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1757, 03
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MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI.
MARS. 1757.
Diverfité, c'est ma devife . La Fontaine.
Cochin
Sius inv
BrillerSculp
Doe
A PARIS ,
CHAUBERT , rue du Hurepoix.
PISSOT , quai de Conty.
DUCHESNE , rue Saint Jacques,
CAILLEAU , quai des Auguftins.
CELLOT , grande Salle du Palais.
Avec Approbation & Privilege du Roi,
Chez
*
BIBLIOTECA
REGIA
MONACENSIS .
AVERTISSEMENT.
LE Bureau du Mercure eſt chez M.
LUTTON , Avocat , & Greffier-Commis au
Greffe Civil du Parlement , Commis au
recouvrement du Mercure , rue Sainte Anne ,
Butte Saint Roch , entre deux Selliers.
C'est à lui que l'on prie d'adreffer , francs
de port, les paquets & lettres , pour remettre ,
quant à la partie littéraire , à M. DE BOISSY,
Auteur du Mercure.
Le prix de chaque volume eft de 36 fols ,
mais l'on ne payera d'avance , en s'abonnant,
que 24 livres pour ſeize volumes , à raiſon
de 30 fols piece.
Les perfonnes de province auxquelles on
enverra le Mercure par la pofte , payeront
pour feize volumes 32 livres d'avance en s'abonnant
, & elles les recevront francs deport.
Celles qui auront des occafions pour le faire
venir , ou qui prendront les frais du portfur
leur compte , ne payeront , comme à Paris ,
qu'à raison de 30 fols par volume , c'eſt-àdire
24 livres d'avance , en s'abonnant pour
16 volumes.
Les Libraires des provinces on des pays
étrangers, qui voudront faire venir le Mercure
, écriront à l'adreſſe ci - deſſus.
A ij
On Supplie les perfonnes des provinces d'envoyerpar
la pofte , enpayant le droit , le prix
de leur abonnement , ou de donner leurs ordres,
afin que le paiement en foit fait d'avance au
Bureau.
Les paquets qui ne feront pas affranchis ,
refteroni au rebut .
Il y aura toujours quelqu'un en état de
répondre chez le fieur Lutton ; & il obfervera
de rester à fon Bureau les Mardi ,
Mercredi & Jeudi de chaque semaine , aprèsmidi.
On prie les perfonnes qui envoient des Livres
, Eftampes & Mufique à annoncer ,
d'en marquer le prix.
eure ,
On peut fe procurer par la voie du Merles
autres Journaux , ainfi que les Livres
, Eftampes & Mufique qu'ils annoncent.
On trouvera au Bureau du Mercure les
Gravures de MM. Feffard & Marcenay.
La modération accordée par Meffieurs
les Intendans & Fermiers Généraux des
Poftes , nous facilite le moyen de donner
à 32 liv . les feize volumes du Mercure
qui coûtoient aux perfonnes de Province
36 liv. pour les recevoir francs de port par
la pofte.

MERCURE
DE FRANCE.
MARS. 1757.
ARTICLE PREMIER.
PIECES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
VERS
A MANON.
Jouis , Manon ,
de tes charmes ,
De ton coeur , de nos foupirs ,
Partage d'heureux defirs :
Laiffe-nous verſer des larmes ,
Laiffe nous les allarmes , ·
Et ne peins que les plaifirs.
O Manon ! que le bel âge
S'écoule avec rapidité !
A iij
6 MERCURE DE FRANCE.
Vainement regretté ,
Tout le brillant appanage
D'efprit , de graces , de beauté ,
N'eft rien , fi l'on n'en fait uſage.
N'être plus fans avoir été ,
Ce feroit bien dommage.
L'Aurore au teint vermeil
Ne brille que pour Céphale ;
Elle attend fon réveil ,
Et pour lui fa tendreffe étale
Des tréfors que rien n'égale ,
Et que n'a pas vu le foleil.
Flore fe pare & foupire
Pour un Amant plus leger :
Elle écoute l'heureux Zéphyre ,
Et cede au charme qui l'attire ,
Au rifque de lé voir changer.
Vois dans toute la nature
Cette flamme vive & pure ,
Que ton coeur ne connoît pas ;
Vois dans l'Onde qui murmure
Tes inutiles appas.
Manon , tu verras plus encore
Dans les regards de ton Amant !
Tu verras ce fentiment ,
Cet aimable tourment >
Que ta jeuneffe ignore ,
Et qu'elle devroit partager ,
Qu'il eft fi doux de faire éclorre ,
MAR S. 1757.
Et bien plus doux de foulager.
Mais fi ton ame légere
N'en croit pas mon ardeur fincere ;
Regarde-toi pour t'enflammer.
Doit-on , quand on a l'art de plaire ,
Ne pas fçavoir qu'il faut aimer
Tout me ravit , tout me touche :
C'est un bouquet que ta bouche ;
Et tes yeux , Manon , tes beaux yeux !
Ils ne demandent pas mieux ;
Ta fpirituelle innocence ,
Cette tendre indolence
Qui n'a pas le ton de l'ennui ,
Ni l'air de l'indifférence.
Ah Manon ! l'Amour quand j'y penfe ,
T'a faite comme pour lui.
VERS
De M. de Relongue- de la Louptiere , à
Mademoiselle de *** › pour laremercier
d'une Etrenne Mignone.
BIEN qu'une belle ait certains Almanachs ,
En qui par fois j'ai peu de confiance ,
Du vôtre , je ferai grand cas ,
S'il me prédit votre conftance.
A iv
3 MERCURE DE FRANCE.
FÉLICIE.
CETTE ingénieuſe Féerie miſe en Dialogues
ou plutôt en Scenes , tiendra lieu d'hiftoriette
ce mois-ci : le Lecteur y gagnera. Elle eft
de M. de Marivaux , & vaut mieux qu'un
Conte. On peut même dire que par le fonds
elle en eft un , avec cet avantage que par la
forme , elle eft vraiment une Comédie , faite
pour décorer le Théâtre François , & digne
d'y figurer avec fes aînées .
SCENE PREMIERE.
FÉLICIE , LA FÉE , fous le nom d'Hortenfe.
Félicie.
Il faut avouer qu'il fait un beau jour .
Hortenfe.
Auffi y a t'il long- temps que nous nous
promenons.
Félicie.
Auffi le plaifir d'être avec vous , qui eſt
toujours fi grand pour moi , ne m'a- t'il
jamais été fi fenfible .
Hortenfe.
Je crois en effet que vous m'aimez ,
Félicie.
MARS. 1757..
Félicie.
Vous croyez , Madame ? Quoi ! n'eft-co
que d'aujourd'hui que vous êtes bien fûre
de cette vérité-là ; vous , avec qui je fuis
dès mon enfance , vous , à qui je dois tout
ce que je puis avoir d'eftimable dans le
coeur & dans l'efprit !
Hortenfe.
Il est vrai que vous avez toujours été
l'objet de mes complaifances ; & s'il vous
refte encore quelque chofe à defirer de mon
pouvoir & de ma fcience , vous n'avez qu'à
parler , Félicie ; je ne vous ai aujourd'hui
menée ici que pour vous le dire.
Félicie.
Vos bontés m'ont- elles rien laiffé à fouhaiter
?
Hortenfe .
N'y a- t'il point quelque vertu ,. quel
que qualité dont je puiffe encore vous
douer ?
Félicie.
Il n'y en a point dont vous n'ayez voulu
embellir mon ame.
Hortenfe.
Vous avez bien de l'efprit , en demandez-
vous encore ?
A v
10 MERCURE
DE FRANCE
.
S
Félicie.
Je m'en fie à votre tendreffe , elle m'en
a fans doute donné tout ce qu'il m'en faut.
Hortenfe.
Parcourez tous les avantages poffibles ,
& voyez celui que je pourrois augmenter
en vous , ou bien ajouter à ceux que vous
avez : rêvez-y .
Félicie.
J'y rêve , puifque vous me l'ordonnez ,
& jufqu'ici je ne vois rien ; car enfin
que demanderois- je ? Attendez pourtant ,
Madame ; des graces , par exemple , je n'y
fongois point qu'en dites -vous ? il me
femble que je n'en ai pas affez ?
:
Hortenfe.
Des graces , Félicie ; je m'en garderai
bien : la nature y a fuffisamment
pourvu ;
& fi je vous en donnois encore , vous en
auriez trop ; je vous nuirois.
Félicie.
Ah ! Madame , ce n'eſt aſſurément que
par bonté que vous le dites ?
Hortenfe.
Non , je vous parle ſérieuſemem
.
MAR S. 1757 II
Félicie.
Je penfe pourtant que je n'en ferois que
mieux , fi j'en avois un peu plus.
Hortenfe .
L'induſtrie de toutes vos réponſes m'a
fait deviner que vous en viendriez - là .
Félicie.
Hélas ! Madame , c'eft de bonne foi ;
fi je fçavois mieux , je le dirois.
Hortenfe.
Songez que c'eft peut être de tous les
dons le plus dangereux que vous choififfez
, Félicie.
Félicie.
Dangereux , Madame. Oh ! que non :
vous m'avez trop bien élevée ; il n'y a
rien à craindre.
Hortenfe.
Vous ne vous y arrêtez pourtant que
par l'envie de plaire .
Félicie.
Mais de plaire : non , ce n'eft pas pofitivement
cela ; c'eft qu'on a l'amitié de
tout le monde quand on eft aimable , &
l'amitié de tout le monde eft utile & fouhaitable.
A vj
12 MERCURE DE FRANCE,
Hortenfe.
Oui , l'amitié ; mais non pas l'amour de
tout le monde.
Félicie.
I
Oh ! pour celui-là , je n'y fonge pas , je
vous affure.
Hortenfe.
Vous n'y fongez pas , Félicie ? Regardez- ·
moi ; vous rougiffez : êtes- vous fincere !
Félicie.
Peut- être que je ne le fuis pas autant que
je l'ai cru .
Hortenfe.
N'importe puifque vous le voulez
foyez aimable autant qu'on le peut être.
Hortenfe lafrappe de la mainfur l'épaule.
Félicie treffaillant de joie.
Ha ! ...je vous fuis bien obligée , Madame.
Hortenfe.
Vous voilà
pourvue de toutes les graces
imaginables ?
Félicie. ,
J'en ai une reconnoiffance infinie , &
apparemment qu'il y a bien du changement
en moi , quoique je ne le voie pas.
MARS. 1757. I}
C'eft- à-dire
Hortenfe.
que vous voulez en être
fûre. Elle lui préfente un petit miroir . Tenez,
regardez- vous.
Félicie regarde. Hortenfe continue.
Comment vous trouvez-vous ? ·
Félicie.
Comblée de vos bontés : vous n'y avez
rien épargné.
Hortenfe.
Vous vous en rejouiffez ; je ne fcais fi
vous ne devriez pas en être inquiete .
Félicie.
Allez , Madame , vous n'aurez pas lien
de vous en repentir.
Hortenfe.
Je l'efpere ; mais à ce préfent que je
viens de vous faire , j'y prétends joindre
encore une chofe . Vous allez dans le monde
, je veux vous y rendre heureuſe ; &
il faut pour cela que je connoiffe parfaitement
vos inclinations , afin de vous affurer
le genre de bonheur qui vous fera le
plus convenable . Voyez-vous cet endroit
où nous fommes ? c'eft le monde même,
14 MERCURE DE FRANCE.
Félicie.
Le monde , & je croyois être encore
auprès de notre demeure.
Hortenfe. 202
Vous n'en êtes pas éloignée non plus ;
mais ne vous embarraffez de rien : quoiqu'il
en foit , votre coeur va trouver ici
tout ce qui peut déterminer fon goût.
SCENE II.
Félicie , Hortenfe , la Modeftie .
Hortenfe , à la Modeftie qui eft à quelque pas.
Vous , approchez .
Quand la Modeftie eft venue.
C'eſt une compagne que je vous laiffe
Félicie ; elle porte le nom d'une de vos
plus eftimables qualités , la modeftie , ou
plutôt la pudeur.
Félicie.
Je ne fçais tout ce que cela fignifie ;
mais je la trouve charmante , & je ferai
ravie d'être avec elle : nous ne nous quiterons
donc point ?
Hortenfe.
Votre union dépend de vous : gardez
toujours cette qualité dont elle porte le
nom , & vous ferez toujours enſemble .
MARS. 1757.
Félicie s'en allant å elle .
Oh vraiment ! nous ferons donc inféparables
!
Hortenfe.
Adieu , je vous laiffe ; mais je ne vous
abandonne point .
Félicie .
Votre retraite m'afflige , que fçais- je ce
qui peut m'arriver ici , où je ne connois
perfonne ?
Hortenfe.
N'y craignez rien , vous dis- je ; c'eft
moi qui vous y protege : adieu .
SCENE III.
Félicie , la Modeftie.
Félicie.
Sur ce pied - là , foyons donc en repos ,
& parcourons ces lieux : voilà un canton
qui me paroît bien riant ; ma chere compagne
, allons- y ; voyons ce que c'eft .
La Modeftie.
Non , j'y entends du bruit ; tournons
plutôt de l'autre côté , je le crois plus fûr
pour vous.
Félicie.
Qu'appellez- vous plus für
16 MERCURE DE FRANCE.
La Modeftie.
Oui , vous êtes extrêmement jolie , &
l'endroit où vous voulez vous engager me
paroît un pays trop galant.
Félicie
Eh bien ! est- ce qu'on m'y fera un crime
d'être jolie dans ce pays galant ? Ne fommes
nous ici que pour y vifiter des déferts
?
La Modeftie.
Non ; mais je prévois de l'autre côté les
pieges qu'on y pourra tendre à votre coeur ,
& franchement j'ai peur que nous ne nous
y perdions .
Félicie.
Eh ! comment l'entendez - vous donc ,
s'il vous plaît, ma chere Compagne ? Quoi !
fous le prétexte qu'on eft aimable , on
n'ofera pas fe montrer ; il ne faudra rien
voir , toujours s'enfuir , & ne s'occuper
qu'à faire la fauvage ? La condition d'une
jolie perfonne feroit donc bien trifte. Oh !
je ne crois point cela du tout. Il vaudroit
mieux être laide : je redemanderois la médiocrité
des agrémens que j'avois , fi cela
étoit ; & à vous entendre dire , ce feroit
une vraie fille
perte pour une
de
que perdre
fa laideur , ce feroit lui rendre un très-
2
MAR S. 1757. 17
>
mauvais fervice que de la rendre aimable
& on ne l'a jamais compris de cette ma⇒
niere-là.
La Modeftie..
Ecoutez , Félicie ; ne vous y trompez
pas , les graces & la fageffe ont toujours
eu de la peine à refter enſemble.
Félicie. "
A la bonne heure : s'il n'y avoit pas un
peu de peine , il n'y auroit pas grand mérite.
A l'égard des pieges dont vous parlez ,
il me femble à moi qu'il n'eft pas queſtion
de les fuir , mais d'apprendre à les mépri-`
fer ; & pourquoi ? parce qu'ils font inutiles
pour qui les méprife , & qu'en les
fuyant d'un côté , on peut les trouver d'un
autre : voilà mes idées que je crois bonnes .
La Modeftie.
Elles font hardies.
Félicie.
Toutes fimples. Que peut- il m'arriver
dans le canton que vous craignez tant ?
Voyons ; fi je plais , on m'y regardera ,
n'eft-il pas vrai ? Suppofons même qu'on
m'y parle. Eh bien ! qu'on m'y regarde
qu'on m'y parle , qu'on m'y faffe des complimens
, fi l'on veut ; quel mal cela me
fera-t'il font- ce là ces pieges fi redouta
18 MERGURE DE FRANCE .
les
bles qu'il faille renoncer au jour pour
éviter ? me prenez-vous pour un enfant ?
La Modeftie.
Vous avez trop de confiance , Félicie.
Félicie.
Et vous , bien des terreurs paniques
Modeftie ?
La Modeftie.
Je fuis timide , il eft vrai ; c'eft mon
caractere .
Félicie.
Fort bien ; & moyennant ce caractere ,
nous voilà donc condamnées à refter- là :
nos relations feront curieufes !
La Modeftie.
Je ne vous dis pas de refter- là ; voyons
toujours ce côté , il eft plus tranquille.
Félicie.
Quelle antipathie avez-vous pour l'autre ?
La Modeftie.
ci ?
Quel dégoût vous prend- t'il pour celui-
Félicie.
C'eft qu'il me réjouit moins la vue.
La Modeftic.
Et moi , c'eft que je fuis le danger que
je foupçonne ici.
MAR S. 1757. ·
19
Félicie.
Mais pour le fuir , il faut le voir.
La Modeftie.
Il n'eft quelquefois plus temps de le
fuir , quand on l'a vu.
Félicie.
Encore une fois pour fuir , il faut un
objet ; on ne fuit point fans avoir peur de
quelque chofe , & je ne vois rien qui m'épouvante.
La Modeftie.
Difons mieux , vous avez des charmes ,
& vous voulez qu'on les voie.
Félicie.
Et parce que j'en ai , il faut que je les
cache , il faut que l'obfcurité foit mon partage.
Eh ! que ne m'a t'on dit que c'étoit
le plus grand malheur du monde que d'être
jolie , puifqu'il faut être efclave des conféquences
de fon vifage . Ne voyez- vous
pas bien que la raifon n'eft point d'accord
de cela.
La Modeftie.
Plus que vous ne croyez.
Félicie.
Je me fuis donc étrangement trompée ;
j'ai fouhaité d'être aimable , afin qu'on
20 MERCURE DE FRANCE.
m'aimât dès qu'on me verroit , ce qui eft
affùrément très- innocent ; & il fe trouveroit
que , felon vos chicanes , ce feroit
afin qu'on ne me vît jamais : en vérité je
ne fçaurois goûter ce que vous me dites.
La Modeftie.
Je n'infifte plus , il en fera ce qui vous
plaira.
- Félicie.
Il en fera ce qui me plaira : ce n'eft pas
là répondre ; je veux que vous foyez de
mon avis dès que j'ai raifon. Puifque vous
êtes la Modeftie , on eft bien aife d'avoir
votre approbation .
La Modeftia.
Je vous ai dit ce que je penfois .
Félicie.
Allons , allons ; je vois bien que vous
vous rendez . Ici on entend une fymphonie .
Mais me trompais-je ? entendez - vous la
gaieté des fons qui partent de ce côté- là ?
Nous nous y amuferons affûrément , il
doit y avoir quelque agréable fête : que
cela eft vif & touchant !
La Modeftie.
Vous ne le fentez que trop.
MAR S. 1757. 21
Félicie.
Pourquoi trop ? eft - ce qu'il n'eft pas
permis d'avoir du goût ? allez-vous encore
trembler là-deffus ?
La Modeftie.
Le goût du plaifir & de la curiofité menent
bien loin.
Félicie.
Parlez franchement ; c'eſt qu'on a tort
d'avoir des yeux & des oreilles , n'eft - ce
pas ? Ah ! que vous êtes farouche ? La fymphonie
recommence . Ce que j'entends- là me
fait pourtant grand plaifir... Prêtons -y un
peu d'attention... Que cela eft tendre &
animé tout enſemble !
La Modeftie.
J'entends auffi du bruit de l'autre côté :
écoutez , je crois qu'on y chante.
On chante.
De la vertu fuivez les loix ,
Beautés , qui de nos coeurs voulez fixer le choix :
Les attraits qu'elle éclaire en brillent davantage.
Eft-il rien de plus enchanteur
Que de voir fur un beau viſage
Et la jeuneffe & la pudeur ?
La Modeftie continue.
Ce que cette voix-là m'infpire ne m'ef22
MERCURE DE FRANCE.
fraye point : par exemple , elle a quelque
chofe de noble .
Félicie.
Oui , elle est belle ; mais férieuſe .
SCENE IV.
Félicie , la Modeftie , Diane dans l'éloignement.
La Modeftie.
C'eſt un charme différent. Mais que
vois- je ? Tenez , Félicie : voyez-vous cette
Dame qui nous regarde d'une façon fi
riante , & qui femble nous inviter à venir
à elle qu'elle a l'air refpectable ! :
Félicie
Cela eft vrai , je lui trouve de la majeſté.
La Modeftie.
Elle fort de chez elle apparemment :
voulez- vous l'aborder , je m'y rends volontiers
?
Félicie.
N'allons pas fi vîte ; elle a quelque chofe
de grave qui m'arrête .
La Modeftie.
Elle vous plaît pourtant.
Félicie
Oui , je l'avoue.
?
MARS. 1757.
$
23
T
La Modeftie.
Allons donc , je crois qu'elle nous attend
; elle paroît faire les avances.
Félicie.
J'aurois bien voulu voir ce qui fe paffe
de l'autre côté.
SCENE V.
Félicie , la Modeftie , Diane , Lucidor au
fond du Théâtre.
Félicie.
Mais voici bien autre, chofe : regardez
à votre tour , & voyez à gauche ce beau
jeune homme qui vient de paroître accom
pagné de ces jolis chaffeurs , & qui nous
falue ; il ne nous épargne pas non plus lés
La Modeftie.
avances,
Ne le regardons point , il m'inquiete ;
allons plutôt à cette Dame.

Félicie.
Attendez .
La Modeftie.
Elle avance.
Diane,
Voulez- vous bien que j'approche , mon
aimable fille ? peut- être ne connoiffez- vous
pas ces lieux , & vous voyez l'envie que
24 MERCURE DE FRANCE.
j'ai de vous y fervir . Ne me refuſez pas
d'entrer chez moi ; je chéris la vertu , &
vous y ferez en fûreté.
Félicie lafaluant.
Je vous rends grace , Madame , & je
verrai.
Diane.
Eh ! pourquoi voir ? Votre jeuneffe & vos
charmes vous expofent ici : n'hésitez point ;
croyez- moi , fuivez le confeil que je vous
donne.
Ici le jeune homme la regarde , lui ſourit &.
lafalue , elle lui rend le falut.
Diane.
Voici un jeune homme qui vous diftrait
, & qui pourtant mérite bien moins
votre attention que moi.
Félicie
J'en fais beaucoup à ce que vous me
dites ; mais cela ne me difpenfe pas de le
faluer , puifqu'il me falue.
Lucidor lui fait encore des révérences , &
elle les rend.
Diane.
Encore des révérences.
Félicie.
Vous voyez bien qu'il continue les
hennes.
LA
MARS. 1757.
25
La Modeftie , à Diane .
Emmenez - la , Madame , avant qu'il
nous aborde.
Félicie.
Mais vous voulez donc que je fois malhonnête.
Lucidor
approchant.
Beauté célefte , je regne dans ces cantons
; j'ofe affûrer qu'ils font les plus rians :
daignez les honorer de votre préfence.
Félicie.
Je ferois volontiers de cet avis-là , l'afpect
m'en plaît beaucoup.
Diane la prenant par la main.
Commencez par les lieux que j'habite ;
plus d'irréfolution : venez.
Lucidor la prenant par l'autre main .
Quoi ! l'on vous entraîne , & vous me
rejettez !
Félicie.
Non , je vous l'avoue , il n'y a rien
d'égal à l'embarras où vous me mettez tous
deux ; car je ne fçaurois prendre l'un que
je ne laiffe l'autre , & le moyen d'être partout.
La Modeftie.
Trop foible Félicie.
B
26 MERCURE DE FRANCE.
Félicie à la Modeftie.
Oh vraiment ! je fçais bien que vous
n'y feriez pas tant de façons ; vous en parlez
bien à votre aife.
Lucidor.
Vous me haïffez donc ?
Autre injuftice.
Félicie.
Diane.
Je fuis fûre qu'il vous en coûte pour me
réfifter , & que votre coeur me regrette.
Félicie.
Eh ! mais fans doute ; mais mon coeur
ne fçait ce qu'il veut : voilà ce que c'eſt , il
ne choifit point ; tenez , il vous voudroit
tous deux voyez , n'y auroit- il pas moyen
de vous accorder ?
:
Diane.
Non , Félicic , cela ne fe peut pas.
Lucidor.
Pour moi , j'y confens : que Madame
vous fuive où je vais vous mener , je ne
ren empêche pas ; ma douceur & ma bonne
foi me rendent de meilleure compofifition
qu'elle.
Félicie.
Eh bien ! voilà un accommodement qui
MAR S. 1757. 27
me paroît très-raisonnable , par exemple ;
ne nous quittons point , allons enfemble .
La Modeftie , bas à Félicie.
Ah ! le fourbe !
Félicie , à part les premiers mots .
Vous en jugez mal , il n'a point cet air
là. Allons , Madame , ayez cette complaifance-
là pour moi , qui vous aime : confiderez
que je fuis une jeune perfonne à qui
l'âge donne une petite curiofité pardonnable
& fans conféquence : je vous en prie ,
ne me refuſez pas.
Diane.
Non , Félicie , vous ne fçavez pas ce
que vous demandez ; fon commerce & le
mien font incompatibles ; & quand je vous
fuivrois , j'aurois beau vous donner mes
confeils , ils vous feroient inutiles.
Lucidor.
Mille plaifirs innocens vous attendent
où nous allons.
Félicie.
Pour innocens , j'en fuis perfuadée ; il
feroit inutile de m'en propoſer d'autres.
Diane.
Il vous dit qu'ils font innocens ; mais
ils ceffent bientôt de l'être.
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
Félicie.
Tantpis pour eux ; fauf à les laiffer- là
quand ils ne le feront plus.
Diane.
Je vous en promets , moi , de plus fatisfaifans
, quand vous les aurez un peu goûtés
, des plaifirs qui vont au profit de la
vertu même .
Félicie.
Je n'en doute pas un inftant , j'en ai la
meilleure opinion du monde affurément ,
& je les aime d'avance : je vous le dis de
tout mon coeur. Mais prenons toujours
ceux- ci qui fe préfentent , & qui font permis
; voyons ce que c'eft , & puis nous
irons aux vôtres : eft- ce que j'y renonce ?
Diane.
Ils vous ôteront le goût des miens.
La Modeftie.
Pour moi , je ne veux pas des fiens
prenez- y garde.
Félicie.
Oh ! je fçais toujours votre avis à vous ,
fans que vous le difiez.
Lucidor.
Quel ridicule entêtement ! je n'ai que
reſſource .
vos bontés
pour
MAR S. 1757. 29
Diane .
Pour la derniere fois ; fuivez-moi , ma
fille .
Félicie.
Tenez , vous parlerai- je franchement ?
cette rigueur- là n'eft point du tout perfuafive
, point du tout : auftérité fuperflue
que tout cela ; l'excès n'eft point une fageffe
, & je fçais me conduire.
Diane.
Vous le préferez donc ? Adieu.
Ahi.
Félicie impatiemment.
Lucidor à
genoux.
Au nom de tant de charmes , ne vous
rendez point ; fongez qu'il ne s'agit que
d'une bagatelle.
Félicie à Lucidor.
Oui ; mais levez -vous donc , ne faites
rien qui lui donne raiſon .
La Modeftie.
Cette Dame s'en va.
Lucidor.
Laiffez-la aller , vous la rejoindrez .
Diane.
Adieu , trop imprudente Félicie.
B iij
30 MERCURE DE FRANCE.
Félicie.
Bon , imprudente ! je ne vous dis pas
adieu , moi ; j'irai vous retrouver.
Diane.
Je ne l'efpere pas.
Félicie.
Et moi , je le fçais bien ; vous le verrez.
La Modeftie.
Que vous m'allarmez ! elle eft partie ;
il ne vous reste plus que moi , Félicie , &
peut-être nous séparerons- nous auffi .
SCENE VI .
La Modeftie , Félicie , Lucidor.
>
Félicie.
A qui en avez-vous , à qui en a-t'elle ?
Dites-moi donc le crime que j'ai fait , car
je l'ignore ? De quoi s'eft - elle fâchée ? de
quoi l'êtes-vous ? ou cela va-t'il ?
Lucidor.
Si le plaifir qu'on fent à vous voir la
chagrine , fa peine eft fans remede , Félicie
: mais n'y fongez plus , nous nous pafferons
bien d'elle.
Félicie.
Il est pourtant vrai que fans vous , je
l'aurois fuivie , Seigneur.
MAR S. 1757. 31
Lucidor.
Vous repentez- vous déja d'avoir bien
voulu demeurer ? Que nous fommes différens
l'un de l'autre ! je ferois ma félicité
d'être toujours avec vous : oui , Félicie ,
vous êtes les délices & de mes yeux & de
mon coeur.
Félicie.
A merveille , voilà un langage qui vient
fort à propos : courage , fi vous continuez
fur ce ton-là , je pourrai bien avoir tort
d'être ici.
Lucidor.
Eh ! qui pourroit condamner les fentimens
que j'exprime? jamais l'amour offritil
d'objet auffi charmant que vous l'êtes ?
Vos regards me penetrent , ils font des
traits de flamme.
Félicie impatiente.
Je vous dis que ces flammes- là vont encore
effaroucher ma compagne.
La Modeftie paroît fombre.
Lucidor.
Eh ! quel autre difcours voulez- vous
que je vous tienne ? vous ne m'inſpirez
que des tranfports , & je vous en parle ;
vous me raviffez , & je mécrie ; vous m'embrafez
du plus tendre & du plus invincible
Biv
32 MERCURE DE FRANCE.
de tous les amours , & je foupire.
Félicie.
Ha ! que j'ai mal fait de reſter.
Lucidor.
O ciel , quel difcours !
La Modeftie.
Vous voyez ce qui en eft .
Félicie à la Modeftie.
Au moins , ne me quittez pas.
La Modeftie.
Il est encore temps de vous retirer.
Félicie.
Oh ! toujours temps ! auffi n'y manquerai-
je pas , s'il continue : ah !
Lucidor.
De grace , adorable Félicie ; expliquezmoi
ce foupir à qui s'adreffe- t'il que
fignifie- t'il ?
:
Félicie.
Il fignifie que je vais m'en retourner , &
que vous n'êtes pas raifonnable.
La Modeftie.
Allons donc , fauvez -vous .
Lucidor.
Non , vous ne vous en retournerez pas
fi-tôt vous n'aurez pas la cruauté de me
déchirer le coeur.
MARS. 1757. 33
Félicie.
En un mot , je ne veux pas que vous
m'aimiez.
Lucidor.
Donnez-moi donc la force de faire l'impoffible.
Félicie.
L'impoffible , & toujours des expreffions
tendres. Eh bien ! fi vous m'aimez , ne me
le dites point.
Lucidor.
En quel endroit de la terre irez- vous
où l'on ne vous le diſe pas ?
Félicie à la Modeftie.
Je n'ai point de replique à cela ; mais je
vous défie de me rien reprocher , car je
mę défends bien .
Lucidor.
Content de vous voir , de vous aimer ,
je ne vous demande que de fouffrir mes
refpects & ma tendreffe.
Félicie à la Modeftie.
Cela ne prend rien fur mon coeur ; ainfi
ne vous inquiétez pás , ce ne fera rien.
La Modeftie.
Son refpect vous trompe & vous féduit.
Bv
34 MERCURE DE FRANCE.
(
}
Lucidor à la Modeftie.
Vous , qui l'accompagnez , d'où vient
que vous vous déclarez mon ennemie ?
LaModeftie.
C'eſt que je fuis l'amie de la vertu .
Lucidor, en baifant la main de Félicie .
Et moi , je fuis l'adorateur de la fienne.
La Modeftie à Félicie.
Et vous voyez qu'il l'attaque en l'ado-
Elle fait femblant de partir.
rant.
Je n'y tiens point non plus , Félicie.
Félicie courant après elle.
Arrêtez , Modeftie : Seigneur , je vous
que je déclare ne veux point la perdre.
Lucidor.
Elle devroit avoir nom Férocité , & non
pas Modeftie.
Il va à elle.
Revenez , Madame , revenez ; je ne
dirai plus rien qui vous déplaife , & je
me tairai. Mais pendant mon filence , Félicie
, permettez à ces jeunes Chaffeurs que
vous voyez épars , de vous marquer à leur
tour la joie qu'ils ont de vous avoir rencontrée
; ils me divertiffent quelquefois
moi- même par leurs danfes & par leurs
chants fouffrez qu'ils effayent de vous
MARS. 1757. 35
amufer. La mufique & la danfe ne doivent
effrayer perfonne.
A Félicie bas.
Qu'elle eft revêche & bourrue !
Félicie tout bas auffi.
C'eft ma Compagne.
Lacidor.
Affeyons- nous , & écoutons.
SCENE
Les Acteurs précédens
Chaffeurs.
VII.
2 Troupe
de
Les Inftrumens préludent : on danfe.
AIR:
Un Chaffeur.
Amis , laiffons en paix les Hôtes de ces bois
-
La Beauté que je vois
Doit nous fixer fous cet ombrage .
Venez , venez , ſuivez mes pas :
Par un jufte & fidele hommage
Méritons le bonheur d'admirer tant d'appas.
Lucidor.
Vous intéreffez tous les coeurs , Félicie.
Félicie
N'interrompez point.
On danfe encore.
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
Lucidor enfuite dit :
Ils n'auront pas feuls l'honneur de vous
amufer , & je prétends y avoir part.
Il chante un Menuet.
De vos beaux yeux le charme inévitable
Me fait brûler de la plus vive ardeur ;
Plus que Diane redoutable ,
Sans fleche ni carquois , vous tirez droit au coeur.
Les Chaffeurs fe retirent .
SCENE VIII.
Félicie , Lucidor , la Modeftie.
Félicie.
Toujours de l'amour , vous ne vous
corrigez point.
Lucidor.
Et vous , toujours de nouveaux charmes
; ils ne finiffent point.
Illui prend la main.
Félicie.
Laiffez- là ma main , elle n'eſt pas de la
converfation.
Lucidor.
Mon coeur voudroit pourtant bien en
avoir une avec elle .
Félicie voulant retirer fa main.
Et moi , je ne veux point.
MARS. 1757. 37
Il baife la main.
Eh bien encore ! ne vous l'avois - je pas
défendu Cela nous brouillera , vous disje
, cela nous brouillera.
! La Modeftie.
Vous me donnez mon congé , Félicie .
Félicie.
Vous
voyez bien que je me fâche , afin
qu'il n'y revienne
plus
qu'avez
-vous à
dire ?
Lucidor impatient .
L'infupportable fille !
Félicie à la Modeftie:
Il est vrai que vous vous fcandaliſez de
trop peu de chofe.
Lucidor avec dépit.
Ma tendreffe ne vous fatigueroit pas
tant fans elle.
Félicie.
Oh ! fi votre coeur n'a pas befoin d'elle ;
le mien n'eft pas de même , entendezvous.
Lucider.
Eh ! quel befoin le vôtre en a- t'il ditesmoi
le moindre mot confolant ?
Félicie.
Je fuis bienheureufe qu'elle me gêne ,
38 MERCURE DE FRANCE.
Achevez .
Lucidor.
Félicie à la Modeftie , bas.
Si je lui difois pour m'en défaire que
je fuis un peu fenfible , le trouveriez - vous
mauvais il n'en fera pas plus avancé. ?
La Modeftie.
Gardez-vous en bien ; je ne ſoutiendrai
pas ce difcours-là.
Félicie à Lucidor.
Paffez- vous donc de ma réponſe.
Lucidor.
Si elle s'écartoit un moment , comme elle
le pourroit fans s'éloigner , quel inconvénient
Y auroit-il ?
Félicie à la Modeftie.
Ce jeune homme vous impatiente : promenez-
vous un inftant fans me quitter , je
tâcherai d'abréger la converfation.
La Modeftic.
Hélas ! fi je m'écarte , je ne reviendrai
être plus. peut
Félicie.
Je ne vous propoſe pas de vous en aller ,
je ne veux pas feulement vous perdre de
vue , & ce que j'en dis n'eft que pour vous
épargner fon importunité.
MAR S. 1757 . 49
La Modeftie.
Puifque vous m'y forcez , vous voilà
feule. A part. Je me retire ; mais je ne la
quitte pas.
SCENE I XJ
Lucidor , Félicie.
Lucidor.
Ah ! je refpire.
Félicie.
Et moi , je fuis honteufe.
Lucidor.
Non , Félicie , ne troublez point un fi
doux moment par de chagrinantes réflexions
; vous voilà libre , & vous m'avez
promis de vous expliquer ; je vous adore ,
commencez par me dire
lez bien.
Félicie.
que vous le vou-
Oh ! pour ce commencement - là , il n'eft
pas difficile : oui , j'y confens ; quand je
ne le voudrois pas , il n'en feroit ni plus
ni moins ; ainfi il vaut autant vous le
permettre.
Lucidor.
Ce n'eſt
pas
encore affez .
Félicie
Surtout , reglez vos demandes.
40 MERCURE DE FRANCE.
Lucidor.
Je n'en ferai que de légitimes ; je vous
aime , y répondez-vous ? votre compagne
n'y eft plus.
Félicie.
Oui , mais j'y fuis , moi.
Lucidor.
Vous avez trop de bonté pour me tenir
fi long- temps inquiet de mon fort , & vous
ne l'avez éloignée que pour m'en éclaircir.
Félicie.
J'avoue que fi elle y étoit , je n'oferois
jamais vous dire le plaifir que j'ai à vous
voir.
Lucidor.
Je fuis donc un peu aimé ?
Félicie.
Prefqu'autant qu'aimable.
Lucidor charmé.
Vous m'aimez !
Félicie.
Je vous aime , & j'avois grande envie de
vous le dire : rappellons ma compagne.
Pas encore.
Lucidor.
Félicie.
Comment pas encore ! je vous aime
mais voilà tout.
MARS. 1757. 41
Lucidor.
Attendez ce qui me refte à vous dire ,
il n'en fera que ce que vous voudrez .
Félicie.
Oui , oui , que ce que je voudrai :
ej n'ai pourtant fait jufqu'ici que ce que
vous avez voulu .
Lucidor.
Ecoutez - moi , charmante Félicie >
n'eft-ce pas toujours à la perfonne qu'on
aime qu'il faut fe marier ?
Félicie.
Qui eft- ce qui a jamais douté de cela ?
Lucidor.
Et pour qui fe marie t'on ?
Félicie
Pour foi-même affurément,
Lucidor.
On eft donc à cet égard- là les maîtres de
fa deſtinée.
Félicie.
Avec l'avis de fes parens pourtant.
Lucidor.
Souvent ces parens , en difpofant de
nous, ne s'embarraffent guere de nos coeurs.
Félicie.
Vous avez raifon .
42 MERCURE DE FRANCE .
Lucidor.
Trouvez-vous qu'ils ont tort ?
Félicie.
Un très- grand tort.
Lucidor.
M'en croirez-vous ? prévenons celui
que nos parens pourroient avoir avec nous.
Les miens me chériffent , & feront bientôt
appaifés : affurons - nous d'une union
éternelle autant que légitime. On peut
nous marier ici , & quand nous ferons
époux , il faudra bien qu'ils y confentent.
Félicie
Ah! vous me faites frémir ; & par bonheur
ma compagne n'eft qu'à deux pas
d'ici.
Lucidor.
Quoi ! vous frémiffez de fonger que je
ferois votre époux !
Félicie.
Mon époux , Lucidor ! voulez-vous que
mon coeur foit la dupe de ce mot- là : vous
dévriez craindre vous-même de me perfuader.
N'eft- il pas de votre intérêt que je
fois eftimable? & l'eftime que je mérite
encore , que deviendroit -elle ? Vous permettre
de m'aimer ; vous l'entendre dire
vous aimer moi-même : à la bonne heure ,
MAR S. 1757. 43
paffe pour tout cela , s'il y entre de la foibleffe
, elle eft excufable : on peut être
tendre , & pourtant vertueufe : mais vous
me proposez d'être infenfée , d'être extravagante
, d'être mépriſable ; oh ! je fuis'
fâchée contre vous ; je ne vous reconnois
point à ce trait-là .
Lucidor.
Vous parlez de vertu , Félicie , les
Dieux me font témoins que je fuis auffi
jaloux de la vôtre que vous-même , &
que je ne fonge qu'à rendre notre féparation
impoffible.
Félicie.
Et moi , je vous dis , Lucidor , que c'eft
la rendre immanquable : non , non , n'en
parlons plus , je ne me rendrai jamais à
cela ; tout ce que je puis faire , c'eſt de
vous pardonner de me l'avoir dit.
Lucidor àgenoux.
Félicie , vous défiez- vous de moi ? ma
probité vous eft- elle fufpecte ? ma douleur
& mes larmes n'obtiendront - elles rien ?
Félicie.
Quel malheur que d'aimer qu'on me
l'avoit bien dit , & que je mérite bien ce
qui m'arrive !
Lucidor.
Vous me croyez donc un perfide ?
44 MERCURE DE FRANCE .
Félicie.
Je ne crois rien , je pleure. Adieu trop
imprudente Félicie , me difoit cette Dame
en partant : oh ! que cela eft vrai .
Lucidor.
Pouvez-vous abandonner notre amour
au hazard ?
Félicie.
Se marier de fon chef , fans confulter
qui que ce foit au monde , fans témoin de
ma part ; car je ne connois perfonne ici :
quel mariage !
Lucidor.
Les témoins les plus facrés , ne font- ils
pas votre coeur & le mien ?
Félicie.
Oh ! pour nos coeurs , ne m'en parlez
pas ; je ne m'y fierai plus , ils m'ont trompée
tous deux.
Lucidor.
Vous ne voulez donc point m'épouſer ?
Félicie.
Dès aujourd'hui , fi on le veut , & fi on
ne l'approuve pas , je l'approuverai , moi .
Lucidor.
Eh ! penfez- vous qu'on vous en laiffe
la liberté ?
MARS. 1757. 45
Félicie.
Par pitié pour moi , demeurons raiſonnables
.
Lucidor.
Je mourrai donc , puifque vous me
condamnez à mourir.
Félicie
Lucidor , ce mariage-là ne réuffira pas.
Lucidor .
Notre fort n'eft affuré que par -là .
Félicie.
Hélas ! je fuis donc fans fecours.
Lucidor.
Qui eft- ce qui s'intéreffe à vous plus que
moi ?
Félicie.
Eh bien ! puifqu'il le faut , donnez- moi
de grace un quart-d'heure pour me refoudre
; mon efprit eſt tout en défordre , je
ne fçais où je fuis ; laiffez- moi me reconnoître
, n'arrachez rien au trouble où je
me fens , & fiez - vous à mon amour ; il
aura plus foin de vous , que de moi - même,
Lucidor.
Ah ! je fuis perdu ; votre compagne reviendra
, vous la rappellerez.
46 MERCURE DE FRANCE.
7
Félicie.
Non , cher Lucidor ; je vous promets de
n'avoir à faire qu'à mon coeur , & vous
n'aurez que lui pour juge laiſſez- moi ,
vous reviendrez me trouver.
Lucidor.
J'obéis ; mais fauvez-moi la vie , voilà
tout ce que je puis vous dire.
SCENE X.
Félicie, la Modeſtie qui paroît &ſe tient loin .
Félicie fe croyant feule.
Ah ! que fuis-je devenue !
La Modeftie de loin.
Me voilà , Félicie.
Félicie la regarde triftement.
La Modeftie continue.
Ne m'appellez-vous pas ?
Félicie.
Je n'en fçais rien.
La Modeftie.
Voulez-vous que je vienne ?
Félicie.
Je n'en fçais rien non plus.
MARS. 1757. 47
La modeftie .
Que vous êtes à plaindre !
Infiniment.
Félicie.
La Modeftie.
Je vous parle de trop loin : fi je me rapprochois
, vous feriez plus forte.
Félicie.
Plus forte je n'ai pas le
vouloir l'être.
La Modeftie.
courage
de
Tâchez d'ouvrir les yeux fur votre état .
Félicie.
Je ne fçaurois , je ſoupire de mon état ,
& je l'aime ; de peur
veux pas le connoître.
d'en fortir , je ne
La Modeftie.
Servez-vous de votre raiſon.
Félicie.
Elle me guériroit de mon amour.
La Modeftie.
Ah ! tant mieux , Félicie.
Félicie.
Et mon amour m'eft cher.
48 MERCURE DE FRANCE.
SCENE XI.
Diane paroît , la Modeftie , Félicie .
La Modeftie.
Voici cette Dame qui vous follicitoit
tantôt de la fuivre , & qui paroît : vous
vous détournez pour ne la point voir.
Félicie.
Je l'eftime ; mais je n'ai rien à lui dire ,
& je crains qu'elle ne me parle .
La Modeftie à Diane.
Preffez- la , Madame ; vos difcours la
rameneront peut- être.
Diane.
Non , dès qu'elle ne veut pas de vous ,
qui devez être fa plus intime amie , elle
n'eft pas en état de m'entendre.
La Modeftie.
Cependant elle nous regrette.
Diane.
L'infortunée n'a pas moins réfolu de fe
perdre.
Félicie.
Non , je ne rifque rien : Lucidor eft
plein d'honneur ; il m'aime , je fens que
je ne vivrois pas fans lui : on me le refuferoit
peut-être , je l'époufe ; il eft queftion
MAR S. 1757. 49
tion d'un mariage qu'il me propofe avec
toute la tendreffe imaginable , & fans lequel
je fens que je ne puis être heureuſe :
ai-je tort de vouloir l'être .
Diane toujours de loin.
Fille infortunée , croyez - en nos confeils
& nos allarmes. Appercevant Lucidor
: Fuyez , le voici qui revient ; mais
rien ne la touche : adieu , encore une
fois , Félicie . Elles fe retirent.
Félicie.
Quelle obſtination ! eft- ce qu'il eft défendu
dans le monde de faire fon bonheur ?
SCENE XII.
Lucidor , Félicie.
Lucidor.
Je vous revois donc , délices de mon
coeur : eh bien ! le vôtre me rend-t’il juſtice
? en eft- ce fait ? notre union fera - t'elle
éternelle ? Il lui prend la main qu'il baife.
Vous pleurez , ce me femble ; eſt - ce
mon retour qui cauſe vos pleurs ?
Félicie pleurant.
Hélas ! elles me quittent , elles difpa
roiffent toujours à votre afpect , & je ne
fçais pourquoi.
C
so MERCURE DE FRANCE.
Lucidor.
Qui ! cette fombre compagne , appellée
Modeftie , cette autre Dame qui déſaprouve
que vous veniez dans nos cantons ,
quand j'offre d'aller avec vous dans les
fiens : & ce font deux auſſi revêches , deux
auffi impraticables perfonnes que celleslà
, deux fauvages d'une défiance auffi ridicule
que vous regrettez ; ce font - elles
dont le départ excite vos pleurs , au moment
où j'arrive , pénétré de l'amour le
plus tendre & le plus inviolable , avec
l'efpérance de l'hymen le plus fortuné qui
fera jamais ! Ah ciel ! eft- ce ainfi que vous
traitez , que vous recevez un Amant qui
vous adore , un époux qui va faire fa félicité
de la vôtre , & qui ne veut refpirer
que par vous & pour vous ? Allons , Félicie ,
n'hélitez plus : venez , tout eft prêt pour
nous unir , la chaîne du plaiſir & du bonheur
nous attend.
Une fymphonie douce commence ici.
Venez me donner une main chérie , que
je ne puis toucher fans raviffement .
Félicie.
De grace , Lucidor , du moins rappellons
- les , & qu'elles nous fuivent.
MARS. 1757. SI
2
Lucidor.
Eh ! de qui me parlez - vous encore ?
Félicie.
Hélas ! de ma Compagne , & de l'autre
Dame.
Lucidor.
Elles haïffent notre amour , vous ne lignorez
pas ; venez , vous dis-je ; votre injufte
réfiftance me défefpere : partons.
Il l'entraîne un peu.
Félicie.
Oh ciel! vous m'entraînez , où fuisje
, que vais - je devenir ; mon trouble ,
leur abfence , & mon amour m'épouvantent
: rappellons-les , qu'elles reviennent .
Elle crie haut.
Ah ! chere Modeftie ! chere Compagne :
où êtes- vous , où font- elles ?
Alors la Modeftie , Diane , & la Fée reparoiffent.
SCENE XIIITous
les Acteurs précédens.
La Fée.
Amant dangereux & trompeur , ennemi
de la vertu , perfides impreffions de
l'Amour , effacez-vous de fon coeur , &
difparoiffez .
Cij
52 MERCURE DE FRANCE.
Lucidor fuit , la fymphonie finit , la Modeftie
, la Vertu & la Fée vont à Félicie qui
tombe dans leurs bras , & qui à la fin ouvrant
les yeux , embraffe la Fée , careffe la
·Modeftie & Diane , & dit à la Fée :
Ah Madame ! ah ma protectrice ! que
je vous ai d'obligation ! vous me pardonnez-
donc je vous retrouve ; que je fuis
heureufe , & qu'il eft doux de me revoir
entre vos bras !
La Fée.
Félicie , vous êtes inftruite : je ne vous
ai pas perdue de vue , & vous avez mérité
notre fecours , dès que vous avez eu la
force de l'implorer.
VERS
De Madame de la T....
SANS courroux , fans légéreté ,
J'etouffe une importune flamme ;
Daphnis , l'aimable liberté ,
Reprend tous les droits fur mon ame.
D'un fentiment trop délicat
Mon courage s'eſt rendu maître :
Laffe de te trouver ingrat ,
Je te force à ceffer de l'être ,
MAR S. 1757: $.3
Ne crains rien d'un amour fi long- temps outragé
En expirant il s'eft vangé .
Mon coeur énorgueilli d'avoir brifé fa chaîne
Ne peut plus être tourmenté ,
Ni par le fentiment du mépris affecté ,
Ni par les fureurs de la haine.
Non , je ne rougis plus d'avoir fuivi ta loi ,
Mon changement a banni mes ſcrupules :
La raifon me fait voir , en me rendant à moi ,
Que les feux infenfés dont j'ai brûlé pour toi ,
M'ont fauvé d'autres ridicules.
Sur ma foibleffe enfin , ma gloire a prévalu :
Dans le calme qui m'eſt rendu
Je trouve le bonheur fuprême :
Il eft plus grand d'avoir vaincu
Mon penchant , que ta froideur même.
VERS
"
De M. de Relongue de la Louptiere , à M.
Durey d'Harnoncourt , fur le Prix d'Eloquence
qu'il a remporté à Besançon , dont
le fujet étoit : Les Dangers de la louange
prématurée & exceffive .
Das froideurs de Plutus le Parnaffe fe vange ; ES
En couronnant ton goût dans de fçavans combats ,,
Pour avoir fçu fixer l'écueil de la louange,
· Combien n'en mérites - tu pas !
Ciij
14 MERCURE DE FRANCE.
LES AMOUR S.
L'AMOUR eft le premier des Dieux . Produit
par Zéphyr , mais plus puiffant que
lui , il dirigea fa légéreté ; il fertilifa la
terre dont il avoit reçu l'être , & le cahos
fut anéanti.
Son feu créateur a peuplé le ciel. Divinités
refpectables , vous fûtes un jeu de
l'Amour , & vous avez augmenté fon empire
en le partageant avec lui : fon fouffle
anima l'univers , & les hommes furent
heureux .
Telle eft , aimable Léontium , l'époque
du fiecle d'or , fi regretté & fi peu connu.
Les coeurs unis par l'attrait de la vertu
& par les charmes de la tendreffe , ne fe
féparoient pas l'un de l'autre : chacun
éprouvoit le plaifir , & il le trouvoit un
bien. L'innocence éloignoit alors la fatiété
qui eft compagne du répentir ; c'étoit
l'ouvrage de l'Amour : il embellit tout ce
qui l'environne , & ce preftige féducteur
n'eft que le premier de fes bienfaits.
L'orgueil & les querelles des Dieux le
rappellerent dans l'Olympe. La nature
commença de languir , & ce terrible effet
de fon abfence apprit aux hommes qu'ils
MAR S. 1757. SS
étoient à la veille d'éprouver les plus grands
maux. Bientôt les traits de lumiere qu'il
avoit gravé en eux comme le gage de fa
protection , s'obcurcirent tout -à-fait : l'efprit
dépravé raffina la volupté , ( ce fut cefcer
d'en jouir ) , & l'égarement conduifit
au vice par les routes obliques de l'inconféquence
.
L'Amour effrayé de ces défordres , revint
pour défabufer le monde , & il y fut
méconnu. Touché de tant d'excès , il s'attendrit
c'eft le feul fentiment trifte
dont les Dieux foient fufceptibles : mais
le foin preffant de fa vangeance étouffa fa
pitié. Race ingrate , dit - il , je t'abandonpuifque
tu m'y contrains ; & pour
rendre ton châtiment durable , je te livre
à l'erreur que tu as ofé me préférer .
>
En achevant ces paroles , il embraſa
avec fon flambeau l'Autel fur lequel il recevoit
les offrandes des Bergers , ( chacun
l'étoit alors , ) & d'un vol léger , il difparut
au milieu d'un nuage qui couvrit fa
fuite. On n'en fut pas ému , & cette infenfibilité
devint le plus terrible figne de fa
colere. L'air chargé d'influences malignes
exhala d'abord un venin contagieux , &
les moeurs fe corrompirent fans reffource.
A mefure que les générations fe fuccéderent
, cet événement ceffa d'être auffi
Civ
56 MERCURE DE FRANCE.
préfent ; mais on ne l'oublia point , & il
en reſta une idée confuſe que la tradition
avoit confervée d'âge en âge.
Ce fatal fouvenir a coûté trop de bonheur
pour que je le rappelle fans effroi .
Les hommes pervertis fe livrerent à leurs
penchans . Le goût , l'habitude , & furtout
l'exemple plus dangereux que l'un & l'autre
, autorifoient leurs travers ; mais ils n'étoient
pas encore parvenus à étouffer une
inquiétude fecrete qui les agitoit vivement.
L'hiftoire du regne paifible & fortuné
de l'Amour dont ils avoient été inftruits
par leurs peres , les éclairoit fur la félicité
dont ils étoient déchus , & ils comprirent
même à leurs remords que ce Dieu ne
les avoit pas abandonnés fans retour. Dans
cette perfuafion , ils oferent efpérer de
fléchir fon courroux , & s'efforcerent de découvrir
le lieu de fa retraite pour le ramener
parmi eux .
Occupé de ce fouci , leur efpérance
anima leurs recherches. Ils trouverent enfin
dans les forêts de la profane Idalie ,
un enfant à peu près femblable au Dieu
qu'ils vouloient appaifer. Fruit coupable
de l'adultere de Mars & de Vénus , les
Graces avoient formé fa perfonne : perfide
& volage comme elles , il paroiffoit remMAR
S. 1757 . 57
pli de candeur & d'ingénuité , vertus aimables
, qui peut-être font moins encore
l'appanage que l'ornement de l'enfance , &
il cachoit fous les charmes féduifans de la
beauté , les fureurs du Dieu fanguinaire
qui lui avoit donné la vie.
*
Des aîles de pourpre & d'azur lui couvroient
les épaules , & il portoit dans les
mains un arc de frêne & des fléches de
cyprès , avec lesquelles il pourfuivoit les
animaux de la contrée , comme pour s'exercer
dans l'art de nuire.
Les hommes , trompés par fes careffes
& par fon dangereux fourire , lui adrefferent
leurs hommages & dès-lors des
Temples fans nombre élevés à fa gloire ,
confacrerent l'erreur commune.
>
Ennuyé de fes armes ruftiques , il leur
fubftitua un arc & un carquois d'or garni
de traits empoifonnés dont les Euménides
lui firent préfent , & une torche allumée
dans les fournaiſes du Tartare.
C'eſt fous cet appareil qu'il parcourut
fucceffivement le monde , pour en recevoir
lės adorations , répandant partout un feu
cruel qui rendoit fes bleffures incurables.
Aveugles humains , tant de perverſité
auroit dû vous faire appercevoir de votreméprife
; car les Dieux ne font ni cruels ,
ni bifarres.
7
С v
SS MERCURE DE FRANCE.
La puiffance du fils de Vénus , l'abus
même qu'il en fit , étendirent fon culte
parce qu'on a dans tous les temps idolâtré
le pouvoir , & l'univers étonné ſe ſoumit
à tous fes caprices. Delà tant d'engagemens
que rien ne peut rompre , tant de
paffions honteufes & infortunées , ivreffe
funefte qui tyrannife tour à tour le coeur
par la volupté qu'elle lui promet , ou par
des plaifirs qui le fatiguent : elle le promene
fans ceffe d'idée en idée, pour l'empêcher
d'être heureux .
En vain l'Amour gémit du délire qui
agitoit le monde ; la folie & la prévention
affurerent le triomphe de fon Rival , & à
peine fur la terre entiere refta-t'il quelques
efprits raifonnables qui euffent réfifté à la
féduction .
L'Amour fe hâta de récompenfer la fidélité
de ceux- ci. Il répandit dans leur fein
ces flammes vives que la fympathie entretient
& perpétue , & que le dégoût n'étouffe
jamais il réſerva pour eux ces tranfports
inconnus au vulgaire , ces égaremens
délicieux où l'ame abforbée dans la
poffeffion d'elle-même , jouit de fon propre
anéantiffement , & ne defire rien audelà.
Ainfi des faveurs qui auroient été com→
munes à l'univers , s'il eût été digne d'elles,
MAR S. 1757. fo
font devenues par l'équité des Dieux le
partage de peu de mortels.
Voilà le prix que l'Amour deftine à fes
vrais Adorateurs. Moins empreffé d'en augmenter
le nombre , que jaloux de les conferver
& de prévenir leur inconftance , il a
établi fon fanctuaire dans les coeurs fenfibles
& vertueux. Il doit être dans le vôtre
aimable Léontium , & vous le trouverez
fûrement dans le mien ;; mais ne le cherchez
pas ailleurs : l'Amour fe dérobe aux
pourfuites , il fuiroit devant vous , & une
légéreté inquiete feroit la peine de votre
curiofité.
Chériffons enfemble les bienfaits de la
Divinité qui nous protege : ils font inaltérables
comme elle , & nous les mériterons
toujours fi nous fçavons en bien ufer.
A. GAMPON , Crieur public de la Ville de
Montelimard , le 16 Novembre 1756 .
LE LIVRE DE LA RAISON ,
FABLE.
LORSQUE ORSQUE le Ciel , prodigue en fes préfens ,
Combla de biens tant d'êtres différens ,"
Cher entr'eux tous à la bonté fuprême ,
De Jupiter , l'homme reçut , dit- on ,
C vi
6 MERCURE DE FRANCE.
Un Livre écrit par Minerve elle- même ,
Ayant pour titre , la Raifon.
Ce Livre ouvert aux yeux de tous les âges,
Les devoit tous conduire à la vertu.
Mais d'aucun d'eux il ne fut entendu ,
Quoiqu'il contînt les leçons les plus fages.
L'enfance y vit des mots & rien de plus ;
La jeuneffe , beaucoup d'abus ,
Des paffions , des goûts volages ;
L'âge fuivant , des regrets fuperflus ,
Et la vieilleffe en déchira les pages .
J. L. AUBERT .
LETTRE
A L'AUTEUR DU MERCURE.
MONSIEUR ONSIEUR , je vous envoie un fatras.
de bagatelles poétiques , fruit de quarante
ou cinquante demi- heures , prifes à l'avanture
fur toute une année. De grace , ne les
noyez pas toutes à la fois dans un feul Mercure
; vous me ruineriez ici de réputation :
on s'imagineroit que j'aurois perdu la tête ,
& fi notre Prélat ne penfoit auffi différemment
du vulgaire, qu'il en eft diftingué par
l'éminence de fa place , je craindrois qu'on
ne lâchât contre moi un bel & bon interdit :
mais heureufement encore on ne me connoît
pas.
MARS. 1757.
"
Ici , Monfieur , où l'on croit
Qu'un fage Curé n'a droit
De chanter qu'à la Préface
Si l'on fçavoit qu'au Parnaffe
Je concerte quelquefois ,
De tous les coins de nos bois ,
On crieroit à l'hérétique :
On veut , je ne fçais pourquoi ,
Que le jargon poétique
Soit , ainfi que la phyfique ,
L'indice für d'une foi
Douteufe & problématique.
J'ai l'honneur d'être , & c.
Aux Amognes en Nivernois ,
le
29 Décem
bre 1756.
Nous allons mettre ici deux Pieces de
cet aimable Curé de campagne , qui mérite
par fon efprit & par fon talent d'habiter
la Capitale. La premiere eft en vers , &
la feconde eft mêlée de vers & de profe..
Nous donnerons les autres fucceffivement..
VERS à Lindor.
Au Pinde , cette matinée ,
D'un air inquiet , je rêvois ,
Sage Lindor , aux voeux que je devois
Former pour vous dans la prochaine année..
62 MERCURE DE FRANCE.
4
Une Muſe qui , d'un bosquet
D'un oeil attentif remarquoit
Ma contenance embarraſſée ,
S'approche; & tout à coup démêlant ma pensée :
Je n'ofe condamner , dit- elle , ton projet ;
Mais l'exécution m'en paroît mal - aifée :
Car que peut -on aux Dieux demander pour Lindor
?
Des jours longs & fereins fa fage tempérance
Lui prépare ceux de Neftor ,
Dont il a déja la prudence,
De grands revenus belle avance !
Il auroit le foin du tréfor ,
Et les pauvres la jouiffance.
Un plus haut rang ? content du fien ,
Il y goûte une paix profonde :
La plus belle place du monde
Eft celle où l'on n'aspire à rien.
Toi donc , qui par amour & par reconnoiffance ,
Prends au fort de Lindor un fi vif intérêt :
De voeux , crois moi , fupprime la dépenſe ,
S'il eft au monde un heureux , Lindor l'eſt.
LETTRE en profe & en vers d'un Curé
de Campagne à un Chanoine.
MONSIEUR , dans la Lettre obligeante
que vous m'avez fait l'honneur de m'écri
MARS. 1757. 63
re , j'ai cru démêler à travers toute la politeffe
dont elle eft affaifonnée , qu'intérieu
rement vous n'approuvez pas .
Qu'épris par fois de l'ardeur poétique ,
J'ofe aller au facré vallon
Mêler ma voix foible & ruftique ,
Aux doux accens des Cignes d'Apollon.
Convenez -en , Monfieur , vous trouvez
fingulier , même un peu ridicule , qu'un
méchant Curé de Campagne , condamné
par état à vieillir dans l'ignorance & la
rufticité , s'amufe vainement à rechercher
fes expreffions , à cadencer fes phrafes ;
en un mot à parler , comme on dit , la
langue brillante des Dieux.
Dans un miférable village ,
Où , pour apprivoifer quatre ou cinq cens Ruf
tauds ,
Hommes par les traits du visage
Mais par l'efprit vrais animaux :
La feule efpece de langage ,
Dont il faut être inftruit & fçavoir faire uſage ,
Eft le patois affreux que cette gent fauvage
Parle à fes boeufs , à fes chevaux.
Paffe encore , direz- vous , pour un Curé
de Ville : c'est à lui qu'il ne doit pas être
moins permis de foigner fon ftyle que fa
64 MERCURE DE FRANCE.
figure , & cela pour de bonnes raifons tirées
de la circonftance du temps , des lieux
& des perfonnes, Un Curé de Ville poli ,
lefte , brillant , même un peu recherché
dans fa façon de fe mettre , comme dans
fa façon de parler , ufe de fon privilege ;
il n'y a pas là le petit mot à dire : mais un
Curé de Village élégant , difert , ami des
Mufes , oh ! cela n'eft pas tolérable ; c'eſt
réaliſer en quelque forte le conte impertinent
d'Apollon , Gardien des troupeaux
d'Admete..
C'est tout comme s'il alloit
Accoutré d'une rotonde ( 1 )
D'un beau damas violet ,
Avec un petit collet
Du plus joli goût du monde ;.
Des cheveux fentans l'oeillet ;
De quinze pas à la ronde ,
Taillés & rangés , Dieu fçait ,
Vifiter à fon chevet
Quelque pauvre Moribonde.
(1 ) Efpece de collerette en forme de mantelet ,
à l'ufage des jeunes Eccléfiaftiques de ville. Cette
commode invention leur fert , difent-ils , à garantir
le collet de leur foutanne de l'inondation des graiffes
odoriférantes , & de la poudre de fenteur dont ils
font obligés , par état , de parfumer leur chevelure .
C'est pour cela qu'ils n'en portent que de foie ; cette
étoffe , par le moyen des filamens cotonneux , étant
plus propre qu'une autre à retenir le torrent. Note
MARS. 1757. 65
Vous voyez que je n'en épargne pas le Rimeur
campagnard , & qu'en interprétant
ou devinant votre penfée , il s'en faut
beaucoup que je ne cherche à lui donner
un tour favorable : mais pour entrer tout
de fuite en matiere , j'ai trop à coeur de
conſerver votre eftime , & même d'obtenir
votre approbation fur un léger amuſement,
auquel je ne me prête que par de trèscourts
intervalles , pour ne pas effayer ici
de vous en juftifier , finon l'utilité , du
moins l'innocence. Si vous croyez
Que l'on ne peut avoir quelque goût pour les
vers ,
Sans négliger bientôt un travail plus utile ;
Que, fans ceffe égaré dans le vuide des airs ,
Jouet perpétuel d'un délyre futile ,
Il n'eft point de devoir preſſant ,
Point d'engagement légitime ,
Qu'un efprit poffédé du démon de la rime ,
Ne facrifie à fon penchant ;
Que de Poëte à Satyrique ,
Pour peu qu'on ait l'ame peu pacifique ,
Le trajet eft court & gliffant ;
Qu'un rimeur , en un mot , pour parler fans emblême
,
Souvent n'eft qu'un fou qui , penfant
Que l'art des vers eft l'art fuprême ,
un peu longue , mais néceffaire, pourfauver nosjolis
Confreres du reproche de mondanité.
66 MERCURE DE FRANCE.
Croit que tout l'univers , plein d'un respect extrême
Pour fa perfonne & fes talens ,
Doit l'honorer comme l'arbitre même
Et le modele du bon fens.
1
Si vous croyez cela , Monfieur , vous
êtes excufable d'être fi fort prévenu contre
les vers mais cette prévention n'est que
l'effet d'une erreur , dont il eft facile de
vous détromper. Les excès que vous mettez
fur le compte de la poéfie , ne font proprement
que ceux des perfonnes qui la culti
vent , & dont elle ne peut changer les
mauvaiſes difpofitions. Regardez donc , fi
vous voulez , les Poëtes fainéans , orgueilleux
ou médifans , avec tout le mépris qui
leur eft dû . Je ferai de moitié avec vous ;
mais gardez - vous bien de croire que c'eſt
leur commerce avec les Mufes qui les
rend tels.
Celle dont je fuis les loix ,
Simple , timide , ingénue ,
Parmi les Nymphes des bois ,
Vit ifolée , inconnue.
Voyez Affife au bord d'un clair ruiffeau ,
Une Bergere innocente & craintive ,
Tandis que fon cher troupeau
Erre le long de la rive ;
MAR S. 1757. 67
Tout en tournant fon fuſeau ,
Elle unit fa voix naïve
Au doux murmure de l'eau.

Gloire , honneur , rien ne la tente ;
L'unique attrait qui l'enchante ,
Eft d'égayer fes travaux ;
Trop fatisfaite & contente
Si par hazard les oiſeaux ,
Gafouillant ce qu'elle chante ,
Le vont redire aux échos .
Telle eft la Mufe qui m'infpire :
Loin des humains , dans un antre écarté ,
Sur les arts feuls exerçant fon empire ,
Et fur tout autre objet exacte à s'interdire
Tout efprit , tout regard de curiofité , ..
Elle n'a ni la faculté ,
Ni l'art , ni le goût de médire.
Si quelquefois dans fon loifir ,
Elle fait raifonner une fimple mufette ,
Libre d'ambition , le but de fon defir
Eft d'écarter l'ennui de fa retraite ,
Et d'y retenir le plaifir.
(
A la campagne les jours font ordinairement
de beaucoup plus longs qu'à la ville .
Ici mille bagatelles différentes fe fuccedent
pour remplir l'intervalle , ou même quelquefois
dans un befoin pour tenir la place
des occupations férieuſes. Là ce n'eſt pas
la même chofe , du moins dans une cam68
MERCURE DE FRANCE.
pagne comme celle- ci : point , ou prefque
point d'objets de diftraction , & quoiqu'on
faffe , il refte toujours je ne fçais combien
de moment fuperflus qu'on ne fçauroit
remplir. A quoi voulez - vous qu'on les
employe , M. l'anti- Poëte ?
Au jardin ? je m'y donne affez fouvent carriere ;
Je fçais foncer la bêche & rouler la civiere ;
Mais par des temps contraires & fâcheux ,
Un Jardinier n'a rien à faire .
Au jeu mais pour jouer , il faut être au moins
deux ;
Et dans ce lieu fauvage & folitaire ,
Quiconque penfe & trouve ailleurs fon mieux
Ne fait pas long- temps ordinaire :
Ainfi que les oifeaux de race paffagere ,
On arrive au printemps , & d'une aîle légere ,
Dès que l'automne approche , on s'enfuit avec
eux.
A la pêche fort bien ; mais pour toute riviere
Nous n'avons qu'un ruiffeau bourbeux ,
Où les troupeaux , fans le fecours des cieux ,
Boiroient à peine une ſemaine entiere.
A la chaffe les frais en font par trop coûteux ::
Le matin , avant la lumiere ,
Se lever pour courir au loin fur la bruiere ,
Surprendre un lievre alerte & cauteleux
Retiré fous une fougere ;
Sur les pas d'un chien vigoureux ,
MARS . 1757. 69
Galopper tout le jour par des fentiers fcabreux ,
Par une chaleur âpre ou des froids rigoureux ;
Pour revenir le foir , las , fanglant & poudreux ,
Rapporter au logis un eftomac plus creux ,
Que le fond de fa gibeciere ;
Ce plaifir , s'il le faut traiter de la maniere ,
M'a l'air un peu laborieux.
Or en fait de plaiſirs , je n'en fais pas myſtere ;
J'ai l'humeur un peu ménagere ,
Et j'incline toujours pour ceux
Qu'on trouve fous la main , & qui ne coûtent
guere.
Vous iriez voir , m'allez vous dire , les
Seigneurs du voifinage , & là , ne fût- ce
qu'à l'afpect d'une table abondamment
fervie , votre ennui trouveroit à qui parler.
Je conviens qu'il eft plus d'une maiſon
refpectable autant qu'opulente , ou je pour
rois , ou je devrois même tâcher de m'introduire
, & dans laquelle peut - être , fans
fervir d'Agent d'affaires , d'Ecuyer ou de
premier Valet de chambre , ferois- je accueilli
avec bonté.
Je fçais qu'il eft dans ces contrées
Des Chabannes & des Damas ,
Que d'un nom glorieux l'éclat n'éblouit pas ,
Et chez qui l'honnête homme a toutes les entrées.
Là ne régna jamais ce principe impofteur ,
Enfanté par l'orgueil , nourri par l'ignorance ,
1
70 MERCURE DE FRANCE.
Que fans une haute naiffance ,
Il n'eft ni fentimens , ni vertus , ni grandeur.
Là , les talens & la ſageſffe ,
Sans ayeux renommés par leurs exploits guerriers,
Donnent droit & rang de nobleffe ,
( 1) Les vices feuls font roturiers.
Là deux Mortelles adorables ,
A qui pour leurs vertus dans les temps
bles ,
mémora-
La Grece eût donné place aux Temples de fes
Dieux ,
Par mille talens précieux ,
Par un goût fin , un ſens juſte , admirable ,
Un caractere égal , invariable ,
= Une douceur charmante , inimitable ,
Des procédés engageans & flatteurs ,
Reprennent fur l'efprit cet afcendant aimable ,
-Que jadis mille attraits leur donnoient fur les
coeurs .
Je fçais tout cela , Monfieur , & quelque
goût que j'aie pour un genre de vie
libre & uni , je vous affure que perfonne
ne feroit plus charmé que moi , de fréquenter
les grandes maifons , où le goût
des villes fe trouve réuni à la franchife de
la campagne's mais il me femble que pour
être à fon aife , il faut bien des talens Y
(1) Ce vers le trouve dans la profe du François
àLondres , le vice feul eſt roturier.
MARS. 1757 . 71
que je n'ai pas , & que je défefpere d'avoir
jamais .
Dans l'humeur certaine foupleffe ,
De l'aifance dans le maintien ,
Dans l'efprit de la gentilleſſe ,
Et des graces dans l'entretien .
Comme tout cela me manque juſqu'à
un certain point , tout mûrement confideré
, je me contente d'offrir fécrétement au
fond de mon coeur mes hommages &
mon encens à qui je les dois ; ne fortant
prefque jamais de ma cafe que pour viſiter
quelques-uns de mes Confreres : mais on
ne fçauroit toujours fe voir dans le befoin.
Quand donc l'ennui vient m'affaillir dans
ma folitude , je ne trouve pas d'expédient
plus prompt , pour m'en défaire , que de
monter au Parnaffe.
Là, fous un Ciel tranquille , où jamais des hyvers
On n'éprouva la tyrannie ,
Sous un berceau touffu de tilleuls toujours verds ,
Placé par la main d'Uranie ,
J'entends des chaftes Soeurs les fublimes concerts.
Là de mille Chantres divers
La docte troupe réunie ,
De mille oiſeaux les tendres airs
Portent dans tous les coeurs la joie & l'har
monic,
72 MERCURE DE FRANCE.
Là , charmé , fatisfait , oubliant l'univers ;
Je coule , exempt de foins , de regrets & d'envie ,
Flatté du feul plaifir d'entendre de beaux vers ,
Les plus doux momens de ma vie.
EPITRE
A MONSIEUR DE BOISSY.
VOTRE
OTRE modeftie vous empêchera peut- être
de rendre public l'hommage que je rends à
vos talens , mais vous me mortifieriez beancoup
; je me retournerois d'un autre côté , &
vous n'y perdriez rien , Monfieur , je vous en
afſure.
Cette menace nous a fait violence , &
nous a obligé d'inférer ici , malgré nous ,
cette Epître , que l'encens peu mérité qu'on
nous y prodigue ne nous auroit pas permis
d'employer , ou nous l'aurions du moins
reftreinte à l'éloge que l'Auteur y fait de
Mlle Allar avec autant d'élégance que de
juftice ; mais le bien qu'on y dit de nous
tient fi effentiellement à celui qu'on y
dit d'elle , qu'il n'étoit pas poffible de retrancher
l'un fans fupprimer l'autre. Nous
prions nos Lecteurs de regarder les louanges
qui nous font perfonnelles , comme
une ffiiccttiioonn que le Pocte a jugé à propos de
mêler
MARS. 1757 . 73
mêler à la vérité de celles qu'il a données à
cette aimable Danfeufe pour en faire mieux
fentir le mérite .
toi ! dont la plume charmante
Brille dans tout ce que tu fais ,
Le coloris de tes portraits .
A jufte titre nous enchante.
On reconnoît dans tes écrits
Le fentiment & la délicateffe ,
Et tu mêles avec adreffe
L'éclat des rofes de Cypris
Avec les lauriers du Permefle .
Pour te prouver la vérité
De l'éloge le plus fincere ,
J'aurois , je te l'avoue , un reproche à te faires
Et tel qu'il eft , Boiffy , j'efpere
Que tu le recevras avec quelque bonté.
De l'émule de Terpsichore
Dans ton livre tu dis quelques mots en paffant ,
Et tu parles légèrement
De cet aimable objet que tout Paris adore.
D'où vient ce filence étonnant ?
Tes crayons font faits pour les graces :
De les peindre à nos yeux , c'étoit là le moment.
Tu fçais bien que d'Allar elles fuivent les traces ;
Pourroient- elle faire autrement !
Dans ce ballet , où vêtue en fauvage ,
Elle femble à regret éviter fon Amant ,

74 MERCURE DE FRANCE.
h
Dans les yeux tout Paris a vu le fentiment ,
Et chacun lui rendoit hommage.
Tout étoit peint dans fes regards ;
L'intérêt , le mépris , l'amour , l'incertitude ,
La frayeur & l'inquiétude ;
Pour un Amant banni quelques légers égards ,
Sans cependant bleffer celui qu'elle aime ;
Enfin tout ce que fent un coeur vraiment épris ,
Voilà ce qu'elle a peint à nos yeux attendris ,
Et ce que tu devois nous retracer toi- même ,
Pour y donner un nouveau prix.
LETTRE
Ecrite de Braine près Soiffons , par M. J.
pour répondre à Madame de .... qui lui.
avoit marqué qu'elle vivoit avec une perfonne
qui ne connoiffoit pas la définition de
l'eftime , & qui trouvoit ce fentiment bien
foible.
JE ne fuis point furpris , Madame , de
Vous voir rencontrer des plaifirs partout :
vous les ferez naître , & les fixerez toujours
où vous ferez . On m'a remis votre lettre
en arrivant d'une campagne où j'ai été
paffer les fots & ennuyeux premiers jours de
l'an. Je ne vous y voyois pas ; mais comme
vous l'avez embellie autrefois , je me
fuis imaginé vous y voir encore. Vous êtes
MAR S. 1757 75
occupée fort agréablement : je le vois &
vous en félicite . Je voudrois feulement
parmi tous vos plaifirs n'être pas tout à fait
oublié. Mes livres , mes coquilles , mes
médailles : tout cela , quoique plein de
charmes , ne m'empêche pas de fonger
quelquefois à vous , & fi vous voulez que
je le dife , affez fouvent mal à propos : car
il eft des momens où l'on voudroit ne pas
avoir de diſtractions. Mais cette extravagante
imagination n'eft pas toujours d'accord
avec les contemplations de l'efprit ;
& il faut fe prêter quelquefois à fes écarts ,
furtout lorfqu'elle offre des objets agréa
bles . Par exemple , je voudrois bien qu'elle
me fervît dans ce moment pour répondre
à votre question . Vous êtes , me dites-
vous , Madame , avec une perfonne
de beaucoup d'efprit , qui ne connoît
pas la
définition de l'eftime , & qui trouve ce
fentiment bien foible. Je ne pense pas de
même je le vois dans la nature , & agiffant
avec force chez les hommes , par l'amour
de la gloire , l'éclat d'une action gé.
néreuse , & par toutes les qualités qui annoncent
une belle ame formée pour toutes
les vertus ; & chez les femmes , par la
douceur & le charme de leur caractere , le
foin de leur réputation , & par toutes ces
qualités aimables qui ne dépendent point
:
"
Dij
76 MERCURE DE FRANCE.
de l'ivreffe des fens . L'eftime ne naît point
tout d'un coup , c'eft un fentiment qui fe
forme peu à peu par la pratique , & un
long commerce. Il eft étranger à l'ame , &
s'établit par force dans l'efprit , fouvent
même par des chofes qui ne plaifent pas
d'abord , mais qui deviennent enfuite
d'un prix infini.
L'eftime eſt toujours réglée par la raifon ,
& juftifiée par un fentiment intérieur
qui fixe tous les autres fur l'objet eftimé.
Elle n'eft point fujette aux défordres des
fens ni à l'inconftance des paffions , comme
elle ne peut être non plus enchaînée par
leurs charmes féducteurs. Un mouvement
fecret l'annonce au fond de l'ame où elle fe
cache , & d'où elle commande à l'efprit.
Le vrai mérite s'attire toujours fon hommage
& ce refpect de fentiment qui a tant
d'autorité fur le coeur qui s'efforce en vain
de lui cacher fes défauts. Ce n'eft d'abord
qu'un goût fimple, dont les progrès lents ne
fe montrent à la raifon que comme une
lueur foible , & long- temps incertaine. Ce
goût eft l'ame de la fociété : il nous unit
les uns aux autres par une approbation
mutuelle , qui cependant doit être toujours
foumife à la loi du difcernement.
L'amour de l'eftime éleve l'homme , lè
fait afpirer aux grandes chofes , & l'excite
MAR S. 1757. 17.
à s'en rendre digne. Ce même amour le
porte auffi à la pratique des grandes vertus
qui font toujours le principe des grandes
actions.
Mais combien l'eftime n'augmente- t'elle
pas les plaifirs du fentiment entre deux perfonnes
qu'une heureuſe inclination a unies
de fes plus doux noeuds ? Car qu'eft- ce
qu'un commerce où il n'entre que de l'amour
? On ne plaît pas toujours , & quand
le charme & l'illufion fonc diffipés , fuccede
un vuide affreux , qu'il eft bien doux
de pouvoir remplir par un fentiment qui
porte toujours avec foi l'intérêt le plus féduifant,
& qui remplace tous les autres . Ce
n'eft pas affez de defirer & d'obtenir .
Quand cette chaleur, cette effervefcence du
fang ont rempli tous les defirs , qu'ils font
fatisfaits , que refte - t'il dans le coeur , fi
l'eftime ne réchauffe fes fentimens ? La fatisfaction
d'eftimer ce qu'on aime , eft de tous
les fentimens le plus délicat , & celui qui
renferme le plus grand bonheur. C'eſt une
joie douce & réglée , une joie de raifon
qui n'eft jamais troublée par les emportemens
de la paffion . Elle fe nourrit dans l'ame,&
y répand cette lumiere pure que rien
ne peut altérer. Le goût ne fçauroit l'ufer ,
& elle eft à elle-même fon bonheur & fa
jouiffance. C'est toujours le prix du véri-

Dij
78 MERCURE DE FRANCE.
table mérite qui ne tient à aucune grandeur.
Le refpect froid & ridicule qu'on a
pour celle - ci , eft bien peu de chofe auprès
de l'eftime & de la vénération qu'on
a pour ces génies fupérieurs , ces grands
hommes qui n'ont pour but que l'utilité
générale & particuliere. Oui, tous les jours
on refpecte beaucoup un grand qu'on n'eftime
point du tout. Ce dernier fentiment
n'eft foumis à aucune loi : il ne fe comm
ande pas comme le premier , & l'autorité
ni la puiffance ne peuvent l'exiger .
J'ajoute encore que tel ou telle qui vous
hait prodigieufement , ne pourra s'empêcher
de vous estimer , fi vous êtes eftimable.
En un mot , l'eftime n'eft point un
fentiment d'opinion , & qui fe fatisfaffe
comme les autres . Elle n'eft point fujette
aux faillies d'un premier goût ou d'un premier
penchant. Le temps feul & l'examen
fixent fon choix & déterminent fes jugemens.
On auroit fans doute pu mieux vous expliquer
, Madame , toutes les différentes
fortes d'eftime , car il y en a plufieurs , mais
qui partent toutes d'une même fource. Je
me contente de les fentir , & de vous en
faire hommage. Si la perfonne avec laquelle
vous vous trouvez ne les " apperçoit
pas ; c'est une erreur de l'efprit , ou ,
MAR S. 1757. 29
j'ofe le dire , un vice du coeur , prévenu
de quelque paffion . Qu'elle s'examine ,
un peu de reflexion , & peut- être même
de fincérité , diffipera l'incertitude de fes
fentimens, & le nuage qui les couvre : car ,
je le répete , l'eftime n'eft point l'ouvrage
des fens fubjugués ou éblouis . La nature
feule éclairée par le difcernement , dicte
& conduit ce fentiment qui ne dépend ni
du préjugé , ni de l'opinion.
> Je crois , Madame , qu'en voilà aſſez
& que vous êtes auffi laffe de lire , que je
le fuis d'écrire. Sçachez - moi , s'il vous plaît,
quelque gré de mon obéiffance , & ne
doutez jamais de mon eftime ni de mon
, refpectueux attachement .
Qui parle fibien fur l'Eftime , en mérite
beaucoup .
VERS
AM. le Comte de Maillebois , fur fa réception
dans l'Ordre du Saint- Efprit , par
M. Lemonnier.
COMTE , tu l'as reçu ce prix de ton mérite ,
Ce gage précieux de la faveur des Rois.
Ainfi ce que Louis devoit à tes exploits ,
Sa juftice aujourd'hui l'acquitte .
Pourfuis ... il eft encor un titre plus flatteur
Div
So MERCURE DE FRANCE.
Où doit afpirer ton courage.
Eh ! qui peut mieux que toi prétendre à cet hon--
neur ,
Si pour jouir d'un fi rare avantage ,
Il ne faut qu'avoir en partage
Les talens du Héros , l'efprit & la valeur !
PORTRAIT DE THÉMIRE.
THEMIRE plaît par fa figure , par fon
efprit & fon coeur. Je vais tâcher de la
peindre avec la vérité qu'exigent de beaux
traits qui n'ont befoin que de la nature.
Thémire eft jeune , à des yeux vifs &
tendres ; ils infpirent l'amour , lors même
qu'ils veulent le défendre. Des fourcils.
parfaitement deffinés en arc les couvrent ,
fans trop les ombrer. Son front égal & bien
développé , eft orné d'une chevelure naturelle
qui accompagne admirablement fa
tête. Sa bouche eft agréable , & mille fois
heureux l'Amant à qui fon fourire enchanteur
offre l'efpoir de lui plaire. Sa voix eſt
douce & touchante ; fon air , fa phyfiononomie
annoncent la décence & la nobleffe.
Ses couleurs ne doivent rien à l'art ; la
blancheur du lys & le vermeil de la rofe
les embelliffent.
Thémire eft bien éloignée d'avoir l'ef
MAR S. 1757. 81
prit d'une petite maîtreffe. Elle ignore le
manege de la coquetterie , qui fait naître
chez les autres l'efpoir du bonheur , &
l'étouffe chez foi -même. Son efprit eft naturel
& léger , férieux ou enjoué , folide
ou frivole, felon les perfonnes avec qui elle
vit. Sa converfation eft amufante . Sans
affectation de briller , elle porte fur la folie
& la raison. Thémire méconnoît le plaifir
malin de médire , plus propre à exercer la
fottife que le véritable efprit.
Thémire eft d'un commerce aimable ,
parce qu'elle a le coeur bon. Il eft né tendre
& fenfible , quelque foin qu'elle prenne
pour empêcher qu'il ne le paroiffe . Elle
`aa beaucoup de délicateffe & de fentiment.
Douce , prévenante , incapable de défobliger
par ces bifarreries qui échappent fouvent
à une jolie femme , elle ne fe permet
jamais les caprices , la tracafferie, & toutes
les fauffetés qui fervent aux femmes à
tromper les hommes & à fe tromper ellesmêmes.
Elle eft vraie , excepté peut - être
avec l'Amour qu'elle craint d'avouer , parce
qu'elle foupçonne fa fincérité dans les
autres. On obtiendroit d'elle plus aisément
les bienfaits de l'amitié , vertu des coeurs
qui ne font pas nés médiocres . Le goût du
plaifir regne chez Thémire : cependant la
volupté qui lui plaît eft moins impétueufe
D. v.
S2 MERCURE DE FRANCE.
que délicate . L'ame qui la fait fentir doit
reffembler à fes organes. Ici je m'arrête
, le pinceau même d'Apelle ne tendroit
pas fidélement tous fes traits . Puiſſe du
moins Thémire agréer cet effai ! Il part
d'une main qui ne peut lui faire un don
plus précieux , que d'offrir en quelque
forte Thémire à elle-même.
RAQULT.
VERS
A M. Capmartin , en lui envoyant deux
Bouteilles de vin étranger , le 17 Janvier,
jour de fa Fête.
DEPUIS EPUIS le lever de l'Aurore ,
J'ai parcouru tous les jardins de Flore ;
Je n'ai trouvé ni rofe , ni jafmin ,
Pour former un bouquet à l'ami Capmartin.
Depuis que le fougueux Borée
En a chaffé les doux Zéphyrs ,
Et que l'enfant de Cythérée
Va pouffer ailleurs des foupirs.
On ne trouve que des épines
Dans ce féjour délicieux ,
Où jadis tour à tour les Graces enfantines
Formoient l'amuſement des Mortels & des
Dieux.
MARS. 1757. $3
Je revenois accablé de trifteffe ,
Lorſque j'ai trouvé fur mes pas
Un fecours gracieux que je n'attendois pas.
Le Dieu Bacchus , qui croiroit fon adreffe !
M'a ſauvé par un de fes traits :
Si l'Amour fçait charmer , Bacchus a fes attraits !
Je viens fervir l'amitié qui te guide ,
M'a dit le Dieu qui regne fur le vin ,
Tu cherches un Bouquet de rofe ou de jafmin ,
Ne fçais-tu pas qu'un ennemi perfide
Vient tous les ans pour détruire les fleurs ?
Je fuis le feul conftant dans mes faveurs .
Tiens , reçois de ma main cette liqueur vermeille,
C'eft le Bouquet qu'il faut à ton ami ,
Et fouviens-toi que le jus de la treille
Eft le Bouquet le plus chéri.
8. ENVO I.
Ne trouvant pas des fleurs pour le jour de ta Fêre,
Aimable ami , d'un tel malheur
Je fentois mon ame inquiete .
Des mains de l'amitié reçois cette liqueur :
C'est un Bouquet qui part du coeur.
BORRELLY , l'aîné.
A Caftelnaudarry , ce 17 Janvier 1757-
D vj
34 MERCURE DE FRANCE.
Le mot de l'Enigme du Mercure de Février
eft Fer. Celui du Logogryphe Prérogative
, dans lequel on trouve , Roi , pere ,
Eve , Pie , pie , guerre , treve , poireau , potager
, potage , rave , tigre , Poëte , gâguepe
, Prieur , purgatoire , vipere
, taupe , pré , terre , Europe , Roger ,
goutte , rage , pirate , pat , & potier.
teau ,
ENIGME.
JADIS n'étant connu que des peuples barbares ,
Je ne m'étonnois pas d'en être tourmenté ;
Mais par les plus polis aujourd'hui maltraité ,
Qui puis- je en accufer que les deftins bifarres
Vous ne pourriez , cher Lecteur , endurer.
Le plus léger de mes.fupplices .
Quel fujet cependant peut me les attirer ?
Ma bonté feule , & nullement mes vices.
D'abord l'on me condamne au feu ,
Sans autre procédure ,
Puis l'on fe fait un jeu
De me faire fubir une rude torture :-
Enfuite devenu la victime de l'eau ,
De certains corps je fouffre le mêlange ::
Mais ce qui doit paroître fort étrange
:
MARS. 1757. 85
C'eft que dans l'homme enfin je trouve mon
tombeau,
LOGOGRYPH E.
Jefuis un compofé dont toutes les parties E
Prennent naiffance en pays de chaleur ,
Et mieux elles font afforties ,
Plus grand eft mon débit , plus grande eft ma
valeur.
Vous jouiffez de moi , Lecteurs , par préférence
( Au moins ceux d'entre vous qui font de la dépenfe
)
Aux fiecles reculés , même les plus vantés ;
Je ſuis un agrément de vos fociétés ;
Je foutiens ou je rends la chaleur naturelle ,
Et j'entretiens , dit -on , la voix fomore & belle.
Mais pour me deviner encor plus aisément ,
Combinés , s'il vous plaît , mes pieds exactement
Vous trouverez un lieu que le feul crime
A fait autrefois inventer ,
Un minéral en grande eftime
Chez ceux dont le métier eft de patienter ;
Certain animal domeftique
Que Henri trois avoit en grande horreur
Un faut qui n'eft pas trop
flatteur
Pour qui voyage en voiture publique :
Un mot qui fert à calmer un débat ,
86 MERCURE DE FRANCE.
Un circuit d'eau de fource affez confidérable :
Ce qui fut toujours redoutable
Entre des ennemis qui vont livrer combat :
Une ville en Hainaut , un fleuve de la Chine
Un célebre Graveur dans le fiecle paffé ,
Le Juge d'Ifraël par Jaïr remplacé ;
Une Déeffe enfin filant notre ruine .
Par Mlle DE RUSVILLE- DE SERBERNIE ,
Penfionnaire chez les Dames Urfelines de
Pont-l'Evêque , en Normandie.
CHANSON
PAPILLON APILLON inconftant ,
Reconnois ta folie ,
La fleur la plus jolie
Ne peut t'arrêter qu'un inftant.
Ton vol eft amufant :
Mais que peut- on attendre
D'un amour , quoique tendre
Qui s'éteint en naiffant
Le
Papillon .
Papillon inconstant , Recon- nois ta fo...
le, Lafleur la plus jo- li
--e Ne
peut t'arrêter
qu'un un instant: tant:Ton
vo ________l est a -musant,Maisque peut
on attendre D'un amour quoi que ben_=
dre,Qui s'éteint en naissant. Mais quepeut
on attendre D'un "amour quoi que
tendre,Qui s'éteint en nais- - sant .
Gravée par Labassée , Imprimépar Tournelle . Mans1757.
:
MAR S. 1757 . $7
*
,
ARTICLE II.
NOUVELLES LITTERAIRES.
EXTRAIT de la Colombiade , ou de la
Foi portée au nouveau monde .
CE Poëme qui eft dédié au Pape avec
tant de juftice , eft divifé en dix chants.
Dans le premier , le fujet eft d'abord annoncé
par ce début , dont la noble fimplicité
égale l'heureufe précifion .
Je chante ce Génois , conduit par Uranie ,
Combattu par l'enfer , attaqué par l'envie .
Ce nocher , qui du Tage abandonnant les ports ,
De l'Inde le premier découvrit les tréſors.
De l'aurore au couchant fon art vainqueur de
l'Onde ,
Pour y porter la Foi , conquit un nouveau monde.
L'Auteur enfuite invoque ainfi Calliope
qui préfide à l'Epopée .
Mufe , viens de ton fexe étendre encor l'empire ,
A mes accords tremblans joints l'éclat de la lyre.
Montre ici qu'au Parnaffe auffi bien qu'à Paphos ,
Nos chants chéris des Dieux illuftrent les Héros.
SS MERCURE DE FRANCE.
1
A
3
"
Colomb part des ports d'Eſpagne , aborde
une Ifle déferte , & parle en ces termes
aux Guerriers qui l'accompagnent :
Argonautes rivaux des vainqueurs du Bofphore ,
Un prix plus noble attend l'ardeur qui vous dévore.
Des maux que nous fouffrons , la palme eſt dans
les Cieux :
Qui s'endort à l'abri des faits de fes ayeux ,
Perd dans l'obſcurité l'éclat de fa naiffance.
Nous , dont tant de périls éprouvent la conftance ,
Sur cette Ifle inconnue offerte à nos regards ,
Du Roi que nous fervons portons les étendards.
Si d'un peuple inhumain nous éprouvons l'infulte,
Le Ciel eft notre appui . Pour étendre ſon culte ,
Qu'au nombre de nos ans s'égalent nos exploits.
"'
Les Démons ( 1 ) du nouveau monde ,
allarmés de l'entrepriſe de Colomb , aſſemblent
leur confeil . Voici comme l'Auteur
peint & fait haranguer un des plus diftingués
de leur troupe :
Teule , qui fur le ftix d'Eole tient l'empire ,
Porte aux pieds de Satan la haine qui l'inſpire .
(1 ) Ces Démons , felon l'Auteur , font les faux
Dieux adorés dans la Grece. Ce qui nous paroît
heureufement imaginé pour les employer convenablement
dans un Poëme épique , où l'on eft accoutumé
à les voir figurer préférablement à tous
autres.
MARS. 1757. 85
Le feu fort de fes yeux de pleurs enſanglantés ;
La terreur & la mort marchent à ſes côtés .
Pour fceptre dans les mains eft la clef des tempêtes.
D'un nuage de foufre où flottent mille têtes ,
Sort fon front impofant , & l'enfer agité
Devient calme à fa voix comme l'eau du Léthé :
Même au fein de l'ingrat , du traître, du parjure ,
Le remords un moment étouffe le murmure.
Roi de ces bords heureux , dit le Démon des
vents ,
Dans l'Inde , où vos Autels font parfumés d'encens
,
Souffrirez-vous qu'en paix regnent les fils du
Tage
L'autre moitié du globe a fes Dieux en partage »
Notre grand ennemi l'a conquis par fes dons.
Ah! s'il creufa jadis l'abyfme où nous fouffrons ,
Parons du moins le coup que fa main nous
apprête.
Il veut au nouveau monde étendre fa conquête ,
Y tranſmettre les loix , & s'y voir adoré.
Quoi ! nos Temples détruits fous le fien révéré
Verroit fur leurs débris éternifer ſa gloire ?
Sans défendre vos droits , cedez -vous la victoire
Songez qu'un vil mortel , au mepris des enfers ,
Contre notre pouvoir ofe armer l'univers.
Ce Génois éclairé , ferme dans les défaftres ,
Connoît le fond des mers , fçait meſurer les aftres ,
Reduire les efprits , & conquérir les coeurs,
90 MERCURE DE FRANCE.
D'un fi vaillant Guerrier craignons les traits vainqueurs.
Vanter un ennemi m'eft un cruel fupplice ;
Mais l'orgueil allarmé parle fans artifice.
Vaincu par la terreur , s'il peſe les hazards ,
L'intérêt , le danger fixent feuls les regards.
La flotte que je crains touche au but de fa
courſe :
L'enfevelir dans l'Onde eft ma feule reffource.
Livre aux vents , dit Satan , ce peuple audacieux
Que tous les élémens fe déchaînent contr'eux :
Répands dans l'univers la fureur qui t'anime :
La Mer tremble à ces mots , tout frémit dans
l'abyíme , &c.
Tout ce morceau nous a paru de fa
plus haute poéfie , & nous l'aurions mis
ici dans tout fon entier , fi les bornes où
nous fommes reftreints ne nous avoient
arrêtés . Colomb & les fiens battus de la
tempête , implorent le Ciel qui les exauce ,
& qui ramene le calme. Ils abordent une
Ifle habitée , dont l'Auteur fait cette agréa
ble deſcription :
Des arbriffeaux fleuris ombragent cet aſyle :
Sur les côteaux voifins mille brillans ruiffeaux ,
De rochers en rochers précipitent leurs eaux .
L'art peint dans nos jardins ces jeux de la nature :
Là , l'Onde par caſcade arroſe la verdure .
MAR S. 1757: 91
Des torrens , dont le cours creufe mille vallons ,
Fertilisent les champs , font germer les moiffons
Quoiqu'au même degré de ceux des Heſpérides ,
L'été de ces climats ne les rend point arides ;
Et des lieux où la Fable a feint tant de beautés ,
Les Ines que je chante ont les réalités.
Un Vieillard vénérable , le chef des
habitans de cette Ifle , s'avance vers Colomb
, & l'invite à venir avec les fiens
ſe repofer dans fa demeure qui nous eft
ainfi dépeinte :
A l'infecte importun , cette Grotte inconnue ,
Laiffe les yeux fans trouble y goûter le fommeil
:
Par le fommet ouvert les rayons du foleil ,
Sur l'albâtre des murs répandent la lumiere :
La main du temps creufa certe vafte carriere :
Sa défenfe eft la paix , la candeur , l'équité ,
Et fon feul ornement une jeune beauté ,
A qui l'heureux Vieillard avoit donné naiffance.
Comme Eve , elle étoit nue ; une égale innocence
L'offre aux regards fans honte , & voile fes appas.
Les Graces qu'elle ignore accompagnent fes pas ;
Et pour tout vêtement , en formant fa parure ,
D'un plumage affuré couvrirent fa ceinture.
Mais elle a plus d'attraits que celle de Cypris :
L'objet qu'elle embellit n'en connoît point le
prix.
91 MERCURE DE FRANCE.
1
Ses longs cheveux flottoient fur fon ſein prêt
d'éclorre ,
Que ce climat brûlant n'obſcurcit point encore
, &c.
Zama ( c'eſt le nom de cette jeune Indienne
) fait ſervir un repas ; les Indiens
prennent les Espagnols pour des Dieux , &
le Vieillard curieux demande à Colomb
fon origine , & comment il a été conduit
dans ces climats.
Dans le fecond chant Colomb détrompe
l'Indien . Il lui apprend qu'il eft un
homme comme lui ; il lui parle de l'Etre
fuprême , & s'étend enfuite fur l'Afrique ,
l'Afie & fur l'Europe , dont il lui décrit les
moeurs , les loix & l'induftrie ; il termine
fon récit par ces beaux vers :
Le partage des biens enfanta l'injuſtice :
Le grand nombre forcé de fervir l'avarice ,
Eut recours au travail pour remplir fes befoins.
Cent Tyrans que l'Efclave enrichit par fes foins ,
Prodiguant des tréfors au bonheur inutiles ,
Tranſportent des rochers , y creuſent des afyles :
Dans un vafte terrein entouré d'un rempart ,
Les travaux des humains joints aux refforts de
l'art ,
Des marbres entaffés forment des édifices.
Là le luxe , l'orgueil raffinent tous les vices ;
MAR S.
1757.
93
Et l'indigent réduit à bâtir ces Palais ,
Y travaille fans ceffe & n'en jouit jamais.
Mais pour le confoler, il voit que la molleffe
N'a pour les Sectateurs qu'une douceur traîtreffe.
Par les moindres efforts leur courage accablé ,
Sur un lit de duvet goûte un fommeil troublé.
L'ennui compte leurs jours , & leur peu de durée
Détruit les vains projets de leur ame enivrée.
S'ils cherchent le bonheur dans la variété ,
Bientôt du fuperflu naît la fatiété :
Ce monftre dégoûté , qui fans defirs ſoupire ,
Change en venin les biens où fa langueur aſpire.
L'art lui fert des feftins , la faim manque à fes
voeux :
Pour ranimer les fens , il cherche envain les jeux.
Qui peut d'un coeur ufé réveiller les caprices ?
La foule des plaifirs en détruit les délices ;
Et dans l'inaction le corps foible , engourdi ,
Y laiffe aux paffions un effor plus hardi .
Le Vieillard fait au difcours de l'Amiral
cette fage réponſe , qui renferme un contrafte
, où nos moeurs n'ont pas l'avantage .
Je préfere nos moeurs , dans leur rufticité ,
A l'art qui de vos coeurs corrompt l'humanité.
Sans Maître , fans Eſclave , ennemi de la guerre ,
L'homme en ces lieux jouit des fruits qu'offre la
terre .
Exempt d'ambition , loin de la foif de l'or ,
94 MERCURE DE FRANCE.
Dans fon peu de befoin il trouve un vrai tréſor ; *
Et nos chefs , fans orgueil , des loix font peu
d'ufage ;
L'amour de mes fujets eft l'heureux avantage ,
Qui m'éleva fans brigue au pouvoir fouverain.
Il ne décide ici que du droit incertain ,
De deux rivaux jaloux du prix de la vîteffe ,
Où des feux d'un objet que chérit leur tendreffe :
Jamais d'autres débats ne reclament ma voix :
L'eſtime & non la crainte en reſpecte les loix ;
Et dans ces champs foumis , fertiles , fans culture ,
Le plus rare préfent que m'ait fait la nature
Eft ce gage chéri de mon parfait amour ,
Qui vit périr fa mere en recevant le jour.
Je retrouve en les traits une épouſe chérie :
Cette fleur de fon fein dans la vertu nourrie ,
Mérite que mes foins en confervent l'éclat ,
Comme on cultive un fruit né d'un heureux
climat :

Prêt à fuivre la mort dans fa fombre retraite ,
Ce tréfor eft le feul que mon ame regrette.
L'aimable Zama s'attendrit au difcours
de fon pere , & témoigne enfuite une vive
curiofité d'apprendre la fuite des avantures
de Colomb. Elle prend déja le même goût
aux récits de l'Amiral , que Didon prenoit
à ceux d'Enée. On ne peut pas finir un
chant plus heureufement , ni préparer l'intérêt
avec plus d'art.
MARS. 1757. 25
Colomb dans le troifieme chant continue
le récit de ſes voyages , & fait entendre
à Zama qu'il eft venu dans ce nouveau
monde pour y porter la foi & le culte du
vrai Dieu . Il l'inftruit que le fuprême Pontife
des lieux de fa naiffance a approuvé
fon projet , & qu'lfabelle , Reine de Caftille
, l'a favorifé .
Colomb , dit- elle , un Dieu conduit ton entreprife
:
Souviens-toi qu'en tes mains ce fer que je remets

Doit toujours te défendre & n'attaquer jamais.
Quand de nouveaux climats s'offriront à ta vue ,
Soumets par ta douceur cette terre inconnue.
Sans doute mille écueils arrêteront tes pas :
Tu fçauras les braver pour ſervir mes Etats ,
Ta gloire , l'univers & le Dieu qui t'inſpire.
A l'inftant du départ déja ta gloire aſpire :
Je le vois qu'en ces lieux rien ne t'arrête plus.
D'armes & de foldats tes vaiffeaux font pourvus :
Puiffe le jufte Ciel répondre à ton attente !
L'Amiral peint enfuite en ces mots les
regrets du peuple au départ de la flotte.
%
De toutes parts le peuple affemblé dans nos ports,
Pour la derniere fois croit nous voir fur ces bords.
Des peres , des amis , des époufes en larmes ,
Par leurs embraffemens expriment leurs allarmes
96 MERCURE DE FRANCE.
1
Dans l'effroi des travaux qui charmoient nos
efprits ,
La mere au défeſpoir difoit : Hélas ! mon fils ,
Le foin de ton enfance occupa ma jeuneſſe :
Veux tu m'abandonner dans ma triſte vieilleffe ;
Sur des flots inconnus chercher des maux fans
fin ,
Et perdre un repos fûr pour un bien incertain ?
Qui , s'écrioit l'époufe en fa douleur profonde ,
L'infenfé qui trouva l'art de voguer fur l'onde ,
Fut fans doute un parjure , un fugitif Amant.
Evite , cher Epoux , ce terrible élément ,
Ou partageons du moins la mort qui te menace.
Les Vieillards confternés condamnoient notre
audace.
L'enfant joignoit fes cris aux pleurs de ſes ayeux.
Le fentiment du coeur toujours victorieux ,
Au rivage un moment , malgré nous nous enchaîne.
A tant d'objets chéris nous échappions à peine ;
Ils courent fur nos pas , les baignent de leurs
pleurs.
La voile offerte aux vents redouble leurs douleurs
;
La plainte en retentit fur le liquide abyſme.
Quand des plus hauts rochers le jour dora la
cime ,
Nous les voyons déja ſe perdre dans les Cieux :
Chaque objet qui nous fuit devient plus précieux ;
Et
MARS. 1757 . 97
Et n'en confervant plus qu'une image funefte ,
L'immenſe aſpect des eaux eft le feul qui nous
refte .
La flotte effuie un long calme , la faim ,
la maladie. La révolte fuccede à ces fléaux :
mais Colomb a la prudence de l'appailer.
Après avoir échoué dans une Ifle dangereufe
, les Efpagnols abordent une Iſle
plus fertile. Ils y rencontrent un Européen
qu'on y avoit abandonné , & l'emmenent
avec eux.Inftruit de laLangue des Sauvages ,
il leur fert d'interprete. L'Amiral finit lå fa
narration ; il quitte Zama pour rejoindre
fes vaiffeaux , & lui laiffe Cerrano ( c'eſt
le nom de cet Européen ) , qui termine ce
chant par le récit épifodique de fes avantures
particulieres.
Nous voici parvenus au quatrieme chant:
il nous paroît fi intéreffant , il nous préfente
des beautés en fi grand nombre ,
qu'il nous jette dans l'embarras du choix :
fi nous voulions les offrir toutes aux yeux
de nos Lecteurs , il nous faudroit tranfcrire
ce chant dans fon entier. Pour tâcher
cependant de leur en donner une idée conforme
aux louanges que nous lui donnons,
nous allons en inférer ici le plus de vers
qu'il nous fera poffible . C'est le meilleur
précis & le plus grand éloge que nous en
Ε
98 MERCURE DE FRANCE.
puiffions faire. Satan irrité de n'avoir pu
fubmerger la flotte Eſpagnole , envoie Żemés
, Divinité Indienne , fupplier l'Amour
d'enflammer Colomb de tous fes feux pour
Zama. Zemés vole à Cythere , & parle
ainfi au Dieu qui en eft le Souverain :
Immortel , dont on craint & chérit les liens ,
Tout conſpire à ta gloire : un Dieu des Indiens ,
Pour étendre tes droits , vient ſe joindre à tes
armes.
Je regne au nouveau monde où triomphent tes
charmes :
N'auras-tu des rigueurs que pour l'autre univers ?
En Europe , tes dons font fuivis des revers ;
Plutus qui les obtient en corrompt les délices.
On vit des Rois fameux foumis à tes caprices ,
Au gré de tes defirs prodiguer leurs tréſors.
Dans la guerre & la paix par de fecrets refforts ,
Des grands événemens toi feul es le mobile :
Thémis même à tes pieds voit la vertu fragile.
Chez mon peuple fauvage exempt de tes fureurs ,
Par la main des plaiſirs tu verſes tes faveurs ;
Tes feux moins combattus en ont moins de puiffance
,
Nul Amant irrité n'y punit l'inconftance ;
Et banniffant des coeurs la jaloufie & l'art ,
Amour ! en ces climats tu marches fans poignard.
Viens de tes paffions y répandre l'ivçëffe :
Zama qui du printemps y femble la Déeffe ,
MAR S. 1757. 99
Peut changer d'un coup d'oeil les projets d'un
mortel ,
Qui des Dieux Indiens veut renverſer l'Autel .
Jamais Européen n'aborda nos rivages.
Colomb pour les chercher a bravé les orages :
Avant que ces beaux lieux enchantent fon réveil ,
Viens avec tes ardeurs embrafer fon fommeil.
Que dans l'inftant Zama brûle des mêmes flammes
;
Perce-les de ces dards qui portent dans les ames
La fureur des defirs & l'oubli du devoir.
L'Amour vole vers l'Amiral , lui peint
en fonge les charmes de la jeune Sauvage ,
& l'embrafe pour elle.
Non , d'un feu modéré qu'approuve la nature ,
Mais de ces feux ardens dont la raiſon murmure ,
Que rien ne peut éteindre , & qui font négliger
L'amitié , le devoir , la honte & le danger.
Colomb fe réveille , & va trouver le
Veillard : il le trouve qui rend hommage
au Dieu du jour , tel , dit l'Auteur :
Tel Milton nous dépeint qu'à l'aurore nouvelle
Adam rendoit hommage à l'effence éternelle ,
D'un frontnoble & ferein , que n'offufquoit jamais
Ni le feu des liqueurs , ni la vapeur des mets.
Dans ta frugalité , trop fortuné Sauvage ,
De l'Auteur de mes jours je retrouve l'image.
E ij
Too MERCURE DE FRANCE.
Pendant les cent hyvers qu'ont duré vos refforts ,
La tranquillité d'ame & le repos du corps
Furent à l'un & l'autre un don de la Sageſſe :
Qu'à votre exemple, ardente à braver la molleffe ,
J'hérite de vos moeurs !
L'Auteur nous apprend par une note ,
que fon pere âgé de près de cent ans , vivoit
encore fans aucune infirmité dans le
temps que ce chant a été compofé . L'égalité
de fon ame , ajoute Madame Dubocage ,
fa frugalité & fa raifon éclairée , le faifoient
comparer aux plus fages vieillards
de l'antiquité. Cette anecdote , & les vers
que nous venons de citer , font trop d'honneur
à fon coeur & à fa raifon , pour les
paffer fous filence , & nous nous faifons
un devoir de les publier .
Le Vieillard part avec les fiens , pour
aller célebrer des jeux en l'honneur du
Dieu du jour qu'il vient de prier. L'Amiral
l'accompagne .
Sans doute un tendre eſpoir l'entraînoit fous
l'ombrage .
'Au jour naiffant Zama joint la troupe fauvage,
Ses appas font fans voile ; & dans fa nudité ,
Comme Diane armée , elle en a la beauté .
Le feu de fes regards ranime la verdure,
Ses compagnes près d'elle ont la même parure ;
MARS. 1757 . 101
Mais leur éclat s'éclipfe au charme qui la fuit ,
Comme aux rayons du jour les aftres de la nuit .
D'un pas léger la Nymphe arrive à la montagne.
Au milieu des forêts le Génois l'accompagne :
Dans un fentier rapide , il lui fert de fupport ,
Des branches qu'elle craint rompt le premier
effort ,
Y cueille des fruits mûrs, & d'une main tremblante
Les choifit & les offre à l'objet qui l'enchante.
Que cette peinture eft naïve & touchante
! Il n'appartient qu'aux femmes de
bien peindre tous ces petits détails enchanteurs
de la paffion , fi difficiles à exprimer
pour tout autre , & fi précieux à ceux qui
fçavent fentir. Mais Zama paie cher les
plaifirs d'un moment.
Sa voix ne ſe joint plus aux chants dont fes compagnes
Font à pas cadencés retentir les montagnes.
Zulma la plus fidelle , eft moins chere à fes voeux.
Loin de lui confier le foin de fes cheveux ,
Zama confulte l'onde ; & feule fous l'ombrage,
A peine des oifeaux elle entend le ramage :
Son efprit inquiet ne peut trouver d'appas
Qu'aux lieux où l'Etranger accompagne ſes pas.
S'il rencontre fes yeux la honte qu'elle ignore
Ne peint point fur fes lys le feu qui la dévore :
Le plaifir feul l'anime ; il répand fur les traits
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
Les couleurs dont la roſe embellit ſes attraits
Quand un fouffle enchanteur annonce le zéphyre.
Honte ! qui de nos moeurs es l'ame & le martyre ,
Sur un coeur Indien ta crainte eſt ſans pouvoir.
La nuit n'eft pas moins fâcheufe pour
Zama. Le fommeil , l'agite de fonges affreux.
Elle fe leve en foupirant , & court
dans les bois prier l'aftre qu'elle adore , de
l'éclairer fur fon état , & de lui dévoiler le
fecret du coeur de l'enchanteur qui la tyrannife.
Cependant Colomb , qu'une flamme
fecrette ne fubjugue pas moins , la cherche
, la découvre & la joint dans une grotte
charmante .
L'eau du Ciel qu'un rocher y filtroit goutte à
goutte ,
De grouppes de cryſtal avoit orné la voûte.
Zama , qui fur ces murs mêle l'ambre au corail ,
Du plus beau coquillage affortiffant l'émail ,
Rend des traits dont l'éclat cede à fon teint de
roſe :
Par le choix des couleurs fa main métamorphofe
L'émeraude & la nacre en guirlandes de fleurs.
Ingénieufe Amante ! ici le Dieu des coeurs
Vous découvrit aux yeux qui vous cherchoient ſans
ceffe :
Loin d'en blâmer l'audace , un foupir de tendreffe
MARS. 1757. 103
Montra dans vos regards votre coeur fatisfait ,
Et de vos foins charmans Colomb qui vous diſtrait,
Pour nourrir votre ardeur , par ſes dons vous enchante.
Une glace où le peint l'objet qui s'y préfente ,
Dans les mains , de vos traits vous rend le vrai tableau.
La furpriſe & la joie , à cet aſpect nouveau ,
Font tant d'impreffion fur la jeune Sauvage ,
Qu'en vain j'entreprendrois d'en peindre davantage.
Quand le crystal des eaux lui rendoit fes attraits ,
Bientôt leur mouvement en effaçoit les traits :
Ici le portrait fixe attendoit que
fa vue
En contemplât de près la forme & l'étendue :
L'Amour le rend fi beau , que l'Indienne a peur
Que l'art à fes appas ne prête un fard trompeur ;
Mais pour la raffurer , près d'elle , fur la glace
Son amant trait pour trait paroît fur la furface.
Quel prodige , dit-elle , Etre infpiré des Dieux ,
Par un autre toi- même , enchante encor mes yeux ?
Pour entendre ces mots , s'il manque d'interpréte ,
Zama , dans vos regards il voit votre défaite .
Hélas ! quand fur fon front , bruni par les combats
,
Vous arrangiez les fleurs qu'il jettoit fous vos pas;
Que , de ces ornemens méprifant la molleffe ,
Ses levres fur vos mains exprimoient ſa tendreſſe ,
Le fort cruel voulut que l'Auteur de vos jours ,
E iv
104 MERCURE DE FRANCE.
Voyant de loin vos jeux , découvrît vos amours.
Dans fes regards furpris la douleur étoit peinte.
Son pere la deftinoit à un Indien qui lui
avoit fauvé le jour . Un autre obſtacle
vient encore traverfer l'amour de l'Amiral.
Tous les fiens murmurent contre lui.
Eft-ce ici , difoient-ils , où s'arrêtent nos pas ?
Quittons-nous nos enfans , changeons- nous de
climats ,
Pour voir , fous d'autres cieux , languir dans les
délices ,
Un Héros que Zama foumet à fes caprices ?
Qu'à la fuivre en ces lieux il borne fon deſtin ,
Et nous , cherchons dans l'Inde un plus vafte ter
rein.
Marcouffi , l'ami de Colomb , vient l'avertir
de la réfolution des Caftillans , &
lui repréfente fon devoir. Un Ange envoyé,
defcend de l'Empirée pour joindre fa
voix puiffante aux cris preffans de l'amitié ,
& parle ainfi à l'Amiral.
Le Ciel qui t'éprouva , rend la paix à ton coeur :
Pour y détruire un feu dont l'ardeur te poffede ,
Il replonge aux enfers l'être impur qui t'oblede.
Songe à porter fes loix aux plus lointains climats.
Dans le fiecle dernier , pour y guider tes pas ,
MAR S. 1757. 109
( 1 ) Un génie inventeur prépara la Bouffole ;
Le falpêtre , enflammé par le fouffle d'Eole ,
T'arma de fon tonnerre ; & pour graver tes faits ,
D'un alphabet d'airain l'Art inventa les traits.
Quand le fort prévoyant à te fervir s'apprête ,
Quel charme dangereux borne ici ta conquête ?
Fuis Zama , romps ta chaîne , & ferme en tes deffeins
,
Au gré de l'Eternel accomplis tes deftins.
Il eft fubjugué par cet ordre , & va
joindre fa troupe fur les pas de fon ami.
La flotte met la voile aux vents . L'Amante
de Colomb apprend fon départ : dans fon
défefpoir elle entraîne Zulma fa compagne
avec elle , & prend un canot pour
fuivre.
le
Tandis qu'aux flots Zama confioit fes deftins ,
Le plus affreux ſpectacle intimide ſa vue.
A l'inftant où le jour fe levoit dans la nue ,
Du fommet d'un rocher fon pere arrive au port ,
La voit fuir , la rappelle , & déplore fon fort.
La mort , s'écrioit -il , va finir mes allarmes ;
Reviens du moins jouir de mes dernieres larmes,
(1) Voilà la Bouffole , la poudre à canon & l'invention
de l'Imprimerie exprimées en quatre vers
avec autant de poéfie que de précision ; & ce qui
ne mérite pas un moindre éloge , elles y font heureufement
amenées : il semble que c'eft - là leur
vraie place.
E v
106 MERCURE DE FRANCE .
, Veux-tu , pour te fauver du péril où tu cours
Me voir au fonds des eaux précipiter mes jours ?
A ces tendres accens qu'elle entendoit à peine ,
Sa fille au defefpoir cede au flot qui l'entraîne :
Le jour bleffe fes yeux , l'effroi retient fes cris;
La pitié , les remords qui glacent ſes efprits ,
Du trépas fur fon front imprimerent l'image.
Quand Zama de fes fens put reprendre l'uſage ,
Une cruelle épreuve aggrava ſa douleur :
La nature & l'amour combattent dans fon coeur :
Aux voeux d'un pere en pleurs tout l'excite à fe
rendre :
L'Argo qu'elle croit voir l'invitoit à l'attendre :
Pour joindre ce vaiffeau le vent fert fon eſpoir :
Le danger du vieillard l'appelle à fon devoir :
Vers le port , vers Colomb long-tems fa rame
agile ,
Par un contraire effort , la rend prefque immobile.
Zama , ton coeur craintif t'annonce un fort fatal.
Le navire , où de loin tu crus voir l'Amiral ,
Fend les mers , te pourfuit , joint ta barque &
l'enleve.
Dans tes eſprits trompés quel trouble affreux
s'éleve !
Sur l'Orphée , où Fieſqui te conduit fur les flots ,
Nuit & jour , mais envain , tu cherches ton Héros.
Quel tableau attendriffant ! Quelle fi
tuation déchirante pour l'infortunée Zama
! Sufpendue au milieu des flots , elle fe
MARS. 1757. 107

trouve entre le penchant qui l'entraîne
vers un Amant qu'elle va perdre fans retour
& la nature qui l'appelle auprès
d'un pere qu'elle voit fur le point d'expirer.
Cette pofition auffi pathétique que
nouvelle par les circonftances , doit intéreffer
vivement tout Lecteur fenfible .
Mais un trait de louange qui nous reste à
donner à l'Auteur , c'eft que ni la longueur
de l'ouvrage , ni la vérité de la paſfion
rendue dans toute fa force, ne l'empêchent
point d'être toujours correcte dans fes
vers :fes rimes y font partout riches. Quel
exemple pour nous ! Par un contrafte fingulier
, tandis que Madame Dubocage
ne fe permet aucune licence dans un Poëme
de quatre mille vers , la negligence
accompagne aujourd'hui nos Rimeurs dans
leurs moindres productions. Ils ne fçauroient
mettre au jour un Madrigal , une
Epigramme , fans y bleffer groffiérement
les regles les plus connues. Qu'ils apprennent
d'un fexe né pour les ignorer l'art de
rimer & d'écrire , ainfi que l'art de plaire
& la délicateffe de fentir .
Nous apprenons que Sa Sainteté , qui a
bien voulu prendre lecture de ce Poëme ,
a fait la grace à l'Auteur de lui en témoi
gner fa fatisfaction .
La fuite au prochain Mercure.
Ev
108 MERCURE DE FRANCE.
LE GUIDE des Jeunes Mathématiciens ,
ou abrégé des Mathématiques , à la portée
des commençans , traduit de l'Anglois'
de Jean Ward , fur la huitieme édition :
volume in octavo avec figures ; prix fept
livres . A Paris , chez Jombert , Imprimeur-
Libraire du Corps Royal de l'Artillerie
& du Génie , rue Dauphine , à l'Image
- Notre -Dame.
ور
PRÉCIS de l'Hiftoire Générale des Guerres
, par M. le Chevalier d'Arcq. Cette
Hiftoire eft précédée d'un Difcours préliminaire
, dans lequel on trouve tout le
plan de fon ouvrage. « La fidelité de
l'hiftoire , dit- il , porte fur trois points
› principaux qui lui fervent de bafe ; la
» connoiffance des temps , celle des lieux ,
» & le degré de croyance qu'on peut accor-
» der aux Auteurs qui rapportent les faits .
» C'eft fur ces trois points principaux que
je tâche d'appuyer cet Ouvrage.
ور
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« Lorfque je l'entrepris , divers obſta-
» cles , & l'exemple de ceux qui ont
» échoué avant moi dans l'hiftoire univer-
» felle , s'offrirent à mes yeux : mais emporté
par la magnificence du fpectacle ,
» je les vis fans m'effrayer : je crus apper-
» cevoir qu'on étoit entré fans guide dans
» ce labyrinthe immenfe ; je marquai des
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MAR S. 1757. 109
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points dans le temps , pour me reconnoître
& retourner fur mes pas , tou-
" tes les fois que je craindrois de m'égarer .
Il eft un Dieu , continue l'Auteur ,
» Dieu a créé le monde , font deux vérités
inconteftables. Ces deux principes éta-
» blis comme bafe de toutes les vérités
fubféquentes , pour déployer la fuccef-
» fion des temps , je ferai voir dans l'introduction
à cet ouvrage , de quelle
maniere on peut fixer l'époque du délu-
» ge, & celle de la difperfion des enfans de
» Noé fur toute la terre. Je laiſſe l'inter-
» valle écoulé , depuis la création jufqu'au
déluge:ce n'eft qu'à la reproduction
» de la nature humaine échappée au nau-
» frage général dans un petit nombre d'individus
, que je commence l'hiftoire du
monde ... Il me femble que perfonne
» avant moi , n'a entrepris d'éclaircir
l'hiftoire par la difperfion ; mais Bochard
, le Pere Kircher & quelques au-
» tres Auteurs , ont fait fur ce point des
» recherches très -fçavantes , & qui m'ont
» été fort utiles dans le fyftême que j'ai
» fuivi . Cette époque m'a paru être le point
duquel un Hiftorien doit partir pour
» former un corps d'hiftoire univerfelle.
» En effet , établir la deſcendance des na-
» tions fur celle des Chefs des Tribus de
» la famille de Noé , eft à mes yeux une
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>
110 MERCURE DE FRANCE.
» marche f lumineufe , elle rend le tra-
» vail fi facile , que je ne puis voir, fans
» en être étonné , qu'elle ait été négligée
jufqu'à préfent . »
Pour procéder fûrement & avec fruit.
dans cette nouvelle Méthode , M. le Chevalier
d'Arcq offre aux yeux du Lecteur ,
Noé & fes enfans fortant de l'Arche , fe
multipliant dans la progreffion la plus poffible
& la plus raifonnable , pendant l'efpace
de cent cinquante ans après le déluge ,
temps qu'il démontre , en defcendant &
en rétrogradant , être la véritable époque
de leur difperfion . Il établit leur féparation
, leurs tranfmigrations après le partage
que leur fit Noé dans les jours de
Phaleg , ainfi que l'Ecriture nous l'apprend
, c'est- à-dire , entre la centieme &
cent trentieme année depuis le déluge , &
il divife l'hiftoire univerfelle par les trois
postérités de Sem , Cham & Japhet. Japhet
étant l'aîné des enfans de Noé , l'Auteur
a cru devoir commencer par l'hiftoire de fa
poftérité. Il fait voir en quelle proportion
fes defcendans durent s'étendre , & peupler
la partie de l'Afie qui leur échut en
partage , ainfi que l'Europe qu'ils décou
vrirent bientôt après. L'hiftoire de chacun
des peuples de cette poftérité , faite féparément
, fe trouve placée felon la progref
fion géographique du lieu , où les defcenMAR
S. 1757 : III
dans de Japhet s'établirent d'abord : chaque
hiftoire eft précédée d'une differtation fur
les temps anciens , le gouvernement , les
loix , l'époque de la célébrité , les progrès
du peuple dont je parle , la durée de fon
empire , fa chûte & fa fufion dans un autre
état , foit que ce peuple ait perdu volontairement
fon indépendance , comme
on en voit plufieurs qui fe font donnés aux
Romains ; foit que ce peuple devenu la
proie des vainqueurs , ait perdu fes loix ,
fes préjugés , les moeurs , & fe foit perdu
lui-même , pour ainfi dire , en perdant fa
liberté.
La poftérité de Japhet fera fuivie de
celle de Sem , la poſtérité de Sem fera fuivie
de celle de Cham , le dernier des enfans
de Noé , & ces trois poftérités feront
traitées dans le même ordre .
L'hiftoire de chaque peuple commencera
au temps où il fe fera fait connoître par
fes fuccès ou par fes revers , & fera conduite
fans interruption jufqu'à l'Ere chrétienne
, fi ce peuple a confervé fon caractere
diftintif jufqu'à cette époque , & s'il
en fubfifte encore par- delà. Lorfque l'Auteur
aura parcouru dans cette premiere partie
toutes les nations fur lefquelles il aura
pu raffembler quelques connoiffances , il
reprendra fon hiftoire pour la continuer
112 MERCURE DE FRANCE.
jufqu'à la chûte de l'empire d'Orient ; efpace
dans lequel il renferme la feconde
partie de cet ouvrage : enfin , fi après cette
feconde époque , il fubfifte encore fous le
même noin , fans avoir été fubjugué par
une autre puiffance , il fera partie de la
poftérité à laquelle il appartient dans cette
troifieme divifion , ainfi que dans la feconde
.
Pour éviter la confufion que les diverfes
manieres de dater font naître prefqué
toujours , & pour épargner au Lecteur le
travail & l'ennui de calculer fans ceffe les
rapports des différentes méthodes de compter
, celle de M. le Chevalier d'Arcq fera
toujours uniforme , c'est- à - dire que dans
la premiere partie , chaque fait fera précédé
de l'année avant l'Ere chrétienne , à lafe
quelle il le rapporte , & que dans la feconde
, comme dans la troifieme , il fera précédé
de l'année depuis l'Ere chrétienne ,
dans laquelle il s'eft paffé , fans que l'on
ait befoin de chercher ou de fe rappeller
quel étoit l'ufage de compter , & quelle
étoit la longueur de l'année chez le peuple
dont il parle. De cette maniere, la Chronologie
fait corps avec l'Hiftoire , elle devient
fimple & facile , puifqu'elle fe préfente
toujours fous la même forme ; & fi
l'on veut parcourir d'un coup d'oeil tout ce
MARS. 1757. 113
qui s'eft paffé dans le monde hiftorique en
quelque année que ce foit , il eft aifé de
raffembler les événemens , en ouvrant à
cette année l'hiftoire de chaque peuple.
A l'égard de la vérité des faits qu'il rapporte
il a eu foin de n'en admettre aucun
qui n'ait des garants recevables , & l'on
trouvera toujours à la marge & à côté du
fait les noms des Hiftoriens defquels il eſt
>
tiré.
Le premier volume de cet ouvrage immenfe
nous a paru écrit avec beaucoup de
précifion , & toute la force que peut permettre
le ſtyle ſimple & fage de l'hiftoire :
on n'y trouve que des détails néceſſaires ,
& ils perdent même leur nom par la façon
dont ils font écrits. Nous ofons dire que
c'eft en tout un très- grand tableau qui décele
de très- grandes idées & un très- grand
talent.
LES LOISIRS de Madame de Maintenon .
Brochure de 350 pages : chez Duchesne ,
Libraire , rue Saint Jacques au Temple
du Goût.
Ce font des converfations fur la fociété ,
la raifon , la contrainte , l'amour-propre ,
le bon efprit , la bonne gloire , &c. Rien
ne pourroit être plus utile qu'un pareil Livre
pour toutes les jeunes perfonnes , &
114 MERCURE DE FRANCE.
• plus agréable à lire pour tout le monde
s'il étoit réellement de Madame de Maintenon
. Mais ne s'eft- on pas fervi d'un
nom célebre , à jufte titre , pour accélerer
le débit d'un ouvrage médiocre ? Nous
ne déciderons point , nous nous contenterons
de tranfcrire ici la premiere page
de la premiere converfation. Nous croyons
qu'elle fuffira pour mettre nos Lecteurs en
état de prononcer eux- mêmes fur ce point.
SUR LA SOCIÉTÉ .
Mademoiselle Victoire.
Une perfonne , parlant d'une autre ,
difoit qu'elle étoit fociable : je n'entends
pas bien ce que ce mot fignifie.
Mademoiselle Alexandrine.
J'aimerois mieux dire , propre à la fociété
, & c'eft une grande louange .
Mademoiselle Henriette.
Expliquez-nous cette louange , je vous
prie.
Mademoiselle Alexandrine.
Une perfonne aimable dans la fociété ,
eft celle qui en fait fouvent le plaifir , &
qui ne la trouble jamais.
Mademoiselle Victoire.
J'ai besoin d'être inftruite en détail :
MARS. 1757. 115
qu'est-ce qui rend aimable dans la fociété
& comment eft- ce qu'on la trouble ?
Mademoiselle Fauftine.
Je crois que ce qui rend aimable dans la
fociété , & qui en fait le plaifir , c'eft d'avoir
de l'efprit.
Mademoiselle Alexandrine .
Il faut plus que de l'efprit : on pourroir
en avoir , & n'être pas propre au commerce.
Mademoiselle Victoire.
Comment l'entendez - vous ? Peut- on
plaire fans efptit ?
Mademoiselle Alexandrine .
Oui , on pourroit au moins être commode
, & fi on ne fait pas le plaifir de la
compagnie , du moins on n'en feroit pas
la peine.
ESSAI fur une introduction générale &
raifonnée à l'étude des Langues , & particuliérement
des Françoife & Italienne ;
Ouvrage en trois Parties , dédié à Monfeigneur
le Dauphin , pour les Enfans de
France. A Paris , chez de Bure , quai des
Auguftins ; Briaffon , rue S. Jacques ;
Deffaint & Saillant , rue S. Jean de Beauvais
, & Lambert , près la Comédie Françoiſe
, 1757.
116 MERCURE DE FRANCE.
Cet Ouvrage eft de M. Barletti de S.
Paul : nous croyons qu'il peut être utile ,
& qu'on doit tenir compte à la jeuneſſe de
l'Auteur , de s'effayer dans un genre qui
par fa féchereffe , demande tout le phlegme
& toute la patience de l'âge mûr.
DICTIONAIRE généalogique , héraldique
, chronologique & hiftorique , contenant
l'origine & l'état actuel des premieres
Maifons de France , des maifons Souveraines
& principales de l'Europe ; les
noms des Provinces , villes , terres , & c.
érigées en Principautés , Duchés , Marquifats
, Comtés , Vicomtés & Baronnies ;'
les maifons éteintes qui les ont poffédées ,
celles qui par héritage , alliance , achat ,
ou donation du Souverain , les poffedent
aujourd'hui . Par M. D. L. C. D. B. 3 volumes.
A Paris , chez Duchefne , rue Saint
Jacques 1757 .
Ce titre eft fi rempli & fi détaillé , qu'il
nous difpenfe de donner un précis de l'ouvrage
: il en eft prefque un lui-même .
Nous nous contenterons de répéter ce que
l'Auteur a dit dans fa Préface . La plupart
des grandes Maifons ont leur hiftoire particuliere
. Le P. Anfelme & fes Continuateurs
ont donné l'hiftoire généalogique
des grands Officiers de la Couronne ; M.
MAR S. 1757. 117
d'Hozier, fon Armorial de France , & Moréri
, les familles Nobles du Royaume , &
beaucoup d'étrangeres. Ces grands Ouvrages
non plus que bien d'autres connus des
Sçavans , ne font pas entre les mains de
tout le monde. C'eft pour y fuppléer
qu'on donne ce Dictionnaire , qui n'occupant
pas beaucoup de place dans un cabinet
, fatisfera les curieux , en ne laiffant
rien à defirer , tant fur l'origine des principales
Maifons éteintes , & de celles qui
fubfiftent , que fur les grands hommes que
chacun a produits . Nous ajoutetons feulement
que l'Auteur avoue , que M. l'Abbé
d'Eftrées , & feu M. Chazot- de Nantigny
l'ont précedé dans ce plan d'ouvrage
mais dans un goût différent. Il prétend
que ces deux écrivains font tombés dans des
répétitions qu'il a évitées par la forme de
Dictionnaire qu'il a donnée à fon Ouvragé
, & qui eft d'ailleurs la plus commode
pour le Public.
DICTIONNAIRE Languedocien - François
, ou choix de mots Languedociens les
plus difficiles à rendre en François ; contenant
un recueil des principales fautes que
commettent dans la diction & dans la
prononciation Françoife., les habitans des
Provinces Méridionales du Royaume ,
118 MERCURE DE FRANCE .
connus à Paris fous le nom de Gafcons ,
avec un petit Traité de prononciation &
de Profodie Languedocienne : Ouvrage enrichi
dans quelques- uns de fes articles de
notes hiftoriques & grammaticales , & d'obfervations
de Phyfique & d'hiftoire naturelle
, par , par M. l'Abbé de S ***. A Nifmes
, chez Michel Gaude , Libraire , &
à Paris , chez Guyllin , quay des Auguftins.
LETTRES fémi - Philofophiques du Chevalier
de ** au Comte de ** > en trois
parties . Chez Merigot pere & fils , quai
des Auguftins , à Paris.
Il nous feroit difficile de rendre un
compte exact de ces Lettres : la prodigieufe
variété qui y regne ne permet aucun
détail. Chaque page préfente des fujets
différens & des idées nouvelles . L'Auteur
paroît n'avoir voulu que s'amufer en écrivant.
Il y a cependant quelquefois des matieres
un peu plus exactement traitées :
mais jamais on n'apperçoit un fyftême fixe .
Prefque tous les objets de la morale , de la
religion , de la fociété , du monde , y
effleurés. Les réflexions prodiguées prouvent
un homme qui a penfé , examiné ;
mais le peu de rapport qu'il y a entre ces
réflexions , & en général le peu d'ordre
font
MARS. 1757. 119
qui regne dans tout l'ouvrage , prouvent
un homme qui a plus prétendu exercer fon
efprit , que faire un Livre. Sans des idées
un peu trop hardies , & qui reviennent
fouvent , nous oferions dire que cette brochure
peut aller à côté des livres d'amufement
qui renferment de la philofophie &
de l'efprit.
IDÉES badines , qui renferment la Catégorie
des jeux , le Pot-pourri fans pareil , &
les Momens perdus. Brochure en trois parties
, formant en tout 400 pages.
>
39
» LES DÉVOTIONS du Jubilé occupoient
les trois quarts de Paris : la ferveur des
gens de bien avoit pris de nouvelles for-
» ces ; la tiédeur des demi - dévots étoit ré-
» chauffée ; le bon exemple entraînoit quel-
» ques mondains ; le refpect humain te-
» noit lieu de zele à quelques mondaines ;
plufieurs jeunes gens avoient fecoué le
» joug du préjugé , & s'étoient donné la
» peine d'aller vifiter les Eglifes. Le peuple
, grand fectateur des dévotions exté-
» rieures , couroit en foule au devant des
indulgences enfin on ne parloit plus
» que de ſtations , de l'affiduité de tels &
.
33
"9
tels aux fermons de tel & tel Prédicateur:
» les fpectacles étoient interdits ; à peine
» étoit-il queftion du Concert fpirituel &
» des promenades . Un Etranger qui feroit
120 MERCURE DE FRANCE.
*
» venu à Paris dans ce tems d'édification >
» auroit cru qu'il n'étoit habité que par
» des ames pieufes , ou tout au moins régulieres
: une pareille erreur n'auroit pu
» durer long- temps ; beaucoup de vertus
ne font qu'apparentes , & perdent tout à
» l'examen.
ود
Cette introduction annonce le ton & le
ſtyle de l'ouvrage , qu'on peut lire dans
les Momens perdus . Nous oferons pourtant
dire que le titre n'eft pas abfolument fidele
, & qu'il y regne un peu de tricherie.
Nous n'avons pas trouvé autant d'idées badines
que nous l'efpérions . Les trois parties
ne renferment prefque que des Contes ou
Hiftoriettes , qu'on lit fans ennui , mais
qui ne font pas rire. Quelques converfations
qui féparent les récits , décelent un
efprit enjoué ; mais il nous femble que le
titre d'Idées badines demandoit plus que de
l'enjouement.
HISTOIRE de la Révolution du Royaume
de Naples , dans les années 1647 & 1648 ,
par Mademoiſelle de Luffan ; en quatre
parties. Chez Piffot , Libraire , Quai de
Conti , à la defcente du Pont- neuf.
Tout le monde connoît l'efprit & le
gout de Mademoiſelle de Luffan . Ses Ouvrages
fe feront toujours lire avec plaifir.
Elle
MARS. 1757.
121
>
Elle s'eft diftinguée par l'Hiftoire de Louis
XI. Nous croyons que cette nouvelle Hiſtoire
ne doit pas lui faire moins d'honneur.
On y voit , comme elle le dit elle-même
le détail & toutes les circonftances de la
plus furprenante révolution qui foit jamais
arrivée en Europe. Cette révolution dura
neuf mois entiers , & finit d'une façon
auffi étonnante qu'elle avoit commencé :
à la fin de la révolte , tous les efprits changés
fubitement , fe fignalerent autant par
leur inconftance , qu'ils s'étoient fignalés
par leur emportement.
Cette révolution eft connue de quiconque
lit plufieurs Auteurs en ont écrit les
principaux faits ; c'eft ce qui nous empêchera
d'en donner un détail circonſtancié.
Ce détail eſt tout entier & tel qu'on peut
le fouhaiter dans l'ouvrage de Mademoifelle
de Luffan : c'eſt là qu'il faut le chercher
; nous ofons dire qu'on l'y trouvera
avec plaifir. Sa plume facile , en détaillant
exactement , cache le travail , & prévient
l'impatience : tout ce qu'on y lit , devient
nouveau , par le foin avec lequel elle
a fondu ce qui nous en étoit connu avec ce
qu'el 'elle nous en apprend.
LES CHOSES Comme on doit les voir ,
par M. de Baſtide. A Londres , & fe trou-
F
122 MERCURE DE FRANCE .
vent à Paris , chez Duchefne , rue S. Jacques
1757.
Cet Ouvrage moral nous a paru écrit
avec agrément , & penfé avec efprit .
L'Auteur déclare , dans une courte Préface
, que toute fon ambition eft celle de
plaire : nous la croyons fondée. Il ne fe
flatte pas de corriger ; il fçait que d'excellens
Livres en ce genre n'y ont pas réuffi :
mais il veut encore moins offenſer. Je
peindrai , dit il , les hommes tels qu'ils
font : il eft poffible d'être fincere fans être
méchant. Lorfque Latour offre aux yeux
les traits d'une laide perfonne , eft - elle en
droit de l'accufer de méchanceté Il eft
vrai , ajoute- t-il , que l'on demande fon
portrait au Peintre , & que perfonne ne
me demande le fien : il eft donc autorifé ,
& je ne le fuis pas ? Pour me juftifier ( car
je veux pouffer l'honnêteté jufqu'où elle
peut aller ) , je dirai qu'il n'eft pas plus
mal -honnête de peindre les défauts , que
d'en avoir.
On peut juger , par ce trait , de l'efprit
de l'Auteur & du ton de l'Ouvrage . Nous
en parlerons plus au long le mois prochain.
MARS.
175.7. 123
REPONSE à la Lettre de M. P. inférée
dans le Mercure de Février 1757 › P. 90 .
J'AI avancé , Monfieur , que les parties
aliquotes n'étoient pas toujours le plus
grand abrégé dans les multiplications . Je
prouve même
par l'exemple que vous
me donnez , quoiqu'en bonne regle il eût
été plus à propos de déduire vos raifons
fur la regle du Mercure de Décembre
1756, p. 131 , où il s'agiffoit de multiplier
83 chofes
le

à 1204 liv. 16 fols 4 den .
3614 13 4 10 f. 8. d .
96385.
B. 100000 liv.
6 8
Que deviendroient les parties aliquotes
dans cette petite multiplication ? Outre
l'embarras qu'elles caufent , vous employeriez
beaucoup plus de chiffres que par la
méthode par laquelle je l'ai faite.
Je viens à votre exemple où vous me
propofez de multiplier 8795 chofes à 87 1.
19. 11 den. Je répondrai à vos objections
après que j'aurai fait cette Opération de
différentes manieres , & toujours ſans me
Servir des parties aliquotes.
Fij
124 MERCURE DE FRANCE.
Premiere maniere .
8795 , chofe
87 liv. 19 f. 11 den.
96745 den.
8062
167105
175167
fols.
8758 liv. 7 f.
61565
70360
I
R. 773923 liv. 7 f. 1 den.
Seconde maniere.
8795 , ch . à 87 liv . 19 fol. 11 den .
1759 fols.
21119 den.
8795
2006305
1837353
185741605
9287080 5
B. 77.3923 liv. 7 fol. 1 den. I
MAR S. 1757. 125
Troisieme maniere .
$795 chofe
87 l . 19 f. 11 d. 19
19 3
S
439 19 7 14
2
7919 12 6 19 4
61597
I 8 13 4
703966 13 4
R. 773923 7
I
C'est ici que vous vous imaginez , Monfieur
, que je fais des calculs de grande &
très- grande étendue , pour trouver ces différens
produits jufqu'à chercher combien
Sooo fois 19 fols font de livres , & ainfi
des autres. Je vous affure dans l'exacte
vérité que vous avez fous les yeux tous les
chiffres que j'emploie dans ces différentes
opérations. Si votre fuppofition étoit vraie,
j'aurois grand tort de donner la préférence
aux manieres que j'emploie fur les parties
aliquotes qui, toutes longues qu'elles font ,
le feroient beaucoup moins que ces différens
calculs , qui feroient monter l'augmentation
des chiffres dans la proportion
de 3 à
3 a's , comme vous le remarquez fort
bien vous-même . Ainfi donc , Monfieur
point de calculs en dehors pour débarraffer
F iij
126 MERCURE DE FRANCE.
le dedans. Regardez fimplement dans ces
différentes manieres d'opérer , combien peu
il y a d'embarras , & vous conviendrez
qu'il y en a beaucoup par les parties aliquotes
je vais vous en faire remarquer
quelques- uns . Après avoir fait pour 10 f.
& pour 5 fols , vous faites pour les 4 fols
qui reftent. Il faut fe gêner pour fe fouvenir
qu'il faut prendre le cinquieme dans la
quantité , puis pour 6 deniers que c'eſt le
huitieme dans les 4 fols ; enfuite viennent
les 3 deniers. Mais il n'y a point de peine ,
puifque c'est la moitié de 6 qu'il faut prendre.
Enfin pour les 2 autres deniers , il
faut prendre le tiers dans les 6. Dans toutes
ces différentes cafcades , je crois qu'il
eft très- aifé de fe tromper ; au lieu que
par les méthodes que j'emploie , & que
j'avoue n'être pas de moi , j'y vois moins'
de poffibilité. Au reſte , chacun peut faire '
comme il lui plaît.
J'ai l'honneur d'être , & c.
LABASSEE .
A Paris , ce 22 Février 1757.
LETTRE de M. Rabiqueau , à l'Auteur
du Mercure , en réponſe à celle de M. Ferrand
, inférée dans le Mercure de Novem-'
bre 1756. Cette Lettre devant s'annexer à
la Relation de M. Rabiqueau , il l'a fait imMARS.
1757. 127
primer , & elle fe vend chez lui , rue S.
Jacques , vis- à- vis les Filles Sainte Marie ,
& chez Jombert & Lambert , Libraires ,
avec fa Rélation & fon Livre du spectacle
du feu .
LE PROJET que la Maifon de Mailly
avoit formé de faire travailler à l'Hiftoire
générale de fa Maifon , avoit été annoncé
dans le Mercure de Septembre de 1753 .
En conféquence elle avoit invité les maifons
auxquelles elle a l'honneur d'appartenir
, d'y vouloir bien concourir avec elle ;
mais cet ouvrage n'ayant pu être terminé, &
demandant une fuite de travail qui ne peut
être rempli qu'en plufieurs années, il vient
d'être donné , en attendant l'Hiftoire générale
, un Extrait de la Genéalogie de cette
Maifon , fuivi de l'histoire de la Branche des
Comtes de Mailly , Marquis d'Hancourt
& de celle des Marquis du Quesnoy qui en
fint iffus , établi fur les titres originaux
par M. de Clairambault , Généalogifte des
ordres du Roi.
On
peut
dire , à l'avantage
de ceeExtrait
, qu'il
eft peu d'ouvrage
de cérté nature
, qui foit fait avec autant
d'ordre
&
de clarté
, & qu'il eft même
écrit avec plus
d'élégance
, que le genre
n'en paroît
fufceptible
. C'eft
ce qui doit faire
defirer
que
Fiv
128 MERCURE DE FRANCE.
les autres branches de cette illuftre Maifon
, ainfi que M. de Sérigny l'annonce au
commencement du livre , mettent de même
l'Hiftorien en état de le porter avec la même
évidence à fon entiere perfection .
Il eft d'ailleurs établi fur les noms les
plus refpectables en ce genre, & qui portent
par eux- mêmes cette authenticité facrée
qui fait feule le prix de pareils Ouvrages
POÉSIES badines & galantes. Non fine
amore joci. A Londres , & fe trouvent à
Paris , chez L. Ch. d'Houry , rue vieille
Bouclerie , 1757.
Les pieces de ce Recueil nous ont paru
répondre parfaitement au titre. Le badinage
& la galanterie les caractériſent. La
premiere que nous allons mettre ici , fuffira
pour juftifier notre fentiment :
Sur une pêche.
Entre la pêche & toi , Climene
Que je trouve de parités !
Des fruits en elle on voit la Reine ,
En toi la Reine des beautés.
Chez l'un & l'autre une chair ferme
D'une peau fine fe revêt :
Chez l'une & Pautre , l'épiderme
S'ombrage d'un léger duvet.
MAR S. 1757. 129
Ta douce haleine eft pareille
A fon parfum précieux ;
Et fur ton teint gracieux
Brille fa couleur vermeille.
Telle eft , dit-on , fa froideur ,
Qu'elle eft quelquefois mortelle :
N'es-tu pas , pour mon malheur ,
Encore plus froide qu'elle ?
De la dureté du tien
Son coeur dur à peine approche :
Oui , bien plus dur que le fien ,
Ton coeur eft un coeur de roche. '
Du fien le fer eft vainqueur ,
Aifément il y fait breche :
Mais l'Amour n'a point de fleche
Qui puiffe entamer ton coeur.
De l'obtenir il me tarde :
Hâte ma félicité ;
Et la pêche & ta beauté
Ne font pas des fruits de garde.
Il y a dans ces vers du feu & du naturel.
Il y regne furtout une gaieté facile , qui
pourra faire naître à nos Lecteurs l'envie
de lire les autres pieces , & d'acheter le
Recueil,
Fv
130 MERCURE DE FRANCE .
OBSERVATIONS.de chirurgie , où l'on
en trouve de remarquable fur les effets
de l'agaric de chêne dans les amputations ,
& la compofition des bougies fouveraines
dans les maladies de l'uretre , traduites de
l'Anglois de M. Warner , Chirurgien de
l'Hôpital de Guy , & Membre de la Société
royale , auxquelles on a joint deux Lettres
d'un Médecin de Londres , dont la
premiere contient des regles pour conferver
la fanté jufqu'à un age fort avancé ,
avec quelques obfervations fur l'ufage du
tabac ; & la feconde fait connoître l'abus
des remedes empyriques , traduites auffi
de l'Anglois. A Paris , chez Ganeau , rue
S. Severin , 1757.
L'excellence & l'utilité de ces obfervations
, qui font au nombre de 44 , doivent
faire fouhaiter que M. Warner continue
à enrichir fon art , de celles que fa
célébrité & le pofte qu'il remplit avec
tant de gloire , lui donnent occafion de
faire chaque jour. C'eft le voeu du Traducteur
, & c'eft auffi le nôtre.
EXPOSITION de la Doctrine de l'Eglife
Gallicane , par rapport aux prétentions de
la Cour de Rome , 3 petites parties. A
Geneve , chez les freres Cramer, 1757 ; fe
trouve à Paris .
MARS. 1757. 131
Cette courte expofition , eft un ouvrage
pofthume de M. du.Marfais . Suivant l'avertiffement
, on a eu l'art d'y réduire en
peu de pages l'hiſtoire de nos droits combinés
avec ceux de la Cour de Rome ,
fans affoiblir les nôtres , & fans bleffer les
fiens ; de diftinguer la Cour de Rome &
le Saint Siege , & de concilier la réſiſtance
fouvent néceffaire aux deffeins de l'une
avec le refpect & l'obéiffance toujours indifpenfable
aux décifions de l'autre . Nous
allons joindre à cette annonce , l'éloge
hiftorique de M. du Marfais , où fe trouve
renfermé celui de fes ouvrages. Nous l'avons
tranfcrit du même Avertiffement. Le
mérite de cet Ecrivain eft fi reconnu dans
la république des Lettres , que nous avons
cru lui devoir cette diftinction.
Cefar - Chefneau , Sieur du Marfais ,
étoit né à Marfeille , & y avoit fait fes
études au College des Peres de l'Ora
toire. Arrivé à Paris à l'âge de 25 ans , fes
premiers effais furent pour le Barreau ; mais
malgré le fuccès avec lequel il y traita
quelques affaires importantes , fon goût
l'attacha tout entier aux Belles - Lettres ; la
Grammaire fut la partie qu'il choifit ; mais
il la traita en Philofophe , & fit voir que
l'homme de génie trouve la raifon , où
l'homme borné ne trouve que les mots.
Fj
132 MERCURE DE FRANCE.
Son Traité des Tropes , ou des différens
fens , dans lefquels on peut prendre un
même mot dans une même Langue , eſt
un chef-d'oeuvre. Il fut imprimé en 1730 ,
& on lui rend toute la juftice que mérite
un Ouvrage fi parfait . On en prépare une
nouvelle édition . Il a laiffé beaucoup de
cartons qu'il deftinoit à compofer une
Grammaire Françoife , dont la Préface a
même été imprimée il y a quelques années .
Il avoit encore donné au Public une expofition
d'une nouvelle Méthode pour apprendre
la Langue Latine , & fes manufcrits
que l'on travaille à mettre en ordre ,
contiennent vraisemblablement des tréfors
très précieux à la Langue Françoife. It
étoit feul Auteur de tous les articles de
Grammaire , qui font dans les fix volumes
de l'Encyclopédie .
ne faut que les
lire pour en connoître le prix . Nous ne
fçavons rien de fa famille , finon qu'il
étoit neveu du célebre Chefneau- du Marfais
, Médecin à Marſeille , & Fondateur
de l'Hôpital de Sonperofe en Gafcogne.
C'eft de cet oncle qu'il tenoit le Fief du
Marfais , près du Mont du Marfan. Il eft
mort en 1756 , âgé de 80 ans.
·
DICTIONNAIRE Apoftolique , à l'ufage
de MM. les Curés des villes & de la carr
MARS. 1757. 133
pagne, &c. par le R. P. Hyacinthe- de Montargon
, Auguftin de Notre Dame des
Victoires , à Paris , Prédicateur du Roi ,
&c. tome 11e. Homélies du Carême , vol.
in- 8°., en blanc 4 liv. & liv. relié. A
Paris , chez A. M. Lottin , rue S. Jacques
, 1755. Le 12e vol. eft fous- preſſe.
Le même Libraire vend tous les livres à
l'ufage du Dioceſe de Paris.
NÉCESSITÉ de penfer à la mort , ou
Inftructions Chrétiennes pour le temps de
la maladie ; Ouvrage non feulement utile
à ceux qui adminiftrent les derniers Sacremens
, & qui ont le foin fpirituel des malades
, mais encore aux malades mêmes
& à ceux qui leur donnent les fecours temporels
.
,
On y a joint l'Ordinaire de la Meffe
une courte explication de l'Oraiſon Dominicale,
une paraphrafe fur les fept Pleaumes
de la Pénitence , les prieres de l'adminiftration
du Saint Viatique en Latin & en
François. A Paris , chez Defaint & Saillant
, rue Saint Jean de Bauvais ; & à
Senlis , chez N. Defroques , Imprimeur-
Libraire
, 1757.
LETTRES fpirituelles fur différens fujers
de piété , par M. l'Abbé d'Olonne , Dos134
MERCURE DE FRANCE.
teur en Théologie , & en Droit Canon
de la Faculté de Paris. A Paris , chez Paul-
Denys Brocas , rue Saint Jacques , 1757 .
Ce Livre fe vend 2 liv . broché , & 2 liv.
10 fols relié.
COMBIEN un empire fe rend refpectable
par l'adoption des arts étrangers ; difcours
prononcé devant la Cour de Danemarck ;
par M. de la B... pour l'ouverture des leçons
publiques de Langues & Belles- Lettres
Françoifes , compofé par M. Mehegan .
A Paris , chez le même Libraire , 1754.
Ce titre annonce un plagiat Littéraire ,
dans lequel il ne nous convient point d'entrer.
Nous nous bornons à la fimple annonce
de cette brochure.
LE fecond tome de Vittorio Siri , traduit
par M. Requier , vient de paroître
chez Didot , quay des Auguftins . Nous
croyons que le Public recevra ce volumeavec
la même faveur qu'il a reçu le premier.
L'Original nous y paroît réduit avec le- même
goût , la même fageffe , & rendu avec
le même foin & la même élegance .
CAROLI Linnai Flora Suecica , exhibens
plantas per Regnum Suecia crefcentes , fyftematicè
cum differentiis fpecierum , fynonymis
MARS. 1757. 135
Autorum , nominibus incolarum , folo locorum
, ufu oeconomorum , officinalibus Pharmacopæorum:
editiofecunda, aucta & emendata.
Stockolmia 1754.
L'Auteur eft fi célebre , que fon nom
feul fait l'éloge de l'Ouvrage. Nous nous
y renfermons , nous ajouterons feulement
que ce Livre eftimé fe trouve chez Briaſſon ,
rue S. Jacques , ainfi que celui qui a pour
titre :
CAROLI Linnai Amanitates Academica ;
five Differtationes varia , Phyfica , Medica ,
Botanica , antehac feorfim edita , nunc collecte
& aucte , cum tabulis anais. Volumen terrium.
Holmia 1756 .
· LETTRE à Monfieur S. D. L. A.
MONSIEUR ,
ONSIEUR , j'ai lu dans le Mercure
d'Octobre 1756 , à la page 118 , l'énoncé
d'un Problême que vous propofez , concernant
un Contrat maritime >
appellé
Groffe Aventure. Ce Problême peut le réfoudre
, comme vous le dites fort bien , en
faifant autant de regles de proportion qu'il
fe.trouvera d'années révolues jufqu'à l'expiration
de ce Contrat : mais vous demandez
s'il n'y a pas une maniere d'opérer plus
fimple & plus facile . Je commence par vous
136 MERCURE DE FRANCE,
affurer , Monfieur , que ce Problême &
tout autre de pareille nature , peut fe réfoudre
par une feule regle de trois , en donnant
aux deux premiers termes de la proportion
, les préparations néceffaires , lef
quelles je tâcherai de vous expliquer.
Avant que d'entrer en matiere , vous
me permettrez , Monfieur , de relever une
faute d'inadvertence dans l'énoncé de votre
propofition , qui donne du Contrat
appellé Groffe Aventure , une autre idée
que celle qu'on doit en avoir. Vous dites
«
qu'un Particulier a donné à la groffe
» Aventure , 1000 liv. , &c. » ; & à la fin
de votre propofition , vous demandez
quelle fomme ce Particulier doit payer
» pour le capital & le profit des profits " :
il auroit fallu dire , quelle fomme il doit
retirer , &c. En effet , ce qu'on appelle
groffe Aventure eft un Contrat maritime ,
par lequel un Particulier s'intéreffe dans le
chargement ou dans l'armement d'un Navire
, en donnant , pour entrer dans les
frais de l'expédition , une fomme d'argent
dont il court le rifque en entier , fi le Navire
vient à périr ou à être pris , foit par
les Ennemis , foit par les Corfaires ; mais
le Navire faifant fa courfe , & revenant à
bon port, alors il retire en argent fon capital
joint aux profits ftipulés par le ConMARS.
1757. 137
1
.
trat , fans entrer autrement dans le bénéfice
ou dans la perte de cette courſe , qui ne
concernent que les Armateurs , ou ceux
qui ont fait le chargement .
Revenons maintenant à la maniere de
réfoudre , par une feule regle de proportion
, le Problême que vous nous propofez
: voici , Monfieur , comme il faut y
procéder. Puifque le bénéfice fe compte à
tant pour cent , élevez le nombre cent en
puiffance ( 1 ) , felon la quantité des années
de la durée du Contrat ; dans la queſtion
préfente , ce fera à la feptieme : voilà le
premier terme de votre regle de trois ; enfuite
ajoutez 17 à ce même nombre 100 ,
attendu que le bénéfice eft ftipulé à 17
pour cent ; puis élevez cette fomme 117
en puiffance , autant que le premier terme
, & vous aurez le fecond ; le troifieme
terme fera le capital ou la mife : faites la
regle , & il viendra au quatrieme terme ,
3001 1. 4 f. 10 d. 134820-212 : c'eft la
réponse à votre question .
I
919
(1) Elever en puiffance , c'eft multiplier un
nombre par lui-même , & réitérer ces multiplications
par le même nombre autant de fois qu'il
eft néceffaire , felon la puiffance que l'on veut
avoir. La premiere multiplication produit la feconde
puiffance , puifqu'on y emploie deux fois.
la même racine : la feconde multiplication produit
la troifieme puiffance , & ainfi de fuite.
138 MERCURE DE FRANCE.
Vous demanderez peut - être que je donne
la théorie de cette pratique , & les fondemens
de cette regle : ce fera , fi vous
l'agréez , la matiere d'une feconde Lettre,
Je fuis , & c.
LETTRE de M. de Lavau , de l'Académie
de la Rochelle , aux Auteurs des Mémoires
de Trévoux . Affuefce dicere verum'
audire. Seneq. A la Rochelle , chez Defbordes
, & fe trouve à Paris , chez Guillyn ,'
Quai des Auguftins , 17 57.
Le fentiment de l'Auteur nous a paru
fondé fur la vérité , & fa Lettre dictée par
la raifon . Nous penfons que M. de Lavau
a même un double avantage : c'est qu'il
écrit auffi-bien en françois , qu'il juge bien
du latin moderne . Nous joignons à cette
indication une Lettre qu'il nous a adreffée ;
elle fervira de précis à celle que nous annonçons
.
MONSIEUR , fi j'ai foutenu que la langue
Latine d'aujourd'hui eft un dialecte dérivé
de la Langue Romaine , ç'a été par zele
pour notre Latin , & par eftime pour nos
bons Auteurs qui l'ont employé. A moins
que de fuivre le fyftême que je propoſe ,
on jette je ne fçais quel ridicule fur eux &
fur leurs ouvrages on veut qu'ils aient
atteint aux graces originales du fiecle
MARS. 1757. 139
d'Augufte . Belle chimere ! flateufe illufion
! Nous ne pouvons apprendre parfaitement
dans notre cabinet une Langue vivante
qui nous eft étrangere , quoiqu'elle
nous prête fes Grammaires & fes Dictionnaires
; comment apprendrons nous une
Langue morte qui nous refufe fes fecours ?
Tant qu'on mettra vis- à- vis des grands
Modeles de Rome nos Ecrivains Latins
modernes , ceux ci feront toujours humiliés
, toujours foupçonnés d'une latinité
vicieuſe il faut fervilement copier les Anciens
pour écrire comme eux ; & encore ,
eft-on toujours sûr de les bien entendre ?
Combien de difputes interminables parmi
leurs Interpretes !
D'ailleurs ,pour peu qu'on dérange leurs
termes , & qu'on les affemble autrement
qu'ils n'ont fait , qu'on leur donne une
fignification différente de celle qu'ils y ont
attachée , qu'on en crée de nouveaux pour
exprimer des chofes qui leur ont été inconnues
, quel rapport , je vous en fais juge ,
Monfieur , quel rapport ce latin factice at-
il avec celui des excellens originaux de
l'Antiquité ?
Mais qu'on dife que c'eft un nouvel
idiôme , qu'il y a un ufage , des regles ,
des élégances qui lui font propres , qu'il a
confacré un nombre infini de nouvelles lo140
MERCURE DE FRANCE.
cutions , qu'il leur donne un nouveau ſens ,
un nouveau tour , un arrangement nouveau
dont les Sçavans font convenus depuis
la reftauration des Lettres , voilà nos
Orateurs & nos Poëtes à couvert de bien
des reproches ; les voilà remis en honneur.
On a cru que je voulois les combattre ,
& je les défends : on a pris pour mes fentimens
, les conféquences que je tire de l'opinion
de mes Adverfaires. Vous avez déja
commencé , Monfieur , me rendre juftice
, & j'en fuis très-reconnoiffant : j'ofe me
flatter que vous me la rendrez entiérement
en voyant ma Réponſe , & en daignant
l'annoncer dans votre Mercure ( 1 ) . Je l'adreffe
aux Journaliſtes de Trévoux , parce
que celui qui m'a critiqué avec tant d'égards
& de ménagemens , n'a pas jugé à
propos de lever le voile dont il fe couvre.
Pourquoi ne pas fe découvrir ? Il n'a pu
craindre que mes éloges & les marques de
ma reconnoiffance . Le fort de fa Critique
tombe uniquement fur le plan de mon
Difcours qu'il n'a pas bien faifi : peut - être
eft- ce ma faute.
J'ai l'honneur d'être , & c.
DE LAVAU.
A la Rochelle , le 24 Septembre 1756.
(1) Volume de Mars 1796.
MARS. 1757. 141
NOMENCLATOR Ciceronianus. Parifiis ,
apud Thibouft , Regis Typographum , in
Plated Cameracenfi. 1757:
Ce petit Livre ( car il ne contient que
280 pages in- 12. ) eft une espece de clef
qui fixe aux perfonnes dont Cicéron a parlé
dans fes Plaidoyers & dans fes Lettres ,
ou dont il a écrit dans fes Traités oratoires
& philofophiques , les noms fimples &
compofés par lefquels elles y font défignées.
Il n'eft pas douteux que ces noms & ces
furnoms n'euffent , au fiecle où il vivoit ,
une application certaine aux individus qui
les portoient ou qui les avoient portés : à
mefure que l'on s'eft éloigné de cette époque
, le voile qui a couvert ces objets &
leurs acceffoires , alors également préfens
à lui & à fes contemporains , s'eft tellement
épaiffi , qu'une des plus grandes difficultés
que l'on ait à le bien entendre , eft de les
difcerner.
Il eft vrai que cette difficulté ne s'étend
qu'aux noms romains , & même à ceux
qui , étant ou communs à plufieurs perfonnes
, demandent que l'on diftingue cellesci
, ou qui paroiffant propres à une ſeule ,
ne laiffent pas d'en cacher plufieurs : il a
fallu les découvrir pour rendre à chacune
ce qui lui appartient dans le texte Latin, au142
MERCURE DE FRANCE .
quel le Nomenclateur renvoie par deux
chiffres , l'un romain , qui indique le Livre
ou le Traité ; l'autre arabe , qui marque
le paragraphe.
A l'égard des autres noms Romains ou
Grecs qui font univoques , ils ne figurent
dans le Nomenclateur que comme dans une
Table ordinaire , pour l'indication des endroits
où il en eft fait mention.
Comme l'Auteur n'a pas feulement en
vue de fe rendre utile à ceux qui lifent Cicéron
de fuite , mais encore à d'autres
qui ne penfent qu'à le confulter fur quelques
points hiftoriques , il a ajouté , autant
qu'il a pu , aux noms des principaux Acteurs
, leurs filiations , leurs dignités ou
leurs profeffions , & à peu près l'année où
ils les ont exercées , ou l'équivalent de
tout cela ; à quoi il a joint , fuivant l'occurrence
, plufieurs corrections du texte.
Enfin , perfuadé qu'il eſt que le corps
des oeuvres de Cicéron eft le fonds le plus
riche qui nous foit refté de toute l'Antiquité,
& où ily a le plus à profiter & à apprendre
pour nous autres modernes , il a dirigé
fon travail à cette fin ; & l'on doit lui en
fçavoir d'autant plus de gré , que le Nomenclator
ou l'Index qui en eft le fruit , eft
le plus méthodique , le plus complet , &
le plus exact de tous ceux qui ont paru en
MARS. 1757. 143
ce genre ; qu'il peut fuppléer à leurs défectuofités
, & qu'il s'acquiert à moindre
prix.
Il fe vend quarante fols , relié , chez
Thibouft , où l'on trouve auffi l'Hiftoire
Françoife de Cicéron , deux volumes in-4° .
du même Auteur.
DISSERTATION fur la légitimité des intérêts
d'argent qui ont cours dans le commerce
, à M. *** . A la Haye. 1756.
Cette brochure nous eft parvenue trop
tard ; nous n'avons que le temps de l'annoncer.
Elle mérite que nous en faffions
une mention particuliere & un éloge diftingué
: c'eſt un double devoir dont nous
nous acquitterons inceffamment .
PROGRAM M E.
L'ACADÉMIE de Bordeaux diftribue toutes
les années un Prix de Phyfique , fondé
par
feu , M. le Duc de la Force. C'eſt une
Médaille d'or de la valeur de 300 livres.
Elle propofe pour fujet du Prix de l'année
1758 , Quelle eft la meilleure maniere
de connoître la différente qualité des Terres
pour l'agriculture ? Elle diftribuera la même
année un autre Prix dont elle a déja
propofé pour fujet : Quels font les meilleurs
moyens de faire des Prairies dans les lieux
144 MERCURE DE FRANCE .
fecs , & quelles Plantes y font les plus propres
à y nourrir le gros & le menu Bétail.
Pour fujet du Prix qu'elle aura à donner
en 1759 , elle demande Quelle est la meilleure
maniere de femer , planter , provigner.
conferver & réparer les bois de Chêne ?
Comme ce fujet pourroit paroître trop
étendu pour pouvoir être également bien
rempli , elle avertit qu'elle adjugera volontiers
le Prix à celui qui lui enverra fur
quelqu'une des parties qu'il renferme , des
expériences nouvelles & utiles .
Cette Compagnie diftribuera deux Prix
en 1757 ; l'un , à celui qui tâchera de
déterminer le Cours & la Tranfpiration de
la Seve , relativement aux différentes qualités
de l'air , & aux differens afpects du Soleil
& de la Lune ; l'autre , à celui qui déterminera
les meilleurs principes de la Taille
de la Vigne , par rapport à la difference des
efpeces de Vignes & à la diverfité des Terroirs.
Les Differtations fur ce dernier fujet ne
feront reçues que jufqu'au premier Mai
1757. Elles peuvent être en François ou
en Latin . On demande qu'elles foient écrites
en caracteres bien lifibles.
Les Paquets feront affranchis de port , & adreffés
à M. le Préfident Barbot , Secretaire de l'Académie
, fur les Foffés du Chapeau rouge ; ou à la
Veuve de P. Brun , Imprimeur rue S. Jâmes .
ARTICLE
MAR S. 1757.
145
ARTICLE I I I.
SCIENCES ET BELLES - LETTRES,
GEOMETRIE.
A L'AUTEUR DU MERCURE.
J'ai lu , Monfieur , dans votre Mercure
ΑΙ
de Décembre ( 1 ) la Lettre de M. D ***.
Il fe préfente de bonne grace pour m'enlever
l'honneur de la découverte du Théorême
de Géométrie , inféré dans le Mercure
du mois d'Août dernier. Je fuis très- charmé
d'avoir un adverfaire tel que lui car
fi je fuis affez heureux pour le vaincre , il
fera conftant que le Théorême m'appartiendra
, non feulement à titre de découverte ,
mais encore par droit de conquête .
:
Avant que d'entrer en matiere , l'Auteur
de la Lettre a jugé à propos de donner ,
de fa façon , & en paffant , une nouvelle
démonſtration très fimple du Théorême en
queftion. Mais qu'il me foit permis de re
(1 ) Page 157.
G
146 MERCURE DE FRANCE.
chercher auffi en paffant le motif qui l'a
porté à la donner . Si c'eſt pour faire voir
fon habileté , il pouvoit s'en difpenfer
parce qu'on le croit très-capable : fi c'eft
pour faire voir , par une autre démonftration
,
, que
la vérité que j'ai découverte eſt
à tous égards inconteftable , en ce cas je
dois lui fçavoir gré de la peine qu'il a prife
, quoiqu'elle foit fuperflue , & je l'en
remercie affectueufement . Si c'eft fimplement
par goût pour les nouvelles démonftrations
, je veux le fervir à fa façon , &
lui dire à mon tour que la proportion
y dx.xdyx , eft encore une autre
démonftration très - fimple du même Théorême.
Mais fi , en publiant fa démonftration
, il a eu deffein ( comme je dois le préfumer
) de diminuer le mérite de ma découverte
, il n'a sûrement pas réuffi: car ,pour
le dire encore en paffant , le grand nombre
de démonstrations que les Géometres modernes
ont données de la quarante - feptieme
propofition du premier Livre d'Euclide
, n'a rien diminué de la gloire que Pythagore
s'eft acquife par la découverte de
cette propofition ; & j'ai tout lieu de croire
qu'on me rendra la même juftice à l'égard
de mon Théorême .
Après avoir expofé fa démonftration ,
M. D *** entre tout de bon en matiere , &
MAR S. 1757. 147
m donne hardiment la quantité AP , prife
dans le Traité des Sections Coniques du Marquis
de l'Hôpital , comme l'expreffion générale
de la foutangente d'une courbe quelconque.
Quoique l'Auteur de cet Ouvra--
ge ne pût la donner , & ne l'ait effectivement
donnée que comme l'expreffion particuliere
de la foutangente de la feule famille
des Paraboles , l'Anonyme n'ignore
pourtant pas que mon Théorême s'étend à
toutes les courbes poffibles , puifqu'il a eu
foin de renfermer le mot quelconque entre
deux parentheſes, en rapportant mon Enoncé
qu'il a copié mot à mot. Il femble donc
que M. D *** ait fait exprès ce paralogifme
; ce que je ne pourrois cependant croifi
toute la fuite de fa Lettre ne fervoit
à le prouver. En effet , ce ne peut être qu'afin
de foutenir la fauffe généralité que ce
parologiſme donne à fon calcul , qu'il a eu
tout le foin d'éviter le nom du genre de
courbes , auquel tout fon calcul appartient.
Voilà , Monfieur , les moyens que
l'Anonyme met en uuffaaggee ppoouurr m'enlever
ce qu'il appelle l'Idée chérie d'une découverte
en Mathématiques . Je laiffe à préfent au
Public le foin de juger s'il a réuffi , & s'il
a eu de bonnes raifons pour garder l'incognito.
re ,
Gij
148 MERCURE DE FRANCE.
Ce que vous venez de lire , Monfieur ,
doit vous furprendre ; car les Géometres
ont toujours laiffé aux Sophiftes la reffource
puérile du parologifme . Mais M. D ***
vouloit me réfuter à quelque prix que ce
fût. Qu'a- t-il fait ? Il a mis dans un creufet,
fi je puis m'exprimer ainfi, une propofition
du M. de l'Hôpital , de laquelle ,
malgré fon habileté dans l'Analyfe , il n'a
pu tirer que la partie de mon Théorême ,
qui a de l'affinité avec cette propofition :
cependant , comme il a vu que le réſultat
entier de fon opération ne lui donnoit précifément
que cette partie qui concerne la
feule famille des Paraboles , il s'eft déterminé
à voir s'il ne trouveroit pas dans
quelque Auteur mon Théorême énoncé mot
à mot ce font fes termes ; ils font affirmatifs
dans fa Lettre . Enfin , ce qu'il cherchoit
avec tant d'ardeur , il a cru le voir
dans l'Ouvrage d'Abraham de Graaf qu'il
indique. En me renvoyant à cet Auteur ,
M. D *** a eu foin de copier ce qu'il y a
trouvé il déclare en même temps que ce
qu'il en tranfcrit revient à ce qu'il a déja
cité du M. de l'Hôpital . Or , comment accorder
ici mon Adverfaire avec lui -même ?
Son commentaire erroné fur la propofition
du M. de l'Hôpital , prouve clairement ,
comme on l'a vu , que mon Théorême n'y
MARS . 1757. 149
eft point contenu : de plus , la torture violente
& inutile qu'il donne à cette propofition
à l'aide du calcul , pour en exprimer
mon Théorême , démontre qu'il n'y eſt
contenu ni implicitement , ni explicitement.
Ainfi ce Théorême , qui ne fe trouve
en aucune façon dans la propofition du
Marquis de l'Hôpital , ne fçauroit être
contenu dans le Livre de M. de Graaf: cependant
, felon l'Anonyme , il y doit être
énoncé même mot à mot ; affertion précife,
qu'il ne me convient pas de qualifier , &
qui ne pourra jamais fe trouver que dans
la feule Lettre de mon Adverfaire. Il fuffic
de dire ici qu'une imprudente citation
faite fur le même fujet par M. Lombart ,
devoit fervir de leçon à M. D *** , pour ne
pas me renvoyer fi légérement à un énoncé
mot à mot , dont la તે fauffeté faute aux yeux
de tout Lecteur tant foit peu initié dans les
myfteres de la Géométrie.
Je crois , Monfieur , en avoir affez dit ,
pour faire voir avec combien de légéreté
M. D *** a écrit la Lettre qui regarde mon
Théorème. Mais je dois vous dire , avant
que de finir , que la fauffe généralité qu'il
donne à fon calcul eft fi frappante , que la
quadrature du cercle , comme celle des
autres courbes en général , ne feroit qu'un
fimple corollaire de fon calcul ; ce qui af-
G iij
150 MERCURE DE FRANCE.
furément feroit merveilleux. Mais je rends
juſtice à M. D *** , & je ne le crois pas un
chercheur de la quadrature du cercle : cependant
, fi par hafard il avoit le temps de
faire des découvertes dans la ſcience dont ,
fur la foi de Platon , il occupe l'Eternel , je
lui promets à mon tour de les tirer de quelque
propofition connue depuis long- tems ,
fans cependant prétendre pour cela lui enlever
l'honneur de la découverte ; fa conduite
à mon égard ne devant point me fervir
de modele.
J'ai l'honneur d'être , & c.
MARSSON.
A Paris , le 8 Février 1757 .
MEDECINE.
SUITE du Mémoirefur les Eaux minérales
& médicinales , par M. Juvet , Médecin
de l'Hôpital du Roi à Bourbonne -les-bains ,
& affocié Correfpondant du College royal
des Médecins de Nancy.
V. S'IL ne s'agiffoit pour la guériſon
des maladies , que de matieres volatilifées
& fpiritualifées , les guérifons feroient
plus fréquentes , & les maladies
MARS. 1757. ISI
gers
feroient plus rares. Tout est enclin à la
volatiliſation dans nos corps par le jeu ,
les frottemens & la chaleur perpétuels ,
qui les agitent , qui les détruiroient bientôt
fans des réparations journalieres , qu'y
font des alimens pleins de parties dures ,
pefantes & maffives , qui remédient autant
à la trop grande exaltation de nos
liqueurs , qu'elles préviennent les dande
la confidence de nos vaiffeaux.
Toute matiere eft fi prodigieufement divisible
, qu'elle échappe à l'imagination ,
& peut atteindre à cet alkool qui fait
les efprits. Les corps odorans en font la
preuve : le caftoreum mis dans une balance
pendant quatre jours , quoiqu'il rempliffe
de fon odeur une atmoſphere confidérable
, n'y perd rien de fon poids :
un grain d'extrait de fafran donne fon
goût & fon odeur à dix onces d'efprit
de vin , les ſubſtances mêmes qui paroif
fent les plus compactes peuvent fe divifer
d'une maniere incompréhenfible. Un
grain d'or fe mêle fi exactement dans
une livre d'argent en fufion , qu'il n'y
a pas un grain de cet argent qui n'y
prenne part la même chofe arriveroit
quand on ne mêleroit que la millieme
partie de ce grain d'or avec une livre
d'argent.

Giv
152 MERCURE DE FRANCE.
Choififfons dans ces matieres qui font
en fi grand nombre , celles dont les parties
intégrantes font fi atténuées & fi légeres
, que tout y eft efprit , & parmi
celles que la médecine nous fournit , prenons
pour modele le camphre & l'efprit
de vin .
Le camphre eft une réfine particuliere
fi volatile , qu'étant expofé à l'air , il ſe
diminue peu à peu , & fe diffipe : il s'enflamme
aifément , & ne laiffe aucune terre
ou charbon après l'inflammation.
L'efprit de vin eft fi volatil , qu'une
cuillerée de cet efprit bien rectifiée jettée
en l'air , s'y répand & s'y tranfmet
entiérement , fans qu'il en retombe une
feule goute par terre.
Suppofons que le camphre foit un volatil
froid , puifque le proverbe veut qu'il
rend les hommes impuiffans , per nares
caftrat mares , & que des Auteurs trèsgraves
, entre lefquels on pourroit compter
le Docteur Groenvelt , F. Hoffman , M.
Geoffroy & beaucoup d'autres , affurent
qu'il eft un rafraîchiffant fpécifique , que
l'on doit même placer dans les temps des
redoublemens des fievres aigues & inflammatoires
, dans les inflammations des parties
nerveufes & membraneuſes . Sous cet
afpect le camphre eft un cordial , anodin ,
MAR S. 1757: 153
adouciffant , antiphlogiftique & antipofmodique.
L'efprit de vin , qui eft la baſe de tant
d'excellentes préparations , tant galéniques
que chimiques , de tant de liqueurs délicieufes
, auquel , pour le faire d'autant
mieux contrafter avec le camphre , j'appliquerois
volontiers & avec juftice un
des attributs de la roquette ( 1 ) , eft un volatil
chaud , un cordial excitatif , animé ,
échauffant , un espece de feu liquide , dont
l'action eft bien différente de celle du
camphre .
Que l'on monte à préfent fur l'un ou
l'autre de ces modeles les idées qu'on
fe forme du volatil des eaux , ou bien encore
qu'on en faffe à difcrétion un volatil
mixte , qui réuniroit tous les avantages
du camphre & de l'efprit de vin ,
fans en avoir les inconvéniens , je ne crois
pas , que , quand même il feroit poffible
de réalifer là-deffus les plus belles fpéculations
on pourroit en inférer que
ce volatil feroit l'agent principal des
eaux. Le camphre & l'efprit de vin , tous
les volatils , quelque éloge qu'on leur
prodigue , n'auront jamais en médecine
une place auffi éminente , que celles qu'y

( 1) Excitat ad venerem tardos eruca maritos.
Gv
154 MERCURE DE FRANCE.
tiennent la faignée entr'autres & l'eau
commune. Ces volatils , quoique plus rares
& plus précieux , ne feront prefque
jamais que leurs aides & leurs fuppôts ,
& on les verra peu jouir exclufivement
des honneurs du triomphe , furtout dans
les maladies internes , où leur effet n'eſt
bien fouvent que palliatif , foit que leur
caufe foit humorale , foit qu'elle dépende
des folides ou des folides & des
liquides.
>
Nous pourrions nous en convaincre par
ceux de l'opium . La Chimie fait voir dans
l'opium un volatil fi abondant , qu'il n'eft
guere de mixte dont on en ait plus tiré.
Il paroît même à M. Hecquet ( 1 ) que l'opium
n'eft qu'un affemblage d'atomes fpiritueux
& aëriens , qui fe développent en
vapeurs , qui devient comme une nuée infenfible
, qui pénetre foudainement le
fang, & le traverſe promptement, pour,avec
le plus fin de fa lymphe , s'aller filtrer dans
la fubftance corticale du cerveau , & entrer
enfuite dans les nerfs comme un éclair .
On fçait que les effets de cet éclair font
paffagers , que fi l'on donne l'opium en
dofe fuffifante , il chaffe la douleur &
l'infomnie , qui reviennent l'éclair étant
(1 ) Pag, 84 , de fes Réflexions fur l'ufage de
l'opium.
MARS. 1757. 155
diffipé. On fçait que l'opium feul , dans
lequel M. Hecquet s'efforce de trouver
cette vertu finguliere & générale , pour
terminer toutes les maladies , que Pitearn
chercha toute fa vie , ne guérit pas ,
furtout les maladies chroniques ; que fi
on l'y emploie quelquefois , on ne le donne
jamais feul , mais on le mêle avec
le fer , le mercure , les plantes , leurs extraits
, les fels fixes & les autres remedes
, dont les plus fages & les plus verfés
dans la pratique , comme Freind dans
fon Emménologie , & tant d'autres fe fervent
, en y joignant quelquefois l'opium ,
auquel ils n'ont jamais abandonné toute
la cure , lorfqu'il s'eft agi de traiter ces
maladies radicalement .
Il feroit facile d'adapter ces réflexions
fur l'opium aux manieres d'agir des autres
volatils , dans lefquels on ne trouvera
pas des altérans , des correctifs , des
émolliens , des toniques & des fortifians
( traumatica ) fur lefquels on puiffe compter
dans les maladies chroniques , & établir
toute confiance. Illi robur & as triplex
circà pectus foret , qui fus ipfiffimis
committeret manes. Le volatil électrique
eft peut-être privilégié.
VI. La gloire de guérir fupérieurement
ne lui feroit-elle pas réfervée ? L'électri-
G vj
156 MERCURE DE FRANCE.
cité dont les refforts furprenans font ceux
d'un fluide fi fubtil , qu'on l'a comparé
à la lumiere , ou à l'élément du feu , fluide
que fourniffent copieufement les corps
électrifés & les corps électriques , auquel
M. l'Abbé Nollet a donné le nom de matiere
effluente , fait voir , que les guériſons
ne font pas à beaucoup près la fuite de
l'application feule , & , qui plus eft , immédiate
de matieres volatiles & fpiritueufes.
Cette matiere effluente , ou la lumiere
électrique pénétre fi bien nos corps , &
les agite fi foudainement , qu'on fçait ,
par exemple , qu'un cercle de cent perfonnes
ou beaucoup plus , qui fe tiennent
toutes par la main , en font ébranlées ,
pourvu que cette matiere puiffe feulement
s'introduire dans le corps de la premiere
perfonne , & tout de fuite dans les autres
jufqu'à celui de la derniere ; ce que
l'on a démontré par l'expérience fuivante.
Qu'on mette horizontalement la baguette
de fer A près d'un globe de verre mis
en mouvement fur fon axe , & frotté felon
l'Art , qu'on attache perpendiculairement
à cette baguette la baguette de fer
B , dont un bout fera plongé dans un
vaiffeau de fayance ou de porcelaine rempli
d'eau , que la premiere perfonne du
cercle tienne ce vaiffeau dans la main ;
MAR S. 1757 . 157
dès que la derniere perfonne de ce cercle
nombreux touchera la baguette A , ou
feulement en approchera le doigt , on
verra s'élancer alors une étincelle de feu
fur le doigt de cette perfonne , & dans
le même inftant tout le cercle éprouve
une commotion & furtout des fecouffes
dans les bras , fans qu'on puiffe diftinguer
quelle eft la perfonne qui a été plutôt
ou plus tard affectée des impreffions &
de l'introduction de la matiere effluente.
Recordemur ... illas partes intromiffas in
intimam hujus hominis compagem , non folùm
evolvere & motu agere plurimas igneas partes
in ipfius compage reconditas , fed etiam
ferri & tranfire in fecundum hominem , &
ex hoc in alios hujus feriei ufque ad ultimum
, fiquidem omnes homines hujus feriei
electricifiant. ( 1 )
La fubtilité de cette matiere effluente
& fa facilité à fe gliffer dans nos corps.
par les pores cutanées a fait imaginer.
qu'un phenomene auffi extraordinaire que
l'électricité , qui a été découverte ou miſe
en vigueur de nos jours , produiroit une
médecine admirable & prefque univerſelle.
On a voulu compofer une médecine électrique
, qui feroit au deffus de la nôtre ,
(1 ) M. Helvetius , pag, 140 , tom . 1 , Princip
phifico-med.
ISS MERCURE DE FRANCE.
autant que le volatil électrique a de prééminence
fur les autres volatils. Les aigrettes
lumineufes , la falive lumineufe , le
fang lumineux qui fortent d'une perſonne
actuellement électrifée , la terrible commotion
, la fecouffe que fait fentir l'étincelle
foudroyante dans l'expérience de
Leyde que nous venons de rapporter ,
ces faits principaux , fans parler des autres
, firent conclure , que le corps humain
étoit un des plus amples magafins de
matiere électrique , que cette matiere y
étoit , comme dans les autres corps , d'une
mobilité étonnante , qu'elle y étoit capable
d'une inflammation générale ou d'une
forte d'explofion , qu'étant ainfi mife en
action , elle parcouroit en un inftant les
plus petits canaux , qu'elle devoit par conféquent
produire des changemens fur le
fluide nerveux. On a même foupçonné ,
que la matiere de ce fluide eft de nature
électrique. D'ailleurs le fourmillement produit
dans les parties électrifées favorifoit
encore les projets de cette médecine ; les
paralytiques & les infirmes de toute efpece
furent foumis aux effais électriques :
mais les tentatives ont été fi ingrates , les
fuccès fi incertains , les progrès , s'il y
en a , font fi lents , qu'on a tout lieu de
craindre , que les promeffes qu'on nous
MARS. 1757 . 159
a faites ne s'évanouiffent avec les vapeurs
ou les écoulemens électriques , à moins
qu'on ne réuffiffe enfin , en les étayant
d'autres moyens de guérifon , ( ce qui
a déja été tenté par les plus habiles &
les plus clairvoyans ) à les rendre auffi
falubres & auffi néceffaires aux maladies ,
qu'ils font à préfent fpécieux & dignes
de l'attention des plus grands Phyficiens
de l'Europe. On peut voir là- deffus le
tome cinquieme de l'Encyclopédie , à l'article
de l'électricité médicinale.
Si jamais volatil doit opérer des prodiges
en médecine , c'eft fans contredit le
volatil électrique. Il eft fi abondant & fi
mobile , comme le prouve l'expérience de
Leyde & quantité d'autres , que M. Wincler
( 1 ) a remarqué qu'il fe communique
avec une vîteffe qui furpaffe de beaucoup
la poudre à canon , qui fait parcourir à
un boulet fix cens pieds dans une feconde :
on ne peut le flétrir par aucun de ces
reproches qu'on fait fouvent aux efprits
chimiques , quoique néanmoins on ne
puiffe pas affurer qu'il foit par & fans mêlange
; puifque les corps électrifés répandent
quelquefois une odeur defagréable
comme de foufre , d'ail , & que les étincelles
qui en fortent , ne font pas auffi
( 1 ) Profeffeur à Léipfic.
160 MERCURE DE FRANCE.
pures que la lumiere ou le feu élémentaire
privé des matieres combuftibles &
flamboyantes.
Il y a apparence que ce volatil , dont
les émanations libres & dégagées d'entraves
, font fi propres à traverfer , & à parcourir
les porofités de nos fluides & de nos
folides , qui s'y multiplient exceffivement ,
ne peut s'y arrêter affez long- temps que
par cette multiplication même . Il multiplie
auffi les forces mouvantes & expulfives
, qui le chaffent de nos corps peutêtre
avec une portion du fluide nerveux ,
veneris inftar luxuriantis , terreur qu'ont
eu , & qu'ont encore plufieurs Phyficiens.
Il n'y peut produire feul & à loifir , non
plus que le volatil des eaux ou les autres ,
ces changemens durables & permanens ,
qui font les guériſons des maladies chroniques
; changemens , dont il eft d'autant
moins capable , qu'il n'eft qu'accidentel
& paffager lui -même dans la cauſe comme
dans fon effet , qui ne peuvent fubfifter
qu'autant que durent le frottement & la
chaleur qui lui ont fait prendre l'effor.
Voici comment s'explique en parlant de
l'électricité M. Vandermonde , dans fa préface
du Journal de Médecine , mois de
Janvier dernier.
« L'électricité , qui eft aujourd'hui l'obMAR
S. 1757.
161
»jet de la curiofité & de la recherche des
» Scavans , fait éclorre tous les jours des
»obfervations , qui ne peuvent encore
» donner aux Phyficiens aucunes vues
» nouvelles. La fameufe expérience de
» Leyde , par laquelle notre corps reffent
» des fecouffes fi violentes & fi promp-
» tes , la barre de fer , qui devient élec-
» trique fous un nuage orageux , & qui
» femble detourner en filence la matière.
» de la foudre , font des phenomenes admirables
, qui jouent un grand rôle dans
la phyfique ; mais ce font des faits ifo-
» lés , qui ne nous ont fait voir juſqu'à
» préfent aucun attribut nouveau de la
≫ matiere .
و ر
ور
"
"
ور
VII. A combien de difficultés , à combien
d'erreurs l'opinion outrée qu'on a du
volatil des eaux , n'expofe- t'elle pas dans
l'ufage même & l'adminiftration des eaux
chaudes Elle influe trop fur les bains ,
les douches , & même fur la boiffon de
ces eaux. Cette opinion fait faire des omiffions
ou des fautes irréparables , ou de
la part du Médecin ou de la part du malade
, fi l'un ou l'autre en eft obfédé , &
quelquefois tous les deux ne font que
trop d'accord fur des conféquences , qui
ne peuvent qu'être auffi fauffes & auffi
chancelantes que leur fondement .
162 MERCURE DE FRANCE.
Le Médecin plein de ce volatil en fait
la bafe de toute fa conduite : il eft fa
bouffole , c'eſt par lui que le malade boira ,
baignera , douchera ; tout malade fans diftinction
boira l'eau abfolument & immédiatement
à la fource . Peu s'en faut qu'il
ne boive à la maniere des foldats de Gédeon
au ruiffeau qui couloit de la fontaine
de Harare, qui linguâ lambuerint aquas
ficut folent canes lambere , feparabis eos feorfum
: il la dévorera , dût- il fuffoquer par
une boiffon trop chaude , & que fon palais
ne pût point fupporter. On oublie
que cette boiffon , dont la chaleur incommode
& nullement homogene à celle des
parties qu'elle traverfe , commence fon
irritation dans la bouche & fur la langue
, dont l'extrême fenfibilité eſt un fidele
interprete de ce qui fe paffera plus
loin. Les papilles ou houpes nerveufes de
la langue trop remuées par l'action de
cette chaleur , annoncent au genre nerveux
, & furtout à l'eftomac , le trouble &
le tumulte qu'elle y doit porter
porter.. Cette
boiffon arrive & fe place dans l'eftomac ,
ce grand fac ou réfervoir où elle doit s'arrêter
& y faire des impreffions qui ne
feront pas paffageres , mais ftables , qui
fe tranfmettront à la faveur du féjour à
toutes les parties qu'il avoifine , au coeur ,
MARS. 1757. 163
qui n'en eft féparé que par le diaphragme
, au foie qui le recouvre en partie
furtout lorfqu'il eft rempli. Ces impreffions
feront d'autant plus vives : que l'eftomac
eft très-nerveux , ſes tendres &
nombreux fions de nerfs , par lefquels il
entretient une merveilleufe correfpondance
& un continuel accord entre lui &
le genre nerveux , qui forme entr'eux
comme un être perpétuel , en feront trop
rudement ébranlés. Ces ébranlemens fe
communiquant rapidement , & devenant
univerfels , agiteront toute la maſſe du
fang & de la bile , celle du fang par
l'augmentation de la fiftole du coeur , qui
en devient impétueufe , celle de la bile
en lui communiquant un excès de raréfaction
, dont on fçait que cette humeur
eft fort fufceptible étant plus qu'aucune
exaltée , légere & difpofée à l'acrimonie
alkaline . Ŏn fue , & on s'en applaudit.
Le malade ne s'imagine pas que cette
fueur n'eft autre chofe , que la fuite de
la vélocité de la circulation . Il attribue
fa fueur aux eaux mêmes & à leur volatil
pénétrant. Il croit déja les voir fe
porter à la peau dans le temps même
qu'elles font encore dans fon eftomac. Il
admire les eaux & leur volatil , & ne
fçait pas que cette fueur peut lui être
164 MERCURE DE FRANCE .
préjudiciable , qu'elle trompera , pour ainfi
dire les eaux , qu'elle empêchera d'agir
à leur façon , doucement , par les voies
qu'elles affectent , comme par les urines ,
par les felles , par la tranfpiration infenfible
; que ces eaux trouvant des routes
déja frayées , prématurément ouvertes , s'y
porteront à leur tour , & s'échapperont en
partie , quâ datâ portâ , par la peau , deviendront
fudorifiques, échauffantes, conftiperont
, peut- être même malgré les lavemens
& les remedes plus ou moins ftimulans
, qu'on ne manquera pas alors
d'y ajouter.
S'il arrive des accidens , & il faut remarquer
que les tempéramens éminemment
bilieux , doués de fibres très - féches
& fort élastiques , y feroient plus expofés
que d'autres , tout l'opprobre en réjailliroit
la plupart du temps , non fur
la défectuofité de la methode , mais fur
le remede même , qui néanmoins feroit
auffi innocent que l'eau commune , qui
pourroit par le même abus produire précifément
les mêmes effets .
On baignera le malade , & par économie
du volatil des eaux , dont on ne
veut laiffer perdre que le moins qu'on
pourra , on ne laiffera pas à fon bain le
temps de fe former : il fera trop chaud ,
MARS. 1757. 165
qu'importe Il faut qu'il s'y plonge , dûtil
être échaudé par la même économie
on le brûlera , fi l'on peut , avec la douche
, qui n'est qu'une colonne d'eau , &
dont le malade fupportera moins impatiemment
la chaleur que celle d'un bain ,
qui feroit auffi chaud qu'elle. Heureuſement
pour lui on n'y réuffira pas complétement
, parce qu'il n'y a point d'eau
chaude , au moins en France , qui ait le
degré de chaleur de l'eau bouillante. Notre
eau , qui paffe pour être des plus chaudes
du Royaume , qui à la fource déplume
fur le champ la volaille , qui peut
dépiler une tête de veau , qui durcit un
oeuf en vingt- quatre heures , en fuppofant
un thermometre , dont le quarantieme degré
eft celui de l'eau bouillante , ne fait
monter la liqueur qu'au vingt- unieme degré
, qui eft fon degré de chaleur permanent
& invariable .
A voir les épreuves qu'on fait fubir
à un malade par la hardieffe qu'infpire
l'aveugle & téméraire prodigalité du volatil
des eaux , on feroit tenté au premier
coup d'oeil de croire qu'on voudroit renouveller
celles qu'on pratiquoit autrefois
pour le juftifier .
Si le Médecin n'envifage pas le volatil
des eaux comme bénin & fpécifique ,
166 MERCURE DE FRANCE.
peut
que l'on manier tout à fon aife avec
la plus parfaite fécurité , qu'au contraire
il foit pour lui un agent vif & trop animé
, très-fermentatif , un phlogiftique ,
ce volatil fe préfente à lui fous l'afpect
d'un furet redoutable , qu'il faut careffer
plutôt que de l'exciter , pour le mener
à fes fins ; & c'eſt là le tableau qu'on s'en
fait fouvent ; l'avarice prend la place de
la prodigalité : il accorde à fon malade
l'eau en petites dofes , on ne lui permet
pas d'en boire les bains & les douches
fe montent fur ce fantôme ; tout y eft fymmétrifé
& compaffé : l'on ne marche partout
qu'en tremblant d'un pas lent & tardif.
Ce qui eft tempéré , paroît cauftique
& inflammatoire , la pufillanimité réduit
tout à des infiniment petits riens auffi difpendieux
qu'embarralſans & inutiles pour
le malade.
:
Si le malade eft préoccupé du volatil
des eaux , il époufe toujours l'opinion
qu'on en fait du feu , des fermens. Quelques-
uns avec deux livres de notre eau
dans l'eftomac , fe perfuaderoient avoir
avalé une bouteille de vin de champagne.
Le malade trouve toujours ce feu dans
les bains & les douches. Ses inquiétudes
feroient croire qu'il avale en buvant tout
le feu élémentaire qui eft renfermé dans
MAR S. 1757. 167
les entrailles de la terre , & dont il fe
figure que les eaux font le confident &
le dépofitaire. Il baigne dans ce feu , on
le lui verfe par la douche fur fes membres
affligés . On a beau lui dire que cette
eau ne fait point de mal à la tête , qu'elle
ne caufe point d'infomnie , qu'elle n'altere
pas , qu'elle ne donne point la fievre
, ( 1 ) qu'au contraire elle guérit la foif
immodérée , la fiévre ; les difcours & les
exemples qu'on lui met fous les yeux ,
ébranlent tout au plus fes préjugés. Les
inquiétudes & la méfiance , qui par elles
mêmes font fi oppofées à cette tranquillité
de l'ame , qui feconde fi bien les rémedes
dans les maladies chroniques , contrarient
toujours la cure , & il n'eft pas
poffible que l'entêtement ne produiſe des
omiffions ou des fautes confidérables.
( 1 ) Differtation fur la fievre-quarte & l'eau
thermale de Bourbonne en Champagne
Lafuite au prochain Mercure.
A M. DE BOISS r.
MONSIEUR , ONSIEUR tous vos Lecteurs s'empreffent
à vous marquer combien ils font fatisfaits
depuis que le Mercure de France
168 MERCURE DE FRANCE.
eft entre vos mains. Les juftes éloges que
vous en recevez ne peuvent être trop multipliés.
C'eft pour entrer dans vos vues de
perfection , que vos Lecteurs attentifs vous
préviennent contre ceux qui ne rougiffent
pas de copier les Ecrivains antérieurs
fans daigner même en faire mention .
Permettez - moi , Monfieur , de vous découvrir
ce que je viens de reconnoître dans
le Mémoire fur les Eaux minérales & médicinales
, par M. Juvet , Mercure de Février
1757 , pages 160 & 161 , qui prend
dans Monfieur Quefnay 16 lignes de fuite
fans le citer ; & comme ce Médecin nous
promet la continuation de fon Mémoire ,
je crois qu'il eft à propos de le prier d'être
plus exact à l'avenir , puifqu'il cite plufieurs
autres Auteurs. M. Quefnay n'auroit pu
que bien figurer avec eux . Voici ce que je
trouve dans M. Quefnay , Effai Phyfique
premiere édition , au Difcours prononcé à
l'Académie des Sciences & Belles - Lettres
de Lyon , le 15 Février 1735 , page 18 .
>
Les événemens heureux ou malheureux
dans les maladies , dépendent ordinairement
de circonſtances ou de caufes particulieres
qu'on ne peut diftinguer par les
événemens mêmes : ce qui arrive dans la
cure des maladies , n'eft pas toujours , il
s'en faut de beaucoup , l'effet du procédé
оц
MAR S. 1757. 159
ou des remedes qu'on a mis en ufage. Le
propter hoc & le poft hoc forment ici des
équivoques continuelles que ne peut débrouiller
l'Obfervateur le plus au guet, qui
n'épie que par dehors des démarches qui
n'inftruiſent point affez de ce qui fe paffe
au dedans.
Vous pouvez comparer
l'article cité , &
juger fi je fuis exact. Je vous aurois une
entiere obligation
fi vous vouliez bien inférer
ma Lettre dans le prochain Mercure.
J'ai l'honneur
d'être , & c.
LEGER, Chirurg. & Candidat de S. Côme.
De Paris , ce 4 Février 1757.
LETTRE fur une Maladie populaire ;
qui a régné & qui regne encore dans les
Hôpitaux Militaires , & autres de Provence.
Vous me demandez , Monfieur , les obfervations
que j'ai pu faire cette année fur
les maladies courantes dans nos cantons :
je ne fçaurois vous mieux fatisfaire qu'en
vous marquant ce qui s'eft paffé dans les
deux Hôpitaux qui font commis à mes
foins. D'environ deux mille deux cens malades
, tant foldats que mandians , qui
font entrés dans ces Hôpitaux , depuis la
H
170 MERCURE DE FRANCE.
fin de Mai jufqu'à la fin de Novembre
feize cens , & plus , y font venus étant attaqués
ou de cours de ventre ou de flux de
fang ; & le plus grand nombre n'a eu ni
fievre , ni dégoût , ni naufée , ni puanteur
de bouche. Les plus robuftes ont été
attaqués , fans diſtinction , comme les plus
foibles : ce qui marque affez que la difpofition
propre des corps n'a point par ellemême
influé dans cette maladie. Mais ce
qui eft à remarquer , c'eft que les femmes
y ont été moins fujettes que les hommes ;
les enfans , moins que les vieillards ; les
perfonnes fédentaires , moins que les ouvriers
; les riches , moins que les pauvres.
Lorfque ces deux fortes de maladies, qui
ne différoient entr'elles que du plus au
moins , ont été attaquées dans leur commencement
, elles n'ont point eu de mauvaifes
fuites : la racine feule du Bréfil &
la Rhubarbe ont bientôt rétabli l'action dé.
rangée de l'eftomac & des inteftins. Au
contraire tous ceux qui ont négligé ces
fecours , ou qui , voulant pendant quelque
temps fe conduire eux-mêmes , ont
ufé de certains fruits rafraîchiſſans & aftringens
, comme citrons , coings , forbes
, & c. remedes ordinaires des pauvres ,
tous ceux- là , dis- je , font malheureufement
tombés ou dans un affreux maraſme ,
MARS. 1757. 171
ou dans une hydropifie univerfelle.
Cette maladie n'eft pas venue d'un ufage
immodéré des fruits ; elle a commencé
avant leur faifon : d'ailleurs il n'y en a pas
eu abondance cette année , & les riches en
ont plus mangé que les pauvres. Elle n'eft
pas venue non plus à la fuite d'une chaleur
exceffive durant le printemps & l'été : on
en a fouvent reffenti de plus fortes qui
n'ont pas occafionné de pareils maux. On
pourroit peut-être en chercher la caufe
dans la longue féchereffe de la faiſon , qui
auroit contribué à irriter les parties : mais
j'ai déja fait obferver que les malades en
queftion ont été la plûpart fans fievre &
fans altération fur la langue ; elle paroiffoit
feulement à tous chargée & pâteufe :
à quoi j'ajoute que leur flux diffentérique
participoit plus de férofité muqueufe , que
de bile âcre & piquante.
Ce n'eft donc ni dans la difpofition
propre des corps , ni dans l'intempérie de
la faifon , ni dans l'ufage immodéré des
fruits , qu'il faut chercher la caufe de cette
maladie populaire ; mais je la trouve dans
la boiffon de cette année. Le vin de la récolte
de 1755 a été peu naturel dans nos.
cantons à peine les raifins commençoientils
à entrer en maturité , que la chaleur
manqua par les pluies abondantes qui tom-
Hij
172 MERCURE DE FRANCE .
berent fans interruption durant l'automne.
Le fruit ainfi privé de chaleur , & abreuvé
d'une eau fuperflue , ne put donner qu'un
fuc , pour ainfi dire , indigefte , par la
confufion & l'altération des principes qui
le compofent : la fermentation qu'il effuya
pour fe convertir en vin fut trop foible ;
fes parties fulfureufes furent trop peu
développées ; les fpiritueufes ardentes trop
affoiblies , & comme noyées ; delà vient
que tous les vins de cette récolte ont été
extrêmement clairs & foibles , & qu'on les
a vus bientôt fe brouiller & s'épaiffir ,
lorfqu'on les expofoit durant quelque
temps à un air libre & ouvert. Tant que
le froid de l'hyver a tenu les parties de ce
vin concentrées , le corps , qui s'en eft
nourri , n'en a reçu aucune altération fenfible
; mais à mefure que la chaleur de la
faifon en a développé & fait évaporer les
particules intégrantes les plus fubtiles ,
alors , bienloin de devenir un baume
dans le fang , il n'a pu s'en former qu'un
vrai levain de maladie , je veux dire un
chyle dépravé , qui à fon tour a appauvri
& perverti le fang & les fluides qui s'en féparent
: ainfi la bile & les fucs digeftifs qui
viennent de la même fource , étant perpétuellement
einpreints de cette boiffon per
nicieufe , ont dû conféquemment partici
per de fa mauvaiſe qualité.
MARS. 1757. 173
Ce qui acheve de le démontrer , c'eſt
que les perfonnes aifées qui ont ufé du vin
de l'année précédente , n'ont point été fujettes
à cette maladie , non plus que les
enfans & les femmes , lefquelles , foit par
économie , vu la cherté préfente de cette
denrée , foit ( & c'eft le témoignage qu'on
doit leur rendre ) par leur tempérance généralement
reconnue fur cet article , n'en
ont pas fait un grand ufage ; au lieu que
les foldats , les ouvriers , les vieillards &
les mandians qui en boivent avec excès ,
& qui en font le foutien principal de leur
vie ou de leur mifere , ont été les feuls
maltraités.
Ce n'eft pas ici le lieu d'examiner fi la
caufe immédiate de ces dévoiemens a été
une irritation dans les fibres , plutôt qu'un
relâchement & une véritable atonie : il
n'eft pas douteux
que l'action
des folides
n'ait été altérée
& pervertie
; mais
ce n'a pu être que par ce vin infect
dont on s'a- breuvoit
chaque
jour , & qui ne pouvoit fournir
qu'un
très- mauvais
chyle indépen- damment
de l'action
des folides
: néanmoins
tout me perfuade
que l'effet
de ce
mauvais
chyle
a été de relâcher
plutôt
que d'irriter
, puifque
l'Hypécacuana
a fuffi
dans les commencemens
pour rétablir
le
ton de l'eftomac
& des inteftins
. Ce re-
Hiij
174 MERCURE DE FRANCE.
mede merveilleux remplit toutes les indications
qui fe préfentent. En agiffant ſur
les folides , il les irrite d'une part , & leur
fait exprimer les humeurs viciées qui les
furchargent , tandis que d'autre part il les
affermit & les corrobore par fa vertu aftringente.
Mais fi tous les fluides participent
depuis quelque temps de la mauvaiſe
qualité du chyle , quel défordre n'en doitil
pas réfulter dans toute l'économie animale
? Les folides partout arrofés de ces
fluides dépravés , éprouveront une altération
manifefte dans leur action : il en réfultera
un relâchement univerfel dans toutes
les fibres ; un affaiffement conftant dans
les voies par où le chyle a coutume de paffer
pour réparer le fang ; une fonte générale
dans ce fluide qui , privé de fon reffort
, s'accumule auffitôt dans les extrêmités
artérielles ; delà le cours de ventre
opiniâtre , le dégoût , la bouffiffure ou le
marafme qui croiffent à vue d'oeil : c'eſt ce
qu'ont malheureufement éprouvé tous
ceux qui ont négligé le commencement de
leur maladie , & qui ont continué l'uſage
de ce vin mal élaboré.
Si vous me demandez , Monfieur , quel
remede on peut apporter à ce funefte état ,
je répondrai qu'il n'en eft prefque aucun ,
& qu'il faut que le malade périffe : car les
MAR S. 1757. 175
abſorbans ou les aftringens , dont on voudra
fe fervir , accumuleront davantage les
engorgemens qui fe trouvent déja dans les
routes du chyle ; les apéritifs ou les cordiaux
fouetteront encore plus les fluides
diffous ; les uns accéléreront les dévoiemens
; les autres , l'hydropifie : il ne reſte
que les anodins mêlés avec les ftomachiques
, & de légers purgatifs aftringens réitérés
de temps en temps , qui pourront
prolonger la maladie , & rarement la guérir.
R
Il importe donc de faire choix de certains
alimens dont on doit fe nourrir , ou
de n'en point abufer lorfqu'on ne peut s'en
paffer. On voit auffi de quelle conféquence
il eft de remédier aux maux dans leur
principe. C'eſt une erreur de croire , comme
la plupart qui ont été les victimes de
leur impéritie & de leur entêtement , que
la limonade ou les aftringens pris dans les
commencemens , puiffent détruire cette
maladie fort différente de celles où leurs
fecours font fi bienfaifans. Il n'eft point ici
queſtion ni d'irritation dans les folides , ni
d'une bile abondante qui l'ait procurée.
Non , c'eft un chyle mal digéré , qui
formé en partie d'un aliment auffi mal digéré
que lui , ne peut que rendre un fang
extrêmement maigre & appauvri . Telle eſt
>
Hiv
176 MERCURE DE FRANCE.
la caufe , tels doivent en être les effets......
A Toulon , ce 2 Décembre 1756.
LA BERTHONYE , Docteur en Médecine.
PROGRAMME
De l'Académie royale de Pétersbourg.
Nous l'inférons ici tel qu'il nous a été
envoyé . Le Latin eft la Langue des Sçavans
, qui liront feuls ce Programme . Il n'eft
fait que pour eux ; ce qui nous a difpenfes de
le traduire en François.
Elifabeta Augufta , Sientiarum atque Artium
promotrix , optima , maxima , in legibus
Academia Imperialis Petropolitana , à
fe inftaurata , clementiffimè prudentiffimèque
juffit , ut Prafes publicari quotannis curet
problema erudito orbi folvendum , premio
centum aureorum propofito illi, quifeliciorem,
pra cateris , folutionem illius argumenti exhibuerit
. Huic munificentie Scientiarum incremento
infigniter profutura ea , quâ folet , folertia
refponfurus excellentiffimus Academie
Prafes , Prapotens minoris Ruffia Hermanmus
, Augufta Camerarius ordinarius , legionis
Pretoriane Ifmailovice Protribunus , Ordinum
Equeftrium S. Andrea , Aquila alba ,
S. Alexandri & S. Anna Eques , Cyrillus
MARS. 1757. 177
Comes à Rafumowski , poft adjudicata fuperiori
anno duo pramia , duas iterùm quæftiones
curavit proponi , has nempè :
In annum clc lcc LVI.
Quænam fit caufa proxima mutans corpus
foetus , non matris gravida , hujus
mente à caufâ quâcunque violentiori commorâ
, & quidem , cur id fiat in eâ parte
corpufculi foetus , ad quam in fuo corpore
mater manum applicuit. Uni illorum.
quoque cogitata ad certamen de præmio
admittentur , qui contrariæ fententiæ addicti
argumenta verofimilia in medium
proferent.
In annum clc lcc LVII .
>
Motus diurnos planetarum circum axes
proprios , imprimis veneris vertiginem
cujus commodiffimè determinandæ copiam
annus 1756 faciet , accuratiùs obfervare
& inconcuffis obfervationibus , iifque novis
unâ cum pofitione æquatorum , demonftrare
atque definire.
Nunc autem ejufdem excellentiffimi prafidis
auctoritate Academia declarat , quod ex
plurimis de priori quæftione ad fe miffis differtationibus
unam felegit pramio ftatuto centum
aureorum condecorandam . Qua cum in
fronte gerat lemma : ofcitante uno , ofcitar
& alter ; auctoris nomen & conditio , poft
Hv
178 MERCURE DE FRANCE.
refignatam publicè fchedulam , fub eodem
lemmate differtationi additam , ita patent :
Carolus Chriftianus Kraufe Phil. & Med .
D. in Acad. Lipfienfi.
Quoniam autem in hac differtatione affirmativa
quaftionis pars , originem mutationum
in foetu ab imaginatione materna repetens
, ftabilitur : non ingratam eruditis operam
fe praftituram Academia arbitratur ,
dum unam quoque ex iis , qua negativam defendunt
, fibi quidem optimam vifam , fimul
typis curabit exfcribi . Hac lemma adfcriptum
habet: nunquam natura aliud docuit ,
aliud experientia , ejufque , ut ex addita
fchedula cognofcitur, auctor eft D. Io . Georg.
Roederer , Med. & Anat Prof. in Acad .
Georgia Augusta.
In annum 1758 proponitur quæftio :
1 °. Qua prærogativa conftent magnetes
artificiales præ naturalibus? 2 ° .Quæ fit optima
eos conficiendi methodus ? 3 ° . Utrum
phænomena nova per magnetes artificiales
detecta theoria magneticæ adhuc propofitæ
fatisfaciant ? fi minus , ut quis novam
eorum phænomenorum explicationem fuppediter.
Pro cujus folutione optima premium cen-
1um aureorum promittitur fub iifdem conditionibus
, que adhuc obtinuerunt.
Invitantur ergò omnium gentium viri docMARS.
1757.
179
ti , ut aquè de hac , ac de propofita in annum
clɔ lɔcc LVII. queftione , cogitata fua atque
obfervata ante diem 1. Junii cujufque
anni cum Academia communicare velint.
Publicatum in conventu Academia, folemni
die v1 Septembris clɔ lacc LVI.
Le peu d'efpace qui reftoit à l'article
des Sciences du fecond volume de Janvier ,
ne nous ayant pas permis de faire entrer
les dernieres lignes de la Séance de l'Académie
de Rouen , nous les inférons ici pour
réparer cette fuppreffion forcée .
Le fujer propofé cette année étoit un
Deffein Allégorique , dans lequel la ville
de Rouen perfonnifiée préſente à Minerve
les jeunes éleves de la Province , qui cultivent
les Arts. La Déeffe les reçoit avec
bonté , & leur montre dans l'éloignement
le Temple de la Gloire , au pied duquel
on apperçoit le temps défarmé & enchaîné
. Ce Prix a été remporté par M. Jean-
Jacques- François le Barbier , de Rouen
qui avoit eu l'an paffé le fecond Prix
d'après nature . Les deux premiers Prix de la
claffe du modele ou d'après nature , fondés
par Madame de Marle , ont été remportés ,
le premier par M. Nicolas- Marin Jadoulle,
de Rouen , le fecond -par M , Pierre Gonor,
"
Hvj
180 MERCURE DE FRANCE:
de Rouen , qui l'an paffé avoit remporté
celui de la Boffe.
par
Les deux Prix de la Boffe & du Deffein,
fondés Madame le Cat , ont été remportés
, le Prix d'après la Boffe , par M.
Jean Jacques le Moyne , de Rouen , celui
d'après le deffein , par M. Jean - Baptiſte
Voyer , de Rouen .
Il eſt échappé dans l'Extrait de la même
Séance une faute d'impreffion , qui défigure
un nom trop avantageufement connu
pour ne pas nous empreffer de la rectifier .
Page 188 , ligne 7 , M. de Adeville , lifez ,
M. de Cideville .
MAR S. 1757: 181
ARTICLE IV .
BEAUX- ARTS.
ARTS AGRÉABLES.
MUSIQUE.
DOUZE Recueils des nouveautés ou
avantures de Cythere , à 12 fols piece.
Six Recueils des étrennes d'Apollon , on
l'élite des nouveaux Airs , à 12 fols piece .
Quatre Recueils de Menuets , en Duo
fur la feconde ligne , à 1 liv. 4 f. piece.
Quatre Recueils de Contredanfes fur la
feconde ligne , à 1 liv. 4 f. piece.
Deux Cantatilles de Deffus , & une de
Baffe- taille , de feu M. Martin , à 1 liv. 4f.
Le fieur Jean Stamits , Directeur de la
Mufique de l'Electeur Palatin , & dont le
talent eft fi célebre , vient de mettre au
jour fix Symphonies nouvelles à quatre
Parties prix 9 liv. L'acueil favorable que
le Public a bien voulu faire à fon Livre de
Trio , OEuvre premier , l'a encouragé à
182 MERCURE DE FRANCE.
lui donner un fecond Ouvrage. On trouve
la Mufique ci- deffus chez le Sr Le Clerc
rue du Roule , à la Croix d'or.
SIX Sonates à violon feul & baffe continue
, compofées par M. Mathieu le fils ,
Ordinaire de la Mufique du Roi . Dédiées
à Madame. OEuvre premier , gravé par
Mlle Bertin. Prix 9 liv. A Paris , aux
Adreffes ordinaires , 1756 .
Six Trio pour deux violons & la baffe ,
dédiés à Madame Victoire de France :
compofés par le même , OEuvre fecond .
Prix 7 liv. 4 fols. A Paris , aux Adreffes
ordinaires
, 1756 .
GRANDES Symphonies en Concerto ,
pour deux violons , alto & violoncelle
obligés , & deux autres violons & baffe ,
que l'on peut fupprimer ; dédiées à S. A.
M. le Prince de Lorraine , Chanoine de
Strafbourg , Abbé de l'Abbaye royale de
Saint Victor-lès -Marfeille , &c . compofées
par M. Papavoine . Prix 9 liv . OEuvre quatrieme.
A Paris , aux Adreffes ordinaires.
MARS.
1757. 183
GRAVURE.
ONN On trouve chez le fieur le Rouge , Ingénieur-
Géographe , les Cartes détaillées
des Côtes maritimes de France , fur quatre
lieues de large , en cinquante feuilles ,
avec la Carte générale , tirées des meilleurs
morceaux , grand in- 4° . Prix 12 liv.
relié , 9 liv. broché. Nous annonçons
auffi l'Hiſtoire détaillée des Iſles de Jerſay
& Guernefay , traduite de l'Anglois par
le même , in - 12 , avec des Cartes . Prix
2 liv. 10 fols relié. A Paris , chez la veuve
Delaguette , rue S. Jacques , & chez l'Auteur
, rue des Grands Auguftins.
ARTS UTILES.
HORLOGERIE.
A L'AUTEUR DU MERCURE.
M.ONSIEUR , Vous me feriez un fenfible
IEUR
,
plaifir de m'apprendre à qui je fuis redevable
d'avoir été nommé dans le premier
volume du Mercure de France du mois
184 MERCURE DE FRANCE .
1

d'Octobre , 1756. Comme la reconnoiffance
eft ma principale vertu , je ferois fâché
d'en manquer à l'égard d'une perfonne
qui paroît avoir de la bonne volonté
pour moi . Je n'aurois jamais cru que d'auffi
foibles talens que les miens , duffent intéreſſer
le Public ; & fi j'en ai quelqu'un ,
j'en fuis redevable à M. le Roi fils aîné
dont j'ai l'honneur d'être l'éleve . Je
connois l'indulgence du Public , & la protection
qu'il accorde aux Arts. C'eft ce qui
m'a déterminé à n'épargner ni peine , ni
foins pour réuffir dans l'exécution d'une
Horloge , fuivant les principes que j'en ai
reçu du plus grand des Artiftes. Je m'eftimerai
trop heureux , fi je puis réuffir &
mériter fon approbation . Comme dans l'âge
où je fuis , c'eft s'égarer que de ne fuivre
que fes propres lumieres , je vais faire
l'analyse de l'Horloge que j'exécute pour la
ville de Monfort ; & fi je me fuis trompé ,
j'affure d'avance que j'aurai une fincere
obligation à ceux qui , par des raifons démonftratives
, voudront m'apprendre les
défauts de mon ouvrage .
L'Horloge que j'exécute eft des plus fimples
, & voici , je crois , les avantages
qu'elle doit remporter fur les Horloges les
mieux faites : de marcher autant de temps
que l'on defire fans être remontée : d'avoir
MARS. 1757. 185
très- peu de poids au moteur , & beau
coup aux régulateur : de fonner dans la
vibration du pendule , preuve de fa régalarité
d'avoir des moteurs de fonnerie
très- légers , quoique les marteaux foient
très pefants , & de n'avoir qu'une roue
pour chaque objet , c'eſt- à- dire une roue
pour le mouvement une roue pour la
fonnerie des quarts , & une pour celles des
heures. J'attends du rigoureux examen que
j'en fais une preuve de fa perfection , pour
en donner la defcription.
>
Si fur cette foible analyſe de l'Horloge
que j'exécute , j'ai le bonheur d'avoir le
fuffrage de ceux qui ont la connoiſſance
du méchanifme , la gloire , je le répete ,
en doit rejaillir fur M. le Roi fils aîné , à
qui je fuis redevable de mon peu de talent
, & dont je ne fuis que l'écho , ne faifant
qu'exécuter ce qu'il a trouvé aveo
tant de peine.
J'ai l'honneur d'être , &c.
MAUROY.
De Montfort-l'Amaury , ce 15 Novembre
1756.
1
186 MERCURE DE FRANCE .
ON
MECHANIQUE.
Na déja fait part au Public dans le
mois de Juillet dernier , du fuccès d'une
Machine que le fieur Macary , Machinifte
privilégié du Roi pour la fûreté de la
Navigation , avoit inventée pour enlever
les fables , vafe , cailloutage , & c . du
fond des ports & rivieres , & qui avoit
tiré dans la riviere de Seine en cinq mis
nutes de temps foixante- douze pieds
cubes de fable & terre glaife , ainfi que le
porte un Certificat que lui en a donné M.
de Bélidor , un des quarante de l'Académie
des Sciences , & Expert dans ces for
tes d'ouvrages : cette Machine en fait plus
des trois- quarts qu'aucune qui ait encore
été inventée.
Ledit fieur Macary , par ordre de M.
le Maréchal Duc de Bellifle , s'eft tranfporté
à Dunkerque, pour y exercer fes talens
: il y a , en confequence , fait conftruire
une machine en fix- ſemaines de
temps , & les épreuves en ont été faites le
premier Novembre dernier avec l'applaudiffement
de M. le Marquis du Barrail ,
Commandant audit lieu , de M. le DirecMAR
S. 1757. 187
teur de Fortifications , de tous les Ingénieurs
, & du Public en général . Cette
Machine attire à quinze pieds de profondeur
d'eau , en huit , à neuf minutes de
temps , foixante-douze pieds cubes de fable
& vafe , & on a jugé que , quand les
Ouvriers feront plus au fait de fa mancuvre
, elle en pourra tirer jufqu'à vingtune
toife cubes par jour.
Ledit fieur Macary ( ainfi qu'il eft inféré
dans fon privilege ) , eft auffi Expert
pour enlever en entier les Vaiffeaux
échoués , & même fubmergés , & les gros
poids ; & pendant fon féjour à Dunkerque
, il s'eft perdu au côté du port fur l'eftrant
, un Vaiffeau Hollandois de 300 tonneaux
, qu'il a offert de remettre à flot
dans le port dans l'efpace de trois jours ,
quoique la fouille qu'il avoit faite dans
le fable fût , au bout de huit jours , de fix
pieds plus haute que fon bord : cette opération
n'a pas eu lieu à caufe de l'abfence
du propriétaire dudit Navire .
L'adreffe dudit fieur Macary , eſt toujours
au Café de Conty , au bout du
Pont-Neuf.
A la fin de l'article des Arts du Mercure
précédent , au mot Architecture , page
187 , on est tombé dans une erreur qu'il
188 MERCURE DE FRANCE.
nous eft effentiel de corriger , au lieu de
(1) Lettre à l'Auteur du Mercure , lifez ,
Lettre à M. *** . Monfieur , dit l'Auteur en
commençant fa Lettre , les nouvelles des
Arts font les feules qui vous amufent . Il
ajoute , en la finiffant : j'ai prétendu feulement
vous faire part d'une petite nouveauté
qui peut avoir des fuites heurenfes. Ce qui ne
peut être indifferent à un homme comme vous,
qui a fi bien mis à profit un longfejour en Italie.
Ces deux traits caractérifent particuliérement
un Amateur , & ne peuvent
nous convenir . Notre goût ne fe renferme
pas uniquement dans la fphere des Arts , il
s'étend plus fpécialement fur la littérature
qui conftitue notre état , & nous n'avons
jamais fait le voyage d'Italie.
( 1 ) Cette lettre attaque avec efprit le mauvais
goût de plufieurs particuliers qui ont la fureur de
peupler leurs jardins de vaſes & de petites ftatues
de terre cuite.
MARS. 1757. 189
ARTICLE V.
SPECTACLES.
COMEDIE FRANÇOISE.
IT
s'eft gliffé dans cet article du Volume
de Février une faute d'impreffion confidérable
, page 193 , lignes 7 & 8. On a mis , en
parlant de Sémiramis , nous croyons que le
premier Acte est un des plus beaux qui ſoient
au Théâtre. Lifez , nous croyons que le quatrieme
Alte eft un des plus beaux, &c. Quoiqu'il
y ait de grandes beautés dans le
premier
Acte de cette Tragédie , nous n'ayons
pu le citer comme l'Acte de diſtinction.
L'effet furprenant que la grande Scene
de la reconnoiffance du quatrieme Acte
a toujours fait fur tous les fpectateurs , &
dont nous avons été nous-mêmes les témoins
, ne nous a pas permis de faire une
pareille méprife. "
Le Jeudi , 17 Février , les Comédiens
François ont remis le Bourgeois Gentilhomme
, avec tous les agrémens , & ce qui en
eft un grand pour eux , avec un brillant
190 MERCURE DE FRANCE .
concours. M. Préville repréfente M. Jourdain
: il a un plein fuccès dans ce rôle , &
contribue le plus à celui de la Piece.
On nous a envoyé dés vers qui doivent
trouver ici leur place , puifqu'ils font à la
louange de Mademoiſelle Gauffin .
VERS à Mademoiselle Gauffin .
O Racine , ombre révérée !
De quel raviffement ne dois-tu pas jouir ,
Lorfque tu vois du haut de l'empirée ,
La tendre Gauffin embellir
Les chef-d'oeuvres de ton génic ;
Répandre ſur tes vers la chaleur & la vie
D'un ſentiment aimable & délicat ,
Et remontrer fur notre Scene
Berenice avec un éclat
Qu'elle feule pouvoit prêter à cette Reine ?
COMEDIE ITALIENNE.
E Le lundi 31 Janvier les Comédiens Italiens
donnerent la premiere repréſentation
de Ramir , Comédie héroïque en quatre
Actes , en vers , avec fpectacle , tirée de
l'Italien , fuivie de la Chaffe , divertiffement
nouveau , dans lequel on a eu le plaifir
de revoir & d'applaudir Mademoiſelle
Riviere. On peut affurer , ſans la flatter,
MARS. 1757 . 191
que
fes talens fe font accrus , ainfi que fes
charmes. Pour revenir à la Piece nouvelle ,
l'héroïque en est égayé par plufieurs ſcenes
bouffonnes qui fe patfent entre Arlequin ,
Scapin & Coraline . M. Mailhol en eft
l'Auteur.
M. Araignon , Avocat , nous a écrit à
ce fujet une Lettre , où il a la modeſtie de
révendiquer , moins pour lui que pour
M. Veroneze , une portion de la gloire
que ce Drame procure à M.Mailhol . Il nous
prioit de rendre cette Lettre publique ;
mais ce n'eſt pas à nous d'inftruire un pareil
procès :c'est au tribunal du Public qu'il
faut le porter ; lui feul a le droit de prononcer
là- deffus . En attendant qu'il décide
, nous ne reconnoiffons pour véritable
& feul Auteur , que celui qu'il nomme
lui-même .
?
S'il étoit permis à quelqu'un de détacher
du front de M. Mailhol une partie du
laurier dont Ramir le couronne nous
croyons que le Peintre & le Compofiteur
de Ballet pourroient y prétendre : c'eſt à
eux que nous fommes redevables du fpectacle
du troificme Acte ; les deux combats
qu'ils ont fi bien deffinés , forment un ta
bleau qui a généralement plu , & qui n'a
pas peu contribué au fuccès de cet Acte le
plus agréable de la Piece. Mademoiſelle Ca
192 MERCURE DE FRANCE .
dans
tinon , qui paroît avec tant de grace
le premier de ces combats , mérite auffi
une feuille au moins de la même couronne
: on ne peut pas mieux être fous les
armes.
OPERA COMIQUE.
avec
Le
jeudi , 3
E jeudi
, 3 Février
, ce Spectacle
a fait
fon ouverture
par les Racoleurs
& les Amans
trompés
. Le mardi
8 , il a donné
,
les deux
mêmes
Pieces
, la premiere
repréfentation
de l'Impromptu
du Coeur
. Cet
Acte
eft bien
nommé
; c'eſt
le coeur
en effet
qui l'a dicté
: on peut
dire
qu'il
eft l'ouvrage
d'un
bon
François
& d'un
bon
faifeur
en ce genre
; on ne pouvoit
pas traiter
ce fujet
avec
plus
de bonheur
& plus
d'adreffe
. M. Vadé
, qui en eft l'Auteur
, a eu
l'art
de varier
les Scenes
, & d'y donner
au zele
un air de gaieté
d'autant
plus
agréable
, qu'on
voit
qu'il
part
du fentiment
plus
que
de l'efprit
, quoiqu'il
y ait dans
l'ouvrage
beaucoup
de l'un
& de l'autre
;
mais
l'efprit
y eft adroitement
caché
fous
une
fimplicité
naïve
, qui
le prouve
plus
qu'une
Piece
à prétention
qui l'affiche
: il
eft vrai
que
l'Auteur
n'introduit
dans
la
fienne
que
des perfonnages
de la lie du
peuple
MARS. 1757. 195
peuple ; mais s'il les fait parler en artiſans
groffiers , il les fait penfer en honnêtes
gens , & agir en fujets pleins d'amour pour
leur Roi. Il y a un rôle qui ne laiffe rien à
defirer , c'eft celui de Nicaife : l'Acteur le
rend , comme l'Auteur l'a fait, c'eſt à dire ,
parfaitement. Nous croyons que M. Vadé
n'a rien donné qui lui faffe plus d'honneur
que cet heureux Drame. Ce n'eft pas, felon
nous , un petit mérite que celui de fçavoir
embellir ainfi , & , qui plus eft , ennoblir
le genre le plus bas , dans le temps que
nous voyons tant d'Auteurs gâter par leur
maladreffe , & dégrader le genre le plus
noble. Notre éloge fera juftifié par les Vers
fuivans , qui nous ont été envoyés à ce fujet
ils font de M. de Campigneulles ,
Garde-du - corps.
VERS fur l'Impromptu du coeur , Opera
comique de M. Vadé.
Charmant Auteur de nos plaiſirs nouveaux ,
Dans les rians_tableaux¸·
Du Suffifant , de Fanchonnette ,
Tu donnes à chacun fon ton,
Tu divertis par l'Ariette ,
Tu plais par le groffier jargona
Dans cette piece ingénieufe
Que le fentiment t'a dicté ,
Secondé d'une Mufe heureuſe ,
Ι
194 MERCURE DE FRANCE.
Tu femes partout la gaieté.
Ah ! que je l'aime ce Nicaiſe ,
Qui fi naïvement fourit ,
Et que dans fon humeur niaiſe
Il nous montre d'efprit !
En vain une injufte cenfure
Blâme ta gloire & l'obscurcit ,
Elle n'en paroît pas moins pure.
Vadé , pour toucher , il fuffit
D'embellir l'art par la nature.
CONCERT SPIRITUEL.
Le mercredi 2 Février , jour de la Purification
, le Concert fut très - agréable . Il
commença par une fymphonie fuivie de
Jubilate Deo , Motet à grand choeur de
M. Mondonville . Enfuite M. Gelin chanta
une Ode de Rouſſeau , miſe en mufique
par M. Blainville . On exécuta une fymphonie
à deux Cors - de- chaffe. Mademoifelle
le Miere chanta Regina Cali , petit
Motet de M. Mondonville, M. Balbâtre
joua un Concerto de fa compofition . Le
Concert finit par Cali enarrant , Moter à
grand choeur , de M, Mondonville
MAR S. 1757. 195
ARTICLE VI.
NOUVELLES ÉTRANGERES.
ALLEMAGNE.
DE VIENNE , le 29 Janvier.
UN Courier , arrivé le 13 Janvier de Verfailles ;
a apporté l'effrayante nouvelle du danger auquel
a été exposé le Roi Très - Chrétien. Auffitôt l'Impératrice
Reine manda au Cardinal de Trautſon ,
Archevêque de cette Ville , d'ordonner des prieres
publiques , pour obtenir du Ciel la confervation
d'un Prince , dont les jours font fi précieux à l'Europe
. Les Eglifes font remplies d'une affluence extraordinaire
de perfonnes de tous les Ordres , qui
demandent à Dieu le rétabliſſement de la fanté de
ce Monarque .
Notre Cour vient de conclure avec celle de France
une convention , par laquelle elles s'engagent à
Le rendre réciproquement les déferteurs de leurs
troupes. Cette convention commencera le premier
du mois prochain à avoir ſon effet .
DE LEITMERITZ , le 7 Janvier.
Le premier de ce mois , le Général Lafcy fit attaquer
par cinq cens Croates le poſte d'Óftritz ,
où il y avoit trois cens Pruffiens . Le Major Blumenthal
, qui y commandoit , fut tué. Les enne,
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
mis perdirent deux autres Officiers & trente - huit
Soldats. On fit neuf prifonniers. Le refte fut difper.
fé. De notre côté , il y eut un Capitaine tué , un
Lieutenant & fix Soldats bleffés . Le lendemain, les
Pruffiens reprirent ce pofte. Ils l'ont fait occuper
par mille hommes , & ils y ont mis quatre pieces
de canon.
DE DRESDE , le premier Février.
Le fieur Frege , Directeur de la Monnoie de
Leipfick , a eu ordre du Directoire Général de
Guerre du Roi de Pruffe , de délivrer , fous peine
d'être mis aux fers , les coins , les inftrumens néceffaires
à frapper des efpeces , & même les matieres
d'or & d'argent qu'il avoit fous fa garde.
Les exécutions militaires contre les Bailliages
qui n'ont pas fourni le nombre de recrues exigé ,
s'effectuent avec rigueur.
Malgré les circonftances où se trouve la Saxe ,
la Reine , le Prince Royal , la Princeffe fon épouse ,
& les Princes Albert & Clement, envoyerent complimenter
le Roi de Pruffe le jour anniverſaire de
fa naiffance. S. M. Pruffienne fit l'accueil le plus
gracieux aux Seigneurs chargés de s'acquitter de
ce cérémonial. Elle les affura qu'Elle ne defiroit
rien avec plus d'ardeur , que de pouvoir délivrer la
Saxe du Séjour des troupes étrangeres. Le 28 du
mois dernier , ce Prince partit pour la Siléfie.
Plufieurs des Régimens Pruffiens qui font en cette
Ville , ont reçu ordre de fe tenir prêts à marcher.
Plufieurs remifes confidérables , que la Reine a
reçues , ont mis cette Princefle en état , non feulement
d'acquitter une partie des dettes que de
malheureufes circonftances l'ont obligée de contracter
, mais encore de faire fentir les effets de fa
générosité aux Officiers Saxons , qui ont beſoin
MAR S. 1757. 197
de fecours , On a diſtribué ici clandeftinement divers
exemplaires d'un Ecrit anonyme , intitulé ,
Démonftrationfuccincte que le Royaume de Boheme
appartient au Roi de Pruffe. L'Auteur , pour établir
le prétendu droit de S. M. Pruffienne , remonte à
Marguerite , Princeffe de Boheme , qui dans le
quinzieme fiecle fut mariée à Jean III , Margrave
de Brandebourg. Le Roi de Pruffe , indigné qu'on
lui prêtât des vues contraires à celles qu'il a annoncées
dans fes Déclarations , a ordonné que
l'ouvrage fût brûlé par la main du Bourreau . Ce
Prince fait faire d'exactes perquifitions , pour découvrir
l'Auteur & l'Imprimeur.
9
En différens endroits , les Officiers Pruffiens
ont fait ouvrir les prifons , & ont enrôlé toutes les
perfonnes qu'ils y ont trouvées propres à porter
les armes. Depuis quelque temps ils engagent indiftinctement
tous les jeunes gens , foit artifans
foit domeftiques , fans avoir égard ni à la profeffion
, ni à la livrée. Le Roi de Pruffe a fait publier
une Ordonnance , par laquelle il enjoint à tous les
Saxons qui font à fon fervice , & qui poffedent
des biens fonds , de les vendre , & de dépofer à la
caiffe du Directoire militaire les fommes qui pro .
viendront de la vente. S'ils ont quelques préten
tions à faire valoir , les Bailliages refpectifs font
tenus de leur rendre prompte juftice , & les deniers
provenans de ces prétentions feront portés
pareillement à ladite caiffe.
DE RATISBONNE , le 25 Janvier.
On a reçu ici plufieurs exemplaires d'un Ecrit
que la Cour de Vienne vient de faire publier. , &
qui eft intitulé , Remarques fur les Manifeftes , Lettres
Circulaires autres Mémoires , donnés de la
I iij
198 MERCURE DE FRANCE .
part du Roi de Pruffe. Cette Piece contient trentefept
pages in-4° . Voici quelques-uns des principaux
traits qu'elle renferme . « Le Roi de Pruffe
prétend avoir feul le droit de tenir en tout tems
» de grandes armées prêtes à marcher , & d'aug-
» menter fucceffivement , fans aucun danger ap-
» parent , le nombre de fes troupes . Il s'arroge
» même le privilege de faire enlever , tantôt par
» rufe , tantôt par violence , les Sujets aux Souve-
» rains , les Miniftres aux Eglifes , les enfans aux
» peres , les peres aux enfans. En même temps , il
» ne veut pas qu'une Puiffance voifine puiffe le
»foupçonner d'un deffein offenfif, & qu'elle fe
» concerte avec d'autres Puiffances pour Le défen-
» dre en cas d'attaque..... Lorſqu'une Puiffance
» fonge à completter fes troupes , & à pourvoir
» d'artillerie & de munitions fes places frontieres ,
>> il croit pouvoir lui demander fierement , l'épée
» à la main , le motifde telles précautions. Si elle
» ne s'explique pas d'abord dans les termes qu'il
» lui preferit , & fi elle ne promet formellement
» de fufpendre les préparatifs qu'elle a commen-
» cés pour fa défenfe , il va jufqu'à la menacer
» de l'attaquer inceffamment avec une armée for-
» midable...... L'article ſecret du Traité de Pé-
» terfbourg devoit-il caufer quelque ombrage au
» Roi de Prufle ? Au devant de cet article , on avoit
> eu foin de mettre ces paroles remarquables : ( Si
contre toute attente , & contre les voeux communs
» S. M. Pruffienne eft la premiere à fe départir de
les
la Paix de Drefde. ) On avoit ajouté , que
» deux Parties Contractantes mettroient tout en
» ufage pour prévenir un tel inconvénient . Ces clau-
» fes ne prouvoient- elles pas évidemment que , fi
» l'Impératrice Reine fe réfervoit le droit de re-
» vendiquer la Siléfie , & d'employer le fecours
MAR S. 1757. 199
de fes Alliés pour la recouvrer , c'étoit feule-
» ment dans le cas où , malgré les voeux com-
» muns de l'Impératrice Reine & de l'Impératrice
» de Ruffie , & malgré toutes les peines qu'Elles
>> emploieroient pour le maintien de la paix , le
» Roi de Pruffe tenteroit une nouvelle aggref-
» fion ? .... Pour ce qui regarde la découverte de
» cet article , S. M. Pruffienne pouvoit s'épargner
» un expédient auffi illicite que celui de forcer un
» Cabinet Royal dans un pays neutre , puifque la
» Cour de Vienne n'auroit fait aucune difficulté
» difficulté d'avouer qu'elle a porté toujours fa plus
» grande attention fur les préparatifs de guerre
» des Pruffiens & fur leurs vexations , & qu'elle
» s'eft fervie de tous les moyens néceffaires & juf-
» tes , pour donner à l'auteur des troubles , s'il eft
» poffible , lieu de ſe repentir de ſes violences &
» de fes injuftices. >>
Le 17 de ce mois , la Diete générale de l'Empire
donna le Conclufum fuivant. « De la part des
Electeurs , Princes & Etats de l'Empire , on dé-
» clare à M. le Prince de la Tour - Taxis , Princi-
» pal Commiffaire de l'Empereur , qu'on a due-
» ment propofé aux trois Colleges de l'Empire ,
» & mis en délibération les Décrets de Commif-
» fion Impériale , portés les 20 Septembre & 18
» Octobre de l'année derniere , à la Dictature , au
» fujet de l'invaſion hoftile du Roi de Pruffe Elec-
>> teur de Brandebourg , dans la Saxe & dans la
>> Boheme ; ainfi que la Lettre de S. M. l'Impéra-
» trice Reine , du 21 Octobre , & les Mémoires
» préſentés par les Miniftres de Saxe & de Brande-
» bourg les 23 Septembre & 20 Décembre der-
» niers : qu'on a vu , par leur contenu , toutes les
» circonftances de l'irruption faite par les troupes
» Pruffiennes dans les Etats de l'Impératrice Rei-
I iv
200 MERCURE DE FRANCE.
>> ne & du Roi de Pologne Electeur de Saxe , la
>> maniere dont l'Electorat de Saxe & autres Etats
» ont été faifis & font encore détenus , & enfin les
» Mandemens émanés du Juge Suprême de l'Em-
» pire contre ces entreprifes : qu'après une mûre
» délibération , telle que l'importance de l'affaire
» l'exigeoit , il a été conclu & arrêté que S. M.
» Impériale feroit très-refpectueufement remer-
» ciée de fes foins paternels pour le rétabliſſement
» de la tranquillité publique : qu'en même temps
» Elle feroit très - humblement requife de conti-
>> nuer d'agir , comme Elle a commencé , fui-
» vant les Loix & Conftitutions de la Patrie , ( en
particulier felon l'ordonnance d'exécution , la
» paix de Weftphalie & la Capitulation Impéria-
» le ) , afin que par les moyens déja mis en oeuvre
» & ceux qu'on emploiera , non feulement S. M.
» le Roi de Pologne foit remis en poffeffion de fes
Etats avec le dédommagement le plus complet ,
>> mais auffi que S. M. l'Impératrice , comme
» Reine & Electrice de Boheme , obtienne la ſatisfaction
qui lui eft dûe : qu'en conféquence
» des Excicatoires de S. M. Impériale , tous les
» Co-Etats de l'Empire , qui ont à coeur le main-
» tien de la Conftitution fondamentale du Corps
» Germanique , concourront de tout leur pou-
» voir aux moyens de parvenir au but propofé par
» Sadite Majefté : que pour fecourir tant les Etats
opprimés que ceux qui pourroient dans la fuite
» éprouver le même fort , tous les Cercles porte-
» ront fans délai leurs contingens au triple , & les
tiendront prêts à marcher avec tout ce qui eft
» néceffaire au fervice. On fe réſerve une expli-
» cation ultérieure fur les autres points des Décrets
de Commiſſion. »
MARS . 1757 . 201
DE LIEGE , le 31 Janvier.
Dès qu'on eut reçu
ici la nouvelle de l'attentat
commis contre la Perfonne de Louis XV , on donna
ordre d'arrêter & d'examiner , fans diſtinction
de rang , tous les étrangers qui arriveroient
en cet-
Ville. Les Etats de l'Evêché , étant actuellement
affemblés , députerent à M. Durand d'Aubigny ,
Réfident de France , pour lui témoigner le vif intérêt
qu'ils prennent àla confervation
de Sa Majefté
Très- Chrétienne. Le 14 , les Chanoines de l'Eglife
Collégiale de Saint Martin , dont le Roi de
France eft protecteur , firent chanter une grande
Meffe en mufique , en action de graces de ce qu'il
a plu à Dieu de fauver les jours de ce Monarque.
Les Chanoines Réguliers de l'Abbaye du Val
des Ecoliers de cette Ville , coururent fe profterner
au pied des Autels , pour obtenir du Ciel la
confervation de ce Monarque. Pendant neufjours,
ils ont continué leurs prieres. Lorsqu'ils eurent
appris la guérifon de S. M. Très - Chrétienne , ils
réfolurent de rendre de folemnelles actions de
graces au Tout-Puiffant. Le 27 de ce mois , jour
fixé pour cette cérémonie , elle fut annoncée le
matin par une falve de boîtes , qui fut répétée à
midi. M. d'Aubigny , Réfident de France , s'étant
rendu à l'Abbaye , l'Abbé à la tête des Chanoines
, & en habits pontificaux , le reçut à la porte
de l'Eglife , & lui adreffa ce difcours : « Mon-
» fieur , effuyons nos larmes , & oublions , s'il
» fe peut , les horreurs qui les ont fait couler ,
» pour ne penfer qu'aux miféricordes de l'Eternel ,
» qui vient d'arracher à la mort un Prince dont la
» perte eût été pour nous le comble des malheurs..
Qu'il vive ce grand Roi , la gloire & les délices
1 v
202 MERCURE DE FRANCE.
» de la France ! Qu'il vive ce Prince Bien- Aimé !
>> Qu'il jouiffe longtemps des douceurs d'un nom
>> plus cher pour lui , que ceux qu'il s'eft acquis
9.
par les victoires ! C'eft en ne laiffant échapper
>> aucune occafion de mériter le nom de Bien-Ai-
» mé, de la part de l'Etranger même , que ce
» Roi pacifique étend chaque jour les bornes de
>> fon Empire au- delà des pays de fa domination .
» Nous en fommes témoins , Monfieur , & nous
» le publions avec joie. Louis eft pour les Voifins
» comme pour les François , Louis le Bien - Aimé.
>> C'eft un hommage & un tribut que la recon-
>> noiffance ne peut refufer à la générofité de ce
>> Prince bienfaifant . Que ne puis - je , Monfieur
» répandre dans le fein du Miniftre d'un fi grand
» Roi tous les fentimens que le devoir & l'amour
» le plus refpectueux m'infpirent ! ... Mais la
» Religion nous appelle dans le Sanctuaire. Al-
» lons , Monfieur , rendre gloire à Dieu du pro-
» dige éclatant qu'il a opéré pour la confervation
» du Fils Aîné de fon Eglife. Demandons en mê-
» me temps que fa main bienfaifante demeure
» étendue fur l'homme de fa droite , pour le protéger
& pour le défendre . Qu'il ajoute long-
» temps des jours à des jours fi précieux ! Le Ciel
attend nos voeux , pour les exaucer , & pour
>> nous prouver que Louis eft autant le Bien-Aimé
» de Dieu que des hommes . >>
On conduifit M. d'Aubigny dans le Choeur , &
le Te Deum fut chanté en Mufique . L'Eglife étoit
ornée avec la plus grande magnificence. Une tenture
, enrichie de fleurs de lys d'or , entouroit le
Choeur , jufqu'à la naiffance de la voute , & le
Chiffre de Louis XV étoit placé d'efpace en efpace
dans des cartouches. Des girandoles chargées de
bougies formoient un triple cordon de lumieres.
MARS. 1757. 203
Plufieurs luftres , qui defcendoient de la voûte ,
augmentoient le brillant de l'illumination . Vis - àvis
du fauteuil du Célébrant , on avoit élevé un
trône où étoit le Portrait de S. M. Très- Chrétienne
, auquel on a rendu les mêmes honneurs
que fi Elle avoit été préfente. Le Portrait étoit
couronné de cette Infcription : Dilectus Deo &
hominibus. On lifoit à la droite du trône ces
rots : Obducam cicatricem tibi , & à vulneribus
tuis fanabo te ; & à la gauche ceux - ci : Sanavi
Ludovicum reduxi , & reddidi confolationes
lugentibus eum. L'illumination de la Nef répondoit
à celle du Choeur. L'architecture de la tribune
dans laquelle eft l'Orgue , étoit deffinée avec.
des pots à feu. Des deux côtés de l'Orgue s'élevoient
deux pyramides de lampions. Un cordon
de flambeaux de cire blanche régnoit tout le long
de la corniche . Le portail de l'Eglife & les bâtimens
qui l'environnent , étoient entiérement illuminés.
ESPAGNE.
DE MADRID , le 25 Janvier.
Les Lettres de Buenos - Ayres marquent que ,
depuis la victoire remportée par les troupes Efpagnoles
& Portugaifes fur les Indiens voifins de la
riviere d'Urugay , les Vainqueurs ont continué
leur marche ; que malgré tous les obſtacles que
leur oppofoit un pays montueux & couvert de
bois , ils ont foumis tous les peuples de ces cantons
; & que ces peuples fe difpofent à paffer
dans les nouveaux établiffemens , qui leur ont été
affignés.
Un Courier étant arrivé le 20 de Versailles ;
avec la nouvelle que le Roi Très- Chrétien étoit
Ivj
204 MERCURE DE FRANCE.
parfaitement guéri de fa bleffure , le Roi fit chanter
fur le champ le Te Deum dans fa Chapelle
& ordonna qu'on célébrât cet heureux événement
par trois jours de réjouiffances & d'illuminations.
DE LISBONNE , le 4 Janvier.
Il a été annoncé dans les lettres datées du
23 du mois dernier , que deux Navires de la flotte
de la Baie de Tous les Saints étoient en grand
danger. Quelque diligence qu'on ait apportée.
pour les fecourir , ils ont coulé bas dans la Barre.
Ces Bâtimens fe nommoient le Gafparino & la
Sanada. Le premier étoit le Navire le plus riche
de la flotte. Outre fon chargement particulier ,
il avoit une partie de celui du Vaiffeau de retour
de Goa , qui étant arrivé à la Baie de Tous les
Saints , ne fe trouva pas en état de continuer fa
route. Des équipages du Gafparino & de la Sanada
, il n'a péri que deux Matelots. Dans la
même tempête deux Navirės Anglois , qui étoient
à l'ancre dans le Tage , ont eu leurs cables brifés.
Un de ces Bâtimens a échoué contre un banc de
fable ; mais on a fauvé toute la cargaifon. Hier ,
le feu du ciel tomba fur un Vaiffeau de guerre
la même Nation , renverfa le grand mât , & tua
quelques perfonnes de l'équipage.
ITALI E..
22 +
DE ROME , le 10 Janvier.
de
Ces jours derniers , la Nation Françoife fit
chanter le Te Deum dans l'Eglife de Saint Louis ,
en action de graces du rétabliſſement de la fanté
du Saint Pere, M. le Comte de Stainville , Am➡
MAR S. 1757. 205
baffadeur Extraordinaire du Roi de France auprès
du Saint Siege , fe trouva à cette cérémonie , ainſt
que l'Abbé de Canillac , Prélat - Commandeur de
l'Ordre du Saint- Efprit , & Auditeur de Rote.
GRANDE BRETAGNE.
DE LONDRES , le 8 Février.
Le 14 Janvier la Chambre des Communes réfolut
d'accorder deux cens vingt-trois mille neuf
cens trente-neuf livres pour la dépenſe ordinaire
de la Flotte royale pendant cette année ; cent
foixante-deux mille cinq cens cinquante - fept
pour l'artillerie employée au fervice de terre ;
dix mille pour l'entretien de l'Hôpital de Greenwich
; une pareille fomme pour la conftruction
d'un nouvel Hôpital à Plymouth , & trente mille
pour la Maifon des Enfans trouvés.
A l'exception du Lord Blackeney & d'un petit
nombre d'Officiers , tous les témoins qui ont été
entendus dans l'affaire de l'Amiral Byng , one
dépofé que la conduite de cet Amiral n'étoit
fufceptible d'aucun reproche. Cependant le Confeil
de guerre affemblé à Portſmouth pour juger
cet Amiral , a prononcé que conféquemment à
Particle XII du Code Militaire , il ne pouvoit fe
difpenfer de condamner cet Amiral à perdre la
vie ; mais qu'en même temps il fe croyoit obligé
d'implorer la clémence du Roi en faveur de cet
Officier. On affure que le Vice- Amiral Bofcawen
, qui eft parti en pofte pour Portſmouth , y
porte la grace de l'Amiral Byng , avec des ordres
pour garantir cet Officier de la fureur de la populace
, qui perfifte à vouloir qu'on en faffe une
victime publique.
206 MERCURE DE FRANCE.
FRANCE.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Montréal
, le 6 Novembre .
PENDANT ENDANT que M. le Marquis de Montcalm faifoit
, avec trois bataillons & 1500 hommes de la
Colonie , le fiege de Chouagen , M. le Chevalier
de Leris , avec un corps de 3000 hommes , défendoit
la frontiere du Lac S. Sacrement. Une partie
de fes troupes étoit employée à y conſtruire le
Fort de Carillon , & l'autre occupoit en avant différens
poftes capables d'arrêter l'ennemi , s'il eût
voulu tenter l'exécution de projets annoncés dès la
campagne derniere . ; -
Le 6 Septembre , M. le Marquis de Montcalm
vint prendre le commandement du camp de Carillon
, & y amena deux des bataillons qui avoient
fait le fiege de Chouagen. Toutes les vues des ennemis
, depuis la perte de cette Place furtout ,
étoient dirigées vers cette frontiere . Ils y avoient
porté toutes leurs forces , & des préparatifs confidérables
fembloient annoncer qu'ils vouloient
nous venir attaquer avec un corps de 10 à 12000
hommes. Quoique nous n'en euffions pas plus de
4000 , nous étions prêts à les bien recevoir , &
leurs mouvemens ne nous ont jamais fait interrompre
les travaux de Carillon objet important
pour nous.
Tout s'eft enfin borné de part & d'autre à la
petite guerre. Nous y avons perdu 30 hommes environ,
prifonniers ou chevelures levées , & nos
MAR S. 1757. 207
A
Partis en ont pris ou tué près de 300. Un détachement
dans lequel j'avois été envoyé avec les
Sauvages , pour reconnoître le Fort Georges fitué
au fond du Lac S. Sacrement , a contraint les ennemis
d'abandonner des Illes qu'ils occupoient
dans ce Lac , & ayant rencontré un parti de 58
hommes à deux lieues du Fort , en a tué ou pris
57.
Les glaces ne permettent plus de tenir la campagne.
Norre arriere- garde , conduite par M. le
Chevalier de Leris , fe repliera du 10 au 15 : le
Fort de Carillon fera pour - lors en état de recevoir
& loger fa garnifon. Il eſt en vérité temps d'entrer
en quartier. J'ai fait dans mon particulier près de
soo lieues depuis mon arrivée en Canada.
Du côté de la belle riviere nous avons eu tout
l'avantage. Nos Sauvages ont fait abandonner les
habitations femées dans les vallées qui féparent les
chaînes des Apalaches , & forcé les Virginiens à ſe
retirer fur les bords de la mer . Les Anglois avoient
Jevées 1000 hommes équipés & matachés en
Sauvages , pour faire des courfes de ce côté. Cette
levée qui leur a coûté beaucoup , a aboutie à un
détachement qui eft venu mettre le feu à un Village
de Loups , & dont une partie a péri de mifere
dans les bois ; les autres ont été chaudement pourfuivis
par nos Sauvages , qui , je crois , leur ôteront
l'envie de les contrefaire .
Le corps que nous avions dans l'Acadie , s'eſt
foutenu toute la campagne , & a même pris aux
Anglois une grande quantité de beftiaux . Le Pere
Germain a raffemblé fur la Riviere & dans l'Ifle
S. Jean, environ 1500 Acadiens, que Penthoufiafme
du Miffionnaire anime . Des vaiffeaux de guerre
Anglois ont deux fois tenté une defcente à la
Baie de Gafpé : ils ont été repouffés avec perte
208 MERCURE DE FRANCE.
& nous sommes toujours maîtres de ce pofte im
portant. Les Sauvages des Pays d'en haut , excités .
par la prife de Chouagen , ont accepté la Hache
contre le Frere Coflar , & viendront nous joindre
će printemps. On dit même qu'il fe fait des mouvemens
en notre faveur dans le Confeil des cinq
Nations.
Telle a été la campagne en Amérique . Quoiqué
partout très- inférieurs en nombre aux ennemis ,
nous leur avons fermé les Pays d'en haut , en les
chaffant du Lac Ontario ; nous les avons empêché
d'exécuter leurs projets fur la frontiere du Lac S.
Sacrement , qu'ils menacent depuis trois ans , &
nous leur avons tué ou pris près de 4500 hommes
fans en perdre 100.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
Il n'eft point d'image affez expreffive , pour
bien peindre la douleur , la confternation & les
allarmes , que la bleffure du Roi a caufées dans
tout le Royaume . Partout , dans les Villes &
dans les campagnes , les habitans ont fufpendu
leurs travaux ont oublié même le foin de leurs
maifons & de leurs enfans , pour courir aux Eglifes
demander la guériſon de Sa Majefté. Les bornes
de cet article ne nous permettent pas d'inférer
les Relations que nous avons reçues à ce fujet de
divers endroits du Royaume. D'ailleurs , il feroit
difficile de faire ufage de ces Relations , fans
fe répéter. Toutes préfentent le même tableau.
On voit dans toutes , le Clergé , la Nobleffe , les
Magiftrats , les troupes & le peuple , adreffer
avec la même ferveur les mêmes voeux au Ciel , &
s'efforcer de le fléchir par les mêmes actes de
MARS. 1757: 209
piété & de charité. La Ville de Saumur s'eft principalement
diftinguée . Auffitôt après l'horrible
attentat commis contre la Perfonne Sacrée du
Roi , Mefdames de France dépêcherent le fieur
Primois , Officier de leur Chambre , pour porter
à l'Abbaye de Fontevrault cette fatale nouvelle.
Ces Princeffes , pendant le féjour qu'elles ont fait
dans cette Abbaye où elles ont été élevées , fe
font concilié généralement le reſpect & l'amour de
toute la Province. C'étoit , pour les peuples qui
l'habitent , un nouveau motif de donner des
preuves éclatantes de leur zele. Outre les prieres
ordonnées par l'Evêque d'Angers dans toute l'étendue
de fon Dioceſe , le Clergé & les habitans
de la Ville de Saumur & de tous les lieux voiſins
ont fait des proceffions pendant neufjours confécutifs.
Ils ont terminé la neuvaine par une proceffion
générale , à laquelle la Nobleffe , la Magiftrature
& le Corps de Ville , ont affifté. Les aumônes
ont été fi abondantes , qu'elles ont fuffi
pour fecourir cinq cens pauvres familles .
comman-
Le 16 Janvier , le Régiment de Poitou , qui
eft en garnifon à Bethune , y fit chanter une
Meffe folemnelle dans l'Eglife paroiffiale de
Saint Waft , en action de grace du prompt
rétabliffement du Roi. M. de Fais ,
dant ce Régiment , donna un magnifique dîner
à toute la Nobleffe. L'après- midi , le Te Deum
fut chanté en mufique. On alluma enfuite un bu
cher , que le Régiment avoit fait dreffer fur la
principale Place , & auquel M. de Grimaldi ,
Lieutenant de Roi , mit le feu . Le Régiment fit
trois falves de moufqueterie , entremêlées de fix
falves de canon. Sur les dix heures du foir , commença
un bal , qui dura toute la nuit .
Les Officiers du Régiment du Roi , Cavalerie ,
210 MERCURE DE FRANCE.
célébrerent le 19 à Saint - Dizier , par une fête magnifique,
la convalefcence de Sa Majeſté. Ils firent
diftribuer des cocardes à tout le Régiment , &
trente fols à chaque Cavalier. Après le Te Deum ,
qui fut chanté au bruit de plufieurs falves d'artillerie
& de moufqueterie , il y eut feu d'artifice ,
illumination , fouper & bal. Quatre fontaines de
vin coulerent pour le peuple.
On écrit d'Avelnes , qu'à la même occafion le
Régiment de Cavalerie de Beauvillier a fait éclater
fon zele. M. de Chouppes , Major de ce
Régiment , s'eft diftingué en particulier par un re
pas fplendide , qu'il a donné à tous les Militaires
qui fe font trouvés dans la Ville .
res ,
Les lettres de la Ville d'Eu marquent que le 30
le Régiment d'Artois y a fait auffi chanter le Te
Deum. Ce Régiment , non content de témoigner
fon attachement à la Perfonne du Roi par des priea
donné des marques de fa charité , en faifant
diftribuer abondamment du pain à tous les
pauvres de la Ville & des Paroiffes voisines . Monfear
Jourdain , qui commande le Régiment , à
fait inviter au Te Deum toutes les perfonnes de
diftinction.
Les Juifs Portugais de Bordeaux & de Bayonne
fe font empreffés à l'envi d'adreffer des voeux aut
Ciel pour la guérifon du Roi , & de célébrer la
convalefcence de Sa Majefté. Leurs prieres pour
la confervation du Monarque & pour la profpérité
du Royaume font marquées au coin de la fidélité
& de la reconnoiffance. A Bayonne , ainfi qu'à
Bordeaux , les jours de leurs prieres & de leurs
actions de graces , ils ont fermé leurs Comptoirs
& leurs Boutiques , fe font abftenus de toute
forte d'affaires , ont obfervé un jeûne 24 heures ,
& ont diftribué d'abondantes aumônes.
MAR S. 1757 217
Le 3 Février , les Régimens de Royal Ecoffois
& d'Ogilvy , qui font partie de la Garniſon de
Berg- Saint-Vinox , firent chanter à cinq heures.
du foir , dans l'Abbaye de Saint-Vinox, un TeDeum
en mufique , en action de graces de la confervation
du Roi. L'Abbé de Saint - Vinox y officia en habits
pontificaux. Le Gouverneur & les Magiftrats de la
Ville , ainfi que tous les Officiers du Régiment de
l'Ile de France & des Dragons de la Reine , y
avoient été invités , & y affifterent . Au fortir de
P'Eglife , la compagnie fe rendit à l'Hôtel de Ville
, où le bal s'ouvrit dans une Salle extrêmement
décorée. Ce bal fut interrompu à neuf heures
& l'on paffa dans une autre Salle , où un magnifique
ambigu fut fervi fur plufieurs tables. Après
le repas , on rentra dans la Salle du bal ; il dura
jufqu'à fept heures du matin , & l'on y diftribua en
abondance toute forte de rafraîchiffemens. Cette
fête , qui a été complette en tous points , s'eft
faite aux dépens des Officiers des deux Régimens
Etrangers.
Selon les lettres écrites de Saint -Sauveur- le Vicomte
, le Régiment de Cavalerie de Caraman ,
& en particulier M. du Verger , Lieutenant - Colonel
de ce Corps , ont fignalé auffi leur zele par
une fête très- brillante .
Le Régiment des Cuiraffiers & celui de Royal
Rouffillon , à Haguenau ; la feconde Brigade du
Corps des Volontaires Etrangers , à Avranches
& les Officiers du Bataillon de Senlis , à Rocroy ,
n'ont pas célébré avec moins d'éclat le rétabliffe.
ment de la fanté de Sa Majeſté.
La nuit du 21 au 22 Janvier , à Provins en
Brie , toute la Ville Baſſe ſe trouva fubitement
inondée par la fonte des neiges . En plufieurs endroits
, il y avoit jufqu'à ſept pieds d'eau . Par
212 MERCURE DE FRANCE .
malheur , on avoit amaffé une grande quantité de
chaux dans quatre tanneries du quartier des Bénédictines.
L'eau a allumé cette chaux ; & cet accident
a produit un affreux incendie . Il y a eu plufieurs
maifons de brûlées. Le refte de la Ville ne
doit fon falut qu'à l'activité des Maire & Echevins
, & au zele avec lequel le Régiment de Vatan
a porté du fecours partout où il étoit nécef
faire.
Diverſes lettres annoncent que le 18 on a
fenti quelques fecouffes de tremblement de terre
en Franche-Comté & dans une partie de l'Alface.
Madame la Ducheffe de Coffé- Briffac fut préfentée
le 30 Janvier à Leurs Majeftés , & prit le
tabouret.
Le Roi a mis Madame la Vicomteffe de Choifeul
au nombre des Dames nommées pour ac
compagner Madame la Dauphine.
Le premier Février , M. le Comte de Saint -Florentin
, Miniftre & Secrétaire d'Etat , alla de la
part du Roi redemander les Sceaux à M. de Machault
, avec la démiffion de ſa Charge de Secretaire
d'Etat de la Marine. M. le Comte de Saint-
Florentin a reporté les Sceaux au Roi . M. de M.
de Machault s'eſt retiré à ſa terre d'Arnouville.
Le même jour , M. Rouillé , Miniftre & Secretaire
d'Etat , alla auffi de la part du Roi demander
au Comte d'Argenfon , Miniftre & Secretaire
d'Etat de la Guerre , la démiffion de fa charge.
Le Comte d'Argenfon eft parti pour fa terre des
Ormes- Saint -Martin , fituée en Touraine.
Le 31 Janvier , le Roi affifta au Service qui fut
célébré dans la Chapelle pour le repos des ames
des Chevaliers de l'Ordre du Saint-Elprit , morts
dans le cours de l'année derniere. L'Evêque de
Strafbourg , Prélat - Commandeur , officia à la
MARS. 1757. 213
Meffe , & elle fut chantée par la Mufique.
Le jour de la Purification de la Sainte Vierge ,
les Chevaliers Commandeurs & Officiers de
l'Ordre du Saint- Efprit , s'étant affemblés vers les
onze heures du matin dans le cabinet du Roi , Sa
Majeſté tint un Chapitre . La profeffion de Foi ,
& l'information des vie & moeurs du Prince de
Beauvau , du Marquis de Gontaut , du Comte de
Maillebois , du Marquis de Bethune , du Marquis
d'Aubeterre & du Comte de Broglie , qui avoient
été proposés le premier Janvier pour être Chevaliers
ayant été admifes , ils furent introduits dans
le cabinet de Sa Majeſté , & reçus Chevaliers de
l'Ordre de Saint Michel. Le Roi fortit enfuite de
fon appartement pour aller à la Chapelle . Sa Majefté
devant laquelle les deux Huiffiers de la
Chambre portoient leurs Maffes , étoit en manteau
, le collier de l'Ordre pardeffus , ainfi que
celui de l'Ordre de la Toifon d'or. Elle étoit
précédée de Monſeigneur le Dauphin , du Prince
de Condé , du Comte de Charolois , du Comte
de Clermont , du Prince de Conty , du Comte de
la Marche , du Comte d'Eu , du Duc de Penthievre
, & des Chevaliers , Commandeurs & Officiers
de l'Ordre. Les nouveaux Chevaliers en
habits de Novices , marchoient entre les Chevaliers
& les Officiers . Le Roi affifta à la Bénédic
tion des Cierges & à la Proceffion qui fe fit dans
la Chapelle. Après la grand'Meffe , célébrée par
l'Evêque Duc de Langres , Prélat- Commandeur ,
Sa Majesté monta à fon trône , & revêtit des
marques de l'Ordre du Saint- Efprit les nouveaux
Chevaliers . Le Prince de Beauvau , le Marquis de
Gontaut & le Comte de Maillebois , eurent pour
Farreins le Duc d'Ayen & le Maréchal Duc de
Belle-Ifle. Les parreins du Marquis de Béthune ,
214 MERCURE DE FRANCE.
du Marquis d'Aubeterre & du Comte de Broglie ,
furent le Comte de Lautrec & le Marquis de
Montal. Cette cérémonie étant finie , le Roi fut
reconduit à fon appartement en la maniere accoutumée.
Le 6 , le Roi admit à fon Confeil d'Etat , en
qualité de Miniftres , M. le Marquis de Paulmy ,
Secretaire d'Etat ayant le Département de la
Guerre , & M. de Moras , Contrôleur Général
des Finances.
Sa Majefté a donné à M. le Comte de Saint-
Florentin , Miniftre & Secretaire d'Etat , le Département
de Paris , dont étoit chargé M. le
Comte d'Argenſon.
Elle a difpofé de la charge de Secretaire d'Etat
au Département de la Marine , en faveur de M.
de Moras , à qui Elle conferve en même temps la
place de Contrôleur Général des Finances.
Le Roi a confervé par un brevet à M. de Machault
tous les honneurs attachés à la Dignité de
Garde des Sceaux de France.
On a célébré le 10 Février dans l'Eglife de la
Paroiffe du Château , pour le repos de l'ame de
Madame Henriette de France , le Service fondé
par Monfeigneur le Dauphin. Ce Prince , Madame
la Dauphine , Madame , & Mefdames Victoire
, Sophie & Louife , y ont affifté.
Le 12 , M. le Duc de Duras fut reçu & prit
féance au Parlement , en qualité de Pair de France.
M. le Duc d'Orléans , M. le Prince de Condé
, M. le Comte de Clermont , M. le Prince de
Conty , le Comte de la Marche , Prince du Sang ,
& MM. les Ducs d'Uzés , de Luynes , Maréchal
Duc de Richelieu , de la Force , de Luxembourg ,
de Villeroi , de Saint- Aignan , Maréchal Duc de
Noialles , d'Aumont , de Fitz -James , d'Antin ,
1
MARS. 1757. 215
de Chaulnes , Prince de Soubize , Duc de Rohan-
Rohan , de Villars - Brancas Lauraguais , Prince
de Monaco , Duc de Valentinois , de Biron , de
la Valliere , de Fleury , Maréchal de Belle - Ifle
Duc de Gifors , fe trouverent à fa réception.
On a reçu avis que les Vaiffeaux le Lys & le Neptune
, de la Compagnie des Indes , étoient arrivés
l'un le 7,
l'autre le ro de Février , au Port de
P'Orient ; & que le Vaiffeau le Duc d'Aquitaine ,
appartenant à la même Compagnie , avoit rélâché
le 10 du mois dernier à Liſbonne. Ainfi la
nouvelle de la prife de ce dernier Bâtiment
Anglois étoit fans fondement.
par les
Ŏn mande de Dunkerque , que le Capitaine
Dhondt , commandant le Corfaire le Comte de
Saint Germain , de ce Port , y a conduit les Navires
Anglois la Penelope , de 180 tonneaux , chargé
de cacao , de bois pour teinture , de vin & de
fruits , & l'Anne- Elifabeth , de 120 tonneaux
chargé de beurre & de biere,
Le même Corfaire s'eft emparé de deux autres
Bâtimens Anglois , appellés l'un le Triton , de
120 tonneaux ; l'autre le Hennefey , de 100 tonneaux
, qui ont été conduits au Havre , & qui
font tous deux chargés de bled , d'orge & d'autres
grains.
Le Corfaire le Duc de Penthievre , de Dunker
que , commandé par le Capitaine de Lifle , s'eft
rendu maître du Brigantin Anglois le Jean &
Jeanne , de 70 tonneaux , chargé de farine & de
couperofe , & l'a fait conduire à Calais,
Le Capitaine Louis Bray , commandant le Cor
faire le Marquis de Villequier , de Boulogne , a
auffi conduit à Calais les Navires Anglois le
Hampfire , de so tonneaux , chargé de vin , &
PEléonore , de 120 tonneaux , dont le charge
216 MERCURE DE FRANCE.
ment confifte en 126 boucauts de tabac.
On apprend encore par des lettres écrites de
Calais , que le Corfaire le Danglemont , de ce
Port, y eft rentré avec le Navire Anglois le Jean
Anne, de 70 tonneaux , chargé de 252 barrils de
faumon falé .
Les Navires Anglois le Mindhede , de 140 tonneaux
, chargé de fucre , & l'Amitié , de 100 tonneaux
, dont le chargement eft compofé de beurre
, de cuirs & de morue feche , ont été pris par
le Corfaire le Machault , de Granville , dont eft
Capitaine le fieur Magnonnet ; & ils font arrivés ,
le premier à Granville , & l'autre au Havre.
>
Il est arrivé à Dieppe deux Bâtimens Anglois
appellés , l'un le Démontant , de Londres , de 80
tonneaux ; l'autre l'Eliſabeth , de so tonneaux
ayant chacun un chargement compofé de grains.
Ils ont été pris par les Corfaires le Gros Thomas ,
de Boulogne , & le Hardi Mendiant , de Dunkerque.
Le Capitaine Canon , commandant le Corfaire
le Prince de Soubize , de ce Port , s'eft rendu maî .
tre du Navire le Williams de Cork , de 180 tonneaux
, chargé de beurre & de boeuf , qui a été
conduit àSaint- Vallery fur Somme.
à
Le Navire Anglois le Prince de Galles , de 200
tonneaux , richement chargé , a fait naufrage
deux lieues de Boulogne. L'équipage compofé de
treize hommes a été fauvé , & l'on efpere que la
cargaiſon fera recouvrée en entier .
Le Petit Jean , autre Navire Anglois , chargé
de foude , de raifins , d'anil & d'amandes , a été
conduit à la Rochelle par le Corfaite le Mentrofier ,
de de Port.
On a été informé que le Capitaine Gautier , qui
commande le Corfaire le Furet , de Bordeaux ,
s'eft
MARS. 1757. 217
s'eft emparé d'un Navire Anglois de 3 50 tonneaux,
armé de 10 canons , chargé d'indigo , de fucre ,
de bois de campeche & de coton.
BÉNÉFICES DONNÉS.
7 }
SA Majefté a donné l'Abbaye Réguliere & Elective
de Sainte Elifabeth-du Quefnoy , Ordre de
Saint Auguſtin , Dioceſe de Cambray , à la Dame
Biache , Religieufe de cette Abbaye ; l'Abbaye de
Signy , Ordre de Câteaux , Dioceſe de Rheims ,
au Cardinal de Tavannes ; l'Abbaye Réguliere &
Elective de Mareuil Ordre de Saint Auguftin , à
Dom Blanchart , Religieux de cette Abbaye ;
l'Abbaye Réguliere & Elective des Dames Chanoineffes
d'Ottmarsheim en Alface , Dioceſe de
Bafle , à la Dame Fraxland , Chanoineffe de ladite
Abbaye ; & l'Abbaye Réguliere & Elective de
Saint Jean des Choux , Dioceſe de Strasbourg , à
la Dame Bender.
>
CATALOGUE
D'un Cabinet de Musique Italienne, à vendre,
Corelli.
LIVRE premier , Sonates à premier & fecond
deffus , flûtes & baffes ,
3 cahiers in-fol.
Livre 2 , Sonates à deux flûtes & baffes , 3 in-fol
Livre 3 , Sonates à deux flûtes & baffes , 3 in-fol
Livre 6 , de même ,
Livre premier, fuite à un claveffin , un violon &
baffe
4 in-fol
3 in-fol
K
218 MERCURE DE FRANCE:
Livre 2 , de même`, 3 cahiers in-fol.
Opera prima , Sonates à deux violons & baffe ,
4 in-fol.
Opera 2 , de même ,
Opera 3 , de même ,
Opera 4 , de même ,
Operas , id. à un violon & baffe , avec les agrémens
,
Le même à parties féparées ,
4 in-fol.
4 in-fol.
4 in-fol.
in-fol.
3 in-fol.
7 in-fol.
Opera 6 , Concerts à quatre violons , une hautecontre
& deux baffes ,
Ouvrages pofthumes à deux violons & baffe , 3
in-fol.
Et autres Auteurs , Sonates à un violon & baffe
in-fol.
Et autres Auteurs , fix Sonates à 4,
7 in-4°.
Rogs paisible . Corelli,
Huit Sonates à deux flûtes ,
Albinoni.
& 6 parties ,
2 in-4°.
Opera prima , Sonates à deux violons & baffe ,
4 in-fol.
Opera 2 , Concert à deux violons h, c. taille &
baffe , 7 in -fol.
Opera 3 , Ballets à deux violons & baffe , 4 in-fol,
Sonates à un violon & baffe , grand
Opera 4 ,
in-4°.
Opera 5 , Concert à deux violons , h. c. taille &
baffe ,
7'in-fol.
h . c. & baffe ,
Sonates à un violon & baffe
Opera 6 , Sonates à un violon & baffe ,
Opera 7 , Concert à deux violons , haut- bois ,
Albinoni Tibaldi.
in-fol.
7 in-fol.
in-fel.
1
MARS. 1757. 219
Vivaldi.
Opera prima , Sonates à deux violons & baſſes ,
4 cahiers in-fol.
Opera 2 , Sonates à un violon & baffe , in-fol.
Concerts à quatre violons , haute-contre
Opera 3
& baffe
Opera 4,
bale ,
8 in-fol.
id. à trois violons , haute- contre &
6 in-fol.
Opera 5 , Sonates à un & deux violons & baffe
Opera 6 , Concerts à trois violons , haute- contre
2 in-fol,
& baffe ,
Opera 7 , de même ,
Bitti , Vivaldi & Torelli.
6 in-fol.
6 in-fol.
Concerts à cinq , fix , fept inftrumens , dont un
pour la trompette ou le haut-bois.
Veracini , Vivaldi , Alberti , Salvini , Torelli:
Concerts à trois violons , haute-contre & baffe ,
6 in-fol.
Moffi.
Opera prima , Sonates à un violon & baffe
grand ,
in-4®.
Opera 2 , Concerts à trois & cinq Inftrumens ,
6 in-fol.
Opera 3 , id. à quatre violons , haute- contre &
baffe ,
Moffi, Valentini & Vivaldi.
Concerts à cinq , à fix Inftrumens ,
Valentine.
7 in-fol.
7 in fot.
Opera prima , Symphonies à deux violons & baffe,
4 in-fol.
Opera 2 , Bifarreries , id .
Opera 3 , Fantaisies ; id.
4 in-fol.
4 in-fol.
Kij
220 MERCURE DE FRANCE.
Opera 4 , Idées à un violon & baffe , cab. in-fol.
Opera 5 , Sonates à deux violons , ou quatre hautescontre
& deux baſſes , ¨
4 in-fol.
Opera 7 , Concerts à deux & quatre violons , h. c.
& deux baffes , 8 in-fol.
Opera 8 , Sonates à deux violons & baffe , in-fol.
Albicafiro.
Opera prima , Sonates à deux violons & baffe ,
4 in-fol.
Opera 2 , Sonates à un violon & baffe ,
Opera 3 Sonates , id. >
Opera 4 , id. à deux violons & baffe
Operas , de même
Opera 6, Concerts à deux violons ,
& baffe
>
2 in-fol.
3 in-fol.
4 in-fol.
grand in-4°.
haute-contre
grand in-4°.
Opera 7 , Concerts à deux violons , haute- contrè
& baffe , sin-fol.
Opera 8 , Sonates à deux violons & baffe
4 in-fol.
>
Opera 9 , Sonates à un violon & baffe , grand
in-4°.
Paifible Pez.
Sonates à un violon ou hautbois & baffe , 4 in-fol.
Varacini.
Opera prima , Sonates à deux violons & baffe ,
4 in -fol.
Opera 2 , Sonates à un violon & baffe , 2 in-fol.
Operas , Sonates à deux violons & baffe , 3 in -fol.
Valentini , Vivaldi , Abinoni-Veracini, S. Martin-
Marcello , Rampin , Predifi.
Concerts à trois violons , haute- contre & baffe ,
6 in-fol.
Taglietty.
Opera 2 , Concerts à deux violons & baſſe ,
Opera 3 , Airs à un violon & baſſe
2
MARS. 1757. 221
haute- contre
S cahiers in-fol.
Opera 4 , Concerts à deux violons ,
& baffe ,
Opera 5 , Sonates à deux violons & baſſe , 4 in -fol.
Opera 6 , Concerts à deux & trois violons , haute-
Opera 8 , Concerts à quatre violons , haute- contre
contre & deux baſſes ,
& baffe ,
Opera 11 , de même ,
Balbi.
s in-fol.
7 in-fol.
7 in-fol.
Opera prima, Sonates à un violon & baffe, 3 in fol.
Opera 2 , de même grand in-4°.
Opera 3 , Sonates à deux violons & baffe , 4 in-fol.
Schickardt.
Opera prima , Sonates à une flûte & baſſe , grand
in-40.
Opera 2 , Sonates à un hautbois , ou violon &
baffe ,
grand in-4 °.
Opera 3 , Sonates à une flûte & baffe , 2 in-fol.
Opera 4 , Sonates à deux flûtes & baffe , 3 in-fol.
Opera , Sonates à une flûte , deux hautbois &
deux baffes ,
5 in-fol.
Opera 6 , Sonates à deux flûtes & baffe , 3 in-fol.
Sonates à deux hautbois , ou violon & Opera 7 >
baffe ,
Opera
8 , Sonates
à un hautbois
, ou violon
&
baffe ,
baffe ,
4 in-fol.
in -fol.
3 in -fol.
3 in-fol.
Opera 9 , Sonates à deux flûtes & baffe , ou fans
Opera 10 , Sonates à deux violons ou hautbois , &
´Alûte & baffe , ou fans baffe ,
Opera 11 , quatre Recueils de Menuets , deffus &
'baffe ,
Opera 12 , Principes de la flûte avec quarante- deux
Airs à deux flûtes ,
2 in-4°.
2 in-4° .
Kiij
222 MERCURE DE FRANCE.

Opera 13 , Concerts à deux violons , deux hautbois
, ou violons & deux baffes , 6 cahiers in-fol .
Opera 14 , Sonates à une flûte , hautbois , ou violon
& deux baffes .
4in-fol.
Opera 15 , Principes de hautbois avec cinquantetrois
Airs de hautbois , 2 in-4°.
Opera 16 , Sonates à deux flûtes & baffe , 4 in-fol .
Opera 17 , Sonates à une flûte & baffe , grand
in-4°.
Opera 18 , Recueil d'Airs de mouvemens pour la
Aûte ,
in-4°.
Opera 19 , Concerts à quatre Aûtes & baffe , 6
in-fol.
Opera 20 , Sonates à une flûte , hautbois , ou
violon & baffe ,
Opera 21 , Airs à flûte & baffe ,
Opera 22 , Sonates à deux flûtes , un
Gafpardini & Schickardt.
baffe,
Airs à deux flûtes ,
Torelli.
grand in-4° .
3 in-fol:
haut-bois &
4 in-fol.
z in-fol.
Opera 2 , Concerts à deux violons & baffe , 4
in-fol.
Opera 4 , Sonates à un violon & baffe , 2 in-fol.
Operas , Concerts à deux violons , s in-fol.
Opera 6 , Concerts , id.
s in-fol.
Opera 7, Caprices à un violon & baffe , 2 in -fol.
Torelli & autres Auteurs.
Sonates à un violon & baffe ,
Bernardi Torelli .
2 in-4°.
Livre premier , Concert à quatre , cinq & fix parties
,
Albaco.
7 in-fol.
Opera prima , Sonates à un violon & baffe , grand
in-4°
MARS. 1757. 223
Opera 2 Concerts à deux violons , કે
haute- contre
& baffe , 5 cahiers in -fol
Opera 3 , Sonates à deux violons & baffle , 4 in-fol.
Opera 4 , Sonates à un violon & baffe , in-fol.
Operas , Concerts à quatre violons, haute - contre
& baffe , 8 in-fol.
Marini.
Opera 3 , Sonates à deux & trois violons , hautecontre
& baffe
6 in-fol.
Operas , Sonates à deux violons & baffe , 3 in-4°.
Opera 6 , Sonates à deux violons , haute - contre
´& baſſe ,
s in -fok.
Opera 7 , Sonates à deux violons & baffe , 4 in-fol.
Opera 8 , Sonates à un violon & baffe , grand
in-40.
Caldera.
Opera prima , Sonates à deux violons & baffe ,
4 in-fol.
Opera 2 , Sonates à trois violons & baffe , 4 in-fol.
Buonporti.
Opera prima , Sonates à deux violons & baffe ,
4 in-fol.
Ópera 2 , de même ,
Opera 4 ,
de même ,
Opera 6 de même ,
4 in-4°.
4 in-4°
4 in-4°.
Opera 7 , Sonates à un violon & baſſe , grand
in-4°.
C
Opera 8 , Cent Menucts à un violon & baffe ,
2 in-4°.
Opera 9 , Ballets à un violon & baffe , 2 in-4° .
Opera 10 , Sonates à un violon & baſſe , in-fol.
Pour la flûte , fix Sonates à deux flûtes & baffes ,
4 in-fol.
Kiv
224 MERCURE DE FRANCE:
L'Oueillet.
Opera prima , Sonates à une flûte & baffe , grand
cahiers in-4°.
Opera 2 , de même ,
Opera 3 , de même ,
Opera 4 ,
de même ,
grand in-4°.
grand in-4°.
grand in-4°.

Operas , livre premier , Sonates à une flûte- traverfiere
, hautbois ou violon , premier cahier
in-fol. Livre 2 , Sonates à deux Aûtes-traverfieres
, hautbois ou violon ,
Pepufch.
2 in-fol.
Opera 2 , Sonates à un violon & baffe , grand
in-4°.
Opera 5 ,
de même ,
Opera 6 , de même
grand in-fol.
grand in-4°.
Opera 7 , Concerts à deux flûtes à bec , deux flûtes-
traverfieres , hautbois , ou violon & baffe ,
6 in-fol.
Pez.
Opera prima , Concerts à deux violons & baffe ;
4 in -fol.
Operas , Sonates à deux violons & baſſe , 3 in-fol.
Opera 3 , Sonates , id.
Fings.
4 in-fol.
Opera prima , Sonates à deux & trois violons &
baffe ,
4 in-fol.
Opera , Sonates à deux violons & baffe ,
4 in-fol.
Opera 4 & 6 , Sonates à deux flûtes & baffe ,
3 in-fol.
1
Opera prima , Sonates à deux violons & baffe ,
4 in-fol.
Corbett.
Sonates à une trompette ou hautbois , deux vioMAR
S. 1757 . 225
lons & baffe , avec une ouverture & fuite à
deux trompettes , ou hautbois , deux violons ,
haute-contre & baffe .
Corbettes Fings.
Sonates à deux Aûtes & baffe ,
De Fefch.
3 in-fol.
Opera prima , Sonates à deux violons , 2 in-fol.
Opera 2 , Concerts à quatre violons, haute- contre
& baffe .
Opera 3 , de même ,
Tibaldi.
7 in -fol.
7 in-fol.
Opera prima , Sonates à deux violons & baffe'
4 in-fol.
Opera 2 , de même ,
Baldaffini.
4 in-fol.
Opera prima , Sonates à deux violons & baffe ,
4in-fol.
Opera 2 , de même
Bianchi.
12 :44 in-fol
Opera prima, Sonates à deux violons & baffe ,
4 in- fol.
Opera 2 , Concerts à deux violons , haute- contre
& baffe ,
Ravencroft.
7 in -fol.
Opera prima , Sonates à deux violons & baſſe ;
4 in-fol.
Opera 2 , de même ,
Scherard.
4 in-fol
Opera prima , Sonates à deux violons & baffe ;
4 in -fol.
Opera 2 , de même >
Haim.
"
4 in-fol.
Opera prima , Sonates à deux violons & baffe
4in-4°.
Kv
226 MERCURE DE FRANCE.
3 cahiers in-4 :
Opera 2 , de même ,
Matteis.
Trois Livres de Sonates à deux violons & baffe ;
10 infol.
Palbertir
Opera prima , Sonates à deux violons & baſſe ;
4 in-fol.
G. Malberti.
Opera prima , Sonates à trois violons , hautecontre
& baffe ,
Cavellio.
6 in-fol.
Opera prima , Sonates à deux violons & baffe ,
4 in-fol.
Dallabella.
Opera prima , de même ,
Facer.
4 in-fol
Opera prima , Concerts à trois violons , hautecontre
& baffe ,
Garpardini.
4 in-fol.
Opera 2 Sonates à deux violons & baffe ;
>
4 in-fol.
Reali.
Opera prima , de même , To stol
Novelli.
4 in-fola
Opera prima , de même , 4 in-fol.
Motta.
Opera prima , Concerts à deux violons , hautecontre-
taille & baſſe ,
Fiore.
4 in-fol.
Opera prima , Sonates à un violon & bafle
ain-fol.
MAR S. 1757 227
Opera 2 •
& baffe ,
Manfredini.
haute-contre
Ss cahiers in-fol.
Sonates à deux violons ,
Vanturini.
Opera prima , Concerts à quatre , cinq , fix ,
fept , huit , neuf inftrumens , 10 in-fol.
Franco.
Opera prima , Sonates à deux violons & baffes ,
4 in-fol.
Franchi.
Opera prima , de même ,
Rells.
4in-fola
A cinq inftrumens , fix Sonates , dont trois à
trompettes ou hautbois , deux violons , une
haute- contre & baffe , & à trois flûtes , deux
hautbois ou violon & baffes , 6 in-fol.
Romano.
Livre premier , & deuxieme Sonate à deux flûtes
& baffe ,
Caftraci.
4 in-fol
Opera prima , Sonates à un violon & baffe , in-fol.
Germiniani.
Opera prima , de même ,.
Macharani
Marcello.
Opera prima , de même
Opera 2 Sonates à une flûte & baſſe ;
1
Coffini.
in-fol .
in-fol.
in-4°.
Opera prima , Sonates à un violon & baffe , grand
in-4°.
Visconti,
Opera prima , de même , grand in-4°.
K vj
228 MERCURE DE FRANCE.
D.
Opera prima , de même , grand cahiers in-4° ¿
Somis.
Opera prima , de même , in-4".
Vitali.
Opera 9, Sonates à deux violons & baſſes , grand
in-4°.
Gaillard & S.
3 in-4°.
Sonates à une flûte & baffe ,
Bononcini.
'Airs à deux flûtes , ou deux violons & baffes , 3
i
in-4°.
Mule.
Opera prima, Sonates à un hautbois , deux violons,
ou hautbois , haute-contre & baffes , 6 in-fol.
MUSIQUE.
Baflani.
;
Motets à voix feule, deux violons & baffe, 4 in -fol.
Opera 11 , id. à une , deux trois & quatre voix ,
deux violons & baffe , 8 in-fol.
Opera 12 , id. à voix feute , deux violons & baffe ,
4 in-fol.
Opera 13 ,
de même
4 in-fot.
Opera 20 , Menuets à plufieurs parties , 14 in -fol.
Opera 24 , Motets à deux & trois voix , deux vio-
Opera 26 , Motets à un , deux , trois voix , & à
lons & baffes ,
7 in-fot.
trois & cinq inftrumens , 7 in-fol
sin-fol.
Opera 27 , Motets à voix feule , deux violons &
baffe >
Scarlati.
Opera 2 , Moters à une, deux , trois & quatre voix
& Symphonie, 8. in-fol
MAR S. 1757. 229
Batiftini.
Opera 2 , Motets àune , deux & trois voix & Sym-
8 cahiers in-fol. phonie ,
D'Ave.
Opera prima , Motets à deux , trois , quatre & cinq
voix, & Symphonie ,
Fioco.
11 in-fol.
Opera prima , Motets à quatre voix & quatre inftrumens
,
Allegri.
8 in-fol.
Opera prima , Motets à voix feule , deux violons
• & baffe ,
Aldovrandini.
s in-fol.
Opera prima , Moters à deux & trois voix & Symphonies
,
Cantates de Pifiochi ,
7 in-fol.
in-fol.
Cantates & Ariettes de Pallakoli , à voix ſeule &
deux violons ,
3 in-4°.
Cantates & Ariettes de le Grand , à voix feule , &
avec Symphonie & fans Symphonie , in-4°.
Cantates de Scarlati , à une & deux voix , in-4°.
Cantates de Caldara & autresAuteurs, à une & deux
voix, avec Symphonie & fans Symphonie, in-4°.
Dix Airs Italiens ,
in-12.
Ces Livres de Mufique font très-bien conditionnés
chaque Oeuvre eft renfermé dans un carton
de relieure en veau , avec des attaches de ru
bans , & les titres fur les redos.
On s'adreffera , pour voir cette Collection , chez
M. de la Garde , rue du Chantre Saint Honoré ,
à Paris.
On ne vendra ce Cabinet qu'en entier.
110
MERCURE DE FRANCE.
SUPPLEMENT
A
L'ARTICLE
CHIRURGIE.
Nous avons rendu compte dans le fecond Vo
lume du mois de Février dernier , du
tement fait audit Hôpital par la méthode & avec
premier trailes
dragées anti-vénériennes de M. Keyfer. Nous
avons promis de continuer
fucceffivement à fur &
mefure qu'il entreroit des malades audit Hôpital.
En conféquence , voici le compte du fecond traitement
opéré fous les yeux des Docteurs en Médecine
& Maîtres en Chirurgie , que nous avons
précédemment
annoncés.
EXTRAIT des Regiftres de l'Hôpital , en date
du 30 Décembre
1756,
Le nommé
Vermanthon , douzieme malade du
premier traitement , & qui n'eft point forti avec
les autres , ne fortira point encore
ayant un ulcere au pli de l'aine , occafionné par
, ce foldat
in p .... chancreux , dont la cicatrice eft d'ordi
naire très-longue & très- difficile ; étant très -bien
guéri d'ailleurs , ne faifant plus ufage de remedes ,
& dans le meilleur
embonpoint.Meffieurs Morand ,
Guérin , Faget & du Fouard en ont donné leurs
certificats , & l'on peut aller voir ce malade.
Etat des onze Soldats entrés le 30 Décembre 1756.
Premier malade. Le nomméDupré qui avoit une
quantité de p . & autres fymptomes vénériens
bien
caractérisés , eft forti le premier Février entiérement
guéri.
....
Deuxieme malade . Le nommé Léopold qui avoit
des ch .... & beaucoup de puſtules en
différentes
MAR S. 1757. 231
parties du corps , eft également forti le premier
Février entiérement guéri.
Troisieme malade. Le nommé l'Evêque eft tombé
le furlendemain de fon entrée à l'Hôpital ma
lade d'une fluxion de poitrine : l'on avoit à peine
commencé à lui adminiftrer le remede pour la maladie
vénérienne , il a fallu le fufpendre ; & quoique
cette complication ait fait appréhender beaucoup
pour fa vie , les foins continuels & généreux
de M. Bourbelain , Maître en Chirurgie , ont fau
vé les jours de ce malheureux : comme fa convalefcence
ne permet pas encore de lui adminiftrer
les dragées , il eft forti pour ſe remettre & fe difpofer
à rentrer , pour y être traité de ſa maladie
vénérienne. Nous rendrons compte en fon temps
de fa maladie & de fon traitement.
Quatrieme malade. Le nommé l'Ami , quí
avoit un ch ... conſidérable , un commencement
d'exoftofe bien conftaté au front , & un gonflement
très- douloureux au genouil , eft forti le 8 Fé
vrier entiérement guéri.
Cinquieme malade. Le nommé Sourdet , qui
avoit des ch ... des p ... & une dartre confidérable
à l'anus , & des douleurs très-vives au genouil,
eft forti le même jour entiérement guéri,
Sixieme malade. Le nommé Montplaifir , qui
avoit une ch ... depuis quatre mois , & quantité
de ch.... à l'anus & ailleurs , eft forti le même
jour entiérement guéri..
Septieme malade. Le nommé Sans fouci , qui
avoit deux p.... dont un ouvert & l'autre fuppurant
, des puftules , ragattes ; &c. , eft forti le mê
me jour entiérement guéti.
Huitieme malade. Le nommé Laplante , quil
avoit un phim.... très- conſidérable , occafionné
par des ch.... au couronnement & des puftules
232 MERCURE DE FRANCE.
eft forti le même jour entiérement guéri fans opé
ration ni topique quelconque .
Neuvieme malade. Le nomméAcoulon,qui avoit
des crêtes très-confidérables , & des ch... à toute
la circonférence de l'anus , avec un engorgement
dans les glandes inguinales , eft forti le 15 Février
entiérement guéri.
Le nommé Dauvain , qui avoit quantité de ch...
une dartre humide à la cuiffe gauche , un ulcere à
la cloiſon & aux amigdales , avec une quantité de
puftules très-confidérables fur toute l'habitude du
corps , eft forti le même jour 15 Février entiérement
guéri.
Onzieme malade. Le nommé Decombe , qui
avoit quatre exoftofes , fçavoir un à la clavicule
droite , un à la partie fupérieure du fternum , un
à la partie moyenne & latérale du même os , & un
à la derniere des vraies côtes , large de fix travers
de doigts , des douleurs partout le corps , & une
tumeur à la partie fupérieure du coronal , qui paroiffoit
lymphatique , eft refté à l'Hôpital , pour
attendre l'exfoliation de l'os malade , M. Bourbelain
ayant apperçu une carie qui pénétroit juſqu'au
diploé. Ce foldat étoit dans un état véritablement
déplorable ; il eft actuellement dans le meilleur
train de guérifon. Nous annoncerons dans le tems
fa fortie , ainfi que l'état où il fe trouvera ; & il
eft aifé de fentir que les traitemens de maladies
aufli graves demanderont un peu plus de temps &
de foins.
10
11 eft inutile de répéter que tous ces malades
font fuivis & éclairés par les yeux les plus habiles,
-& qu'il n'en eft pas un feul dont le traitement &
la guérifon ne foit atteftée par des certificats authentiques
, & couchés fur les regiftres de l'Hô~
pital.
MARS. 1757. 233
Il eſt entré dix malades , dont nous rendrons
compte le mois prochain .
M. Keyfer croit devoir avertir le Public qu'il y
a beaucoup de gens qui ofent fe vanter d'avoir de
fes dragées , & qui , foit en les imitant , foit en
prétendant en avoir la compofition , en donnent à
divers malades , fous fon nom , & comme venant
de lui : que cependant il n'en donne à qui que ce
foit , finon à fes Affociés : que fon remede eft indécompofable
, & que tout autre eft une impofture
contre laquelle il prie le Public d'être en garde ,
ne répondant que de celui qu'il adminiſtrera luimême
, ou qui le fera par fes Affociés.
Comme on lui adreffe des lettres journellement
à l'Hôpital , & qu'il n'y demeure point , il prie
ceux qui lui feront l'honneur de lui écrire , de
mettre fon adreffe , rue & Iſle S. Louis , où il demeure.
MORT.
MONSIEUR Bernard le Bouyer- de Fontenelle ;
Doyen de l'Académie Françoife , & des Académies
Royales des Belles - Lettres & des Sciences ,
Membre de la Société de Londres , & de l'Académie
de Berlin , eft mort le 9 Janvier , âgé de qua
tre-vingts-dix-neuf ans , onze mois. Ainfi que le
grand Corneille fon oncle , il était né à Rouen.
L'univerfalité de fes talens & de fes connoiffances
, l'étendue & l'agrément de fon efprit , l'art
qu'il eut toujours de répandre de la lumiere & des
graces fur les matieres les plus abftraites , lui ont
mérité une des premieres places entre les hommes
les plus illuftres que le dernier fiecle ait produits.
234 MERCURE DE FRANCE.
Il a rempli pendant plus de quarante ans avec le
plus brillant fuccès l'emploi de Secretaire Perpé→
tuel de l'Académie des Sciences. Son Hiftoire de
cette Académie , fa Pluralité des Mondes , fes
Dialogues des Morts , font des ouvrages , dont
chacun en particulier eft digne d'immortaliſer fon
Auteur.
par
Nous donnerons dans le Mercure d'Avril
l'article de Monfieur de Fontenelle ,
M. de Voltaire ; nous aurons foin de
le tirer du Catalogue des Ecrivains François
du fiecle de Louis XIV , pour en décorer
notre partie fugitive. Il fera accompagné
de notes par M. l'Abbé Trublet.
Perfonne n'en peut donner de plus fûres
ni de plus dignes du texte . C'eft l'hommage
le plus convenable que nous puiffions
rendre à la mémoire de ce grand homme
& ce font les plus belles fleurs
puiffions jetter fur fon Tombeau.
que nous
AVIS INTÉRESSANT ,
A L'AUTEUR DU MERCURE.
ZÉLÉ pour le bien de l'humanité , Monſieur ;
& defirant de faire connoître à ma Patrie un
remede infaillible pour la plus terribles des maladies
, je vous envoie , le détail des effets prodigieux
de ce remede contre la rage. Je ne doute
pas qu'étant inféré dans votre Ouvrage , il ne
piqué la charité de quelque grand , & ne l'engage
MAR S. 1757 : 235
à acheter ce fecret , que le poffeffeur ne veut point
découvrir , quelques inftances qu'on lui faffe, bien
qu'il diftribue ce remede gratis .
Dans la Paroiffe de Gael , Province de Breta
gne , Diocefe de S. Malo , le Recteur du lieu diftribue
une eau qui prévient & guérit les accès de
rage : le fait eft hors de doute ; & comme cette affreufe
maladie n'eft que trop commune à la campagne
, où l'on n'a pas l'attention de tenir les
chiens à la chaîne , les guérifons de cette efpece ,
opérées par l'eau en queftion , font ici très-mul..
tipliées. Il n'eft perfonne à dix lieues à la ronde
de Gaél , qui n'ait vu ou oui parler de ces cures.
M. de la Motte , Comte de Montmurand , de qui
je tiens ce Mémoire , a été témoin oculaire de
celle qui fuit. La nommée Marie Joffe , femme de
Mathurin Guillemer , âgée de dix- neuf ans , &
enceinte , demeurant pour- lors en la Paroiffe des
Iffs , Dioceſe de S. Malo , fut mordue d'un chien
au mois de Décembre 1750 : mais , comme elle
ignoroit que ce chien fût enragé , & que d'ailleurs
la morfure étoit légere ,
elle n'y fit aucune attention
. Peu de jours après paffant un ruiffeau , elle
crut appercevoir dans l'eau ce même chien qui l'avoit
mordue : la même image fe retraçoit à fes
yeux toutes les fois qu'elle regardoit dans l'eau .
Dès le feptieme jour de fa morfure elle reffentit
un accès de rage , caractérisé par l'écume qui fortoit
de fa bouche par l'augmentation de fes forces
, par le defir de mordre , & autres ſymptomes.
Au fecond accès il fallut l'enfermer dans un de ces
lits clos où elle étoit liée : le troifieme & le qua
trieme furent fi violens , qu'elle coupoit les barreaux
de bois avec les dents. Dans ces intervalles
elle demandoit avec inftance qu'on allât à Gaél
mais , comme la diſtance des lieux eft grande ,
236 MERCURE DE FRANCE.
l'eau n'arriva qu'après le quatrieme accès ; dès le
lendemain qu'elle en eut fait ufage , il ne lui
refta que la foibleffe caufée par fes convulfions
violentes : cinq cens perfonnes furent témoins de
ce prodige. Cette femme vit , & ſon fruit eft venu
à bien. Depuis cette cure , cette eau en a opéré
encore nombre d'auffi merveilleuſes , & l'effet n'a
jamais trompé l'attente des malades qui y ont eu
recours. Ce Prêtre a toujours ( je le répéte ) refuſé
de divulguer fon fecret , quoiqu'il diftribue ce remede
gratuitement.
LE
A M. DE BOISS r
E Beaume de vie de M. le Lievre , Diſtillateur
ordinaire du Roi , a produit de fi bons effets fur
moi & fur mes deux jeunes filles , que je ne pourrois
m'en taire fans ingratitude. Daignez donc ,
Monfieur , m'aider à faire connoître ma vive reconnoiffance.
Après une couche , j'avois un lait répandu , qui
me caufoit au bras droit une telle incommodité ,
que je ne pouvois en faire aucun ufage . Au bout
de quatre ans de fouffrances , je pris du Baume
de vie ; & d'abord , comme fi je venois encore
d'accoucher , il fortit , par la voie ordinaire , une
fi grande quantité d'humeurs laiteufes , que je me
trouvai entiérement guérie .
En fecond lieu , une de mes filles , fortant de
nourrice , étoit fi couverte fur tout le corps de
clous & de boutons , qu'on la jugeoit attaquée
d'une très- dangereufe galle. Très- affligée de la
voir dans un fi pitoyable état , je confultai un fçavant
Médecin , qui me dit qu'il ne fçavois rien
de plus fouverain pour la fecourir , que ce Baume.
MARS. 1757. 237
L'enfant qui ne pouvoit fouffrir aucune médecine
, en prit heureuſement , & dès la premiere bouteille
jetta plufieurs vers : cela fat ſuivi d'un dévoiement
qui ne fourniffoit que de l'eau claire ,
mais dont l'odeur étoit infupportable ; alors , au
lieu de deux cueillerées de baume qu'on lui donnoit
chaque jour , on lai en fit prendre quatre :
par ce puiffant remede la inalade rendit à diverſes
fois jufqu'à foixante vers ; les boutons difparurent ,
& le dévoiement fut arrêté. Il eft à remarquer que
pendant environ deux mois que dura ce traitement
, l'enfant ne perdit ni fon fommeil ni ſon appétit
, &
que fon teint conferva toujours les vives
couleurs.
Troifiémement , étant furvenu à mon aînée un
mal fous les aiffelles , & la voyant tourmentée par
de petits boutons , d'où fortoit une eau rouffe , &
qui lui caufoient une cruelle démangeaifon , j'eus
recours au Baume de vie ; j'en employai le marc ,
délayé dans de l'huile d'holive , à frotter les parties
malades ; je fis boire à cette enfant de cette liqueur,
& dès la deuxieme bouteille elle a joui d'une parfaite
fanté.
Je crois devoir , pour l'intérêt public , ajouter
que mon époux étant fujet aux maux de tête les
plus accablans , en a été plufieurs fois délivré , foit
en refpirant de ce Baume par le nez , foit en le
prenant par la bouche,
Je fuis , Monfieur , &c. Femme Chenų.
AVIS.
MADEMOISELLE Collet continue de vendre pour
Putilité du Public une Pommade de fa compofition,
qui foulage dans l'inftant & guérit radicalement
les hémorroïdes tant internes qu'externes , fuflent
238 MERCURE DE FRANCE.
elles ulcérés & fiftuleufes. Cette Pommade eft fi
connue , qu'elle n'a pas befoin d'autre recommendation
: l'épreuve en a été faite à l'Hôtel royal des
Invalides , par ordre de feu Monfeigneur de Breteuil
; & M, Morand , Chirurgien , lui a délivré
fon certificat , après avoir vu les guérifons des per-
Lonnes qui en étoient affligées ; de même que M.
Peirard , Chirurgien & Accoucheur de la Reine ,
& plufieurs autres Chirurgiens & perfonnes de diftinction.
Cette Pommade ne peut produire aucun
mauvais effet. Ceux qui craignent , par un préju
gé mal fondé , de fe faire guérir radicalement ,
pourront en ufer feulement pour ſe foulager dans
leurs fouffrances . Nous ne devons pas craindre d'af
furer le Public qu'il n'eft point de remede plus sûr
& plus efficace pour en opérer la guérifon .
Cette Pommade fe garde autant de temps quel'on
veut , & fe peut tranfporter partout , pourvu qu'on
ait foin de la garantir de la chaleur & du feu.
Il y a des pots de 3 livres , de 6 livres , de
10 liv. , de 12 liv. , de 18 liv. , de 20 liv. , & de
tous les prix que l'on fouhaitera. On donnera la
façon de s'en fervir. Les perfonnes étrangeres qui
voudront en faire uſage , auront la bonté d'affran
chir les ports des Lettres . :
Mademoiſelle Collet demeure à-préfent rue des
petits champs , vis- à- vis la petite porte S. Honoré
, chez M. Jollivet , Marchand Papetier , à l'enfeigne
de l'Espérance,
APPROBATION.
J'ai lu , par ordre de Monfeigneur le Chancelier,
le Mercure du mois de Mars & je n'y ai
rien trouvé qui puiffe en empêcher l'impreffion,
A Paris , ce 27 Février 1757.
GUIROY,
239
ERRATA
Du Mercure de Février.
PAGE 56 , lig, dern . il ne , liſex , qu'il ne ,
Page 63 , lig. 2 , délyre , lifez , délire.
Page 82 , lig. 16 , Législateur , lifez , législation,
Page 85 , lig. pén, à la note , diverſes , lifez , divers.
Page 158 , lig. 5 & 6 , leur qualité purgatif , li-
Jez, leur qualité purgative.
Page 161 , qui ne les avoient pas touché , lifez ,
touchées,
TABLE DES ARTICLES.
ARTICLE PREMIER.
PIECES FUGITIVES EN VERS ET EN PROSE.
VERS àManon ,
Vers de M. de Relongue-de la Louptiere , à Madedemoiſelle
***
Félicie , Comédie par M. de Marivaux ,
Vers de Madame de la Tour ,
page s
7
8
52
Vers de M. de Relongue- de la Louptiere , à M.
Durey d'Harnoncourt ,
Les Amours ,
Le Livre de la Raifon , Fable
Lettre & Vers de M, le Curé des Amognes ,
Epître à M. de Boiffy ,
Lettre au fujet de l'Eſtime ,
Vers à M. le Comte de Maillebois ,
Portrait de Thémire ,
Vers à M. Capmartin ,
53
54
59
60
7 .
74
79
89
82
Explication de l'Enigme & du Logogryphe di
Mercure de Février , $4
240
Enigme & Logogryphe ,
Chanfon ,
ART. II. NOUVELLES LITTERAIRES.
Extrait de la Colombiade ,
Précis ou Indications de livres nouveaux ,
Programme de l'Académie de Bordeaux ,
ibid
86
87
107
142
ART. III. SCIENCES ET BELLES LETTRES.
Géométrie. Lettre de M. Marffon , & c. 145
Médecine . Suite du Mémoire fur les Eaux minérales
, &c.
Lettre au fujet de ce Mémoire ,
150
167
Lettre für une maladie populaire ,
169
Programme de l'Académie de Pétersbourg , 175
ART. IV. BEAUX - ARTS.
Mufique.
182
Gravure. 183
Horlogerie ,
ibid.
Méchanique ,
185
ART. V. SPECTACLE S.
Comédie Françoiſe.
189
Comédie Italienne. 191
Opera Comique , 192
Concert Spirituel , 194
ARTICLE VI.
Nouvelles étrangeres , 195
Nouvelles de la Cour , de Paris , & c. 208
Bénéfices donnés ,
Catalogue d'un Cabinet de Mufique ,
Supplément à l'Article de Chirurgie
Mort ,
Avis divers.
La Chanfon notée doit regarder la page 86.
Pe l'Imprimerie de Ch, Ant, Jombert.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le