuivante . Elle
confulte avec fon époux , comme ils.
pourront parer ce contretemps fatal :
quand Scapin , valet & confident du Comte
, vient leur annoncer des maux encore
plus grands : le Roi de Barcelonne a
fait demander , par un Ambaffadeur , la
main de la Princeffe , & ne veut accorder
la paix , qu'à ce prix. Le Confeil s'affemble
à ce fujet. Le Comte y allegue les plus
fortes raifons , pour engager Alphonse à
rejetter les propofitions qu'on lui a
faites . Rivaros eft d'un avis contraire . Il
s'emporte contre fon ennemi , & fait naître
dans l'efprit du Roi des foupçons violens
. Le Comte eft obligé de fe retirer .
Le Miniftre dit alors qu'il avoit fait arreter
un Emiſfaire d'Ernefte. Arlequin eft
amené ; & Alphonfe trouve dans la lettre
qu'il apporte des preuves prefque certaines
de l'Hymen de fa foeur. On va tâcher de
convaincre les coupables. Bientôt l'Epoux
JUI N. 1757. 171
·
eft furpris, fortant de nuit de l'appartement
de la Princeffe . Elle y eft retenue ; & le
Comte eft envoyé aux prifons du Château
de Lune , dans la forêt d'Ernefte . Prêt à
s'y voir renfermer , il fait éclater fon
courroux & fon déſeſpoir.
Ainfi dans un tombeau , privé de la lumiere ;
Je vais loin des humains achever ma carriere !
J'y vais d'un long trépas éprouver les horreurs
Jouet infortuné de mes perfecuteurs
Et fui même de ceux , dont la main ſecourable
Soutiendra de mes jours la trame déplorable !
La loi qui nous punit de l'ardeur la plus pure ,
Outrage les mortels , l'amour & la nature
Fortune , gloire , amour , vous m'avez donc trahi !
Plaifirs , richeffe , honneurs , tout eft évanoui .
A ces Dieux des humains , aux charmes de ma
vie ,
Vont fuccéder ici les maux & l'infamie !
'Ainfi donc , en ce jour , dans ce vaſte univers
Il ne me reſte plus qu'une tombe & des fers !
A peine l'Epoux malheureux eft- il entré
dans le Château , qu'on apperçoit d'un
autre côté le fils , enveloppé par Rivaros
& fa fuite. Il fe défend avec un Javelot
qu'on brife dans fes mains. Le Miniftre
lui ordonne de fe rendre ; il répond
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
qu'on ne le privera de la liberté qu'avec
la vie.
Rivaros .
Quels difcours ! ... quelle audace !
Ramir.
Elle fied à Ramir
Et furtout avec toi.
Rivaros.
Je pourrois la punir.
Ramir.
Je demande la mort.
Rivaros .
J'excufe ta jeuneffe;
Ram ir.
Par ce détour honteux , tu caches ta foibleffe.
Rivaros.
Ceffe de m'infulter , & refpecte mon rang.
Ramir.
On m'a toujours caché la fource de mon fang :
J'ignore jufqu'ici , qui de nous deux eft maître s
Et , fij'en crois mon coeur , c'eft Ramir qui doiɛ
l'être.
Rivaros.
Mortel préfomptueux ! vil habitant des bois !.
Ramir.
Ils ont été le champ de mes premiers exploits,
Con tre les Africains cruels & rédoutables ,
JUIN. 1757. 173
J'y défendis mon Roi , mon pays , mes femblables.
Sans en être connu , fans en exiger rien ,
J'y déteſtai le mal , j'y fis toujours le bien ;
L'honneur y fut ma loi , la gloire mon mobile ,
La vertu mon foutien , la valeur mon aſyle :
Voilà mes actions , condamne- les ; choifis
Celle qui doit ici m'attirer tes mépris. . . .
Rivaros veut le faire charger de chaînes.
Ramir fe faifit de l'epée du Miniftre , &
la tire.
Barbare ! c'en est trop .... qu'on te donne uné
epée.
Alphonfe furvient efcorté de fa fuite ,
& ordonne à Ramir de rendre l'épée .
Ramir à Rivaros.
Je mets fans murmurer, ce fer en ta puiſſance ;
Mon Roi parle , je cede , & retiens ma vengeance
:
Mais , fans l'ordre d'Alphonfe , apprends qu'ici
ma main
Ne te l'auroit rendu que plongé dans ton fein.
Le Roi fait fortir Rivaros , calme la colere
de Ramir , & lui donne des leçons di
gnes d'un Héros .
Il faut moins affervir , que gagner tous les coeurs
De ton ame farouche adoucir la rudeffe
(
H iij
174 MERCURE DE FRANCE .
Penfer , parler , agir fans fierté , fans baffeffe.
Plains les infortunés , & tes perfécuteurs ,
Et de tes envieux fait tes admirateurs .
J'ai fçu tes premiers pas dans le champ de la
gloire ;
Pourfuis , elle est toujours le prix de la victoire :
Et pour faire , en un mot ma joie , & mon
bonheur ,
Sers ton Prince , l'Etat , les humains & l'honneur.....
Le Miniftre revient avec Scapin , pour
apprendre à Alphonfe , qu'Almanzor Roi
de Fez , & Zéline fa foeur , fondent à la
tête des Maures & des Turcs , fur les environs
de Burgos. Le Roi arme Ramir , &
le reçoit Chevalier .

Ramir.
Ah ! ſurpris & charmé de cet honneur infigne ,
Aux yeux de l'univers je veux m'en rendre digne :
Et je jure à vos pieds que ce glaive vengeur
Dans le camp d'Almanzor va porter la terreur.
Je veux dès ce jour même au Prince qui m'honore
,
Le montrer tout fumant , rougi du fang du Maure.
Si mon coeur s'abandonne à d'autres fentimens ,
Si par mes actions je trahis mes fermens ,
Puiffe le jufte Roi , que je fers & que j'aime ,
M'arracher cette épée , & m'en percer lui -même !
JUIN. 1757. 173
Plufieurs Scenes Comiques entre Scapin
, Arlequin & Coraline fuccedent à
cette action . On voit entr'autres , Arlequin
fait tambour major , qui vient battre
la caiffe.
.... Meffieurs , de par le Roi ,
Et le brave Ramir , qui commande fur moi ,
Je viens faire fçavoir à la belle jeuneffe
qu'il nous faut des guerriers : j'en prends de toute
efpece .
Je vais leur délivrer un bon engagement ;
Grands plaifirs , bouche en Cour , juſques au
Régiment.
Ils feront réputés l'honneur de la Caſtille ;
Et l'on doit diftinguer les enfans de famille.
A fon choix , on ſera Capitaine , ou foldat.
On a beſoin d'un Clerc , & d'un jeune Avocať.
Zéline paroît à la tête d'une divifion fur
une montagne , qu'on voit dans la perfpective
; tandis que plus bas , Ramir met
en fuite un parti de Turcs. Elle defcend ,
& l'attaque lui- même. Les deux combattans
réciproquement émus & attendris ,
femblent vouloir fe frapper à regret.Ramir
défarme cependant Zéline , qui , outrée
d'être vaincue , redemande fes armes ,
pour s'en percer le fein . Le jeune Héros
les refufe.
1
Hiv
176 MERCURE DE FRANCE.
Hélas ! en combattant mon augufte er
nemie ,
Je craignois de trancher une fi belle vie ;
Malgré moi , je cédois au plaifir de vous voir ,
Et ma main en tremblant , remplifſoit mon de
voir :
Echappée en ce jour aux horreurs de la guerre ,
Vivez , pour embellir , & pour charmer la terre.
Zéline demande fi on veut l'outrager
par un femblable langage . Ramir s'en excufe
.
Si mes difcours ici font trop peu méfurés ,
Prenez vous en à vous , qui me les inſpirez.
Elevé dans les bois , guidez par la nature ,
Je fuis également l'audace & l'impoſture....
La Princeffe ne peut refufer fon eftime
& même fon admiration aux fentimens
d'un ennemi aimable & généreux , dont
les premiers regards l'ont émue. L'approche
des deux armées les interrompt enfin ,
& les force à fe féparer.
Les Turcs & les Maures s'emparent de
la montagne . Ramir à la tête des Caftillans
, les attaque dans tous leurs poftes.
Almanzor prêt à expirer fous fes coups ,
tombe percé d'un javelot , & les Africains
font défarmés par un feul tableau .
JUIN. 1757: 177
Ramir.
Le barbare Almanzor vient d'expier fes crimes.
Pourfuivons l'Africain ; immolons nos victimes.
Périffent à jamais replongés dans les mers
Ces fléaux de l'Espagne & de tout l'univers !
Dieu puiffant , je te dois cette grande victoire :
Daigne combler ici mon bonheur & ta gloire ;
Livre à ma foible main nos ennemis cruels :
Venge Alphonfe , Ramir , le monde & tes autels.
Le Héros fort avec vivacité , pour pourfuivre
les fuyards au fon des trompettes ,des
timbales & des tambours. Ainfi finit le troifieme
acte , qui a toujours été très-applaudi.
Au quatrieme , le Théâtre repréſente
une campagne. On voit dans le fond l'un
des côtés du château de Lune , prefque
ruiné par le temps.
Scapin , chargé d'étendards , annonce
au Roi la victoire remportée par les Caftillans.
Il préfume de plus que Ramir aime
Zéline fa prifonniere. Le vainqueur fuivi
de Maures enchaînés , & de Caftillans
chargés de dépouilles , vient confirmer
lui-même fon glorieux deftin . Il dit à Alphonfe
qui lui témoigne la plus vive reconnoiffance
, qu'il eft déja trop payé , par
l'honneur qu'il a eu de le fervir.
Que dis-je ! à ma valeur vous avez applaudí :
Et d'un bonheur fi grand je dois être ébloui.
Hv
178 MERCURE DE FRANCE.
Cet encens prodigué par des flatteurs infames ,
Doit produire l'orgueil , & corrompre les ames -
Mais dans tout l'univers rien n'eft fi précieux
Que l'encens accordé par un Roi vertueux.
Zéline , chargée de chaînes ', eft amenée
aux pieds du Roi. Elle lui parle avec
fermété , & attend fon arrêt fans le craindre.
Le jeune Héros l'interrompt , pour
parler en fa faveur . Alphonfe ôte les chaî
nes à Zéline , & lui dit d'aller parer fa cour,
où elle ne recevra que des hommages.Enfin
il va récompenfer Ramir , & faire élever
un trophée à fa gloire. Le jeune vainqueur
dit que la recompenfe eft trop grande . Il
exige feulement qu'on lui apprenne le nom
des Auteurs de fa vie. Le Roi eft embarraffé
par cette demande. Ramir infiſte ,
fupplie , & preffe Alphonfe , qui fort précipitamment,
avec la douleur de ne pouvoir
le fatisfaire .
Le jeune Héros s'emporte contre l'ingratitude
de celui qu'il vient de fervir , &
fe prépare à retourner dans les forêts ,
quand Arlequin vient l'inftruire de l'intérêt
que le Comte de Cerdagne a toujours
pris à fon fort . Ramir veut parler à ce fameux
guerrier , dont le deftin l'intéreſſe
lui- même , pour tâcher d'en tirer quelque
lumieres . On lui dit qu'il eft retenu dans
JUIN. 1757. 179
le château de Lune , pour un crime d'état,
& qu'on ne peut l'y voir , parce que le
Gouverneur a reçu à cet égard des ordres
très- rigides. Ramir eft indigné. Arlequin
lui confeille de fapper le mur le plus vieux
du Château , qui répond au fouterrein ,
où font enchaînés les grands criminels. Let
Héros fecondé de fon eſcorte attaque le
mur , qui , s'entrouve peu à peu , s'écroule
, & forme deux ouvertures , à
defquelles on voit un fouterrein affreux.
Ramir entre par la premiere , avec fes foldats
; & l'inftant d'après , le Comte de
Cerdagne fort par la feconde ,
la feconde , portant
fes bras quelques anneaux de fa chaîne
brifée dans l'écroulement.
travers
à
"'.
Le jeune Héros fuit de près le Comte .
Ils s'abordent avec émotion , fe parlent
s'attendriffent , & reconnoiffent le lien
dont les uniffent le fang & la nature , Ra- ,
mir mêle aux tranfports de fa joie fon
indignation contre le Roi , dont il a détruit
les ennemis. Ah ! mon fils , lui dit,
le Comte :
Un grand homme avec joie affronte le trépas ,
Pour fervir des humains qu'il reconnoît ingrats .
Ramir veut aller avec fon pere , fe jetter
aux pieds d'Alphonfe.
1
H vj
180 MERCURE DE FRANCE.
Le Comte de Cerdagne.
Fuyons plutôt les yeux d'un Prince prévenu ,
Qui , fans doute aujourd'hui , puniroit ta vertu¿
Ramir.
Moi fuir , Seigneur mon bras répond de votre
vie.
Le Comte de Cerdagne.
Mais par un crime alors tu l'aurois avilie :
Pour calmer de fon Roi la haine & la fureur ,
La fuite eft un triomphe , & non un deshonneur.
Alphonfe , qui a été averti de l'action
de Ramir , vient accompagné de Zéline
& de Rivaros , pour faire arrêter & punir
les deux nouveaux coupables. Ils tombent
à fes genoux. Le Comte veut mourir
pourvu que l'on fauve fon fils . Ramir ne
veut point furvivre à fon pere. Rivaros
preffe le Roi d'être inflexible. Mais Zéline
défend les deux Héros infortunés : Ramir
a confervé fes jours ; il a pris fa défenſe
auprès d'Alphonfe ; elle doit le fervir
à fon tour. Le Roi fe rend enfin , reconnoit
le Comte pour fon frere , & Ramir
pour fon neveu. Zéline applaudit à
ce trait génereux . Alphonfe l'engage à
combler le bonheur de Ramir par leur
union. Elle fe défend dabord ; mais elle
JUI N. 1757.
181
change bientôt de langage , & finit la piece
par ce vers :
Seigneur , je fuis vaincue , & je dois obéir.
Cette Comédie eft imprimée & fe vend,
chez Cuiffart , quay de Gêvres , à l'Ange
Gardien . L'extrait eft d'un ami de l'Auteur.
Le Deuil Anglois , Comédie en Vers ,
en trois actes , par M. Rochon , repréfentée
pour la premiere fois au même Théâ
tre le 12 Mars 1757 , vient auffi d'être
imprimée , & fe débite , chez la Veuve
d'Houry , rue de la veille Bouclerie . Prix
1 liv . 4 fol.
CONCERT SPIRITU EL.
Le jeudi 19 Mai , jour de l'Afcenfion , le
Concert fut très - beau par le choix & par
l'exécution. Il commença par une fymphonie
de M. Papavoine , fuivie d'Exaltabo te ,
motet à grand choeur de Lalande . Enfuite
MM . Tarrade & le Miere jouerent un duo
de violon , qui fut très- applaudi . Mademoiſelle
le Miere & M. Befche ne le furent
pas moins dans le premier concerto de
voix de M. Mondonville. Mademoiſelle
Fel chanta Laudate , pueri , petit motet de
182 MERCURE DE FRANCE.
M. Fioco , & dans le beau motet d'orgue
de M. Mondonville , avec ce goût , cette
légéreté & cette précifion , qui la rendent
fi fupérieure dans fon art.
Le dimanche 29 du même mois , jour
de la Pentecôte, le Concert commença par
une fymphonie, fuivie de Judica, Domine ,
motet à grand choeur de Fanton. Enfuite
M. le Gros , page de la mufique , chanta
un petit motet . M. Piffet joua une fonate
de violon. M. Bazir chanta un petit motet.
M. Balbaftre joua fur l'orgue une fymphonie
, & l'on finit par le Venite exultemus
de M. Mondonville.
JUI N. 175.7. 183
ARTICLE VI.
NOUVELLES ÉTRANGERES.
ALLEMAGNE.
DE VIENNE , le 18 Mai ,
Comme on n'a point encore de relation circonftanciée
& pofitive de la bataille donnée le
6 de ce mois près de Prague , on attendra , pour
en parler , que l'on foit en état de pouvoir en
donner des détails plus étendus & de plus affurés.
On affure que les troupes , avec lesquelles le
Prince Charles de Lorraine eft à Prague , montent
à quarante-fix mille hommes , en y comprenant
un corps qui campe dans les dehors de la Place.
L'armée que commande le Feld - Maréchal Comte
de Daun , eft campée entre Kollin & Kuttenberg.
Forte déja de plus de cinquante mille hommes ,
elle fera augmentée inceffamment par le corps du
Général Nadafty. On y attend auffi vingt Batail-
Ions , compofés chacun de fix compagnies .
DE RATISBONNE , le 22 Mai.
Le Baron de Mackau , Miniftre de France , remit
le 26 du mois dernier à la Diette de l'Empire
ane nouvelle déclaration de Sa Majeſté Très- Chrérienne
, datée du 20 Mars 1757.
Il arriva le 18 de ce mois à Nabburg huit cens
hommes des troupes Pruffiennes avec quatre canons
& huit mortiers. Auffitôt la Régence d'Am184
MERCURE DE FRANCE.
berg envoya deux Députés , pour conférer avec
le Lieutenant- Colonel , qui commandoit ce détachement.
Ce Lieutenant - Colonel s'eft rendu
avec les deux Députés à Amberg , où il a eu un
entretien d'une heure & demie avec le Vice- Commandant
de la Ville. Les nouvelles du Haut -Palatinat
portent que des troupes légeres du Roi de
Pruffe y font entrées , & qu'elles ont mis à contribution
quelques Bourgs des Etats de l'Electeur
Palatin.
ESPAGNE.
DE MALAGA le 9 Mai.
3 ୨
?
Le fieur du Reveft ayant fait voile de Toulon
avec les Vaiffeaux de guerre le Hector , de 74
pieces de canon , l'Achille , le Vaillant & le Sage
, de 64 chacun ; un gros temps l'avoit obligé
de relâcher ici . Le Conful , qui réfide en cette
Ville de la part de la Nation Angloife , en informa
fur le champ l'Amiral Saunders . A cette nouvelle
, cet Amiral leva l'ancre de la Baie de Gibraltar
, avec les Vaiffeaux de guerre le Culloden ,
le Berwick , la Princeffe Louife , le Portland & le
Guernesey. Il y avoit fur chacun de ces Bâtimens
outre l'équipage , cent cinquante homme de troupes
de Marine. Les , le fieur du Reveſt remit à la
voile , pour continuer fa route . Près du Détroit
il rencontra l'Efcadre Angloiſe. L'Amiral Saunders
prit le vent fur les François , & fe mit en ligne
pour les attaquer. Le Sieur du Reveft forma
auffi fa ligne . En même- temps , cherchant à
gagner le vent , il lâcha uue bordée , qui donna
dans les agrêts des Vaiffeaux le Portland & lè
Guernesey mais qui ne leur caufa qu'un lére
dommage. Les deux Efcadres fe canonnerent
"'
JUI N. 1757 .
pendant près de deux heures. La nuit les fépara's
& l'Efcadre Françoife , qui n'avoit d'autre but
que de paffer le détroit , pourfuivit fa navigation,
ITALI E.
DE NAPLES , les Mai.
Plufieurs Tartanes , ayant à bord le Régiment
Royal Italien , ont fait voile de Gaete pour Palerme
fous l'escorte d'un Vaiffeau de guerre. Un des
Chabecs du Roi a conduit ici un Corfaire d'Alger ,
de dix canons , & de cent hommes d'équipage.
On a appris que Don Jofeph de Martinez a pris
un Corfaire de Tripoli , fur lequel il y avoit cent
vingt-huit hommes , & qui étoit armé de douze
canons. Ce Bâtiment Barbarefque s'eft défendu
pendant un jour entier. Quatre-vingt- dix- neuf
hommes de fon équipage ont été tuées dans le
combat.
DE LA BASTIE , le 9୨ Mai.
Depuis long- temps , les Rebelles étoient divifés
en deux factions. Celle de Paoli étoit devenue la
plus puiffante ; mais la feconde , à la tête de la
quelle étoit Matra , ne laiffoit pas d'être encore
nombreuſe. Elle tenoit le Fort Aleria , & quelques
autres poftes qu'il étoit difficile de forcer.
Paoli a eurecours à la rufe , pour abattre le parti
qui lui étoit contraire. Il a feint d'être abandonné
de la plupart de fes adhérens , & il s'eft retiré
dans le Couvent de Bofio , comme pour fauver fa
vie. Matra , étant allé l'y attaquer , s'eft trouvé
enveloppé par les troupes que Paoli avoit mifes
en embuscade. Prefque tous les affiégeans ont été
186 MERCURE DE FRANCE.
taillés en pieces. Trois de leurs chefs ont été pris.
Paoli les a fait paffer par les armes. Matra , en
fuyant , a été tué.
GRANDE BRETAGNE.
DE LONDRES , le 24 Mai.
Les Vaiffeaux du Roi , & nos Armateurs , fe
font emparés depuis peu de fept Navires François
partis de Bordeaux . Selon les Lettres de la Jamaïque
, le Chevalier de Bauffremont , avec quatre
Vaiffeaux & trois Frégates , bloque le Port-
Royal. Les mêmes nouvelles ajoutent , que ce
Chef d'Efcadre s'eft rendu maître du Vaiffeau de
guerre le Greenwich , de so canons , qui étoit
employé à eſcorter les Navires Marchands au paſfage
du vent.

On remit le 17 de ce mois aux deux Chambres
du Parlement un Meffage du Roi , portant que ,
comme il pourroit furvenir des événemens de la
derniere importance , qui auroient les fuites les plus
funeftes fi l'on ne recouroit promptement aux
moyens de les prévenir ; Sa Majesté défiroit quefon
Parlement la miten état de fournir aux dépenses extraordinaires
, faites ou à faire pour la guerre
pendant cette année , & de prendre toutes les mefures
que les circonstances exigeront pour s'opposer aux
entreprises des ennemis. La Chambre des Communes
prit le lendemain en confidération le Meffage
du Roi , & elle réfolut d'accorder à Sa Majesté un
million fterling. Le 20 , elle décida que ce million
fe leveroit par emprunt ou par des billets de
l'Echiquier , payables fur le fubfide de l'année
1758. On affure que l'Amiral Holbourne eft
chargée de faire , à fon arrivée en Amérique ,
des
JUI N. 1757 .
187
recherches pour découvrir deux Corfaires , l'un
d'Hallifax , l'autre de la nouvelle Angleterre
qui ont exercé diverfes déprédations contre les Efpagnols.
FRANC E.
Nouvelles de la Cour , de Paris , & c.
LE 2 Avril , le Roi tint le Sceau pour la troifieme
fois dans la même piece de fon appartement ,
où Sa Majesté l'avoit tenu le 4 & le 18 du mois
de Mars. Les fix Maîtres des Requêtes , nommés par le Roi pour affifter
au Sceau pendant
ce trimeftre
, font Mrs. de Bercy , de Villeneuve ,
d'Argouges de Fleury , Bernard de Balinvilliers ,
le Nain , & Amelot de Chaillou . Après que M.
Jolly , Grand Audiencier de France , eut préfenté
les Lettres dont il étoit chargé ; ils firent
ainfi que le Confeiller du Grand Confeil , Grand
Rapporteur , le rapport de celles qui les concernent.
M. Charpentier , Contrôleur Général de
la Chancellerie , a rempli les fonctions de cette
charge. Elles avoient été remplies dans le trimeftre
de Janvier par M. Chazelle , alors en
exercice . Les trois jours que Sa Majeſté a tenu le
Sceau , M. de la Haye , Procureur du Roi des
Requêtes de l'Hôtel , & Général des grande &
petite Chancelleries , a occupé la place qui lui
eft marquée derriere les Maîtres des Requêtes.
On effuya à Paris , le même jour au foir , un ouragan
des plus terribles . Cette tempête a embraf
fé une grande étendue de pays , & a caufé des
188 MERCURE DE FRANCE.
dommages confidérables en plufieurs endroits
Elle a été , particuliérement au Havre , l'occafion
d'un finiftre événement. L'impétuofité du
vent ayant emporté une partie du comble de la
falle de la Comédie , une autre partie de ce
comble eft tombée fur les luftres & fur les lampions
du théâtre. Le feu a pris aux décorations ,
& bientôt à toute la falle . Il y avoit près de
cinq cens perfonnes au fpectacle. Onze ont été ,
les unes écrasées , les autres brûlées ou étouffées .
Vingt autres ont été bleffées . Toute la falle a
été réduite en cendres. L'incendie a duré trois
heures. Il auroit confumé la ville entiere , fi les
fecours qu'on apporta n'euffent arrêté le progrès
des Aammes.
Le Jeudi-Saint , l'Evêque de Saint - Omer ayant
fait l'Abfoute , & le Roi ayant entendu le Sermon
de la Cene de M. Frefneau , Vicaire de la Paroiffe
Royale de Saint Germain l'Auxerrois à
Paris ; Sa Majesté a lavé les pieds à douze pauvres
, & les a fervis à table. Le Prince de Condé ,
Grand-Maître de la Maifon du Roi , étoit à la
tête des Maîtres d'Hôtel , & il précédoit le Service
, dont les plats ont été portés par Monfeigneur
le Dauphin , le Duc d'Orléans , le
Comte de Clermont , le Prince de Conty , le
Comte de la Marche , le Comte d'Eu , le Duc
de Penthievre , & par les principaux Officiers
de Sa Majesté . Après cette cérémonie , le Roi
& la Reine fe font rendus à la Chapelle , où
Leurs Majeftés ont entendu la grande Meffe , &
ont affifté enfuite à la Proceffion.
Le 11 , Madame la Comteffe de Giſors , à qui le
Roi a accordé un Brevet d'Honneur, eut l'honneur
de faluer Leurs Majeftés , & prit le tabouret .
Le Roi a choifi l'Evêque , Duc de Laon , pour
JUIN. 1757. 189
remplacer en qualité d'Ambaſſadeur de Sa Majeſté
auprès du Saint Siege, le Comte de Stainville , qui
doit aller réfider avec le même caractere auprès de
l'Impératrice Reine de Hongrie & de Boheme.
Le 17 Avril , les Députés des Etats d'Artois
eurent audience du Roi , étant préſentés par M.
le Duc de Chaulnes , Gouverneur de la Province >
& par M. le Marquis de Paulmy, Miniftre & Secre
taire d'Etat , & conduits par M. Defgranges , Maître
des Cérémonies. La députation étoit compofée,
pour le Clergé , de l'Evêque de Saint- Omer , qui
porta la parole ; du Marquis de Creny , pour la
Nobleffe , & de M. de Canchy , Maire d'Arras
pour le Tiers Etat.
"
Le Roi a accordé la Cornette vacante dans la
feconde compagnie des Moufquetaires par la mort
de M. le Marquis de Villegagnon , à M. de Keret
de Keravel , premier Maréchal des Logis de cette
Compagnie. Sa Majefté en cette occaſion a bien
voulu rappeller un ufage long-temps fuivi par
rapport aux deux compagnies de Moufquetaires.
Toute la Nobleffe apprendra fans doute avec
plaifir une nouvelle qui intéreffe un Corps ,
dans lequel elle a toujours tenu à honneur de faire
au moins fes premieres campagnes.
Le 10 Mai , le Roi tint le Sceau , pour la cinquieme
fois. Avant le Sceau , les Secretaires du
Roi eurent l'honneur de préfenter à Sa Majeſté
dans fon Cabinet la bourfe de jettons , que cette
Compagnie donne ordinairement au Garde des
Sceaux le jour de S. Jean Porte-Latine. M. Carpot,
comme l'ancien des Secretaires du Roi préfens ,
porta la parole. La bourfe fut préſentée par
M. Hemart , Tréſorier de la Compagnie.
Le 11 Mai , le Roi , accompagné de Monſei
gneur le Dauphin , fit dans la plaine des Sablons ,
190 MERCURE DE FRANCE.
la revue des Régimens des Gardes Françoiſes &
Suiffes. Ces deux Régimens , après avoir fait
l'exercice , défilerent en préfence de Sa Majesté.
Madame & Mefdames Victoires & Sophie , af
fifterent à cette revue. Le peuple exprima par fes
acclamations réitérées la joie que lui inſpiroit la
préfence de Sa Majesté.
Le Roi a agréé , pour la place de Colonel-
Lieutenant du Régiment d'Infanterie d'Orléans ,
vacante par la démiffion du Comte de Balleroy ,
le Marquis Saujon , Colonel dans les Grenadiers
de France. Sa Majefté a nommé le Comte de
Guines de Souaftre , & le Chevalier de Durfort ,
Colonels dans le Corps des mêmes Grenadiers.
La convention conclue entre le Roi & l'impératrice
Reine de Hongrie & de Boheme , fur le
fervice de leurs armées combinées , étant d'une trop
grande étendue pour pouvoir être inférée ici en
entier , on fe contentera d'en extraire les principaux
articles :
« Les troupes de S. M.Très- Chrétienne n'étant
» qu'auxiliaires des troupes de S. M. l'Impératrice
» Reine, celles - ci auront toujours la droite en quel
» que nombre qu'elles fe trouvent avec les trou-
» pes Françoifes , excepté dans le cas où la difpo-
» fition militaire ne pourroit pas permettre aux
» troupes de former la totalité de l'aîle droite ,
>> premiere & feconde ligne : en ce cas , l'Infan-
» terie de Sa Majesté l'Impératrice aura la totalité
» de la droite de l'infanterie , premiere & fecon-
» de ligne ; le Corps de la Cavalerie , premiere
» & feconde ligne , fera placé & joint à la droite
» de l'Infanterie , & le furplus de la Cavalerie ,
>> néceffaire pour former l'aîle droite , fera fourni
» par les troupes Françoifes. Dans le même cas
où les troupes Françoifes feront auxiliaires , &
JUIN. 1757. 191
où elles feront en moindre nombre que les trou
» pes de l'Impératrice Reine , elles feront mifes
» en bataille fur l'aîle gauche dans le même or→
» dre , qui vient d'être expliqué pour l'aîle droite
» en parlant des troupes de l'Impératrice Reine..
>> Mais fi au contraire , par quelque cas impré-
» vu , les troupes de l'Impératrice Reine devien
» nent auxiliaires du Corps des troupes Françoi-
» fes , elles prendront pofte à la gauche , fuivant
» les difpofitions prefcrites ci - deffus pour les trou-
» pes Françoifes , lorfqu'elles étoient dans le cas
» d'être auxiliaires .
» Quelque grade militaire que puiffe avoir l'Of-
>> ficier qui commandera en chef les troupes de l'u-
» ne ou de l'autre Nation , qui feront en moindre
» nombre dans une armée combinée , il fera tou-
» jours la feconde perfonne de l'armée , fans pouvoir
devenir la premiere , quand même le com-
» mandement tomberoit entre les mains d'un
» Officier Général des troupes de l'autre Nation ,
» qui feroit d'un grade inférieur au fien.
La préférence pour le commandement entre
» les Officiers Généraux des deux Nations , Officiers
Supérieurs , & autres , fera toujours réglée
» par la date des pouvoirs , brevets & commiffions
defdits Officiers , auxquels , à grade égal ,
» l'ancienneté donnera toujours le droit de com-
> mander.
» Comme il y a dans les troupes des deux Puiffances
, des grades différens les uns des autres ,
» tels que ceux de Brigadiers d'Infanterie , de
» Cavalerie & de Dragons , dans les troupes de
» S. M. T. Chrétienne , & ceux de Généraux d'Infanterie
& de Cavalerie dans les armécs de l'Impératrice
Reine ; & comme il eft néceffaire d'égalifer
le fervice par quelque expédient , qui
5
192 MERCURE DE FRANCE.
»fatisfaffe également aux ufages des deux Nations ?
l'Impératrice Reine défignera autant de Colonels
de fes troupes , qu'Elle le jugera à propos ,
» pour faire le ſervice de Brigadiers dans les ar-
» mées combinées ; & de fon côté S. M. T. C.
défignera le nombre qu'Elle jugera à propos de
Lieutenans-Généraux de ſes armées , pour faire
» le fervice de Généraux de Cavalerie & d'Infante.
» rie dans lefdites armées combinées .
>> Tous les Généraux de Cavalerie ou d'Infante-
» rie de l'une ou de l'autre Nation , foit qu'ils
>> aient réellement le grade , foit qu'ils foient
» fimplément défignés & admis à en remplir les
>> fonctions , prendront rang entr'eux pour le
> commandement , du jour de la date de leurs
» pouvoirs , ou commiffions de Lieutenans - Gé-
» néraux.
» De même les Brigadiers de l'une & l'autre
» Nation , ou poffédant réellement ce titre , ou en
>> étant revêtus occafionnellement , prendront rang
» entr'eux , pour le commandement & le fervice ,
» du jour de la date de leurs commiffions reſpecti
» ves de Colonels. Quant aux Lieutenans- Colo-
» nels François , employés en leur qualité de Brigadiers
, ils prendront rang avec les Officiers
» Autrichiens défignés pour faire ledit fervice de
Brigadiers , fuivant la date de leurs brevets de
» Brigadiers ; & les mêmes Colonels Autrichiens ,
» défignés pour tenir rang avec les Brigadiers , fe
» régleront en conféquence , fuivant la date de
» leurs commiffions de Colonels , avec lefdits
Lieutenans -Colonels des troupes Françoiſes ,
» du jour que lesdits Lieutenans-Colonels auront
» été nommés au grade de Brigadier .
» L'ufage étant parmi les troupes Françoifes ,
que dans les détachemens l'Officier de Cava-
» lerię
JUIN. 1757.
193
» lerie commande en plaine , & que lorsque le
» même détachement ſe trouve dans les Places ou
» dans des lieux fermés , le commandement appartient
, à grade égal , à l'Officier d'Infante
» rie : au contraire , parmi les troupes Autri
» chiennes , le commandement ne variant jamais ,
foit en plaine , foit dans les lieux fermés , cha
» que Nation fuivra fes regles à cet égard. Et
toutes les fois qu'il y aura variation entre les
» Commandans des troupes Françoiſes en confé
» quence de leurs Ordonnances , le nouveau Com.
» mandant fera toujours en droit de fe régler avec
» les Commandans des troupes Autrichiennes par
n la date de leurs commiffions refpectives. Mais
» l'Officier Autrichien commandera , foit en plai
» ne , foit dans les lieux fermés , s'il eft ancien
» ou fuivant fon ancienneté fur celui des deux
» qui appartiendra de droit le commandement
» fur les troupes Françoifes.
- >> Le Commandant en chefdu Corps de troupes
>> des deux Nations , qui fera en moindre nomwbre
dans une armée combinée , fera appellé à
> tous les Confeils de guerre , & à fon défaure
l'Officier Général , ou autre à qui le comman~
» dement des troupes de fa Nation fera échu...
7
Il ne pourra rien diminuer ni changer aux
»-bans que les Général de Parmée fera publier :
» cependant comme il peut y avoir dans les ufa-
» ges de l'une des deux Nations , des punitions
plus féveres pour certains crimesque dans l'au
>>>- tre , chaque Nation, fuivra fes uſages à cet
» égard ; & le Commandant des troupes qui fe
» ront en moindre nombre à l'armée pourra tou
»jours ajouter au ban du Général de l'armée , ce
» qu'il croira néceffaire pour la plus févere punition «
» des délits , & pour l'entière exécution des Or- e
• II. Vol b anellinred I
194 MERCURE DE FRANCE.
I
» donnances de fon Souverain , auxquelles il aura
> attention de fe conformer ; mais il ne pourra
jamais rien diminuer à l'efpece des punitions qui
» feront ordonnées par lefdits bans du Général
» de l'armée , quand même les uſages de få Nay
tion feroient différens. .....
» Il pourra faire grace aux criminels des trou-
» pes de fa Nation pour les cas de fa juftice parti-
>> culiere , mais non pas pour les délits commis
> contre les défenfes portées dans les bans publiés
» par l'ordre du Général de l'armée , à qui feul ce
droit appartiendra ; mais de fon côté le Général
» de l'armée ne pourra pas faire grace à un crimi-
>> nel qui auroit été condamné par le Confeil de
guerre de l'autre Nation , fur les fujets de laquelle
le droit de vie & de mort appartient à
» fon feul Souverain , ou à celui qui le repréfente.
» Le feul Général de l'armée combinée aura
» droit de donner des fauve -gardes ; mais lorfqu'il
en enverra , il en fera fourni proportion-
»> nellement par les troupes des deux Nations.
» On fuivra , pour la façon de camper , & pour
» les détails du campement , les ufages de chaque
» Nation . Elles fuivront de même leurs ufages
» pour leur ordre de bataille particulier.
A l'égard des marches générales de l'armée ;
» quoique l'on convienne que les troupes belligé
Drantes doivent toujours avoir la droite & Pa-
>>. vant-garde , cependant il eft des occafions , où,
» en corps d'armée , cette difpofition ne peut pas
» avoir lieu militairement , & le Général de l'ar-
» mée fera le maître de faire , à ce ſujet , les dif
p.pofitions telles qu'il le jugera à propos.

En détachement , les troupes de la Nation
belligérante auront toujours l'avant- garde en
pallant à l'ennemi, & l'arriére- garde dans les cas
» de retraite ; les bataillons de la même Nation ,
JUIN. 1757. 195
la droite dans la tranchée ; & leurs Compagnies
» de Grenadiers , la tête de la ſappe.
» Les Gardes & détachemens feront fournis par
proportion réciproque du nombre complet des
» troupes de chaque Nation , qui formeront l'armée
combinée . Chaque garde ne fera jamais
» compofée que de troupes de la même Nation .
» Les détachemens de cinquante hommes , & au
» deffous , ne feront de même jamais compofés
» que de troupes de la même Nation . Les déta-
*
chemens plus confidérables feront compofés de
» plufieurs troupes de cinquante hommes des
» troupes des deux Nations , en proportion de
» leurs forces. Et comme les Officiers particuliers
» des troupes Autrichiennes font en moindre
» nombre que ceux des troupes Françoifes , ils
» n'enfourniront que la moitié de ceux qui feront
» commandés pour les détachemens des troupes
>> Françoiſes , à moins que pour des raifons par-
❤ticulieres le Commandant Général de leur Na-
» tion ne jugeât à propos d'y faire marcher un
plus grand nombre d'Officiers.
» Dans les difpofitions qui feront faites pour
» l'emplacement des troupes des deux Nations
dans des cantonnemens ou des quartiers d'hywwer
, on obfervera , autant qu'il fera poffible
» de les placer fuivant l'ordre de bataille que les
troupes des deux Nations tiennent entr'elles à
l'armée.
» Si les circonstances , la nature du pays , les
objets militaires , ou autre raiſons , ne permet-
>> toient pas de fuivre cet ordre , on obfervera de
ne point entremêler les troupes d'une Nation
» avec celles de l'autre , & de leur former un ar-
» rondiffement , de façon que le corps qui fera
» en moindre nombre , de même que celui qui
Î ij
196 MERCURE DE FRANCE.
» fera en plus grand nombre , foient placés , fans
» interruption , en premiere , feconde & troifie-
» me ligne.
Il en fera de même pour les fourrages ; &
» dans ceux qui feront faits , foit au verd , ſoit au
» fec , on obfervera d'affigner, à chaque Nation
» un terrein marqué , ou un arrondiffement de
» Villages , qui faffe que chaque Nation puiſſe
» fourrager fans le mêler avec l'autre.
Cette convention , qui contient trente-huit articles
, fut fignée à Vienne le 25 du mois de Février
dernier , au nom du Roi , par le Maréchal
d'Eftrées , Plénipotentiaire de Sa Majefté , & au
nom de l'Impératrice Reine de Hongrie & de
Boheme , par le Feld- Maréchal Comte de Neipperg,
chargé des pouvoirs de cette Princeffe. La
ratification du Roi eft datée du 19 Mars , & celle<<
de l'Impératrice Reine , du 25 du même mois.
Le 11 Mai , les Chevaliers de l'Ordre de Saint-
Michel tinrent un Chapitre dans le grand Gouvent
des Religieux de l'Obſervance . M. le Duc de Vil
leroy, Chevalier des Ordres du Roi , y préfida en..
qualité de Commiffaire de Sa Majesté. H reçut
Chevaliers M. Dupleix , ci-devant Gouverneur de
Pondichery , & Commandant en chef dans les établillemens
François aux Indes Orientales ; M, Faucher,
Commiffaire des Guerres , qui a été emploié ‹
pour les affaires du Roi à Genes, & à Turin , &
M. Laurent , Ingénieur célebre par l'invention de
plufieurs machines auffi utiles qu'ingénieuſes. Le
Baron d'Olne , Liégeois M. Olivieri , premier
Sculpteur du Roi d'Efpagne , &@M. Zabielo
, Gentilhomme de Lithuanie , que le Roi a
nommés Chevaliers , furent préconisés dans les
mêmeChapitre Sa Majefté a mis auffi au nombre
des Chevaliers de l'Ordre de Saint Michel M.
L
197
$
JUIN
. 1757.
Haufer , Bailli du canton de Glaris , & M. Freuler,
Banneret & Brigadier du même Canton.
Le 12,le Roi & Madame furent parrein & marreine
de M. Bontemps , un des quatre Valets de
Chambre de Sa Majefté , & dont la famille depuis
quatre générations poffede cette charge. Il a éte
nommé Louis Pierre- Dominique. Les cérémonies
du Baptême lui furent fuppléées.dans la Chapelle
du Château , en préfence du Curé de la Paroiffe de
Notre-Dame , par l'Abbé de Sainte Aldegonde ,
Aumonier du Roi.
Leurs Majeftés fignerent le 15 le contrat de
mariage de M. Bontemps avec Mlle. Teiffier , fille
de l'ancien Maître de la Chambre aux Deniers ,
& celui de M. Teiffier fils avec Dlle. Bontemps.
Sur la démiffion de M. de Pontcarré , de Roi a
nommé premier Préfident du Parlement de Nor.
mandie M. Hue de Miromefnil , Maître des Requêtes.
M. Buache , de l'Académie Royale des Sciences
, a eu l'honneur de préfenter au Roi un rẻ-
ceuil de cartes & de tables , approuvées par cette
compagnies : elles établiffent un fyftême de géographie
phyfique fur la ftructure du globe , conconfidérée
par les grandes chaînes de montagnes,
qui traverfent les continens , comme les mers
d'un pôle à l'autre , & d'Occident en Orient.
Pour rendre fon fyftême complet fur l'enchaînement
des continens connus avec celui des terres
Antarctiques dont on connoît trois points principaux
, l'Auteur a examiné l'existence de ces terres.
Il en fixe l'étendue & la figure , dans un mémoire
que le temps ne lui a pas permis de life à la
derniere rentrée publique de l'Académie des
Sciences .
"
M. Hardouin Manfard-de Lévy- de Sagonne ,
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
de l'Académie Royale d'Architecture , & ancien
Architecte du Roi , prêta ferment le 22 entre les
mains de Sa Majefté , pour la charge de Lieutemant
de Roi de la Province de Bourbonnois.
Le Roi a accordé le brevet de Lieutenant de Frégate
, avec une gratification de quatre cens livres ,
a M. Rozier , commandant le Navire le Robufte ,
qui foutint le & du mois dernier , & les deux jours
fuivans trois combats très- vifs contre une Frégate
Angloife , fort fupérieure en forces , & le 11 du
même mois un autre combat contre un Corfaire
de 200 hommes d'équipage. Sa Majéſté a donné
une épée au Lieutenant de M. Rozier , une gratification
de trois mille livres pour l'équipage du
Navire le Robufte , & pour les Volontaires étrangers
embarqués fur ce Bâtiment , une de quatre
cens livres au Chevalier de Saint - Rome qui commande
ces derniers , & une de trois cens à M. de
Gaignerau fon Lieutenant.
Le fieur Martel , commandant la Frégate du
Roi la Valeur , s'eft emparé le 28 du mois de
Mars , à la vue de Belle -Iffe , d'un Corſaire Anglois
armé de 10 canons , 10 pierriers , & 70
hommes d'équipage .
*
Le Corfaire le Duc d'Aumont , de Boulogne
a relâché à Dunkerque , où le Capitaine Libert
qui le commande , a remis les ôtages des fept
rançons qu'il a faites , & qui montent enfemble
$ 3000 liv.
On mande de Saint -Malo , que le Capitaine
Thomas Donat , qui commande le Corfaire la
Duc d'Aiguillon , de ce Port , y a conduit le Corfaire
Anglois le Blackeney , armé de 16 canons
& de 12 pierriers. Il s'en eft emparé à la vue des
Sept-Ifles.
>
Le Corfaire l'Aurore ,, de Bayonne , dont eft
JUIN. 1757.
1994 :
Gapitaine le fieur Lavernis , s'eft rendu maitre des
Navires Anglois l'Induftrie & l'Ami , venant de
la Caroline . Ils font chargés , l'un de 25441 livres
d'indigo , de 25 barrils de riz , de 135 barrils de
goudron , & de 86 barrils de brai ; l'autre de 36341
livres d'indigo , de 1-32 barriques de café , de 3
boucauts de fucre , de pelleteries , & d'autres
marchandiſes.
Le Capitaine Saubat- Balanqué , commandant
la Marquise d'Amon , autre Corfaire de Bayonne,
s'eft emparé du Navire Anglois le Duc de Scarbo
rough , de 160 tonneaux , chargé de faumon falé
& d'autres marchandiſes. Cette prife a été conduite
en ce Port .
Le Vaiffeau du Roi l'Hippopotame , armé en
courſe , & commandé par le fieur de Pigache
Lieutenant de Vaiffeau , a pris & fait conduire à
Marſeille le Navire Anglois l'Elifabeth , qui alloit,
d'Yarmouth à Venife avec un chargement
compofé de plomb & de falaiſons .
On a été informé par des lettres écrites de Mahon
, que le nommé François Nufa , Minorcain ,
qui commande un des quatorze Corfaires armés
en ce Port , a pris à l'abordage deux Navires An
glois , l'un de 14 canons l'autre de 2 , & qu'il les
a conduits à Cartagene . Ces deux priſes font d'une
valeur affez conſidérable .
Le Capitaine Martin la Fargue , commandant
Le Corfaire l'Aigle , de Bayonne , y eft rentré le
4 Avril , avec deux Navires Anglois , dont il
s'eft rendu maître. Ces deux Navires , appellés
Pun la Charmante Nancy , l'autre la Charmante
Marthe , font très- richement chargés. La cargai
fon du premier confifte en 87577 livres d'indigo ,
189 futailles de fucre , 223 futailles de café , 75
futailles de riz , 25 furons de kina , 6 furons de
I iv
200 MERCURE DE FRANCE.
tabac d'Efpagne , 62 madriers de bois d'Acajou ,
1 pipe de vin de Madere , 36 cuirs de boeuf en
poil , a barriques de cortera , 5 tonneaux de bois
de Bréfil , & 13 tonneaux de bois de Campe
che. Le fecond a pour chargement 103000 li
vres d'indigo , 37 futailles de fucre , une pipe
de vin de Madere , 151 futailles de riz , 100
furons de tabac d'Eſpagne , 10 tonneaux de bois
de Campeche , to furons de kina , 30 futailles de
café , 27 futailles de peaux de chevreuil 1 barril
&6 paquets de pelleteries , 29 paux d'ours , 186
barrils de goudron , & une caiffe contenant 10 li
vres d'ambre gris.
>
L'Espérance , autre Corfaire de Bayonne , commandé
par le Capitaine Dotatce , a pris & a fait
conduire à Bordeaux le Navire le Marchand , de
80 tonneaux , chargé de vin de Malvoiſie , & de
fruits.
Le Corfaire le Comte de Saint-Germain , de
Dunkerque , s'eft emparé des Navires Anglois le
Flot , de 180 tonneaux , venant de la Caroline
avec un chargement de 325 boucauts de tabac ;
l'Anne , de 170 tonneaux , n'ayant que fon left ,
& d'un autre Bâtiment qu'il a rançonné pour 100
livres sterlings.
Le Capitaine Jalineau , commandant le Corfaire
la Comteffe de Noailles , de Bordeaux , s'eft
zendu maître du Corfaire Anglois la Molley , de
de Jerzey , de 18 Canons , 14 pierriers & 93
hommes d'équipage , & il l'a conduit à Breft.
On mande de Bayonne , que le Corfaire la Repréfaille
, de ce Port , a pris & y a fait conduire
le Navire Anglois la Ducheffe de Blewford , de
Briſtol , de 166 tonneaux , chargé de fucre , girofle
, poivre , gingembre , & autres marchandifes.
Des lettres écrites de Marfeille marquent que
JUI N. 1757.
201
le Corfaire le Bien- Aimé , de ce Port , y á conduit
le Navire Anglois le Faffi , dont il s'eft emparé
, & dont le chargement confifte principalement
en huile .
Le Capitaine Libert , commandant le Corfairé
le Duc d'Aumont , de Boulogne , eft entré à
Dunkerque , où il a remis les otages de fept
rançons montant enſemble à 1000os livres.
Les Corfaires la Difficulté & l'Hyver , du Havre
, y ont fait conduire le petit Corfaire Anglois
le Héros , armé de 2 canons , 8 pierriers , & 25
hommes d'équipage. Ils s'en font emparés à l'embouchure
de la riviere de Caén .
On mande de Saint-Malo , que le Corfaire
le Marquis de Puyzieulx , de ce Port , s'eft rendu
maître du Corfaire Anglois le Tartare , de
Guernezey , ( ci- devant la Baftienne , de Boulo.
gne ) de huit canons , 8 pierriers , & 56 hom
mes d'équipage.
a
Le Capitaine Magnonet qui commande le Corfaire
le Machault , de Granville , a pris & à fait
conduire à Rofcoff deux Bâtimens Anglois : l'un
eft un Corſaire de Guernezey , de 8 canons , 10
pierriers , & 53 hommes d'équipage ; l'autre eft
un Navire armé de 4 petits canons , ayant pour
chargement 245 futailles de fucre , & 46 milliers
de café .
Un autre Corfaire du même nom , armé à
Saint-Malo , s'eft rendu maître de la Corvette du
Roi d'Angleterre le Merlin , de 12 canons , &
107 hommes d'équipage. On a trouvé fur cette
Corvette , qui eft arrivée à Breft , une grande
quantité de munitions de guerre. Le même Cor
faire s'eft emparé d'un autre Bâtiment armé en
guerre avec 16 canons , 16 pierries , & 85 hommes
d'équipage.
I v
202 MERCURE DE FRANCE.
Il est arrivé à Bayonne un Navire Anglois aps.
pellé le Spitwel , de Londres. Il a été pris par le
Capitaine Fau , commandant le Corfaire la Repré
Jaille. Son chargement confifte en 658 futailles
de riz , 70 barrils de café , 53 barrils ou caiffes .
d'indigo , 11 barriques de pelleteries , 9 barriques
de bois de canelle , & is tonneaux de bois
de campeche.
On eft informé qu'un Corfaire François s'eft
emparé , dans les Mers du Nord , d'un Navire
Anglois richement chargé , & qu'il l'a conduit à
Bergue en Norwege..
Le Capitaine Olivier-Jean Bellanger , com
mandant le Corfaire le Caincy , de Dieppe , a remis
à Dunkerque les ôtages dedeux rançons qu'ik
a faites , & qui montent enſemble à 450 guinées.
Il eft arrivé à Dunkerque un Navire Anglois ,
appellé le Janet & Bety , de 60 tonneaux ,, char
gé de vin , d'eau-de-vie , de riz , & d'autres mar
chandifes. Il a été pris par le Corfaire le Duc d'Aumont
de Boulogne,
Les Corfaires la Difficulté & l'Hiver , du Havre,
ont pris & conduit à la Hougue le petit Corfaire
l'Aventure- Galley , de Jezey , armé de 4
pierriers , & de 17 hommes d'équipage.
Le Corfaire la Philippine , de Calais , y eft,
rentré avec les ôtages de cinq rançons qu'il a fai
tes, & qui montent enfemble à 795 guinées.
Les Bateaux Anglois le Jean & Marie & ls,
Thomas & Guillaume , l'un chargé d'huîtres
l'autre n'ayant que fon left , ont été, pris par les
Corfaires le Marquis de Villequier , la Princeffe,
de Condé & la Bonne Foy , qui les ont conduits à
Boulogne.
On mande du Havre , qu'il y eft arrivé trois,
Navires Anglois , appellés, l'un le Marchandde
y I
"
1
JUIN. 1757. 203.
Schiedam de 220 tonneaux , l'autre la Dame
Fortune , de 200 tonneaux ; & le troifieme le
Saint-Georges , de 140 tonneaux. Ces trois Bâtimens
, qui font chargés de charbon de terre , ont
été pris par le Corfaire la Victoire , de Saint-
Malo.
Le Puyzieulx , autre Corfaire de ce port , y a
conduit le Navire Anglois le Tigre , .de 230 ton--
neau , allant de la Virginie à Londres avec un char--
gement de 433 boucauts de tabac , 34. tonneaux
de fer , & autres marchandiſes.
Le même Corfaire , & un autre nommé l'In--
vincible , fe font emparés du Corfaire l'Amazone ,,
de Grenezey , armé de 16 canons , 10 pierriers ,,
& 94 hommes d'équipage.
On apprend par des lettres écrites de la Ro--
chelle , que le Corfaire le Maréchal de Richelieu ,
de Nantes , a conduit dans ce premier Port le:
Corfaire le Grenezey , de Grenezey , armé de 200
canons & de 180 hommes d'équipage. Il s'en eft
emparé après un combat de trois heures..
BÉNÉFICES DONNÉS.
Sa Majefté a donné l'Abbaye Réguliere de Soyor;,
Ordre de Saint - Benoît , Ville & Diocefé de Valence
, à la Dame de Maugiron , Religieufe de
cette Abbaye. L'Evêché de Coutances à M. l'Ab--
bé dú Quefnoy , qui en étoit Vicaire Général
depuis 20 ans; & l'Evêché de Senez à M; l'Abbé
de Woeles , Vicaire Général de l'Archevêché
d'Arles. L'Abbaye de Leffay , Ordre de Saint
Benoît , Diocefe de Coutances , à M. l'Abbé des
a Villé , un des Quarante de l'Académie Fran--
spife , premier Commis des affaires étrangeres ,
My
Ivjj
204 MERCURE DE FRANCE :
& ci-devant Miniftre de Sa Majefté auprès des
Etats Généraux des Provinces- Unies ; & celle de
Noaillé , même Ordre , Dioceſe de Poitiers , à M.
l'Abbé de la Ville Mirmont , frere de M. l'Abbé de
la Ville , & Vicaire Général de l'Evêché d'Arras .
MARIAGES ET MORTS.
MESSIRE Louis-Augufte de Rohan - Chabot ; -
Comte de Maillé -la Marche , fils de Meffire Guy-
Augufte de Rohan -Chabot , Lieutenant- Général
des Armées du Roi , & de feue DameYvonne- Silvie
du Breil de Rays , fut marié le 12 Avril à Demoifelle
Elifabeth Louife de la Rochefoucauld , fille
de feu Jean- Baptifte - Louis- Frédéric de la Rochefoucauld
, Duc d'Anville Lieutenant Général
des Armées Navales de Sa Majefté , & de
Louife-Elifabeth de la Rochefoucauld . La bénédiction
nuptiale leur a été donnée par le Cardinal
de la Rochefoucauld dans la Chapelle de l'Hôtel
de la Rochefoucauld.
Meffire Jacques- François de Carvoifin , Marquis
d'Achy , Enfeigne de la Compagnie des
Gendarmes de Bourgogne , fut marié le trois
de Mai , dans l'Eglife de Saint Sulpice , à Demoifelle
Marie Catherine -Jeanne Jubert de Bouville.
M. L'Abbé de Bouville , Vicaire Général du Diocèfe
de Chartres, leur donna la Bénédiction Nuptiale.
Leur contrat de mariage avoit été figné le
premier par Leurs Majeftés & par la Famille
Royale.
Demoiſelle Marie-Anne de Villelume-de Bar-"
montel , Dame de Châteaubrun , la Roche , Fref
fanges , le Mas de Voing & autres terres , eft morte
à Paris le 6 Mars , âgée de 82 ans.
JUIN. 1757. 205
Mademoiſelle de Villelume étoit l'unique refte
de l'illuftre Maiſon de Villelume en Auvergne ,
& defcendoit au treizieme degré de Guillaume de
Villelume , Chevalier , qui en 1196 jura pour le
Roi Philippe Augufte la paix avec le Dauphin
Comte d'Auvergne , & Guillaume fon fils , ainfi
qu'on l'apprend d'un extrait du tréfor des chartes ,
n°. 86 , regiftre de S. Louis , rapporté dans les
preuves de l'hiftoire de la Maiſon d'Auvergne par
Juftel.
Guillaume de Villelume eut pour fils W. de
Villelume , & pour petit-fils autre Guillaume de
Villelume , Seigneur de Villelume , Barmontel &
Montbardon , qui époufa par contrat du 12 Jan❤
1322 , Alexine de Tignieres. Ils eurent pour fils
Joffelin de Villelume , qui en 1374 fut avec dix
hommes d'armes au fervice du Duc de Berry , en
la guerre contre les Anglois. Il époufa Marguerite
de Saint- Nectaire , fille de Cafto feconde , de
Saint-Nectaire & d'Odine d'Alegre. De ce mariage
fortirent Hague de Villelume , Seigneur de
Villelume & de Barmontel , & Guy de Villelume
, Seigneur de Montbardon auteur de la
branche de ce nom , établie en Berry & Bourbonnois
, & dont l'on peut voir la généalogie en
l'hiftoire de Berry , par M. de la Thaumaffiere,
Hugue de Villelume époufa Claudine Duvernet
, fille de Bertrand , Chevalier , Seigneur Du
verner & de Beaulieu , & de laquelle il eut Claude
premier de Villume , qui fut tué au ſervice du Roi
Charles VII , étant avec le Duc de Bourbon. Il
avoit épousé par contrat du zo ·Janvier 1466 ,
Marguerite Maurine de Maflaurent, fille deJacques
Marin , Chevalier Seigneur de Maßlaurent, le Theil
& Saillant. Ils eurent pour fils Claude II de Villelume,
qui par contrat du 10 Mars 1486 , s'allialaves
306 MERCURE DE FRANCE.
Françoise de Rochefort , fille de Guillaume de
Rochefort , Baron de Châteauvert.
Leur fils Pierre de Villelume , époufa par contrat
du 7 Juillet 1515 , Charlotte de Saint-Georges,
fille de Jacques , Chevalier Seigneur de Saint-
George , l'Efpinas & la Buffiere , Sénéchal de la
Marche. Ils eurent pour fils Guillaume III de
Villelume , Chevalier de l'Ordre du Roi. Il fut à
toutes les occafions mémorables de fon temps ,
telles qu'à la bataille de Cerifoles , à la prife de.
Boulogne , au fiego de Metz , à la bataille de Ren--
ty & à celle de Saint- Quentin , où il fut fait pri
fonnier par les Anglois avec le Maréchal de Saint-
André. Il épousa le 18 Février 1537 , Louiſe det
Saint-Marfaut, fille de Brandelis , Seigneur de
Saint-Marfaut & du Verdier , Chevalier de l'Ordre
du Roi , dont naquit en 1543 Jacques de Vil--
lelume , Chevalier de l'Ordre du Roi , & Syndic:
de la Nobleffe d'Auvergne , qui mourut en 1646..
Il fut aux fieges de S. Jean d'Angely & de la Ro-.
chelle , ayant charge de cinquante hommes d'armes.
Il fut un des fix de la Nobleffe d'Auvergnequi
fe joignir à ceux de la ville de Clermont ,-
pour jurer & figner de fervir le Roi Henri III , aus
commencement des guerres de la Ligue , & fut :
député trois fois vers ce Prince de la part des Etats
d'Auvergne. Il époufa par contrat du 18 Juillet
1578 , Magdeleine de Vaffé , héritiere de fon
nom . Jean-François de Villelume fon frere , fut .
reçu Chevalier de Malte le 20 Juin 1572.,
Jacques de Villelume & Magdeleine de Vaffé ,
eurent pour fils Antoine de Villelume , fubftitué ,.
ainfi que fes defcendans , aux nom & armes de:
Vaffé. Il eut deux chevaux tués fous lui au combat:
de Caftelnaudarry , & fut tué en une autre occa-,
Lon. Il avoit époufé le 26 Février 1614 , Catherine:
JUI N. 1757. 207
'de Châlus , fille de François de Châlus , Baron de
Cordes , & de Jeanne de la Roche-Aimon . Ils eurent
pour enfans Gilbert.de Villelume ,, reça Chevalier
de Malte , le s Mars 1645. Jacques de Villelume
auffi reçu Chevalier de Malte le 26 Janvier
1650 , puis pourvu des Commanderies de Maifonnis
& de Montchamp , & Commandant le
vaiffeau là Sainte Anne , pour le fervice de fa Religion
. Charlotte de Villelume , Abbeffe de Saint
Geneft , & Jean-Charles de Villelume , Seigneur
de Villelume , Barmontel , Vaffé , Châteaubrun
le Theil , & c . Colonel du Régiment de Mercoeur
puis Maréchal de Camp. Il époufa par contrat du
10 Février 1642 , Marie de Moneftay , fille de
Gilbert de Moneftai , Baron des Farges , & da
Claude Dechazeron.
Maximilien.de Villelume leur fils , étoit le pere.
de Marie- Anne de Villelume qui donne lieu à cet
article , & de Marie- Pétronille de Villelume , qui
époufa par contrat du .... Septembre 1710 , Jean
Hautier , Comte de Villemontée , & dont les
enfans qui font Jean-François- Marien Hautierde
Villemontée , Seigneur . de Villemontée , Barmontel
; Jean-Marien Hautier- de Villemontée ,:
Seigneur de Chezelle & des Herards ; Antoine-.
Marien Hautier-de Villemontée , Abbé , Bachelier
de Sorbonne , Nicolas-Marien , Chevalier de Mal-.
te , & Marie-Françoiſe de Villemontée , veuve du
Seigneur de Viry , en Bourbonnois ., font héritiers
des biens de la maifon de Villelume , & fubftituést
aux nom & armes de cette Maiſon aux termes du
contrat de mariage de leur mere. >
La Maiſon de Villelume a pour Armes d'argents
à'dix-befans d'argent 4 , 3 , 2. & 1 , qu'elle écar--
tele de celles de Vaffé.
Meffire. Léonor de Goyon-de Matignon , Eyê.
208 MERCURE DE FRANCE.
que de Coutance , & Abbé de l'Abbaye de Leffay
, Ordre de Saint Benoit , même Dioceſe , eft
mort le 3 Avril en fon Palais Epifcopal , ágé
de quatre- vingts ans.
M, Perrier de Salvert , Commandeur de l'Ordre
Royal & Militaire de Saint-Louis , & Chef
d'Eſcadre des Armées Navales de Sa Majesté , eft
mort à Verſailles le 6 , dans ſa ſoixante-feptieme
année.
44 Meffire Charles - Théophile de Befiade , Marquis
d'Avary , Grand Bailli d'Orléans , & Colonel
dans les Grenadiers de France , mourut à Paris le
17 Avril , dans la vingt-unieme année de fon âge.
Dame Marie-Corneille Guy , veuve de Meffire
Jean- Claude Roffignol , Ecuyer Sieur de Villeplanne
, l'un des cent Gentilshommes ordinaires
de la Maifon du Roi , & Gentilhomme de feu
Monfieur , frere unique du Roi , mourut à Paris
le 27 Avril . Elle étoit fille unique de feu Jacques
Guy, Ecuyer, Confeiller Secretaire du Roi, Maiſon
Couronne de France & de fes Finances , & de
Dame Jeanne Fabre , fon époufe.
Claude Roffignol , Ecuyer , Seigneur de Villeplanne
, pere de Jean- Claude , fut auffi pourva
d'une place de l'un des cent Gentilshommes ordinaires
, dans le commencement que Louis XIV
rétablit cette Compagnie par fa Déclaration du
4 Septembre 1643 .
Les feurs Roffignol , de Boifmeans & de la
Broffe , font les petits- fils de cette Dame.
Frédéric-Jérôme de Roye de la Rochefoucauld ,
Cardinal de la Sainte Egliſe Romaine , Archevêque
de Bourges , Primat des deux Aquitaines
Abbé de l'Abbaye de Beaulieu en Argonne , Congrégation
de Saint Vannes , Diocefe de Verdun ;
de celle de Saint Vandrille , Congrégation de
+
JUIN. 1757: 209
>
de
Saint Maur , Diocefe de Rouen ; de l'Abbaye
Sécularifeé d'Aifnay Dioceſe & Ville
Lyon ; Abbé , Chef Supérieur de tout l'Ordre de
Cluny ; Commandeur de l'Ordre du Saint- Eſprit,
Grand Aumônier de France , & ci- devant Ambaffadeur
du Roi auprès du Saint Siege , mourut à
Paris le 29 Avril , âgé de cinquante- fix ans , neuf
mois & treize jours. La régularité de les moeurs ,
fon efprit de modération , fon application à gouverner
fon Dioceſe & à y maintenir la paix, lapru
dence avec laquelle il s'eft conduit dans des circonftances
également importantes & délicatesį,
le zele qu'il a toujours montré pour concilier les
intérêts de l'Etat avec ceux de l'Eglife , lui avoient
attiré la vénération & l'amour , non-feulement
de fes Diocéfains , mais encore de toute la Nation
. A la mort de l'ancien Evêque de Mirepoix
le Roi chargea le Cardinal de la Rochefoucauld
du Département concernant la nomination aux
Bénéfices. Sa Majeſté crut ne pouvoir remettre en
de meilleur mains le foin de lui préfenter les Sujets
pour les Evêchés , qu'en celles d'un Prélat
qui connoiffoit & rempliffoit fi parfaitement tous
les devoirs de l'Epiſcopat.
Le 30 Avril , le Cardinal de la Rochefoucauld
fut inhumé dans l'Eglife Paroiffiale de Saint Sulpice.
Ayant toujours confervé au milieu des plus
éminentes dignités toute la fimplicité Chrétienne ,
il avoit recommendé dans fes derniers momens
aux dépofitaires de fes volontés , de n'obſerver
dans fes funérailles que ce qu'on faifoit ordinairement
pour les particuliers du fecond ordre de l'Eglife
. On s'eft conformé , autant qu'il a été poffible
, à des intentions fi refpectables & fi édifian→
tes. Mais le concours prodigieux de perfonnes de
tout rang , qui ont accompagné le convoi , a ré
zro MERCURE DE FRANCE.
pandu für cette cérémonie lugubre beaucoup plus.
d'eclat que n'auroit pu faire la plus grande pompe.
Après que l'inhumation du corps eut été faite
dans l'endroit deftiné pour la fépulture des Prêtres
de la Paroiffe , le coeur , qui avoit été donné
au Prieuré de Saint Martin des Champs , y fut
transporté par les Bénédictins Réformés de l'Ordre
de Cluny , qui occupent cette Maiſon . Sur
un Mandement du Supérieur Vicaire Général de
l'étro te obſervance , ces Religieux_firent le 7 de
ce mois dans leur Eglife un Service folemnel pour
le repos de l'ame de l'illuftre Cardinal , qu'ils regrettent
fi fincérement avec toute la France. M. le
Cardinal de Gefvres , & plufieurs Prélats y affifte.
sent , ainfr que M. le Maréchal Duc de Biron , &
un grand nombre de Seigneurs .
Meffire Marie- André- Louis Del Puech-de Laloubiere
, fils unique de Meffire Jean - Pierre-
Louis Del Puech , Seigneur de Laloubiere , & de
Dame Marie-Jeanne Moreau , eft mort à Paffy ,
près Paris , le 4 Mai , âgé de 27 mois quatre
jours ; fa naiffance avoit été annoncée dans le
Mercure de Mars 1755. Il étoit petit -fils de feu
Meffire Louis Del Puech , Seigneur de Laloubiere
, Major du Régiment de Montalet , dénommé
dans le Mercure de Janvier 1755 , à l'article du
mariage de Meffire Jean-François Del Puech -de
Comeïras , Chevalier de l'Ordre Militaire de S.
Louis , Capitaine au Régiment de Cavalerie de
Saluces..
Le Chevalier de Mailly mourut en cette Ville
le S Mai , âgé de 8 ans. Il étoit Chevalier
de l'Ordre de Saint Jean de Jérufalem , & avoit
été Meftre de Camp d'un Régiment de Dragons.
Le Chevalier de Mailly étoit frere du Compte de
Mailly , Chevalier des Ordres du Roi , Lieute
JUIN. 1757.
217
nant- Général des Armées de Sa Majefté , Premier
Ecuyer de Madame la Dauphine ..
Meffire Claude- François le Tellier , Brigadier
d'Infanterie , & ci -devant Capitaine d'une Compagnie
dans le Régiment des Gardes Françoifes ,
mourut en cette Ville le 9 , âgé de foixante-douze
ans.
2
Meffire Nicolas Pajot de Dampierre , Doyen
des Chanoines Honoraires de l'Eglife Métropolitaine
de Paris & Abbé de l'Abbaye de Saint
Loup , Ordre de Saint Auguftin , Dioceſe de
Troyes , eft mort le 11 , dans la foixante-neuvieme
année de fon âge.
Dame Antoinette de Villers-de Rouffeville ,
époufe d'Aane Gédeon , Comte de Joyeuse & de
Grandpré , Lieutenant Général des Provinces de
Champagne & de Brie , mourut à Amiens le 14
Mai 1757 , âgée de 61 ans.
Le fieur Pierre de Coulon , ancien Garde de la
Porte du Roi , eft mort au Château de Monplaifirprès
de Mars-fous-Bourg , âgé d'environ cent
douze ans. Il étoit auffi droit qu'un jeune homme
, & il lifoit encore fans lunettes.
AVIS.
La fieur Peromet fait une cire épilatoire , pour
dégarnir les fourcils , qui font trop couverts , le
front , les joues , les bras & mains qui font chargés
de poil. Il a établi fon bureau chez le fleur
Malivoire , Marchand Parfumeur , rue Bardubec ,
près la rue S. Méry; & chez le fieur Milon , Diftillateur-
Parfumeur , dans l'Abbaye Saint Germain-
des-Prés , cour des Religieux , chez le Mis.
roitier , près lafontaine. Le prix eft de 6 liv. & de :
1
212 MERCURE DE FRANCE.
3 liv. la douzaine. Il donne par écrit la façon de
s'en fervir.
1 .
AUTRE.
E vinaigre de Turbie qui a la propriété de gué
rir le mal de dents , & le vinaigre Romain qui les
blanchit , raffermit les gencives , & fe diftribuent
toujours avec fuccès chez le fieur Maille , Vinaigrier-
Diftillateur ordinaire de Leurs Majeſtés Imperialles
, feul poffeffeur du fecret de les compofer.
On y trouve également le véritable vinaigre
des quatre voleurs , dont la vertu eft de préferver
de tout air contagieux , comme auffi différens
vinaigres , pour blanchir & entretenir la
peau , guérir les boutons &c. , & généralement
toutes fortes de vinaigres à l'uſage de la table ,
bains & toilette , au nombre de cent foixante :
les moindres bouteilles font de trois livres . En
écrivant une lettre d'avis au fieur Maille , & ent
voyant. Pargent par la pofte le tout affranchi
de port , il fera tenir très - exactement les vinaigres
qu'on lui demandera , avec la facon de
s'en fervir. Il demeure rue Saint André des Arts ,
aux armes impériales , la troifieme porte cochere
à main droite , en entrant par le bout qui fait face
à la rue de la Huchette.
AUTRE.
Il s'eft établi an fauxbourg Saint- Antoine , rue
de Montreuil , dans la maiſon de M. Titon , uné
Manufacture de toiles peintes à fond d'or , d'ar
gent , en camayeux , propres pour tapifferies
JUIN. 1757. " 213
d'antichambre , falles à manger & cabinets . Pour
paravents & écrans ; même pour fauteuils . Outre
une folidité reconnue , qui forme la qualité
effentielle de ces toiles , elles ont un éclat admirable
, qui imite les étoffes riches & le damas
on les lave fans les ternir , & elles ne fouffrent
aucuns infectes partout où elles font tendues.
AUTRE.
M. Rabiqueau ayant été confulté pour trouver
le moyen de filer le foin , il a fait ufage d'un rouet
de corderie qu'il a perfectionné pour cet effet , &
a réduit la botte de dix livres , filée , coquetée &
furcoquetée , à quatre pieds de long fur cinq pouces
de diametre , au lieu que la même botte a
près de quatre pieds de long fur un pied de diametre
: de- là les perfonnes qui veulent faire ufage
de fes rouets gagneront beaucoup pour la place &
le tranfport. Un bateau chargera au moins trois
fois davantage , & ne fera plus obligé à fe borner
pour les arches des ponts.. Il en résulte la même
commodité pour les magafins , & les voitures pour
guerre. Il faudra moins d'hommes , moins d'équipages
, & moins de chevaux. la

Les curieux , en venant voir les repréſentations
quis fesfont tous les après-midi chez M. Rabiqueau
, trouveront la premiere botte qui a été filée
le 4 de ce mois.
M. Rabiqueau a perfectionné une nouvelle optique
en illumination , qu'il a donnée au Public
fans avoir été annoncée. Plufieurs perſonnes l'ont
invité à l'indiquer , parce que la vivacité de fes
lampes optiques y produit un effet au deffus du
naturel ; le vif des lampions , des terrines , flammifie
dans toute l'illumination. Le ciel , les
214 MERCURE DE FRANCE.
hommes , les maiſons , tout y eft éclairé d'un ré
flet qui tient l'Amateur dans l'admiration ; &
ceux qui ont cherché à copier , n'ont fait & ne
feront que des à peu près ; de même que ceux que
s'efforcent de contrefaire fes lampes optiques qui
ne fe trouvent qu'au cabinet privilégié du Roi, rue
Saint Jacques , vis -à- vis les Filles Sainte -Marie.
Le foir on voit un billard de deux feules lampes,
qui forment un jour brillant fans interruption
pour moucher ; ce qui eft fort gracieux pour les
joueurs. On a ajouté aux lampes un fil de fer qui
fixe le niveau des meches , & foulage l'attention
des domeftiques en rendant l'effet plus beau .
PAGE
1
ERRATA
du premier Mercure de Juin.
AGE 117 , ligne 23 & 24, tous les traits font
beaux fans être exactement régulier , lifex , ré
guliers.
Page 186 , lig. 1718 , elle fut repréfentée la
cinquieme fois , lifez , pour la cinquieme fois.
Page 187 , lig, 15 , 16 & 17 , il a paru enfuite
dans l'Andrienne , l'Enfant prodigue & Maho¬
met , par les rôles de Simon , Euphemon pere,
& Zopire , lifez , il a continué dans l'Andrienne
, dans l'Enfant prodigue & Mahomet , les
ôles de Simon, d'Euphemon pere, & de Zopire,
APPROBATION.
215
J'ai lu , par ordre de Monfeigneur le Chancelier,
le fecond volume du Mercure du mois de Juin , &
je n'y ai rien trouvé qui puiffe en empêcher
l'impreſſion. A Paris , ce 12 Juin 1757 .
GUIROY
TABLE DES ARTICLES.
ARTICLE PREMIER.
PIECES FUGITIVES EN VERS ET EN PROSIJ
VERS à Madame de l'Eſt ...
Le Choix difficile . Avis à Life ,
page s
6
Le Billet d'Enterrement & le Billet de Mariage..
Fable ,
18
Sur la maniere d'écrire la Vie des grands Hommes
, par M. de Maupertuis ,
Idylle
20
311
Lettre à l'Auteur du Mercure , & Vers fur l'Ecole
de l'Amitié ,
Lettre de M. de B. à Mlle de M.
Réponse ,
Voyage de Saint- Cloud ,
Sonnet de M. de la Monnoye ,
Vers à Madame De...le jour de fa Fête ,
L'Amour , à Mlle de R…………
Byng juſtifié ,
....
33
34
39
44
52
54
ibid.
59
Explication de l'Enigme & du Logogryphe du
premier volume du Mercure de Juin , 64
Enigmographique , tenant lieu de l'Enigme & du .
Logogryphe ,
Chanfon ,
65
66
216
ART. II . NOUVELLES LITTERAIRES.
Précis ou Indication de livres nouveaux ,
67
ART. III. SCIENCES ET BELLES LETTRES,
Grammaire. Difcours hiftorique fur l'origine de
la Langue Françoiſe ,
Chirurgie. Mémoire touchant un Trépan coronnaire
,
ΙΟΣ
129
ART. IV. BEAUX-ARTS.
Mufique.
133
Gravure ,
137
Architecture. 143
Méchanique ,
144
Horlogerie.
147
ART. V. SPECTACLES,
Opera ,
163
Comédie Françoiſe ,
167
Comédie Italienne
169
Extrait de Ramir , ibid.
Concert Spirituel , 181
CS
ARTICLE VI.
Nouvelles étrangeres 183
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c. 187
Bénéfices donnés , 203
Mariages & Morts , 204
Avis divers , 211
La Chanfon notée doit regarder la page 66.
De l'Imprimerie de Ch, Ant. Jombert .
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le