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MERCURE
DE FRANCE ,
1- 1
DÉDIÉ AU ROI.
JANVIER. 1750 .
LIGIT
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Chez
A PARIS ,
CANDRE CALL
ANDRE' CAILLEAU , rue Saint
Jacques , à S. André .
La Veuve PISSOT, Quai de Conty ,
à la defcente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais;
JACQUES BARROIS , Quai
des Auguftins , à la ville de Nevers.
M. DC C. L.
Avec Approbation & Privilege du Roi.
LISTE DES
LIBRAIRES
THE NEW YORK
PUBLIC LIBR
débitent le Mercure
dans les
Provinces du Royaume.
ASTOR , LEND)
A Bordeaux , chés Raimond Labottiere , & chés
TILDEN FOUNDATION
Chapuis l'aîné , Libraires , Place du Palais , à
1905 côté de la Bourfe.
Nantes , chés Nicolas Verger & Jofeph Vatar.
Rennes , chés Jouanet Vatar , & Varac le fils , rue
Dauphine.
Blois , chés Mallen
Tours , chés Gripon , & Lambert .
Rouen , chés François - Eustache Herault , & chés
Cailloué.
Châlons-fur- Marne , chés Seneuze.
Amiens, chés la veuve François , & la veuve Godart ,
Arras , chés C. Duchamp , & chés Barbier,
Orleans , chés Rouzeaux .
Angers , à la Pofte , & chés Boffard , Libraire,
Dijon , à la Pofte, & chés Mailly,
Verfailles , ches Monnier .
Befançon , chés Briffaut , à la Pofte .
Saint Germain , chés Chavepeyre.
Lyon , à la Pofte.
Marſeille , chés Sibié , & Moffy , Libraires.
Beauvais , chés Deflaint .
Troyes , chés le Febvre , Michelin, Imprimeurs
Libraires , & Bouillerot , Libraire,
Charleville , chés Pierre Thefin,
Moulins , chés Faure,
Mâcon , chés Deffaint , fils.
Auxerre , chés Fournier .
Nancy , chés Nicolas,
Touloufe ; chés Robert.
Aire , chés Corbeville .
Poitiers , chés Faulcon .
PRIX XXX . SOLS.
V.LA
MERCURE
DE FRANCE ,
1
DEDIE AU ROI,
JANVIER . 1750 ..
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
SEANCE PUBLIQUE
De l'Académie Royale des Belles - Lettres ,
Sciences Arts de Bordeaux , le jour ,
de Saint Louis , 25 Août 1749.
M
Onfieur Thibault de Chanvalon,
Directeur , ouvrit la Séance par
un Difcours fur la caufe de la
muë de la voix ; c'étoit le fujet
propofé pour le Prix de cette année. L'Académie
n'ayant couronné aucune des Dif
fertations qu'on lui avoit envoyées, M.Th.
dit que malgré le dédommagement que le
•
A ij
4 MERCURE DE FRANCE.
Public avoit droit d'attendre en cette occafion
, il fe propoſoit , non d'établir un
fyftême fur la matiere qu'il alloit traiter ,
maisd'offrirfimplement des conjectures qui
puffent être conformes à l'expérience , &
adoptées des Médecins & des Anatomiftes.
Dans ce Difcours M. Thibault a deux
objets , il commence par parcourir & difcuter
tous les fyftémes connus fur la formation
de la voix , au moyen defquels il
établit en premier lieu comment elle fe
forme ; il cherche enfuite la caufe de fa
muë , & c'est là que les autres fyftêmes s'étant
tous arrêtés , un Auteur fe trouve livréà
lui-même fans fecours , & fans autre
guide que
fes
propres conjectures .
La trachée artére , qui eft le canal par
lequel nous refpirons , commence proprement
à la racine de la langue ; mais on a
donné à fa partie fupérieure le nom de larinx
: il eft fitué au haut du col , là où fe
fait remarquer cette tubérofité faillante
nommée vulgairement le noeud de la gorou
la pomme d'Adam .
On y trouve deux membranes demi circulaires,
très-minces . La féparation ou l'intervalle
que laiffent entr'elles ces deux
membranes , forme une fente ovale , longue
de huit à dix lignes , & large d'une
ligne au plus ; c'eft cette fente que l'on
ge
JANVIER
. 1750. $
nomme la glotte : les deux côtés qui ter
minent cette ouverture , font appellés les
lévres de la glotte ; le bord de chacune
de ces lévres eft une espece de ruban , large
d'une ligne , qui eft enfermé dans la
duplicature de ces membranes demi circulaires
, qui fe doublent & fe replient fur
elles -mêmes ; ces deux rubans , qui font
formés de fibres tendineufes , très élaftiques
, font tendus horisontalement
& arrêtés
par les deux bouts.
Après avoir parlé très-fuccinctement
de
quelques autres parties du larinx & de leur
ufage , les fyftemes les plus connus fur
cette matiere , dit M. Th . font ceux de
Mrs Dodart & Ferrein , tous deux Médecins
, & tous deux de l'Académie
des Sciences
de Paris ; cependant , ajoûte- t'il , c'eſt à Bordeaux , c'eft dans cette même Académie
qu'a pris naiffance celui de M. Ferrein , qui
comme on le verra bientôt , n'y a eu en
quelque façon d'autre part que de le confirmer
par les expériences
: l'un & l'autre
de ces deux fyftêmes font également
oppcfés
à celui des anciens.
Pour le prouver , il expofe d'abord le
fyftéme ou plutôt l'erreur d'Ariftote, que
les Phyficiens adopterent les uns après les autres , & dont ils ont refté deux mille
ans à fe dédire. Il pafle enfuite au fystéme
A iij
6 MERCURE DE FRANCE .
de M. Dodart , qui le premier fecoua le
joug , ofa combattre & détruifit l'opinion
des anciens.
Ils avoient fuppofé que la voix ſe formoit
dans la trachée , & M. Dodart, après
en avoir démontré l'impoffibilité , établit
au contraire qu'elle fe forme dans la glotte,
qui en eft l'unique & effentiel organe ,
parce que l'air qui vient du large canal
de la trachée, fe trouvant enfuite précipité
par le paffage étroit de la glotte, y acquiert
plus de viteffe , & que cette rapidité qu'il
acquiert , le fait heurter avec violence
contre les lévres de la glotte , qui le brifent
, & lui caufent les vibrations propres
à former la voix . Toute l'opinion de M.
Dodart fe réduit donc à établir que la voix
n'eft que l'effet de la modification de l'air ,
lancé impétueufement dans l'air qui repofe,
ou brifé par les obftacles qui s'oppofent
à fon cours ; voilà le fyftéme qui caufa
la ruine de celui des anciens & qui devoit
être lui -même détruit à fon tour par
l'expérience ; car ce n'étoit pas encore la
vérité toute entiére , mais on en étoit bien
près.
Quant aux différens tons de la voix , ils
ne proviennent par conféquent , fuivant
M. Dodart , que du plus ou du moins
d'ouverture de la glotte, en forte que plus
JANVIER.; 1750. 7
elle eft étrecie , plus les tons font aigus ,
parce que l'air y paffe plus rapidement ;
& par la raifon contraire , plus elle est
élargie , plus les tons font graves .
M. Th. expofe enfuite plufieurs phénomenes
de la voix , qui lui paroiffent inex
plicables fuivant ce fyftéme , d'autant plus
que l'explication que M. Dodart avoir
donnée lui- même de quelques-uns de ces
phénomenes , étoit fondée fur des erreurs
de fait , qui font ici relevées avec plus
d'étendue que n'en permet un extrait.
Après une ample difcuffion de ce fyftéme,
il paffe à celui de M. Ferrein , qui , felon
M. Th. avoit déja paru plus de vingt ans
auparavant à Bordeaux.
Il a déja été dir que le bord de chaque
lévre de la glotte eft un petit ruban formé
d'un écheveau de fibres tendineufes , trèsélaftiques.
M. Ferrein foupçonna , dit M.
Th . que la voix étoit produite par les
vibrations de ces rubans ; que ces vibrations
étoient occafionnées par l'action de
Pair qui traversant rapidement la glotte,
ne peut y paffer fans agir fur ces rubans ,
& que faifant fur eux la fonction d'un
archet , il les met en mouvement , & y
excite les vibrations propres à les faire
réſonner , comme les cordes des autres
inftrumens , & que fi cela fe paffoit de
A iiij
S MERCURE DE FRANCE.
même dans notre goffer , les différens tons
de la voix devoient dépendre du plus ou
du moins de tenfion de ces rubans , fuivant
les principes déja connus des inftrumens à
cordes ; c'étoit- là ce qu'imaginoit M. Ferrein
, & l'expérience juftifia fes conjectures
; mais on ne fçauroit , dit M. Th . laiffer
ignorer , que c'étoit auffi , à quelques
petites différences près , qui ne changent
rien au fond de ce fyftéme , ce qu'avoit
imaginé avant lui M. Sarrau , Secrétaire
de cette Académie pour les Arts ; il en fir
part à la Compagnie dans un mémoire ,
Tur la caufe & la formation du fon plein,
qu'il lar à une des Affemblées publiques
, tenue à pareil jour que celui - ci en
1720, & cette hypotheſe n'eft pas la feule
du mémoire de M. Sarrau , qu'il pourroit
révendiquer fur ceux qui les ont adoptées
, ou qui en ont profité , ou enfin qui
s'en font appropriés l'honneur de la découverte.
Quant à celle dont il eft ici queftion,
il ne l'a conçue que par l'analogie qu'il
trouvoit entre la méchanique des inftrumens
à archer ou à pinfer , & celle des inftrumens
à vent , de bois , de métal , ou autre
matiére. Il reftoit aux Anatomistes de
prouver , fur l'inftrument de la voix , ce
qu'avoit avancé M. Sarrau. La démonftration
n'en pouvoit être dûe qu'à M.
JANVIER. 1750. 9
Ferrein , fi connu par fon habileté dans
l'Anatomie
M. Th. parcourt enfuite fuccinctement
les expériences faites par M. Ferrein , propres
à appuyer fon ſyſtéme , & qui parconféquent
renverfent & contredifent toute
l'hypothefe de M. Dodart. Parmi ces expériences
, il n'a point oublié celle qui
laiffe voir , en foufflant dans le larinx ,
des vibrations dans les rubans tendineux ,
auffi apparentes & auffi fenfibles que celles
des cordes d'un clavecin ; il n'a pas omis
non plus celle qui démontre qu'un allongement
de deux ou trois lignes dans ces
rubans , fuffit pour remplir toute l'étendue
de la voix humaine.
De ces deux fystémes , M. Morel , Cha
noine de Montpellier , en a fait un troifiéme,
qui n'eft qu'un compofé ou une réu
nion des deux autres ; il prétend que la
voix eft un double inftrument , produifant
à l'uniffon deux fons d'une nature
différente , l'un par le moyen de l'air ,
comme le dit M. Dodart , l'autre , par les
cordes vocales de M. Ferrein , à peu près
comme un clavecin organifé. La premiere
de ces voix , il l'appelle voix organifée ;
la deuxième , voix luthée ; toutes deux
réunies font la voix pleine ; il ne faut
pas s'arrêter plus long tems à ce fyſtéine ,
A v
to MERCURE DE FRANCE.
puifqu'il tombe & s'écroule avec celui de
M. Dodart , par les expériences déja rapportées.
M. Ferrein , qui connoiffoit l'incrédulité
opiniâtre des hommes , quand il s'agit
d'établir une nouveauté qui contredit
leurs préjugés , n'a rien omis pour nous
convaincre en cette occafion ; car après
avoir expofé aux yeux fon fyftéme , en le
démontrant fur des larinx détachés du
gofier des animaux , & qui , quoiqu'inanimés
, ont cependant refonné lorfqu'on
y a fouflé dedans , il donne encore de
nouvelles preaves de cette vérité , en la
rendant également palpable , même fur
des corps vivans. Non content de ces
exemples , il cherche encore à nous montrer
un modéle d'un inftrument tel que la
glotte ; en effet , il nous rappelle qu'un
ruban que l'on met entre les deux lévres,
fi on le tiene tendu par les deux bouts ,
& fi on foufle avec un peu de force
réſonne & peut former des tons différens,
fuivant qu'il eft plus ou moins tendu ...
C'eſt au mémoire même qu'il faut avoirrecours
, & fi l'on veut des éclairciffemens
fur des phénomenes dont M. Th..
n'a point fait mention , il faut toujours.
tourner fon efprit du côté des inftrumens
à cordes , ils nous apprennent & mettent
JANVIER.
II
1750.
fous nos fens tout ce que nous voulons
fçavoir.
Auffi les explications amples & détaillées
que M. Th. donne lui -même des différens
phénomenes qu'il avoit objectés au
fyftéme de M. Dodart , comme inexplicables
, font toutes fondées fur la pratique
des inftrumens à cordes. De là il
prend enfuite occafion de faire faire quelques
remarques fur des obfervations qui
naiffent de la pratique de ces mêmes inftrumens
, & fur lefquelles il n'infifte , que
parce qu'elles lui femblent éclaircir , ou
du moins laiffer entrevoir la nature & la
cauſe du fon des inftrumens à vent , que
les bornes d'une affemblée publique ne permettoient
pas d'examiner avec plus de
détail. Par cette même raiſon il fe hâte
d'en venir au phénomene , dont l'Acadé
mie avoit demandé l'explication , & qui
fait le deuxième objet de fon difcours , la
cauſe de la mue de la voix ; mais on penſe
bien que les conjectures qu'il propofe à ce
fujet , font fondées fur les principes , ou
plutôt fur les expériences de M. Ferrein ,
& qu'il n'eft plus queftion du fyftéme
imaginaire de M. Dodart.
ans ,
A l'âge de quatorze , quinze ou feize
plutôt ou plus tard , fuivant la différence
des tempéramens ; notre corps
A vj
12 MERCURE DE FRANCE.
4
éprouve des changemens confidérables &
bien fenfibles ; notre voix qui jufques-là
ne différoit point de celle des femmes
change alors & baiffe d'environ une octave
; on éprouve dans le fang une plus
vive chaleur ; les forces augmentent , & c .
Voilà quelques- uns des principaux fignes
du paffage de l'enfance à la puberté .
Tout annonce alors que certaine humeur
eft enfin parvenue à forcer les paffages
& à déboucher les replis tortueux
des vaiffeaux de la génération . .... De- là
elle eft enfuite repompée dans la maffe du
fang , confondue ainfi avec le reste des
liqueurs où elle eft rapportée ; elle leur
communique fon activité , elle donne à
toutes les parties l'agilité , le reffort , la
force & la chaleur qui manquent à ces
créatures qu'on a privées pour jamais des
fources fécondes de la vie .... De cette
nouvelle chaleur réfulte une tranſpiration
plus abondante ( que l'expérience confirme
) & voici le changement que l'on
peut préfumer , que cette augmentation
de tranfpitation opére fur les cordes vocales
pour la muë de la voix .
On fçait qu'il n'y a que deux caufes qui
puiffent rendre les tons d'une corde plus
graves qu'ils n'étoient , fçavoir , ou moins
de tenfion ou plus de groffeur ; or la chaJANVIER.
1750. F3
leur & l'activité , dont le fang eft alors
animé , & la vigueur que toutes les par- .
ties du corps acquiérent à la puberté , loin
de faire préfumer que la tenfion de ces
parties foit diminuée , nous affûre au contraire
qu'elle eft augmentée ; ainfi ce n'eft
pas une moindre tenfion dans les cordes
vocales , qui produit la muë de la voix ; il
faut donc recourir à l'autre caufe , & chercher
comment à l'âge de puberté les cordes
vocales peuvent acquerir plus de grof.
feur,
On ne peut pas fuppofer que cet effes
foit produit par une humidité plus abondante
qu'auparavant , puifqu'au contraire
la tranfpiration a augmenté : on doit donc
bien plutôt préfumer qu'il eft caufé , fi on
ofe le dire , par le defféchement qu'occa
Lionne cette tranfpiration
.
Quand on humecte quelque corps , par
exemple du parchemin , cette humidité
s'infinuant intimement entre les fibres de
ce corps , par cette fituation elle tient ces
fibres féparées & écartées les unes des autres
, & elle empêche leur réunion , tout
autant qu'elle y féjournera ; mais auffi - tôt
que la chaleur pénétre ces corps , & qu'elle
les defféche , ces fibres , reprenant leur
liberté , fe réuniffent& fe rapprochent les
unes des autres, comme on le voit dans ce
14 MERCURE DE FRANCE.
même parchemin , dont toutes les parties
fe retirent & fe contractent d'une façon
bien fenfible aux approches du feu.
›
Voilà ce qui arrive dans les rubans tendineux
de la glotte ..... l'humidité qui
abonde dans les enfans.... fe gliffant entre
les fibres de ces rubans , les tient divifées
en un grand nombre de fibrilles trèsminces
, qui par leur petiteffe , lorfqu'elles
font ainfi féparées dans l'enfance les
unes des autres , ne peuvent rendre que
des fons aigus ; mais la tranfpiration , augmentant
à l'âge de puberté , dégage les fibres
de ce fluide furabondant qui les tenoit
divifées , & par- là les met en état de fe
rejoindre : ainfi la réunion de ces fibrilles
forme de plus groffes fibres , ou plutôt ſe
raffemblant toutes , & fe refferrant l'une
contre l'autre , elles ne font plus de chacun
de ces rubans de la glotte qu'une feule
corde , dont on fent bien que les tons doivent
être alors plus graves. Que l'on rapproche
ces conjectures de l'expérience ,.
on ne peut douter que cette humeur fubtile
& vivifiante , dont il a déja été parlé ,
ne contribue au changement de la voix ,
puifque les tons en deviennent beaucoup
plus graves par fa préfence , au lieu que
dans ceux en qui elle n'existe pas , ou en
qui elle a été fupprimée , même après la
JANVIER. 1750. 15
puberté , la voix refte claire , perçante , &
auffi aigue qu'elle eft dans l'enfance .
On ne peut pas douter pareillement
que cette même fuppreffion ne rallentiffe
infiniment la chaleur du fang ; on en a tous
les jours la preuve fous les yeux : rien de
moins vif & de moins vigoureux que les
hommes , les chevaux , ou autres animaux,,
en qui on a détruit les organes de la génération
.
Or voilà deux effets inféparables ; cette
chaleur une fois introduite dans le fang ,
la voix groffit ; cette chaleur une fois fupprimée
, la voix grave s'éteint l'un fuit
l'autre >
& ils n'exiftent point l'un fans
l'autre ; c'eft-là tout ce qu'il faut pour caractériſer
une caufe , & pour diftinguer
fon effet. N'eft-il donc pas à préfumer ,
conclut M. Th. & l'expérience ne le confirme-
t'elle pas , que la mue de la voix ,
ou la groffeur des cordes vocales , n'a pour
premiere caufe que cette vive chaleur
qu'apporte dans le fang ce fluide actif &
fpiritueux ?
"
Toutes les conjectures de M. Th. fur la
caufe de la muë de la voix , fe réduifent
donc aux conféquences fuivantes.
1. Les tons graves que la voix acquiert
par la muë , font incontestablement occafonnés
par cette humeur féconde qui dif16
MERCURE DE FRANCE.
tingue la puberté de l'enfance , puifque là
où elle eft , il y a des tons graves , là où
elle eft fupprimée , la voix refte ou devient
claire & aigue.
2° . Ce changement ne fe fait point par
une moindre tenfion des cordes vocales ,
puifqu'au contraire la chaleur & l'activité
que cette humeur communique au fang
donnent plus de force , de vigueur & de
tenfion,à toutes les autres parties du corps.
Ce changement ne peut donc être produit;
que par une augmentation de groffeur dans
les cordes vocales .
3º. Or cette augmentation de groffeur
ne provient point certainement d'une
augmentation d'humeurs dans le corps ,
car la chaleur & l'activité du fang , devenant
plus grandes , doivent rendre auffi la
tranfpiration plus abondante .
4° . Cette augmentation de groffeur dans
les cordes de la glotre ne peut donc provenir
que d'une féchereffe , occafionnée
dans le tiff de leurs fibres par une plus
forte tranfpiration , & cette fécherelle
donnant la liberté à ces fibres de fe rapprocher
les unes des autres , elles forment
par leur réunion de plus groffes cordes
dans la glotte , qui rendent des fons plus
graves.
Les bornes , prefcrites aux lectures des
JANVIER. 1750. 17
affemblées publiques , ne permettant pas à
M. Th. d'entrer dans un examen fuivi de
toutes les difficultés qui pourroient lui
être objectées , il n'a pas du moins obmis
de répondre à celle qui fe préfente d'abord
, fçavoir , pourquoi les organes de
la voix ne peuvent plus former les mêmes
tons aigus & feminins qu'ils faifoient
auparavant , quoiqu'on dife cependant
qu'ils ayent acquis plus de tenfion par la
nouvelle chaleur occafionnée dans le fang
à l'âge de puberté ; mais il faut obferver ,
dit il , que ces cordes groffiffent confidérablement
comme le prouve affez le
grand changement qui arrive à la voixí
par conféquent pour ramener ces cordes
au ton de l'enfance , il faudroit leur don
ner une tenfion extraordinaire , que nous
ne fçaurions fupporter , & c'eft en effet de
quoi nous avertit la douleur , quand nous
voulons nous y efforcer , de même que
quelque tenfion qu'on donnât à une corde
de baffe , on la cafferoit fans pouvoir parvenir
à lui faire rendre les fons d'une
mince chanterelle.
M. Th. établit enfuite , que par les raifons
contraires à celles qu'il a alleguées
fur la caufe de la muë de la voix , ce doit
être l'humidité fuperflue qui abonde dans
les femmes , dans les enfans , &c . qui leur
18 MERCURE DE FRANCE.
donne une voix claire & perçante. Il
finit par quelques exemples que nous
avons affez fréquemment à notre portée ,
propres à nous prouver combien l'humidité
contribue , ou plutôt eft néceffaire à
la formation des tons aigus. En effet lorfqu'on
eft enroué , la voix devient beaucoup
plus grave , parce que cette humeur
onctueufe , qui doit humecter fans ceffe le
larinx , eft alors fupprimée ou épaiffie ,
& nous éprouvons pareillement , dit-il
que foit dans des mouvemens de paffion ,
foit dans quelqu'autre violente agitation ,
le gofier le defféchant , le ton de notre
voix en devient beaucoup plus grave.
Le Difcours de M. Thibault fut fuivi
de la lecture d'une Differtation de M. du
Fau , Médecin de Dax , fur la rage. Après
la deſcription de cette maladie , des voies
par où elle fe communique , & des moyens
de s'en garantir , M. du Fau dit , que
tout concourt à perfuader que la rage eft
dans les animaux , qui la conçoivent
d'eux-mêmes , un effet de la foif & de la
fiévre ; on peut rendre un chien enragé ,
en l'empêchant de boire pendant un cer-
ཙྪནྟི
tain tems.
Cette contagion infinuée dans le corps
ne fe manifeſte pas toujours dans le même
terme, mais ordinairement dans les quaran
JANVIER . 1750. 19
te premiers jours , plutôt ou plûtard , fuivant
que les moyens, par lefquels elle s'eft
introduite , ont été plus ou moins efficaces.
Plufieurs Auteurs rapportent que le venin
de la rage a quelque fois demeuré caché
plufieurs mois & des années entieres.
A confidérer les fymptômes de la rage ,
depuis le commencement de fes attaques
jufqu'à la fin , il paroît , felon M. du Fau ,
que fon venin s'attache furtout , & en
premier lieu , aux nerfs & à leur principe.
C'eſt en effet à l'érétiſme , ou à l'irritation
des parties nerveufes , qu'on doit , dit- il ,
attribuer les douleurs , les anxiétés , le
fommeil agité de mouvemens convulfifs ,
& autres accidens qui fatiguent fans cauſe
apparente dans l'origine de cette maladie.
Le défordre des nerfs faifant des progrès ,
il fe forme des obftacles au progrès des liqueurs
, de-là les engorgemens inflammatoires
, la fiévre aigue , la ftrangurie , la
gangréne & la mort .
Le défordre qui furvient dans les fonctions
de l'ame , prouve que le vice des
nerfs s'étend jufqu'au cerveau. Cette horreur
infurmontable pour l'eau , malgré
une foif ardente ; les efforts que les hydrophobes
font , même malgré eux , pour
mordre , manifefte l'altération de cet organe
; ce défordre de l'imagination eft
20 MERCURE DE FRANCE,
d'autant plus furprenant , qu'il n'a point
de rapport avec ce qui fe paffe dans les
maniaques & les frénétiques, qui ont de la
répugnance pour la boiffon , puifque ceuxci
font infenfibles aux impreffions de la.
foif, & dans leurs accès de fureur ils font
fans connoiffance . Ce n'eft que dans l'hydrophobie
qu'on eft aliéné fans perdre
connoiffance , & comme malgré foi : on
diroit que le venin de la rage s'empare
des organes des fenfations , qu'il les fouftrait
à la domination de l'ame , & les rend
prefque conformes à ceux de la bête , qui
l'a communiqué ; de- là viennent ces envies
d'aboyer & de mordre , qu'on youd roit & .
qu'on ne peut contenir .
M. Dufan laiffe la caufe premiere &
éloignée de cette contagion , croyant qu'il
eft plus raifonnable de donner fon appli
cation à la decouverte de fa caufe prochaine
& immédiate , à laquelle on peut efperer
de parvenir par la confidération des
accidens qu'elle produit..
Ila déja dit que les fymptômes de cette
maladie indiquoient fenfiblement une irritation
confidérable du gente nerveux ,
& une difpofition très inflammatoire , tant
dans les liquides que dans les folides.
L'infpection des cadavres , victimes de la
rage, confirme cette notion ; fuivant le rap
JANVIER. 1750. 21
port de tous les Obfervateurs , on leur a
trouvé conftamment les vifcéres , les membranes
, les graiffes , les parties mufculaires
, enflammées , defféchées , attrofiées ,
gangrénées ; ainfi tout concourt à démontrer
que cette maladie eft inflammatoire
au fuprême degré,
Lorfqu'il s'agit de préfervatifs contre la
contagion qu'on fait , ou qu'on foupçonne
avoir été communiquée ; les meilleurs
Médecins de tous les âges recommandent
de faire , autant qu'il eft poffible , & le
plutôt après qu'on a été mordu , une forte
ligature au-deffus de la partie bleffée , &
tout de fuite de profondes fcarifications
dans la playe , pour en faire fortir autant
de fang qu'on pourra . Les liqueurs falées ,
la diffolution de fel armoniac , l'urine même,
peuvent fervir aux mêmes fins ; on doit
enfuite cautérifer la bleffure avec un fer
rouge , & la faire fuppurer long-tems , au
moyen de legers corrofifs qui la tiennent
ouverte. Il eft cependant des remédes
plus doux , & par-là plus goûtés ; le plus
ufité , c'eft le bain dans la mer. Ôn a
vû des perſonnes devenir enragées , malgré
ce préfervatif , mais les exemples
de ce malheur font rares ; dans les lieux
éloignés de la mer , on a d'autres remédes
falutaires , comme la poudre de palmarin ,
22 MERCURE DE FRANCE.
celle des écreviffes brûlées , & autres femblables
. M. Dufau croit qu'on ne peut pas
regarder ces fortes de remédes , comme
des fpécifiques , après les malheurs qui en
ont démontré l'impuiffance ; mais la prévention
favorable qu'on a des remédes en
ufage , raffûre les efprits , & les guérit des
impreffions vives de la crainte , qui peuvent
dans une maladie qui trouble les
fonctions de l'ame , rendre l'origine des
fenfations fufceptible des atteintes. du
venin. Commencer par guérir l'imagination
, eft toujours un bon préparatif à la
cure radicale .
les
M. James , Auteur du Dictionnaire de
Médecine , propofe le mercure , comme
un reméde infaillible contre la rage . Pour
confirmer fon opinion , il rapporte plufieurs
expériences faites fur des chiens , &
quelques-unes qui n'ont pas moins réuffi
fur des hommes. Pour prouver que
effets de ce minéral font dûs à lui feul ,
fans égard aux propriétés particulieres des
differentes fubftances , aufquelles on peut
l'allier , ou le préparer ; il cite M. Default,
Médecin de Bordeaux , qui n'employoit
aucune préparation de mercure purgative
ou émétique pour la cure de la rage , puifqu'il
faifoit donner feulement des frictions
d'un onguent mercuriel , compofé de parJANVIER
. 1750. 23
ties égales de mercure , de graiffe humaine
& de lard , fans faire faliver , fe contentant
de faire prendre en même tems la
poudre de palmarin, avec la coraline, dans
du vin ; pour autorifer cette méthode , ce
Médecin rapportoit l'exemple de deux
perfonnes préfervées de la rage , fur le
point de fe manifefter ; deux autres perfonnes
mordues par le même loup étoient
mortes enragées , quand celles-ci eurent
recours à fes remédes.
doit
Le cas rapporté par M. Default eft capable
de faire impreffion , il manque néan
moins des principales conditions , que
avoir un fait de cette espéce pour faire foi
en Médecine , où l'on ne doit rien admettre
qui ne foit conftaté par des expériences
réitérées. D'ailleurs , dit M. Dufau ,
ce Médecin avoue que des quatre perfonnes
qui furent mordues par le même loup
enragé , les deux qui moururent ,
furent la
premiere & la derniere ; les deux autres ,
effrayées de la mort de celles - ci , n'eurent
recours à M. Default qu'après ce terrible
évenement ; mais les poudres d'écreviffes
brûlées , & autres , n'ont- elles pas opéré
les mêmes miracles ? Il eft plus que vrai
femblable que le venin de la le venin de la rage ne ſe
communique pas toujours à toutes les per
fonnes mordues par un animal enragé ,
#4 MERCURE DE FRANCE.
foit , parce que les particules vénimeuſes
font entraînées par le fang qui fort de
la playe , foit enfin , parce que tous les
fujets ne font pas également difpofés à
contracter ce venin & à le fomenter.
Les autres faits que M. James rapporte
méritent auffi notre attention , mais avec
les mêmes réſerves que ceux de M.Defaults
d'ailleurs il paroît que cet Auteur n'a guéres
employé que le turbit minéral dans les
épreuves qu'il a faites , d'où l'on peut
foupçonner que les heureux fuccès qu'il a
cûs dans l'hydrophobie , doivent être bien
moins attribués au reméde du mercure ,
quoiqu'il en foit la baze , qu'à la qualité
irritante qui lui vient de l'huile de vitriol,
qui le rend un des plus violens émétiques
purgatifs qu'on connoiffe .
L'analogie que les Partifans du mercure
trouvent entre la rage & le mal vénérier ,
n'eft pas capable d'ajouter beaucoup de
poids à leur fyftême. La rage , difent- ils ,
fe communique d'un corps à un autre ,
comme la maladie honteufe : mais M.
Dufau leur répond que le poifon de la
vipére , du fcorpion , de l'afpic , de la tarentule
, &c. fe communique de même.
Après tout , dit M. Dufau , les tentatives
de M. James font très- louables , quand
elles ne ferviroient qu'à confirmer l'ufagc
JANVIER. 1750. 25
ge
des anciens , d'exciter dans ces cas des
commotions violentes & des évacuations
abondantes au moyen de l'ellebore , de la
pierre d'armonie , de la colloquinte , qui
étoient de leur tems les feules drogues pour
opérer ces effets.
M. Dufau conclut fon Mémoire , en difant
que les expériences qu'on rapporte
pour prouver l'efficacité du mercure , manquent
de plufieurs conditions néceffaires
pour perfuader des hommes raifonnables ;
mais qu'elles fuffifent néanmoins pour
encourager les Médecins zélés pour l'avancement
de leur profeffion , à les renouveller
; que les occafions , à la vérité , en
font heureuſement rares , mais qu'on peut,
à l'exemple de M. James , travailler fur
les chiens.
Il feroit bon auffi de vérifier la pratitique
de M. Default fur les mêmes animaux
, en leur faifant donner des frictions
mercurielles , ou leur faiſant avaler
du mercure éteint dans du fucre , du beurre
& du fouffre .
Si après les moyens indiqués par Mef.
fieurs James & Default , on s'appercevoit
que le mal fît encore des progrès , M.
Dufau conſeille de mettre toute la confiance
dans les bains d'eau froide , ou en
arrofant le malade d'une grande quantité
B
26 MERCURE DE FRANCE.
d'eau , ainfi qu'on trouve dans l'Hift . de
l'Acad. ann. 1699 , qu'il fut pratiqué ,
à l'égard d'un homme auquel on jetta
deux cens féaux d'eau fur le corps , &
qui par ce feul reméde fur guéri parfaitement
de cette affreufe maladie.
M. le Chevalier de Chimbault lut
enfuite un Difcours , dont l'objet étoit
d'inviter les Botaniftes à communiquer
au Public les nouvelles Plantes qu'ils découvrent
, & à en donner des defcriptions
affez détaillées , pour garantir les autres
Botaniftes des méprifes où ils peuvent
tomber , en croyant de bonne foi les avoir
découvertes les premiers.
Il finit fon Difcours par l'exemple d'une
Plante aquatique , rapportée par M. Vaillant
, dans les Mémoires de l'Académie
des Sciences 1719 , que ce fçavant Botaniſte
nomme Stratiotes , ou Plume d'eau.
Le portrait qu'il en fait manque de plufieurs
traits qui la caractériſeroient fpécialement
, & qui empêcheroient de la confondre
avec d'autres Plantes aquatiques
qui lui reffemblent . Quelques Auteurs
ont conjecturé que Pline , liv. 6. ch . 5.
l'a défignée fous le nom de Potamogeton
Caftoris. Zobet & Cefalpin n'en parlent
que d'une maniere fort équivoque. Dale
champs , liv . 9. ch. 18. en a donné une
JANVIER. 27
1750 .
figure affez reffemblante , & la décrit fous
le nom de Miryophillum , ou Giroflée d'eau.
Dodonée la repréfente fous celui de Viola
aquatilis , & nous appprend qu'elle croît
dans les marais de la Gaule Belgique ,
& c.
M. le Ch . de Chimbault l'a trouvée dans
des marres aux environs de Bordeaux .
Elle y tient au fond par plufieurs racines
noires , excepté à l'extrêmité qui eft blanche
; elles font longues , grêles & fibreuſes.
De ces racines partent plufieurs feuilles
d'un beau verd , affez ſemblables à celles de
la fougére par leur largeur , leur couleur &
leurs découpures . Ces feuilles forment enfemble
au fond de l'eau une touffe d'affez
belle apparence . Au printems , cette Plante
pouffe de longues branches fort tendres ,
qui nagent dans l'eau & fous l'eau , garnies
à chaque noeud de plufieurs feuilles
rangées circulairement. En Avril ou Mai,
chaque branche s'allonge hors de l'eau.
d'environ fix , huit ou dix pouces , & forme
une tige , ( entierement dénuée de
feuilles ) qui porte les fleurs de la Plante ,
fleurs qui , felon le fentiment de M. Ray ,
ne fçauroient venir fous l'eau , fur quelque
plante que ce foit.
Pour établir le caractére générique de
cette Plante , M. le Ch. de Ch . croit
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
>
qu'elle doit être placée dans la feconde
Claffe de M.deTournefort, ou pour mieux
dire , dans la premiere , puifque (felon lui)
la premiere & la feconde n'en devroient
former qu'une. Sa fleur eft monopetale ,
reguliere ; elle commence par un tuyau
court , ouvert par le fond , qui s'évaſe en
forme de foucoupe , divifée en plufieurs
parties dans fes bords. Le piftille , qui s'emboite
dans le fond de la fleur , devient
dans la fuite un fruit fphérique , ſec &
rempli de femences ; le calice de la fleur
eft divifé également en plufieurs parties
qui foûtiennent la fleur , dont la couleur
eft un mêlange de blanc , de roux & d'un
pourpre très-clair . Cate Plante fe diftingue
aifément de celles des autres genres
qui lui reffemblent , par la forme de fon
piftille & de fon calice. Il faut fe garder
de la confondre avec le Ranunculus aquatilis
, albusfluitans peucedani foliis , cette derniere
étant fleurie en rofe , & non pas
monopetale. M. le Ch. de Ch. après la
defcription de la plante qu'il a obfervée ,
la défigne fous le nom de Strationes , Ramofum
Nodofum , flore ex albo ruffo , purpurafcente
, &c.
Le Difcours de M. de Chimbault fut
fuivi d'un Mémoire du Pere François ,
Recolet , fur une façon de connoître &
JANVIER . 1750. 29
de mefurer les courans de la mer ; l'Académie
des Sciences de Paris vient de propofer
ce fujet, mais celle de Bordeaux, également
occupée des befoins du Commerce
& de la focieté , l'avoit déja prévenue , &
avoit propofé , deux années confécutives ,
un fujet qui étoit à peu près le même que
celui- ci , & qui tendoit au même objet.
Il eft démontré par l'expérience , dit le
P. François , que lorfque deux corps flottent
fur un liquide coulant , celui qui eft
le plus enfoncé , eft emporté avec plus de
vîteffe , & que s'il eft entierement Äottant
fous la furface , il eft emporté avec la même
vîteffe que le liquide même , parce
que....le corps qui flotte fous la furface
du liquide , étant égal en maffe. à un égal
volume d'eau dont il occupe la place , il
s'enfuit que la vîteffe eft la même.
De-là le P. François a conclu qu'an
corps qui n'enfonceroit que la moitié defa
maffe , ne préfentant auffi que la moitié
de fon volume aux impulfions du courant
, n'en recevra auffi qu'une vîteffe proportionnée
à fon enfoncement , c'eſt- àdire
la moitié , & par conféquent ces deux
corps abandonnés enſemble au courant ſe
fépareront , puifqu'ils feront pouffés par
des forces qui feront entr'elles , comme i
Bij
30 MERCURE DE FRANCE.
à 2 , c'est-à-dire , comme les enfoncemens
dans tous les cas.
Le P. François dit , que ce qu'il avance ,
que les vîteffes & les impulfions feront
entr'elles comme les enfoncemens , n'eft
pas encore démontré , & que cela demande
des expériences pour conftater les vrais
rapports des vîteffes & des enfoncemens ,
lefquelles ne font pas difficiles à faire.
Cela étant fuppofé , dit- il , fi on atta
che à l'arriere d'un Navire A. deux boules
B , C , dont B. foit toute , ou prefque
toute enfoncée fous la furface de l'eau
( Fig. 1. ) & que C. flotte à demi enfoncée,
B. fera plus maniée par les courans , & les
cordes A , C. A , B, aufquelles font attachées
les boules A. & B. ne feront plus
paralelles , là où il y aura des courans , &
les boules B. & C. s'approcheront , ou
s'éloigneront l'une de l'autre , fuivant leur
rapport à la partie d'où viennent les courans
, car s'ils viennent du côté de B. qui
eft la plus enfoncée , les boules s'approcheront
, & elles s'éloigneront au contraire
, fi les courans viennent du côté de
C. qui eft la boule la moins enfoncée .
On peut fimplifier l'opération , car fi
au lieu d'y employer deux cordes , on enfile
les deux boules B , C. avec la même
corde ( Fig. 2. ) alors le Vaiffeau voguant
JANVIER. 1750. 31
dans des mers où il n'y auroit point de
courans , ces deux boules le fuivront exactement
l'une & l'autre dans fa ligne de
direction , mais s'il y a des courans ( Fig . 2. )
la boule B. étant plus enfoncée & plus
maniée par les courans , la corde où feront
enfilées les boules , fera un angle A , B , D.
plus ou moins grand , fuivant l'impulſion
des courans fur les boules. Cette pratique
décéle donc infailliblement les courans en
mer , mais comme les courans ont differentes
directions fur celle de la route du
Navire , cette feule obfervation ne fuffit
point › parce que les courans ne font pas
dans tous les cas impreffion fur les boules
dans la raiſon de leurs vîteffes , mais dans
celle des finus de l'angle de leur direction
fur celle du Navire , ce qui fait que fouvent
les impulfions feroient les mêmes ,
quoique les viteffes & les directions
fuffent fort differentes. Cette pratique ne
peut donc que conftater l'existence des courans,
mais elle n'en peut , ni meſurer la vîteffe
, ni indiquer la direction ; il faut
cela préparer la machine qu'a imaginée le
P. François.
CONSTRUCTION.
pour
Soit préparéé la boule A. d'une matiere
qui ne s'imbibe pas d'eau , par exemple
Biiij
32 MERCURE DE FRANCE.
d'un métal creux ; on augmentera fa péfanteur
, jufqu'à ce qu'elle flotte précisément
fous l'eau , c'est-à - dire , qu'elle foit prefque
entierement plongée ; cette boule fera fixée
à un des bouts d'un cordon , flexible A , B.
C. ( Fig. 4. ) par l'autre bout fera enfilée
la boule B. qui doit être percée par le milieu
, de façon que pour éviter les frottemens
, on puiffe y adopter deux rouleaux
connus aux Méchaniciens ( ou efpéces de
poulies ) cette boule B. ne doit être qu'à
demi plongée .
Cela étant ainfi préparé , fi on jette ces
deux boules dans un courant avec un même
cordon , la boule A. fera entraînée avec
plus de viteffe que la boule B , & fi l'enfoncement
de B. eft tel , que B. ne faffe
que la moitié de A , il eft évident que ces
deux boules fe fépareront , & que pendant
le tems que B. fe féparera de A , fi B. eft
éloigné de A. d'une toife , A. aura fait 2 .
toiles , tandis que B. n'en aura fait qu'une ;
voilà la vîteffe , & la ligne qui paffera par
les deux boules indiquera la direction .
Il ne faut lâcher du cordon , qu'à peu
près autant que l'éloignement des boules ,
& la route du Navire, le demandent.
JANVIER
. 1750. 33
A
AFig.
1.
C
B.
fig. 2 .
C.
fig. 3 .
B.
B.
OB
T :
-OC.
fig. 4.
B.
од
34 MERCURE DE FRANCE.
CANDVANDIDJA KAVA VIVA VIVA
L'ANE ET LE CHEVAL.
FABLE.
UNbaudet , marchant lentement ,
Sçut efquiver heureuſement
Les dangers d'un mauvais paffage ,
Où l'on riſquoit , même en Eté ,
D'être bien & dûment crotté ,
Pour ne rien dire davantage.
S'il n'eût point eû la vanité
De fe croire un fin perſonnage ,
Tout n'en auroit que mieux été.
A peine fut- il hors d'affaire ,
Qu'un cheval qui venoit derriere
Au galop , fans regarder où
Son ardeur généreufe & fiere
L'emportoit , alla jufqu'au cou
S'embourber dans la fondriere.
Holà , hé , vous n'êtes qu'un fou
De trancher ici de l'Alfane ,
Et du Bayard , lui cria l'âne .
Mon bel ami , vous fuivez trop
L'aveugle inftinct qui vous excite
A quoi bon aller fe galop
Pour moi , je ne vais jamais vîte ,
Et je ne m'en trouve pas mal.
JANVIE R. 1750. 35
Je le vois , répond le cheval ,
Et des fuccès , tels que le vôtre ,
Prouvent affez , maître Martin ,
Qu'on peut valoir bien moins qu'un autre ;
Et faire bien mieux fon chemin.
L'ANESSE ET LA CAVALE.
FABLE.
LAmere d'un ânon jadis
A celle d'un poulain adreffa ce langage :
Ma voifine , plus j'envisage
La reffemblance de nos fils ,
Plus je trouve qu'il m'eft permis
D'en attendre, à coup fûr, leur commun avantage.
Nés & nourris tous deux dans le même bocage ,
Tous deux mignons , tous deux jolis ,
En un mot , tous deux de même âge ,
Il ne leur refte plus qu'à devenir amis.
Mon poupon , que voilà , peut être utile au vôtre,
Comme le vôtre au mien. Je brûle de les voir
Partager leurs plaiſirs du matin juſqu'au foir ,
S'inſtruire tour à tour , fe corriger l'un l'autre.
Bref, il ne tiendra point à mon conſentement ,
Qu'au plutôt , en faveur de leur avancement ,
Ils ne vivent , fi bon vous ſemble ,
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
Ainfique vrais jumeaux , enſemble.
Ma voiſine , cela ne preffe nullement ,
Répond la cavale fincere.
Quoique vous m'en difiez , j'ai peine à convenir
Que pour leur bien commun il faille les unir ;
Car , tenez , quand je confidére
Combien les jeunes gens fçavent mieux retenir .
Le mal , que s'inftruire à bien faire ,
J'ai tout lieu de douter ( foit dit fans vous déplaire )
Que jamais votre fils puiffe apprendre à hennir ,
Et j'ai peur que le mien ne s'accoûtume à braire.
Des fots , des vicieux , l'exemple eft un poiſon ,
Aux enfans les mieux nés , fi fatal , fi nuifible ,
Qu'à cet égard on a raiſon , ..
De craindre même l'impoffible.
ဦး ဦး ဦး ဦး ၊
LE VILLAGEOIS , SON HORLOGE ,
ET SA FEM ME.
FABLE.
Ertain homme , qui , fans
compagne ,
Tenoit ménage à la campagne ,
Et s'ennuyoit d'être garçon ,
Acquit une horloge & prit femme.
Il vifoit de cette façon ,
JANVIER. 1750 . 37
Tant à bien régler ſa maiſon ,
Qu'à fixer la joie en fon ame.
Le projet fans doute étoit bon
Mais il n'eut point de réuſſite.
D'un côté , l'horloge maudite
N'alloit qu'à l'aide de la main ,
Ou s'arrêtoit preſque auffi vite
Qu'on l'avoit pû remettre en train.
Le filence étoit fon affaire ,
Et non le bruit. Tout au rebours ,
La femme ne fçavoit ſe taire ,
Et fur un rien avoit toujours
Quelque fâcheux fermon à faire.
Le pauvre homme en devint tout for.
Pour finir le conte en un mot ,
Souvent l'horloge fut muette ,
Souvent la femme querella .
Je plains quiconque fait emplette
De deux meubles comme ceux - là.
38 MERCURE DE FRANCE.
LETTRE
A M. Remond de Sainte Albine , fur la
néceffité de conferver à la Poftérité le détail
des procedés des Artiftes.
Onfieur , nous découvrons des fe-
Mcrets, mais il s'en eft perdu de dignes
d'être enviés aux anciens qui les poffedoient.
Pour épargner ces juftes regrets,
il feroit à défirer que dans chaque Corps
d'Arts & Métiers , on fît ce qu'on fait en
faveur de la Chymie; qu'on mît par écrit le
détail de toutes les opérations qui s'y pratiquent
; qu'on prît l'Art on le métier à fon
origine , montrant comment par gradation
il s'eft perfectionné , quel eft fon état actuel
en France , & quelles font les differentes
pratiques des autres pays dans le
même Art.
Les explications qu'on trouve dans le
Mercure de Juillet 1749 fur l'Art d'imprimer
des tableaux en couleurs , font affez
intéreffantes pour faire fentir combien il
feroit défirable qu'on tînt exactement regiftre
de tout ce que l'induftrie humaine
a inventé,& de ce qu'elle fait chaque jour
pour l'utilité de la focieté.
JANVIER . 1750. 39
Outre que l'avantage de pareils recueils,
( s'ils étoient bien faits ) empêcheroit les
Arts de fe perdre , la lecture de ces écrits
inftruiroit les gens qui ne font que pour la
théorie, & les génies créateurs dont on auroit
lieu d'attendre des découvertes dans
quelques-uns de ces Arts , s'il y en avoir
un corps complet , où les amateurs & les
curieux pûffent prendre une connoiffance
approfondie. Le Dictionnaire des Arts ne
remplit qu'une très médiocre partie de ce
qui eft à fouhaiter à cet égard .
(
gens
Les gens d'Art , les Manufacturiers , les
ouvriers , n'ont pas l'habitude d'écrire , &
faute de ftyle , ils feroient incapables de
détailler ce qu'ils exécutent chaque jour
encore moins de remonter à la naiffance
de leur métier , & d'expliquer la maniere
dont on l'exerce dans les pays étrangers.
L'inconvénient cft aifé à lever ; des
à talent & capables d'application , fuppléeroient
facilement à ce qui manque à
ceux qui n'ont que de la pratique ; il en
coûteroit peu à chaque Membre des Corps
& métiers pour payer une belle plume ;
l'homme intelligent qu'ils employeroient,
rédigeroit les explications qu'ils lui donneroient
, les fuivroit quelque tems dans
l'atellier , pour fe mettre bien au fait , repréfenteroit
les machines employées , con
40 MERCURE DE FRANCE.
fulteroit les Livres & répandroit par tout
une clarté , dont infailliblement les ouvriers
, même les plus groffiers , tireroient
des avantages . 4
Un autre bon effet de ce travail feroit de
procurer une occupation fenfée& lucrative
à divers gens d'efprit ; le défaut d'occafion
d'employer leurs talens , fait qu'ils en abufent
, en fe tournant du côté des ouvrages
frivoles. S'il étoit établi que le talent d'écrire
des chofes folides pût conduire à
une forte d'aifance , ils deviendroient
bons Citoyens, en s'attachant à des matieres
utiles , & leurs lumieres ne feroient
plus perdues pour la Patrie , J'ai l'honneur
d'être , & c.
@@: U❁
LA VILLE DE BOULOGNE ,
A M. le Comte de Treffan , Lieutenant
Général des Armées du Roi , & ci-deyant
Commandant du Bolonnois .
ODE
Par M. Chabaut , de l'Oratoire.
E Sprit né pour charmer la terre ,
Qui joins l'Art de Virgile à celui d'Annibal ,
JANVIER. 41 175.0.
La paix t'enleve à moi , la fureur de la guerre
Meût- elle fait autant de mal ?
Nos Mufes , de foucis troublées ,
Oubliront les accords joyeux , tendres & vifs ;
Loin de leur Apollon , leurs lyres déſolées
Ne rendront que des fons plaintifs,
**
Ton féjour décoroit ces plages ;
Ma gloire avec toi fuit : quel deuil pour mes
enfans !
Tu verras d'autres Cieux ; de plus heureux ris
vages
S'enrichiront à mes dépens.
**
La Nature fur ton viſage
Peignit de la bonté le pouvoir enchanteur ,
Et de nos coeurs voulant te garantir l'hommage ,
Dans tes yeux plaça la douceur .
***
A ta naiffance préfiderent
Les neuffçavantes Soeurs , avec Minerve & Mars,
Qui , prodiguant leurs dons , dans tes veines glifferent
La valeur & l'amour des Arts.
42 MERCURE DEFRANCE.
Aléxandre lifoit Homere ,
Si fertile en leçons néceffaires aux Rois ,
Et César écrivoit d'ane plume légere
Les mémoires de fes exploits.
Poffidonius , quel préſage !
Ton nom vivra , Pompée eft ton admirateur.
La porte du Sçavant reçoit un humble hommage
Des faiſceaux du triomphateur.
Digne de gouverner la terre ,
Le vainqueur de Numance , ami de Lélius ,
Avoit auprès de lui , foit en paix , foit en guerre ,
Polybe avec Panétius .
**
Mais à la honte de nos armes
Un tel goût ne fut point le goût de nos Héros ;
Leurs lauriers moiffonnés au milieu des allarmes
Se flétriffoient dans le repos.
+34
Il n'eft plus ce tems d'ignorance ,
Où nos preux Chevaliers , loin des Lettres nourris,
Trop contens de fçavoir fe fervir de leur lance
Craignoient d'enrichir leurs efprits.
>
JANVIER. 1750. 43
Un nouveau Soleil vient de luire ;
Au milieu des Héros le fçavoir eft admis ;
Aucun de nos Céfars n'eft honteux de s'inftruire ;
Apollon & Mars font amis.
Toi , dont la valeur nous étonne ,
Eugene , tour-à-tour tu fuis Minerve & Mars ;
Dès que l'on n'entend plus les clairons de Bellone ,
Les Mufes enchantent Villars.
Tel le Neptune de la France ;
L'intrépide Caylus , des Arts fait fon plaifir ;
L'onde a- t'elle ceffé d'exercer fa vaillance
Il leur confacre fon loifit. '
Les doctes Nymphes du Permeffe
De la folide gloire indiquent le chemin ;
Docile à leurs leçons , notre heureufe Nobleffe
Connoît le prix du ſang humain.
****
La valeur n'eft point fanguinaire ;
Les larmes des vaincus ont droit de l'attendrir ;
Elle eft modefte , douce , humaine , falutaire ,
Et ne bleffe que pour guérir,
44 MERCURE DE FRANCE.
Des Lettres l'Europe eft avide ;
Pour elles tout efprit aime à fe déclarer ;
Un fexe délicat , & trop long- tems timide,
De leur éclat veut fe
***
parer.
Les Deshoulieres reffufcitent ;
La lyre & le compas fuccédent au fuſeau ;
Du Bocage , Cheron , tour-à-tour prennent , quittent
,
Malebranche , Milton , Rouffeau,
***
Ton féjour me rendroit fameuſe
Mes enfans, excités par tes écrits brillans ,
Ne redouteroient plus la lutte glorieuſe
Qui développe les talens.
* x+
Mais tu pars... O douleur extréme !
Que le Ciel fur tes jours verfe fes dons chéris !
Garde-toi d'oublier une Ville qui t'aime",'
Comme une mere aime fon fils.
JANVIER.
4f
1750.
***************
A M. de la P.,. par M. de Voltaire , en
lui envoyant un exemplaire de Semiramis.
M Ortel de l'efpece très- rare
Des folides & beaux efprits ,
Je vous offre un tribut qui n'eft pas d'un grand
prix:
Vous pourriez donner mieux , mais vos charmans
Ecrits
Sont le feul de vos biens dont vous foyez avare.
CDCOVICDC2va
escavacases
A Mlle Lionnois , danfant dans l'Opéra
de Zoroafte , fous l'habit de la Haine,
AIR , Réveillez-vous belle endormie,
Quand tu parois fur notre Scène
Mon coeur ému prouve trop bien ,
Qu'à voir ainfi regner la haine ,
Jamais l'Amour ne perdra rien.
46 MERCURE DE FRANCE.
DESCRIPTION d'une pendule à équation ,
inventée par le Sr. Vincent,
>
Our qu'une pendule puiffe aller jufte
PO
il faut néceffairement qu'elle foit réglée
fur le Soleil . Cependant celui qui voudroit
l'affujettir à fuivre régulièrement le meilleur
cadran folaire , perdroit fon tems ,
puifque les mouvemens du Soleil font irréguliers
. Par les calculs des Aftronomes ,
nous connoiffons de combien il avance
dans les équinoxes , & de combien il retarde
dans les folftices . On a fait pour cela
des Tables d'équation du tems vrai &
du tems moyen , pour régler les pendules
fur les cadrans folaires. De plus , on a
joint des mouvemens aftronomiques aux
pendules ordinaires , pour indiquer journellement
la véritable heure . Tous les
Artiftes fçavent que ces équations font
données fur une pendule par le moyen
d'une roue qui fait fon tour dans une
année ; il eft donc néceffaire que cette
roue le rapporte précisément au mouvement
aftronomique , dont la révolution
annuelle eft de 365 jours , 5
heures 49
minutes & 12 fecondes. Dans toutes les
JANVIER .
1750. 47
pendules à équation , on fe contente ordinairement
d'une roue annuelle de 365
jours , ce qui ne peut donner un mouvement
jufte , puifqu'il fe trouve trop court
de 12 heures 48 minutes 12 fecondes. Le
Pere
Alexandre a donné un
mouvement
qui ne differe que de 13 fecondes , ce qui
ne donne pas encore la jufteffe requife,
L'intention de l'Auteur eft donc de donner
un mouvement annuel jufte , felon la ſupputation
la plus connue , & qui ne puiffe varier
dans aucun tems , même dans les années biffextiles
, fans qu'il foit befoin de jamais y
toucher . Car felon les équations ordinaires
,
il faut néceſſairement
qu'il y ait de l'erreur.
dans un tems ou dans un autre, puifque l'année
civile differe de
l'aftronomique
d'envi
ron un quart de jour, ce qui fait que tous
les
4 ans , on ajoûte un jour à l'année civile,
pour la faire rencontrer à
l'aftronomique .
il s'enfuit donc de là , que l'équation n'eft
donnée jufte que dans le courant de l'année
, qui fuit
immédiatement la biffextile,
car l'équation donnée , par exemple , au
premier Mars 1749 , à midi , fe trouvera
fauffe l'année d'enfuite à la même heure ,
puifqu'elle auroit dû être donnée à 6
heures 10 minutes 48 fecondes du matin
le premier Mars 1750 à minuit 21
minutes 36 fecondes : le premier Mars
48 MERCURE DE FRANCE.
1751. à 6 heures 3 2 minutes 24 fecondes
du foir de la veille , & en 1752 , cette
équation fe trouvera arriver 23 heures 16
minutes 48 fecondes trop tard , le tems
vrai ayant devancé d'autant le tems moyen.
Ainfi d'une biffextile , à l'autre , vous ne
pouvez avoir l'heure vraie que dans le
courant de la premiere année : encore fautil
que vous ayez cu foin de mettre votre
pendule fcrupuleufement d'accord avec le
foleil , en obfervant toutefois d'augmenter
au tems moyen , ou de diminuer au
tems vrai , pour les accorder au point don
né , & tous les quatre ans faire la même
opération.
Il eft donc démontré par là que les équations
, données par une table générale pour
toutes les années , font au moins de 4 ans
trois , fauffes ; de là s'enfuit , que les pendules
à équation , réglées fur un mouvement
aftronomique de 365 jours , font défectueules
, & ne peuvent fatisfaire les
curieux fçavans qui recherchent la précifion.
Car quand même à toutes les années
biffextiles vous ajoûteriez 24 heures , vous
ne pourriez jamais trouver votre compte ,
parce qu'alors l'année civile furpafferoit
l'aftronomique de 43 minutes 12 fcondes
tous les 4 ans , & de biffextile en bifextile
, pareil nombre ajoûté feroit à la fin
une
JAN VIER. 1750. 49
une erreur confidérable au bout de 25
ans , donnant 4 heures 30 minutes , & au.
bout de 100 , 18 ; au lieu que la
pendule
propofée
, une fois réglée , vous donne, pour
tous les tems, le tems vrai & le tems moyen,
fans qu'il foit befoin d'y jamais toucher
ni
dans les biffextiles
, ni même dans les années
centénaires
non biffextiles
, fon calcul
étant précis à la fupputation
aftronomique
de 365 jours 5 heures 49 minutes
1 2
fecondes
.
Pour donner plus de vérité à l'équation ,
l'Auteur a joint deux mouvemens annuels,
l'un pour le tems vrai, l'autre pour le tems
moyen , de façon qu'à toute heure on
connoît , à une ſeconde près , la véritable
équation , & on entend battre les fecondes
de part & d'autre .
Au haut de cette pendule eft un cadran
féparé pour les minutes , portant deux
aiguilles, une pour le tems moyen , & l'au
tre pour le tems vrai ; ce cadran eft couronné
par un demi cercle , faifant contour
au fommer de la pendule , divifé en 60
parties parcourues par une fleur de Lys pardeffous
& un foleil pardeffus , qui l'une &
l'autre marquent les fecondes , & quand
ils font parvenus à l'extrémité , rétrogradent
à l'inftant , pour recommencer leur
route fur le demi cercle , fans interruption
de tems. C
50 MERCURE DE FRANCE.
-
Au deffous des minutes eft placé le
grand cadran pour les heures , qui renferme
un mouvement aftronomique qui
lui eft concentrique. Le globe terreftre
eft placé immobile dans le centre , au tour
duquel eft un petit cadran de 24 heures ,
fert à faire connoître l'heure qu'il eft
dans toutes les parties du monde. La Lune
eft placée au deffus , tournant au tour du
globe terreftre , développant fes phaſes
& indiquant fon âge & fon lieu dans le
Zodiaque. Dans le plus grand cercle placé
entre celui des heures & celui du Zodiaque
, eft fufpendu un foleil marquant
fur le cadran la véritable heure & fon
lieu fur le Zodiaque. Concentriquement
& de chaque côté du cercle folaire , font
placés des nuages qui montent & defcendent
à mefure que les jours croiffent & diminuent,
derriere lefquels on voit le foleilfe
lever & fe coucher , marquant les équinoxes
& les folftices , & comme le foleit
ne paroît jamais depuis 9 heures du foir
jufqu'à 3 heures du matin , l'intervale de
ces heures eft rempli par un cartouche
qui fert de bafe à ce cadran , & de couronnement
à celui pour les mois, les jours
& les femaines, qui lui eft inférieur.
-A ce cadran aftronomique l'Auteur
pourroit ajoûter les mouvemens des planettes.
JANVIER 1750. Sx
Sur le cercle extérieur du cadran des
heures , eft une étoile qui fert à marquer
le tems moyen, pendant que le foleil marque
le tems vrai fur le cercle intérieur ,
avec cette difference que le foleil parcourt
les 24 heures , au lieu que l'étoile ne
quitte point l'hémifphere, commençant fa
route fur les 6 heures de l'Orient, juſqu'à
6 de l'Occident, & rétrogradant dans l'inſtant
de l'Occident en Orient , pour parcourir
les 12 heures par un mouvement
égal denx fois le jour.
Le cadran aſtronomique eft entraîné
journellement d'Orient en Occident , &
par la combinaiſon des nombres , le foleil
y acheve fa révolution dans le Zodiaque
en 365 jours 5 heures 49 minutes 12 fecondes.
La lune en 27 jours 7 heures 43
minutes , & fa conjonction avec le foleil
en 29 jours 12 heures 44 minutes.
Au deffous du cadran aftronomique ,
eft un autre cadran qui montre le mois,
fon quantiéme , & les jours de la femaine,
qui font difpofés de façon que l'on voit
dans le même inftant tous les jours heb
domadaires , vis - à- vis du quantiéme qui
leur eft propre dans tout le courant du
mois , & leur écoulement eft marqué par
une aiguille qui parcourt en même tems
le jour de la femaine & le quantiéme du
C ij
52 MERCURE DE FRANCE.
mois , & cela réguliérement , foit que le
mois ait 30 ou 31 jours , ou 28 ou 29
dans les années biffextiles ou non , & cela
fans qu'il foit beſoin d'y toucher , le dernier
jour du mois prenant à minuit chaque
jour de la femaine , fa place vis - à- vis
du quantiéme qui lui eft propre pour le
mois fuivant , & l'aiguille quittant le 29 ,
le 30 ou le 31 , pour recommencer par
-un .
Cette pendule eft d'autant plus curieuſe,
qu'elle ne fe monte que tous les ans à la
hauteur de quatre pieds feulement , pour
que les montres fe trouvent à la portée
de la vûe ; qu'on la peut rendre d'autant
plus jufte , que les pendules frappent les
fecondes , & font accompagnées de leurs
contreverges , & qu'on la peut regarder
comme un calendrier perpétuel , puifque
tous les mouvemens fuivent réguliérement
toutes les fupputations aftronomiques , &
que les équations fe trouvent réguliérement
dans leurs lieux tous les ans.
Pour une plus grande perfection , l'Auteur
fe propofe de faire fonner les heures
par le tems moyen & par le tems vrai
fur des timbres differens , accompagnés
d'un carillon dont les airs changeront à
toutes les heures de la journée , de façon
qu'où on n'auroit pas été attentif à comp
JANVIER. 1750. 53
ter l'heure , on en pourra juger par l'air
qu'on entendra jouer.
Les Connoiffeurs peuvent juger de la
méchanique de cette pendule par. les curiofités
qu'elle renferme , dont on a
tâché de combiner les proportions par les
régles les plus fûres & les voies les plus
fimples , dont le développement fera donné
aux curieux & amateurs des Beaux Arts.
THIRSIDIS QUERELA.
T Hirfis Apollineos non ultimus inter alumnos,
Qui Graffineo pafcunt in monte capellas ,
Ut fua nil vidit curari carmina Phoebo ,
Pocula nec lactis toties effufa per aras ,
Nec fibi jam fas effe facros accedere fontes ,
Et notas Pindi de vertice carpere lauros ,
Conticuit preffus moerentia pectora luctu ,
Solaque per campos armenta errare reliquit ;
Ipfe fui ac domini oblitus , nemora alta petivit ,
Umbrofafque inter rapes & concava faxa ,
Ethereas querulis implevit vocibus auras.
Hæccine noftrorum mérces fperata laborum ,
Phoebe pater ? mihi fi taren hoc te nomine rursus
Appellare licet . Sic debita præmia reddis .. -
Cij
54 MERCURE DE FRANCE.
Quod fcelus infelix potuit committere tantum
Thirfis , ut iratus contemnas munera vatis ?
Cur me præcipitem fummo de culmine Pindi
Dejicis , & cantus prohibes audire Sororum ?
Ah pater ! ah fatis irarum eft , miferere precantis ,
Atque imploranti felicem porrige dextram ..
Sed quid ego hæc ? nil vota juvant , nec flectitus
ullis
Jam precibus , noftri fletus volvuntur inanes . ¿
Frangite nunc pueri calamos , calcate cicutas ,
Paftorum cantus & carmina fpernit Apollo ;
Nunc igitur colles , nunc faxa ingrata , valetė ;
Ite lyræ , citharæque , & dulce fonantia plectra
Ite , ô vivaces hederæ , laurique virentes ,
Quas æterna fuis concedit præmia Phoebus ;
Ite & vos tenera , infelix pecus , ite , capella
Non vobis atifum & dulces carpentibus herbas
Mollibus in ripis & dulci lentus in umbrâ ,
Argutâ folitum modulabor arundine carmen .
Nam deinde in fylvis inter ſpælea ferarum ,
Per duras vepres , & per juga longa vagabor
Solorum nemorum , triftes & Apollinis iras
Deflebo, faxifque meos narrabo dolores .
Ah Thirfis , Thirfis , quæ te dementia coepit !
Quid juvat infanos queftus jactare per auras ?
Non Graffinei tantùm fua numina colles ,
Pegafeos & habent fluvios , & confita lauris.
JANVIER.
35
1750.
Littora : funt montes quibus & fuus adfit Apollo ,
Pieridefque fuæ , funt quos Aganippidis unda
Irriget , & quorum felici in vertice furgat
Silva triumphalis palma , laurique perennes ,
Quarum fronde facrâ poffint torquere coronas
Aonides , meritis quas Phoebus nectat alumnis ;
Hos igitur, Thirfis , confcende ; huc dirige greffus.
Invenies alium , fi te hic faftidit Apollo.
Hæc , patulæ lauri recubans viridante fub umbrâ
Inter delicias hortorum & gaudia ruris ,
Dulcia fecurâ refonabat carmina venâ
Jam liber Thirfis , neque enim imperiofa magiftri
Urgebat facies , Driadum ſed læta corona
Ad calami modulos , manibus per mutua junctis ,
Ducebat feftas per florea rura choreas ,
Et raptos vatis confolabantur honores.
Una tamen miferum paftorem cura gravabat ;
Hinc aberat Daphnis ; te , Daphnis , lilia & ipfæ ,
Abſentem ſenſêre rofæ , fenfêre hiacinthi...
Quando igitur pofthac muſcoſi fontis ad oram ,
Non licet , alme puer , tecum certare canendo ..
Solus per fylvas raptum lachrima bor amorem ,
Omne nemus gemitu noftro , & plangore fonabit,
Immò hujus fagi quæ noftris fæpè ftrepebat
Cantibus, hoc fummo defcribam in cortice carmen ;
Dum fylvis aderunt volucres, dum gramina rivis,
C
56 MERCURE DE FRANCE .
Dum pecudes herbas , umbram dum paftor amabit,
Daphnidis infixum Thirfis fervabit amorem.
Auctore Scholaftico Rhethorices.
802 502 502 502 506 506 502 - 10:2302 30G ANG ANG 596 502
Ad Romanos bellum civile meditantes ,
Paraphrafis Horatii Odes, Quò, quò [ce-
-lefti ruitis , &c.
Q
Uò Cives ruitis ? quò vos rapit impius are
At non ,
dor ?
Cur aquilis aquilas , & pila minantia pilis
Afpicio , & ftrictum fraterna in vifcera ferrum ;
Romanine parum Neptunus fanguinis haufit ?
Quot laceranda feris inhuma ta reliquimus offa a
ut victæ ruerent Carthaginis arces ,
Atque Triumphali terram infectatus aratro
Victrices meteret miles Romanus ariſtas ?
Verum ut fanguineam vertens in vifcera dextram ,
Viribus ufa fuis , per fe impia Roma jaceret.
Scilicet haud aliâ poterat procumbere dextrâ.
Romanos , præter Romam , nil vincere poffet,
At non par Lybicis folet effe leonibus ira ,
Tigribus Armeniis nolunt contendere tigres .
Vosne agitat cocus furor è an vis acrior urget ?
JANVIER.
17
1750 .
Dicite. Pallentes inuffant , tacitoque furore
Mens turbata hæret , nec caufas invenit armis .
B. P. Drouet , Rhethorices Alumnus in
Mazarinao.
洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗渗
DISCOURS
Prononcé par M. Brallet , à fa maiſon de
campagne , à l'occafion des Pieces de Théâ
tre , qui y ont été repréſentées pendant
L'Automne.
Effieurs , le Théâtre épuré fait au
jourd'hui les délices des perfonnes
les plus refpectables , & du mérite le plus
fupérieur. Ce plaifir de tous les tems , &
de toutes les nations , eft porté dans ce
fiecle à fon plus haut dégré , & Paris l'emporte
fur Athenes & fur l'ancienne Rome.
Vous n'ignorez pas que l'un de nos Poëtes
Tragiques, plus fublime & plus grand que
Sophocle , a vu fon concurrent plus naturel
& plus tendre qu'Euripide , partager
avec lui ces lauriers que leur a décernés
l'immortalité. Ariftophane , Terence &
Plaute, embellis par d'excellens Comiques ,
ont repara fur la fcéne avec de nouvelles
graces , & nos Auteurs François ont , pour
Cy
$ 8 MERCURE DE FRANCE :
ainsi dire , furpaffé ces fameux modèles de
l'antiquité. Plus éclairés , ou peut - être
plus heureux que ces derniers , nous avons
vu s'élever de nos jours un genre nouveau ;
Thalie devenue plus férieufe & plus intéreffante
, faire briller par des traits délicats
& des fentimens moins communs , des
beautés inconnues aux Anciens ; nos Auteurs
Dramatiques , prouver par des coups
de Théâtre hardis & éclatans, qu'un efprit
fupérieur peut , fans bleffer les regles
étroites d'Ariftote , s'élever au-deffus des
préjugés , & ouvrir à fon vafte génie une
carriere nouvelle & brillante . Les ouvrages
de ces hommes célebres , traduits dans
toutes les Langues , ont enrichi les Etrangers
des tréfors de la Nation , & étendu
fa gloire chez tous les Peuples polis &
fçavans. Ne foyons donc point futpris ,
Meffieurs , de voir la plus haute Nobleffe ,
comme la plus fimple Bourgeoifie , chérir
ces plaifirs ingénieux & fpirituels ; le goût
eft de tous les états & de toutes les conditions.
Amateurs de ce genre de Littérature ,
nous enfaifons le délaffement d'occupations.
plus férieuſes ; ennemis de ces amuſemens
inventés par l'oifiveté, & foutenus par l'avarice
, qui , quoique préfentés fous differentes
formes attrayantes , n'en font
pasJANVIER
. 1750% 59
moins dangereux , puiſque quelquefois la
négligence des devoirs , fouvent la ruine
de la fortune, & toujours la perte du tems ,
font les fruits qu'ils produifent ; nous avons
préféré des plaifirs qui , en ornant
l'efprit & la mémoire , développent les
fentimens du coeur & les embelliffent.
Nos effais vous ont plû. Encouragés par
vos fuffrages , nous avons rifqué d'exécuter
les plus grands Poëmes du Théâtre
François ; ces Pieces à fentimens vous ont
attendris ; nous avons vu couler vos larmes
, & dans les Pieces enjouées les ris
fucceder aux pleurs. Permettez - nous de
croire que de pareilles fenfations étoient
pour nous un éloge auffi flatteur , qu'il
paroiffoit fincere.
Nous fentons combien cet Art exige de
talens réunis pour atteindre une certaine
perfection. Ces graces de la déclamation ,
ces tons de voix variés , ces filences , ces
mouvemens de l'ame , que le vifage doit
exprimer ; ce jeu naïf du comique , dont:
la fimplicité apparente eft fouvent le fruit
d'une pénible étude ; cette énergie , cette
nobleffe , enfin cette grandeur de fentimens,
fi propres à la Tragédie , & qui doivent
avoir leur fource dans le coeur ; tou
tes ces difficultés ne nous rebutent point..
Si votre délicateffe nous allarme , votre
C vj
60 MERCURE DE FRANCE.
amitié nous raffûre. Ce font des plaifirs
que vous partagez avec nous ; l'Acteur difparoît
à vos yeux , l'ami feul vous est
préfent.
Nous ferons toujours ravis d'entretenir
& de cultiver cette harmonie , qui en nous
uniffant par le même goût , nous procure
quelquefois l'occafion de raffembler dans
de petit Temple des Mufes une Compagnie
auffi charmante qu'elle eft eftimable :
on y remarque avec plaifir que la vertu
& les graces font les appanages d'un fexe ,
& la politeffe & l'urbanité celui de l'autre ;
tout y refpire les égards & la complaifance
; la médifance & l'envie y font des
monftres détestés : enfin Vitry n'offre que
ce que la fociété civile a de plus délicieux.
La fageffe a toujours préfidé à nos amu.
femens ; nous n'avons adopté que les piéces
renfermées dans les bornes de la plus
exacte bienféance . Loin de nous ces talens
pernicieux,qui ne plaifent à l'efprit qu'aux
dépens des moeurs ; ces jeux de mots , ces
obfcénités , fruits dangereux de la corruption
du coeur ! Non , Meffieurs , nos jeux
innocens n'offriront jamais que des tableaux
, qui en peignant le ridicule & Podieux
du vice , préfenteront tous les charmes
de la vertu , & la rendront toujours
refpectable.
JANVIER. 1750. 61
A MAD. LA MARQUISE DE **
P
L'ART ET LA NATURE.
Our triompher de Yous Iris aimable &
tendre ,
L'art féduifant employe tous les traits ,
Difcours fleuris , vers doux , des plaifirs les attraïts,
Enfin tous les appas qui peuvent vous furprendre.
J'ignore ces talens : ami de la nature ,
Je ne connois que fa fimplicité ;
Mon ame franche & pure
N'adopte que la vérité.
Entre ces deux amans , choififfez donc , Iris :
L'un fçait aimer , & l'autre le fçait dire .
Mais pourquoi faire un choix ? Non , que tous
deux chéris ,
Auprès de vous évitent de fe nuire.
En fuyant une haine aux rivaux ordinaire ,
Ils peuvent tour à tour vous prouver leur ardeur.
Si l'art par fon brillant à votre efprit fçait plaire
La nature fans fard doit plaire à votre coeur .
Brallet. C. D. V.
A MADAME P **
J'ai gagné le pari ; c'eft un garçon enfin ;
Courez au Chapelier ; qu'un caftor le plus.fin
62 MERCURE DE FRANCE.
Couvre ma tête & la décore ;
Qu'il foit orné des plus beaux dons de Flore
N'épargnez rien , puifque dans ce beaujour,
La charmante Cloris donne un frere à l'Amour.
Mais bien loin de répondre à mon ardeur extrême ,
Quel eft donc cet air trifte & ce viſage blême ?
Ah ! je vois mon erreur , & je me fuis mépris
Pour la feconde fois je me trouve encor pris.
Pourquoi donc s'affliger ? eh bien , c'eft une fille
Si , femblable à ſa mere , en elle l'efprit brille ,
Qu'elle en ait les beaux yeux , la blancheur , les
appas,
Elle aura fur Venus l'avantage & le pas :
Et pour faire un portrait peint d'après la nature ,
Qu'elle ait , comme Cloris , la vertu la plus pure :
S'il eft ainsi , chagrin , cedez aux jeux , aux ris ;
Je ne regrette plus mon caftor à ce prix.
Par le même.
VERSION de l'Epigramme de Boileau ,
qui dit : Ton Oncle , dis- tu ,
l'affaffin , &c.
ME tuus ægrum olim fanavit Patruus , inquis &
At vivo ; Medicus
non fuit ergo mihi ?
Jouin de Saufeuil.
JANVIE R. 1750 .63
VERS
Pour mettre fur la Porte de l'Hôpital de
la Trinité
UNius hæc Trinique Dei qui limina tangis
Extorrem quàm nos te magis effe putes ,
Ni juvet ac foveat te femper gratia Chrifti ,
Quâ fine non vivit , fed malè torpet homos
Nos luges miferos , carifque parentibus orbos ,
Papilli at non funt queis Deus ipfe Pater .
>
Jouin ,
pere.
LETTRE
A Pilluftre Philarete.
Jarvis à de
E ne puis , illuftre Philarete , fçavoir
mauvais gré à Barême de la prétendue
faute qui lui eft échapée , dit- on , dans
fon Traité d'Arithemetique : fans ce reproche
, jufte ou injufte , il très- probable
que je n'aurois jamais eu de commerce littéraire
avec vous , & peut-être auffi fans
vous ne me ferois-je gueres foucié de la
faute de Barême , ni de fa regle Teſtamentaire.
En parcourant le Mercure de Sep64
MERCURE DE FRANCE.
tembre dernier , je fus affez furpris d'y
trouver des Caracteres Algébriques , &
ma furpriſe fe changea en admiration ,
quand je vis qu'ils avoient été tracés par
une perfonne de votre fexe ; je recourus
auffi-tôt à Barême & aux Mercures de Janvier
& Avril de la préfente année , pour
voir la fuite du petit combat de folutions
dont il s'agit. » Un homme laiffe en mou-
» rant fa femme groffe , & 100000 livres
» de fon chef en acquêts ; il ordonne par
fon Teftament que fi fa femme accouche
"9 d'un garçon , il en aura les trois cin-
» quiémes , & la mere les deux cinquié-
" mes; & que fi elle accouche d'une fille ,
» elle n'en aura que les trois feptićmes" ,
» & la mere les quatre feptiémes : il arrive
qu'elle accouche d'un garçon &
» d'une fille ; fçavoir combien chacun doit
» avoir defdites 100000 livres , en con-
» fervant toujours la proportion de la
» mere aux enfans.
Voilà les propres termes de Barême
voici fa folution :
fuppofez 3 portions pour la fille ,
il faut 4 portions pour la mere : &
comme la portion du fils.
doit être à celle de la mere ,
il doit par comme 3 eft à 2 ,
conféquent
JANVIER. 1750. 61
appartenir 6 portions au fils .
En tout 13 portions , dans lesquelles il
faudra divifer les 100000 livres. Ainfi de
ces 100000 livres ,
le fils aura 6 = 461531 . 16f. 11d.
la mere
la fille
307691. 4f. 7 d.
230761.18f. 5 d.
1 100000l. o
Le pauvre Barême , après avoir joui
tranquillement pendant nombre d'années
de la gloire d'avoir réfolu ce Problême , no
s'attendoit pas que M. Faiguet viendroit en
1749 troubler le repos de fes cendres , en lui
difant qu'il n'a point raiſonné juſte : c'eft
pourtant ce qui eft arrivé . Dans le Mercure
de Janvier dernier , ce Critique ,
que je n'ai pas l'honneur de connoître , eft
venu nous dire que le raifonnement de
Barême n'étoit point jufte , en ce qu'il
donne au fils le double de ce qu'auroit la
fille ; que ce n'étoit point là l'intention
du pere. Remarquez bien ces termes ; vous
en verrez plufieurs dans le même goût ,
car nous allons avoir à faire ici à tous gens
qui ont un talent admirable pour pénétrer
dans les intentions des morts. La propor
tion du fils à la fille doit être celle de
trois cinquièmes à trois feptiémes , die
66 MERCURE DE FRANCE.
M. Faiguet Barême l'a faite telle que
de 6 à 3 ; donc il s'eft trompé. Voyons
quelle folution M. Faiguet va fubftituer à
celle de Barême. » Il prend un nombre qui
» ait des cinquiémes & des feptiémes en
» nombres entiers , tel que 35 ; il en
>> prend d'abord les 20 & les 14
"
qui font les portions que devoit avoir
la mere dans les deux fuppofitions ; il
» prend enfuite un nombre milieu entre
» ces deux nombres , c'eft dix fept , & il
» dit que c'eft la part que doit avoir la
>> mere , ci .
17 portions
le fils aura les trois cinquié-
• •
mes de 35 = 21 portions
la fille aura les trois feptiemes
de 35 =
= 15 portions
» ainfi toute l'hérédité doit
» être divifée en
SPESESP
•
le fils
pour
pour la mere
pour la fille
•
53 portions
39622 34
53
32075
28301
25
53
47
53
100000
Mais la folution de M. Faiguet eft- elle
plus jufte : Selon lui celle de Barême péchoit
en ce que les du fils n'étoient point
avec les de la fille en même proportion
JANVIE R. 1750. 67
que eft à . Or peut- il dire que
2
17 15
5383 7 7
21 17
5353 ::
& que non affurément ?
donc l'intention du pere n'eft point exécutée
par M. Faiguet plus que par Barême.
Venons à l'anonyme qui s'eft mis fur
les rangs dans le Mercure du mois d'Avril.
Selon lui , ni Barême ni M. Faiguet n'ont
entendu l'intention du Teftateur ; c'eſt à
lui qu'il étoit réservé de la déveloper. " Si
» le pere , dit-il , avoit prévu fa double
progéniture , ou il auroit ordonné que
» fon fils prendroit également les trois
cinquièmes de l'hérédité , & que le furplus
feroit par feptiémes entre la mere
» & la fille , ainfi trois cinquièmes pour le
» fils , 60000 l . of. od.
"
"
pour la mere quatre
feptiémes dans
les deux cinquiémes ,
ci ,
pour la fille trois
feptiémes dans les
22857 1. 26. 10 d .
deux cinquièmes ci , 17142 l . 17f. 1 d.
100000 1. o
» oubien il auroit donné à fon fils 50000l.
» à condition d'en ceder les deux cinquiémes
àfa mere , & il auroit donné pareil-
» ment 50000 1. à fa fille , à condition
qu'elle en cederoit les quatre feptiémes
» à fa mere , enforte que
39
68 MERCURE DE FRANCE.
le fils auroit eu
de la fucceffion 300001.
la mere auroit
eu de la fucceffion
485711. 8f.6d .
la fille enfin auroit
eu .. .214281 . 11 f. 5 d.
I
1000001. o
On voit même que c'eft vers cette derniere
folution qu'incline notre anonyme ,
c'est celle qu'il auroit conſeillée au Teſtateur
, s'il en eût été confulté ; mais que
s'enfuit-il de là ? Rien ce me femble, finon
que ce feroit le parti- que prendroit notre
pénétrant anonyme , s'il fe trouvoit dans
le cas du pere Teftateur ; je ne crois pas
cependant que des Juges qui décideroient
du partage de la fucceffion dont il s'agit ,
fuivant l'un ou l'autre de ces deux derniers
plans , fuffent beaucoup approuvés ; le
premier des deux n'a rien qui approche
de ce que le pere a ordonné , la mere &
la fille y font trop léfées ; dans le fecond
on n'apperçoit aucune des proportions
établies par le pere ; au contraire la mere a
plus de 18500l . plus que le fils , & beaucoup
plus que le double de la fille . Ainfi
laiffons là les réflexions de l'anonyme ,
JANVIER. 1750. 69
regardons les feulement comme des conjectures
, comme le projet de ce qu'il fe
roit en pareil cas , & non point comme un
remede à l'inconvénient du double enfantement
non prévu , & que nous fuppofons
arrivé.
C'est vous maintenant , illuftre Philarete
, qui allez paroître fur les rangs ;
vous êtes la premiere qui ayez traité cette
queftion en grand. Votre double folution
algébrique commence à faire voir la vérité
, c'est- à- dire , que l'on ne peut point
donner de folution fixe & totalement fatisfaifante
de cette question ; & qu'il eſt
´ ridicule de chercher dans un homme une
intention qu'il n'a point eue. Je ne viens
donc point ici critiquer vos folutions , mais
déveloper une idée que vous avez déja fait
entrevoir. En effet pour que la folution de
ce problême ne fût point arbitraire , il
faudroit que trois cinquiémes fuffent à
deux cinquièmes, comme trois cinquiémes
4 quatre feptiémes , ou trois feptiémes à
quatre feptiémes , comme trois feptiémes à
deux cinquièmes , l'impoffibilité en faute
aux yeux ; & la caufe de cette impoffibilité
eft bien fimple . Le pere dont on veut regler,
la fucceffion , a prévu deux cas ; il en eft
arrivé un troifiéme qu'il n'avoit pas feulement
imaginé ; il eft tout naturel qu'on ne
70 MERCURE DE FRANCE.
1
trouve point dans fon teftament la regle à
fuivre dans ce troifiéme cas ; mais point
du tout , on veut deviner quelle auroit été
fon intention , s'il eût prévû cet événement.
Oh , il faut avouer que c'eft pouffer
trop loin la curiofité , & fe faire des
monftres pour les combattre ; l'algébre ,
toute fertile qu'elle eft , n'a pas le pouvoir
de pénétrer dans des intentions qui n'ont
jamais exifté. Pour corroborer le commencement
de preuves que vous en avez donné
, je vais expofer huit folutions differentes
( les deux vôtres y compriſes ) lefquelles
, felon moi , peuvent fatisfaire
toutes au Problême auffi bien que celles
de Barême , de M. Faiguet , & beaucoup
mieux affurément que celles de l'anonyme.
Pour abreger , je ne réduirai point en fols
& deniers.
Premiere folution. En fuppofant la part
du filsx , celle de la mere fera 4* ;
celle de la fille fera ,& l'on aura 87 x
3500000 liv. ce qui donne qui pour la
valeur d'x , qui eſt
35
la
part
du fils = 40229 1 .
ce qui fait la part de la mere = 32183
& la part de la fille = 27586
100000 1.
JANVIER. 71 1750.
C'eft précisément votre premiere folution.
Seconde folution . En fuppofant la part
de la mere = x , on aura cette équation ,
pour le fils pourla mere : pour la fille ,
x + x + x +
100000 1. Donc 107 x
Sle
x
-
x =
35000000
liv.
fils en ce cas aura 39252
donc la mere aura
la fille aura
36
101
30
32710 07
28037
45
100000 1.
Troifiéme folution. Si l'on fappoſe la
part de la fille , on aura cette équation,
pour la fille, pour la mere , pour le fils.
X + x + x + x + 1/ x =
100000l . donc 123 x
3500000 1.
le fils aura
la mere aura
la fille aura
390241.13
22520
40
123
28455
35
•
123
100000 1.
Quatriéme folution . Maintenant fi l'on
fuppofe que le pere
ait eu intention
de
donner
au fils un
cinquième
de la totalité
de l'héritage
plus qu'à la mere , & à celleciun
feptième
de cette
totalité
de l'héritage
plus qu'à la fille : foit que vous
fuppofiez
a part du fils
, foit que ce foit celle de
a mere ou celle de la fille que vous
expri72
MERCURE DE FRANCE.
primiez par cette lettre , vous trouverez
toujours dans les trois differentes valeurs
d'x.
la part de la mere
Sla part
du fils
Za
part la de la fille
51428 1.
31428
17142 7
100000 1.
·
& c'eft précisément votre feconde ſolution .
Mais ce n'eft point là tout , car qui eſtce
qui empêche de faire ce raifonnement ,
comme on le fait dans quelques autres
problêmes ? Trois cinquièmes de 100000
liv. plus deux cinquièmes , plus trois feptiémes,
font néceffairement beaucoup plus
que 100000 livres , il faut donc chercher
un autre nombre moindre que 100000 1.
dont les parties aliquotes ou fractionnaires
, exprimées dans le teftament en queftion
, faffent par leur addition la fomme de
100000 livres , & par là nous fuppléerons
ce que le pere n'avoit pas prévu. Or fous
ce nouveau point de vue , les folutions
vont encore fe multiplier , & je crois en
vérité qu'elles feront auffi bonnes que
routes celles que nous avons vûes jufqu'à
préfent.
à
Cinquiéme folution . D'abord on peut
chercher un nombre x, tel que fes trois cinquiémes
JANVIER 1750. 73 "
.
quiémes, plus fes deux cinquièmes, plus enfin
les fix feptièmes des deux cinquièmes ,
faffent enfemble 100000 livres , & cela
nous donnera l'équation fuivante.
12
2x + 2x + x = 100000 liv. } x + 2x + 35
donc x
3500000
47 74468 1. , ' ce
qui
fait
pour
le
fils
ce
qui
fait
pour
la
mere pour
la
fille
44680 1.4
29787
25531
47
47
47
43
1000001.
Sixième folution . En cherchant un nombrex
, tel que fes trois feptiémes , plus
fes quatre feptiémes , plus enfin les fix
cinquiémes des quatre feptiémes , faffent
enfemble 100000 l. on aura cette équation .
2x + x + 3x = 100000 ,
x = 3000059322 , ce qui fait
24
35
donc
Spour
le fils
pour la mere
pour la fille
406771.
33898
25423
རྔjeej212
59
43
59
100000 1.
Septiéme folution.En fuivant toujours le
même raiſonnement , mais fuppofant que
l'intention du pere a été de donner au fils
un cinquième au total plus qu'à la mere ,
& à celle-ci un feptiéme au total plus qu'à
D
74 MERCURE DE FRANCE.
la fille , on aura pour la part du fils trois
cinquièmes x , pour celle de la mere deux
cinquiémesx , pour celle de la fille deux
cinquièmes un feptiéme x , ce qui
donne cette équation .
x
---
31
= x + x + x = 100000 l . donc
44x 3500000 l . donc x
79545 , ce qui fait ,
Spour le fils
pour
la mere .
pour la fille
3555920
44
477274
31818
8
44
2045424
100000 1.
Huitiéme folution . Autrement , on aura
part
pour la de la fille trois feptiémes x ,
pour celle de la mere quatre feptiémes x
& pour celle du fils quatre feptiémes x †
un cinquième x , ce qui donne l'équation
fuivante
7
2x + 4x + 2x = 100000 1. donc
x = 3500000= 5645 1 1. , ce qui fait,
(pour le fils
62
pour la mere
pour la fille
4354824
32258
24193 2/2/
roooool.
Voilà , ce me femble , fçavante Philarete ,
huit Solutions differentes , fans compter
JANVIER , 1750. 75
:;
pas
celles de Barême , de M. Faiguet , & de
l'Anonyme ; il ne faudroit pas parier gros
jeu contre moi que je n'en donnerois
encore plufieurs autres , mais outre que je
n'ai point affez de loifir pour me livrer
anxx & aux y , autant que mon goût m'y
pórteroit , en voila fans doute affez pour
prouver que ce problême ne peut pas effectivement
avoir de folution certaine ; le
nôtre eft affûrément dans cette espéce. Sa
véritable folution feroit l'intention qu'auroit
eue un homme que l'on fuppofe mort,
s'il avoit prévu telle ou telle chofe ; or devinez
fi vous pouvez : je défie tousl es x du
monde, même les xx , & autres gens de
cette efpéce de jamais nous en dire mot.
Si l'on me demande à quoi je me détermi
nerois dans le cas où j'aurois pareille difficulté
à réfoudre , je crois que je mettrois
les huit folutions fur autant de billets féparés,
& je me déterminerois comme on fe détermine
ordinairement à donner le gros lot
de la lotterie . Je vous avouerai cependant
un foible que j'ai pour l'égalité de fortune
entre freres & foeurs , & je crois en conféquence
que je donnerois la préférence à
ma troifiéme folution ci- deffus, qui donne
Sau
fils
à la mere
à la fille
33
390249
3252040
2845535
123
Dij
12
76 MERCURE DE FRANCE.
Peut-être, fans m'en appercevoir, n'inclinai-
je pour cette folution que parce
qu'elle eft la plus favorable à la fille . Eh
bien je ne m'en défens point ; ce fexe charmant
mérite bien cette petite attention de
ma part . Je ne conçois pas pourquoi il eſt
fi univerfellement maltraité par toutes les
difpofitions des Coûtumes , dans tout ce
qui s'appelle intérêt , partage de biens
&c. Les vieux Auteurs de toutes ces bizar
reries ne connoiffoient pas fans doute
de Philaretes. J'ai l'honneur d'être , &c.
L. L. G.
De Beauvais , le 28 Octobre 1749.
VERS
Préfentés au Roi , pendant fonféjour à Foxtainebleau
, un jour qu'il chaffoit.
Lorqu Orfque la trompette guerriére
Annonçoit le regne de Mars ;
Ma Mufe à l'abri des hazards ,
Que tes grands fuccès rendoient fiére ,
S'exerçoit , quoique jeune , à chanter ta valeur.
Tu prêtois à les chants une riche matiére ,
JANVIER. 1750 . 77
Trop heureux fi, fuivant le penchant de mon coeur ,
Mon pinceau plus habile eût pû , fans te déplaire ,
Peindre dans tout fon jour la gloire du Vainqueur !
Mais maintenant que mon ame attentive
Contemple fur ton front de mélange éclatant
Du laurier avec l'olive ;
Qu'enfin la Paix fur l'une & l'autre rive
Raméne des plaifirs le cortégé charmant ;
Je m'occupe dans ma retraite
A célébrer les vertus d'un Héros ,
Qui ne s'endort jamais dans un lâche repos .
Du grand art de regner ta fcience parfaite ,
Ta modération , ta fublime équité ,
Ta douceur , qui s'étend fur ton peuple enchanté ,
Pour les vaincus ton bras qui leur fert d'affûrance ,
Ta haine enfin de la vengeance >
Qui de ton nom rempliffent l'univers ,
Sont les dignes fujets que je traite en mes vers.
J'y joins auffi ces tranfports que la France`
Enfante au fein de fa reconnoiffance ,
Mon tendre zélé , mon amour ,
Et le bonheur que j'ai d'habiter un ſéjour , *
Où je jouis fouvent de ta préſence :
* L'Auteur va paffer tous les ans une partie de
l'Automne dans un Village nommé Chartrait , qui
qui n'eft qu'à deux petites lieues de Fontainebleau ,
aux environs duquel le Roi ſe plaît à chaffer.
D iij
78 MERCURE DE FRANCE.
Sur- tout lorfque par un beau jour ,
Environné d'une Cour éclatante ,
A pourfuivre le cerf dans le fond de nos bois ,
Et voir cette bête écumante
Par tes chiens réduite aux abois ,
Tu montres une joie extrême ;
Je te fuis , & fixant les yeux toujours fur toi ,
Je me dis cent fois à moi-même,
Jufques dans fes plaiſirs Louis fe montre Roi.
J. F. Guichard.
Dus 15.
Octobre
1749.
ཀྱ % @
ALLEGORIE.
A Mile L ..
Sur la peur qu'elle eut
à une chaffe de M. le Duc de * * & de
Madame la Ducheſſe de **
Plein d'une douce réverie ,
Avec Amynte , l'autre jour ,
Me promenant dans la prairie ,
J'examinois les hameaux d'alentour ,
Quand nous vîmes venir l'Amour
Accompagné de la troupe des Graces ,
Qui d'un cerf ſuivoit les traces.
JANVIER. 1750. 72
Le fpectacle étoit des plus beaux.
A le confidérer, envain j'excite Aminte ;
Sur fon vifage on lit ſa crainte;
Elle ne peut refter un moment en repos ;
Elle fuit , elle court , de frayeur elle pâme.
Par un doux & tendre entretien
Je voulois raffûrer fon ame ,
Mes difcours fur fon coeur ne firent jamais rien .
Cependant l'amour s'apprête
A tirer fur la bête ,
La voyant fur le point de rentrer dans le bois
Pour la quatrième fois.
Après beaucoup de réſiſtance .
Aminthe enfin avance ,
A l'aſpect de l'amour fent un trouble ſecret
Et n'ofe contempler cette fête nouvelle.
L'Amour choifit un trait ,
La bête prend la fuite , il me perce au lieu d'elle
Hé bien! quel étoit donc , lui dis- je , votre effroi
Ce Dieu , vous le voyez , n'en veut toujours qu'à
moi.
Par le même.
Du 30 Octobre 1749.
Diiij
So MERCURE DE FRANCE.
EPITHALA ME.
Sur le Mariage de M. R.... & de Mademoifelle
M....par M. l'afcal , Capitaine
au Régiment de Piémont.
DE fes fléches
impuiffantes
Arrachant , brifant le fer,
Avec l'Hymen de concert
L'Amour vient d'en forger des chaînes triom
phantes.
Aimables Dieux ! reftez toujours unis
A vos defirs que tout réponde;
Vous faites le bonheur du monde ;
L'Univers vous fera foumis.
Amour , Hymen , que vos chaînes font belles
Rendez- les éternelles. ]
Dans vos liens efclaves fatisfaits ,
Les coeurs les plus rebelles
Ne les rompront jamais ....
Quelle eft cette jeune Bergére
Que l'on couronne dans Cythere ?
Elle brille de mille attraits ;;
De fon flambeau l'Hymen l'éclaire ;
Ce Dieu fur un trône de fleurs
L'appelle par un doux fourire
JANVIER. 1750.
81
Et de fon glorieux. Empire
Il étale à fes yeux les dons les plus flatteurs.
La beauté , la conftance. ,
La timide pudeur ,
Les charmes , la candeur ,
Les jeux , les ris & la décence
Nous annoncenr la belle Hortenfe
L'amour victorieux la conduit à l'Autel ;
Tous les plaifirs fuivent les traces
Viens recevoir, heureux mortel ,
Une main que t'offrent les Graces.
Que ton fort eft beau ! qu'il eft donx !
Cher R.... tes vertus t'affûrent ta conquête.
Goûtez long-tems , tendres Epoux,
Cette félicité parfaite
Que l'Amour & l'Hymen n'ont formé que pou
vous.
A Monfieur Autrean de l'Académie
Royale de Peinture , & qui peint
Mademoiſellė D .….….….…
QUATRAIN
TU peins Thémire , Autreau , mais Thémi
eft fi belle ,
Qu'on ne creira jamais que tu n'as qu'imité :
Plus fon portrait fera fidelle ,
Et plus on- le croira flatté.
D.W
$ 2 MERCURE DE FRANCE . '
Réponse aux obfervations de M. Walter ,
Auteur du Voyage autour du monde ,
de Lord Anfon , fur quelques longitudes
des Côtes de l'Amérique Méridionale , affignées
par M. FreZier dans fa Relation
du Voyage de la mer du Sud.
Quoique jedoive des remercimens à M. Walter de l'honneur qu'il a fait
à mon voyage, de le qualifier d'Excellent,
& qu'il ait fait obferver mon exactitude
en plufieurs chofes , je ne dois pas me
taire fur l'imputation des erreurs de longitude
qu'il croit trouver dans la petite
Carte générale que j'ai mife à tête du livre,
plutôt à deffein de guider le lecteur fur
notre route , que pour fervir à la navigation
, à laquelle l'extrême petiteffe de la
graduation la rendroit inutile .
" J'ai fi fouvent cité Frezier ( dit- il )
que je crois être obligé d'avertir les na-
" vigateurs , qu'ils ne doivent pas fe fier à
» la longitude affignée dans fa Carte au dé-
» troit de Maire & à toute cette côte; tout
cela eft trop
à l'Eft de 8 à 10 degrés.
Je dois auffi , à mon tour , les avertir
que toute la côte occidentale de la grande
Carte d'une partie de l'Amérique méri
JANVIER. 1750: S3
dionale, inférée dans le voyage de Walter,
eft trop avancée à l'Ouest de 4 à 5 degrés,
& par conféquent auffi toute celle de la
côte des Patagons & de la Terre de feu , d'où
il réfulte qu'il fe trompe lui- même.
Je prouve démonftrativement la premiere
partie.
On ne peut être affûré d'aucune
longitude que par des obfervations aftronomiques
des immerfions ou émerfions
des fatellites de Jupiter , ou des occultations
des étoiles par des planettes ,
ou autres femblables moyens imaginés par
les Aftronomes, parce qu'une petite erreur
de tems en cauſe une grande en longitude .
Douze minutes , par exemple , de plus ou
de moins , en font une de trois degrés, qui
valent foixante lieues fous l'équateur , &
moins, à mesure qu'on approche des poles.
Quant aux obſervations de longitude par
des éclipfes de lune , que font les gens de
mer fans autre inftrument , pour en déterminer
le tems , que celui d'une montre
de poche , on n'en doit faire aucun cas ,
puifque les Aftronomes avouent que même
avec bien des précautions ils ne peuvent
les rendre exactes , parce qu'il eft difficile
de marquer avec précifion le moment
ou la pénombre commence à couvrir le
difque de la lune. C'eft pourquoi ils ob-
•
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
fervent en particulier les immerfions &
émerfions des principales taches , pour
rectifier leur obfervation par des comparaifons.
Ces vérités fuppofées , on ne peut s'empêcher
de condamner la Carte de Walter ,
en ce qu'elle n'a aucune conformité avec
les obfervations aftronomiques faites à la
côte du Chili ; fçavoir à la Conception ,
à Valparaiffo & à Coquimbo , par un correfpondant
de l'Académie des Sciences de
Paris , laquelle a adopté les deux premieres
qu'elle fait inférer dans le livre annuel de
la Connoiffance des tems , & dont la troifiéme
fe trouve dans le Journal du P. Feuillée,
qui les a faites les voici comparées aux
longitudes de la Carte de Walter .
1. La Conception y eft placée par 77.
degrés 30 minutes de longitude occidentale
du méridien de Londres , à laquelle
ajoûtant la différence entre ce méridien &
celui de Paris , qui eft de 2 degrés 25 minutes
15 fecondes , on aura 79 degrés 55
minutes 15 fecondes de réduction au méridien
de Paris ; mais le livre de la Connoiffance
des. tems ne met ce Port que
par 75 degrés 32 minutes, 30 fecondes ::
donc l'erreur de Walter eft de 4 degrés 22
minutes 4.5 fecondes trop occidentale .
2º. Par les mêmes comparaifons & réJANVIER.
1750..
ductions , Valparaiffo , qu'il met par 77
degrés de Londres , fera par 79 degrés 25,
minutes 15 fecondes de Paris , mais la
Connoiffance'des tems ne met ce Port que
par 74 degrés 39 minutes 15. fecondes :
donc l'erreur eft de 4 degrés 46 minutes
o fecondes du même côté.
3 °. Enfin Coquimbo , qu'il met par 76
"degrés 30 minutes de Londres , fera par
78 degrés 55 minutes 15 fecondes du méridien
de Paris ; mais le P. Feuillée ne met
cette Ville & ce Port que par 73 degrés 35
minutes 45 fecondes : donc l'erreur eft de
5 degrés 19 minutes 30 fecondes , trop à
foueft comme les précédentes.
3
D'où il fuit, que raifonnant conféquemment
à ce que dit Walter ( p 79. ) qu'il
» croit que la côte du Brefil & celle du
» Perou , qui eft à l'oppoſite fur la mer
» du Sud , font très-bien placées dans la
» Carte de feu M. Halley qu'il adopte ;
on conclura que les erreurs de la côte de.
l'Ouest en entraînent d'égales à l'Eft , fi
les points oppofés font bien placés dans
leurs diftances relatives (comme il le penfe )
jufqu'à la Riviere de la Platte à Eft , & le
point qui lui eft oppofé à l'Ouest ( qui eft
Valparaiffo.
Depuis cette riviere, il ne peut s'empêcher
de convenir que la côte déclinegraduellement.
86 MERCURE DE FRANCE.
trop à l'Ouest dans la Carte de ce Docteurs
de forte qu'àfon avis, le détroit de Magellan
eft éloigné de près de 50 lieues de fa vraie
pofition ; il pouvoit dire jufqu'à 72 , fuivant
le réfultat des vaiffeaux de fon Eſcadre ,
qui au lieu d'eftimer le cap des Vierges
par 76 , fuivant la Carte , l'ont eftimé
par 70 & 71 degrés de longitude de
Londres.
Or fuppofant nos points de longitude
fixés par les obfervations , les giffemens
des côtes & la longueur du détroit de Ma
gellan immuables , à l'égard de la côte de
l'Oueſt , il eſt évident que toute la côte des
Patagons & de l'ifle de Feu eft d'environ
cinq degrés trop avancée à l'Oueſt, & qu'il
faut les retrancher des huit d'erreur qu'il
m'impute. Il n'en reftera donc plus que
trois en doute à difcuter , que je défens
par deux raifons .
La premiere , c'eft qu'étant affujetti a
des obfervations authentiques faites à la
côte du Chili , on ne peut reporter la côte
de l'Eft des Patagons , trois degrés plus
avant dans l'Oueft , fans diminuer d'autant
la longueur du détroit de Magellan , ce
qui en retrancheroit 36 à 40 lieues ,
qui font à peu près le quart de fa diſtance
de l'Eft à l'Oueft ; racourciffement qui ſeroit
démenti par toutes les Cartes & JourJANVIER.
1750. 87
naux de navigation faite d'un bout à l'au
tre de ce détroit . Et fi l'on vouloit conferver
cette longueur, en avançant le cap des
Piliers à l'Oueft , de cinq degrés , on changeroit
tout le giffement de la côte , depuis
le détroit jufqu'à la Conception , ce qui
feroit encore contraire aux Cartes & aux
Journaux de navigation .
.
La feconde raifon eft que pour faire cechangement
, fans égard aux pofitions ordinaires
des côtes , il faudroit être affûré
de la longitude de l'Ile de Sainte Catherine
, à la côte du Brefil , qui a été prife
pour le point de départ des vaiffeaux , allans
au Cap des Vierges , & n'avoir pas
d'auffi forts ſujets de foupçon d'erreur de
route , qu'on en a par les courans reconnus:
depuis cette Ifle jufques par le travers dela
riviere de la Plate , où l'efcadre Angloife
, de l'aveu de Walter , fe trouvoit tous
lesjours avancée au Sud de vingt mille , c'eſt-àdire
, fix lieues & deux tiers plus que ne portoit
leur eſtime,fur quoi on ne peut fçavoir
fi ces courans ne déclinoient point du SE ..
ou du SO. d'où réfulte une grande incertitude
de difference de méridien à l'Eft
ou à l'Ouest , chaque jour. Mais quelle
preuve avons - nous de la jufte pofition de
cette Ifle de Sainte Catherine , puifque
Walter dit fimplement que fa longitude a
SS MERCURE DE FRANCE RANCE..
été déterminée par une obfervation dé
clipfe de lune , fans ajoûter , quand , ni
comment, ni par qui elle a été faite ?
Je viens de dire que fi c'eft par un obfervateur
qui n'ait eu d'autre inftrument:
que fa montre de poche pour en déterminer
le tems , on ne doit non plus en faire
cas que de celle que fit Wood , Lieutenant
du Chevalier Narbouroug au
Port de St. Julien , le 18 Septembre 1670 ,
qui trompa M. Halley de 6 degrés de longitude
, & dont le journal ayant enfuite
été imprimé , il ne s'en trouva plus que 3-
fur quoi Walter ne fçachant que dire , a recours
à la mauvaiſe impreffion , les nombres,
(dit- il , p . 8o .) font imprimés d'une maniere
fi fautive, qu'on n'en peut rien tirer de précis..
Si la montre de l'obfervateur de l'éclipſe à
Ste Catherine l'a trompé de douze minutes
, voilà nos trois degrés de longitude
trouvés , comme dans le cas cité de celle
de Wood.
Comparons préfentement les differences
de méridien trouvées par l'efcadre Angloife
, entre Sainte Catherine & le Cap .
des Vierges , à l'entrée du détroit de Magellan
, qu'il appelle de la Vierge Marie ,
& celles de la relation de mon voyage.
Il place Sainte Catherine par 49 degrés
45 minutes de longitude du mériden de
JANVIER . 1750. $9
Londres, & le Cap de la Vierge Marie par
71 degrés 44 minutes , ce qui donne en
difference de méridien à l'Queft 21 degrés
59 minutes , ou fi l'on veut 22 degrés ;
mais tous les vaiffeaux de l'efcadre n'ont
pas trouvé la même , témoins ceux qui
n'ont eftimé le Cap que par 70 degrés.
J'ai placé dans ma petite Carte générale
l'ifle Sainte Catherine par 48 degrés de
longitude de Paris , relativement au point
que m'a donné l'obſervation faite à Olinde
à la côte du Brefil , marquée dans la Con-.
noiffance des tems , & le Cap des Vierges ,
dans ma Carte particuliere de la Terre de
Feu & du détroit, par 66, d'où réfultent 18
degrés de difference de méridien , fans faire
attention à la longitude abfolue .
il y a donc entre nous quatre de
grés de difference cftimée entre les méri
diens de Sainte Catherine & du Cap des
Vierges , & feulement environ deux degrés
avec les vaiffeaux de l'efcadre , qui
n'eftimoient le Cap qu'à 70 degrés du méridien
de Londres.
Il faut décider qui de nous deux fe
trompe. Il fe croit fondé fur l'accord des
eftimes de l'efcadre , lors même qu'il détruit
cette thefe , en rapportant des differences
d'eftime qui vont à près de deux
degrés , mais fi la comparaifon du plus
90 MERCURE DE FRANCE.
grand nombre des eftimes l'emporte , certainement
la probabilité eft de mon côté :
car j'ai dit que je m'étois fervi de la Carte
manufcrite du fieur Grifon Maître de
Marine à S. Malo , qui a été dreffée ſur
un grand nombre de Journaux , & dans
cette partie je n'y ai rien trouvé à redire ;
donc dans une chofe très- incertaine comme
celle- ci , le préjugé de jufteffe , ou de
moins d'erreur , eft en ma faveur.
Quant à la difference de méridien entre
le Cap des Vierges & celui de S. Diego, le
plus à l'Eft de la terre de Feu , au détroit
de Maire, où Walter m'impute encore une
erreur , il faut examiner fa conduite , &
l'on trouvera qu'il s'y eft trompé , ou volontairement
, ou par une inattention peu
excufable . Pourquoi prendre cette diffe
rence fur la petite Carte générale , où la
graduation eft fi petite , qu'un degré de
longitude n'y eft qu'un intervalle d'une
demie ligne, pendant qu'il y en a une particuliere
pour le détroit de Magellan & la
terre de Feu , où les divifions de degrés
font quinze fois plus grandes , & affez
pour diftinguer jujqu'à 3 ou 4 minutes
près ? Il y auroit trouvé le Cap des Vierges
par 66 & celui de S. Diego , au détroit de
Maire , par 63 degrés 10 minutes , ce qui
donne feulement deux degrés só minutes
JANVIER. 1750. 91
gra
de difference de méridien , & 42 minutes
de plus que fon eftime ; il n'eft donc pas
vrai , ( comme il le dit ) que j'exagere an
double la côte qui git entre le détroit de Magellan
& celui de le Maire. L'erreur de
vûre de la Carte à petite divifion a été corrigée
en plufieurs exemplaires, quoiqu'elle
le fût par la Carte particuliere de la Terre
de Feu ; mais je ne prétens point accorder
à Walter le raccourciffement des 42
minutes, dont j'allonge cette côte plus que
lui , parce que nous avons cottoyé la Terre
de Feu à trois & cinq lieues de diftance ,
depuis le détroit de Magellan jufqu'à celui
de Maire;& lui, depuis le Cap des Vierges,
a perdu la terre de vûe jufqu'à l'embouchure
de ce dernier , comme il le dit luimême
( p. 81. ) donc c'eft fans fondement
qu'il veut l'emporter fur mon eftime , d'autant
plus que les courans prolongeant la
côte au SE , il a dû faire plus de chemin
vers l'Eft qu'il n'a compté.
Il me femble que Walter doit être convaincu
des vérités que je lui oppoſe . Je.
n'en dirois pas davantage , s'il n'avoit montré
dans fa critique un injufte motif de
récrimination , difant que la maniere dont
j'ai traité le Docteur Halley , mérite bien
qu'on ne mefaffe aucunegrace. On croiroit, à
ce difcours,que j'ai maltraité M.H. dans ma
92 MERCURE DE FRANCE.
relation : rien n'eft fi faux , je n'en ai parlé
qu'en deux occafions , en rapportant touc
fimplement les remarques qui ont été faites
fur fa Carte pour le giffement des côtes ,
leur longitude relative , & la fuppreffion
de l'Ile de l'Afcenfion des Portugais , fçavoir
, que ceux qui s'étoient fervis de fa
Carte dans la navigation , depuis le Callao
à la Conception , l'avoient trouvée moins
bonne que celles de Vankeulen & de
Pitergoos, qui étoient encore très- fautives,
parce qu'ils avoient navigué cent dix lieues
dans les terres fur cette Carte , avant que
d'atterrer en effet ; qu'à l'égard de l'Ile de
Afcenfion au large de la côte duBrefil , qu'il
prétend être la même que celle de la Trinité,
on ne convenoit pas de cette identité;
en effet le Routier Portugais imprimé à
Liſbonne en 1712 , in -folio , les diftingue ,
& les écarte de 55 lieues l'une de l'autre
par la même latitude . Si Walter avoit lû
ma réponſe au P. Feuillée , il auroit vu
en trois endroits , avec quelle eftime &
confidération j'ai parlé du Docteur Halley,
& il ne m'auroit point taxé d'impoliteffe
ou de malignité, comme il le fait .
Je finis par déclarer que j'ai encore
moins de demangeaifon de trouver à redire,
que Walter, qui fe couvre du prétexte de
Kimportance de la matiere ; j'agis auffi par
le
• JANVIER. 1750. 93
même motif , ne pouvant me difpenfer de
défabufer le public fur des
prétendues corrections
de Cartes en longitude , & lui :
rendre compte de l'attention que j'ai eue
de ne lui préfenter que ce qui pouvoir être
utile à la
navigation ,
comptant que cette
petite
differtation étoit néceffaire pour lui
faire
connoître la valeur de laCarte de mon
Critique & celle de fes objections.
Frezier , Directeur des
Fortifications de
toute la Province de Bretagne.
A Breft , le 5.
Décembre 1749.
A M. Remond de Ste Albine.
E vous prie , Monfieur, de vouloir bien'
inférer dans le Mercure cette réponſe,
qui fera utile à la
Géographie & à la navigation
, où M. Walter prétend mal - àpropos
faire des
changemens . Vous pourrez
y remarquer qu'il n'y entre point de
critique de
mécontentement , en ce que
j'aurois pû relever plufieurs fautes de fon
voyage , que je crois devoir imputer an
traducteur, qui n'eft pas homme de mer ,
comme il paroît à de ridicules manoeuvres
qu'il fait faire à M. Anfon , par exemple,
1..
94 MERCURE DE FRANCE.
de porter des Perroquets dans les tempêtes
où l'on peut à peine porter les baffes voiles;
il s'agiffoit apparemment de Huniers &
non pas de Perroquets. Il indique auffi mal
les aires de vent , lorfqu'il dit ( pag. 54 )
depuis le NO jufqu'à ES : il falloit
dire NNO & E ÷ SE , parce que N40 4
4
eft le N. N. O , & E - S , c'eſt le E. S. E.
4
J'ai l'honneur d'être , & c. Frezier.
洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗
LE FRELON ,
FABLE ALLEGORIQUE ;
A M. D. L. R.-L.
UN jour, certain Frelon à la tête légere ,
S'arrachant avec peine aux douceurs du fommeil ;
S'élançà dans les airs au lever du Soleil,
De quelques jeunes fleurs la beauté paflagere
Mérita quelque tems fes foins & fes égards ,
Mais il fixa bientôt ſes avides regards
Sur un rayon de miel , qu'inconnue , étrangere ;
Certaine Abeille , fa comere ,
·
Laiffoit à l'abandon dans des lieux à l'écart ;
Tandis qu'aux environs elle alloit avec art
Cueillir le fuc des fleurs de quelque beau parterrea
Notre Frelon friand s'approche ; fans façon
JANVIER. 95 1750.
Goûte le miel , & le trouve affez bon ,
Four former le projet de s'efforcer d'en faire
Sur le modéle . A l'ordinaire ,
L'Abeille en peu
de tems s'en revint au logis
Et vit, en entrant , le compere
Après fon miel. Bon jour , dit- il , ma chere ;
Avec vous librement , vons le voyez , j'agis ,
Mais votre ouvrage au goût offre tant de quoi
plaire ;
Il eft fi délicat ... Arrêtez , je rougis
D'un éloge fi peu fincére ,
Dit , en l'interrompent , la modefte ouvriere.
Tout compliment à part , reprit- il , fi je puis
Sur votre art obtenir de vous quelque lumiere ,
J'en prétends au plutôt pénétrer le myftere ,
Daignez me feconder dans ce noble deffein .
L'Abeille fe rendit à fa vive priere ;
Long-tems notre apprentiftravailla, mais en vain
Il voulut s'efforcer d'entrer dans la carriere
Il n'en put franchir la barriere .
Enfin , défefperé de fon peu de fuccès ,
Et jaloux de quelque progrès
Qu'avoit fait fous fes yeux l'Abeille folitaire ,
Le dirai- je ? L'ingrat Frelon ,
A décrier fon miel mit fon étude entiere ,
Dit qu'il n'en trouvoit rien de bon.
Devenu Frelon plagiaire ,
Pour mieux fronder fon adverfaire
Il donna comme fien un paffable rayon ; ♪
96 MERCURE DE FRANCE.
Dont il n'étoit proprietaire
Que, par un vol hardi qu'il fit , en vrai fripon ;
Dans une ruche ouverte à la gent Frelonniere.
Qu'il eft de gens dont trait pour trait
L'on voit ici le caractére !
La plupart du tems , d'un bienfait
L'ingratitude eft le falaire.
Brunet , de Dijon.
薪灘業滋
ODE DE M. L.
Gur la mort defon Epouſe.
A Rbitre de ma deftinée ,
Grand Dieu , dont j'adore les loix ,
Mon ame aux pleurs abandonnée ,
Vient t'adreſſer ſa trifte voix.
Au trait douloureux , qui la bleffe ;
Je lens qu'en vain l'on s'intéreffe :
Sans ton fecouts , fans ta bonté ;
'Auteur de ces jours pleins de charmes ;
Que tu changes en jours de larmes ,
Sois - le de ma tranquillité.
**
Il n'eft donc plas , l'objet aimable ,
Qu'en tout tems tu me deſtinas è
Heureux
JANVIER.
1750. 97
Heureux hymen ! fort défirable !
Dieu , comment tu le terminas ?
Telle une fleur qui vient d'éclore ,
Et qui périt après l'Aurore
Qui l'anime & l'épanouit ;
Tel eft ce lien que ta main forme ,
A peine est- il un monftre énorme ,
La mort paroît , & le détruit.
***
Sous quel afpect ! Puis - je l'entendre !
Dans toute l'horreur du trépas ,
Je vois l'épouſe la plus tendre
Gémir , expirer dans mes bras :
Quel fpectacle fut plus terrible
Pour le coeur d'un époux ſenſible
Dieu , ! réſervas - tu ce tourment
Pour les vertus les plus conftantes ,
Pour les graces les plus touchantes ,
Pour mon fincére attachement ?
O vous , à qui le fort contraire
Fit éprouver quelque rigueur ,
En eûtes- vous de plus févére
Que celle qu'éprouve mon coeur ?
Et vous dont la vertu ſtoïque
E
198 MERCURE DE FRANCE .
Voit avec un front héroïque
S'échapper le bien qui vous fuit ;
Verrez-vous mon malheur extrême ,
Sans foumettre votre ſyſtême
A la douleur qui me pourſuit ?
Pourquoi , Seigneur , de ta puiffance
Me fais-tu fentir cet effet ?
Manqua je de reconnoiffance
Pour ton préfent , pour ton bienfait ?
Non c'eft à toi que j'en appelle ;
Tu connus mon ardeur fidelle
Tu pus fans ceffe l'éprouver ;
Que manquoit-il à ma tendréfle ?
Conforme aux loix de ta ſageſſe ,
Tu ne pouvois que l'approuver.
*XX .
D'où vient donc que loin de te plaire
Je la vois en butte à tes coups ?
Eh quoi ! l'union la plus chere
Dut-elle exciter ton courroux ?'
Faut -il que l'humaine nature ,
Par de cruels maux qu'elle endure,
Apprenne à fentir ta bonté
Ou ne diſpenſes -tu des graces
3
JANVIER.
99: 1750.
Que pour en affoiblir les traces ,
Par des traits de févérité ?
*X+
Qu'entends- je ? Quelle voix s'oppoſe
Aux fons hardis que je répands t
Seroit - ce toi qui te diſpoſe
A punir ces cris indécens ?
Mais non ; j'entends ta voix célefte ;
Je n'y vois rien de'funefte
Contre mon indocilité :
Je m'apperçois que ta clémence
Veut furpaffer en indulgence
Ma coupable témérité.
*O*X
pere ,
Tu pardonnes la plainte amere ,
Que contre toi j'oſai former ,
Et tu viens toi-même , en bon
Prendre le foin de me calmer.
Tu m'apprends que fi , favorable ,
Tu rendis mon fort agréable ,
En formant ce lien chéri , --
Tu voulus bien m'être propice ;
Et que j'en dois le facrifice
D'un coeur content , qubiqu'attendri ,
E
"
100 MERCURE DE FRANCE.
Que ta volonté m'eft terrible !
Mais que ton fecours eft puiffant !
Quand je crois mon coeur infléxible ,
Je ne me plains qu'en ſoupirant.
Effet de tes loix fouveraines !
Déja mon fang dedans mes veines
De ma douleur calme l'excès ;
Mais pour éloigner ma trifteffe ,
Dieu , ne borne pas ta tendreffe ,
Si tu veux en voir le ſuccès.
.
Dans le chagrin qui me confume
Et dont mes fens font abbatus ,
Pour en adoucir l'amertume ,
Combien il me faut de vertus !
Sur une ame tendre , indocile ,
Que peut cette raiſon fragile ,
Accordée aux foibles humains ?
Hélas ! dans tout ce que je tente ,
Loin que ma raifon me contente ,
Elle même fait mes chagrins,
Quoi ! de cette épouſe chérie ,
Que ta main combla de bienfaits ,
Par la feule Philofophie ,
JANVIER. ΤΟΥ 1750.
J'irois oublier les attraits ?
Loin de moi tout difcours fublime :
Dans la tendreffe qui m'anime ,
Mon coeur fçauroit vous réſiſter
Dieu , dont j'implore l'affiftance !
Ce n'est que fur ta Providence
Que ma trifteffe doit compter.
Viens donc , Seigneur , fur moi répandre
Tes graces , ton divin Eſprit ,
Viens , fais- moi fans ceffe comprendre ,
Que tout eft limité , prefcrit ,
Qu'un jour en ta gloire adorable,
Je reverrai l'objet aimable ,
Dont il te plaît me féparer.
Alors comptant fur ta promeffe ,
Mes larnes feront fans foibleffe
Et couleront fans murmurer.
Par M. L .... Avocat.
E iij
102 MERCURE DEFRANCE.
30% 50%50% 506 307 308 302 * :*****
LETTRÉ
De M. Pinard , Docteur en Médecine , Aggrégé
au College des Médecins de Rouen ,
Membre de l'Académie des Sciences ,
Arts , Belles Lettres de la même Ville ,
à M. A... Docteur en Médecine , fur une
affection byfterique finguliere .
J
E fçais , Monfieur , que tout ce qui eft
obfervation vous fait plaifir : ainfi je
me hazarde volontiers à vous en communiquer
une fur l'affection hystérique , qui
m'a paru finguliere. La voici.
Une Demoiſelle âgée de feize ou dixfept
ans , jouiffant d'une fanté parfaite ,
crut au mois de Juin 1747 pouvoir , par
l'ufage des bains , modérer avec fûreté l'im
preffion que faifoit fur elle une chaleur
excelfive. Manquant alors de réflexion &
d'expérience , elle fe jetta plufieurs fois
dans une fource d'eau d'un froid extrême,
qui lui arrofoit le corps jufqu'à moitié.
Plus elle fe fentoit fraîche , quand elle en
fortoit , plus elle fe fçavoit bon gré de
l'effai qu'elle en avoit fait. Mais la fource
de fes plaifirs tarda peu à devenir celle de
la maladie la plus étrange.
JANVIER . 1750. 103
Vous connoiſſez trop bien , Monfieur ,
l'économie animale , pour ne pas preffentir
que cette imprudence occafionna à cette
Demoiſelle un dérangement , dont les fuites
fe firent bientôt appercevoir. En effer,
elle tomba tout à coup dans un profond
alloupiffement , fans fentiment , fans mouvement
, & pour ainfi dire , fans refpiration
. Elle éprouvoit de plus de legéres
convulfions dans differentes parties , après
quoi elle avoit le tronc & les extrêmités ,
tant fupérieures qu'inférieures , d'une roideur
fi confidérable , qu'on la portoit à fa
chambre , chargée en travers fur l'épaule
comme une piéce de bois. A cet état fuccédoit
un délire furieux ; elle fe décoëffoit
; deux fortes perfonnes ne pouvoient
la contenir dans fon lit ; elle frappoit &
injurioit tous ceux qui s'oppofoient à fes
volontés , & il étoit d'autant plus difficile`
de la calmer, qu'elle ne voyoit ni n'entendoit.
Quand ce délire étoit fur fon déclin ,
elle remettoit fa coëffure , & elle arrangeoit
fon lit avec autant d'ordre & d'adreffe
,, que fi elle avoit joui de fa connoiffance
& de fa tranquillité naturelle.
Cet arrangement étoit un figne certain ,
qu'elle alloit retomber dans le premier
état. Quand elle y avoit resté quelque
tems , les extrêmités reprenoient leur fou-
E iij
104 MERCURED MERCURE
DE FRANCE.
1
pleffe ordinaire ; elle s'affeyoit fur fon lit ,
Te frottoit les yeux , & dans le moment
qu'on penfoit qu'elle alloit recouvrer fa raifon
, elle entroit dans une fureur femblable
à la premiere. Ces alternatives d'immobilité
fpafmodique & de fureur duroient ordinairement
trois ou quatre heures ; elie en
a cependant eu des accès qui fe font pro
longés jufqu'à quinze ou dix -huit. Il faut
obferver qu'ils ont toujours commencé par
l'affoupiffement , les convulfions & la roideur
de tout le corps , & que la malade
n'a jamais paffé du délire à la raiſon , ſans
éprouver de nouveau ces accidens qui fe
terminoient enfin par une refpiration
grande & fréquente , des foupirs profonds
, l'ouverture des yeux , le recouvrement
de l'ouie & de la parole. Elle fentoit
alors les forces fi épuifées qu'elle pouvoir
à peine fe foûtenir , & qu'elle étoit
plufieurs jours dans une perte totale de
voix , & elle ne fe reffouvenoit point de
l'état dans lequel elle avoit été , ni de ce
qu'elle y avoit dit. Ces attaques n'avoient
point de retours réguliers ; elle en éprou
voit quelquefois deux ou trois en vingtquatre
heures , d'autres fois elles lui laiffoient
huit, tantôt quinze jours d'intervalle.
Mais, je vous prie, Monfieur , de remarquer
qu'elle n'en a jamais été exempte
JANVIER . 1750. 10S
dans certains tems , quoique des faignées
affez fréquentes , tant du bras que du pied,
euffent remis la nature dans fes droits ,
Ces faignées n'ayant pas calmé la violence
des vapeurs , non plus que les bains , tant
internes qu'externes , faits avec la décoction
d'abfinthe , de matricaire , &c. je fus
confulté le 4 Octobre 1747.
Je vous avoue franchement , Monfieur,
que je craignis de ne pas mieux réuffir queceux
qui avoient vû la malade dans le
commencement , tant parce que les fe
cours , qu'ils avoient pratiqués , n'avoient
diminué en rien les paroxifmes , que parce
qu'il y avoit déja quatre mois qu'elle étoit
dans ce trifte état. Me confiant cependant
aux reffources infinies , que vous fçavez
que l'Auteur de la nature nous a miles
entre les mains , j'eus recours aux remédes-
Ami-hystérico-fpafmodiques , que l'expérience
a prouvé les plus convenables dans
ces maladies. Je lui fis donc prendre , pendant
les attaques , des juleps dans lesquels
je n'oubliai pas de faire entrer l'huile foetide
de fuccin. Cette huile eft fort dégoûtante ,
mais j'ai vu tant de fois de violentes convulfions
hystériques fe calmer auffi tôt
qu'il avoit été poffible d'en faire avaler ,
que je ne pus ne la point recommander
comme un fpécifique dans ces momens.
E v
106 MERCURE DE FRANCE.
>
Je prefcrivis outre cela , dans l'intervalle
des accès , l'ufage d'un opiate fait avec là
cafcarille , le diaphorétique martial , le
caftoreum , la poudre de guttet , l'affa foetida
, le cinabre , & c . La malade n'eut pas
plutôt commencé ces remédes , que ces
mêmes accès furent bien differens des
premiers. Leur longueur & leur fréquence
diminuerent pen à peu & devinrent
beaucoup moins inquiétantes . Le délire farieux
fe changea en converfations pleines
de gayeté. Quand elle commençoit à parler
, elle demandoit , vû qu'elle ne voyoit
ni n'entendoit , qu'on lui donnât les clefs
de fes yeux & de fes oreilles. Les paupieres
étoient en effet fi exactement fermées ,
que j'ai tenté inutilement de les ouvrir.
Quand il fe trouvoit avec elle quelqu'un
qu'elle avoit coûtume de voir , elle le reconnoiffoit
parfaitement en touchant l'habillement
& les mains, Elle avoit le tact
fr exact , qu'il n'étoit pas poffible de la
tromper , ce qui prouve évidemment ,
Monfieur , que quand nous fommes privés
de quelqu'un de nos fen's , les autres
font plus parfaits. Si elle connoiffoit quelqu'un
, parce qu'il avoit une bague au
doigt , on ne lui faifoit point prendre le
change , en lui préfentant une autre main
armée de cette même bague. L'habitude
JANVIER. 1750. 107
qu'elle avoit acquife de comprendre ce
qu'on vouloit lui dire , en lui touchant les
mains de differentes façons , faifoit , que
quoiqu'elle n'eût pas l'ufage de l'ouie &
de la vûe , la
converfation ne tomboit pas .
Elle étoit prefque toujours beaucoup plus
gaye que dans fon état naturel , & cela alloit
quelquefois au point de fe lever , de
s'habiller & de danfer à la ronde . Elle
bûvoit & mangeoit fort bien dans fes accès
, mais elle a été huit jours de fuite , où
dans le tems de leur durée , & même de
leur intervalle , il lui étoit impoffible de
prendre aucune nourriture , foit folide ,
foit liquide. J'ai été témoin , que lorfqu'une
feule goutte d'eau touchoit les muf.
cles de l'eefophage , le diaphragme & toute
la poitrine entroient dans une convulfion.
fi forte , qu'il fembloit que la malade alloit
fuffoquer , & cet état violent duroit douze
ou quinze minutes.
Ce ne font pas - là , Monfieur , les feuls
accidens aufquels cette Demoifelle a été
fujette. Le bras & la jambe du côté droit
ont été affectés de paralyfie ; elle n'a pû fe
fervir de la jambe pendant huit jours , & le
bras n'a reprisfon mouvement que plus d'ui
mois après , dans le tems même d'une attaque
affez violente . Lorfqu'elle étoit revenue
à elle , elle faifoit paroître autant de
E vj
108 MERCURE DEFRANCE.
trifteffe qu'elle y avoit donné de marques
de joie , & elle ne fe reffouvenoit point ,
comme je vous l'ai fait obferver , de ce
qu'elle avoit fait & dit pendant la durée
des accès ; mais je fuis convaincu , Monfieur
, que vous trouverez très -fingulier
que quand elle tomboit dans un nouveau ,
elle fe rappelloit exactement tout ce qui
s'étoit paffé dans les précédens. J'ai eu
enfin la fatisfaction de voir cette Demoifelle
délivrée d'une fi trifte maladie , après
avoir fait ufage pendant dix mois des remédes
ci deffus marqués , & des eaux minérales
de Saint Paul.
Je me flatte , Monfieur , que vous voudrez
bien me permettre de vous communiquer
mes conjectures fur ce phénoméne
fingulier , mais fouffrez que je vous rappelle
auparavant la maniere , dont fe traçent
les objets dans le cerveau . Cette partie
qui eft le rendez- vous général de toutes
les fenfations , eft compofée d'un nombre
infini de fibres,qui fe réuniffant en dif
ferens paquets , forment les nerfs qui vont
fe répandre jufques dans le moindre point
de l'habitude du corps. Ces nerfs font reconnus
pour être les organes qui les y tranf
mettent. Il y a donc lieu de penfer que
les objets qui les frappent , donnent un
mouvement de bas en haut à la colomné
JANVIER. 1750. 109
du fluide éthéré , qui les parcourt avec une
viteffe , qui égale au moins celle de la lumicre.
Cette colomne , comme vous le
penfez bien , Monfieur , ne peut être repouffée
dans fon extrêmité , qu'elle ne reflue
dans le cerveau dans la même proportion
. Lorfqu'elle y eft parvenue , elle continue
à fe mouvoir en ligne droite , jufqu'à
ce quelle trouve un corps folide qui
l'arrête dans fa progreffion . Ce corps fera
une fibre de cette partie du cerveau , qui
par la difference qu'elle fçait faire des
odeurs d'avec les faveurs , &c. a été appellée
de tous les Phyficiens fenforium
commune. Cette fibre étant d'une confiftance
propre à recevoir l'impreffion de ce
mouvement , l'homme fe fentira affecté de
telle ou telle fenfatión . Les veftiges ou les
traces de cette impreffion y resteront plus
ou moins gravées , fuivant
que les
organes.
des fens externes feront plus ou moins
ébranlés , ou que cet ébranlement fera plus
ou moins répété . Pour que l'ame fe repréfente
les objets , dont elle avoit reçû l'idée
le moyen de ces mêmes organes , il eft
néceffaire les fibres du cerveau ,
que
fefquelles ils avoient été gravés , reprennent
le même étar , ou la même modification
qu'elles avoient dans ce tems-là . Ent
effet , fans cette condi tion toute
par
fur
110 MERCURE DE FRANCE.
tracées dans le cerveau fe feroient préfentées
confufément dans le même inftant
& on auroit toûjours parlé fans pouvoir ſe
faire comprendre ; un exemple vous prouvera
la néceffité de cette modification .
Quand on veut apprendre un difcours , on
jette fouvent les yeux deffus , & à force
de l'étudier , on en imprime parfaitement
les traces fur les fibres du cerveau , mais
cette opération ne fuffit pas pour le débiter
,fans fe tromper à chaque moment ; il
faut encore que ces mêmes fibres fe montent
toutes fur le même ton , ou ce qui eft
la même chofe , qu'elles foient confonantes
, car fi quelques - unes deviennent diffonnantes
, on reftera court , & fouvent on
ne pourra retrouver le fil de fon difcours ,
qu'après avoir remis ces fibres dans leur
confonnance , en jettant les yeux fur le
papier.
Ces principes établis , autant qu'il eft
poffible de le faire fur une matiere auffi
difficile à développer , effayons de vous
expliquer , Monfieur , pourquoi cette Demoifelle
ne fe reffouvenoit de ce qu'elle
avoit dit , pendant qu'elle étoit en vapeur ,
que dans les accès fuivans. Vous n'ignorez
pas que prefque tous les accidens , qui
ont accompagné cette maladie , ont été la
fuite de la tenfion & de la convulfion
JANVIER. 1750. 171
des nerfs & des membranes . Ces parties
étant les appendices des fibres du cerveau,
il y a lieu de penfer que ces mêmes fibres
fe font auffi écartées de leur ton naturel.
Il eft donc certain que les idées que la
malade avoit pendant le tems de ce dérangement
, lui étoient repréſentées par des
fibres trop rendues . Il n'eft pas moins certain
que, lorfque l'accès étoit terminé , ces
fibres , ainfi que toutes les autres parties
de l'économie animale , quittoient cette
tenfion pour reprendre leur reffort ordinaire.
Ce changement confidérable leur
arrivant fi fubitement , on ne doit pas
être furpris fielle ne fe reffouvenoit pas
alors de ce qui s'étoit paffé pendant les
attaques , mais lorsqu'il en furvenoit de
nouvelles , les fibres du cerveau quirtoient
derechef leur foupleffe ordinaire
pour le monter fur le même ton , & fur
la même confonnance où elles avoient été.
Elles rentroient donc par - là dans le même
degré de vibration qui lui avoit repréſenté
telle ou telle idée ; il n'eft donc pas étonnant
que l'ame en fût alors fi bien frappée ,
qu'il ne lui échapât rien de ce qu'elle avoit
fait ou dit.
Je pafferois les bornes d'une Lettre , fi
j'entrois dans un plus long détail ; je finis
112 MERCURE DE FRANCE.
donc , Monfieur , par ces deux réflexions.
Cette obfervation prouve. 1 °. Que la faignée
eft très-infuffifante pour guérir les
vapeurs. Ce n'eft cependant pas que je
prétende l'interdire totalement ; j'en reconnois
la néceffité , quand les vaiffeaux
font trop pleins , ou quand il furvient des
accidens qui l'indiquent. 2 °. Que c'est à
tort que
les femmes penfent que les remédes
font inutiles dans cette maladie , &
qu'il y a au contraire tout lieu de croire
que s'ily en a fi
peu qui guériffent , c'eft
plutôt par le défaut de conftance dans leur
ufage , que par celui de notre Art.
'ai l'honneur d'être , &c.
Pinard
A Rouen ce 10 Septembre 1749-1;
JANVIER . 1750. 113
CACACCACDCDCDCDCOCOCOCA
EPITAPH.IU M.
HICIC JACET ,
Donec procedat in refurrectionem vitæ, ( a )
PETRUS DE SAINT LEU ,
Infignis Ecclefiæ Sylvanectenſis
DECANUS BT CANONICUS.
Ad hunc honoris apicem variis afcendit gradibus ,
Difciplinæ tenax.
Apud fanctum Regulum primis fub annis Canonicus
,
Ab adolefcentia fua jugum portavit . ( b )
Ad matrem tranfit Ecclefiam , lectus vir boni
teftimonii ; ( c)
ARCHIDIACONUS. ,
Totam fingulis annis Dioecefim luftrabat ;
Factus forma gregis.
Pontificali non impar oneri ,
Præfulis & Dioecefis conftituitur
VICARIUS GENERALIS.
In Præfidiali Curia Senator integer ;
In Ecclefiaftica Judex eruditus ,
Judicabat populos in æquitate. ( d )
Singulari prudentiâ lites & jurgia dirimebat
PACIS AMAN S.
( a ) Joan . 5. 29. ( c ) Act. 6, 3.
(b)Jeremia. 3.27.. ( d ) PS, 66. §.,
114 MERCURE DE FRANCE.
Relligione purâ , pietate gravi , doctrinâ ſanâ ,
Zelo , fed fecundum fcientiam ,
Præbuit fe ipfum fratribus exemplum bonorum
operum: ( a )
Ab infantia crevit nata cum illo miferatio .
Immenfis , quas in abfcondito erogabat , eleemofinis
Pauperum hofpitia ſuſtentabat ,
Vinctorum operiebat nuditatem ,
Pudore & miferiâ jacentes erigebat familias'
Pupillum ac viduam ſuſcipiens . ( b )
Quas in cælum præmiferat ,
Divitiis potiturus ,
Repentinâ , fed non improvifà morte ,
Paratus rapitur
Anno falutis M. DCC . XLIX . die Novemb. xXVI .
ætatis fuæ LXXVIII .
Lunten , membrum, parentem, patronum , duĉem ,
Obortis defiderant lachrymis ,
Clerus , Senatus , pauper , Civitas , Capitulum
Sylvanect .
ITA
Unius interitus fit omnium lacus.
Requiefcat in pace.
I
Maroris publici teftis , fimul & veritatis
interpres lachrymans fcribebat Huart , Sanita
Genovefa Paftor.
( a ) Lit. 2. 7. \ ( b) P 145.9
JANVIER. 1750. 115
MEMOIR E *
Sur les Barres Magnétiques & les Aimans.
artificiels
inventés par M. Gowin
Knight , Docteur en Médecine & Membre
de la Société Royale de Londres.
Tnouvellement des Sciences un grand
Out le monde fçait que depuis le renombre
de Phyficiens ont travaillé fur l'aiman
, & l'importance de la Bouffole dans
la navigation fuffit feule pour juſtifier
leurs travaux . Cependant malgré le grand
nombre de Livres , d'expériences & de
tentatives qu'on a faites für cette matiere ,
les découvertes ont été en petit nombre &
en général peu utiles. Il étoit réfervé à M.
Knight de trouver le moyen d'augmenter
prodigieufement la vertu des Pierres d'aiman
ordinaires , de compofer des aimans
& des barres d'acier trempé , dont la vertu
magnétique l'emporte de beaucoup fur les
aimans les plus vigoureux. Cette découverte
, par fa fingularité & par fa grande
utilité dans la navigation , peut- être regardée
comme une des plus importantes de de
3
* Ce Mémoire nous a été envoyé par un des Membres
de l'Académie des Sciences , les plus diftingués.
116 MERCURE DE FRANCE.
fiécle. Par le moyen de ces barres d'acier
trempé , que M. Knight appelle Barres
magnétiques , on communique aux aiguilles
de Boulfole une vertu beaucoup plus
forte & infiniment plus durable que celle
qu'elles acquierent en les aimantant à l'ordinaire.
Comme cette découverte eft peu connue
parmi nous , j'ai crû que ce feroit rendre
un fervice au Public que de l'inftruire , fur
tout à caufe des grands avantages qu'en
peut retirer la Marine.
Quelques perfonnes pourroient imaginer
que les barres magnétiques de M.
Knight font faites à l'inftar de ces aimans
artificiels , compofés de plufieurs lames
d'acier , mais elles n'y ont aucun rapport ,
& la maniere dont il les fait eft encore un
fecret. Ce qui paroît vrai femblable , c'eſt
qu'il feroit impoffible de leur communiquer
, en les aimantant à l'ordinaire , une
vertu magnétique , auffi grande que celle
qu'elles ont. On en fera pleinement convaincu
en lifant ce Mémoire.
J'aurois pû rapporter ici les expériences
que j'ai faites avec ces barres , mais comme
l'Acte de la Société Royale de Londres du
19 Février 1746 contient une relation des
expériences principales faites fur ces barres
en préfence de cette Société , j'ai crû
JANVIER . 1750. 117
qu'il étoit plus à propos d'en donner un
abregé , imaginant que fi quelqu'un avoit
des doutes fur les faits que j'avance , le
feul témoignage de cette illuftre Société
les leveroit entierement . Je me contenterai
d'ajoûter à cer Extrait quelques réflexions
fur les conféquences qu'on peut tirer
de ces expériences , & fur quelques autres
fujets qui y ont rapport.
Extrait de l'Acte de la Société Royale de
Londres du 19 Février 1746.
M. Folkes , Préfident de cette Société,
» ayant fait le rapport de plufieurs expé-
» riences qu'il avoit vûes chez M. Knight,
» avec M. William Jones , Membre de la
» même Société, M. Knight fut prié de les
répéter en préfence de la Compagnie.
"
כ
L
»M. Knight tira alors d'un étui deux
» barres , longues de quinze pouces ; elles
» y étoient fituées parallelement , entre
» elles une regle de bois à peu près égale
» aux barres , les féparant l'une de l'autre ;
» leur fituation refpective étoit telle que
» le Pôle du Nord de l'une étoit du mê-
» me côté que le Pôle du Sud de l'autre
» & deux piéces de fer mol terminoient
» leurs extrémités , felon la difpofition
fuivante.
118 MERCURE DE FRANCE.
2
» 1 & 2 , barres magnétiques d'un acier
très-poli & trempé de tout fon dur.
" & 3 , Pôle du Nord des barres.
"4 & 4 , Pôle du Sud des barres.
» 5 & s , Piéces de fer poli & mol , qui
»fcellent les deux barres à chaque bout, &
qui y reftent fortement adhérentes par
» la fimple attraction .
95
» 6 , Regle de bois qui fépare les deux
»barres , & qui empêche leur contact la-
» téral.
39
La ligne ponctuée marque la circula-
»tion du fluidé magnétique. Les deux
» barres étant coulées doucement de l'étui
fur la table , dans la pofition que fon
vient de rapporter , M. Knight fit gliffer
»,un des deux morceaux de fer , & ouvrant
les deux barres comme un compas , il les
mit en ligne directe , de façon qu'adhé-
> rent fortement enſemble par l'attraction,
» le Pôle du Nord de l'une fe trouvoit en
contact avec le Pôle du Sud de l'autre .
» M. Knight prit alors un cube d'un fort.
bon aiman du poids d'une demie once ,
»& ayant bien fait reconnoître fes Pôles ,
» au moyen d'une aiguille aimantée , il le
2t
1
t
JANVIER . 1750. 119
»miten contact entre les deux barres , de
» façon qu'il préfentoit à chacune fes Pôles
répulsifs ; il laiffa cet aiman dans cet-,
"te pofition pendant trente fecondes , &
» l'ayant retiré , il fit voir au moyen de la
»même aiguille , que fes Pôles étoient abfolument
renversés , & avoient pris la
" même direction que celle des Pôles des
» deux barres. Il répéta plufieurs fois
» la même expérience , & préfentant l'ai-
»man diagonalement par Les angles aux
» deux barres , fes pôles prirent à chaque
>> fois une nouvelle direction.
!
On pourroit objecter que de changer les
pôles d'un petit aiman avec un aiman
plus gros & plus généreux , n'eft pas une
chofe entierement nouvelle , & que Bayle
dans fon Traité du magnétifme rapporte
qu'il changea les pôles d'un très-petit morceau
d'aiman en l'appliquant aux pôles
d'un aiman fort vigoureux ; mais Bayle
lui-même ajoûte enfuite , qu'ayant voulu
faire la même chofe fur un morceau d'aiman
un peu plus gros , il ne put y réuffir en
y employant beaucoup plus d'heures qu'il
n'avoit employé de minutes à changer les
pôles du premier , ce qui démontre clairement
la force que doivent avoir les barres
magnétiques de M. Knight ; certe force fera
encore mieux confirmée par les expériences
qui fuivent.
120 MERCURE DE FRANCE.
» M. Knight montra enfuite deux aiguilles
pour des compas de mer , toutes
deux d'acier trempé ; l'une de ces aiguil-
» les n'avoit point été chauffée après la
» trempe , & l'autre avoit été bleuie & en
» confervoit encore la couleur . Il les ai-
» manta toutes deux avec les barres ma-
»gnétiques de la maniere fuivante. Voyez
» la figure.
Contact des deuxbarres
3 3
» I & I , Pôles du Nord des deux barres .
» 2 & 2 , Pôles du Sud des deux barres.
" 3 , Aiguille de compas de mer , pofée
»fur les barres , de façon que fon centre ,
qui eft percé , pour laiffer paffer le pivot
qui doit rouler dans fa chappe , fe trou-
» ve directement au- deffus de la ligne de
contact des deux barres.
» L'aiguille étant pofée de cette façon ,
on appuya fur fon centre , & on tira les
»barres de chaque côté , en les faiſant
gliffer fous l'aiguille , laquelle acquit
par cette feule friction la plus forte
» vertu magnétique , proportionnelle à ſa
maffe .
Il eft bon de remarquer que toutes les
fois qu'on voudra aimanter des aiguilles de
compas
·
JANVIER. 1750. 121
compas de mer ou de petites barres d'acier,
la méthode précédente eft la feule qu'on
doive employer.
» Les aiguilles ayant été aimantées ,
»M. Knight fit voir que l'aiguille d'acier
" trempé de tout fon dur avoit acquis
>> une force double de celle de l'aiguille
» d'acier de trempe de reffort ou bleui . Il
» leur préfenta enfuite deux petits poids
» d'un fer ordinaire , pefant chacun trois
>> quarts d'once : l'aiguille de trempe de
» reffort n'en put enlever qu'un , & celle
d'acier trempé, parfaitement dur , les en-
>> leva tous deux, après qu'on les eut collés
» enſemble par leur baze.
»
que
La force que communiquent les barres
de M. Knight , eft fi grande , que les deux
plus forts aimans qui foient en Angleterre,
l'un l'on conferve à Deptford & qui
foûtient 39 liv. l'autre qui en foûtient 40 ,
& qui a été donné à la Société Royale
par Mylord Abercorn , ne peuvent communiquer
à des aiguilles pareilles à celles
qu'il venoit d'aimanter , qu'une force fuffifante
pour foutenir un des deux poids.
Il est même effentiel de remarquer que ces
aimans ne peuvent communiquer cette
force qu'à une aiguille de trempe de reffort
fans la pouvoir communiquer à une aiguille
d'acier parfaitement dur,
F
122 MERCURE DE FRANCE.
Il y auroit un grand nombre de réflexions
à faire fur les expériences précédentes
, mais je me contenterai de remarquer
feulement, que ces deux aimans ne pouvant
communiquer aux aiguilles que la
moitié de la force que communiquent les
barres magnétiques , & encore ne la communiquant
qu'à des aiguilles de trempe.
de reffort , cela démontre d'une maniere
incontestable la fupériorité & l'utilité de
ces barres. S'il reftoit encore quelque incertitude
à ce fujet, j'ajouterois que les pôles
d'une aiguille aimantée à l'ordinaire
par le plus fort aiman , font changés en
leurs contraires par une feule touche avec
rien les barres de M. Knight.
?
2°. Que l'acier de trempe de reffort
perdant en peu de tems une grande partie
de fon magnétifme , l'acier parfaitement
dur le conferve fi conftamment , que
des aiguilles que j'ai aimantées , il y a plus
de fix mois , une feule fois , n'ont encore
perdu de leur vertu,
3 °. Que l'engourdiffement qui arrive fi
fouvent aux aiguilles de bouffoles provenant
vrai - femblablement , non de l'ufure
de leur pivot ou de leur chappe , mais de
perte de leur magnétifme , comme cela
eft prouvé par la néceffité où l'on eft de les
retoucher plufieurs fois pendant une lonla
JANVIER. 1750. 123
que navigation , les nouvelles aiguilles
d'acier parfaitement dur feront entierement
exemptes de ce défaut , n'étant point
fajettes à perdre de leur vertu . On a même
fi bien fenti l'importance de cette découverte
en Angleterre , qu'il n'y a plus
aujourd'hui de vaiffeau , deftiné pour
un voyage de long cours , qui ne fe muniffe
des barres de M. Knight , n'y ayant
qu'elles , comme on l'a vu plus haut , qui
puiffent aimanter des aiguilles d'acier trempé
parfaitement dur.
Enfin il est très difficile de bien
aimanter une aiguille de bouffole . On n'a
qu'à confulter là deffus le Traité de la
vertu attractive des corps de M. Muſchenbrock.
On y verra qu'il faut réitérer les
frictions jufqu'à cent vingt fois , pour être
fûr qu'une aiguille eft bien aimantée ; &
la pratique de Jacob Lommers & de Jacob
Dykgraaf , que M. Mufchenbrock
adopte , eft auffi longue & auffi difficile.
Mais par la méthode de M.Knight, la chofe
devient fifacile ,qu'un enfant de douze ans ,
un peu intelligent, peut aimanter une vingtaine
d'aiguilles en moins d'une heure.
Il eſt encore à propos de remarquer
qu'une bonne pierre d'aiman , capable
d'aimanter les plus grandes aiguilles , coû
te au moins fix louis , & même davan
*
Fij
124 MERCURE DE FRANCE.
des tage , & qu'elle ne peut aimanter que
aiguilles de trempe de reffort , tandis que les
barres magnétiques, fuffifantes pour les plus
fortes aiguilles , ne coûtent que deux louis
& demi.
Les découvertes ne devant avoir pour
objet qu'une utilité réelle , & les vrais
Sçavans ne devant avancer que des faits
dont la vérité foit bien prouvée & inconteſtable
, M. Knight a pris toutes les précautions
imaginables pour bien conftater
tout ce qui vient d'être rapporté.
Je me fuis un peu étendu fur la maniere
d'aimanter avec les barres magnétiques ,
& fur la propriété qu'elles ont de cominuniquer
une forte vertu à l'acier trempé de
tout fon dur , mais la chofe m'a paru d'une
fi grande conféquence , fur tout pour la
navigation , que j'ai crû qu'on ne pouvoit
trop y infifter..
M. Knight a déja tiré un autre fruit de
fa découverte ; il m'apprend par une de
fes Lettres , que la forme des aiguilles de
bouffole , dont on s'eft fervi jufqu'ici ,
n'eft point la plus avantageufe , & qu'il a
fait déja plufieurs expériences pour en trouver
une. Il ajoute que la figure qui jufqu'ici
femble le mieux séuffir , & s'aimanter le
plus fortement , eft celle qui eft deffinée
dans l'endroit où j'ai parlé de la maniere
JANVIER. 1750. 125
de les aimanter , mais qu'il continue tou
jours fes expériences pour s'affûrer , de la
maniere la plus préciſe , de la meilleure
forme qu'on peut donner à ces aiguilles .
Il m'a promis de me communiquer celle
qui lui aura le mieux réuffi , & je me ferai
grand honneur & grand plaifir d'en ren .
dre compte au Public ; il m'apprend encore
qu'il a prouvé à la Société Royale ,
que des aiguilles égales dans leurs proportions
, & aimantées avec la même pierre
d'aiman , varioient fouvent entr'elles de
plufieurs degrés , ce qui n'arrive pas à
celles qui font aimantées avec fes barres.
Je pourrois rapporter ici d'autres expériences
de M. Knight , toutes fort curieufes
& fort furprenantes , comme par exemple
celle d'augmenter prodigieufement la
vertu d'un très-bon aiman ; de mettre le
pôle du Sud tout autour d'une pierre dure
d'aiman , & au milieu le Pôle du
Nord ; de mettre à volonté les Pôles du
Sud aux deux extrêmités oppofées d'une
pierre , & les Pôles du Nord à angles
droits , avec ceux-ci , & beaucoup d'autres
faits de cette efpéce . Mais mon objet n'étant
dans ce Mémoire que de prouver l'utilité
des barres magnétiques de M. Knight
& de propofer à la Nation d'en faire uſage ,
je crois en avoir affez dit pour cela , & pour
>
F iij
126 MERCUREDE FRANCE.
montrer par combien de raifons elles doi .
vent l'emporter fur les pierres d'aiman ,
quand il eft queftion d'aimanter des aiguilles
de boulfole , furtout pour la Marine
.
M. Knight a imaginé la maniere de
pofer les barres dans un étui , dont il eſt
parlé au commencement de ce Mémoire ,
non-feulement comme la plus commode
pour les porter enfemble fans qu'elles
puiffent fe nuire , mais auffi comme la fituation
la plus favorable pour conferver
toute leur vertu . Il penfe à ce fujet que
les barres étant fituées de cette façon , le
fluide magnétique circule de l'une dans
l'autre , en allant du Pôle du Nord au Pôle
du Sud , & en paffant à travers les morceaux
de fer qui fervent ici comme de
conduits à ce fluide ; c'est ce qui eft exprimé
par la ligne ponctuée de la premiere
figure. Cette opinion paroît prouvée en ce
que le morceau de fer,quoiqu'adhérent aux
deux barres , n'a aucune attraction dans
cette pofition , & qu'au contraire il en a
beaucoup , lorfqu'il n'adhére qu'à un des
Pôles de l'une des deux .
-
Les précautions que M. Knight recommande
pour conferver les barres dans toute
leur force , font 1. de les laiffer glif
fer enſemble de l'étui , de ne les en point
JANVIER . 1750. 127
irer une à une , & lorfqu'on voudra s'en
fervir , de les ouvrir comme un compas ;
2º . de ne laiffer jamais approcher les Pôles
répulffs ; 3. de ne laiffer jamais approcher
les barres latéralement ; 4° . de ne
les point fatiguer à enlever des poids confidérables
; 5. de ne les point approcher
d'une groffe maffe de fer ; 6 ° . de ne les
point éprouver à changer les Pôles d'un
aiman naturel , au- deffus d'une demie
once , ou trois quarts d'once au plus ; enfin
de réferver leur ufage pour aimanter des
aiguilles & des barres d'acier.
Lorfqu'on voudra faire forger des aiguilles
d'acier , ou de petites barres pour
l'ufage des vaiffeaux ou pour des expériences
particulieres , il faudra choifir leydparfait
acier de Hongrie ou de Vérifgien
L'ouvrier l'ayant fuffisamment recuit au
feu , il forgera fon aiguille ou fa barre ;
obfervant, en la limant & en l'adouciffant ,
de le faire dans le fens de fa longueur . Il
la trempera enfuite dans de l'eau froide
& fans la faire chauffer en aucune façon
après la trempe. Il la polira tout de fuite
avec un morceau de bois , & du fin émeril
avec de l'huile , continuant toujours à la
polir dans le même fens qu'il l'a adoucie.
On rejettera toutes les aiguilles ou bar- '
res qui feront trop fauffées par la trempe ,
1
Fij
128 MERCURE DE FRANCE.
& celles qui auront des pailles , furtout
vers les pôles. On évitera d'ébranler trop
violemment le corps des aiguilles ou des
barres , on les effuyera enfuire avec grand
foin pour en enlever toute l'huile , & on
les aimantera felon la méthode dont j'ai
donné la deſcription .
On peut communiquer la vertu magnétique
à tel nombre d'aiguilles & de barres
qu'on voudra , pourvû qu'elles ne foient
pas trop fortes d'acier , & qu'elles ne
foient aux barres magnétiques en volume
& en poids qu'environ comme 1 à 15.
J'obferverai que la vertu communiquée par
les barres magnétiques eft proportionnelle
à leur grandeur , mais que leur attraction
du l'eft pas , une groffe barre n'enlevant
ceanan poids proportionnel à celui qu'en
Teve une petite , mais ceci n'a rien d'extraordinaire
, & paroît être une fuite des
loix de l'attraction .
Des Aimans artificiels.
Il eft difficile de pouvoir diftinguer de
quelle matiere ils font compofés ; c'eft une
efpece de marcaffite ferrugineufe , mais ce
n'eft ni un métail ni une pierre parfaite.
Il feroit inutile de penfer qu'il foit poffible
de fe fervir de l'aiman naturel pour
les compofer. Tout aiman broyé perd fa
JANVIER. 1750. 129
vertu , & quand même les parcelles en conferveroient
, il eft aifé de voir que mêlées
enfemble, elles feroient attractives & répulfives
l'une à l'autre , ayant chacune leurs
pôles particuliers ; & de la combinaiſon de
ces differentes directions ne pouvant en
réfulter une directe dans un corps qui en
feroit compofé , j'ai voulu par cette obfervation
prévenir une erreur dans laquelle
j'ai vû tomber des gens de beaucoup d'ef
prit , qui croyoient que l'aiman naturel
étant broyé , pouvoit fuffire à cette opération
.
Entre plufieurs expériences que j'ai imaginé
de faire avec ces aimans artificiels ,
la plus finguliere eft d'en poſer un ſphérique
, ou autrement une terella,fur une glace
bien de niveau & dont le plan foit bien
exact.
Si on pofe une feconde terella à huit
lignes de la premiere , elles fe retourneront
jufqu'à- ce que les pôles , qui s'attiroient
, foient vis -à- vis l'un de l'autre ; fi
on les approche un peu plus , elles s'attireront
en raifon inverfe de leur maffe.
Si on tient entre les doigts une des deux
terellas , & qu'on la faffe tourner verticalement
, l'autre terella tournera verticalement
auffi , & il faut obferver que fi on
tourne celle que l'on tient , de la gauche à
Fv
130 MERCURE DE FRANCE .
la droite , la terella en liberté tournera de
la droite à la gauche ; on peut renverfer
cette expérience , elle fera toujours la même,
& la terella en liberté tournera toujours
en fens contraire de l'autre , comme
une roue à dents dans laquelle engraineroit
une autre rouë que l'on tourneroit à
la main.
-
De ces aimans artificiels , les uns font
ronds comme ceux dont je viens de parler ;
les autres font plats. Les ronds ont 4 à 5
lignes de diamètre , & les plats ont un
pouce de large fur deux de long , &
deux lignes d'épaiffeur. Tous ces aimans
ont leurs pôles bien . fixés , & par conféquent
répulsifs ou attractifs les uns aux.
autres , felon leurs proportions . Ces pôles
ne peuvent être renverfés , même par les
barres de M. Knight les plus puiffantes ; je
les ai laiffés tout un jour en contact , fans
y appercevoir la moindre difference .
Comme celles que j'ai , font un préſent
de M. Knight , j'en ignore le prix.
Le prix des plus grandes barres , ou de
la premiere efpéce , eft de dix guinées.
Le prix de celles de la feconde efpéce ,
de cinq guinées.
Le prix de celles de la troifiéme , de
deux guinées & demie .
Enfin le prix de tout ce qui eft nécef-
*
JANVIER . 1750. 131
faire pour répéter les expériences , eft
d'une guinée.
Si quelqu'un veut faire l'emplette de
ces barres , il peut s'adreffer à Boulogne ,
à M. Guillaume , Vice-Mayeur de cette
Ville , ou à Calais , à M. Carpentier , qui
les feront venir de Londres.
Si on en vouloit une certaine quantité ,
il faudroit écrire une Lettre pour en prévenir
M. Knight , les grandes occupations
que lui donne la confiance du public
dans fa profeffion , ne lui permettant pas
de travailler avec affiduité à donner la
vertu magnétique à un grand nombre de
barres.
Quelque peu d'autorité que puiffe avoir
mon Certificat , je le joins ici , & je fuis
perfuadé que M. de la Condamine , & M.
de Régemorte auquel M. le Comte d'Atgenfon
a remis les barres que je lui ai envoyées
, fe feroient également plaifir de
donner les leurs , qui feroient d'un grand
poids, & leveroient toute incertitude.
Je certifie avoir répété plufieurs fois
toutes les expériences rapportées dans ce
Mémoire , lefquelles ont toujours également
réuffi .
'F vj
132 MERCURE DE FRANCE
POEME SUR LA VENGEANCE,
Par M. Bafton de Kerbel.
LA vengeance eft un droit ufurpé fur les Dieux
Que ce vol coûte cher aux mortels furieux !
Qu'il enchaîne après foi de remords & d'allarmes
Combien de coeurs vengés ont féché dans les lar◄
mes !
Combien n'a- t'on pas vu d'implacables humains ,
Percés des mêmes traits qu'avoient lancés leurs
mains !
Les Princes de la Gréce, enchaînés dans l'Aulide;
Ont imploré des vents le ſecours homicide ,
Ont fatigué le Ciel & de voeux & d'encens ;
Le Ciel a rejetté ces vulgaires préfens.
S'ils ne teignent l'autel du fang d'Iphigénie ,
C'eft envain qu'enyvré d'une aveugle furie ,
Leur coeur nourrit l'efpoir de venger Ménélas ;:
Tel eft l'arrêt des Dieux prononcé par Calchas .
Agamemnon apprend cette affreufe nouvelle.
Surpris , faifi d'horreur , il héfite , il chancelle
Les graces de fa fille , & furtout fes vertus
Se préfentent en foule à fes fens combattus s
Mais cette ame , toujours de vengeance altérée ,
Prend enfin un parti digne du fils d'Atrée.
Les Troyens dans Héléne ont ofé l'outrager;;
>
JANVIER. 1750. 133
Tout fang pour les punir lui devient étranger.
Pour venger fon injure & celle de føn frere ,
Il étouffe la voix qui lui dit qu'il eft pere;
Ce tendre nom de pere eft banni de fon coeur ;
La nature fe tait où regne la fureur.
Par l'ordre du cruel qui lui donna la vie ,.
'Aux marches de l'autel on traîne Iphigénie ;
Elle meurt , & les vents , par fon fang appaifés ,
Aux voeux de la fureur ceffent d'être oppofés
Les Grecs en un moment font portés juſqu'à
Troye ;
Ces lions affamés s'élançent fur leur proye ;
Par leurs conftantes mains Agamemnon vengé,
Voit d'un oeil fatisfait Hion ravagé ,
Et fier d'avoir enfin raffafié fa haine ,
Ordonne en triomphant qu'on retourne à Mycéne,
Mais lorsqu'il s'y promet des applaudiffemens ,
In'a pour tout accueil que des gémiffemens ,
Que l'affreux défefpoir d'une mere éperdue ,
Qui maudit fon triomphe & déteſte ſa vûe ;
Qui du fang révolté fervant les paffions ,
Fait éclatter fa rage en imprécations.
Fier de ta cruauté plus que de ta conquête ,
Tu parois devant moi les lauriers fur la tête.
C'est donc peu que ta main avide d'attentats
'Ait préſenté ma fille au coûteau de Calchas ?
Mon: nouveau défefpoir a donc pour toi des char
mes ,
134 MERCURE DE FRANCE.
De ces yeux maternels tu viens braver les larmes ;
Le front ceint de lauriers , abreuvés de mon fang
Une feconde fois , tu viens percer mon flanċ.
Ah ! monftre , au coup affreux que frappe ma
colére ,
Reconnois s'il eft für de braver une mere.
Auffi prompt que ces mots , le cruel coûtelas
Se plonge dans le fein du Roi de tant d'Etats.
Que d'horreurs on prépare au malheureux
Orefte !
Il entre fans fçavoir ce défaftre funefte ;
11 entre ; pour un fils quel fpectacle , grands
Dieux !
Quel objet effrayant fe préſente à ſes yeux !
Il apperçoit le corps de fon malheureux pere ,
Et le fer tout fanglant dans les mains de fa mere.
Tu vois mon affaffin , ta mere eft devant toi :
Je me meurs , & mon fils ; ô mon fils , venge moi,
S'écrie Agamennon , dout l'ame fugitive
Veut defcendre vengée à l'infernale rive .
De douleur & de rage Orefte tranſporté ,
Perce de mille coups les flancs qui l'ont porté ;
Dans le premier moment il a vengé fon pere ,
Mais le fecond lui dit qu'il a tué fa mere.
Cette horrible furie , attachée aux forfaits ,
L'implacable remords ne le quitte jamais.
L'ombre de Clitemneftre , irritée & fanglante ;
A u parricide Orefte eft fans ceffe préfente.
JANVIER. 1750. 139
La Nature & l'enfer , fes éternels bourreaux ,
Défendent à la mort de terminer les maux.
Il va la mandier chez des peuples barbates ,
Qui prodigues de fang , en deviennent avares ,
Qui du Ciel outragé fecondant le courroux ,
Trouvent pour lui la mort un fupplice trop doux.
Barbares que confume une foifvengereffe
Ouvrez , pour la calmer , les faites de la Grèce ,
Mais fans avoir recours aux faftes éttangers ,
Confultez bien plutôt nos maux & nos dangers.
De vengeurs , de vangés une troupe inteftine
A prefque de la France entraîné la ruine.
On a vu les Anglois , puiffans par nos fureurs ,
Dans les murs de Paris commander en vainqueurs
N'a-t'on pas vû le fang , le plus beau de la France,
Atrofer à grands flots l'autel de la vengeance ,
Dans ces jours de fureurs & de calamités ,
Dans ces horribles jours , de duels infectés ,
Où l'orgueil étalant fes fanglantes maximes ,
Jettoit fur la vertu la honte dûe aux crimes ;
Où l'aveugle François ardent à fe venger ,
Ne connoiffoit d'honneur que celui d'égorger ?
Tue ou meurs , tel étoit l'exécrable langage
Des braves qui , livrés à leur inftinct ſauvage,
Ou plongés dans la nuit des préjugés groffiers ,
Briguoient infolemment les noms de meurtriers...
D'un aftre enfin plus doux la divine influence
Chaffa la cruauté , fille de l'ignorance
36 MERCURE DE FRANCE.
Er faifant à nos yeux briller la vérité ,
Dans nos coeurs attendris grava l'humanité.
SEANCE PUBLIQUE
Tenue le 12 Novembre 1749 par l'Académie
Royale des Sciences.
Onfieur de Fouchy , Sécretaire per-
Mpétuel de l'Académie , lut au commencement
de la Séance l'Eloge de feu M.
Amelot , Miniftre & Sécretaire d'Etat pour
le Département des affaires étrangeres , &
Fun des Académiciens honoraires de cette
Compagnie.
Cette lecture fut fuivie de celle d'un
Mémoire de M. Ferrein ſur la ſtructure des
vifcéres glanduleux,
Le fecond Mémoire qui fut lû , eft de
M. de Life , & contient des obfervations
fur les froids prodigieux de la Sibérie .
Pour mefurer ces froids , & pour les comles.
comparer
avec ceux dont on a connoiffance ,
il falloir employer des Thermométres de
Mercure , ceux d'efprit de vin ne pouvant
pas fuffire. M. de Lifle en a conftruit fuivant
une méthode qui lui eft particuliere.
Ils font univerfels , c'est- à - dire qu'ils peuvent
fe conftruire partout fans communiJANVIER.
175:00 137
cation , & que cependant ils montrent
tonjours les mêmes degrés. Cela a été vé
rifié par l'expérience , tous les Thermométres
conftruits fuivant ladite méthode en
France , en Angleterre , en Suéde , en Allemagne
& en Italie , ayant toujours montré
les mêmes dégrés que ceux envoyés de Pé
terfbourg par M.deLifle.Comme les dégrés
de froid , que marquent cesThermomètres,
peuvent fe pouffer auffi loin qu'on le fouhaite
, ils ont pû fervir à mefurer les froids
de Sibérie , où M. de Lifle , pendant qu'il
étoit en Ruffie , a fait tranfporter un grand
nombre de ces inftrumens. Il fuffit
pour
donner une idée de l'excès des froids
aufquels la Siberie eft fujette , de dire que
dans le milieu du païs le froid eft pendant
cinq mois entiers beaucoup plus grand que
celui qu'on a éprouvé ici en 1709 , & qu'il
prend quelquefois fubitement un accroiffe
ment fi prodigieux , qu'alors il fait defcencendre
autant le Thermométre au- deffous
de la premiere glace, que la chaleur de l'eau
bouillante le fait monter au deffus. M. de
Lifle ayant comparé les plus grands
froids mefurés par les Thermométres, avec
ceux dont quelques Voyageurs ont parlé ,
conjecture que les froids de l'Amérique
Septentrionale , tant au Canada que dans
la Baye de Hudfon, doivent égaler ceux.de
la Sibérie.
138 MERCURE DE FRANCE.
• M. de Vaucanfor lut enfuite la Defcription
d'un nouveau Tour à filer la Soye .
Il est néceffaire , pour faciliter à nos
Lecteurs l'intelligence de cette Machine ,
de remarquer que la foye fe fabrique d'abord
fous une espéce générale qui eft la
foye greze. On entend par ce nom la foye
tirée fimplement des cocons . Cette foye
greze reçoit enfuite differentes préparations
, & l'on en fait de l'organcin ou des
trames.
L'organcin , deftiné à faire la chaîne
des étoffes , n'eft autre chofe que plufieurs
brins de foye greze , tordus chacun en parficulier
fur un moulin , & retordus après
tous enſemble fur un autre moulin . Cette
préparation leur donne une élasticité qui
les rend propres à obéir aux differentes extenfions
qu'ils fouffrent fur le métier lors
de la fabrication de l'étoffe,
Quelquefois les trames ne font compofées
que d'an feul brin de foye greze , tordu
foiblement fur lui-même , mais pour
l'ordinaire elles ne le font au plus que de
trois brins , tordus très- légerement enfemble.
Comme elles ne fouffrent aucun effort
fur le métier , les brins n'en font jamais
tordus féparément .
De ce que nous venons de dire , il fuit
que l'efpece de foye la plus chere eft l'orJANVIER.
1750. 139
que
gancin. Outre qu'elle eft plus travaillée ,
elle doit être tirée des cocons les plus fins .
A ce fujet , M. de Vaucanfon obferve
qu'on s'eft inutilement efforcé jufqu'ici en
France , de perfuader à ceux qui font tirer
de la foye , qu'il falloit tirer féparément
chaque qualité de cocons. Les abus que
produir l'ufage contraire, font fenfibles . Le
grain des cocons , qui ne font que demi
fins , eft beaucoup moins ferré & plus gros
celui des cocons fins. Les cocons fatinés
n'ont point du tout de grain , & les
doubles , c'est - à dire ceux où deux vers fe
font enfermés enſemble , ne donnent qu'u
ne foye très-mauvaiſe dont on ne peut fe
fervir pour les étoffes. En fe contentant ,
comme on fait , de féparer des fins & des
demi fins les doubles & les fatinés , & en
mettant ceux des deux premieres efpeces
indiftinctement dans la même baffine , on
gâte les beaux par le mêlange des inférieurs.
D'ailleurs ceux- ci n'en font pas
mieux tirés , parce que chaque qualité de
cocons exigeant une eau d'un degré de chaleur
different , il arrive que quand l'eau eft
au degré de chaleur convenable pour les
cocons fins ,elle fe trouve trop chaude pour
les demi fins qu'elle fait monter en bourre;
& fi on veut les purger comme il convient,
on perd alors la plus belle foye qui s'enle140
MERCURE DE FRANCE.
"
ve des cocons fins ; fi d'un autre côté on
tient l'eau dans un degré de chaleur plas
modéré , la foye des cocons fins ne fe détache
plus que très-difficilement , & cela
produit un déchet très- conſidérable .
M. de Vaucanfon a cru que le meilleur
moyen de fuppléer à l'ignorance & à la
négligence des perfonnes employées à tirer
la foye , étoit de corriger & de perfectionner
le Tour dont elles fe fervent pour
leur opération.
Ce Tour eft formé par un Bâtis de bois
qu'on nomme le Banç. Sa longueur eft de
quatre ou cinq pieds , fur deux & demi de
large. Il a deux pieds de hauteur fur le
devant , & trois & demi fur le derriere:
Sur une traverſe de devant , il y a deux filieres
de fer , environ à fix pouces de diftance
l'une de l'autre , & fur le derriere eft
an devidoir de deux pieds de diamètre
pour recevoir la foye . Ce devidoir eft mo
bile fur les deux extrémités de fon axe par
le moyen d'une manivelle. Au devant dur
Tour eft une baffine de forme ovale , remplie
d'eau , & pofée fur un fourneau. Lorfque
la foye eft purgée , c'est-à-dire lorfque
tous les brins viennent bien nets , on
prend quatre , cinq , fix , & quelquefois ,
fuivant la groffeur de la foye qu'on veut
faire , douze & quinze de ces brins , & on
44
JANVIER. 1750. 141
les paffe dans le petit trou d'une des filie
res. On en paffe le même nombre dans le
trou de la feconde , & tous ces brins , au
fortir des deux filieres , ne forment plus
que deux fils de foye. Alors on prend ces
deux fils , pour les attacher fur le devidoir ,
qu'on fait tourner d'une très- grande vîtelle
le fecours de la manivelle. Ces
par
deux fils de foye viennent s'y coucher & y
former deux écheveaux féparés, à la faveur
d'un guide pour chaque fil . On nomme
guide un petit fil de fer , de quatre pouces
de longueur , dont une extrémité eft planperpendiculairement
dans une regle de
bois, & l'autre eft recourbée en forme d'anneau
, dans lequel on paffe le fil de foye.
La régle qui porte ces guides , placés à fix
pouces de diftance l'un de l'autre , fe meut
horisontalement & parallèlement à l'axe
du devidoir.
tée
Afin que chaque fil de foye n'arrivât pas
fur le devidoir , fans faire corps , c'est- àdire
fans que les brins , dont il eft compofé
, fuffent liés les uns avec les autres , on
avoir imaginé d'abord de faire paffer chaque
fil au fortir des filieres fur la circonférence
de deux cilindres. La preffion faite
par ce moyen n'étant pas affez forte pour
exprimer l'humidité de la foye , & donmant`
aux fils une forme platte , les Italiens
142 MERCURE DE FRANCE .
fupprimerent ces cilindres , qui étoient de
fimples bobines paffées fur une broche de
fer, & ils prirent le parti de croifer , au fori
tir des filieres, les deux fils de foye l'un ſur
l'autre un certain nombre de fois.
Ce ne fut pas le feul changement dont
s'aviferent en particulier les Piémontois
que jufqu'à préfent nous avons dû regarder
comme la Nation la plus expérimentée
dans l'art de tirer la foye, Les guides qui
conduisent le fil de foye fur le devidoir
recevoient leur mouvement par une poulie
dont l'axe étoit fixé fur une traverſe du
Tour , & cette poulie étoit muë par une
corde fans fin , qui partoit d'une autre
poulie fixée fur l'un des deux bouts de l'axe
du devidoir , d'où elle tiroit fon mouyement.
Ce mouvement , qui doit être
avec chaque révolution du devidoir en
telle proportion que les fils de føye chan
gent continuellement de place , & ne fe
pofent pas les uns fur les autres , étant toujours
dérangé par les variations de la corde
fans fin , les Piémontois ont prohibé ce
mouvement à corde , & y ont fubftitué
quatre roues en engrenage d'un nombre
de dents déterminé , pour que la proportion
du mouvement des guides fût roujours
conftante avec chaque révolution du
devidoir , & cette proportion eft de vingt-
"f
JANVIER, 1750. 143
cinq à trente- cinq. Ils ont auffi augmenté
la diftance des guides au devidoir , & l'ont
fixée à trois pieds deux pouces de notre
mefure , afin que les particules d'eau ,
dont les fils de foye font chargés , euffent
le tems d'être frappés par l'air , & de s'évaporer
davantage,
ci
Quoique ce Tour , dit à la Croifade , inventé
par les Piémontois , ait paffé jufqu'i
pour le meilleur , M. de Vaucanfon l'a
trouvé encore fufceptible d'être fimplifié
& perfectionné.
Comme les quatre roues , par lefquelles
dans ce Tour les guides reçoivent leur
mouvement , font faites de bois , elles
font fujettes à plufieurs inconvéniens . Les
dents s'ufent & le caffent. L'arbre , qui
communique aux guides le mouvement du
devidoir , & qui eft auffi de bois , fe tourmente
extrêmement à caufe de fa longueur,
Par ces raifons , il faut toûjours avoir un
double de toutes ces pièces , pour en chan
ger au premier accident . Cela occafionne
un plus grand entretien , par conféquent
plus de dépenfe. M. de Vaucanfon remet
en ulage la corde fans fin , en rendant mo
bile la traverſe qui porte la poulie des guides
; & à la faveur d'un poids de quatre à
cinq livres , qui tire d'une force conftante
cette traverſe du côté oppoſé à la cordo
# 44 MERCURE DE FRANCE.
fans fin , la poulie , ainfi que la traverſe &
le poids , obéiffent toujours aux moindres
variations de la corde. De -là s'enfuit un
mouvement toûjours régulier pour les guides
, qu'on proportionne avec celui du
devidoir par la difference des diamétres
des deux poulies. Selon notre Académicien
, la proportion de vingt- deux parties
& demie pour la poulie du devidoir , & de
trente-cinq pour la poulie des guides , eft
de beaucoup plus avantageufe que celle
affignée par les Piémontois.
Entre les filieres & les guides , M. de
Vaucanfon place un cercle de bois , d'un
pouce de large , fur huit lignes d'épaiffeur,
dont le diamètre pris des bords intérieurs
eft de fix pouces & demi , égal à la diſtance
qui eft entre les deux filieres . Ce cercle ,
pofé au milieu de la largeur du Tour , eft
foutenu par fes bords extérieurs fur trois
roulettes montées fur un petit chaffis de
bois. Au bord extérieur du cercle , eſt une
canelure dans laquelle paffe une corde
fans fin , qui vient fe rouler fur une autre
poulie de même diamètre , de l'axe de laquelle
une extrémité porte une manivelle
qui fe trouve à la portée de la main droite
de la femme qui tire la foye.
Quand cette femme a paffé dans les
deux filieres le nombre de brins de cocons,
qui
JANVI E R. 1750. 145
qui doivent compofer les deux fils de
foye , une autre perfonne prépofée au devidoir
, & qu'on appelle la Tourneufe , les
prend , & elle paffe chacun dans une boucle
de fer ou d'acier , placée dans le bord
intérieur du cercle de bois , & enfuite
dans la boucle des guides , pour les conduire
au devidoir , fur lequel elle les attache.
Pendant qu'elle les y arrête , cellet
qui tire la foye fait fes croifures , en tournant
fimplement la manivelle dont nous
venons de parler. Chaque tour de manivelle
fait faire deux croifures , la premiere
entre les filieres & le cercle , la feconde
entre le cercle & les guides. Ainfi , par
douze tours de manivelle , les fils de foye
fe trouvent croifés douze fois devant le
cercle , & douze fois derriere , ce qui fait
vingt- quatre croifures , nombre qu'on aug.
mente ou qu'on diminue , fuivant la groffeur
qu'on veut donner à la foye . Outre
la grande facilité & l'extrême préciſion
avec laquelle fe font ces croifures , on a
l'avantage d'en faire le double , fans que
cela empêche en aucune façon les fils de
foye de gliffer l'un fur l'autre , parce que
ce plus grand nombre fe partage en deux
parties , & à une diftance d'un pied environ
l'une de l'autre.
Comme les croifures par cette nouvelle
G
146 MERCURE DE FRANCE.
méthode pourront toujours être en même
nombre , il en résultera toujours une égalité
de force dans la foye , & c'eſt une des
principales qualités qu'elle doit avoir .
De plus , les bourillons qui auront
paffé dans la premiere croifure , s'arrêteront
dans la feconde , & celle-ci ne permettra
pas aux fils de foye d'arriver fur le
devidoir avec le moindre corps étranger .
Le nombre des croifures étant toujours égal,
les obftacles feront toujours les mêmes , &
par là on aura une foye toujours également
propre & toujours également unie .
Enfin , plus il y a de croifures , plus il
y a de preffion , & par conféquent plus de
particules d'eau fe détachent de la foye.
Auffi l'on voit très fenfiblement , dans le
nouveau tour de M. de Vaucaufon , quantité
de ces particules s'enlever en forme
de brouillard par la feconde croifure. On
évite de cette maniere , qu'elles arrivent
fur le devidoir , où elles colleroient les fils
les uns contre les autres , inconvénient
très dangereux pour le devidage des échevaux
.
Indépendamment de tous ces avantages,
la double croifure fournit à la perfonne
qui tire la foye , un moyen für pour donner
aux deux fils de foye une égalité de
groffeur. Jufqu'à préfent on n'a eu d'autre
JANVIER . 1750. 1472
་
méthode pour y réuffic , que de tirer chacun
des deux fils avec le même nombre de
cocons , mais par la nature differente' de.
ces cocons , il arrive ſouvent que le même
nombre de brins forme un fil plus ou
moins gros. Moyennant la double croifare
, on eft toujours averti certainement
& promptement de l'inégalité des fils .
Toutes les fois qu'un même nombre de
cocons forme un fil plus gros que l'autre ,
la derniere croifure fe porte fur champ du
côré oppofé au fil le plus foible. En ce cas ,
on fournit des brins à l'un ou à l'autre fil ,
jufqu'à ce que les croifures foient revenues
dans le milieu , & tant qu'elles y reſtent , >
on eft affûré que les deux fils de foye font!
egaux.
Cet Eté dernier , on a fait éclore des :
vers à foye près du Village de Mally , à
quatre lieues de Paris. Les cocons qui ent
font provenus , ont fourni cinquante livres
de foye , qu'on a fait tirer fur quatre
des nouveaux Tours à la double croifade.
Il a été jugé par les
Connoilleurs, que cette
a
foye étoit comparable , fi elle n'étoit fupés .
rieure , à la plus belle qui fe faffe en Pié..
mont.
Si l'expérience continue d'être auffi fa->
vorable que l'a éré ce premier effai , &
que paroît l'être le caifonnement à l'in
Gij
148 MERCURE DE FRANCE.
vention de M. de Vaucanfon , notre Nation
, qui outre la foye qu'elle fabrique ,
& dont on eftime la valeur à neuf ou dix
millions , eft obligée d'en tirer encore de
l'Etranger pour quatorze ou quinze millions
, ne fera plus dans cette néceffité.
La Séance fut terminée la lecture
par
de la Préface d'un Traité , composé par
M. l'Abbé de Gua , & qui eft intitulé ;
Arithmétique , Théorique Pratique , Ordinaire
& Spécieuſe , Elementaire & Tranf
cendante , déduite des notions les plus fimples,
+
enrichie de plufieurs Abreges nouveaux ,
en fix volumes in- 8 ° . Comme le premier
eft fous preffe , nous nous réfervons à par
ler de cette Préface , lorfqu'il paroîtra .
Nous n'avons pû rendre compte du Mé
moire de M. Ferrein , parce que l'Auteur
n'a pas encore exécuté la promeffe qu'il a
faite de nous le communiquer.
Les mots de l'Enigme & des Logogry
phes du fecond volume de Décembre font,
compliment , fauteuil , Germaine , fommeil ,
Satyre & Lune. On trouve dans le premier
Logogryphe , faute , tuile , fuite ,feu,
eau , ut , fa , la , flet , Lia , lait , Auteuil ,
alte , lit , aïeul , Eu , If, Eau , flutte , flean ,'
Antel , laïe , fiel , faîte , ail , fat , taïe , utile,
JANVIER. 1750. 149
> Elie & filet. On trouve dans le fecond
image , mari , ame, âge & main. On trouve
dans le troifiéme , fole , oie , mois , Loi , mie,
lime , foie , Moïse , fel , oife , fomme , mil ,
lie ,fi , fol , mi , Jo , Eloi , oeil , miel & Sem.
On trouve dans le quatrième , tare , taïe ,
âtre , rat , Art , Aftre , rit , ré , fi , air , as,
raie , Sire , ire , ris & &. On trouve dans
le cinquiémenul , Leu , lâ , un , Elu , Eu,
en & ne,
Ma¤Ã¤nepepravavavavava
ENIGME.
Digne ouvrage de l'Art , je dois mon exif- tence
'Au defir d'imiter. Mon mérite eſt l'erreur.
Je ne plais aux mortels que par la reffemblance.
Plus je fçais impofer , & plus je fais honneur.
Celui que je prends pour modéle ,
Principe de mainte querelle ,
Fait fouvent affronter la mort.
Par fon moyen tour eft poffible , la
Le foible devient invincible , anta
Il dicte des loix au plus fort.
Mais tel eft mon malheur. Trop facile à connoître
,
Bar lefecours d'un tiers , mon mérite emprunté
G iij
150 MERCURE DE FRANCE.
Difparoît , & faifant place à la vérité ,
Plonge dans le néant l'erreur qui l'a fait naître.
Par M. le M. de C.
LOGOGRYPHE.
Mon pere ne m'a jamais vớ ;
Cependant , fans miféricorde ,
L'amour qu'il eut pour moi me condamne à la
Si trop
corde ,
Pour fortifier ma vertu .
d'obscurité regne dans cet exorde ,
Au détail de mes traits , je ferai mieux connu.
Qu'on m'ôte le chapeau qui me couvre la tête !
Je brille , & des mortels j'ercite les defirs.
La moitié de mon tout étouffe les foupirs
Des criminels que l'on arrête ;
L'autre de celle là prenant le dernier trait ,
Et retranchant fa queue , auffi vite qu'un trait ,
Vola jadis jufqu'au féjour célefte ;
Mais coupez-lui la tête , & vous verrez le reſte
Dans le fond d'un tonneau qui le tient en arrêt.
Dans mon fein le Jurifconfulte
Vient étudier fa leçon :"
Le Poëte Lyrique y trouve une chanſon ;
Et je fais regner l'ordre où regne le tumulte.
C. Chanoine de Paris. ན།
JANVIER . 1750 . 151
AUTRE.
Out mortel , en naiffant
, par divine influence
,
Tient plus ou moins de mon effence .
Celui qui m'étudie avec difcernement
Peut à tout appliquer jufte raifonnement.
Cher Lecteur , onze pieds forment mon exiſtence,
Si tu veux me connoître à combiner commence.
D'abord j'offre l'extrémité ,
Qui le Globe terreftre , a toujours limité ;
L'endroit où Robinſon faifoit la réfidence ;
L'aftitut que l'on doit fuivre avec confiance ;
Ce Miniftre des Juifs , qui quoique fort pieux ,
Vit périr les enfans & périt après eux ,
Jufte punition de trop de complaifance
Qu'il avoit pour leurs moeurs dès leur plus tendre
enfance ;
L'ouvrage d'un reptile ; une écume de mer ,
Et qui non mitigée a le goût fort amer.
Je préfente une fleur , fymbole d'innocence ,
Très-connue en tout lieu par les armes de France,
En trois lettres , je donne une Divinité ,
Mere de Jupiter , admirable en beauté.
Aux fêtes à fa gloire implorant fa clémence ,
Les Coribantes furieux
Se déchiroient le corps , fe maffacroient entr'eux ,
Voulant faire éclater leur zéle en fa préfence.
Gill
152 MERCURE DE FRANCE .
Ce qui peint au-dehors les mouvemens du coeur
Un fleuve d'Italie ; une vile liqueur ,
Un poiffon délicat , connu par excellence ;
Nom de mainte beauté , qui compofé du Grec ,
Signifiant fagefle , inſpire le reſpect ;
Qualité que n'a guére un homme fans naiffance ;
J'ai ce que dans l'hyver on careffe fouvent ;
Ce qu'en fa nouveauté toujours cher l'on nous
vend .
Je fuis multiplié chez les Gens de Finance ;
Fêté par l'artiſan ; propre à la confonance.
Je fuis auffi ce grand Héros ,
Vainqueur d'Enomaüs aux courfes des Chariots
Pronom ; oifeau jafant avec aifance ;
Nymphe ; deux fois riviere en France ;
Souverain des Perfans ; Heroine en chanson.
Raffemblez- moi , je fuis de toute Nation.
Bugiret.
JANVIER . 1750. 153
蔬洗洗洗洗洗洗洗:洗洗:洗洗洗洗洗業
NOUVELLES LITTERAIRES ,
DES BEAUX- ARTS, &c.
ECUEIL de Piéces en vers & en profe
Par M. de Voltaire. A Amfterdam ,
1750 , pp. 127.
Les Piéces de ce Recueil , qui n'avoient
pas encore vû le jour , ou qui du moins
n'étoient pas venues à notre connoiffance
, font une Epître en vers fur l'encouragement
des Arts ; un Difcours fur les
embelliffemens de Paris , & deux Fictions
morales , intitulées , l'une Memnon , l'autre
Baboue , des noms des perfonnages qui
yjouent les principaux rôles.
Quand même M. de Voltaire auroit
gardé
l'anonyme , on l'auroit facilement reconnu
dans l'Epître fur l'encouragement:
des Arts. Elle aura les fuffrages de tous les
amateurs des beaux vers. Les Juges diffieiles
pourront feulement lui reprocher de
ne pas former un tout , dont les parties
fe rapportent exactement. On eft furpris
de voir une Digreffion fur le mépris que
les Sçavans & les gens de Lettres ont ordinairement
pour tout ce qui ne fait pas
l'objet de leur étude , remplir la moitié
G.v
154 MERCURE DE FRANCE.
d'un Poëme , deftiné à louer un Miniftre
fur la protection qu'il accorde aux talens ,
& àlui indiquer les moyens d'en favoriſer
les progrès.
Dans le Difcours qui concerne cette
Capitale , peut-être la comparaifon que
l'Auteur fait de nos richeffes actuelles
avec celles dont l'Etat jouiffoit fous Louis
XIV. & fous Henri IV. paroîtra-t'elle de
même un peu trop longue ? Ce défaut eft
racheté par un grand nombre de détails
inftructifs & agréables.
M. de Voltaire nous remontre avec raifon
, que le foin de décorer Paris , regarde
particulierement fes Habitans. Quelques
perfonnes demanderont où l'on trouvera
des fonds pour une pareille dépenfe . Notre
Auteur répond : » Où les premiers Ro-
>> mains en trouverent-ils , quand dans les
tems de la pauvreté ils bâtirent ces fou,
» terrains , qui furent fix cens ans après
eux l'admiration de Rome riche &
» triomphante ? Penfons- nous que nous
foyons moins opulens & moins induf-
» trieux que ces Egyptiens , dont je ne
»vanterai pas les pyramides qui ne font
» que de groffiers monumens d'oftenta-
» tion mais dont je rappellerai , tant
d'ouvrages néceffaires & admirables ?
›
*Que M. de Voltajre nous pardonne une petite
JANVIER . 1750. 155
du
Le parallele eft-il parfaitement jufte ?
Vraisemblablement les monumens , dont
parle M. de Voltaire , ont été exécutés par
des corvées , ou volontaires de la parr
peuple , ou ordonnées par le Souverain
& ce moyen n'eft point ici pratiquable .
Auffi notre Auteur n'exige t'il pas
qu'on y ait recours . Il prétend qu'il fuffic
de piquer l'émulation des Parifiens , &
que fur le champ toutes leurs bourfes s'ouvriront
pour contribuer à l'exécution
d'un projet , auffi noble & auffi intéreffant
que l'embelliffement de la Capitale . Il ne
doute point , que furtout les Fermiers Généraux
ne fe diftinguent en cette occafion .
A ce propos , il cite un facrifice qu'ils ont
fait en faveur du commerce extérieur , &
il rapporte une action récente , par ›par laquelle
un d'eux a prouvé la nobleffè de fes
fentimens. Il n'y a qu'à vouloir , ajoute-
» t'il . Le célébre Curé de Saint Sulpice
» voulut , & il bâtit fans aucun fonds un
>> vaſte édifice .... Lorfque Londres fut
» confumée par les flammes , l'Europe di-
" foit , Londres ne fera rebâtie de vingt ans ,
"
critique de ftyle. Cette expreffion , je rappellerai ,
fembleroit annoncer qu'il se propofe de parler des ou--
vrages en question , ce n'eft point fon deffein. Il
auroit été plus correct de mettre , je pourrois rappeller
G vj
156 MERCURE DE FRANCE.
» & encore verra- t'on fon défaftre dans les
» réparations de fes ruines. Elle fut rebâtie
» en deux ans , & le fut avec magnificen-
» ce. Selon M. de Voltaire , on pourroit
en moins de dix rendre Paris la merveilledu
monde . » Faffe le Ciel , s'écrie - t'il en
» finiffant , qu'il fe trouve quelque hom--
» me affez zélé pour embraffer de tels
» projets , d'une ame affez ferme pour les
» fuivre , d'un efprit affez éclairé pour lès.
rédiger , & qui foit affez accrédité pour
les faire réuffir .
On devoit s'attendre qu'en détaillant
les avantages qui en réfulteroient pour
Paris & pour le Royaume , M. de Voltaire
ne pafferoit pas fous filence ce qu'on raconte
de M. Colbert. Si l'on en croit la
Tradition , ce Miniftre , par la dépense
d'un Carouſel , fit entrer beaucoup d'ar
gent dans les coffres de Louis XIV . Notre
Auteur n'a pas négligé non plus de faire
mention de cette anecdote. Mais il la traite
de fable, parce, dit- il , qu'alors les Fermes:
n'étoient pas regies pour le compte du Roi, Ce
dernier fait ne contredit point celui
*
que
* Auteur auroit du ajouter , non plus qu'à
préfent ; autrement , on feroit en droit d'entendreque
les Fermes , quifous le minifiére de M. Colbert,,
m'étoient pas en regie , y étoient dans le tems que M.
de Voltaire écrivit fon Difcours.
JANVIER . 1750. 157
nie M. de Voltaire . Pour les concilier , il
n'y a qu'à fuppofer que M. Colbert , en
conféquence de l'augmentation que le
Caroufel projetté devoit produire dans le
revenu des Fermes , obligea les Fermiers :
de fournir une certaine fomme au Tréfor:
Royal , & l'on affûre qu'il en ufa effecti--
vement ainsi,
.
Ce feroit travailler pour la gloire des
Parifiens , que de les engager à devenir
un peu plus jaloux d'embellir leur Ville:-
Ce feroit travailler en général pour le
bonheur des François , que de les corriger
de leur penchant à confidérer dans chaque
objet le côté le plus digne de cenfure.
C'eft ce que M. de Voltaire fe propofe dans
la fiction qui a pour titre , Babouc , ou le
monde comme il va . Le but de notre Auteur
dans celle intitulée Memnon , eft de prouver
que c'eft une extrême folie d'afpirer
une parfaite fageffe. L'un & l'autre de
ces badinages ingénieux font écrits en profes,
& avec tout l'agrément que M. de
Voltaire a coûtume de répandre , même
dans fes ouvrages les moins foignés .
Le Temple de l'Amitié , & fix autres:
Poëmes fur l'égalité des conditions , fur
la liberté , fur l'envie , fur la modération
dans l'étude , dans les plaifirs , dans l'ambition
; fur la nature du plaifir , & fur l'imė
15S MERCURE DE FRANCE.
poffibilité de jouir d'un bonheur parfair
dans ce monde , compofent le refte de ce
Recueil. Ces differens ouvrages avoient
déja paru , & il n'eft aucune perfonne de
goût qui ne les ait relûs plufieurs fois.
Nous fommes donc difpenfés de les analyfer
, & de prévenir le Lecteur fur leur
mérite. Mais il eft de notre devoir d'annoncer
qu'on nous les redonne plus corrects
dans cette nouvelle édition que dans
les précédentes. Nous devons auffi avertir
que l'Auteur , particulierement dans le
Poëme fur l'égalité des conditions , dans
celui fur la liberté , & dans celui fur la
modération , a fait divers changemens. Il
nous permettra de n'en pas approuver un.
Dans le Poëme fur la liberté , édition de
1740 , p. 39 , on lifoit ,
Caton fut fans vertu , Catilina fans vice ,
A ce vers , M. de Voltaire a fubftitué celui-
ci.
"
་
Pucelle eft fans vertu , Desfontaines fans vice.
Nous croyons que par plufieurs raiſons
la premiere leçon étoit préferable .
DIALOGUES entre Hylas. & Philonoüs ,
dont le but eft de démontrer clairement
la réalité & la perfection de l'entendemeut
humain , la nature incorporelle de
l'ame , & la providence immédiate de la
JANVIER. 1750. 179
Divinité
, contre les Sceptiques & les
Athées , & d'ouvrir une Méthode pour
rendre les Sciences plus aifées, plus utiles &
plus abregées. Par Georges Berkeley , Affocié
au Collège de la Trinité , à Dublin , &
pourvû depuis par S. M. B. de l'Evéché de
Chloane. Traduit de l'Anglois, A Amfterdam
, 1750. In -12 . pp. 288.
la
Pluheurs Philofophes ont douté que
matiere exiftât. M. l'Evêque de Chloane
va plus loin. Il entreprend de démontrer
qu'elle ne peut exifter. Son ouvrage eft
divifé en trois Dialogues. Dans le premier,
il expoſe l'infuffifance dont font nos fenfationspour
nous affurer de l'exiftence des
corps : il effaye enfuite de réfuter les argumens
que la raifon peut fournir ,
fournir , pour
prouver que les corps exiftent. L'objet de
l'Auteur dans le fecond Dialogue eft de
faire voir que les chofes fenfibles , c'eſt-àdire
ce que nous prenons pour des corps,
ont toutes la propriété d'être apperçues immédiatement
par notre entendement ; que
les chofes , que notre entendement apperçoit
immédiatement , ne peuvent être que
des idées , & que les idées ne peuvent exifter
que dans un efprit ; que par conféquent
les chofes fenfibles ne font point materielles.
Comme M. l'Evêque de Chloane eft
forcé de convenir qu'elles ne dépendent
160 MERCURE DE FRANCE.
point de notre penſée , & qu'elles ont une
existence diftincte de la qualité d'être ap--
perçues de nous. Il en conclud qu'elles
doivent exiſter dans quelque autre intelligence
que celle de l'homme. De cette premiere
confequence, notre fubtil Métaphyficien
en tire une feconde » autant il eſt
» certain , dit- il , que le monde fenfible
exifte réellement , autant l'eft-il qu'il·
» exifte un Etre infini , préfent partout ,
» qui le contient & qui le foutient » Ainfi
, au lieu que le motif , qui nous porte à
croire que toutes chofes font apperçues de
Dieu , eft la conviction que nous avons de
l'existence de cet Etre fuprême , M. l'Evêque
de Chloane eft convaincu de l'exiftence
de Dieu , parce qu'il ne peut douter
que cet Etre fuprême n'apperçoive toutes
chofes. Le dernier Dialogue eft deſtiné à
répondre à plufieurs objections , & à déve
loper les corollaires.de l'opinion établie
dans les Dialogues précedens..
Selon notre Prélat Philofophe , fa doctrine
, ou ce qui eft la même chofe , le
dogme de l'Immaterialiſme non feulement
revient aux notions les plus communes ,
mais offre les plus grands avantages , foit
à l'envifager par rapport à la Religion , foit
à le regarder par rappport aux connoiffan
aeshumaines. L'exiftence de Dieu & l'im
JANVIER. 1750. 161
mortalité de l'ame , ajoute- t- il , 'font dé
» montrées dans ce fentiment avec la plus
» grande clarté , & l'evidence la plus im-
» mediate ...... Par rapport aux fciences ,
» dans combien d'embarras , dans.combien
» d'obſcurités & de contradictions , l'opi-
» nion de l'exiſtence abſoluë de la matiere
» n'a-t- elle pas jetté les hommes ? ......
» Tous les effets de la nature ne recevront-
» ils pas au contraire une explication aïfée
» & intelligible , dès qu'en abandonnant
»les caufes corporelles , on fe contentera
» d'admettre l'efficacité d'un Etre fouverai
"nement parfait ? Si les Phénomenes ne
"font autre chofe que des idées , auffi
» Dieu est - il un Efprit , au lieu que la
» matiere eft un être deftirué d'intelligence
» & de perception. Si les Phénomenes nous
»montrent une puiffance infinie dans leur
» caufe , auffi Dieu eft- il actif & tout-puif-
»fant, au lieu que la matiere eft une maffe
» où l'on ne découvre que de l'inertie . Si
» l'on ne peut affez admirer la régularité
» & les ufages de ces mêmes Phénomenes ;
» auffi Dieu eft - il un Etre infiniment fages.
>> dont la providence s'étend à tout,au lieu
» que nous n'appercevons dans la nature.
» ni adreffe ni deffein .....En Metaphyfi
" que , que de difficultés fur l'entité abf
traite , fur les formes fubftantielles , fur
162 MERCURE DE FRANCE.
les principes hylarchiques , fur le principe
d'individuation ....fur l'origine des
idées , fur la maniere dont deux fubftan-
» ces independantes l'une de l'autre , &
auffi prodigieufement différentes que
"
l'efprit & la matiere, opéreroient mutuel-
» lement l'une fur l'autre ; que de recher-
» ches fans fin difparoitroient à jamais , fi
»l'on ne fuppofoit que des idées ! » M.I'Evêque
de Chloane prétend qu'il n'y a pas
même jufqu'aux Mathematiques , qui ne
devinffent beaucoup plus claires & plus faciles
, fi l'on vouloit proferire l'opinion de
l'exiftence de la matiere.
Il fe préfente une forte objection contre
les Immatérialiftes: Si les chofes fenfibles
n'existent que dans l'Intelligence fuprême,
elles y exiftent de toute éternité. Que devient
donc la Création ?
» Elle eft entierement relative aux efprits
finis, répond M. l'Evêque de Chloane (ou
plutôt Philonous, dans la bouche duquel il
met fes fenrimens ) , & ainfi les chofes
» confiderées par rapport à nous peuvent
»être dites proprementavoir commencé à
❤ exiſter, ou avoir été créées , lorfque conféquemment
à la volonté de Dieu elles
font devenues perceptibles aux créa
tures intelligentes , dans l'ordre & de
la maniere que Dieu a reglés de toute
» éternité.
33
1
JANVIER. 163 1750.
On infifte , & l'on demande fi foutenir
que le Decret de Dieu , pour rendre les
choles perceptibles , n'a pas été executé de
toute éternité , ce n'eft pas reconnoître que
Dieu eft fufceptible de quelque forte de
changement. Philonous ou M. l'Evêque de
Chloane fe tire ainfi d'embarras. » Dieu
» eft un être dont les perfections font
» tranfcendantes & illimitées la nature
« eft donc incompréhensible aux efprits fi-
»nis ; par confequent , envain s'atten
droit-on qu'aucun Immaterialifte ou Ma-
» terialiſte pût jamais avoir des notions
parfaitement juftes des attributs de la
Divinité , & des voies qu'elle fuit dans
»fes opérations. Si vous prétendez donc
conclure quelque chofe contre moi , iļ
faut tirer vos objections du feul refus
que je fais d'admettre l'existence de la
» matiere , & non des notions que nous
» formons l'un & l'autre de la Nature Di-
» vine , puifque les difficultés que ces no-
» tions vous pourroient fournir , feroient
a inévitables dans tous les fyftêmes.
33
Par cette réponſe , on peut juger de l'adreffe
de notre ingenieux Auteur , finon à
réfoudre, du moins à éluder les objections.
Il eſt difficile de porter la fubtilité de la
Dialectique plus loin que la porte Phila
nous. Cependant nous avons de la peine à
64 MERCURE DE FRANCE.
croire qu'il acquiere un grand nombre de
partifans à l'opinion de l'Immaterialiſme ,
du moins juſqu'à ce qu'il ait répondu aux
queftions fuivantes.
Puifque les chofes fenfibles ne font que
des idées , les fenfations font des percep
tions , & les aveugles nés devroient avoir,
comme les autres hommes , la perception
des couleurs pourquoi leur eft ellerefuſée?
Dans l'hypothefe de l'exiftence de la matiere
, on explique facilement pourquoi
nous éprouvons certains fentimens de dou
feur & de plaifir , & l'efprit le moins phi
lofophe apperçoit qu'ils nous ont été donrés
pour nous avertir de ce qui peut être
utile ou nuifible à la confervation de no
tre corps. S'il n'y a en nous qu'une fubftance
purement fpirituelle , de quelle uti-
Fité nous peuvent être nos differentes fenfations
?
NOUVELLE THE ORIE DU MOUVEMENT,
où l'on donne la raifon des principes généraux
de la Phyſique . De fubjecto vetuftif
fimo noviffimam promovemus fcientiam. Galilée.
A Londres 1749. In 8° . pp . 181. fans
compter l'Avertiffement.
Dans une Brochure intitulée, Effaifur les
principes de la Phyftque , & dont le Mercure
d'Octobre 1746. a rendu compte , l'Au
teur avoit pofé pour principes qu'il exifte
JANVIER .
1750. 165
deux mouvemens naturels , l'un qui tend
vers le centre , l'autre qui part du centre
des corps.
Ces mouvemens étant confidérés abftrac
tivement comme deux forces quelconques
, on appelle la premiere force Centri
pete , & la feconde force Centrifuge.
Deux forces pareilles étant données ,
elles fuffifent fans doute pour tout expliquer
; mais quel en eft le principe : L'Àu- ·
teur , fentant bien qu'elles ne pouvoient
être indépendantes l'une de l'autre , avoir
que la force Centrifuge devoit être la
force primitive , dont il falloit que le principe
fût immateriel.
dit
Il ne s'agiffoir plus que de déveloper
cette idée , pour avoir la théorie du mouvement
. Notre Auteur par bien des raiſons
ne fongeoit point à fuivre ce travail , mais
on lui communiqua de la part d'une
d'une perfonne
, qui ne vouloit pas être nommée
des obfervations critiques , auxquelles il
répondit par diverfes lettres . Ses réponſes
lui ayant attiré de nouvelles objections , il
crut être obligé d'en venir à une démonftration
en forme. C'eft ce qui a produic
l'ouvrage que nous annonçons. L'anonime,
fans qu'on s'en fût jamais douté , étoit l'illuftre
Marquife du Chatelet , que la France
a perdue depuis peu , & dont le genie
1
हैं
.
166 MERCURE DE FRANCE.
étendu fera toûjours un honneur infini à
fon fexe & à la nation,
Un livre de la nature de celui- ci n'eft
pas fufceptible d'extrait. C'eft un enchainement
de definitions , d'axiomes , de propofitions
&c. qu'il faut lire de fuite. On
y verra un fyftême entierement neuf , &
qui mérite d'être connu . Tout ce que nous
pouvons faire eft d'en donner une legere
idée.
S'il n'y avoit qu'un principe de mouvement
qui agît feul , tous les corps feroient
difperfés dans l'immenfité de l'efpace.
L'Auteur en conclud qu'il eft neceffaire
qu'il y ait une infinité de principes de
mouvement qui agiffent à la fois . De la
multiplicité de ces actions , il nait un concours
de mouvemens qui fe croifent felon
toutes fortes de plans en une infinité d'endroits.
C'est dans ces points où les directions
concourent & fe réüniffent , qu'il fe
forme des molecules , des corps , & des
amas de corps .
» Rien , dit l'Auteur , ne répréfente
» mieux la merveilleufe fimplicité du lyf-
» tême de la nature. C'eft le mouvement
qui compofe les corps , qui les unit &
"
33
qui les conferve , en agillant toûjours
»par fa force naturelle pour les décompo
>>fer pour les diffiper & pour les détrui-
» [ C.
JANVIER. 1750. 167
Il ne reste plus qu'à trouver un fiuide
fubtil , qui obéiffant à l'impreffion du mouvement
, puiffe être regardé comme la caufe
phyfique des Phenomenes .
Or ce fluide eft tout trouvé : cette ma
tiere toûjours agillante eft ordinairement
vifible & fenfible. C'eft la matiere du Feu
& de la Lumiere .
Il part continuellement du centre des
Etoiles une immenfe quantité de lumiere.
Une partie des rayons concourt au centre
du Soleil , une partie au centre de la Terre,
d'autres concourent au centre des Planetes,
d'autres enfin au centre de tous les corps ,
puifque les molecules , les corps & les amas
de corps , ont été formés par ces differens
concours .
Tous les corps font en équilibre par le
concours égal des rayons ; mais fi quelque
corps intercepte une partie des rayons
, l'équilibre eft rompu , & les corps
qui ne font plus foûtenus , doivent être
pouffés vers le centre du corps interceptant.
Il faut voir dans le Livre même , comment
l'Auteur explique par les principes
la denfité , le reffort , la fluidité , l'attraction
, le mouvement des Aftres , le flux &
reflux , l'applatiffement des Poles. &c.
Nous ne pouvons le fuivre dans ce détail,
L'ouvrage eft précedé d'un avertiſſement
268 MERCURE DE FRANCE
qui contient des réflexions neuves fur la
methode du raifonnement , fur les définitions
, fur la lenteur du mouvement de la
Terre, &c. & il eft terminé par des remarques
intéreffantes qui regardent principalement
la partie hiftorique de la Philofophie
, & les revolutions qui ont enfin ramené
les caufes phyfiques dans cette
fcience.
HISTOIRE CIVILE , ECCLESIASTIQUE ET
LITTERAIRE de la ville de Nifmes avec des
notes & les preuves , fuivie de differtations
hiftoriques & critiques fur les antiquités ,
& de diverfes obfervations fur l'hiftoire
naturelle , par M. Ménard , Confeiller au
Préfidial de la même ville , de l'Academic
Royale des Infcriptions & Belles Lettres.
Tome I. In 4°. pp. 468 pour l'hiſtoire ,
112 pour les notes , 226 pour les preuves ,
41 tant pour un Gloffaire joint à l'ouvra
ge , que pour la Table des matieres.
On peut à juste titre mettre la ville de
Nifmes au rang des plus anciennes des
Gaules , & des plus floriffantes de l'Empire
Romain. Ainfi elle méritoit bien d'être
connue par une hiftoire exacte & detaillée
.
Cette ville a changé plufieurs fois de
face . Ses habitans fe gouvernoient anciennement
par leurs propres loix. Leur domination
JANVIER. 1750. 169
nation s'étendoit alors fur un pays confiderable
, dans lequel on comptoit jufqu'à
vingt-quatre bourgs . Dans la fuite , Nifimes
fut affujettie aux Romains . Après avoir
participé à leur profpérité , elle fe vit expofée
aux mêmes révolutions qui entrainerent
la ruine de leur puiffance. Les Vifigots
, au pouvoir de qui Nifmes tomba ,
y introduisirent la barbarie , & firent bientôt
perdre à cette ville toute fa fplendeur .
Elle n'a commencé à recouvrer une partie
de fon ancien éclat que fous les premiers
Rois de la troifiéme race .
La diverfité des évenemens , qui fe font
fuccedés fous ces dominations differentes ,
font la matiere de cet ouvrage . Ils font
retracés felon l'ordre chronologique.
M. Ménard dans le plan de fon hiſtoire
fait entrer , non feulement tous les faits
qui ont rapport au gouvernement civil &
politique de la ville de Nifmes depuis fa
fondation jufqu'à nos jours , mais encore
la defcription des édifices que les Romains.
y ont conftruits ; la fucceffion des Evêques
de Nifmes ; leurs principaux reglemens
fur la difcipline & fur les moeurs ; les Conciles
qui fe font tenus , foit dans la ville ,
foit dans le Dioceſe ; la fondation & les
accroiffemens des Abbayes & des Monafteres
; l'inſtitution des Comtes , des Vi-
H
170 MERCURE DE FRANCE.
comtes & des Viguiers ; celle des Tribu
naux de Juftice ; l'introduction des Lettres
dans Nifmes , leurs progrès , leur décadence
& leur renouvellement ; les vies
des perfonnes célebres qui y font nées , ou
qui en ont tiré leur origine ; les troubles
qui l'agiterent dès la naiffance du Calvinifme
; ceux que les fanatiques y ont excités
, & c.
Le corps de l'hiftoire cft fuivi de notes ,
dans lesquelles l'Auteur difcute les points ,
qui lui ont paru avoir befoin d'éclairciffemens.
A la fuite des notes , il donne les preuves
, qui ont fervi de fondement au tiſſu
de l'hiftoire , & qui n'avoient pas été imprimées.
A l'égard de celles qui l'étoient
déja , il renvoye aux ouvrages où elles fe
trouvent , & s'il en a fait réimprimer quelques-
unes , c'eſt parce qu'elles n'avoient
été publiées précedemment qu'avec beaucoup
de fautes.
Ce premier volume eft divifé en quatre
Livres qui commencent à la Fondation de
Nifmes & vont jufqu'à la fin de l'an
-1312 .
Refferrés dans des bornes qui ne nous
permettent pas de nous étendre fur cet ouvrage
, autant que fon mérite & celui de
l'Auteur le demanderoient , nous nous
JANVIER . 1750. 171
contenterons d'affûrer nos Lecteurs , que
M. Ménard y montre par tout une profonde
érudition , & la plus grande exactitude
dans les recherches , & qu'il n'a
rien négligé de ce qui pouvoit intéreffer
la curiofité des amateurs de l'Hiftoire .
L'ART de vérifier les dates des faits hiftoriques
, des Chartes , des Chroniques & autres
anciens monumens , depuis la naiffance de
Notre-Seigneur , par le moyen d'une
Table Chronologique , où l'on trouve les
années de Jefus- Chrift , & de l'Ere d'Efpagne
, les Indictions , les Cycles ..... les
Pâques de chaque année , les nouvelles
Lunes de chaque mois , les Eclipfes vifibles
en Europe , depuis le commencement
de l'Ere Chrétienne jufqu'en 18oo . Avec
l'Hiftoire abregée des Conciles , des Papes
; des Empereurs Romains , Grecs ,
François , Allemands & Turcs ; des Rois
de France , d'Espagne , d'Angleterre , &c.
des Ducs de Bourgogne , de Normandie ,
de Bretagne , &c . Par des Religieux Benedictins
de la Congrégation de S. Maur.
Deux volumes in- 4° . reliés en un. Prix 24
liv. A Paris , chez Guillaume Defprez
Imprimeur ordinaire du Roi & du Clergé
de France ; & Pierre-Guillaume Cavelier
Libraire , rue Saint Jacques , à S , Profper
& aux trois Vertus.
›
Hi
172 MERCURE DE FRANCE.
BIBLIOTHEQUE Curieufe , Hiftorique &
Critique , ou CATALOGUE RAISONNE ' de
Livres difficiles à trouver.Par David Clement.
Ce Livre aura plufieurs volumes , in- 4°. &
il s'imprime à Hannover chez Jean - Guillaume
Schmid , fur le même papier & avec
les mêmes caractéres du Prospectus , qui
fe diftribue chez Briaffon , à Paris , rue
Saint Jacques. Le premier volume eſt actuellement
fous preffe. On recevra les
foufcriptions pour ce premier Tome jufqu'au
mois d'Août prochain. Le prix pour
les Soufcripteurs eft d'un écu & un florin
d'Allemagne. Ils pourront s'adreffer
à Paris , pour foufcrire , chez Briaffon &
chez Prault , le fils.
VRAIE NOTICE de la République des
Provinces- Unies des Pays- Bas. Par M.
Durand de la S. R.
Dans un ouvrage Latin für les principaux
Etats de l'Europe , M. Otton , un des
premiers Magiftrats de Breme , & ci - devant
Profeffeur en Droit à Utrecht , avoit
inferé un article fur les Provinces-
Unies. M. Durand a fuivi le plan , la méthode
& les principes de M. Otton , mais il
a fait un grand nombre d'additions , puifque
cette Notice- ci fournira un volume au
moins de trente feuilles , tandis que ce
qu'a donné M. Otton fur la même matiere ,
JANVIER. 1750. 173
ne contient que cinquante- cinq pages.
L'ouvrage que nous annonçons fera imprimé
in-4°. &la foufcription fera d'une demie
guinée payable en foufcrivant , ou en recevant
les exemplaires . Ceux qui voudront
foufcrire, peuvent s'adreffer à Londres , ou
à l'Auteur in Adam- S-Court , Old- Broad
ſtreeth , ouà Nourfe , Libraire , dans le
Strand.
TRAITE' du Synode Diocéfain , diſtribué
en huit Livres , & publié à l'ufage de
l'Académie Lyturgique de Conimbre ,
par le Souverain Pontife Benoît XIV. cidevant
nommé Profper Cardinal Lambertini
, d'abord Evêque d'Ancône , & enſuite
Archevêque de Bologne . A Rome , 1748 ,
de l'Imprimerie de Nicolas & Marc Pa-.
learini , petit in- folio de . 649 pages , y
compris la Table des matieres. L'ouvrage
eft en Latin.
NOUVEAUX MEMOIRES d'Hiftoire , de
Critique & de Littérature ; par M. l'Abbé
d'Artigny , 1749 , in - 12. de 501 pages , y
compris la Table des matieres . A Paris ,
chez Debure , l'aîné , Quai des Auguftins ,
à l'Image Saint Paul.
LEÇON DE PHYSIQUE expérimentale , par
M. l'Abbé Noliet , de l'Académie Royale
des Sciences , de la Société Royale de
Londres , & Maître de Phyfique de Mon-
H iij
174 MERCURE DE FRANCE.
feigneur le Dauphin . Tome IV. de 5'35
pages. A Paris , chez les freres Guerin ,
rue Saint Jacques , vis- à- vis les Mathurins,
à Saint Thomas d'Aquin.
DISSERTATION Médicinale fur la cure
de la paralyfie , par le moyen de l'électricité
, foûtenue pour obtenir le degré de
Bachelier dans l'Univerfité deMédecine de
Montpellier , par Jean - Etienne Deshais
d'Orleans , Maître ès Arts , & Etudiant en
Médecine . A Montpellier , chez J. Martel,
Imprimeur duRoi & de l'Univerfité, 1749 ,
in-4 . de quarante pages . L'ouvrage est en
Latin.
IDE'E de la Poëfie Angloife , ou Traduction
des meilleurs Poëtes Anglois qui
n'ont point encore paru dans notre Langue
, avec un jugement für leurs ouvrages,
& une comparaifon de leurs Poëfies avec
celles des Auteurs anciens & modernes ,
par M. l'Abbé Tart , de l'Académie des
Belles-Lettres , Sciences & Arts de Rouen .
Deux volumes in- 12 . Le premier de 387
pages , le fecond de 377. A Paris , chez
Claude Briaffon , rue Saint Jacques ,
1749.
COLLECTION de Poëmes originaux , par
Christophe Smart . &c. Cet ouvrage pro
pofé par foufcription , formera un volume
in- 4° . orné de plufieurs tailles douces ,
JANVIER. 1759. 175
deffinées & gravées par les meilleurs Maîtres.
Le prix eft une guinée , dont on
payera la moitié en foufcrivant , l'autre
moitié en retirant un exemplaire de cette
Collection. On prendra les foufcriptions
à Londres , chez C. Bathurst , R. Dodfley ,
& c.
SYSTEME de Philofophie morale , par
feu M. Henri Grove , Miniftre de Taunton.
Cet ouvrage auffi propofé par foufcription
, qui a coûté trente années d'étude
& de réflexion à fon Auteur , & qu'on
publie fur fes manufcrits , formera deux
volumes au moins de trente feuilles d'impreffion
in-So . chacun. Le prix de la foufcription
eft de dix fchelings payables ,
moitié en foufcrivant , & moitié en reti-
Lant l'exemplaire. Ceux qui foufcriront
pour fix , en auront un feptiéme, gratis.
On trouve des foufcriptions à Londres ,
chez Waugh , dans Gracochurch street ,
& c .
HISTOIRE du Collège de Chrift à Cambridge
, depuis fa fondarion jufqu'à préfent
, avec divers traits d'Hiftoire fur les
Fondateurs , les Bienfaicteurs , & les principaux
Membres de ce Collége , tirés principalement
des manufcrits par Robert
Maſters , Membre de ce Collége. Cet ouvrage
, auffi propofé par foufcription , fera
Hiiij
176 MERCURE DE FRANCE
imprimé in 4º . On mettra au frontispice
une eftampe , contenant un deffeing pour
une nouvelle Architecture. Le prix de la
foufcription eft d'une demi- guinée. On
recevra avec reconnoiffancé les Piéces ou
Mémoires qu'on enverra pour perfectionner
encore davantage cet ouvrage. On
aura des foufcriptions à Cambridge , chez
Thulboum , & Merill ; & à Londres , chez
Beecroft , dans Lombard-ſtreet , & Dodfley,
dans Ball Mall , &c. .
•
SECOURS pour l'Art d'écrire avec vîteffe ,
confiftant en un alphabeth inventé principalement
dans cette vûe , aifé à apprendre ,
& afforti dans fes élemens à plufieurs differentes
prononciations ou articulations
de la Langue Angloife , avec autant d'exactitude
, particulierement dans les confonnes
, que l'Auteur a pû en apporter ,
conformément à la vîteffe d'écrire , & à la
facilité d'apprendre . On ajoute les régles
& les moyens de joindre les lettres , &
d'abréger les mots , dont plufieurs peuvent
être pratiqués pour un autre alphabeth ,
& furtout pour celui qui a été trouvé par
l'Auteur. On ajoute encore un Appendix,
contenant des caractéres & des inftructions
pour l'ufage d'une fpacieuſe planche de
voyelles , où l'on a encore obfervé une
rigoureuſe exactitude. Par Will Tiffin ,
JANVIER. 1750. 177
Chapelain de l'Hôpital de Wigfton à Leicefter.
Le prix de la foufcription eft de
cinq fchelings payables , moitié en foufcrivant
, & moitié en retirant l'ouvrage .
Ceux qui foufcriront pour fix exemplaires
, en auront un fans payer. On trouve
des foufcriptions à Londres , chez Oſborn ,
dans Grays Inn & chez Noon dans
Cheapfide . Ces quatre derniers ouvrages feront
en Anglois.
> >
COMMENTARIUS Medicus de Aphti,
noftratibus , feu Belgarum Sprouw , Auctors
Vincentio Ketelaer , M. D. nunc denuo edituse
mendis expurgatus , curante Joanne Smith ,
M. D. Londini , 1749. in- 8° .
EPHEMERIDES Cofmographiques , où le
cours apparent des Planettes eft défigné
par des Tables , & repréfenté par des Planches
, d'après les obfervations & calculs
aftronomiques pour l'année 1750 .....
Nofti ordinem cæli , & pones rationem ejus
in terra. Job. cap. 38. v . 33. A Paris ,
chez Durand , Libraire , rue Saint Jacques,
an Griffon , avec Approbation & Privilége
du Roi .
Vingt- quatre Tables , deux pour cha
que mois , indiquent pour chaque jour
tout ce qui eft remarquable fur le Soleil ,
la Lune & les cinq Planettes majeures .
Leur cours apparent que l'Auteur déma-
H v
178 MERCURE DE FRANCE.
tre réel , eft repréfenté par des Planches:
jufqu'au premier Janvier 1755 : ainfi ce
font des Ephémérides en nombres & en
figures. L'Auteur a de plus expofé ſous la
divifion en quarante- un paragraphes une
Théorie de l'Univers , de la Terre & des
Planettes ; c'eſt du neuf, quoique l'Auteury
rappelle plufieurs découvertes qu'il a
déja publiées , parce qu'il en ajoute de
nouvelles , & parce que cette Théorie eft
abfolument differente de celle qui vient
d'être publiée par M. de Buffon ; quoiqu'elle
ne foit qu'une fuite de ce que
l'Auteur en a effleuré dans l'explication du
flux & reflux , qui a paru avant l'Hiftoire
naturelle , ou la Deſcription du Cabinet
. du Roi. L'Auteur de ces Ephemerides ne
contredit en rien aucun texte de l'Ecriture
Sainte au contraire il les concilie tous ,
& fa régle eft que les vérités phyfiques.
doivent s'accorder avec les Théologiques,
& ne faire qu'un même corps de doctrine.
PLUSIEURS DISSERTATIONS de Médecine
, par M. Lamure , Docteur en Médecine
de Montpellier , 1748 & 1749 ›
in -8°.
NOUVELLE METHODE pour pomper le
mauvais air des vaiffeaux , & c. Par Sam
muel Sutton ; avec une Differtation fur le
JANVIER. 1750% B79
fcorbut , par le Docteur Mead ; & une.
fuite d'expériences du Docteur Defaguliers
, fur les moyens d'échauffer l'air , de
le renouveller , &c. Ouvrages traduits de.
l'Anglois par M. Lavirotte , Docteur en
Médecine de la Faculté de Montpellier.
A Paris , chez Durand , Libraire , rue
Saint Jacques , 1749 , in- 12 .
EXPLICATION des découvertes philofophiques
de M. le Chevalier Newton , par
M. Maclaurin , de la Société Royale de
Londres , traduit de l'Anglois par M. Lavirotte
, Docteur en Médecine. A Paris ,
chez le même Libraire , & Piffat , Quai des
Auguftins , 1749 , in 4° .
TRAITE ' des playes d'armes à feu par
M. Defpart , Maître en Chirurgie à Paris ,
Chirurgien de la Reine , & ancien Chirurgien-
Major des Camps & Armées du
Roi ; dédié à la Reine. A Paris , chez
Houri , pere , Imprimeur - Libraire de M.
le Duc d'Orleans , rue de la vieille Bouclerie
, 1749 , in 12.
BIBLIOTHEQUE choifie de Médecine ,
tirée des ouvrages périodiques , tant François
qu'étrangers , avec plufieurs autres
piéces rares , & des remarques utiles &
curieufes. Par M. Planque , Docteur en
Médecine , 1749 , in 4 ° . Second tome,
LES PLAISIRS du coeur & de l'efprit.
Hvj
180 MERCURE DE FRANCE.
A Paris , chez Jacques Clonfier , rue Saint
Jacques , à l'Ecu de France , 1749 , in- 8°.
Prix 24 f.
POESIES d'une Dame de qualité , chez
le même Libraire , 1749 , in- 8° . même
prix.
DICTIONNAIRE de Droit & de Pratique
, contenant l'explication des termes
de Droit , d'Ordonnances , de Coûtume
& de Pratique , avec les Jurifdictions de
France . Par M. Claude- Jofeph de Ferriere ,
Doyen des Docteurs , Régent de la Faculté
de Droit de Paris , & ancien Avocat
au Parlement . Troifiéme édition revûe
, corrigée & augmentée par M.....
A Paris , chez Brunet , dans la grand'-
Salle du Palais , du côté de la Cour des
Aides , à l'Envie , 1749 , in- 4°. Deux
volumes .
LES ETUDES convenables aux Demoifelles
, contenant la Grammaire , la Poëfie,
la Rhétorique , le commerce de Lettres ,
la Chronologie , l'Hiftoire , la Fable héroique
& la Fable morale , les régles de
la bienféance , & un court Traité d'Arithmétique
. Ouvrage deftiné aux jeunes Penfionnaires
des Communautés & Maifons
Religieufes. A Paris , chez Tilliard , Libraire
, Quai des Auguftins , près le Pont
Saint Michel , && àà LLiillllee ,, chez AndréJANVIE
R. 1750. 181
Jofeph Pankouke , Libraire , 1749. Deux
volumes in- 1 2 .
L'ART de dreffer les formules de Médecine
, traduit du Latin de Jerôme- David
Gaubius , Profeffeur en Médecine & en
Chymie dans l'Univerfité de Leyde. A
Paris , chez Deffaint & Saillant , rue Saint
Jean de Beauvais , & P. A. le Prieur ,
1749 , in- 12. Le prix du Livre relié eft
de 3 liv.
LA SCIENCE du Maître d'Hôtel Cuifinier
, avec des obfervations fur la connoif.
fance & les propriétés des alimens . A Paris
, au Palais , chez Paulus Dumefnil , au
Lyon d'or. Il paroîtra inceffamment un
fupplément pour l'office , avec des obfervations
fur les fruits.
SERMONS de morale , prêchés devant le
Roi , par M. Flefchier , Evêque de Nîmes ,
avec fes Difcours fynodaux. Nouvelle édition
augmentée. Deux volumes in- 12 . fe
trouvent à Paris , chez Cavelier , pere , rue
Saint Jacques , au Lys d'or.
LES ORDONNANCES de Louis XV.angmentées
, in 24. A Paris , chez le même.
NOUVELLES DECOUVERTES faires avec
le Microſcope , par Th . Needham , fig . in-
12. Se trouvent à Paris , chez Deffaint &
Şaillant , rue Saint Jean de Beauvais , &
à Leyde
1S2 MERCURE DE FRANCE.
LE TRIOMPHE de la Foi Catholique fur
les erreurs des Proteftans , contenues dans
les oeuvres polémiques de feu M. Benedict.
Pictet , Miniftre & Profeffeur en Théologie
à Genéve , en quatre volumes in- 12..
A Lyon , chez Regnault , Libraire , rue
Merciere à Paris , chez Jean Thomas
Heriffant , Libraire , rue Saint Jacques à
Saint Paul & à St. Hilaire , & à Avignon ,
chez François Girard , Libraire , Place
Saint Didier,
;
NOUVEAU SUPPLE'MENT au Dictionnaire
Hiftorique ,Généalogique, & Géographique
, de M. Louis Moreri , pour fervir
à la derniere édition de 1732 , & aux précédentes.
Deux volumes in - folio . Se trouve
à Paris , chez Vincent , Coignard , Boudet ,.
le Mercier , Deffaint , Saillant , & Jean-
Thomas Heriffant , 1749.
LA RELIGION Chrétienne , prouvée par
les faits , par M. l'Abbé Houtteville , de
l'Académie Françoife . Nouvelle édition..
Quatre tomes in- 12 . A Paris , chez P. G.
le Mercier , rue Saint Jacques , 1749.
EXPOSITION abregée des preuves hiftoriques
de la Religion Chrétienne , pour
lui fervir d'apologie contre les fophifmes
de l'irréligion . Ouvrage destiné à l'éducation
de la jeuneffe , par M. Beauzée. A
Paris , chez Delaguette , rue Saint Jacques,
in- 12.
1749.-
JANVIER. 1750. 183
HISTOIRE abregée des plus fameux
Peintres , Sculpteurs & Architectes Elpagnols
, avec une defcription exacte de leurs
oeuvres , & de celles des Etrangers , qui
fe voyent dans le même Royaume ; traduite
de l'Espagnol de Don Antonio Pa
lamino Valafco , Peintre de la Chambre de
Philippe V. A Paris , chez Delaguette ,
&c. in- 12. 1749.
Avis au Public , & Mémoire fur quelques
fingularités du Terroir de Gabian
& principalement fur la fontaine d'huile
de Petrole qui y coule ; par M. Riviere ,
de la Société Royale des Sciences
Docteur en Médecine de la Faculté de
Montpellier. Brochure in-4° . de 28
chez Pech. A Montpellier.
> &
pages ,
COLLOQUIA SACRA ad linguam firul
mores puerorum formandos , libri quatuor,
in quibus infigniores tam veteris quam novi
Teftamenti Hiftoria denarrantur. Nova editio
auctior & emendatior. A Paris , chez Babuty
, rue Saint Jacques , à Saint Chry
foftôme. Volume in- 12. 1749 .
OUVRAGES. d'Antoine - Marie Graziani,
de Borgo di fan fepolcro , Evêque d'Amelia
, &c. Second volume. A Florence
1746.
Deffaint & Saillant commencent à diftribuer
les deux premiers volumes de
184 MERCURE DE FRANCE.
Hiftoire des Empereurs Romains , depuis
Augufte jufqu'à Conftantin. Par M. Crevier ,
Profeffeur Emérite de Rhétorique au Collége
de Beauvais . Volume in - 12 . du même
caractére que celui de l'Hiftoire de la
République Romaine , commencée M.
par
Rollin & finie par M. Crevier.
ALMANACH chantant , ou Etrennes Lyriques
, Mythologiques & hiftoriques ,
fuivies de l'Ethomantie des Dames , ou
Divination de leurs caractéres , pour l'année
1750 , par M. Nau. Latet fub cortice
verum. Se trouve à Paris , chez Caillean ,
Libraire , rue Saint Jacques , au - deſſus de
la rue des Mathurins , à St. André , 1750 .
Avec Approbation & permiffion .
>
ALMANACH de Normandie pour l'année
1750 , augmenté confidérablement
préfenté à M. de Pontcarré , Premier Préfident
au Parlement. A Rouen , chez Nilas
Befongne , Libraire , Cour du Palais.
Avec Approbation & Privilége du Roi .
HISTOIRE de Theodofe le Grand , pour
Monfeigneur le Dauphin ; par M Flechier,
Abbé de Saint Severin , Aumônier ordinaire
de Madame la Dauphine . Nouvelle
édition in- 12 . A Paris , chez Didot , Nyon,
Dimonneville , Quai des Auguftins , &
Savoye , rue Saint Jacques..
HISTOIRE des Royaumes de Chypre ,
JANVIER. 1750. 185
de Jerufalem & des Croifades . Deux volumes
in- 4° . fig. A Leyde , & fe trouve à
Paris , chez Deffaint & Saillant , rue Saint
Jean de Beauvais .
HISTOIRE des révolutions de Génes ,,
depuis fon établiflement jufqu'à la conclufion
de la Paix de 1748 , in- 12 . Se trouve
à Paris , chez Nyon , fils , & Robuftel ,
Quai des Auguftins ..
RECUEIL des Hiftoriens des Gaules &
de la France , par D. Bouquet. Tome VI .
contenant ce qui s'eft paffé depuis 840 ,
jufqu'en 877 , in-fol. A Paris , chez Marun
, Coignard , Mariette ; Guerin , fretes ,
& Boudet , rue Saint Jacques .
MEMORIAL de Paris & de fes environs,
par M. l'Abbé Antonini. Nouvelle édition
, confidérablement augmentée , dédiée
à M. Berryer , Lieutenant Général de
Police, & divifée en deux parties. A Paris ,
chez Bauche , fils , Quai des Auguftins .
MIRZA NADIR , ou Mémoires & Avantures
du Marquis de St. T *** . Gouverneur
pour le Roi de Perfe , de la Ville &
du Pays de Candahar. Quatre volumes
in-12. A la Haye , 1749.
VOYAGE de Saint Cloud , par mer & par terre.
Seconde Partie , contenant le retour de S. Cloud à
Paris. A Londres , 1750 .
MANIER de bien nourrir & soigner les Enfans
nouveaux nés . Par M. Michel Bermingham , Ecuyer,
186 MERCURE DEFRANCE.
né à Londres , naturalifé François , Accoucheur
& Membre de l'Académie Royale de Chirurgie ,
ci-devant Chirirgien de feue Marie- Béatrix d'Eft ,
Rein Douairiere de la Grande - Bretagne . A Paris
, chez Barrois , Quai des grands Auguftins ,
1750 , in-4°. pp. 15.
M. Martineng , Doyen de la Faculté de Médeci
ne de Paris , & qui a été l'Examinatent de cet ou
vrage , dit dans fon approbation , qu'il la lû avce
plaifir , & que M. Bermingham n'y avance que des
principes vrais & d'excellentes maximes.
MEMOIRE fur les ufages , les dofes & les eff ts
de l'Elixir d'Or & de l'Elixir Blanc de feu M. le
Général de la Mothe. De l'Imprimerie de C. F.
Simon , fils , Imprimeur de la Reine & de M , l'Archevêque
, 1749.
•
Tout ce qui eft dit dans ce Mémoire fur l'effi ,
cacité , des Goutes de M. le Général de la Mothe
eft confirmé par des certificats de M M. Chungnau
, Sidobre , Falconnet , Boyer , Malouin , Four
nier , Moreau , Dareclaux , & d'autres Médecins
célebres.
AIRS ET DUQ tendres & bachiques. Par M. Fel,
Ordinaire de l'Académie Royale de Mufique , Second
Recueil. Prix 3 livres . A Paris , chez l'Auteur
, rue S. Thomas du Louvre ; Mad. Boivin ,
rue S. Honoré , à la Regle d'or ; le Clerc , rue du
Roule , & Mlle Caftagnery , rue des Prouvaires.
Deux Recueils d'Airs , tirés des Opéras de M.
Rameau , pour la Mufette & pour la Vielle , avec
un Violon , fe vendent chez M. le Clerc , rue du
Roule , à la Croix d'or . Le prix eft de 3 liv . 12 £.
chaque Recueil.
Il vient de paroître un autre Recueil de Piéces
pour les Mufettes , Vielles , Violons , Pardeffus
de Violes , Flûtes & Hautbois. Par M. Chedeville
le Cadet. Ce Recueil eft intitulé , les Impromptus
JANVIER . 1750. 187
de Fontainebleau , & il eft dédié à MADAME. On le
trouve chez l'Auteur , rue Coquillere , à côté de
l'Hôtel de Laval.
M. Miroglio le jeune , donne au Public un fecond
Livre de Sonates.
M. le Maire , ci-devant Maître de Mufique à
Paris , & demeurant préfentement à Tours , nous
prie d'annoncer un nouveau Recueil d'Airs &
quatre Cantatilles nouvelles de fa compofition ,
pour les Deffus avec fymphonie , fous ces titres ,
L'Amitié , dont les paroles font de Mad. * * * .
La Vigue & Le Mirche, le
Fables.
Le Roffignol
& la Linotte , Fables.
'S
Le Papillon le Berger ,
Les paroles de ces trois Fables font de M. Peffelier
, Auteur de la Cantatille de la Roſe , de la
Veille & du Jour , & de celle de l'Année merveilleuſe
.
On trouve tous les ouvrages de M. le Maire , au
nombre de foixante & fix Cantatilles , fix Livres
de Motets à 30 fols piéce , & trois Recueils d'Airs ,
qui coutent chacun 3 livres , chez le fieur le Clerc ,
cadet , rue Saint Honoré , vis - à - vis les P P. de
l'Oratoire , & aux Adreffes ordinaires.
ALMANACH SPIRITUEL , pour l'année 1750 ,
od font marquées les Solemnités , Prédications ,
Indulgences & Expofitions qu'il y aura dans les
Eglifes. On y a ajoûté les Fêtes & Concours de
Dévotion de plufieurs Eglifes de la Campagne &
des environs de Paris . A Paris , rue Saint Jacques ,
chez Delaguette , Imprimeur- Libraire , à l'Olivier,
avec Approbation & Privilége du Roi.
CALENDRIER des Princes & de la Nobleffe , pour
l'année 1750. A Paris , chez le même , avec Approbation
& Privilége du Roi ,
Nicolas , Marchand à Nancy , vend les Livres
fuivans .
188 MERCURE DE FRANCE.
DISSERTATIONS fur les apparitions des Efprits ,
& fur les Vampires ou les Revenans de Hongrie ,
de Moravie , & c . Par le R. P. Dom Auguftin Calmet
, Abbé de Senones . Nouvelle Edition , revûe
& augmentée. Deux volumes in- 8 °. imprimés à
Einfidlen , 1749.
TRAITE' hiftorique des Eaux & Bains de Plombiere
, de Bourbonne , de Luxeuil , &c . par le même
, in-8 ° . fig. 1748 .
TABLE alphabétique des Villes , Bourgs , Villages
& Hameaux de Lorraine & Barrois. Ouvrage
orné de traits hiftoriques , in 8 ° . de 182 pages
1749.
SERMONS fur la dévotion à la Très Sainte Vierge
, par M. l'Abbé Clement , Aumônier du Roi de
Pologne , Duc de Lorraine & de Bar , & Prédicateur
de Sa Majefté , in 4 ° . de 29 pages , 1749 .
Ces trois derniers font imprimés chez le Sueur,
Imprimeur du Roi à Nancy.
ESTAMPE NOUVELLE .
A fameufe Hermaphrodite , qui depuis trois
Lois fait tant de bruit à Paris , a été peinte &
gravée par le Sieur Gautier , Graveur & Penfionmaire
du Roi.
JANVIER. 1750. 189
DISSERTATION de M. Mertrud,
Chirurgien Ordinaire du Roi, Juré à Saint
Côme , de l'Académie Royale de Chirurgie,
& Démonftrateur en Anatomie & Chirurgie
au Jardin du Roi , au fujet de l'Hermaphrodite
dont il vient d'être fait mention.
LE
E Sujet eft vivant , il eft âgé de 16 ans , baptifé
à Paris à la Paroiffe Sainte Marguerite
fauxbourg S. Antoine , & s'appelle Michel- Anne
Drouait. Son pere & fa mere l'ont élevé en fille ,
& lui ont donné l'éducation convenable pour des
gens de leur forte , n'étant que des ouvriers en Bas
au métier. Ils avoient caché fa difformité jusqu'à
l'âge marqué ci- deffus , qu'on leur a confeillé de
la faire voir pour gagner de l'argent .
Elle est d'une structure mince & maigre , d'une
affez vive complexion ; fon viſage eft fec , un peu
allongé; elle a l'air commun ; le farplus de l'attitu
de de fon corps eft maigre , quoique charnu ; elle
n'a fur la poitrine aucune apparence de gorge
naiffante ; fes mains & fes bras font fecs , ainfi
que les extrémités inférieures ; fes hanches font
équivoques , elles ne paroiffent point autant élevées
qu'il convient au corps d'une fille de fon âge.
Je pense qu'après fa parfaite puberté , elle pourra
le trouver plus conforme à l'état de fon fexe
dominant : actuellement l'un ne domine pas plus
que l'autre , comme on peut le voir par l'énumérion
des parties , gravées par le Sr Gautier.
Le ventre & l'ombilic , n'ont rien de différent
de celui d'une fille ou d'un garçon de fon âge.
La verge recouverte de fon prépuce , garnie
190 MERCURE DE FRANCE.
d'un peu de poil à fa racine , reffemble à celle d'un
garçon de feize ans , ayant deux corps caverneux,
qui font très - bien faits , de même que le gland.
le Mais ce qu'il y a d'extraordinaire ,, c'eſt que
canal de l'urétre y manque pour le paffage des
'urines.
Le prépuce qui contribue à former une bride
fous la verge , & qui vient d'un repli de la peau
qui tient lieu de grandes -lévres aux femmes & de
fcrotum aux hommes , laiffe une ouverture qui
approche de la vulve d'une femme ou de l'orifice
du vagin , que l'on appelle , orifice externe de la
matrice.
Cette ouverture fe termine en bas par un repli
qui reffemble affez à la fourchette : on y voit un
petit bouton femblable à celui qui ſe trouve dans
les jeunes filles .
Au- deffus de ce bouton & vis- à - vis fe trouve
l'ouverture du canal de l'urétre , qui paroît , en le
fondant, auffi court que celui d'une fille , à la difference
qu'il eft fitué au bas de l'ouverture de la
vulve:
L'ouverture de la vulve eft beaucoup plus étroite
que celle des filles bien configurées ; à peine peuton
y introduire le petit doigt , & on n'y voit point
de caroncules myrtiformes.
Elle n'a point cu les régles , qui arrivent quelquefois
plutôt aux filles de fon âge.
On ne voit point de tefticules dans ce qui tient
lieu de fcrotum , ni dans les aines .
Ambroise Paré , dans fon Traité des Monftres ,
chap. VII. pag. 1015 , parlant des Hermaphrodites
, rapporte l'hiftoire de trois filles qui avoient
été élevées & baptifées pour filles , & dont à l'âge
de quatorze à quinze ans les parties de l'homme
fe font développées.
JANVIER. 1750. 191
Il pourroit bien arriver à celle-ci quelque dévetoppement
, foit les régles qui dénotent le fexe féminin
, foit les tefticules qui marquent le fexe
mafculin.
Mais quand l'un ou l'autre cas arriveroit , cette
Hermaphrodite n'aura jamais la véritable puiflance
d'aucun fexe.
C'eft pour donner une juſte idée de mon objet ,
& fuivre à cet égard les lumieres des Sçavans , que
je commence par expliquer le nom d'Hermaphro
dite & par en déterminer l'origine qui vient des
Grecs . En effet, ce font eux qui l'ont composé de
deux noms de leur Langue , afin d'exprimer en un
feul mot le mêlange ou la conjonction de Mercure
& de Vénus , qu'ils ont crû avoir préfidé à la naiffance
de ce fujet extraordinaire , car foit que
lesGrics ayent puifé ces préventions des principes
de l'Aftrologie judiciaire , foit de la Philofophie
hermétique , l'on doit convenir qu'ils ont ingénieufement
imaginé par ces rapports qu'Hermȧphrodite
étoit fils de Mercure & de Vénus : ils
l'ont enfuite admis au nombre des Dieux , ayant
prétendu que la Nymphe Salmacis , devenue éperduement
amoureufe du jeune Hermaphrodite ,
avoit demandé aux Dieux de ne faire de leurs
deux corps qu'un feul : Salmacis obtint, felon eux,
cette grace; mais les Dieux y laifferent le Type
imprimé des deux fexes réunis .
.
Nous pouvons inférer de cette Fable , que les
Anciens avoient eu connoiffance de l'union des
⚫ deux fexes dans un même ſujet , & que cette bifarrerie
de la nature eft l'origine de cette fiction
qui nous eft rapportée par Ovide , Liv. IV. de fes
Métamorphofes, vers 347. Ce prodige néanmoins
paroît n'avoir pas été accueilli favorablement des
Anciens , puifque fuivant le fentiment d'Alexan192
MERCURE DE FRANCE.
der ab Alexandro , ce genre d'hommes qui porte
en foi le fexe d'homme & de femme a été regardé
comme des monftres , qu'on avoit coutume de
précipiter dans la mer à Athenes , & dans le Tibre
à Rome.
Plufieurs Auteurs curieux de cet ' événement
ont rapporté ce qu'ils en ont recueilli . Gafpard
Bauhin , Médecin à Bâle , a écrit un Traité exprés.
Ludovicus Bonaciot , tractatu de Part. form.
Chap. 9. Paul. Zacharie , Quaft. Med. Legal . Tom.
I. Lib. 7. § . 8. M. l'Offhagon , dans les Nou.
velles Littéraires de la mer Baltique , 1704. pagina
105. Traité des Hermaphrodites . Jacques
Duval , Rouen , 1612. in octavo. Aldrovendus de
monftris.
Nonobftant toutes ces recherches . peu de perfonnes
ont ajouté foi à la fincérité de ces hiftoires ,
prétendant que la mauvaife & imparfaite conformation
des parties qui fervent à la génération , les
Tefticules cachés dans les hommes , & le Clitoris
plus long qu'à l'ordinaire dans les femmes .
ont fait illufion & trompé ceux qui ont fait ces
remarques.
On en diftingue cependant de quatre especes ,
dont les trois premieres n'ont que les fauffes apparences
des deux fexes .
L'Hermaphrodite , dont je parle , eft d'une
de ces trois , & la mieux formée dans cette façon ,
qui ait encore paru. La quatrième claffe qui eft
des Hermaphrodites parfaites ( s'il y en a ) fe
réduit à un très- petit nombre , & par conféquent
très-rare : l'on prétend qu'il s'en eft vû qui ont eu
des enfans l'un de l'autre. Dans le droit Romain &
dans le droit François , il y a des peines prononcées
contre l'Hermaphrodite qui ufe des deux
fexes.
Le
JANVIER. 1750. 193
Le fieur de Rennefort dit qu'à Surate au Mogol,
il y a beaucoup d'Hermaphrodites , qui avec
des habits de femmes portent le Turban pour fe
diftinguer , & afin d'apprendre à tout le monde
qu'ils ont deux fexes.
C'est l'Hermaphrodite parfaite dans les deux
fexes , que les Grecs ont nommé Av♪ pozvvas, id
eft , vir parturiens , vel , vir genitrix ; nous avons
adopté ce nom en François , & nous en avons
formé celui d'Androgyne , pour défigner la double
puiffance de l'Hermaphrodite parfaite , à qui
feule ce nom appartient , étant homme parfait
d'unepart , & de l'autre capable de mettre des
enfans au monde par le fecours du fexe féminin.
Dans les Dialogues de Platon , il y a une fable
de l'Androgyne. Ce Philofophe dit que certains
hommes naifloient doubles & avec les deux fexes.
Que cette duplicité de tous les membres leur
ayant procuré beaucoup de force & de vigueur ,
ils poufférent l'infolence jufqu'à déclarer la guerre
aux Dieux que Jupiter pour réprimer leur audace
, partagea ces Androgynes en deux , enforte
pourtant qu'il eft toujours resté à ces deux moitiés
divifées une forte paffion de fe réunir , & que de
là vient l'amour réciproque des deur fexes.
On peut conféquemment obferver que beau
coup d'animaux font ainfi que les hommes , quelquefois
pourvûs des deux natures , & pour cetre
raifon nominés Hermaphrodites . Dans les Qua
drupedes on trouve des Hermaphrodites.
On en trouve pareillement dans les Limaçons
les Escargots & les Vers . Plufieurs autres Infec
tes le font tous par leur propte nature,
1075 153
1
194 MERCURE DE FRANCE.
淡淡選淡淡洗洗洗洗洗洗洗
LE PASSANT & LA TOURTERELLE
Q
AIR TENDRE.
Ue fais-tu dans ces bois , plaintive Tourte.
relle ?
Je gémis ; j'ai perdu ma compagne fidelle.
Ne crains -tu pas que l'Oyfeleur .
Ne te faffe périr comme elle ?
Si ce n'eft lui , ce feta ma douleur .
SPECTACLES.
****
'Académie Royale de Mufique continue les
L'apréfentations de Zoroastre, Tragédie.
Le Concert fpirituel a commencé le Mercredi
24 Décembre, veille de la Fête de Noël, par Fugit
nox , Motet à grand choeur , mêlé de noëls, joués
fur l'orgue par M. Daquin , Organifte célebre du
Roi , qui furent extrêmement & juftement ap
plaudis. M. Franc de Kermajun , Allemand , exécuta
un Concerto de baſſon qui plut fort aux connoiffeurs
; Mlle Lemire chanta Nunc dimittis , pe
tit Motet de feu M. Mouret. M: Pagin joua feul
& précéda Bonum eft , Motet à grand choeur de
M. Mondonville ; ces trois derniers morceaux
eurent le fort des premiers.
Le lendemain, jour de Noël, on donna le même,
Motet , Fugit nox , avec le même accompagne
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JANVIER. 1750. ་ 95
ment d'orgue & le même fuccès , & le Concert
précédent de baffon . On fut charmé d'entendre
Cantate Domino , de M. Mouret, exécuté par Mlle
Duperey. M. Pagin joua feul un Concerto, & Venite
exultemus , Motet à grand choeur de M. Mondon.
ville , termina parfaitement le Concert.
Les Comédiens François donnerent le 3 de ce
mois la dix - feptiéme & derniere repréſentation
de la Tragédie d'Ariftomene.
Le 5, les Comédiens Italiens repréſenterent pour
la premiere fois une Comédie en trois Actes &
en vers , intitulée , la Fauſſe Prévention. On a fort
applaudi aux détails brillans , dont cette Piéce eft
remplie Elle eft accompagnée d'un nouveau Ballet,
de la compofition de M. de Heffe , & qui lui a attiré
des battemens de mains , capables de rendre
jaloux les Poëtes les plus accoûtumés à ces témoignages
flatteurs de l'admiration du Public.
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
E7 Décembre, fecond Dimanche de l'Avent,
La Reine entendit la Meffe dans la Chapelle
du Château ; & Sa Majefté communia par les
mains de l'Archevêque de Rouen , fon Grand
Aumônier.
Le lendemain , Fête de la Conception de la Ste
Vierge , leurs Majeftés entendirent la Mieffe dans .
la même Chapelle . L'après- midi elles affifterent ,
ainfi que Monfeigneur le Dauphin , Madame la
Dauphine & Mefdames de France , à la I Prédication
du Pere Logier,de la Compagnie de Jefus , & enĮ
ij
196 MERCURE DE FRANCE.
fuite aux Vêpres qui furent chantées par la Mufique
.
Le 11 , les Actions de la Compagnie des Indes
étoient à dix-fept cens trente-fept livres & demi ;
Ies billets de la premiere Loterie Royale à fix cens
vingt-huit , & ceux de la feconde à cinq cens quatre-
vingt-orze.
Le 14 , troifiéme Dimanche de l'Avent , le Roi
& la Reine entendirent dans la Chapelle du Châ
teau la Meffe qui fut chantée par la mufique.
L'après- midi , leurs Majeftés accompagnées de
Monfeigneur le Dauphin & de Meſdames de Fran
ce , affifterent au Sermon du Pere Logier , de la
Compagnie de Jeſus.
Le Roi a donné au Prince Louis de Wirtemberg,
Maréchal de fes Camps & Armées , le Régiment
de Cavalerie Allemande , vacant par la mort du
Comte de Rofen , & Sa Majesté à nommé Meftre
de Camp en fecond de ce Régiment , le fils du
Comte de Rofen .
•
Le 18. les Actions de la Compagnie des Indes
étoient à dix- sept cens foixante livres , les billets
de la premiere Loterie Royale , à fix cens trentecinq,&
ceux de la feconde à fix cens quatre - vingtdix
-neuf.
Le 24 , veille de la Fête de la Nativité de Notre
Seigneur , le Roi & la Reine , accompagnés de
Moufeigneur le Dauphin & de Meldames de France
, entendirent les premieres Vêpres chantées par
la Mufique , aufquelles l'Archev . de Sens officia.
Le 25 jour de la Fête , leurs Majeftés , qui après
avoir affifté aux Matines , avoient entendu trois
Meffes à minuit , affifterent , étant accompagnées
comme le jour précédent , à la Grande Meffe célébrée
pontificalement par l'Archevêque de Sens.
Elles ente adirent l'après- midi le Sermon du Pere
JANVIER. 1750. 197
Logier , de la Compagnie de Jefus , & enfuite les
Vêpres auíquelles le même Prélat officia.
Le premier Janvier , les Princes & Princeffes
du Sang , & les Seigneurs & Dames de la Cour ,
eurent l'honneur de complimenter le Roi & la
Reine fur la nouvelle année. Le Corps de Ville a
rendu à cette occafion fes refpects à leurs Majeftés ,
à Monfeigneur le Dauphin , à Madame la Dau
phine & à Mefdames de France.
Les Chevaliers , Commandeurs & Officiers de
l'Ordre du St. Eſprit , s'étant aſſemblés vers les
onze heures dans le Cabinet du Roi , Sa Majefté
précédée du Duc de Chartres , du Comte de Charolois
, du Comte de Clermont , du Prince de
Conty, du Prince de Dombes , du Comte d'Eu ,
du Duc de Penthievre , & des Chevaliers Commandeurs
& Officiers de l'Ordre , fe rendit à la
Chapelle du Château . Le Roi y entendit la Grande
Meffe célébrée pontificalement par l'Archevêque
de Rouen , Grand Aumônier de la Reine , & chantée
par la Mufique . La Reine & Mefdames de
France entendirent la même Meffe dans la Tribune.
L'après-midi leurs Majeftés affifterent aux Vêpres
.
Le 31 du mois dernier , le Marquis de Saint
Germain , Ambaſſadeur ordinaire du Roi de Sardaigne
, eut une audience particuliere du Roi ,
dans laquelle il notifia à Sa Majefté le Mariage du
Duc de Savoye avec la Princeffe Marie -Antoinette
d'Espagne. Il fut conduit à cette audience par le
Chevalier de Sainctor , Introducteur des Ambaffadeurs.
Le même jour , les Actions de la Compagnie
des Indes étoient à dix - fept cens foixante livres ;
les billets de la premiere Loterie Royale , à fix
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
cens cinquante-trois , & ceux de la feconde à fir
cens fix .
M. le Comte de Treffan , Lieutenant Général
des Armées du Roi , & Commandant pour Sa Majefté
à Toul , a été élu pour remplir la place d'Af
focié libre , qui vaquoit dans l'Académie Royale
des Sciences par la mort de M.de la Chevaleraye.
NAISSANCE , MARIAGE
Morts,
E 30 Novembre , Marie- Angelique- Philippe
le Veneur , époufe de Jean -Louis - Nicolas le
Bafele , Comte d'Argenteuil , Chevalier de l'Ordre
Royal & Militaire de St. Louis , Lieutenant Général
pour le Roi , des Provinces de Champagne
& de Brie , & Gouverneur de la Ville de Troyes ,
en furvivance du Marquis d'Argenteuil fon pere ,
accoucha d'un fils au Château de Bailli en Riviere,
Province de Normandie,
Les Décembre 1749 , Dame Marie - Françoiſe
de Cordeboeuf- Beauverger , de Montgon , mouruit
au Château de Plas en Limoufin , âgée de
vingt-cinq ans. Elle étoit fille de défunt Philippe-
Gilbert de Cordeboeuf - Beauverger , Comte de
Montgon, Marechal des Camps & Armées du Roi,
Commandeur de l'Ordre Royal & Militaire de St.
Louis , Gouverneur de l'Ile d'Oleron , & de Dame
Blanche Henriette de la Roche- Aymon . Elle avoit
époulé , le 6 Février 1746 , Guy- Jofeph , Comte
de Plas , Baron de Marfillac , Marquis du Thillay,
&c. dont le mariage eft rapporté dans le Mercure
du mois de Mars 1746, pag. 206 , duquel elle laiffe
JANVIER . 199 1750.
deux garçons & une fille , nommée Magdeleine-
Louife Françoife de Plas , née le 18 Août 1749 .
Les Maifons de Plas & de Cordeboeuf- Beauverger
font également diftinguées par leur ancien -
neté & leurs alliances avec la meilleure Nob'effe
du Royaume , celle de Plas en Limoufin étant
alliée avec les maifons de Cardaillac , de Vérac , de
Salagnac, de Laftic S. Jal , de Cofnac , de Pellegrue ,de
Robert de Legnerac , de la Chatre , de Clermont
de Verrillac , d'Efcorailles de Fontanges , d'Eftampes-
Valençay , du Pouget de Nadaillac & autres ;
& celle de Cordeboeuf Beauverger en Auvergne ,
avec les maifons de Montmorin ,de Chabannes, de
la Roche-Aymon , de Montgon , de la Tour-du-
Pin , de la Rochefoucaud , de Montboiffier- Canillac,
de Laftic- Saint - Jal, de Montaigu,Vicomtes
de Beaune & autres.
Le 10 Décembre , Charles- Maurice Grimaldi
de Monaco , Comte de Valentinois , Sous-Lieutetenant
des Gendarmes de Bretagne , époufa dans
la Chapelle de l'Hôtel de St. Simon , Paroiffe de
Saint Sulpice , Marie- Chriftine Chrétienne de St.
Simon de Ruffec.
Charles-Maurice eft fils de Jacques François-
Leonore de Goyon , Sire de Matignon & de la Ro
che Guyon , Duc ac Valentinois , Pair de France ,
& de Louife Hyppolite Grimaldi , Ducheffe de
Valentinois , héritiere d'Antoine G imaldi , Prince
Souverain de Monaco, Duc de Valentinois , Pair de
de France, qui par les conventions de fon contrat de
mariage , a donné fon nom à la famille de fon mari.
Marie-Chriftine Chrétienne, née le 7 Mai 1728 ,
baptifée le même jour dans la Chapelle de l'Hôtel
de Saint Simon, eut pour parrain & marcine , fon
ayeul paternel , Louis Duc de Saint Simon , & for
ayeule maternelle , Marie - Chriftine de Noailles ,
I
200 MERCURE DE FRANCE.
veuve d'Antoine, Duc de Grammont , Pair & Maréchal
de France. Elle eft fille de Jacques- Louis,
Duc de Saint Simon, nommé le Duc de Ruffec , Pair
de France , Chevalier de la Toifon d'Or, & de Catherine-
Charlotte-Thérefe de Grammont, veuve en
premieres noces de Philippe Alexandre , Prince de
Bournonville.
Le 26 Octobre , Nicolas Clairambaut , Organifte
du Roi , mourut à Paris . Ce célebre Muficien
ayant fait exécuter une Cantate chez Madame
de Maintenon , Louis XIV . de glorieufe
mémoire , qui l'entendit , lui rendit la juftice qu'il
méritoit , en lui ordonnant de venir à fà Cour. It
lui fit donner plufieurs cantates pour les mettre en
mafique , ce font celles qui compofent le troifiéme
livre de fes Cantates . Le Roi les fit exécuter , &
nomma l'Auteur Sur- Intendant des Concerts particuliers
de Madame de Maintenon , Il ſe diſtingua
auffi par la beauté de fes Motets à grand choeur.
On a de lui cinq livres de Cantates , outre quelques
autres pour des fêtes particulieres qui font
auffi gravées. C'eft lui qui a fait les chants de tout
l'Office de l'Eglife Royale de Saint Louis de Saint
Cyr. Il laiffe deux fils qui le remplacent dignement
& rendent la perte moins fenfible.
Le premier Novembre mourut à Nancy Henri-
François de Vence , Docteur de la Maifon & Société
de Sorbonne , Grand Prevôt & Grand Vi .
caire de l'infigne Eglife Primatiale de Lorraine ,
Confeiller d'Etat du feu Duc Leopold , & Précepteur
des Princes Enfans de Lorraine , le Prince
Leopold Clement mort en 1723 , & Sa Majefté
Impériale François I. Ce Prélat eft connu par fes
additions aux commentaires du Pere Carriere fur
la Bible , & par fes differtations fur les livres de
P'ancien Teftament , dont une partie vient d'être
JANVIER . 1750. 201
imprimée à Paris dans la nouvelle Bible in-4° . en
dix Volumes .
Le 10, Claude Quarré, veuve de François Guyet,
Marquis de Bantage , Comte de Louhans , ancien
Intendant des Finances , Confeiller d'Etat , ci - devant
Intendant des Provinces de Bearn & Lyonnois ,
mourut à Paris , âgée de 87 ans , & fut inhumée à
Saint Euftache .
Le 22 , Henri David' , Seigneur de Villeneuve ,
Lieutenant de la Prevôté de l'Hôtel & ancien Secretaire
du Roi , Maiſon & Couronne de France ,
& de fes Finances , mourut âgé de 77. ans , & fut
tranfporté de Saint Euſtache , fa Paroiffe , à Saint
Roch , où il fut inhumé.
Le 23 , Jacques le Tellier , ancien Seigneur d'Ir
ville , & ancien Lieutenant Commandant l'équi
page du Roi pour le fanglier , mourut âgé de 67.
ans , & fut inhumé à Saint Eustache.
Don Juan Velasquez de Covarruvias , Marquis
de Pegna Blanca , Lieutenant Général des Armées
du Roi , Grand'Croix Honoraire de l'Ordre Royal
& Miliraire de Saint Louis , mourut à Versailles
le 24 du mois dernier , dans la foixante - neuviéme
année de fon âge. Il s'étoit acquis une eftime genérale
, & il jouiffoit d'une penfion confidérable
que le Roi lui avoit accordée depuis qu'il étoit
entré au fervice de Sa Majesté.
Le premier Décembre le R. P. François Mazene;
Supérieur Général de la Congrégation des Prêtres
de la Doctrine Chrétienne , mourut à Paris dans
la foixante- troifiéme année de fon âge & dans la
fixiéme année de fon Généralat . Il étoit né dans
une petite Ville du Diocéfe de Rhodez , & fes pa
rens l'envoyerent faire fes premieres études à
Villefranche en Rouergue , fous les PP. Doctrinaires
qui ont la direction du College de cette
102 MERCURE DE FRANCE .
)
Ville . Les grandes difpofitions que ces Peres remarquerent
en lui pour la piété & l'étude , les engagerent
à l'attirer dans leur Congrégation , & la
douceur naturelle de fon caractére le rendit docilé
à leurs infpirations . En 1708 , il fit à Toulouſe
dans la Maifon de Saint Rome fon année de probation
, & lorfqu'elle fut finie , fes Supérieurs le
firent paffer dans leur College de l'Eſquille dans la
même Ville pour enfeigner les Humanités . Il s'en
acquitta avec fuccès. Il profeffa enfuite la Philo- .
fophie pendant huit ans dans le même College ,
& l'eftime publique qu'il s'acquit , lui fit une réputation
diftinguée . Son mérite fe faifant connoître
de plus en plus , il fut envoyé au Seminaire
de Condom pour y faire les leçons de Théologie.
Au bout de trois ans il paffa au Seminaire de Tarbes
, qui le demandoit avec inftance , auffi - bien
que celui de Bayonne . Ce fut là que s'étant acquis
l'eftime pariiculiere de M. de la Roche- Aimon ,
Evêque de Tarbes, & de fon fucceffeur M.de Saint
Aulaire , il mérita une penfion du Roi. De la
fupériorité de ce Seminaire , il a été en 1744 , élevé
au Généralat de la Congrégation. Sa doctrine &
fes moeurs lui avoient acquis l'eftime & l'amitié de
M l'Archevêque de Paris & de M. l'ancien Evêque
de Mirepoix. Nonobitant les grands foins aufquels
fa place l'affujettiffoit , il avoit entrepris
d'enfeigner la Théologie à fes Confreres de la
Province de Paris , mais il n'a pû le faire que pendant
trois ans. Au bout de ce tems , une attaque
d'appoplexie & de paralifie le mit hors d'état de
fuivre de fi bonnes intentions , enfin après avoir
langui quatorze mois , une nouvelle attaque a
terminé le cours de fa vie laborieufe & pleine
d'édification .
Le 3 , Alexandrine Guerin de Tencin , Chanoi
JANVIER. 1750. 203
neffe de Neuville , Baronne de Saint Martin de
Pifle de Rhé , mourut âgée de 68 ans , & fut inhumée
à Saint Euftache . Elle étoit foeur de Pierre de
Guerin de Tencin , Primat des Gaules , Archevêque
de Lyon, & Cardinal de la fainte Eglife Romaine.
Elle étoit fille d'Antoine Guerin, Seigneur
de Tencin , Préfident à Mortier du Parlement de
Grenoble , & de Louife Bufevant, & arriere- petitefille
de François Guerin , Seigneur de Tencin ,
Confeiller au même Parlement, & de Judith Faure,
fille de François de Faure , Seigneur de Riviere ,
Préfident dans ce Parlement .
Le même jour, Françoife Touflaint Mollet, veuve
de Jules Martin Desjardins , mourut & fut inhumée
à la Magdeleine de la Ville l'Evêque .
Le 12 , Philippe Olivier Galois mourut & fut
inhumé à Saint Severin.
Le 17 , Françoife- Charlotte de la Fontaine de
Sollard , époufe d'Eleonord Courtin , Chevalier
d'Honneur au Baillage & Siége Prefidial de
Meaux , mourut & fut inhumée à Saint Paul ,
ENUMERATION des Maladies les
plus ordinaires à chaque tempéramment ,
avec des réflexions fur les moyens d'entrer
dans l'ef de la Médecine pratique, par
M. Fraiffe , Docteur en Médecine de la
Faculté de Montpellier.
Our bien entrer dans l'efprit de la Médecine ,
Pratique ,il ne fufit pas de
de l'économie animale, d'avoir lû quelques traités
I vi
204 MER CURE DE FRANCE
des maladies , de fçavoir un peu de botanique
de chymie, & de matiere médicale ; il faut encore
embraffer exactement toutes les parties de l'art ,
les avoir enfemble préfentes à l'efprit , & étendre
même fes vûes fur tout ce qui peut y avoir quelque
rapport : car la médecine ou l'art de guéric
les maladies , étant , ainfi que tous les autres arts
entiérement foumife à des régles invariables , on
ne peut parvenir à connoître ces Régles , qu'en
obfervant généralement tout ce qui fe paffe dans
l'Art , ou qui y a quelque rapport , en l'examinant
avec attention , en le comparant enſemble ,..
en tirant les inductions néceflaires .
& en
Qu'on ne croye donc pas que pour faifir l'efprit
de l'Art , il fuffife d'obferver en particulier ce
qui fe paffe dans telle & telle maladie , il faut
fe rappeller toutes les obfervations générales qui
ont été faites par ceux qui nous ont précédés , il :
faut les avoir mûrement.examinées avant que d'en
venir aux obfervations particulieres.
Nous devons à Hippocrate la plupart des ob
fervations générales , que Galien a regardées comme
la bafe & le fondement de notre Art , & fur
Jefquelles . quelques modernes , entr'autres Mrs
Stahl , Hecquet ** Hofman , *** ont fait
d'utiles Commentaires , que les jeunes Médecins .
doivent confulter en attendant que quelqu'autre ,.
qui ait l'efprit d'obfervation & qui à une faine
*
* V. fa Diff. de morbor. ætat . fundament, inféréedans
les élém de Méd. pratiq. tom. 1. p.30. &ſaiv.
** V. Médecine Théologique , tom. 2. p. 218.
f *** V. Diff. de temporib, aniin; infalubrib . de
ætatum. mutatione , & de temperament. funda
mento morum & morborum , ¿c...
JANVIER. 1750. 205
théorie joigne une longue pratique , daigne remanier
cette matiére & y répandre de nouvelles
fumieres.
Hippocrate obferva d'abord , que quoiqu'il arrive
différentes fortes de maladies dans tous les
tems de l'année , il eſt néanmoins des faifons ou
certaines maladies regnent , & plus fréquemment
& avec plus de violence . Il remarqua auffi qu'il
s'élevoit différentes maladies dans de différentes
conftitutions de l'air , & que chaque âge , chaque
fexe , chaque pays, avoit fes maladies appropriées..
Il donna même l'énumération de toutes ces ma→
Ladies ; mais il n'indiqua pas celles qui font parti
culieres aux différens tempéramens . C'eft à My
Hoffman , ( Frederic ) que nous devons quelques
obfervations générales là-deffus ; mais comme il
ne les a données qu'en latin , j'ai cru devoir les
traduire en françois,
Peut-être auffi feroit-on bien aife de trouver ici
les obfervations générales d'Hippocrate, du moins
il me paroît que ces deux morceaux ne doivent
pas être féparés , & que de jeunes Médecins ne
fçauroient affez les lire, & les relire ; mais comme
ces obfervations, ont été déja traduites & inférées
dans les Elémens de Médecine pratique , depuis
la page 4 jufqu'à la page 8 , je me contenterai d'y
Lenvoyer mes lecteurs.
L'ordre que je me fuis preferit , demande feu
lement que j'expofe en peu de mots d'après M..
Hoffman, de quelle maniere la différente circulation
des humeurs , dont dépend principalement la
différence des tempéramens , difpofe à différentes
maladies. Et pour commencer par ceux qui font
d'un tempéramment bilieux, ou par ceux dont la
circulation eft vigoureufe & prompte , on voit
206 MERCURE DE FRANCE.
dans la pratique qu'ils font fujets à des maladies
bilieufes & violentes , fçavoir , aux fievres tierces ,
continues , intermittentes aux fievres ardentes
& bilieufes & à des maladies inflammatoires, telles
que la pleurefie , la phrénéfie , l'éréfipele , l'efquinancie
, l'ophtalmie , le faignement de nez , l'hémoptyfie
, & à la phtifie qui en eft une fuite , à la
fiévre hectique , à l'inflammation du faye , de
l'eftomach & des inteftins. Ces mêmes perfonnes
ont de la difpofition au vomiffement , à des diarthées
, à la colique bilieufe , au pourpre , à la
goutte vague & à des douleurs de tête très -aigues;
& comme dans la jeuneffe & dans l'âge viril , de
même que dans les contrées chaudes & méridiomales
, par un régime chaud & aromatique , &
par l'uſage du vin , le fang entre dans un mouvement
prompt , il arrive que toutes ces circonf.
tances difpofent les corps à contracter de femblables
maladies .
Les mélancholiques dont les humeurs épaiffes
de leur nature ont de la peine à rouler , ſont ſujets
à des maladies chroniques , entretenues par
une telle caufe , fçavoir , par un fang qui circule
avec peine dans la tête , dans les vifcéres & dans
le bas ventre ; c'est pourquoi ces perfonnes font
fujettes à la maladie hipocondriaque , aux obftructions
du foye & de la rate , aux fquires des
glandes & des vifcéres , au fcorbut , aux ulcéres,
a la conftipation , au calcul , à la goutte fixe &
nouée ; à la mélancholie , aux hémoroides qui ne
fluent pas , à la migraine , à l'ictere noir , à la
gale feche , aux dartres & à des affections hyftériques
& convulfives ; & ces mêmes maladies attaquent
les habitans des contrées feptentrionales
qui font d'un âge avancé , ou qui mènent une vie
JANVIER. 1750. 207
dure , & qui ſe plaiſent à des alimens groffiers &
acides.
Ceux qui font d'un tempéramment fanguin ou
en qui le mouvement du lang eft modéré , qui
font bonne chere , qui menent une vie fédentaire,
& qui fatisfont à leurs plaifirs : ceux - là , disje
, amaffent une grande quantité de fang qui ne
peut pas le mouvoir fuffifamment ; fur- tout lorf-.
que leur corps eft d'un tisu mol & fpongieux ,
que leurs vaiffeaux font nombreux & leurs fibres
mafculeuſes , petites & flafques : de là il arrive
des ftagnations de fang , & ces perfonnes tombent
dans des maladies inflammatoires, telles que l'ophtalmie
, la pleurefie , la néphrétique , la peripneumonie
, les empiémes, les abfcès, les fuppurations,
le faignement de nez , la phtike , les douleurs de
reins , le flux hémorroidal , les douleurs caufées
par les concrétions pierreufes qui fe forment aux
articulations , les céphalagies , les douleurs des
dents , des oreilles , la gale humide , les fievres
fanguines fynoques , l'apoplexie & l'afthme ; &
l'on voit de femblables maladies dans ceux qui
ne gardent pas les régles de la fobriété , & qui
habitent des climats tempérés.
Les Phlegmatiques dont le fang ne fe meut
que foiblement & abonde plus en férofités
qu'en globules rouges , font fort fujets à des catharres
, à des rhumatifmes , à l'enchitrenement
au cours de ventre , aux indigeftions , à la colique
, au fphacèle , à la cachexie , à l'anafarque ,
à l'afcite , aux fiévres quotidiennes , putrides , vermineufes
, pourprées , aux défaillances , à l'apopléxie
pituiteufe , à la paralyfie , aux tumeurs des
glandes , aux fluxions fereufes , au larmoyement ,
aux fluxions des yeux , à la gangrène des parties
TOS MERCURE DE FRANCE.
"
deftinées à la génération , à la gonorrhée , aux
fleurs blanches. Ce qui contribue à faire éclorre
ces maladies , c'eft ie bas âge , l'air fort humide
denfe , épais , rempli de vapeurs , un tems longtems
humide & une vie fédentaire .
"
De ce qu'on vient de dire , on voit clairement
qu'on doit déduire la difpofition aux maladies,de
la nature ou du tempérament de l'homme , ou
pour mieux dire du méchanifme du corps , ou ce
qui eft le même , de la circulation du fang . Il eft
vrai qu'on pourroit oppofer qu'il et bien des
gens qui ont un tel tempérament , & que cependant
ils font rarement attaqués de telles maladies.
A quoi nous répondrons que les cempéramens
difpofent à la vérité à ces maladies , mais
qu'il ne s'enfuit pas de là qu'ils foient des caufes
prochaines qui doivent être fuivies immédiatement
de leur effet. Car enfin une caufe éloignée ,
qui difpofe les corps à une maladie , ne fuffit pas
toute ſeule ; il faut que plufieurs concourent enfemble
pour produire le même effet . C'eft pourquoi
un bilieux qui n'a pas encore atteint l'âge de
puberté , ne tombe point dans ces maladies ; de
même qu'un jeune homme qui s'abſtient des alimens
chauds , & qui ne refpire pas un air chaud ,
n'eft pas attaqué des maladies appropriées au
tempéramment bilieux . Mais fi à ce tempérament
fe joignent un climat chaud , un tems chaud ,
l'âge de puberté , & l'ufage des alimens chauds ,
alors les maladies qu'on attribue ordinairement à
ce tempérament , ne manqueront pas de fe développer.
Enfin , de tout ce que nous avons rapporté , it
faudra conclure que les remedes * doivent être
* Ce que dit ici M. Hoffman ne conclud rien
JANVIER. 1750. 209
différens felon la nature des climats , des tempé
ramens & du régime ; & que les mêmes remedes
ne peuvent pas avoir lieu dans une grande
abondance de fang , dans fon mouvement accéléré
& véhément , dans fon mouvement tardif &
foible , en France , en Suede , en Allemagne ;
& qu'il faut traiter autrement ceux qui vivent
groffiérement , & autrement ceux qui font bonne
chere. D'où l'on voit clairement que ceux qui
ne parlent que d'une médecine univerfelle , ne
connoiffent point le génie de notre art , & qu'ils
doivent être mis au nombre des ignorans & des
impofteus. Car le fin de notre art confifte à diftin
guer les tempéramens des hommes , les caufes
des maladies , les vertus des remedes , & à regler
leur ufage felon la différence des tempéramens
& des caufes des maladies.
A toutes ces obfervations générales , il faut
joindre celles qui ont été faites fur les maladies
qui ont paru en différens tems fous divers climats ,
dans de différentes conftitutions de l'air , & relativement
à l'âge , au fexe , au tempérament des
malades, C'eft pour cela fans doute que M. Bouillet
a inféré dans les élémens de médecine pratiqué
, le premier & le troifiéme livre des maladies
épidémiques , qu ' Hippocrate nous a laiffés , & l'abrégé
des épidémies de du Baillou ; mais comme
9
contre la méthode générale & raisonnée que M.
Bouillet a adoptée dans les élémens de médecine pratique
, & qu'il veut qu'on fuive dans tous les tems
fous tous les climats & à l'égard de tous les malades..
Pour s'en convaincre , on n'a qu'à lire fa differtation
en forme de lettre inférée dans le fecond tome de fes
élémens pag. 16 & ſuiv. & fon mémoire inféré dans
Le même tom. pag. 56 &ſuiv.
210 MERCURE DE FRANCE.
fes occupations ne lui ont pas permis de les traduire
en François , nous avons cru M. Laplace &
moi que les jeunes Médecins en verroient avec
plaifir une traduction qui paroîtra par parties dans
le Mercure , fi M. Remond trouve à propos de
l'y inferer.
C'eft en lifant avec attention toutes ces obfervations
, en les comparant avec celles qui ont été
faites dans le dernier fiécle & dans celui - ci , & en
Jes foumettant à une faine théorie , qu'un jeune
Médecin peut efpérer d'acquérir enfin le génie de
l'art , & d'en faire une jufte application dans la
pratique.
LETTRE
De M. Fraiffe , Docteur en Médecine de la
Faculté de Montpellier , à M. Brouzet
Docteur de la même Faculté , & Médecin
des Hôpitaux du Roi à Fontainebleau
écrite de Béziers le 30 Novembre 1749.
?
E vous aurois déja communiqué , Monfieur ,
quelques remarques que j'ai faites fur la maladie
épidémique qui a régné à Fontainebleau ce
Printems paffé , & dont vous avez donné la defcription
dans le Mercure du mois d'Octobre , fi
j'avois pu vous les envoyer par toute autre voie
que par le Courier , auquel je n'ai pas ofé les remettre
à caufe de la groffeur du paquet. Mais
vous les verrez dans le Mercure , à M. Remond
de Sainte Albine juge convenable de leur
y donner place. Vous y verrez auffi ce que.
JANVIER. 1750. 217
nous avons entrepris M. Laplace & moi pour
fervir de continuation au traité des fiévres que M.
Fizes a donné en Latin , & que M. Bouiller le fils
traduir en François. Car , comme vous fçavez ,
Monfieur , prefque toutes les maladies épidémiques
font des fiévres ou des maladies accompa
gnées de fiévre , & rien ne peut mieux nous conduire
à la connoiffance du caractere de ces maladies
qu'une bonne théorie de la fiévre . A ce ſecours
fi l'on joint la connoiffance des faits , je
veux dire , fi l'on a l'hiſtoire de toutes ces maladies
préfente à l'efprit , on entrera bien plus ai
fément dans les voies que fuit la nature pour leur
production, & dans les moyens qu'elle veut qu'on
employe pour leur traitement . Négliger ces fecours
, c'eft s'expofer à être toujours jeune dans
la pratique , car nous pouvons fort bien appli
quer à ce fujet ce que difoit autrefois Ciceron à
Pégard de l'Hiftoire en général , nefcire quid antea
quàm natusfis , acciderit , id eft femper effe puerum.
Vous comprenez fans doute , Monfieur , que
nous ne prétendons pas nous borner à la traduction
des épidemies d'Hypocrate & de du Baillou , &
que comme nous avons deffein de donner une
hiftoire abrégée des maladies épidémiques qui
ent regné en Europe depuis un fécle , c'eft à - dire,
depuis 1650 , juſqu'en 1750 , avec des remarques
que M. Bouillet le pere nous a promiſes fur la nature
& le traitement de ces maladies , vous pouvez
nous aider dans notre entreprife ; vous n'êtes
pas éloigné de Paris , & vous y faites de tems en
tems quelque féjour. Il ne vous fera pas difficile
d'y trouver des livres qu'il nous eft impoffible de
recouvrer ici. Une analyfe détaillée du Commensarium
Nofoligicum , de Wineringham , & des Ob
212 MERCURE DE FRANCE.
"
fervationes de aëre & morbis epidemicis du Docteur
Huxham , nous feroit grand plaifir , & vous pourriez
nous en faire part par le moyen du Mercure
fi M. Remond veut bien le permettre . Nous ferions
auffi bien aifes de connoître plus particuliérement
Pouvrage du Docteur Sotergill , dont on a
donné une traduction en François. Je crois pouvoir
vous dire qu'en nous obligeant . , vous obligerez
aufli bien d'autres Médecins . Je fuis , & c .
Vous ferez peut- être bien aife d'apprendre que
M. Carballe a entrepris la traduction du Traité des
Tumeurs , que M. Fizes a donné en Latin .
張潔潔淡淡洗洗洗:洗洗洗選
ARRESTS NOTABLES.
ARREST du Confeil d'Etat du Roi , du 13
Septembre , qui ordonne que les Fabriquans
d'Elbeuf & autres , qui feront reteindre des drapss
feront tenus de laifler une Rofette du premier
pied de la teinture de ces draps , & c .
AUTRE, & Lettres Patentes fur icelui , Regiftrées
en la Cour des Aides , des Août 1748 &
4 Novembre 1749 , pour l'Echantil des Mèfures
dans les petites Gabelles .
AUTRE du 7 Novembre , rendu en interprétation
de l'Edit du mois d'Avril 1749 , au ſujeɛ
des Expéditions qui doivent le faire dans les
Chancelleries Préfidiales.
AUTRE des 12 Novembre & 9 Décembre
1749 , Portant exemption de tous droits d'en
JANVIER. 1750. 213
trée & locaux , dépendans des cinq groffes Fer
mes ,fur les laines non filées , les cotons en laine ,
les chanvres & lins en maffe & non apprêtés ; les
poils de chameau & chevreau , & les poils de chévre
, filés & non filés , venans de l'étranger dans
le Royaume, ou qui pafferont d'une Province dans
une autre , à commencer dn premier Janvier 1750 .
ORDONNANCE du Roi , du s Novembre
, portant une nouvelle réduction dans les dou
ze Compagnies du Régiment des Gardes Suiffes .
AUTRE , du 13 , qui enjoint expreffèment
au nommé Mathurin Charrier , exerçant la pro
feffion de Maître d'école à Painbeuf, de fortir dudit
lieu , & lui défend d'habiter dans aucune Ville
ou Bourg, diftant du moins de fix lieues des Côtes
maritimes du Royaume , fous peine de défobéif-
Lance.
ARREST du Confeil d'Etat du Roi , du 23,
portant étabiffement d'un Bureau de contrôle dans
la Ville de Saint Jean Pied-de- Port.
ORDONNANCE du Roi , du 29 , concernant
les Compagnies franches de la Marine.
.
AUTRE , du 6 Décembre , pour augmenter
les payes de gratification , l'indemnité de la perte
fur les efpéces & l'Etape aux recrues des Compa
gnies des neuf Régimens Suiffes & Grifons,
214 MERCURE DE FRANCE.
AVIS AU PUBLIC.
A.Fontaine de GABIAN , fi renommée par
Lon Huile Pétrole , étoit prefque entière.
ment tarie depuis quelques années par le peu de
foin qu'on avoit pris de l'entretenir & d'y faire les
réparations néceffaires ; lorfque Monfeigneur l'Evêque
de Beziers , Seigneur de Gabian , voyant
à regret que le Public alloit être fruftré du fecours
de cette Huile merveilleufe & fpécifique pour
bien des maladies , n'a rien négligé pour remettre
cette Fontaine en état. Il a eu la fatisfaction
de voir que les dépenfes qu'il y a faites , avoient
produit tout l'effet qu'il pouvoit fe promettre ; &
comme il a été inftruit que ceux qui étoient chargés
de la vente de cette Huile Pétrole , ne ſe faifoient
pas un fcrupule de la falfifier par le mêlange
d'autres Huiles qui en affoibliffoient la vertu , il
a pris de juftes mefures pour éviter à l'avenir une
pareille fupercherie . Pour cet effet, ce Prélat ayant
choifi une perfonne de confiance & d'une fiélité
éprouvée , il lui a donné charge de prendre garde
que cette Huile foit ramaffée avec toute l'exactitude
poffible : il l'a chargée de plus de la mettre
dans des Bouteilles de différente grandeur pour la
commodité de ceux qui en voudront acheter une
grande ou petite quantité , de fceller lefdites Bouteilles
du Sceau de fes Armes , & de figner l'étiquette
qui fera mife fur chaque Bouteille . Au
moyen de cette précaution , on fera fûr d'avoir
de la véritable Huile Pérrole , fans mêlange d'aucune
autre Huile , & telle qu'elle vient naturellement
de fa fource.
Pour ce qui eft des rares vertus & des propriétés
admirables de cette Huile , on n'en fera pas
JANVIER. 1750 215
"
ici une exacte énumération ; on ſe contentera feulement
d'en indiquer les principales , & de prefcrire
la maniere de s'en fervir utilement.
Elle appaife , lorsqu'on la fait chauffer & qu'on
l'applique fur la partie , les douleurs de Goute &
de Sciatique.
Si l'on en fait couler quelques goutes dans les
oreilles , elle guérit la furdité caufée par quelque
humeur froide.
Elle eft fouveraine pour les maladies contagieufes
, & c'est un des plus excellens préſervatifs
contre la pefte .
Elle guérir les fiévres quartes & quotidiennes :
il n'y a pour cela qu'à en mettre dans du vin ou
dans du bouillon une dole proportionnée au fexe ,
à l'âge & au tempéramment du malade , & réïterer
la prife pendant quelques jours .
Elle guérit encore la colique , quelquefois
par la ſeule application , fort fouvent lorsqu'on la
fait entrer dans un cliftere , prefque toujours
quand on en avale une certaine quantité , une
cuillerée, par exemple , mêlée avec une pareille
„quantité d'huile d'amandes douces.
Elle tue les vers , mêlée avec le jus d'une
orange ou d'un citron .
Elle eft fpécifique pour les encloueures des
chevaux.
On l'employe utilement pour la brûlure , les
playes & les douleurs de nouvelles accouchées .
Si l'on en frotte les gencives , elle appaife fur
le champ la douleur des dents.
Elle fortifie l'eftomach , & emporte les crudités
& les rapports caufés par de mauvaites digef
tions. C'eſt un grand remede contre la diffenterie.
Enfin elle eft fouveraine pour tout ce qu'on
appelle contufion , foulure , diſlocation , &c.
38
Até de conferver à la poftérité le détail des pro
cédés des Artiſtes ,
La Ville de Boulogne à M. le Comte de Treffan ,
Lieutenant Général des Armées du Roi , & cidevant
Commandant du Boulonnois , Ode par
M. Chabaut , de l'Oratoire ,
4.0
45
A M. de la P ... par M. de Voltaïre , en lui eirvoyant
un Exemplaire de Sémiramis ,
A Mile Lionnois , danfant dans l'Opéra de Zoroaftre
, fous l'habit de la Haine , Air , ibid.
Defcription d'une Pendule à équation , inventée
par le Sieur Vincent ,
Thirfidis querela ,
45
53
57
Ad Romanos bellum civile meditantes , Paraphrafts
Horatii Odes : Quo , quò fcelefti ruitis , &c.
Difcours prononcé par M. Brallet , à fa maifon de
campagne , à l'occafion des Piéces de Théatre ,
qui y ont été repréfentées pendant l'Automne, 57
A Mad, la Marquife de **. L'Art & la Nature , 61
A Mad . P ** ibid.
Verfion de l'Epigramme de Boileau : Ton Oncle ,
dis - tu , l'aflaflin , &c. 1 62
Vers pour mettre fur la porte de l'Hôpital de
· la Trinité , 638
ibid.
Lettre à l'illuftre Philarete ,
Vers préfentés au Roi , pendant fon féjour à Fontainebleau,
un jour que Sa Majefté chaſſoit , 76
Allégorie à Mlle L .....fur la peur qu'elle eut à
une chaffe de M. le Duc & de Mad, la Ducheffe
78
de **
Epithalame
,fur le mariage
de M. R.... & de Mlle M.... par M. Pafcal , Capitaine
au Régiment
de Piémont
,
80
A M. Autreau , de l'Académie Royale de Peintu-
.re, & qui peint MII ....Quatrain ,
Réponse aux Obfervations de M. Walter , Auteur
81
du voyage autour du monde , du Lord Anfon ,
fur quelques longitudes des Côtes de l'Améri
que Méridionale , affignées par M. Frezier dans
fa Relation du Voyage de la mer du Sud ,
A M. Remond de Sainte Albine ,
82.
93
Le Frelon , Eable Allégorique à M. D. L. R. L. 94
Ode de M. L. fur la mort de fon Epoufe y5
Lettre de M. Pinard , Docteur en Médecine , Aggregé
au Collége des Médecins de Rouen , &
Membre de l'Académie des Sciences , Arts &
Belles Lettres de la même Ville , à M. A. Docteur
en Médecine , fur une affection hystérique
finguliere ,
Epitaphium
102
113
Mémoire fur les Barres magnétiques , & les aimans
artificiels , inventés par M. Gowin Knight,
Docteur en Médecine , & Membre de la Société
Royale de Londres ,
Poëme fur la vengeance , pa. M, Bafton de Ker-
· bel ,
115
132
Séance publique , tenue le 12 Novembre 1749 ,
par l'Académie Royale des Sciences ,
--
136
Mots de l'Enigme & des Logogryphes du fecond
volume du Mercure de Décembre ,
Enigme & Logogryphes ,
Nouvelles Litteraires , des Beaux- Arts , &e.
Eftampe nouvelle ,
148
149
153
188
Differtation de M. Mertrud, Chirurgien Ordinaire
du Roi , Juré à S. Côme , de l'Académie Roya .
le de Chirurgie , & Démonftrateur en Anatomie
& Chirurgie au Jardin du Roi , au fujet de
P'Hermaphrodite repréſentée dans ladite Eſtampe
,
Le Paffant & la Tourterelle , Air tendre ,
Spectacles ,
1899
124
ibid.
France , Nouvelles de la Cour , de Paris ,&c. 195
Naiffance , Mariage & Morts ,
198
Enumération des Maladies les plus ordinaires à
chaque tempérament , avec des refléxions fur
les moyens d'entrer dans l'efprit de la Médeci
ne pratique par M. Fraiffe , Docteur en Médecine
de la Faculté de Montpellier , 203
Lettre du même à M. Brouzet , Docteur de la même
Faculté , & Médecin des Hôpitaux du Roià
Fontainebleau , écrite de Béziers le 30 Novem
bre 1749,
Arrêts notables ,
Avis fur la Fontaine de Gabian ,
210
112
214
Autre fur l'Elixir de M. le Général de la Mothe
,
La Chanfon notée doit regarder la page
De l'Imprimerie de J. BULLOT.
216
194
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI.
FEVRIER. 1750.
LIGITU
SPARCAM
Chez
Papillon
A PARIS ,
средиац
ANDRE' CAILLEAU, rue Saint
Jacques , à S. André.
La Veuve PISSOT, Quai de Conty,
à la defcente du Pont- Neuf,
JEAN DE NULLY , au Palais,
JACQUES BARROIS , Quai
des Auguftins , à la ville de Nevers.
M. D C C. L.
Avec Approbation & Privilege du Roi.
A VIS.
L'AM. DE CLEVESD'ARNICOURT,
'ADRESSE générale duMercure eft
rue des Mauvais Garçons , fauxbourg Saint
Germain , à l'Hôtel de Mâcon. Nous prions
très - inftamment ceux qui nous adrefferent.
des Paquets par la Pofte , d'en affranchir le
Port , pour nous épargner le déplaifir de les
rebuter, & à eux , celui de ne pas voir paroître
leurs Ouvrages.
Les Libraires des Provinces ou des Pays
Etrangers , qui fouhaiteront avoir le Mercure
de France de la premiere main , &plus promptement,
n'auront qu'à écrire à l'adreſſe ci-deffus
indiquée ; on fe conformera très - exactement à
leurs intentions.
Ainfi il faudra mettrefur les adreffes à M.
de Cleves d'Arnicourt , Commis au Mercure
de France , rue des Mauvais Garçons , pour
remettre à M. Remond de Sainte Albine.
PRIX XXX. SOLST
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI.
ન
FEVRIER.
1750 .
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe .
SEANCE PUBLIQUE
De l'Académie de Montauban.
'Académie des Belles- Lettres de
Montauban célébra , felon fa
coûtume , le 25 Août , la Fête
de Saint Louis. Elle aflifta le
matin à une Meffe , qui fut fuivie de
-l'Exaudiat pour le Roi , & du Panégyrique
du Saint , prononcé par Dom Gallias ,
Benedictin. L'Après midi elle tint fon
affemblée publique dans la falle de l'Hôtelde-
Ville , & M. d'Aumont , Procureur
A ij
4 MERCURE DE FRANCE.
Général de la Cour des Aides , Directeur
de l'Académie , ouvrit la Séance par un
Difcours où il prouva qu'il n'eft point de
meilleur Magiftrat que l'Homme de Lettres.
Ses preuves porterent en général fur les
fecours que fourniffent les Lettres pour
remplir dignement les diverfes fonctions
de la Magiftrature. » Le vulgaire s'imagine
» que l'étude eft incompatible avec les
grands emplois ; qu'elle prend trop fur
» un tems deſtiné aux foins de la Répu-
» blique , & il ne s'apperçoit pas , dit
M. d'Aumont , que c'eft précisément dans
le fein de l'étude que l'homme public
puife les lumieres , la force , la jufteffe du
raiſonnement , & le talent de la parole
dont il a fi fouvent befoin. » Rien de plus
» beau que de le voir affis fur un Tribunal,
» contre lequel vont fe brifer les paffions
» & les préventions des hommes ; d'où
partent des oracles qui terminent les
» differends , & rendent à chacun ce qui
» lui appartient . Mais les ténébres font
» autour de ce Tribunal ; il eft environné
» des trahifons & du menfonge ; les Loix
»faites pour les écarter , ne font fou-
» vent que les favorifer : ou l'on en déguife
l'efprit , ou l'on en fait de fauffes
applications , &c. Envain on feroit né
» avec de l'efprit & une probité naturelle ;
"
"
FEVRIER.
1750.
» fans le fecours des Lettres , on ne diftin-
» guera point les fauffes lueurs d'avec les
» véritables clartés ... Celui qui eft maî-
>> tre en l'Art de la parole , en connoît
» tous les détours ; la fauffeté des principes
» ou des conféquences ne lui échappe
»pas.... Auffi l'oppreffion & l'artifice
craignent de le voir parmi les Juges.
» Combien de fois n'a- t'il pas ramené
dans la bonne voie une Compagnie en-
» tiere ... La juftice & l'équité trou-
» vent en lui un défenfeur éclairé , qui
» foutient leur caufe avec cette force &
>> cette modération , feules capables de
"
perfuader. Son opinion ne porte aucun
» des caractéres de la prévention ni de l'a-
» mour- propre. La facilité avec laquelle
il la quitte pour une meilleure qu'on
lui propofe , prouve qu'il eft exemt de
» ces foibleffes... Lorsqu'il prononce fes
jugemens ; malgré la barbarie des termes
» dont il eft forcé de faire ufage , la clarté
» de fa diction ôte toutes les reffources de
» la chicane.
"
Quels nouveaux objets fe préfentent au
Magiftrat , ajouta M. d'Aumont ? » La
"foif del'or , l'ambition & la vengeance
» marchent fur la terre , précédées du fer
» du poifon & de la mort... Le vengeur
des Loix va paroître , & les coupables
ร
A iij
6 MERCURE DE FRANCE.
» tomberont bientôt fous le glaive de la
» Juftice. Mais pour s'affairer ici le fuccès
& pour éviter toutes les fautes , il eft nécefaire
que ce Magiftrat fçache allier la
promptitude dans l'exécution , » ſi néceſ,
» faire aux grands maux , avec la lenteur
» que demande la recherche de la vérité ;
diftinguer la nature des crimes & les
" motifs qui les ont fait commettre ; dé-
» voiler ces affreux myftéres que le crimi-
»
"9
nel , & fouvent les témoins , ont tant
» d'intérêt de cacher ; employer à propos
» la douceur ou la févérité. Pour remplir
ces devoirs quelle variété de connoiffances
ne faut- il pas au Magiftrat ? » Peut- il
»fe flatter de les trouver dans fon propre
fonds ? M. d'Aumont obferva que la
préfomption eft le partage des efprits
» médiocres... Elle ne confulte point ,
» elle entreprend hardiment , elle exécute
» avec violence. L'orgueil qui la fuit , eft
» avide d'éloges , de diftinctions , de ref-
" pects , capable d'envie & de jaloufie....
22
Malheur aux Juges qui ne cherchent
" pas à s'en garantir par l'étude des Belles-
" Lettres ! Elles leur donneroient des con-
»feils que perfonne n'ofera leur donner...
A mefure qu'ils acquereroient des
→ connoiffances , ils s'appercevroient com-
» bien il leur en manque ; par les erreurs
FEVRIER. 7 1750.
où ils ont été , ils jugeroient de celles
» où ils peuvent tomber encore , & ils re-
» connoîtroient la néceffité de douter &
» de confulter. Les Lettres feroient en
eux ce qu'elles font tous les jours fur les
» Nations entieres ; elles font équitables ,
» à proportion feulement qu'elles culti
» vent les Beaux Arts... Un Magiftrat
formé par les Belles Lettres , eft non ſeu-
>> lement inacceffible à la préfomption , il
eft encore , felon M. d'Aumont , » au-
» deffus de cette baſſe jaloufie qui cherche
» à diminuer l'éclat des talens; de ces puif-
» fantes follicitations qu'on n'employe
» que pour flatter la vanité ; de ces éloges
" outrés , de ces applaudiffemens déplacés
qui prouvent la baffeffe de celui qui les
» donne & fon peu d'eftime pour celui
qui les reçoit ; de ces diftinctions nou-
» velles & fingulieres que la fervitude
prodigue pour le corrompre , & de cet
efprit d'envie & de parti , dont les fuites.
» font fi funeftes à la Justice.... C'est
ce qui le rend capable d'oppofer aux
obftacles qu'il trouve quelquefois fur fes
pas »cette mâle fermeté qui ne craint
" ni le blâme , ni les difgraces , ni les dan-
"gers... Muni de cette faine Philofophie
» qui eft inconnue à la multitude , & qui
caractérifa toujours les grands Hom-
99
03
>
A iiij
8 MERCURE DEFRANCE.
» mes... il voit fans émotion ces qualités
» fouvent transformées en vices odieux
»
و د
ן כ
"
ود
par la malignité du public... Il connoît
» affez les hommes pour avoir prévu ce
qu'il éprouve de leur part. Il fçait que
c'eft encourir leur difgrace que d'ofer
>> mettre un frein à leurs paffions : mais
» dans les fources où il a puifé ces connoif-
» fances , il a appris que la vertu , lorſqu'il
s'agit de la justice , facrifie pour elle jufqu'à
fa propre réputation , & que plus
» elle lui fait de facrifices , plus elle rem-
" porte de victoires... Les exemples vinrent
ici à l'appui des maximes , & notre
Hiftoire fournit à M. d'Aumont de quoi
prouver , » qu'on doit , qu'on peut per-
» dre fes biens , fon rang , fa vie , plutôt
» que d'être infidéle à l'Etat & à fon Roi.
Mais il fit remarquer en même tems , que
ces preuves font tirées de la conduite de
ces Magiftrats célébres qui furent dans
» leur fiécle le foutien , & comme les- Pro-
» tecteurs de la Littérature... Un autre
portrait bien frappé dans le Difcours dont
on rend compte , c'eft celui du Magiſtrat
que les circonftances engagent à porter
aux pieds du Trône les voeux & les befoins
des peuples. L'Auteur y montra fenfiblement
, que dans ces occafions également
importantes & délicates , il eft réFEVRIER.
1750 . 9
fervé aux Belles-Lettres de fournir à la
vérité , au refpect , au courage & à l'obéiſfance
, les expreffions les plus nobles , les
plus vives & les plus touchantes .
Pour fuivre le Magiftrat dans toutes les
fonctions , M. d'Aumont le confidéra encore
» dans ces places , où le pouvoir d'or-
» donner eft joint à celui d'exécuter , &
»ou particulierement chargé du foin de
» Provinces entieres , il décide fouvent
» lui feul de la fortune & du bonheur de
» leurs Habitans . Il remarqua que les Ro-
>>mains confierent les premiers emplois
» de la République , le gouvernement des
>> Provinces , aux Scipions & aux Cice-
"rons ; que l'Ecole Gauloife du Palais de
Tréves fourniffoit les Officiers de l'Em-
>>pire & ceux du Confeil de l'Empereur.
Politique admirable , qui foutenoit les
» talens par les dignités , & les dignités par
» les talens ! Sans cet heureux affemblage,
» comment remplir les devoirs qu'elles
» impofent & éviter les écueils qu'elles
multiplient ? Les uns font fi près des au-
» tres , qu'il eft aifé de s'y méprendre. La
fuppreffion des abus , l'avancement des
» Arts , le maintien de l'autorité , le bien
public lui même , tout a fes bornes ; le
plus grand mal qu'on puiffe faire , c'eft
» de les paffer. Il y a fans doute encore
»
23
A v
ΤΟ MERCURE
DE
FRANCE
.
"
ן כ
»
des abus dans les fociétés les mieux réglées.
C'eft un projet digne d'éloge que
de vouloit les corriger... Mais avant que
» de couper , avant d'arracher. ce qui fub-
»fifte depuis fi long- tems par un confentement
général & unanime , que de cho
»ſes à confidérer . ... L'homme en place
a tous les moyens de procurer l'avancement
des Arts... Malgré les recherches
» éclairées des anciens , il refte encore des
» découvertes à faire , & à retrouver cel
» les que les révolutions & les tems nous
» ont enlevées . Il eft beau de réaffir à l'un
» ou à l'autre , & de donner à un Pays le
» travail & l'abondance . Cette ambition
» fi noble peut cependant nous cacher de
grands vices. Nous croyons la fuivre ,
& nous ne fuivons qu'un vain amour
» de la nouveauté.... Si la connoiffance
de la faine antiquité n'empêche pas le
Magiftrat qu'elle a inftruit , d'effayer.de
» trouver mieux qu'elle , on le voit du
» moins , après qu'il a cherché vainement ,
>avouer fon erreur & revenir fur fes pas
fans crainte de fe compromettre . Une
» telle crainte ne faifit pas les génies du
premier ordre... Enfin M. d'Aumont ,
après avoir indiqué plufieurs autres reffources
que le Magiftrat ne manque pas de
trouver dans l'étude pour l'exercice de
...FE VRIER. 1750. II
Les fonctions , conclut par une derniere
preuve bien fenfible , en difant , » que les
Richelieu , les Seguier , les Dagueffeau,
» Protecteurs des Sçavans , converfant
» tous les jours avec eux , veillant fur la
» Littérature , ainfi que fur l'Etat , mon-
» treront à tous les âges l'utilité des Let-
» tres pour le Gouvernement des peuples.
M, de Bernoi lut enfuite une Ode dans
laquellee il chante les travaux , la paix &
l'innocence de la campagne. Voici quelques
ftrophesdecette Ode :
» C'est dans ce calme heureux , c'eſt dans la
folitude ,
Qu'affranchi déformais de toute inquiétude ,
" Le fage vit pour lui.
Les tyranniques droits des préjugés , des modes,
» A la faine raiſon décences incommodes ,
N'y verfent point l'ennui.
·
» Mais que vois-je ? Au travail tout s'emprefe
avec joye.
» Les uns vont arracher la parafite ivroye
»Des préfens de Cerès ;
D'autres , pouffant le foc, fur la fertile plaine ,
Rouvrent à pas tardifs pour la moiffon prochaine
» L'écorce des
guerets.
A vj
12 MERCURE DE FRANCE.
ל כ
Quand au déclin du jour une époufe atten
tive
Dreffe un repas frugal des plantes que cultive
» L'époux tendre & chéri ,
" Leurs jeunes rejettons par un fecours.utile
Soignent , en fe jouant , le précieux reptile
» Du feul mûrier nourri.
Cette lecture fut fuivie de celle d'un
Difcours de M. de Savignac, Préfident du
Préfidial. Il fit voir que l'étude des Belles-
Lettres demande beaucoup de fageffe & de
fermeté de la part de ceux qui s'y attachent
par rapport aux travaux , aux facrifices
& aux contradictions qui en font
inféparables . » Le travail de l'efprit eft ,
dit - il , » un des plus pénibles auquel
l'homme puiffe être affujetti. Il lui ravit
» non feulement la liberté , mais il épuife
» fes forces , & fes fens font moins acca-
» blés de l'exercice violent du corps , que
fon efprit ne l'eft de cette néceffité habi-
» tuelle où il fe trouve de penfer , de prò-
» duire , & de varier fans ceffe fes opéra
» tions. M. de Savignac , après avoir
couru les divers genres de travail aufquels
eft obligé de fe dévouer quiconque s'engage
dans la carrière des Lettres , continua
ainfi » Dans cette fituation accaparFEVRIER
. 1750 . 13
39
30
39
33
blante , l'homme deviendroit, n'en dou-
» tons point , la victime de fa foibleffe ,
» s'il ne fe faifoit un devoir de fe roidir
» contre une étude ingrate qui l'épuife
>> fans le fatisfaire ; s'il n'oppofoit à ces
,, mouvemens intérieurs de défiance & de
» timidité, qui l'agitent à la vûe des écueils
aufquels il eft expofé, une mâle vigueur
» qui empêche l'efprit de tomber dans le
découragement , une vigilance qui le
garantit des langueurs fi contraires à ces
» progrès , un courage noble & conftant ,
qui le foutient dans les recherches ....
» Hommes nés dans ces conditions où l'on
» vous entend quelquefois murmurer con-
> tre la Providence, à la vue des peines aufquelles
vous êtes foumis ; qui regardez
» d'un oeil jaloux les autres états,&particu-
» liérement celui de l'homme de Lettres :
→ ceffez d'envier fes jours comme plus for-
» tunés que les vôtres. Vous vivez , il eſt
vrai , courbés fous le poids d'un travail
» que la néceffité vous rend plus rigoureux
; mais il ne vous ravit du moins ni
» la liberté de l'efprit , ni la tranquillité
» du coeur .. Les momens mêmes où
» l'Artiste redouble des efforts qui femblent
devoir l'accabler , font ceux où on
» le voit raconter avec le plus de fatisfaction
à fes enfans chéris les differens
30
骂
39
14 MERCURE DE FRANCE.
progrès de fon Art , les inftruire de fa
" nobleffe & de fon utilité ; & jamais le
Laboureur ne paroît chanter fes amours
» avec plus de complaifance & de goût
» que dans ces inftans où il eft le plus occupé
du foin de recueillir les fruits d'une
» abondante moiffon.
""
"
"
M. de Savignac ne laiffa
pas d'avouer
que les honneurs réſervés à l'homme de
Lettres font auffi Aatteurs que folides , &
qu'ils ont par là de quoi le dédommager de
fes travaux & de fes facrifices; mais il ajoûta
que ces mêmes honneurs l'expofent d'ordinaire
aux fureurs de l'envie ou de la jaloufie
; qu'il a d'ailleurs à lutter fans celle
contre les caprices injuftes du Public , ou
» contre le mauvais goût qui s'élevant
» quelquefois dans la Littérature , comme
une vapeur maligne , en corrompt l'air
» le plus pur , y répand les plus épaiffes
» ténébres. Malheur à l'Ecrivain qui pa-
» roît fur la Scéne dans ce tems de preftige
» où l'on voit fuccéder à l'amour du fimple
, du naturel , l'amour du fleuri , du
merveilleux ; où pour plaire , il faut
» moins s'attacher à perfuader l'efprit
» qu'à le flatter , où le ſtyle , l'élocution ,
» ne font plus qu'un compofé bizarre de
» figures hardies, de métaphores outrées ;
» où enfin pour furprendre & pour être
"
»
FEVRIER. 1750. 15
و ر
applaudi , il faut compofe ou parler
» d'une maniere à n'être pas entendu ....
»Heureufe la République des Lettres ,
fr tous ceux qui s'engagent dans les
» differentes routes ouvertes au génie , ne
s'y expofoient qquu''aapprrèèss en avoir prévu
» tous les inconvéniens , & s'être armés
» de la fermeté néceffaire pour les vaincre!
"Les chûtes y feroient moins fréquentes,
» les triomphes plus glorieux aux vain-
» queurs , & plus utiles aux progrès des
»
talens.
M. Le Frane , Premier Préfident de la
Cour des Aides , toujours occupé des travaux
hiftoriques de l'Académie , qui ont
pour objet la Ville de Montauban , & les pays
dont cette Ville, toute moderne qu'elle eft , devient
en quelquefaçon la Capitale , lut des
conjectures fur le tems où une partie du
pays , appellé aujourd'hui le Rouergue , fut
nnie & incorporée à la Province Narbonnoife.
Un paffage des Commentaires de
Céfar a occafionné les recherches dont
nous allons rendre compte . » Céfar parle
» de l'invafion que Luterius , homme puif
» fant & accrédité, natif de la Ville ou du
» territoire de Cahors , fe difpofoit à faire
» dans la Province Romaine , du côté de
Narbonne , & continuant la narration , il
» ajoûte , Qua re nunciatâ , Cafar omnibus
16 MERCURE DE FRANCE
confiliis antevertendum exiftimavit, ut Nar
bonem proficifceretur ; eò cum veniffet, timentes
confirmat , prafidia in Ruthenis Provin
cialibus, Volcis Arecomicis , Tolofatibus,cir_
cùmque Narbonem , quæ loca erant hoftibus
finitima, conftituit. *
20
"
»
Quels font ces Ruthenes Provinciaux,
demanda M. le Franc ? » Faifoient- ils ori-
» ginairement partie de la Narbonnoiſe ,
& par qui furent- ils affujettis aux Ro-
» mains Les Auteurs de la précieuſe col-
» lection des Hiftoriens des Gaules paroif-
»fent croire avec Dom Vaiffette , à qui
nous devons l'excellente Hiftoire du
Languedoc , que les Ruthenes Provin-
» ciaux étoient ceux de ce pays, que Céfar
» avoit incorporés à la Province Romaine,
» après les avoir vaincus ,
& que
les- peuples
du même canton , qui s'étoient fou-
» mis de bonne grace à ce Conquérant ,
» avoient été maintenus par lui dans leur
»ancienne liberté , & en jouiffoient fous
» le nom d'Eleutheres ou libres . Mais
ajoûta M. le Franc,& il le démontra par les
Commentaires de Céfar , » les Ruthenes
» quoique défaits par Fabius , ne furent
» point alors unis à la Province Romaine,
ni par conféquent foumis au droit Provincial
; & quand Céfar arriva dans les
Gaules , quelques diftricts des Ruthenes
* De Bell. Gall. num. 7.
"
FE VRIER.
17 1750.
étoient déja enclavés dans le gouvernement
de la Narbonnoife . Ici M. le Premier
Préfident fit un précis des Commentaires
de Céfar , jufqu'à l'endroit où ce grand
homme nomme les Ruthenes Provinciaux.
» C'eft du fond des chofes mêmes , dit
» M. le Franc , que l'on doit tirer les opi-
" nions . Toute autre maniere de traiter
» un point critique , eft fujette à de gran-
»des erreurs. On fe perd dans les citations ,
» & l'on ne prouve rien. Il remarqua donc
que les premiers exploits militaires de
Céfar dans les Gaules , farent contre les
Sniffes ; qu'il défit enfuite Ariovifte ; que
dans cette premiere campagne où il termina
deux guerres importantes , il n'eut
à fe défier ni à fe plaindre d'aucune Nation
Gauloiſe ; qu'au contraire , après les
victoires remportées fur les Suiffes , prefque
toutes les Nations Gauloifes l'en féliciterent
par Députés ; que lorfque les Belges
qui faifoient , fuivant Céfar , la troifiéme
partie des Gaules , confpirerent
contre les Romains , aucun des peuples
compris entre la Garonne , le Rhône & la
Loire ,ne fe déclarerent encore contr'eux ;
que P. Craffus, envoyé pour empêcher que
les Aquitains ne donnaffent du fecours
aux autres Gaulois, raffembla les meilleurs
foldats de Toulouſe , de Carcaſſonne & de
18 MERCURE DE FRANCE:
Narbonne , & marcha contre les Sociates
qu'il força à fe rendre & qu'il défarma ;
que fes troupes victorieufes s'avancerent
vers le Bazadois & le Turfan ; que les
Aquitains, faifis de terreur , fe rendirent
pour la plupart aux Romains , & que tout
ce qui eft depuis le Bazadois jufqu'aux
Pyrénées , entre la Garonne & l'Océan
obéit au vainqueur ; que dans la guerre
avec les Germains , Céfar n'eut rien à démêler
avec les Gaulois ; qu'il joua au contraire
, en politique Romain , le rolle de
Protecteur , s'oppoſant fans relâche aux
invafions des Etrangers , ou à leurs projets
d'établiffement dans les Gaules ; qu'après
fa feconde expédition en Angleterre ,
les intrigues d'Ambiorix & de Cativulfe ,
excités eux-mêmes par Indutiomarus de
Tréves , obligerent Célar de tourner fes
armes contre plufieurs Nations des Gaules ;
mais que ce Général , en parlant de tou
tes les Provinces des Cantons , où il fut
contraint de faire la guerre par lui ou par
fes Lieutenans , n'oublia pas même ceux de
Tongres, quoiqu'ils fuffent affez peu dignes
de fon attention , s'il faut s'en rapporter à
ce qu'il dit de leur Ville. » Auroit-il paffé
fous filence , obferva judicieuſement M.
» le Franc , ceux des Ruthenes qu'il avoit
affujettis par la force au droit ProvinFEVRIER.
19 1750.
» cial : Ces peuples s'étoient affez fignalés
» dans les anciennes guerres . contre les
» Romains, pour mériter qu'on les nommât
parmi tant d'autres moins confidé-
" rables & moins célébres qu'eux . Je crois
» même qu'ajouter de nouveaux terri-
» toires à la Narbonnoife , & étendre
» par là le gouvernement de cette Pro-
» vince , étoit un des événemens dont
Céfar n'eût pas manqué de rendre.
» compte.
»
»
» La fermentation qui étoit dans la partie
Septentrionale des Gaules , dans la
❤ Gaule ultérieure, obligea Céfar de faire
» de grandes levées, & de redemander à
Pompée les foldats ue celui - ci avoit
rappellés de la Gaule Cizalpine. Il calma
» néanmoins pour quelque pour quelque tems les Nantions
qui étoient prêtes à l'attaquer, ceux
» de Sens & du pays Chartrain ; & libre
» de ce côté- là , il tourna fes armes contre
» Ambiorix & les peuples de Tréves . Bien-
" tôt après il convoqua à Rheims une Af-
» femblée générale de la Nation Gauloiſe.
On y fit des informations contre les
» Chartrains & les Sénonois . ... Rien en-
» core ne nous rapproche des Ruthenes.
» Ils n'agiffoient jamais que de concert
avec les Auvergnats , & ces derniers ,
» Nation formidable aux Romains , s'é20
MERCURE DE FRANCE:
#
» toient tenus tranquilles durant les fept
» premieres campagnes de Céfar. Le mo-
» ment critique arriva . Prefque toutes les
» Provinces s'unirent contre les Romains ,
» & coururent aux armes.Cette guerre fur
" entrepriſe & conduite de la part des en-
» nemis par Vercingetorix , jeune Seigneur
» Auvergnat, dont le pere avoit gouverné
toute la Gaule ...Vercingetorix s'attacha
» d'abord les Sénonois , les Parifiens , les Poi-
» tevins , les Cadurques , les Limousins , &
» tous les peuples voifins de l'Océan. Luterius
engagea lesRuthenes à fe joindre aux
Auvergnats. C'eft la premiere fois que
" les Ruthenes entrent en action dans les
» Commentaires de Céfar. Il les avoit
» nommés dans le premier livre , en rap-
» pellant les victoires de Q. Fabius Maxi-
» mus. Luterius, ayant auffi gagné les peu-
» ples de l'Agénois & du Gevaudan , fit
tous fes efforts pour pénétrer dans la
» Province Romaine, du côté de Narbonne.
Céfar , pour le prévenir , établit des
» garnifons dans les places voifines , furtout
dans la partie du Rouergue , qui
» étoit déja réduite en Province.
ל כ
» Il faut donc diftinguer les Ruthenes
» libres & faiſant corps avec le reste des
" Gaulois , & les Ruthenes Provinciaux
incorporés à la Narbonnoife ; les preFEVRIER.
1750 . 21
?
» miers , ennemis des Romains & unis
» avec toutes les Gaules pour la délivrance
de la Patrie ; les feconds , fujets de la
inclination République , fidéles par ou
و د
"
"
par crainte, Céfar ne les nomme que
quand il faut combattre les uns , & met-
» tre les autres à l'abri d'une invafion.
» Ceux - ci fe trouvent tout d'un coup
>> Provinciaux , fans qu'on fçache ni com-
» ment , ni pourquoi ..... Les Commen-
» taires de Céfar fur la guerre des Gaules
» font écrits avec tant d'ordre , d'exacti-
» tude & de détail , qu'on n'y peut rien.
» ſouſentendre ni fuppofer. Tout y eft
» éclairci. L'Auteur parle d'une infinité de
>> cantons & de villes dont les noms font
» aujourd'hui inconnus. Il rend compte
» des moindres actions , de l'envoi de fes
35
›
» troupes dans differens
quartiers
, des plus
" petits combats
des détachemens
de
» fimples
Tribuns
, en un mot , de toutes
» les opérations
faites fous fes yeux ou par
» fes ordres , de quelque
nature qu'elles
» foient. L'acquifition
d'un nouveau
do-
» maine , furtout
dans les Gaules , n'étoit
point indifferente
aux Romains
. Céfar
» s'en feroit fait honneur
dans la réparti-
» tion des quartiers. Après la guerre de
Vercingetorix
, il a grand foin de dire
qu'il envoya
C. Caninius
Rebilus
avec
"
»
22 MERCURE DE FRANCE.
' גכ
» une légion entiere chez les Ruthenes ;
» ce qu'on ne peut entendre que des Eleu-
» theres , les autres ayant déja des garnifons
en qualité de fujets de la Répu
blique. Plus on lit , plus on examine les
» mémoires de Céfar , & plus on demeure
convaincu que les Ruthenes Provinciaux
étoient annexés au gouvernement de la
« Narbonnoife , quand il en prit poffef-
» Go?..
"
M. le Franc ajoûta à ces raifons le témoignage
de MM . deValois & de Longuerue,
qui dans des textes bien précis diftinguent
deux fortes de Ruthenes , les uns
dépendans de la Gaule Narbonnoiſe , &
appellés Ruthenes Provinciaux , les autres
dépendans de la Celtique , & peu de tems
après réunis par Augufte à l'Aquitaine ;
& il démontra que ces deux Auteurs
ont cru que la féparation des Ruthenes en
libres & Provinciaux exiftoit avant l'arrivée
de Céfar dans les Gaules.
Cet article une fois convenu , M. le
Premier Préſident effaya de découvrir en
quel tems a dû fe faire la réunion des Ruthenes
Provinciaux à la Narbonnoife . Il
pofa pour cela deux points fixes; d'un côté,
la victoire que Fabius, Conful , remporta
le S. du mois , appellé Sextilis , l'an de
Rome 632 ou 633 , fur une armée d'Au-
44
FEVRIER. 1750. 23
vergnats & de Ruthenes , commandée par
Bituit ; de l'autre , l'arrivée de Céfar dans
les Gaules , au commencement d'Avril de
l'année 694. fous le Confulat de Piſon &
de Gabinius. Fabius n'impofa aucune loi
aux vaincus , & les laiffa parfaitement
libres & indépendans, Il y avoit cependant
des Ruthenes Provinciaux , quand Céfar
arriva dans les Gaules. » C'est donc dans
» l'intervalle de foixante - trois ans , entre
les deux époques que nous avons diſtinguées
, » qu'il faut chercher l'événement
» qui a été la caufe indirecte & préciſe de
» la réduction d'une partie du pays des
» Ruthenes.
ود
Pour déterminer & placer avec certitude
fur nos Cartes modernes le territoire des
Ruthenes Provinciaux , M. le Franc donna
une defcription abrégée de laNarbonnoife,
& il préfenta nettement les anciennes limites
du Languedoc , en faisant un extrait
des Auteurs qui ont traité cette matiere
; mais il y joignit des obfervations
qu'il faut lire dans fon ouvrage. Il attribua,
par exemple , à la Gaule Narbonnoife
contre l'opinion de Dom Vaiffette , le
Diocèfe de Caftres & la partie de celui
d'Alby qui eft à la gauche du Tarn ; & il
répondit folidement avec Catel aux objections
qu'on pourroit faire fur ce point.
24 MERCUREDEFRANCE
.
"
39
Il conclut de là que le Tarn , au moins depuis
Milhau , fervoit dans tout fon cours
de limites à la Narbonnoife ; que la droite
du Tarn étoit la demeure des Ruthenes
Eleutheres ; & que les Provinciaux étoient
placés en deçà du Tarn & à fa gauche , de
forte qu'il faut de ce côté- là reculer juſqu'à
cette riviere les bornes de la Province
Romaine. Au furplus , ajoûta cet Acadé-
"3»
» micten , le territoire des Ruthenes Pro-
» vinciaux devoit s'étendre au long , depuis
Plaifance jufqu'à Saint Jean de
» Bruel , en tirant une ligne droite par
Vabres , Ville Epifcopale & moderne.
Pour répondre à une objection tirée de
Strabon , qui dit que le Rouergue & le
Gevaudan touchent la Narbonnoife , il
rapporta & il concilia deux textes de Pline,
dont l'un place les Ruthenes dans la Nar-
"bonnoife , & l'autre les en fait limitrophes
; c'eft que les Ruthenes Eleutheres
appartenoient à l'Aquitaine & confinoient
au Languedoc : Narbonnenfi Provincia contermini
; & que les Ruthenes Provinciaux
étoient dans la Narbonnoife . Cette diftinction
fit difparoître la difficulté . Au
refte il ne faudroit pas s'étonner, quand il
y auroit ici quelque contradiction dans les
Anciens. » Ils étoient peu exacts , parçe
qu'ils n'avoient pas les moyens de l'être.
» Ils
FEVRIER . 25 1750.
Ils manquoient de ces fecours immenfes,
» de ces livres multipliés à l'infini , qui
" nous inftruiſent de tout , & nous ren
» dent tous les jours plus ignorans.
"3
و د
Enfin M. le Franc propofa fes conjectures
fur le tems , où le pays des anciens
RuthenesProvinciaux fut uni & incorporé
à la Province Romaine. » Les Romains ,
dit-il , ne firent pas tout d'un coup
la conquête entiere de la Narbonnoife ..
" Les abrégés des Livres de Tite - Live ,
» nous en indiquent la gradation . Les
principales circonftances en font épar-
>> fes dans un grand nombre d'Hiftoriens
, d'Abbréviateurs & de Compila
» teurs. C'eft de ces differens matériaux,
» habilement raffemblés que Freinshe-
» mius a compofé fon fupplément de Tite-
» Live. Je puiſerai dans les mêmes fources
pour établir mes conjectures ; je n'af-
" pire en ceci qu'à la vraisemblance ; la
» certitude n'eft pas du reffort de cette
partie de ma difſertation .
»
29
,
Les Saliens , peuples de Provence ,
» furent vaincus l'an 630 de Rome par
» le Proconful C. Sextius , fondateur de
« la Ville d'Aix . Leur Roi Teutomale,
» chaffé de fes Etats , fe retira chez les
Allobroges. Ceux- ci attirerent dans leur
» parti les Auvergnats, Nation puiffante ,
99
B
26 MERCURE DE FRANCE.
7
و د
» & qui ne fut jamais parfaitement fou-
» mife aux Romains .... Les Auvergnats
» étoient plus intéreffés que d'autres à fe
liguer avec les Allobroges . Les Saliens,
» Nation voifine de ces derniers , étoient
» vrai - ſemblablement dépendans ou feudataires
des Auvergnats , lefquels , fui-
« vant Strabon , avoient étendu leur domination
juſqu'à Narbonne , & delà
» jufqu'au territoire de Marfeille . Ils
" avoient auffi fubjugué les Nations qui
font depuis les Pyrénées jufqu'à l'O-
-» céan & au Rhin .
» Les Romains avoient encore un autre
» grief contre les Allobroges. Ce peuple
avoit ravagé le pays des Eduens , amis
» & alliés de la République , & s'étoit
» peut-être uni pour cette expédition aux
» Auvergnats & aux Ruthenes , car ceux-ci
-❞ ne fe féparerent jamais des Auvergnats,
» foit qu'ils fuffent leurs confédérés , ou
» fimplement leurs fujets . Il falloit même
» que les Ruthenes euffent beaucoup de
» confidération parmi les Gaulois , puif·
que ce font les feuls que Céfar nomme
» avec les Auvergnats , en parlant de la
» victoire remportée fur eux par Q. Fa
» bius Maximus , quoiqu'on ne puiffe pas
» douter queces formidables Auvergnats,
» à qui Strabon attribue une efpéce de
FEVRIER. 1750. 27
Souveraineté fur les Gaules , n'euffent
» dans leur armée d'autres peuples que les
>> Ruthenes.
Le premier combat, qui fe donna , fut
» entre Domitius & les Allobroges , fou-
» tenus des troupes d'Auvergne , qui n'é-
« toient qu'auxiliaires. Les Eléphans fu-
» rent aufi utiles aux Romains dans cette
» action , qu'ils leur avoient été funeftes
» dans l'armée de Pyrrhus. La vûe de ces
» animaux , que les Légions avoient pris
>> autrefois
pour des monftres , & qui
» combattoient alors avec elles , répandit
» tant d'épouvante & de confufion parmi
» les efcadrons & les bataillons des ennemis
, qu'ils le débanderent & pricent
» de toutes parts la fuite. On en tua vingt
» mille , & l'on fit trois mille priſon-
» niers.
ן כ
" Cependant le commandement des
» Gaules venoit d'écheoir à Q. Fabius Ma-
» ximus , petit- fils de Paul - Emile. Ce
» Conful fe rendit dans la Province, &
» s'avança avec les troupes vers l'Ifere ,
» affez près du Rhône. Le Roi Bituit ve
» noit à la rencontre à la tête de l'armée
» combinée des Allobroges , des Auver-
» gnats , & des Ruthenes. Ils ne purent
» réfifter à l'impétuofité des Romains , qui
>> les mirent en déroute , & en firent un
4
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
2
" maffacre horrible. Quelques Hiftoriens
» font monter le nombre des tués ou des
noyés à cent cinquante mille. Tite-
Live affûre qu'il y eut cent vingt mille
» Gaulois de tués. Pline raconte que le
gain de cette bataille guérit Fabius de
» la fievre quarte. De nos jours , remar-
» qua ingénieufement M. le Franc , une
» victoire plus importante a commencé la -
guérifon d'un plus grand homme que
>> Fabius .
ور
"
ود
..
"
"" On peut dater de cette époque le
,, premier établiſſement fixe des Romains
dans les Gaules. Il paroît prefque certain
qu'ils s'aggrandirent alors aux dépens
,, des Allobroges & des Auvergnats; qu'ils
,, fe rendirent maîtres du pays des
pre-
,, miers , c'eſt - à - dire , du Dauphiné &
d'une partie de la Savoye , & que les
,, autres leur céderent au moins les côtes
maritimes du Languedoc jufqu'à Narbonne.
Ces victoires & ces conquêtes
valurent à Fabius & à Domitius les hon-
,, neurs du triomphe , mais n'affujettirent
», point au Vainqueur les Auvergnats , ni
,, les Ruthenes. Céfar nous apprend que
Fabius laiffa aux vainqueurs leur pays ,
,, leurs , loix , & leur liberté . ... Les Saliens
qui avoient caufé la guerre des
Allobroges & des Auvergnats , n'obéif-
و د
"
""
و د
و د
و د
FEVRIER . 1750 . 29
""
و د
و ر
ود
"
foient qu'impatiemment aux Romains.
Ils n'attendoient pour fe déclarer , que
des circonstances qui le permiffent . La
,, mort de Caton , Préteur de la Narbonnoiſe
, furvint à L'Italie étoit
propos.
devenue le théatre d'une guerre domeftique
; fes anciens peuples , regrettant
,, leur premiere liberté , vouloient enfin
fe fouftraire à la tyrannie des Romains .
,, Le moment étoit favorable pour lesGau-
,, lois , mais c'étoit le fiécle des profpérités
de Rome. Ces injuftes Républicains
triomphoient des plus grands obſtacles ,
,,,& la fortune combattoit par tout pour
» eux .
"3
""
و و
""
"
رو que ,,Ceneferapointtrophazarder
de faire marcher les Auvergnats au fe-
», cours des Saliens dans cette feconde
» guerre. Croiroit - on qu'un peuple ren-
,, fermé entre le Rhône , les Alpes & la
mer , environné des armes Romaines ,
eût ofé fe déclarer feul , & fans la jonction
d'Alliés ou de Protecteurs puiffans ?
Et ces Protecteurs , ces Alliés n'étoientils
fans doute ces redoutables Aupas
», vergnats, qui les avoient déja affiftés de
,, toutes leurs forces , & qui étoient toujours
chefs de parti ,ou auxiliaires contre
les Romains ?
""
"
"
""
" Suppofer les Auvergnats , c'eft fup-
B iij
30 MERCURE DEFRANCE .
""
""
, pofer auffi les Ruthenes. Je préfume
donc que les uns & les autres ſe joignirent
de nouveau , dans l'efpérance de
,, venger enſemble leurs malheurs com-
,, muns , & de furprendre la Narbonnoife,
qui venoit de perdre fon Gouverneur.
"
ور
,,
و د
و و
""
""
C. Céciliùs arriva dans la Gaule
Tranfalpine , & prit le commandement
», des troupes . Ce Général étouffa cette
guerre naiffante , & défit les Saliens.
Tite-Live nous le dit en peu de mots
dans le Sommaire du 73 ° Livre : C. C&-
cilius in Gallia Tranfalpinâ Salvios rebellantes
vicit, Le judicieux Freinshemius
paroît avoir penfé comme moi fur l'im-
», portance de cet événement. Il a eru que
plufieurs Nations Gauloifes avoient pris
les armes en même tems que les Saliens
: Ex quibus , pracipuè Transalpina
Gallia , tum alia Nationes , tum à multis
,, antea ducibus victi triumphatique Salluvii,
fuêre. Dès qu'il s'agit des Saliens , ces
,, autres Nations , alie Nationes ,
pouvoient être que les Ruthenes &
,, les Auvergnats , premiers défenfeurs de
,, ces mêmes Saliens .
""
""
""
""
""
"
""
ne
Freinshemius penche à croire
que ce
,, C. Cécilius étoit fils de C. Cécilius
furnommé Caprarius , l'un des quatre
fils de Metellus Macédonicus . Il fonde
""
""
FEVRIER. 31 1750.
",, fa conjecture fur cette Infcription dédiée
», par les Négocians Italiens.
و د
"
""
ر و
C. Cecilio C. F. Metello Imperatori.
„ Je ſuis d'un avis tout different , & je ne
doute pas que notre C. Cécilius ne fût
le propre fils de Metellus Macedonicus .
Il parvint au Confulat , l'an de Rome
" 649. C'étoit un grand Général ; Fulvius
Urfinus & Patin dans leurs familles Ro-
,, maines rapportent ce fragment d'Infcription
, où on lui donne le titre d'Impe-
""
""
>> rator.
""
,, C. Cacilius Q., F.
Metellus Imp. "
opi-
Quelques Auteurs , entr'autres Si-
" gonius dans fes Commentaires fur les
» Faftes , & Antonio Agostini dans les trente
» familles ajoûtées à celles de Fulvius
» Urfinus , veulent qu'il ait été Cenfeur
» avec Q. Metellus Numidicus , l'an de
» Rome 661 , ce qui favoriferoit mon
» nion . Car s'il étoit encore dans les
" grandes charges , peu de tems avant le
foulevement des Saliens , occafionné
" par la mort inattendue du Gouverneur
» de la Narbonnoife , n'eft-il pas naturel
de lui attribuer la conduite de cette
» guerre importante , plutôt qu'à ce fils
"
B iiij
32 MERCURE DE FRANCE.
"
"
prétendu , dont il n'eft parlé que dans
» une Infcription qui a peut-être été mal
» lûte par Glandorpius ? Parmi les Médail-
» les de la famille Cæcilia , Fulvius Urh-
» nus donne à Caïus Cécilius celle qui
repréfente d'un côté une tête cafquée
» avec le mot Roma pour légende , & de
» l'autre , un char de triomphe traîné par
deux éléphans , une victoire en l'air qui
» couronne le Triomphateur, & ces mots
dans l'Exergue : C. Metellus. Cette Médaille
fait allufion aux honneurs du
» Triomphe décernés à C. Cécilius ,
» née même de fon Confular.
"
"
l'an-
» Dion * parle d'une autre guerre entre
» C. Pomptinius , Gouverneur de la Nar-
» bonnoife , & les Allobroges. Ce Géné-
» ral Romain & fes Lieutenans ne la ter-
» minerent qu'après bien des combats &
» des pertes réciproques . Mais comme elle
» fut foutenue par les feuls Allobroges ,
» & que l'Hiftorien Grec , qui n'en omet
» aucune particularité , quoique fa narra-
» tion foit très - courte , ne dit rien que
» l'on puiffe appliquer directement ni indirectement
aux Auvergnats & aux Ruthenes
leurs Alliés : je n'ai pas cru pou-
» voir trouver dans cet événement l'épo
» que vraisemblable de la réunion du haut
* Liv. 37.
FEVRIER.
1750. 33
""
"9
niere
Rouergue à la Province Romaine , & je
,, m'en tiens à mes conjectures fur la derguerre
des Saliens. Ici Dion s'explique
, & ne laiffe rien à deviner . Plus
s, haut, le texte de Tite - Live ſemble exiger
» que , faute de détails plus étendus , on
ajoûte un peu à la lettre , & c'eſt de la
combinaiſon des circonstances , de l'aſi,
ſociation ordinaire de certains peuples ,
,, de leurs caractéres , de leurs intérêts ,
», que je tire les preuves qui appuyent mon
,, fentiment , fans que je prétende pour
,, cela l'ériger en vérité hiftorique.
"
"y
"
و و
Je penfe feulement qu'on eft fondé à
croire que
les Ruthenes, ayant déja combattu
pour les Saliens , ne les abandonne-
,,rent point dans leur derniere entrepriſe;
qu'ils faifirent cette occafion d'écarter
,, les Romains de leur pays , & que c'en
,,fut une pour ceux - ci d'affervir une partie
des Ruthenes , dont le territoire formoit
,, en - deçà du Tarn un arrondiffement
» néceffaire pour la Narbonnoife , qui acquéroit
de ce côté-là une riviere pour
"
ر و
,, rempart.
Il n'eft pas poffible de préſenter dans
un extrait toutes les notes fçavantes & curieufes
qui enrichiffent l'ouvrage de M. le
Franc .
Comme M. l'Abbé des Fontaines a pré-
B v
34 MERCURE DE FRANCE.
و ز
و د
""
و د
و ز
""
que
tendu * la timidité de notre Langue eft
une des caufes de notre difette par rapport à
Pepopée , M. l'Abbé Bellet eſſaya de juſtifier
fur ce point la Langue Françoife , en
prouvant qu'elle n'est ni trop stérile , ni trop
foible pour la compofition d'un Poëme Epique.
,, M. L. D. dit M. L. B. a fi dignement
foutenu la gloire de la Langue
,, Françoife dans fes élégantes traductions ,
,, & il l'a même vengée avec tant d'éclat
dans fes Feuilles Périodiques , que c'est
visiblement par une forte de diftraction
qu'une telle accufation lui eft échappée.
La Langue Françoife , prétend-on , eft
médiocrement riche. On auroit dû nous
apprendre en quoi l'on fait confifter cet-
,, te médiocrité de richeffes qu'on lui re-
,, proche. Eft-ce dans le petit nombre des
,, mots qui la compofent ? Mais n'en a-t'elle
,, point affez pour exprimer, pour peindre
toutes nos penfées ? Qu'y a- t'il dans le
Ciel & fur la terre , qu'elle ne foit en état
de décrire ou de nous expliquer ? ... Lui
,, reprocheroit-on précisément de n'avoir
,, pas toujours plufieurs expreffions pour
rendre une feule penfée , pour défigner
chaque être en particulier ? Mais cette
prétendue difette nous épargne plutôc
», une fatigue & un embarras , qu'elle ne
* Difcoursfur les Géorg.
33
و د
"
"
FEVRIER. 1750. 35
"
"
Y
", ·
nous prive d'un fecours réel . L'efpece
d'abondance , qui lui eft oppofée , eft la :
fource éternelle de ces termes impropres
& de ce pléonafme infipide & rebutant ,
" qui font le fupplice d'un Lecteur , ami,
,, de la jufteffe & de la précifion. Il ſemble
5, que pour reconnoître que notre Langue
,, ne manque point du néceffaire , on voudroit
qu'elle eût du fuperflu . On ne ſe ,
,, fouvient point que de judicieux Grammairiens
font très éloignés de croire.
,, qu'un Idiôme gagne toujours à multiplier
fes locutions. Après le fiécle d'Augufte , la
,, Langue Latine s'appauvrit , en paroiffant
,, s'enrichir dans ce genre .... Après tout ,
,, continua M. L. B. pourquoi ne nous
,, contenterions- nous pas , pour tous les
,, genres d'écrire , de cette ample provi-
" fion de termes que l'ufage nous fournit ?
Dans la Grammaire des Langues , pour
,, former une infinité de mots,on fe conten-
,, te bien d'un très - petit nombre de lettres.
,, Eft- ce que la differente combinaiſon des
,, uns ne peut pas être auffi féconde que
la differente combinaiſon des autres?
,, Celle- là doit autant varier les fens , que
,, celle- ci varie les expreflions. C'eft ce
qui a fait dire qu'à parler exactement ,
,, nous n'avons point de véritables fynoni
* Quintil.
"?
و د
*
B vj
36 MERCURE DE FRANCE
mes. Chaque terme , fuivant la place
,, qu'il occupe , felon le rapport qu'il a
,, avec ce qui fuit ou qui précede , nous
,, apporte une idée , qui lui eft tellement
,, propre , qu'un nouvel arrangement fuf-
,, fit pour la détruire .... C'eſt ainſi que
dans la Peinture on diverſifie à l'in-
,, fini les nuances de quelques couleurs
,, principales , &c.
"
"
"7
"
,, On nous répliqueroit en vain , ajoûta
,, notre Académicien, qu'à plufieurs égards
la Langue Françoife n'a point autant de
, mots que la Langue Grecque ou que la
Langue Latine , & qu'en ce lens , au
moins , il faut convenir de la médiocrité
de fes richeffes. Toutes les Langues peu-
,, vent s'oppofer mutuellement la même
exception . Il n'en eft aucune qu'on ne
trouve , pour ainfi - dire , en défaut dans
quelque genre ou dans quelque circonf-
,, tance particuliere . Malgré la difette
qu'on nous reproche , nous ne laiffons
pas d'avoir quelquefois en ceci fur les
,, unes ou fur les autres des avantages.confidérables...
Le different goût des Peu-
,, ples décide néceffairement de la multitu-
,, de des expreffions qu'ils ont pour peindre
les objets qu'ils chériffent. L'afage ne
fçauroit les ramener fans ceffe fous leurs
leurs yeux , fans varier prefque à chaque
**
FEVRIER.
1750. 37
*
>>inftant l'impreffion qu'ils en reçoivent ,
» & fans les forcer par conféquent de mul
tiplier les termes qui doivent rendre
» leurs fentimens & leurs idées . Mais de
fimples comparaifons ne juftifieront ja-
» mais une accufation abfolue . Serions-
>> nous en droit d'avancer que Ciceron a
» crû que la Langue Grecque étoit pauvre,
>> parce qu'il foutient qu'elle eft moins
» riche que la Langue Latine ? Il faudroit
» donc conclure que toutes les Langues
» font réduites à une extrême pauvreté , à
» vouloir en juger par la prodigieufe abon
» dance de celle des Arabes. On dit ** qu'el-
» le a mille noms pour exprimer une épées
» qu'elle en fournit quatre- vinge pour fi
gnifier un Lion , & trente pour repréfenter
un Chameau dans fes differens
» états. On ajoûte que les Chinois n'ont
» au contraire que trois cens ving fix mots,
» encore chaque mot n'eft- il que d'une fyl-
» labe , mais il eft fufceptible de divers
fens par les tons divers qu'on lui donne
dans la prononciation , de forte que pour
» écrire , cette Nation a befoin de quatrevingt
mille caractéres. Nous prétendons
25 prouver par Ja que la richelle ou la pauvreté
des Langues eft beaucoup plus in-
* Cie. 1. De finib . n. 10.
"
35
* Le Pere Lamy.
39 MERCURE DE FRANCE.
"
»
dépendante du nombre des termes , que,
du parti qu'elles en fçavent tirer . On
» doit décharger du reproche honteux
d'indigence toutes celles qui ont de quoi
» faire face à tous les befoins , quoiqu'a
vec plus ou moins de faſte & de prodigalité
, &c .
"
M. L. B. s'objecta qu'on prétend que notre
Langue manque fouvent de tours élégans
pour fubftituer aux expreffions fimples
un langage détourné , & il répondit qu'on » a
» tort de lui attribuer un défaut qu'elle ne
>> contracte que fous des plumes vulgaires ;
" que la Langue fe reffent toujours du gé-
» nie de ceux qui la parlent ; qu'elle paroit
» ingtate , rébelle , ftérile , quand elle eft
» mife en oeuvre par des Ecrivains égale-
» ment incapables de penfer & de fentir
>> avec délicateffe ; qu'en ouvrant , fi l'on
» veut , au hazard ceux de nos Auteurs que
la fupériorité des talens a diftingués , on
" fera furpris des reffources infinies qu'elle
» leur fournit pour embellir les fujets qu'
ils traitent que rien n'eft plus commun
chez eux que l'art ineftimable de fubftituer
au fens propre le fens figuré ; qu'ils
s'en fervent pour répandre des fleurs &
» des graces fur les matiéres les plus féches
» & les plus abftraites , pour tranfporter
» dans des ouvrages philofophiques pref
2
FEVRIER. 1750. 39
»
19 que toutes les beautés des Ouvrages de
pur agrément , pour adoucir par l'éle-
" gance du ftyle jufqu'aux épines de l'AIgébre
& de la Géométrie , & c .
Pour juftifier notre Langue de la prétendue
foibleffe dont M. L. D. a cru pouvoir
l'accufer , M. L. B. cita divers endroits
de cet Auteur, qui avoue tantôt que
la Langue Françoiſe eſt dévenuë * ſi harmonieufe
, fi délicate , fi expreffive , qu'elle pourroi
prefque être mise en parallele avec les bel
les Langues de l'antiquité : tantôt que la vi
vacité de la fiction, la magnificence des figu
res , la hardieffe des inverfions , la beauté &
la variété des images , & c . peuventfe trouver
dans une Traduction enprofe : tantôt qu'une
Traduction peut conferver à fon original
tous fes traits , toutes fes couleurs & tout fon
prix & qu'elle a de quoi remplacer
quand il le faut, par des beautés équivalentes,
celles qu'on ne peut retenir également dans les
deux Langues : tantôt enfin , que la Langue
Françoife ** peut en quelque forte atteindre à
la grandeur à la majesté de la Langue Romaine
, en égaler la douceur & l'énergies
que la belle antiquité n'a rien qu'elle ne puiffe
rendre heureusement. » Mais dit M. L. B.
fifa force & fon élégance font incon-
* Dif. fur la Trad. des Poët.
** Pref. de la Trad, de Virg.
› "
40 MERCURE DE FRANCE.
"
»
» teftables , lorfqu'elle travaille fur le
» fond d'autrui , pourquoi fera -t-elle foible
& indigente , forfqu'elle voudra tout
tirer de fon propre fond ? Eft- ce que la
» verfification , deſtinée à augmenter fon
» harmonie , fera capable de l'énerver ?
" Eft-ce qu'elle a befoin d'un génie étran-
" ger pour s'élever jufqu'au fublime de la
» Pochet ... Notre Académicien compara
enfuite quelques Traductions de
nos Profateurs & de nos Poëtes , & après
avoir fait fentir qu'il y a d'ordinaire plus
de force & plus d'harmonie dans les Traductions
en vers , il ajoûta : » Et dans un
» genre fupérieur , qui a mieux rendu que
" nos Poëtes le fublime & le pathétique
» de nos Livres Saints ? On croit entendre
» la Harpe de David fous les doigts de
» l'immortel Rouffeau. Le feu des divins
Cantiques eft prefque tout entier dans fes
»Odes Sacrées . Nous pourrions citer des
» Auteurs vivans , dont les vers nous mettent
fous les yeux toute la majeſté de la
» Religion & toute l'élevation des Ecrivains
infpirés , mais c'en eft affez pour
» la gloire de la Poëfie Françoife. Elle eft
» évidemment capable de tout, puifqu'elle
» a pû fe charger de l'enthoufiafme même
des Prophétes.
M. L. B. après avoir effayé de fatisfaire
1
FEVRIER. 1750. 41
à quelques autres objections , s'arrêta à
celle- ci : Nous avons , dit- on , une foule de
termes quifont bannis du ſtyle noble,&que
Poefie rebute. Cependant un Poëme épique
exige des détails où il faudroit employer des
mots vulgaires , &c.
la
» Mais a-t- on droit d'alleguer , comme
» une marque de ftérilité & d'ingratitude
" dans notre Langue, ce qui n'annonce vé-
>> ritablement que l'ancien goût de la Na-
» tion ? Les Francs , dont nous fommes def-
» cendus , ne s'occupoient que de la chaffe
» dans les pays couverts de bois, qui furent
»leur premiere habitation . En s'établiffant
, les armes à la main , dans de meil-
» leures terres , ils fe déchargerent tou
» jours fur leurs efclaves du foin de les
cultiver. De là le renversement des idées
»primitives ; l'Agriculture qui avoit été.
> en honneur chez les Peuples les plus polis
, parce qu'elle y étoit exercée par les
perfonnes les plus diftinguées , s'avilit
» de plus en plus aux yeux de nos Peres ,
» à mesure qu'elle devint parmi eux l'uni-
» que partage des fujets de l'Etat les plus
méprifés. Et c'eft ainfi que les Arts mé-
» chaniques , & les détails qui en dépen-
» dent , ont contracté dans notre efprit la
baffeffe des ames viles & mercénaires ,
aufquelles nous les avons abandonnés,
42 MERCURE DE FRANCE.
nes ,
ع ی ش
C'est donc à nos moeurs , plutôt qu'à no
tre Langue , qu'il faut attribuer les im-
» preffions peu agréables que fait fur nous
la peinture trop naïve de certains ob-
» jets...... Les ouvrages , fortis de quelques-
unes de nos plumes élégantes , furent
cités ici pour démontrer que la Langue
Françoife ne laiffe pas d'avoir une infinité
de tours variés d'expreffions figurées ,
pour dire avec grace les chofes les plus commupour
tracer des préceptes fans dégout
fansfechereffe . Dans le Telemaque de M.
de Fénélon on ne voit que » préceptes ,
que maximes , que defcriptions , qu'images
des differens Arts , & furtout des
» travaux de l'Agriculture. Nous fçavons
auffi , ajouta M. L. B. qu'un
» des illuftres Affociés de l'Académie a
déja heureuſement tenté d'élever cet ou
vrage ingénieux à la dignité de Poëme
» en Vers François , fans introduire dans
la Profe Poëtique de M. de Cambray
» d'autres changemens que les inverfions
qui doivent amener , felon les régles , la
mefure & la rime ...... Enfin M. L. B.
obferva que M. L. D. convient que pour
les objets fpirituels ou relevés , nous avons affez
de manieres de les exprimer noblement ; que
nous pouvons produire d'excellens Poëmes fur
M. le Président de Claris.
55
*
FEVRIER . 1750. 43
"
ن م
la Mufique , fur la Peinture ,fur la Naviga
tion ,fur l'Art de la Guerre , & que les tra
vaux de la Campagne ou de pareilsfujets font
les feuls qui font véritablement incapables
de fervir de matiere à un bon Poëme François....
» C'étoit bien la peine , conclut
" M. L. B. d'intenter à grands frais contre
» notre Langue une accufation générale ,
qui fembloit nous interdire toute forte
» de Poëme Epique , pour ſe borner enfin
à un cas particulier , qui fe compenfe
» vraisemblablement dans toutes les, Lan-
" gues. Pour forcer même notre Critique
» dans ce dernier retranchement , il ne
» faut que la Traduction des Géorgiques
en Vers François , qu'un de vous ,
» Meffieurs , nous prépare , & à laquelle
le Public eft impatient d'applaudir. II
» réfulte du moins de tout ce que nous
avons dit jufqu'ici , que M. L. D. en
renouvellant contre notre Langue un
» ancien reproche , s'eft fouvent contredit
» lui- même , & qu'à force d'extenuer le
» premier fa propofition pour la défendre,
» il s'eft réduit à un pofte qui paroit peu
» conſidérable , mais dans lequel il ne
» laiffe. pas d'avoir encore de la peine à fe
"
"
» foutenir. & c.
*
M. de la Mothe , Doyen de la Cour des
* M. le Franc,
44 MERCURE DE FRANCE.
Aydes , lut un ouvrage mêlé de proſe &
de vers. Selon fon ufage , il donna aux
Dames des leçons auffi utiles qu'agréables.
La Séance fuivante fut terminée par la
lecture du Programme fuivant.
M. l'Evêque de Montauban, ayant deſtiné
la fomme de deux cens cinquante livres,
pour donner un prix de pareille valeur à
celui qui , au jugement de l'Académie des
Belles Lettres de cette ville , fe trouvera
avoir fait le meilleur difcours fur un fujet
rélatif à quelque point de Morale tiré des
Livres Saints , l'Academie diftribuera ce
prix le 25. Août prochain , fète de Saint
Louis , Roi de France.
Le fujet de ce difcours fera
1750.
>>
1
pour l'année
" Il y auroit plus d'amitié parmi les
hommes , s'il y avoit plus de vertu.
Conformément à ces paroles de l'Ecriture ,
Qui timet Deum , aquè habebit amicitiam bonam.
Ecccle. vI . 17.
Les difcours ne feront tout au plus que
de demie heure de lecture , & finiront toujours
par une courte priere à Jefus - Chrift.
On n'en recevra aucun, qui n'ait une approbation
fignée de deux Docteurs en Théologie.
L'Académie ayant réfervé le prix de
l'année 1749 , elle le deftine à une Ode cu
FEVRIER. 1750. 45
dun Poëme dont le fujet fera pour l'année
1730 .
» La deftruction des monumens publics
"par les Barbares.
Les Auteurs ne mettront point leur nom
à leurs ouvrages , mais feulement une marque
ou paraphe , avec un paffage de l'Ecriture
Sainte , ou d'un Pere de l'Eglife ,
qu'on écrira auffi fur le Regiftre du Sécretaire
de l'Académie.
Toutes fortes de perfonnes , de quelque
qualité qu'elles foient , feront reçues à
prétendre au Prix , hors les membres de
l'Académie, qui en doivent être les Juges.
Les Auteurs feront remettre leurs ouvrages
dans tout le mois de Mai prochain ,
entre les mains de M. de Bernoy , Sécretaire
perpétuel de l'Académie , en fa maifon
rue Montmurat , ou en fon abſence à
M. l'Abbé Bellet , en fa maifon ruë Cour
de Toulouſe.
Le Prix ne fera délivré à aucun , qu'il ne
fe nomme , & qu'il ne fe préfente en per
fonne , ou par Procureur , pour le recevoir
, & pour figner le diſcours .
Les Auteurs font priés d'adreffer à M.
le Sécretaire trois copies bien lifibles de
leurs ouvrages , & d'affranchir les paquets
qui feront envoyés par la Pofte. Sans ces
deux conditions , les ouvrages ne feront
point admis au concours.
46 MERCURE DE FRANCE.
洗洗洗洗:洗洗洗洗:洗洗洗洗:洗洗洗
EN
EPITRE
A M. R. ***.
N vain ta voix enchantereffe
S'oppoferoit à mes projets ;
Des rives du facré Permefle ,
Et de la poetique yvreffe
Je méprife tous les attraits ,
Et l'on ne me verra jamais ,
Jouet d'une fotte foibleſſe ,
Rompre le ferment que j'en fais.
Le filence de la pareffe
Fait tout l'objet de mes fouhaits.
Unique amateur déformais
D'une délicate fageffe ,
Sans aller chercher à grands frais.
Des biens d'une nouvelle efpece ;
Toujours fimple dans fes apprêts,
La Nature fera mon maître ,
Et fans prétendre à la connoître ;
Je veux jouir de fes bienfaits.
De la fublime Poëfie
Je redoute trop les efforts .
Pourquoi fe priver de la vie ,
FEVRIER .
1750, 47
Pour vivre quand nous ferons morts
Pour être nommé du vulgaire ,
Perdrois-je ma tranquillité ?
Perdrois-je pour une chimere ,
Une douce réalité?
Pour un plaifir imaginaire ,
Céderois-je ma liberté ?
Non ; que la gloire foit brillante
Aux yeux qu'elle peur éblouir ,
Tout fon éclat n'a rien qui tente
L'efprit fage qui fçait jouir.
C'eft cette divine ſcience
Qui va déformais n'occuper
D'un faux bien frivole apparence ,
Vous ne pourrez plus me tromper.
Dégagé des folles chimeres ,
Qui tourmentent les fots mortels ;
Méprifant des loix étrangeres ,
Qui pour adoucir leurs miferes ,
Ont rendu leurs maux plus cruels ;
Mon livre fera la nature ,
Ma feule étude , le bonheur ;
Mon foin, d'éviter l'impofture ,
L'ennui , le trouble , la douleur,
Par une fage économie ,
Maître fenfé de mes déſirs ,
en releverai les plaifirs ,
48 MERCURE DE FRANCE.
Dont je veux adoucir ma vie ,
Et libre à jamais des liens
De toute orgueilleuſe chimere ,
Mon efprit , riant du vulgaire ,
N'ira point chercher de faux biens ,
Ni de malheur imaginaire.
Geneve. M.
L
REFLEXIONS.
'Homme d'efprit donne des préceptes
; le fage donne des exemples.
Il eſt rare de fe corriger , fur tout des
petits défauts.
Je crois qu'il y a autant de gens qui reprochent
à la fortune la conftance , qu'il
y en a qui fe plaignent de fon inconftance.
L'ennui femble nous faire peu de mal ,
cependant il eft infupportable ; c'est que
l'ennui nous détache de nous - mêmes , &
les paffions nous y attachent , malgré les
maux qu'elles nous caufent.
K
Je fuis étonné que l'homme fe plaigne
fi fouvent : il eft fi fier , fi orgueilleux !
La gayeté n'eft pas rare , mais les accidens
qui la détruifent font communs.
Je ne fuis pas furpris que l'on ait de
l'orgueil quand on ne pense pas à loi , mais
lorfque
FEVRIER. 1750.
49
lorfque l'on fe regarde , ne difparoît - il ·
pas ?
Il eft plus difficile de couvrir fes défauts
que de les diminuer : cependant bien des
gens ne fongent qu'à les cacher , & ils
montrent de plus l'envie de faire des duppes
qu'ils ne trouvent gueres.
Comment le plaifir de s'inftruire ne feroit-
il pas fort agréable ? Il fatte nos deux
grandes paffions , l'amour propre & lintérêt.
On croit valoir mieux & poffeder
davantage .
La vivacité eft à l'efprit ce que la fanté
eſt au corps . Elle le rend plus propre à
tout , au bien & au mal ; à jouir de la vie
& à en mal ufer.
La folitude rend ou trop difficile pour
la focieté , ou trop peu délicar.
La douceur eft utile à celui qui la poffede
, en ce qu'elle préferve l'ame d'être
troublée , ou la remet bien tôt en paix .
Il femble que ce foit une balance qui tende
toujours à l'équilibre. }
, Quoiqu'on fe plaigne avec raifon du
peu d'empire que nous avons fur nos paffions
, je trouve encore le coeur plus aifé
à gouverner que l'efprit.
Il y a , je crois , bien des gens qui paffent
leur vie , fans avoir rien à fe reprocher
du côté des fentimens ; mais je ne
C
So MERCURE DE FRANCE.
penfe pas qu'il y ait perfonne au monde
qui ne foit fouvent mécontent de
fon efprit. La raifon en eft qu'on n'a pas
inceffamment occafion de faire ufage de
fes fentimens , & l'ufage que l'on fait de
fon efprit , eft continuel.
J'ai défiré plus fouvent de fçavoir ce qui
fe paffe dans la tête d'un ftupide , que de
fçavoir ce qui occupe celle des gens fameax
par leur efprit & leur capacité.
Notre amour propre eft une barriere qui
arrête le jugement que nous portons de
nous- mêmes : les autres hommes ont auffi
cette barriere , derriere laquelle ils nous
jugent. Ce font deux obftacles qui s'oppofent
également à la rencontre de l'opinion
que les autres ont de nous , & de l'opinion
que nous en avons nous- mêmes. Notre
valeur , appréciée au jufte , fe trouvé peutêtre
précisément au milieu entre ces deux
barrieres.
Les maux que nous caufe notre imagination
, font quelquefois aigris par la réflexion
; mais après avoir augmenté le mal,
il arrive fouvent qu'elle en devient le
remede.
Les plus grands biens viennent quelquefois
des plus grands maux : il eft certain ,
par exemple , que l'orgueil des hommes a
beaucoup fervi à leurs progrès dans les
fciences.
FEVRIER.. 1750.
25252525252525252525252525252525252525252
O DE
De M. le Séguillon à M. le **** de G ***
Commiffaire d'Artillerie , fur la grace
finguliere qu'il a obtenue de la Cour ex
faveur de l'Auteur.
A ING
Infi ; par les regards d'un Aftre favorable ,
Le timide arbriffeau , qu'un long hyver accable ,
S'affranchit des liens de fa captivité.
D'un jour trop défiré la gracieuſe Aurore
Réchauffe ainfi le fein de la mourante Flore ,
Et lui rend fes plaifirs avec fa liberté.
Le Deftin , ' dans nos maux diſpoſant notre joye ;
Au fein des noirs chagrins que fa main nous envoye
,
Cache le germe heureux d'un bien inesperé.
L'inftant vient'; un rayon
écarte le nuage :
Prête à nous immoler , la Fortune volage
Comble l'affreux tombeau qu'elle avoit préparé.
*XX**
Que l'homme , délivré des atteintes cruelles ,
Sçait connoître le prix de ces douceurs nouvelles
Que lui rend un repos long- tems follicité
Cij
52 MERCURE DE FRANCE.
Qu'alors le fouvenir de l'injufte fortune ,
Loin de lui devenir une image importune ,
Ajoûte un nouveau charme à ſa félicité.
Ce n'eft pas qu'ébloui du rayon qui m'éclaire ,
Je fonde fur l'éclat d'une vapeur légere
Le téméraire eſpoir d'un folide bonheur.
La fortune a fes maux , ainfi que fes délices ,
Et l'unique remede à fes légers caprices ,
C'eſt de ſe préparer aux traits de leur rigueur.
****
Mais pour ne rien ôter au jour qui nous confole,
Renvoyons les foucis & la crainte frivole
Dans le profond cahos de l'obfcur avenir.
Après douze printems noyés dans la triſteſſe ,
Rendons-nous à la joye , & qu'une fage yvreffe
Du plus rare bienfait marque le fouvenir,
Généreux Chevalier , dont la main bienfaifante
Vient puiflamment brifer cette chaîne accablante,
D'un âge trop crédule ouvrage frauduleux ;
G ...mon espoir & mon appui fidelle ,
Que ne puis je aux accords d'une mufe immortelle,
Publier tes bienfaits à nos derniers neveux .
FEVRIER. 1750 . 53
Que n'ai-je l'heureux don de ce Chantre fublime,
'Pour qui les doctes Soeurs , d'une main unanime ,
Applanirent du Mont les fentiers inégaux !
J'irois , nouvel Horace, au gré d'un beau délire ,
Couronner mon Mécéne, & chanter fur la lyre
Les paifibles vertus qui font le vrai Héros .
***
Oui , j'irois à ton nom chez les fçavantes Fées
Dépofer dans leur Temple , au rang de leurs trophées
,
De mes longues douleurs les inftrumens défaits .
Ces fers que je traînois dans un obfcar filence ,
Monumens ennoblis par ma reconnoiffance ,
Sous leurs lambris facrés brilleroient à jamais.
Là les cruels chagrins , les pâles infomnies ,
Les fonges effrayans , les noires calomnies ,
L'horrible défefpoir , des remords entouré ,
Ces ſpectres , de l'Enfer enfans impitoyables ,
Marqués dans mes tableaux fous des traits vẻ-
ritables ,
Annonceroient le bras qui m'en a délivré.
*****
C'eſt en vain que l'envie au teint pâle & livido
Menace d'infecter de fon fouffle homicide
L'encens que l'équité prépare à ta vertu ;
C iij
54 MERCURE DE FRANCE.
Le zéle généreux, qu'un bon Prince accrédite 3.
Trouve dans fes fuccès l'éloge qu'il mérite ,
Et fa plus grande gloire à fe voir combattu ..
XXX
Ce monftre qu'éblouit la lumiere importune ,,
Qui vient du malheureux éclairer la fortune ,
Doit ce tribut d'honneur au trait qui l'a bleffé.
Foible & lâche ennemi des vertus qu'il admire ,
Il aboye en public ; en feeret il foupire
D'un bonheur où fon fort n'eft point intereffé.
***
Le mérite du coeur , qu'un vrai zéle aiguillonne ,.
A droit feul de porter jufqu'aux dégrés du Trône
Les chagrins ignorés qui rongent l'innocent .
Le Dieu, qui d'une main fçait lancer fon tonnerre,
De l'autre difpenfer fes faveurs à la terre,
Ne prodigue jamais les graces qu'il répand
Adulateurs oififs , dont le crédit ftérile ,
En vos avares mains dépôr trop inutile
Jamais ne fut marqué par le bonheur d'autrui
Sçachez, apprécier la gloire légitime.
Un pouvoir redouté n'offre rien de fublime ,
S'il n'eft de malheureux la défenfe & l'appui .
FEVRIER. 1750. 55
Un Héros , tel que ceux dont nous parle l'Hif
toire ,
Chez des Peuples détruits , victimes de fa gloire,
Ne cherche en fes travaux qu'un laurier détefté.
Le Héros véritable & que Titus avoue ,
C'est ce rare mortel , dont l'ame fe dévoue
A nous rendre la vie avec la liberté.
**
•
O liberté chérie ! ô bien inestimable !
Les Dieux nous peuvent-ils en un jour favorable
Accorder un tréfor plus grand , plus digne d'eux ?
Et le foudre à la main , au jour de leur colere ,
Ont-ils contre le crime un fleau plus lévére ,
Que celui qui ravit un bien fi précieux ?
*x*
D'un fi riche bienfait la noblefle fuprême
Peut feufe élever l'homme au deffus de lui-même,
Corriger la nature & l'approcher des Cieux.
Ce rayon réflechi de la vertu divine ,
Communiquant l'éclat de fa haure origine ,
Doit le rendre adorable & l'égaler aux Dieux.
C iiij
36 MERCURE DE FRANCE :
MEMOIRE
Préfenté à M. Rouillé , Secretaire d'Etat de
la Marine , par M. Jahan , natifde Tours
habitant de la Louifiane , pour l'établiffement
des Fers à Soye dans cette Colonie.
Oya
y a lieu d'efpérer de leur production ,
qui peut être l'objet d'un commerce auffi
avantageux à la France qu'à cette Colonie.
N examine dans ce Mémoire ce qu'il
Les obfervations fuivantes fur les avantages
qu'on en pourroit tirer , font des plus
exactes , elles font le fruit d'un Téjour de dix
ans dans ladite Colonie , & elles ont été
conftatées par une culture qui a été faite à la
conceffion des Bagagoulas appartenante à
Mrs.Paris duVernay & de Montmartel, &c.
Ces Meffieurs avoient envoyé en 1721 &
1722 du monde à cet effet . Le peu de foye
qu'on en a eu ,étoit de la meilleure qualité ,
& l'entrepriſe auroit procuré toute fatisfaction
, fi on eût fçu gouverner les vers
par la température de l'air , choifir mieux
leur nourriture , & étudier la manière de
nourriture ,&c étudier de
tirer la foye , & s'il y eût eu un peuple
fuffifant dans ce pays , qui ne faifoit
lors que de naître.
pour
FEVRIER . 1750. 57
ノ
Obfervations.
Il ne s'agit point d'envoyer des gens à
la Louifiane vis-à-vis de cet unique objet .
Les entrepreneurs courroient rifque d'échouer
, & de fe confumer en frais
par
les gages qu'ils donneroient à leurs ouvriers
transférés à cet effet. Quelques modiques
que fuffent ces gages , ils ne pourroient
être de moins que de la fomme de
200 liv. par tête chaque année , & la nourriture
couteroit autant malgré toute économie
, quoique la vie y foit plus douce qu'en
toute autre Colonie de l'Amérique ; ce qui
fait une dépenſe annuelle par chaque perfonne
de la fomme de 400 liv. indépendamment
des frais pour le tranfport. Or on
ne pourroit fe dédommager de ces frais
ce travail qui ne dure au plus que fix femaines
, quelque fructueux qu'il puiffe
être , & qui dans l'année la plus favorable
, ne produira jamais plus de 100 liv .
par perfonne , ainfi qu'il fera démontré au
mémoire particulier du gouvernement des
vers à foye .
par
Avant que d'entrer dans les autres
particularités concernant l'établiffement
dont il s'agit dans ce Mémoire , il convient
de donner une idée générale de la Louifiane
, tant pour le climat que pour fes différentes
productions..
C v
3 MERCURE DE FRANCE .
De là Louisiane..
La Louisiane , découverte par M. de las
Salle , eft une Province du Continent de-
Amérique Septentrionale , habitée par
les François , arrofée par le Mififfipi ( l'un
des plus beaux fleuves de l'univers ) qui
afon embouchure dans le Golphe du Méxique
par les 29 & 30 dégrés de latitude.
Septentrionale. Elle eft fituée entre le-
Royaume du Méxique Efpagnol & la Caroline
, Colonie Angloife , & fon étendue
eft immenfe , qu'on la pourroit juger:
plus grande que toute l'Europe,
Les habitans , quoiqu'en très-petit nombre
, out déja porté leur établiffement à
près de 500 lieues en remontant le fleuve .,.
jufqu'à l'endroit appellé les Illinois. C'eſt
donc depuis fon embouchure jufqu'à cette ·
hauteur parfaitement connue , que des.
deux côtés du fleuve les François pour--
ront former , par la fucceffion des tems ,
des habitations voifines , defquelles ils
auront lieu d'efpérer des productions femblables
à celles que fournit l'Europe , puif
que c'eft le même climat , & qu'il eft autfi :
fain & auffi fertile ; le sele pays
offrant par
l'immenfité de fes prairies & forêts tout
ce que la - vie peut défirer.
Comme on ne fe propofe point ici d'en
FÉVRIER . 1750.
59
faire une entiere defcription , on avertit
ceux qui voudront le mieux connoître ,
d'avoir recours à l'hiftoire de la nouvelle
France en 3 vol. in -4° . par le Pere Charlevoix
, de la Compagnie de Jefus , qui eft
d'autant plus croyable , qu'il a été luimême
fur les lieux : & afin de ne point
quitter de vue notre objet pour l'établiffement
des vers à foye , on fe conrentera de
parler fuccinctement des plantations qui
font aujourd'hui tout le produit des habitations
formées dans cette Colonie , pour
démontrer avec une vérité fenfible que les
habitans peuvent fructifier leur revenu par
la culture des vers à foye , fans qu'elle les
dérange d'aucunes de ces mêmes plantations
ordinaires, aufquelles par une longue
habitude ils font depuis long-tems verfés.
Des Plantations du Tabac & de l'Indigo.
>
On cultive depuis environ trente ans
dans cette Colonie le Tabac & l'Indigo .
Ces deux plantes ont été l'unique objér
auquel les habitans fe font fixés jufqu'à ce
jour. La culture du Tabac & fa fabrique
perfectionnées par les foins de la Compagnie
des Indes , ont été d'abord connues ;
mais l'Indigo , dont la culture & la fabrique
font prefque toutes différentes , a
échoué plufieurs fois , faute de perfonnès-
Cvj
60 MERCURE DE FRANCE.
au fait de l'une & de l'autre . Ce n'eſt
que
depuis qu'il eft venu dans la Colonie des
perfonnes experimentées , c'eft-à- dire depuis
fept à huit ans , que l'on a commencé
à y réuth . Le Tabac & l'Indigo , étant des
plantes extrêmement délicates , font par
conféquent fujets à beaucoup d'accidens
de la part des variations de l'air . Ils font
de plus fujets à l'attaque de certains infecres
, dont on ne peut les garantir qu'avec
de grands foins ; ce qui fait que l'habitant
eft quelquefois expofé , dans de certaines
années fâcheufes à perdre en totalité , ou
du moins en grande partie , un travail.
d'environ huit mois qu'il lui a fallu paffer
vis -a- vis de l'une ou l'autre plante , tant
pour préparer lesterres , que pour foigner,
planter & fabriquer. Par cette raifon , les
habitans de cette Colonie auroient dû fe
prêter à mettre à profit d'autres productions,
qui fe font préfentées depuis longtems
devant leurs yeux , telles que la Cire
verte & les Vers à foye , dont le revend
eft à peu près égal , & dont le travail (e
fait dans d'autres faifons que celui du Tabac
& de l'Indigo.. Ils fe feroient ménagés
par là des reffources , pour fe dédommager
des pertes que tous leurs foins ne peuvent
éviter , & fur lesquelles il faut fe
conformer aux ordres de la Providence
FEVRIER. 1750. 61 .
Be la Cire verte.
La Cire verte , anciennement connue
par les Anglois , vient d'une efpece de
laurier très commun fur les côtes de la
Louifiane , dont la graine eft couverte
d'une gomme cireufe , laquelle , tenue
pendant quinze ou feize heures dans une
chaudiere d'eau bouillante , rend par extraction
ane cire verte qu'on peut faire
blanchir , attendu que cette couleur verte
n'eft chez elle qu'un corps étranger qui fe
diffipe à la rofée. Sa qualité, quoique friable
, pourroit être bonne à faire de fort
belles bougies de table , & l'on a lieu de
préfumer que cette plante , ainfi que fa
graine , a quelques vertus médicinales.
Si les Anglois ont eu l'avantage d'en
faire la découverte fur les côtes de lear
Colonie du même Continent , ils n'ont
point eu celui de connoître les qualités
que trouve dans cette plante le fieur Allexandre
, grand Chimifte & Phyficien , Correfpondant
de l'Académie des Sciences , &
habitant à la Louifiane. Il a communiqué
fes obfervations.à la Cour : ainfi fans s'arrêter
fur ce fujet , on dira feulement , pour .
ce qu'il y a de commun entre la culture:
en queftion & notre objet , que les habitans,
de la Louifiane , pendant les trois
61 MERCURE DE FRANCE.
mois d'hyver , tems auquel tous les tra--
vaux de leurs terres font ceffés , pourront
efpérer environ la fomme de 250 liv. de
revenu net & quitte , par chaque tête de
negres , femmes ou enfans , qu'ils employeront
à ce travail , en donnant même
la cise brute , c'eft- à- dire verte , à raiſon
de 12 à 15 fols , & la blanche à raifon de
18 à 20 fols la livre ; car la récolte en eſt
certaine fuivant le calcul du fieur Allexandre
qui en a fait l'expérience . On don- -
nera copie de fon Mémoire , pour peu·
que le Miniftere defire d'en être plus amplement
inftruit.
Muriers.
Le ver à foye , cet infecte précieux ,-
qui fait la richeffe de quelques Provinces
du Royaume , & encore plus des Pays
Etrangers , d'où nous fommes obligés de
tirer beaucoup de foye , ne fe nourrit que :
de feuilles de mûriers.
La Louifiane , dont le territoire des
deux côtés du fleuve , à commencer depuis
fon embouchure jufqu'au pofte François ,
appellé les Arkanſas , fitué à trois cens
lieues dans les terres par les 34 & 35 dé
grés de latitude feptentrionale , eft remplie
de muriers que la nature y a placés en
telle abondance , qu'on ne craint point
FEVRIER . 03-
1750.
de dire que fi ce n'étoient des arbriffeaux,
ils y formeroient des forêts. Les Botanistes
nous demanderont peut-être quelle efpece.
de muriers ?:
Le murier noir appellé le murier de
Dame , dont le fruit eft gros & noir, quand
il est en maturité , quele vulgaire appelle:
mure ou moge , & les naturaliftes ( Morus:
fructu nigro majori ) ne croit point dans✩
cette Colonie .
On connoît deux efpeces de muriers
appellés blancs. L'un porte un fruit noir
tirant fur le rouge ( Morus fructu nigro minori
foliis lacinatis . ) L'autre produit un
fruit blanc ( Morus fruitu albo minori in-
Sulfo. )
Il est une troifiéme efpece , qu'on appelle
murier fucré , & dont le fruit eft
auffi blanc ( Morus fruitu ex albo purpu-..
rescente arato. ):
De ces trois efpeces de muriers , la plus
commune à la Louifiane eft celle qui
porte un fruit noir tirant fur le rouge , &
dont les feuilles font un peu découpées ..
(foliis lacinatis. ) On le trouve par - tout :
dans les forêts , jufqu'à la hauteur des Arkanfas
, qu'on a déja cité. Les deux autres
efpeces portant un fruit blanc font trèsrares
: cependant on en trouveroit encore
affez , fi l'on en avoit befoin pour faire
64 MERCURE DE FRANCE.
des plantations fur les terres. De ce que
nous venons de dire , il s'enfuit que fi -tôt
qu'on auroit pullulé les oeufs des vers à
foye dans le Pays , ce qui fe peut faire la
la premiere année ; les habitans pourroient
entreprendre d'en élever fans attendre les
plantations qui leur deviendroient par la
fuite plus commodes , & qui en même
tems rendroient leurs habitations plus
agréables , en fuivant l'ordre qu'on indiquera
dans un Mémoire particulier tant
fur ladite plantation, que fur le gouvernement
des vers à foye .
Dans le même Mémoire on préviendra
les objections qui pourroient être faites
fur la différence de ces muriers , eu égard
à la qualité de la foye qu'ils font produire
aux vers. On fçait que le murier qui porte
un fruit blanc , fructu albo , a la feuille
plus délicate ; que le ver l'aime par préférence
, & que cette feuille lui fait rendre
une foye belle , luftrée & très- fine ,
dont la qualité s'appelle , Meffine . Mais
cette nourriture le rend pereillement délicat
, plus fufceptible de maladies , par
conféquent la récolte en eft plus douteufe.
La feuille du murier qui porte un fruit
d'un rouge un peu noir , & qui eft appellé ,
comme il a été dit ci-deffus , minori nigre
foliis lacinatis , eft moins délicate ,.un peu
FEVRIER. 1750. 61
plus épaiffe , & elle fait rendre aux vers
une foye nommée Organfin , auffi belle
& auffi luftrée que celle dont nous avons
parlé , mais d'un brin plus ferme & qui as
du nerf. Cette foye feroit préférée des f
briquans , attendu la difficulté du premier
devidage dans les manufactures de foye.
D'ailleurs , le ver nourri de ce murier eft
plus gros , plus fort ; par conféquent le
gouvernement en eft plus aifé, & la récolte
plus certaine.
Ces différences feront détaillées dans
un Mémoire particulier , à l'article concernant
la maniere de trier la foye.
Pour ce qui regarde le revenu de cette
production moralement fûre , on ne peut
chaque année efpérer d'un travail de cinq à
fix femaines , que tout au plus 100 livres
par chaque perfonne , mais avec cet avantage
que l'habitant pourra y employer tous
les petits efclaves noirs & autres au-deſſus
feulement de huit ans , & qu'il aura befoin
feulement de mettre à la tête deux ou trois
perfonnes raisonnables
faire ramaffer les feuilles
duite de ce travail.
tant pour leur
que pour
la con-
Par là il retirera un bénéfice inattendu
d'un nombre d'enfans qui lui font couteux
fur fon habitation , tant pour la nourriture
& l'entretien , que pour leur traite66
MERCURE DE FRANCE.
ment dans leurs maladies', & qui jufqu'à
l'âge de quinze ans ne lui rendent aucun
fervice .
On fe perfuade que tous les habitans ,
entrant dans l'efprit de l'économie de la
France , puifqu'ils font François , fe priveront
même de leurs domeftiques pendant
ce tems pour augmenter la récolte , &
que les enfans naturels du Pays , piqués
d'émulation les uns par les autres à la vue
d'un certain petit lucre , lorfqu'ils feront
enfeignés , fe prêteront volontiers à la direction
de ce travail , qui a d'autant plusfon
agrément qu'il eft de peu de durée , &
fans aucune fatigue. Ils feront animés à
cela par l'exemple d'un grand nombre
d'habitans de l'Europe , & particuliere .
ment de la France, où plufieurs perfonnes,
même de condition diftinguée , font de
cette occupation un de leurs amuſemens.
Pour l'établiſſement des vers à foye à la
Louifiane.
Quoiqu'on trouve, dans les muriers qui
font dans les forêts de cette Colonie , des
vers à foye , ce qui fe connoît en paffant
fous les arbres , par les brins de foye écha
pés comme des filandres d'araignées dans
les tems chauds , on ne doit pas cependant
afpérer d'en élever de cette façon. L'enFEVRIER.
1750. 67
trepriſe feroit des plus chimériques par les
divers accidens des injures de l'air , & par
l'inconftance des tems , auffi bien que par
différens infectes & oifeaux qui leur feroient
la guerre. Mais cette découverte
que la nature nous prefente , doit exciter.
l'ambition & donner l'efpoir de réuffir
dans un gouvernement domeftique de ces
animaux , puifque le murier qui vient fans
culture dans ce Pays , nous offre fur le
champ leurs alimens , en attendant que
nous ayons fait des plantations plus commodes.
Il fera néanmoins à propos , lorf
qu'on fe fervira des feuilles qu'on cueillera
dans les forêts , d'ufer de certainess
précautions très- effentielles , dont nous
avertirons dans un Mémoire pofterieur.
Pour commencer cet établiffement , il
ne faut pas compter fur les oeufs des papil
lons qu'on pourroit ramaffer dans le Pays
ce qui jetteroit dans une trop longue opé
ration . On peut accélerer l'entreprife , en
portant à la Colonie quelques livres de
ces oeufs qu'on tirera du meilleur endroit.
Il faudra renfermer les oeufs par petite
quantité comme une livre dans des boctes
de marbre , & en faire faire pour le plus
tard le tranfport dans le courant du mois
de Novembre ou dans les premiers jours.
de Décembre , afin qu'ils arrivent à la fin
68 MERCURE DE FRANCE.
de Février fuivant. On les tiendra fur le
vaiffeau dans l'endroit le plus aëré , car fi
ces boëtes étoient mifes dans quelque lieu
renfermé & chaud , comme dans la calle ,
il n'eftpoint douteux qu'ils y périroient.
Arrivés dans le pays , on les feroit
éclore dans le mois de Mars , ou dans les
premiers jours d'Avril , en les expofant
au Soleil , fans être obligé d'ufer d'arti
fice , le bas du pays étant plus chaud que
la France , ce qu'on peut remarquer par
la hauteur qu'on en a donnée , depuis em
bouchure du fleuve jufqu'aux Arkanſas ,
& par les muriers qui y végétent plutôt.
Par conféquent la récolte . fe trouveroit
plus printanniere. Il ne conviendroit pas
de faire d'abord une diftribution générale
de ces oeufs . Tout le petit peuple , qui n'a
aucune connoiffance de ce gouvernement ,
laifferoit périr ce qu'on lui confieroit.
D'ailleurs les perfonnes , chargées de
l'infpection de cette entrepriſe , ne pourroient
pas fe prêter dans des commencemens
à tout le monde. Il feroit donc plus
prudent d'en faire une répartition particuliere
entre les Habitans de la premiere
claffe , à la difpofition des Supérieurs de
cette Colonie , comme
Entre les R. P. Jefuites.
Les Dames Religieufes qui ont un nom
FEVRIER. 1750. 69
bre de filles orphelines chez elles , pen
fionnées par le Roi , dont le travail d'une
année leur donne à peine ce que
leur rendroit en cinq à fix femaines .
Meffieurs les Confeillers au Confeil
Supérieur.
celui - ci
Meffieurs les Officiers de Troupes réglées
& de Milice.
Quelques notables Habitans qui ont
tous des habitations très-bien rangées , &
certaine quantité de Négres , parmi lefquels
il y a nombre d'enfans.
On formeroit parmi ces Négres des fujets
, tant pour gouverner les vers que pour
tirer la foye. Bientôt le petit Habitant , à
leur exemple , s'y donneroit avec plus de
confiance & de defir , d'autant que la volonté
ne paroîtroit point contrainte . En
ufant d'une telle conduite , cette culture au
plus en trois ans deviendroit générale , &
elle ne pourroit manquer de réuffir fous la
direction de deux Chefs , & feulement de
quatre ouvriers de France transferés à cet
effet , lefquels on partageroit entre la
nouvelle Orleans , les habitations voifines
du haut & bas du fleuve , le quartier des
Allemands , la Pointe coupée & la Mobille.
Si nous avons dit au commencement de
се
ce Mémoire , qu'il feroit inutile d'envoyer
70 MERCURE DE FRANCE.
des hommes à la Louifianne pour cet unique
objet , nous n'avons entendu parler
que de ces gens à gages , dont les travaux
ne produiroient pas de quoi balancer la
dépenfe , & non de bons ouvriers , experts
dans quelques Arts ou métiers.
Toutes perfonnes qui y pafferont à deffein
de s'établir pour
leur
compte
, & qui
fpéculeront
fur
la foye
, trouveront
dans
ce Pays
de quoi
s'employer
pendant
toute
l'année
felon
leurs
forces
, foit
foit
par
lé tabac
, l'indigo
, la cire
verte
, les
brays
, les
gaudrons
, les légumes
, le ris , le mays
.
Outre
ces avantages
, elles
rencontreront
des
habitations
très-bien
boifées
, dont
elles
pourront
exploiter
une
partie
, tant
pour
les bâtimens
de terre
que
de mer
. De
plus
elles
jouiront
d'un
climat
très- ſain, &
d'une
vie plus
douce
qu'en
toute
autre
contrée
de l'Amérique
.
Pour tirer la foye à la Croifade.
Les deux premieres conditions , néceffaires
au fuccès de l'établiffement proposé ,
font de fçavoir gouverner les vers à foye ,
& prévenir les accidens par une nourriture
égale , & par un air épuré qu'il faut
toujours conferver au même dégré , depuis
que les vers font éclos , jufqu'à ce qu'ils
foient renfermés dans leurs coques. Ces
FEVRIER. 1750. 71.
deux cas font les points fixes pour
réuffir ;
l'Habitant peut pourvoir au premier par
fes foins , & au fecond par le Thermométre
de M. de Reaumur , dont on lui enfeigneroit
à fe fervir , & dont la dépense n'eſt
pas confidérable.
Il eft un troifiéme article effentiel : c'eft
de fçavoir bien tirer la foye pour qu'elle
puiffe être un objet de commerce ; & l'on
ne peut propofer une machine plus propre
à cet effet que le tour pour la tirer à
la croizade , connue de Mrs ..... Outre
que ce tour est très commode par fa propre
invention , qui permet de s'arrêter
afin de pouvoir nettoyer la foye , & ne
laiffer paller aucune coffe , il rend le brin
égal & uni . Son mouvement croifé lui
donne auffi une qualité de tords qui le
rend plus ferme & plus nerveux , ce qu'on
trouve peu dans les foyes des Pays étrangers
, dont la plus grande partie eft platte ,
baveufe & cottonneufe ; ce qui occafionne
aux Fabriquans une perte par le déchet
qui fe trouve dans le dévidage.
Ce font ces défauts qu'il faut prévenir
dans les commencemens , en formant les
fujets au tirage , & en les empêchant de
prendre des habitudes vicieuſes , qui deviendroient
incurables , ainfi qu'on le
voit dans les enfans qu'on dreffe à quel
72 MERCURE DE FRANCE.
que art ou métier , & qui confervent toujours
les bons ou mauvais principes.
pour
de
Sur les régles fuivantes on pourra choifit
les fujets. D'autant que cet ouvrage eft délicat
, & que la femme a la main plus legere
que l'homme , elle eft plus propre à tirer la
foye. Il fera fuffifant à l'Habitant d'avoir
chez lui deux ou trois Négreffes d'un âge
raifonnable , à proportion de fon monde ,
dreffées à ce travail tirer en peu
tems tout ce qui fera fait dans la récolte ,
& un moyen petit Négre pour tourner la
machine , ce à quoi tous feront propres .
Dans les fix femaines que nous avons dit
que devoit durer la récolte , nous comprenons
le tems de ces efclaves employés dans
ce tirage , attendu qu'on peut tirer fort
aifément avec ce tour une livre de foye
par jour. Il y aura auffi deux remarques
effentielles à faire obſerver aux fujets qu'on
voudra former , fçavoir la qualité de l'eau
& fon dégré de chaleur qu'il faudra entretenir
daus la petite baffine où flottent
les cocons de foye , montée fur un fourneau
, & qui doit être d'un cuivre trèsmince
pour être plus prompte à recevoir
les impreffions du feu entretenu toujours
également .
Comme tous Fabriquans doivent parer
leurs marchandifes par un emballage convenable
FEVRIER . 1759. 73
nable , il fera fuffifant de montrer à quelques-
uns la maniere d'y parvenir , tant
pour parer fa foye que pour l'emballer.
Ceux qu'on deftinera à cet emploi , pourront
s'en faire un métier particulier. Cela
donneroit lieu à une jufte précaution qu'il
feroit d'indifpenfable néceffité d'employer,
fçavoir , que toutes les balles ou ballots
ne fuffent faits qu'en préfence de quelques
perfonnes prépofées pour la vifite
& qui en devroient répondre pour faire
differencier les qualités , afin qu'il ne fe
commette point d'abus , dont on n'imputeroit
point la faure à certains particuliers
, mais à toute la Colonie , qui fe trou
veroit décriée fans l'avoir mérité. C'eſt
ainfi qu'on auroit dû en ufer depuis longtems
dans ce pays , pour le tabac , l'indigo
& les autres productions.
Il conviendroit de titrer ces mêmes
perfonnes chargées d'une telle infpection ,
qui tiendroient chez elles tous les ans un
gouvernement de ces vers , comnie par
forme d'école , & qui feroient obligées
d'enſeigner à tout le monde fans diftinction
, & fans exiger aucune rétribution ,
la néceffité de payer l'inftruction pouvant
dégoûter les uns , rallentir les autres , &
donner un air méprilable à l'entrepriſe.
Mais on pourroit leur permettre à titre
D
74 MERCURE
DE FRANCE .
-
d'honoraire un droit de vifite lors de
l'emballage , avec d'autant plus de juftice
qu'elles feroient refponfables de la qualité
de la foye dans les balles ou ballots , à
Pexemple de la Compagnie des Indes ,
qui en ufoit de cette façon pour les tabacs
de cette Colonie.
RE'S ULTA T.
Voilà donc deux objets , la cire & la
foye , qui fe préfentent aux Habitans de
la Louifianne , pour fe dédommager des
accidens inattendus dans les plantations
de tabac & d'indigo , & d'autant plus
à confidérer dans leurs principes , que
fuppofant la foye à quinze francs la livre ,
l'Habitant qui aura fur fon habitation
une douzaine de fujets , qu'il a toujours
regardés jufqu'à ce jour comme des éleves
de dépenfe jufqu'à certain âge , retirera
par la føye en cinq à fix femaines un
capital de la fomme d'environ 1200 liv.
fans frais de feuilles de mûrier , qu'il eft
permis à chacun de cueillir dans les forêts
qui feront encore long-tems communes.
Chaque fujet dans ce Pays peut gouverner
la quantité de vers éclos d'un peu plus
d'une once d'oeufs de papillons , ce qui
rendra ,étant bien gouverné, fix à fept onces
de foye , comme dans l'Italie , avec
FEVRIER.
1750. 75
plus d'affûrance que dans quelques Villes
de France , dont le printems eft plus froid, '
plus reculé & plus inconftant .
Par la cire , dont la récolte dure environ
trois mois , ce qui la rend plus fructueufe
, on retirera , fuivant le projer dr
Sieur Alexandre , même produit , oportion
gardée .
Toutes ces obfervations fi ces faits
averés & naturels , tant fur & cire. que fur
la foye , ne font point données pour détourner
l'Habitant de Louifianne de la
culture du tabac & de l'indigo qui lui eſt
ordinaire , quoiqu'elle ne foit pas fi avantagcufe
par un tems de huit mois qu'il eſt
obligé de paffer à l'une ou à l'autre , & que
chacune ne lui rend pas plus de 200 liv.
de revenu par chaque tête de Négre . Elles
ne font propofées que pour détruire la
mauvaiſe idée qu'on peut avoir eue de
cette Colonie , dont on ne connoît pas
encore toutes les productions. Nous entre
rions dans un plus grand détail fur ce dernier
article , fi nous ne craignions de tomber
dans une trop grande prolixité , qui
fembleroit n'avoir rien de commun à notre
deffein. Si ce projet d'établiſſement
peut produire quelque utilité , on offre de
préfenter le Mémoire dont on a parlé , &
qui regarde le gouvernement des vers . Il
Dij
76 MERCURE DE FRANCE.
fera traité de tous les accidens qu'il eft
néceffaire de prévenir , & l'on y répondra
àtoutes les objections que pourroient faire
foit même du Pays & autres , gens
dégoût , foit avec quelque apparence de
fondement.
les
par
***********
EPITRE
En vers marotiques de L. L. à L. J.
Depuis deux mois , tre-bien je l'ai compté ,
Je ne vais plus par tendre chatonnette ,
Faire danfer fur verdoyante herbette ,
Gente Driade , ou telle autre beauté ,
Pour qui jadis foupira ma mufette.
Jeunes amours nos vallons ont quitté ,
Et les bergers laiffant-là leur houlette
N'éveillent plus au fond de fa retraite
Le tendre écho , par l'hyver attrifté.
Bien plus , ami , je ne te puis rien taire ;
Ma mufe , & moi , nous avons lit à part ;
Pour ma tendreffe elle n'a plus d'égard ,
Et ne voudroit pour ſemblable myftére ,
Las ! m'enflammer d'un feul petit regard.
Mais quand Zéphir pour la gentille Flore
Viendra nos monts couronner de bouquets ?
FEVRIER. 1750. 77
Quand le printems fera par tout éclore
Peuples d'amours , tendres , legers , coquets ;
Quand les oiſeaux , habitans des boſquets ,
Célébreront le retour de l'Aurore
Par doux ébats , & par joyeux caquets ,
Alors voyant fous renaiffant feuillage,
Leurs jolis jeux , leur innocent plaifir ,
Et dans fon coeur fentant certain defir ;
Que fais-tu là , dira- t'elle ? L'ombrage
T'invite à mieux occuper ton loifir a
Le doux printems a reveilić nature ;
Petits oiſeaux fur des lits de verdure
Vont s'ébattant , ainfi que tu le vois ;
Amour les joint , leur ardeur vive & pure
Forme les fons de leur aimable voix.
Que n'allons- nous en un lieu folitaire ;
Ainfi , comme eux , préluder aux combats-
Que nous montra petit Dieu de Cythere
Au tems jadis , & que l'hyver , hélas !
A fait ceffer, lorsque le fagittaire
Du haut des Cieux a verfé fes frimats ?
Muſe , ma mie , eh ! laiffez-nous de grace
Plus ne me chaut le tendre vertigo ;
Mieux aimerois m'en aller au Congo ,
Que dans mon coeur vous rendre votre place´s
D'autres que moi trouverez à gogo ,
Qui ne feront pour vos appas de glace ,
Muſe, ma mic ; & puifque par leurs fons
1
D iij
78 MERCURE DE FRANCE.
Petits oifeaux fçavent toucher votre ame ,.
Bien mieux encor vos plaifantes chanſons
Allumeront pour vous nouvelle flamme.
Amant plus vif avec vous dans les bois ,
Alors pourra chercher fombres retraites ,
Et creux rochers , qui furent autrefois
Muets témoins de mes ardeurs fecrettes ;
C'est là , qu'à l'aise en leurs grottes difcrettes ,.
Pourrez d'amour exécuter les loix.
S'un berger tendre , & dont galans exploits .
De Cythérée aggrandiront l'empire ,
Vouloit... mais non. Cette Déeffe inſpire
Trop mieux que vous , & fçait fixer fon chix
Près de fon feu , le vôtre n'eft que glace
Et ne fçavez fi bien poëtifer ,
Que pour Julie il fçait profaïfer.
Quand jeu lui duit , fans monter au Parnaffe
Pour elle il peut jolis vers façonner ,
Et n'eft befoin , quand il veut crayonner
Ses traits vainqueurs , qu'il aille à pleine taffe
Boire au ruiffeau des Nymphes d'Hélicon ,
Ou las ! jamais je ne pûs trouver place
Pour m'y remplir feulement un flacon.
Quan de Julie il célébre la grace .
Dans le fien coeur amour fe vient loger ,
D'humeur badine & de crayon leger
Le guerdonnant , fi que graces naïves ,
Broyant pour lui couleurs tendres & vives
FEVRIER . 79 1750 .
Semblent toujours fon pinceau diriger ;
Tant bien la peint , & lui fçait ménager
Appas nouveaux , qu'aux féquaniques rives
Il n'eft tendron qui veuille autre berger.
Après cela , Mufe , employez vos charmes';
Par vos accens tâchez de l'engager ;
Moi cependant , je rirai de vos larmes ,
Et vos foupirs feuls pourront me venger.
Pour toi , qu'Amour a fait fon Secretaire ,
Toi , qui remplis archives de Cythere
D'écrits charmans , que ce Dieu t'a dicté ;
Ami , pour moi flechis fa cruauté ,
Et pour en vers peindre chaîne nouvelle ,
Où me retient jeune Divinité ,
Quand le verras , avec dextérité
Tire-lui vite une plume de l'aile ;
Puis la taillant , fitôt m'en feras don. >
1 Lois fi vouloit le petit Cupidon
Se rebecquer , redemander la plume ,
Garde-toi bien..... mon ami cher ,
Malgré fes pleurs , de jamais la lâcher, '
Mais fi tu vois que fon courroux s'allume ;
Encontre toi s'il vouloit fe fâcher ,
Tant fort foit-il difficile à toucher ,
De cet enfant pourras appailer l'ire ,
Et lui feras ton larcin approuver ,
En lui donnant au même inftant à lire
Le dénouement que feul as pû trouver.
Diiij
la MERCURE DE FRANCE
SEANCE PUBLIQUE
De l'Académie Royale de Chirurgie , à laquelle
préfida M. Bourgeois , Vice- Directeur
, en l'absence de M. de la Martiniere,
Premier Chirurgien du Roi. Du 3 Juin
1749.
Mre
R. Hévin , Sécretaire pour les Cor
refpondances , fit , en l'abſence de
Mr. Quefnay Sécretaire , l'ouverture de la .
Séance par la lecture d'un précis fur les:
Médicamens déterfifs qui avoient été le
fujet du prix : il déclara que l'Academie.
avoit cru devoir adjuger le prix , qui étoit
double , aux Mémoires N°. 3. qui a pourdevife
, Statutum eft in Theoria & Praxi
& N. S. qui fe termine par ces deux devifes
, Non omnia poffumus omnes. Ignoti nulla
cupido. Le premier de ces Mémoires eft de
Mr. Flurant , Maître-ès-Arts & en Chirur
gie , & Chirurgien en chef de l'Hopital
géneral de la Charité de Lyon . L'Auteur
du fecond Mémoire eft Mr. Lonis , Maître-
ès- Arts , & Chirurgien Aide Major des
camps & armées du Roi , employé à l'Ho
pital Royal & Militaire de Metz . L'Acadé
mie a jugé que des autres ouvrages qui.
FEVRIER. 1750. 81
ont mérité d'être admis au concours , le
Mémoire Nº . 1. dont la deviſe eft , Sint
pauca ,fed certa , a le plus approché de ceux
qui ont remporté le prix : l'Auteur de ce
dernier Mémoire eft Mr. Fabre, Maître- ès-
Arts , actuellement fur les bancs des Ecoles
de Chirurgie.
M. Hevin annonça que l'Académie propofoit
pour le prix de l'année 1750 dedeterminer
le caractère des Tumeurs ferophuleuſes ,
leurs efpèces , leursfignes & leur cure , & que
le prix feroit une Médaille d'Or de la valeur
desoo livres , conformément au legs
de M. de la Peyronie.
M. Hévin proclama Affocié Etranger de
L'Académie M. Henckel , Docteur en
Médecine en l'Univerfité de Francfort fur
l'Oder , & Chirurgien Major des Gendarmes
de la Garde du Roi de Pruffe. M.
Henckel eft connu en Allemagne par diverfes
differtations latines fur la Cataracte
, fur l'Hernie ventrale &c. & par des
obfervations imprimées en Allemand fur
differentes maladies chirurgicales.
M. Hévin lut enfuite les éloges hiſtoriques
de M. Duverney , Démonftrateur
Royal d'Anatomie & de Chirurgie . au
Jardin du Roi , & Confeiller du Committé
perpétuel de l'Académie , & de Mr. Souher,
Ecuyer , Maître -ès- Arts , Profeffeur
D.v
2 MERCURE DE FRANCE.
& Démonſtrateur - Royal en Anatomie &
Chirurgie au Collége de Saint Cofme de-
Montpellier, Lieutenant de Mr. le Premier
Chirurgien du Roi , l'un des Chirurgiens ,
Majors de l'Hopital Général & de l'Hôtel- .
Dieu de Saint Eloy de la même ville , ancien
Chirurgien des camps & arméess
du Roi , & Affocié correfpondant de l'Académie
, morts depuis fa derniere affem--
blée publique.
Mr. le Dran fit la lecture d'un Mé
moire concernant l'opération connue ſous
le nom de Lithotomie. Ce n'eft pas une
difcuffion des differentes méthodes qui ont
été pratiquées , & qui le font encore pour
faire l'extraction de la Pierre qui eft dans
la veffie ; c'est un moyen nouveau qu'il
public pour faire cette extraction fans bri
fer la Pierre..
Il fait remarquer d'abord que les Pierres
blanches groffiffent dans un même efpace :
de temps, plus que celles qui font de couleur
rougeâtre , brune , ou noire ; qu'elles
font auffi plus molles & fouvent fragiles ,
au point de fe brifer , pour peu qu'elles..
foient ferrées dans la tenette , & il fait voir
dans la ſtructure des parties , pourquoi une ·
Pierre molle peut le brifer en fortant,mal-.
gré même les attentions de l'Opérateur.
La peine que l'on a à ôter tous les mor--
FEVRIER. 1750 83 .
ceaux dont même les petits échappent à la
tenette , & peuvent refter dans la veflie
malgré les attentions qu'on a à en procurer
la fortie par des panfemens méthodiques ,
fait qu'il regarde cet inconvenient comme
très- grand , & qu'il rejette l'ufage d'une
tenette qui avoit été propofée pour caffer
les groffes Pierres . Il l'adopteroit, dit- il , fi
» la nature de la Pierre permettoit de la
» couper en deux ou en quatre , comme
» on coupe une poire , mais cela ne fe
» peut , & on la brife néceffairement en
morceaux de differentes groffeurs & fi-
» gures .
f
Il donne enfuite la defcription de fa
tenette . Elle eft faire comme les autres ,
mais une des branches eft percée de quantité
de trous très - voiſins , & il y a à l'autre
branche , près de l'anneau , une languette
d'acier , mobile en tout fens , au bout de
laquelle eft une dent que Mr. le Dran fait
entrer dans l'un des trous de l'autre branche,
dès qu'il a placé la pierre comme il le
faut entre les mords , & qu'il l'a ferrée fuffifamment
pour la bien tenir fans la caffer,
Cette languette fixe l'écartement des branches
, de maniere qu'elles ne peuvent être
ferrées ni écartées davantage.
Ce moyen eft fi fimple & fi facile qu'il
n'augmente pas la durée de l'opération
D vj
$4 MERGURE DE FRANCE
d'une feconde , au lieu que l'extraction :
des morceaux , quand on a le malheur de
caffer la Pierre , l'allonge de plufieurs minutes.
" .
M. Petit lut un Mémoire fur les cas où
lės luxations du pied exigent l'amputation
de la jambe, » Les luxations du pied les .
» plus fâcheufes ne font pas toujours , die
» ce Praticien , celles où il y a le plus de
» défordre apparent : l'aftragale , en for-
» tant de fa cavité , caffe quelquefois l'u-
»ne ou l'autre malléole , & ces luxations
» peuvent être fuivies de moins d'accidens .
» que lorsqu'il n'y a pas de fracture. La
raifon en eft fenfible . Il eft conftant que -
quand l'aftragale eft chaffe de fa cavité, fu
une partie de l'effort, qui pouffe cet os,n'eſt
pas employée à fracturer l'une ou l'autre
malléole , il agira tout entier fur les parties
molles du voifinage :les ligamens & les>
tendons en feront plus rudement déchirés ; ..
la peau même pourra être rompue par las
tête de l'aftragale : dans ce cas le renverfement
du pied fera fi grand, que la portion
fupérieure de cet os le montrera toute em
dehors , & fe trouvera comme étranglée,
dans l'ouverture des régimens. Il ne fera
pas poffible de la réplacer fans faire des incifions
; en un mot les parties peuvent
fouffrir à un point que le délabrement foru
irréparable.
FEVRIER. 17503
M. Petit confirme fa propofition par
deux obfervations de luxations complettes .
du pied , fans fracture des malléoles , &
avec étranglement de l'aftragale par l'ouverture
que la tête de cet os avoit faite:
aux tégumens ; mais dont l'evénement
fat bien different . En effet , quoique Mr..
Petit , dans le premier cas , eûre détruit
l'étranglement par les dilatations néceffaires
, & qu'après avoir fait la réduction du
pied , il eût mis en ufage les faignées répe
tées , & tous les moyens capables de prévenir
les accidens ; l'inflammation vive ,
qui furvint , dégénera bientôt en gangré
ne : l'amputation qui étoit indiquée , &:
qui fut faite , n'eut cependant aucun fuccès.
Le bleffé, qui fait le fujet de la 2e. obſervation
, ne fut fecouru que le se . jour ::
néanmoins dès que le pied fut réduit , tous
les accidens, cefferent , & la guérifon fut
affez prompte. L'Auteur ajoute que de
beaucoup d'autres malades qu'il a vus attaqués
de femblables luxations , les uns ont
été guéris fans perdre leurs membres ; on a
fait l'amputation à d'autres , & de ceuxci
il en eft plus mort qu'il n'en eft échapé;
il en a même vu guérir , qui avoient
été abandonnés à la feule nature.
A
De tous ces faits M. Petit conclud
qu'il eft d'un bon praticien de tenter d'am
82
86 MERCURE DE FRANCE.
bord tout ce qu'il peut pour prévenir les
accidens , & d'attendre qu'ils paroiffent
s'annoncer , avant que de fe déterminer à
l'amputation , mais qu'il n'eft pas toujours
prudent d'attendre qu'ils foient parvenus
à un certain dégré. » Il faut , ajoute- t -il ,
de l'expérience pour fçavoir prendre un
»bon parti : il ne faut pas tout perdre
» en temporifant , mais auffi ne doit-on
»pas donner dans l'excès de ceux qui font
» toujours impatients de faire preuve de
» leur dextérité. Ces deux extrémités font
également vicieuſes ; il faut fçavoir plus
>> que couper, pour prendre un jufte milieu .
و
De ces fuccès fi differens dans les deux
cas femblables que Mr. Petit a rapportés ,
il prend occafion d'éxaminer , pourquoi
le premier bleffé mourut de la gangréne ,
quoiqu'on eût tout tenté pour la prévenir ,
& pourquoi le fecond guérit , quoiqu'il
n'eût pas été fecouru , & qu'il eût même
été maltraité. » Il paroit , dit ce Praticien , -
» qu'outre le déchirement des parties , il
» faut faire attention à l'ébranlement
»que le membre a reçu . Le défordre appa
rent n'eft pas le plus confidérable ; une
»partie de la force du coup ou de la chûte
eft employée à faire la playe , mais le
furplus du mouvement fe communique :
"aux parties du voifinage , tout le corps
FEVRIER. 1$75.0. 87
même peut en être ébranlé ; le froiffe-
»ment des parties , & la fecouffe violente-
» engourdiffent les vaiffeaux ; la circula-
>>tion fe rallentit ; le fang qui a perdu fa
» fluidité , & qui ne coule que très - diffici-
» lement dans les capillaires , fe trouve
» peu difpofé à la réfolution & à de bon-
» nes fuppurations . Toutes les liqueurs
» croupiffent dans leurs couloirs , parce
» qu'ils ont perdu leur tón : de- là une dif-
» pofition prochaine à la gangréne & à la
>>- pourriture...
و د
A
Mr. Petit confirme ce qu'il dit ici de la
commotion & de fes effets par des obfervations
que la pratique préfente journellement
1 °. dit- il , les muſcles font d'un
>> rouge brun dans les membres amputés
» dans le cas de la commotion , ce qui
» prouve que le fang eft arrêté dans fes
» vaiffeaux . 2 °. quand on coupe un mem-
» bre dans un cas où il n'y a pas eu de
»commotion , le fang coule librement
» dans fes vaiffeaux : fi au contraire l'opé
ration eft faite après une chûte , le fang
>ne coule qu'avec peine , ce qui démontre
» qu'il étoit en ftafe dans fes canaux ; on
» a même obſervé les
que
vaiffeaux
» eux-mêmes ne fourniffent quelquefois
» du fang que longtems après que le tour-
» niquer eſt lâché. 39. Les mêmes phéno
gros
2
88 MERCURE DE FRANCE.
23 4
» menes fe remarquent dans les membres
gangrenés , ou dans les fujets fcorbu-
» tiques. Or dans ces occafions , les vail-
» ſeaux ont évidemment perdu leur élaſti-
» cité naturelle , & toutes les liqueurs font
difpofées au croupiffement , ce qui indi
» que que les mêmes difpofitions fe trou-
» vent dans les cas où les parties ont ſouf-
» fert commotion .
93
M. Petitne regarde pas néanmoins la
commotion comme l'unique caufe de la
gangréne qui furvient aux grandes contufions
, aux fractures & aux luxations. » Je
33
fçais , dit -il , que les humeurs peuvent
» être difpofées à la corruption , & que
» cette caufe peut être regardée comme
» une des principales : quand elle fe ren-
» contrera avec la commotion , la naiffance-
» des accidens n'en fera que plus prompte ,
» & leur fuite plus funefte. J'ai fimplement
» voulu prouver que la commotion fuffi-
»foit pour procurer la mortification
puifqu'on obferve que cette fâcheuferer-
» minaiſon a fouvent lieu für des bleffés
qui ont toujours joui d'une parfaite
fanté.
99
99
Notre Auteur conclud de toutes ces remarques,
que le fecond bleffé , dont il parle, -
a été guéri par la fuppuration louable qui
s'eft établie, ce qui peut être arrivé , parce
FEVRIER. 1750. S
que la commotion n'étoit pas affez forte
pour interrompre le cours des liqueurs , &
que le premier bleffé eft mort par une difpofition
contraire , fuite d'un ébranlement
plus fort , & peut- être d'une difpofition
vicieufe dans les humeurs. Si l'on fait une
attention férieufe à tout le détail du Mémoire
de Mr. Petit , on apprendra à connoître
les cas où il faut fe preffer , & ceux
où l'on peut temporifer ; on fçaura diftirguer
ceux où la gangréne farviendra infailliblement
on ne fera pas furpris de
voir faire tant d'opérations infructueufes à
la fuite des chûtes , des éclats de bombes
& des fracas faits par les boulets de canon ,
parce qu'on aura laiflé échaper le moment
précieux. Enfin l'on conclura qu'il eft d'un
Chirurgien prudent d'examiner avec attention
jufqu'aux moindres circonstancesdes
maladies , fe rapellant toujours qu'on
péche autant contre les régles en faifant
une amputation fans une néceffité évidente ,
quand bien même le malade furvivroit ,
qu'en négligeant de la faire dans un cas où.
elle auroit été néceffaire.
M. Andouillé fit part d'un Mémoire où
l'on voit que l'Art a fçu rétablir , comme
dans l'état naturel , la fin de l'inteftin Rectum
& l'anus , prefque entiérement déla
birés à la fuite d'une plaie d'arme- à -feu , c
CB
90 MERCURE DE FRANCE .
qui s'eft opéré principalement par un moyen
déja connu pour d'autres occafions ,
mais fort ingénieuſement appliqué dans le
cas dont il s'agit .
coup
Un Soldat Hanovérien avoit reçu un
de fufil à la bataille de Raucoux ; la
balle entra près de la jonction de l'os pubis
avec l'ilium , traverfa obliquement la partie
inférieure du baffin , & fortit à l'extre
mité de l'os facrum. Dans ce trajet la
branche du pubis fut briſée , l'inteſtin
Rectum percé de part en part ; l'extrémité
de l'os facrum & la bafe du coccix furent
détruits les autres parties voifines refterent
préfervées.
Si l'on ne craignoit pas d'être trop long,
il faudroit fuivre exactement la difpofition
du Mémoire de M. Andouillé , On
voit au commencement que la plaie de ce
bleffé ne fut point dilatée ; elle étoit en
effet dans le cas de l'exception . » Quoique
» la pratique , dit M. Andouillé , indique
» de dilater les plaies d'armes - à-feu , celle-
» ci devoit être exceptée de la régle géné-
» rale , car la dilatation eft dangéreufe aux
plaies penétrantes dans la capacité du
» ventre , & on doit l'éviter , fi ce n'eft
lorfqu'il faut réduire les parties qui fe
»font échappées & qui font érranglées ,
ou quand les endroits bleffés font apo-
»
31
FEVRIER . 1750. 91
" névrotiques , & les incifions que l'on
» fait , doivent toujours être ménagées
» avec beaucoup de prudence .
paux
Il faut obferver que le bleffé n'avoit pas
été d'abord à portée de recevoir les princifecours
tels que les faignées réiterées
& le régime. Au bout de quelques jours.
il fut transferé à Bruxelles où étoit le dépôt
général. L'ouvrage de la nature , malgré
ce qui lui avoit manqué, n'en fouffrit
cependant point d'interruption. Tout ce
qui avoit été contus & meurtri dans le
trajet de la balle , tomba en mortification ;
la pourriture s'étendit fur tous les environs
de l'anus , enforte qu'une partie du
Rectum , fon fphincter & tout l'extérieur
de l'anus , ont été attaqués de gangréne.
9
On fent bien que toutes les parties gan
grénées devoient fe féparer par la fuppuration
, mais cet effet entraîna la fiévre
fymptome ordinaire ; les plaies ne rendoient
qu'une férofité putride , à quoi ſejoignit
une diarrée confidérable , & comme
du côté de la plaie anterieure le Rectum
étoit percé plus haut , une grande
partie des matiéres paffoit par cette plaie.
Il n'y eut heureuſement point d'inflammation
au ventre ni à la veffie,qui fut exempte
de rétention d'urine ; la gangréne s'étoit
bornée , & les efcarres fe détachoient
fans hémorragie.
92 MERCURE DE FRANCE:
Le bleffé étoit dans cet état, lorfque le
Chirurgien Major de fon Régiment , qui ne
l'avoit entre les mains que depuis peu, pria
M. Andouillé , Chirurgien Major de toute
l'Armée , d'examiner la maladie & de lui
donner fon avis.
On convint de commencer le traitement
par calmer la fièvre , & arrêter la diarrée.
Le bleffé fut faigné deux fois , & comme
jufques- là il s'étoit furchargé de nourritures
, tout concouroit à foupçonner un dérangement
& un embarras dans l'eftomach
& les inteftins. M. Andouillé confeilla
de vuider les premieres voyes par l'hipécacnana,
& les fecondes le lendemain par un
minoratif, ce qui eut tout le fuccès poffible.
Quoique la fiévre fût prefque éteinte , M.
Andouillé dit qu'il falloit mettre le bleffé
à l'ufage d'une teinture de Kinkina avec
les amers : ce reméde produit , ajoute-:--
» il , des effets admirables dans les plaies ,
» car il femble que le Kinkina ait une
» vertu qui rende la fuppuration meilleu-
» re c'eft prefque un digeftif intérieur ,
» & j'ai appris de M. de la Martiniere , Pre-
» mier Chirurgien du Roi , dans les Cam-
>pagnes que j'ai faites fous lui en Bohéme ,
»à l'employer avec fuccès dans les plaies
d'armes à- feu, quoiqu'il n'y eût point de
fiévre.
"
FEVRIER. . 1750 .. 93
Cette bleffure étoit affez grave , & l'évenement
en étoit trop important pour ne
pas intereffer M. Andouillé : il continua
de voir le malade avec fon Chirurgien
Major , & il fut très-fatisfait de voir vers
le ise. jour , tous les efcarres détachés ,
une fuppuration louable , les efquilles fe
préfenter , le coccix fe féparer , & le
bleffé dans la fituation la plus avantageufe
que l'on pût défirer par rapport à fon état.
Il ne fuffifoit pas d'avoir corrigé les accidens
la Nature s'étoit prêtée autant
qu'elle l'avoit pu; ce qui reftoit à faire dépendoit
pour le moins autant de l'Art que
d'elle. Deux fuites fâcheufes étoient à appréhender
, une fiftule , par laquelle les
matieres ftercorales fe feroient écoulées; &
que le bleffé , comme le coccix & la plus
grande partie du fphincter &c. étoient
détruits , n'eût pas la liberté de retenir ou
expulfer fes excrémens à fon gré. Voici
comme M. A. s'énonce , fur ce qu'il trouva
qui pourroit remedier en même tems à ces
deux accidens.
»J'imaginai de faire fabriquer une ca-
» nule de plomb, qui eût affez de longueur
»pour atteindre un pouce au delà de l'ou-
» verture du Rectum qui communiquoit
» avec l'aine , & d'un volume propre à
» tenir l'inteſtin dilaté . J'avois obſervé de
94 MERCURE DE FRANCE.
» faire donner à cette canule une courbure
prefque infenfible , pour mieux s'accom-
»moder à la concavité de l'os facrum.
•
وو
>> On introduifit dans l'anus cette canu-
» le enduite de digeftif , elle rempliffoit
»le vuide de l'inteftin , & ne débordoit
"point la plaie pour laiffer la facilité de la
» panfer , & comme la conftipation avoit
» fuccedé à la diarrée , & qu'on avoit foin
» d'entretenir le malade dans cet état par
» un régime convenable , il n'étoit nécef-
» faire de retirer la canule que de loin en
» loin : elle fut laiffée huit jours de fuite
»pour la premiere fois . Quelques matieres
» pouvoient s'échapper par l'ouverture
» les plus folides étoient retenues , mais il
» ne paffoit rien par la plaie antérieure.
Dès que la communication du Rectum
avec cette plaie eut été interrompuë , tout
de ce côté changea bientôt de face ; elle ſe
nettoya en bien peu de tems , la fuppuration
devint plus belle , l'exfoliation de l'os
fut prompte , les chairs furent vermeilles
& folides , & trouvant un plancher pour
les premiers fondemens d'une cicatrice ,
elles s'amafferent de toute la circonference;
le Rectum , qui eſt très - charnu , en fournit
auffi fa part, & il fe fit une cicatrice ferme
, enforte que cette plaie a été guérie la
premiere,
FEVRIER. 1750. 95
Cetinconvénient levé , c'étoit deja beaus
coup , mais n'étoit- il pas auffi important &
auffi difficile d'obvier à ce qui reftoit d'inquiétant?
La portion confervée du Rectum
pouvoit ne pas fuffire dans la fuite au reffort
néceffaire pour l'expulfion ou la rétention
des excrémens . Le progrès de la plaie de
l'anus ne put pas être fi rapide par le délabrement
confidérable. La canule qui fervoit
de moule à l'inteftin entretint l'ouverture
fuffifante , & on la . laiffa encore
quelque tems après que la plaie antérieure
fut fermée mais lorfque la cicatrice eut
commencé à gagner les environs de l'anus ,
on fubftitua à la canule une tente ordinaire
jufqu'à la parfaite guérifon . Par ce
moyen le Rectum fut affez dilaté pour
laiffer paffer librement & à volonté les
matieres ftercorales; & les fibres charnuës ,
qui fe multipliérent dans cet endroit ,
firent l'office de fphincter avec la foupleffe
qui convient. Auffi le bleffé guéri
en deux mois & demi , n'a pas la moindre
incommodité ; les matieres ftercorales font
retenues ou expulfées fuivant le befoin .
Enfuite M. Andouillé rend fort habilement
raiſon de la conduite qu'il a obſervée
dans la cure de cette maladie . Il marque
, » qu'il a préferé la canule aux tentes
ordinaires dont on fe fert dans les fiftu96
MERCURE DE FRANCE.
» les , parce que 1. la tente n'auroit pas
» eu affez de folidité pour faire un point
» d'appui. 2°. parce qu'elle fe feroit imbibée
des matieres fécales & purulentes ;
» & qu'on auroit été obligé de la changer à
» chaque panfement , ce qui ne peut fe
>> faire fans tirailler , allonger , ou froncer
» l'inteftin , & par conféquent déranger
»les premieres traces que la Nature avoit
» fuivies par la cohésion . 3 °. l'ouverture de
»la canule permettoit aux matieres les
plus liquides de s'échapper. Peut-être mê
» me la fubftance du plomb n'a-t -elle pas
nui à la régenération des chairs .
99
» Mais fur la fin de la guérifon la tente
étoit néceffaire : » la canule en effet au-
» roit été préjudiciable en tenant l'extré-
» mité de l'inteftin trop dilaté , & faiſant
»une preffion fur les bords de la plaie ,
» qui feroient devenus calleux . C'est pour-
» quoi l'on fe fervit d'une tente mouffe
» très- courte & très- molle, que l'on dimi-
> nuoit à proportion que la cicatrice s'avançoit
: cette cicatrice entiérement fai-
» te étoit froncée comme l'anus dans fon
≫état naturel .
39
On ne peut mieux terminer cet extrait
que par une réflexion judicieufe que fair
M. Andouillé : fçavoir que cette obfervation
donne lieu à des confequences dont
ong
FEVRIER.
1750. 97
on doit faire l'application à certaines fiftules
à l'anus , dans lefquelles on a été obligé
de faire une grande déperdition de fubftance
par rapport à la profondeur & à la
callofité. Il réfulte auffi de ce fait une
preuve qui confirme une vérité , reconnuë
par les meilleurs praticiens , qui eft que
l'incontinence ou la rétention des excrémens
n'eft pas toujours une fuite de la
fection du ſphincter inteſtinal .
-
Enfin il ne faut pas omettre ici la précaution
fage qui a été prife : c'eſt de faire
porter au bleffé guéri un bandage , dont la
pelote foutienne la cicatrice de la plaie
antérieure , dans la crainte d'une deſcente.
Le quatrième Mémoire , qui fut lu dans
l'affemblée publique de l'Académie , eſt de
M. Simon. Ce Mémoire contient des recherches
curieufes fur les differentes méthodes
dont on s'eft fervidepuis Hippocrate
jufqu'à préfent , pour faire l'amputation du
fein. M. Simon fait voir les inconvéniens
qu'il y a de fe fervir de la méthode des
anciens ; il donne la préférence à celle des
modernes , & prouve que la perfection
de cette opération eft entiérement due aux
Chirurgiens , principalement aux Chirargiens
de Paris.
M. Laffitte lut un Mémoire touchant les
Pierres formées dans le rein, & qui y cau-
E
98 MERCURE DE FRANCE.
fent abfcès , avec un détail fort circonftancié
fur la terminaifon de cette maladie,
& l'opération qui y convient.
"
On a tout lieu de penfer , dit l'Auteur ,
» que le germe des concrétions calculeufes
» eft produit par le raprochement des par-
» ties falines , terreftres & fulphureufes de
» l'urine. Ce liquide excrémenteux fe décompofe
ordinairement dans les orga-
» nes qui fervent à fa filtration . Lorfque
» le germe pierreux formé dans le rein fe
» trouve d'un volume, ou d'une figure , qui
»s'opposent à fon expulfion ; il fe forme
»
affez ordinairement des abfcès qui dé-
» truifent toute la fubftance de ce vif-
» cere , & qui inondent tout le tiffa adipeux
qui l'avoifine. Quoique les fuppu-
» rations intérieures foient prefque toujours
mortelles , elles peuvent devenir
» avantageufes dans le cas dont il s'agit ,
» parce que l'Art peut dans quelques circonftances
procurer une iffuë au pus
» qui forme l'abfcès , & cette iffue peut
»fervir à faire l'extraction du corps étran-
"ger. C'eft ce que M. Laffitte a démondifferentes
preuves , & furtout par
tré par
deux
obfervations
affez
intéreffantes
.
Le fujet de la premiere eft une femme
agée de trente- cinq ans , qui avoit depuis
quinze jours une tumeur à la région lom
FEVRIER. 1750. 99
baire gauche , avec fiévre & dévoyement.
Cette tumeur avoit été précédée de douleurs
vagues qui s'étendoient depuis les
reins jufqu'à la partie fupérieure du dos :
elle étoit douloureufe , & la couleur de la
peau n'étoit point changée. M. Laffitte qui
fentit un commencement de fluctuation à
Ja tumeur , appliqua un cataplafme anodin
; l'augmentation & le caractére de la
douleur lui ayant fait juger que cette tumeur
prenoit la voie de la fuppuration ,
il mit en ufage les cataplafmes maturatifs ,
& en cinq ou fix jours la tumeur fut en
état d'être ouverte. Le pus.qui fortit par
l'incifion étoit de differentes couleurs. M.
Laffitte fit toutes les recherches convenables
pour fçavoir s'il n'y avoit point quelque
foyer particulier de matieres , & il
n'en découvrit aucun .
Il panfa la malade méthodiquement ; la
cure ne fut troublée par aucun accident
jufqu'au 22. jours jufqu'alors la bonne
qualité des chairs & le progrès de la cicatrice
faifoient efpérer que la malade guétiroit
comme d'un abfcès ordinaire. Néanmoins
il furvint de la fiévre ; la malade
fentit une douleur pulfative à la plaie , &
il fortit beaucoup de pus . De deux ou trois
jours l'un , il en fortoit une plus grande
quantité que l'étendue apparente de
E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
l'ulcere n'étoit capable d'en fournir.
M. Laffitte qui ne doutoit plus de l'exiftence
d'un foyer fitué profondément , panfoit
la plaie fort fimplement , mais il cherchoit
à chaque levée d'appareil,les moyens
de découvrir l'embouchure du finus qui
pouvoit conduire à ce foyer : il la rencontra
le 60e.jour. La fonde pénétra à la profondeur
de fix pouces dans ce finus , &
elle lui fit fentir un corps dur : il appella
plufieurs de fes confreres en confultation ;
& tous , ayantr econnu le corps étranger,
convinrent unanimement qu'il en falloir
faire l'extraction . M. Laffitte fit l'opération
& tira de la fubftance du rein deux pierres,
l'une groffe comme une aveline , & l'autre
du volume d'une noix, & d'une figure irréguliere.
La malade guérit parfaitement.
M. Laffitte a fait encore l'extraction d'u
ne pierre du rein à un homme de trentefix
ans, à qui on avoit ouvert onze ans auparavant
un abfcès à la région lombaire
droite ; la plaie étoit dégeneree en fiftule .
Quelques accidens, furvenus à cette fiftule ,
firent qu'on appella M, Laffitte ; il les calma
par les moyens convenables , & ayant
fondé le finus, il fentit un corps'dur . Après
les préparations néceffaires , il fit l'extraction
d'une pierre qui a la figure d'un mamelon
du rein mais la plaie eft restée
Toup
FEVRIER. 1750. ΤΟΙ
fiftuleufe . L'Auteur de ce Mémoire préfume
que c'eft en conféquence de quelqu'autre
petite pierre reftée dans ce vifcere
, parce que le malade y fentoit des douleurs
qui répondoient à la fiftule.
Ces obfervations montrent combien
l'on doit être attentif dans l'ouverture des
abfcès à la region des reins. Les circonftances
détaillées des faits , qui font particuliers
à M. Laffitte , viennent àl'appui de
ceux qu'on trouve dans les Auteurs fur le
même fujet. Plufieurs , entre lefquels Hippocrate
eft le premier , recommandent expreffément
l'incifion du rein dans le cas
de la fuppuration de ce vifcere , pour faire
Pextraction d'une pierre . Il y a même des
Auteurs qui n'ont pas crû qu'il fûr abfolument
néceffaire que la formation d'un abfcès
indiquât cette incifion . Roffet & Riolan
difent d'après des cures chirurgicales ,
heureuſement terminées , qu'on peut ouvrir
fur la pierre du rein , pourvu qu'elle
fe falfe fentir au tact. Ce n'eft pas affez
dire ; on peut être un peu plus hardi.
M. Laffitte, cite une obfervation de Gafpard
Bauhin , laquelle confirme ce précepte.
Une Fille fut attaquée d'une tumeur
à la region des lombes , à la fuite d'une
fuppreffion totale d'urine . Un Chirurgien
de Paris, dont on ne dit pas le nom, appli-
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
qua inutilement pendant deux mois des
cataplafmes maturatifs fur cette tumeur ,
efpérant qu'elle s'abfcederoit. Il diftingua
enfin une dureté dans la tumeur , & fic
une incifion par laquelle il tira deux pierres
: cette opération eut tout le fuccès poffible.
Baubin avoit appris ce fait de Guil-
Laume Chapelle fous qui il avoit étudié la
Médecine à Paris : l'obfervation
fait honneur
à l'ancienne
Chirurgie Françoife
.
M. Levret fit la defcription d'un inftrument
nouveau pour délivrer les femmes de
ce qu'on appelle improprement faux germes
, des môles , & du placenta des foetus
avortifs , dont la préfence & le féjour dans
la matrice caufe & entretient des pertesde
fang , qui ne ceffent que par l'expulfion de
ces corps , & qui ne font que trop fouvent
funeftes aux femmes par leur longue
durée , & l'épuiſement des forces , qui en
eft une fuite néceffaire.
M. Lévret commence fon Mémoire par
le récit d'une obfervation qui confirme
évidemment ce danger , & dont le fujet
lui donna lieu d'imaginer le moyen qu'il
propofe pour extraire ces corps étrangers.
Quelques praticiens avoient confeillé ,
avant lui , d'employer dans cette vuë une
pince connue fous le nom de bec de grue ,
mais » cet inftrument , quoique fort long
FEVRIER . 1750. 103
» a , dit notre Auteur , fes ferres fi gréles
>> & fi menues , qu'outre le danger de bleffer
»les malades , il étoit prefque. toujours
infuffifant pour faifir le corps dont on
»vouloit faire l'extraction. C'est pour
remedier à ces inconvéniens que M. Lévret
imagina fon nouvel inftrument.
""
C'est une pince à jonction paffée , dont
chaque branche a dans fa partie fupérieure
un cuilleron oblong , fenêtré , & légèrerement
courbe . Ces cuillerons laiffent entr'eux
un eſpace fuffifant pour loger le
corps étranger , dont une partie , paflant
à travers les fenêtres, affûre la prife de l'inftrument
fur ce corps.
Cette pince a divers avantages effentiels
1. Les deux cuillerons n'ont pas
enfemble plus de volume qu'un doigt ordinaire
, & font l'office de deux . 20. Leurs
évidures intérieures & leurs fenêtres font
que l'inftrument n'ajoute rien au diamétre
du corps étranger qu'il tient embraffé , &
c'eft ce que ne pourroient faire les doigts.
3 °. La figure oblongue de cette pince , fa
furface extérieure , arrondie en tous fens ,
& le vuide en plan incliné & uni de fa
furface interne , en facilitent l'introduction
, ainfi que la douce courbure de fes
cuillerons, qui s'accommode à la direction
actuelle du col de la matrice. 4° . Quand
E iiij
104 MERCURE DE FRANCE.
par
l'inftrument eft introduit , on peut juger,
l'écartement de fes anneaux , du volume
du corps qu'on a faifi , parce que le
clou qui joint fes branches, eft placé exactement
dans le milieu de la longueur de
l'inftrument. 5 °. Le lieu de la jonction de
fes branches eft fait de maniere qu'il ne
peut pincer aucune partie .
» Il feroit inutile , continue M. Lévret ,
» de recommander de tirer doucement &
» en differens fens , lorfqu'on a faifi foli-
» dement le corps étranger , car je puis af-
» fürer qu'il faut fi peu d'effort qu'il m'eſt
» arrivé plufieurs fois , dans le tems que
je dilatois l'orifice de la matrice en
» écartant les branches de la pince, de voir
fortir le corps étranger , en repouffant ,
» pour- ainfi dire , l'inftrument, parce qu'il
fuffit , comme on fçait , de faire la plus
» legere violence à l'orifice de la matrice ,
"pour exciter à l'inftant la contraction de
» tout fon corps .
ן כ
M. Lévret termine fon Mémoire par le
détail de trois obfervations qui prouvent
l'utilité de ce nouvel inftrument, & le fuc
cès avec lequel il s'en eft fervi pour extraire
un Placenta refté dans la matrice après une
fauffe couche au terme de trois mois , &
deux faux germes ou môles , dont l'une ,
qui étoit en grappe , égaloit au moins le
FEVRIER . 1750. 105
provolume
de la tête . Les trois femmes , qui
font le fujet de ces obfervations , étoient
réduites , par la perte de fang , dans un
état à faire craindre pour leur vie , mais
elles en furent délivrées promptement par'
Fextraction de ces corps étrangers.
M. Louis termina la Séance par la lecture
d'un Mémoire fur divers accidens
duits par
la clôture du vagin. Après quelques
réflexions préliminaires fur les attentions
que demandent les differens vices de
conformation que les enfans apportent en
naiffant , M. Louis obferve que la mauvaife
difpofition originaire qui confifte
dans le deffaut d'ouvertnre des parties ,
caufe des accidens plus ou moins fâcheux ,
fuivant que l'ufage des organes mal difpofés
eft plus ou moins néceffaire. L'Auteur
cite l'exemple de l'imperforation de l'anus
de laquelle les enfans nouveaux nés périffent
en fort peu de jours , fi l'Art ne procure
une iffue aux matieres fécales. Il n'en
eft
pas
de même du deffaut d'ouverture &
de la clôture de la vulve :le conduit dont el
le eft l'orifice ne doit exercer aucunes fonctions
avant l'âge de puberté , & ce ne font
que les perfonnes parvenues à cet âge, qui
ont fourni jufqu'à préfent les obſervations
fur les accidens que l'on fçait réſulter
de l'imperforation & de la clôture du vagin.
E v
>
106 MERCURE DE FRANCE
La rétention des menftruës a paru le feul!
accident auquel le deffaut d'ouverture du
vagin puiffe donner lieu ; cet accident met.
non feulement les filles qui en font attaquées
, en danger de périr , comme on le
prouve par plufieurs obfervations , mais
les fimptomes de cette rétention s'annonçant
ordinairement fous les apparences de
groffeffe , ils fervent de fondement à des
foupçons injurieux . M.Louis rapporte d'après
Fabrice d' Aquapendente un fait, qui fait
voir que cette rétention du fang menstruel.
en a impofé au point d'être prife , dans fes
commencemens , pour la goutte- fciatique,
parceque la malade fouffroit au tour des
fombes & dans la partie la plus inférieure:
du ventre , des douleurs qui fe communiquoient
à la jonction des anches & aux
cuiffes. L'Auteur finit fon Mémoire par
l'expofé d'un cas , où une clôture particu
liere du vagin caufoit à un enfant depuis
fa naiffance une incontinence apparente.
d'urine qu'on attribuoit à la paralyfie du
fphincter de la veffie , & que M. Louis at
guérie par une opération des plus fimples..
Le fujet de cette obfervation eft une petite
fille de cinq ans & demi . En examinant
l'état des parties , M. Louis remarqua
que les grandes lévres étoient bien
diftinguées extérieurement , mais qu'elles
FEVRIER. 1750 107
étoient réunies intérieurement par un vice
de premiere conformation. Il n'y avoit
aucune apparence de vulve ni de nimphes.
On voyoit à la partie fupérieure de cette
gouttiere un trou que l'Auteur prit alors
pour l'orifice de l'urethre. Il effaya envain
d'y introduire un ftiler dans la direction
qui devoit naturellement conduire à la
veffie ; il fentit par tout de la réſiſtance ,
excepté vers la partie inférieure où le ftilet
gliffa très-facilement. M. Louis jugea à
de divifer l'union contre nature
propos
des grandes lévres , ce qu'il fit avec le biftouri
conduit par la fonde cannelée : cette
ouverture donna iffue à un bon verre d'urine
qui parut très - diftinctement fortir du.
vagin. M. Louis panfa la malade convenablement
; il la vifita deux heures après l'opération
; l'appareil n'étoit point mouillé :
il conjectura alors que les parties étoient
bien conftituées , & que la fortie de l'urine
hors de la veffie pouvoit avoir été volontaire
, quoique l'écoulement de ce fluide:
en dehors ne le fût point.
M. Louis trouva effectivement à la levée.
du premier appareil , que tout le defordre
venoit de l'union des grandes lévres , les
autres parties étant bien difpofées fuivant
l'ordre naturel. Le trou , qui étoit au haut
dela grande fente avant l'opération , étoit
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
fupérieur à l'orifice de l'urethre , de façon
que l'urine de cet enfant couloit dans fon
vagin , d'où elle fortoit par regorgement
& involontairement à travers l'iffuë dont
nous venons de parler. Cette petite fille ,.
dès l'inftant de la petite opération que M.
Louis lui fit fut délivrée de l'infirmité
qu'on avoit prife pour une incontinence
d'urine , & elle a été guérie en fort peu
de jours de la divifion des parties.
3
LE PREMIER JOUR DE L'AN.
LE Soleil au bout de fa courſe ,
De fon retour , enfin , nous redonne l'espoir
Dėja , pour venir nous revoir ,
Il dirige fon char vers les Pôles de l'Ourfe .
Le trifte Décembre eft paffé :
Pour nous aujourd'hui s'ouvre une nouvelle
née.
La joie en tous lieux ramenée ,
L'abord riant , l'air empreffé ,
Sur l'alle des fouhaits qui lui fervent d'eſcorte;
Chemine , va , revient , vole de porte en porte ,
Et d'un trait en paffant fur chaque front tracé
Déride le plus hériffé.
Son regne cependant à peine recommence.
ang
FE V RI ER. 1750. 109
Emule du Sénat. Romain ,
Avec le fort d'intelligence ,
Bientôt nous là verrons fignaler fa puiffance ,
Et faire des Rois de fa main.
Tous les plaifirs alors , Bacchus venant en tête ,
Par des cris redoublés célébreront la fête.
Chaque verre de vin gravement entonné
Par le Monarque couronné ,
Ces cris au loin iront s'épandre
Comme un Aux & reflux. D'autres à l'uniffon ,
Dans les airs balancés réfléchiffant le fon ,
A leur tour fe feront entendre.
Dans un Trône élevé fur cent verres de vin ',,
Des mortels raffemblés à table dans fon fein
La joie en fouriant recevra les hommages :
Pour foutenir leur zéle , & leur donner des gages
De fes bienfaits réitérés ,
De fes tréfors ouverts cent maſques bigarrés ,,
Du Carnaval naiffant agréables préſages ,
Leur feront de ſa main à l'inſtant délivrés.
De plaifirs enlaffés quelle fera la chaîne ! .
Que de chants à table infpirés .
Par le nouriffon de Siléne !
Que de déguifemens avec art recherchés ,,
Où les folâtres ris fous le mafque cachés ,
Danfant d'un-pied leger , occuperont la ſcene !
Quelle carriere ouverte aux timides amours !
Fro MERCURE DEFRANCE.
Sous le mafque enhardis ils oferont fe plaindre ;
Beau fexe , cependant , gardez- vous de leurs tours;
Et fous le mafque auffi , penfez qu'ils fçauront
feindre.
Mais moi- même y penfai- je ? Et de tous ces plai
firs
Eft ce à moi de parler encore ?
Dois-je m'en fouvenir fi loin de mon Aurore?
Soleil , fi ton retour flatte ici mes defirs ,
C'eft pour voir dans nos bois renaître le feuillage,
C'eft pour goûter fous fon ombrage ,
Et dans un loifir précieux ,
Cette volupté douce & pure ,
Fille de la fimple nature ,
Chaque jour dévoilant fes beautés à nos yeux.
Tar M. Verrieres , de l'Académie Royale
des Belles - Lettres de Caën .
"
Sur le chiffre de M. N. J ***. & de Madamefon
époufe N. N*** .
L
par
Lui-même.
Itteræ in amplexum coëunt mirâ arte ; pe
renni
Sic , utinam , coëant pectora juncta fide :
Traduction , par le même .
Par tous ces contours admirables
Nos Lettres fe tiendront toujours :
FEVRIER. 1750. BEI
Puiffent nos coeurs & nos amours
Etre de même inféparables !
Par M. J***, le pere.
Vers Picards , extraits d'une Lettre de M
Jouin , le pere , à M. B * ** . Curé
d'une Ville de Picardie..
HAA bien ! Gno rien qui ne che peuche foire ,,
Vers les bieux jours & la belle ſaiſon
Je pourroais bien laicher- lò no moifon ,
Et pnin mnâler 8 montrer em macoire ,
Mon Guieu ! diroiiois , Jen du Kenem Bayeul
Le fren Badeux ! comme il vo dindinent !
Bay donc chtilo fen capieu fus s'neraille
Aveuç s'népée à fen cul qui bredaille ,.
Le bieu Monfieur ! oz en diriaiche autent ..
Bien à chlo près je pourrois bien pourtent ,,
( Chi le bon Guieu nous prête à tous deux vie )
'A ller un peu dans celle Picardie:
Den chais courtils , den chais cams , chais ca
quieux,
Que den vos wers o nous dites chi bieux.
Oui , mordenbieu , j'en feroüais la folie.
Et dès demain tent j'en n'ay grende envie ,.
Chen che ménage, & che méquier de rien
* C'est le nom que donnent les Habitans de Mons
didier à certaine figure quifrappe l'heure à l'Horloge
du Marché..
112 MERCURE DE FRANCE.
Qui dench' Paris m'attache comme un kien ;
M'en kio Monfieu , je voudroais pour grend
côfe
Qu'il tînt à mi , mais veterbieu je n'ôſe
Promettre encoire ; enfin , chi chlo che peut,
J'iray vous voir , chi le bon Guieu le veut ,
J'irai menger del flamique à l'ozaille ,
Et dire bren à che villain warwaille.
REPROCHES
De la Parque à Mlle Clairon.
C'Eft donc envain , & cruelle beauté ;
Que dans les bras de la fanté
Je vous permets de cultiver ces charmes ,
Cet efprit , ces talens à qui tout rend les armes
Vous verrai - je toujours avec même rigueur
'Aux tranſports d'un amant , à ſa perfeverance
Oppofer de l'indifference ?
Doutez-vous , dites - moi , de ſa parfaite ardeur ?
Vous le fçavez , il n'eut point d'autre guide ,
Lorsqu'il vint en votre faveur
Se foumettre fans crainte à toute ma fureur.
Rappellez-vous ce terns où mon fer homicide
Etoit prêt à couper la trame de vos jours.
Alors , ingrate , alors , quel fut votre fecours ?
FEVRIER. 1750. FI3
Envain la tendre Melpomene ,
Qui par vos talens féducteurs
Fait fi bien regner fur la Scéne ,
Et qui plus eft dans tous les coeurs
L'amour , la pitié , les allarmes ,
Se jettant à mes pieds , les yeux baignés de larmes
En pouffant de triftes fanglots ,
Me prioit d'épargner le foutien de fa gloire.
Envain cet enfant de Paphos ,
A qui vos yeux affûrent la victoire ,
Craignant que votre mort n'éteignît fon flambeau
Etoit prêt , difoit- il , à vous fuivre au tombeau .
Envain les graces éplorées ,
S'arrachant les cheveux , s'écrioient à leur tour
Qu'allons- nous devenir , triſtes , deſeſperées ▸
Cruelle , refpectez notre plus beau féjour.
Envain le Chantre du Permeffe ,
Qui quand il veut ravir les Dieux ,
Sur votre voix enchantereffe
Régle fes tons mélodieux ,
Me difoit , qu'aux plaifirs de la Troupe célefter
C'étoit porter le coup le plus funefte .
Déja vous defcendiez au ſéjour ténébreux ,
Lorfque cet amant généreux
Offrit pour fauver votre vie ,
Que la fienne lui fût ravie.
Ce deffein m'attendrit , je changeai votre fort ;
Et ne pas me réfoudre à rompre un noeud fi fort.
114 MERCURE DE FRANCE,
Ayez de la reconnoiffance ;
Vous ſçavez ce qu'il veut pour toute récompenſe.
Par M. de la Louptiere.
502 506506 506 606 600 502 50% 502-306 600 500 500 5
SUITE de la traduction du Traité de
M. Fizes , fur lafièvre.
CHAPITRE SECOND.
Des differences desfièvres.
N
Ous allons expofer les differences
des fiévres , fans entrer dans les conretations
qu'on forme inutilement à ce
fujer , n'ayant deffein de donner ici que
ce qui nous a paru plus utile à un Médecin
.
C'est pourquoi nous dirons d'abord
que les fiévres font ou continues , ou intermittentes.
On nomme fiévre continue ,
celle qui ne ceffe pas du tout , jufqu'à ce
qu'elle ait été entierement domptée. On
appelle intermittente , celle , qui après avoir
paru ceffer entierement , revient de nouveau
, & cela plufieurs fois pour l'ordi
naire.
La fiévre continue eft , ou fimplement
briéve , ou aigue , ou lente. La fiévre fimplement
brieve eft celle qui fe termine fans
FEVRIER. 1750.
danger en peu de jours , comme la fiévre
éphémère , la fynoque fimple , & la fiévre
produite par une fuppuration qui fe forme
dans une partie charnue externe.
La fiévre , qui parcourt fes tems promp
tement & avec danger , eft nommée fiévre
aigue ; elle fe prolonge ordinairement jufqu'au
quatorziéme , quelquefois jufqu'au
vingt-uniéme jour , & alors elle eft appellée
aigue par extenfion ; enfuite elle eft dite
aigue par décidence , jufqu'au quarantiéme
jour , & non au -delà . Telles font la fynoque
putride , la fièvre maligne , la fiévre
ardente , la fiévre produite par l'inflammation
de quelque vifcére , ou même des
parties extérieures griévement affectées ,
furtout des tendineufes , ou des ligamenteufes
, & la fiévre excitée par une fuppuration
violente & dangereufe à raifon de
La partie affectée.
On appelle fiévre lente celle qui dure
long- tems , & pour le moins plus de quarante
jours telle eft la fiévre hectique ,
ou la fiévre lente qui dépend de la fuppuration
fourde de quelque partie , ou de
l'obftruction de quelque vifcére.
Les fiévres intermittentes offrent deux
états , qu'il eft bon de remarquer avant
que d'en déterminer les differences ; l'un
dans lequel il y a fiévre , & l'autre dans
FIG MERCURE DE FRANCE.
lequel il n'y en a point. Le premier
Domme accès , le fecond s'appelle intermiffion
, ou relâche.
Mais comme le type fébrile , ou la forme
qui réfulte des deux accès & d'une intermiffion
, n'eft pas le même dans les fiévres
intermittentes , c'eft pour cela qu'on
diftingue differentes efpéces de fièvres intermittentes.
La fiévre intermittente eft appellée quo
tidienne , lorfque l'accès arrive chaque
jour : tierce , lorfqu'il ne vient que de
deux jours l'un ; quarte , lorfque c'eft cha
que quatrième jour , en comptant depuis
le premier accès , jufqu'au fecond inclufivement
; ainfi dans la fiévre quarte il y a
deux jours de relâche d'un accès à l'autre.
Celle où l'accès ne revient que chaque cinquiéme
jour , & laiffe par conféquent trois
jours libres , s'appelle quinte ; & c'eſt encore
de là que les autres fièvres intermittentes
prennent leur dénomination .
C'eft pour cela auffi que toutes ces fiévres
font nommées périodiques. Mais lorf
qu'une fiévre intermittente ne garde aucun
type ou ordre dans fes retours , & qu'ainfr
elle n'eft point périodique , elle s'appelle
erratique..
Ce n'eft pas tout ; une fiévre intermittente
périodique s'appelle double quoti
FEVRIER . 1750. 117
dienne , lorfque dans un jour , c'eft à- dire,
en vingt- quatre heures , on obferve deux
paroxilmes double tierce , lorfqu'aux jours
que l'accès de la tierce doit revenir , on
obferve deux accès , & que le jour interpofé
eft entierement libre , ou , ce qui eft
plus ordinaire , lorfque chaque jour l'accès
revient , de telle forte pourtant que le
commencement de l'accès du troifiéme
jour réponde , quant à l'heure , au commencement
de l'accès du premier jour , &
que le commencement de celui du quatriéme
jour réponde au commencement
de l'accès du fecond jour , & ainfi de
fuite de deux en deux jours pour les autres
accès.
Comme le période de la fiévre quarte
eft de quatre jours , on l'appelle double
quarte , lorfqu'au premier & au. fecond
jour il y a accès , tandis que le troiſième
jour eft libre , & quederechef il y a en,
fuite accès au quatriéme & au cinquième
jour , de façon pourtant que pour l'heure
de l'invafion l'accès du premier jour réponde
à celui du quatrième jour , & que
l'accès du fecond jour réponde à celui du
cinquième , enfuite
l'accès du qua
que
triéme jour réponde à celui du feptième ,
& l'accès du cinquième à celui du huitiéme,
tandis que le fixième jour eft cependant
libre , & ainfi de fuite,
IS MERCURE DE FRANCE.
On appelle la fiévre triple quarte, lorſqu'il
ne fe paffe aucun jour fans accès , à cette
condition pourtant que l'accès du premier
jour réponde à celui du quatriéme , que
l'accès du fecond jour réponde à celui du
cinquième , que l'accès du troifiéme jour
réponde à celui du fixiéme , & que l'accès
du quatrième jour réponde à celui du feptiéme
, & ainfi de fuite. Par-là on pourra
fixer aisément toutes les dénominations
des fiévres ïntermittentes périodiques.
Ce qui a été dit touchant les dénominations
des fiévres intermittentes , ſe doit
appliquer aux fiévres continues & aigues ,
furtout aux putrides & aux malignes , dans
lefquelles on obferve des redoublemens .
Ainfi , felon leur different type , les fiévres
continues redoublantes s'appellent ,
tantôt quotidiennes , tantôt tierces , tantôt
doubles tierces , & ainfi de fuite , felon ce
qui a été déja dit des fiévres intermittentes
périodiques. De même auffi ces fièvres
font appellées erratiques , lorfque leurs redoublemens
ne gardent aucun type ou
ordre.
Outre les fièvres continues & intermittentes
, il y en a d'autres qui femblent flotter
entre ces deux- là , qu'on appelle fubintrantes
, & qui par cette raifon font mifes
par les uns dans la claffe des intermittenFEVRIER
. 1750. 119
tes , & par les autres dans celle des continues
, ce qui revient prefqu'au même
quoique je me rangerois plutôt du dernier
fentiment , puifqu'on n'y obferve aucune
intermiffion abfolue ; car on appelle fubintrante
, cette fiévre , qui , lorfqu'elle eft
prefque tombée , fe releve d'abord derechef
, foit peu à peu , foit tout à coup:
?
Enfin il y a une efpéce de fiévre que les
anciens ont dit être compofée d'une quotidienne
continue , & d'une tierce intermittente.
Ils l'appelloient hemitriftée
c'est- à dire demi tierce , & Hippocrate la
nommoit phricodés , c'eft à- dire fiévre qui
fait friffonner. Mais c'eft une fiévre continue
avec des redoublemens , de telle
forte que de deux en deux jours le redou
blement commence par un friffonnement,
ou même par un long & grand froid ',
avec tremblement , comme il arrive dans
les accès de la fiévre intermittente , && .
que dans les jours intermédiaires , le redoublement
ne commence qu'avec un leger
refroidiffement , comme dans la fiévre
quotidienne . En voilà affez fur les differences
des fiévres , tant à raifon de leur
continuité , qu'à raifon de leur intermiffion.
En fecond lieu , les fièvres font ou
humorales , ou non humorales.
120 MERCURE DEFRANCE.
*
On appelle humorales celles qui font
produites & entretenues par le vice de la
maffe des humeurs : telles font , entre les
continues aigues , la fiévre putride , la maligne
, la peftilentielle & plufieurs autres,
comme toutes les fiévres lentes , & prefque
toutes les intermittente.
Les fiévres non - humorales font celles
qui font produites & entretenues par le
vice des folides : telles font la fiévre caufée
par un abfcès qui fe forme , ou par une
fuppuration douloureufe , la fiévre occafionnée
par la douleur de quelque partie ,
comme par un panaris , par la piquûre
d'un tendon , par quelque , opération de
Chirurgie , par l'application du cautère
actuel ou potentiel , par la brûlure , &c.
dans tous lefquels cas la fièvre eft excitée
indépendamment de la dépravation des
Auides , & s'appaife promptement, dès que
le dérangement des folides , qui l'a occafionnée
, n'a plus lieu : d'où l'on voit clairement
que dans les fièvres humorales il
y a une matiere fébrile , & qu'il n'y en a
point dans les non -humorales. C'eft pourquoi
dans la théorie de la fiévre nous
avons affigné pour les caufes de la fréquence
du poulx , tantôt le paffage difficile
du fang dans les plus petits vaiffeaux
avec certaines modifications , tantôt la
fecouffe
FEVRIER . 1750. 121
;
Lecouffe violente du fyftême nerveux
enfin l'on voit que ceux qui ne reconnoiffent
qu'une feule caufe de la fréquence
du poulx fébrile , font bien peu verfés
dans la Science de la Médecine.
En troifiéme lieu , les fiévres font ou
effentielles , ou fymptomatiques.
Les fièvres effentielles , que quelques - uns
appellent principales ( primaria ) font celles
qui dépendent d'une caufe qui leur eſt :
propre , & qui ne marchent pas à la fuite
d'une autre maladie ; ces fiévres font toujours
humorales .
Les fièvres fymptomatiques , qu'on appelle
auffi fubalternes ( fecundaria ) , font
celles qui dépendent d'une autre maladie,
& font l'effet , ou d'une inflammation qui
a précédé , ou d'un ulcére , ou d'une. fiftule
, ou d'un abfcès formé & non ouvert .
Toutes les fiévres non-humorales rapportées
ci -deffus , font auffi de ce genre ,
d'où l'on voit que les fiévres fymptomatiques
font , les unes humorales , & les autres
non-humorales .
Quatrièmement enfin , les fiévres ont
reçu differens noms , foit à raiſon de certaines
caufes remarquables dont elles dépendent
, foit à raifon de quelques fymptômes
dont elles font accompagnées.
A raiſon de leurs caufes , on les appelle
F
122 MERCURE DEFRANCE.
veneriennes , fcorbutiques , fcrofulenfes , cancereufes
, morbillenfes , varioleufes , arthriti
ques , peftilentielles , catharrenfes , lactées ,
inflammatoires , fuppuratoires ; & à raiſon
de leurs fymptômes , quelques- unes font
appellées algides , aarrddeenntteess ,, lypiries , fyncopales
, typhodes , élodes, affodes , épiales, bydrodes
, lyngodes , phricodes , pourprées ,fcarlatines
, petechiales , inflammatoires , érefipe-
Latenfes. Ainfi les Praticiens ont donné
differens noms aux fièvres , à raiſon du
caractére particulier de leur caufe , ou même
de la differente nature de leurs fymptômes.
CHAPITRE TROISIE'ME.
De la fièvre ephemere.
Cette fiévre a été appellée ainsi , à cauſe
qu'elle a accoûtumé de durer un jour , c'eſtà-
dire vingt- quatre heures ; cependant elle
entreprend quelquefois fur le troifiéme
jour , & lorfqu'elle fe prolonge davantage,
elle fe change en fynoque non putride ,
ou bien en fynoque putride.
La fiévre éphémère eft cette efpéce de
fiévre continue fimplement briéve , dans
laquelle le poulx eft affez grand , modérément
vite & fréquent , égal & mou avec
une chaleur douce , fans de grands acciFEVRIER
. 1750. 123
dens , & qui parcourt fes tems en un jour ,
ou tout au plus dans trois jours .
Cette fiévre n'eft précédée, ni de dégoût,
ni de laffitude , ni de friffonnement , ni
de beaucoup de baillemens : mais elle faifit
tout d'un coup , dans toute fa force , avec
chaleur , & fans être accompagnée d'autres
fâcheux fymptômes : on ne reffent point
de douleur de tête , ni d'eftomach , ni
d'envie de vomir , ni d'ardeur extraordinaire
, ni d'inquiétudes , ni aucun des autres
accidens qui arrivent dans les autres fiévres
; on ne remarque pas de changement
dans les urines. Elle fe termine promptement
, & quelquefois fans aucune évacuation
fenfible , le plus fouvent par une
tranfpiration abondante , par des moëteurs
, ou par des fueurs qui ne font ni copieufes
ni fétides.
La caufe de cette fiévre eft une matiere
fébrile compofée de quelques molécules
peu maffives , & d'un plus grand nombre
d'autres tenues dures , actives , mêlées enfemble
& peu unies entr'elles . Ces dernieres
molécules agitent le fang tout d'un
coup , & le jettent dans une raréfaction
qui n'eft toutefois violente , parce que
à peine le fang eft devenu un peu plus
épais. Cette raréfaction eft caufe que le
fang a un peu plus de peine à paffer dans
pas
›
Fij
124 MERCURE DE FRANCE.
quelques- uns des plus petits vaiffeaux ;
quoiqu'en même tems les forces du coeur
& des vaiffeaux fanguins foient excitées
par une plus grande tenfion qui leur eft
furvenue , & que ces forces foient augmentées
; d'où s'enfuit un poulx modérément
vîte & fréquent, un poulx grand fans
être tendu ni dur , une chaleur plus forte,
mais non brûlante , & des fymptômes non
dangereux ; & cela parce que le fang n'a
que peu de peine à paffer dans les plus
petits vaiffeaux , car c'eft de ce paffage dif
ficile que dépend principalement la griéveté
des fymptômes de la fiévre.
La vifcofité des molécules de la matiere
fébrile étant peu confidérable , elle le fond
facilement , & ces particules tenues , ou
fe détruiſent bientôt par le mouvement
inteftin du fang , ou elles fe fondent entierement
& fortent par la tranfpiration ;
d'où il fuit que la fièvre doit durer peu ,
à caufe que la matiere fébrile eft bientê
diffipée , & qu'elle fe doit terminer , ou
d'une maniere infenfible , ou par une moë
teur , ou tranfpiration abondante , ou par
quelque fueur douce.
Cette fiévre eft ordinairement produite
par des caufes évidentes , principalement
par de longues veilles , des inquiétudes
d'efprit , des paffions , par la trifteffe &
FEVRIER. 1750. 125
& les chagrins , la colére , l'ardeur du So
leil , les laffitudes après un grand exercice ,
les excès du vin & des liqueurs fpiritueufes,
ou le défaut de nourriture , ou par
quelqu'autre femblable caufe. Toutes lef
quelles caufes produifent cette fiévre en
donnant occafion au fang de s'épaiffir legérement
, & de devenir un peu plus âcre,
ou , ce qui eft le même , en faisant naître
dans le fang quelques particules un peu
plus épaiffes , & quelques autres un peu
plus dures & plus actives , qui prifes toutes
enfemble peuvent être regardées comme
la matiere fébrile de la fiévre éphémère.
De ce qu'on vient de dire , on peut connoître
, ou du moins foupçonner la fièvre
éphémère , car un Médecin n'en eft affûré
que lorfqu'elle eft terminée , puifque quelquefois
cette fiévre prolongée dégenere en
putride , car il peut arriver qu'il y ait une
matiere fébrile confidérable cachée dans
le fang ou dans les premieres voies , dont
la portion la plus épaiffe , qui doit exciter
une fiévre aigue , ne fe développe qu'après
quelques jours , tandis que dès le commencement
il ne s'en développe que quelques
parties plus mobiles , qui produifent une
févre benigne , qu'on prend pour une fiévre
éphémère.
Fiij
126 MERCURE DE FRANCE.
Du prognoftic de la fièvre éphémère .
La fiévre éphémère n'eft jamais dan gereufe
, foit parce qu'il ne s'y joint jamais
d'accidens graves , ce qui prouve que le
fang n'a que peu de peine à couler par les
plus petits vaiffeaux , & que les premieres
voies ne font pas gorgées de mauvais ſucs ,
foit parce que la matiere qui la caufe, peut
aifément fe développer , & fe brifer par
les mouvemens fpontanés des vaiſſeaux
fanguins & par l'agitation du fang , & fe
diffiper enfuite fans aucune peine par la
tranfpiration. Cependant comme le diagnoftic
de cette fiévre eft équivoque , ainfi
qu'on vient de le voir , il eft bon de fufpendre
fon jugement jufqu'à la fin du
troifiéme jour .
Du traitement de la fièvre éphémère.
Il faut laiffer à la Nature , je veux dire ,
aux mouvemens fpontanés des vaiſſeaux
& du fang , le foin de guérir cette fiévre.
Ce qu'on exige feulement de l'Art , c'eft
qu'il ne faffe aucune faute qui puiffe trou
bler l'ouvrage de la Nature. C'eft pourquoi
on interdira tout aliment au malade
pendant le premier jour , & on ne lui donnera
à boire que de l'eau feulement , ou
de quelque ptifane délayante , par exem
FEVRIER. 1750. 127
ple , de l'infufion de capillaire. Mais fi la
fiévre fe prolonge au-delà de vingt- quatre
heures , on lui donnera auffi des bouillons ,
& on lui interdira tout aliment folide ,
pour empêcher qu'il ne fe forme dans les
premieres voies de mauvais fucs , qui
pourroient produire une fiévre putride ,
car les digeftions ne fe font jamais bien
dans quelque fiévre que ce foit. Mais fi
l'on s'apperçoit d'une augmentation de
chaleur , ou s'il furvient quelque fymptôme
un peu fâcheux , tel qu'une douleur de
tête, où tout autre , alors il conviendra de
tirer au moins une fois du fang , d'autant
plus que la fiévre éphémère n'attaquant
ordinairement que des gens jeunes & vigoureux
, on n'a à craindre aucun dommage
d'une telle évacuation.
Au reste fi , en obfervant ces régles , la
fiévre ne fe diffipe pas en trois jours , le
Médecin , connoiffant alors que ce n'eft
point une fiévre éphémère , tâchera de découvrir
fi c'eft une fynoque putride ou
non putride , afin de la combattre efficacement
au plutôt , de la maniere que nous
le dirons ci - après. Bien plus , fi avant le
troifiéme jour il fe manifefte des fignes de
pourriture , il faudra traiter cette fiévre
comme une fiévre putride commençante .
Fiiij
128 MERCURE DE FRANCE.
par
On a dû expliquer l'Enigme & les Logogryphes
du Mercure de Janvier le
Similor, Cordelier & Philofophie, On trouve
dans le premier Logogryphe Or , corâe ,
Elie , lie , Code , Ode , ordre. On trouve
dans le fecond Pôle , Ifle , Loi , Heli , foie ,
fel , Lis , Ops , oeil , Pô , lie , fole , Sophie
poli , poële , pois , fol ( monnoye , ) Eloi , fi,
fol , Pelops , foi , Pie , Jo , Oife , Lis , Sophi
& Philis.
,
說說說說說洗光:洗洗洗洗洗洗洗洗
ENIGM E.
JE fuis grande , je fuis petite ,
Tantôt dehors , tantôt dedans .
Si je marche , on eſt à ma ſuite :
Tel qui me porte cependant ,
Eft toujours de la compagnie
Celui qu'on refpecte le moins.
A tous ceux , dont je fuis fuivie
Je peux éviter bien des feins.
A la campagne fort utile ,
J'y fers pour la commodité ;
Mais on me place dans la Ville
Par befoin & par vanité.
Par un Officier de la Garnifon de Besançon
FEVRIER. 1750. 129
LOGO GRYPH E.
EN tranfpofant mes douze pieds ,
Mon nom , Lecteur , aux yeux expoſe
De quelques fauffes Déités
L'hiftoire & la métamorphofe .
On voit d'abord cet agent fouverain ,
Qui fçut livrer au Dieu de Ganimede
La belle dont naquit, malgré la tour d'airàim,›
Le Libérateur d'Androméde ;.
La Déeffe de l'équité ;
Celui d'où vint le nom de l'antique Cité ,
Dont l'amour d'un berger a caufé la ruine
Le crime qui livra la chafte Proferpine
Au Dieu des fombres bords ; cet époux fans égal,,
Qui par un rare amour s'en fut chercher fa femme
Jufqu'aux extrémités du manoir infernal ;
La belle qu'une foeur , par un commerce infâme ,
Voulut livrer au Meſſager du Ciel.
Une Parque , un Prince cruel ,,
Dont l'ayeul aux Enfers au milieu des eaux inême:
Eft en proye à la foifextrême.
Le fleuve ou Phaeton tomba du haut des Cieux ;
Le pere putatif de cet ambitieux ;
Le Mont où finit fa carriere.
Le demi Dieu connu par fes douze travaux -
Rw
130 MERCURE DE FRANCE.
Une amante du Dieu des eaux •
Qui fouvent fe vendoit pour foulager fon pere.
Celui qui non moins changeant qu'elle ,
Du même Dieu conduifant les troupeaux ,
A fon gré fçavoit prendre une forme nouvelle .
La mere des freres jumeaux ,
Dont l'un fonda l'Empire de la Terre ;
Le terrible Dieu de la
guerre ;
Une Mufe ; un funefte fruit ,
Dont jadis la vue éclatante
Scut brouiller tout l'Olimpe & fixer Athalante
Le Dieu des fonges de la nuit.
Enfin pour écarter la fable & l'impofture
Par un trait de réalité ,
On y voit le tribut qu'on doit à la Nature,
Mais c'en eft trop , Lecteur , & tu m'as devine.
JE
AUTR E.
E fuis de fept pieds compoſe ,
Et fort commode à tous & l'Hyver & l'Eté.
Quoiqu'on me voye à la Cour , à la Ville
Je fuis à la campagne encor bien plus utile.
Je renferme dans moi , fi tu veux bien chercher
Ce que le Dieu des vers en courroux fit ôter
A certain orgueilleux Satyre ,
Et qu'en mainte belle on admire.
Tu dois auffi trouver un Elément ,
Et de l'Eglife un Ornement ;
2.
FEVRIER . 1750. 131
Uu lrabit féminin pour qui veut peu paroître .
C'en eft affez, fans doute, & tu dois me connoître.
J
Par Mademoiselle de B.
AUTRE.
E fers à ton Iris , tu dois me deviner ,
Mais avant il faut bien te laiffer combiner.
Quoique mon tout , Lecteur , tienne fort
place ,
peu de
En moi tu trouveras un inftrument de chaffe ;
Ce que defirent les humains ;
Ce que redoutent les Marins ;
Une Ifle ; une fleur éclatante ;
Ce qui rarement nous contente ;
Ce qu'on ne dit qu'à quelque fot.
C'en eft affez , tu tiens le mot.
Par la même:
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
NOUVELLES LITTERAIRES ,
D
DES BEAUX- ARTS , &c.
ISSERTATION fur la glace , ou
Explication phyfique de la formation
de la glace & de fes divers phénoménes.
Par M. Dortous de Mairan , de l'Académie
Royale des Sciences , & l'un des Quarante
de l'Académie Françoife. A Paris , de
l'Imprimerie Royale , 1749 , in - 12 . pp.
384. Avec cinq Planches.
Tout eft foumis à l'empire de la mode ,
& puifqu'elle influe fouvent fur la méthode
de traiter les maladies , il n'eſt pas étonnant
qu'elle étende fon pouvoir juſques
fur la méthode de philofopher. Dans le
dernier fiècle , un Phyficien ne parvenoit
à une haute réputation , qu'autant qu'il
joignoit au bonheur de faire quelques découvertes
utiles ou curieufes , le talent d'imaginer
une hypotheſe éblouiffante , dans
laquelle on crût voir les caufes des phé--
noménes qu'il annonçoit. Aujourd'hui ,
le titre d'homme à fyftemes eft devenu prefque
une injure parmi les Philofophes : ils:
Le bornent à rendre compte de leurs expériences
, & lorfqu'ils hazardent quelque
FEVRIER.
1750. 133
raifonnement , ce n'eft qu'en forme d'induction
& de conjecture.
A en juger par les bornes de notre intelligence
, cette conduite paroît être la
plus raifonnable , mais le procedé contraire
peut avoir auffi fes apologiftes. M.
de Mairan , dans une Préface qu'il a mife.
à la tête de cette quatrième Edition de fa
Differtation , montre qu'on a porté beaucoup
trop loin la prévention contre l'ef
prit fyftématique. » Le point de divifion ,,
» dit- il , entre les connoiffances où nous.
»pouvons afpirer , & celles qui nous font
> interdites , entre les effets & les caufes
» qui fe compliquent fans ceffe , eſt il ſi
» bien marqué dans la Nature , qu'on ne
puiffe pas s'y méprendre ? Ceux qui nous
» condamnent à une éternelle ignorance-
» des premiers principes , ont-ils donc vû
» fi parfaitement le fond des chofes , qu'il
» n'y ait plus d'exception ; ni de révi
fion à propofer après eux ? Ce qui eft
» certain , c'eft qu'il faut en fçavoir beau-
» coup pour décider ainfi de la portée de
l'efprit humain , préfent & à venir.
">
Notre fçavant Académicien plaide fa
propre caufe , en prenant la défense des :
Philofophes , qui penfent que l'efprit de
fyftéme ne doit point être banni de la Phyfique.
Non content de décrire dans fa Dif
134 MERCURE DE FRANCE.
fertation la maniere dont fe forme la gla❤
ce, & de raffembler toutes les obfervations
relatives à ce phénoméne , il entreprend de
remonter aux caufes qui le produifent. Selon
M.de Mairan,la principale eft la diminution
de la vîteffe & du reffort des molé
cules de la matiere fubtile que renferment
les liquides. Ila foin d'avertir qu'il n'entend
point par matiere fubtile le premier
élément de Descartes , pris fans reftriction ,
mais feulement un fluide quelconque , inviſible,
quoique matériel , dont la fubtilité
& l'activité pénetrent tous les corps.
Nous ne fuivrons point l'Auteur dans
fes difcuffions philofophiques , ni dans le
détail des obfervations fur lefquelles il les
appuye. Parmi ces dernieres , il en eft un
grand nombre qui peuvent piquer la curiofité
des Lecteurs les plus indifferens
pour ce qui porte le caractére férieux.
Telle eft celle faite par Mrs Triewald , Farenheit,
Muffchenbroek, Jallabert, Micheli, &
par M. de Mairan lui-même, laquelle conftate
que
l'eau peut, fans fe geler , contracter
un degré de froid , beaucoup plus confidérable
que celui de la congelation . Telles
font auffi l'hiftoire du Palais de glace , de
cinquante-deux pieds & demi de long ,
fur feize & demi de large & vingt de hau
teur , qui fut conftruit à Pétersbourg penFEVRIER.
1750.
135
dant l'hyver de 1740 , & la defcription
d'une espece d'édifice que Fred. Martens ,
Navigateur très- habile & très- exact , affûre
avoir vu dans la mer glaciale ; la glace
avoit formé d'elle- même cet édifice , qui
reffembloit à un Temple , & dont toutes
les parties étoient prefque auffi régulieres
que fi un Architecte en avoit donné les
deffeings .
Peut-être ce fait ne paroîtra pas croyable
? En voici un qui ne le paroîtra pas davantage
, & qui cependant ne peut être
révoqué en doute.Non feulement on conf
truifit à Pétersbourg en 1740 le Palais
dont nous avons parlé , mais on y fabriqua
des canons de glace , qu'on chargeoit comme
d'autres canons , à cela près qu'on y employoit
feulement un quarteron de poudre,
L'épreuve d'un de ces canons fut faite un
jour en préſence de toute la Cour de Ruffie
, & le boulet perça une planche de deux
pouces d'épaiffeur à foixante pas d'éloignement.
y a Cette Differtation a été compoſée il
trente deux ans , & M. de Mairan y a fait
fucceffivement plufieurs additions qui l'ont
rendue un volume de près de quatre cens
pages . Imprimée pour la premiere fois en
1716 à Bordeaux , où elle remporta le Prix
proposé par l'Académie de cette Ville ; elle
136 MERCURE DEFRANCE.
fut réïmprimée à Béziers en 1717 , & £
Paris en 1730 , dans le fecond tôme du Recueil
intitulé , les vertus médicinales de l'eau
commune. Couronnée par une Académie
célebre , honorée de plufieurs Editions
& portant le nom de M. de Mairan , elle
n'a pas befoin de nos éloges pour être recherchée
avec empreffement par les perfonnes
qui ne l'ont pas encore lûe.
>
LES FASTES ATTIQUES , dans lesquels
on trouve la fuite des Archontes Athéniens
, l'âge des Philofophes & des autres
Hommes illuftres , & les principaux
points de l'Hiftoire Attique , rangés fuivant
l'ordre des années Olympiques
avec de nouveaux éclairciffemens. Par
Edouard Corfini , Clerc Régulier des Ecoles
Pies , & Profeffeur de Philofophie dans
l'Académie de Pife . Tome fecond , qui
comprend les fix dernieres Differtations.
A Florence , 1747 , de l'Imprimerie de
Jean-Paul Giovanelli , in-4° . de 472 pages.
L'ouvrage eft en Latin.
TRAITE DES CRIE'ES , vente des
Immeubles & des Offices , par Decret ,
principalement fuivant l'ufage du Duché
de Bourgogne , avec des obfervations fur
les Décrets volontaires , les Directions , la
vente Judicielle , la vente des Lettres de
Barbiers & Perruquiers , celle des Rentes
FEVRIER.
1750. 137
foncieres & conftituées ; & un Recueil
d'Edits , Déclarations du Roi , Coûtumes ,
Réglemens , Certificats d'ufage & formules
fur cette matiere . Nouvelle Edition ,
revûe , corrigée & confidérablement augmentée
, par M. Jean- Alexis Thibault ,
Procureur au Parlement de Dijon . A Dijon
, chez François Defventes , Libraire &
Imprimeur en Tailles- douces , ruë de Condé
, à l'Image de la Vierge , 1746 , deux
volumes in- 4°. Le premier de 423 pages ,
y compris la table alphabétique des matieres
, & non compris environ 18 pages
pour la table des chapitres & des Formules ,
l'Epitre Dédicatoire à M. le Premier Préfident
du Parlement de Bourgogne , un
avant propos , un avertiffement , diverfes
additions & explications , & une Lifte alphabétique
des Auteurs cités dans l'ouvrage.
Le fecond volume de 358 pages , non
compris un court avertiffement, & une table
des obfervations & des formules en 6
pages , quelques Certificats de differens
Greffes de Dijon , en deux pages , & une
table chronologique , fort fommaire , en
12 pages , des Ordonnances , Edits , Déclarations
du Roi , Coûtumes , Arrêts de
Reglement , Délibérations , & Certificats
d'ufage rapportés en entier ou par extrait ,
ou fimplement indiqués dans ce fecond
# 38 MERCURE DE FRANCE.
volume , avec des renvois fur chaque article
à la page de ce volume où la pièce eft
difpofée dans l'ordre du Traité.
ABREGE' de l'Aftronomie Phyfique fuivant
les principes de Newton , traité fuivant
la méthode Scholaftique , à l'ufage de
la jeuneſſe . A Paris , chez Jacques-François
Quillau , fils , rue S. Jacques. Volume
in- 12 . de cent deux pages. L'ouvrage eft
en Latin .
ANNALESEcclefiaftici ab anno 1198 , ubi
definit Cardinalis Baronius , auctore Odorico
Rainaldo Congregationis Oratorii Prefbytero .
Accedunt in hac editione note Chronologica ,
Critica , Hiftorica , quibus Raynaldi Annales
illuftrantur , fupplentur , emendantur , auctore
Joanne Dominico Manfi, Lucenfi, Congregationis
Matris Dei. Tomus quartus . Luce ,
typis Leonardi Venturini , 1749 , in-fol. Ce
volume qui commence à l'année 1286 , &
va jufqu'à la fin de 1312 , eft le vingtquatrième
des Annales Eccléfiaftiques , en
comptant l'apparat pour le premier , & le
quatriéme de la continuation des mêmes
Annales Odoric Raynald. par
BIBLIOTHEQUE Curieufe , hiftorique &
critique , ou Catalogue raifonné des Livres
difficiles à trouver , par David Clément ,
tome premier . A Hanovre , chez Jean- Guillaume
Schmid , 1750. Cet ouvrage fera
FEVRIER. 1750. 139
imprimé in-4° . fur de bon papier & ave
de beaux caractéres. Le prix de la fouf
cription eft d'un écu & un florin , environ
7 livres 10 fols monnoye de France , pour
le premier volume. On trouvera des Soufcriptions
jufqu'au mois d'Août prochain à
Paris , chez Briaffon ; chez Dulfecker , à
Strasbourg , & chez les principaux Libraires
de l'Europe. Ceux qui n'auront pas
foufcrit , payeront le premier volume un
demi Louis d'or.
TRACTATIO critica de variis lectionibus
Novi Teftamenti cautè colligendis , & adjudicandis
, in qua cùm de illarum caufis , fpeciebus
fontibufque , tùm de cautelis , ex qui
bus dijudicari , & vel approbari , vel reprobari
debeant , agitur , fimulque de Codicibus
five Gracis , five Graco Latinis , de verſionibus
item antiquis , & de Patribus , ex quibus
ille colliguntur , multa partim curiofa , partim
utilia , & fcitu neceffaria adferuntur , in-
4° . Halla.
LE PREMIER volume du Traité de Morale
de M. Fofter paroît depuis peu à Lon
dres , chez Noon & Knapton , Libraires.
DISSERTATION fur la Prophétie , où l'on
examine la liaifon & la connexion des
Prophéties du Vieux & du Nouveau Teftament
, avec une explication de l'Apocalypfe
, in-8° dans la même Ville. L'ouvrage
eft en Anglois,
140 MERCURE DE FRANCE.
DESCRIPTION des plus belles Maiſons
de Campagne d'Angleterre , en Anglois,
& en François. On n'y a pas oublié celle
de Mylord Cobham , dont les Etrangers
vont voir l'original par curiofité dans la
même Ville.
LE CHAMPION des Serpens , ou le Déifme
dévoilé. Deux volumes in S°. Dans la
même Ville.
HISTOIRE Géographique de la nouvelle
Ecoffe , où l'on traite de fa fituation , de
fon étendue & de fes limites , comme auffi
des diverfes difputes des Cours d'Angleterre
& de France , au fujer de la poffeffion
de cette Province , & où l'on montre fon
importance , tant à l'égard du commerce ,
que par rapport à la fûreté des autres éta- .
bliffemens des Anglois dans l'Amérique
Septentrionale , à quoi on a ajoûté une
defcription exacte des bayes , lacs & rivieres
, de la nature du terroir & du produit
du pays , avec les moeurs & les ufages des
Habitans Indiens , in- 8 ° . dans la même
ville.
TRAITE' de la vérité de la Religion ,
nouvelle partie , par M. le Profeffeur Vernet
, dans laquelle on traite l'importante
queftion des miracles. A Genêve.
J. CASP. Hagembuchii Prof. Ling. Gr. d
Lat.de Gracis thefauri novi Muratoriani quiFEVRIER.
1750. 141
bufdam metricis diatriba , 1749. in- 4 ° . A
Zurich.
ECLOGA ex optimis gracis Scriptoribus ,
ad vitam ftudiofe juventutis informandam
cum interpretandifubfidio , quam potuit emendate
propofita , 1749 , in- 8 ° . de 24. feuilles
d'impreffion . Dans la même ville.
DE ANTIQUISSIMO Turicenfis Bibliotheca
Graco Pfalmorum libro in membrana purpu
rea , titulis aureis , ac litteris argenteis exarato
, epiftola ad eminentiffimum Cardinalen
Ang. M. Quirinum fcripta à Joanne Ja.
cobo Breittingero Lingua Grace Profeffore
1748 , in-4° . Dans la même ville.
SERMONS & Panégyriques de M. l'Abbé
de la Tour 1749. Deux volumes in- 8°.
chez Pierre Leroi , Imprimeur-Libraire à
Tulle.
PRÔNES de M. Symon , Curé de Saint
Germain de la ville de Rennes , pour les
Dimanches de l'année , avec quelques Sermons
& Panegyriques par le même Auteur,
à Rennes , chez Julien Vatar Imprimeur-
Libraire , 1749. Deux volumes in- 12 .
HISTOIRE de l'Académie Royale des
Sciences , année 1745 , avec les Mémoires
de Mathématiques & de Phyfique , pour
la même année , tirés des Registres de
cette Académie , à Paris , de l'Imprimerie
Royale , 1749 , in - 4° .
142 MERCURE DE FRANCE.
ABREGE' de toutes les régles que l'on
doit obferver pour la Police & l'adminiſtration
des Héritages de campagne , à quoi
on a joint les principaux réglemens intervenus
fur cette matiere. Le titre eft : Code
rural , ou maximes & réglemens concernant
les biens de campagne , notamment
les Fiefs , Franc- Aleu , Cenfives , droits
de Juftice Seigneuriaux & Honorifiques ,
la Chaffe & la Pêche , les Bannalités , Corvées
, la Taille Royale & Seigneuriale ,
les Dixmes Eccléfiaftiques & inféodées , les
Baux à loyer , à ferme , à cheptel , à rente,
emphyteotiques , les troupeaux & beftiaux
, l'exploitation des Terres labourables
, Bois , Vignes & Près , par M.....
Avocat au Parlement , in - 12 , deux volumes
, à Paris , chez Prault , pere , Imprimeur
Libraire , Quay de Gèvres au Paradis.
NOUVEL ABREGE' chronologique de
l'Hiftoire de l'Europe , à Paris chez le Loup,
Libraire , Quai des Auguftins.
DEMONSTRATION de l'existence de la
Médecine univerfelle , ou du fecret de
prolonger la vie au-delà des bornes ordinaires
, à Paris , chez Sangrain , fils , au Palais
, 1749 , in- 8 ° .
HISTOIRE de France fous les Regnes de
Saint Louis , de Philippe de Valois , du
FEVRIER . 1750.
143
Roi Jean , de Charles V & de Charles VI ,
par M. l'Abbé de Choify , à Paris , chez
Didot , Nyon , Dammonneville & Savoye ,
Libraires , 1750. Quatre volumes in - 12 .
LES ORNEMENS de la mémoire , ou les
traits brillans des Poëtes François les plus
célébres , avec des differtations fur chaque
genre de ftyle , pour perfectionner l'éducation
de la Jeuneffe , tant de l'un que de
l'autre fexe. A Paris , chez les mêmes Libraires
, 1749 , im- 12..
CALENDRIER Hiftorique , Chronologique
& Moral de la très - Sainte & trèsglorieufe
Vierge Marie , Mere de Dieu ,
contenant les louanges que les Saints Peres
lui ont données , les Fêtes établies &
les Eglifes bâties en fon honneur & dédiées
fous fon invocation , les Ordres ,
Inftituts Religieux , Confréries , qui lui
font dévoués , les Decrets des Conciles.
qui autorifent fon culte , les Miracles opérés
par fon interceffion , les Saints & les
perfonnes pieufes qui fe font diftingués
par
leur dévotion envers elle , avec des
remarques hiftoriques fur l'antiquité du
culte que l'Eglife rend à la Sainte Mere de
Dieu , le tout extrait des Auteurs les plus
anciens & les plus authentiques . Ouvrage
curieux & utile aux Curés , aux Prédica
teurs , aux Religieux , & c . A Paris , chez
144 MERCURE
DE FRANCE:
Claude Heriffant , fils , rue Notre-Dame ,
1749 ,
in- 12.
RETRAITE de quelques jours pour une
perfonne du monde , par M. P. Laffitau ,
Evêque de Sifteron , 1750 , in - 12 . Chez
le même Libraire .
HISTOIRE des révolutions de Génes ,
depuis fon établiffement jufqu'à la conclufion
de la Paix de 1748. A Paris , chez
Nyon & Robuftel , Libraires , Quai des Auguftins
, 1750. Trois volumes in- 12.
LE PHARMACIEN moderne , ou nouvelle
maniere de préparer les drogues , traduit
de l'Anglois par M. Eidous . Expériences de
Médecine fur des animaux , pour découvrir
une méthode sûre & aifée de diffoudre la pierre
par injections , avec une fuite d'expériences
fur les effets du Laurier-Cerife , & fur
ceux des vapeurs du foufre , lûes aux Affemblées
de la Société Royale , par M.
Browne Langrish , du Collège des Médedecins
de Londres , traduites de l'Anglois.
Differtation fur la quantité de la tranſpiration
, des autres excrétions du corps bumain
, par M. Bryan Robinſon , Docteur-
Médecin , traduite de l'Anglois . Ces trois
ouvrages forment un jufte volume in - 12 , &
fe débitent chez Jean -Noël le Loup , Quai
des Auguftins , & chez Jean -Baptiſte Langlois
, rue Saint Jacques , 1749 & 1750.
ESSAL
}
FEVRIER. 1750. 145
ESSAI fur l'intérêt de la Nation en général
& de l'homme en particulier , où
l'on traite de l'homme , de fon efprit , de
fa folie , de fa penfée , de fes fentimens ,
de fes bonnes ou mauvaiſes qualités , de
fes devoirs , depuis ceux du Souverain jufqu'à
ceux du Particulier , des Loix , des
Finances , du Commerce , de la Religion ,
de la Paix , & de la Guerre . A Paris , chez
Claude J. B. Bauche , fils , Libraire , Quai
des Auguftins , à l'Image Sainte Geneviève,
1749 , volume in- 12 . de 194 pages , fans
l'Avis & l'Avant-propos.
Le Mémorial de Paris & de fes environs
, nouvelle édition , augmentée confidérablement
, 2 vol. in - 12 . A Paris ,
1749. Chez le même Libraire.
Le Théatre des Grecs , par le P. Brumoy.
Paris , 1749 , 6 vol . in 12. Chez le même
Libraire.
Cicero de Amicitia . Parifiis , apud eumdem,
1750 , in- 32 . Caractéres de Nompareille.
Livres imprimés depuis un an ou environ chez
le même en Compagnie.
Hiftoire d'Angleterre de Rapin de Thoyras,
continuée,jufques & y compris le dernier
Traité de Paix. 16 vol. in-4°.
.. Le Théatre Anglois , par M. de la Place ,
8 vol. in 12. Les tômes 7 & 8 , qui font
qui
G
145 MERCURE DE FRANCE.
la fin de l'ouvrage , viennent de paroître.
La Bibliothéque des jeunes Négocians ,
par M. de la Rue , in - 4° .
Le Praticien univerfel de M. Couchot ,
revû par feu M. de la Combe , 2. vol . in-4°.
& 6 vol. in- 12 .
Les OEuvres de Mad.la Marquife de Lambert
, 2 vol . in- 12.
La Deſcription du Brabant & de la Flandre
Hollandoife, avec les Plans. Vol . in 12 .
Les Lettres du Baron de Bufbec , Ambaffadeur
à la Porte & à la Cour de France ,
avec des notes , 3. vol. in- 12 .
Commentaire fur la Coûtume d'Auxerre,
par M. Née de la Rochelle , Avocat . In-4° .
Le même Libraire imprime en compagnie
une nouvelle Edition de l'A
bregé de l'Hiftoire de France du P. Daniel,
augmentée des Vies de Louis XIII & de
Louis XIV . 12 vol . in- 12 , laquelle paroîtra
dans deux ou trois mois au plus tard ,
en attendant la grande Hiftoire, qui pourra
paroître dans un an .
RELATION hiftorique du voyage fait dans
l'Amérique , par ordre de Sa Majefté Ca
tholique , par Don Georges Juan & Don
Antoine de Ulloa. Seconde partie. Tome
troifiéme. A Madrid , chez Antoine Marin,
1748 , de379 p. L'ouvrage eft en Espagnol.
ESSAI de Philofophie Morale. A Berlin ,
1749 , in- 12 . de 106. pages.
FEVRIER. 1750. 147
NOUVEAU SUPPLEMENT au grand Dictionnaire
hiftorique , généalogique , géographique
, de M. Louis Moréri , pour fervir
à la derniere Edition de 1732 , & `aux
précédentes . Deux volumes in -folio . Tome
premier A. G. de 901 pages , fans les corrections
& additions. A Paris , chez Vincent
, Coignard, Boudet, Lemercier , Defaint,
Saillant & Heriffant , 1749.
ANNONCE de l'Hiftoire Naturelle des Barbades,
qu'on imprime pour l'Auteur, à Londres,
chez E.Owen. L'ouvrage eft en Anglois.
LE POUVOIR de l'Amour , Cantatille
nouvelle à voix feule , avec accompagnement
de Violon & de Baffe. Dédiée à Mlle
Burteur par M. du Charger . Les paroles
font de M. Diffon . Cette Cantatille fe vend
à Paris , aux adreffes ordinaires , & à Di
jon , chez l'Auteur , rue de Condé .
CARTE Généalogique & Chronologique de
la Maifon de France , pour faciliter la lecture
& l'intelligence de l'Hiftoire de notre
Monarchie. Dédiée & préſentée au
Roi ,, par M. J. R. Huré.
Cette Carte eft en deux feuilles , & fort
bien exécutée . M. Huré a obfervé d'y mettre
les femmes à côté de leurs maris , &
leurs médaillons font attachés par un double
cordon : quelquefois même le mari &
la femme font dans le même médaillon.
Gij
148 MERCURE DE FRANCE.
Tous les enfans , tant mâles que femelles,
font précisément fur la même ligne audeffous
des pere & mere. L'extinction de
chaque Branche eft défignée par un gland de
la même couleur du cordon . On diftingue
les enfans naturels par un cordon verd , &
par un médaillon dont le haut eft échancré.
AVIS
Qu'on nous prie de faire imprimer.
ON fe propofe de donner dans peu
au Public un ouvrage qui a pour
titre , Introduction au faint Ministére , ou la
maniere de s'acquitter dignement de toutes les
fonctions de l'état Eccléfiaftique , tant pour le
Spirituel que pour le temporel.
Ouvrage qui renferme en abregé l'explication
des principaux myftéres de la
Religion , les pratiques de l'Eglife , fon
efprit dans fes prieres , dans fes ufages ,
dans fes cérémonies ; les maximes de Jefus-
Chriſt & de l'Evangile ; la maniere de
conferer dignement les Sacremens , &
d'exercer les autres fonctions Curiales.
E fuite les Edits , Déclarations & Ordon
nances de nos Rois , qui regardent les
Curés , Vicaires & Aumôniers , & généralement
toutes les maximes Canoniques ,
les décifions des plus célébres Auteurs , &
4
FEVRIER. 1750. 149
Arrêts des Cours Souveraines , fur ce qui
les concerne , tant pour le fpirituel que
pour le temporel .
Ouvrage utile aux jeunes Séminariſtes
qui font la fonction de Catéchistes , parce
qu'ils y trouveront des régles fûres & d'excellentes
pratiques pour fe former euxmêmes
, & infpirer aux enfans qu'ils inftruiſent
dans les Catéchifmes , la devotion,
la retenue & la piété .
Ouvrage utile aux nouveaux Vicaires ,
& à ceux qui fe deftinent à travailler au
falut des ames , foit pour le Tribunal de
la pénitence , foit pour l'adminiftration
des autres Sacremens , parce que les matieres
y font toutes digerées , & qu'ils y puiferont
une infinité de lumieres , propres à
les aider dans l'occafion.
›
Ouvrage utile aux Curés , parce qu'ils
auront tout d'un coup fous la main tour
ce qui concerne leur miniftère , & qu'ils y
trouveront non- feulement de quoi éclairer
les confciences , & fe mettre au fait
des obligations d'un chacun , mais encore
par rapport à leurs bénéfices , foit pour
en conferver les droits , prééminences &
prérogatives , foit
pour maintenir les troupes
dans le devoir lorfqu'ils en auront
en garnifon dans leurs Paroiffes , par la
lecture qu'ils pourront faire des Ordon-
G iij
150 MERCURE DE FRANCE.
nances de nos Rois à ce fujet.
Ouvrage utile aux Chanoines , parce
qu'ils y verront tout ce qu'ils font obligés
de pratiquer en confcience , pour remplir
felon Dieu les fonctions de leur état , &
en même tems les décifions les plus authentiques
, fur les differentes conteſtations
qui peuvent s'élever entr'eux par rapport
à leurs dignités , prééminences , droits ,
prefféances , & c.
Ouvrage utile aux Aumôniers de Ma-
Fine , & des Maifon , Troupes & Armées
du Roi , tant pour connoître les obligations
de l'état militaire , les fautes , les
abus qu'on y peut commettre , que pour
infpirer aux Officiers de l'horreur pour les
duels , difputes , combats finguliers , par le
récit des peines portées dans les Edits & Déclarations,&
faire fentir aux foldats tout le
crime & la perfidie de la déſertion , par les:
fupplices inévitables décernés contre ceux
qui manqueront de fidélité à leur Prince.
Ouvrage utile aux Religieux , tant pour
l'adminiftration des Sacremens entre eux ,
que pour ceux qui confeffent les feculiers
dans leurs Eglifes , de même que
pour les Religieux qui vont rendre fervice
dans les Paroiffes , & qui affiftent les criminels
à la mort.
Ouvrage utile à ceux & celles qui ap
FEVRIER. 1750. 151
prochent fouvent des Sacremens , parce
qu'ils auront fous la main les plus belles
Sentences de l'Ecriture & des Peres , &
les plus propres à réveiller en eux la ferveur,
pour les préparer dignement à la Confeffion,
Communion , & c . & pour en tirer
tout le fruit qu'ils ont lieu d'en attendre .
Ouvrage utile aux perfonnes pieufes &
charitables qui vifitent les prifonniers , les
affligés , les malades & qui affiftent les moribonds
à la mort , parce qu'elles y puiferont
les motifs les plus confolans & les plus
capables de faire impreffion fur les coeurs.
En un mot , ouvrage utile à tout Chrétien
, qui y trouvera abondamment de
quoi s'inftruire , s'édifier & opérer avec
fûreté fon falut .
Cet ouvrage doit être en trois volumes
in-12 , dont voici la diftribution .
Le premier volume eft uniquement
pour le fpirituel ; il renferme 1. les régles
& la maniere de faire les Catéchismes utilement
; 2 ° . les exhortations fur les Sacremens
& autres fonctions Curiales ; 3 ° . la
vifite des malades ; comment on doit les
confoler , enfuite les préparer & affifter
à la mort ; 4° . la vifite des affligés , des
prifonniers & des criminels , & comme il
faut fe comporter , lorfqu'on eft obligé de
les difpofer à endurer les derniers fup
G iiij
152 MERCURE DE FRANCE.
plices , & de les conduire & accompagner
fur l'échaffaut .
Le fecond volume comprend ce qu'il
faut annoncer au peuple ; 1º . les annonces,
c'est -à - dire , de petits difcours fur tous les
myftéres & Fêtes , tant de commandement
qu'à dévotion , qui tombent dans le cours
de l'année ; 2 ° . les Edits & Déclarations
qui doivent être lûs par les Curés au Prône
de leurs Meffes Paroifliales , fur plufieurs
articles très intéreffans , tant pour
le bien de la Religion & de l'Etat , que
pour celui de leurs Paroiffes en particulier .
3. Les Ordonnances concernant les Aumôniers
des troupes de terre ( conformément
au plan qui eft propofé dans la Préface
de l'ouvrage ) fur le duel , la défertion
, les délits militaires , la police & la
difcipline des troupes , tant en route qu'en
garnifon , lefquelles Ordonnances peuvent
être également lûes par les Curés ,
foit des Villes ou Villages , lorſqu'ils auront
des troupes dans leurs Paroiffes .
4°. Les Ordonnances les plus importantes
qui font du reffort des Aumôniers de
Vaiffeaux , leſquels peuvent être regardés
comme de vrais Paſteurs .
Dans le troifiéme volume on a raffemblé
avec foin tous les Edits , Déclarations ,
Ordonnances , Maximes canoniques , déFEVRIER
.
1750. 153
cifions des plus célébres Aureurs , & Arrêts
des Cours Souveraines , fur ce qui concerne
les matieres fuivantes .
De la Religion & du Service divin .
Des Catéchifmes & Prônes , des Bâtêmes
, Mariages , Sépultures , Regîtres ,
Teftamens , Monitoires , Eglifes & Preſbitéres
, Droits honorifiques , Cures & Curés
, Marguilliers , Fabriques , Fondations,
Amortiffemens , Maîtres d'Ecoles ; des
Priviléges &immunités des Eccléfiaftiques,
des Curés Primitifs & Vicaires perpétuels,
des Portions congrues des Curés , de la retribution
des Deffervans , du Droit d'oblation
, des Dîmes , Baux Eccléfiaftiques
des Permutations , Réfignations , Penfions
fur les Cnres , & des Chanoines , &c .
On peut juger de l'utilité de l'ouvrage
par ce récit ; on s'eft efforcé d'exécuter
tout ce qui vient d'être annoncé , avec autant
de folidité, que de clarté & de préciſion .
ן כ »Onnepeutdouterquecetouvrage,
» bien exécuté , ne foit d'une grande uti-
» lité au Public. Pour traiter folidement
» toutes ces matieres & les renfermer en
» ttois volumes in- 12 . L'Auteur a ufé
» d'une prodigieufe précifion , & la crainte
que fon ouvrage ne parût trop cher
» lui a fait doubler & tripler fon travail ,
par la peine que donnent pour l'ordi-
G v
154 MERCURE DE FRANCE.
naire les réductions & les extraits . I
39
penfe & agit d'une maniere bien diffe-
>> rente de celle de la plûpart de nos Au-
» teurs modernes.
""
» On doit juger d'autant pluș favorable
» ment de cet ouvrage , qu'il eft revêtu
» de l'approbation d'un Prélat des plus diftingués
par fon rang & fa fcience , qui
>> après l'avoir lû & examiné attentivement ,
» en a porté le témoignage le plus avantageux,
»
Le Livre dont il s'agit s'imprime ac-
» tuellement chez le Sieur Bullot , rue Saint
Etienne des Grecs , à S. Jofeph.
" Cet avis pourra fervir à ceux qui au-
» ront deffein d'en être les premiers partagés
, aux Séminaires , aux Libraires &
» autres , en foufcrivant chez ledit Imprimeur
pour le nombre d'exemplaires qu'ils
jugeront à propos.
"
» Le prix eft de fix livres en feuilles.
On prie ceux qui écrironí par la poſte,d'affranchir
leurs lettres..
REMARQUE
Alreffée à M. Remond de Sainte Albine..
Na annoncé dans le Mercure de-
France du mois de Février 1749 ,
une nouvelle édition, in- 8 °. d'un Traité
1
FEVRIER. 1750.
1531
fur les Fortifications , avec la defcription
& l'ufage de la Brouette Ignographique.
A Paris , chez Savoye , rue Saint Jacques
à l'Esperance ; mais c'est par erreur qu'on
a attribué cet ouvrage à M. Rueuelles , il
faut lire M. Querelles , Ingénieur.
L
NOTE
Concernant l'Académie de Corse.
E 28 Décembre , cette Académie reçut
au nombre de fes Membres M.
d'Herbain , Chevalier de l'Ordre Royal &
Militaire de Saint Louis , & Capitaine au
Régiment de Tournaifis ; le difcours de
'remerciement que le nouvel Académicien
prononça , fut fort applaudi , & la réponſe
de M. Chriftofari , Directeur , cut auffi
les fuffrages de l'affemblée .
M. l'Abbé Semidei , connu par l'Hiftoire
des Héréfies , qu'il donna en 1737 ,
y lut une Differtation hiftorique , qui fixe
T'époque de l'exil de Seneque en Corſe.
La féance fe termina par la lecture des
deux premiers Livres de l'Hiftoire du
Royaume de Corfe , par M. Chevrier.
Cet ouvrage eft divifé en fix volumes ;
le premier paroîtra dans le courant du
mois de Février prochain..
G vj
156 MERCURE DE FRANCE.
LETTRE A M ***
Sur les Manufactures du Beauvoifis.
E voudrois bien , Monfieur , pouvoir
Jfatisfaire l'envie que vous m'avez marquée
, de fçavoir fi les anciens Habitans
du Beauvoifis fe font autant diftingués
par leurs manufactures que par leur courage
, mais leurs defcendans n'ont pas la
même fatisfaction que les Artéfiens , de
trouver dans l'Hiftoire des veftiges de
T'habileté de leurs Ancêtres dans la fabrique
des étoffes . Le texte de celui des
Écrivains de l'Hiftoire d'Augufte , que M.
Juvenel ( 1 ) cite en preuve du cas que l'on
faifoit des draps d'Arras fous l'Empire de
Gallien , paroît fignifier fimplement que
fous l'un des Succeffeurs de cet Empereur ,
les Habitans de l'Artois fournirent les habits
militaires qu'on leur avoit demandés
( 2 ) ; & s'acquitterent par- là du tribut
, auquel un titre ( 3 ) du Code de
( 1 ) Differtation fur les manufactures , au Mer
cure de Mars 1738 , p . 468 .
(2 ) Donatifunt ab Atrebatieis birri petiti. Vopif
eus in Carino.
(3 )De vefti militare.
2
FEVRIER. 1750. 157
Juftinien , cité par le fçavant Bergier ( 1 )
nous apprend que plufieurs autres Provinces
étoient également affujetties. Le trait
qu'un autre Hiftorien nous a conſervé de
Gallien lui -même , eft plus décifif en fa
veur des Artéfiens . Ce Prince voulant diffimuler
fon reffentiment de la perte qu'il
venoit de faire de toutes les Gaules , qui
avoient reconnu Pofthume pour Empereur
, demandoit en badinant fi la République
n'étoit pas en fûreté fans les étoffes
d'Arras (2 ). Encore une fois , on ne trouve
point de témoignage auffi favorable aux
manufactures des anciens Habitans du
Beauvoiſis , mais tous les Auteurs ont tant
vanté leurs vertus militaires , que leurs defcendans
n'ont pas lieu d'envier la réputation
, qu'un peuple , allié de leurs ancêtres,
a pû s'acquérir dans cette autre partie.
Au refte comme les Beauvoifins étoient
fous les premiers Céfars les plus confidérables
d'entre les Belges ( 3 ) , il eft naturel
de leur appliquer ce que les Hiftoriens
de ces tems-là nous apprennent en général
des ufages Belgiques.
liv.
( 1 ) Hiftoire des grands chemins de l'Empire ,
4.
ch. 26 .
( 2 ) Nonfine Atrebaticis fagis tuta Refpublica eft ?
Trebellius Pallio in Gallienis duobus .
( 3 ) Strab. Liv . 4. Cafar, comment. de Bello Gal
lice. L. 2. m. 4.
158 MERCURE DE FRANCE.
Si on en croit Strabon ( L. 4. ) , dès le
regne d'Augufte , les Belges nourriffoient
quantité de troupeaux , & avec la laine
qu'ils en tiroient , ils fabriquoient des
fayes ( 1 ) , dont ils fourniffoient Rome
& prefque toute l'Italie.
Que penfez vous , Monfieur , d'un
commerce fi étendu pour des étoffes d'une
laine groffiere , établi en Italie dans fes
plus beaux jours ? Ne feroit-t'on pas tenté
de croire que le défaut de la matiere étoit
compenfé par la beauté & par la fingularité
du travail ? Cependant toute la defcription
que Diodore de Sicile nous a
laiffée de l'induſtrie des Gaulois de ce temslà
, eft que leurs tuniques peintes de diverfes
couleurs paroiffoient être femées de
fleurs , & que les cafaques qu'ils mettoient
par-deffus , épaiffes en hyver , plus legeres
en été , étoient rayées ou divifées par petits
carreaux ( 2 ) .
,
11 eft affez furprenant qu'une fabriqueauffi
fimple ait paru affez remarquable
pour trouver la place dans l'Hiftoire .
Pline , après avoir raconté que les peuples
d'Alexandrie ont employé les premiers
( 1 )Saga. C'étoit l'habit des Gaulois , mais cemot
paroît devoir être pris ici pour le nom
l'étoffe même.
( 2 ) Bibl. Hift. l . sa
de:
FEVRIER . 1750. 159
des fils de differentes couleurs dans les
étoffes , rapporte , comme quelque chofe
de fort honorable aux Gaulois , qu'ils out
fçu y figurer des carreaux ; cet Art eft encore
le feul , par lequel le même Naturalifte
remarque que les Portugais de fon
tems rendoient leurs étoffes recommandables
( I ) ...
Vous pouvez voir , Monfieur , dans les
Mémoires du Beauvoifis , par Loifel , la
copie de differens titres , qui prouvent que
les fabriquans de Beauvais formoient une
Communauté il y a cinq cens ans. Dans le
dernier fiécle , ils faifoient paffer de leurs
étoffes en Allemagne , en Espagne , & même
en Gréce & en Turquie ( 2 ) , & encore
aujourd'hui le commerce d'Efpagne n'eft
pas ceffé.
On faifoit de la toile dans toute la Gaule
& on y femoit du lin ( 3 ) . On l'a toujours
fi bien cultivé dans les environs de Bulles,
Bourg du Beauvoifis , que jufqu'à ce que
la Cour en ait défendu-l'exportation , les .
Flamands n'ont pas ceffé de venir s'en
provifionner tous les ans ( 4 ) . Ils en fai-
( 1 ) Hift. Natur, l. 8. c. 48.
( 2 ) Louvet , Hift . de la Ville de Beauvais .
( 3 ) Pline , l . 19. c . I.
ap-
( 4 ) Mem . du Beauvoifis , p. 16. Hiftoire de
Beauv . P. 5 .
160 MERCURE DE FRANCE.
foient des toiles qu'ils nous vendoient fort
cher, & qui étoient fi fines & fi belles , que
Charles VI. & le Duc de Bourgogne en
envoyerent en préſent à Bajazer ( 1 ) . Il y
a long-tems que les nôtres elles mêmes
avoient aflez de qualité pour être recher
chées dans les Pays étrangers , puifque l'Edit
du mois de Février 1577 , qui a défendu
le tranſport des lins & chanvres
hors du Royaume , fixe le droit de fortie
de nos toiles fines , & que fes expreffions
font entendre qu'il n'a pas été le premier.
Il paroit , Monfieur , qu'on s'eft occupé
autrefois au travail de la cire dans la
ville de Beauvais , puifqu'on prétend que
la cire verte y a été inventée. ( 2 )
La perfection où les tapifferies de Beauvais
font parvenues fous les entrepreneurs
actuels (3 ) , meriteroit bien à cette manufacture
une origine ancienne , mais quoique
moderne , elle n'eft pas moins glorieufe,
puifqu'elle vient du grand Colbert,
( 1 ) Duhailian , tome fecond .
(2) Hift. de Beauvais par Louvet.
(3 ) Vous fçavez que l'un eft M. Befnier, ancien
Echevin de Paris , & le premier François qui ait
remporté le Prix d'Architecture à Rome , & que
l'autre eft M. Oudry , fi connu de toute l'Europe
par le degré auquel il a porté fes talens , & dont
une des principales attentions eft de former de
bons Eléves , & d'exciter leur émulation .
FEVRIER. 1750. 161
qui y attira des ouvriers Flamands.
Les anciens Auteurs ne nous inftruiſent
pas plus , Monfieur , des teintures particulieres
du Beauvoifis que de fes manufac
tures. Ce filence fait affez naturellement
de l'opinion fauffe , mais générale , où
l'on étoit que la teinture n'étant pas un
Art liberal , n'étoit pas digne de fixer l'attention
d'un homme au deffus du commun .
Pline,( 1 ) entraîné fans doute par le torrent
, étoit dans la même erreur . Il ne faifoit
pas réflexion que la théorie de cet Art
eft liée avec les plus belles parties de la
Phifique & de l'Hiftoire Naturelle , &
qu'elle eft fufceptible d'une infinité de
recherches curieules .
On doit cependant lui rendre la juftice
de convenir qu'il eft celui qui en a le plus
parlé. C'est lui qui nous apprend que les
Gaulois avoient trouvé le fecret de contrefaire
avec des herbes la pourpre de Tyr ,
l'écarlate & toutes les autres couleurs. ( 2 )
Ce n'eft pas fans doute de leurs atteliers
que fortoit l'efpece de pourpre que
pouvoient porter à Rome les Plebeiens
mais qui imitoit mal la pourpre de Tyr ,
puifqu'elle avoit un oeil terne & paffé . ( 3 )
Il y avoit encore d'autres manieres de
(2 ) Idem.
(3 ) Genialium Dierum , lib. 5. c . 18 .
1. Liv. 22. ch . 2 .
162 MERCURE DE FRANCE.
falfifier la pourpre . En 424 les Empereurs
Honorius & Arcadius deffendirent l'uſage
de la foye & de la laine , teintes de la fauffe
couleur de pourpre tirée du poiffon Rhodinus
ou de quelqu'autre matiere que ce fût.
Pline dit ( 1 ) qu'il a vû des moutons vivans,
teints en pourpre ; que la laine deux fois
teinte par les Tyriens ( 2 ) valoit mille deniers
la livre (3 ) & que les toiles fe teignoient
en pourpre de même que les draps
(4).Voila , Monfieur, des témoignages authentiques
pour la foye , la laine & le lin ,
contre ce que M. Juvenel nous dit ( 5 ) que
les étoffes teintes en pourpre n'étoient que
de coton .
Quant à l'hiftoire de cette belle couleur,
M. de Reaumur l'a faite dans un des Mémoires
de l'Académie des Sciences de l'année
1711 , dont M. Rollin nous a donné
dans le 10.volume de fon Hiftoire ancienne
un extrait beaucoup plus étendu que ne
l'a fait M. Juvenel .
Suivant la notice des dignités Romaines
dans les Gaules, les Empereurs n'y faifoient
teindre en pourpre qu'à Toulon & à Nar-
( 1 ) L. 8. ch. 48. (2) L. 9. ch. 39.
(3 ) C'eft à- dire 500 livres , fuivant M. Rollin ,
Hift. ancienne , tom . 10.
(4) L 19. chapitre premier.
(s) Mercure de Mars 1738 , page 469.
FEVRIER. 1750. 163
bonne. Gaffendi prétend qu'on n'alloit
point chercher loin de cette premiere ville
le précieux poiffon qui fourniffoit cette
couleur. ( 1 )
Mais je m'apperçois , Monfieur , que
cette digreffion m'éloigne de la contrée ,
qui eft le premier objet de ma lettre. Si on
trouve fi peu d'éclairciffement fur le commerce
des anciens habitans de cette Province,
il n'en faut chercher d'autre raiſon ,
que celle par laquelle M. Rollin finit
fes réflexions fur cette matiere , qui eſt
que l'efprit belliqueux & l'efprit de commerce
s'excluent mutuellement dans une
même nation.
J'ai l'honneur d'être , Monfieur , &c.
Briffon , éleve dans les Manufactures à
Beauvais.
( 1) Vit. Nic. Fabr . L. 4.
164 MERCURE DE FRANCE:
EXTRA IT *
D'un Mémoire de M. Lemaur , Ingénieur-
Géographe du Roi, fur une Machine à faire
du Damas , fur une à faire du Velours.
"
»
E tous les Arts , les plus utiles après
Fagriculture font fans contredit
ceux qui fervent à nous habiller ; entre
>>ceux- ci l'Art de tixer les étoffes peut paf-
" fer pour le
le premier ; fans lui nous ferions
» encore vêtus de peaux , dont nous ne
»pouvons nous fervir que par la deftruction
d'animaux qu'il nous eft quelque
fois important de conferver : au con-
» traire par fon moyen les mêmes peaux ,
qui ne nous fervoient qu'une fois , font
» des champs dans lefquels nous moiffon-
» nons une matiere propre à faire nos ha-
» bits ; des animaux qui nous feroient
» entiérement inutiles , nous en filent une
» autre , & les plantes mêmes nous en four-
» niffent en grande quantité .
و د
ןכ
و د
>> Il y a fans doute long- tems que cet Art
* Un accidént bifarre eft caufe que cet Extrait
qui nous a été remis dès l'année 1748 , ne paroît que
dans ce volume . Pour que M. le Maure par ce retard
ne perde rien de la gloire de fon invention , nous
devons avertir qu'il avoit achevé fa machine avant
d'être inftruit que M. de Vaucanfon en faifoit une
pourfabriquer des ét ‹ffes à fleurs.
.
FEVRIER. 1750. 165
D
"}
eft dans l'état où nous le voyons aujour
d'hui , peut - être même qu'avant M. de
» Vaucanfon on le croyoit à fa plus haute
perfection : je ne cacherai cependant pas
qu'au mois d'Avril 1746. environ 7
» mois avant qu'il eût annoncé fa décou-
» verte au public , la même penfée m'étoit
» venue à l'occafion des métiers à faire des
bas , mais les occupations que j'avois
» alors, ne me permirent pas de fuivre mes
» idées ; je les oubliai en partie , & elles
» ne me revinrent dans l'efprit qu'en ap-
»prenant la nouvelle de la découverte de
» M. de Vaucanfon .
E
» Cette nouvelle , en m'apprenant la
» poffibilité de ce que j'avois penſé , m'ap-
» prenoit en même tems que je ne ferois
pas reçû à ne donner au public que la
même chofe qu'il tenoit de M. de Vaucanfon.
Pour l'intereffer , il falloit donc
» encherir fur lui ; devois- je efpérer d'y
» réaffir ? J'eus cependant la hardieffe de
»l'entreprendre. Cet ingénieux méchani-
» cien n'avoit trouvé que le moyen de
» faire des étoffes unies ; ainfi il me reftoit
» celles à fleurs & les velours ., dont l'exé-
» cution renferme bien plus de difficultés.
" Je n'avois pas moins à imaginer une ma-
" chine équivalente à celle de M. de Vau
» canfon , que perfonne ne voit , & de
و ر
166 MERCURE DE FRANCE.
*
"
laquelle il n'a pas donné la defcription .
J'avois de plus à m'inftruire de la fabri-
» que des étoffes ; je connoiffois à la vérité
>> celle des unies ; j'y avois vû travailler
» à Avignon & à Nifines , mais j'ignorois
prefque abfolument celle des étoffes à
fleurs ; tout ce que j'en fçavois , je l'avois
appris en paffant à Lyon en 1742 chez
»un fabricant , lequel me montra fes métiers
que je vis travailler pendant un
» quart d'heure. Je n'avois alors que vingt
ans, & j'étois très- éloigné de penfer que
jaurois un jour befoin des plus petites
chofes qui concernent cet Art.
99
33
» C'est pourquoi j'ai tardé fi long-tems
» après M. de Vaucanfon à faire exécuter
» la machine dont j'avois conçu le deffein:
elle feroit même encore à faire, fi à Enghien
près Mons , où j'ai paffé une partie
» de l'été dernier , je n'avois eu occafion
» d'étudier plus particulierement la fabri-
» que des étoffes à fleurs chez un fabri-
" quant, que M. le Duc d'Aremberg tient
"à fes gages , lequel fe trouvoit d'autant
plus à portée de m'inftruire , qu'étant feul ,
il eft obligé de monter lui-même fes pie-
» ces & de lire fes deffeings .
"
כ
Dès que je fus affez inftruit de la fabrique,
je me mis à méditer fur chacune
des piéces qui compofent les métiers orFEVRIER
.
1750. 167
dinaires , & à examiner de quelle maniere
les differens mouvemens qu'exécu
»tent l'ouvrier & le tireur , pourroient être
» produits par une machine . Je rapporte
» rai ici mes méditations felon l'ordre que
» je les ai faites. Il nous feroit peut- être
» utile d'être inſtruits par ceux qui font
» des découvertes dans quelque genre que
» ce foit , du procedé qu'ils ont fuivi pour
» y parvenir cela , je le penſe , pourroit
» nous apprendre mieux que les préceptes,
» l'Art d'en faire , que toute perfonne doit
"avoir en vue dans les études , fi elle fe pro-
>>
pofe d'être utile à la fociété. Ce n'eft pas
»que je croye que la conduite que j'ai te-
» nue doive fervir d'exemple; je la rappor
te, tant parce que je crois qu'on me fuivra
"avec moins d'ennui , en trouvant la folu-
» tion des difficultés , à mefure qu'elles fe
préfenteront , que pour avouer fincere-
» ment les fecours que jai tirés des machines
déja exécutées ou décrites dans diffe-
>> rens ouvrages .
"
"
>> Pour peu qu'on connoiffe la fabrique
» des étoffes , on fçait que leur tiflu eft
» composé par l'entrelaffement des fils de
» la chaîne qui eft tendue fur le métier, &
» du fil de la couverture qui traverſe la
» chaîne. On n'ignore pas que pour for-
» mer cet entrelaffement , la chaîne s'ou
168 MERCURE DE FRANCE:
"
و د
و د
ל כ
» vre à l'aide des liffes , pour laiffer paffer
la navette qui porte le bout du fil de
» la couverture , & qu'après qu'elle eft
» paffée , la chaſſe , où le battant frappe ce
» Al pour le ferrer contre l'ouvrage , fait
qu'il augmente de fon volume. On fçait
aufli l'ouvrier fait mouvoir les liffes
30 que
» au moyen de pédales qu'il appelle des
» marches ; qu'il jette la navette d'une
» main ; qu'il la reçoit de l'autre , & qu'après
qu'elle a traverſé la chaîne , il abandonne
à lui-même le battant qu'il ſou-
» tenoit , lequel agit contre le fil de la
» couverture par fa pefanteur & fon poids;
», enfin on fçait que les étoffes ( j'entends
les unies ) ne different entre elles , quant
à leur tiffu , que par le nombre des liffes
qu'on employe à les faire , & par l'ordre
»felon lequel on les fait mouvoir. Ainfi
» pour qu'une machine faffe telle étoffe
unie qu'on voudra , il faut ,
»
39
33
"
» 1 ° . Qu'elle puiffe faire mouvoir un
"certain nombre de liffes dans un or
>> dre quelconque .
وو
» 2º . Qu'elle les tienne élevées ou baif-
»fées pendant le tems que la navette em-
»ploye à traverser la chaîne par la voye
» qu'elles lui ouvrent .
»3 °. Qu'elle foutienne le battant pen-
» dant le même tems,
» 4°.
FEVRIER. 1750 . 169
» 4° . Enfia qu'elle faffe paffer la navette .
Pour peu que l'on médite fur le premier &
le fecond de fes effets , on ne tarde pas à
» reconnoître l'analogie qu'ils ont avec
20
ן כ
و د
un
orgue de Savoyard ; cet orgue va par le
» moyen d'un tambour , fur la fuperficie clindrique
duquel on a placé des dents , qui en
levant les touches du clavier , exécutent un air
» qui dépend de l'ordre felon lequel on les a arrangées
, & les tenues plus ou moins longues fe
font par des levées traînantes . Il n'y a donc
» nulle difficulté à faire mouvoir les lifles ni à les
tenir élevées , il n'y en a pas non plus à foutenir
le battant. Les levées traî antes y font encore
» propres ainfi tout le réduit , quant à ces parties
de la machine , à leur donner la difpofition la
plus convenable , mais cette difpofition étant
celle qui rendra la machine la plus fimple
qu'elle puiffe être , nous ne pouvons en entre-
»prendre la recherche , que nous ne conno flions
auparavant les moyens d'exécuter tous les mou-
» vemens dont nous avons befoin.
35
"
DO
:
» Des quatre conditions
que nous avions
à rem- plir , il ne nous en refte plus qu'une , & c'eſt la plus difficile
, le paffage
de la navette. Il faut
qu'elle
traverfe
le métier , en paffant
entre les
fils de la chaîne, qu'elle foit reçue de l'autre côté
par quelque
chofe qui la mette dans une fitua » tion propre à pouvoir
être renvoyée
comme elle eft venue , lorsque
le battant
aura frappé une ou plufieurs
fois , & que les liffes lui auront ouvert
» un nouveau
paffage , & elle doit continuer
ainfi
» d'aller & revenir fans fin.
כ כ
Ici l'Auteur entre dans l'examen des differens
moyens qu'on peut employer pour faire paffer la
naverte , il pefe les avantages & les inconvéniens
de chacun ; & il fe détermine pour un , qui , à
H
170 MERCURE DE FRANCE .
fon jugement , eft le meilleur de tous , & qui peut
fe regarder comme une preuve de fon fentiment
c'eft que ce moyen détermine le lieu de chacune
des pièces propres à produire les mouvemens des
liffes & du battant ', en forte que la moindre atten
tion fait appercevoir que la machine a toute la
fimplicité à laquelle elle puiffe atteindre .
Le moyen qu'il employe pour faire paffer la
navette , n'eft
n'eft pas feulement propre à en faire paffer
une , mais , avec de légeres additions , on en
peut faire paffer deux , tois , quatre & même fix ,
& ce qu'il n'eft pas inutile de remarquer , c'e
qu'il eft auffi fimple d'en faire paffer deux qu'une ,
quatre que trois , &c .
Cet examen fini , & le lieu des piéces propres à
produire les mouvemens des liffes & du battant ,
étant déterminé de la maniere la plusavantageufe ,
il continue ainfi .
" pour
ל כ
» Il nous refte encore une chofe à faire & dont
nous n'avons pas parlé . Il faute aux yeux que
faire faire de l'étoffe à une machine , il
faut,afin qu'elle foit également ferrée dans toute
»fon étendue , que le battant tombe toujours d'une
hauteur égale ,& par conféquent que le terme
»de l'ouvrage fait occupe toujours le même lieu ,
eu égard à l'emplacement de la chaffe & des
» liffes ; ainfi il faut faire enforte que l'ouvrage
>>fe roule à mesure qu'il fe fera.
Ceci ne renferme pas à beaucoup près autant de
difficultés que le paffage de la navette : on fe
tromperoit cependant, fi on s'imaginoit qu'il n'y a
fimplement qu'à faire tourner d'un mouvement
uniforme un rouleau fur lequel fe plieroit l'ouvrage
à mesure qu'il fe feroit. Cela à la vérité fuffroit
, fi la longueur de l'étoffe n'excédoit point la
circonference du rouleau , mais dans tout autre
cas l'étoffe ne feroit uniforme dans fa force que
FEVRIER. 1750. 171
par parties ; la premiere , laquelle feroit égale à la
circonférence du rouleau , feroit la plus forte ; la
feconde le feroit moins , puifque le même nombre
de fils occuperoit une circonférence dont le rayon
feroit d'une épaiffeur d'étoffe plus grand. La
troifiéme moins que la feconde, & ainfi des autres.
L'Auteur , par le moyen qu'il employe , évite
cet inconvénient , & de la maniere la plus fimple ,
mais que le befoin de figures pour le rendre intelligible,
ne permet pas de décrire ici .
و د
55
"
trouvé le
» unies
5 כ
par
Je n'eus pas plutôt ( c'eft l'Auteur qui parle ')
moyen d'exécuter une machine
les mouvemens néceffaires pout faire des étoffes
, que j'entrepris la recherche de ceux
qu'on pourroit employer pour faire des fleurs .
Jufques là je n'avois fait que la même chofe ou
l'équivalent de M. de Vaucanfon , & ce n'étoit ,
pour ainfi -dire , que le prélude de l'ouvrage que
j'avois entrepris .
52
Quoiqu'on puifle regarder le paffage de la
» navette , comme affez difficile à exécuter par le
» moyen d'une machine , il renferme cependant
» moins de difficultés que le tirage des cordes ,
» par le moyen duquel on fait les fleurs . Pour
» mettre tous les Lecteurs à portée d'en juger &
» d'entendre plus facilement le refte de ce Mémoire
, je décrirai en peu de mots de quelle
maniere elles fe font dans les métiers ordinaires.
55
53
"
→ Pour exécuter un deffeing fur une étoffe , on
»en fait une copie fur un papier où font tracées des
» lignes paralleles très- ferrées , lefquelles le cou-
"pent à angles droits ; les unes repréfentent les
» fils de la chaîne , & les autres ceux de la couver-
>> ture , de cette maniere on voit quels font ceux
>> des fils de la chaîne , qui doivent paroître ou dif-
>>paroître pour produire les parties du deffeing qui
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
2
» répondent à chaque coup de navette , & par
» conféquent ceux qu'il faut lever ou bailler dans
» leur fituation ; de là on fent aifément qu'à cha-
» que conp de navette , les fils qui fe levent ou
» ceux qui reftent , ne font pas les mêmes, & qu'ils
changent dépendamment du deffeing.
"
ב כ
35
Pour produire cet effet dans les métiers ordi-
» naires , chaque fil de la chaîne eft paffé dans
» une corde qui s'éleve verticalement au - deffus
» du métier pour palier fur une poulie , & de là
aler horisontalement fe fixer à un rouleau en
traverfant le métier à angles droits . A un point
» de chaque corde eft attachée une autre corde ,
qui tombe verticalement à côté du métier ,
eft fixée à un rouleau qui lui - même l'eft au
plancher , en forte qu'en tirant celle- ci , on fait
» lever l'autre , & par conféquent le fil de la chaî-
» ne qui y répond .
לכ
&
» Afin de pouvoir féparer de ces cordes qui def
» cendent verticalement , celles qui répondent au
coup de navette qu'on va donner , fans qu'il foit
» befoin de les chercher , on les a difpofées de
maniere que le tireur n'a qu'à prendre un bout
» de corde , le tirer & ferrer dans fa main les cordes
qui fe trouvent détachées des autres par
> cette manoeuvre , & en appuyant , il fait lever
» les fils de la chaîne déterminés par le deffeing à
» difparoître de deffous la piéce pour former la
» Aleur.
>
La première chofe qui s'offre à l'efprit pour
» exécuter ce tirage par une machine , c'eſt un
» clavier & un tan bour femblable à celui de l'orgue
de Savoyard , dont nous avons parlé au
» commencement de ce Mémoire. La mufique de
» celui- ci fe liroit fur le deffeing , & au lieu d'airê-
» ter les levées , ce qui le rendroit limité à n'exécuter
jamais que les mêmes fleurs ; on les feroit
FEVRIER. 1750. 173
» mobiles , comme dans les tambours des cari!-
» lons. Il eft vrai qu'un feul tambour ne pourroit
» exécuter que des deffeings , dont les étendues
» feroient fous multiples de celui qui occuperoit
la circonference entiere , ce qui ne feroit pas un
> grand inconvénient . Mais ce qui en peut
être
» un , c'eft la grandeur du diamétre du tambour ,
lorfqu'on voudra exécuter des deffeings d'une
» étendue un peu grande.
פ כ
» Le nombre des cordes qu'on employe ordi-
» nairement , c'eft deux cens , ou quatre cens ;
» deux cens fuffitent , lorfque le deffeing eft répeté
» deux fois dans la largeur de l'étoffe , & quatre
cens font néceffaires , lorfqu'il ne l'eft qu'une.
Voyons quel doit être le diamètre du tambour ,
» & le nombre des touches du clavier , pour exécuter
un deffeing d'une aulne , dans l'un & l'autre
99
ככ
cas.
Le nombre des touches du clavier dépend de
celui des cordes , & lui eft toujours égal . Ainfi
» dans le premier cas il faudroit deux cens touches ,
» & dans le fecond quatre cens. Le diamètre du
» tambour dépend de celui des levées qui doivent
» occuper fa circonference , & ce nombre dépend
lui -même des coups de navettes , néceffaires pour
» faire une aulne d'étoffe dans le cas préfent.
Trente coups de navette font fix lignes de damas,
à peu près , & le nombre des cordes à tirer ne
change que de deux en deux coups : il faut donc
1320 levées pour une aulne , & par conféquent
la circonference du tambour doit être telle
" qu'on puiffe y appliquer ce nombre de levées
33
"
dont chacune doit avoir au moins un pouce ; la
» circonference du tambour devroit donc avoir
» 1320 pouces, & fon diamétre trente- cinq pieds.
Or il eft vifible qu'un tombour de ce diamètre
» eft abfolument impraticable.
H iij
174 MERCURE DE FRANCE.
» Mais eft- il indifpenfablement néceffaire que fe
» tambour ne faffe qu'un tour pour exécuter
» deffeing ? L'orgue des Savoyards fait entendre
differens airs qui fe faccéderoient immédiate-
» ment , fi à chaque tour que fait le tambour , il
» s'avançoit dans le fens de fon axe, de la quantité
néceffaire , pour que les levées qui exécutoient
» le premier air,ne rencontrent plus les touches du
» clavier , & que celles qui font deftinées à faire
" entendre le fecond , fe trouvent à leurs places ; ce
» fecond air fini , un troifiéme pourroit le fuivre ,
» & un quatrième celui - ci , & c . & comme on en
» peut mettre à la fuite les uns des autres autant
qu'on le voudra , il eft clair qu'on pourra dimi-
» nuer le diamètre du tambour de la quantité
» qu'on jugera néceffaire , en augmentant fa lon-
" gueur à proportion , mais alors la longueur ne
» deviendra telle pas trop grande ? C'est ce que
" nous allons examiner.
לכ
و د
>
Nous venons de voir que pour faire un deffeing
d'une aulne , il faut , lorfqu'on veut que le tambour
ne faffe qu'un tour , que fa circonference
»ait 1320 pouces , & fi on lui en fait faire dix ,
» il ne la faudra faire que de 132 pouces , & le
» diamétre trois demi pieds , mais il doit être
dix fois auffi long que dans le premier cas , de
même que le clavier qui lui eft toujours égal ,
» à caufe de l'intervalle qu'on fe trouve obligé de
mettre entre chaque touche , qui dans le cas
préfent eft égal à dix fois l'épaiffeur d'une levée."
» Or le clavier doit avoir 200 , ou 400 touches , "
» ainfi la longueur du tambour doit être telle
qu'on y puiffe placer 2000 , ou 4000 levées.
Que chacune ait deux lignes d'épaiffeur , c'eft
trop peu ; le tambour aura donc vingt - fept pieds ,
strois pouces , 4 lignes, ou cinquante cinq pieds,"
ور
3:
לכ
و د
FEVRIER. 1750. 175
sofix pouces , huit lignes ; ce qui nous fait connoî
tre qu'il n'eft abfolument pas poflible de faire
>> ufage d'un femblable tambour .
Mais il ne paroît pas que ce tirage puiffe s'e
xécuter autrement que par un tambour ; il faut
→ donc examiner s'il ne peut pas être employé
» d'une maniere plus fimple que celle que nous
» venons d'expofer . Pour cela il convient de nous
rappeller la maniere dont on lit les deffeings
> elle nous fournira peut être des moyens de fim-
» plification qu'on ne trouveroit pas ailleurs.
ככ
L'Auteur fait ici une courte defcription de la maniere
de lire les deffeings , & il en déduit une conf
truction de tambour qui ne demande plus qu'un
clavier de quarante- quatre touches de vingt- deux
pouces de longueur , & de vingt- huit de diamétre
, diminution énorme , & qui ( nous n'en doutons
pas ) furprendra les Lecteurs , fur tout quand
ils fçauront qu'avec ce clavier on peut exécuter
des deffeings de deux aulnes , dans le cas même où
ils ne font point du tout répetés.
>
Comme le lieu que le tambour doit occuper , eu
égard à l'emplacement du métier eft d'une
grande confidération par rapport au plus ou
moins de fimplicité , l'Auteur , avant que de le déterminer
, examine quelle difpofition il convient
de donner à plufieurs métiers , afin qu'un feul
homme puiffe veiller au plus grand nombre poffi
ble , lequel fera déterminé par l'expérience , &
cet arrangement des métiers étant une fois trouvé,
le tambour vient, pour ainfi dire , de lui- même prenla
place la plus convenable. Toutes ces chofes
étant difcutées , il continue de cette maniere.
» Il étoit naturel , après avoir trouvé le moyen
d'exécuter , par le fecours d'une machine , des
deffeings d'une étendue auffi grande qu'on puiffe
Hiiij
176 MERCURE DE FRANCE.
.
les fouhaiter , de penfer à l'appliquer aux ve.
→ lours.
Il fait une courte defcription de la maniere de
les fabriquer , détaille fort au long les piéces
qu'il faut ajouter à la machine pour lui en faire
faire , & termine ainfi ſon Mémoire .
>> Nous avons examiné toutes les difficultés fans
» nous en diffimuler aucune , & nous en avons
donné la folution on ne peut douter que
ןכ
;
» notre machine ne foit propre à faire du damas
& du velours. Il reste à fçavoir s'il y aura réel-
» lement de l'avantage à en faire ufage , c'eft ce
qui ne fe peut déterminer qu'en examinant ce
que coûtera la conſtruction & les frais de l'en-
» tretien de la machine. Je promets de le faire le
» plus fcrupuleufement , quand mes occupations
» ordinaires m'en donneront le loifir , mais fans
>> entrer dans un calcul précis, je puis dès à préſent
affûrer qu'il y en aura ; j'en juge par ce que m'a
coûté l'exécution d'une de celles qui font des
étoffes unies. Quand elles coûteroient toutes
autant que cette premiere , ce qui n'eft pas vrai
»femblable , plufieurs enfemble rapporteroient le
revenu de l'argent au denier trois.
و د
» Au refte des vûes d'intérêt ne m'ont point engagé
dans ce travail . Je ne fouhaite rien de plus
que d'être utile au Public , & je lui facrifie vclontiers
mes inftans de loifir , fans m'embarraf
» fer d'autre récompenfe que celle d'un Philofophe
, qui eft toujours trop flatté de l'avoir fervi .
AVerfailles le Juin 1748.
I
FEVRIER . 1750. 177
Es
A VIS .
Concernant l'Agriculture.
Lescourbes pour Navires , Bâteaux,rouages&
>
jours été fort rares , il eft étonnant qu'on n'ait pas
trouvé la méthode de s'en procurer de tout âge ,
de toute efpéce & de bonne qualité , provenantes
de fouche , de pied ou brin , au lieu de celles de
fciage ou branchage qu'on eft forcé d'employer ,
faute de meilleures ; même des planches qui euffent
cette forme fans chauffe ni aucun travail. Il
n'y auroit pourtant qu'à plier , arquer & affujettir
de jeunes arbres dans les taillis , hayes , & par
tout ailleurs on parviendroit ainfi au but fans
frais , & fans nuire à la croiffance. Cette pratiqueeft
fi aifée & fi utile à tous égards , qu'elle ne demande
que d'être indiquée pour perfuader & devenir
à la mode.
Celle d'anter ou greffer les ceps . de vignes en
terre & hors terre pour avoir promptement du
raifin , de tel crû & efpéce qu'on voudra , n'eft
guéres plus difficile , & n'auroit pas de moindres
luccès , en s'y prenant par tout auffi bien qu'on
fait dans les grands vignobles de Champagne , les
feuls où elle foit en ufage , quoique depuis fort peu
d'années.
Pour détruire la maudite engeance des corneilles
, fi nuifible aux enfemencés , aux récoltes &
fruits , & particulierement aux parcs & grands
bois où elles s'adonnent , puifqu'à raifon de vingt
fols de dommage par bec chaque année , il en réfulte
des millions de perte , laquelle pour être in-
H
178 MERCURE DE FRANCE.
fenfible n'en eft pas moins réelle . Prenez des
féves de marais , & les lardez intérieurement de
pointes & morceaux d'aiguilles, & c. il n'y a point
de nourriture que ces animaux aiment tant ; auffitôt
donc qu'ils en auront englouti quelques-unes,
ils joncheront les campagnes voifines de leurs réfi .
dences . Les payfans, les ramafferont & les laifferont
aifément tomber dans leurs marmites ; ainfi
donc , comme encore avec du gland , aura-t'on le
fecret pour la premiere fois de profiter de ces
perfides oifeaux , en les faifant périr à la grande
fatisfaction des Seigneurs & des laboureurs.
Vers le mois de Mai prochain , nous régalerons
le Public du moyen infaillible de tuer la fongere ,
plante amére & purante , qui fait auffi bien des
ravages dans la moitié de nos Provinces . Imagines
roit'on . , par exemple, qu'une continence d'arpent,
remplie de cette herbe , renferme huic à dix charretées
de racines qu'il ne feroit pas poffib'e de
défoncer qu'en dépenfant plus que la terre ne
vaut ? Au lieu qu'avec fix francs au plus , pour les
Propriétaires qui ne font pas leur befogne par
leurs mains , nous en viendrons à bout , & rendrons
par confequent un grand fervice à tout le
genre humain , comme nousvenons déja de faire
par les trois articles précédens , qui peuvent en
core être perfectionnés. Facile eft inventis addere
rebus.
PARTIE du Port de Rouen , nettoyée.
L
E Sieur Macary , Méchanicien , Privilégié do
Roi , pour la fûreté du Commerce & de la
Navigation , vient de récurer une partie du Port
de Rouen , dont il a enlevé une malle petrifiée
誓179
FEVRIER. 1750.
avec la vafe , fable & cailloutage , ce qui compo
foit un maftic de cinq à fix pieds d'épaiffeur fur
quarante -buie toifes de long , & foixante- dix
pieds de large , dans lequel maſtic il a trouvé
plufieurs pieux de neuf à dix pieds de fiche & d'un
pied de groffeur . Il a enlevé auffi un nombre confidérable
de groffes pierres de taille ,portant quinze à
vingt- cinq pieds cubes chaque quartier. Le tout a
été enlevé avec fa machine , & mis à terre en préfence
& à la fatisfaction de tout le Public. Par
ce moyen il fe trouve , dans les endroits où il a
travaillé , plus de fept à huit pieds d'eau plus qu'il
n'y avoit. Il avertit ceux qui auront befoin de fon
miniftére pour le récurement des Ports de mer
canaux , baffins , marais falans , qu'on n'a qu'à
s'adreffer au Caffé Pelletier , rue de l'Arbre-fec ,
à Paris ; il y recevra toutes lettres & paquets ,
pourvû qu'ils foient affranchis , & il y fera réponſe
dans quelqu'endroit que ce foit . Il n'eft pas poffible
de trouver en aucun endroit de l'Europe un
ouvrage auffi difficile que celui qui a été fait à
Rouen , fans que le cours de la Navigation en ait
été interrompu , & qu'aucun ouvrier ait été bleffé,
tant la machine eft bien conftruite.
L
DELUXATOIRE.
E Sr Baradelle , Ingénieur du Roi pour les Inf
trumens de Mathématiques, donne avis à Mef
fleurs les Chirurgiens , qu'il fait & débite le Déluxatsire
, c'eft-à - dire la machine pour la luxation
des os , de l'invention de M. Petit , de l'Académie
Royale des Sciences & de la Société Royale de
Londres , Cenfeur & Démonftrateur Royal , &c.
Hvj
180 MERCURE DE FRANCE.
&
Ce Déluxatoire n'eft point embarraffant à porter,
n'ayant que quatre pieds huit pouces de longueur
torfqu'il eft monté , fur trois pouces trois lignes de
large & un pouce fix lignes d'épaiffeur . Ile dé .
monte en deux parties , pour plus de facilité à le
porter. Il fe vend tout garni de fes deux mouffles
& de la machine à rochet qui eft attachée deffus
avec la manivelle , des cordons de foye & des lacs
anili de foye & de chamois , avec l'arc- boutant de
chamois , enfin toute affortie , de forte qu'il n'y a
plus qu'à en faire ufage . Le tout eft felon les principes
de M. P. Le Sr Baradelle demeure toujours
à Paris , Quai de l'Horloge du Palais , à l'enſeigne
de l'Obfervatoire.
LETTRE
De M. Cantwel , &c . &c . &c . à M. Remond
de Sainte Albine.
MONSIEUR , N
J'ai vu avec ſurpriſe la Lettre que M. Daran a
fair imprimer dans le Mercure de Septembre dernier
; j'y aurois répondu plutôt fans la maladie
longue & dangereufe dont j'ai été attaqué.
L'Auteur femble oublier les inquiétudes où il
eft depuis plus de trois ans fur mes recherches . Pl
exige pour preuve de mes découvertes que je les
rende publiques , perfuadé que des motifs d'inté
ret m'empêcheront de le faire , parce qu'il ne le
feroit pas lui-même en pareil cas , Metirific quemquefuo
modulo ac pede verum eft ; ou réfolu de
contefter la vérité du fait , lorfque je lui aurois .
FEVRIER . 1750 . 181
donné la fatisfaction qu'il affecte de demander
Mais comme je me fuis fait un devoir de l'épargner
dans ce que j'ai déja publié fur les maladies , dont
il prétend poffeder la cure parfaite , j'efpere que
le Public m'aura pardonné le mystére que je lui ai
fait de mes expériences , & qu'il les recevra aujourd'hui
avec la même bonté , qu'il a bien voulu
recevoir alors mes excules.
Je me rendrai donc aux invitations générenfes
de M. Daran , je ferai imprimer toutes les expériences
que j'ai faites fur fes bougies , & je prie
tous ceux qui en ont entre les mains , de les vérifier.
Il verra bien clairement , s'il y veut faire at
tention , que ce ne peut être fur les inftructions
vagues d'un garçon ignorant élevé chez lui , qu'on.
a fondé les découvertes , mais fur une étude réflé
chie , & fur une induftrie capable de furmonter de
plus fortes difficultés que celles que peut occafonner
la recherche de fon reméde. A ces expériences
j'ajouterai tout ce qui fera néceffaire pour
faire un Traité complet des maladies de l'utéthre .
En attendant que ma ſanté foit affez rétablie pour
travailler à cet ouvrage , je commencerai par for
mer des fujets qui feront bientôt en état de fervir
le Public avec fuccès ; je leur enfeignerai l'anatomie
de l'uréthre , je leur expliquerai les maladies
qui affligent cette partie , les remédes qu'on doit
employer pour les guérir , & la maniere de les adminiftrer
, ou de les appliquer ; je leur montrerai
la façon de faire les bougies , la maniere de s'en
fervir , & les cas où elles conviennent , ou font
dangereuſes. Je leur indiquerai les remédes qu'il
faut marier avec ces fortes de topiques pour réuflir
dans les cures qu'ils entreprendront. Je leur four-
Airai les occafions de voir eux- mêmes la pratiques
qu'il convient d'employer en pareil cas , & le trai
182 MERCURE DEFRANCE.
tement de toutes les autres maladies dont celles de
Puréthre ne font pour la plupart que des fymptômes.
Enfin , Monfieur , pour partager avec M.
Daran le zéle généreux qu'il étale dans fes écrits
pour le bien public , j'offre à tous les pauvres qui
feront affligés de ces maladies, de les traiter gratis ,
& à toutes autres perfonnes de les traiter pour mes
fimples honoraires , & de faire fournir des bougies
à tous ceux qui en auront befoin , au prix coûtant.
A VIS
Sur la Lettre fuivante.
M. Cantwel promet de guérir les maladies de l'uréthre
: M. Daran les guérit tous les jours. Le
prem
mier auroit à fe plaindre , fi nous avions refusé d'annoncer
les efperances qu'il donne aux malades. Nous
ferions injuftice aufecond , fi nous négligions de publier
lesfervices actuals qu'il leur rend.
LETTRE de M. Gayat , Chirurgien de
Genéve , à M. Daran .
Monfieur , j'ai reçu dans fon tems la Lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire
en datte du 25 Juin dernier , par laquelle vous
m'apprenez la parfaite guérifon du malade que je
vous ai adreffé fur la fin de l'année paffée. J'ai
differé jufqu'à préfent à y répondre , parce que
j'étois bien aife d'examiner auparavant l'état ac
tuel de la perfonne en queftion , pour avoir une
entiere conviction du fuccès de votre méthode &
FEVRIER . 1750. 183
de vos remédes , & pour vous rendre la justice qui
vous est dûe. Croyant ne pouvoir vous la rendre
trop publiquement , j'envoye à M. Remond de
Sainte Albine une copie de ma Lettre , & je prends
Ja liberté de l'inviter à la faire imprimer dans le
Mercure.
.
Quoique M*** foit de retour depuis environ
deux mois , je n'ai pû le voir en particulier que
depuis peu de jours. je l'ai examiné & queftionné
avec foin , & me fuis affûré par mes propres fens
de fon entiere guérifon ; je ne doutois point que
ce que vous m'aviez écrit fur ce fujet, ne fût vrai ,
mais je defirois ardemment de comparer fon état
préfent à celui où je l'ai vû l'année derniere , & de
voir moi-même jufqu'où pouvoit s'étendre l'effi
cacité de vos remédes .
Ce Monfieur , à qui j'avois conſervé le canal
de l'urétrhe, auffi libre que j'avois på , urinoit à la
vérité avec affez de facilité , lorfqu'il partit pour
Paris , mais il avoit deux fiftules au perinée , par
au une partie de l'urine pafloit , & des callofités
profondes que je n'avois point ciú pouvoir guérir
fans tendre Puréthre jufqu'au col de la veffie .
Aujourd'hui les trous fiftuleux font fermés , les
callofités fondues , & le malade m'a affûré que
cette guérifon avoit été accomplie fans opération ,
par vos feules bougies , & qu'il urinoit librement
& à plein canal.
Quel bonheur pour la fociété , que la découverte
d'un remède auffi fûr , & auffi doux , pour la
guerifon d'une maladie fi commune & fi opiniâtre
, & fouvent très cruellé ! Quelle gloire pour
vous de l'avoir trouvé ! Il n'y manque plus que
de vous voir publier ce fpécifique , lorfque vous
en aurez tué la sécompenfe dûe à vos recherches
& à votre fagacité. Je fuis trop perfuadé de votre
184 MERCURE DE FRANCE.
générofité , & de votre zéle pour le bien public ,
pour douter que vous n'en enrichilliez un jour la
Chirurgie , afin de le rendre falutaire à tous les
malheureux que leur fortune , leur éloignement ,
ou d'autres caufes mettent hors de portée de votre
fecours & de vos foins. Je voudrois que mon foible
fuffrage pût ajouter quelque chofe à teux
des grands hommes , qui ont reconnu combien
votre reméde eft précieux au genre humain ,
mais ma voix ne fçauroit être entendue parmi cel
les de tant de fçavans & célébres Médecins & Chirurgiens
de France . Je fuis avec beaucoup d'eftime
& de conſidération , votre , &c.
De Geneve , le 23 Novembre 1749 .
CHANSON.
Guyot.
Les paroles font de M.... & la Mufique
de M. D. L. B. L. F.
Voici les lieux charmans où mon ame ravie
Paffoit , à contempler Silvie ,
Ces tranquilles momens , fi doucement perdus .
Que je l'aimois alors ! que je la trouvois belle. !
Mon coeur , vous foupirez au nom de l'infidelle ;.'
Avez-vous oublié que vous ne l'aimez plus ?.
C'eft ici que fouvent errant dans les prairies
Ma main des fleurs les plus chéries
Lui faifoit des préfens fi tendrement reçûs..
Que je l'aimois , &c.
THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARY.
ASTOR, LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS.
!
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
CENDY
AND TILDEN
FOURDATIONS
.
FEVRIER . 1750. 185
洗洗洗淡洗洗洗洗洗洗洗洗:洗洗洗浴
SPECTACLES. *
L'Académie
'Académie Royale de Mufique a continué pen-
>
ches ,Mardis & Vendredis , l'Opéra de Zoroaſtre
& l'on a de plus en plus admiré la Mufique du
quatriéme Acte , ainfi que le rôle d'Abramane ,
auquel la perfection du jeu de M. de Chalé ajoute
de grandes beautés. Ce rôle a été chanté auffi trois
fois avec beaucoup de fuccès , par M. le Page.
Le premier , le 2 & le 8 , la mêine Académie
reprit le Ballet des Caractéres de l'Amour , qu'on a
revû avec un extrême plaifir..
Elle remit le 15 au Théatre le Carnaval du Parnaffe.
L'empreffement avec lequel on eft retourné
à ce Ballet , qui fembloit devoir être ufé
par trente-
cinq représentations , eft pour M. Mondonville
un garant certain du goût des François pour la
Mufique chantante. A toutes les repréſentations
de cette repriſe , il y a le même concours qu'à un
Opéra nouveau , & la recette d'une en particulier
a monté à 4000 livres. Les Spectateurs ayant apperçu
à la premiere M. Mondonville , dans une loge
, il fut applaudi , comme M. de Voltaire l'a été à
Mérope ,prefque comme M.de Crebillon le fut autrefois
à Electre. M.Mondonville n'a pas dû être moins
* M. Fufelier , êtant indifpofé, n'a pû compofer
cet article dont il fe charge ordinairement . Ainfi M.
Remond de Sainte Albine , qui pour la partie des
Spectacles a coutume de ne fe méler que des cxtraits
des Piéces nouvelles , a été obligé defuppléer , au défaut
de fon ami.
186 MERCURE DE FRANCE.
content des Acteurs que du Public. Depuis longtems
aucun ouvrage lyrique n'avoit été joué fi parfaitement
que celui- ci .
Dans le premier A&te , on a fubftitué à la Pan.
tomime , qui étoit danſée d'une maniere fi brillante
par Miles Lany & Lyonnois , & par M M.
Lang & Sodi , un pas de deux , exécuté avec autant
de précifion & de legereté par Mlle Lany , que de
graces par Mile la Bat , déguiféé en Polonois .
Mile le Miere , jeune perfonne d'environ dixfept
ans , qui joint aux charmes de la figure une
voix parfaitement belle , débuta le 15 dans le Prologue
du même Opéra. Elle chanta le rôle de
Clarice avec une intelligence , un goût , & une
précifion , qui répondent à l'idée qu'on avoit conçue
d'elle par la maniere dont elle avoit chanté
le 8 Décembre au Concert Spirituel.
Oreste , Tragédie de M. de Voltaire , fut repré
fentée le 12 pour la premiere fois par les Comé
diens François. L'action de ce Poëme étant la même
que celle de l'Electre de M. de Crebillon ; M. da
Voltaire,ayant d'ailleurs donné en 1748 une Semiramis
, & de plus ayant dans fon portefeuille un
Catilina , cet Auteur pouvoit être foupçonné , en
prenant ainfi fucceffivement les fujets traités par
M. de Cr.billon , de vouloir lutter contre fon Maî
tre , & de déroger à la modeſtie dont il s'eft tou
jours piqué Pour fe garantir de ce reproche , il
chargea un Comédien de haranguer le Parterre
avant la Piéce .
Il paroit difficile que deux grands Poëtes , qui
travaillent fur un même fujet , ne fe rencontrent
point Cependant , à certains égards , rien n'eft
moins reffemblant que l'ouvrage de notre premier
Poëte Tragique & celui de M de Voltaire . Plufieurs
morceaux des quatre premiers Actes de la Piéce de
FEVRIER. 1750. 187
celui -ci ont eudes applaudiffe mens. D'autres ont été
critiqués. Pour le cinquiéme Acte , tel qu'il étoit
d'abord , il fut très mal reçû . Ainfi l'Auteur a été
obligé de faire fufpendre la Tragédie , afin de faire
diverfes corrections . Ayant voulu être rejoué le
19 , il n'a pas eu le tems de faire toutes celles
qui avoient été jugées néceffaires .
Malgré les détails ingénieux & les vers élégans ,
dont la Comédie de la Fauffe Prévention eft remplie
, les Comédiens Italiens n'ont pû la pouffer
que jufqu'à fix repréfentations.
a
Mlle Augufte , Danfeufe , qui a de la célebrité ,
voulu qu'ou jugeât de fes talens fur le Théatre de
ces Comédiens. Elle a paru dans plufieurs divertiffemens
de la compofition de M. de Heffe , & y
a montré beaucoup de force & de hardiffe.
Les mêmes Comédiens donnent depuis quelque
tems un nouveau feu d'artifice , nommé les For.
ges de Vulcain.
洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗
L
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
E2 Janvier , le Roi accompagné , comme le
jour précédent , par les Chevaliers , Commandeurs
& Officiers de l'Ordre du Saint Eſprit ,
fe rendit vers les onze heures du matin à la Chapelle
du Château , & Sa Majefté affifta au Service
qui y fut célébré pour le repos des ames des Che
valiers de l'Ordre du Saint Efprit , morts pendant
le cours de l'année derniere.
Le 6 , la Reine entendit la Meffe dans la Cha
188 MERCURE DE FRANCE.
pelle du Château , & Sa Majefté communia par
les mains de l'Archevêque de Rouen , fon Premier
Aumônier.
On a appris par les dernieres Lettres de Madrid
, que le 18 du mois dernier , le Roi d'Elpagne
déclara à la Cour & aux Miniftres Etrangers
la conclufion du mariage de Madame Infante .
Marie-Antoinette avec le Duc de Savoye , fils aîné
du Roi de Sardaigne.
•
les
On a appris auffi de Turin , que le même jour
le Roi de Sardaigne a fait la même déclaration .
Le 8 Janvier , les Actions de la Compagnie des
Indes étoient à dix fept cens quarante livres ;
Billets de la premiere Loterie Royale à fix cens
cinquante-trois , & ceux de la feconde à fix cens
cinq.
Le 11 , les Députés des Etats de Bretagne eurent
audience du Roi ; ils furent préfentés par
le Duc de Pentlriévre , Gouverneur de la Province
, & par le Comte de Saint Florentin , Sécretaire
d'Etat , & conduits en la maniere accoûtumée
, par le Grand Maître & le Maître des Cérémonies
; la Députation étoit compofée pour le
Clergé, de l'Evêque de Saint Pol de Leon , qui
porta la parole ; du Comte de Coetlogon , pour la
Nobleffe , & de M. du Clos , Maire de Dinant ,
pour
le Tiers- Etat.
Le 15 , les Actions de la Compagnie des Indes
étoient à dix -fept cens foixante livres , les Billets
de la premiere Loterie Royale à fix cens cinquante-
quatre , & ceux de la feconde à ſix cens .
M. Pereire , connu par le talent qu'il a d'enſeigner
aux Sourds & Muets de naiflance à parler ,
fut préfenté il y a quelques jours au Roi , à Monfeigneur
le Dauphin & à Mefdames de France ,
par M. le Duc de Chaulnes , avec M. d'Azy d'EFEVRIER.
1750. 189
·
tavigni, jeune homme âgé d'environ dix- huit ans,
fur lequel il a exercé fon art avec un fuccès qui
tient prelque du prodige.
Le Curé de l'Eglife Paroiffiale de Saint Roch
ayant choifi Saint François de Sales pour Patron
de la Communauté des Prêtres , qu'il forme dans
fa Paroiffe , cette fête fut célebrée le 18 avec
beaucoup de folemnité . Le Pere de Neufville , de
la Compagnie de Jefus , prononça le Panégyrique
du Saint , & l'Archevêque de Paris officia pontificalement
au Salut.
L'Académie Françoiſe donnera dans fon affemblée
publique du 25 du mois d'Août prochain , le
Prix d'Eloquence , fondé par M. de Balzac . Elle
propofe pour fujer , jufqu'à quel point le fage doit
avoir égard aux jugemens des hommes , conformément
à ces paroles de l'Ecriture : Omnia probate ,
quod bonum eft tenete . Theffal. 1. 4. 21 .
Le même jour elle donnera le Prix de Poëfie ,
fondé par M. de Clermont- Tonnerre , Evêque &
Comte de Noyon. Le fujet fera , les Lettres ont
autant contribué à la gloire de Louis X 1 V , qu'il
avo't contribué à leurs progrès.
L'Académie donnera auffi le même jour un autre
Prix de Poëfie , fondé par M. Gaudron . Elle
propofe pour fujet , Rien n'excite plus les talens ,
que l'amourde la gloire.
Celle de Soiffons avertit que dans fon aſſemblée
publique du Lundi 25 Mai prochain , elle délivrera.
un Prix d'Eloquence . Le fujet fera : La
gloire que le Roi s'eft acquife en donnant la paix à
l'Europe.
Le 22 , les Actions de la Compagnie des Indes
étoient à dix fept cens cinquante livres ; les Billets
de la premiere Loterie Royale à fix cens foixantedouze
, & ceux de la feconde à fix cens douze,
10 MERCURE DE FRANCE .
LETTRE
De M *** à M. Remond de Sainte
Albine , an fujet de la Longitude de la
Ville de la Conception.
J
'Ai vû, Monfieur, dans votre dernier Mercure,
une réponſe de M. Frezier à l'Auteur de la relation
du voyage de l'Amiral Anfon , laquelle tend à
éclaircir les difficultés qui fubfiftent depuis fi longtems
fur la longitude du Détroit de Magellan. J'ai
toujours éte perfuadé , comme M. Frezier , que la
côte du Chili eft beaucoup trop occidentale fur les
Cartes Angloifes , & je fuis étonné que les Membres
de la Société Royale ( qui peut-être ont raifon
de foûtenir l'opinion de M. Halley fur la lon
gitude du Cap de la Vierge ou embouchure orien
tale du Détroit de Magellan ) fe laiffent entraînér
depuis fi long - tems à adopter les erreurs confidérables
commifes dans la Carte des variations fur
· l'aiman fur toute la côte de la mer du Sud.
Pour donner quelque idée du giffement de cette
cô:e , examinons la longitude de la Ville de la
Conception , qu'on fçait être par 36 degrés 45
minutes de longitude Auftrale .
"
Or je trouve d'abord , fur le grand Globe de
Blaeu & fur la Carte de M Frezier , la Ville de la
Conception environ cinq degrés à l'Eft du Méridien
de Lima , & au contraire la Carte de M. Halley
place cette Ville plus d'un degré à l'Ouest. Les
Anglois n'ont pas voulu fe rendre aux obfervations
des Satellites du P. Feuillée , fans doute à cauſe
que les obfervations correfpondantes n'ont point
été faites en Europe , & qu'on n'a pu , pour con
FE VRIER. 1759. 191
•
1
clure l'erreur des Tables , avoir recours aux obfervations
qui ont précédé ou fuivi , parce que
c'étoit en Janvier & Février du mémorable Hyver
de 1709 , qui ne permettoit pas de faire les obfervations
à Paris.
Le nouveau Globe de Senex , conftruit il y a
12 ou 15 ans , qui contient quantité de nouvelles
corrections effentielles à la Géographie , & qu'on
peut voir ici dans le cabinet du Jardin du Roi ; ce
Globe , dis - je , a placé la Conception fous le même
Méridien que Lima , & c'eft - là fans doute l'une
des principales caufes de l'opinion dans laquelle
l'Auteur de la Relation du voyage de l'Amiral
Anfon eft demeuré , dans la vûe fans doute de fe
conformer aux idées qu'avoit eues autrefois fur
cela M. Halley .
Véritablement fi l'on ne rétreffit pas confidéra
blement l'Amérique Méridionale , il eft impoffible
de concilier les deux côtes Orientale & Occiden
tale ou de la mer du Sud, avec le réſultat des rou.
tes de la navigation & des obſervations Aftronomiques.
La côte Orientale de l'Amérique Méridionale
eft très défectueufe dans la Carte de feu M. De-
Jifle , publiée en 1720. On peut voir dans les tranfactions
philofophiques de 1722 , & mieux encore
dans le nouveau volume des Mémoires des Correfpondans
de l'Académie des Sciences , qui va paroître
,que la Ville de Buenos- Aires eft cinq degrés
trop à l'Orient dans cette Carte ; on s'eft corrigé
un peu dans celle de 1724 , il reste encore trois
degrés d'erreur .
La Carte des variations de l'aiman de M Halley
étant parfaitement exacte , quant à la pofition
-de Buenos- Aires , & donnant la longitude de cette
Ville , comme elle doit être , de 61 degrés & demi
192 MERCURE DE FRANCE.
à l'Occident du Méridien de Pons , on a préfentement
une belle occafion de décider la fameule
queſtion touchant la longitude du Détroit de Magellan
, fi l'on peut établir avec la même certitude
la pofition d'une Ville fituée à la mer du Sud,
telle que fera , par exemple , la longitude de la
Conception . & on
Or cela a déja été exécuté il y a trois ans ,
pourra bientôt en voir le détail , lorsque le volume
de l'Académie de l'année 1747 fera publié ; on
y trouvera le calcul de deux occultations d'une
étoile de la premiere grandeur par la Lune , ob.
fervées en 1709 & 1710 à la Conception , qui concourent
merveilleufement à donner la longitude
de laConception beaucoup plus orientale qu'on ne
l'a fuppofé jufqu'ici dans le Livre de la Connoiffance
des tems , puifqu'au lieu de trois degrés &
deux tiers , qu'on trouve dans ce Livre , dont la
Conception eft plus orientale que Lima , il faut
néceflairement l'augmenter jufqu'à s degrés ou
4 degrés & demi tout au moins.
Mais l'impreffion des volumes de l'Académie
étant retardée , comme il faudoit peut - être longtems
attendre & fufpendre un jugement qui pourroit
paroître à quelques- uns trop prématuré avant
la lecture de cette piéce , voici quelques réflexions
particulieres que la nouvelle édition des Tables de
M. Halley m'a fournies , & qui certainement achevera
de convaincre les Auteurs Anglois , puiſqu'on
les attaque ici avec leurs propres armes.
On trouve à la fin de ces Tables , parmi les obfervations
de la Lune , faites à fon paflage, par le
Méridien , que le 18 Mars , vieux style , 1728 , à
16 heures , 6 minutes , 13 fecondes de tems moyen,
la longitude du centre de la Lune étoit de 11 degrés
, 20 minutes , 26 fecondes , du Sagittaire . Or
je
FEVRIER. 1750, 193
je trouve que les Tables de la Lune de Flamsteed ,
imprimées dans les Inftitutions Aftronomiques ,
donnent au même inftant la longitude d'une demie
minute moins avancée , & par conséquent en
l'année 1710 , lorfque le P. Feuillée obferva à la
Conception le 19 Mars , nouveau style , à 10 heures
33 minutes 15 fecondes , l'immersion de l'étoile
Antarès fous la Lune , l'erreur des mêmes
Tables a dû être d'une demie minute ; ce qui donne
dans une pofition . femblable , tant de la Lune
que de fon orbite à l'égard du Soleil , une correction
connue & additive . Qu'on fuppoſe d'abord la
longitude de la Conception 4 degrés à l'Eft de
Lima , on va voir par le calcul qui fuit , qu'il faut
encore l'augmenter , car pufqu'on comptoit au
moment de l'immerfion , fuivant cette hypothefe,
4 heures 59 minutes & demie à Paris plus qu'à la
Conception ; il étoit donc alors IS heures 33 minutes
& 4 fecondes au Méridien de Paris . Or les
Tables de la Lune , inférées dans le Livre des Inftitutions
( dont le calcul differe peu , mais véritablement
eft toujours plus facile à faire que par
celles de M. Halley ) donne en cet inftant la longitude
de la Lune 4 dégrés 49 minutes 27 fecondes
du Sagittaire , & la latitude Auftrale de la Lune
degrés 12 minutes 22 fecondes. La parallaxe de
longitude étoit donc de 39 minutes 2 fecondes , &
celle de latitude 38 minutes 28 fecondes , & l'on
aura , felon l'obfervation, le centre de la Lune précifément
2 minutes plus avancé à l'Orient que la
longitude de l'étoile ; par conféquent , felon
cette même obfervation , la longitude de la Lune
a dû être apparente en 5 degrés 27 minutes 15 leconde.
On la trouveroit, de 5 degrés 27 minutes
20 fecondes du Sagittaire , fi au lieu d'employer
la théorie des longitudes , on fe fervoit de la phafe
I
194 MERCURE DE FRANCE.
générale d'Hévelius , en prenant pour point du
Limbe où l'occultation s'eft faite , 9 degrés au Sud
du parallele à l'Ecliptique .
Ainfi la vraye longitude de la Lune a dû être
4 degrés 48 minutes 12 fecondes ; mais les Tables
corrigées , en y ajoûtant une demie minute ou 28
fecondes , donnent 4 degrés 49 minutes 55 ſecon
des. En fuppofant la Conception 4 heures 59 minutes
& demie à l'Occident du Méridien de Paris ,
la difference ou l'excès des Tables fur l'obfervail
tion étant d'une minute & deux tiers de tems ,
faut par conféquent que la Ville de la Conception
foit encore trois quarts de degrés plus près du Méridien
de Paris qu'on ne l'a fuppofé ci- deffus ,
c'est - à-dire heures 6 minutes & demie à l'Occident
du Méridien de Paris. Ceci ne differe pas
beaucoup du résultat de l'obſervation de l'année
1709 , de laquelle on peut conclure , comme on le
verra dans les Mémoires de l'Académie des Sciences
, la différence des Méridiens de 4 heures 58
minutes ou de 74 degrés & demi .
f
J'aurois beaucoup de chofes à dire ici au fujer
des Tables de la Lune , conftruites fur la théorie
"de M. Newton ; mais je me bornerai uniquement à déclarer les differences & les deffauts de ces differentes
Tables. 1
Or , 1 °. pour parler de celles que Leadbetter
avoit imprimées fur quelques feuilles ou copies des
Tables de M. Halley , le plus grand défaut eft celui
de la Table de l'Equation du noeud , dont les
titres font renversés , ce qui peut donner trois degrés
d'erreur dans le lieu du noeud .
Dans toutes les autres , excepté celles des Inftitutions
Aftronomiques
, la Table de la fiziéme
Equation qui indique la deuxième Equation du
centre, & que M.Halley fait précéder immédiate
FEVRIER. 1750. 195
ment le calcul de l'Equation du centre ; cette Table
, dis-je , porte encore , dans tous les Auteurs ,
des titres renverfés , en forte qu'un Calculateur
fera , fuivant ces Tables , l'Equation additive ,
lorfquelle eft fouftractive , & au contraire.
J'ai crû qu'il étoit néceffaire , Monfieur , d'avertir
ici de ces principales fources d'erreurs, com
me auffi de ne pas trop le fier aux Tables des latitudes
des mêmes Auteurs .
VERS
Sur la Tragédie d'Ariftomene , à
M. Marmontel.
C Her favori de
Melpomene ,
Marmontel, Voltaire nouveau ,
Sous quels traits ton divin pinceau
Montre à nos yeux le coeur d'Ariftomene
Dans ce magnifique tableau
Dont tu viens d'enrichir la Scéne !
Tout y plaît , tout nous entraîne;
La Nature , l'amour , & le grand & le beau.
En vain l'envieuſe critique
Voudroit aiguiser, ſes traits ,
Et flétrir les lauriers de ta muſe tragiquë.
De l'aimable Clairon les graces , les attraits ;
Malgré tout l'effort fatyrique ,
Doivent t'affûrer du fuccès .
Aveugle en fes jaloux accès ,
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
Laiffe une cabale cauftique
Murmurer en ſecret d'une impuiffante voix.
En ta faveur le ſentiment s'explique ,
Et c'eſt à l'eftime publique
Qu'il appartient de bien juger des loix.
Ainfi toujours plus grand on te verra paroître ;
Ta gloire ne peut s'effacer :
Aux fublimes effais que tu viens de tracer ,
Il eft aifé de reconnoître
L'éleve d'un fameux Maître ,
Capable de le remplacer.
Raoult.
POUR LE PREMIER JOUR DE L'AN ,
EPITRE
A M. M. D. L. par l'Auteur des vers
précédens.
Quand Janus , au double viſage ;
D'un nouvel an vient commencer le cours ,
Une Divinité qu'on appelle l'uſage ,
Dans Paris , pendant certains jours
De l'amitié débitant les difcours ,
Vifite les maifons en pompeux équipage .
L'intérêt , le patelinage ,
Prefqu'en tous lieux fuivent les pas ;
FEVRIER. 1750. 197
Magré la neige & les frimats ,
On la voit s'empreffer à rendre un faux hommage
A tous les rangs , tous les états.
Sous la brillante banniere ,
Bien eſcortés de préſens ,
Marchent les fots complimens ,
Et la façon minaudiere .
En Dame de qualité ,
Levant une tête altiere ,
Paroît la formalité ,
Qui prononçant avec emphafe
Certaine rubrique de voeux ,
Par le refrain d'une infipide phraſe ,
En un moment fait mille heureux .
Un mois à peine peut fuffire
• Pour finir la proceffion ;
Tout l'avantage qu'on retire
De cette froide miſſion ,
C'est le plus fouvent , à vrai dire ,
Un bon rhume , une fluxion.
Quand de Janvier le terme expire ,
L'ufage , de fon empire
Retient la poffeffion.
Par lui tout vit , tout reſpire ;
Il met tout en action.
Pour moi , je brave ſa puiffance ,
Jamais mon coeur ne lui fera foumis.
I iij
198 MERCURE DE FRANCE:
La fincére reconnoiffance ,
De l'amitié trop jufte priz,
Des fentimens fardés mépriſe l'impofture
Par les mains de la Nature
Je veux que les miens ſoient écrits.
O vous , dont le bonheur vivement m'intéreffe ,
Cher ami , recevez mes fincéres fouhaits.
Entre les bras de lá ſageſſe ,
Goûtez des plaifirs parfaits:
Que la fanté, cette aimable Déeffe ,
Répande fur vous les bienfaits.
Admis au vallon du Permeffe ,
D'une tendre & fublime yvreffe
Eprouvez fouvent les accès ;
Philofophe fans rudeffe ,
D'une ftoïque trifteffe
Fuyez le ridicule excès ,
Contraire au bonheur , aux fuccès.
Loin- de vons , maux de toute efpece ;
Dieu vous garde de procès.
Par le même
FEVRIER . 1750. 199
Aux Auteurs du Ballet des Fêtes de Thétis ,
Divertiffement exécuté à Versailles devant
le 14 du mois dernier.
Le Roi ,
Q Ue de la Fable ingénieuſe
Sorte un fujet bien deffiné ,
Et dont le tiffu foit orné
D'une expreffion lumineufe ;
Qu'un Amphion par fes beaux airs ,
Par fa touchante mélodie ,
Sçache donner une antre vie
Aux images qu'offrent les vers ;
La raiſon avouera de fr fages caprices ,
Et la Cour & la Ville en feront leurs délices .
Rivaux , d'ununême zéle épris ,.
Non pour vous difputer le prix ,
Mais pour concourir à la gloire.
De chanter , amis , les hauts faits,
D'un Héros qui defcend du char de la victoire ,
Pour voler au ſein de la paix ,
Vous fuivez les fentiers des Graces .
Quinault , Lully, revivent dans vos jeux ,
Et c'eft en marchant fur leurs traces ,
Qu'on peut compter de plaire à nos derniers ne
нент.
Le fentiment doit guider l'harmonie ,
Lui feul enfanta Polymnie ,
I
1111
200 MERCURE DE FRANCE.
De fes chants dirigea le cours ,
Et le berceau de fon génie
Fut celui même des Amours .
Gardons nous de confondre avec fa vive flâme
Ces lugubres lueurs que le cahos produit ;
L'une s'élève aux Cieux , l'Olympe la réclame ,
Les autres , regnant peu , s'éteignent dans la nuit .
Jouiffez des fuccès de votre aimable lyre
La gloire à vos regards étale mille appas ,
Le myrthe , les lauriers font femés fous les pas
De la mufe qui vous infpire.
ALLEGORIE.
Sur la maladie & la convalefcence de
S.A.S. M. le Prince de Condé.
" UN arbriffeau , l'amour de la Nature ,
L'honneur des bois & le charme des yeux ,
Croíffoit au bord d'une onde vive & pure ,
Et promettoit des fruits délicieux.
Peuple François , ma fable eft- elle obfcure ?
**
Danlezi vous l'expliquera , la la la la la la,
* Ces couplets peuvent fe chanter fur un airdu Divertiffe
ment de Momus Fabulifte .
** M. le Marquis de Danlezi , Gouverneur de
S. A. S. M.le Prince de Condé.
FEVRIER. 201 1750.
Mais tout à coup un monftre téméraire ,
Pour le fécher dans la jeune faifon ,
Sort des Enfers , & d'une aîle légere
Vient l'infecter d'un funefte poiſon,
Peuple François , & c.
Dumoulins ( a) vous l'expliquera , & c.
Tous les oifeaux qui chériffoient l'ombrage
Et la beauté de fes feuillages verds ,
Saifis d'effroi , quittent leur doux ramage,
Et de leurs cris épouvantent les airs.
Peuple François , & c.
Mainte voix (6) vous l'expliquera , & c.
**
Une plaintive & tendre Tourterelle
De fes foupirs importune les Dieux ,
Pour dérober à la Parque cruelle
Des jours fibeaux , fi chers , fi précieux .
Peuple François , & c.
Charolois (c) vous l'expliquera , &c.
***
A l'arbriffeau conftamment attachée ,
Et de fon fort partagéant la rigueur ,
(a Médecin de S. A. S.
(b ) Toute la Maison de Condé.
(c) Mademoiselle , Tante du Prince.
I v
202 MERCURE DE FRANCE
Une Fauvette , également touchée ,
Montre pour lui fon zéle & fon ardeur.
Peuple François , & c.
La Guiche (4) vous l'expliquera , & c.
**
Un Roffignol , généreux & fidéle ,
Par mille foins fignale fon amour.
Il ne dort point , Morphée envain l'appelle ,
Un autre objet l'occupe nuit & jour..
Peuple François , &c..
Du Bouzet (6 ) vous l'expliquera , &C.
+3+
Aux Immortels tous enfin rendent graces ,,
Le monftre fait au fond de l'Acheron ,
Ne laiſſant voir ſur ſes affrenſes traces
Que la foibleffe & l'horreur de fon.nom .
Peuple François , &c...
Un Prince (c ) vous l'expliquera , & c .
Le bruit à peine en parvient à Cythere ,
Que les Amours raffemblés fur ces bords
Battent de l'afle , & d'un zéle fincére
(a ) Mad. la Comteffe de la Guiche..
(b) Sous- Geuverneur du Prince.
(c) Le Prince de Condé.
FEVRIER. 1750. 203
Font éclatter leurs aimables tranfports .
Peuple François , &c.
Tout Paris vous l'expliquera , & c.
Par M. l'Abbé Guéroult.
REMARQUE
Au fujet des vers fuivans .
Toutes les fois que l'occafion s'en préfente , nous payons à M. de Voltaire le tribut de
louanges qu'il a droit d'exiger. Les critiques qu'on
peut faire de les ouvrages , ne nous empêcheront
jamais de reconnoître qu'il eft un très-bel efprit ,
un de nos plus grands Poëtes , un Peintre toujours
agréable , quelquefois fublime , & que perfonne ne
fçait mieux que lui fauver , par l'éclat & la vivacité
du caloris , l'irrégularité de l'ordonnance & le peu
de correction du deffeing . Mais notre eftime pour
la fupériorité & l'univerfalité de fes talens ne
nous aveugle pas jufqu'au point de regarder
comme parfait tout ce qui fort de fa plume. Il a
beau nous affûrer dans fa Differtation fur la Tragédie
ancienne & moderne , que le merveilleux
produit dans la Piéce de Semiramis un effet admirable.
L'Auteur anonyme des vers fuivans a beau
vouloir nous perfuader qu'Orefte eft un Poëme excellent
, qui ne peut être attaqué que par la baffè
jaloufie. Nous adopterons difficilement l'une &
l'autre de ces opinions. Sur tout on ne nous ena
gagera point à convenir que la Tragédie d'Orefte
doive être mise en parallele avec l'Electre de M. de
Crebillon . Ainfi le Poëte, dont nous inférons ici l'EI
vj.
204 MERCURE DE FRANCE.
pitre , pourroit bien nous compter au nombre des
fots dont il parle . Cependant fes vers nous ont
paru affez beaux , pour que nous n'en privaſſions
pas nos Lecteurs.
VERS
A M. de Voltaire .
୮
Oi , qui rival heureux de l'aîné des Corneil-
Τοί
les ,
Reffufcites Sophocle , & charmes nos oreilles ,
O mon Maître , ô Voltaire , ofe d'un oeil ferein
Voir de tes ennemis le triomphe inhumain.
Tôt ou tard , le vrai beau triomphe du caprice :
Au Cid perfécuté l'Univers rend juftice .
Ton Oreste aujourd'hui , qu'on devoit admirer ,
N'a fait que réchauffer les ferpens de l'envie ,
Mais les traits vainement obfcurciffent ta vie :
Ofe les méprifer , ils feront impuiffans .
Que peut un tas de fots fans moeurs & fans talens ?
Qui jaloux de ton nom , & de tous ces ouvrages
Qui fans ceffe , à leurs yeux , entraînent nos fuffrages
,
Perfent que ce Public , que tu fçûs étonner ,
Sans toi , moins difficile , eût pu les couronner
Devrois-tu redouter ces infâmes libelles ,
De l'envie affamée archives infidéles ?
Pourra-t'on , j'en appelle à la postérité ,
FEVRIER: 1750.
205
Tromper toujours fes yeux , fermés à la clarté ,
Cu la forcer de voir que tu n'as pas dû plaire ,
Pour avoir fans amour peint Electre & fon frere
Croira - t'elle jamais que depuis deux mille ans
L'Univers conjuré chérit de faux talens ,
Et qu'envain confacrés par la Gréce idolâtre ,
Ces Ecrivains jamais n'ont connu le Théatre ?
Attends donc fon arrêt fans te décourager ,
De tes concitoyens il doit feul te vanger.
A Paris , le Lundi 12 Janvier 1750 ,
après la premiere repréfentation d'Orefte.
光粥洗洗洗洗洗洗選業:洗洗洗洗洗洗
MARIAGES ET MORTS.
"
E 26 Octobre 1749 , Jacques- Charles , Marquis
de Barai!, Vicomte de Villers - Hellon ,
Maréchal des Camps & Armées du Roi , Chevalier
de l'Ordre Royal & Militaire de Saint Louis ,
veuf de Marie.Geneviève le Gras de Beaulieu ,
époufa dans la Chapelle du Château de la Chapelle
- Godefroi , Diocéfe de Troyes , Adelaide-
Henriette- Philiberte Orry de Fulvy , fille de Jean-
Henri-Louis Orry , Comte de Nogent -fur . Seine
Saint Gerard , la Chapelle- Godefroi , Fulvy &
autres lieux , Confeiller d'Etat , Intendant des Finances
& de Henriette - Louiſe- Heléne de la
Pierre de Bouzies.
Le mariage fut célébré , avec la permiſſion de
M. l'Archevêque de Paris , & le confentement de
M. le Curé de Saint Paul , par M. l'ancien Evê-
"
206 MERCURE DE FRANCE.
que d'Orange , en préfence de Louis- Antoine de
Gontaut , Duc de Biron , Pair de France , Chevalier
des Ordres du Roi , Lieutenant Général de
fes Armées , Colonel du Régiment des Gardes
Françoifes , Gouverneur des Ville & Château de
Landrecies ; de Jean Touffaint de la Pierre , Sei
gneur de Fremûre , Lieutenant Général des Ar
mées du Roi ; d'Antoine de Barail , Abbé de l'Abbaye
Royale de Notre-Dame de Troyes , & de
Louis-Jean Berthier , Seigneur de Sauvigni , Confeiller
du Roi en fes Confeils , Intendant de la
Généralité de Paris.
Le 21 Novembre fuivant , Michel Dreux , Marquis
de Brezé, Baron de Berrye , Lieutenant Général
des Armées du Roi , Gouverneur des Ville &
Château de Loudun & du Loudunois , des Iffes de
Sainte Marguerite & Saint Honorat , Grand - Maî
tre des Cérémonies de France , Inſpecteur Géné
ral d'Infanterie , Prevôt - Maître des Cérémonies
de l'Ordre du Saint Efptit , Commandant en
Chefdans les Provinces de Flandre & de Hainaut ,
âgé de quarante - neuf ans , veuf de Claire - Ifabelle
Eugenie Dreux de Nancré , a épousé fur la Paroife
de Saint Paul Louife- Elifabeth de la Châtre ,
âgée de vingt ans , fille de feu Louis-Charles de
la Châtre , Comte de Nançay , Seigneur de Vic ,
Baron de Varenne & autres lieux , Brigadier des
Armées du Roi , Gouverneur des Ville & Châ
teaux de . Peccais , Tour- l'Abbé & Fort Salin , en
Languedoc , & Colonel du Régiment de Bearn
Infanterie , & de Marie- Elifabeth Nicolaï.
Ce mariage a été célébré en préfence de Frere
Joachim Dreux , Chevalier de l'Ordre Militaire
& Religieux de Saint Jean de Jerufalem , Frere ;
de Louis de Durefort , Comte de Lorges , Lieutenant
Général des Armées du Roi , & Menin de
FEVRIER.
1750. 207
Monfeigneur le Dauphin , coufin germain ; d'Ar
mand-Jean Nicolaï , Marquis de Gouffainville ,
Seigneur d'Ofny , & autres lieux , Confeiller du.
Roi en fes Confeils d'Etat & en tous fes Confeils,.
& Premier Préfident de la Chambre des Comptes,
oncle maternel ; & de Louis de Gand , Prince
d'Ifenghien , Maréchal de Erance , Chevalier des
Ordres du Roi , Lieutenant Général de la Province
d'Artois & Gouverneur de la Ville d'Arras.
Le 22 Décembre dernier , Jean Baptifte Donatien
de Vimeur , Comte de Rochambeau , Colonel
du Régiment de la Marche , a épousé Jeanne-
Therefe Tellez d'Acofta. Il est né le premier Juil
let 1725 de Jofeph - Charles de Vimeur , Marquis
de Rochambeau , Gouverneur & Bailli d'épée du
Vendômois , & de Jeanne Marie- Clare Begon ,
Gouvernante de S. A. S. M. le Duc de Monpenfier..
Ses ancêtres connus font Macé de Vimeur , Sei.
gneur d'Ambloy , qui vivoit en 1477 & en 1500 ;.
Gilles , Mathurin , qui le premier a porté le nom
de Rochambeau , René I. René II . René III . René :
IV. Jofeph- Charles I. & Jofeph-Charles II.
Jeanne- Theréfe Tellez d'Acofta eft fille d'Emmanuel
d'Acofta , Secretaire du Roi , & de N.
de Tillene . La famille de Tellez d'Acoſta eſt ori ,
ginaire de la Ville de Trancofo , Province de Beyra,.
en Portugal. Miguel Tellez d'Acoſta , ayeul de
Jeanne- Theréfe , né dans la Ville de Trancofo en
1636 , fortoit d'une branche cadette . Il quitta le
Portugal pour venir dans les Pays - Bas , d'où il fut
envoyé en Hollande en qualité de Réfident de la
Reine Chriftine de Suéde.
Le Janvier 1750 , Louis Jofeph Bidé de la
Grandville , Brigadier , Colonel d'infanterie ,
époufa dans l'Eglife Paroiffiale de Saint Roch
Françoife - Theréfe du Clufel , fille de Leonard du
208 MERCURE DEFRANCE.
Clufel , Seigneur de la Chabrerie , & de Theréſe
Tourard.
Il eft fils de Julien Bidé de la Grandville , Confeiller
d'Etat , & de Petronille- Françoife Pinçonneau
de la Grandville La famille de Bidé eft originaire
de Bretagne . Louis , pere de Julien , fon
ayeul , fon bifayeul & fon trifayeul , ont tous été
Confeillers au Parlement de Rennes.
Le 10 Décembre dernier , Louiſe de Saint Cha
mand , veuve d'Alexandre- Louis Comte de Mailli ,
Seigneur de Frefnoy , Neuville & autres lieux ,
décedé peu de mois auparavant,mourut âgée de 67 .
ans , & fut inhumée à Saint Nicolas des- Champs.
Elle étoit fille de Galyot- Antoine de Saint Chamant
, Seigneur de Villenoce & autres lieux , Maréchal
de Camp & Lieutenant des Gardes du
Corps , & de Marie Louiſe Larcher. Elle laiffe un
fils, Alexandre-Louis , âgé de cinq à fix ans , & une
fille Marie-Louiſe , âgée de deux ans & demi.
Le 10 François du Prat , Comte de Barbançon,
Brigadier des Armées du Roi , mourut âgé de 65
ans , & fut inhumé à Saint Paul . Nous avons rapporté
la Génealogie de du Prat , en annonçant le
mariage de Louis- Antoine , fils de François , avec
Antoinette - Eleonore du Fay de la Tour Maubour
. V. le Mercure du mois de Mai 1749.
Le 15 , Magdeleine - Victoire Soufflot , veuve
d'Alexandre Fouchin , Confeiller du Roi , & Maître
ordinaire en la Chambre des Comptes, mourut
âgée de 74 ans , & fut inhumée à Saint Euftache .
Le même jour Thomas Perrot Duvernay , ancien
Capitaine de Cavalerie , & ci - devant Enfeigne
au Régiment des Gardes Françoifes , mourut âgé
de 65 ans , & fut inhumé à Saint Paul .
Le 17 , Marie- Catherine Heliot , veuve de Nico
Jas Parent , Seigneur des Tournelles , mourut âgée
FEVRIER. 1750 209
de 87 ans , & fut inhumée à Saint Paul.
Le 20 , Marie-Antoinette de Rouvroi , veuve de
Jean-Euftache de Tournai d'Affigny , Comte d'Oify,
mourut âgée de 84 ans .
Le même jour, Anne Herment, veuve de Jean-
Daniel Degettes , Gentilhomme ordinaire de feu
S. A. R. Monfeigneur le Duc de Lorraine , mourut
âgée d'environ 76 ans , & fut inhumée à Saint
Louis-en l'Ile .
Le 8 Janvier 1750 , Anne Moufle , veuve de
Jean-Marie de Vougy , Secretaire du Roi , & Secretaire
ordinaire des Confeils d'Etat , Direction
& Finances , mourut & fut inhumée à Saint Jeanen-
Grêve.
La nommée Renée l'Amy eft morte depuis
peu chez le Curé de Saint Mard de-Renô , près
de Mortagne , Diocéfe de Sées , âgée de cent dix
ans ou environ. Elle a fervi pendant plus de
quatre- vingt- quinze ans dans la famille du Cure
de Saint Mard , & elle n'a point ceffé d'agir juf
qu'au moment de fa mort.
>
AVIS AU PUBLIC.
LA save visMarch in Ripotinguis
A veuve Mouton , Marchande Apoticaire ,
au- deffus de la fontaine du Ponceaux , donne avis
qu'elle continue de débiter le Bechique , qui a
paru fous le nom de fouverain , avec toute la fatisfaction
poffible de la part des perfonnes qui en ont
fait ou en font ufage.
Comme il pofféde la propriété de fondre &
d'atténuer les humeurs engorgées dans le poul .
mon , d'adoucir l'acrymonie de la lymphe par fa
vertu balfamique : il a aufli celle de rétablir les
210 MERCURE DE FRANCE.
forces abattues , & d'être fauverain , c'eft - à- dire ,
curatif dans le rhume , la tour , l'oppreffion &
douleur de poitrine ; au lieu que dans l'aſthme
foit commençant, out inveteré & dans la pulmonie,
tant commençante qu'inveterée , il n'eft que puiffant
dalliatif, c'eſt à dire, qu'il foulage avec tant de fuc
cès que les malades s'en trouvent fatisfaits ; c'eft
à eux à y recourir chaque fois que le cas le requiert.
Quoiqu'il ne foit que puiflant palliatif
dans ces deux maladies , fi lorſque les fymptômes
les annoncent prochaines. , l'on vouloit joindre à
un régime de vie raifonnable l'ufage réiteré du
Bechique , non - feulement l'on pourroit en éloi
gner les effets , mais encore en éteindre la cauſe.
Dans la coqueluche commençante il peut pro
duire de bons effets , dans l'inveterée il en faut un
long ufage pour s'en appercevoir , ne calmant que
peu à peu les accès violens de cette maladie.
Comme il eft extrêmement agréable , les per
fonnes les plus délicates peuvent en ufer fans ré,
pugnance , & fans nulle crainte qu'il foit nuifible,
puifqu'une perfonne en parfaite Lanté pourroit en
faire l'ufage fans s'en trouver incommodée. L'on
a augmenté les bouteilles de deux prifes pour l'uti
lité publique, & pourvû que l'on fuive exactement
la méthode que l'on donne au Bureau pour fon
ufage , l'on peut être affûré qu'il produira toujours
de bons effets: L'on prie les perfonnes qui écriront
au Bureau , d'avoir la bonté d'affranchir leurs
Lettres ; l'on aura grand foin d'y répondre.
Parmi le grand nombre de perfonnes qui ont
trouvé ce reméde tel qu'on l'annonce , il fuffira
'indiquer une partie de celles dont on a déja pu
blié les noms , & quelques -unes de celles qui
n'ont pas encore été nommées ; tout le monde
a'étant pas d'humeur de fe voir indiquer , il faut
FEVRIER. 1750. 218
attendre que ceux qui voudront bien avoir cette
bonté , laiffent ou envoyent leurs adrefles au Bu
reau .
Mile Beaulieu , chez M. de Socon , au Marais ;
Madame Lottin , rue Paftourelle , au Marais ; M.
Vincent, chez Madame la Marquiſe de Courcillon ,
rue de Bourbon , faubourg Saint Germain ; M.
l'Abbé Coquillié , au Collège des Graffins ; M.
Coulon , chez M. Defcourgi , rue des Jeûneurs , à .
droite par la rue Montmartre ; M. Cravoifier
chez M. le Préſident de Saint Lubin , rue neuve
des bons Enfans.
AUTRE AVIS.
Laveuve du Sieur Bunen , Dentiſte des Enfans
de France , donne avis qu'elle débite journel-
Tement chez elle , rue Sainte A-voye , au coin de
la rue de Braque - chez M. Georget , fon frere ,
Chirurgien , les remédes de feu fon mari , dont
elle a feule la compofition , & qu'elle a toujours.
préparés elle - même .
Sçavoir. 1 °. Un Elixir anti-fcorbutique qui raf
fermit les dents , diffipe le gonflement & l'inflammation
des gencives , les fortifie , les fait recroître
, diffipe & prévient toutes les afflictions
fcorbutiques , & appaiſe la douleur de dents.
2º. Une eau , appellée Souveraine , qui affermit
auffi les dents , rétablit les gencives , en diffipe tou
tes tumeurs , chancres , & boutons qui viennent
auffi à la langue , à l'intérieur des lèvres & des
joues , en fe rinçant la bouche de quelques gouttes
dans de l'eau tous les jours. Elle la rend fraîche
& fans odeur , & en éloigne les corruptions , elle
salme la douleur des dents.
212 MERCURE DE FRANCE,
3º. Un Opiate pour affermir & blanchir les
dents , diffiper le fang épais & groffier des gencives
, qui les rend tendres & mollaffes , & caufe de
l'odeur à la bouche.
4°. Une poudre de corail pour blanchir les dents
& les entretenir , elle empêche que le limon ne ſe
forme en tartre & qu'il ne corrompe les gencives ,
& elle les conferve fermes & bonnes , de forte
qu'elle peut fuffire pour les perfonnes qui ontfon
de leurs dents , fans qu'il foit néceffaire de les faire .
nettoyer. Les plus petites bouteilles d'Elixir font
d'une livre dix fols.
Les plus petites bouteilles d'Eau Souveraine
font d'une livre quatre fols, mais font plus grandes
que celles de l'Elixir.
Les pots d'Opiate , les plus petits , font d'une
livre dix fols..
Les boëtes de poudre de Corail font d'une livre
quatre fols.
On trouve auffi chez elle des éponges fines &
des racines préparées.
La veuve Bunon ofe affurer que le Public fera
auffi fatisfait de la bonté defdits remédes , dont les
Dames de France ont ufé , qu'il l'étoit du vivant de
fon mari. Elle donne un imprimé qui enfeigne la
maniere de s'en fervir.
FEVRIER. 1750. 213
A VIS.
Sur une Cire Epilatoire.
Ette cire eftpropre pour faire lesfourcils ,
c'eft- à- dire , les dégarnir quand ils font trop
couverts , & pour dégarnir les cheveux qui defcendent
trop fur le front , les poils folets que
l'on peut avoir aux joues , aux bras & deflus les
mains,
La façon de s'en fervir eft toute fimple : faire
chauffer cette cire à une bougie'allumée , puis l'étendre
de l'épaiffeur d'un écu fur la partie que vous
voulez dégarnir ; & quand elle fera refroidie ,
vous l'enleverez à contre- poil , puis vous pafferez
un peu de pommade fur la partie dégarnie .
Le fieur Peromet la fait vendre à préfent chez
Mde Legendre , Marchande Parfumeufe , rue
Galande , Place Maubert , au coin de la rue des
Anglois , à l'enfeigne de la Providence . Chez
Mde Fleur , auffi Parfumeufe dans l'Abbaye
S. Germain des Près , rue Furftemberg , vis- à vis
le Bailliage . Et chez le fieur Malyvoir , Marchand
Parfumeur , rue Bar-du Becq , près la rue S. Médéric
, à l'enfeigne du S. Efprit.
Le prix eft de trois livres & de fix livres la douzaine
de bâtons plus ou moins gros.
APPROBATION,
J
Ai lû , par ordre de Monfeigneur le Chancelier
, le Mercure de France du préſent mois, A
Paris , le 3 Février 1750.
>
MAIGNAN DE SAVIGNY.
TABLE.
IECES FUGITIVES en Vers & en Profe.
tauban ,
Epitre à M. R **
Refléxions ,
l'Académie
2
46
48
Ode de M. le Seguillon à M. le *** * de G ** *
Commillaire d'Artillerie , fur la grace finguliere
qu'il a obtenue de la Cour en faveur de l'Au
teur ,
SI
Mémoire préfenté à M. Rouillé , Secretaire d'Etat
de la Marine , par M. Jahan , natif de Tours ,
& habitant de la Louifiane , pour l'établiſſement
des vers à foye dans cette Colonie ,
Epitre en vers Marotiques de L. L. à L. J
Séance publique de l'Académie Royale de Chirurgie
,
Le premier jour de l'an ,
56
76
89
1C8
Sur le Chiffre de M. N. J *** & de Mad. fon
époufe N. N *** par lui-même 110
Vers picards , extraits d'ane Lettre de M. Jouin ,
le pere , à M. B **** Curé d'une Ville de Picardie,
Reproches de la Parque à Mlle Clairon ,
III
112
Suite de la traduction du Traité de M. Fizes fur
la fièvre , 114
Mots de l'Enigme & des Logogryphes du Mercure
de Janvier ,
Enigme & Logogryphes ,
Nouvelles Litteraires , des Beaux-Arts , &c.
Avis fur un nouvel ouvrage ,
128
ibid.
132
148
Remarque adreffée à M.Remond de Sainte Albine
,
Note concernant l'Académie de Corfe "
154
ISS
Extrait d'un Mémoire de M. Lemaur , Ingenieur-
Géographe du Roi , fur une machine à faire du
Damas , & fur une à faire du Velours ,
Avis concernant l'Agriculture ,
Partie du Port de Rouen nettoyée ,
Déluxatoire ,
164
177
178
179
Lettre de M. Cantwel à M. Remond de Sainte
Albine ,
Avis fur la Lettre fuivante ,
289
182
Lettre de M. Guyot , Chirurgien de Genève , à
M. Daran ,
Chanfon notée ,
Spectacles ,
ibid.
184
185
France , Nouvelles de la Cour , de Paris , &c . 187
Lettre de M. *** à M. Remond de Sainte Albine
, au fujet de la longitude de la Ville de la
Conception ,
190
Vers à M. Marmontel , fur la Tragédie d'Arif
tomene , 195
Epitre pour le premier jour de l'an à M. M. D. L.
par l'Auteur des vers précédens 196
Aux Auteurs du Ballet des Fêtes de Thétis, Divertiffement
exécuté à Verfailles devant le Roi
le 14 du mois dernier , 199
200
Allégorie fur la maladie & la convalefcence de S.
A. S. M. le Prince de Condé ,
Remarque au fujet des vers fuivans , 202
Vers à M. de Voltaire , 204
Mariages & Morts , 205
Avis au Public de la veuve Mouton
caire ,
Apothi.
209
Autre Avis de la veuve Bunon ,
Avis fur une Cire épilatoire ,
211
213
"
La Chanson notée doit regarder la page……
De l'Imprimerie de J. BULLOг.
184
MERCURE
DE FRANCE ,
DEDIE AU ROI.
MARS.
LICIT
UT
SPARG
1750.
PARGAT
Chez :
pillow
S
A PARIS ,
LeGuay
ANDRE CAILLEAU , rue Saint.
Jacques , à S André .
La Veuve PISSOT, Quai de Conty ,
à la defcente du Pont-Neuf.
JEAN DE NULLY, au Palais ,
JACQUES BARROIS , Quai
des Auguffins , à la ville de Nevers.
M. D C C. L.
Avec Approbation & Privilege du Roi.
A VIS.
•
'ADRESSE générale du Mercure eft
à M. DE CLEVES D'ARNICOURT ,
rue des Mauvais Garçons , fauxbourg Saint
Germain , à l'Hôtel de Mâcon. Nous prions
très - inftamment ceux qui nous adrefferent
des Paquets par la Pofte , d'en affranchir le
Port , pour nous épargner le déplaifir de les
rebuter, & à eux, celui de ne pas voir paroître
leurs Ouvrages.
Les Libraires des Provinces ou des Pays
Etrangers , qui fouhaiteront avoir le Mercure
de France de la premiere main , &plus promptement,
n'auront qu'à écrire à l'adreffe ci- deffas
indiquée ; on fe conformera très- exactement à
leurs intentions.
Ainfi ilfaudra mettre fur les adreffes à M.
de Cleves d'Arnicourt Commis au Mercure
de France , rue des Mauvais Garçons , pour
remettre à M. Remond de Sainte Albine.
PRIX XXX. SOLS .
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI.
MARS.
1750.
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
TROISIEME ET DERNIERE LETTRE
De D *** Religieux Bénédictin de Clugny .
à D *** Religieux du même Ordre , contenant
la fuite & la fin des remarques qu'il
a faites fur le Livre intitulé , Mémoires
fervir à l'Hiftoire du Nivernois &
pour
Donziois , par M. N. D. L. R. A. E. P.
E finirai , M. R. P. mes remar
ques par cette troifiéme Lettre ,
& j'entre tout de fuite en matiere .
Page 223 , l'Auteur, en parlant
du Siége & de la reddition de la Ville de
Clamecy en 1617 , n'a pas jugé à propos
J
A ij
4 MERCURE DE FRANCE.
•
de dire que le Prince de Thimerais , fils
aîné du Duc de Nevers ( Charles de Gonzagues
) y fut fait prifonnier : ce fait eſt
pourtant intéreffant , il eft rapporté par le
Continuateur de Mezeray fur cette année.
1617.
Ce jeune Prince , qui , comme je l'ai dit
dans ma feconde Lettre, s'appelloitFrançois
de Paule , n'avoit alors qu'onze ans , étant
mort en 1622 , âgé de 16. J'ai autrefois
lû un Livre compofé par ... Sieur de Gaubertin
, dont je ne me rappelle pas bien
le titre , mais qui traite des guerres Civiles
de ce tems- là auquel il vivoit, & dont
le Héros eft Charles de Gonzague, & l'Héroïne
Catherine de Lorraine , fa femme.
Il rapporte que le Prince de Thimerais ,
leur fils aîné , fut fait prifonnier dans Clamecy
avec fon Gouverneur. C'est donc
un fait conftant que l'Auteur n'auroit
dû obmettre .
pas
dit
Page fuivante . Cette guerre finie ,
l'Auteur , M. le Duc de Nevers , qui venoit
d'hériter des Principautés de Mantoue & de
Montferrat , exigea des contributions de toutes
les Villes du Nivernois , &c . Il fait par
dire que Clamecy paya une fomme , laquelle
fut remife à MM. de Chateauregnaud &
Villemenaud , pere & fils , Meftres de Camp
du Régiment de Nivernois , fuivant le ManMARS
. 1750. 5
dement de M. le Duc de Mayenne .
Charles de Gonzague , Duc de Nevers ,
hérita des Duchés de Mantouë & de Montferrat
en 1627 , & la guerre , dont parle
l'Auteur , étoit finie dès 1617 , dix ans auparavant.
Cependant de la façon dont il
s'explique , il fembleroit que cette fucceffion
lui feroit échue avant la fin de cette
guerre. M M. de Chateauregnaud & de
Villemenand , & non pas Villemenaud ,
étoient de la Maifon de Lange ; la Terre
de Villemenand en Nivernois eft encore
poffedée par M. le Baron de Lange , petitfils
& arriere petit - fils de ces M M.
Suivant le Mandement de M. le Duc de
Mayenne , il n'y avoit plus alors ( 1628 )
de Duc de Mayenne ; le dernier avoit été
tué au fiége de Montauban en 1621. Il eft
vrai que le Duc de Nevers , devenu Dac
de Mantouë , poffedoit alors le Duché de
Mayenne par la femme , * foeur de ce dernier
, ainfi que Nevers & Rhétel , & il en
prenoit même le titre dans les qualités des
Actes ; mais on l'appelloit Son Alteffe de
Mantone , & le Mandement dont parle
l'Auteur , vrai-femblablement étoit figné
le Dus de Mantonë , c'eft ainfi qu'on a
dû lire & non pas de Mayenne. L'Au-
Catherine de Lorraine.
A iij
6 MERCURE DE FRANCE.
teur femble toujours perfuadé, qu'en quit
tant la France , Charles de Gonzague cella
d'être Duc de Nevers , ce qui n'eſt pas .
Page 246 , l'Auteur prétend que Dezize
n'enferme pas dans fon enceinte plus de cing
cens perfonnes. Dezize eftplus confidérable
pour le nombre des habitans , que S.Pierrele-
Moutier ; l'Auteur prétend qu'il y a
quinze cens perfonnes à Saint Pierre : fi
. cela eft , il y en a fûrement plus de cinq
cens à Dezize , & même plus de quinze
cens.
L'Auteur a copié la nouvelle Defcription
de laFrance par M. P. D. L. F , mais ce der
nier fuit quelquefois des Mémoires peu
juftes ; par exemple , il dit qu'il n'y a que
neuf mille ames à Nevers , il en met un
plus grand nombre à Ifloudun en Berry :
cependant , de l'aveu de tous ceux qui
connoiffent ces deux Villes , la derniere
eft bien inférieure à Nevers pour la grandeur
& le nombre des habitans .
Page 248 , il y a , dit- il , ( à Dezize ) un
pontfort long , qui étoit de pierre , & dont une
partie eft tombée ; les ruines des piles fervent
à foûtenir un pont de bois que les habitans ont
fait conftruire à leurs frais.
La Ville de Dezize a un Octroi confidérable
, il eft au moins affermé dix - fept à
dix-huit mille livres par an , & c'eft des
MARS .
7 . 1750.
deniers de cet . Octroi , que le pont a
été réparé , & non pas aux frais des habitans
.
Page 249. Le territoire des environs ( de
Dezize .) eft affez fertile , & l'on y trouve
quantité de charbon de pierre , qui fert pour
l'entretien des forges qui font aux environs.
Le charbon de pierre ou de terre ne fert
point aux forges deftinées à convertir la
fonte en fer , il ne fert qu'aux. Serruriers ,
Maréchaux & autres femblables ouvriers ,
& fur tout aux rafineries pour les fucres
à Orléans.
Page 255. La Charité ( Ville du Nivernois
) a foutenu plufieurs fiéges , & a été prise
plufieurs fois ; elle a toujours été très-fidèle à
fes Souverains .
Comment accorder ces derniers mots
avec l'Hiftoire ? Mezeray , fur l'année
1562 , met . la Charité-fur-Loire au nombre
des Villes dont les Huguenots fe faifirent
, d'où il faut conclure que le parti
dominant dans cette Ville n'étoit trèspas
fidele à fon Souverain.
Sur l'année 1570 , le même Auteur
nous apprend que la Charité fut une des
quatre Villes de fûreté accordées aux Huguenots
par le Traité de Saint Germain
en Laye.
En 1577 , le Duc d'Anjou affiégea la
A iiij
8 MERCURE DE FRANCE.
י נ כ
même Ville , & Mezeray dit que » la Pla-
» ce fut inveftie fi promptement , que Jac-
» ques de Morogues , qui en étoit Gou-
» verneur , n'y put faire entrer des gens
" de guerre , de forte que n'ayant.que cent
cinquante hommes pour défendre trois
» bréches , il capitula après avoir foutenu
» deux alfauts .
"3
Or s'il n'y avoit de pas gens de guerre
dans la Ville , c'étoient donc les habitans
la gardoient eux -mêmes pour le parti Proteftant
, & qui reconnoiffoient volontairement
pour leur Gouverneur Jacques
de Morogues , Gentilhomme Huguenot ,
dont les terres étoient dans leur voifinage,
& dont quelques -unes font encore polledées
par des Seigneurs de cette Maiſon ,
aujourd'hui Catholique , d'où il faut conclure
que le parti Huguenot a dominé à la
Charité , & que cette Ville n'a pas toujours
été très-fidéle à fes Souverains , comme
l'Auteur veut l'infinuer , & que dans
ces malheureux tems elle a fuivi , comme
bien d'autres Villes ., le parti des Rebelles.
Page 258 , l'Auteur , parlant de Pougues
& de fes Eaux minérales , dit qu'elles ont
toujours eu de la réputation ; mais que depuis
que Louis XIV les alla prendre en 1686, cette
réputation s'eft fifort augmentée , qu'on y vient
de tous côtés.
T
MARS.
୨
*
1750.
gues
La grande réputation des Eaux de Poua
commencé du tems de Louis de Gonzague
, Duc de Nevers, & a duré jufqu'à la
découverte de celles de Forges . Le Roi
Henri III les a prifes fur le lieu en 1586 ;
Henri IV les prit à Saint Maur - des - Foffés
en 1602 ; la Reine Catherine ou Marie
de Médicis y eft venue ; l'uné où l'autre a
bâti en ce lieu de Pougues l'Hofpice des
Capucins , & a donné l'horloge qui eft au
clocher de la Paroiffe , où les Armes de
Médicis fe voyoient il y a peu d'années au
cadran, accollées à celles de France. Louis
XIII y eft auffi venu , mais fous le regne
de ce Prince la découverte de celles de Forges
, à 18 lieues de Paris , s'étant faite ,
( quoique leur qualité foit inférieure à celles
de Pougues , fuivant tous les Médecins
qui ont fait l'analyfe des unes & des autres )
celles de Pougues ont été depuis moins fréquentées
; la proximité de Paris a fait préférer
aux Princes & Seigneurs le premier de
ces endroits au fecond , cependant les Eaux
de Pougues font les premieres Eaux minérales
froides du Royaume . *
Quant à ce qu'ajoûte l'Aurenr,que Louis
XIV les alla prendre en 1686 , il eſt vrai
* Voyez Duclos & Chomel , Médecins , en
leurs Traités des Eaux minérales de France.
A v
to MERCURE DE FRANCE.
qu'il les alla prendre , non à Pougues, mais
à Saint Germain en Laye , comme nous l'a
appris M. de la Rue , Médecin à Nevers ,
Intendant de ces Eaux , dans un Traité
qu'il a fait imprimer fur leur qualité , &
qui cite fur ce fait le Dictionnaire de la
Martiniere , tome 4 , page 194.
Page 259 , parlant de Saint Pierre- le-
Moutier , où l'Auteur veut encore qu'il y
ait Bailliage & Sénéchauffée tout à la fois,
cette Ville , dit- il , eft à fept lieues de Nevers.
Il n'y en a que cinq petites. Un Hiftorien
né dans la Province , doit être exact fur de
pareilles minuties comme fur autre choſe.
Page 261 , continuant de parler de Saint
Pierre - le-Moutier & du reffort de fon Bailliage
, parmi les Juftices qui y relevent par
appel , il nomme celle du Bourg Saint Etienne
de Nevers.
Vous fçavez , M. R. P. que notre Pricuré
de S. Etienne eft de fondation des anciens
Comtes de Nevers, * & qu'ils avoient
la fupériorité de la Juftice du Bourg Saint
Etienne ; par la fuite le Prieur & les
Religieux s'étant mis en main fouveraine ,
les appellations de leur Juge reffortiffoient
à Saint Pierre - le - Moutier ; mais en 1564 ,
Fondé par Guillaume II , Com e de Nevers
en 1097. Voyez Coquille , Hift . du Nivernois ,
page 129 & 130 , Edition in- 4°.
MARS. 1750. II
moyennant récompenfe , la Juftice qu'ils
avoient au Bourg , fut unie à la Pairie de
Nivernois , & la récompenfe qui fut alors
accordée , fut augmentée du quadruple
en 1585 , & la réunion exécutée &
vérifiée au Parlement. Depuis ce tems.
cette Justice eft demeurée réunie fans contredit
au Bailliage & Pairie de Nivernois ,
& l'eft encore à préfent.
Page 262 , l'Auteur dit que le Baillif de
Saint Pierre-le- Moutier convoque & com-.
mande l'arriere-Ban .
que
Il femble que l'Auteur voudroit infinuer
le Baillif de Saint Pierre- le - Moutier
commande le Ban de toute la Province de
Nivernois ; mais ce Baillif , comme tous
les autres Baillifs & Sénéchaux , convoque
& commande le Ban & l'arriere- Ban de
fon reffort feulement ; celui du Bailliage
Provincial & Pairie de Nevers convoque
& commande celui du fien , fans qu'ils
ayent d'autorité l'un fur l'autre .
Page 265 , l'Auteur qui veut donner une
Capitale au Morvent , choisit Château-
Chinon. Il eft vrai que c'eft la Ville la
plus confidérable de ce climat , qui ne
pourroit avoir pour concurrente que celle
de l'Orme ; mais il place Château Chinon
dans le Diocèfe d'Autun. Cependant cette
Ville fituée en deça de la riviere d'Yon-
A vj
12 MERCURE DE FRANCE.
ne par rapport à Nevers , eft conftamment
du Diocèfe de Nevers , fous l'Archiprêtré
ou Doyenné rural de Châtillon en Bazois
*. Qu'il confulte le Pouillé du Diocèfe
, les Cartes générales & particulieres
de France , il trouvera par tout que cette
petite Ville eft en- deçà de l'Yonne , & du
Diocèfe de Nevers , & non pas au de-là
de cette riviere , fuivant qu'il l'a placée
dans fa Differtation fur la forclufion , qui
fe trouve à la fin de fon ouvrage.
Page 281 , Corbigny , fuivant le même
Auteur , eft une petite Ville du Nivernois au
Diocèfe d'Autun & dans la Contrée des
Amagnes ; fuivant Coquille cette Contrée eft
un territoire de fept on buit Paroiffes.
Il en eft encore aujourd'hui comme du
tems de Coquille. Cette contrée des Amognes
contient fept ou huit Paroiffes , toutes
au centre du Diocéfe de Nevers , dont la
plus proche de Corbigny eft au moins à
huit lieuës ; fi la petite Ville de Saint Léonard
de Corbigny étoit autrefois dans les
Amognes , ce diſtrict a été bien reſtraint.
Coquille au troifiéme Livre de fon Hiftoire
de Nivernois , intitulé de l'Affiette
du Pays , qu'il divife en huit contrées ,
place la Ville de Corbigny dans la qua-
*
Voyez Coquille , page 83. Hift. du Nivernois,
Edit, in- 4°
MARS.
I ;
·
1750.
triéme , & ès vallées d'Yonne , fous le nom
de Saint Leonard *. Les Amognes compofent
la feconde contrée , & il place la
troifiéme , qu'il appelle des vallées de
Montnoifon , entre la feconde & la quatriéme
; voilà donc une contrée intermédiaire
, fuivant cet Auteur , entre la Ville
de Saint Leonard de Corbigny , & les
Amognes,
·
Terminons ces remarques en relevant
encore plufieurs anacronifmes où l'Auteur
eft tombé , parlant de la fucceffion de la
Baronie de Donzi , page 336. Par le partage
qui fut fait , dit-il , en 1521 , entre
Elizabeth Charlotte de Bourgogne , la Baronie
de Donzi & toutes fes dépendances ,
au nombre defquelles on mit la Ville de Chatel-
Cenfoy , échurent à Charlotte de Bourgogne,
qui en jouit pendant trente - cinq ans avec
Olet de Foix , Comte de Lautrec , qu'elle
avoit époufé ; mais une fille unique qu'ils laifferent
, étant décedée en bas âge , & quelquo ·
tems après eux , Elizabeth de Bourgogne , ſa
tante , rentra dans la Baronie de Danzi Ű
Seigneurie de Châtel- Cenfoy , qui de la Maifon
de Cleves, dans laquelle elle les avoit portées
avec le Comté de Nevers , pafferent dans
celle de Gonzague.
* Voyez Coquille , Hiftoire du Nivernois , page
352 , édition in-4° .
14 MERCURE DE FRANCE.
í
Tout ceci n'eft qu'un cahos rempli d'anacronifmes
, qui ne peut être éclairci
qu'en remontant bien plus haut , & pour
y parvenir , il faut vous répeter ce que je
vous ai déja dit dans ma premiere Lettre ,
que Jean de Bourgogne , Comte de Nevers
& de Rhetel , Baron de Donzi , &
Seigneur d'autres Terres , fut marié trois
fois , la premiere avec Jacqueline d'Ailly
de Picquigny , de laquelle il eut Elizabeth
de Bourgogne ; la feconde avec Paule de
Bretagne , de laquelle il eut Charlotte de
Bourgogne , & la troifiéme avec Françoife
d'Albret , de laquelle il n'eut pas d'enfans.
Elizabeth de Bourgogne époufa Jean ,
Duc de Cleves , & mourut le 21 Juin
1483 *, huit ans avant fon pere Jean VIII .
de Bourgogne , mort le 25 Septembre
1491. Cette Princeffe & le Duc de
Cleves , fon mari , appanagerent Engilbert
de Cleves , leur fecond fils , des biens
de France , échûs & à écheoir après la mort
de Jean de Bourgogne , fon ayeul maternel.
Cet Engilbert attaqua de nullité une donation
que cet ayeul avoit faite du Comté
de Nevers à Charlotte de Bourgogne , fa
*
Voyez MM . de Sainte Marthe , page $ 77 .
** Voyez les mêmes , page 69.
MARS Is
1
.
1750.
2 feconde fille mariée à Jean d'Albret ,
Sire d'Orval , & non pas à Odet de Foix ,
comme le dit l'Auteur , Odet de Foix étant
fon gendre & non pas fon mari .
Cette conteftation fut pacifiée par le
Roi Louis XII , qui fit convenir les parties,
que Charles de Cleves , fils aîné d'Engilbert
& de Charlotte de Bourbon , épouferoit
Marie d'Albret , fille aînée de Jean
d'Albret , Sire d'Orval , & de Charlotte
de Bourgogne ( & ce mariage fut accompli
) comme auffi que Louis de Cleves ,
fecond fils d'Engilbert , épouferoit He-
-lene d'Albret , feconde fille des mêmes ,
lequel mariage n'eut pas lieu , Heléne
étant morte avant l'accompliffement.
Par cet accord il fut dit que les Comtés
de Nevers & de Rhetel . & la Baronnie de
Donzi appartiendroient aux mariés ( le
jugement eft du 4 Octobre 1504 ) &
non à Jean d'Albret , dont la femme.
Charlotte de Bourgogne étoit morte dès
le 23 Août 1500 .
Comme de Jean d'Albret & Charlotte
de Bourgogne étoit iffue une troifiéme
fille qui s'appelloit Charlotte d'Albret , &
qui avoit époufé Odet de Foix , Seigneur
de Lautrec , ainfi que je viens de le dire ,
il s'éleva une nouvelle conteftation entre
eux , & Marie d'Albret , alors veuve de
16 MERCURE DE FRANCE
ICE
..
Charles de Cleves , & tutrice de François
de Cleves , fon fils , encore pour la fucceffion
de leur ayeul maternel Jean de
Bourgogne . C'eft fur cette feconde conreftation
que ces deux fours Marie &
Charlotte d'Albret tranfigerent à Roane
le premier Juillet 1525 ( & non en 1521
comme le dit l'Auteur ) & c'est par cette
Tranfaction qu'il fut dit que Nevers , y
compris Châtel- Cenfoy * ( que l'Auteur
met au lot de Charlotte ) & autres Terres
appartiendroient à Marie d'Albret , Comtelle
de Nevers , & à François de Cleves ,
fon fils , & qu'à Charlotte d'Albret , femme
d'Odet de Foix , appartiendroient le
Comté de Rhetel , la Baronie de Donzi
& autres Terres .
Odet de Foix & Charlotte d'Albret de
leur mariage ne laifferent qu'une fille
appellée Claude de Foix , qui en premieres
nôces époufa Guy , Comte de Laval , duquel
elle n'eut pas d'enfans , & en fecondes
noces époufa Charles de Luxembourg,
Vicomte de Martigues , dont elle eut un
enfant qui occafionna fa mort , étant morte
en couche & l'enfant en même tems ,
& c'est par leur mort que le Comté de
Rhétel , la Baronie de Donzi & autres
*
Voyez Coquille , Hiftoire du Nivernois , page
249 , édition in- 4°.
F
C
C
n
C
MARS. 1750. 17
Terres rentrerent dans la Maifon de Nevers-
Cleves , Marie d'Albret leur ayant
fuccedé en 1540. Pour lors cette Dame
étoit Ducheffe de Nevers , & non plus
Comteffe , comme le dit l'Auteur des Mémoires
à la page 57 , Nevers ayant été -
érigé en Duché- Pairie dès 1538 , comme
il le dit enfuite page 60 .
Quelle erreur donc , mon R. P. de la
part de ce même Auteur , de dire qu'il y
eut un partage de fait en 1521 , entre
Elizabeth & Charlotte de Bourgogne !
Elizabeth étoit morte , comme je viens de
le dire dès 1483 , & Charlotte en 1500 ,
tandis que ce partage fut fait en 1525
( & non en 1521 ) à Roane entre Marie
d'Albret , alors encore Comteffe de Nevers
, tutrice de François de Cleves , & fon
fils , Comte ' de Nevers , d'une part , &
Charlotte d'Albret , fa foeur , femme d'Odet
de Foix , Seigneur de Lautrec , d'autre
part , qu'il dit avoir joui pendant trentecinq
ans de Donzi . Cependant voilà le
partage , felon lui fait en 1521 , & la fucceffion
ouverte en 1540 ; qu'il s'accorde
donc au moins avec lui- même .
Succeffion ouverte , dit l'Auteur , par la
mort d'une fille unique décedée en bas âge.
Cette fille Claude de Foix a pourtant été
18 MERCURE DE FRANCE.
mariée deux fois , comme je viens de le
dire , & c'eft après la mort , arrivée , ſuivant
lui- même , page 57 , en 1540 , qu'il
lui fait fuccéder Elizabeth de Bourgogne ,
fa tante , à la Baronnie de Donzi & Seigneurie
de Chatel Cenfoy , qui de la Maiſon
de Cleves , dans laquelle elle les avoit portées
avec le Comté de Nevers , pafferent dans celle
de Gonzague. Il y avoit feulement cinquante-
fept ans qu'Elizabeth de Bourgogne
étoit morte , lorfque Marie d'Albret
fuccéda à Claude de Foix , fa niéce ; c'eſt
une bagatelle , & c'eft par cette fucceffion
que Rhetel & Donzi rentrerent dans la
Maifon de Cleves. A l'égard de Nevers ,
il y étoit entré incommutablement , par
le jugement de 1504 du Roi Louis XII.
Je crois qu'en voilà bien affez , mon R.
pour vous mettre fur la deffenſive , &
le Public auffi contre de pareils Mémoires.
Je fuis très- parfaitement , &c.
1
P.
MARS. 1750. 12
CACOCOSACICI cacacaca
LA TOILETTE DE VENUS.
Cantate , par M. Roi , mife en Mufique par
M. le Marquis de *** .
QUel ſpectacle à l'Univers ,
Que l'inftant où le Soleil ouvre
Sa carriere dans les airs !
Il nous femble créer tout ce qu'il nous découvre.
De Venus tel eſt le réveil ,
Lorfqu'à tout l'Olympe il révéle
Des appas qu'ont voilés la nuit & le fommeil.
C'eft Venus qui renaît , Venus toujours nouvelle
Bientôt des ornemens empruntant l'appareil ,
Elle veut être encor plus belle .
Un criftal fidelle ,
Où fe reconnoît
L'aimable immortelle
L'inftruit , & lui plaît.
De fes blonds cheveux ,
'Que le vent careffe ,
Avec quelle adreſſe
Se forment les noeuds !
Ses lévres s'animent
20 MERCURE DE FRANCE.
J
D'un fouris vainqueur ;
Ses regards expriment
Sa tendre- langueur.
Mars paroît , mais à peine elle tourne la tête .
Quel frivole foin vous arrête ?
Allez - vous difputer le prix de la beauté
Dans mon coeur dès long- tems vous l'avez remporté.
Méditez-vous quelque conquête ?
Perfide ! Mais fur moi jettez au moins les yeux ;
Que contre mes chagrins un regard ine raffûre :
Avez-vous befoin de parare
Pour redoubler encor mes feux ?
Ce difcours autrefois eût flatté la Déeffe ,
Mais pour un autre objet fon penchant l'intéreffe:
Pourquoi m'interrogez- vous ?
Je me pare pour me plaire ,
Je hais les foupçons jaloux ,
Je ris de votre colere.
Eft- ce un caprice d'amant ?
Mais il doit céder au nôtre.
Nos deux coeurs , apparemment ,
Ne font pas faits l'un pour l'autre.
Pourquoi , & c.
"
Elle dit , & fon char, plus prompt que les Zéphirs,
L'enleve dans les airs , & Mars perd fes foupirs.
MARS 1750. 21
Au pied du mont Ida la Déeffe volage
D'Anchife , jeune encor, va recevoir l'hommage,
Crédules époux ;
Amans , dont la conquête eft faite ,
Ce n'eſt pas pour vous
Qu'avec un art fi grand fe pare la coquette.
Vos foins curieux
Sont pour vous d'un mauvais augure :
Mais traite - t'on mieux
L'amant qui ne dit mot , ou celui qui murmure ?
Crédules époux , &c ,
50 500 56 58 602 506 522 502 806 : 306 106 502 02 506
REPONSE
A la queftion propofée dans le Mercure,
Lequel eft le plus glorieux de triompher de
l'infenfibilité d'un coeur indifferent , ou d'exclure
d'un coeur épris un rival tendrement
aimé.
CE
Ette
queftion peut d'abord partager
les fentimens ; mais pour peu qu'on
veuille faire attention
que l'indifference
& l'infenfibilité
ne font dépendantes
que
de certaines
circonftances
, plus ou moins
22 MERCURE DE FRANCE.
longues à arriver , on n'héfitera plus à đonner
le prix à l'amant , qui triomphera du
coeur rempli d'une forte paffion .
Pour appuyer ce fentiment & juger
fainement , il faut , détaché de prévention ,
confidérer le ſexe en général ; les conféquences
des obfervations feront , que toutes
les femmes étant fujettes aux mêmes affections
& aux mêmes fenfations , dans les
unes plus vives , dans les autres plus tardives
, il n'y en a point d'indifferentes ,
encore moins d'infenfibles à l'amour .
On appelle indifferente , une femme
dont le coeur à un certain âge n'a point
encofeété affecté , & qui a fçu conferver
fa liberté , malgré le concours des differens
objets qui fe font trouvés dans fes
fociétés , & qui tous ont cherché à lui faire
quelque impreffion ; mais fi jufqu'à préfent
aucun objet n'a frappé les fens , ne
pourra- t'il pas s'en trouver un qui fixera
fes regards , fon attention , & qui allumera
en elle un feu peut - être plus vif qu'il ne
fe fait fentir dans les autres : Ce fera un
homme d'une converfation douce , infinuante
, un caractére aimable , un rapport
de fentimens & d'humeur , qui lui
reront quelque diftinction fur ceux qu'elle
aura vûs jufqu'alors . Les differentes
épreuves dont elle eft déja fortie victoaçqueMARS.
* 1750 . 23
rieufe , l'aveugleront fur les fuites , & lui
feront antorifer fes affiduités auprès d'elle,
De l'interêt de l'efprit ne paffera - t'elle
pas à celui du coeur ? Et cette prétendue
indifferente n'aura - t'elle pas befoin bien-
-tôt de toute fa raifon , pour tempérer la
vivacité des défirs dont elle fera atteinte
? .
•
L'experience démontre que le tempérament
eft la fource primitive des inclinations
du coeur ; dans celles- ci , il a fouvent
befoin de caufe pour fe décider . Il
eft pendant un rems comme enveloppé ,
& le terme en arrive quelquefois dans
les occafions mêmes où l'on y penfe le
moins ; ſemblable à une étincelle , qui foufflée
avec continuité , embrafe infenfiblement
toutes les parties qui l'environnent,
Ainfi les engagemens de ces femmes dépendent
donc de pareilles circonftances ; elles
naîtront toujours facilement , & feront)
plus ou moins promptes , fuivant la diverfité
des objets qu'elles feront plus à portée
de voir.
Quelquefois l'on attribue à la délicateffe
& à la tempérance les difficultés que
ces femmes trouvent à former une inclination
, & en même tems la facilité qu'elles
ont d'arrêter les progrès des impreffions
de ceux qui leur font la cour.
7
24 MERCURE DE FRANCE.
Ne pourroit-on pas plutôt objecter ,
qu'une des raifons qui occafionneroit que
ces femmes conferveroient plus long- tems
leur liberté , proviendroit de la nature de
leur conftitution , qui ne les rendant pas fi
animées & fi vives que les autres, diminue .
de leurs agrémens , qui font conféquemment
moins féduifans , & pas fi propres à
fixer la perfeverance des amans. Car pour
conduire une impreffion & la rendre fructucufe
, c'eft l'ouvrage de la perfévérance ,
de la prudence & de la rufe : mais pour
agir ainsi , il faut aimer ; autrement , fi le
coeur n'eft de la partie , on fe laffe aifément
, & l'on abandonne une conquête
dans le tems, où peut être la flamme , commençant
à prendre plus de confiſtance ,
auroit pû conduire au triomphe. Voyons
maintenant s'il fera plus glorieux de triompher
d'une infenfible , que d'exclure d'un
coeur épris un rival tendrement aimé.
L'éducation & les juftes préjugés des
femmes font fi contraires à l'amour , que
pour la plupart elles s'en font un monftre,
capable de détruire leur réputation . Il faut .
par conféquent qu'il y ait une force fupérieure
qui agiffe , lorfque dans fa naiffance
elles n'étouffent pas une paffion , fans laquelle
elles fileroient quelquefois des
jours heureux . Une femme , qui malgré les
principes
MARS. 1750.
25
principes a eu le coeur fenfible à la perféverance
d'un amant , doit d'autant plus
l'aimer, qu'il s'eft paffé en elle des combats
extrêmement violens avant que de le rendre
triomphant. A l'afpect de cette feule
expofition , on peut facilement fe figurer la
fituation du coeur d'une telle femme , &
l'éloignement dans lequel elle doit être
pour tout autre objet que fon amant. C'eſt
pourtant un coeur pareillement affecté , que
f'on met en parallele avec un coeur libre ,
regardé comme indifferent , comme file
prix pouvoit être en doute , & être balancé
avec le premier.
Une femme éprife de cette nature ,
quelque part où elle fe trouve , fon coeur
y est toujours comme à l'écart ; ſes ſens n'y
reçoivent
d'impreffions , qu'autant qu'elles
peuvent avoir rapport à fon objet ; l'efprit
conftamment
préoccupé de la même image
, elle eft indifferente far tout , & n'eſt
fufceptible de plaifirs, que quand fon amant
partage avec elle. Sans cela, continuellement
inquiéte & contrainte , tout l'ennuye;
fi elle va dans quelques compagnies ,
c'eft fans defirs; elle les quitte fans regret ,
& même avec une forte de fatisfaction ,
Enfin ſa ſituation préfente change la nature
des agrémens, qui ne deviennent pour
elle que fimple diffipation. Comme elle
les
B
26 MERCURE DE FRANCE.
eft extrêmement aimable , fi malgré ſon
éloignement pour un nouvel engagement,
& fon peu d'envie de plaire , elle reçoit
quelque impreffion , elle ne fervira qu'à
rendre fon amant plus glorieux, Ce fera
un homme revêtu de toutes les qualités &
vertus, capables d'en imprimer à toute fem.
me qui aura du goût & des fentimens , il
fera même au- deffus du commun ; cet
homme, en un mot, extrêmement féduifant ,
auroit furpris le coeur , s'il eût précédé ,
ou été de concurrence avec le poffeffeur
actuel . Néanmoins fes efperances feront
trompées, & les charmes de fon illufion ne
lui feront faire que des démarches infruc
tueufes. Quelque chofe qu'il faffe pour
infpirer du retour à cette belle , fi elle
s'en apperçoit, elle évitera les occafions de
le voir avec autant de foin qu'il les recherchera.
Plus il ira en avant , & plus les
difficultés fe multiplieront. D'un abord
toujours glaçant vis-à- vis des rivaux de
fon amant , elle les forcera par ce moyen
à recourir à leur raifon égarée , pour leur
aider à éteindre un feu qu'elle aura allumé,
qu'elle ne reffentira pas , & qui feroit
contraire à fes fentimens actuels . Enfin fa e
paffion , fe fortifiant de plus en plus , de- fo
viendra une entrave encore mieux affer- a
mie , qui en rendant ſon coeur impénétra
MARS. 1750. 27
>
ble à toute impreffion , en affûrera plus
folidement la poffeffion à fon amant. Quel
fera l'homme, qui au travers de tant de difficultés
prefque infurmontables , voudra
courir les rifques où la conftance pourroit
l'entraîner ? Et s'il s'en trouvoit un , quel
feroit fon aveuglement d'attaquer un
coeur fi bien fortifié & fi bien défendu ,
& dont l'attaque , quelque vive qu'elle
fût , pourroit lui faire perdre autant de
tems ,fans peut-être approcher du triomphe
? Quand une femme aime beaucoup
toute affiduité , autre que celle de fon
amant, lui devient importune, & il femble
que l'amour , une fois établi dans un coeur,
envahiffe tous les fens , & répande jufques
fur l'efprit un voile qui aveugle fur tous
les objets , & ne laiffe voir que les qualités
de celui qui engage. De là vient qu'un
homme avec tout le mérite , l'amabilité &
la conftance poffibles , n'imprime pas autant
que s'il avoit précédé , & que tout
l'avantage qu'il peut retirer de fes qualités
, eft , en fixant l'eftime , de parvenir
quelquefois dans la fuite à alterer ou affoiblir
l'image de l'objet ; mais l'on eſt
encore bien loin de l'expulfion totale , qui
feule peut applanir le chemin qui conduit
au triomphe .
Si les exemples nous offrent quelques
Bij
25 MERCU DE.FRANCE.
femmes éprifes , dont le coeur a fuccombé
à de nouvelles impreffions , il ne
faut point en
en inferer pour cela , qquuee celles
en général dans le même cas font également
fufceptibles. Souvent par fatiété , ou
par quelques autres raifons , foit dégoût ,
défaut de complaiſance , indifcrétion ,
confidérations differentes , ou conſeils inconféquens
par ceux ou celles qui ont
leur confiance , un amour s'éteint de
lui-même , fans qu'aucun objet étranger y
participe. Alors le coeur doit être regardé
comme libre , & par conféquent de moins
difficile accès , & fouvent même celles- ci
fe portent d'autant plus volontiers à recevoir
de nouveaux hommages , qu'elles les
confidérent pour lors comme un reméde
efficace , qui acheve d'effacer jufqu'aux
moindres traces une image qu'elles fe
repentent d'avoir cû gravée trop profondement
dans l'efprit.
Il eſt maintenant aifé de fentir lequel eft
le plus glorieux de triompher d'un coeur
infenfible , ou d'exclure de l'autre le rival
tendrement aimé. Le premier , quoiqu'il
femble avoir refifté aux épreuves , & ne
paroiffe point encore avoir eû de fortes
Tentations , en a néanmoins le principe en
lui ; il ne s'agit plus que de fçavoir l'échauffer
au degré qui puiffe les faire éclore.
MAR S. 29 1750.
Dans le fecond au contraire , elles font déterminées
, mais en même tems celui qui
le pofféde , les abforbe totalement .
Pour finir cette Lettre , je hafarderai
une derniere réflexion concluante à ce
fajet. Les fortes inclinations étant moins
Fouvrage des fens
que da rapport fympathique
qui fe trouve entre deux amans ,
c'eft la raison pour laquelle un coeur vivement
affecté paroît d'autant plus à l'abri
d'une nouvelle impreffion , qu'il femble
que les noeuds qui l'attachent , foient déterminés
par la caufe premiere il n'y
auroit donc qu'un objet en qui le même
rapport fe trouveroit , qui feroit capable
d'émouvoir & d'affoiblir l'image de l'amant
; mais une femme délicate , dont les
préceptes font toujours préfens , n'appellet'elle
pas à fon fecours fa vertu , qui lui fert
dans pareille circonftance de bouclier formidable
. pour parer les atteintes qu'un
femblable objet pourroit porter à fa conftance
?
, Charmé Monfieur , d'avoir trouvé
cette occafion pour vous donner des marques
de mon inclination , ainfi que du dévouement
avec lequel , j'ai l'honneur
d'être , &c.
A Tours , ce s Décembre 1749 .
L. B. G** .
Bii
30 MERCURE DE FRANCE.
535: 25 : DE DEDY
AUTRE REPONSE .
A la même queftion.
Po
Our fatisfaire , Monfieur & cher ami,
à l'envie que vous avez de fçavoir
mon fentiment fur la queftion propofée
dans le Mercure de Novembre , lequel eft
le plus glorieux de triomphet de l'infenfibilité
d'un coeur indifferent , ou d'exclure
d'un coeur épris un rival tendrement
aimé , je deftine cette Lettre entiere à
l'examen de cette question .
S'il eft glorieux à un homme d'exclure
d'un coeur un rival tendrement aimé , il
lui eft infiniment plus glorieux , de parvenir
à triompher de l'infenfibilité d'un
coeur indifferent. Voici mon avis , que je
vais foutenir de raifons fenfibles , juftifiées
par l'expérience & les exemples multipliés
que l'on en voit tous les jours.
Il est néceffaire , pour fentir l'évidence de
ce jugement ,d'envifager deux femmes ſous
un même point de vûe , c'eft- à- dire toutes
deux également aimables , qui réuniront
fous les étendards de l'Amour plufieurs
compétiteurs qui tendent à la même gloire.
L'une eſt déja éprife , aime éperduement
fon amant , & paroît avoir un coeuris
MARS. 1750. 31
impénétrable à une nouvelle impreffion ;
l'image de fon objet , toujours préfente ,
la préoccupe continuellement ; la délicateffe
& les fentimens dont elle eft accompagnée
, & qui ôtent à l'amour le caractére
du vice , femblent l'avoir déterminée à
ranger fous les loix de la conftance , une
inclination dans laquelle elle fe complaît ,
& qui rend fon coeur de plus en plus inacceffible.
L'autre jufqu'à préfent a été infenfible
; elle est née avec un coeur froid , des
affections foibles ; fes fens, qui paffent rapidement
fur tous les fujets qui ont rapport
l'amour , ne font jamais affez frappés, pour
que l'ame en reffente quelque émotion ;
les objets les plus beaux , les converſations
les plus féduifantes ne font que l'effleurer ,
& ne l'affectent point ; au milieu des hommages
que l'on rend à fes appas , toujours
tranquille , elle conferve fa liberté.
à
A l'aspect de ce parallele , les avis peuvent
être partagés ; toutes deux paroiffent
de difficile accès : cependant l'une doit
moins coûter que l'autre.
•
La premiere,renfermée dans l'ordre général
, a le coeur tendre . La réſiſtance de
l'autre eft déterminée par une vertu de
tempérament , déja éprouvée , & qui militant
toujours , fera un obftacle & une barriere
aux impreffions. Le principe de cette
B iiij
32 MERCURE DE FRANCE.
"
réfiftance eft presque indestructible , & par
conféquent la garantira facilement fans.
aucun effort , tandis que la route du coeur
de la premiere étant déja frayée , on peut
y pénétrer avec bien moins de difficulté.
En effet , fi l'inclination d'une femme
pouvoit détacher les fens des objets capables
d'émouvoir , dans quelque fituation
qu'elle fe trouvât , fa conftance devien
droit à l'épreuve de toutes les attaques ,
& lui ferviroit de rempart , pour mettre
fon coeur à l'abri de toute invaſion ; alors
il feroit bien plus difficile d'exclure de fon
coeur fon amant , que de triompher de
l'infenfibilité d'un coeur indifferent mais la
conftitution du fexe n'étant point de cette
nature, il fe trouve fouvent entraîné , comme
malgré lui , par un tourbillon , qui en
le portant au changement , applanit le
chemin de la victoire à celui dont le courage
a dirigé conftamment & avec adreſſe
les opérations du fiége.
La femme éprife eft maintenant dans la
réfolution de conferver fon coeur à fon
amant. Ses démarches pendant un tems
ne tendent qu'à cette fin , Perfuadée des
fentimens de fon amant , & pleine de confiance
en elle - même , elle ne prévoit pas
qu'aucune occafion puiffe porter atteinte
à fa paffion , les circonftances qui font dé
MARS. 1750. 33
cider & connoître tout , la portent fur
un nouveau théâtre où elle trouve des plaifirs
, des agrémens , & ce nombre d'adorateurs
, qui tous également s'empreffent à lut
plaire. C'eft fur ce théâtre , où paroiffant.
plus aimable que jamais , il faut voir fi
fa conftance peut être victorieufe des differentes
tentatives que l'on lui fera. Si
pendant un tems elle ne fait paroître aucun
autre fentiment que la policeffe , des
attaques redoublées ne feront- t'elles pas
capables de l'ébranler ? Son amour propre,
qui eft fatisfait , ne formera t'il pas quel- !
que confidération pour ne les pas écondui
re? Toujours attaquée vivement , ne peurpas
fe trouver quelque Cavalier, qui plus
courageux que les autres , avec beaucoup
plus de zéle & d'activité , fortira des limi
tes , parviendra à la laffer & à diminuer
la vigueur de la défenfe Enfin fur un
théâtre environné de tant d'objets , qui
font autant d'embûches préfentées à fa conf
tance , ne peut- t'il pas s'en trouver un
qui la faffe échouer ? Avec toute la bonne
foi & l'amour poffible , il fe trouve des
circonftances imprévûes , où il faudroit
une vertu au deffus de l'humanité , pour
pouvoir conferver fon coeur à fon amant..
C'est un malheur de la condition humaine
il
By
34 MERCURE DE FRANCE.
pour réfifter toujours , il faut éviter l'épreuve
.
Si les femmes étoient dans le principe,
quand on attente à leur coeur déja engagé,
de fe replier fur leur raifon , elles pourroient
le conferver àfon premier poffeffeur,
en préfentant alors , à ceux qui leur font la
cour , un extérieur , duquel ils ne pûffent
fe prévaloir , pour établir des conjectures
favorables ; mais la fatisfaction de réunir
fous un même drapeauun nombre de compétiteurs
aimables , qui tous fe difputent
l'avantage de plaire , forme chez le ſexe
une confidération qui l'étourdit fur le danger
, l'empêche de trouver aucune aifon
pour agir differemment , & met enfin ſon
coeur dans le cas d'être atteint par une des
impreffions que celui des compétiteurs
conduit avec plus d'art , & quelquefois
feulement plus hardiment.
Il eft maintenant aifé de juger que celui
qui fur le même théâtre triomphera de la
femme indifferente, fera fûrement plus glorieux
, parce que le coeur de cette derniere
n'étant point porté à la tendreffe , il faut
non-feulement l'y préparer , mais encore y
frayer une route differente , que celle qui
conduit aux autres coeurs . Comme nous
l'avons dit , la foibleffe de fes affections &
MARS. 1750. 35
fon infenfibilité la mettent à l'abri des
impreffions ordinaires ; il faut qu'elles paffent
par l'efprit avant même
mêmeque d'effleurer
le coeur ; il n'y auroit donc qu'un homine
rempli de complaifance , de délicateffe ,
de fentimens , de beaucoup d'efprit , &
d'une perfeverance à l'épreuve de tout , qui
pourroit , agiffant conféquemment à la
connoiffance de fon caractére . , parvenir
à échauffer le coeur de cette belle , & de
degré en degré y allumer un feu affez vif,
pour s'en rendre triomphant dans la fuite.
Mais eft-il facile de trouver de ces hommes
, & font- ils communs ? Et quand on
en trouve un , avec tout fon mérite , quelle
peine n'a-t'il pas pour déterminer feulement
le fentiment de reconnoiffance &
fixer l'attention Et encore quelle incertitude
fur le fuccès du triomphe : Si l'on
mefure la récompenfe au prix des actions,
la gloire peut - elle lui être refuſée ?
Il ne faut pas confondre fous le nom
d'infenfibles & d'indifferentes , ces femmes
qui pendant un long-tems ont fçu conferver
leur liberté. La difference qu'il y a des
unes aux autres , c'eft qu'elles ont plus de
force d'efprit , qu'elles font davantage régies
& gouvernées par la tempérance , le
goût & la prudence ; ces femmes , dis-je ,
ne font point indifferentes , encore moins
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
>
infenfibles à l'amour. Mais toujours éclairées
, elles font plus délicates que les autres
; elles fçavent ranger fous la raifon les
impreffions qu'elles reçoivent , & elles ne
les laiffent croître , qu'autant qu'elles peuvent
être autorisées & juftifiées par la connoiffance
parfaite des fentimens , de la délicateffe
& de l'efprit d'un objet . Si um
extérieur aimable frappe leurs fens , elles
oppofent un frein aux defirs qui pour-
Foient en réfulter , & aucune confidération
ne les aveugle au point de former un engagement
dont elles pourroient fe repenquand
elles feroient une fois revenues
de leur premier avenglement. Ces femmes
offrent un beau triomphe , & s'il coûte
de la peine à remporter , il eſt du moins
plus durable. Si l'Auteur de la queſtion
hous préfente un objet pareil , il eft vrai
que ce coeur fera difficile , parce que n'étant
point fujet aux caprices , l'amant y eft
mieux établi. Néanmoins , comme nous
l'avons déja dit , la route étant une fois
frayée , il peut fe trouver un nouvel objet,
qui accompagné des mêmes qualités , trouvera
également la même route. Si cette
derniere eft plus difficile que la premiere ,
en la conduifant fur le même théâtre , fa
conftance y trouvera plutôt fon écueil ,
que le coeur de l'autre , la deftruction da
MARS. 37 1750.
préſervatif , qui le met preſque . à l'abri de
toute impreffion.
Je termine cette Lettre par une courte
réflexion .
Tant que toute chofe ne fera pas envifagée
fous le même point de vue , que la
conftance ne fera pas étayée des mêmes
raifons qui l'auront déterminée , que par
trop de confiance on fe mettra dans le cas
d'être trop éprouvé , la vertu trouvera des
écueils dans la poſition même où les objets
paroîtront les moins dangereux , &
par cette raifon , on triomphera toujours.
plus facilement d'un coeur épris , que de
celui dont Pinfenfibilité peut le faire réfifter
aux plus vigoureufes épreuves.
J'ai l'honneur d'être , &c.
A Rouen , ce 13 Décembre 1749.
FABLE.
L'ANNEE ET L'HIRONDELLE
A Infi que les plaifirs , les ris-& les amours
S'envolent avec les beaux jours :
Dès qu'un fier Aquilon dépouille nos bocages.
De leurs rians feuillages ,
Nous voyons l'Hirondelle , à l'afpe &t des frimats ,
38 MERCURE DE FRANCE.
Quitter fans regret nos climats.
Le Printems la ramene ,
Mais du jeune âge & des appas
La fuite eft fans retour , & pour comble de peine,
Leur fouvenir revient. Il fait alors fentir
L'erreur d'une fierté cruelle :
Quelle reffource , hélas ! de dire , je fus belle ..
Hé pourquoi ne pas prévenir
Un vain & trifte repentir ?
L'Année un jour apperçut l'Hirondelle ,
Pliant bagage & prête de partir :
( Un grand courroux ne peut le démentir )
»Quoi donc ? lui dit l'Année : àla ſaiſon nouvelle,
» Vous accourez , vous volez dans ces lieux !
Quand le printems me prête fa verdure ,
Je fçais flatter vos regards amoureux ;
» Dans l'été ma parure ;
*
» Et tout l'éclat de la nature
A ce féjour ſemblent fixer vos voeux.
» Dieux que la beauté paffagere
အ Prépare au coeur une douleur amere !
» A peine on voit les fruits
» De l'Automne cueillis ,
"Que d'une afle legere
» Vous allez folâtrer en de nouveaux pays.
» Volage , oubliez- vous que j'eus l'art de vous
plaire è
MARS. 1750.
39
» Avec mes traits vos defirs font paffés ;
» Les appas effacés
Ne font donc plus qu'une chimere ?
L'oiſeau pour calmer fon dépit ,
S'excufe en courtiſan , rit dans l'ame , & s'enfuix
Cette leçon , jeune Iſabelle ,
Vous dit de mettre à prix le tems
Prefque tous les amans
Imitent l'Hirondelle .
Renout.
OBSERVATIONS
Sur l'Infecte , appellé Cloporte aquatique.
Par M. Definars , Docteur en Médecine.
N compte douze à quinze lames
Opliées en demi cilindre depuis la tête
jufqu'à l'extrêmité de la queue . Lorfque
l'Infecte eft en repos , l'axe de ces lames
forme un commencement de fpirale ,
dont les efpaces vont en diminuant vers
la queue. Les fix à fept premieres jouent
en gliffant les unes fur les autres , & ne
forment qu'une médiocre courbure . Les
dernieres font articulées de maniere à ne
40 MERCURE DE FRANCE.
pas glifler ou à ne gliffer que très peu .
A chacune des fept premieres lames eft
articulée une paire de pattes ; les deux
premieres font cheliformes & terminées
par une griffe ; les cinq autres , qui vons
toujours en augmentant , font de la
même ftructure que les dernieres pattes
de l'écreviffe . Les dernieres paires de
pattes font ordinairement repliées latéralement.
Immédiatement après les pattes , on voit
trois plans de filets articulés à égales diftances
les uns des autres , & qui répondent
à la huitième , neuvième & dixiéme
lame femi-cylindrique. Chacun d'eux eft
compofé de trois à quatre filets penniformes.
Enfin la queue de l'Infecte eft ellemême
terminée par plufieurs filets penni
formes.
Lorfque l'Infecte veut nager , la fpirale
fe développe en ligne droite , & l'Infecte
fait un premier faut qui l'éleve à une certaine
hauteur , par la même néceffité méchanique
qu'un arc fortement tendu , &-appuyé
par un de fes bouts contre un corps
immobile , s'éleve à une certaine hauteur ,
lorfque la puiflance , qui le tend, ceffe tour
à coup d'agir. C'eft ainfi que fe fait le premier
faut de l'oifeau dans l'air . Au même
inftant les trois plans de filets penniformes
MARS.
1750..
agiffent , & frappent l'eau de haut en bas
avec vîteffe , en décrivant des fecteurs de
cercle , d'où fuit le mouvement de l'Infecte
dans l'eau , dont la durée & la rapidité
font proportionnées à celles de ces
inftrumens.
Le mouvement de l'écreviffe fe fait auffi
par le développement de la queue , &
c'eft fans doute pour cette raifon qu'elle
contient une maffe mufculeufe , plus confidérable
que celle de tous les autres mufcles
de fon corps , pris enſemble , mais
elle n'a pas des plans de filets.
Non - feulement la Nature a pourvû d'aî
les le Cloporte aquatique , mais elle les a
conftruites de maniere qu'il peut varier
fes mouvemens', ainfi que l'oifeau dans
Fair. L'Infecte peut ne mouvoir qu'un ou
plufieurs de fes filets , qui ne font
des , mais fouples & flexibles.
pas roi-
Cette forte d'Infectes eft fort commune
dans les ruiffeaux & eaux dormantes ; ceux
des ruiffeaux difparoiffent aux approches
de l'hyver , dont ils évitent les rigueurs,
en fe cachant dans les fources les plus profondes.
Pendant les grandes chaleurs ils
fe réfugient également dans les fources ,
où la fraîcheur eft plus grande.
Leur tête eft munie de quatre antennes ;
Les deux antérieures , ainfi que les deux
42 MERCURE DE FRANCE.
poftérieures , font compofées de quatre pié
ces articulées. Ils s'en fervent pour fouir
& chercher dans le gravier des alimens . La
quatriéme piéce des deux antennes poſtéfieures
eft triple des trois autres prifes en
femble ; elle eft taillée en grains de chapelet
, & fort flexible. Les yeux , au nombre
de deux , placés à la bafe de ces antennes ,
femblent deftinés à diriger leurs mouve
mens.
La bouche préfente d'abord deux piéces
remarquables par leur faillie ; elles formeroient
une arcade , fi elles étoient jointes
par leur partie fupérieure ; l'Infecte s'en
fert pour faire l'examen des differens
corps , c'est peut- être l'organe du goût ;
quand il mange , il les écarte à droite & à
gauche , & alors an apperçoit plufieurs petits
hameçons qui ont un mouvement de
connivence. Outre ces inftrumens cachés
dans l'intérieur de la bouche , on en voit
diftinctement deux autres qui font faillans
de toute leur longueur , quand l'Infecte
les met en mouvement ; ils font logés dans
une rainure , qui va depuis la bouche de
P'Infecte jufqu'aux antennes ; toutes ces
piéces concourent enfemble à pulvérifer
& à réduire en menues parcelles les alimens.
Leur accouplement fe fait de la maniere
MARS. 1750. 43
fuivante ; lorfqu'un mâle & une femelle
fe conviennent , les préliminaires ne font
pas longs , le mâle faifit la femelle avec fa
premiere patte gauche , dont l'extrémité
finit en griffe , comme j'ai marqué ci - deffus
; il la faifit , dis- je , entre le cinquième
& fixiéme anneau , & accroche fa premiere
patte droite au premier anneau ; dans cette
attitude il n'eft
n'eft pas poffible que la femelle
échappe , & il faut de néceffité obéïr
au mâle. En effet la femelle est arrêtée par
deux crocs qui la harponnent en fens contraires
. Pendant les huit jours que dure
cet accouplement , le mâle emporte la femelle
fufpendue & nage à fon ordinaire.
La fécondation paroît fe faire dans certains
inftans où le mâle, fe repliant fous le
ventre de la femelle , y injecte peut-être
la liqueur féminale. Après les quatre premiers
jours on apperçoit entre les premieres
pattes de la femelle une poche , qui
contient les petits. Vers le feptième jour
de l'accouplement, ils fortent la tête la premiere
de cette poche , & nagent avec autant
d'habileté que leurs pere & mere ; ils
font cinq ou fix tours autour d'eux & viennent
quelquefois fe percher fur leurs antennes
, jufqu'à- ce qu'ils ayent reconnu
les lieux. Le premier aliment de ces nouveaux
nés eft leur propre excrément ,
44 MERCURE DE FRANCE.
1
i
qu'ils tirent de leur anus avec leurs premieres
pattes ; quoiqu'ils faffent ufage par
la fuite de differens mets , cela n'empêche
pas qu'ils ne reviennent fouvent à celui - là.
Lorfque tous les petits Infectes font
fortis de la poche qui les contenoit , l'ac
couplement dure encore 24 heures &
quelquefois davantage. On voit alors le
mâle repaffer fréquemment fa feconde paire
de pattes fur la tête de la femelle ; il
femble les joindre , & les appuyant fur la
bafe des antennes poftérieures , les faire
gliffer de derriere en devant jufqu'à la
bouche de l'Infecte. A force de recommencer
la même opération , la tête de la
femelle tombe en devant , & paroît fe détacher
du premier anneau , mais ce n'eſt
que le cafque , car on voit paroître auffitôt
une nouvelle tête, plus blanche & plus
petite que la premiere ; prefque auffi - tôt
fe refte de la robe de la femelle fe fépare
& la dépouille eft quelquefois fr complette
, qu'on la prendroit pour un Infecte
mort ; quelques heures après les deux fexes
fe féparent ; le mâle n'a pas befoin de fecours
étranger pour fe dépouiller .
MARS.
45
1750.
•
52525252 52 32 52 5252 52 52 52 52 52525252525252525252
H
EPITRE
A M. M. D. L.
Elas ! quelle étoit mon erreur !
Je te fais , cher ami , l'aveu de ma folie.
Gîté dans l'antre obfcur d'un maudit Procureur ,
J'abjurois pour toujours les Mufes , l'harmonie ,
Le Dieu des vers n'exiftoit plus pour moi.
La chicane aux yeux creux,à la fombre manie,
Vouloit m'engager ſous ſa loi ;
Mais bientôt je n'ai pû regarder fans eflroi
Sa pâle & livide effigie.
A fa diabolique magie ,
A fon jargon mystérieux ,
Je fais pour toujours mes adieux,
Dans un Temple , arrofé de larmes ;
La Divinité m'a conduit.
Son trône , au milieu des allarmes ,
S'enfonce au loin dans l'ombre de la nuit.
J'ai vu les affreux Satellites ,
Dans leurs lugubres vêtemens ,
Amener les troupes profcrites
Qu'elle immole à fes jugemens ;
J'ai vu les tremblantes victimes
Tomber aux pieds de fes Autels ;
46 MERCURE DE FRANCE.
J'ai vu le même fer frapper de coups mortels
Les vertus & les crimes.
• Là , parmi l'injuftice & la noire fureur
La Déeffe établit fon ténebreux empire ,
Là , contre l'innocent la cabale confpire :
Sous le nom de la paix , là regne la terreur,
Dans ce Temple profónd , jamais on ne reſpire
Qu'un airfombre & plein d'horreur.
Du bonheur des humains la difcorde ennemie ,
Fait entendre en ces lieux fon effroyable voix ;
Accourent fur les pas l'avarice & l'envie ,
Qui mettent dans les fers la juſtice & les loix.
La chicane , d'un oeil farouche ,
Contemple les mortels à fes Arrêts foumis ;
Elle entend retentir les plaintes & les cris ,
Sans que la pitié la touche.
Des flots d'encre & de fiel , épandus de ſa bouche
,
Noirciffent mille & mille écrits.
Ceft là que fa main mercenaire
Trace en magique caractére
Des procès les triſtes combats.
Là dans maint ennuyeux grimoire
Se lit l'intariffab e hiftoire
Des querelles de tous états,
Ce n'eft qu'en frémiffant , ami , que ma mémoire
Rappelle à mon efprit ce ſpectaele odieux ;
MARS.
1750. 47
J'aurois encor peine à le croire ,
S'il n'avoit effrayé mes yeux.
Ainfi j'abandonnois les lauriers du Permelle ,
Pour habiter un ſéjour ténébreux';
J'allois facrifier ma plus belle jeuneſſe
Au fervice d'une Déeſſe
Qui ne fait que des malheureux.
C'en est fait pour jamais Apollon me ramene
Au repos , à la liberté ;
Cultivant tour-à-tour Thalie & Melpomene ,
Je ne crains plus que la chicane vienne
M'ouvrir fon Temple détesté .
Dans mon coeur renaît l'allégreffe ;
Je vois commencer d'heureux jours.
Si le fort contraire traverſe
L'efpoir que m'annonce leur cours ,
Convaincu que l'ame s'exerce
Dans les revers , je refterai toujours
Inacceffible à la trifteffe ;
Le tems finit , le malheur ceffe ,
Et pour guérir notre foibleffe ,
Enfin la mert eft un ſecours .
Peut-être hélas ! l'expérience
Démentiroit ce ftoïque difcours
Et perdant patience
Je penferois tout au rebours ;
Bientôt s'écrouleroit toute ma confiance,
Tel dans le calme un paffager
48 MERCURE
DE FRANCE.
Conferve
fon
ame paifible ;
Mais voit-il l'approche terrible
Et les menaces du danger ?
Voit-il les flots émus , la bruyante tempête-
Tonner , éclatter fur la tête ,
Et fous les pieds ouvrir la mort ?
Il eft glacé foudain, il pâlit , il friffonne ,
Et malgré le foûtien d'un courageux effort ,
Sa conftance enfin l'abandonne ;
Le péril abbat le plus fort.
Mais quoi ! Je moralife
Sans finir ma digreffion ,
Et point ne fais réflexion
Que je charge trop la valife
De votre courier Bourguignon .
Volontiers on prend en guignon
Un Poëte qui dogmatiſe ;
Ce n'eft point fa profeffion.
Ami , tréve d'ennui , je veux vous faire
C'en eft affez pour cette fois.
Auffi - bien ma Muſe ſe laſſe ,
Et le froid engourdit mes doigts.
Aucune anecdote nouvelle ,
Au
pays d'où je vous écris ;
Toujours y brille la féquelle
grace
Des fots rimeurs , des beaux efprits ;
Ici le bon fens en mépris
Voit s'élever far fes débris
Lea
MARS.
49
1750.
Les riens brillans , la bagatelle ,
Avec le luxe que j'appelle
La Divinité de Pâris.
Raoult.
***
TRADUCTION
De cette Strophe de l'Ode à la Fortune :
Montrez- nous , Guerriers , & c.
M
Agnanimi heroes , veráfub luce refulgens
Veftra omnis pateat virtus , atque ora tuentum
Suftineat : nobis depromite robore firmo
Pectora qua rebus nunquàm frangantur iniquis.
Vos equidem flatu impellens fortuna fecundo
Dùm juvat , ufque armis cedit vićtricibus orbis ;
Perftringit radians malè credula lumina fulgor ;
Atfortuna levis cafus fi ludit acerbos ,
Larva cadit , fupereft homo , fugit ſcenicus heros.
Par le même.
C
fo MERCURE DE FRANCE.
mumy mummy
SOLUTION
D'une Queftion de calcul , propofée dans le
Mercure de Novembre.
Monfieur , j'ai trouvé dans le Mercudu
mois de Novembre dernier
un calcul propofé , dont je crois avoir
trouvé la folution . Permettez , Monſieur,
que je l'expofe à votre jugement. La queftion
dont il s'agit , eft énoncée de la maniere
fuivante.
Un particulier doit cent vingt- cinq mille
livres , qu'il s'eft obligé de payer en cinq payemens
égaux , fçavoir , le premier en l'an mil
Sept centfoixante , qui fera de vingt- cinq mil.
le livres ; ainfi des autres les années ſuivantes
jufqu'à l'année mil fept cent foixante-quatre
comprife. Le débiteur propofe au créancier
de le rembourfer avec unefemme telle , que celui-
ci , tirant les intérêts à fix pour cent par
an , à commencer du premier Juillet mil Jept
cent quarante-neuf jufqu'au premier Janvier
mil Sept cent cinquante`; joignant enfuite ce
qui fera venu pour les intérêts des fix derniers
mois de ladite année , à la fomme payée par
débiteur , & tirant de ce total de nouveaux
intérêts au même denier l'année mil seps
pour
le
ི་
MAR S.
1750 ST
cent cinquante ; puis ajoûtant de nouveau les
intérêts à la fomme qur les aura produits , &.
continuant de placer le total aux mêmes con
ditions pour l'année fuivante , ainfi de fuite ,
les intérêts qui doivent provenir defdites fommes
année par année , faffent , avec celle qui.
aura été remboursée , cent vingt -cinq mille
livres.
Il me femble , Monfieur , que le nombre
108009 livres 37 remplit l'état de
la queſtion.
239327
108009 liv. fomme qu'on doit rembourfer.
80057
289327
80522 ,
intérêts à fix pour
3240
liv.
>
289327
cent
pour les fix derniers mois de cette année.
111249 liv. 160517 , total des deux fommes
ci - deffus .
289327
6674 liv. 12 , intérêt dudit total pour 289327
l'année 1750.
289327
117924 liv. 1282 , fomme du total des intérêts
pour l'année 1750 .
2893279
7075 liv. 1 , intérêts de la fomme
ci -deffus pour l'année 1751.
125000
liv.
Le débiteur aura donc acquitté la dette
à la fin de l'année mil fept cens cinquanteun.
Pardonnez fi ma Lettre eft trop
longue, & fi je vous dérobe des momens...
Cij
52 MERCURE DE FRANCE.
Je vous prie d'être perfuadé que je fuis &
ferai toute ma vie avec beaucoup de reconnoiffance
, Monfieur , votre , &c.
Gabriel
AUTRE Solution du même Problême.
Uivant ce qui eft propofé par ce Pro-
Sblème ,le débiteur auroit à payerà fon
créancier la fomme de 125000 livres en
cinq termes & en cinq payemens égaux
de 25000 livres chacun , fçavoir , 25000
livres après 16 années , cinq mois 20 jours ;
25000 livres après 17 années , cinq mois
20 jours ; 2500b livres après 18 années ,
cinq mois , 20 jours ; 25000 livres après
19 années, cinq mois , 20 jours , & 25000
livres après 20 années , cinq mois , 20
jours , à compter du jour 11 Juillet 1743 .
Or fi le débiteur avoit à payer la fomme
de 125000 livres en un feul terme ſans
rien perdre , on trouve par une régle de
proportion , qu'il devroit rembourfer fon
créancier le premier Janvier 1762 ;fçavoir,
après le tems de 18 années , cinq mois.
20 jours , à compter dudit jour 11 Juillet
1743.
Il est très- aifé de démontrer ce qu'on
vient de dire ci- deffus ; il fuffit de faire arMARS.
1750.
SI
.
tention que le montant des intérêts de
12 5000 livres , à raifon de fix pour cent ,
& pour l'espace de 18 années , cinq mois,
20 jours , ce qui fait 138541 livres 13
fols 4 deniers , eft égal à la fomme de
24708 livres 6 fols 8 deniers , à quoi fe
montent les intérêts de 25000 livres , fur
le même pied de fix pour cent pour 16 années
, cinq mois , 20 jours ; plus 26208
livres 6 fols 8 deniers pour les intérêts de
25000 livres pour 17 années , cinq mois ,
20 jours ; plus 27708 livres 6 fols 8 deniers
pour les intérêts de 25000 livres
pour 18 années , cinq mois , 20 jours ;
plus 29208 livres 6 fols 8 deniers pour
celle de 25000 livres pour 19 années
cinq mois , 20 jours ; plus 30708 livres 6
fols 8 deniers , montant des intérêts des
dernieres 25000 livres pour 20 années ,
cinq mois , 20 jours , lefquelles fommes
toutes enſemble compofent la fufdite fomme
de 138541 livres 13 fols 4 deniers.
Il s'enfuit donc qu'il eft fort égal au
débiteur , de payer 125000 livres le
premier Janvier 1762 en un feul terme ,
ou d'en faire les payemens de 25000 livres
en cinq termes & dans les tems ci -deſſus
mentionnés. c. q . f. p .
Suppofé que le débiteur ait propofé de
rembourfer fon créancier le premier Juillet.
Ciij
54 MERCURE DE FRANCE.
1749 , fçavoir , douze années , fix mois
d'avance , à compter du jour premier Janvier
1762 : fi on nomme z cette quantité ,
& qu'on dreffe une proportion fuivant
cette hypothéfe , on trouve 207256 23 65
990616839291822082 1250000000.
0000000000000000000000. Doncz➡
5059966715344279392323
60311 liv.41336655407004847 pour la fomme
qu'on cherche , ce qui peut être trèsaifément
prouvé, fi on ajoûte à cette quantité
les intérêts de fix mois à raifon de fix
pour cent , à commencer du premier Juillet
1749 , au premier Janvier 1750 ; qu'en
fuite du total de cette fomme & des inté
rêts de fix mois , on tire les intérêts d'une
année pour les ajoûter au total , dont ils
dérivent , & qu'on tire les intérêts de la
maniere ci- deffus pour chaque année juſ
qu'au premier Janvier 1762 , jour auquel
la fufdite fomme de 60311 livres.
25323 , plus les intérêts & in-
-4 287713376555407004847
50599667135442793928023
térêts d'intérêts, égaleront lefdites 125.000.
livres. C. q. f. t..
Pierre Rufca.
MAR S. 1750.
55
PROBLEM E. ·
Dfix
Eux amis ayant fait une fociété pour
fix années , dans laquelle ils avoient
mis chacun une fomme égale , à condition
de partager par moitié les profits ou les
pertes qui pourroient en réfulter , & deux
années fix mois s'étant écoulés , un dede
leurs amis communs leur propofa de s'affocier
avec eux , & de mettre pour fond
une fomme raifon de laquelle il partageroit
par tiers avec eux les évenemens
de la fociété , perte ou gain.
pour
Le feu , ayant pris au magafin de la fociété
, a confumé la plus grande partie de
leurs fonds & tous les papiers : on n'a trouvé
dans les ruines qu'une note qui conftatoit
que les fonds des deux premiers Affociés
confiftoient , fçavoir , un tiers en
marchandifes , trois feptièmes en Billets
de Banque, & 50000 livres comptant.
On a fait l'inventaire des marchandifes
échappées de l'incendie , & un état des
créances que l'on pouvoit recouvrer fur la
bonne foi des débiteurs ; on a trouvé que
tout compris il n'y avoit que pour la fomme
de 9200 livres , mais que fi on pouvoit
négocier le de la valeur des mar- 80
C iiij
56 MERCURE DE FRANCE.
chandifes & des créances pour le même
prix qu'auroit valu l'entier de chacune ,
on auroit trouvé dans la fomme de ces
deux produits le capital de trois Affociés ,
& en outre un profit de 188000 livres.
On demande quel a été le fond que chacun
des Affociés a fait dans cette entreprife
, & quel eft le fond qui y eft reſté en
marchandiſes & en créances, pour pouvoir
faire le partage fuivant ce qui a été convenu
.
Pierre Rufca..
COCACOGDCD DVD HANDYDAVA
LES OISEAUX ET LE BAUDET .
FABLE ALLEGORIQUE .
A Mademoiselle Guibert.
NE fortons point de notre ſphére ,
C'eft le plus court & le meilleur parti :
Exerçons le talent que nous a départi
Dame Nature , notre mere .
Vouloir aller plus loin , c'eft être téméraire ;
On va le voir dans cette fable- ci .
Dans un pré dont l'émail , les feurs & la verdure
,
Offroient aux yeux , en racourei ,
MARS. 1750.
57
D'un féjour enchanté la charmante peinture ;
Plufieurs efpéces d'animaux
Sortis de differens hameaux ,
Venoient pour prendre leur pâture.
L'air qu'on y refpiroit étoit doux. Les ruiffeaux
Aux gazouillemens des oiſeaux
Mêloient leur tendre & doux murmure.
Un rouffin , qui de la Nature
N'avoit jamais eû pour tous dons
Qu'un braire épouventable & groffiere encolure ,
Alloit y brouter des chardons.
Avec la chere rouffinette ,
Et mal faite , & fotte , & coquette ;
Ris & minauderie étoient tous fes guerdons.
Tous deux donc à brocards étoient matiere høn
nête ;
Auffi fans ceffe de lardons
On accabloit & l'une & l'autre bête.
Or un jour que par leurs fredons
Les oifeaux d'alentour célébroient une fête ,
Notre baudet fe mit en tête
D'effacer par fa voix les fons harmonieux.
Du roffignol mélodieux ,
Du cigne , du ferin , du geai , de la fauvette.
Il fe mit donc à braire de fon mieux ;
Mais entendant ce fon de voix affreux ,
Des auditeurs la troupe ftupéfaite ,
C v
58 MERCURE DE FRANCE...
D'étonnement refta muette , 7
Et fut prête vingt fois à fortir de ces lieux
Pour confoler le pauvre malheureux ,
Envain la trifte rouffinette
Applaudiffoit fon chant , lui faifoit les doux yeux;
D'une voix mignarde & doucette
L'affuroit que jamais rien de plus merveilleux
Ne s'étoit entendu . Martin confus , honteux ,
Vit que pour le bât feul fon échine étoit faite ,
Et prenant le parti d'une prompte retraite ,
Pouffa pour ſe venger en faifant fes adieux ,
Un braire dont de fon retentit juſqu'aux Cieux.
L'amour propre est toujours un conducteur perfide
;
Jamais à fes confeils il ne faut fe livrer ;
Quiconque craint de s'égarer
r ..
Ne doit point le prendre pour guide,
ON
Brunet , de Dijon..
QUESTION.
N demande les origines de ces deux
expreffions , venir àJubé , & avoir
Son bec jaune,
4
MARS.
59 1750 .
Q
STANCES
Sur la Jaloufie.
Uels fifflemens affreux, quels lugubres accens
Epouvantent mon coeur , chere & tendre Afpafie !
Quoi ! pour le déchirer , la fombre jaloufie
Sort du ſein de l'abîme avec tous les ferpens !
Précédé du foupçon , & fuivi par la rage ,
Ce monftre , qui ne doit fon être qu'à l'amour ,
Fils d'un Dieu fi charmant , devient pere à fon
-tour
D'un monftre plus cruel qui m'aveugle & t'outrage.
Tyran impérieux , la chimere eft fon nom ;
Dans fes flancs empeftés elle porte le crime ;
L'innocence à fes yeux eft la feule victime
Sur qui doive tomber fon funefte poiſon .
Ainfi donc tu gémis , cher objet que j'adore ,
Tu gémis fous le poids d'un fort trop rigoureux .
L'amour me crie envain que je dois être heureux ;
Le bandeau de l'erreur fait que j'en doute encore.
Envain t'efforces - tu par les plus tendres foins
De diffiper l'eff.oi dont mon ame eft atteinte ,
Cvje
60 MERCURE DE FRANCE.
Toute en proye au démon qui la glace de crainte,
Elle en croit tes fermens , & n'en fouffre pas
moins.
Le calme que mon coeur reçoit de ta préſence ,
Même jufqu'en tes bras eft un calme trompeur.
Mais quel fupplice , hélas ! peut égaler l'horreur.
De ces triftes momens caufés par ton abſence ?
!
: Otoi , dont mon pinceau cherche à peindre les
traits ,
Implacable démon , auteur de ce martyre ,
Parle , & nouvelle Mufe , effaye de décrire.
Ces tourmens que j'endure , & les maux que tu
fais..
Dis quel frémiffement de mon ame s'empare ;
Mon trouble , mes foupçons , mon déſeſpoir , mes
pleurs
Pour exprimer ma- rage, animent tes couleurs;.
ll- eft digne de toi , cet ouvrage barbare.
Ah ! plutôt que de vivre efclave de ta loi ,
Plutôt que de fubir le fort que je découvre ,
Fais fous mes pas errans que l'abîme s'entr'ouvre ;
Daigne , daigne du moins m'y plonger avec toi.
Par M. L..D. La
MARS. 1750. Gr
LETTRE
A M. Remond de Sainte Albine , pour
fervir de réponse à la Critique d'une autre
Lettre de l'Auteur fur l'amitié..
'Ai été extrêmement furpris de voir ,
tobre, la réfutation de ma Lettre fur l'impoffibilité
de trouver de véritables amis.
Je ne croyois pas qu'une femblable production
pût exciter l'attention du Public .
Si l'Apologifte de l'amitié me connoiffoir ,
fans doute il auroit honte de ſe voir un fi
foible adverfaire. Dois-je ménager fa délicateffe
, ou la bleffer , en lui découvrant
qui je fuis ? Qu'il rougiffe , que m'importe
? Il faut du moins lui faire connoître
mon âge , fi je ne puis lui déclarer mon
nom.
Je fuis un jeune homme , qui à peine
forti de la pouffiere fcholaftique , éprouve-
& mefure les forces . Comme le Mercure
femble n'avoir été inftitué que pour infpi
rer à la jeuneffe le goût de la belle Litté
rature , & l'engager à entrer de bonne
heure en lice , j'ai pris la liberté de vous
communiquer.mes idées : vous ne les avez
62 MERCURE DE FRANCE.
pas trouvées tout - à -fait indignes d'occu
per une place dans votre Recueil. Quelle
fut ma joie de me voir imprimé ! Mais ,
lorfque j'y penfe le moins , une Critique
vient en diminuer toute la vivacité . Ma
Lettre eft traitée d'hérétique. Quelle humiliation
pour un jeune Auteur ! Quoi de
plus capable de le rebuter !
,
Souffrez , Monfieur , que je défende
devant votre Tribunal la premiere production
de mon efprit. Mais avant que de
commencer , il faut analyfer mes fentimens
, & convenir d'une efpéce de fupercherie.
Mon Antagoniſte demande une rétractation
; en voici une.
Ma Lettre étant d'une nature à ne pouvoir
être adreffée à perfonne de notre ſexe ,
j'ai cru qu'il falloit en faire honneur à l'a--
mour : je me fuis créé une Iris. Telle eft la
Divinité aux pieds de laquelle mon adverfaire
me dépeint goûtant les plaifirs les
plus vifs. Jugez , Monfieur , fic'eft l'amour
qui a conduit ma plume.
Soutenir qu'il n'y a point de véritables
amis , quel paradoxe ! J'en conviens , c'en
eft un ; mais n'eft- il pas plus humiliant ,
qu'infultant ? Point d'amis ; la vanité
peutelle
tenir contre une telle réflexion ? Etre
ifolé , réduit à s'aimer feul , fans concurrens
,fans rivaux : quelle fituation affreuſe ! !
Quel état d'humiliation !!
MARS. 1750. 65
:
Vouloir être aimé , nul fentiment plus
naturel mais l'être en effet , rien de plus
rare . Tel eft notre amour propre ; ne ſe
fuffifant point à lui-même , il cherche audehors
de quoi remplir cette idée de grandeur
qui fait fon idole . Remarque- t'il dans
certaine perfonne quelque condefcendan-
, quelque fympathie ? il s'aveugle auffi
tôt , il n'en demande point davantage ; il
.fe perfuade avec d'autant plus de facilité
qu'il eft tendrement aimé , que cette penfée
eft plus flatteufe , & le chatouille ,
pour ainfi dire , dans fa partie la plus délicate
.
༡ 、
Telles font les amitiés que l'on voit tous
les jours. Mais font-ce là de véritables
amis ? Prenez la pierre- de- touche : mettez
en compromis leurs paffions favorites ,
leurs intérêts les plus chers , & vous verrez
que ce qui vous paroiffoit un or pur ,
n'étoit en effet qu'un métal de très- mauvais
aloi ...
Etrange manoeuvre de l'amour propre !!
Il veut , & ne veut pas être aimé : lui feul
met obftacle à fes propres defins . Il brife
les liens qui pourroient unir nos coeurs ,
& cependant il veut paroître les chérir. Ils
nous prive du plus grand de tous les biens,
& néanmoins il affecte de le poffeder ,
idolâtre & tyran en même tems de l'anntié
64 MERCURE DE FRANCE.
blir
Que notre adverfaire paroît peu connoître
cet amour de nous- mêmes , .lorfqu'il
prétend qu'on peut aiſement l'affoipar
les vertus qui lui font contraires !
C'est un ennemi d'autant plus terrible ,
qu'il triomphe , lorfqu'il paroît vaincu :
vous le croyez prêt à expirer , & c'eft alors
qu'il eft plus puiffant, c'eft alors qu'il renaît
, pour ainfi dire , de fes cendres , &
qu'il prend de nouvelles forces.
La vertu , loin de vaincre l'amour propre
, lui eft prefque toujours foumife ; il
la flétrit , il la fouille , il la rend comme
vicieufe . Que d'actions héroïques ceffent
de l'être , lorsqu'on les rapproche du motif
& de la fource dont elles partent ! Si
vous pouviez defcendre dans le coeur de ce
prétendu Sage , quelle feroit votre furprife
? Vous rougiriez de la baffe origine
de ces actions éclatantes , aufquelles la prévention
prodigue tant d'éloges.
Les fers dont Saint Paul eft chargé , loin
d'affoiblir , raniment l'intrépidité de quelques-
uns des Difciples ; ils annoncent avec
plus d'éclat la parole fainte. Quel eſprir
les anime ? Eft - ce celui de Dieu ? Hélas !
Non ! Une funefte paffion les agite ; la jaloufie
fe fait fentir dans leur coeur : ils
ne s'expofent à perdre la vie , que pour
augmenter la pefanteur des chaînes de l'A
MARS. 1750.
65
pôtre : * Exiftimantes preffuram fe fufcitare
vinculis meis.
:
Rien de plus fouple que l'amour propre
: Prothée inépuifable , il prend mille
formes . Tantôt dévot , tantôt impie ; vertueux
chez celui - ci , libertin chez cet autre
principe du mal comme du bien , c'eft
un venin qui fe gliffe imperceptiblement
dans toutes nos actions , c'eft un penchant
qui influe fur toutes nos démarches , qui
rend nos vertus défectueuſes , & qui donne
une apparence de probité à nos vices
mêmes .
Tel eft l'homme : pétri de l'amour de
foi-même , il ne fe perd point un moment
de vûe , il fe rencontre , il fe retrouve par
tout. S'il aime , c'eft parce que cet amour
le flatte ; s'il eft ami , c'est parce que cette
amitié fait honneur à fon difcernement
à fon goût. Vertueux par ambition , charitable
pour le paroitre , humble
nité .
par va-
Ce n'eft pas cependant que je prétende
ici nier l'existence des vertus morales : j'en
connois de folides ; j'en ai même tous les
jours mille exemples devant les yeux :
mais je foutiens que tout dans l'homme fe
reffent de la corruption de fon origine , &
Philip. 1. 17.
66 MERCURE DEFRANCE.
qu'il lui eft auffi difficile d'être parfait dans
les fentimens du coeur , que dans les opérations
de l'efprit.
Je fuis , Monfieur , & c.
EPITRE
A M. l'Abbé Trublet , Archidiacre & Chanoine
de Saint Malo , de l'Académie Royate
des Sciences & Belles Lettres de Pruffe,
par M. des Forges Maillard , des Académies
Royales des Sciences & Belles - Lettres
d'Angers & de la Rochelle , fur un
voyage qu'il a fait à Saint Malo.
Docte & digne héritier des plumes immor- D ° telles
" De la Rochefoucault , la Bruyere , Paſcal
Qui par eux devenu comme eux original ,
Voles fans leur fecours & de tes propres aîles ;
Orateur éloquent , guide aimable des moeurs ,
Qui polis les efprits & réformes les coeurs ,
Ton ouvrage , Trublet , de la publique eftime
S'eft acquis le tribut juſtement mérité ,
Et fi manquant de goût , ou par malignité ,
Quelqu'un contredifoit cet éloge unanime ,
Il ouvriroit bientôt les yeux à l'équité ,
Voyant dans leurs diverfes Langues
MAR S.
67
1750
Les Etrangers jaloux de fe l'approprier . ( 1 )
Ce fuffrage eft plus fûr que toutes les harangues
Que mon pinceau naïf pourroit colorier .
J'arrive de cette Ifle , où le Guet en furie ,
Dès long- tems compofé de foldats aboyans , ( 2 )
Garde toute la nuit fes remparts foudroyans.
Cette Iſle renommée , où commença ta vie ,
Etroite dans les murs , immenſe par le coeur
Enfanta ce du Guay , dont la haute valeur ,
Sur les plaines des mers à vaincre habituée ,
Servit fon Prince avec chaleur ,
Dans tes Concitoyens chaleur perpétuée ( 3 )
( 1 ) Il a paru trois Traductions des effais de Litté
rature & de Morale de M. l'Abbé Trublet , deux enz.
Anglais une en Allemand. 9
(2 ) Saint Malo eft peut-être la feule Ville dis
monde , qui ait vingt- quatre dogues pour fentinelles.
Ces foldats aboyans font foldés par les vingt- quatre
Chanoines de la Cathedrale , qui font Seigneurs de la
Ville , & obligés à la penfion de cette garde. Le conducteur
de ces chiens redoutables les mene hors des
murs au fon d'une trompeite bruyante , le foir quand
les portes fe ferment , ils rentrent de la même ma-
-niere avant l'aurore , quand les portes s'ouvrent .
( 3 ) On pouvoit citer en cet endroit pluſieurs Offi
ciers Généraux d'un grand mérite , comme les Ger
vefais , les Gyclois , les Grandvilles , les Terlay ,
nombre d'autres qui ont fervi dans nos Armées avec
diftinction . A l'égard de M. du Guay , il ne faut pas
croire qu'il fut par mer le feul brave de Saint Malo
dans fon tems: il en y avoit bien d'autres que je pour.-
68 MERCURE DE FRANCE.
1
Là naquit Maupertuis ( 1 ) à bon titre honoré
Chez un Roi brave , habile , & qui vit ſur ſes tra
ces ( 2 )
Accourir Apollon , les neuf Soeurs & les Graces ,
Dans le Temple éclatant qu'il leur a confacré. ( 3 )
Ce Maupertuis vanté dans l'Art des Zoroaftres,(4)
Qui les pieds fur la terre a le front dans les Aftres ,
Et qu'Archimede eût adoré. ( 5 )
Séré , qui fous les doigts a fait parler ſa lyre
Des differens plaifirs de Phébus & fa foeur , ( 6 ) .
Reçut auffi le jour dans ces tieux , où l'honneur ,
La probité qu'on y reſpire ,
Doivent éternifer la gloire & le bonheur.
Ainfi de toutes parts Aleth à notre Hiſtoire ( 7 )
rois nommer ; mais comme il commandoit les Efca
dres , que le fort de la guerre rouloit fur lui , c'eft.
de lui qu'on a principalement parlé. Les Corfaires
Malouins ont encore débuté à merveille dans la derniere
guerre , mais ilsfe font vûs accablés par le nom.
bre..
( 1 ) M. de Maupertuis eft fi connu , qu'il ſuffic
aujourd'hui de le nommer pour faire fon éloge.
( 2 ) Le Roi de Pruffe.
( 3 ) L'Académie de Berlin.
(4 ) Célébre Aftronome.
( s ) Excellent Géométre.
(6 ) M. de Séré a fait un Poëme fur la Mufique ,
& un autre fur la Chaffe.
( 7 ) Aleth , eft l'ancien nom de Saint Malo. Il
fut enfuite changé en celui de Saint Malo , qui fut
fon premier Evêque .
MARS. 69 1750.
Fournira des hommes fameux ,
Dont les noms , à jamais vainqueurs de l'ombre
noire ,
Charmeront les regards de nos derniers neveux .
Trublet , à ta famille obligeante & polie ,
Je dois pour les égards d'amples remercîmens .
J'ai vu que les vrais fentimens ,
Que la vertu maintient dans une ame accomplie ,
La Science , le goût , les talens gracieux ,
Cireulent dans ton fang , dons émanés des Cieux ,
Peintre excellent des caracteres ,
Qu'en formant tes tableaux ton fort me femble
heureux ,
De n'avoir pour tracer des coeurs nobles , fincéres
Qu'à prendre modéle fur ceux
Que r'attache l'amour qu'infpire la Nature ,
Et fur toi , qui foutiens comme eux ,
Par ta fage conduite & tes faits vertueux
De ta morale vive & pure
Les traits édifians , les confeils lumineux !
Trublet , j'ai fçu dans mon voyage
Sur ton maritime rivage ,
; Que par les noeuds d'Hymen je t'étois allié ;
Par tes rates talens , ah ! que je voudrois l'être ,
Mais des dons fouhaités Dieu feul étant le maître ,
Nous pouvons l'être au moins par les noeuds d'amitié.
70 MERCURE
DEFRANCE
.
ETRENNES EPIGRAMMATIQUES
,
Pour l'année 1750.
A Meffieurs de Voltaire , & Arnaud
& Marmontel , par le même.
PAt Voltaire adoptés , deux célébres génies
Fout preuve avec fuccès de leurs talens divers ;
D'Arnaud , tout plein de fel , fur fa profe & fes
vers
Répand des graces infinies ,
Et louant & l'Art & le ton ,
Chacun dit , enchanté du plaifir de les lire ;
Que c'eft l'immortel Apollon ,
Ou bien Voltaire qui l'inſpire ;
Ce Voltaire immortel par les fons de fa lyre,
Comme le Dicu de l'Hélicon.
Par l'unanime accord des plus doctes Critiques ;
L'élegant Marmontel , couronné tant de fois
Dans les Tournois Académiques ,
Aujourd'hui par un nouveau choix
A peine a-t'il chauffé le cothurne , qu'il brille
Dans l'Art puiffant qui charme , étonne , inftruit
les Rois.
Parbleu , chantons à haute voix
Vive Voltaire , & ſafamille.
MARS
1750. 71
絲洗洗洗洗洗洗:洗洗洗洗洗洗洗洗
OBSERVATIONS fur l'Extrait de
la Séance publique , tenue le 2 1 du mois
d'Août 1749 par l'Académie Royale des
Sciences de Touloufe , inferé dans le Mercure
de France du mois de Décembre
1749.
PAge-9 , ligne 7. » M. Newton eft le
premier qui ait cherché à détermi-
»> ner la Loi du mouvement vibratoire de
» l'air , qui produit le fon.
Obfervation. Defcartes , avant Newton,
avoit expliqué cette matiere , & donné
les principes des differentes vibrations
de l'air , qui produit les fons & la lumiere.
P. 30 , 1. 7. » Les évenemens de cette
» année 1611 font l'avenement de
" Louis XIII, au Trône.
Obfervation. Louis XIII . a commencé
fon Regne après la mort du Roi Henri IV.
fon pere , arrivée le 14 de Mai 1610 .
P. 31 , 1. 1. » Le Roi nomma cette année
M. de Clary Premier Préfident de
» ce Parlement.
Obfervation. Il fe nommoit François de
Claris. Il avoit été Avocat: Général au
Grand Confeil , puis Maître des Requêtes
72 MERCURE
DE FRANCE.
le dernier Avril 1594 , & conjointement
Juge- Mage de la Ville de Toulouſe , &
énfin Premier Préfident de ce Parlement.
* P. 32 , l . 18. » M. Dumey , fçavant
» Profeffeur en Médecine , & Dame Rofe
» de Cauler , veuve de M. Duranty , Premier
Préfident , la gloire & . la honte de
cette Ville.
•Obfervation. Cela demande une explication
, & l'on ne fçait pas à qui cette
phrafe doit le rapporter.
Q
ODE
Sur la Paix.
Uel trait d'une célefte flamme
Pénétre mon coeur agité !
Quel vif éclat fait dans mon ame
Renaître la ferenité !
Une Divinité , brillante
D'une lumiere bienfaiſante ,
S'offre tout à coup à mes yeux ;
M'éleve au- deffus du tonnerre ;
Je vois l'image fur la terre
De la félicité des Dieux.
D. N.
Les
MARS.
7% 1750
Les vives couleurs de l'Aurore
Nous préfagent des jours heureux ,
Et l'Aftre , que le Perfe adore ,
Semble briller de nouveaux feux.
La terre riante fe pare
De tout ce qu'elle a de plus rare ;
Des fleurs nos prés font émaillés ,
ramage Et des oifeaux le doux
Annonce à ce naiffant bocage
Le jour qui les tient éveillés.
Les Dieux , touchés de nos miferes,
Nous comblent enfin de faveurs.
Oui ; leurs vengeances falutaires
Nous préparoient mille douceurs .
Difcorde affreufe , noire envie ,
Inexorable jalousie ,
Rentrez dans le fein des enfers ;
Affez votre implacable rage
Des triftes horreurs du
A défolé tout l'Univers .
carnage
Dans les Plages les plus lointaines
Vous avez fouflé vos fureurs.
Par tout vos armes inhumaines
Ont porté la crainte & les pleurs .
Ces peines furent légitimes ,
D
74 MERCURE
DE
FRANCE
Et les Dieux ont puni les crimes ,
Que les mortels avoient commis.
O Ciel ! que ta main ſecourable
Devienne , en ce jour , favorable
Aux coupables que tu chéris !
Fille du Ciel , divine Aftrée ,
Calmez le célefte courroux ;
Aimable Paix , Vierge facrée ,
Defcendez enfin parmi nous.
Venez couronner votre tête
Des fleurs que Louis vous apprête ;
Reprenez votre augufte rang ;
Précipitez dans le Tartare
Ce monftre dont la foif barbare
S'affouviffoit de notre fang.
Mais le Ciel entend ma priere ;
Mes cris ont monté juſqu'aux Cieux ;
Je vois dans un char de lumiere
La Paix defcendre dans ces lieux.
La Juftice lui fert de guide ,
Et la fraude , au regard perfide ,
S'enfuit d'un pas précipité.
Les jeux , les ris & l'abondance ,
La tranquilité , l'innocence ,
Feront notre félicité.
MARS. 17501 75
Paroiffez , Filles de Mémoire ;
Volez vers ces heureux climats.
Bellone , Mars & la Victoire
Vous effrayoient par les combats.
Revenez , & troupe fçavante ;
Chériſſez la main triomphante
Qui rompt votre captivité ;
A Louis offrez vos hommages ,
Et confacrez dans vos ouvrages
Son nom à la postérité.
*3**
Par l'effort d'un facré délire
Ranimez vos timides voix :
D'Horace reprenez la lyre ;
Célébrez le plus grand des Rois.
Peuples, témoins de fes conquêtes ;
Par l'éclat des plus belles fêtes
Chantez à l'envi ce Héros.
Quel nouveau luftre pour fa gloire ,
Puifqu'il n'ufe de la victoire
Que pour fixer votre repos !
Par M. Jourdan de Pellerin.
Dij
76 MERCURE DE FRANCE.
LETTRE
-
1
A M. Remond de Sainte Albine , par M.
des Forges Maillard , des Académies
Royales des Belles - Leures d'Angers & de
La Rochelle , fur un Poëte François . De
Bretagne , au Croific , le 28 Décembre
1749.
C
...
Omme toutes les parties de la Littérature
font du reffort de votre Jurifdiction
, Monfieur , plus encore par .
que par la place que vous occupez , vous
connoîtrez fans doute les Poëfies de N. Frénicle
, Confeiller du Roi , & fon Général en fa
Cour des Monnoyes. M. Titon du Tillet
n'en a point parlé dans fon l'arnaffe François
, ouvrage qui furpaffe tous ceux de ce
genre par l'agrément qu'il y a répandu &
par l'exactitude de fes recherches . Je n'ai
point appris non-plus, que M.l'Abbé Goujet
en ait fait aucune mention dans fa curieufe
& fçavante Bibliothèque Françoife.
Cependant je ne l'affûrerois pas , n'ayant
point encore vû les volumes où Frénicle a
pû fe montrer en fon rang , quoique je
fois fort à portée de m'en inftruire , ayant
l'honneur d'être des amis de cet illuftre
M.AR S. 1,750. 77
Auteur. Ce qui m'étonneroit dans ce filence
général , c'est qu'à la tête des Hymnes
& des Eglogues de Frénicle on trouve
des éloges qui lui ont été donnés
par des
Auteurs de réputation , tels que Godeau ,
Malleville , &c. Le Sonnet dont il a été
honoré par celui- ci , commence par ce vers.
Lumiere de notre âge , efprit incomparable , &c.
Je ne dis pas qu'il n'y ait dans ce Sonnet
tout au moins autant de flatterie que de
vérité , mais c'eſt toujours un préjugé avan
tageux en faveur de Frénicle , que de le
voir loué par le fameux Auteur du Sonnet
de la Belle Matineufe. Les ouvrages de
Malleville font encore honneur au Parnaffe
François , & l'on admirera long- tems le
génie & le feu de fa fublime Paraphraſe
du Pleaume , In exitu Ifraël de Ægypto..
L'éxemplaire que j'ai des Euvres de Frenicle
eft un petit in- 8 ° . d'environ 400 pages ,
imprimé à Paris chez Jean de Bordeaux
en 1629. Ses Hymnes , qui font preſque
tous allégoriques , font dédiés à des perfonnes
du plus haut rang & de grand mérite.
Le premier , intitulé l'Hymne des
Princes , fut préfenté au Roi Louis XIII .
L'Auteur y paffe en revûe les differens
Empires. J'y remarque fur tout un endroit
où il rapporte enpeu de vers ce qu'ily a
D iij
78 MERCURE DE FRANCE.
de plus confidérable & de plus éclatant
dans l'Hiftoire de Charlemagne. Mais je
ne mettrai que quelques vers de l'Hymne
de la Poëfie ci-après , pour donner une
idée du ftyle & de l'efpritde l'Auteur. J'ai
fait Hymne du genre mafculin , conformément
à l'ancienne décifion de l'Académie
Françoife , qui ne vouloit au feminin
que les Hymnes de l'Eglife . La raiſon de
cette difference n'eft pas facile à trouver.
Mufes , couronnez- vous de vos facrés rameaux ;
Je viens vous vifiter fur le bord de vos eaux
Et parmi les douceurs de ces lieux folitaires ,
Apprendre les fecrets de vos divins myftéres.
Appellez-y vos foeurs, & que d'un ordre égal
Deffus ces tapis verds elles menent le bal .
Faites fortir de l'eau les Nymphes de la Seine
* Par les chatmes puiffans dont votre bouche eft
pleine :
Chantez , ô Calliope , & c.
L'art de faire des vers eft un préfent des Cieux ,
Qui fait placer un homme au rang des demi - Dieux.
Une ame du commun ne fut jamais ſaiſie
De la fainte fureur qui fait la Poëfie , &c.
Durant le dernier fiécle on a vû des François
Charmer de leurs douceurs les oreilles des Rois ,
MAR S. R S. 79 1750.
Et faifant admirer les filles de Mémoire ,
Mettre la Poëfie au comble de fa gloire.
L'honneur où par les vers on les vit élever ,
En excita plufieurs , qui penfant arriver
A ce même bonheur , avec de l'artifice ,
Voulurent le mêler de leur docte exercice ,
Mais les foeurs d'Apollon ne favorifent pas
Toute forte d'efprits ; & leurs divins apás ,
Qui fçavent plaire à ceux qui portent les couron .
nes ,
Ne fe rencontrent pas en beaucoup de perfonnes
, & c.
Les doctes toutefois , de qui le jugement
Doit fur tels differends régner abfolument ,
Reconnoîtront qu'à tort les vers on méſeſtime ,
Qui joignent la fcience aux douceurs de la rime.
Ceux qui feront bienfaits fe doivent mettre à part .
Si quelque Peintre auffi , malhabile en fon Art ,
Fait de mauvais tableaux , il en a feul le blâme ;
La Peinture pourtant ne devient pas infâme ,
Et le trait délicat d'un excellent pinceau
À l'oeil des connoiffeurs ne paroît pas moins beau..
Ainfi le grand Homere , ayant repréſenté
Des exemples fameux de générofité ,
Anime les Seigneurs qui lifent fon ouvrage ,.
D iiij
80 MERCURE DE FRANCE.
A montrer aux combats leur force & leur courage.
On fe rend vertueux afin d'être eftimé ;
On fait de bons exploits pour être renommé.
Le Public en profite , & maintient fon empire
Par le défir d'honneur , où tout le monde afpire .
La louange contient de certaines douceurs ,
Qui fçavent captiver toute forte d'humeurs.
Alors qu'on a loué de généreux faits d'armes ,
Ce difcours favorable a je ne fçais quels charmes,
Qui furprennent les coeurs , & d'une vive ardeur
Les invitent d'atteindre à la même grandeur, &c.
Enfin la Poëfie eft comme une peinture ,
Dont le beau coloris fait paroître à nos yeux
Ce que nous peut donner l'influence des Cieux.
Les fertiles moiffons qui dorent les campagnes ,
Et les fombres forêts qui couvrent les montagnes ,
Les antres , les déferts , le murmure des eaux ,
Les fleures couronnés de joncs & de rofeaux ,
Les prés riches de fleurs , ornemens des rivages ,
Ermême les efprits y trouvent leurs images, & c.
Tout fe laiffe charmer aux douceurs de ſa voix ,
Et c'eſt un entretien digne des plus grands Rois ,
Qui parmi les honneurs d'un floriffant empire
Ont fouvent pris plaifir de chanter ſur la lyre ,
Et faire des chanſons, dont la rate beauté
.
1
MARS. •1750. 81
D'une gloire nouvelle ornent leur majeſté , &c.
L'incomparable Urbain parmi cette ſplendeur,
Qui reluit à l'entour de la fainte grandeur ,
Et le rend vénérable aux Légions des Anges ,
Entre tant de clameurs qui difent fes louanges ,
Ne fait pas peu d'état de s'ouir eftimer.
De bien faire des vers , & de les animer.
D'un efprit tout de feu , qui dompte les courages,,
Et leur fait admirer de fi divins ouvrages , &c.
L'Hymne de la Conftance à M. de Ma--
rillac , Garde des Sceaux , & quelques au
tres , font fort au- deffus de l'Hymne de la
Poëfie , que je n'ai préférée qu'en confidération
du fujet. On trouve en général de
Pefprit & du feu dans les Hymnes de Frénicle
, des graces & de la douceur dans fes
Eglogues , & fes Elégies ont auffi quelque
valeur , mais d'un autre côté il eft diffus
inégal , & il néglige fouvent l'exactitude
& la pureté de l'expreffion . Cependant il
faut convenir qu'il régne une grande clarté
dans fon ftyle , eu égard au tenis où il
vivoit. Il femble qu'il ait voulu dans fes
Eglogues imiter les Bergeries de Racan ,
qui pouvoit être fon contemporain , mais
il ne fuit que de fort loin fon modéle , qui
ffit devenu inimitable dans le genre paf
D. W
82 MERCURE DE FRANCE .
toral , s'il eûr vêcu dans un fiécle moins
infecté des pointes Italiennes, & de ce goût
colifichet, qui fut l'attrait & le vice dominant
desAuteurs de fon tems , fans même en
excepter Malherbe dans fes Poëfies galantes
; goût féducteur & pernicieux , qui renaît
par intervalle de fes cendres mal éteintes
, & fe montre encore dans les ouvrages
de quelques-uns de nos Modernes , qui.
le qualifiant de léger , ( ils devroient bien
plutôt l'appeller frivole ) le mettent à la
place du fublime , du délicat & du vrai naturel.
Vous m'obligerez d'inférer cette
Lettre dans votre Journal , fi vous croyez.
qu'elle ait de quoi plaire à vos Lecteurs.
Pour moi je ferai charmé d'avoir trouvé
l'occafion de vous affûrer publiquement
de la haute & fincére eftime, & du refpect
avec lefquels j'ai l'honneur d'être , Monfeur
, votre , & c.
Des Forges Maillard..
MAR'S. 1750. 83:
PROLOGUE
Compofé par J. F. Guichard , & récité avant
la Comédie de l'Avare de Moliere , qu'une
affemblée dejeunes gens dont l'Auteur étoit,
repréfenta le 29 Décembre 1749 .
L'Auteur de ce Prologue..
[ Avec emportement. ]
Non, je n'y comprends rien ; que prétendez- vous faire ?
Amufer le Public , voila tout ; pour lui plaire
Il faut bien des talens , en avons -nous ?
Un Acteur.
Bon Dieu !
'Arrêtez un moment , vous voila tout en feu ;
Quoi ! venez -vous ici pour troubler notre fête p
Quelle mauvaiſe humeur vous paffe par la tête ?
L'Auteur.
C'est donc avoir de la mauvaiſe humeur
Que de montrer qu'on a du coeur ?
Le même Acteur.
.Si vous voulez qu'on vous entende ,
Expliquez - vous autrement .
L'Auteur.
Je demande
D vj
$4 MERCURE DE FRANCE
Si l'on ne fixe pas le jour
Que l'on représente une Piéce ?
Le même Acteur.
On l'a fixé : pourquoi vous tourmenter fans ceffe
L'Auteur.
Me l'a-t'on dit à moi ? Sans doute c'eft un tour
Qu'on m'a voulu jouer; mais j'en aurai vengeance.
Le même Acteur.
Vous faites le méchant , je penfe ,,
N'allez pas ..... •.
'L'Auteur..
[feignant de s'en aller. ]
Laiffez- moi , comment de tels abus !:
Non , non, je n'entends point de raifons là - deffus g.
Vous me mettez ma foi dans de belles affaires.
Je le répete encore , il falloit m'avertir ;
Nous avons des Cenfeurs éclairés & féveres ;
Je crains leurs,jugemens ; ils font juftes, fincéres .....
Le même Acteur..
Que vous manque- t'il donc pour ne pas réuffit ?
L'Auteur.
La mémoire , le ton , le gefte & les manieres..
Le même Acteur.
La volonté plutôt à quoi bon ces myftéres ?
Un Autre A& eur..
venant avec un air empreſſe..
Y penfez vous , Meffieurs ; êtes- vous.fous. ??
MARS, 1750.
Le monde eft affemblé , l'on attend après vous:.
En vérité pour moi je ne vous conçois gueres ;,
Eh ! finiffez de grace vos débats ,
Pourquoi ne commencez- vous pas ?
L'Auteur.
Ecoutez , fi pour nous le fort ne s'intéreffe ....
Mais que vois -je ? A ce front où regnent tant d'ap
pas ,
A cet air de douceur où fe peint la fageffe ,
Qui ne croiroit que c'est une Déeffe
Quivient ici porter fes pas ?
Mlle L..... repréſentant Thalie..
Je la fuis en effet , reconnoiffez Thalie.
Scachant quel eft votre embarras ,
Et voyant des Acteurs la troupe déſunie ,
Pour vous mettre d'accord , pour animer vos jeux
J'amene avec moi l'harmonie ;
Apollon m'a permis de defcendre en ces lieux ,
Et moi-même j'y vais jouer la Comédie .
L'Auteur.
Se peut-il un fort plus heureux
Ah ! daignez exaucer mes voeux ;
Je tremble ; dú fuccés mon amé eft incertaine :-
Conduifez -moi , Déeffe , fur la Scéne ;,
J'oferai tout , fi vous me protégez.
Thalie ..
C'eft affez , faivez - moi , ne craignez rien , mar
chez,
86 MERCURE DE FRANCE.
Je vous réponds de la victoire.
[ Aux Spectateurs . ]
Meffieurs ,fongez furtout qu'il y va de ma gloire.
VERS
A M. Guichard , par M. R... qui étoit
venu à la repréfentation de cette Piéce.
Q Ue tu poffedes de talens !
A nos yeux aujourd'hui tu les fais tous paroître.
Montre-toi digne de ton Maître ;
Pourfuis. A peine hélas ! es-tu dans ton printems ,
Que cher au Dieu, qu'envain fouvent j'implore,
De ta Mufe en tout tems
On voit avec plaifir éclore
Des fleurs & des fruits excellens.
La Nature dans tout ne te fut point ingrate ;
Quelle voix & quel gefte : oui , fi Baron vivoir ,,
Avec des yeux jaloux il te contempleroit ..
Ne crois pas qu'en ces vers un tendre ami te flatte,
Et fi j'admire-en toi le bon Acteur ,
Scache qu'en toi j'eftime encore plus l'Auteur.
MARS. 1750. 87
J
QUESTION
Sur le nom de Cardin .
E me reffouviens , Monfieur , qu'il y
a eu autrefois dans les Mercures des
Questions propofées au fujet de certains.
noms de Baptême que portent quelques.
perfonnes , & en particulier j'ai idée que
le nom Oudard en fût un il y eut une réponſe
affez étendue fur cette queftion . Ne
pourroit- il pas en être de même au fujet
de Cardin , qui eft un nom porté par quelques
perfonnes de confidération , lefquelles
ignorent s'il y a eu un Saint Cardin ,
& quel jour arrive fa fête. Elles fouhaiteroient
fort en être inftruites , foit par
voye du Mercure de France , ou par toute
autre.
la
VERS
Envoyés au premier jour de l'an à Mad. de B
par M. de S.....
A U nouvel an chacun s'épuife .
Pour forger maint compliment ,,
Que toujours le coeur dément .
$ S MERCURE DE FRANCE.
Mais que l'ufage autorife.
Pour moi , charmante Cephiſe ,
Déreftant la gêne & le fard ,
Je vais vous exprimer fans art
Des voeux qui font formés de même:
Au Dieu qui fait que je vous aime ,
Et que mon coeur , malgré ſes déplaiſirs ,
Prétend toujours fervis pour maître ,
Adreffant mes tendres ſoupirs ,
Je l'ai prié , pour vous de combler vos défirs ,
moi de les faire naître.
Et pour
洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗
MEMOIRE
De M. l'Abbé Lebeuf, Chanoined Auxerre,
adreffé à un Chanoine de l'Eglife de ***
pour donner au Clergé de Nevers un ancien
Ecrivain Eccléfiaftique , que quelques
modernes prétendent avoir été du Clergé .
d'Auxerre..
Es Ecrivains qui entreprennent de-
Ldonner au Public des Catalogues
d'Hommes Illuftres, foit par la place qu'ils.
ont occupée , foit par leurs ouvrages , ous
de quelque autre maniere, doivent s'atten
dre qu'il leur en échappera toujours quelquiun.
C'est ce qui a paru dans plufieurs
MARS. 1750 89
Livres imprimés depuis un fiécle , & qui a
Occafionné beaucoup de Supplémens à ces
fortes d'ouvrages.
Quoique les Supplémens au Dictionnaire
de Moreri n'admettent ordinairement
que les plus célebres d'entre les Auteurs
qui avoient été oubliés , je n'ai pas. laiffé
d'y en découvrir , (furtout dans le dernier
Supplément achevé d'être imprimé cette
année ) quelques - uns que je n'aurois pas
manqué de placer en leur rang dans le Catalogue
des Ecrivains du Diocèle d'Auxerre
, que j'ai publié en 1743 , à la à la page
479 du fecond tôme de mes Mémoires fur
l'Histoire de la Ville d'Auxerre , fi j'en
avois eu plutôt connoiffance . Tel eft un
nommé Nicolas Habicot , de Bonny-fur-
Loire au Diocèfe d'Auxerre , qui fut un
affez fameux Chirurgien fur la fin du XVI
fiécle & au commencement du fuivant ,
& duquel on a quelques ouvrages fur l'Oftéologie.
Il fut Chirurgien du Duc de Nemours
, & il mourut en 1624. Tel eft encore
Charles - Edme Cloyfeault , natif de
Clamecy , qui a été de la Congrégation
de l'Oratoire , & qui a compofé quelques
ouvrages imprimés, & en a laiffé beaucoup
d'autres manufcrits fur l'Hiftoire de fa
Congrégation ,dans laquelle il n'eft décedé
qu'en 1728 .
90 MERCURE DE FRANCE.
Mes recherches particulieres m'ont fait
auffi découvrir depuis 1743 dans la Bibliothéque
du Roi un Gilbert d'Auxerre , qui
vivoit au XIII fiécle, & qui par conféquent
eft bien different de Gilbert l'Univerſel ,
décedé vers le milieu du douzième. Un
des manufcrits de cette Bibliothéque , cotté
8299 , lui attribue des Notes fur l'antiti-
Claudien d'Alanus ; le caractére du Livre
eft du XIV fiécle . J'ai encore découvert
quelques autres Auteurs manuferits , appartenans
au Diocèfe d'Auxerre , en cherchant
dans les Bibliothéques des Pays- Bas .
Mais dans aucun endroit je n'ai rien
trouvé qui dût m'engager à mettre au nombre
de nos Ecrivains Auxerrois un Ecclé
fiaftique nommé Tetere , que Dom River ,
dans fon Hiftoire Littéraire des Gaules ,
T. 3. page 404 , donne à l'Eglife d'Au
xerre , & qu'il fait vivre au VI fiécle . Une .
perfonne m'a demandé depuis peu pour
quelle raifon je n'ai pas donné à cet ancien
Auteur le rang qu'il a mérité parmi
les Ecrivains du Pays , ajoûtant que M.
l'Abbé Goujet n'a pas fait difficulté d'inférer
dans le nouveau Supplément de Moreri
l'article de ce Tetere ou Teterius , tel
que Dom Rivet l'a rédigé , & qu'il le qua
lifie de Clerc de l'Eglife d'Auxerre . Je me
fuis contenté de répondre à ce curieux, que
MARS. 17507
91
je craignois fort qu'il n'en fût de Tetere ,
Clerc d'Auxerre , comme de Maître Gombault
, Evêque d'Auxerre , qu'un de mes
amis fe félicita d'avoir trouvé dans la Def
cription de Paris de M. Piganiol , T. 3 ,
page 504 , & duquel il me reprocha de
n'avoir fait aucune mention dans mon Hif
toire des Evêques d'Auxerre . Car qu'est- ce
que ce Gombault , Evêque d'Auxerre , vivant
en 1420 , en laquelle année nous
avions pour Evêque Philippe des Effarts ?
Si l'Auteur ci - deffus cité de la Defcription
de l'Eglife de S.Gervais de Paris, eût pris la
peine d'aller lire lui-même l'Infcription
qui s'y voit en lettres gothiques dans le côté
Septentrional , & fur laquelle uniquement
eft appuyée l'existence de ce Gombault ,
Evêque d'Auxerre , il y auroit lû que cette
Eglife fut dédiée par la main de Révérend
Pere en Dieu M. Gombault , Evêque d'Agrençe,
ce qui eft bien different d'Auxerre.
La faute que je foupçonne être échappéc
à Dom Rivet fur le chapitre de Teterius ,
n'eft pas fi confidérable , à beaucoup près.
Mais les raifons que j'ai eu de douter que
ce Clerc fût un Membre de l'Eglife d'Auxerre
, m'ont engagé à lui donner l'exclufion
dans mon Catalogue . Il faut que je
vous en faffe part , afin
que vous jugiez fi
pas mieux fondé à croire qu'il
je ne fuis
92 MERCURE DE FRANCE .
étoit attaché à l'Eglife de Nevers , & qu'il
n'a pas vêcu au fixiéme fiécle , mais longtems
après.
Premierement ce Tetere n'a été connu
jufqu'ici par le Jéfuite Henſchenius , *& depuis
par Dom Rivet , que pour avoir écrit
un Livre des Miracles opérés par les Reliques
de S. Cyr , tant lorfqu'elles furent
arrivées à Auxerre , que depuis qu'il en fut
porté à Nevers. Il eft vrai qu'il n'eft parvenu
jufqu'à nous que le Prologue de fon
ouvrage , où il eft qualifié de Sophifte , Teterius
Sophifta , mais comme il n'y eut de
tranflation de Reliques de S. Cyr faite à
Nevers que dans le neuviéme fiécle , ce
qui fit qu'alors la Cathédrale commença à
être appellée de Saint Cyr , ** au lieu de
S. Gervais , Teterius n'a pû écrire les merveilles
opérées à Nevers par ce Saint que
dans ce fiécle-là au plutôt . Cependant ce
n'eft point au neuviéme fiécle qu'il a vêcu,
mais feulement dans le dixiéme.
Ce qu'il faut obferver en ſecond lieu , eft
que le nom de Teterius eft très- rare dans
Fantiquité , & je ne crois pas qu'il ait été
porté par d'autre perfonnage connu que
par l'Ecrivain des Miracles de S. Cyr. J'ai
vû tous les Titres , Chartes , Cartulaires ,
* Boll. 1. Maii in S. Amatore.
** Voyez la Diplomatique , pag. 548 & s«søn
MARS. 1750.
9*
xerre ,
parcou-
Nécrologes de l'Eglife & du Diocèfe d'Aufans
l'avoir trouvé une feule fois.
Mais à peine ai-je eu commencé à
rir l'Hiftoire du Nivernois par Coquille ,
que j'y ai lû à la page 58 , que du tems de
Natrannus , qui fut Evêque de Nevers environ
depuis 969 juſqu'en 987 , il y avoit
en cette Ville de Nevers un Teterius , qui
fe difoit Doyen & Recteur de S. Etienne .
En faut- il davantage pour être fondé à attribuer
au Clergé de Nevers notre Tererius
, plutôt qu'à celui d'Auxerre ? Et la
raifon qui a fait pencher Dom Rivet pour
le donner à cette derniere Eglife , ne tombe
-t'elle pas d'elle-même : Car fi dans fa
Préface il fe qualifie Serviteur des Saints
Martyrs , cela ne veut-il pas dire tout naturellement
qu'il étoit Membre du Clergé
dont Saint Cyr & Sainte Julite , Martyrs ,
étoient les Patrons 11 ne peut rien fervir
?
d'oppofer que ce Teterius de Nevers étoit
Recteur de l'Eglife de S. Etienne de cette
Ville , parce que cette Eglife étoit alors
foumise à la Cathédrale de Saint Cyr , qui
en prenoit foin comme d'une Eglife déchue
de fon ancien état. Il n'eft pas plus
avantageux de dire , comme a fait Dom
River , que Tetere a dû plutôt deffervir
une Eglife où étoit le Corps entier de Saint
Cyr & celui de fainte Julite , telle qu'étoit
94 MERCURE DE FRANCE.
l'Eglife d'Auxerre , que non pas celle de
Nevers , où l'on ne poffedoit que le bras
de Saint Cyr , parce que fi de fon tems la
plus grande partie du Corps de ces Saints:
étoit encore à Auxerre , il n'y avoit point
pour cela en cette Ville d'Eglife de leur
nom , au lieu qu'à Nevers la principale
Eglife avoit pris le nom de Saint Cyr ,
comme on apprend par les Titres cités cideffus.
Au refte Teterius mérite d'être connu
par plus d'un ouvrage. Il y a de lui parmi
les manufcrits de la Bibliothéque du Roi ,
venus de celle de M. Colbert , * quelques
Homélies avec ce titre , Homilia Teterii
Diaconi ** . La premiere eft de capite jejunii
, & paroît n'être qu'un Difcours qu'il
prononça devant les Pénitens qui devoient
être expulfés de l'Eglife ce jour- là . La feconde
eft fur l'Evangile du même jour ,
Cum jejunatis. L'Auteur y fait voir qu'il
étoit verfé dans les étymologies , & il y
parle quelquefois en pur Grammairien , ce
qui s'accorde affez avec la qualité de Sophifte
qu'il a prife dans fon Prologue fur
les Miracles de Saint Cyr. La troifiéme
Homélie eft de Nativitate Santa Maria ,
ce qui acheve de démontrer que l'on s'eſt
* Cod. Colb. 2576. num. Reg. 1687 ..
** L'écriture eft du XII fiécle .
MARS. 1750 25
trompé en croyant qu'il a vêcu au fixiéme
fiécle , puifqu'à peine la Fête de la Nativité
de la Sainte Vierge étoit connue en
France vers l'an 8oo. Il paroît par fon langage,
qu'il y avoit déja du tems qu'on la célebroit
dans l'Eglife dont il étoit membre ,
& que depuis qu'elle y avoit été établie ,
un incendie en avoit fait périr les Livres
d'Office , de forte que les Chanoines , qu'il
appelle fes Freres , ne fçachant que lire à
Matines ce jour- là , l'avoient prié de les
dédommager par un Sermon de fa façon ,
que je pulle débiter , dit- il, Canonicis nof-
» tris populoque fideli. Vers le milieu de fon
Difcours , il exhorte fes auditeurs à fréquenter
l'Eglife de la Sainte Vierge , bâtie dans
cette Ville , difant qu'il s'étoit bien trouvé
d'y aller faire fa priere. Ceux qui connoiffent
la Ville de Nevers , fçavent que l'Eglife
de Notre Dame n'eftpas fort éloignée de
celle de Saint Cyr ; & ceux qui en ont lu
l'Hiftoire , font informés que dès le neuviéme
fiécle il étoit mention de cette Eglife
Abbatiale. Mais qui eft- ce qui peut af
fûrer qu'il y en eût une bâtie fous ce titre
à Nevers dès le fixiéme fiécle , auquel
Dom Rivet avoit crû pouvoir placer, Teterius
? Je penfe en avoir dit affez pour détruire
fon opinion , & juftifier l'omiffion
que j'ai faite de cet Ecrivain parmi les Au
96 MERCURE DE FRANCE.
teurs Auxerrois. Peut-être que l'Eglife de
Nevers me fçaura bon gré de lui avoir
reftitué ce qui lui appartient.
A Paris , le 6 Décembre 1749 .
·
Poft fcriptum. Qu'il me foit permis à
Cette occafion , de révendiquer pour le Dioèle
d'Auxerre , non pas un Auteur , mais
un Bourg & unChâteau confidérable, qu'un
Ecrivain célébre lui a ôté pour le donner
au Diocèfe de Nevers. C'eft M. Baillet
dont je veux parler . On a déja réimprimé
plufieurs fois fa Vie des Saints , & on y
laiffe toujours cette méprife . Croit- on qu'il
ait été plus infaillible qu'un autre ? Il s'agit
dela vie de Saint Verain ou Vrain , Evêque
de Cavaillon , qui fe trouve au onzićme
Novembre. M. Baillet dit qu'autrefois
le corps de ce Saint fut enlevé de Cavaillon
, & déposé dans un Bourg du Diocèſe
de Nevers , où l'on a bâti une Eglife fous
fon nom . Au lieu de Nevers il faut lire
Auxerre. Ce lieu eft fitué entre Cône-fur-
Loire & Saint-Amand en Puifaie , à onze
lieues ou environ d'Auxerre. Les Barons
de Saint Verain ont été fort renommés. Ils
étoient du nombre des quatre qui portoient
l'Evêque d'Auxerre à fon entrée au
Siége Epifcopal. La dévotion envers Saint
Vrain a été fi grande autrefois dans le
Nivernois
MARS . 1750.
97
Nivernois , que dans le tems d'une calamité
le Clergé de Nevers eft même venu
en proceffion dans l'Eglife de ce Bourg du
Diocèle d'Auxerre , appellé Saint Veraindes-
bois , quoiqu'il foit à douze ou treize
lieues de Nevers.
CRUDCDCDØDEÐVACINICƏ¤vava
A M. de Curys , Intendant des Menus
Plaifers du Roi,
ETRENNE S.
Toi , dont l'ame eft fi généreuſe ,
Qui connois fi bien Apollon ,
Et qui , par une route heureuſe ,
Intime ami de Crébillon ,
Brilles dans le facré Valon !
De Curys , en cette journée ,
De mon coeur accepte les voeux ,
Au commencement de l'année.
En t'écrivant je fuis heureux.
Que de fouhaits je devrois faire
Pour te payer de tes bienfaits !
Mes vers pourroient- ils te déplaire
Ils ont le fentiment pour pere ,
Et c'est mon coeur qui les a faits.
Laffichard.
E
98 MERCURE DE FRANCE,
A M. l'Evefque , Contrôleur des Menus
Plaifirs du Roi,
ETRENN E'S,
DEs libérales mains du Divin Apollon
Que n'ai-je reçû f'art de peindre une belle ames .
Dans le doux tranſport qui m'enflame ,
On me verroit voler dans le docte Valon .
Plein de reconnoiffance , & te rendant hommage ,
Sur la lyre de l'amitié ,
En me rappellant ton image ,
Je chanterois l'inftant à toi qui m'a lié .
A l'Univers ma'voix fçauroit apprendre
Que tu m'as comblé de bienfaits ;
Que ton coeur compatiffant , tendre ,
Quand il faut obliger , ne fe dément jamais .
Jo fupplîrois l'Auteur des deftinées
De te faire filer les jours les plus heureux ;
Je formerois de tendres voeux
De vivre,pour t'aimer,un grand nombre d'années.
Mais , hélas ! dépouillé de ces tours , vifs , piquans ,
Qui font les Poëtes du tenis ,
Dans la voix de mon coeur je trouve le Parnaſſe ;
Ne vois
Ates yeux fi mes vers n'ont ni force ni grace ,
que mes defirs , & non pas mes talens.
Par le même.
MARS. 1750. 99
2sésésésésésés ésés asas ès és és és és és és és és as ass
MEMOIR E
Sur les avantages & les inconvéniens de la
fiévre , lû à l'Académie de Beziers , le 13
Novembre 1749 , par M. Jean- Henri-
Nicolas Bouillet , Docteur en Médecine de
la Faculté de Montpellier.
Sliventreprenois
de faire ici l'éloge de la
fiévre , on croiroit fans doute , qu'à
l'exemple d'Erafme , qui a fait l'éloge de la
folie , & de quelques autres Ecrivains qui
ont loué ironiquement des chofes dont le
nom même eft odieux : on croiroit , dis-je,
que je voudrois amufer agréablement cette
illuftre affemblée , en préfentant fous -de
belles couleurs la chofe du monde la plus
hideufe , l'ennemi déclaré du genre humain
, le tyran de la vie des hommes.
Mais ce qu'on croiroit que je voudrois
faire ici d'une maniere ironique, de grands
Médecins l'ont exécuté férieuſement , en
exagérant dans certains cas les avantages
de la fiévre , en la repréfentant toujours
comme la feule reffource de la nature dans
le plus grand nombre des maladies , comme
le moyen le plus folemnel dont elle
faffe ufage pour leur guérifon ; en foûtenant
enfin dans des Théfes publiques , que
E ij
Too MERCURE DE FRANCE.
la fiévre eft bien moins fouvent une ma
ladie qu'un remède à nos maux. Il est vrai
que d'autres Médecins , non moins habiles
, ont penfé bien differemment , &
que loin de regarder la fiévre comme
quelque chofe d'avantageux , ils l'ont confidérée
comme la plus cruelle de toutes
les maladies , & comme la caufe la plus
ordinaire de la mort des hommes . Ces
deux fentimens ont encore leurs partifans,
& perfonne , que je fçache , ne s'eft avile
de difcuter à fond , lequel des deux doit
être préferé. Ce n'eft pourtant pas ici une
queftion purement ſpéculative , & dont la
décifion foit indifferente pourla pratique.
On en jugera par ce Mémoire , où je me
propofe d'examiner férieufement cette
matiere , après avoir rapporté ce qu'on a
dit jufqu'ici de plus frappant en faveur de
la fiévre,
1. Hippocrate , parmi les anciens , a été
le premier qui a relevé , ce femble , les
avantages de la fiévre , en faifant remarquer
qu'elle eft d'un bon augure dans certaines
maladies , & qu'elle en termine
heureuſement bien d'autres. Quelquesuns
de ceux quifont venus après lui , n'ont
pas manqué à cet égard de fe prévaloir de
fon autorité. Ils ont été même plus loin.
Afclepiade ofa bannir tous les remédes , &
MARS. 1750. 101
il ne craignit point d'avancer que la fiévre
étoit le principal reméde dont il fit ufage .
Enfin Celfe ne fe contenta pas de dire que
la fiévre elle- même étoit fouvent d'un
grand fecours ; il ajouta auffi , d'après Hip.
pocrate , qu'il étoit quelquefois de la prudence
du Médecin de la procurer aux
malades.
2. Parmi les modernes , Sydenham , l'un
des plus habiles Praticiens Anglois du dernier
fiécle , a regardé la fiévre comme l'u
nique moyen , dont la nature eût coûtume
de fe fervir pour chaffer hors du corps la
cauſe matérielle des maladies , mais celui
qui vers la fin du fiécle pallé , & au commencement
de celui-ci , s'eft déclaré le
plus ouvertemeift en faveur de la fièvre ,
a été le célébre M. Stahl , que la plûpart
des Médecins Allemands regardent comme
le reftaurateur de la Médecine . Cet Auteur
a même pouffé fa complaifance pour
la fiévre , jufqu'à taxer d'erreur Hippocrate
, lorfqu'après avoir fait l'énumeration
des maladies , que les anciens appelloient
aigues , ce Prince de la Médecine
ajoute * que c'eft la fièvre qui rend ordi-
,
nairement ces maladies mortelles .
Pour lui , il penfe qu'il eft plus clair
* DeVict, acutor.
E iij
102 MERCURE DEFRANCE.
que le jour , que ces mêmes maladies , ou
ce qui eft , dit-il , le même , les ftafes inflammatoires
du fang dans les vifcéres
abandonnées à elles-mêmes & fans l'intervention
de la fièvre , tuent néceffairement ,
& il ajoute que la nature par elle- même
ne peut prévenir autrement une pareille
cataſtrophe , qu'en diffipant à propos ces
fortes de ftafes , & qu'elle ne peut les diffiper
qu'en augmentant confidérablement ,
& pendant un tems fuffifant le mouvement
progreffif ou circulaire du fang , ce
qui emporte néceffairement une augmentation
de poulx , qui eft toujours fitivie
d'une augmentation de chaleur par tout
le corps , laquelle augmentation de chaleur
, à un certain degré & d'une certaine
durée , s'appelle fiévre . D'où il conclud
qu'on a grand tort de regarder la fièvre ,
comme la feule maladie & comme la cauſe
principale de la mort , tandis qu'elle eſt
au contraire l'unique fondement d'une
heureufe efpérance , & le feul inftrument
de la guérifon : ce qu'il tache de prouver
par la pefte , ce coryphée des maladies - aigues
, laquelle felon lui , n'étant point
proprement de fon effence une fiévre , ne
peut être traitée heureufement & avec fuccès
, qu'en lui oppofant une fiévre douce ,
égale & continue.
MARS. 1750. 103
3. Les Difciples de M. Stahl ne font
pas moins prévenus que lui en faveur de la
fiévre. Le fçavant funcker la définit un
effort falutaire de la nature , qui par des
mouvemens fecrétoires & excrétoires ,
portés au delà de leur degré naturel , mais
affez justement proportionnés à la quantité
& à la qualité de la caufe fébrile , fe
propofe , ou de corriger ou d'éloigner du
corps quelque matiere morbifique : & il
ajoute qu'en ce fens on peut fort bien déri-
Iver le mot Latin febris , de l'ancier verbe
februare , qui fignifie purifier ou expier , &
particulierement de ces cérémonies folemnelles
, de ces facrifices appellés februa ,
par lefquels on avoit en vue d'éloigner
des maifons les ombres errantes des morts,
& d'ôter les caufes des maladies. D'où il
- conclud que l'efter de la fièvre est toujours
falutaire , mais que fon évenement eft fouvent
irrégulier ou tout- à- fait funefte , non
par la faute effentielle de la fiévre , mais
par celle du fujet où la fièvre ne peut pas
librement faire fon cours , ou par d'autres
maladies qui s'y joignent , & qu'ainfi ce
n'eft pas par la fiévre , mais avec la fièvre
qu'on meurt. Il y a plus. Il prétend que
les fiévres , qui font librement leur cours ,
Haiffent après elles une fanté beaucoup
plus vigoureufe , que celle dont on jouif-
E iiij
104 MERCURE DE FRANCE.
foit avant la maladie . Nenter tient le même
langage.
4. Mais M. Stahl , & fes Difciples , ne
font pas les feuls qui parlent avantageufement
de la fiévre . M. Boerhaave prétend
auffi que la fiévre eft un heureux inftru
ment , par lequel la nature opére la guérifon
parfaite de bien des maladies aigues
& chroniques , d'ailleurs incurables :
qu'un Médecin qui fe fert de la fièvre que
la nature excite , & qui lui affocie des délayans
& de doux fondans , fait toujours
des merveilles , & qu'un Médecin qui
connoît la nature & qui l'imite , aide cette
même nature , trop foible pour furmonter
des maladies chroniques , en procurant par
des remédes une fièvre qu'elle n'a pas la
force d'exciter elle-même , & que par cette
fiévre bien ménagée on releve une nature
abbattue , & on furmonte les maladies
les plus rebelles.
5. M. Hoffman ( Frederic ) ne paroît
guéres moins prévenu en faveur de la fiévre.
D'abord il convient de bonne foi ,
que c'eft un mouvement contre nature du
fang & des humeurs , qui dérange & détruit
même les fonctions du corps & de
l'ame ; qui corrompt les fucs vitaux , épuife
les forces , difpofe aux maladies chroniques
, & donne fouvent la mort . Mais
MARS. 1750. 105
en même tems il ajoute que le mouvement
fébrile du fang , qui fe joint à beaucoup
de maladies aigues & chroniques ,
eft d'une telle nature & d'un tel caractére,
.qu'il contribue à furmonter & détruire lés
caufes des maladies , & par conféquent
qu'il eft plutôt avantageux & falutaire que
préjudiciable au corps humain . C'eft en
quoi , s'écrie- t'il , l'Auteur de la nature eft
d'autant plus admirable puifqu'il fait >
fervir la caufe même de la mort à la confervation
de la vie.
Cet Auteur n'attribue la fiévre qu'à des
effers purement méchaniques , qui ne font
point avantageux par eux-mêmes , mais
feulement par accident , en faifant fortig
les impuretés qui la caufent ; de même
que le vomiffement , quand l'eftomach eſt
chargé , & l'hémorragie dans la pléthore ,
quoiqu'ils foient des accidens maladifs ,
quelquefois mortels , opérent le rétabliſſement
de la fanté.
I
Quant à la fiévre , elle ne devient , ditil
, falutaire , que parce qu'elle accélére la
coction de la matiere morbifique , c'eſtà-
dire , qu'elle la rend propre à l'excrétion
, ce qui fe fait de deux manieres , en
divifant les matieres épaiffies , & en ouvrant
les vaiffeaux obftrués ou refferrés
par les fpafies. Or rien n'eft plus propre
Ev
106 MERCURE DE FRANCE.
que la chaleur de la fiévre pour produire
ces effets , car la vie confifte dans la chaleur
, n'eft- il pas naturel que fon augmen.
tation répare la langueur de fon principe.
D'où il conclud qu'il eft dangereux , fouvent
mortel , de faire tous fes efforts dans
le commencement des maladies , pour
anéantir tout-à- fait la fiévre , à moins
qu'elle ne foit entierement fymptomati
que. Il faut fe contenter , dit- il , de modé
rer les fiévres critiques , fi elles font trop
fortes , mais il faut les animer , fi elles ne
le font pas affez.
pour
6. Enfin à tous ces Panégyriftes de la
fiévre s'eft joint encore depuis peu un fçavant
Médecin de l'Ecole de Paris . D'abord
cet Auteur ne veut point qu'on appelle
maladie ce que fait la nature
corriger ou pour chaffer hors du corps la
caufe du mal , & pour rétablir une fanté
délabrée puis il ajoute que la maladie
n'étant qu'une difpofition contre nature ,
qui dérange immédiatement & par ellemême
les fonctions du corps vivant , tout
ce qui ne produit pas cet effet , ne doit pas
être mis au rang des maladies .
Au refte , dit-il , qu'on ne croye pas que
ce n'eft ici qu'une queftion de nom , car
on en tirera bien des conféquences trèsutiles
pour la pratique. En effet , s'il eft
1
MARS. 1750.
107
bien prouvé que la fiévre eft plutôt un reméde
qu'une maladie , il s'enfuivra qu'il
ne faut point l'emporter , mais ( nouveauté
étrange ! ) qu'il faut quelquefois l'allumer
; qu'il ne faut pas la diminuer , mais
l'augmenter ; qu'il ne faut pas l'éteindre
mais la conferver. Après cette digreffion ,
l'Auteur continue ainfi . Nous ne fommes
pas plutôt atteints de quelque indifpofition
, que la nature excite d'abord là fié …..
vre. Mais à quel deffein ? Eft.ce pour
ajouter un nouveau mal au premier ? Point
du tout . La nature ne travaille point à
nons détruire , elle veille au contraire à
notre confervation , & ne manque pas de
venir à notre fecours . C'eft donc envain
qu'on cherche la caufe de la fiévre ; il faut
chercher la caufe des differens maux qu'elle
accompagne, C'eft uniquement à cette
caufe qu'il faut remédier. Mais quelles
font les principales caufes des maladies ?
Des inflammations , des obftructions , des
matieres vifqueufes , gluantes , arrêtées en
differentes parties du corps . Or pour corfiger
ou pour détruire ces caufes , quel
reméde plus efficace que la fiévre ? Dans
la fiévre le mouvement & la chaleur du
fang font portés au - delà de leur dégré
naturel. C'eft le mouvement & la chaleur
qui nous font vivre. C'eft à ces agens qu'il
E vi
108 MERCURE DE FRANCE.
faut rapporter tout ce qui fe paffe dans
l'homme , & tant que les fonctions nefont
point lézées , ils fuffident l'un & l'autre
dans leur état naturel pour perpétuer la
vie : mais s'il le forme quelque embarras ,
alors la fièvre , par des mouvemens fecrétoires
& excrétoires , pouffés au -delà de
leur dégré naturel , brife , attenue la matiere
morbifique , & la ramène à fa température
naturelle , ou par le fecours de la
chaleur elle prépare cette matiere & la
chaffe au-dehors.
Enfin après une longue énumeration des
maladies , qu'il croit que la fiévre peut
guérir ; après avoir obfervé que ceux - là
fe trompent groffierement , qui par des
faignées & d'autres remédes tâchent de
l'appaifer , il conclud que la fièvre , loin
d'être une maladie , eft un reméde naturel ,
comme le vomiffement , l'éternuement ,.
la toux , les larmes , les déjections ; que
la meilleure fiévre eft celle qui eft proportionnée
à la caufe de la maladie & aux
forces de la nature , & que c'eſt celle - là
qui prépare & chaffe fûrement & promp
tement la matiere morbifique.
7. En voilà fans doute bien aſſez pour
prouver que de grands Médecins ont loué
férieufement la fiévre, & que loin de la re
garder comme une maladie , ils l'ont enMARS.
1750. 109
vifagée comme le plus grand reméde que la
nature puiffe apporter à nos maux. Maintenant
il ne me feroit pas difficile de faire
voir que bien d'autres Médecins , non
moins habiles , ont eu fur la fiévre des
idées tout-à- fait oppofées , & que nonfeulement
ils l'ont regardée comme une
maladie qui s'attaque généralement à tout
le corps , mais encore comme la plus fréquente
& la plus dangereufe de toutes les
maladies. Il n'y auroit qu'à rapporter ce
que le plus grand, nombre de Médecins
anciens & modernes nous ont laiffé fur ce
fujet. Mais pour ne pas trop groffir ce
Mémoire , nous nous contenterons d'examiner
la chofe en elle-même , & fans aucun
égard à l'autorité de ceux qui nous
ont précédés , & par ce moyen nous tâcherons
de découvrir fi la fiévre ' eft réellement
ou non une maladie , & s'il eft du
devoir du Médecin de la combattre ou de
la conferver , & de l'appeller même à ſom
fecours.
8. Pour garder quelque ordre dans cet
examen , nous confidérerons d'abord la
fiévre indépendamment de tout vice , foit.
humoral , fait organique : enfuite nous
examinerons celle qui dépend du vice des
humeurs , ou des organes , ou de l'enfemble
des uns & des autres : enfin nous rap116
MERCURE DE FRANCE.
porterons les principaux effets de ces differentes
fortes de fièvres , & on verra parlà
, fi on doit regarder la fièvre comme
une maladie ou comme un remède à nos
maux .
9. Que la fièvre s'éleve quelquefois indépendamment
de tout vice humoral ou
organique , c'est ce qu'ont reconnu Pitcarne
, Boerhaave & Vanfwieten , & c'est ce
que l'expérience nous montre affez fouvent.
En effet on voit la fièvre s'allumer
quelquefois dans les corps les plus fains
par la feule action des cauſes externes ou
procatharctiques , & l'on comprend aifé
ment que tout ce qui peut accélerer à un
certain point le mouvement du fang qui
revient au coeur par les veines , ou pouffer
conftamment vers le coeur une plus grande
quantité d'efprits animaux , peut exciter
la fiévre dans le corps le plus robufte & le
plus fain , avant qu'on puiffe foupçonner
d'autre vice dans les humeurs ou dans
les organes , que la feufe accéleration du
mouvement du fang ou des efprits animaux
, & le battement plus fréquent du
coeur & des artéres. C'eft du moins ainfi
que de grands & longs travaux , fürtout
dans une faifon fort chaude , de violentes
& longues paffions de l'ame , furtout des
excès de colére dans des gens jeunes &
MARS 1750. FIE
vigoureux , occafionnent fouvent la fiévre
.
10. Et qu'on ne dife point que cette
violente agitation du fang , que ces violens
& fréquens battemens du coeur & des
artéres , ne peuvent point , à proprement
parler , être appellés du nom de fievre ,
puifque tout cela difparoit quelquefois
promptement , dès que la caufe externe ou
occafionnelle ceffe d'agir. Car pourquoi
ne leur donneroit-on pas ce nom- là ? Une
fiévre d'un quart- d'heure eft-elle moins
fiévre , qu'une fiévre de vingt- quatre heures
ou de plufieurs jours ? D'ailleurs , fi
cette caufe occafionnelle conftamment appliquée
fur un corps , même très -fain , continue
d'agir pendant un certain tems , ne
s'enfuivra-t'il pas une fiévre continue , &
fouvent très-ardente ? Et le commence
ment de ce mal , avant qu'il fe foit développé
une matiere fébrile , fera-t'il moins
fiévre que la fuite de ce même mal , lorfqu'il
s'eft formé des embarras dans les vaiffcaux
, ou qu'il s'eft développé une mathere
fébrile ?
Il y a plus. On peut fi peu refufer le
nom de fiévre à ces fréquens battemens
du coeur & des artéres , & à cette violente
agitation du fang , caufée par des excès de
colere ou par de violens exercices , qu'il
#12 MERCURE DE FRANCE.
arrive quelquefois que les vaiffeaux capil
laires du cerveau , ou de quelqu'autre vifcére
, dont le calibre ou la capacité augmente
en raifon compofée de la directe
du volume & de la rapidité du fang , &
de l'inverfe de leurs réfiftances , crévent
promptement par la feule diftenfion de
leurs parois , & qu'il fe fait des extravafations
mortelles , avant que les humeurs
ayent eu le tems de fe dépraver , & que les
vaiffeaux ayent pû s'embarraffer.
fes
11. On dira peut-être que la fièvre ,
n'étant qu'an dérangement durable des
fonctions , & que les fonctions ne pouvant
être long-tems dérangées par une cauſe
externe , l'agitation du fang occafionnée
par une cauſe externe ne peut être qua
lifiée du nom de fiévre . Mais ne fuffit- it
pas que les fonctions du coeur foient dérangées
pendant un certain tems , que
battemens foient & plus forts & plus fréquens
que dans l'état naturel , pendant ce
même tems , pour que l'effet de cette caufe
externe foit appellée fiévre , avant même
que les humeurs foient dépravées ? Autrement
il ne faudroit pas non plus appeller
fiévre le dérangement caufé dans les fonctions
du coeur par le vice de quelque organe
, par la piquûre d'un nerf ou d'un
tendon , &c. & il faudroit entierement
MAR S. 1750. Its
bannir de la claffe des fiévres les fièvres
non-humorales , dont M. Fizes a le premier,
que je fçache , traité expreffément , ce qui
feroit ridicule , puifqu'il en résulte quelquefois
affez brufquement des accidens
terribles , des convallions , des délires ,
& c.
12. Il eft donc certain que la frévre peat
être excitée par une caufe externe , & indépendamment
de la dépravation des hu
meurs ou du dérangement des organes.
Voyons maintenant quels font les effets
de cette fiévre. Premierement , le fang
ne peut circuler avec beaucoup plus de rapidité
qu'à l'ordinaire , qu'il ne s'échauffe
davantage , & qu'il ne communique beau
coup plus de chaleur à tout le corps . 2. Il
doit diftendre outre mefure les parois des
vaiffeaux par où il paffe & les faire créver,
ou du moins les tirailler au point de caufer
des douleurs à la tête , àla région des
reins , & c. ou des délires , des convuk
fions , &c. 3. Les orifices des artéres lym
phatiques doivent fe dilater , & recevoir
dans leur cavité les globules rouges du
fang qui ne pouvoient y entrer aupara
vant , ce qui ne peut manquer de produire
des rougeurs & des inflammations. 4 .
Toutes les humeurs doivent s'épaiffir ,
foit par la chaleur qui fait évaporer ce
114 MERCURE DE FRANCE.
qu'elles.contiennent d'aqueux , & qui fige
tout ce qu'elles ont d'analogue au blanc
d'oeuf , foit par les coups redoublés des
vaiffeaux qui les fouettent , les ferrent &
les condenfent. 5. Les fécrétions doivent
être interrompues , & les digeftions dérangées.
6. Les humeurs doivent contracter
une acrimonie , capable de ronger les
vaiffeaux où elles doivent fe putréfier &
fe diffoudre entierement. En un mot, il
doit fe former une ou plufieurs caufes internes,
capables d'entretenir la fiévre , lors
même que la caufe externe aura ceffé d'a
gir , & alors cette fiévre aura tous les effets
que doivent avoir les fiévres produites par
des caufes internes. Mais avant que d'aller
plus loin , examinons fi cette premiere efpéce
de fiévre doit être confidérée plutôt
que comme une malacomme
un reméde
die.
i 13. D'abord il eft vifible que cette fie
vre n'eft point un remède , puifqu'un reméde
fuppofe une maladie à laquelle il
doit être appliqué , & qu'an eft convenu
qu'il n'y avoit point ici de maladie , à la
quelle cette fiévre dût fervir de reméde. 2 °.
On fçait qu'un reméde doit tendre à réta
blir la fanté , & on vient de voir que cette
fiévre tend à la détruire , ou ce qui eft le
même , tend à produire des caufes de n
MARS. 1750. ris
que
ladie & de mort. Il eft vifible auffi
cette fiévre eft une véritable maladie
avant même la dépravation des humeurs
& le dérangement des organes , puifqu'el- .
le dérange notablement les fonctions du
coeur & du cerveau , & que fi on veut
qu'elle ne foit plus une maladie , mais un
fymptôme , lorfque les humeurs font dépravées
& les organes dérangés , il faudra
du moins qu'on convienne qu'elle eft une
caufe de cette dépravation des humeurs
ou de ce vice des organes , & qu'une cauſe
immédiate de maladie ne peut pas être
qualifiée du nom de reméde. D'où il fait
que la fiévre produite par une caufe externe,
loin d'être quelque chofe d'avantageux,
doit toujours être confidérée comme un
grand mal , ou du moins comme la caufe
de tous les mauvais effets que nous avons
rapportés ci-deffus , & qu'ainfi , loin de
conferver cette fiévre , il faut la détruire
au plutôt.
14. On conviendra fans doute que
cette févre n'eft point avantageufe , & on
ajoutera qu'elle doit être regardée comme
une erreur de la nature qui ſe tourmente
inutilement , pour éloigner du corps des
chofes qui n'y font point contenues , mais
qui font fur lui le même effet que les caufes
intérieures : qu'à la vérité la nature fe
,
116 MERCURE DE FRANCE.
trompe ici dans la fin qu'elle fe propofe ,
mais que le moyen dont elle fe fert , eft
bon en lui -même , & ne manque pas de
produire un bon effet , lorfqu'il eft bien
appliqué. Mais il eft aifé de voir que ce
n'eft ici qu'un vain fubterfuge , & que les
mêmes idées reftent fous des noms differèns.
Car qu'on donne à cette fiévre le
nom de maladie ou d'erreur de la nature ,
il n'en fera pas moins vrai de dire qu'il
faut ôter cette maladie ou corriger cette
erreur , & avoir recours à d'autres remé
des que la fièvre , pour remédier à cette
maladie , ou pour corriger cette erreur de
la nature
,
15. Il faut donc que l'on convienne que
cette tfpéce de fiévre eft un moyen mal
appliqué par la nature , puifqu'il n'y
point dans le corps d'autre maladie ou de
caufe de maladie , & que loin d'être avantageufe
& falutaire , cette fiévre ne peut
être que très pernicieufe , & même fu
nefte par les hémorragies ou les extravafations
qu'elle peut caufer , on par les inflammations
qu'elle peut occafionner , ou
par bien d'autres caufes des maladies
qu'elle peut faire développer. Il faudra
auffi par les mêmes raifons , que l'on convienne
que la fiévre non- humorale , ou purement
fymptomatique , la fièvre cauſée
MARS. 1750 . 117
par la piquûre d'un 'nerf ou d'un tendon
par un panaris , ou par une vive douleur
dans quelque partie à l'occafion d'une
caufe externe : il faudra , dis je , que l'on
convienne que cette fièvre ne fçauroit
être avantageufe , & que loin d'être un
reméde , elle eft fouvent une caufe de
mort. Il feroit fans doute inutile de
vouloir prouver une chofe auffi évidente
que celle- là. H ne nous refte qu'à voir fi
la fiévre produite par des caufes internes ,
ou par la dépravation des humeurs , eft
plus avantageufe que nuifible , & fi ·elle
doit être regardée plutôt comme un reméde
que comme une maladie . Car fi je
fais voir , comme je l'efpére , que la fièvre
caufée par la dépravation des humeurs
n'eft jamais falutaire , il s'enfuivra néceffairement
que la fiévre produite à la fois
par la dépravation des humeurs , & par le
vice de quelque organe , fera encore moins
avantageufe , & ne pourra jamais paffer
pour un reméde.
16: Les caufes internes des fièvres humorales
fe réduire à celles qui fe peuvent
forment , ou dans les premieres voies , ou
dans les voies de la circulation , ou hors
des voies de la circulation . Mais quelles
foient leurs caufes , il eft d'abord évident
que ces fièvres doivent être regar
IIS MERCURE DE FRANCE.
dées comme de funeftes effets de ces caufes
, des effets qui tendent à renverſer entierement
l'économie animale , & à trancher
le fil de la vie , & des effets par conféquent
aufquels on doit s'oppofer par
tous les moyens que l'Art a pu découvrir
jufqu'ici, foit en emportant tout à la fois la
caufe & l'effet , lorsque cela fe peut , foit
en diminuant promptement l'effet qui re
produit & augmente la caufe , foit en détruifant
peu à peu la caufe & l'effet . Et il
feroit inutile de dire que ce ne font point
ces caufes qui excitent la fièvre , que c'est
la nature qui l'appelle à fon fecours pour
s'opposer à ces caufes , car il en résulte
toujours que ce n'eft qu'à l'occafion de ces
caufes que la fièvre s'allume , & que fi
elle n'en eft pas l'effet immédiat , elle en
eſt du moins l'effet médiat , ce qui revient
ici au même.
17. Nous ne nous arrêterons point à
expliquer de quelle maniere la fiévre s'allume
à l'occafion des cauſes internes dont
on vient de parler ; ceux qui voudront s'en
inftruire , n'auront qu'à lire le Traité des
fiévres, que M. Fizes a donné en Latin , en
attendant que la Traduction que nous
avons entrepriſe de ce Traité foit en état
de paroître. Quant à préfent il nous fuffira
de faire remarquer que de quelque
MARS. 1750, 119
caufe , foit interne , foit externe , que
vienne la fiévre , c'est toujours un mouvement
déréglé des humeurs & des organes ,
& que les effets de ce mouvement contre
nature font toujours à peu près les mêmes ,
que ceux qui ont été rapportés ci -deſſus *
Il ne nous refte donc qu'à examiner , fi ces
effets font plus propres à détruire les caufes
internes qui produifent , ou occafionnent
la fiévre , qu'à les entretenir & à les
augmenter.
8. Si la caufe interne , ou la matiere
qui produit la fièvre, eft en petite quantité,
mobile , peu acide on peu âcre , peu vifqueufe
, & qu'elle foit contenue dans les
premieres voies , ou dans les voies de la
circulation , l'agitation du fang & l'ofcillation
des folides s'appaiferont bientôt par
l'expulfion de cette matiere , qui ne manquera
pas de le faire , ou par le vomillement
, ou par la fueur , ou par des déjections
, & la fiévre ceffera au bout de vingtquatre
heures , comme on le voit dans la
fiévre éphémère. CCaarr mmooiinnss iill y aura de
matiere morbifique, & cette matiere moins
vifqueule , moins acide ou moins âcre ;
moins il y aura de nourriture pour la fiévre
, moins de travail pour la nature , &
* V. n°. 12.
120 MERCURE DE FRANCE.
moins d'obſtacles à la guériſon. Mais eftce
à la fièvre qu'on eft redevable de cette
guérifon Point du tout, C'eft à la nature
& aux évacuations qu'elle procure,
Car dans l'état de maladie , comme en
fanté , la nature ou ce concours des cau-
Les qui agiffent continuellement pour l'entretien
& la confervation de notre machine
, ou , ce qui revient au même , ce
mouvement réciproque de nos parties fo
. lides & fluides, qui dure autant que la vie,
& en quoi confifte la vie du corps ; ce
mouvement, dis-je , ne ceffe jamais de procurer
des évacuations , foit par les urines,
foit par la tranfpiration cutanée , foit par
les fécrétions qui fe font dans l'eftomach
dans le foie , le pancréas , les inteſtins , &c.
Et c'est par ces évacuations que fort la ma
tiere fébrile , & que la fiévre fe diffipe,
Qu'on ne dife point que la fiévre , n'étant
que ce même mouvement dont nous
venons de parler , mais porté à un plus
haut dégré que dans l'état naturel , il s'enfuit
que c'eft la fiévre qui guérit ellemême
par les évacuations que ce mouyement
procure, Car , quoiqu'il foit vrai
que dans l'état de maladie la nature foit
obligée de redoubler les efforts pour vaincre
les réfiftances que lui oppofent les cau-
Les morbifiques , pour broyer & affiner
des
MARS. 121 1750.
des humeurs ordinairement plus groffieres
que dans l'état naturel , cependant ce n'eft
pas alors que fe fait la dépuration des humeurs
; au contraire pendant ce redoublement
d'efforts , & tant que la fièvre eft
dans fa vigueur , tout eft en confufion dans
le fang : il ne fe fait ,point , ou prefque
point de fécrétions , & ce n'eft que lorf
que ce mouvement contre nature vient à
fe rallentir , que les humeurs commencent
à fe dépurer , & que les évacuations arrivent
. D'où l'on voit que la fièvre eft plutôt
un obſtacle qu'un fecours , à ces évacua-
Lions.
19. Convenons toutefois , que quoique
ce ne foit point ici la fiévre qui fe guérit
elle-même , mais bien la nature , qui n'en
ayant pas été fort accablée , a pouffé audehors
la matiere morbifique par les mêmes
voies , par lesquelles elle fe décharge
en fanté des humeurs inutiles ou ſuperflues,
cependant on n'a pas eu dans cette occafion
fort à craindre des effets de cette
fiévre , l'altération qu'elle a produite dans
les humeurs & dans les organes , n'ayant
été que peu confidérable & de peu de durée.
Mais il n'en eft pas de même , lorfque
la caufe interne , ou la matiere qui caufe
la fiévre ,fe trouve en plus grande quantité,
moins mobile , plus acide ou plus âcre ,
F
122 MERCURE DEFRANCE.
plus vifqueufe & plus hétérogene dans fes
parties : alors l'expulfion de cettte matiere
devenant d'autant plus difficile , que fes
qualités s'éloignent plus de celles que nous
avons d'abord confidérées , les effets de la
fiévre feront d'autant plus à redouter , que
la fiévre durera plus long-tems , & ces effets
, loin de détruire la caufe qui produit
la fièvre , font beaucoup plus propres à
l'entretenir & à la rendre irrémédiable , ſi
l'Art ne vient au fecours de la Nature.
20. Il feroit trop long d'examiner ici
en détail tous les effets de la fièvre , que
nous avons rapportés ci - deffus. Pour ne
pas vous ennuyer , Meffieurs , je me bornerai
à ceux qu'elle produit fur les humeurs
, & qui font les feuls que les partifans
de la fièvre , regardent comme avantageux.
Car vous jugez bien que le dérangement
des digeftions , l'interruption des
fécrétions , l'engorgement des vaiffeaux
leur ruption ou leur érofion , les douleurs
aigues , les délires , les convulfions , & c.
n'ont jamais été regardés comme des effets
avantageux , quoiqu'ils foient des
fuites ordinaires de la fievre. Mais quel eft
cet effet avantageux que la fièvre peut produire
fur les humeurs ? C'eft , dit- on , de
cuire la matiere morbifique qui s'y eft mêlée
, & de la difpofer à l'excrétion .
MARS . 1750. 123
Il est vrai que la fiévre , lorfqu'elle n'eft
pas violente , aide quelquefois un peu la
coction de cette matiere , furtout lorfqu'elle
eft d'une nature à épaiffir le fang ,
mais outre que dans ce cas même le fecours
de la fiévre est toujours fufpect & fouvent
funefte , ainfi qu'on va le voir , elle ne
peut guéres favorifer la coction - de cette
matiere , lorfqu'elle eft d'une nature à raréfier
le fang & à irriter les folides , ou
qu'elle eft compofée de telle façon , qu'elle
agiffe d'une maniere irréguliere fur lui , &
qu'elle en épaiffiffe certaines parties, tandis
qu'elle en liquefie d'autres , ou qu'elle eſt
enfin fi vifqueufe & fi adhérente aux humeurs
, avec lesquelles . elle s'eft mêlée ,
qu'elle n'en peut être détachée par tous les
efforts des fluides & des folides.
21. Comme dans l'état naturel le mouvement
réciproque de nos parties folides
& fluides procure la dépuration de nos
humeurs , en agitant doucement les fucs
qui s'y mêlent pour les réparer , en les
faffant , & les attenuant au point qu'il
convient , afin que les parties de ces fucs ,
qui ne doivent point fervir à la nourriture
, puiffent enfiler leurs couloirs & fe
porter au-dehors ; de même dans l'état
contre nature , dans la fièvre , ce mouvement
augmenté , mais feulement juſqu'à
F ij
124 MERCURE DE FRANCE .
un certain point , car lorfqu'il l'eft exceffivement
, il bouleverſe tout , & renverſe
entierement l'économie animale ; ce mouvement
, dis - je , attenue , brife , liquefie
la matiere fébrile , lorfqu'elle n'eft qu'épaiffiffante
, en un mot , la cuit , pour ainfi
parler , & la difpofe à l'excrétion . Mais
dans ce cas même , le fecours que procure
la fiévre , doit toujours être regardé comme
fort fufpect , car outre les autres effets
qui peuvent s'enfuivre de ce mouvement
déréglé , & que nous avons rapporté cideffus
, l'obfervation a fouvent appris aux
plus habiles Praticiens que j'ai confultés ,
foit de vive voix , foit dans leurs écrits ,
que ce mouvement abandonné à lui -même
étoit prefque toujours infuffifant pour
la
coction & l'excrétion totale de la matiere
fébrile , & qu'il étoit ordinairement fuivi,
ou d'une fièvre lente , ou de quelque abfcès
qui fe formoit , ou dans les articulations
, ou dans les glandes lymphatiques
conglobées de l'habitude du corps , ou dans
les chairs mufculeufes , ou , ce qui eft encore
pire , dans quelque vifcére , ce qu'il
feroit même aifé de prouver par théorie ,
fi cela ne menoit pas trop loin.
22. Mais fila matiere fébrile eſt d'une
autre nature , qu'elle foit propre à raréfier
le fang & à irriter les folides , ou qu'elle
MARS. 1750.
125
foit fi vifqueufe & fi hétérogéne qu'elle
élude les efforts des folides & des fluides ,
alors tous les mouvemens fébriles , nonfeulement
fe feront en pure perte , mais
ils tendront encore à la deftruction de tout
le corps , & loin de contribuer à l'expulfion
ou à l'amandement de la caufe , ils en
fortifieront au contraire l'action , qui fera
fuivie de tous les funeftes effets rapportés
ci - deffus . Car on obferve conftamment
que plus l'action des folides & des fluides
augmente , plus l'action des matieres irritantes
, & capables de raréfier le fang ,
augmente auffi , ce qu'il feroit aifé de
prouver , s'il nous étoit permis d'entrer
dans un plus grand détail. Mais en voilà ,
je crois , affez pour faire comprendre que
c'eft fans aucun fondement que quelques
Médecins font des éloges fi magnifiques
de la fièvre ; que dans le fond on n'a aucun
avantage à attendre de cet inftrument
fi vanté , ou du moins que ces avantages
font très-fufpects , & fuivis d'inconvéniens
réels & fort à redouter , & qu'ainfi on ne
doit pas balancer à combattre la fiévre ,
dès qu'elle eft bien déclarée , par tous les
moyens que l'Art fuggére à des Médecins
éclairés & prudens .
23. Envain oppofera- t'on que la fiévre
n'eft qu'un fymptôme , & qu'il n'y a que
F iij
126 MERCURE DE FRANCE.
que
la caufe qui la produit , qui foit la maladie
qu'il faut combattre , car fi eela étoit , il
n'y auroit point non plus d'autres mala
dies , & il ne faudroit reconnoître pour
maladies les cauſes internes qui les
produifent , ou pour mieux dire , il faudroit
bannir de la Pathologie le mot de
maladie , & ne fe fervir que des noms de
caufes & de fymptômes ; ce qui feroit ridicule
, & fe réduiroit tout au plus à une
difpute de nom . Cependant comme une
cauſe interne produit un premier fymptôme,
& que ce fymptôme en améne d'autres
, il eft bien plus raifonnable de regar
der comme maladie le premier & le principal
fymptôme qui naît de la caufe , & de
ne donner le nom de fymptôme qu'aux
autres accidens qui s'y joignent & qui l'ac
compagnent. Mais que ce qui réfulte de
la caufe interne de la fiévre , foit appellé
maladie , ou effet , ou fymptôme , c'eſt de
quoi on s'eft peu embarraffé ici ; on a taché
d'examiner la chofe en elle- même , &
par un mûr examen on s'eft convaincu ,
que les avantages de la fiévre étoient imaginaires
, ou du moins très fufpects , & que
fes inconvéniens étoient toujours réels &
fort redoutables..
MARS . 1750. 127
EPITRE
A Mademoiselle de S..... à qui l'Auteur
avoit promis une chanfon.
P Efté foit du fatal moment ,
Ou je m'engageai follement
A vous montrer mon fçavoir faires
choifir un fujet ,
Je ne peux
Que la crainte de vous déplaire
N'arrête auffi -tôt mon projet.
Je voudrois , mais envain , éluder davantage ;
Il faut vous obéir , & je ne fçais comment.
Chanterai-je l'Amour , ce Dieu du fentiment ?
Il aime le libertinage ,
Et vous m'avez ordonné d'être fage ,
Quoique vos yeux parlaffent autrement.
Chanterai- je l'indifference ?
Hélas ! je n'ai pas ce fçavoir ;
Vous-même , Iris , fans le vouloir
M'en avez ôté la puiffance .
"
Que faire donc en cette circonftance ?
Si l'amour me donne le ton ,
Et que l'aimable Iris ne veuille pas l'entendre ,
Qu'elle ait la bonté de comprendre
Que tout le peut dire en chanfon.
Fiiij
128 MERCURE DE FRANCE.
洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗沉
DIALOGUE
Sur les Langues anciennes & les Langues
vulgaires , traduit de l'Italien de Speron
Speroni. Interloc. le C'. Bembo , Lazaro,
un Romain de la Cour du Pape.
B Em. J'apprends , mon cher Lazaro ,
que la République vient de vous
nommer à la Chaire de Grec & de Latin
dans l'Univerfité de Padouë , avec trois
cens écus d'appointement . J'applaudis
avec tous les amateurs des Lettres à un
choix qui va les tirer de la honteuſe mendicité
, dans laquelle elles languiffent depuis
fi long- tems ; j'en félicite l'Univerfité
de Padoue , qui trouve enfin en vous ce
qu'elle fembloit chercher en vain , & je
m'en rejouis avec vous comme votre ami ;
votre réputation eft un fûr garant des ſuccès
qui vous attendent dans cette nouvelle
carriere ; en un mot la clef des Sciences ne
pouvoit être remife en des mains plus en
état d'en faire ufage que les vôtres.
Laz. S'il m'eût été permis , Monfg. de
porter mes vûes fur un pofte auffi hono
rable , je l'aurois defiré , non pour pouvoir
étaler avec une vaine oftentation
MAR S. 1750. 129
le fruit de mes veilles & de mes travaux ,
mais pour faire connoître à toute la terre
le prix des Langues qui compofent mon
nouveau département. Quelle fatisfaction
plus douce & plus glorieufe que d'éclairer
l'Univers , & de le convaincre que les
Langues Grecque & Latine , fi long - tems
méprifées par ceux qui auroient dû les
adorer , font la route unique qui puiffe
conduire à la vraie gloire & à l'immorta-
Hité. Oui' , Monfg . je ne doute point qu'à
ma voix tous les hommes ne facrifient toutes
les études qu'ils fe font choiſies , à celle
de la Langue des Démofthénes & des
Cicerons.
Bem. Un tel projet eft digne de vous ;
il eft digne de ce fiécle : il femble que la
Providence , touchée des malheurs de l'Italie
, veuille enfin réparer fes pertes , en lui
donnant au lieu de fes Etats & de fes Villes
ruinées , ou occupées par les Ultramontains
, l'amour & la connoiffance des
Langues , qui femblent la foûtenir au milien
de la Barbarie, Le Grec & le Latin
Aeuriffent parmi nous ; l'Hebreu n'eſt plus
une Langue inconnue aux Italiens ; l'ancien
Tofcan lui -même , après avoir été
long- tems comme une plante aride & defféchée
, fe releve , reverdit , & porte de
nouvelles Aeurs , qui femblent nous pro-
F v
130 MERCURE DE FRANCE.
mettre de nouveaux Pétrarques & de nonveaux
Bocaces. En un mot , je penſe avec
Vous que l'étude des Langues va remettre
l'Italie dans la voie de l'immortalité.
Laz. Sans doute le Ciel touché de l'excellence
des Langues Grecque & Latine ,
a veillé avec une attention particuliere à
leur confervation mais quels foins
croyez-vous que méritent de fapart , & de
celle des hommes raiſonnables , des Lan
gues qui confondent avec la plus vile populace
ceux qui perdent leur tems à les
cultiver.
Bem. Je conviens avec vous que le Grec
& le Latin méritent plus d'être cultivés
que le Toſcan mais que le Tofcan ne mérite
que
le mépris , c'est ce que je ne puis
vous accorder après la douce expérience
que j'ai faite de fes beautés. Je ne parle
point de la Langue Hébraïque : l'Allemagne,
en l'adoptant , femble avoir aban
donné le Latin à l'Italie.
Laz. Au moins m'accorderez- vous ,
Mgr. que le Tofcan comparé au Latin
ne peut être regardé que comme une lie
infipide. C'eft le Latin gâté & corrompu
par la longueur du tems , par la violence
des Barbares & par notre propre lâcheté.
Ainfi préferer à l'étude du Latin l'étude
de la Langue vulgaire , c'eft , ou manquer
MARS. 1750.
131
de goût , & ne pas fçavoir difcerner le
bon , ou manquer de courage , & ne pas
embraffer le meilleur que l'on connoît.
A la bonne heure , laiffons au peuple fon
jargon vulgaire , & empêchons qu'il ne
profane les Langues fçavantes , mais que
les Sçavans s'interdifent l'ufage de la Langue
vulgaire , n'autorifant pas par leur
exemple & leur autorité l'infolence d'une
vile populace qui chérit fa barbarie , &
qui voudroit ériger en Art fon ignorance..
Le Rom. C'est -à- dire , Meffer Lazaro
que vous voulez exécuter le projet , qui fut
propofé l'année derniere par le fçavant
Romolo Amafeo dans une Harangue publi ..
que. Je me fouviens très-bien que nous
fortîmes tous de cette Harangue fi convaincus
de l'excellence de la Langue Latine
que chacun de nous auroit prefque préferé
d'être mort il y a quinze cens ans valet de:
Ciceron , à vivre aujourd'hui à la Cour
d'un Pape Tofcan.
Laz. Si je ne trouvois pas dans ceux:
qui vont prendre mes leçons , ces fenti .
mens , qui peut-être paroiffent ridicules :
à vous autres gens de Cour , je n'aurois
aucun fruit à en efperer , & j'abandonnerois
comme des efprits incurables, des gens
qui fe refuferoient à l'évidence. A mon
égard , j'aimerois mieux être Cicéron dans
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
la Tribune aux Harangues , que Jules de
Medicis fur la Chaire de Saint Pierre .
Le Rom. Combien d'hommes , mon
cher Lazaro , donneroient toutes les Langues
mortes & vivantes pour la plus mince
Seigneurie ! Sans penfer comme eux ,
mon efprit n'eft point encore affez épuré
pour fentir ce que le Grec & le Latin peuvent
avoir au- deffus des Couronnes & des
Thiares en un mot , je vois toujours une
très - grande difference entre le Sommelier
ou le Cuifinier de Démofthene & de Cicéron
, & un Monarque ou un Pape d'aujourd'hui.
Bm. Vous outrez la penfée de Meffer
Lazaro. En defirant de parler Latin com
me Cicéron , fes fouhaits tombent moins
fur l'idiome commun à cet Orateur & aux
Romains de fon fiécle , que fur l'éloquence
qui lui fut propre , & qui le rendit
le premier homme de fa République .
Vous penfez comme Meffer Lazaro , fi
dans le choix des dignités vous préferez
celles que vous devez à votre mérite & à
vous -même , à celles aufquelles vous ne
ferez appellé que par un choix aveugle
ou par droit de fucceffion. Il me femble
que fur la matiere que nous agitons , je
penfe plus fortement que vous , mais plus
foiblement que Meffer Lazaro : je ne don-
>
MARS. 1750. 133
nerois pas pour le Marquifat de Mantouë
le peu de progrès que j'ai fait dans l'étude
des Langues . Si Meffer Lazaro veut nous
développer les raifons de fon attachement
pour les Langues anciennes , vous conviendrez
vous - même que rien n'eft plus
raifonnable qu'un tel attachement.
Laz. J'y confens , en vous priant Mgr,
de m'abandonner la Langue vulgaire à laquelle
vous me paroiffez un peu trop attaché.
Bem. Je ne puis accepter cette condition ;
fouffrez au moins que lorfque vous attaquerez
la Langue vulgaire , je puiffe prendre
fa défenfe.
Le Rom. Voila l'ordre de la difpute reglé.
Meffer Lazaro peut commencer , je
n'exige de ma part que la permiffion de
vous interrompre , lorfque vos raifonnemens
feront au- deffus de ma portée .
Laz. Nous penfons , nous exprimons
nos idées , nous nous les communiquons ..
C'eft furtout par l'expreffion de fes idées ,
que l'homme eft diftingué des bêtes. La
pureté du langage & la beauté de l'expreffion
font une nouvelle perfection de la
nature hmaine , perfection qui met entre
les hommes ordinaires & l'homme qui
les poffede , la même difference que la
fimple parole met entre les hommes & les
134 MERCURE DEFRANCE.
bêtes. Or qui a jamais porté la pureté du
langage & la beauté de l'expreffion au
point où les ont portés les Grecs & les
Romains ? C'est ce qui a mis entre leur
Langue & les Langues barbares la même
difference qu'il y a entre les Langues barbares
& le langage des animaux. C'est cette
pureté de langage , c'eft cette beauté de
l'expreffion ,, qquuii du confentement de tous
les peuples a fait adjuger aux Grecs &
aux Romains l'empire de la parole. En effet
dans quel pays Homere & Virgile ne
font ils pas regardés comme les premiers:
Poëtes & les premiers modéles de la Poëfie
? Chez quelle Nation Démofthéne &
Ciceron ne font- ils pas les premiers Oratears
& les premiers modèles de l'Eloquence
? Les Florentins ne tariffent point
fur les louanges de Pétrarque & de Bocace ,
mais , de l'aveu même des Florentins , le
Pérrarque & le Bocace n'ont de rang à prétendre
qu'après les Poëtes & les Orateurs
que je viens de nommer. Ce fentiment
agréable , ce fentiment exquis que répand
dans l'ame la lecture de leurs ouvrages , &
qui femble l'élever au - deffus d'elle - même,
a réuni tous les fuffrages en leur faveur.
Le Rom. Ce fentiment dont vous parlez
n'eft pas attaché feulement à la lecture des
Quvrages des Anciens.Ce que Meller Lazar
MAR S.. 135 1750.
ro éprouve en lifant Homere & Cicéron
il me femble le fentir à la lecture de notre
Bocace. Lorfque je lis les Nouvelles de
Ruftic & d'Alibec , d'Alaciel , de Perron
nelle , & c . il me femble que Bocace s'em
pare de mon ame, & qu'il y excite une fenfation
fupérieure à tous les autres plaifirs
Cette efpece de raviffement ne feroit- il pas
plutot l'effet des objets préfentés par l'Aureur
, que de l'expreffion fous laquelle ils
font préfentés ?
Bem. La lecture d'Homere , de Virgile
de Bocace , dans des traductions , ne laiffe
aucun doute contre le preftige de l'expreffion
propre à chaque Auteur. Ainfi chaque
Langue exerçant chacune un empire féparé
fur l'ame , loin de refferrer l'étude des
Langues & de fe borner au Grec & au Latin
, il fuffit que la Langue Tofcane puiffe
exciter ces fenfations dont nous parlons ,
pour qu'elle mérite d'être cultivée .
Laz. Quand le Toſcan aura fes Homeres,
fes Virgiles , les Cicérons , je conſeillerai
que dans les études elle aille de pair
avec le Grec & le Latin , mais en vain attendroit-
on de tels prodiges d'une Langue
barbare , ſtérile , fans harmonie & qui fera
toujours incapable de fe préter aux effors
des grands Poëtes & des grands Orateurs.
Qu'attendre d'une Languefans noms
136 MERCURE DE FRANCE .
déclinables , fans conjugaisons , fans participes
, & dont tout le mérite , fuivant fes
plus zelés partifans , confifte à s'éloigner
du Latin ? Cette derniere raifon fuffit feule
pour démontrer fon impuiffance, digne de
la honte de fon origine qu'elle doit à la
Barbarie . C'eſt à des Gaulois , c'eſt à des
François , c'est en un mor à des Provençaux
qu'elle doit non feulement fes noms ,
fes verbes & fes adverbes , mais encore les
régles & les plus brillantes figures de fon
Eloquence & de fa Poëfie. Langue illuftre ,
de quelque nom qu'on l'appelle , l'Italien
eft le dernier qu'on puiffe lui donner . Née
au - delà des Montagnes & des Mers qui
enferment l'Italie , elle eft moins l'ouvrage
des François que des Huns , des Goths,
des Vandales , des Lombards & de toutes les
Nations barbares, qui toutes ont laiffé dans
la Langue d'Italie quelques mots de leur
jargon, comme des monumens de leurs exploits
& de la lâcheté des Italiens. Au milieu
d'une telle confufion , en vain attendons
-nous des Homeres & des Cicérons ;
renvoyons plutôtà ces Colonies que les Barbares
ont laiffées dans notre Langue , & du
milieu de ce cahos dévelopé on verra fortir
la Langue Latine qui reprendra fes anciens
droits fur l'Italie & fur fes habitans . Mais
dans l'état actuel de notre Langue , érat
MARS. 1750.
137
déplorable , fi on la compare à celle qu'elle
remplace , les Homeres & les Virgiles
qu'elle pourra produire ne feront jamais ,
permettez-moi cette plaifanterie , que des
borgnes regnant dans un pays d'aveugles.
Les Maures , les Turcs , & peut-être les
Esclavons , ont leurs Homeres & leurs Cicérons
; laiffons ces Peuples aveugles triompher
de leur barbarie & de leur ignorance.
Imitons plutôt l'ardeur des Ultramontains
pour l'étude de la Langue Latine. Si jamais
Virgile peut renaître , la France & l'Allemagne
le poffederont à l'exclufion de l'Italie
, qui éloigne autant qu'elle peut de
chez elle une Langue par laquelle elle régnoit
jadis fur tout l'Univers , pour fubftituer
à cette Langue immortelle un jargon
barbare , dont elle ignore & la patrie
& le véritable nom.
Le Rom. Pour exécuter un tel plan , iffaut
donc bâtir des Villes Latines , qui ne
foient peuplées que de Sçavans. Dans ces
Villes l'Artifan parlera Latin , les plus viles
denrées fe vendront en Latin , & c.mais dans
l'état où font les chofes , voulez - vous que
par exemple , à Bologne le Latin foit la
Langue des boutiques & des marchés ?
Laz. Point du tout. La terre porte de
l'orge, de l'avoine, du millet, du froment ;
& parmi tous ces grains les hommes choi
3S MERCURE DE FRANCE.
fiffent ceux qui conviennent à leur nourriture
, je voudrois que l'on fît le même
choix pour les Langues. Dans les places ,
dans les marchés , à la campagne , dans le
domeftique , la Langue vulgaire feroit la
Langue d'ufage , mais dans les Ecoles, dans
les converfations fçavantes , avec les hommes
en un mot , on parleroit le langage
des hommes , c'eft- à- dire le Latin ; il en
feroit de-même pour les lettres & les ouvrages.
En un mot la Langue vulgaire feroit
le langage de néceffité , & le Latin la
Langue de choix ,
Bem. Il femble , mon cher Lazaro , que
yous haïffiez plus votre Langue vulgaire ,
que vous n'aimez les Langues anciennes .
Je conviens que dans fon origine elle eft
barbare , j'accorde qu'elle eft étrangere à
l'Italie. Mais croyez - vous que 4 ou 500
ans n'ayent pas fuffi pour la naturalifer
parmi nous. Suivant vos principes , les Romains
, Phrygiens d'origine , la Grece & tous
les Peuples chez qui les fciences ont été
les plus cultivées , n'auroient été que des
Nations barbares , parce que leurs Langues
étoient barbares dans leur origine.
C'eft faire l'éloge de nos ancêtres que de
nous les repréfenter au milieu des ruines
de l'Italie , formant de fes débris une Langue
agréable à l'oreille & foumife à des
MAR S. 1750. 139
régles certaines. A l'exemple de la Nature
qui tire de la confufion des Elémens fes
plus admirables productions, plaçons - nous
dans ces tems malheureux où l'Italie en
proye aux Barbares étoit fans reffource
contre la violence de fes Tyrans . Vous refuferiez
-vous les néceffités de la vie , vous
refuferiez-vous à tous les agrémens de la
fociété par un attachement déplacé pour
une Langue qui ne feroit entendue de
perfonne ? La Langue vulgaire étoit donc
dans fon origine une Loi dictée par la né
ceffité , mais l'Art a adouci la dureté de cette
Loi , en perfectionnant ce que la néceffité .
avoit établi , Les premiers hommes ne donnoient
d'abord la chaffe aux bêtes. que
pour les écarter de leurs habitations ; enfuite
, de leurs peaux ils s'en firent des vêtemens
; enfin ces animaux , qui d'abord
n'étoient que redoutables , fervirent la
gourmandife & la fenfualité. De-même on
ne fe fervit d'abord de la Langue vulgaire
que pour le faire fe entendre , mais cette
Langue , perfectionnée par l'ufage , a eu
fes Poëtes & fes Orateurs. Si nos défirs
étoient la régle des évenemens , pourquoi
tant fouhaiter que la Langue Latine regne
encore en Italie : que ne defirerions- nous
plutôt de voir renaître l'Empire Romain
ou qu'il n'eûr jamais été détruit. Parce.
140 MERCURE DE FRANCE.
qu'il en eft autrement , faut -il mourir de
douleur? Faut- il nous abandonner à un filence
éternel en attendant le retour des
Cicérons & des Virgiles ? Nous ne retrouverons
point dans nos maifons , dans nos
Temples , dans nos tableaux , dans nos
ftatues, les beautés que nous admirons dans
les ouvrages des Anciens ; faut- il donc
aller habiter dans les forêts ? Faut-il renoncer
à tous les Arts ? Faut- il fupprimer
le culte divin ? Pourquoi l'efpérance de la
perfection n'encourageroit- elle pas plutôt
nos efforts , nos tentatives & nos travaux ?
Que ceux qui en ont le tems & la force ,
volent à l'immortalité fur les traces des
Grecs & des Romains ; mais , mon cher
Lazaro , toutes les Langues ne conviennent
pas à tous les génies . Si l'idiôme vulgaire
eft plus analogue au tour de l'efprit
d'un homme qui veut écrire , que confeilleriez
-vous à cet homme ? Qu'auriez - vous
confeillé à Pétrarque & Bocace ? Comparez
leurs compofitions Latines à leurs écrits
en Langue vulgaire . Dans ces derniers ils
font des Ecrivains admirables ; dans lesautres
ils font peut- être les plus pitoyables
Auteurs qui ayent jamais écrit en Latin .
C'eft fur ce principe qu'en confeillant
par exemple à vous , Meffer Lazaro , de
ne point fortir de la Langue Latine , je
MARS. 1750. 141
confeillerois le contraire à l'homme de
Cour qui nous écoute . En effet ne vaut - il
pas mieux , en parlant bien & en écrivant
purement une Langue moderne , mériter
l'eftime des modernes , que de s'attirer par
des écrits Grecs ou Latins le mépris des
fçavans & des ignorans ? Notre Langue
Italienne n'eft peut-être pas auffi fonore ni
auffi nombreuſe que les Langues anciennes
, fur tout dans les compofitions poëtiques
, mais elle compenfe ces qualités par
une harmonie , des agrémens & une légereté
qui lui font propres. Nos vers ont des
pieds , une mefure & une cadence ; notre
profe a fes tours , fon élégance & fes figures
; en un mot dans le Latin , dans le Grec
& dans le Tofcan , c'eft le même art qui ,
avec de matériaux differens , travaille fur
le même fond & fur le même deffeing ;
Meffer Lazaro voudroit- il difputer fur cette
conformité ? Qu'il place dans la même
claffe le Séraphino & le Pétrarque , qu'il
trouve les mêmes beautés dans toutes les
Nouvelles de Bocace & dans tous les Sonnets
de Pétrarque . Or fi , de fon aveu ,
un Auteur Italien eft different d'un autre
Auteur , fi Bocace eft different de lui-même;
où chercher les raifons de cette difference
; finon dans l'art qui regle les beautés
dont notre Langue eft fufceptible ?
142 MERCURE DE FRANCE.
L'ACCORD de lafageſſe avec la folie ,
adreſſe à une jeune Demoifelle d'Angers ,
par M. de la Soriniere.
Vous méritez qu'on vous encenſe ¿
Iris , vous avez de l'eſprit ;
Vous êtes belle , & jamais on ne vit
Fille fi jeune avec tant de prudence ;
Mais j'ai pourtant certain dépit ,
Qu'avec fi fage contenance
Se mêle un grain d'indifference ,
Dont plus d'un amoureux gémit.
Il faut d'un léger badinage
Affaifonaer fes petits mots ;
Il eſt plus aiſé d'être ſage ,
Que d'être un peu folle à propos.
De la fageffe à la folie
Le point fixe qu'il faut ſaifir ,
N'eft pas facile à définir :
Selon les cas ce point varie ,
Et fi j'ofois le décider ,
Tandis qu'on eft jeune & jolie ,
La fageffe avec la folie
Feroit bien de s'accommoder,
A la Soriniere , 1749.
MAR S. 1750. 143
205 204 205 200 205 206 207 205 205 205 205 205 205 205
LETTRE
A M. Remond de Sainte Albine , fur le
Programme de l'Académie de Bordeaux.
Monfieur , j'ai l'honneur de vous
adreffer quelques obfervations fur
un Programme que l'Académie de Bordeaux
a indiqué pour le Prix de l'année
1751 , & que vous avez annoncé dans
le Mercure du mois d'Octobre dernier. Il
eft conçû en ces termes. » S'il y a des mé-
» dicamens qui affectent certaines parties
» du corps humain plutôt que d'autres , &
» quelle feroit la caufe de ces effets ?
1. Dans les médicamens l'Académie
comprend- elle,tant les externes que les internes
? Il femble que cela ne devroit pas
faire un problême à l'égard des premiers ;
il eſt univerſellement reçu que les parties
tendineuſes ou nerveuſes & les os exigent
des remedes differens de ceux qu'on applique
fur les parties charnues.
2º. Les médicamens internes font évacuans
ou altérans ; il n'eſt pas douteux que
les évacuans n'affectent particulierement
certaines parties ; les émétiques & les purgatifs
agiffent fur l'eftomach & les inteltins
, & c.
144 MERCURE DE FRANCE.
3. Dans quel fens doit on prendre le
verbe affecter ? Il peut s'appliquer au détriment
, comme à l'avantage des parties
fur lefquelles les médicamens agiffent.
4° . Enfin quelles font les parties que
l'Académie a en vûe ? Celles de notre corps
font fimilaires ou organiques ; les fimilaires
comprennent les folides & les fluides.
Il n'eft pas non- plus problématique qu'il
n'y ait des médicamens qui agiffent plutôt
fur les folides que fur les fluides ; tels
font ceux qui les relâchent , lorfqu'ils font
trop tendus ; ceux qui leur rendent leur
reffort, lorfqu'ils font relâchés , & d'autres
qui affectent plutôt les humeurs , comme
ceux qui les épaiffiffent , lorfqu'elles font
trop fluides ; ceux qui les brifent & les
détrempent , lorfqu'elles font trop épaiffies
, & c.
Il eft donc vrai - femblable que ce n'eft
pas de ces parties fimilaires des médicamens
externes & des évacuans , dont l'Académie
a voulu parler dans fon Program-
, mais feulement de l'effet que les altérans
internes peuvent produire fur les
parties qui font compofées de vaiffeaux
differemment arrangés , & d'humeurs , &
qu'on appelle organiques , telles que le
coeur , le poulmon , &c.
Comme ces difficultés pourroient arrêter
MARS. 1750. 145
ter quelques-uns de ceux qui ont envie de
concourir , j'ai crû , Monfieur , que cette
illuftre Académie voudroit bien agréer que
j'euffe l'honneur de les lui propofer par
la voye de votre Journal . J'ofe vous prier
de vouloir bien les y inférer , fi vous le
jugez à propos , & croire que j'ai l'honneur
d'être avec la plus refpectueufe confidération
, Monfieur , votre , &c .
***
EN
EPITHALA ME.
N ce jour fortuné , marqué par la tendreffe ,
Livrons- nous ,chers amis, aux jeux, à l'allégreffe;
Chantons de deux époux l'affemblage parfait ;
D'un beau modéle on trace aifément le portrait.
C .... nous montre un coeur bon , jufte , franc ,
fincére ;
mour de la vertu forma fon caractére ;
Aux fentimens s'il joint l'efprit & le talent ,
Il n'excelle pas moins par le difcernement .
Son choix en eft la preuve , & la preuve eft par
lante ;
Dans fon ame & fes traits G ..... nous la préfente.
Plus aimé qu'un mari, plus heureux qu'un amant
Mortelpeut- il jouir d'un bonheur plus charmant 2.
G
146 MERCURE DE FRANCE.
Fêtons préfentement cette digne Compagne,
Tout ce qu'au renouveau la brillante campagne
Peut offrir à nos yeux de plus vif en couleurs ,
Lorsque le pré commence à s'émailler de fleurs ,
Quand on voit des côteaux renaître la verdure ,
Quand l'arbriffeau reprend fa fuperbe parure ,
G .... le réunit dans fa tendre fraîcheur .
Son oeil doux , mais rempli d'une modefte ardeur ;
Préfage à fon époux les fruits d'un hymenée ,
Dont on verra long - tems profpérer la durée.
Puiffe , puiffe l'hymen te donner en peu d'ans ,
Au gré de tes défirs , nombre de defcendans !
Amantiffimo & dilectiffimo Ch ..... ad
nuptias vovit amiciffimus P.... die Januarii
decimo , anno 1750.
LETTRE
De M. Morel , Chanoine de Montpellier
à M. l'Abbé d'Harfeuil , Membre de
l'Académie des Sciences de Bordeaux.
On cher Abbé , j'ai lû avec autant d'em-
M preffement que de plaifir , l'extrait de votre
derniere Affemblée publique. Votre Académie
n'ayant trouvé aucun ouvrage fur la muë de
la voix , digne d'être couronné , devoit au Public
un dédommagement à ce fujet ; M. Thibaut de
Chanvalon , votre Directeur , s'en eft dignement
MARS. 1750. 147
acquitté par les folides conjectures que le premier
Mercure de cette année vient de publier. J'ai été
vivement preffé d'écrite fur cette matiere , mais
la bienséance de mon état ne m'a pas permis
détudier l'analogie que je foupçonne regner entre
le changement de la voix & celui qui ſurvient
dans notre corps , lorfqu'il commence à acquérir
des forces fecondes ( fi j'ofe m'exprimer ainfi }
D'ailleurs je n'ambitionne rien moins que le nom
d'Auteur ; il eft vrai que l'on a imprimé un trèspetit
ouvrage que j'ai fait fur la voix , mais cela a
été fait fans ma participation ; le cher auteur de
mes jours , à qui je l'envoyai pour fon amuſement
, le communiqua à l'ingénieux Pere Caftel ;
ce fçavantJésuite trouva à propos de l'expofer à un
grand jour , que tout devoit me faire redouter.
Ce que je vous en dis , n'eft que pour vous perfuader
que je fuis peu touché du funefte accident
qui vient de lui arriver . M. Thibaut me faiſant
l'honneur de rappeller dans fon Difcours mon
Systéme fur la voix , à la fuite de ceux de Mrs
Dodart & Ferrein , après avoir affûré qu'il n'eft
qu'une fimple réunion des deux premiers , décide
que celui de M. Ferrein eft le feul véritable , &
tout de fuite il ajoûte que le mien ne peut que
s'écrouler avec celui de M. Dodart.
Si M. Thibaut daignoit regarder mon ouvrage
avec un peu plus d'attention qu'il ne mérite , il
s'appercevroit qu'il eft bâti fur les fyftémes de
Mrs Dodart & Ferrein , comme fur deux fondemens.
A la vérité cet Académicien croit avoir fappé
celui de M. Dodart , mais non - feulement il
laiffe fubfifter le fyftéme de M Ferrein , il lui donne
encore une nouvelle folidité par les heureuſes
conjectures fur lesquelles il l'appuye. Par ce nouveau
foutien , ce fyftéme paroiffant avec un nou-
Gij
148 MERCURE DE FRANCE.
vel éclat , & le mien , de l'aveu de M. Thibaut ,
étant foutenu en partie par celui - ci , comment ce
Directeur a t'il pû nous apprendre que tout mon
fyftéme s'étoit écroulé avec celui de M. Dodart ?
Vous connoiffez , mon cher Abbé , les differentes
opinions qui partagent les Phyficiens fur l'origine.
des fontaines ; les uns vont les puifer dans les abî
mes des mers , d'autres fe tranfportent jufques
dans les nues pour en trouver les fources. Si vous
vouliez nous démontrer à ce fujet , que la mer &
les Cieux font également chargés de pourvoir aux
befoins de la terre , & que quelqu'un , après vous
avoir uniquement prouvé que les eaux de la pluye
ne fontrien moins que fuffilantes pour nous abreuver
, fe vantât d'avoir fait écrouler tout votre fyf
tême fur l'origine des fontaines , ne pourriez- vous
pas lui répondre qu'il a véritablement tari quelques-
unes de vos fources , mais que laiffant encore
couler toutes celles qui viennent de la mer , votre
fyftéme fubfifte dans fa plus grande partie ? Permettez-
moi de faire l'application de cet exemple
à mon fujet .
Mrs Dodart & Ferrein ont donné leur fyftéme
fur la voix ; j'ai crû que chacun d'eux , pris en
particulier , étoir infuffifant pour en expliquer tous
les phénomén s, parce que chacun n'admet qu'un
feul inftrument pour cet organe , quoique nous
ayons certainement deux voix d'une nature &
d'un fon abfolument different , à fçavoir le fon naturel
dont nous nous fervens dans la converfation,
& celui que les Muficiens appellent fauffet ; je
n'ai pas befoin d'invoquer le fecours de l'expérience
, pour convaincre qu'un feul & même inftru .
ment ne peut donner qu'un feul & même ſon qui
le caractérife ; le plus habile joueur de hautbois
tente.oit inutilement de joindre , à la gayeté des
MAR S. 1750. 149,
tons qu'il tire de fon inftrument , la tendreffe de
ceux que donne la feule flûte Allemande . Ces obfervations
me déterminerent à imaginer ma nouvelle
théorie phyfique de la voix , dans laquelle
j'ofai me flatter qu'il y avoit quelque chofe de
different de ce qui réfule des démonſtrations
qu'ont employées Mrs Dodart & Ferrein , parce
que ces illuftres Académiciens n'ont point entrepris
d'expliquer la caufe des deux voix que chacun
de nous a reçû de la Nature , fans en excepter même
les Dames , car celles qui font valoir les gra
ces du chant , s'apperçoivent bien que la voix
dont elles fe fervent pour faire les délices des
Concerts, eft bien differente de celle qu'elles employent
pour faire les charmes de la converſation .
Mais pour revenir à mon fujet , la voix étant ,
felon M. Thibaut , un inftrument à corde , & dans
mon fyftême cet inftrument étant le feul organe
de la voix que j'appelle luthée , ne peut- on pas
dire que cet Académicien a bien voulu préferver
des ruines de l'écroulement en queftion la plus
grande partie de mon fyftênie , puifque la voix
Iuthée eft beaucoup plus étendue que celle que
Pappelle organifée . Après cela je vous prie de me
dire fi mon fyftême s'eft entierement écroulé avec
celui de M. Dodart , ainfi que l'a prononcé M.
Thibaut. Je fuis de tout mon coeur , & c.
ii
150 MERCURE DE FRANCE.
Castoranicacava
V
LETTRE
A M. Remond de Sainte Albine.
Ous avez fait part au Public , Monfieur ,
dans le Mercure d'Août dernier , du jugement
que l'Académie Royale des Sciences avoit
porté fur l'art de M. Pereire , pour apprendre à
parler aux fourds & muets de naiffance . Comme
la fingularité & l'utilité de ce fyftéme intéreffent
également & le Sçavant & le Citoyen , j'espere que
vous voudrez bien inférer encore dans votre ouvrage
les deux piéces ci-inclufes , qui , je penfe , ne
déplairont pas aux Lecteurs. La premiere a été
écrite par M. Pereire , pour informer le Roi des
progrès de fon jeune Eleve, le 7 Janvier, jour dans,
lequel le Maître & le Difciple eurent l'honneur
d'être préfentés à Sa Majefté par M. le Duc de
Chaulnes. On a diſtribué la feconde à la Cour . Il eſt
à efperer que le Roi, dont les fentimens tendres &
compatiflans ne tendent qu'au bien de fes Sujets,
touché de l'état déplorable des fourds & muets ,
faifira l'occafion de leur affûrer à jamais l'inftruc
tion dans fon Royaume par l'établiflement , qui
fera affûrément honneur à la France , d'une nouvelle
Ecole , où M. Pereire fera obligé de former
des Maîtres qui pratiqueront & perpétueront fon
art & fa méthode ; ce fera une action digne de la
Majefté d'un Monarque auffi grand & aufli bienfaifant
que le nôtre . J'ai l'honneur d'être très- parfaitement
, Monfieur , votre , &c.
•
D. S.
A Paris , le premier Février 1750-
MARS. 1750 . 151
PRECIS des principales connoiffances
de M. d'Azy d'Etavigny , fourd & muet
de naiffance , que le Sr Pereire inftruit
depuis environ deux ans.
C'eft fur cet expofé que ce jeune homme a été interrogé
devant le Roi Monfeigneur le Dauphin , le
7 Janvier 1750 , & le lendemain devant Mesdames.
I
L prononce les lettres , les diphtongues , les
fyllabes , les mots , & lit de fuite , quoique
lentement , dans quelque livre François. Il est même
à remarquer que malgré les differentes prononciations
des lettres , qui de plus font fouvent
muettes , il ne s'y méprend que rarement .
Il récite plufieurs prieres par coeur.
Il cherche les mots dans un Dictionnaire .
Il nomme toutes les chofes dont l'uſage eft familier,
& leur donne l'article convenable.
Il cherche & lit dans un livre la page & la ligne
qu'on lui indique par écrit ou par l'alphabet manuel
de fon Maître .
Il exécute ce qu'on lui propoſe ou commande
par le même moyen , & commence même à comprendre
nombre de mots au mouvement des lévres.
Il répond verbalement & par écrit aux queſtions
familieres qu'on lui fait .
Il interroge fonvent , & demande fon néceffaire
à table & ailleurs.
Il parle à fon gré , haut , bas & en fauffer , &
obferve un peu les differentes modifications que la
voix exige dans l'interrogation , la réponte , & c.
Il lit dans la main de fon Maître , & écrit, quand
on le veut , ce que celui - ci lit dans un livre , &
G iiij
152 MERCURE DE FRANCE.
même toutes fortes de fommes & toutes fortes de
mots , quelque barbares qu'ils foient , pourvû
qu'un François puiffe les prononcer.
Il conjugue les verbes , & en dit féparément la
perfonne qu'on lui demarde , de quelque nombre,
tems & mode , qu'elle foit.
Il fait l'ufage convenable des pronoms , & fçait
fubftituer à leur place les noms qui leur font équivalens.
Quand on lui écrit & qu'on fait des fautes d'orthographe
ou de fyntaxe de concordance , il les
connoît pour l'ordinaire & même les corrige , f
on l'exige de lui.
fi
Il fe corrige lui même fouvent , lorſqu'il fe méprend
dans la prononciation ou dans l'écriture .
Il tourne les phrafes qu'il comprend , fans en
changer le fens , fuivant que les circonstances de
la perfonne qui parle , l'exigent.
Il fait les quatre régles d'arithmétique & réduit
en deniers , fols , livres , écus , louis d'or , quelque
fomme qu'on lui donne.
Il connoît fur la Carte & nomme les parties du
Monde , les principaux Royaumes de l'Europe ,
avec leurs Capitales , les Provinces & les Villes
principales de la France, & en indique la fituation..
Dans l'Histoire de France il fçait quelques traits
des plus remarquables , & la Généalogie du Roi
depuis Henri IV.
Il fçait le nombre & le nom des faifons & des
mois de l'année , des jours de la ſemaine , le quan
téme du mois . &c.
MARS.
153 1750.
RAISONS qni rendent intéreffante la
connoiffance publique de l'Art du Sieur
Pereire , pour apprendre à parler aux
fourds & muets de naiſſance .
*
Out le monde convient que les muets , en
fait de connoiffances métaphyfiques , font lest
plus ignorans de tous les hommes . ( Si quelqu'un
* On fuppofe ici que le Lecteur a vú l'approbation
de l'Académie Royale des Sciences fur ce fyfteme ;
voici cependant le plus effentiel de fon Jugement.
Nous trouvons , dit cette fçavante Compagnie , que
les progrès que M. d'Etavigny a faits en fi peu de
tems , prouvent très - fuffifamment la bonté de la
méthode que M, Pereire fuit dans fon inftruction ,
& démontrent la fingularité de fon talent pour la
pratiquer ; qu'il y a tout lieu d'efpérer que par ce
moyen les fourds & muets de naiffance pourront,
non-feulement prononcer & lire toutes fortes de
mots & comprendre la valeur de ceux qui défignent
des chofes vifibles , mais encore acquérir
les notions abftraites & générales qui leur manquent
, & devenir fociables , capables de raifonner
& d'agir de la même maniere que font les perfonnes
qui ont perdu par accident l'ouie après avoir
atteint l'âge de railon . Et plus bas ; pour conclufion,
Nous jugeons donc que l'art d'apprendre à lire &
à parler aux muets , tel que M. Pereire le pratique ,
eft extrêmément iingénieux , que fon ufage intéreffe
beaucoup le bien public, & qu'on ne fçauroit
trop encourager M. Pereire à le cultiver & à le
perfectionner.
On pourroit ajoûter encore à cela que l'exemple de
GY
154 MERCURE DE FRANCE.
>
en doute il peut voir là - deffus Mem . de l'Ac . des
Sciences de 1703 ; Leçons de Phyfique de M.
l'Abbé. Nollet tom. 31 ,, P. 441 ; Traité des
Sens de M. le Cat , p . 295 ,, & c. On a copié ces .
pallages à la fuite de cette piéce. ) Ces connoiffances
, renfermant celles de la Religion , paroiffent
auffi eftimables qu'elles font néceffaires.
Le nombre des muets eft beaucoup plus grand
qu'on ne s'imagine ; Paris feul en contient plus
de cent. Si on ajoûte à cette obfervation , qu'au
cune condition n'eft à l'abri de ce malheur , on
fentirá combien il est important & même néceſſaire
de rendre public Part du Sr Pereire & d'en pers
pétuer la méthode .
Le Sr Pereire ne peut inftruire à la fois que
trois , muets ; pour toute l'inftruction il faut au
moins quatre à cinq ans * ; il eſt très convenable
pour la meilleure prononciation , que ces enfans.
commencent à apprendre dès l'âge le plus tendre ;
par conféquent la multiplicité des Maîtres devient
abfolument néceffaire à celle des Eleves .
Si cet art eft une fois répandu , il donnera lieu à
de nouvelles découvertes. Il fera auffi d'une utilité
beaucoup plus étendue , qu'on ne penfe , pour ap
prendre à lire aux enfans ordinaires , corriger plus.
fieurs défauts de la prononciation , & c. L'alphabet:
manuel du Sr Pereire , incomparablement plus com
Mi d'Azy d'Etavigny , ainfi que l'Académie le dit
dans la même piece , eft le premier & le feul dout:
elle ait connoiffance ( pleine & entiere. )
Un an fuffit au Sr Pereire pour apprendre aux ·
muets à live & prononcer toutes førtes de mots, mais il
lui faut beaucoup plus de tems pour leur en donner
Pintelligence. Voyez fes Remarques lå - deſſus dans
le Mercure d'Août 1749,
MARS. 1750. 155
mode que l'écriture pour parler à fes Eléves ,feroit
encore d'un grand fecours pour les perfonnes
fourdes par accident .
Mémoires de l'Académie des Sciences ,
année 1703 , page 18 .
A Chartres , un jeune homme de vingt- trois à
vingt quatre ans , fils d'un Artiſan , fourd & muet
de naillance , commença tout - à- coup à parler ,
au grand étonnement de toute la Ville ; on fçut
de lui , que quelques trois ou quatre mois auparavant
il avoit entendu le fon des cloches , & avoit
été extrêmement furpris de cette fenfation nonvelle
& inconnue ; enfuite il lui étoit forti une efpece
d'eau de l'oreille gauche , & il avoit entendu
parfaitement des deux oreilles ; il fut ces trois ou
quatre mois à ecouter fans rien dire , s'accoûtumant
à répeter tout bas les paroles qu'il entendoit ,
& s'affermiflant dans la prononciation & dans les
idées attachées aux mots ; enfin il fe crut en état
de rompre le filence , & il déclara qu'il parloit ,
quoique ce ne fût encore qu'imparfaitement..
Auffi - tôt des Théologiens habiles l'interrogerent
fur fun état paffé , & leurs principales queftions
roulerent fur Dieu , fur l'ame , fur la bonté ou la
malice morale des actions Il ne parut pas avoir
pouflé les penfees jufques- là . Quoiqu'il fût né de
parens Catholiques ; qu'il affiftât à la Meffe ; qu'il
fût inftruit à faire le figne de la Croix & à fe mettre
à genoux dans la contenance d'un homme qui
prie , il n'avoit jamais joint aucune intention à
tout cela , ni compris celle que les autres y joignoient
; il ne fçavoit pas bien diftinctement ce
que c'étoit que la mort , & il n'y penfoit jamais.
Il menoit une vie purement animale.Tout occupé
G.vj.
156 MERCURE DEFRANCE.
des objets fenfibles & préfens , & du peu d'idées .
qu'il recevoit par les yeux , il ne tiroit pas même :
de la comparaifon de ces idées tout ce qu'il femble
qu'il en auroit pû tirer . Ce n'eft pas qu'il n'eût naturellement
de l'efprit , mais l'eſprit d'un homme
privé du commerce des autres eft, fi peu exercé
& fi peu cultivé , qu'il ne penfe qu'autant qu'il
y eft indifpenfablement forcé par les objets extérieurs
; le plus grand fond des idées des hommes
eft dans leur commerce réciproque.
Leçons de Physique de M. l'Abbé Nollet ,
tome 3 , pages 440 , 441 .
Il y a une très -grande difference à faire d'un
aveugle ou d'un fourd de naiflance , à celui qui a
vâ ou entendu jufquà un certain âge & qu'un accident
a privé de l'un de ces deux fens . Je n'ai pas
aflez médité ſur les regrets d'un homme qui fçait
qu'on peut voir & qui n'a jamais vû , pour les comparer,
à ceux d'un autre homme qui fçait qu'on
peut entendre & qui n'a jamais entendu, J'ignore
quelle et leur peine & de quel côté il y en a davantage
, mais à préfent que je fçais combien il eft
difficile de faire naître des idées à quelqu'un qui
n'entend point , & , de combien de connoiffances
divines & humaines , eft privé un homme qui n'a
pu avoir aucune éducation , j'aimerois mieux être
né aveugle que fourd . Je choifirois tout differem .
ment, fi connoiffant l'écriture & les autres fignes
communs à la focieté , il me falloit opter entre
Ponie & la vue ; de ces deux biens le dernier me
toucheroit davantage.
MAR S. 1750. 157
Traité des Sens de M. le Cat
pages 29.5 & 296.
Un fourd de naiffance eft néceffairement muet,
car pour parler il faut apprendre une Langue , &
pour apprendre cette Langue il faut entendre . On
fent bien que les fourds de cette espece font privés,
la plupart des avantages & des confolations qu'on
vient de remarquer dans les fourds ordinaires . Un
fourd de naiflance eft , ce me femble , beaucoup
plus malheureux qu'un aveugle né . Pour juger
de fa grande mifere , il ne faut que pefer ce que
valent à l'homme les lumieres de l'éducation dont
cette efpece de fourds eft . prefque totalement privée.
Nous avons dit qu'il y a plus de chofes à voir
dans le monde , qu'à entendre , mais en fait de
connoiffances il y a peu de vérités qui fe voyent ,
prefque toutes s'entendent ; il eft vrai qu'on par
vient à faire écrire & lire un fourd & muet , en
lui montrant , par exemple , une chandelle , & lui
écrivant ce mot , on lui fait fçavoir que c'eft- là le
caractére attaché à cette chofe , & toutes les fois
qu'on lui préfentera ce caractére , il penſera à
cette chofe . On lui apprendra de même les noms
de fes ainis ou plutôt les figures qui les défignent.
Mais qui ne fent pas combien cet art des figues eft:
borné fans le fecours des fons ? Vous ferez connoître
à un fourd & muet un grand nombre de
fubftantifs ou de noms de chofes , mais comment
lui ferez vous connoître toutes les qualifications
qu'on donne à ces chofes ? Comment lui ferezvous
comprendre les verbes , tous leurs modes ,
tous leurs tems ? Les connoiffances d'une telle efpece
d'hommes fe bornent aux chofes entierement
vifibles , & font par conféquent extrêmement li
misées , quelques foins qu'on fe donne pour les ;
15S MERCURE DE FRANCE.
les inftruire , & malgré leur fagacité naturelle à
deviner au moindre figue .
送洗潔洗洗洗洗洗洗洗:洗洗洗洗洗洗
DISSERTATION
Contre la Chambre noire de Newton ,
M. Gautier , Penfionnaire du Roi.
par
Newton , s' dans la chambre
Ewton , non - feulement s'eft trompé fur la
noire avec fon Priſme , mais il n'a pas même connu
l'incidence des rayons fur les furfaces refrin
gentes , qui caufe la convergence & la divergence
de ces rayons , d'où l'on conclura facilement que
le défaut de cette connoiflance lui a fait croire que
les rayons étoient colorés & par conféquent differemment
refrangibles .
Ce Philofophe nous dit que la colonne de lumiere
, qui paffe par le trou de la Chambre noire ,
contient plufieurs fimples rayons , qui font des faifceaux
de fept principaux faisceaux de rayons , dont
chacun porte en foi une couleur primitive , primordiale
, qui lui eft propre , & entend que les rayons
fimples tombant fur le prifme , refractent differemment
les fept faifceaux de rayons qui les compolent
& portent les differentes couleurs par leurs
differens degrés de refrangibilité . En forte que ce-
Jui qui eft violet eft plus refrangible & fe place au
haut de l'image , & celui qui porte le rouge eft
moins refrangible & fe place au bas de l'image ,
ainfi des autres .
Il faut oberver que Newton ne fait attention icf
ni auxfaces fupérieures & inférieures du prifme qui
MARS. 1750. 159
produilent l'image , ni à la façon dont ces furfaces
reçoivent les rayons, & comment elles les refrac
tent & les renvoyent fur l'image..
1°. J'ai oblervé dans mes expériences , que les
rayons qui entrent par le trou de la Chambre
noire fe croifent, & par conféquent tombent fur la
furface refringente fous des angles differens ; donc
ils doivent par cette feule railon être differem-.
ment refrangibles , & occafionner une convergence
au- delà du prifme, & par conféquent une divergence
au-delà du foyer. C'est ce que j'ai prouvé
dans mes expériences par des marques que j'ai po
fées au trou de la Chambre noire & aux furfaces
du prifme..
2. J'ai obfervé par les mêmes expériences, queles
rayons qui fe croifoient au delà du prifme , ne
changent pas les couleurs de l'image , & qu'elles.
font toujours les mêmes , quoique les rayons foient
changés par leur croiſement .
3°. J'ai obfervé qu'en regardant les couleurs de:
l'image lumineufe fur la muraille de la Chambre
noire à travers un autre prifme fous un même angle
de refrangibilité , elles changent de bleu en
rouge par leur afcenfion ou defcenfion , occafionnée
par les deux faces refringentes du prifme .
Si l'on fait mes expériences , on conviendra
qu'elles font vraies , & que le fyftéme de Newton:
n'eft pas
foutenable , & qu'il s'eft trompé dans fes
obfervations de la Chambre noire,faute de connoî
tre l'incidence des fimples rayons dont je viens de
parler, qui occafionnent les differens degrés de refrangibilité.
On peut voir mes expériences anti- Newtonionnes
& les obfervations que je fais contre celles de
Newton , dans ma Diflertation imprimée à Paris ,
chez Boudet , rue Saint Jacques , lous le titre de
160 MERCURE DE FRANCE.
Chroagenefie , que j'ai eu l'honneur de préfenter
au Roi ; de lire à l'Académie des Sciences , &
d'envoyer à toutes les Académies étrangeres .
Par mon nouveau fyftéme fur la Génération des
couleurs , je prouve la folidité de ma pratique , qui :
n'eft fondée que fur les deux couleurs PRIMITIVES,
qui font le blanc & le noir , & les trois couleurs
SECONDAIRES , qui font le bleu , le jaune & le rouge
, à laquelle j'ai donné le nom de gravure &
impreffion à quatre couleurs , puifque le blanc eft la
couleur du papier fur lequel j'imprime mes qua--
tre couleurs .
*
Par ma pratique j'ai combattu le Difciple ,
j'attaque préfentement le Maître ** par ma théorie
, & je fuis prêt à répondre aux Phyficiens qui
voudront détruire ma nouvelle découverte : au lieu
de parler en fecret , qu'ils me parlent en public.
Explication de la Planche qui démontre les
obfervations de cette Differtation .
FIGURE I ..
Cette figure repréfente la fixiéme expérience
de ma Chroagenefie , faite au Soleil & dans la
Chambre noire .
A B C , la coupe du prifme.
AC, la face inférieure & refringente du prifme.
D E, le Soleil ou l'ouverture de la Chambre noire .
F , fon centre .
DC , les rayons de la partie fupérieure du Soleil
ou de l'ouverture , qui fe portent à la partie inférieure
du prifme.
' E A , les rayons de la partie inférieure , qui ſe
croifent avec les précédens .
* Le Blond.. ** Newton.
་
MARS. 1750. 161
FG , & FB , les rayons qui fe réflechiffent de
la furface fupérieure du prifme.
HI , l'endroit où ils fe réfléchiffent & où ils
forment le violet , lorsqu'ils rencontrent le rayon
bleu.
B , I , L. , C , le faiſceau de rayons qui fort du
prifme & qui repréfente les couleurs fur l'image
oblongue de la muraille.
HM , la muraille .
Obfervation fur cette Figure.
DC , rayon qui donne le rouge par l'oppofition
de l'ombre fur la lumiere.
EA, rayon qui donne le bleu par l'oppofition.
de la lumiere fur l'ombre. *
CL, refraction du rayon C D , qui continue de
donner le rouge , par l'oppofition pareille à celle
qui fe fait en DF.
A I , refraction du rayon E A , qui continue de
donner le bleu , par l'oppofition égale à celle de
E E.
FIGURE II.
Cette figure eft pour les obfervations de cette
expérience.
A B C , le prifme .
DC , & EA, les pareils rayons du Soleil , com
me à la figure ci - deffus..
AO, & CP , leur refraction à la plus grande
diſtance , où les objets font renverſes-
* Dans ma Chroagenefie je démontre comment
fe font ces oppofitions d'ombre de lumiere , qui feules
occafionnent par transparence toutes les couleurs pu
Tes &fecondaires.
162 MERCURE DE FRANCE.
I, l'objet renverfé entre les rayons O & P fur
l'image lumineuse.
M, o , p , N , la diftance où l'objet difparoît .
m, o , p , n , la plus proche diftance où l'objet
fe trouve droit.
T , l'objet pofé fur le prifme entre A & C , fur
la face refringente inférieure.
Obfervation fur cette Figure .
DC , le rayon du Soleil qui porte le rouge.
Cpp , la refraction qui porte la même couleur.
P P ,la continuation de ce rayon , qui donne le
bleu fur l'image , au lieu du rouge qu'il donnoit
en pp , par une oppofition differente , puifqu'il
fe renverfe après le croiſement qui fe fait en po ,
& qu'il devient fupérieur .
EA, le rayon du Soleil , qui porte le bleu .
A , o o , la refraction de ce rayon , qui continue
la même couleur.
o O , la continuation de ce rayon , qui donne
le rouge au lieu du bleu , comme le précédent
donne le bleu au lieu du rouge , ce qui prouve
fort clairement que le même rayon non - feulement
le renverse à fon foyer par le prifine , mais
qu'il change encore de couleur lorsqu'il eft differemment
oppofé , comme en o O , & en P p.
*
FIGURE III.
Sur les mêmes expériences , que l'on regarde
les couleurs de l'image lumineuse avec un autre
prifine , comme QRS , par la face fupérieure
R. S.
Pn, le rayon qui part du bleu de l'image lu
mineufe .
ON, celui qui part du rouge de cette image.
H
Planche IV.
Fig.
I
M
F
M
m Fig.2
0
B
n
N
Fig 3 %R
S
MAR S. 1750. 163 .
la
r X , & tx , leurs refractions qui donnent une
autre couleur , parce que les rayons paffent par
face fupérieure du prifme.
Xs , Xu , le renversement des rayons occafion.
é par le cristallin , qui redonne au fond de la
Retine la même couleur que celle de l'image .
· Z , l'oeil . X , l'iris. su , la retine . *
"
Nota. Si l'on regardoit avec la face inférieure
comme j'ai dit dans mon obfervation , on verroit ,
iu point O de la feconde figure , le rouge au lieu
lu bleu , & au point P , le bleu au lieu du rouge.
Obfervation fur cette Figure.
Cette expérience prouve que les rayons d'ombre
de lumiere changent de couleurs autant de fois
qu'ils fe refléchiffent differemment l'un fur l'autre ,
& par conféquent ceux qui font reçûs fur notre
Cornée ou fur notre iris par les refractions du prifne
, changent de couleur dans notre retine , par
eur renversement.Cela eft fi vrai que fi vous faites
affer les rayons de lumiere par un double prifme
t par les mêmes faces , les couleurs feront les mênes
fur la muraille , & elles feront oppofées , fi les
ices de ces prifmes font oppofées ; au contraire fi
ous regardez par le fecond prifme les couleurs
e l'image , & que les rayons paffent par les faces
gales , les couleurs qui le peignent dans la retine
u lieu de la muraille , feront oppofées , & fi vous
gardez par les faces oppofées , les couleurs feront
zales , ce qui détruit entierement le ſyſtéme de
ewton..
* Dans cettefigure je n'ai pas démontré exactement
route des rayons dans les differentes humeurs de
eil ; cela demande une figure particuliere.
164 MERCURE DE FRANCE .
Les mots de l'Enigme & des Logogryphes
du Mercure de Février font Lanterne ,
Métamorphofe , Chapeau & Corfet. On
trouve dans le premier Logogryphe , or ,
Aftree , Tros , rapt , Orphée , Herſe , Atropos
, Atrée , Pô , Mérops , Octa , Métra ,
Prothée , Rhée , Mars , Erato , pomme , Mor
phée & mort. On trouve dans le fecond
peau , eau , chape & cape. On trouve dans
le troifiéme cor , or , Roc , Corfe , rofe ,fort
& fot.
ENIGM E.
R Eduite à la captivité ,
Dès le moment de ma naiſſance y
Une étroite prifon retient ma liberté ,
Sans avoir aucune espérance
De pouvoir jamais en fortir.
Quoique la porte en foit ouverte
Souvent , & que je veuille agir ,
Pour pouvoir recouvrer ma perte,
Tous mes efforts font inutils.
Malgré moi , je ſuis arrêtée ,
Et certain nombre d'alguafils
De ma prifon ferme l'entrée
MARS. 165
1750 .
Vivante dans l'obscurité ,
i quelquefois je veux jouir de la lumiere ,
ar mon géolier d'abord cela m'eft accordé,
A la plus petite priere.
Dans un filence très - profond ,
En deux , ma garde fe divife ,
En formant prefque un petit rond :
Alors le jour me favorife.
Malgré les chaleurs de l'été ,
Lorsqu'on tient ma prifon fermée ,
quoiqu'au faite d'un bâtiment logée ,
Je fens toujours l'humidité .
Lecteur , enfin , tel eſt mon fort ;
près avoir vêcu toujours emprifonnée ,
- dois encore , hélas ! felon ma deſtinée ,
Etre captive après ma mort,
J
LOGO GRYPHE.
E fuis , Lecteur , un ornement utile ;
A la Cour , comme à la Ville ;
a couleur n'eft pas fixe , & je change fouvent ;
Selon le goût , & l'agrément.
ne fçais trop de qui je tire l'exiſtence ,
Ou de la mode , ou de la bienséance ;
Huit lettres compofent mon nom .
uferme un animal , utile au Vigneron ,
t
166 MERCURE DE FRANCE.
Et qui lui rend de grands fervices.
Chofe que l'on employe au haut des édifices .
Ce qu'un Bréteur a foin de bien choisir.
L'être qui feul a droit de former un defir .
La demeure que Mars affigne au militaire ,
Pendant le cours d'une trop longue guerre,
Ce qu'on retranche au Noble accufé de forfait.
La faifon que Cerés comble de fes bienfaits.
Me devines-tu ? Non. Pourfuivons , & peut -être,
Je vais mieux me faire connoître.
J'oppofe un voile épais aux regards curieux ;
J'irrite les voluptueux .
Si ce voile que j'offre eft plus ou moins nouveau
Il eft auffi plus ou moins beau.
Sans doute qu'à ces traits je ne fuis plus miſtére
Si je le fuis , à moins de te faire un tableau ,
Je ne puis te tracer une énigme plus elaire .
J
AUTRE.
E donne lieu fouvent à des amuſemens :
Souvent auffi je ſuis de grande conféquence ;
Et ne fuis rien en apparence.
Il naît de moi de fâcheux contre - tems ,
Et je détruis la meilleure eſpérance.
Lecteur , qui veux me deviner
Je vais te mettre à la torture.
Si tu fçais l'art de combiner ,
MARS. 167 1750.
Tu trouveras dans ma ftructure
Ue fort mauvaiſe monture .
Un mal abborré de tout tems.
La faifon qui fuit le printems ,
Et ce dont a befoin chaque chofe pour naître .
Ce qu'un convié gourmand , d'un air gai , voir paroître.
Un Dieu , l'appui des Souverains ,
Et qui feconde leurs deffeins.
L'élement à qui Dieu prefcrivit des limites.
Un endroit renommé par fes plaifirs divers ,
Lieu qui reçoit de nous de fréquentes vifites.
La grace d'un difcours en profe comme en vers.
Ce qu'ont fans ceffe en main les forçats de
Galére .
Un nom , que fait porter le plaifir conjugal.
Ce que maint feptuagenaire
Voudroit pouvoir changer contre un riche métal
Une riviere en Portugal.
Je ne finirois point , fi je voulois m'étendre
Sur un mot qui ne peut tarir .
Comme mon but eft de te divertic ,
Je ne dirai plus rien ; tâche de me comprendre.
D
AUTRE.
'Un mortel qui fe livre aux faveurs de Morphée
,
Je fuis propre , Lecteur , à troubler le repos ,
Et c'eft le plus fouvent affez mal à propos
168 MERCURE DE FRANCE.
Que je lui fais fentir ma vapeur échauffée . '
Neuflettres font mon tout en le décomposant
L'on peut voir un Poëte : une Ville lointaine :
Deux poiffons : un humain que fouvent on enchaîne
;
Tout l'oppofé du bien : certain acier tranchant :
Deux élemens : un rat : trois notes de muſique :
Une machine en méchanique :
Une efpéce d'étoffe : un Prince d'Ifrael ,
Lequel dans un banquet eut un foit très- cruel :
Le nom commun de certaine boutique :
Un corpufcule : un châtiment :
L'effence deſtinée à fe voir bienheureuſe :
Une chauffure : une pierre poreufe :
Un mets trois Saints : un inftrument
Du vêtement une partie :
Ouvrage de ferrurerie :
Hommage qui n'eft dû qu'à la Divinité :
L'endroit où l'on lui facrifie :
De quelques animaux forte de maladie :
Ecrit commun dans la focieté :
Terme de jeu titre honorable en France : :
Le mortel qui de tout garde mieux le filence :
Au chef humain ce qui fert de pivot ;
Une pièce d'argent : une bête de charge :
Ce qu'on fouhaite en mer , lorfqu'on gagne le
large :
Chofe funefte à plus d'un matelot :
E
Epithete
MARS. 1750 169
. Epithéte piquante , & propre au petit - maître :
Le doux produit d'un heureux numero :
Un animal auffi gourmand que traître :
Une pipe fauvage , & certain amas d'eau ;
En voilà bien affez , Lecteur › pour me connoître.
Brunet , de Dijon.
AUTR E.
Aux voyageurs , aux mariniers ;
Je fuis d'un finiftre préfage.
Je fais bien du chemin avec fort peu de
pieds.
Le dernier , joint aux deux premiers ,
De moi te donne encor une nouvelle image :
Par une autre combinaiſon
Je puis produire à tes yeux une Ville
Le pere de chaque faifon :
Un être bienheureux : un animal docile :
L'art propre à la macreufe , au canard , au poiffon
:
Ce qui fuit fans retour ; un vaiffeau fort utile
Au travail de maint artiſan :
Enfin une mefure : un nombre : un élement;
Par le même.
H
170 MERCURE DE FRANCE.
AUTRE.
LEêteur , je porte dans mon fein
L'air , la mer , la ſoif & la faim ;
Rome , Siam , Riom , Reims , orme
Sem , Remi , Méri , Mars , os , forme ,
Emir , Jo , More , ombre , Omer,
Ia , mari , braiſe , or , amer ,
Marie , ofier , Maire , ambre , foie ,
Brâme , fraife , if, ame , rime , oïe ,
Rofe , frimats , Roi , fabre , ami ,
Rame , ambre , mors , fi , ré , fa , mi.
Par le même.
NOUVELLES LITTERAIRES ,
DES BEAUX - ARTS , &c.
'ART DU THEATRE. A Madame *** . Par
L'françois Riccoboni. A Paris , chez Simon , fils ,
Imprimeur de la Reine & de l'Archevêché , &
Giffart , fils , Libraire , rue Saint Jacques , à Sainte
Theréle 175 Avec Approbation & Privilége du
Roi. In 8 °. pp. 102. Prix 1 liv. 10 f. broché.
Dans tous les tems , il a été permis d'exercer fa
plume fur des fujets déja traités . Mais juſqu'à préfent
on avoit rarement ufé de cette.liberté pour les
ouvrages des Auteurs vivans. Cependant M. Remond
de Sainte Albine, fur cet article , n'a point à fe
plaindre de M. Riccoboni. En hafardant les réflexions
fur l'Art de repréfenter les ouvrages drama.
MAR S. 1750 . 171
tiques , M. Remond avoit invité lui - même les Ecrivains
, qui croiroient pouvoir ajouter quelques
vues aux fiennes , à ne point priver le Public
de leurs lumieres . D'ailleurs M. Riccoboni dans un
avant-propos avertit que fa brochure étoit compofée
ily aplusieurs années.
Par cette expreffion , il y a plufieurs années , on ne
doit au refte entendre d'autre époque que l'année
1747 , dans laquelle parut la premiere édition du
Livre du Comédien. Il eft vrai que peu de jours après
que ce Livre eut été mis en vente , M. Riccoboni
annonça à diverfes perfonnes un Traité de lui fur
la même matiere & fous le même titre . Il eft vrai
auffi , qu'il lut à quelques amis un ouvrage fort
court en forme de Lettre , dans lequel alors il ne
s'agiffoit prefque que du gefte & de la voix . Son
deffein étoit d'abord de publier cette Lettre telle
qu'elle étoit. De toutes les raifons qui l'ont déterminé
à la garder fi long- tems dans fon porte
- feuille , il ne communique que celle - ci aux
Lecteurs. » Quand on fe donne , dit - il , pour
Précepteur dans un Art que l'on exerce , ilfemble
toujours aux efprits malins , que l'on cher-
» che à fe donner pour modéle..... Maintenant
>> que la foibleffe de ma fanté m'oblige à quitter le
» Théatre , je n'ai plus rien à ménager de ce côtélà.
Dans cette fuppofition , n'eût il pas été plus
fage d'attendre , pour faire paroître fa brochure ,
qu'il eût abfolument renoncé à la profeſſion
ל כ
Ordinairement un Auteur qui traite de nouveau
une matiere , fur laquelle d'autres ont travaillé ,
cite avec une exactitude fcrupuleufe ceux qui ont
couru avant lui la même carriere. C'eft tout ce
qu'auroit pu faire M. Riccoboni de fe difpenfer de
cer ufage , fi le Livre de l'Art du Théatre eût fuivi
de près celui du Comédien. Il est donc affez furpre-
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
nant que M. Remond de Sainte Albine ne foit nulle
part nommé par notre Auteur. Il l'eſt encore beaucoup
plus que ce dernier , après qu'on a publié
deux éditions d'un ouvrage , dont le fien pour
plus grande partie n'eft que l'abregé , avance que
perfonne n'a encore enfeigné aux Acteurs les principes
de leur Art. *
la
M. l'Abbé de la Porte , dans l'une des dernieres
feuilles de fes Obfervations fur la Littérature moderne
, T 2 , p. 233 , a luffisamment relevé la fingu .
larité de cette propofition . Il auroit pû remarquer
qu'il étoit extraordinaire qu'elle eût paffé à la cenfure,
furtout l'Art du Théatre,& la feconde édition
du Livre du Comédien , ayant eu le même Examinateur,
Quoique l'ingénieux Critique , dont nous venons
de parler , ait analité la brochure de M. Riccoboni,
nous en tracerons ici une legere efquifle , en faveur
des perfonnes qui ne font pas à portée de lire
tous les ouvrages périodiques . M. Remond , petfuadé
que la nature & l'Art doivent concourir éga
lement à former les bons Comédiens , s'eft autant
étendu fur les qualités qu'ils doivent tenir de l'une ,
que fur les fecours qu'ils doivent emprunter de
l'autre. Son Abbréviateur ne dit prefque rien des
avantages naturels qui leur font néceffaires. Au
Jieu que le premier a paffé legérement dans fon
ouvragefur tout ce qui ne pouvoit intéreffer ni l'eſ.
prit ni le coeur , le fecond fait entrer dans le fien
plufieurs détails , tels que ceux-ci : Pour avoir bon
* Eft- ce une excufe pour M. Riccoboni , que de
dire qu'il avoit commencé d'écrire ſa brochure avant
que le Livre du Comédien parût › Puiſqu'elle n'a été
imprimée que long- tems après , il pouvoit, enfe retracant
, fe faire pour le moins autant d'honneur qu'à M,
de Sainte Albine.
MARS. 1750. 173
•
air , il faut fe tenir droit , mais non pas fe tenir trop
droit.... On ne doit point plier de la ceinture , ni tenir
Peftomach & la poitrine roides .... Il eft de mauvaiſe
grace de porter un bras fort haut , & d'étendre l'autre
au long de la hanche ... Si l'on veut montrer du
respect ou de l'attendriffement , il convient defe courber
de la poitrine , fans craindre de groffir fes épaules .....
Lorfque vous etes gêné par votre habit , ne baiffez que
La tête....Voulez- vous élever un bras ? Que la partie
fupérieure , c'est - à - dire , celle qui prend de l'épaule au
zoude , fe détache du corps la premiere ... Pour redef
cendre , la main doit tomber d'abord , les autres
parties du bras la fuivre dans leur ordre .... On doit
encore faire attention à faire toujours fentir le pli du
coude & du poignet ...
A l'égard des parties qui conftituent la vérité ,
la fineffe & l' grément du jeu , foit Tragique , foir
Comique , le nouvel Auteur donne quelques principes
, fans doute utiles , & qui ne peuvent être
conteftés , mais qui ont été beaucoup plus approfondis
dans le Livre de M de Sainte Albine.
M. Riccoboni en onret plufieurs autres , que M de
Sainte Albine a pris foin de développer , & qui four
très- importans.
Sur certains points ces deux Ecrivains font d'avis
extrêmement oppofés. Selon M. de Sainte Albine ,
files Acteurs veulent nous faire illufion , ils doivent
fe la faire à eux - mêmes : il faut qu'ils s'imaginent
être le perfonnage qu'ils repréfentent : il
faut que cette erreur paffe de leur efprit à leur
coeur , & qu'en plufieurs occafions un malheur
feint leur arrache des larmes véritables . M. Riccoboni
appelle cette opinion une erreur brillante. I
foutient que c'est un malheur pour des Comédiens de
reffentir véritablement ce qu'ils doivent exprimer , &
il effaye de prouver une doctrine fi neuve , par le
Hi
174 MERCURE DE FRANCE.
raifonnement fuivant. » Dans un endroit d'atten
» driffement , vous laiffez -vous emporter au fenti-
» ment de votre rôle ? Vorte coeur fe trouvera tout
» à coup ferré , votre voix s'étouffera preſque en-
» tierement ; s'il tombe une feule larme de vos
" yeux , des fanglots involontaires vous embarraſ
»feront le gofier , il vous fera impoffible de pro-
» ferer un feul mot fans des hocquets ridicules. Si
» vous devez alors paffer fubitement à la plus
» grande colere , cela vous fera- t'il poffible ? Oui ,
répondrons -nous . Cela fera , fans doute , difficile
pour des Acteurs médiocres , mais cela ne le fera
point pour les grands Acteurs. Comme une cire
molle , qui fous les doigts d'un fçavant Artiſte
devient fucceffivement une Sapho ou une Medée
, leur ame fçait le prêter rapidement aux
differentes métamorphofes qu'exige le jeu théatral
. Tous les jours la nature nous montre ces
paffages fubits . Pourquoi l'Art ne pourroit- t'il
en cela l'imiter ?
>
M. Remond avoit compté , au nombre des diverfes
espéces de monotonie , l'habitude de baiffer la
voix à la fin de toutes les phrafes. Il eft contredit
fans ménagement par M. Riccoboni , qui oubliant
en cetteoccafion , qu'il ignore que le Livre du Comédien
exifte , rapporte en lettres italiques les propres
paroles de M. Remond. Croit-on , demande
22 M. Riccoboni , que ce ne foit pas une monotonie
>> de finir toutes les phraſes en l'air ? Nous lui demandons
à notre tour , fi l'on doit conclure de ce
que c'est une monotonie de finir toutes fes phrafes en
l'air ,
יכ
, que ce n'en eft pas une de baiffer la voix à
la fin de toutes les phraſes .
Pour ne pas abufer de la patience des Lecteurs ,
nous ne parcourerons point toutes les autres differences
qui diftinguent les deux ouvrages . Nous
M. A RS.. 1750. 175
ajouterons feulement que leur marche n'eft pas la
même. M. Riccoboni difcute les matieres , felon
que le hazard les lui préfente . Elles fe font offertes
à lui dans l'arrangement que nous allons voir..
Le gefte , la voix , la déclamation , l'intelligence ,
l'expreffion , le fentiment , la tendreffe , la force , la
fureur , l'enthousiasme , la nobleffe , la majesté , la
Comédie , les Amans , les caractéres , le bas comique ,
les femmes , le plaisant , le jeu muet , l'ensemble , le
jeu de Théatre , le tems , le feu , llee cchhooiixx ,, lapratique
, la Chambre , l'Académie , le Bareau , la Chaire,
Le Théatre. Nous copions ici les titres des fommaires
qui compofent la brochure.
Bien loin de vouloir contribuer à la faire tomber
dans l'oubli , nous en confeillerons la lecture
aux Acteurs , qui n'ayant point eu d'éducation ,
ont befoin de régles pour le méchaniſme de l'action
& de la contenance . Cette lecture , même
par rapport à quelques parties de l'Art plus
nobles & plus intéreffantes , peut avoir auffi fon
utilité pour les Comédiens que la nature n'a pas
doués d'une intelligence fort fupérieure. Moins
ils auront d'efprit , mieux ils feront de ne pas le borner
à l'étude du Traité de M. Remond de Sainte Albine,
& de la faire précéder par celle du petit Traité
de M. Riccoboni . Le Comédien leur fournira plufieurs
réflexions qu'ils ne pourroient puifer dans l'Art du
Théatre. D'un autre côté , ils puiferont dans l'Aro
du Théatre quelques notions préliminaires , qui les
mettront en état de lire avec plus de fruit le
Comédien.
HISTOIRE de Tom Jones , ou L'ENFANT TROUVE'.
Traduction de l'Anglois de M. Fielding. Par
M. D. L. P. Enrichie d'Eftampes par M. Gravelot.
A Londres , chez Jean Nourse , 1750. Quatre volumes
in- 12. Tome 1. pp . 336. Tome 2. pp. 341 .
Hiiij
176 MERCURE DE FRANCE.
Tome 3 : pp. 282. Tome 4. pp . 341. Prix 8 liv
broché.
+
Si l'on en croit l'Epitre Dédicatoire , adreffée
par M Fielding à l'un des Commiffaires de la
Tiéforerie de la Grande Bretagne , la Religion &
la Vertu font par tout fcrupuleusement respectées dans
cette fiction , & les Lecteurs n'y verront rien de contraire
aux plus fevéres Loix de la décence , ni qui
puiffe offenfer l'imagination la plus délicate . Il faut
fuppofer que M. Fielding entend ici par vertu ,
non l'obfervation rigoureufe de tous les préceptes
dictés par la morale Chrétienne , mais feulement la
pratique des principaux devoirs preferits par la
justice & par l'humanité. Autrement les mouts
peu regulières du Héros de ce Roman donneroient
le droit de reprocher à l'Auteur , qu'il ne remplit
pas exactement la premiere de fes promeffes.
Pour ne pas l'accufer de manquer à la ſeconde , il
eft néceffaire de fe tranfporter chez la Nation ,
pour laquelle il a écrit . En France , les femmes feront
bleffées des infidélités fréquentes que Tom
Jones fait à fa maîtreffe , & les peres & meres
s'éleveront contre la hardieffe , avec laquelle Mifs
Western abandonne la maifon paternelle pour le
conferver à fon amant . En Angleterre , on eft
moins rigorifte . Chaque pere & mere , à Londres
comme à Paris , defireroit de n'éprouver jamais de
la part de les enfans aucune réfiftance à fes volon
tés , mais l'amour des Anglois pour la liberté les
rend en général plus difpofés que nous à ne point
regarder comme criminelle la défobéiffance d'une
fille , lorfqu'elle ne peut obéir à fon pere , fans
fe rendre malheureufe . Une Angloife ne pardonnera
pas plus qu'une Françoife l'inconftance à fon
* M. Georges Littleton.
MARS. 1750. 177
amant , mais elle lui pardonnera plus facilement
une infidélité paffagere. En général , les Angloifes
font plus jaloufes des fentimens ; les Françoifes le
font plus des actions . Peut- être M. de la Place ,
Traducteur de ce Roman , auroit - il dû mettre fous
les yeux du Lecteur , dans un Difcours Préliminaire
, les réflexions que nous hafardons ici , afin
de prévenir les objections que certains cenfeurs feront
à M. Fielding.
L'analife d'un auffi long tiffu d'évenemens que
l'Hiftoire de Tom Jones occuperoit trop de place
dans ce Recueil . Nous nous contenterons de donner
à cette ingénieufe fiction tous les éloges qu'elle
mérite. Depuis long- tems , on n'en a vû aucune
ou les principaux perfonnages fuffent plus
aimables & plus intéreffans , les perfonnages épifodiques
mieux liés à l'action principale , les ca-
Factéres plus également foutenus , les incidens plus
habilement préparés , & naiffans plus naturellement
les uns des autres. Mifs Western eft une fille
vraiment admirable . Jones , tout libertin qu'il eft ,
s'attache tous les coeurs fenfibles par fa candeur,
fa générofité , fon humanité , fa reconnoiffance
pour fon bienfaiteur , fa tendreffe compatiffante
& toujours fecourable pour les malheureux . Le
nom d'Alworthy , qui en Anglois fignifie bon par
excellence , ne peut être porté par perfonne à plus
jufte titre que par l'oncle refpectable de Jones . Le
caractére de Blifil , en oppofition avec celui de
PEnfant Trouvé , offre un merveilleur contraite ,
& eft traité avec un art fingulier . Il n'y a pas
moins d'adreffe dans l'emploi que l'Auteur fait de
fes autres perfonnages , & quoiqu'ils foient en
grand nombre , tous , à l'exception d'un feul , font
néceffaires à l'action. Sancho Panfa a donné à M.
Fieldingl'idée d'un certain Patridge , qui à la vé
Hv
178 MERCURE DE FRANCE.
rité n'eft pas auffi agréable que l'Ecuyer de Don
Quichotte , mais qui cependant peut avoir de quoi
plaire aux Anglois,
Nous ignorons s'ils ont approuvé le parti que
l'Auteur a pris d'imiter la maniere de Michel Cervantes
, de Scarron & de le Sage , dans les titres de
fes chapitres , Pour nous , il nous paroît , qu'autant
elle convient dans des fictions deftinées uniquement
à rejouir , autant elle eft déplacée dans
un ouvrage dont l'objet principal eft d'intéreffer .
M. de la Place a confidérablement abregé ce
Roman , qui dans la langue originale compoſe fix
volumes. S'il fuit notre confeil , il fera encore quelques
retranchemens , lorfqu'on donnera une feconde
édition de fa Traduction . Dans une Lettre
qu'il écrit à M. Fielding , il juftifie ainfi ceux qu'il
a faits. » Vos plus aimables Angloiſes , dont l'in-
» tention n'eft pas de traverfer la France comme
» des Metéores , celles , en un mot , qui ont def-.
» fein d'habiter quelque tems parmi nous , ne
» prennent-elles pas l'ajuftement de nos Françoifes
? Ne joignent- elles pas à leurs charmes naturels
toutes les graces & tous les ornemens à la
>> mode d'une Nation à qui chacune d'elles ,
» quoiqu'elles en difent , eft fecrettement flattée
de plaire ? D'après cette réflexion , & M. Fielding
, ai -je dit , avoit écrit pour les François , il
eût probablement fupprimé un grand nombre de
paffages très-excellens en eux -mêmes , mais qui
leur paroîtroient déplacés. Une fois échauffés
» par l'intérêt réfultant d'une intrigue pathétique
» & adroitement tiffue , ils fupportent impatiem-
ככ
גכ
ment toute efpéce de digreffions , de Differta-
»tions , ou de Traités de morale , & regardent ces
» ornemens , quelque beaux qu'ils foient , comme
» autant d'obſtacles au plaifir dont ils font em
MARS. 1750 179
preffés de jouir . J'ai fait ce que l'Auteur eût fait
» lui - même.
Il eft bien difficile qu'un ouvrage d'agrément
ne perde toujours quelque chofe à être traduit.
Par exemple , un perfonnage nommé FitsPatrick
que M. Fielding introduit dans fon Roman , & qui
mêle continuellement dans fes difcours la Langue
Irlandoife avec l'Angloife , a pour les Anglois un
piquant qu'il n'a point pour nous. Du moins M.
de la Place a t'il confervé à fon original la plupart
des graces qu'il a pû faire paffer dans la Traduction
. Elle n'eft pas écrite tout à fait correctement ;
mais bien loin de reprocher au Traducteur quel
ques négligences de ftyle , on doit être furpris qu'il
n'en ait pas laiflé échapper un plus grand nombre
n'ayant employé qu'environ cinq mois à un travail
de fi longue baleine.
Les deffeings que M. Gravelot a fournis pour les
Estampes dont cette édition eft ornée , auroient
bien mérité d'être exécutés par nos plus habiles
Graveurs.
TABLES Alphabétique & Chronologique des Piéces
repréfentées fur l'ancien Théatre Italien , de .
puis fon établiffement jufqu'en 1697 qu'il a été
fermé , avec des Remarques fur ces Piéces , & une
Table Alphabétique des Auteurs qui ont travaillé
pour ce Théatre. Ouvrage dédié à Meffieurs les
Premiers Gentilshommes de la Chambre . A Paris,
chez Prault , pere , Quai de Gefvres ; la veuve
Piljot , Quai de Conty , & les Libraires du Palais
Royal , 1750. In - 8 ° , pp . 116. Prix 1 liv. 16 f.
M. du Gerard , à qui l'on eft redevable de ces
Tables , donna en 1737 une Carte qui contenoit
une Table Chronologique des Opéra & des Ballets
repréfentés fur notre Théatre Lyrique. Il fic
la même chofe l'année ſuivante pour les Piéces du
Hvj
180 MERCURE DE FRANCE.
nouveau Théatre Italien. On approuva , dit- il ;
fon travail , mais on trouva les Cartes embarraſ
fantes . C'eft ce qui a déterminé l'Auteur à pren
dre pour l'exécution de fon idée une forme plus
commode. Il fe propofe , fi l'effai que nous annonçons
de lui fur l'ancien Théatre Italien , &
dans lequel il a fuivi fon nouveau plan , eft reçu
favorablement du Public , de publier bientôt dans
la même forme fes recherches fur les autres Théa
tres .
A la tête de ce volume eft un Abregé hiſtorique ,
concernant les differentes Troupes de Comédiens
Italiens , qui ont paru en France jufqu'en 1652 .
Aucune n'y a eu d'établiffement fixe . La plus ancienne
, dont on ait confervé la mémoire , arriva
de Venise en 1577 , fous le Regne de Henri III.
& elle joua à Blois dans la Salle des Etats . Il vint
ici une autre Troupe en 1584 , & une troifiéme en
1588. Henri IV . en revenant d'une expédition
qu'il avoit faite en Savoye , amena avec lui une
nouvelle Troupe de Comédiens Italiens , qui felon
leur coûtume s'en retournerent peu de tems après
dans leur pays. Quelques autres Troupes fuccederent
à celle- ci pendant le Regne de Louis XIII.
Enfin lors de la minorité de Louis XIV . le Cardinal
Mazarin fit venir en 1652 les Comédiens Italiens
, prédéceffeurs de ceux d'aujourd'hui , & ce
font les premiers qui ayent été arrêtés au ſervice du
Roi avec penfion. Ils occuperent feuls jufqu'en
1658 l'Hôtel du petit Bourbon , qu'ils furent obli
gés enfuite de partager avec la troupe de Moliere.
Cet Hôtel ayant été démoli en 1660 , ils pafferent
à l'Hôtel de Bourgogne , où ils jouerent alternativement
avec l'ancienne Troupe Françoife , qui
depuis quatre- vingt cinq ans étoit en poffeffion de
ce Théatre. En 1680 , la Troupe Françoife de
MARS. 1750. 181
l'Hôtel de Bourgogne fut réunie à celle de Guenegaud
, & par ce changement les Comédiens Italiens
refterent feuls maîtres de cet Hôtel . L'imprudence
qu'ils eurent de jouer une Piéce , intitu
lée la fauffe Prude , leur attira l'indignation de
Louis XIV . & leur Théatre fut fermé par ordre de
ce Prince au mois de Mai 1697 .
-
Les recherches de M. du Gerard fur les Comédies
repréfentées par ces Acteurs , ne lui ont fait
découvrir que foixante quatre Piéces. Il a recueilli
fur chacune ce qui en a été dit dans les Mercures
, dans la Bibliothèque des Théatres , & dans
quelques autres ouvrages . Au jugement que les
Ecrivains qui l'ont précédé , en ont porté , il
joint fes propres remarques , & quand cela fe peut ,
il juftifie fon fentiment par l'extrait de la Comédie
qu'il loue ou qu'il critique , ou du moins par celui
des Scénes qu'on en a confervées.
›
Dans la Lifte des Auteurs qui out travaillé pour
Pancien Théatre Italien , on ne trouve que les
noms de Meffieurs Regnard , Palaprat , du Frefny,
le Noble , Lofme de Montchenay , Fatouville , Hou
dart de la Mothe , Boisfranc , Mongin & Gherardi.
11 eft affez étonnant que M. du Gerardin'ait pas
trouvé moyen de donner plus d'étendue à fon Čatalogue
. Il nous femble avoir entendu parler d'un
Abbé de Silvacane qui a compofé plufieurs Piéces ,
tantôt feul , tantôt avec Fatouville. En cherchant
avec foin , on découvriroit furement quelques autres
Auteurs.
Un article que M. du Gerard ne nous donne pas,
nous intérefferoit plus que ce qu'il nous a donné ,
Ce feroit les noms des differens Acteurs qui one
joué fur l'ancien Théatre Italien , les anecdotes
particulieres qui les concernent , & des remarques
fur leurs talens.
182 MERCURE DE FRANCE.
LA CLEF des Sciences & des Beaux- Arts , ou la
Logique , dédiée à Monfeigneur le Dauphin , par
M. Cochet , Ex- Recteur de l'Univerfité de Paris ,
Licentié en Théologie , de la Maiſon & Société
de Sorbonne , & Profeffeur Emérite de Philofophie
au Collège des Quatre Nations.
L'utilité de la Logique s'étend auffi loin que
celle du bon fens & de la juftelle d'efprit. Celle
que M. Cochet vient de donner au Public , eft un
ouvrage très- bien fait , & qui peut être trés- utile à
toutes fortes de perfonnes pour apprendre facilement
cette fcience , qui eft l'organe de la vérité ;
& qui n'excluant point les chofes d'agréinent ,
n'exclud que le faux. L'art de juger fainement , de
raifonner exactement , & d'exprimer fes pensées
avec toute la précision poffible , eft mis à la portée
de tout le monde dans la Logique dont on donne
ici l'extrait. Une trop grande quantité de régles
étant plus propre à fatiguer l'efprit qu'à l'éclairer,
l'Auteur a écarté tout ce qui eft plus ingénieux
qu'utile ; il s'eft borné à ne donner que les régles
qu'il faut fçavoir pour pouvoir exceller dans les
Sciences , dans les Beaux- Arts & généralement
dans tous les emplois dont les fonctions dépendent
de la perfection des talens de l'efprit .
M. C. ne s'eft point épargné le travail pénible
de l'arrangement , ordinairement fi négligé ,
& néanmoins fi néceffaire pour la clarté . Tous
fes exemples font bien choisis , & toujours tirés
des chofes dont on a ordinairement des idées juf,
tes fans avoir étudié aucune fcience . Il divife fa
Logique en deux Parties , & chaque Partie en
quatre Chapitres .
La Premiere Partie contient les réflexions fur
les pensées , & la feconde les réflexions fur les expreffious
des penfées . L'homme eft né pour la ſoMARS.
1750. 183
ciété par conféquent , pour jouir des avantages
qu'elle peut lui procurer , il eft obligé de communiquer
aux autres fes penſées invifibles & cachées
dans fon efprit , & de les revêtir des ` fignes qui en
font les expreffions. Une bonne Logique ne doit
pas fe borner à donner les régles des pensées , elle
doit encore prefcrire cequ'il faut obferver pour
les manifefter aux autres clairement par la diction
, la parole & les mots dont on fe fert le plus
fouvent & le plus efficacement pour cet effet. On
contracte l'habitude d'articuler des fons fans en
entendre la fignification , parce qu'on apprend
la plupart des mots donr on fe fert , avant que de
connoître les penfées & les chofes qu'ils fignifient.
Pour mieux remédier à cet abus , M. C. ne
traite dans la premiere Partie que des pensées , &
dans la feconde , des fignes par lefquels on les
exprime,
Les principales manieres de penfer , auxquelles
on peut rapporter toutes les autres , fe réduisent à
quatre , qui font concevoir , juger , raisonner & arranger.
C'eft pourquoi dans le premier Chapitre
M. C. traite de l'idée ; dans le fecond, du jugement;'
dans le troifiéme , du raisonnement ; dans le quatriéme
, de la méthode . Il eft impoffible de bien
juger , de bien raifonner & de bien arranger fes
penfées fans avoir des idées exactes & juftes . Ce
qui regarde les idées , eft ce qu'il y a de plus important
dans la Logique ; tout le refte en dépend.
Le premier Chapitre contient quatre articles . LAuteur
confidere l'idée du côté de fon objet dans le
premier article ; du côté de fa caufe dans le fecond,
du côté de fon fujet dans le troifiéme , & dans le
quatrième M. C parle des vraies & fauffes idées.
Le fecond Chapitre eft divifé en trois articles.
1°. M.C. confidere le jugement du côté de l'efprit
184 MERCURE DE FRANCE.
qui juge. 2°. Du côté des idées dont il eft compo
fé ; 3 °. Du côté des choſes dont on juge .
Dans le troifiéme Chapitre il prouve que pour
juger fi un raifonnement eft bon ou mauvais , on
n'a befoin que d'une feule régie , qui renferme
toutes les autres que donne la Logique. Il n'y a
perfonne qui n'ait affez d'intelligence pour com
prendre cette régle qu'on explique trés - clairement.
Après avoir parlé de la méthode en général dans
le quatriéme Chapitre,M.C.donne dans le premier
article les régles communes à la méthode analitique
& à la méthode fynthétique ; dans le fecond ,
les régles particulieres de la méthode analitique ,
& dans le troifiéme les régles particulieres de la
méthode fynthétique.
La feconde Partie contient des réflexions trèsutiles
pour bannir toute équivoque & toute ambiguité
du ftyle , & pour le rendre tel qu'il foit même
impoffible de n'être pas entendu . Il est trèsimportant
pour la fin de la Logique , qui eft de
bien penfer , d'entendre les divers ufages des fons
diſtincts & articulés , qui font , pour ainfi- dire , les
inftrumens dont les hommes fe fervent pour faire
connoître aux autres ce qui fe paffe dans leur
efprit.
Dans le premier Chapitre , l'Auteur parle du
terme , qu'on appelle auffi nom , qui eft le figne
qui exprime l'idée ; dans le fecond , de la propofition ,
dont on fe fert pour manifefter la penfée qu'on
nomme jugement ; dans le troifiéme , de l'argu .
mentation , qui eft l'expreffion du raifonnement ,
& dans le quatrième , de la maniere d'étudier &
d'enfeigner , qui répond à la méthode.
On trouve dans le premier chapitre non feulement
les moyens propres à remédier aux imperfections
MARS. 1750. 185
naturelles du langage , & au mauvais ufage qu'on'
fait fréquemment des termes , mais encore des réflexions
très efficaces pour lever les obftacles que
les termes mettent au difcernement des idées.
Le fecond chapitre traite de la propofition ; il
contient deux articles. Dans le premier M. C. explique
tout ce qui concerne la propofition vocale
ou verbale , qui eft le figne par lequel on manifefte
la penfée qu'on nomme jugement , qu'on peut appeller
propofition mentale ; & dans le fecond il
parle de la définition & de la divifion , qui font deux
propofitions dont on fait un grand ufage dans les
fciences .
Il eft parlé dans le troifiéme chapitre de l'argumentation
, qui exprime le raifonnement . Ce chapitre
eft divifé en quatre articles. Le premier traite du
fyllogifme vocal ou verbal , qui répond au mental ,
qui eft une forte de penſée qui a été expliquée dans
le troifiéme chapitre de la premiere partie. L'Auteur
démontre géométriquement & d'une maniere
claire & laconique les régles des fyllogifmes
, dans la vue d'exercer l'efprit . Ce qui regarde
l'enthimême, eft expliqué dans le fecond article
; M. C. parle, dans le troifiéme, des argumen
tations compofées de plus de trois propofitions , &
dans le quatrième , des fophifmes.
La maniere d'étudier & d'enfeigner, qui répond
à la méthode , eft le fujet traité dans le quatriéme
chapitre , qui renferme deux articles. Le premier
regarde la manière d'étudier , & le fecond celle
d'enfeigner. Toutes les chofes contenues dans
l'ouvrage entier , font rapprochées avec tant d'art,
qu'elles ne font qu'un petit in- 8°. de 238 pages ,
fans la préface, oùl'on juftifie le titre de cette Logique
, qui eft la clef des Sciences & des Beaux-Arts.
Elle fe vend à Paris , chez Jean Defaint & Ch.
186 MERCURE DE FRANCE.
Saillant , Libraires , rue Saint Jean- de- Beauvais ,
& chez Jean-Thomas Heriflant , rue St. Jacques ,
à S. Paul & S. Hilaire .
LETTRES fur l'efprit de Patriotifme ,fur l'idée d'un
Roi Patriote , & fur l'état des Partis qui divifoient
l'Angleterre , lors de l'avenement de GEGRGES I.
Ouvrage traduit de l'Anglois, A Londres, 1750, in-
8°. pp. 255. Prix 4 livres.
Quiconque fçaura que ces Lettres font du célebre
Lord Bollenbrocke , aura, fans doute , beaucoup.
d'empreflement à lire cette Traduction , à laquel
le le nom des Traducteurs ajoûte un nouveau
prix.
DEMONSTRATION du Principe de l'Harmonie ,
fervant de bale à tout l'Art mufical théorique &
pratique ; approuvée par Meffieurs de l'Académie
Royale des Sciences , & dédiée à M. le Comte
d'Argenson , Miniftre & Secretaire d'Etat . Par M.
Rameau. A Paris , chez Durand , rue S. Jacques ,
au Griffon ; Piffot , Quai des Auguſtins , à la Sageffe
, 1750. Avec Approbation & Privilége, du
Roi. In- 8 ° . pp. 112 , fans y comprendre le rapport
des Commiffaires de l'Académie des Sciences
, lequel en occupe 47.
L'ART de mefurerfur mer le Sillage du Vaiffeau,
Avec une idée de l'état d'armement des Vaiffeaux
de France. Dédié aux Marins . Par M. Saverien ,
Ingénieur de la Marine. A Paris , Quai des Auguftins
, chez Antoine Jombert , Libraire du Roi ,
pour l'Artillerie & le Génie , au coin de la rue
Git-le-Coeur , à l'Image Notre- Dame, 1750 , in-
8. pp. 245. Cet ouvrage eft accompagné de
Planches.
LE SPECTACLE de la Nature , Tome & , contenant
ce qui regarde l'homme en focieté avec Dieu. A
Paris , chez la veuve Etienne , & fils , rue Saint
MARS. 1750. 187
Jacques , à la Vertu, 1750. Avec Privilege . In- 12 .
Premiere Partie , pp. 436. Seconde Partie , pp .
388.
LA VIE de Pierre Aretin. Par M. de Boifpreaux¿
A la Haye , chez Jean Neaulme „1750. Petit in-
12 , pp. 232.
MEMOIRES LITTERAIRES fur differens fujets
de Phyfique , de Mathématique , de Chymic , de
Médecine , de Géographie , d'Agriculture , d'Hil
toire naturelle , &c. Traduits de l'Anglois par
M. Eydous. A Paris , chez André Cailleau , rue
S. Jacques , à S. André , 1750. Avec Privilége.
In- 12. pp. 379 .
INSTRUCTION PASTORALE de M. l'Evêque de
Grenoble , fur le Sacrement de Pénitence & fur la
Communion. A Grenoble , chez Giroud , Imprimeur
Libraire , au Palais . 2 vol . in 4º .
Notre fuffrage ajoûteroit peu à l'eftime qu'on
doit à cet excellent ouvrage & à fon refpectable
Auteur. Il nous convient tout au plus de rapporter
en cette occafion ce que nous avons entendu
dire. Les perfonnes les plus capables de bien juger
nous ont affûré qu'il n'avoit encore paru , fur la
matiere que M. l'Evêque de Grenoble a traitée ,
aucun ouvrage auffi complet que l'Inftruction
de ce fçavant Prélat .
HISTOIRE des Révolutions de l'Empire de Conftantinople
, depuis la fondation de cette Ville juf
qu'à l'an 1413 , que les Turcs s'en rendirent maî
tres. Par M. de Burigny . A Paris , chez Debure ,
l'aîné , Libraire , Quai des Auguftins , à l'Image
Saint Paul , 1750 , 3. vol . in- 12.
HISTOIRE de l'Ile de Corſe , contenant en abregé
les principaux évenemens de ce Pays , le génie ,
les moeurs & les coûtumes de fes habitans , leur
dénombrement actuel ; avec des Réflexions mora188
MERCURE DE FRANCE.
les & politiques fur leur Gouvernement , tant and
cien que moderne , un détail hiſtorique de la Colonie
Grecque qui y eft établie depuis 1676 ; l'hiftoire
véritable du prétendu Roi Théodore , & la
réfutation de toutes les fables qui ont paru juf .
qu'à préfent fur fon compte. A Nancy , chez Abel
Denis Cuffon , Imprimeur- Libraire fur la Place ,
au nom de Jefus , 1749 , in-8 ° . pp. 300. On a
joint à cet Ouvrage une Carte Géographique ,
corrigée par l'Auteur.
DEUX DISCOURS , l'an fur la Convalescence du
Roi , l'autre fur la Paix , traduits du Latin de M.
le Beau , de l'Académie des Infpriptions & Belles-
Lettres , & Profeffeur de Réthorique au Collége
des Graffins. Par M. Mason , Tiéforier de France.
A Paris , chez Thibouft , Imprimeur du Roi & de
l'Univerfité , Place de Cambray , & Saillant , Libraire
, rue S. Jean - de - Beauvais , vis - à- vis le College
, 1750 , in- 12 . pp . 193 .
LES VRAIS PLAISIRS , ou les Amours de Vénus
d'Adonis. A Amfterdam , chez Pierre Mortier ,
Libraire , 1750 , in- 12 . pp. 78 .
On nous a dit que cette petite brochure étoit
d'un Auteur , dont le nom doit prévenir en faveur
de l'ouvrage.
CHROA - GENESIE , ou Génération des Couleurs ,
contre le Systéme de Newton. Préſentée au Roi .
Par M. Gautier , Penfionnaire de Sa Majefté , Inventeur
de l'Art de graver & d'imprimer les Tableaux
à quatre couleurs , 1749 , in- 12 . pp. 79.
Cette Differtation a été lûe à l'Académie des
Sciences par l'Auteur , le Samedi 22 Novembre ,
& le Mercredi 26 du même mois , 1749.
LETTRE fur l'Electricité Médicale, qui contient des
Expériences fingulieres , relatives à la Médecine ,
& les Effais furprenans d'adminiftrer des remedes
MARS. 1750. 189
par le moyen de l'Electricité ; écrite de Venife
par M. Pivati , de l'Académie de Bologne , à M.
Zanotti , de la même Académie. A Paris , chez
Debure , l'aîné , Quai des Auguftins , 1750 , in 12.
PP . 49.
DESCRIPTION d'un Monument découvert dans
la Ville de Rheims en 1738. A Rheims , chez Gabriel
Defaint , Libraire , rue des Tapifliers , à
l'Annonciation , 1749 , in- 12 . PP. 15 .
MEMOIRES de Mlle de Fanfiche. A Amfterdam ,
chez Pierre Mortier , 1750 , in 12. Premiere Par
, pp. 117. Seconde Partie , pp . 121 .
tie
Poirion , Defprez, & Cavelier , fils , fe difpofent
à donner une nouvelle Edition du Dictionnaire
de Rimes de Richelet. Un habile Grammairien a
perfectionné & augmenté confidérablement cet
ouvrage. Nous parlerons plus au long de cette
Edition , qui doit paroître dans fix mois.
Charles - Antoine Jombert propofe des foufcriptions
pour la feconde partie de l'ARCHITECTURE
HYDRAULIQUE , de M. Belidor , Colonel d'Infan
terie , &c. On trouvera le Prospectus dans le prochain
Mercure.
LES CAPRICES DU SORT , ou l'Hiftoire d'Emilie,
Par Mlle de S. Ph . *** . Deux Parties , 1750 ,
2n- 12 . Premiere Partie , pp . 147. Seconde Partie ,
PP. 149.
Nous n'avons pas encore eu le tems de lire ce
petit Roman , mais une perfonne défintereffée
nous a affuré que la Demoiselle, qui l'a compofé ,
eft également diftinguée par fon efprit & par fes
charmes . Ce n'eft pas une raifon pour que l'ouvra
ge foit généralement applaudi par les Dames,mais
l'Auteur paroît pouvoir fe flatter d'avoir tous les
hommes dans fon parti.
L'HEUREUX BUVEUR, Cantatille à voix feule ,
150 MERCURE DE FRANCE.
avec fymphonie. Bafle- Taille. Par M. le Fevre ,
Organifte de S. Louis en l'lfle. A Paris , chez le
Clerc , rue du Roule ; Mad . Boivin , rue S. Honoré
; Mlle Caftagneri , rue des Prouvaires , &
Janvier , rue S. Jacques , à la Place des victoires .
VAUDEVILLES , MENUETS , CONTRIDANSES , &
Airs détachés , chantés fur les Théatres des Comédies
Françoife & Italienne , leſquels ſe jouent far
la flûte , la vielle , la mufetre & le violon. A Paris,
aux adreſſes ordinaires des Marchands de Mufique
, & chez Cailleau , Libraire , rue S. Jacques,
'Académie de Pétersbourg , à laquelle préfide
>
Chevalier de l'Aigle blanc , de Saint Alexandre &
de Sainte Anne , propofe pour fujet de Prix cette
Queſtion : Si toutes les inégalités qu'on obferve dans
Le mouvement de la Lune font conformes à la Théorie
de Newton , & quelle eft la vraye Théorie de toutes
ces inégalités , en vertu de laquelle on peut déterminer,
pour quelque tems que ce foit , le lieu de la Lune. Le
Programme eft en Latin .
Le Prix fera une fomme de cent Ducats , faifant
cent Piſtoles monnoye de France , ou une
Médaille de cette valeur, ceux qui confidereront la
grandeur de la Queftion , jugeront aisément que la
gloire fera la plus grande partie de la récompenſe.
Avant le premier Janvier 1751 les afpirans au
Prix enverront leurs Differtations au Comte Rafumowſki
, en obfervant d'y mettre une Sentence ,
& d'écrire leur nom dans un autre papier cacheté.
Ces piéces feront écrites ou en Latin , ou en François
, ou en Allemand, ou en Langue Ruffienne.
C'eft le premier Prix que l'Académie de Péterſbourg
propofe au Public,
MARS, 1750 191
SECONDE LETTRE *
De M. Rouffille , Chirurgien Oculiste à
Chartres , à M. *** Docteur en Médecine
, fervant de Réplique à la Réponse de
M. Daviel , inferée dans le Mercure de
Juillet 1749.
J
E ne fuis pas furpris , Monfieur , que vous
n'ayez pas été fort touché de la Réponſe
que M. Daviel a faite à la Lettre que j'ai eu
Phonneur de vous adreffer vers la fin de l'année
1748. Je vous avoue que fi notre dispute n'intérefloit
que les gens de l'Art , & que nous n'n'euf.
fions pour Juges que des perfonnes éclairées comme
vous , je n'aurois pas même été tenté de lui
répliquer. Je fuis perfuadé que tous ceux qui voudront
bien fe donner la peine de relire ma premiere
Lettre , de comparer entr eux les differens endroits
de la réponſe de M. Daviel , & de parcourir
les Auteurs qu'il nomme aux endroits cités , trouveront
aifément la folution de toutes les difficultés ;
mais comme cela demande quelque application &
que les hommes fuyent le travail , je vais tâcher
de le leur épargner , en réuniffant moi - même fous
leurs yeux ces differens points de comparaison .
Ma difpute avec M. D. roule fur deux points.
1º. Les Cataractes adhérentes au bord poftérieur
de l'uvée , font- elles fi communes , que fur
61 Cataractes il s'en trouve 19 de cette espéce ?
Lapremiere fe trouve dans le Journal de Verdun,
Février 1749 .
192 MERCURE DE FRANCE .
2°. Ces fortes de Cataractes , lorfqu'elles fe ren
contrent , font- elles curables ?
M. D. foutient l'affirmative fur l'un & l'autre
point , & moi je fuis pour la négative ; c'eſt ce
qu'il s'agit d'éclaircir,
Je foutiens donc premierement que les Catarac
tes adhérentes ne font pas à beaucoup près fi communes
, qu'il s'en rencontre prefque un tiers de
cette efpece . Sans répeter ici ce que j'ai dit fur cet
article dans ma premiere Lettre , je veux tirer mes
preuves de la réponſe même de M. D. Ses aveux
& fon filence me ferviront également.
J'ai admis dans ma première Lettre deux cas où
les Cataractes peuvent devenir adhérentes à la
partie pokérieure de l'uvée .
Le premier , c'eft lorfqu'une Cataracte étant
extrêmement ancienne , l'humeur que Morgagnya
découvert entre la face antérieure du criftallin &
fa capfule , s'eft deflechée . Ce deffechement cole
d'abord antérieurement le criftallin à fa capfule ,
& l'humeur aqueufe devenant plus gluante & plus
vifqueuſe , par la même caufe qui a épaiffi l'humeur
de Morgagny , jufqu'à la deffecher , la membrane
antérieure de la capfule du criftallin peut
devenir adhérente au petit bord de l'uvée . J'ajoutois
que l'ancienneté des Cataractes n'attiroit pas
toujours à beaucoup près ce deffechement & cette
adhérence qu'elle étoit rare au contraire , & que
d'habiles Oculiftes , comme feu M. Du Petit le
Médecin , la nioient même tout- à - fait.
Le deuxième cas où les Cataractes deviennent
adhérentes , c'eft lorfqu'après des contufions dans
l'ail , des opthalmaies internes confidérables , il
arrive des déchiremens , des ulcérations à l'uvée ,
熬
*Journal de Verdun , Février 1749 , p. 103.
à la
MARS. 1750. 193
la portion antérieure de la capfule du criftallin ,
&c. Ces accidens font très capables de coler cette
capfule , non feulement au ciiftallin & au petit
bord de l'uvée , mais même à toute la lame poftérieure
de l'uvée , qu'elle ne touche jamais dans
l'état naturel , à caufe de fa convexité , comme
tous les Anatomiftes en conviennent.
M. D. rejette le premier cas , & il paroît em
braffer le ſentiment de M. Du- Petit . Je n'ai garde
de m'y oppofer , puifque cela fait pour moi , &
que j'incline moi- même pour cette façon de penfer.
Je n'en ai fait mention que pour lui accorder
tout ce que je pouvois .
*
Mais au fecond il prétend en ajoûter un troifiéme,
fur lequel il veut bien avoir la bonté de m'inf
truire. Ce font , dit - il p . 6 , les piquûres d'épine ,
d'épingles , de cifeaux , d'aleines , & autres inftrumens
tranchans & picquans . Je lui fuis aflûrément
obligé de la bonne volonté ; mais avec un peu de
logique il fe feroit apperçu que fa diviſion n'eſt
pas tout à fait régulière , puifque fon troifiéme
membre fe trouve renfermé dans le fecond . Le
fecond cas , ai- je dit , où les Cataractes deviennent
adhérentes , c'eft lorfqu'il arrive des déchiremens ,
des ulcérations à l'uvée , à la portion antérieure de la
capfule du cristallin , &c . Or , que ces déchiremens
, ces ulcérations , foient caufés par des contufions
, des piquûres d'épine , d'épingles , de ciſeaux ,
d'aleines , & autres inftrumens tranchans & piquans,
ou des ophthalmies internes confidérables , &c. ce.
font toujours des déchiremens , des ulcérations , &
les differentes caufes de ces déchiremens peuvent
tout-au - plus donner lieu à une fous - divifion , mais.
elles ne forment point chacune eu particulier des
* Mercurede France , Juillet 1749 , p. 211 .
I
194 MERCURE DE FRANCE.
cas differens , l'effet étant le même ; ou bien M.D.
feroit forcé lui- même , au lieu de deux cas auxquels
il fe reftraint , d'en admettre fix ou fept , or
un bien plus grand nombre ; car les inftrumens
piquans , tranchans , contondans peuvent varier à
l'infini . Mais il étoit queftion des déchiremens &
des ulcérations de l'oeil , & non de leurs cauſes ;
c'eft pourquoi je ne me fuis pas crû obligé d'en
faire une énumération exacte.
Ajoûtons à ceci , que du nombre des caufes qui
peuvent rendre une Cataracte adhérente dans le fecond
cas , M. D. rejette l'ophthalmie, après cependant
l'avoir admife quelques lignes plus haut dans
la même page. Ainfi , dit-il , p . 8 , * en parlant de
P'ophthalmie, cetteprétendue adhérence eft abfolument
fauffe , quoiqu'en dife M. Rouffille. Point de difpute
encore avec lui fur cet article. Plus il reftraindra
le nombre des caufes de l'adhérence des Catarac
res , & plus il me fournira de moyens contre lui.
Ces caufes fe réduiſent donc , felon M. D. aur
contufions & aux piquûres d'épines , d'épingles, de
cifeaux , & c.
Or je demande à tous les Oculiftes de l'Europe,
fi , fur les Cataractes qui fe préfentent à eux , &
fur lefquelles ils font confultés , il s'en trouve , je
ne dis pas un tiers , comme le prétend M. D. mais
un vingtiéme , un cinquantiéme même, qui viennent
de quelques-unes de ces caufes.Je demande à
M. D. lui-mêine , fi les dix-neuf qu'il a abbattues
à Paris , & qu'il a crues adhérentes , avoient été
caufées par quelqu'un de ces accidens. Je ne vois
que celle de Mad de Vandeuil qui ait été produite
à la fuite d'un coup au-deffus de l'oeil affecté. ** Si
* Ibid. p. 272.
** Cette Cataracte elle-même doit être rayée du
MARS. 1750.
195
les autres euffent eu une pareille caufe , il n'eût
afiûrément pas manqué de nous en faire l'hiftoire
dans fa premiere ou du moins dans fa feconde Lettre
, & fon filence doit paffer pour une preuve du
contraire . Je conclus donc que les Cataractes , qui
font caufées des contufions ou des piquûres
d'épines , d'épingles , &c . étant rares, & cependant
les feules , fuivant M. D. qui deviennent adhérentes
, il s'enfuit néceffairement , fuivant les propres
principes , que les Cataractes adhérentes à l'uvée
doivent être extrêmement 'rares.
par
Mais que répondre au paffage que M. D. nous
cite d'Antoine Maître-Jean . Cet Oculifte fi célébre,
i expérimenté , qui a vû un fi grand nombre de
Cataractes , en a dû voir fans doute un nombre
confidérable d'adhérentes . Point du tout : il en a
vû deux ; encore ne l'étoient- elles pas , fuivant les
principes de M. D. car elles n'étoient point venues
à la fuite de contufions ni de piquûres. On pourroit
même rédui e ces deux à une feule , car des
deux Cataractes dont Maître - Jean parle à la page
citée , il n'y en a qu'une , dont il dife clairement
qu'elle étoit adhérente. C'étoit bien la peine de
citer Antoine Maître Jean.
M. D. en cite trois autres qu'il a'vûes lui- même .
Celles-ci font plus en régle que celles de Maître-
Jean. Mais en lui accordant pour le moment
tout ce qu'il en dit , qu'en conclure pour la Theſe
qu'il foûtient ? Que peut-être parmi des milliers de
Cataractes que M. D. a vûes ( car que n'a -t'il
point vû & fait ? ) il s'en foit trouvé trois vraig
'nombre de celles dont il eft ici queftion , puifqu'il n'eft
point dit que le coup que la Dame de Vandeuil reçut
au.deffus de l'oeil y ait produitdéchirement ou ulcération.
* Je difcuterai plus bas ces trois Faits.
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
#
ment adhérentes , il s'enfuit bien qu'il y a des Cataractes
adhérentes ( ce dont je conviens & fuis
toujours convenu , quoique M. D. m'impute le
contraire , p. 16. * ) mais il en résulte auffi qu'elles
font très rares , ee que j'ai toujours foutenu.
Vous voyez , Monfieur, déja fur cet article, que
je n'ai rien avancé de trop , en vous difant que M.
D. dans la réponſe me fourniroit des moyens fuffifans
pour le réfuter . Mais voici quelque chofe de
plus curieux . Je vais retourner la médaille & vous
faire voir que s'il établit des principes qui prouvent
que les Cataractes adhérentes font rares ,
il en pofe en même- tems d'autres qui prouvent
au contraire que toutes les Cataractes font ad
hérentes .
>>
Selon cet Oculiſte , p . 9 , ** l'adhérence des
Cataractes occafionnée par les piquûres & les
coups , eft peu de chofe , ce n'eft pas ce qui forme
la grande adhérence dont il entend parler ; le voici.
Tous ceux qui ont examiné l'oeil , fçavent
» que la membrane du cristallin eft unie aux procès
ciliaires , & beaucoup plus dans les inflamɔɔmations
de la choroide , que dans l'état naturel.
(Voilà , n'en déplaife à M. D. les adhérences ophthalmiques
rétablies. ) C'eft directement dans cet
endroit , qui fait les limites de la chambre pofté-
» rieure de cet organe , ue le cristallin , dont la
membrane eft pour lors fort épaiffe , ſe rend fi
» adhérent aux procès ciliaires , qu'il est toujours
très-difficile de l'en pouvoir féparer , de même
» que
dans l'état de molleffe des Cataractes . C'eft
» donc dans cet endroit que l'Oculiſte élairé a be
»foin de tout fon jugement pour conduire avec
» adreffe fon aiguille jufqu'à cette digue , afin de
ל כ
* Ibid. p. 221.. ** Ibid. p. 213.2146
MARS. 1760. 197
» la détruire & de renverfer le criftallin avec fa
» membrane.
Voilà donc un premier principe . Remarquez,
s'il vous plaît , Monfieur , que l'union dont parle
M. D. n'eft pas fimplement un attouchement , c'eft
une union , plus forte à la vérité dans les inflammations
de la choroïde que dans l'état naturel ,
mais réelle néanmoins , & même forte , p. 15 ,
dans cet état , & qui forme une digue , qu'il faut
détruite avec adreffe par le moyen de laiguille
pour abbattre la Cataracte. Je n'examine point la
vérité de cette affertion , je la fuppofe , parce
que je ne veux faire qu'un argument ad hominem.
Le fecond principe de M. D. p. 10 , c'eft
» que , felon lui , pour guérir toute e péce de Cataracte
& la guérir radicalement , il faut abattre
le criftallin avec fa capsule , & le loger dans l'humeur
vitrée , fans quoi il eft moralement impoffi
→ ble de rendre l'oeil net , & que la vûe fe faffe par-
>>faitement .
Vous fçavez bien que ce fecond principe eft diamétralement
oppofe à ma façon de penfer : je le
réfuterai dans un autre endroit , mais ce n'eft pas
ici le lieu , & je veux tout accorder à M. D.
Ne fuit-il pas évidemment de ces deux principes ,
que toute Cataracte eft réellement adhérente , de
quelque efpece qu'elle foit , plus ou moins à la vérité
, & par conféquent qu'il n'eft pas poffible d'en
abbattre une feule fans caufer des ruptures & des
déchiremens, au moins aux procès ciliaires , ce qui
doit attirer de fâcheux accidens . Ces conféquences
font avouées par M D. il les expoſe même avec
énergie. Comme la capfule , dit - il , p . 15 ***
* Ibid. p. 2. 19.
*** Ibid. 219.
** Ibid. p. 214.
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
25
eft fortement attachée aux procès ciliaires , ainf
que nous l'avons déja dit , & qu'elle s'enclave
même dans toute la circonférence de la rétine en
forme de langué de gueule , il eft moralement
impoffible qu'en preflant avec l'aiguille fur le
» corps du cristallin antérieurement ou poftérieurement
, pour lefaire fortir de fa membrane ou de
»fon chaton , les procès ciliaires qui font partie
de la choroïde , ne foient tiraillés de - même
que la rétine ; par conféquent tout le fond de
» l'oeil en fouffrirà de violentes fecouffes & com-
> motions ; tous les vaiffeaux fanguins & limpha-
» tiques , & fut tout les petits filets nerveux qui
répondent à ces parties , fe trouveront déchirés
" & crifpés dans leurs principes , & ſe retireront à
peu près comme une corde à boyau qui fe caffe
lorfqu'elle eft bien tendue. De- là il arrive de
" violentes douleurs à la tête , aux oreilles , aux
» dents , dans toute la circonférence de l'oeil & de
" Porbite , fuivies de vomiffemens & d'une infinité
d'autres accidens , & enfin quelquefois de la fupuration
totale de cet organe , fans que l'iris ait
» été ni touchée ni bleſſée en aucune maniere.
အ
20
לכ
Tous ces accidens peuvent effectivement ſuivre
le déchirement des procès ciliaires ; & ils doivent
être fort ordinaires , ou même arriver toujours
après les opérations de M. D. s'il opere d'une maniere
conforme à fes principes. Il eſt moralement
impoffible , dit - il , qu'ils n'arrivent pas.
Mais pourquoi cet Auteur , aprés avoir mis en
théle, que pour guérir toute espéce de Caturacte , il
faut abbattre le cristallin avec fa capfule , & le loger
dins l'humeur vitrée , vient- il nous dire ici que
dans l'opération de la Cataracte on fait fortir le crif
tallin de fa membrane ou de fon chaton. C'eftencore
une petite contradiction qui démontre comTHE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
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ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
.
ETTONS DE L'ANNEE 1750
UT
QUE
CRESCIT
HAUR
II
CADENTIBUS
IV
PARTIES CASUELLES
1750.
SATIS
JAM
UNDIS
SPAPAR
TRESOR ROYAL
1750 .
EX
TERRUIT
VI
ORDINAIRE DES
GUERRES
17 50
LUDENS
VERBERAT
AURAS
REGALI
CHRISTIANISS
fm.
POST
ULMINA
BATIMENS DU ROY
1750
VI
ARTILLERIE
1750
FOECUNDA
AUGET
D Sornique f
IX X
DECOREM
SPERATE
III
SPLENDET
CHAMBRE AUX
DENIERS
1750
USU
JUVAT
EXTRAORDINAIRE
DES GUERRES
1750-
UNDA
REC
VI
MARINE
1750
NUNTIA
MAISON DE
LA REINE
1750
MAISON DE MADAME
LA DAUPHINE
1730.
LUCIS
MAR S. 1750. 199
bien il entend fa matiere. Rifum teneatis amici ?
Les funeftes inconvéniens qui fuivent prefque
toujours , de l'aveu même de M. D. du déchirement
des procès ciliaires me conduifent naturellement
à l'examen du ſecond point de notre diſpute.
U
La fuite pour le Mercure prochain.
DEVISES
Pour les Jettons de l'année 1750.
TRESOR ROYAL.
Ne Machine Hydraulique fur une riviere
Haurit ut fpargat. Elle ne puife que pour
répandre.
PARTIES CASUELLES.
Un fleuve groffi par les eaux de la pluye. Crefcitque
cadentibus undis. Il groffit des eaux qui tombent
de toutes parts.
CHAMBRE AUX DENIERS.
Le Rameau d'or. Regali fplender ufu. Il tire fon
éclat de l'ufage qui s'en fait pour le Prince .
ORDINAIRE DES GUERRES.
Jupiter tenant fa foudre en bas . Jam fatis terruit.
Elle a affez épouvanté la terre.
EXTRAORDINAIRE DES GUERRES.
Un Olivier , auquel font attachés la maffue , les
fléches & la peau de Lion , d'Hercule . Hic pofuiffe
juvat. Il eft fatisfait de les y avoir dépoſés.
I iiij
100 MERCURE DE FRANCE
BATIMENS.
Un Aigle établiffant fon aire au haut d'un ro
cher. Placida poft fulmina cure . Après avoir portê
la foudre , elle s'occupe de foins plus paifibles.
ARTILLERIE.
Un Bélier. Ludens verberat auras. C'est en le
jouant , qu'il frappe les airs.
MARINE.
L'Etoile de Caftor & de Pollux s'élevant audeffus
d'une mer agitée . Unda recumbit. Elle calme
la tempête .
MAISON DE LA REINE.
Un Rofier chargé de fleurs. Auget foecundadecorem.
Sa fécondité augmente fa beauté .
MAISON DE MADAME LA DAUPHINE
Une Aurore fur fon char, Sperata nuncia luciș .
Elle annonce le beau jour que l'on attend.
EXPLICATION DE LA MEDAILLE
A Paix eft repréfentée fous un Pavillon à l'an-
LA
una
par
branche d'olivier qu'elle tient d'une main , & par
une corne d'abondance renverfée , qu'elle tient de
l'autre. Elle eft affife au milieu des differens attri
buts des Arts , des Sciences & du Commerce.
Légende. Salus generis humani. Le bonheur du
genre humain.
Et dans l'Exergue , Pax Aquis granenfis , XVID
Octobris M. DCC . XLVIII . La Paix fignée à Aix-la-
Chapelle , le 18 Octobre 1748,
XV
.
REX
LUD
fm.
GENE
CHRIS
ANIISS
RIS
HUMANI
PAX AQUISGRANENSIS
XVIII. OCTOBRIJ
MDCCXLVIII.
THE
NEW
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ASTOR
, LENOX
AND TILDEN
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1
THE NEW YORK)
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THE
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AND TILDEN
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MARS. 1750. 201
RECIT DE BASSE.
R Edoutez l'éclat du Tonnerre ,
nblez que fous vos pas ne s'entrouvre la Terro
s commettez , Grégoire , un forfait odieux.
Elémens vont vous livrer la guerre ;
offenfez les mortels & les Dieux ;
ite encore , hélas ! du vin dass votre verre..
洗洗潔洗洗洗洗洗潔洗洗:洗洗洗
ens ,
SPECTACLES.
E 2 Février , jour de la Purification , le Con
cert donné au Château des Thuilleries , comença
par une fymphonie . M Daquin , Organiſte
Roi joua feul. On chanta enfuite Dixit infi--
Motet à grand choeur de M Richer , Ornaire
de la Mufique de Sa Majefté M. France de
Lermazine , Allemand , exécuta un Concerto de :
affon. Confitebor tibi , Domine , Moret à grand
hoeur de feu M. de la Lande , fuivit ce Concerto.
M. Labbé , fils , jona feul du violon , & le Concert
fat terminé par Jubilate Deo, Motet à grand choeur
de M. Mondonville .
L'Académie Royale de Mufique donna le pre--
mier du même mois la vingt - cinquiéme & derniere
repréfentation de Zoroastre.
" Elle reprit le 3 le Bal'et de Platée , qu'elle con--
tinua les , le 8 , le 15 & le 12 La musique brillante
de ce Ballet a été applaudie comme dans la
202 MERCURE DE FRANCE!
nouveauté. On rejoua le 13 & le 15 les Caractéres
de l'Amour. Le Carnaval du Parnaſſe le fut le 17 »
le 19 & le 20.
Le 22 , la même Académie remit au Théatre las
Tragédie de Tancrede , dont les paroles font de feu
M. Danchet , de l'Académie Françoiſe , & la muque
du fameux Campra. Dans les deux Partis qui
divifent les Amateurs de l'Opera , il eſt également
des Enthoufiaftes , qui ennemis de leurs propres
plaifirs , voudroient profcrire tous les ouvrages qui
ne font pas du genre dont ils fe font déclarés les
protecteurs. Le Public , non -feulement plus jufte ,
mais plus éclairé fur les intérêts , fait le même ac--
cueil au beau de tous les genres. Après avoir ad
miré un ouvrage de Lulli & des autres Mélodiftes
célebres , il court en foule à un nouvel Opéra de
M. Rameau. De même , lorfqu'après un Opera de
M. Rameau l'on nous en donne un de quelqu'un
des Muficiens qui fe font plus attachés aux graces.
du chant qu'à la grande harmonie , on n'eft pas.
moins charmé de la mélodie féduifante & de la
touchante expreffion de l'ancienne mufique , que
des fçavans accords de la moderne. Le fuccès
éclattant de cette reprife de Tancrede eft une
preuve de ce que nous avançons .
Les Comédiens François repréfenterent le 1
pour la premiere fois la Comédie intitulée la Force:
du Naturel , Piéce en cinq Actes & en vers , de M.
Nericanlt Deftouches , de l'Académie Françoife.
Cet ouvrage n'a pas d'abord reçû tous les applan
diffemens qu'il méritoit , mais depuis on luna ren
du juftice , & if eft regardé comme très digne de
Pilluftre Auteur du Glorieux & du Philofophe marić:
Le 20 , les Comédiens Italiens jouerent une
nouvelle Comédie , qui a pour titre , Arlequin .
Stapin morts vivans , & à laquelle fant joints deux
MARS . 203
1750 .
Divertiffemens très-agréables , de la compoſition
de M. de Heffe.
La Dlle Foulquier , âgée de dix ans , & qui
tous les jours dans les Ballets de ces Comédiens
excite tant d'admiration , joua le 23 le rôle de la
Débutante dans la Piéce des Débuts , & la perfection
avec laquelle elle s'en acquitta , doit étonner
autant que les talens prématurés pour la danſe.
洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c .
M &'
Eloquence "
R Coignard ayant fondé un nouveau Prix
l'Univerfité le donnera
pour la premiere fois , à la diftribution générale
des Prix , qu'elle fait chaque année au commencement
du mois d'Août. Elle propofe pour fujet ::
Gallicis Litteris , ut ftent incolumes &florentes , neceffarium
eft idem , unde orta educataquefunt , cum
Gracis Latinifque commercium.
Le 29 du mois de Janvier , les Actions de la
Compagnie des Indes étoient à dix - fept cens cinquante
livres ; les Billets de la premiere Loterie:
Royale , à fix cens quatre- vingt quinze , & ceux
de la feconde à fix cens vingt deux.
Le premier Février , la Reine entendit la Meffe
dans la Chapelle du Château , & Sa Majesté com--
munia par les mains de l'Archevêque de Rouen ,
fon Grand Aumonier.
Le 2 , Fête de la Purification de la Sainte Vier
ge , les Chevaliers , Commandeurs & Officiers
de l'Ordre du Saint Efprit , s'étant aſſemblé
Ivj
204 MERCURE DE FRANCE.
dans le Cabinet du Roi , Sa Majesté tint un Cha».
pitre dans lequel Son Alteffe S. M. le Comte de
ia Marche , &le Prince Stapiflas de Jablonowsky,
Palatin de Rava , furent nommés Chevaliers . Le
Roi fe rendit enfuite à la Chapelle , étant précédé
de Monfeigneur le Dauphin , du Duc de Chartres ,
du Comte de Charolois , du Comte de Clermont ,
du Prince de Conty , du Comte d'Eu , da Duc
de Penthievre , & des Chevaliers , Commandeurs .
& Officiers de l'Ordre. Sa Majefté , après avoir
affifté à la Benediction des Cierges , & à la Procef
fion qui fe fit dans la Chapelle , entendit la Grande-
Mefle célébrée pontificalement par l'Evêque Duc
de Langres , Prélat Commandeur de l'Ordre , &:
chantée par la Mufique . La Reine & Mefdames de
France entendirent là Meffe dans la Tribune
L'après midi , le Roi & la Reine , accompagnés
de Monfeigneur le Dauphin & de Meſdames de
France , affifterent au Sermon du Pere Beauvais
de la Compagnie de Jefus , & enluite aux Vêpres
qui furent chantées par la Mufique .
Le premier Février , M. Hamelin , Recteur de
Univerfité , fe rendit à Versailles , étant accom
pagné des Doyens des Facultés , & des Procureurs
des Nations , & fuivant l'uſage il eut l'honneur de
préfenter un Cierge au Roi , à la Reine & à Mon
feigneur le Dauphin.
Le même jour , le Pere live , Vicaire Général
des Religieux de la Mercy , accompagné de trois
Religieux de leur Convent du Marais , eut l'honneur
de préfenter un Cierge à la Reine , pour fatis
faire à l'une des conditions de leur établiffement...
Les , les Actions de la Compagnie des Indes
étoient à diz fept . cens foixante trois livres ; les &
Billets de la premiere Loterie Royale à fept ceus ..
& ceux de la feconde à fix cens vingt- trois..
MARS 205
1750.
Le 15 du mois dernier , premier Dimanche du
Carême , le Roi & la Reine entendirent dans la
Chapelle du Château la Mefle chantée par la Mufi
que
L'après midi , leurs Majeftés , accompagnées de
Monfeigneur le Dauphin & de Meldames de
France , affifterent à la Prédication du Pere de
Beauvais , de la Compagnie de Jefus. "
La Reine accompagnée , de Monfeigneur le Dau
phin & de Mefdamies de France , entendit le onze
le Sermon du même Prédicateur.
On a appris par les dernieres Lettres de Vienne ,
en Autriche , que l'Impératrice , Reine de Hongrie
& de Boheme , étoit heureufement accouchée d'une
Princeffe le 4 du mois dernier , à neuf heures
dü foir.
Le 18 , les Actions de la Compagnie des Indes
eroient à dix -fept cens quatre- vingt , livres , les
Billets de la premiere Loterie Royale à fept cens
neuf, & ceux de la feconde à fix cens vingt- cinq
LETTRE
A M. Remond de Sainte Albine:
Il ya long tems , Monfieur , qu'un riche Haa
bitant de cette Ville , grand amateur des Beaux
Arts , fe propofoit d'établir en France un Prix de
Mufique , comme il y en a d'Eloquence & de Poë
fie La mortvient de le furprendre , avant d'avoir
pû exécuter fon projet Il m'a la ffé , en mouraut ,le .
fin de le remplir , & a affùré pour cet effet un
fonds de douze mille francs , dont la rente de deux
cens écus fera tous les ans le prix en queftion..
2c6 MERCURE DE FRANCE .
Vous connoiffant auffi zelé pour le progrès des
talens , j'efpere , Monfieur , que vous voudrez
bien contribuer à les augmenter , en inferant dans
Votre Recueil périodique le plan d'un établiſſement
fi propre à les faire paroître . On ne sçauroit
trop employer de foins pour l'accroiffement d'un
Art qui nous donne tant de plaifir .
Le Prix de Mufique que l'on propofe eft trèsnéceffaire
pour nous faire connoître quelles font
nos richeffes dans ce genre. Tout Auteur pourra
travailler , & faire paffer fans peine fon ouvrage
entre les mains de ceux qui feront nommés pour
l'exécuter , & il n'aura point à craindre l'envie &
la prévention. J'aurai l'honneur de vous mander ,
Monfieur , pour en avertir dans le Mercure prochain
, le genre de Mufique à traiter cette année ,
& l'ordre que l'on fuivra dans l'envoi des Piéces
& dans la diftribution du Prix .
J'ai l'honneur d'être très -parfaitement , &c.
Saint Paul,
Ala Rochelle , ce 22 Janvier 1750.
L
MARIAGES ET MORTS.
E 9 Février , Pierre - François du Fresnel , Sei
gneur & Patron de Pèriers , Auguerny & autres
lieux , époufa dans l'Eglife Paroiffiale de Saint
Paul , Marie- Anne-Françoife Goujon de Gafville
fille de Jean- Profper Goujon , Seigneur de Gafville
, Iville , Ris & autres lieux , Confeiller du Roi
en fes Confeils , Maitre des Requêtes Honoraire
MARS.. 1750. 207
de fon Hôtel , & ci - devant Intendant de la Géné
ralité de Rouen , & d'Anne de Faucon de Ris.
Pierre - François eft fils de défunt Jean - Antoinedu
Frefnel , Seigneur & Patron de Periers , & de
Françoife- Elizabeth le Boucher. Cette famille eft
de Normandie , & établie dans la Ville de Caën .
.Le 10 , Pierre- Antoine- François Boinnet , Seigneur
d'Itvil , la Vergne , la Touche , Mornai &
autres lieux , Chevalier de l'Ordre Royal & miliraire
de Saint Louis , Lieutenant- Colonel du Rés
giment de la Reine , Cavalerie , époufa dans l'Eglife
Paroiffiale de St. Paul , Heléne- Alexandrine
Moreau , fille de François Moreau , Confeiller du
Roi, & en fes Conſeils d'Etat & Privé,Honoraire en
fa Cour de Parlement & Grand Chambre d'icelle
Procureur du Roi au Châtelet de Paris , & de
Erançoife Robert. Antoine- François eft fils de dé--
fant Claude- François Boinnet , Seigneur de Bernay
& autres lieux , & d'Antoinette- Anne Riquet..
Cette famille eft de Poitiers .
Le 5 Décembre de l'année derniere , Mathieu
Pierre d'Armagnac , Chevalier de Juftice des Ordres
de Saint Lazare , & de Notre - Dame du Mont-
Carmel , Lieutenant des Maréchaux de France ,.
Seigneur de la Motte , de Marvilly , Piolant ,
Douce , & c. mourut en fon Château de la Motte ,
en Touraine , âgé de 75 ans . Il étoit marié avec
Pauline Iforé d'Hervault , fille du Marquis de
Pieumartin , dont il n'y a point d'enfans.
Son pere Jean d'Armagnac fat marié avec Ca
therine du Champ , qui fit un fecond mariage.
avec Cezar , Marquis de Rozel , Lieutenant Géné
ral des armées du Roi , mort en 1716 dans un âge
fort avancé . >
Jean avoit pour frere Charles d'Armagnac ,
Seigneur d'lforé , qui de fon mariage avec Marie:
208 MERCURE DE FRANCE.
le Tillier eut Jean-Jofeph- Bernard d'Armagnac
Chevalier, Sei neur d'Iforé , Salvert , & c . Lieute
nant des Maréchaux de France qui de N. Hue d
Miromen 1 , fa femme , eut pour fille unique Ma
rie d'Armagnac , femme de N. le Coigneux , Ches
valier , Baron , de la Roche- Turpin , Brigadier des
Armées du Roi , mort en 1742 , & mere de Gabrie
-Jofeph le Coigneux , Comte de la Roche
Turpin , Seigneur de Salvert , Anquitard , & c.
Meftre de Camp , Cornette de la Compagnie des
Chevaux-Legers de la Garde du Roi , tué à la bataille
d'Ettinguen , à l'âge de 22 ans .
Jean-Bernard d'Armagnac avoit pour frere , Jofeph
André d'Armagnac , Prêtre , Docteur en
Théologe , Chancelier de l'Univerfité de Poitiers
& Tiéforier de l'Eglife Royale de Saint Hilairele-
Grand dela même Ville , mort en 1746 .
Jean & Charles d'Armagnac étoient fils de Jean
d'Armagnac , Premier Valet de- Chambre & Mai
tre d'Hôtel des Rois Henri IV & Louis XIII.
Confeiller d'Etat , Gouverneur de Loudun , & c.-
& de Louiſe d'Aviau , Dame de Piolant .
Ce te branche de la Maifon d'Armagnac , qui
vient de finir en la perfonne de celui qui donne
lieu à cet article . éroit originaire du Bearn , &
fortoit des Barons de Termes & de Sainte Chriftie.
Cette Maifon porte pour armes, d'argent au lion de
gueule , furmonté de trois chevrons d'azur.
Le 6 Janvier Henri -Louis- Paulin Dagueſſeau ,
fils de M. Dagueffeau de Frefne , mourut âgé des
fix mois , & fut inhumé à Saint Roch..
Le 13 , Marie Mgdeléne de Tourneburne de
Saint Lumier époufe de Philibert Durand d'Ax¹ ,
Confeiller du Roi en fes Conſeils , Grand Maître
des Eaux & Forêts de France au Département de
Bourgogne & de Breffe , Seigneur de Daby & auMARS
. 1750. 209
tres lieux , mourut âgée d'environ 60 ans fur la
Paroiffe de Saint Paul , & fut tranſportée en la Paroiffe
de Sainte Anne de Daby , Diocéfe de Sens.
Le 14 , Marie-Anne Colbert , veuve de Louis de
Rochechouart , Duc de Mortemart , Pair de Fran.
ce , Prince de Tonnay Charente , Marquis de
Luffac & autres lieux , Général des Galéres , mou.
rut âgée de 84 ans dans le Couvent des Dames de
Sainte Marie , à Saint Denis en France , & y fut
inhumée.
Marie - Anne étoit fille de Jean - Baptifte Colbert ,
Miniftre & Secretaire d'Etat , & de Marie Charron.
La haute capacité de ce Miniftre , fon zéle
& fes foins infatigables pour feconder les grandes
vues que Louis XIV . avoit fur les Sciences , les
Arts , la Marine & le Commerce , lui ont fait une
réputation fi jufte & fi folide , que fon nom fera
toujours un des titres les plus glorieux dont fa
poftérité puiffe fe décorer. Marie Anne fut mariée
le 14 Février 1679 , & refta veuve le 3 Avril
1688 ; elle a eu cinq enfans de fon mariage avec le
Duc de Mortemart. 1. Louis II . du nom , qui a
continué la branche ; 2 °. Jean - Baptifte , qui a fait
la branche des Comtes de Sainte Maure . 3 ° . Marie-
Anne , née le 22 Novembre 1683 ; 4 ° . Lu-
Gréce - Angélique , née le 31 Décembre 1684 ,
Religieufe aux Filles de Sainte Marie de Saint De
nis , morte le 7 Décembre 1725 ; 5º. Marie-Fran
çoife , née le premier Janvier 1686 , mariée le 17
janvier 1708 à Michel Chamillart , Marquis de
Cany , Grand Maréchal de Logis ; & en fecondes
nôces , le 10 Décembre 1722 , à Louis Charles
Taleyran , Prince de Chalais , Grand d'Espagne.
Le 16 , Germain - Sebaftien Elizabeth , cmte
de Rofmadec , Officier au Régiment du Roi , moutut
& fut inhumé à Saint Sulpice. Il étoit fils de
210 MERCURE DE FRANCE.
Michel- Anne- Sebaftien de Rofmadec , Marquis de
Goulaine , & de Marie- Marguerite le Fevre d'Or
meffon de Cheré , & petit- fils de Sebaſtien , Comte
de Rofmadec , Marquis de Goulaine , & de
Bonne- Elizabeth d'Efpinoze.
DesMémoires particuliers commencent la Gé
nealogie de la Maifon de Rofmadec par Rivallon
de Rofmadec , vivant l'an de grace 892 , qui avoir
époufé Adelle de Roftrenen , petite-fille de Guillaume
de Roftrenen , Connétable de France fous
Louis le Débonnaire : mais nous nous en tenons à
celle que cette Maiſon a préfentée aux Etats de
Bretagne. Le premier dont elle faffe mention , eft
Rivallon de Rofmadec , Chevalier , qui fonda
P'Abbaye de Landevence , l'an 1191 , du confentement
d'Eleonore de Leon , fa femme , Princeffe
iffue du Sang des anciens Princes de la Bretagne
Armorique. On peut juger par là quelle eft la nobleffe
& ancienneté de la Maifon de Rofmadec.
V. la Colombiere.
Le 18 , François - Louis Rouffel , Meftre de-
Camp de Cavalerie , Aide- Maréchal Général des
Logis des Armées du Roi , mourut âgé de 22 ans ,
& fut inhumé à Saint Roch.
Le 19 , Jean - François- Louis Comte de Billy ,
Seigneur de Villetartre , Colonel du Régiment
d'Enguien , mourut à Paris , & fut inhumé dans
l'Eglife Abbatiale de Saint Germain - des - Prez. Il
avoit fervi avec diftinction pendant toute la derniere
guerre , & il avoit donné dans les batailles
& les fiéges où il s'eft trouvé , des preuves d'intelligence
, de capacité & de bravoure , qui le font
extrêmement regretter. Il avoit été Aide- de- Camp
de S. A. S. M. le Comte de Clermont , Prince du
Sang.
Il étoit fils de Jean - François , Comte de Billy,
MARS. 1750. 211
Seigneur de Villetartre & autres lieux , Meftrés
de -Camp de Cavalerie , Chevalier des Ordres
Royal & Militaire de Saint Louis , & de Saint Lazare
, Premier Gentilhomme de la Chambre de
S. A. S. M. le Comte de Clermont , Prince du
Sang , mort à Paris le 8 Juin 1739. ( V. le Mer
eure de France du mois de Juillet 1747 ) & de Marie-
Adelaide de Favieres , fille de Guillaume de Favieres
, Maître des Comptes , Seigneur du Pleffisle-
Veneur & autres lieux.
Il écoit le dix feptiéme defcendant en ligne directe
du fils aîné de Nivellon de Billy , qui vivoit
au commencement du treiziéme fiécle , & qui tiroit
fon origine des anciens Seigneurs de Billyfur-
Ouraq , près Muret , en Valois , Maiſon déja
illuftre dès l'année 1080 , ainfi qu'on le voit dans
les Mémoires de Caftelnau , t . 7. 1. 4. Voyez auffi
P'Hiftoire Genealogique des Grands Officiers de la
Couronne , édit. 1726, tom. 2. Le premier titre qui
y eft produit , eft de l'année 1142 , & prouve que
cette Maifon étoit dès - lors très - diftinguée. Ses
armes font variées d'or & d'azur à deux faces de
gueule .
Le 20 , Marie-Theréfe Bouhier , veuve de François
- Paul , Marquis de Rouvray , Maréchal des
Camps & armées du Roi , mourut âgée de 55 ans ,
& fut inhumée à Saint Sulpice . Elle étoit fille de
Benigne Bouhier , Préfident du Parlement de
Bourgogne , & de Claire de la Toifon d'or.
Le 22 , Angélique de Gouffé de la Roche-Allart
époufe de Jacques - Louis- Alexandre Tancrede de
Caumont , Marquis de Caumont , Capitaine des
Vaiffeaux du Roi , Chevalier de l'Ordre Royal &
Militaire de Saint Louis , mourut âgée de 36 ans
& fut inhumée à Saint Eustache.
Le 31 , Louis François Crozat , Marquis du
212 MERCURE DE FRANCE.
Châtel , Lieutenant Général des Armées du Roi ,
mourut & fut inbumé à Saint Mery. Il avoir
époulé le 5 Septembre 1722 Marie - Theréfe - Cathérine
de Gouffier d'Heilly , fille de Charles-Antoine
de Gouffier , Marquis d'Heilly , & de Cathérine-
Angélique - Albert de Luynes. Il étoit fils
d'Antoine Crozat , Seigneur du Châtel , de Mouy,
de Vaudeuil , Receveur Général du Clergé , Tréforier
des Etats de Languedoc , reçu grand Tréforier
des Ordres du Roi , le 28 Septembre 1715 ,
& petit-fils d'Antoine Crozat , Capitoul de Touloufe.
Le 13 de ce même mois , Raoul- Abraham Paon
mourut à Cany , dans le Pays de Caux , âgé de
102 ans.
Lorfque nous avons rapporté dans le Mercure
du mois de Février dernier le mariage de Jean-
Baptifte Donatien de Vimeur , Comte de Rochambeau
; n'ayant reçu aucun Mémoire fur ſa Génealogie
, nous nous étions contentés de faire quelques
recherches. Celles que nous avons faites
depuis , font plus sûres & plus exactes , & nous
mettent à portée d'en donner l'extrait ci - après ,
qui prouve l'ancienneté de cette Maiſon , dont
on ne connoît point le commencement , & qui a
toujours ferv avec diftinction . Le plus ancien titre
dont nous ayons connoiffance , & d'oùfait la filiation
, prouve que cette Maiſon eftjétablie dans le
Vendômois , depuis au moins quatre cens ans , &
commence à
"
Premier degré, Macé de Vimeur , Ecuyer , Seigneur
de Leroux , qui eut pour femme Demoiſelle
Perrette de Cholé comme il paroît pir une
Tranfaction du 13 Août 1380 , entre ladite Demoiſelle
de Cholé , veuve & Douairiere dudit
Macé de. Vimeur , Ecuyer , Seigneur de Leroux ,
MARS. 1750. 213
& les tuteurs de Giles de Vimeur , fon fils , qui
fuit.
Second degré. Giles de Vimeur , premier du
nom , Ecuyer , Seigneur de Leroux , époufa le 10
Juillet 1426 Demoifelle Judith de Tibergeau ,
dont il eut
Troifiéme degré. Macé de Vimeur , ſecond du
nom , Ecuyer , Seigneur d' Imbloy , & de la Vaudieres
, en Vendômois , qui époufa le 8 Avril 1450
Demoifelle Jacquette de Jufton , fille de Robert
de Jufton , Ecuyer, Seigneur d'Ambloy, dont il eut
entre autres enfans
Quatrième degré. Giles de Vimeur , fecond du
nom , Ecuyer , Seigneur d'Ambloy & de la Vaudieres
, qui époufa Demoiſelle Jeanne de la Ro
che , dont il eut pour enfans
Cinquiéme degré. Mathurin de Vimeur , Chevalier
, Seigneur d'Ambloy , qui époufa le 19 Janvier
15fo Demoiſelle Chriftine de Bellon fille de
Pierre de Bellon , Chevalier , Seigneur de Rochambeau
& d'Aupuy , Gouverneur de la Ville de Ham,
en Picardie , dont il eut pour fils
Sixième degré. René de Vimeur , premier du
nom , Chevalier , Seigneur de Rochambeau , qui
époufa en premieres nôces Demoiſelle Renée de
Maillé , fiile de Jean de Maillé , Seigneur de Ruillé
&. du petit Bennehart ; lequel étoit coufin germain
de Hardouin de Maillé , cinquiéme ayeul de
Claire Clémence de Maillé , femme de Louis de
Bourbon , Prince de Condé . Il eut de Renée de
Maillé , René qui fuit.
Il époufa en fecondes nôces Marie de Salviaty ,
fille de Jean, Seigneur de Tally , qui étoit petit- fils
de Bernard de Salviaty , Gonfalonier de Florence,
Maiſon illuftre d'Italie , dont il n'eut point d'enfans.
214 MERCURE DE FRANCE
Septiéme degré. René de Vimeur , fecond da
nom , Chevalier , Seigneur de Rochambeau
époufa le 14 Juin 1597 Demoifelle Claude de
Filleul , fille de Michel de Filleul , Ecuyer , & de
Claude Courtin , dont il eut entre autres enfans
•
Huitiéme degré. René de Vimeur , troifiéme du
nom , Chevalier Seigneur , de Rochambeau , qui
fut nommé Député par la Nobleffe du Vendômois
aux Etats Généraux qui devoient fe tenir à Tours
en 1652. Il époufa le 8 Décembre 1632 , Demoi.
felle Marguerite Hurault , fille d'Anne Hurault ,
Chevalier, Seigneur de Saint Denis , de la Maiſon
du Chancelier de Ghiverny , dont il eut René
de Vimeur , qui fuit.
Il époufa en fecondes nôces , le 10 Août 1648 ,
Gabrielle de Culant , fille de Philippe de Culant ,
Chevalier, Seigneur du Buat , & d'Eſther de Felins ,
de Banthelu .
Neuviéme degré. René de Vimeur , quatriéme
du nom , Chevalier Seigneur de Rochambeau , de
Saint Georges , du Rofey , &c. époufa , le 2 Mai
1669 , Demoiselle Elifabeth de Menon de Turbilly
, fille d'Urbain de Menon , Comte de Turbilly
, & de Dame Marie de Chahannay . Ladite
Turbilly avoit pour ayeule Magdelaine de Maille
de la Tour Landry , fille de François , Comte de
la Tour Landry , & de Diane de Rohan. Il eut de
ce mariage Jofeph , premier du nom , qui fuit.
Urbain , Major de l'Equipage d'Artillerie , tué
à la bataille d'Hochftet.
François-Cezar , Chef d'Eſcadre des Armées
Navales , mort au mois d'Août dernier.
Gabriel , Seigneur de Saint Georges , dit l'Abbé
de Rochambeau .
Dixiéme degré. Joſeph , premier du nom , Chevalier,
Seigneur de Rochambeau , époufa DemoiMARS.
1750. 215
felle Marie Magdeleine Brachet , fille d'Antoine
Brachet , Ecuyer , & d'Anne de Gennes , dont il
eut
Onziéme degré. Jofeph , fecond du nom , Chevalier
, Marquis de Rochambeau , Gouverneur de
Vendôme , & Grand Bailli du Vendômois , qui a
époufé le 6 Décembre 1718 Demoiſelle Marie-
Claire - Theréle Begon . actuellement Gouvernante
de S. A. S. M. le Duc de Montpenfier , de laquelle
il a eu
Douzième degré. Jean- Baptifte- Donatien de
Vimeur , Comte de Rochambeau , Colonel du Ré
giment de la Marche , dont nous avons fait mention
au fujet de fon mariage.
En annonçant la mort de Madame la Comteffe
de Mailly dans le Mercure de Février dernier , ов
a dit qu'elle étoit morte âgée de foixante -fept ans.
Elle n'en avoit que trente-deux.
AVIS AU PUBLIC.
E Sieur Houdemart , Apoticaire - Droguiste
Lordinaire duRoi , à Paris , rue de la vieille
Monnoye , donne avis qu'il continue la diftribution
de fon Balfamique , comme il l'a annoncé
par divers écrits publics. Ce remede eft fouverain
pour les maladies de la poitrine & du poulmon
crachemens de fang , ulcéres , ptyfie , afthme ,
toux invétérées, fuperfluidités féreufes de la poitrine
, régles fupprimées , maladies provenantes de
mauvaiſes digeftions de l'eftomach , qui ont un
mauvais chile & fang vicié , qui gâte les refforts de
l'économie de la ftructure de les parties.
Il guérit les maladies vénériennes de quelque
nature qu'elles puiffent être & les plus défelperées ,
$
216 MERCURE DE FRANCE.
fans être obligé de garder la chambre , ni d'ar
voir recours au mercure vulgaire dont les fuites
font toujours trés- fâcheufes , attaquant chez
la plupart le genre nerveux , & chez les autres ,
par la foiblefle du tempérament , le poulmon ,
ce qui occafionne auffi des crachemens de fang,
en forçant les vaifleaux capillaires , & qui déchire
les lobes , en faifant fpectorer le pus , comme
ledit fieur l'a remarqué dans nombre de maladies
qu'il a traiteés. Non feulement ce remede les
guérit radicalement , même mais la goutte , les
rhumatifmes , l'hydropifie ; il leve toutes les obſtructions
, chaffe les glaires de l'eftomach , rétablit
la digeftion , & empêche de tomber dans la
Lienterie ; il leve pareillement les obſtructions du
foye , en fondant le fchire de la ratte.
Ce reméde pouffe par les felles & les urines ,
excite puiffamment la tranfpiration des humeurs ,
& purifie le fang.
M. H. eft ſeul poffeffeur de l'Eau des Graces ;
fi connue pour les maladies de la peau , comme
dartres vives , farineuſes , boutons , tannes & taches
, & qui embellit, blanchit , décraffe , adoucit ,
ôte les rides & rafraîchit le teint.
Comme il peut y avoir quelques perfonnes
qui douteroient de l'efficacité des médicamens
énoncés ci - deffus , & d'autres qui chercheroient
à les décrier , ledit fieur fe trouve muni d'un
nombre de Certificats des perfonnes de diftinction
qu'il a guéries , indépendamment du fuffrage de
plufieurs Docteurs de la Faculté de Médecine ,
qui ont été témoins de leurs effets.
APPRO
APPROBATION.
J
'Ai lû , par ordre de Monfeigneur le Chancelier
, le Mercure de France du préfent mois, A
Paris , le 6 Mars 1750 .
MAIGNAN , DE SAVIGNY
TABLE.
IECES FUGITIVES en Vers & en Profe
**
19
gieux Bénédictin de Clugny , à D*** Religieux
du même Ordre , contenant la fuite & la fin des
Remarques qu'il a faites fur le Livre intitulé :
Mémoires pour fervir à l'Hiftoire du Nivernois,
& Donziois , par M. N. D L. R. A. E. P. 3
La Toilette de Vénus. Cantate , par M. Roi , mife
en mufique par M. le Marquis de ***
Réponse à la Queſtion propofée dans le Mercure :
Lequel eft le plus glorieux de triompher de l'infenfibilité
d'un coeur indifférent , ou d'exclure
d'un coeur épris un rival tendrement aimé , 21
Autre Réponse à la même Queftion ,
L'année & l'Hirondelle , Fable ,
Obfervation fur l'Infecte appellé , Cloporte aquatique,
par M.Defmars, Docteur en Médecine, 39
Epitre à M. M. D. L.
30
37
45
Traduction de cette Strophe de l'Ode à la Fortu-
.ne : Montrez- nous , Guerriers , & c. 49
Solution d'une Question de calcul , propofée dans
le Mercure de Novembre ,
'Autre Solution du même Problêmc ,
Problême ,
Les Oiseaux & le Bauder , Fable allégorique
Mlle Guibert ,
K
50
52
55
>
Queſtion ,
59
61
Stances fur la Jaloufie ,
Lettre à M. Remond de Sainte Albine , pour fervir
de réponse à la Critique d'une autre Lettre
à l'Auteur fur l'amitié ,
Epitre à M. l'Abbé Trublet , Archidiacre & Chanoine
de S. Malo , de l'Académie Royale des
Sciences & Belles-Lettres de Pruffe , par M.
Desforges Maillard , des Académies Royales
des Sciences & Belles - Lettres d'Angers & de la
Rochelle , fur un voyage qu'il a fait à Saint
Malo ,
Etrennes Epigrammatiques pour l'année 1750 , à
Mrs de Voltaire , d'Arnand & Marmontel , par
le même ,
Obfervations fur l'Extrait de la Séance publique
tenue le 21 du mois d'Août 1749 , par l'Acadé
Imie Royale des Sciences de Toulouſe , inféré
dans le Mercure de Décembre 1749 ,
Ode fur la Paix ,
66
70
71
72
86
87
Lettre à M. Remond de Sainte Albine , par M.
Desforges Maillard , fur un Poëte François , 76
Prologue compofé par J. F. Guichard , & récité
avant la Comédie de l'Avare de Moliere , qu'u
ne affemblée de jeunes gens , dont l'Auteur
étoit , repréfenta le 29 Décembre 1749 , 83
Vers à M. Guichard , par M. R... qui étoit venu
à la repréſentation de cette Piéce ,
Queftion fur le nom de Cardin ,
Vers envoyés au premier jour de l'an à Mad. de
B .... par M. de S. ... ibid.
Mémoire de M. l'Abbé Lebeuf , Chanoine d'Auxerre
, adreffé à un Chanoine de l'Eglife de ****
pour donner au Clergé de Nevers un ancien
Ecrivain Eccléfiaftique , que quelques modernes
prétendent avoir été du Clergé d'Auxerre , 88
A M. de Curys , Intendant des Menus Plaifirs du
Roi , Etiennes , 97
•
98
99
127
128
Autres à M. l'Evêque , Contrôleur des Menus
Plaifirs du Roi ,
Mémoire fur les avantages & les inconvéniens de
la fiévre , lû à l'Académie de Beziers le 13 Novembre
1749, par M. Jean - Henri Nicolas Bouillet
, Docteur en Médecine de la Faculté de
Montpellier ,
Epitre à Mlle de S.... à qui l'Auteur avoit promis
une Chanfon ,
Dialogue fur les Langues anciennes & les Langues
vulgaires , traduit de l'Italien de Speron Spéroni.
Interloc. le Cal Bembo , Lazaro & un
Romain de la Cour du Pape ,
L'accord de la Sageffe avec la folie , adreffé à une
jeune Dile d'Angers, par M.de la Soriniere, 142
Lettre à M. Remond de Sainte Albine , fur le
Programme de l'Académie de Bordeaux , 143
Epithalame ,
Letttre de M. Morel , Chanoine de Montpellier ,
à M. l'Abbé d'Harfeuil , Membre de l'Académie
des Sciences de Bordeaux ,
Lettre à M. Remond de Sainte Albine ,
Précis des principales connoiffances de M. d'Azy
d'Etavigny , fourd & muet de naiflance , que le
Sr Pereire inftruit depuis environ deux ans , 151
Raifons qui rendent intéreflante la connoiffance
publique de l'Art du Sr Pereire , pour apprendre
à parler aux fourds & muets de naiffance ,
Differtation contre la Chambre noire de Newton,
par M. Gautier , Penfionnaire du Roi ,
Mots de l'Enigme & des Logogryphes du Mercure
de Février ,
Enigme & Logogryphes ,
149
146
150
153
158
164
ibid.
170 Nouvelles Litteraires , des Beaux-Arts , &c.
Programme de l'Académie de Pétersbourg , 190
Seconde Lettre de M. Rouffille , Chirurgien Oculifte
à Chartres , à M. *** Docteur en Médeci
me , fervant de Réplique à la Réponſe de M..
Daviel , inférée dans le Mercure de Juillet dernier
,
Devifes pour les Jettons de l'année 1750 ,
Explication de la Médaille ,
Récit de Baffe ,
Spectacles ,
191
199
200
201
ibid.
France , Nouvelles de la Cour , de Paris , & c . 203
Lettre à M. Remond de Sainte Albine , au fujet
d'un Prix de Mufique ,
Mariages & Morts ,
Avis au Public ,
205
206
215
Fautes à corriger dans le Mercure de
Décembre 1749 , fecond volume.
PAge 27 ,ligne 15 , enchaſſé , lifez , cantonné.
P.31,
1.2,
peu nourriffante.
exacte continue , 1 , exacte ¿o
Mercure de Février 1750 , dans les Vers
Picards , inférés p. 1 11 .
Vers 4. pnin , lifez & puin. Vers ‹ , dirouois ,
Jifez diroait. Ibid Bayeul , lifez , Bayent. Vers 10,
Pourrois , lifez , pourroais . Vers 12 , dans celle , lifez,
dans chelle. Vers 15 ,ferouais , lifez , ferosis . Vers
dernier , warwaille doit être écrit par un grand
W. C'étoit le nom d'un Bailly .
Même Mercure , dans l'Avis de la veuve
Mouton.
Page 209 , chez Mad. Socon ,lifez , M. de Sauroy,
Ibid . l'Abbé Coquillié , lifez , l'Abbé Recoquillié.
La Planche doit regarder la page
Les Jettons gravés , la page
La Médaille , la page
La Chanfon notée , la page
162
199
200
201
De l'Imprimerie de J. BULLOT.
DE FRANCE ,
1- 1
DÉDIÉ AU ROI.
JANVIER. 1750 .
LIGIT
||
UT
"
SPARCATS
гот 7
комая
sl A
Chez
A PARIS ,
CANDRE CALL
ANDRE' CAILLEAU , rue Saint
Jacques , à S. André .
La Veuve PISSOT, Quai de Conty ,
à la defcente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais;
JACQUES BARROIS , Quai
des Auguftins , à la ville de Nevers.
M. DC C. L.
Avec Approbation & Privilege du Roi.
LISTE DES
LIBRAIRES
THE NEW YORK
PUBLIC LIBR
débitent le Mercure
dans les
Provinces du Royaume.
ASTOR , LEND)
A Bordeaux , chés Raimond Labottiere , & chés
TILDEN FOUNDATION
Chapuis l'aîné , Libraires , Place du Palais , à
1905 côté de la Bourfe.
Nantes , chés Nicolas Verger & Jofeph Vatar.
Rennes , chés Jouanet Vatar , & Varac le fils , rue
Dauphine.
Blois , chés Mallen
Tours , chés Gripon , & Lambert .
Rouen , chés François - Eustache Herault , & chés
Cailloué.
Châlons-fur- Marne , chés Seneuze.
Amiens, chés la veuve François , & la veuve Godart ,
Arras , chés C. Duchamp , & chés Barbier,
Orleans , chés Rouzeaux .
Angers , à la Pofte , & chés Boffard , Libraire,
Dijon , à la Pofte, & chés Mailly,
Verfailles , ches Monnier .
Befançon , chés Briffaut , à la Pofte .
Saint Germain , chés Chavepeyre.
Lyon , à la Pofte.
Marſeille , chés Sibié , & Moffy , Libraires.
Beauvais , chés Deflaint .
Troyes , chés le Febvre , Michelin, Imprimeurs
Libraires , & Bouillerot , Libraire,
Charleville , chés Pierre Thefin,
Moulins , chés Faure,
Mâcon , chés Deffaint , fils.
Auxerre , chés Fournier .
Nancy , chés Nicolas,
Touloufe ; chés Robert.
Aire , chés Corbeville .
Poitiers , chés Faulcon .
PRIX XXX . SOLS.
V.LA
MERCURE
DE FRANCE ,
1
DEDIE AU ROI,
JANVIER . 1750 ..
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
SEANCE PUBLIQUE
De l'Académie Royale des Belles - Lettres ,
Sciences Arts de Bordeaux , le jour ,
de Saint Louis , 25 Août 1749.
M
Onfieur Thibault de Chanvalon,
Directeur , ouvrit la Séance par
un Difcours fur la caufe de la
muë de la voix ; c'étoit le fujet
propofé pour le Prix de cette année. L'Académie
n'ayant couronné aucune des Dif
fertations qu'on lui avoit envoyées, M.Th.
dit que malgré le dédommagement que le
•
A ij
4 MERCURE DE FRANCE.
Public avoit droit d'attendre en cette occafion
, il fe propoſoit , non d'établir un
fyftême fur la matiere qu'il alloit traiter ,
maisd'offrirfimplement des conjectures qui
puffent être conformes à l'expérience , &
adoptées des Médecins & des Anatomiftes.
Dans ce Difcours M. Thibault a deux
objets , il commence par parcourir & difcuter
tous les fyftémes connus fur la formation
de la voix , au moyen defquels il
établit en premier lieu comment elle fe
forme ; il cherche enfuite la caufe de fa
muë , & c'est là que les autres fyftêmes s'étant
tous arrêtés , un Auteur fe trouve livréà
lui-même fans fecours , & fans autre
guide que
fes
propres conjectures .
La trachée artére , qui eft le canal par
lequel nous refpirons , commence proprement
à la racine de la langue ; mais on a
donné à fa partie fupérieure le nom de larinx
: il eft fitué au haut du col , là où fe
fait remarquer cette tubérofité faillante
nommée vulgairement le noeud de la gorou
la pomme d'Adam .
On y trouve deux membranes demi circulaires,
très-minces . La féparation ou l'intervalle
que laiffent entr'elles ces deux
membranes , forme une fente ovale , longue
de huit à dix lignes , & large d'une
ligne au plus ; c'eft cette fente que l'on
ge
JANVIER
. 1750. $
nomme la glotte : les deux côtés qui ter
minent cette ouverture , font appellés les
lévres de la glotte ; le bord de chacune
de ces lévres eft une espece de ruban , large
d'une ligne , qui eft enfermé dans la
duplicature de ces membranes demi circulaires
, qui fe doublent & fe replient fur
elles -mêmes ; ces deux rubans , qui font
formés de fibres tendineufes , très élaftiques
, font tendus horisontalement
& arrêtés
par les deux bouts.
Après avoir parlé très-fuccinctement
de
quelques autres parties du larinx & de leur
ufage , les fyftemes les plus connus fur
cette matiere , dit M. Th . font ceux de
Mrs Dodart & Ferrein , tous deux Médecins
, & tous deux de l'Académie
des Sciences
de Paris ; cependant , ajoûte- t'il , c'eſt à Bordeaux , c'eft dans cette même Académie
qu'a pris naiffance celui de M. Ferrein , qui
comme on le verra bientôt , n'y a eu en
quelque façon d'autre part que de le confirmer
par les expériences
: l'un & l'autre
de ces deux fyftêmes font également
oppcfés
à celui des anciens.
Pour le prouver , il expofe d'abord le
fyftéme ou plutôt l'erreur d'Ariftote, que
les Phyficiens adopterent les uns après les autres , & dont ils ont refté deux mille
ans à fe dédire. Il pafle enfuite au fystéme
A iij
6 MERCURE DE FRANCE .
de M. Dodart , qui le premier fecoua le
joug , ofa combattre & détruifit l'opinion
des anciens.
Ils avoient fuppofé que la voix ſe formoit
dans la trachée , & M. Dodart, après
en avoir démontré l'impoffibilité , établit
au contraire qu'elle fe forme dans la glotte,
qui en eft l'unique & effentiel organe ,
parce que l'air qui vient du large canal
de la trachée, fe trouvant enfuite précipité
par le paffage étroit de la glotte, y acquiert
plus de viteffe , & que cette rapidité qu'il
acquiert , le fait heurter avec violence
contre les lévres de la glotte , qui le brifent
, & lui caufent les vibrations propres
à former la voix . Toute l'opinion de M.
Dodart fe réduit donc à établir que la voix
n'eft que l'effet de la modification de l'air ,
lancé impétueufement dans l'air qui repofe,
ou brifé par les obftacles qui s'oppofent
à fon cours ; voilà le fyftéme qui caufa
la ruine de celui des anciens & qui devoit
être lui -même détruit à fon tour par
l'expérience ; car ce n'étoit pas encore la
vérité toute entiére , mais on en étoit bien
près.
Quant aux différens tons de la voix , ils
ne proviennent par conféquent , fuivant
M. Dodart , que du plus ou du moins
d'ouverture de la glotte, en forte que plus
JANVIER.; 1750. 7
elle eft étrecie , plus les tons font aigus ,
parce que l'air y paffe plus rapidement ;
& par la raifon contraire , plus elle est
élargie , plus les tons font graves .
M. Th. expofe enfuite plufieurs phénomenes
de la voix , qui lui paroiffent inex
plicables fuivant ce fyftéme , d'autant plus
que l'explication que M. Dodart avoir
donnée lui- même de quelques-uns de ces
phénomenes , étoit fondée fur des erreurs
de fait , qui font ici relevées avec plus
d'étendue que n'en permet un extrait.
Après une ample difcuffion de ce fyftéme,
il paffe à celui de M. Ferrein , qui , felon
M. Th. avoit déja paru plus de vingt ans
auparavant à Bordeaux.
Il a déja été dir que le bord de chaque
lévre de la glotte eft un petit ruban formé
d'un écheveau de fibres tendineufes , trèsélaftiques.
M. Ferrein foupçonna , dit M.
Th . que la voix étoit produite par les
vibrations de ces rubans ; que ces vibrations
étoient occafionnées par l'action de
Pair qui traversant rapidement la glotte,
ne peut y paffer fans agir fur ces rubans ,
& que faifant fur eux la fonction d'un
archet , il les met en mouvement , & y
excite les vibrations propres à les faire
réſonner , comme les cordes des autres
inftrumens , & que fi cela fe paffoit de
A iiij
S MERCURE DE FRANCE.
même dans notre goffer , les différens tons
de la voix devoient dépendre du plus ou
du moins de tenfion de ces rubans , fuivant
les principes déja connus des inftrumens à
cordes ; c'étoit- là ce qu'imaginoit M. Ferrein
, & l'expérience juftifia fes conjectures
; mais on ne fçauroit , dit M. Th . laiffer
ignorer , que c'étoit auffi , à quelques
petites différences près , qui ne changent
rien au fond de ce fyftéme , ce qu'avoit
imaginé avant lui M. Sarrau , Secrétaire
de cette Académie pour les Arts ; il en fir
part à la Compagnie dans un mémoire ,
Tur la caufe & la formation du fon plein,
qu'il lar à une des Affemblées publiques
, tenue à pareil jour que celui - ci en
1720, & cette hypotheſe n'eft pas la feule
du mémoire de M. Sarrau , qu'il pourroit
révendiquer fur ceux qui les ont adoptées
, ou qui en ont profité , ou enfin qui
s'en font appropriés l'honneur de la découverte.
Quant à celle dont il eft ici queftion,
il ne l'a conçue que par l'analogie qu'il
trouvoit entre la méchanique des inftrumens
à archer ou à pinfer , & celle des inftrumens
à vent , de bois , de métal , ou autre
matiére. Il reftoit aux Anatomistes de
prouver , fur l'inftrument de la voix , ce
qu'avoit avancé M. Sarrau. La démonftration
n'en pouvoit être dûe qu'à M.
JANVIER. 1750. 9
Ferrein , fi connu par fon habileté dans
l'Anatomie
M. Th. parcourt enfuite fuccinctement
les expériences faites par M. Ferrein , propres
à appuyer fon ſyſtéme , & qui parconféquent
renverfent & contredifent toute
l'hypothefe de M. Dodart. Parmi ces expériences
, il n'a point oublié celle qui
laiffe voir , en foufflant dans le larinx ,
des vibrations dans les rubans tendineux ,
auffi apparentes & auffi fenfibles que celles
des cordes d'un clavecin ; il n'a pas omis
non plus celle qui démontre qu'un allongement
de deux ou trois lignes dans ces
rubans , fuffit pour remplir toute l'étendue
de la voix humaine.
De ces deux fystémes , M. Morel , Cha
noine de Montpellier , en a fait un troifiéme,
qui n'eft qu'un compofé ou une réu
nion des deux autres ; il prétend que la
voix eft un double inftrument , produifant
à l'uniffon deux fons d'une nature
différente , l'un par le moyen de l'air ,
comme le dit M. Dodart , l'autre , par les
cordes vocales de M. Ferrein , à peu près
comme un clavecin organifé. La premiere
de ces voix , il l'appelle voix organifée ;
la deuxième , voix luthée ; toutes deux
réunies font la voix pleine ; il ne faut
pas s'arrêter plus long tems à ce fyſtéine ,
A v
to MERCURE DE FRANCE.
puifqu'il tombe & s'écroule avec celui de
M. Dodart , par les expériences déja rapportées.
M. Ferrein , qui connoiffoit l'incrédulité
opiniâtre des hommes , quand il s'agit
d'établir une nouveauté qui contredit
leurs préjugés , n'a rien omis pour nous
convaincre en cette occafion ; car après
avoir expofé aux yeux fon fyftéme , en le
démontrant fur des larinx détachés du
gofier des animaux , & qui , quoiqu'inanimés
, ont cependant refonné lorfqu'on
y a fouflé dedans , il donne encore de
nouvelles preaves de cette vérité , en la
rendant également palpable , même fur
des corps vivans. Non content de ces
exemples , il cherche encore à nous montrer
un modéle d'un inftrument tel que la
glotte ; en effet , il nous rappelle qu'un
ruban que l'on met entre les deux lévres,
fi on le tiene tendu par les deux bouts ,
& fi on foufle avec un peu de force
réſonne & peut former des tons différens,
fuivant qu'il eft plus ou moins tendu ...
C'eſt au mémoire même qu'il faut avoirrecours
, & fi l'on veut des éclairciffemens
fur des phénomenes dont M. Th..
n'a point fait mention , il faut toujours.
tourner fon efprit du côté des inftrumens
à cordes , ils nous apprennent & mettent
JANVIER.
II
1750.
fous nos fens tout ce que nous voulons
fçavoir.
Auffi les explications amples & détaillées
que M. Th. donne lui -même des différens
phénomenes qu'il avoit objectés au
fyftéme de M. Dodart , comme inexplicables
, font toutes fondées fur la pratique
des inftrumens à cordes. De là il
prend enfuite occafion de faire faire quelques
remarques fur des obfervations qui
naiffent de la pratique de ces mêmes inftrumens
, & fur lefquelles il n'infifte , que
parce qu'elles lui femblent éclaircir , ou
du moins laiffer entrevoir la nature & la
cauſe du fon des inftrumens à vent , que
les bornes d'une affemblée publique ne permettoient
pas d'examiner avec plus de
détail. Par cette même raiſon il fe hâte
d'en venir au phénomene , dont l'Acadé
mie avoit demandé l'explication , & qui
fait le deuxième objet de fon difcours , la
cauſe de la mue de la voix ; mais on penſe
bien que les conjectures qu'il propofe à ce
fujet , font fondées fur les principes , ou
plutôt fur les expériences de M. Ferrein ,
& qu'il n'eft plus queftion du fyftéme
imaginaire de M. Dodart.
ans ,
A l'âge de quatorze , quinze ou feize
plutôt ou plus tard , fuivant la différence
des tempéramens ; notre corps
A vj
12 MERCURE DE FRANCE.
4
éprouve des changemens confidérables &
bien fenfibles ; notre voix qui jufques-là
ne différoit point de celle des femmes
change alors & baiffe d'environ une octave
; on éprouve dans le fang une plus
vive chaleur ; les forces augmentent , & c .
Voilà quelques- uns des principaux fignes
du paffage de l'enfance à la puberté .
Tout annonce alors que certaine humeur
eft enfin parvenue à forcer les paffages
& à déboucher les replis tortueux
des vaiffeaux de la génération . .... De- là
elle eft enfuite repompée dans la maffe du
fang , confondue ainfi avec le reste des
liqueurs où elle eft rapportée ; elle leur
communique fon activité , elle donne à
toutes les parties l'agilité , le reffort , la
force & la chaleur qui manquent à ces
créatures qu'on a privées pour jamais des
fources fécondes de la vie .... De cette
nouvelle chaleur réfulte une tranſpiration
plus abondante ( que l'expérience confirme
) & voici le changement que l'on
peut préfumer , que cette augmentation
de tranfpitation opére fur les cordes vocales
pour la muë de la voix .
On fçait qu'il n'y a que deux caufes qui
puiffent rendre les tons d'une corde plus
graves qu'ils n'étoient , fçavoir , ou moins
de tenfion ou plus de groffeur ; or la chaJANVIER.
1750. F3
leur & l'activité , dont le fang eft alors
animé , & la vigueur que toutes les par- .
ties du corps acquiérent à la puberté , loin
de faire préfumer que la tenfion de ces
parties foit diminuée , nous affûre au contraire
qu'elle eft augmentée ; ainfi ce n'eft
pas une moindre tenfion dans les cordes
vocales , qui produit la muë de la voix ; il
faut donc recourir à l'autre caufe , & chercher
comment à l'âge de puberté les cordes
vocales peuvent acquerir plus de grof.
feur,
On ne peut pas fuppofer que cet effes
foit produit par une humidité plus abondante
qu'auparavant , puifqu'au contraire
la tranfpiration a augmenté : on doit donc
bien plutôt préfumer qu'il eft caufé , fi on
ofe le dire , par le defféchement qu'occa
Lionne cette tranfpiration
.
Quand on humecte quelque corps , par
exemple du parchemin , cette humidité
s'infinuant intimement entre les fibres de
ce corps , par cette fituation elle tient ces
fibres féparées & écartées les unes des autres
, & elle empêche leur réunion , tout
autant qu'elle y féjournera ; mais auffi - tôt
que la chaleur pénétre ces corps , & qu'elle
les defféche , ces fibres , reprenant leur
liberté , fe réuniffent& fe rapprochent les
unes des autres, comme on le voit dans ce
14 MERCURE DE FRANCE.
même parchemin , dont toutes les parties
fe retirent & fe contractent d'une façon
bien fenfible aux approches du feu.
›
Voilà ce qui arrive dans les rubans tendineux
de la glotte ..... l'humidité qui
abonde dans les enfans.... fe gliffant entre
les fibres de ces rubans , les tient divifées
en un grand nombre de fibrilles trèsminces
, qui par leur petiteffe , lorfqu'elles
font ainfi féparées dans l'enfance les
unes des autres , ne peuvent rendre que
des fons aigus ; mais la tranfpiration , augmentant
à l'âge de puberté , dégage les fibres
de ce fluide furabondant qui les tenoit
divifées , & par- là les met en état de fe
rejoindre : ainfi la réunion de ces fibrilles
forme de plus groffes fibres , ou plutôt ſe
raffemblant toutes , & fe refferrant l'une
contre l'autre , elles ne font plus de chacun
de ces rubans de la glotte qu'une feule
corde , dont on fent bien que les tons doivent
être alors plus graves. Que l'on rapproche
ces conjectures de l'expérience ,.
on ne peut douter que cette humeur fubtile
& vivifiante , dont il a déja été parlé ,
ne contribue au changement de la voix ,
puifque les tons en deviennent beaucoup
plus graves par fa préfence , au lieu que
dans ceux en qui elle n'existe pas , ou en
qui elle a été fupprimée , même après la
JANVIER. 1750. 15
puberté , la voix refte claire , perçante , &
auffi aigue qu'elle eft dans l'enfance .
On ne peut pas douter pareillement
que cette même fuppreffion ne rallentiffe
infiniment la chaleur du fang ; on en a tous
les jours la preuve fous les yeux : rien de
moins vif & de moins vigoureux que les
hommes , les chevaux , ou autres animaux,,
en qui on a détruit les organes de la génération
.
Or voilà deux effets inféparables ; cette
chaleur une fois introduite dans le fang ,
la voix groffit ; cette chaleur une fois fupprimée
, la voix grave s'éteint l'un fuit
l'autre >
& ils n'exiftent point l'un fans
l'autre ; c'eft-là tout ce qu'il faut pour caractériſer
une caufe , & pour diftinguer
fon effet. N'eft-il donc pas à préfumer ,
conclut M. Th. & l'expérience ne le confirme-
t'elle pas , que la mue de la voix ,
ou la groffeur des cordes vocales , n'a pour
premiere caufe que cette vive chaleur
qu'apporte dans le fang ce fluide actif &
fpiritueux ?
"
Toutes les conjectures de M. Th. fur la
caufe de la muë de la voix , fe réduifent
donc aux conféquences fuivantes.
1. Les tons graves que la voix acquiert
par la muë , font incontestablement occafonnés
par cette humeur féconde qui dif16
MERCURE DE FRANCE.
tingue la puberté de l'enfance , puifque là
où elle eft , il y a des tons graves , là où
elle eft fupprimée , la voix refte ou devient
claire & aigue.
2° . Ce changement ne fe fait point par
une moindre tenfion des cordes vocales ,
puifqu'au contraire la chaleur & l'activité
que cette humeur communique au fang
donnent plus de force , de vigueur & de
tenfion,à toutes les autres parties du corps.
Ce changement ne peut donc être produit;
que par une augmentation de groffeur dans
les cordes vocales .
3º. Or cette augmentation de groffeur
ne provient point certainement d'une
augmentation d'humeurs dans le corps ,
car la chaleur & l'activité du fang , devenant
plus grandes , doivent rendre auffi la
tranfpiration plus abondante .
4° . Cette augmentation de groffeur dans
les cordes de la glotre ne peut donc provenir
que d'une féchereffe , occafionnée
dans le tiff de leurs fibres par une plus
forte tranfpiration , & cette fécherelle
donnant la liberté à ces fibres de fe rapprocher
les unes des autres , elles forment
par leur réunion de plus groffes cordes
dans la glotte , qui rendent des fons plus
graves.
Les bornes , prefcrites aux lectures des
JANVIER. 1750. 17
affemblées publiques , ne permettant pas à
M. Th. d'entrer dans un examen fuivi de
toutes les difficultés qui pourroient lui
être objectées , il n'a pas du moins obmis
de répondre à celle qui fe préfente d'abord
, fçavoir , pourquoi les organes de
la voix ne peuvent plus former les mêmes
tons aigus & feminins qu'ils faifoient
auparavant , quoiqu'on dife cependant
qu'ils ayent acquis plus de tenfion par la
nouvelle chaleur occafionnée dans le fang
à l'âge de puberté ; mais il faut obferver ,
dit il , que ces cordes groffiffent confidérablement
comme le prouve affez le
grand changement qui arrive à la voixí
par conféquent pour ramener ces cordes
au ton de l'enfance , il faudroit leur don
ner une tenfion extraordinaire , que nous
ne fçaurions fupporter , & c'eft en effet de
quoi nous avertit la douleur , quand nous
voulons nous y efforcer , de même que
quelque tenfion qu'on donnât à une corde
de baffe , on la cafferoit fans pouvoir parvenir
à lui faire rendre les fons d'une
mince chanterelle.
M. Th. établit enfuite , que par les raifons
contraires à celles qu'il a alleguées
fur la caufe de la muë de la voix , ce doit
être l'humidité fuperflue qui abonde dans
les femmes , dans les enfans , &c . qui leur
18 MERCURE DE FRANCE.
donne une voix claire & perçante. Il
finit par quelques exemples que nous
avons affez fréquemment à notre portée ,
propres à nous prouver combien l'humidité
contribue , ou plutôt eft néceffaire à
la formation des tons aigus. En effet lorfqu'on
eft enroué , la voix devient beaucoup
plus grave , parce que cette humeur
onctueufe , qui doit humecter fans ceffe le
larinx , eft alors fupprimée ou épaiffie ,
& nous éprouvons pareillement , dit-il
que foit dans des mouvemens de paffion ,
foit dans quelqu'autre violente agitation ,
le gofier le defféchant , le ton de notre
voix en devient beaucoup plus grave.
Le Difcours de M. Thibault fut fuivi
de la lecture d'une Differtation de M. du
Fau , Médecin de Dax , fur la rage. Après
la deſcription de cette maladie , des voies
par où elle fe communique , & des moyens
de s'en garantir , M. du Fau dit , que
tout concourt à perfuader que la rage eft
dans les animaux , qui la conçoivent
d'eux-mêmes , un effet de la foif & de la
fiévre ; on peut rendre un chien enragé ,
en l'empêchant de boire pendant un cer-
ཙྪནྟི
tain tems.
Cette contagion infinuée dans le corps
ne fe manifeſte pas toujours dans le même
terme, mais ordinairement dans les quaran
JANVIER . 1750. 19
te premiers jours , plutôt ou plûtard , fuivant
que les moyens, par lefquels elle s'eft
introduite , ont été plus ou moins efficaces.
Plufieurs Auteurs rapportent que le venin
de la rage a quelque fois demeuré caché
plufieurs mois & des années entieres.
A confidérer les fymptômes de la rage ,
depuis le commencement de fes attaques
jufqu'à la fin , il paroît , felon M. du Fau ,
que fon venin s'attache furtout , & en
premier lieu , aux nerfs & à leur principe.
C'eſt en effet à l'érétiſme , ou à l'irritation
des parties nerveufes , qu'on doit , dit- il ,
attribuer les douleurs , les anxiétés , le
fommeil agité de mouvemens convulfifs ,
& autres accidens qui fatiguent fans cauſe
apparente dans l'origine de cette maladie.
Le défordre des nerfs faifant des progrès ,
il fe forme des obftacles au progrès des liqueurs
, de-là les engorgemens inflammatoires
, la fiévre aigue , la ftrangurie , la
gangréne & la mort .
Le défordre qui furvient dans les fonctions
de l'ame , prouve que le vice des
nerfs s'étend jufqu'au cerveau. Cette horreur
infurmontable pour l'eau , malgré
une foif ardente ; les efforts que les hydrophobes
font , même malgré eux , pour
mordre , manifefte l'altération de cet organe
; ce défordre de l'imagination eft
20 MERCURE DE FRANCE,
d'autant plus furprenant , qu'il n'a point
de rapport avec ce qui fe paffe dans les
maniaques & les frénétiques, qui ont de la
répugnance pour la boiffon , puifque ceuxci
font infenfibles aux impreffions de la.
foif, & dans leurs accès de fureur ils font
fans connoiffance . Ce n'eft que dans l'hydrophobie
qu'on eft aliéné fans perdre
connoiffance , & comme malgré foi : on
diroit que le venin de la rage s'empare
des organes des fenfations , qu'il les fouftrait
à la domination de l'ame , & les rend
prefque conformes à ceux de la bête , qui
l'a communiqué ; de- là viennent ces envies
d'aboyer & de mordre , qu'on youd roit & .
qu'on ne peut contenir .
M. Dufan laiffe la caufe premiere &
éloignée de cette contagion , croyant qu'il
eft plus raifonnable de donner fon appli
cation à la decouverte de fa caufe prochaine
& immédiate , à laquelle on peut efperer
de parvenir par la confidération des
accidens qu'elle produit..
Ila déja dit que les fymptômes de cette
maladie indiquoient fenfiblement une irritation
confidérable du gente nerveux ,
& une difpofition très inflammatoire , tant
dans les liquides que dans les folides.
L'infpection des cadavres , victimes de la
rage, confirme cette notion ; fuivant le rap
JANVIER. 1750. 21
port de tous les Obfervateurs , on leur a
trouvé conftamment les vifcéres , les membranes
, les graiffes , les parties mufculaires
, enflammées , defféchées , attrofiées ,
gangrénées ; ainfi tout concourt à démontrer
que cette maladie eft inflammatoire
au fuprême degré,
Lorfqu'il s'agit de préfervatifs contre la
contagion qu'on fait , ou qu'on foupçonne
avoir été communiquée ; les meilleurs
Médecins de tous les âges recommandent
de faire , autant qu'il eft poffible , & le
plutôt après qu'on a été mordu , une forte
ligature au-deffus de la partie bleffée , &
tout de fuite de profondes fcarifications
dans la playe , pour en faire fortir autant
de fang qu'on pourra . Les liqueurs falées ,
la diffolution de fel armoniac , l'urine même,
peuvent fervir aux mêmes fins ; on doit
enfuite cautérifer la bleffure avec un fer
rouge , & la faire fuppurer long-tems , au
moyen de legers corrofifs qui la tiennent
ouverte. Il eft cependant des remédes
plus doux , & par-là plus goûtés ; le plus
ufité , c'eft le bain dans la mer. Ôn a
vû des perſonnes devenir enragées , malgré
ce préfervatif , mais les exemples
de ce malheur font rares ; dans les lieux
éloignés de la mer , on a d'autres remédes
falutaires , comme la poudre de palmarin ,
22 MERCURE DE FRANCE.
celle des écreviffes brûlées , & autres femblables
. M. Dufau croit qu'on ne peut pas
regarder ces fortes de remédes , comme
des fpécifiques , après les malheurs qui en
ont démontré l'impuiffance ; mais la prévention
favorable qu'on a des remédes en
ufage , raffûre les efprits , & les guérit des
impreffions vives de la crainte , qui peuvent
dans une maladie qui trouble les
fonctions de l'ame , rendre l'origine des
fenfations fufceptible des atteintes. du
venin. Commencer par guérir l'imagination
, eft toujours un bon préparatif à la
cure radicale .
les
M. James , Auteur du Dictionnaire de
Médecine , propofe le mercure , comme
un reméde infaillible contre la rage . Pour
confirmer fon opinion , il rapporte plufieurs
expériences faites fur des chiens , &
quelques-unes qui n'ont pas moins réuffi
fur des hommes. Pour prouver que
effets de ce minéral font dûs à lui feul ,
fans égard aux propriétés particulieres des
differentes fubftances , aufquelles on peut
l'allier , ou le préparer ; il cite M. Default,
Médecin de Bordeaux , qui n'employoit
aucune préparation de mercure purgative
ou émétique pour la cure de la rage , puifqu'il
faifoit donner feulement des frictions
d'un onguent mercuriel , compofé de parJANVIER
. 1750. 23
ties égales de mercure , de graiffe humaine
& de lard , fans faire faliver , fe contentant
de faire prendre en même tems la
poudre de palmarin, avec la coraline, dans
du vin ; pour autorifer cette méthode , ce
Médecin rapportoit l'exemple de deux
perfonnes préfervées de la rage , fur le
point de fe manifefter ; deux autres perfonnes
mordues par le même loup étoient
mortes enragées , quand celles-ci eurent
recours à fes remédes.
doit
Le cas rapporté par M. Default eft capable
de faire impreffion , il manque néan
moins des principales conditions , que
avoir un fait de cette espéce pour faire foi
en Médecine , où l'on ne doit rien admettre
qui ne foit conftaté par des expériences
réitérées. D'ailleurs , dit M. Dufau ,
ce Médecin avoue que des quatre perfonnes
qui furent mordues par le même loup
enragé , les deux qui moururent ,
furent la
premiere & la derniere ; les deux autres ,
effrayées de la mort de celles - ci , n'eurent
recours à M. Default qu'après ce terrible
évenement ; mais les poudres d'écreviffes
brûlées , & autres , n'ont- elles pas opéré
les mêmes miracles ? Il eft plus que vrai
femblable que le venin de la le venin de la rage ne ſe
communique pas toujours à toutes les per
fonnes mordues par un animal enragé ,
#4 MERCURE DE FRANCE.
foit , parce que les particules vénimeuſes
font entraînées par le fang qui fort de
la playe , foit enfin , parce que tous les
fujets ne font pas également difpofés à
contracter ce venin & à le fomenter.
Les autres faits que M. James rapporte
méritent auffi notre attention , mais avec
les mêmes réſerves que ceux de M.Defaults
d'ailleurs il paroît que cet Auteur n'a guéres
employé que le turbit minéral dans les
épreuves qu'il a faites , d'où l'on peut
foupçonner que les heureux fuccès qu'il a
cûs dans l'hydrophobie , doivent être bien
moins attribués au reméde du mercure ,
quoiqu'il en foit la baze , qu'à la qualité
irritante qui lui vient de l'huile de vitriol,
qui le rend un des plus violens émétiques
purgatifs qu'on connoiffe .
L'analogie que les Partifans du mercure
trouvent entre la rage & le mal vénérier ,
n'eft pas capable d'ajouter beaucoup de
poids à leur fyftême. La rage , difent- ils ,
fe communique d'un corps à un autre ,
comme la maladie honteufe : mais M.
Dufau leur répond que le poifon de la
vipére , du fcorpion , de l'afpic , de la tarentule
, &c. fe communique de même.
Après tout , dit M. Dufau , les tentatives
de M. James font très- louables , quand
elles ne ferviroient qu'à confirmer l'ufagc
JANVIER. 1750. 25
ge
des anciens , d'exciter dans ces cas des
commotions violentes & des évacuations
abondantes au moyen de l'ellebore , de la
pierre d'armonie , de la colloquinte , qui
étoient de leur tems les feules drogues pour
opérer ces effets.
M. Dufau conclut fon Mémoire , en difant
que les expériences qu'on rapporte
pour prouver l'efficacité du mercure , manquent
de plufieurs conditions néceffaires
pour perfuader des hommes raifonnables ;
mais qu'elles fuffifent néanmoins pour
encourager les Médecins zélés pour l'avancement
de leur profeffion , à les renouveller
; que les occafions , à la vérité , en
font heureuſement rares , mais qu'on peut,
à l'exemple de M. James , travailler fur
les chiens.
Il feroit bon auffi de vérifier la pratitique
de M. Default fur les mêmes animaux
, en leur faifant donner des frictions
mercurielles , ou leur faiſant avaler
du mercure éteint dans du fucre , du beurre
& du fouffre .
Si après les moyens indiqués par Mef.
fieurs James & Default , on s'appercevoit
que le mal fît encore des progrès , M.
Dufau conſeille de mettre toute la confiance
dans les bains d'eau froide , ou en
arrofant le malade d'une grande quantité
B
26 MERCURE DE FRANCE.
d'eau , ainfi qu'on trouve dans l'Hift . de
l'Acad. ann. 1699 , qu'il fut pratiqué ,
à l'égard d'un homme auquel on jetta
deux cens féaux d'eau fur le corps , &
qui par ce feul reméde fur guéri parfaitement
de cette affreufe maladie.
M. le Chevalier de Chimbault lut
enfuite un Difcours , dont l'objet étoit
d'inviter les Botaniftes à communiquer
au Public les nouvelles Plantes qu'ils découvrent
, & à en donner des defcriptions
affez détaillées , pour garantir les autres
Botaniftes des méprifes où ils peuvent
tomber , en croyant de bonne foi les avoir
découvertes les premiers.
Il finit fon Difcours par l'exemple d'une
Plante aquatique , rapportée par M. Vaillant
, dans les Mémoires de l'Académie
des Sciences 1719 , que ce fçavant Botaniſte
nomme Stratiotes , ou Plume d'eau.
Le portrait qu'il en fait manque de plufieurs
traits qui la caractériſeroient fpécialement
, & qui empêcheroient de la confondre
avec d'autres Plantes aquatiques
qui lui reffemblent . Quelques Auteurs
ont conjecturé que Pline , liv. 6. ch . 5.
l'a défignée fous le nom de Potamogeton
Caftoris. Zobet & Cefalpin n'en parlent
que d'une maniere fort équivoque. Dale
champs , liv . 9. ch. 18. en a donné une
JANVIER. 27
1750 .
figure affez reffemblante , & la décrit fous
le nom de Miryophillum , ou Giroflée d'eau.
Dodonée la repréfente fous celui de Viola
aquatilis , & nous appprend qu'elle croît
dans les marais de la Gaule Belgique ,
& c.
M. le Ch . de Chimbault l'a trouvée dans
des marres aux environs de Bordeaux .
Elle y tient au fond par plufieurs racines
noires , excepté à l'extrêmité qui eft blanche
; elles font longues , grêles & fibreuſes.
De ces racines partent plufieurs feuilles
d'un beau verd , affez ſemblables à celles de
la fougére par leur largeur , leur couleur &
leurs découpures . Ces feuilles forment enfemble
au fond de l'eau une touffe d'affez
belle apparence . Au printems , cette Plante
pouffe de longues branches fort tendres ,
qui nagent dans l'eau & fous l'eau , garnies
à chaque noeud de plufieurs feuilles
rangées circulairement. En Avril ou Mai,
chaque branche s'allonge hors de l'eau.
d'environ fix , huit ou dix pouces , & forme
une tige , ( entierement dénuée de
feuilles ) qui porte les fleurs de la Plante ,
fleurs qui , felon le fentiment de M. Ray ,
ne fçauroient venir fous l'eau , fur quelque
plante que ce foit.
Pour établir le caractére générique de
cette Plante , M. le Ch. de Ch . croit
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
>
qu'elle doit être placée dans la feconde
Claffe de M.deTournefort, ou pour mieux
dire , dans la premiere , puifque (felon lui)
la premiere & la feconde n'en devroient
former qu'une. Sa fleur eft monopetale ,
reguliere ; elle commence par un tuyau
court , ouvert par le fond , qui s'évaſe en
forme de foucoupe , divifée en plufieurs
parties dans fes bords. Le piftille , qui s'emboite
dans le fond de la fleur , devient
dans la fuite un fruit fphérique , ſec &
rempli de femences ; le calice de la fleur
eft divifé également en plufieurs parties
qui foûtiennent la fleur , dont la couleur
eft un mêlange de blanc , de roux & d'un
pourpre très-clair . Cate Plante fe diftingue
aifément de celles des autres genres
qui lui reffemblent , par la forme de fon
piftille & de fon calice. Il faut fe garder
de la confondre avec le Ranunculus aquatilis
, albusfluitans peucedani foliis , cette derniere
étant fleurie en rofe , & non pas
monopetale. M. le Ch. de Ch. après la
defcription de la plante qu'il a obfervée ,
la défigne fous le nom de Strationes , Ramofum
Nodofum , flore ex albo ruffo , purpurafcente
, &c.
Le Difcours de M. de Chimbault fut
fuivi d'un Mémoire du Pere François ,
Recolet , fur une façon de connoître &
JANVIER . 1750. 29
de mefurer les courans de la mer ; l'Académie
des Sciences de Paris vient de propofer
ce fujet, mais celle de Bordeaux, également
occupée des befoins du Commerce
& de la focieté , l'avoit déja prévenue , &
avoit propofé , deux années confécutives ,
un fujet qui étoit à peu près le même que
celui- ci , & qui tendoit au même objet.
Il eft démontré par l'expérience , dit le
P. François , que lorfque deux corps flottent
fur un liquide coulant , celui qui eft
le plus enfoncé , eft emporté avec plus de
vîteffe , & que s'il eft entierement Äottant
fous la furface , il eft emporté avec la même
vîteffe que le liquide même , parce
que....le corps qui flotte fous la furface
du liquide , étant égal en maffe. à un égal
volume d'eau dont il occupe la place , il
s'enfuit que la vîteffe eft la même.
De-là le P. François a conclu qu'an
corps qui n'enfonceroit que la moitié defa
maffe , ne préfentant auffi que la moitié
de fon volume aux impulfions du courant
, n'en recevra auffi qu'une vîteffe proportionnée
à fon enfoncement , c'eſt- àdire
la moitié , & par conféquent ces deux
corps abandonnés enſemble au courant ſe
fépareront , puifqu'ils feront pouffés par
des forces qui feront entr'elles , comme i
Bij
30 MERCURE DE FRANCE.
à 2 , c'est-à-dire , comme les enfoncemens
dans tous les cas.
Le P. François dit , que ce qu'il avance ,
que les vîteffes & les impulfions feront
entr'elles comme les enfoncemens , n'eft
pas encore démontré , & que cela demande
des expériences pour conftater les vrais
rapports des vîteffes & des enfoncemens ,
lefquelles ne font pas difficiles à faire.
Cela étant fuppofé , dit- il , fi on atta
che à l'arriere d'un Navire A. deux boules
B , C , dont B. foit toute , ou prefque
toute enfoncée fous la furface de l'eau
( Fig. 1. ) & que C. flotte à demi enfoncée,
B. fera plus maniée par les courans , & les
cordes A , C. A , B, aufquelles font attachées
les boules A. & B. ne feront plus
paralelles , là où il y aura des courans , &
les boules B. & C. s'approcheront , ou
s'éloigneront l'une de l'autre , fuivant leur
rapport à la partie d'où viennent les courans
, car s'ils viennent du côté de B. qui
eft la plus enfoncée , les boules s'approcheront
, & elles s'éloigneront au contraire
, fi les courans viennent du côté de
C. qui eft la boule la moins enfoncée .
On peut fimplifier l'opération , car fi
au lieu d'y employer deux cordes , on enfile
les deux boules B , C. avec la même
corde ( Fig. 2. ) alors le Vaiffeau voguant
JANVIER. 1750. 31
dans des mers où il n'y auroit point de
courans , ces deux boules le fuivront exactement
l'une & l'autre dans fa ligne de
direction , mais s'il y a des courans ( Fig . 2. )
la boule B. étant plus enfoncée & plus
maniée par les courans , la corde où feront
enfilées les boules , fera un angle A , B , D.
plus ou moins grand , fuivant l'impulſion
des courans fur les boules. Cette pratique
décéle donc infailliblement les courans en
mer , mais comme les courans ont differentes
directions fur celle de la route du
Navire , cette feule obfervation ne fuffit
point › parce que les courans ne font pas
dans tous les cas impreffion fur les boules
dans la raiſon de leurs vîteffes , mais dans
celle des finus de l'angle de leur direction
fur celle du Navire , ce qui fait que fouvent
les impulfions feroient les mêmes ,
quoique les viteffes & les directions
fuffent fort differentes. Cette pratique ne
peut donc que conftater l'existence des courans,
mais elle n'en peut , ni meſurer la vîteffe
, ni indiquer la direction ; il faut
cela préparer la machine qu'a imaginée le
P. François.
CONSTRUCTION.
pour
Soit préparéé la boule A. d'une matiere
qui ne s'imbibe pas d'eau , par exemple
Biiij
32 MERCURE DE FRANCE.
d'un métal creux ; on augmentera fa péfanteur
, jufqu'à ce qu'elle flotte précisément
fous l'eau , c'est-à - dire , qu'elle foit prefque
entierement plongée ; cette boule fera fixée
à un des bouts d'un cordon , flexible A , B.
C. ( Fig. 4. ) par l'autre bout fera enfilée
la boule B. qui doit être percée par le milieu
, de façon que pour éviter les frottemens
, on puiffe y adopter deux rouleaux
connus aux Méchaniciens ( ou efpéces de
poulies ) cette boule B. ne doit être qu'à
demi plongée .
Cela étant ainfi préparé , fi on jette ces
deux boules dans un courant avec un même
cordon , la boule A. fera entraînée avec
plus de viteffe que la boule B , & fi l'enfoncement
de B. eft tel , que B. ne faffe
que la moitié de A , il eft évident que ces
deux boules fe fépareront , & que pendant
le tems que B. fe féparera de A , fi B. eft
éloigné de A. d'une toife , A. aura fait 2 .
toiles , tandis que B. n'en aura fait qu'une ;
voilà la vîteffe , & la ligne qui paffera par
les deux boules indiquera la direction .
Il ne faut lâcher du cordon , qu'à peu
près autant que l'éloignement des boules ,
& la route du Navire, le demandent.
JANVIER
. 1750. 33
A
AFig.
1.
C
B.
fig. 2 .
C.
fig. 3 .
B.
B.
OB
T :
-OC.
fig. 4.
B.
од
34 MERCURE DE FRANCE.
CANDVANDIDJA KAVA VIVA VIVA
L'ANE ET LE CHEVAL.
FABLE.
UNbaudet , marchant lentement ,
Sçut efquiver heureuſement
Les dangers d'un mauvais paffage ,
Où l'on riſquoit , même en Eté ,
D'être bien & dûment crotté ,
Pour ne rien dire davantage.
S'il n'eût point eû la vanité
De fe croire un fin perſonnage ,
Tout n'en auroit que mieux été.
A peine fut- il hors d'affaire ,
Qu'un cheval qui venoit derriere
Au galop , fans regarder où
Son ardeur généreufe & fiere
L'emportoit , alla jufqu'au cou
S'embourber dans la fondriere.
Holà , hé , vous n'êtes qu'un fou
De trancher ici de l'Alfane ,
Et du Bayard , lui cria l'âne .
Mon bel ami , vous fuivez trop
L'aveugle inftinct qui vous excite
A quoi bon aller fe galop
Pour moi , je ne vais jamais vîte ,
Et je ne m'en trouve pas mal.
JANVIE R. 1750. 35
Je le vois , répond le cheval ,
Et des fuccès , tels que le vôtre ,
Prouvent affez , maître Martin ,
Qu'on peut valoir bien moins qu'un autre ;
Et faire bien mieux fon chemin.
L'ANESSE ET LA CAVALE.
FABLE.
LAmere d'un ânon jadis
A celle d'un poulain adreffa ce langage :
Ma voifine , plus j'envisage
La reffemblance de nos fils ,
Plus je trouve qu'il m'eft permis
D'en attendre, à coup fûr, leur commun avantage.
Nés & nourris tous deux dans le même bocage ,
Tous deux mignons , tous deux jolis ,
En un mot , tous deux de même âge ,
Il ne leur refte plus qu'à devenir amis.
Mon poupon , que voilà , peut être utile au vôtre,
Comme le vôtre au mien. Je brûle de les voir
Partager leurs plaiſirs du matin juſqu'au foir ,
S'inſtruire tour à tour , fe corriger l'un l'autre.
Bref, il ne tiendra point à mon conſentement ,
Qu'au plutôt , en faveur de leur avancement ,
Ils ne vivent , fi bon vous ſemble ,
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
Ainfique vrais jumeaux , enſemble.
Ma voiſine , cela ne preffe nullement ,
Répond la cavale fincere.
Quoique vous m'en difiez , j'ai peine à convenir
Que pour leur bien commun il faille les unir ;
Car , tenez , quand je confidére
Combien les jeunes gens fçavent mieux retenir .
Le mal , que s'inftruire à bien faire ,
J'ai tout lieu de douter ( foit dit fans vous déplaire )
Que jamais votre fils puiffe apprendre à hennir ,
Et j'ai peur que le mien ne s'accoûtume à braire.
Des fots , des vicieux , l'exemple eft un poiſon ,
Aux enfans les mieux nés , fi fatal , fi nuifible ,
Qu'à cet égard on a raiſon , ..
De craindre même l'impoffible.
ဦး ဦး ဦး ဦး ၊
LE VILLAGEOIS , SON HORLOGE ,
ET SA FEM ME.
FABLE.
Ertain homme , qui , fans
compagne ,
Tenoit ménage à la campagne ,
Et s'ennuyoit d'être garçon ,
Acquit une horloge & prit femme.
Il vifoit de cette façon ,
JANVIER. 1750 . 37
Tant à bien régler ſa maiſon ,
Qu'à fixer la joie en fon ame.
Le projet fans doute étoit bon
Mais il n'eut point de réuſſite.
D'un côté , l'horloge maudite
N'alloit qu'à l'aide de la main ,
Ou s'arrêtoit preſque auffi vite
Qu'on l'avoit pû remettre en train.
Le filence étoit fon affaire ,
Et non le bruit. Tout au rebours ,
La femme ne fçavoit ſe taire ,
Et fur un rien avoit toujours
Quelque fâcheux fermon à faire.
Le pauvre homme en devint tout for.
Pour finir le conte en un mot ,
Souvent l'horloge fut muette ,
Souvent la femme querella .
Je plains quiconque fait emplette
De deux meubles comme ceux - là.
38 MERCURE DE FRANCE.
LETTRE
A M. Remond de Sainte Albine , fur la
néceffité de conferver à la Poftérité le détail
des procedés des Artiftes.
Onfieur , nous découvrons des fe-
Mcrets, mais il s'en eft perdu de dignes
d'être enviés aux anciens qui les poffedoient.
Pour épargner ces juftes regrets,
il feroit à défirer que dans chaque Corps
d'Arts & Métiers , on fît ce qu'on fait en
faveur de la Chymie; qu'on mît par écrit le
détail de toutes les opérations qui s'y pratiquent
; qu'on prît l'Art on le métier à fon
origine , montrant comment par gradation
il s'eft perfectionné , quel eft fon état actuel
en France , & quelles font les differentes
pratiques des autres pays dans le
même Art.
Les explications qu'on trouve dans le
Mercure de Juillet 1749 fur l'Art d'imprimer
des tableaux en couleurs , font affez
intéreffantes pour faire fentir combien il
feroit défirable qu'on tînt exactement regiftre
de tout ce que l'induftrie humaine
a inventé,& de ce qu'elle fait chaque jour
pour l'utilité de la focieté.
JANVIER . 1750. 39
Outre que l'avantage de pareils recueils,
( s'ils étoient bien faits ) empêcheroit les
Arts de fe perdre , la lecture de ces écrits
inftruiroit les gens qui ne font que pour la
théorie, & les génies créateurs dont on auroit
lieu d'attendre des découvertes dans
quelques-uns de ces Arts , s'il y en avoir
un corps complet , où les amateurs & les
curieux pûffent prendre une connoiffance
approfondie. Le Dictionnaire des Arts ne
remplit qu'une très médiocre partie de ce
qui eft à fouhaiter à cet égard .
(
gens
Les gens d'Art , les Manufacturiers , les
ouvriers , n'ont pas l'habitude d'écrire , &
faute de ftyle , ils feroient incapables de
détailler ce qu'ils exécutent chaque jour
encore moins de remonter à la naiffance
de leur métier , & d'expliquer la maniere
dont on l'exerce dans les pays étrangers.
L'inconvénient cft aifé à lever ; des
à talent & capables d'application , fuppléeroient
facilement à ce qui manque à
ceux qui n'ont que de la pratique ; il en
coûteroit peu à chaque Membre des Corps
& métiers pour payer une belle plume ;
l'homme intelligent qu'ils employeroient,
rédigeroit les explications qu'ils lui donneroient
, les fuivroit quelque tems dans
l'atellier , pour fe mettre bien au fait , repréfenteroit
les machines employées , con
40 MERCURE DE FRANCE.
fulteroit les Livres & répandroit par tout
une clarté , dont infailliblement les ouvriers
, même les plus groffiers , tireroient
des avantages . 4
Un autre bon effet de ce travail feroit de
procurer une occupation fenfée& lucrative
à divers gens d'efprit ; le défaut d'occafion
d'employer leurs talens , fait qu'ils en abufent
, en fe tournant du côté des ouvrages
frivoles. S'il étoit établi que le talent d'écrire
des chofes folides pût conduire à
une forte d'aifance , ils deviendroient
bons Citoyens, en s'attachant à des matieres
utiles , & leurs lumieres ne feroient
plus perdues pour la Patrie , J'ai l'honneur
d'être , & c.
@@: U❁
LA VILLE DE BOULOGNE ,
A M. le Comte de Treffan , Lieutenant
Général des Armées du Roi , & ci-deyant
Commandant du Bolonnois .
ODE
Par M. Chabaut , de l'Oratoire.
E Sprit né pour charmer la terre ,
Qui joins l'Art de Virgile à celui d'Annibal ,
JANVIER. 41 175.0.
La paix t'enleve à moi , la fureur de la guerre
Meût- elle fait autant de mal ?
Nos Mufes , de foucis troublées ,
Oubliront les accords joyeux , tendres & vifs ;
Loin de leur Apollon , leurs lyres déſolées
Ne rendront que des fons plaintifs,
**
Ton féjour décoroit ces plages ;
Ma gloire avec toi fuit : quel deuil pour mes
enfans !
Tu verras d'autres Cieux ; de plus heureux ris
vages
S'enrichiront à mes dépens.
**
La Nature fur ton viſage
Peignit de la bonté le pouvoir enchanteur ,
Et de nos coeurs voulant te garantir l'hommage ,
Dans tes yeux plaça la douceur .
***
A ta naiffance préfiderent
Les neuffçavantes Soeurs , avec Minerve & Mars,
Qui , prodiguant leurs dons , dans tes veines glifferent
La valeur & l'amour des Arts.
42 MERCURE DEFRANCE.
Aléxandre lifoit Homere ,
Si fertile en leçons néceffaires aux Rois ,
Et César écrivoit d'ane plume légere
Les mémoires de fes exploits.
Poffidonius , quel préſage !
Ton nom vivra , Pompée eft ton admirateur.
La porte du Sçavant reçoit un humble hommage
Des faiſceaux du triomphateur.
Digne de gouverner la terre ,
Le vainqueur de Numance , ami de Lélius ,
Avoit auprès de lui , foit en paix , foit en guerre ,
Polybe avec Panétius .
**
Mais à la honte de nos armes
Un tel goût ne fut point le goût de nos Héros ;
Leurs lauriers moiffonnés au milieu des allarmes
Se flétriffoient dans le repos.
+34
Il n'eft plus ce tems d'ignorance ,
Où nos preux Chevaliers , loin des Lettres nourris,
Trop contens de fçavoir fe fervir de leur lance
Craignoient d'enrichir leurs efprits.
>
JANVIER. 1750. 43
Un nouveau Soleil vient de luire ;
Au milieu des Héros le fçavoir eft admis ;
Aucun de nos Céfars n'eft honteux de s'inftruire ;
Apollon & Mars font amis.
Toi , dont la valeur nous étonne ,
Eugene , tour-à-tour tu fuis Minerve & Mars ;
Dès que l'on n'entend plus les clairons de Bellone ,
Les Mufes enchantent Villars.
Tel le Neptune de la France ;
L'intrépide Caylus , des Arts fait fon plaifir ;
L'onde a- t'elle ceffé d'exercer fa vaillance
Il leur confacre fon loifit. '
Les doctes Nymphes du Permeffe
De la folide gloire indiquent le chemin ;
Docile à leurs leçons , notre heureufe Nobleffe
Connoît le prix du ſang humain.
****
La valeur n'eft point fanguinaire ;
Les larmes des vaincus ont droit de l'attendrir ;
Elle eft modefte , douce , humaine , falutaire ,
Et ne bleffe que pour guérir,
44 MERCURE DE FRANCE.
Des Lettres l'Europe eft avide ;
Pour elles tout efprit aime à fe déclarer ;
Un fexe délicat , & trop long- tems timide,
De leur éclat veut fe
***
parer.
Les Deshoulieres reffufcitent ;
La lyre & le compas fuccédent au fuſeau ;
Du Bocage , Cheron , tour-à-tour prennent , quittent
,
Malebranche , Milton , Rouffeau,
***
Ton féjour me rendroit fameuſe
Mes enfans, excités par tes écrits brillans ,
Ne redouteroient plus la lutte glorieuſe
Qui développe les talens.
* x+
Mais tu pars... O douleur extréme !
Que le Ciel fur tes jours verfe fes dons chéris !
Garde-toi d'oublier une Ville qui t'aime",'
Comme une mere aime fon fils.
JANVIER.
4f
1750.
***************
A M. de la P.,. par M. de Voltaire , en
lui envoyant un exemplaire de Semiramis.
M Ortel de l'efpece très- rare
Des folides & beaux efprits ,
Je vous offre un tribut qui n'eft pas d'un grand
prix:
Vous pourriez donner mieux , mais vos charmans
Ecrits
Sont le feul de vos biens dont vous foyez avare.
CDCOVICDC2va
escavacases
A Mlle Lionnois , danfant dans l'Opéra
de Zoroafte , fous l'habit de la Haine,
AIR , Réveillez-vous belle endormie,
Quand tu parois fur notre Scène
Mon coeur ému prouve trop bien ,
Qu'à voir ainfi regner la haine ,
Jamais l'Amour ne perdra rien.
46 MERCURE DE FRANCE.
DESCRIPTION d'une pendule à équation ,
inventée par le Sr. Vincent,
>
Our qu'une pendule puiffe aller jufte
PO
il faut néceffairement qu'elle foit réglée
fur le Soleil . Cependant celui qui voudroit
l'affujettir à fuivre régulièrement le meilleur
cadran folaire , perdroit fon tems ,
puifque les mouvemens du Soleil font irréguliers
. Par les calculs des Aftronomes ,
nous connoiffons de combien il avance
dans les équinoxes , & de combien il retarde
dans les folftices . On a fait pour cela
des Tables d'équation du tems vrai &
du tems moyen , pour régler les pendules
fur les cadrans folaires. De plus , on a
joint des mouvemens aftronomiques aux
pendules ordinaires , pour indiquer journellement
la véritable heure . Tous les
Artiftes fçavent que ces équations font
données fur une pendule par le moyen
d'une roue qui fait fon tour dans une
année ; il eft donc néceffaire que cette
roue le rapporte précisément au mouvement
aftronomique , dont la révolution
annuelle eft de 365 jours , 5
heures 49
minutes & 12 fecondes. Dans toutes les
JANVIER .
1750. 47
pendules à équation , on fe contente ordinairement
d'une roue annuelle de 365
jours , ce qui ne peut donner un mouvement
jufte , puifqu'il fe trouve trop court
de 12 heures 48 minutes 12 fecondes. Le
Pere
Alexandre a donné un
mouvement
qui ne differe que de 13 fecondes , ce qui
ne donne pas encore la jufteffe requife,
L'intention de l'Auteur eft donc de donner
un mouvement annuel jufte , felon la ſupputation
la plus connue , & qui ne puiffe varier
dans aucun tems , même dans les années biffextiles
, fans qu'il foit befoin de jamais y
toucher . Car felon les équations ordinaires
,
il faut néceſſairement
qu'il y ait de l'erreur.
dans un tems ou dans un autre, puifque l'année
civile differe de
l'aftronomique
d'envi
ron un quart de jour, ce qui fait que tous
les
4 ans , on ajoûte un jour à l'année civile,
pour la faire rencontrer à
l'aftronomique .
il s'enfuit donc de là , que l'équation n'eft
donnée jufte que dans le courant de l'année
, qui fuit
immédiatement la biffextile,
car l'équation donnée , par exemple , au
premier Mars 1749 , à midi , fe trouvera
fauffe l'année d'enfuite à la même heure ,
puifqu'elle auroit dû être donnée à 6
heures 10 minutes 48 fecondes du matin
le premier Mars 1750 à minuit 21
minutes 36 fecondes : le premier Mars
48 MERCURE DE FRANCE.
1751. à 6 heures 3 2 minutes 24 fecondes
du foir de la veille , & en 1752 , cette
équation fe trouvera arriver 23 heures 16
minutes 48 fecondes trop tard , le tems
vrai ayant devancé d'autant le tems moyen.
Ainfi d'une biffextile , à l'autre , vous ne
pouvez avoir l'heure vraie que dans le
courant de la premiere année : encore fautil
que vous ayez cu foin de mettre votre
pendule fcrupuleufement d'accord avec le
foleil , en obfervant toutefois d'augmenter
au tems moyen , ou de diminuer au
tems vrai , pour les accorder au point don
né , & tous les quatre ans faire la même
opération.
Il eft donc démontré par là que les équations
, données par une table générale pour
toutes les années , font au moins de 4 ans
trois , fauffes ; de là s'enfuit , que les pendules
à équation , réglées fur un mouvement
aftronomique de 365 jours , font défectueules
, & ne peuvent fatisfaire les
curieux fçavans qui recherchent la précifion.
Car quand même à toutes les années
biffextiles vous ajoûteriez 24 heures , vous
ne pourriez jamais trouver votre compte ,
parce qu'alors l'année civile furpafferoit
l'aftronomique de 43 minutes 12 fcondes
tous les 4 ans , & de biffextile en bifextile
, pareil nombre ajoûté feroit à la fin
une
JAN VIER. 1750. 49
une erreur confidérable au bout de 25
ans , donnant 4 heures 30 minutes , & au.
bout de 100 , 18 ; au lieu que la
pendule
propofée
, une fois réglée , vous donne, pour
tous les tems, le tems vrai & le tems moyen,
fans qu'il foit befoin d'y jamais toucher
ni
dans les biffextiles
, ni même dans les années
centénaires
non biffextiles
, fon calcul
étant précis à la fupputation
aftronomique
de 365 jours 5 heures 49 minutes
1 2
fecondes
.
Pour donner plus de vérité à l'équation ,
l'Auteur a joint deux mouvemens annuels,
l'un pour le tems vrai, l'autre pour le tems
moyen , de façon qu'à toute heure on
connoît , à une ſeconde près , la véritable
équation , & on entend battre les fecondes
de part & d'autre .
Au haut de cette pendule eft un cadran
féparé pour les minutes , portant deux
aiguilles, une pour le tems moyen , & l'au
tre pour le tems vrai ; ce cadran eft couronné
par un demi cercle , faifant contour
au fommer de la pendule , divifé en 60
parties parcourues par une fleur de Lys pardeffous
& un foleil pardeffus , qui l'une &
l'autre marquent les fecondes , & quand
ils font parvenus à l'extrémité , rétrogradent
à l'inftant , pour recommencer leur
route fur le demi cercle , fans interruption
de tems. C
50 MERCURE DE FRANCE.
-
Au deffous des minutes eft placé le
grand cadran pour les heures , qui renferme
un mouvement aftronomique qui
lui eft concentrique. Le globe terreftre
eft placé immobile dans le centre , au tour
duquel eft un petit cadran de 24 heures ,
fert à faire connoître l'heure qu'il eft
dans toutes les parties du monde. La Lune
eft placée au deffus , tournant au tour du
globe terreftre , développant fes phaſes
& indiquant fon âge & fon lieu dans le
Zodiaque. Dans le plus grand cercle placé
entre celui des heures & celui du Zodiaque
, eft fufpendu un foleil marquant
fur le cadran la véritable heure & fon
lieu fur le Zodiaque. Concentriquement
& de chaque côté du cercle folaire , font
placés des nuages qui montent & defcendent
à mefure que les jours croiffent & diminuent,
derriere lefquels on voit le foleilfe
lever & fe coucher , marquant les équinoxes
& les folftices , & comme le foleit
ne paroît jamais depuis 9 heures du foir
jufqu'à 3 heures du matin , l'intervale de
ces heures eft rempli par un cartouche
qui fert de bafe à ce cadran , & de couronnement
à celui pour les mois, les jours
& les femaines, qui lui eft inférieur.
-A ce cadran aftronomique l'Auteur
pourroit ajoûter les mouvemens des planettes.
JANVIER 1750. Sx
Sur le cercle extérieur du cadran des
heures , eft une étoile qui fert à marquer
le tems moyen, pendant que le foleil marque
le tems vrai fur le cercle intérieur ,
avec cette difference que le foleil parcourt
les 24 heures , au lieu que l'étoile ne
quitte point l'hémifphere, commençant fa
route fur les 6 heures de l'Orient, juſqu'à
6 de l'Occident, & rétrogradant dans l'inſtant
de l'Occident en Orient , pour parcourir
les 12 heures par un mouvement
égal denx fois le jour.
Le cadran aſtronomique eft entraîné
journellement d'Orient en Occident , &
par la combinaiſon des nombres , le foleil
y acheve fa révolution dans le Zodiaque
en 365 jours 5 heures 49 minutes 12 fecondes.
La lune en 27 jours 7 heures 43
minutes , & fa conjonction avec le foleil
en 29 jours 12 heures 44 minutes.
Au deffous du cadran aftronomique ,
eft un autre cadran qui montre le mois,
fon quantiéme , & les jours de la femaine,
qui font difpofés de façon que l'on voit
dans le même inftant tous les jours heb
domadaires , vis - à- vis du quantiéme qui
leur eft propre dans tout le courant du
mois , & leur écoulement eft marqué par
une aiguille qui parcourt en même tems
le jour de la femaine & le quantiéme du
C ij
52 MERCURE DE FRANCE.
mois , & cela réguliérement , foit que le
mois ait 30 ou 31 jours , ou 28 ou 29
dans les années biffextiles ou non , & cela
fans qu'il foit beſoin d'y toucher , le dernier
jour du mois prenant à minuit chaque
jour de la femaine , fa place vis - à- vis
du quantiéme qui lui eft propre pour le
mois fuivant , & l'aiguille quittant le 29 ,
le 30 ou le 31 , pour recommencer par
-un .
Cette pendule eft d'autant plus curieuſe,
qu'elle ne fe monte que tous les ans à la
hauteur de quatre pieds feulement , pour
que les montres fe trouvent à la portée
de la vûe ; qu'on la peut rendre d'autant
plus jufte , que les pendules frappent les
fecondes , & font accompagnées de leurs
contreverges , & qu'on la peut regarder
comme un calendrier perpétuel , puifque
tous les mouvemens fuivent réguliérement
toutes les fupputations aftronomiques , &
que les équations fe trouvent réguliérement
dans leurs lieux tous les ans.
Pour une plus grande perfection , l'Auteur
fe propofe de faire fonner les heures
par le tems moyen & par le tems vrai
fur des timbres differens , accompagnés
d'un carillon dont les airs changeront à
toutes les heures de la journée , de façon
qu'où on n'auroit pas été attentif à comp
JANVIER. 1750. 53
ter l'heure , on en pourra juger par l'air
qu'on entendra jouer.
Les Connoiffeurs peuvent juger de la
méchanique de cette pendule par. les curiofités
qu'elle renferme , dont on a
tâché de combiner les proportions par les
régles les plus fûres & les voies les plus
fimples , dont le développement fera donné
aux curieux & amateurs des Beaux Arts.
THIRSIDIS QUERELA.
T Hirfis Apollineos non ultimus inter alumnos,
Qui Graffineo pafcunt in monte capellas ,
Ut fua nil vidit curari carmina Phoebo ,
Pocula nec lactis toties effufa per aras ,
Nec fibi jam fas effe facros accedere fontes ,
Et notas Pindi de vertice carpere lauros ,
Conticuit preffus moerentia pectora luctu ,
Solaque per campos armenta errare reliquit ;
Ipfe fui ac domini oblitus , nemora alta petivit ,
Umbrofafque inter rapes & concava faxa ,
Ethereas querulis implevit vocibus auras.
Hæccine noftrorum mérces fperata laborum ,
Phoebe pater ? mihi fi taren hoc te nomine rursus
Appellare licet . Sic debita præmia reddis .. -
Cij
54 MERCURE DE FRANCE.
Quod fcelus infelix potuit committere tantum
Thirfis , ut iratus contemnas munera vatis ?
Cur me præcipitem fummo de culmine Pindi
Dejicis , & cantus prohibes audire Sororum ?
Ah pater ! ah fatis irarum eft , miferere precantis ,
Atque imploranti felicem porrige dextram ..
Sed quid ego hæc ? nil vota juvant , nec flectitus
ullis
Jam precibus , noftri fletus volvuntur inanes . ¿
Frangite nunc pueri calamos , calcate cicutas ,
Paftorum cantus & carmina fpernit Apollo ;
Nunc igitur colles , nunc faxa ingrata , valetė ;
Ite lyræ , citharæque , & dulce fonantia plectra
Ite , ô vivaces hederæ , laurique virentes ,
Quas æterna fuis concedit præmia Phoebus ;
Ite & vos tenera , infelix pecus , ite , capella
Non vobis atifum & dulces carpentibus herbas
Mollibus in ripis & dulci lentus in umbrâ ,
Argutâ folitum modulabor arundine carmen .
Nam deinde in fylvis inter ſpælea ferarum ,
Per duras vepres , & per juga longa vagabor
Solorum nemorum , triftes & Apollinis iras
Deflebo, faxifque meos narrabo dolores .
Ah Thirfis , Thirfis , quæ te dementia coepit !
Quid juvat infanos queftus jactare per auras ?
Non Graffinei tantùm fua numina colles ,
Pegafeos & habent fluvios , & confita lauris.
JANVIER.
35
1750.
Littora : funt montes quibus & fuus adfit Apollo ,
Pieridefque fuæ , funt quos Aganippidis unda
Irriget , & quorum felici in vertice furgat
Silva triumphalis palma , laurique perennes ,
Quarum fronde facrâ poffint torquere coronas
Aonides , meritis quas Phoebus nectat alumnis ;
Hos igitur, Thirfis , confcende ; huc dirige greffus.
Invenies alium , fi te hic faftidit Apollo.
Hæc , patulæ lauri recubans viridante fub umbrâ
Inter delicias hortorum & gaudia ruris ,
Dulcia fecurâ refonabat carmina venâ
Jam liber Thirfis , neque enim imperiofa magiftri
Urgebat facies , Driadum ſed læta corona
Ad calami modulos , manibus per mutua junctis ,
Ducebat feftas per florea rura choreas ,
Et raptos vatis confolabantur honores.
Una tamen miferum paftorem cura gravabat ;
Hinc aberat Daphnis ; te , Daphnis , lilia & ipfæ ,
Abſentem ſenſêre rofæ , fenfêre hiacinthi...
Quando igitur pofthac muſcoſi fontis ad oram ,
Non licet , alme puer , tecum certare canendo ..
Solus per fylvas raptum lachrima bor amorem ,
Omne nemus gemitu noftro , & plangore fonabit,
Immò hujus fagi quæ noftris fæpè ftrepebat
Cantibus, hoc fummo defcribam in cortice carmen ;
Dum fylvis aderunt volucres, dum gramina rivis,
C
56 MERCURE DE FRANCE .
Dum pecudes herbas , umbram dum paftor amabit,
Daphnidis infixum Thirfis fervabit amorem.
Auctore Scholaftico Rhethorices.
802 502 502 502 506 506 502 - 10:2302 30G ANG ANG 596 502
Ad Romanos bellum civile meditantes ,
Paraphrafis Horatii Odes, Quò, quò [ce-
-lefti ruitis , &c.
Q
Uò Cives ruitis ? quò vos rapit impius are
At non ,
dor ?
Cur aquilis aquilas , & pila minantia pilis
Afpicio , & ftrictum fraterna in vifcera ferrum ;
Romanine parum Neptunus fanguinis haufit ?
Quot laceranda feris inhuma ta reliquimus offa a
ut victæ ruerent Carthaginis arces ,
Atque Triumphali terram infectatus aratro
Victrices meteret miles Romanus ariſtas ?
Verum ut fanguineam vertens in vifcera dextram ,
Viribus ufa fuis , per fe impia Roma jaceret.
Scilicet haud aliâ poterat procumbere dextrâ.
Romanos , præter Romam , nil vincere poffet,
At non par Lybicis folet effe leonibus ira ,
Tigribus Armeniis nolunt contendere tigres .
Vosne agitat cocus furor è an vis acrior urget ?
JANVIER.
17
1750 .
Dicite. Pallentes inuffant , tacitoque furore
Mens turbata hæret , nec caufas invenit armis .
B. P. Drouet , Rhethorices Alumnus in
Mazarinao.
洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗渗
DISCOURS
Prononcé par M. Brallet , à fa maiſon de
campagne , à l'occafion des Pieces de Théâ
tre , qui y ont été repréſentées pendant
L'Automne.
Effieurs , le Théâtre épuré fait au
jourd'hui les délices des perfonnes
les plus refpectables , & du mérite le plus
fupérieur. Ce plaifir de tous les tems , &
de toutes les nations , eft porté dans ce
fiecle à fon plus haut dégré , & Paris l'emporte
fur Athenes & fur l'ancienne Rome.
Vous n'ignorez pas que l'un de nos Poëtes
Tragiques, plus fublime & plus grand que
Sophocle , a vu fon concurrent plus naturel
& plus tendre qu'Euripide , partager
avec lui ces lauriers que leur a décernés
l'immortalité. Ariftophane , Terence &
Plaute, embellis par d'excellens Comiques ,
ont repara fur la fcéne avec de nouvelles
graces , & nos Auteurs François ont , pour
Cy
$ 8 MERCURE DE FRANCE :
ainsi dire , furpaffé ces fameux modèles de
l'antiquité. Plus éclairés , ou peut - être
plus heureux que ces derniers , nous avons
vu s'élever de nos jours un genre nouveau ;
Thalie devenue plus férieufe & plus intéreffante
, faire briller par des traits délicats
& des fentimens moins communs , des
beautés inconnues aux Anciens ; nos Auteurs
Dramatiques , prouver par des coups
de Théâtre hardis & éclatans, qu'un efprit
fupérieur peut , fans bleffer les regles
étroites d'Ariftote , s'élever au-deffus des
préjugés , & ouvrir à fon vafte génie une
carriere nouvelle & brillante . Les ouvrages
de ces hommes célebres , traduits dans
toutes les Langues , ont enrichi les Etrangers
des tréfors de la Nation , & étendu
fa gloire chez tous les Peuples polis &
fçavans. Ne foyons donc point futpris ,
Meffieurs , de voir la plus haute Nobleffe ,
comme la plus fimple Bourgeoifie , chérir
ces plaifirs ingénieux & fpirituels ; le goût
eft de tous les états & de toutes les conditions.
Amateurs de ce genre de Littérature ,
nous enfaifons le délaffement d'occupations.
plus férieuſes ; ennemis de ces amuſemens
inventés par l'oifiveté, & foutenus par l'avarice
, qui , quoique préfentés fous differentes
formes attrayantes , n'en font
pasJANVIER
. 1750% 59
moins dangereux , puiſque quelquefois la
négligence des devoirs , fouvent la ruine
de la fortune, & toujours la perte du tems ,
font les fruits qu'ils produifent ; nous avons
préféré des plaifirs qui , en ornant
l'efprit & la mémoire , développent les
fentimens du coeur & les embelliffent.
Nos effais vous ont plû. Encouragés par
vos fuffrages , nous avons rifqué d'exécuter
les plus grands Poëmes du Théâtre
François ; ces Pieces à fentimens vous ont
attendris ; nous avons vu couler vos larmes
, & dans les Pieces enjouées les ris
fucceder aux pleurs. Permettez - nous de
croire que de pareilles fenfations étoient
pour nous un éloge auffi flatteur , qu'il
paroiffoit fincere.
Nous fentons combien cet Art exige de
talens réunis pour atteindre une certaine
perfection. Ces graces de la déclamation ,
ces tons de voix variés , ces filences , ces
mouvemens de l'ame , que le vifage doit
exprimer ; ce jeu naïf du comique , dont:
la fimplicité apparente eft fouvent le fruit
d'une pénible étude ; cette énergie , cette
nobleffe , enfin cette grandeur de fentimens,
fi propres à la Tragédie , & qui doivent
avoir leur fource dans le coeur ; tou
tes ces difficultés ne nous rebutent point..
Si votre délicateffe nous allarme , votre
C vj
60 MERCURE DE FRANCE.
amitié nous raffûre. Ce font des plaifirs
que vous partagez avec nous ; l'Acteur difparoît
à vos yeux , l'ami feul vous est
préfent.
Nous ferons toujours ravis d'entretenir
& de cultiver cette harmonie , qui en nous
uniffant par le même goût , nous procure
quelquefois l'occafion de raffembler dans
de petit Temple des Mufes une Compagnie
auffi charmante qu'elle eft eftimable :
on y remarque avec plaifir que la vertu
& les graces font les appanages d'un fexe ,
& la politeffe & l'urbanité celui de l'autre ;
tout y refpire les égards & la complaifance
; la médifance & l'envie y font des
monftres détestés : enfin Vitry n'offre que
ce que la fociété civile a de plus délicieux.
La fageffe a toujours préfidé à nos amu.
femens ; nous n'avons adopté que les piéces
renfermées dans les bornes de la plus
exacte bienféance . Loin de nous ces talens
pernicieux,qui ne plaifent à l'efprit qu'aux
dépens des moeurs ; ces jeux de mots , ces
obfcénités , fruits dangereux de la corruption
du coeur ! Non , Meffieurs , nos jeux
innocens n'offriront jamais que des tableaux
, qui en peignant le ridicule & Podieux
du vice , préfenteront tous les charmes
de la vertu , & la rendront toujours
refpectable.
JANVIER. 1750. 61
A MAD. LA MARQUISE DE **
P
L'ART ET LA NATURE.
Our triompher de Yous Iris aimable &
tendre ,
L'art féduifant employe tous les traits ,
Difcours fleuris , vers doux , des plaifirs les attraïts,
Enfin tous les appas qui peuvent vous furprendre.
J'ignore ces talens : ami de la nature ,
Je ne connois que fa fimplicité ;
Mon ame franche & pure
N'adopte que la vérité.
Entre ces deux amans , choififfez donc , Iris :
L'un fçait aimer , & l'autre le fçait dire .
Mais pourquoi faire un choix ? Non , que tous
deux chéris ,
Auprès de vous évitent de fe nuire.
En fuyant une haine aux rivaux ordinaire ,
Ils peuvent tour à tour vous prouver leur ardeur.
Si l'art par fon brillant à votre efprit fçait plaire
La nature fans fard doit plaire à votre coeur .
Brallet. C. D. V.
A MADAME P **
J'ai gagné le pari ; c'eft un garçon enfin ;
Courez au Chapelier ; qu'un caftor le plus.fin
62 MERCURE DE FRANCE.
Couvre ma tête & la décore ;
Qu'il foit orné des plus beaux dons de Flore
N'épargnez rien , puifque dans ce beaujour,
La charmante Cloris donne un frere à l'Amour.
Mais bien loin de répondre à mon ardeur extrême ,
Quel eft donc cet air trifte & ce viſage blême ?
Ah ! je vois mon erreur , & je me fuis mépris
Pour la feconde fois je me trouve encor pris.
Pourquoi donc s'affliger ? eh bien , c'eft une fille
Si , femblable à ſa mere , en elle l'efprit brille ,
Qu'elle en ait les beaux yeux , la blancheur , les
appas,
Elle aura fur Venus l'avantage & le pas :
Et pour faire un portrait peint d'après la nature ,
Qu'elle ait , comme Cloris , la vertu la plus pure :
S'il eft ainsi , chagrin , cedez aux jeux , aux ris ;
Je ne regrette plus mon caftor à ce prix.
Par le même.
VERSION de l'Epigramme de Boileau ,
qui dit : Ton Oncle , dis- tu ,
l'affaffin , &c.
ME tuus ægrum olim fanavit Patruus , inquis &
At vivo ; Medicus
non fuit ergo mihi ?
Jouin de Saufeuil.
JANVIE R. 1750 .63
VERS
Pour mettre fur la Porte de l'Hôpital de
la Trinité
UNius hæc Trinique Dei qui limina tangis
Extorrem quàm nos te magis effe putes ,
Ni juvet ac foveat te femper gratia Chrifti ,
Quâ fine non vivit , fed malè torpet homos
Nos luges miferos , carifque parentibus orbos ,
Papilli at non funt queis Deus ipfe Pater .
>
Jouin ,
pere.
LETTRE
A Pilluftre Philarete.
Jarvis à de
E ne puis , illuftre Philarete , fçavoir
mauvais gré à Barême de la prétendue
faute qui lui eft échapée , dit- on , dans
fon Traité d'Arithemetique : fans ce reproche
, jufte ou injufte , il très- probable
que je n'aurois jamais eu de commerce littéraire
avec vous , & peut-être auffi fans
vous ne me ferois-je gueres foucié de la
faute de Barême , ni de fa regle Teſtamentaire.
En parcourant le Mercure de Sep64
MERCURE DE FRANCE.
tembre dernier , je fus affez furpris d'y
trouver des Caracteres Algébriques , &
ma furpriſe fe changea en admiration ,
quand je vis qu'ils avoient été tracés par
une perfonne de votre fexe ; je recourus
auffi-tôt à Barême & aux Mercures de Janvier
& Avril de la préfente année , pour
voir la fuite du petit combat de folutions
dont il s'agit. » Un homme laiffe en mou-
» rant fa femme groffe , & 100000 livres
» de fon chef en acquêts ; il ordonne par
fon Teftament que fi fa femme accouche
"9 d'un garçon , il en aura les trois cin-
» quiémes , & la mere les deux cinquié-
" mes; & que fi elle accouche d'une fille ,
» elle n'en aura que les trois feptićmes" ,
» & la mere les quatre feptiémes : il arrive
qu'elle accouche d'un garçon &
» d'une fille ; fçavoir combien chacun doit
» avoir defdites 100000 livres , en con-
» fervant toujours la proportion de la
» mere aux enfans.
Voilà les propres termes de Barême
voici fa folution :
fuppofez 3 portions pour la fille ,
il faut 4 portions pour la mere : &
comme la portion du fils.
doit être à celle de la mere ,
il doit par comme 3 eft à 2 ,
conféquent
JANVIER. 1750. 61
appartenir 6 portions au fils .
En tout 13 portions , dans lesquelles il
faudra divifer les 100000 livres. Ainfi de
ces 100000 livres ,
le fils aura 6 = 461531 . 16f. 11d.
la mere
la fille
307691. 4f. 7 d.
230761.18f. 5 d.
1 100000l. o
Le pauvre Barême , après avoir joui
tranquillement pendant nombre d'années
de la gloire d'avoir réfolu ce Problême , no
s'attendoit pas que M. Faiguet viendroit en
1749 troubler le repos de fes cendres , en lui
difant qu'il n'a point raiſonné juſte : c'eft
pourtant ce qui eft arrivé . Dans le Mercure
de Janvier dernier , ce Critique ,
que je n'ai pas l'honneur de connoître , eft
venu nous dire que le raifonnement de
Barême n'étoit point jufte , en ce qu'il
donne au fils le double de ce qu'auroit la
fille ; que ce n'étoit point là l'intention
du pere. Remarquez bien ces termes ; vous
en verrez plufieurs dans le même goût ,
car nous allons avoir à faire ici à tous gens
qui ont un talent admirable pour pénétrer
dans les intentions des morts. La propor
tion du fils à la fille doit être celle de
trois cinquièmes à trois feptiémes , die
66 MERCURE DE FRANCE.
M. Faiguet Barême l'a faite telle que
de 6 à 3 ; donc il s'eft trompé. Voyons
quelle folution M. Faiguet va fubftituer à
celle de Barême. » Il prend un nombre qui
» ait des cinquiémes & des feptiémes en
» nombres entiers , tel que 35 ; il en
>> prend d'abord les 20 & les 14
"
qui font les portions que devoit avoir
la mere dans les deux fuppofitions ; il
» prend enfuite un nombre milieu entre
» ces deux nombres , c'eft dix fept , & il
» dit que c'eft la part que doit avoir la
>> mere , ci .
17 portions
le fils aura les trois cinquié-
• •
mes de 35 = 21 portions
la fille aura les trois feptiemes
de 35 =
= 15 portions
» ainfi toute l'hérédité doit
» être divifée en
SPESESP
•
le fils
pour
pour la mere
pour la fille
•
53 portions
39622 34
53
32075
28301
25
53
47
53
100000
Mais la folution de M. Faiguet eft- elle
plus jufte : Selon lui celle de Barême péchoit
en ce que les du fils n'étoient point
avec les de la fille en même proportion
JANVIE R. 1750. 67
que eft à . Or peut- il dire que
2
17 15
5383 7 7
21 17
5353 ::
& que non affurément ?
donc l'intention du pere n'eft point exécutée
par M. Faiguet plus que par Barême.
Venons à l'anonyme qui s'eft mis fur
les rangs dans le Mercure du mois d'Avril.
Selon lui , ni Barême ni M. Faiguet n'ont
entendu l'intention du Teftateur ; c'eſt à
lui qu'il étoit réservé de la déveloper. " Si
» le pere , dit-il , avoit prévu fa double
progéniture , ou il auroit ordonné que
» fon fils prendroit également les trois
cinquièmes de l'hérédité , & que le furplus
feroit par feptiémes entre la mere
» & la fille , ainfi trois cinquièmes pour le
» fils , 60000 l . of. od.
"
"
pour la mere quatre
feptiémes dans
les deux cinquiémes ,
ci ,
pour la fille trois
feptiémes dans les
22857 1. 26. 10 d .
deux cinquièmes ci , 17142 l . 17f. 1 d.
100000 1. o
» oubien il auroit donné à fon fils 50000l.
» à condition d'en ceder les deux cinquiémes
àfa mere , & il auroit donné pareil-
» ment 50000 1. à fa fille , à condition
qu'elle en cederoit les quatre feptiémes
» à fa mere , enforte que
39
68 MERCURE DE FRANCE.
le fils auroit eu
de la fucceffion 300001.
la mere auroit
eu de la fucceffion
485711. 8f.6d .
la fille enfin auroit
eu .. .214281 . 11 f. 5 d.
I
1000001. o
On voit même que c'eft vers cette derniere
folution qu'incline notre anonyme ,
c'est celle qu'il auroit conſeillée au Teſtateur
, s'il en eût été confulté ; mais que
s'enfuit-il de là ? Rien ce me femble, finon
que ce feroit le parti- que prendroit notre
pénétrant anonyme , s'il fe trouvoit dans
le cas du pere Teftateur ; je ne crois pas
cependant que des Juges qui décideroient
du partage de la fucceffion dont il s'agit ,
fuivant l'un ou l'autre de ces deux derniers
plans , fuffent beaucoup approuvés ; le
premier des deux n'a rien qui approche
de ce que le pere a ordonné , la mere &
la fille y font trop léfées ; dans le fecond
on n'apperçoit aucune des proportions
établies par le pere ; au contraire la mere a
plus de 18500l . plus que le fils , & beaucoup
plus que le double de la fille . Ainfi
laiffons là les réflexions de l'anonyme ,
JANVIER. 1750. 69
regardons les feulement comme des conjectures
, comme le projet de ce qu'il fe
roit en pareil cas , & non point comme un
remede à l'inconvénient du double enfantement
non prévu , & que nous fuppofons
arrivé.
C'est vous maintenant , illuftre Philarete
, qui allez paroître fur les rangs ;
vous êtes la premiere qui ayez traité cette
queftion en grand. Votre double folution
algébrique commence à faire voir la vérité
, c'est- à- dire , que l'on ne peut point
donner de folution fixe & totalement fatisfaifante
de cette question ; & qu'il eſt
´ ridicule de chercher dans un homme une
intention qu'il n'a point eue. Je ne viens
donc point ici critiquer vos folutions , mais
déveloper une idée que vous avez déja fait
entrevoir. En effet pour que la folution de
ce problême ne fût point arbitraire , il
faudroit que trois cinquiémes fuffent à
deux cinquièmes, comme trois cinquiémes
4 quatre feptiémes , ou trois feptiémes à
quatre feptiémes , comme trois feptiémes à
deux cinquièmes , l'impoffibilité en faute
aux yeux ; & la caufe de cette impoffibilité
eft bien fimple . Le pere dont on veut regler,
la fucceffion , a prévu deux cas ; il en eft
arrivé un troifiéme qu'il n'avoit pas feulement
imaginé ; il eft tout naturel qu'on ne
70 MERCURE DE FRANCE.
1
trouve point dans fon teftament la regle à
fuivre dans ce troifiéme cas ; mais point
du tout , on veut deviner quelle auroit été
fon intention , s'il eût prévû cet événement.
Oh , il faut avouer que c'eft pouffer
trop loin la curiofité , & fe faire des
monftres pour les combattre ; l'algébre ,
toute fertile qu'elle eft , n'a pas le pouvoir
de pénétrer dans des intentions qui n'ont
jamais exifté. Pour corroborer le commencement
de preuves que vous en avez donné
, je vais expofer huit folutions differentes
( les deux vôtres y compriſes ) lefquelles
, felon moi , peuvent fatisfaire
toutes au Problême auffi bien que celles
de Barême , de M. Faiguet , & beaucoup
mieux affurément que celles de l'anonyme.
Pour abreger , je ne réduirai point en fols
& deniers.
Premiere folution. En fuppofant la part
du filsx , celle de la mere fera 4* ;
celle de la fille fera ,& l'on aura 87 x
3500000 liv. ce qui donne qui pour la
valeur d'x , qui eſt
35
la
part
du fils = 40229 1 .
ce qui fait la part de la mere = 32183
& la part de la fille = 27586
100000 1.
JANVIER. 71 1750.
C'eft précisément votre premiere folution.
Seconde folution . En fuppofant la part
de la mere = x , on aura cette équation ,
pour le fils pourla mere : pour la fille ,
x + x + x +
100000 1. Donc 107 x
Sle
x
-
x =
35000000
liv.
fils en ce cas aura 39252
donc la mere aura
la fille aura
36
101
30
32710 07
28037
45
100000 1.
Troifiéme folution. Si l'on fappoſe la
part de la fille , on aura cette équation,
pour la fille, pour la mere , pour le fils.
X + x + x + x + 1/ x =
100000l . donc 123 x
3500000 1.
le fils aura
la mere aura
la fille aura
390241.13
22520
40
123
28455
35
•
123
100000 1.
Quatriéme folution . Maintenant fi l'on
fuppofe que le pere
ait eu intention
de
donner
au fils un
cinquième
de la totalité
de l'héritage
plus qu'à la mere , & à celleciun
feptième
de cette
totalité
de l'héritage
plus qu'à la fille : foit que vous
fuppofiez
a part du fils
, foit que ce foit celle de
a mere ou celle de la fille que vous
expri72
MERCURE DE FRANCE.
primiez par cette lettre , vous trouverez
toujours dans les trois differentes valeurs
d'x.
la part de la mere
Sla part
du fils
Za
part la de la fille
51428 1.
31428
17142 7
100000 1.
·
& c'eft précisément votre feconde ſolution .
Mais ce n'eft point là tout , car qui eſtce
qui empêche de faire ce raifonnement ,
comme on le fait dans quelques autres
problêmes ? Trois cinquièmes de 100000
liv. plus deux cinquièmes , plus trois feptiémes,
font néceffairement beaucoup plus
que 100000 livres , il faut donc chercher
un autre nombre moindre que 100000 1.
dont les parties aliquotes ou fractionnaires
, exprimées dans le teftament en queftion
, faffent par leur addition la fomme de
100000 livres , & par là nous fuppléerons
ce que le pere n'avoit pas prévu. Or fous
ce nouveau point de vue , les folutions
vont encore fe multiplier , & je crois en
vérité qu'elles feront auffi bonnes que
routes celles que nous avons vûes jufqu'à
préfent.
à
Cinquiéme folution . D'abord on peut
chercher un nombre x, tel que fes trois cinquiémes
JANVIER 1750. 73 "
.
quiémes, plus fes deux cinquièmes, plus enfin
les fix feptièmes des deux cinquièmes ,
faffent enfemble 100000 livres , & cela
nous donnera l'équation fuivante.
12
2x + 2x + x = 100000 liv. } x + 2x + 35
donc x
3500000
47 74468 1. , ' ce
qui
fait
pour
le
fils
ce
qui
fait
pour
la
mere pour
la
fille
44680 1.4
29787
25531
47
47
47
43
1000001.
Sixième folution . En cherchant un nombrex
, tel que fes trois feptiémes , plus
fes quatre feptiémes , plus enfin les fix
cinquiémes des quatre feptiémes , faffent
enfemble 100000 l. on aura cette équation .
2x + x + 3x = 100000 ,
x = 3000059322 , ce qui fait
24
35
donc
Spour
le fils
pour la mere
pour la fille
406771.
33898
25423
རྔjeej212
59
43
59
100000 1.
Septiéme folution.En fuivant toujours le
même raiſonnement , mais fuppofant que
l'intention du pere a été de donner au fils
un cinquième au total plus qu'à la mere ,
& à celle-ci un feptiéme au total plus qu'à
D
74 MERCURE DE FRANCE.
la fille , on aura pour la part du fils trois
cinquièmes x , pour celle de la mere deux
cinquiémesx , pour celle de la fille deux
cinquièmes un feptiéme x , ce qui
donne cette équation .
x
---
31
= x + x + x = 100000 l . donc
44x 3500000 l . donc x
79545 , ce qui fait ,
Spour le fils
pour
la mere .
pour la fille
3555920
44
477274
31818
8
44
2045424
100000 1.
Huitiéme folution . Autrement , on aura
part
pour la de la fille trois feptiémes x ,
pour celle de la mere quatre feptiémes x
& pour celle du fils quatre feptiémes x †
un cinquième x , ce qui donne l'équation
fuivante
7
2x + 4x + 2x = 100000 1. donc
x = 3500000= 5645 1 1. , ce qui fait,
(pour le fils
62
pour la mere
pour la fille
4354824
32258
24193 2/2/
roooool.
Voilà , ce me femble , fçavante Philarete ,
huit Solutions differentes , fans compter
JANVIER , 1750. 75
:;
pas
celles de Barême , de M. Faiguet , & de
l'Anonyme ; il ne faudroit pas parier gros
jeu contre moi que je n'en donnerois
encore plufieurs autres , mais outre que je
n'ai point affez de loifir pour me livrer
anxx & aux y , autant que mon goût m'y
pórteroit , en voila fans doute affez pour
prouver que ce problême ne peut pas effectivement
avoir de folution certaine ; le
nôtre eft affûrément dans cette espéce. Sa
véritable folution feroit l'intention qu'auroit
eue un homme que l'on fuppofe mort,
s'il avoit prévu telle ou telle chofe ; or devinez
fi vous pouvez : je défie tousl es x du
monde, même les xx , & autres gens de
cette efpéce de jamais nous en dire mot.
Si l'on me demande à quoi je me détermi
nerois dans le cas où j'aurois pareille difficulté
à réfoudre , je crois que je mettrois
les huit folutions fur autant de billets féparés,
& je me déterminerois comme on fe détermine
ordinairement à donner le gros lot
de la lotterie . Je vous avouerai cependant
un foible que j'ai pour l'égalité de fortune
entre freres & foeurs , & je crois en conféquence
que je donnerois la préférence à
ma troifiéme folution ci- deffus, qui donne
Sau
fils
à la mere
à la fille
33
390249
3252040
2845535
123
Dij
12
76 MERCURE DE FRANCE.
Peut-être, fans m'en appercevoir, n'inclinai-
je pour cette folution que parce
qu'elle eft la plus favorable à la fille . Eh
bien je ne m'en défens point ; ce fexe charmant
mérite bien cette petite attention de
ma part . Je ne conçois pas pourquoi il eſt
fi univerfellement maltraité par toutes les
difpofitions des Coûtumes , dans tout ce
qui s'appelle intérêt , partage de biens
&c. Les vieux Auteurs de toutes ces bizar
reries ne connoiffoient pas fans doute
de Philaretes. J'ai l'honneur d'être , &c.
L. L. G.
De Beauvais , le 28 Octobre 1749.
VERS
Préfentés au Roi , pendant fonféjour à Foxtainebleau
, un jour qu'il chaffoit.
Lorqu Orfque la trompette guerriére
Annonçoit le regne de Mars ;
Ma Mufe à l'abri des hazards ,
Que tes grands fuccès rendoient fiére ,
S'exerçoit , quoique jeune , à chanter ta valeur.
Tu prêtois à les chants une riche matiére ,
JANVIER. 1750 . 77
Trop heureux fi, fuivant le penchant de mon coeur ,
Mon pinceau plus habile eût pû , fans te déplaire ,
Peindre dans tout fon jour la gloire du Vainqueur !
Mais maintenant que mon ame attentive
Contemple fur ton front de mélange éclatant
Du laurier avec l'olive ;
Qu'enfin la Paix fur l'une & l'autre rive
Raméne des plaifirs le cortégé charmant ;
Je m'occupe dans ma retraite
A célébrer les vertus d'un Héros ,
Qui ne s'endort jamais dans un lâche repos .
Du grand art de regner ta fcience parfaite ,
Ta modération , ta fublime équité ,
Ta douceur , qui s'étend fur ton peuple enchanté ,
Pour les vaincus ton bras qui leur fert d'affûrance ,
Ta haine enfin de la vengeance >
Qui de ton nom rempliffent l'univers ,
Sont les dignes fujets que je traite en mes vers.
J'y joins auffi ces tranfports que la France`
Enfante au fein de fa reconnoiffance ,
Mon tendre zélé , mon amour ,
Et le bonheur que j'ai d'habiter un ſéjour , *
Où je jouis fouvent de ta préſence :
* L'Auteur va paffer tous les ans une partie de
l'Automne dans un Village nommé Chartrait , qui
qui n'eft qu'à deux petites lieues de Fontainebleau ,
aux environs duquel le Roi ſe plaît à chaffer.
D iij
78 MERCURE DE FRANCE.
Sur- tout lorfque par un beau jour ,
Environné d'une Cour éclatante ,
A pourfuivre le cerf dans le fond de nos bois ,
Et voir cette bête écumante
Par tes chiens réduite aux abois ,
Tu montres une joie extrême ;
Je te fuis , & fixant les yeux toujours fur toi ,
Je me dis cent fois à moi-même,
Jufques dans fes plaiſirs Louis fe montre Roi.
J. F. Guichard.
Dus 15.
Octobre
1749.
ཀྱ % @
ALLEGORIE.
A Mile L ..
Sur la peur qu'elle eut
à une chaffe de M. le Duc de * * & de
Madame la Ducheſſe de **
Plein d'une douce réverie ,
Avec Amynte , l'autre jour ,
Me promenant dans la prairie ,
J'examinois les hameaux d'alentour ,
Quand nous vîmes venir l'Amour
Accompagné de la troupe des Graces ,
Qui d'un cerf ſuivoit les traces.
JANVIER. 1750. 72
Le fpectacle étoit des plus beaux.
A le confidérer, envain j'excite Aminte ;
Sur fon vifage on lit ſa crainte;
Elle ne peut refter un moment en repos ;
Elle fuit , elle court , de frayeur elle pâme.
Par un doux & tendre entretien
Je voulois raffûrer fon ame ,
Mes difcours fur fon coeur ne firent jamais rien .
Cependant l'amour s'apprête
A tirer fur la bête ,
La voyant fur le point de rentrer dans le bois
Pour la quatrième fois.
Après beaucoup de réſiſtance .
Aminthe enfin avance ,
A l'aſpect de l'amour fent un trouble ſecret
Et n'ofe contempler cette fête nouvelle.
L'Amour choifit un trait ,
La bête prend la fuite , il me perce au lieu d'elle
Hé bien! quel étoit donc , lui dis- je , votre effroi
Ce Dieu , vous le voyez , n'en veut toujours qu'à
moi.
Par le même.
Du 30 Octobre 1749.
Diiij
So MERCURE DE FRANCE.
EPITHALA ME.
Sur le Mariage de M. R.... & de Mademoifelle
M....par M. l'afcal , Capitaine
au Régiment de Piémont.
DE fes fléches
impuiffantes
Arrachant , brifant le fer,
Avec l'Hymen de concert
L'Amour vient d'en forger des chaînes triom
phantes.
Aimables Dieux ! reftez toujours unis
A vos defirs que tout réponde;
Vous faites le bonheur du monde ;
L'Univers vous fera foumis.
Amour , Hymen , que vos chaînes font belles
Rendez- les éternelles. ]
Dans vos liens efclaves fatisfaits ,
Les coeurs les plus rebelles
Ne les rompront jamais ....
Quelle eft cette jeune Bergére
Que l'on couronne dans Cythere ?
Elle brille de mille attraits ;;
De fon flambeau l'Hymen l'éclaire ;
Ce Dieu fur un trône de fleurs
L'appelle par un doux fourire
JANVIER. 1750.
81
Et de fon glorieux. Empire
Il étale à fes yeux les dons les plus flatteurs.
La beauté , la conftance. ,
La timide pudeur ,
Les charmes , la candeur ,
Les jeux , les ris & la décence
Nous annoncenr la belle Hortenfe
L'amour victorieux la conduit à l'Autel ;
Tous les plaifirs fuivent les traces
Viens recevoir, heureux mortel ,
Une main que t'offrent les Graces.
Que ton fort eft beau ! qu'il eft donx !
Cher R.... tes vertus t'affûrent ta conquête.
Goûtez long-tems , tendres Epoux,
Cette félicité parfaite
Que l'Amour & l'Hymen n'ont formé que pou
vous.
A Monfieur Autrean de l'Académie
Royale de Peinture , & qui peint
Mademoiſellė D .….….….…
QUATRAIN
TU peins Thémire , Autreau , mais Thémi
eft fi belle ,
Qu'on ne creira jamais que tu n'as qu'imité :
Plus fon portrait fera fidelle ,
Et plus on- le croira flatté.
D.W
$ 2 MERCURE DE FRANCE . '
Réponse aux obfervations de M. Walter ,
Auteur du Voyage autour du monde ,
de Lord Anfon , fur quelques longitudes
des Côtes de l'Amérique Méridionale , affignées
par M. FreZier dans fa Relation
du Voyage de la mer du Sud.
Quoique jedoive des remercimens à M. Walter de l'honneur qu'il a fait
à mon voyage, de le qualifier d'Excellent,
& qu'il ait fait obferver mon exactitude
en plufieurs chofes , je ne dois pas me
taire fur l'imputation des erreurs de longitude
qu'il croit trouver dans la petite
Carte générale que j'ai mife à tête du livre,
plutôt à deffein de guider le lecteur fur
notre route , que pour fervir à la navigation
, à laquelle l'extrême petiteffe de la
graduation la rendroit inutile .
" J'ai fi fouvent cité Frezier ( dit- il )
que je crois être obligé d'avertir les na-
" vigateurs , qu'ils ne doivent pas fe fier à
» la longitude affignée dans fa Carte au dé-
» troit de Maire & à toute cette côte; tout
cela eft trop
à l'Eft de 8 à 10 degrés.
Je dois auffi , à mon tour , les avertir
que toute la côte occidentale de la grande
Carte d'une partie de l'Amérique méri
JANVIER. 1750: S3
dionale, inférée dans le voyage de Walter,
eft trop avancée à l'Ouest de 4 à 5 degrés,
& par conféquent auffi toute celle de la
côte des Patagons & de la Terre de feu , d'où
il réfulte qu'il fe trompe lui- même.
Je prouve démonftrativement la premiere
partie.
On ne peut être affûré d'aucune
longitude que par des obfervations aftronomiques
des immerfions ou émerfions
des fatellites de Jupiter , ou des occultations
des étoiles par des planettes ,
ou autres femblables moyens imaginés par
les Aftronomes, parce qu'une petite erreur
de tems en cauſe une grande en longitude .
Douze minutes , par exemple , de plus ou
de moins , en font une de trois degrés, qui
valent foixante lieues fous l'équateur , &
moins, à mesure qu'on approche des poles.
Quant aux obſervations de longitude par
des éclipfes de lune , que font les gens de
mer fans autre inftrument , pour en déterminer
le tems , que celui d'une montre
de poche , on n'en doit faire aucun cas ,
puifque les Aftronomes avouent que même
avec bien des précautions ils ne peuvent
les rendre exactes , parce qu'il eft difficile
de marquer avec précifion le moment
ou la pénombre commence à couvrir le
difque de la lune. C'eft pourquoi ils ob-
•
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
fervent en particulier les immerfions &
émerfions des principales taches , pour
rectifier leur obfervation par des comparaifons.
Ces vérités fuppofées , on ne peut s'empêcher
de condamner la Carte de Walter ,
en ce qu'elle n'a aucune conformité avec
les obfervations aftronomiques faites à la
côte du Chili ; fçavoir à la Conception ,
à Valparaiffo & à Coquimbo , par un correfpondant
de l'Académie des Sciences de
Paris , laquelle a adopté les deux premieres
qu'elle fait inférer dans le livre annuel de
la Connoiffance des tems , & dont la troifiéme
fe trouve dans le Journal du P. Feuillée,
qui les a faites les voici comparées aux
longitudes de la Carte de Walter .
1. La Conception y eft placée par 77.
degrés 30 minutes de longitude occidentale
du méridien de Londres , à laquelle
ajoûtant la différence entre ce méridien &
celui de Paris , qui eft de 2 degrés 25 minutes
15 fecondes , on aura 79 degrés 55
minutes 15 fecondes de réduction au méridien
de Paris ; mais le livre de la Connoiffance
des. tems ne met ce Port que
par 75 degrés 32 minutes, 30 fecondes ::
donc l'erreur de Walter eft de 4 degrés 22
minutes 4.5 fecondes trop occidentale .
2º. Par les mêmes comparaifons & réJANVIER.
1750..
ductions , Valparaiffo , qu'il met par 77
degrés de Londres , fera par 79 degrés 25,
minutes 15 fecondes de Paris , mais la
Connoiffance'des tems ne met ce Port que
par 74 degrés 39 minutes 15. fecondes :
donc l'erreur eft de 4 degrés 46 minutes
o fecondes du même côté.
3 °. Enfin Coquimbo , qu'il met par 76
"degrés 30 minutes de Londres , fera par
78 degrés 55 minutes 15 fecondes du méridien
de Paris ; mais le P. Feuillée ne met
cette Ville & ce Port que par 73 degrés 35
minutes 45 fecondes : donc l'erreur eft de
5 degrés 19 minutes 30 fecondes , trop à
foueft comme les précédentes.
3
D'où il fuit, que raifonnant conféquemment
à ce que dit Walter ( p 79. ) qu'il
» croit que la côte du Brefil & celle du
» Perou , qui eft à l'oppoſite fur la mer
» du Sud , font très-bien placées dans la
» Carte de feu M. Halley qu'il adopte ;
on conclura que les erreurs de la côte de.
l'Ouest en entraînent d'égales à l'Eft , fi
les points oppofés font bien placés dans
leurs diftances relatives (comme il le penfe )
jufqu'à la Riviere de la Platte à Eft , & le
point qui lui eft oppofé à l'Ouest ( qui eft
Valparaiffo.
Depuis cette riviere, il ne peut s'empêcher
de convenir que la côte déclinegraduellement.
86 MERCURE DE FRANCE.
trop à l'Ouest dans la Carte de ce Docteurs
de forte qu'àfon avis, le détroit de Magellan
eft éloigné de près de 50 lieues de fa vraie
pofition ; il pouvoit dire jufqu'à 72 , fuivant
le réfultat des vaiffeaux de fon Eſcadre ,
qui au lieu d'eftimer le cap des Vierges
par 76 , fuivant la Carte , l'ont eftimé
par 70 & 71 degrés de longitude de
Londres.
Or fuppofant nos points de longitude
fixés par les obfervations , les giffemens
des côtes & la longueur du détroit de Ma
gellan immuables , à l'égard de la côte de
l'Oueſt , il eſt évident que toute la côte des
Patagons & de l'ifle de Feu eft d'environ
cinq degrés trop avancée à l'Oueſt, & qu'il
faut les retrancher des huit d'erreur qu'il
m'impute. Il n'en reftera donc plus que
trois en doute à difcuter , que je défens
par deux raifons .
La premiere , c'eft qu'étant affujetti a
des obfervations authentiques faites à la
côte du Chili , on ne peut reporter la côte
de l'Eft des Patagons , trois degrés plus
avant dans l'Oueft , fans diminuer d'autant
la longueur du détroit de Magellan , ce
qui en retrancheroit 36 à 40 lieues ,
qui font à peu près le quart de fa diſtance
de l'Eft à l'Oueft ; racourciffement qui ſeroit
démenti par toutes les Cartes & JourJANVIER.
1750. 87
naux de navigation faite d'un bout à l'au
tre de ce détroit . Et fi l'on vouloit conferver
cette longueur, en avançant le cap des
Piliers à l'Oueft , de cinq degrés , on changeroit
tout le giffement de la côte , depuis
le détroit jufqu'à la Conception , ce qui
feroit encore contraire aux Cartes & aux
Journaux de navigation .
.
La feconde raifon eft que pour faire cechangement
, fans égard aux pofitions ordinaires
des côtes , il faudroit être affûré
de la longitude de l'Ile de Sainte Catherine
, à la côte du Brefil , qui a été prife
pour le point de départ des vaiffeaux , allans
au Cap des Vierges , & n'avoir pas
d'auffi forts ſujets de foupçon d'erreur de
route , qu'on en a par les courans reconnus:
depuis cette Ifle jufques par le travers dela
riviere de la Plate , où l'efcadre Angloife
, de l'aveu de Walter , fe trouvoit tous
lesjours avancée au Sud de vingt mille , c'eſt-àdire
, fix lieues & deux tiers plus que ne portoit
leur eſtime,fur quoi on ne peut fçavoir
fi ces courans ne déclinoient point du SE ..
ou du SO. d'où réfulte une grande incertitude
de difference de méridien à l'Eft
ou à l'Ouest , chaque jour. Mais quelle
preuve avons - nous de la jufte pofition de
cette Ifle de Sainte Catherine , puifque
Walter dit fimplement que fa longitude a
SS MERCURE DE FRANCE RANCE..
été déterminée par une obfervation dé
clipfe de lune , fans ajoûter , quand , ni
comment, ni par qui elle a été faite ?
Je viens de dire que fi c'eft par un obfervateur
qui n'ait eu d'autre inftrument:
que fa montre de poche pour en déterminer
le tems , on ne doit non plus en faire
cas que de celle que fit Wood , Lieutenant
du Chevalier Narbouroug au
Port de St. Julien , le 18 Septembre 1670 ,
qui trompa M. Halley de 6 degrés de longitude
, & dont le journal ayant enfuite
été imprimé , il ne s'en trouva plus que 3-
fur quoi Walter ne fçachant que dire , a recours
à la mauvaiſe impreffion , les nombres,
(dit- il , p . 8o .) font imprimés d'une maniere
fi fautive, qu'on n'en peut rien tirer de précis..
Si la montre de l'obfervateur de l'éclipſe à
Ste Catherine l'a trompé de douze minutes
, voilà nos trois degrés de longitude
trouvés , comme dans le cas cité de celle
de Wood.
Comparons préfentement les differences
de méridien trouvées par l'efcadre Angloife
, entre Sainte Catherine & le Cap .
des Vierges , à l'entrée du détroit de Magellan
, qu'il appelle de la Vierge Marie ,
& celles de la relation de mon voyage.
Il place Sainte Catherine par 49 degrés
45 minutes de longitude du mériden de
JANVIER . 1750. $9
Londres, & le Cap de la Vierge Marie par
71 degrés 44 minutes , ce qui donne en
difference de méridien à l'Queft 21 degrés
59 minutes , ou fi l'on veut 22 degrés ;
mais tous les vaiffeaux de l'efcadre n'ont
pas trouvé la même , témoins ceux qui
n'ont eftimé le Cap que par 70 degrés.
J'ai placé dans ma petite Carte générale
l'ifle Sainte Catherine par 48 degrés de
longitude de Paris , relativement au point
que m'a donné l'obſervation faite à Olinde
à la côte du Brefil , marquée dans la Con-.
noiffance des tems , & le Cap des Vierges ,
dans ma Carte particuliere de la Terre de
Feu & du détroit, par 66, d'où réfultent 18
degrés de difference de méridien , fans faire
attention à la longitude abfolue .
il y a donc entre nous quatre de
grés de difference cftimée entre les méri
diens de Sainte Catherine & du Cap des
Vierges , & feulement environ deux degrés
avec les vaiffeaux de l'efcadre , qui
n'eftimoient le Cap qu'à 70 degrés du méridien
de Londres.
Il faut décider qui de nous deux fe
trompe. Il fe croit fondé fur l'accord des
eftimes de l'efcadre , lors même qu'il détruit
cette thefe , en rapportant des differences
d'eftime qui vont à près de deux
degrés , mais fi la comparaifon du plus
90 MERCURE DE FRANCE.
grand nombre des eftimes l'emporte , certainement
la probabilité eft de mon côté :
car j'ai dit que je m'étois fervi de la Carte
manufcrite du fieur Grifon Maître de
Marine à S. Malo , qui a été dreffée ſur
un grand nombre de Journaux , & dans
cette partie je n'y ai rien trouvé à redire ;
donc dans une chofe très- incertaine comme
celle- ci , le préjugé de jufteffe , ou de
moins d'erreur , eft en ma faveur.
Quant à la difference de méridien entre
le Cap des Vierges & celui de S. Diego, le
plus à l'Eft de la terre de Feu , au détroit
de Maire, où Walter m'impute encore une
erreur , il faut examiner fa conduite , &
l'on trouvera qu'il s'y eft trompé , ou volontairement
, ou par une inattention peu
excufable . Pourquoi prendre cette diffe
rence fur la petite Carte générale , où la
graduation eft fi petite , qu'un degré de
longitude n'y eft qu'un intervalle d'une
demie ligne, pendant qu'il y en a une particuliere
pour le détroit de Magellan & la
terre de Feu , où les divifions de degrés
font quinze fois plus grandes , & affez
pour diftinguer jujqu'à 3 ou 4 minutes
près ? Il y auroit trouvé le Cap des Vierges
par 66 & celui de S. Diego , au détroit de
Maire , par 63 degrés 10 minutes , ce qui
donne feulement deux degrés só minutes
JANVIER. 1750. 91
gra
de difference de méridien , & 42 minutes
de plus que fon eftime ; il n'eft donc pas
vrai , ( comme il le dit ) que j'exagere an
double la côte qui git entre le détroit de Magellan
& celui de le Maire. L'erreur de
vûre de la Carte à petite divifion a été corrigée
en plufieurs exemplaires, quoiqu'elle
le fût par la Carte particuliere de la Terre
de Feu ; mais je ne prétens point accorder
à Walter le raccourciffement des 42
minutes, dont j'allonge cette côte plus que
lui , parce que nous avons cottoyé la Terre
de Feu à trois & cinq lieues de diftance ,
depuis le détroit de Magellan jufqu'à celui
de Maire;& lui, depuis le Cap des Vierges,
a perdu la terre de vûe jufqu'à l'embouchure
de ce dernier , comme il le dit luimême
( p. 81. ) donc c'eft fans fondement
qu'il veut l'emporter fur mon eftime , d'autant
plus que les courans prolongeant la
côte au SE , il a dû faire plus de chemin
vers l'Eft qu'il n'a compté.
Il me femble que Walter doit être convaincu
des vérités que je lui oppoſe . Je.
n'en dirois pas davantage , s'il n'avoit montré
dans fa critique un injufte motif de
récrimination , difant que la maniere dont
j'ai traité le Docteur Halley , mérite bien
qu'on ne mefaffe aucunegrace. On croiroit, à
ce difcours,que j'ai maltraité M.H. dans ma
92 MERCURE DE FRANCE.
relation : rien n'eft fi faux , je n'en ai parlé
qu'en deux occafions , en rapportant touc
fimplement les remarques qui ont été faites
fur fa Carte pour le giffement des côtes ,
leur longitude relative , & la fuppreffion
de l'Ile de l'Afcenfion des Portugais , fçavoir
, que ceux qui s'étoient fervis de fa
Carte dans la navigation , depuis le Callao
à la Conception , l'avoient trouvée moins
bonne que celles de Vankeulen & de
Pitergoos, qui étoient encore très- fautives,
parce qu'ils avoient navigué cent dix lieues
dans les terres fur cette Carte , avant que
d'atterrer en effet ; qu'à l'égard de l'Ile de
Afcenfion au large de la côte duBrefil , qu'il
prétend être la même que celle de la Trinité,
on ne convenoit pas de cette identité;
en effet le Routier Portugais imprimé à
Liſbonne en 1712 , in -folio , les diftingue ,
& les écarte de 55 lieues l'une de l'autre
par la même latitude . Si Walter avoit lû
ma réponſe au P. Feuillée , il auroit vu
en trois endroits , avec quelle eftime &
confidération j'ai parlé du Docteur Halley,
& il ne m'auroit point taxé d'impoliteffe
ou de malignité, comme il le fait .
Je finis par déclarer que j'ai encore
moins de demangeaifon de trouver à redire,
que Walter, qui fe couvre du prétexte de
Kimportance de la matiere ; j'agis auffi par
le
• JANVIER. 1750. 93
même motif , ne pouvant me difpenfer de
défabufer le public fur des
prétendues corrections
de Cartes en longitude , & lui :
rendre compte de l'attention que j'ai eue
de ne lui préfenter que ce qui pouvoir être
utile à la
navigation ,
comptant que cette
petite
differtation étoit néceffaire pour lui
faire
connoître la valeur de laCarte de mon
Critique & celle de fes objections.
Frezier , Directeur des
Fortifications de
toute la Province de Bretagne.
A Breft , le 5.
Décembre 1749.
A M. Remond de Ste Albine.
E vous prie , Monfieur, de vouloir bien'
inférer dans le Mercure cette réponſe,
qui fera utile à la
Géographie & à la navigation
, où M. Walter prétend mal - àpropos
faire des
changemens . Vous pourrez
y remarquer qu'il n'y entre point de
critique de
mécontentement , en ce que
j'aurois pû relever plufieurs fautes de fon
voyage , que je crois devoir imputer an
traducteur, qui n'eft pas homme de mer ,
comme il paroît à de ridicules manoeuvres
qu'il fait faire à M. Anfon , par exemple,
1..
94 MERCURE DE FRANCE.
de porter des Perroquets dans les tempêtes
où l'on peut à peine porter les baffes voiles;
il s'agiffoit apparemment de Huniers &
non pas de Perroquets. Il indique auffi mal
les aires de vent , lorfqu'il dit ( pag. 54 )
depuis le NO jufqu'à ES : il falloit
dire NNO & E ÷ SE , parce que N40 4
4
eft le N. N. O , & E - S , c'eſt le E. S. E.
4
J'ai l'honneur d'être , & c. Frezier.
洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗
LE FRELON ,
FABLE ALLEGORIQUE ;
A M. D. L. R.-L.
UN jour, certain Frelon à la tête légere ,
S'arrachant avec peine aux douceurs du fommeil ;
S'élançà dans les airs au lever du Soleil,
De quelques jeunes fleurs la beauté paflagere
Mérita quelque tems fes foins & fes égards ,
Mais il fixa bientôt ſes avides regards
Sur un rayon de miel , qu'inconnue , étrangere ;
Certaine Abeille , fa comere ,
·
Laiffoit à l'abandon dans des lieux à l'écart ;
Tandis qu'aux environs elle alloit avec art
Cueillir le fuc des fleurs de quelque beau parterrea
Notre Frelon friand s'approche ; fans façon
JANVIER. 95 1750.
Goûte le miel , & le trouve affez bon ,
Four former le projet de s'efforcer d'en faire
Sur le modéle . A l'ordinaire ,
L'Abeille en peu
de tems s'en revint au logis
Et vit, en entrant , le compere
Après fon miel. Bon jour , dit- il , ma chere ;
Avec vous librement , vons le voyez , j'agis ,
Mais votre ouvrage au goût offre tant de quoi
plaire ;
Il eft fi délicat ... Arrêtez , je rougis
D'un éloge fi peu fincére ,
Dit , en l'interrompent , la modefte ouvriere.
Tout compliment à part , reprit- il , fi je puis
Sur votre art obtenir de vous quelque lumiere ,
J'en prétends au plutôt pénétrer le myftere ,
Daignez me feconder dans ce noble deffein .
L'Abeille fe rendit à fa vive priere ;
Long-tems notre apprentiftravailla, mais en vain
Il voulut s'efforcer d'entrer dans la carriere
Il n'en put franchir la barriere .
Enfin , défefperé de fon peu de fuccès ,
Et jaloux de quelque progrès
Qu'avoit fait fous fes yeux l'Abeille folitaire ,
Le dirai- je ? L'ingrat Frelon ,
A décrier fon miel mit fon étude entiere ,
Dit qu'il n'en trouvoit rien de bon.
Devenu Frelon plagiaire ,
Pour mieux fronder fon adverfaire
Il donna comme fien un paffable rayon ; ♪
96 MERCURE DE FRANCE.
Dont il n'étoit proprietaire
Que, par un vol hardi qu'il fit , en vrai fripon ;
Dans une ruche ouverte à la gent Frelonniere.
Qu'il eft de gens dont trait pour trait
L'on voit ici le caractére !
La plupart du tems , d'un bienfait
L'ingratitude eft le falaire.
Brunet , de Dijon.
薪灘業滋
ODE DE M. L.
Gur la mort defon Epouſe.
A Rbitre de ma deftinée ,
Grand Dieu , dont j'adore les loix ,
Mon ame aux pleurs abandonnée ,
Vient t'adreſſer ſa trifte voix.
Au trait douloureux , qui la bleffe ;
Je lens qu'en vain l'on s'intéreffe :
Sans ton fecouts , fans ta bonté ;
'Auteur de ces jours pleins de charmes ;
Que tu changes en jours de larmes ,
Sois - le de ma tranquillité.
**
Il n'eft donc plas , l'objet aimable ,
Qu'en tout tems tu me deſtinas è
Heureux
JANVIER.
1750. 97
Heureux hymen ! fort défirable !
Dieu , comment tu le terminas ?
Telle une fleur qui vient d'éclore ,
Et qui périt après l'Aurore
Qui l'anime & l'épanouit ;
Tel eft ce lien que ta main forme ,
A peine est- il un monftre énorme ,
La mort paroît , & le détruit.
***
Sous quel afpect ! Puis - je l'entendre !
Dans toute l'horreur du trépas ,
Je vois l'épouſe la plus tendre
Gémir , expirer dans mes bras :
Quel fpectacle fut plus terrible
Pour le coeur d'un époux ſenſible
Dieu , ! réſervas - tu ce tourment
Pour les vertus les plus conftantes ,
Pour les graces les plus touchantes ,
Pour mon fincére attachement ?
O vous , à qui le fort contraire
Fit éprouver quelque rigueur ,
En eûtes- vous de plus févére
Que celle qu'éprouve mon coeur ?
Et vous dont la vertu ſtoïque
E
198 MERCURE DE FRANCE .
Voit avec un front héroïque
S'échapper le bien qui vous fuit ;
Verrez-vous mon malheur extrême ,
Sans foumettre votre ſyſtême
A la douleur qui me pourſuit ?
Pourquoi , Seigneur , de ta puiffance
Me fais-tu fentir cet effet ?
Manqua je de reconnoiffance
Pour ton préfent , pour ton bienfait ?
Non c'eft à toi que j'en appelle ;
Tu connus mon ardeur fidelle
Tu pus fans ceffe l'éprouver ;
Que manquoit-il à ma tendréfle ?
Conforme aux loix de ta ſageſſe ,
Tu ne pouvois que l'approuver.
*XX .
D'où vient donc que loin de te plaire
Je la vois en butte à tes coups ?
Eh quoi ! l'union la plus chere
Dut-elle exciter ton courroux ?'
Faut -il que l'humaine nature ,
Par de cruels maux qu'elle endure,
Apprenne à fentir ta bonté
Ou ne diſpenſes -tu des graces
3
JANVIER.
99: 1750.
Que pour en affoiblir les traces ,
Par des traits de févérité ?
*X+
Qu'entends- je ? Quelle voix s'oppoſe
Aux fons hardis que je répands t
Seroit - ce toi qui te diſpoſe
A punir ces cris indécens ?
Mais non ; j'entends ta voix célefte ;
Je n'y vois rien de'funefte
Contre mon indocilité :
Je m'apperçois que ta clémence
Veut furpaffer en indulgence
Ma coupable témérité.
*O*X
pere ,
Tu pardonnes la plainte amere ,
Que contre toi j'oſai former ,
Et tu viens toi-même , en bon
Prendre le foin de me calmer.
Tu m'apprends que fi , favorable ,
Tu rendis mon fort agréable ,
En formant ce lien chéri , --
Tu voulus bien m'être propice ;
Et que j'en dois le facrifice
D'un coeur content , qubiqu'attendri ,
E
"
100 MERCURE DE FRANCE.
Que ta volonté m'eft terrible !
Mais que ton fecours eft puiffant !
Quand je crois mon coeur infléxible ,
Je ne me plains qu'en ſoupirant.
Effet de tes loix fouveraines !
Déja mon fang dedans mes veines
De ma douleur calme l'excès ;
Mais pour éloigner ma trifteffe ,
Dieu , ne borne pas ta tendreffe ,
Si tu veux en voir le ſuccès.
.
Dans le chagrin qui me confume
Et dont mes fens font abbatus ,
Pour en adoucir l'amertume ,
Combien il me faut de vertus !
Sur une ame tendre , indocile ,
Que peut cette raiſon fragile ,
Accordée aux foibles humains ?
Hélas ! dans tout ce que je tente ,
Loin que ma raifon me contente ,
Elle même fait mes chagrins,
Quoi ! de cette épouſe chérie ,
Que ta main combla de bienfaits ,
Par la feule Philofophie ,
JANVIER. ΤΟΥ 1750.
J'irois oublier les attraits ?
Loin de moi tout difcours fublime :
Dans la tendreffe qui m'anime ,
Mon coeur fçauroit vous réſiſter
Dieu , dont j'implore l'affiftance !
Ce n'est que fur ta Providence
Que ma trifteffe doit compter.
Viens donc , Seigneur , fur moi répandre
Tes graces , ton divin Eſprit ,
Viens , fais- moi fans ceffe comprendre ,
Que tout eft limité , prefcrit ,
Qu'un jour en ta gloire adorable,
Je reverrai l'objet aimable ,
Dont il te plaît me féparer.
Alors comptant fur ta promeffe ,
Mes larnes feront fans foibleffe
Et couleront fans murmurer.
Par M. L .... Avocat.
E iij
102 MERCURE DEFRANCE.
30% 50%50% 506 307 308 302 * :*****
LETTRÉ
De M. Pinard , Docteur en Médecine , Aggrégé
au College des Médecins de Rouen ,
Membre de l'Académie des Sciences ,
Arts , Belles Lettres de la même Ville ,
à M. A... Docteur en Médecine , fur une
affection byfterique finguliere .
J
E fçais , Monfieur , que tout ce qui eft
obfervation vous fait plaifir : ainfi je
me hazarde volontiers à vous en communiquer
une fur l'affection hystérique , qui
m'a paru finguliere. La voici.
Une Demoiſelle âgée de feize ou dixfept
ans , jouiffant d'une fanté parfaite ,
crut au mois de Juin 1747 pouvoir , par
l'ufage des bains , modérer avec fûreté l'im
preffion que faifoit fur elle une chaleur
excelfive. Manquant alors de réflexion &
d'expérience , elle fe jetta plufieurs fois
dans une fource d'eau d'un froid extrême,
qui lui arrofoit le corps jufqu'à moitié.
Plus elle fe fentoit fraîche , quand elle en
fortoit , plus elle fe fçavoit bon gré de
l'effai qu'elle en avoit fait. Mais la fource
de fes plaifirs tarda peu à devenir celle de
la maladie la plus étrange.
JANVIER . 1750. 103
Vous connoiſſez trop bien , Monfieur ,
l'économie animale , pour ne pas preffentir
que cette imprudence occafionna à cette
Demoiſelle un dérangement , dont les fuites
fe firent bientôt appercevoir. En effer,
elle tomba tout à coup dans un profond
alloupiffement , fans fentiment , fans mouvement
, & pour ainfi dire , fans refpiration
. Elle éprouvoit de plus de legéres
convulfions dans differentes parties , après
quoi elle avoit le tronc & les extrêmités ,
tant fupérieures qu'inférieures , d'une roideur
fi confidérable , qu'on la portoit à fa
chambre , chargée en travers fur l'épaule
comme une piéce de bois. A cet état fuccédoit
un délire furieux ; elle fe décoëffoit
; deux fortes perfonnes ne pouvoient
la contenir dans fon lit ; elle frappoit &
injurioit tous ceux qui s'oppofoient à fes
volontés , & il étoit d'autant plus difficile`
de la calmer, qu'elle ne voyoit ni n'entendoit.
Quand ce délire étoit fur fon déclin ,
elle remettoit fa coëffure , & elle arrangeoit
fon lit avec autant d'ordre & d'adreffe
,, que fi elle avoit joui de fa connoiffance
& de fa tranquillité naturelle.
Cet arrangement étoit un figne certain ,
qu'elle alloit retomber dans le premier
état. Quand elle y avoit resté quelque
tems , les extrêmités reprenoient leur fou-
E iij
104 MERCURED MERCURE
DE FRANCE.
1
pleffe ordinaire ; elle s'affeyoit fur fon lit ,
Te frottoit les yeux , & dans le moment
qu'on penfoit qu'elle alloit recouvrer fa raifon
, elle entroit dans une fureur femblable
à la premiere. Ces alternatives d'immobilité
fpafmodique & de fureur duroient ordinairement
trois ou quatre heures ; elie en
a cependant eu des accès qui fe font pro
longés jufqu'à quinze ou dix -huit. Il faut
obferver qu'ils ont toujours commencé par
l'affoupiffement , les convulfions & la roideur
de tout le corps , & que la malade
n'a jamais paffé du délire à la raiſon , ſans
éprouver de nouveau ces accidens qui fe
terminoient enfin par une refpiration
grande & fréquente , des foupirs profonds
, l'ouverture des yeux , le recouvrement
de l'ouie & de la parole. Elle fentoit
alors les forces fi épuifées qu'elle pouvoir
à peine fe foûtenir , & qu'elle étoit
plufieurs jours dans une perte totale de
voix , & elle ne fe reffouvenoit point de
l'état dans lequel elle avoit été , ni de ce
qu'elle y avoit dit. Ces attaques n'avoient
point de retours réguliers ; elle en éprou
voit quelquefois deux ou trois en vingtquatre
heures , d'autres fois elles lui laiffoient
huit, tantôt quinze jours d'intervalle.
Mais, je vous prie, Monfieur , de remarquer
qu'elle n'en a jamais été exempte
JANVIER . 1750. 10S
dans certains tems , quoique des faignées
affez fréquentes , tant du bras que du pied,
euffent remis la nature dans fes droits ,
Ces faignées n'ayant pas calmé la violence
des vapeurs , non plus que les bains , tant
internes qu'externes , faits avec la décoction
d'abfinthe , de matricaire , &c. je fus
confulté le 4 Octobre 1747.
Je vous avoue franchement , Monfieur,
que je craignis de ne pas mieux réuffir queceux
qui avoient vû la malade dans le
commencement , tant parce que les fe
cours , qu'ils avoient pratiqués , n'avoient
diminué en rien les paroxifmes , que parce
qu'il y avoit déja quatre mois qu'elle étoit
dans ce trifte état. Me confiant cependant
aux reffources infinies , que vous fçavez
que l'Auteur de la nature nous a miles
entre les mains , j'eus recours aux remédes-
Ami-hystérico-fpafmodiques , que l'expérience
a prouvé les plus convenables dans
ces maladies. Je lui fis donc prendre , pendant
les attaques , des juleps dans lesquels
je n'oubliai pas de faire entrer l'huile foetide
de fuccin. Cette huile eft fort dégoûtante ,
mais j'ai vu tant de fois de violentes convulfions
hystériques fe calmer auffi tôt
qu'il avoit été poffible d'en faire avaler ,
que je ne pus ne la point recommander
comme un fpécifique dans ces momens.
E v
106 MERCURE DE FRANCE.
>
Je prefcrivis outre cela , dans l'intervalle
des accès , l'ufage d'un opiate fait avec là
cafcarille , le diaphorétique martial , le
caftoreum , la poudre de guttet , l'affa foetida
, le cinabre , & c . La malade n'eut pas
plutôt commencé ces remédes , que ces
mêmes accès furent bien differens des
premiers. Leur longueur & leur fréquence
diminuerent pen à peu & devinrent
beaucoup moins inquiétantes . Le délire farieux
fe changea en converfations pleines
de gayeté. Quand elle commençoit à parler
, elle demandoit , vû qu'elle ne voyoit
ni n'entendoit , qu'on lui donnât les clefs
de fes yeux & de fes oreilles. Les paupieres
étoient en effet fi exactement fermées ,
que j'ai tenté inutilement de les ouvrir.
Quand il fe trouvoit avec elle quelqu'un
qu'elle avoit coûtume de voir , elle le reconnoiffoit
parfaitement en touchant l'habillement
& les mains, Elle avoit le tact
fr exact , qu'il n'étoit pas poffible de la
tromper , ce qui prouve évidemment ,
Monfieur , que quand nous fommes privés
de quelqu'un de nos fen's , les autres
font plus parfaits. Si elle connoiffoit quelqu'un
, parce qu'il avoit une bague au
doigt , on ne lui faifoit point prendre le
change , en lui préfentant une autre main
armée de cette même bague. L'habitude
JANVIER. 1750. 107
qu'elle avoit acquife de comprendre ce
qu'on vouloit lui dire , en lui touchant les
mains de differentes façons , faifoit , que
quoiqu'elle n'eût pas l'ufage de l'ouie &
de la vûe , la
converfation ne tomboit pas .
Elle étoit prefque toujours beaucoup plus
gaye que dans fon état naturel , & cela alloit
quelquefois au point de fe lever , de
s'habiller & de danfer à la ronde . Elle
bûvoit & mangeoit fort bien dans fes accès
, mais elle a été huit jours de fuite , où
dans le tems de leur durée , & même de
leur intervalle , il lui étoit impoffible de
prendre aucune nourriture , foit folide ,
foit liquide. J'ai été témoin , que lorfqu'une
feule goutte d'eau touchoit les muf.
cles de l'eefophage , le diaphragme & toute
la poitrine entroient dans une convulfion.
fi forte , qu'il fembloit que la malade alloit
fuffoquer , & cet état violent duroit douze
ou quinze minutes.
Ce ne font pas - là , Monfieur , les feuls
accidens aufquels cette Demoifelle a été
fujette. Le bras & la jambe du côté droit
ont été affectés de paralyfie ; elle n'a pû fe
fervir de la jambe pendant huit jours , & le
bras n'a reprisfon mouvement que plus d'ui
mois après , dans le tems même d'une attaque
affez violente . Lorfqu'elle étoit revenue
à elle , elle faifoit paroître autant de
E vj
108 MERCURE DEFRANCE.
trifteffe qu'elle y avoit donné de marques
de joie , & elle ne fe reffouvenoit point ,
comme je vous l'ai fait obferver , de ce
qu'elle avoit fait & dit pendant la durée
des accès ; mais je fuis convaincu , Monfieur
, que vous trouverez très -fingulier
que quand elle tomboit dans un nouveau ,
elle fe rappelloit exactement tout ce qui
s'étoit paffé dans les précédens. J'ai eu
enfin la fatisfaction de voir cette Demoifelle
délivrée d'une fi trifte maladie , après
avoir fait ufage pendant dix mois des remédes
ci deffus marqués , & des eaux minérales
de Saint Paul.
Je me flatte , Monfieur , que vous voudrez
bien me permettre de vous communiquer
mes conjectures fur ce phénoméne
fingulier , mais fouffrez que je vous rappelle
auparavant la maniere , dont fe traçent
les objets dans le cerveau . Cette partie
qui eft le rendez- vous général de toutes
les fenfations , eft compofée d'un nombre
infini de fibres,qui fe réuniffant en dif
ferens paquets , forment les nerfs qui vont
fe répandre jufques dans le moindre point
de l'habitude du corps. Ces nerfs font reconnus
pour être les organes qui les y tranf
mettent. Il y a donc lieu de penfer que
les objets qui les frappent , donnent un
mouvement de bas en haut à la colomné
JANVIER. 1750. 109
du fluide éthéré , qui les parcourt avec une
viteffe , qui égale au moins celle de la lumicre.
Cette colomne , comme vous le
penfez bien , Monfieur , ne peut être repouffée
dans fon extrêmité , qu'elle ne reflue
dans le cerveau dans la même proportion
. Lorfqu'elle y eft parvenue , elle continue
à fe mouvoir en ligne droite , jufqu'à
ce quelle trouve un corps folide qui
l'arrête dans fa progreffion . Ce corps fera
une fibre de cette partie du cerveau , qui
par la difference qu'elle fçait faire des
odeurs d'avec les faveurs , &c. a été appellée
de tous les Phyficiens fenforium
commune. Cette fibre étant d'une confiftance
propre à recevoir l'impreffion de ce
mouvement , l'homme fe fentira affecté de
telle ou telle fenfatión . Les veftiges ou les
traces de cette impreffion y resteront plus
ou moins gravées , fuivant
que les
organes.
des fens externes feront plus ou moins
ébranlés , ou que cet ébranlement fera plus
ou moins répété . Pour que l'ame fe repréfente
les objets , dont elle avoit reçû l'idée
le moyen de ces mêmes organes , il eft
néceffaire les fibres du cerveau ,
que
fefquelles ils avoient été gravés , reprennent
le même étar , ou la même modification
qu'elles avoient dans ce tems-là . Ent
effet , fans cette condi tion toute
par
fur
110 MERCURE DE FRANCE.
tracées dans le cerveau fe feroient préfentées
confufément dans le même inftant
& on auroit toûjours parlé fans pouvoir ſe
faire comprendre ; un exemple vous prouvera
la néceffité de cette modification .
Quand on veut apprendre un difcours , on
jette fouvent les yeux deffus , & à force
de l'étudier , on en imprime parfaitement
les traces fur les fibres du cerveau , mais
cette opération ne fuffit pas pour le débiter
,fans fe tromper à chaque moment ; il
faut encore que ces mêmes fibres fe montent
toutes fur le même ton , ou ce qui eft
la même chofe , qu'elles foient confonantes
, car fi quelques - unes deviennent diffonnantes
, on reftera court , & fouvent on
ne pourra retrouver le fil de fon difcours ,
qu'après avoir remis ces fibres dans leur
confonnance , en jettant les yeux fur le
papier.
Ces principes établis , autant qu'il eft
poffible de le faire fur une matiere auffi
difficile à développer , effayons de vous
expliquer , Monfieur , pourquoi cette Demoifelle
ne fe reffouvenoit de ce qu'elle
avoit dit , pendant qu'elle étoit en vapeur ,
que dans les accès fuivans. Vous n'ignorez
pas que prefque tous les accidens , qui
ont accompagné cette maladie , ont été la
fuite de la tenfion & de la convulfion
JANVIER. 1750. 171
des nerfs & des membranes . Ces parties
étant les appendices des fibres du cerveau,
il y a lieu de penfer que ces mêmes fibres
fe font auffi écartées de leur ton naturel.
Il eft donc certain que les idées que la
malade avoit pendant le tems de ce dérangement
, lui étoient repréſentées par des
fibres trop rendues . Il n'eft pas moins certain
que, lorfque l'accès étoit terminé , ces
fibres , ainfi que toutes les autres parties
de l'économie animale , quittoient cette
tenfion pour reprendre leur reffort ordinaire.
Ce changement confidérable leur
arrivant fi fubitement , on ne doit pas
être furpris fielle ne fe reffouvenoit pas
alors de ce qui s'étoit paffé pendant les
attaques , mais lorsqu'il en furvenoit de
nouvelles , les fibres du cerveau quirtoient
derechef leur foupleffe ordinaire
pour le monter fur le même ton , & fur
la même confonnance où elles avoient été.
Elles rentroient donc par - là dans le même
degré de vibration qui lui avoit repréſenté
telle ou telle idée ; il n'eft donc pas étonnant
que l'ame en fût alors fi bien frappée ,
qu'il ne lui échapât rien de ce qu'elle avoit
fait ou dit.
Je pafferois les bornes d'une Lettre , fi
j'entrois dans un plus long détail ; je finis
112 MERCURE DE FRANCE.
donc , Monfieur , par ces deux réflexions.
Cette obfervation prouve. 1 °. Que la faignée
eft très-infuffifante pour guérir les
vapeurs. Ce n'eft cependant pas que je
prétende l'interdire totalement ; j'en reconnois
la néceffité , quand les vaiffeaux
font trop pleins , ou quand il furvient des
accidens qui l'indiquent. 2 °. Que c'est à
tort que
les femmes penfent que les remédes
font inutiles dans cette maladie , &
qu'il y a au contraire tout lieu de croire
que s'ily en a fi
peu qui guériffent , c'eft
plutôt par le défaut de conftance dans leur
ufage , que par celui de notre Art.
'ai l'honneur d'être , &c.
Pinard
A Rouen ce 10 Septembre 1749-1;
JANVIER . 1750. 113
CACACCACDCDCDCDCOCOCOCA
EPITAPH.IU M.
HICIC JACET ,
Donec procedat in refurrectionem vitæ, ( a )
PETRUS DE SAINT LEU ,
Infignis Ecclefiæ Sylvanectenſis
DECANUS BT CANONICUS.
Ad hunc honoris apicem variis afcendit gradibus ,
Difciplinæ tenax.
Apud fanctum Regulum primis fub annis Canonicus
,
Ab adolefcentia fua jugum portavit . ( b )
Ad matrem tranfit Ecclefiam , lectus vir boni
teftimonii ; ( c)
ARCHIDIACONUS. ,
Totam fingulis annis Dioecefim luftrabat ;
Factus forma gregis.
Pontificali non impar oneri ,
Præfulis & Dioecefis conftituitur
VICARIUS GENERALIS.
In Præfidiali Curia Senator integer ;
In Ecclefiaftica Judex eruditus ,
Judicabat populos in æquitate. ( d )
Singulari prudentiâ lites & jurgia dirimebat
PACIS AMAN S.
( a ) Joan . 5. 29. ( c ) Act. 6, 3.
(b)Jeremia. 3.27.. ( d ) PS, 66. §.,
114 MERCURE DE FRANCE.
Relligione purâ , pietate gravi , doctrinâ ſanâ ,
Zelo , fed fecundum fcientiam ,
Præbuit fe ipfum fratribus exemplum bonorum
operum: ( a )
Ab infantia crevit nata cum illo miferatio .
Immenfis , quas in abfcondito erogabat , eleemofinis
Pauperum hofpitia ſuſtentabat ,
Vinctorum operiebat nuditatem ,
Pudore & miferiâ jacentes erigebat familias'
Pupillum ac viduam ſuſcipiens . ( b )
Quas in cælum præmiferat ,
Divitiis potiturus ,
Repentinâ , fed non improvifà morte ,
Paratus rapitur
Anno falutis M. DCC . XLIX . die Novemb. xXVI .
ætatis fuæ LXXVIII .
Lunten , membrum, parentem, patronum , duĉem ,
Obortis defiderant lachrymis ,
Clerus , Senatus , pauper , Civitas , Capitulum
Sylvanect .
ITA
Unius interitus fit omnium lacus.
Requiefcat in pace.
I
Maroris publici teftis , fimul & veritatis
interpres lachrymans fcribebat Huart , Sanita
Genovefa Paftor.
( a ) Lit. 2. 7. \ ( b) P 145.9
JANVIER. 1750. 115
MEMOIR E *
Sur les Barres Magnétiques & les Aimans.
artificiels
inventés par M. Gowin
Knight , Docteur en Médecine & Membre
de la Société Royale de Londres.
Tnouvellement des Sciences un grand
Out le monde fçait que depuis le renombre
de Phyficiens ont travaillé fur l'aiman
, & l'importance de la Bouffole dans
la navigation fuffit feule pour juſtifier
leurs travaux . Cependant malgré le grand
nombre de Livres , d'expériences & de
tentatives qu'on a faites für cette matiere ,
les découvertes ont été en petit nombre &
en général peu utiles. Il étoit réfervé à M.
Knight de trouver le moyen d'augmenter
prodigieufement la vertu des Pierres d'aiman
ordinaires , de compofer des aimans
& des barres d'acier trempé , dont la vertu
magnétique l'emporte de beaucoup fur les
aimans les plus vigoureux. Cette découverte
, par fa fingularité & par fa grande
utilité dans la navigation , peut- être regardée
comme une des plus importantes de de
3
* Ce Mémoire nous a été envoyé par un des Membres
de l'Académie des Sciences , les plus diftingués.
116 MERCURE DE FRANCE.
fiécle. Par le moyen de ces barres d'acier
trempé , que M. Knight appelle Barres
magnétiques , on communique aux aiguilles
de Boulfole une vertu beaucoup plus
forte & infiniment plus durable que celle
qu'elles acquierent en les aimantant à l'ordinaire.
Comme cette découverte eft peu connue
parmi nous , j'ai crû que ce feroit rendre
un fervice au Public que de l'inftruire , fur
tout à caufe des grands avantages qu'en
peut retirer la Marine.
Quelques perfonnes pourroient imaginer
que les barres magnétiques de M.
Knight font faites à l'inftar de ces aimans
artificiels , compofés de plufieurs lames
d'acier , mais elles n'y ont aucun rapport ,
& la maniere dont il les fait eft encore un
fecret. Ce qui paroît vrai femblable , c'eſt
qu'il feroit impoffible de leur communiquer
, en les aimantant à l'ordinaire , une
vertu magnétique , auffi grande que celle
qu'elles ont. On en fera pleinement convaincu
en lifant ce Mémoire.
J'aurois pû rapporter ici les expériences
que j'ai faites avec ces barres , mais comme
l'Acte de la Société Royale de Londres du
19 Février 1746 contient une relation des
expériences principales faites fur ces barres
en préfence de cette Société , j'ai crû
JANVIER . 1750. 117
qu'il étoit plus à propos d'en donner un
abregé , imaginant que fi quelqu'un avoit
des doutes fur les faits que j'avance , le
feul témoignage de cette illuftre Société
les leveroit entierement . Je me contenterai
d'ajoûter à cer Extrait quelques réflexions
fur les conféquences qu'on peut tirer
de ces expériences , & fur quelques autres
fujets qui y ont rapport.
Extrait de l'Acte de la Société Royale de
Londres du 19 Février 1746.
M. Folkes , Préfident de cette Société,
» ayant fait le rapport de plufieurs expé-
» riences qu'il avoit vûes chez M. Knight,
» avec M. William Jones , Membre de la
» même Société, M. Knight fut prié de les
répéter en préfence de la Compagnie.
"
כ
L
»M. Knight tira alors d'un étui deux
» barres , longues de quinze pouces ; elles
» y étoient fituées parallelement , entre
» elles une regle de bois à peu près égale
» aux barres , les féparant l'une de l'autre ;
» leur fituation refpective étoit telle que
» le Pôle du Nord de l'une étoit du mê-
» me côté que le Pôle du Sud de l'autre
» & deux piéces de fer mol terminoient
» leurs extrémités , felon la difpofition
fuivante.
118 MERCURE DE FRANCE.
2
» 1 & 2 , barres magnétiques d'un acier
très-poli & trempé de tout fon dur.
" & 3 , Pôle du Nord des barres.
"4 & 4 , Pôle du Sud des barres.
» 5 & s , Piéces de fer poli & mol , qui
»fcellent les deux barres à chaque bout, &
qui y reftent fortement adhérentes par
» la fimple attraction .
95
» 6 , Regle de bois qui fépare les deux
»barres , & qui empêche leur contact la-
» téral.
39
La ligne ponctuée marque la circula-
»tion du fluidé magnétique. Les deux
» barres étant coulées doucement de l'étui
fur la table , dans la pofition que fon
vient de rapporter , M. Knight fit gliffer
»,un des deux morceaux de fer , & ouvrant
les deux barres comme un compas , il les
mit en ligne directe , de façon qu'adhé-
> rent fortement enſemble par l'attraction,
» le Pôle du Nord de l'une fe trouvoit en
contact avec le Pôle du Sud de l'autre .
» M. Knight prit alors un cube d'un fort.
bon aiman du poids d'une demie once ,
»& ayant bien fait reconnoître fes Pôles ,
» au moyen d'une aiguille aimantée , il le
2t
1
t
JANVIER . 1750. 119
»miten contact entre les deux barres , de
» façon qu'il préfentoit à chacune fes Pôles
répulsifs ; il laiffa cet aiman dans cet-,
"te pofition pendant trente fecondes , &
» l'ayant retiré , il fit voir au moyen de la
»même aiguille , que fes Pôles étoient abfolument
renversés , & avoient pris la
" même direction que celle des Pôles des
» deux barres. Il répéta plufieurs fois
» la même expérience , & préfentant l'ai-
»man diagonalement par Les angles aux
» deux barres , fes pôles prirent à chaque
>> fois une nouvelle direction.
!
On pourroit objecter que de changer les
pôles d'un petit aiman avec un aiman
plus gros & plus généreux , n'eft pas une
chofe entierement nouvelle , & que Bayle
dans fon Traité du magnétifme rapporte
qu'il changea les pôles d'un très-petit morceau
d'aiman en l'appliquant aux pôles
d'un aiman fort vigoureux ; mais Bayle
lui-même ajoûte enfuite , qu'ayant voulu
faire la même chofe fur un morceau d'aiman
un peu plus gros , il ne put y réuffir en
y employant beaucoup plus d'heures qu'il
n'avoit employé de minutes à changer les
pôles du premier , ce qui démontre clairement
la force que doivent avoir les barres
magnétiques de M. Knight ; certe force fera
encore mieux confirmée par les expériences
qui fuivent.
120 MERCURE DE FRANCE.
» M. Knight montra enfuite deux aiguilles
pour des compas de mer , toutes
deux d'acier trempé ; l'une de ces aiguil-
» les n'avoit point été chauffée après la
» trempe , & l'autre avoit été bleuie & en
» confervoit encore la couleur . Il les ai-
» manta toutes deux avec les barres ma-
»gnétiques de la maniere fuivante. Voyez
» la figure.
Contact des deuxbarres
3 3
» I & I , Pôles du Nord des deux barres .
» 2 & 2 , Pôles du Sud des deux barres.
" 3 , Aiguille de compas de mer , pofée
»fur les barres , de façon que fon centre ,
qui eft percé , pour laiffer paffer le pivot
qui doit rouler dans fa chappe , fe trou-
» ve directement au- deffus de la ligne de
contact des deux barres.
» L'aiguille étant pofée de cette façon ,
on appuya fur fon centre , & on tira les
»barres de chaque côté , en les faiſant
gliffer fous l'aiguille , laquelle acquit
par cette feule friction la plus forte
» vertu magnétique , proportionnelle à ſa
maffe .
Il eft bon de remarquer que toutes les
fois qu'on voudra aimanter des aiguilles de
compas
·
JANVIER. 1750. 121
compas de mer ou de petites barres d'acier,
la méthode précédente eft la feule qu'on
doive employer.
» Les aiguilles ayant été aimantées ,
»M. Knight fit voir que l'aiguille d'acier
" trempé de tout fon dur avoit acquis
>> une force double de celle de l'aiguille
» d'acier de trempe de reffort ou bleui . Il
» leur préfenta enfuite deux petits poids
» d'un fer ordinaire , pefant chacun trois
>> quarts d'once : l'aiguille de trempe de
» reffort n'en put enlever qu'un , & celle
d'acier trempé, parfaitement dur , les en-
>> leva tous deux, après qu'on les eut collés
» enſemble par leur baze.
»
que
La force que communiquent les barres
de M. Knight , eft fi grande , que les deux
plus forts aimans qui foient en Angleterre,
l'un l'on conferve à Deptford & qui
foûtient 39 liv. l'autre qui en foûtient 40 ,
& qui a été donné à la Société Royale
par Mylord Abercorn , ne peuvent communiquer
à des aiguilles pareilles à celles
qu'il venoit d'aimanter , qu'une force fuffifante
pour foutenir un des deux poids.
Il est même effentiel de remarquer que ces
aimans ne peuvent communiquer cette
force qu'à une aiguille de trempe de reffort
fans la pouvoir communiquer à une aiguille
d'acier parfaitement dur,
F
122 MERCURE DE FRANCE.
Il y auroit un grand nombre de réflexions
à faire fur les expériences précédentes
, mais je me contenterai de remarquer
feulement, que ces deux aimans ne pouvant
communiquer aux aiguilles que la
moitié de la force que communiquent les
barres magnétiques , & encore ne la communiquant
qu'à des aiguilles de trempe.
de reffort , cela démontre d'une maniere
incontestable la fupériorité & l'utilité de
ces barres. S'il reftoit encore quelque incertitude
à ce fujet, j'ajouterois que les pôles
d'une aiguille aimantée à l'ordinaire
par le plus fort aiman , font changés en
leurs contraires par une feule touche avec
rien les barres de M. Knight.
?
2°. Que l'acier de trempe de reffort
perdant en peu de tems une grande partie
de fon magnétifme , l'acier parfaitement
dur le conferve fi conftamment , que
des aiguilles que j'ai aimantées , il y a plus
de fix mois , une feule fois , n'ont encore
perdu de leur vertu,
3 °. Que l'engourdiffement qui arrive fi
fouvent aux aiguilles de bouffoles provenant
vrai - femblablement , non de l'ufure
de leur pivot ou de leur chappe , mais de
perte de leur magnétifme , comme cela
eft prouvé par la néceffité où l'on eft de les
retoucher plufieurs fois pendant une lonla
JANVIER. 1750. 123
que navigation , les nouvelles aiguilles
d'acier parfaitement dur feront entierement
exemptes de ce défaut , n'étant point
fajettes à perdre de leur vertu . On a même
fi bien fenti l'importance de cette découverte
en Angleterre , qu'il n'y a plus
aujourd'hui de vaiffeau , deftiné pour
un voyage de long cours , qui ne fe muniffe
des barres de M. Knight , n'y ayant
qu'elles , comme on l'a vu plus haut , qui
puiffent aimanter des aiguilles d'acier trempé
parfaitement dur.
Enfin il est très difficile de bien
aimanter une aiguille de bouffole . On n'a
qu'à confulter là deffus le Traité de la
vertu attractive des corps de M. Muſchenbrock.
On y verra qu'il faut réitérer les
frictions jufqu'à cent vingt fois , pour être
fûr qu'une aiguille eft bien aimantée ; &
la pratique de Jacob Lommers & de Jacob
Dykgraaf , que M. Mufchenbrock
adopte , eft auffi longue & auffi difficile.
Mais par la méthode de M.Knight, la chofe
devient fifacile ,qu'un enfant de douze ans ,
un peu intelligent, peut aimanter une vingtaine
d'aiguilles en moins d'une heure.
Il eſt encore à propos de remarquer
qu'une bonne pierre d'aiman , capable
d'aimanter les plus grandes aiguilles , coû
te au moins fix louis , & même davan
*
Fij
124 MERCURE DE FRANCE.
des tage , & qu'elle ne peut aimanter que
aiguilles de trempe de reffort , tandis que les
barres magnétiques, fuffifantes pour les plus
fortes aiguilles , ne coûtent que deux louis
& demi.
Les découvertes ne devant avoir pour
objet qu'une utilité réelle , & les vrais
Sçavans ne devant avancer que des faits
dont la vérité foit bien prouvée & inconteſtable
, M. Knight a pris toutes les précautions
imaginables pour bien conftater
tout ce qui vient d'être rapporté.
Je me fuis un peu étendu fur la maniere
d'aimanter avec les barres magnétiques ,
& fur la propriété qu'elles ont de cominuniquer
une forte vertu à l'acier trempé de
tout fon dur , mais la chofe m'a paru d'une
fi grande conféquence , fur tout pour la
navigation , que j'ai crû qu'on ne pouvoit
trop y infifter..
M. Knight a déja tiré un autre fruit de
fa découverte ; il m'apprend par une de
fes Lettres , que la forme des aiguilles de
bouffole , dont on s'eft fervi jufqu'ici ,
n'eft point la plus avantageufe , & qu'il a
fait déja plufieurs expériences pour en trouver
une. Il ajoute que la figure qui jufqu'ici
femble le mieux séuffir , & s'aimanter le
plus fortement , eft celle qui eft deffinée
dans l'endroit où j'ai parlé de la maniere
JANVIER. 1750. 125
de les aimanter , mais qu'il continue tou
jours fes expériences pour s'affûrer , de la
maniere la plus préciſe , de la meilleure
forme qu'on peut donner à ces aiguilles .
Il m'a promis de me communiquer celle
qui lui aura le mieux réuffi , & je me ferai
grand honneur & grand plaifir d'en ren .
dre compte au Public ; il m'apprend encore
qu'il a prouvé à la Société Royale ,
que des aiguilles égales dans leurs proportions
, & aimantées avec la même pierre
d'aiman , varioient fouvent entr'elles de
plufieurs degrés , ce qui n'arrive pas à
celles qui font aimantées avec fes barres.
Je pourrois rapporter ici d'autres expériences
de M. Knight , toutes fort curieufes
& fort furprenantes , comme par exemple
celle d'augmenter prodigieufement la
vertu d'un très-bon aiman ; de mettre le
pôle du Sud tout autour d'une pierre dure
d'aiman , & au milieu le Pôle du
Nord ; de mettre à volonté les Pôles du
Sud aux deux extrêmités oppofées d'une
pierre , & les Pôles du Nord à angles
droits , avec ceux-ci , & beaucoup d'autres
faits de cette efpéce . Mais mon objet n'étant
dans ce Mémoire que de prouver l'utilité
des barres magnétiques de M. Knight
& de propofer à la Nation d'en faire uſage ,
je crois en avoir affez dit pour cela , & pour
>
F iij
126 MERCUREDE FRANCE.
montrer par combien de raifons elles doi .
vent l'emporter fur les pierres d'aiman ,
quand il eft queftion d'aimanter des aiguilles
de boulfole , furtout pour la Marine
.
M. Knight a imaginé la maniere de
pofer les barres dans un étui , dont il eſt
parlé au commencement de ce Mémoire ,
non-feulement comme la plus commode
pour les porter enfemble fans qu'elles
puiffent fe nuire , mais auffi comme la fituation
la plus favorable pour conferver
toute leur vertu . Il penfe à ce fujet que
les barres étant fituées de cette façon , le
fluide magnétique circule de l'une dans
l'autre , en allant du Pôle du Nord au Pôle
du Sud , & en paffant à travers les morceaux
de fer qui fervent ici comme de
conduits à ce fluide ; c'est ce qui eft exprimé
par la ligne ponctuée de la premiere
figure. Cette opinion paroît prouvée en ce
que le morceau de fer,quoiqu'adhérent aux
deux barres , n'a aucune attraction dans
cette pofition , & qu'au contraire il en a
beaucoup , lorfqu'il n'adhére qu'à un des
Pôles de l'une des deux .
-
Les précautions que M. Knight recommande
pour conferver les barres dans toute
leur force , font 1. de les laiffer glif
fer enſemble de l'étui , de ne les en point
JANVIER . 1750. 127
irer une à une , & lorfqu'on voudra s'en
fervir , de les ouvrir comme un compas ;
2º . de ne laiffer jamais approcher les Pôles
répulffs ; 3. de ne laiffer jamais approcher
les barres latéralement ; 4° . de ne
les point fatiguer à enlever des poids confidérables
; 5. de ne les point approcher
d'une groffe maffe de fer ; 6 ° . de ne les
point éprouver à changer les Pôles d'un
aiman naturel , au- deffus d'une demie
once , ou trois quarts d'once au plus ; enfin
de réferver leur ufage pour aimanter des
aiguilles & des barres d'acier.
Lorfqu'on voudra faire forger des aiguilles
d'acier , ou de petites barres pour
l'ufage des vaiffeaux ou pour des expériences
particulieres , il faudra choifir leydparfait
acier de Hongrie ou de Vérifgien
L'ouvrier l'ayant fuffisamment recuit au
feu , il forgera fon aiguille ou fa barre ;
obfervant, en la limant & en l'adouciffant ,
de le faire dans le fens de fa longueur . Il
la trempera enfuite dans de l'eau froide
& fans la faire chauffer en aucune façon
après la trempe. Il la polira tout de fuite
avec un morceau de bois , & du fin émeril
avec de l'huile , continuant toujours à la
polir dans le même fens qu'il l'a adoucie.
On rejettera toutes les aiguilles ou bar- '
res qui feront trop fauffées par la trempe ,
1
Fij
128 MERCURE DE FRANCE.
& celles qui auront des pailles , furtout
vers les pôles. On évitera d'ébranler trop
violemment le corps des aiguilles ou des
barres , on les effuyera enfuire avec grand
foin pour en enlever toute l'huile , & on
les aimantera felon la méthode dont j'ai
donné la deſcription .
On peut communiquer la vertu magnétique
à tel nombre d'aiguilles & de barres
qu'on voudra , pourvû qu'elles ne foient
pas trop fortes d'acier , & qu'elles ne
foient aux barres magnétiques en volume
& en poids qu'environ comme 1 à 15.
J'obferverai que la vertu communiquée par
les barres magnétiques eft proportionnelle
à leur grandeur , mais que leur attraction
du l'eft pas , une groffe barre n'enlevant
ceanan poids proportionnel à celui qu'en
Teve une petite , mais ceci n'a rien d'extraordinaire
, & paroît être une fuite des
loix de l'attraction .
Des Aimans artificiels.
Il eft difficile de pouvoir diftinguer de
quelle matiere ils font compofés ; c'eft une
efpece de marcaffite ferrugineufe , mais ce
n'eft ni un métail ni une pierre parfaite.
Il feroit inutile de penfer qu'il foit poffible
de fe fervir de l'aiman naturel pour
les compofer. Tout aiman broyé perd fa
JANVIER. 1750. 129
vertu , & quand même les parcelles en conferveroient
, il eft aifé de voir que mêlées
enfemble, elles feroient attractives & répulfives
l'une à l'autre , ayant chacune leurs
pôles particuliers ; & de la combinaiſon de
ces differentes directions ne pouvant en
réfulter une directe dans un corps qui en
feroit compofé , j'ai voulu par cette obfervation
prévenir une erreur dans laquelle
j'ai vû tomber des gens de beaucoup d'ef
prit , qui croyoient que l'aiman naturel
étant broyé , pouvoit fuffire à cette opération
.
Entre plufieurs expériences que j'ai imaginé
de faire avec ces aimans artificiels ,
la plus finguliere eft d'en poſer un ſphérique
, ou autrement une terella,fur une glace
bien de niveau & dont le plan foit bien
exact.
Si on pofe une feconde terella à huit
lignes de la premiere , elles fe retourneront
jufqu'à- ce que les pôles , qui s'attiroient
, foient vis -à- vis l'un de l'autre ; fi
on les approche un peu plus , elles s'attireront
en raifon inverfe de leur maffe.
Si on tient entre les doigts une des deux
terellas , & qu'on la faffe tourner verticalement
, l'autre terella tournera verticalement
auffi , & il faut obferver que fi on
tourne celle que l'on tient , de la gauche à
Fv
130 MERCURE DE FRANCE .
la droite , la terella en liberté tournera de
la droite à la gauche ; on peut renverfer
cette expérience , elle fera toujours la même,
& la terella en liberté tournera toujours
en fens contraire de l'autre , comme
une roue à dents dans laquelle engraineroit
une autre rouë que l'on tourneroit à
la main.
-
De ces aimans artificiels , les uns font
ronds comme ceux dont je viens de parler ;
les autres font plats. Les ronds ont 4 à 5
lignes de diamètre , & les plats ont un
pouce de large fur deux de long , &
deux lignes d'épaiffeur. Tous ces aimans
ont leurs pôles bien . fixés , & par conféquent
répulsifs ou attractifs les uns aux.
autres , felon leurs proportions . Ces pôles
ne peuvent être renverfés , même par les
barres de M. Knight les plus puiffantes ; je
les ai laiffés tout un jour en contact , fans
y appercevoir la moindre difference .
Comme celles que j'ai , font un préſent
de M. Knight , j'en ignore le prix.
Le prix des plus grandes barres , ou de
la premiere efpéce , eft de dix guinées.
Le prix de celles de la feconde efpéce ,
de cinq guinées.
Le prix de celles de la troifiéme , de
deux guinées & demie .
Enfin le prix de tout ce qui eft nécef-
*
JANVIER . 1750. 131
faire pour répéter les expériences , eft
d'une guinée.
Si quelqu'un veut faire l'emplette de
ces barres , il peut s'adreffer à Boulogne ,
à M. Guillaume , Vice-Mayeur de cette
Ville , ou à Calais , à M. Carpentier , qui
les feront venir de Londres.
Si on en vouloit une certaine quantité ,
il faudroit écrire une Lettre pour en prévenir
M. Knight , les grandes occupations
que lui donne la confiance du public
dans fa profeffion , ne lui permettant pas
de travailler avec affiduité à donner la
vertu magnétique à un grand nombre de
barres.
Quelque peu d'autorité que puiffe avoir
mon Certificat , je le joins ici , & je fuis
perfuadé que M. de la Condamine , & M.
de Régemorte auquel M. le Comte d'Atgenfon
a remis les barres que je lui ai envoyées
, fe feroient également plaifir de
donner les leurs , qui feroient d'un grand
poids, & leveroient toute incertitude.
Je certifie avoir répété plufieurs fois
toutes les expériences rapportées dans ce
Mémoire , lefquelles ont toujours également
réuffi .
'F vj
132 MERCURE DE FRANCE
POEME SUR LA VENGEANCE,
Par M. Bafton de Kerbel.
LA vengeance eft un droit ufurpé fur les Dieux
Que ce vol coûte cher aux mortels furieux !
Qu'il enchaîne après foi de remords & d'allarmes
Combien de coeurs vengés ont féché dans les lar◄
mes !
Combien n'a- t'on pas vu d'implacables humains ,
Percés des mêmes traits qu'avoient lancés leurs
mains !
Les Princes de la Gréce, enchaînés dans l'Aulide;
Ont imploré des vents le ſecours homicide ,
Ont fatigué le Ciel & de voeux & d'encens ;
Le Ciel a rejetté ces vulgaires préfens.
S'ils ne teignent l'autel du fang d'Iphigénie ,
C'eft envain qu'enyvré d'une aveugle furie ,
Leur coeur nourrit l'efpoir de venger Ménélas ;:
Tel eft l'arrêt des Dieux prononcé par Calchas .
Agamemnon apprend cette affreufe nouvelle.
Surpris , faifi d'horreur , il héfite , il chancelle
Les graces de fa fille , & furtout fes vertus
Se préfentent en foule à fes fens combattus s
Mais cette ame , toujours de vengeance altérée ,
Prend enfin un parti digne du fils d'Atrée.
Les Troyens dans Héléne ont ofé l'outrager;;
>
JANVIER. 1750. 133
Tout fang pour les punir lui devient étranger.
Pour venger fon injure & celle de føn frere ,
Il étouffe la voix qui lui dit qu'il eft pere;
Ce tendre nom de pere eft banni de fon coeur ;
La nature fe tait où regne la fureur.
Par l'ordre du cruel qui lui donna la vie ,.
'Aux marches de l'autel on traîne Iphigénie ;
Elle meurt , & les vents , par fon fang appaifés ,
Aux voeux de la fureur ceffent d'être oppofés
Les Grecs en un moment font portés juſqu'à
Troye ;
Ces lions affamés s'élançent fur leur proye ;
Par leurs conftantes mains Agamemnon vengé,
Voit d'un oeil fatisfait Hion ravagé ,
Et fier d'avoir enfin raffafié fa haine ,
Ordonne en triomphant qu'on retourne à Mycéne,
Mais lorsqu'il s'y promet des applaudiffemens ,
In'a pour tout accueil que des gémiffemens ,
Que l'affreux défefpoir d'une mere éperdue ,
Qui maudit fon triomphe & déteſte ſa vûe ;
Qui du fang révolté fervant les paffions ,
Fait éclatter fa rage en imprécations.
Fier de ta cruauté plus que de ta conquête ,
Tu parois devant moi les lauriers fur la tête.
C'est donc peu que ta main avide d'attentats
'Ait préſenté ma fille au coûteau de Calchas ?
Mon: nouveau défefpoir a donc pour toi des char
mes ,
134 MERCURE DE FRANCE.
De ces yeux maternels tu viens braver les larmes ;
Le front ceint de lauriers , abreuvés de mon fang
Une feconde fois , tu viens percer mon flanċ.
Ah ! monftre , au coup affreux que frappe ma
colére ,
Reconnois s'il eft für de braver une mere.
Auffi prompt que ces mots , le cruel coûtelas
Se plonge dans le fein du Roi de tant d'Etats.
Que d'horreurs on prépare au malheureux
Orefte !
Il entre fans fçavoir ce défaftre funefte ;
11 entre ; pour un fils quel fpectacle , grands
Dieux !
Quel objet effrayant fe préſente à ſes yeux !
Il apperçoit le corps de fon malheureux pere ,
Et le fer tout fanglant dans les mains de fa mere.
Tu vois mon affaffin , ta mere eft devant toi :
Je me meurs , & mon fils ; ô mon fils , venge moi,
S'écrie Agamennon , dout l'ame fugitive
Veut defcendre vengée à l'infernale rive .
De douleur & de rage Orefte tranſporté ,
Perce de mille coups les flancs qui l'ont porté ;
Dans le premier moment il a vengé fon pere ,
Mais le fecond lui dit qu'il a tué fa mere.
Cette horrible furie , attachée aux forfaits ,
L'implacable remords ne le quitte jamais.
L'ombre de Clitemneftre , irritée & fanglante ;
A u parricide Orefte eft fans ceffe préfente.
JANVIER. 1750. 139
La Nature & l'enfer , fes éternels bourreaux ,
Défendent à la mort de terminer les maux.
Il va la mandier chez des peuples barbates ,
Qui prodigues de fang , en deviennent avares ,
Qui du Ciel outragé fecondant le courroux ,
Trouvent pour lui la mort un fupplice trop doux.
Barbares que confume une foifvengereffe
Ouvrez , pour la calmer , les faites de la Grèce ,
Mais fans avoir recours aux faftes éttangers ,
Confultez bien plutôt nos maux & nos dangers.
De vengeurs , de vangés une troupe inteftine
A prefque de la France entraîné la ruine.
On a vu les Anglois , puiffans par nos fureurs ,
Dans les murs de Paris commander en vainqueurs
N'a-t'on pas vû le fang , le plus beau de la France,
Atrofer à grands flots l'autel de la vengeance ,
Dans ces jours de fureurs & de calamités ,
Dans ces horribles jours , de duels infectés ,
Où l'orgueil étalant fes fanglantes maximes ,
Jettoit fur la vertu la honte dûe aux crimes ;
Où l'aveugle François ardent à fe venger ,
Ne connoiffoit d'honneur que celui d'égorger ?
Tue ou meurs , tel étoit l'exécrable langage
Des braves qui , livrés à leur inftinct ſauvage,
Ou plongés dans la nuit des préjugés groffiers ,
Briguoient infolemment les noms de meurtriers...
D'un aftre enfin plus doux la divine influence
Chaffa la cruauté , fille de l'ignorance
36 MERCURE DE FRANCE.
Er faifant à nos yeux briller la vérité ,
Dans nos coeurs attendris grava l'humanité.
SEANCE PUBLIQUE
Tenue le 12 Novembre 1749 par l'Académie
Royale des Sciences.
Onfieur de Fouchy , Sécretaire per-
Mpétuel de l'Académie , lut au commencement
de la Séance l'Eloge de feu M.
Amelot , Miniftre & Sécretaire d'Etat pour
le Département des affaires étrangeres , &
Fun des Académiciens honoraires de cette
Compagnie.
Cette lecture fut fuivie de celle d'un
Mémoire de M. Ferrein ſur la ſtructure des
vifcéres glanduleux,
Le fecond Mémoire qui fut lû , eft de
M. de Life , & contient des obfervations
fur les froids prodigieux de la Sibérie .
Pour mefurer ces froids , & pour les comles.
comparer
avec ceux dont on a connoiffance ,
il falloir employer des Thermométres de
Mercure , ceux d'efprit de vin ne pouvant
pas fuffire. M. de Lifle en a conftruit fuivant
une méthode qui lui eft particuliere.
Ils font univerfels , c'est- à - dire qu'ils peuvent
fe conftruire partout fans communiJANVIER.
175:00 137
cation , & que cependant ils montrent
tonjours les mêmes degrés. Cela a été vé
rifié par l'expérience , tous les Thermométres
conftruits fuivant ladite méthode en
France , en Angleterre , en Suéde , en Allemagne
& en Italie , ayant toujours montré
les mêmes dégrés que ceux envoyés de Pé
terfbourg par M.deLifle.Comme les dégrés
de froid , que marquent cesThermomètres,
peuvent fe pouffer auffi loin qu'on le fouhaite
, ils ont pû fervir à mefurer les froids
de Sibérie , où M. de Lifle , pendant qu'il
étoit en Ruffie , a fait tranfporter un grand
nombre de ces inftrumens. Il fuffit
pour
donner une idée de l'excès des froids
aufquels la Siberie eft fujette , de dire que
dans le milieu du païs le froid eft pendant
cinq mois entiers beaucoup plus grand que
celui qu'on a éprouvé ici en 1709 , & qu'il
prend quelquefois fubitement un accroiffe
ment fi prodigieux , qu'alors il fait defcencendre
autant le Thermométre au- deffous
de la premiere glace, que la chaleur de l'eau
bouillante le fait monter au deffus. M. de
Lifle ayant comparé les plus grands
froids mefurés par les Thermométres, avec
ceux dont quelques Voyageurs ont parlé ,
conjecture que les froids de l'Amérique
Septentrionale , tant au Canada que dans
la Baye de Hudfon, doivent égaler ceux.de
la Sibérie.
138 MERCURE DE FRANCE.
• M. de Vaucanfor lut enfuite la Defcription
d'un nouveau Tour à filer la Soye .
Il est néceffaire , pour faciliter à nos
Lecteurs l'intelligence de cette Machine ,
de remarquer que la foye fe fabrique d'abord
fous une espéce générale qui eft la
foye greze. On entend par ce nom la foye
tirée fimplement des cocons . Cette foye
greze reçoit enfuite differentes préparations
, & l'on en fait de l'organcin ou des
trames.
L'organcin , deftiné à faire la chaîne
des étoffes , n'eft autre chofe que plufieurs
brins de foye greze , tordus chacun en parficulier
fur un moulin , & retordus après
tous enſemble fur un autre moulin . Cette
préparation leur donne une élasticité qui
les rend propres à obéir aux differentes extenfions
qu'ils fouffrent fur le métier lors
de la fabrication de l'étoffe,
Quelquefois les trames ne font compofées
que d'an feul brin de foye greze , tordu
foiblement fur lui-même , mais pour
l'ordinaire elles ne le font au plus que de
trois brins , tordus très- légerement enfemble.
Comme elles ne fouffrent aucun effort
fur le métier , les brins n'en font jamais
tordus féparément .
De ce que nous venons de dire , il fuit
que l'efpece de foye la plus chere eft l'orJANVIER.
1750. 139
que
gancin. Outre qu'elle eft plus travaillée ,
elle doit être tirée des cocons les plus fins .
A ce fujet , M. de Vaucanfon obferve
qu'on s'eft inutilement efforcé jufqu'ici en
France , de perfuader à ceux qui font tirer
de la foye , qu'il falloit tirer féparément
chaque qualité de cocons. Les abus que
produir l'ufage contraire, font fenfibles . Le
grain des cocons , qui ne font que demi
fins , eft beaucoup moins ferré & plus gros
celui des cocons fins. Les cocons fatinés
n'ont point du tout de grain , & les
doubles , c'est - à dire ceux où deux vers fe
font enfermés enſemble , ne donnent qu'u
ne foye très-mauvaiſe dont on ne peut fe
fervir pour les étoffes. En fe contentant ,
comme on fait , de féparer des fins & des
demi fins les doubles & les fatinés , & en
mettant ceux des deux premieres efpeces
indiftinctement dans la même baffine , on
gâte les beaux par le mêlange des inférieurs.
D'ailleurs ceux- ci n'en font pas
mieux tirés , parce que chaque qualité de
cocons exigeant une eau d'un degré de chaleur
different , il arrive que quand l'eau eft
au degré de chaleur convenable pour les
cocons fins ,elle fe trouve trop chaude pour
les demi fins qu'elle fait monter en bourre;
& fi on veut les purger comme il convient,
on perd alors la plus belle foye qui s'enle140
MERCURE DE FRANCE.
"
ve des cocons fins ; fi d'un autre côté on
tient l'eau dans un degré de chaleur plas
modéré , la foye des cocons fins ne fe détache
plus que très-difficilement , & cela
produit un déchet très- conſidérable .
M. de Vaucanfon a cru que le meilleur
moyen de fuppléer à l'ignorance & à la
négligence des perfonnes employées à tirer
la foye , étoit de corriger & de perfectionner
le Tour dont elles fe fervent pour
leur opération.
Ce Tour eft formé par un Bâtis de bois
qu'on nomme le Banç. Sa longueur eft de
quatre ou cinq pieds , fur deux & demi de
large. Il a deux pieds de hauteur fur le
devant , & trois & demi fur le derriere:
Sur une traverſe de devant , il y a deux filieres
de fer , environ à fix pouces de diftance
l'une de l'autre , & fur le derriere eft
an devidoir de deux pieds de diamètre
pour recevoir la foye . Ce devidoir eft mo
bile fur les deux extrémités de fon axe par
le moyen d'une manivelle. Au devant dur
Tour eft une baffine de forme ovale , remplie
d'eau , & pofée fur un fourneau. Lorfque
la foye eft purgée , c'est-à-dire lorfque
tous les brins viennent bien nets , on
prend quatre , cinq , fix , & quelquefois ,
fuivant la groffeur de la foye qu'on veut
faire , douze & quinze de ces brins , & on
44
JANVIER. 1750. 141
les paffe dans le petit trou d'une des filie
res. On en paffe le même nombre dans le
trou de la feconde , & tous ces brins , au
fortir des deux filieres , ne forment plus
que deux fils de foye. Alors on prend ces
deux fils , pour les attacher fur le devidoir ,
qu'on fait tourner d'une très- grande vîtelle
le fecours de la manivelle. Ces
par
deux fils de foye viennent s'y coucher & y
former deux écheveaux féparés, à la faveur
d'un guide pour chaque fil . On nomme
guide un petit fil de fer , de quatre pouces
de longueur , dont une extrémité eft planperpendiculairement
dans une regle de
bois, & l'autre eft recourbée en forme d'anneau
, dans lequel on paffe le fil de foye.
La régle qui porte ces guides , placés à fix
pouces de diftance l'un de l'autre , fe meut
horisontalement & parallèlement à l'axe
du devidoir.
tée
Afin que chaque fil de foye n'arrivât pas
fur le devidoir , fans faire corps , c'est- àdire
fans que les brins , dont il eft compofé
, fuffent liés les uns avec les autres , on
avoir imaginé d'abord de faire paffer chaque
fil au fortir des filieres fur la circonférence
de deux cilindres. La preffion faite
par ce moyen n'étant pas affez forte pour
exprimer l'humidité de la foye , & donmant`
aux fils une forme platte , les Italiens
142 MERCURE DE FRANCE .
fupprimerent ces cilindres , qui étoient de
fimples bobines paffées fur une broche de
fer, & ils prirent le parti de croifer , au fori
tir des filieres, les deux fils de foye l'un ſur
l'autre un certain nombre de fois.
Ce ne fut pas le feul changement dont
s'aviferent en particulier les Piémontois
que jufqu'à préfent nous avons dû regarder
comme la Nation la plus expérimentée
dans l'art de tirer la foye, Les guides qui
conduisent le fil de foye fur le devidoir
recevoient leur mouvement par une poulie
dont l'axe étoit fixé fur une traverſe du
Tour , & cette poulie étoit muë par une
corde fans fin , qui partoit d'une autre
poulie fixée fur l'un des deux bouts de l'axe
du devidoir , d'où elle tiroit fon mouyement.
Ce mouvement , qui doit être
avec chaque révolution du devidoir en
telle proportion que les fils de føye chan
gent continuellement de place , & ne fe
pofent pas les uns fur les autres , étant toujours
dérangé par les variations de la corde
fans fin , les Piémontois ont prohibé ce
mouvement à corde , & y ont fubftitué
quatre roues en engrenage d'un nombre
de dents déterminé , pour que la proportion
du mouvement des guides fût roujours
conftante avec chaque révolution du
devidoir , & cette proportion eft de vingt-
"f
JANVIER, 1750. 143
cinq à trente- cinq. Ils ont auffi augmenté
la diftance des guides au devidoir , & l'ont
fixée à trois pieds deux pouces de notre
mefure , afin que les particules d'eau ,
dont les fils de foye font chargés , euffent
le tems d'être frappés par l'air , & de s'évaporer
davantage,
ci
Quoique ce Tour , dit à la Croifade , inventé
par les Piémontois , ait paffé jufqu'i
pour le meilleur , M. de Vaucanfon l'a
trouvé encore fufceptible d'être fimplifié
& perfectionné.
Comme les quatre roues , par lefquelles
dans ce Tour les guides reçoivent leur
mouvement , font faites de bois , elles
font fujettes à plufieurs inconvéniens . Les
dents s'ufent & le caffent. L'arbre , qui
communique aux guides le mouvement du
devidoir , & qui eft auffi de bois , fe tourmente
extrêmement à caufe de fa longueur,
Par ces raifons , il faut toûjours avoir un
double de toutes ces pièces , pour en chan
ger au premier accident . Cela occafionne
un plus grand entretien , par conféquent
plus de dépenfe. M. de Vaucanfon remet
en ulage la corde fans fin , en rendant mo
bile la traverſe qui porte la poulie des guides
; & à la faveur d'un poids de quatre à
cinq livres , qui tire d'une force conftante
cette traverſe du côté oppoſé à la cordo
# 44 MERCURE DE FRANCE.
fans fin , la poulie , ainfi que la traverſe &
le poids , obéiffent toujours aux moindres
variations de la corde. De -là s'enfuit un
mouvement toûjours régulier pour les guides
, qu'on proportionne avec celui du
devidoir par la difference des diamétres
des deux poulies. Selon notre Académicien
, la proportion de vingt- deux parties
& demie pour la poulie du devidoir , & de
trente-cinq pour la poulie des guides , eft
de beaucoup plus avantageufe que celle
affignée par les Piémontois.
Entre les filieres & les guides , M. de
Vaucanfon place un cercle de bois , d'un
pouce de large , fur huit lignes d'épaiffeur,
dont le diamètre pris des bords intérieurs
eft de fix pouces & demi , égal à la diſtance
qui eft entre les deux filieres . Ce cercle ,
pofé au milieu de la largeur du Tour , eft
foutenu par fes bords extérieurs fur trois
roulettes montées fur un petit chaffis de
bois. Au bord extérieur du cercle , eſt une
canelure dans laquelle paffe une corde
fans fin , qui vient fe rouler fur une autre
poulie de même diamètre , de l'axe de laquelle
une extrémité porte une manivelle
qui fe trouve à la portée de la main droite
de la femme qui tire la foye.
Quand cette femme a paffé dans les
deux filieres le nombre de brins de cocons,
qui
JANVI E R. 1750. 145
qui doivent compofer les deux fils de
foye , une autre perfonne prépofée au devidoir
, & qu'on appelle la Tourneufe , les
prend , & elle paffe chacun dans une boucle
de fer ou d'acier , placée dans le bord
intérieur du cercle de bois , & enfuite
dans la boucle des guides , pour les conduire
au devidoir , fur lequel elle les attache.
Pendant qu'elle les y arrête , cellet
qui tire la foye fait fes croifures , en tournant
fimplement la manivelle dont nous
venons de parler. Chaque tour de manivelle
fait faire deux croifures , la premiere
entre les filieres & le cercle , la feconde
entre le cercle & les guides. Ainfi , par
douze tours de manivelle , les fils de foye
fe trouvent croifés douze fois devant le
cercle , & douze fois derriere , ce qui fait
vingt- quatre croifures , nombre qu'on aug.
mente ou qu'on diminue , fuivant la groffeur
qu'on veut donner à la foye . Outre
la grande facilité & l'extrême préciſion
avec laquelle fe font ces croifures , on a
l'avantage d'en faire le double , fans que
cela empêche en aucune façon les fils de
foye de gliffer l'un fur l'autre , parce que
ce plus grand nombre fe partage en deux
parties , & à une diftance d'un pied environ
l'une de l'autre.
Comme les croifures par cette nouvelle
G
146 MERCURE DE FRANCE.
méthode pourront toujours être en même
nombre , il en résultera toujours une égalité
de force dans la foye , & c'eſt une des
principales qualités qu'elle doit avoir .
De plus , les bourillons qui auront
paffé dans la premiere croifure , s'arrêteront
dans la feconde , & celle-ci ne permettra
pas aux fils de foye d'arriver fur le
devidoir avec le moindre corps étranger .
Le nombre des croifures étant toujours égal,
les obftacles feront toujours les mêmes , &
par là on aura une foye toujours également
propre & toujours également unie .
Enfin , plus il y a de croifures , plus il
y a de preffion , & par conféquent plus de
particules d'eau fe détachent de la foye.
Auffi l'on voit très fenfiblement , dans le
nouveau tour de M. de Vaucaufon , quantité
de ces particules s'enlever en forme
de brouillard par la feconde croifure. On
évite de cette maniere , qu'elles arrivent
fur le devidoir , où elles colleroient les fils
les uns contre les autres , inconvénient
très dangereux pour le devidage des échevaux
.
Indépendamment de tous ces avantages,
la double croifure fournit à la perfonne
qui tire la foye , un moyen für pour donner
aux deux fils de foye une égalité de
groffeur. Jufqu'à préfent on n'a eu d'autre
JANVIER . 1750. 1472
་
méthode pour y réuffic , que de tirer chacun
des deux fils avec le même nombre de
cocons , mais par la nature differente' de.
ces cocons , il arrive ſouvent que le même
nombre de brins forme un fil plus ou
moins gros. Moyennant la double croifare
, on eft toujours averti certainement
& promptement de l'inégalité des fils .
Toutes les fois qu'un même nombre de
cocons forme un fil plus gros que l'autre ,
la derniere croifure fe porte fur champ du
côré oppofé au fil le plus foible. En ce cas ,
on fournit des brins à l'un ou à l'autre fil ,
jufqu'à ce que les croifures foient revenues
dans le milieu , & tant qu'elles y reſtent , >
on eft affûré que les deux fils de foye font!
egaux.
Cet Eté dernier , on a fait éclore des :
vers à foye près du Village de Mally , à
quatre lieues de Paris. Les cocons qui ent
font provenus , ont fourni cinquante livres
de foye , qu'on a fait tirer fur quatre
des nouveaux Tours à la double croifade.
Il a été jugé par les
Connoilleurs, que cette
a
foye étoit comparable , fi elle n'étoit fupés .
rieure , à la plus belle qui fe faffe en Pié..
mont.
Si l'expérience continue d'être auffi fa->
vorable que l'a éré ce premier effai , &
que paroît l'être le caifonnement à l'in
Gij
148 MERCURE DE FRANCE.
vention de M. de Vaucanfon , notre Nation
, qui outre la foye qu'elle fabrique ,
& dont on eftime la valeur à neuf ou dix
millions , eft obligée d'en tirer encore de
l'Etranger pour quatorze ou quinze millions
, ne fera plus dans cette néceffité.
La Séance fut terminée la lecture
par
de la Préface d'un Traité , composé par
M. l'Abbé de Gua , & qui eft intitulé ;
Arithmétique , Théorique Pratique , Ordinaire
& Spécieuſe , Elementaire & Tranf
cendante , déduite des notions les plus fimples,
+
enrichie de plufieurs Abreges nouveaux ,
en fix volumes in- 8 ° . Comme le premier
eft fous preffe , nous nous réfervons à par
ler de cette Préface , lorfqu'il paroîtra .
Nous n'avons pû rendre compte du Mé
moire de M. Ferrein , parce que l'Auteur
n'a pas encore exécuté la promeffe qu'il a
faite de nous le communiquer.
Les mots de l'Enigme & des Logogry
phes du fecond volume de Décembre font,
compliment , fauteuil , Germaine , fommeil ,
Satyre & Lune. On trouve dans le premier
Logogryphe , faute , tuile , fuite ,feu,
eau , ut , fa , la , flet , Lia , lait , Auteuil ,
alte , lit , aïeul , Eu , If, Eau , flutte , flean ,'
Antel , laïe , fiel , faîte , ail , fat , taïe , utile,
JANVIER. 1750. 149
> Elie & filet. On trouve dans le fecond
image , mari , ame, âge & main. On trouve
dans le troifiéme , fole , oie , mois , Loi , mie,
lime , foie , Moïse , fel , oife , fomme , mil ,
lie ,fi , fol , mi , Jo , Eloi , oeil , miel & Sem.
On trouve dans le quatrième , tare , taïe ,
âtre , rat , Art , Aftre , rit , ré , fi , air , as,
raie , Sire , ire , ris & &. On trouve dans
le cinquiémenul , Leu , lâ , un , Elu , Eu,
en & ne,
Ma¤Ã¤nepepravavavavava
ENIGME.
Digne ouvrage de l'Art , je dois mon exif- tence
'Au defir d'imiter. Mon mérite eſt l'erreur.
Je ne plais aux mortels que par la reffemblance.
Plus je fçais impofer , & plus je fais honneur.
Celui que je prends pour modéle ,
Principe de mainte querelle ,
Fait fouvent affronter la mort.
Par fon moyen tour eft poffible , la
Le foible devient invincible , anta
Il dicte des loix au plus fort.
Mais tel eft mon malheur. Trop facile à connoître
,
Bar lefecours d'un tiers , mon mérite emprunté
G iij
150 MERCURE DE FRANCE.
Difparoît , & faifant place à la vérité ,
Plonge dans le néant l'erreur qui l'a fait naître.
Par M. le M. de C.
LOGOGRYPHE.
Mon pere ne m'a jamais vớ ;
Cependant , fans miféricorde ,
L'amour qu'il eut pour moi me condamne à la
Si trop
corde ,
Pour fortifier ma vertu .
d'obscurité regne dans cet exorde ,
Au détail de mes traits , je ferai mieux connu.
Qu'on m'ôte le chapeau qui me couvre la tête !
Je brille , & des mortels j'ercite les defirs.
La moitié de mon tout étouffe les foupirs
Des criminels que l'on arrête ;
L'autre de celle là prenant le dernier trait ,
Et retranchant fa queue , auffi vite qu'un trait ,
Vola jadis jufqu'au féjour célefte ;
Mais coupez-lui la tête , & vous verrez le reſte
Dans le fond d'un tonneau qui le tient en arrêt.
Dans mon fein le Jurifconfulte
Vient étudier fa leçon :"
Le Poëte Lyrique y trouve une chanſon ;
Et je fais regner l'ordre où regne le tumulte.
C. Chanoine de Paris. ན།
JANVIER . 1750 . 151
AUTRE.
Out mortel , en naiffant
, par divine influence
,
Tient plus ou moins de mon effence .
Celui qui m'étudie avec difcernement
Peut à tout appliquer jufte raifonnement.
Cher Lecteur , onze pieds forment mon exiſtence,
Si tu veux me connoître à combiner commence.
D'abord j'offre l'extrémité ,
Qui le Globe terreftre , a toujours limité ;
L'endroit où Robinſon faifoit la réfidence ;
L'aftitut que l'on doit fuivre avec confiance ;
Ce Miniftre des Juifs , qui quoique fort pieux ,
Vit périr les enfans & périt après eux ,
Jufte punition de trop de complaifance
Qu'il avoit pour leurs moeurs dès leur plus tendre
enfance ;
L'ouvrage d'un reptile ; une écume de mer ,
Et qui non mitigée a le goût fort amer.
Je préfente une fleur , fymbole d'innocence ,
Très-connue en tout lieu par les armes de France,
En trois lettres , je donne une Divinité ,
Mere de Jupiter , admirable en beauté.
Aux fêtes à fa gloire implorant fa clémence ,
Les Coribantes furieux
Se déchiroient le corps , fe maffacroient entr'eux ,
Voulant faire éclater leur zéle en fa préfence.
Gill
152 MERCURE DE FRANCE .
Ce qui peint au-dehors les mouvemens du coeur
Un fleuve d'Italie ; une vile liqueur ,
Un poiffon délicat , connu par excellence ;
Nom de mainte beauté , qui compofé du Grec ,
Signifiant fagefle , inſpire le reſpect ;
Qualité que n'a guére un homme fans naiffance ;
J'ai ce que dans l'hyver on careffe fouvent ;
Ce qu'en fa nouveauté toujours cher l'on nous
vend .
Je fuis multiplié chez les Gens de Finance ;
Fêté par l'artiſan ; propre à la confonance.
Je fuis auffi ce grand Héros ,
Vainqueur d'Enomaüs aux courfes des Chariots
Pronom ; oifeau jafant avec aifance ;
Nymphe ; deux fois riviere en France ;
Souverain des Perfans ; Heroine en chanson.
Raffemblez- moi , je fuis de toute Nation.
Bugiret.
JANVIER . 1750. 153
蔬洗洗洗洗洗洗洗:洗洗:洗洗洗洗洗業
NOUVELLES LITTERAIRES ,
DES BEAUX- ARTS, &c.
ECUEIL de Piéces en vers & en profe
Par M. de Voltaire. A Amfterdam ,
1750 , pp. 127.
Les Piéces de ce Recueil , qui n'avoient
pas encore vû le jour , ou qui du moins
n'étoient pas venues à notre connoiffance
, font une Epître en vers fur l'encouragement
des Arts ; un Difcours fur les
embelliffemens de Paris , & deux Fictions
morales , intitulées , l'une Memnon , l'autre
Baboue , des noms des perfonnages qui
yjouent les principaux rôles.
Quand même M. de Voltaire auroit
gardé
l'anonyme , on l'auroit facilement reconnu
dans l'Epître fur l'encouragement:
des Arts. Elle aura les fuffrages de tous les
amateurs des beaux vers. Les Juges diffieiles
pourront feulement lui reprocher de
ne pas former un tout , dont les parties
fe rapportent exactement. On eft furpris
de voir une Digreffion fur le mépris que
les Sçavans & les gens de Lettres ont ordinairement
pour tout ce qui ne fait pas
l'objet de leur étude , remplir la moitié
G.v
154 MERCURE DE FRANCE.
d'un Poëme , deftiné à louer un Miniftre
fur la protection qu'il accorde aux talens ,
& àlui indiquer les moyens d'en favoriſer
les progrès.
Dans le Difcours qui concerne cette
Capitale , peut-être la comparaifon que
l'Auteur fait de nos richeffes actuelles
avec celles dont l'Etat jouiffoit fous Louis
XIV. & fous Henri IV. paroîtra-t'elle de
même un peu trop longue ? Ce défaut eft
racheté par un grand nombre de détails
inftructifs & agréables.
M. de Voltaire nous remontre avec raifon
, que le foin de décorer Paris , regarde
particulierement fes Habitans. Quelques
perfonnes demanderont où l'on trouvera
des fonds pour une pareille dépenfe . Notre
Auteur répond : » Où les premiers Ro-
>> mains en trouverent-ils , quand dans les
tems de la pauvreté ils bâtirent ces fou,
» terrains , qui furent fix cens ans après
eux l'admiration de Rome riche &
» triomphante ? Penfons- nous que nous
foyons moins opulens & moins induf-
» trieux que ces Egyptiens , dont je ne
»vanterai pas les pyramides qui ne font
» que de groffiers monumens d'oftenta-
» tion mais dont je rappellerai , tant
d'ouvrages néceffaires & admirables ?
›
*Que M. de Voltajre nous pardonne une petite
JANVIER . 1750. 155
du
Le parallele eft-il parfaitement jufte ?
Vraisemblablement les monumens , dont
parle M. de Voltaire , ont été exécutés par
des corvées , ou volontaires de la parr
peuple , ou ordonnées par le Souverain
& ce moyen n'eft point ici pratiquable .
Auffi notre Auteur n'exige t'il pas
qu'on y ait recours . Il prétend qu'il fuffic
de piquer l'émulation des Parifiens , &
que fur le champ toutes leurs bourfes s'ouvriront
pour contribuer à l'exécution
d'un projet , auffi noble & auffi intéreffant
que l'embelliffement de la Capitale . Il ne
doute point , que furtout les Fermiers Généraux
ne fe diftinguent en cette occafion .
A ce propos , il cite un facrifice qu'ils ont
fait en faveur du commerce extérieur , &
il rapporte une action récente , par ›par laquelle
un d'eux a prouvé la nobleffè de fes
fentimens. Il n'y a qu'à vouloir , ajoute-
» t'il . Le célébre Curé de Saint Sulpice
» voulut , & il bâtit fans aucun fonds un
>> vaſte édifice .... Lorfque Londres fut
» confumée par les flammes , l'Europe di-
" foit , Londres ne fera rebâtie de vingt ans ,
"
critique de ftyle. Cette expreffion , je rappellerai ,
fembleroit annoncer qu'il se propofe de parler des ou--
vrages en question , ce n'eft point fon deffein. Il
auroit été plus correct de mettre , je pourrois rappeller
G vj
156 MERCURE DE FRANCE.
» & encore verra- t'on fon défaftre dans les
» réparations de fes ruines. Elle fut rebâtie
» en deux ans , & le fut avec magnificen-
» ce. Selon M. de Voltaire , on pourroit
en moins de dix rendre Paris la merveilledu
monde . » Faffe le Ciel , s'écrie - t'il en
» finiffant , qu'il fe trouve quelque hom--
» me affez zélé pour embraffer de tels
» projets , d'une ame affez ferme pour les
» fuivre , d'un efprit affez éclairé pour lès.
rédiger , & qui foit affez accrédité pour
les faire réuffir .
On devoit s'attendre qu'en détaillant
les avantages qui en réfulteroient pour
Paris & pour le Royaume , M. de Voltaire
ne pafferoit pas fous filence ce qu'on raconte
de M. Colbert. Si l'on en croit la
Tradition , ce Miniftre , par la dépense
d'un Carouſel , fit entrer beaucoup d'ar
gent dans les coffres de Louis XIV . Notre
Auteur n'a pas négligé non plus de faire
mention de cette anecdote. Mais il la traite
de fable, parce, dit- il , qu'alors les Fermes:
n'étoient pas regies pour le compte du Roi, Ce
dernier fait ne contredit point celui
*
que
* Auteur auroit du ajouter , non plus qu'à
préfent ; autrement , on feroit en droit d'entendreque
les Fermes , quifous le minifiére de M. Colbert,,
m'étoient pas en regie , y étoient dans le tems que M.
de Voltaire écrivit fon Difcours.
JANVIER . 1750. 157
nie M. de Voltaire . Pour les concilier , il
n'y a qu'à fuppofer que M. Colbert , en
conféquence de l'augmentation que le
Caroufel projetté devoit produire dans le
revenu des Fermes , obligea les Fermiers :
de fournir une certaine fomme au Tréfor:
Royal , & l'on affûre qu'il en ufa effecti--
vement ainsi,
.
Ce feroit travailler pour la gloire des
Parifiens , que de les engager à devenir
un peu plus jaloux d'embellir leur Ville:-
Ce feroit travailler en général pour le
bonheur des François , que de les corriger
de leur penchant à confidérer dans chaque
objet le côté le plus digne de cenfure.
C'eft ce que M. de Voltaire fe propofe dans
la fiction qui a pour titre , Babouc , ou le
monde comme il va . Le but de notre Auteur
dans celle intitulée Memnon , eft de prouver
que c'eft une extrême folie d'afpirer
une parfaite fageffe. L'un & l'autre de
ces badinages ingénieux font écrits en profes,
& avec tout l'agrément que M. de
Voltaire a coûtume de répandre , même
dans fes ouvrages les moins foignés .
Le Temple de l'Amitié , & fix autres:
Poëmes fur l'égalité des conditions , fur
la liberté , fur l'envie , fur la modération
dans l'étude , dans les plaifirs , dans l'ambition
; fur la nature du plaifir , & fur l'imė
15S MERCURE DE FRANCE.
poffibilité de jouir d'un bonheur parfair
dans ce monde , compofent le refte de ce
Recueil. Ces differens ouvrages avoient
déja paru , & il n'eft aucune perfonne de
goût qui ne les ait relûs plufieurs fois.
Nous fommes donc difpenfés de les analyfer
, & de prévenir le Lecteur fur leur
mérite. Mais il eft de notre devoir d'annoncer
qu'on nous les redonne plus corrects
dans cette nouvelle édition que dans
les précédentes. Nous devons auffi avertir
que l'Auteur , particulierement dans le
Poëme fur l'égalité des conditions , dans
celui fur la liberté , & dans celui fur la
modération , a fait divers changemens. Il
nous permettra de n'en pas approuver un.
Dans le Poëme fur la liberté , édition de
1740 , p. 39 , on lifoit ,
Caton fut fans vertu , Catilina fans vice ,
A ce vers , M. de Voltaire a fubftitué celui-
ci.
"
་
Pucelle eft fans vertu , Desfontaines fans vice.
Nous croyons que par plufieurs raiſons
la premiere leçon étoit préferable .
DIALOGUES entre Hylas. & Philonoüs ,
dont le but eft de démontrer clairement
la réalité & la perfection de l'entendemeut
humain , la nature incorporelle de
l'ame , & la providence immédiate de la
JANVIER. 1750. 179
Divinité
, contre les Sceptiques & les
Athées , & d'ouvrir une Méthode pour
rendre les Sciences plus aifées, plus utiles &
plus abregées. Par Georges Berkeley , Affocié
au Collège de la Trinité , à Dublin , &
pourvû depuis par S. M. B. de l'Evéché de
Chloane. Traduit de l'Anglois, A Amfterdam
, 1750. In -12 . pp. 288.
la
Pluheurs Philofophes ont douté que
matiere exiftât. M. l'Evêque de Chloane
va plus loin. Il entreprend de démontrer
qu'elle ne peut exifter. Son ouvrage eft
divifé en trois Dialogues. Dans le premier,
il expoſe l'infuffifance dont font nos fenfationspour
nous affurer de l'exiftence des
corps : il effaye enfuite de réfuter les argumens
que la raifon peut fournir ,
fournir , pour
prouver que les corps exiftent. L'objet de
l'Auteur dans le fecond Dialogue eft de
faire voir que les chofes fenfibles , c'eſt-àdire
ce que nous prenons pour des corps,
ont toutes la propriété d'être apperçues immédiatement
par notre entendement ; que
les chofes , que notre entendement apperçoit
immédiatement , ne peuvent être que
des idées , & que les idées ne peuvent exifter
que dans un efprit ; que par conféquent
les chofes fenfibles ne font point materielles.
Comme M. l'Evêque de Chloane eft
forcé de convenir qu'elles ne dépendent
160 MERCURE DE FRANCE.
point de notre penſée , & qu'elles ont une
existence diftincte de la qualité d'être ap--
perçues de nous. Il en conclud qu'elles
doivent exiſter dans quelque autre intelligence
que celle de l'homme. De cette premiere
confequence, notre fubtil Métaphyficien
en tire une feconde » autant il eſt
» certain , dit- il , que le monde fenfible
exifte réellement , autant l'eft-il qu'il·
» exifte un Etre infini , préfent partout ,
» qui le contient & qui le foutient » Ainfi
, au lieu que le motif , qui nous porte à
croire que toutes chofes font apperçues de
Dieu , eft la conviction que nous avons de
l'existence de cet Etre fuprême , M. l'Evêque
de Chloane eft convaincu de l'exiftence
de Dieu , parce qu'il ne peut douter
que cet Etre fuprême n'apperçoive toutes
chofes. Le dernier Dialogue eft deſtiné à
répondre à plufieurs objections , & à déve
loper les corollaires.de l'opinion établie
dans les Dialogues précedens..
Selon notre Prélat Philofophe , fa doctrine
, ou ce qui eft la même chofe , le
dogme de l'Immaterialiſme non feulement
revient aux notions les plus communes ,
mais offre les plus grands avantages , foit
à l'envifager par rapport à la Religion , foit
à le regarder par rappport aux connoiffan
aeshumaines. L'exiftence de Dieu & l'im
JANVIER. 1750. 161
mortalité de l'ame , ajoute- t- il , 'font dé
» montrées dans ce fentiment avec la plus
» grande clarté , & l'evidence la plus im-
» mediate ...... Par rapport aux fciences ,
» dans combien d'embarras , dans.combien
» d'obſcurités & de contradictions , l'opi-
» nion de l'exiſtence abſoluë de la matiere
» n'a-t- elle pas jetté les hommes ? ......
» Tous les effets de la nature ne recevront-
» ils pas au contraire une explication aïfée
» & intelligible , dès qu'en abandonnant
»les caufes corporelles , on fe contentera
» d'admettre l'efficacité d'un Etre fouverai
"nement parfait ? Si les Phénomenes ne
"font autre chofe que des idées , auffi
» Dieu est - il un Efprit , au lieu que la
» matiere eft un être deftirué d'intelligence
» & de perception. Si les Phénomenes nous
»montrent une puiffance infinie dans leur
» caufe , auffi Dieu eft- il actif & tout-puif-
»fant, au lieu que la matiere eft une maffe
» où l'on ne découvre que de l'inertie . Si
» l'on ne peut affez admirer la régularité
» & les ufages de ces mêmes Phénomenes ;
» auffi Dieu eft - il un Etre infiniment fages.
>> dont la providence s'étend à tout,au lieu
» que nous n'appercevons dans la nature.
» ni adreffe ni deffein .....En Metaphyfi
" que , que de difficultés fur l'entité abf
traite , fur les formes fubftantielles , fur
162 MERCURE DE FRANCE.
les principes hylarchiques , fur le principe
d'individuation ....fur l'origine des
idées , fur la maniere dont deux fubftan-
» ces independantes l'une de l'autre , &
auffi prodigieufement différentes que
"
l'efprit & la matiere, opéreroient mutuel-
» lement l'une fur l'autre ; que de recher-
» ches fans fin difparoitroient à jamais , fi
»l'on ne fuppofoit que des idées ! » M.I'Evêque
de Chloane prétend qu'il n'y a pas
même jufqu'aux Mathematiques , qui ne
devinffent beaucoup plus claires & plus faciles
, fi l'on vouloit proferire l'opinion de
l'exiftence de la matiere.
Il fe préfente une forte objection contre
les Immatérialiftes: Si les chofes fenfibles
n'existent que dans l'Intelligence fuprême,
elles y exiftent de toute éternité. Que devient
donc la Création ?
» Elle eft entierement relative aux efprits
finis, répond M. l'Evêque de Chloane (ou
plutôt Philonous, dans la bouche duquel il
met fes fenrimens ) , & ainfi les chofes
» confiderées par rapport à nous peuvent
»être dites proprementavoir commencé à
❤ exiſter, ou avoir été créées , lorfque conféquemment
à la volonté de Dieu elles
font devenues perceptibles aux créa
tures intelligentes , dans l'ordre & de
la maniere que Dieu a reglés de toute
» éternité.
33
1
JANVIER. 163 1750.
On infifte , & l'on demande fi foutenir
que le Decret de Dieu , pour rendre les
choles perceptibles , n'a pas été executé de
toute éternité , ce n'eft pas reconnoître que
Dieu eft fufceptible de quelque forte de
changement. Philonous ou M. l'Evêque de
Chloane fe tire ainfi d'embarras. » Dieu
» eft un être dont les perfections font
» tranfcendantes & illimitées la nature
« eft donc incompréhensible aux efprits fi-
»nis ; par confequent , envain s'atten
droit-on qu'aucun Immaterialifte ou Ma-
» terialiſte pût jamais avoir des notions
parfaitement juftes des attributs de la
Divinité , & des voies qu'elle fuit dans
»fes opérations. Si vous prétendez donc
conclure quelque chofe contre moi , iļ
faut tirer vos objections du feul refus
que je fais d'admettre l'existence de la
» matiere , & non des notions que nous
» formons l'un & l'autre de la Nature Di-
» vine , puifque les difficultés que ces no-
» tions vous pourroient fournir , feroient
a inévitables dans tous les fyftêmes.
33
Par cette réponſe , on peut juger de l'adreffe
de notre ingenieux Auteur , finon à
réfoudre, du moins à éluder les objections.
Il eſt difficile de porter la fubtilité de la
Dialectique plus loin que la porte Phila
nous. Cependant nous avons de la peine à
64 MERCURE DE FRANCE.
croire qu'il acquiere un grand nombre de
partifans à l'opinion de l'Immaterialiſme ,
du moins juſqu'à ce qu'il ait répondu aux
queftions fuivantes.
Puifque les chofes fenfibles ne font que
des idées , les fenfations font des percep
tions , & les aveugles nés devroient avoir,
comme les autres hommes , la perception
des couleurs pourquoi leur eft ellerefuſée?
Dans l'hypothefe de l'exiftence de la matiere
, on explique facilement pourquoi
nous éprouvons certains fentimens de dou
feur & de plaifir , & l'efprit le moins phi
lofophe apperçoit qu'ils nous ont été donrés
pour nous avertir de ce qui peut être
utile ou nuifible à la confervation de no
tre corps. S'il n'y a en nous qu'une fubftance
purement fpirituelle , de quelle uti-
Fité nous peuvent être nos differentes fenfations
?
NOUVELLE THE ORIE DU MOUVEMENT,
où l'on donne la raifon des principes généraux
de la Phyſique . De fubjecto vetuftif
fimo noviffimam promovemus fcientiam. Galilée.
A Londres 1749. In 8° . pp . 181. fans
compter l'Avertiffement.
Dans une Brochure intitulée, Effaifur les
principes de la Phyftque , & dont le Mercure
d'Octobre 1746. a rendu compte , l'Au
teur avoit pofé pour principes qu'il exifte
JANVIER .
1750. 165
deux mouvemens naturels , l'un qui tend
vers le centre , l'autre qui part du centre
des corps.
Ces mouvemens étant confidérés abftrac
tivement comme deux forces quelconques
, on appelle la premiere force Centri
pete , & la feconde force Centrifuge.
Deux forces pareilles étant données ,
elles fuffifent fans doute pour tout expliquer
; mais quel en eft le principe : L'Àu- ·
teur , fentant bien qu'elles ne pouvoient
être indépendantes l'une de l'autre , avoir
que la force Centrifuge devoit être la
force primitive , dont il falloit que le principe
fût immateriel.
dit
Il ne s'agiffoir plus que de déveloper
cette idée , pour avoir la théorie du mouvement
. Notre Auteur par bien des raiſons
ne fongeoit point à fuivre ce travail , mais
on lui communiqua de la part d'une
d'une perfonne
, qui ne vouloit pas être nommée
des obfervations critiques , auxquelles il
répondit par diverfes lettres . Ses réponſes
lui ayant attiré de nouvelles objections , il
crut être obligé d'en venir à une démonftration
en forme. C'eft ce qui a produic
l'ouvrage que nous annonçons. L'anonime,
fans qu'on s'en fût jamais douté , étoit l'illuftre
Marquife du Chatelet , que la France
a perdue depuis peu , & dont le genie
1
हैं
.
166 MERCURE DE FRANCE.
étendu fera toûjours un honneur infini à
fon fexe & à la nation,
Un livre de la nature de celui- ci n'eft
pas fufceptible d'extrait. C'eft un enchainement
de definitions , d'axiomes , de propofitions
&c. qu'il faut lire de fuite. On
y verra un fyftême entierement neuf , &
qui mérite d'être connu . Tout ce que nous
pouvons faire eft d'en donner une legere
idée.
S'il n'y avoit qu'un principe de mouvement
qui agît feul , tous les corps feroient
difperfés dans l'immenfité de l'efpace.
L'Auteur en conclud qu'il eft neceffaire
qu'il y ait une infinité de principes de
mouvement qui agiffent à la fois . De la
multiplicité de ces actions , il nait un concours
de mouvemens qui fe croifent felon
toutes fortes de plans en une infinité d'endroits.
C'est dans ces points où les directions
concourent & fe réüniffent , qu'il fe
forme des molecules , des corps , & des
amas de corps .
» Rien , dit l'Auteur , ne répréfente
» mieux la merveilleufe fimplicité du lyf-
» tême de la nature. C'eft le mouvement
qui compofe les corps , qui les unit &
"
33
qui les conferve , en agillant toûjours
»par fa force naturelle pour les décompo
>>fer pour les diffiper & pour les détrui-
» [ C.
JANVIER. 1750. 167
Il ne reste plus qu'à trouver un fiuide
fubtil , qui obéiffant à l'impreffion du mouvement
, puiffe être regardé comme la caufe
phyfique des Phenomenes .
Or ce fluide eft tout trouvé : cette ma
tiere toûjours agillante eft ordinairement
vifible & fenfible. C'eft la matiere du Feu
& de la Lumiere .
Il part continuellement du centre des
Etoiles une immenfe quantité de lumiere.
Une partie des rayons concourt au centre
du Soleil , une partie au centre de la Terre,
d'autres concourent au centre des Planetes,
d'autres enfin au centre de tous les corps ,
puifque les molecules , les corps & les amas
de corps , ont été formés par ces differens
concours .
Tous les corps font en équilibre par le
concours égal des rayons ; mais fi quelque
corps intercepte une partie des rayons
, l'équilibre eft rompu , & les corps
qui ne font plus foûtenus , doivent être
pouffés vers le centre du corps interceptant.
Il faut voir dans le Livre même , comment
l'Auteur explique par les principes
la denfité , le reffort , la fluidité , l'attraction
, le mouvement des Aftres , le flux &
reflux , l'applatiffement des Poles. &c.
Nous ne pouvons le fuivre dans ce détail,
L'ouvrage eft précedé d'un avertiſſement
268 MERCURE DE FRANCE
qui contient des réflexions neuves fur la
methode du raifonnement , fur les définitions
, fur la lenteur du mouvement de la
Terre, &c. & il eft terminé par des remarques
intéreffantes qui regardent principalement
la partie hiftorique de la Philofophie
, & les revolutions qui ont enfin ramené
les caufes phyfiques dans cette
fcience.
HISTOIRE CIVILE , ECCLESIASTIQUE ET
LITTERAIRE de la ville de Nifmes avec des
notes & les preuves , fuivie de differtations
hiftoriques & critiques fur les antiquités ,
& de diverfes obfervations fur l'hiftoire
naturelle , par M. Ménard , Confeiller au
Préfidial de la même ville , de l'Academic
Royale des Infcriptions & Belles Lettres.
Tome I. In 4°. pp. 468 pour l'hiſtoire ,
112 pour les notes , 226 pour les preuves ,
41 tant pour un Gloffaire joint à l'ouvra
ge , que pour la Table des matieres.
On peut à juste titre mettre la ville de
Nifmes au rang des plus anciennes des
Gaules , & des plus floriffantes de l'Empire
Romain. Ainfi elle méritoit bien d'être
connue par une hiftoire exacte & detaillée
.
Cette ville a changé plufieurs fois de
face . Ses habitans fe gouvernoient anciennement
par leurs propres loix. Leur domination
JANVIER. 1750. 169
nation s'étendoit alors fur un pays confiderable
, dans lequel on comptoit jufqu'à
vingt-quatre bourgs . Dans la fuite , Nifimes
fut affujettie aux Romains . Après avoir
participé à leur profpérité , elle fe vit expofée
aux mêmes révolutions qui entrainerent
la ruine de leur puiffance. Les Vifigots
, au pouvoir de qui Nifmes tomba ,
y introduisirent la barbarie , & firent bientôt
perdre à cette ville toute fa fplendeur .
Elle n'a commencé à recouvrer une partie
de fon ancien éclat que fous les premiers
Rois de la troifiéme race .
La diverfité des évenemens , qui fe font
fuccedés fous ces dominations differentes ,
font la matiere de cet ouvrage . Ils font
retracés felon l'ordre chronologique.
M. Ménard dans le plan de fon hiſtoire
fait entrer , non feulement tous les faits
qui ont rapport au gouvernement civil &
politique de la ville de Nifmes depuis fa
fondation jufqu'à nos jours , mais encore
la defcription des édifices que les Romains.
y ont conftruits ; la fucceffion des Evêques
de Nifmes ; leurs principaux reglemens
fur la difcipline & fur les moeurs ; les Conciles
qui fe font tenus , foit dans la ville ,
foit dans le Dioceſe ; la fondation & les
accroiffemens des Abbayes & des Monafteres
; l'inſtitution des Comtes , des Vi-
H
170 MERCURE DE FRANCE.
comtes & des Viguiers ; celle des Tribu
naux de Juftice ; l'introduction des Lettres
dans Nifmes , leurs progrès , leur décadence
& leur renouvellement ; les vies
des perfonnes célebres qui y font nées , ou
qui en ont tiré leur origine ; les troubles
qui l'agiterent dès la naiffance du Calvinifme
; ceux que les fanatiques y ont excités
, & c.
Le corps de l'hiftoire cft fuivi de notes ,
dans lesquelles l'Auteur difcute les points ,
qui lui ont paru avoir befoin d'éclairciffemens.
A la fuite des notes , il donne les preuves
, qui ont fervi de fondement au tiſſu
de l'hiftoire , & qui n'avoient pas été imprimées.
A l'égard de celles qui l'étoient
déja , il renvoye aux ouvrages où elles fe
trouvent , & s'il en a fait réimprimer quelques-
unes , c'eſt parce qu'elles n'avoient
été publiées précedemment qu'avec beaucoup
de fautes.
Ce premier volume eft divifé en quatre
Livres qui commencent à la Fondation de
Nifmes & vont jufqu'à la fin de l'an
-1312 .
Refferrés dans des bornes qui ne nous
permettent pas de nous étendre fur cet ouvrage
, autant que fon mérite & celui de
l'Auteur le demanderoient , nous nous
JANVIER . 1750. 171
contenterons d'affûrer nos Lecteurs , que
M. Ménard y montre par tout une profonde
érudition , & la plus grande exactitude
dans les recherches , & qu'il n'a
rien négligé de ce qui pouvoit intéreffer
la curiofité des amateurs de l'Hiftoire .
L'ART de vérifier les dates des faits hiftoriques
, des Chartes , des Chroniques & autres
anciens monumens , depuis la naiffance de
Notre-Seigneur , par le moyen d'une
Table Chronologique , où l'on trouve les
années de Jefus- Chrift , & de l'Ere d'Efpagne
, les Indictions , les Cycles ..... les
Pâques de chaque année , les nouvelles
Lunes de chaque mois , les Eclipfes vifibles
en Europe , depuis le commencement
de l'Ere Chrétienne jufqu'en 18oo . Avec
l'Hiftoire abregée des Conciles , des Papes
; des Empereurs Romains , Grecs ,
François , Allemands & Turcs ; des Rois
de France , d'Espagne , d'Angleterre , &c.
des Ducs de Bourgogne , de Normandie ,
de Bretagne , &c . Par des Religieux Benedictins
de la Congrégation de S. Maur.
Deux volumes in- 4° . reliés en un. Prix 24
liv. A Paris , chez Guillaume Defprez
Imprimeur ordinaire du Roi & du Clergé
de France ; & Pierre-Guillaume Cavelier
Libraire , rue Saint Jacques , à S , Profper
& aux trois Vertus.
›
Hi
172 MERCURE DE FRANCE.
BIBLIOTHEQUE Curieufe , Hiftorique &
Critique , ou CATALOGUE RAISONNE ' de
Livres difficiles à trouver.Par David Clement.
Ce Livre aura plufieurs volumes , in- 4°. &
il s'imprime à Hannover chez Jean - Guillaume
Schmid , fur le même papier & avec
les mêmes caractéres du Prospectus , qui
fe diftribue chez Briaffon , à Paris , rue
Saint Jacques. Le premier volume eſt actuellement
fous preffe. On recevra les
foufcriptions pour ce premier Tome jufqu'au
mois d'Août prochain. Le prix pour
les Soufcripteurs eft d'un écu & un florin
d'Allemagne. Ils pourront s'adreffer
à Paris , pour foufcrire , chez Briaffon &
chez Prault , le fils.
VRAIE NOTICE de la République des
Provinces- Unies des Pays- Bas. Par M.
Durand de la S. R.
Dans un ouvrage Latin für les principaux
Etats de l'Europe , M. Otton , un des
premiers Magiftrats de Breme , & ci - devant
Profeffeur en Droit à Utrecht , avoit
inferé un article fur les Provinces-
Unies. M. Durand a fuivi le plan , la méthode
& les principes de M. Otton , mais il
a fait un grand nombre d'additions , puifque
cette Notice- ci fournira un volume au
moins de trente feuilles , tandis que ce
qu'a donné M. Otton fur la même matiere ,
JANVIER. 1750. 173
ne contient que cinquante- cinq pages.
L'ouvrage que nous annonçons fera imprimé
in-4°. &la foufcription fera d'une demie
guinée payable en foufcrivant , ou en recevant
les exemplaires . Ceux qui voudront
foufcrire, peuvent s'adreffer à Londres , ou
à l'Auteur in Adam- S-Court , Old- Broad
ſtreeth , ouà Nourfe , Libraire , dans le
Strand.
TRAITE' du Synode Diocéfain , diſtribué
en huit Livres , & publié à l'ufage de
l'Académie Lyturgique de Conimbre ,
par le Souverain Pontife Benoît XIV. cidevant
nommé Profper Cardinal Lambertini
, d'abord Evêque d'Ancône , & enſuite
Archevêque de Bologne . A Rome , 1748 ,
de l'Imprimerie de Nicolas & Marc Pa-.
learini , petit in- folio de . 649 pages , y
compris la Table des matieres. L'ouvrage
eft en Latin.
NOUVEAUX MEMOIRES d'Hiftoire , de
Critique & de Littérature ; par M. l'Abbé
d'Artigny , 1749 , in - 12. de 501 pages , y
compris la Table des matieres . A Paris ,
chez Debure , l'aîné , Quai des Auguftins ,
à l'Image Saint Paul.
LEÇON DE PHYSIQUE expérimentale , par
M. l'Abbé Noliet , de l'Académie Royale
des Sciences , de la Société Royale de
Londres , & Maître de Phyfique de Mon-
H iij
174 MERCURE DE FRANCE.
feigneur le Dauphin . Tome IV. de 5'35
pages. A Paris , chez les freres Guerin ,
rue Saint Jacques , vis- à- vis les Mathurins,
à Saint Thomas d'Aquin.
DISSERTATION Médicinale fur la cure
de la paralyfie , par le moyen de l'électricité
, foûtenue pour obtenir le degré de
Bachelier dans l'Univerfité deMédecine de
Montpellier , par Jean - Etienne Deshais
d'Orleans , Maître ès Arts , & Etudiant en
Médecine . A Montpellier , chez J. Martel,
Imprimeur duRoi & de l'Univerfité, 1749 ,
in-4 . de quarante pages . L'ouvrage est en
Latin.
IDE'E de la Poëfie Angloife , ou Traduction
des meilleurs Poëtes Anglois qui
n'ont point encore paru dans notre Langue
, avec un jugement für leurs ouvrages,
& une comparaifon de leurs Poëfies avec
celles des Auteurs anciens & modernes ,
par M. l'Abbé Tart , de l'Académie des
Belles-Lettres , Sciences & Arts de Rouen .
Deux volumes in- 12 . Le premier de 387
pages , le fecond de 377. A Paris , chez
Claude Briaffon , rue Saint Jacques ,
1749.
COLLECTION de Poëmes originaux , par
Christophe Smart . &c. Cet ouvrage pro
pofé par foufcription , formera un volume
in- 4° . orné de plufieurs tailles douces ,
JANVIER. 1759. 175
deffinées & gravées par les meilleurs Maîtres.
Le prix eft une guinée , dont on
payera la moitié en foufcrivant , l'autre
moitié en retirant un exemplaire de cette
Collection. On prendra les foufcriptions
à Londres , chez C. Bathurst , R. Dodfley ,
& c.
SYSTEME de Philofophie morale , par
feu M. Henri Grove , Miniftre de Taunton.
Cet ouvrage auffi propofé par foufcription
, qui a coûté trente années d'étude
& de réflexion à fon Auteur , & qu'on
publie fur fes manufcrits , formera deux
volumes au moins de trente feuilles d'impreffion
in-So . chacun. Le prix de la foufcription
eft de dix fchelings payables ,
moitié en foufcrivant , & moitié en reti-
Lant l'exemplaire. Ceux qui foufcriront
pour fix , en auront un feptiéme, gratis.
On trouve des foufcriptions à Londres ,
chez Waugh , dans Gracochurch street ,
& c .
HISTOIRE du Collège de Chrift à Cambridge
, depuis fa fondarion jufqu'à préfent
, avec divers traits d'Hiftoire fur les
Fondateurs , les Bienfaicteurs , & les principaux
Membres de ce Collége , tirés principalement
des manufcrits par Robert
Maſters , Membre de ce Collége. Cet ouvrage
, auffi propofé par foufcription , fera
Hiiij
176 MERCURE DE FRANCE
imprimé in 4º . On mettra au frontispice
une eftampe , contenant un deffeing pour
une nouvelle Architecture. Le prix de la
foufcription eft d'une demi- guinée. On
recevra avec reconnoiffancé les Piéces ou
Mémoires qu'on enverra pour perfectionner
encore davantage cet ouvrage. On
aura des foufcriptions à Cambridge , chez
Thulboum , & Merill ; & à Londres , chez
Beecroft , dans Lombard-ſtreet , & Dodfley,
dans Ball Mall , &c. .
•
SECOURS pour l'Art d'écrire avec vîteffe ,
confiftant en un alphabeth inventé principalement
dans cette vûe , aifé à apprendre ,
& afforti dans fes élemens à plufieurs differentes
prononciations ou articulations
de la Langue Angloife , avec autant d'exactitude
, particulierement dans les confonnes
, que l'Auteur a pû en apporter ,
conformément à la vîteffe d'écrire , & à la
facilité d'apprendre . On ajoute les régles
& les moyens de joindre les lettres , &
d'abréger les mots , dont plufieurs peuvent
être pratiqués pour un autre alphabeth ,
& furtout pour celui qui a été trouvé par
l'Auteur. On ajoute encore un Appendix,
contenant des caractéres & des inftructions
pour l'ufage d'une fpacieuſe planche de
voyelles , où l'on a encore obfervé une
rigoureuſe exactitude. Par Will Tiffin ,
JANVIER. 1750. 177
Chapelain de l'Hôpital de Wigfton à Leicefter.
Le prix de la foufcription eft de
cinq fchelings payables , moitié en foufcrivant
, & moitié en retirant l'ouvrage .
Ceux qui foufcriront pour fix exemplaires
, en auront un fans payer. On trouve
des foufcriptions à Londres , chez Oſborn ,
dans Grays Inn & chez Noon dans
Cheapfide . Ces quatre derniers ouvrages feront
en Anglois.
> >
COMMENTARIUS Medicus de Aphti,
noftratibus , feu Belgarum Sprouw , Auctors
Vincentio Ketelaer , M. D. nunc denuo edituse
mendis expurgatus , curante Joanne Smith ,
M. D. Londini , 1749. in- 8° .
EPHEMERIDES Cofmographiques , où le
cours apparent des Planettes eft défigné
par des Tables , & repréfenté par des Planches
, d'après les obfervations & calculs
aftronomiques pour l'année 1750 .....
Nofti ordinem cæli , & pones rationem ejus
in terra. Job. cap. 38. v . 33. A Paris ,
chez Durand , Libraire , rue Saint Jacques,
an Griffon , avec Approbation & Privilége
du Roi .
Vingt- quatre Tables , deux pour cha
que mois , indiquent pour chaque jour
tout ce qui eft remarquable fur le Soleil ,
la Lune & les cinq Planettes majeures .
Leur cours apparent que l'Auteur déma-
H v
178 MERCURE DE FRANCE.
tre réel , eft repréfenté par des Planches:
jufqu'au premier Janvier 1755 : ainfi ce
font des Ephémérides en nombres & en
figures. L'Auteur a de plus expofé ſous la
divifion en quarante- un paragraphes une
Théorie de l'Univers , de la Terre & des
Planettes ; c'eſt du neuf, quoique l'Auteury
rappelle plufieurs découvertes qu'il a
déja publiées , parce qu'il en ajoute de
nouvelles , & parce que cette Théorie eft
abfolument differente de celle qui vient
d'être publiée par M. de Buffon ; quoiqu'elle
ne foit qu'une fuite de ce que
l'Auteur en a effleuré dans l'explication du
flux & reflux , qui a paru avant l'Hiftoire
naturelle , ou la Deſcription du Cabinet
. du Roi. L'Auteur de ces Ephemerides ne
contredit en rien aucun texte de l'Ecriture
Sainte au contraire il les concilie tous ,
& fa régle eft que les vérités phyfiques.
doivent s'accorder avec les Théologiques,
& ne faire qu'un même corps de doctrine.
PLUSIEURS DISSERTATIONS de Médecine
, par M. Lamure , Docteur en Médecine
de Montpellier , 1748 & 1749 ›
in -8°.
NOUVELLE METHODE pour pomper le
mauvais air des vaiffeaux , & c. Par Sam
muel Sutton ; avec une Differtation fur le
JANVIER. 1750% B79
fcorbut , par le Docteur Mead ; & une.
fuite d'expériences du Docteur Defaguliers
, fur les moyens d'échauffer l'air , de
le renouveller , &c. Ouvrages traduits de.
l'Anglois par M. Lavirotte , Docteur en
Médecine de la Faculté de Montpellier.
A Paris , chez Durand , Libraire , rue
Saint Jacques , 1749 , in- 12 .
EXPLICATION des découvertes philofophiques
de M. le Chevalier Newton , par
M. Maclaurin , de la Société Royale de
Londres , traduit de l'Anglois par M. Lavirotte
, Docteur en Médecine. A Paris ,
chez le même Libraire , & Piffat , Quai des
Auguftins , 1749 , in 4° .
TRAITE ' des playes d'armes à feu par
M. Defpart , Maître en Chirurgie à Paris ,
Chirurgien de la Reine , & ancien Chirurgien-
Major des Camps & Armées du
Roi ; dédié à la Reine. A Paris , chez
Houri , pere , Imprimeur - Libraire de M.
le Duc d'Orleans , rue de la vieille Bouclerie
, 1749 , in 12.
BIBLIOTHEQUE choifie de Médecine ,
tirée des ouvrages périodiques , tant François
qu'étrangers , avec plufieurs autres
piéces rares , & des remarques utiles &
curieufes. Par M. Planque , Docteur en
Médecine , 1749 , in 4 ° . Second tome,
LES PLAISIRS du coeur & de l'efprit.
Hvj
180 MERCURE DE FRANCE.
A Paris , chez Jacques Clonfier , rue Saint
Jacques , à l'Ecu de France , 1749 , in- 8°.
Prix 24 f.
POESIES d'une Dame de qualité , chez
le même Libraire , 1749 , in- 8° . même
prix.
DICTIONNAIRE de Droit & de Pratique
, contenant l'explication des termes
de Droit , d'Ordonnances , de Coûtume
& de Pratique , avec les Jurifdictions de
France . Par M. Claude- Jofeph de Ferriere ,
Doyen des Docteurs , Régent de la Faculté
de Droit de Paris , & ancien Avocat
au Parlement . Troifiéme édition revûe
, corrigée & augmentée par M.....
A Paris , chez Brunet , dans la grand'-
Salle du Palais , du côté de la Cour des
Aides , à l'Envie , 1749 , in- 4°. Deux
volumes .
LES ETUDES convenables aux Demoifelles
, contenant la Grammaire , la Poëfie,
la Rhétorique , le commerce de Lettres ,
la Chronologie , l'Hiftoire , la Fable héroique
& la Fable morale , les régles de
la bienféance , & un court Traité d'Arithmétique
. Ouvrage deftiné aux jeunes Penfionnaires
des Communautés & Maifons
Religieufes. A Paris , chez Tilliard , Libraire
, Quai des Auguftins , près le Pont
Saint Michel , && àà LLiillllee ,, chez AndréJANVIE
R. 1750. 181
Jofeph Pankouke , Libraire , 1749. Deux
volumes in- 1 2 .
L'ART de dreffer les formules de Médecine
, traduit du Latin de Jerôme- David
Gaubius , Profeffeur en Médecine & en
Chymie dans l'Univerfité de Leyde. A
Paris , chez Deffaint & Saillant , rue Saint
Jean de Beauvais , & P. A. le Prieur ,
1749 , in- 12. Le prix du Livre relié eft
de 3 liv.
LA SCIENCE du Maître d'Hôtel Cuifinier
, avec des obfervations fur la connoif.
fance & les propriétés des alimens . A Paris
, au Palais , chez Paulus Dumefnil , au
Lyon d'or. Il paroîtra inceffamment un
fupplément pour l'office , avec des obfervations
fur les fruits.
SERMONS de morale , prêchés devant le
Roi , par M. Flefchier , Evêque de Nîmes ,
avec fes Difcours fynodaux. Nouvelle édition
augmentée. Deux volumes in- 12 . fe
trouvent à Paris , chez Cavelier , pere , rue
Saint Jacques , au Lys d'or.
LES ORDONNANCES de Louis XV.angmentées
, in 24. A Paris , chez le même.
NOUVELLES DECOUVERTES faires avec
le Microſcope , par Th . Needham , fig . in-
12. Se trouvent à Paris , chez Deffaint &
Şaillant , rue Saint Jean de Beauvais , &
à Leyde
1S2 MERCURE DE FRANCE.
LE TRIOMPHE de la Foi Catholique fur
les erreurs des Proteftans , contenues dans
les oeuvres polémiques de feu M. Benedict.
Pictet , Miniftre & Profeffeur en Théologie
à Genéve , en quatre volumes in- 12..
A Lyon , chez Regnault , Libraire , rue
Merciere à Paris , chez Jean Thomas
Heriffant , Libraire , rue Saint Jacques à
Saint Paul & à St. Hilaire , & à Avignon ,
chez François Girard , Libraire , Place
Saint Didier,
;
NOUVEAU SUPPLE'MENT au Dictionnaire
Hiftorique ,Généalogique, & Géographique
, de M. Louis Moreri , pour fervir
à la derniere édition de 1732 , & aux précédentes.
Deux volumes in - folio . Se trouve
à Paris , chez Vincent , Coignard , Boudet ,.
le Mercier , Deffaint , Saillant , & Jean-
Thomas Heriffant , 1749.
LA RELIGION Chrétienne , prouvée par
les faits , par M. l'Abbé Houtteville , de
l'Académie Françoife . Nouvelle édition..
Quatre tomes in- 12 . A Paris , chez P. G.
le Mercier , rue Saint Jacques , 1749.
EXPOSITION abregée des preuves hiftoriques
de la Religion Chrétienne , pour
lui fervir d'apologie contre les fophifmes
de l'irréligion . Ouvrage destiné à l'éducation
de la jeuneffe , par M. Beauzée. A
Paris , chez Delaguette , rue Saint Jacques,
in- 12.
1749.-
JANVIER. 1750. 183
HISTOIRE abregée des plus fameux
Peintres , Sculpteurs & Architectes Elpagnols
, avec une defcription exacte de leurs
oeuvres , & de celles des Etrangers , qui
fe voyent dans le même Royaume ; traduite
de l'Espagnol de Don Antonio Pa
lamino Valafco , Peintre de la Chambre de
Philippe V. A Paris , chez Delaguette ,
&c. in- 12. 1749.
Avis au Public , & Mémoire fur quelques
fingularités du Terroir de Gabian
& principalement fur la fontaine d'huile
de Petrole qui y coule ; par M. Riviere ,
de la Société Royale des Sciences
Docteur en Médecine de la Faculté de
Montpellier. Brochure in-4° . de 28
chez Pech. A Montpellier.
> &
pages ,
COLLOQUIA SACRA ad linguam firul
mores puerorum formandos , libri quatuor,
in quibus infigniores tam veteris quam novi
Teftamenti Hiftoria denarrantur. Nova editio
auctior & emendatior. A Paris , chez Babuty
, rue Saint Jacques , à Saint Chry
foftôme. Volume in- 12. 1749 .
OUVRAGES. d'Antoine - Marie Graziani,
de Borgo di fan fepolcro , Evêque d'Amelia
, &c. Second volume. A Florence
1746.
Deffaint & Saillant commencent à diftribuer
les deux premiers volumes de
184 MERCURE DE FRANCE.
Hiftoire des Empereurs Romains , depuis
Augufte jufqu'à Conftantin. Par M. Crevier ,
Profeffeur Emérite de Rhétorique au Collége
de Beauvais . Volume in - 12 . du même
caractére que celui de l'Hiftoire de la
République Romaine , commencée M.
par
Rollin & finie par M. Crevier.
ALMANACH chantant , ou Etrennes Lyriques
, Mythologiques & hiftoriques ,
fuivies de l'Ethomantie des Dames , ou
Divination de leurs caractéres , pour l'année
1750 , par M. Nau. Latet fub cortice
verum. Se trouve à Paris , chez Caillean ,
Libraire , rue Saint Jacques , au - deſſus de
la rue des Mathurins , à St. André , 1750 .
Avec Approbation & permiffion .
>
ALMANACH de Normandie pour l'année
1750 , augmenté confidérablement
préfenté à M. de Pontcarré , Premier Préfident
au Parlement. A Rouen , chez Nilas
Befongne , Libraire , Cour du Palais.
Avec Approbation & Privilége du Roi .
HISTOIRE de Theodofe le Grand , pour
Monfeigneur le Dauphin ; par M Flechier,
Abbé de Saint Severin , Aumônier ordinaire
de Madame la Dauphine . Nouvelle
édition in- 12 . A Paris , chez Didot , Nyon,
Dimonneville , Quai des Auguftins , &
Savoye , rue Saint Jacques..
HISTOIRE des Royaumes de Chypre ,
JANVIER. 1750. 185
de Jerufalem & des Croifades . Deux volumes
in- 4° . fig. A Leyde , & fe trouve à
Paris , chez Deffaint & Saillant , rue Saint
Jean de Beauvais .
HISTOIRE des révolutions de Génes ,,
depuis fon établiflement jufqu'à la conclufion
de la Paix de 1748 , in- 12 . Se trouve
à Paris , chez Nyon , fils , & Robuftel ,
Quai des Auguftins ..
RECUEIL des Hiftoriens des Gaules &
de la France , par D. Bouquet. Tome VI .
contenant ce qui s'eft paffé depuis 840 ,
jufqu'en 877 , in-fol. A Paris , chez Marun
, Coignard , Mariette ; Guerin , fretes ,
& Boudet , rue Saint Jacques .
MEMORIAL de Paris & de fes environs,
par M. l'Abbé Antonini. Nouvelle édition
, confidérablement augmentée , dédiée
à M. Berryer , Lieutenant Général de
Police, & divifée en deux parties. A Paris ,
chez Bauche , fils , Quai des Auguftins .
MIRZA NADIR , ou Mémoires & Avantures
du Marquis de St. T *** . Gouverneur
pour le Roi de Perfe , de la Ville &
du Pays de Candahar. Quatre volumes
in-12. A la Haye , 1749.
VOYAGE de Saint Cloud , par mer & par terre.
Seconde Partie , contenant le retour de S. Cloud à
Paris. A Londres , 1750 .
MANIER de bien nourrir & soigner les Enfans
nouveaux nés . Par M. Michel Bermingham , Ecuyer,
186 MERCURE DEFRANCE.
né à Londres , naturalifé François , Accoucheur
& Membre de l'Académie Royale de Chirurgie ,
ci-devant Chirirgien de feue Marie- Béatrix d'Eft ,
Rein Douairiere de la Grande - Bretagne . A Paris
, chez Barrois , Quai des grands Auguftins ,
1750 , in-4°. pp. 15.
M. Martineng , Doyen de la Faculté de Médeci
ne de Paris , & qui a été l'Examinatent de cet ou
vrage , dit dans fon approbation , qu'il la lû avce
plaifir , & que M. Bermingham n'y avance que des
principes vrais & d'excellentes maximes.
MEMOIRE fur les ufages , les dofes & les eff ts
de l'Elixir d'Or & de l'Elixir Blanc de feu M. le
Général de la Mothe. De l'Imprimerie de C. F.
Simon , fils , Imprimeur de la Reine & de M , l'Archevêque
, 1749.
•
Tout ce qui eft dit dans ce Mémoire fur l'effi ,
cacité , des Goutes de M. le Général de la Mothe
eft confirmé par des certificats de M M. Chungnau
, Sidobre , Falconnet , Boyer , Malouin , Four
nier , Moreau , Dareclaux , & d'autres Médecins
célebres.
AIRS ET DUQ tendres & bachiques. Par M. Fel,
Ordinaire de l'Académie Royale de Mufique , Second
Recueil. Prix 3 livres . A Paris , chez l'Auteur
, rue S. Thomas du Louvre ; Mad. Boivin ,
rue S. Honoré , à la Regle d'or ; le Clerc , rue du
Roule , & Mlle Caftagnery , rue des Prouvaires.
Deux Recueils d'Airs , tirés des Opéras de M.
Rameau , pour la Mufette & pour la Vielle , avec
un Violon , fe vendent chez M. le Clerc , rue du
Roule , à la Croix d'or . Le prix eft de 3 liv . 12 £.
chaque Recueil.
Il vient de paroître un autre Recueil de Piéces
pour les Mufettes , Vielles , Violons , Pardeffus
de Violes , Flûtes & Hautbois. Par M. Chedeville
le Cadet. Ce Recueil eft intitulé , les Impromptus
JANVIER . 1750. 187
de Fontainebleau , & il eft dédié à MADAME. On le
trouve chez l'Auteur , rue Coquillere , à côté de
l'Hôtel de Laval.
M. Miroglio le jeune , donne au Public un fecond
Livre de Sonates.
M. le Maire , ci-devant Maître de Mufique à
Paris , & demeurant préfentement à Tours , nous
prie d'annoncer un nouveau Recueil d'Airs &
quatre Cantatilles nouvelles de fa compofition ,
pour les Deffus avec fymphonie , fous ces titres ,
L'Amitié , dont les paroles font de Mad. * * * .
La Vigue & Le Mirche, le
Fables.
Le Roffignol
& la Linotte , Fables.
'S
Le Papillon le Berger ,
Les paroles de ces trois Fables font de M. Peffelier
, Auteur de la Cantatille de la Roſe , de la
Veille & du Jour , & de celle de l'Année merveilleuſe
.
On trouve tous les ouvrages de M. le Maire , au
nombre de foixante & fix Cantatilles , fix Livres
de Motets à 30 fols piéce , & trois Recueils d'Airs ,
qui coutent chacun 3 livres , chez le fieur le Clerc ,
cadet , rue Saint Honoré , vis - à - vis les P P. de
l'Oratoire , & aux Adreffes ordinaires.
ALMANACH SPIRITUEL , pour l'année 1750 ,
od font marquées les Solemnités , Prédications ,
Indulgences & Expofitions qu'il y aura dans les
Eglifes. On y a ajoûté les Fêtes & Concours de
Dévotion de plufieurs Eglifes de la Campagne &
des environs de Paris . A Paris , rue Saint Jacques ,
chez Delaguette , Imprimeur- Libraire , à l'Olivier,
avec Approbation & Privilége du Roi.
CALENDRIER des Princes & de la Nobleffe , pour
l'année 1750. A Paris , chez le même , avec Approbation
& Privilége du Roi ,
Nicolas , Marchand à Nancy , vend les Livres
fuivans .
188 MERCURE DE FRANCE.
DISSERTATIONS fur les apparitions des Efprits ,
& fur les Vampires ou les Revenans de Hongrie ,
de Moravie , & c . Par le R. P. Dom Auguftin Calmet
, Abbé de Senones . Nouvelle Edition , revûe
& augmentée. Deux volumes in- 8 °. imprimés à
Einfidlen , 1749.
TRAITE' hiftorique des Eaux & Bains de Plombiere
, de Bourbonne , de Luxeuil , &c . par le même
, in-8 ° . fig. 1748 .
TABLE alphabétique des Villes , Bourgs , Villages
& Hameaux de Lorraine & Barrois. Ouvrage
orné de traits hiftoriques , in 8 ° . de 182 pages
1749.
SERMONS fur la dévotion à la Très Sainte Vierge
, par M. l'Abbé Clement , Aumônier du Roi de
Pologne , Duc de Lorraine & de Bar , & Prédicateur
de Sa Majefté , in 4 ° . de 29 pages , 1749 .
Ces trois derniers font imprimés chez le Sueur,
Imprimeur du Roi à Nancy.
ESTAMPE NOUVELLE .
A fameufe Hermaphrodite , qui depuis trois
Lois fait tant de bruit à Paris , a été peinte &
gravée par le Sieur Gautier , Graveur & Penfionmaire
du Roi.
JANVIER. 1750. 189
DISSERTATION de M. Mertrud,
Chirurgien Ordinaire du Roi, Juré à Saint
Côme , de l'Académie Royale de Chirurgie,
& Démonftrateur en Anatomie & Chirurgie
au Jardin du Roi , au fujet de l'Hermaphrodite
dont il vient d'être fait mention.
LE
E Sujet eft vivant , il eft âgé de 16 ans , baptifé
à Paris à la Paroiffe Sainte Marguerite
fauxbourg S. Antoine , & s'appelle Michel- Anne
Drouait. Son pere & fa mere l'ont élevé en fille ,
& lui ont donné l'éducation convenable pour des
gens de leur forte , n'étant que des ouvriers en Bas
au métier. Ils avoient caché fa difformité jusqu'à
l'âge marqué ci- deffus , qu'on leur a confeillé de
la faire voir pour gagner de l'argent .
Elle est d'une structure mince & maigre , d'une
affez vive complexion ; fon viſage eft fec , un peu
allongé; elle a l'air commun ; le farplus de l'attitu
de de fon corps eft maigre , quoique charnu ; elle
n'a fur la poitrine aucune apparence de gorge
naiffante ; fes mains & fes bras font fecs , ainfi
que les extrémités inférieures ; fes hanches font
équivoques , elles ne paroiffent point autant élevées
qu'il convient au corps d'une fille de fon âge.
Je pense qu'après fa parfaite puberté , elle pourra
le trouver plus conforme à l'état de fon fexe
dominant : actuellement l'un ne domine pas plus
que l'autre , comme on peut le voir par l'énumérion
des parties , gravées par le Sr Gautier.
Le ventre & l'ombilic , n'ont rien de différent
de celui d'une fille ou d'un garçon de fon âge.
La verge recouverte de fon prépuce , garnie
190 MERCURE DE FRANCE.
d'un peu de poil à fa racine , reffemble à celle d'un
garçon de feize ans , ayant deux corps caverneux,
qui font très - bien faits , de même que le gland.
le Mais ce qu'il y a d'extraordinaire ,, c'eſt que
canal de l'urétre y manque pour le paffage des
'urines.
Le prépuce qui contribue à former une bride
fous la verge , & qui vient d'un repli de la peau
qui tient lieu de grandes -lévres aux femmes & de
fcrotum aux hommes , laiffe une ouverture qui
approche de la vulve d'une femme ou de l'orifice
du vagin , que l'on appelle , orifice externe de la
matrice.
Cette ouverture fe termine en bas par un repli
qui reffemble affez à la fourchette : on y voit un
petit bouton femblable à celui qui ſe trouve dans
les jeunes filles .
Au- deffus de ce bouton & vis- à - vis fe trouve
l'ouverture du canal de l'urétre , qui paroît , en le
fondant, auffi court que celui d'une fille , à la difference
qu'il eft fitué au bas de l'ouverture de la
vulve:
L'ouverture de la vulve eft beaucoup plus étroite
que celle des filles bien configurées ; à peine peuton
y introduire le petit doigt , & on n'y voit point
de caroncules myrtiformes.
Elle n'a point cu les régles , qui arrivent quelquefois
plutôt aux filles de fon âge.
On ne voit point de tefticules dans ce qui tient
lieu de fcrotum , ni dans les aines .
Ambroise Paré , dans fon Traité des Monftres ,
chap. VII. pag. 1015 , parlant des Hermaphrodites
, rapporte l'hiftoire de trois filles qui avoient
été élevées & baptifées pour filles , & dont à l'âge
de quatorze à quinze ans les parties de l'homme
fe font développées.
JANVIER. 1750. 191
Il pourroit bien arriver à celle-ci quelque dévetoppement
, foit les régles qui dénotent le fexe féminin
, foit les tefticules qui marquent le fexe
mafculin.
Mais quand l'un ou l'autre cas arriveroit , cette
Hermaphrodite n'aura jamais la véritable puiflance
d'aucun fexe.
C'eft pour donner une juſte idée de mon objet ,
& fuivre à cet égard les lumieres des Sçavans , que
je commence par expliquer le nom d'Hermaphro
dite & par en déterminer l'origine qui vient des
Grecs . En effet, ce font eux qui l'ont composé de
deux noms de leur Langue , afin d'exprimer en un
feul mot le mêlange ou la conjonction de Mercure
& de Vénus , qu'ils ont crû avoir préfidé à la naiffance
de ce fujet extraordinaire , car foit que
lesGrics ayent puifé ces préventions des principes
de l'Aftrologie judiciaire , foit de la Philofophie
hermétique , l'on doit convenir qu'ils ont ingénieufement
imaginé par ces rapports qu'Hermȧphrodite
étoit fils de Mercure & de Vénus : ils
l'ont enfuite admis au nombre des Dieux , ayant
prétendu que la Nymphe Salmacis , devenue éperduement
amoureufe du jeune Hermaphrodite ,
avoit demandé aux Dieux de ne faire de leurs
deux corps qu'un feul : Salmacis obtint, felon eux,
cette grace; mais les Dieux y laifferent le Type
imprimé des deux fexes réunis .
.
Nous pouvons inférer de cette Fable , que les
Anciens avoient eu connoiffance de l'union des
⚫ deux fexes dans un même ſujet , & que cette bifarrerie
de la nature eft l'origine de cette fiction
qui nous eft rapportée par Ovide , Liv. IV. de fes
Métamorphofes, vers 347. Ce prodige néanmoins
paroît n'avoir pas été accueilli favorablement des
Anciens , puifque fuivant le fentiment d'Alexan192
MERCURE DE FRANCE.
der ab Alexandro , ce genre d'hommes qui porte
en foi le fexe d'homme & de femme a été regardé
comme des monftres , qu'on avoit coutume de
précipiter dans la mer à Athenes , & dans le Tibre
à Rome.
Plufieurs Auteurs curieux de cet ' événement
ont rapporté ce qu'ils en ont recueilli . Gafpard
Bauhin , Médecin à Bâle , a écrit un Traité exprés.
Ludovicus Bonaciot , tractatu de Part. form.
Chap. 9. Paul. Zacharie , Quaft. Med. Legal . Tom.
I. Lib. 7. § . 8. M. l'Offhagon , dans les Nou.
velles Littéraires de la mer Baltique , 1704. pagina
105. Traité des Hermaphrodites . Jacques
Duval , Rouen , 1612. in octavo. Aldrovendus de
monftris.
Nonobftant toutes ces recherches . peu de perfonnes
ont ajouté foi à la fincérité de ces hiftoires ,
prétendant que la mauvaife & imparfaite conformation
des parties qui fervent à la génération , les
Tefticules cachés dans les hommes , & le Clitoris
plus long qu'à l'ordinaire dans les femmes .
ont fait illufion & trompé ceux qui ont fait ces
remarques.
On en diftingue cependant de quatre especes ,
dont les trois premieres n'ont que les fauffes apparences
des deux fexes .
L'Hermaphrodite , dont je parle , eft d'une
de ces trois , & la mieux formée dans cette façon ,
qui ait encore paru. La quatrième claffe qui eft
des Hermaphrodites parfaites ( s'il y en a ) fe
réduit à un très- petit nombre , & par conféquent
très-rare : l'on prétend qu'il s'en eft vû qui ont eu
des enfans l'un de l'autre. Dans le droit Romain &
dans le droit François , il y a des peines prononcées
contre l'Hermaphrodite qui ufe des deux
fexes.
Le
JANVIER. 1750. 193
Le fieur de Rennefort dit qu'à Surate au Mogol,
il y a beaucoup d'Hermaphrodites , qui avec
des habits de femmes portent le Turban pour fe
diftinguer , & afin d'apprendre à tout le monde
qu'ils ont deux fexes.
C'est l'Hermaphrodite parfaite dans les deux
fexes , que les Grecs ont nommé Av♪ pozvvas, id
eft , vir parturiens , vel , vir genitrix ; nous avons
adopté ce nom en François , & nous en avons
formé celui d'Androgyne , pour défigner la double
puiffance de l'Hermaphrodite parfaite , à qui
feule ce nom appartient , étant homme parfait
d'unepart , & de l'autre capable de mettre des
enfans au monde par le fecours du fexe féminin.
Dans les Dialogues de Platon , il y a une fable
de l'Androgyne. Ce Philofophe dit que certains
hommes naifloient doubles & avec les deux fexes.
Que cette duplicité de tous les membres leur
ayant procuré beaucoup de force & de vigueur ,
ils poufférent l'infolence jufqu'à déclarer la guerre
aux Dieux que Jupiter pour réprimer leur audace
, partagea ces Androgynes en deux , enforte
pourtant qu'il eft toujours resté à ces deux moitiés
divifées une forte paffion de fe réunir , & que de
là vient l'amour réciproque des deur fexes.
On peut conféquemment obferver que beau
coup d'animaux font ainfi que les hommes , quelquefois
pourvûs des deux natures , & pour cetre
raifon nominés Hermaphrodites . Dans les Qua
drupedes on trouve des Hermaphrodites.
On en trouve pareillement dans les Limaçons
les Escargots & les Vers . Plufieurs autres Infec
tes le font tous par leur propte nature,
1075 153
1
194 MERCURE DE FRANCE.
淡淡選淡淡洗洗洗洗洗洗洗
LE PASSANT & LA TOURTERELLE
Q
AIR TENDRE.
Ue fais-tu dans ces bois , plaintive Tourte.
relle ?
Je gémis ; j'ai perdu ma compagne fidelle.
Ne crains -tu pas que l'Oyfeleur .
Ne te faffe périr comme elle ?
Si ce n'eft lui , ce feta ma douleur .
SPECTACLES.
****
'Académie Royale de Mufique continue les
L'apréfentations de Zoroastre, Tragédie.
Le Concert fpirituel a commencé le Mercredi
24 Décembre, veille de la Fête de Noël, par Fugit
nox , Motet à grand choeur , mêlé de noëls, joués
fur l'orgue par M. Daquin , Organifte célebre du
Roi , qui furent extrêmement & juftement ap
plaudis. M. Franc de Kermajun , Allemand , exécuta
un Concerto de baſſon qui plut fort aux connoiffeurs
; Mlle Lemire chanta Nunc dimittis , pe
tit Motet de feu M. Mouret. M: Pagin joua feul
& précéda Bonum eft , Motet à grand choeur de
M. Mondonville ; ces trois derniers morceaux
eurent le fort des premiers.
Le lendemain, jour de Noël, on donna le même,
Motet , Fugit nox , avec le même accompagne
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND TILDEN
FOUNDATIONS
.
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ABTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
JANVIER. 1750. ་ 95
ment d'orgue & le même fuccès , & le Concert
précédent de baffon . On fut charmé d'entendre
Cantate Domino , de M. Mouret, exécuté par Mlle
Duperey. M. Pagin joua feul un Concerto, & Venite
exultemus , Motet à grand choeur de M. Mondon.
ville , termina parfaitement le Concert.
Les Comédiens François donnerent le 3 de ce
mois la dix - feptiéme & derniere repréſentation
de la Tragédie d'Ariftomene.
Le 5, les Comédiens Italiens repréſenterent pour
la premiere fois une Comédie en trois Actes &
en vers , intitulée , la Fauſſe Prévention. On a fort
applaudi aux détails brillans , dont cette Piéce eft
remplie Elle eft accompagnée d'un nouveau Ballet,
de la compofition de M. de Heffe , & qui lui a attiré
des battemens de mains , capables de rendre
jaloux les Poëtes les plus accoûtumés à ces témoignages
flatteurs de l'admiration du Public.
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
E7 Décembre, fecond Dimanche de l'Avent,
La Reine entendit la Meffe dans la Chapelle
du Château ; & Sa Majefté communia par les
mains de l'Archevêque de Rouen , fon Grand
Aumônier.
Le lendemain , Fête de la Conception de la Ste
Vierge , leurs Majeftés entendirent la Mieffe dans .
la même Chapelle . L'après- midi elles affifterent ,
ainfi que Monfeigneur le Dauphin , Madame la
Dauphine & Mefdames de France , à la I Prédication
du Pere Logier,de la Compagnie de Jefus , & enĮ
ij
196 MERCURE DE FRANCE.
fuite aux Vêpres qui furent chantées par la Mufique
.
Le 11 , les Actions de la Compagnie des Indes
étoient à dix-fept cens trente-fept livres & demi ;
Ies billets de la premiere Loterie Royale à fix cens
vingt-huit , & ceux de la feconde à cinq cens quatre-
vingt-orze.
Le 14 , troifiéme Dimanche de l'Avent , le Roi
& la Reine entendirent dans la Chapelle du Châ
teau la Meffe qui fut chantée par la mufique.
L'après- midi , leurs Majeftés accompagnées de
Monfeigneur le Dauphin & de Meſdames de Fran
ce , affifterent au Sermon du Pere Logier , de la
Compagnie de Jeſus.
Le Roi a donné au Prince Louis de Wirtemberg,
Maréchal de fes Camps & Armées , le Régiment
de Cavalerie Allemande , vacant par la mort du
Comte de Rofen , & Sa Majesté à nommé Meftre
de Camp en fecond de ce Régiment , le fils du
Comte de Rofen .
•
Le 18. les Actions de la Compagnie des Indes
étoient à dix- sept cens foixante livres , les billets
de la premiere Loterie Royale , à fix cens trentecinq,&
ceux de la feconde à fix cens quatre - vingtdix
-neuf.
Le 24 , veille de la Fête de la Nativité de Notre
Seigneur , le Roi & la Reine , accompagnés de
Moufeigneur le Dauphin & de Meldames de France
, entendirent les premieres Vêpres chantées par
la Mufique , aufquelles l'Archev . de Sens officia.
Le 25 jour de la Fête , leurs Majeftés , qui après
avoir affifté aux Matines , avoient entendu trois
Meffes à minuit , affifterent , étant accompagnées
comme le jour précédent , à la Grande Meffe célébrée
pontificalement par l'Archevêque de Sens.
Elles ente adirent l'après- midi le Sermon du Pere
JANVIER. 1750. 197
Logier , de la Compagnie de Jefus , & enfuite les
Vêpres auíquelles le même Prélat officia.
Le premier Janvier , les Princes & Princeffes
du Sang , & les Seigneurs & Dames de la Cour ,
eurent l'honneur de complimenter le Roi & la
Reine fur la nouvelle année. Le Corps de Ville a
rendu à cette occafion fes refpects à leurs Majeftés ,
à Monfeigneur le Dauphin , à Madame la Dau
phine & à Mefdames de France.
Les Chevaliers , Commandeurs & Officiers de
l'Ordre du St. Eſprit , s'étant aſſemblés vers les
onze heures dans le Cabinet du Roi , Sa Majefté
précédée du Duc de Chartres , du Comte de Charolois
, du Comte de Clermont , du Prince de
Conty, du Prince de Dombes , du Comte d'Eu ,
du Duc de Penthievre , & des Chevaliers Commandeurs
& Officiers de l'Ordre , fe rendit à la
Chapelle du Château . Le Roi y entendit la Grande
Meffe célébrée pontificalement par l'Archevêque
de Rouen , Grand Aumônier de la Reine , & chantée
par la Mufique . La Reine & Mefdames de
France entendirent la même Meffe dans la Tribune.
L'après-midi leurs Majeftés affifterent aux Vêpres
.
Le 31 du mois dernier , le Marquis de Saint
Germain , Ambaſſadeur ordinaire du Roi de Sardaigne
, eut une audience particuliere du Roi ,
dans laquelle il notifia à Sa Majefté le Mariage du
Duc de Savoye avec la Princeffe Marie -Antoinette
d'Espagne. Il fut conduit à cette audience par le
Chevalier de Sainctor , Introducteur des Ambaffadeurs.
Le même jour , les Actions de la Compagnie
des Indes étoient à dix - fept cens foixante livres ;
les billets de la premiere Loterie Royale , à fix
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
cens cinquante-trois , & ceux de la feconde à fir
cens fix .
M. le Comte de Treffan , Lieutenant Général
des Armées du Roi , & Commandant pour Sa Majefté
à Toul , a été élu pour remplir la place d'Af
focié libre , qui vaquoit dans l'Académie Royale
des Sciences par la mort de M.de la Chevaleraye.
NAISSANCE , MARIAGE
Morts,
E 30 Novembre , Marie- Angelique- Philippe
le Veneur , époufe de Jean -Louis - Nicolas le
Bafele , Comte d'Argenteuil , Chevalier de l'Ordre
Royal & Militaire de St. Louis , Lieutenant Général
pour le Roi , des Provinces de Champagne
& de Brie , & Gouverneur de la Ville de Troyes ,
en furvivance du Marquis d'Argenteuil fon pere ,
accoucha d'un fils au Château de Bailli en Riviere,
Province de Normandie,
Les Décembre 1749 , Dame Marie - Françoiſe
de Cordeboeuf- Beauverger , de Montgon , mouruit
au Château de Plas en Limoufin , âgée de
vingt-cinq ans. Elle étoit fille de défunt Philippe-
Gilbert de Cordeboeuf - Beauverger , Comte de
Montgon, Marechal des Camps & Armées du Roi,
Commandeur de l'Ordre Royal & Militaire de St.
Louis , Gouverneur de l'Ile d'Oleron , & de Dame
Blanche Henriette de la Roche- Aymon . Elle avoit
époulé , le 6 Février 1746 , Guy- Jofeph , Comte
de Plas , Baron de Marfillac , Marquis du Thillay,
&c. dont le mariage eft rapporté dans le Mercure
du mois de Mars 1746, pag. 206 , duquel elle laiffe
JANVIER . 199 1750.
deux garçons & une fille , nommée Magdeleine-
Louife Françoife de Plas , née le 18 Août 1749 .
Les Maifons de Plas & de Cordeboeuf- Beauverger
font également diftinguées par leur ancien -
neté & leurs alliances avec la meilleure Nob'effe
du Royaume , celle de Plas en Limoufin étant
alliée avec les maifons de Cardaillac , de Vérac , de
Salagnac, de Laftic S. Jal , de Cofnac , de Pellegrue ,de
Robert de Legnerac , de la Chatre , de Clermont
de Verrillac , d'Efcorailles de Fontanges , d'Eftampes-
Valençay , du Pouget de Nadaillac & autres ;
& celle de Cordeboeuf Beauverger en Auvergne ,
avec les maifons de Montmorin ,de Chabannes, de
la Roche-Aymon , de Montgon , de la Tour-du-
Pin , de la Rochefoucaud , de Montboiffier- Canillac,
de Laftic- Saint - Jal, de Montaigu,Vicomtes
de Beaune & autres.
Le 10 Décembre , Charles- Maurice Grimaldi
de Monaco , Comte de Valentinois , Sous-Lieutetenant
des Gendarmes de Bretagne , époufa dans
la Chapelle de l'Hôtel de St. Simon , Paroiffe de
Saint Sulpice , Marie- Chriftine Chrétienne de St.
Simon de Ruffec.
Charles-Maurice eft fils de Jacques François-
Leonore de Goyon , Sire de Matignon & de la Ro
che Guyon , Duc ac Valentinois , Pair de France ,
& de Louife Hyppolite Grimaldi , Ducheffe de
Valentinois , héritiere d'Antoine G imaldi , Prince
Souverain de Monaco, Duc de Valentinois , Pair de
de France, qui par les conventions de fon contrat de
mariage , a donné fon nom à la famille de fon mari.
Marie-Chriftine Chrétienne, née le 7 Mai 1728 ,
baptifée le même jour dans la Chapelle de l'Hôtel
de Saint Simon, eut pour parrain & marcine , fon
ayeul paternel , Louis Duc de Saint Simon , & for
ayeule maternelle , Marie - Chriftine de Noailles ,
I
200 MERCURE DE FRANCE.
veuve d'Antoine, Duc de Grammont , Pair & Maréchal
de France. Elle eft fille de Jacques- Louis,
Duc de Saint Simon, nommé le Duc de Ruffec , Pair
de France , Chevalier de la Toifon d'Or, & de Catherine-
Charlotte-Thérefe de Grammont, veuve en
premieres noces de Philippe Alexandre , Prince de
Bournonville.
Le 26 Octobre , Nicolas Clairambaut , Organifte
du Roi , mourut à Paris . Ce célebre Muficien
ayant fait exécuter une Cantate chez Madame
de Maintenon , Louis XIV . de glorieufe
mémoire , qui l'entendit , lui rendit la juftice qu'il
méritoit , en lui ordonnant de venir à fà Cour. It
lui fit donner plufieurs cantates pour les mettre en
mafique , ce font celles qui compofent le troifiéme
livre de fes Cantates . Le Roi les fit exécuter , &
nomma l'Auteur Sur- Intendant des Concerts particuliers
de Madame de Maintenon , Il ſe diſtingua
auffi par la beauté de fes Motets à grand choeur.
On a de lui cinq livres de Cantates , outre quelques
autres pour des fêtes particulieres qui font
auffi gravées. C'eft lui qui a fait les chants de tout
l'Office de l'Eglife Royale de Saint Louis de Saint
Cyr. Il laiffe deux fils qui le remplacent dignement
& rendent la perte moins fenfible.
Le premier Novembre mourut à Nancy Henri-
François de Vence , Docteur de la Maifon & Société
de Sorbonne , Grand Prevôt & Grand Vi .
caire de l'infigne Eglife Primatiale de Lorraine ,
Confeiller d'Etat du feu Duc Leopold , & Précepteur
des Princes Enfans de Lorraine , le Prince
Leopold Clement mort en 1723 , & Sa Majefté
Impériale François I. Ce Prélat eft connu par fes
additions aux commentaires du Pere Carriere fur
la Bible , & par fes differtations fur les livres de
P'ancien Teftament , dont une partie vient d'être
JANVIER . 1750. 201
imprimée à Paris dans la nouvelle Bible in-4° . en
dix Volumes .
Le 10, Claude Quarré, veuve de François Guyet,
Marquis de Bantage , Comte de Louhans , ancien
Intendant des Finances , Confeiller d'Etat , ci - devant
Intendant des Provinces de Bearn & Lyonnois ,
mourut à Paris , âgée de 87 ans , & fut inhumée à
Saint Euftache .
Le 22 , Henri David' , Seigneur de Villeneuve ,
Lieutenant de la Prevôté de l'Hôtel & ancien Secretaire
du Roi , Maiſon & Couronne de France ,
& de fes Finances , mourut âgé de 77. ans , & fut
tranfporté de Saint Euſtache , fa Paroiffe , à Saint
Roch , où il fut inhumé.
Le 23 , Jacques le Tellier , ancien Seigneur d'Ir
ville , & ancien Lieutenant Commandant l'équi
page du Roi pour le fanglier , mourut âgé de 67.
ans , & fut inhumé à Saint Eustache.
Don Juan Velasquez de Covarruvias , Marquis
de Pegna Blanca , Lieutenant Général des Armées
du Roi , Grand'Croix Honoraire de l'Ordre Royal
& Miliraire de Saint Louis , mourut à Versailles
le 24 du mois dernier , dans la foixante - neuviéme
année de fon âge. Il s'étoit acquis une eftime genérale
, & il jouiffoit d'une penfion confidérable
que le Roi lui avoit accordée depuis qu'il étoit
entré au fervice de Sa Majesté.
Le premier Décembre le R. P. François Mazene;
Supérieur Général de la Congrégation des Prêtres
de la Doctrine Chrétienne , mourut à Paris dans
la foixante- troifiéme année de fon âge & dans la
fixiéme année de fon Généralat . Il étoit né dans
une petite Ville du Diocéfe de Rhodez , & fes pa
rens l'envoyerent faire fes premieres études à
Villefranche en Rouergue , fous les PP. Doctrinaires
qui ont la direction du College de cette
102 MERCURE DE FRANCE .
)
Ville . Les grandes difpofitions que ces Peres remarquerent
en lui pour la piété & l'étude , les engagerent
à l'attirer dans leur Congrégation , & la
douceur naturelle de fon caractére le rendit docilé
à leurs infpirations . En 1708 , il fit à Toulouſe
dans la Maifon de Saint Rome fon année de probation
, & lorfqu'elle fut finie , fes Supérieurs le
firent paffer dans leur College de l'Eſquille dans la
même Ville pour enfeigner les Humanités . Il s'en
acquitta avec fuccès. Il profeffa enfuite la Philo- .
fophie pendant huit ans dans le même College ,
& l'eftime publique qu'il s'acquit , lui fit une réputation
diftinguée . Son mérite fe faifant connoître
de plus en plus , il fut envoyé au Seminaire
de Condom pour y faire les leçons de Théologie.
Au bout de trois ans il paffa au Seminaire de Tarbes
, qui le demandoit avec inftance , auffi - bien
que celui de Bayonne . Ce fut là que s'étant acquis
l'eftime pariiculiere de M. de la Roche- Aimon ,
Evêque de Tarbes, & de fon fucceffeur M.de Saint
Aulaire , il mérita une penfion du Roi. De la
fupériorité de ce Seminaire , il a été en 1744 , élevé
au Généralat de la Congrégation. Sa doctrine &
fes moeurs lui avoient acquis l'eftime & l'amitié de
M l'Archevêque de Paris & de M. l'ancien Evêque
de Mirepoix. Nonobitant les grands foins aufquels
fa place l'affujettiffoit , il avoit entrepris
d'enfeigner la Théologie à fes Confreres de la
Province de Paris , mais il n'a pû le faire que pendant
trois ans. Au bout de ce tems , une attaque
d'appoplexie & de paralifie le mit hors d'état de
fuivre de fi bonnes intentions , enfin après avoir
langui quatorze mois , une nouvelle attaque a
terminé le cours de fa vie laborieufe & pleine
d'édification .
Le 3 , Alexandrine Guerin de Tencin , Chanoi
JANVIER. 1750. 203
neffe de Neuville , Baronne de Saint Martin de
Pifle de Rhé , mourut âgée de 68 ans , & fut inhumée
à Saint Euftache . Elle étoit foeur de Pierre de
Guerin de Tencin , Primat des Gaules , Archevêque
de Lyon, & Cardinal de la fainte Eglife Romaine.
Elle étoit fille d'Antoine Guerin, Seigneur
de Tencin , Préfident à Mortier du Parlement de
Grenoble , & de Louife Bufevant, & arriere- petitefille
de François Guerin , Seigneur de Tencin ,
Confeiller au même Parlement, & de Judith Faure,
fille de François de Faure , Seigneur de Riviere ,
Préfident dans ce Parlement .
Le même jour, Françoife Touflaint Mollet, veuve
de Jules Martin Desjardins , mourut & fut inhumée
à la Magdeleine de la Ville l'Evêque .
Le 12 , Philippe Olivier Galois mourut & fut
inhumé à Saint Severin.
Le 17 , Françoife- Charlotte de la Fontaine de
Sollard , époufe d'Eleonord Courtin , Chevalier
d'Honneur au Baillage & Siége Prefidial de
Meaux , mourut & fut inhumée à Saint Paul ,
ENUMERATION des Maladies les
plus ordinaires à chaque tempéramment ,
avec des réflexions fur les moyens d'entrer
dans l'ef de la Médecine pratique, par
M. Fraiffe , Docteur en Médecine de la
Faculté de Montpellier.
Our bien entrer dans l'efprit de la Médecine ,
Pratique ,il ne fufit pas de
de l'économie animale, d'avoir lû quelques traités
I vi
204 MER CURE DE FRANCE
des maladies , de fçavoir un peu de botanique
de chymie, & de matiere médicale ; il faut encore
embraffer exactement toutes les parties de l'art ,
les avoir enfemble préfentes à l'efprit , & étendre
même fes vûes fur tout ce qui peut y avoir quelque
rapport : car la médecine ou l'art de guéric
les maladies , étant , ainfi que tous les autres arts
entiérement foumife à des régles invariables , on
ne peut parvenir à connoître ces Régles , qu'en
obfervant généralement tout ce qui fe paffe dans
l'Art , ou qui y a quelque rapport , en l'examinant
avec attention , en le comparant enſemble ,..
en tirant les inductions néceflaires .
& en
Qu'on ne croye donc pas que pour faifir l'efprit
de l'Art , il fuffife d'obferver en particulier ce
qui fe paffe dans telle & telle maladie , il faut
fe rappeller toutes les obfervations générales qui
ont été faites par ceux qui nous ont précédés , il :
faut les avoir mûrement.examinées avant que d'en
venir aux obfervations particulieres.
Nous devons à Hippocrate la plupart des ob
fervations générales , que Galien a regardées comme
la bafe & le fondement de notre Art , & fur
Jefquelles . quelques modernes , entr'autres Mrs
Stahl , Hecquet ** Hofman , *** ont fait
d'utiles Commentaires , que les jeunes Médecins .
doivent confulter en attendant que quelqu'autre ,.
qui ait l'efprit d'obfervation & qui à une faine
*
* V. fa Diff. de morbor. ætat . fundament, inféréedans
les élém de Méd. pratiq. tom. 1. p.30. &ſaiv.
** V. Médecine Théologique , tom. 2. p. 218.
f *** V. Diff. de temporib, aniin; infalubrib . de
ætatum. mutatione , & de temperament. funda
mento morum & morborum , ¿c...
JANVIER. 1750. 205
théorie joigne une longue pratique , daigne remanier
cette matiére & y répandre de nouvelles
fumieres.
Hippocrate obferva d'abord , que quoiqu'il arrive
différentes fortes de maladies dans tous les
tems de l'année , il eſt néanmoins des faifons ou
certaines maladies regnent , & plus fréquemment
& avec plus de violence . Il remarqua auffi qu'il
s'élevoit différentes maladies dans de différentes
conftitutions de l'air , & que chaque âge , chaque
fexe , chaque pays, avoit fes maladies appropriées..
Il donna même l'énumération de toutes ces ma→
Ladies ; mais il n'indiqua pas celles qui font parti
culieres aux différens tempéramens . C'eft à My
Hoffman , ( Frederic ) que nous devons quelques
obfervations générales là-deffus ; mais comme il
ne les a données qu'en latin , j'ai cru devoir les
traduire en françois,
Peut-être auffi feroit-on bien aife de trouver ici
les obfervations générales d'Hippocrate, du moins
il me paroît que ces deux morceaux ne doivent
pas être féparés , & que de jeunes Médecins ne
fçauroient affez les lire, & les relire ; mais comme
ces obfervations, ont été déja traduites & inférées
dans les Elémens de Médecine pratique , depuis
la page 4 jufqu'à la page 8 , je me contenterai d'y
Lenvoyer mes lecteurs.
L'ordre que je me fuis preferit , demande feu
lement que j'expofe en peu de mots d'après M..
Hoffman, de quelle maniere la différente circulation
des humeurs , dont dépend principalement la
différence des tempéramens , difpofe à différentes
maladies. Et pour commencer par ceux qui font
d'un tempéramment bilieux, ou par ceux dont la
circulation eft vigoureufe & prompte , on voit
206 MERCURE DE FRANCE.
dans la pratique qu'ils font fujets à des maladies
bilieufes & violentes , fçavoir , aux fievres tierces ,
continues , intermittentes aux fievres ardentes
& bilieufes & à des maladies inflammatoires, telles
que la pleurefie , la phrénéfie , l'éréfipele , l'efquinancie
, l'ophtalmie , le faignement de nez , l'hémoptyfie
, & à la phtifie qui en eft une fuite , à la
fiévre hectique , à l'inflammation du faye , de
l'eftomach & des inteftins. Ces mêmes perfonnes
ont de la difpofition au vomiffement , à des diarthées
, à la colique bilieufe , au pourpre , à la
goutte vague & à des douleurs de tête très -aigues;
& comme dans la jeuneffe & dans l'âge viril , de
même que dans les contrées chaudes & méridiomales
, par un régime chaud & aromatique , &
par l'uſage du vin , le fang entre dans un mouvement
prompt , il arrive que toutes ces circonf.
tances difpofent les corps à contracter de femblables
maladies .
Les mélancholiques dont les humeurs épaiffes
de leur nature ont de la peine à rouler , ſont ſujets
à des maladies chroniques , entretenues par
une telle caufe , fçavoir , par un fang qui circule
avec peine dans la tête , dans les vifcéres & dans
le bas ventre ; c'est pourquoi ces perfonnes font
fujettes à la maladie hipocondriaque , aux obftructions
du foye & de la rate , aux fquires des
glandes & des vifcéres , au fcorbut , aux ulcéres,
a la conftipation , au calcul , à la goutte fixe &
nouée ; à la mélancholie , aux hémoroides qui ne
fluent pas , à la migraine , à l'ictere noir , à la
gale feche , aux dartres & à des affections hyftériques
& convulfives ; & ces mêmes maladies attaquent
les habitans des contrées feptentrionales
qui font d'un âge avancé , ou qui mènent une vie
JANVIER. 1750. 207
dure , & qui ſe plaiſent à des alimens groffiers &
acides.
Ceux qui font d'un tempéramment fanguin ou
en qui le mouvement du lang eft modéré , qui
font bonne chere , qui menent une vie fédentaire,
& qui fatisfont à leurs plaifirs : ceux - là , disje
, amaffent une grande quantité de fang qui ne
peut pas le mouvoir fuffifamment ; fur- tout lorf-.
que leur corps eft d'un tisu mol & fpongieux ,
que leurs vaiffeaux font nombreux & leurs fibres
mafculeuſes , petites & flafques : de là il arrive
des ftagnations de fang , & ces perfonnes tombent
dans des maladies inflammatoires, telles que l'ophtalmie
, la pleurefie , la néphrétique , la peripneumonie
, les empiémes, les abfcès, les fuppurations,
le faignement de nez , la phtike , les douleurs de
reins , le flux hémorroidal , les douleurs caufées
par les concrétions pierreufes qui fe forment aux
articulations , les céphalagies , les douleurs des
dents , des oreilles , la gale humide , les fievres
fanguines fynoques , l'apoplexie & l'afthme ; &
l'on voit de femblables maladies dans ceux qui
ne gardent pas les régles de la fobriété , & qui
habitent des climats tempérés.
Les Phlegmatiques dont le fang ne fe meut
que foiblement & abonde plus en férofités
qu'en globules rouges , font fort fujets à des catharres
, à des rhumatifmes , à l'enchitrenement
au cours de ventre , aux indigeftions , à la colique
, au fphacèle , à la cachexie , à l'anafarque ,
à l'afcite , aux fiévres quotidiennes , putrides , vermineufes
, pourprées , aux défaillances , à l'apopléxie
pituiteufe , à la paralyfie , aux tumeurs des
glandes , aux fluxions fereufes , au larmoyement ,
aux fluxions des yeux , à la gangrène des parties
TOS MERCURE DE FRANCE.
"
deftinées à la génération , à la gonorrhée , aux
fleurs blanches. Ce qui contribue à faire éclorre
ces maladies , c'eft ie bas âge , l'air fort humide
denfe , épais , rempli de vapeurs , un tems longtems
humide & une vie fédentaire .
"
De ce qu'on vient de dire , on voit clairement
qu'on doit déduire la difpofition aux maladies,de
la nature ou du tempérament de l'homme , ou
pour mieux dire du méchanifme du corps , ou ce
qui eft le même , de la circulation du fang . Il eft
vrai qu'on pourroit oppofer qu'il et bien des
gens qui ont un tel tempérament , & que cependant
ils font rarement attaqués de telles maladies.
A quoi nous répondrons que les cempéramens
difpofent à la vérité à ces maladies , mais
qu'il ne s'enfuit pas de là qu'ils foient des caufes
prochaines qui doivent être fuivies immédiatement
de leur effet. Car enfin une caufe éloignée ,
qui difpofe les corps à une maladie , ne fuffit pas
toute ſeule ; il faut que plufieurs concourent enfemble
pour produire le même effet . C'eft pourquoi
un bilieux qui n'a pas encore atteint l'âge de
puberté , ne tombe point dans ces maladies ; de
même qu'un jeune homme qui s'abſtient des alimens
chauds , & qui ne refpire pas un air chaud ,
n'eft pas attaqué des maladies appropriées au
tempéramment bilieux . Mais fi à ce tempérament
fe joignent un climat chaud , un tems chaud ,
l'âge de puberté , & l'ufage des alimens chauds ,
alors les maladies qu'on attribue ordinairement à
ce tempérament , ne manqueront pas de fe développer.
Enfin , de tout ce que nous avons rapporté , it
faudra conclure que les remedes * doivent être
* Ce que dit ici M. Hoffman ne conclud rien
JANVIER. 1750. 209
différens felon la nature des climats , des tempé
ramens & du régime ; & que les mêmes remedes
ne peuvent pas avoir lieu dans une grande
abondance de fang , dans fon mouvement accéléré
& véhément , dans fon mouvement tardif &
foible , en France , en Suede , en Allemagne ;
& qu'il faut traiter autrement ceux qui vivent
groffiérement , & autrement ceux qui font bonne
chere. D'où l'on voit clairement que ceux qui
ne parlent que d'une médecine univerfelle , ne
connoiffent point le génie de notre art , & qu'ils
doivent être mis au nombre des ignorans & des
impofteus. Car le fin de notre art confifte à diftin
guer les tempéramens des hommes , les caufes
des maladies , les vertus des remedes , & à regler
leur ufage felon la différence des tempéramens
& des caufes des maladies.
A toutes ces obfervations générales , il faut
joindre celles qui ont été faites fur les maladies
qui ont paru en différens tems fous divers climats ,
dans de différentes conftitutions de l'air , & relativement
à l'âge , au fexe , au tempérament des
malades, C'eft pour cela fans doute que M. Bouillet
a inféré dans les élémens de médecine pratiqué
, le premier & le troifiéme livre des maladies
épidémiques , qu ' Hippocrate nous a laiffés , & l'abrégé
des épidémies de du Baillou ; mais comme
9
contre la méthode générale & raisonnée que M.
Bouillet a adoptée dans les élémens de médecine pratique
, & qu'il veut qu'on fuive dans tous les tems
fous tous les climats & à l'égard de tous les malades..
Pour s'en convaincre , on n'a qu'à lire fa differtation
en forme de lettre inférée dans le fecond tome de fes
élémens pag. 16 & ſuiv. & fon mémoire inféré dans
Le même tom. pag. 56 &ſuiv.
210 MERCURE DE FRANCE.
fes occupations ne lui ont pas permis de les traduire
en François , nous avons cru M. Laplace &
moi que les jeunes Médecins en verroient avec
plaifir une traduction qui paroîtra par parties dans
le Mercure , fi M. Remond trouve à propos de
l'y inferer.
C'eft en lifant avec attention toutes ces obfervations
, en les comparant avec celles qui ont été
faites dans le dernier fiécle & dans celui - ci , & en
Jes foumettant à une faine théorie , qu'un jeune
Médecin peut efpérer d'acquérir enfin le génie de
l'art , & d'en faire une jufte application dans la
pratique.
LETTRE
De M. Fraiffe , Docteur en Médecine de la
Faculté de Montpellier , à M. Brouzet
Docteur de la même Faculté , & Médecin
des Hôpitaux du Roi à Fontainebleau
écrite de Béziers le 30 Novembre 1749.
?
E vous aurois déja communiqué , Monfieur ,
quelques remarques que j'ai faites fur la maladie
épidémique qui a régné à Fontainebleau ce
Printems paffé , & dont vous avez donné la defcription
dans le Mercure du mois d'Octobre , fi
j'avois pu vous les envoyer par toute autre voie
que par le Courier , auquel je n'ai pas ofé les remettre
à caufe de la groffeur du paquet. Mais
vous les verrez dans le Mercure , à M. Remond
de Sainte Albine juge convenable de leur
y donner place. Vous y verrez auffi ce que.
JANVIER. 1750. 217
nous avons entrepris M. Laplace & moi pour
fervir de continuation au traité des fiévres que M.
Fizes a donné en Latin , & que M. Bouiller le fils
traduir en François. Car , comme vous fçavez ,
Monfieur , prefque toutes les maladies épidémiques
font des fiévres ou des maladies accompa
gnées de fiévre , & rien ne peut mieux nous conduire
à la connoiffance du caractere de ces maladies
qu'une bonne théorie de la fiévre . A ce ſecours
fi l'on joint la connoiffance des faits , je
veux dire , fi l'on a l'hiſtoire de toutes ces maladies
préfente à l'efprit , on entrera bien plus ai
fément dans les voies que fuit la nature pour leur
production, & dans les moyens qu'elle veut qu'on
employe pour leur traitement . Négliger ces fecours
, c'eft s'expofer à être toujours jeune dans
la pratique , car nous pouvons fort bien appli
quer à ce fujet ce que difoit autrefois Ciceron à
Pégard de l'Hiftoire en général , nefcire quid antea
quàm natusfis , acciderit , id eft femper effe puerum.
Vous comprenez fans doute , Monfieur , que
nous ne prétendons pas nous borner à la traduction
des épidemies d'Hypocrate & de du Baillou , &
que comme nous avons deffein de donner une
hiftoire abrégée des maladies épidémiques qui
ent regné en Europe depuis un fécle , c'eft à - dire,
depuis 1650 , juſqu'en 1750 , avec des remarques
que M. Bouillet le pere nous a promiſes fur la nature
& le traitement de ces maladies , vous pouvez
nous aider dans notre entreprife ; vous n'êtes
pas éloigné de Paris , & vous y faites de tems en
tems quelque féjour. Il ne vous fera pas difficile
d'y trouver des livres qu'il nous eft impoffible de
recouvrer ici. Une analyfe détaillée du Commensarium
Nofoligicum , de Wineringham , & des Ob
212 MERCURE DE FRANCE.
"
fervationes de aëre & morbis epidemicis du Docteur
Huxham , nous feroit grand plaifir , & vous pourriez
nous en faire part par le moyen du Mercure
fi M. Remond veut bien le permettre . Nous ferions
auffi bien aifes de connoître plus particuliérement
Pouvrage du Docteur Sotergill , dont on a
donné une traduction en François. Je crois pouvoir
vous dire qu'en nous obligeant . , vous obligerez
aufli bien d'autres Médecins . Je fuis , & c .
Vous ferez peut- être bien aife d'apprendre que
M. Carballe a entrepris la traduction du Traité des
Tumeurs , que M. Fizes a donné en Latin .
張潔潔淡淡洗洗洗:洗洗洗選
ARRESTS NOTABLES.
ARREST du Confeil d'Etat du Roi , du 13
Septembre , qui ordonne que les Fabriquans
d'Elbeuf & autres , qui feront reteindre des drapss
feront tenus de laifler une Rofette du premier
pied de la teinture de ces draps , & c .
AUTRE, & Lettres Patentes fur icelui , Regiftrées
en la Cour des Aides , des Août 1748 &
4 Novembre 1749 , pour l'Echantil des Mèfures
dans les petites Gabelles .
AUTRE du 7 Novembre , rendu en interprétation
de l'Edit du mois d'Avril 1749 , au ſujeɛ
des Expéditions qui doivent le faire dans les
Chancelleries Préfidiales.
AUTRE des 12 Novembre & 9 Décembre
1749 , Portant exemption de tous droits d'en
JANVIER. 1750. 213
trée & locaux , dépendans des cinq groffes Fer
mes ,fur les laines non filées , les cotons en laine ,
les chanvres & lins en maffe & non apprêtés ; les
poils de chameau & chevreau , & les poils de chévre
, filés & non filés , venans de l'étranger dans
le Royaume, ou qui pafferont d'une Province dans
une autre , à commencer dn premier Janvier 1750 .
ORDONNANCE du Roi , du s Novembre
, portant une nouvelle réduction dans les dou
ze Compagnies du Régiment des Gardes Suiffes .
AUTRE , du 13 , qui enjoint expreffèment
au nommé Mathurin Charrier , exerçant la pro
feffion de Maître d'école à Painbeuf, de fortir dudit
lieu , & lui défend d'habiter dans aucune Ville
ou Bourg, diftant du moins de fix lieues des Côtes
maritimes du Royaume , fous peine de défobéif-
Lance.
ARREST du Confeil d'Etat du Roi , du 23,
portant étabiffement d'un Bureau de contrôle dans
la Ville de Saint Jean Pied-de- Port.
ORDONNANCE du Roi , du 29 , concernant
les Compagnies franches de la Marine.
.
AUTRE , du 6 Décembre , pour augmenter
les payes de gratification , l'indemnité de la perte
fur les efpéces & l'Etape aux recrues des Compa
gnies des neuf Régimens Suiffes & Grifons,
214 MERCURE DE FRANCE.
AVIS AU PUBLIC.
A.Fontaine de GABIAN , fi renommée par
Lon Huile Pétrole , étoit prefque entière.
ment tarie depuis quelques années par le peu de
foin qu'on avoit pris de l'entretenir & d'y faire les
réparations néceffaires ; lorfque Monfeigneur l'Evêque
de Beziers , Seigneur de Gabian , voyant
à regret que le Public alloit être fruftré du fecours
de cette Huile merveilleufe & fpécifique pour
bien des maladies , n'a rien négligé pour remettre
cette Fontaine en état. Il a eu la fatisfaction
de voir que les dépenfes qu'il y a faites , avoient
produit tout l'effet qu'il pouvoit fe promettre ; &
comme il a été inftruit que ceux qui étoient chargés
de la vente de cette Huile Pétrole , ne ſe faifoient
pas un fcrupule de la falfifier par le mêlange
d'autres Huiles qui en affoibliffoient la vertu , il
a pris de juftes mefures pour éviter à l'avenir une
pareille fupercherie . Pour cet effet, ce Prélat ayant
choifi une perfonne de confiance & d'une fiélité
éprouvée , il lui a donné charge de prendre garde
que cette Huile foit ramaffée avec toute l'exactitude
poffible : il l'a chargée de plus de la mettre
dans des Bouteilles de différente grandeur pour la
commodité de ceux qui en voudront acheter une
grande ou petite quantité , de fceller lefdites Bouteilles
du Sceau de fes Armes , & de figner l'étiquette
qui fera mife fur chaque Bouteille . Au
moyen de cette précaution , on fera fûr d'avoir
de la véritable Huile Pérrole , fans mêlange d'aucune
autre Huile , & telle qu'elle vient naturellement
de fa fource.
Pour ce qui eft des rares vertus & des propriétés
admirables de cette Huile , on n'en fera pas
JANVIER. 1750 215
"
ici une exacte énumération ; on ſe contentera feulement
d'en indiquer les principales , & de prefcrire
la maniere de s'en fervir utilement.
Elle appaife , lorsqu'on la fait chauffer & qu'on
l'applique fur la partie , les douleurs de Goute &
de Sciatique.
Si l'on en fait couler quelques goutes dans les
oreilles , elle guérit la furdité caufée par quelque
humeur froide.
Elle eft fouveraine pour les maladies contagieufes
, & c'est un des plus excellens préſervatifs
contre la pefte .
Elle guérir les fiévres quartes & quotidiennes :
il n'y a pour cela qu'à en mettre dans du vin ou
dans du bouillon une dole proportionnée au fexe ,
à l'âge & au tempéramment du malade , & réïterer
la prife pendant quelques jours .
Elle guérit encore la colique , quelquefois
par la ſeule application , fort fouvent lorsqu'on la
fait entrer dans un cliftere , prefque toujours
quand on en avale une certaine quantité , une
cuillerée, par exemple , mêlée avec une pareille
„quantité d'huile d'amandes douces.
Elle tue les vers , mêlée avec le jus d'une
orange ou d'un citron .
Elle eft fpécifique pour les encloueures des
chevaux.
On l'employe utilement pour la brûlure , les
playes & les douleurs de nouvelles accouchées .
Si l'on en frotte les gencives , elle appaife fur
le champ la douleur des dents.
Elle fortifie l'eftomach , & emporte les crudités
& les rapports caufés par de mauvaites digef
tions. C'eſt un grand remede contre la diffenterie.
Enfin elle eft fouveraine pour tout ce qu'on
appelle contufion , foulure , diſlocation , &c.
38
Até de conferver à la poftérité le détail des pro
cédés des Artiſtes ,
La Ville de Boulogne à M. le Comte de Treffan ,
Lieutenant Général des Armées du Roi , & cidevant
Commandant du Boulonnois , Ode par
M. Chabaut , de l'Oratoire ,
4.0
45
A M. de la P ... par M. de Voltaïre , en lui eirvoyant
un Exemplaire de Sémiramis ,
A Mile Lionnois , danfant dans l'Opéra de Zoroaftre
, fous l'habit de la Haine , Air , ibid.
Defcription d'une Pendule à équation , inventée
par le Sieur Vincent ,
Thirfidis querela ,
45
53
57
Ad Romanos bellum civile meditantes , Paraphrafts
Horatii Odes : Quo , quò fcelefti ruitis , &c.
Difcours prononcé par M. Brallet , à fa maifon de
campagne , à l'occafion des Piéces de Théatre ,
qui y ont été repréfentées pendant l'Automne, 57
A Mad, la Marquife de **. L'Art & la Nature , 61
A Mad . P ** ibid.
Verfion de l'Epigramme de Boileau : Ton Oncle ,
dis - tu , l'aflaflin , &c. 1 62
Vers pour mettre fur la porte de l'Hôpital de
· la Trinité , 638
ibid.
Lettre à l'illuftre Philarete ,
Vers préfentés au Roi , pendant fon féjour à Fontainebleau,
un jour que Sa Majefté chaſſoit , 76
Allégorie à Mlle L .....fur la peur qu'elle eut à
une chaffe de M. le Duc & de Mad, la Ducheffe
78
de **
Epithalame
,fur le mariage
de M. R.... & de Mlle M.... par M. Pafcal , Capitaine
au Régiment
de Piémont
,
80
A M. Autreau , de l'Académie Royale de Peintu-
.re, & qui peint MII ....Quatrain ,
Réponse aux Obfervations de M. Walter , Auteur
81
du voyage autour du monde , du Lord Anfon ,
fur quelques longitudes des Côtes de l'Améri
que Méridionale , affignées par M. Frezier dans
fa Relation du Voyage de la mer du Sud ,
A M. Remond de Sainte Albine ,
82.
93
Le Frelon , Eable Allégorique à M. D. L. R. L. 94
Ode de M. L. fur la mort de fon Epoufe y5
Lettre de M. Pinard , Docteur en Médecine , Aggregé
au Collége des Médecins de Rouen , &
Membre de l'Académie des Sciences , Arts &
Belles Lettres de la même Ville , à M. A. Docteur
en Médecine , fur une affection hystérique
finguliere ,
Epitaphium
102
113
Mémoire fur les Barres magnétiques , & les aimans
artificiels , inventés par M. Gowin Knight,
Docteur en Médecine , & Membre de la Société
Royale de Londres ,
Poëme fur la vengeance , pa. M, Bafton de Ker-
· bel ,
115
132
Séance publique , tenue le 12 Novembre 1749 ,
par l'Académie Royale des Sciences ,
--
136
Mots de l'Enigme & des Logogryphes du fecond
volume du Mercure de Décembre ,
Enigme & Logogryphes ,
Nouvelles Litteraires , des Beaux- Arts , &e.
Eftampe nouvelle ,
148
149
153
188
Differtation de M. Mertrud, Chirurgien Ordinaire
du Roi , Juré à S. Côme , de l'Académie Roya .
le de Chirurgie , & Démonftrateur en Anatomie
& Chirurgie au Jardin du Roi , au fujet de
P'Hermaphrodite repréſentée dans ladite Eſtampe
,
Le Paffant & la Tourterelle , Air tendre ,
Spectacles ,
1899
124
ibid.
France , Nouvelles de la Cour , de Paris ,&c. 195
Naiffance , Mariage & Morts ,
198
Enumération des Maladies les plus ordinaires à
chaque tempérament , avec des refléxions fur
les moyens d'entrer dans l'efprit de la Médeci
ne pratique par M. Fraiffe , Docteur en Médecine
de la Faculté de Montpellier , 203
Lettre du même à M. Brouzet , Docteur de la même
Faculté , & Médecin des Hôpitaux du Roià
Fontainebleau , écrite de Béziers le 30 Novem
bre 1749,
Arrêts notables ,
Avis fur la Fontaine de Gabian ,
210
112
214
Autre fur l'Elixir de M. le Général de la Mothe
,
La Chanfon notée doit regarder la page
De l'Imprimerie de J. BULLOT.
216
194
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI.
FEVRIER. 1750.
LIGITU
SPARCAM
Chez
Papillon
A PARIS ,
средиац
ANDRE' CAILLEAU, rue Saint
Jacques , à S. André.
La Veuve PISSOT, Quai de Conty,
à la defcente du Pont- Neuf,
JEAN DE NULLY , au Palais,
JACQUES BARROIS , Quai
des Auguftins , à la ville de Nevers.
M. D C C. L.
Avec Approbation & Privilege du Roi.
A VIS.
L'AM. DE CLEVESD'ARNICOURT,
'ADRESSE générale duMercure eft
rue des Mauvais Garçons , fauxbourg Saint
Germain , à l'Hôtel de Mâcon. Nous prions
très - inftamment ceux qui nous adrefferent.
des Paquets par la Pofte , d'en affranchir le
Port , pour nous épargner le déplaifir de les
rebuter, & à eux , celui de ne pas voir paroître
leurs Ouvrages.
Les Libraires des Provinces ou des Pays
Etrangers , qui fouhaiteront avoir le Mercure
de France de la premiere main , &plus promptement,
n'auront qu'à écrire à l'adreſſe ci-deffus
indiquée ; on fe conformera très - exactement à
leurs intentions.
Ainfi il faudra mettrefur les adreffes à M.
de Cleves d'Arnicourt , Commis au Mercure
de France , rue des Mauvais Garçons , pour
remettre à M. Remond de Sainte Albine.
PRIX XXX. SOLST
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI.
ન
FEVRIER.
1750 .
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe .
SEANCE PUBLIQUE
De l'Académie de Montauban.
'Académie des Belles- Lettres de
Montauban célébra , felon fa
coûtume , le 25 Août , la Fête
de Saint Louis. Elle aflifta le
matin à une Meffe , qui fut fuivie de
-l'Exaudiat pour le Roi , & du Panégyrique
du Saint , prononcé par Dom Gallias ,
Benedictin. L'Après midi elle tint fon
affemblée publique dans la falle de l'Hôtelde-
Ville , & M. d'Aumont , Procureur
A ij
4 MERCURE DE FRANCE.
Général de la Cour des Aides , Directeur
de l'Académie , ouvrit la Séance par un
Difcours où il prouva qu'il n'eft point de
meilleur Magiftrat que l'Homme de Lettres.
Ses preuves porterent en général fur les
fecours que fourniffent les Lettres pour
remplir dignement les diverfes fonctions
de la Magiftrature. » Le vulgaire s'imagine
» que l'étude eft incompatible avec les
grands emplois ; qu'elle prend trop fur
» un tems deſtiné aux foins de la Répu-
» blique , & il ne s'apperçoit pas , dit
M. d'Aumont , que c'eft précisément dans
le fein de l'étude que l'homme public
puife les lumieres , la force , la jufteffe du
raiſonnement , & le talent de la parole
dont il a fi fouvent befoin. » Rien de plus
» beau que de le voir affis fur un Tribunal,
» contre lequel vont fe brifer les paffions
» & les préventions des hommes ; d'où
partent des oracles qui terminent les
» differends , & rendent à chacun ce qui
» lui appartient . Mais les ténébres font
» autour de ce Tribunal ; il eft environné
» des trahifons & du menfonge ; les Loix
»faites pour les écarter , ne font fou-
» vent que les favorifer : ou l'on en déguife
l'efprit , ou l'on en fait de fauffes
applications , &c. Envain on feroit né
» avec de l'efprit & une probité naturelle ;
"
"
FEVRIER.
1750.
» fans le fecours des Lettres , on ne diftin-
» guera point les fauffes lueurs d'avec les
» véritables clartés ... Celui qui eft maî-
>> tre en l'Art de la parole , en connoît
» tous les détours ; la fauffeté des principes
» ou des conféquences ne lui échappe
»pas.... Auffi l'oppreffion & l'artifice
craignent de le voir parmi les Juges.
» Combien de fois n'a- t'il pas ramené
dans la bonne voie une Compagnie en-
» tiere ... La juftice & l'équité trou-
» vent en lui un défenfeur éclairé , qui
» foutient leur caufe avec cette force &
>> cette modération , feules capables de
"
perfuader. Son opinion ne porte aucun
» des caractéres de la prévention ni de l'a-
» mour- propre. La facilité avec laquelle
il la quitte pour une meilleure qu'on
lui propofe , prouve qu'il eft exemt de
» ces foibleffes... Lorsqu'il prononce fes
jugemens ; malgré la barbarie des termes
» dont il eft forcé de faire ufage , la clarté
» de fa diction ôte toutes les reffources de
» la chicane.
"
Quels nouveaux objets fe préfentent au
Magiftrat , ajouta M. d'Aumont ? » La
"foif del'or , l'ambition & la vengeance
» marchent fur la terre , précédées du fer
» du poifon & de la mort... Le vengeur
des Loix va paroître , & les coupables
ร
A iij
6 MERCURE DE FRANCE.
» tomberont bientôt fous le glaive de la
» Juftice. Mais pour s'affairer ici le fuccès
& pour éviter toutes les fautes , il eft nécefaire
que ce Magiftrat fçache allier la
promptitude dans l'exécution , » ſi néceſ,
» faire aux grands maux , avec la lenteur
» que demande la recherche de la vérité ;
diftinguer la nature des crimes & les
" motifs qui les ont fait commettre ; dé-
» voiler ces affreux myftéres que le crimi-
»
"9
nel , & fouvent les témoins , ont tant
» d'intérêt de cacher ; employer à propos
» la douceur ou la févérité. Pour remplir
ces devoirs quelle variété de connoiffances
ne faut- il pas au Magiftrat ? » Peut- il
»fe flatter de les trouver dans fon propre
fonds ? M. d'Aumont obferva que la
préfomption eft le partage des efprits
» médiocres... Elle ne confulte point ,
» elle entreprend hardiment , elle exécute
» avec violence. L'orgueil qui la fuit , eft
» avide d'éloges , de diftinctions , de ref-
" pects , capable d'envie & de jaloufie....
22
Malheur aux Juges qui ne cherchent
" pas à s'en garantir par l'étude des Belles-
" Lettres ! Elles leur donneroient des con-
»feils que perfonne n'ofera leur donner...
A mefure qu'ils acquereroient des
→ connoiffances , ils s'appercevroient com-
» bien il leur en manque ; par les erreurs
FEVRIER. 7 1750.
où ils ont été , ils jugeroient de celles
» où ils peuvent tomber encore , & ils re-
» connoîtroient la néceffité de douter &
» de confulter. Les Lettres feroient en
eux ce qu'elles font tous les jours fur les
» Nations entieres ; elles font équitables ,
» à proportion feulement qu'elles culti
» vent les Beaux Arts... Un Magiftrat
formé par les Belles Lettres , eft non ſeu-
>> lement inacceffible à la préfomption , il
eft encore , felon M. d'Aumont , » au-
» deffus de cette baſſe jaloufie qui cherche
» à diminuer l'éclat des talens; de ces puif-
» fantes follicitations qu'on n'employe
» que pour flatter la vanité ; de ces éloges
" outrés , de ces applaudiffemens déplacés
qui prouvent la baffeffe de celui qui les
» donne & fon peu d'eftime pour celui
qui les reçoit ; de ces diftinctions nou-
» velles & fingulieres que la fervitude
prodigue pour le corrompre , & de cet
efprit d'envie & de parti , dont les fuites.
» font fi funeftes à la Justice.... C'est
ce qui le rend capable d'oppofer aux
obftacles qu'il trouve quelquefois fur fes
pas »cette mâle fermeté qui ne craint
" ni le blâme , ni les difgraces , ni les dan-
"gers... Muni de cette faine Philofophie
» qui eft inconnue à la multitude , & qui
caractérifa toujours les grands Hom-
99
03
>
A iiij
8 MERCURE DEFRANCE.
» mes... il voit fans émotion ces qualités
» fouvent transformées en vices odieux
»
و د
ן כ
"
ود
par la malignité du public... Il connoît
» affez les hommes pour avoir prévu ce
qu'il éprouve de leur part. Il fçait que
c'eft encourir leur difgrace que d'ofer
>> mettre un frein à leurs paffions : mais
» dans les fources où il a puifé ces connoif-
» fances , il a appris que la vertu , lorſqu'il
s'agit de la justice , facrifie pour elle jufqu'à
fa propre réputation , & que plus
» elle lui fait de facrifices , plus elle rem-
" porte de victoires... Les exemples vinrent
ici à l'appui des maximes , & notre
Hiftoire fournit à M. d'Aumont de quoi
prouver , » qu'on doit , qu'on peut per-
» dre fes biens , fon rang , fa vie , plutôt
» que d'être infidéle à l'Etat & à fon Roi.
Mais il fit remarquer en même tems , que
ces preuves font tirées de la conduite de
ces Magiftrats célébres qui furent dans
» leur fiécle le foutien , & comme les- Pro-
» tecteurs de la Littérature... Un autre
portrait bien frappé dans le Difcours dont
on rend compte , c'eft celui du Magiſtrat
que les circonftances engagent à porter
aux pieds du Trône les voeux & les befoins
des peuples. L'Auteur y montra fenfiblement
, que dans ces occafions également
importantes & délicates , il eft réFEVRIER.
1750 . 9
fervé aux Belles-Lettres de fournir à la
vérité , au refpect , au courage & à l'obéiſfance
, les expreffions les plus nobles , les
plus vives & les plus touchantes .
Pour fuivre le Magiftrat dans toutes les
fonctions , M. d'Aumont le confidéra encore
» dans ces places , où le pouvoir d'or-
» donner eft joint à celui d'exécuter , &
»ou particulierement chargé du foin de
» Provinces entieres , il décide fouvent
» lui feul de la fortune & du bonheur de
» leurs Habitans . Il remarqua que les Ro-
>>mains confierent les premiers emplois
» de la République , le gouvernement des
>> Provinces , aux Scipions & aux Cice-
"rons ; que l'Ecole Gauloife du Palais de
Tréves fourniffoit les Officiers de l'Em-
>>pire & ceux du Confeil de l'Empereur.
Politique admirable , qui foutenoit les
» talens par les dignités , & les dignités par
» les talens ! Sans cet heureux affemblage,
» comment remplir les devoirs qu'elles
» impofent & éviter les écueils qu'elles
multiplient ? Les uns font fi près des au-
» tres , qu'il eft aifé de s'y méprendre. La
fuppreffion des abus , l'avancement des
» Arts , le maintien de l'autorité , le bien
public lui même , tout a fes bornes ; le
plus grand mal qu'on puiffe faire , c'eft
» de les paffer. Il y a fans doute encore
»
23
A v
ΤΟ MERCURE
DE
FRANCE
.
"
ן כ
»
des abus dans les fociétés les mieux réglées.
C'eft un projet digne d'éloge que
de vouloit les corriger... Mais avant que
» de couper , avant d'arracher. ce qui fub-
»fifte depuis fi long- tems par un confentement
général & unanime , que de cho
»ſes à confidérer . ... L'homme en place
a tous les moyens de procurer l'avancement
des Arts... Malgré les recherches
» éclairées des anciens , il refte encore des
» découvertes à faire , & à retrouver cel
» les que les révolutions & les tems nous
» ont enlevées . Il eft beau de réaffir à l'un
» ou à l'autre , & de donner à un Pays le
» travail & l'abondance . Cette ambition
» fi noble peut cependant nous cacher de
grands vices. Nous croyons la fuivre ,
& nous ne fuivons qu'un vain amour
» de la nouveauté.... Si la connoiffance
de la faine antiquité n'empêche pas le
Magiftrat qu'elle a inftruit , d'effayer.de
» trouver mieux qu'elle , on le voit du
» moins , après qu'il a cherché vainement ,
>avouer fon erreur & revenir fur fes pas
fans crainte de fe compromettre . Une
» telle crainte ne faifit pas les génies du
premier ordre... Enfin M. d'Aumont ,
après avoir indiqué plufieurs autres reffources
que le Magiftrat ne manque pas de
trouver dans l'étude pour l'exercice de
...FE VRIER. 1750. II
Les fonctions , conclut par une derniere
preuve bien fenfible , en difant , » que les
Richelieu , les Seguier , les Dagueffeau,
» Protecteurs des Sçavans , converfant
» tous les jours avec eux , veillant fur la
» Littérature , ainfi que fur l'Etat , mon-
» treront à tous les âges l'utilité des Let-
» tres pour le Gouvernement des peuples.
M, de Bernoi lut enfuite une Ode dans
laquellee il chante les travaux , la paix &
l'innocence de la campagne. Voici quelques
ftrophesdecette Ode :
» C'est dans ce calme heureux , c'eſt dans la
folitude ,
Qu'affranchi déformais de toute inquiétude ,
" Le fage vit pour lui.
Les tyranniques droits des préjugés , des modes,
» A la faine raiſon décences incommodes ,
N'y verfent point l'ennui.
·
» Mais que vois-je ? Au travail tout s'emprefe
avec joye.
» Les uns vont arracher la parafite ivroye
»Des préfens de Cerès ;
D'autres , pouffant le foc, fur la fertile plaine ,
Rouvrent à pas tardifs pour la moiffon prochaine
» L'écorce des
guerets.
A vj
12 MERCURE DE FRANCE.
ל כ
Quand au déclin du jour une époufe atten
tive
Dreffe un repas frugal des plantes que cultive
» L'époux tendre & chéri ,
" Leurs jeunes rejettons par un fecours.utile
Soignent , en fe jouant , le précieux reptile
» Du feul mûrier nourri.
Cette lecture fut fuivie de celle d'un
Difcours de M. de Savignac, Préfident du
Préfidial. Il fit voir que l'étude des Belles-
Lettres demande beaucoup de fageffe & de
fermeté de la part de ceux qui s'y attachent
par rapport aux travaux , aux facrifices
& aux contradictions qui en font
inféparables . » Le travail de l'efprit eft ,
dit - il , » un des plus pénibles auquel
l'homme puiffe être affujetti. Il lui ravit
» non feulement la liberté , mais il épuife
» fes forces , & fes fens font moins acca-
» blés de l'exercice violent du corps , que
fon efprit ne l'eft de cette néceffité habi-
» tuelle où il fe trouve de penfer , de prò-
» duire , & de varier fans ceffe fes opéra
» tions. M. de Savignac , après avoir
couru les divers genres de travail aufquels
eft obligé de fe dévouer quiconque s'engage
dans la carrière des Lettres , continua
ainfi » Dans cette fituation accaparFEVRIER
. 1750 . 13
39
30
39
33
blante , l'homme deviendroit, n'en dou-
» tons point , la victime de fa foibleffe ,
» s'il ne fe faifoit un devoir de fe roidir
» contre une étude ingrate qui l'épuife
>> fans le fatisfaire ; s'il n'oppofoit à ces
,, mouvemens intérieurs de défiance & de
» timidité, qui l'agitent à la vûe des écueils
aufquels il eft expofé, une mâle vigueur
» qui empêche l'efprit de tomber dans le
découragement , une vigilance qui le
garantit des langueurs fi contraires à ces
» progrès , un courage noble & conftant ,
qui le foutient dans les recherches ....
» Hommes nés dans ces conditions où l'on
» vous entend quelquefois murmurer con-
> tre la Providence, à la vue des peines aufquelles
vous êtes foumis ; qui regardez
» d'un oeil jaloux les autres états,&particu-
» liérement celui de l'homme de Lettres :
→ ceffez d'envier fes jours comme plus for-
» tunés que les vôtres. Vous vivez , il eſt
vrai , courbés fous le poids d'un travail
» que la néceffité vous rend plus rigoureux
; mais il ne vous ravit du moins ni
» la liberté de l'efprit , ni la tranquillité
» du coeur .. Les momens mêmes où
» l'Artiste redouble des efforts qui femblent
devoir l'accabler , font ceux où on
» le voit raconter avec le plus de fatisfaction
à fes enfans chéris les differens
30
骂
39
14 MERCURE DE FRANCE.
progrès de fon Art , les inftruire de fa
" nobleffe & de fon utilité ; & jamais le
Laboureur ne paroît chanter fes amours
» avec plus de complaifance & de goût
» que dans ces inftans où il eft le plus occupé
du foin de recueillir les fruits d'une
» abondante moiffon.
""
"
"
M. de Savignac ne laiffa
pas d'avouer
que les honneurs réſervés à l'homme de
Lettres font auffi Aatteurs que folides , &
qu'ils ont par là de quoi le dédommager de
fes travaux & de fes facrifices; mais il ajoûta
que ces mêmes honneurs l'expofent d'ordinaire
aux fureurs de l'envie ou de la jaloufie
; qu'il a d'ailleurs à lutter fans celle
contre les caprices injuftes du Public , ou
» contre le mauvais goût qui s'élevant
» quelquefois dans la Littérature , comme
une vapeur maligne , en corrompt l'air
» le plus pur , y répand les plus épaiffes
» ténébres. Malheur à l'Ecrivain qui pa-
» roît fur la Scéne dans ce tems de preftige
» où l'on voit fuccéder à l'amour du fimple
, du naturel , l'amour du fleuri , du
merveilleux ; où pour plaire , il faut
» moins s'attacher à perfuader l'efprit
» qu'à le flatter , où le ſtyle , l'élocution ,
» ne font plus qu'un compofé bizarre de
» figures hardies, de métaphores outrées ;
» où enfin pour furprendre & pour être
"
»
FEVRIER. 1750. 15
و ر
applaudi , il faut compofe ou parler
» d'une maniere à n'être pas entendu ....
»Heureufe la République des Lettres ,
fr tous ceux qui s'engagent dans les
» differentes routes ouvertes au génie , ne
s'y expofoient qquu''aapprrèèss en avoir prévu
» tous les inconvéniens , & s'être armés
» de la fermeté néceffaire pour les vaincre!
"Les chûtes y feroient moins fréquentes,
» les triomphes plus glorieux aux vain-
» queurs , & plus utiles aux progrès des
»
talens.
M. Le Frane , Premier Préfident de la
Cour des Aides , toujours occupé des travaux
hiftoriques de l'Académie , qui ont
pour objet la Ville de Montauban , & les pays
dont cette Ville, toute moderne qu'elle eft , devient
en quelquefaçon la Capitale , lut des
conjectures fur le tems où une partie du
pays , appellé aujourd'hui le Rouergue , fut
nnie & incorporée à la Province Narbonnoife.
Un paffage des Commentaires de
Céfar a occafionné les recherches dont
nous allons rendre compte . » Céfar parle
» de l'invafion que Luterius , homme puif
» fant & accrédité, natif de la Ville ou du
» territoire de Cahors , fe difpofoit à faire
» dans la Province Romaine , du côté de
Narbonne , & continuant la narration , il
» ajoûte , Qua re nunciatâ , Cafar omnibus
16 MERCURE DE FRANCE
confiliis antevertendum exiftimavit, ut Nar
bonem proficifceretur ; eò cum veniffet, timentes
confirmat , prafidia in Ruthenis Provin
cialibus, Volcis Arecomicis , Tolofatibus,cir_
cùmque Narbonem , quæ loca erant hoftibus
finitima, conftituit. *
20
"
»
Quels font ces Ruthenes Provinciaux,
demanda M. le Franc ? » Faifoient- ils ori-
» ginairement partie de la Narbonnoiſe ,
& par qui furent- ils affujettis aux Ro-
» mains Les Auteurs de la précieuſe col-
» lection des Hiftoriens des Gaules paroif-
»fent croire avec Dom Vaiffette , à qui
nous devons l'excellente Hiftoire du
Languedoc , que les Ruthenes Provin-
» ciaux étoient ceux de ce pays, que Céfar
» avoit incorporés à la Province Romaine,
» après les avoir vaincus ,
& que
les- peuples
du même canton , qui s'étoient fou-
» mis de bonne grace à ce Conquérant ,
» avoient été maintenus par lui dans leur
»ancienne liberté , & en jouiffoient fous
» le nom d'Eleutheres ou libres . Mais
ajoûta M. le Franc,& il le démontra par les
Commentaires de Céfar , » les Ruthenes
» quoique défaits par Fabius , ne furent
» point alors unis à la Province Romaine,
ni par conféquent foumis au droit Provincial
; & quand Céfar arriva dans les
Gaules , quelques diftricts des Ruthenes
* De Bell. Gall. num. 7.
"
FE VRIER.
17 1750.
étoient déja enclavés dans le gouvernement
de la Narbonnoife . Ici M. le Premier
Préfident fit un précis des Commentaires
de Céfar , jufqu'à l'endroit où ce grand
homme nomme les Ruthenes Provinciaux.
» C'eft du fond des chofes mêmes , dit
» M. le Franc , que l'on doit tirer les opi-
" nions . Toute autre maniere de traiter
» un point critique , eft fujette à de gran-
»des erreurs. On fe perd dans les citations ,
» & l'on ne prouve rien. Il remarqua donc
que les premiers exploits militaires de
Céfar dans les Gaules , farent contre les
Sniffes ; qu'il défit enfuite Ariovifte ; que
dans cette premiere campagne où il termina
deux guerres importantes , il n'eut
à fe défier ni à fe plaindre d'aucune Nation
Gauloiſe ; qu'au contraire , après les
victoires remportées fur les Suiffes , prefque
toutes les Nations Gauloifes l'en féliciterent
par Députés ; que lorfque les Belges
qui faifoient , fuivant Céfar , la troifiéme
partie des Gaules , confpirerent
contre les Romains , aucun des peuples
compris entre la Garonne , le Rhône & la
Loire ,ne fe déclarerent encore contr'eux ;
que P. Craffus, envoyé pour empêcher que
les Aquitains ne donnaffent du fecours
aux autres Gaulois, raffembla les meilleurs
foldats de Toulouſe , de Carcaſſonne & de
18 MERCURE DE FRANCE:
Narbonne , & marcha contre les Sociates
qu'il força à fe rendre & qu'il défarma ;
que fes troupes victorieufes s'avancerent
vers le Bazadois & le Turfan ; que les
Aquitains, faifis de terreur , fe rendirent
pour la plupart aux Romains , & que tout
ce qui eft depuis le Bazadois jufqu'aux
Pyrénées , entre la Garonne & l'Océan
obéit au vainqueur ; que dans la guerre
avec les Germains , Céfar n'eut rien à démêler
avec les Gaulois ; qu'il joua au contraire
, en politique Romain , le rolle de
Protecteur , s'oppoſant fans relâche aux
invafions des Etrangers , ou à leurs projets
d'établiffement dans les Gaules ; qu'après
fa feconde expédition en Angleterre ,
les intrigues d'Ambiorix & de Cativulfe ,
excités eux-mêmes par Indutiomarus de
Tréves , obligerent Célar de tourner fes
armes contre plufieurs Nations des Gaules ;
mais que ce Général , en parlant de tou
tes les Provinces des Cantons , où il fut
contraint de faire la guerre par lui ou par
fes Lieutenans , n'oublia pas même ceux de
Tongres, quoiqu'ils fuffent affez peu dignes
de fon attention , s'il faut s'en rapporter à
ce qu'il dit de leur Ville. » Auroit-il paffé
fous filence , obferva judicieuſement M.
» le Franc , ceux des Ruthenes qu'il avoit
affujettis par la force au droit ProvinFEVRIER.
19 1750.
» cial : Ces peuples s'étoient affez fignalés
» dans les anciennes guerres . contre les
» Romains, pour mériter qu'on les nommât
parmi tant d'autres moins confidé-
" rables & moins célébres qu'eux . Je crois
» même qu'ajouter de nouveaux terri-
» toires à la Narbonnoife , & étendre
» par là le gouvernement de cette Pro-
» vince , étoit un des événemens dont
Céfar n'eût pas manqué de rendre.
» compte.
»
»
» La fermentation qui étoit dans la partie
Septentrionale des Gaules , dans la
❤ Gaule ultérieure, obligea Céfar de faire
» de grandes levées, & de redemander à
Pompée les foldats ue celui - ci avoit
rappellés de la Gaule Cizalpine. Il calma
» néanmoins pour quelque pour quelque tems les Nantions
qui étoient prêtes à l'attaquer, ceux
» de Sens & du pays Chartrain ; & libre
» de ce côté- là , il tourna fes armes contre
» Ambiorix & les peuples de Tréves . Bien-
" tôt après il convoqua à Rheims une Af-
» femblée générale de la Nation Gauloiſe.
On y fit des informations contre les
» Chartrains & les Sénonois . ... Rien en-
» core ne nous rapproche des Ruthenes.
» Ils n'agiffoient jamais que de concert
avec les Auvergnats , & ces derniers ,
» Nation formidable aux Romains , s'é20
MERCURE DE FRANCE:
#
» toient tenus tranquilles durant les fept
» premieres campagnes de Céfar. Le mo-
» ment critique arriva . Prefque toutes les
» Provinces s'unirent contre les Romains ,
» & coururent aux armes.Cette guerre fur
" entrepriſe & conduite de la part des en-
» nemis par Vercingetorix , jeune Seigneur
» Auvergnat, dont le pere avoit gouverné
toute la Gaule ...Vercingetorix s'attacha
» d'abord les Sénonois , les Parifiens , les Poi-
» tevins , les Cadurques , les Limousins , &
» tous les peuples voifins de l'Océan. Luterius
engagea lesRuthenes à fe joindre aux
Auvergnats. C'eft la premiere fois que
" les Ruthenes entrent en action dans les
» Commentaires de Céfar. Il les avoit
» nommés dans le premier livre , en rap-
» pellant les victoires de Q. Fabius Maxi-
» mus. Luterius, ayant auffi gagné les peu-
» ples de l'Agénois & du Gevaudan , fit
tous fes efforts pour pénétrer dans la
» Province Romaine, du côté de Narbonne.
Céfar , pour le prévenir , établit des
» garnifons dans les places voifines , furtout
dans la partie du Rouergue , qui
» étoit déja réduite en Province.
ל כ
» Il faut donc diftinguer les Ruthenes
» libres & faiſant corps avec le reste des
" Gaulois , & les Ruthenes Provinciaux
incorporés à la Narbonnoife ; les preFEVRIER.
1750 . 21
?
» miers , ennemis des Romains & unis
» avec toutes les Gaules pour la délivrance
de la Patrie ; les feconds , fujets de la
inclination République , fidéles par ou
و د
"
"
par crainte, Céfar ne les nomme que
quand il faut combattre les uns , & met-
» tre les autres à l'abri d'une invafion.
» Ceux - ci fe trouvent tout d'un coup
>> Provinciaux , fans qu'on fçache ni com-
» ment , ni pourquoi ..... Les Commen-
» taires de Céfar fur la guerre des Gaules
» font écrits avec tant d'ordre , d'exacti-
» tude & de détail , qu'on n'y peut rien.
» ſouſentendre ni fuppofer. Tout y eft
» éclairci. L'Auteur parle d'une infinité de
>> cantons & de villes dont les noms font
» aujourd'hui inconnus. Il rend compte
» des moindres actions , de l'envoi de fes
35
›
» troupes dans differens
quartiers
, des plus
" petits combats
des détachemens
de
» fimples
Tribuns
, en un mot , de toutes
» les opérations
faites fous fes yeux ou par
» fes ordres , de quelque
nature qu'elles
» foient. L'acquifition
d'un nouveau
do-
» maine , furtout
dans les Gaules , n'étoit
point indifferente
aux Romains
. Céfar
» s'en feroit fait honneur
dans la réparti-
» tion des quartiers. Après la guerre de
Vercingetorix
, il a grand foin de dire
qu'il envoya
C. Caninius
Rebilus
avec
"
»
22 MERCURE DE FRANCE.
' גכ
» une légion entiere chez les Ruthenes ;
» ce qu'on ne peut entendre que des Eleu-
» theres , les autres ayant déja des garnifons
en qualité de fujets de la Répu
blique. Plus on lit , plus on examine les
» mémoires de Céfar , & plus on demeure
convaincu que les Ruthenes Provinciaux
étoient annexés au gouvernement de la
« Narbonnoife , quand il en prit poffef-
» Go?..
"
M. le Franc ajoûta à ces raifons le témoignage
de MM . deValois & de Longuerue,
qui dans des textes bien précis diftinguent
deux fortes de Ruthenes , les uns
dépendans de la Gaule Narbonnoiſe , &
appellés Ruthenes Provinciaux , les autres
dépendans de la Celtique , & peu de tems
après réunis par Augufte à l'Aquitaine ;
& il démontra que ces deux Auteurs
ont cru que la féparation des Ruthenes en
libres & Provinciaux exiftoit avant l'arrivée
de Céfar dans les Gaules.
Cet article une fois convenu , M. le
Premier Préſident effaya de découvrir en
quel tems a dû fe faire la réunion des Ruthenes
Provinciaux à la Narbonnoife . Il
pofa pour cela deux points fixes; d'un côté,
la victoire que Fabius, Conful , remporta
le S. du mois , appellé Sextilis , l'an de
Rome 632 ou 633 , fur une armée d'Au-
44
FEVRIER. 1750. 23
vergnats & de Ruthenes , commandée par
Bituit ; de l'autre , l'arrivée de Céfar dans
les Gaules , au commencement d'Avril de
l'année 694. fous le Confulat de Piſon &
de Gabinius. Fabius n'impofa aucune loi
aux vaincus , & les laiffa parfaitement
libres & indépendans, Il y avoit cependant
des Ruthenes Provinciaux , quand Céfar
arriva dans les Gaules. » C'est donc dans
» l'intervalle de foixante - trois ans , entre
les deux époques que nous avons diſtinguées
, » qu'il faut chercher l'événement
» qui a été la caufe indirecte & préciſe de
» la réduction d'une partie du pays des
» Ruthenes.
ود
Pour déterminer & placer avec certitude
fur nos Cartes modernes le territoire des
Ruthenes Provinciaux , M. le Franc donna
une defcription abrégée de laNarbonnoife,
& il préfenta nettement les anciennes limites
du Languedoc , en faisant un extrait
des Auteurs qui ont traité cette matiere
; mais il y joignit des obfervations
qu'il faut lire dans fon ouvrage. Il attribua,
par exemple , à la Gaule Narbonnoife
contre l'opinion de Dom Vaiffette , le
Diocèfe de Caftres & la partie de celui
d'Alby qui eft à la gauche du Tarn ; & il
répondit folidement avec Catel aux objections
qu'on pourroit faire fur ce point.
24 MERCUREDEFRANCE
.
"
39
Il conclut de là que le Tarn , au moins depuis
Milhau , fervoit dans tout fon cours
de limites à la Narbonnoife ; que la droite
du Tarn étoit la demeure des Ruthenes
Eleutheres ; & que les Provinciaux étoient
placés en deçà du Tarn & à fa gauche , de
forte qu'il faut de ce côté- là reculer juſqu'à
cette riviere les bornes de la Province
Romaine. Au furplus , ajoûta cet Acadé-
"3»
» micten , le territoire des Ruthenes Pro-
» vinciaux devoit s'étendre au long , depuis
Plaifance jufqu'à Saint Jean de
» Bruel , en tirant une ligne droite par
Vabres , Ville Epifcopale & moderne.
Pour répondre à une objection tirée de
Strabon , qui dit que le Rouergue & le
Gevaudan touchent la Narbonnoife , il
rapporta & il concilia deux textes de Pline,
dont l'un place les Ruthenes dans la Nar-
"bonnoife , & l'autre les en fait limitrophes
; c'eft que les Ruthenes Eleutheres
appartenoient à l'Aquitaine & confinoient
au Languedoc : Narbonnenfi Provincia contermini
; & que les Ruthenes Provinciaux
étoient dans la Narbonnoife . Cette diftinction
fit difparoître la difficulté . Au
refte il ne faudroit pas s'étonner, quand il
y auroit ici quelque contradiction dans les
Anciens. » Ils étoient peu exacts , parçe
qu'ils n'avoient pas les moyens de l'être.
» Ils
FEVRIER . 25 1750.
Ils manquoient de ces fecours immenfes,
» de ces livres multipliés à l'infini , qui
" nous inftruiſent de tout , & nous ren
» dent tous les jours plus ignorans.
"3
و د
Enfin M. le Franc propofa fes conjectures
fur le tems , où le pays des anciens
RuthenesProvinciaux fut uni & incorporé
à la Province Romaine. » Les Romains ,
dit-il , ne firent pas tout d'un coup
la conquête entiere de la Narbonnoife ..
" Les abrégés des Livres de Tite - Live ,
» nous en indiquent la gradation . Les
principales circonftances en font épar-
>> fes dans un grand nombre d'Hiftoriens
, d'Abbréviateurs & de Compila
» teurs. C'eft de ces differens matériaux,
» habilement raffemblés que Freinshe-
» mius a compofé fon fupplément de Tite-
» Live. Je puiſerai dans les mêmes fources
pour établir mes conjectures ; je n'af-
" pire en ceci qu'à la vraisemblance ; la
» certitude n'eft pas du reffort de cette
partie de ma difſertation .
»
29
,
Les Saliens , peuples de Provence ,
» furent vaincus l'an 630 de Rome par
» le Proconful C. Sextius , fondateur de
« la Ville d'Aix . Leur Roi Teutomale,
» chaffé de fes Etats , fe retira chez les
Allobroges. Ceux- ci attirerent dans leur
» parti les Auvergnats, Nation puiffante ,
99
B
26 MERCURE DE FRANCE.
7
و د
» & qui ne fut jamais parfaitement fou-
» mife aux Romains .... Les Auvergnats
» étoient plus intéreffés que d'autres à fe
liguer avec les Allobroges . Les Saliens,
» Nation voifine de ces derniers , étoient
» vrai - ſemblablement dépendans ou feudataires
des Auvergnats , lefquels , fui-
« vant Strabon , avoient étendu leur domination
juſqu'à Narbonne , & delà
» jufqu'au territoire de Marfeille . Ils
" avoient auffi fubjugué les Nations qui
font depuis les Pyrénées jufqu'à l'O-
-» céan & au Rhin .
» Les Romains avoient encore un autre
» grief contre les Allobroges. Ce peuple
avoit ravagé le pays des Eduens , amis
» & alliés de la République , & s'étoit
» peut-être uni pour cette expédition aux
» Auvergnats & aux Ruthenes , car ceux-ci
-❞ ne fe féparerent jamais des Auvergnats,
» foit qu'ils fuffent leurs confédérés , ou
» fimplement leurs fujets . Il falloit même
» que les Ruthenes euffent beaucoup de
» confidération parmi les Gaulois , puif·
que ce font les feuls que Céfar nomme
» avec les Auvergnats , en parlant de la
» victoire remportée fur eux par Q. Fa
» bius Maximus , quoiqu'on ne puiffe pas
» douter queces formidables Auvergnats,
» à qui Strabon attribue une efpéce de
FEVRIER. 1750. 27
Souveraineté fur les Gaules , n'euffent
» dans leur armée d'autres peuples que les
>> Ruthenes.
Le premier combat, qui fe donna , fut
» entre Domitius & les Allobroges , fou-
» tenus des troupes d'Auvergne , qui n'é-
« toient qu'auxiliaires. Les Eléphans fu-
» rent aufi utiles aux Romains dans cette
» action , qu'ils leur avoient été funeftes
» dans l'armée de Pyrrhus. La vûe de ces
» animaux , que les Légions avoient pris
>> autrefois
pour des monftres , & qui
» combattoient alors avec elles , répandit
» tant d'épouvante & de confufion parmi
» les efcadrons & les bataillons des ennemis
, qu'ils le débanderent & pricent
» de toutes parts la fuite. On en tua vingt
» mille , & l'on fit trois mille priſon-
» niers.
ן כ
" Cependant le commandement des
» Gaules venoit d'écheoir à Q. Fabius Ma-
» ximus , petit- fils de Paul - Emile. Ce
» Conful fe rendit dans la Province, &
» s'avança avec les troupes vers l'Ifere ,
» affez près du Rhône. Le Roi Bituit ve
» noit à la rencontre à la tête de l'armée
» combinée des Allobroges , des Auver-
» gnats , & des Ruthenes. Ils ne purent
» réfifter à l'impétuofité des Romains , qui
>> les mirent en déroute , & en firent un
4
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
2
" maffacre horrible. Quelques Hiftoriens
» font monter le nombre des tués ou des
noyés à cent cinquante mille. Tite-
Live affûre qu'il y eut cent vingt mille
» Gaulois de tués. Pline raconte que le
gain de cette bataille guérit Fabius de
» la fievre quarte. De nos jours , remar-
» qua ingénieufement M. le Franc , une
» victoire plus importante a commencé la -
guérifon d'un plus grand homme que
>> Fabius .
ور
"
ود
..
"
"" On peut dater de cette époque le
,, premier établiſſement fixe des Romains
dans les Gaules. Il paroît prefque certain
qu'ils s'aggrandirent alors aux dépens
,, des Allobroges & des Auvergnats; qu'ils
,, fe rendirent maîtres du pays des
pre-
,, miers , c'eſt - à - dire , du Dauphiné &
d'une partie de la Savoye , & que les
,, autres leur céderent au moins les côtes
maritimes du Languedoc jufqu'à Narbonne.
Ces victoires & ces conquêtes
valurent à Fabius & à Domitius les hon-
,, neurs du triomphe , mais n'affujettirent
», point au Vainqueur les Auvergnats , ni
,, les Ruthenes. Céfar nous apprend que
Fabius laiffa aux vainqueurs leur pays ,
,, leurs , loix , & leur liberté . ... Les Saliens
qui avoient caufé la guerre des
Allobroges & des Auvergnats , n'obéif-
و د
"
""
و د
و د
و د
FEVRIER . 1750 . 29
""
و د
و ر
ود
"
foient qu'impatiemment aux Romains.
Ils n'attendoient pour fe déclarer , que
des circonstances qui le permiffent . La
,, mort de Caton , Préteur de la Narbonnoiſe
, furvint à L'Italie étoit
propos.
devenue le théatre d'une guerre domeftique
; fes anciens peuples , regrettant
,, leur premiere liberté , vouloient enfin
fe fouftraire à la tyrannie des Romains .
,, Le moment étoit favorable pour lesGau-
,, lois , mais c'étoit le fiécle des profpérités
de Rome. Ces injuftes Républicains
triomphoient des plus grands obſtacles ,
,,,& la fortune combattoit par tout pour
» eux .
"3
""
و و
""
"
رو que ,,Ceneferapointtrophazarder
de faire marcher les Auvergnats au fe-
», cours des Saliens dans cette feconde
» guerre. Croiroit - on qu'un peuple ren-
,, fermé entre le Rhône , les Alpes & la
mer , environné des armes Romaines ,
eût ofé fe déclarer feul , & fans la jonction
d'Alliés ou de Protecteurs puiffans ?
Et ces Protecteurs , ces Alliés n'étoientils
fans doute ces redoutables Aupas
», vergnats, qui les avoient déja affiftés de
,, toutes leurs forces , & qui étoient toujours
chefs de parti ,ou auxiliaires contre
les Romains ?
""
"
"
""
" Suppofer les Auvergnats , c'eft fup-
B iij
30 MERCURE DEFRANCE .
""
""
, pofer auffi les Ruthenes. Je préfume
donc que les uns & les autres ſe joignirent
de nouveau , dans l'efpérance de
,, venger enſemble leurs malheurs com-
,, muns , & de furprendre la Narbonnoife,
qui venoit de perdre fon Gouverneur.
"
ور
,,
و د
و و
""
""
C. Céciliùs arriva dans la Gaule
Tranfalpine , & prit le commandement
», des troupes . Ce Général étouffa cette
guerre naiffante , & défit les Saliens.
Tite-Live nous le dit en peu de mots
dans le Sommaire du 73 ° Livre : C. C&-
cilius in Gallia Tranfalpinâ Salvios rebellantes
vicit, Le judicieux Freinshemius
paroît avoir penfé comme moi fur l'im-
», portance de cet événement. Il a eru que
plufieurs Nations Gauloifes avoient pris
les armes en même tems que les Saliens
: Ex quibus , pracipuè Transalpina
Gallia , tum alia Nationes , tum à multis
,, antea ducibus victi triumphatique Salluvii,
fuêre. Dès qu'il s'agit des Saliens , ces
,, autres Nations , alie Nationes ,
pouvoient être que les Ruthenes &
,, les Auvergnats , premiers défenfeurs de
,, ces mêmes Saliens .
""
""
""
""
""
"
""
ne
Freinshemius penche à croire
que ce
,, C. Cécilius étoit fils de C. Cécilius
furnommé Caprarius , l'un des quatre
fils de Metellus Macédonicus . Il fonde
""
""
FEVRIER. 31 1750.
",, fa conjecture fur cette Infcription dédiée
», par les Négocians Italiens.
و د
"
""
ر و
C. Cecilio C. F. Metello Imperatori.
„ Je ſuis d'un avis tout different , & je ne
doute pas que notre C. Cécilius ne fût
le propre fils de Metellus Macedonicus .
Il parvint au Confulat , l'an de Rome
" 649. C'étoit un grand Général ; Fulvius
Urfinus & Patin dans leurs familles Ro-
,, maines rapportent ce fragment d'Infcription
, où on lui donne le titre d'Impe-
""
""
>> rator.
""
,, C. Cacilius Q., F.
Metellus Imp. "
opi-
Quelques Auteurs , entr'autres Si-
" gonius dans fes Commentaires fur les
» Faftes , & Antonio Agostini dans les trente
» familles ajoûtées à celles de Fulvius
» Urfinus , veulent qu'il ait été Cenfeur
» avec Q. Metellus Numidicus , l'an de
» Rome 661 , ce qui favoriferoit mon
» nion . Car s'il étoit encore dans les
" grandes charges , peu de tems avant le
foulevement des Saliens , occafionné
" par la mort inattendue du Gouverneur
» de la Narbonnoife , n'eft-il pas naturel
de lui attribuer la conduite de cette
» guerre importante , plutôt qu'à ce fils
"
B iiij
32 MERCURE DE FRANCE.
"
"
prétendu , dont il n'eft parlé que dans
» une Infcription qui a peut-être été mal
» lûte par Glandorpius ? Parmi les Médail-
» les de la famille Cæcilia , Fulvius Urh-
» nus donne à Caïus Cécilius celle qui
repréfente d'un côté une tête cafquée
» avec le mot Roma pour légende , & de
» l'autre , un char de triomphe traîné par
deux éléphans , une victoire en l'air qui
» couronne le Triomphateur, & ces mots
dans l'Exergue : C. Metellus. Cette Médaille
fait allufion aux honneurs du
» Triomphe décernés à C. Cécilius ,
» née même de fon Confular.
"
"
l'an-
» Dion * parle d'une autre guerre entre
» C. Pomptinius , Gouverneur de la Nar-
» bonnoife , & les Allobroges. Ce Géné-
» ral Romain & fes Lieutenans ne la ter-
» minerent qu'après bien des combats &
» des pertes réciproques . Mais comme elle
» fut foutenue par les feuls Allobroges ,
» & que l'Hiftorien Grec , qui n'en omet
» aucune particularité , quoique fa narra-
» tion foit très - courte , ne dit rien que
» l'on puiffe appliquer directement ni indirectement
aux Auvergnats & aux Ruthenes
leurs Alliés : je n'ai pas cru pou-
» voir trouver dans cet événement l'épo
» que vraisemblable de la réunion du haut
* Liv. 37.
FEVRIER.
1750. 33
""
"9
niere
Rouergue à la Province Romaine , & je
,, m'en tiens à mes conjectures fur la derguerre
des Saliens. Ici Dion s'explique
, & ne laiffe rien à deviner . Plus
s, haut, le texte de Tite - Live ſemble exiger
» que , faute de détails plus étendus , on
ajoûte un peu à la lettre , & c'eſt de la
combinaiſon des circonstances , de l'aſi,
ſociation ordinaire de certains peuples ,
,, de leurs caractéres , de leurs intérêts ,
», que je tire les preuves qui appuyent mon
,, fentiment , fans que je prétende pour
,, cela l'ériger en vérité hiftorique.
"
"y
"
و و
Je penfe feulement qu'on eft fondé à
croire que
les Ruthenes, ayant déja combattu
pour les Saliens , ne les abandonne-
,,rent point dans leur derniere entrepriſe;
qu'ils faifirent cette occafion d'écarter
,, les Romains de leur pays , & que c'en
,,fut une pour ceux - ci d'affervir une partie
des Ruthenes , dont le territoire formoit
,, en - deçà du Tarn un arrondiffement
» néceffaire pour la Narbonnoife , qui acquéroit
de ce côté-là une riviere pour
"
ر و
,, rempart.
Il n'eft pas poffible de préſenter dans
un extrait toutes les notes fçavantes & curieufes
qui enrichiffent l'ouvrage de M. le
Franc .
Comme M. l'Abbé des Fontaines a pré-
B v
34 MERCURE DE FRANCE.
و ز
و د
""
و د
و ز
""
que
tendu * la timidité de notre Langue eft
une des caufes de notre difette par rapport à
Pepopée , M. l'Abbé Bellet eſſaya de juſtifier
fur ce point la Langue Françoife , en
prouvant qu'elle n'est ni trop stérile , ni trop
foible pour la compofition d'un Poëme Epique.
,, M. L. D. dit M. L. B. a fi dignement
foutenu la gloire de la Langue
,, Françoife dans fes élégantes traductions ,
,, & il l'a même vengée avec tant d'éclat
dans fes Feuilles Périodiques , que c'est
visiblement par une forte de diftraction
qu'une telle accufation lui eft échappée.
La Langue Françoife , prétend-on , eft
médiocrement riche. On auroit dû nous
apprendre en quoi l'on fait confifter cet-
,, te médiocrité de richeffes qu'on lui re-
,, proche. Eft-ce dans le petit nombre des
,, mots qui la compofent ? Mais n'en a-t'elle
,, point affez pour exprimer, pour peindre
toutes nos penfées ? Qu'y a- t'il dans le
Ciel & fur la terre , qu'elle ne foit en état
de décrire ou de nous expliquer ? ... Lui
,, reprocheroit-on précisément de n'avoir
,, pas toujours plufieurs expreffions pour
rendre une feule penfée , pour défigner
chaque être en particulier ? Mais cette
prétendue difette nous épargne plutôc
», une fatigue & un embarras , qu'elle ne
* Difcoursfur les Géorg.
33
و د
"
"
FEVRIER. 1750. 35
"
"
Y
", ·
nous prive d'un fecours réel . L'efpece
d'abondance , qui lui eft oppofée , eft la :
fource éternelle de ces termes impropres
& de ce pléonafme infipide & rebutant ,
" qui font le fupplice d'un Lecteur , ami,
,, de la jufteffe & de la précifion. Il ſemble
5, que pour reconnoître que notre Langue
,, ne manque point du néceffaire , on voudroit
qu'elle eût du fuperflu . On ne ſe ,
,, fouvient point que de judicieux Grammairiens
font très éloignés de croire.
,, qu'un Idiôme gagne toujours à multiplier
fes locutions. Après le fiécle d'Augufte , la
,, Langue Latine s'appauvrit , en paroiffant
,, s'enrichir dans ce genre .... Après tout ,
,, continua M. L. B. pourquoi ne nous
,, contenterions- nous pas , pour tous les
,, genres d'écrire , de cette ample provi-
" fion de termes que l'ufage nous fournit ?
Dans la Grammaire des Langues , pour
,, former une infinité de mots,on fe conten-
,, te bien d'un très - petit nombre de lettres.
,, Eft- ce que la differente combinaiſon des
,, uns ne peut pas être auffi féconde que
la differente combinaiſon des autres?
,, Celle- là doit autant varier les fens , que
,, celle- ci varie les expreflions. C'eft ce
qui a fait dire qu'à parler exactement ,
,, nous n'avons point de véritables fynoni
* Quintil.
"?
و د
*
B vj
36 MERCURE DE FRANCE
mes. Chaque terme , fuivant la place
,, qu'il occupe , felon le rapport qu'il a
,, avec ce qui fuit ou qui précede , nous
,, apporte une idée , qui lui eft tellement
,, propre , qu'un nouvel arrangement fuf-
,, fit pour la détruire .... C'eſt ainſi que
dans la Peinture on diverſifie à l'in-
,, fini les nuances de quelques couleurs
,, principales , &c.
"
"
"7
"
,, On nous répliqueroit en vain , ajoûta
,, notre Académicien, qu'à plufieurs égards
la Langue Françoife n'a point autant de
, mots que la Langue Grecque ou que la
Langue Latine , & qu'en ce lens , au
moins , il faut convenir de la médiocrité
de fes richeffes. Toutes les Langues peu-
,, vent s'oppofer mutuellement la même
exception . Il n'en eft aucune qu'on ne
trouve , pour ainfi - dire , en défaut dans
quelque genre ou dans quelque circonf-
,, tance particuliere . Malgré la difette
qu'on nous reproche , nous ne laiffons
pas d'avoir quelquefois en ceci fur les
,, unes ou fur les autres des avantages.confidérables...
Le different goût des Peu-
,, ples décide néceffairement de la multitu-
,, de des expreffions qu'ils ont pour peindre
les objets qu'ils chériffent. L'afage ne
fçauroit les ramener fans ceffe fous leurs
leurs yeux , fans varier prefque à chaque
**
FEVRIER.
1750. 37
*
>>inftant l'impreffion qu'ils en reçoivent ,
» & fans les forcer par conféquent de mul
tiplier les termes qui doivent rendre
» leurs fentimens & leurs idées . Mais de
fimples comparaifons ne juftifieront ja-
» mais une accufation abfolue . Serions-
>> nous en droit d'avancer que Ciceron a
» crû que la Langue Grecque étoit pauvre,
>> parce qu'il foutient qu'elle eft moins
» riche que la Langue Latine ? Il faudroit
» donc conclure que toutes les Langues
» font réduites à une extrême pauvreté , à
» vouloir en juger par la prodigieufe abon
» dance de celle des Arabes. On dit ** qu'el-
» le a mille noms pour exprimer une épées
» qu'elle en fournit quatre- vinge pour fi
gnifier un Lion , & trente pour repréfenter
un Chameau dans fes differens
» états. On ajoûte que les Chinois n'ont
» au contraire que trois cens ving fix mots,
» encore chaque mot n'eft- il que d'une fyl-
» labe , mais il eft fufceptible de divers
fens par les tons divers qu'on lui donne
dans la prononciation , de forte que pour
» écrire , cette Nation a befoin de quatrevingt
mille caractéres. Nous prétendons
25 prouver par Ja que la richelle ou la pauvreté
des Langues eft beaucoup plus in-
* Cie. 1. De finib . n. 10.
"
35
* Le Pere Lamy.
39 MERCURE DE FRANCE.
"
»
dépendante du nombre des termes , que,
du parti qu'elles en fçavent tirer . On
» doit décharger du reproche honteux
d'indigence toutes celles qui ont de quoi
» faire face à tous les befoins , quoiqu'a
vec plus ou moins de faſte & de prodigalité
, &c .
"
M. L. B. s'objecta qu'on prétend que notre
Langue manque fouvent de tours élégans
pour fubftituer aux expreffions fimples
un langage détourné , & il répondit qu'on » a
» tort de lui attribuer un défaut qu'elle ne
>> contracte que fous des plumes vulgaires ;
" que la Langue fe reffent toujours du gé-
» nie de ceux qui la parlent ; qu'elle paroit
» ingtate , rébelle , ftérile , quand elle eft
» mife en oeuvre par des Ecrivains égale-
» ment incapables de penfer & de fentir
>> avec délicateffe ; qu'en ouvrant , fi l'on
» veut , au hazard ceux de nos Auteurs que
la fupériorité des talens a diftingués , on
" fera furpris des reffources infinies qu'elle
» leur fournit pour embellir les fujets qu'
ils traitent que rien n'eft plus commun
chez eux que l'art ineftimable de fubftituer
au fens propre le fens figuré ; qu'ils
s'en fervent pour répandre des fleurs &
» des graces fur les matiéres les plus féches
» & les plus abftraites , pour tranfporter
» dans des ouvrages philofophiques pref
2
FEVRIER. 1750. 39
»
19 que toutes les beautés des Ouvrages de
pur agrément , pour adoucir par l'éle-
" gance du ftyle jufqu'aux épines de l'AIgébre
& de la Géométrie , & c .
Pour juftifier notre Langue de la prétendue
foibleffe dont M. L. D. a cru pouvoir
l'accufer , M. L. B. cita divers endroits
de cet Auteur, qui avoue tantôt que
la Langue Françoiſe eſt dévenuë * ſi harmonieufe
, fi délicate , fi expreffive , qu'elle pourroi
prefque être mise en parallele avec les bel
les Langues de l'antiquité : tantôt que la vi
vacité de la fiction, la magnificence des figu
res , la hardieffe des inverfions , la beauté &
la variété des images , & c . peuventfe trouver
dans une Traduction enprofe : tantôt qu'une
Traduction peut conferver à fon original
tous fes traits , toutes fes couleurs & tout fon
prix & qu'elle a de quoi remplacer
quand il le faut, par des beautés équivalentes,
celles qu'on ne peut retenir également dans les
deux Langues : tantôt enfin , que la Langue
Françoife ** peut en quelque forte atteindre à
la grandeur à la majesté de la Langue Romaine
, en égaler la douceur & l'énergies
que la belle antiquité n'a rien qu'elle ne puiffe
rendre heureusement. » Mais dit M. L. B.
fifa force & fon élégance font incon-
* Dif. fur la Trad. des Poët.
** Pref. de la Trad, de Virg.
› "
40 MERCURE DE FRANCE.
"
»
» teftables , lorfqu'elle travaille fur le
» fond d'autrui , pourquoi fera -t-elle foible
& indigente , forfqu'elle voudra tout
tirer de fon propre fond ? Eft- ce que la
» verfification , deſtinée à augmenter fon
» harmonie , fera capable de l'énerver ?
" Eft-ce qu'elle a befoin d'un génie étran-
" ger pour s'élever jufqu'au fublime de la
» Pochet ... Notre Académicien compara
enfuite quelques Traductions de
nos Profateurs & de nos Poëtes , & après
avoir fait fentir qu'il y a d'ordinaire plus
de force & plus d'harmonie dans les Traductions
en vers , il ajoûta : » Et dans un
» genre fupérieur , qui a mieux rendu que
" nos Poëtes le fublime & le pathétique
» de nos Livres Saints ? On croit entendre
» la Harpe de David fous les doigts de
» l'immortel Rouffeau. Le feu des divins
Cantiques eft prefque tout entier dans fes
»Odes Sacrées . Nous pourrions citer des
» Auteurs vivans , dont les vers nous mettent
fous les yeux toute la majeſté de la
» Religion & toute l'élevation des Ecrivains
infpirés , mais c'en eft affez pour
» la gloire de la Poëfie Françoife. Elle eft
» évidemment capable de tout, puifqu'elle
» a pû fe charger de l'enthoufiafme même
des Prophétes.
M. L. B. après avoir effayé de fatisfaire
1
FEVRIER. 1750. 41
à quelques autres objections , s'arrêta à
celle- ci : Nous avons , dit- on , une foule de
termes quifont bannis du ſtyle noble,&que
Poefie rebute. Cependant un Poëme épique
exige des détails où il faudroit employer des
mots vulgaires , &c.
la
» Mais a-t- on droit d'alleguer , comme
» une marque de ftérilité & d'ingratitude
" dans notre Langue, ce qui n'annonce vé-
>> ritablement que l'ancien goût de la Na-
» tion ? Les Francs , dont nous fommes def-
» cendus , ne s'occupoient que de la chaffe
» dans les pays couverts de bois, qui furent
»leur premiere habitation . En s'établiffant
, les armes à la main , dans de meil-
» leures terres , ils fe déchargerent tou
» jours fur leurs efclaves du foin de les
cultiver. De là le renversement des idées
»primitives ; l'Agriculture qui avoit été.
> en honneur chez les Peuples les plus polis
, parce qu'elle y étoit exercée par les
perfonnes les plus diftinguées , s'avilit
» de plus en plus aux yeux de nos Peres ,
» à mesure qu'elle devint parmi eux l'uni-
» que partage des fujets de l'Etat les plus
méprifés. Et c'eft ainfi que les Arts mé-
» chaniques , & les détails qui en dépen-
» dent , ont contracté dans notre efprit la
baffeffe des ames viles & mercénaires ,
aufquelles nous les avons abandonnés,
42 MERCURE DE FRANCE.
nes ,
ع ی ش
C'est donc à nos moeurs , plutôt qu'à no
tre Langue , qu'il faut attribuer les im-
» preffions peu agréables que fait fur nous
la peinture trop naïve de certains ob-
» jets...... Les ouvrages , fortis de quelques-
unes de nos plumes élégantes , furent
cités ici pour démontrer que la Langue
Françoife ne laiffe pas d'avoir une infinité
de tours variés d'expreffions figurées ,
pour dire avec grace les chofes les plus commupour
tracer des préceptes fans dégout
fansfechereffe . Dans le Telemaque de M.
de Fénélon on ne voit que » préceptes ,
que maximes , que defcriptions , qu'images
des differens Arts , & furtout des
» travaux de l'Agriculture. Nous fçavons
auffi , ajouta M. L. B. qu'un
» des illuftres Affociés de l'Académie a
déja heureuſement tenté d'élever cet ou
vrage ingénieux à la dignité de Poëme
» en Vers François , fans introduire dans
la Profe Poëtique de M. de Cambray
» d'autres changemens que les inverfions
qui doivent amener , felon les régles , la
mefure & la rime ...... Enfin M. L. B.
obferva que M. L. D. convient que pour
les objets fpirituels ou relevés , nous avons affez
de manieres de les exprimer noblement ; que
nous pouvons produire d'excellens Poëmes fur
M. le Président de Claris.
55
*
FEVRIER . 1750. 43
"
ن م
la Mufique , fur la Peinture ,fur la Naviga
tion ,fur l'Art de la Guerre , & que les tra
vaux de la Campagne ou de pareilsfujets font
les feuls qui font véritablement incapables
de fervir de matiere à un bon Poëme François....
» C'étoit bien la peine , conclut
" M. L. B. d'intenter à grands frais contre
» notre Langue une accufation générale ,
qui fembloit nous interdire toute forte
» de Poëme Epique , pour ſe borner enfin
à un cas particulier , qui fe compenfe
» vraisemblablement dans toutes les, Lan-
" gues. Pour forcer même notre Critique
» dans ce dernier retranchement , il ne
» faut que la Traduction des Géorgiques
en Vers François , qu'un de vous ,
» Meffieurs , nous prépare , & à laquelle
le Public eft impatient d'applaudir. II
» réfulte du moins de tout ce que nous
avons dit jufqu'ici , que M. L. D. en
renouvellant contre notre Langue un
» ancien reproche , s'eft fouvent contredit
» lui- même , & qu'à force d'extenuer le
» premier fa propofition pour la défendre,
» il s'eft réduit à un pofte qui paroit peu
» conſidérable , mais dans lequel il ne
» laiffe. pas d'avoir encore de la peine à fe
"
"
» foutenir. & c.
*
M. de la Mothe , Doyen de la Cour des
* M. le Franc,
44 MERCURE DE FRANCE.
Aydes , lut un ouvrage mêlé de proſe &
de vers. Selon fon ufage , il donna aux
Dames des leçons auffi utiles qu'agréables.
La Séance fuivante fut terminée par la
lecture du Programme fuivant.
M. l'Evêque de Montauban, ayant deſtiné
la fomme de deux cens cinquante livres,
pour donner un prix de pareille valeur à
celui qui , au jugement de l'Académie des
Belles Lettres de cette ville , fe trouvera
avoir fait le meilleur difcours fur un fujet
rélatif à quelque point de Morale tiré des
Livres Saints , l'Academie diftribuera ce
prix le 25. Août prochain , fète de Saint
Louis , Roi de France.
Le fujet de ce difcours fera
1750.
>>
1
pour l'année
" Il y auroit plus d'amitié parmi les
hommes , s'il y avoit plus de vertu.
Conformément à ces paroles de l'Ecriture ,
Qui timet Deum , aquè habebit amicitiam bonam.
Ecccle. vI . 17.
Les difcours ne feront tout au plus que
de demie heure de lecture , & finiront toujours
par une courte priere à Jefus - Chrift.
On n'en recevra aucun, qui n'ait une approbation
fignée de deux Docteurs en Théologie.
L'Académie ayant réfervé le prix de
l'année 1749 , elle le deftine à une Ode cu
FEVRIER. 1750. 45
dun Poëme dont le fujet fera pour l'année
1730 .
» La deftruction des monumens publics
"par les Barbares.
Les Auteurs ne mettront point leur nom
à leurs ouvrages , mais feulement une marque
ou paraphe , avec un paffage de l'Ecriture
Sainte , ou d'un Pere de l'Eglife ,
qu'on écrira auffi fur le Regiftre du Sécretaire
de l'Académie.
Toutes fortes de perfonnes , de quelque
qualité qu'elles foient , feront reçues à
prétendre au Prix , hors les membres de
l'Académie, qui en doivent être les Juges.
Les Auteurs feront remettre leurs ouvrages
dans tout le mois de Mai prochain ,
entre les mains de M. de Bernoy , Sécretaire
perpétuel de l'Académie , en fa maifon
rue Montmurat , ou en fon abſence à
M. l'Abbé Bellet , en fa maifon ruë Cour
de Toulouſe.
Le Prix ne fera délivré à aucun , qu'il ne
fe nomme , & qu'il ne fe préfente en per
fonne , ou par Procureur , pour le recevoir
, & pour figner le diſcours .
Les Auteurs font priés d'adreffer à M.
le Sécretaire trois copies bien lifibles de
leurs ouvrages , & d'affranchir les paquets
qui feront envoyés par la Pofte. Sans ces
deux conditions , les ouvrages ne feront
point admis au concours.
46 MERCURE DE FRANCE.
洗洗洗洗:洗洗洗洗:洗洗洗洗:洗洗洗
EN
EPITRE
A M. R. ***.
N vain ta voix enchantereffe
S'oppoferoit à mes projets ;
Des rives du facré Permefle ,
Et de la poetique yvreffe
Je méprife tous les attraits ,
Et l'on ne me verra jamais ,
Jouet d'une fotte foibleſſe ,
Rompre le ferment que j'en fais.
Le filence de la pareffe
Fait tout l'objet de mes fouhaits.
Unique amateur déformais
D'une délicate fageffe ,
Sans aller chercher à grands frais.
Des biens d'une nouvelle efpece ;
Toujours fimple dans fes apprêts,
La Nature fera mon maître ,
Et fans prétendre à la connoître ;
Je veux jouir de fes bienfaits.
De la fublime Poëfie
Je redoute trop les efforts .
Pourquoi fe priver de la vie ,
FEVRIER .
1750, 47
Pour vivre quand nous ferons morts
Pour être nommé du vulgaire ,
Perdrois-je ma tranquillité ?
Perdrois-je pour une chimere ,
Une douce réalité?
Pour un plaifir imaginaire ,
Céderois-je ma liberté ?
Non ; que la gloire foit brillante
Aux yeux qu'elle peur éblouir ,
Tout fon éclat n'a rien qui tente
L'efprit fage qui fçait jouir.
C'eft cette divine ſcience
Qui va déformais n'occuper
D'un faux bien frivole apparence ,
Vous ne pourrez plus me tromper.
Dégagé des folles chimeres ,
Qui tourmentent les fots mortels ;
Méprifant des loix étrangeres ,
Qui pour adoucir leurs miferes ,
Ont rendu leurs maux plus cruels ;
Mon livre fera la nature ,
Ma feule étude , le bonheur ;
Mon foin, d'éviter l'impofture ,
L'ennui , le trouble , la douleur,
Par une fage économie ,
Maître fenfé de mes déſirs ,
en releverai les plaifirs ,
48 MERCURE DE FRANCE.
Dont je veux adoucir ma vie ,
Et libre à jamais des liens
De toute orgueilleuſe chimere ,
Mon efprit , riant du vulgaire ,
N'ira point chercher de faux biens ,
Ni de malheur imaginaire.
Geneve. M.
L
REFLEXIONS.
'Homme d'efprit donne des préceptes
; le fage donne des exemples.
Il eſt rare de fe corriger , fur tout des
petits défauts.
Je crois qu'il y a autant de gens qui reprochent
à la fortune la conftance , qu'il
y en a qui fe plaignent de fon inconftance.
L'ennui femble nous faire peu de mal ,
cependant il eft infupportable ; c'est que
l'ennui nous détache de nous - mêmes , &
les paffions nous y attachent , malgré les
maux qu'elles nous caufent.
K
Je fuis étonné que l'homme fe plaigne
fi fouvent : il eft fi fier , fi orgueilleux !
La gayeté n'eft pas rare , mais les accidens
qui la détruifent font communs.
Je ne fuis pas furpris que l'on ait de
l'orgueil quand on ne pense pas à loi , mais
lorfque
FEVRIER. 1750.
49
lorfque l'on fe regarde , ne difparoît - il ·
pas ?
Il eft plus difficile de couvrir fes défauts
que de les diminuer : cependant bien des
gens ne fongent qu'à les cacher , & ils
montrent de plus l'envie de faire des duppes
qu'ils ne trouvent gueres.
Comment le plaifir de s'inftruire ne feroit-
il pas fort agréable ? Il fatte nos deux
grandes paffions , l'amour propre & lintérêt.
On croit valoir mieux & poffeder
davantage .
La vivacité eft à l'efprit ce que la fanté
eſt au corps . Elle le rend plus propre à
tout , au bien & au mal ; à jouir de la vie
& à en mal ufer.
La folitude rend ou trop difficile pour
la focieté , ou trop peu délicar.
La douceur eft utile à celui qui la poffede
, en ce qu'elle préferve l'ame d'être
troublée , ou la remet bien tôt en paix .
Il femble que ce foit une balance qui tende
toujours à l'équilibre. }
, Quoiqu'on fe plaigne avec raifon du
peu d'empire que nous avons fur nos paffions
, je trouve encore le coeur plus aifé
à gouverner que l'efprit.
Il y a , je crois , bien des gens qui paffent
leur vie , fans avoir rien à fe reprocher
du côté des fentimens ; mais je ne
C
So MERCURE DE FRANCE.
penfe pas qu'il y ait perfonne au monde
qui ne foit fouvent mécontent de
fon efprit. La raifon en eft qu'on n'a pas
inceffamment occafion de faire ufage de
fes fentimens , & l'ufage que l'on fait de
fon efprit , eft continuel.
J'ai défiré plus fouvent de fçavoir ce qui
fe paffe dans la tête d'un ftupide , que de
fçavoir ce qui occupe celle des gens fameax
par leur efprit & leur capacité.
Notre amour propre eft une barriere qui
arrête le jugement que nous portons de
nous- mêmes : les autres hommes ont auffi
cette barriere , derriere laquelle ils nous
jugent. Ce font deux obftacles qui s'oppofent
également à la rencontre de l'opinion
que les autres ont de nous , & de l'opinion
que nous en avons nous- mêmes. Notre
valeur , appréciée au jufte , fe trouvé peutêtre
précisément au milieu entre ces deux
barrieres.
Les maux que nous caufe notre imagination
, font quelquefois aigris par la réflexion
; mais après avoir augmenté le mal,
il arrive fouvent qu'elle en devient le
remede.
Les plus grands biens viennent quelquefois
des plus grands maux : il eft certain ,
par exemple , que l'orgueil des hommes a
beaucoup fervi à leurs progrès dans les
fciences.
FEVRIER.. 1750.
25252525252525252525252525252525252525252
O DE
De M. le Séguillon à M. le **** de G ***
Commiffaire d'Artillerie , fur la grace
finguliere qu'il a obtenue de la Cour ex
faveur de l'Auteur.
A ING
Infi ; par les regards d'un Aftre favorable ,
Le timide arbriffeau , qu'un long hyver accable ,
S'affranchit des liens de fa captivité.
D'un jour trop défiré la gracieuſe Aurore
Réchauffe ainfi le fein de la mourante Flore ,
Et lui rend fes plaifirs avec fa liberté.
Le Deftin , ' dans nos maux diſpoſant notre joye ;
Au fein des noirs chagrins que fa main nous envoye
,
Cache le germe heureux d'un bien inesperé.
L'inftant vient'; un rayon
écarte le nuage :
Prête à nous immoler , la Fortune volage
Comble l'affreux tombeau qu'elle avoit préparé.
*XX**
Que l'homme , délivré des atteintes cruelles ,
Sçait connoître le prix de ces douceurs nouvelles
Que lui rend un repos long- tems follicité
Cij
52 MERCURE DE FRANCE.
Qu'alors le fouvenir de l'injufte fortune ,
Loin de lui devenir une image importune ,
Ajoûte un nouveau charme à ſa félicité.
Ce n'eft pas qu'ébloui du rayon qui m'éclaire ,
Je fonde fur l'éclat d'une vapeur légere
Le téméraire eſpoir d'un folide bonheur.
La fortune a fes maux , ainfi que fes délices ,
Et l'unique remede à fes légers caprices ,
C'eſt de ſe préparer aux traits de leur rigueur.
****
Mais pour ne rien ôter au jour qui nous confole,
Renvoyons les foucis & la crainte frivole
Dans le profond cahos de l'obfcur avenir.
Après douze printems noyés dans la triſteſſe ,
Rendons-nous à la joye , & qu'une fage yvreffe
Du plus rare bienfait marque le fouvenir,
Généreux Chevalier , dont la main bienfaifante
Vient puiflamment brifer cette chaîne accablante,
D'un âge trop crédule ouvrage frauduleux ;
G ...mon espoir & mon appui fidelle ,
Que ne puis je aux accords d'une mufe immortelle,
Publier tes bienfaits à nos derniers neveux .
FEVRIER. 1750 . 53
Que n'ai-je l'heureux don de ce Chantre fublime,
'Pour qui les doctes Soeurs , d'une main unanime ,
Applanirent du Mont les fentiers inégaux !
J'irois , nouvel Horace, au gré d'un beau délire ,
Couronner mon Mécéne, & chanter fur la lyre
Les paifibles vertus qui font le vrai Héros .
***
Oui , j'irois à ton nom chez les fçavantes Fées
Dépofer dans leur Temple , au rang de leurs trophées
,
De mes longues douleurs les inftrumens défaits .
Ces fers que je traînois dans un obfcar filence ,
Monumens ennoblis par ma reconnoiffance ,
Sous leurs lambris facrés brilleroient à jamais.
Là les cruels chagrins , les pâles infomnies ,
Les fonges effrayans , les noires calomnies ,
L'horrible défefpoir , des remords entouré ,
Ces ſpectres , de l'Enfer enfans impitoyables ,
Marqués dans mes tableaux fous des traits vẻ-
ritables ,
Annonceroient le bras qui m'en a délivré.
*****
C'eſt en vain que l'envie au teint pâle & livido
Menace d'infecter de fon fouffle homicide
L'encens que l'équité prépare à ta vertu ;
C iij
54 MERCURE DE FRANCE.
Le zéle généreux, qu'un bon Prince accrédite 3.
Trouve dans fes fuccès l'éloge qu'il mérite ,
Et fa plus grande gloire à fe voir combattu ..
XXX
Ce monftre qu'éblouit la lumiere importune ,,
Qui vient du malheureux éclairer la fortune ,
Doit ce tribut d'honneur au trait qui l'a bleffé.
Foible & lâche ennemi des vertus qu'il admire ,
Il aboye en public ; en feeret il foupire
D'un bonheur où fon fort n'eft point intereffé.
***
Le mérite du coeur , qu'un vrai zéle aiguillonne ,.
A droit feul de porter jufqu'aux dégrés du Trône
Les chagrins ignorés qui rongent l'innocent .
Le Dieu, qui d'une main fçait lancer fon tonnerre,
De l'autre difpenfer fes faveurs à la terre,
Ne prodigue jamais les graces qu'il répand
Adulateurs oififs , dont le crédit ftérile ,
En vos avares mains dépôr trop inutile
Jamais ne fut marqué par le bonheur d'autrui
Sçachez, apprécier la gloire légitime.
Un pouvoir redouté n'offre rien de fublime ,
S'il n'eft de malheureux la défenfe & l'appui .
FEVRIER. 1750. 55
Un Héros , tel que ceux dont nous parle l'Hif
toire ,
Chez des Peuples détruits , victimes de fa gloire,
Ne cherche en fes travaux qu'un laurier détefté.
Le Héros véritable & que Titus avoue ,
C'est ce rare mortel , dont l'ame fe dévoue
A nous rendre la vie avec la liberté.
**
•
O liberté chérie ! ô bien inestimable !
Les Dieux nous peuvent-ils en un jour favorable
Accorder un tréfor plus grand , plus digne d'eux ?
Et le foudre à la main , au jour de leur colere ,
Ont-ils contre le crime un fleau plus lévére ,
Que celui qui ravit un bien fi précieux ?
*x*
D'un fi riche bienfait la noblefle fuprême
Peut feufe élever l'homme au deffus de lui-même,
Corriger la nature & l'approcher des Cieux.
Ce rayon réflechi de la vertu divine ,
Communiquant l'éclat de fa haure origine ,
Doit le rendre adorable & l'égaler aux Dieux.
C iiij
36 MERCURE DE FRANCE :
MEMOIRE
Préfenté à M. Rouillé , Secretaire d'Etat de
la Marine , par M. Jahan , natifde Tours
habitant de la Louifiane , pour l'établiffement
des Fers à Soye dans cette Colonie.
Oya
y a lieu d'efpérer de leur production ,
qui peut être l'objet d'un commerce auffi
avantageux à la France qu'à cette Colonie.
N examine dans ce Mémoire ce qu'il
Les obfervations fuivantes fur les avantages
qu'on en pourroit tirer , font des plus
exactes , elles font le fruit d'un Téjour de dix
ans dans ladite Colonie , & elles ont été
conftatées par une culture qui a été faite à la
conceffion des Bagagoulas appartenante à
Mrs.Paris duVernay & de Montmartel, &c.
Ces Meffieurs avoient envoyé en 1721 &
1722 du monde à cet effet . Le peu de foye
qu'on en a eu ,étoit de la meilleure qualité ,
& l'entrepriſe auroit procuré toute fatisfaction
, fi on eût fçu gouverner les vers
par la température de l'air , choifir mieux
leur nourriture , & étudier la manière de
nourriture ,&c étudier de
tirer la foye , & s'il y eût eu un peuple
fuffifant dans ce pays , qui ne faifoit
lors que de naître.
pour
FEVRIER . 1750. 57
ノ
Obfervations.
Il ne s'agit point d'envoyer des gens à
la Louifiane vis-à-vis de cet unique objet .
Les entrepreneurs courroient rifque d'échouer
, & de fe confumer en frais
par
les gages qu'ils donneroient à leurs ouvriers
transférés à cet effet. Quelques modiques
que fuffent ces gages , ils ne pourroient
être de moins que de la fomme de
200 liv. par tête chaque année , & la nourriture
couteroit autant malgré toute économie
, quoique la vie y foit plus douce qu'en
toute autre Colonie de l'Amérique ; ce qui
fait une dépenſe annuelle par chaque perfonne
de la fomme de 400 liv. indépendamment
des frais pour le tranfport. Or on
ne pourroit fe dédommager de ces frais
ce travail qui ne dure au plus que fix femaines
, quelque fructueux qu'il puiffe
être , & qui dans l'année la plus favorable
, ne produira jamais plus de 100 liv .
par perfonne , ainfi qu'il fera démontré au
mémoire particulier du gouvernement des
vers à foye .
par
Avant que d'entrer dans les autres
particularités concernant l'établiffement
dont il s'agit dans ce Mémoire , il convient
de donner une idée générale de la Louifiane
, tant pour le climat que pour fes différentes
productions..
C v
3 MERCURE DE FRANCE .
De là Louisiane..
La Louisiane , découverte par M. de las
Salle , eft une Province du Continent de-
Amérique Septentrionale , habitée par
les François , arrofée par le Mififfipi ( l'un
des plus beaux fleuves de l'univers ) qui
afon embouchure dans le Golphe du Méxique
par les 29 & 30 dégrés de latitude.
Septentrionale. Elle eft fituée entre le-
Royaume du Méxique Efpagnol & la Caroline
, Colonie Angloife , & fon étendue
eft immenfe , qu'on la pourroit juger:
plus grande que toute l'Europe,
Les habitans , quoiqu'en très-petit nombre
, out déja porté leur établiffement à
près de 500 lieues en remontant le fleuve .,.
jufqu'à l'endroit appellé les Illinois. C'eſt
donc depuis fon embouchure jufqu'à cette ·
hauteur parfaitement connue , que des.
deux côtés du fleuve les François pour--
ront former , par la fucceffion des tems ,
des habitations voifines , defquelles ils
auront lieu d'efpérer des productions femblables
à celles que fournit l'Europe , puif
que c'eft le même climat , & qu'il eft autfi :
fain & auffi fertile ; le sele pays
offrant par
l'immenfité de fes prairies & forêts tout
ce que la - vie peut défirer.
Comme on ne fe propofe point ici d'en
FÉVRIER . 1750.
59
faire une entiere defcription , on avertit
ceux qui voudront le mieux connoître ,
d'avoir recours à l'hiftoire de la nouvelle
France en 3 vol. in -4° . par le Pere Charlevoix
, de la Compagnie de Jefus , qui eft
d'autant plus croyable , qu'il a été luimême
fur les lieux : & afin de ne point
quitter de vue notre objet pour l'établiffement
des vers à foye , on fe conrentera de
parler fuccinctement des plantations qui
font aujourd'hui tout le produit des habitations
formées dans cette Colonie , pour
démontrer avec une vérité fenfible que les
habitans peuvent fructifier leur revenu par
la culture des vers à foye , fans qu'elle les
dérange d'aucunes de ces mêmes plantations
ordinaires, aufquelles par une longue
habitude ils font depuis long-tems verfés.
Des Plantations du Tabac & de l'Indigo.
>
On cultive depuis environ trente ans
dans cette Colonie le Tabac & l'Indigo .
Ces deux plantes ont été l'unique objér
auquel les habitans fe font fixés jufqu'à ce
jour. La culture du Tabac & fa fabrique
perfectionnées par les foins de la Compagnie
des Indes , ont été d'abord connues ;
mais l'Indigo , dont la culture & la fabrique
font prefque toutes différentes , a
échoué plufieurs fois , faute de perfonnès-
Cvj
60 MERCURE DE FRANCE.
au fait de l'une & de l'autre . Ce n'eſt
que
depuis qu'il eft venu dans la Colonie des
perfonnes experimentées , c'eft-à- dire depuis
fept à huit ans , que l'on a commencé
à y réuth . Le Tabac & l'Indigo , étant des
plantes extrêmement délicates , font par
conféquent fujets à beaucoup d'accidens
de la part des variations de l'air . Ils font
de plus fujets à l'attaque de certains infecres
, dont on ne peut les garantir qu'avec
de grands foins ; ce qui fait que l'habitant
eft quelquefois expofé , dans de certaines
années fâcheufes à perdre en totalité , ou
du moins en grande partie , un travail.
d'environ huit mois qu'il lui a fallu paffer
vis -a- vis de l'une ou l'autre plante , tant
pour préparer lesterres , que pour foigner,
planter & fabriquer. Par cette raifon , les
habitans de cette Colonie auroient dû fe
prêter à mettre à profit d'autres productions,
qui fe font préfentées depuis longtems
devant leurs yeux , telles que la Cire
verte & les Vers à foye , dont le revend
eft à peu près égal , & dont le travail (e
fait dans d'autres faifons que celui du Tabac
& de l'Indigo.. Ils fe feroient ménagés
par là des reffources , pour fe dédommager
des pertes que tous leurs foins ne peuvent
éviter , & fur lesquelles il faut fe
conformer aux ordres de la Providence
FEVRIER. 1750. 61 .
Be la Cire verte.
La Cire verte , anciennement connue
par les Anglois , vient d'une efpece de
laurier très commun fur les côtes de la
Louifiane , dont la graine eft couverte
d'une gomme cireufe , laquelle , tenue
pendant quinze ou feize heures dans une
chaudiere d'eau bouillante , rend par extraction
ane cire verte qu'on peut faire
blanchir , attendu que cette couleur verte
n'eft chez elle qu'un corps étranger qui fe
diffipe à la rofée. Sa qualité, quoique friable
, pourroit être bonne à faire de fort
belles bougies de table , & l'on a lieu de
préfumer que cette plante , ainfi que fa
graine , a quelques vertus médicinales.
Si les Anglois ont eu l'avantage d'en
faire la découverte fur les côtes de lear
Colonie du même Continent , ils n'ont
point eu celui de connoître les qualités
que trouve dans cette plante le fieur Allexandre
, grand Chimifte & Phyficien , Correfpondant
de l'Académie des Sciences , &
habitant à la Louifiane. Il a communiqué
fes obfervations.à la Cour : ainfi fans s'arrêter
fur ce fujet , on dira feulement , pour .
ce qu'il y a de commun entre la culture:
en queftion & notre objet , que les habitans,
de la Louifiane , pendant les trois
61 MERCURE DE FRANCE.
mois d'hyver , tems auquel tous les tra--
vaux de leurs terres font ceffés , pourront
efpérer environ la fomme de 250 liv. de
revenu net & quitte , par chaque tête de
negres , femmes ou enfans , qu'ils employeront
à ce travail , en donnant même
la cise brute , c'eft- à- dire verte , à raiſon
de 12 à 15 fols , & la blanche à raifon de
18 à 20 fols la livre ; car la récolte en eſt
certaine fuivant le calcul du fieur Allexandre
qui en a fait l'expérience . On don- -
nera copie de fon Mémoire , pour peu·
que le Miniftere defire d'en être plus amplement
inftruit.
Muriers.
Le ver à foye , cet infecte précieux ,-
qui fait la richeffe de quelques Provinces
du Royaume , & encore plus des Pays
Etrangers , d'où nous fommes obligés de
tirer beaucoup de foye , ne fe nourrit que :
de feuilles de mûriers.
La Louifiane , dont le territoire des
deux côtés du fleuve , à commencer depuis
fon embouchure jufqu'au pofte François ,
appellé les Arkanſas , fitué à trois cens
lieues dans les terres par les 34 & 35 dé
grés de latitude feptentrionale , eft remplie
de muriers que la nature y a placés en
telle abondance , qu'on ne craint point
FEVRIER . 03-
1750.
de dire que fi ce n'étoient des arbriffeaux,
ils y formeroient des forêts. Les Botanistes
nous demanderont peut-être quelle efpece.
de muriers ?:
Le murier noir appellé le murier de
Dame , dont le fruit eft gros & noir, quand
il est en maturité , quele vulgaire appelle:
mure ou moge , & les naturaliftes ( Morus:
fructu nigro majori ) ne croit point dans✩
cette Colonie .
On connoît deux efpeces de muriers
appellés blancs. L'un porte un fruit noir
tirant fur le rouge ( Morus fructu nigro minori
foliis lacinatis . ) L'autre produit un
fruit blanc ( Morus fruitu albo minori in-
Sulfo. )
Il est une troifiéme efpece , qu'on appelle
murier fucré , & dont le fruit eft
auffi blanc ( Morus fruitu ex albo purpu-..
rescente arato. ):
De ces trois efpeces de muriers , la plus
commune à la Louifiane eft celle qui
porte un fruit noir tirant fur le rouge , &
dont les feuilles font un peu découpées ..
(foliis lacinatis. ) On le trouve par - tout :
dans les forêts , jufqu'à la hauteur des Arkanfas
, qu'on a déja cité. Les deux autres
efpeces portant un fruit blanc font trèsrares
: cependant on en trouveroit encore
affez , fi l'on en avoit befoin pour faire
64 MERCURE DE FRANCE.
des plantations fur les terres. De ce que
nous venons de dire , il s'enfuit que fi -tôt
qu'on auroit pullulé les oeufs des vers à
foye dans le Pays , ce qui fe peut faire la
la premiere année ; les habitans pourroient
entreprendre d'en élever fans attendre les
plantations qui leur deviendroient par la
fuite plus commodes , & qui en même
tems rendroient leurs habitations plus
agréables , en fuivant l'ordre qu'on indiquera
dans un Mémoire particulier tant
fur ladite plantation, que fur le gouvernement
des vers à foye .
Dans le même Mémoire on préviendra
les objections qui pourroient être faites
fur la différence de ces muriers , eu égard
à la qualité de la foye qu'ils font produire
aux vers. On fçait que le murier qui porte
un fruit blanc , fructu albo , a la feuille
plus délicate ; que le ver l'aime par préférence
, & que cette feuille lui fait rendre
une foye belle , luftrée & très- fine ,
dont la qualité s'appelle , Meffine . Mais
cette nourriture le rend pereillement délicat
, plus fufceptible de maladies , par
conféquent la récolte en eft plus douteufe.
La feuille du murier qui porte un fruit
d'un rouge un peu noir , & qui eft appellé ,
comme il a été dit ci-deffus , minori nigre
foliis lacinatis , eft moins délicate ,.un peu
FEVRIER. 1750. 61
plus épaiffe , & elle fait rendre aux vers
une foye nommée Organfin , auffi belle
& auffi luftrée que celle dont nous avons
parlé , mais d'un brin plus ferme & qui as
du nerf. Cette foye feroit préférée des f
briquans , attendu la difficulté du premier
devidage dans les manufactures de foye.
D'ailleurs , le ver nourri de ce murier eft
plus gros , plus fort ; par conféquent le
gouvernement en eft plus aifé, & la récolte
plus certaine.
Ces différences feront détaillées dans
un Mémoire particulier , à l'article concernant
la maniere de trier la foye.
Pour ce qui regarde le revenu de cette
production moralement fûre , on ne peut
chaque année efpérer d'un travail de cinq à
fix femaines , que tout au plus 100 livres
par chaque perfonne , mais avec cet avantage
que l'habitant pourra y employer tous
les petits efclaves noirs & autres au-deſſus
feulement de huit ans , & qu'il aura befoin
feulement de mettre à la tête deux ou trois
perfonnes raisonnables
faire ramaffer les feuilles
duite de ce travail.
tant pour leur
que pour
la con-
Par là il retirera un bénéfice inattendu
d'un nombre d'enfans qui lui font couteux
fur fon habitation , tant pour la nourriture
& l'entretien , que pour leur traite66
MERCURE DE FRANCE.
ment dans leurs maladies', & qui jufqu'à
l'âge de quinze ans ne lui rendent aucun
fervice .
On fe perfuade que tous les habitans ,
entrant dans l'efprit de l'économie de la
France , puifqu'ils font François , fe priveront
même de leurs domeftiques pendant
ce tems pour augmenter la récolte , &
que les enfans naturels du Pays , piqués
d'émulation les uns par les autres à la vue
d'un certain petit lucre , lorfqu'ils feront
enfeignés , fe prêteront volontiers à la direction
de ce travail , qui a d'autant plusfon
agrément qu'il eft de peu de durée , &
fans aucune fatigue. Ils feront animés à
cela par l'exemple d'un grand nombre
d'habitans de l'Europe , & particuliere .
ment de la France, où plufieurs perfonnes,
même de condition diftinguée , font de
cette occupation un de leurs amuſemens.
Pour l'établiſſement des vers à foye à la
Louifiane.
Quoiqu'on trouve, dans les muriers qui
font dans les forêts de cette Colonie , des
vers à foye , ce qui fe connoît en paffant
fous les arbres , par les brins de foye écha
pés comme des filandres d'araignées dans
les tems chauds , on ne doit pas cependant
afpérer d'en élever de cette façon. L'enFEVRIER.
1750. 67
trepriſe feroit des plus chimériques par les
divers accidens des injures de l'air , & par
l'inconftance des tems , auffi bien que par
différens infectes & oifeaux qui leur feroient
la guerre. Mais cette découverte
que la nature nous prefente , doit exciter.
l'ambition & donner l'efpoir de réuffir
dans un gouvernement domeftique de ces
animaux , puifque le murier qui vient fans
culture dans ce Pays , nous offre fur le
champ leurs alimens , en attendant que
nous ayons fait des plantations plus commodes.
Il fera néanmoins à propos , lorf
qu'on fe fervira des feuilles qu'on cueillera
dans les forêts , d'ufer de certainess
précautions très- effentielles , dont nous
avertirons dans un Mémoire pofterieur.
Pour commencer cet établiffement , il
ne faut pas compter fur les oeufs des papil
lons qu'on pourroit ramaffer dans le Pays
ce qui jetteroit dans une trop longue opé
ration . On peut accélerer l'entreprife , en
portant à la Colonie quelques livres de
ces oeufs qu'on tirera du meilleur endroit.
Il faudra renfermer les oeufs par petite
quantité comme une livre dans des boctes
de marbre , & en faire faire pour le plus
tard le tranfport dans le courant du mois
de Novembre ou dans les premiers jours.
de Décembre , afin qu'ils arrivent à la fin
68 MERCURE DE FRANCE.
de Février fuivant. On les tiendra fur le
vaiffeau dans l'endroit le plus aëré , car fi
ces boëtes étoient mifes dans quelque lieu
renfermé & chaud , comme dans la calle ,
il n'eftpoint douteux qu'ils y périroient.
Arrivés dans le pays , on les feroit
éclore dans le mois de Mars , ou dans les
premiers jours d'Avril , en les expofant
au Soleil , fans être obligé d'ufer d'arti
fice , le bas du pays étant plus chaud que
la France , ce qu'on peut remarquer par
la hauteur qu'on en a donnée , depuis em
bouchure du fleuve jufqu'aux Arkanſas ,
& par les muriers qui y végétent plutôt.
Par conféquent la récolte . fe trouveroit
plus printanniere. Il ne conviendroit pas
de faire d'abord une diftribution générale
de ces oeufs . Tout le petit peuple , qui n'a
aucune connoiffance de ce gouvernement ,
laifferoit périr ce qu'on lui confieroit.
D'ailleurs les perfonnes , chargées de
l'infpection de cette entrepriſe , ne pourroient
pas fe prêter dans des commencemens
à tout le monde. Il feroit donc plus
prudent d'en faire une répartition particuliere
entre les Habitans de la premiere
claffe , à la difpofition des Supérieurs de
cette Colonie , comme
Entre les R. P. Jefuites.
Les Dames Religieufes qui ont un nom
FEVRIER. 1750. 69
bre de filles orphelines chez elles , pen
fionnées par le Roi , dont le travail d'une
année leur donne à peine ce que
leur rendroit en cinq à fix femaines .
Meffieurs les Confeillers au Confeil
Supérieur.
celui - ci
Meffieurs les Officiers de Troupes réglées
& de Milice.
Quelques notables Habitans qui ont
tous des habitations très-bien rangées , &
certaine quantité de Négres , parmi lefquels
il y a nombre d'enfans.
On formeroit parmi ces Négres des fujets
, tant pour gouverner les vers que pour
tirer la foye. Bientôt le petit Habitant , à
leur exemple , s'y donneroit avec plus de
confiance & de defir , d'autant que la volonté
ne paroîtroit point contrainte . En
ufant d'une telle conduite , cette culture au
plus en trois ans deviendroit générale , &
elle ne pourroit manquer de réuffir fous la
direction de deux Chefs , & feulement de
quatre ouvriers de France transferés à cet
effet , lefquels on partageroit entre la
nouvelle Orleans , les habitations voifines
du haut & bas du fleuve , le quartier des
Allemands , la Pointe coupée & la Mobille.
Si nous avons dit au commencement de
се
ce Mémoire , qu'il feroit inutile d'envoyer
70 MERCURE DE FRANCE.
des hommes à la Louifianne pour cet unique
objet , nous n'avons entendu parler
que de ces gens à gages , dont les travaux
ne produiroient pas de quoi balancer la
dépenfe , & non de bons ouvriers , experts
dans quelques Arts ou métiers.
Toutes perfonnes qui y pafferont à deffein
de s'établir pour
leur
compte
, & qui
fpéculeront
fur
la foye
, trouveront
dans
ce Pays
de quoi
s'employer
pendant
toute
l'année
felon
leurs
forces
, foit
foit
par
lé tabac
, l'indigo
, la cire
verte
, les
brays
, les
gaudrons
, les légumes
, le ris , le mays
.
Outre
ces avantages
, elles
rencontreront
des
habitations
très-bien
boifées
, dont
elles
pourront
exploiter
une
partie
, tant
pour
les bâtimens
de terre
que
de mer
. De
plus
elles
jouiront
d'un
climat
très- ſain, &
d'une
vie plus
douce
qu'en
toute
autre
contrée
de l'Amérique
.
Pour tirer la foye à la Croifade.
Les deux premieres conditions , néceffaires
au fuccès de l'établiffement proposé ,
font de fçavoir gouverner les vers à foye ,
& prévenir les accidens par une nourriture
égale , & par un air épuré qu'il faut
toujours conferver au même dégré , depuis
que les vers font éclos , jufqu'à ce qu'ils
foient renfermés dans leurs coques. Ces
FEVRIER. 1750. 71.
deux cas font les points fixes pour
réuffir ;
l'Habitant peut pourvoir au premier par
fes foins , & au fecond par le Thermométre
de M. de Reaumur , dont on lui enfeigneroit
à fe fervir , & dont la dépense n'eſt
pas confidérable.
Il eft un troifiéme article effentiel : c'eft
de fçavoir bien tirer la foye pour qu'elle
puiffe être un objet de commerce ; & l'on
ne peut propofer une machine plus propre
à cet effet que le tour pour la tirer à
la croizade , connue de Mrs ..... Outre
que ce tour est très commode par fa propre
invention , qui permet de s'arrêter
afin de pouvoir nettoyer la foye , & ne
laiffer paller aucune coffe , il rend le brin
égal & uni . Son mouvement croifé lui
donne auffi une qualité de tords qui le
rend plus ferme & plus nerveux , ce qu'on
trouve peu dans les foyes des Pays étrangers
, dont la plus grande partie eft platte ,
baveufe & cottonneufe ; ce qui occafionne
aux Fabriquans une perte par le déchet
qui fe trouve dans le dévidage.
Ce font ces défauts qu'il faut prévenir
dans les commencemens , en formant les
fujets au tirage , & en les empêchant de
prendre des habitudes vicieuſes , qui deviendroient
incurables , ainfi qu'on le
voit dans les enfans qu'on dreffe à quel
72 MERCURE DE FRANCE.
que art ou métier , & qui confervent toujours
les bons ou mauvais principes.
pour
de
Sur les régles fuivantes on pourra choifit
les fujets. D'autant que cet ouvrage eft délicat
, & que la femme a la main plus legere
que l'homme , elle eft plus propre à tirer la
foye. Il fera fuffifant à l'Habitant d'avoir
chez lui deux ou trois Négreffes d'un âge
raifonnable , à proportion de fon monde ,
dreffées à ce travail tirer en peu
tems tout ce qui fera fait dans la récolte ,
& un moyen petit Négre pour tourner la
machine , ce à quoi tous feront propres .
Dans les fix femaines que nous avons dit
que devoit durer la récolte , nous comprenons
le tems de ces efclaves employés dans
ce tirage , attendu qu'on peut tirer fort
aifément avec ce tour une livre de foye
par jour. Il y aura auffi deux remarques
effentielles à faire obſerver aux fujets qu'on
voudra former , fçavoir la qualité de l'eau
& fon dégré de chaleur qu'il faudra entretenir
daus la petite baffine où flottent
les cocons de foye , montée fur un fourneau
, & qui doit être d'un cuivre trèsmince
pour être plus prompte à recevoir
les impreffions du feu entretenu toujours
également .
Comme tous Fabriquans doivent parer
leurs marchandifes par un emballage convenable
FEVRIER . 1759. 73
nable , il fera fuffifant de montrer à quelques-
uns la maniere d'y parvenir , tant
pour parer fa foye que pour l'emballer.
Ceux qu'on deftinera à cet emploi , pourront
s'en faire un métier particulier. Cela
donneroit lieu à une jufte précaution qu'il
feroit d'indifpenfable néceffité d'employer,
fçavoir , que toutes les balles ou ballots
ne fuffent faits qu'en préfence de quelques
perfonnes prépofées pour la vifite
& qui en devroient répondre pour faire
differencier les qualités , afin qu'il ne fe
commette point d'abus , dont on n'imputeroit
point la faure à certains particuliers
, mais à toute la Colonie , qui fe trou
veroit décriée fans l'avoir mérité. C'eſt
ainfi qu'on auroit dû en ufer depuis longtems
dans ce pays , pour le tabac , l'indigo
& les autres productions.
Il conviendroit de titrer ces mêmes
perfonnes chargées d'une telle infpection ,
qui tiendroient chez elles tous les ans un
gouvernement de ces vers , comnie par
forme d'école , & qui feroient obligées
d'enſeigner à tout le monde fans diftinction
, & fans exiger aucune rétribution ,
la néceffité de payer l'inftruction pouvant
dégoûter les uns , rallentir les autres , &
donner un air méprilable à l'entrepriſe.
Mais on pourroit leur permettre à titre
D
74 MERCURE
DE FRANCE .
-
d'honoraire un droit de vifite lors de
l'emballage , avec d'autant plus de juftice
qu'elles feroient refponfables de la qualité
de la foye dans les balles ou ballots , à
Pexemple de la Compagnie des Indes ,
qui en ufoit de cette façon pour les tabacs
de cette Colonie.
RE'S ULTA T.
Voilà donc deux objets , la cire & la
foye , qui fe préfentent aux Habitans de
la Louifianne , pour fe dédommager des
accidens inattendus dans les plantations
de tabac & d'indigo , & d'autant plus
à confidérer dans leurs principes , que
fuppofant la foye à quinze francs la livre ,
l'Habitant qui aura fur fon habitation
une douzaine de fujets , qu'il a toujours
regardés jufqu'à ce jour comme des éleves
de dépenfe jufqu'à certain âge , retirera
par la føye en cinq à fix femaines un
capital de la fomme d'environ 1200 liv.
fans frais de feuilles de mûrier , qu'il eft
permis à chacun de cueillir dans les forêts
qui feront encore long-tems communes.
Chaque fujet dans ce Pays peut gouverner
la quantité de vers éclos d'un peu plus
d'une once d'oeufs de papillons , ce qui
rendra ,étant bien gouverné, fix à fept onces
de foye , comme dans l'Italie , avec
FEVRIER.
1750. 75
plus d'affûrance que dans quelques Villes
de France , dont le printems eft plus froid, '
plus reculé & plus inconftant .
Par la cire , dont la récolte dure environ
trois mois , ce qui la rend plus fructueufe
, on retirera , fuivant le projer dr
Sieur Alexandre , même produit , oportion
gardée .
Toutes ces obfervations fi ces faits
averés & naturels , tant fur & cire. que fur
la foye , ne font point données pour détourner
l'Habitant de Louifianne de la
culture du tabac & de l'indigo qui lui eſt
ordinaire , quoiqu'elle ne foit pas fi avantagcufe
par un tems de huit mois qu'il eſt
obligé de paffer à l'une ou à l'autre , & que
chacune ne lui rend pas plus de 200 liv.
de revenu par chaque tête de Négre . Elles
ne font propofées que pour détruire la
mauvaiſe idée qu'on peut avoir eue de
cette Colonie , dont on ne connoît pas
encore toutes les productions. Nous entre
rions dans un plus grand détail fur ce dernier
article , fi nous ne craignions de tomber
dans une trop grande prolixité , qui
fembleroit n'avoir rien de commun à notre
deffein. Si ce projet d'établiſſement
peut produire quelque utilité , on offre de
préfenter le Mémoire dont on a parlé , &
qui regarde le gouvernement des vers . Il
Dij
76 MERCURE DE FRANCE.
fera traité de tous les accidens qu'il eft
néceffaire de prévenir , & l'on y répondra
àtoutes les objections que pourroient faire
foit même du Pays & autres , gens
dégoût , foit avec quelque apparence de
fondement.
les
par
***********
EPITRE
En vers marotiques de L. L. à L. J.
Depuis deux mois , tre-bien je l'ai compté ,
Je ne vais plus par tendre chatonnette ,
Faire danfer fur verdoyante herbette ,
Gente Driade , ou telle autre beauté ,
Pour qui jadis foupira ma mufette.
Jeunes amours nos vallons ont quitté ,
Et les bergers laiffant-là leur houlette
N'éveillent plus au fond de fa retraite
Le tendre écho , par l'hyver attrifté.
Bien plus , ami , je ne te puis rien taire ;
Ma mufe , & moi , nous avons lit à part ;
Pour ma tendreffe elle n'a plus d'égard ,
Et ne voudroit pour ſemblable myftére ,
Las ! m'enflammer d'un feul petit regard.
Mais quand Zéphir pour la gentille Flore
Viendra nos monts couronner de bouquets ?
FEVRIER. 1750. 77
Quand le printems fera par tout éclore
Peuples d'amours , tendres , legers , coquets ;
Quand les oiſeaux , habitans des boſquets ,
Célébreront le retour de l'Aurore
Par doux ébats , & par joyeux caquets ,
Alors voyant fous renaiffant feuillage,
Leurs jolis jeux , leur innocent plaifir ,
Et dans fon coeur fentant certain defir ;
Que fais-tu là , dira- t'elle ? L'ombrage
T'invite à mieux occuper ton loifir a
Le doux printems a reveilić nature ;
Petits oiſeaux fur des lits de verdure
Vont s'ébattant , ainfi que tu le vois ;
Amour les joint , leur ardeur vive & pure
Forme les fons de leur aimable voix.
Que n'allons- nous en un lieu folitaire ;
Ainfi , comme eux , préluder aux combats-
Que nous montra petit Dieu de Cythere
Au tems jadis , & que l'hyver , hélas !
A fait ceffer, lorsque le fagittaire
Du haut des Cieux a verfé fes frimats ?
Muſe , ma mie , eh ! laiffez-nous de grace
Plus ne me chaut le tendre vertigo ;
Mieux aimerois m'en aller au Congo ,
Que dans mon coeur vous rendre votre place´s
D'autres que moi trouverez à gogo ,
Qui ne feront pour vos appas de glace ,
Muſe, ma mic ; & puifque par leurs fons
1
D iij
78 MERCURE DE FRANCE.
Petits oifeaux fçavent toucher votre ame ,.
Bien mieux encor vos plaifantes chanſons
Allumeront pour vous nouvelle flamme.
Amant plus vif avec vous dans les bois ,
Alors pourra chercher fombres retraites ,
Et creux rochers , qui furent autrefois
Muets témoins de mes ardeurs fecrettes ;
C'est là , qu'à l'aise en leurs grottes difcrettes ,.
Pourrez d'amour exécuter les loix.
S'un berger tendre , & dont galans exploits .
De Cythérée aggrandiront l'empire ,
Vouloit... mais non. Cette Déeffe inſpire
Trop mieux que vous , & fçait fixer fon chix
Près de fon feu , le vôtre n'eft que glace
Et ne fçavez fi bien poëtifer ,
Que pour Julie il fçait profaïfer.
Quand jeu lui duit , fans monter au Parnaffe
Pour elle il peut jolis vers façonner ,
Et n'eft befoin , quand il veut crayonner
Ses traits vainqueurs , qu'il aille à pleine taffe
Boire au ruiffeau des Nymphes d'Hélicon ,
Ou las ! jamais je ne pûs trouver place
Pour m'y remplir feulement un flacon.
Quan de Julie il célébre la grace .
Dans le fien coeur amour fe vient loger ,
D'humeur badine & de crayon leger
Le guerdonnant , fi que graces naïves ,
Broyant pour lui couleurs tendres & vives
FEVRIER . 79 1750 .
Semblent toujours fon pinceau diriger ;
Tant bien la peint , & lui fçait ménager
Appas nouveaux , qu'aux féquaniques rives
Il n'eft tendron qui veuille autre berger.
Après cela , Mufe , employez vos charmes';
Par vos accens tâchez de l'engager ;
Moi cependant , je rirai de vos larmes ,
Et vos foupirs feuls pourront me venger.
Pour toi , qu'Amour a fait fon Secretaire ,
Toi , qui remplis archives de Cythere
D'écrits charmans , que ce Dieu t'a dicté ;
Ami , pour moi flechis fa cruauté ,
Et pour en vers peindre chaîne nouvelle ,
Où me retient jeune Divinité ,
Quand le verras , avec dextérité
Tire-lui vite une plume de l'aile ;
Puis la taillant , fitôt m'en feras don. >
1 Lois fi vouloit le petit Cupidon
Se rebecquer , redemander la plume ,
Garde-toi bien..... mon ami cher ,
Malgré fes pleurs , de jamais la lâcher, '
Mais fi tu vois que fon courroux s'allume ;
Encontre toi s'il vouloit fe fâcher ,
Tant fort foit-il difficile à toucher ,
De cet enfant pourras appailer l'ire ,
Et lui feras ton larcin approuver ,
En lui donnant au même inftant à lire
Le dénouement que feul as pû trouver.
Diiij
la MERCURE DE FRANCE
SEANCE PUBLIQUE
De l'Académie Royale de Chirurgie , à laquelle
préfida M. Bourgeois , Vice- Directeur
, en l'absence de M. de la Martiniere,
Premier Chirurgien du Roi. Du 3 Juin
1749.
Mre
R. Hévin , Sécretaire pour les Cor
refpondances , fit , en l'abſence de
Mr. Quefnay Sécretaire , l'ouverture de la .
Séance par la lecture d'un précis fur les:
Médicamens déterfifs qui avoient été le
fujet du prix : il déclara que l'Academie.
avoit cru devoir adjuger le prix , qui étoit
double , aux Mémoires N°. 3. qui a pourdevife
, Statutum eft in Theoria & Praxi
& N. S. qui fe termine par ces deux devifes
, Non omnia poffumus omnes. Ignoti nulla
cupido. Le premier de ces Mémoires eft de
Mr. Flurant , Maître-ès-Arts & en Chirur
gie , & Chirurgien en chef de l'Hopital
géneral de la Charité de Lyon . L'Auteur
du fecond Mémoire eft Mr. Lonis , Maître-
ès- Arts , & Chirurgien Aide Major des
camps & armées du Roi , employé à l'Ho
pital Royal & Militaire de Metz . L'Acadé
mie a jugé que des autres ouvrages qui.
FEVRIER. 1750. 81
ont mérité d'être admis au concours , le
Mémoire Nº . 1. dont la deviſe eft , Sint
pauca ,fed certa , a le plus approché de ceux
qui ont remporté le prix : l'Auteur de ce
dernier Mémoire eft Mr. Fabre, Maître- ès-
Arts , actuellement fur les bancs des Ecoles
de Chirurgie.
M. Hevin annonça que l'Académie propofoit
pour le prix de l'année 1750 dedeterminer
le caractère des Tumeurs ferophuleuſes ,
leurs efpèces , leursfignes & leur cure , & que
le prix feroit une Médaille d'Or de la valeur
desoo livres , conformément au legs
de M. de la Peyronie.
M. Hévin proclama Affocié Etranger de
L'Académie M. Henckel , Docteur en
Médecine en l'Univerfité de Francfort fur
l'Oder , & Chirurgien Major des Gendarmes
de la Garde du Roi de Pruffe. M.
Henckel eft connu en Allemagne par diverfes
differtations latines fur la Cataracte
, fur l'Hernie ventrale &c. & par des
obfervations imprimées en Allemand fur
differentes maladies chirurgicales.
M. Hévin lut enfuite les éloges hiſtoriques
de M. Duverney , Démonftrateur
Royal d'Anatomie & de Chirurgie . au
Jardin du Roi , & Confeiller du Committé
perpétuel de l'Académie , & de Mr. Souher,
Ecuyer , Maître -ès- Arts , Profeffeur
D.v
2 MERCURE DE FRANCE.
& Démonſtrateur - Royal en Anatomie &
Chirurgie au Collége de Saint Cofme de-
Montpellier, Lieutenant de Mr. le Premier
Chirurgien du Roi , l'un des Chirurgiens ,
Majors de l'Hopital Général & de l'Hôtel- .
Dieu de Saint Eloy de la même ville , ancien
Chirurgien des camps & arméess
du Roi , & Affocié correfpondant de l'Académie
, morts depuis fa derniere affem--
blée publique.
Mr. le Dran fit la lecture d'un Mé
moire concernant l'opération connue ſous
le nom de Lithotomie. Ce n'eft pas une
difcuffion des differentes méthodes qui ont
été pratiquées , & qui le font encore pour
faire l'extraction de la Pierre qui eft dans
la veffie ; c'est un moyen nouveau qu'il
public pour faire cette extraction fans bri
fer la Pierre..
Il fait remarquer d'abord que les Pierres
blanches groffiffent dans un même efpace :
de temps, plus que celles qui font de couleur
rougeâtre , brune , ou noire ; qu'elles
font auffi plus molles & fouvent fragiles ,
au point de fe brifer , pour peu qu'elles..
foient ferrées dans la tenette , & il fait voir
dans la ſtructure des parties , pourquoi une ·
Pierre molle peut le brifer en fortant,mal-.
gré même les attentions de l'Opérateur.
La peine que l'on a à ôter tous les mor--
FEVRIER. 1750 83 .
ceaux dont même les petits échappent à la
tenette , & peuvent refter dans la veflie
malgré les attentions qu'on a à en procurer
la fortie par des panfemens méthodiques ,
fait qu'il regarde cet inconvenient comme
très- grand , & qu'il rejette l'ufage d'une
tenette qui avoit été propofée pour caffer
les groffes Pierres . Il l'adopteroit, dit- il , fi
» la nature de la Pierre permettoit de la
» couper en deux ou en quatre , comme
» on coupe une poire , mais cela ne fe
» peut , & on la brife néceffairement en
morceaux de differentes groffeurs & fi-
» gures .
f
Il donne enfuite la defcription de fa
tenette . Elle eft faire comme les autres ,
mais une des branches eft percée de quantité
de trous très - voiſins , & il y a à l'autre
branche , près de l'anneau , une languette
d'acier , mobile en tout fens , au bout de
laquelle eft une dent que Mr. le Dran fait
entrer dans l'un des trous de l'autre branche,
dès qu'il a placé la pierre comme il le
faut entre les mords , & qu'il l'a ferrée fuffifamment
pour la bien tenir fans la caffer,
Cette languette fixe l'écartement des branches
, de maniere qu'elles ne peuvent être
ferrées ni écartées davantage.
Ce moyen eft fi fimple & fi facile qu'il
n'augmente pas la durée de l'opération
D vj
$4 MERGURE DE FRANCE
d'une feconde , au lieu que l'extraction :
des morceaux , quand on a le malheur de
caffer la Pierre , l'allonge de plufieurs minutes.
" .
M. Petit lut un Mémoire fur les cas où
lės luxations du pied exigent l'amputation
de la jambe, » Les luxations du pied les .
» plus fâcheufes ne font pas toujours , die
» ce Praticien , celles où il y a le plus de
» défordre apparent : l'aftragale , en for-
» tant de fa cavité , caffe quelquefois l'u-
»ne ou l'autre malléole , & ces luxations
» peuvent être fuivies de moins d'accidens .
» que lorsqu'il n'y a pas de fracture. La
raifon en eft fenfible . Il eft conftant que -
quand l'aftragale eft chaffe de fa cavité, fu
une partie de l'effort, qui pouffe cet os,n'eſt
pas employée à fracturer l'une ou l'autre
malléole , il agira tout entier fur les parties
molles du voifinage :les ligamens & les>
tendons en feront plus rudement déchirés ; ..
la peau même pourra être rompue par las
tête de l'aftragale : dans ce cas le renverfement
du pied fera fi grand, que la portion
fupérieure de cet os le montrera toute em
dehors , & fe trouvera comme étranglée,
dans l'ouverture des régimens. Il ne fera
pas poffible de la réplacer fans faire des incifions
; en un mot les parties peuvent
fouffrir à un point que le délabrement foru
irréparable.
FEVRIER. 17503
M. Petit confirme fa propofition par
deux obfervations de luxations complettes .
du pied , fans fracture des malléoles , &
avec étranglement de l'aftragale par l'ouverture
que la tête de cet os avoit faite:
aux tégumens ; mais dont l'evénement
fat bien different . En effet , quoique Mr..
Petit , dans le premier cas , eûre détruit
l'étranglement par les dilatations néceffaires
, & qu'après avoir fait la réduction du
pied , il eût mis en ufage les faignées répe
tées , & tous les moyens capables de prévenir
les accidens ; l'inflammation vive ,
qui furvint , dégénera bientôt en gangré
ne : l'amputation qui étoit indiquée , &:
qui fut faite , n'eut cependant aucun fuccès.
Le bleffé, qui fait le fujet de la 2e. obſervation
, ne fut fecouru que le se . jour ::
néanmoins dès que le pied fut réduit , tous
les accidens, cefferent , & la guérifon fut
affez prompte. L'Auteur ajoute que de
beaucoup d'autres malades qu'il a vus attaqués
de femblables luxations , les uns ont
été guéris fans perdre leurs membres ; on a
fait l'amputation à d'autres , & de ceuxci
il en eft plus mort qu'il n'en eft échapé;
il en a même vu guérir , qui avoient
été abandonnés à la feule nature.
A
De tous ces faits M. Petit conclud
qu'il eft d'un bon praticien de tenter d'am
82
86 MERCURE DE FRANCE.
bord tout ce qu'il peut pour prévenir les
accidens , & d'attendre qu'ils paroiffent
s'annoncer , avant que de fe déterminer à
l'amputation , mais qu'il n'eft pas toujours
prudent d'attendre qu'ils foient parvenus
à un certain dégré. » Il faut , ajoute- t -il ,
de l'expérience pour fçavoir prendre un
»bon parti : il ne faut pas tout perdre
» en temporifant , mais auffi ne doit-on
»pas donner dans l'excès de ceux qui font
» toujours impatients de faire preuve de
» leur dextérité. Ces deux extrémités font
également vicieuſes ; il faut fçavoir plus
>> que couper, pour prendre un jufte milieu .
و
De ces fuccès fi differens dans les deux
cas femblables que Mr. Petit a rapportés ,
il prend occafion d'éxaminer , pourquoi
le premier bleffé mourut de la gangréne ,
quoiqu'on eût tout tenté pour la prévenir ,
& pourquoi le fecond guérit , quoiqu'il
n'eût pas été fecouru , & qu'il eût même
été maltraité. » Il paroit , dit ce Praticien , -
» qu'outre le déchirement des parties , il
» faut faire attention à l'ébranlement
»que le membre a reçu . Le défordre appa
rent n'eft pas le plus confidérable ; une
»partie de la force du coup ou de la chûte
eft employée à faire la playe , mais le
furplus du mouvement fe communique :
"aux parties du voifinage , tout le corps
FEVRIER. 1$75.0. 87
même peut en être ébranlé ; le froiffe-
»ment des parties , & la fecouffe violente-
» engourdiffent les vaiffeaux ; la circula-
>>tion fe rallentit ; le fang qui a perdu fa
» fluidité , & qui ne coule que très - diffici-
» lement dans les capillaires , fe trouve
» peu difpofé à la réfolution & à de bon-
» nes fuppurations . Toutes les liqueurs
» croupiffent dans leurs couloirs , parce
» qu'ils ont perdu leur tón : de- là une dif-
» pofition prochaine à la gangréne & à la
>>- pourriture...
و د
A
Mr. Petit confirme ce qu'il dit ici de la
commotion & de fes effets par des obfervations
que la pratique préfente journellement
1 °. dit- il , les muſcles font d'un
>> rouge brun dans les membres amputés
» dans le cas de la commotion , ce qui
» prouve que le fang eft arrêté dans fes
» vaiffeaux . 2 °. quand on coupe un mem-
» bre dans un cas où il n'y a pas eu de
»commotion , le fang coule librement
» dans fes vaiffeaux : fi au contraire l'opé
ration eft faite après une chûte , le fang
>ne coule qu'avec peine , ce qui démontre
» qu'il étoit en ftafe dans fes canaux ; on
» a même obſervé les
que
vaiffeaux
» eux-mêmes ne fourniffent quelquefois
» du fang que longtems après que le tour-
» niquer eſt lâché. 39. Les mêmes phéno
gros
2
88 MERCURE DE FRANCE.
23 4
» menes fe remarquent dans les membres
gangrenés , ou dans les fujets fcorbu-
» tiques. Or dans ces occafions , les vail-
» ſeaux ont évidemment perdu leur élaſti-
» cité naturelle , & toutes les liqueurs font
difpofées au croupiffement , ce qui indi
» que que les mêmes difpofitions fe trou-
» vent dans les cas où les parties ont ſouf-
» fert commotion .
93
M. Petitne regarde pas néanmoins la
commotion comme l'unique caufe de la
gangréne qui furvient aux grandes contufions
, aux fractures & aux luxations. » Je
33
fçais , dit -il , que les humeurs peuvent
» être difpofées à la corruption , & que
» cette caufe peut être regardée comme
» une des principales : quand elle fe ren-
» contrera avec la commotion , la naiffance-
» des accidens n'en fera que plus prompte ,
» & leur fuite plus funefte. J'ai fimplement
» voulu prouver que la commotion fuffi-
»foit pour procurer la mortification
puifqu'on obferve que cette fâcheuferer-
» minaiſon a fouvent lieu für des bleffés
qui ont toujours joui d'une parfaite
fanté.
99
99
Notre Auteur conclud de toutes ces remarques,
que le fecond bleffé , dont il parle, -
a été guéri par la fuppuration louable qui
s'eft établie, ce qui peut être arrivé , parce
FEVRIER. 1750. S
que la commotion n'étoit pas affez forte
pour interrompre le cours des liqueurs , &
que le premier bleffé eft mort par une difpofition
contraire , fuite d'un ébranlement
plus fort , & peut- être d'une difpofition
vicieufe dans les humeurs. Si l'on fait une
attention férieufe à tout le détail du Mémoire
de Mr. Petit , on apprendra à connoître
les cas où il faut fe preffer , & ceux
où l'on peut temporifer ; on fçaura diftirguer
ceux où la gangréne farviendra infailliblement
on ne fera pas furpris de
voir faire tant d'opérations infructueufes à
la fuite des chûtes , des éclats de bombes
& des fracas faits par les boulets de canon ,
parce qu'on aura laiflé échaper le moment
précieux. Enfin l'on conclura qu'il eft d'un
Chirurgien prudent d'examiner avec attention
jufqu'aux moindres circonstancesdes
maladies , fe rapellant toujours qu'on
péche autant contre les régles en faifant
une amputation fans une néceffité évidente ,
quand bien même le malade furvivroit ,
qu'en négligeant de la faire dans un cas où.
elle auroit été néceffaire.
M. Andouillé fit part d'un Mémoire où
l'on voit que l'Art a fçu rétablir , comme
dans l'état naturel , la fin de l'inteftin Rectum
& l'anus , prefque entiérement déla
birés à la fuite d'une plaie d'arme- à -feu , c
CB
90 MERCURE DE FRANCE .
qui s'eft opéré principalement par un moyen
déja connu pour d'autres occafions ,
mais fort ingénieuſement appliqué dans le
cas dont il s'agit .
coup
Un Soldat Hanovérien avoit reçu un
de fufil à la bataille de Raucoux ; la
balle entra près de la jonction de l'os pubis
avec l'ilium , traverfa obliquement la partie
inférieure du baffin , & fortit à l'extre
mité de l'os facrum. Dans ce trajet la
branche du pubis fut briſée , l'inteſtin
Rectum percé de part en part ; l'extrémité
de l'os facrum & la bafe du coccix furent
détruits les autres parties voifines refterent
préfervées.
Si l'on ne craignoit pas d'être trop long,
il faudroit fuivre exactement la difpofition
du Mémoire de M. Andouillé , On
voit au commencement que la plaie de ce
bleffé ne fut point dilatée ; elle étoit en
effet dans le cas de l'exception . » Quoique
» la pratique , dit M. Andouillé , indique
» de dilater les plaies d'armes - à-feu , celle-
» ci devoit être exceptée de la régle géné-
» rale , car la dilatation eft dangéreufe aux
plaies penétrantes dans la capacité du
» ventre , & on doit l'éviter , fi ce n'eft
lorfqu'il faut réduire les parties qui fe
»font échappées & qui font érranglées ,
ou quand les endroits bleffés font apo-
»
31
FEVRIER . 1750. 91
" névrotiques , & les incifions que l'on
» fait , doivent toujours être ménagées
» avec beaucoup de prudence .
paux
Il faut obferver que le bleffé n'avoit pas
été d'abord à portée de recevoir les princifecours
tels que les faignées réiterées
& le régime. Au bout de quelques jours.
il fut transferé à Bruxelles où étoit le dépôt
général. L'ouvrage de la nature , malgré
ce qui lui avoit manqué, n'en fouffrit
cependant point d'interruption. Tout ce
qui avoit été contus & meurtri dans le
trajet de la balle , tomba en mortification ;
la pourriture s'étendit fur tous les environs
de l'anus , enforte qu'une partie du
Rectum , fon fphincter & tout l'extérieur
de l'anus , ont été attaqués de gangréne.
9
On fent bien que toutes les parties gan
grénées devoient fe féparer par la fuppuration
, mais cet effet entraîna la fiévre
fymptome ordinaire ; les plaies ne rendoient
qu'une férofité putride , à quoi ſejoignit
une diarrée confidérable , & comme
du côté de la plaie anterieure le Rectum
étoit percé plus haut , une grande
partie des matiéres paffoit par cette plaie.
Il n'y eut heureuſement point d'inflammation
au ventre ni à la veffie,qui fut exempte
de rétention d'urine ; la gangréne s'étoit
bornée , & les efcarres fe détachoient
fans hémorragie.
92 MERCURE DE FRANCE:
Le bleffé étoit dans cet état, lorfque le
Chirurgien Major de fon Régiment , qui ne
l'avoit entre les mains que depuis peu, pria
M. Andouillé , Chirurgien Major de toute
l'Armée , d'examiner la maladie & de lui
donner fon avis.
On convint de commencer le traitement
par calmer la fièvre , & arrêter la diarrée.
Le bleffé fut faigné deux fois , & comme
jufques- là il s'étoit furchargé de nourritures
, tout concouroit à foupçonner un dérangement
& un embarras dans l'eftomach
& les inteftins. M. Andouillé confeilla
de vuider les premieres voyes par l'hipécacnana,
& les fecondes le lendemain par un
minoratif, ce qui eut tout le fuccès poffible.
Quoique la fiévre fût prefque éteinte , M.
Andouillé dit qu'il falloit mettre le bleffé
à l'ufage d'une teinture de Kinkina avec
les amers : ce reméde produit , ajoute-:--
» il , des effets admirables dans les plaies ,
» car il femble que le Kinkina ait une
» vertu qui rende la fuppuration meilleu-
» re c'eft prefque un digeftif intérieur ,
» & j'ai appris de M. de la Martiniere , Pre-
» mier Chirurgien du Roi , dans les Cam-
>pagnes que j'ai faites fous lui en Bohéme ,
»à l'employer avec fuccès dans les plaies
d'armes à- feu, quoiqu'il n'y eût point de
fiévre.
"
FEVRIER. . 1750 .. 93
Cette bleffure étoit affez grave , & l'évenement
en étoit trop important pour ne
pas intereffer M. Andouillé : il continua
de voir le malade avec fon Chirurgien
Major , & il fut très-fatisfait de voir vers
le ise. jour , tous les efcarres détachés ,
une fuppuration louable , les efquilles fe
préfenter , le coccix fe féparer , & le
bleffé dans la fituation la plus avantageufe
que l'on pût défirer par rapport à fon état.
Il ne fuffifoit pas d'avoir corrigé les accidens
la Nature s'étoit prêtée autant
qu'elle l'avoit pu; ce qui reftoit à faire dépendoit
pour le moins autant de l'Art que
d'elle. Deux fuites fâcheufes étoient à appréhender
, une fiftule , par laquelle les
matieres ftercorales fe feroient écoulées; &
que le bleffé , comme le coccix & la plus
grande partie du fphincter &c. étoient
détruits , n'eût pas la liberté de retenir ou
expulfer fes excrémens à fon gré. Voici
comme M. A. s'énonce , fur ce qu'il trouva
qui pourroit remedier en même tems à ces
deux accidens.
»J'imaginai de faire fabriquer une ca-
» nule de plomb, qui eût affez de longueur
»pour atteindre un pouce au delà de l'ou-
» verture du Rectum qui communiquoit
» avec l'aine , & d'un volume propre à
» tenir l'inteſtin dilaté . J'avois obſervé de
94 MERCURE DE FRANCE.
» faire donner à cette canule une courbure
prefque infenfible , pour mieux s'accom-
»moder à la concavité de l'os facrum.
•
وو
>> On introduifit dans l'anus cette canu-
» le enduite de digeftif , elle rempliffoit
»le vuide de l'inteftin , & ne débordoit
"point la plaie pour laiffer la facilité de la
» panfer , & comme la conftipation avoit
» fuccedé à la diarrée , & qu'on avoit foin
» d'entretenir le malade dans cet état par
» un régime convenable , il n'étoit nécef-
» faire de retirer la canule que de loin en
» loin : elle fut laiffée huit jours de fuite
»pour la premiere fois . Quelques matieres
» pouvoient s'échapper par l'ouverture
» les plus folides étoient retenues , mais il
» ne paffoit rien par la plaie antérieure.
Dès que la communication du Rectum
avec cette plaie eut été interrompuë , tout
de ce côté changea bientôt de face ; elle ſe
nettoya en bien peu de tems , la fuppuration
devint plus belle , l'exfoliation de l'os
fut prompte , les chairs furent vermeilles
& folides , & trouvant un plancher pour
les premiers fondemens d'une cicatrice ,
elles s'amafferent de toute la circonference;
le Rectum , qui eſt très - charnu , en fournit
auffi fa part, & il fe fit une cicatrice ferme
, enforte que cette plaie a été guérie la
premiere,
FEVRIER. 1750. 95
Cetinconvénient levé , c'étoit deja beaus
coup , mais n'étoit- il pas auffi important &
auffi difficile d'obvier à ce qui reftoit d'inquiétant?
La portion confervée du Rectum
pouvoit ne pas fuffire dans la fuite au reffort
néceffaire pour l'expulfion ou la rétention
des excrémens . Le progrès de la plaie de
l'anus ne put pas être fi rapide par le délabrement
confidérable. La canule qui fervoit
de moule à l'inteftin entretint l'ouverture
fuffifante , & on la . laiffa encore
quelque tems après que la plaie antérieure
fut fermée mais lorfque la cicatrice eut
commencé à gagner les environs de l'anus ,
on fubftitua à la canule une tente ordinaire
jufqu'à la parfaite guérifon . Par ce
moyen le Rectum fut affez dilaté pour
laiffer paffer librement & à volonté les
matieres ftercorales; & les fibres charnuës ,
qui fe multipliérent dans cet endroit ,
firent l'office de fphincter avec la foupleffe
qui convient. Auffi le bleffé guéri
en deux mois & demi , n'a pas la moindre
incommodité ; les matieres ftercorales font
retenues ou expulfées fuivant le befoin .
Enfuite M. Andouillé rend fort habilement
raiſon de la conduite qu'il a obſervée
dans la cure de cette maladie . Il marque
, » qu'il a préferé la canule aux tentes
ordinaires dont on fe fert dans les fiftu96
MERCURE DE FRANCE.
» les , parce que 1. la tente n'auroit pas
» eu affez de folidité pour faire un point
» d'appui. 2°. parce qu'elle fe feroit imbibée
des matieres fécales & purulentes ;
» & qu'on auroit été obligé de la changer à
» chaque panfement , ce qui ne peut fe
>> faire fans tirailler , allonger , ou froncer
» l'inteftin , & par conféquent déranger
»les premieres traces que la Nature avoit
» fuivies par la cohésion . 3 °. l'ouverture de
»la canule permettoit aux matieres les
plus liquides de s'échapper. Peut-être mê
» me la fubftance du plomb n'a-t -elle pas
nui à la régenération des chairs .
99
» Mais fur la fin de la guérifon la tente
étoit néceffaire : » la canule en effet au-
» roit été préjudiciable en tenant l'extré-
» mité de l'inteftin trop dilaté , & faiſant
»une preffion fur les bords de la plaie ,
» qui feroient devenus calleux . C'est pour-
» quoi l'on fe fervit d'une tente mouffe
» très- courte & très- molle, que l'on dimi-
> nuoit à proportion que la cicatrice s'avançoit
: cette cicatrice entiérement fai-
» te étoit froncée comme l'anus dans fon
≫état naturel .
39
On ne peut mieux terminer cet extrait
que par une réflexion judicieufe que fair
M. Andouillé : fçavoir que cette obfervation
donne lieu à des confequences dont
ong
FEVRIER.
1750. 97
on doit faire l'application à certaines fiftules
à l'anus , dans lefquelles on a été obligé
de faire une grande déperdition de fubftance
par rapport à la profondeur & à la
callofité. Il réfulte auffi de ce fait une
preuve qui confirme une vérité , reconnuë
par les meilleurs praticiens , qui eft que
l'incontinence ou la rétention des excrémens
n'eft pas toujours une fuite de la
fection du ſphincter inteſtinal .
-
Enfin il ne faut pas omettre ici la précaution
fage qui a été prife : c'eſt de faire
porter au bleffé guéri un bandage , dont la
pelote foutienne la cicatrice de la plaie
antérieure , dans la crainte d'une deſcente.
Le quatrième Mémoire , qui fut lu dans
l'affemblée publique de l'Académie , eſt de
M. Simon. Ce Mémoire contient des recherches
curieufes fur les differentes méthodes
dont on s'eft fervidepuis Hippocrate
jufqu'à préfent , pour faire l'amputation du
fein. M. Simon fait voir les inconvéniens
qu'il y a de fe fervir de la méthode des
anciens ; il donne la préférence à celle des
modernes , & prouve que la perfection
de cette opération eft entiérement due aux
Chirurgiens , principalement aux Chirargiens
de Paris.
M. Laffitte lut un Mémoire touchant les
Pierres formées dans le rein, & qui y cau-
E
98 MERCURE DE FRANCE.
fent abfcès , avec un détail fort circonftancié
fur la terminaifon de cette maladie,
& l'opération qui y convient.
"
On a tout lieu de penfer , dit l'Auteur ,
» que le germe des concrétions calculeufes
» eft produit par le raprochement des par-
» ties falines , terreftres & fulphureufes de
» l'urine. Ce liquide excrémenteux fe décompofe
ordinairement dans les orga-
» nes qui fervent à fa filtration . Lorfque
» le germe pierreux formé dans le rein fe
» trouve d'un volume, ou d'une figure , qui
»s'opposent à fon expulfion ; il fe forme
»
affez ordinairement des abfcès qui dé-
» truifent toute la fubftance de ce vif-
» cere , & qui inondent tout le tiffa adipeux
qui l'avoifine. Quoique les fuppu-
» rations intérieures foient prefque toujours
mortelles , elles peuvent devenir
» avantageufes dans le cas dont il s'agit ,
» parce que l'Art peut dans quelques circonftances
procurer une iffuë au pus
» qui forme l'abfcès , & cette iffue peut
»fervir à faire l'extraction du corps étran-
"ger. C'eft ce que M. Laffitte a démondifferentes
preuves , & furtout par
tré par
deux
obfervations
affez
intéreffantes
.
Le fujet de la premiere eft une femme
agée de trente- cinq ans , qui avoit depuis
quinze jours une tumeur à la région lom
FEVRIER. 1750. 99
baire gauche , avec fiévre & dévoyement.
Cette tumeur avoit été précédée de douleurs
vagues qui s'étendoient depuis les
reins jufqu'à la partie fupérieure du dos :
elle étoit douloureufe , & la couleur de la
peau n'étoit point changée. M. Laffitte qui
fentit un commencement de fluctuation à
Ja tumeur , appliqua un cataplafme anodin
; l'augmentation & le caractére de la
douleur lui ayant fait juger que cette tumeur
prenoit la voie de la fuppuration ,
il mit en ufage les cataplafmes maturatifs ,
& en cinq ou fix jours la tumeur fut en
état d'être ouverte. Le pus.qui fortit par
l'incifion étoit de differentes couleurs. M.
Laffitte fit toutes les recherches convenables
pour fçavoir s'il n'y avoit point quelque
foyer particulier de matieres , & il
n'en découvrit aucun .
Il panfa la malade méthodiquement ; la
cure ne fut troublée par aucun accident
jufqu'au 22. jours jufqu'alors la bonne
qualité des chairs & le progrès de la cicatrice
faifoient efpérer que la malade guétiroit
comme d'un abfcès ordinaire. Néanmoins
il furvint de la fiévre ; la malade
fentit une douleur pulfative à la plaie , &
il fortit beaucoup de pus . De deux ou trois
jours l'un , il en fortoit une plus grande
quantité que l'étendue apparente de
E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
l'ulcere n'étoit capable d'en fournir.
M. Laffitte qui ne doutoit plus de l'exiftence
d'un foyer fitué profondément , panfoit
la plaie fort fimplement , mais il cherchoit
à chaque levée d'appareil,les moyens
de découvrir l'embouchure du finus qui
pouvoit conduire à ce foyer : il la rencontra
le 60e.jour. La fonde pénétra à la profondeur
de fix pouces dans ce finus , &
elle lui fit fentir un corps dur : il appella
plufieurs de fes confreres en confultation ;
& tous , ayantr econnu le corps étranger,
convinrent unanimement qu'il en falloir
faire l'extraction . M. Laffitte fit l'opération
& tira de la fubftance du rein deux pierres,
l'une groffe comme une aveline , & l'autre
du volume d'une noix, & d'une figure irréguliere.
La malade guérit parfaitement.
M. Laffitte a fait encore l'extraction d'u
ne pierre du rein à un homme de trentefix
ans, à qui on avoit ouvert onze ans auparavant
un abfcès à la région lombaire
droite ; la plaie étoit dégeneree en fiftule .
Quelques accidens, furvenus à cette fiftule ,
firent qu'on appella M, Laffitte ; il les calma
par les moyens convenables , & ayant
fondé le finus, il fentit un corps'dur . Après
les préparations néceffaires , il fit l'extraction
d'une pierre qui a la figure d'un mamelon
du rein mais la plaie eft restée
Toup
FEVRIER. 1750. ΤΟΙ
fiftuleufe . L'Auteur de ce Mémoire préfume
que c'eft en conféquence de quelqu'autre
petite pierre reftée dans ce vifcere
, parce que le malade y fentoit des douleurs
qui répondoient à la fiftule.
Ces obfervations montrent combien
l'on doit être attentif dans l'ouverture des
abfcès à la region des reins. Les circonftances
détaillées des faits , qui font particuliers
à M. Laffitte , viennent àl'appui de
ceux qu'on trouve dans les Auteurs fur le
même fujet. Plufieurs , entre lefquels Hippocrate
eft le premier , recommandent expreffément
l'incifion du rein dans le cas
de la fuppuration de ce vifcere , pour faire
Pextraction d'une pierre . Il y a même des
Auteurs qui n'ont pas crû qu'il fûr abfolument
néceffaire que la formation d'un abfcès
indiquât cette incifion . Roffet & Riolan
difent d'après des cures chirurgicales ,
heureuſement terminées , qu'on peut ouvrir
fur la pierre du rein , pourvu qu'elle
fe falfe fentir au tact. Ce n'eft pas affez
dire ; on peut être un peu plus hardi.
M. Laffitte, cite une obfervation de Gafpard
Bauhin , laquelle confirme ce précepte.
Une Fille fut attaquée d'une tumeur
à la region des lombes , à la fuite d'une
fuppreffion totale d'urine . Un Chirurgien
de Paris, dont on ne dit pas le nom, appli-
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
qua inutilement pendant deux mois des
cataplafmes maturatifs fur cette tumeur ,
efpérant qu'elle s'abfcederoit. Il diftingua
enfin une dureté dans la tumeur , & fic
une incifion par laquelle il tira deux pierres
: cette opération eut tout le fuccès poffible.
Baubin avoit appris ce fait de Guil-
Laume Chapelle fous qui il avoit étudié la
Médecine à Paris : l'obfervation
fait honneur
à l'ancienne
Chirurgie Françoife
.
M. Levret fit la defcription d'un inftrument
nouveau pour délivrer les femmes de
ce qu'on appelle improprement faux germes
, des môles , & du placenta des foetus
avortifs , dont la préfence & le féjour dans
la matrice caufe & entretient des pertesde
fang , qui ne ceffent que par l'expulfion de
ces corps , & qui ne font que trop fouvent
funeftes aux femmes par leur longue
durée , & l'épuiſement des forces , qui en
eft une fuite néceffaire.
M. Lévret commence fon Mémoire par
le récit d'une obfervation qui confirme
évidemment ce danger , & dont le fujet
lui donna lieu d'imaginer le moyen qu'il
propofe pour extraire ces corps étrangers.
Quelques praticiens avoient confeillé ,
avant lui , d'employer dans cette vuë une
pince connue fous le nom de bec de grue ,
mais » cet inftrument , quoique fort long
FEVRIER . 1750. 103
» a , dit notre Auteur , fes ferres fi gréles
>> & fi menues , qu'outre le danger de bleffer
»les malades , il étoit prefque. toujours
infuffifant pour faifir le corps dont on
»vouloit faire l'extraction. C'est pour
remedier à ces inconvéniens que M. Lévret
imagina fon nouvel inftrument.
""
C'est une pince à jonction paffée , dont
chaque branche a dans fa partie fupérieure
un cuilleron oblong , fenêtré , & légèrerement
courbe . Ces cuillerons laiffent entr'eux
un eſpace fuffifant pour loger le
corps étranger , dont une partie , paflant
à travers les fenêtres, affûre la prife de l'inftrument
fur ce corps.
Cette pince a divers avantages effentiels
1. Les deux cuillerons n'ont pas
enfemble plus de volume qu'un doigt ordinaire
, & font l'office de deux . 20. Leurs
évidures intérieures & leurs fenêtres font
que l'inftrument n'ajoute rien au diamétre
du corps étranger qu'il tient embraffé , &
c'eft ce que ne pourroient faire les doigts.
3 °. La figure oblongue de cette pince , fa
furface extérieure , arrondie en tous fens ,
& le vuide en plan incliné & uni de fa
furface interne , en facilitent l'introduction
, ainfi que la douce courbure de fes
cuillerons, qui s'accommode à la direction
actuelle du col de la matrice. 4° . Quand
E iiij
104 MERCURE DE FRANCE.
par
l'inftrument eft introduit , on peut juger,
l'écartement de fes anneaux , du volume
du corps qu'on a faifi , parce que le
clou qui joint fes branches, eft placé exactement
dans le milieu de la longueur de
l'inftrument. 5 °. Le lieu de la jonction de
fes branches eft fait de maniere qu'il ne
peut pincer aucune partie .
» Il feroit inutile , continue M. Lévret ,
» de recommander de tirer doucement &
» en differens fens , lorfqu'on a faifi foli-
» dement le corps étranger , car je puis af-
» fürer qu'il faut fi peu d'effort qu'il m'eſt
» arrivé plufieurs fois , dans le tems que
je dilatois l'orifice de la matrice en
» écartant les branches de la pince, de voir
fortir le corps étranger , en repouffant ,
» pour- ainfi dire , l'inftrument, parce qu'il
fuffit , comme on fçait , de faire la plus
» legere violence à l'orifice de la matrice ,
"pour exciter à l'inftant la contraction de
» tout fon corps .
ן כ
M. Lévret termine fon Mémoire par le
détail de trois obfervations qui prouvent
l'utilité de ce nouvel inftrument, & le fuc
cès avec lequel il s'en eft fervi pour extraire
un Placenta refté dans la matrice après une
fauffe couche au terme de trois mois , &
deux faux germes ou môles , dont l'une ,
qui étoit en grappe , égaloit au moins le
FEVRIER . 1750. 105
provolume
de la tête . Les trois femmes , qui
font le fujet de ces obfervations , étoient
réduites , par la perte de fang , dans un
état à faire craindre pour leur vie , mais
elles en furent délivrées promptement par'
Fextraction de ces corps étrangers.
M. Louis termina la Séance par la lecture
d'un Mémoire fur divers accidens
duits par
la clôture du vagin. Après quelques
réflexions préliminaires fur les attentions
que demandent les differens vices de
conformation que les enfans apportent en
naiffant , M. Louis obferve que la mauvaife
difpofition originaire qui confifte
dans le deffaut d'ouvertnre des parties ,
caufe des accidens plus ou moins fâcheux ,
fuivant que l'ufage des organes mal difpofés
eft plus ou moins néceffaire. L'Auteur
cite l'exemple de l'imperforation de l'anus
de laquelle les enfans nouveaux nés périffent
en fort peu de jours , fi l'Art ne procure
une iffue aux matieres fécales. Il n'en
eft
pas
de même du deffaut d'ouverture &
de la clôture de la vulve :le conduit dont el
le eft l'orifice ne doit exercer aucunes fonctions
avant l'âge de puberté , & ce ne font
que les perfonnes parvenues à cet âge, qui
ont fourni jufqu'à préfent les obſervations
fur les accidens que l'on fçait réſulter
de l'imperforation & de la clôture du vagin.
E v
>
106 MERCURE DE FRANCE
La rétention des menftruës a paru le feul!
accident auquel le deffaut d'ouverture du
vagin puiffe donner lieu ; cet accident met.
non feulement les filles qui en font attaquées
, en danger de périr , comme on le
prouve par plufieurs obfervations , mais
les fimptomes de cette rétention s'annonçant
ordinairement fous les apparences de
groffeffe , ils fervent de fondement à des
foupçons injurieux . M.Louis rapporte d'après
Fabrice d' Aquapendente un fait, qui fait
voir que cette rétention du fang menstruel.
en a impofé au point d'être prife , dans fes
commencemens , pour la goutte- fciatique,
parceque la malade fouffroit au tour des
fombes & dans la partie la plus inférieure:
du ventre , des douleurs qui fe communiquoient
à la jonction des anches & aux
cuiffes. L'Auteur finit fon Mémoire par
l'expofé d'un cas , où une clôture particu
liere du vagin caufoit à un enfant depuis
fa naiffance une incontinence apparente.
d'urine qu'on attribuoit à la paralyfie du
fphincter de la veffie , & que M. Louis at
guérie par une opération des plus fimples..
Le fujet de cette obfervation eft une petite
fille de cinq ans & demi . En examinant
l'état des parties , M. Louis remarqua
que les grandes lévres étoient bien
diftinguées extérieurement , mais qu'elles
FEVRIER. 1750 107
étoient réunies intérieurement par un vice
de premiere conformation. Il n'y avoit
aucune apparence de vulve ni de nimphes.
On voyoit à la partie fupérieure de cette
gouttiere un trou que l'Auteur prit alors
pour l'orifice de l'urethre. Il effaya envain
d'y introduire un ftiler dans la direction
qui devoit naturellement conduire à la
veffie ; il fentit par tout de la réſiſtance ,
excepté vers la partie inférieure où le ftilet
gliffa très-facilement. M. Louis jugea à
de divifer l'union contre nature
propos
des grandes lévres , ce qu'il fit avec le biftouri
conduit par la fonde cannelée : cette
ouverture donna iffue à un bon verre d'urine
qui parut très - diftinctement fortir du.
vagin. M. Louis panfa la malade convenablement
; il la vifita deux heures après l'opération
; l'appareil n'étoit point mouillé :
il conjectura alors que les parties étoient
bien conftituées , & que la fortie de l'urine
hors de la veffie pouvoit avoir été volontaire
, quoique l'écoulement de ce fluide:
en dehors ne le fût point.
M. Louis trouva effectivement à la levée.
du premier appareil , que tout le defordre
venoit de l'union des grandes lévres , les
autres parties étant bien difpofées fuivant
l'ordre naturel. Le trou , qui étoit au haut
dela grande fente avant l'opération , étoit
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
fupérieur à l'orifice de l'urethre , de façon
que l'urine de cet enfant couloit dans fon
vagin , d'où elle fortoit par regorgement
& involontairement à travers l'iffuë dont
nous venons de parler. Cette petite fille ,.
dès l'inftant de la petite opération que M.
Louis lui fit fut délivrée de l'infirmité
qu'on avoit prife pour une incontinence
d'urine , & elle a été guérie en fort peu
de jours de la divifion des parties.
3
LE PREMIER JOUR DE L'AN.
LE Soleil au bout de fa courſe ,
De fon retour , enfin , nous redonne l'espoir
Dėja , pour venir nous revoir ,
Il dirige fon char vers les Pôles de l'Ourfe .
Le trifte Décembre eft paffé :
Pour nous aujourd'hui s'ouvre une nouvelle
née.
La joie en tous lieux ramenée ,
L'abord riant , l'air empreffé ,
Sur l'alle des fouhaits qui lui fervent d'eſcorte;
Chemine , va , revient , vole de porte en porte ,
Et d'un trait en paffant fur chaque front tracé
Déride le plus hériffé.
Son regne cependant à peine recommence.
ang
FE V RI ER. 1750. 109
Emule du Sénat. Romain ,
Avec le fort d'intelligence ,
Bientôt nous là verrons fignaler fa puiffance ,
Et faire des Rois de fa main.
Tous les plaifirs alors , Bacchus venant en tête ,
Par des cris redoublés célébreront la fête.
Chaque verre de vin gravement entonné
Par le Monarque couronné ,
Ces cris au loin iront s'épandre
Comme un Aux & reflux. D'autres à l'uniffon ,
Dans les airs balancés réfléchiffant le fon ,
A leur tour fe feront entendre.
Dans un Trône élevé fur cent verres de vin ',,
Des mortels raffemblés à table dans fon fein
La joie en fouriant recevra les hommages :
Pour foutenir leur zéle , & leur donner des gages
De fes bienfaits réitérés ,
De fes tréfors ouverts cent maſques bigarrés ,,
Du Carnaval naiffant agréables préſages ,
Leur feront de ſa main à l'inſtant délivrés.
De plaifirs enlaffés quelle fera la chaîne ! .
Que de chants à table infpirés .
Par le nouriffon de Siléne !
Que de déguifemens avec art recherchés ,,
Où les folâtres ris fous le mafque cachés ,
Danfant d'un-pied leger , occuperont la ſcene !
Quelle carriere ouverte aux timides amours !
Fro MERCURE DEFRANCE.
Sous le mafque enhardis ils oferont fe plaindre ;
Beau fexe , cependant , gardez- vous de leurs tours;
Et fous le mafque auffi , penfez qu'ils fçauront
feindre.
Mais moi- même y penfai- je ? Et de tous ces plai
firs
Eft ce à moi de parler encore ?
Dois-je m'en fouvenir fi loin de mon Aurore?
Soleil , fi ton retour flatte ici mes defirs ,
C'eft pour voir dans nos bois renaître le feuillage,
C'eft pour goûter fous fon ombrage ,
Et dans un loifir précieux ,
Cette volupté douce & pure ,
Fille de la fimple nature ,
Chaque jour dévoilant fes beautés à nos yeux.
Tar M. Verrieres , de l'Académie Royale
des Belles - Lettres de Caën .
"
Sur le chiffre de M. N. J ***. & de Madamefon
époufe N. N*** .
L
par
Lui-même.
Itteræ in amplexum coëunt mirâ arte ; pe
renni
Sic , utinam , coëant pectora juncta fide :
Traduction , par le même .
Par tous ces contours admirables
Nos Lettres fe tiendront toujours :
FEVRIER. 1750. BEI
Puiffent nos coeurs & nos amours
Etre de même inféparables !
Par M. J***, le pere.
Vers Picards , extraits d'une Lettre de M
Jouin , le pere , à M. B * ** . Curé
d'une Ville de Picardie..
HAA bien ! Gno rien qui ne che peuche foire ,,
Vers les bieux jours & la belle ſaiſon
Je pourroais bien laicher- lò no moifon ,
Et pnin mnâler 8 montrer em macoire ,
Mon Guieu ! diroiiois , Jen du Kenem Bayeul
Le fren Badeux ! comme il vo dindinent !
Bay donc chtilo fen capieu fus s'neraille
Aveuç s'népée à fen cul qui bredaille ,.
Le bieu Monfieur ! oz en diriaiche autent ..
Bien à chlo près je pourrois bien pourtent ,,
( Chi le bon Guieu nous prête à tous deux vie )
'A ller un peu dans celle Picardie:
Den chais courtils , den chais cams , chais ca
quieux,
Que den vos wers o nous dites chi bieux.
Oui , mordenbieu , j'en feroüais la folie.
Et dès demain tent j'en n'ay grende envie ,.
Chen che ménage, & che méquier de rien
* C'est le nom que donnent les Habitans de Mons
didier à certaine figure quifrappe l'heure à l'Horloge
du Marché..
112 MERCURE DE FRANCE.
Qui dench' Paris m'attache comme un kien ;
M'en kio Monfieu , je voudroais pour grend
côfe
Qu'il tînt à mi , mais veterbieu je n'ôſe
Promettre encoire ; enfin , chi chlo che peut,
J'iray vous voir , chi le bon Guieu le veut ,
J'irai menger del flamique à l'ozaille ,
Et dire bren à che villain warwaille.
REPROCHES
De la Parque à Mlle Clairon.
C'Eft donc envain , & cruelle beauté ;
Que dans les bras de la fanté
Je vous permets de cultiver ces charmes ,
Cet efprit , ces talens à qui tout rend les armes
Vous verrai - je toujours avec même rigueur
'Aux tranſports d'un amant , à ſa perfeverance
Oppofer de l'indifference ?
Doutez-vous , dites - moi , de ſa parfaite ardeur ?
Vous le fçavez , il n'eut point d'autre guide ,
Lorsqu'il vint en votre faveur
Se foumettre fans crainte à toute ma fureur.
Rappellez-vous ce terns où mon fer homicide
Etoit prêt à couper la trame de vos jours.
Alors , ingrate , alors , quel fut votre fecours ?
FEVRIER. 1750. FI3
Envain la tendre Melpomene ,
Qui par vos talens féducteurs
Fait fi bien regner fur la Scéne ,
Et qui plus eft dans tous les coeurs
L'amour , la pitié , les allarmes ,
Se jettant à mes pieds , les yeux baignés de larmes
En pouffant de triftes fanglots ,
Me prioit d'épargner le foutien de fa gloire.
Envain cet enfant de Paphos ,
A qui vos yeux affûrent la victoire ,
Craignant que votre mort n'éteignît fon flambeau
Etoit prêt , difoit- il , à vous fuivre au tombeau .
Envain les graces éplorées ,
S'arrachant les cheveux , s'écrioient à leur tour
Qu'allons- nous devenir , triſtes , deſeſperées ▸
Cruelle , refpectez notre plus beau féjour.
Envain le Chantre du Permeffe ,
Qui quand il veut ravir les Dieux ,
Sur votre voix enchantereffe
Régle fes tons mélodieux ,
Me difoit , qu'aux plaifirs de la Troupe célefter
C'étoit porter le coup le plus funefte .
Déja vous defcendiez au ſéjour ténébreux ,
Lorfque cet amant généreux
Offrit pour fauver votre vie ,
Que la fienne lui fût ravie.
Ce deffein m'attendrit , je changeai votre fort ;
Et ne pas me réfoudre à rompre un noeud fi fort.
114 MERCURE DE FRANCE,
Ayez de la reconnoiffance ;
Vous ſçavez ce qu'il veut pour toute récompenſe.
Par M. de la Louptiere.
502 506506 506 606 600 502 50% 502-306 600 500 500 5
SUITE de la traduction du Traité de
M. Fizes , fur lafièvre.
CHAPITRE SECOND.
Des differences desfièvres.
N
Ous allons expofer les differences
des fiévres , fans entrer dans les conretations
qu'on forme inutilement à ce
fujer , n'ayant deffein de donner ici que
ce qui nous a paru plus utile à un Médecin
.
C'est pourquoi nous dirons d'abord
que les fiévres font ou continues , ou intermittentes.
On nomme fiévre continue ,
celle qui ne ceffe pas du tout , jufqu'à ce
qu'elle ait été entierement domptée. On
appelle intermittente , celle , qui après avoir
paru ceffer entierement , revient de nouveau
, & cela plufieurs fois pour l'ordi
naire.
La fiévre continue eft , ou fimplement
briéve , ou aigue , ou lente. La fiévre fimplement
brieve eft celle qui fe termine fans
FEVRIER. 1750.
danger en peu de jours , comme la fiévre
éphémère , la fynoque fimple , & la fiévre
produite par une fuppuration qui fe forme
dans une partie charnue externe.
La fiévre , qui parcourt fes tems promp
tement & avec danger , eft nommée fiévre
aigue ; elle fe prolonge ordinairement jufqu'au
quatorziéme , quelquefois jufqu'au
vingt-uniéme jour , & alors elle eft appellée
aigue par extenfion ; enfuite elle eft dite
aigue par décidence , jufqu'au quarantiéme
jour , & non au -delà . Telles font la fynoque
putride , la fièvre maligne , la fiévre
ardente , la fiévre produite par l'inflammation
de quelque vifcére , ou même des
parties extérieures griévement affectées ,
furtout des tendineufes , ou des ligamenteufes
, & la fiévre excitée par une fuppuration
violente & dangereufe à raifon de
La partie affectée.
On appelle fiévre lente celle qui dure
long- tems , & pour le moins plus de quarante
jours telle eft la fiévre hectique ,
ou la fiévre lente qui dépend de la fuppuration
fourde de quelque partie , ou de
l'obftruction de quelque vifcére.
Les fiévres intermittentes offrent deux
états , qu'il eft bon de remarquer avant
que d'en déterminer les differences ; l'un
dans lequel il y a fiévre , & l'autre dans
FIG MERCURE DE FRANCE.
lequel il n'y en a point. Le premier
Domme accès , le fecond s'appelle intermiffion
, ou relâche.
Mais comme le type fébrile , ou la forme
qui réfulte des deux accès & d'une intermiffion
, n'eft pas le même dans les fiévres
intermittentes , c'eft pour cela qu'on
diftingue differentes efpéces de fièvres intermittentes.
La fiévre intermittente eft appellée quo
tidienne , lorfque l'accès arrive chaque
jour : tierce , lorfqu'il ne vient que de
deux jours l'un ; quarte , lorfque c'eft cha
que quatrième jour , en comptant depuis
le premier accès , jufqu'au fecond inclufivement
; ainfi dans la fiévre quarte il y a
deux jours de relâche d'un accès à l'autre.
Celle où l'accès ne revient que chaque cinquiéme
jour , & laiffe par conféquent trois
jours libres , s'appelle quinte ; & c'eſt encore
de là que les autres fièvres intermittentes
prennent leur dénomination .
C'eft pour cela auffi que toutes ces fiévres
font nommées périodiques. Mais lorf
qu'une fiévre intermittente ne garde aucun
type ou ordre dans fes retours , & qu'ainfr
elle n'eft point périodique , elle s'appelle
erratique..
Ce n'eft pas tout ; une fiévre intermittente
périodique s'appelle double quoti
FEVRIER . 1750. 117
dienne , lorfque dans un jour , c'eft à- dire,
en vingt- quatre heures , on obferve deux
paroxilmes double tierce , lorfqu'aux jours
que l'accès de la tierce doit revenir , on
obferve deux accès , & que le jour interpofé
eft entierement libre , ou , ce qui eft
plus ordinaire , lorfque chaque jour l'accès
revient , de telle forte pourtant que le
commencement de l'accès du troifiéme
jour réponde , quant à l'heure , au commencement
de l'accès du premier jour , &
que le commencement de celui du quatriéme
jour réponde au commencement
de l'accès du fecond jour , & ainfi de
fuite de deux en deux jours pour les autres
accès.
Comme le période de la fiévre quarte
eft de quatre jours , on l'appelle double
quarte , lorfqu'au premier & au. fecond
jour il y a accès , tandis que le troiſième
jour eft libre , & quederechef il y a en,
fuite accès au quatriéme & au cinquième
jour , de façon pourtant que pour l'heure
de l'invafion l'accès du premier jour réponde
à celui du quatrième jour , & que
l'accès du fecond jour réponde à celui du
cinquième , enfuite
l'accès du qua
que
triéme jour réponde à celui du feptième ,
& l'accès du cinquième à celui du huitiéme,
tandis que le fixième jour eft cependant
libre , & ainfi de fuite,
IS MERCURE DE FRANCE.
On appelle la fiévre triple quarte, lorſqu'il
ne fe paffe aucun jour fans accès , à cette
condition pourtant que l'accès du premier
jour réponde à celui du quatriéme , que
l'accès du fecond jour réponde à celui du
cinquième , que l'accès du troifiéme jour
réponde à celui du fixiéme , & que l'accès
du quatrième jour réponde à celui du feptiéme
, & ainfi de fuite. Par-là on pourra
fixer aisément toutes les dénominations
des fiévres ïntermittentes périodiques.
Ce qui a été dit touchant les dénominations
des fiévres intermittentes , ſe doit
appliquer aux fiévres continues & aigues ,
furtout aux putrides & aux malignes , dans
lefquelles on obferve des redoublemens .
Ainfi , felon leur different type , les fiévres
continues redoublantes s'appellent ,
tantôt quotidiennes , tantôt tierces , tantôt
doubles tierces , & ainfi de fuite , felon ce
qui a été déja dit des fiévres intermittentes
périodiques. De même auffi ces fièvres
font appellées erratiques , lorfque leurs redoublemens
ne gardent aucun type ou
ordre.
Outre les fièvres continues & intermittentes
, il y en a d'autres qui femblent flotter
entre ces deux- là , qu'on appelle fubintrantes
, & qui par cette raifon font mifes
par les uns dans la claffe des intermittenFEVRIER
. 1750. 119
tes , & par les autres dans celle des continues
, ce qui revient prefqu'au même
quoique je me rangerois plutôt du dernier
fentiment , puifqu'on n'y obferve aucune
intermiffion abfolue ; car on appelle fubintrante
, cette fiévre , qui , lorfqu'elle eft
prefque tombée , fe releve d'abord derechef
, foit peu à peu , foit tout à coup:
?
Enfin il y a une efpéce de fiévre que les
anciens ont dit être compofée d'une quotidienne
continue , & d'une tierce intermittente.
Ils l'appelloient hemitriftée
c'est- à dire demi tierce , & Hippocrate la
nommoit phricodés , c'eft à- dire fiévre qui
fait friffonner. Mais c'eft une fiévre continue
avec des redoublemens , de telle
forte que de deux en deux jours le redou
blement commence par un friffonnement,
ou même par un long & grand froid ',
avec tremblement , comme il arrive dans
les accès de la fiévre intermittente , && .
que dans les jours intermédiaires , le redoublement
ne commence qu'avec un leger
refroidiffement , comme dans la fiévre
quotidienne . En voilà affez fur les differences
des fiévres , tant à raifon de leur
continuité , qu'à raifon de leur intermiffion.
En fecond lieu , les fièvres font ou
humorales , ou non humorales.
120 MERCURE DEFRANCE.
*
On appelle humorales celles qui font
produites & entretenues par le vice de la
maffe des humeurs : telles font , entre les
continues aigues , la fiévre putride , la maligne
, la peftilentielle & plufieurs autres,
comme toutes les fiévres lentes , & prefque
toutes les intermittente.
Les fiévres non - humorales font celles
qui font produites & entretenues par le
vice des folides : telles font la fiévre caufée
par un abfcès qui fe forme , ou par une
fuppuration douloureufe , la fiévre occafionnée
par la douleur de quelque partie ,
comme par un panaris , par la piquûre
d'un tendon , par quelque , opération de
Chirurgie , par l'application du cautère
actuel ou potentiel , par la brûlure , &c.
dans tous lefquels cas la fièvre eft excitée
indépendamment de la dépravation des
Auides , & s'appaife promptement, dès que
le dérangement des folides , qui l'a occafionnée
, n'a plus lieu : d'où l'on voit clairement
que dans les fièvres humorales il
y a une matiere fébrile , & qu'il n'y en a
point dans les non -humorales. C'eft pourquoi
dans la théorie de la fiévre nous
avons affigné pour les caufes de la fréquence
du poulx , tantôt le paffage difficile
du fang dans les plus petits vaiffeaux
avec certaines modifications , tantôt la
fecouffe
FEVRIER . 1750. 121
;
Lecouffe violente du fyftême nerveux
enfin l'on voit que ceux qui ne reconnoiffent
qu'une feule caufe de la fréquence
du poulx fébrile , font bien peu verfés
dans la Science de la Médecine.
En troifiéme lieu , les fiévres font ou
effentielles , ou fymptomatiques.
Les fièvres effentielles , que quelques - uns
appellent principales ( primaria ) font celles
qui dépendent d'une caufe qui leur eſt :
propre , & qui ne marchent pas à la fuite
d'une autre maladie ; ces fiévres font toujours
humorales .
Les fièvres fymptomatiques , qu'on appelle
auffi fubalternes ( fecundaria ) , font
celles qui dépendent d'une autre maladie,
& font l'effet , ou d'une inflammation qui
a précédé , ou d'un ulcére , ou d'une. fiftule
, ou d'un abfcès formé & non ouvert .
Toutes les fiévres non-humorales rapportées
ci -deffus , font auffi de ce genre ,
d'où l'on voit que les fiévres fymptomatiques
font , les unes humorales , & les autres
non-humorales .
Quatrièmement enfin , les fiévres ont
reçu differens noms , foit à raiſon de certaines
caufes remarquables dont elles dépendent
, foit à raifon de quelques fymptômes
dont elles font accompagnées.
A raiſon de leurs caufes , on les appelle
F
122 MERCURE DEFRANCE.
veneriennes , fcorbutiques , fcrofulenfes , cancereufes
, morbillenfes , varioleufes , arthriti
ques , peftilentielles , catharrenfes , lactées ,
inflammatoires , fuppuratoires ; & à raiſon
de leurs fymptômes , quelques- unes font
appellées algides , aarrddeenntteess ,, lypiries , fyncopales
, typhodes , élodes, affodes , épiales, bydrodes
, lyngodes , phricodes , pourprées ,fcarlatines
, petechiales , inflammatoires , érefipe-
Latenfes. Ainfi les Praticiens ont donné
differens noms aux fièvres , à raiſon du
caractére particulier de leur caufe , ou même
de la differente nature de leurs fymptômes.
CHAPITRE TROISIE'ME.
De la fièvre ephemere.
Cette fiévre a été appellée ainsi , à cauſe
qu'elle a accoûtumé de durer un jour , c'eſtà-
dire vingt- quatre heures ; cependant elle
entreprend quelquefois fur le troifiéme
jour , & lorfqu'elle fe prolonge davantage,
elle fe change en fynoque non putride ,
ou bien en fynoque putride.
La fiévre éphémère eft cette efpéce de
fiévre continue fimplement briéve , dans
laquelle le poulx eft affez grand , modérément
vite & fréquent , égal & mou avec
une chaleur douce , fans de grands acciFEVRIER
. 1750. 123
dens , & qui parcourt fes tems en un jour ,
ou tout au plus dans trois jours .
Cette fiévre n'eft précédée, ni de dégoût,
ni de laffitude , ni de friffonnement , ni
de beaucoup de baillemens : mais elle faifit
tout d'un coup , dans toute fa force , avec
chaleur , & fans être accompagnée d'autres
fâcheux fymptômes : on ne reffent point
de douleur de tête , ni d'eftomach , ni
d'envie de vomir , ni d'ardeur extraordinaire
, ni d'inquiétudes , ni aucun des autres
accidens qui arrivent dans les autres fiévres
; on ne remarque pas de changement
dans les urines. Elle fe termine promptement
, & quelquefois fans aucune évacuation
fenfible , le plus fouvent par une
tranfpiration abondante , par des moëteurs
, ou par des fueurs qui ne font ni copieufes
ni fétides.
La caufe de cette fiévre eft une matiere
fébrile compofée de quelques molécules
peu maffives , & d'un plus grand nombre
d'autres tenues dures , actives , mêlées enfemble
& peu unies entr'elles . Ces dernieres
molécules agitent le fang tout d'un
coup , & le jettent dans une raréfaction
qui n'eft toutefois violente , parce que
à peine le fang eft devenu un peu plus
épais. Cette raréfaction eft caufe que le
fang a un peu plus de peine à paffer dans
pas
›
Fij
124 MERCURE DE FRANCE.
quelques- uns des plus petits vaiffeaux ;
quoiqu'en même tems les forces du coeur
& des vaiffeaux fanguins foient excitées
par une plus grande tenfion qui leur eft
furvenue , & que ces forces foient augmentées
; d'où s'enfuit un poulx modérément
vîte & fréquent, un poulx grand fans
être tendu ni dur , une chaleur plus forte,
mais non brûlante , & des fymptômes non
dangereux ; & cela parce que le fang n'a
que peu de peine à paffer dans les plus
petits vaiffeaux , car c'eft de ce paffage dif
ficile que dépend principalement la griéveté
des fymptômes de la fiévre.
La vifcofité des molécules de la matiere
fébrile étant peu confidérable , elle le fond
facilement , & ces particules tenues , ou
fe détruiſent bientôt par le mouvement
inteftin du fang , ou elles fe fondent entierement
& fortent par la tranfpiration ;
d'où il fuit que la fièvre doit durer peu ,
à caufe que la matiere fébrile eft bientê
diffipée , & qu'elle fe doit terminer , ou
d'une maniere infenfible , ou par une moë
teur , ou tranfpiration abondante , ou par
quelque fueur douce.
Cette fiévre eft ordinairement produite
par des caufes évidentes , principalement
par de longues veilles , des inquiétudes
d'efprit , des paffions , par la trifteffe &
FEVRIER. 1750. 125
& les chagrins , la colére , l'ardeur du So
leil , les laffitudes après un grand exercice ,
les excès du vin & des liqueurs fpiritueufes,
ou le défaut de nourriture , ou par
quelqu'autre femblable caufe. Toutes lef
quelles caufes produifent cette fiévre en
donnant occafion au fang de s'épaiffir legérement
, & de devenir un peu plus âcre,
ou , ce qui eft le même , en faisant naître
dans le fang quelques particules un peu
plus épaiffes , & quelques autres un peu
plus dures & plus actives , qui prifes toutes
enfemble peuvent être regardées comme
la matiere fébrile de la fiévre éphémère.
De ce qu'on vient de dire , on peut connoître
, ou du moins foupçonner la fièvre
éphémère , car un Médecin n'en eft affûré
que lorfqu'elle eft terminée , puifque quelquefois
cette fiévre prolongée dégenere en
putride , car il peut arriver qu'il y ait une
matiere fébrile confidérable cachée dans
le fang ou dans les premieres voies , dont
la portion la plus épaiffe , qui doit exciter
une fiévre aigue , ne fe développe qu'après
quelques jours , tandis que dès le commencement
il ne s'en développe que quelques
parties plus mobiles , qui produifent une
févre benigne , qu'on prend pour une fiévre
éphémère.
Fiij
126 MERCURE DE FRANCE.
Du prognoftic de la fièvre éphémère .
La fiévre éphémère n'eft jamais dan gereufe
, foit parce qu'il ne s'y joint jamais
d'accidens graves , ce qui prouve que le
fang n'a que peu de peine à couler par les
plus petits vaiffeaux , & que les premieres
voies ne font pas gorgées de mauvais ſucs ,
foit parce que la matiere qui la caufe, peut
aifément fe développer , & fe brifer par
les mouvemens fpontanés des vaiſſeaux
fanguins & par l'agitation du fang , & fe
diffiper enfuite fans aucune peine par la
tranfpiration. Cependant comme le diagnoftic
de cette fiévre eft équivoque , ainfi
qu'on vient de le voir , il eft bon de fufpendre
fon jugement jufqu'à la fin du
troifiéme jour .
Du traitement de la fièvre éphémère.
Il faut laiffer à la Nature , je veux dire ,
aux mouvemens fpontanés des vaiſſeaux
& du fang , le foin de guérir cette fiévre.
Ce qu'on exige feulement de l'Art , c'eft
qu'il ne faffe aucune faute qui puiffe trou
bler l'ouvrage de la Nature. C'eft pourquoi
on interdira tout aliment au malade
pendant le premier jour , & on ne lui donnera
à boire que de l'eau feulement , ou
de quelque ptifane délayante , par exem
FEVRIER. 1750. 127
ple , de l'infufion de capillaire. Mais fi la
fiévre fe prolonge au-delà de vingt- quatre
heures , on lui donnera auffi des bouillons ,
& on lui interdira tout aliment folide ,
pour empêcher qu'il ne fe forme dans les
premieres voies de mauvais fucs , qui
pourroient produire une fiévre putride ,
car les digeftions ne fe font jamais bien
dans quelque fiévre que ce foit. Mais fi
l'on s'apperçoit d'une augmentation de
chaleur , ou s'il furvient quelque fymptôme
un peu fâcheux , tel qu'une douleur de
tête, où tout autre , alors il conviendra de
tirer au moins une fois du fang , d'autant
plus que la fiévre éphémère n'attaquant
ordinairement que des gens jeunes & vigoureux
, on n'a à craindre aucun dommage
d'une telle évacuation.
Au reste fi , en obfervant ces régles , la
fiévre ne fe diffipe pas en trois jours , le
Médecin , connoiffant alors que ce n'eft
point une fiévre éphémère , tâchera de découvrir
fi c'eft une fynoque putride ou
non putride , afin de la combattre efficacement
au plutôt , de la maniere que nous
le dirons ci - après. Bien plus , fi avant le
troifiéme jour il fe manifefte des fignes de
pourriture , il faudra traiter cette fiévre
comme une fiévre putride commençante .
Fiiij
128 MERCURE DE FRANCE.
par
On a dû expliquer l'Enigme & les Logogryphes
du Mercure de Janvier le
Similor, Cordelier & Philofophie, On trouve
dans le premier Logogryphe Or , corâe ,
Elie , lie , Code , Ode , ordre. On trouve
dans le fecond Pôle , Ifle , Loi , Heli , foie ,
fel , Lis , Ops , oeil , Pô , lie , fole , Sophie
poli , poële , pois , fol ( monnoye , ) Eloi , fi,
fol , Pelops , foi , Pie , Jo , Oife , Lis , Sophi
& Philis.
,
說說說說說洗光:洗洗洗洗洗洗洗洗
ENIGM E.
JE fuis grande , je fuis petite ,
Tantôt dehors , tantôt dedans .
Si je marche , on eſt à ma ſuite :
Tel qui me porte cependant ,
Eft toujours de la compagnie
Celui qu'on refpecte le moins.
A tous ceux , dont je fuis fuivie
Je peux éviter bien des feins.
A la campagne fort utile ,
J'y fers pour la commodité ;
Mais on me place dans la Ville
Par befoin & par vanité.
Par un Officier de la Garnifon de Besançon
FEVRIER. 1750. 129
LOGO GRYPH E.
EN tranfpofant mes douze pieds ,
Mon nom , Lecteur , aux yeux expoſe
De quelques fauffes Déités
L'hiftoire & la métamorphofe .
On voit d'abord cet agent fouverain ,
Qui fçut livrer au Dieu de Ganimede
La belle dont naquit, malgré la tour d'airàim,›
Le Libérateur d'Androméde ;.
La Déeffe de l'équité ;
Celui d'où vint le nom de l'antique Cité ,
Dont l'amour d'un berger a caufé la ruine
Le crime qui livra la chafte Proferpine
Au Dieu des fombres bords ; cet époux fans égal,,
Qui par un rare amour s'en fut chercher fa femme
Jufqu'aux extrémités du manoir infernal ;
La belle qu'une foeur , par un commerce infâme ,
Voulut livrer au Meſſager du Ciel.
Une Parque , un Prince cruel ,,
Dont l'ayeul aux Enfers au milieu des eaux inême:
Eft en proye à la foifextrême.
Le fleuve ou Phaeton tomba du haut des Cieux ;
Le pere putatif de cet ambitieux ;
Le Mont où finit fa carriere.
Le demi Dieu connu par fes douze travaux -
Rw
130 MERCURE DE FRANCE.
Une amante du Dieu des eaux •
Qui fouvent fe vendoit pour foulager fon pere.
Celui qui non moins changeant qu'elle ,
Du même Dieu conduifant les troupeaux ,
A fon gré fçavoit prendre une forme nouvelle .
La mere des freres jumeaux ,
Dont l'un fonda l'Empire de la Terre ;
Le terrible Dieu de la
guerre ;
Une Mufe ; un funefte fruit ,
Dont jadis la vue éclatante
Scut brouiller tout l'Olimpe & fixer Athalante
Le Dieu des fonges de la nuit.
Enfin pour écarter la fable & l'impofture
Par un trait de réalité ,
On y voit le tribut qu'on doit à la Nature,
Mais c'en eft trop , Lecteur , & tu m'as devine.
JE
AUTR E.
E fuis de fept pieds compoſe ,
Et fort commode à tous & l'Hyver & l'Eté.
Quoiqu'on me voye à la Cour , à la Ville
Je fuis à la campagne encor bien plus utile.
Je renferme dans moi , fi tu veux bien chercher
Ce que le Dieu des vers en courroux fit ôter
A certain orgueilleux Satyre ,
Et qu'en mainte belle on admire.
Tu dois auffi trouver un Elément ,
Et de l'Eglife un Ornement ;
2.
FEVRIER . 1750. 131
Uu lrabit féminin pour qui veut peu paroître .
C'en eft affez, fans doute, & tu dois me connoître.
J
Par Mademoiselle de B.
AUTRE.
E fers à ton Iris , tu dois me deviner ,
Mais avant il faut bien te laiffer combiner.
Quoique mon tout , Lecteur , tienne fort
place ,
peu de
En moi tu trouveras un inftrument de chaffe ;
Ce que defirent les humains ;
Ce que redoutent les Marins ;
Une Ifle ; une fleur éclatante ;
Ce qui rarement nous contente ;
Ce qu'on ne dit qu'à quelque fot.
C'en eft affez , tu tiens le mot.
Par la même:
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
NOUVELLES LITTERAIRES ,
D
DES BEAUX- ARTS , &c.
ISSERTATION fur la glace , ou
Explication phyfique de la formation
de la glace & de fes divers phénoménes.
Par M. Dortous de Mairan , de l'Académie
Royale des Sciences , & l'un des Quarante
de l'Académie Françoife. A Paris , de
l'Imprimerie Royale , 1749 , in - 12 . pp.
384. Avec cinq Planches.
Tout eft foumis à l'empire de la mode ,
& puifqu'elle influe fouvent fur la méthode
de traiter les maladies , il n'eſt pas étonnant
qu'elle étende fon pouvoir juſques
fur la méthode de philofopher. Dans le
dernier fiècle , un Phyficien ne parvenoit
à une haute réputation , qu'autant qu'il
joignoit au bonheur de faire quelques découvertes
utiles ou curieufes , le talent d'imaginer
une hypotheſe éblouiffante , dans
laquelle on crût voir les caufes des phé--
noménes qu'il annonçoit. Aujourd'hui ,
le titre d'homme à fyftemes eft devenu prefque
une injure parmi les Philofophes : ils:
Le bornent à rendre compte de leurs expériences
, & lorfqu'ils hazardent quelque
FEVRIER.
1750. 133
raifonnement , ce n'eft qu'en forme d'induction
& de conjecture.
A en juger par les bornes de notre intelligence
, cette conduite paroît être la
plus raifonnable , mais le procedé contraire
peut avoir auffi fes apologiftes. M.
de Mairan , dans une Préface qu'il a mife.
à la tête de cette quatrième Edition de fa
Differtation , montre qu'on a porté beaucoup
trop loin la prévention contre l'ef
prit fyftématique. » Le point de divifion ,,
» dit- il , entre les connoiffances où nous.
»pouvons afpirer , & celles qui nous font
> interdites , entre les effets & les caufes
» qui fe compliquent fans ceffe , eſt il ſi
» bien marqué dans la Nature , qu'on ne
puiffe pas s'y méprendre ? Ceux qui nous
» condamnent à une éternelle ignorance-
» des premiers principes , ont-ils donc vû
» fi parfaitement le fond des chofes , qu'il
» n'y ait plus d'exception ; ni de révi
fion à propofer après eux ? Ce qui eft
» certain , c'eft qu'il faut en fçavoir beau-
» coup pour décider ainfi de la portée de
l'efprit humain , préfent & à venir.
">
Notre fçavant Académicien plaide fa
propre caufe , en prenant la défense des :
Philofophes , qui penfent que l'efprit de
fyftéme ne doit point être banni de la Phyfique.
Non content de décrire dans fa Dif
134 MERCURE DE FRANCE.
fertation la maniere dont fe forme la gla❤
ce, & de raffembler toutes les obfervations
relatives à ce phénoméne , il entreprend de
remonter aux caufes qui le produifent. Selon
M.de Mairan,la principale eft la diminution
de la vîteffe & du reffort des molé
cules de la matiere fubtile que renferment
les liquides. Ila foin d'avertir qu'il n'entend
point par matiere fubtile le premier
élément de Descartes , pris fans reftriction ,
mais feulement un fluide quelconque , inviſible,
quoique matériel , dont la fubtilité
& l'activité pénetrent tous les corps.
Nous ne fuivrons point l'Auteur dans
fes difcuffions philofophiques , ni dans le
détail des obfervations fur lefquelles il les
appuye. Parmi ces dernieres , il en eft un
grand nombre qui peuvent piquer la curiofité
des Lecteurs les plus indifferens
pour ce qui porte le caractére férieux.
Telle eft celle faite par Mrs Triewald , Farenheit,
Muffchenbroek, Jallabert, Micheli, &
par M. de Mairan lui-même, laquelle conftate
que
l'eau peut, fans fe geler , contracter
un degré de froid , beaucoup plus confidérable
que celui de la congelation . Telles
font auffi l'hiftoire du Palais de glace , de
cinquante-deux pieds & demi de long ,
fur feize & demi de large & vingt de hau
teur , qui fut conftruit à Pétersbourg penFEVRIER.
1750.
135
dant l'hyver de 1740 , & la defcription
d'une espece d'édifice que Fred. Martens ,
Navigateur très- habile & très- exact , affûre
avoir vu dans la mer glaciale ; la glace
avoit formé d'elle- même cet édifice , qui
reffembloit à un Temple , & dont toutes
les parties étoient prefque auffi régulieres
que fi un Architecte en avoit donné les
deffeings .
Peut-être ce fait ne paroîtra pas croyable
? En voici un qui ne le paroîtra pas davantage
, & qui cependant ne peut être
révoqué en doute.Non feulement on conf
truifit à Pétersbourg en 1740 le Palais
dont nous avons parlé , mais on y fabriqua
des canons de glace , qu'on chargeoit comme
d'autres canons , à cela près qu'on y employoit
feulement un quarteron de poudre,
L'épreuve d'un de ces canons fut faite un
jour en préſence de toute la Cour de Ruffie
, & le boulet perça une planche de deux
pouces d'épaiffeur à foixante pas d'éloignement.
y a Cette Differtation a été compoſée il
trente deux ans , & M. de Mairan y a fait
fucceffivement plufieurs additions qui l'ont
rendue un volume de près de quatre cens
pages . Imprimée pour la premiere fois en
1716 à Bordeaux , où elle remporta le Prix
proposé par l'Académie de cette Ville ; elle
136 MERCURE DEFRANCE.
fut réïmprimée à Béziers en 1717 , & £
Paris en 1730 , dans le fecond tôme du Recueil
intitulé , les vertus médicinales de l'eau
commune. Couronnée par une Académie
célebre , honorée de plufieurs Editions
& portant le nom de M. de Mairan , elle
n'a pas befoin de nos éloges pour être recherchée
avec empreffement par les perfonnes
qui ne l'ont pas encore lûe.
>
LES FASTES ATTIQUES , dans lesquels
on trouve la fuite des Archontes Athéniens
, l'âge des Philofophes & des autres
Hommes illuftres , & les principaux
points de l'Hiftoire Attique , rangés fuivant
l'ordre des années Olympiques
avec de nouveaux éclairciffemens. Par
Edouard Corfini , Clerc Régulier des Ecoles
Pies , & Profeffeur de Philofophie dans
l'Académie de Pife . Tome fecond , qui
comprend les fix dernieres Differtations.
A Florence , 1747 , de l'Imprimerie de
Jean-Paul Giovanelli , in-4° . de 472 pages.
L'ouvrage eft en Latin.
TRAITE DES CRIE'ES , vente des
Immeubles & des Offices , par Decret ,
principalement fuivant l'ufage du Duché
de Bourgogne , avec des obfervations fur
les Décrets volontaires , les Directions , la
vente Judicielle , la vente des Lettres de
Barbiers & Perruquiers , celle des Rentes
FEVRIER.
1750. 137
foncieres & conftituées ; & un Recueil
d'Edits , Déclarations du Roi , Coûtumes ,
Réglemens , Certificats d'ufage & formules
fur cette matiere . Nouvelle Edition ,
revûe , corrigée & confidérablement augmentée
, par M. Jean- Alexis Thibault ,
Procureur au Parlement de Dijon . A Dijon
, chez François Defventes , Libraire &
Imprimeur en Tailles- douces , ruë de Condé
, à l'Image de la Vierge , 1746 , deux
volumes in- 4°. Le premier de 423 pages ,
y compris la table alphabétique des matieres
, & non compris environ 18 pages
pour la table des chapitres & des Formules ,
l'Epitre Dédicatoire à M. le Premier Préfident
du Parlement de Bourgogne , un
avant propos , un avertiffement , diverfes
additions & explications , & une Lifte alphabétique
des Auteurs cités dans l'ouvrage.
Le fecond volume de 358 pages , non
compris un court avertiffement, & une table
des obfervations & des formules en 6
pages , quelques Certificats de differens
Greffes de Dijon , en deux pages , & une
table chronologique , fort fommaire , en
12 pages , des Ordonnances , Edits , Déclarations
du Roi , Coûtumes , Arrêts de
Reglement , Délibérations , & Certificats
d'ufage rapportés en entier ou par extrait ,
ou fimplement indiqués dans ce fecond
# 38 MERCURE DE FRANCE.
volume , avec des renvois fur chaque article
à la page de ce volume où la pièce eft
difpofée dans l'ordre du Traité.
ABREGE' de l'Aftronomie Phyfique fuivant
les principes de Newton , traité fuivant
la méthode Scholaftique , à l'ufage de
la jeuneſſe . A Paris , chez Jacques-François
Quillau , fils , rue S. Jacques. Volume
in- 12 . de cent deux pages. L'ouvrage eft
en Latin .
ANNALESEcclefiaftici ab anno 1198 , ubi
definit Cardinalis Baronius , auctore Odorico
Rainaldo Congregationis Oratorii Prefbytero .
Accedunt in hac editione note Chronologica ,
Critica , Hiftorica , quibus Raynaldi Annales
illuftrantur , fupplentur , emendantur , auctore
Joanne Dominico Manfi, Lucenfi, Congregationis
Matris Dei. Tomus quartus . Luce ,
typis Leonardi Venturini , 1749 , in-fol. Ce
volume qui commence à l'année 1286 , &
va jufqu'à la fin de 1312 , eft le vingtquatrième
des Annales Eccléfiaftiques , en
comptant l'apparat pour le premier , & le
quatriéme de la continuation des mêmes
Annales Odoric Raynald. par
BIBLIOTHEQUE Curieufe , hiftorique &
critique , ou Catalogue raifonné des Livres
difficiles à trouver , par David Clément ,
tome premier . A Hanovre , chez Jean- Guillaume
Schmid , 1750. Cet ouvrage fera
FEVRIER. 1750. 139
imprimé in-4° . fur de bon papier & ave
de beaux caractéres. Le prix de la fouf
cription eft d'un écu & un florin , environ
7 livres 10 fols monnoye de France , pour
le premier volume. On trouvera des Soufcriptions
jufqu'au mois d'Août prochain à
Paris , chez Briaffon ; chez Dulfecker , à
Strasbourg , & chez les principaux Libraires
de l'Europe. Ceux qui n'auront pas
foufcrit , payeront le premier volume un
demi Louis d'or.
TRACTATIO critica de variis lectionibus
Novi Teftamenti cautè colligendis , & adjudicandis
, in qua cùm de illarum caufis , fpeciebus
fontibufque , tùm de cautelis , ex qui
bus dijudicari , & vel approbari , vel reprobari
debeant , agitur , fimulque de Codicibus
five Gracis , five Graco Latinis , de verſionibus
item antiquis , & de Patribus , ex quibus
ille colliguntur , multa partim curiofa , partim
utilia , & fcitu neceffaria adferuntur , in-
4° . Halla.
LE PREMIER volume du Traité de Morale
de M. Fofter paroît depuis peu à Lon
dres , chez Noon & Knapton , Libraires.
DISSERTATION fur la Prophétie , où l'on
examine la liaifon & la connexion des
Prophéties du Vieux & du Nouveau Teftament
, avec une explication de l'Apocalypfe
, in-8° dans la même Ville. L'ouvrage
eft en Anglois,
140 MERCURE DE FRANCE.
DESCRIPTION des plus belles Maiſons
de Campagne d'Angleterre , en Anglois,
& en François. On n'y a pas oublié celle
de Mylord Cobham , dont les Etrangers
vont voir l'original par curiofité dans la
même Ville.
LE CHAMPION des Serpens , ou le Déifme
dévoilé. Deux volumes in S°. Dans la
même Ville.
HISTOIRE Géographique de la nouvelle
Ecoffe , où l'on traite de fa fituation , de
fon étendue & de fes limites , comme auffi
des diverfes difputes des Cours d'Angleterre
& de France , au fujer de la poffeffion
de cette Province , & où l'on montre fon
importance , tant à l'égard du commerce ,
que par rapport à la fûreté des autres éta- .
bliffemens des Anglois dans l'Amérique
Septentrionale , à quoi on a ajoûté une
defcription exacte des bayes , lacs & rivieres
, de la nature du terroir & du produit
du pays , avec les moeurs & les ufages des
Habitans Indiens , in- 8 ° . dans la même
ville.
TRAITE' de la vérité de la Religion ,
nouvelle partie , par M. le Profeffeur Vernet
, dans laquelle on traite l'importante
queftion des miracles. A Genêve.
J. CASP. Hagembuchii Prof. Ling. Gr. d
Lat.de Gracis thefauri novi Muratoriani quiFEVRIER.
1750. 141
bufdam metricis diatriba , 1749. in- 4 ° . A
Zurich.
ECLOGA ex optimis gracis Scriptoribus ,
ad vitam ftudiofe juventutis informandam
cum interpretandifubfidio , quam potuit emendate
propofita , 1749 , in- 8 ° . de 24. feuilles
d'impreffion . Dans la même ville.
DE ANTIQUISSIMO Turicenfis Bibliotheca
Graco Pfalmorum libro in membrana purpu
rea , titulis aureis , ac litteris argenteis exarato
, epiftola ad eminentiffimum Cardinalen
Ang. M. Quirinum fcripta à Joanne Ja.
cobo Breittingero Lingua Grace Profeffore
1748 , in-4° . Dans la même ville.
SERMONS & Panégyriques de M. l'Abbé
de la Tour 1749. Deux volumes in- 8°.
chez Pierre Leroi , Imprimeur-Libraire à
Tulle.
PRÔNES de M. Symon , Curé de Saint
Germain de la ville de Rennes , pour les
Dimanches de l'année , avec quelques Sermons
& Panegyriques par le même Auteur,
à Rennes , chez Julien Vatar Imprimeur-
Libraire , 1749. Deux volumes in- 12 .
HISTOIRE de l'Académie Royale des
Sciences , année 1745 , avec les Mémoires
de Mathématiques & de Phyfique , pour
la même année , tirés des Registres de
cette Académie , à Paris , de l'Imprimerie
Royale , 1749 , in - 4° .
142 MERCURE DE FRANCE.
ABREGE' de toutes les régles que l'on
doit obferver pour la Police & l'adminiſtration
des Héritages de campagne , à quoi
on a joint les principaux réglemens intervenus
fur cette matiere. Le titre eft : Code
rural , ou maximes & réglemens concernant
les biens de campagne , notamment
les Fiefs , Franc- Aleu , Cenfives , droits
de Juftice Seigneuriaux & Honorifiques ,
la Chaffe & la Pêche , les Bannalités , Corvées
, la Taille Royale & Seigneuriale ,
les Dixmes Eccléfiaftiques & inféodées , les
Baux à loyer , à ferme , à cheptel , à rente,
emphyteotiques , les troupeaux & beftiaux
, l'exploitation des Terres labourables
, Bois , Vignes & Près , par M.....
Avocat au Parlement , in - 12 , deux volumes
, à Paris , chez Prault , pere , Imprimeur
Libraire , Quay de Gèvres au Paradis.
NOUVEL ABREGE' chronologique de
l'Hiftoire de l'Europe , à Paris chez le Loup,
Libraire , Quai des Auguftins.
DEMONSTRATION de l'existence de la
Médecine univerfelle , ou du fecret de
prolonger la vie au-delà des bornes ordinaires
, à Paris , chez Sangrain , fils , au Palais
, 1749 , in- 8 ° .
HISTOIRE de France fous les Regnes de
Saint Louis , de Philippe de Valois , du
FEVRIER . 1750.
143
Roi Jean , de Charles V & de Charles VI ,
par M. l'Abbé de Choify , à Paris , chez
Didot , Nyon , Dammonneville & Savoye ,
Libraires , 1750. Quatre volumes in - 12 .
LES ORNEMENS de la mémoire , ou les
traits brillans des Poëtes François les plus
célébres , avec des differtations fur chaque
genre de ftyle , pour perfectionner l'éducation
de la Jeuneffe , tant de l'un que de
l'autre fexe. A Paris , chez les mêmes Libraires
, 1749 , im- 12..
CALENDRIER Hiftorique , Chronologique
& Moral de la très - Sainte & trèsglorieufe
Vierge Marie , Mere de Dieu ,
contenant les louanges que les Saints Peres
lui ont données , les Fêtes établies &
les Eglifes bâties en fon honneur & dédiées
fous fon invocation , les Ordres ,
Inftituts Religieux , Confréries , qui lui
font dévoués , les Decrets des Conciles.
qui autorifent fon culte , les Miracles opérés
par fon interceffion , les Saints & les
perfonnes pieufes qui fe font diftingués
par
leur dévotion envers elle , avec des
remarques hiftoriques fur l'antiquité du
culte que l'Eglife rend à la Sainte Mere de
Dieu , le tout extrait des Auteurs les plus
anciens & les plus authentiques . Ouvrage
curieux & utile aux Curés , aux Prédica
teurs , aux Religieux , & c . A Paris , chez
144 MERCURE
DE FRANCE:
Claude Heriffant , fils , rue Notre-Dame ,
1749 ,
in- 12.
RETRAITE de quelques jours pour une
perfonne du monde , par M. P. Laffitau ,
Evêque de Sifteron , 1750 , in - 12 . Chez
le même Libraire .
HISTOIRE des révolutions de Génes ,
depuis fon établiffement jufqu'à la conclufion
de la Paix de 1748. A Paris , chez
Nyon & Robuftel , Libraires , Quai des Auguftins
, 1750. Trois volumes in- 12.
LE PHARMACIEN moderne , ou nouvelle
maniere de préparer les drogues , traduit
de l'Anglois par M. Eidous . Expériences de
Médecine fur des animaux , pour découvrir
une méthode sûre & aifée de diffoudre la pierre
par injections , avec une fuite d'expériences
fur les effets du Laurier-Cerife , & fur
ceux des vapeurs du foufre , lûes aux Affemblées
de la Société Royale , par M.
Browne Langrish , du Collège des Médedecins
de Londres , traduites de l'Anglois.
Differtation fur la quantité de la tranſpiration
, des autres excrétions du corps bumain
, par M. Bryan Robinſon , Docteur-
Médecin , traduite de l'Anglois . Ces trois
ouvrages forment un jufte volume in - 12 , &
fe débitent chez Jean -Noël le Loup , Quai
des Auguftins , & chez Jean -Baptiſte Langlois
, rue Saint Jacques , 1749 & 1750.
ESSAL
}
FEVRIER. 1750. 145
ESSAI fur l'intérêt de la Nation en général
& de l'homme en particulier , où
l'on traite de l'homme , de fon efprit , de
fa folie , de fa penfée , de fes fentimens ,
de fes bonnes ou mauvaiſes qualités , de
fes devoirs , depuis ceux du Souverain jufqu'à
ceux du Particulier , des Loix , des
Finances , du Commerce , de la Religion ,
de la Paix , & de la Guerre . A Paris , chez
Claude J. B. Bauche , fils , Libraire , Quai
des Auguftins , à l'Image Sainte Geneviève,
1749 , volume in- 12 . de 194 pages , fans
l'Avis & l'Avant-propos.
Le Mémorial de Paris & de fes environs
, nouvelle édition , augmentée confidérablement
, 2 vol. in - 12 . A Paris ,
1749. Chez le même Libraire.
Le Théatre des Grecs , par le P. Brumoy.
Paris , 1749 , 6 vol . in 12. Chez le même
Libraire.
Cicero de Amicitia . Parifiis , apud eumdem,
1750 , in- 32 . Caractéres de Nompareille.
Livres imprimés depuis un an ou environ chez
le même en Compagnie.
Hiftoire d'Angleterre de Rapin de Thoyras,
continuée,jufques & y compris le dernier
Traité de Paix. 16 vol. in-4°.
.. Le Théatre Anglois , par M. de la Place ,
8 vol. in 12. Les tômes 7 & 8 , qui font
qui
G
145 MERCURE DE FRANCE.
la fin de l'ouvrage , viennent de paroître.
La Bibliothéque des jeunes Négocians ,
par M. de la Rue , in - 4° .
Le Praticien univerfel de M. Couchot ,
revû par feu M. de la Combe , 2. vol . in-4°.
& 6 vol. in- 12 .
Les OEuvres de Mad.la Marquife de Lambert
, 2 vol . in- 12.
La Deſcription du Brabant & de la Flandre
Hollandoife, avec les Plans. Vol . in 12 .
Les Lettres du Baron de Bufbec , Ambaffadeur
à la Porte & à la Cour de France ,
avec des notes , 3. vol. in- 12 .
Commentaire fur la Coûtume d'Auxerre,
par M. Née de la Rochelle , Avocat . In-4° .
Le même Libraire imprime en compagnie
une nouvelle Edition de l'A
bregé de l'Hiftoire de France du P. Daniel,
augmentée des Vies de Louis XIII & de
Louis XIV . 12 vol . in- 12 , laquelle paroîtra
dans deux ou trois mois au plus tard ,
en attendant la grande Hiftoire, qui pourra
paroître dans un an .
RELATION hiftorique du voyage fait dans
l'Amérique , par ordre de Sa Majefté Ca
tholique , par Don Georges Juan & Don
Antoine de Ulloa. Seconde partie. Tome
troifiéme. A Madrid , chez Antoine Marin,
1748 , de379 p. L'ouvrage eft en Espagnol.
ESSAI de Philofophie Morale. A Berlin ,
1749 , in- 12 . de 106. pages.
FEVRIER. 1750. 147
NOUVEAU SUPPLEMENT au grand Dictionnaire
hiftorique , généalogique , géographique
, de M. Louis Moréri , pour fervir
à la derniere Edition de 1732 , & `aux
précédentes . Deux volumes in -folio . Tome
premier A. G. de 901 pages , fans les corrections
& additions. A Paris , chez Vincent
, Coignard, Boudet, Lemercier , Defaint,
Saillant & Heriffant , 1749.
ANNONCE de l'Hiftoire Naturelle des Barbades,
qu'on imprime pour l'Auteur, à Londres,
chez E.Owen. L'ouvrage eft en Anglois.
LE POUVOIR de l'Amour , Cantatille
nouvelle à voix feule , avec accompagnement
de Violon & de Baffe. Dédiée à Mlle
Burteur par M. du Charger . Les paroles
font de M. Diffon . Cette Cantatille fe vend
à Paris , aux adreffes ordinaires , & à Di
jon , chez l'Auteur , rue de Condé .
CARTE Généalogique & Chronologique de
la Maifon de France , pour faciliter la lecture
& l'intelligence de l'Hiftoire de notre
Monarchie. Dédiée & préſentée au
Roi ,, par M. J. R. Huré.
Cette Carte eft en deux feuilles , & fort
bien exécutée . M. Huré a obfervé d'y mettre
les femmes à côté de leurs maris , &
leurs médaillons font attachés par un double
cordon : quelquefois même le mari &
la femme font dans le même médaillon.
Gij
148 MERCURE DE FRANCE.
Tous les enfans , tant mâles que femelles,
font précisément fur la même ligne audeffous
des pere & mere. L'extinction de
chaque Branche eft défignée par un gland de
la même couleur du cordon . On diftingue
les enfans naturels par un cordon verd , &
par un médaillon dont le haut eft échancré.
AVIS
Qu'on nous prie de faire imprimer.
ON fe propofe de donner dans peu
au Public un ouvrage qui a pour
titre , Introduction au faint Ministére , ou la
maniere de s'acquitter dignement de toutes les
fonctions de l'état Eccléfiaftique , tant pour le
Spirituel que pour le temporel.
Ouvrage qui renferme en abregé l'explication
des principaux myftéres de la
Religion , les pratiques de l'Eglife , fon
efprit dans fes prieres , dans fes ufages ,
dans fes cérémonies ; les maximes de Jefus-
Chriſt & de l'Evangile ; la maniere de
conferer dignement les Sacremens , &
d'exercer les autres fonctions Curiales.
E fuite les Edits , Déclarations & Ordon
nances de nos Rois , qui regardent les
Curés , Vicaires & Aumôniers , & généralement
toutes les maximes Canoniques ,
les décifions des plus célébres Auteurs , &
4
FEVRIER. 1750. 149
Arrêts des Cours Souveraines , fur ce qui
les concerne , tant pour le fpirituel que
pour le temporel .
Ouvrage utile aux jeunes Séminariſtes
qui font la fonction de Catéchistes , parce
qu'ils y trouveront des régles fûres & d'excellentes
pratiques pour fe former euxmêmes
, & infpirer aux enfans qu'ils inftruiſent
dans les Catéchifmes , la devotion,
la retenue & la piété .
Ouvrage utile aux nouveaux Vicaires ,
& à ceux qui fe deftinent à travailler au
falut des ames , foit pour le Tribunal de
la pénitence , foit pour l'adminiftration
des autres Sacremens , parce que les matieres
y font toutes digerées , & qu'ils y puiferont
une infinité de lumieres , propres à
les aider dans l'occafion.
›
Ouvrage utile aux Curés , parce qu'ils
auront tout d'un coup fous la main tour
ce qui concerne leur miniftère , & qu'ils y
trouveront non- feulement de quoi éclairer
les confciences , & fe mettre au fait
des obligations d'un chacun , mais encore
par rapport à leurs bénéfices , foit pour
en conferver les droits , prééminences &
prérogatives , foit
pour maintenir les troupes
dans le devoir lorfqu'ils en auront
en garnifon dans leurs Paroiffes , par la
lecture qu'ils pourront faire des Ordon-
G iij
150 MERCURE DE FRANCE.
nances de nos Rois à ce fujet.
Ouvrage utile aux Chanoines , parce
qu'ils y verront tout ce qu'ils font obligés
de pratiquer en confcience , pour remplir
felon Dieu les fonctions de leur état , &
en même tems les décifions les plus authentiques
, fur les differentes conteſtations
qui peuvent s'élever entr'eux par rapport
à leurs dignités , prééminences , droits ,
prefféances , & c.
Ouvrage utile aux Aumôniers de Ma-
Fine , & des Maifon , Troupes & Armées
du Roi , tant pour connoître les obligations
de l'état militaire , les fautes , les
abus qu'on y peut commettre , que pour
infpirer aux Officiers de l'horreur pour les
duels , difputes , combats finguliers , par le
récit des peines portées dans les Edits & Déclarations,&
faire fentir aux foldats tout le
crime & la perfidie de la déſertion , par les:
fupplices inévitables décernés contre ceux
qui manqueront de fidélité à leur Prince.
Ouvrage utile aux Religieux , tant pour
l'adminiftration des Sacremens entre eux ,
que pour ceux qui confeffent les feculiers
dans leurs Eglifes , de même que
pour les Religieux qui vont rendre fervice
dans les Paroiffes , & qui affiftent les criminels
à la mort.
Ouvrage utile à ceux & celles qui ap
FEVRIER. 1750. 151
prochent fouvent des Sacremens , parce
qu'ils auront fous la main les plus belles
Sentences de l'Ecriture & des Peres , &
les plus propres à réveiller en eux la ferveur,
pour les préparer dignement à la Confeffion,
Communion , & c . & pour en tirer
tout le fruit qu'ils ont lieu d'en attendre .
Ouvrage utile aux perfonnes pieufes &
charitables qui vifitent les prifonniers , les
affligés , les malades & qui affiftent les moribonds
à la mort , parce qu'elles y puiferont
les motifs les plus confolans & les plus
capables de faire impreffion fur les coeurs.
En un mot , ouvrage utile à tout Chrétien
, qui y trouvera abondamment de
quoi s'inftruire , s'édifier & opérer avec
fûreté fon falut .
Cet ouvrage doit être en trois volumes
in-12 , dont voici la diftribution .
Le premier volume eft uniquement
pour le fpirituel ; il renferme 1. les régles
& la maniere de faire les Catéchismes utilement
; 2 ° . les exhortations fur les Sacremens
& autres fonctions Curiales ; 3 ° . la
vifite des malades ; comment on doit les
confoler , enfuite les préparer & affifter
à la mort ; 4° . la vifite des affligés , des
prifonniers & des criminels , & comme il
faut fe comporter , lorfqu'on eft obligé de
les difpofer à endurer les derniers fup
G iiij
152 MERCURE DE FRANCE.
plices , & de les conduire & accompagner
fur l'échaffaut .
Le fecond volume comprend ce qu'il
faut annoncer au peuple ; 1º . les annonces,
c'est -à - dire , de petits difcours fur tous les
myftéres & Fêtes , tant de commandement
qu'à dévotion , qui tombent dans le cours
de l'année ; 2 ° . les Edits & Déclarations
qui doivent être lûs par les Curés au Prône
de leurs Meffes Paroifliales , fur plufieurs
articles très intéreffans , tant pour
le bien de la Religion & de l'Etat , que
pour celui de leurs Paroiffes en particulier .
3. Les Ordonnances concernant les Aumôniers
des troupes de terre ( conformément
au plan qui eft propofé dans la Préface
de l'ouvrage ) fur le duel , la défertion
, les délits militaires , la police & la
difcipline des troupes , tant en route qu'en
garnifon , lefquelles Ordonnances peuvent
être également lûes par les Curés ,
foit des Villes ou Villages , lorſqu'ils auront
des troupes dans leurs Paroiffes .
4°. Les Ordonnances les plus importantes
qui font du reffort des Aumôniers de
Vaiffeaux , leſquels peuvent être regardés
comme de vrais Paſteurs .
Dans le troifiéme volume on a raffemblé
avec foin tous les Edits , Déclarations ,
Ordonnances , Maximes canoniques , déFEVRIER
.
1750. 153
cifions des plus célébres Aureurs , & Arrêts
des Cours Souveraines , fur ce qui concerne
les matieres fuivantes .
De la Religion & du Service divin .
Des Catéchifmes & Prônes , des Bâtêmes
, Mariages , Sépultures , Regîtres ,
Teftamens , Monitoires , Eglifes & Preſbitéres
, Droits honorifiques , Cures & Curés
, Marguilliers , Fabriques , Fondations,
Amortiffemens , Maîtres d'Ecoles ; des
Priviléges &immunités des Eccléfiaftiques,
des Curés Primitifs & Vicaires perpétuels,
des Portions congrues des Curés , de la retribution
des Deffervans , du Droit d'oblation
, des Dîmes , Baux Eccléfiaftiques
des Permutations , Réfignations , Penfions
fur les Cnres , & des Chanoines , &c .
On peut juger de l'utilité de l'ouvrage
par ce récit ; on s'eft efforcé d'exécuter
tout ce qui vient d'être annoncé , avec autant
de folidité, que de clarté & de préciſion .
ן כ »Onnepeutdouterquecetouvrage,
» bien exécuté , ne foit d'une grande uti-
» lité au Public. Pour traiter folidement
» toutes ces matieres & les renfermer en
» ttois volumes in- 12 . L'Auteur a ufé
» d'une prodigieufe précifion , & la crainte
que fon ouvrage ne parût trop cher
» lui a fait doubler & tripler fon travail ,
par la peine que donnent pour l'ordi-
G v
154 MERCURE DE FRANCE.
naire les réductions & les extraits . I
39
penfe & agit d'une maniere bien diffe-
>> rente de celle de la plûpart de nos Au-
» teurs modernes.
""
» On doit juger d'autant pluș favorable
» ment de cet ouvrage , qu'il eft revêtu
» de l'approbation d'un Prélat des plus diftingués
par fon rang & fa fcience , qui
>> après l'avoir lû & examiné attentivement ,
» en a porté le témoignage le plus avantageux,
»
Le Livre dont il s'agit s'imprime ac-
» tuellement chez le Sieur Bullot , rue Saint
Etienne des Grecs , à S. Jofeph.
" Cet avis pourra fervir à ceux qui au-
» ront deffein d'en être les premiers partagés
, aux Séminaires , aux Libraires &
» autres , en foufcrivant chez ledit Imprimeur
pour le nombre d'exemplaires qu'ils
jugeront à propos.
"
» Le prix eft de fix livres en feuilles.
On prie ceux qui écrironí par la poſte,d'affranchir
leurs lettres..
REMARQUE
Alreffée à M. Remond de Sainte Albine..
Na annoncé dans le Mercure de-
France du mois de Février 1749 ,
une nouvelle édition, in- 8 °. d'un Traité
1
FEVRIER. 1750.
1531
fur les Fortifications , avec la defcription
& l'ufage de la Brouette Ignographique.
A Paris , chez Savoye , rue Saint Jacques
à l'Esperance ; mais c'est par erreur qu'on
a attribué cet ouvrage à M. Rueuelles , il
faut lire M. Querelles , Ingénieur.
L
NOTE
Concernant l'Académie de Corse.
E 28 Décembre , cette Académie reçut
au nombre de fes Membres M.
d'Herbain , Chevalier de l'Ordre Royal &
Militaire de Saint Louis , & Capitaine au
Régiment de Tournaifis ; le difcours de
'remerciement que le nouvel Académicien
prononça , fut fort applaudi , & la réponſe
de M. Chriftofari , Directeur , cut auffi
les fuffrages de l'affemblée .
M. l'Abbé Semidei , connu par l'Hiftoire
des Héréfies , qu'il donna en 1737 ,
y lut une Differtation hiftorique , qui fixe
T'époque de l'exil de Seneque en Corſe.
La féance fe termina par la lecture des
deux premiers Livres de l'Hiftoire du
Royaume de Corfe , par M. Chevrier.
Cet ouvrage eft divifé en fix volumes ;
le premier paroîtra dans le courant du
mois de Février prochain..
G vj
156 MERCURE DE FRANCE.
LETTRE A M ***
Sur les Manufactures du Beauvoifis.
E voudrois bien , Monfieur , pouvoir
Jfatisfaire l'envie que vous m'avez marquée
, de fçavoir fi les anciens Habitans
du Beauvoifis fe font autant diftingués
par leurs manufactures que par leur courage
, mais leurs defcendans n'ont pas la
même fatisfaction que les Artéfiens , de
trouver dans l'Hiftoire des veftiges de
T'habileté de leurs Ancêtres dans la fabrique
des étoffes . Le texte de celui des
Écrivains de l'Hiftoire d'Augufte , que M.
Juvenel ( 1 ) cite en preuve du cas que l'on
faifoit des draps d'Arras fous l'Empire de
Gallien , paroît fignifier fimplement que
fous l'un des Succeffeurs de cet Empereur ,
les Habitans de l'Artois fournirent les habits
militaires qu'on leur avoit demandés
( 2 ) ; & s'acquitterent par- là du tribut
, auquel un titre ( 3 ) du Code de
( 1 ) Differtation fur les manufactures , au Mer
cure de Mars 1738 , p . 468 .
(2 ) Donatifunt ab Atrebatieis birri petiti. Vopif
eus in Carino.
(3 )De vefti militare.
2
FEVRIER. 1750. 157
Juftinien , cité par le fçavant Bergier ( 1 )
nous apprend que plufieurs autres Provinces
étoient également affujetties. Le trait
qu'un autre Hiftorien nous a conſervé de
Gallien lui -même , eft plus décifif en fa
veur des Artéfiens . Ce Prince voulant diffimuler
fon reffentiment de la perte qu'il
venoit de faire de toutes les Gaules , qui
avoient reconnu Pofthume pour Empereur
, demandoit en badinant fi la République
n'étoit pas en fûreté fans les étoffes
d'Arras (2 ). Encore une fois , on ne trouve
point de témoignage auffi favorable aux
manufactures des anciens Habitans du
Beauvoiſis , mais tous les Auteurs ont tant
vanté leurs vertus militaires , que leurs defcendans
n'ont pas lieu d'envier la réputation
, qu'un peuple , allié de leurs ancêtres,
a pû s'acquérir dans cette autre partie.
Au refte comme les Beauvoifins étoient
fous les premiers Céfars les plus confidérables
d'entre les Belges ( 3 ) , il eft naturel
de leur appliquer ce que les Hiftoriens
de ces tems-là nous apprennent en général
des ufages Belgiques.
liv.
( 1 ) Hiftoire des grands chemins de l'Empire ,
4.
ch. 26 .
( 2 ) Nonfine Atrebaticis fagis tuta Refpublica eft ?
Trebellius Pallio in Gallienis duobus .
( 3 ) Strab. Liv . 4. Cafar, comment. de Bello Gal
lice. L. 2. m. 4.
158 MERCURE DE FRANCE.
Si on en croit Strabon ( L. 4. ) , dès le
regne d'Augufte , les Belges nourriffoient
quantité de troupeaux , & avec la laine
qu'ils en tiroient , ils fabriquoient des
fayes ( 1 ) , dont ils fourniffoient Rome
& prefque toute l'Italie.
Que penfez vous , Monfieur , d'un
commerce fi étendu pour des étoffes d'une
laine groffiere , établi en Italie dans fes
plus beaux jours ? Ne feroit-t'on pas tenté
de croire que le défaut de la matiere étoit
compenfé par la beauté & par la fingularité
du travail ? Cependant toute la defcription
que Diodore de Sicile nous a
laiffée de l'induſtrie des Gaulois de ce temslà
, eft que leurs tuniques peintes de diverfes
couleurs paroiffoient être femées de
fleurs , & que les cafaques qu'ils mettoient
par-deffus , épaiffes en hyver , plus legeres
en été , étoient rayées ou divifées par petits
carreaux ( 2 ) .
,
11 eft affez furprenant qu'une fabriqueauffi
fimple ait paru affez remarquable
pour trouver la place dans l'Hiftoire .
Pline , après avoir raconté que les peuples
d'Alexandrie ont employé les premiers
( 1 )Saga. C'étoit l'habit des Gaulois , mais cemot
paroît devoir être pris ici pour le nom
l'étoffe même.
( 2 ) Bibl. Hift. l . sa
de:
FEVRIER . 1750. 159
des fils de differentes couleurs dans les
étoffes , rapporte , comme quelque chofe
de fort honorable aux Gaulois , qu'ils out
fçu y figurer des carreaux ; cet Art eft encore
le feul , par lequel le même Naturalifte
remarque que les Portugais de fon
tems rendoient leurs étoffes recommandables
( I ) ...
Vous pouvez voir , Monfieur , dans les
Mémoires du Beauvoifis , par Loifel , la
copie de differens titres , qui prouvent que
les fabriquans de Beauvais formoient une
Communauté il y a cinq cens ans. Dans le
dernier fiécle , ils faifoient paffer de leurs
étoffes en Allemagne , en Espagne , & même
en Gréce & en Turquie ( 2 ) , & encore
aujourd'hui le commerce d'Efpagne n'eft
pas ceffé.
On faifoit de la toile dans toute la Gaule
& on y femoit du lin ( 3 ) . On l'a toujours
fi bien cultivé dans les environs de Bulles,
Bourg du Beauvoifis , que jufqu'à ce que
la Cour en ait défendu-l'exportation , les .
Flamands n'ont pas ceffé de venir s'en
provifionner tous les ans ( 4 ) . Ils en fai-
( 1 ) Hift. Natur, l. 8. c. 48.
( 2 ) Louvet , Hift . de la Ville de Beauvais .
( 3 ) Pline , l . 19. c . I.
ap-
( 4 ) Mem . du Beauvoifis , p. 16. Hiftoire de
Beauv . P. 5 .
160 MERCURE DE FRANCE.
foient des toiles qu'ils nous vendoient fort
cher, & qui étoient fi fines & fi belles , que
Charles VI. & le Duc de Bourgogne en
envoyerent en préſent à Bajazer ( 1 ) . Il y
a long-tems que les nôtres elles mêmes
avoient aflez de qualité pour être recher
chées dans les Pays étrangers , puifque l'Edit
du mois de Février 1577 , qui a défendu
le tranſport des lins & chanvres
hors du Royaume , fixe le droit de fortie
de nos toiles fines , & que fes expreffions
font entendre qu'il n'a pas été le premier.
Il paroit , Monfieur , qu'on s'eft occupé
autrefois au travail de la cire dans la
ville de Beauvais , puifqu'on prétend que
la cire verte y a été inventée. ( 2 )
La perfection où les tapifferies de Beauvais
font parvenues fous les entrepreneurs
actuels (3 ) , meriteroit bien à cette manufacture
une origine ancienne , mais quoique
moderne , elle n'eft pas moins glorieufe,
puifqu'elle vient du grand Colbert,
( 1 ) Duhailian , tome fecond .
(2) Hift. de Beauvais par Louvet.
(3 ) Vous fçavez que l'un eft M. Befnier, ancien
Echevin de Paris , & le premier François qui ait
remporté le Prix d'Architecture à Rome , & que
l'autre eft M. Oudry , fi connu de toute l'Europe
par le degré auquel il a porté fes talens , & dont
une des principales attentions eft de former de
bons Eléves , & d'exciter leur émulation .
FEVRIER. 1750. 161
qui y attira des ouvriers Flamands.
Les anciens Auteurs ne nous inftruiſent
pas plus , Monfieur , des teintures particulieres
du Beauvoifis que de fes manufac
tures. Ce filence fait affez naturellement
de l'opinion fauffe , mais générale , où
l'on étoit que la teinture n'étant pas un
Art liberal , n'étoit pas digne de fixer l'attention
d'un homme au deffus du commun .
Pline,( 1 ) entraîné fans doute par le torrent
, étoit dans la même erreur . Il ne faifoit
pas réflexion que la théorie de cet Art
eft liée avec les plus belles parties de la
Phifique & de l'Hiftoire Naturelle , &
qu'elle eft fufceptible d'une infinité de
recherches curieules .
On doit cependant lui rendre la juftice
de convenir qu'il eft celui qui en a le plus
parlé. C'est lui qui nous apprend que les
Gaulois avoient trouvé le fecret de contrefaire
avec des herbes la pourpre de Tyr ,
l'écarlate & toutes les autres couleurs. ( 2 )
Ce n'eft pas fans doute de leurs atteliers
que fortoit l'efpece de pourpre que
pouvoient porter à Rome les Plebeiens
mais qui imitoit mal la pourpre de Tyr ,
puifqu'elle avoit un oeil terne & paffé . ( 3 )
Il y avoit encore d'autres manieres de
(2 ) Idem.
(3 ) Genialium Dierum , lib. 5. c . 18 .
1. Liv. 22. ch . 2 .
162 MERCURE DE FRANCE.
falfifier la pourpre . En 424 les Empereurs
Honorius & Arcadius deffendirent l'uſage
de la foye & de la laine , teintes de la fauffe
couleur de pourpre tirée du poiffon Rhodinus
ou de quelqu'autre matiere que ce fût.
Pline dit ( 1 ) qu'il a vû des moutons vivans,
teints en pourpre ; que la laine deux fois
teinte par les Tyriens ( 2 ) valoit mille deniers
la livre (3 ) & que les toiles fe teignoient
en pourpre de même que les draps
(4).Voila , Monfieur, des témoignages authentiques
pour la foye , la laine & le lin ,
contre ce que M. Juvenel nous dit ( 5 ) que
les étoffes teintes en pourpre n'étoient que
de coton .
Quant à l'hiftoire de cette belle couleur,
M. de Reaumur l'a faite dans un des Mémoires
de l'Académie des Sciences de l'année
1711 , dont M. Rollin nous a donné
dans le 10.volume de fon Hiftoire ancienne
un extrait beaucoup plus étendu que ne
l'a fait M. Juvenel .
Suivant la notice des dignités Romaines
dans les Gaules, les Empereurs n'y faifoient
teindre en pourpre qu'à Toulon & à Nar-
( 1 ) L. 8. ch. 48. (2) L. 9. ch. 39.
(3 ) C'eft à- dire 500 livres , fuivant M. Rollin ,
Hift. ancienne , tom . 10.
(4) L 19. chapitre premier.
(s) Mercure de Mars 1738 , page 469.
FEVRIER. 1750. 163
bonne. Gaffendi prétend qu'on n'alloit
point chercher loin de cette premiere ville
le précieux poiffon qui fourniffoit cette
couleur. ( 1 )
Mais je m'apperçois , Monfieur , que
cette digreffion m'éloigne de la contrée ,
qui eft le premier objet de ma lettre. Si on
trouve fi peu d'éclairciffement fur le commerce
des anciens habitans de cette Province,
il n'en faut chercher d'autre raiſon ,
que celle par laquelle M. Rollin finit
fes réflexions fur cette matiere , qui eſt
que l'efprit belliqueux & l'efprit de commerce
s'excluent mutuellement dans une
même nation.
J'ai l'honneur d'être , Monfieur , &c.
Briffon , éleve dans les Manufactures à
Beauvais.
( 1) Vit. Nic. Fabr . L. 4.
164 MERCURE DE FRANCE:
EXTRA IT *
D'un Mémoire de M. Lemaur , Ingénieur-
Géographe du Roi, fur une Machine à faire
du Damas , fur une à faire du Velours.
"
»
E tous les Arts , les plus utiles après
Fagriculture font fans contredit
ceux qui fervent à nous habiller ; entre
>>ceux- ci l'Art de tixer les étoffes peut paf-
" fer pour le
le premier ; fans lui nous ferions
» encore vêtus de peaux , dont nous ne
»pouvons nous fervir que par la deftruction
d'animaux qu'il nous eft quelque
fois important de conferver : au con-
» traire par fon moyen les mêmes peaux ,
qui ne nous fervoient qu'une fois , font
» des champs dans lefquels nous moiffon-
» nons une matiere propre à faire nos ha-
» bits ; des animaux qui nous feroient
» entiérement inutiles , nous en filent une
» autre , & les plantes mêmes nous en four-
» niffent en grande quantité .
و د
ןכ
و د
>> Il y a fans doute long- tems que cet Art
* Un accidént bifarre eft caufe que cet Extrait
qui nous a été remis dès l'année 1748 , ne paroît que
dans ce volume . Pour que M. le Maure par ce retard
ne perde rien de la gloire de fon invention , nous
devons avertir qu'il avoit achevé fa machine avant
d'être inftruit que M. de Vaucanfon en faifoit une
pourfabriquer des ét ‹ffes à fleurs.
.
FEVRIER. 1750. 165
D
"}
eft dans l'état où nous le voyons aujour
d'hui , peut - être même qu'avant M. de
» Vaucanfon on le croyoit à fa plus haute
perfection : je ne cacherai cependant pas
qu'au mois d'Avril 1746. environ 7
» mois avant qu'il eût annoncé fa décou-
» verte au public , la même penfée m'étoit
» venue à l'occafion des métiers à faire des
bas , mais les occupations que j'avois
» alors, ne me permirent pas de fuivre mes
» idées ; je les oubliai en partie , & elles
» ne me revinrent dans l'efprit qu'en ap-
»prenant la nouvelle de la découverte de
» M. de Vaucanfon .
E
» Cette nouvelle , en m'apprenant la
» poffibilité de ce que j'avois penſé , m'ap-
» prenoit en même tems que je ne ferois
pas reçû à ne donner au public que la
même chofe qu'il tenoit de M. de Vaucanfon.
Pour l'intereffer , il falloit donc
» encherir fur lui ; devois- je efpérer d'y
» réaffir ? J'eus cependant la hardieffe de
»l'entreprendre. Cet ingénieux méchani-
» cien n'avoit trouvé que le moyen de
» faire des étoffes unies ; ainfi il me reftoit
» celles à fleurs & les velours ., dont l'exé-
» cution renferme bien plus de difficultés.
" Je n'avois pas moins à imaginer une ma-
" chine équivalente à celle de M. de Vau
» canfon , que perfonne ne voit , & de
و ر
166 MERCURE DE FRANCE.
*
"
laquelle il n'a pas donné la defcription .
J'avois de plus à m'inftruire de la fabri-
» que des étoffes ; je connoiffois à la vérité
>> celle des unies ; j'y avois vû travailler
» à Avignon & à Nifines , mais j'ignorois
prefque abfolument celle des étoffes à
fleurs ; tout ce que j'en fçavois , je l'avois
appris en paffant à Lyon en 1742 chez
»un fabricant , lequel me montra fes métiers
que je vis travailler pendant un
» quart d'heure. Je n'avois alors que vingt
ans, & j'étois très- éloigné de penfer que
jaurois un jour befoin des plus petites
chofes qui concernent cet Art.
99
33
» C'est pourquoi j'ai tardé fi long-tems
» après M. de Vaucanfon à faire exécuter
» la machine dont j'avois conçu le deffein:
elle feroit même encore à faire, fi à Enghien
près Mons , où j'ai paffé une partie
» de l'été dernier , je n'avois eu occafion
» d'étudier plus particulierement la fabri-
» que des étoffes à fleurs chez un fabri-
" quant, que M. le Duc d'Aremberg tient
"à fes gages , lequel fe trouvoit d'autant
plus à portée de m'inftruire , qu'étant feul ,
il eft obligé de monter lui-même fes pie-
» ces & de lire fes deffeings .
"
כ
Dès que je fus affez inftruit de la fabrique,
je me mis à méditer fur chacune
des piéces qui compofent les métiers orFEVRIER
.
1750. 167
dinaires , & à examiner de quelle maniere
les differens mouvemens qu'exécu
»tent l'ouvrier & le tireur , pourroient être
» produits par une machine . Je rapporte
» rai ici mes méditations felon l'ordre que
» je les ai faites. Il nous feroit peut- être
» utile d'être inſtruits par ceux qui font
» des découvertes dans quelque genre que
» ce foit , du procedé qu'ils ont fuivi pour
» y parvenir cela , je le penſe , pourroit
» nous apprendre mieux que les préceptes,
» l'Art d'en faire , que toute perfonne doit
"avoir en vue dans les études , fi elle fe pro-
>>
pofe d'être utile à la fociété. Ce n'eft pas
»que je croye que la conduite que j'ai te-
» nue doive fervir d'exemple; je la rappor
te, tant parce que je crois qu'on me fuivra
"avec moins d'ennui , en trouvant la folu-
» tion des difficultés , à mefure qu'elles fe
préfenteront , que pour avouer fincere-
» ment les fecours que jai tirés des machines
déja exécutées ou décrites dans diffe-
>> rens ouvrages .
"
"
>> Pour peu qu'on connoiffe la fabrique
» des étoffes , on fçait que leur tiflu eft
» composé par l'entrelaffement des fils de
» la chaîne qui eft tendue fur le métier, &
» du fil de la couverture qui traverſe la
» chaîne. On n'ignore pas que pour for-
» mer cet entrelaffement , la chaîne s'ou
168 MERCURE DE FRANCE:
"
و د
و د
ל כ
» vre à l'aide des liffes , pour laiffer paffer
la navette qui porte le bout du fil de
» la couverture , & qu'après qu'elle eft
» paffée , la chaſſe , où le battant frappe ce
» Al pour le ferrer contre l'ouvrage , fait
qu'il augmente de fon volume. On fçait
aufli l'ouvrier fait mouvoir les liffes
30 que
» au moyen de pédales qu'il appelle des
» marches ; qu'il jette la navette d'une
» main ; qu'il la reçoit de l'autre , & qu'après
qu'elle a traverſé la chaîne , il abandonne
à lui-même le battant qu'il ſou-
» tenoit , lequel agit contre le fil de la
» couverture par fa pefanteur & fon poids;
», enfin on fçait que les étoffes ( j'entends
les unies ) ne different entre elles , quant
à leur tiffu , que par le nombre des liffes
qu'on employe à les faire , & par l'ordre
»felon lequel on les fait mouvoir. Ainfi
» pour qu'une machine faffe telle étoffe
unie qu'on voudra , il faut ,
»
39
33
"
» 1 ° . Qu'elle puiffe faire mouvoir un
"certain nombre de liffes dans un or
>> dre quelconque .
وو
» 2º . Qu'elle les tienne élevées ou baif-
»fées pendant le tems que la navette em-
»ploye à traverser la chaîne par la voye
» qu'elles lui ouvrent .
»3 °. Qu'elle foutienne le battant pen-
» dant le même tems,
» 4°.
FEVRIER. 1750 . 169
» 4° . Enfia qu'elle faffe paffer la navette .
Pour peu que l'on médite fur le premier &
le fecond de fes effets , on ne tarde pas à
» reconnoître l'analogie qu'ils ont avec
20
ן כ
و د
un
orgue de Savoyard ; cet orgue va par le
» moyen d'un tambour , fur la fuperficie clindrique
duquel on a placé des dents , qui en
levant les touches du clavier , exécutent un air
» qui dépend de l'ordre felon lequel on les a arrangées
, & les tenues plus ou moins longues fe
font par des levées traînantes . Il n'y a donc
» nulle difficulté à faire mouvoir les lifles ni à les
tenir élevées , il n'y en a pas non plus à foutenir
le battant. Les levées traî antes y font encore
» propres ainfi tout le réduit , quant à ces parties
de la machine , à leur donner la difpofition la
plus convenable , mais cette difpofition étant
celle qui rendra la machine la plus fimple
qu'elle puiffe être , nous ne pouvons en entre-
»prendre la recherche , que nous ne conno flions
auparavant les moyens d'exécuter tous les mou-
» vemens dont nous avons befoin.
35
"
DO
:
» Des quatre conditions
que nous avions
à rem- plir , il ne nous en refte plus qu'une , & c'eſt la plus difficile
, le paffage
de la navette. Il faut
qu'elle
traverfe
le métier , en paffant
entre les
fils de la chaîne, qu'elle foit reçue de l'autre côté
par quelque
chofe qui la mette dans une fitua » tion propre à pouvoir
être renvoyée
comme elle eft venue , lorsque
le battant
aura frappé une ou plufieurs
fois , & que les liffes lui auront ouvert
» un nouveau
paffage , & elle doit continuer
ainfi
» d'aller & revenir fans fin.
כ כ
Ici l'Auteur entre dans l'examen des differens
moyens qu'on peut employer pour faire paffer la
naverte , il pefe les avantages & les inconvéniens
de chacun ; & il fe détermine pour un , qui , à
H
170 MERCURE DE FRANCE .
fon jugement , eft le meilleur de tous , & qui peut
fe regarder comme une preuve de fon fentiment
c'eft que ce moyen détermine le lieu de chacune
des pièces propres à produire les mouvemens des
liffes & du battant ', en forte que la moindre atten
tion fait appercevoir que la machine a toute la
fimplicité à laquelle elle puiffe atteindre .
Le moyen qu'il employe pour faire paffer la
navette , n'eft
n'eft pas feulement propre à en faire paffer
une , mais , avec de légeres additions , on en
peut faire paffer deux , tois , quatre & même fix ,
& ce qu'il n'eft pas inutile de remarquer , c'e
qu'il eft auffi fimple d'en faire paffer deux qu'une ,
quatre que trois , &c .
Cet examen fini , & le lieu des piéces propres à
produire les mouvemens des liffes & du battant ,
étant déterminé de la maniere la plusavantageufe ,
il continue ainfi .
" pour
ל כ
» Il nous refte encore une chofe à faire & dont
nous n'avons pas parlé . Il faute aux yeux que
faire faire de l'étoffe à une machine , il
faut,afin qu'elle foit également ferrée dans toute
»fon étendue , que le battant tombe toujours d'une
hauteur égale ,& par conféquent que le terme
»de l'ouvrage fait occupe toujours le même lieu ,
eu égard à l'emplacement de la chaffe & des
» liffes ; ainfi il faut faire enforte que l'ouvrage
>>fe roule à mesure qu'il fe fera.
Ceci ne renferme pas à beaucoup près autant de
difficultés que le paffage de la navette : on fe
tromperoit cependant, fi on s'imaginoit qu'il n'y a
fimplement qu'à faire tourner d'un mouvement
uniforme un rouleau fur lequel fe plieroit l'ouvrage
à mesure qu'il fe feroit. Cela à la vérité fuffroit
, fi la longueur de l'étoffe n'excédoit point la
circonference du rouleau , mais dans tout autre
cas l'étoffe ne feroit uniforme dans fa force que
FEVRIER. 1750. 171
par parties ; la premiere , laquelle feroit égale à la
circonférence du rouleau , feroit la plus forte ; la
feconde le feroit moins , puifque le même nombre
de fils occuperoit une circonférence dont le rayon
feroit d'une épaiffeur d'étoffe plus grand. La
troifiéme moins que la feconde, & ainfi des autres.
L'Auteur , par le moyen qu'il employe , évite
cet inconvénient , & de la maniere la plus fimple ,
mais que le befoin de figures pour le rendre intelligible,
ne permet pas de décrire ici .
و د
55
"
trouvé le
» unies
5 כ
par
Je n'eus pas plutôt ( c'eft l'Auteur qui parle ')
moyen d'exécuter une machine
les mouvemens néceffaires pout faire des étoffes
, que j'entrepris la recherche de ceux
qu'on pourroit employer pour faire des fleurs .
Jufques là je n'avois fait que la même chofe ou
l'équivalent de M. de Vaucanfon , & ce n'étoit ,
pour ainfi -dire , que le prélude de l'ouvrage que
j'avois entrepris .
52
Quoiqu'on puifle regarder le paffage de la
» navette , comme affez difficile à exécuter par le
» moyen d'une machine , il renferme cependant
» moins de difficultés que le tirage des cordes ,
» par le moyen duquel on fait les fleurs . Pour
» mettre tous les Lecteurs à portée d'en juger &
» d'entendre plus facilement le refte de ce Mémoire
, je décrirai en peu de mots de quelle
maniere elles fe font dans les métiers ordinaires.
55
53
"
→ Pour exécuter un deffeing fur une étoffe , on
»en fait une copie fur un papier où font tracées des
» lignes paralleles très- ferrées , lefquelles le cou-
"pent à angles droits ; les unes repréfentent les
» fils de la chaîne , & les autres ceux de la couver-
>> ture , de cette maniere on voit quels font ceux
>> des fils de la chaîne , qui doivent paroître ou dif-
>>paroître pour produire les parties du deffeing qui
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
2
» répondent à chaque coup de navette , & par
» conféquent ceux qu'il faut lever ou bailler dans
» leur fituation ; de là on fent aifément qu'à cha-
» que conp de navette , les fils qui fe levent ou
» ceux qui reftent , ne font pas les mêmes, & qu'ils
changent dépendamment du deffeing.
"
ב כ
35
Pour produire cet effet dans les métiers ordi-
» naires , chaque fil de la chaîne eft paffé dans
» une corde qui s'éleve verticalement au - deffus
» du métier pour palier fur une poulie , & de là
aler horisontalement fe fixer à un rouleau en
traverfant le métier à angles droits . A un point
» de chaque corde eft attachée une autre corde ,
qui tombe verticalement à côté du métier ,
eft fixée à un rouleau qui lui - même l'eft au
plancher , en forte qu'en tirant celle- ci , on fait
» lever l'autre , & par conféquent le fil de la chaî-
» ne qui y répond .
לכ
&
» Afin de pouvoir féparer de ces cordes qui def
» cendent verticalement , celles qui répondent au
coup de navette qu'on va donner , fans qu'il foit
» befoin de les chercher , on les a difpofées de
maniere que le tireur n'a qu'à prendre un bout
» de corde , le tirer & ferrer dans fa main les cordes
qui fe trouvent détachées des autres par
> cette manoeuvre , & en appuyant , il fait lever
» les fils de la chaîne déterminés par le deffeing à
» difparoître de deffous la piéce pour former la
» Aleur.
>
La première chofe qui s'offre à l'efprit pour
» exécuter ce tirage par une machine , c'eſt un
» clavier & un tan bour femblable à celui de l'orgue
de Savoyard , dont nous avons parlé au
» commencement de ce Mémoire. La mufique de
» celui- ci fe liroit fur le deffeing , & au lieu d'airê-
» ter les levées , ce qui le rendroit limité à n'exécuter
jamais que les mêmes fleurs ; on les feroit
FEVRIER. 1750. 173
» mobiles , comme dans les tambours des cari!-
» lons. Il eft vrai qu'un feul tambour ne pourroit
» exécuter que des deffeings , dont les étendues
» feroient fous multiples de celui qui occuperoit
la circonference entiere , ce qui ne feroit pas un
> grand inconvénient . Mais ce qui en peut
être
» un , c'eft la grandeur du diamétre du tambour ,
lorfqu'on voudra exécuter des deffeings d'une
» étendue un peu grande.
פ כ
» Le nombre des cordes qu'on employe ordi-
» nairement , c'eft deux cens , ou quatre cens ;
» deux cens fuffitent , lorfque le deffeing eft répeté
» deux fois dans la largeur de l'étoffe , & quatre
cens font néceffaires , lorfqu'il ne l'eft qu'une.
Voyons quel doit être le diamètre du tambour ,
» & le nombre des touches du clavier , pour exécuter
un deffeing d'une aulne , dans l'un & l'autre
99
ככ
cas.
Le nombre des touches du clavier dépend de
celui des cordes , & lui eft toujours égal . Ainfi
» dans le premier cas il faudroit deux cens touches ,
» & dans le fecond quatre cens. Le diamètre du
» tambour dépend de celui des levées qui doivent
» occuper fa circonference , & ce nombre dépend
lui -même des coups de navettes , néceffaires pour
» faire une aulne d'étoffe dans le cas préfent.
Trente coups de navette font fix lignes de damas,
à peu près , & le nombre des cordes à tirer ne
change que de deux en deux coups : il faut donc
1320 levées pour une aulne , & par conféquent
la circonference du tambour doit être telle
" qu'on puiffe y appliquer ce nombre de levées
33
"
dont chacune doit avoir au moins un pouce ; la
» circonference du tambour devroit donc avoir
» 1320 pouces, & fon diamétre trente- cinq pieds.
Or il eft vifible qu'un tombour de ce diamètre
» eft abfolument impraticable.
H iij
174 MERCURE DE FRANCE.
» Mais eft- il indifpenfablement néceffaire que fe
» tambour ne faffe qu'un tour pour exécuter
» deffeing ? L'orgue des Savoyards fait entendre
differens airs qui fe faccéderoient immédiate-
» ment , fi à chaque tour que fait le tambour , il
» s'avançoit dans le fens de fon axe, de la quantité
néceffaire , pour que les levées qui exécutoient
» le premier air,ne rencontrent plus les touches du
» clavier , & que celles qui font deftinées à faire
" entendre le fecond , fe trouvent à leurs places ; ce
» fecond air fini , un troifiéme pourroit le fuivre ,
» & un quatrième celui - ci , & c . & comme on en
» peut mettre à la fuite les uns des autres autant
qu'on le voudra , il eft clair qu'on pourra dimi-
» nuer le diamètre du tambour de la quantité
» qu'on jugera néceffaire , en augmentant fa lon-
" gueur à proportion , mais alors la longueur ne
» deviendra telle pas trop grande ? C'est ce que
" nous allons examiner.
לכ
و د
>
Nous venons de voir que pour faire un deffeing
d'une aulne , il faut , lorfqu'on veut que le tambour
ne faffe qu'un tour , que fa circonference
»ait 1320 pouces , & fi on lui en fait faire dix ,
» il ne la faudra faire que de 132 pouces , & le
» diamétre trois demi pieds , mais il doit être
dix fois auffi long que dans le premier cas , de
même que le clavier qui lui eft toujours égal ,
» à caufe de l'intervalle qu'on fe trouve obligé de
mettre entre chaque touche , qui dans le cas
préfent eft égal à dix fois l'épaiffeur d'une levée."
» Or le clavier doit avoir 200 , ou 400 touches , "
» ainfi la longueur du tambour doit être telle
qu'on y puiffe placer 2000 , ou 4000 levées.
Que chacune ait deux lignes d'épaiffeur , c'eft
trop peu ; le tambour aura donc vingt - fept pieds ,
strois pouces , 4 lignes, ou cinquante cinq pieds,"
ور
3:
לכ
و د
FEVRIER. 1750. 175
sofix pouces , huit lignes ; ce qui nous fait connoî
tre qu'il n'eft abfolument pas poflible de faire
>> ufage d'un femblable tambour .
Mais il ne paroît pas que ce tirage puiffe s'e
xécuter autrement que par un tambour ; il faut
→ donc examiner s'il ne peut pas être employé
» d'une maniere plus fimple que celle que nous
» venons d'expofer . Pour cela il convient de nous
rappeller la maniere dont on lit les deffeings
> elle nous fournira peut être des moyens de fim-
» plification qu'on ne trouveroit pas ailleurs.
ככ
L'Auteur fait ici une courte defcription de la maniere
de lire les deffeings , & il en déduit une conf
truction de tambour qui ne demande plus qu'un
clavier de quarante- quatre touches de vingt- deux
pouces de longueur , & de vingt- huit de diamétre
, diminution énorme , & qui ( nous n'en doutons
pas ) furprendra les Lecteurs , fur tout quand
ils fçauront qu'avec ce clavier on peut exécuter
des deffeings de deux aulnes , dans le cas même où
ils ne font point du tout répetés.
>
Comme le lieu que le tambour doit occuper , eu
égard à l'emplacement du métier eft d'une
grande confidération par rapport au plus ou
moins de fimplicité , l'Auteur , avant que de le déterminer
, examine quelle difpofition il convient
de donner à plufieurs métiers , afin qu'un feul
homme puiffe veiller au plus grand nombre poffi
ble , lequel fera déterminé par l'expérience , &
cet arrangement des métiers étant une fois trouvé,
le tambour vient, pour ainfi dire , de lui- même prenla
place la plus convenable. Toutes ces chofes
étant difcutées , il continue de cette maniere.
» Il étoit naturel , après avoir trouvé le moyen
d'exécuter , par le fecours d'une machine , des
deffeings d'une étendue auffi grande qu'on puiffe
Hiiij
176 MERCURE DE FRANCE.
.
les fouhaiter , de penfer à l'appliquer aux ve.
→ lours.
Il fait une courte defcription de la maniere de
les fabriquer , détaille fort au long les piéces
qu'il faut ajouter à la machine pour lui en faire
faire , & termine ainfi ſon Mémoire .
>> Nous avons examiné toutes les difficultés fans
» nous en diffimuler aucune , & nous en avons
donné la folution on ne peut douter que
ןכ
;
» notre machine ne foit propre à faire du damas
& du velours. Il reste à fçavoir s'il y aura réel-
» lement de l'avantage à en faire ufage , c'eft ce
qui ne fe peut déterminer qu'en examinant ce
que coûtera la conſtruction & les frais de l'en-
» tretien de la machine. Je promets de le faire le
» plus fcrupuleufement , quand mes occupations
» ordinaires m'en donneront le loifir , mais fans
>> entrer dans un calcul précis, je puis dès à préſent
affûrer qu'il y en aura ; j'en juge par ce que m'a
coûté l'exécution d'une de celles qui font des
étoffes unies. Quand elles coûteroient toutes
autant que cette premiere , ce qui n'eft pas vrai
»femblable , plufieurs enfemble rapporteroient le
revenu de l'argent au denier trois.
و د
» Au refte des vûes d'intérêt ne m'ont point engagé
dans ce travail . Je ne fouhaite rien de plus
que d'être utile au Public , & je lui facrifie vclontiers
mes inftans de loifir , fans m'embarraf
» fer d'autre récompenfe que celle d'un Philofophe
, qui eft toujours trop flatté de l'avoir fervi .
AVerfailles le Juin 1748.
I
FEVRIER . 1750. 177
Es
A VIS .
Concernant l'Agriculture.
Lescourbes pour Navires , Bâteaux,rouages&
>
jours été fort rares , il eft étonnant qu'on n'ait pas
trouvé la méthode de s'en procurer de tout âge ,
de toute efpéce & de bonne qualité , provenantes
de fouche , de pied ou brin , au lieu de celles de
fciage ou branchage qu'on eft forcé d'employer ,
faute de meilleures ; même des planches qui euffent
cette forme fans chauffe ni aucun travail. Il
n'y auroit pourtant qu'à plier , arquer & affujettir
de jeunes arbres dans les taillis , hayes , & par
tout ailleurs on parviendroit ainfi au but fans
frais , & fans nuire à la croiffance. Cette pratiqueeft
fi aifée & fi utile à tous égards , qu'elle ne demande
que d'être indiquée pour perfuader & devenir
à la mode.
Celle d'anter ou greffer les ceps . de vignes en
terre & hors terre pour avoir promptement du
raifin , de tel crû & efpéce qu'on voudra , n'eft
guéres plus difficile , & n'auroit pas de moindres
luccès , en s'y prenant par tout auffi bien qu'on
fait dans les grands vignobles de Champagne , les
feuls où elle foit en ufage , quoique depuis fort peu
d'années.
Pour détruire la maudite engeance des corneilles
, fi nuifible aux enfemencés , aux récoltes &
fruits , & particulierement aux parcs & grands
bois où elles s'adonnent , puifqu'à raifon de vingt
fols de dommage par bec chaque année , il en réfulte
des millions de perte , laquelle pour être in-
H
178 MERCURE DE FRANCE.
fenfible n'en eft pas moins réelle . Prenez des
féves de marais , & les lardez intérieurement de
pointes & morceaux d'aiguilles, & c. il n'y a point
de nourriture que ces animaux aiment tant ; auffitôt
donc qu'ils en auront englouti quelques-unes,
ils joncheront les campagnes voifines de leurs réfi .
dences . Les payfans, les ramafferont & les laifferont
aifément tomber dans leurs marmites ; ainfi
donc , comme encore avec du gland , aura-t'on le
fecret pour la premiere fois de profiter de ces
perfides oifeaux , en les faifant périr à la grande
fatisfaction des Seigneurs & des laboureurs.
Vers le mois de Mai prochain , nous régalerons
le Public du moyen infaillible de tuer la fongere ,
plante amére & purante , qui fait auffi bien des
ravages dans la moitié de nos Provinces . Imagines
roit'on . , par exemple, qu'une continence d'arpent,
remplie de cette herbe , renferme huic à dix charretées
de racines qu'il ne feroit pas poffib'e de
défoncer qu'en dépenfant plus que la terre ne
vaut ? Au lieu qu'avec fix francs au plus , pour les
Propriétaires qui ne font pas leur befogne par
leurs mains , nous en viendrons à bout , & rendrons
par confequent un grand fervice à tout le
genre humain , comme nousvenons déja de faire
par les trois articles précédens , qui peuvent en
core être perfectionnés. Facile eft inventis addere
rebus.
PARTIE du Port de Rouen , nettoyée.
L
E Sieur Macary , Méchanicien , Privilégié do
Roi , pour la fûreté du Commerce & de la
Navigation , vient de récurer une partie du Port
de Rouen , dont il a enlevé une malle petrifiée
誓179
FEVRIER. 1750.
avec la vafe , fable & cailloutage , ce qui compo
foit un maftic de cinq à fix pieds d'épaiffeur fur
quarante -buie toifes de long , & foixante- dix
pieds de large , dans lequel maſtic il a trouvé
plufieurs pieux de neuf à dix pieds de fiche & d'un
pied de groffeur . Il a enlevé auffi un nombre confidérable
de groffes pierres de taille ,portant quinze à
vingt- cinq pieds cubes chaque quartier. Le tout a
été enlevé avec fa machine , & mis à terre en préfence
& à la fatisfaction de tout le Public. Par
ce moyen il fe trouve , dans les endroits où il a
travaillé , plus de fept à huit pieds d'eau plus qu'il
n'y avoit. Il avertit ceux qui auront befoin de fon
miniftére pour le récurement des Ports de mer
canaux , baffins , marais falans , qu'on n'a qu'à
s'adreffer au Caffé Pelletier , rue de l'Arbre-fec ,
à Paris ; il y recevra toutes lettres & paquets ,
pourvû qu'ils foient affranchis , & il y fera réponſe
dans quelqu'endroit que ce foit . Il n'eft pas poffible
de trouver en aucun endroit de l'Europe un
ouvrage auffi difficile que celui qui a été fait à
Rouen , fans que le cours de la Navigation en ait
été interrompu , & qu'aucun ouvrier ait été bleffé,
tant la machine eft bien conftruite.
L
DELUXATOIRE.
E Sr Baradelle , Ingénieur du Roi pour les Inf
trumens de Mathématiques, donne avis à Mef
fleurs les Chirurgiens , qu'il fait & débite le Déluxatsire
, c'eft-à - dire la machine pour la luxation
des os , de l'invention de M. Petit , de l'Académie
Royale des Sciences & de la Société Royale de
Londres , Cenfeur & Démonftrateur Royal , &c.
Hvj
180 MERCURE DE FRANCE.
&
Ce Déluxatoire n'eft point embarraffant à porter,
n'ayant que quatre pieds huit pouces de longueur
torfqu'il eft monté , fur trois pouces trois lignes de
large & un pouce fix lignes d'épaiffeur . Ile dé .
monte en deux parties , pour plus de facilité à le
porter. Il fe vend tout garni de fes deux mouffles
& de la machine à rochet qui eft attachée deffus
avec la manivelle , des cordons de foye & des lacs
anili de foye & de chamois , avec l'arc- boutant de
chamois , enfin toute affortie , de forte qu'il n'y a
plus qu'à en faire ufage . Le tout eft felon les principes
de M. P. Le Sr Baradelle demeure toujours
à Paris , Quai de l'Horloge du Palais , à l'enſeigne
de l'Obfervatoire.
LETTRE
De M. Cantwel , &c . &c . &c . à M. Remond
de Sainte Albine.
MONSIEUR , N
J'ai vu avec ſurpriſe la Lettre que M. Daran a
fair imprimer dans le Mercure de Septembre dernier
; j'y aurois répondu plutôt fans la maladie
longue & dangereufe dont j'ai été attaqué.
L'Auteur femble oublier les inquiétudes où il
eft depuis plus de trois ans fur mes recherches . Pl
exige pour preuve de mes découvertes que je les
rende publiques , perfuadé que des motifs d'inté
ret m'empêcheront de le faire , parce qu'il ne le
feroit pas lui-même en pareil cas , Metirific quemquefuo
modulo ac pede verum eft ; ou réfolu de
contefter la vérité du fait , lorfque je lui aurois .
FEVRIER . 1750 . 181
donné la fatisfaction qu'il affecte de demander
Mais comme je me fuis fait un devoir de l'épargner
dans ce que j'ai déja publié fur les maladies , dont
il prétend poffeder la cure parfaite , j'efpere que
le Public m'aura pardonné le mystére que je lui ai
fait de mes expériences , & qu'il les recevra aujourd'hui
avec la même bonté , qu'il a bien voulu
recevoir alors mes excules.
Je me rendrai donc aux invitations générenfes
de M. Daran , je ferai imprimer toutes les expériences
que j'ai faites fur fes bougies , & je prie
tous ceux qui en ont entre les mains , de les vérifier.
Il verra bien clairement , s'il y veut faire at
tention , que ce ne peut être fur les inftructions
vagues d'un garçon ignorant élevé chez lui , qu'on.
a fondé les découvertes , mais fur une étude réflé
chie , & fur une induftrie capable de furmonter de
plus fortes difficultés que celles que peut occafonner
la recherche de fon reméde. A ces expériences
j'ajouterai tout ce qui fera néceffaire pour
faire un Traité complet des maladies de l'utéthre .
En attendant que ma ſanté foit affez rétablie pour
travailler à cet ouvrage , je commencerai par for
mer des fujets qui feront bientôt en état de fervir
le Public avec fuccès ; je leur enfeignerai l'anatomie
de l'uréthre , je leur expliquerai les maladies
qui affligent cette partie , les remédes qu'on doit
employer pour les guérir , & la maniere de les adminiftrer
, ou de les appliquer ; je leur montrerai
la façon de faire les bougies , la maniere de s'en
fervir , & les cas où elles conviennent , ou font
dangereuſes. Je leur indiquerai les remédes qu'il
faut marier avec ces fortes de topiques pour réuflir
dans les cures qu'ils entreprendront. Je leur four-
Airai les occafions de voir eux- mêmes la pratiques
qu'il convient d'employer en pareil cas , & le trai
182 MERCURE DEFRANCE.
tement de toutes les autres maladies dont celles de
Puréthre ne font pour la plupart que des fymptômes.
Enfin , Monfieur , pour partager avec M.
Daran le zéle généreux qu'il étale dans fes écrits
pour le bien public , j'offre à tous les pauvres qui
feront affligés de ces maladies, de les traiter gratis ,
& à toutes autres perfonnes de les traiter pour mes
fimples honoraires , & de faire fournir des bougies
à tous ceux qui en auront befoin , au prix coûtant.
A VIS
Sur la Lettre fuivante.
M. Cantwel promet de guérir les maladies de l'uréthre
: M. Daran les guérit tous les jours. Le
prem
mier auroit à fe plaindre , fi nous avions refusé d'annoncer
les efperances qu'il donne aux malades. Nous
ferions injuftice aufecond , fi nous négligions de publier
lesfervices actuals qu'il leur rend.
LETTRE de M. Gayat , Chirurgien de
Genéve , à M. Daran .
Monfieur , j'ai reçu dans fon tems la Lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire
en datte du 25 Juin dernier , par laquelle vous
m'apprenez la parfaite guérifon du malade que je
vous ai adreffé fur la fin de l'année paffée. J'ai
differé jufqu'à préfent à y répondre , parce que
j'étois bien aife d'examiner auparavant l'état ac
tuel de la perfonne en queftion , pour avoir une
entiere conviction du fuccès de votre méthode &
FEVRIER . 1750. 183
de vos remédes , & pour vous rendre la justice qui
vous est dûe. Croyant ne pouvoir vous la rendre
trop publiquement , j'envoye à M. Remond de
Sainte Albine une copie de ma Lettre , & je prends
Ja liberté de l'inviter à la faire imprimer dans le
Mercure.
.
Quoique M*** foit de retour depuis environ
deux mois , je n'ai pû le voir en particulier que
depuis peu de jours. je l'ai examiné & queftionné
avec foin , & me fuis affûré par mes propres fens
de fon entiere guérifon ; je ne doutois point que
ce que vous m'aviez écrit fur ce fujet, ne fût vrai ,
mais je defirois ardemment de comparer fon état
préfent à celui où je l'ai vû l'année derniere , & de
voir moi-même jufqu'où pouvoit s'étendre l'effi
cacité de vos remédes .
Ce Monfieur , à qui j'avois conſervé le canal
de l'urétrhe, auffi libre que j'avois på , urinoit à la
vérité avec affez de facilité , lorfqu'il partit pour
Paris , mais il avoit deux fiftules au perinée , par
au une partie de l'urine pafloit , & des callofités
profondes que je n'avois point ciú pouvoir guérir
fans tendre Puréthre jufqu'au col de la veffie .
Aujourd'hui les trous fiftuleux font fermés , les
callofités fondues , & le malade m'a affûré que
cette guérifon avoit été accomplie fans opération ,
par vos feules bougies , & qu'il urinoit librement
& à plein canal.
Quel bonheur pour la fociété , que la découverte
d'un remède auffi fûr , & auffi doux , pour la
guerifon d'une maladie fi commune & fi opiniâtre
, & fouvent très cruellé ! Quelle gloire pour
vous de l'avoir trouvé ! Il n'y manque plus que
de vous voir publier ce fpécifique , lorfque vous
en aurez tué la sécompenfe dûe à vos recherches
& à votre fagacité. Je fuis trop perfuadé de votre
184 MERCURE DE FRANCE.
générofité , & de votre zéle pour le bien public ,
pour douter que vous n'en enrichilliez un jour la
Chirurgie , afin de le rendre falutaire à tous les
malheureux que leur fortune , leur éloignement ,
ou d'autres caufes mettent hors de portée de votre
fecours & de vos foins. Je voudrois que mon foible
fuffrage pût ajouter quelque chofe à teux
des grands hommes , qui ont reconnu combien
votre reméde eft précieux au genre humain ,
mais ma voix ne fçauroit être entendue parmi cel
les de tant de fçavans & célébres Médecins & Chirurgiens
de France . Je fuis avec beaucoup d'eftime
& de conſidération , votre , &c.
De Geneve , le 23 Novembre 1749 .
CHANSON.
Guyot.
Les paroles font de M.... & la Mufique
de M. D. L. B. L. F.
Voici les lieux charmans où mon ame ravie
Paffoit , à contempler Silvie ,
Ces tranquilles momens , fi doucement perdus .
Que je l'aimois alors ! que je la trouvois belle. !
Mon coeur , vous foupirez au nom de l'infidelle ;.'
Avez-vous oublié que vous ne l'aimez plus ?.
C'eft ici que fouvent errant dans les prairies
Ma main des fleurs les plus chéries
Lui faifoit des préfens fi tendrement reçûs..
Que je l'aimois , &c.
THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARY.
ASTOR, LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS.
!
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
CENDY
AND TILDEN
FOURDATIONS
.
FEVRIER . 1750. 185
洗洗洗淡洗洗洗洗洗洗洗洗:洗洗洗浴
SPECTACLES. *
L'Académie
'Académie Royale de Mufique a continué pen-
>
ches ,Mardis & Vendredis , l'Opéra de Zoroaſtre
& l'on a de plus en plus admiré la Mufique du
quatriéme Acte , ainfi que le rôle d'Abramane ,
auquel la perfection du jeu de M. de Chalé ajoute
de grandes beautés. Ce rôle a été chanté auffi trois
fois avec beaucoup de fuccès , par M. le Page.
Le premier , le 2 & le 8 , la mêine Académie
reprit le Ballet des Caractéres de l'Amour , qu'on a
revû avec un extrême plaifir..
Elle remit le 15 au Théatre le Carnaval du Parnaffe.
L'empreffement avec lequel on eft retourné
à ce Ballet , qui fembloit devoir être ufé
par trente-
cinq représentations , eft pour M. Mondonville
un garant certain du goût des François pour la
Mufique chantante. A toutes les repréſentations
de cette repriſe , il y a le même concours qu'à un
Opéra nouveau , & la recette d'une en particulier
a monté à 4000 livres. Les Spectateurs ayant apperçu
à la premiere M. Mondonville , dans une loge
, il fut applaudi , comme M. de Voltaire l'a été à
Mérope ,prefque comme M.de Crebillon le fut autrefois
à Electre. M.Mondonville n'a pas dû être moins
* M. Fufelier , êtant indifpofé, n'a pû compofer
cet article dont il fe charge ordinairement . Ainfi M.
Remond de Sainte Albine , qui pour la partie des
Spectacles a coutume de ne fe méler que des cxtraits
des Piéces nouvelles , a été obligé defuppléer , au défaut
de fon ami.
186 MERCURE DE FRANCE.
content des Acteurs que du Public. Depuis longtems
aucun ouvrage lyrique n'avoit été joué fi parfaitement
que celui- ci .
Dans le premier A&te , on a fubftitué à la Pan.
tomime , qui étoit danſée d'une maniere fi brillante
par Miles Lany & Lyonnois , & par M M.
Lang & Sodi , un pas de deux , exécuté avec autant
de précifion & de legereté par Mlle Lany , que de
graces par Mile la Bat , déguiféé en Polonois .
Mile le Miere , jeune perfonne d'environ dixfept
ans , qui joint aux charmes de la figure une
voix parfaitement belle , débuta le 15 dans le Prologue
du même Opéra. Elle chanta le rôle de
Clarice avec une intelligence , un goût , & une
précifion , qui répondent à l'idée qu'on avoit conçue
d'elle par la maniere dont elle avoit chanté
le 8 Décembre au Concert Spirituel.
Oreste , Tragédie de M. de Voltaire , fut repré
fentée le 12 pour la premiere fois par les Comé
diens François. L'action de ce Poëme étant la même
que celle de l'Electre de M. de Crebillon ; M. da
Voltaire,ayant d'ailleurs donné en 1748 une Semiramis
, & de plus ayant dans fon portefeuille un
Catilina , cet Auteur pouvoit être foupçonné , en
prenant ainfi fucceffivement les fujets traités par
M. de Cr.billon , de vouloir lutter contre fon Maî
tre , & de déroger à la modeſtie dont il s'eft tou
jours piqué Pour fe garantir de ce reproche , il
chargea un Comédien de haranguer le Parterre
avant la Piéce .
Il paroit difficile que deux grands Poëtes , qui
travaillent fur un même fujet , ne fe rencontrent
point Cependant , à certains égards , rien n'eft
moins reffemblant que l'ouvrage de notre premier
Poëte Tragique & celui de M de Voltaire . Plufieurs
morceaux des quatre premiers Actes de la Piéce de
FEVRIER. 1750. 187
celui -ci ont eudes applaudiffe mens. D'autres ont été
critiqués. Pour le cinquiéme Acte , tel qu'il étoit
d'abord , il fut très mal reçû . Ainfi l'Auteur a été
obligé de faire fufpendre la Tragédie , afin de faire
diverfes corrections . Ayant voulu être rejoué le
19 , il n'a pas eu le tems de faire toutes celles
qui avoient été jugées néceffaires .
Malgré les détails ingénieux & les vers élégans ,
dont la Comédie de la Fauffe Prévention eft remplie
, les Comédiens Italiens n'ont pû la pouffer
que jufqu'à fix repréfentations.
a
Mlle Augufte , Danfeufe , qui a de la célebrité ,
voulu qu'ou jugeât de fes talens fur le Théatre de
ces Comédiens. Elle a paru dans plufieurs divertiffemens
de la compofition de M. de Heffe , & y
a montré beaucoup de force & de hardiffe.
Les mêmes Comédiens donnent depuis quelque
tems un nouveau feu d'artifice , nommé les For.
ges de Vulcain.
洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗
L
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
E2 Janvier , le Roi accompagné , comme le
jour précédent , par les Chevaliers , Commandeurs
& Officiers de l'Ordre du Saint Eſprit ,
fe rendit vers les onze heures du matin à la Chapelle
du Château , & Sa Majefté affifta au Service
qui y fut célébré pour le repos des ames des Che
valiers de l'Ordre du Saint Efprit , morts pendant
le cours de l'année derniere.
Le 6 , la Reine entendit la Meffe dans la Cha
188 MERCURE DE FRANCE.
pelle du Château , & Sa Majefté communia par
les mains de l'Archevêque de Rouen , fon Premier
Aumônier.
On a appris par les dernieres Lettres de Madrid
, que le 18 du mois dernier , le Roi d'Elpagne
déclara à la Cour & aux Miniftres Etrangers
la conclufion du mariage de Madame Infante .
Marie-Antoinette avec le Duc de Savoye , fils aîné
du Roi de Sardaigne.
•
les
On a appris auffi de Turin , que le même jour
le Roi de Sardaigne a fait la même déclaration .
Le 8 Janvier , les Actions de la Compagnie des
Indes étoient à dix fept cens quarante livres ;
Billets de la premiere Loterie Royale à fix cens
cinquante-trois , & ceux de la feconde à fix cens
cinq.
Le 11 , les Députés des Etats de Bretagne eurent
audience du Roi ; ils furent préfentés par
le Duc de Pentlriévre , Gouverneur de la Province
, & par le Comte de Saint Florentin , Sécretaire
d'Etat , & conduits en la maniere accoûtumée
, par le Grand Maître & le Maître des Cérémonies
; la Députation étoit compofée pour le
Clergé, de l'Evêque de Saint Pol de Leon , qui
porta la parole ; du Comte de Coetlogon , pour la
Nobleffe , & de M. du Clos , Maire de Dinant ,
pour
le Tiers- Etat.
Le 15 , les Actions de la Compagnie des Indes
étoient à dix -fept cens foixante livres , les Billets
de la premiere Loterie Royale à fix cens cinquante-
quatre , & ceux de la feconde à ſix cens .
M. Pereire , connu par le talent qu'il a d'enſeigner
aux Sourds & Muets de naiflance à parler ,
fut préfenté il y a quelques jours au Roi , à Monfeigneur
le Dauphin & à Mefdames de France ,
par M. le Duc de Chaulnes , avec M. d'Azy d'EFEVRIER.
1750. 189
·
tavigni, jeune homme âgé d'environ dix- huit ans,
fur lequel il a exercé fon art avec un fuccès qui
tient prelque du prodige.
Le Curé de l'Eglife Paroiffiale de Saint Roch
ayant choifi Saint François de Sales pour Patron
de la Communauté des Prêtres , qu'il forme dans
fa Paroiffe , cette fête fut célebrée le 18 avec
beaucoup de folemnité . Le Pere de Neufville , de
la Compagnie de Jefus , prononça le Panégyrique
du Saint , & l'Archevêque de Paris officia pontificalement
au Salut.
L'Académie Françoiſe donnera dans fon affemblée
publique du 25 du mois d'Août prochain , le
Prix d'Eloquence , fondé par M. de Balzac . Elle
propofe pour fujer , jufqu'à quel point le fage doit
avoir égard aux jugemens des hommes , conformément
à ces paroles de l'Ecriture : Omnia probate ,
quod bonum eft tenete . Theffal. 1. 4. 21 .
Le même jour elle donnera le Prix de Poëfie ,
fondé par M. de Clermont- Tonnerre , Evêque &
Comte de Noyon. Le fujet fera , les Lettres ont
autant contribué à la gloire de Louis X 1 V , qu'il
avo't contribué à leurs progrès.
L'Académie donnera auffi le même jour un autre
Prix de Poëfie , fondé par M. Gaudron . Elle
propofe pour fujet , Rien n'excite plus les talens ,
que l'amourde la gloire.
Celle de Soiffons avertit que dans fon aſſemblée
publique du Lundi 25 Mai prochain , elle délivrera.
un Prix d'Eloquence . Le fujet fera : La
gloire que le Roi s'eft acquife en donnant la paix à
l'Europe.
Le 22 , les Actions de la Compagnie des Indes
étoient à dix fept cens cinquante livres ; les Billets
de la premiere Loterie Royale à fix cens foixantedouze
, & ceux de la feconde à fix cens douze,
10 MERCURE DE FRANCE .
LETTRE
De M *** à M. Remond de Sainte
Albine , an fujet de la Longitude de la
Ville de la Conception.
J
'Ai vû, Monfieur, dans votre dernier Mercure,
une réponſe de M. Frezier à l'Auteur de la relation
du voyage de l'Amiral Anfon , laquelle tend à
éclaircir les difficultés qui fubfiftent depuis fi longtems
fur la longitude du Détroit de Magellan. J'ai
toujours éte perfuadé , comme M. Frezier , que la
côte du Chili eft beaucoup trop occidentale fur les
Cartes Angloifes , & je fuis étonné que les Membres
de la Société Royale ( qui peut-être ont raifon
de foûtenir l'opinion de M. Halley fur la lon
gitude du Cap de la Vierge ou embouchure orien
tale du Détroit de Magellan ) fe laiffent entraînér
depuis fi long - tems à adopter les erreurs confidérables
commifes dans la Carte des variations fur
· l'aiman fur toute la côte de la mer du Sud.
Pour donner quelque idée du giffement de cette
cô:e , examinons la longitude de la Ville de la
Conception , qu'on fçait être par 36 degrés 45
minutes de longitude Auftrale .
"
Or je trouve d'abord , fur le grand Globe de
Blaeu & fur la Carte de M Frezier , la Ville de la
Conception environ cinq degrés à l'Eft du Méridien
de Lima , & au contraire la Carte de M. Halley
place cette Ville plus d'un degré à l'Ouest. Les
Anglois n'ont pas voulu fe rendre aux obfervations
des Satellites du P. Feuillée , fans doute à cauſe
que les obfervations correfpondantes n'ont point
été faites en Europe , & qu'on n'a pu , pour con
FE VRIER. 1759. 191
•
1
clure l'erreur des Tables , avoir recours aux obfervations
qui ont précédé ou fuivi , parce que
c'étoit en Janvier & Février du mémorable Hyver
de 1709 , qui ne permettoit pas de faire les obfervations
à Paris.
Le nouveau Globe de Senex , conftruit il y a
12 ou 15 ans , qui contient quantité de nouvelles
corrections effentielles à la Géographie , & qu'on
peut voir ici dans le cabinet du Jardin du Roi ; ce
Globe , dis - je , a placé la Conception fous le même
Méridien que Lima , & c'eft - là fans doute l'une
des principales caufes de l'opinion dans laquelle
l'Auteur de la Relation du voyage de l'Amiral
Anfon eft demeuré , dans la vûe fans doute de fe
conformer aux idées qu'avoit eues autrefois fur
cela M. Halley .
Véritablement fi l'on ne rétreffit pas confidéra
blement l'Amérique Méridionale , il eft impoffible
de concilier les deux côtes Orientale & Occiden
tale ou de la mer du Sud, avec le réſultat des rou.
tes de la navigation & des obſervations Aftronomiques.
La côte Orientale de l'Amérique Méridionale
eft très défectueufe dans la Carte de feu M. De-
Jifle , publiée en 1720. On peut voir dans les tranfactions
philofophiques de 1722 , & mieux encore
dans le nouveau volume des Mémoires des Correfpondans
de l'Académie des Sciences , qui va paroître
,que la Ville de Buenos- Aires eft cinq degrés
trop à l'Orient dans cette Carte ; on s'eft corrigé
un peu dans celle de 1724 , il reste encore trois
degrés d'erreur .
La Carte des variations de l'aiman de M Halley
étant parfaitement exacte , quant à la pofition
-de Buenos- Aires , & donnant la longitude de cette
Ville , comme elle doit être , de 61 degrés & demi
192 MERCURE DE FRANCE.
à l'Occident du Méridien de Pons , on a préfentement
une belle occafion de décider la fameule
queſtion touchant la longitude du Détroit de Magellan
, fi l'on peut établir avec la même certitude
la pofition d'une Ville fituée à la mer du Sud,
telle que fera , par exemple , la longitude de la
Conception . & on
Or cela a déja été exécuté il y a trois ans ,
pourra bientôt en voir le détail , lorsque le volume
de l'Académie de l'année 1747 fera publié ; on
y trouvera le calcul de deux occultations d'une
étoile de la premiere grandeur par la Lune , ob.
fervées en 1709 & 1710 à la Conception , qui concourent
merveilleufement à donner la longitude
de laConception beaucoup plus orientale qu'on ne
l'a fuppofé jufqu'ici dans le Livre de la Connoiffance
des tems , puifqu'au lieu de trois degrés &
deux tiers , qu'on trouve dans ce Livre , dont la
Conception eft plus orientale que Lima , il faut
néceflairement l'augmenter jufqu'à s degrés ou
4 degrés & demi tout au moins.
Mais l'impreffion des volumes de l'Académie
étant retardée , comme il faudoit peut - être longtems
attendre & fufpendre un jugement qui pourroit
paroître à quelques- uns trop prématuré avant
la lecture de cette piéce , voici quelques réflexions
particulieres que la nouvelle édition des Tables de
M. Halley m'a fournies , & qui certainement achevera
de convaincre les Auteurs Anglois , puiſqu'on
les attaque ici avec leurs propres armes.
On trouve à la fin de ces Tables , parmi les obfervations
de la Lune , faites à fon paflage, par le
Méridien , que le 18 Mars , vieux style , 1728 , à
16 heures , 6 minutes , 13 fecondes de tems moyen,
la longitude du centre de la Lune étoit de 11 degrés
, 20 minutes , 26 fecondes , du Sagittaire . Or
je
FEVRIER. 1750, 193
je trouve que les Tables de la Lune de Flamsteed ,
imprimées dans les Inftitutions Aftronomiques ,
donnent au même inftant la longitude d'une demie
minute moins avancée , & par conséquent en
l'année 1710 , lorfque le P. Feuillée obferva à la
Conception le 19 Mars , nouveau style , à 10 heures
33 minutes 15 fecondes , l'immersion de l'étoile
Antarès fous la Lune , l'erreur des mêmes
Tables a dû être d'une demie minute ; ce qui donne
dans une pofition . femblable , tant de la Lune
que de fon orbite à l'égard du Soleil , une correction
connue & additive . Qu'on fuppoſe d'abord la
longitude de la Conception 4 degrés à l'Eft de
Lima , on va voir par le calcul qui fuit , qu'il faut
encore l'augmenter , car pufqu'on comptoit au
moment de l'immerfion , fuivant cette hypothefe,
4 heures 59 minutes & demie à Paris plus qu'à la
Conception ; il étoit donc alors IS heures 33 minutes
& 4 fecondes au Méridien de Paris . Or les
Tables de la Lune , inférées dans le Livre des Inftitutions
( dont le calcul differe peu , mais véritablement
eft toujours plus facile à faire que par
celles de M. Halley ) donne en cet inftant la longitude
de la Lune 4 dégrés 49 minutes 27 fecondes
du Sagittaire , & la latitude Auftrale de la Lune
degrés 12 minutes 22 fecondes. La parallaxe de
longitude étoit donc de 39 minutes 2 fecondes , &
celle de latitude 38 minutes 28 fecondes , & l'on
aura , felon l'obfervation, le centre de la Lune précifément
2 minutes plus avancé à l'Orient que la
longitude de l'étoile ; par conféquent , felon
cette même obfervation , la longitude de la Lune
a dû être apparente en 5 degrés 27 minutes 15 leconde.
On la trouveroit, de 5 degrés 27 minutes
20 fecondes du Sagittaire , fi au lieu d'employer
la théorie des longitudes , on fe fervoit de la phafe
I
194 MERCURE DE FRANCE.
générale d'Hévelius , en prenant pour point du
Limbe où l'occultation s'eft faite , 9 degrés au Sud
du parallele à l'Ecliptique .
Ainfi la vraye longitude de la Lune a dû être
4 degrés 48 minutes 12 fecondes ; mais les Tables
corrigées , en y ajoûtant une demie minute ou 28
fecondes , donnent 4 degrés 49 minutes 55 ſecon
des. En fuppofant la Conception 4 heures 59 minutes
& demie à l'Occident du Méridien de Paris ,
la difference ou l'excès des Tables fur l'obfervail
tion étant d'une minute & deux tiers de tems ,
faut par conféquent que la Ville de la Conception
foit encore trois quarts de degrés plus près du Méridien
de Paris qu'on ne l'a fuppofé ci- deffus ,
c'est - à-dire heures 6 minutes & demie à l'Occident
du Méridien de Paris. Ceci ne differe pas
beaucoup du résultat de l'obſervation de l'année
1709 , de laquelle on peut conclure , comme on le
verra dans les Mémoires de l'Académie des Sciences
, la différence des Méridiens de 4 heures 58
minutes ou de 74 degrés & demi .
f
J'aurois beaucoup de chofes à dire ici au fujer
des Tables de la Lune , conftruites fur la théorie
"de M. Newton ; mais je me bornerai uniquement à déclarer les differences & les deffauts de ces differentes
Tables. 1
Or , 1 °. pour parler de celles que Leadbetter
avoit imprimées fur quelques feuilles ou copies des
Tables de M. Halley , le plus grand défaut eft celui
de la Table de l'Equation du noeud , dont les
titres font renversés , ce qui peut donner trois degrés
d'erreur dans le lieu du noeud .
Dans toutes les autres , excepté celles des Inftitutions
Aftronomiques
, la Table de la fiziéme
Equation qui indique la deuxième Equation du
centre, & que M.Halley fait précéder immédiate
FEVRIER. 1750. 195
ment le calcul de l'Equation du centre ; cette Table
, dis-je , porte encore , dans tous les Auteurs ,
des titres renverfés , en forte qu'un Calculateur
fera , fuivant ces Tables , l'Equation additive ,
lorfquelle eft fouftractive , & au contraire.
J'ai crû qu'il étoit néceffaire , Monfieur , d'avertir
ici de ces principales fources d'erreurs, com
me auffi de ne pas trop le fier aux Tables des latitudes
des mêmes Auteurs .
VERS
Sur la Tragédie d'Ariftomene , à
M. Marmontel.
C Her favori de
Melpomene ,
Marmontel, Voltaire nouveau ,
Sous quels traits ton divin pinceau
Montre à nos yeux le coeur d'Ariftomene
Dans ce magnifique tableau
Dont tu viens d'enrichir la Scéne !
Tout y plaît , tout nous entraîne;
La Nature , l'amour , & le grand & le beau.
En vain l'envieuſe critique
Voudroit aiguiser, ſes traits ,
Et flétrir les lauriers de ta muſe tragiquë.
De l'aimable Clairon les graces , les attraits ;
Malgré tout l'effort fatyrique ,
Doivent t'affûrer du fuccès .
Aveugle en fes jaloux accès ,
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
Laiffe une cabale cauftique
Murmurer en ſecret d'une impuiffante voix.
En ta faveur le ſentiment s'explique ,
Et c'eſt à l'eftime publique
Qu'il appartient de bien juger des loix.
Ainfi toujours plus grand on te verra paroître ;
Ta gloire ne peut s'effacer :
Aux fublimes effais que tu viens de tracer ,
Il eft aifé de reconnoître
L'éleve d'un fameux Maître ,
Capable de le remplacer.
Raoult.
POUR LE PREMIER JOUR DE L'AN ,
EPITRE
A M. M. D. L. par l'Auteur des vers
précédens.
Quand Janus , au double viſage ;
D'un nouvel an vient commencer le cours ,
Une Divinité qu'on appelle l'uſage ,
Dans Paris , pendant certains jours
De l'amitié débitant les difcours ,
Vifite les maifons en pompeux équipage .
L'intérêt , le patelinage ,
Prefqu'en tous lieux fuivent les pas ;
FEVRIER. 1750. 197
Magré la neige & les frimats ,
On la voit s'empreffer à rendre un faux hommage
A tous les rangs , tous les états.
Sous la brillante banniere ,
Bien eſcortés de préſens ,
Marchent les fots complimens ,
Et la façon minaudiere .
En Dame de qualité ,
Levant une tête altiere ,
Paroît la formalité ,
Qui prononçant avec emphafe
Certaine rubrique de voeux ,
Par le refrain d'une infipide phraſe ,
En un moment fait mille heureux .
Un mois à peine peut fuffire
• Pour finir la proceffion ;
Tout l'avantage qu'on retire
De cette froide miſſion ,
C'est le plus fouvent , à vrai dire ,
Un bon rhume , une fluxion.
Quand de Janvier le terme expire ,
L'ufage , de fon empire
Retient la poffeffion.
Par lui tout vit , tout reſpire ;
Il met tout en action.
Pour moi , je brave ſa puiffance ,
Jamais mon coeur ne lui fera foumis.
I iij
198 MERCURE DE FRANCE:
La fincére reconnoiffance ,
De l'amitié trop jufte priz,
Des fentimens fardés mépriſe l'impofture
Par les mains de la Nature
Je veux que les miens ſoient écrits.
O vous , dont le bonheur vivement m'intéreffe ,
Cher ami , recevez mes fincéres fouhaits.
Entre les bras de lá ſageſſe ,
Goûtez des plaifirs parfaits:
Que la fanté, cette aimable Déeffe ,
Répande fur vous les bienfaits.
Admis au vallon du Permeffe ,
D'une tendre & fublime yvreffe
Eprouvez fouvent les accès ;
Philofophe fans rudeffe ,
D'une ftoïque trifteffe
Fuyez le ridicule excès ,
Contraire au bonheur , aux fuccès.
Loin- de vons , maux de toute efpece ;
Dieu vous garde de procès.
Par le même
FEVRIER . 1750. 199
Aux Auteurs du Ballet des Fêtes de Thétis ,
Divertiffement exécuté à Versailles devant
le 14 du mois dernier.
Le Roi ,
Q Ue de la Fable ingénieuſe
Sorte un fujet bien deffiné ,
Et dont le tiffu foit orné
D'une expreffion lumineufe ;
Qu'un Amphion par fes beaux airs ,
Par fa touchante mélodie ,
Sçache donner une antre vie
Aux images qu'offrent les vers ;
La raiſon avouera de fr fages caprices ,
Et la Cour & la Ville en feront leurs délices .
Rivaux , d'ununême zéle épris ,.
Non pour vous difputer le prix ,
Mais pour concourir à la gloire.
De chanter , amis , les hauts faits,
D'un Héros qui defcend du char de la victoire ,
Pour voler au ſein de la paix ,
Vous fuivez les fentiers des Graces .
Quinault , Lully, revivent dans vos jeux ,
Et c'eft en marchant fur leurs traces ,
Qu'on peut compter de plaire à nos derniers ne
нент.
Le fentiment doit guider l'harmonie ,
Lui feul enfanta Polymnie ,
I
1111
200 MERCURE DE FRANCE.
De fes chants dirigea le cours ,
Et le berceau de fon génie
Fut celui même des Amours .
Gardons nous de confondre avec fa vive flâme
Ces lugubres lueurs que le cahos produit ;
L'une s'élève aux Cieux , l'Olympe la réclame ,
Les autres , regnant peu , s'éteignent dans la nuit .
Jouiffez des fuccès de votre aimable lyre
La gloire à vos regards étale mille appas ,
Le myrthe , les lauriers font femés fous les pas
De la mufe qui vous infpire.
ALLEGORIE.
Sur la maladie & la convalefcence de
S.A.S. M. le Prince de Condé.
" UN arbriffeau , l'amour de la Nature ,
L'honneur des bois & le charme des yeux ,
Croíffoit au bord d'une onde vive & pure ,
Et promettoit des fruits délicieux.
Peuple François , ma fable eft- elle obfcure ?
**
Danlezi vous l'expliquera , la la la la la la,
* Ces couplets peuvent fe chanter fur un airdu Divertiffe
ment de Momus Fabulifte .
** M. le Marquis de Danlezi , Gouverneur de
S. A. S. M.le Prince de Condé.
FEVRIER. 201 1750.
Mais tout à coup un monftre téméraire ,
Pour le fécher dans la jeune faifon ,
Sort des Enfers , & d'une aîle légere
Vient l'infecter d'un funefte poiſon,
Peuple François , & c.
Dumoulins ( a) vous l'expliquera , & c.
Tous les oifeaux qui chériffoient l'ombrage
Et la beauté de fes feuillages verds ,
Saifis d'effroi , quittent leur doux ramage,
Et de leurs cris épouvantent les airs.
Peuple François , & c.
Mainte voix (6) vous l'expliquera , & c.
**
Une plaintive & tendre Tourterelle
De fes foupirs importune les Dieux ,
Pour dérober à la Parque cruelle
Des jours fibeaux , fi chers , fi précieux .
Peuple François , & c.
Charolois (c) vous l'expliquera , &c.
***
A l'arbriffeau conftamment attachée ,
Et de fon fort partagéant la rigueur ,
(a Médecin de S. A. S.
(b ) Toute la Maison de Condé.
(c) Mademoiselle , Tante du Prince.
I v
202 MERCURE DE FRANCE
Une Fauvette , également touchée ,
Montre pour lui fon zéle & fon ardeur.
Peuple François , & c.
La Guiche (4) vous l'expliquera , & c.
**
Un Roffignol , généreux & fidéle ,
Par mille foins fignale fon amour.
Il ne dort point , Morphée envain l'appelle ,
Un autre objet l'occupe nuit & jour..
Peuple François , &c..
Du Bouzet (6 ) vous l'expliquera , &C.
+3+
Aux Immortels tous enfin rendent graces ,,
Le monftre fait au fond de l'Acheron ,
Ne laiſſant voir ſur ſes affrenſes traces
Que la foibleffe & l'horreur de fon.nom .
Peuple François , &c...
Un Prince (c ) vous l'expliquera , & c .
Le bruit à peine en parvient à Cythere ,
Que les Amours raffemblés fur ces bords
Battent de l'afle , & d'un zéle fincére
(a ) Mad. la Comteffe de la Guiche..
(b) Sous- Geuverneur du Prince.
(c) Le Prince de Condé.
FEVRIER. 1750. 203
Font éclatter leurs aimables tranfports .
Peuple François , &c.
Tout Paris vous l'expliquera , & c.
Par M. l'Abbé Guéroult.
REMARQUE
Au fujet des vers fuivans .
Toutes les fois que l'occafion s'en préfente , nous payons à M. de Voltaire le tribut de
louanges qu'il a droit d'exiger. Les critiques qu'on
peut faire de les ouvrages , ne nous empêcheront
jamais de reconnoître qu'il eft un très-bel efprit ,
un de nos plus grands Poëtes , un Peintre toujours
agréable , quelquefois fublime , & que perfonne ne
fçait mieux que lui fauver , par l'éclat & la vivacité
du caloris , l'irrégularité de l'ordonnance & le peu
de correction du deffeing . Mais notre eftime pour
la fupériorité & l'univerfalité de fes talens ne
nous aveugle pas jufqu'au point de regarder
comme parfait tout ce qui fort de fa plume. Il a
beau nous affûrer dans fa Differtation fur la Tragédie
ancienne & moderne , que le merveilleux
produit dans la Piéce de Semiramis un effet admirable.
L'Auteur anonyme des vers fuivans a beau
vouloir nous perfuader qu'Orefte eft un Poëme excellent
, qui ne peut être attaqué que par la baffè
jaloufie. Nous adopterons difficilement l'une &
l'autre de ces opinions. Sur tout on ne nous ena
gagera point à convenir que la Tragédie d'Orefte
doive être mise en parallele avec l'Electre de M. de
Crebillon . Ainfi le Poëte, dont nous inférons ici l'EI
vj.
204 MERCURE DE FRANCE.
pitre , pourroit bien nous compter au nombre des
fots dont il parle . Cependant fes vers nous ont
paru affez beaux , pour que nous n'en privaſſions
pas nos Lecteurs.
VERS
A M. de Voltaire .
୮
Oi , qui rival heureux de l'aîné des Corneil-
Τοί
les ,
Reffufcites Sophocle , & charmes nos oreilles ,
O mon Maître , ô Voltaire , ofe d'un oeil ferein
Voir de tes ennemis le triomphe inhumain.
Tôt ou tard , le vrai beau triomphe du caprice :
Au Cid perfécuté l'Univers rend juftice .
Ton Oreste aujourd'hui , qu'on devoit admirer ,
N'a fait que réchauffer les ferpens de l'envie ,
Mais les traits vainement obfcurciffent ta vie :
Ofe les méprifer , ils feront impuiffans .
Que peut un tas de fots fans moeurs & fans talens ?
Qui jaloux de ton nom , & de tous ces ouvrages
Qui fans ceffe , à leurs yeux , entraînent nos fuffrages
,
Perfent que ce Public , que tu fçûs étonner ,
Sans toi , moins difficile , eût pu les couronner
Devrois-tu redouter ces infâmes libelles ,
De l'envie affamée archives infidéles ?
Pourra-t'on , j'en appelle à la postérité ,
FEVRIER: 1750.
205
Tromper toujours fes yeux , fermés à la clarté ,
Cu la forcer de voir que tu n'as pas dû plaire ,
Pour avoir fans amour peint Electre & fon frere
Croira - t'elle jamais que depuis deux mille ans
L'Univers conjuré chérit de faux talens ,
Et qu'envain confacrés par la Gréce idolâtre ,
Ces Ecrivains jamais n'ont connu le Théatre ?
Attends donc fon arrêt fans te décourager ,
De tes concitoyens il doit feul te vanger.
A Paris , le Lundi 12 Janvier 1750 ,
après la premiere repréfentation d'Orefte.
光粥洗洗洗洗洗洗選業:洗洗洗洗洗洗
MARIAGES ET MORTS.
"
E 26 Octobre 1749 , Jacques- Charles , Marquis
de Barai!, Vicomte de Villers - Hellon ,
Maréchal des Camps & Armées du Roi , Chevalier
de l'Ordre Royal & Militaire de Saint Louis ,
veuf de Marie.Geneviève le Gras de Beaulieu ,
époufa dans la Chapelle du Château de la Chapelle
- Godefroi , Diocéfe de Troyes , Adelaide-
Henriette- Philiberte Orry de Fulvy , fille de Jean-
Henri-Louis Orry , Comte de Nogent -fur . Seine
Saint Gerard , la Chapelle- Godefroi , Fulvy &
autres lieux , Confeiller d'Etat , Intendant des Finances
& de Henriette - Louiſe- Heléne de la
Pierre de Bouzies.
Le mariage fut célébré , avec la permiſſion de
M. l'Archevêque de Paris , & le confentement de
M. le Curé de Saint Paul , par M. l'ancien Evê-
"
206 MERCURE DE FRANCE.
que d'Orange , en préfence de Louis- Antoine de
Gontaut , Duc de Biron , Pair de France , Chevalier
des Ordres du Roi , Lieutenant Général de
fes Armées , Colonel du Régiment des Gardes
Françoifes , Gouverneur des Ville & Château de
Landrecies ; de Jean Touffaint de la Pierre , Sei
gneur de Fremûre , Lieutenant Général des Ar
mées du Roi ; d'Antoine de Barail , Abbé de l'Abbaye
Royale de Notre-Dame de Troyes , & de
Louis-Jean Berthier , Seigneur de Sauvigni , Confeiller
du Roi en fes Confeils , Intendant de la
Généralité de Paris.
Le 21 Novembre fuivant , Michel Dreux , Marquis
de Brezé, Baron de Berrye , Lieutenant Général
des Armées du Roi , Gouverneur des Ville &
Château de Loudun & du Loudunois , des Iffes de
Sainte Marguerite & Saint Honorat , Grand - Maî
tre des Cérémonies de France , Inſpecteur Géné
ral d'Infanterie , Prevôt - Maître des Cérémonies
de l'Ordre du Saint Efptit , Commandant en
Chefdans les Provinces de Flandre & de Hainaut ,
âgé de quarante - neuf ans , veuf de Claire - Ifabelle
Eugenie Dreux de Nancré , a épousé fur la Paroife
de Saint Paul Louife- Elifabeth de la Châtre ,
âgée de vingt ans , fille de feu Louis-Charles de
la Châtre , Comte de Nançay , Seigneur de Vic ,
Baron de Varenne & autres lieux , Brigadier des
Armées du Roi , Gouverneur des Ville & Châ
teaux de . Peccais , Tour- l'Abbé & Fort Salin , en
Languedoc , & Colonel du Régiment de Bearn
Infanterie , & de Marie- Elifabeth Nicolaï.
Ce mariage a été célébré en préfence de Frere
Joachim Dreux , Chevalier de l'Ordre Militaire
& Religieux de Saint Jean de Jerufalem , Frere ;
de Louis de Durefort , Comte de Lorges , Lieutenant
Général des Armées du Roi , & Menin de
FEVRIER.
1750. 207
Monfeigneur le Dauphin , coufin germain ; d'Ar
mand-Jean Nicolaï , Marquis de Gouffainville ,
Seigneur d'Ofny , & autres lieux , Confeiller du.
Roi en fes Confeils d'Etat & en tous fes Confeils,.
& Premier Préfident de la Chambre des Comptes,
oncle maternel ; & de Louis de Gand , Prince
d'Ifenghien , Maréchal de Erance , Chevalier des
Ordres du Roi , Lieutenant Général de la Province
d'Artois & Gouverneur de la Ville d'Arras.
Le 22 Décembre dernier , Jean Baptifte Donatien
de Vimeur , Comte de Rochambeau , Colonel
du Régiment de la Marche , a épousé Jeanne-
Therefe Tellez d'Acofta. Il est né le premier Juil
let 1725 de Jofeph - Charles de Vimeur , Marquis
de Rochambeau , Gouverneur & Bailli d'épée du
Vendômois , & de Jeanne Marie- Clare Begon ,
Gouvernante de S. A. S. M. le Duc de Monpenfier..
Ses ancêtres connus font Macé de Vimeur , Sei.
gneur d'Ambloy , qui vivoit en 1477 & en 1500 ;.
Gilles , Mathurin , qui le premier a porté le nom
de Rochambeau , René I. René II . René III . René :
IV. Jofeph- Charles I. & Jofeph-Charles II.
Jeanne- Theréfe Tellez d'Acofta eft fille d'Emmanuel
d'Acofta , Secretaire du Roi , & de N.
de Tillene . La famille de Tellez d'Acoſta eſt ori ,
ginaire de la Ville de Trancofo , Province de Beyra,.
en Portugal. Miguel Tellez d'Acoſta , ayeul de
Jeanne- Theréfe , né dans la Ville de Trancofo en
1636 , fortoit d'une branche cadette . Il quitta le
Portugal pour venir dans les Pays - Bas , d'où il fut
envoyé en Hollande en qualité de Réfident de la
Reine Chriftine de Suéde.
Le Janvier 1750 , Louis Jofeph Bidé de la
Grandville , Brigadier , Colonel d'infanterie ,
époufa dans l'Eglife Paroiffiale de Saint Roch
Françoife - Theréfe du Clufel , fille de Leonard du
208 MERCURE DEFRANCE.
Clufel , Seigneur de la Chabrerie , & de Theréſe
Tourard.
Il eft fils de Julien Bidé de la Grandville , Confeiller
d'Etat , & de Petronille- Françoife Pinçonneau
de la Grandville La famille de Bidé eft originaire
de Bretagne . Louis , pere de Julien , fon
ayeul , fon bifayeul & fon trifayeul , ont tous été
Confeillers au Parlement de Rennes.
Le 10 Décembre dernier , Louiſe de Saint Cha
mand , veuve d'Alexandre- Louis Comte de Mailli ,
Seigneur de Frefnoy , Neuville & autres lieux ,
décedé peu de mois auparavant,mourut âgée de 67 .
ans , & fut inhumée à Saint Nicolas des- Champs.
Elle étoit fille de Galyot- Antoine de Saint Chamant
, Seigneur de Villenoce & autres lieux , Maréchal
de Camp & Lieutenant des Gardes du
Corps , & de Marie Louiſe Larcher. Elle laiffe un
fils, Alexandre-Louis , âgé de cinq à fix ans , & une
fille Marie-Louiſe , âgée de deux ans & demi.
Le 10 François du Prat , Comte de Barbançon,
Brigadier des Armées du Roi , mourut âgé de 65
ans , & fut inhumé à Saint Paul . Nous avons rapporté
la Génealogie de du Prat , en annonçant le
mariage de Louis- Antoine , fils de François , avec
Antoinette - Eleonore du Fay de la Tour Maubour
. V. le Mercure du mois de Mai 1749.
Le 15 , Magdeleine - Victoire Soufflot , veuve
d'Alexandre Fouchin , Confeiller du Roi , & Maître
ordinaire en la Chambre des Comptes, mourut
âgée de 74 ans , & fut inhumée à Saint Euftache .
Le même jour Thomas Perrot Duvernay , ancien
Capitaine de Cavalerie , & ci - devant Enfeigne
au Régiment des Gardes Françoifes , mourut âgé
de 65 ans , & fut inhumé à Saint Paul .
Le 17 , Marie- Catherine Heliot , veuve de Nico
Jas Parent , Seigneur des Tournelles , mourut âgée
FEVRIER. 1750 209
de 87 ans , & fut inhumée à Saint Paul.
Le 20 , Marie-Antoinette de Rouvroi , veuve de
Jean-Euftache de Tournai d'Affigny , Comte d'Oify,
mourut âgée de 84 ans .
Le même jour, Anne Herment, veuve de Jean-
Daniel Degettes , Gentilhomme ordinaire de feu
S. A. R. Monfeigneur le Duc de Lorraine , mourut
âgée d'environ 76 ans , & fut inhumée à Saint
Louis-en l'Ile .
Le 8 Janvier 1750 , Anne Moufle , veuve de
Jean-Marie de Vougy , Secretaire du Roi , & Secretaire
ordinaire des Confeils d'Etat , Direction
& Finances , mourut & fut inhumée à Saint Jeanen-
Grêve.
La nommée Renée l'Amy eft morte depuis
peu chez le Curé de Saint Mard de-Renô , près
de Mortagne , Diocéfe de Sées , âgée de cent dix
ans ou environ. Elle a fervi pendant plus de
quatre- vingt- quinze ans dans la famille du Cure
de Saint Mard , & elle n'a point ceffé d'agir juf
qu'au moment de fa mort.
>
AVIS AU PUBLIC.
LA save visMarch in Ripotinguis
A veuve Mouton , Marchande Apoticaire ,
au- deffus de la fontaine du Ponceaux , donne avis
qu'elle continue de débiter le Bechique , qui a
paru fous le nom de fouverain , avec toute la fatisfaction
poffible de la part des perfonnes qui en ont
fait ou en font ufage.
Comme il pofféde la propriété de fondre &
d'atténuer les humeurs engorgées dans le poul .
mon , d'adoucir l'acrymonie de la lymphe par fa
vertu balfamique : il a aufli celle de rétablir les
210 MERCURE DE FRANCE.
forces abattues , & d'être fauverain , c'eft - à- dire ,
curatif dans le rhume , la tour , l'oppreffion &
douleur de poitrine ; au lieu que dans l'aſthme
foit commençant, out inveteré & dans la pulmonie,
tant commençante qu'inveterée , il n'eft que puiffant
dalliatif, c'eſt à dire, qu'il foulage avec tant de fuc
cès que les malades s'en trouvent fatisfaits ; c'eft
à eux à y recourir chaque fois que le cas le requiert.
Quoiqu'il ne foit que puiflant palliatif
dans ces deux maladies , fi lorſque les fymptômes
les annoncent prochaines. , l'on vouloit joindre à
un régime de vie raifonnable l'ufage réiteré du
Bechique , non - feulement l'on pourroit en éloi
gner les effets , mais encore en éteindre la cauſe.
Dans la coqueluche commençante il peut pro
duire de bons effets , dans l'inveterée il en faut un
long ufage pour s'en appercevoir , ne calmant que
peu à peu les accès violens de cette maladie.
Comme il eft extrêmement agréable , les per
fonnes les plus délicates peuvent en ufer fans ré,
pugnance , & fans nulle crainte qu'il foit nuifible,
puifqu'une perfonne en parfaite Lanté pourroit en
faire l'ufage fans s'en trouver incommodée. L'on
a augmenté les bouteilles de deux prifes pour l'uti
lité publique, & pourvû que l'on fuive exactement
la méthode que l'on donne au Bureau pour fon
ufage , l'on peut être affûré qu'il produira toujours
de bons effets: L'on prie les perfonnes qui écriront
au Bureau , d'avoir la bonté d'affranchir leurs
Lettres ; l'on aura grand foin d'y répondre.
Parmi le grand nombre de perfonnes qui ont
trouvé ce reméde tel qu'on l'annonce , il fuffira
'indiquer une partie de celles dont on a déja pu
blié les noms , & quelques -unes de celles qui
n'ont pas encore été nommées ; tout le monde
a'étant pas d'humeur de fe voir indiquer , il faut
FEVRIER. 1750. 218
attendre que ceux qui voudront bien avoir cette
bonté , laiffent ou envoyent leurs adrefles au Bu
reau .
Mile Beaulieu , chez M. de Socon , au Marais ;
Madame Lottin , rue Paftourelle , au Marais ; M.
Vincent, chez Madame la Marquiſe de Courcillon ,
rue de Bourbon , faubourg Saint Germain ; M.
l'Abbé Coquillié , au Collège des Graffins ; M.
Coulon , chez M. Defcourgi , rue des Jeûneurs , à .
droite par la rue Montmartre ; M. Cravoifier
chez M. le Préſident de Saint Lubin , rue neuve
des bons Enfans.
AUTRE AVIS.
Laveuve du Sieur Bunen , Dentiſte des Enfans
de France , donne avis qu'elle débite journel-
Tement chez elle , rue Sainte A-voye , au coin de
la rue de Braque - chez M. Georget , fon frere ,
Chirurgien , les remédes de feu fon mari , dont
elle a feule la compofition , & qu'elle a toujours.
préparés elle - même .
Sçavoir. 1 °. Un Elixir anti-fcorbutique qui raf
fermit les dents , diffipe le gonflement & l'inflammation
des gencives , les fortifie , les fait recroître
, diffipe & prévient toutes les afflictions
fcorbutiques , & appaiſe la douleur de dents.
2º. Une eau , appellée Souveraine , qui affermit
auffi les dents , rétablit les gencives , en diffipe tou
tes tumeurs , chancres , & boutons qui viennent
auffi à la langue , à l'intérieur des lèvres & des
joues , en fe rinçant la bouche de quelques gouttes
dans de l'eau tous les jours. Elle la rend fraîche
& fans odeur , & en éloigne les corruptions , elle
salme la douleur des dents.
212 MERCURE DE FRANCE,
3º. Un Opiate pour affermir & blanchir les
dents , diffiper le fang épais & groffier des gencives
, qui les rend tendres & mollaffes , & caufe de
l'odeur à la bouche.
4°. Une poudre de corail pour blanchir les dents
& les entretenir , elle empêche que le limon ne ſe
forme en tartre & qu'il ne corrompe les gencives ,
& elle les conferve fermes & bonnes , de forte
qu'elle peut fuffire pour les perfonnes qui ontfon
de leurs dents , fans qu'il foit néceffaire de les faire .
nettoyer. Les plus petites bouteilles d'Elixir font
d'une livre dix fols.
Les plus petites bouteilles d'Eau Souveraine
font d'une livre quatre fols, mais font plus grandes
que celles de l'Elixir.
Les pots d'Opiate , les plus petits , font d'une
livre dix fols..
Les boëtes de poudre de Corail font d'une livre
quatre fols.
On trouve auffi chez elle des éponges fines &
des racines préparées.
La veuve Bunon ofe affurer que le Public fera
auffi fatisfait de la bonté defdits remédes , dont les
Dames de France ont ufé , qu'il l'étoit du vivant de
fon mari. Elle donne un imprimé qui enfeigne la
maniere de s'en fervir.
FEVRIER. 1750. 213
A VIS.
Sur une Cire Epilatoire.
Ette cire eftpropre pour faire lesfourcils ,
c'eft- à- dire , les dégarnir quand ils font trop
couverts , & pour dégarnir les cheveux qui defcendent
trop fur le front , les poils folets que
l'on peut avoir aux joues , aux bras & deflus les
mains,
La façon de s'en fervir eft toute fimple : faire
chauffer cette cire à une bougie'allumée , puis l'étendre
de l'épaiffeur d'un écu fur la partie que vous
voulez dégarnir ; & quand elle fera refroidie ,
vous l'enleverez à contre- poil , puis vous pafferez
un peu de pommade fur la partie dégarnie .
Le fieur Peromet la fait vendre à préfent chez
Mde Legendre , Marchande Parfumeufe , rue
Galande , Place Maubert , au coin de la rue des
Anglois , à l'enfeigne de la Providence . Chez
Mde Fleur , auffi Parfumeufe dans l'Abbaye
S. Germain des Près , rue Furftemberg , vis- à vis
le Bailliage . Et chez le fieur Malyvoir , Marchand
Parfumeur , rue Bar-du Becq , près la rue S. Médéric
, à l'enfeigne du S. Efprit.
Le prix eft de trois livres & de fix livres la douzaine
de bâtons plus ou moins gros.
APPROBATION,
J
Ai lû , par ordre de Monfeigneur le Chancelier
, le Mercure de France du préſent mois, A
Paris , le 3 Février 1750.
>
MAIGNAN DE SAVIGNY.
TABLE.
IECES FUGITIVES en Vers & en Profe.
tauban ,
Epitre à M. R **
Refléxions ,
l'Académie
2
46
48
Ode de M. le Seguillon à M. le *** * de G ** *
Commillaire d'Artillerie , fur la grace finguliere
qu'il a obtenue de la Cour en faveur de l'Au
teur ,
SI
Mémoire préfenté à M. Rouillé , Secretaire d'Etat
de la Marine , par M. Jahan , natif de Tours ,
& habitant de la Louifiane , pour l'établiſſement
des vers à foye dans cette Colonie ,
Epitre en vers Marotiques de L. L. à L. J
Séance publique de l'Académie Royale de Chirurgie
,
Le premier jour de l'an ,
56
76
89
1C8
Sur le Chiffre de M. N. J *** & de Mad. fon
époufe N. N *** par lui-même 110
Vers picards , extraits d'ane Lettre de M. Jouin ,
le pere , à M. B **** Curé d'une Ville de Picardie,
Reproches de la Parque à Mlle Clairon ,
III
112
Suite de la traduction du Traité de M. Fizes fur
la fièvre , 114
Mots de l'Enigme & des Logogryphes du Mercure
de Janvier ,
Enigme & Logogryphes ,
Nouvelles Litteraires , des Beaux-Arts , &c.
Avis fur un nouvel ouvrage ,
128
ibid.
132
148
Remarque adreffée à M.Remond de Sainte Albine
,
Note concernant l'Académie de Corfe "
154
ISS
Extrait d'un Mémoire de M. Lemaur , Ingenieur-
Géographe du Roi , fur une machine à faire du
Damas , & fur une à faire du Velours ,
Avis concernant l'Agriculture ,
Partie du Port de Rouen nettoyée ,
Déluxatoire ,
164
177
178
179
Lettre de M. Cantwel à M. Remond de Sainte
Albine ,
Avis fur la Lettre fuivante ,
289
182
Lettre de M. Guyot , Chirurgien de Genève , à
M. Daran ,
Chanfon notée ,
Spectacles ,
ibid.
184
185
France , Nouvelles de la Cour , de Paris , &c . 187
Lettre de M. *** à M. Remond de Sainte Albine
, au fujet de la longitude de la Ville de la
Conception ,
190
Vers à M. Marmontel , fur la Tragédie d'Arif
tomene , 195
Epitre pour le premier jour de l'an à M. M. D. L.
par l'Auteur des vers précédens 196
Aux Auteurs du Ballet des Fêtes de Thétis, Divertiffement
exécuté à Verfailles devant le Roi
le 14 du mois dernier , 199
200
Allégorie fur la maladie & la convalefcence de S.
A. S. M. le Prince de Condé ,
Remarque au fujet des vers fuivans , 202
Vers à M. de Voltaire , 204
Mariages & Morts , 205
Avis au Public de la veuve Mouton
caire ,
Apothi.
209
Autre Avis de la veuve Bunon ,
Avis fur une Cire épilatoire ,
211
213
"
La Chanson notée doit regarder la page……
De l'Imprimerie de J. BULLOг.
184
MERCURE
DE FRANCE ,
DEDIE AU ROI.
MARS.
LICIT
UT
SPARG
1750.
PARGAT
Chez :
pillow
S
A PARIS ,
LeGuay
ANDRE CAILLEAU , rue Saint.
Jacques , à S André .
La Veuve PISSOT, Quai de Conty ,
à la defcente du Pont-Neuf.
JEAN DE NULLY, au Palais ,
JACQUES BARROIS , Quai
des Auguffins , à la ville de Nevers.
M. D C C. L.
Avec Approbation & Privilege du Roi.
A VIS.
•
'ADRESSE générale du Mercure eft
à M. DE CLEVES D'ARNICOURT ,
rue des Mauvais Garçons , fauxbourg Saint
Germain , à l'Hôtel de Mâcon. Nous prions
très - inftamment ceux qui nous adrefferent
des Paquets par la Pofte , d'en affranchir le
Port , pour nous épargner le déplaifir de les
rebuter, & à eux, celui de ne pas voir paroître
leurs Ouvrages.
Les Libraires des Provinces ou des Pays
Etrangers , qui fouhaiteront avoir le Mercure
de France de la premiere main , &plus promptement,
n'auront qu'à écrire à l'adreffe ci- deffas
indiquée ; on fe conformera très- exactement à
leurs intentions.
Ainfi ilfaudra mettre fur les adreffes à M.
de Cleves d'Arnicourt Commis au Mercure
de France , rue des Mauvais Garçons , pour
remettre à M. Remond de Sainte Albine.
PRIX XXX. SOLS .
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI.
MARS.
1750.
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
TROISIEME ET DERNIERE LETTRE
De D *** Religieux Bénédictin de Clugny .
à D *** Religieux du même Ordre , contenant
la fuite & la fin des remarques qu'il
a faites fur le Livre intitulé , Mémoires
fervir à l'Hiftoire du Nivernois &
pour
Donziois , par M. N. D. L. R. A. E. P.
E finirai , M. R. P. mes remar
ques par cette troifiéme Lettre ,
& j'entre tout de fuite en matiere .
Page 223 , l'Auteur, en parlant
du Siége & de la reddition de la Ville de
Clamecy en 1617 , n'a pas jugé à propos
J
A ij
4 MERCURE DE FRANCE.
•
de dire que le Prince de Thimerais , fils
aîné du Duc de Nevers ( Charles de Gonzagues
) y fut fait prifonnier : ce fait eſt
pourtant intéreffant , il eft rapporté par le
Continuateur de Mezeray fur cette année.
1617.
Ce jeune Prince , qui , comme je l'ai dit
dans ma feconde Lettre, s'appelloitFrançois
de Paule , n'avoit alors qu'onze ans , étant
mort en 1622 , âgé de 16. J'ai autrefois
lû un Livre compofé par ... Sieur de Gaubertin
, dont je ne me rappelle pas bien
le titre , mais qui traite des guerres Civiles
de ce tems- là auquel il vivoit, & dont
le Héros eft Charles de Gonzague, & l'Héroïne
Catherine de Lorraine , fa femme.
Il rapporte que le Prince de Thimerais ,
leur fils aîné , fut fait prifonnier dans Clamecy
avec fon Gouverneur. C'est donc
un fait conftant que l'Auteur n'auroit
dû obmettre .
pas
dit
Page fuivante . Cette guerre finie ,
l'Auteur , M. le Duc de Nevers , qui venoit
d'hériter des Principautés de Mantoue & de
Montferrat , exigea des contributions de toutes
les Villes du Nivernois , &c . Il fait par
dire que Clamecy paya une fomme , laquelle
fut remife à MM. de Chateauregnaud &
Villemenaud , pere & fils , Meftres de Camp
du Régiment de Nivernois , fuivant le ManMARS
. 1750. 5
dement de M. le Duc de Mayenne .
Charles de Gonzague , Duc de Nevers ,
hérita des Duchés de Mantouë & de Montferrat
en 1627 , & la guerre , dont parle
l'Auteur , étoit finie dès 1617 , dix ans auparavant.
Cependant de la façon dont il
s'explique , il fembleroit que cette fucceffion
lui feroit échue avant la fin de cette
guerre. M M. de Chateauregnaud & de
Villemenand , & non pas Villemenaud ,
étoient de la Maifon de Lange ; la Terre
de Villemenand en Nivernois eft encore
poffedée par M. le Baron de Lange , petitfils
& arriere petit - fils de ces M M.
Suivant le Mandement de M. le Duc de
Mayenne , il n'y avoit plus alors ( 1628 )
de Duc de Mayenne ; le dernier avoit été
tué au fiége de Montauban en 1621. Il eft
vrai que le Duc de Nevers , devenu Dac
de Mantouë , poffedoit alors le Duché de
Mayenne par la femme , * foeur de ce dernier
, ainfi que Nevers & Rhétel , & il en
prenoit même le titre dans les qualités des
Actes ; mais on l'appelloit Son Alteffe de
Mantone , & le Mandement dont parle
l'Auteur , vrai-femblablement étoit figné
le Dus de Mantonë , c'eft ainfi qu'on a
dû lire & non pas de Mayenne. L'Au-
Catherine de Lorraine.
A iij
6 MERCURE DE FRANCE.
teur femble toujours perfuadé, qu'en quit
tant la France , Charles de Gonzague cella
d'être Duc de Nevers , ce qui n'eſt pas .
Page 246 , l'Auteur prétend que Dezize
n'enferme pas dans fon enceinte plus de cing
cens perfonnes. Dezize eftplus confidérable
pour le nombre des habitans , que S.Pierrele-
Moutier ; l'Auteur prétend qu'il y a
quinze cens perfonnes à Saint Pierre : fi
. cela eft , il y en a fûrement plus de cinq
cens à Dezize , & même plus de quinze
cens.
L'Auteur a copié la nouvelle Defcription
de laFrance par M. P. D. L. F , mais ce der
nier fuit quelquefois des Mémoires peu
juftes ; par exemple , il dit qu'il n'y a que
neuf mille ames à Nevers , il en met un
plus grand nombre à Ifloudun en Berry :
cependant , de l'aveu de tous ceux qui
connoiffent ces deux Villes , la derniere
eft bien inférieure à Nevers pour la grandeur
& le nombre des habitans .
Page 248 , il y a , dit- il , ( à Dezize ) un
pontfort long , qui étoit de pierre , & dont une
partie eft tombée ; les ruines des piles fervent
à foûtenir un pont de bois que les habitans ont
fait conftruire à leurs frais.
La Ville de Dezize a un Octroi confidérable
, il eft au moins affermé dix - fept à
dix-huit mille livres par an , & c'eft des
MARS .
7 . 1750.
deniers de cet . Octroi , que le pont a
été réparé , & non pas aux frais des habitans
.
Page 249. Le territoire des environs ( de
Dezize .) eft affez fertile , & l'on y trouve
quantité de charbon de pierre , qui fert pour
l'entretien des forges qui font aux environs.
Le charbon de pierre ou de terre ne fert
point aux forges deftinées à convertir la
fonte en fer , il ne fert qu'aux. Serruriers ,
Maréchaux & autres femblables ouvriers ,
& fur tout aux rafineries pour les fucres
à Orléans.
Page 255. La Charité ( Ville du Nivernois
) a foutenu plufieurs fiéges , & a été prise
plufieurs fois ; elle a toujours été très-fidèle à
fes Souverains .
Comment accorder ces derniers mots
avec l'Hiftoire ? Mezeray , fur l'année
1562 , met . la Charité-fur-Loire au nombre
des Villes dont les Huguenots fe faifirent
, d'où il faut conclure que le parti
dominant dans cette Ville n'étoit trèspas
fidele à fon Souverain.
Sur l'année 1570 , le même Auteur
nous apprend que la Charité fut une des
quatre Villes de fûreté accordées aux Huguenots
par le Traité de Saint Germain
en Laye.
En 1577 , le Duc d'Anjou affiégea la
A iiij
8 MERCURE DE FRANCE.
י נ כ
même Ville , & Mezeray dit que » la Pla-
» ce fut inveftie fi promptement , que Jac-
» ques de Morogues , qui en étoit Gou-
» verneur , n'y put faire entrer des gens
" de guerre , de forte que n'ayant.que cent
cinquante hommes pour défendre trois
» bréches , il capitula après avoir foutenu
» deux alfauts .
"3
Or s'il n'y avoit de pas gens de guerre
dans la Ville , c'étoient donc les habitans
la gardoient eux -mêmes pour le parti Proteftant
, & qui reconnoiffoient volontairement
pour leur Gouverneur Jacques
de Morogues , Gentilhomme Huguenot ,
dont les terres étoient dans leur voifinage,
& dont quelques -unes font encore polledées
par des Seigneurs de cette Maiſon ,
aujourd'hui Catholique , d'où il faut conclure
que le parti Huguenot a dominé à la
Charité , & que cette Ville n'a pas toujours
été très-fidéle à fes Souverains , comme
l'Auteur veut l'infinuer , & que dans
ces malheureux tems elle a fuivi , comme
bien d'autres Villes ., le parti des Rebelles.
Page 258 , l'Auteur , parlant de Pougues
& de fes Eaux minérales , dit qu'elles ont
toujours eu de la réputation ; mais que depuis
que Louis XIV les alla prendre en 1686, cette
réputation s'eft fifort augmentée , qu'on y vient
de tous côtés.
T
MARS.
୨
*
1750.
gues
La grande réputation des Eaux de Poua
commencé du tems de Louis de Gonzague
, Duc de Nevers, & a duré jufqu'à la
découverte de celles de Forges . Le Roi
Henri III les a prifes fur le lieu en 1586 ;
Henri IV les prit à Saint Maur - des - Foffés
en 1602 ; la Reine Catherine ou Marie
de Médicis y eft venue ; l'uné où l'autre a
bâti en ce lieu de Pougues l'Hofpice des
Capucins , & a donné l'horloge qui eft au
clocher de la Paroiffe , où les Armes de
Médicis fe voyoient il y a peu d'années au
cadran, accollées à celles de France. Louis
XIII y eft auffi venu , mais fous le regne
de ce Prince la découverte de celles de Forges
, à 18 lieues de Paris , s'étant faite ,
( quoique leur qualité foit inférieure à celles
de Pougues , fuivant tous les Médecins
qui ont fait l'analyfe des unes & des autres )
celles de Pougues ont été depuis moins fréquentées
; la proximité de Paris a fait préférer
aux Princes & Seigneurs le premier de
ces endroits au fecond , cependant les Eaux
de Pougues font les premieres Eaux minérales
froides du Royaume . *
Quant à ce qu'ajoûte l'Aurenr,que Louis
XIV les alla prendre en 1686 , il eſt vrai
* Voyez Duclos & Chomel , Médecins , en
leurs Traités des Eaux minérales de France.
A v
to MERCURE DE FRANCE.
qu'il les alla prendre , non à Pougues, mais
à Saint Germain en Laye , comme nous l'a
appris M. de la Rue , Médecin à Nevers ,
Intendant de ces Eaux , dans un Traité
qu'il a fait imprimer fur leur qualité , &
qui cite fur ce fait le Dictionnaire de la
Martiniere , tome 4 , page 194.
Page 259 , parlant de Saint Pierre- le-
Moutier , où l'Auteur veut encore qu'il y
ait Bailliage & Sénéchauffée tout à la fois,
cette Ville , dit- il , eft à fept lieues de Nevers.
Il n'y en a que cinq petites. Un Hiftorien
né dans la Province , doit être exact fur de
pareilles minuties comme fur autre choſe.
Page 261 , continuant de parler de Saint
Pierre - le-Moutier & du reffort de fon Bailliage
, parmi les Juftices qui y relevent par
appel , il nomme celle du Bourg Saint Etienne
de Nevers.
Vous fçavez , M. R. P. que notre Pricuré
de S. Etienne eft de fondation des anciens
Comtes de Nevers, * & qu'ils avoient
la fupériorité de la Juftice du Bourg Saint
Etienne ; par la fuite le Prieur & les
Religieux s'étant mis en main fouveraine ,
les appellations de leur Juge reffortiffoient
à Saint Pierre - le - Moutier ; mais en 1564 ,
Fondé par Guillaume II , Com e de Nevers
en 1097. Voyez Coquille , Hift . du Nivernois ,
page 129 & 130 , Edition in- 4°.
MARS. 1750. II
moyennant récompenfe , la Juftice qu'ils
avoient au Bourg , fut unie à la Pairie de
Nivernois , & la récompenfe qui fut alors
accordée , fut augmentée du quadruple
en 1585 , & la réunion exécutée &
vérifiée au Parlement. Depuis ce tems.
cette Justice eft demeurée réunie fans contredit
au Bailliage & Pairie de Nivernois ,
& l'eft encore à préfent.
Page 262 , l'Auteur dit que le Baillif de
Saint Pierre-le- Moutier convoque & com-.
mande l'arriere-Ban .
que
Il femble que l'Auteur voudroit infinuer
le Baillif de Saint Pierre- le - Moutier
commande le Ban de toute la Province de
Nivernois ; mais ce Baillif , comme tous
les autres Baillifs & Sénéchaux , convoque
& commande le Ban & l'arriere- Ban de
fon reffort feulement ; celui du Bailliage
Provincial & Pairie de Nevers convoque
& commande celui du fien , fans qu'ils
ayent d'autorité l'un fur l'autre .
Page 265 , l'Auteur qui veut donner une
Capitale au Morvent , choisit Château-
Chinon. Il eft vrai que c'eft la Ville la
plus confidérable de ce climat , qui ne
pourroit avoir pour concurrente que celle
de l'Orme ; mais il place Château Chinon
dans le Diocèfe d'Autun. Cependant cette
Ville fituée en deça de la riviere d'Yon-
A vj
12 MERCURE DE FRANCE.
ne par rapport à Nevers , eft conftamment
du Diocèfe de Nevers , fous l'Archiprêtré
ou Doyenné rural de Châtillon en Bazois
*. Qu'il confulte le Pouillé du Diocèfe
, les Cartes générales & particulieres
de France , il trouvera par tout que cette
petite Ville eft en- deçà de l'Yonne , & du
Diocèfe de Nevers , & non pas au de-là
de cette riviere , fuivant qu'il l'a placée
dans fa Differtation fur la forclufion , qui
fe trouve à la fin de fon ouvrage.
Page 281 , Corbigny , fuivant le même
Auteur , eft une petite Ville du Nivernois au
Diocèfe d'Autun & dans la Contrée des
Amagnes ; fuivant Coquille cette Contrée eft
un territoire de fept on buit Paroiffes.
Il en eft encore aujourd'hui comme du
tems de Coquille. Cette contrée des Amognes
contient fept ou huit Paroiffes , toutes
au centre du Diocéfe de Nevers , dont la
plus proche de Corbigny eft au moins à
huit lieuës ; fi la petite Ville de Saint Léonard
de Corbigny étoit autrefois dans les
Amognes , ce diſtrict a été bien reſtraint.
Coquille au troifiéme Livre de fon Hiftoire
de Nivernois , intitulé de l'Affiette
du Pays , qu'il divife en huit contrées ,
place la Ville de Corbigny dans la qua-
*
Voyez Coquille , page 83. Hift. du Nivernois,
Edit, in- 4°
MARS.
I ;
·
1750.
triéme , & ès vallées d'Yonne , fous le nom
de Saint Leonard *. Les Amognes compofent
la feconde contrée , & il place la
troifiéme , qu'il appelle des vallées de
Montnoifon , entre la feconde & la quatriéme
; voilà donc une contrée intermédiaire
, fuivant cet Auteur , entre la Ville
de Saint Leonard de Corbigny , & les
Amognes,
·
Terminons ces remarques en relevant
encore plufieurs anacronifmes où l'Auteur
eft tombé , parlant de la fucceffion de la
Baronie de Donzi , page 336. Par le partage
qui fut fait , dit-il , en 1521 , entre
Elizabeth Charlotte de Bourgogne , la Baronie
de Donzi & toutes fes dépendances ,
au nombre defquelles on mit la Ville de Chatel-
Cenfoy , échurent à Charlotte de Bourgogne,
qui en jouit pendant trente - cinq ans avec
Olet de Foix , Comte de Lautrec , qu'elle
avoit époufé ; mais une fille unique qu'ils laifferent
, étant décedée en bas âge , & quelquo ·
tems après eux , Elizabeth de Bourgogne , ſa
tante , rentra dans la Baronie de Danzi Ű
Seigneurie de Châtel- Cenfoy , qui de la Maifon
de Cleves, dans laquelle elle les avoit portées
avec le Comté de Nevers , pafferent dans
celle de Gonzague.
* Voyez Coquille , Hiftoire du Nivernois , page
352 , édition in-4° .
14 MERCURE DE FRANCE.
í
Tout ceci n'eft qu'un cahos rempli d'anacronifmes
, qui ne peut être éclairci
qu'en remontant bien plus haut , & pour
y parvenir , il faut vous répeter ce que je
vous ai déja dit dans ma premiere Lettre ,
que Jean de Bourgogne , Comte de Nevers
& de Rhetel , Baron de Donzi , &
Seigneur d'autres Terres , fut marié trois
fois , la premiere avec Jacqueline d'Ailly
de Picquigny , de laquelle il eut Elizabeth
de Bourgogne ; la feconde avec Paule de
Bretagne , de laquelle il eut Charlotte de
Bourgogne , & la troifiéme avec Françoife
d'Albret , de laquelle il n'eut pas d'enfans.
Elizabeth de Bourgogne époufa Jean ,
Duc de Cleves , & mourut le 21 Juin
1483 *, huit ans avant fon pere Jean VIII .
de Bourgogne , mort le 25 Septembre
1491. Cette Princeffe & le Duc de
Cleves , fon mari , appanagerent Engilbert
de Cleves , leur fecond fils , des biens
de France , échûs & à écheoir après la mort
de Jean de Bourgogne , fon ayeul maternel.
Cet Engilbert attaqua de nullité une donation
que cet ayeul avoit faite du Comté
de Nevers à Charlotte de Bourgogne , fa
*
Voyez MM . de Sainte Marthe , page $ 77 .
** Voyez les mêmes , page 69.
MARS Is
1
.
1750.
2 feconde fille mariée à Jean d'Albret ,
Sire d'Orval , & non pas à Odet de Foix ,
comme le dit l'Auteur , Odet de Foix étant
fon gendre & non pas fon mari .
Cette conteftation fut pacifiée par le
Roi Louis XII , qui fit convenir les parties,
que Charles de Cleves , fils aîné d'Engilbert
& de Charlotte de Bourbon , épouferoit
Marie d'Albret , fille aînée de Jean
d'Albret , Sire d'Orval , & de Charlotte
de Bourgogne ( & ce mariage fut accompli
) comme auffi que Louis de Cleves ,
fecond fils d'Engilbert , épouferoit He-
-lene d'Albret , feconde fille des mêmes ,
lequel mariage n'eut pas lieu , Heléne
étant morte avant l'accompliffement.
Par cet accord il fut dit que les Comtés
de Nevers & de Rhetel . & la Baronnie de
Donzi appartiendroient aux mariés ( le
jugement eft du 4 Octobre 1504 ) &
non à Jean d'Albret , dont la femme.
Charlotte de Bourgogne étoit morte dès
le 23 Août 1500 .
Comme de Jean d'Albret & Charlotte
de Bourgogne étoit iffue une troifiéme
fille qui s'appelloit Charlotte d'Albret , &
qui avoit époufé Odet de Foix , Seigneur
de Lautrec , ainfi que je viens de le dire ,
il s'éleva une nouvelle conteftation entre
eux , & Marie d'Albret , alors veuve de
16 MERCURE DE FRANCE
ICE
..
Charles de Cleves , & tutrice de François
de Cleves , fon fils , encore pour la fucceffion
de leur ayeul maternel Jean de
Bourgogne . C'eft fur cette feconde conreftation
que ces deux fours Marie &
Charlotte d'Albret tranfigerent à Roane
le premier Juillet 1525 ( & non en 1521
comme le dit l'Auteur ) & c'est par cette
Tranfaction qu'il fut dit que Nevers , y
compris Châtel- Cenfoy * ( que l'Auteur
met au lot de Charlotte ) & autres Terres
appartiendroient à Marie d'Albret , Comtelle
de Nevers , & à François de Cleves ,
fon fils , & qu'à Charlotte d'Albret , femme
d'Odet de Foix , appartiendroient le
Comté de Rhetel , la Baronie de Donzi
& autres Terres .
Odet de Foix & Charlotte d'Albret de
leur mariage ne laifferent qu'une fille
appellée Claude de Foix , qui en premieres
nôces époufa Guy , Comte de Laval , duquel
elle n'eut pas d'enfans , & en fecondes
noces époufa Charles de Luxembourg,
Vicomte de Martigues , dont elle eut un
enfant qui occafionna fa mort , étant morte
en couche & l'enfant en même tems ,
& c'est par leur mort que le Comté de
Rhétel , la Baronie de Donzi & autres
*
Voyez Coquille , Hiftoire du Nivernois , page
249 , édition in- 4°.
F
C
C
n
C
MARS. 1750. 17
Terres rentrerent dans la Maifon de Nevers-
Cleves , Marie d'Albret leur ayant
fuccedé en 1540. Pour lors cette Dame
étoit Ducheffe de Nevers , & non plus
Comteffe , comme le dit l'Auteur des Mémoires
à la page 57 , Nevers ayant été -
érigé en Duché- Pairie dès 1538 , comme
il le dit enfuite page 60 .
Quelle erreur donc , mon R. P. de la
part de ce même Auteur , de dire qu'il y
eut un partage de fait en 1521 , entre
Elizabeth & Charlotte de Bourgogne !
Elizabeth étoit morte , comme je viens de
le dire dès 1483 , & Charlotte en 1500 ,
tandis que ce partage fut fait en 1525
( & non en 1521 ) à Roane entre Marie
d'Albret , alors encore Comteffe de Nevers
, tutrice de François de Cleves , & fon
fils , Comte ' de Nevers , d'une part , &
Charlotte d'Albret , fa foeur , femme d'Odet
de Foix , Seigneur de Lautrec , d'autre
part , qu'il dit avoir joui pendant trentecinq
ans de Donzi . Cependant voilà le
partage , felon lui fait en 1521 , & la fucceffion
ouverte en 1540 ; qu'il s'accorde
donc au moins avec lui- même .
Succeffion ouverte , dit l'Auteur , par la
mort d'une fille unique décedée en bas âge.
Cette fille Claude de Foix a pourtant été
18 MERCURE DE FRANCE.
mariée deux fois , comme je viens de le
dire , & c'eft après la mort , arrivée , ſuivant
lui- même , page 57 , en 1540 , qu'il
lui fait fuccéder Elizabeth de Bourgogne ,
fa tante , à la Baronnie de Donzi & Seigneurie
de Chatel Cenfoy , qui de la Maiſon
de Cleves , dans laquelle elle les avoit portées
avec le Comté de Nevers , pafferent dans celle
de Gonzague. Il y avoit feulement cinquante-
fept ans qu'Elizabeth de Bourgogne
étoit morte , lorfque Marie d'Albret
fuccéda à Claude de Foix , fa niéce ; c'eſt
une bagatelle , & c'eft par cette fucceffion
que Rhetel & Donzi rentrerent dans la
Maifon de Cleves. A l'égard de Nevers ,
il y étoit entré incommutablement , par
le jugement de 1504 du Roi Louis XII.
Je crois qu'en voilà bien affez , mon R.
pour vous mettre fur la deffenſive , &
le Public auffi contre de pareils Mémoires.
Je fuis très- parfaitement , &c.
1
P.
MARS. 1750. 12
CACOCOSACICI cacacaca
LA TOILETTE DE VENUS.
Cantate , par M. Roi , mife en Mufique par
M. le Marquis de *** .
QUel ſpectacle à l'Univers ,
Que l'inftant où le Soleil ouvre
Sa carriere dans les airs !
Il nous femble créer tout ce qu'il nous découvre.
De Venus tel eſt le réveil ,
Lorfqu'à tout l'Olympe il révéle
Des appas qu'ont voilés la nuit & le fommeil.
C'eft Venus qui renaît , Venus toujours nouvelle
Bientôt des ornemens empruntant l'appareil ,
Elle veut être encor plus belle .
Un criftal fidelle ,
Où fe reconnoît
L'aimable immortelle
L'inftruit , & lui plaît.
De fes blonds cheveux ,
'Que le vent careffe ,
Avec quelle adreſſe
Se forment les noeuds !
Ses lévres s'animent
20 MERCURE DE FRANCE.
J
D'un fouris vainqueur ;
Ses regards expriment
Sa tendre- langueur.
Mars paroît , mais à peine elle tourne la tête .
Quel frivole foin vous arrête ?
Allez - vous difputer le prix de la beauté
Dans mon coeur dès long- tems vous l'avez remporté.
Méditez-vous quelque conquête ?
Perfide ! Mais fur moi jettez au moins les yeux ;
Que contre mes chagrins un regard ine raffûre :
Avez-vous befoin de parare
Pour redoubler encor mes feux ?
Ce difcours autrefois eût flatté la Déeffe ,
Mais pour un autre objet fon penchant l'intéreffe:
Pourquoi m'interrogez- vous ?
Je me pare pour me plaire ,
Je hais les foupçons jaloux ,
Je ris de votre colere.
Eft- ce un caprice d'amant ?
Mais il doit céder au nôtre.
Nos deux coeurs , apparemment ,
Ne font pas faits l'un pour l'autre.
Pourquoi , & c.
"
Elle dit , & fon char, plus prompt que les Zéphirs,
L'enleve dans les airs , & Mars perd fes foupirs.
MARS 1750. 21
Au pied du mont Ida la Déeffe volage
D'Anchife , jeune encor, va recevoir l'hommage,
Crédules époux ;
Amans , dont la conquête eft faite ,
Ce n'eſt pas pour vous
Qu'avec un art fi grand fe pare la coquette.
Vos foins curieux
Sont pour vous d'un mauvais augure :
Mais traite - t'on mieux
L'amant qui ne dit mot , ou celui qui murmure ?
Crédules époux , &c ,
50 500 56 58 602 506 522 502 806 : 306 106 502 02 506
REPONSE
A la queftion propofée dans le Mercure,
Lequel eft le plus glorieux de triompher de
l'infenfibilité d'un coeur indifferent , ou d'exclure
d'un coeur épris un rival tendrement
aimé.
CE
Ette
queftion peut d'abord partager
les fentimens ; mais pour peu qu'on
veuille faire attention
que l'indifference
& l'infenfibilité
ne font dépendantes
que
de certaines
circonftances
, plus ou moins
22 MERCURE DE FRANCE.
longues à arriver , on n'héfitera plus à đonner
le prix à l'amant , qui triomphera du
coeur rempli d'une forte paffion .
Pour appuyer ce fentiment & juger
fainement , il faut , détaché de prévention ,
confidérer le ſexe en général ; les conféquences
des obfervations feront , que toutes
les femmes étant fujettes aux mêmes affections
& aux mêmes fenfations , dans les
unes plus vives , dans les autres plus tardives
, il n'y en a point d'indifferentes ,
encore moins d'infenfibles à l'amour .
On appelle indifferente , une femme
dont le coeur à un certain âge n'a point
encofeété affecté , & qui a fçu conferver
fa liberté , malgré le concours des differens
objets qui fe font trouvés dans fes
fociétés , & qui tous ont cherché à lui faire
quelque impreffion ; mais fi jufqu'à préfent
aucun objet n'a frappé les fens , ne
pourra- t'il pas s'en trouver un qui fixera
fes regards , fon attention , & qui allumera
en elle un feu peut - être plus vif qu'il ne
fe fait fentir dans les autres : Ce fera un
homme d'une converfation douce , infinuante
, un caractére aimable , un rapport
de fentimens & d'humeur , qui lui
reront quelque diftinction fur ceux qu'elle
aura vûs jufqu'alors . Les differentes
épreuves dont elle eft déja fortie victoaçqueMARS.
* 1750 . 23
rieufe , l'aveugleront fur les fuites , & lui
feront antorifer fes affiduités auprès d'elle,
De l'interêt de l'efprit ne paffera - t'elle
pas à celui du coeur ? Et cette prétendue
indifferente n'aura - t'elle pas befoin bien-
-tôt de toute fa raifon , pour tempérer la
vivacité des défirs dont elle fera atteinte
? .
•
L'experience démontre que le tempérament
eft la fource primitive des inclinations
du coeur ; dans celles- ci , il a fouvent
befoin de caufe pour fe décider . Il
eft pendant un rems comme enveloppé ,
& le terme en arrive quelquefois dans
les occafions mêmes où l'on y penfe le
moins ; ſemblable à une étincelle , qui foufflée
avec continuité , embrafe infenfiblement
toutes les parties qui l'environnent,
Ainfi les engagemens de ces femmes dépendent
donc de pareilles circonftances ; elles
naîtront toujours facilement , & feront)
plus ou moins promptes , fuivant la diverfité
des objets qu'elles feront plus à portée
de voir.
Quelquefois l'on attribue à la délicateffe
& à la tempérance les difficultés que
ces femmes trouvent à former une inclination
, & en même tems la facilité qu'elles
ont d'arrêter les progrès des impreffions
de ceux qui leur font la cour.
7
24 MERCURE DE FRANCE.
Ne pourroit-on pas plutôt objecter ,
qu'une des raifons qui occafionneroit que
ces femmes conferveroient plus long- tems
leur liberté , proviendroit de la nature de
leur conftitution , qui ne les rendant pas fi
animées & fi vives que les autres, diminue .
de leurs agrémens , qui font conféquemment
moins féduifans , & pas fi propres à
fixer la perfeverance des amans. Car pour
conduire une impreffion & la rendre fructucufe
, c'eft l'ouvrage de la perfévérance ,
de la prudence & de la rufe : mais pour
agir ainsi , il faut aimer ; autrement , fi le
coeur n'eft de la partie , on fe laffe aifément
, & l'on abandonne une conquête
dans le tems, où peut être la flamme , commençant
à prendre plus de confiſtance ,
auroit pû conduire au triomphe. Voyons
maintenant s'il fera plus glorieux de triompher
d'une infenfible , que d'exclure d'un
coeur épris un rival tendrement aimé.
L'éducation & les juftes préjugés des
femmes font fi contraires à l'amour , que
pour la plupart elles s'en font un monftre,
capable de détruire leur réputation . Il faut .
par conféquent qu'il y ait une force fupérieure
qui agiffe , lorfque dans fa naiffance
elles n'étouffent pas une paffion , fans laquelle
elles fileroient quelquefois des
jours heureux . Une femme , qui malgré les
principes
MARS. 1750.
25
principes a eu le coeur fenfible à la perféverance
d'un amant , doit d'autant plus
l'aimer, qu'il s'eft paffé en elle des combats
extrêmement violens avant que de le rendre
triomphant. A l'afpect de cette feule
expofition , on peut facilement fe figurer la
fituation du coeur d'une telle femme , &
l'éloignement dans lequel elle doit être
pour tout autre objet que fon amant. C'eſt
pourtant un coeur pareillement affecté , que
f'on met en parallele avec un coeur libre ,
regardé comme indifferent , comme file
prix pouvoit être en doute , & être balancé
avec le premier.
Une femme éprife de cette nature ,
quelque part où elle fe trouve , fon coeur
y est toujours comme à l'écart ; ſes ſens n'y
reçoivent
d'impreffions , qu'autant qu'elles
peuvent avoir rapport à fon objet ; l'efprit
conftamment
préoccupé de la même image
, elle eft indifferente far tout , & n'eſt
fufceptible de plaifirs, que quand fon amant
partage avec elle. Sans cela, continuellement
inquiéte & contrainte , tout l'ennuye;
fi elle va dans quelques compagnies ,
c'eft fans defirs; elle les quitte fans regret ,
& même avec une forte de fatisfaction ,
Enfin ſa ſituation préfente change la nature
des agrémens, qui ne deviennent pour
elle que fimple diffipation. Comme elle
les
B
26 MERCURE DE FRANCE.
eft extrêmement aimable , fi malgré ſon
éloignement pour un nouvel engagement,
& fon peu d'envie de plaire , elle reçoit
quelque impreffion , elle ne fervira qu'à
rendre fon amant plus glorieux, Ce fera
un homme revêtu de toutes les qualités &
vertus, capables d'en imprimer à toute fem.
me qui aura du goût & des fentimens , il
fera même au- deffus du commun ; cet
homme, en un mot, extrêmement féduifant ,
auroit furpris le coeur , s'il eût précédé ,
ou été de concurrence avec le poffeffeur
actuel . Néanmoins fes efperances feront
trompées, & les charmes de fon illufion ne
lui feront faire que des démarches infruc
tueufes. Quelque chofe qu'il faffe pour
infpirer du retour à cette belle , fi elle
s'en apperçoit, elle évitera les occafions de
le voir avec autant de foin qu'il les recherchera.
Plus il ira en avant , & plus les
difficultés fe multiplieront. D'un abord
toujours glaçant vis-à- vis des rivaux de
fon amant , elle les forcera par ce moyen
à recourir à leur raifon égarée , pour leur
aider à éteindre un feu qu'elle aura allumé,
qu'elle ne reffentira pas , & qui feroit
contraire à fes fentimens actuels . Enfin fa e
paffion , fe fortifiant de plus en plus , de- fo
viendra une entrave encore mieux affer- a
mie , qui en rendant ſon coeur impénétra
MARS. 1750. 27
>
ble à toute impreffion , en affûrera plus
folidement la poffeffion à fon amant. Quel
fera l'homme, qui au travers de tant de difficultés
prefque infurmontables , voudra
courir les rifques où la conftance pourroit
l'entraîner ? Et s'il s'en trouvoit un , quel
feroit fon aveuglement d'attaquer un
coeur fi bien fortifié & fi bien défendu ,
& dont l'attaque , quelque vive qu'elle
fût , pourroit lui faire perdre autant de
tems ,fans peut-être approcher du triomphe
? Quand une femme aime beaucoup
toute affiduité , autre que celle de fon
amant, lui devient importune, & il femble
que l'amour , une fois établi dans un coeur,
envahiffe tous les fens , & répande jufques
fur l'efprit un voile qui aveugle fur tous
les objets , & ne laiffe voir que les qualités
de celui qui engage. De là vient qu'un
homme avec tout le mérite , l'amabilité &
la conftance poffibles , n'imprime pas autant
que s'il avoit précédé , & que tout
l'avantage qu'il peut retirer de fes qualités
, eft , en fixant l'eftime , de parvenir
quelquefois dans la fuite à alterer ou affoiblir
l'image de l'objet ; mais l'on eſt
encore bien loin de l'expulfion totale , qui
feule peut applanir le chemin qui conduit
au triomphe .
Si les exemples nous offrent quelques
Bij
25 MERCU DE.FRANCE.
femmes éprifes , dont le coeur a fuccombé
à de nouvelles impreffions , il ne
faut point en
en inferer pour cela , qquuee celles
en général dans le même cas font également
fufceptibles. Souvent par fatiété , ou
par quelques autres raifons , foit dégoût ,
défaut de complaiſance , indifcrétion ,
confidérations differentes , ou conſeils inconféquens
par ceux ou celles qui ont
leur confiance , un amour s'éteint de
lui-même , fans qu'aucun objet étranger y
participe. Alors le coeur doit être regardé
comme libre , & par conféquent de moins
difficile accès , & fouvent même celles- ci
fe portent d'autant plus volontiers à recevoir
de nouveaux hommages , qu'elles les
confidérent pour lors comme un reméde
efficace , qui acheve d'effacer jufqu'aux
moindres traces une image qu'elles fe
repentent d'avoir cû gravée trop profondement
dans l'efprit.
Il eſt maintenant aifé de fentir lequel eft
le plus glorieux de triompher d'un coeur
infenfible , ou d'exclure de l'autre le rival
tendrement aimé. Le premier , quoiqu'il
femble avoir refifté aux épreuves , & ne
paroiffe point encore avoir eû de fortes
Tentations , en a néanmoins le principe en
lui ; il ne s'agit plus que de fçavoir l'échauffer
au degré qui puiffe les faire éclore.
MAR S. 29 1750.
Dans le fecond au contraire , elles font déterminées
, mais en même tems celui qui
le pofféde , les abforbe totalement .
Pour finir cette Lettre , je hafarderai
une derniere réflexion concluante à ce
fajet. Les fortes inclinations étant moins
Fouvrage des fens
que da rapport fympathique
qui fe trouve entre deux amans ,
c'eft la raison pour laquelle un coeur vivement
affecté paroît d'autant plus à l'abri
d'une nouvelle impreffion , qu'il femble
que les noeuds qui l'attachent , foient déterminés
par la caufe premiere il n'y
auroit donc qu'un objet en qui le même
rapport fe trouveroit , qui feroit capable
d'émouvoir & d'affoiblir l'image de l'amant
; mais une femme délicate , dont les
préceptes font toujours préfens , n'appellet'elle
pas à fon fecours fa vertu , qui lui fert
dans pareille circonftance de bouclier formidable
. pour parer les atteintes qu'un
femblable objet pourroit porter à fa conftance
?
, Charmé Monfieur , d'avoir trouvé
cette occafion pour vous donner des marques
de mon inclination , ainfi que du dévouement
avec lequel , j'ai l'honneur
d'être , &c.
A Tours , ce s Décembre 1749 .
L. B. G** .
Bii
30 MERCURE DE FRANCE.
535: 25 : DE DEDY
AUTRE REPONSE .
A la même queftion.
Po
Our fatisfaire , Monfieur & cher ami,
à l'envie que vous avez de fçavoir
mon fentiment fur la queftion propofée
dans le Mercure de Novembre , lequel eft
le plus glorieux de triomphet de l'infenfibilité
d'un coeur indifferent , ou d'exclure
d'un coeur épris un rival tendrement
aimé , je deftine cette Lettre entiere à
l'examen de cette question .
S'il eft glorieux à un homme d'exclure
d'un coeur un rival tendrement aimé , il
lui eft infiniment plus glorieux , de parvenir
à triompher de l'infenfibilité d'un
coeur indifferent. Voici mon avis , que je
vais foutenir de raifons fenfibles , juftifiées
par l'expérience & les exemples multipliés
que l'on en voit tous les jours.
Il est néceffaire , pour fentir l'évidence de
ce jugement ,d'envifager deux femmes ſous
un même point de vûe , c'eft- à- dire toutes
deux également aimables , qui réuniront
fous les étendards de l'Amour plufieurs
compétiteurs qui tendent à la même gloire.
L'une eſt déja éprife , aime éperduement
fon amant , & paroît avoir un coeuris
MARS. 1750. 31
impénétrable à une nouvelle impreffion ;
l'image de fon objet , toujours préfente ,
la préoccupe continuellement ; la délicateffe
& les fentimens dont elle eft accompagnée
, & qui ôtent à l'amour le caractére
du vice , femblent l'avoir déterminée à
ranger fous les loix de la conftance , une
inclination dans laquelle elle fe complaît ,
& qui rend fon coeur de plus en plus inacceffible.
L'autre jufqu'à préfent a été infenfible
; elle est née avec un coeur froid , des
affections foibles ; fes fens, qui paffent rapidement
fur tous les fujets qui ont rapport
l'amour , ne font jamais affez frappés, pour
que l'ame en reffente quelque émotion ;
les objets les plus beaux , les converſations
les plus féduifantes ne font que l'effleurer ,
& ne l'affectent point ; au milieu des hommages
que l'on rend à fes appas , toujours
tranquille , elle conferve fa liberté.
à
A l'aspect de ce parallele , les avis peuvent
être partagés ; toutes deux paroiffent
de difficile accès : cependant l'une doit
moins coûter que l'autre.
•
La premiere,renfermée dans l'ordre général
, a le coeur tendre . La réſiſtance de
l'autre eft déterminée par une vertu de
tempérament , déja éprouvée , & qui militant
toujours , fera un obftacle & une barriere
aux impreffions. Le principe de cette
B iiij
32 MERCURE DE FRANCE.
"
réfiftance eft presque indestructible , & par
conféquent la garantira facilement fans.
aucun effort , tandis que la route du coeur
de la premiere étant déja frayée , on peut
y pénétrer avec bien moins de difficulté.
En effet , fi l'inclination d'une femme
pouvoit détacher les fens des objets capables
d'émouvoir , dans quelque fituation
qu'elle fe trouvât , fa conftance devien
droit à l'épreuve de toutes les attaques ,
& lui ferviroit de rempart , pour mettre
fon coeur à l'abri de toute invaſion ; alors
il feroit bien plus difficile d'exclure de fon
coeur fon amant , que de triompher de
l'infenfibilité d'un coeur indifferent mais la
conftitution du fexe n'étant point de cette
nature, il fe trouve fouvent entraîné , comme
malgré lui , par un tourbillon , qui en
le portant au changement , applanit le
chemin de la victoire à celui dont le courage
a dirigé conftamment & avec adreſſe
les opérations du fiége.
La femme éprife eft maintenant dans la
réfolution de conferver fon coeur à fon
amant. Ses démarches pendant un tems
ne tendent qu'à cette fin , Perfuadée des
fentimens de fon amant , & pleine de confiance
en elle - même , elle ne prévoit pas
qu'aucune occafion puiffe porter atteinte
à fa paffion , les circonftances qui font dé
MARS. 1750. 33
cider & connoître tout , la portent fur
un nouveau théâtre où elle trouve des plaifirs
, des agrémens , & ce nombre d'adorateurs
, qui tous également s'empreffent à lut
plaire. C'eft fur ce théâtre , où paroiffant.
plus aimable que jamais , il faut voir fi
fa conftance peut être victorieufe des differentes
tentatives que l'on lui fera. Si
pendant un tems elle ne fait paroître aucun
autre fentiment que la policeffe , des
attaques redoublées ne feront- t'elles pas
capables de l'ébranler ? Son amour propre,
qui eft fatisfait , ne formera t'il pas quel- !
que confidération pour ne les pas écondui
re? Toujours attaquée vivement , ne peurpas
fe trouver quelque Cavalier, qui plus
courageux que les autres , avec beaucoup
plus de zéle & d'activité , fortira des limi
tes , parviendra à la laffer & à diminuer
la vigueur de la défenfe Enfin fur un
théâtre environné de tant d'objets , qui
font autant d'embûches préfentées à fa conf
tance , ne peut- t'il pas s'en trouver un
qui la faffe échouer ? Avec toute la bonne
foi & l'amour poffible , il fe trouve des
circonftances imprévûes , où il faudroit
une vertu au deffus de l'humanité , pour
pouvoir conferver fon coeur à fon amant..
C'est un malheur de la condition humaine
il
By
34 MERCURE DE FRANCE.
pour réfifter toujours , il faut éviter l'épreuve
.
Si les femmes étoient dans le principe,
quand on attente à leur coeur déja engagé,
de fe replier fur leur raifon , elles pourroient
le conferver àfon premier poffeffeur,
en préfentant alors , à ceux qui leur font la
cour , un extérieur , duquel ils ne pûffent
fe prévaloir , pour établir des conjectures
favorables ; mais la fatisfaction de réunir
fous un même drapeauun nombre de compétiteurs
aimables , qui tous fe difputent
l'avantage de plaire , forme chez le ſexe
une confidération qui l'étourdit fur le danger
, l'empêche de trouver aucune aifon
pour agir differemment , & met enfin ſon
coeur dans le cas d'être atteint par une des
impreffions que celui des compétiteurs
conduit avec plus d'art , & quelquefois
feulement plus hardiment.
Il eft maintenant aifé de juger que celui
qui fur le même théâtre triomphera de la
femme indifferente, fera fûrement plus glorieux
, parce que le coeur de cette derniere
n'étant point porté à la tendreffe , il faut
non-feulement l'y préparer , mais encore y
frayer une route differente , que celle qui
conduit aux autres coeurs . Comme nous
l'avons dit , la foibleffe de fes affections &
MARS. 1750. 35
fon infenfibilité la mettent à l'abri des
impreffions ordinaires ; il faut qu'elles paffent
par l'efprit avant même
mêmeque d'effleurer
le coeur ; il n'y auroit donc qu'un homine
rempli de complaifance , de délicateffe ,
de fentimens , de beaucoup d'efprit , &
d'une perfeverance à l'épreuve de tout , qui
pourroit , agiffant conféquemment à la
connoiffance de fon caractére . , parvenir
à échauffer le coeur de cette belle , & de
degré en degré y allumer un feu affez vif,
pour s'en rendre triomphant dans la fuite.
Mais eft-il facile de trouver de ces hommes
, & font- ils communs ? Et quand on
en trouve un , avec tout fon mérite , quelle
peine n'a-t'il pas pour déterminer feulement
le fentiment de reconnoiffance &
fixer l'attention Et encore quelle incertitude
fur le fuccès du triomphe : Si l'on
mefure la récompenfe au prix des actions,
la gloire peut - elle lui être refuſée ?
Il ne faut pas confondre fous le nom
d'infenfibles & d'indifferentes , ces femmes
qui pendant un long-tems ont fçu conferver
leur liberté. La difference qu'il y a des
unes aux autres , c'eft qu'elles ont plus de
force d'efprit , qu'elles font davantage régies
& gouvernées par la tempérance , le
goût & la prudence ; ces femmes , dis-je ,
ne font point indifferentes , encore moins
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
>
infenfibles à l'amour. Mais toujours éclairées
, elles font plus délicates que les autres
; elles fçavent ranger fous la raifon les
impreffions qu'elles reçoivent , & elles ne
les laiffent croître , qu'autant qu'elles peuvent
être autorisées & juftifiées par la connoiffance
parfaite des fentimens , de la délicateffe
& de l'efprit d'un objet . Si um
extérieur aimable frappe leurs fens , elles
oppofent un frein aux defirs qui pour-
Foient en réfulter , & aucune confidération
ne les aveugle au point de former un engagement
dont elles pourroient fe repenquand
elles feroient une fois revenues
de leur premier avenglement. Ces femmes
offrent un beau triomphe , & s'il coûte
de la peine à remporter , il eſt du moins
plus durable. Si l'Auteur de la queſtion
hous préfente un objet pareil , il eft vrai
que ce coeur fera difficile , parce que n'étant
point fujet aux caprices , l'amant y eft
mieux établi. Néanmoins , comme nous
l'avons déja dit , la route étant une fois
frayée , il peut fe trouver un nouvel objet,
qui accompagné des mêmes qualités , trouvera
également la même route. Si cette
derniere eft plus difficile que la premiere ,
en la conduifant fur le même théâtre , fa
conftance y trouvera plutôt fon écueil ,
que le coeur de l'autre , la deftruction da
MARS. 37 1750.
préſervatif , qui le met preſque . à l'abri de
toute impreffion.
Je termine cette Lettre par une courte
réflexion .
Tant que toute chofe ne fera pas envifagée
fous le même point de vue , que la
conftance ne fera pas étayée des mêmes
raifons qui l'auront déterminée , que par
trop de confiance on fe mettra dans le cas
d'être trop éprouvé , la vertu trouvera des
écueils dans la poſition même où les objets
paroîtront les moins dangereux , &
par cette raifon , on triomphera toujours.
plus facilement d'un coeur épris , que de
celui dont Pinfenfibilité peut le faire réfifter
aux plus vigoureufes épreuves.
J'ai l'honneur d'être , &c.
A Rouen , ce 13 Décembre 1749.
FABLE.
L'ANNEE ET L'HIRONDELLE
A Infi que les plaifirs , les ris-& les amours
S'envolent avec les beaux jours :
Dès qu'un fier Aquilon dépouille nos bocages.
De leurs rians feuillages ,
Nous voyons l'Hirondelle , à l'afpe &t des frimats ,
38 MERCURE DE FRANCE.
Quitter fans regret nos climats.
Le Printems la ramene ,
Mais du jeune âge & des appas
La fuite eft fans retour , & pour comble de peine,
Leur fouvenir revient. Il fait alors fentir
L'erreur d'une fierté cruelle :
Quelle reffource , hélas ! de dire , je fus belle ..
Hé pourquoi ne pas prévenir
Un vain & trifte repentir ?
L'Année un jour apperçut l'Hirondelle ,
Pliant bagage & prête de partir :
( Un grand courroux ne peut le démentir )
»Quoi donc ? lui dit l'Année : àla ſaiſon nouvelle,
» Vous accourez , vous volez dans ces lieux !
Quand le printems me prête fa verdure ,
Je fçais flatter vos regards amoureux ;
» Dans l'été ma parure ;
*
» Et tout l'éclat de la nature
A ce féjour ſemblent fixer vos voeux.
» Dieux que la beauté paffagere
အ Prépare au coeur une douleur amere !
» A peine on voit les fruits
» De l'Automne cueillis ,
"Que d'une afle legere
» Vous allez folâtrer en de nouveaux pays.
» Volage , oubliez- vous que j'eus l'art de vous
plaire è
MARS. 1750.
39
» Avec mes traits vos defirs font paffés ;
» Les appas effacés
Ne font donc plus qu'une chimere ?
L'oiſeau pour calmer fon dépit ,
S'excufe en courtiſan , rit dans l'ame , & s'enfuix
Cette leçon , jeune Iſabelle ,
Vous dit de mettre à prix le tems
Prefque tous les amans
Imitent l'Hirondelle .
Renout.
OBSERVATIONS
Sur l'Infecte , appellé Cloporte aquatique.
Par M. Definars , Docteur en Médecine.
N compte douze à quinze lames
Opliées en demi cilindre depuis la tête
jufqu'à l'extrêmité de la queue . Lorfque
l'Infecte eft en repos , l'axe de ces lames
forme un commencement de fpirale ,
dont les efpaces vont en diminuant vers
la queue. Les fix à fept premieres jouent
en gliffant les unes fur les autres , & ne
forment qu'une médiocre courbure . Les
dernieres font articulées de maniere à ne
40 MERCURE DE FRANCE.
pas glifler ou à ne gliffer que très peu .
A chacune des fept premieres lames eft
articulée une paire de pattes ; les deux
premieres font cheliformes & terminées
par une griffe ; les cinq autres , qui vons
toujours en augmentant , font de la
même ftructure que les dernieres pattes
de l'écreviffe . Les dernieres paires de
pattes font ordinairement repliées latéralement.
Immédiatement après les pattes , on voit
trois plans de filets articulés à égales diftances
les uns des autres , & qui répondent
à la huitième , neuvième & dixiéme
lame femi-cylindrique. Chacun d'eux eft
compofé de trois à quatre filets penniformes.
Enfin la queue de l'Infecte eft ellemême
terminée par plufieurs filets penni
formes.
Lorfque l'Infecte veut nager , la fpirale
fe développe en ligne droite , & l'Infecte
fait un premier faut qui l'éleve à une certaine
hauteur , par la même néceffité méchanique
qu'un arc fortement tendu , &-appuyé
par un de fes bouts contre un corps
immobile , s'éleve à une certaine hauteur ,
lorfque la puiflance , qui le tend, ceffe tour
à coup d'agir. C'eft ainfi que fe fait le premier
faut de l'oifeau dans l'air . Au même
inftant les trois plans de filets penniformes
MARS.
1750..
agiffent , & frappent l'eau de haut en bas
avec vîteffe , en décrivant des fecteurs de
cercle , d'où fuit le mouvement de l'Infecte
dans l'eau , dont la durée & la rapidité
font proportionnées à celles de ces
inftrumens.
Le mouvement de l'écreviffe fe fait auffi
par le développement de la queue , &
c'eft fans doute pour cette raifon qu'elle
contient une maffe mufculeufe , plus confidérable
que celle de tous les autres mufcles
de fon corps , pris enſemble , mais
elle n'a pas des plans de filets.
Non - feulement la Nature a pourvû d'aî
les le Cloporte aquatique , mais elle les a
conftruites de maniere qu'il peut varier
fes mouvemens', ainfi que l'oifeau dans
Fair. L'Infecte peut ne mouvoir qu'un ou
plufieurs de fes filets , qui ne font
des , mais fouples & flexibles.
pas roi-
Cette forte d'Infectes eft fort commune
dans les ruiffeaux & eaux dormantes ; ceux
des ruiffeaux difparoiffent aux approches
de l'hyver , dont ils évitent les rigueurs,
en fe cachant dans les fources les plus profondes.
Pendant les grandes chaleurs ils
fe réfugient également dans les fources ,
où la fraîcheur eft plus grande.
Leur tête eft munie de quatre antennes ;
Les deux antérieures , ainfi que les deux
42 MERCURE DE FRANCE.
poftérieures , font compofées de quatre pié
ces articulées. Ils s'en fervent pour fouir
& chercher dans le gravier des alimens . La
quatriéme piéce des deux antennes poſtéfieures
eft triple des trois autres prifes en
femble ; elle eft taillée en grains de chapelet
, & fort flexible. Les yeux , au nombre
de deux , placés à la bafe de ces antennes ,
femblent deftinés à diriger leurs mouve
mens.
La bouche préfente d'abord deux piéces
remarquables par leur faillie ; elles formeroient
une arcade , fi elles étoient jointes
par leur partie fupérieure ; l'Infecte s'en
fert pour faire l'examen des differens
corps , c'est peut- être l'organe du goût ;
quand il mange , il les écarte à droite & à
gauche , & alors an apperçoit plufieurs petits
hameçons qui ont un mouvement de
connivence. Outre ces inftrumens cachés
dans l'intérieur de la bouche , on en voit
diftinctement deux autres qui font faillans
de toute leur longueur , quand l'Infecte
les met en mouvement ; ils font logés dans
une rainure , qui va depuis la bouche de
P'Infecte jufqu'aux antennes ; toutes ces
piéces concourent enfemble à pulvérifer
& à réduire en menues parcelles les alimens.
Leur accouplement fe fait de la maniere
MARS. 1750. 43
fuivante ; lorfqu'un mâle & une femelle
fe conviennent , les préliminaires ne font
pas longs , le mâle faifit la femelle avec fa
premiere patte gauche , dont l'extrémité
finit en griffe , comme j'ai marqué ci - deffus
; il la faifit , dis- je , entre le cinquième
& fixiéme anneau , & accroche fa premiere
patte droite au premier anneau ; dans cette
attitude il n'eft
n'eft pas poffible que la femelle
échappe , & il faut de néceffité obéïr
au mâle. En effet la femelle est arrêtée par
deux crocs qui la harponnent en fens contraires
. Pendant les huit jours que dure
cet accouplement , le mâle emporte la femelle
fufpendue & nage à fon ordinaire.
La fécondation paroît fe faire dans certains
inftans où le mâle, fe repliant fous le
ventre de la femelle , y injecte peut-être
la liqueur féminale. Après les quatre premiers
jours on apperçoit entre les premieres
pattes de la femelle une poche , qui
contient les petits. Vers le feptième jour
de l'accouplement, ils fortent la tête la premiere
de cette poche , & nagent avec autant
d'habileté que leurs pere & mere ; ils
font cinq ou fix tours autour d'eux & viennent
quelquefois fe percher fur leurs antennes
, jufqu'à- ce qu'ils ayent reconnu
les lieux. Le premier aliment de ces nouveaux
nés eft leur propre excrément ,
44 MERCURE DE FRANCE.
1
i
qu'ils tirent de leur anus avec leurs premieres
pattes ; quoiqu'ils faffent ufage par
la fuite de differens mets , cela n'empêche
pas qu'ils ne reviennent fouvent à celui - là.
Lorfque tous les petits Infectes font
fortis de la poche qui les contenoit , l'ac
couplement dure encore 24 heures &
quelquefois davantage. On voit alors le
mâle repaffer fréquemment fa feconde paire
de pattes fur la tête de la femelle ; il
femble les joindre , & les appuyant fur la
bafe des antennes poftérieures , les faire
gliffer de derriere en devant jufqu'à la
bouche de l'Infecte. A force de recommencer
la même opération , la tête de la
femelle tombe en devant , & paroît fe détacher
du premier anneau , mais ce n'eſt
que le cafque , car on voit paroître auffitôt
une nouvelle tête, plus blanche & plus
petite que la premiere ; prefque auffi - tôt
fe refte de la robe de la femelle fe fépare
& la dépouille eft quelquefois fr complette
, qu'on la prendroit pour un Infecte
mort ; quelques heures après les deux fexes
fe féparent ; le mâle n'a pas befoin de fecours
étranger pour fe dépouiller .
MARS.
45
1750.
•
52525252 52 32 52 5252 52 52 52 52 52525252525252525252
H
EPITRE
A M. M. D. L.
Elas ! quelle étoit mon erreur !
Je te fais , cher ami , l'aveu de ma folie.
Gîté dans l'antre obfcur d'un maudit Procureur ,
J'abjurois pour toujours les Mufes , l'harmonie ,
Le Dieu des vers n'exiftoit plus pour moi.
La chicane aux yeux creux,à la fombre manie,
Vouloit m'engager ſous ſa loi ;
Mais bientôt je n'ai pû regarder fans eflroi
Sa pâle & livide effigie.
A fa diabolique magie ,
A fon jargon mystérieux ,
Je fais pour toujours mes adieux,
Dans un Temple , arrofé de larmes ;
La Divinité m'a conduit.
Son trône , au milieu des allarmes ,
S'enfonce au loin dans l'ombre de la nuit.
J'ai vu les affreux Satellites ,
Dans leurs lugubres vêtemens ,
Amener les troupes profcrites
Qu'elle immole à fes jugemens ;
J'ai vu les tremblantes victimes
Tomber aux pieds de fes Autels ;
46 MERCURE DE FRANCE.
J'ai vu le même fer frapper de coups mortels
Les vertus & les crimes.
• Là , parmi l'injuftice & la noire fureur
La Déeffe établit fon ténebreux empire ,
Là , contre l'innocent la cabale confpire :
Sous le nom de la paix , là regne la terreur,
Dans ce Temple profónd , jamais on ne reſpire
Qu'un airfombre & plein d'horreur.
Du bonheur des humains la difcorde ennemie ,
Fait entendre en ces lieux fon effroyable voix ;
Accourent fur les pas l'avarice & l'envie ,
Qui mettent dans les fers la juſtice & les loix.
La chicane , d'un oeil farouche ,
Contemple les mortels à fes Arrêts foumis ;
Elle entend retentir les plaintes & les cris ,
Sans que la pitié la touche.
Des flots d'encre & de fiel , épandus de ſa bouche
,
Noirciffent mille & mille écrits.
Ceft là que fa main mercenaire
Trace en magique caractére
Des procès les triſtes combats.
Là dans maint ennuyeux grimoire
Se lit l'intariffab e hiftoire
Des querelles de tous états,
Ce n'eft qu'en frémiffant , ami , que ma mémoire
Rappelle à mon efprit ce ſpectaele odieux ;
MARS.
1750. 47
J'aurois encor peine à le croire ,
S'il n'avoit effrayé mes yeux.
Ainfi j'abandonnois les lauriers du Permelle ,
Pour habiter un ſéjour ténébreux';
J'allois facrifier ma plus belle jeuneſſe
Au fervice d'une Déeſſe
Qui ne fait que des malheureux.
C'en est fait pour jamais Apollon me ramene
Au repos , à la liberté ;
Cultivant tour-à-tour Thalie & Melpomene ,
Je ne crains plus que la chicane vienne
M'ouvrir fon Temple détesté .
Dans mon coeur renaît l'allégreffe ;
Je vois commencer d'heureux jours.
Si le fort contraire traverſe
L'efpoir que m'annonce leur cours ,
Convaincu que l'ame s'exerce
Dans les revers , je refterai toujours
Inacceffible à la trifteffe ;
Le tems finit , le malheur ceffe ,
Et pour guérir notre foibleffe ,
Enfin la mert eft un ſecours .
Peut-être hélas ! l'expérience
Démentiroit ce ftoïque difcours
Et perdant patience
Je penferois tout au rebours ;
Bientôt s'écrouleroit toute ma confiance,
Tel dans le calme un paffager
48 MERCURE
DE FRANCE.
Conferve
fon
ame paifible ;
Mais voit-il l'approche terrible
Et les menaces du danger ?
Voit-il les flots émus , la bruyante tempête-
Tonner , éclatter fur la tête ,
Et fous les pieds ouvrir la mort ?
Il eft glacé foudain, il pâlit , il friffonne ,
Et malgré le foûtien d'un courageux effort ,
Sa conftance enfin l'abandonne ;
Le péril abbat le plus fort.
Mais quoi ! Je moralife
Sans finir ma digreffion ,
Et point ne fais réflexion
Que je charge trop la valife
De votre courier Bourguignon .
Volontiers on prend en guignon
Un Poëte qui dogmatiſe ;
Ce n'eft point fa profeffion.
Ami , tréve d'ennui , je veux vous faire
C'en eft affez pour cette fois.
Auffi - bien ma Muſe ſe laſſe ,
Et le froid engourdit mes doigts.
Aucune anecdote nouvelle ,
Au
pays d'où je vous écris ;
Toujours y brille la féquelle
grace
Des fots rimeurs , des beaux efprits ;
Ici le bon fens en mépris
Voit s'élever far fes débris
Lea
MARS.
49
1750.
Les riens brillans , la bagatelle ,
Avec le luxe que j'appelle
La Divinité de Pâris.
Raoult.
***
TRADUCTION
De cette Strophe de l'Ode à la Fortune :
Montrez- nous , Guerriers , & c.
M
Agnanimi heroes , veráfub luce refulgens
Veftra omnis pateat virtus , atque ora tuentum
Suftineat : nobis depromite robore firmo
Pectora qua rebus nunquàm frangantur iniquis.
Vos equidem flatu impellens fortuna fecundo
Dùm juvat , ufque armis cedit vićtricibus orbis ;
Perftringit radians malè credula lumina fulgor ;
Atfortuna levis cafus fi ludit acerbos ,
Larva cadit , fupereft homo , fugit ſcenicus heros.
Par le même.
C
fo MERCURE DE FRANCE.
mumy mummy
SOLUTION
D'une Queftion de calcul , propofée dans le
Mercure de Novembre.
Monfieur , j'ai trouvé dans le Mercudu
mois de Novembre dernier
un calcul propofé , dont je crois avoir
trouvé la folution . Permettez , Monſieur,
que je l'expofe à votre jugement. La queftion
dont il s'agit , eft énoncée de la maniere
fuivante.
Un particulier doit cent vingt- cinq mille
livres , qu'il s'eft obligé de payer en cinq payemens
égaux , fçavoir , le premier en l'an mil
Sept centfoixante , qui fera de vingt- cinq mil.
le livres ; ainfi des autres les années ſuivantes
jufqu'à l'année mil fept cent foixante-quatre
comprife. Le débiteur propofe au créancier
de le rembourfer avec unefemme telle , que celui-
ci , tirant les intérêts à fix pour cent par
an , à commencer du premier Juillet mil Jept
cent quarante-neuf jufqu'au premier Janvier
mil Sept cent cinquante`; joignant enfuite ce
qui fera venu pour les intérêts des fix derniers
mois de ladite année , à la fomme payée par
débiteur , & tirant de ce total de nouveaux
intérêts au même denier l'année mil seps
pour
le
ི་
MAR S.
1750 ST
cent cinquante ; puis ajoûtant de nouveau les
intérêts à la fomme qur les aura produits , &.
continuant de placer le total aux mêmes con
ditions pour l'année fuivante , ainfi de fuite ,
les intérêts qui doivent provenir defdites fommes
année par année , faffent , avec celle qui.
aura été remboursée , cent vingt -cinq mille
livres.
Il me femble , Monfieur , que le nombre
108009 livres 37 remplit l'état de
la queſtion.
239327
108009 liv. fomme qu'on doit rembourfer.
80057
289327
80522 ,
intérêts à fix pour
3240
liv.
>
289327
cent
pour les fix derniers mois de cette année.
111249 liv. 160517 , total des deux fommes
ci - deffus .
289327
6674 liv. 12 , intérêt dudit total pour 289327
l'année 1750.
289327
117924 liv. 1282 , fomme du total des intérêts
pour l'année 1750 .
2893279
7075 liv. 1 , intérêts de la fomme
ci -deffus pour l'année 1751.
125000
liv.
Le débiteur aura donc acquitté la dette
à la fin de l'année mil fept cens cinquanteun.
Pardonnez fi ma Lettre eft trop
longue, & fi je vous dérobe des momens...
Cij
52 MERCURE DE FRANCE.
Je vous prie d'être perfuadé que je fuis &
ferai toute ma vie avec beaucoup de reconnoiffance
, Monfieur , votre , &c.
Gabriel
AUTRE Solution du même Problême.
Uivant ce qui eft propofé par ce Pro-
Sblème ,le débiteur auroit à payerà fon
créancier la fomme de 125000 livres en
cinq termes & en cinq payemens égaux
de 25000 livres chacun , fçavoir , 25000
livres après 16 années , cinq mois 20 jours ;
25000 livres après 17 années , cinq mois
20 jours ; 2500b livres après 18 années ,
cinq mois , 20 jours ; 25000 livres après
19 années, cinq mois , 20 jours , & 25000
livres après 20 années , cinq mois , 20
jours , à compter du jour 11 Juillet 1743 .
Or fi le débiteur avoit à payer la fomme
de 125000 livres en un feul terme ſans
rien perdre , on trouve par une régle de
proportion , qu'il devroit rembourfer fon
créancier le premier Janvier 1762 ;fçavoir,
après le tems de 18 années , cinq mois.
20 jours , à compter dudit jour 11 Juillet
1743.
Il est très- aifé de démontrer ce qu'on
vient de dire ci- deffus ; il fuffit de faire arMARS.
1750.
SI
.
tention que le montant des intérêts de
12 5000 livres , à raifon de fix pour cent ,
& pour l'espace de 18 années , cinq mois,
20 jours , ce qui fait 138541 livres 13
fols 4 deniers , eft égal à la fomme de
24708 livres 6 fols 8 deniers , à quoi fe
montent les intérêts de 25000 livres , fur
le même pied de fix pour cent pour 16 années
, cinq mois , 20 jours ; plus 26208
livres 6 fols 8 deniers pour les intérêts de
25000 livres pour 17 années , cinq mois ,
20 jours ; plus 27708 livres 6 fols 8 deniers
pour les intérêts de 25000 livres
pour 18 années , cinq mois , 20 jours ;
plus 29208 livres 6 fols 8 deniers pour
celle de 25000 livres pour 19 années
cinq mois , 20 jours ; plus 30708 livres 6
fols 8 deniers , montant des intérêts des
dernieres 25000 livres pour 20 années ,
cinq mois , 20 jours , lefquelles fommes
toutes enſemble compofent la fufdite fomme
de 138541 livres 13 fols 4 deniers.
Il s'enfuit donc qu'il eft fort égal au
débiteur , de payer 125000 livres le
premier Janvier 1762 en un feul terme ,
ou d'en faire les payemens de 25000 livres
en cinq termes & dans les tems ci -deſſus
mentionnés. c. q . f. p .
Suppofé que le débiteur ait propofé de
rembourfer fon créancier le premier Juillet.
Ciij
54 MERCURE DE FRANCE.
1749 , fçavoir , douze années , fix mois
d'avance , à compter du jour premier Janvier
1762 : fi on nomme z cette quantité ,
& qu'on dreffe une proportion fuivant
cette hypothéfe , on trouve 207256 23 65
990616839291822082 1250000000.
0000000000000000000000. Doncz➡
5059966715344279392323
60311 liv.41336655407004847 pour la fomme
qu'on cherche , ce qui peut être trèsaifément
prouvé, fi on ajoûte à cette quantité
les intérêts de fix mois à raifon de fix
pour cent , à commencer du premier Juillet
1749 , au premier Janvier 1750 ; qu'en
fuite du total de cette fomme & des inté
rêts de fix mois , on tire les intérêts d'une
année pour les ajoûter au total , dont ils
dérivent , & qu'on tire les intérêts de la
maniere ci- deffus pour chaque année juſ
qu'au premier Janvier 1762 , jour auquel
la fufdite fomme de 60311 livres.
25323 , plus les intérêts & in-
-4 287713376555407004847
50599667135442793928023
térêts d'intérêts, égaleront lefdites 125.000.
livres. C. q. f. t..
Pierre Rufca.
MAR S. 1750.
55
PROBLEM E. ·
Dfix
Eux amis ayant fait une fociété pour
fix années , dans laquelle ils avoient
mis chacun une fomme égale , à condition
de partager par moitié les profits ou les
pertes qui pourroient en réfulter , & deux
années fix mois s'étant écoulés , un dede
leurs amis communs leur propofa de s'affocier
avec eux , & de mettre pour fond
une fomme raifon de laquelle il partageroit
par tiers avec eux les évenemens
de la fociété , perte ou gain.
pour
Le feu , ayant pris au magafin de la fociété
, a confumé la plus grande partie de
leurs fonds & tous les papiers : on n'a trouvé
dans les ruines qu'une note qui conftatoit
que les fonds des deux premiers Affociés
confiftoient , fçavoir , un tiers en
marchandifes , trois feptièmes en Billets
de Banque, & 50000 livres comptant.
On a fait l'inventaire des marchandifes
échappées de l'incendie , & un état des
créances que l'on pouvoit recouvrer fur la
bonne foi des débiteurs ; on a trouvé que
tout compris il n'y avoit que pour la fomme
de 9200 livres , mais que fi on pouvoit
négocier le de la valeur des mar- 80
C iiij
56 MERCURE DE FRANCE.
chandifes & des créances pour le même
prix qu'auroit valu l'entier de chacune ,
on auroit trouvé dans la fomme de ces
deux produits le capital de trois Affociés ,
& en outre un profit de 188000 livres.
On demande quel a été le fond que chacun
des Affociés a fait dans cette entreprife
, & quel eft le fond qui y eft reſté en
marchandiſes & en créances, pour pouvoir
faire le partage fuivant ce qui a été convenu
.
Pierre Rufca..
COCACOGDCD DVD HANDYDAVA
LES OISEAUX ET LE BAUDET .
FABLE ALLEGORIQUE .
A Mademoiselle Guibert.
NE fortons point de notre ſphére ,
C'eft le plus court & le meilleur parti :
Exerçons le talent que nous a départi
Dame Nature , notre mere .
Vouloir aller plus loin , c'eft être téméraire ;
On va le voir dans cette fable- ci .
Dans un pré dont l'émail , les feurs & la verdure
,
Offroient aux yeux , en racourei ,
MARS. 1750.
57
D'un féjour enchanté la charmante peinture ;
Plufieurs efpéces d'animaux
Sortis de differens hameaux ,
Venoient pour prendre leur pâture.
L'air qu'on y refpiroit étoit doux. Les ruiffeaux
Aux gazouillemens des oiſeaux
Mêloient leur tendre & doux murmure.
Un rouffin , qui de la Nature
N'avoit jamais eû pour tous dons
Qu'un braire épouventable & groffiere encolure ,
Alloit y brouter des chardons.
Avec la chere rouffinette ,
Et mal faite , & fotte , & coquette ;
Ris & minauderie étoient tous fes guerdons.
Tous deux donc à brocards étoient matiere høn
nête ;
Auffi fans ceffe de lardons
On accabloit & l'une & l'autre bête.
Or un jour que par leurs fredons
Les oifeaux d'alentour célébroient une fête ,
Notre baudet fe mit en tête
D'effacer par fa voix les fons harmonieux.
Du roffignol mélodieux ,
Du cigne , du ferin , du geai , de la fauvette.
Il fe mit donc à braire de fon mieux ;
Mais entendant ce fon de voix affreux ,
Des auditeurs la troupe ftupéfaite ,
C v
58 MERCURE DE FRANCE...
D'étonnement refta muette , 7
Et fut prête vingt fois à fortir de ces lieux
Pour confoler le pauvre malheureux ,
Envain la trifte rouffinette
Applaudiffoit fon chant , lui faifoit les doux yeux;
D'une voix mignarde & doucette
L'affuroit que jamais rien de plus merveilleux
Ne s'étoit entendu . Martin confus , honteux ,
Vit que pour le bât feul fon échine étoit faite ,
Et prenant le parti d'une prompte retraite ,
Pouffa pour ſe venger en faifant fes adieux ,
Un braire dont de fon retentit juſqu'aux Cieux.
L'amour propre est toujours un conducteur perfide
;
Jamais à fes confeils il ne faut fe livrer ;
Quiconque craint de s'égarer
r ..
Ne doit point le prendre pour guide,
ON
Brunet , de Dijon..
QUESTION.
N demande les origines de ces deux
expreffions , venir àJubé , & avoir
Son bec jaune,
4
MARS.
59 1750 .
Q
STANCES
Sur la Jaloufie.
Uels fifflemens affreux, quels lugubres accens
Epouvantent mon coeur , chere & tendre Afpafie !
Quoi ! pour le déchirer , la fombre jaloufie
Sort du ſein de l'abîme avec tous les ferpens !
Précédé du foupçon , & fuivi par la rage ,
Ce monftre , qui ne doit fon être qu'à l'amour ,
Fils d'un Dieu fi charmant , devient pere à fon
-tour
D'un monftre plus cruel qui m'aveugle & t'outrage.
Tyran impérieux , la chimere eft fon nom ;
Dans fes flancs empeftés elle porte le crime ;
L'innocence à fes yeux eft la feule victime
Sur qui doive tomber fon funefte poiſon .
Ainfi donc tu gémis , cher objet que j'adore ,
Tu gémis fous le poids d'un fort trop rigoureux .
L'amour me crie envain que je dois être heureux ;
Le bandeau de l'erreur fait que j'en doute encore.
Envain t'efforces - tu par les plus tendres foins
De diffiper l'eff.oi dont mon ame eft atteinte ,
Cvje
60 MERCURE DE FRANCE.
Toute en proye au démon qui la glace de crainte,
Elle en croit tes fermens , & n'en fouffre pas
moins.
Le calme que mon coeur reçoit de ta préſence ,
Même jufqu'en tes bras eft un calme trompeur.
Mais quel fupplice , hélas ! peut égaler l'horreur.
De ces triftes momens caufés par ton abſence ?
!
: Otoi , dont mon pinceau cherche à peindre les
traits ,
Implacable démon , auteur de ce martyre ,
Parle , & nouvelle Mufe , effaye de décrire.
Ces tourmens que j'endure , & les maux que tu
fais..
Dis quel frémiffement de mon ame s'empare ;
Mon trouble , mes foupçons , mon déſeſpoir , mes
pleurs
Pour exprimer ma- rage, animent tes couleurs;.
ll- eft digne de toi , cet ouvrage barbare.
Ah ! plutôt que de vivre efclave de ta loi ,
Plutôt que de fubir le fort que je découvre ,
Fais fous mes pas errans que l'abîme s'entr'ouvre ;
Daigne , daigne du moins m'y plonger avec toi.
Par M. L..D. La
MARS. 1750. Gr
LETTRE
A M. Remond de Sainte Albine , pour
fervir de réponse à la Critique d'une autre
Lettre de l'Auteur fur l'amitié..
'Ai été extrêmement furpris de voir ,
tobre, la réfutation de ma Lettre fur l'impoffibilité
de trouver de véritables amis.
Je ne croyois pas qu'une femblable production
pût exciter l'attention du Public .
Si l'Apologifte de l'amitié me connoiffoir ,
fans doute il auroit honte de ſe voir un fi
foible adverfaire. Dois-je ménager fa délicateffe
, ou la bleffer , en lui découvrant
qui je fuis ? Qu'il rougiffe , que m'importe
? Il faut du moins lui faire connoître
mon âge , fi je ne puis lui déclarer mon
nom.
Je fuis un jeune homme , qui à peine
forti de la pouffiere fcholaftique , éprouve-
& mefure les forces . Comme le Mercure
femble n'avoir été inftitué que pour infpi
rer à la jeuneffe le goût de la belle Litté
rature , & l'engager à entrer de bonne
heure en lice , j'ai pris la liberté de vous
communiquer.mes idées : vous ne les avez
62 MERCURE DE FRANCE.
pas trouvées tout - à -fait indignes d'occu
per une place dans votre Recueil. Quelle
fut ma joie de me voir imprimé ! Mais ,
lorfque j'y penfe le moins , une Critique
vient en diminuer toute la vivacité . Ma
Lettre eft traitée d'hérétique. Quelle humiliation
pour un jeune Auteur ! Quoi de
plus capable de le rebuter !
,
Souffrez , Monfieur , que je défende
devant votre Tribunal la premiere production
de mon efprit. Mais avant que de
commencer , il faut analyfer mes fentimens
, & convenir d'une efpéce de fupercherie.
Mon Antagoniſte demande une rétractation
; en voici une.
Ma Lettre étant d'une nature à ne pouvoir
être adreffée à perfonne de notre ſexe ,
j'ai cru qu'il falloit en faire honneur à l'a--
mour : je me fuis créé une Iris. Telle eft la
Divinité aux pieds de laquelle mon adverfaire
me dépeint goûtant les plaifirs les
plus vifs. Jugez , Monfieur , fic'eft l'amour
qui a conduit ma plume.
Soutenir qu'il n'y a point de véritables
amis , quel paradoxe ! J'en conviens , c'en
eft un ; mais n'eft- il pas plus humiliant ,
qu'infultant ? Point d'amis ; la vanité
peutelle
tenir contre une telle réflexion ? Etre
ifolé , réduit à s'aimer feul , fans concurrens
,fans rivaux : quelle fituation affreuſe ! !
Quel état d'humiliation !!
MARS. 1750. 65
:
Vouloir être aimé , nul fentiment plus
naturel mais l'être en effet , rien de plus
rare . Tel eft notre amour propre ; ne ſe
fuffifant point à lui-même , il cherche audehors
de quoi remplir cette idée de grandeur
qui fait fon idole . Remarque- t'il dans
certaine perfonne quelque condefcendan-
, quelque fympathie ? il s'aveugle auffi
tôt , il n'en demande point davantage ; il
.fe perfuade avec d'autant plus de facilité
qu'il eft tendrement aimé , que cette penfée
eft plus flatteufe , & le chatouille ,
pour ainfi dire , dans fa partie la plus délicate
.
༡ 、
Telles font les amitiés que l'on voit tous
les jours. Mais font-ce là de véritables
amis ? Prenez la pierre- de- touche : mettez
en compromis leurs paffions favorites ,
leurs intérêts les plus chers , & vous verrez
que ce qui vous paroiffoit un or pur ,
n'étoit en effet qu'un métal de très- mauvais
aloi ...
Etrange manoeuvre de l'amour propre !!
Il veut , & ne veut pas être aimé : lui feul
met obftacle à fes propres defins . Il brife
les liens qui pourroient unir nos coeurs ,
& cependant il veut paroître les chérir. Ils
nous prive du plus grand de tous les biens,
& néanmoins il affecte de le poffeder ,
idolâtre & tyran en même tems de l'anntié
64 MERCURE DE FRANCE.
blir
Que notre adverfaire paroît peu connoître
cet amour de nous- mêmes , .lorfqu'il
prétend qu'on peut aiſement l'affoipar
les vertus qui lui font contraires !
C'est un ennemi d'autant plus terrible ,
qu'il triomphe , lorfqu'il paroît vaincu :
vous le croyez prêt à expirer , & c'eft alors
qu'il eft plus puiffant, c'eft alors qu'il renaît
, pour ainfi dire , de fes cendres , &
qu'il prend de nouvelles forces.
La vertu , loin de vaincre l'amour propre
, lui eft prefque toujours foumife ; il
la flétrit , il la fouille , il la rend comme
vicieufe . Que d'actions héroïques ceffent
de l'être , lorsqu'on les rapproche du motif
& de la fource dont elles partent ! Si
vous pouviez defcendre dans le coeur de ce
prétendu Sage , quelle feroit votre furprife
? Vous rougiriez de la baffe origine
de ces actions éclatantes , aufquelles la prévention
prodigue tant d'éloges.
Les fers dont Saint Paul eft chargé , loin
d'affoiblir , raniment l'intrépidité de quelques-
uns des Difciples ; ils annoncent avec
plus d'éclat la parole fainte. Quel eſprir
les anime ? Eft - ce celui de Dieu ? Hélas !
Non ! Une funefte paffion les agite ; la jaloufie
fe fait fentir dans leur coeur : ils
ne s'expofent à perdre la vie , que pour
augmenter la pefanteur des chaînes de l'A
MARS. 1750.
65
pôtre : * Exiftimantes preffuram fe fufcitare
vinculis meis.
:
Rien de plus fouple que l'amour propre
: Prothée inépuifable , il prend mille
formes . Tantôt dévot , tantôt impie ; vertueux
chez celui - ci , libertin chez cet autre
principe du mal comme du bien , c'eft
un venin qui fe gliffe imperceptiblement
dans toutes nos actions , c'eft un penchant
qui influe fur toutes nos démarches , qui
rend nos vertus défectueuſes , & qui donne
une apparence de probité à nos vices
mêmes .
Tel eft l'homme : pétri de l'amour de
foi-même , il ne fe perd point un moment
de vûe , il fe rencontre , il fe retrouve par
tout. S'il aime , c'eft parce que cet amour
le flatte ; s'il eft ami , c'est parce que cette
amitié fait honneur à fon difcernement
à fon goût. Vertueux par ambition , charitable
pour le paroitre , humble
nité .
par va-
Ce n'eft pas cependant que je prétende
ici nier l'existence des vertus morales : j'en
connois de folides ; j'en ai même tous les
jours mille exemples devant les yeux :
mais je foutiens que tout dans l'homme fe
reffent de la corruption de fon origine , &
Philip. 1. 17.
66 MERCURE DEFRANCE.
qu'il lui eft auffi difficile d'être parfait dans
les fentimens du coeur , que dans les opérations
de l'efprit.
Je fuis , Monfieur , & c.
EPITRE
A M. l'Abbé Trublet , Archidiacre & Chanoine
de Saint Malo , de l'Académie Royate
des Sciences & Belles Lettres de Pruffe,
par M. des Forges Maillard , des Académies
Royales des Sciences & Belles - Lettres
d'Angers & de la Rochelle , fur un
voyage qu'il a fait à Saint Malo.
Docte & digne héritier des plumes immor- D ° telles
" De la Rochefoucault , la Bruyere , Paſcal
Qui par eux devenu comme eux original ,
Voles fans leur fecours & de tes propres aîles ;
Orateur éloquent , guide aimable des moeurs ,
Qui polis les efprits & réformes les coeurs ,
Ton ouvrage , Trublet , de la publique eftime
S'eft acquis le tribut juſtement mérité ,
Et fi manquant de goût , ou par malignité ,
Quelqu'un contredifoit cet éloge unanime ,
Il ouvriroit bientôt les yeux à l'équité ,
Voyant dans leurs diverfes Langues
MAR S.
67
1750
Les Etrangers jaloux de fe l'approprier . ( 1 )
Ce fuffrage eft plus fûr que toutes les harangues
Que mon pinceau naïf pourroit colorier .
J'arrive de cette Ifle , où le Guet en furie ,
Dès long- tems compofé de foldats aboyans , ( 2 )
Garde toute la nuit fes remparts foudroyans.
Cette Iſle renommée , où commença ta vie ,
Etroite dans les murs , immenſe par le coeur
Enfanta ce du Guay , dont la haute valeur ,
Sur les plaines des mers à vaincre habituée ,
Servit fon Prince avec chaleur ,
Dans tes Concitoyens chaleur perpétuée ( 3 )
( 1 ) Il a paru trois Traductions des effais de Litté
rature & de Morale de M. l'Abbé Trublet , deux enz.
Anglais une en Allemand. 9
(2 ) Saint Malo eft peut-être la feule Ville dis
monde , qui ait vingt- quatre dogues pour fentinelles.
Ces foldats aboyans font foldés par les vingt- quatre
Chanoines de la Cathedrale , qui font Seigneurs de la
Ville , & obligés à la penfion de cette garde. Le conducteur
de ces chiens redoutables les mene hors des
murs au fon d'une trompeite bruyante , le foir quand
les portes fe ferment , ils rentrent de la même ma-
-niere avant l'aurore , quand les portes s'ouvrent .
( 3 ) On pouvoit citer en cet endroit pluſieurs Offi
ciers Généraux d'un grand mérite , comme les Ger
vefais , les Gyclois , les Grandvilles , les Terlay ,
nombre d'autres qui ont fervi dans nos Armées avec
diftinction . A l'égard de M. du Guay , il ne faut pas
croire qu'il fut par mer le feul brave de Saint Malo
dans fon tems: il en y avoit bien d'autres que je pour.-
68 MERCURE DE FRANCE.
1
Là naquit Maupertuis ( 1 ) à bon titre honoré
Chez un Roi brave , habile , & qui vit ſur ſes tra
ces ( 2 )
Accourir Apollon , les neuf Soeurs & les Graces ,
Dans le Temple éclatant qu'il leur a confacré. ( 3 )
Ce Maupertuis vanté dans l'Art des Zoroaftres,(4)
Qui les pieds fur la terre a le front dans les Aftres ,
Et qu'Archimede eût adoré. ( 5 )
Séré , qui fous les doigts a fait parler ſa lyre
Des differens plaifirs de Phébus & fa foeur , ( 6 ) .
Reçut auffi le jour dans ces tieux , où l'honneur ,
La probité qu'on y reſpire ,
Doivent éternifer la gloire & le bonheur.
Ainfi de toutes parts Aleth à notre Hiſtoire ( 7 )
rois nommer ; mais comme il commandoit les Efca
dres , que le fort de la guerre rouloit fur lui , c'eft.
de lui qu'on a principalement parlé. Les Corfaires
Malouins ont encore débuté à merveille dans la derniere
guerre , mais ilsfe font vûs accablés par le nom.
bre..
( 1 ) M. de Maupertuis eft fi connu , qu'il ſuffic
aujourd'hui de le nommer pour faire fon éloge.
( 2 ) Le Roi de Pruffe.
( 3 ) L'Académie de Berlin.
(4 ) Célébre Aftronome.
( s ) Excellent Géométre.
(6 ) M. de Séré a fait un Poëme fur la Mufique ,
& un autre fur la Chaffe.
( 7 ) Aleth , eft l'ancien nom de Saint Malo. Il
fut enfuite changé en celui de Saint Malo , qui fut
fon premier Evêque .
MARS. 69 1750.
Fournira des hommes fameux ,
Dont les noms , à jamais vainqueurs de l'ombre
noire ,
Charmeront les regards de nos derniers neveux .
Trublet , à ta famille obligeante & polie ,
Je dois pour les égards d'amples remercîmens .
J'ai vu que les vrais fentimens ,
Que la vertu maintient dans une ame accomplie ,
La Science , le goût , les talens gracieux ,
Cireulent dans ton fang , dons émanés des Cieux ,
Peintre excellent des caracteres ,
Qu'en formant tes tableaux ton fort me femble
heureux ,
De n'avoir pour tracer des coeurs nobles , fincéres
Qu'à prendre modéle fur ceux
Que r'attache l'amour qu'infpire la Nature ,
Et fur toi , qui foutiens comme eux ,
Par ta fage conduite & tes faits vertueux
De ta morale vive & pure
Les traits édifians , les confeils lumineux !
Trublet , j'ai fçu dans mon voyage
Sur ton maritime rivage ,
; Que par les noeuds d'Hymen je t'étois allié ;
Par tes rates talens , ah ! que je voudrois l'être ,
Mais des dons fouhaités Dieu feul étant le maître ,
Nous pouvons l'être au moins par les noeuds d'amitié.
70 MERCURE
DEFRANCE
.
ETRENNES EPIGRAMMATIQUES
,
Pour l'année 1750.
A Meffieurs de Voltaire , & Arnaud
& Marmontel , par le même.
PAt Voltaire adoptés , deux célébres génies
Fout preuve avec fuccès de leurs talens divers ;
D'Arnaud , tout plein de fel , fur fa profe & fes
vers
Répand des graces infinies ,
Et louant & l'Art & le ton ,
Chacun dit , enchanté du plaifir de les lire ;
Que c'eft l'immortel Apollon ,
Ou bien Voltaire qui l'inſpire ;
Ce Voltaire immortel par les fons de fa lyre,
Comme le Dicu de l'Hélicon.
Par l'unanime accord des plus doctes Critiques ;
L'élegant Marmontel , couronné tant de fois
Dans les Tournois Académiques ,
Aujourd'hui par un nouveau choix
A peine a-t'il chauffé le cothurne , qu'il brille
Dans l'Art puiffant qui charme , étonne , inftruit
les Rois.
Parbleu , chantons à haute voix
Vive Voltaire , & ſafamille.
MARS
1750. 71
絲洗洗洗洗洗洗:洗洗洗洗洗洗洗洗
OBSERVATIONS fur l'Extrait de
la Séance publique , tenue le 2 1 du mois
d'Août 1749 par l'Académie Royale des
Sciences de Touloufe , inferé dans le Mercure
de France du mois de Décembre
1749.
PAge-9 , ligne 7. » M. Newton eft le
premier qui ait cherché à détermi-
»> ner la Loi du mouvement vibratoire de
» l'air , qui produit le fon.
Obfervation. Defcartes , avant Newton,
avoit expliqué cette matiere , & donné
les principes des differentes vibrations
de l'air , qui produit les fons & la lumiere.
P. 30 , 1. 7. » Les évenemens de cette
» année 1611 font l'avenement de
" Louis XIII, au Trône.
Obfervation. Louis XIII . a commencé
fon Regne après la mort du Roi Henri IV.
fon pere , arrivée le 14 de Mai 1610 .
P. 31 , 1. 1. » Le Roi nomma cette année
M. de Clary Premier Préfident de
» ce Parlement.
Obfervation. Il fe nommoit François de
Claris. Il avoit été Avocat: Général au
Grand Confeil , puis Maître des Requêtes
72 MERCURE
DE FRANCE.
le dernier Avril 1594 , & conjointement
Juge- Mage de la Ville de Toulouſe , &
énfin Premier Préfident de ce Parlement.
* P. 32 , l . 18. » M. Dumey , fçavant
» Profeffeur en Médecine , & Dame Rofe
» de Cauler , veuve de M. Duranty , Premier
Préfident , la gloire & . la honte de
cette Ville.
•Obfervation. Cela demande une explication
, & l'on ne fçait pas à qui cette
phrafe doit le rapporter.
Q
ODE
Sur la Paix.
Uel trait d'une célefte flamme
Pénétre mon coeur agité !
Quel vif éclat fait dans mon ame
Renaître la ferenité !
Une Divinité , brillante
D'une lumiere bienfaiſante ,
S'offre tout à coup à mes yeux ;
M'éleve au- deffus du tonnerre ;
Je vois l'image fur la terre
De la félicité des Dieux.
D. N.
Les
MARS.
7% 1750
Les vives couleurs de l'Aurore
Nous préfagent des jours heureux ,
Et l'Aftre , que le Perfe adore ,
Semble briller de nouveaux feux.
La terre riante fe pare
De tout ce qu'elle a de plus rare ;
Des fleurs nos prés font émaillés ,
ramage Et des oifeaux le doux
Annonce à ce naiffant bocage
Le jour qui les tient éveillés.
Les Dieux , touchés de nos miferes,
Nous comblent enfin de faveurs.
Oui ; leurs vengeances falutaires
Nous préparoient mille douceurs .
Difcorde affreufe , noire envie ,
Inexorable jalousie ,
Rentrez dans le fein des enfers ;
Affez votre implacable rage
Des triftes horreurs du
A défolé tout l'Univers .
carnage
Dans les Plages les plus lointaines
Vous avez fouflé vos fureurs.
Par tout vos armes inhumaines
Ont porté la crainte & les pleurs .
Ces peines furent légitimes ,
D
74 MERCURE
DE
FRANCE
Et les Dieux ont puni les crimes ,
Que les mortels avoient commis.
O Ciel ! que ta main ſecourable
Devienne , en ce jour , favorable
Aux coupables que tu chéris !
Fille du Ciel , divine Aftrée ,
Calmez le célefte courroux ;
Aimable Paix , Vierge facrée ,
Defcendez enfin parmi nous.
Venez couronner votre tête
Des fleurs que Louis vous apprête ;
Reprenez votre augufte rang ;
Précipitez dans le Tartare
Ce monftre dont la foif barbare
S'affouviffoit de notre fang.
Mais le Ciel entend ma priere ;
Mes cris ont monté juſqu'aux Cieux ;
Je vois dans un char de lumiere
La Paix defcendre dans ces lieux.
La Juftice lui fert de guide ,
Et la fraude , au regard perfide ,
S'enfuit d'un pas précipité.
Les jeux , les ris & l'abondance ,
La tranquilité , l'innocence ,
Feront notre félicité.
MARS. 17501 75
Paroiffez , Filles de Mémoire ;
Volez vers ces heureux climats.
Bellone , Mars & la Victoire
Vous effrayoient par les combats.
Revenez , & troupe fçavante ;
Chériſſez la main triomphante
Qui rompt votre captivité ;
A Louis offrez vos hommages ,
Et confacrez dans vos ouvrages
Son nom à la postérité.
*3**
Par l'effort d'un facré délire
Ranimez vos timides voix :
D'Horace reprenez la lyre ;
Célébrez le plus grand des Rois.
Peuples, témoins de fes conquêtes ;
Par l'éclat des plus belles fêtes
Chantez à l'envi ce Héros.
Quel nouveau luftre pour fa gloire ,
Puifqu'il n'ufe de la victoire
Que pour fixer votre repos !
Par M. Jourdan de Pellerin.
Dij
76 MERCURE DE FRANCE.
LETTRE
-
1
A M. Remond de Sainte Albine , par M.
des Forges Maillard , des Académies
Royales des Belles - Leures d'Angers & de
La Rochelle , fur un Poëte François . De
Bretagne , au Croific , le 28 Décembre
1749.
C
...
Omme toutes les parties de la Littérature
font du reffort de votre Jurifdiction
, Monfieur , plus encore par .
que par la place que vous occupez , vous
connoîtrez fans doute les Poëfies de N. Frénicle
, Confeiller du Roi , & fon Général en fa
Cour des Monnoyes. M. Titon du Tillet
n'en a point parlé dans fon l'arnaffe François
, ouvrage qui furpaffe tous ceux de ce
genre par l'agrément qu'il y a répandu &
par l'exactitude de fes recherches . Je n'ai
point appris non-plus, que M.l'Abbé Goujet
en ait fait aucune mention dans fa curieufe
& fçavante Bibliothèque Françoife.
Cependant je ne l'affûrerois pas , n'ayant
point encore vû les volumes où Frénicle a
pû fe montrer en fon rang , quoique je
fois fort à portée de m'en inftruire , ayant
l'honneur d'être des amis de cet illuftre
M.AR S. 1,750. 77
Auteur. Ce qui m'étonneroit dans ce filence
général , c'est qu'à la tête des Hymnes
& des Eglogues de Frénicle on trouve
des éloges qui lui ont été donnés
par des
Auteurs de réputation , tels que Godeau ,
Malleville , &c. Le Sonnet dont il a été
honoré par celui- ci , commence par ce vers.
Lumiere de notre âge , efprit incomparable , &c.
Je ne dis pas qu'il n'y ait dans ce Sonnet
tout au moins autant de flatterie que de
vérité , mais c'eſt toujours un préjugé avan
tageux en faveur de Frénicle , que de le
voir loué par le fameux Auteur du Sonnet
de la Belle Matineufe. Les ouvrages de
Malleville font encore honneur au Parnaffe
François , & l'on admirera long- tems le
génie & le feu de fa fublime Paraphraſe
du Pleaume , In exitu Ifraël de Ægypto..
L'éxemplaire que j'ai des Euvres de Frenicle
eft un petit in- 8 ° . d'environ 400 pages ,
imprimé à Paris chez Jean de Bordeaux
en 1629. Ses Hymnes , qui font preſque
tous allégoriques , font dédiés à des perfonnes
du plus haut rang & de grand mérite.
Le premier , intitulé l'Hymne des
Princes , fut préfenté au Roi Louis XIII .
L'Auteur y paffe en revûe les differens
Empires. J'y remarque fur tout un endroit
où il rapporte enpeu de vers ce qu'ily a
D iij
78 MERCURE DE FRANCE.
de plus confidérable & de plus éclatant
dans l'Hiftoire de Charlemagne. Mais je
ne mettrai que quelques vers de l'Hymne
de la Poëfie ci-après , pour donner une
idée du ftyle & de l'efpritde l'Auteur. J'ai
fait Hymne du genre mafculin , conformément
à l'ancienne décifion de l'Académie
Françoife , qui ne vouloit au feminin
que les Hymnes de l'Eglife . La raiſon de
cette difference n'eft pas facile à trouver.
Mufes , couronnez- vous de vos facrés rameaux ;
Je viens vous vifiter fur le bord de vos eaux
Et parmi les douceurs de ces lieux folitaires ,
Apprendre les fecrets de vos divins myftéres.
Appellez-y vos foeurs, & que d'un ordre égal
Deffus ces tapis verds elles menent le bal .
Faites fortir de l'eau les Nymphes de la Seine
* Par les chatmes puiffans dont votre bouche eft
pleine :
Chantez , ô Calliope , & c.
L'art de faire des vers eft un préfent des Cieux ,
Qui fait placer un homme au rang des demi - Dieux.
Une ame du commun ne fut jamais ſaiſie
De la fainte fureur qui fait la Poëfie , &c.
Durant le dernier fiécle on a vû des François
Charmer de leurs douceurs les oreilles des Rois ,
MAR S. R S. 79 1750.
Et faifant admirer les filles de Mémoire ,
Mettre la Poëfie au comble de fa gloire.
L'honneur où par les vers on les vit élever ,
En excita plufieurs , qui penfant arriver
A ce même bonheur , avec de l'artifice ,
Voulurent le mêler de leur docte exercice ,
Mais les foeurs d'Apollon ne favorifent pas
Toute forte d'efprits ; & leurs divins apás ,
Qui fçavent plaire à ceux qui portent les couron .
nes ,
Ne fe rencontrent pas en beaucoup de perfonnes
, & c.
Les doctes toutefois , de qui le jugement
Doit fur tels differends régner abfolument ,
Reconnoîtront qu'à tort les vers on méſeſtime ,
Qui joignent la fcience aux douceurs de la rime.
Ceux qui feront bienfaits fe doivent mettre à part .
Si quelque Peintre auffi , malhabile en fon Art ,
Fait de mauvais tableaux , il en a feul le blâme ;
La Peinture pourtant ne devient pas infâme ,
Et le trait délicat d'un excellent pinceau
À l'oeil des connoiffeurs ne paroît pas moins beau..
Ainfi le grand Homere , ayant repréſenté
Des exemples fameux de générofité ,
Anime les Seigneurs qui lifent fon ouvrage ,.
D iiij
80 MERCURE DE FRANCE.
A montrer aux combats leur force & leur courage.
On fe rend vertueux afin d'être eftimé ;
On fait de bons exploits pour être renommé.
Le Public en profite , & maintient fon empire
Par le défir d'honneur , où tout le monde afpire .
La louange contient de certaines douceurs ,
Qui fçavent captiver toute forte d'humeurs.
Alors qu'on a loué de généreux faits d'armes ,
Ce difcours favorable a je ne fçais quels charmes,
Qui furprennent les coeurs , & d'une vive ardeur
Les invitent d'atteindre à la même grandeur, &c.
Enfin la Poëfie eft comme une peinture ,
Dont le beau coloris fait paroître à nos yeux
Ce que nous peut donner l'influence des Cieux.
Les fertiles moiffons qui dorent les campagnes ,
Et les fombres forêts qui couvrent les montagnes ,
Les antres , les déferts , le murmure des eaux ,
Les fleures couronnés de joncs & de rofeaux ,
Les prés riches de fleurs , ornemens des rivages ,
Ermême les efprits y trouvent leurs images, & c.
Tout fe laiffe charmer aux douceurs de ſa voix ,
Et c'eſt un entretien digne des plus grands Rois ,
Qui parmi les honneurs d'un floriffant empire
Ont fouvent pris plaifir de chanter ſur la lyre ,
Et faire des chanſons, dont la rate beauté
.
1
MARS. •1750. 81
D'une gloire nouvelle ornent leur majeſté , &c.
L'incomparable Urbain parmi cette ſplendeur,
Qui reluit à l'entour de la fainte grandeur ,
Et le rend vénérable aux Légions des Anges ,
Entre tant de clameurs qui difent fes louanges ,
Ne fait pas peu d'état de s'ouir eftimer.
De bien faire des vers , & de les animer.
D'un efprit tout de feu , qui dompte les courages,,
Et leur fait admirer de fi divins ouvrages , &c.
L'Hymne de la Conftance à M. de Ma--
rillac , Garde des Sceaux , & quelques au
tres , font fort au- deffus de l'Hymne de la
Poëfie , que je n'ai préférée qu'en confidération
du fujet. On trouve en général de
Pefprit & du feu dans les Hymnes de Frénicle
, des graces & de la douceur dans fes
Eglogues , & fes Elégies ont auffi quelque
valeur , mais d'un autre côté il eft diffus
inégal , & il néglige fouvent l'exactitude
& la pureté de l'expreffion . Cependant il
faut convenir qu'il régne une grande clarté
dans fon ftyle , eu égard au tenis où il
vivoit. Il femble qu'il ait voulu dans fes
Eglogues imiter les Bergeries de Racan ,
qui pouvoit être fon contemporain , mais
il ne fuit que de fort loin fon modéle , qui
ffit devenu inimitable dans le genre paf
D. W
82 MERCURE DE FRANCE .
toral , s'il eûr vêcu dans un fiécle moins
infecté des pointes Italiennes, & de ce goût
colifichet, qui fut l'attrait & le vice dominant
desAuteurs de fon tems , fans même en
excepter Malherbe dans fes Poëfies galantes
; goût féducteur & pernicieux , qui renaît
par intervalle de fes cendres mal éteintes
, & fe montre encore dans les ouvrages
de quelques-uns de nos Modernes , qui.
le qualifiant de léger , ( ils devroient bien
plutôt l'appeller frivole ) le mettent à la
place du fublime , du délicat & du vrai naturel.
Vous m'obligerez d'inférer cette
Lettre dans votre Journal , fi vous croyez.
qu'elle ait de quoi plaire à vos Lecteurs.
Pour moi je ferai charmé d'avoir trouvé
l'occafion de vous affûrer publiquement
de la haute & fincére eftime, & du refpect
avec lefquels j'ai l'honneur d'être , Monfeur
, votre , & c.
Des Forges Maillard..
MAR'S. 1750. 83:
PROLOGUE
Compofé par J. F. Guichard , & récité avant
la Comédie de l'Avare de Moliere , qu'une
affemblée dejeunes gens dont l'Auteur étoit,
repréfenta le 29 Décembre 1749 .
L'Auteur de ce Prologue..
[ Avec emportement. ]
Non, je n'y comprends rien ; que prétendez- vous faire ?
Amufer le Public , voila tout ; pour lui plaire
Il faut bien des talens , en avons -nous ?
Un Acteur.
Bon Dieu !
'Arrêtez un moment , vous voila tout en feu ;
Quoi ! venez -vous ici pour troubler notre fête p
Quelle mauvaiſe humeur vous paffe par la tête ?
L'Auteur.
C'est donc avoir de la mauvaiſe humeur
Que de montrer qu'on a du coeur ?
Le même Acteur.
.Si vous voulez qu'on vous entende ,
Expliquez - vous autrement .
L'Auteur.
Je demande
D vj
$4 MERCURE DE FRANCE
Si l'on ne fixe pas le jour
Que l'on représente une Piéce ?
Le même Acteur.
On l'a fixé : pourquoi vous tourmenter fans ceffe
L'Auteur.
Me l'a-t'on dit à moi ? Sans doute c'eft un tour
Qu'on m'a voulu jouer; mais j'en aurai vengeance.
Le même Acteur.
Vous faites le méchant , je penfe ,,
N'allez pas ..... •.
'L'Auteur..
[feignant de s'en aller. ]
Laiffez- moi , comment de tels abus !:
Non , non, je n'entends point de raifons là - deffus g.
Vous me mettez ma foi dans de belles affaires.
Je le répete encore , il falloit m'avertir ;
Nous avons des Cenfeurs éclairés & féveres ;
Je crains leurs,jugemens ; ils font juftes, fincéres .....
Le même Acteur..
Que vous manque- t'il donc pour ne pas réuffit ?
L'Auteur.
La mémoire , le ton , le gefte & les manieres..
Le même Acteur.
La volonté plutôt à quoi bon ces myftéres ?
Un Autre A& eur..
venant avec un air empreſſe..
Y penfez vous , Meffieurs ; êtes- vous.fous. ??
MARS, 1750.
Le monde eft affemblé , l'on attend après vous:.
En vérité pour moi je ne vous conçois gueres ;,
Eh ! finiffez de grace vos débats ,
Pourquoi ne commencez- vous pas ?
L'Auteur.
Ecoutez , fi pour nous le fort ne s'intéreffe ....
Mais que vois -je ? A ce front où regnent tant d'ap
pas ,
A cet air de douceur où fe peint la fageffe ,
Qui ne croiroit que c'est une Déeffe
Quivient ici porter fes pas ?
Mlle L..... repréſentant Thalie..
Je la fuis en effet , reconnoiffez Thalie.
Scachant quel eft votre embarras ,
Et voyant des Acteurs la troupe déſunie ,
Pour vous mettre d'accord , pour animer vos jeux
J'amene avec moi l'harmonie ;
Apollon m'a permis de defcendre en ces lieux ,
Et moi-même j'y vais jouer la Comédie .
L'Auteur.
Se peut-il un fort plus heureux
Ah ! daignez exaucer mes voeux ;
Je tremble ; dú fuccés mon amé eft incertaine :-
Conduifez -moi , Déeffe , fur la Scéne ;,
J'oferai tout , fi vous me protégez.
Thalie ..
C'eft affez , faivez - moi , ne craignez rien , mar
chez,
86 MERCURE DE FRANCE.
Je vous réponds de la victoire.
[ Aux Spectateurs . ]
Meffieurs ,fongez furtout qu'il y va de ma gloire.
VERS
A M. Guichard , par M. R... qui étoit
venu à la repréfentation de cette Piéce.
Q Ue tu poffedes de talens !
A nos yeux aujourd'hui tu les fais tous paroître.
Montre-toi digne de ton Maître ;
Pourfuis. A peine hélas ! es-tu dans ton printems ,
Que cher au Dieu, qu'envain fouvent j'implore,
De ta Mufe en tout tems
On voit avec plaifir éclore
Des fleurs & des fruits excellens.
La Nature dans tout ne te fut point ingrate ;
Quelle voix & quel gefte : oui , fi Baron vivoir ,,
Avec des yeux jaloux il te contempleroit ..
Ne crois pas qu'en ces vers un tendre ami te flatte,
Et fi j'admire-en toi le bon Acteur ,
Scache qu'en toi j'eftime encore plus l'Auteur.
MARS. 1750. 87
J
QUESTION
Sur le nom de Cardin .
E me reffouviens , Monfieur , qu'il y
a eu autrefois dans les Mercures des
Questions propofées au fujet de certains.
noms de Baptême que portent quelques.
perfonnes , & en particulier j'ai idée que
le nom Oudard en fût un il y eut une réponſe
affez étendue fur cette queftion . Ne
pourroit- il pas en être de même au fujet
de Cardin , qui eft un nom porté par quelques
perfonnes de confidération , lefquelles
ignorent s'il y a eu un Saint Cardin ,
& quel jour arrive fa fête. Elles fouhaiteroient
fort en être inftruites , foit par
voye du Mercure de France , ou par toute
autre.
la
VERS
Envoyés au premier jour de l'an à Mad. de B
par M. de S.....
A U nouvel an chacun s'épuife .
Pour forger maint compliment ,,
Que toujours le coeur dément .
$ S MERCURE DE FRANCE.
Mais que l'ufage autorife.
Pour moi , charmante Cephiſe ,
Déreftant la gêne & le fard ,
Je vais vous exprimer fans art
Des voeux qui font formés de même:
Au Dieu qui fait que je vous aime ,
Et que mon coeur , malgré ſes déplaiſirs ,
Prétend toujours fervis pour maître ,
Adreffant mes tendres ſoupirs ,
Je l'ai prié , pour vous de combler vos défirs ,
moi de les faire naître.
Et pour
洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗
MEMOIRE
De M. l'Abbé Lebeuf, Chanoined Auxerre,
adreffé à un Chanoine de l'Eglife de ***
pour donner au Clergé de Nevers un ancien
Ecrivain Eccléfiaftique , que quelques
modernes prétendent avoir été du Clergé .
d'Auxerre..
Es Ecrivains qui entreprennent de-
Ldonner au Public des Catalogues
d'Hommes Illuftres, foit par la place qu'ils.
ont occupée , foit par leurs ouvrages , ous
de quelque autre maniere, doivent s'atten
dre qu'il leur en échappera toujours quelquiun.
C'est ce qui a paru dans plufieurs
MARS. 1750 89
Livres imprimés depuis un fiécle , & qui a
Occafionné beaucoup de Supplémens à ces
fortes d'ouvrages.
Quoique les Supplémens au Dictionnaire
de Moreri n'admettent ordinairement
que les plus célebres d'entre les Auteurs
qui avoient été oubliés , je n'ai pas. laiffé
d'y en découvrir , (furtout dans le dernier
Supplément achevé d'être imprimé cette
année ) quelques - uns que je n'aurois pas
manqué de placer en leur rang dans le Catalogue
des Ecrivains du Diocèle d'Auxerre
, que j'ai publié en 1743 , à la à la page
479 du fecond tôme de mes Mémoires fur
l'Histoire de la Ville d'Auxerre , fi j'en
avois eu plutôt connoiffance . Tel eft un
nommé Nicolas Habicot , de Bonny-fur-
Loire au Diocèfe d'Auxerre , qui fut un
affez fameux Chirurgien fur la fin du XVI
fiécle & au commencement du fuivant ,
& duquel on a quelques ouvrages fur l'Oftéologie.
Il fut Chirurgien du Duc de Nemours
, & il mourut en 1624. Tel eft encore
Charles - Edme Cloyfeault , natif de
Clamecy , qui a été de la Congrégation
de l'Oratoire , & qui a compofé quelques
ouvrages imprimés, & en a laiffé beaucoup
d'autres manufcrits fur l'Hiftoire de fa
Congrégation ,dans laquelle il n'eft décedé
qu'en 1728 .
90 MERCURE DE FRANCE.
Mes recherches particulieres m'ont fait
auffi découvrir depuis 1743 dans la Bibliothéque
du Roi un Gilbert d'Auxerre , qui
vivoit au XIII fiécle, & qui par conféquent
eft bien different de Gilbert l'Univerſel ,
décedé vers le milieu du douzième. Un
des manufcrits de cette Bibliothéque , cotté
8299 , lui attribue des Notes fur l'antiti-
Claudien d'Alanus ; le caractére du Livre
eft du XIV fiécle . J'ai encore découvert
quelques autres Auteurs manuferits , appartenans
au Diocèfe d'Auxerre , en cherchant
dans les Bibliothéques des Pays- Bas .
Mais dans aucun endroit je n'ai rien
trouvé qui dût m'engager à mettre au nombre
de nos Ecrivains Auxerrois un Ecclé
fiaftique nommé Tetere , que Dom River ,
dans fon Hiftoire Littéraire des Gaules ,
T. 3. page 404 , donne à l'Eglife d'Au
xerre , & qu'il fait vivre au VI fiécle . Une .
perfonne m'a demandé depuis peu pour
quelle raifon je n'ai pas donné à cet ancien
Auteur le rang qu'il a mérité parmi
les Ecrivains du Pays , ajoûtant que M.
l'Abbé Goujet n'a pas fait difficulté d'inférer
dans le nouveau Supplément de Moreri
l'article de ce Tetere ou Teterius , tel
que Dom Rivet l'a rédigé , & qu'il le qua
lifie de Clerc de l'Eglife d'Auxerre . Je me
fuis contenté de répondre à ce curieux, que
MARS. 17507
91
je craignois fort qu'il n'en fût de Tetere ,
Clerc d'Auxerre , comme de Maître Gombault
, Evêque d'Auxerre , qu'un de mes
amis fe félicita d'avoir trouvé dans la Def
cription de Paris de M. Piganiol , T. 3 ,
page 504 , & duquel il me reprocha de
n'avoir fait aucune mention dans mon Hif
toire des Evêques d'Auxerre . Car qu'est- ce
que ce Gombault , Evêque d'Auxerre , vivant
en 1420 , en laquelle année nous
avions pour Evêque Philippe des Effarts ?
Si l'Auteur ci - deffus cité de la Defcription
de l'Eglife de S.Gervais de Paris, eût pris la
peine d'aller lire lui-même l'Infcription
qui s'y voit en lettres gothiques dans le côté
Septentrional , & fur laquelle uniquement
eft appuyée l'existence de ce Gombault ,
Evêque d'Auxerre , il y auroit lû que cette
Eglife fut dédiée par la main de Révérend
Pere en Dieu M. Gombault , Evêque d'Agrençe,
ce qui eft bien different d'Auxerre.
La faute que je foupçonne être échappéc
à Dom Rivet fur le chapitre de Teterius ,
n'eft pas fi confidérable , à beaucoup près.
Mais les raifons que j'ai eu de douter que
ce Clerc fût un Membre de l'Eglife d'Auxerre
, m'ont engagé à lui donner l'exclufion
dans mon Catalogue . Il faut que je
vous en faffe part , afin
que vous jugiez fi
pas mieux fondé à croire qu'il
je ne fuis
92 MERCURE DE FRANCE .
étoit attaché à l'Eglife de Nevers , & qu'il
n'a pas vêcu au fixiéme fiécle , mais longtems
après.
Premierement ce Tetere n'a été connu
jufqu'ici par le Jéfuite Henſchenius , *& depuis
par Dom Rivet , que pour avoir écrit
un Livre des Miracles opérés par les Reliques
de S. Cyr , tant lorfqu'elles furent
arrivées à Auxerre , que depuis qu'il en fut
porté à Nevers. Il eft vrai qu'il n'eft parvenu
jufqu'à nous que le Prologue de fon
ouvrage , où il eft qualifié de Sophifte , Teterius
Sophifta , mais comme il n'y eut de
tranflation de Reliques de S. Cyr faite à
Nevers que dans le neuviéme fiécle , ce
qui fit qu'alors la Cathédrale commença à
être appellée de Saint Cyr , ** au lieu de
S. Gervais , Teterius n'a pû écrire les merveilles
opérées à Nevers par ce Saint que
dans ce fiécle-là au plutôt . Cependant ce
n'eft point au neuviéme fiécle qu'il a vêcu,
mais feulement dans le dixiéme.
Ce qu'il faut obferver en ſecond lieu , eft
que le nom de Teterius eft très- rare dans
Fantiquité , & je ne crois pas qu'il ait été
porté par d'autre perfonnage connu que
par l'Ecrivain des Miracles de S. Cyr. J'ai
vû tous les Titres , Chartes , Cartulaires ,
* Boll. 1. Maii in S. Amatore.
** Voyez la Diplomatique , pag. 548 & s«søn
MARS. 1750.
9*
xerre ,
parcou-
Nécrologes de l'Eglife & du Diocèfe d'Aufans
l'avoir trouvé une feule fois.
Mais à peine ai-je eu commencé à
rir l'Hiftoire du Nivernois par Coquille ,
que j'y ai lû à la page 58 , que du tems de
Natrannus , qui fut Evêque de Nevers environ
depuis 969 juſqu'en 987 , il y avoit
en cette Ville de Nevers un Teterius , qui
fe difoit Doyen & Recteur de S. Etienne .
En faut- il davantage pour être fondé à attribuer
au Clergé de Nevers notre Tererius
, plutôt qu'à celui d'Auxerre ? Et la
raifon qui a fait pencher Dom Rivet pour
le donner à cette derniere Eglife , ne tombe
-t'elle pas d'elle-même : Car fi dans fa
Préface il fe qualifie Serviteur des Saints
Martyrs , cela ne veut-il pas dire tout naturellement
qu'il étoit Membre du Clergé
dont Saint Cyr & Sainte Julite , Martyrs ,
étoient les Patrons 11 ne peut rien fervir
?
d'oppofer que ce Teterius de Nevers étoit
Recteur de l'Eglife de S. Etienne de cette
Ville , parce que cette Eglife étoit alors
foumise à la Cathédrale de Saint Cyr , qui
en prenoit foin comme d'une Eglife déchue
de fon ancien état. Il n'eft pas plus
avantageux de dire , comme a fait Dom
River , que Tetere a dû plutôt deffervir
une Eglife où étoit le Corps entier de Saint
Cyr & celui de fainte Julite , telle qu'étoit
94 MERCURE DE FRANCE.
l'Eglife d'Auxerre , que non pas celle de
Nevers , où l'on ne poffedoit que le bras
de Saint Cyr , parce que fi de fon tems la
plus grande partie du Corps de ces Saints:
étoit encore à Auxerre , il n'y avoit point
pour cela en cette Ville d'Eglife de leur
nom , au lieu qu'à Nevers la principale
Eglife avoit pris le nom de Saint Cyr ,
comme on apprend par les Titres cités cideffus.
Au refte Teterius mérite d'être connu
par plus d'un ouvrage. Il y a de lui parmi
les manufcrits de la Bibliothéque du Roi ,
venus de celle de M. Colbert , * quelques
Homélies avec ce titre , Homilia Teterii
Diaconi ** . La premiere eft de capite jejunii
, & paroît n'être qu'un Difcours qu'il
prononça devant les Pénitens qui devoient
être expulfés de l'Eglife ce jour- là . La feconde
eft fur l'Evangile du même jour ,
Cum jejunatis. L'Auteur y fait voir qu'il
étoit verfé dans les étymologies , & il y
parle quelquefois en pur Grammairien , ce
qui s'accorde affez avec la qualité de Sophifte
qu'il a prife dans fon Prologue fur
les Miracles de Saint Cyr. La troifiéme
Homélie eft de Nativitate Santa Maria ,
ce qui acheve de démontrer que l'on s'eſt
* Cod. Colb. 2576. num. Reg. 1687 ..
** L'écriture eft du XII fiécle .
MARS. 1750 25
trompé en croyant qu'il a vêcu au fixiéme
fiécle , puifqu'à peine la Fête de la Nativité
de la Sainte Vierge étoit connue en
France vers l'an 8oo. Il paroît par fon langage,
qu'il y avoit déja du tems qu'on la célebroit
dans l'Eglife dont il étoit membre ,
& que depuis qu'elle y avoit été établie ,
un incendie en avoit fait périr les Livres
d'Office , de forte que les Chanoines , qu'il
appelle fes Freres , ne fçachant que lire à
Matines ce jour- là , l'avoient prié de les
dédommager par un Sermon de fa façon ,
que je pulle débiter , dit- il, Canonicis nof-
» tris populoque fideli. Vers le milieu de fon
Difcours , il exhorte fes auditeurs à fréquenter
l'Eglife de la Sainte Vierge , bâtie dans
cette Ville , difant qu'il s'étoit bien trouvé
d'y aller faire fa priere. Ceux qui connoiffent
la Ville de Nevers , fçavent que l'Eglife
de Notre Dame n'eftpas fort éloignée de
celle de Saint Cyr ; & ceux qui en ont lu
l'Hiftoire , font informés que dès le neuviéme
fiécle il étoit mention de cette Eglife
Abbatiale. Mais qui eft- ce qui peut af
fûrer qu'il y en eût une bâtie fous ce titre
à Nevers dès le fixiéme fiécle , auquel
Dom Rivet avoit crû pouvoir placer, Teterius
? Je penfe en avoir dit affez pour détruire
fon opinion , & juftifier l'omiffion
que j'ai faite de cet Ecrivain parmi les Au
96 MERCURE DE FRANCE.
teurs Auxerrois. Peut-être que l'Eglife de
Nevers me fçaura bon gré de lui avoir
reftitué ce qui lui appartient.
A Paris , le 6 Décembre 1749 .
·
Poft fcriptum. Qu'il me foit permis à
Cette occafion , de révendiquer pour le Dioèle
d'Auxerre , non pas un Auteur , mais
un Bourg & unChâteau confidérable, qu'un
Ecrivain célébre lui a ôté pour le donner
au Diocèfe de Nevers. C'eft M. Baillet
dont je veux parler . On a déja réimprimé
plufieurs fois fa Vie des Saints , & on y
laiffe toujours cette méprife . Croit- on qu'il
ait été plus infaillible qu'un autre ? Il s'agit
dela vie de Saint Verain ou Vrain , Evêque
de Cavaillon , qui fe trouve au onzićme
Novembre. M. Baillet dit qu'autrefois
le corps de ce Saint fut enlevé de Cavaillon
, & déposé dans un Bourg du Diocèſe
de Nevers , où l'on a bâti une Eglife fous
fon nom . Au lieu de Nevers il faut lire
Auxerre. Ce lieu eft fitué entre Cône-fur-
Loire & Saint-Amand en Puifaie , à onze
lieues ou environ d'Auxerre. Les Barons
de Saint Verain ont été fort renommés. Ils
étoient du nombre des quatre qui portoient
l'Evêque d'Auxerre à fon entrée au
Siége Epifcopal. La dévotion envers Saint
Vrain a été fi grande autrefois dans le
Nivernois
MARS . 1750.
97
Nivernois , que dans le tems d'une calamité
le Clergé de Nevers eft même venu
en proceffion dans l'Eglife de ce Bourg du
Diocèle d'Auxerre , appellé Saint Veraindes-
bois , quoiqu'il foit à douze ou treize
lieues de Nevers.
CRUDCDCDØDEÐVACINICƏ¤vava
A M. de Curys , Intendant des Menus
Plaifers du Roi,
ETRENNE S.
Toi , dont l'ame eft fi généreuſe ,
Qui connois fi bien Apollon ,
Et qui , par une route heureuſe ,
Intime ami de Crébillon ,
Brilles dans le facré Valon !
De Curys , en cette journée ,
De mon coeur accepte les voeux ,
Au commencement de l'année.
En t'écrivant je fuis heureux.
Que de fouhaits je devrois faire
Pour te payer de tes bienfaits !
Mes vers pourroient- ils te déplaire
Ils ont le fentiment pour pere ,
Et c'est mon coeur qui les a faits.
Laffichard.
E
98 MERCURE DE FRANCE,
A M. l'Evefque , Contrôleur des Menus
Plaifirs du Roi,
ETRENN E'S,
DEs libérales mains du Divin Apollon
Que n'ai-je reçû f'art de peindre une belle ames .
Dans le doux tranſport qui m'enflame ,
On me verroit voler dans le docte Valon .
Plein de reconnoiffance , & te rendant hommage ,
Sur la lyre de l'amitié ,
En me rappellant ton image ,
Je chanterois l'inftant à toi qui m'a lié .
A l'Univers ma'voix fçauroit apprendre
Que tu m'as comblé de bienfaits ;
Que ton coeur compatiffant , tendre ,
Quand il faut obliger , ne fe dément jamais .
Jo fupplîrois l'Auteur des deftinées
De te faire filer les jours les plus heureux ;
Je formerois de tendres voeux
De vivre,pour t'aimer,un grand nombre d'années.
Mais , hélas ! dépouillé de ces tours , vifs , piquans ,
Qui font les Poëtes du tenis ,
Dans la voix de mon coeur je trouve le Parnaſſe ;
Ne vois
Ates yeux fi mes vers n'ont ni force ni grace ,
que mes defirs , & non pas mes talens.
Par le même.
MARS. 1750. 99
2sésésésésésés ésés asas ès és és és és és és és és as ass
MEMOIR E
Sur les avantages & les inconvéniens de la
fiévre , lû à l'Académie de Beziers , le 13
Novembre 1749 , par M. Jean- Henri-
Nicolas Bouillet , Docteur en Médecine de
la Faculté de Montpellier.
Sliventreprenois
de faire ici l'éloge de la
fiévre , on croiroit fans doute , qu'à
l'exemple d'Erafme , qui a fait l'éloge de la
folie , & de quelques autres Ecrivains qui
ont loué ironiquement des chofes dont le
nom même eft odieux : on croiroit , dis-je,
que je voudrois amufer agréablement cette
illuftre affemblée , en préfentant fous -de
belles couleurs la chofe du monde la plus
hideufe , l'ennemi déclaré du genre humain
, le tyran de la vie des hommes.
Mais ce qu'on croiroit que je voudrois
faire ici d'une maniere ironique, de grands
Médecins l'ont exécuté férieuſement , en
exagérant dans certains cas les avantages
de la fiévre , en la repréfentant toujours
comme la feule reffource de la nature dans
le plus grand nombre des maladies , comme
le moyen le plus folemnel dont elle
faffe ufage pour leur guérifon ; en foûtenant
enfin dans des Théfes publiques , que
E ij
Too MERCURE DE FRANCE.
la fiévre eft bien moins fouvent une ma
ladie qu'un remède à nos maux. Il est vrai
que d'autres Médecins , non moins habiles
, ont penfé bien differemment , &
que loin de regarder la fiévre comme
quelque chofe d'avantageux , ils l'ont confidérée
comme la plus cruelle de toutes
les maladies , & comme la caufe la plus
ordinaire de la mort des hommes . Ces
deux fentimens ont encore leurs partifans,
& perfonne , que je fçache , ne s'eft avile
de difcuter à fond , lequel des deux doit
être préferé. Ce n'eft pourtant pas ici une
queftion purement ſpéculative , & dont la
décifion foit indifferente pourla pratique.
On en jugera par ce Mémoire , où je me
propofe d'examiner férieufement cette
matiere , après avoir rapporté ce qu'on a
dit jufqu'ici de plus frappant en faveur de
la fiévre,
1. Hippocrate , parmi les anciens , a été
le premier qui a relevé , ce femble , les
avantages de la fiévre , en faifant remarquer
qu'elle eft d'un bon augure dans certaines
maladies , & qu'elle en termine
heureuſement bien d'autres. Quelquesuns
de ceux quifont venus après lui , n'ont
pas manqué à cet égard de fe prévaloir de
fon autorité. Ils ont été même plus loin.
Afclepiade ofa bannir tous les remédes , &
MARS. 1750. 101
il ne craignit point d'avancer que la fiévre
étoit le principal reméde dont il fit ufage .
Enfin Celfe ne fe contenta pas de dire que
la fiévre elle- même étoit fouvent d'un
grand fecours ; il ajouta auffi , d'après Hip.
pocrate , qu'il étoit quelquefois de la prudence
du Médecin de la procurer aux
malades.
2. Parmi les modernes , Sydenham , l'un
des plus habiles Praticiens Anglois du dernier
fiécle , a regardé la fiévre comme l'u
nique moyen , dont la nature eût coûtume
de fe fervir pour chaffer hors du corps la
cauſe matérielle des maladies , mais celui
qui vers la fin du fiécle pallé , & au commencement
de celui-ci , s'eft déclaré le
plus ouvertemeift en faveur de la fièvre ,
a été le célébre M. Stahl , que la plûpart
des Médecins Allemands regardent comme
le reftaurateur de la Médecine . Cet Auteur
a même pouffé fa complaifance pour
la fiévre , jufqu'à taxer d'erreur Hippocrate
, lorfqu'après avoir fait l'énumeration
des maladies , que les anciens appelloient
aigues , ce Prince de la Médecine
ajoute * que c'eft la fièvre qui rend ordi-
,
nairement ces maladies mortelles .
Pour lui , il penfe qu'il eft plus clair
* DeVict, acutor.
E iij
102 MERCURE DEFRANCE.
que le jour , que ces mêmes maladies , ou
ce qui eft , dit-il , le même , les ftafes inflammatoires
du fang dans les vifcéres
abandonnées à elles-mêmes & fans l'intervention
de la fièvre , tuent néceffairement ,
& il ajoute que la nature par elle- même
ne peut prévenir autrement une pareille
cataſtrophe , qu'en diffipant à propos ces
fortes de ftafes , & qu'elle ne peut les diffiper
qu'en augmentant confidérablement ,
& pendant un tems fuffifant le mouvement
progreffif ou circulaire du fang , ce
qui emporte néceffairement une augmentation
de poulx , qui eft toujours fitivie
d'une augmentation de chaleur par tout
le corps , laquelle augmentation de chaleur
, à un certain degré & d'une certaine
durée , s'appelle fiévre . D'où il conclud
qu'on a grand tort de regarder la fièvre ,
comme la feule maladie & comme la cauſe
principale de la mort , tandis qu'elle eſt
au contraire l'unique fondement d'une
heureufe efpérance , & le feul inftrument
de la guérifon : ce qu'il tache de prouver
par la pefte , ce coryphée des maladies - aigues
, laquelle felon lui , n'étant point
proprement de fon effence une fiévre , ne
peut être traitée heureufement & avec fuccès
, qu'en lui oppofant une fiévre douce ,
égale & continue.
MARS. 1750. 103
3. Les Difciples de M. Stahl ne font
pas moins prévenus que lui en faveur de la
fiévre. Le fçavant funcker la définit un
effort falutaire de la nature , qui par des
mouvemens fecrétoires & excrétoires ,
portés au delà de leur degré naturel , mais
affez justement proportionnés à la quantité
& à la qualité de la caufe fébrile , fe
propofe , ou de corriger ou d'éloigner du
corps quelque matiere morbifique : & il
ajoute qu'en ce fens on peut fort bien déri-
Iver le mot Latin febris , de l'ancier verbe
februare , qui fignifie purifier ou expier , &
particulierement de ces cérémonies folemnelles
, de ces facrifices appellés februa ,
par lefquels on avoit en vue d'éloigner
des maifons les ombres errantes des morts,
& d'ôter les caufes des maladies. D'où il
- conclud que l'efter de la fièvre est toujours
falutaire , mais que fon évenement eft fouvent
irrégulier ou tout- à- fait funefte , non
par la faute effentielle de la fiévre , mais
par celle du fujet où la fièvre ne peut pas
librement faire fon cours , ou par d'autres
maladies qui s'y joignent , & qu'ainfi ce
n'eft pas par la fiévre , mais avec la fièvre
qu'on meurt. Il y a plus. Il prétend que
les fiévres , qui font librement leur cours ,
Haiffent après elles une fanté beaucoup
plus vigoureufe , que celle dont on jouif-
E iiij
104 MERCURE DE FRANCE.
foit avant la maladie . Nenter tient le même
langage.
4. Mais M. Stahl , & fes Difciples , ne
font pas les feuls qui parlent avantageufement
de la fiévre . M. Boerhaave prétend
auffi que la fiévre eft un heureux inftru
ment , par lequel la nature opére la guérifon
parfaite de bien des maladies aigues
& chroniques , d'ailleurs incurables :
qu'un Médecin qui fe fert de la fièvre que
la nature excite , & qui lui affocie des délayans
& de doux fondans , fait toujours
des merveilles , & qu'un Médecin qui
connoît la nature & qui l'imite , aide cette
même nature , trop foible pour furmonter
des maladies chroniques , en procurant par
des remédes une fièvre qu'elle n'a pas la
force d'exciter elle-même , & que par cette
fiévre bien ménagée on releve une nature
abbattue , & on furmonte les maladies
les plus rebelles.
5. M. Hoffman ( Frederic ) ne paroît
guéres moins prévenu en faveur de la fiévre.
D'abord il convient de bonne foi ,
que c'eft un mouvement contre nature du
fang & des humeurs , qui dérange & détruit
même les fonctions du corps & de
l'ame ; qui corrompt les fucs vitaux , épuife
les forces , difpofe aux maladies chroniques
, & donne fouvent la mort . Mais
MARS. 1750. 105
en même tems il ajoute que le mouvement
fébrile du fang , qui fe joint à beaucoup
de maladies aigues & chroniques ,
eft d'une telle nature & d'un tel caractére,
.qu'il contribue à furmonter & détruire lés
caufes des maladies , & par conféquent
qu'il eft plutôt avantageux & falutaire que
préjudiciable au corps humain . C'eft en
quoi , s'écrie- t'il , l'Auteur de la nature eft
d'autant plus admirable puifqu'il fait >
fervir la caufe même de la mort à la confervation
de la vie.
Cet Auteur n'attribue la fiévre qu'à des
effers purement méchaniques , qui ne font
point avantageux par eux-mêmes , mais
feulement par accident , en faifant fortig
les impuretés qui la caufent ; de même
que le vomiffement , quand l'eftomach eſt
chargé , & l'hémorragie dans la pléthore ,
quoiqu'ils foient des accidens maladifs ,
quelquefois mortels , opérent le rétabliſſement
de la fanté.
I
Quant à la fiévre , elle ne devient , ditil
, falutaire , que parce qu'elle accélére la
coction de la matiere morbifique , c'eſtà-
dire , qu'elle la rend propre à l'excrétion
, ce qui fe fait de deux manieres , en
divifant les matieres épaiffies , & en ouvrant
les vaiffeaux obftrués ou refferrés
par les fpafies. Or rien n'eft plus propre
Ev
106 MERCURE DE FRANCE.
que la chaleur de la fiévre pour produire
ces effets , car la vie confifte dans la chaleur
, n'eft- il pas naturel que fon augmen.
tation répare la langueur de fon principe.
D'où il conclud qu'il eft dangereux , fouvent
mortel , de faire tous fes efforts dans
le commencement des maladies , pour
anéantir tout-à- fait la fiévre , à moins
qu'elle ne foit entierement fymptomati
que. Il faut fe contenter , dit- il , de modé
rer les fiévres critiques , fi elles font trop
fortes , mais il faut les animer , fi elles ne
le font pas affez.
pour
6. Enfin à tous ces Panégyriftes de la
fiévre s'eft joint encore depuis peu un fçavant
Médecin de l'Ecole de Paris . D'abord
cet Auteur ne veut point qu'on appelle
maladie ce que fait la nature
corriger ou pour chaffer hors du corps la
caufe du mal , & pour rétablir une fanté
délabrée puis il ajoute que la maladie
n'étant qu'une difpofition contre nature ,
qui dérange immédiatement & par ellemême
les fonctions du corps vivant , tout
ce qui ne produit pas cet effet , ne doit pas
être mis au rang des maladies .
Au refte , dit-il , qu'on ne croye pas que
ce n'eft ici qu'une queftion de nom , car
on en tirera bien des conféquences trèsutiles
pour la pratique. En effet , s'il eft
1
MARS. 1750.
107
bien prouvé que la fiévre eft plutôt un reméde
qu'une maladie , il s'enfuivra qu'il
ne faut point l'emporter , mais ( nouveauté
étrange ! ) qu'il faut quelquefois l'allumer
; qu'il ne faut pas la diminuer , mais
l'augmenter ; qu'il ne faut pas l'éteindre
mais la conferver. Après cette digreffion ,
l'Auteur continue ainfi . Nous ne fommes
pas plutôt atteints de quelque indifpofition
, que la nature excite d'abord là fié …..
vre. Mais à quel deffein ? Eft.ce pour
ajouter un nouveau mal au premier ? Point
du tout . La nature ne travaille point à
nons détruire , elle veille au contraire à
notre confervation , & ne manque pas de
venir à notre fecours . C'eft donc envain
qu'on cherche la caufe de la fiévre ; il faut
chercher la caufe des differens maux qu'elle
accompagne, C'eft uniquement à cette
caufe qu'il faut remédier. Mais quelles
font les principales caufes des maladies ?
Des inflammations , des obftructions , des
matieres vifqueufes , gluantes , arrêtées en
differentes parties du corps . Or pour corfiger
ou pour détruire ces caufes , quel
reméde plus efficace que la fiévre ? Dans
la fiévre le mouvement & la chaleur du
fang font portés au - delà de leur dégré
naturel. C'eft le mouvement & la chaleur
qui nous font vivre. C'eft à ces agens qu'il
E vi
108 MERCURE DE FRANCE.
faut rapporter tout ce qui fe paffe dans
l'homme , & tant que les fonctions nefont
point lézées , ils fuffident l'un & l'autre
dans leur état naturel pour perpétuer la
vie : mais s'il le forme quelque embarras ,
alors la fièvre , par des mouvemens fecrétoires
& excrétoires , pouffés au -delà de
leur dégré naturel , brife , attenue la matiere
morbifique , & la ramène à fa température
naturelle , ou par le fecours de la
chaleur elle prépare cette matiere & la
chaffe au-dehors.
Enfin après une longue énumeration des
maladies , qu'il croit que la fiévre peut
guérir ; après avoir obfervé que ceux - là
fe trompent groffierement , qui par des
faignées & d'autres remédes tâchent de
l'appaifer , il conclud que la fièvre , loin
d'être une maladie , eft un reméde naturel ,
comme le vomiffement , l'éternuement ,.
la toux , les larmes , les déjections ; que
la meilleure fiévre eft celle qui eft proportionnée
à la caufe de la maladie & aux
forces de la nature , & que c'eſt celle - là
qui prépare & chaffe fûrement & promp
tement la matiere morbifique.
7. En voilà fans doute bien aſſez pour
prouver que de grands Médecins ont loué
férieufement la fiévre, & que loin de la re
garder comme une maladie , ils l'ont enMARS.
1750. 109
vifagée comme le plus grand reméde que la
nature puiffe apporter à nos maux. Maintenant
il ne me feroit pas difficile de faire
voir que bien d'autres Médecins , non
moins habiles , ont eu fur la fiévre des
idées tout-à- fait oppofées , & que nonfeulement
ils l'ont regardée comme une
maladie qui s'attaque généralement à tout
le corps , mais encore comme la plus fréquente
& la plus dangereufe de toutes les
maladies. Il n'y auroit qu'à rapporter ce
que le plus grand, nombre de Médecins
anciens & modernes nous ont laiffé fur ce
fujet. Mais pour ne pas trop groffir ce
Mémoire , nous nous contenterons d'examiner
la chofe en elle-même , & fans aucun
égard à l'autorité de ceux qui nous
ont précédés , & par ce moyen nous tâcherons
de découvrir fi la fiévre ' eft réellement
ou non une maladie , & s'il eft du
devoir du Médecin de la combattre ou de
la conferver , & de l'appeller même à ſom
fecours.
8. Pour garder quelque ordre dans cet
examen , nous confidérerons d'abord la
fiévre indépendamment de tout vice , foit.
humoral , fait organique : enfuite nous
examinerons celle qui dépend du vice des
humeurs , ou des organes , ou de l'enfemble
des uns & des autres : enfin nous rap116
MERCURE DE FRANCE.
porterons les principaux effets de ces differentes
fortes de fièvres , & on verra parlà
, fi on doit regarder la fièvre comme
une maladie ou comme un remède à nos
maux .
9. Que la fièvre s'éleve quelquefois indépendamment
de tout vice humoral ou
organique , c'est ce qu'ont reconnu Pitcarne
, Boerhaave & Vanfwieten , & c'est ce
que l'expérience nous montre affez fouvent.
En effet on voit la fièvre s'allumer
quelquefois dans les corps les plus fains
par la feule action des cauſes externes ou
procatharctiques , & l'on comprend aifé
ment que tout ce qui peut accélerer à un
certain point le mouvement du fang qui
revient au coeur par les veines , ou pouffer
conftamment vers le coeur une plus grande
quantité d'efprits animaux , peut exciter
la fiévre dans le corps le plus robufte & le
plus fain , avant qu'on puiffe foupçonner
d'autre vice dans les humeurs ou dans
les organes , que la feufe accéleration du
mouvement du fang ou des efprits animaux
, & le battement plus fréquent du
coeur & des artéres. C'eft du moins ainfi
que de grands & longs travaux , fürtout
dans une faifon fort chaude , de violentes
& longues paffions de l'ame , furtout des
excès de colére dans des gens jeunes &
MARS 1750. FIE
vigoureux , occafionnent fouvent la fiévre
.
10. Et qu'on ne dife point que cette
violente agitation du fang , que ces violens
& fréquens battemens du coeur & des
artéres , ne peuvent point , à proprement
parler , être appellés du nom de fievre ,
puifque tout cela difparoit quelquefois
promptement , dès que la caufe externe ou
occafionnelle ceffe d'agir. Car pourquoi
ne leur donneroit-on pas ce nom- là ? Une
fiévre d'un quart- d'heure eft-elle moins
fiévre , qu'une fiévre de vingt- quatre heures
ou de plufieurs jours ? D'ailleurs , fi
cette caufe occafionnelle conftamment appliquée
fur un corps , même très -fain , continue
d'agir pendant un certain tems , ne
s'enfuivra-t'il pas une fiévre continue , &
fouvent très-ardente ? Et le commence
ment de ce mal , avant qu'il fe foit développé
une matiere fébrile , fera-t'il moins
fiévre que la fuite de ce même mal , lorfqu'il
s'eft formé des embarras dans les vaiffcaux
, ou qu'il s'eft développé une mathere
fébrile ?
Il y a plus. On peut fi peu refufer le
nom de fiévre à ces fréquens battemens
du coeur & des artéres , & à cette violente
agitation du fang , caufée par des excès de
colere ou par de violens exercices , qu'il
#12 MERCURE DE FRANCE.
arrive quelquefois que les vaiffeaux capil
laires du cerveau , ou de quelqu'autre vifcére
, dont le calibre ou la capacité augmente
en raifon compofée de la directe
du volume & de la rapidité du fang , &
de l'inverfe de leurs réfiftances , crévent
promptement par la feule diftenfion de
leurs parois , & qu'il fe fait des extravafations
mortelles , avant que les humeurs
ayent eu le tems de fe dépraver , & que les
vaiffeaux ayent pû s'embarraffer.
fes
11. On dira peut-être que la fièvre ,
n'étant qu'an dérangement durable des
fonctions , & que les fonctions ne pouvant
être long-tems dérangées par une cauſe
externe , l'agitation du fang occafionnée
par une cauſe externe ne peut être qua
lifiée du nom de fiévre . Mais ne fuffit- it
pas que les fonctions du coeur foient dérangées
pendant un certain tems , que
battemens foient & plus forts & plus fréquens
que dans l'état naturel , pendant ce
même tems , pour que l'effet de cette caufe
externe foit appellée fiévre , avant même
que les humeurs foient dépravées ? Autrement
il ne faudroit pas non plus appeller
fiévre le dérangement caufé dans les fonctions
du coeur par le vice de quelque organe
, par la piquûre d'un nerf ou d'un
tendon , &c. & il faudroit entierement
MAR S. 1750. Its
bannir de la claffe des fiévres les fièvres
non-humorales , dont M. Fizes a le premier,
que je fçache , traité expreffément , ce qui
feroit ridicule , puifqu'il en résulte quelquefois
affez brufquement des accidens
terribles , des convallions , des délires ,
& c.
12. Il eft donc certain que la frévre peat
être excitée par une caufe externe , & indépendamment
de la dépravation des hu
meurs ou du dérangement des organes.
Voyons maintenant quels font les effets
de cette fiévre. Premierement , le fang
ne peut circuler avec beaucoup plus de rapidité
qu'à l'ordinaire , qu'il ne s'échauffe
davantage , & qu'il ne communique beau
coup plus de chaleur à tout le corps . 2. Il
doit diftendre outre mefure les parois des
vaiffeaux par où il paffe & les faire créver,
ou du moins les tirailler au point de caufer
des douleurs à la tête , àla région des
reins , & c. ou des délires , des convuk
fions , &c. 3. Les orifices des artéres lym
phatiques doivent fe dilater , & recevoir
dans leur cavité les globules rouges du
fang qui ne pouvoient y entrer aupara
vant , ce qui ne peut manquer de produire
des rougeurs & des inflammations. 4 .
Toutes les humeurs doivent s'épaiffir ,
foit par la chaleur qui fait évaporer ce
114 MERCURE DE FRANCE.
qu'elles.contiennent d'aqueux , & qui fige
tout ce qu'elles ont d'analogue au blanc
d'oeuf , foit par les coups redoublés des
vaiffeaux qui les fouettent , les ferrent &
les condenfent. 5. Les fécrétions doivent
être interrompues , & les digeftions dérangées.
6. Les humeurs doivent contracter
une acrimonie , capable de ronger les
vaiffeaux où elles doivent fe putréfier &
fe diffoudre entierement. En un mot, il
doit fe former une ou plufieurs caufes internes,
capables d'entretenir la fiévre , lors
même que la caufe externe aura ceffé d'a
gir , & alors cette fiévre aura tous les effets
que doivent avoir les fiévres produites par
des caufes internes. Mais avant que d'aller
plus loin , examinons fi cette premiere efpéce
de fiévre doit être confidérée plutôt
que comme une malacomme
un reméde
die.
i 13. D'abord il eft vifible que cette fie
vre n'eft point un remède , puifqu'un reméde
fuppofe une maladie à laquelle il
doit être appliqué , & qu'an eft convenu
qu'il n'y avoit point ici de maladie , à la
quelle cette fiévre dût fervir de reméde. 2 °.
On fçait qu'un reméde doit tendre à réta
blir la fanté , & on vient de voir que cette
fiévre tend à la détruire , ou ce qui eft le
même , tend à produire des caufes de n
MARS. 1750. ris
que
ladie & de mort. Il eft vifible auffi
cette fiévre eft une véritable maladie
avant même la dépravation des humeurs
& le dérangement des organes , puifqu'el- .
le dérange notablement les fonctions du
coeur & du cerveau , & que fi on veut
qu'elle ne foit plus une maladie , mais un
fymptôme , lorfque les humeurs font dépravées
& les organes dérangés , il faudra
du moins qu'on convienne qu'elle eft une
caufe de cette dépravation des humeurs
ou de ce vice des organes , & qu'une cauſe
immédiate de maladie ne peut pas être
qualifiée du nom de reméde. D'où il fait
que la fiévre produite par une caufe externe,
loin d'être quelque chofe d'avantageux,
doit toujours être confidérée comme un
grand mal , ou du moins comme la caufe
de tous les mauvais effets que nous avons
rapportés ci-deffus , & qu'ainfi , loin de
conferver cette fiévre , il faut la détruire
au plutôt.
14. On conviendra fans doute que
cette févre n'eft point avantageufe , & on
ajoutera qu'elle doit être regardée comme
une erreur de la nature qui ſe tourmente
inutilement , pour éloigner du corps des
chofes qui n'y font point contenues , mais
qui font fur lui le même effet que les caufes
intérieures : qu'à la vérité la nature fe
,
116 MERCURE DE FRANCE.
trompe ici dans la fin qu'elle fe propofe ,
mais que le moyen dont elle fe fert , eft
bon en lui -même , & ne manque pas de
produire un bon effet , lorfqu'il eft bien
appliqué. Mais il eft aifé de voir que ce
n'eft ici qu'un vain fubterfuge , & que les
mêmes idées reftent fous des noms differèns.
Car qu'on donne à cette fiévre le
nom de maladie ou d'erreur de la nature ,
il n'en fera pas moins vrai de dire qu'il
faut ôter cette maladie ou corriger cette
erreur , & avoir recours à d'autres remé
des que la fièvre , pour remédier à cette
maladie , ou pour corriger cette erreur de
la nature
,
15. Il faut donc que l'on convienne que
cette tfpéce de fiévre eft un moyen mal
appliqué par la nature , puifqu'il n'y
point dans le corps d'autre maladie ou de
caufe de maladie , & que loin d'être avantageufe
& falutaire , cette fiévre ne peut
être que très pernicieufe , & même fu
nefte par les hémorragies ou les extravafations
qu'elle peut caufer , on par les inflammations
qu'elle peut occafionner , ou
par bien d'autres caufes des maladies
qu'elle peut faire développer. Il faudra
auffi par les mêmes raifons , que l'on convienne
que la fiévre non- humorale , ou purement
fymptomatique , la fièvre cauſée
MARS. 1750 . 117
par la piquûre d'un 'nerf ou d'un tendon
par un panaris , ou par une vive douleur
dans quelque partie à l'occafion d'une
caufe externe : il faudra , dis je , que l'on
convienne que cette fièvre ne fçauroit
être avantageufe , & que loin d'être un
reméde , elle eft fouvent une caufe de
mort. Il feroit fans doute inutile de
vouloir prouver une chofe auffi évidente
que celle- là. H ne nous refte qu'à voir fi
la fiévre produite par des caufes internes ,
ou par la dépravation des humeurs , eft
plus avantageufe que nuifible , & fi ·elle
doit être regardée plutôt comme un reméde
que comme une maladie . Car fi je
fais voir , comme je l'efpére , que la fièvre
caufée par la dépravation des humeurs
n'eft jamais falutaire , il s'enfuivra néceffairement
que la fiévre produite à la fois
par la dépravation des humeurs , & par le
vice de quelque organe , fera encore moins
avantageufe , & ne pourra jamais paffer
pour un reméde.
16: Les caufes internes des fièvres humorales
fe réduire à celles qui fe peuvent
forment , ou dans les premieres voies , ou
dans les voies de la circulation , ou hors
des voies de la circulation . Mais quelles
foient leurs caufes , il eft d'abord évident
que ces fièvres doivent être regar
IIS MERCURE DE FRANCE.
dées comme de funeftes effets de ces caufes
, des effets qui tendent à renverſer entierement
l'économie animale , & à trancher
le fil de la vie , & des effets par conféquent
aufquels on doit s'oppofer par
tous les moyens que l'Art a pu découvrir
jufqu'ici, foit en emportant tout à la fois la
caufe & l'effet , lorsque cela fe peut , foit
en diminuant promptement l'effet qui re
produit & augmente la caufe , foit en détruifant
peu à peu la caufe & l'effet . Et il
feroit inutile de dire que ce ne font point
ces caufes qui excitent la fièvre , que c'est
la nature qui l'appelle à fon fecours pour
s'opposer à ces caufes , car il en résulte
toujours que ce n'eft qu'à l'occafion de ces
caufes que la fièvre s'allume , & que fi
elle n'en eft pas l'effet immédiat , elle en
eſt du moins l'effet médiat , ce qui revient
ici au même.
17. Nous ne nous arrêterons point à
expliquer de quelle maniere la fiévre s'allume
à l'occafion des cauſes internes dont
on vient de parler ; ceux qui voudront s'en
inftruire , n'auront qu'à lire le Traité des
fiévres, que M. Fizes a donné en Latin , en
attendant que la Traduction que nous
avons entrepriſe de ce Traité foit en état
de paroître. Quant à préfent il nous fuffira
de faire remarquer que de quelque
MARS. 1750, 119
caufe , foit interne , foit externe , que
vienne la fiévre , c'est toujours un mouvement
déréglé des humeurs & des organes ,
& que les effets de ce mouvement contre
nature font toujours à peu près les mêmes ,
que ceux qui ont été rapportés ci -deſſus *
Il ne nous refte donc qu'à examiner , fi ces
effets font plus propres à détruire les caufes
internes qui produifent , ou occafionnent
la fiévre , qu'à les entretenir & à les
augmenter.
8. Si la caufe interne , ou la matiere
qui produit la fièvre, eft en petite quantité,
mobile , peu acide on peu âcre , peu vifqueufe
, & qu'elle foit contenue dans les
premieres voies , ou dans les voies de la
circulation , l'agitation du fang & l'ofcillation
des folides s'appaiferont bientôt par
l'expulfion de cette matiere , qui ne manquera
pas de le faire , ou par le vomillement
, ou par la fueur , ou par des déjections
, & la fiévre ceffera au bout de vingtquatre
heures , comme on le voit dans la
fiévre éphémère. CCaarr mmooiinnss iill y aura de
matiere morbifique, & cette matiere moins
vifqueule , moins acide ou moins âcre ;
moins il y aura de nourriture pour la fiévre
, moins de travail pour la nature , &
* V. n°. 12.
120 MERCURE DE FRANCE.
moins d'obſtacles à la guériſon. Mais eftce
à la fièvre qu'on eft redevable de cette
guérifon Point du tout, C'eft à la nature
& aux évacuations qu'elle procure,
Car dans l'état de maladie , comme en
fanté , la nature ou ce concours des cau-
Les qui agiffent continuellement pour l'entretien
& la confervation de notre machine
, ou , ce qui revient au même , ce
mouvement réciproque de nos parties fo
. lides & fluides, qui dure autant que la vie,
& en quoi confifte la vie du corps ; ce
mouvement, dis-je , ne ceffe jamais de procurer
des évacuations , foit par les urines,
foit par la tranfpiration cutanée , foit par
les fécrétions qui fe font dans l'eftomach
dans le foie , le pancréas , les inteſtins , &c.
Et c'est par ces évacuations que fort la ma
tiere fébrile , & que la fiévre fe diffipe,
Qu'on ne dife point que la fiévre , n'étant
que ce même mouvement dont nous
venons de parler , mais porté à un plus
haut dégré que dans l'état naturel , il s'enfuit
que c'eft la fiévre qui guérit ellemême
par les évacuations que ce mouyement
procure, Car , quoiqu'il foit vrai
que dans l'état de maladie la nature foit
obligée de redoubler les efforts pour vaincre
les réfiftances que lui oppofent les cau-
Les morbifiques , pour broyer & affiner
des
MARS. 121 1750.
des humeurs ordinairement plus groffieres
que dans l'état naturel , cependant ce n'eft
pas alors que fe fait la dépuration des humeurs
; au contraire pendant ce redoublement
d'efforts , & tant que la fièvre eft
dans fa vigueur , tout eft en confufion dans
le fang : il ne fe fait ,point , ou prefque
point de fécrétions , & ce n'eft que lorf
que ce mouvement contre nature vient à
fe rallentir , que les humeurs commencent
à fe dépurer , & que les évacuations arrivent
. D'où l'on voit que la fièvre eft plutôt
un obſtacle qu'un fecours , à ces évacua-
Lions.
19. Convenons toutefois , que quoique
ce ne foit point ici la fiévre qui fe guérit
elle-même , mais bien la nature , qui n'en
ayant pas été fort accablée , a pouffé audehors
la matiere morbifique par les mêmes
voies , par lesquelles elle fe décharge
en fanté des humeurs inutiles ou ſuperflues,
cependant on n'a pas eu dans cette occafion
fort à craindre des effets de cette
fiévre , l'altération qu'elle a produite dans
les humeurs & dans les organes , n'ayant
été que peu confidérable & de peu de durée.
Mais il n'en eft pas de même , lorfque
la caufe interne , ou la matiere qui caufe
la fiévre ,fe trouve en plus grande quantité,
moins mobile , plus acide ou plus âcre ,
F
122 MERCURE DEFRANCE.
plus vifqueufe & plus hétérogene dans fes
parties : alors l'expulfion de cettte matiere
devenant d'autant plus difficile , que fes
qualités s'éloignent plus de celles que nous
avons d'abord confidérées , les effets de la
fiévre feront d'autant plus à redouter , que
la fiévre durera plus long-tems , & ces effets
, loin de détruire la caufe qui produit
la fièvre , font beaucoup plus propres à
l'entretenir & à la rendre irrémédiable , ſi
l'Art ne vient au fecours de la Nature.
20. Il feroit trop long d'examiner ici
en détail tous les effets de la fièvre , que
nous avons rapportés ci - deffus. Pour ne
pas vous ennuyer , Meffieurs , je me bornerai
à ceux qu'elle produit fur les humeurs
, & qui font les feuls que les partifans
de la fièvre , regardent comme avantageux.
Car vous jugez bien que le dérangement
des digeftions , l'interruption des
fécrétions , l'engorgement des vaiffeaux
leur ruption ou leur érofion , les douleurs
aigues , les délires , les convulfions , & c.
n'ont jamais été regardés comme des effets
avantageux , quoiqu'ils foient des
fuites ordinaires de la fievre. Mais quel eft
cet effet avantageux que la fièvre peut produire
fur les humeurs ? C'eft , dit- on , de
cuire la matiere morbifique qui s'y eft mêlée
, & de la difpofer à l'excrétion .
MARS . 1750. 123
Il est vrai que la fiévre , lorfqu'elle n'eft
pas violente , aide quelquefois un peu la
coction de cette matiere , furtout lorfqu'elle
eft d'une nature à épaiffir le fang ,
mais outre que dans ce cas même le fecours
de la fiévre est toujours fufpect & fouvent
funefte , ainfi qu'on va le voir , elle ne
peut guéres favorifer la coction - de cette
matiere , lorfqu'elle eft d'une nature à raréfier
le fang & à irriter les folides , ou
qu'elle eft compofée de telle façon , qu'elle
agiffe d'une maniere irréguliere fur lui , &
qu'elle en épaiffiffe certaines parties, tandis
qu'elle en liquefie d'autres , ou qu'elle eſt
enfin fi vifqueufe & fi adhérente aux humeurs
, avec lesquelles . elle s'eft mêlée ,
qu'elle n'en peut être détachée par tous les
efforts des fluides & des folides.
21. Comme dans l'état naturel le mouvement
réciproque de nos parties folides
& fluides procure la dépuration de nos
humeurs , en agitant doucement les fucs
qui s'y mêlent pour les réparer , en les
faffant , & les attenuant au point qu'il
convient , afin que les parties de ces fucs ,
qui ne doivent point fervir à la nourriture
, puiffent enfiler leurs couloirs & fe
porter au-dehors ; de même dans l'état
contre nature , dans la fièvre , ce mouvement
augmenté , mais feulement juſqu'à
F ij
124 MERCURE DE FRANCE .
un certain point , car lorfqu'il l'eft exceffivement
, il bouleverſe tout , & renverſe
entierement l'économie animale ; ce mouvement
, dis - je , attenue , brife , liquefie
la matiere fébrile , lorfqu'elle n'eft qu'épaiffiffante
, en un mot , la cuit , pour ainfi
parler , & la difpofe à l'excrétion . Mais
dans ce cas même , le fecours que procure
la fiévre , doit toujours être regardé comme
fort fufpect , car outre les autres effets
qui peuvent s'enfuivre de ce mouvement
déréglé , & que nous avons rapporté cideffus
, l'obfervation a fouvent appris aux
plus habiles Praticiens que j'ai confultés ,
foit de vive voix , foit dans leurs écrits ,
que ce mouvement abandonné à lui -même
étoit prefque toujours infuffifant pour
la
coction & l'excrétion totale de la matiere
fébrile , & qu'il étoit ordinairement fuivi,
ou d'une fièvre lente , ou de quelque abfcès
qui fe formoit , ou dans les articulations
, ou dans les glandes lymphatiques
conglobées de l'habitude du corps , ou dans
les chairs mufculeufes , ou , ce qui eft encore
pire , dans quelque vifcére , ce qu'il
feroit même aifé de prouver par théorie ,
fi cela ne menoit pas trop loin.
22. Mais fila matiere fébrile eſt d'une
autre nature , qu'elle foit propre à raréfier
le fang & à irriter les folides , ou qu'elle
MARS. 1750.
125
foit fi vifqueufe & fi hétérogéne qu'elle
élude les efforts des folides & des fluides ,
alors tous les mouvemens fébriles , nonfeulement
fe feront en pure perte , mais
ils tendront encore à la deftruction de tout
le corps , & loin de contribuer à l'expulfion
ou à l'amandement de la caufe , ils en
fortifieront au contraire l'action , qui fera
fuivie de tous les funeftes effets rapportés
ci - deffus . Car on obferve conftamment
que plus l'action des folides & des fluides
augmente , plus l'action des matieres irritantes
, & capables de raréfier le fang ,
augmente auffi , ce qu'il feroit aifé de
prouver , s'il nous étoit permis d'entrer
dans un plus grand détail. Mais en voilà ,
je crois , affez pour faire comprendre que
c'eft fans aucun fondement que quelques
Médecins font des éloges fi magnifiques
de la fièvre ; que dans le fond on n'a aucun
avantage à attendre de cet inftrument
fi vanté , ou du moins que ces avantages
font très-fufpects , & fuivis d'inconvéniens
réels & fort à redouter , & qu'ainfi on ne
doit pas balancer à combattre la fiévre ,
dès qu'elle eft bien déclarée , par tous les
moyens que l'Art fuggére à des Médecins
éclairés & prudens .
23. Envain oppofera- t'on que la fiévre
n'eft qu'un fymptôme , & qu'il n'y a que
F iij
126 MERCURE DE FRANCE.
que
la caufe qui la produit , qui foit la maladie
qu'il faut combattre , car fi eela étoit , il
n'y auroit point non plus d'autres mala
dies , & il ne faudroit reconnoître pour
maladies les cauſes internes qui les
produifent , ou pour mieux dire , il faudroit
bannir de la Pathologie le mot de
maladie , & ne fe fervir que des noms de
caufes & de fymptômes ; ce qui feroit ridicule
, & fe réduiroit tout au plus à une
difpute de nom . Cependant comme une
cauſe interne produit un premier fymptôme,
& que ce fymptôme en améne d'autres
, il eft bien plus raifonnable de regar
der comme maladie le premier & le principal
fymptôme qui naît de la caufe , & de
ne donner le nom de fymptôme qu'aux
autres accidens qui s'y joignent & qui l'ac
compagnent. Mais que ce qui réfulte de
la caufe interne de la fiévre , foit appellé
maladie , ou effet , ou fymptôme , c'eſt de
quoi on s'eft peu embarraffé ici ; on a taché
d'examiner la chofe en elle- même , &
par un mûr examen on s'eft convaincu ,
que les avantages de la fiévre étoient imaginaires
, ou du moins très fufpects , & que
fes inconvéniens étoient toujours réels &
fort redoutables..
MARS . 1750. 127
EPITRE
A Mademoiselle de S..... à qui l'Auteur
avoit promis une chanfon.
P Efté foit du fatal moment ,
Ou je m'engageai follement
A vous montrer mon fçavoir faires
choifir un fujet ,
Je ne peux
Que la crainte de vous déplaire
N'arrête auffi -tôt mon projet.
Je voudrois , mais envain , éluder davantage ;
Il faut vous obéir , & je ne fçais comment.
Chanterai-je l'Amour , ce Dieu du fentiment ?
Il aime le libertinage ,
Et vous m'avez ordonné d'être fage ,
Quoique vos yeux parlaffent autrement.
Chanterai- je l'indifference ?
Hélas ! je n'ai pas ce fçavoir ;
Vous-même , Iris , fans le vouloir
M'en avez ôté la puiffance .
"
Que faire donc en cette circonftance ?
Si l'amour me donne le ton ,
Et que l'aimable Iris ne veuille pas l'entendre ,
Qu'elle ait la bonté de comprendre
Que tout le peut dire en chanfon.
Fiiij
128 MERCURE DE FRANCE.
洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗沉
DIALOGUE
Sur les Langues anciennes & les Langues
vulgaires , traduit de l'Italien de Speron
Speroni. Interloc. le C'. Bembo , Lazaro,
un Romain de la Cour du Pape.
B Em. J'apprends , mon cher Lazaro ,
que la République vient de vous
nommer à la Chaire de Grec & de Latin
dans l'Univerfité de Padouë , avec trois
cens écus d'appointement . J'applaudis
avec tous les amateurs des Lettres à un
choix qui va les tirer de la honteuſe mendicité
, dans laquelle elles languiffent depuis
fi long- tems ; j'en félicite l'Univerfité
de Padoue , qui trouve enfin en vous ce
qu'elle fembloit chercher en vain , & je
m'en rejouis avec vous comme votre ami ;
votre réputation eft un fûr garant des ſuccès
qui vous attendent dans cette nouvelle
carriere ; en un mot la clef des Sciences ne
pouvoit être remife en des mains plus en
état d'en faire ufage que les vôtres.
Laz. S'il m'eût été permis , Monfg. de
porter mes vûes fur un pofte auffi hono
rable , je l'aurois defiré , non pour pouvoir
étaler avec une vaine oftentation
MAR S. 1750. 129
le fruit de mes veilles & de mes travaux ,
mais pour faire connoître à toute la terre
le prix des Langues qui compofent mon
nouveau département. Quelle fatisfaction
plus douce & plus glorieufe que d'éclairer
l'Univers , & de le convaincre que les
Langues Grecque & Latine , fi long - tems
méprifées par ceux qui auroient dû les
adorer , font la route unique qui puiffe
conduire à la vraie gloire & à l'immorta-
Hité. Oui' , Monfg . je ne doute point qu'à
ma voix tous les hommes ne facrifient toutes
les études qu'ils fe font choiſies , à celle
de la Langue des Démofthénes & des
Cicerons.
Bem. Un tel projet eft digne de vous ;
il eft digne de ce fiécle : il femble que la
Providence , touchée des malheurs de l'Italie
, veuille enfin réparer fes pertes , en lui
donnant au lieu de fes Etats & de fes Villes
ruinées , ou occupées par les Ultramontains
, l'amour & la connoiffance des
Langues , qui femblent la foûtenir au milien
de la Barbarie, Le Grec & le Latin
Aeuriffent parmi nous ; l'Hebreu n'eſt plus
une Langue inconnue aux Italiens ; l'ancien
Tofcan lui -même , après avoir été
long- tems comme une plante aride & defféchée
, fe releve , reverdit , & porte de
nouvelles Aeurs , qui femblent nous pro-
F v
130 MERCURE DE FRANCE.
mettre de nouveaux Pétrarques & de nonveaux
Bocaces. En un mot , je penſe avec
Vous que l'étude des Langues va remettre
l'Italie dans la voie de l'immortalité.
Laz. Sans doute le Ciel touché de l'excellence
des Langues Grecque & Latine ,
a veillé avec une attention particuliere à
leur confervation mais quels foins
croyez-vous que méritent de fapart , & de
celle des hommes raiſonnables , des Lan
gues qui confondent avec la plus vile populace
ceux qui perdent leur tems à les
cultiver.
Bem. Je conviens avec vous que le Grec
& le Latin méritent plus d'être cultivés
que le Toſcan mais que le Tofcan ne mérite
que
le mépris , c'est ce que je ne puis
vous accorder après la douce expérience
que j'ai faite de fes beautés. Je ne parle
point de la Langue Hébraïque : l'Allemagne,
en l'adoptant , femble avoir aban
donné le Latin à l'Italie.
Laz. Au moins m'accorderez- vous ,
Mgr. que le Tofcan comparé au Latin
ne peut être regardé que comme une lie
infipide. C'eft le Latin gâté & corrompu
par la longueur du tems , par la violence
des Barbares & par notre propre lâcheté.
Ainfi préferer à l'étude du Latin l'étude
de la Langue vulgaire , c'eft , ou manquer
MARS. 1750.
131
de goût , & ne pas fçavoir difcerner le
bon , ou manquer de courage , & ne pas
embraffer le meilleur que l'on connoît.
A la bonne heure , laiffons au peuple fon
jargon vulgaire , & empêchons qu'il ne
profane les Langues fçavantes , mais que
les Sçavans s'interdifent l'ufage de la Langue
vulgaire , n'autorifant pas par leur
exemple & leur autorité l'infolence d'une
vile populace qui chérit fa barbarie , &
qui voudroit ériger en Art fon ignorance..
Le Rom. C'est -à- dire , Meffer Lazaro
que vous voulez exécuter le projet , qui fut
propofé l'année derniere par le fçavant
Romolo Amafeo dans une Harangue publi ..
que. Je me fouviens très-bien que nous
fortîmes tous de cette Harangue fi convaincus
de l'excellence de la Langue Latine
que chacun de nous auroit prefque préferé
d'être mort il y a quinze cens ans valet de:
Ciceron , à vivre aujourd'hui à la Cour
d'un Pape Tofcan.
Laz. Si je ne trouvois pas dans ceux:
qui vont prendre mes leçons , ces fenti .
mens , qui peut-être paroiffent ridicules :
à vous autres gens de Cour , je n'aurois
aucun fruit à en efperer , & j'abandonnerois
comme des efprits incurables, des gens
qui fe refuferoient à l'évidence. A mon
égard , j'aimerois mieux être Cicéron dans
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
la Tribune aux Harangues , que Jules de
Medicis fur la Chaire de Saint Pierre .
Le Rom. Combien d'hommes , mon
cher Lazaro , donneroient toutes les Langues
mortes & vivantes pour la plus mince
Seigneurie ! Sans penfer comme eux ,
mon efprit n'eft point encore affez épuré
pour fentir ce que le Grec & le Latin peuvent
avoir au- deffus des Couronnes & des
Thiares en un mot , je vois toujours une
très - grande difference entre le Sommelier
ou le Cuifinier de Démofthene & de Cicéron
, & un Monarque ou un Pape d'aujourd'hui.
Bm. Vous outrez la penfée de Meffer
Lazaro. En defirant de parler Latin com
me Cicéron , fes fouhaits tombent moins
fur l'idiome commun à cet Orateur & aux
Romains de fon fiécle , que fur l'éloquence
qui lui fut propre , & qui le rendit
le premier homme de fa République .
Vous penfez comme Meffer Lazaro , fi
dans le choix des dignités vous préferez
celles que vous devez à votre mérite & à
vous -même , à celles aufquelles vous ne
ferez appellé que par un choix aveugle
ou par droit de fucceffion. Il me femble
que fur la matiere que nous agitons , je
penfe plus fortement que vous , mais plus
foiblement que Meffer Lazaro : je ne don-
>
MARS. 1750. 133
nerois pas pour le Marquifat de Mantouë
le peu de progrès que j'ai fait dans l'étude
des Langues . Si Meffer Lazaro veut nous
développer les raifons de fon attachement
pour les Langues anciennes , vous conviendrez
vous - même que rien n'eft plus
raifonnable qu'un tel attachement.
Laz. J'y confens , en vous priant Mgr,
de m'abandonner la Langue vulgaire à laquelle
vous me paroiffez un peu trop attaché.
Bem. Je ne puis accepter cette condition ;
fouffrez au moins que lorfque vous attaquerez
la Langue vulgaire , je puiffe prendre
fa défenfe.
Le Rom. Voila l'ordre de la difpute reglé.
Meffer Lazaro peut commencer , je
n'exige de ma part que la permiffion de
vous interrompre , lorfque vos raifonnemens
feront au- deffus de ma portée .
Laz. Nous penfons , nous exprimons
nos idées , nous nous les communiquons ..
C'eft furtout par l'expreffion de fes idées ,
que l'homme eft diftingué des bêtes. La
pureté du langage & la beauté de l'expreffion
font une nouvelle perfection de la
nature hmaine , perfection qui met entre
les hommes ordinaires & l'homme qui
les poffede , la même difference que la
fimple parole met entre les hommes & les
134 MERCURE DEFRANCE.
bêtes. Or qui a jamais porté la pureté du
langage & la beauté de l'expreffion au
point où les ont portés les Grecs & les
Romains ? C'est ce qui a mis entre leur
Langue & les Langues barbares la même
difference qu'il y a entre les Langues barbares
& le langage des animaux. C'est cette
pureté de langage , c'eft cette beauté de
l'expreffion ,, qquuii du confentement de tous
les peuples a fait adjuger aux Grecs &
aux Romains l'empire de la parole. En effet
dans quel pays Homere & Virgile ne
font ils pas regardés comme les premiers:
Poëtes & les premiers modéles de la Poëfie
? Chez quelle Nation Démofthéne &
Ciceron ne font- ils pas les premiers Oratears
& les premiers modèles de l'Eloquence
? Les Florentins ne tariffent point
fur les louanges de Pétrarque & de Bocace ,
mais , de l'aveu même des Florentins , le
Pérrarque & le Bocace n'ont de rang à prétendre
qu'après les Poëtes & les Orateurs
que je viens de nommer. Ce fentiment
agréable , ce fentiment exquis que répand
dans l'ame la lecture de leurs ouvrages , &
qui femble l'élever au - deffus d'elle - même,
a réuni tous les fuffrages en leur faveur.
Le Rom. Ce fentiment dont vous parlez
n'eft pas attaché feulement à la lecture des
Quvrages des Anciens.Ce que Meller Lazar
MAR S.. 135 1750.
ro éprouve en lifant Homere & Cicéron
il me femble le fentir à la lecture de notre
Bocace. Lorfque je lis les Nouvelles de
Ruftic & d'Alibec , d'Alaciel , de Perron
nelle , & c . il me femble que Bocace s'em
pare de mon ame, & qu'il y excite une fenfation
fupérieure à tous les autres plaifirs
Cette efpece de raviffement ne feroit- il pas
plutot l'effet des objets préfentés par l'Aureur
, que de l'expreffion fous laquelle ils
font préfentés ?
Bem. La lecture d'Homere , de Virgile
de Bocace , dans des traductions , ne laiffe
aucun doute contre le preftige de l'expreffion
propre à chaque Auteur. Ainfi chaque
Langue exerçant chacune un empire féparé
fur l'ame , loin de refferrer l'étude des
Langues & de fe borner au Grec & au Latin
, il fuffit que la Langue Tofcane puiffe
exciter ces fenfations dont nous parlons ,
pour qu'elle mérite d'être cultivée .
Laz. Quand le Toſcan aura fes Homeres,
fes Virgiles , les Cicérons , je conſeillerai
que dans les études elle aille de pair
avec le Grec & le Latin , mais en vain attendroit-
on de tels prodiges d'une Langue
barbare , ſtérile , fans harmonie & qui fera
toujours incapable de fe préter aux effors
des grands Poëtes & des grands Orateurs.
Qu'attendre d'une Languefans noms
136 MERCURE DE FRANCE .
déclinables , fans conjugaisons , fans participes
, & dont tout le mérite , fuivant fes
plus zelés partifans , confifte à s'éloigner
du Latin ? Cette derniere raifon fuffit feule
pour démontrer fon impuiffance, digne de
la honte de fon origine qu'elle doit à la
Barbarie . C'eſt à des Gaulois , c'eſt à des
François , c'est en un mor à des Provençaux
qu'elle doit non feulement fes noms ,
fes verbes & fes adverbes , mais encore les
régles & les plus brillantes figures de fon
Eloquence & de fa Poëfie. Langue illuftre ,
de quelque nom qu'on l'appelle , l'Italien
eft le dernier qu'on puiffe lui donner . Née
au - delà des Montagnes & des Mers qui
enferment l'Italie , elle eft moins l'ouvrage
des François que des Huns , des Goths,
des Vandales , des Lombards & de toutes les
Nations barbares, qui toutes ont laiffé dans
la Langue d'Italie quelques mots de leur
jargon, comme des monumens de leurs exploits
& de la lâcheté des Italiens. Au milieu
d'une telle confufion , en vain attendons
-nous des Homeres & des Cicérons ;
renvoyons plutôtà ces Colonies que les Barbares
ont laiffées dans notre Langue , & du
milieu de ce cahos dévelopé on verra fortir
la Langue Latine qui reprendra fes anciens
droits fur l'Italie & fur fes habitans . Mais
dans l'état actuel de notre Langue , érat
MARS. 1750.
137
déplorable , fi on la compare à celle qu'elle
remplace , les Homeres & les Virgiles
qu'elle pourra produire ne feront jamais ,
permettez-moi cette plaifanterie , que des
borgnes regnant dans un pays d'aveugles.
Les Maures , les Turcs , & peut-être les
Esclavons , ont leurs Homeres & leurs Cicérons
; laiffons ces Peuples aveugles triompher
de leur barbarie & de leur ignorance.
Imitons plutôt l'ardeur des Ultramontains
pour l'étude de la Langue Latine. Si jamais
Virgile peut renaître , la France & l'Allemagne
le poffederont à l'exclufion de l'Italie
, qui éloigne autant qu'elle peut de
chez elle une Langue par laquelle elle régnoit
jadis fur tout l'Univers , pour fubftituer
à cette Langue immortelle un jargon
barbare , dont elle ignore & la patrie
& le véritable nom.
Le Rom. Pour exécuter un tel plan , iffaut
donc bâtir des Villes Latines , qui ne
foient peuplées que de Sçavans. Dans ces
Villes l'Artifan parlera Latin , les plus viles
denrées fe vendront en Latin , & c.mais dans
l'état où font les chofes , voulez - vous que
par exemple , à Bologne le Latin foit la
Langue des boutiques & des marchés ?
Laz. Point du tout. La terre porte de
l'orge, de l'avoine, du millet, du froment ;
& parmi tous ces grains les hommes choi
3S MERCURE DE FRANCE.
fiffent ceux qui conviennent à leur nourriture
, je voudrois que l'on fît le même
choix pour les Langues. Dans les places ,
dans les marchés , à la campagne , dans le
domeftique , la Langue vulgaire feroit la
Langue d'ufage , mais dans les Ecoles, dans
les converfations fçavantes , avec les hommes
en un mot , on parleroit le langage
des hommes , c'eft- à- dire le Latin ; il en
feroit de-même pour les lettres & les ouvrages.
En un mot la Langue vulgaire feroit
le langage de néceffité , & le Latin la
Langue de choix ,
Bem. Il femble , mon cher Lazaro , que
yous haïffiez plus votre Langue vulgaire ,
que vous n'aimez les Langues anciennes .
Je conviens que dans fon origine elle eft
barbare , j'accorde qu'elle eft étrangere à
l'Italie. Mais croyez - vous que 4 ou 500
ans n'ayent pas fuffi pour la naturalifer
parmi nous. Suivant vos principes , les Romains
, Phrygiens d'origine , la Grece & tous
les Peuples chez qui les fciences ont été
les plus cultivées , n'auroient été que des
Nations barbares , parce que leurs Langues
étoient barbares dans leur origine.
C'eft faire l'éloge de nos ancêtres que de
nous les repréfenter au milieu des ruines
de l'Italie , formant de fes débris une Langue
agréable à l'oreille & foumife à des
MAR S. 1750. 139
régles certaines. A l'exemple de la Nature
qui tire de la confufion des Elémens fes
plus admirables productions, plaçons - nous
dans ces tems malheureux où l'Italie en
proye aux Barbares étoit fans reffource
contre la violence de fes Tyrans . Vous refuferiez
-vous les néceffités de la vie , vous
refuferiez-vous à tous les agrémens de la
fociété par un attachement déplacé pour
une Langue qui ne feroit entendue de
perfonne ? La Langue vulgaire étoit donc
dans fon origine une Loi dictée par la né
ceffité , mais l'Art a adouci la dureté de cette
Loi , en perfectionnant ce que la néceffité .
avoit établi , Les premiers hommes ne donnoient
d'abord la chaffe aux bêtes. que
pour les écarter de leurs habitations ; enfuite
, de leurs peaux ils s'en firent des vêtemens
; enfin ces animaux , qui d'abord
n'étoient que redoutables , fervirent la
gourmandife & la fenfualité. De-même on
ne fe fervit d'abord de la Langue vulgaire
que pour le faire fe entendre , mais cette
Langue , perfectionnée par l'ufage , a eu
fes Poëtes & fes Orateurs. Si nos défirs
étoient la régle des évenemens , pourquoi
tant fouhaiter que la Langue Latine regne
encore en Italie : que ne defirerions- nous
plutôt de voir renaître l'Empire Romain
ou qu'il n'eûr jamais été détruit. Parce.
140 MERCURE DE FRANCE.
qu'il en eft autrement , faut -il mourir de
douleur? Faut- il nous abandonner à un filence
éternel en attendant le retour des
Cicérons & des Virgiles ? Nous ne retrouverons
point dans nos maifons , dans nos
Temples , dans nos tableaux , dans nos
ftatues, les beautés que nous admirons dans
les ouvrages des Anciens ; faut- il donc
aller habiter dans les forêts ? Faut-il renoncer
à tous les Arts ? Faut- il fupprimer
le culte divin ? Pourquoi l'efpérance de la
perfection n'encourageroit- elle pas plutôt
nos efforts , nos tentatives & nos travaux ?
Que ceux qui en ont le tems & la force ,
volent à l'immortalité fur les traces des
Grecs & des Romains ; mais , mon cher
Lazaro , toutes les Langues ne conviennent
pas à tous les génies . Si l'idiôme vulgaire
eft plus analogue au tour de l'efprit
d'un homme qui veut écrire , que confeilleriez
-vous à cet homme ? Qu'auriez - vous
confeillé à Pétrarque & Bocace ? Comparez
leurs compofitions Latines à leurs écrits
en Langue vulgaire . Dans ces derniers ils
font des Ecrivains admirables ; dans lesautres
ils font peut- être les plus pitoyables
Auteurs qui ayent jamais écrit en Latin .
C'eft fur ce principe qu'en confeillant
par exemple à vous , Meffer Lazaro , de
ne point fortir de la Langue Latine , je
MARS. 1750. 141
confeillerois le contraire à l'homme de
Cour qui nous écoute . En effet ne vaut - il
pas mieux , en parlant bien & en écrivant
purement une Langue moderne , mériter
l'eftime des modernes , que de s'attirer par
des écrits Grecs ou Latins le mépris des
fçavans & des ignorans ? Notre Langue
Italienne n'eft peut-être pas auffi fonore ni
auffi nombreuſe que les Langues anciennes
, fur tout dans les compofitions poëtiques
, mais elle compenfe ces qualités par
une harmonie , des agrémens & une légereté
qui lui font propres. Nos vers ont des
pieds , une mefure & une cadence ; notre
profe a fes tours , fon élégance & fes figures
; en un mot dans le Latin , dans le Grec
& dans le Tofcan , c'eft le même art qui ,
avec de matériaux differens , travaille fur
le même fond & fur le même deffeing ;
Meffer Lazaro voudroit- il difputer fur cette
conformité ? Qu'il place dans la même
claffe le Séraphino & le Pétrarque , qu'il
trouve les mêmes beautés dans toutes les
Nouvelles de Bocace & dans tous les Sonnets
de Pétrarque . Or fi , de fon aveu ,
un Auteur Italien eft different d'un autre
Auteur , fi Bocace eft different de lui-même;
où chercher les raifons de cette difference
; finon dans l'art qui regle les beautés
dont notre Langue eft fufceptible ?
142 MERCURE DE FRANCE.
L'ACCORD de lafageſſe avec la folie ,
adreſſe à une jeune Demoifelle d'Angers ,
par M. de la Soriniere.
Vous méritez qu'on vous encenſe ¿
Iris , vous avez de l'eſprit ;
Vous êtes belle , & jamais on ne vit
Fille fi jeune avec tant de prudence ;
Mais j'ai pourtant certain dépit ,
Qu'avec fi fage contenance
Se mêle un grain d'indifference ,
Dont plus d'un amoureux gémit.
Il faut d'un léger badinage
Affaifonaer fes petits mots ;
Il eſt plus aiſé d'être ſage ,
Que d'être un peu folle à propos.
De la fageffe à la folie
Le point fixe qu'il faut ſaifir ,
N'eft pas facile à définir :
Selon les cas ce point varie ,
Et fi j'ofois le décider ,
Tandis qu'on eft jeune & jolie ,
La fageffe avec la folie
Feroit bien de s'accommoder,
A la Soriniere , 1749.
MAR S. 1750. 143
205 204 205 200 205 206 207 205 205 205 205 205 205 205
LETTRE
A M. Remond de Sainte Albine , fur le
Programme de l'Académie de Bordeaux.
Monfieur , j'ai l'honneur de vous
adreffer quelques obfervations fur
un Programme que l'Académie de Bordeaux
a indiqué pour le Prix de l'année
1751 , & que vous avez annoncé dans
le Mercure du mois d'Octobre dernier. Il
eft conçû en ces termes. » S'il y a des mé-
» dicamens qui affectent certaines parties
» du corps humain plutôt que d'autres , &
» quelle feroit la caufe de ces effets ?
1. Dans les médicamens l'Académie
comprend- elle,tant les externes que les internes
? Il femble que cela ne devroit pas
faire un problême à l'égard des premiers ;
il eſt univerſellement reçu que les parties
tendineuſes ou nerveuſes & les os exigent
des remedes differens de ceux qu'on applique
fur les parties charnues.
2º. Les médicamens internes font évacuans
ou altérans ; il n'eſt pas douteux que
les évacuans n'affectent particulierement
certaines parties ; les émétiques & les purgatifs
agiffent fur l'eftomach & les inteltins
, & c.
144 MERCURE DE FRANCE.
3. Dans quel fens doit on prendre le
verbe affecter ? Il peut s'appliquer au détriment
, comme à l'avantage des parties
fur lefquelles les médicamens agiffent.
4° . Enfin quelles font les parties que
l'Académie a en vûe ? Celles de notre corps
font fimilaires ou organiques ; les fimilaires
comprennent les folides & les fluides.
Il n'eft pas non- plus problématique qu'il
n'y ait des médicamens qui agiffent plutôt
fur les folides que fur les fluides ; tels
font ceux qui les relâchent , lorfqu'ils font
trop tendus ; ceux qui leur rendent leur
reffort, lorfqu'ils font relâchés , & d'autres
qui affectent plutôt les humeurs , comme
ceux qui les épaiffiffent , lorfqu'elles font
trop fluides ; ceux qui les brifent & les
détrempent , lorfqu'elles font trop épaiffies
, & c.
Il eft donc vrai - femblable que ce n'eft
pas de ces parties fimilaires des médicamens
externes & des évacuans , dont l'Académie
a voulu parler dans fon Program-
, mais feulement de l'effet que les altérans
internes peuvent produire fur les
parties qui font compofées de vaiffeaux
differemment arrangés , & d'humeurs , &
qu'on appelle organiques , telles que le
coeur , le poulmon , &c.
Comme ces difficultés pourroient arrêter
MARS. 1750. 145
ter quelques-uns de ceux qui ont envie de
concourir , j'ai crû , Monfieur , que cette
illuftre Académie voudroit bien agréer que
j'euffe l'honneur de les lui propofer par
la voye de votre Journal . J'ofe vous prier
de vouloir bien les y inférer , fi vous le
jugez à propos , & croire que j'ai l'honneur
d'être avec la plus refpectueufe confidération
, Monfieur , votre , &c .
***
EN
EPITHALA ME.
N ce jour fortuné , marqué par la tendreffe ,
Livrons- nous ,chers amis, aux jeux, à l'allégreffe;
Chantons de deux époux l'affemblage parfait ;
D'un beau modéle on trace aifément le portrait.
C .... nous montre un coeur bon , jufte , franc ,
fincére ;
mour de la vertu forma fon caractére ;
Aux fentimens s'il joint l'efprit & le talent ,
Il n'excelle pas moins par le difcernement .
Son choix en eft la preuve , & la preuve eft par
lante ;
Dans fon ame & fes traits G ..... nous la préfente.
Plus aimé qu'un mari, plus heureux qu'un amant
Mortelpeut- il jouir d'un bonheur plus charmant 2.
G
146 MERCURE DE FRANCE.
Fêtons préfentement cette digne Compagne,
Tout ce qu'au renouveau la brillante campagne
Peut offrir à nos yeux de plus vif en couleurs ,
Lorsque le pré commence à s'émailler de fleurs ,
Quand on voit des côteaux renaître la verdure ,
Quand l'arbriffeau reprend fa fuperbe parure ,
G .... le réunit dans fa tendre fraîcheur .
Son oeil doux , mais rempli d'une modefte ardeur ;
Préfage à fon époux les fruits d'un hymenée ,
Dont on verra long - tems profpérer la durée.
Puiffe , puiffe l'hymen te donner en peu d'ans ,
Au gré de tes défirs , nombre de defcendans !
Amantiffimo & dilectiffimo Ch ..... ad
nuptias vovit amiciffimus P.... die Januarii
decimo , anno 1750.
LETTRE
De M. Morel , Chanoine de Montpellier
à M. l'Abbé d'Harfeuil , Membre de
l'Académie des Sciences de Bordeaux.
On cher Abbé , j'ai lû avec autant d'em-
M preffement que de plaifir , l'extrait de votre
derniere Affemblée publique. Votre Académie
n'ayant trouvé aucun ouvrage fur la muë de
la voix , digne d'être couronné , devoit au Public
un dédommagement à ce fujet ; M. Thibaut de
Chanvalon , votre Directeur , s'en eft dignement
MARS. 1750. 147
acquitté par les folides conjectures que le premier
Mercure de cette année vient de publier. J'ai été
vivement preffé d'écrite fur cette matiere , mais
la bienséance de mon état ne m'a pas permis
détudier l'analogie que je foupçonne regner entre
le changement de la voix & celui qui ſurvient
dans notre corps , lorfqu'il commence à acquérir
des forces fecondes ( fi j'ofe m'exprimer ainfi }
D'ailleurs je n'ambitionne rien moins que le nom
d'Auteur ; il eft vrai que l'on a imprimé un trèspetit
ouvrage que j'ai fait fur la voix , mais cela a
été fait fans ma participation ; le cher auteur de
mes jours , à qui je l'envoyai pour fon amuſement
, le communiqua à l'ingénieux Pere Caftel ;
ce fçavantJésuite trouva à propos de l'expofer à un
grand jour , que tout devoit me faire redouter.
Ce que je vous en dis , n'eft que pour vous perfuader
que je fuis peu touché du funefte accident
qui vient de lui arriver . M. Thibaut me faiſant
l'honneur de rappeller dans fon Difcours mon
Systéme fur la voix , à la fuite de ceux de Mrs
Dodart & Ferrein , après avoir affûré qu'il n'eft
qu'une fimple réunion des deux premiers , décide
que celui de M. Ferrein eft le feul véritable , &
tout de fuite il ajoûte que le mien ne peut que
s'écrouler avec celui de M. Dodart.
Si M. Thibaut daignoit regarder mon ouvrage
avec un peu plus d'attention qu'il ne mérite , il
s'appercevroit qu'il eft bâti fur les fyftémes de
Mrs Dodart & Ferrein , comme fur deux fondemens.
A la vérité cet Académicien croit avoir fappé
celui de M. Dodart , mais non - feulement il
laiffe fubfifter le fyftéme de M Ferrein , il lui donne
encore une nouvelle folidité par les heureuſes
conjectures fur lesquelles il l'appuye. Par ce nouveau
foutien , ce fyftéme paroiffant avec un nou-
Gij
148 MERCURE DE FRANCE.
vel éclat , & le mien , de l'aveu de M. Thibaut ,
étant foutenu en partie par celui - ci , comment ce
Directeur a t'il pû nous apprendre que tout mon
fyftéme s'étoit écroulé avec celui de M. Dodart ?
Vous connoiffez , mon cher Abbé , les differentes
opinions qui partagent les Phyficiens fur l'origine.
des fontaines ; les uns vont les puifer dans les abî
mes des mers , d'autres fe tranfportent jufques
dans les nues pour en trouver les fources. Si vous
vouliez nous démontrer à ce fujet , que la mer &
les Cieux font également chargés de pourvoir aux
befoins de la terre , & que quelqu'un , après vous
avoir uniquement prouvé que les eaux de la pluye
ne fontrien moins que fuffilantes pour nous abreuver
, fe vantât d'avoir fait écrouler tout votre fyf
tême fur l'origine des fontaines , ne pourriez- vous
pas lui répondre qu'il a véritablement tari quelques-
unes de vos fources , mais que laiffant encore
couler toutes celles qui viennent de la mer , votre
fyftéme fubfifte dans fa plus grande partie ? Permettez-
moi de faire l'application de cet exemple
à mon fujet .
Mrs Dodart & Ferrein ont donné leur fyftéme
fur la voix ; j'ai crû que chacun d'eux , pris en
particulier , étoir infuffifant pour en expliquer tous
les phénomén s, parce que chacun n'admet qu'un
feul inftrument pour cet organe , quoique nous
ayons certainement deux voix d'une nature &
d'un fon abfolument different , à fçavoir le fon naturel
dont nous nous fervens dans la converfation,
& celui que les Muficiens appellent fauffet ; je
n'ai pas befoin d'invoquer le fecours de l'expérience
, pour convaincre qu'un feul & même inftru .
ment ne peut donner qu'un feul & même ſon qui
le caractérife ; le plus habile joueur de hautbois
tente.oit inutilement de joindre , à la gayeté des
MAR S. 1750. 149,
tons qu'il tire de fon inftrument , la tendreffe de
ceux que donne la feule flûte Allemande . Ces obfervations
me déterminerent à imaginer ma nouvelle
théorie phyfique de la voix , dans laquelle
j'ofai me flatter qu'il y avoit quelque chofe de
different de ce qui réfule des démonſtrations
qu'ont employées Mrs Dodart & Ferrein , parce
que ces illuftres Académiciens n'ont point entrepris
d'expliquer la caufe des deux voix que chacun
de nous a reçû de la Nature , fans en excepter même
les Dames , car celles qui font valoir les gra
ces du chant , s'apperçoivent bien que la voix
dont elles fe fervent pour faire les délices des
Concerts, eft bien differente de celle qu'elles employent
pour faire les charmes de la converſation .
Mais pour revenir à mon fujet , la voix étant ,
felon M. Thibaut , un inftrument à corde , & dans
mon fyftême cet inftrument étant le feul organe
de la voix que j'appelle luthée , ne peut- on pas
dire que cet Académicien a bien voulu préferver
des ruines de l'écroulement en queftion la plus
grande partie de mon fyftênie , puifque la voix
Iuthée eft beaucoup plus étendue que celle que
Pappelle organifée . Après cela je vous prie de me
dire fi mon fyftême s'eft entierement écroulé avec
celui de M. Dodart , ainfi que l'a prononcé M.
Thibaut. Je fuis de tout mon coeur , & c.
ii
150 MERCURE DE FRANCE.
Castoranicacava
V
LETTRE
A M. Remond de Sainte Albine.
Ous avez fait part au Public , Monfieur ,
dans le Mercure d'Août dernier , du jugement
que l'Académie Royale des Sciences avoit
porté fur l'art de M. Pereire , pour apprendre à
parler aux fourds & muets de naiffance . Comme
la fingularité & l'utilité de ce fyftéme intéreffent
également & le Sçavant & le Citoyen , j'espere que
vous voudrez bien inférer encore dans votre ouvrage
les deux piéces ci-inclufes , qui , je penfe , ne
déplairont pas aux Lecteurs. La premiere a été
écrite par M. Pereire , pour informer le Roi des
progrès de fon jeune Eleve, le 7 Janvier, jour dans,
lequel le Maître & le Difciple eurent l'honneur
d'être préfentés à Sa Majefté par M. le Duc de
Chaulnes. On a diſtribué la feconde à la Cour . Il eſt
à efperer que le Roi, dont les fentimens tendres &
compatiflans ne tendent qu'au bien de fes Sujets,
touché de l'état déplorable des fourds & muets ,
faifira l'occafion de leur affûrer à jamais l'inftruc
tion dans fon Royaume par l'établiflement , qui
fera affûrément honneur à la France , d'une nouvelle
Ecole , où M. Pereire fera obligé de former
des Maîtres qui pratiqueront & perpétueront fon
art & fa méthode ; ce fera une action digne de la
Majefté d'un Monarque auffi grand & aufli bienfaifant
que le nôtre . J'ai l'honneur d'être très- parfaitement
, Monfieur , votre , &c.
•
D. S.
A Paris , le premier Février 1750-
MARS. 1750 . 151
PRECIS des principales connoiffances
de M. d'Azy d'Etavigny , fourd & muet
de naiffance , que le Sr Pereire inftruit
depuis environ deux ans.
C'eft fur cet expofé que ce jeune homme a été interrogé
devant le Roi Monfeigneur le Dauphin , le
7 Janvier 1750 , & le lendemain devant Mesdames.
I
L prononce les lettres , les diphtongues , les
fyllabes , les mots , & lit de fuite , quoique
lentement , dans quelque livre François. Il est même
à remarquer que malgré les differentes prononciations
des lettres , qui de plus font fouvent
muettes , il ne s'y méprend que rarement .
Il récite plufieurs prieres par coeur.
Il cherche les mots dans un Dictionnaire .
Il nomme toutes les chofes dont l'uſage eft familier,
& leur donne l'article convenable.
Il cherche & lit dans un livre la page & la ligne
qu'on lui indique par écrit ou par l'alphabet manuel
de fon Maître .
Il exécute ce qu'on lui propoſe ou commande
par le même moyen , & commence même à comprendre
nombre de mots au mouvement des lévres.
Il répond verbalement & par écrit aux queſtions
familieres qu'on lui fait .
Il interroge fonvent , & demande fon néceffaire
à table & ailleurs.
Il parle à fon gré , haut , bas & en fauffer , &
obferve un peu les differentes modifications que la
voix exige dans l'interrogation , la réponte , & c.
Il lit dans la main de fon Maître , & écrit, quand
on le veut , ce que celui - ci lit dans un livre , &
G iiij
152 MERCURE DE FRANCE.
même toutes fortes de fommes & toutes fortes de
mots , quelque barbares qu'ils foient , pourvû
qu'un François puiffe les prononcer.
Il conjugue les verbes , & en dit féparément la
perfonne qu'on lui demarde , de quelque nombre,
tems & mode , qu'elle foit.
Il fait l'ufage convenable des pronoms , & fçait
fubftituer à leur place les noms qui leur font équivalens.
Quand on lui écrit & qu'on fait des fautes d'orthographe
ou de fyntaxe de concordance , il les
connoît pour l'ordinaire & même les corrige , f
on l'exige de lui.
fi
Il fe corrige lui même fouvent , lorſqu'il fe méprend
dans la prononciation ou dans l'écriture .
Il tourne les phrafes qu'il comprend , fans en
changer le fens , fuivant que les circonstances de
la perfonne qui parle , l'exigent.
Il fait les quatre régles d'arithmétique & réduit
en deniers , fols , livres , écus , louis d'or , quelque
fomme qu'on lui donne.
Il connoît fur la Carte & nomme les parties du
Monde , les principaux Royaumes de l'Europe ,
avec leurs Capitales , les Provinces & les Villes
principales de la France, & en indique la fituation..
Dans l'Histoire de France il fçait quelques traits
des plus remarquables , & la Généalogie du Roi
depuis Henri IV.
Il fçait le nombre & le nom des faifons & des
mois de l'année , des jours de la ſemaine , le quan
téme du mois . &c.
MARS.
153 1750.
RAISONS qni rendent intéreffante la
connoiffance publique de l'Art du Sieur
Pereire , pour apprendre à parler aux
fourds & muets de naiſſance .
*
Out le monde convient que les muets , en
fait de connoiffances métaphyfiques , font lest
plus ignorans de tous les hommes . ( Si quelqu'un
* On fuppofe ici que le Lecteur a vú l'approbation
de l'Académie Royale des Sciences fur ce fyfteme ;
voici cependant le plus effentiel de fon Jugement.
Nous trouvons , dit cette fçavante Compagnie , que
les progrès que M. d'Etavigny a faits en fi peu de
tems , prouvent très - fuffifamment la bonté de la
méthode que M, Pereire fuit dans fon inftruction ,
& démontrent la fingularité de fon talent pour la
pratiquer ; qu'il y a tout lieu d'efpérer que par ce
moyen les fourds & muets de naiffance pourront,
non-feulement prononcer & lire toutes fortes de
mots & comprendre la valeur de ceux qui défignent
des chofes vifibles , mais encore acquérir
les notions abftraites & générales qui leur manquent
, & devenir fociables , capables de raifonner
& d'agir de la même maniere que font les perfonnes
qui ont perdu par accident l'ouie après avoir
atteint l'âge de railon . Et plus bas ; pour conclufion,
Nous jugeons donc que l'art d'apprendre à lire &
à parler aux muets , tel que M. Pereire le pratique ,
eft extrêmément iingénieux , que fon ufage intéreffe
beaucoup le bien public, & qu'on ne fçauroit
trop encourager M. Pereire à le cultiver & à le
perfectionner.
On pourroit ajoûter encore à cela que l'exemple de
GY
154 MERCURE DE FRANCE.
>
en doute il peut voir là - deffus Mem . de l'Ac . des
Sciences de 1703 ; Leçons de Phyfique de M.
l'Abbé. Nollet tom. 31 ,, P. 441 ; Traité des
Sens de M. le Cat , p . 295 ,, & c. On a copié ces .
pallages à la fuite de cette piéce. ) Ces connoiffances
, renfermant celles de la Religion , paroiffent
auffi eftimables qu'elles font néceffaires.
Le nombre des muets eft beaucoup plus grand
qu'on ne s'imagine ; Paris feul en contient plus
de cent. Si on ajoûte à cette obfervation , qu'au
cune condition n'eft à l'abri de ce malheur , on
fentirá combien il est important & même néceſſaire
de rendre public Part du Sr Pereire & d'en pers
pétuer la méthode .
Le Sr Pereire ne peut inftruire à la fois que
trois , muets ; pour toute l'inftruction il faut au
moins quatre à cinq ans * ; il eſt très convenable
pour la meilleure prononciation , que ces enfans.
commencent à apprendre dès l'âge le plus tendre ;
par conféquent la multiplicité des Maîtres devient
abfolument néceffaire à celle des Eleves .
Si cet art eft une fois répandu , il donnera lieu à
de nouvelles découvertes. Il fera auffi d'une utilité
beaucoup plus étendue , qu'on ne penfe , pour ap
prendre à lire aux enfans ordinaires , corriger plus.
fieurs défauts de la prononciation , & c. L'alphabet:
manuel du Sr Pereire , incomparablement plus com
Mi d'Azy d'Etavigny , ainfi que l'Académie le dit
dans la même piece , eft le premier & le feul dout:
elle ait connoiffance ( pleine & entiere. )
Un an fuffit au Sr Pereire pour apprendre aux ·
muets à live & prononcer toutes førtes de mots, mais il
lui faut beaucoup plus de tems pour leur en donner
Pintelligence. Voyez fes Remarques lå - deſſus dans
le Mercure d'Août 1749,
MARS. 1750. 155
mode que l'écriture pour parler à fes Eléves ,feroit
encore d'un grand fecours pour les perfonnes
fourdes par accident .
Mémoires de l'Académie des Sciences ,
année 1703 , page 18 .
A Chartres , un jeune homme de vingt- trois à
vingt quatre ans , fils d'un Artiſan , fourd & muet
de naillance , commença tout - à- coup à parler ,
au grand étonnement de toute la Ville ; on fçut
de lui , que quelques trois ou quatre mois auparavant
il avoit entendu le fon des cloches , & avoit
été extrêmement furpris de cette fenfation nonvelle
& inconnue ; enfuite il lui étoit forti une efpece
d'eau de l'oreille gauche , & il avoit entendu
parfaitement des deux oreilles ; il fut ces trois ou
quatre mois à ecouter fans rien dire , s'accoûtumant
à répeter tout bas les paroles qu'il entendoit ,
& s'affermiflant dans la prononciation & dans les
idées attachées aux mots ; enfin il fe crut en état
de rompre le filence , & il déclara qu'il parloit ,
quoique ce ne fût encore qu'imparfaitement..
Auffi - tôt des Théologiens habiles l'interrogerent
fur fun état paffé , & leurs principales queftions
roulerent fur Dieu , fur l'ame , fur la bonté ou la
malice morale des actions Il ne parut pas avoir
pouflé les penfees jufques- là . Quoiqu'il fût né de
parens Catholiques ; qu'il affiftât à la Meffe ; qu'il
fût inftruit à faire le figne de la Croix & à fe mettre
à genoux dans la contenance d'un homme qui
prie , il n'avoit jamais joint aucune intention à
tout cela , ni compris celle que les autres y joignoient
; il ne fçavoit pas bien diftinctement ce
que c'étoit que la mort , & il n'y penfoit jamais.
Il menoit une vie purement animale.Tout occupé
G.vj.
156 MERCURE DEFRANCE.
des objets fenfibles & préfens , & du peu d'idées .
qu'il recevoit par les yeux , il ne tiroit pas même :
de la comparaifon de ces idées tout ce qu'il femble
qu'il en auroit pû tirer . Ce n'eft pas qu'il n'eût naturellement
de l'efprit , mais l'eſprit d'un homme
privé du commerce des autres eft, fi peu exercé
& fi peu cultivé , qu'il ne penfe qu'autant qu'il
y eft indifpenfablement forcé par les objets extérieurs
; le plus grand fond des idées des hommes
eft dans leur commerce réciproque.
Leçons de Physique de M. l'Abbé Nollet ,
tome 3 , pages 440 , 441 .
Il y a une très -grande difference à faire d'un
aveugle ou d'un fourd de naiflance , à celui qui a
vâ ou entendu jufquà un certain âge & qu'un accident
a privé de l'un de ces deux fens . Je n'ai pas
aflez médité ſur les regrets d'un homme qui fçait
qu'on peut voir & qui n'a jamais vû , pour les comparer,
à ceux d'un autre homme qui fçait qu'on
peut entendre & qui n'a jamais entendu, J'ignore
quelle et leur peine & de quel côté il y en a davantage
, mais à préfent que je fçais combien il eft
difficile de faire naître des idées à quelqu'un qui
n'entend point , & , de combien de connoiffances
divines & humaines , eft privé un homme qui n'a
pu avoir aucune éducation , j'aimerois mieux être
né aveugle que fourd . Je choifirois tout differem .
ment, fi connoiffant l'écriture & les autres fignes
communs à la focieté , il me falloit opter entre
Ponie & la vue ; de ces deux biens le dernier me
toucheroit davantage.
MAR S. 1750. 157
Traité des Sens de M. le Cat
pages 29.5 & 296.
Un fourd de naiffance eft néceffairement muet,
car pour parler il faut apprendre une Langue , &
pour apprendre cette Langue il faut entendre . On
fent bien que les fourds de cette espece font privés,
la plupart des avantages & des confolations qu'on
vient de remarquer dans les fourds ordinaires . Un
fourd de naiflance eft , ce me femble , beaucoup
plus malheureux qu'un aveugle né . Pour juger
de fa grande mifere , il ne faut que pefer ce que
valent à l'homme les lumieres de l'éducation dont
cette efpece de fourds eft . prefque totalement privée.
Nous avons dit qu'il y a plus de chofes à voir
dans le monde , qu'à entendre , mais en fait de
connoiffances il y a peu de vérités qui fe voyent ,
prefque toutes s'entendent ; il eft vrai qu'on par
vient à faire écrire & lire un fourd & muet , en
lui montrant , par exemple , une chandelle , & lui
écrivant ce mot , on lui fait fçavoir que c'eft- là le
caractére attaché à cette chofe , & toutes les fois
qu'on lui préfentera ce caractére , il penſera à
cette chofe . On lui apprendra de même les noms
de fes ainis ou plutôt les figures qui les défignent.
Mais qui ne fent pas combien cet art des figues eft:
borné fans le fecours des fons ? Vous ferez connoître
à un fourd & muet un grand nombre de
fubftantifs ou de noms de chofes , mais comment
lui ferez vous connoître toutes les qualifications
qu'on donne à ces chofes ? Comment lui ferezvous
comprendre les verbes , tous leurs modes ,
tous leurs tems ? Les connoiffances d'une telle efpece
d'hommes fe bornent aux chofes entierement
vifibles , & font par conféquent extrêmement li
misées , quelques foins qu'on fe donne pour les ;
15S MERCURE DE FRANCE.
les inftruire , & malgré leur fagacité naturelle à
deviner au moindre figue .
送洗潔洗洗洗洗洗洗洗:洗洗洗洗洗洗
DISSERTATION
Contre la Chambre noire de Newton ,
M. Gautier , Penfionnaire du Roi.
par
Newton , s' dans la chambre
Ewton , non - feulement s'eft trompé fur la
noire avec fon Priſme , mais il n'a pas même connu
l'incidence des rayons fur les furfaces refrin
gentes , qui caufe la convergence & la divergence
de ces rayons , d'où l'on conclura facilement que
le défaut de cette connoiflance lui a fait croire que
les rayons étoient colorés & par conféquent differemment
refrangibles .
Ce Philofophe nous dit que la colonne de lumiere
, qui paffe par le trou de la Chambre noire ,
contient plufieurs fimples rayons , qui font des faifceaux
de fept principaux faisceaux de rayons , dont
chacun porte en foi une couleur primitive , primordiale
, qui lui eft propre , & entend que les rayons
fimples tombant fur le prifme , refractent differemment
les fept faifceaux de rayons qui les compolent
& portent les differentes couleurs par leurs
differens degrés de refrangibilité . En forte que ce-
Jui qui eft violet eft plus refrangible & fe place au
haut de l'image , & celui qui porte le rouge eft
moins refrangible & fe place au bas de l'image ,
ainfi des autres .
Il faut oberver que Newton ne fait attention icf
ni auxfaces fupérieures & inférieures du prifme qui
MARS. 1750. 159
produilent l'image , ni à la façon dont ces furfaces
reçoivent les rayons, & comment elles les refrac
tent & les renvoyent fur l'image..
1°. J'ai oblervé dans mes expériences , que les
rayons qui entrent par le trou de la Chambre
noire fe croifent, & par conféquent tombent fur la
furface refringente fous des angles differens ; donc
ils doivent par cette feule railon être differem-.
ment refrangibles , & occafionner une convergence
au- delà du prifme, & par conféquent une divergence
au-delà du foyer. C'est ce que j'ai prouvé
dans mes expériences par des marques que j'ai po
fées au trou de la Chambre noire & aux furfaces
du prifme..
2. J'ai obfervé par les mêmes expériences, queles
rayons qui fe croifoient au delà du prifme , ne
changent pas les couleurs de l'image , & qu'elles.
font toujours les mêmes , quoique les rayons foient
changés par leur croiſement .
3°. J'ai obfervé qu'en regardant les couleurs de:
l'image lumineufe fur la muraille de la Chambre
noire à travers un autre prifme fous un même angle
de refrangibilité , elles changent de bleu en
rouge par leur afcenfion ou defcenfion , occafionnée
par les deux faces refringentes du prifme .
Si l'on fait mes expériences , on conviendra
qu'elles font vraies , & que le fyftéme de Newton:
n'eft pas
foutenable , & qu'il s'eft trompé dans fes
obfervations de la Chambre noire,faute de connoî
tre l'incidence des fimples rayons dont je viens de
parler, qui occafionnent les differens degrés de refrangibilité.
On peut voir mes expériences anti- Newtonionnes
& les obfervations que je fais contre celles de
Newton , dans ma Diflertation imprimée à Paris ,
chez Boudet , rue Saint Jacques , lous le titre de
160 MERCURE DE FRANCE.
Chroagenefie , que j'ai eu l'honneur de préfenter
au Roi ; de lire à l'Académie des Sciences , &
d'envoyer à toutes les Académies étrangeres .
Par mon nouveau fyftéme fur la Génération des
couleurs , je prouve la folidité de ma pratique , qui :
n'eft fondée que fur les deux couleurs PRIMITIVES,
qui font le blanc & le noir , & les trois couleurs
SECONDAIRES , qui font le bleu , le jaune & le rouge
, à laquelle j'ai donné le nom de gravure &
impreffion à quatre couleurs , puifque le blanc eft la
couleur du papier fur lequel j'imprime mes qua--
tre couleurs .
*
Par ma pratique j'ai combattu le Difciple ,
j'attaque préfentement le Maître ** par ma théorie
, & je fuis prêt à répondre aux Phyficiens qui
voudront détruire ma nouvelle découverte : au lieu
de parler en fecret , qu'ils me parlent en public.
Explication de la Planche qui démontre les
obfervations de cette Differtation .
FIGURE I ..
Cette figure repréfente la fixiéme expérience
de ma Chroagenefie , faite au Soleil & dans la
Chambre noire .
A B C , la coupe du prifme.
AC, la face inférieure & refringente du prifme.
D E, le Soleil ou l'ouverture de la Chambre noire .
F , fon centre .
DC , les rayons de la partie fupérieure du Soleil
ou de l'ouverture , qui fe portent à la partie inférieure
du prifme.
' E A , les rayons de la partie inférieure , qui ſe
croifent avec les précédens .
* Le Blond.. ** Newton.
་
MARS. 1750. 161
FG , & FB , les rayons qui fe réflechiffent de
la furface fupérieure du prifme.
HI , l'endroit où ils fe réfléchiffent & où ils
forment le violet , lorsqu'ils rencontrent le rayon
bleu.
B , I , L. , C , le faiſceau de rayons qui fort du
prifme & qui repréfente les couleurs fur l'image
oblongue de la muraille.
HM , la muraille .
Obfervation fur cette Figure.
DC , rayon qui donne le rouge par l'oppofition
de l'ombre fur la lumiere.
EA, rayon qui donne le bleu par l'oppofition.
de la lumiere fur l'ombre. *
CL, refraction du rayon C D , qui continue de
donner le rouge , par l'oppofition pareille à celle
qui fe fait en DF.
A I , refraction du rayon E A , qui continue de
donner le bleu , par l'oppofition égale à celle de
E E.
FIGURE II.
Cette figure eft pour les obfervations de cette
expérience.
A B C , le prifme .
DC , & EA, les pareils rayons du Soleil , com
me à la figure ci - deffus..
AO, & CP , leur refraction à la plus grande
diſtance , où les objets font renverſes-
* Dans ma Chroagenefie je démontre comment
fe font ces oppofitions d'ombre de lumiere , qui feules
occafionnent par transparence toutes les couleurs pu
Tes &fecondaires.
162 MERCURE DE FRANCE.
I, l'objet renverfé entre les rayons O & P fur
l'image lumineuse.
M, o , p , N , la diftance où l'objet difparoît .
m, o , p , n , la plus proche diftance où l'objet
fe trouve droit.
T , l'objet pofé fur le prifme entre A & C , fur
la face refringente inférieure.
Obfervation fur cette Figure .
DC , le rayon du Soleil qui porte le rouge.
Cpp , la refraction qui porte la même couleur.
P P ,la continuation de ce rayon , qui donne le
bleu fur l'image , au lieu du rouge qu'il donnoit
en pp , par une oppofition differente , puifqu'il
fe renverfe après le croiſement qui fe fait en po ,
& qu'il devient fupérieur .
EA, le rayon du Soleil , qui porte le bleu .
A , o o , la refraction de ce rayon , qui continue
la même couleur.
o O , la continuation de ce rayon , qui donne
le rouge au lieu du bleu , comme le précédent
donne le bleu au lieu du rouge , ce qui prouve
fort clairement que le même rayon non - feulement
le renverse à fon foyer par le prifine , mais
qu'il change encore de couleur lorsqu'il eft differemment
oppofé , comme en o O , & en P p.
*
FIGURE III.
Sur les mêmes expériences , que l'on regarde
les couleurs de l'image lumineuse avec un autre
prifine , comme QRS , par la face fupérieure
R. S.
Pn, le rayon qui part du bleu de l'image lu
mineufe .
ON, celui qui part du rouge de cette image.
H
Planche IV.
Fig.
I
M
F
M
m Fig.2
0
B
n
N
Fig 3 %R
S
MAR S. 1750. 163 .
la
r X , & tx , leurs refractions qui donnent une
autre couleur , parce que les rayons paffent par
face fupérieure du prifme.
Xs , Xu , le renversement des rayons occafion.
é par le cristallin , qui redonne au fond de la
Retine la même couleur que celle de l'image .
· Z , l'oeil . X , l'iris. su , la retine . *
"
Nota. Si l'on regardoit avec la face inférieure
comme j'ai dit dans mon obfervation , on verroit ,
iu point O de la feconde figure , le rouge au lieu
lu bleu , & au point P , le bleu au lieu du rouge.
Obfervation fur cette Figure.
Cette expérience prouve que les rayons d'ombre
de lumiere changent de couleurs autant de fois
qu'ils fe refléchiffent differemment l'un fur l'autre ,
& par conféquent ceux qui font reçûs fur notre
Cornée ou fur notre iris par les refractions du prifne
, changent de couleur dans notre retine , par
eur renversement.Cela eft fi vrai que fi vous faites
affer les rayons de lumiere par un double prifme
t par les mêmes faces , les couleurs feront les mênes
fur la muraille , & elles feront oppofées , fi les
ices de ces prifmes font oppofées ; au contraire fi
ous regardez par le fecond prifme les couleurs
e l'image , & que les rayons paffent par les faces
gales , les couleurs qui le peignent dans la retine
u lieu de la muraille , feront oppofées , & fi vous
gardez par les faces oppofées , les couleurs feront
zales , ce qui détruit entierement le ſyſtéme de
ewton..
* Dans cettefigure je n'ai pas démontré exactement
route des rayons dans les differentes humeurs de
eil ; cela demande une figure particuliere.
164 MERCURE DE FRANCE .
Les mots de l'Enigme & des Logogryphes
du Mercure de Février font Lanterne ,
Métamorphofe , Chapeau & Corfet. On
trouve dans le premier Logogryphe , or ,
Aftree , Tros , rapt , Orphée , Herſe , Atropos
, Atrée , Pô , Mérops , Octa , Métra ,
Prothée , Rhée , Mars , Erato , pomme , Mor
phée & mort. On trouve dans le fecond
peau , eau , chape & cape. On trouve dans
le troifiéme cor , or , Roc , Corfe , rofe ,fort
& fot.
ENIGM E.
R Eduite à la captivité ,
Dès le moment de ma naiſſance y
Une étroite prifon retient ma liberté ,
Sans avoir aucune espérance
De pouvoir jamais en fortir.
Quoique la porte en foit ouverte
Souvent , & que je veuille agir ,
Pour pouvoir recouvrer ma perte,
Tous mes efforts font inutils.
Malgré moi , je ſuis arrêtée ,
Et certain nombre d'alguafils
De ma prifon ferme l'entrée
MARS. 165
1750 .
Vivante dans l'obscurité ,
i quelquefois je veux jouir de la lumiere ,
ar mon géolier d'abord cela m'eft accordé,
A la plus petite priere.
Dans un filence très - profond ,
En deux , ma garde fe divife ,
En formant prefque un petit rond :
Alors le jour me favorife.
Malgré les chaleurs de l'été ,
Lorsqu'on tient ma prifon fermée ,
quoiqu'au faite d'un bâtiment logée ,
Je fens toujours l'humidité .
Lecteur , enfin , tel eſt mon fort ;
près avoir vêcu toujours emprifonnée ,
- dois encore , hélas ! felon ma deſtinée ,
Etre captive après ma mort,
J
LOGO GRYPHE.
E fuis , Lecteur , un ornement utile ;
A la Cour , comme à la Ville ;
a couleur n'eft pas fixe , & je change fouvent ;
Selon le goût , & l'agrément.
ne fçais trop de qui je tire l'exiſtence ,
Ou de la mode , ou de la bienséance ;
Huit lettres compofent mon nom .
uferme un animal , utile au Vigneron ,
t
166 MERCURE DE FRANCE.
Et qui lui rend de grands fervices.
Chofe que l'on employe au haut des édifices .
Ce qu'un Bréteur a foin de bien choisir.
L'être qui feul a droit de former un defir .
La demeure que Mars affigne au militaire ,
Pendant le cours d'une trop longue guerre,
Ce qu'on retranche au Noble accufé de forfait.
La faifon que Cerés comble de fes bienfaits.
Me devines-tu ? Non. Pourfuivons , & peut -être,
Je vais mieux me faire connoître.
J'oppofe un voile épais aux regards curieux ;
J'irrite les voluptueux .
Si ce voile que j'offre eft plus ou moins nouveau
Il eft auffi plus ou moins beau.
Sans doute qu'à ces traits je ne fuis plus miſtére
Si je le fuis , à moins de te faire un tableau ,
Je ne puis te tracer une énigme plus elaire .
J
AUTRE.
E donne lieu fouvent à des amuſemens :
Souvent auffi je ſuis de grande conféquence ;
Et ne fuis rien en apparence.
Il naît de moi de fâcheux contre - tems ,
Et je détruis la meilleure eſpérance.
Lecteur , qui veux me deviner
Je vais te mettre à la torture.
Si tu fçais l'art de combiner ,
MARS. 167 1750.
Tu trouveras dans ma ftructure
Ue fort mauvaiſe monture .
Un mal abborré de tout tems.
La faifon qui fuit le printems ,
Et ce dont a befoin chaque chofe pour naître .
Ce qu'un convié gourmand , d'un air gai , voir paroître.
Un Dieu , l'appui des Souverains ,
Et qui feconde leurs deffeins.
L'élement à qui Dieu prefcrivit des limites.
Un endroit renommé par fes plaifirs divers ,
Lieu qui reçoit de nous de fréquentes vifites.
La grace d'un difcours en profe comme en vers.
Ce qu'ont fans ceffe en main les forçats de
Galére .
Un nom , que fait porter le plaifir conjugal.
Ce que maint feptuagenaire
Voudroit pouvoir changer contre un riche métal
Une riviere en Portugal.
Je ne finirois point , fi je voulois m'étendre
Sur un mot qui ne peut tarir .
Comme mon but eft de te divertic ,
Je ne dirai plus rien ; tâche de me comprendre.
D
AUTRE.
'Un mortel qui fe livre aux faveurs de Morphée
,
Je fuis propre , Lecteur , à troubler le repos ,
Et c'eft le plus fouvent affez mal à propos
168 MERCURE DE FRANCE.
Que je lui fais fentir ma vapeur échauffée . '
Neuflettres font mon tout en le décomposant
L'on peut voir un Poëte : une Ville lointaine :
Deux poiffons : un humain que fouvent on enchaîne
;
Tout l'oppofé du bien : certain acier tranchant :
Deux élemens : un rat : trois notes de muſique :
Une machine en méchanique :
Une efpéce d'étoffe : un Prince d'Ifrael ,
Lequel dans un banquet eut un foit très- cruel :
Le nom commun de certaine boutique :
Un corpufcule : un châtiment :
L'effence deſtinée à fe voir bienheureuſe :
Une chauffure : une pierre poreufe :
Un mets trois Saints : un inftrument
Du vêtement une partie :
Ouvrage de ferrurerie :
Hommage qui n'eft dû qu'à la Divinité :
L'endroit où l'on lui facrifie :
De quelques animaux forte de maladie :
Ecrit commun dans la focieté :
Terme de jeu titre honorable en France : :
Le mortel qui de tout garde mieux le filence :
Au chef humain ce qui fert de pivot ;
Une pièce d'argent : une bête de charge :
Ce qu'on fouhaite en mer , lorfqu'on gagne le
large :
Chofe funefte à plus d'un matelot :
E
Epithete
MARS. 1750 169
. Epithéte piquante , & propre au petit - maître :
Le doux produit d'un heureux numero :
Un animal auffi gourmand que traître :
Une pipe fauvage , & certain amas d'eau ;
En voilà bien affez , Lecteur › pour me connoître.
Brunet , de Dijon.
AUTR E.
Aux voyageurs , aux mariniers ;
Je fuis d'un finiftre préfage.
Je fais bien du chemin avec fort peu de
pieds.
Le dernier , joint aux deux premiers ,
De moi te donne encor une nouvelle image :
Par une autre combinaiſon
Je puis produire à tes yeux une Ville
Le pere de chaque faifon :
Un être bienheureux : un animal docile :
L'art propre à la macreufe , au canard , au poiffon
:
Ce qui fuit fans retour ; un vaiffeau fort utile
Au travail de maint artiſan :
Enfin une mefure : un nombre : un élement;
Par le même.
H
170 MERCURE DE FRANCE.
AUTRE.
LEêteur , je porte dans mon fein
L'air , la mer , la ſoif & la faim ;
Rome , Siam , Riom , Reims , orme
Sem , Remi , Méri , Mars , os , forme ,
Emir , Jo , More , ombre , Omer,
Ia , mari , braiſe , or , amer ,
Marie , ofier , Maire , ambre , foie ,
Brâme , fraife , if, ame , rime , oïe ,
Rofe , frimats , Roi , fabre , ami ,
Rame , ambre , mors , fi , ré , fa , mi.
Par le même.
NOUVELLES LITTERAIRES ,
DES BEAUX - ARTS , &c.
'ART DU THEATRE. A Madame *** . Par
L'françois Riccoboni. A Paris , chez Simon , fils ,
Imprimeur de la Reine & de l'Archevêché , &
Giffart , fils , Libraire , rue Saint Jacques , à Sainte
Theréle 175 Avec Approbation & Privilége du
Roi. In 8 °. pp. 102. Prix 1 liv. 10 f. broché.
Dans tous les tems , il a été permis d'exercer fa
plume fur des fujets déja traités . Mais juſqu'à préfent
on avoit rarement ufé de cette.liberté pour les
ouvrages des Auteurs vivans. Cependant M. Remond
de Sainte Albine, fur cet article , n'a point à fe
plaindre de M. Riccoboni. En hafardant les réflexions
fur l'Art de repréfenter les ouvrages drama.
MAR S. 1750 . 171
tiques , M. Remond avoit invité lui - même les Ecrivains
, qui croiroient pouvoir ajouter quelques
vues aux fiennes , à ne point priver le Public
de leurs lumieres . D'ailleurs M. Riccoboni dans un
avant-propos avertit que fa brochure étoit compofée
ily aplusieurs années.
Par cette expreffion , il y a plufieurs années , on ne
doit au refte entendre d'autre époque que l'année
1747 , dans laquelle parut la premiere édition du
Livre du Comédien. Il eft vrai que peu de jours après
que ce Livre eut été mis en vente , M. Riccoboni
annonça à diverfes perfonnes un Traité de lui fur
la même matiere & fous le même titre . Il eft vrai
auffi , qu'il lut à quelques amis un ouvrage fort
court en forme de Lettre , dans lequel alors il ne
s'agiffoit prefque que du gefte & de la voix . Son
deffein étoit d'abord de publier cette Lettre telle
qu'elle étoit. De toutes les raifons qui l'ont déterminé
à la garder fi long- tems dans fon porte
- feuille , il ne communique que celle - ci aux
Lecteurs. » Quand on fe donne , dit - il , pour
Précepteur dans un Art que l'on exerce , ilfemble
toujours aux efprits malins , que l'on cher-
» che à fe donner pour modéle..... Maintenant
>> que la foibleffe de ma fanté m'oblige à quitter le
» Théatre , je n'ai plus rien à ménager de ce côtélà.
Dans cette fuppofition , n'eût il pas été plus
fage d'attendre , pour faire paroître fa brochure ,
qu'il eût abfolument renoncé à la profeſſion
ל כ
Ordinairement un Auteur qui traite de nouveau
une matiere , fur laquelle d'autres ont travaillé ,
cite avec une exactitude fcrupuleufe ceux qui ont
couru avant lui la même carriere. C'eft tout ce
qu'auroit pu faire M. Riccoboni de fe difpenfer de
cer ufage , fi le Livre de l'Art du Théatre eût fuivi
de près celui du Comédien. Il est donc affez furpre-
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
nant que M. Remond de Sainte Albine ne foit nulle
part nommé par notre Auteur. Il l'eſt encore beaucoup
plus que ce dernier , après qu'on a publié
deux éditions d'un ouvrage , dont le fien pour
plus grande partie n'eft que l'abregé , avance que
perfonne n'a encore enfeigné aux Acteurs les principes
de leur Art. *
la
M. l'Abbé de la Porte , dans l'une des dernieres
feuilles de fes Obfervations fur la Littérature moderne
, T 2 , p. 233 , a luffisamment relevé la fingu .
larité de cette propofition . Il auroit pû remarquer
qu'il étoit extraordinaire qu'elle eût paffé à la cenfure,
furtout l'Art du Théatre,& la feconde édition
du Livre du Comédien , ayant eu le même Examinateur,
Quoique l'ingénieux Critique , dont nous venons
de parler , ait analité la brochure de M. Riccoboni,
nous en tracerons ici une legere efquifle , en faveur
des perfonnes qui ne font pas à portée de lire
tous les ouvrages périodiques . M. Remond , petfuadé
que la nature & l'Art doivent concourir éga
lement à former les bons Comédiens , s'eft autant
étendu fur les qualités qu'ils doivent tenir de l'une ,
que fur les fecours qu'ils doivent emprunter de
l'autre. Son Abbréviateur ne dit prefque rien des
avantages naturels qui leur font néceffaires. Au
Jieu que le premier a paffé legérement dans fon
ouvragefur tout ce qui ne pouvoit intéreffer ni l'eſ.
prit ni le coeur , le fecond fait entrer dans le fien
plufieurs détails , tels que ceux-ci : Pour avoir bon
* Eft- ce une excufe pour M. Riccoboni , que de
dire qu'il avoit commencé d'écrire ſa brochure avant
que le Livre du Comédien parût › Puiſqu'elle n'a été
imprimée que long- tems après , il pouvoit, enfe retracant
, fe faire pour le moins autant d'honneur qu'à M,
de Sainte Albine.
MARS. 1750. 173
•
air , il faut fe tenir droit , mais non pas fe tenir trop
droit.... On ne doit point plier de la ceinture , ni tenir
Peftomach & la poitrine roides .... Il eft de mauvaiſe
grace de porter un bras fort haut , & d'étendre l'autre
au long de la hanche ... Si l'on veut montrer du
respect ou de l'attendriffement , il convient defe courber
de la poitrine , fans craindre de groffir fes épaules .....
Lorfque vous etes gêné par votre habit , ne baiffez que
La tête....Voulez- vous élever un bras ? Que la partie
fupérieure , c'est - à - dire , celle qui prend de l'épaule au
zoude , fe détache du corps la premiere ... Pour redef
cendre , la main doit tomber d'abord , les autres
parties du bras la fuivre dans leur ordre .... On doit
encore faire attention à faire toujours fentir le pli du
coude & du poignet ...
A l'égard des parties qui conftituent la vérité ,
la fineffe & l' grément du jeu , foit Tragique , foir
Comique , le nouvel Auteur donne quelques principes
, fans doute utiles , & qui ne peuvent être
conteftés , mais qui ont été beaucoup plus approfondis
dans le Livre de M de Sainte Albine.
M. Riccoboni en onret plufieurs autres , que M de
Sainte Albine a pris foin de développer , & qui four
très- importans.
Sur certains points ces deux Ecrivains font d'avis
extrêmement oppofés. Selon M. de Sainte Albine ,
files Acteurs veulent nous faire illufion , ils doivent
fe la faire à eux - mêmes : il faut qu'ils s'imaginent
être le perfonnage qu'ils repréfentent : il
faut que cette erreur paffe de leur efprit à leur
coeur , & qu'en plufieurs occafions un malheur
feint leur arrache des larmes véritables . M. Riccoboni
appelle cette opinion une erreur brillante. I
foutient que c'est un malheur pour des Comédiens de
reffentir véritablement ce qu'ils doivent exprimer , &
il effaye de prouver une doctrine fi neuve , par le
Hi
174 MERCURE DE FRANCE.
raifonnement fuivant. » Dans un endroit d'atten
» driffement , vous laiffez -vous emporter au fenti-
» ment de votre rôle ? Vorte coeur fe trouvera tout
» à coup ferré , votre voix s'étouffera preſque en-
» tierement ; s'il tombe une feule larme de vos
" yeux , des fanglots involontaires vous embarraſ
»feront le gofier , il vous fera impoffible de pro-
» ferer un feul mot fans des hocquets ridicules. Si
» vous devez alors paffer fubitement à la plus
» grande colere , cela vous fera- t'il poffible ? Oui ,
répondrons -nous . Cela fera , fans doute , difficile
pour des Acteurs médiocres , mais cela ne le fera
point pour les grands Acteurs. Comme une cire
molle , qui fous les doigts d'un fçavant Artiſte
devient fucceffivement une Sapho ou une Medée
, leur ame fçait le prêter rapidement aux
differentes métamorphofes qu'exige le jeu théatral
. Tous les jours la nature nous montre ces
paffages fubits . Pourquoi l'Art ne pourroit- t'il
en cela l'imiter ?
>
M. Remond avoit compté , au nombre des diverfes
espéces de monotonie , l'habitude de baiffer la
voix à la fin de toutes les phrafes. Il eft contredit
fans ménagement par M. Riccoboni , qui oubliant
en cetteoccafion , qu'il ignore que le Livre du Comédien
exifte , rapporte en lettres italiques les propres
paroles de M. Remond. Croit-on , demande
22 M. Riccoboni , que ce ne foit pas une monotonie
>> de finir toutes les phraſes en l'air ? Nous lui demandons
à notre tour , fi l'on doit conclure de ce
que c'est une monotonie de finir toutes fes phrafes en
l'air ,
יכ
, que ce n'en eft pas une de baiffer la voix à
la fin de toutes les phraſes .
Pour ne pas abufer de la patience des Lecteurs ,
nous ne parcourerons point toutes les autres differences
qui diftinguent les deux ouvrages . Nous
M. A RS.. 1750. 175
ajouterons feulement que leur marche n'eft pas la
même. M. Riccoboni difcute les matieres , felon
que le hazard les lui préfente . Elles fe font offertes
à lui dans l'arrangement que nous allons voir..
Le gefte , la voix , la déclamation , l'intelligence ,
l'expreffion , le fentiment , la tendreffe , la force , la
fureur , l'enthousiasme , la nobleffe , la majesté , la
Comédie , les Amans , les caractéres , le bas comique ,
les femmes , le plaisant , le jeu muet , l'ensemble , le
jeu de Théatre , le tems , le feu , llee cchhooiixx ,, lapratique
, la Chambre , l'Académie , le Bareau , la Chaire,
Le Théatre. Nous copions ici les titres des fommaires
qui compofent la brochure.
Bien loin de vouloir contribuer à la faire tomber
dans l'oubli , nous en confeillerons la lecture
aux Acteurs , qui n'ayant point eu d'éducation ,
ont befoin de régles pour le méchaniſme de l'action
& de la contenance . Cette lecture , même
par rapport à quelques parties de l'Art plus
nobles & plus intéreffantes , peut avoir auffi fon
utilité pour les Comédiens que la nature n'a pas
doués d'une intelligence fort fupérieure. Moins
ils auront d'efprit , mieux ils feront de ne pas le borner
à l'étude du Traité de M. Remond de Sainte Albine,
& de la faire précéder par celle du petit Traité
de M. Riccoboni . Le Comédien leur fournira plufieurs
réflexions qu'ils ne pourroient puifer dans l'Art du
Théatre. D'un autre côté , ils puiferont dans l'Aro
du Théatre quelques notions préliminaires , qui les
mettront en état de lire avec plus de fruit le
Comédien.
HISTOIRE de Tom Jones , ou L'ENFANT TROUVE'.
Traduction de l'Anglois de M. Fielding. Par
M. D. L. P. Enrichie d'Eftampes par M. Gravelot.
A Londres , chez Jean Nourse , 1750. Quatre volumes
in- 12. Tome 1. pp . 336. Tome 2. pp. 341 .
Hiiij
176 MERCURE DE FRANCE.
Tome 3 : pp. 282. Tome 4. pp . 341. Prix 8 liv
broché.
+
Si l'on en croit l'Epitre Dédicatoire , adreffée
par M Fielding à l'un des Commiffaires de la
Tiéforerie de la Grande Bretagne , la Religion &
la Vertu font par tout fcrupuleusement respectées dans
cette fiction , & les Lecteurs n'y verront rien de contraire
aux plus fevéres Loix de la décence , ni qui
puiffe offenfer l'imagination la plus délicate . Il faut
fuppofer que M. Fielding entend ici par vertu ,
non l'obfervation rigoureufe de tous les préceptes
dictés par la morale Chrétienne , mais feulement la
pratique des principaux devoirs preferits par la
justice & par l'humanité. Autrement les mouts
peu regulières du Héros de ce Roman donneroient
le droit de reprocher à l'Auteur , qu'il ne remplit
pas exactement la premiere de fes promeffes.
Pour ne pas l'accufer de manquer à la ſeconde , il
eft néceffaire de fe tranfporter chez la Nation ,
pour laquelle il a écrit . En France , les femmes feront
bleffées des infidélités fréquentes que Tom
Jones fait à fa maîtreffe , & les peres & meres
s'éleveront contre la hardieffe , avec laquelle Mifs
Western abandonne la maifon paternelle pour le
conferver à fon amant . En Angleterre , on eft
moins rigorifte . Chaque pere & mere , à Londres
comme à Paris , defireroit de n'éprouver jamais de
la part de les enfans aucune réfiftance à fes volon
tés , mais l'amour des Anglois pour la liberté les
rend en général plus difpofés que nous à ne point
regarder comme criminelle la défobéiffance d'une
fille , lorfqu'elle ne peut obéir à fon pere , fans
fe rendre malheureufe . Une Angloife ne pardonnera
pas plus qu'une Françoife l'inconftance à fon
* M. Georges Littleton.
MARS. 1750. 177
amant , mais elle lui pardonnera plus facilement
une infidélité paffagere. En général , les Angloifes
font plus jaloufes des fentimens ; les Françoifes le
font plus des actions . Peut- être M. de la Place ,
Traducteur de ce Roman , auroit - il dû mettre fous
les yeux du Lecteur , dans un Difcours Préliminaire
, les réflexions que nous hafardons ici , afin
de prévenir les objections que certains cenfeurs feront
à M. Fielding.
L'analife d'un auffi long tiffu d'évenemens que
l'Hiftoire de Tom Jones occuperoit trop de place
dans ce Recueil . Nous nous contenterons de donner
à cette ingénieufe fiction tous les éloges qu'elle
mérite. Depuis long- tems , on n'en a vû aucune
ou les principaux perfonnages fuffent plus
aimables & plus intéreffans , les perfonnages épifodiques
mieux liés à l'action principale , les ca-
Factéres plus également foutenus , les incidens plus
habilement préparés , & naiffans plus naturellement
les uns des autres. Mifs Western eft une fille
vraiment admirable . Jones , tout libertin qu'il eft ,
s'attache tous les coeurs fenfibles par fa candeur,
fa générofité , fon humanité , fa reconnoiffance
pour fon bienfaiteur , fa tendreffe compatiffante
& toujours fecourable pour les malheureux . Le
nom d'Alworthy , qui en Anglois fignifie bon par
excellence , ne peut être porté par perfonne à plus
jufte titre que par l'oncle refpectable de Jones . Le
caractére de Blifil , en oppofition avec celui de
PEnfant Trouvé , offre un merveilleur contraite ,
& eft traité avec un art fingulier . Il n'y a pas
moins d'adreffe dans l'emploi que l'Auteur fait de
fes autres perfonnages , & quoiqu'ils foient en
grand nombre , tous , à l'exception d'un feul , font
néceffaires à l'action. Sancho Panfa a donné à M.
Fieldingl'idée d'un certain Patridge , qui à la vé
Hv
178 MERCURE DE FRANCE.
rité n'eft pas auffi agréable que l'Ecuyer de Don
Quichotte , mais qui cependant peut avoir de quoi
plaire aux Anglois,
Nous ignorons s'ils ont approuvé le parti que
l'Auteur a pris d'imiter la maniere de Michel Cervantes
, de Scarron & de le Sage , dans les titres de
fes chapitres , Pour nous , il nous paroît , qu'autant
elle convient dans des fictions deftinées uniquement
à rejouir , autant elle eft déplacée dans
un ouvrage dont l'objet principal eft d'intéreffer .
M. de la Place a confidérablement abregé ce
Roman , qui dans la langue originale compoſe fix
volumes. S'il fuit notre confeil , il fera encore quelques
retranchemens , lorfqu'on donnera une feconde
édition de fa Traduction . Dans une Lettre
qu'il écrit à M. Fielding , il juftifie ainfi ceux qu'il
a faits. » Vos plus aimables Angloiſes , dont l'in-
» tention n'eft pas de traverfer la France comme
» des Metéores , celles , en un mot , qui ont def-.
» fein d'habiter quelque tems parmi nous , ne
» prennent-elles pas l'ajuftement de nos Françoifes
? Ne joignent- elles pas à leurs charmes naturels
toutes les graces & tous les ornemens à la
>> mode d'une Nation à qui chacune d'elles ,
» quoiqu'elles en difent , eft fecrettement flattée
de plaire ? D'après cette réflexion , & M. Fielding
, ai -je dit , avoit écrit pour les François , il
eût probablement fupprimé un grand nombre de
paffages très-excellens en eux -mêmes , mais qui
leur paroîtroient déplacés. Une fois échauffés
» par l'intérêt réfultant d'une intrigue pathétique
» & adroitement tiffue , ils fupportent impatiem-
ככ
גכ
ment toute efpéce de digreffions , de Differta-
»tions , ou de Traités de morale , & regardent ces
» ornemens , quelque beaux qu'ils foient , comme
» autant d'obſtacles au plaifir dont ils font em
MARS. 1750 179
preffés de jouir . J'ai fait ce que l'Auteur eût fait
» lui - même.
Il eft bien difficile qu'un ouvrage d'agrément
ne perde toujours quelque chofe à être traduit.
Par exemple , un perfonnage nommé FitsPatrick
que M. Fielding introduit dans fon Roman , & qui
mêle continuellement dans fes difcours la Langue
Irlandoife avec l'Angloife , a pour les Anglois un
piquant qu'il n'a point pour nous. Du moins M.
de la Place a t'il confervé à fon original la plupart
des graces qu'il a pû faire paffer dans la Traduction
. Elle n'eft pas écrite tout à fait correctement ;
mais bien loin de reprocher au Traducteur quel
ques négligences de ftyle , on doit être furpris qu'il
n'en ait pas laiflé échapper un plus grand nombre
n'ayant employé qu'environ cinq mois à un travail
de fi longue baleine.
Les deffeings que M. Gravelot a fournis pour les
Estampes dont cette édition eft ornée , auroient
bien mérité d'être exécutés par nos plus habiles
Graveurs.
TABLES Alphabétique & Chronologique des Piéces
repréfentées fur l'ancien Théatre Italien , de .
puis fon établiffement jufqu'en 1697 qu'il a été
fermé , avec des Remarques fur ces Piéces , & une
Table Alphabétique des Auteurs qui ont travaillé
pour ce Théatre. Ouvrage dédié à Meffieurs les
Premiers Gentilshommes de la Chambre . A Paris,
chez Prault , pere , Quai de Gefvres ; la veuve
Piljot , Quai de Conty , & les Libraires du Palais
Royal , 1750. In - 8 ° , pp . 116. Prix 1 liv. 16 f.
M. du Gerard , à qui l'on eft redevable de ces
Tables , donna en 1737 une Carte qui contenoit
une Table Chronologique des Opéra & des Ballets
repréfentés fur notre Théatre Lyrique. Il fic
la même chofe l'année ſuivante pour les Piéces du
Hvj
180 MERCURE DE FRANCE.
nouveau Théatre Italien. On approuva , dit- il ;
fon travail , mais on trouva les Cartes embarraſ
fantes . C'eft ce qui a déterminé l'Auteur à pren
dre pour l'exécution de fon idée une forme plus
commode. Il fe propofe , fi l'effai que nous annonçons
de lui fur l'ancien Théatre Italien , &
dans lequel il a fuivi fon nouveau plan , eft reçu
favorablement du Public , de publier bientôt dans
la même forme fes recherches fur les autres Théa
tres .
A la tête de ce volume eft un Abregé hiſtorique ,
concernant les differentes Troupes de Comédiens
Italiens , qui ont paru en France jufqu'en 1652 .
Aucune n'y a eu d'établiffement fixe . La plus ancienne
, dont on ait confervé la mémoire , arriva
de Venise en 1577 , fous le Regne de Henri III.
& elle joua à Blois dans la Salle des Etats . Il vint
ici une autre Troupe en 1584 , & une troifiéme en
1588. Henri IV . en revenant d'une expédition
qu'il avoit faite en Savoye , amena avec lui une
nouvelle Troupe de Comédiens Italiens , qui felon
leur coûtume s'en retournerent peu de tems après
dans leur pays. Quelques autres Troupes fuccederent
à celle- ci pendant le Regne de Louis XIII.
Enfin lors de la minorité de Louis XIV . le Cardinal
Mazarin fit venir en 1652 les Comédiens Italiens
, prédéceffeurs de ceux d'aujourd'hui , & ce
font les premiers qui ayent été arrêtés au ſervice du
Roi avec penfion. Ils occuperent feuls jufqu'en
1658 l'Hôtel du petit Bourbon , qu'ils furent obli
gés enfuite de partager avec la troupe de Moliere.
Cet Hôtel ayant été démoli en 1660 , ils pafferent
à l'Hôtel de Bourgogne , où ils jouerent alternativement
avec l'ancienne Troupe Françoife , qui
depuis quatre- vingt cinq ans étoit en poffeffion de
ce Théatre. En 1680 , la Troupe Françoife de
MARS. 1750. 181
l'Hôtel de Bourgogne fut réunie à celle de Guenegaud
, & par ce changement les Comédiens Italiens
refterent feuls maîtres de cet Hôtel . L'imprudence
qu'ils eurent de jouer une Piéce , intitu
lée la fauffe Prude , leur attira l'indignation de
Louis XIV . & leur Théatre fut fermé par ordre de
ce Prince au mois de Mai 1697 .
-
Les recherches de M. du Gerard fur les Comédies
repréfentées par ces Acteurs , ne lui ont fait
découvrir que foixante quatre Piéces. Il a recueilli
fur chacune ce qui en a été dit dans les Mercures
, dans la Bibliothèque des Théatres , & dans
quelques autres ouvrages . Au jugement que les
Ecrivains qui l'ont précédé , en ont porté , il
joint fes propres remarques , & quand cela fe peut ,
il juftifie fon fentiment par l'extrait de la Comédie
qu'il loue ou qu'il critique , ou du moins par celui
des Scénes qu'on en a confervées.
›
Dans la Lifte des Auteurs qui out travaillé pour
Pancien Théatre Italien , on ne trouve que les
noms de Meffieurs Regnard , Palaprat , du Frefny,
le Noble , Lofme de Montchenay , Fatouville , Hou
dart de la Mothe , Boisfranc , Mongin & Gherardi.
11 eft affez étonnant que M. du Gerardin'ait pas
trouvé moyen de donner plus d'étendue à fon Čatalogue
. Il nous femble avoir entendu parler d'un
Abbé de Silvacane qui a compofé plufieurs Piéces ,
tantôt feul , tantôt avec Fatouville. En cherchant
avec foin , on découvriroit furement quelques autres
Auteurs.
Un article que M. du Gerard ne nous donne pas,
nous intérefferoit plus que ce qu'il nous a donné ,
Ce feroit les noms des differens Acteurs qui one
joué fur l'ancien Théatre Italien , les anecdotes
particulieres qui les concernent , & des remarques
fur leurs talens.
182 MERCURE DE FRANCE.
LA CLEF des Sciences & des Beaux- Arts , ou la
Logique , dédiée à Monfeigneur le Dauphin , par
M. Cochet , Ex- Recteur de l'Univerfité de Paris ,
Licentié en Théologie , de la Maiſon & Société
de Sorbonne , & Profeffeur Emérite de Philofophie
au Collège des Quatre Nations.
L'utilité de la Logique s'étend auffi loin que
celle du bon fens & de la juftelle d'efprit. Celle
que M. Cochet vient de donner au Public , eft un
ouvrage très- bien fait , & qui peut être trés- utile à
toutes fortes de perfonnes pour apprendre facilement
cette fcience , qui eft l'organe de la vérité ;
& qui n'excluant point les chofes d'agréinent ,
n'exclud que le faux. L'art de juger fainement , de
raifonner exactement , & d'exprimer fes pensées
avec toute la précision poffible , eft mis à la portée
de tout le monde dans la Logique dont on donne
ici l'extrait. Une trop grande quantité de régles
étant plus propre à fatiguer l'efprit qu'à l'éclairer,
l'Auteur a écarté tout ce qui eft plus ingénieux
qu'utile ; il s'eft borné à ne donner que les régles
qu'il faut fçavoir pour pouvoir exceller dans les
Sciences , dans les Beaux- Arts & généralement
dans tous les emplois dont les fonctions dépendent
de la perfection des talens de l'efprit .
M. C. ne s'eft point épargné le travail pénible
de l'arrangement , ordinairement fi négligé ,
& néanmoins fi néceffaire pour la clarté . Tous
fes exemples font bien choisis , & toujours tirés
des chofes dont on a ordinairement des idées juf,
tes fans avoir étudié aucune fcience . Il divife fa
Logique en deux Parties , & chaque Partie en
quatre Chapitres .
La Premiere Partie contient les réflexions fur
les pensées , & la feconde les réflexions fur les expreffious
des penfées . L'homme eft né pour la ſoMARS.
1750. 183
ciété par conféquent , pour jouir des avantages
qu'elle peut lui procurer , il eft obligé de communiquer
aux autres fes penſées invifibles & cachées
dans fon efprit , & de les revêtir des ` fignes qui en
font les expreffions. Une bonne Logique ne doit
pas fe borner à donner les régles des pensées , elle
doit encore prefcrire cequ'il faut obferver pour
les manifefter aux autres clairement par la diction
, la parole & les mots dont on fe fert le plus
fouvent & le plus efficacement pour cet effet. On
contracte l'habitude d'articuler des fons fans en
entendre la fignification , parce qu'on apprend
la plupart des mots donr on fe fert , avant que de
connoître les penfées & les chofes qu'ils fignifient.
Pour mieux remédier à cet abus , M. C. ne
traite dans la premiere Partie que des pensées , &
dans la feconde , des fignes par lefquels on les
exprime,
Les principales manieres de penfer , auxquelles
on peut rapporter toutes les autres , fe réduisent à
quatre , qui font concevoir , juger , raisonner & arranger.
C'eft pourquoi dans le premier Chapitre
M. C. traite de l'idée ; dans le fecond, du jugement;'
dans le troifiéme , du raisonnement ; dans le quatriéme
, de la méthode . Il eft impoffible de bien
juger , de bien raifonner & de bien arranger fes
penfées fans avoir des idées exactes & juftes . Ce
qui regarde les idées , eft ce qu'il y a de plus important
dans la Logique ; tout le refte en dépend.
Le premier Chapitre contient quatre articles . LAuteur
confidere l'idée du côté de fon objet dans le
premier article ; du côté de fa caufe dans le fecond,
du côté de fon fujet dans le troifiéme , & dans le
quatrième M. C parle des vraies & fauffes idées.
Le fecond Chapitre eft divifé en trois articles.
1°. M.C. confidere le jugement du côté de l'efprit
184 MERCURE DE FRANCE.
qui juge. 2°. Du côté des idées dont il eft compo
fé ; 3 °. Du côté des choſes dont on juge .
Dans le troifiéme Chapitre il prouve que pour
juger fi un raifonnement eft bon ou mauvais , on
n'a befoin que d'une feule régie , qui renferme
toutes les autres que donne la Logique. Il n'y a
perfonne qui n'ait affez d'intelligence pour com
prendre cette régle qu'on explique trés - clairement.
Après avoir parlé de la méthode en général dans
le quatriéme Chapitre,M.C.donne dans le premier
article les régles communes à la méthode analitique
& à la méthode fynthétique ; dans le fecond ,
les régles particulieres de la méthode analitique ,
& dans le troifiéme les régles particulieres de la
méthode fynthétique.
La feconde Partie contient des réflexions trèsutiles
pour bannir toute équivoque & toute ambiguité
du ftyle , & pour le rendre tel qu'il foit même
impoffible de n'être pas entendu . Il est trèsimportant
pour la fin de la Logique , qui eft de
bien penfer , d'entendre les divers ufages des fons
diſtincts & articulés , qui font , pour ainfi- dire , les
inftrumens dont les hommes fe fervent pour faire
connoître aux autres ce qui fe paffe dans leur
efprit.
Dans le premier Chapitre , l'Auteur parle du
terme , qu'on appelle auffi nom , qui eft le figne
qui exprime l'idée ; dans le fecond , de la propofition ,
dont on fe fert pour manifefter la penfée qu'on
nomme jugement ; dans le troifiéme , de l'argu .
mentation , qui eft l'expreffion du raifonnement ,
& dans le quatrième , de la maniere d'étudier &
d'enfeigner , qui répond à la méthode.
On trouve dans le premier chapitre non feulement
les moyens propres à remédier aux imperfections
MARS. 1750. 185
naturelles du langage , & au mauvais ufage qu'on'
fait fréquemment des termes , mais encore des réflexions
très efficaces pour lever les obftacles que
les termes mettent au difcernement des idées.
Le fecond chapitre traite de la propofition ; il
contient deux articles. Dans le premier M. C. explique
tout ce qui concerne la propofition vocale
ou verbale , qui eft le figne par lequel on manifefte
la penfée qu'on nomme jugement , qu'on peut appeller
propofition mentale ; & dans le fecond il
parle de la définition & de la divifion , qui font deux
propofitions dont on fait un grand ufage dans les
fciences .
Il eft parlé dans le troifiéme chapitre de l'argumentation
, qui exprime le raifonnement . Ce chapitre
eft divifé en quatre articles. Le premier traite du
fyllogifme vocal ou verbal , qui répond au mental ,
qui eft une forte de penſée qui a été expliquée dans
le troifiéme chapitre de la premiere partie. L'Auteur
démontre géométriquement & d'une maniere
claire & laconique les régles des fyllogifmes
, dans la vue d'exercer l'efprit . Ce qui regarde
l'enthimême, eft expliqué dans le fecond article
; M. C. parle, dans le troifiéme, des argumen
tations compofées de plus de trois propofitions , &
dans le quatrième , des fophifmes.
La maniere d'étudier & d'enfeigner, qui répond
à la méthode , eft le fujet traité dans le quatriéme
chapitre , qui renferme deux articles. Le premier
regarde la manière d'étudier , & le fecond celle
d'enfeigner. Toutes les chofes contenues dans
l'ouvrage entier , font rapprochées avec tant d'art,
qu'elles ne font qu'un petit in- 8°. de 238 pages ,
fans la préface, oùl'on juftifie le titre de cette Logique
, qui eft la clef des Sciences & des Beaux-Arts.
Elle fe vend à Paris , chez Jean Defaint & Ch.
186 MERCURE DE FRANCE.
Saillant , Libraires , rue Saint Jean- de- Beauvais ,
& chez Jean-Thomas Heriflant , rue St. Jacques ,
à S. Paul & S. Hilaire .
LETTRES fur l'efprit de Patriotifme ,fur l'idée d'un
Roi Patriote , & fur l'état des Partis qui divifoient
l'Angleterre , lors de l'avenement de GEGRGES I.
Ouvrage traduit de l'Anglois, A Londres, 1750, in-
8°. pp. 255. Prix 4 livres.
Quiconque fçaura que ces Lettres font du célebre
Lord Bollenbrocke , aura, fans doute , beaucoup.
d'empreflement à lire cette Traduction , à laquel
le le nom des Traducteurs ajoûte un nouveau
prix.
DEMONSTRATION du Principe de l'Harmonie ,
fervant de bale à tout l'Art mufical théorique &
pratique ; approuvée par Meffieurs de l'Académie
Royale des Sciences , & dédiée à M. le Comte
d'Argenson , Miniftre & Secretaire d'Etat . Par M.
Rameau. A Paris , chez Durand , rue S. Jacques ,
au Griffon ; Piffot , Quai des Auguſtins , à la Sageffe
, 1750. Avec Approbation & Privilége, du
Roi. In- 8 ° . pp. 112 , fans y comprendre le rapport
des Commiffaires de l'Académie des Sciences
, lequel en occupe 47.
L'ART de mefurerfur mer le Sillage du Vaiffeau,
Avec une idée de l'état d'armement des Vaiffeaux
de France. Dédié aux Marins . Par M. Saverien ,
Ingénieur de la Marine. A Paris , Quai des Auguftins
, chez Antoine Jombert , Libraire du Roi ,
pour l'Artillerie & le Génie , au coin de la rue
Git-le-Coeur , à l'Image Notre- Dame, 1750 , in-
8. pp. 245. Cet ouvrage eft accompagné de
Planches.
LE SPECTACLE de la Nature , Tome & , contenant
ce qui regarde l'homme en focieté avec Dieu. A
Paris , chez la veuve Etienne , & fils , rue Saint
MARS. 1750. 187
Jacques , à la Vertu, 1750. Avec Privilege . In- 12 .
Premiere Partie , pp. 436. Seconde Partie , pp .
388.
LA VIE de Pierre Aretin. Par M. de Boifpreaux¿
A la Haye , chez Jean Neaulme „1750. Petit in-
12 , pp. 232.
MEMOIRES LITTERAIRES fur differens fujets
de Phyfique , de Mathématique , de Chymic , de
Médecine , de Géographie , d'Agriculture , d'Hil
toire naturelle , &c. Traduits de l'Anglois par
M. Eydous. A Paris , chez André Cailleau , rue
S. Jacques , à S. André , 1750. Avec Privilége.
In- 12. pp. 379 .
INSTRUCTION PASTORALE de M. l'Evêque de
Grenoble , fur le Sacrement de Pénitence & fur la
Communion. A Grenoble , chez Giroud , Imprimeur
Libraire , au Palais . 2 vol . in 4º .
Notre fuffrage ajoûteroit peu à l'eftime qu'on
doit à cet excellent ouvrage & à fon refpectable
Auteur. Il nous convient tout au plus de rapporter
en cette occafion ce que nous avons entendu
dire. Les perfonnes les plus capables de bien juger
nous ont affûré qu'il n'avoit encore paru , fur la
matiere que M. l'Evêque de Grenoble a traitée ,
aucun ouvrage auffi complet que l'Inftruction
de ce fçavant Prélat .
HISTOIRE des Révolutions de l'Empire de Conftantinople
, depuis la fondation de cette Ville juf
qu'à l'an 1413 , que les Turcs s'en rendirent maî
tres. Par M. de Burigny . A Paris , chez Debure ,
l'aîné , Libraire , Quai des Auguftins , à l'Image
Saint Paul , 1750 , 3. vol . in- 12.
HISTOIRE de l'Ile de Corſe , contenant en abregé
les principaux évenemens de ce Pays , le génie ,
les moeurs & les coûtumes de fes habitans , leur
dénombrement actuel ; avec des Réflexions mora188
MERCURE DE FRANCE.
les & politiques fur leur Gouvernement , tant and
cien que moderne , un détail hiſtorique de la Colonie
Grecque qui y eft établie depuis 1676 ; l'hiftoire
véritable du prétendu Roi Théodore , & la
réfutation de toutes les fables qui ont paru juf .
qu'à préfent fur fon compte. A Nancy , chez Abel
Denis Cuffon , Imprimeur- Libraire fur la Place ,
au nom de Jefus , 1749 , in-8 ° . pp. 300. On a
joint à cet Ouvrage une Carte Géographique ,
corrigée par l'Auteur.
DEUX DISCOURS , l'an fur la Convalescence du
Roi , l'autre fur la Paix , traduits du Latin de M.
le Beau , de l'Académie des Infpriptions & Belles-
Lettres , & Profeffeur de Réthorique au Collége
des Graffins. Par M. Mason , Tiéforier de France.
A Paris , chez Thibouft , Imprimeur du Roi & de
l'Univerfité , Place de Cambray , & Saillant , Libraire
, rue S. Jean - de - Beauvais , vis - à- vis le College
, 1750 , in- 12 . pp . 193 .
LES VRAIS PLAISIRS , ou les Amours de Vénus
d'Adonis. A Amfterdam , chez Pierre Mortier ,
Libraire , 1750 , in- 12 . pp. 78 .
On nous a dit que cette petite brochure étoit
d'un Auteur , dont le nom doit prévenir en faveur
de l'ouvrage.
CHROA - GENESIE , ou Génération des Couleurs ,
contre le Systéme de Newton. Préſentée au Roi .
Par M. Gautier , Penfionnaire de Sa Majefté , Inventeur
de l'Art de graver & d'imprimer les Tableaux
à quatre couleurs , 1749 , in- 12 . pp. 79.
Cette Differtation a été lûe à l'Académie des
Sciences par l'Auteur , le Samedi 22 Novembre ,
& le Mercredi 26 du même mois , 1749.
LETTRE fur l'Electricité Médicale, qui contient des
Expériences fingulieres , relatives à la Médecine ,
& les Effais furprenans d'adminiftrer des remedes
MARS. 1750. 189
par le moyen de l'Electricité ; écrite de Venife
par M. Pivati , de l'Académie de Bologne , à M.
Zanotti , de la même Académie. A Paris , chez
Debure , l'aîné , Quai des Auguftins , 1750 , in 12.
PP . 49.
DESCRIPTION d'un Monument découvert dans
la Ville de Rheims en 1738. A Rheims , chez Gabriel
Defaint , Libraire , rue des Tapifliers , à
l'Annonciation , 1749 , in- 12 . PP. 15 .
MEMOIRES de Mlle de Fanfiche. A Amfterdam ,
chez Pierre Mortier , 1750 , in 12. Premiere Par
, pp. 117. Seconde Partie , pp . 121 .
tie
Poirion , Defprez, & Cavelier , fils , fe difpofent
à donner une nouvelle Edition du Dictionnaire
de Rimes de Richelet. Un habile Grammairien a
perfectionné & augmenté confidérablement cet
ouvrage. Nous parlerons plus au long de cette
Edition , qui doit paroître dans fix mois.
Charles - Antoine Jombert propofe des foufcriptions
pour la feconde partie de l'ARCHITECTURE
HYDRAULIQUE , de M. Belidor , Colonel d'Infan
terie , &c. On trouvera le Prospectus dans le prochain
Mercure.
LES CAPRICES DU SORT , ou l'Hiftoire d'Emilie,
Par Mlle de S. Ph . *** . Deux Parties , 1750 ,
2n- 12 . Premiere Partie , pp . 147. Seconde Partie ,
PP. 149.
Nous n'avons pas encore eu le tems de lire ce
petit Roman , mais une perfonne défintereffée
nous a affuré que la Demoiselle, qui l'a compofé ,
eft également diftinguée par fon efprit & par fes
charmes . Ce n'eft pas une raifon pour que l'ouvra
ge foit généralement applaudi par les Dames,mais
l'Auteur paroît pouvoir fe flatter d'avoir tous les
hommes dans fon parti.
L'HEUREUX BUVEUR, Cantatille à voix feule ,
150 MERCURE DE FRANCE.
avec fymphonie. Bafle- Taille. Par M. le Fevre ,
Organifte de S. Louis en l'lfle. A Paris , chez le
Clerc , rue du Roule ; Mad . Boivin , rue S. Honoré
; Mlle Caftagneri , rue des Prouvaires , &
Janvier , rue S. Jacques , à la Place des victoires .
VAUDEVILLES , MENUETS , CONTRIDANSES , &
Airs détachés , chantés fur les Théatres des Comédies
Françoife & Italienne , leſquels ſe jouent far
la flûte , la vielle , la mufetre & le violon. A Paris,
aux adreſſes ordinaires des Marchands de Mufique
, & chez Cailleau , Libraire , rue S. Jacques,
'Académie de Pétersbourg , à laquelle préfide
>
Chevalier de l'Aigle blanc , de Saint Alexandre &
de Sainte Anne , propofe pour fujet de Prix cette
Queſtion : Si toutes les inégalités qu'on obferve dans
Le mouvement de la Lune font conformes à la Théorie
de Newton , & quelle eft la vraye Théorie de toutes
ces inégalités , en vertu de laquelle on peut déterminer,
pour quelque tems que ce foit , le lieu de la Lune. Le
Programme eft en Latin .
Le Prix fera une fomme de cent Ducats , faifant
cent Piſtoles monnoye de France , ou une
Médaille de cette valeur, ceux qui confidereront la
grandeur de la Queftion , jugeront aisément que la
gloire fera la plus grande partie de la récompenſe.
Avant le premier Janvier 1751 les afpirans au
Prix enverront leurs Differtations au Comte Rafumowſki
, en obfervant d'y mettre une Sentence ,
& d'écrire leur nom dans un autre papier cacheté.
Ces piéces feront écrites ou en Latin , ou en François
, ou en Allemand, ou en Langue Ruffienne.
C'eft le premier Prix que l'Académie de Péterſbourg
propofe au Public,
MARS, 1750 191
SECONDE LETTRE *
De M. Rouffille , Chirurgien Oculiste à
Chartres , à M. *** Docteur en Médecine
, fervant de Réplique à la Réponse de
M. Daviel , inferée dans le Mercure de
Juillet 1749.
J
E ne fuis pas furpris , Monfieur , que vous
n'ayez pas été fort touché de la Réponſe
que M. Daviel a faite à la Lettre que j'ai eu
Phonneur de vous adreffer vers la fin de l'année
1748. Je vous avoue que fi notre dispute n'intérefloit
que les gens de l'Art , & que nous n'n'euf.
fions pour Juges que des perfonnes éclairées comme
vous , je n'aurois pas même été tenté de lui
répliquer. Je fuis perfuadé que tous ceux qui voudront
bien fe donner la peine de relire ma premiere
Lettre , de comparer entr eux les differens endroits
de la réponſe de M. Daviel , & de parcourir
les Auteurs qu'il nomme aux endroits cités , trouveront
aifément la folution de toutes les difficultés ;
mais comme cela demande quelque application &
que les hommes fuyent le travail , je vais tâcher
de le leur épargner , en réuniffant moi - même fous
leurs yeux ces differens points de comparaison .
Ma difpute avec M. D. roule fur deux points.
1º. Les Cataractes adhérentes au bord poftérieur
de l'uvée , font- elles fi communes , que fur
61 Cataractes il s'en trouve 19 de cette espéce ?
Lapremiere fe trouve dans le Journal de Verdun,
Février 1749 .
192 MERCURE DE FRANCE .
2°. Ces fortes de Cataractes , lorfqu'elles fe ren
contrent , font- elles curables ?
M. D. foutient l'affirmative fur l'un & l'autre
point , & moi je fuis pour la négative ; c'eſt ce
qu'il s'agit d'éclaircir,
Je foutiens donc premierement que les Catarac
tes adhérentes ne font pas à beaucoup près fi communes
, qu'il s'en rencontre prefque un tiers de
cette efpece . Sans répeter ici ce que j'ai dit fur cet
article dans ma premiere Lettre , je veux tirer mes
preuves de la réponſe même de M. D. Ses aveux
& fon filence me ferviront également.
J'ai admis dans ma première Lettre deux cas où
les Cataractes peuvent devenir adhérentes à la
partie pokérieure de l'uvée .
Le premier , c'eft lorfqu'une Cataracte étant
extrêmement ancienne , l'humeur que Morgagnya
découvert entre la face antérieure du criftallin &
fa capfule , s'eft deflechée . Ce deffechement cole
d'abord antérieurement le criftallin à fa capfule ,
& l'humeur aqueufe devenant plus gluante & plus
vifqueuſe , par la même caufe qui a épaiffi l'humeur
de Morgagny , jufqu'à la deffecher , la membrane
antérieure de la capfule du criftallin peut
devenir adhérente au petit bord de l'uvée . J'ajoutois
que l'ancienneté des Cataractes n'attiroit pas
toujours à beaucoup près ce deffechement & cette
adhérence qu'elle étoit rare au contraire , & que
d'habiles Oculiftes , comme feu M. Du Petit le
Médecin , la nioient même tout- à - fait.
Le deuxième cas où les Cataractes deviennent
adhérentes , c'eft lorfqu'après des contufions dans
l'ail , des opthalmaies internes confidérables , il
arrive des déchiremens , des ulcérations à l'uvée ,
熬
*Journal de Verdun , Février 1749 , p. 103.
à la
MARS. 1750. 193
la portion antérieure de la capfule du criftallin ,
&c. Ces accidens font très capables de coler cette
capfule , non feulement au ciiftallin & au petit
bord de l'uvée , mais même à toute la lame poftérieure
de l'uvée , qu'elle ne touche jamais dans
l'état naturel , à caufe de fa convexité , comme
tous les Anatomiftes en conviennent.
M. D. rejette le premier cas , & il paroît em
braffer le ſentiment de M. Du- Petit . Je n'ai garde
de m'y oppofer , puifque cela fait pour moi , &
que j'incline moi- même pour cette façon de penfer.
Je n'en ai fait mention que pour lui accorder
tout ce que je pouvois .
*
Mais au fecond il prétend en ajoûter un troifiéme,
fur lequel il veut bien avoir la bonté de m'inf
truire. Ce font , dit - il p . 6 , les piquûres d'épine ,
d'épingles , de cifeaux , d'aleines , & autres inftrumens
tranchans & picquans . Je lui fuis aflûrément
obligé de la bonne volonté ; mais avec un peu de
logique il fe feroit apperçu que fa diviſion n'eſt
pas tout à fait régulière , puifque fon troifiéme
membre fe trouve renfermé dans le fecond . Le
fecond cas , ai- je dit , où les Cataractes deviennent
adhérentes , c'eft lorfqu'il arrive des déchiremens ,
des ulcérations à l'uvée , à la portion antérieure de la
capfule du cristallin , &c . Or , que ces déchiremens
, ces ulcérations , foient caufés par des contufions
, des piquûres d'épine , d'épingles , de ciſeaux ,
d'aleines , & autres inftrumens tranchans & piquans,
ou des ophthalmies internes confidérables , &c. ce.
font toujours des déchiremens , des ulcérations , &
les differentes caufes de ces déchiremens peuvent
tout-au - plus donner lieu à une fous - divifion , mais.
elles ne forment point chacune eu particulier des
* Mercurede France , Juillet 1749 , p. 211 .
I
194 MERCURE DE FRANCE.
cas differens , l'effet étant le même ; ou bien M.D.
feroit forcé lui- même , au lieu de deux cas auxquels
il fe reftraint , d'en admettre fix ou fept , or
un bien plus grand nombre ; car les inftrumens
piquans , tranchans , contondans peuvent varier à
l'infini . Mais il étoit queftion des déchiremens &
des ulcérations de l'oeil , & non de leurs cauſes ;
c'eft pourquoi je ne me fuis pas crû obligé d'en
faire une énumération exacte.
Ajoûtons à ceci , que du nombre des caufes qui
peuvent rendre une Cataracte adhérente dans le fecond
cas , M. D. rejette l'ophthalmie, après cependant
l'avoir admife quelques lignes plus haut dans
la même page. Ainfi , dit-il , p . 8 , * en parlant de
P'ophthalmie, cetteprétendue adhérence eft abfolument
fauffe , quoiqu'en dife M. Rouffille. Point de difpute
encore avec lui fur cet article. Plus il reftraindra
le nombre des caufes de l'adhérence des Catarac
res , & plus il me fournira de moyens contre lui.
Ces caufes fe réduiſent donc , felon M. D. aur
contufions & aux piquûres d'épines , d'épingles, de
cifeaux , & c.
Or je demande à tous les Oculiftes de l'Europe,
fi , fur les Cataractes qui fe préfentent à eux , &
fur lefquelles ils font confultés , il s'en trouve , je
ne dis pas un tiers , comme le prétend M. D. mais
un vingtiéme , un cinquantiéme même, qui viennent
de quelques-unes de ces caufes.Je demande à
M. D. lui-mêine , fi les dix-neuf qu'il a abbattues
à Paris , & qu'il a crues adhérentes , avoient été
caufées par quelqu'un de ces accidens. Je ne vois
que celle de Mad de Vandeuil qui ait été produite
à la fuite d'un coup au-deffus de l'oeil affecté. ** Si
* Ibid. p. 272.
** Cette Cataracte elle-même doit être rayée du
MARS. 1750.
195
les autres euffent eu une pareille caufe , il n'eût
afiûrément pas manqué de nous en faire l'hiftoire
dans fa premiere ou du moins dans fa feconde Lettre
, & fon filence doit paffer pour une preuve du
contraire . Je conclus donc que les Cataractes , qui
font caufées des contufions ou des piquûres
d'épines , d'épingles , &c . étant rares, & cependant
les feules , fuivant M. D. qui deviennent adhérentes
, il s'enfuit néceffairement , fuivant les propres
principes , que les Cataractes adhérentes à l'uvée
doivent être extrêmement 'rares.
par
Mais que répondre au paffage que M. D. nous
cite d'Antoine Maître-Jean . Cet Oculifte fi célébre,
i expérimenté , qui a vû un fi grand nombre de
Cataractes , en a dû voir fans doute un nombre
confidérable d'adhérentes . Point du tout : il en a
vû deux ; encore ne l'étoient- elles pas , fuivant les
principes de M. D. car elles n'étoient point venues
à la fuite de contufions ni de piquûres. On pourroit
même rédui e ces deux à une feule , car des
deux Cataractes dont Maître - Jean parle à la page
citée , il n'y en a qu'une , dont il dife clairement
qu'elle étoit adhérente. C'étoit bien la peine de
citer Antoine Maître Jean.
M. D. en cite trois autres qu'il a'vûes lui- même .
Celles-ci font plus en régle que celles de Maître-
Jean. Mais en lui accordant pour le moment
tout ce qu'il en dit , qu'en conclure pour la Theſe
qu'il foûtient ? Que peut-être parmi des milliers de
Cataractes que M. D. a vûes ( car que n'a -t'il
point vû & fait ? ) il s'en foit trouvé trois vraig
'nombre de celles dont il eft ici queftion , puifqu'il n'eft
point dit que le coup que la Dame de Vandeuil reçut
au.deffus de l'oeil y ait produitdéchirement ou ulcération.
* Je difcuterai plus bas ces trois Faits.
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
#
ment adhérentes , il s'enfuit bien qu'il y a des Cataractes
adhérentes ( ce dont je conviens & fuis
toujours convenu , quoique M. D. m'impute le
contraire , p. 16. * ) mais il en résulte auffi qu'elles
font très rares , ee que j'ai toujours foutenu.
Vous voyez , Monfieur, déja fur cet article, que
je n'ai rien avancé de trop , en vous difant que M.
D. dans la réponſe me fourniroit des moyens fuffifans
pour le réfuter . Mais voici quelque chofe de
plus curieux . Je vais retourner la médaille & vous
faire voir que s'il établit des principes qui prouvent
que les Cataractes adhérentes font rares ,
il en pofe en même- tems d'autres qui prouvent
au contraire que toutes les Cataractes font ad
hérentes .
>>
Selon cet Oculiſte , p . 9 , ** l'adhérence des
Cataractes occafionnée par les piquûres & les
coups , eft peu de chofe , ce n'eft pas ce qui forme
la grande adhérence dont il entend parler ; le voici.
Tous ceux qui ont examiné l'oeil , fçavent
» que la membrane du cristallin eft unie aux procès
ciliaires , & beaucoup plus dans les inflamɔɔmations
de la choroide , que dans l'état naturel.
(Voilà , n'en déplaife à M. D. les adhérences ophthalmiques
rétablies. ) C'eft directement dans cet
endroit , qui fait les limites de la chambre pofté-
» rieure de cet organe , ue le cristallin , dont la
membrane eft pour lors fort épaiffe , ſe rend fi
» adhérent aux procès ciliaires , qu'il est toujours
très-difficile de l'en pouvoir féparer , de même
» que
dans l'état de molleffe des Cataractes . C'eft
» donc dans cet endroit que l'Oculiſte élairé a be
»foin de tout fon jugement pour conduire avec
» adreffe fon aiguille jufqu'à cette digue , afin de
ל כ
* Ibid. p. 221.. ** Ibid. p. 213.2146
MARS. 1760. 197
» la détruire & de renverfer le criftallin avec fa
» membrane.
Voilà donc un premier principe . Remarquez,
s'il vous plaît , Monfieur , que l'union dont parle
M. D. n'eft pas fimplement un attouchement , c'eft
une union , plus forte à la vérité dans les inflammations
de la choroïde que dans l'état naturel ,
mais réelle néanmoins , & même forte , p. 15 ,
dans cet état , & qui forme une digue , qu'il faut
détruite avec adreffe par le moyen de laiguille
pour abbattre la Cataracte. Je n'examine point la
vérité de cette affertion , je la fuppofe , parce
que je ne veux faire qu'un argument ad hominem.
Le fecond principe de M. D. p. 10 , c'eft
» que , felon lui , pour guérir toute e péce de Cataracte
& la guérir radicalement , il faut abattre
le criftallin avec fa capsule , & le loger dans l'humeur
vitrée , fans quoi il eft moralement impoffi
→ ble de rendre l'oeil net , & que la vûe fe faffe par-
>>faitement .
Vous fçavez bien que ce fecond principe eft diamétralement
oppofe à ma façon de penfer : je le
réfuterai dans un autre endroit , mais ce n'eft pas
ici le lieu , & je veux tout accorder à M. D.
Ne fuit-il pas évidemment de ces deux principes ,
que toute Cataracte eft réellement adhérente , de
quelque efpece qu'elle foit , plus ou moins à la vérité
, & par conféquent qu'il n'eft pas poffible d'en
abbattre une feule fans caufer des ruptures & des
déchiremens, au moins aux procès ciliaires , ce qui
doit attirer de fâcheux accidens . Ces conféquences
font avouées par M D. il les expoſe même avec
énergie. Comme la capfule , dit - il , p . 15 ***
* Ibid. p. 2. 19.
*** Ibid. 219.
** Ibid. p. 214.
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
25
eft fortement attachée aux procès ciliaires , ainf
que nous l'avons déja dit , & qu'elle s'enclave
même dans toute la circonférence de la rétine en
forme de langué de gueule , il eft moralement
impoffible qu'en preflant avec l'aiguille fur le
» corps du cristallin antérieurement ou poftérieurement
, pour lefaire fortir de fa membrane ou de
»fon chaton , les procès ciliaires qui font partie
de la choroïde , ne foient tiraillés de - même
que la rétine ; par conféquent tout le fond de
» l'oeil en fouffrirà de violentes fecouffes & com-
> motions ; tous les vaiffeaux fanguins & limpha-
» tiques , & fut tout les petits filets nerveux qui
répondent à ces parties , fe trouveront déchirés
" & crifpés dans leurs principes , & ſe retireront à
peu près comme une corde à boyau qui fe caffe
lorfqu'elle eft bien tendue. De- là il arrive de
" violentes douleurs à la tête , aux oreilles , aux
» dents , dans toute la circonférence de l'oeil & de
" Porbite , fuivies de vomiffemens & d'une infinité
d'autres accidens , & enfin quelquefois de la fupuration
totale de cet organe , fans que l'iris ait
» été ni touchée ni bleſſée en aucune maniere.
အ
20
לכ
Tous ces accidens peuvent effectivement ſuivre
le déchirement des procès ciliaires ; & ils doivent
être fort ordinaires , ou même arriver toujours
après les opérations de M. D. s'il opere d'une maniere
conforme à fes principes. Il eſt moralement
impoffible , dit - il , qu'ils n'arrivent pas.
Mais pourquoi cet Auteur , aprés avoir mis en
théle, que pour guérir toute espéce de Caturacte , il
faut abbattre le cristallin avec fa capfule , & le loger
dins l'humeur vitrée , vient- il nous dire ici que
dans l'opération de la Cataracte on fait fortir le crif
tallin de fa membrane ou de fon chaton. C'eftencore
une petite contradiction qui démontre comTHE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
.
ETTONS DE L'ANNEE 1750
UT
QUE
CRESCIT
HAUR
II
CADENTIBUS
IV
PARTIES CASUELLES
1750.
SATIS
JAM
UNDIS
SPAPAR
TRESOR ROYAL
1750 .
EX
TERRUIT
VI
ORDINAIRE DES
GUERRES
17 50
LUDENS
VERBERAT
AURAS
REGALI
CHRISTIANISS
fm.
POST
ULMINA
BATIMENS DU ROY
1750
VI
ARTILLERIE
1750
FOECUNDA
AUGET
D Sornique f
IX X
DECOREM
SPERATE
III
SPLENDET
CHAMBRE AUX
DENIERS
1750
USU
JUVAT
EXTRAORDINAIRE
DES GUERRES
1750-
UNDA
REC
VI
MARINE
1750
NUNTIA
MAISON DE
LA REINE
1750
MAISON DE MADAME
LA DAUPHINE
1730.
LUCIS
MAR S. 1750. 199
bien il entend fa matiere. Rifum teneatis amici ?
Les funeftes inconvéniens qui fuivent prefque
toujours , de l'aveu même de M. D. du déchirement
des procès ciliaires me conduifent naturellement
à l'examen du ſecond point de notre diſpute.
U
La fuite pour le Mercure prochain.
DEVISES
Pour les Jettons de l'année 1750.
TRESOR ROYAL.
Ne Machine Hydraulique fur une riviere
Haurit ut fpargat. Elle ne puife que pour
répandre.
PARTIES CASUELLES.
Un fleuve groffi par les eaux de la pluye. Crefcitque
cadentibus undis. Il groffit des eaux qui tombent
de toutes parts.
CHAMBRE AUX DENIERS.
Le Rameau d'or. Regali fplender ufu. Il tire fon
éclat de l'ufage qui s'en fait pour le Prince .
ORDINAIRE DES GUERRES.
Jupiter tenant fa foudre en bas . Jam fatis terruit.
Elle a affez épouvanté la terre.
EXTRAORDINAIRE DES GUERRES.
Un Olivier , auquel font attachés la maffue , les
fléches & la peau de Lion , d'Hercule . Hic pofuiffe
juvat. Il eft fatisfait de les y avoir dépoſés.
I iiij
100 MERCURE DE FRANCE
BATIMENS.
Un Aigle établiffant fon aire au haut d'un ro
cher. Placida poft fulmina cure . Après avoir portê
la foudre , elle s'occupe de foins plus paifibles.
ARTILLERIE.
Un Bélier. Ludens verberat auras. C'est en le
jouant , qu'il frappe les airs.
MARINE.
L'Etoile de Caftor & de Pollux s'élevant audeffus
d'une mer agitée . Unda recumbit. Elle calme
la tempête .
MAISON DE LA REINE.
Un Rofier chargé de fleurs. Auget foecundadecorem.
Sa fécondité augmente fa beauté .
MAISON DE MADAME LA DAUPHINE
Une Aurore fur fon char, Sperata nuncia luciș .
Elle annonce le beau jour que l'on attend.
EXPLICATION DE LA MEDAILLE
A Paix eft repréfentée fous un Pavillon à l'an-
LA
una
par
branche d'olivier qu'elle tient d'une main , & par
une corne d'abondance renverfée , qu'elle tient de
l'autre. Elle eft affife au milieu des differens attri
buts des Arts , des Sciences & du Commerce.
Légende. Salus generis humani. Le bonheur du
genre humain.
Et dans l'Exergue , Pax Aquis granenfis , XVID
Octobris M. DCC . XLVIII . La Paix fignée à Aix-la-
Chapelle , le 18 Octobre 1748,
XV
.
REX
LUD
fm.
GENE
CHRIS
ANIISS
RIS
HUMANI
PAX AQUISGRANENSIS
XVIII. OCTOBRIJ
MDCCXLVIII.
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND TILDEN
FOUNDATIONS
.
1
THE NEW YORK)
PUBLIC LIBRARY.
ACTOR , LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND TILDEN
FOUNDATIONS
.
MARS. 1750. 201
RECIT DE BASSE.
R Edoutez l'éclat du Tonnerre ,
nblez que fous vos pas ne s'entrouvre la Terro
s commettez , Grégoire , un forfait odieux.
Elémens vont vous livrer la guerre ;
offenfez les mortels & les Dieux ;
ite encore , hélas ! du vin dass votre verre..
洗洗潔洗洗洗洗洗潔洗洗:洗洗洗
ens ,
SPECTACLES.
E 2 Février , jour de la Purification , le Con
cert donné au Château des Thuilleries , comença
par une fymphonie . M Daquin , Organiſte
Roi joua feul. On chanta enfuite Dixit infi--
Motet à grand choeur de M Richer , Ornaire
de la Mufique de Sa Majefté M. France de
Lermazine , Allemand , exécuta un Concerto de :
affon. Confitebor tibi , Domine , Moret à grand
hoeur de feu M. de la Lande , fuivit ce Concerto.
M. Labbé , fils , jona feul du violon , & le Concert
fat terminé par Jubilate Deo, Motet à grand choeur
de M. Mondonville .
L'Académie Royale de Mufique donna le pre--
mier du même mois la vingt - cinquiéme & derniere
repréfentation de Zoroastre.
" Elle reprit le 3 le Bal'et de Platée , qu'elle con--
tinua les , le 8 , le 15 & le 12 La musique brillante
de ce Ballet a été applaudie comme dans la
202 MERCURE DE FRANCE!
nouveauté. On rejoua le 13 & le 15 les Caractéres
de l'Amour. Le Carnaval du Parnaſſe le fut le 17 »
le 19 & le 20.
Le 22 , la même Académie remit au Théatre las
Tragédie de Tancrede , dont les paroles font de feu
M. Danchet , de l'Académie Françoiſe , & la muque
du fameux Campra. Dans les deux Partis qui
divifent les Amateurs de l'Opera , il eſt également
des Enthoufiaftes , qui ennemis de leurs propres
plaifirs , voudroient profcrire tous les ouvrages qui
ne font pas du genre dont ils fe font déclarés les
protecteurs. Le Public , non -feulement plus jufte ,
mais plus éclairé fur les intérêts , fait le même ac--
cueil au beau de tous les genres. Après avoir ad
miré un ouvrage de Lulli & des autres Mélodiftes
célebres , il court en foule à un nouvel Opéra de
M. Rameau. De même , lorfqu'après un Opera de
M. Rameau l'on nous en donne un de quelqu'un
des Muficiens qui fe font plus attachés aux graces.
du chant qu'à la grande harmonie , on n'eft pas.
moins charmé de la mélodie féduifante & de la
touchante expreffion de l'ancienne mufique , que
des fçavans accords de la moderne. Le fuccès
éclattant de cette reprife de Tancrede eft une
preuve de ce que nous avançons .
Les Comédiens François repréfenterent le 1
pour la premiere fois la Comédie intitulée la Force:
du Naturel , Piéce en cinq Actes & en vers , de M.
Nericanlt Deftouches , de l'Académie Françoife.
Cet ouvrage n'a pas d'abord reçû tous les applan
diffemens qu'il méritoit , mais depuis on luna ren
du juftice , & if eft regardé comme très digne de
Pilluftre Auteur du Glorieux & du Philofophe marić:
Le 20 , les Comédiens Italiens jouerent une
nouvelle Comédie , qui a pour titre , Arlequin .
Stapin morts vivans , & à laquelle fant joints deux
MARS . 203
1750 .
Divertiffemens très-agréables , de la compoſition
de M. de Heffe.
La Dlle Foulquier , âgée de dix ans , & qui
tous les jours dans les Ballets de ces Comédiens
excite tant d'admiration , joua le 23 le rôle de la
Débutante dans la Piéce des Débuts , & la perfection
avec laquelle elle s'en acquitta , doit étonner
autant que les talens prématurés pour la danſe.
洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c .
M &'
Eloquence "
R Coignard ayant fondé un nouveau Prix
l'Univerfité le donnera
pour la premiere fois , à la diftribution générale
des Prix , qu'elle fait chaque année au commencement
du mois d'Août. Elle propofe pour fujet ::
Gallicis Litteris , ut ftent incolumes &florentes , neceffarium
eft idem , unde orta educataquefunt , cum
Gracis Latinifque commercium.
Le 29 du mois de Janvier , les Actions de la
Compagnie des Indes étoient à dix - fept cens cinquante
livres ; les Billets de la premiere Loterie:
Royale , à fix cens quatre- vingt quinze , & ceux
de la feconde à fix cens vingt deux.
Le premier Février , la Reine entendit la Meffe
dans la Chapelle du Château , & Sa Majesté com--
munia par les mains de l'Archevêque de Rouen ,
fon Grand Aumonier.
Le 2 , Fête de la Purification de la Sainte Vier
ge , les Chevaliers , Commandeurs & Officiers
de l'Ordre du Saint Efprit , s'étant aſſemblé
Ivj
204 MERCURE DE FRANCE.
dans le Cabinet du Roi , Sa Majesté tint un Cha».
pitre dans lequel Son Alteffe S. M. le Comte de
ia Marche , &le Prince Stapiflas de Jablonowsky,
Palatin de Rava , furent nommés Chevaliers . Le
Roi fe rendit enfuite à la Chapelle , étant précédé
de Monfeigneur le Dauphin , du Duc de Chartres ,
du Comte de Charolois , du Comte de Clermont ,
du Prince de Conty , du Comte d'Eu , da Duc
de Penthievre , & des Chevaliers , Commandeurs .
& Officiers de l'Ordre. Sa Majefté , après avoir
affifté à la Benediction des Cierges , & à la Procef
fion qui fe fit dans la Chapelle , entendit la Grande-
Mefle célébrée pontificalement par l'Evêque Duc
de Langres , Prélat Commandeur de l'Ordre , &:
chantée par la Mufique . La Reine & Mefdames de
France entendirent là Meffe dans la Tribune
L'après midi , le Roi & la Reine , accompagnés
de Monfeigneur le Dauphin & de Meſdames de
France , affifterent au Sermon du Pere Beauvais
de la Compagnie de Jefus , & enluite aux Vêpres
qui furent chantées par la Mufique .
Le premier Février , M. Hamelin , Recteur de
Univerfité , fe rendit à Versailles , étant accom
pagné des Doyens des Facultés , & des Procureurs
des Nations , & fuivant l'uſage il eut l'honneur de
préfenter un Cierge au Roi , à la Reine & à Mon
feigneur le Dauphin.
Le même jour , le Pere live , Vicaire Général
des Religieux de la Mercy , accompagné de trois
Religieux de leur Convent du Marais , eut l'honneur
de préfenter un Cierge à la Reine , pour fatis
faire à l'une des conditions de leur établiffement...
Les , les Actions de la Compagnie des Indes
étoient à diz fept . cens foixante trois livres ; les &
Billets de la premiere Loterie Royale à fept ceus ..
& ceux de la feconde à fix cens vingt- trois..
MARS 205
1750.
Le 15 du mois dernier , premier Dimanche du
Carême , le Roi & la Reine entendirent dans la
Chapelle du Château la Mefle chantée par la Mufi
que
L'après midi , leurs Majeftés , accompagnées de
Monfeigneur le Dauphin & de Meldames de
France , affifterent à la Prédication du Pere de
Beauvais , de la Compagnie de Jefus. "
La Reine accompagnée , de Monfeigneur le Dau
phin & de Mefdamies de France , entendit le onze
le Sermon du même Prédicateur.
On a appris par les dernieres Lettres de Vienne ,
en Autriche , que l'Impératrice , Reine de Hongrie
& de Boheme , étoit heureufement accouchée d'une
Princeffe le 4 du mois dernier , à neuf heures
dü foir.
Le 18 , les Actions de la Compagnie des Indes
eroient à dix -fept cens quatre- vingt , livres , les
Billets de la premiere Loterie Royale à fept cens
neuf, & ceux de la feconde à fix cens vingt- cinq
LETTRE
A M. Remond de Sainte Albine:
Il ya long tems , Monfieur , qu'un riche Haa
bitant de cette Ville , grand amateur des Beaux
Arts , fe propofoit d'établir en France un Prix de
Mufique , comme il y en a d'Eloquence & de Poë
fie La mortvient de le furprendre , avant d'avoir
pû exécuter fon projet Il m'a la ffé , en mouraut ,le .
fin de le remplir , & a affùré pour cet effet un
fonds de douze mille francs , dont la rente de deux
cens écus fera tous les ans le prix en queftion..
2c6 MERCURE DE FRANCE .
Vous connoiffant auffi zelé pour le progrès des
talens , j'efpere , Monfieur , que vous voudrez
bien contribuer à les augmenter , en inferant dans
Votre Recueil périodique le plan d'un établiſſement
fi propre à les faire paroître . On ne sçauroit
trop employer de foins pour l'accroiffement d'un
Art qui nous donne tant de plaifir .
Le Prix de Mufique que l'on propofe eft trèsnéceffaire
pour nous faire connoître quelles font
nos richeffes dans ce genre. Tout Auteur pourra
travailler , & faire paffer fans peine fon ouvrage
entre les mains de ceux qui feront nommés pour
l'exécuter , & il n'aura point à craindre l'envie &
la prévention. J'aurai l'honneur de vous mander ,
Monfieur , pour en avertir dans le Mercure prochain
, le genre de Mufique à traiter cette année ,
& l'ordre que l'on fuivra dans l'envoi des Piéces
& dans la diftribution du Prix .
J'ai l'honneur d'être très -parfaitement , &c.
Saint Paul,
Ala Rochelle , ce 22 Janvier 1750.
L
MARIAGES ET MORTS.
E 9 Février , Pierre - François du Fresnel , Sei
gneur & Patron de Pèriers , Auguerny & autres
lieux , époufa dans l'Eglife Paroiffiale de Saint
Paul , Marie- Anne-Françoife Goujon de Gafville
fille de Jean- Profper Goujon , Seigneur de Gafville
, Iville , Ris & autres lieux , Confeiller du Roi
en fes Confeils , Maitre des Requêtes Honoraire
MARS.. 1750. 207
de fon Hôtel , & ci - devant Intendant de la Géné
ralité de Rouen , & d'Anne de Faucon de Ris.
Pierre - François eft fils de défunt Jean - Antoinedu
Frefnel , Seigneur & Patron de Periers , & de
Françoife- Elizabeth le Boucher. Cette famille eft
de Normandie , & établie dans la Ville de Caën .
.Le 10 , Pierre- Antoine- François Boinnet , Seigneur
d'Itvil , la Vergne , la Touche , Mornai &
autres lieux , Chevalier de l'Ordre Royal & miliraire
de Saint Louis , Lieutenant- Colonel du Rés
giment de la Reine , Cavalerie , époufa dans l'Eglife
Paroiffiale de St. Paul , Heléne- Alexandrine
Moreau , fille de François Moreau , Confeiller du
Roi, & en fes Conſeils d'Etat & Privé,Honoraire en
fa Cour de Parlement & Grand Chambre d'icelle
Procureur du Roi au Châtelet de Paris , & de
Erançoife Robert. Antoine- François eft fils de dé--
fant Claude- François Boinnet , Seigneur de Bernay
& autres lieux , & d'Antoinette- Anne Riquet..
Cette famille eft de Poitiers .
Le 5 Décembre de l'année derniere , Mathieu
Pierre d'Armagnac , Chevalier de Juftice des Ordres
de Saint Lazare , & de Notre - Dame du Mont-
Carmel , Lieutenant des Maréchaux de France ,.
Seigneur de la Motte , de Marvilly , Piolant ,
Douce , & c. mourut en fon Château de la Motte ,
en Touraine , âgé de 75 ans . Il étoit marié avec
Pauline Iforé d'Hervault , fille du Marquis de
Pieumartin , dont il n'y a point d'enfans.
Son pere Jean d'Armagnac fat marié avec Ca
therine du Champ , qui fit un fecond mariage.
avec Cezar , Marquis de Rozel , Lieutenant Géné
ral des armées du Roi , mort en 1716 dans un âge
fort avancé . >
Jean avoit pour frere Charles d'Armagnac ,
Seigneur d'lforé , qui de fon mariage avec Marie:
208 MERCURE DE FRANCE.
le Tillier eut Jean-Jofeph- Bernard d'Armagnac
Chevalier, Sei neur d'Iforé , Salvert , & c . Lieute
nant des Maréchaux de France qui de N. Hue d
Miromen 1 , fa femme , eut pour fille unique Ma
rie d'Armagnac , femme de N. le Coigneux , Ches
valier , Baron , de la Roche- Turpin , Brigadier des
Armées du Roi , mort en 1742 , & mere de Gabrie
-Jofeph le Coigneux , Comte de la Roche
Turpin , Seigneur de Salvert , Anquitard , & c.
Meftre de Camp , Cornette de la Compagnie des
Chevaux-Legers de la Garde du Roi , tué à la bataille
d'Ettinguen , à l'âge de 22 ans .
Jean-Bernard d'Armagnac avoit pour frere , Jofeph
André d'Armagnac , Prêtre , Docteur en
Théologe , Chancelier de l'Univerfité de Poitiers
& Tiéforier de l'Eglife Royale de Saint Hilairele-
Grand dela même Ville , mort en 1746 .
Jean & Charles d'Armagnac étoient fils de Jean
d'Armagnac , Premier Valet de- Chambre & Mai
tre d'Hôtel des Rois Henri IV & Louis XIII.
Confeiller d'Etat , Gouverneur de Loudun , & c.-
& de Louiſe d'Aviau , Dame de Piolant .
Ce te branche de la Maifon d'Armagnac , qui
vient de finir en la perfonne de celui qui donne
lieu à cet article . éroit originaire du Bearn , &
fortoit des Barons de Termes & de Sainte Chriftie.
Cette Maifon porte pour armes, d'argent au lion de
gueule , furmonté de trois chevrons d'azur.
Le 6 Janvier Henri -Louis- Paulin Dagueſſeau ,
fils de M. Dagueffeau de Frefne , mourut âgé des
fix mois , & fut inhumé à Saint Roch..
Le 13 , Marie Mgdeléne de Tourneburne de
Saint Lumier époufe de Philibert Durand d'Ax¹ ,
Confeiller du Roi en fes Conſeils , Grand Maître
des Eaux & Forêts de France au Département de
Bourgogne & de Breffe , Seigneur de Daby & auMARS
. 1750. 209
tres lieux , mourut âgée d'environ 60 ans fur la
Paroiffe de Saint Paul , & fut tranſportée en la Paroiffe
de Sainte Anne de Daby , Diocéfe de Sens.
Le 14 , Marie-Anne Colbert , veuve de Louis de
Rochechouart , Duc de Mortemart , Pair de Fran.
ce , Prince de Tonnay Charente , Marquis de
Luffac & autres lieux , Général des Galéres , mou.
rut âgée de 84 ans dans le Couvent des Dames de
Sainte Marie , à Saint Denis en France , & y fut
inhumée.
Marie - Anne étoit fille de Jean - Baptifte Colbert ,
Miniftre & Secretaire d'Etat , & de Marie Charron.
La haute capacité de ce Miniftre , fon zéle
& fes foins infatigables pour feconder les grandes
vues que Louis XIV . avoit fur les Sciences , les
Arts , la Marine & le Commerce , lui ont fait une
réputation fi jufte & fi folide , que fon nom fera
toujours un des titres les plus glorieux dont fa
poftérité puiffe fe décorer. Marie Anne fut mariée
le 14 Février 1679 , & refta veuve le 3 Avril
1688 ; elle a eu cinq enfans de fon mariage avec le
Duc de Mortemart. 1. Louis II . du nom , qui a
continué la branche ; 2 °. Jean - Baptifte , qui a fait
la branche des Comtes de Sainte Maure . 3 ° . Marie-
Anne , née le 22 Novembre 1683 ; 4 ° . Lu-
Gréce - Angélique , née le 31 Décembre 1684 ,
Religieufe aux Filles de Sainte Marie de Saint De
nis , morte le 7 Décembre 1725 ; 5º. Marie-Fran
çoife , née le premier Janvier 1686 , mariée le 17
janvier 1708 à Michel Chamillart , Marquis de
Cany , Grand Maréchal de Logis ; & en fecondes
nôces , le 10 Décembre 1722 , à Louis Charles
Taleyran , Prince de Chalais , Grand d'Espagne.
Le 16 , Germain - Sebaftien Elizabeth , cmte
de Rofmadec , Officier au Régiment du Roi , moutut
& fut inhumé à Saint Sulpice. Il étoit fils de
210 MERCURE DE FRANCE.
Michel- Anne- Sebaftien de Rofmadec , Marquis de
Goulaine , & de Marie- Marguerite le Fevre d'Or
meffon de Cheré , & petit- fils de Sebaſtien , Comte
de Rofmadec , Marquis de Goulaine , & de
Bonne- Elizabeth d'Efpinoze.
DesMémoires particuliers commencent la Gé
nealogie de la Maifon de Rofmadec par Rivallon
de Rofmadec , vivant l'an de grace 892 , qui avoir
époufé Adelle de Roftrenen , petite-fille de Guillaume
de Roftrenen , Connétable de France fous
Louis le Débonnaire : mais nous nous en tenons à
celle que cette Maiſon a préfentée aux Etats de
Bretagne. Le premier dont elle faffe mention , eft
Rivallon de Rofmadec , Chevalier , qui fonda
P'Abbaye de Landevence , l'an 1191 , du confentement
d'Eleonore de Leon , fa femme , Princeffe
iffue du Sang des anciens Princes de la Bretagne
Armorique. On peut juger par là quelle eft la nobleffe
& ancienneté de la Maifon de Rofmadec.
V. la Colombiere.
Le 18 , François - Louis Rouffel , Meftre de-
Camp de Cavalerie , Aide- Maréchal Général des
Logis des Armées du Roi , mourut âgé de 22 ans ,
& fut inhumé à Saint Roch.
Le 19 , Jean - François- Louis Comte de Billy ,
Seigneur de Villetartre , Colonel du Régiment
d'Enguien , mourut à Paris , & fut inhumé dans
l'Eglife Abbatiale de Saint Germain - des - Prez. Il
avoit fervi avec diftinction pendant toute la derniere
guerre , & il avoit donné dans les batailles
& les fiéges où il s'eft trouvé , des preuves d'intelligence
, de capacité & de bravoure , qui le font
extrêmement regretter. Il avoit été Aide- de- Camp
de S. A. S. M. le Comte de Clermont , Prince du
Sang.
Il étoit fils de Jean - François , Comte de Billy,
MARS. 1750. 211
Seigneur de Villetartre & autres lieux , Meftrés
de -Camp de Cavalerie , Chevalier des Ordres
Royal & Militaire de Saint Louis , & de Saint Lazare
, Premier Gentilhomme de la Chambre de
S. A. S. M. le Comte de Clermont , Prince du
Sang , mort à Paris le 8 Juin 1739. ( V. le Mer
eure de France du mois de Juillet 1747 ) & de Marie-
Adelaide de Favieres , fille de Guillaume de Favieres
, Maître des Comptes , Seigneur du Pleffisle-
Veneur & autres lieux.
Il écoit le dix feptiéme defcendant en ligne directe
du fils aîné de Nivellon de Billy , qui vivoit
au commencement du treiziéme fiécle , & qui tiroit
fon origine des anciens Seigneurs de Billyfur-
Ouraq , près Muret , en Valois , Maiſon déja
illuftre dès l'année 1080 , ainfi qu'on le voit dans
les Mémoires de Caftelnau , t . 7. 1. 4. Voyez auffi
P'Hiftoire Genealogique des Grands Officiers de la
Couronne , édit. 1726, tom. 2. Le premier titre qui
y eft produit , eft de l'année 1142 , & prouve que
cette Maifon étoit dès - lors très - diftinguée. Ses
armes font variées d'or & d'azur à deux faces de
gueule .
Le 20 , Marie-Theréfe Bouhier , veuve de François
- Paul , Marquis de Rouvray , Maréchal des
Camps & armées du Roi , mourut âgée de 55 ans ,
& fut inhumée à Saint Sulpice . Elle étoit fille de
Benigne Bouhier , Préfident du Parlement de
Bourgogne , & de Claire de la Toifon d'or.
Le 22 , Angélique de Gouffé de la Roche-Allart
époufe de Jacques - Louis- Alexandre Tancrede de
Caumont , Marquis de Caumont , Capitaine des
Vaiffeaux du Roi , Chevalier de l'Ordre Royal &
Militaire de Saint Louis , mourut âgée de 36 ans
& fut inhumée à Saint Eustache.
Le 31 , Louis François Crozat , Marquis du
212 MERCURE DE FRANCE.
Châtel , Lieutenant Général des Armées du Roi ,
mourut & fut inbumé à Saint Mery. Il avoir
époulé le 5 Septembre 1722 Marie - Theréfe - Cathérine
de Gouffier d'Heilly , fille de Charles-Antoine
de Gouffier , Marquis d'Heilly , & de Cathérine-
Angélique - Albert de Luynes. Il étoit fils
d'Antoine Crozat , Seigneur du Châtel , de Mouy,
de Vaudeuil , Receveur Général du Clergé , Tréforier
des Etats de Languedoc , reçu grand Tréforier
des Ordres du Roi , le 28 Septembre 1715 ,
& petit-fils d'Antoine Crozat , Capitoul de Touloufe.
Le 13 de ce même mois , Raoul- Abraham Paon
mourut à Cany , dans le Pays de Caux , âgé de
102 ans.
Lorfque nous avons rapporté dans le Mercure
du mois de Février dernier le mariage de Jean-
Baptifte Donatien de Vimeur , Comte de Rochambeau
; n'ayant reçu aucun Mémoire fur ſa Génealogie
, nous nous étions contentés de faire quelques
recherches. Celles que nous avons faites
depuis , font plus sûres & plus exactes , & nous
mettent à portée d'en donner l'extrait ci - après ,
qui prouve l'ancienneté de cette Maiſon , dont
on ne connoît point le commencement , & qui a
toujours ferv avec diftinction . Le plus ancien titre
dont nous ayons connoiffance , & d'oùfait la filiation
, prouve que cette Maiſon eftjétablie dans le
Vendômois , depuis au moins quatre cens ans , &
commence à
"
Premier degré, Macé de Vimeur , Ecuyer , Seigneur
de Leroux , qui eut pour femme Demoiſelle
Perrette de Cholé comme il paroît pir une
Tranfaction du 13 Août 1380 , entre ladite Demoiſelle
de Cholé , veuve & Douairiere dudit
Macé de. Vimeur , Ecuyer , Seigneur de Leroux ,
MARS. 1750. 213
& les tuteurs de Giles de Vimeur , fon fils , qui
fuit.
Second degré. Giles de Vimeur , premier du
nom , Ecuyer , Seigneur de Leroux , époufa le 10
Juillet 1426 Demoifelle Judith de Tibergeau ,
dont il eut
Troifiéme degré. Macé de Vimeur , ſecond du
nom , Ecuyer , Seigneur d' Imbloy , & de la Vaudieres
, en Vendômois , qui époufa le 8 Avril 1450
Demoifelle Jacquette de Jufton , fille de Robert
de Jufton , Ecuyer, Seigneur d'Ambloy, dont il eut
entre autres enfans
Quatrième degré. Giles de Vimeur , fecond du
nom , Ecuyer , Seigneur d'Ambloy & de la Vaudieres
, qui époufa Demoiſelle Jeanne de la Ro
che , dont il eut pour enfans
Cinquiéme degré. Mathurin de Vimeur , Chevalier
, Seigneur d'Ambloy , qui époufa le 19 Janvier
15fo Demoiſelle Chriftine de Bellon fille de
Pierre de Bellon , Chevalier , Seigneur de Rochambeau
& d'Aupuy , Gouverneur de la Ville de Ham,
en Picardie , dont il eut pour fils
Sixième degré. René de Vimeur , premier du
nom , Chevalier , Seigneur de Rochambeau , qui
époufa en premieres nôces Demoiſelle Renée de
Maillé , fiile de Jean de Maillé , Seigneur de Ruillé
&. du petit Bennehart ; lequel étoit coufin germain
de Hardouin de Maillé , cinquiéme ayeul de
Claire Clémence de Maillé , femme de Louis de
Bourbon , Prince de Condé . Il eut de Renée de
Maillé , René qui fuit.
Il époufa en fecondes nôces Marie de Salviaty ,
fille de Jean, Seigneur de Tally , qui étoit petit- fils
de Bernard de Salviaty , Gonfalonier de Florence,
Maiſon illuftre d'Italie , dont il n'eut point d'enfans.
214 MERCURE DE FRANCE
Septiéme degré. René de Vimeur , fecond da
nom , Chevalier , Seigneur de Rochambeau
époufa le 14 Juin 1597 Demoifelle Claude de
Filleul , fille de Michel de Filleul , Ecuyer , & de
Claude Courtin , dont il eut entre autres enfans
•
Huitiéme degré. René de Vimeur , troifiéme du
nom , Chevalier Seigneur , de Rochambeau , qui
fut nommé Député par la Nobleffe du Vendômois
aux Etats Généraux qui devoient fe tenir à Tours
en 1652. Il époufa le 8 Décembre 1632 , Demoi.
felle Marguerite Hurault , fille d'Anne Hurault ,
Chevalier, Seigneur de Saint Denis , de la Maiſon
du Chancelier de Ghiverny , dont il eut René
de Vimeur , qui fuit.
Il époufa en fecondes nôces , le 10 Août 1648 ,
Gabrielle de Culant , fille de Philippe de Culant ,
Chevalier, Seigneur du Buat , & d'Eſther de Felins ,
de Banthelu .
Neuviéme degré. René de Vimeur , quatriéme
du nom , Chevalier Seigneur de Rochambeau , de
Saint Georges , du Rofey , &c. époufa , le 2 Mai
1669 , Demoiselle Elifabeth de Menon de Turbilly
, fille d'Urbain de Menon , Comte de Turbilly
, & de Dame Marie de Chahannay . Ladite
Turbilly avoit pour ayeule Magdelaine de Maille
de la Tour Landry , fille de François , Comte de
la Tour Landry , & de Diane de Rohan. Il eut de
ce mariage Jofeph , premier du nom , qui fuit.
Urbain , Major de l'Equipage d'Artillerie , tué
à la bataille d'Hochftet.
François-Cezar , Chef d'Eſcadre des Armées
Navales , mort au mois d'Août dernier.
Gabriel , Seigneur de Saint Georges , dit l'Abbé
de Rochambeau .
Dixiéme degré. Joſeph , premier du nom , Chevalier,
Seigneur de Rochambeau , époufa DemoiMARS.
1750. 215
felle Marie Magdeleine Brachet , fille d'Antoine
Brachet , Ecuyer , & d'Anne de Gennes , dont il
eut
Onziéme degré. Jofeph , fecond du nom , Chevalier
, Marquis de Rochambeau , Gouverneur de
Vendôme , & Grand Bailli du Vendômois , qui a
époufé le 6 Décembre 1718 Demoiſelle Marie-
Claire - Theréle Begon . actuellement Gouvernante
de S. A. S. M. le Duc de Montpenfier , de laquelle
il a eu
Douzième degré. Jean- Baptifte- Donatien de
Vimeur , Comte de Rochambeau , Colonel du Ré
giment de la Marche , dont nous avons fait mention
au fujet de fon mariage.
En annonçant la mort de Madame la Comteffe
de Mailly dans le Mercure de Février dernier , ов
a dit qu'elle étoit morte âgée de foixante -fept ans.
Elle n'en avoit que trente-deux.
AVIS AU PUBLIC.
E Sieur Houdemart , Apoticaire - Droguiste
Lordinaire duRoi , à Paris , rue de la vieille
Monnoye , donne avis qu'il continue la diftribution
de fon Balfamique , comme il l'a annoncé
par divers écrits publics. Ce remede eft fouverain
pour les maladies de la poitrine & du poulmon
crachemens de fang , ulcéres , ptyfie , afthme ,
toux invétérées, fuperfluidités féreufes de la poitrine
, régles fupprimées , maladies provenantes de
mauvaiſes digeftions de l'eftomach , qui ont un
mauvais chile & fang vicié , qui gâte les refforts de
l'économie de la ftructure de les parties.
Il guérit les maladies vénériennes de quelque
nature qu'elles puiffent être & les plus défelperées ,
$
216 MERCURE DE FRANCE.
fans être obligé de garder la chambre , ni d'ar
voir recours au mercure vulgaire dont les fuites
font toujours trés- fâcheufes , attaquant chez
la plupart le genre nerveux , & chez les autres ,
par la foiblefle du tempérament , le poulmon ,
ce qui occafionne auffi des crachemens de fang,
en forçant les vaifleaux capillaires , & qui déchire
les lobes , en faifant fpectorer le pus , comme
ledit fieur l'a remarqué dans nombre de maladies
qu'il a traiteés. Non feulement ce remede les
guérit radicalement , même mais la goutte , les
rhumatifmes , l'hydropifie ; il leve toutes les obſtructions
, chaffe les glaires de l'eftomach , rétablit
la digeftion , & empêche de tomber dans la
Lienterie ; il leve pareillement les obſtructions du
foye , en fondant le fchire de la ratte.
Ce reméde pouffe par les felles & les urines ,
excite puiffamment la tranfpiration des humeurs ,
& purifie le fang.
M. H. eft ſeul poffeffeur de l'Eau des Graces ;
fi connue pour les maladies de la peau , comme
dartres vives , farineuſes , boutons , tannes & taches
, & qui embellit, blanchit , décraffe , adoucit ,
ôte les rides & rafraîchit le teint.
Comme il peut y avoir quelques perfonnes
qui douteroient de l'efficacité des médicamens
énoncés ci - deffus , & d'autres qui chercheroient
à les décrier , ledit fieur fe trouve muni d'un
nombre de Certificats des perfonnes de diftinction
qu'il a guéries , indépendamment du fuffrage de
plufieurs Docteurs de la Faculté de Médecine ,
qui ont été témoins de leurs effets.
APPRO
APPROBATION.
J
'Ai lû , par ordre de Monfeigneur le Chancelier
, le Mercure de France du préfent mois, A
Paris , le 6 Mars 1750 .
MAIGNAN , DE SAVIGNY
TABLE.
IECES FUGITIVES en Vers & en Profe
**
19
gieux Bénédictin de Clugny , à D*** Religieux
du même Ordre , contenant la fuite & la fin des
Remarques qu'il a faites fur le Livre intitulé :
Mémoires pour fervir à l'Hiftoire du Nivernois,
& Donziois , par M. N. D L. R. A. E. P. 3
La Toilette de Vénus. Cantate , par M. Roi , mife
en mufique par M. le Marquis de ***
Réponse à la Queſtion propofée dans le Mercure :
Lequel eft le plus glorieux de triompher de l'infenfibilité
d'un coeur indifférent , ou d'exclure
d'un coeur épris un rival tendrement aimé , 21
Autre Réponse à la même Queftion ,
L'année & l'Hirondelle , Fable ,
Obfervation fur l'Infecte appellé , Cloporte aquatique,
par M.Defmars, Docteur en Médecine, 39
Epitre à M. M. D. L.
30
37
45
Traduction de cette Strophe de l'Ode à la Fortu-
.ne : Montrez- nous , Guerriers , & c. 49
Solution d'une Question de calcul , propofée dans
le Mercure de Novembre ,
'Autre Solution du même Problêmc ,
Problême ,
Les Oiseaux & le Bauder , Fable allégorique
Mlle Guibert ,
K
50
52
55
>
Queſtion ,
59
61
Stances fur la Jaloufie ,
Lettre à M. Remond de Sainte Albine , pour fervir
de réponse à la Critique d'une autre Lettre
à l'Auteur fur l'amitié ,
Epitre à M. l'Abbé Trublet , Archidiacre & Chanoine
de S. Malo , de l'Académie Royale des
Sciences & Belles-Lettres de Pruffe , par M.
Desforges Maillard , des Académies Royales
des Sciences & Belles - Lettres d'Angers & de la
Rochelle , fur un voyage qu'il a fait à Saint
Malo ,
Etrennes Epigrammatiques pour l'année 1750 , à
Mrs de Voltaire , d'Arnand & Marmontel , par
le même ,
Obfervations fur l'Extrait de la Séance publique
tenue le 21 du mois d'Août 1749 , par l'Acadé
Imie Royale des Sciences de Toulouſe , inféré
dans le Mercure de Décembre 1749 ,
Ode fur la Paix ,
66
70
71
72
86
87
Lettre à M. Remond de Sainte Albine , par M.
Desforges Maillard , fur un Poëte François , 76
Prologue compofé par J. F. Guichard , & récité
avant la Comédie de l'Avare de Moliere , qu'u
ne affemblée de jeunes gens , dont l'Auteur
étoit , repréfenta le 29 Décembre 1749 , 83
Vers à M. Guichard , par M. R... qui étoit venu
à la repréſentation de cette Piéce ,
Queftion fur le nom de Cardin ,
Vers envoyés au premier jour de l'an à Mad. de
B .... par M. de S. ... ibid.
Mémoire de M. l'Abbé Lebeuf , Chanoine d'Auxerre
, adreffé à un Chanoine de l'Eglife de ****
pour donner au Clergé de Nevers un ancien
Ecrivain Eccléfiaftique , que quelques modernes
prétendent avoir été du Clergé d'Auxerre , 88
A M. de Curys , Intendant des Menus Plaifirs du
Roi , Etiennes , 97
•
98
99
127
128
Autres à M. l'Evêque , Contrôleur des Menus
Plaifirs du Roi ,
Mémoire fur les avantages & les inconvéniens de
la fiévre , lû à l'Académie de Beziers le 13 Novembre
1749, par M. Jean - Henri Nicolas Bouillet
, Docteur en Médecine de la Faculté de
Montpellier ,
Epitre à Mlle de S.... à qui l'Auteur avoit promis
une Chanfon ,
Dialogue fur les Langues anciennes & les Langues
vulgaires , traduit de l'Italien de Speron Spéroni.
Interloc. le Cal Bembo , Lazaro & un
Romain de la Cour du Pape ,
L'accord de la Sageffe avec la folie , adreffé à une
jeune Dile d'Angers, par M.de la Soriniere, 142
Lettre à M. Remond de Sainte Albine , fur le
Programme de l'Académie de Bordeaux , 143
Epithalame ,
Letttre de M. Morel , Chanoine de Montpellier ,
à M. l'Abbé d'Harfeuil , Membre de l'Académie
des Sciences de Bordeaux ,
Lettre à M. Remond de Sainte Albine ,
Précis des principales connoiffances de M. d'Azy
d'Etavigny , fourd & muet de naiflance , que le
Sr Pereire inftruit depuis environ deux ans , 151
Raifons qui rendent intéreflante la connoiffance
publique de l'Art du Sr Pereire , pour apprendre
à parler aux fourds & muets de naiffance ,
Differtation contre la Chambre noire de Newton,
par M. Gautier , Penfionnaire du Roi ,
Mots de l'Enigme & des Logogryphes du Mercure
de Février ,
Enigme & Logogryphes ,
149
146
150
153
158
164
ibid.
170 Nouvelles Litteraires , des Beaux-Arts , &c.
Programme de l'Académie de Pétersbourg , 190
Seconde Lettre de M. Rouffille , Chirurgien Oculifte
à Chartres , à M. *** Docteur en Médeci
me , fervant de Réplique à la Réponſe de M..
Daviel , inférée dans le Mercure de Juillet dernier
,
Devifes pour les Jettons de l'année 1750 ,
Explication de la Médaille ,
Récit de Baffe ,
Spectacles ,
191
199
200
201
ibid.
France , Nouvelles de la Cour , de Paris , & c . 203
Lettre à M. Remond de Sainte Albine , au fujet
d'un Prix de Mufique ,
Mariages & Morts ,
Avis au Public ,
205
206
215
Fautes à corriger dans le Mercure de
Décembre 1749 , fecond volume.
PAge 27 ,ligne 15 , enchaſſé , lifez , cantonné.
P.31,
1.2,
peu nourriffante.
exacte continue , 1 , exacte ¿o
Mercure de Février 1750 , dans les Vers
Picards , inférés p. 1 11 .
Vers 4. pnin , lifez & puin. Vers ‹ , dirouois ,
Jifez diroait. Ibid Bayeul , lifez , Bayent. Vers 10,
Pourrois , lifez , pourroais . Vers 12 , dans celle , lifez,
dans chelle. Vers 15 ,ferouais , lifez , ferosis . Vers
dernier , warwaille doit être écrit par un grand
W. C'étoit le nom d'un Bailly .
Même Mercure , dans l'Avis de la veuve
Mouton.
Page 209 , chez Mad. Socon ,lifez , M. de Sauroy,
Ibid . l'Abbé Coquillié , lifez , l'Abbé Recoquillié.
La Planche doit regarder la page
Les Jettons gravés , la page
La Médaille , la page
La Chanfon notée , la page
162
199
200
201
De l'Imprimerie de J. BULLOT.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères