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MERCUR
DE FRANCE,
DÉDIÉ AU ROI.
JUILLET. 1748.
AGIT
UT
SPARGAT
Papillon's
Chés
A PARIS ,
ANDRE' CAILLEAU , rue Saint
Jacques , à S. André.
La Veuve PISSOT, Quai de Conty
à la defcente du Pont-Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
JACQUES BARROIS , Qual
des Auguftins , à la ville de Nevers
M. DCC. XLVIII
AvecApprobation Privilege an. Bele
PUBLIC
THEN : W YORK
PUBLIC LIBRARY
ASTOR , LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS
1005
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU
ROI.
JUILLET
. 1748.
PIECES
FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
SUITE de la Séance publique de l'Aca
démie des Sciences.
L
E troifiéme Mémoire , qui fut lû
dans cette Séance , eft de M. Morand
, & il a pour objet un Phénoméne
dont un des précédens
Mercures a déja fait mention , mais dont
pour plus de clarté nous rappellerons les
principales circonftances.
Marie de Breffe , femme d'Edme Capel,
Manoeuvre , ayant fait en 1712 une faulle
A ij
4 MERCURE DE FRANCE.
couche , eut une feconde groffeffe quatre
ans après. Au terme de neuf mois elle eut
des douleurs & les fignes préliminaires
d'un accouchement naturel , fi prochain
en apparence que la Sage- Femme n'attendoit
que le moment de la délivrer. Tout
fe foutint dans le même état pendant deux
jours , & ce tems expiré , la Sage- Femme
s'apperçût que la matrice n'étoit plus chargée,
quoique l'enfant remuat dans le fein
de fa mere , même avec plus de force &
plus de facilité qu'auparavant. Les Méde
cins & les Chirurgiens de là ville de
Troyes où Marie de Breffe réfidoit , ayant
été confultés, déciderent unanimement que
T'enfant n'étoit plus dans la matrice , &
que pour fauver la mere , il n'y avoit
d'autre parti à prendre que celui de l'opération
Céfarienne . Jamais cette femme
n'y voulut confentir . Dans le courant du
mois fuivant , elle reffentit quelques douleurs
vives, mais paffageres , & elle tomba
dans un épuisement à faire craindre pour
fa vie. Elle s'en tira cependant peu à peu ,
& au bout de huit mois elle fe trouva en
état de reprendre les travaux les plus pénibles
d'une condition fort dure, Pendant
trente ans elle a vêcu dans cette fituation ,
& il eft à obferver , non -feulement qu'elle
ceffa d'être réglée , mais qu'elle avoit tou
JUILLET . 1748
fours du lait dans fon fein . Ayant change
de féjour & étant allée demeurer à Joigny,
elle y fut attaquée , au mois de Juillet de
Pannée derniere , d'une fluxion de poierine
qui l'obligea de fe faire porter
l'Hôtel Dieu de la Ville , & elle y mourut
Le 22 âgée de foixante & un ans.
ha
A l'ouverture de fon corps , on lui a
trouvé dans le bas-ventre une maffe de
figure ovale , de confiftence fquirreufe
groffe comme la tête d'un homme. Cette
maffe étoit attachée à l'épiploon , au péritoine
, au méſentere & au fond de la ma-
Erice , & fembloit partir de la trompe
droite . Détachée , elle pefoit près de huit
Livres. Son enveloppe ayant été ouverte ,
on y a découvert un enfant mâle , ayant
peau fort épaiffe , des cheveux , & deux
dents incifives , prêtes à percer à chaque
machoire. Il étoit regulierement conformé
, bien confervé , & n'étoit environné
d'aucun fluide. L'enveloppe , en partie of
Leuſe , en partie cartilagineufe , avoit pref
que par tout deux lignes d'épaiffeur , &
quatre dans la partie correfpondante a
Farriere-faix . Sa furface externe étoit
garnie
de petites éminences graveleufes , &
l'interne portoit l'empreinte des parties
de l'enfant qu'elle embraffoit étroitement.
Toutes les parties de la mere , & notam
A iij
6. MERCURE DE FRANCE
ment la matrice, étoient très-faines & dans
leur état naturel.
L'Académie des Sciences , à qui l'on a
envoyé cet enfant avec toutes les preuves:
qui conftarent les faits ci- deffus rapportés
, en a confié l'examen à M. Morand
& elle ne pouvoit faire tomber fon choix
fur aucun Académicien plus capable de
remplir fes vûes. Un fimple expofé du
phénoméne n'auroit pas fatisfait à ce que
défiroit cette Compagnie. M. Morand y
a joint les remarques qu'un paralléle avec
les phénoménes de la même efpéce lui a
donné lieu de faire , & il en tire des conféquences
utiles pour les cas dans lefquels ,
la vie de la mere étant en danger , l'Art
eft obligé de fecourir la nature.
Des differens faits femblables à celui
qui fait le fujet de ce Mémoire , le fçavant
Académicien en rejette plufieurs , comme
n'étant pas, les uns affés autentiques , les
autres fuffifamment détaillés , & il s'arrête
uniquement à trois qui font arrivés , le
premier à Sens , dont l'Hiftoire a été don
née
par M. de Thou d'après les Médecins.
Albefius & Provenchere ; le fecond à
Touloufe, publié par M. Bayle, Profeſſeur
dans la même Ville ; le troifiéme à Leinzell
en Suabe , don't la Relation a été communit
quée à l'Académie l'année ſuivante..
JUILLET. - 1.748. 7
Les mouvemens de l'enfant de Sens
ayant ceffé peu à peu , les douleurs de la
mere devinrent plus fupportables , & le
volume de fon fein diminua , mais elle fut
malade au lit pendant trois ans , & elle
paſſa le reſte de fa vie dans une extrême
langueur.
La mere de l'enfant de Toulouſe eur
pendant deux mois du lait dans le fein , &
pendant un mois de plus quelques fymptômes
pareils à ceux de l'accouchement ,
avec des douleurs affés violentes , après
lequel tems elle recouvra une partie de fes
forces , & conferva jufqu'à la mort la même
groffeur au ventre , fe plaignant tou
jours du poids qui l'incommodoit , &
quelquefois de douleurs femblables à cel-
Les de l'accouchement.
La femme de Leinzell fentit les doufeurs
de l'accouchement pendant fept fe
maines , & enfuite , à fon fardeau près ,
elle fe porta affés bien. Depuis elle eût
deux couches heureuſes , & les enfans ont
vêcu , mais le volume de fon ventre fubfiftaut
le même , & lui caufant quelques.
incommodités lorfqu'elle fe donnoit certains
mouvemens , elle affûra toujours
qu'elle étoit restée groffe de fon premier
enfant.
Lorfque les accidens , dont M. Morand
A iiij
* MERCURE DE FRANCE.
a fait l'énumeration , augmentent à un cer
tain point , il n'eft pas douteux qu'ils ne
mettent la vie de la mere en très - grand
danger. Lorfqu'ils fe foutiennent longtems
fans faire périr la mere , & que les
fignes d'une fuppuration intérieure s'y
joignent , il fe forme des adhérences entre
les parties enflammées , dans les endroits
de leur contact mutuel ; la pourriture du
petit cadavre caufe des abfcès , & le foetus
fort en détail par differentes iffues. Il refte
à fçavoir comment une mere , en portant
pendant un grand nombre d'années un
enfant mort dans fon fein,peut jouir d'une
bonne fanté , & à expliquer les moyens
dont la nature fe fert pour conferver le
foetus fans corruption .
>
Avant que d'entrer dans le détail de ces
moyens , M. Morand remarque 1 ° . queles
perfonnes , qui ont tiré du ventre de la
mere le foetus de Suabe , ont prétendu
qu'il étoit attaché au côté gauche de la
matrice , mais que l'Auteur d'une Differtation
, très- curieufe à ce fujet , conjecture
fur des raifons fort vraisemblables , que
l'enfant étoit dans la trompe. 2 ° . Que le
foetus de Sens & celui de Toulouſe ont été
formés dans la matrice. 3. Que celui de
Touloufe étoit forti de ce vifcere, qui étoit
refté ouvert dans fon fond, & que cette
JUILLET. 1748. 9
ouverture étoit prefque fermée par un
corps pierreux , long de quatre travers de
doigt , & contigu , par fon extrêmité ſupérieure
, à la poche qui contenoit le foetus
4°. Que le foetus de Joigny étoit dans la
trompe droite. Il ajoute que toutes les
fois que ce dernier cas arrive , les membranes
de cette partie , peu à peu diften
dues , forment l'enveloppe extérieure.
Selon cet Académicien , à mesure que
Je Kift membraneux , dans lequel l'enfant
eft contenu , s'eft durci , fes fibres font de-"
venus comme aponevrotiques. Il a dû:
comprimer le corps du foetus qu'il envi
ronnoit , & il étoit comprimé lui -même
par les parties dont il étoit environné.
Cette preffion a été d'autant plus forte
qu'elle s'eft faire à peu près également de
tous les points de la circonference ' vers - le
centre , & la figure ronde de toute la maſſe:
indique que la nature s'eft prêtée à cette:
opération. En effet ces enfans font ramaf
fés en boule , & pour cela l'épine du dos
apris une courbure très- confidérable du
côté de la flexion ; les membres fe font:
ployés les uns fur les autres avecune jul
teffe étonnante , & les parties de deffus ,,
enfoncées dans celles de deffous , y ' ont:
laiffé leur empreinte creusée profondé--
ment..
10 MERCURE DE FRANCE.
La compreffion du foetus exprime les
fluides , & ceux qui tranfudent du corps,
de l'enfant , mêlés avec ceux de l'intérieur
du Kift, dépofent à la furface du corps une:
mariere , laquelle s'épaiffit peu à peu par
la ftagnation , & fe confolide par la chaleur..
Il eft prouvé par le foetus de Toulouſe ,,
que l'incruftation eft dûe à cette caufe.,,
Hiftorien rapportant qu'entre les plis de
plufieurs parties , & dans les endroits où
elles fe touchoient , il y avoit une matiere:
plâtreufe , qui fembloit y avoir été coulée :
de maniere à remplir tous les vnidès. On
voyoit auffi , dans l'épaiffeur des envelop .
Res du foetus , des tubercules pleins de la
même matiere. Albofius , décrivant le foe .
tus de Sens , employe de même l'expreffion
de fubftance plâtreufe. Quoique le
foetus de Leinzell foit celui de tous qui ait:
demeuré le plus long- tems dans le ventre:
de fa mere , il n'eſt point pétrifié ni incrufté
, mais il eft abfolument deffeché , &
la boëte , qui le contient , eft offeule..
D'un côté le deffechement du foetus , de
l'autre fon incruftation ( ou l'induration de
fon Kift , donnent les raifons naturelles de:
fa confervation fans pourriture & fans :
manvaife odeur. Plus d'humidité dans la
malle qui renferme le foetus. Tout accès
interdit àl'air extérieur .. Il n'est pas étonJUILLET.
1748. II
nant que dans ces deux fuppofitions
le
foetus le conferve , mais comment
la nature
garantit-elle la mere des inconveniens
.
du poids d'une maffe , qui comprime
durement
les parties dont elle eft environnée
?:
M. Morand affûte que fi cette maffe eft
dans la matrice , elle eft fuffifamment fou--
tenuë par la pofition naturelle de ce vifcere
; que
fielle eft dans une des trompes ,,
l'infertion de cette partie devient le pedi
cule d'une tumeur énorme, qui , en flottant
dans le ventre , peut caufer de très-grands
maux , mais qui peut n'être pas mortelle ;;
enfin que fi la maffe eft tombée dans le ven--
rre ,la nature a encore des reffources. L'en
fant de Joigny , qui étoit dans le fecond
cas , auroit nui davantage à fa mere , fi fa fifa
maffe n'avoit contracté, avec l'épiploon &
le méſentere, des adhérences qui la fixoient
fans gêner les parties voisines..
En fatisfaisant à la curiofité des Phyficiens
, M. Morand ne perd point de vûë
ce qui regarde particulierement fa Profeffion
, & il finit fon Mémoire par un détail
des fignes , qui peuvent faire connoître fi
une mere eft dans l'un des cas ci- deffus
énoncés.
"
Ces fignes font tirés de l'affemblage de
plufieurs circonstances , dont les principa-
A.vj
12 MERCURE DE FRANCE
les font 1 ° . Une groffeffe , portée au terme
d'environ neuf mois , bien conftatée. 2°..
L'interruption des fymptômes avantcoureurs
de l'accouchement . 3 ° . Le poids plus
ou moins incommode d'une maffe devenue
étrangere. 4º . L'abſence des accidens
qui caractérisent un fquirre. Quelquefois :
même par le feul tact , au travers des tegu
mens du ventre , on reconnoît l'enfant..
On diftinguoit toutes les parties de celui
dont parlent les nouvelles de la Républi--
que des Lettres.
La pofition de la tumeur peut défigner
celle du foetus , étant au milieu du ventres ,
¶llele à la matrice, lorfque l'enfant s'y
trouve ; un peu latérale , lorfqu'il eft dans .
une des trompes ; & indéterminément dans :
le voifinage de la matrice , lorfque l'enfan
n'y eft plus..
De ces differentes circonftances on tire
des indications , avec lefquelles il faut balancer
les accidens plus ou moins graves
auxquels la mere eft expofée , & fi fa vie
eft en danger , M.. Morand décide qu'on
. ne peut lafauver que par l'opération Céfa
rienne. Il prétend que lorfque l'enfant
eft tombé dans le ventre , c'eft là fituation.
la plus favorable pour cette operation ,
parce que les accidens, qui menacent la vie
de la mere , ne tardant point à fe manie
F
JUILLET. 1749.
faster après le terme marqué de l'accou
chement naturel , le foetus n'a pas eu le
tems de contracter des adhérences , & que
comme il eft iſolé de toutes parts , on peut
en délivrer aisément la mère par une incifion
fimple, laquelle, pour être plus éten
due qu'une playe ordinaire , m'en eft pas
plus dangereufe.
Ce Mémoire eft tel que tous ceux qui
fortent de la plume de M. Morand , &
Fon fçait que ce Chirurgien célébre , trop
connu pour avoir befoin de nos éloges ,
n'excelle pas moins à parler de fon Art
qu'à en exécuter les plus difficiles opérations.
M. de la Condamine termina la Séance
de l'Académie par la lecture d'un Mé--
moire , dont la matiere eft extrêmement
intéreffante.
On fe plaint depuis long-tems des inconveniens
que produit la variété des;
poids & des mefures dont on fe fert dans
les differens pays , fouvent dans le même
Royaume , quelquefois dans la même Pro--
vince . Le zèle de M. de la Condamine:
pour le bien public l'a porté à chercher
'une mefure univerfelle & invariable , quii
puiffe être adoptée par toutes les Nations ,
à laquelle, le tems ni la difference des
#4 MERCURE DE FRANCE
lieux ne puiffe apporter aucun changesment.
Son Mémoire eft divifé en deux par
ries , l'Auteur répond dans la premiere aux
objections qu'on peut former contre tour
projet de mefure univerfelle. Dans la fe--
conde, il propofe celui qu'il a eu en vûë dans
les expériences du qu'il a faites fur le Pen--
dule pendant le cours de fon voyage à l'Equateur
, & il expofe les nouveaux moyens
que ce voyage a fournis pour l'exécution:
de ce projet.
Les objections fe réduisent à trois.
Une meſure uniforme , felon quelques
fpéculatifs , eft inutile , & même contraire
au bien du commerce. Ce projet quand
il feroit utile , paroît être d'une difficulté:
impratiquable dans l'exécution . De plus ,
comment s'accorder fur le choix d'une mes
fure commune ??
La variété des poids & des mefures eft ,.
dit-on , avantageufe au commerce , en ces
que plufieurs Marchands trouvent dans ›
cette difference un benefice dont fans elle:
ils feroient privés.
Cette objection ne mérite d'être refutée
férieufement , que parce qu'elle eft fort :
ordinaire. Premierement rien n'eft moinss
prouvé que, la réalité du prétendu bene
י
JUILLET.. 1748 F
fice. Si le marché fe fait de Marchand à
Marchand , ils font d'ordinaire auffi clairvoyans
l'un que l'autre. Si c'eft d'un Marchand
à un particulier , celui-ci n'achete la
marchandiſe qu'au poids & à la meſure
qu'il connoît. Il n'y aura donc dans l'un:
ni dans l'autre cas aucun benefice..
Secondement , s'il y en avoit un , il ne
feroit pas légitime , puifqu'il ne viendroit.
que de la mauvaife foi de celui qui feroin
le profit , ou au moins d'une erreur de
fait , préjudiciable à l'un des deux Contractans:
Troifiémement , fuppofant le profit réel !
& le gain légitime , l'intérêt du petit nom-
Bre de gens, à qui ce commerce équivoque
peut être utile , doit- il être mis en balance:
avec la commodité que trouveroit tout le
refte des habitans du Royaume dans une:
uniformité de mefures , qui porteroit la
lumiere dans le commerce, en débarraffante
les calculs de ces reductions incommodes ,
peu exactes , & fouvent fujettes à erreur ?
Si tous les hommes parloient la même
Langue , l'Office d'Interprête deviendroit
inutile. Conclura-t'on delà que la diverfité
des Langues eft ayantageufe à la focieté ??
Tel eft le raifonnement de ceux qui pré--
tendent que la variété des poids & des
mefures eft utile au commerce..
16 MERCURE DE FRANCE
On objecte en fecond lieu , que l'éta
Bliffement de la nouvelle meſure eft impratiquable
dans l'exécution .
M. de la Condamine remarqué que plu
fieurs de nos Rois ne l'ont pas jugé tel ,
& qu'il ne feroit pas plus difficile d'établir
une nouvelle mefure dans tout le Royau
me , que d'y donner cours à une nouvelle
monnoye , ou de changer la valeur de l'an
cienne , ce qui a été fait tant de fois fans
difficulté. N'en trouvera- t'on que dans l'exécution
des projets qui peuvent contri
buer au bien de l'Etat ?
Divers expédiens peuvent faciliter l'introduction
du changement propofé. Sans:
abroger d'abord par une loi abfolue l'aneien
ufage , il fuffiroit d'obliger de faire
tous les marchés , qui auroient befoin du
miniftere public des Notaires ou des Tribunaux
, fur le pied de l'ancienne & de la
nouvelle meſure. On pourroit avoir pour
cet effet des tables de reductions toutes cal
culées, & imprimées , comme on a des tarifs
pour les monnoyes , &c. Par ces moyens
le public s'habitueroit peu à peu à la mefure
nouvelle ; elle deviendroit plus familiere
que l'ancienne , & celle - ci s'oublie--
Toit infenfiblement.
Pour derniere objection , on allégue:
l'impoffibilité de s'accorder fur la nouvelle
mefure..
JUILLET. 1748. 17
M. de la Condamine , avant que de ré
pondre directement à cette difficulté , fair
voir combien le rapport des mefures des
differens pays, & même des differentes Provinces
du Royaume , eft peu connu , &
combien il refte d'incertitude dans la longueur
abfolue des mefures qui paffent pour
les plus authentiques , à commencer par
l'aune de Paris & de Lyon , & fans en excepter
la toife du Châtelet.
S'il n'étoit queftion que d'opter entre
les differentes mefares nationales , la
toiſe, qui a fervi à mefurer les degrés dans
les trois Zones, mériteroit la préference
fur les autres , mais comme cette raifon
probablement ne paroîtroit pas fuffifante
aux diverfes Nations de l'Europe pour
abandonner leurs anciennes mefures , M.
de la Condamine conclud qu'il n'y a qu'u
ne meſure puifée dans le fein de la Nature,
une meſure conſtante , inalterable , vérifiable
dans tous les tems , qui puiffe par ces
avantages réunis arracher , pour ainfi dire,
le confentement de tous les peuples pour
en faire une mefure univerfelle..
qui
Afin de fe rendre intelligible à ceux.
ne font pas verfés dans ces matieres
explique ce que c'eft qu'un Pendule
d'ofcillation ; quel eft fon ufage pour ma
18 MERCURE DE FRANCE.
furer le tems , & comment on peut en tirer
une meſure invariable.
Un corps pefant , attaché au bout d'une
corde arrêtée par fon autre extrêmité ; une
balle de plomb , par exemple , fufpendue
par un fil, eft ce qu'on appelle un Pendule .
2
On fçait que cette balle , fi on la mer
en mouvement en l'écartant de la ligne à
plomb où elle tend par fon propre poids ,
fera des balancemens qui diminueront pen
peu. Il eft aifé d'appercevoir que ces ba-
Jancemens , qu'on nomme vibrations ou
ofcillations , feront d'autant plus lents que
Je fil fera plus long , mais la 'Geométrie
feule pouvoit faire découvrir que fi un
Pendule décrit de très petits arcs, fes ofcillations
font ifochrônes , c'est-à-dire , fe
font toutes dans des tems égaux .
Pour qu'un Pendule à Paris faffe foixanteofcillations
par minute , c'eft -à- dire , pour
que chaque ofcillation dure préciſement
ane feconde , il faut donner au Pendule
une longueur d'environ 3 pieds 8 lignes →
Cette expérience repetée un grand nombre
de fois a été portée à fa plus grande préci
fion par M. de Mairan en 1735. Il'a déterminé
la longueur à ; pieds 8 lignes .
Si l'aune de Paris eut été fixée autrefois:
à la longueur du Pendule à fecondes ,
JUILLET . 1745.
гу
quand tous les étalons de l'aune feroient
aujourd'hui alterés , il n'y auroit qu'à atta
cher une balle de plomb à un fil délié
& à chercher par expérience la longueur
qu'il faudroit donner à ce fil pour qu'il
fuivit exactement les vibrations du balancier
d'une Horloge à fecondes bien réglée.
Par-là on retrouveroit la mefure perdue.
Cette conféquence fit naître l'idée d'une
mefure fixe & invariable , & divers
projets d'une mefure univerfelle tirée de
la longueur du Pendule à fecondes , fuppofée
unique & conftante .
On ignoroit alors que cette longueur eft
differente à chaque degré de latitude . M.
Richer, de l'Académie des Sciences , fut le
premier qui s'en apperçût en 1672 dans
fon voyage de Cayenne , ce qui a été pleinement
confirmé depuis par les expérien
ces faites fous l'Equateur, & au Cercle Polaire
par les Académiciens qui ont fait ces
voyages , & à Cayenne même par M. de
la Condamine.
ya Il y a donc autant de longueurs du Pendule
qu'il y a de Paralleles à l'Equateur.On
demande laquelle de toutes ces differentes :
longueurs a le plus de droit de devenir
celle de la mefure univerfelle.
M. de la Condamine prétend que fi
quelqu'une mérite la préference , c'eft cella
20 MERCURE DE FRANCE.
du Pendule à fecondes fous l'Equateur , &
voici les raifons.
L'Equateur eft le milieu de la terre habitable
, le terme d'où l'on commence à
compter les latitudes , celui de la moindre
pefanteur. Le Pendule équinoxial eſt unique.
Il n'y a pas lieu de préfumer qu'en le
choififfant , on ait eu en vûë la convenance
d'une Nation plutôt que d'une autre .
Celui du parallele de 45 degrés , laritude
moyenne entre les extrêmes de l'Equateur
& des Pôles , eft le feul qui pourroit
difputer la préference au Pendule
équinoxial , mais le Pendule de 45 degrés
eft fujet à plufieurs inconveniens .
1. Il n'eft pas unique , puifqu'il y a un
autre parallele de 45 degrés au-delà de la
Ligne , & qu'on pourroit foupçonner que
la longueur du Pendule n'y eft pas bien
fûrement la même que dans notre hemif
phére.
2 °. Le Pendule du parallele de 45 degrés
eft fufpect d'avoir été choifi , parce que ce
parallele traverfe la France , ce qui ſuffiroit
vrai-femblablement pour faire rejetter
se Pendule par les autres Nations de l'Europe
, & avec plus de fondement encore
que le Pendule du parallele de Paris . C'eſt
fur quoi l'on peut & l'on doit confulter
Les Académies étrangeres.
JUILLET. 1748.. 21*
3°. Si contre toute vrai-femblance tous
les peuples de l'Europe confentoienr à admettre
le Pendule de 45 degrés , il faudroit
commencer par déterminer fa longueur
abfoluë par des expériences qui de longlems
, ni peut-être jamais , n'auroient l'authenticité
de celles par lefquelles Meffieurs
Godin , Bouguer & de la Condamine , ont
fixé la longueur du Pendule à Quito fous
l'équateur.
4°. Enfin la convention du Pendule du
parallele de 45 degrés , fi elle pouvoit
avoir lieu , ne feroit fondée que fur la
convenance ou l'accord de quelques Nations
de l'Europe , que nous regardons
comme les feules dépofitaires des Sciences
dans le moment préfent ; au lieu que la
préference donnée au Pendule équinoxial
convient à tous les lieux & à tous les tems.
Aucune Nation , ni aucun fiécle à venir, ne
pourra protefter contre ce choix. Un François
préferera fans doute le Pendule du parallele
de Paris. Un Européen en général
pourra opter pour celui de 45 degrés . Lo
Philofophe, & le Citoyen du monde choifira
fans contredit le Pendule équinoxial.
Sans adopter la longueur abfolue du
Pendule deQuito, confirmée par un fi grand
nombre d'expériences de trois Académi
ciens , M. de la Condamine propole us
22 MERCURE DE FRANCE.
moyen par lequel on peut conclure la longueur
du Pendule équinoxial avec autant
de certitude que celle du Pendule à Paris ,
& cela fans craindre un centiéme de ligne
d'erreur.
Il fuffit de fçavoir pour cela combien
une Horloge à fecondes , ou un Pendule à
verge de métal , fait en 24 heures fous
' Equateur plus d'ofcillations qu'à Paris
dans le même tems. Les trois Académiciens
ont fait faire des Pendules de cette espéce.
Celui de M. de la Condamine conferve
fon mouvement pendant plus de 24 heures.
Il a été mis en expérience en divers
endroits fous la Ligne pendant huit, dix &
quinze jours , fçavoir à Quito 1500 toifes
au-deffas de la mer , fur une montagne
750 toifes au- deffus de Quito , au Para
au niveau de la mer , à Cayenne & à Paris
dans toutes les faifons , & le Thermométre
étant aux degrés correfpondans,
M. de la Condamine fçait combien fon
Pendule fait à Paris l'été , l'hyver , & dans
une moyenne température d'air , plus d'ofcillations
qu'il n'en faifoit dans tous les
lieux précedens , & notamment fous la
Ligne au niveau de la mer, & comme il eſt
démontré que chaque ofcillation de plus
ou de moins en 24 heures , répond à un
ceptième de ligne fur la longueur du Pent
1
JUILLET. 1748. 23
=
dule à fecondes , on peut affigner combien
de centiémes de lignes il y a à retrancher
de la longueur du Pendule de Paris ,tant de
fois vérifiée & toujours vérifiable , pour le
reduire à la vraie longueur du Pendule
équinoxial. Voilà donc cette longueur dé
terminée auffi exactement que celle du
Pendule de Paris. Elle eft un peu plus
grande que trois pieds fept lignes , &c.
On peut donc conftater dès aujourd'hui,
& laiffer à la poftérité une mefure fixe
invariable , reçûe des mains même de la
nature , & fur laquelle le tems même n'aura
aucun pouvoir . Elle joint à cet avantage
celui d'être unique , & de convenir égale
ment à tous les peuples , fans que les jalou
fies nationales puiffent fournir aucun prés
texte pour la rejetter.
L'exemple du Calendrier Gregorien ,
qui s'introduit infenfiblement dans les
pays où des raifons de politique avoient
empêché de l'admettre , donne lieu de
croire que fi la nouvelle meſure s'établiffoit
aujourd'hui en France , elle trouveroit
peu d'obstacles à fa propagation.
Du moins ne peut- on douter que toutes
les Académies & les Sociétés Littéraires
d'Europe ne l'adoptaffent avec joie . Elle
leur ferviroit à parler déformais la même
Langue, & à fe communiquer plus aifément
24 MERCURE DE FRANCE:
leurs découvertes réciproques. Le langage
des Académies deviendroit bientôt celui
des Ingénieurs & des Architectes , avec le
tems celui des Arpenteurs & des Mâçons ,
quelque jour celui des Marchands , & enfin
celui du peuple.
La France auroit l'honneur d'avoir fait
pour l'avenir ce que nous fouhaiterions
pour
que les fiécles paffés cuffent fait le
nôtre , & elle devroit cette gloire à M. de
la Condamine.
Il avertit , en finiffantfon Mémoire , que
les bornes prefcrites pour une lecture Académique
n'ont pas permis qu'il entrât
dans aucun détail fur les moyens de faciliter
la réduction de toutes les mefures.
tant linéaires , que quarrées & cubiques ,
à la nouvelle meſure Phyfique , en y ramenant
la lieuë , l'arpent , le feptier , le boiffeau
, le muid , &c. & même les poids qui
ne font autre chofe qu'une mefure folide
jufqu'ici fort défectueufe , mais qui peutêtre
reformée par la fixation de la mefare
linéaire , & être renduë pareillement invariable
, ou du moins vérifiable dans tous
les tems. Tous ces articles lui fourniront
la matiere de plufieurs Mémoires ,fi le nou
yeau projet eft agréé .
LA
JUILLET.
1748. 2.5
s és és és és és és és és és és ésés és és és és és és
LA JONCTION DES MERS ,
POEME
A l'honneur de feu M. Riquet , Auteur
du projet du Canal de Languedoc.
J E chante ce mortel , favori d'Uranie ,
Qui du bonheur du monde occupant fon génie,
Au gré de les défirs fçut affervir les eaux ,
D'un courslong & pénible affranchit nos vaiffeaux,
Leur ouvrit dans nos champs une route affûrée ,
Et des deux Mers enfin leur applanit l'entrée.
Toi , qui de mon Héros foutenois les efforts,
Rayon du Ciel , Génie , anime mes accords.
Sur ces flots réunis par la valeur d'Alcide
Neptune exerce encor fa vengeance homicide.
Son Trident redouté fignale fon courroux ,
Et l'Enfer étonné retentit de fes coups.
Là,fervant fa fureur , les vagues meurtrieres
Semblent de l'Océan remplacer les barrieres ;
* Trois obftacles s'oppofoient aux deffeins des Navigateurs
avant la conftruction du Canal , le premier, les
périls du Détroit de Gibraltar ou des Parages voisins ;
le fecond, la longueur du voyage pour tous les Ports de
l'Europe fur l'Océan ; le troifiéme les difficultés di
tranſport par terre .
B
26 MERCURE DE FRANCE.
Là, contre les périls qui menacent nos jours ,
L'adreffe du Pilote eft un foible fecours.
A travers les rochers , au milieu des tempêtes , -
Partout il voit la mort prête à frapper nos têtes ,
Et lui-même éperdu dans ces triftes revers ,
En invoquant Alcide , il périt dans les Mers.
Le mortel , dont l'adreſſe a fçû vaincre l'orage ,
Des jours qu'il a fauvés goûte peu l'avantage.
Plongé dans les horreurs des périls renaiffans ,
Errant de plage en plage à la merci des vents,
Exile loin des bords de fa chere patrie ,
Entre l'onde & le Ciel il confume fa vie.
Durant la longue abfence une famille en pleurs ,
Au fein de fa maiſon , fe nourrit de douleurs ;
Ici la tendre foeur craint pour les jours d'un frere;
Là le fils éploré redemande fon pere ;
L'épouse de l'époux n'attend plus le retour ,
Et meurt, en embraffant les fruits de fon amour.
Pour abreger la courſe en ce defert liquide ,
Il fuit loin de la route ouverte par Alcide ;
A marcher fur la terre il tourne fes efforts ;
Sur un char gémiſſant il charge fes tréfors ,
Mais déja tout s'oppose à ſon impatience ,
Et du Port qu'il défire augmente la distance :
Içi , dans un chemin de rochers hériffé ,
Son char réfifte , crie & tombe fracaffé ;
Là fes courfiers rempans, fur un mout effroyable ;
JUILLET . 1748. 27
Traînent, en chancelant , le poids qui les accable
C'eſt en vain que fes coups preffent leurs flancs
poudieux ;
Leur courage abattu le dérobe à ſess voeux
Lui - même à chaque inftant fent chanceler fa vie :
Il reconnoît enfin que la térre ennemie ,
Plus encor que les mers , fépare les climats.
Dieux , ranimez fa force, & conduifez fes
pas.
Le Chefdes Immortels, le Maître du tonnerre,
En régiflant les Cieux protége encor la terre ;
Il prétend réparer la gloire de fon fils ,
Et redonner le calme aux mortels interdits.
Tel qu'un Roi , qui connoît le poids de fa cou
ronne
De fujets éprouvés fait l'appui de fon Trône ;
Afon peuple par eux fait entendre la voix ,
Et par eux fait chérir ou redouter ſes loix ;
Tel le Dieu , qui partout fait ſentir ſa préſence ;
Souvent daigne aux mortels remettre la puif
fance';
En eux de ſa ſageffe il verſe les fécrets ,
Et confommant enfin les éternels decrets ,
Il gouverne par eux les peuples de la terre,
Il verfe les bienfaits ou lance le tonnerre.
Parmi les nations qu'il voit de toutes parts
Riquet a púlui feul attacher fes regards.
Que par tes foins, dit il ,la terre s'ouvre encore
Bij
28. MERCURE DE FRANCE.
Quelle uniffe les mers du couchant à l'aurore.
Il dit ; déja Riquet eft l'Envoyé des Gieux ↳
dans fa main l'autorité des Dieux .
Et porte
La fertile Province , où le fort l'a fait naître ,
Eft le théatre heureux où Riquet va paroître ;
Les peuples étonnés , au bout de l'Univers ,
Sur fes projets hardis tiennent les
Et l'envie au coeur faux , au tein pâle , à l'oeil
louche ,
yeux ouverts
Sur les pas du héros , d'un air fombre & farou
che.
Riquet arme la main de ce fage inftrument , *
Qui pour dompter les flots eft rival du Trident ;
Il mefure avec art la pente des campagnes
;
Il ſçait réduire au vrai la hauteur des montagnes ;
Des gorges , des rochers il décrit le détour ;
Déja ce grand deffein reçoit un nouveau jour.
C'en eft fait ; de Toulouſe au rivage de Cette ,
Riquet du Dieu des Mers a tracé la défaite . **
Les foldats de Louis vont marcher fur fes
pas :
D'une bêche tranchante ils ont armé leurs bras ;
Ces bras, accoûtumés à gagner des bataillés
De la terre en cent lieux déchirent les entrailles.
* Le Niveau est le principal inftrument de la con-
· duite des eaux.
**
Je parle ainfi du piquetement , après que M. de
Voltaire a dit du blocus , il fait tracer leur perte autour
de leurs murailles.
JUILLET.
015
1748.
Fandis que dévorant les plus rudes travaux
Ils ouvrent un canal à la marche des eaux ,
Riquet voit les torrens, qui tombent avec rage ,
Des débris de nos champs menacer fon ouvrage ;
Le fable & le limon traînés par leurs efforts ,
Du lit qu'il a creuſé vont ſubmerger les bords.
Le Héros à leur rage oppoſe fon génie ;
Une équerre à la main il rit de leur furie ,
Il prépare un abîme * à ces fougueux torrens ;
La terre ouvre fon fein, émeut ſes fondemens,
Et Pluton éperdu , de fes Royaumes fombres
Craint que l'aftre du jour ne diffipe les ombres;
Les torrens auffi - tôt, précipitant leurs flots ,
Dans ces antres profonds vont engloutir leurs
слих ...
A la voix de Riquet les torrens obéiffent ,
Les gouffres font comblés , les côteaux s'applag
niffent ,
Et les monts fourcilleux , par leurs flancs entr'ou
verts ,
Demeurent fufpendus dans le vague des airs .
Comme on voit dans fon cours la foudre meur4
'triere
De cent murs entaffés écrafer la barriere",
Ainff notre Héros de fes fçavantes mains
* Les Aquedues font des voûtes fouterraines dont la
profondeur ef immenfer
Bij
30 MERCURE DE FRANCE.
Rompt tout ce qui s'oppose à fes vaftes deffeinsa
Tandis qu'ici tout cede à fon intelligence ,
Riquet en d'autres lieux va montrer la puiflance.
Génie, éclaire-moi dans des nouveaux travaux ;
Que ma voix foit partout digne de mon Héros.
Près des murs de Rével s'élevént des montagnes,
Dont le front recourbé menacé les campagnes.
Parun feu fouterrain * leurs antres enflammés
Font bouillonner les flots qu'ils tiennent renfer
més,
Et leurs flancs, humectés par la vapeur des ondes,
Montrent à l'oeil du jour mille fources fécondes .
A leur cours vagabond Riquet va mettre un frein ;
Il fonde dans la plaine une enceinte d'airain ;
Ces monts font inveftis ; déja l'onde en la fource
De fes flots mutinés voit arrêter la courſe ,
Et dans leurs mouvemens ces Rots embarraffés
Grondent avec fureur l'un fur l'autre entaffés.
Déja ces mêmes eaux,qui fe cachoient fous l'herbe,
Du canal des deux mers font un fleuve fuperbe ;
Ce fleuve à chaque pas frémiffant de fureur
Eft forcé d'obéir aux loix de fon Auteur.
Quel prodige nouvean! Des cavernes profondes
Jufqu'au fommet des monts il éleve fes ondes
Et lorfque par fa chute il femble être entraîné
* Système de Descartes fur les Sources,
*
&
JUILLET .
31 1748,
Sur le bord de l'abîme il demeure enchaîné.
Tel qu'on voit un Lion peu fait à l'efclavage ;
Rugir , battre fes flancs &treflaillir de rage ;
En vain ce fier captif exerce fa fureur ,
Ses chaines de plus près excitent fa douleur :
Tel ce fleuve, étonné de fa prompte retraite ,
S'efforce de brifer la digue qui l'arrête ,
Mais de fes flots en vain il unit les refforts ,
Il ferme fa priſon par fes propres efforts.
Ainsi, toujours ſoumis à la main qui le guide ,
Il reçoit nos vaiffeaux fur fa maffe liquide ;
Il embraffe la terre , il entre dans les mers ;
Pour tribut à Neptunc il apporte des fers ;
Le Héros eft vainqueur ; le vafte fein des ondes ,
Loin de les féparer , réunit les deux mondes ;
Les peuples font heureux , & chacun dans fes
Ports
Des plus lointains climats recueille les tréfors.
B iiij
22 MERCURE DE FRANCE.
RECHERCHES fur l'hiftoire de Carthage
, ou Vies de quelques Carthaginois
célebres . Par M. Remond, de . Sainte
Albine.
-
ANNIBAL I. fils du premier
ASDRUBAL , & petit-fils de
MAGON.
Uftin eft le feul Hiftorien qui nous ait
confervé la mémoire de cet ANNIBAL
(a) Selon cet Auteur , Magon , qui le premier
apprit aux Carthaginois l'art de la
guerre , & à qui fa République dût en partie
le haut degré de puiffance auquel ello
parvint par la fuite , eut deux fils , Amilcar
& Afdrubal , dont la réputation ne ceda
point à celle de leur père: Afdrubal , après
avoir été onze fois Dictateur & avoir obtenu
quatre fois l'honneur du triomphe ,
mourut en Sardaigne d'une bleffure qu'il
reçut dans un combat , & il laiffa trois enfans
, ANNIBAL , Afdrubal & Pfapho . Ifaas
Voffius (b) prétend , fondé fur je ne ſçais.
(a ) Juftin ; Extrait de l'Hiftoire de Troge Pompée
, Edit. d'Amfterdam 1856 , chés Elzevir , liv...
19, chap. 1 & 2. pages 155 & 156.
(b) Remarques fur Juftin. Voyez l'édition de.cet
Hiftorien , citée dans la note précédente , p. 319
JUILLET . 1748. 33
quelle raifon, que l'ANNIBAL , dont
il s'agit dans Juftin , eft celui dont parlent
Xenophon dans le premier Livre de
fes Hiftoires Grecques (a ) , & Dyodore
de Sicile dans le treiziéme Livre de fa Bibliothéque
Hiftorique ( b ). Ofmann , Moreri
& fes augmentateurs , ou n'ont point
fait attention au paffage de fuftin , ou font
du fentiment de Voffius , car on ne trouve
ni dans le Lexicon univerfel ni dans le -
Dictionnaire Hiftorique , aucun Annibal ,
qui ait vêcu avant celui dont il s'agit dan's
le premier Livre de Xénophon , & dans le
treiziéme de Dyodore. Cependant if paroît
que Dyodore & Juftin ont défigné deux An
nibals differens. L'un , à ce que nous apprend
le premier de ces Auteurs , étoit fils
de Gifcon, & petit - fils de l'Amilcar que
que Ge
lon , Tyran de Siracufe , avoit fait périr en
Sicile par une trahifon . L'autre , fi Zuſtin
doit être crû , avoit pour pere Afdrubal ,
fils de Magon. Ce ne feroit pas la premiete
fois que les Hiftoriens auroient confondu
, mais Voffius , n'apportant aucune
preuve pour combattre l'Auteur que je cite,
(a ) Edition de l'année 1569 à Bafle , chés Tho
mas Guérin , p . 337.
(b) Edition de Hanau , chés Claude Marny &
chés les héritiers de Jean Aubry , 1604 , p. 169 &
(แข ,
By
34 MERCURE DE FRANCE:
n'a pas eu droit d'exiger qu'on fuivît plutôc
fon fentiment que celui de Juftin . On peut
ajoûter qu'Annibal, fils de Gifcon,fut élû Général
la troifiéme année de la quatre- vingtdouziéme
Olympiade , année 344 de la
fondation de Rome , & 416 de celle de Carthage
( a) ; qu'Amilcar , fon ayeul , qui périt
en Sicile , mourut en la foixante- quinziéme
Olympiade , felon Dyodore , liv. 11 .
pag. 1 & 18 ; que cet Amilcar eft , comme
le dirai ailleurs (b), le même qu'Amilcar,
fils de Magon , ou n'a vêcu qu'après cet
Amilcar ; qu'Afdrubal , frere de ce premier
Amilcar , étoit mort plufieurs années
avant lui, à ce que nous apprend Justin (c);
je
(a) Voyez Onuphre , des Faftes , édition d'Heidel
berg 1588 , dans le Commentaire de fon premier Li
wore, pages 33 & 34 ; ſur la durée des Olympiades
, & fur le tems auquel commença la premiere ,
Juftin fur la fondation de Carthage liv. 18 de
Jon Extr. de Troge Pompée , chap. 6. p. 193. Con-
Jultez Dyodore de Sicile , Biblioth. Hiftor. liv. 13.
p. 169 , fur l'Olympiade & fur l'année dans laquelle
Annibal ,fils de Gilcon ,fut choisi pour commander
Parmée des Carthaginois.
fb Dans la vie d'Amilcar I.
(c) In Sardinia quoque Hafdrubal , graviter vulmeratus
, imperio Hamilcari fratri tradito , interiit,
cujus mortem cum luctus civitatis , tum & dicatura
undecim : &triumphi quatuor , infignem fecere hoflibus
quoque crevere animi, veluti cum duce vires Pañoram
cecidiffent. Itaque Steilta populis , propter affiduas
JUILLET .
35 1748.
enfin qu'ANNIBAL , à ce qu'on peut conjecturer
par l'ordre dans lequel cer Au
teur place les enfans d'Afdrubal , étoit le
fils aîné de ce Guerrier. Ainfi cet ANNIBAL
eût cu plus de quatre- vingt ans lorfqu'il
auroit fait la premiere expédition que Dya
dore & Xénophon rapportent de l'Annibal
dont ils nous ont confervé la mémoire , &
il eût été revêtu de la charge de Général
dans un âge que les autres n'attendent pas
pour abdiquer cette Dignité. Il ne faut
point diffimuler que Diodore dir en effet
qu'Annibal, fils de Gifeon , étoit déja vieux
lorfqu'il palla pour la feconde fois en Sicile
, mais cette raiſon n'eft pas fuffifante
pour attaquer fuftin. L'ANNIBAL , dont il
a fait mention , partagea avec Afdrubal &
Pfapho ou Sapho , fes freres & les fils d'A
milcar , le Gouvernement de Carthage,
Pendant leur adminiftration , les Carthaginois
firent la guerre aux Maures &
aux Numides , & s'affranchirent du tribut
qu'ils payoient à ces peuples pour le tetrain
fur lequel Carthage étoit bâtie. Tant
de Chefs, par la fuite , devinrent à charge
Carthaginenfium injurias , ad Leonidam fratrei
Regis Spartanorum concurrentibus , grave bellum natum
, in quo& diu & variâ victoria praliatumfuit.
Intereà Hamilcar belle Sicilienfi interficitur ,
&c. liv. 19. chap. 1 & 2, pag. ass & 1.56.
B vj
36 MERCURE DE FRANCE
àlaRépublique, & onélutparmilesSénateurs
cent Magiftrats, à qui les Généraux à l'ave→
nir devoient rendre compte de leur condui
re à leur retour de l'armée. Juftin ne remar
que aucun autre évenement auquel le pre
mier Annibal ait eu quelque part, & le tems
de la mort de cefils d'Afdrubal 1.eft ignoré.
ANNIBAL II: fils de GISCON
& petit-fils du premier A MILCAR.
- La
guerre (a) des Athéniens contre les Sya
raculains étoit finie , & le peuple d'Ægef
te , (b) qui s'étoit déclaré dans cette guer
re pour les Athéniens , craignoit avec raifon,
que tous les habitans de la Sicile ne fe
réiniffent , pour le punir de fon infidelité ..
Havoit même mieux aimé céder aux Sélinuntiens
(c) quelques terres qu'ils lui conf
teftoient , que de donner , en ayant recourss
aux armes , occafion aux Syracufains , de
prendre parti dans cette querelle . Mais
vivement irrité de ce que les premiers, noncontens
de s'être emparés des terres qui›
(a) Diodore de Sicile , Biblioth. Hiftor. liv. 13. på
169 &fuiv. Edit: de Hanau . 1604 .
(b) Cette ville étoit en Sicile , & elle fut bâtie par
Anée. On l'a nommée depuis Segefte & enfuite Di
caopolis. Voyez Ofmann , Lexiron univerfale , tom
1. p. 134.
(c) Ces peuples étoient originaires de Grece . Seli
nunte leur ville étoit, en Sicile, près d'Hyméra.
JUILLET. 317 174S .
étoient en litige , l'avoient dépouillé d'une
partie de celles fur lefquelles il avoit un
droit inconteftable ; il envoya des Ambaſſadeurs
à Carthage , pour implorer le fecours
de cette République contre l'oppreffion
Les Carthaginois , retenus d'abord par
quelque appréhenfion de la grande puiffanée
des Syracufains,fe laifferent enfin entraî
ner par l'efpoir de parvenir , en fe décla--
rant les protecteurs d'Egefte, à s'en rendre
un jour les maîtres. Ils promirent de fecou
Fir lesEgeftains , & choifirent ANNIBAL ( a) ,
fils de Gifcon, pour l'envoyer Général en
Sicile , fi la guerre s'allumoit. Gifcon , pere
de cet ANNIBAL , étoit fils de l'Amilcar
qui faifant la guerre contre Gélón , ancien
Tyran de Sicile , périt en la foixante- quinziéme
Olympiade ; & cet Amilcar, comme
Hous avons remarqué dans l'article précédent
, eft felon les apparences le même
qu'Amilcar , fils de Magon.
ANNIBAL , ennemi né du nom Grec
Soccupa tout entier du foin de fatisfaire
une haine , que le fouvenir du meurtre de
Z
2
-(á) ANNE'S 344 dé lafondation de Rome . Dyodore
de Sicile écrit , liv. 13. p . 169 , qu' Annibal
fut élú Général en la troifiéme année de la quatreving
douzième Olymp. & c'eſt la même époque que
selle queje marque.
38 MERCURE DE FRANCE.
fon ayeul, & de l'exil de fon pere (4), augmentoit
chaque jour. Les Selinuntiens ne
fe bornant pas aux premieres ufurpations
qu'ils avoient faites fur les Ægeftains , &
voulant y en ajoûter de nouvelles , il engagea
ces derniers à prendre les Syracu-
Lains pour arbitres. Il prévoyoit que ceux
de Selinunte ne fe foumettroient point à
reconnoître des juges , & fon deffein étoiɛ
de les brouiller avec les Syracufains. En
effet les Selinuntiens ne voulurent être jugés
que par le fort des armes , mais ceux
de Syracufe tromperent fon efpoir, & réfo→
lurent de demeurer fidéles à l'alliance
qu'ils avoient contractée avec ce peuple.
Auffi - tôt les Carthaginois envoyerent
pour la défenfe d'Egefte quelques troupes ,
compofées d'Afriquains & de Campaniens
, qui peu après leur arrivée barrirent
les ennemis dans une rencontre , leur tuerent
mille hommes & firent fur eux un butin
affés confidérable. Cet évenement diminua
le trop de confiance que ceux dé
(a ) Dyodore rapporte que Gilcon paffa fa vie er
exil dans la Sicile , & que les Carthaginois le banni
vent à cause de la catastrophe de fon pere. Ce traite-',
ment étoit injufte, & étoit regardé par Annibal comme
un nouveau fujet de hair les Siciliens qui
avoient été la cause.
JUILLET. 1748. 39
Sélinunte avoient en leurs forces, & releva
le courage des Ægeftains. De nouveau les
deux partis députerent, les uns à Syracufe,
& les autres à Carthage , pour obtenir du
Lecours. L'une & l'autre ville s'engagerent
d'en fournir , & pour lors cette guerre devint
importante.
à
Le Sénat de Carthage, prévoyant quelles
en pouvoient être les fuites , n'épargna
rien pour les préparatifs , & il permit
ANNIBAL d'affembler autant de
troupes qu'il jugeroit néceffaire. Pen--
dant tout l'été & pendant l'hiver qui
fuivit , ce Général fit faire en Efpagne des
lévées confidérables , & força même une
partie des Citoyens de fa République , de
s'enrôler fous fes étendarts. Il équipa en
même-tems une flotte , & fe difpofa à partir
le printems fuivant.
A peine (a) ce tems fut arrivé , qu'ANWIBAL
fe mit en mer, &, ayant traversé la
mer d'Afrique , il vint débarquer au Promontoire
de Lilybée(6) .QuelquesCavaliers
(a) ANNE'I 349 de la fondation de Rome , felon
Dyodore. Onuphre veut au contraire , que Quin
Jus Fabius Ambuftus & Caius Furius Pacilus , que
Dyodore dit avoir été Confuls dans le tems de la def
cente d'Annibal en Sicile , ne l'ayent été qu'en "l'anmée
341 .
(b) Le Promotoire de Lilybér af à l'Occident da
la Sicile.
40 MERCURE DE FRANCE.
Sélinuntiens , ayant apperçû fa nombreuſe
flotte , coururent à toute bride avertir leurs
compatriotes de l'arrivée d'un fi redouta
ble ennemi , & les Sélinuntiens dépêcherent
à Syracufe , pour repréfenter lepéril
preffant qui menaçoit toute la Sicile . Cependant
ANNIBAL pofa fon camp près du
puits , dit de Lilybée , autour duquel on a
bâti depuis une ville du même nom ( a ) ,
& il voulut que fes vaiffeaux fe miffent
à l'ancre dans un golfe des environs
de Motyen , pour ôter aux Syracufains
toute inquiétude. Il fejourna peu dans
F'endroit où il avoit campé d'abord ,
& bien-tôt il marcha à Sélinunte. En chemin
il prit d'emblée Emporie , ville fituée
fur les bords du fleuve Mazarus ou Ma--
Zara. (b)
1111
Dès qu'il fut devant Selinunte , il
~ (a) Elle se nommé maintenant Marfala. Voyez le
Dictionnaire Géographique de Baudrand.
(b) Ily a de l'apparence que ce fleuve étoit à l'Oc
ident de la Sicile. La ville nommée Mazara étoiz
dans la partie Occidentale de ce pays , & urai -fem
Hlablement elle avoit pris son nom de ce fleuve . Les
Grecs nommoient Empories tous les lieux qui poul
voientfervir de ports commodes aux vaiſſeaux ; forme .
weils donnoient ce nom quelquefois aux villes qu'ils bá
igoient près de quelque Golfe ou de quelque Baye.
"
JUILLET. 1748. 48
•
partagea fon armée en deux divifions
fit difpofer toutes les machines pour l'at
taque , & ne laiffa pas lieu de douter
qu'il n'eût deffein de preffer le fiége avec
la plus grande vivacité. Six énormes
Béliers , armés de fer, furent conduits
au pied des murailles, En même - temз
les affiégeans , du baut d'un pareil nombre
de tours qu'ils avoient élevées , com
mencerent à faire pleuvoir une grêle
continuelle de fleches & de pierres , qui
réduifit les affiégés qu'une longue paix
avoit rendu peu propres à leur défenſe ;
à ne plus ofer-paroître fur leurs remparts.
Une terreur univerfelle fe repandit parmi
les Sélinuntiens . Ils avoient éré de tous les
peuples de Sicile les feuls qui euffent autre
fois affifté les Carthaginois contre Gélon ,
& ils s'étoient flatés qu'un peuple , qui
leur avoit obligation , ne voudroit pas ,
quand même leur ville feroit prife , ufer
contre eux de tous les droits de la guerre.
Jugeant qu'on n'avoit pas deffein de les
ménager , ils eurent recours aux derniers
efforts , pour éviter , our du moins pour retarder
leur raine . Vieillards , femmes , en
fans , tout devint foldat.
+
Le fiége duroit déja depuis trop long
tems au gré d'ANNIBAL. Il promit à fes
troupes d'abandonner la ville au pillage ,
42 MERCURE DE FRANCE.
fit battre la muraille en breche , & choifft
l'élite de fes foldats , pour donner l'affaut .
Les Campaniens furent les premiers , qui,
entrerent par la breche. Ils renverferent
d'abord tout ce qui fe préfenta . Mais ceux
de la ville , ayant porté leurs forces en cer
endroit , les contraignirent de ceder à leur
tour , & les ayant pouffés dans les ruines
de la partie de murailles que les machines
avoient abattue , en firent un grand car→
nage. La nuit feule pût féparer les combattans
, & obligea les Carthaginois , dé
fonner la retraite .
Cependant les Sélinuntiens envoyent
quelques-uns de leurs meilleurs Cavaliers
Agrigente , à Géla , & à Syracufe , pour
avertit que la ville eft prête d'être forcée.
Les Agrigentins & les Geloiens ne vou
loient point hazarder leurs troupes , à
moins que les Syracufains ne fe joigniffent
à eux. Ceux-ci , ne pouvant plus refufer
du fecours à leurs Alliés , firent la paix avec
les Chalcidiens (a) , & de tous côtés raffemblerent
leurs forces , mais ils n'uſerent
pas de diligence. ANNIBAL , dès le lendemain
du premier affaut , avoit fait faire une
(a) Peuples, qui felon Strabon , habitoient l'Ifthme
d'Ionie. Cette Ifthme étoit entre Teies & Erithra. Il
n'est guères vraisemblable cependant , qu'il s'agiſſe
an cet endroit de peuples d'Ionie.
JUILLET. 1748. 43
nouvelle breche , & l'avoit franchie luimême
l'épée à la main à la tête des plus
braves de fon armée. Il n'avoit pû cependant
encore ce jour emporter la place.
Neufjours confécutifs, il retourna à l'affaut,
& chaque jour il fut repouffé . Les Affiégés
tronvoient de nouvelles reffources dans
leur défefpoir , & les Affiégeans recevoient
autant de mal qu'ils en faifoient . Mais en
fin les premiers , manquant plutôt de com
battans que de courage , & obligés de foutenir
avec une poignée de gens épuifés les
attaques perpétuelles de troupes toujours
fraîches , qui fe relevoient à tout moment,
ne purent réfifter à la longueur d'un com
bat , qui dura depais la pointe du jour juf
qu'au foir. La ville fut prife , & fes géné
reux défenfeurs fe retirerent pas à pas , &
en faifant toujours face aux Carthaginois ,
dans la place publique , où ils périrent
tous les armes à la main (a). Tout fut mis
à feu & à fang. Rien n'échappa à la cruau
té , à l'avarice & à la brutalité du foldat.
La licence ne connut aucunes bornes, & les
fils envioient le fort de leurs peres, à qui la
(a) Xénophon , Liv. 1. de fes Hiftoires Grecques ;
Edit. de Bafle , an. 1569 , pag. 337 , écrit que Sélinunte
ne fut prife qu'en la premiere année de la quatre-
vingt-treizième Olymp. c'est-à-dire l'année 34€
de la fondation de Rome
44 MERCURE DE FRANCE.
mort avoit épargné d'être témoins de tel
excès.
- Pendant l'exécution de cette Tragédie
arrivent à Agrigente 3000 foldats d'elite ,
que les Syracufains envoyoient au fecours
de Sélinante . Auffi- tôt qu'ils eurent appris
la prife de cette ville , ils députérent vers
ANNIBAL , pour lui demander la permif
fron de racheter les prifonniers, & pour l'engager
à refpecter les Temples . Mais ils n'en
reçurent d'autre réponſe , finon que des
hommes , qui n'avoient pû défendre leur
liberté , méritoient de la perdre , & que
les Dieux avoient paru trop fenfiblement
abandonner Sélinunte , pour qu'on cruz
qu'ils euffent confervé dans cette ville
quelques habitations . Cependant , les Syra
cufains ayant prié Empédion , qui avoir
toujours été lié avec les Carthaginois , d'al❤
ler trouver ANNIBAL pour infifter auprès
de lui fur leurs demandes , ce nouveau Député
obtint la liberté de tous les prifonniers
nobles , & de ceux des fes parens , qu'il
reclama. Il obtint auffi pour les Sélinuntiens
, qui avoient pris la fuite avant le
fiege , la permiflion d'habiter la ville , &
de cultiver les terres. ANNIBAL exigea feulement,
qu'ils payeroient à l'avenir un cer
tain tribut à Carthage. Selinunte fut prile
252 ans après fa fondation.
JUILLET. 1748. 40
Les Carthaginois marcherent de cette
Ville à Himéra. Leur Général en avoit juté
la deftruction . C'étoit près de cette place
, qu'Amilcar par la trahifon de Gelor
avoit été facrifié avec toutes fes troupes.
ANNIBAL , impatient de fatisfaire aux Manes
de fon ayeul , établit ſon camp
fur une
éminence à quelque diftance de la Ville ,
forme le blocus avec une partie de fon arnée,
& fans perdre de tems , fait battre la
muraille en breche. Mais les Affiégés
font également promts à réparer les breches
, & à les défendre. Un nommé
Diocles de Syracuſe étoit venu à leur fe
cours avec quelques troupes , & ils fondoient
fur lui leur principale efpérance.
Il leur étoit important de ne fouffrir que le
plus tard qu'ils pourroient , que leur Ville
fut entierement inveftie . Par le confeil de
Diocles ils firent une vigoureufe fortie, &,
perfuadés que du fuccès de cette tentative
dependoit leur falut , ils taillerent en piéçes
tout ce qui s'offrit à leur paffage. Le
grand nombre des Carthaginois , qui coururent
pour s'oppofer à ce torrent ,
ne fervit
qu'à mettre le défordre & la confufion
dans leur armée , & ils fe nuifirent plus
qu'ils ne nuifrent aux ennemis. ANNIBAL ,
pour remédier à ce défavantage , fut contraint
de fonner la retraite , afin de rallier
46 MERCURE DE FRANCE.
Les troupes , & ayant rétabli les rangs ,
il retourna à la charge. Les Hymeriens
qui , en pourfuivant les Carthaginois ,
s'étoient laiffés trop emporter à leur ar
deur , & n'avoient point confervé d'ordre
, furent la plupart mis en fuite. Trois
cens feulement tinrent ferme , & firent face
à toute l'armée de Carthage. Aucun ne
démentit jufqu'à la fin l'exemple de fes
compagnons ,. & ne cella de fe défendre
qu'en expirant.
.
Cependant vingt- cinq Galeres , que les
Syracufains avoient envoyées au fecours de
Lacedémone , étoient de retour à Syracufe.
Le bruit fe répandit dans Hymera , que les
Syracufains venoient avec toutes leurs forces
pour faire lever le fiége aux Carthaginois,
& qu'ANNIBAL, ayant embarqué
fes meilleurs foldats , fe difpofoit à
faire voile à Syracufe , pour s'emparer de
cette Ville , tandis qu'elle étoit vuide
de défenfeurs. Auffi-tôt rien ne peut retenit
Diocles .Le danger, que court fa patrie ,
l'y rappelle. Les Hymériens, en le perdant,
perdent tout leur efpoir. Ils ne fongent
plus qu'à fauver ce qu'ils ont de plus
cher , & ils prennent la réfolution d'envoyer
à Meffine leurs femmes & leurs enfans.
Le petit nombre de Galeres qu'ils
avoient , & la garde exacte que faifoient
JUILLET.
1
1748 47
pour
les Affiegeans , rendit l'exécution de ca
deffein longue & difficile . Les Hymériens
fe défendirent opiniarrément , jufqu'à ce
qu'ils l'euffent conduit à fa fin . Leurs Galeres
la derniere fois quittoient le
Port , & chargées du refte de ce qui devoit
paffer à Meffine , cingloient déja en haute
mer , lorfque les Carthaginois fe firent
jour par la breche , & fe rendirent maîtres
de la Ville. ( a ) Elle fut encore plus maltraitée
que Sélinunte , & elle fut rafée.
Cette Ville avoit fubfifté pendant 260
ans. ANNIBAL voulut fignaler fa vengeance
par un facrifice célébre , & il fit
immoler 3000 prifonniers autour de la
colline , fur laquelle autrefois Gélon avoit
fait tuer Amilcar.
Après ces deux expeditions le Général
Carthaginois , ayant laiffé un fecours médiocre
aux Egeftains , fit voile avec toute
fa Flotte vers Carthage. Tous les habitans.
fortirent de la Ville , pour aller au - devant
de lui. Il fut reçû au bruit des acclamations
publiques , & fes ennemis même l'é-
(a) Xénophon dans le même endroit que j'ai cité
ci-deffus, parle auffi de la prise d'Hymera , place ce
fait à la même année qu'il a placé la prise de Sélinunte,
c'est à - dire, à la première année de la quatrevingt-
treiziéme Olymp . an , 346 de la fond, de Rome
48 MERCURE DE FRANCE.
leverent beaucoup au-deffus de fes prédéceffeurs.
Les ( a) Carthaginois , enflés des heureux
fuccès qu'ils venoient d'avoir en Sicile ,
ne perdirent plus de vûë le projet de ranger
l'Ifle entiere fous leur domination . ( b)
En la troifiéme année de la quatre-vingttreiziéme
Olympiade , ils mirent fur pied
une armée formidable , & en donnerent le
commandement à ANNIBAL , qui,
refufant de l'accepter parce qu'il étoit
déja vieux , obtint pour collegue Imilcon ,
fils d'Hannon , & forti du même fang que
Gifcon , & que le premier Amilcar. Les Syracufains
ayant attaqué 40 Galeres , par
lefquelles ANNIBAL s'étoit fait précéder en
Sicile , & quinze de ces Galeres étant tombées
en la puiffance des ennemis, il fe hâta
de paffer la mer , pour ne pas leur donner
de tems de profiter de cet avantage , & pour
conferver la route libre aux troupes qui
avoient ordre de le fuivre . Son arrivée fit
craindre aux Siracufains le même traitement
qu'avoient reçû leurs Alliés , & cha
cun crât voir déja toute la Sycile dans la
fervitude .
Les Agrigentins fe perfuaderent , que
(a ) Dyodore de Sicile , liv . 13. p . 201 & fuiv.
b) ANNE'E 348 de la fondation de Rome.
Porage
JUILLET. 1748. 49
l'orage les menaçoit principalement. Ils
étoient les Peuples les plus riches de l'Ifle .
Leurs terres produifoient en abondance
toutes fortes de grains & de fruits , & le
feul commerce des vins & des olives, qu'ils
envoyoient en Afrique , où l'agriculture
étoit peu connue , leur rapportoit de grands
revenus. Ils tranfporterent toutes leurs
richeffes dans Agrigente , & l'évenement
juftifia que leur crainte étoit bien
fondée.
Auffi tôt (a ) que les Carthaginois ont
fait paffer toutes leurs troupes en Sicile ,
ils entrent fur les terres des Agrigentins ,
& les fomment de contracter avec eux une
ligue offenfive & défenfive , ou du moins
d'obferver une exacte neutralité. Ces derniers
n'acceptent aucune des deux propofitions
, & ANNIBAL met le fiége devant
Agrigente. Pour en précipiter la prife , il
fait démolir une grande quantité de tombeaux
, qui incommodoient fes travailleurs ,
Soit les exhalaifons pernicieufes , qui s'élevent
des terres qu'il fait remuer, foit quelques
autres caufes , mettent la contagion
dans fon Camp . Elle y fait des progrès auffi
rapides que funeftes. Ce fleau lui enleve la
meilleure partie de fon armée , & l'enleve
lui-même à Carthage,
(a) Dyodore , liv , 13. pag. 206 & 207.
C
so MERCURE DE FRANCE.
•
Ofmann Lexicon univerfale , Edit . de la
Haye 1698 , & Morery , Diction . Hiftor,
Edit. de l'an 1712 , à Paris , chés Coignard,
ne font point mention de la mort de ce
Capitaine : ils fe contentent de rapporter
qu'après avoir pris quelques Villes , il eut
du défavantage en combattant contre Hermocrates
de Syracufe , & citent Dyodore de
Sicile liv. 13 , & Juſtin , liv . 22 & 23 .
fuftin , ne parle nulle part ni d'Hermocrates,
ni d'ANNIBAL , fils de Gifcon . Les livres
22 & 23 de cet Auteur ne contiennent que
les exploits d'Agatocles , qui fucceda au
jeune Denis, fils de Denis l'ancien , & Agatocles
ne vêcut que long- tems après Hermocrates
. Dyodore , liv 13 , pag. 186 & 187 ,
parle a la vérité de ce Syracufain ,mais il dit,
p . 186 , qu'ANNIBAL étoit retourné à Carthage
, lorfqu'Hermocrates revint de Grece
en Sicile , d'où il avoit été éloigné par l'éxil
, pendant qu'Annibal y faifoit la guerre.
Ce dernier ne repaffa la mer qu'en la troifiéme
année de la quatre- vingt-treiziéme
Olympiade , an. 348 de la fondation de
Rome. Ce fut l'année de fa mort , & il
n'eut dans toute cette année aucune rencontre
avec Hermocrates.
Lafuite dans le prochain Mercure,
JUILLET. 1748. 58
ODE
ELEGIAQUE ,
Sur la mort d'un Serin nommé Sobriche
étranglé par un Chat dans un Jardin.
MortOrt cruelle , affreufe furie ,
Viens apprendre quels font les jours ;
Dont ton énorme barbarie
T'a fait fi-tôt trancher le cours,
Si les larmes , fi la priere ,
Contre ta fureur meurtriere
Ne purent pas les garantir
Approche tes dures oreilles
Et que de fi grandes merveilles
Te faffent au moins repentir.
+3x+
yeur.
Les Serins de la Canarie ,
De notre mort nobles ayeux ,
Lui leguerent leur harmonie ,
Et l'art de charmer tous les
Belle taille , riche plumage
Air vif , mélodieux ramage ,
Et gracieux gazouillement ;
Petits foins , merveilleufe adrefle
>
Cij
52 MERCURE DE FRANCE,
A prouver la pure tendreffe ,
Tout rendoit Sobriche charmant .
Les foins troubloient- ils le vifage
De fon bien aimé protecteur ?
Par fon innocent badinage
Bien- tôt il en étoit vainqueur ,
*
Et cette impitoyable troupe ,
Qui fuit le Cavalier en croupe ,
Devenant docile à ſa voix ,
Malgré fon implacable rage ,
Dès qu'il chantoit , perdant courage ,
Plioit fous de fi douces loix.
Mais pendant que mon jufte zéle
De Sobriche fait le portrait ,
Notre douleur , toujours nouvelle ,
S'aigrit , s'irrite à chaque trait.
Quoi donc , les talens les plus rares
Sont foumis à ces coups bizares ,
Que la mort appelle fes droits !
Quoi ! la barbare deſtinée
Peut ravir en une journée
Tant d'avantages
à la fois !
* Poft equitemfedet atra cura. Horat
JUILLET. 71748 .
1
Hélas ! perché fur la fenêtre ,
Se croyant fous un ciel nouveau ,
Sobriche ne penfe pas être
A la porte de fon tombeau.
Ennuyé de ſon eſclavage ,
il penſe , en fortant de la cage ,
Se procurer un meilleur fort.
Arrête , petit téméraire ,
Ce jardin qui te femble plaire ,
Ne te prépare que la mort.
C'en eft fait : fon deftin le preffe
D'approcher de tant de beautés.
Une frauduleufe Déeffe *
Eblouit fes yeux enchantés.
Il part , & d'une aîle indifcrete ;
Il s'éloigne de fa retraite,
Epoque de notre douleur !
Il eſt ſéduit , il céde , il vôle ,
Ennyvré de l'eſpoir frivole
D'un imaginaire bonheur.
Déja fa nouvelle fortune
Reçoit les petits compliments.
Il chaffe l'idée importune
* L'Illuſion.
C iij
54
MERCURE DE FRANCE
De fes anciens amufemens.
Ses Concerts témoignent la joye ;.
La Nymphe Echo qui les renvoye ,
Leur prête de plus tendres fons ;
Les airs au loin en retentiflent ,
Et les Dryades s'applaudiffent
D'entendre de telles chanfons.
Tandis qu'il met tout en ufage ;
Pour célébrer un fibeau jour ,
Un Chat .... ah ! finiftre préſage !
Feignant de lui faire la cour ,
Cache fous un air hypocrite
L'horreur du crime qu'il médite.
Il vient ; Sobriche ne fuit
Et cette fatale affûrance ,´
pas ,
Que lui donne fon innocence ,
Le livre au plus cruel trépas.
***
Sobriche eft mort ! trifte victime
D'un phantôme de liberté !
O mort , vois l'excès de ton crime
Par celui de ta cruauté.
Sans doute que ta jalouſie
Te fit croire qu'avec ſa vie
Tu ravirois fon fouvenir.
JUILLET.11748 .
31
Non , tu n'auras pas cette gloire ,
Il vivra dans notre mémoire
Jufqu'au plus lointain avenir.
Par F. F. Q. M.B.
F01F09 200 201 FOR ROT 208 208 209 208 207 208 209
DISSERTATION fur un vers de la
Tragédie des Horaces.
Lemblentfaites pour détruire les pré-
Es Sciences & les Belles Lettres , qui
pour
jugés , y font fujettes elles-mêmes , & ce
font les plus grands obftacles qui s'oppo
fent à leurs progrès. Ils nous engagent
dans des routes écartées de la vérité & de
la nature , & retardent le développement
de la raifon , fans laquelle les productions
de l'efprit font des monftres informes qui
le dégradent. Ces fortes de préjugés font
d'autant plus dangereux , qu'ils font plus
difficiles à détruire . L'opinion favorable
que tous les hommes en général ont de
lear difcernement, y met un obstacle prefque
invincible , & cependant , par une inconféquence
inexéculable , il eft peu de
nos jugemens que nous puiffions dire
qu'ils nous appartiennent , qui foient le
fruit d'une difcuffion neceffaire , & que
nous n'ayons pas empruntés des autres . De-
Cüij
36 MERCURE DE FRANCE:
là naît peut-être l'infurmontable difficulté
de fixer le goût , puifqu'il ne pourroit l'être
que par l'unanimité des opinions , &
que cette unanimité ne peut avoir lieu
que par l'examen difcuté des ouvrages, fur
lefquels nous portons notre jugement. Je
ne prétends pas parler ici des affections
particulieres , qui ne peuvent differer que
du plus au moins. Nous avons mille exemples
fameux dans la Littérature , qui prouvent
, fi j'ofe m'exprimer ainfi , que les
hommes jugent fur la parole. En voici
un que j'emprunte d'une Nation voifine.
L'incomparable Poëme de Milton a demeuré
pendant long-tems dans l'obfcurité
la plus humiliante pour les compatriotes ,
& il y feroit vraisemblablement encore ,
fi M. Adiffon ne l'en avoit retiré , & n'eût
appris à toute l'Europe quelle admiration
méritoit cer ouvrage. Peut-être quelque
jour verrons-nous fortir de la pouffiere , où
le préjugé les a enfévelis , desAuteurs eftimables
dans notre Langue. Je fuis d'autant
plus porté à le croire , que je vois des préjugés
de cette efpéce fur des endroits de
nos ouvrages les plus connus & les plus
admirés ; un vers de la Tragedie des Ho
races va me fournir la preuve de ce que
j'avance .
{ .
Un Auteur célébre & refpectable , dans
JUILLET. 1748. 57
une lettre à l'Académie Françoife , a dit
que le vers qui fuit le fameux qu'il mourût
, de la fcéne fixiéme du troifiéme acte
des Horaces , affoibliffoit cette penfée fublime
, & n'avoit été amené que par la
néceffité de rimer. Cette critique , peutêtre
peu réfléchie , a été reçûe de tout le
monde fans examen , & a jetté des racines
fi profondes , qu'on ne daigne pas même
éconter les raifons du très-petit nombre
de perfonnes qui ofent la combattre . Je
crois cependant qu'il eft poffible de démontrer
que ce vers , ou qu'un beau défefpoir
alors le fecourut , pris dans fa fituation ,
eft au moins auffi fublime que le qu'il
mourût , qui le précéde .
Pour parvenir à cette démonſtration , il
faut commencer par établir le caractére du
vieil Horace. J'y apperçois deux paffions
dominantes : l'honneur de fa Maifon &
l'amour de fa Patrie . Quoique ces deux
objets foient liés enfemble , il paroît que
la gloire de fon nom eft celui qui le touche
le plus vivement , puifqu'il eft tou
jours le premier qui s'excite en fon ame
Voici comme il s'exprime scene cinquième
afte troifiéme , quand il vient apprendre à
Sabine & àCamille que leurs freres font aux
mains , & qu'ils fe font oppofés à la pitié
Cy
58 MERCURE DE FRANCE.
des deux camps qui demandoient qu'on
nommât d'autres combattans .
Si leur haute vertu ne l'eût répudiée ,
Ma main bientôt fur eux m'eût vengé hautement
De l'affront que m'eût fait ce mol confentement.
Ces vers prouvent que la gloire de fa
Maiſon eft le fentiment dominant d'Horace
le pere . Ce fentiment n'a rien de
commun avec l'amour de la Patrie , puiſqu'il
ne paroît pas que le vieil Horace
penfe ,, que Rome ne pût devoir fon falut
qu'à la valeur de fes feuls enfans , & qu'elle
fut en plus grand danger , fi fa querelle
étoit remife en d'autres mains.
Dans la fcéne fuivante , Julie vient ар-
prendre au vieil Horace que deux de fes
fils ont été tués , & que l'autre a pris la
fuite. Il ne peut fe perfuader que fon fils
ait trahi fon devoir. Je connois mieux mon
fang , dit-il ; & lorfqu'il eft forcé d'ajouter
foi au récit de Julie , & que Camille
regrette fes freres , il s'exprime ainfi :
... tout beau : ne les pleurez pas tous ;
Deux joüiffent d'un fort dont leur pere eft jaloux
Que des plus nobles fleurs leur tombe foit couverte
:
Lagloire de leur mort m'apayé deleur perte..
JUILLET.
59
1748.
Ils ont combattu avec honneur , ils n'ont
point flétri leur nom , & cela fuffit pour
lui il ne veut pas même qu'ils foient
pleurés.
Ce bonheur a fuivi leur courage invaincu
Qu'ils ont vû Rome libre , autant qu'ils ont vêcu.
Voilà à préfent l'amour de la Patrie
qui reprend fes droits , mais le premier
fentiment a été pour l'honneur de fa race.
Il repaffe rapidement à ce fentiment favori.
Pleurez l'autre , pleurez l'irréparable affront ,
Que fa fuite honteufe imprime à notre front :
Pleurez le deshonneur de toute notre race ,
Et l'opprobre éternel qu'il laiffe au nom d'Horace
9
Suppofons que dans un combat , dont
le falut de Rome n'eût point dépendu
deux des fils d'Horace euffent été tués , &
que l'autre eût pris la fuite , il eft naturet
de croire ( le caractére du pere bien reconnu
, comme il eft expofé ) que le vieil
Horace auroit dit les mêmes chofes , &
que fa douleur & fa colére auroient été les
mêmes , puifque le premier objet qui le
frappe dans cette conjoncture , c'est l'op
probre jetté fur le nom d'Horace.
Je crois avoir fuffisamment établi que
C vj
60 MERCURE DE FRANCE.
le premier & le plus vif des fentimens du
vieil Horace eft l'honneur de fon nom .
Ce principe pofé va me fournir la preuve
de ce que j'ai avancé touchant la fublimité
du vers :
Ou qu'un beau défefpoir alors le fecourût.
Julie demande au vieil Horace : que
vouliez- vous qu'il fut contre trois ? Il répond ,
qu'il mourut. L'amour de la Patrie n'eft
encore pour rien ici. Le qu'il mourût veut
dire feulement , que pour la gloire perfonnelle
du jeune Horace , & pour l'hionneur
de fa Maiſon , il valoit mieux qu'il
périt , fut-il même hors d'état de combattre.
La mort pouvoit feule laver l'affront
de fa défaite. Cette réponſe qu'il mourût
eft fans doute admirable , parce qu'elle renferme
un grand fentiment , pris dans le
caractére , & vivement exprimé , mais nous
allons voir dans le vers fuivant plufieurs.
grands fentimens réunis , exprimés avec la
même force , & également pris dans le caractére
, & tout auffi fortement exprimés.
L'amour de la Patrie sy joint à la gloire
de fon nom ; l'ame ferme du vieil Horace
lui fait appercevoir qu'il y avoit encore
des reffources ,
Ou qu'un beau défeſpoir alors le fecourût.
JUILLET. 1748. 61
Il est actuellement fur le champ de bataille
, il fe met àla place de fon fils , il juge
que dans cette pofition fon courage ne
J'auroit point abandonné , qu'il lui auroit
fourni des reffources , que des motifs fi
puiffans lui auroient donné des forces fupérieures;
ce n'eft point affés de mourir ,
il fant vaincre , la mort met la gloire perfonnelle
à couvert , mais il faut faire triom
pher Rome , elle eft vaincue fi Horace
périt , il faut qu'un beau désespoir arrache la
victoire aux Albains.
Dans ce moment l'ame da vieil Horace
eft dans la même fituation que celle d'Ajax ,
quand entouré de fes ennemis il s'adreffe
à Jupiter , & lui demande de lui rendre
la lumiere pour pouvoir les combattre ; il
fent tout ce que peut le courage , & que
la valeur mue par de grands motifs doit
venir à bout de tout.
Mourir eft d'une vertu commune ,
triompher dans un combat inégal , & furmonter
par fon courage un péril évident
voilà la fuprême vertu , c'eft celle que le
vieil Horace vouloit trouver dans fon fils.
Ou qu'unbeau défeſpoir , &c.
N'eft-il pas certain que cette penſée
ajoute à celle qui la précéde ; quelle eft
l'effort d'une ame & d'un courage bien
plus élevé Je ne crois pas qu'on puiffe me.
?
62 MERCURE DE FRANCE.
contefter cette fupériorité , & encore
moins que cette penſée ne foit priſe dans
le caractére d'Horace le pere ; il eft toujours
rempli de l'amour de fa Maiſon , de
la gloire de fa Patrie , & d'un courage héroïque.
Mais paffons aux vers qui fuivent celui
qui fait le fujet de cette Differtation ; ils
ajouteront de nouvelles preuves à ce que
j'ai dit. Après que le vieil Horace a élevé
fes idées au plus haut degré , & qu'il nous
a appris ce qu'un courage fupérieur devoit
exécuter , il eft ramené à une réflexion
plus fimple. Il penfe que fi fon fils n'avoit
pas affés de vertu pour vaincre , il devoit
du moins combattre
,
N'eut-il que d'un moment retardé fa défaite ,
Rome eût été du moins unpeu plus tard ſujette:
Ceci ne prouve-t'il pas que le vieil Ho
race a conçu qu'il y avoit quelque chofe
de mieux à faire que de mourir ( en effet
combattre eft quelque chofe de plus grand )
que ce n'étoit pas même affés que de combattre
, car il falloit vaincre , & c'eft ce
que le courage du vieil Horace lui a fait
appercevoir n'être pas impoffible ? Par-là
la fupériorité de la penfée , qu'un beau
défefpoir , &c. n'eft elle pas démontrée ?
Et la gradation n'eft- elle pas parfaitement
•
JUILLET. 1748. 63
obfervée ? Je crois en avoir affés dit
prouver mon fentiment.
pour
Je me bornerai à faire remarquer deux
effets affés finguliers , que le préjugé qu'on
a depuis fi long-tems fur ce paffage a produits.
Premierement on s'eft perfuadé , quoique
cela répugne au bon ſens , que
Ou qu'un beau défefpoir alors le fecourût ,
eſt un membre de phrafe dépendant ab
folument du qu'il mourût , & il eft clair
( pour peu qu'on veuille y réfléchir )
que le lens eft fini à qu'il mourût ; que la
penfée eft complette , & que celle qui la
fuit en eft une toute differente , qui ne
tient à la premiere , qu'autant qu'elle y
ajoute. Les Comédiens cependant, partant
d'après l'opinion vulgaire , licnt ces deux
objets , ce qui fait un très- mauvais effet
& ce qui n'a pas peu contribué à perpétuer
l'erreur du public. Il faut dans la
déclamation un tems après qu'il mourût ,
& relever le ton pour dire le vers fuivant.
Secondement , cette prévention a gagné
jufques aux Editeurs de Corneille, qui ont
ponctué cet endroit auffi imbécillement
que quelques Comédiens le déclament
ridiculement , ne mettant qu'une virgule
$4 MERCURE DE FRANCE.
après qu'il mourût. Je fçais la réponse qu'on
peut me faire fur le reproche que je fais ici
aux Editeurs , mais j'ai à leur répliquer
que la ponctuation doit déterminer le fens
pofitif, & que quand ils voudront y réflechir
, ils feront obligés de convenir que
j'ai raifon.
REMARQUE.
Au fujet de la Differtation précédente.
Dans le Livre intitulé le Comédien , imprimé
l'année derniere chés Vincent , rue
Saint Severin , on avoit déja pris la défenſe
du vers ,
Ou qu'un beau défefpoir alors le fecourût .
*
» Ne jugeant point comme plufieurs
Critiques , dit l'Auteur de cet ouvrage ,
» que ce vers foit une inutilité , je prétends
que Corneille ne pouvoit l'omettre
»fans rendre fa penfée incomplette . A la
» queſtion , que vouliez- vous qu'il fit contre
trois ? Un pere ne doit répondre , qu'il
» mourût , qu'en fuppofant que fon fils a
été dans l'impuiffance de vaincre « . A
l'égard de la maniere de ponctuer cet endroit
de la Tragédie des Horaces , peutêtre
, pour le rendre de la maniere dont ,
Seconde Partie , chap. 13. p. 152.
JUILLET.
1748. 63
felon l'Auteur que nous citons , il doit
être prononcé , eft- il neceffaire que le
Comédien place une courte fufpenfion
après les mots , qu'il mourût ? Mais on a de
la peine à croire que les lecteurs s'accoutument
à voir les deux membres de phrafe,
dont il s'agit , féparés autrement que par
une fimple virgule.
STANCE S.
AM. L. H... pour l'engager à venir paſſer
quelques jours à la campagne, act
Nous touchons au doux Printems
L'Aquilon par fa froidure
Ne ravage plus nos champs
N'attrifte plus la nature
L'Aurore verfe fes pleurs
Sur la tendre violette >
Et l'Abeille au fein des fleurs
De leur fuc a fait emplette
Sur les verdoyans gazons
Les Bergers & les Bergeres
A leurs aimables chanfqns-
Mêlent leurs danſes legéres
20
the " at
rice a -slle ja na
66 MERCURE DE FRANCE .
Flore reffent du Zéphir
Les amoureufes haleines ,
Tout nous invite au plaifir ;
L'agneau bondit dans les plaines.
Toi , qui ne connus jamais
Que le bruit & les allarmes,
Viens fous ces ombrages frais
Du tepo's goûter les charmes.
Les foins ,les foucis cuifans ,
Suivent par tout l'opulence ;
Nos Bergers Vivent contens ,
Sans frais , fans magnificence.
L'intérêt , les vains defirs ,
Les folles inquiétudes ,
Ne troublent point les plaifirs
De leurs cheres folitudes,
Bacchus répand dans ce lieu
Une éternelle abondance ,
Et l'Amour eft le feul Dieu,
Qui fait fentir la puiffance.
A cet aimable vainqueur ,
Ami , cédons la victoire ;
JUILLET. 1748.
67
Qu'il regne fur notre coeur ;
-Publions par tout la gloire.
Que lui ſeul ait nôtre encens ,
Que par lui feul tout reſpire ,
Que les oiſeaux dans leurs chants
Célébrent leurs doux
martyres.
Loin des ennuyeux difcours
De la vieilleffe chagrine ,
Profitons des heureux jours
Qué la Parque nous deftine,
Tôt ou tard il faudra voir
L'eau bourbeufe du Cocyte ;
Et dans le fombre manoir
Aller rendre aux morts vifite.
L'intrepide Nautonnier
Paffe à la fois dans fa barque
Le Pauvre , & le Financier ,
Le Berger , & le Monarque.
De ces paisibles bofquets
Nous regretterons l'ombrage
Quand un funefte Cyprès
Deviendra notre partage.
Robillard , d'Orleans:
BS MERCURE DE FRANCE.
CAVƏTİCƏVƏZƏYƏYƏVAHDCƏYƏ
LETTRE de M. Piganiol de la Force
à M. S....
E fus bien mortifié , Monfieur , il y a
J deux ou mom joué,> de neuroitpa
vous inftruire du differend littéraire qui
eft entre M. l'Abbé Lavocat , Docteur en
Théologie de la Faculté de Paris , & Bibliothécaire
de la Maifon de Sorbone , M.
Vofgien , Chanoine de Vaucouleurs , &
moi. Il y a quelque tems que travaillant
à une nouvelle édition de ma Defcription
de Paris , il me tomba entre les mains un
livre qui regarde la Faculté de Médecine
de cette Ville , & qui eft intitulé : Decreta,
ritus , ufus , & laudabiles Saluberrimi Medicorum
Parifienfium Ordinis Confuetudines.
Imprimé à Paris chés Jacques Quillau en
1714 , un volume in- 12.
Dans ce même volume eft auffi renfermé
un magnifique Panégyrique de cette
même Faculté , compofé & prononcé par
Gabriel Naudé , ce Bibliographe fi fçavant.
L'Orateur y loue , comme il devoit , ces
grands Sujets que cette Faculté a produits
en differens tems , & n'a garde d'oublier
Robert de Douay , Chanoine de Senlis , &
Médecin de la Reine Marguerite de Pro
vence , femme du Roi Saint Louis . Naudé
2
t
JUILLET. 1748. 69.
y apoftrophe les Médecins de Paris , &
leur dit que ce vertueux & grand Médecin
les a affociés à la gloire & à la réputa
tion qu'il s'eft acquife par le legs confidérable
qu'il fit à cette Maifon célébre qui
prit enfuite le nom de Robert Sorbon
Que poftea à Roberto Sorbone , Sorbone nomen
aufpicato naita eft. Goûtez à long traits
la gloire qu'il vous a acquife , ainfi que
ces propres paroles de fon Teſtament * :
Mille & quingentas libras Parifienfes reli
quit ad opus quorumdam Scholarium quos intendebat
facere ex confilio Magiftri Roberti
de Sortona in Theologia Studentium, Ces
quinze cent livres parifis étoient alors une
fomme confidérable. Dès que j'eus fait
cette petite découverte , je réfolus de la
vérifier fur l'original de ce Teftament ,
qui eft gardé dans les Archives de la Sprbone,
J'y allai voir M. Salmon , qui en
étoit pour lors Bibliothécaire , & qui non
feulement me fit voir ce Teftament , mais
eut encore la politeffe de m'aider à le col-
* Voici la nôte que Naudé a mife au bas de la
page où eft la claufe de ce Teftament ci- deffus
rapportée : Teftamentum illud legendum , & exfcribendum
, ex archivis Sorbone , mihi tradidit vir multiplici
doctrina , & antâ iqumorum integritate ſpecsandus
Edmundus Richerius , Doct, Sorb. & Cardinalitii
Collegii Moderatorfupremus.
70 MERCURE DEFRANCE.
lationner avec le mien , c'eft- à- dire , avec
celui qui eft rapporté par Naudé. Dès-lors
je n'héfitai plus à regarder Robert de Douay
comme le Fondateur de la Sorbone , mais
lorfque ma quatrième édition de Paris parut
en 1742 , je ne fus pas peu furpris de ce
que M. l'Abbé Lavocat me fit donner avis
par M. l'Abbé d'Alainval , que je m'étois
trompé fur le Fondateur de la Sorbone. Je
répondis à cet Abbé que cela ne pouvoir
point être , parce que j'avois compofé cet
article fur l'Acte qui eft dans les Archives
de la Sorbone.
Depuis ce tems - là M. l'Abbé Lavocat
m'a fait dire les mêmes chofes par un Avocat
d'Auvergne , nommé M. de Frailli de
Sestrieres, qui eftde fes amis & des miens, &
je lui fis la même réponse que j'avois faite
à M. l'Abbé d'Alainval. Enfin un homme
que je ne nomme point , & qui prend à
Robert Sorbon pareil interêt que les Moines
prennent à leur Fondateur , a produit
la claufe du Teftament de Robert de
Douay , & en y ajoutant ce mot de Novorum
de fa façon , a bâti un fyftême fingulier.
Il rapporte d'abord l'article du Teftament
, mais au lieu de le rapporter tel qu'il
eft, & tel que je l'ai rapporté ci - deffus , ille
falfifie en y ajoutant ; Novorum Scholarium
in Theologia Studentium . Par le mot de nova.
2
JUILLET. 174814» 71
rum , il prétend établir de deux fortes de
Bourfiers dans le College de Sorbone .
Mais il eft plus aifé d'alterer un titre , que
de faire une fondation. Par l'intromiffion
de ce mot de novorum , il renverfe les tems
& les faits , pour établir un fyftême qui
n'eft pas celui de la vérité , & qui eft d'une
grande conféquence. M. Vofgien n'y penfe
pas , quand il dit que je r'ai pas fait attention
que ce legs eft du 13 Mai 1258. Je
vais lui prouver le contraire par les paroles
du Teftament , rapportées dans le Panégyrique
de la Faculté de Médecine de
Paris , & que j'offre de faire voir à quiconque
le fouhaitera. Il y eft dit : Mille &
quingentas libras Parifienfes reliquit ad opus
quorumdam Scholarium quos intendebat facere
ex confilio Magiftri Roberti de Sorbona
in Theologia Studentium.
Que M. Vofgien me fuive. Eft- il parlé
là d'une fondation déja faite ? Non affûrement
, pas mêine d'une qui fut commencée
ou fur le point de l'être , ad opus quorumdam
Scholarium quos intendebat facere ,
qu'il avoit intention de faire. Ex confilio
Magiftri Roberti de Sorbona , fuivant l'avis
de Maître Robert de Sorbone. Cette
fondation paroît avoir été faite vers l'an
1252 , & nous n'en connoiffons point ici
qui foit plus ancienne. Jufques ici per
*
72 MERCURE DE FRANCE,
fonne n'a trouvé encore cette diftinction .
d'Ecoliers anciens & d'Ecoliers nouveaux ,
inventée & produire par M. Vofgien , &c.
par la perfonne que je ne nomme point.
Voyez le Journal des Sçavans du mois de
Février 1748 , & le Dictionnaire Géographique
ci-devant portatif. J'ai l'honneur ,:
&c.
1
A Paris ce premier Avril 1748.
CHCOCO CDCDCDnnuna
sb
LA MEPRISE.
L'Enfant gâté de Cythere ,
L'enfant qu'on nommé Amour ,
Tout en pleurs l'autre jour ,
Alloit cherchant ſa mere •
Mais envain ; il perdoit fes pas ;
Pour lui nouvelle peine & furcroît d'embarras ,
Quand au bord de la mer il apperçoit Ifméne.
L'innocent auffi-tôt court à perte d'haleine ,
C
1
20
Et lui tend fes petits bras.
Bon jour , maman , dit- il , en la yoyant fi belle ;
Tamere , moi , reprit en courroux la cruelle ,
Depuis quanddonc ? Le pauvre enfant rougit ,
Et craignant de fa part un traitement funefte
Sans plus tarder il cherche une retraite ,
Mon
JUILLET.
73 1748.
Mon coeur fut celle qu'il choifit ;
Il s'y cache ; Ismene (ourit.
O ** de Rouen.
ELEGI E.
Donce tranquillité , paifible indifference ,
J'ai besoin de fecours , j'implore ta puiffance ;
Reviens rendre le calme à mon coeur chancelant.
Amour veut le foumettre aux defirs d'un Amant ,
Mais non , enfant cruel , tu n'en dois rien attendre;
C'eſt envain qu'aujourd'hui tu prétends me furprendre
;
Je fçais me garantir de l'appas féducteur ,
Dont tu trompes mes fens pour t'affûrer mon coeur;
Je mépriſe tes biens , ils coûtent trop de larmes ;
Malgré toi j'apperçois le poifon de tes charmes,
Envain m'oppoſes- tu d'un Amant les foupirs ,
Envain me preffes-tu de combler fes defirs ;
Les myrthes à ce prix n'auront rien qui me tente ,
La feule indifference & me plaît & m'enchante.
Je ne connois que trop le penchant de nos coeurs;
Pour eux le tendre Amour n'offre que des douceurs
;
Ne fens-je pas déja l'aimable ínquiétude ,
Qui de ce Dieu nous fait une douce habitude
D
74 MERCURE DEFRANCE.
Malgré tous les attraits , c'eft un Dieu dange
reux.
Un coeur quand il foupire eft toujours malheureux,
De connoître un Amant c'eſt envain qu'on fe
flatte ,
Il vous aime ; demain ſon inconftance éclatte ;
Comblez-vous fes defirs l'ingrat vous trabira ;
Les vents emporteront les fermens qu'il fera..
Oui, fi, comme autrefois , ami de la conftance ,
Au fein de la vertu l'amour prenoit naiſſance ,
Peut- être verroit -on mon coeur fenfible un jour ,
Se livrer fans réſerve aux douceurs de l'amour
Je te plains, Philemon ; ton trifte état me touche ,
Mais qui m'affûrera des fermens de ta bouche
Tu m'aimes , tu le dis ; dois je t'en croire , hélas
Tandis que je ne vois par tout que des ingrats ,
Serois- tu donc le feul & conftant & fincere ?
Croirai-je que ton coeur à m'aimer petfévere ?
Cet Hymen defiré , nous uniffant tous deux ,
Ne verroit-il jamais brifer fes plus doux noeuds ?
Pour toujours à tes yeux paroîtrois - je la même ?
Un jour verroit finir cette tendreffe extrême ;
Je verrois dans l'Epoux difparoitre l'Amant ;
Tel eft fouvent le fort qu'on éprouve en aimant.
Ne me preffe donc plus de couronner ta flame ;
Qui ,je ne fens que trop le penchant de mon ame;
!
JUILLET. 1748. 75
Je craindrois , le dirai- je ? en comblant tès defirs ,
De perdre tout mon bien , ton coeur & mes plai-
Par le même.
firs.
LETTRE écrité du Mans aux Auteurs
Adu Mercure.
'Ai obfervé dans cette Ville , Meffieurs ,
J'Aune chofe qui me paroît bien finguliere.
Tout le monde fçait que les corbeaux
nichent ordinairement fur les arbres
, & que rarement ils fe pofent fur les
maifons. Il y a même plufieurs Provinces
en France , où l'on a la fuperftition de
croire que ces oiſeaux font de mauvais augure
, & qu'ils ne fe pofent jamais fur un
bâtiment qu'ils n'annonçent la mort de
quelqu'un. Communement on n'y en voit
point en Eté. Ici c'est tout le contraire ;
l'Eglife de Saint Julien eft pleine de ces
animaux, ils y font une quantité prodigieufe
de nids , & ce qu'il y a de plus extraordinaire
, c'eſt qu'ils ne fe pofent jamais ſur
les autres Eglifes , ni même fur les maifons
voifines. Il me fouvient d'avoir autrefois
obfervé la même chofe à Wormes , Ville
du Palatinat , mais cela ne me furprit que
forblement , d'autant plus que je voyois
Dij
76 MERCURE DE FRANCE.
nicher les Cygognes fur les cheminées
& que j'attribuois cette particularité au
changement de climat. Le cas eft actuellement
bien different ; c'eft au milieu de la
France , à côté d'Orleans , de Tours &
d'Angers , où il y a des Eglifes à peu près
femblables , fans qu'on y ait jamais apperçu
de ces oifeaux , que j'en vois en
quantité. Cette Remarque pourra d'abord
paffer pour puérile aux yeux de certains
efprits , mais qu'on y faffe bien attention,
& l'on verra qu'elle eft digne des réfléxions
de ceux qui s'attachent à l'étude
de la Nature . Si cette obfervation n'a pas
été faite avant moi , je ne doute point
qu'elle n'exerce nos Philofophes. Je ferois
bien aife qu'ils me donnaffent des raifons
plaufibles fur cette efpéce de Phenoméne,
J'ai l'honneur , &c,
S.
JUILLET. 174. 77
VERS
Qui ont été préfentés à S. A.S. M. le Prince
Héréditaire de Saxe Gotha , pendant
fonféjour à Genève.
TAfanté , grand Prince , & ta vie ,
Sont ici l'objet de nos voeux ;
Heureux , fi mon travail,mes foins, mon induftrie,
Pouvoient , avec l'aide des Cieux ,
Conferver à jamais un bien fi précieux !
Ton féjour en ces lieux honore ma Patrie ,
Et de tes auguftes Ayeux ,
Dont les faits font fi glorieux ;
Elle croit voir en toi renaître le Génie.
Ainfi le rejetton d'une plante chérie
Change en rameaux le fuc que le tronc lui confie,
Du Fleuriste éclairé c'eſt le plus doux eſpoir :
Quel plaifir n'a t'il pas de voir
Que de fruits excellens chaque fleur eft fuivie ,
Et que fa beauté juſtifie
Tous les heureux progrès qu'il pouvoit concevoir!
Le fruit qu'ici l'on doit attendre ,
C'est un coeur droit & vertueux ,
Dij
78 MERCURE DE FRANCE.
Qui du fuprême rang ne craint point de deſcendre,
Pour fecourir les malheureux .
Le plus puiffant des Rois n'eft que ce que nous
fommes ,
Quand fur des titres vains il fonde ſa grandeur ,
Mais il eft au -deffus des hommes ,
S'il n'a pour but queleur bonheur.
Voulez - vous des mortels un légitime hommage
Princes ! n'écoutez point le menfonge impofteur.
Des paffions & de l'erreur .
Fuyez le honteux esclavage ,
Mais de la vérité refpectant le langage ,
Ouvrez - lui toujours votre coeur ;
Vous ferez du Très-haut une parfaite image ,
Si pleins d'amour pour lui , du vice qui l'outrage
Vos loix répriment la fureur .
Que ne puis-je exprimer ... mais ma Muſe timide
N'ofe dire ce que je lens.
Comment de fi foibles accens
Pourroient- ils de l'honneur véritable & folide
Montrer tous les traits éclatans !
Mieux que moi , ton fidéle Guide
T'ouvrira le fentier où la gloire préfide
Et fon oeil pénétrant éclairera tes pas.
Cher Prince , l'on ne bronche pas ,
Lorfque fe défiant de l'humaine foibleffe
JUILLET. 79 1749 .
De l'aimable vertu difcernant les appas ,
On eft conduit par la Sageffe .
Jean- Baptifte Tollot.
Genève le 20 Octobre 1744.
****************
LETTRE écrite de Riés en Provence , à
un Prêtre de la même Ville , réfidant
Vo
à Paris.
>
Oyant que prefque tous ceux qui
demeurent dans ce Diocèle Ou
qui en fortent pour aller faire leur
réfidence dans celui de Paris , ortographient
Riez avec un z , ceux- ci fur l'adreffe
des lettres qu'ils envoyent à Riés ,
ceux-là dans la date des lettres qu'ils envoyent
d'ici , & fçachant encore que
la plûpart , furtout les plus jeunes , font
perfuadés que l'adjectif de cette Ville &
de notre Eglife eft celui de Regienfis avec
un i après le g , j'ai crû que la préfente
lettre pourroit fervir à défabufer plufieurs
de vos amis de cette double ortogra
phe qui n'eft point exacte .
Rappellez-vous , je vous prie , que le
19 Février 1714 , j'eus l'honneur d'écrire
à M. notre Evêque une longue lét-
D iiij
So MERCURE DE FRANCE.
tre en Latin , ou Differtation , dans la
quelle je démontrois par une infinité de
preuves , même par fes propres Bulles ,
que le nom de fon Eglife étoit celui de
Regenfis. Il me fit l'honneur de me dire
dans fa réponſe , que je lui aurois fait
plaifir de lui adreffer plutôt ma Differtation
› & avant qu'il eût fait faire fon
fceau Epifcopal , fur lequel le mot Regienfis
étoit déja gravé depuis quelque
tems. Voici quelques unes de ces preuves
en faveur de nos Condiocéfains , qui font ,
comme vous , à Paris.
I. La Ville de Riés , qui , depuis plufieurs
fiécles , a pour fubftantif Latin le
nom Regium Regii , avoit auparavant , &
dans les premiers tems , ceux de Reji Rejorum
, & de Rejus Reji , & même , à
ce qu'on préfume , celui de Rejum Reji : l'adjectif
de ces trois noms étoit par conféquent
celui de Rejenfis.
Or , comme les anciens ne diftinguoient
point par l'écriture , mais feulement par
la prononciation , les i voyelles d'avec
les j confonnes , les uns prononçoient
Reius & Reienfis ; les autres , Rejus & Rejenfis
, & de même dans certains autres
mots , dont l'ufage étoit rare. Pour en fixer
la véritable prononciation , & en ôter
l'équivoque , on eut recours à un
JUILLET. 1745. SI
pédient ; ce fut de changer l'j confonne en
g dans la maniere d'écrire quelques-uns
de ces mots.
C'eft la raison pourquoi dans plufieurs
Chartres , au lieu de Majeftas qu'on écri
voit ordinairement par un i voyelle , on
trouve Mageftas , & que dans toutes les.
Chartres , depuis le milieu du X, fiécle
jufqu'au commencement du XVII . on
trouve Regenfis , toutes les fois qu'il y
eft parlé , foit de la Ville , de l'Eglife ,
des Evêques ou du Chapitre de Riés , foit
des Seigneurs ou des Particuliers de la même
Ville . On trouve ce mot écrit de même
dans tous les Actes latins des Notaires ;
dans plufieurs Chartres & Registres de la
Cour des Comptes à Aix ; dans les Archives
de l'Ordre de Saint Jean de Jérufalem
à Arles ; dans une infinité de Chartres
de l'Evêché , du Chapitre & de l'Hôtel
de Ville de Riés , outre quelques au
tres chés les PP. Cordeliers de la même
Ville , & encore dans toutes les Bulles
& Provifions venant de Rome , concernant
le Diocèle , fans qu'elle ait jamais
interrompu cet ufage qu'elle obferve même
aujourd'hui . Enfin le Regenfes s'eft confervé
jufqu'à préfent dans les gros livres
de Choeur à l'ufage de l'Eglife Cathé
drale de Riés , & s'y chante de même
Dv
82 MERCURE DE FRANCE.
dans l'Office , l'Hymne & la Meffe de Saint
Maxime , notre Patron. Il eft encore à remarquer
, qu'on ne toucha plus au Regenfis
, pas même depuis que Rojus on Rejum
eût été changé en Regium ou civitas Regii
comme étant meilleur latin .
>
II. Vers l'an 1603 , on commença
faire deux innovations dans le nom de
la même Ville . Jufques alors on avoit toujours
écrit le mot Riés avec une s finale
dans tous les Actes publics & dans toutes
fortes d'autres écritures , tant en Provençal
qu'en François . Un Greffier s'avifa
le premier d'écrire ce mot par un z final
: fon exemple fut fuivi par plufieurs ,
même par nos Evêques , mais non pas.
par M. de Valavoire , qui fe conformant
au feing de fes Prédéceffeurs , antérieur à
l'innovation, fignoit , comme eux , Evêque
de Riés, ainfi que je l'ai vérifié fur le as de
quelques Requêtes, dont le Décret eft figné
par Nicolas , Ev. de Riés.
III. La deuxiéme innovation fut d'une
bien plus grande conféquence. On a déja
prouvé ci- deffus , que depuis le changegement
de l'j confonne en g , on avoit
toujours écrit & prononce Regenfis : mais
malgré tous les Titres & l'ufage non interrompu
durant tant de fiécles , vers le
tems de l'innovation au nom François ,
1
JUILLET. 1748.
83
c'eft-à- dire environ deux ans auparavant ,
il fe forma prefque fubitement en la Ville
de Riés un nombreux parti de gens zélés
, mais mauvais Critiques , en faveur
de Regienfis , dans l'unique deffein d'admettre
parmi nos Prélats un illuftre Saint ,
qu'on n'y avoit jamais connu pour Evêque
, ni même feulement invoqué dans
les Litanies propres de notre Eglife. Cela
fe fit dès qu'on fçut que tel étoit le fentiment
du Cardinal Bellarmin , lequel dans
fon Traité de Scriptor. Ecclefiaft. parlant
de Saint Profper , Epifcopo Regienfi , qu'on
confondoit alors avec le Difciple de Saint
Auguſtin , déclare que ce Saint étoit plutôt
Evêque de Riés en Provence , fous
l'Archevêché d'Aix , ' que de Regio dans
l'Emilie , fous l'Archevêché de Ravenne ,
Ville Epifcopale , aujourd'hui dans l'Etat
du Duc de Modéne , & Capitale du Duché
de Regio ou Regge .
L
Or il étoit aifé de débrouiller cette
confuſion , puiſque le Difciple de S. Atguftin
eft mort fimple laïque. En effet ,
les Auteurs contemporains ne l'ont jamais
qualifié d'Evêque, ni de fon vivant, ni après
fa mort.
Victor,qui étoit comme lui d'Aquitaine,
le traite fimplement d'homme faint & vénérable
,fancto& venerabili viro Profpero ,
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
dans une lettre qu'il écrivit l'an 457 à
Hilaire , Archidiacre de Rome , au lieu
qu'il y appelle Euſebe , Evêque de Célarée ,
& Saint Jérôme , Prêtre.
·
Le Pape Gélafe dans fon Décret fur
les Ouvrages des Peres , reçus par l'Eglife
Catholique , ne lui donne que le nom
d'homme très - pieux ou très religieux.
Après avoir donné celui d'Evêque à huit
Peres , dont les Ouvrages font reçus, & marqué
leur Siége Epifcopal , il ajoute , item
Opufcula Beati Hyeronimi Presbiteri , item
Opufcula Beati Profperi , viri religiofiffimi ,
fans lui donner la qualité ni de Prêtre
ni d'Evêque , qu'il ne lui eût pas refufée
, puifqu'il la donne dans fon fameux
Décret à tous ceux qui en étoient honorés.
Gennade , Prêtre de Marſeille , qui avoit
pû voir & connoître le même Saint Profper
, lorfqu'il demeuroit en Provence ,
le nomme fimplement homo Aquitanica
regionis . Saint Fulgence, Caffiodore & Marcellin
, ne le nomment point autrement.
Adon dans fa Chronique ajoute que Saint
Profper étoit Notaire du Pape Saint Leon ,
c'eft- à- dire , Ecrivain en Notes ou Secrétaire
, Charge très- honorable , furtout fous
un fi grand Pape.
IV. La méprife du Cardinal , d'ailleurs
JUILLET . 1748. 85
fi pieux & fi fçavant , venoit d'un côté
de ce qu'il trouvoit un Saint Profper ,
Epifcopus Regienfis , & que de l'autre ,
il voyoit un Evêque nommé Profper ,
foufcrit aux Conciles de Carpentras & de
Vaifon , dont on fixoit alors l'époque vers
l'an 442 , au lieu qu'elle eft des années
527 & 529 , comme on l'a reconnu dans
la fuite. Ainfi le Profper , Evêque François
, foufcrit à ces deux Conciles , eft
de beaucoup poftérieur à Saint Proſper ,
Docteur de la Grace .
Et comme dans le tems que ce Saint
vivoit encore , il vivoit auffi un autre Profper
, très grand Saint , qui fut Evêque
de Regio dans l'Emilie ; que fon Eglife
honore comme Patron , & qui avoit fuccedé
à Faventius , lequel en 451 avoit
foufcrit au Concile de Milan , on le confondit
, du tems de Bellarmin avec le
Docteur de la Grace , & l'on n'en fit qu'un
feul & même Profper , Epifcopus Regienfis
:ce qui joint à la foufcription d'un autre
Profper aux deux Conciles & à leur datte
prétendue ,le fit prendre pour un véritable
Evêque de Riés.
,
V. Jean Fabri , natifde Draguignan , &
Capifcol de l'Eglife de Riés , fur ici le
premier qui embraffa ce fentiment . El
le foutint avec chaleur dans fon Apo
86 MERCURE DE FRANCE.
logétique , imprimé l'an 1604 à Aix , & il
n'oublia rien pour introduire ce Saint dans
les Faſtes de notre Eglife, qui ne l'avoit jamais
connu pour fon Evêque .
> y
y
Si ce Chanoine, étranger dans le Diocèfe
, fe fût donné la peine de faire attention
aux Actes faits jufqu'alors , & confervés
dans les Archives du Chapitre , ou
du moins aux Livres de Choeur , s'il
venoit chanter il auroit toujours
trouvé Regenfis , & nulle part Regienfis.
Cet i de plus , diftinguant la Ville &
l'Eglife de Regio d'avec celle de Riés ,
il n'auroit eû garde de vouloir admettre
pour un de nos Evêques Saint Profper ,
qui l'avoit été véritablement de Regio , Regienfis.
Son zéle, peu éclairé , alla toujours
croiffant,& entraîna la multitude dans fon
opinion .
VI. Pour s'en défabuſer facilement , on
n'avoit qu'à jetter les yeux fur nos grands
anciens Livres de Choeur , alors en ufage ,
car nulle Eglife ne fe méprend fur fore
vrai nom , & ce n'eft point aux étrangers
à le lui apprendre. Or chacun de ces
Livres portoit , ad ufum Ecclefiæ Regenfis
comme on le voit encore dans le
feul qu'on ait confervé , & qui a pour
titre , Vefperale Pfalteriifecundùm ufum Ecalefia
Regenfis. Dans le Calendrier qui eft
,
JUILLET . 1748 . $ 7
à la tête de ce Livre , & où il n'eſt fait nulle
mention de Saint Profper , on trouve ce
qui fuit : V. Cal. Decembr. Maximi Regen
Epi. IIII. Caparum - XII. Cal . Jun.
Triumphus B. Maximi Regen Epi. factus
per R. in Xpo. P. Dñum Roftagnum de Sabrano
, quondam Regen Epum. Anno Dni
I 240- IIII. Cal. Octob . Fauſti Regen. Epi.
1111. Capar.
Ces vieux Livres de Choeur en caractere
Gothique fervirent jufqu'en 1669 , 1670 ,
1671 , qu'on les fit tranfcrire en Romain.
Ils font de moindre taille que les précédens
& quoiqu'on ait mis à la tête
de chacun , ad ufum Ecclefie Regienfis,
néanmoins on n'y a fait aucun changement
dans le Texte de l'Office de Saint
Maxime , où nous lifons encore : tu intrafti
per oftium , fa &tus Præful Regenfium.
O felix Regenfium Civitas - Regenfis Civi
tas , charo orbata Paftore. & dans le Graduel
de la Meffe du même Saint : Venerande
Pontifex, Regenfiumque Paftor inclite.
C'eft ainfi qu'on l'a toujours chanté
& qu'on le chante encore, ce qui fuffit pour
empêcher la prefcription contre l'abus du
Regienfis.
VII. M. de Saint Sixt , qui fit fon entrée
Epifcopale à Riés le 25 Mars 1500 ,
& qui mourut le 13 Avril 1614 , figna
88 MERCURE DE FRANCE.
d'abord fes Expéditions , entr'autres celles
de l'érection de la Vicairie de Greous , le
17 Juin 1600 , à la maniere de fes Prédéceffeurs
, Carolus Epus Regen, à laquelle il
fe conforma encore pendant quelque tems.
Mais dans la fuite , voyant d'une part
l'ancien ufage confirmé par une nuée de
vieux Titres , & de l'autre un parti nombreux
& zelé , qui vouloit que Saint Profper
eût été Evêque de Riés , il fouffrit
que fes Secrétaires commençaffent
fes Expéditions
, tantôt par Carolus Epus Regen.
tantôt par Epus Regien. & quant à
lui , fans fe déclarer pour aucun des deux
partis , il prit l'expédient de figner ainſi
au bas des Expéditions : Carolus Epus Regfis :
infcription qui fe trouve même encore dans
l'Evêché, fur une cheminéequ'il fit réparer.
VIII . Le zele de nos Profpériens alla
toujours en augmentant. Bartel donna tête
baiffée dans l'opinion du feu Capifcol Fabri
, & porta enfin M. Louis- Denis d'Attichi,
Evêque de Riés, à inferer S. Profper ,
Docteur de la Grace , dans notre Calendrier
, comme Evêque de Riés , & à en ordonner
l'Office double avec Octave , dans
le cahier propre des Saints du Diocèle ,
qu'il fit imprimer en 1635. Ce Prélat ,
érant enfuite mieux inftruit , réfolut de
l'en tirer , & lorfqu'il fut transféré à AuJUILLET.
1748 . ૪૭
tun , il recommanda à M. de Valavoire
fon fucceffeur , d'ôter cet Office , inconnu
à fon Eglife jufqu'en 1635 , ce que M. de
Valavoire éxécuta dans le cahier propre ,
qu'il fit imprimer en 1675. Mais cela fuffifoit
il ? N'auroit- il pas fallu reprendre encore
l'ancien nom Regenfis , & abandonner
celui de Regienfis , qui avoit donné occafion
à une fi grande erreur hiftorique ? Cependant
quoiqu'on ait reconnu la fource de
cette erreur , en ôtant Saint Profper du Calendrier
, où il n'avoit jamais été auparavant
, néanmoins nos Evêques , ( il en eft de
même du Chapitre , ) nos Evêques , dis-je ,
ont confervé le Regienfis dans leurs Expédi
tions , dans leur fceau & dans leur ſeing, depuis
1615 jufqu'aujourd'hui .
IX..Mais voici d'étranges effets que produifit
ce même zele , occafionné par l'addition
d'un feuli au mot Regenfis . Bartel , fort
joyeux de voir enfin inféré dans notre, Calendrier
, Sanctus Profper Epifcopus Regienfis
, comme Evêque de Riés , ne fe contenta
pas de l'admettre comme tel dans fon
Hiftoire de nos Evêques , imprimée à Aix
en 1636 , fous ce titre , Hiftorica & Chronologica
Prafulum Sancta Regienfis Ecclefia
Nomenclatura : il y admit encore Faventius
prédéceffeur de Saint Profper , avec trois
autres vrais Evêques de Regio , poftérieurs
:
go MERCURE DE FRANCE.
à ce Saint : fçavoir , Maurice , Thomas &
Hugues III. outre un Boniface , Evêque
de Rhegio en Calabre , Rhegienfis , & un
Simoniaque,nommé Paulin , Evêque de Regiane
, ou plutôt de Tegefis en Numidie .
Mais pour pouvoir trouver place à ces
étrangers , inconnus à notre Eglife , au lieu
de plufieurs de fes vrais Evêques,dont il auroit
trouvé le nom dans les Chartres , il abré
ga le tems de ceux ci , pour en accommoder
ceux- là . Il partagea en trois differens Saints
Maximes le feul que nous reconnoiſſons
de ce nom , & qui mourut dans le tems que
Saint Profper étoit Evêque de Regio. Il
partagea de même en trois Antoines Lafcaris
de Tende le feul de ce nom , pour introduire
un Hugo III. dont il ignoroir
le furnom , & dont il avoue n'avoir trouvé
d'autre preuve
que fa foufcription au
Concile de Latran . Il ne devoit pas s'en
étonner , car ce Prélat, qui étoit de la Maifon
des Comtes de Rangon , enfuite Nonce
en Allemagne , & véritablement Evêque de
Regio , affifta en effet au Concile de Latran
avec d'autres Evêques de fon voifinage , en
1512 , 1513 , 1514 , 1515. Mais il confte
par une infinité d'Actes , entr'autres par
les nouveaux Statuts du Chapitre , faits en
1513 , qu'Antoine Lafcaris de Tende fiégeoit
dans le même tems à Riés.
و
JUILLET. 1748. 91
Je pafferois les bornes d'une lettre , fije
voulois rapporter les inconvéniens qu'il y a
de nous donner pour Evêque , Thomas ,
Evêque de Regio, qui transféra l'an 701 ,
dans une Eglife de la même Ville , le corps
de Saint Profper , l'un de fes plus illuftres
prédéceffeurs , de la Chapelle que ce Saing
avoit bâtie en l'honneur de Saint Apollinaire
, tout auprès de Regio , dans laquelle
il fut enseveli , & où fon corps repola
jufqu'au tems de Luitprand , Roi des
Lombards . Bartel veut que cette Chapelle
foit la même que celle qui eft vis à - vis
Puimoiffon , fous le nom vulgaire de Saint
Pollenar mais bien loin d'être hors & tout
auprès de Riés juxta Urbem , cette Chapelle
en eft éloignée d'une heure & demie
de chemin. Si Riés fe fut étendu jufques
là , ç'auroit été la plus grande &
la plus fameufe Ville des Gaules . D'ail
leurs l'époque du Roi des Lombards fair
voir qu'il s'agit de Regio , qui étoit dans fon
Royaume.
:
Telles furent les fuites d'un zéle aveugle
, & de la facilité qu'on eut d'ajouter
une feule petite lettre , un i , au mot
Regenfis. Je ne fçaurois deviner ce que
pourra produire tôt ou tard l'introduction
du z à la place de l's au mot François
Riés , écrit par une s , non-feulement dans unes ,
92 MERCURE DE FRANCE.
tous les anciens Titres & Papiers , mais
encore par les plus fçavans de nos jours
Meffieurs de Tillemont , Dupin , Fleury ,
Baillet , &c. Je fuis , &c .
>
Signé : Solomé , Prêtre Bénéficier à Riés.
1747.
P. S. Ma lettre pourroit encore fervir à
faire corriger une faute que je trouve dans
le Dictionnaire Latin-François , dédié au
Prince de Dombes, feptiéme édition . Haga
Comitis , gros in- So, où l'on met Regienfes ,
les peuples de la contrée de Riés ; Regenfes,
ceux de Rége en Italie . Vous voyez que
c'eft tout le contraire, & fi M. Boudot, qui
a fait à Paris les éditions précédentes , veut
rectifier celle de la Haye , vous pouvez
l'affurer , que Rejenfes ou Regenfes font
ceux de Riés ; Regienfes , ceux de Rége ou
Regge dans le Modénois ; & Rhegienfes ou
Rhegini , ceux de Rhegio en Calabre au
bout de l'Italie . Au nom de ces derniers il
faut une h afpirée , par la raifon marquée
dans Juftin liv . 4. chap . 1. & expliquée
dans les noms de variorum fur cet Auteur.
Quant au ſubſtantif , vous pouvez allurer
ce Libraire , que Reji Apollinares ou Rejus,
ou Rejum , par corruption Regium , c'est
Riés, Regium ou plutôt Regium Lepidi , c'eſt
Regge ; & Rhegium , Rhegio.
JUILLET. 1748 93
AUX MANES DE LA FONTAINE,
NArrer ingénument , eft le fruit du génie ;
La Fontaine en ce genre a feul atteint le but,
De Vénus rivale chérie ,
Sa naïve Mufe fut
Toujours des Graces ſuivie ,
Mere des ris & des jeux.
C'eſt à ſon Ombre ingénieuſe
Que j'adreffe en ce jour mes voeux.
Dans cette carriere épineule.
Sois mon guide , éclaire mes yeux.
Donne à mes vers cet air facile ,
Par qui les tiens font immortels ;
Infpire-moi ; rends ma veine fertile ;
Reçois l'encens dont fument tes Autels.
Je vais conter comme une rave
Put l'emporter fur un cheval. ,
La matiere eft en foi fort grave;
Eraſme ep a fourni l'original ;
Je le fuivrai de près , fans être efclave.
1
94 MERCURE DE FRANCE.
**X*X* X* X* XXXX
L'INTENTION
FAIT LE PRIX DES ACTIONS HUMAINES
CONT E.
UN de nos Rois ,
contraint¹jädis-
D'abandonner la bonne Ville ,
Choifit , pour charmer fes ennuis ,
Une Province , alors tranquille ,
Province de tout tems fertile ,
Soit en bleds , foit en vins exquis.
Chacun peut à cette peinture
Reconnoftre des Bourguignons ,
Favoris de Dame Nature ,
Les guérêts , les côteaux féconds.
Notre Roi donc , pour ſe diftraire ,
En ces lieux , ne pouvant mieux faire ;
S'occupoit à mettre aux abois
Les légers habitans des bois.
Mais parmi ce noble exercice ,
Qui fut toujours digne d'un Roi ,
Du fort Pinvincible caprice
Le ramenoit fouvent à foi ,
Et fouvent le long des prairies ;
A l'ombre, il fubiffoit la Loi,
4
man
JUILLET. 1748.
25
L
Malgré lui , de fes rêveries.
Se trouvant un jour à l'écart
Pour guide prenant le hazard ,
Il apperçut une chaumiere ,
En approcha. Maître Conon
Fit les honneurs de la maifon ,
Et jugez de quelle maniere .
C'étoit un bon homme , ingénu ,
Digne de l'enfance du monde ,
Vivant dans une paix profonde
D'un affés mince revenu,
Le Roi l'aima dès qu'il l'eut vu,
Avec les gens de ce calibre
Il aimoit à s'entretenir ,
Et pour refpirer un air libre ,
Fortfouvent on l'y vit venir.
Il ignoroit ce doux langage ,
Si familier aux gens de Cour ;
Il parloit au Roi fans détour ;
Le Roi l'en aima davantage.
Venons au fait, Pour héritage
Conon eut un vafte jardin ,
Où croiffoient des raves fans fin ,
Et des raves pour tout potage.
Le Roi , curieux , en goûta ,
Et les trouvant d'un goût paffable ,
Mainte fois il s'en régala.
96 MERCURE DE FRANCE.
Nouveau mets & mets délectable ,
C'eft la même chofe , je croi ;
J'ai pour garant ce même Roi ,
Qui de mets fins couvroit fa table.
Avint à quelque tems de - là ,
Les affaires changeant de face ,
Que notre bon Roi délogea.
Conon long- tems s'en affligea,
Larmoya , fit laide grimace ;
En ces mots il fe confola :
De nos raves le Roi mangea ;
Le Roi les aime , il en aura.
Il dit , & prenant fa beface ,
Conon de raves ſe chargea ,
D'argent fort peu. Le pauvre here
Avant d'arriver , en manqua ;
Et puis mainte rave il croqua ,
Tant qu'il en vint à la derniere.
C'étoit la plus belle , & la faim
Le preffoit d'étrange maniere ;
Il la garda pourtant entiere,
A la Cour il arrive enfin .
A Conon le Roi fait grande chere ;
Et du préſent pour s'acquitter ,
En récompenfe , au pauvre here
A fon départ , il fait compter
1
Mille
JUILLET.
97 1748.
Mille écus pour ſe fuftenter.
Toute la Cour en fut imbuë.
Certain matois , joüant du fin
Fit pour le coup une bévuë ,
Qui n'étoit d'un maître Gonin .
Il avoit en fon écurie
Un Bucephale , un beau cheval ,
Tel qu'il pouvoit piquer Penvie
D'un Roi connoiffeur , libéral ,
Et fans perdre tems en paroles ,
Donnons , dit-il , cet anfmal au Roi.
Que vaut-il ? Cent piſtoles.
La rave valoit tout au plus ,
Mais tout au plus quelques oboles.
La rave a produit mille écus ,
Le cheval m'en vaudra vingt mille.
Ainfi fit donc notre idiot.
Il fupputoit en homme habile ;
Il décompta . Sans dire mot ,
Le Roi fait rapporter la rave.
Qui fut bien furpris à Notre brave,
J'entends le brave Courtilan.
Le Roi , du vrai trop partifan
Pour récompenfer teile rufe ,
Au fot qu'un vain eſpoir abuſe ,
Par un Arrêt juſte & pläiſant ,
E
98 MERCURE DE FRANCE.
Fait donner la rave à l'inftant.
D'un vil intérêt vil eſclave ,
Il comptoit fur un tas d'écus ;
Il fut berné , n'eut que la rave ,
La rave en fomme ,, & rien de plus.
Par M. Orybe , de Lyon.
DISSERTATION fur les Libelles
diffamatoires , par M. Née ,
de la Rochelle.
'Homme n'a rien de plus cher & de
plus précieux que fa réputation ; tout
ce qui tend à la détruire eft l'injure la
plus fenfible qu'il puiffe recevoir.
Je vais établir d'abord ce que c'est
qu'injure , & en combien de manieres on
peut la faire.
En général , tout ce qui fe fait contre la
juſtice & la raiſon , eft injure (a) . Faire injure
à quelqu'un , c'eft faire volontaire
ment une chofe qui peut lui caufer du
chagrin , du deshonneur , ou du dommage
(b). Injuria definiri poteft , difent nos
Loix , dictum vel falum alterius famam
aut dignitatem minuens,
( a ) Inftit. § . 1. de injur,
(b) Ariftote in Reth,
JUILLET.
66
1748.
Je dis volontairement , parce que où il ,
n'y a pas de deffein d'offenfer , il n'y a pas
d'injure , ou que du moins les Loix femblent
refufer l'action (* ).
Une injure peut fe faire de trois ma❤
nieres ; par action , que l'on appelle au
Barreau ; voie de fait par parole & par
écrit.
Cette derniere eft l'objet principal de
notre Differtation.
On fait injure à quelqu'un par parole ,
en fe fervant de termes qui bleffent fon
honneur & fa réputation , & cette injure
fe pourfuit ordinairement par la voie civile
. Elle n'eft fujette à aucune peine , à
moins que l'injure ne foit atroce , & que
fa perfonne à qui on la fait , ne foit dans
un degré de diftinction, qui l'éleve infini
ment au- deffus de celle qui l'a offenfée.
Par action , en infultant quelqu'un par
des geftes , ou par des actes capables de
l'offenfer , ou en le frappant ; & ces injures
fe puniffent , fuivant qu'elles font
graves , plus ou moins , & faites à des
Tonnes plus ou moins diftinguées.
per-
J'ai trouvé dans nos recueils un Arrêt ,
rendu le premier Juillet 1606 , fur les
Conclufions de M. l'Avocat Général le
Bret.
(* ) L. 13. §. 1. 2. 3. & 4.50 €¸
E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
Voici l'injure que le Parlement punit.
Un homme ayant été condamné par le
Lieutenant Criminel de Poitiers à être
pendu en effigie , le tableau , qui avoit été
attaché à la potence , fut enlevé le lendemain
, & la potence renverfée. La Partie
demanda au Lieutenant Criminel la permiffion
de la faire redreffer , ce qui lui fut
accordé , mais abufant de cette permiffion
, elle fit porter par un Sergent accom→
pagné de témoins la potence , avec un
nouveau tableau femblable au premier
dans la maifon d'un oncle du condamné
& lui fit fignifier qu'elle l'en rendoit gar
dien, avec défenſes de s'en défaifir . Cet on
cle ayant porté plainte de cette infulte
fur la déclaration qu'on n'avoit pas eû
deffein de l'offenfer , le Lieutenant Criminel
ne prononça qu'un hors de Cour & de
Procès , mais le Parlement fut moins indulgent
5 il ordonna qu'en un jour de mar
ché , le Sergent , la Partie & les témoins
iroient avec l'Exécuteur de la Haute Juftice
reprendre la potence & letableau dans
l'endroit cù ils les avoient mis , avec défenfes
de plus commettre de pareilles indécences
, à peine de punition corporelle,
Enfin on infulte quelqu'un par écrit ,
en publiant quelque ouvrage en profe ou
JUILLET. 1748.
en vers contre fon honneur & contre fa
réputation , ou bien en expofant en public
quelques peintures offenfantes , capables
d'y donner quelque atteinte ; & c'est ce
que, nous appellons Libelles diffamatoi
res.
Nous parlerons dans la fuite des peines
que les Loix ont prononcées contre eux
dans les tems differens : effayons auparavant
de découvrir quand & de quelle
maniere ils fe font introduits dans la fociété.
La corruption du genre humain , & l'origine
des Libelles diffamatoires , ont à
peu près la même datte. Les hommes déchûs
de leur innocence ne fe déterminerent
plus dans leurs actions , que par des
principes d'amour propre & d'intérêt ,
les injures trouverent place dans les conteftations
que produifit infailliblement le
partage des Terres.
Mais comme ces tems reculés ne nous
fourniffent pour garants que des conjectures
, cherchons une époque plus récente ;
elle aura plus d'autorité & de certitude .
On peut fixer cette époque à la connoiffance
des Lettres , & furtout de la Poëfie.
De tout tems les hommes ont abufé des
meilleures chofes ; les vers inventés
paur
chanter les louanges des Dieux , fervirent
E iij
toz MERCURE DE FRANCE.
dans la fuite à reprendre les vices des hom
mes .
Les premiers Philofophes , qui dogmati
ferent d'abord en vers , & qui fe font toujours
donné la liberté de tout dire , ne
s'en tinrent pas long- tems aux peintures
innocentes des moeurs ; leurs préceptes dégénérerent
en fatyres.
Dans une Ville d'Etrurie , appellée
Fefcennia (a ) , les Bergers avoient coûtume
tous les ans , après les moiffons , de fe divertir
entre eux , & de fe railler tour à tour
par des chanfons plaifantes. Dans ces fiéeles
groffiers les railleries n'étoient pas
fort délicates ; ces ruftiques jeux n'avoient
cependant rien que d'agréable dans les
commencemens ; des railleries innocentes
on en vint infenfiblement aux vérités fâcheufes
, & on rendit les Muſes complices
des differentes paffions dont on étoit agité
(b) ; cela obligea ceux- mêmes que ces
fortes d'écrits avoient refpectés , à en fol-
Hiciter la défenſe auprès du Magiftrat , qui
les interdit fous des peines très - févéres.
Mais comme cette licence effrenée d'attaquer
par des vers infultans la réputation
de ceux qu'on haïffoit , a peut -être
autant d'origines differentes que les Na
( a ) A préfent Galeze.
(b) Horace Epit. 1. liv. 2.
JUILLET. 1748. 103
tions où elle s'eft introduite , je bornerai
mes recherches à ce qui regarde la Gréce
& Rome ; delà je defcendrai à nos ufa
ges.
Ces deux peuples fameux ont differemment
confidéré les Libelles . Le Grec , né
nalin & moqueur , en faifoit fes plus déli
Ceux plaifirs (4) ; on fçait avec quel tranfport
il applaudit la premiere fois à une
troupe de jeunes fous , qui parut dans les
rues , le vifage barbouillé de lye , & dans
cet équipage fe donna la liberté de charger
d'injures tout ce qui fe trouva fur fon
pallage , fans même épargner les Dieux .
Cette impiété tolerée donna naiffance à
la Comédie qui ne démentit pas fa premiere
origine. Ce fut affés aux Acteurs
d'avoir un mafque fur . le vifage , pour
qu'ils fe cruffent permis d'attaquer impunément
tout ce que l'Etat avoir de plus
relevé. La fageffe , l'efprit , l'honneur
tout fut en proye à ces bouffons ; Socrate
(b) , le plus eftimé de tous les hommes ,
n'évita pas leurs traits empoisonnés . Il eut
la douleur de voir tout Athénes applaudir
aux faillies odieufes d'Ariftophane.
Enfin cette licence , qui outrageoit chaque
particulier par ce qu'il avoit de plus
(a) Ciceron l. 4. de Rep.
(b) Comm. des nuées.
E iiij
104 MERCURE DE FRANCE.
fenfible, devenant par contre- coup funefte
à la Patrie , les Magiftrats crurent devoir
en arrêter le cours. Leurs efforts furent
inutiles ; il s'éleva une fecte de Philofophes
, qui fembla faire une profeffion particuliere
de médire. Ce qui avoit échappé
à la Comédie , ne pût fe fauver des traits
mordans du Cynique , & fous ombre de
corriger les moeurs dépravées du tems
Menippe déchira impunément toute la
Gréce , & fa réputation en ce genre eut
tant d'éclat, qu'on appella depuis, & qu'on
appelle encore aujourd'hui , Satyres Menippées,
tous ces ouvrages outrés & cauftiques ,
qui flétriffent , & déshonorent les Etats &
les particuliers qui font les objets de leurs
cenfures.
Je ne dirai rien d'Archiloque & de fes
confreres , médifans de profeffion , qui inventerent
une forte de vers ( a ) plus propre
à infinuer & à répandre leurs invectives
; les Poëtes n'ont été dans cette matiere
que les finges des Philofophes.
Rome naiffante connut la neceffité de
corriger cet abus , qui s'introduifoit parmi
fes habitans , & dans le petit nombre des
Loix qu'elle crût neceffaires pour établir
entre eux l'union & la paix , & pour préve
(a ) Archilocum proprio rabies armavitIambe. Horace
.
Dec
JUILLET. 1748 .
1ος
nir les défordres que les paffions écoutées
& fuivies entraînent , elle n'oublia
défenfe des Libelles..
pas
la
La
Loi
des
XII.Tables
eft trop
curieufe
,
pour
que
je
ne
la mette
pas
fous
les
yeux
du
public
. Si
qui
carmen
occentaffit
quod
alteri
flagitium
faxit
, capital
efto
: ou comme
la rapporte
Jacques
Godefroi
: Si qui
pipulo
occent
ffit, carmenve
condidiffit
quod
infamiam
faxit
flagitiumve
alteri
, fufte
ferito
. Chés les Romains la peine de celui qui
compofoit des vers , & chantoit des chanfons
contre la réputation d'autrui , étoit
donc la mort , fuivant cette Loi .
Les Decemvirs qui n'avoient ordonné
qu'une peine legére contre les voies de
fait (a ) , ne crurent pas qu'une mort infâme
fut une peine trop fevere contre les Auteurs
de ces écrits féditieux , qui vouloient
en quelque façon éternifer leur malice.
Auffi , tant que la République n'eût point
d'autre paffion que de fe rendre maîtreffe
du monde , & de conferver la pureté de
fes moeurs, il ne parut aucun libelle ; le
relâchement de la difcipline produifit enfuite
quelques fatyres un peu libres , mais
encore innocentes , qui reprenant les vices
avoient foin d'épargner les perfonness
(a ) Julius Scalig.
E v
106 MERCURE DE FRANCE.
enfin l'abondance ayant introduit le luxe ,
& Carthage , qui fervoit comme de frein
à la licence , ayant été détruite , on vit ces
funeftes écrits le déborder , comme untorrent
qui n'a plus de digues , & menacer
tout l'Etat , lorfque des Confuls fages &
vigilans les arrêterent par la terreur des
peines qu'ils impoferent.
Le Sénat rendit un Arrêt , par lequel i
ordonna *, que fi quelqu'un étoit convaincu
d'avoir compofé ou diftribué quelque ouvrage
contre la réputation d'autrui , quand
même il paroîtroit fans nom ou fous ùn
nom fuppofé , il feroit déclaré inteftable ,
c'est-à-dire , incapable de tous les effets civils
,comme l'interprête le docte Cujas.
C'étoit fans contredit la peine la plus
fenfible qu'on pût impofer à un peuple
fier & jaloux de fa liberté.
Cette Ordonnance arrêta quelque tems:
les efprits inquiets dans les liens du devoir
; difons mieux , elle ne fit que fufpendre
les effets de leur malice ; peu après
elle prit fon cours avec plus de fureur.
Dans le tems des guerres civiles , même
après qu'elles furent appaitées , on ne
vit paroître que placards affichés dans les
Places publiques , que libelles , qu'épi-
≈ L. §. §. ult. ff . defamoſis libel.
"
107 JUILLET . 1748.
grammes , que fatyres ; les principaux de
l'Etat y furent fouvent infultés ; on défefperoit
de voir jamais finir cette licence
qui menoit la République à une ruine
totale ( * ) , lorfque l'Empereur Augufte ,
indigné des excès où fe portoit un certain
Caffius Sévére contre les premieres Dames
Romaines , qu'il déshonoroit par de continuelles
fatyres , réfolut d'appliquer à ce
mal un reméde extrême , en faifant de
cette matiere un des chefs de la Loi Julie ,
& rendant criminels de léze Majefté ceux
qui étoient les Auteurs de ces écrits .
Cette Loi fut peut être modérée dans
la fuite ; il y a même de l'apparence qu'el
le ne fut jamais bien exactement obfervée :
du moins nous lifons qu'Augufte ne punit
que de l'exil les Auteurs fatyriques , mê¬
me ceux qui eurent l'audace de l'attaquer ,
& d'infulter fa femme & fa fille. Cette
peine trop légére ne fut pas un frein
сара-
ble de contenir les médifans , qui continuerent
leurs infultes , enforte qu'on far
obligé dans les fiécles fuivans de faire une
foule de Loix , pour réprimer une licence
qui croiffoit chaque jour.
Il feroit ennuyeux de citer les difpofi
(a ) Cornel. Tacite liv . I
Evj
108 MERCURE DE FRANCE.
tions de ces differentes Loix ; on les trouvé
toutes dans leur ordre au douzième
livre du Code Théodofien ; je me bornerai
à rapporter l'Edit , que firent publier Valentinien
& Valens 560 ans après la mort
d'Augufte .
>> Si quelqu'un , porte cet Edit , a trour-
» vé par hazard un libelle diffamatoire ,
» ou chés lui , ou dans un lieu public , ou
» dans quelqu'autre endroit que ce foit ,
મે
il doit le déchirer , dans la crainte que
»d'autres ne le trouvent , & n'en rien dire
à perfonne ; s'il eft affés téméraire pour
»le montrer à d'autres , il fera condamné
» comme s'il en étoit l'Auteur. «<
Une Loi fi fage & fi févére devoit
profcrire à jamais des écrits auffi pernicieux
; elle traitoit ceux qui les públioient,
avec la même rigueur que ceux qui les
compofoient : cependant à mefure que le
Chriftianifme fe répandit dans l'Empire
Romain on les vit fe déborder avec d'autant
plus de fureur , que le prétexte d'une
Religion dont on vouloit arrêter les progrès
, & la patience des premiers Chré
tiens , fembloient en quelque forte les au
torifer.
Auffi- tôt que la Religion eût pris le
deffus , l'Eglife , qui n'avoit que trop reJUILLET.
109 1748.
connu par une trifte expérience , combien
ces écrits étoient dangereux (a) , ne cru
pas être trop févére en frappant d'anathême
ceux qui feroient convaincus d'en
avoir compofés , & comme fi ce n'eûr pas
été affés d'un châtiment , qui donnoit la
mort à l'ame , & les retranchoit du Corps
des Fidéles , elle eûrt.encore recours aux
peines temporelles.
Les libelles furent apparemment inconnus
fous la premiere & fous la fecon
de race de nos Rois , foit que nos peres ne
fuffent pas encore affés éclairés , pour recourir
à cette voie artificieufe de fe ven
ger ; foit , comme on peut le croire , que
Pardeur de leur courage ne leur permit
pas d'attaquer leurs ennemis autrement
que par la force ouverte : on ne trouve ni
Loi ni Capitulaires fur cette matiere avant
le treiziéme fiécle (b) , que parut une Or
donnance qui défendoit de compofer &
de mettre au jour aucun livre contre la ré
putation d'autrui , à peine d'être déclaré
perturbateur du repos public.
Mais fi-tôt que le Droit Romain eût
commencé à fleurir parmi nous , nos Rois
adopterent bientôt les maximes de ces fa
ges Politiques.
(a ) 21. Can. s . a. C. r.
(b) Ordonnance de 1366, art. 77.
10 MERCURE DE FRANCE.
Charles IX. femble en avoir plus em
prunté que fes Prédéceffeurs ; nous avons
de lui deux Ordonnances, qui y font toutà-
fait conformes : la premiere , donnée à
Saint Germain- en- Laye au mois de Juillet
1551 , défend , art. 13. d'imprimer , ni
femer des écrits , à peine d'être puni du
foüet pour la premiere fois , & de mort
pour la feconde : telle eft la difpofition de
la Loi Cornelia , dont j'ai oublié de parler
ci -deffus.
Par la feconde , faite fur les plaintes &
fur les remontrances du Clergé , & donnée
à Paris en Avril 1571 , les mêmes défenfes
ont été réitérées , à peine d'être procédé
extraordinairement , tant contre les Auteurs
, Compofiteurs , Imprimeurs de ces
fortes d'écrits , que contre ceux qui les
publient à la diffamation d'autrui .
Cette Ordonnance eft à peu près la même
chofe que ce qui avoit été ordonné
les Empereurs Valentinien & Valens .
par
Les Libelles diffamatoires ne furent pas
oubliés dans les Ordonnances que fit
Henri III . pour rétablir la police & le bon
ordre dans le Royaume . Enjoignons à nos
Sujets , dit ce Prince dans l'Ordonnance de
1586 , entre les mains de qui tels livres ou
écrits tomberont , de les brûler incontinent , a
peine d'amende arbitraire.
JUILLET. 1748. 1748 11,2
Cette Loi eft moins févere que celles
des Empereurs , qui condamnoient à mort
ceux qui ne brûleroient pas les Libelles
qu'ils auroient trouvés; dans le doute, elles
les préfumoient les auteurs , au lieu que
celle- ci ſe contente d'une fimple amende.
La Loi des XII Tables ne condamnoir
qu'à une amende celui qui avoit outrage
quelqu'un par des voyes de fait ; S * inju
riam alteri faxis , viginti quinque aris pene
funto. Qu'arriva-t'il du peu de févérité de
cette Loi? Un certain Lucius Neratius
homme riche & cruel , fe faifoit fuivre
dans les rues par un de fes efclaves , qui
portoit une bourfe pleine de piéces de
monnoye ; il frappoit inhumainement tous
ceux & celles qui fe trouvoient fur ſon
paffage , &leur faifoit enfuite compter les
vingt- cinq pieces , auxquelles la Loi le
condamnoit.
"
On fera aifément l'application de cet
exemple . Que l'on fe contente de décer
ner une amende contre ces perturbateurs
ceux qui ont la cruelle inclination de répandre
des écrits fcandaleux des gens
vindicatifs , des calomniateurs , regret
teront - ils une fomme modique , &
qui ne dérange en rien leur fortune , pour
* Aut. Gel. lib. 20. cap. 1. Not.. Att. · 1
112 MERCURE DE FRANCE.
fe donner le malin plaifir de fe venger ,
ou de fe fatisfaire ?
Auffi , dans le tems même d'Henri IIF ,
parut- il une foule de Libelles , où les Prin
ces , même de fon fang , n'étoient point
épargnés , comme on le remarque dans les
Livres, qui nous reftent , fous les noms de
Journal d'Henri III ; de Confeffions de
Sancy ; du Baron de Fenefte ; de Satyre Ma
nippée , ou Catholicon d'Efpagne, & un nombre
infini d'autres.
Les Papes Pie V & Gregoire XIII ,
qui vivoient à peu près dans le même
tems , avoient été bien plus féveres ; ils
avoient renouvellé , fans aucune modification
ni reſtriction , les Edits de Valen
tinien & de Valens .
Les efforts continuels d'une ligue qu'il
falloit diffiper , & les guerres continuelles
qu'Henri IV eur à foûtenir à fon avene
ment à la Couronne , l'empêcherent vraifemblablement
de réprimer un abus , que
les troubles de l'Etat n'avoient que trop
antorifé ; s'il avoit vêcu plus long-tens ,.
on doit croire que la licence effrenée des
Ecrivains de fon fiécle. atroit reçû lá
peine qu'elle méritoit , mais ce qu'une
mort anticipée ne lui permit pas d'ex cu
ter , fe fit enfuite par Louis XIII , fon
fils & fon fucceffeur .
}
JUILLET. 1745. 118
Il donna tous les foins à réprimer les
défordres que les guerres avoient introduits
; il fit des Loix , capables de retran
cher les abus qui regnoient.
Il fit entre autres une Loi , qui renou
vella la difpofition d'Augufte , & mit les Li
belles au rang des crimes qui attaquoient
fa Perfonne & fon Etat ; comme elle eft
un précis de toutes celles qu'on a faites fur
cette matiere , il eft à de la rapporter.
propos
» Deffendons à tous nos Sujets, fans au
»cun excepter, d'écrire, imprimer ou faire
» imprimer aucuns Libelles ou écrits dif-
>>famatoires d'en avoir aucuns d'impri-
»més ou écrits à la main, contre l'honneur
» ou renommée de perfonne , concernant
nos Confeillers , Magiftrats & Officiers ,
» les affaires publiques , le Gouvernement
» de notre Etat ; déclarons ceux qui s'ou
»blient , tant que de contrevenir à ce que
» deffus , fpécialement en ce qui regarde
"les ligues & affociations dedans ou de-
»hors le Royaune , criminels de léze- Ma-
» jefté, proditeurs de leur Patrie, indignes,
eux & leur pofterité, de tous Etats, Offi-
» ces & Bénéfices , & privés d'iceux , auf
» quelles Charges nous entendons pourvoir
à l'inftant , & en outre déclarons leurs
* Ordonnance de 1629. Art. 179.
"
2
114 MERCURE DE FRANCE.
biens & vies confifqués , fans que lefdites
peines puiffent être modérées par
nos Júges.
Cette Ordonnance ne met aucune diffe-
Tence , comme on le voit , entre les écrits
qui attaquent l'honneur des particuliers &
les deffeins formés contre l'Etat. Pourquoi
donc fe trouve-t'il encore des gens affés déreglés
, pour s'en faire un divertiffement ?
Pourquoi voit- on tous les jours le public
inondé de ces funeftes écrits , qui déchi-
Tent les plus honnêtes gens , & femblent
n'en vouloir qu'à ceux que leur mérite ou
leur vertu rendent plus recommandables ?
-Ne faut- il pas qu'il y ait dans l'homme un
grand fonds de corruption ?
*
Il est étonnant que Louis XIV , qui n'a
tien négligé de tout ce qui pouvoit contribuer
à la tranquillité du Royaume , n'ait
fait aucune Loi contre ces écrits pernicieux.
Il eft vrai qu'il a témoigné l'indignation
qu'il en avoit , par les exils &
les autres peines , aufquelles il a condamné
ceux qu'il a crû coupables d'en avoir
compofé. Le Parlement a auffi rendu des
Arrêts , par lefquels il les a condamnés en
des banniffemens, ou à d'autres peines , capables
d'intimider, & de les contenir dans
les bornes du devoir. Ainfi nous ne voyons
Le Com. de B. R.
JUILLET. 1748.
S
aucun de ces Auteurs impuni , lorsqu'il
eſt connu & dénoncé à la Juſtice .
J'ai dit au commencement de cette Dif
fertation , que l'on faifoit injure à la répu
tation de quelqu'un , en expofant en pu
blic des peintures offenfantes. Pour ne
sien laiſſer à deſirer , s'il eft poffible , fur
cette matiere , il ne fera pas inutile d'ob
ferver que les Loix , qui paroiffent fi féveres
contre les Libelles , ont de tout tems
impofé les mêmes peines contre ceux qui
expofoient des peintures fcandaleufes ; les
Cours Souvetaines n'en ont fait aucune
difference , quand l'occafion s'en eft préfentée,
& nos Livres font remplis d'Arrêts
contre ceux qui n'ont craint de recou
ir à ce lâche moyen , pour fe
venger , ou
pour fatisfaire leur paffion . Ces peintures
ne font pas d'une invention moderne ;
l'Antiquité ne rafinoit pas moins qu'on le
fait aujourd'hui fur la fcience de fe venger
On peut lire dans Pline le Naturalifte
liv. 35. chap. 11. ce qu'il raconte du Ta
bleau que le Peintre Elenides avoit fait
expofer fur le Port d'Ephéfe , pour fe venger
de la Reine Stratonice , qui l'avoit mal
reçû à fa Cour.
. Bouchel
pas
rapporte un Arrêt du 27 Jan
vier 1606 , dont voici le fujet : Un Serrurier
avoit fait peindre un Tableau , dans
116 MERCURE DE FRANCE.
lequel plufieurs de fes confreres étoient
infultés ; fur les procedures que l'on fit , il
fut condamné en 75 livres de dommages
& intérêts , le Tableau fupprimé , & il lui
fut fait des défenfes très-féveres de réci
diver.
fes Je pourrois rapporter un grand nombre
d'autres exemples , qui prouvent que
peintures offenfantes ont toujours été mifes
au nombre des Libelles , & en effet la.
peinture , auffi-bien que la lettre , formant
un difcours muet , mais intelligible , l'abus:
qu'on en fait , mérite une peine égale &
proportionnée à l'injure.
Si j'ofois prendre la liberté de placer ici
quelques refléxions , je dirois fur cette
matiere , qu'il feroit à défiter que les Loix
euffent parlé moins généralement , & que
les Législateurs euffent diftingué les differentes
efpeces de ces écrits qu'ils condamnent
, car il n'eft pas probable que fous
Je nom de Libelles diffamatoires , ils ayent
compris ce que nous appellons Satyres .
Je m'explique. J'entends par Satyres ,
certains écrits en vers ou en profe , qui
refpectant les moeurs des perfonnes qu'el
les reprennent , fe contentent d'attaquer
les fautes qui fe trouvent dans leurs ouvrages
, ou bien le bornent à une peinture
forte & naive des moeurs du tems ; le bien
JUILLET. 1748 . 117
que ces cenfures innocentes produiſent
dans la République des Lettres , même
dans la fociété , demande grace en leur fa
veur.
Ce qui me fait croire qu'on n'a jamais
eu deffein de les condamner , c'eft
que tous
les tems nous fourniffent des Auteurs graves
qui fe font déchaînés impunément contre
les mauvais Ecrivains , & contre les vices
qui regnoient dans leur fiécle , Rome , fr
févére contre les libelles , applaudiffoit
aux plaifantes Critiques de Lucile , d'Horace
, de Perfe , de Juvenal ; les fots , &
les ridicules qu'ils attaquoient , n'étoient
plaints de perfonne , & ne fe plaignoient
pas eux- mêmes d'une maniere à le faire
écouter , & Neron , tout Neron qu'il étoit,
fut affés galant-homme pour entendre rail
berie à cet égard.
Plufieurs perfonnes ont entre les mains
les mauvais vers qu'il avoit compofés , &
qui commençent par ces mots , Torva
mamilloneiss la Satyre piquante que Perfe
en fit , n'aigrit point l'Empereur , & il ne
crût pas que dans cette occafion le Souverain
dût prendre le parti du Poëte.
Chés nous Regnier & Defpreaux ont
fait les délices de leur fiécle , & les graces
fignalées que Louis le Grand répandit fur
ce dernier
, prouvent qu'on n'eft pas cri
IIS MERCURE DE FRANCE.
minel , pour vouloir chaffer du Parnaſſe
ane foule d'Auteurs qui le déshonorent.
Defpreaux a même quelquefois badiné
les perfonnes dans fa troiliéme Satyre il
qualifie un nommé Mignot d'empoifonneur
; cet homme , Patiffier , Traiteur
Officier du Roi & de la Reine , crût ne devoir
pas fouffrir une pareille infulte ; il en
préfenta plainte au Lieutenant Criminel
du Châtelet de Paris , qui refufa de la répondre
, & lui dit que ce qu'il appelloit
ane injure atroce , étoit une fimple plaifanterie
, dont il devoit rare tout le premier
.
Ce confeil étoit difficile à fuivre ; l'amour
propre fouffre imp tiemment tout
ce qui le bleffe , & les plus modérés fſe révoltent
, quand on les attaque par de cer
tains endroits qu'ils n'abandonnent jamais
volontiers à la critique.
Je fouhaiterois au moins,que les perfonnes
ne fuffent pas nommées ; quand on
fronde fes vices, on devroit , pour plaire &
corriger , s'exprimer de maniere qu'aucun
trait trop marqué n'apprit de qui l'on veut
parter , furtout quand il s'agit de vices
déshonorans.
Après tout Defpreaux n'a pû s'empêcher
d'en convenir,
i
JUILLET. 1748.
C'eftun mauvais métier que celui de médire ;
A l'Auteur qui l'embraſſe il eſt ſouvent fatal ;
Le mal qu'on dit d'autrui ne produit que du mal.
Les Satyriques ont fouvent de cruels momens
à paffer : plufieurs d'entre eux ont
été menaces de la correction qu'ils méritoient
, & d'autres l'ont fubie.
Le fameux Auteur du Roman de la Rofe
, Jean de Meun , dit Clopinel , ne Téchappa
que par une plaifanterie, qui peutêtre
ne produiroit pas le même effet dans
un fiécle tel que le nôtre .
La critique eft encore du nombre des
Ouvrages qui ne peuvent tomber fous la
prohibition des Loix. Les Peuples les plus
fevéres n'ont point fait de difficulté de la
fouffrir ; certe efpece de guerre , que fe
font les Auteurs , a toujours réjoui le lecteur
, & c'est peut-être à la crainte qu'elle
infpire , que nous fommes redevables des
ouvrages que nous admirons .
L'applaudiffement avec lequel on a reçû
le Traité de la critique de M. l'Abbé de
S. Real , en eft une preuve , & les précautions
qu'il ordonne , font des régles que
ceux qui fe livrent à ce genre d'écrire , ne
Lauroient trop méditer , & ne doivent
jamais négliger.
Pourvû donc qu'on permette la Satyre
120 MERCURE DE FRANCE .
& la Critique dans le fens que je viens
d'expliquer , je crois qu'on ne peut trop
févir contre ces Libelles fcandaleux & téméraires,
qui portent des atteintes fi cruelles
à la réputation de ceux qui s'en trouvent
les triftes & malheureux objets.
- Si , fuivant le fentiment d'Erafme , en
fes Epitres , c'eft un genre d'homicide que
d'ôter l'honneur à quelqu'un , pourquoi
ce crime ne feroit- il point puni par le même
fupplice ? Le Public s'y trouve également
intereffé ; ce n'eft que par l'union
des Citoyens que le corps politique de l'Etat
peut fubfifter. Que devient cette union,
s'il eft permis aux particuliers de fe venger
, ou de fatisfaire impunément leurs
paffions & leur méchanceté ?
Qu'un homme dans les premiers tranfports
d'une colere aveugle , fe répande en
invectives contre l'objet de fon reffentiment,
on rejette fur la paffion qui le tyrannife
, une faute à laquelle fon coeur n'a
Louvent point de part , & qu'il défavouë
auffi- tôt que la raifon l'éclaire. Mais qu'il
abbreuve, pour ainfi dire, le papier innocent
du fiel dont il eft rempli , comme ce
ne peut être que l'effet d'une réflexion férieufe
, & quelquefois d'un travail de plu
fieurs jours , il n'y a pas de fupplice affés
infamant pour un crime , qui ne peut être
regardé
3
JUILLET. 1748. 121
tegardé que comme un vice du coeur.
Je raifonne indépendamment de la Religion
; fi nous la confultons , il n'y a pas
de crime plus noir , c'eft le plus difficile à
réparer , & fon châtiment fera terrible.
Je crois ne pouvoit mieux finir cette
Differtation que par le fentiment
que M.
Houdart de la Motre exprime d'une maniere
fi vive & fi noble dans fon Ode fur
la colere.
Périffe la plume inhumaine ,
Qui , vil inftrument de la haine ,
Répand un fiel injurieux ;
Les beaux vers ont de puiffans charmes
Mais ce font de cruelles armes
Entre les mains d'un furieux .
Si quelque dépit nous anime ,
Şans le confier à la rime ,
Tâchons d'affoiblir fes tranſports ,
Et craignons que notre imprudence ,
En éternifant la vengeance ,
( N'en éternife les remors .
J'ai infinué que le defir de la vengeance
F
122 MERCURE
DE FRANCE
.
étoit le motif des Libelles , non que je
prétende qu'il n'y ait des efprits affés mauvais
, pour en compofer par le feul plaifir
de faire du mal , mais parce que cette raifon
me paroît la plus ordinaire , & que
l'autre ne doit pas le fuppofer.
On a du expliquer les Enigmes & le Logogryphe
du premier volume de Juin par
Soulier , Diamans & tripotage. On trouve
dans le Logogryphe Tri , potage , ôtage
Tage & ave.
>
Les mots des Enigmes & des Logogryphes
du fecond volume font Portrait , mouchettes
, feu , cordeau , foupape. On trouve
dans le Logogryphe énigmatique E«, Ville
de Normandie ; dans le fecond roc, eau,
cor , or ; dans le troifiéme Pape &fou.
ENIGM
E.
Nous fommes cinq enfans d'une espece bizare:
Freres , nés tous en même -tems ,
A la Nature il plut nous faire differens ,
Et même à notre égard on la croira barbare ,
Si nous difons tous les fujets
Que chacun d'entre nous a de fe plaindre d'elle,
༢
14 ;
JUILLET
. 1748 .
A l'un , cette mere cruelle
Refufe des mains, une bouche.
L'autre eft privé d'un nés , fans que fon fort la
touche.
D'entendre , celui - ci n'eut jamais le pouvoir ;
Si d'elle celui-là peut obtenir de voir ,
C'eft le feul bien qu'elle lui donne ;
Un de nous feulement n'est pas aveugle né.
Sans doute j'en dis trop , & l'on a deviné.
Pourfuivons cependant , & quoiqu'on en rai
fonne ,
Achevons de nous déceler.
A tous notre préfence eft chere.
Notre perte n'eft pas facile à réparer.
Qui la fait , fent douleur amere ,
Et rarement il peut la fouffrir fans pleurer.
Une Ville autrefois fameuſe ,
Qui foumit prefque fous les coups
Une République orgueilleufe ,
Porte le même nom que nous,
Th. Avocat à Sens.
AUTRE.
Lecteur , je te dirai fans fard,
Que fuivant ma deſtinée ,
Je nais & meurs chaque année ,
Tantôt plutôt , tantôt plus tard ;
Fij
124 MERCURE
DE FRANCE
.
Quelques jours avant ma naiffance ,
On fe divertit & l'on danſe ;
Mais hélas ! fi-tôt qu'on m'a vu ,
Chacun , à fon air abattu ,
Témoigne
que mon arrivée
Le chagrine & lui déplaît fort,
de de durée Mon regne peu
Eft très- fatal au troupeau de Prothée .
Un Aftre irrégulier vient terminer mon ſort.
Quatre on cinq jours avant ma mort ,
On fe lamente, on pleure , on eft dans la trifteffe,
Mais d'abord après mon trépas , :
Tout retentit d'allégreffe ,
Et l'on ne me regrette pas.
DXF DE? DNG DEG DEG BIG BANG EXT SÆI SKI ING SUR
J
LOGOGRYPHE.
E ne fuis Ange , efprit , homme, ni diable ,
Enfin rien d'exiftant ; eh quoi donc une fable ?
Non , puiſqu'en dérangeant les dix pieds de mon
nom ,
Tu peux , après mainte combinaiſon ,
Trouver la maladie ,
Qui dépeuple fouvent
La Capitale de Turquie ;
L'utile & l'ancien inftrument,
JUILLET. 125 1748 .
Qui nous fert en agriculture ;
Un petit bois bizarre en fa ftructure ,
Mais dont le fruit nous fert infiniment ,
Et dans nos maux nous eft très -falutaire ;
Le Héros qui caufa le trépas de Didon ;
La maison d'un foldar , & fon arme ordinaire ;
Le feftin que l'on fait , quand le Dieu Cupidon
Cede fes droits à l'hymenée ;
Ce dont avoit été formée
Celle qui la premiere obéït au Démon ;
Une corps dans la Géométrie ,
Qui depuis très long- tems
Occupe les fçavans ;
Ce qui fert en mufique à former l'harmonie ;
Une arme à feu ; la plus belle faifon;
De notre entendement la demeure , dit- on ;
Un Fleu.e d'Italie ;
De ton corps , cher lecteur , la plus dure partie ;
Le plus jufte mortel , à qui Dieu commanda
De bâtir ce fameux Navire
Avec lequel il nous fauva ,
Mais j'en dis deja plus qu'il ne faudroit en dire
Fiij
#26 MERCURE DE FRANCE.
AUTRE.
Sur la table on me voit paroître .
Lecteur , fi tu veux me connoître ,
Dix membres font mon tout ; tu peux me deviner
Par ces membres divers que je vais combiner.
6,7 8 , 4 , 10 , fous mon ombre Tyture
Sçait charmer les ennuis que la retraite inſpire ;
4
5,6 2 > › 3,7,8 , 9 & 10 , loin du bruit
Je me cache le jour & vôle dans la nuit ;
3 & 4 , je fuis la Ville où prit naiflance
"
Un mortel , dont le Ciel éprouva la conftance ;
5 , 2 , 3 , avec 4 , un féjour dangereux ,
Od fouvent le mérite excite l'envieux ;
7 , 8 , joignez-y 10 , le tems où la Nature
Accorde au laboureur les fruits de la culture ;
1,7, 4 on me voit terminer de beaux jours , ·
Auxquels la mort fembloit promettre un plus long
cours ;
4, 2 , 3 & 7 , je fers pour le fupplice
De celui que fon crime immole à la Juſtice ;
4 , 3 , 5 , 6 , 7 , je contiens les préfens ,
Qu'un Infecte volant apprête tous les ans ;
& 4 un métal le fage mépriſe ,
que 2 ›
Et pour lequel l'avare en mille foins s'épuiſe .
J. F. C. de Semur en Auxois..
JUILLET. 1748 .
127
AUTRE.
M on art eft un art fort antique ;
Je contiens note de mufique ,
Le fiége de la vérité ,
Un Auteur de l'Antiquité.
Arme jadis fort en uſage ;
,
Ce qui nous fauva du naufrage.
Je fuis d'un grand fecours pour captiver les coeurs
Je faifois autrefois tout l'eſpoir des vainqueurs .
Un animal malin ; un jeu très à la mode ;
Ce qui dans le poiffon très -fouvent incommode ;
L'ordinaire & charmant féjour
! De la Déeffe de l'Amour ;
Ce qu'illuftrerent par leurs veilles
Les Racines & les Corneilles ,
Enfin une conjonction .
Ami Lecteur , fans plus paroître ,
Tu pourras aifément par ce trait me connoftre ;
Dix lettres compofent mon nom.
AZ
M
F iiij
T28 MERCURE DE FRANCE .
送送送送送送洗洗洗洗洗說說說說
NOUVELLES LITTERAIRES ,
L
DES BEAUX- ARTS , &c.
A Poëfie n'eft jamais plus fublime ,
que lorfqu'elle s'exerce fur les fujets
qui lui font fournis par l'Ecriture Sainte .
Les attributs de la Divinité , les merveil
les operées par fa puiffance , la fageffe de
fes Loix , la grandeur des récompenfes
qu'elle promet à la vertu , tout dans la
Religion ouvre au génie poëtique un
champ vafte , dans lequel il peut faire la
plus ample moiffon . Ainfi , le public devroit
être naturellement prévenu en faveur
du livre que Lottin & Buttard viennent
de publier fous le titre de PARNASSE
CHRETIEN. On s'eft propofé d'y raffembler
fous un même point de vue divers
Poëmes , qui ont paru propres à former
une espéce de Corps de Théologie poëtique.
Plufieurs ont été couronnés par
differentes
Académies . D'autres n'avoient
pas encore vû le jour . L'Editeur avertit
que dans certaines piéces il a été obligé de
faire des changemens. Quelquefois , à ce
qu'il nous annonce , il ne s'eft trouvé dans
un ouvrage fort long que très-peu de vers
JUILLET . 1748. 129
"
dont il ait pu faire ufage , non que l'ouvrage
ne fût bon en foi , mais parce qu'il
s'écartoit du plan qu'on s'eft prefcrit dans
ce Recueil. Autant qu'il a été poffible ,
l'Editeur a lié ces parties détachées , de
forte qu'elles compofaffent un tout. Les
'lecteurs n'attendent pas de nous une analyfe
exacte , ni même une lifte des Poëfies
que ce livre contient. Dans la Préface ,
l'Editeur nous promet une grande variété.
Il tient parole . Les vers de Corneille , de
Defpreaux , de Rouffeau ; de Meffieurs
de Voltaire , Racine le fils , la Vifclede ,
Ifnard , Dulard , Gourdon de Bach , Viguier
de Segadennes ; du Pere Cleric , Jefuite
; du Pere Menard , de la Doctrine
Chrétienne ; du Pere Chabaud , de l'Oratoire
; de Mlles de Mafquiere , Cheron ,
Boulard , & c . paffent ici fucceffivement en
revûe. Surtout , le Pere Chabaud paroît
être un des Auteurs favoris de l'Editeur .
II rapporte jufqu'à douze morceaux de ce
Poëte , & il en donne huit de Mlle Cheron.
A la lecture , on jugera fans doute
que cet honneur leur étoit dû , mais peutêtre
fera-t'on étonné que l'Editeur ait fi
puifé dans quelques autres fources ; que les
Tragédies d'Athalie & d'Efther ne lui
ayent rien fourni , & qu'il n'ait emprunté
du Grand Corneille que les Stances du
peu
Fv
130 MERCURE DE FRANCE.
Monologue de Polieucte. Une autre fingularité
pourra furprendre . Quoique deux
ou trois Poë.nes de Rouffeau ayent obtenu
place dans ce livre , fon nom eft oublié
dans le catalogue des perfonnes célébres ,
dont l'Editeur a employé quelques ouvrages.
C'eft à un Académicien de l'Académie
de Villefranche , que nous fommes redevables
de ce Recueil. Le livre eſt dédié à
cette Compagnie . » Meffieurs , dit l'Au-
»teur dans fon Epître Dédicatoire , j'ai
» voulu vous donner un témoignage public
des fentimens de reconnoillance que
» j'ai pour Thonneur que vous me fires ,
»lorfqu'après m'avoir adjugé un de vos
prix , l'unanimité de vos fuffrages m'admit
parmi vous. Quel avantage plus fla-
>> teur pour moi , que d'être introduit dans
»un nouveau Lycée parmi des Sages , dont
>> les moeurs font douces & liantes , le com-
»merce aimable & poli , la modeftie fim-
» ple & naturelle ! C'eft cette modeftie
qui retient dans vos Regiftres bien des
productions littéraires , aufquelles le
public feroit un favorable accueil , en
» voyant que dans une Ville d'une médiocre
étendue vous avez eu le courage de
confacrer de concert votre loifir aux
Lettres , & c.
»
Nous avons annoncé dans l'un des préJUILLET
. 1748. 131
cédens Mercures un volume , qui fe vend
chés Chaubert , Quai des Auguftins , &
qui contient fix Differtations , fur l'origine
des Francs , fur leur établiſſement dans
la Gaule , fur leur ancienne Milice , fur
les dons gratuits que la Nobleffe Françoiſe
faifoit autrefois au Souverain , fur une
lettre fauffement attribuée à Saint Remi ,
& fur le tombeau de Childeric I. avec une
Réfutation du fyftême de M. Eccard , touchant
l'autorité de nos premiers Rois , &
un abregé de l'Hiftoire de France , en vers.
Sans doute , les lecteurs nous fçauront gré
d'entrer dans quelque détail au fujet d'un
livre , où l'on traite plufieurs articles importans
de notre Hiftoire . Aurelius-Victor
, Eutrope , Orofe , & divers autres
Hiftoriens , ont regardé les Francs comme
un peuple forti de Germanic. L'Empereur
Julien place leur premiere demeure audelà
de l'Elbe. Dans la Diſſertation fur
l'origine de cette Nation , l'Auteur fe détermine
pour ces autorités , & après avoir
prouvé que les Francs habitoient anciennement
la partie de l'Allemagne , ſituée
entre l'Elbe & le Sud-Jutland , il refute
les opinions de divers Sçavans , qui les
font venir , les uns de Scythie , les autres
de Pannonie , d'autres enfin de la Troade.
Il examine enfuite quelle peut être l'éty-
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
mologie du nom de Francs . Celles don-.
nées par le Sophifte Libanius , par la Chronique
de Moiffac , par Adon de Vienne ,
par Cluvier , & par M. Schuvarts , ne lui
paroiffent pas fatisfaifantes , & il incline
à croire que les Francs ont tiré leur nom
de celui d'un de leurs Rois. L'Auteur ,
dans fa feconde Differtation , fixe à l'an
431 leur établiffement dans la Gaule . Il
prouve , ce nous femble , avec évidence ,
que Clodion eft le premier qui y ait jetté
les fondemens de la Monarchie Françoife.
Gregoire de Tours dit , que ce Prince
choifit d'abord pour la réfidence le Château
de Difparg fur les confins des Thoringiens.
Selon l'Auteur , ce Château ne
doit pas être confondu avec celui de Duifbrog
, qui eft entre Louvain & Bruxelles
& il ne faut pas non plus prendre , ainſi
qu'ont fait plufieurs Sçavans , la Thoringie
pour le Pays de Tongres . It remarque
qu'il y avoit deux Thoringies , l'une de
l'autre côté du Rhin , connue depuis fous
le nom de Turinge ; l'autre en deçà de ce
fleuve , laquelle s'étendoit depuis Mayence
jufqu'aux territoires de Treves & de
Metz. C'eft cette derniere dont Clodion
fit la conquête. Quelque defir qu'il eût
d'étendre fa domination , il ne pût en faifir
l'occafion qu'en 446. Ayant - traverfé la
JUILLET. 174S. 133
•
Forêt Charbonniere , c'eft- à dire , la partie
des Ardennes qui le conduifoit au Haynault
, il s'avança jufqu'à Tournay , qu'il
- emporta l'épée à la main. Parmi les preuves
qui ne laiffent point lieu de douter
que les Succeffeurs de ce Prince ne s'y
foient maintenus , l'Auteur compte la découverte
qu'on y fit en 1653 du tombeau
de Childeric , pere de Clovis. Une des
Differtations de ce Recueil eft deftinée à
nous rapporter les circonftances qui occafionnerent
cette découverte , à nous décrire
les differentes antiquités qu'on a
trouvées dans le monument en queſtion ,
& à combattre le fentiment d'Audigier ,
qui a prétendu que le Childeric, renfermé
dans ce tombeau , étoit un fils de Clotaire
& d'Ingonde , mort avant fon pere , &
que fi ce Prince eft traité de Roi dans
l'infcription de fon cachet , c'eft que tous
les fils de nos Rois avoient alors ce titre.
Cette Differtation eft coupée par une longue
digreffion far les Fleurs de Lys employées
dans les armoiries de la Couronne .
Notre Auteur , fans avoir égard à la difference
de la forme & de la couleur , décide
que ce font de vrais Lys de jardin . Il
n'y a pas d'apparence qu'il faffe prévaloir
cette opinion fur celle des perfonnes , qui
foûtiennent que la piéce de Blafon , dont
r
134 MERCURE DE FRANCE.
nous parlons , n'eft autre chofe que le fer
d'une efpéce d'arme offenfive . On verra ,
dans la Differtation fur notre ancienne
Milice , de quelle maniere on faifoit la
guerre dans les premiers tems de la Monarchie
Françoife ; en quoi confiftoient les
forces de la Nation ; les mesures qu'on
prenoit pour affembler les troupes , &
pour les faire fubfifter ; les armes avec lef
quelles on combattoit , & l'ordre qu'on
obfervoit dans les batailles. Quoique l'article
fur les Dons gratuits de l'ancienne
Nobleffe foit fort court , il n'eſt pas un
des moins curieux de ce livre. Les bornes
étroites , qui nous font prefcrites , ne nous
permettent pas de fuivre l'Auteur dans
Toutes fes recherches. Peut-être auroit- on
droit de lui défirer plus de méthode , mais
du moins montre- t'il par tout beaucoup
d'érudition , & en plufieurs occafions une
critique très-judicieufe. Il fe diftingue
fur-tout , à ce dernier égard , par la maniere
triomphante , dont il refute le fyftême de
M. Eccard , & l'on ne peut donner trop
d'éloges au zéle , avec lequel il défend
contre cet adverfaire l'indépendance de
notre Monarchie , en prouvant invinciblement
qu'elle n'a jamais été fubordonnée
aux Empereurs Romains. Ce volume ,
comme nous l'avons dit , eft terminé par
JUILLET. 1748. 135
un abregé de l'Hiftoire de France en vers.
Vraifemblablement , dans ce dernier morcean
, l'Auteur a moins fongé à faire bril
ler fon talent pour la Poëfie , qu'à faciliter
aux jeunes gens le moyen de fixer dans
leur mémoire les noms de nos Rois & les
principaux évenemens de leurs regnes. J
Jacques Cloufier , Libraire , rue Saint
Jacques , à l'Ecu de France , a fait l'acquifition
d'une brochure fous le titre de Quart
'heure des Honnêtes Gens , dont le prix eft
de 24 fols.
On trouve chés le même Libraire des
Fables Nouvelles , mifes en vers par M.
***. Prix 24 fols.
LETTRES PHILOSOPHIQUES fur
les Phyfionomies . Ex vultibus hominum
mores colligo. Petronius. Deux volumes ,
la Haye , chés Jean Neaulme , 1748.
ORAISON FUNEBRE de Philippe
V. Roi d'Espagne , prononcée le 31 Janvier
1747 , dans l'Eglife de Saint Nicolas
d'Alicant , par le R. P. Lorenzo Lopez , de
la Compagnie de Jefus , & traduite en
François par M. Crifpo , Avocat au Parlement.
Chés la veuve David , rue de la
Huchette , 1748 .
EXPLICATION des deux Cartes Af
tronomiques , lefquelles repréfentent l'Eclipfe
du Soleil , qui eft arrivée le 25
136 MERCURE DE FRANCE.
"
Juillet 1748 , deffinées par M. Georges
Maurice Lovitz ; Profeffeur de Mathématiques
à Nuremberg. Extrait & traduit de
l'Allemand par M. Delifle , de l'Académie
Royale des Sciences , & c. A Paris , chés
Ballard , fils , 1748. Brochure in- quarto
de dix pages.
EMINENTISSIMO S. R. E. Cardinali
Friderico- Hyeronimo de la Rochefoucaud
, Archiepifcopo Bituricenfi è legatione
Romana reduci gratulatur Regium B. M.
Collegium Soc. JESU . Biturigis. Apud J.
B. Cristo , Collegii Typographum .
NEGOCIATIONS à la Cour de Rome
& en differentes Cours d'Italie , de Meffire
Henri-Arnauld , Abbé de Saint Nicolas
, depuis Evêque d'Angers , fous le
Pontificat du Pape Innocent X. pendant
les années 1645 , 1646 , 1647 & 1648 ,
dans lefquelles on voit la fituation des
affaires de l'Europe , & plufieurs lettres
de Louis XIV . de la Reine Régente , du
Cardinal Mazarin , & des autres Miniftres
de la Cour de France . Cinq volumes in-
12 , à Paris , chés Defaint & Saillant , Libraires
, rue Saint Jean de Beauvais .
ELEMENS MILITAIRES , par M.
d'Hericour , Chevalier de l'Ordre Militaire
de Saint Louis , Capitaine & Premier
Aide-Major du Régiment du Roi.
JUILLET. 1748. 137
*
Nouvelle Edition , à Paris , chés Giſſey ›
rue de la vieille Bouclerie , & David le
jeune , rue du Hurpoix.
MEMOIRES fur differens fujets de
Mathématiques ,, par M. Diderot , à Paris ,
Tue Saint Jacques , chés Durand , au Grif
fon.
COLLOQUIA SACRA , ad linguam
fimul & mores puerorum formandos , libri
quatuor , in quibus infigniores tam Veteris
quam Novi Teftamenti Hiftoria denarrantur.
Parifiis , apud Babuty , via Jacobeâ , fub
figno Divi Chryfoftomi.
HISTOIRE de l'Académie Royale
des Sciences de Berlin , in - quarto , années
1745 & 1746 , avec le volume des
prix diftribués par cette Académie , à Berlin
, & fe trouve à Paris , chés Briaffon ,
Libraire , rue Saint Jacques à la Science.
HISTOIRE ROMAINE , Caligula
& Claude , Empereurs , avec des notes
hiftoriques , géographiques & critiques ;
des gravûres en taille douce ; des Cartes
géographiques , & plufieurs Médailles au
thentiques , par le Pere Bernard Rorbe , de
la Compagnie de Jefus. Tome vingt &
uniéme , in quarto , à Paris , chés Jacques
Rollin , fils , Quai des Auguſtins , à Saint
Athanafe.
HISTOIRE de la République Ro- ५
138 MERCURE DE FRANCE.
maine , enrichie de cent fept planches en
taille douce , y compris des Cartes géographiques
, qui ont rapport à l'Hiftoire
Vingt volumes in- 12 , chés le même.
HISTOIRE ROMAINE depuis la
fondation de Rome jufqu'à la Bataille
d'Actium , c'eſt à dire , jufqu'à la fin dela
République. Tomes XV. & XVI. &
derniers , in 12 , par M. Crevier , ancien
Profeffeur de Rhétorique en l'Univerſité
pour fervir de continuation à l'ouvrage de
M. Rollin. A Paris , chés la veuve Etienne
fils , Libraires , rue Saint Jacques , à la
Vertus Defaint & Saillant , ruë Saint Jean
de Beauvais.
HISTOIRE LITTERAIRE de la
France , où l'on traite de l'origine & du
progrès , de la décadence & du rétabliffement
des Sciences parmi les Gaulois , &
parmi les François ; du goût & du génie
des uns & des autres pour les Lettres en
chaque fiécle ; de leurs anciennes Ecoles ;
de l'établiffement des Univerfités en France
; des principaux Colléges ; des Académies
des Sciences & Belles Lettres ; des
meilleures Bibliothèques anciennes & modernes
; des plus célébres Imprimeries , &
de tout ce qui a un rapport particulier à la
Littérature avec les éloges hiftoriques
des Gaulois & des François qui s'y font
›
JUILLET . 1748. 139
fait quelque réputation ; le Catalogue &
la Chronologie de leurs Ecrits ; des Remarques
hiftoriques & critiques fur les >
principaux ouvrages ; le dénombrement
des differentes Editions , le tout juſtifié
par les citations des Auteurs originaux .
Par des Religieux Benedictins de la Congrégation
de Saint Maur . Tome VIII.
qui comprend le refte du onzième fiécle
de l'Eglife , à Paris , chés Chaubert & Com
pagnie , 1747. Volume in-quarto de 73 3
pages.
AVIS touchant une nouvelle Hiftoire
d'Amiens.
Lettre aux Auteurs du Mercure.
V d'apprendre ,Meffieurs , qu'enfin
Ous ferez peut- être pas fâché
nous allons avoir une Hiftoire complette
de la Ville d'Amiens. Il y avoit long- tems
que le public fouhaitoit que cette matiere
fut retouchée de nouveau d'après M..
de la Morliere , & l'on étoit furpris que
perfonne de cette Ville n'eût entrepris
d'en donner une qui fut plus épurée , plus
détaillée , & plus exacte que celle de ce
Chanoine. Le célébre M. Ducange , natif
de cette Ville étoit en état,plus que qui que
140 MERCURE DE FRANCE.
ce foit , de publier là - deffus quelque chofe
d'excellent , mais les ouvrages immenfes
dont il a enrichi le public , ont été cauſe
qu'il ne pût finir ce qu'il avoit heureufement
commencé . Le R. P. Daire', Religieux
Celeftin du Convent d'Amiens , &
natif de la même Ville , qui travailloit
depuis plufieurs années à donner une
Hiftoire de cette célébre Ville , Capitale de
la Picardie , vient de finir fon ouvrage . Il
l'a compofé fur la communication qu'il a
eu des titres de toutes les Egliſes & Communautés
, des Archives de l'Hôtel- de-
Ville , d'après la recherche faite dans toutes
les collections d'anciens titres qui
ont paru depuis cent ans par les foins des
Peres Benedictins & autres. Il n'a pas
manqué d'y faire mention de toutes les
découvertes d'antiquités , faites à Saint
Acheul aux fauxbourgs d'Amiens depuis le
décès de M. de la Morliere ; il y inféretoks
les anciens fages , foit Eccléfiaftiques ,
foit Civils , même ceux qui font fupprimés
depuis le fiécle préfent , enforte que
fon Hiftoire fera comme un répertoire de
tout ce qu'il y a de principal dans les Archives
de l'Evêché , dans les Regiftres du
Chapitre & des Collégiales , & dans ceux
de l'Hôtel-de-Ville, On ne doute pas que
le public ne faffe un accueil favorable à
JUILLET. ` 1748 . 14t
cet ouvrage , & qué les habitans d'Amiens
s'en muniffent avec empreffement.
L'Auteur cependant, ne voulant avoir rien
à fe reprocher , tente encore la voie de
votre Journal , pour tâcher d'apprendre
fi dans quelque Cabinet de curieux ,foit à
Paris , foit ailleurs dans le Royaume , &
hors le Royaume même , il ne feroit rien
confervé qui eût été inconnu juſqu'à préfent
, concernant la Ville d'Amiens , par
rapport à l'Hiftoire Eccléfiaftique ou Civile
, auquel cas il fupplie ceux qui auroient
quelque chofe de cette efpéce , de
vouloir bien lui donner avis en général
de ce que c'eft. Par exemple , on vient de
lui donner communication de quelques
particularités touchant Jean Rolland
Evêque d'Amiens , décédé en 1388 , qui
font tirées d'un manufcrit de l'Abbaye de
Saint Victor de Paris , & il a appris tout
recemment , que dans une autre Bibliothéque
de Paris il y a certaines chofes qui
regardent un illuftre Amiennois du qua
torziéme fiécle , lefquelles n'ont jamais
vû le jour. Cette derniere découverte à
engagé le P. Daire à faire un fupplément
à fon ouvrage , qui confiftera dans une
Notice des illuftres perfonnages d'Amiens,
principalement de ceux qui fe font diftingués
dans les Sciences. L'Auteur a crû de
142. MERCURE DE FRANCE .
5
7
voir rendre en cela à fa Patrie le même
fervice que le Pere Bequet , Celeſtin , Bibliothéquaire
de la Maiſon de Paris , a
rendu à tout fon Ordre.
TRADUCTION libre en vers de la
fixiéme Eglogue de Virgile , par M. L.
Marin , Avocat au Parlement de Paris.
A Paris , chés Cailleau , Libraire , ruë
Saint Jacques , att- deffus de la rue des Marhurins
, à Saint André , 1748 .
L'Opera de Daphnis & Chloë fera gravé
le mois prochain . La Mufique eft de M.
Boifmortier.
LE SECOND fixain des Cartes pour apprendre
la Géographie paroît depuis
peu.
Le premier jeu regarde la Champagne ,
la Lorraine , l'Alface & la Franche- Comté.
Le ſecond , la Bretagne , la Touraine ,
le Maine , l'Anjou , l'Orléanois , & le
Poitou.
Le troifiéme , la Catalogne , l'Arragon ,
Leon , la Caftille vieille , la Caftille nouvelle
, & le Portugal .
Le quatrième , la Haure Saxe , la Baſſe
Saxe , la Franconie , & la Weftphalie.
Le cinquième , le Dannemarck , la Norvege
, la Suéde , & la Pruffe.
JUILLET. 1748. 143
Le fixième , la Grande Pologne , la Petite
Pologne , la Ruffie Rouge , & la Lithuanie.
Ils fe vendent fix livres , à Paris , au
Jardin du Palais Royal ; à la porte des Thuilleries
, du côté de Saint Roch ; au Luxembourg
fous l'arcade du Jardin ; au Palais , dans la
grande Sale , au quatrième pilier , chés Morel
, le jeune , Libraire , au Grand Cyrus ;
chés le Clerc , à la Croix d'or , rue du Route
chés Badé , rue du petit Pont , à la Rofe
rouge ; à Versailles , chés l'Auteur , au coin
de la rue Dauphine ; à Rouen , chés Clement
Gunet , Marchand Cartier,
Le troifiéme Sixain paroîtra inceffamment
, & le vendra aux mêmes endroits,
PRIX PROPOSE
Par l'Académie Royale des Sciences & Belles
Lettres de Pruffe , pour l'année 1750,
L
E prix de Belles Lettres de l'année
1748 , fur le progrès des armes des Romains
en Allemagne , a été remporté par
M. Fein , Paſteur à Hameln , dans le pays
de Hanover.
Le fujet du prix de l'année 1750 fera la
queftion fuivante , tirée de la Méchanique.
:
144 MERCURE DE FRANCE.
On demande la théorie de la résistance
que fouffrent les corps folides dans leur mour
vement , en paffant par un fluide , tant par
rapport à lafigure , & aux divers degrés de
viteffe des Corps , qu'à la densité & aux
vers degrés de compreffion dufluide.
di
On invite les Sçavans de tout pays , excepté
les membres ordinaires de l'Académie
, à travailler fur cette queſtion . Le
prix , confiftant en une Médaille d'or de
cinquante ducats , fera donné à celui qui ,
au jugement de l'Académie , aura le mieux
réuffi . Les piéces , écrites d'un caractére
lifible , feront adreffées à M. le Profeffeur
Formey , Secretaire perpétuel de l'Acadé
mie. Le terme pour les recevoir eft fixé
jufqu'au premier Janvier 1750 , après
quoi on n'en recevra abfolument aucune ,
quelque raifon de retardement que puiſſe
être alléguée en fa faveur.
On prie auffi les Auteurs de ne point fe
nommer , mais de mettre fimplement une
devife , à laquelle ils joindront un billet
cacheté , qui contiendra avec la déviſe leur
nom & leur demeure. Ce billet ne fera
point ouvert , à moins que la piéce n'ait
remporté le prix .
Le Jugement de l'Académie ſera publié
dans l'affemblée ublique du 31 Mai f
2759.
On
JUILLET. 1748. 145
de On a été averti par le programme
P'année précédente , que le fujet du prix
de 1749 , pour lequel les piéces ne font
reçûës que jufqu'au premier Avril de cette
année-là , concernoit la queftion fuivante
:
Expliquer la génération du nître , & déduire
fa compofition defes véritables principes,
en prouvant par des expériences tout ce que
l'on avancera.
•
LETTRE de M. l'Abbé Raynal , écrite à
M. de la Font de Saint Tenne , au fujet de
fa lettrefur l'Hiftoire du Parlement d'Angleterre
à M.le C. de G.
'Ai reçû , Monfieur , la lettre fur mon
ouvrage de l'Hiftoire du Parlement
d'Angleterre , que vous avez eu la bonté
de m'envoyer , & je n'ai pas voulu differer
un inftant de vous remercier de l'honneur
qu'elle me fait. Je l'ai lûë , Monfieur
comme une inftruction judicieufe & polie
, & , ce qui eft inféparable chés moi
avec une reconnoiffance vive & fincére.
Je pense que fi votre jugement eût été plus
févére , le public autoit peut-être été plus
content , & je vous protefte avec candeur ,
que je ne l'aurois pas été moins. Mais
G
146 MERCURE DE FRANCE.
;
vous ne voulez pas fortir de votre caractére
, & l'on retrouve
dans tout ce que
vous écrivez les égards , la modération
, le
zéle ardent pour le progrès des Arts &
des Belles Lettres , & encore plus l'indulgence
pour ceux qui les cultivent
. Les au
tres Critiques
ne plaifent gueres que par
leur malignité
; vous avez trouvé le fecret
de rendre les vôtres intéreffantes
, en y femant
à propos de grands principes
, des
réfléxions
profondes
, des traits agréables
fur les fujets dont vous avez occafion de
parler. Vos écrits reffemblent
à votre commerce
; on en fort mieux inftruit & plus vertueux
. Oferois-je , Monfieur
, vous
demander
un nouveau
fervice ? C'eſt de
me ménager la bienveillance de la perfonnefi
eftimable & par la droiture
du coeur & par la délicateffe du goûr,à qui
vous adreflez votre lettre . Qu'on eft heureux
d'avoir de tels amis ! Je ne tarderai
pas d'avoir l'honneur de vous voir , Monfeur
, & de vous renouveller tous les fertimens
de la plus parfaite eftime & du
plus entier dévouement. Je fuis , &c .
A Fontenay ce 28 Juin.
* M. le Commandeur de Grieu.
;
JUILLET. 1748.
147
LA PAIX , Cantatille nouvelle , à voix
feule , avec accompagnement de violon ,
flûte , muſette & baſſe , miſe en mufique
par M. Quignard. Les paroles font de M.
Cevillain. Le prix eft de 24 fols . A Paris ,
chés Cailleau , Libraire , ruë Saint Jacques,
à Saint André.
On trouve chés le même Libraire toutes
fortes de Théatres & piéces anciennes & nouvelles
, détachées , les Vaudevilles quife chan
tent fur les Théatres , & l'Effaifur les Caractéres
& fur les Paffions.
SONATE a violono folo col baffo , da fignore
GuiseppeTartini, di Padoua operávii , gravées
par Mlle Bertin. Le prix eft de fix livres.
A Paris , chés Madame Boivin , ruë Saint
Honoré .
WIACAPAGAYO WATAKA PANDYA
LETTRE à M. de la Bruere fur le Projes
d'une Place pour la Statue du Roi.
JE
E n'ai aucune connoiffance en Architecture
, Monfieur ; c'eft pourquoi vous
ne ferez pas furpris que j'en parle avec
confiance , bien ou mal . Vous ferez l'ufage
qu'il vous plaira de tout ce que je
vais vous dire à ce fujet. Je dois cependant
vous avertir , afin que ma préfomption
ne vous révolte pas , qu'une inclination
Gij
1448 MERCURE DE FRANCE :
naturelle m'a toujours porté à voir , autant
que j'ai pû, les beaux ouvrages d'Architecture
; j'ai vû tout ce qu'on peut voir en ce
genre en France & en Italie , & je me fuis
quelquefois trouvé , à la vûe des beaux
Edifices , faifi d'un tranfport de plaifir &
d'admiration , qui
qui me feroit penſer , que
mon inftinct pourroit , à quelques égards ,
ne le point céder aux lumieres des gens de
l'Art.
-Mes jugemens ne font point préoccupés,
comme les leurs , par aucune affection
particuliere ; toutes les manieres , car il y
en a dans l'Architecture ainfi que dans la
Peinture , me font égales , & je n'ai pris
aucun parti entre les Palladio , les Bramante,
les Michel- Ange , les Bernin , les Manfard
, les Perrault & autres , pour ne point
parler des modernes : c'eft peut-être un
avantage que j'ai fur les gens de l'Art pour
mieux juger ; la nature eft mon unique
guide , & je ne vois que par fes yeux
.
Vous fçavez quels ont été les mouvemens
de la tendre reconnoiffance de la
Ville de Paris pour les vertus d'un Roi ,
fon Bienfaicteur , qui voudroit n'être connu
de fes peuples que par ce feul titre , &
vous fçavez quel a été le zéle des Magiſtrats
de certe même Ville , pour immortalifer
' les fentimens de la Capitale , par une Place
JUILLET. 1748. 149
publique , dont la Statuë du Roi doit faire.
le principal ornement,
Tous les Architectes ont eu ordre de
donner des Projets , tant pour le lieu qu'on
pourroit choifir , que pour la maniere de
conftruire la Place .
Sans attendre l'avis de ces Meffieurs ,
le public, qui n'eft pas plus Architecte que
moi , a fail une idée qui me paroît une
inſpiration , à en juger par l'applaudiffement
général qu'elle a reçû de tous ceux à
qui on l'a communiquée ; c'eft de prendre
la belle façade du Louvre pour le princi
pal côté de cette Place ; la Riviere & le
Quai pour le côté gauche , & de bâtir une
ligne parallele à la Riviere , avec un quatriéme
côté , à l'endroit où eft la Monnoye,
en face de la Colonade.
Je ne vous parlerai que de l'avantage
dont tout le monde eft frappé d'abord ,
de voir une Place à moitié faite du premier
coup ; l'empreffement que l'on à de
a
voir la ftatuë d'un Roi , fi digne de l'amour
de fes Sujets , élevée dans un lieu auffi convenable
, a été peut- être la principale caufe
de ce premier tranſport , car jamais je n'en
vis ni de plus vif ni de plus prompt.
Imaginez ce que c'est que de recevoir
gratuitement des mains de la nature , pour
cette grande entreprife , le canal du plus
G iij
150 MERCURE DE FRANCE. -
beau fleuve qui arrofe la France , terminé
à l'autre bord par un grand nombre de
beaux Edifices , & de recevoir encore des
mains de l'Art une autre face , qui ne demande
qu'à être montrée , pour faire voir
à tout l'univers que nous ne le cédons à
aucune Nation par les chef - d'oeuvres
d'Architecture.
Je laiffe aux gens du mêtier à donner
des Projets pour les deux côtés qui font à
faire ; nous en avons d'affés habiles , pour
croire qu'ils ne céderont pas aux talens de
leurs prédéceffeurs , mais défions - nous de
leur modeftie ; ils craindront , fans doute ,
que leurs ouvrages ne puiffent pas foûtenir
le parallele de la Colonade , & par
cette raifon ils s'oppoferont de tout leur
pouvoir au vou commun du public , &
voudront qu'on choififfe un autre lieu ; je
préfume davantage de leur capacité , &
c'eft par cette raifon même que je voudrois
les obliger à bâtir vis - à - vis du beau modéle
que leur offre cet admirable Bâtiment.
Quels efforts ne feront point leurs génies ,
é hauffés à cer afpect , pour atteindre à la
fublimité du génie qui créa ce chef- d'oeuvre
? Quelle foule d'idées & de penfées
merveilleufes n'eft on pas en droit d'attendre
de tant d'habiles gens , qui fe difputeront
la gloire d'approcher le plus près
JUILLET. 1748. 151
d'un femblable modéle ? C'eſt Corneille
qui nous a valu les célébres Tragiques
qui l'ont fuivi : pourquoi le célébre Perrault
ne feroit- il pas dans notre Nation des
Emules auffi dignes de lui ? Je fuis trop
François pour ne pas l'eſpérer .
Permettez - moi encore , Monfieur , de
vous faire part d'une idée qui m'eſt venuë
fouvent , en voyant les belles Villes que
j'ai parcourues. Ce n'eft point la quantité
des beaux Bâtimens, qui fait une belle Ville,
mais une certaine harmonie , & un heureux
affortiment des uns avec les autres ,
comme ce n'eft point la quantité des belles
figures , qui fait un beau tableau , mais une
heureufe intelligence à les difpofer & à
les grouper , tant par elles-mêmes que par
leurs lumieres & par leurs ombres . S'il
ne falloit qu'un grand nombre de beaux
Bâtimens, Paris l'emporteroit peut - être fur
Rome , & je fuis cependant forcé d'a .
voiier , tout François que je fuis , que
Rome l'emporte fur Paris ; c'eft que tous
les beaux Edifices de Rome font mis à profit
, pour exciter l'admiration de ceux qui
fe promenent dans cette Ville admirable
au lieu que les Bâtimens de Paris font prefque
tous en pure perte , à l'exception des
Edifices qu'on voit de deffus le Pont-
Royal; afpect qui ne le céde à aucun de
Giiij
152 MERCURE DE FRANCE .
l'univers. Je dis donc qu'avec un petit
nombre de très - beaux Edifices on peut
faire une très- belle Ville , pourvû qu'ils
foient difpofés & diftribués à propos ; &
qu'on en fera une très- médiocre avec un
grand nombre de beaux Bâtimens en tout
pour
genre, s'ils n'ont pas cette heureufe
diſpofition
; c'eft qu'un bel Edifice fe multiplie
l'ornement
d'une Ville , autant de fois que vous donnez
de point
ifferens
pour
le voir , au lieu que celui qui n'eft vû que
d'un feul point , ne fait jamais
qu'un Edi- fice , car je ne parle pas de ceux qu'on a pris tellement
foin de cacher , qu'on ne les voit point du tout : ils doivent
être regar- dés comme
nuls ; j'ajoute
encore que fi les lieux , d'où vous faites envifager
un beau Bâtiment
, font les lieux les plus fréquentés
de la Ville , ceux par lefquels
fes ha- bitans & les Etrangers
paffent
le plus fou- vent , c'est une feconde
façon de le multiplier.
Donnez-moi , par exemple , la Colonade
du Louvre , le Luxembourg , les
Thuilleries & le Portail de Saint Gervais
à placer dans deux rues qui traverferont
le centre de Paris , & qui fe croiſeront .
Que je les place aux extrêmités de mes
deux ruës, dès-lors ces quatre Edifices, étant
vûs continuellement de tous ceux qui vont
THE
K
PUBLIC.3
.
ASTON
, LEY´X
:
JUILLET. 1748 .
153
& viennent par ces rues bien fréquentées ,
fixent l'attention des Etrangers , lefquels
font peu occupés du refte,& ne font frappés
que des points de vûë , qui fe font d'abord
emparés de toute leur admiration ; voilà
la magie de Rome . Dieu veuille que ceux
qui préfident à l'embelliffement de Paris ,
imitent cet artifice innocent ; il n'en coûttera
prefque rien pour en faire la plus belle
Ville du monde. Je fuis , & c.
薪洗洗洗洗洗洗洗洗洗:洗洗洗洗洗洗
L'
SPECTACLES.
'Académie Royale de Muſique continue
avec un ſuccès marqué les repréfentations
du Carnaval & de la Folie ,
Ballet.
On y a joint une Pantomine très - bien
exécutée par Mlle Mimi Dalmand , &
par les fieurs Lani & Sodi , qui après
avoir brillé fur des Théatres étrangers ,
font revenus en France faire applaudir leurs
talens.
M. Royer , connu par fon génie & par
fes ouvrages , a obtenu le Privilége du
Concert fpirituel . On attend, de fa fcience
& de fon génie , des changemens dignes
de l'approbation publique.
Gy
154 MERCURE
DE FRANCE.
Les Italiens ont donné une petite Comédie
d'un acte , avec un divertiffement .
Elle eft de la compofition de M.Rouffeau,
qui a fait repréfenter quelques autres piéces
fur le Théatre François. Celle -ci eft
intitulée l'Année merveilleufe . Nous parlerons
plus au long de cet ouvrage , dont le
fujet eft tiré d'une brochure , qui a eu un
grand nombre de lecteurs.
La Tragédie de Di lon a été depuis peu
remiſe au Théatre par les Comédiens François.
Plus on voit cet excellent Poëme ,
plus on fent quel avantage ç'auroit été
pour la Scéne tragique , que l'Auteur eût
pû continuer de courir une carriere , dans
laquelle il étoit entré.d'une maniere &
brillante. Mlle. Cleron , dans le rôle de
Didon , ainfi que dans les autres rôles
qu'elle a joués , a fait admirer fon jeu noble
& pathétique .
JUILLET . 1748. 155
NOUVELLES ETRANGERES.
DE CONSTANTINOPLE les Juin.
L'Ambaffadeur du Roi de Perfe eut le 2 du mois
dernier fa premiere audience du Grand Seigneur
, & il préfenta à fa Hauteffe fes Lettres de
Créance , avec une copie des Pleins Pouvoirs , par
lefquels il est autorifé à terminer les diverfes affaires
qui restent à regler entre les deux Puiffances.
En conféquence , le Grand Seigneur a nom né des
Commiflaires pour conferer avec ce Miniftre , &
l'on fe flate de conclure bien- tôt avec la Perfe un
Traité , dont il puifle réfalter une paix durable .
Les Mai , le Comte de Caftellane , ci- devant Ambaffadeur
du Roi de France auprès de fa Hauteile,
prit congé du Grand Vifir , qui lui remit une lettre
du Grand Seigneur pour Sa Majefté Très Chrétienne.
On attend ici de Vienne un Miniftre
, chargé par l'Empereur d'avoir recours à
l'autorité de la Porte , afin que les Vaiffeaux de
Livourne , portant Pavillon Impérial , puiffent
naviguer dans la Méditerranée fans être inquietés
par les Corfaires d'Alger. Le Capitan Pacha ayant
reçû ordre de faire voile avec cinq Vaiffeaux de
guerre , fix Galeres & quinze Galiottes , pour aller
croifer dans la Mer Blanche & fur les côtes des
Inles de l'Archipel , tous les Miniftres Etrangers fe
font rendus chés lui , pour lui fouhaiter une heureufe
navigation . Le 6 au matin , il eft forti de ce
Port avec fon Efcadre , & il attend à la Rade le
vent favorable. Le Grand Seigneur l'a vû de la
pointe du Serrail faire toutes les manoeuvres , &
pendant que l'Eſcadre s'eſt miſe au large , on a fait
G vj
156 MERCURE DE FRANCE.
un feu continuel d'artillerie . Il eft arrivé des lettres
du Commandant de la Galere , dont l'équipa
ge s'eft révolté , & qui a été conduite à Malte.
Cet Officier , qui eft fils du Capitán Pacha , fe lone
extrêmement des politeffes qu'il reçoit du Grand
Maître & des Chevaliers. Sa Hautelle compte que
le Roi Très Chrétien voudra bien employer fes
bons offices , pour que ce Commandant foit remis
en liberté. Le 21 du mois dernier , le Baron de
Hochepied , Ambaffadeur des Etats Généraux des
Provinces Unies , reçût avis que la Princeſſe de
Naffau , époufe du Stathouder de ces Provinces ,
étoit accouchée d'un Prince . 11 alla fur le champ
en donner part à tous les Miniftres Etrangers qui
réfident à la Porte , & il fe propofe de célebrer cet
évenement par une fête fort magnifique . La maladie
contagieufe,qui a regué fi long-tems dans cette
Capitale , a entierement ceffé .
Quoique le Grand Seigneur eût reçû depuis
long- tems la nouvelle de la mort de Salem
Giray , Kan des Tartares de Crimée , la Hauteffe
ne lui avoit pas encore donné de fucceffeur . Elle
vient de difpofer de cette Souveraineté en faveur du
Kan Caplan Giray, & elle a fait partir fur le champ
fon Grand Ecuyer pour annoncer à ce Prince fon
élévation . Le nouveau Kan que le Grand Seigneur
, à la séquifition de Salem Giray , retenoit en
Turquie , & qui faifoit fa réfidence dans une maifon
de campagne à quelques lieues de cette Capitale
, eft venu ici remercier fa Hauteffe , & il a
pris enfuite la route de Biacca Saray , Capitale de
la Crimée L'Envoyé Extraordinaire du Roi de
Perfe a eu plufieurs conférences avec les Commiffaires
nominés par le Grand Seigneur pour regler
avec ce Miniftre les divers articles , fur lefquels il
reste encore quelques difficultés à terminer entre
les deux Puiffances . Il eut le premier Juin une au
JUILLET. 1748 . 157
dience particuliere du Grand Vifir , après laquelle
1 dépêcha un courier au Roi de Perfe , pour lui
deinander de nouvelles inftructions. En attendant
le retour de ce courier , les négociations de ce Miniftre
font fufpendues. Le 16 du mois dernier , le
Comte de Castellane , ci- devant Ambaſſadeur da
Roi de France auprès de fa Hautefle , fattit pour
aller s'embarquer à Spalatro fur un Vaiffeau qui
le anfportera à Venife. Le Bailly de Mayo , Envoyé
Extraordinaire du Roi des deux Siciles , prend
actuellement congé des autres Miniftres Etrangers.
Il compte de retourner inceffamment à Naples
à bord d'une Frégate qu'il en attend . Le prêt
des Janiffaires leur fut diftribué le 3 Juin en la
maniere accoûtumée. On a eu encore des lettre's
du Commandant de la Galere que les Forçats, qui
y étoient àla rame , ont conduite à Malte . Sur l'avis
que plus de cinquante perfonnes étoient mortes
fur divers Vaiffeaux arrivés du Grand Caire ,
on a mis ces Bâtimens en Quarantaine .
DE PETERSBOURG , le 17 Juin.
E 25 du mois dernier , l'Impératrice fe rendit
Lde Czarska Zele à Pétershoff, & cette Prin
ceffe étant revenue ici le 26 , le Baron de Breitlach,
Ambaffadeur de la Cour de Vienne , eut le lende
main fon audience de congé de fa Majefté Impé
riale , ainfi que du Grand Duc & de la Grande Ducheffe
. Le Comte de Bernes , qui fuccede à ce Minitre
, fut admis le 31 à l'audience de l'Impératrice
& à celle du Grand Duc. Ce Comte & le Baron
de Breitlach , allerent le 27 avec le Lord Hind.
ford , le Miniftre de fa Majeſté Danoife & celui
de la République des Provinces Unies , voir le
Château de Czarska Zelo. Ils y furent reçûs par
158 MERCURE DE FRANCE.
M. Nariskin , Maréchal de la Cour , & par le Ba
ron de Sievers , Chambellan , lefquels après leur
avoir montré tout ce qu'il y a de remarquable ,
les traiterent fplendidement par ordre de fa Majefté
Impériale , à dîner & à fouper L'Impératrice ,
qui avant fon avenement au Trône a poffedé le
Château de Czarska Zelo , l'avoit embelli dèslors
, autant que la fituation , dans laquelle elle fe
trouvoit , pouvoit lui permettre. Depuis , elle l'a
confidérablement augmenté , & y a fait ajoûter
plufieurs ornemens , qui rendent ce lieu de plaifance
, tant par la beauté du Bâtiment que par
celle des Jardins , l'une des plus belles Maifons
Royales de l'Europe. Il y eut le 21 du mois dernier
à Moscou un incendie confidérable , qui a
duré trente-fix heures. Quatre mille mailons ont
été réduites en cendres , & plus de cinq cens perfonnes
ont péri dans les flâmes. Le feu a été porté
par
la violence du vent à deux Villages voifins,
qui ont été entierement confumés. Le même jour,
la Ville de Veronitz a éprouvé le même malheur ,
& l'on n'a pu conferver que l'Eglife Cathédrale ,
P'Hôtel du Gouverneur & le Palais des Archives.
Toutes les maisons des deux principales rues de la
Ville de Jaraflaw ont été auffi brûlées . On fait
des perquifitions , pour découvrir fi ces accidens
ont été produits par le feul hazard, ou fi c'eft l'ou
vrage de quelques incendiaires. Un autre objer
Occupe l'attention du Gouvernement ; il s'eft répandu
dans les Bois des environs de cette Capitale
plufieurs bandes nombreufes de Brigands , qui
y commettent tous les jours des vols & des affaffinats.
Quelques détachemens de Dragons ont
monté à cheval , pour leur donner la chaffe , &
l'on en a déja arrêté quatre- vingt.
Un courier , parti de Mofcou le 3 de ce mois ,
JUILLET. 17.48. 159
.
avoit rapporté que moyennant les précautions qui
avoient été prifes , le fecond incendie , furvenu
dans cette Ville , commençoir ce jour- là à fe rallentir.
En conféquence , on efperoit d'apprendre
que les flâmes n'avoient point fait depuis de progrès
plus confidérables , torfqu'on a été inftruit
par un fecond coutier , dépêché le 7 , que le feu
s'étoit rallumé avec plus de violence qu'auparavant
; que les quartiers de Nova Bafmanna & de
Mefnitzka avoient été réduits en cendres , que les
flâmes s'étoient enfuite manifeftées dans celui
d'Ouftretinska , occupé par les principaux habitans
de Mofcou ; qu'on avoit vu paroître le feu
dans quatre autres quartiers, & que le 7 au foir plus
de la moitié de la Ville étoit brûlée. On y a arrêté
encore plufieurs perfonnes , foupçonnées d'être les
auteurs de ce défaftre , & l'on a trouvé des billets
qui annonçoient que le 9 il ne refteroit pas une
maifon dans Mofcou . Dans ces triftes circonftances
, on a auffi reçu avis que la Ville de Gluxow
en Ukraine avoit éprouvé le même malheur , &
de la maniere dont le feu y a pris , il n'eft point
douteux que ce ne foit l'ouvrage de quelques Incendiaires
. On a découvert qu'il y avoit à Derpt
une troupe de ces célérats , dont le projet étoit de
détruire divertes autres Villes, du nombre defquelles
étoit cette Capitale . Quoiqu'on le foit affűré
d'eux , on ne néglige pas les mefures nécellaires
pour la garantir des entreprifes des mal - intentionnés
, qui ont pu échapper aux recherches du Gou
vernement , on a doublé dans toutes les rues la
Garde Bourgeoife , & l'on a fait occuper les avenues
de la Ville par des Piquets des Régimens des
Gardes. L'Impératrice a envoyé un Officier de diftinction
à Moscou , pour y donner fes ordres concernant
le rétabliffement de la Ville , les moyens
160 MERCURE DE FRANCE .
de pourvoir à fa confervation, & la diftribution des
fommes que fa Majefté Impériale a deſtinées au
foulagement des habitans . Pendant que le Grand
Duc & la Grande Ducheffe de Ruffieétoient à Goftilitz
, une Sentinelle, qui étoit en faction près de
la maifon dans laquelle ils étoient logés , s'apperçût
de quelque mouvement extraordinaire dans diverfes
parties de ce Bâtiment . Auffi- tôt il en fit
avertir ce Prince & cette Princeffe , qui fe retirerent
avec précipitation , & à peine furent - ils fortis
de la maifon , qu'elle écroula . Plufieurs de leurs
Officiers & de leurs Domestiques ont péri fous les
ruines ; d'autres ont été dangereufement bleflés .
Sa Majefté Impériale a fait au Baron de Breitlach
Ambaffadeur de l'Impératrice Reine de Hongrie
& de Boheme , un préfent double de celui que les
Ministres des autres Puiflances Errangeres ont
coûtume de recevoir. Ce Seigneur partit hier
retourner à Vienne .
DE WARSOVIE , le 30 Juin.
pour
Eurs Majeftés affifterent le jour de la Fête de
La Pentecôte dans l'Eglife de Saint Jean à la
Meffe , à laquelle M. Dembousky, Evêque de Plocxo
, officia pontificalement . Elles retournerent enfuite
auPalais,& y dinerent en public avec plufieurs
Sénateurs. Le 3 de ce mois le Caftellan de Czersxo
& le Star ofte de Berezony , Députés du Tribunal
de Radom , furent admis à l'audience du Roi ,
& lui rendirent compte des affaires portées devant
ce Tribunal. La Cour devient de jour en jour plus
nombreuſe par l'arrivée des Sénateurs & de plufieurs
autres perfonnes de diftinction .
' Le Roi s'eft trouvé indifpofé , & même il a eu
un accès de fièvre affes violent , mais à préfent fa
JUILLET. 1748. 161
;
fanté eft parfaitement rétablie. Sa Majeſté a difpofé
des Dignités vacantes , & elle a accordé celle
de Caftellan de Cracovie au Comte Potocky ,
Grand Général de la Couronne ; celle de Palatin
de Pofnanie au Comte Szoldresky , Palatin d'Inowdiflaw
, celle de Palatin de Brzefcz au Comite
Sapieha , Garde des Archives du Grand Duché de
Lithuanie celle de Palatin d'Inowdiſlaw au
Comte Szolarskу , Général de la Grande Pologne;
celle de Garde des Archives de Lithuanie au
Comte Oginsky , Grand Tréforier de cette Province
; celle de Caftellan de Pofnanie au Comte
Karczinsky, celle de Caftellan de Kalisch , au Com
te Guronsky, & ceile de Caftellan de Gnefne à M.
Zaсkrzewskу. La Lithuanie vient d'effuyer les
mêmes accidens que la Ruffie. La Ville de Mobilow
, qui fert d'entrepôt au commerce de cette
Province avec l'Ukraine , a été entierement confumée
par les flâmes Il y a eu le 11 de ce mois à
Wilna un autre incendie , qui a ruiné la plus gran,
de partie de la Ville. Le feu y a commencé par la
maifon dans laquelle fe débitent les eaux de vie ,
& où les Juifs , qui en ont la ferme , avoient eu la
négligence de laiffer des charbons allumés dans
une chambre où l'on venoit de diftiller .
L
DE COPPENHAGUE , le 29 Juin.
A Reine , accompagnée des Dames de fa Cour
& de fes principaux Officiers, fe rendit le 19 de
ce mois à Elleneur . Sa Majefté fut complimentée
à la Porte par les Magiftrats , & en entrant dans la
Ville , elle fut faluée d'une décharge générale de
l'artillerie des remparts & du Port . Dans les rues où
elle pafla, elle trouva la Bourgeoifie rangée en double
haye fous les armes. L'après midi , la Reine alla
fe promener fur les remparts , & s'étant renduë à la
162 MERCURE DE FRANCE.
Batterie du Pavillon , elle vit une Flotte Hollandoife
, qui eft venue fous l'efcorte de deux Vaif
feaux de guerre. Vers le foir , la Reine retourna à
Frederichfbourg . On a appris par un courier arrivé
d'Altena, que le Roi en a dû partir le 19 pour revenir
en cette Capitale . Les lettres du Holftein s'étendent
beaucoup fur la magnificence de la réception
qui a été faite à ce Prince dans toutes les Villes
de ce Duché. Chacune à l'envi s'eft empreffée
de fe diftinguer par des fêtes éclatantes , & il ſeroit
difficile d'exprimer la joye que les habitans
ont tépoignée d'être honorés de la préfence de
leur Souverain . Le Vaifleau le Poftillon arriva le
21 d'Amérique , ayant à bord une grande quantité
de marchandifes. L'Efcadre , fortie il y a quelque
tems de ce Port fous les ordres dn Comte de Danneskiold
Laurwig pour aller croifer dans les mers
du Nord , a été obligée par la tempête de relâcher
fur la côte de Norwege. Une des Frégates de cette
Eſcadre a perdu fon Mâts de Hune , & l'Eperon
d'une autre à beaucoup fouffert. On affûre que ce
dommage a été réparé en cinq jours , & que le
Comte de Danneskiold Laurwig a remis à la voile.
M. de Hoitfeld , Général d'Infanterie & Commanmandant
de Frederichshall , eft mort depuis peu
dans cette Fortereffe .
Avant hier , le Roi arriva du Holſtein , fa Majefté
ayant remis à un autre tems le voyage qu'elle
s'étoit propofé de faire dans quelques - uns de
fes Comtés d'Allemagne. Ce Prince fit le même
jour la revue du Régiment de Zeelande qui eft ici
en garnifon , & hier il alla dîner à Hirfcholi .
Lorfque le Roi paffa le 8 au Château d'Ennedorf,
il y fut traité le matin & le foir par M. de Mercieres
, Confeiller de Conférence , à qui cette maiſon
appartient , & il y vit une repréfentation des CoJUILLET.
1748. 163
médies Françoifes du Philofophe Marié & d'Arles
quin Sauvage , jouées par des Comédiens que fa
Majefté fait venir dans certe Capitale . On leur
conftruit un magnifique Théatre dans un des plus
beaux quartiers de la Ville , & l'on compte qu'il
fera achevé vers la fin du mois prochain. Les Comédiens
Danois font auffi bâtir un nouveau Théa
tre dans le Marché Royal à la vieille Fonderie ,
maifon dont le Roi leur a fait préfent . Le feu prit
la femaine derniere au Palais dans l'Antichambre
de fa Majefté. Heureufement , on arrêta promp
tement le progrès des flâmes , & le dommage a été
peu confidérable.
On mande de Stockholm , que la maladie du
Roi de Suéde étant augmentée confidérablement
ces jours derniers , on a fait des prieres publiques
dans toutes les Eglifes de cette Ville , pour deman
der à Dieu le rétabliffement de la fanté de fa Ma❤
jefté . Elle le porte à préfent beaucoup mieux , &
on efpere qu'elle pourra bien - tôt paroître en public
Le Prince Royal s'étant rendu le 25 du mois
dernier à Upfal , Pl’Ú iverſité , dont il a bien voulu
accepter le Titre de Chancelier , le complimenta
le lendemain fur on arrivée . Il alla le 27 à l'Académie
, où M Celfius Grand Prévôt de l'Eglife
Métropolitaine le harangua. Ce Prince affifta enfu
te au Confiftoire , après lequel on foûtint une
Théfe en fa préfence dans les Ecoles de Théologie
. Le 28 , le Prince Royal fit la revûë du Régiment
d'Uplande , dont les deux Bataillons après
diverfes évolutions militaires marcherent l'un con
tre l'autre , & exécuterent un combat fimulé , le
premier de ces Bataillons ayant à fa tête le Prince
Royal , & le fecond étant conduit par le Baron
d'Ungern Sternberg , Lieutenant Général, Le
Prince Royal vifita le 31 les réparations qui ont
164 MERCURE DE FRANCE.
été faites par fon ordre au Château & au Jardin
de Botanique, & l'après midi il partit d'Upſal pour
revenir ici.
ALLEMAGNE .
De Vienne , le premier Juillet.
L'Impératrice Reine vint ici de Schombrunn le
10 du mois dernier , pour donner audience à
Shaddi Muftapha Effendi , Envoyé Extraordinaire
du Grand Seigneur. Ce Miniftre fut conduit à
cette audience par M. de Schwacheim , Premier
Interprete de fa Majefté Impériale pour les Langues
Orientales, lequel étoit allé le prendre en fon
Hôtel dans un des caroffes de l'Impératrice . Les
préfens , que le Grand Seigneur a chargé fon Envoyé
de remettre à cette Princeffe , font un Bouquet
de pierres précieufes , difpofées de telle façon
qu'elles forment differentes feurs ; une Chaine
d'or , dont l'Agrafe eft de diamans ; un grand nom
bre de Piéces d'Etoffes de foye , brochées en or &
en argent ; plufieurs Tapis travaillés en or , en argent
& en foye, & quelques Boëtes remplies de
Baume de la Mecque . Ceux deftinés pour l'Empe .
reur font une Aigrette de diamans ; une épée enrichie
de rubis ; un Sabre de Damas , dont la poignée
eft de Jafpe , & le foureau garni de plaques
d'or , un harnois de cheval , avec une broderie de
perles. Ils ont été expofés pendant plufieurs jours
à la vue du public dans la Salle des Chevaliers .
Leurs Majeltés Impériales , accompagnées du
Prince & de la Princeffe de Lorraine , partirent le
11 pour la Moravie avec une fuite de vingt - cinq
carofles. Le même jour , elles coucherent au Château
de Nicolafbourg chés le Prince de Dietrich
JUILLET . 1748. 165
elles
Rein. Elles arriverent le 12 à Brinn , & le 14
yvirent patler la premiere Colonne des troupes
Ruffiennes , que le Roi de la Grande Bretagne &
la République des Provinces - unies ont prifes à leur
fervice. Des Députés des Etats de Moravie le font
reħdus à Brinn, pour complimenter leurs Majeftés
Impériales , & ils ont préfenté à l'Impératrice une
Bourſe de trente mille ducats , que la Province lui
a envoyée en forme de DonGratuit.Les Etats de la
Baffe Autriche ayant fait le 14 l'ouverture de leur
affemblée , le Comte de Haugwitz que l'Impératrice
a nommé , pour y affifter en qualité de fon
Commiffaire,yfut conduit par desDéputés des trois
Ordres , & reçû au bas de Peſcalier par le Comte
de Brewner , qui exerce par interim les fonctions
de Maréchal de la Province. Lorsqu'il eur fair
part à l'affemblée des demandes de l'impératrice ,
il fut reconduit avec les mêmes cérémonies qu'on
avoit obfervées à fon arrivée . Il vint le 12 d'Aix•
la-Chapelle un courier , dont les dépêches furent
auffi tôt envoyées à leurs Majeftés Impériales. On
continue de faire marcher des recrues pour les Régimens
qui doivent refter dans les Pays Bas . Deux
des trois Bataillons de Croates , qui avoient pris la
route de la Hollande , ont repaffé ici pour retour
ner en Esclavonie . Le Régiment de Collowrath
qui eft en garnifon dans cette Ville ; a ordre de fe
rendre à Hermanstadt. On affûre que le Prince
Louis de Brunſwick Wolfenbuttel , obtiendra le
Gouvernement d'une des principales Villes du Brabant
. Le bruit court auffi , que le Comte de Schrat.
tenbach , Chanoine de l'Eglife Cathédrale d'Olmutz
, fera nommé Coadjuteur de l'Archevêque
de Prague.
Leurs Majeftés Impériales revinrent de Morawie
le 21 , & ayant traversé cette Ville , elles fe
166 MERCURE DE FRANCE.
rendirent au Château de Schombrunn , pour voir
les Archiducs & les Archiducheiles. Eiles allerent
enfuite à Hetzendorff rendre vifite à l'Impératrice
premiere Douairiere. Les Etats de la Baffe Autriche
continuent avec beaucoup d'affiduité leurs
délibérations fur les demandes qui leur ont été faites
de la part de l'Impératrice Reinè par le Comte
de Haugwitz , & fur les moyens de mettre un
meilleur ordre dans l'adminiftration, des Finances
de la Province . On s'attend d'apprendre bien- tôg
que conformément aux ordres envoyés au Feldt-
Maréchal Comte de Browne par l'Impératrice
Reine , les hoftilités ont ceffé en Italie . Le bruit
court qu'on n'y laiffera que le nombre de troupes
néceffaires pour la garde des Places . Deux cens
Déferteurs des troupes Eſpagnoles & Géneifes ont
pris parti dans le Régiment de Vafquez . Le Comte
de Henckel & le Baron de Bechini doivent aller
dans la Strie & dans la Carinthie en qualité dẹ
Commiffaires de l'Impératrice Reine , pour y regler
plufieurs affaires concernant la Juftice & les
Finances. Cette Princeffe a accordé à M. de Waldaften
la charge de Chancelier du Haut Tribunal
de Moravie , & M. de Wanfura a été pourvû de
celle de Vice-Grand Chambellan du Royaume
de Bohême .
Depuis le retour de leurs Majeftés Impériales ,
on a appris que lorfqu'elles avoient vû défiler les
troupes Ruffiennes , l'Impératrice Reine avoit fait
diftribuer plufieurs préfens aux Officiers , & un
florin à chaque foldat. M. Buſch , Miniftre du Roi
de la Grande Bretagne comme Electeur de Hanover
, ayant reçû ordre de ce Prince d'aller le joindre
, fe rendit le 23 à Schombrunn , où il eut une
audience de l'Empereur & de l'Impératrice . Leurs
Majeftés Impériales allerent le 25 voir à Mannerf
JUILLET. 1748 . 167
dorf la Comteffe de Fufch. Les Etats de la Baffe
Autriche n'ont point encore pris de réfolution fut
les demandes qui leur ont été faites. Ils ont établi ,
pour examiner la maniere de mieux repartir les
taxes , une Commiffion compofée des Abbés
d'Altenbourg & de Sainte Claire ; du Comte de
Harrach , Grand Veneur ; du Comte d'Averfperg,
& de M. Mofer , Vice Maréchal de la Province,
Le Régiment de Cuiraffiers de Bernes , qui eft dans
cette Ville , doit retourner en Hongrie , & il fera
remplacé ici par le Régiment de Dragons du Prin
ce Jofeph , qu'on attend des Païs Bas. Shaddi Ef
fendi , Envoyé Extraordinaire du Grand Seigneur,
étant allé il y a quelques jours vifiter la Salle des
Curiofités , & ne s'étant fait accompagner que par
une fuite peu nombreufe , plufieurs de fes Domeftiques
s'imaginerent que fon deffein étoit de leur
dérober la connoiffance des préfens que leurs Majeftés
Impériales deftinoient à la Hauteffe . A fon
retour , ils lui firent de violens reproches à ce fujet
, & peut être fe feroient- ils portés à d'autres
extrémités , fi ce Miniftre n'avoit reclamé l'affiftance
du Gouvernement , qui a fait arrêter les plus
mutins , & les a envoyés à Belgrade.
DE BERLIN le 9 Juillet.
E 30 du mois dernier , le Roi revint du Duché
de Magdebourg , où la Majefté étoit allée faire
la revue des troupes qui y font en quartier Ces
troupes font les Régimens d'Infanterie d'Anhalt-
Deffau , de Bredow. , de Bonnin , de Kleift , de
Borck & de Derschau , & quatre Régimens de Cuiraffiers.
Le Roi, accompagné du Prince Ferdinand,
de Brunſwick , vint hier de Potſdam en cette Ville.
Après avoir tenu Confeil d'Etat , ce Prince fe ren
768 MERCURE DE FRANCE.
>
dit à Monbijoux , & y foupa chés la Reine Douai
riere avec les Princes & les Princeffes de la Famille
Royale. Le Comte & le Baron de Bredow ,
Lieutenans Feldt . Maréchaux ont été nommés
Chevaliers de l'Ordre de l'Aigle Noir. Il a paffé
ici un Officier François , chargé de dépêches
pour le Marquis de Lanmary , Ambaffadeur du
Roi Très-Chrétien auprès du Roi de Suéde.
L'Académie des Sciences & des Belles Lettres éta .
blie en cette Ville , aa élû pour Affociés M. Baumgarten
, Profeffeur en Théologie à Hall ; le Chevalier
Hedelinger , célébre par la connoiffance
qu'il a des Médailles ; M. Becman , Profeffeur du
Collège de Saint Joachim ; Meffieurs Paſſavant &
Battier, Suifles , & M. Julien Offray de la Mettrie,
de Saint Malo. Sa Majefté a fait préfent à M. de
Maupertuis , Président de l'Académie , de deux
Globes d'argent , qui étoient dans la grande Salle
des appartemens du Roi Frederic J.
DE HANOVER le 2 Juillet.
LEComte de Stadian , que l'Electeur de
Mayence a envoyé,pour complimenter le Roi
fur fon heureuſe arrivée dans les Etat d'Allemagne
, eût avant-hier audience de fa Majeſté . L'Evêque
Suffragant de Hildesheim s'eft acquitté
d'une femblable commiffion de la part de l'EJecteur
de Cologne. Avant- hier , le Prince Guil
laume de Heffe Caffel arriva en cette Ville , &
hier il fe rendit à Herrenhaufen. Ce Prince a déja
conferé deux fois avec le Roi au fujet des affaires
de l'Empire , & des arrangemens qui doivent y être
pris en conféquence du rétabliflement de la tranquillité
générale. Un courier , dépéché d'Aix- la-
Chapelle par le Comte de Sandwich , a apporté la
nouvelle
JUILLET. 1748. 169
nouvelle de l'Acceffion du Roi d'Eſpagne aux -Articles
Préliminaires de Paix. Selon les apparences
on ne tiendra point de Congrès dans les formes ,
& les Puiffances , qui ont été en guerre , préfereront
de conclure le Traité Définitiffur le fondement
de ces Articles , afin d'éviter les longueurs
aufquelles la difcuffion d'autres intérêts pourroit
donner lieu . Il eft parti un courier pour Vienne
avec des inftructions pour le Chevalier Robinſon ,
Miniftre de fa Majefté auprès de l'Impératrice
Reine de Hongrie & de Boheme. On prétend ici ,
que ces inftructions regardent la Convention qu'il
eft neceffaire de faire avec la Cour Impériale , par
rapport au féjour des troupes Ruffiennes dans le
Royaume de Boheme , & que les bruits, qui le répandent
fur la marche ultérieure de ces troupes ,
n'ont aucun fondement.
DE FRANCFORT le 28 Juin.
L paroît un écrit , par lequel le Duc de Wirtemberg
refute un Mémoire publié par l'Evêque de
Conftance , touchant les differends furvenus entre
ces deux Princes au fujet de l'affaire de l'Affociation
des Cercles. On aflûre que l'Electeur de
Mayence fera élû dans peu Coadjuteur de l'Evê.
ché de Worms , & Prevôt d'Elwangen. Selon lest
avis reçûs de Ratisbonne , la Régence de Naffau
Weilbourg a fait porter des plaintes aux Miniftres
du Corps Evangélique contre les Catholiques de
cette Principauté , & ces Miniftres ont écrit à
P'Empereur pour le prier d'y avoir égard. Les nouvelles
de Hanover portent qu'on y célébra le 22
de ce mois avec une très grande magnificence
l'Anniverfaire de l'Avenement de fa Majefté Britannique
au Trône de la Grande Bretagne . Ce
H
170 MERCURE DEFRANCE.
Prince a difpofé de la Lieutenance Colonelle du
Régiment de Platen , en faveur de M. de Land- :
fberg. On mande de Drefde , que le premier
tirage de la Lotterie des Rentes Viagéres a été fait
le 17 & les quatre jours fuivans. Les numeros
770,806 , 1237 , 87 & 670 , ont gagné les prin
cipaux Lots de ce Tirage.
ESPAGNE,
De Madrid le 2 Juillet.
E feu prit le 15 du mois dernier au Château
L& qu'on
cût beaucoup de peine à arrêter le progrès de l'ineendie
, & les Bâtimens ont été confidérablement
endommagés , mais on a eu le bonheur de fauver
les meubles & les effets les plus précieux. Cet accident
a obligé leurs Majeftés de revenir au Palais
da Buen Retiro. Le 13 , Fête du Saint Sacrement ,
le Roi accompagné des Ambaffadeurs , des Grands,
& de fes principaux Officiers , entendit dans l'E
glife Paroiffiale du Château d'Aranjuez la Grande
Meffe , célébrée pontificalement par le Cardinal
Patriarche des Indes , & fa Majeſté afſiſta enſuite
à la Proceffion . Don Jofeph Marie Tineo a ob
tenu un Titre de Caftille pour lui & pour les Def.
cendans , fous le nom de Marquis de Calatremanes.
Le Roi, ayant jugé à propos d'établir un Corrégidor
particulier à Bétanzos , a nommé Don
François-Xavier Gonzales d'Eftrada , pour remplir
cet emploi. Sa Majefté a diſpoſé de celui de Corregidor
de Vivéro en faveur de Don Salvador de
Sévilla Cabeza de Baca. Dona Marie Anne de
Borja y Centellas Fernandez de Cordoue, Ducheffe
JUILLET. 1748 . 171
de Gandia y Bejar , eft morte en cette Ville dans
la foixante- douzième année de fon âge.
Don Juan d'Altamirano de Mendieta a obtenu
l'Abbaye d'Uxijar de las Alpujarras, & le Roi a
accordé la dignité d'Archidiacre de l'Eglife Cam
thédrale de Malaga à Don Manuel Gonzales Pi
mentel , Tréforier de l'Eglife Cathédrale d'Aftorga
; un Canonicat de l'Eglife Métropolitaine de
Grenade à Don Antoine de Mérida y Morales ;
un de l'Eglife Collégiale de Baza à Don Alonfe
Mérino de Cortes , & une place de Chapelain de
la Chapelle Royale de Seville à Don Vincent Jofeph
Niéto de Guillamas. L'Intendant de Marine
de Barcelonne a mandé à fa Majefté , que les deux
Galéres le Saint Philippe & le Saint Janvier , commandées
par le Marquis de Camachos , y avoient
conduit un Corfaire de Port Mahon , monté de
vingt canons & de dix pierriers , fur lequel on a
trouvé un grand nombre d'armes & de barils de
grénades. Elles ont auffi repris un Navire dont ce
Corfaire s'étoit emparé , & qui avoit fait voile de
Cartagéne avec un chargement confidérable de
bled. Une Barque , armée en courſe dans l'Ife
Mayorque , a enlevé près du Détroit de Gibraltar
un petit Bâtiment , dont l'équipage étoit compofé
de trente hommes. Sa Majefté a fupprimé la
Foire , qui fe tenoit chaque année pendant trois
jours du mois de Septembre dans la Ville de
Horcajo.
Le 27 , l'Infant Cardinal & l'Infante Marie-
Antoinette retournerent joindre la Reine Douairiere
au Château de Saint Ildefonfe . Le Roi a
nommé à l'Evêché de Ciudad Rodrigo Don Pedre
Gomez de la Torre , Grand Pénitencier de
l'Eglife Cathédrale d'Oviedo. L'Intendant de
Marine de Galice a donné avis au Roi , que los
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
Armateurs Michel Oliveira & Pierre de Ges s'étoient
emparés , le premier du Brigantin Anglois
'Heureux , qui portoit diverfes marchandifes à
l'Ile de Madére ; le fecond de la Frégate la Sara ,
de la même Nation . Ce dernier Bâtiment avoit
fait voile de Darmouth pour la Barbade avec un
chargement de cidre & de bierre. Un Corfaire de
Port Mahon a été pris & conduit au Port de Palma
par un Chabec qu'on y avoit armé pour lui donner
la chaffe .
Les Lettres de Lifbonne marquent qu'on y
' avoit célébré le 6 de Juin l'Anniverfaire de la
naiffance du Prince du Bréfil , qui est entré dans
la trente- cinquième année de fon âge. Ces lettres
ajoutent que Don Manuel Gomez de Carvalho ,
Confeiller d'Etat du Roi de Portugal ; Don Duarte
Salter de Mendonça , Confeiller du Confeil des
Finances de ce Prince , & Don Gonfalve Jofeph
de Silveira Préto , Corrégidor du Civil de la Cour,
avoient été nommés Confeillers du Confeil des
Finances de la Reine de Portugal. On a fçû par
les mêmes avis , que Don Martin Velho de Barbofa
, Gentilhomme de la Maiſon du Roi de Portugal
, a épousé Dona Antoinette de Caftro Soufa
Menezes , & que Don Manuel Lopes Simoens
Evêque de Portalegre , eft mort dans fon Diocèfe,
âgé de foixante & dix ans.
GRANDE - BRETAGNE.
De Londres , les Juillet. -
?
Lle Secrétaire de la Guerre fut l'état des trou-
Es Régens du Royaume , après avoir confulté
pes , ont réfolu de congédier tous les nouveaux
Régimens , auffi-tôt qu'on aura reçû la nouvelle
JUILLET. 1749. 173
de l'Acceffion du Roi d'Efpagne aux Articles Pré-
Jiminaires . On affûre qu'en attendant , le Gouvernement
réformera quatre des Régimens de
Marine. Le Bureau de l'Amirauté fait revenir de
P'Amérique les Vaiffeaux de guerre le Cornouailles ,
de quatre-vingt canons , le Lenox , de foixante &
dix ; le Dreadnought , le Worcester & le Sunderland,
de foixante , le Sutherland & le Stafford , de cinquante
; l'Entreprise , de quarante ; le Bedford ,
de vingt , & le Brûlot le Pool. Il doit auffi rappeller
de la Méditerranée vingt trois Vaiffeaux de
Ligne , deux Brûlots , quatre Chabecs & cinq
Chaloupes. Par des lettres de la Jamaïque du 13
Avril , on avoit appris que l'Amiral Knowles y
étoit retourné , n'ayant pû réuffir dans fon entreprife
contre Sant Jago de Cuba , parce qu'il en
avoit trouvé le Port fermé par une très- groffe
chaîne , derriere laquelle les Efpagnols avoient
pofté deux Vaiffeaux bien armés & deux Brûlots ,
préparés pour mettre le feu aux Bâtimens Anglois
qui tenteroient de forcer le paffage . Depuis , on
a été informé que cet Amiral avoit remis à la voile,
dans le deffein d'intercepter une Efcadre Françoife
fur les côtes d'Hifpaniola , mais que le Vaiffeau le
Cornouailles , qu'il montoit , ayant échoué , il avoit
fufpendu l'exécution de fon projet . Selon les mê
mes nouvelles , il y adans le Port de la Havane
une Efcadre Espagnole , compofée de deux Vaiffeaux
de foixante & dix canons ; de quatre autres
de foixante ; d'un de cinquante ; d'un de vingtquatre
, & de deux de quatorze. On y conftruit
deux Vaiffeaux de quatre- vingt canons, & l'on y en
a lancé à l'eau deux de foixante & feize, Le IS du
mois dernier, les Amiraux Warren & Hawke rentre>
rent avec leurs Eſcadres dans lePort de Porftmouth,
où l'on mande que le Vice- Amiral Schrywer
H iij
174 MERCURE DE FRANCE.
с
eft arrivé à Spithead avec trois Vaiffeaux de guerre
Hollandois. M. Schick , Secrétaire d'Ambaflade,
chargé des affaires des Etats Généraux des Provinces-
Unies , remit le 11 un Mémoire au Duc de
Newcaſtle , pour réclamer un Navire de cette Nation
, lequel a été pris par des Corfaires Anglois
en allant de Nantes à Rotterdam . Le 19 , le
Duc de Newcastle s'embarqua pour paffer en
Hollande..
Le Prince & la Princeffe de Galles allerent le
23 coucher à Blackeath , d'où ils fe rendirent le
lendemain au Château de Kew. Le 20 , les Lords.
Régens du Royaume firent publier qu'on délivreroit
les Paffeports néceflaires aux Négocians , qui
-voudroient faire partir des Navires pour la France,
& que pour cet effet ils pourroient s'adreffer aux
Bureaux de l'un des Secrétaires d'Etat. On reçût
le 25 l'agréable nouvelle , que le Roi d'Espagne
avoit envoyé ordre au Marquis de Sotto Mayor
fon Miniftre Plénipotentiaire àAix- la - Chapelled'accéder
aux Articles Préliminaires . M. Wale ,
chargé ici d'une commiffion de la Majesté Catho
lique , conféra le même jour à ce fujet avec le
Duc de Bedford , Secrétaire d'Etat, & le lendemain
il expédia un courier pour la Cour de Ma
drid. Une Flotte Marchande, deftinée pour la nou
velle Angleterre , pour la Caroline , & pour quel
ques autres endroits de l'Amérique Septentrionale,
fit voile de Spithead le 20 fous l'escorte d'une Efcadre
de fept Vaiffeaux de guerre , dont un doit
conduire au Cap Bréton le Contre- Amiral Watfon
, Gouverneur de Terre- Neuve. Il y a dans
cette Flotte plufieurs Bâtimens chargés de mats,
de cables & d'autres agrès . Plufieurs Vaiffeaux de
guerre ont ordre de fe mettre en mer , & l'on croit
que c'eft pour donner la chaffe à divers Navires
JUILLET.
175 1748.
qui font la contrebande . On mande de la Floride ,
que plus de trente de nos Bâtimens ont fait nau
frage fur la côte. Les mêmes lettres marquent
qu'une Chaloupe de guerre du Roi a pris entre
Port Louis & Léogane un Navire François de dix-
-huit canons , & de cent vingt hommes d'équipage.
Il a été réfolu de faire revenir des Pays- Bas trois
Régimens d'Infanterie & deux de Cavalerie , &
l'on affûre que le Gouvernement ne tardera pas a
en rappeller plufieurs autres. Cinq cent Matelots ,
qui avoient été enlevés pár force , afin d'être employés
fur les vaiffeaux de fa Majefté , ont été re-
Jâchés. Le Chevalier de Champigny , Miniftre de
P'Electeur de Cologne , eft parti pour Hanover ,
& le Chevalier de Montecuculli a pris la route de
Vienne , où il va réfider en qualité de Miniftre du
Duc de Modéne. On a fçu par un Bâtiment arrivé
d'Antigoa à Briſtol , que le Chef d'Eſcadre Pocok
continuoit de bloquer un des principanx Ports de
Ja Martinique , mais que plufieurs Corfaires François
, profitant de cette circonftance , faifoient la
courfe avec avantage. Six Compagnies du Régiment
de Dragons , qui eft en garnifon à Glaskow,
font allées vers le Nord , afin d'achever de défarmer
les Montagnards d'Ecoffe . Le Gouvernement
a reçû de divers endroits des Relations fort
triftes au fujet des dommages caufés dans plufieurs
Provinces par l'orage du 23. La Ducheffe d'Athol
& la Ducheffe Douairiere de Kent font mortes en
Bette Ville ,Pune le 24 , l'autre le 25 .
Le Prince & la Princeffe de Galles tinrent le 29
fur les Fonts le fils , dont la Comteffe de Carlile
eft accouchée. Cet enfant fur nommé Frederic , &
P'Evêque de Bangor lui adminiftra le Batême. Let
premier de ce mois , le Prince de Galles retourna à
Kew pour y pafler le refte de la belle faifon . On
Hiiij.
176 MERCURE DE FRANCE.
>
affûre que le Duc de Cumberland n'ira point a
-Hanover avant de revenir ici Il est arrivé
un courier , par lequel on a reçû avis que les Marquis
de Sotto Mayor & Doria , Miniftres Plénipotentiaires
du Roi d'Efpagne & de la République
de Génes , avoient accédé de la part de la Majesté
Catholique & de cette République aux Articles
Préliminaires . En même tems , on a appris que le
Duc de Newcaſtle , après avoir paffé quelque tems
à Neftelroi auprès du Duc de Cumberland
avoit continué fa route vers Hanover. Le 30 da
mois dernier , le Chevalier Jean Grey arrivà de
Véniſe , où il a réfidé en qualité de Miniſtre de la
Grande Bretagne depuis le départ du Comte de
Holderneff , Ambaffadeur du Roi auprès de cette
République. On attend inceffamment de Berlin
M. Charles- Henri Williams , qui y étoit Envoyé
Extraordinaire de fa Majefté , & qui a été rempla
cé par M. Legg. Le Comte de Haflang , Miniftre
de l'Electeur de Baviere , fe difpofe à fe rendre à
Hanover. La communication avec la France eft
rétablie & les Pacquebots recommencent à
paffer de Douvres à Calais , moyennant un Paffeport
qu'ils font obligés de prendre à l'un des Bu
reaux des Secrétaires d'Etat. Selon les lettres de
Ja Jamaïque , l'Amiral Knowles en a fait voile
avec toute fon Efcadre , qu'il a partagée en deux
Divifions qui ont pris des chemins differens,
Quelques jours auparavant , il s'étoit emparé d'un
Navire , lequel portoit quelques avis à la Havane.
Les Vaiffeaux de l'Efcadre de l'Amiral Нawkе
ont enlevé à la hauteur de Newfounland onze
Bâtimens de la Martinique. Hier , les Directeurs
de la Compagnie des Indes Orientales reçûrent
des dépêches apportées à Falmouth par un Vaiffeau
Suédois , qui y a . relâché en revenant de
>
JUILLET. 1748 . 177
Canton. Ils ont été informés par ces dépêches
que fept Navires de la Compagnie étoient arrivés
de Bencolen & de la Chine à l'Ifle de Sainte He-
Jéne . Les mêmes dépêches marquent, que le Vaiffeau
le Saint Georges eft refté à la Chine. Tout l'or
que les deux Vaiffeaux de guerre , arrivés dernierement
de Lisbonne à Portfmouth , ont apporté
pour le compte des Négocians de Londres , fut
dépofé hier à la Banque. Il a été conduit ici fur
neuf chariots efcortés par quarante- cinq Matelots,
à chacun defquels on a donné une guinée . On a
fçu par un Orage , qui eft revenu depuis peu de
Dunkerque , que les Armateurs de ce Port ont fait
l'année derniere deux cent quatre-vingt - huit pri
fes , dont cent trente- huit fe font rachetées. La
Ducheffe de Newcaftle doit s'embarquer à bord
du Yacht la Caroline pour la Hollande , & après
avoir fait un voyage à Hanover , elle ita prendre
les eaux d'Aix- la-Chapelle. Les Actions de la
Compagnie de la mer du Sud font à cent neuf
celles de la Banque à cent vingt hurt , trois quarts
celles de la Compagnie des Indes Orientales à cent
quatre vingt- quatre & demi , & les Annuités àcent
deux.
FAIS - BAS
Dela Haye , le 12 Juillet.
Left arrivé d'Aix-la-Chapelle un courier , par
lequel on a été informé que le 28 du mois der
nier le Marquis de Sotto Mayor , au nom du Roi
Efpagne , & le Marquis Doria , au nom de la
République de Génes , avoient figné les Articles
Préliminaires. Les Etats de Hollande & de Weft
tife reprirent le 4 de ce mois leurs féances, & ile
HY
178 MERCURE DE FRANCE
difpoferent de plufieurs emplois vacans. Ceux der
la Province d'Utrecht , fe conformant aux inten
tions du Prince Stathouder , ont confenti auffi à
Pabolition des Fermes Générales. Le 28 du mois
dernier, le Duc de Newcastle, Secretaire d'Etat du
Roide la Grande Bretagne, cut avec le Prince Stas
thouder une longue conférence , après laquelle il
fit partir deux couriers , l'un pour Hanover , l'au-,
tre pour Londres. M. du Commun , Secretaire de
Légation , chargé ici des intérêts du Roi de Pruffe,
en eut une le 2 de ce mois avec M. Van Dyck ,
Préfident de l'Affemblée des Etats Généraux . Un
courier extraordinaire a apporté des dépêches du
Roi de Portugal à Don Freire d'Andrade, Envoyé :
Extraordinaire de ce Prince auprès de la Républi
que. Ces jours derniers M. Vos , qui étoit venu ici
pour offrir de la part du Quartier de Nimegue au
Prince Stathouder le Comté de Cullembourg , eft
retourné à Nimégue, après s'être acquitté de fa commiffion.
Le Ducde Newcaftle partit le 29 du mois
dernier pour aller joindre le Duc de Cumberland ,
& il fe rendra enfuite à Hanover. La place de
Major du Régiment d'Eco de Nergena a été don--
née au Baron d'Heekeren..
Les Députés des Etats de Hollande & de Weft
fife demeurerent affembles le 6 de ce mois depuiss
onze heures du matin jufqu'à quatre heures après
midi. Ils fe féparerent enfuite , pour ne reprendre
leurs délibérations que dans quelques jours. Le s
le Comte de Czernichew , Envoyé Extraordinaire
de l'Impératrice de Ruffie auprès du Roi de las
Grande Bretagne , & qui eft arrivé ici de Londres
le - 3 , fut préfenté au Prince Stathouder & à la
Princeffe de Naffau. Le Chevalier: Offorio , Mi
niftre du Roi de Sardaigne auprès de fa Majefté
Britannique , & le Chevalier de Champigny , que
JUILLET . 1748 . 179
+
Téfide auprès d'elle en la même qualité de la part
de l'Electeur de Cologne , ont auffi eu l'honneur
de faluer le Prince Stathouder . Ces jours derniers,
M. du Commun , chargé ici des affaires du Roi de
Prufle , eut une conférence avec M. Buteux , Préfident
de l'Affemblée des Etats Généraux , auquel
il annonça que fa Majeſté Pruffienne avoit fait retirer
du Pais de Montfort le Détachement qu'elle
y avoit envoyé , pour garantir ce territoire des
courfes des troupes irrégulieres de l'impératrice
Reine de Hongrie & de Boheme. Le Comte de
Bentinck & le Baron de Waffenaer de Catwyr ,
Miniftres Plénipotentiaires de la République, doivent
retourner le 14 à Aix- la- Chapelle , & le Gé
néral Hop , Envoyé Extraordinaire des Etats Gé
-néraux auprès du Roi de la Grande Bretagne , efti
parti pour Hanover. On croit que le Prince Sta
thouder & la Princeffe de Naffau , pendant qu'on '
fera à leurs appartemens les réparations néceffaires
, occuperont l'Hôtel du Comte de Bentinck .
M. Pierre Mytens a été fait Capitaine de Haut
Bord du Collège de l'Amirauté de Weftfrife. Le
Prince Stathouder a donné un Brévet de Lieute
nant Colonel à M. Dundas , Capitaine dans le Régiment
du Major Général Stuart , & la place de
Major du Régiment de Leutrum au Baron de Wil
e. On a publié une Amniftie pour tous les Deferteurs
qui ont quitté leurs Corps avant le premier
du mois de Mai , & qui les rejoindront dans
Pintervalle de fix femaines:
DE BOIS-LE-DuC , le 1 Juillet.
ON comptoit que le Duc de Cumberland
transfereroit fon Quartier Général à Eyndhoven,
& les ordres avoient été déja donnés ann
H. vi
180 MERCURE DE FRANCE.
troupes Angloifes & Hanoveriennes , de fe tenie
prêtes à marcher pour fe rendre dans les environs
de cette Place , où l'on avoit préparé des logemens
pour trois Bataillons Anglois qui devoient y être
mis en garnifon. Elles ont reçu un contr'ordre , &
on ne fait pas encore quand elles changeront
de pofition . Le Duc de Newcaſtle , Secretaire
d'Etat du Roi de la Grande Bretagne , & le Comte
de Bentinck , Miniftre Plénipotentiaire des Etats
Généraux des Provinces Unies aux Conférences
d'Aix- la-Chapelle , arriverent hier ici de la Haye
Ils ne s'y arrêterent qu'une demie heure , & ils
partirent enfuite, pour le rendre auprès du Duc de
Cumberland à Neftelro
N
DE LIEGE , le 3 fuillet..
Euf Bataillons , fept efcadrons de Cuiraffiers
fept de Dragons, & le Régiment de Huffards
de Ghilani , des troupes de l'Impératrice Reine de
Hongrie & de Boheme , prirent le 27 du mois der
nier la route du Duché de Luxembourg , fous les
ordres du Baron de Tungern , Lieutenant Feldt
Maréchal, & du Comte d'Arberg , Major Général
Ils furent faivis le lendemain par neuf autres Ba
taillons , par quatorze Efcadrons , & par le Régiment
de Huffards de Nadaſti . Il y a apparence que
le refte des troupes , commandées par le Feldt- Maréchal
Comte de Bathiany , ira dans le Limbourg.
Ce Général partit le 29 au matin de Ruremonde
pour aller au Quartier général du Duc de Cumberland;
où les Comtes de Sandwich & de la Chavanne
, Miniftres Plénipotentiaires du Roi de la
Grande Bretagne & du Roi de Sardaigne , fe font:
kendus auffi , afin d'affiſter à une conférence qui
doit s'y tenir avec le Duc de Newcastle. M. Ja
JUILLET . 1748. r&r
quet , Evêque d'Hippone & fuffragant du Cardinal
Prince notre Evêque , eft retourné à Aix- la-
Chapelle ,d'où l'on mande que l'Impératrice Reine
de Hongrie & de Boheme ayant ratifié l'Acceffion
donnée en fon nont par le Comte de Kaunitz , les
Ratifications ont été échangées en la forme or
dinaire,
D'AIX-LA-CHAPELLE , le 8 Juillet.
L'Acte,
'Acte , par lequel le Marquis Doria , Miniftre
Plénipotentiaire de la République de Génes , a
accedé de la part de cette République aux Articles.
Préliminaires de Paix , porte que n'ayant eu que
le 18 Mai connoiffance de ces Articles , elle n'a p
prendre plus promptement fes réfolutions ; que
pour contribuer , en ce qui dépend d'elle , au ré
bliffement de la tranquillité générale , elle accede
fans aucune réſerve , à ce qui a été reglé , ainfi
qu'à la Déclaration fignée le 21 du même mois
de Mai , & à celle du 31 ; qu'elle s'engage en même
tems à faire ceffer toutes hoftilités de la pare
de fes troupes contre celles de l'Impératrice Reine
de Hongrie & de Boheme , dans le terme de trois
femaines à compter du jour de fon Acceffion , ou
plutôt , s'il eft poffible , en cas que la fufpenfion
d'armes n'ait pas déja eu lieu fuivant la teneur de
l'Article XVI des Préliminaires ; que le Marquis
Doria promet de rapporter dans un mois la Rati
cation de cette acceffion , fignée par la Républi
que. Les Miniftres Plénipotentiaires des Etats Généraux
des Provinces Unies ont remis au Marquis
Doria l'Acte d'Acceptationde ladite Acceffion des
Génois. Il eft dit dans le dernier Acte , dont il s'a
git , que les Plénipotentiaires de l'Impératrice
Reine de Hongrie & de Boheme , du Roi de la
#S2 MERCURE DE FRANCE
Grande Bretagne , du Roi de Sardaigne , & des
Etats Généraux , acceptent l'Acte d'Acceffion de
la République de Génes ; qu'au nom des Etats Gé
néraux leurs Miniftres Plénipotentiaires adimertent
, adjoignent & affocient cette République
*aux Préliminaires & aux Déclarations qui y ont
rapport ; que les Etats Généraux promettent de
concourir de tout leur pouvoir à l'exécution de
toutes les conditions énoncées dans ces Préliminaires
à l'égard d'une République , pour laquelle
ils ont tant de confidération . Depuis le 2 de ce
mois, les Comtes de Sandwich & de la Chavanne,
Miniftres Plénipotentiaires de fa Majeſté Britan
nique & du Roi de Sardaigne , font de retour da
voyage qu'ils étoient allés faire à l'armée commandée
par le Duc du Cumberland. Le Comte de
Gerfdorff , qui eft venu ici s'acquitter d'une com
miffion du Roi de Pologne Electeur de Saxe , eft
parti le 4 de ce mois pour Bruxelles , d'où l'on
Groit qu'il fe rendra à la Haye.
ITALIE.
De Rome , le 19 Juin.
Omme il regne beaucoup de maladies à Caffel
Gandolfe , on croit que le Pape reviendra
bientôt dans cette Capitale . Des Sbirres ayant
voulu arrêter du côté de Frofinone quelques Déferteurs
, qui s'étoient refugiés fur les terres de
Etat Eccléfiaftique , ces derniers fe défendirent
avec beaucoup d'opiniâtreté , & il y a eu plufieurs
perfonnes de tuées de part & d'autre . Ces jours der
niers , la Marquife Durazzo arriva de Pife avec les
deux fils & fa fille , & alla defcendre au Palais
Betroni. Suivant les avis reçûs de Naples, le Roi
JUILLET, 1748%
183
❖ ་
Jes Deux Siciles a difpofé d'une place de Confeil
Ter de la Chambre de Sainte Claire en faveur de
Don François Canfora , Juge de la Vicairerie.
On a fçû par les mêmes nouvelles , qu'une Tartane
de Sorrento , commandée par le Capitaine
Jofeph Gaffieri , avoit été conduite à Trieste par
quelques Paffagers qu'il avoit pris fur fon bord
& qui s'étoient rendus maîtres du Navire , après
s'être faifis du Capitaine & de l'équipage ; que ces
Paffagers , au nombre de 18 , étoient entrés dans
le Port avec Pavillon du Roi de Sardaigne , mais
que la Régence , ayant été inftruite de la violence
qu'ils avoient commife , les avoit envoyés en pri
fon , & avoit fait remettre en liberté le Patron &
les Matelots du Bâtiment,
1
DE GENES le z2 Juin..
Iverfes difficultés ayant retardé pendant plu
fieurs Dfreejoursla conclufion , des arrangemens
pour la ceffation des hoftilités , les Eſpagnols atta
querent le 13 de ce mois quelques Poftes avancés,
dont ils chafferent les Allemands . Ceux- ci- ont
perdu en cette occafion quatre cent hommes , &
on leur a fait cent cinquante- quatre prifonniers
du nombre defquels font un Capitaine , trois
Lieutenans & deux Enfeignes. Le même jour , le
Duc de Richelieu dépécha une Felouque à Vado
avec une lettre pour l'Amiral Bing. On aa appris
au retour de ce Bâtiment , que le Capitaine & fon
équipage avoient été reçus par les Anglois avec de
grandes démonftrations de joie , & que les Matefots
de cette Nation avoient embraffe les François,
en difant qu'ils étoient préfentement amis . Sur la
nouvelle que quelques Bataillons Allemands , que
toient en Piémont , avoient marché à Voltagio ,
184 MERCURE DE FRANCE
Je Marquis de Roquepine s'avança le 14 à la To
razza, où il y avoit déja mille hommes des troupesde
la République , & afin d'affûrer la communica
tion avec la Scoffera , le Duc de Richelieu y fie
paffer encore un Bataillon du Régiment de Brie.
On fe difpofoir ici à faire partir un nouveau trait
d'artillerie pour l'armée de ce Lieutenant-Général ,
lorfqu'on reçût avis le 16 , qu'enfin tout ce qui
concerne la fufpenfion d'armies avoit été réglé la
veille avec le Feldt -Maréchal Comte de Browne,
En conféquencé , le Duc de Richelieu & le Marquis
d'Ahumada font revenus en cette Ville ,
l'on va diftribuer des quartiers de rafraîchiflemens
aux troupes , qui ont extrêmement befoin de fe
remettre des fatigues exceffives qu'elles ont ef
fuyées pendant cette cam
Le 17 , on fit campagne.
Fextraction des noms des cinq nouveaux Sénareurs
, & le fort tomba fur Meffieurs Jean - Baptifte
Sopranis , Nicolas de Franchi , Jofeph Marie
Durazzo , Mathieu Franzone & Jofeph Marie
Doria. Il vient d'arriver encore de Monaco deux
cent hommes de renfort pour les troupes Françoi
fes , mais ce feront vraisemblablement les derniers
, & l'on eft inftruit que le Maréchal Dac de
Belle- Ifle a fait débarquer plufieurs Bataillons , qui
étoient prêts à mettre à la voile pour l'Italie. Les
équipages du Chevalier de Polignac , qui avoient
été enlevés par les Anglois , lui ont été renvoyés
par l'Amiral Bing. Quelques foldats des Compagnies
Franches , dans le deffein de profiter dur
défordre pour piller , ayant donné le 16 une fauffe
allarme dans Voltri , en criant que les Allemands
s'approchoient , la plupart des habitans prirent la
fuite avec précipitation , mais le Marquis de Ro
quepine y étant accouru , fit pendre trois ou quatre!
des principaux coupables , & en peu de tems la
anquillité fut rétablie.
JUILLET. 1748.. 185
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
Lois,& Monfeigneur le Dauphin s'y
rendit le même jour avec Madame la Dauphine.
E Roi arriva à Compiegne le 6 de ce
La Reine y arriva le 9 , ainfi
dames de France.
que Mel-
- Le 14 , le Roi fit rendre à la Paroiffe du
Château de Compiegne les Pains Benits
qui furent préfentés par M. l'Abbé du Châ
tel , Aumônier de Sa Majefté en Quartier.
On a appris que le premier du mois
dernier les Religieux de l'Ordre de Saint
Dominique avoient tenu leur Chapitre
général à Bologne en Italie , & qu'ils
avoient élû pour Général le Pere Antonin
Bremont , François de nation , & Profez
du Convent de Saint Maximin en Provenec.
Depuis 1730 , il rempliffoit auprès
du feu Général de l'Ordre la place d'Affiftant
pour la France.
186 MERCURE DE FRANCE.
BENEFICES DONNE'S.
LaRola accore Creamy Diocèle de
Sens , à M. l'Archevêque de Tours , qui a
préfidé à la derniere Affemblée générale
du Clergé , & le Prieuré Royal d'Argengenteuil
, Ordre de Saint Benoît , Diocèfe
de Paris , à M. l'Abbé de Launay , des
Miffions Etrangeres .
E Roi a accordé l'Abbaye de Vaului
Meffieurs Caffini de Thury & de la Con
damine , de l'Académie Royale des Sciences
, obferverent le 25 l'Eclipfe du Soleil
en préfence du Roi à Compiegne , où le
rems a été plus favorable qu'à Paris pour
sette obfervation .
JUILLET . 1743. 187
1
茶茶茶茶茶茶茶茶茶器
Je
.....
MORTS.
E 16 Juillet , Dame Marie-Françoife de Bour
nanville , veuve depuis le 2 Octobre 1708
d'Anne Jules de Noailles , Duc de Noailles , Pair
& Maréchal de France , Chevalier des Ordres du
Roi , Gouverneur des Comtés & Vigueries de
Rouflillon , Conflans & Cerdaigne ; Gouverneur
particulier , des Ville & Citadelle de Perpignan ,
ci devant Capitaine de la premiere Compagnie
des Gardes du Corps de Sa Majefté , & Viceroi de
Catalogne , avec lequel elle avoit été mariée le
13 Août 1671 , mourut en cette Ville dans la quatre
-vingt-treizième année de fon âge , étant née
Août 165. Elle avoit été Dame du Palais
de la Reine. Elle étoit fille unique d'Ambroife-
François de Bournonville , Duc de Bournonville,
Pair de France , Seigneur de la Motte Tilly , & c.
Chevalier d'honneur de la Reine Marie- Theréle
d'Autriche , & Gouverneur de la Ville de Paris
mort le 12 Décembre 1693 , & de Dame Lucréce
Françoiſe de la Vieuville ; petite - fille d'Alexandre
1. du nom , Duc de Bournonville , Chevalier de la
Toifon d'or , mort en France le 22. Mars 1656 .
& de Dame Anne de Melun d'Epinoy arriere
petite fille d'Oudard de Bournonville , Comte de
Hennin , Préfident & Chef des Finances pour le
Roi d'Espagne en Flandres , mort le 28 Décembre
1585 , & de Dame Marie- Chriftine d'Egmont ,
mariée le 22 Octobre 1579 , laquelle étoit fille de
Lamoral , Comte d'Egmont , Prince de Gavre ,
Chevalier de la Toifon d'or , Gouverneur d'Artois.
& de toute la Elandre , & de Sabine Princefle
188 MERCURE DE FRANCE.
Palatine , foeur de Fréderic III . du nom , Electeur
Palatin . Feu M. le Maréchal Duc de Noailles ,
mari de Dame Marie- Françoiſe de Bournonville ,
qui donne lieu à cet article , étoit fils d'Anne de
Noailles , Duc de Noailles , Pair de France , ayant
obtenu l'érection du Comté d'Ayen en Duché
Pairie fous le nom de Noailles par Lettres du mois
de Décembre 1663 ; Chevalier des Ordres du Roi ;
Capitaine de la premiere Compagnie des Gardes
du Corps de Sa Majefté ; Gouverneur , Lieutenant
& Capitaine Général des Comtés & Vigueries de
Rouffillon , Conflans & Cerdaigne , & Gouverneur
Particulier des Ville & Citadelle de Perpignan ;
Lieutenant Général de la Province d'Auvergne &
des armées du Roi ; Sénéchal & Gouverneur de
Rouergue , mort les Février 1678 , & de Dame
Loüife Boyer , Dame d'Atour de la Reine Anne
d'Autriche , morte le 22 Mai 1697. Il étoit petitfils
de François de Noailles , Comte d'Ayen , Chevalier
des Ordres du Roi , reçû le 14 Mai 1633
Lieutenant Général au Gouvernement d'Auvergne
, mort en 1645 , & de Dame Rofe de Roque-
Jaure , fille d'Antoine Seigneur de Roquelaure ,
Maréchal de France , Chevalier des Ordres du
Roi , & de Dame Catherine d'Ornezan , & arriere--
petit-fils de Henri de Noailles , créé Lieutenant Général
au Gouvernement du Haut Pays d'Auvergne,
& nomme Chevalier des Ordres par le Roi Hensi
IV. en 1604. Madame la Maréchale de Noailles
avoit eû de fon mariage vingt-up enfans ,& entr'autres
1 M le Maréchal Duc de Noailles , dont il va
être parlé ; 2 °. Marie- Chriftine de Noailles , née
le 4 Août 1672 , mariée le 13 Mars 1687 avec
Antoine Duc de Gramont , Pair & Maréchal de
France ; Chevalier des Ordres du Roi ; Colonel
du Régiment des Gardes , morte le 14 Février
JUILLET. 1748. 139
1748 , ayeule de M. le Duc & de M. le Comte de
Gramont ; 3 °. Marie -Charlotte de Noailles , née '
le 28 Octobre 1677 , mariée le 20 Novembre
1696 avec Malo- Augufte de Coetquen , Marquis
de Coerquen en Bretagne , Comte de Combourg ,
Lieutenant Général des armées du Roi , morte le
8 Juin 1723. 4°. Lucie- Felicité de Noailles , née
le 9 Novembre 1683 , mariée le 30 Janvier 1698:
avec Victor- Marie d'Eftrées , depuis Duc d'Eftrées,
Pair Maréchal , & Vice- Amiral de France
Grand d'Espagne , Chevalier des Ordres du Roi ,
morte veuve. 5. Marie- Theréfe de Noailles , néc
le 3. Octobre 1684 , mariée le 16 Juin 1698 avec'
Charles François de la Baume le Blanc , depuis
Duc de la Valiere , Pair de France , Lieutenant
Général des armées du Roi & Gouverneur de
Bourbonnois , à préfent veuve , mere de M. le Duc
de la Valiere , Pair & Grand Fauconnier de Fran
ce .. 6 ° . Marie - Françoife de Noailles , née le 13
Mars 1687 , mariée le 20 Février 1703 avec Emapuel-
Henri de Beaumanoir , Marquis de Lavardin,
Lieutenant Général en Bretagne , tué à la bataille
de Spire le is Novembre 1703 , & qui n'a point
laiffe d'enfans, 7°. Marie Victoire- Sophie de
Noailles , née le 6 Mars 1588 , mariée d'abord le
27 Janvier 1707 à Louis de Pardaillan d'Antin ,
Marquis de Gondrin mort les Février 1712 ,
laiflant feu M. le Duc d'Antin , pere de M. le Duc
d'Antiu d'apréfent , & de la Comteffe de Civrac
Dinfort & en fecondes nôces le 22 Février
1723 , à Louis -Alexandre de Bourbon , Prince
légitimé de France , Comte de Touloule , Grand
Amiral de France , duquel elle eft restée veuve le
premier Décembre 1737 , & mere de Louis - Jean-
Marie de Bourbon , Duc de Penthiévre , Grand
Amiral & Grand Veneur de France , né le 16 No-
>
>
190 MERCURE DE FRANCE.
.
wembre 1725 2 marié le 29 Mai 1744 avec
Marie Theréfe- Félicité d'Eſt , Princeffe
de Modéne
, de laquelle il a le Duc de Rambouillet
& le
Prince de Lamballe . 8 ° . Marie- Emilie de Noailles
, née le 30 Juin 1689 , mariée le 18 Février'
1713 , à Emanuel de Rouffelet
, Marquis de Châteaurenaut
, Lieutenant
Général de la Haute
& Baffe Bretagne , morte fans enfans le 7 Mai
1723. 9° . Anne - Louiſe de Noailles , née le 26
Août 1695 , mariée le 11 Mars 1716 à Jean-
François
Macé le Tellier , Marquis de Louvois ,
Capitaine
des Cent Suiffes de la Garde du Roi ,
mort le 24 Septembre
1719 , & en fecondes nôces
à Jacques - Hyppolite
Mancini Mazarini
, Marquis
de Mancini , Prince Romain , frere puîné
du Duc de Nevers , & duquel elle a Diane Adelaide
Zephirine
Mazarini
Mancini , fille unique ,
mariée le 16 Décembre
1738 avec Louis- Melchior-
Armand de Chalançon
de Polignac , Marquis
de Polignac. Madame
la Marquise
de Mancini
de fon premier mariage a eu François - Michel
le Tellier de Louvois , Marquis de Montmirel
,
Capitaine
Colonel des Cent Suiffes de la Garde du
Roi , veuf depuis le 11 Juin 1737 de Dame
Louiſe-Antonine
de Gontault
Biron , & pere
Charles-François- Céfar le Tellier , Marquis de
Crufy , & de Félicité- Louie le Tellier de Montmirel
de
Adrien-Maurice de Noailles , Duc de Noailles
& d'Ayen , Pair & Maréchal de France , Chevalier
des Ordres du Roi & de la Toifon d'or ;
Grand d'Espagne de la premiere Claffe ; Capitaine
de la premiere Compagnie des Gardes du Corps
de Sa Majefté ; Gouverneur & Capitaine Général
des Comtés & Vigueries de Kouffillon , de
Conflans & de Cerdaigne ; Gouverneur des Ville
4
JUILLET. 1748. 194
& Citadelle de Perpignan ; Gouverneur & Capitaine
des Chaffes de Saint Germain - en - Laye , &
ci devant Préfident du Confeil des Finances , & c .
fils aîné de feuë Madame la Maréchale de Noailles
, eft né le 29 Septembre 1678. Il eft veuf , de
puis le 6 Octobre 1739 , de Dame Françoife-
Charlotte- Amable d'Aubigné , Marquise de Maintenon
, & il en a eu 1 ° . Louis de Noailles , Duc
d'Ayen , né le 21 Avril 1713 , Capitaine de la
premiere Compagnie des Gardes du Corps du
Roi , Gouverneur Général des Comtés & Vigueries
de Rouffillon , Conflans & Cerdaigne ; Gou.
verneur particulier des Ville , Château & Citadelle
de Perpignan ; Gouverneur & Capitaine des
Chaffes de Saint Germain-en- Laye , le tout en fur
vivance du Maréchal fon pere , & auffi Lieutenant
Général des armées de Sa Majefté , marié depuis
le 25 Février 1737 , avec Dame Catherine- Fran
çoife Charlotte de Coffé de Briflac , de laquelle il
a Jean- Louis - François de Noailles , Comte
d'Ayen , né le 26 Octobre 1739 ; Emanuel Marc-*
Louis de Noailles , Marquis de Montelar , né le
12 Décembre 1743 ;-Adrienne-Catherine Maurice
de Noailles , née le 24 Décembre 1741 , & Phi
lippine Louife- Catherine de Noailles , née le 14
Septembre 1745. 2 ° Philippes de Noailles , Comte
de Noailles , Grand d'Efpagne de la premiere
Claffe par la démiffion du Marechal fon pere ;
Chevalier de la Toifon d'or ; Grand Croix de
l'Ordre de Malthe ; Maréchal des Camps & ar
mees du Roi ; Gouverneur de Verſailles , né le 7
Décembre 1715 , marié depuis le 27 Novembre
1741 avec Dlle . Anne- Claude d'Arpajon
Grand Croix de l'Ordre de Malthe , de laquelle
il a N ....... de Noailles , Prince de Poix , né
Ie.... Juin 1748 , & Louife-Charlotte- Henriette
>
192 MERCURE DE FRANCE.
Philippine de Noailles de Poix , née le 23 Août
1745. 3° . Françoife- Adelaide de Noailles , née le
premier Septembre 1704 , mariée le 12 Mai 1717
avec Charles de Lorraine d'Armagnac , Grand
Ecuyer de France. 4°. Amable - Gabrielle de
Noailles , née le 18 Février 1706 , mariée le s
Août 1721 avec Honoré- Armand de Villars , depuis
Duc de Villars , Pair de France ; Gouverneur.
de Provence ; Chevalier de la Toifon d'or , dont
Amable- Angelique de Villars , fille unique , femme
de Guy-Felix Pignatelli , Comte d'Egmont ,
Grand d'Espagne de la premiere Claffe. . Marie-
Louife de Noailles , née le 8 Septembre 1710 ,
mariée le 8 Septembre 1730 à Jacques de
Nompar de Caumont la Force , Duc de Cau-,
mont , Pair de France . 6 ° . Marie- Anne -Françoiſe
de Noailles , née le 12 Janvier 1719 , mariée le
9 Avril 1744 avec Louis Engelbert ¡ de la Marck
Comte de la Marck , Lieutenant Général des armées
du Roi ; Gouverneur de Cambrai , &C.
* Voyez la Génealogie de la Maifon de Noailles ,
l'une des plus anciennes & des plus illuftres de la
Province du Limofin où elle eft connue depuis
l'an 1023 , dans l'Hiftoire des Grands Officiers
de la Couronne , vol. 4. fol . 782 , & celle de la
Maifon de Bournonville , l'une des plus anciennes
& des plus illuftres de Picardie, dans le se . volume
de la même Hiftoire fol. 224.
44 Le ... Juin , a été apporté en Franco le Corps
de Henri François de Beaupoil de Saint Aulaire ,
Comte de Lanmary , Chevalier de l'Ordre Militaire
de S. Louis , ci-devant Enfeigne de Gendarmerie
, avec Brévet de Colonel , mort en Suéde
où il avoit fuivi M. le Marquis de Lanmary , fon
ftere,lorfque celui- ci fut nommé Ambaffadeur. II
a été porté à Milly en Gâtinois , fépulture de Mes
de
JUILLET . 1748. 193
de Lanmary. M. le Comte de Lanmary étoit né
le 17 Janvier 1694 ; il avoit été reçû Page de la
grande Ecurie du Roi en 1711 , puis Capitaine
dans le Régiment du Roi. Il étoit frere puîné de
Marc Antoine de Beaupoil Saint Aulaire
Marquis de Lanmary , Baron de Milly , Maréchal
des Camps & Armées du Roi , du 24 Février 1738,
ci-devant Capitaine Lieutenant de la Compagnie
des Gendarmes de Bretagne , & ancien Grand
Echanfon de France , à préfent Ambaſſadeur en
Suéde depuis l'an 174. & il étoit fils de Louis
de Beaupoil Saint Aulaire , Marquis de Lanmary ,
Capitaine Lieutenant des Gendarmes de la Reine,
& Grind Echanfon de France , mort à Cazal Major
en Italie, au ſervice du Roi , le 22 Juillet 1702 , &
de Dame Jeanne Marie Perrault , Baronne de Milly
, morte le 28 Janvier 1719 , érant alors remariée
avec Gilbert François de Rivoire , Marquis
du Palais , & petit - fils de Bon François de Beaupoil
, Marquis de Lanmary , Meftre de Camp du
Régiment d'Enghien, Cavalerie, & premier Ecuyer
du Prince de Condé , mort en 1687 , & de Dame
Anne de la Roche- Aymond Saint Maixant . Voyez
la Généalogie de Beaupoil dans l'Histoire des
Grands Officiers de la Couronne , vol . 8 fol. 587..
Le 12 , Frere Marcel de Lopes , ou Lopis , de la
Fare , Chevalier Profès de l'Ordre de Saint Jean
de Jérufalem , Commandeur de la Commanderie
de la Brague en Brabant , depuis 1741 , Capitainë
de Galeres , & ci - devant Capitaine des Gardes de
l'Etendart Royal , mourut en Provence dans la 56
année de fon âge , il étoit fils de Jean Jofeph de
Lopés ou Lopis , Seigneur de Saint Privat , & de
Dame Gabrielle de Laurens de Beauregard , fes
freres aînés étoient Antoine Gabriel de Lopés ,
Seigneur de Saint Privat , qui a plufieurs enfans
I
124 MERCURE DE FRANCE.
de Dame Jeanne Catherine Fonduti de Malijac ;
fon époufe , & Louis François de Lopés , connu
fous le nom de l'Abbé de la Fare Lopés , Abbé de
I Abbaye de S. Legaire en 1721 , & de S. Pere de
Chartres en 1730. Voyez pour la Généalogie de
cette famille , marquée par fon ancienneté , par
Tes alliances & par les fervices , l'Hiftoire de la
Nobleffe du Comté Vénaiffain , par M. Pithon-
Curt , imprimée en 1743 , vol . 2. fol . 199 .
Le 10 Juillet , Meffive Gafpard de Thomas de la
Valette , ancien Evêque d'Autun , facré le 14 Septembre
1732 , Abbé de l'Abbaye Royale , Sécu
liere & Collégiale de Figeac en Quercy en 1712 ,
& avant Député du Clergé en 1705 & 1715 , mou
rut à Paris dans la 75 année de fon âge. Il étoit
puîné de François de Thomas , Seigneur de la Valette
, mort en 1714 , & de Dame Lucrece de Cadenet
de la Tour ; il avoit pour frere cadet Louis de
Thomas de la Valette , lequel après avoir fervi
dans la Marine , a quitté le monde malgré les parens
, & eft entré dans la Congrégation de l'Oratoire
, dont il a été élû le feptiéme Général en
1733. Feu M. l'Evêque d'Autun avoit pour frere
aîné Jofeph de Thomas , Seigneur de la Valette ,
Chef d'Etcadre , mort le 19 Janvier 1744 , laiffant
de fon mariage avec Dame Gabrielle de Riper de
Carquerane , Dame dudit lieu & de l'Efcaillon
François Honoré Paul de Thomas , Seigneur de la
Valette & de l'Efcaillon , né en 1707 , mort à l'âge
de 29 ans , Enfeigne de Vaiffeau , le 21 Août 1736,
laiffant de Dame Therèle de Bruny , Marquife
d'Entrecafteaux , qu'il avoit épousé le 28 Janvier
1723 , Jofeph François de Thomas, Seigneur de la
Valette & de l'Eſcaillon , né le 26 Février 1729 ,
fait Enſeigne de Vaiffeau en 1746 , & marié le 10
Août 1747 avec Dile Marie d'Alencé , Dame de
la Couarde & de Grosrouvre, comme il eft dit dans
>
JUILLET. 1745. 195
le Mercure du mois d'Août de l'an 1747 , où il eft
marqué que la famille de Thomas eft une des plus
anciennes & des mieux alliées de Provence ; qu'elle
a produit un grand nombre de Branches , dont
il eft forti jufqu'à 22 Chevaliers de l'Ordre de
Malte , parmi lesquels plufieurs font morts Commandeurs.
Voyez l'Etat de la Provence dans fa
Nobleffe , par l'Abbé Robert , imprimée en 1693 ,
& le Dictionnaire Hiftorique de Morery , Edition
de 1732 , vol . 6. fol . sös .
Le même jour , Louis Athanafe de Pechpeyrou de
Comenges , Comte de Guitaud , Marquis d'Epoiffes ,
Lieutenant général des Armées du Roi, du premier
Août 1734 , ci - devant Infpecteur Général d'Infanterie
, mourut à Paris dans la 70 année de fon âge.
Il avoit été marié le 19 Septembre 1719 avec
Dlle Elifabeth Magdeleine Chamillart , fille
de Clément Chamillart , Seigneur de Villatte ,
Préſident de la Chambre des Comptes de Paris ,
& de Marie Magdeleine Benigne Nicolas de Luffé.
Il étoit fi's , de Guillaume de Pechpeyrou de Comenges
, Comte de Guitaud , Chambellan & Premier
Gentilhomme de la Chambre de M. le Prince
de Condé , Capitaine Lieutenant de fa Compagnie
de Chevau Legers , Gouverneur des Inles de
Sainte Marguerite & de Saint Honorat de Lérins ,
reçû Chevalier de l'Ordre du Saint Eſprit à la Promotion
du 31 Décembre 1661 , mort le 27 Décembre
1685, & de Dame Elifabeth Antoinette de
Verthamon , fa feconde femme. Le nom de Pechpeyrou
eft marqué entre les plus nobles de la Pro
vince du Quercy , & la Généalogie en eft rappor--
tée dans le cinquiéme volume du Dictionnaire
Hiftorique de Morery de l'Edition de 1732. Voyez
auffi l'Histoire des Grands Officiers de la Courons
ronne , vol. 9. fol . 207.
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
CEREMONIE DU BAPTES ME
de M.le Marquis de Gefures.
L'anan, Madame la Maréchal
' An 1748 , le Jeudi 30 Mai , la Ville de Paris
Montmorency, Mareine de M. le Marquis de Gefauquel
les Cérémonies du Baptême ont été
fuppléées en l'Eglife de S. Jean en Grève.
vres ,
Dès fa naiffance au Château de Saint Quën le
neuf Mai 1733 , la Ville avoit marqué à M le
Duc de Gefvres le défir qu'elle avoit d'être Parein
de M. fon Neveu , au défaut de fils qu'il n'a point,
& de donner ce témoignage public de la fatisfaction
que reffentent tous les habitans de la Capitale
de la douceur & de l'équité de fon gouvernement,
& en même- tems du reſpect & de l'affection qu'ils
lui portent.
Sa Majesté ayant bien voulu donner fur cela
fon agrément par la lettre ci jointe ..
A Monfieur , Monfieur de Bernage ,
des Marchands à Paris.
MONSIEUR ,
Prévôt
J'ai rendu compte au Roi du défir que le
» Corps de Ville auroit de donner à M. le Duc
e de Gefvres des marques d'attention & de reconnoiffance
, en tenant comme Parein fur les Fonts
Baptifmaux M. le Marquis de Gefvres , fon Ne-
» veu , avec Madame la Maréchale de Montmo-
» rency , comme Mareine ; Sa Majesté m'a chargé
» de vous mander qu'elle l'approuvoit , & que
ל כ
JUILLET. 1748. 197
E
vous pouviez vous concerter avec M. le Duc
» de Gefvres , pour fixer le jour de cette Cérémonie.
Je fuis très - parfaitement ,
MONSIEUR ,
Votre très-humble & trèsobéiflant
ferviteur ,
Signé , MAUREPAS.
A Versailles , le 20 Mai 1748 .
Cet agrément du Roi fut donné dans une circonftance
heureufe ; la ceffation de la guerre ,
dont la nouvelle devenoit publique & certaine de
plus en plus , permettoit à la Ville d'exécuter fon
projet ancien ; & le foin de fuivre le Roi de
victoires en victoires, & de célébrer les conquêtes
fans nombre , ne lui avoit pas laiflé le loifir de s'oc
cuper d'une Cérémonie qui ne refpire & n'annonce
que la paix & la tranquillité , il ne fut donc
plus queftion que de remplir les intentions de la
par rapport au Baptême .
Ville
éviter
M. le Duc de Gefvres regla toutes choſes comme
il lui elut , & fit les arrangemens pour qu'el
les fe paffaffent dans la décence , pour la Ville , &
en même- tems dans la modération & dans le fimple
, par rapport à M. fon Neveu , & pour
toute difcuffion & tout détail à ce fujet , il fut arrêté
avec la Ville , qu'elle fe conformeroit fur ce
qui avoit été fait par les Etats de Bretagne en pareille
occafion , lorsqu'ils furent Pareins de M....
.. Prince de Tarente , fils de M... Duc
de la Treinoille ........ Baptifé à S ....
.... en mil fept cent trente- huit .
Toutes chofes ayant été prévues & arrangées
.dès le vingt-un Mai , la Ville employa le peu de
le .
·
I iij
19S MERCURE DE FRANCE.
1
jours qui précéderent cette Cérémonie , à faire les
préparatifs néceffaires .
Elle fit orner & décorer la Chapelle de la Communion
, en laquelle font les Fonts Baptifmaux de
PEglife de S. Jean en Gréve , Paroiffe de l'Hôtel
de Ville de Paris :
"
On fe conforma , pour la décoration de cette
Chapelle à l'ordre & au goût de fon Architecture
, qui eft fort belle par elle-même ; le pourtour
des murs fut couvert d'une Tenture de gros de
Tours , couleur de feu , bordé & galonné d'or ; les
euvertures formoient des Balustrades entre chaque
colomne , qui étoient tendues de rideaux couleur
de feu , relevés en feftons & franges d'or , & les
appuis des balustrades étoient couverts deTapis de
velours de même couleur , avec des galons d'or.
Le carreau de la Chapelle étoit entierement
Couvert de Tapis de Turquie ; il y avoit au milieu
de la Chapelle un Prie- Dieu ,avec un Tapis à fleurs
de foye , & fond broché d'or , pour M. le Marquis
de Gefvres , un cercle de trois rangs de fauteuils ,
( avec des chaifes par derriere ) commençant aux
marches du Sanctuaire , l'Autel étoit paré & orné de
vafes magnifiques , d'argenterie , & de Chandeliers
avec des cierges ; à côté de l'Autel , deux Créden
ces , pour y poſer fur une les Saintes Huiles ,
fur l'autre les Ornemens Pontificaux , on tendit à
la voûte de la Chapelle un Dais au- deffus des
marches du Sanctuaire , & de l'ouverture (ou por
te ) de la Baluftrade qui le ferme : & qui étoit
Pendroit où devoit fe paffer la Cérémonie ; le
concours fur grand pour voir ces préparatifs , on
laiffa entrer & voir librement la veille , afin de fatisfaire
le peuple.
M. l'Archevêque de Paris donna fon licet , en
datte du 27 Mai 1748 , à M. l'Evêque de Beau .
JUILLET. 1748. 199
ais , afin qu'il fuppléât les Cérémonies du Baptê
me à M. le Marquis de Gefvres en l'Eglife de
S. Jean en Gréve.
Le Mardi 28 Mai , fur les cinq heures après
midi , le Bureau de la Ville fur avec fon cortége
ordinaire , compofé de quatre Gardes , deux Officiers
à cheval , & quatre caroffes , faire une vifite
de compliment à M. le Comte & Madame la
Comteffe de Trefmes en leur Hôtel , ruë neuve
S. Auguftin , Paroiffe de S. Roch ; Madame la
Comtefle étoit dans fon lit.
De- là le même cortége fut chés Madame la
Maréchale de Montmorency , au Convent de Bellechaffe
, rue Saint Dominique , fauxbourg Saint
Germain.
Dans ces vifites il fut de nouveau convenu de
fixer la Cérémonie au Jeudi fuivant 30 Mai
Le Jeudi 30 Mai , le Bureau , accompagné de
quatre Confeillers & deux Quartiniers , y compris
les deux Doyens , auxquels il avoit été pour cet
effet envoyé des mandemens , fe sendit à l'Hô
tel de Ville en Robes de cérémonie ( ou de velouts)
avant quatre heures après midi , dans l'apparte
iment du Greffier , joignant la Salle des Gouveryerneurs
, où le tint l'affemblée .
M. le Comte de Trefmes , Madame la Comteffe
de Treſmes , Madame la Maréchale de Montmo-`
rency , avec M. le Marquis de Gefvres , arriverent
enfemble fur les cinq heures , fuivis, d'un grand
nombre de leurs parens & alliés , tant de la Maiſon
de Gefvres , que de celle de Montmorency ; à leur
arrivée les tambours battirent aux champs.
Mefdames la Maréchale de Montmorency , &
la Comteffe de Trefines , étant defcendues de caraffe
, furent reçûës en dedans de la grande porte
par les Huiffiers en Robes de livrée , & conduites
I iiij
400 MERCURE DEFRANCE.
par le grand efcalier , garni de deux files des Gara
des de la Ville , fous les armes , jufqu'au Périftile
de la grande Salle , où elles furent reçûës vis- àvis
la Chapelle , par M. Taitbout , Greffier, qui les
conduifit , précedé des Huiffiers , par la Salle
des Gardes , au bout de laquelle , à la porte des
Appartemens , elles furent reçues par M. de Bernage
, Prévôt des Marchands , & tous ceux compofant
le Bureau.
Les Gardes du Corps de garde , & ceux de la
Salle des Gardes , étant en haye fur leur paffage ,
toutes les Dames étoient en grand habit , c'eft - àdire
en habit de Cour , & tous les Gens de Robe
étoient en Robes . L'aſſemblée fut des plus brillantes
, il n'y manqua que M. le Gouverneur , refté
à Choily près Sa Majefté , lequel avoit voulu
laiffer à M. le Prévôt des Marchands l'honneur
d'être Parein de M. fon Neveu , & de faire toute
la Cérémonie.
Tout étant prêt , on ſe mit en marche pour aller
à S. Jean en Gréve , par le chemin direct , & la ruë
du Martroy , que la Ville avoit eu foin de faire
fabler ; on marcha en cet ordre.
M. le Marquis de Gefvres marchoit d'abord ,
vêtu d'un habit blanc , chapeau & fouliers blancs ,
tenu par la main par M. le Comte de Trefmes ,
fon pere , & par M le Prince de Tingry , fon oncle
;
enſuite M. le Prévôt des Marchands, donnant
la main à Madame la Maréchale de Montmorency;
M.le premier Echevin , à Madaine la Comteffe
de Trefmes , & Meffieurs les Echevins , Officiers
du Bureau & autres , fuivant leur rang , donnerent
la main aux Dames , felon le rang qu'elles avoient
pris entre elles ; on marcha ent e deux hayes des
Gardes de la Ville , précedés d'un détachement ,
avec les Trompettes , Timballes, Hautbois , Fifres
JUILLET . 201 1748 .
& Tambours , & fermé par un autre détachement
des Gardes de la Ville .
Arrivés à la porte de l'Eglife , M. le Curé , en
Etolle , précedé de la Croix & chandeliers , &
avec fon Clergé , préfenta l'Eau - benite & les conduifit
jufques dans la Chapelle, préparée pour la Cérémonie,
& pendant que l'affemblée prenoit place,
M. le Curé , en Etolle , avec fon Clergé , précedé
de la Croix & chandeliers , alla jufqu'en fon
Prefbytere , prendre M. l'Evêque Comte de Beauvais
, pour le conduire en ladite Chapelle. La
foûle étoit fi grande, qu'il prit le parti , pour l'éviter
, d'entrer par la petite porte de la Chapelle.
M. l'Evêque falua en paffant l'affemblée , &
alla au bas des marches de l'Autel faire fa priere ;
ayant été , par les Aumôniers & Chapelains , revêtu
de fes ornemens Pontificaux , précedé de fa
Croffe , il fe mit dans fon fauteuil , pofé deffous
le Dais dans la porte même de la Balustrade, étant
tourné vers l'aflemblée .
M. le Marquis de Gefvres , qui étoit à genoux
fur fon Prie- Dieu , fe leva & s'approcha
conduit & préfenté à M. l'Evêque par M. le Prévôt
des Marchands , & par Madame la Maréchale
de Montmorency, fortis tous deux en même-tems
de leurs places , à la tête de toute l'affemblée , M.
le Prévôt des Marchands à la droite de M. l'Evêque
, & à fa gauche Madame la Maréchale de
Montmorency.
J. M. l'Evêque fuivit pour les Prieres , Cérémonies
& Onctions, ce qui eft preſcrit dans le Rituel
de Paris.
M. le Marquis de Gefvres répondit de luimême
à toutes les demandes & questions ordinai
res , avec toute la préfence d'efprit & la dévotion
qu'on en devoit attendre.
IZ
202 MERCURE DE FRANCE.
M. le Prévôt des Marchands , après avoir fait
toutes les politeffes & les déférences à Madame la
Maréchale de Montmorency , pour la prier de
nommer M. le Marquis de Gefvres , laquelle l'en
ayant toujours remercié , M. le Prévôt des Marchands
avec les Echevins impoferent à M. le Marquis
de Gêvres les noms de Louis- Joachim Paris ,
& c'eft fous ces noms que M.l'Evêque de Beauvais
lui adminiftra toutes les cérémonies du Baptême
; M. l'Evêque le revêtit à la fin d'une tunique
de taffetas blanc , laquelle l'enveloppoit entierement.
Les Inftrumens de la Ville jouerent au commencement
& par intervalles pendant la cérémonie.
Elle finit par la Bénédiction Pontificale que
M. l'Evêque donna folemnellement ; la Mufique
répondit avec les Inftrumens de la Ville , &
continua jufqu'à ce que M. l'Evêque ayant
quitté fes ornemens & repris fon Camail avec fa
Croix Pectorale , alla s'affeoir avec Paflemblée
à un Bureau , au milieu de la Chapelle , fubftitué à
la place du Prie Dieu .
Lecture fut faite de l'Acte écrit fur les Regiftres
de Baptême de la Paroiffe de Saint Jeanen-
Grêve dont voici la copie .
L'an mil fept cent quarante -huit le Jeudi trentième
jour du moi de Mai , ont été fuppleées les
Cérémonies du Baptême en cette Paroifle de Saint
Jean - en-Grêve par Illuftriffime & Reverendiffime
M. Etienne René Potier de Gefvies , Evêque Cointe
de Beauvais , Vidame de Gerberoi , Pair de
France , Abbé Commendataire de l'Abbaye Roya
le de Notre Dame d'Ourfcamp , en conféquencede
la permiffion de M. l'Illuftriffime & Reverendiffime
Archevêque de Paris , en datte du 27 du
JUILLET.
203
1748 .
préfent mois , en préfence de Meffire Jean- Baptifte
de la Hogue , Prêtre , Docteur en Théologie ,
Curé de cette Paroiffe ; à Très-haut & Tiès Puillant
Seigneur Meflire Anonyme Potier Marquis de
Gefvres , né au Château de Saint Quën- fur- Seine
près Paris , le neuf Mai mil fept cent trente- trois ,
du légitime mariage de Très- Haut & Très- Puiffant
Seigneur M. Louis Potier de Gefvres , Comte
de Trelmes , Marquis de Gandelu , Seigneur de
Montigny l'Allier , Courchamp & du Tertre
Jouan , Lieutenant Général des armées du Roiis;
Gouverneur du Ponteau - de Mer , & Lieutenant
de Roi au Bailliage de Rouen & du Pays de
Caux ; & de Très - Haute & Très - Puiffante Dame
Madame Eleonore-Marie de Montmorency Luxembourg
Tingry , fon époufe , demeurans à
Paris rue neuve Saint Auguftin , Paroiffe Saint
Roch , à ce préfens ; ondoyé le même jour de fa
naiffance à caufe du péril de mort , dans ledit
Château de Saint Onën , par Meffire Pierre Jean-
Céfar Cochin , Docteur en Théologie de la Faculté
de Paris , Curé de ladite Paroiffe de Saint
Ouën , fuivant qu'il paroît par le Regiftre des
Baptêmes de ladite Paroiffe , repréſenté par ledit
Sieur Curé , pour ce préfent , & par lui à l'inftant
retiré.
Auquel Seigneur enfant a été impofé le nom de
Louis- Joachim Paris.
Le Parein , la Ville de Paris , repréfentée par M.
Louis- Bafile de Bernage , Chevalier , Seigneur de
Saint Maurice , Vaux , Chaffy , & autres lieux ,
Confeiller d'Etat ordinaire , Grand Croix de l'Ordre
Royal & Militaire de Saint Louis , Prevôt des
Marchands.
Guillaume- Jofeph l'Homme , Ecuyer Confeiller
du Roi ,Quartinier , Jacques Bricault , Ecuyer
Confeiller du Roi , Notaire au Châtelet de Paris .
I vj
204 MERCURE DE FRANCE.
Hilaire Tripperet , Ecuyer, Avocat en Parlement,
Confeiller du Roi & de la Ville , & Dominique
Creftiennot , Ecuyer , Avocat en Parlement , Confeiller
du Roi , Notaire audit Châtelet , tous quatre
Echevins de la Ville de Paris.
:
Antoine Moriau , Ecuyer , étant Confeiller ,
Procureur & Avocat du Roi , & de la Ville ,
Jean- Baptifte Julien Taitbout , étant Greffier en
chef, & Confervateur des hypothéques de l'Hôtelde-
Ville , & Jacques Boucot , Ecuyer , Chevalier
de l'Ordre de Saint Michel , étant Conſeiller du
Roi , Receveur des Domaines , dons , octrois , &
fortifications de la Ville de Paris .
3
La Mareine Très- Haute & Très - Puiffante
Dame Madame Louife-Magdeleine de Harlay ,
Comtefle de Beaumont , & Marquife de Breval ,
veuve de Très Haut & Très- Puiffant Seigneur
M. Chriftian - Louis de Montmorency Luxem
bourg , Prince de Tingry , Souverain de Luffe ,
premier Earon Chrêtien & Maréchal de France
Chevalier des Ordres du Roi , Lieutenant Général
pour Sa Majesté au Gouvernement de Flandres ,
Gouverneur des Ville & Citadelle de Valenciennes
, des Ville & Château de Mantes , Meulan &
Pays Mantois , ay ule maternelle dudit Seigneur
Enfant Marquis de Gefvres , & ont tous figné .
Les fignatures finies , & M. le Curé ayant reconduit
& remené en cérémonie M l'Evêque de
Beauvais au Prefbytere , on fe remit en marche
dans le même ordie , pour retourner à l'Hôtel- de-
Ville , & dans le même appartement, où fe trouva
une magnifique collation avec toutes fortes de rafraîchiff
mens , qui furent fervis dans la plus gran-
י
de abondance .
Lorfque la Compagnie fortit fur les neuf heures,
Madame la Maréchale de Montmorency , M.
JUILLET.
205 1748.
le Comte & Madame la Comtefle de Trelmes ,
& M. le Marquis de Gefvres , furent reconduits
de la même maniere qu'ils avoient été reçûs .
Le lendemain Vendredi trente- un Mai , le Bu
reau de la Ville avec fon cortége ordinaire alla faire
une vifite de remerciment à M. l'Evêque de Beauvais
en l'Hôtel de Gefvres .
La Ville diftribua plufieurs corbeilles de dra
gées ; elle fit un préfent à Madame la Comteffe
de Trefmes & à M. le Marquis de Gefvres felle
étendit même fes libéralités jufqu'aux Officiers
& Domeftiques de la Maifon de M. le Comte de
Trefmes & de M. le Marquis de Gefvres.
Vers préfentés le jour de la Cérémonie à M. le
Marquis de Gefvres , fur ce qu'il a pour Parein la
Ville de Paris.
Vous avez fur la Ville un droit héréditaire.
Tout vous le renouvelle en ce jour triomphant ;
Vous en devenez l'Enfant ,
Pour en être un jour le Pere.
Par M. Roi.
Cérémonies faites au Baptême du fils du Duc
de Longueville , né le 29 Janvier 1649 ,
dont la Ville de Paris fut Parein.
LE Duc de Longueville , ayant voulu affûrer de
fon affection cette Capitale du Royaume par
le plus cher gage qu'il en pût donner, en laiffant à
Paris fon époufe tandis qu'il étoit ailleurs occupé
206 MERCURE DE FRANCE.
à lever des gens de guerre ; cette vertueuſe Princefle
redoubla le précieux ôtage de fa perfonne
par la naiffance d'un beau Prince , dont elle accoucha
heureuſement fur la minuit du vingt huitau
vingt neuf du mois dernier dans l'Hôtel de
Ville où elle avoit pris fa demeure ; lequel Prince
fut baptifé ce jour-là vingt-neuf en l'Egliſe de S.
Jean- en-Grêve avec ces Cérémonies.
La Ducheffe de Longueville , ayant fait prier
fur les neuf heures du matin le Préfident le Feron ,
Prevôt des Marchands , & les Echevins , de vouloir
tenir fon fils avec la Ducheffe de Bouillon
ils partirent de la Maifon de Ville, fuivis du Sieur
le Maire Greffier , en leurs Robes de Cérémonies ,
affiftés de plufieurs . Confeillers de Ville & des
Huifiers, revêtus de leurs Robes de livrée , le petit
Prince étoit porté par la Sage- Femme , & le Prevôt
des Marchands menoit par la main la Ducheffe de
Bouillon, ayant tous en tête les Archers de la Ville,
avec plufieurs tambours & trompettes , aux fanfares
defquelles ils allerent à pied juſqu'à l'Egliſe
de Saint Jean , à l'entrée de laquelle ils furent
reçûs par l'Archevêque de Corinthe , Coadjuteur
de Paris , accompagné du Curé de cette Paroiffe ,
& conduits jufqu'aux Fonts ; où après de longues
déferences entre le Prevôt des Marchands & la
Ducheffe de Bouillon, qui furent terminées par ce
Prélat , en difant au Parein que l'impofition du
nom lui appartenoit , ce Prince fut par lui nommé
Charles Paris , tant à caufe de la folemnité qui fe
faifoit ce jour là , felon la pieufe pratique de beaucoup
deChrétiens de donner à leurs enfans le nom
du Saint , dont on célébre la Fête lorfqu'ils.
viennent au monde , que pour le lieu où il eft né
conformément à la coûtume obfervée de tout tems
JUILLET. 1748. 207
d'impofer aux enfans des noms propres aux cir
conftances & accidens de leur naiffance , pour en
conferver la mémoire à la poſtérité , le fils d'Abraham
ayant été en cette confidération nommé
Ifaac , qui fignifie Fils du Ris , d'autant que fa
mere qui jilques là avoir été fterile , rit de joie
quand l'Ange l'affûra de fa groffeffe , & Moyfe
ainfi appellé pour avoir été fauvé des eaux,
La Cérémonie achevée , le Marquis de Noirmoutier
prit l'enfant , & le porta au même ordre
jufqu'à la Maifon de Ville , d'où il fut conduit en
caroffe à l'Hôtel de Longueville, pour y être plus
commodément , fans autre compagnie que fes
Nourriffes & Damoifelles , pour ce que le Prevôt
des Marchands & les Echevins n'en furent point
avertis , dont ils témoignerent leur déplaifir , auffi
de la promptitude du Baptême qui les avoit empêchés
d'y donner toutes les marques de leur zéle,
& de rendre cette action plus folemnelle , mais
la Ducheffe de Longueville , dont la modeſtie & la
piété n'éclatoient pas moins que les autres vertus
qui la faifoient eftimer de tout le monde , n'avoit
pas fouhaité qu'elle fut plus éclatante , afin qu'elle
parut plus conforme à la conjoncture du tems , de
forte qu'elle le termina par les remercimens que
les Prévôt des Marchands & Echevins firent à
cette Princeffe de l'honneur qu'elle leur avoit
fait ; ce qu'ils prenoient pour une marque infaillible
de la continuation , non - feulement de fes
affections , mais de celles du Duc de Longueville
fon époux , voire même à bon augure des affaires
préfentes.
Enfuite de quoi ils donnerent à dîner à la Compagnie
, & firent les préfens ordinaires en telle
rencontre.
208 MERCURE DEFRANCE.
ད D •ད 9 : ལྕི སྐུ 0
'ARRESTS NOTABLES .
ENTENCE de Police du 30 Octobre 1739,
qui fait défenſe aux Compagnons Pâtiffiers de
cabaler & de s'attrouper dans les cabarets , & leur
enjoint d'être munis des certificats des Maîtres
d'où ils fortent , à peine de vingt livres d'amende,
de prifon , & d'être procedé contre eux extraordinairement.
ARREST de la Cour du Parlement , du 25
Mai 1741 , portant reglement entre la Commu-
'nauté des Maîtres Chaircutiers & les Maîtres Pâtiffiers
qui fait défenſe aux Pâtiffiers d'avoir du
lard falé à fel pur , & leur fait défenfe en outre
d'acheter à la Halle aucuns jambons , ni aucune
chair de Porc , feulement du lard pour le faler ,
l'affaifonnner , & l'employer à leur métier.
AUTRE du Confeil d'Etat du Roi , du 8 Juillet
1747 , portant fubrogation de M. Merault de
Villeron , Maître dès Requêtes , au lieu & place
de M. de Lamoignon de Montrevault , pour Rapporteur
des procès mûs & à mouvoir concernant
la difcuffion des biens des fieurs Teftard & Lanoix
de Méricourt.
SENTENCE S de l'Election de Paris, des 2 1
Février & 2 M rs 1748 , renduës fur les conclufions
de M M. les Gens du Roi ; la premiere défend
à tous Collecteurs des tailles & utres , prépofés
à la recette des droits du Roi , de fe pour
voir en demandant ou défendant ailleurs que parJUILLET.
1748. 209
devant les Officiers de ladite Election , fous les
peines portées par les Reglemens , qui feront déclarées
encourues par ladite Sentence , & leur enjoint
de faire révoquer les affignations qui leur feront
données pardevant d'autres Juges , fimieux
n'aiment les remettre au Procureur du Roi de ladite
Election ; la feconde prefcrit & regle ce qui
doit être obfervé par les Procureurs & Huiffiers
dans les inftances de diftributions de deniers provenus
de la vente des effets des Taillables , ou autres
redevables des droits du Roi , entre tous les créan
ciers oppofans.
ARREST du Confeil d'Etat du Roi , du 15
Avril , & Lettres Patentes fur icelui , données à
Verſailles le 26 , regiſtrées en Parlement le 18
Mai , portant réunion à la Communauté des Officiers
Vendeurs de Poiffon de mer , frais , fec , fa
lé & d'eau douce de cette Ville de Paris , des quatre
fols pour livre , établis par Edit du Mois de
Septembre 1747 , fur les droits attribués à ladite
Communauté , & autorife lefdits Officiers d'emprunter
, avec exemption de Dixième , & deux
fols pour livre en fus.
>
AUTRE , du 23 Avril , qui caffe un Arrêt de
la Cour des Aides de Rouen , du 10 Mars 1748
en ce qu'il avoit modéré à 60 liv. les amendes de
confifcation & dépens , aufquels Georges Roullin
& fa femme, du Village de la Faverie , avoient
été condamnés par Sentence contradictoire de l'Election
de Domfront , du 27 Septembre 1747 ,
pour avoir vendu du Poiré en détail fans déclara
tion. Ordonne l'exécution de l'Article premier du
Titre de la Vente en détail , de l'Article cinq du
Titre des Droits fur le Cidre & Poiré , de l'Ordon
210 MERCURE DE FRANCE.
nance des Aides , du mois de Juin 1680 , & de la
Déclaration du 4 Septembre 1708 , confirme ladite
Sentence des Elûs de Domfront , du 27 Septembre
1747 , & condamne lefd . Georges Roullin &
fa femme , en la confifcation des choſes faifies , en
75 liv . d'amende , aux dépens , tant des caufes
principales que d'appel , & au coût du préfent Arrêt
, liquidé à 75 liv.
SENTENCE de M. le Lieutenant Général
de Police , du 24 Mai 1748 , contre Me . P......
Procureur des nommés P.... le fils , Alexandre
P .... D .... F .... & autres , Compagnons Boutonniers
, au nombre de trente fix , qui leur fait
défenfes & à tous autres , de former aucune demande
contre les Jurés de leur Communauté , de
s'affembler ni cabaler entr'eux , à peine d'emprifonnement
, & de plus grande peine fi le cas y
échoit ; & permet aux Jurés de fe faire affifter d'un
Commiflaire & de la Garde des barrieres , pour
l'exécution de la préſente Sentence , & condamne
les défaillans en tous les dépens , même aux frais
de la préfente Sentence.
}
AUTRE du 21 Juin , qui condamne la Dame
C. ...en trois mille livres d'amende , pour avoir
tenu chés elle une affemblée de Pharaon , & le
Sr. M.... auffi en trois mille livres , pour y avoir
taillé.
ARREST de la Cour du Parlement du 25 ,
portant fuppreffion d'un livre intitulé : Defuprema
Romani Pontificis Autoritate , hodierna Ecclefia
Gallicans Doctrina , Autore *** in Regiá Univerfitate
Taurinenfi Juris utriufque Doctore , Tomus primus
, &Tomusfecundus. Avenione , typis Franciſci
Girard,in platea Sancti Defiderii, M. DCC. XLVII.
JUILLET. 1748. 211
Cum Superiorum Permiſſu & Approbatione. Extrait
des Regiftres du Parlement. Ce jour les Gens du
Roi font entrés , & Me . Louis- François - de Paule
le Fevre d'Ormeflon , Avocat dudit Seigneur Roi,
portant la parole , ont dit : Meffieurs nous apprenons
que l'on commence à répandre dans cette
Ville des exemplaires d'un livre imprimé à Avi
gnon , fous le titre : De fuprema Romani Pontificis
autoritate , hodierna Ecclefia Gallicane Doctrina
Et ce titre même qui nous annonce la fingularité
de cet ouvrage , eft auffi ce qui doit exciter la
principale attention de notre ministére. Contre la
certitude des faits , la notoriété publique des fentimens
de la France , la foi des monumens les plus
authentiques , contre les précautions qui ont été
prifes dans les exemples mêmes , dont l'Auteur
cherche à abufer , il entreprend d'oppofer l'Egli
fe Gallicane à elle même , & de trouver des armes
contre elle jufques dans les Actes , où réfide le
dépôt des preuves les plus conftantes de la doctri
ne parce que cette Eglife a donné dans tous les
tems des marques de fon attachement inviolable
a la Chaire de Saint Pierre , au centre de l'unité
à cette Eglife mere , où la tradition des Apôtres
s'eft toujours confervée dans toute la pureté ;
parce qu'elle reſpecte dans la perfonne du Pape ,
le Vicaire de Jefus-Chrift , & le Chef vifible de
l'Eg ife univerfelle , refpe&t qui reçoit un nouvel
accroiflement par les vertus & la profonde fageffe
du Pontife qui remplit aujourd'hui fi dignement
le Siége Apoftolique , l'Auteur veut en conclure
qu'il a pour lui les fuffrages de l'Eglife Gallicane ,
& il fait de vains efforts pour perfuader à cette
Eglife , contre ce qu'elle a dit elle-même , qu'elle
a adopté une opinion conforme à celle qu'il a plû
à ce Docteur étranger de foûtenir. Après vous
212 MERCURE DEFRANCE.
avoir donné , Meffieurs , cette idée générale d'une
entrepriſe fi téméraire , il feroit inutile d'entrer
dans un long détail de toutes les méprifes , & des
erreurs de fait où l'Auteur ft tombé , des faux
raifonnemens , des équivoques dont il a rempli
fon ouvrage , par l'ignorance où il paroît être du
ftyle de la France , & même de la véritable valeur
des expreffions dont il fe fert pour donner quelque
couleur à fes argumens. Nous nous contenterons
feulement d'obferver , que peu fidéle dans fes
citations , il affecte de changer le fens des termes
qu'il emprunte des remontrances faites par le Parlement
en 1641 , en reftreignant à la feule Egliſe
de Rome , ce qui n'eft dit dans ces remontrances
que de l'Eglife en générale . Nous aurions donc pû
oublier , & mépriser même un livre , où il eft vifible
que la vanité de l'Auteur s'eft laiffée flater ,
uniquement par l'air de nouveauté qu'il a crû donner
à fon ouvrage , quoiqu'il dût être détrompé
par le peu de fuccès qu'ont eû jufqu'ici de pareilles
tentatives , mais la crainte, des mauvaifes conféquences
qu'on pourroit tirer dans la fuite du
filence que nous garderions en cette occafion ,
nous oblige à propofer à la Cour d'interdire le débit
d'un parcil ouvrage. C'eft la voie qui nous a
été tracée par l'Arrêt qu'elle rendit en l'année
1695 , au fujet d'un livre compofé par Roccaberti ,
Archevêque de Valence , fous le titre : De Romani
Pontificis autoritate ; & c'eft ainfi , Meffieurs , que
vous en avez ufé dans tous les tems , pour empê
cher qu'on ne fit entrer dans le Royaume des
écrits contraires aux maximes qui y font reçûës ,
& aux libertés de l'Eglife Gallicane . Tel eft l'objet
des conclufions par écrit , que nous laiffons à la
Cour , avec un exemplaire de l'ouvrage. Eux retités.
Vû le livre intitulé : De fuprema Romani PonJUILLET.
1748. 213
tificis autoritate hodierna , Ecclefia Gallina Doctrina ;
Autore *** in Regiâ Un verfitate Taurinenfi juris
utriufque Doctore , Tomus primus , & Tomus fecundus.
Avenione , typis Francifci Girard , in platea
Janeti Defiderit. M. DCC. XLVII. Cum Superiorum
Permiffu & Approbatione. Enſemble les Conclufions
par écrit du Procureur Général du Roi :
oui le rapport de Me, Louis Charles - Vincent de
Salaberry , Confeiller , la matiere miſe en délibération.
La Cour a ordonné & ordonne que ledit
livre fera fupprimé , enjoint à tous ceux qui en ont
des exemplaires , de les remettre inceffamment au
Greffe de la Cour, pour y être fupprimés, Fait trèsexpreffes
inhibitions & défenfes à tous Libraires &
à toutes autres perfonnes, de quelque qualité &condition
qu'elles foient , de retenir , vendre , débiter,
ou autrement diftribuer aucuns exemplaires dudit
livre , fous telle peine qu'il appartiendra . Ordonne
que le préfent Arrêt fera imprimé , lû , publié
& affiché par tout où befoin fera , & copies collationnées
envoyées aux Bailliages & Sénéchauffées
du Reffort , pour y être lûes , publiées , enregistrées
& affichées. Enjoint aux Subftituts du Procureur
Général du Roi d'y tenir la main , & d'en certifier
la Cour dans un mois . Fait en Parlement le 25
Juin 1748. Signé , DUFRANC.
Le fieur Houdemart , Marchand Droguiste à
Paris , rue de la vieille Monnoye , poffeffeur de
tous les Secrets de feu M. Gamart , fon oncle, Médecin
de feu M. le Régent, & depuis de M. le Duc
d'Orléans , à la Maifon duquel il a eu l'honneur
d'être attaché jufqu'à fon décès , continuë de diftribuer
avec fuccès & approbation du public , un
remede fouverain & très- affûré, pour toutes les ef
214 MERCURE DE FRANCE.
peces de maladies du poulmon , les douleurs de
poitrine , provenantes de naiffauce , ou accidentellement
pour les toux plus invétérées,fuites de couches
& regles fupprimées ; il eft très- bon pour tous
épuifemens , pour la pthyfie , l'afthme , les fuperfluités
féreufes , catharreufes , malignes de la
poitrine & du poulmon , même accompagnées de
vapeurs hyfteriques ; c'eft un des plus grands Balfamiques
qui ait encore parû , lequel étant porté
par le torrent de la circulation dans le poulmon ,
s'infinue dans tous les vaiffeaux qui le compofent,
tant capillaires , que vafculaires , en pénetre lafubftance
& les cellules par fa fluidité , & détruit tous
les ulcéres qui gâtent le reffort de cette partie , ce
qui fait une bien meilleure fanguification , en
donnant plus de force & de reflort à ce vifcere
pour broyer & fluidifier le fang , & le mêler intimement
avec le chyle , ce qui le remet dans fon
état naturel , & rétablit la fanté en très-peu de
tems. L'uſage en eft très -aifé . On prie ceux qui
voudront s'en fervir , d'envoyer le détail de leurs
maladies, & d'affranchir les ports de lettres Comme
il paroît fous differens noms plufieurs Remedes
P'Auteur avertit qu'il n'y a que chés lui qu'il fe
vend ; comme il pourroit arriver auffi que plu
fieurs perfonnes doutaflent du vrai , pour la parfai
te guérison de ces maladies , l'Auteur eft muni de
tous les certificats & lettres de remercîment de
nombre de perfonnes qu'il a guéries depuis deux
à trois mois , parmi lesquelles il s'en trouve de
très diftinguées , tant par leur caractére que par
leur état.
APPROBATION.
J
2146
'Ai lú par ordre de Monfeigneur le Chancelier
le Mercure de France du mois de Juillet
1748. A Paris le premier Août 1748.
BONAMY.
P
TABLE .
IECES FUGITIVES en Vers & en Profe
Suite de la Séance publique de l'Académie des
Siences ,
La jonction des Mers , Poëme ,
3
25
Recherches fur l'Hiftoire de Carthage , par M.
Remond de Sainte Albine ,
Ode Elégiaque fur la mort d'un Serin ,
32
SI
Differtation fur un vers de la Tragédie des Ho
races "
Stances à M L. H ***
SS
65
Lettre de M. Piganiol de la Force à M. *** , 68
La Méptife ,
Elégie ,
Lettre aux Auteurs du Mercure ,
72
73
75
Vers préfentés au Prince Héréditaire de Saxe Gotha
Lettre écrite de Riez ,
Vers aux Mânes de la Fontaine ,
77
.79
93
94
L'intention fait le prix des actions humaines ,
Conte ,
Differtation fur les Libelles diffamatoires > 98
Mots des Enigmes & des Logogryphes des deux
volumes du Mercure de Juin ,
Enigmes & Logogryphes ,
122
ibid.
Nouvelles Litteraires , des Beaux Arts , & c. 12
Prix proposé par l'Académie de Pruffe pour l'année
1750 ,
Lettre de M. l'Abbé Raynal , &c .
143
145
Autre fur le Projet d'une Place pour
la Statuë du
Roi ,
147
Spectacles ,
Nouvelles Etrangeres , de Conftantinople ,
153
155
De Peterſbourg ,
157
160
De Warfovie ,
De Coppenhague ,
161
Allemagne , de Vienne ,
164
De Berlin ,
167
168
De Hanover ,
De Francfort ,
169
Efpagne , de Madrid ,
170
4
Grande Bretagne , de Londres ,
172
Pais - Bas , de la 'Haye ,
177
De Bois - le-Duc,
179
180
De Liége ,
D'Aix-ia Chapelle ,
181
182
Italie , de Rome , 183
De Génes ,
France , nouvelles de la Cour , de Paris , &c. 185
Bénéfices donnés ,
Morts ,
186
187
Cérémonie du Baptême de M. le Marquis de Gefvres
,
Cérémonies de celui du fils du Duc de Longue-
196
ville ,
205
'Arrêts notables , 208
Remede les maladies du Poulmon , pour
213
La Chanfon notée doit regarder la page ISS
De l'Imprimerie de J. BULLOT.
MERCURE
DE FRANCE,
DÉDIÉ AU ROI.
AOUST.
LIGIT
UT
1748 .
SPARGAT
Won
Chés
A PARIS ,
ANDRE' CAILLEAU , rue Saint
Jacques , à S André.
La Veuve PISSOT, Quai de Conty ,
à la defcente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
JACQUES BARROIS , Quai
des Auguftins , à la ville de Nevers.
M. DCC. XLVIII
Avec Approbation & Privilege du Rain
A VIS.
L
ADRESSE générale du Mercure eft
à M. DE CLEVES D'ARNICOURT ,
rue des Mauvais Garçons , fauxbourg Saint
Germain , à l'Hôtel de Mâcon. Nous prions
très inftamment ceux qui nous adrefferont
des Paquets par la Pofte , d'en affranchir le
Port , pour nous épargner le déplaifir de les
rebuter , à eux celui de ne pas voir paroître
leurs Ouvrages.
-
Les Libraires des Provinces ou des Pays
Etrangers , qui fouhaiteront avoir le Mercure
de France de la premiere main , &plus promptement,
n'auront qu'à écrire à l'adreſſe ci-deſſus
indiquée ; on fe conformera très- exactement à
leurs intentions.
Ainfi il faudra mettre fur les adreſſes à M.
de Cleves d'Arnicourt , Commis au Mercure
de France , rue des Mauvais Garçons.
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI.
AOUS T. 1748 .
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
SUITE des Vies de quelques Carthaginois
célebres. Par M. Remond de Sainte Albine.
ANNIBAL III . furnommé l'Ancien
Rofe eft le premier qui ait donné
à (a ) cet ANNIBAL le furnom
d'Ancien . Sans doute cet Hiftorien
l'a confondu , comme ont
fait Zonaras ( b) , & après lui Freinshe-
(a ) Livre 4. chap . 7.
(b) Annales , Tom. 1. à Paris , de l'Imprimerie
Ryale , 1686. p. 385.
A ij
4 MERCURE DE FRANCE..
mius ( a) , avec le ſecond Annibal , fils de
Gifcon , & n'a point connû le premier Annibal
dont parle Juſtin (b) .
•
Il fuffit de lire les anciens Hiſtoriens ,
pour fe convaincre que le Guerrier , dont il
s'agit dans cet Article , n'eft point le même
qu'Annibal , fils de Gifcon . Ce dernier , ſelon
Dyodore ( c ) & felon Xénophon
fut chargé de la conduite des armées dans
la quatre- vingt-douzième , ou pour le plus
tard dans la quatre-vingt- treiziéme Olympiade
, & le troifiéme ANNIBAL commandoit
encore en Sicile dans la cent trentiéme
: deux Epoques , entre lefquelles il
Le trouve près de cent cinquante ans de
difference.
On ignore & le nom du pere & le tems
de la naiffance de cet ANNIBAL . On
peut
conjecturer feulement , qu'il eft né pendant
la guerre des Romains contre les Samnites
. Il eût été trop jeune , pour être Général
au commencement de la premiere
Guerre Punique , s'il n'eût reçû le jour
que pendant la guerre de Tarente , qui fuivit
celle contre les Samnites , & qui ne
dura que dix -neuf ans .
(a) Supplementum in locum Libr. 16. Livii. Edit.
Holmia apud J. Janffonium , 1649. p. 260.
b) Biblioth. Hiftor . liv. 13. Edit. de Hannaw
akes Claude Marny , c. 1604. p. 169.
(c) Liv . $. defes Hiftoires Grecques,
A O UST. S 1748 .
En ( a ) la troifiéme année de la cent
vingt- neuviéme Olympiade , l'an 491 (b)
de la fondation de Rome , & non vers l'an
493 , comme le prétend Moreri , il étoit
avec un Hannon , à la tête des troupes
que les Carthaginois avoient en Sicile.
Les Romains , voyant avec inquiétude la
puiffance de ce Peuple s'accroître , avoient
envoyé dans cette Ifle une armée , pour arrêter
les progrès d'un voifin fi dangereux.
Hyéron , Tyran de Siracufe , s'étoit joint
aux Romains . Les affaires de Sicile étoient
dans cet état , & ANNIBAL , avec une garniſon
confidérable , étoit enfermé dans
Agrigente (c ) , lorfque les Confuls Lucius
Pofthumius Megellus & Quintus Mamilius
Vetulus inveſtirent cette Place . Ayant foûtenu
le fiége pendant cinq mois , & étant
(a) Polybe , Liv. 1. Edit. de Francfort.pp. 18 .
&fuiv. Orofe , liv. 4. chap. 7.
(b) Onuphre, liv. 1. des Faftes , Edit, d'Heidelberg,
1588. p . 13. C'étoit la troifiéme année de la
premiere Guerre Punique.
(c) Agrigente. Il y a eu quatre Villes de ce nom.
Celle , dont il s'agit ici , a été l'une des plus confidérables
des plus peuplées de la Sicile. Les habitans
de Gola la fonderent dans la quarante-neuvième
Olympiade. Elle a été nommée Agragas on Acragas
, elle fubfifte aujourd'hui fous le nom de Gorgenti.
Voyez Dyodore , liv. 13. Polybe , liv . 8 .
Thucidide , liv. 6.
A iij
6 MERCURE DE FRANCE.
fur le point d'être réduit par la famine aux
plus cruelles extrémités , il profita d'une
occafion favorable , pour fortir avec toutes
fes troupes. Pendant une nuit fort obfcure,
les Romains , fatigués d'un long combat
qu'ils avoient eu la veille à foûtenir contre
Hannon , faifoient la garde plus négligemment
qu'à l'ordinaire. ANNIBAL palla au
travers de leur camp , & les ennemis ne
s'apperçurent de fa retraite qu'au point du
jour. Ils fe contenterent de le pourfuivre
pendant quelque tems , & de piller la
Ville , dans laquelle ils firent un grand
butin.
La prife d'Agrigente entraîna plufieurs
Villes de Sicile dans le parti des
Romains ( a ). Lucius Valerius Flaccus &
Titus Otacilius Craffus , qui fuccéderent
dans le Confulat à Quintus Mamilius & à
Lucius Pofthumius , fuccéderent auffi à leur
bonne fortune. Les progrès de ces nouveaux
Généraux engagerent leur Nation ,
à effayer fi elle feroit auffi heureuſe fur
la Méditerranée fur terre (b ).
que
Pour la premiere fois les Romains équipe-
(a) ANNE'E 492 de lafond. de Rome . Onuphre ,
liv 1. des Faftes , p. 13.
(b) Polybe , liv . 1. p . 20. & fuiv. Pline 16. 39.
Florus, liv. 2. chap. 2.
A O UST. 1748 .
rent une Flotte , & fongerent à difputer
l'Empire de la Mer à Carthage.
Leurs (a) premieres tentatives ne réüſſirent
point. Cneius Cornelius Scipion Afina ,
Conful, qui, pendant que Caius Duilius, fon
Collegue, faifoit la guerre par terre , conduifoit
les forces navales , fut enfermé dans le
Port de Meffine ( 6) , où il étoit allé avec
dix-fept Vaiffeaux , pour pourvoir aux be,
foins de la Flotte , & pour tâcher de furprendre
Lypare (c) . ANNIBAL , qui étoit
pour lors à Palerme ( d) , envoya contre lui
une Efcadre fous les ordres d'un Sénateur
Carthaginois , nommé Boodes . Cet Officier
(a ) ANNE'E 493 de lafond. de Rome. Onuphre,
liv. 1. des Faftes , p . 13. Sur les évenemens. Confult.
Polybe , liv. 1. p. 21 gſuiv.
(b) Melline . Cette Ville a pris fon nom d'une Colonie
de Meffeniens , qui la batirent . Les Meffeniens
étoient Grecs , & habitoient la Morée. Certains Peuples
de la Campanie, appellés Mamertins , s'établirent
dans Meffine , & communiquerent infenfiblement leur
nom aurefte des habitans. Monſt.liv . 1. de fa Cofmagraph.
Cluv. Sicil . Ant . liv , 1. c . 6.
(c) Lypare. Cette Ville étoit dans l'Île du même
nom , l'une des fept Æolides , fituées entre la Sicile &
l'Italie: Diodore de Sicile , liv . 6. de fes Antiqui ·
tés , chap . 3 .
(d ) Pour lors cette Ville s'appelloit Panormus. Quelques
anciennes infcriptions Phéniciennes , qui s'y trou
vent, font croire qu'elle a été bâtie par les Phéniciens .
Elle fubfifte encore aujourd'hui ſous le nom de Paler
me, eft confidérable . Mercat , en fon Atlas.
A iiij
8 MERCURE DE FRANCE.
força le Conful , abandonné par fes gens
de fe rendre , & il s'empara des dix - fept
Bâtimens , mais bien-tôt après il s'en fallut
peu qu'ANNIBAL n'eût un fort ſemblable
à celui de Scipion.
Le Général Carthaginois , inftruit que
l'armée navale des Romains n'étoit pas
éloignée , partit du Port de Palerme avec
cinquante Vaiffeaux , à deffein de reconnoître
de près le nombre & la difpofition
des ennemis. Comme il faifoit voile fans
inquiétude , il rencontra inopinément leur
Flotte. Il perdit dans cette occafion plu
fieurs Vaiffeaux , & enfin fe fauva contre
toute vrai-femblance .
Auffi - tôt (a ) que Caius Duilius eut appris
la défaite de Scipion , il laiffa la conduite
de l'armée de terre à fes Lieutenans ,
prit le commandement des forces maritimes
, & alla chercher les Carthaginois qui
étoient fur la côte du Pays de Myle (6) .
Les Romains avoient inventé une machine
pour accrocher les Vaiffeaux ennemis .
Elle fut depuis appellée Corbeau. C'étoit
(a) Polybe , liv. 1. p . 23. & ſuiv. Voyez auffi
Zonaras , Annales , tom. 1. liv. 8. p. 387..
(b) Ce Pays étoit nommé Myle , à cause du Mylas,
petit Fleuve qui l'arrofoit . Le Mylas coule dans la
partie Orientale de la Sicile , &fe nomme maintenant ·
Marcellino.
A O UST . 1748 .
une espece de Pont-levis , armé par- deffous
de mains ou crocs de fer , fur lequel deux
hommes pouvoient combattre de front , &
qui avoit des deux côtés de fa longueur
un parapet de la hauteur du genoüil. On
levoit & baiffoit cette machine par le fecours
d'une poulie , qui étoit au haut d'une
piéce de bois , d'un pied & demi de diamétre
, & de deux toifes de longueur. Les
Carthaginois fe remirent en mer avec cent
trente Bâtimens , & courant comme à une
victoire certaine , cinglerent vers les Romains
, fans daigner feulement fe former
en ligne. ANNIBAL étoit dans une Galere à
fept rames par banc , laquelle avoit été autrefois
au fameux Pyrrhus , Roi des Epirotes.
Il attaqua les ennemis avec une audace,
qui marquoitle fentiment qu'il avoit de
fa fupériorité. Bien-tôt ceux - ci rallentirent
cette fiere ardeur. Ils accrocherent
tous les Vaiffeaux qu'ils purent aborder ,
& en prirent cinquante. Celui même
qu'Annibal montoit , fut du nombre , &
ce Géneral s'enfuit dans un Eſquif, après
avoir fait tous les efforts qu'on doit attendre
d'un grand courage (4) .
(a) L'Auteur des Vies des Hommes Illufires dans la
Vie de Duilius , Edit. de Cornelius Nepos , à Francfort
, chés Marny , 1609. p . 43. rapporte cette victoire
des Romains , & nomme le Général Carthaginois .
Imilcon. A V
10 MERCURE DE FRANCE.
Il fit voile fur le champ à Carthage (4 ) ,
pour prévenir la nouvelle de fon défaftre
& pour détourner le coup dont fa têre
étoit menacée. Ayant obtenu audience du
Sénat , il demanda , fans parler de ce qui
étoit arrivé ,s'il devoit livrer le combat aux
Romains. Sans doute & au plutôt , s'écrierent
d'une voix unanime tous les Sénateurs.
J'ai fuivi vos intentions , ajoûta-t'il ,
& j'ai été vaincu . Je crois avoir rempli
mon devoir . Il ne dépendoit pas de moi
d'être heureux . Ainfi le Sénat fut obligé
de ne point punir une action , que lui- même
venoit d'ordonner .
Caius Duilius, après avoir pris Macella ( b) ,
retourna à Rome , & eut l'honneur d'être
le premier à qui les Romains décernerent
le triomphe pour une victoire rempor-
(a) V. Zonaras , Tom. premier de fes Annales , p.
387. L'Auteur des Vies des Hommes Illuftres ,
Vie de Duilius , p. 43 .
(b) Je ne connoispoint en Sicile de Ville qui ait été
nommée Macella. Ciacconius , dans fon Ouvrage
intitulé Libellus columna roftratæ , met Macella
dans cette Ifle. Peut tre eft -il fondéfeulement fur le
trai d'Hiftoire que je rapporte. Strongoli , Ville de
la Calabre , s'eft nommée Macella. Il y a de l'apparence
que Polybe a voulu parler d'une Ville de Sicile,
car il dit que les Romains , après avoir délivré les
Egeftains du fiége que les Carthaginois avoient mis
devant leur Ville , prirent de force Macella.
A O UST. 174S. II
tée fur mer. Ils voulurent même qu'à l'avenir
, lorfqu'il marcheroit les foirs dans la
Ville , il fut accompagné d'inftrumens , &
qu'on portât devant lui une efpece de fanal
(a) . Son départ fembla faire changer
la victoire de parti. Les Carthaginois s'emparerent
de plufieurs Villes. Mais , mécontens
d'ANNIBAL , ils le dépoferent , &
il demeura dans la vie privée , jufqu'à ce
qu'un an après il fut élû de nouveau Général
, & paffa dans la Sardaigne avec plufieurs
Capitaines .de nom ( ) . Il fe difpo
foit (c) comme il en avoit reçû l'ordre , à
s'opposer au paffage du Conful Quintus
Sulpitius Paterculus en Afrique , & il étoit
prêt de le joindre , lorfqu'une tempête furvint.
Elle les contraignit l'un & l'autre de
relâcher en Sardaigne . Sulpitius envoya de
faux transfuges , qui perfuaderent à ÁNNIBAL
, que les Romains faifoient voile vers
Carthage . Le Général Carthaginois gagne
auffi-tôt le large , malgré un brouillard
épais , dans le deffein de les pourſuivre , & il
tombe au milieu de la Flotte ennemie.Avant
qu'il ait eu le tems de fe mettrre en devoir
de combattre , plufieurs de fesVaiſeaux
(a ) Tite Live. Epitome , liv. 17. Edit . d'Elzevirà
la Haye 1644. tom. 2. p . 7.
(b) Polybe , liv. 1. p . 25 .
(c) Zonaras . Annales , tom. I. p. 389.
A vj
12 MERCURE DE FRANCE .
font pris; les autres, ou vont échouer contre
la côte , ou regagnent le Port en diligence.
ANNIBAL défefperé fe retira dans la Ville
de Sulques (a ) : mais il avoit encore plus
à craindre de fes propres troupes que des
Romains. Ses foldats , irrités d'un malheur
dont ils le regardoient comme la caufe, fe
vengerent fur lui de leur défaite , & le mirent
en croix (6). ANNIBAL mourut de ce
fupplice la feptième année de la premiere
guerre Punique , fous le Confulat d'Auius
Attilius Calatinus & de Quintus Sulpitius
Paterculus (c).
Paul Orofe (d) rapporte les principales
actions de cet ANNIBAL , mais il ne s'accorde
point avec Polybe fur quelques circonftances
, & il en ajoûte d'autres. Selon
ce premier Hiftorien , Scipion Afina ne
tomba entre les mains des Carthaginois
que par une trahifon d'ANNIBAL , qui
l'ayant attiré dans une embufcade , fons
prétexte de vouloir conférer avec lui fur
des préliminaires de paix , le chargea de
(a) Ville célebre, fituée dans la partie Méridionale
de la Sardaigne . Confult. Strabon , liv . 5. Pomponius
, liv. 2. chap. 7.
(b ) Polybe , liv . 1. p. 25 .
(c) ANNE'E 495 de la fondation de 'Rome. Onu
phre , liv, 1. des Faftes , p . 13.
(d ) Liv . 4. Chap. 7. Edit. de Cologne , chés Cholin
1582. P. 260. &ſuiv.
A O UST. 1748. 13
fers , & le fit mourir. Si l'on en croit le
même Orofe , Duilius n'avoit que trente
Vaiffeaux , lorfqu'il remporta l'éclatante
victoire dont j'ai parlé , & ANNIBAL , au
lieu d'être crucifié , fut lapidé par fes foldats.
Polybe , qui vivoit dans le fiécle d'après
celui d'ANNIBAL , doit avoir été níicux
inftruit qu'Orofe , qui n'a écrit que plus de
quatre cens ans après JESUS-CHRIST . Zonaras
dans fes Annales , Tome I. p . 389 ,
fait mention auffi de la mort d'ANNIBAL ,
mais il ne dit point quel fut le gente de
mort de ce Général.
ANNIBAL IV. fils d'Annibal III.
En la quatorziéme année de la premiere
Guerre Punique , au commencement da
fiége que les Romains , comme nous dirons
dans la vie d'Annibal V'. mirent devant
Lilybée , quelques- uns des principaux Of
ficiers de la garniſon de cette Place réfolurent
de la livrer aux Affiégeans. Ils pafferent
de nuit dans le camp ennemi ; pour
propofer au Conful les conditions qu'ils
exigeoient , & un Achayen avertit de leur
deffein & de leur abfence Himilcon , Gouverneur
de Lilybée . Himilcon fit auffi - tôt
affembler les Capitaines , qui reſtoient
dans la Ville. Tous promirent de perfifter
à faire une généreufe défenfe , & d'enga14
MERCURE DE FRANCE.
ger leurs troupes à les imiter . Parmi ces
troupes étoient beaucoup de Gaulois.
ANNIBAL , fils de l'Annibal que les foldats
avoient fait mourir en Sardaigne
,
alla par l'ordre d'Himilcon trouver ces
Gaulois , & les détermina à remplir leur
devoir. Polybe , le feul Hiftorien qui nous
ait confervé le nom de ce quatriéme ANNIBAL
, ne rapporte que cette unique circonftance
de la vie de ce Guerrier.
ANNIBAL
V. fils de L'AMILCAR
,
qui avoit commandé dans les commencemens
de la premiere Guerre Punique.
Toute la Sicile , excepté Drepane &
Lilybée , étoit fous la domination des Romains
, & ils n'attendoient que la priſe de
cette derniere Place , pour porter la guerre
en Afrique. Efperant de pouvoir bientôt
attaquer les Carthaginois au pied des murs
de Carthage, ils envoyerent en Sicile , dans
la quatorziéme année de la premiere Guerre
Punique , une Flotte de deux cens voiles
fous la conduite des Confuls Lucius Cacilius
Metellus & Caius Furius Pacilus , qui
affiegerent Lilybée. Cette Ville étoit fituée
fur un Promontoire de même nom
à l'Occident de la Sicile , vis -à - vis de l'Afrique
, & n'étoit éloignée de Carthage
que de cent vingt-cinq milles. La longue
A O UST. 1748.
& vigoureufe défenfe d'Himilcon , qui
commandoit dans Lilybée , arrêta les Romains
en Sicile pendant plus de tems qu'ils
n'avoient penfé. Cependant ANNIBAL,
fils de l'Amilcar qui avoit commandé les
armées de Carthage dans les commencemens
de la premiere Guerre Punique
aborde ( a ) avec dix mille hommes & cinquante
Vaiffeaux aux Ifles d'Egufe , qui
font entre Lilybée & l'Afrique. Dès qu'il
peut avoir le vent favorable , il déploye
toutes les voiles , après avoir difpofé ſes
troupes au combat , & il fe préfente à la
hauteur de la Ville affiegée . Les Romains ,
furpris de l'arrivée imprévûe de cette Flotte,
n'ofent s'oppofer à fon paffage. ANNIBAL
entre dans le Port , & la joie des Lilybéens
égale fon audace. Himilcon voulut
profiter de leur difpofition & du fecours
qu'il avoit reçu . Lelendemain dès
la pointe du jour, il fit une fortie avec vingt
deux mille hommes , dans l'intention de
brûler les machines , & de ruiner les travaux
des Affiégeans. Mais les Romains , fe
défendant avec une valeur digne d'eux
conferverent tous leurs ouvrages. L'Hif-
>
( a ) Peu de tems avant où pendant le Confulat de
Publius Claudius Pulcher, de Lucius JuniusPullus,
année i5 ou 6 de la premiere Guerre Punique , soz
on 504 de lafond. de Rome. Voyez Pelybe.
16 MERCURE DE FRANCE.
toire ne dit point , fi ANNIBAL fit quelque
exploit remarquable dansla fuite de la premiere
Guerre Punique . Vers la fin de la
Guerre d'Afrique, après que l'arméede Carthage
en vertu du pouvoir qu'elle avoit reçû
du Sénat , cut jugé les differends qui s'étoient
élevés entre Hannon & Amilcar
Barca , & qu'elle eût dépofé le premier de
ces Généraux , elle donna à Barca un ANNIBAL
pour Lieutenant. Polybe , ne faifant
point mention d'autre Annibal que d'ANNIBAL
V. depuis l'endroit où il parle de
ce Guerrier , jufqu'à l'endroit où il rapporte
qu'un Annibal commanda fous Barca
en Afrique , & n'avertiffant point qu'il
parle en cette occafion d'un nouvel Annibal
ou d'Annibal IV. nous donne lieu de
croire , qu'il défigne le même dont nous
écrivons la vie. ANNIBAL fit avec Naravafe
fous les ordres de Barca plufieurs
courfes dans les terres des Rebelles. Spendius
, l'un des principaux Chefs de la révolte
, fut pris , & fes troupes furent taillées
en pièces. Barca forma le fiége de Tunis
, & ANNIBAL fut chargé d'une des attaques.
Il avoit fon quartier du côté qui
regarde Carthage . Mathon qui défendoit
la Place affiegée , irrité de voir Spendius ,
fon Collégue, & les autres prifonniers mis
en croix par les Carthaginois devant les
A OUST. 1748. 17
le
murs de la Ville , & s'apperçevant que
quartier d'ANNIBAL étoit gardé négligemment
, tomba brufquement fur les
troupes de ce Guerrier , en tailla en piéces
une partie , mit le refte en fuite , pilla le
camp , prit ANNIBAL lui-même , & , ayant
fait ôter Spendius de la croix , il ordonna
qu'on mit fur la même croix ce Général
vivant , & qu'on lui fit fouffrir , avant que
de lui donner la mort , tous les fupplices
que les Carthaginois avoient fait éprouver
aux Rebelles , qui étoient tombés entre
leurs mains ( 4 ).
ANNIBAL , Rhodien de nation ( b ) .
Les Romains , comme nous avons vû
dans l'article précédent , avoient affiegé
Lilybée en la quatorziéme année de la
premiere Guerre Punique. Cette Ville ſe
défendoit depuis long- tems , mais les Af-
( a ) Année f14 , §15 , 516 on 517 , depuis la
fond. de Rome. Car tout ce que l'onpeut affärer , c'est
qu'Annibal mourut vers la fin de la guerre d'Afrique.
Polybe , Ifidore , & Tite-Live ne s'accordent
point fur la durée de cette guerre , &la font finir, l'un
dans l'année 1915 , l'autre dans l'année 1516.
(b ) Quoique cet Annibal ne fût point Carthagi
nois , j'ai crupouvoir lui donner place parmi les Guer
riers de cette Nation , en confidération du zéle aves
lequel il l'a fervie.
18 MERCURE DE FRANCE.
fiegés étoient ferrés de fi près , que les
Carthaginois , qui étoient à Drepane ,
défefpéroient de pouvoir rien apprendre
de la Place , tant que le fiége dureroit
( a ) . Un Rhodien , nommé ANNIBAL ,
homme de diftinction , promit d'entrer
par mer dans Lilybée' , & d'en rapporter
des nouvelles. L'armée navale des ennemis
, qui étoit à l'ancre dans le lieu même
où il falloit paffer pour fe jetter dans le
Port , fembloit rendre impoffible l'exécution
d'une telle entreprife. ANNIBAL fie
cependant le voyage fur un Vaiffeau , qui
lui appartenoit. Il aborda à l'une des Ifles,
qui font vis- à- vis de Lilybée , & le jour
fuivant à dix heures du matin , il entra
voiles déployées dans le Port en préſence
des Romains , étonnés de fa témérité. Pour
lui ôter tout espoir d'en fortir , le Conful
en fit garder l'entrée par les meilleurs
Voiliers de fes Vaiffeaux , & fe tint lui
même fur le rivage avec toute fon armée .
De tous côtés on voyoit voguer des bâtimens,
prêts à fondre fur le Rhodien .Toutes
tes précautions ne purent le rendre ni moins
téméraire ni plus malheureux . Se fiant
à la legereté de fon Vaiffeau , il paffa une
feconde fois en plein jour au travers des
(b ) Polybe , Livre premier.
A OUST. 1748. 19
,
ennemis , quelquefois s'arrêtant , & quelquefois
retournant en arriere comme
pour les provoquer au combat ; & avec un
feul bâtiment il triompha , pour ainsi dire,
de toute l'armée ennemie ( a ) . Depuis , il
retourna fouvent de la même façon à Lilybée
, & rendit de grands fervices aux
Carthaginois , en donnant les avis néceffaires
, & en relevant le courage des Affiégés.
Une parfaite connoiffance de la route qu'il
falloit tenir pour entrer dans le Port , dont
l'accès étoit difficile , l'aidoit à tromper
ceux qui vouloient s'oppoſer à fon paffage.
Il joignoir à cette connoiflance la rufe.
Lorfqu'il étoit encore en haute mer ; &
avant qu'on pût commencer à le découvrir
, il alloit gagner le chemin d'Italie
& enfuite tournoit la proue du côté de
Sicile ainfi fon bâtiment , en cas qu'il fût
apperçu de loin , paroiffoit venir de Ca
labre. Outre cet avantage , il avoit celui
d'être caché , lorfqu'il approchoit de la
Ville, par une avance des fortifications qui
alloit jufqu'à la mer. Son audace & fon
fuccès donnerent auffi à d'autres la har-
(a ) Annibalfit cet extloit , un peu avant ou pendant
le Confulat de Publius Clau lius Pulcher & de
Lucius Junius i ullus , année 15 ou 16 de la premiere
Guerre Punique , & 503 ou 504 , depuis la fond. da
Rome. Voyez POLYBE & ONUPHRI,
o MERCURE DE FRANCE.
dieffe de fuivre fon exemple. Les Ro
mains , voyant les Affiégés recevoir à tout
moment par ce moyen de nouveaux fecours
, fe déterminerent à combler l'entrée
du Port. Mais la violence des courans
les contraignit de renoncer à ce deffein.
Il ne leur fut pas néanmoins inutile.
Une partie de ce qu'ils avoient jeté dans
la mer , avoit formé une efpéce de banc ,
fur lequel une Galére Carthaginoife
échouia , & elle fut prife. Ils l'équiperent
auffi-tôt de foldats & de rameurs d'élite.
ANNIBAL , qui étoit entré de nuit dans le
Port , fortit felon fa coûtume en plein
jour. Pourfuivi d'abord par cette Galére
qu'il reconnut n'être point inférieure en
legéreté à fon navire , il ne fongea qu'à la
fuite. Mais , tous les chemins lui étant fermés,
il fallut qu'il hazardât le combat.
Le nombre des Romains rangea la victoire
de leur parti. Annibal fut fait prifonnier.
C'est tout ce que Polybe nous apprend de
ce brave Rhodien. Moreri ne parle point
de cer Annibal , ni des deux précédens.
Offmann fait mention d'Annibal IV . mais
oublie le cinquiéme & le fixiéme Guerrier
de ce nom .
AOUST. 21 1748 .
PROJET d'un Monument à la gloire
du Roi.
Au meilleur des Rois & des Maîtres U
? François , dreflez un Monument
Digne d'un Héros auffi grand.
Il partage avec fes Ancêtres
Le nom pompeux de Conquérant
Mais à ce titre magnifique
Louis préfére juftement
Le doux titre de Pacifique ,
De Généreux , de Bienfaisant.
N'y gravez aucune Victoire.
Par le deuil , le fang , & l'horreur
Il faut acheter cette gloire ;
Elle coûte trop à ſon coeur.
Loüis ne pourroit qu'avec peine
Contempler ces triftes objets ;
Son coeur qui détefte la haine ,
Veut épargner à fes Sujets
Jufqu'à cette image inhumaine
De la guerre & de ſes forfaits.
Que Minerve à la paix unie ,
Que les beaux Arts & l'harmonie ,
Dont il anime les progrès ,
Y peignent avec induftrie
22 MERCURE DE FRANCE.
Et fa clémence & fes bienfaits .
Qu'un Autel lui ferve de Trône ;
Qu'il y foule à fes pieds Bellone ,
La difcorde , & la cruauté ;
Que d'un air ferain il pardonne
A l'ennemi qu'il a dompté ;
Que la douceur & la bonté
Figurent avec l'équité
Dans un groupe qui l'environne.
Que fon peuple , vraiment flaté
De voir en fon Roi fes délices,
Sa gloire & fa félicité ,
( A fes genoux repréſenté )
Offre de riches facrifices ,
Et chante la profpérité
Dont il jouit fous les auſpices.
Que loin de paroître irrité ,
'A ce tribut , à cet hommage
L'univers joigne fon ſuftrage.
Par la voix de la Vérité
Que le Ciel même le lui donne ;
Qu'au nom de toutes les Vertus
L'immortalité le couronne
Du Diadême de Titus.
C. M. à Paray
AOUST. 1748. 23
CACAVACICA¬əcələriŸavava
Endant la vie des Hommes célébres ,
Pleurs meilleurs ouvrages font cenfurés.
Après leur mort on recherche avec
avidité leurs moindres productions. Nous
comptons de faire plaifir au public , en lui
donnant une lettre de l'illuftre Rouffeau ,
laquelle n'a point été imprimée . Ce préfent
nous vient de M. l'Abbé d'Olivet. I
feroit à fouhaiter que l'exemple de cet
Académicien eût un plus grand nombre
d'imitateurs , & que les perfonnes , qui
ont entre les mains quelques piéces fugitives
des Ecrivains , dont le nom eft cher
à la Nation , montraffent plus d'empreffement
à en enrichir les Journaux . Celle-ci
eft fört digne de fon Auteur par le ftyle ; &
elle l'eft d'un Philofophe Chrétien par la
folidité des réfléxions. S'il eft vrai qu'on
fe peigne dans fes Lettres , l'Emule de
Defpreaux avoit des fentimens fort differens
de ceux que lui attribuoient fes ennemis,
24 MERCURE DE FRANCE.
LETTRE de feu M Rouſſeau
à M. LeBaron d***.
De Vienne lepremier Novembre 1720.
Jme de Vongeois queres que
E me plaignois de votre filence . Hélas !
›
vous dûffiez le rompre par une nouvelle
auffi foudroyante que celle que vous
m'apprenez . Quelle perte , bon Dieu !
Et à quelle épreuve la Providence a- t'elle
voulu mettre votre vertu & celle de Madame
la Baronne ! C'est ainsi qu'elle fe
joue des projets qui nous paroiffent les
plus légitimes. Vous avez joüi juſqu'à prélent
de tous les avantages de cette vie ;
une longue & conftante profpérité , une
fortune folidement établie , une famille
digne de vous ; voilà bien des graces que
Dieu n'étoit point obligé de vous faire
& peut-être n'avez-vous pas affés fongé
que c'étoit à lui feul que vous les deviez .
On ne lui attribue que la mauvaiſe fortune
, & on croit ne devoir la bonne qu'à
foi-même. Il faut pourtant tôt ou tard lui
payer nos dettes , & fe mettre dans l'efprit
qu'il ne nous envoie point dans ce monde
pour être heureux felon nos vûës , nais
felon les fiennes ; que ce qui nous paroît
le plus grand des biens , eft fouvent la
fource
1
*
C
A O UST.
1748. 28
fource de nos plus grandes afflictions , &
que ce qui nous afflige le plus , eft au contraire
plus fouvent encore le principe du
bonheur auquel il nous deftine. J'ai été
affés malheureux dans mon tems , pour
avoir eu occafion de réfléchir fur la condition
des hommes , & peut-être que ce qui
a le plus contribué à me tranquillifer ,
c'eft la réfléxion que j'ai faite fur l'égarement
de nos fouhaits , dont l'accompliffement
tourne prefque toujours à notre
dommage. Il faut laiffer faire les Dieux
difoit Juvenal, qui , tout Payen qu'il étoit,
a traité ce point de Religion plus chrétiennement
que beaucoup d'entre ceux qui
font profeffion de Chriftianifme. Je vous
renvoye à lui fur cette matiere , mais je ne
vous renvoye qu'à vous-même fur une
autre , qui , préfentement que vous avez
donné à la nature ce qu'elle demandoit de
yons , doit faire l'objet & le fondement
de votre confolation . Tout homme , qui
croit un Dieu , doit croire qu'il eft jufte ,
fans quoi il ne feroit. pas ; il faut donc
croire en même tems, qu'il a quelque chofe
de meilleur à nous donner que cette vie ,
qui malheureufe & traverfée comme elle
l'eft , feroit un préfent peu digne de fa
juftice , & s'il eft vrai qu'il nous deſtine à
un état plus heureux , comme nous ne le
B
26 MERCURE
DE FRANCE.
A
lefméritons
point , il est trop jufte que nous
l'achetions , ce que nous ne pouvons faire
que par notre foumiffion , & par le bon
ufage que nous faifons des peines par
quelles il nous le fait acheter. En voilà
affés ,Monfieur , pour vous faire comprendre
que les plus malheureux ne font pas
toujours les plus à plaindre , & que les
plus fortunés ne font pas les plus dignes
d'envie. En voilà affés pour vous faire
chercher votre confolation où un Chrétien
doit la trouver . Recevez cette afflic
tion , la plus grande que vous puiffiez recevoir
, comme une expiation des fautes
auxquelles nous fommes tous fujets en
cette vie , & comme un gage du bonheur
que Dieu vous prépare dans une autre. Il
vous reste un fils que vous avez peut-être
trop négligé par excès d'attachement à
l'aîné. Donnez tous vos foins à en faire
un auffi honnête-homme que vous ; en un
mot confolez-vous avec celui qui vous
refte , & priez Dieu pour celui
n'avez plus. Vous ferez peut-être furpris
de recevoir de pareils confeils d'un faifeur
d'Epigrammes , mais Dieu merci j'en ai porté
la peine , & je m'eftimerois malheureux
fi je n'en avois pas été puni,
que vous
AOUST. 1748.
BRG CHO LING LÆS SHIG BANG HUNG LANG SANG TAG MIG LAN
LE TEM S.
O DE.
Par M. Née de la Rochelle.
Toi qui n'admets rien de folide , Oi
Dont l'effence eft le changement ,
O tems ! que ta courſe eft rapide !
Que tu paffes legérement !
Ce Globe que le Ciel enferme
N'a point de puiflance fi ferme
Que tu n'entraînes avec toi ;
Rien n'arrête ta violence ,
Et le moment même , où je penfe ,
S'enfuit déja bien loin de moi.
*XX
Les jours qui compofent ma vie
Me font comptés par les deſtins ;
Des uns la douceur m'eft ravie ,
Les autres me font incertains ;*
Le paffé n'a plus aucun charme ,
L'avenir me trouble & m'allarme ,
Le préſent m'eſt un foible appui ,
Et comme un point indivifible ,
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
Ou comme un Arôme inſenſible,
11 paffe , & je paffe avec lui .
****
Fatale erreur qui nous entraîne !
Nous poursuivons de vains objets !
Pour une fortune incertaine
Nous formons de vaftes projets :
L'homme , conduit par les caprices ,
Semble oublier dans les délices ,
Que le Ciel a borné les jours' ;
Plein du doux poifon qui l'enyvre ,
Il s'embarraffe autant de vivre ,
Que s'il devoit vivre toujours..
Vainement il voit que la Parque
Nous tient tous foumis à fes loix ,
Et que tout paffe dans la Barque ,
Où jamais on n'entre deux fois ;
La raifon & l'expérience
Ne peuvent par aucune inftance
Reveiller fes fens engourdis :
Pour fuivre ces fidéles guides ,
Où les vertus font trop timides ,
Où les vices font trop hardis.
*3 *+
?
A O UST. 1748 . 29
Jufqu'à quand , vanités mondaines ,
Enchanterez- vous nos efprits ?
Tiendrez- vous toujours dans les chaînes
Nos coeurs de vos charmes épris ?
Pafferons- nous dans l'eſclavage
Toutes les faifons de notre âge ,
Sans que nous puiffions en fortir ?
Nous faudra- t'il , double victime ,
Donner notre jeuneffe au crime ,
Notre vieilleffe au repentir
Non . Faifons un meilleur ufage ,
D'un tréſor qui nous vient des Cieux
Le tems eft court ; qu'on le ménage ,
Tous les momens font précieux ;
Que la vertu , que la fageffe
Occupent notre ame fans ceffe
De tout vice fuyons l'écueil :
Que notre efprit fouvent médite
Combien la diftance eſt petite
Du berceau jufques au cercueil.
Biij
30 MERCURE DE FRANCE
LETTRE fur le V'er folitaire „ nommé
Tenia. à M. B.
V
,
2.
Ous me demandez , Monfieur ce
que c'eft que le Ver nommé Tenia
comment il s'engendre & fe perpétue .
Vous voulez encore que je vous apprenne
quels font les remédes les plus propres à
le tuer , ou à le faire fortir du corps our
il eft logé. C'eft ainfi que rien ne vous
échape de ce qui a rapport à l'Hiftoire Naturelle
, & que non- content de vous diſtinguer
par la délicateffe de votre efprit ,
& par votre condition , vous tournez fagement
vos vûës du côté de l'utilité publique.
Vos questions , Monfieur , pourroient
embarra fer un Phyficien plus habile que
je ne le fuis , mais comme j'ai eu occafion
de voir fouvent de ces fortes de vers ,
quis
font très finguliers ; que je les ai examinés
de près , & avec beaucoup d'attention ;
j'effayerai de fatisfaire votre curiofité , en
ne vous difant rien que de vrai .
Il m'a paru que le folitaire étoit compofé
de petits anneaux veloutés , enchaînés
les uns aux autres , & réunis par un
cartilage fort mince , ou par une membraAOUST.
1748. 3r
me fort déliée. Il fe termine par une ef
péce de queue ou de filet creux , qui pourroit
bien être la tête même du ver , puif
qu'on n'en trouve point d'autre , quelque
recherche qu'on ait faite. Ce que j'ai vû
manifeftement , c'eſt une forte de tuyau ,
ou plutôt une véritable trompe , affés femblable
à celle de quelques autres infectes ,
& dont l'animal fe fert pour pomper fa
nourriture , qui n'eft autre choſe que le
chyle. Ce qui juftifie cette penfée , c'eſt
qu'on a trouvé dans quelques cadavres ,
& même dans quelques chiens vivans , ce
ver , dont la pointe étoit couchée fur le
Pylore , comme pour y puifer le chyle
qu'y verfe l'édifice inférieur de l'eftomach.
Cette tête , ou plutôt cette trompe ,
s'érend
& s'allonge à mefure que le ver grandit
& fait des progrès . Les petits anneaux
qui la compofent groffiffent infenfiblement
& par degrés , depuis la bafe de la pointe
jufqu'au tronc : on peut donc confidérer
cette pointe comme la racine de l'animal 5
c'eft elle qui le nourrit , & c'eft par fon
moyen qu'il fe prolonge , & qu'il répare
ce qu'il perd , lorfqu'il vient à être rompu
par accident , ou par l'effet de quelque reméde.
La figure du Tenia n'a rien qui bleſſe
les yeux ; il reffemble à un facher applati ,
B iiij
32 MERCURE DE FRANCE.
ou à un ruban d'un blanc cendré , dont les
rebords forment de petites franges : il eft
annelé dans fa longueur , & l'on remar
que une petite veine brune ou noirâtre
dans l'intervalle de chaque anneau . J'ai
vû quelques- uns de ces vers marquetés ,
fur la renure defquels on apperçoit de petites
tâches d'un bleu foncé , & difpofées
fort régulierement , mais je n'ai pû appercevoir
ces écailles placées le long du dos ,
ni cette tête ronde & ces quatre yeux ,
dont parle M. Andri. J'avoue , Monfieur,
que je me plais à abattre le merveilleux ;
il me femble que je terraffe des monftres
& des géans.
و
Le méchanifme intérieur du folitaire eft
beaucoup moins connu & beaucoup
moins aifé à connoître ; ce qu'on y apperçoit
le plus diftinctement , ce font des
glandules ou mamelons , qui contiennent
une lymphe épaiffe & vifqueufe . On peut
prefque affûrer que le ver entier n'eft formé
que de cette lymphe qui prend quel
que confiftance , & fe durcit dans la tunique
qui la renferme . Quelques perfonnes .
m'ont dit qu'elles avoient découvert fur le
dos du Tenia de petites trachées qui communiquent
du dedans à l'extérieur , & par
le moyen defquelles l'animal refpire . Un
Phyficien , très- éclairé & très-bonNatu
A O UST.
1748. 33
raliſte , croit
peau
que ces trachées
peuvent
être
confidérées
comme
des efpéces
de foupapes
, qui s'ouvrent
pour recevoir
la lymphe
, & qui fe ferment
pour l'empêcher
de fortir ; ainfi le Tenia fe nourriroit
par les pores qui tapiffent
la furface de fa
c'eft de cette maniere
que fe nourriffent
certaines
plantes
marines
; & cela ferviroit
à conformer
l'analogie
qu'il y a entre les
plantes
& les animaux
. On remarque
en effet , dans toute l'étendue
de ce ver , de petits interftices
entre les anneaux
, qui peuvent
donner
paffage au fuc nourricier
, & fervir de canal . Ces interftices
aboutiffent
aux mamelons
, qui feront les fonc tions du ventricule
, ou de l'eftomach
. Ainfi le folitaire
recevroit
fa nourriture
,
ou du moins une partie par fes orifices ; des valvules
l'empêcheroient
de fortir , & le mouvement
vermiculaire
, aidé de la
preffion
de l'air , la poufferoit
dans toute
l'étendue
du corps
. de l'animal
. Ne pourroit-
on pas regarder
le Tenia comme
u infecte
à double
queue , qui fe prolonge
par le milieu ? Un anneau
naiffant
s'accroche
à celui qui eft le plus voifin ; le ver
s'allonge
& fe fortifie
, à proportion
qu'il trouve
plus de nourriture
& plus d'éterdue
pour le loger . & pour fe mouvoir
. Nous en avons un exemple
dans les pro
By
34 MERCURE DE FRANCE.
grès du limaçon à coquille. Ce qui faitque
nous ne croyons dans le folitaire qu'une
feule queue , qui eft ordinairement la
fupérieure , c'est que l'inférieure a été
comme étranglée par le refferrement du
cacum où elle aboutit , ce qui caufe fouvent
de grandes démangeaifons dans l'anus.
Vous
voyez, Monfieur
› par ce que je
viens
de dire , que la ftructure
intérieure
de ce ver a quelque
chofe
de très-fingulier
, mais en même
tems d'affés
obfcur
..
L'organiſation
intime
des parties
, leurreffort
, leur jeu , échapent
à la vûë , & aus
fcalpel
. Notre
curiofité
, qui veut tout pénétrer
& tout fçavoir
, eft prefque
réduite
à ne juger
que de la figure
& de la furface
:
extérieure
des corps . A l'égard
de la longueur
du Tenia
, il eft facile
de la meſurer
:
très-exactement
. Il y en a qui ont juſqu'à
trente
aulnes , & même
jufqu'à
quarantecinq
, & le célébre
Ruifch
en a vu de tels..
J'avoue
que je n'en ai vû aucun
d'une grandeur
fi prodigieufe
; ceux qu'on
m'a montrés
n'avoient
tout au plus que dix à douze
aulnes
..
Quoiqu'il en foit , il eft évident que le
folitaire a une figure & une organifation
très-particuliere , & qu'il forme ainfi une
efpéce diftincte de toutes les autres . Ce
fentiment eft tout-à- fait oppofé à celui.de
A O UST. 1748.. 3'5'
M. Andri , qui conjecturoit que le Tenia
n'eft qu'un ver commun & ordinaire , qui
s'allonge & s'applatit par la preffion & le
frottement de l'eftomach & des inteftins ;
mais fi le folitaire n'eft qu'un ver ordinaire
qui ne fait que fe développer & changer
de figure dans le corps humain , d'où vient
que fa forme & fon organiſation ont fi
peu de rapport & de reffemblance avec la
figure & l'organisation de toutes les efpéces
de vers que nous connoiffons ? J'aurai
peut- être occafion de dire encore quelchofe
fur ce fujet. que
:
M. Valifnieri , qui a crû que le Tenia
étoit un affemblage , ou une chaîne de vers
cucurbitins , n'a pas mieux rencontré que
M. Andri , qui ne s'éloignoit pas de cette:
idée le fentiment du Docteur Confet y
a auffi beaucoup de rapport ; il croyoit
que le folitaire n'étoit qu'un compofé:
d'afcarides , qui fe tenoient accrochés les
uns aux autres. C'eſt ainſi qu'on a trouvé
en hyver des hyrondelles dans les marais,,
qui étoient entrelacées , & ne formoient
qu'une feule & même chaîne.
Mais quand on examine le Tenia avec
attention , on croit évidemment qu'il formeun
corps continu ; qu'il n'a point d'étui
qui l'enveloppe , & que fes cercles
ou fes incifions font liés entre eux par dess
B. vjj
36 MERCURE DE FRANCE.
ligamens. A la vérité , en fuppofânt un
fimple affemblage fans continuité , on explique
bien plus aifément ,pourquoi ce ver
ne périt point lorfqu'il vient à fe caffer .
Si chaque anneau eft un ver , il fera indépendant
des autres , il pourra fe féparer
fans déchirer fes voifins ; plufieurs chaînons
pourront fe détacher de la chaîne
fans qu'elle courre aucun rifque de fe
rompre. On pourvoiroit à tout fi le folitaire
avoit les mêmes propriétés qu'on a
découvertes dans le Polype , dont chaque
morceau a la faculté de fe reproduire en
quelque forte , de fe donner peu à peu les
membres qui lui manquent , & de devenir
ainfi un animal entier & complet . Ariftote
a comparé cette production aux plantes
qui naiffent de bouture ; de- là vient qu'il
nomme les Polypes , des Zoophgtas . Saint
Auguftin en parle auffi quelque part avec
admiration , comme ne fçachant que penfer
de la nature de l'ame , Mais M. Tremblay
, de Genéve , Naturalifte fort éclairé,
& bon Ecrivain , a mis depuis pen cette
découverte dans un très- grand jour , &
par la maniere dont il l'expofé , & les inductions
qu'il en tire , on ne peut nier
qu'elle ne lui appartienne légitimement.
Pourriez-vous croire , Monfieur , que
AOUST 174S $7
Le Tenia étoit fi peu connu , quoiqu'il foit
fort ancien puifque Hypocrate en parle ,
qu'on a prétendu que ce n'étoit qu'une
membrane des inteftins , qui s'étoit détachée
, & qui avoit pris peu à peu une figure
finguliere & déterminée: Cette men
brane avoit , dit- on , confervé un certain
reffort , ce qui la faifoit paroître animée ,
mais pour détruire cette opinion , il n'y
a qu'à ouvrir les yeux , on voit manifeftement
le folitaire donner des fignes de vie ;
on le voit fe trémouffer avec violence
dès qu'il eft forti du corps ; on l'a vû mề-
me ramper comme un ver de terre ; il a des
mouvemens fi fenfibles & fi vifs , que les
malades chés qui il eft logé s'en apperçoivent
très- diftinctement. Il eft d'ailleurs fi
vorace ,& le défaut de nourriture le rend
fi inquiet & fi furieux , qu'on ne fçauroit
douter qu'il ne vive aux dépens.de fon hôte
, à qui il dérobe les alimens.
Jufqu'ici , Monfieur , je ne vous ai parié
que de ce que j'ai vû , & que j'ai examiné
moi-même ; je vais à préfent vous dire un
mot de ce que le bruit public a fait venirju
qu'à moi .On m'a proteſté qu'un de ces vers
avoit la tête affés ſemblable à celle du limaçon
; qu'elle pouffoit deux petites cornes ,
qui fortoient & rentroient alternativement.
On ajoutoit qu'on avoit remarqué
38 MERCURE DE FRANCE.
fur la pointe de ces cornes de petites émi
nences , qui pourroient bien être des
yeux & faire la fonction de lunettes d'approche.
Pour faire fentir le ridicule de
cette fable , je n'ai fait que demander
quel feroit l'ufage de ces yeux , & de ces
lunettes dans l'endroit où le Tenia eft
placé. La nature eft trop économe &
trop fage , pour faire une dépenfe inutile .
Une autre perfonne m'a affûré avoir vû
fortir un ver d'une taille gigantefque ,
hériffé de poils , armé d'une fourche , ou
d'un dard , & dont la tête reffembloit à
celle du ferpent. Le penchant que les
hommes ont pour le merveilleux eft fi
grand qu'ils en mettent par tout. On fair
ufage de fon imagination , lorfqu'il net
faudroit faire ufage que de fes yeux & de
fa raiſon.
Mais le folitaire eft- il toujours feul dans
fa retraite Ne fçauroit- il vaincre fon
averfion pour la fociété , & n'a-t'il jamais
de compagne ? Si cela eft , comment ſe:
perpétue-t'il , & comment la race en peutelle
fubfifter ? Voilà des queftions bien
preffantes & bien pofitives , mais vous me
permettrez , Monfieur , de répondre à la
premiere , avant que de paffer à la feconde.
On fçait qu'en général le Tenia eft
unique dans le corps humain , & dans
A OUST. 1748% 3:9)
quelques animaux : il y a peu d'exceptions
à cette régle. S'il a des compagnons , comme
en effet il en a quelquefois , ils ne font
pas de fon efpéce , & il n'y a pas apparence
qu'ils contribuent à la propagation . Com
ment donc fe perpétue t'il Cette conféquence
eft toute naturelle , mais elle devient
un problême difficile à réfoudre ; le
folitaire feroit-il hermaphrodite , & auroitil
la faculté de faire en même tems less
fonctions du mâle & de la femelle ? Cela
pourroit bien être , & il ne feroit pas le
feul infecte qui eût cette propriété ; ce qui
fait naître quelque doute , c'eft qu'on n'a
point trouvé de petit ver de fon efpéce
qui fut avec lui dans la même loge , &
qui parut le fruit de fes oeuvres ; lors même
qu'on en auroit trouvé par hazard
cela ne prouveroit point que le petit ver
eût été engendré par le plus gros ; celui- ci
auroit pu avoir été rompu & divifé par
quelque accident , & fi chaque parcelle , à
l'exemple du polype , a la propriété de
pouffer hors d'elle les membres qui lui
manquent , & de devenir ainfi un corps
entier & parfait , femblable à celui dont il
a été tiré , il y aura alors une multiplication
réelle & véritable , mais non une génération.
On ne diroit point que les morceaux
de l'hydre de Lerme fuffent une pro40
MERCURE DE FRANCE .
duction de cet animal , quoique chaque
fragment en prit, peu à peu , la forme & la
reffemblance .
Il y a deux opinions principales fur la
génération du Tenia, que j'examinerai ici ;
la premiere a de grandes autorités ; elle eſt
appuyée par Hypocrate , & par Meffieurs
Valifnieri & Bagliri , célébres Phyficiens :
elle fuppofe que lefolitaire naît avec l'embrion
; qu'il grandit & fe prolonge avec
lui. Cette hypothéfe eft encore fondée fur
une obfervation qu'on a faite ; on a remarqué
que les peres & les meres , qui ont le
Tenia , laiffent fouvent ce fâcheux héritage
à leurs enfans.
Il femble que rien ne puiffe détruire une
opinion qui eft fi bien appuyée , & qui a
un fi grand degré de vrai femblance ; cependant
elle n'eft pas exempre de difficultés
; fi l'on ne renverfe pas l'édifice , on
peut du moins l'ébranler. On demande
qui a joint au foetus le germe du Tenia ,
pourquoi cette union fimal affortie , comment
ces deux corps, fi differens entre eux ,
qui ont fi peu de liaiſon & d'affinité ,
peuvent croître de concert & demeurer
unis , malgré mille obftacles qui devroient
les féparer. Une ſemblable harmonie eftelle
naturelle , ne répugne - t'elle pas à nos
lumieres & au fens commun 2
3
A O UST. 1748. # 41
La feconde opinion fur l'origine du fo
Titaire , eft celle- ci ; l'air , dit- on , eft fon.
premier berceau & fon véhicule . Il eſt
rempli des germes de toutes fortes d'Infectes
, & il les tranſporte d'un endroit à un
autre , jufqu'à ce que ces germes , déposés
dans un lieu convenable à leur nature , s'y
arrêtent , y prennent en quelque forte racine
, & s'y développent. Comment le
corps humain en feroit- il exempt , puifque
les pierres même font rongées par certains .
vers , qui y cherchent leur domicile Mais
ces germes , répliquera- t'on , ne fe forment
pas dans l'air ; on eft en droit de demander
qui les a produits , & d'où ils viennent.
Nous ne fommes plus dans ces fiécles
ténebreux , où l'on s'imaginoit que le.
hazard avoit le pouvoir de créer des fubftances
, & la fageffe de les conferver . La
vérité , qui nous éclaire aujourd'hui , nous
apprend que le hazard n'eft rien , & ne
fçauroit produire aucune fubftance. L'ex- .
périence a démontré que la pourriture eft
dans une impuiffance abfoluë de former
le moindre Infecte, & que pour fçavoir
pourquoi tel Etre fubfifte aujourd'hui , il
faut néceffairement remonter à fon origine
& à fa premiere caufe. Si nons confultons
la bonne Philofophie , elle nous enfeignera
que tous les animaux font égale
42 MERCURE DE FRANCE.
ment parfaits dans leur efpéce , & relativement
au but que le Créateur s'eft propofé.
L'Infecte le plus vil , & qui nous paroît
à peine ébauché , a cependant une organiſation
auffi admirable que celle des
animaux , qui nous femblent les plus travaillés
& les plus parfaits. On convient
que l'air eft un fluide dans lequel nâge une
infinité de germes & de femences , mais
ces germes font fortis d'animaux ou d'infectes
de leur efpéce , & le folitaire paroît
incapable de fe perpétuer par lui-même ;
s'il avoit cette faculté , nous l'avons déja
dit , il donneroit des preuves de fa fécondité
; s'il pouvoit être pere de famille , on
verroit de fes petits , au lieu que
trouve dans fa retraite aucun animal de
fon efpéce. Quand une fois on l'a arraché
de fa loge , il n'y laiffe aucun germe , &
les perfonnes , qui en ont été entierement
délivrées , le font pour toujours.
l'on ne
Voici enfin la véritable origine du Tenia ,
dira quelqu'un : il eft porté dans le corps
humain avec les alimens ; on ne sçauroit
nier qu'ils ne foient pleins de vers de toutes
les fortes. Il ne s'agit pour eux que de sintroduire,
& cela ne leur eft pas difficile . Dès
qu'ils ont trouvé un terrain convenable ,
on n'eft plus en peine de leurs progrès fur--
prenans. On fçait que la plus petite femenA
O UST. 1748% 43.
ce , miſe en terre , peut produire un arbre
d'une hauteur exceffive ; il en eft de même
du folitaire ; il n'y a qu'à lui donner une
matiere où il puiffe fe nourrir & s'éten
dre. A l'égard de fa figure finguliere &
déterminée , cela ne doit caufer aucun embarras
; ce ver eft d'une ſubſtance molle &
fpongieufe , il fe ploie aifément au moule
dans lequel il fe trouve. Il prend telle ou
telle figure , felon la forme de l'azile qu'il
a choifi .
י
Rien n'eft plus aifé que de faire ce raifonnement
, mais rien n'eft plus difficile
que de le foûtenir . Pour le réfuter , il n'y
a qu'à fe rappeller ce que l'on vient de dire
fur l'impuiffance où il paroît que fe
trouve le Tenia de produire fon femblable
, & fur l'impoffibilité qu'il y a que les
vers d'une autre efpece puiffent prendre
régulierement la forme & la ſtructure du
folitaire Confultons la Nature ; elle nous
apprendra , non -feulement qu'il ne fe forme
plus de nouveaux Etres , mais encore
que leurs métamorphofes ont leurs bornes,
& que la diverfité que produit leur mêlange
a des limites marquées. La varieté des
plantes & des animaux ne va jamais audelà
d'un certain point. Tous les corps
font foûmis à des regles qu'il ne leur eft
pas permis de violer. Comme il ne s'eft.
46 MERCURE DE FRANCE.
détruit aucunes efpécés de plantes & d'animaux
depuis la Création , il ne s'en eſt
point auffi formé de nouvelles . Il pent fe
Trouver des monftres , mais ces monftres
mêmes font affujettis à l'ordre général ; ils
ne forment point d'efpéces particulieres ;
ils appartiennent néceffairement à un certain
genre de plantes ou d'animaux. Ce
raifonnement vous paroîtra peut- être hors
de place , mais il eft aifé de l'appliquer à
notre fujet. Si l'on ne trouve pas hors du
corps humain l'efpéce qui caractériſe le
Tenia , Fair ni les élémens n'ont pû en ap
porter le germe, & s'il n'y a ici qu'un fimple
développement ou une fimple extenfion
du ver ordinaire , je ne conçois pas pourquoi
la figure & l'organiſation en font fi
differentes. Un fimple changement dans
la furface de ce ver pourroit- il occafionner
une métamorphofe qui n'a point d'exemple
, qui en change le méchanifme , &
femble détruire l'efpéce pour en faire
une nouvelle ? Une telle tranfmutation feroit
auffi abfurde que celles que quelques
voyageurs attribuent à la racine d'une certaine
plante des Indes , qui fe retire &
s'enfonce en terre dès qu'on la touche ,
parce qu'un ver , dont le fentiment eſt fort › ·
délicat , lui fert de racine , mais ce même
ver fe transforme en bois & fe durcit
quand on l'a arraché de terre.
A O UST . 1748. 45
Voilà , Monfieur , tout ce que je puis
Vous apprendre fur l'origine & la fructure
du Tenia ; c'est bien peu de certitude
fur beaucoup de doutes . Tout cela vous
paroîtra prefque auffi obfcur que le lieu
où il fe cache. Je fçais que je vous laiffe
dans le vafte pays des conjectures , & je
ſuis bien fâché de ne pouvoir vous fervir
de guide pour en fortir , mais quand le .
vrai ne fe préfente pas , & femble fe refufer
à nos recherches, il vaut mieux encore refter
dans l'incertitude , que de croire le faux
& de fe livrer à des fables . Peut- être ne nous
importe- t'il pas moins de fçavoir quelles
chofes nous fommes condamnés d'ignorer ,
que de fçavoir ce que nous pouvons connoître
; l'un excite notre émulation , &
nous engage à faire les efforts néceffaires ,
l'autre nous en épargne d'inutiles , & nous
enfeigne nos bornes. Attendons patiemment
peut- être que la lumiere fe levera
de quelque côté , & nous aidera à fortir
des ténèbres. N'admirez vous pas que
l'homme veuille fçavoir le pourquoi de
tout , lui qui trouve fes limites & des obftacles
prefque à chaque pas ? N'eft- ce pas
affés de faire un bon ufage de ce qu'il poffede
? Nos connoiffances fuffifent pour notre
bonheur, il ne nous manque que de në
pas defirer trop ardemment ce que nous ne
46 MERCURE DE FRANCE.
fcautions obtenir , & qui , heureuſement
ne nous eft pas néceffaire .
Dans ma premiere lettre je vous dirai
quelque chofe de plus utile & de plus certain
fur la maniere de guérir ceux qui ont
le folitaire , & de faire fortir un hôte fi incommode
& fi dangereux. Je vous entretiendrai
auffi de plufieurs obfervations curieufes
& importantes , qui ont été faites à
ce fujet & qui me paroiffent mériter votre
attention. Je fuis , & c.
Jean-Baptifte TOLLOT , de Geneve.
****************
Tu
EPITRE
A M. R.
U me flates en vain d'une douce eſpérance
Je fuis moins chéri de moitié.
Malgré la trompeufe apparence ,
La froideur & l'indifference ,
Vont fucceder à l'amitié.
Amitié des humains tu faifois les délices ;
Et leur zéle jadis te dreffa des Autels .
Aujourd'hui leurs coeurs criminels
N'offrent des voeux ,des facrifices ,
Qu'aux plaifirs & qu'à l'intérêt a
AOUST .
47 1748.
Oui , l'homme efclave , indifcret ,
N'eft plus que le jouet des erreurs & des vices ;
Il s'endort follement au bord des précipices.
Où l'Amour parle , tout ſe tait.
Que j'aime, errant fur ces rivages ,
A découvrir la vérité ,
Loin du tumulte & des orages ,
Qui troubloient ma tranquillité !
Je vois fous cet épais feüillage
L'innocence & la liberté ;
C'est dans ce féjour où les ſages
Trouveront la félicité ;
Tout préfente à nos yeux de riantes images;
L'air eftpur le Ciel fans
" nuages ;
Ce Fleuve d'eft point agité ,
Et ces Ruiffeaux , dans leurs paffages ,
Semblent fixer leur cours , pour mieux voir la
beauté
Que leur prefentent ces bocages.
De verdure & de fleurs embelliſſant leurs bords ;
Ils portent à la mer le tribut de leurs ondes ,
Mais faifant d'affidus efforts
Pour fortir en fecret de ces grotes profondes ;
Et de l'air & du feu fecondant les refforts ,
Ces fubtiles vapeurs font ces fources fécondes ,
•
Qui femblent ranimer les corps.
Geneve
48 MERCURE DE FRANCE.
CONSEILS à une jeune Demoiselle.
IL eft un tems, & ce tems n'eft pas loin
Où d'amans délicats la nombreuſe cohorte
Viendra frapper à votre porte ,
Et ne voudra d'autre témoin
Que l'Amour , qui d'intelligence
Avec eux , avec votre coeur ,
Par un confeil doux & flateur
Attaquera votre innocence .
Ah ! qu'une fage défiance ,
Iris , eft alors de faiſon !
Hélas ! quelquefois la raiſon ,
Dont on implore l'affiftance ,
S'éloigne fans que l'on y penſe ,
Et nous laiffe ainfi fans défenſe .
7
Dans la faifon des Acurs , c'eft ainſi qu'un mouton,
Qu'on laiffe crrer dans le valon ,
Ne fait aucune réſiſtance
Au Loup cruel , qui l'étrangle en l'abſence
Duvolage Berger , qui chante fa chanſon ,
Et qui , fur l'émail du gazon ,
De les feux à Cloris apprend la violence ,
Et peut- être en reçoit la rendre récompenfe,
Quand on craint de s'enflammer ,
Il
A O UST.
1748. 49
Il faut fuir , fans plus attendre ;
L'Amour met un coeur en cendre ,
S'il fe laiffe défarmer ,
Et prend plaifir à l'entendre.
Il vous dira , d'un air tendre ,
Iris , laiffez- vous charmer .
Ah ! pourquoi vous en défendre ;
Puifqu'il eft fi doux d'aimer ?
Un amant eft dangereux ;
Craignez , ſon air , ſon langage ;
Le plus léger badinage
Ne fair qu irriter les feux ;
Son coeur ne vous rend hommage ;
Qu'afin de fe rendre heureux.
Si vous écoutez ſes voeux ,
Vous verrez l'amant volage ;
Comme un oiſeau de paffage ,
S'en aller loin de vos yeux.
Ah ! que cette trifte image
Me rend l'amour odieux !
Non , rien ne nous prouve mieux
Que le plus grand avantage
Qu'on puiffe obtenir des Cieux ,
C'est le bonheur d'être fage.
Geneve.
C
50 MERCURE DE FRANCE.
PENSEES, MORALES.
N grand faſte peut en certaines occafions
cacher une grande avarice .
Quelques-uns de ceux qui paroiffent dans
le monde avec le plus de fplendeur , vivent
avec une oeconomie fordide dans le particulier
, & tel eft habillé magnifiquement ,
qui fe refufe le boire & le manger.
Ne jugeons jamais de la générofité d'un
homme par les actes qu'il en fait avec éclat ;
c'eft dans les petites choſes , c'eſt dans telles
qui font les plus cachées, qu'un homme
paroît véritablement généreux ..
Il n'y a point de générofité à donner à
fon ami , qui eft dans le befoin , une fomme
confidérable ; c'eft partager avec foimême
fa fortune : mais donner ou envoyer
à un homme, qui nevous connoît pas , une
fomme , même modique ; voilà la vraie
généròfité.
Un grand homme du fiécle paffé a dit
qu'il y avoit du plaifir à rencontrer les
yeux de celui à qui on vient de donner.
Oui , pour un homme qui n'eft pas véritablement
généreux , car il y a toujours
( & cela eft de l'homme ) dans les yeux de
celui qui reçoit , une certaine confufion ,
AOUS T.
1748. SE
mêlée de plaifir , & voilà ce qui rend la
façon de bien donner , plus difficile à acquérir
que celle de bien recevoir.
A force de vouloir être difcret , on eft
fouvent indifcret .
La Mifantropie eft une petiteffe d'efprit ,
qui nous rend l'ennemi de la fociété , &
qui ordinairemement provient d'un fentiment
d'orgueil ' , ou de vanité , ou de
présomption , ou encore plus fouvent
d'envie .
Un Milantrope fe croit un Philofophe :
c'est un fou qui ne connoît ni les hommes
qu'il veut fair , ni même les motifs
qui le font agir , tant fes caprices ont
d'empire fur lui.
La connoiffance des hommes donne de
l'horreur pour le vice , & de la.compaffion
pour les vicieux.
Un vrai Philofophe connoît les hom
mes , il leur rend juftice , & de peur de s'avilirlui-
même, il ne les regarde point comme
des monftres qu'il faille fuir. Il vit avec
eux , & comme il fçait que la nature eft
foible , il tâche , lorsqu'ils tombent , de les
relever ; il leur tend la main pour les foutenir
dans le chemin de la vertu. Il hait le
vice ; mais non ceux qui en font infectés.
Les plaindre , gémir fur leur fort , voilà les
fentimens que la fageffe lui infpire : elle
C ij
52 MERCURE DE FRANCE.
ne lui dicta jamais de fe croire d'une nature
fupérieure à celle des autres hommes
. Il oublie même qu'il eft plus fage
qu'eux , pour le reffouvenir fans ceffe qu'il
a trébuché plus d'une fois.
Si la plupart des hommes refléchiffoient
fur ce qui leur eft arrivé , fur ce qui peut
leur arriver , ils ne défaprouveroient pas
fi fouvent la conduite de leurs femblables.
Il en eft des vices comme des plaifirs .
Nous ne prifons ceux -ci , qu'autant qu'ils
font dans notre goût ; nous n'avons d'horreur
pour ceux-là , qu'autant qu'ils font éloignés
de notre caractére , de notre intérêt.
Ceux que l'orgueil domine n'ont jamais
lû ni leur généalogie , ni celle des autres .
Le premier devoir d'un pere eft d'apprendre
à fes enfans l'origine de leurs parens ;
on éviteroit par-là l'orgueil qu'infpire une
naiffance illuftre , ou un bien confidérable.
- Comme homme, je ne dois rien au rang,
à la naiffance ni au bien ; ce n'eft que comme
citoyen politique que je rends des refpects
à un homme en place , à celui que la
fortune favorife , ou que la Providence a
fait fortir d'un fang illuftre .
Neriroit- on pas d'un homme , qui pour
avoir fix pieds de haut , traiteroit avec mépris
celui qui feroit d'une ftature médioere
? Oui , lans doute , un tel homme mé-
3
A O UST. 1748. 53
riteroit qu'on lui retint une place aux pe
tites Maifons . Orgueilleux , c'est votre
image quel nom méritez -vous ?
Flater un orgueilleux , c'eft mériter fes
mépris.
Il y a de la fageffe à avoir de la hauteur
vis-à-vis d'un orgueilleux.
Il y a de la balleffe à ramper devant lui.
Qui méprife les autres , peut avoir de l'efprit
, mais il ne peut avoir de jugement.
Je fuis un homme mauvais ; dois- je fuir
un orgueilleux ? La bonté & l'orgueil n'hábitent
jamais enfemble dans un même
coeur. Interrogez les parens d'Oronte , ils
vous affûreront la vérité de cette penſée.
Oronte fouffre quand il les voit , Oronte
devroit bien fe fouvenir de ce que fut fon
pere , fa mere ; de ce qu'il étoit lui-même
avantfon voyage de Paris.
L'envie contribuë plus au progrès des
Arts & des Sciences , que les louanges que
l'on donne à ceux qui les cultivent avec
fuccès.
On eft excité à l'étude par les honneurs
qu'ont mérité les Sçavans , mais on eft
tenté de ne pas s'y adonner , lorſqu'on lit
leurs ouvrages , & qu'on en connoît tout
le prix .
Par Mlle L **** do •
C iij
54 MERCURE DE FRANCE.
A Mile de R.....fur un enfant qui avois
penfé lui crever un oeil d'un coup
d'arbalête.
L'Amour ayant un jour épuifé fon carquois
A tirer contre un coeur de roche ,
Défefperé , confus & réduit aux abois ,
Furieux , de Corine approche.
Pour n'être pas connu , le Dieu prend fans façon
L'air d'un enfant de rien , d'un petit poliçon ;
Au lieu d'un arc , il tient un arbalête ;
Méditant un coup de fa tête.
Comment , dit - il , elt-ce en vain que les Dieux
De tant d'attraits ont pourvû cette belle ?
Nul mortel ne réfiite à l'éclat de ſes yeux ,
Et contre moi l'ingrate fe rebelle .
'Allons , allons , vengeons les malheureux.
Je fçais ce qui la rend fi vaine ,
C'est que les yeux , d'où fortent mille feux ,
Sont les plus beaux de mon Domaine ;
Qu'importe , il en faut crever un ,
Tout au travers de la prunelle ,
Et cet exemple peu commun
Fera rire plus d'une belle.
Aces mots , il ajuſte un dard ,
AOUST . 35 1748 .
Lancé d'une main meurtriere ,.
Mais Corine d'un feul regard
Ebloüiffant le téméraire ,
Il manque
l'oeil & tire au front.
Pour ce Dieu malin quel affront !
Cependant la belle s'écie ,
Foible ennemi , perfide enfant ,
Viens expier ta barbarie ;
Je vois ton feint déguiſement ;
Déja le repentir te touche.
Va , je ne crains point tes traits.
Tu mettras toi- même la mouche
Qui doit augmenter mes attraits.
洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗
LETTRE de M. ***.
Es nouveaux regrets que
l'Auteur de
l'ource de
moigne encore trop obligeamment de ne
point me connoître , me font penfer qu'il
me croit peut-être plus que je ne fuis
& que mes pénibles & continuelles occupations
font du nombre de celles que
les autres regardent avec eftime , & quelquefois
avec envie . Les miennes n'ont
rien de tel , & leur fruit ordinaire n'eft
que le mépris & fouvent l'ingratitude.
C iiij
so MERCURE DE FRANCE.
>
Graces à Dieu , je ne rougis pas de mon
état , qui n'eft par lui - même ni abject ni
méprifable , & comme je ne fuis pas fait
pour réformer les préjugés , je ne me
plains pas de l'idée qu'on en a dans le
monde . Quel cas y fait-on de ceux qui
travaillent à l'éducation de la Jeuneffe ?
On croit leur faire trop d'honneur en
s'abaiffant jufqu'à eux , & on ne les
regarde qu'autant qu'on a beſoin de leur
miniftere. L'efpece de confidération qu'on
leur témoigne , lorſqu'on a beſoin d'eux
ne doit point leur en impofer ; j'ai éprouvé
plus d'une fois le cas qu'on en doit faire.
Heureufement pour ma tranquillité , je
ne la fais pas dépendre de la maniere
plus ou moins avantageufe dont on
peut penfer de mon état , & par conféquent
de moi , mais fi fuis peu fenble
aux caprices de l'opinion pour ce qui
me regarde , je crois devoir la refpecter
les autres , en leur épargnant la peine
de rougir peut - être d'une connoiffance
telle que la mienne. D'ailleurs mon état
n'eft pas la feule chofe qui y foit un obftacle.
Né de parens pauvres qui ne m'ont
laiffé d'autres biens que de l'éducation
& des fentimens qui m'ont fait préférer
une liberté, pénible à un brillant efclavage
, je dois encore par -là éviter le monpour
A O UST.
57
1748.
de , où l'on n'eft eftimé qu'à proportion
qu'on eft riche. C'eft une de ces vieilles
opinions , contre lefquelles il feroit fort
inutile d'appeller. Les hommes font &
feront toujours les mêmes . Il y a long- tems
qu'Ovide a dit , & dans deux mille ans on
le dira encore :
In pretis pretium nunc eft . Dat cenfus honores ,
Cenfus amicitias. Pauper ubique jacet.
Ce n'eft pas pour me plaindre de ma
fortune , que j'ai ajouté cette réflexion .
Telle qu'elle eft , je fçais m'y accommoder
, & j'y fuis plus heureux avec mes
peines , que de chercher à m'en procurer
une plus douce par de ferviles adulations
& par de lâches complaifances . Je
ne pourrois me réfoudre à acheter des protections
à un prix fi humiliant , & on
n'en accorde guéres autrement , fi ce n'eſt
au mérite fupérieur , dont je ne fens que
trop combien je fuis éloigné. Ce fontlà
les juftes craintes qui m'ont toujours
empêché de me produire , & qui me font
me renfermer dans ma fphere , dont il eft
toujours dangereux de fortir. Je n'ai pas
crû en fortir , en prenant la liberté de vous
adreffer quelques remarques fur les premiers
effais de la nouvelle Traduction
d'Horace , parce que j'ai étudié , & que
C v
58 MERCURE DE FRANCE.
j'étudie cet admirable Auteur , comme il
convient à ma profeffion , mais c'eſt auque
jourd'hui y pour y demeurer parfaitement ,
que j'ai dû défabufer le fçavant & modefte
Auteur de cette Traduction , de la
trop bonne opinion qu'il avoit bien voulu
concevoir de moi , & lui faire voir , en lui
marquant quel je fuis en général , qu'il ne
perd rien du tout en ne me connoiſſant pas
plus particulierement
. L'avantage eût été
pour moi tout entier . J'euffe pris la liberté
de le confulter fur bien des paffages d'Horace
, auffi difficiles par eux- mêmes , que mal
interpretés jufqu'à préfent , mais j'efpere
trouver dans fon Ouvrage , lorfqu'il en
fera préfent au public , des folutions à tous
mes doutes, Auffi n'eft- ce
que pour
déférer
à fes vives & obligeantes inftances , que je
vais ajouter quelques remarques fur la réponfe
dont il m'a honoré dans le Mercure
de Février dernier , & fur la Traduction de
l'Epître à Mecéne
Rien de plus jufte que cette regle qu'il
établit, que toutes les fois qu'on peut prendre
un mot , tel qu'il foit , dans fon acception propre
, fans que le fens enfout altéré , on doit le
préférer à l'acception métaphorique . Mais je
trouve encore , dans l'application de cette
regle au fine fraude du Poeme féculaire ,
quelques difficultés que je foumets aux luA
O UST. 1748. 59
mieres de l'Auteur. Voici la ftrophe qu'il
eſt à propos de fe remettre devant les
yeux .
Cui per ardentem fine fraude Trojam
Caftus Eneas , Patria fuperftes ,
Liberum munivit iter , daturus
Plura relictis.
Si on peut donner aufine fraude un autre
fens que fine vita periculo , ce ne pourroit
être tout au plus que celui qui fuppoferoit
qu'Horace auroit voulu juftifier Æné? des
foupçons qu'on avoit formés contre lui „ d'avoir
livré Troye aux Grecs , de concert avec Antenor:
mais eft-il bien naturel de l'entendre
ainfi ? Si Horace avoit eû cela en vûe , fe feroit-
il contenté de s'exprimer fi obfcurément
? Et la chofe ne valoit- elle pas bien
qu'il en fit le fujet d'une ftrophe : Je ne ferois
point étonné que Tacite eût préſenté
ainfi cette penfée. Mais eft - ce - là le caractere
du ftyle d'Horace ? Sans être prolixe
, il n'offre que des idées nettes & frappantes
, & s'il eft fouvent difficile , on ne
peut pas dire qu'il foit obfcur . Aucun Auteur
n'a peut-être été plus en garde que
lui
contre ce défaut , qu'il exprime ainfi dans
l'Art Poetique : brevis effe laboro ; obfcurus
fio : & s'il faut entendre ainfifinefrande , on
ne peut fe diffimuler que ce tour ne foir
C
vi
60 MERCURE DE FRANCE.
très obfcur. Cela paroît fi vrai , qu'on ne le
pourroit rendre en François , fans une trèslongue
paraphrafe , marque non équivoque
de l'obfcurité du texte ; je ne difconviendrai
pas qu'on ne puiffe défendre ce fens ,
mais je ne puis m'empêcher de le regarder
comme un de ceux que les Interpretes vont
chercher bien loin , plutôt pour faire briller
leur érudition , que pour rendre celui de
l'Auteur auquel ils prêtent ainfi des vûes
qu'ils n'a jamais eûes. Le nouveau Traducteur
objecte que liberum iter munivit
dit la même chofe , que fi l'on entendoitfine
fraude dans le fens de fine vita periculo.
Cela feroit vrai , fi ces mots devoient être
conftruits enſemble , mais j'ai déja remarqué
que l'intention d'Horace paroît avoir
été de marquer deux dangers differens , outre
un troifiéme dont il eft parlé dans la
ftrophe précédente , & qu'il a exprimé chacun
de ces dangers par des mots propres &
énergiques , danger de la part des ennemis
par liberum iter munivit , danger de l'embrafement
de Troye par ardentem fine fraude
Trojam. Je puis me tromper , mais il me
femble que fi Horace eut eu en vûe l'un ou
l'autre fens que le nouveau Traducteur
propofe , il auroit difpofé autrement fes expreffions
, comme par exemple de cette maniere
:
AOUST . 61 1748 .
Cuiper ardentem , Patria fuperftes
Caftus Eneas , fine fraude , Trojam ,
Liberum munivit iter , daturus
Plura relictis.
En rapprochant ainfifinefraude des deux
derniers vers , on y feroit mieux revenir
les deux fens qu'on propofe , mais Horace,
en plaçant fine fraude après ardentem , paroît
n'avoir eû en vûe que de
marquer
qu'Enée avoit tiré heureufement un refte
de Troyens du milieu des flammes qui confumoient
Troye. Pour ce qui eft de l'autre
fens , qui feroit de faire l'application define
fraude dans fon acception à daturus plura
relictis , c'est ce que je ne crois pas qu'il foit
poffible de faire . Il feroit puerile à Horace
, de dire qu'Enée fonda dans l'Aufonie
un Empire , qui dans la fuite devint plus
grand , plus floriffant , plus puffant que
n'avoit été celui de Priam. En effet , que
quittoient les Troyens , en fuivant Enée à
Un Pays défolé & envahi par les Grecs ,
& une Ville ruinée & renverfée de fond
en comble. Ils ne pouvoient qu'y perdre
la vie, ou fe voir réduits dans le plus.
dur efclavage , s'ils y fuffent demeurés , de,
forte qu'en fuivant Enée , ils avoient certainement
plus qu'ils ne quittoient , ne fut -
la liberté. Il n'étoit pas néceffaire
ce
que
62 MERCURE DE FRANCE,
, comme je l'ai déja obfervé qu'Enée
leur fit un difcours bien pathétique pour
les engager à tout quitter pour le fuivre
leur propre intérêt le leur perfuadoit
affés.
de
Le nouveau Traducteur a bien raifon de
dire , que dans une Traduction , ilfaut , autant
qu'il eft poffible , mettre le Lecteur dans le
cas de croire qu'il lit un Auteur ancien dans
P'Original , & éviter par conféquent de ſe
fervir de termes qui ne conviennent qu'à
nos ufages , mais cette regle ne doit point
s'étendre jufqu'à violer les Loix du langage
dans lequel on traduit. La politcffe eft
tellement de l'effence de la Langue Françoife
, qu'il me femble qu'il ne conviendroit
pas plus d'y faire toujours tutoyer , que
vouloir l'affervir à l'inverfion naturelle aux
Anciens , & à des tours qui n'avoient rien
de choquant pour eux , mais qui feroient
au moins durs & indécens dans notre Langue.
Je m'imagine qu'on ne peut abfolument
s'éloigner , dans une Traduction
de ce qui fait un des caracteres propres
à la Langue dans laquelle on traduit , &
que fi on fait tutoyer dans la nôtre , ce ne
Ᏺ
doit être jamais qu'avec dignité , & conformément
à la bienféance de nos ufages.
Conviendroit- il par exemple de faire parler
ainfi Enée à Didon ? je ne nieraijamais ♬
›
AOUST. 1748.
63
grande Reine , les bienfaits folides dont tu m'as
comblé & dont tu pourrois me faire un long
détail ..... Sur le fujet de tes plaintes , je
vais mejuftifier en peu de mots. Jamais je n'ai
conçu le deffein de te cacher mon départ . Non ,
ne le crois point , & c.
que
Prenons Racine , & faifons tutoyer Roxane
par Bajazet , Andromaque par Pyr .
rhus , Aricie par Hyppolite , cela ne nous
révolteroit-il pas ? Ce qui nous choqueroit
fur le Theatre , ne nous choqueroit pas
moins dans une Traduction , moins, parce
cela feroit contraire à nos moeurs , que
parce qu'il le feroit au genie de notre Langue
, & c'eft , je crois , à quoi on ne peut
fe
difpenfer d'avoir égard. Ce n'eft point habiller
les Anciens à la Françoife , que de
leur faire parler notre Langue , comme ils
l'auroient parlé , fi elle eût été la leur , & il
ne faut
pas confondre ce qui eft particulier
à nos ufages , avec ce qui eft effentiel à la
Langue. On ne peut , fous prétexte de ſe
rapprocher du génie des Anciens , alterer
celui de notre Langue , mais on doit en
bannir, en les traduifant , ce qui n'eft propré
qu'à nos ufages , comme de traduire
puer par Laquais , Patres confcripti par
Meffieurs ,forum par le Barreau , Tibur
Tivoli , &c.
On tutoye un inférieur
par
par mépris , un
64 MERCURE DE FRANCE.
égal par amitié , & un Prince , feulement
dans une Epître ou dans un Difcours Académique
. Si on fait toujours tutoyer , on
fait perdre au langage toutes ces nuances
qui lui donnent de la grace & de l'énergie ,
lorfqu'on fçait les placer à propos , furtout
dans l'expreffion d'une noble fierté ou
d'un fentiment de colere , comme dans ces
vers :
Sultan , tiens ta parole , ils ne font plus à toi ...
Tyran , defcends du Trone , & fais place à ton
maître.
C'eft dans ces cas & d'autres femblables ,
qu'il faut faire tutoyer ; & je ne penfe pas
qu'un Traducteur doive fe difpenfer de fe
conformer fur ce point au génie de notre
Langue. La Grecque & la Latine ont déja
affés d'avantage fur la Françoife : ne l'appauvriffons
pas encore , en la dépouillant
de celui qu'elle a fur fes deux Rivales , de
pouvoir varier fes tons d'une maniere plus
fenfible, pour exprimer l'amour ou la haine,
l'eftime ou le mépris , & pour ne pas confondre
Cefar avec Dave.
Ces reflexions m'amenent naturellement
à l'examen de la Traduction de l'Epître
à Mecene , que l'Auteur tutoye avec raifon
, parce que ce ton convient à l'Epître :
mais qu'il me permette de ne point goûter ,
A OUST. 1748. 65
qu'il tutoye également tous ceux à qui le
Poëte adreffe la parole dans cette Epître.
Horace ne l'adreffe à Mecene , qué pour lui
en faire hommage , & non pour l'endoctriner
, & on diroit par le ton qui regne dans
la Traduction , que le Poëte n'auroit en
vûe que fon illuftre Protecteur dans toute
la piéce, & qu'il lui donne , comme un Maitre
à fon Eleve , des confeils pour la conduite
de la vie. Il femble que l'ingénieux
Traducteur , ayant commencé par tutoyer
Mecene , ne devoit parler qu'au pluriel à
ceux à qui le Poëte adreffe la parole , ou s'il
vouloit tutoyer ceux-ci , il auroit dû parler à
Mecene au pluriel . Ce n'eft pas une raifon
de ne pas mettre cette difference dans le
François , parce qu'elle n'existe pas
Latin. Horace ne l'y a pas mife , parce
qu'elle n'entroit pas dans le génie de fa
Langue , mais comme elle eft effentielle au
genie de la nôtre , nous ne pouvons l'omettre
fans la dégrader.
dans le
On peut défendre le fens que le nouveau
Traducteur donne à l'exemple de Vejanius
, mais je doute qu'il foit le meilleur , &
s'il ne faudroit pas lui préferer celui que lui
a donné M. Dacier après Turnebe , For- ,
rentius & d'autres bons Commentateurs .
S'il veut bien fe donner la peine de relire
fur cet endroit les remarques de M. Da66
MERCURE DE FRANCE.
cier , qui a mis dans un très -beau jour celles
des autres , j'ofe me perfuader qu'il reviendra
à fon fentiment; mais qu'il l'exprimera
mieux dans fa Traduction . Qu'il me permette
feulement d'ajouter , qu'il n'eft pas.
vraisemblable qu'Horace ait voulu fe com
parer à un mauvais Gladiateur , qui auroit
été fouvent réduit à demander la vie au
peuple , qui certainement ne fe feroit pas
affés intéreffé à la confervation d'un
homme qui auroit fi mal fervi à fes plaifirs ,
pour la lui accorder tant de fois. Ne paroît-
il pas plus naturel , qu'Horace n'ait cû
en vûe , que de fe propofer pour exemple
la prudence de ce fameux Gladiateur , qui
pour ne pas s'expofer dans l'Amphithéatre ,
à un âge où il couroit rifque de perdre la
gloire qu'il s'y étoit acquife , s'étoit entierement
retiré , & vivoit caché abditus à la
campagne ?
V. 15. Quo me cumque rapit , & c . Cet endroit
eft traduit , comme fi Horace eût été
un efprit foible & borné, qui n'eût fçû quel
parti prendre. Ce n'eft pas -là ce qu'il a
voulu dire , mais que fans s'attacher à aucune
fecte , il ne prenoit de toutes que ce
qui lui convenoit.
V. 19. Et mihi res , non me rebus fubjungere
conor : trad. Je cherche à ne m ' affujettir à
rien , bon jufques- là , mais ce qui fuit : à
A O UST. 1748. 67
,
toutfaire dépendre de moi , ne paroît pas être
la vraie penfée d'Horace , qui n'avoit
garde de former un deffein fi contraire au
repos philofophique , après lequel il foupiroit.
Les fçavantes remarques du nouveau
Traducteur fur ce vers prouvent bien qu'il
en a faifi le vrai fens , mais il ne l'a pas
rendu affés clairement dans fa Traduction ,
en omettant d'y ajouter deux mots qui
fe trouvent dans fes remarques mêmes :-
en m'accommodant de rout ce qui eft en
effet le fecret infaillible & facile de faire
tout dépondre de for. L'Auteur a voulu fans
doute éviter la paraphrafe , & en cela
il eſt très - louable , car on ne sçauroit
trop l'éviter , mais il y a des cas où elle
eft abfolument neceffaire , & je crois qu'ici
ç'en eft un fi l'Auteur veut conferver
le tour de fa Traduction : Si j'ofois lui
en propofer uunn autre , ne pourroit- il pas
' dire fans paraphrafe ; je cherche à m'accommoder
de tout , & à ne m'affujettir
rien ?
›
V. 33. Ferves avaritia , &c. Etes - vous .
tyrannisé par l'avarice ? L'Auteur s'étant
fait un fyftême de tutoyer par- tout , paroît
l'avoir oublié ici . Ne feroit- ce pas l'effet de
la force de la vérité , qui l'auroit ramené à
elle ,fans qu'il y penfat ?
V. 54. Hac Janus fummus ab imo pra68
MERCURE DE FRANCE.
docet. Trad . Voilà ce qu'on enfeigne d'un bout
à l'autre de la Place de Janus . Je crois qu'il
falloit dire d'un bout à l'autre du forum ,
pour éviter d'induire en erreur , en faifant
entendre qu'il y auroit eû à Rome
une Place de Janus . Ce n'étoit autre chofe
que le forum , à chaque extrémité duquel il
avoit une Statue de Janus , ce qui a fait
dire à Horace , fanus fummus ab imo , pour
· dire dans tout le forum .
y
V. 60. Hic murus aneus efto , & c . Trad.
Fais- toi de certe-maxime un rempart tel quejamais
, &c. Je crois que tel eft de trop , car
-cette maxime étant renfermée dans le vers
- fuivant, il falloit dire : fais - toi un rempari de
cette maxime que jamais , &c.
Comme les adjectifs en of fe prennent
ordinairement en mauvaiſe part , je
penferðis volontiers qu'à ne confulter que
l'humeur fatyrique d'Horace , il faudroit
traduire lachrymofa du 67.V. par pitoyables,
plutôt que par touchantes . Ce qui me porreroit
encore à fuivre ce fens , c'eſt que
fi Pupius avoit été un fi bon Poëte , fon
nom feroit plus célebre , au lieu qu'on
ne le connoît que par cet endroit d'Horace
, & par deux vers rapportés par
Dacier , qui paroiffent être plutôt une Epitaphe
fatyrique , que l'Ouvrage de ce Poëte
ignoré.
M.
A O UST. 1748. 69
V. 101. Infanire putas mefolemnia . Trad .
Tu crois que j'extravague. Pour peu que
hotre fçavant Traducteur refléchiffe fur
cet endroit , & qu'il le compare avec
ce qui précede , il verra que ce n'eft pointlà
le fens d'Horace. Le voici , fi je ne
me trompe : on ne fe moque dans le monde
que des défauts extérieurs , comme d'avoir
les cheveux mal faits , du linge ufé ,
& c. mais on y fait grace aux travers d'efprit
les plus ridicules , parce qu'ils font du
bel air , & que ce font des erreurs communes
. J'ai l'honneur d'être , & c.
›
M. M. P.
蔬洗洗洗洗洗洗洗洗洗:洗洗洗洗洗流
EPITHALAME ,
Pour le Mariage de M. le Vicomte de Gouffie
Bouillancourt avec Mademoiselle
de Gouffier Thois.
Folâtres jeux , tendres Amours
Je vous appelle à mon fecours.
Venez feconder mon délire ,
Venez inſpirer à ma lyre
Ces fons légers , ces doux accens
Faits
pour
chanter de deux amans
1
70
MERCURE
DE FRANCE.
Et les plaiſirs & la tendreſſe .
Où fuis-je ? Et quelle douce yvreffe
Saifit & ravit mon eſprit ?
Je vois l'Hymen qui s'applaudit ;
Je vois l'Amour , qui fur les traces
Conduit les jeux , fuivis des graces ;
Je vois de fortunés amans ,
Qui par les plus libres fermens
Vont le promettre l'avantage
De s'aimer toujours fans partage.
Quoi de plus beau que de pouvoir
Changer le plaifir en devoir ?
Telle et ta puiffance adorable ,
Charmant Hymen , Dieu favorable ;
Un amant lorsqu'il eft époux ,
A droit aux plaifirs les plus doux.
Hâte- toi , puiffant Hymenée.
De cette heureuſe deſtinée ,
Fais jouir ce couple charmant .
Il les unit ; dans le moment ,
Les Dieux, approuvant l'alliance ,
Signalent leur magnificence ;
Mercure eft chargé des préfens ,
Jupin leur promet d'heureux ans ,
Contentement , fanté parfaite ,
En un mot , tout ce qu'on ſouhaite
AOUS T. 1748. 7r
Tout ce qui peut nous rendre heureux ,
Leur eft accorde par les Dieux.
Tel est votre fort déſirable ,
Gouffiers , votre nom mémorable
Donne & mérite ce bonheur ;
Des Dieux l'équitable faveur
Suit la vertu , la récompenfe.
Toujours votre fage vaillance
Fait voler l'honneur fur vos pas ;
Le Dieu qui préfide aux combats ,
Enchaîne après vous la Victoire ,
De fes lauriers toujours la Gloire
Orne vos fronts victorieux . ....
Faites revivre vos ayeux .
Par l'Abbé Vafary de Cournay.
CANTATE ,
Le Serpent caché fous les fleurs.
Aufond d'une caverne antique & tenebreuſe
Le Druide Adamas , couvert de cheveux blancs ,
Et malgré les fillons & l'outrage des ans ,
Gardant d'un teint vermeil la fraicheur vigou
reuſe ,
Etoit par fes confeils l'oracle des amans,
Ses regards percent l'ombre
72 MERCURE DE FRANCE:
Du fort myſterieux >
L'avenir le plus fombre
Se dévoile à fes yeux.
Il prévoit les menaces
Du deftin rigoureux ;
Il prévient les difgraces
Des amans malheureux,
Ce fut à ce Devin , vanté pour ſa ſageſſe ;
Que la Bergere Iris voulut avoir recours.
Un Berger avoit fçû furprendre fa tendreffe ,
La raifon dans fon coeur combattoit fa foibleffe ,
Et fa foiblefle étoit fujette à des retours .
Au vieux Druide enfin la Bergere s'adreffe,
Dois- je fuir , dois - je aimer ,
Le Berger qui m'enchante ?
Il a pour s'exprimer
Une adreffe touchante
Dois je fuir , dois - je aimer ,
Le Berger qui m'enchante ?
La Bergere , en ces mots interrogeoit le fort .
On lifoit dans fes yeux le penchant de fon ame ,
On voit qu'elle appréhende à l'égal de la mort
De trouver un ingrat dans l'objet qui l'enfâme ;
L'Arrêt
AOUST.
73 1748 .
L'Arrêt de fon deftin eft enfin
prononcé ;
Adamas , l'oeil ardent & le poil hériffé ,
Agité , dominé par le Dieu qui l'infpire ,
Votre fort , lui dit -il , eft écrit dans les Cieux ,
Voici ce
Mais un nuage épais le dérobe à mes yeux ;
que le Ciel me permet de vous dire ;
» Allez dans la prairie , & cueillez - y des fleurs ,
» Vous verrez fi l'Amour vous prépare des pleurs,
La Bergere obéit , le quitte , & va s'inftruire .
Un effain de fleurs
Naît en fa
préfence ;
Tout par fes
couleurs
Veut la
préférence ;
L'anemone en pleurs ,
Veut que l'on rejette
Les tendres
pâleurs
De la violette ;
Soufflant les odeurs
Des Rofes naiffantes ,
• Zéphir plein d'ardeur
Les rend plus brillantes ;
Un effain de fleurs
Naît en fa
préſence ,
Tout par fes couleurs ,
Veut la préférence,
D
74 MERCURE DEFRANCE.
La Bergere , d'un doigt flexible & délicat
Alloit cueillir la rofe , à peine encore fleurie ,
Quand du feuillage épais de fa tige ennemie ,
Un horrible Serpent s'élance avec éclat ;
Il fifle, il le fouleve , il rampe , il fe replie ;
Iris tremble , Iris fuit , Iris tombe ſans vie ,
Iris revient enfin pour hair un ingrat,
Tremblez , tremblez , trop crédules Bergeres ,
Au feul regard d'un aimable Berger ; ·
Un faux appas vous cache le danger ;
Le Serpent dort fous des fleurs paffageres
Vous vous piquez de n'être point légères ,
Et tout Berger fait gloire de changer ;
Un faux appas vous cache le danger ;
Le Serpent dort fous des fleurs paffageres .
AOUST.
75 1748 .
De
PODS
J'a
AUX Auteurs du Mercure.
'Ai lû ,
Meffieurs , dans votre
Mercure
du mois de Janvier dernier , la lettre
qui vous eft adreffée fur la maniere dont
Baron
déclamoit
quelques vers d'Iphigenie
: ils font dans la feptiéme Scéne du fecond
Acte de cette Piéce.
Achille frappé de quelques inconftances
particulieres , & ne fçachant que penfer
des
démarches de Calchas & d'Uliffe ,
s'écrie :
Quelle entrepriſe ici pourroit être formée ?
Suis-je , fans le fçavoir , la fable de l'armée ?
Entrons. C'est un fecret qu'il leur faut arracher.
›
L'Auteur de la lettre propofe fes doutes
, &
demande fi Baron
attrapoit le
ton de la nature en
déclamant ces vers
avec une joie mêlée de furpriſe & d'indignation
, ou s'il n'eût pas mieux fait de
fe laiffer aller à la colére & à
l'emportement
, que femble exiger la fituation où
Achille fe trouve.
Voilà quel est l'état de la
queſtion ; j'ai
même affecté ,pour n'y rien changer, de me
fervir autant que je l'ai pû des termes de
l'Auteur. Si je n'ai pas donné à Baron les
Dij
76 MER CURE DE FRANCE.
mêmes éloges que lui , en le traitant d'Acteur
inimitable & naturel , ce n'eft pas
que j'imagine qu'en général cette loüange
ne lui foit pas dûë , mais je n'ai pas crû
que ce fût ici le moment d'en convenir ,
puifqu'au contraire j'ai deffein de prouver
qu'il s'écartoit de la nature , en voulant la
faifir de trop près ; ce qui eft , Meffieurs ,
comme vous voyez , directement oppoſé
au fentiment de l'Auteur de la lettre , qui
paroît fe décider tout -à-fait en fa faveur.
Revenons à la queftion qu'il propoſe ;
mon intention n'eft point de combattre
les principes qu'il avance pour appuyer
fon raifonnement ; tout ce qu'il dit à ce
fujer me paroît très-fenfé , mais dans l'efpéce
il conclut mal , & cela faute d'avoir
fcrupuleuſement obfervé quel eft le ton &
quels font les moeurs & les caractéres
des differens perfonnages de la Piéce .
Suppofons pour un inftant que les vers
que je viens de tranfcrire fuffent dans la
bouche d'Uliffe ; loin d'affoiblir fon caractére
, ce feroit au contraire le rendre
d'après nature , en lui prêtant les fentimens
que Baron s'efforçoit d'exprimer par
fa déclamation ; fouple, délié, plus fin que
tous les Grecs enfemble , il ne doit pas appréhender
d'être leur dupe. Capable d'ailleurs
de fe pofféder , fon premier mouveAOUST
. 1748. 77
•
ment pourroit n'être pas un mouvement de
colére , & dans ce cas je n'aurois pas de
peine à avouer que la déclamation de Baron
fut très-vraie , très- naturelle & trèsconforme
à la fituation du Héros qu'il repréfentoit.
Mais à l'égard d'Achille , il n'en eft pas
de même ; Racine n'a point inventé fon
caractére , il en a trouvé le modéle chés les
Anciens . Lifez la 6. Scéne du quatrième
Acte , en un mot parcourez toute la Piéce
d'un bout à l'autre : par tout vous le voyez
tel qu'Horace le demande dans fon Art
Poëtique..
Impiger , iracundus , inexorabilis , acer.
Jura negetfibi nata , nihil non adroget armis.
Par tout vous trouvez ce Héros tel
qu'il eft dans Homére ; c'est toujours le
même dont ce Poëte a chanté la colére ;;
c'eft ce Guerrier furieux qui de dépit
fe retire dans fa tente ; qui pour une efclave
qu'on lui enleve , abandonne , pour
ainsi dire , le foin de fa gloire , & qui ne
fort enfin de fa léthargie que pour venger
la mort de fon ami. Il eft vrai que l'Auteur
d'Iphigenie ne l'a pas tout-à- fait préfenté
fous le même point de vue. Il a crû
devoir un peu adoucir la rudeffe de fes
moeurs, pour fe conformer aux nôtres, mais
D iij
78 MERCURE DE FRANCE.
•
cependant il eft aifé de voir qu'il s'eft
étudié à lui conferver les mêmes traits ; ileft
un peu moins féroce à la vérité , mais
violent & emporté , ainfi que chés le Poëre
Grec.
Suis -je , fans le fçavoir , la fable de l'armée ?
Achille , la fable de l'armée ? Cette
idée-là peut-elle fe préfenter à fon efprit ,
fans émouvoir fa colére ? Peut- il éprouver
d'autres paffions qu'un emportement démefuré
? Qu'on ne m'objecte pas que c'est
oter quelque chofe à fa grandeur , que de
lui prêter un fentiment commun que tout
autre que lui pourroit éprouver en pareik
cas ; qu'il regarde tous les Grecs comme
au- deffous de lui , & qu'il les croir plus
dignes de fon mépris que de fa colére.
Tout cela me paroît beaucoup plus ingénieux
que folide ; oui , j'ofe le dire , ce rerour
fur lui-même n'eft point du tout dans
la nature ne fût-ce que l'ouvrage d'un
moment, ce moment eft de trop; il eft boüillant
, impétueux. Acer , Iracundus , fa colére
ne lui permet pas de fe pofféder affés
faire attention pour à fa fupériorité fur les
autres ; il eft offenfé , il ne voit rien , ou
s'il voit quelque chofe , il ne voit que l'outrage
: d'où je conclus que tout grand Acteur
que fut Baron , il joüoit ici à contreAOUST.
1748. 79
S
fens , & qu'en voulant mettre trop d'art
dans fa déclamation , il en a manqué
J'aurois pu donner plus d'étendue à mes
raifons , & les mettre dans un plus grand
jour , pour tâcher de les faire valoir davantage
, mais j'ai pensé , Meffieurs , qu'il
me fuffiroir de vous les indiquer ; d'ailleurs
plus accoûtumé depuis long-tems à
faire des chiffres qu'à arrondir mes pério
des , j'ai crû que plus mes réfléxions fe
roient courtes , moins il y auroit à reprendre
en mon ftyle ; fi j'ai pris la plume ,
c'eft qu'il m'a femblé que ma caufe n'avoit
pas befoin d'un grand Avocat , fans quoi
je me ferois rû,
L'Auteur de la lettre me pardonnera de
m'expliquer ainfi. Il doit être convaincu
du cas que j'ai fait de fes réfléxions , puiſque
j'ai pris la peine d'y répondre ; cette
réponſe , Meffieurs , pourra lui parvenir
par votre canal fi vous la jugez digne
de voir le jour. Je fuis , &c.
S
Di
80 MERCURE DE FRANCE .
**3*3X3X+: +3X+ 3X**X* X
SUR les vers que M. Cottereau , Etudiant
à Tours , a donnés dans l'un des derniers
'Mercures.
LEs
Dieux,
Es Dieux , & l'écho de la Loire 2
Répondant avec zéle à nos empreffemens ,
Font retentir à l'Oratoire
Le bruit doux & flateur des applaudiffemens
Que chacun donne à ta victoire ;
Nos
* བྷཱུ
yeux admirent tes travaux
Et l'Epitre aimable & galante ,
"
Dont tu viens , cher ami , d'enrichir nos Journaux,
Met tout le Parnaffe en attente ;
Il fe flate déja que tu fçauras un jour
Par mainte docte rêverie
Confoler ta chere Patrie
De la perte de fon Grecour ,
Et que de nos rimeurs furpaffant le vulgaire
Ta Mufe fçaura de nos jours
Donner à la Ville de Tours
Un Greffet, ou même un Voltaire.
AZE
AOUST. SI
1748.
AM. l'Abbé de C*** , Vicaire Général du
Diocéfe de R*** ;
`;par M. Yg***
C*** , vous joignez le rang à la naiſſance ,
Les charmes de l'efprit aux qualités du coeur ;
Tout refpire avec vous le goût & l'élegance ,
*
L'épine fous vos pas . bientôt fe change en fleur a
Ves vertus , votre nom pafferont d'âge en âge ,
Et mes vers , que di&ta l'exacte vérité ,
Sous votre aufpice heureux , en vous rendant
hommage ,
Pafferont à leur tour à la poftérité.
*Quid quidcalcaveris , rofafiet.
M
LETTRE de M. ****.
Onfieur , en ouvrant dernierement
chés vous le Dictionaire Geographique
de M. de Vofgien au mot Normandie
, je remarquai qu'il traite les Normands
de grands chicaneurs. Je vous
avoue que je fus furpris qu'il les ait accueillis
d'une épithéte fi défobligeante ;
vous fçavez que je ne fuis point Normand
d'origine ni d'inclination , ainfi mon fuffrage
n'eft pas fufpect , mais je n'ai pû
1
D v
82 MERCURE DE FRANCE.
m'empêcher d'être fenfible à l'outrage qui
eft fait à une Province entiere , Province
confidérable par fon étendue , par le
nombre de fes habitans , par le bon Gouvernement
qui y regne , tant pour le fpirituel
que pour le temporel , cette Province
étant honorée d'un Archevêché & de plufieurs
Evêchés fuffragans , d'un Parlement
& de differens autres Tribunaux . Seroitce
par rapport au nombre des Tribunaux ,
que l'Auteur du Dictionaire a crû que les:
Normands étoient de grands chicaneurs ?
On ne voit pas qu'il y ait plus de gens de
Juftice dans cette Province que dans les
autres , proportion gardée .. Que diroir
donc M. de Vofgien , s'il y avoit à Rouen
autant d'Avocats qu'à Naples , où l'on em
compte jufqu'à trente mille ? Seroit- ce par
rapport aux Loix particulieres de la Normandie,
que M. de Vofgien trouve que les :
Normands font de grands chicaneurs ? II
feroir le premier qui en auroit porté un
jugement fi défavorable, puifque, au contraire
, la Coûtume de Normandie a toujours
été appellée par excellence la fage
Coutume ; elle a beaucoup emprunté du
Droit Romain , qui eft en eftime chés toutes
les Nations ; dans le choix des differens :
membres qui compofent l'Univerfité de
Paris , cette mere des Sciences & des Beaux
AO 1748. 83 A O UST.
,
Arts , la Nation de Normandie eft l'une
des quatre qui compofent en particulier:
la Faculté des Arts , avantage qui n'eft accordé
qu'à trois Provinces de France ,
l'Allemagne étant la quatriéme Nation
admife dans cette Faculté. La Nation de
France eft furnommée l'Honorable , celle
de Picardie la Fidéle , celle de Normandie
LA VENERABLE , celle d'Allemagne
la Conftante ; l'épithète décernée par P'Univerfité
à la Nation de Normandie eft bien
differente de celle que lui donne fi legérement
M. de Vofgien. Il eft vrai que
les Normands paffent pour être fubtils ,
comme les Grecs , mais cette comparaifon
leur fait honneur , & ce titre eft bien dif
ferent de celui de grand chicaneur , qui ne
fe prend qu'en mauvaife part ; il n'y a qu'à
voir les peintures horribles que l'on fait
de la chicane , pour fentir qu'un chicaneur
eft un homme de mauvaife foi , qui abufe
des fubterfuges de la procédure pour foutenir
de mauvaiſes conteftations. Suppolé
que M. de V. ait voulu dire que les Normands
ont de l'intelligence pour les af
faires , & qu'ils foûtiennent leurs droits
avec fermeté , à la bonne heure , cela ne
peut que leur faire honneur ; il y a bien des
Provinces dont on n'en diroit pas autant..
peut
bien y avoir des chicaneurs en 11 L
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
Normandie , il y en a par tout , mais ce
n'eft pas à dire que ce foit là le caractére
de la Nation ; lorfqu'on fe pique de marquer
les moeurs des habitans d'une Province
, on doit bien mefarer fes termes ,
& prendre garde de ne pas décrier , fans
fondement,toute une Province , qui a produit
, & produit encore beaucoup de gens
de mérite , qui auroient été en état de défendre
, mieux que moi , l'honneur de leur
Patrie ; au furplus fi vous trouvez occafion
de faire part de mes réfléxions à M.de Vofgien
, je laiffe cela à votre prudence.
J'ai l'honneur d'être , & c.
Si
VERS à Mlle Ludovica de Calce.
I je voulois donner une énigme nouvelle ,
Je dirois au lecteur , allez : d'un foin fidelle ,
Parcourez ce vafte Univers ,
Et devinez l'objet auquel j'offre ces vers.
C'eft une jeune mortelle ;
Si vous pouvez attraper
La plus parfaite & la plus belle ,
Sans crainte de vous tromper ,
Dites , la voilà : c'eft elle.
Ne détaillons pas fa beauté,
A O UST. 1748.
C'eſt un fait par nul conteſté ,
Qu'on peut la comparer à la brillante Aurore
Et cela fans métaphore.
En elle enfin tout donne de l'amour!
Ses yeux aufli jettent mainte étincelle ;
Quand vous verrez donc la plus belle ,
Sans embarras , fans détour ,
Dites , là voilà : c'eft elle.
Ce qui le plus me charme & me ravit ,
C'eftfon humeur. Quel heureux caractére !
Dût- elle s'en fâcher , je ne fçaurois me taire ;
A l'un , à l'autre elle fouris ,
Defcend , s'éleve , & fe proportionne
ہ ک
A tous, fait des heureux , fans offenfer perſonne
Je dis heureux : un feul regard fuffic.
Quelle Cour auffi l'environne ,
Et quel effain d'amours autour d'elle foisonne
Elle méne à fa fuite & les jeux & les ris.
Ne les cherchez plus chés Cypris.
Ils font au B.... & celle
Chés qui vous les trouverez pris
Dites , la voilà c'eft elle . :
T
Mais quel efprit ! quelle vivacité !
Quelle heureufe facilité !
Rien pour elle n'eft impoffible ;
Elle pénétre tout avec rapidité ,
Et tout lui devient acceffible.
86 MERCURE DE FRANCE.
Efprir , talens , beauté , fentimens généreux ,
C'est fon foible portrait ; mais il peut bien fuffire.
N'ai-je donc pas , Lecteur , eu raifon de vous dire :
Si vous trouvez dans un moment heureux ,
La plus parfaite & la plus belle ,
Dites , la voilà c'eft elle.. :
Et de fa foeur ne dois - je dire rien ?
Comme on ne peut en dire que du bien ,
Ayons recours aux mêmes ritournelles :
Quand vous verrez , ( fi vous y voyez bien , )
Les plus parfaites , les plus belles ,
Dites , les voilà : ce font elles ?
Sans le vouloir , fans le fçavoir ,
L'énigme eft faite, adieu , lecteur , bon foir
A O UST. 1748. 87
***************
OBSERVATION de M. Gillet , Maître
en Chirurgie de la Ville de Nantes en
Bretagne , fur une dilatation de l'oreillette
droite du coeur , dans laquelle il y avoit une
ouverture qui communiquoit dans le ventricule
, dans les veines caves , dans l'artére
poulmonaire , indépendamment de la
quelle le malade a vêcu plufieurs mois.
Uoiqu'il ait paru differentes obfervations
fur les dilatations des oreil
lettes droite & gauche du coeur , celle- ci
paroîtra avec des circonftances capables de
faire voir combien la nature fçait fe mé
nager de reffources , & tirer des défordres
mêmes , où tombe la machine humaine,
des moyens pour la conferver , & pour
en éloigner la deſtruction ..
Le commencement de cette maladie ,
fuivant les remarques de differentes perfonnes
& du malade , s'eft annoncé par un
leger battement , dix-huit mois avant la
mort , fous les jonctions cartilagineufes :
des troifiéme & quatriéme vraies côtes du
côté droit , parties fous lefquelles l'oreillette
du coeur fe trouve naturellement ,
battement qui a augmenté de jour en jour,
& qui s'eft érendu les fix derniers mois juf
88 MERCURE DE FRANCE:
ques fous les parties moyennes & offeufes
des quatrième , cinquième & fixiéme vraies
côtes , & qui a détruit leur continuité ;
voici les fymptômes qui ont accompagné
cette maladie les dix derniers mois de la
vie du malade , tems auquel j'ai commencé
à le voir.
Le premier mois , neuvième de la maladie
, il eût une inflammation de poitrine ,
accompagnée d'une douleur très - aigue
dans les côtés droit & gauche ; d'une toux,
d'un crachement de fang , d'une grande
difficulté de refpirer , & d'une fiévre violente
tous ces accidens furent calmés
dans le mois par quinze faignées , & les
rentédes adouciffans , évacuans & autres
délayans , convenables dans cette maladie,
& le malade refta avec fon battement , qui
avoit feulement diminué à caufe du degré
de foibleffe , ou les faignées , la diéte
& l'infomnie , l'avoient réduit. Les deux
mois fuivans il obferva la régle , qui lui
avoit été preferite , & refta à peu près dans
cette même fituation , mais le quatriéme
il s'ennuya de ce régime de vivre , & pour
rappeller fes forces augmenta fes alimens.
La fiévre & l'augmentation du battement
l'avertirent bientôt de la faute qu'il avoit
faite , & il me fit prier de l'aller voir ; m'étant
rendu auprès de lui , il me la déclara ,
AOUST. 1748. 89
& me fit remarquer que fon battement
avoit non-feulement augmenté , máis encore
qu'il s'étendoit jufques fous les parties
moyennes & offenfes des quatrième ,
cinquiéme & fixiéme vraies côtes , parties
qui paroiffoient, ainfi que les autres, fenfiblement
à caufe de la maigreur où il étoit
tombé ; il me dit auffi qu'il reffentoit des
douleurs & des picotemens dans toute l'étendue
des trois côtes fufdites , mais comme
il ne paroiffoit rien à l'extérieur , je
ne lui ordonnai d'autres remédes que
deux faignées dans le jour , & le ramenai
au premier régime de vivre , afin d'empê
cher le progrès de la dilatation . C'eft ce
que le malade obferva les cinq à fix derniers
mois de fa vie , & voici les principaux
fymptômes qui font arrivés jufques à fa
mort ; il avoit unbattement continuel qui
fe faifoit non -feulement fentir au tact , tant
dans la partie poftérieure de la poitrine fur
l'épine , que dans l'antérieure , mais encore
à la vûë & à l'oüie ; fes crachats étoient
quelquefois un peu teints de fang , & il
avoit une oppreffion & une extinction de
voix , accidens qui obligerent à lui faire
dans ces derniers tems fix faignées.
Deux mois avant la mort ,les côtes fufdités
commencerent à faire faillie au- dehors
, & à perdre le niveau des autres dans
go MERCURE DE FRANCE.
prefque toute leur longueur , & quinze
jours après je fentis qu'elles étoient rompues
en plufieurs endroits ; bientôt après
il parût une tumeur fort dure , qui furpaffoit
en dehors de plus de trois pouces le
niveau naturel , & qui avoit environ quatre
pouces de largeur pour la longueur
elle occupoit prefque toute celle des cô
tes.
Le malade refta dans cette fituation
jufques au Mars 1748 , où il mourut
dans une minute par un crachement de
fang très -abondant.
J'en fis l'ouverture en préfence de quatre
de nos Maîtres en Chirurgie de cette
Ville , & après avoir enlevé les tégumens
à l'ordinaire , le grand pectoral , le grand
dentelé , & une partie du grand dorfal ,
je trouvai trois côtes rompues & cariées
dans prefque toute leur longueur ; la quatriéme
étoit rompue en quatre endroits
dont les piéces étoient féparées , à la réferve
d'une portion , qui tenoit à fon arti
culation avec les vertébres ; la cinquiéme
l'étoit en trois endroits & auffi cariée ; la
fixiéme en deux .J'enlevai toutes ces pièces,
qui étoient deftituées de leurs périoftes, &
qui avoient perdu prefque toute liaiſon
avec les parties molles ; la feptiéme étoit
auffi un peu cariée dans fa partie moyenne.
AOUS T. 1749 .
91
Après avoir enlevé ces parties offeufes ,
pour découvrir plus parfaitement la tumeur
, qui étoit couverte d'un prolongement
de cette partie de la plevre, qui tapiffe
intérieurement les côtes , & qui s'étoit en
partie rompue , & en partie dilatée , pour
fe porter en dehors , je diffequai cette enveloppe
, & j'emportar cette tumeur qui
paroiffoit compofée de plufieurs couches
de fang , arrangées comme par feuillets de
deux ou trois lignes d'épaiffeur ; pour la
groffeur, elle rempliffoit toute l'étendue de
la cavité droite de la poitrine , & avoir
comprimé confidérablement le poulmon
de ce côté là.
Après avoir emporté cette maffe de fang,
j'apperçus un fac & une ouverture ronde ;
ce fac avoit environ trois pouces de diamétre
, & l'ouverture un pouce & demi
qui étoit intimement appliquée fur les
parties latérales droites des vertébres ; j'introduifis
deux doigts dans cette ouverture,
qui conduifoit par le moyen de ce fac dans
le ventricule droit du coeur , dans le tronc
de l'artére poulmonaire , & dans la veine
cave. Quatre de mes Confreres firent auffi
te même examen , & déciderent pour enlever
le coeur , fon péricarde & les princi
paux vaiffeaux ; ces parties enlevées & mifes
fur une table , nous obfervâmes ce qui
fuit.
2 MERCURE DE FRANCE.
1 °. Que ce fac étoit une fuite du médiaftin
& du péricarde , de l'oreillette
droite du coeur , & partie des veines caves ;
toutes ces parties étoient fi intimement collées
& confonduës enſemble , qu'il n'eût
pas été poffible de les féparer.
2º. L'intérieur du fac étoit liffe , poli
ainfi que les bords de l'ouverture , & avoit
environ quatre lignes d'épaiffeur ; il étoit
de figure ronde & très -dur , enfin comme
offifié .
3°. La valvule des veines caves étoit
confondue dans la compofition du fac ; les
pilliers charnus , qui compofent celle des
oreillettes , étoient rompus.
4°. L'embouchure de l'artére poulmonaire
étoit dilatée jufques à fa bifurcation , &
ces valvules étoient très - écartées , dont
l'une paroiffoit en partie détruite.
5 °. Les faces antérieure & poftérieure
du coeur & de fon péricarde étoient trèsdures
, & les parties fur lefquelles ils
frappoient continuellement , l'étoient auffi
plus qu'à l'ordinaire.
6°. Le poulmon du côté droit étoit trèsaffaiffé
& adhérent à la plevre , qui tapiſſe
le diaphragme & les côtes dans cette partie
inférieure.
7. Il y avoit de l'eau épanchée entre
les feuillets du médiaſtin , dans la cavité
A O UST. 1748.
93
gauche de la poitrine , & peu dans le péricarde,
épanchement qu'on pouvoit évaluer
à trois ou quatre chopines ; la caufe de
cette maladie fâcheufe eft trop commune ,
& elle en cauſe une trop grande quantité
d'autres , pour ne pas la rendre publique ;
elle dépend ici d'une abondance du fang ,
de fon trop grand mouvement déterminé
vers l'oreillette droite du coeur , au degré
d'en avoir forcé les refforts au- delà de fon
diamétre naturel.
Si tout le monde fçait que la trop grande
quantité d'alimens augmente celle des .
humeurs , & que l'ufage continuel des vins
& autres liqueurs les raréfie , tout le monde
fçait auffi que les exercices forcés & autres
mouvemens
violens forcent les vaiffeaux
& en affoibliffent
les refforts.
L'obfervation de M, Guiot , rapportée
dans le Traité d'Anatomie de M. Dionis ,
fur cette grande dilatation de l'oreillette
droite du coeur , qui arriva à M. Dubuiffon,
Capitaine de Vaiffeau du Roi , caufée par
une violente colére , qui augmenta l'action
mufculeufe fur les veines , & les obligea
porter le fang plus rapidement par les -
veines caves dans l'oreillette droite du
coeur , prouve affés la poffibilité de cette
caufe , fans être obligé d'entrer dans un
plus grand détail , qui m'empêcheroit dans
à
94 MERCURE DE FRANCE.
cet abregé de donner les réfléxions ſuivantes
, qui ferviront d'explication aux accidens
qui font arrivés dans le cours de cette
grande maladie .
Premiere réfléxion . Le battement eft
une fuite de la trop grande quantité de
fang , que l'oreillette droite dilatée a porté
dans les ventricules , & qui les a obligé de
multiplier leurs mouvemens de diaftole &
de fyftole , pour s'en débarraffer. Dans cet
état les nerfs ont fouffert des fecouffes , &
des tiraillemens qui ont contribué à déranger
les mouvemens naturels , & à multiplier
les convulfifs.
Tous ceux qui ont connoiffance des
fonctions , concevront facilement la
que
réfiftance de l'artère poulmonaire , à caufe
du diamétre de fes branches , en difproportion
avec l'oreillette du coeur & fon
ventricule,l'affaiffement du poulmon droit,
& la difficulté de dilater & refferrer la
poitrine , ont dû auffi diminuer la marche
du fangdans tous ces vaiffeaux , & contribuer
à fon féjour dans l'oreillette & dans
le ventricule , d'où il s'en eft fuivi le progrès
de la dilatation & du battement vio
lent.
2º. L'inflammation de poitrine , accompagnée
d'une douleur très- aiguë dans les
côtés droit & gauche , d'une toux , d'un
AOUST. 1748 .
95
crachement de fang , d'une grande difficulté
de refpirer , & d'une fiévre violente ,
qui arriva au malade le neuvième mois de
fa maladie , reconnoiffoit pour cauſe gé
nérale le fang porté en trop grande quantité
dans les vaiffeaux capillaires , fanguins
& lymphatiques , des poulmons & de la
plevre , capable de forcer leur diamétre ,
& de s'y embarraffer ; cette réfléxion fera
facile à comprendre , fi l'on fait attention
à la dilatation de l'oreillette droite du
coeur , qui fourniſſoit du fang à ces vaiffeaux
au- delà des mefures de la nature.
3°. La douleur dépendoit, dans cette inflammation
, des extenfions & tiraillemens
des parties nerveufes , qui font dans la
compoſition des vaiffeaux & membranes ,
qui forment les parties enflammées.
•
4°. La toux dépendoit auffi des extenfions
& fecouffes des parties nerveuſes
fuites de l'engorgement des vaiffeaux & de
l'action des fels du fang fur les fibrilles
nerveuses.
5°. Le crachement de fang dépendoit de
la rupture des vaiffeaux capillaires fanguins
par leur engorgement , portés au
delà de leur diamétre naturel..
6º. La difficulté de refpirer dépendoit
de l'accumulation du fang dans les vaif-
Leaux , capable de les dilater au point de
6 MERCURE DE FRANCE.
gêner les vefficules aëriennes , & de s'oppofer
à la fortie & à l'entrée libre de l'air
& du fang.
7°. La fiévre reconnoiffoit pour cauſe
l'embarras du fang dans les vaiffeaux capillaires,
fanguins & lymphatiques , des poulmons
& de la plevre , produit par les mouvemens
forts & multipliés du coeur fur le
Lang.
Tous ceux qui connoiffent l'ordre d'une
libre circulation , produit par une jufte.
proportion du calibre de vaiffeaux avec le
coeur , fçavent que s'il arrive des embarras
, tels que dans les inflammations , le
fang , ne pouvant pénétrer dans tous ces
points , eft obligé d'enfiler les vaiffeaux de
retour, les plus proches du coeur , & de parvenir
plus promptement dans fes ventricules
, ce qui les oblige à s'ouvrir au - delà de
leur diamétre naturel ; de- là cette pompe
multiplie fes mouvemens pour le débarraffer
, & fes efforts multipliés produiſent la
chaleur , l'accablement , & autres accidens
qui accompagnent la fiévre , pendant que
l'inflammation fubfifte.
8°. Les extrêmités froides & les friffons ,
qui arrivoient tous les foirs avant les redoublemens
des fiévres , reconnoiffoient
pour caufe le féjour des humeurs & parties
acres du fang dans les vaiffeaux capillaires,
capables
AOUST.
174S. 97
capables de les irriter , & de les entretenir
dans une contractilité contraire à une libre
circulation & fecrétion , d'où s'enfuivoit
un effort de la nature pour détruire cette
contraction & rappeller ces humeurs à un
libre cours .
9°. L'oppreffion avoit pour cauſe l'af-\
faiffement & l'adhérence des poulmons, à
droite par les tumeurs , & à gauche par
l'eau épanchée ; cette pofition contre nature
s'oppofoit au libre paffage de l'air & du
fang dans les organes de la refpiration .
10°. L'augmentation du battement &
fon étendue depuis les jonctions cartilagineufes
jufques fous les parties moyennes
& offeufes des quatrième , cinquiéme &
fixiéme vraies côtes , dépendoient de la dilatation
dufac formé par l'oreillette droite
du coeur , lequel fac étoit obligé d'en ſuivre
les mouvemens , comme en faifant partie.
11º. Les douleurs que le malade reffentit
les quatre derniers mois de fa vie , &
les picotemens dans le côté droit , étoient
une fuite de l'irritation du genre nerveux
.
12 ° . La fragilité des parties offeufes ,
leur carie & leur rupture, dans cette maladie
, avoient pour caufe le violent &
continuel battement du coeur fur les artéres
intercoftales , & la compreffion de
E
98 MERCURE DE FRANCE.
la tumeur fur ces vaiffeaux & fur les nerfs
intercoftaux ; battement & compreffion
qui fe font oppofés au cours libre du fang ,
des fucs nourriciers & des efprits , vers ces
parties offeufes. Cette caufe fera d'autant
plus fenfible , principalement aux Anato
miftes , que l'aorte inférieure eft couchée
fur les parties latérales gauches des vertébres
, & que les artéres intercoftales droi
tes, qui en partent, font obligées de mon
ter fur le corps de ces vertébres pour fe
rendre dans leurs diftributions, en paffant
fous l'éfophage ; fi ce conduit les a un peu
confervées par fa fituation fur le corps des
vertébres à gauche , elles ont été à droite
à découvert , & expofées à la compreffion
& au battement jufques dans leurs dernie
res diftributions.
On rendra cette explication encore plus
fenfible , fi on fe rappelle ce qui a été dit ,
que les mouvemens naturels du coeur , &
les forces du malade , étoient affoiblis ;
que les directions des nerfs , arréres &
veines , étoient changées par la compreffion
de la tumeur , & par le battement
continuel : par toutes ces caufes les fucs
ont été dérangés dans leur marche vers ces
parties offeufes , de- là s'en eft fuivi une
féchereffe & une rupture de leurs fibres..
13. Les caufes de la dilatation de l'ar
A OUST. 1748. 99
$
tére poulmonaire font faciles à comprendre
ici , fi l'on fait attention à cette grande
quantité du fang que l'oreillette & le ventricule
ont porté dans cette artère au- delà
de fon diamétre naturel pendant dix-huit
mois .
14°. Les caufes des adhérences intimes
que l'oreillette ,le péricarde &le médiaftin ,
ont contractées enfemble dans les points
dilatés , dépendent des inflammations &
extenfions que ces parties ont fouffertes.
Si l'on fait attention que la molleffe ,
& même la fineffe des parties,dépend d'une
libre fluidité des liquides , il ne fera pas
difficile de comprendre les caufes de la
folidité de ce fac & des bords de fon ouverture
, malgré la grande dilatation des
membranes qui ont entré dans fa compofi .
tion .
Si le malade a vêcu pendant plufieurs
mois avec l'ouverture du fac , dont la folidité
& l'épaiffeur de fes bords prouvoient
l'ancienneté , cela eft dû au régime de
vivre , à fa tranquillité , aux faignées
qu'on lui a faites , qui enfemble l'ont entretenu
dans un degré de foibleffe , qui
n'a permis au fang de fe fang de fe porter que fort
lentement vers le fond du fac , & aux parsies
du fang d'y former des couches capa-
E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
bles de furmonter l'effort du fang , & de
s'opposer à fon épanchement mortel .
Il ne fera pas difficile de comprendre
les raifons de la deftruction des valvules ,
fi l'on fait attention que les fibres , qui les
compofent , étant continues à celles qui
ont entré dans la formation du fac , elles
ont été obligées de les fuivre & d'entrer
dans cette compofition.
La mort du malade n'eft arrivée que par
la dilatation & rupture des artéres ou vernes
poulmonaires , d'où le fang s'eft porté
dans les bronches & dans la trachée artére,
en fi grande quantité , qu'il a fupprimé
l'entrée libre de l'air & la vie dans une
minute ; cette rupture a été cauſée par la
fuite d'un rhume que le malade eût
pour être venu de fa campagne à la Ville
les derniers jours de Février .
>
On voit par cette obfervation la fageffe
de la nature , & les avantages qu'elle re
tire de l'art , qui n'ont permis au fang de
fe diftribuer que par dégrés , afin de s'oppofer
à un épanchement dans la poitrine ,
qui auroit caufé la mort bien plus promp
tement.
On voit auffi par cette obfervation ,
que cette maladie renfermoit en ellemême
les effets de prefque toutes les auA
O UST . ΙΟΥ
1745. •
tres ; en effet les connoiffeurs dans l'Art y
verront les fibres diftenduës , écartées ,
relâchées , defféchées , pourries , en convulfion,
en paralyfie, & rompues; par conféquent
les vaiffeaux engorgés par inflammation,
obftrués , relâchés & rompus , & les
liqueurs embarraffées dans leurs propres
vaiffeaux , paffées dans des vaiffeaux étrangers
, infiltrées , coagulées , épanchées.
On voit encore par cette obfervation
combien la pléthore , caufée & entretenue
par la trop grande quantité des alimens ,
& la raréfaction des liqueurs par les mouforts
& trop multipliés font vemens trop
dangereufes
.
Le fujet de cette obfervation étoit un
des plus forts tempéramens & un des
mieux conftitués du Gécle ; il étoit âgé de
trente-fept ans.
A Mademoiselle S ** pour le jour
de Sainte Anne.
A vous louer chacun s'apprête ,
Aimable Philis , en ce jour ,
Qù les Ris , les Jeux & l'Amour
Doivent célebrer votre fête .
Sans y penfer , dés le premier afpect ,
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
Vous gagnez tous les coeurs , & l'on n'oſe le dire,
Votre air charmant & fage inſpire
Et la tendreffe & le refpect.
Prenez donc pour modéle une illuftre Patronne ,
La raifon le permet , la nature l'ordonne ;
Vous goûterez un fort plus doux,
Car, foit dit entre nous , fans faire une chicanne ,.
Si vous reffemblez à Sainte Anne ,
C'eft d'affés loin ; n'entrez pas en courroux ;
Comme elle , vous avez la fageffe & les graces ,
Mais fi de l'imiter votre coeur eft jaloux ,
Pour être plus fidelle à marcher fur fes traces ,
Songez qu'elle avoit un époux.
LETTRE de M. *** Maître en Chirurgie
à Orleans, à M. Louis, Chirurgien
de l'Hôpital de la Salpêtriere à Paris.
A Lettre de M. le Cat , Chirurgien
Lde Roten,inférée dans
>
de France ( Juin 1748. I. vol . ) m'a fait
faire , Monfieur , quelques reflexions , que
je vous prie de recevoir comme une marque
de mon attention & une preuve
de mon zéle pour tout ce qui vous intéreffe
.
,
Ce Chirurgien vous difpute l'invention
*
AOUST. 1748. 163
de votre méthode de tailler les femmes :
il vous croit néanmoins incapable de plagiat
, mais il penfe qu'ayant fait de votre
côté cette découverte > vous avez crû
pouvoir la publier , fans faire mention de
la fienne. Il revendique
auffi votre inftrument
; voilà fes prétentions
, qui me pa
roiffent injuftes , & c'eft ce que vous pouvez
démontrer
en peu de mots.
>
1º. Vous ne pratiquez pas la même mé
thode que M. le Cat. Il débride l'urethre
& le col de la veffie d'un feul côté
& vous , par des raifons de préférence
fuffisamment expliquées dans l'extrait de
votre Mémoire inféré dans le Mercure
de Décembre 1746. II . volume , vous ouvrez
l'urethre & le col de la veffie de chaque
côté. Comment M. le Cat peut- il revendiquer
une opération qu'il blâme beaucoup
, & à laquelle il fabrique des inconvéniens
que la pratique dément ? Je vous
avoue qu'il m'eft impoffible de pénétrer le
motif de cette prétention .
2º.M. le Cat a un tort manifefte , en vous
accufant de n'avoir fait aucune mention
de la méthode qu'il pratique en taillant
les femmes. Vous mettez cette méthode en
parallele avec la vôtre , page 78 du Mercure
de France 1746 , Décembre . II. volume.
Il eft vrai que vous ne parlez point de
E iiij
104 MERCURE DE FRANCE.
M. le Cat , & que vous citez M. le Dran
comme l'Auteur de cette façon de tailler ,
mais il n'en eft pas moins conftant , que
vous n'avez point paffé fous filence l'opération
dont M. le Cat fait ufage.
Au refte , les raifons de M. le Cat font
nulles & caduques , car il rapporte pour
titre effentiel & primitif une Lettre inférée
dans le Journal de Verdun en Août
1742. Mais on n'a point de reproche à
vous faire à ce fujet ; vos occupations
dans les armées du Roi , ne vous ont pas
permis d'avoir alors connoiffance de ce
Journal. Au furplus , de l'aveu de M. le
Cat même , on n'y trouve qu'une fimple
allégation de l'incifion latérale de l'u
rethre des femmes , & cette allégation ne
fuffit pas pour pouvoir mettre cette opération
en parallele avec d'autres , puifqu'il
n'y eft fait aucune mention de la
méthode de la pratiquer . Mais ce qui eft
encore plus fort contre la prétention de
M. le Cat , c'eft que vous citez M. le
Dran, d'après fon Traité d'Opérations, imprimé
en 1742. Cet Auteur décrit une
méthode , il rapporte des obfervations circonftanciées
fur les accidens qui ont traverfé
fes cures ; ces obfervations font antérieures
à leur publicité , & par conféquent
au titre de M. le Cat. Auquel donc
A O UST. 1748. 105
des deux avez-vous dû adjuger l'invention
de cette opération ? Il n'y a perfonne qui
ne doive reconnoître que les dates , que
M. le Cat'vous oppofe , ne prouvent fien
en fa faveur.
3 °. M. le Cat ne peut revendiquer votre
inftrument , puifqu'il eft uniquement fait
pour votre opération , qu'il défapprouve
formellement. Il a inventé , dit- il, un gorgeret
avec une lame mobile qui fait le débridement
neceffaire & dans les femmes
& dans l'appareil latéral des hommes.
Comment M. le Cat peut- il rappeller un
mauvais inftrument , dont il dit ne fe plus
fervir ? On peut bien fe tromper fur le
fur le projet
d'un inftrument , mais on ne doit jamais
fe trouver dans le cas de l'abandonner : s'il
eft défectueux , il faut avoir affés de difcernement
pour ne s'en point fervir , & mettre
une pareille machine au nombre d'une
infinité de productions ftériles & infructueufes.
Les exemples que M. le Cat emprunte
des autres Arts,me paroiffent auffi peu concluans
que fuperflus , parce qu'il prête à votre
inftrument des défauts qu'il n'a point.
Mais s'il y a autant de ridicule qu'il en fuppofe
, à réunir deux inftrumens en un , il
n'auroit pas dû annoncer un inftrument
qui réunit les avantages des futures en-
E v
106 MERCURE DE FRANCE.
tortillées & enchevillées pour la rupture du
periné qui arrive dans certains accouchemens.
Faites-moi le plaifir de me marquer ce
que vous penfez de la derniere correction
que M. le Cat dit avoir faite à fes inftrumens
pour la taille des hommes . Cela
me paroît affés avantageux. J'ai l'honneur
d'être , &c.
F. G. D.
A Orleans ce 24. Juillet 1748 .
REPONSE de M. Louis , à la Lettre
précédente.
<6
16
LMonfieur, fur la Lettre de M. le Cat ,
Es remarques que vous m'adreffez
font fort judicieufes pour ce qui concerne
mon opération. J'ai eû connoiffance de
cette Lettre plufieurs mois avant qu'elle devint
publique elle a donné lieu de part
& d'autre àplufieurs écrits qui ont été d'abord
un peu vifs , mais nous fommes préfentement
amis & d'accord fur les queftions
de fait. M. le Cat convient , non - feulement
de l'opération de M. le Dran , mais que
Paré , Collot & plufieurs autres Auteurs
plus anciens , la pratiquoient. Il reste à
éclaircir une queftion de droit ; il s'agit de
fçavoir fi mon opération , au moyen de
"
AOUST. 1748. 107
laquelle je fais deux fections latérales , eft
préférable à celle qui ne débride que d'un
côté.
Il ne m'eft pas poffible de traiter cette
matiere affés brièvement par la voye du
Mercure. Je veux appuyer mes raifons de
préférence fur des faits , & fur des obfervations
conftantes ; il faut que je réponde
affés au long aux objections que l'on fait
fur les panfemens & autres circonstances
acceffoires à ma méthode : je ne dois pas
négliger les preuves que je peux tirer des
fuccès de mon opération. Le public cft auffi
fenfible à ce genre d'argumentation , qu'à
toute autre espece de raifonnement. Ces
difcuffions formeront un petit Traité qui
eft actuellement fous preffe , & dont je vous
prierai d'accepter un exemplaire. Quoique
la plupart des objections foient de M..
le Cat , j'efpere qu'il fera content de mon
travail : je vous prie de rendre juſtice à fes
lumieres & à fes talens : M. le Cat ne connoiffoit
point ma méthode , il n'en a même
encore que des notions imparfaites , &
j'ofe vous affurer très-pofitivement , qu'il
en a reçû des inftructions fauffes , lefquelles:
pourront fervir à excufer le jugement qu'ill
en a porté.
Je vous écrirai une autre fois fur les galeries
de la fonde creufe , & fur la lame
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
:
transverfale du biftouri pour la taille des
hommes. Cette invention date d'un peu
plus haut que M. le Cat , qui au furplus ne
s'en fert pas , & n'entend même jamais
s'en fervir , felon le rapport des gens qui
ont affifté cette année à fa taille , & je crois
qu'il a raiſon. Je fuis , &c.
LOUIS.
A Paris le 26 Juillet 1748 .
L'ASNE FACETIEUX ,
FABLE.
UN Baudet, le Caton de tout fon voisinage ,
Enfin fe laffa d'être un grave perfonnage.
Affés jufqu'à préfent , je crois , dans le férieux ,
Notre efprit a brillé , changeons un peu de ſtyle ,
Le plaifant eft joli , mais il eft difficile ;
Eh bien , c'est ce qu'il faut pour un génie heureux ;
Ainfi notre grifon, tout plein de fon mérite ,
Se parloit à lui-même & brûloit du défir
D'en venir à l'effet : pour ce faire , il invite
Les autres animaux , leur promet du plaifir ,
S'ils veulent un tel jour en tel endroit ſe rendre ;
Je veux , difoit- il , vous furprendre;
A O UST. 100 1748.
Oui ,je vous ferai rire , en un mot à préfent ,
Je fuis animal très- plaiſant.
Cela paroît nouveau , chacun le veut entendre ;
Le jour vient ,.on fe trouve à l'endroit indiqué ;
Tout le monde étant affemblé ,
Monfieur Martin ne fe fait point attendre ,
Sur la fcéne d'abord il paroît hardiment ,
S'ajuste , le prépare à faire des merveilles ;
Puis du gefte voulant fe donner l'agrément ,
Il fait mouvoir artiftement
Les pieds , les yeux , la queue , encor mieux les
oreilles ,
Et cependant pour tout comique ,
Débite aux pauvres écoutans
Une centaine de hihants ,
Prononcés fur le ton le plus mélancolique.
Si cela regala fes gens ,
Beſoin , je crois , n'eſt qu'on le diſe ,
Mais l'orguemeux Baudet effuya rude criſe
De fe voir baffoué , berné , honni , chaflé
Par l'auditoire courroucé .
Que de gens à préfent font pareille fottife !
Combien eft -il d'efprits , qui lourdauts & pefans ,
En un mot , comme lui , vrais rouffins d'Arcadie,
Veulent pourtant être plaifans ;
Et nous donner la comédie?
110MERCURE DE FRANCE.
Les mots des Enigmes & des Logogryphes
du Mercure de Juillet font les Sens
le Carême , la Pentecofte , Fourchette & Architecte.
On trouve dans le premier Logogryphe
pefte , foc , fept , Enée , tente , épée ,
noces , côte , cofne , ton , efcopette , été , fle ,
Po , os , Noé. On trouve dans le fecond
hêtre , chouette , Ur , été , fer , rouë , ruche.
On trouve dans le troifiéme re , Chaire ,
Tacite , arc, Arche , art, char , chat , carte,
arête , Cithere , Théatre & car,
JE
LOGOGRYPHE.
E fuis pour vos befoins , comme pour vos
plaifirs ,
Lecteur , d'un néceffaire uſage ;
Théatre , où tous les ans mille & mille Martyrs
Verfent leur fang fans regrets ni foupirs.
De leurs frêles vaiffeaux fans peine il fe dégage ;
J'en fufpends , comme on veut , ou j'en hâte le
cours ;
D'un Dieu, non moins fêté que celui des Ainours,
Je prépare le jeu , le triomphe & la gloire :
A ce Dieu belliqueux je promets la victoire ,
Victoire où l'on versa les vaincus , fans douleur ,
AOUST. IIT
1748.
Tomber avec plaifir aux pieds de leur vainqueur.
Taifons-nous , ou prenons le ton du Logogryphe,
Et tâchons d'égayer par les combinaiſons
Nos Lecteurs , fi nous le pouvons.
Un inftrument, cent fois plus mordant que la griffe
Du plus revêche des matous ,
Sur trois pieds réunis fe montre devant vous.
Les trois lettres de rang, qui forment l'avant- garde,,
Expriment un terrein coupé par des canaux ,
Et le tems , où l'on voit allumer les flambeaux ,
Vous donne quatre pieds qui font l'arriere-garde;.
Sept & fix , je parus fi belle au Roi des Dieux ,
Qu'il deſcendit du Ciel pour me conter fleurette .
Mais fa femme trop inquiette
Ne prit pas la chofe des mieux ..
Sept , cinq & quatre , & trois , je fuis à l'Opera
Plus connu qu'à la Comédie:
Huit , fept & cinq , je fuis un mot qui charmeras
Votre humeur trifte & rembrunie ;
Un , fept & cinq , ou quatre & trois
Alors je fuis tout à la fois ,
Concile & Ville d'Italie..
Deux confonnes & deux voyelles
Me font regner fur l'empire des fleurs ..
En trois pieds je refpire & marque vos fureurs;
Pour couvrir & parer les riches & les belles ,
En quatre , je reçois cent façons , cent couleurs.
112 MERCURE DE FRANCE.
Changez,je fuis un mot formé pour un feul homme
Et dont on ne fe fert que dans un feul pays ;
des fruits ,
Changez encor , je fuis au rang
Et coufin germain de la pomme.
Otez un pied ; caché fous un nrafque nouveau ,
J'ouvre un libre paffage au jour, à la lumiere ;
En deux lettres , c'eſt moi dont la faim meurtriere
Fit mettre un beau matin Polidor au tombeau.
Retranchez huit , fix , cinq , Ville des Païs -bas ;
Pour un courfer étique & fujet aux faux pas ,
A la Ville comme au Village ,
J'offre un non des plus en uſage.
Sous quelqu'autre déguiſement
Vous trouverez un mets très-commun en Carême.
Enfin j'épuiferois les calculs de Barême ,
Si je voulois pouffer plus loin l'amuſement.
Retournez mes trois derniers pieds ,
Il en cuit bien fouvent à qui me fair outrage ,
Et puis dire avec droit , mortels obéiſſez.
Enfin pour terminer ta peine & mon ouvrage ,
Tu fçauras , cher Lecteur , que tout mon alphabet
Se borne a buit lettres de fuite.
Devine ou non , je finis au plus vite ,
Lecteur , & garde le tacet.
A O UST. 1748. 113
AUTRE.
L'Intérêt , la prévention ,
Me donnent fouvent la naiffance ;
Heureufe quand la vraisemblance
Couvre mon imperfection !
Certain dont l'eftomach à jeun depuis deux jours,
Me voit , me dévore & digere ,
N'a pas la panfe moins légere ,
Ni moins befoin d'un prompt fecours ,
Et par un effet tout contraire ,
Tel autre , qui ne fçait que prononcer mon nom,
Vient d'en payer fon ordinaire.
Pour en venir à ma conſtruction ,
De mes huit pieds l'on peut former plus d'un
myftere.
D'une quinte d'abord je vous offre le ton ;
Enfuite par combinaiſon ,
Deux mots effentiels en mufique,
Le Chef d'un Etat defpotique."
Vous trouverez encor ſa regle & fa leçon ;
Cet arbre maltraité du paſſant trop avide ,
Et dont on peut trouver les plaintes dans Ovide ;
Une Ville , un animal ,>
Qu'on prononce ou qu'on écrit mal ;
Le mordant Ecrivain dont parle Fontenelle ,
Que les Princes payoient pour qu'il ne parlât pas
114 MERCURE DE FRANCE.
Cet agrément , ce charme d'une belle ,
Dont nos Dames font peu de cas ,
Qu'elles veulent couvrir d'une grace étrangere ,
Et qui pare lui feul une jeune Bergere.
Je préfente un beau blanc & fon contraſte obſcur ,
Cette herbe dont le tact peu für
Fait fentir fa mordante force ,
Et cet ouvrage fait d'une fléxible écorce ;
La fille de Titan , la mere d'Apollon
L'animal au trifte renom ;
La peine que l'ancienne Loi
Donnoit pour ordinaire & commune vengeance ,
Que les Romains fuivoient , qu'on n'admet point
Et
en France ,
que
défend l'Auteur de notre Foi.
ParM. le Breton de S. Macrouf, de Rennes,
AUTRE.
P Refque toujours couronnées ,
Nous fommes environnées ,
Ou de farouches animaux ,
Ou de canons ou de Drapeaux.
Neufpieds forment notre meſure
Dans notre découpure ,
Quelle varieté !
3, 1 , 2, 4 , 7 , 6, je peins fans impoſture,
A O UST. 1748.
"
els
Et j'irrite fouvent par ma fincérité ,
Mais mon ſein eſt ſemblable au coeur d'une volage,
Qui de divers objets ne conſerve l'image
Qu'autant de tems
Qu'ils font préfens.
4, 6 , 3 , 8 , fous mon feüillage ,
En été , les Bergers fuivis de leurs troupeaux ,
Viennent goûter un agréable ombrage ,
Et là,fur l'herbe fraîche enflant leurs chalumeaux,
Dutendre Amour ils chantent la puiffance.
3,7, 6 , ce fluide immenfe ,
Qui de Neptune fut le lot.
4, 6 , certain métal qui fait briller un fot ,
Et fait fourire une coquette.
3 , 4 , 7 , 9 , l'an ſe complette ,
Quandje me fuis reproduit douze fois.
I , 3 & 8 , je fuis d'une effence immortelle ;
Le Dieu qui me créa , c'eft le Dieu dont la voiz
Epouvante l'impie & flate le fidelle.
2 , 4 , 7 , 8 & 6 , cet arbufte épineux ,
Qui fert de trône à la fleur la plus belle ;
1,3,7 , homme dont le zéle
Prévient avec plaifir nos befoins & nos voeux.
9,4,7, 2 , je nais quand le jour tombe ,
Mais je finis en ce moment.
Dans tes yeux affoupis je lis diftinctement
Que fous l'ennui ton coeur fuccombe ;
16
MERCURE DE
FRANCE:
Cedons ; dur facrifice ! hélas ! en me taifant ,
Conçois tu bien , Lecteur , à quel point je t'oblige;
Femme qui peut fe taire eft
vraiment.un prodige .
Par Madame Gandet.
*3 *3X+3X**X* X* XXXXX
ENIGM E.
PEu de lettres
forment mon tout ,
Il s'y mêle quelques confonnes ,
C'eft aflés pour pouffer à bout
Au moins dix ou douze perfonnes.
Je fuis grand , petir , comme on veut ,
Quelquefois auffi comme on peut ;
On me voit au Palais , au Théatre , à l'Eglife ,
Même en cercle je fuis de mife ;
On me voit à la Ville & l'on me voit aux champs,
Prefqu'en tous lieux , prefqu'en tout tems;
On ne m'aime ſouvent , fouvent on ne me priſe
Qu'autant que j'ai la panſe rebondie ;
On me regarde alors de tous les yeux ,
Chés foi,non fans plaifir, ailleurs , non fans envie.
On me réforme auffi dès que je fuis trop vieux.
Quand je fuis réduit au ſquélette ,
Tout le monde a pour moi bouche clofe &
muette ;
Ici je fuis tout fimple & fans nulles façons ;
Là j'ai glands & pompons , fontanges & galons.
AO UST.
117 1745.
AUTRE.
JEE fuis fils de la nuit ; le filence eft mon pere ;
Et je fuis pere des defirs.
Je fuis d'un très - grand prix dans l'amoureux my
tere ,
Et j'affaifonne fes plaifirs.
Je préfide aux tendres ruelles ;
J'entre dans les confeils des Rois ;
Je vois tout , j'entends tout , mais je n'ai point
de voix ;
Très fouvent par mes foins fidelles ,
On jouit d'un honneur qui n'eft pas dû, les belles
Doivent furtout le leur au bonhear de mes loix ;
Je fais , fi je parois , des bleffures cruelies ,
Je puis même perdre un Etat ;
Auffi , d'un naturel ſauvage ,
Je fuis le jour , je hais l'éclat ,
Et m'anéantis par l'uſage .
Mon beau côté , mon plus bel appanage ;
Philis , eft que vous m'aimez ;
Qu'eft-ce ? vous changez de vifage ;
On peut m'aimer fans crime & fans regret ,
Mais je me tais ; vous aimez le fecret .
IS MERCURE DE FRANCE.
I
AUTRE.
E viens me plaindre à vous de n'avoir peint
d'amant ;
Ne méritai-je point que pour moi l'on ſoupire
Vous êtes jeune & belle ; ai- je moins d'agrément?
Cependant tous les jours maint & maint concurrent
Vient faire à mesgenoux , plein d'un tendre délire,
Le long récit des maux que pour vous il reffent ,
Et nul ne vit fous mon empire.
Pourquoi fais- je le confident
De leurs foupirs , de leur martyre ?
Ne puis-je auffi leur caufer du tourment ₹
Non, je fuis d'humeur peu farouche ,
Et c'est une raifon de plus.
On me voit à toute heure , on m'approche , on më
touche ;
Je m'efforce de plaire , & mes foins font perdus.
Mais où m'emporte ce caprice ?
11 faut fe rendre juftice ;
Vous valez beaucoup plus que moi ;
Vos feuls regards en font foi;
Les miens n'ont point de malice ,
Ils font froids & languiſſans ,
Mais malheur à tout coeur novice ,
Même au plus aguerri ! les vôtres font perçants ,
Vifs , brûlans , menaçants.
Le Berger , qui fe plaint d'un amoureux fupplice ,
Peut vous trouver ſenſible à ſes tendres accens .
A OUST.
119 1748.
Je fuis fourd, & rien ne me touche.
Vous parlez , & de votre bouche
Sortent des fons enchanteurs ,
Des traits pleins d'efprit & de flâme ,
Qui de tous vos auditeurs
Vous font autant d'adorateurs ;
Je fuis muet & n'ai point d'ame .
Que fçais-je enfin ? On forme des défirs ;
Moi ,je ne puis les fatisfaire ;
Mais alte là , Muſe trop téméraire ,
Ne touchons pas à ces plaifirs :
Il fuffit que je dois vous ceder l'avantage ,
Car je ne fuis , Philis , que votre foible image.
NOUVELLES LITTERAIRES ,
DES BEAUX- ARTS , &c.
C
>
re-
ONSIDERATIONS fur les cauſes
de la grandeur des Romains , & de
leur décadence. Nouvelle Edition
vûe , corrigée & augmentée par l'Auteur
à laquelle on a joint un Dialogue de Sylla
& d'Eucrate. A Paris , chés Guillyn , Quai
des Auguſtins au Lys d'or. 1748. in
octavo , pp. 365.
,
Prefque tous les Livres gagneroient à
être abregés. Ceux de M. de Montef
20 MERCURE DEFRANCE.
quieu ne font point dans ce cas . Toujours
auffi vif & précis qu'élégant & profond
, il peut les augmenter fans craindre
de tomber dans des longueurs ou des
repetitions fatiguantes . Nous comptions
de trouver à la tête de cette nouvelle Edition
un Avertiffement qui indiqueroit
les Additions faites par l'Auteur , & nous
avons été furpris qu'on n'ait pas eû cette
attention. Les Lecteurs nous difpenferont
d'entrer dans le détail des changemens ,
que nous avons remarqués dans le corps
de l'Ouvrage , mais ils ne nous pardonneroient
pas de garder le filence fur le
Dialogue que M. de Montefquieu y a
ajouté.
Il fe propofe de nous peindre Sylla
par les difcours qu'il prête à ce fameux
Romain , & par-tout il nous montre cette
force de touche , ces traits hardis , ces
coups furprenans de lumiere , qui diftinguent
les Peintres fupérieurs. Eucrate témoigne
à Sylla fa furpriſe de l'avoir vû
fe démettre de la Dictature. J'ai crû ,
répond Sylla , avoir rempli ma defti-
» née , dès que je n'ai plus eû à faire
» de grandes chofes. Je n'étois point fait
» pour gouverner tranquillement un Pen-
» ple efclave . Jamais je n'ai été
» fi peu content , que lorfque je me fais
ود
· ..
» vu
OAOU S T. 121 1748:
☎ vû maître abſolu dans Rome ; que j'ai
regardé autour de moi , & que je n'ai
» trouvé ni rivaux ni ennemis . A ce.difcours
, l'étonnement du Philofophe redouble
. Il avoue à Sylla , qu'il l'avoit
toujours pris pour un homme dévoré du
defir de commander , & qui , plein des
plus funeftes paffions , étoit prêt à tout facrifier
pour la confervation de fa puiffance.
» Eft - ce , lui dit - il , pour le bien de
votre Patrie , que vous avez verſé tant
» de fang ? Avez - vous eû de l'attache-
و د
ment pour elle ? Non , reprend Sylla .
» Cet amour tant vanté de la Patrie eft
» une paffion trop populaire , pour être
» compatible avec la hauteur de mon ame .
» Je me fuis uniquement conduit par mes
» reflexions , & fut-tout par le mépris que
j'ai eû pour les hommes . >>
Si
» j'étois né chés les Barbares , j'aurois moins
» cherché à ufurper leTrône, pour comman
» der , que pour ne pas obéir ....... Lorf-
"
n
qu'avec. mes foldats je fuis entré dans
» Rome , je ne refpirois ni la fureur ni
» la vengeance. J'ai jugé fans haine , mais
» auffi fans pitié , les Romains étonnés .
» Vous étiez libres , ai je dit , & vous
» vouliez vivre efcláves. Mourez , & vous
» aurez l'avantage de mourir citoyens
» d'une Ville libre . Il est heureux , re-
•
F
122 MERCURE DE FRANCE.
plique Eucrate , que le Ciel air épar
gné au genre humain , le nombre des
» hommes tels que vous
29
.. Pour
» qu'un homme foit au-deffus de l'huma-
» nité , il en coûte trop cher à tous les
autres. Nous pafferions les bornes qui
nous font prefcrites , fi nous voulions faire
connoître toutes les beautés de ce Dialogue..
Une fuite de Dialogues , tels que celui
- ci , formeroit une efpece de Galerie
de Portraits animés , & feroit d'une grande
reffource pour les Auteurs Tragiques , qui
n'ont pas en eux-mêmes la chaleur & l'élé
vation néceffaires pour faire parler les perfonnages
extraordinaires..
NEGOCIATIONS à la Cour de Rome
, & en differentes Cours d'Italie , de
Meffire Henri Arnauld , Abbé de Saint Nicolas
, depuis Evêque d'Angers , &c. 748.
V. volumes in- 12.
Quoique le feu Roi eût de juftes ſujets
d'être mécontent des Cardinaux Barberins
, une raifon de Politique l'enga
gea à leur rendre fa protection. M. de
Gremonville , Ambaſſadeur de Sa Majeſté
auprès de la République de Veniſe , fut
chargé en conféquence de fe rendre à
Rome , pour les réconcilier avec le Pape
Innocent X. qui malgré l'obligation qu'il
A OUST. 1745. 123
feur avoit de fon élévation au Pontificat
, commençoit à leur faire fentir les
effets de la haine , que depuis long tems
il avoit conçue contre eux. Outre cette
affaire , M. de Gremonville en avoit plufieurs
autres à traiter. Le Cardinal Mazarin
defiroit de voir revêtir de la Pourpre
le Pere Mazarin fon frere , qui étoit
Maître du Sacré Palais. Il s'agiffoit auffi
de déterminer le Pape à livrer un complice
de la prétendue confpiration du Duc
de Beaufort. Toute l'adreffe de M. de Gremonville
lui fut inutile , & il ne put
réuffir dans ces négociations , non plus
que dans celles qui regardoient la Collation
des Bénéfices de la Catalogne , alors
foumise à la France , & l'acceptation de
l'obédience de Jean de Bragance , qui venoit
d'enlever à la domination d'Efpagne
le Royaume de Portugal. Dans ces conjonctures
, il étoit important d'envoyer
au Pape , à la place de M. de Gremonville
, un Miniftre qui connût le génie
de la Cour de Rome , & dont la fagacité
& la prudence fuffent confommées.
L'Abbé de Saint Nicolas fut choifi pour
cet emploi. Il avoit autrefois faitun voyage
en Italie avec le Cardinal Bentivoglio
& le féjour , qu'il y avoit fait pendant
près de cinq ans , lui avoit donné des con-
.
Fij
1-24 MERCURE DE FRANCE.
noiffances qui pouvoient beaucoup con
tribuer au fuccès des affaires qu'on lui con
fieroit,
Après avoir exécuté quelques commiffions
auprès des Cours de Florence , de Parme
& de Modene , il paffa à Rome. La premiere
occafion qu'il eut d'y faire paroître
fa capacité , fut dans l'affaire du Cardinal
d'Eft & de l'Amirante de Caſtille.
Il y négocia enfuite fi habilement les intérêts
de la Maifon Barberine , qu'il parvint
à la faire rétablir dans fes biens &
fes honneurs, Dans tous les divers avantages
que les armes du feu Roi rempor
terent , & pendant les Siéges de Prombino
, de Portolongone & d'Orbitello , la
conduite de l'Abbé de Saint -Nicolas ne fut
pas moins remplie de fageffe. Il ménagea fi
bien l'efprit du Grand Duc , auprès duquel
il eut ordre de fe rendre , qu'il ne contribua
pas peu à la prife de Portolongone,
Les Mémoires de ces differentes négo ,
ciations étoient dans le Cabinet de M.
l'Abbé de Pompone , & c'eft avec fa permiffion
qu'on les donne au Public. Le premier
volume eft compofé des dépêches de
l'Abbé de Saint Nicolas , adreffées au Cardinal
Mazarin & aux Comtes de Lyonne &
de Lrienne. Sur la fin de ceTome, font deux
AOUST. 1748 .
125
pieces dignes de la curiofité des Lecteurs.
L'une eft un Journal , dans lequel l'Abbé
de Saint Nicolas dépofoit certaines particularités
, qu'il ne jugeoit pas convenables
d'inférer dans fes Lettres . L'autre
contient des remarques fur quelques familles
de Rome & d'Italie . Dans le fecond
volume, on trouve les inftructions données
à l'Abbé de S. Nicolas , & les Lettres que
le Roi , la Reine Regente , le Cardinal Mazarin
& le Comte de Lyonne, lui ont écrites.
Les dépêches du Comte de Brienne forment
feules le troifiéme volume . Le quatriéme
eft deftiné aux Lettres Italiennes
que recevoit notre Négociateur.On a renvoyé
au cinquiéme & dernier volume celles
par lefquelles les Miniftres de Louis
XIV. auprès de diverfes Paiffances informoient
l'Abbé de Saint Nicolas de cę
qui fe paffoit dans les lieux où ils réfidoient...
Sur ce détail , on concevra que ce Recueil
ne peut qu'être fort intéreffant , nonfeulement
par la variété des matieres , mais
encore par la confidération des grands
Miniftres qui y parlent & y agiffent. Il falloit
donner un ordre à une Collection auffi
vafte qu'eft celle- ci . L'ordre chronologique
a paru le plus convenable & le plus naturel
.
Fij
126 MERCURE DE FRANCE.
L'Abbé de Saint Nicolas , à fon retour
de Rome , fut nommé par le feu
Roi à l'Evêché d'Angers. Dès qu'il en eur
pris poffeffion , il fe voua tout entier à
remplir les obligations de fon nouvel état.
Il fut Evêque pendant quarante ans , &
il mourut à Angers le 8 Juin 1692 , âgé
de quatre - vingt - quinze ans. Ce Prélat
étoit grand oncle de M. l'Abbé de Poinpone.
HISTOIRE ROMAINE , & c. Tomes
XV. & XVI. Pour fervir de continuation
à l'Ouvrage de feu M. Rollin. Par
M. Crevier , Profeffeur Emerite de Rhe
thorique au College de Beauvais. A Paris
, chés la veuve Etienne , & fon fils , rue
Saint Jacques , à la Vertu , & chés Defaint
& Saillant , rue Saint Jean de Beauvais. In
12. Tome XV. pp. 518. Tome XV I. pp .
492.
Le premier de ces volumes comprend
l'Hiftoire de la République Romaine , depuis
l'année 709 jufqu'à la 718 de la fondation
de Rome . Dans le fecond , M. Crevier
conduit fes Lecteurs jufqu'à la Bataille
d'Actium. Il a placé à la fin du premier
quelques faits détachés qu'il a jugé ne devoir
pas entrer dans le corps de la narration
, parce qu'ils en auroient interrompu
la fuite . Comme fon intention n'a été que
A O UST. 1748. 127
d'écrire l'Hiftoire du tems pendant lequel
la République Romaine a fubfifté , le Tome
XVI. eft le dernier de l'Ouvrage. On
trouve dans ce Tome une Tabie générale
des matieres , tant pour les volumes de M.
Rollin , que pour ceux de M. Crevier . Les
Auteurs Latins , fur- tout ceux qui ont écrit
du tems de la République , quand ils veulent
citer une année de leur Hiſtoirẹ , la
défignent prefque toujours par les noms des
Confuls. Pour la commodité des Lecteurs ,
qui fur une pareille indication voudront
chercher quelque fait dans cet Ouvrage ,
M. Crevier a joint à ce dernier volume les
Faſtes Confulaires. Il y marque non-feulement
les noms des Confuls , mais encore
ceux des Decemvirs & des autres Magiftrats
, qui , pour nous fervir de fes termes
, ont de tems entems interrompu le cours di
Confulat après fon établiſſement.
Nous n'entreprendrons point de donner
un extrait des deux volumes que nous venons
d'annoncer. Quoique les principaux
évenemens dont ils parlent , foient connus
de toutes les perfonnes inftruites , elles y
trouveront cependant des recherches dont
elles pourront profiter.
TRADUCTION LIBRE EN VERS ,
de la VI. Eglogue de Virgile. Par M. L.
Marin , Avocat au Parlement de Paris. A
F iiij
128 MERCURE DE FRANCE.
Paris , chés Cailleau , rue Saint Jacques ,
au- deffus de la rue des Mathurins , à Saint
André. 1748. In-octavo , pp. 20.
L'Auteur promet dans un Avertiffement,
que fi cet effai eft reçû favorablement
du Public , il continuera fon travail , &
qu'il donnera dans peu de tems toutes les
Eglogues de Virgile , avec quelques pieces
détachées . Il nous affure que les Ouvrages
de ceux qui ont entrepris avant lui
de traduire les Bucoliques , ne lui font
point inconnus , & ne l'ont point découragé.
Selon M. Marin , M. de Fontenelle a
tort de prétendre que le difcours, tenu par
Silene dans le Poëme dont on donne ici la
traduction , eft trop relevé pour l'Eglogue..
Le Cenfeur, demande à cette occafion >
s'il n'eft pas plus dans l'ordre , que des
» Bergers apprennent de la bouche d'un
Demi Dieu la maniere dont le monde
و ر
fut formé , & rappellent avec lui dans
» leur fouvenir plufieurs endroits de la Fa-
» ble , qui faifoient partie de leur Reli .
gion , que
que de les voir s'entretenir de leurs
» amours avec autant de fineffe d'efprit
qu'auroient pû faire Seneque & Pline , en
parlant de leurs Maîtreffes. Nous répondrons
qu'en général , lorfque le Poëte dans
une Eglogue veut peindre les douceurs ou
" .
ود
>
A O UST. 1748 . 1201
les tourmens de l'amour , le fentiment doit
y briller beaucoup plus que l'efprit . Il
n'eft pas de notre fujet d'examiner fi M. de
Fontenelle a fuivi cette regle. Nous remarquerous
feulement que les difcours ,
même trop fpirituels d'un Berger , pour
peu qu'ils approchent du ton de la tendreffe
, nous femblent encore plus convenables
à l'Eglogue , que l'enthoufiafme lyrique
prêté par Virgile au Pere Nourriffier
de Bacchus.
La difference , qui eft entre notre façon
de penfer & celle de M. Marin , ne nous
empêchera pas de rendre juftice à ſes vers.
Il les tourne pour l'ordinaire fort heureufement
, & nous l'exhortons à cultiver fon
talent pour la Poëfie.
TRAITE DES TESTAMENS , COdiciles
, Donations à caufe de mort , & autres
difpofitions de derniere volonté , fuivant
les principes & les décisions du Droit
Romain , les Ordonnances , les Coûtumes
& maximes du Royaume , tant des Pays de
Droit Ecrit , que Coûtumiers , & la Jurifprudence
des Arrêts . Par Me Jean- Baptifte
Furgole , Avocat au Parlement de Touloufe.
Tome quatrième . A Paris , au Palais,
chésJean de Nully, Libraire , grand'- Salle ,
du côté de la Cour des Aides , à l'Ecu de
France & à la Palme , 1748. Ce tome qua-
Fy
130 MERCURE DE FRANCE.
triéme & dernier traite de la répudiation
ou renonciation, des dettes & charges héréditaires
, du droit de délibérer , du bénéfice
d'inventaire , des Exécuteurs teftamentaires
, de la révocation des teftamens ,
& des autres moyens par lefquels ils peuvent
devenir inutiles en tout ou en partie;,
de la révocation des Donations , des Codiciles
, de la claufe codicillaire , des Donations
à caufe de mort. Il contient un
grand nombre d'additions importantes aux
trois précédens volumes. En même-tems , il
eft enrichi d'une Table générale & exactede
toutes les matiéres contenues dans les
quatre tomes de l'ouvrage . On peut dire
qu'au moyen de ce dernier volume , nous:
avons à l'Auteur l'obligation de poffeder
un Traité complet , profond & fçavant, fur
les Teftamens & fur les autres matieres qui
font relatives.
Y
LE CHRETIEN fidéle à fa vocation ,
ou réflexions fur les principaux devoirs
du Chrétien , diftribuées pour chaque jour
du mois , & utiles pour les Retraites , avec
un tableau d'un vrai Chrétien , compoféde
paffages choifis des faints Docteurs de
l'Eglife , à Paris , chés Lottin & Buttard ,
rue Saint Jacques , & Defaint & Saillant
rue Saint Jean de Beauvais.
HISTOIRE abregée de la vie de
A O USTS I. 131 . 17.48..
Saint Bonaventure , de l'Ordre des Freres
Mineurs ; Cardinal , Evêque d'Albano ,
Docteur de l'Eglife , & Patron de la Ville
de Lyon, in-octavo , imprimée à Lyon ,
fe trouve à Paris , chés Quillau , fils , ruë
Saint Jacques , vis-à-vis celle des Mathurins.
SECOND MEMOIRE des Chirur
giens. Lettres Patentes , portant confir
mation de l'établiffement de l'Académie
Royale de Chirurgie , &c. Obfervations
pour fervir de réponſe à la derniere Requête
imprimée des Médecins de Paris ,
brochure in-quarto , à Paris , chés Delaguette
, Imprimeur Libraire , rue Saint Jac
-ques.
LETTRE CRITIQUE à M. de Nefle
fur fon livre des préjugés du Public . Brochure
in-douze , à Paris , chés Briaffon ,
rue Saint Jacques..
DELLA Religione Poëma del Signor
Racine , tradotto in verfi Tofcani Sciolti
dall' Abate Filippo de Venuti , à Avignon ,
in-octavo , & fe vend à Paris , chés Huart
& Moreau , rue Saint Jacques.
INSTRUCTION fur la Jange , à Pufage
des Controlleurs , & autres Employés
des Fermes du Roi , par M. Leger , Inf
pecteur de la Jauge aux entrées de Paris ,
du mois de Juillet 1748. A Paris , chés
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
Charles Lamefle , & au Bureau des Aides
Hôtel de Bretonvilliers .
TRAITE ' hiftorique & politique du
Droit Public de l'Empire d'Allemagne ,
auquel on a joint les piéces juftificatives ,
dédié à M. le Chancelier , in -quarto . A
Paris , chés Laurent d'Houry , fils , au bas
du Pont Saint , Michel ; fuë de la vieille
.Bouclerie.
LE COUP D'IL des Dictionnaires
François , où l'ortographe de chaque mot
eft prouvée par régles , qui eft la voie la
plus fùre pour la perfectionner , par M.
Jacquier , in octavo. A Paris , chés Briaf
fon.
PRINCIPES de la perfection Chré
tienne & Religieufe , divifés en deux parties.
1. De la perfection Chrétienne ,
20. De la perfection Religieufe , avec des
fupplémens pour les Vierges Chrétiennes
qui fervent Dieu dans le monde , à Paris ,
chés les veuves Rondet & Laboțiere , ruë
Saint Jacques , près Saint Yves , & chés
·Defaint & Saillant , rue Saint Jean de
Beauvais.
POESIE di Francefco Lorenzini , già
Cuftode Generale d'Arcadia tra gli Arcadi
Filacida Luciniano , Raccolte da Dotto e diligente
Vomo in Roma , e publicate in Napoli
da Giofeffo Pasquale Cirillo , Regio Profeffare
A O UST. 1748. 133
di Leggi , ed alla Illuftrif. ed Eccellentif.
Signora D. Ifabella Pignone del Carretto
Ducheffa d'Ecre tra gli Arcadi Belifa Lariffea
in fegno di offequio dedicate , 1746 , in- 12,
A Venife , chés Simon Occhi .
ISTORIA di tutte l'Erefie, defcritta da
Domenico Bernino , compendiata ed accref
ciuta da Giuseppe Lancifi , Canonico dell' infigne
Bafilica di S. Maria in Trastevere.
Tomi quattro ,
in- 12.1746 , chés le même
Libraire .
J. VINCENTII GRAVINA Inftitutionum
Juris Civilis receptioris Libri IV.
quibus acceffit ejufdem Differtatio de Cenfura
Romanorum , 1746 , in - 12 . chés le même.
L'ISTORIA de gli Uomini Illuftri delß
Ordine di S. Domenico , fcritta in Lingua
Francefe dal R. P. Antonio Touron , e tra
dotta nell' Italiana Favella da un Religiofo
del medefimo Ordine . Tomo 1. 1746 , inoctavo
, chés le même.
¨་
典
i
GEOGRAFIA UNIVERSALE per
principianti , divifa in tre Parti. Opéra del
P. Sanadon , della Compagnia di Gefu , ora
trafportata dalla Francefe nellaToscana Favella
, con due Dizionari Geografici , Italiano
Latino e Latino Italiano , Parte prima,
1747. in- 12. chés le même .
3
VITA della ferva di Dio Suor Maria del
Crocififfe , Monaca Profeffa nel Monaftero
134 MERCURE DE FRANCE.
-
delle Cappucine della Città di Mondovi net
Piemonte , fcritta da un Prete dell' Oratorio di
San Filippo Neri , 1747 , in quarto , chés le
même.
IL DIRETTORE fpirituale de' Seminarj
fecondo lo fpirito di S. Carlo Boromeo ,
Opera utiliffima à Maestri de' Novili ne
Ghioftri , ed à Direttori della Gioventù ne
Collegi, ed à tutti li Confeffori , Con l' Aggionta
delle Meditazioni per gl' Efercizi fpirituali ,
proprie ed adattate al loro ftato , e condizione.
Audite , filii , difciplinam Patris , & attendite
, ut fciatis prudentiam. Prov. 4.
Dedicato all' Illuftriff. a Reverend. Signore
Monfig. Aleffandro Borgia Arciv. e Principe
di Fermo , 1747 , in- 12 , chés le même.
MEMORIE STORICHE Sopra l'ufo
della Cioccolota in tempo di Digiuno , eſpoſte
in una Lettera a Monfig. Illuftriff. e Revediff.
Arcivescovo N. N. 1748 , in - quarto ,
chés le même .
PREDICHE di M. Maffillon , Vefcovo
di Clermont , fu Prete dell' Oratorio , uno
Dei Quaranta dell' Academia Francefe.
Awento , 1748 , in- quarto , chés le même.
TAVOLETTE CRONOLOGICHE
della Storia univerfale Sacra e Profana , Ec-· ·
clefiaftica e Civile , Dalla Creazione del Mondo
,fino all' anno 1743. Con Rifleffioni fopra
Pordine , che dee tenerfi nello studio della ftoAOUST.
1748. 135
ria , efopra i libri per ciò neceffarj . Opera
delfig. Abbate Lenglet Dufrefnoy , tradotta
dalla Lingua Francefe nell' Italiana , 1748;,
in- quarto , chés le même .
"
ENTRETIEN S fur la caufe de l'incli
naifon des orbites des Planettes , & c. par
M.Bouguer, de l'Académie Royale des Sciences.
Secondę Edition , dans laquelle on a faifil'occafion
d'examiner quelle eft l'étendue *
du Méchaniſme , ou des loix de Phyfique ,
à Paris , chés Fombert , au coin de la ruë
Gift-le- coeur , in- quarto , de 140 pages.
REFLEXIONS CHRETIENNES
fur les grandes vérités de la Foi , & fur les
principaux mystéres de la Paffion de N. S.
Paris , chés Debure , l'aîné , Quai des
Auguftins , in- 12 . de 358 pages.
On trouve chés le même Libraire des
Exemplaires du Poëme de M. Benoît Stay .
C'eft la Philofophie de Defcartes en vers
Lucrétiens & en fix livres. Le volume eft
un in- octavo , de 331 pages , édition de
Venife.
J
› 0124
TRAITE' de la Céphalatomie
Defcription anatomique des parties que la
tête renferme. Ouvrage enrichi de figures
en taille douce , deffinées & gravées d'après
nature par J. B *** . Chirugien Juré
à Avignon , à Avignon , chés François Girard
, Imprimeur Libraire , Place Saint
136 MERCURE DE FRANCE.
Didier , & fe vend à Paris , chés Huart ,
Libraire de la Reine , & Libraire Imprimeur
de Monfeigneur le Dauphin , à la
Juftice & au Grand Saint Bafile , 1748 ,
in-quarto.
MEMOIRE fur l'utilité de l'établiffement
de l'Ecole Militaire , avec le Reglement
obfervé pour le maintien de la difci-
-pline par la jeune Nobleffe , Officiers Eleves
de cette Ecole , & les Cadets Dauphins,
tirés de la Rourgeoisie , pour être en état
d'embraffer avec intelligence les profelfions
auxquelles ils fe deftinent. Brochure
in-quarto de 12 pages , à Paris , chés la
veuve de Lormel , rue du Foin , à Sainte
Geneviève , 1748 .
RIME SACRE di Domenico Cerafola ,
Fratello Coadjutore della Compagnia di Gefu .
Opera poftuma dedicata all' Eminentiffimo
Principe il Signor Cardinale Gio. Francefco
Albani , in Roma , 1747 , nella Stamperia
di Antonio de Roſi preſſo la Retonda , in- 1 2 .
de 183 pages.
RUDIMENTA HEBRAICA paucis
ad Linguam facram facile addifcendain praceptionibus
comprehenfa , &c. Par le P.
François Xavier Widenhofer , de la Compagnie
de Jefus , à Wirtzbourg , 1747 ›
in- 12.
EXERCITIUM HEBRAICUM...
A O UST.
137 1748.
propofitum à R. P. Franc. Xav. Widenhofer
, Soc. JESU , SS . Scripture & Lingue
Hebraica in alma Univerfitate Herbipolenfi
Profeffore... Refpondente Georg. Mich . Vol-
Irath , &c. Herbipoli , 1746 , in- 12 .
DISCURSO HISTORICO Sobre la
antigua famofa Cantabria . Question decidida
fi lat Provincias de Bifcaya Guipuzcoa , y
Alaba , eftuvieron comprehendidas en la antigua
Cantabria , fu . Autor El. M. R. P.
Manuel de Larramendi , de la Compania de
Zefus , Maeftroque fue de Theologia en el Real
Collegio de Salamanca , y Confeffor de la Sereniffima
Señora Reina vinda de Carlos II. en
Madrid , por Juan de Zuniga , 1736 , in-
12. de 420 pages .
•
HISTOIRE des Hommes Illuftres de
l'Ordre de Saint Dominique , & c. par le
R. P. A. Touron , Religieux du même Ordre.
Tome III. à Paris , chés Babuty , ruë
Saint Jacques , à Saint Chryfoftome , &
Quillan , pere , rue Galande , à l'Annon
ciation . Volume in-quarto , 1746. ·
CONCLUSIONES MATHEMATICAS
dedicadas al Rey , defendidas por tres Caballeros
en el Reale Seminario de Nebles , &c.
A Madrid,
Le
TRAITE' des Feux d'artifice pour
Spectacle. Nouvelle Editión , toute clian138
MERCURE DE FRANCE.
gée & confidérablement augmentée. Vo
lume in- octavo , de 406 pages , planches
13. A Paris , chés Ch . Ant. Jombert , Libraire
du Roi pour l'Artillerie & le Génie ,
Quai des Auguftins , 1748.
METHODE OU Conduite Chrétienne ,
pour paffer faintement la vie , contenant
des inftructions & des prieres pour
chaque jour , chaque femaine , chaque
mois & chaque année , à l'ufage des Miffions
, en faveur principalement des peu
ples de la campagne , par un Prêtre Miffionnaire
du Diocéfe de Vienne , à Lyon ,
chés Viret ,, pere & fils , Libraires , rue
Merciere , 1748 , in- 12 .
François le Tellier , Imprimeur Libraire
à Chartres , délivre aux Soufcripteurs le
premier volume de l'ouvrage intitulé :
Pandecta Juftinianea , in novum ordinem digefta
, cum legibus Codicis , & novellis que
jus Pandectarum confirmant , explicant , aut
abrogant. Prefixus eft index Titulorum , &
Divifionum omnium , quo totius operis fpecimen
quoddam , & quafi materiarum appendix
exhibetur : Subjecta quoque eft tabula , qua
nominatim leges omnes cumfuis paragraphis
verficulis ordini Digeftorum reftituuntur.
Tomus primus , continens prolegomena few
prafationem & viginti duos priores libros.
A O UST. 1748. 139
& Je.
Parifiis , apud Saugrain , patrem ,
Defaint > Carolum Saillant. Carnuti ,
apud Francifcum le Tellier , Typographum
Bibliopolam , 1748 , in folio.
LES DELICES D'APOLLON. Prix ,
24 1. à Paris , chés Jacques Cloufier , ruë
Saint Jacques , à l'Ecu de France , 1748 ,
PP:4
Sonnates pour la Vielle & autres Inftru
mens , avec la Baffe Continue , dédiées à
S. A S. Madame la Princeffe d'Aremberg ,
par M. Bouin ; gravées par Jofeph Renou.
OEuvre II . Prix en blanc , 4 liv . 4 f. à Paris,
chés l'Auteur , ruë & Ifle Saint Louis
& chés le Clerc , rue du Roule , à la Croix
d'or .
L'ANNE'E MERVEILLEUSE. Cantatille
nouvelle pour un Deffus , avec accompagnement
de Violons & Flutes , mife
en Mufique par M. le Maire. Les paroles
fontde M. Peffelier. Prix 36 fols . A Paris,
chés l'Auteur , rue Saint Jacques ; Briaffon,
à la Science ; Ballard , rue Saint Jean de
Beauvais ; le Clerc , rue du Roule , à la
Croix d'or ; Madame Boivin , rue Saint
Honoré , à la Régle d'or ; Mlle Caftagneri,
rue des Prouvaires , à la Mufique Roya
le.
40 MERCURE DEFRANCE .
ELECTIONS de l'Académie Royale
des Sciences.
∙19 Juin , l'Académie Royale des
Sciences , pour remplir la place d'Affocié
Etranger , vacante depuis quelque
tems par la mort du célébre Jean Bernoulli,
Profeffeur de Mathématiques à Bafle , a
élû M. Daniel Bernoulli , fon fils , auffi
Profeffeur dans la même Ville , & M. Bradley
, de la Societé Royale de Londres.
Le Roi a choifi M. Bernoulli.
Pour remplir une autre place d'Affocié
Etranger , laquelle vaquoit par la mort de
M. Cervi , Premier Médecin du Roi d'Ef
pagne , l'Académie élût le 17 du mois dernier
le même M. Bradley , & M. Euler ,
de l'Académie Royale de Berlin. Le premier
a été choifi pat Sa Majesté.
L
PROGRAMME
de l'Académie de Soiffons.
' Académie de Soiffons , ayant jugé à
propos de varier les fujets des Prix
qu'elle annonce pour chaque année , donnera
alternativement un fujet d'Eloquence
, & un fujet tiré de l'Histoire.
A OUST. 1748. 141
Comme elle n'a rien trouvé qui répon
dît à fes vûës fur le fujet du Prix d'Hiftoire
qu'elle avoit propofé pour la préfente
année 1748 , elle avertit que dans
l'Affemblée publique qu'elle tiendra le
Lundi 14 Avril 1749 , elle délivrera.deux
Prix , l'un fur l'Hiftoire , & l'autre d'Eloquence
, qui feront chacun d'une Médaille
d'or de la valeur de 300 liv . données par
M. le Duc de Fitz-James , Pair de France ,
Evêque de Soiffons. Elle propofe pour fu
jet d'Hiftoire celui qui a été ci - devant annoncé.
"
Quelle a été la fuite des Evêques de
Soiffons , depuis le commencement du cin
quiéme fiécle jufqu'en l'an 754.
Depuis l'établiffement de la Religion
dans le Soiffonnois , jufqu'à la fin de la
premiere race de nos Rois ;
1°. Quels Conciles ou Affemblées notables
d'Eccléfiaftiques ont été tenus dans
le Soifonnois ?
20. Quelles ont été les Eglifes Cathédrales
, Collégiales , Paroifliales & autres de
la Ville de Soiffons ? Quelles ont été les
Collégiales & les Maifons de Séminaire
du Diocèfe ?
3. Quels Monaftéres y ont été fondés ?
Les noms de leurs Fondateurs , l'époque ,
le lieu de leur fondation & de leur tranf
142 MERCURE DE FRANCE.
lation , s'ils en ont eu ; la regle qu'ils ont
fuivie dans leur origine ?
4°. Quelles Reliques confidérables ont
été honorées dans le Diocèfe , & leurs differentes
tranflations ?
5 °. Quels hommes célébres dans l'Egli
fe ( & même dans les Lettres ) font nés
dans le Soiffonnois , ou y ont vêcu , ou
font morts ?
Enfin tout ce qu'on pourra découvrir
de nouveau dans l'Hiftoire Eccléfiaftique ,
qui ait rapport au Soiffonnois , jufqu'en
Pan 754
Dans l'examen des ouvrages on aura
égard , non feulement au nombre & à l'étendue
des recherches , mais encore à la
pureté du ftyle & à la beauté du langage.
Les Auteurs font avertis de mettre à la
marge , ou à la fuite de leurs Ouvrages ,
les preuves des faits qu'ils auront avancés
, & les fources où ils les auront puifés.
Ceux qui enverront des Differtations
latines , auront foin de mettre en marge les
noms François des perfonnes ou des lieux
dont ils feront mention ,
Le fujet d'éloquence fera cette queftion .
Quelles peuvent être dans tous les tems
les caufes de la décadence du goût dans les
Arts & les Sciences .
Le deffein de l'Académie eft d'engager
A O UST. 1748. 143
les perfonnes qui travailleront fur ce fujet,
à le traiter d'une maniere plus directe
plus étendue , & plus philofophique qu'il
ne l'a été jufqu'ici .
Elle croit auffi devoir avertir que dans
les jugemens qu'elle portera fur les ouvrages
préfentés au concours , elle aura égard
aux nouvelles découvertes , & furtout à
celles qui feront propres au fiécle & au
pays où nous vivons.
Le difcours d'éloquence fera d'une des
mie heure ou trois quarts d'heure de lecture
au plus , & la Differtation hiſtorique ,
d'une heure ou une heure & demie au
plus.
On adreffera à M. de Beyne , Préfident
au Préfidial de Soiffons & Secretaire perpétuel
de l'Académie , les ouvrages deftinés
au concours , port franc , & avant le
premier Février , fans quoi ils ne feront
pas retirés.
Ils feront écrits lifiblement & fans abbréviations
; les Auteurs ne mettront point
leurs noms au bas , mais feulement une
Sentence ; ils indiqueront une adreſſe , à
laquelle M. le Secretaire puiffe leur faire
tenir fon récépiffé .
On les prie de prendre les mefures né
çe flaires pour n'être point connus jufqu'au
144 MERCURE DE FRANCE.
jour de la déciſion , de ne point figner les
lettres qu'ils pourroient écrire à M. le Secretaire
ou à tout autre Académicien , les
avertiffant que s'ils font découverts par leur
faute , ils feront exclus du concours.
Les Auteurs qui auront remporté les Prix
viendront les recevoir dans la Séance publique
du Lundi 14 Avril 1749 , finon ils
enverront à une perfonne connue leur procuration
, pour être remiſe à M. le See
cretaire avec le récépiffé de l'ouvrage.
M. Gouye de Longuemarre , Greffier au
Bailliage Royal de Verfailles , eft Auteur
de la Differtation à laquelle a été adjugé
le Prix de 1746 ; elle paroît chés Chaubert ,
Libraire à Paris , Quai des Auguftins , à la
Renommée & à la Prudence, H y fixe ,
fuivant les vûës de l'Académie , l'époque die
commencement & de la fin du regne de chacun
des derniers Rois de la premiere Race
tant fur le Royaume de Bourgogne & de
Neuftrie , ou fur celui d'Auftrafie , que fur
toute la Monarchie , à commencer après la
mort de Dagobert I , que l'on fuppofe être arrivée
l'an 638, jufqu'à l'Election & Couron
nement de Pépin , Chefde lafeconde Race.
M. l'Abbé Bellet , Prêtre Prébendier de
l'Eglife Cathédrale de Montauban , & l'un
des Membres de l'Académie des Belles-
Lettres
>
AOUST.
1748 .
145
Lettres de ladite Ville , eft Auteur du Difcours
qui a
remporté le prix
d'éloquence
en 1747 , dont le fujet étoit : Un Auteur
doit
toujours le
conformer au goût du fiécle
dans lequel il écrit.
Comme
l'Académie fait
iuprimer tous
les ans
l'ouvrage qui
remporte le prix , elle
exige des
Auteurs qu'ils ne faffent point
imprimer de leur côté , que fix années révolues
après la datte de
l'impreffion que
l'Académie en aura fait faire,
M
Effieurs de
l'Académie
d'Angers
n'ont pas
crû
devoir
accorder aux
Piéces qui leur ont été
préfentées , les
deux Prix
annoncés . pour
l'année
1748 ,
& ils fe font
déterminés à
propofer les mêmes
fujets
pour
l'année
1749
Le premier fujet eft , les animaux ne deviennent-
ils
électriques que par
communication
?
Pourquoi ne le
deviennent- ils pas
par les
moyens que l'on employe pour
rendre les autres corps
électriques ?
Le fecond fujet , le progrès des
Sciences
& des Beaux Arts fous le Regne de Louis
XV.
Les Prix font deux
Médailles d'or,
chacune de la
valeur de deux cens livres.
G
146 MERCURE
DE FRANCE
.
Ceux qui travailleront
fur le premier
fujet , pourront écrire en François ou en
Latin.
On aura la liberté de compoſer en vers
ou en profe für le ſecond ſujet,
Les Auteurs des Piéces n'y mettront
point leur nom , mais feulement une Sentence
ou une Devife ; ils pourront encore
y attacher un billet féparé & cacheté , où
feront avec leur Sentence ou Dévife leur
nom , leurs qualités & leur adreffe . On
n'ouvrira ce billet que dans le cas où là
Piéce fera couronnée.
Ils les affranchiront
de port , & les
adrefferont
ou les feront remettre à M. le
Corvaifier
, l'un des trente de l'Académie
Royale d'Angers , ruë de la Croix blanche,
à Angers.
Les ouvrages feront reçûs jufqu'au premier
jour de Mai 1749 .
L'Académie
, à une affemblée
qui fe
tiendra le Mardi qui précéde immédiatement
la Fête - Dieu , proclamera
les Piéces
qui auront remporté
le Prix fur les deux
Injets propofés. Les Prix feront délivrés aux Auteurs
ou aux porteurs d'une Procuration
de leur
part.
AOUST.
1748.
147
N
Ous ne pourrions rien
retrancher du
Difcours
fuivant , fans faire perdre
aux Lecteurs
quelque chofe de leur plaifir.
Un grand
nombre de vers , mis par l'Aureur
dans les
Mercures , a fait juger ce
qu'on doit penfer de fon talent pour la
Poëfie. Cet effai donnera une idée de fon
talent pour l'Eloquence
.
DISCOURS prononcé le 7 Août 1748
à l'Académie. Royale des Billes- Lettres
d'Angers par M.de la Soriniere , lorsqu'ily
fut reçu à laplace defeu M. l'Abbé Louet.
'Eft aujourd'hui , Meffieurs , le plus
beau jour de ma vie : je viens dans
le fanctuaire des Muſes rendre hommage
à la vertu , & vous payer le tribut de reconnoiffance
que je vous dois de la grace
que vous m'avez faite , en m'accordant une
place dans votre Académie.
Mais quelque grand que foit mon
triomphe , Meffieurs ; quelque honorables
& quelque flateufes qu'en foient toutes les
circonftances , le
Triomphateur n'eft pas
fans une forte d'inquiétude ; fa délicatelle
ne lui permet pas de fe diffimuler qu'il
doit beaucoup plus à vos bontés qu'à fon
propre mérite , & fa confiance ne peut re-
Gij
148 MERCUREDEFRANCE
.
naître que vous ne lui ayez avoüé , Meffieurs
, que vous fçavez créer les talens dans
ceux que vous marquez au coin de votre
approbation
, & que vous placez parmi
yous.
En effet , Meffieurs , à quel titre ai - je
pû mériter les fuffrages unanimes d'une
Compagnie , qui fe connoît fi bien en mérite
littéraire ? Toutes fortes de raifons
fembloient me fermer pour jamais la glorieufe
carriere où vous me permettez d'entrer
avec vous . Je ne m'y préfentois qu'avec
crainte , & mon bonheur m'étonne,
Depuis plus de vingt ans , conftamment.
ifolé au fond d'une folitude ingrate
éloigné de toute fociété littéraire ; que
disje
? de tout commerce du monde ; pouvois-
je me flatter , Meffieurs , que votre
pénétration iroit au point de démêler , &
d'appercevoir en moi les reftes impercep
tibles de ces teintures précieufes que j'avois
jadis puifées , ou comme dérobées , dans le
peu de tems qu'il m'avoit été poffible de
fréquenter la bonne Compagnie , & de rechercher
le commerce des Dames ? Non ,
Meffieurs , je n'ofois tant préfumer de vos
bontés.
Le Cabinet feul ne formera jamais de
grands hommes , & quelque prodigieufe
récolte qu'ils y puiffent faire de fcience &
A O UST.
1748. 149
d'érudition , ils auront toujours befoin
d'être perfectionnés & polis par la lecture
du livre du monde , où tout ce qu'il y a de
plus fin & de plus délicat appartient à cette
aimable portion du genre humain , à laquelle
nous cédons également , fans contester
, & l'empire des charmes , & celui
du goût.
C'eſt- là , Meffieurs , j'ofe le dire ici , que
l'on acquiert ce ton que vous fçavez fi bien
apprécier , & que vous avez tous. C'eſtlà
, Meffieurs , que l'on puife , comme en
leur fource , cette urbanité , cette politeffe
exquife , cette douceur dans les moeurs ,
ces manieres nobles & aifées , qui décélent
toujours le galant- homme , & lui attirent
des égards ; je dis plus , cette candeur fans
laquelle il n'y a point de vrai mérite , &
fans laquelle la plus profonde érudition ne
feroit que déplacée chés vous....
Les talens les plus rares & les plus exquis
feront toujours déparés fans ces fécours
privilégiés. Le dirai-je , Meffieurs ?
La vertu même a befoin d'être dépouillée
d'une forte d'âpreté qui l'enlaidir ; le plus
beau diamant veut être taillé , mis en cuvre
.
J'ai ofé , Meffieurs , dans les fombres
crépuscules où le fort m'avoit comme enfeyeli
depuis fi long- tems , faire luire les
G iij
150 MERCURE DE FRANCE.
foibles météores d'un génie qui ne pouvoit
confentir à s'éteindre . Vous avez faifi ces
foibles rayons , & s'il m'étoit permis d'ufer
encore ici d'une expreffion philofophique ,
je vous dirois , Meffieurs , qu'en les interceptant
vous les avez fortifiés par des
éloges féduifans , des louanges flateuſes *
& que vous m'avez fait naître le courage
de m'élever jufqu'à vous : voilà votre ouvrage
, Meffieurs...
,
Heureufe fituation , que j'envifage fous
les afpects les plus gracieux , mais en même
tems , pofition délicate , fi je n'avois
vos fecours pour m'y maintenir avec honneur
, & pour juſtifier votre choix dans le
public !
Il eft vrai , Meffieurs, que mon affiduité à
profiter conftamment de vos doctes leçons
me répond de quelque fuccès; que vos bontés
me raffûrent , quand j'envilage de fangfroid
les vigoureufes courfes qu'il me faudra
fournir d'après vous : mais dans ce
moment les difficultés s'augmentent , pour
vous bien peindre la fituation de mon
coeur , que vous avez pénétré de la plus vive
reconnoiffance qui fût jamais.
Prêtez moi vos propres crayons , Meffieurs
; je vous traçerai des caractéres forts
* Recueil Littéraire de l'Académie où l'on parle
fort obligeamment des talens du Récipiendaire. ; -
A O UST. 1748. ISI
& ineffaçables , qui auront toutes les graces
du vrai-beau , & vous croirez encore
entendre la voix de l'Illuftre Académicien
dont j'ai l'honneur de remplir la place
aujourd'hui .
ELOGE de M. l'Abbé Louet.
Feu M. l'Abbé Louet avoit puifé , dans
un fang accoûtumé à produire de grands
hommes depuis plufieurs fiécles ; tout ce
qu'il falloit pour devenir un grand homme
lui- même ; & une éducation convena
ble avoit prodigieufement fecondé fon
heureufe naiffance .
Une application férieufe à la lecture des
bons Auteurs , la fréquentation foûtenuë
de la meilleure Compagnie du monde ,
des voyages en Italie , un defir violent &
juftifié de raiſonner fçavamment de tout ,
en firent de bonne heure un homme furprenant
, dont notre Province ne perdra
jamais le fouvenir .
Tous les Arts, fans exception, lui étoient
également familiers , & peut- être les pof
fédoit-il plus qu'il ne convenoit à un homme
de, condition , s'il eût été moins modefte.
Que ne fçavoit-il pas , Meffieurs ?
Il faifoit les délices de toutes les Sociétés ,
& les charmes de votre Académie , où il ne
ceffa jamais de plaire en inftruifant .
G iiij
152 MERCURE DE FRANCE.
C'étoit un de ces heureux naturels que
la Science n'avoit pû gâter . Il voyagea
chés les Grecs & les Latins , fans que. la
rouille du pédantifme pût mordre fur lui" :
& toujours paré de ces manieres fi propres
à nous gagner les coeurs , & à nous concilier
les efprits , il ne fit jamais de divorce
avec les graces. Son extérieur même fem-.
bloit annoncer & répondre de ſes excellentes
qualités.
Aimable Prothée , qui fe reproduifoit
fans ceffe fous les formes les plus féduifantes
, il fatisfaifoit tour à tour , le Docteur
le plus profond , qui le croyoit auffi profond
que lui , & l'homme du monde , fouvent
le plus fuperficiel , auquel il fe mefuroit
complaifamment. Loin de fe prévaloir
d'une fupériorité fouverainement reconnuë
, il. fe mettoit toujours au niveau des
autres , & faifoit généreufement le facrifice
de fa réputation . Il n'appartient qu'à
des hommes de la trempe de feu M. l'Ab
bé Louet , de faire de ces fortes de facrifices
, qui doivent coûter fi cher à l'amourpropre,
il faut bien de la douceur dans
le caractére , & de la fupériorité dans l'efprit.
:
Quel parti ne fçavoit-il pas tirer , Meffieurs
, de ces aimables riens , de ces ingénieuſes
& élegantes bagatelles, qui font fi
A O UST. 1748. 153
•
fouvent le fujet des converfations du
monde poli , d'où la médifance & la mauvaife
plaifanterie font toujours fi févérement
"bannies ? Il varioit en cent façons
ces tours naïfs & délicats , qui lui étoient
propres . Toujours attentif à cacher à
propos
la fublimité de fon génie fous le voile
d'un innocent badinage , il fe faifoit en
même tems chérir & admirer de tout le
monde , fans exciter la jaloufie de perfonne
; talent bien rare , Meffieurs ! il étoit
parfait.
Je ne vous parlerai point , Meffieurs ;
connoiffez mieux
des ingénieufes & élegantes Poëfies de ce
grand homme que les Mufes carrefferent
jufque dans l'âge le plus avancé . Vous les
que moi . D'ailleurs nous
avons tout lieu d'efperer que l'impreffion
nous mettra quelque jour à portée d'en juger
, ou d'admirer , ce qui fera la même
chofe.
Ses talens pour la peinture exigeroient
auffi , Meffieurs , qu'un connoiffeur en fit
l'hiſtoire ou l'éloge : mais je me contenterai
de vous avouer modeftement que je ne
fuis pas digne de les célébrer. Je laiffe ce
bel endroit de fa vie à quelque nouveau
Félibien , qui nous dira ( fans doute ) qu'on
vit fouvent fortir de fon pinceau délicat
Gy
154 MERCURE DE FRANCE .
le gracieux de l'Albane avec la correction
de Vanlo ..
Mais que vois-je , Meffieurs ? Je vous
ai trop parlé de cet illuftre défunt : quoique
je n'aie encore qu'ébauché fon portrait
, vous laiffez couler des larmes , en
vous rappellant fes vertus, &je vous fais,
plus que jamais , appercevoir que la perte
que vous en avez faire eft irréparable , &
qu'il vous falloit un autre fujet que moi
pour le remplacer.
Plus le tableau que je vous retrace ici
Meffieurs , fera placé dans fon jour , plus
je dois naturellement m'éclipfer dans le
point de vûë , où il me convient de paroître
: & de-là , Meffieurs , quels mouvemens
ne s'élevent point dans vos ames !
Vous perdez à la fois un Sçavant du premier
ordre , uu Confrere aimable , & un
véritable ami .
Mais , Meffieurs , je m'attendris moimême
, & je fens qu'il eft tems que j'abandonne
les chofes de fentiment , pour vous
entretenir de ce qui conftitue effentiellement
l'homme de Lettres , le véritable
Académicien , en un mot les hommes tels
que vous.
A O UST. 155 1748.
REFLEXIONS fur l'Eloquence ,
l'Hiftoire & la Poefie.
L'Eloquence. J'ai toujours crû , Meffieurs
, que les trois principaux, objets d'u
ne Académie des Belles Lettres étoient
( entr'autres ) l'Eloquence , l'Hiftoire & la
Poëfie ; objets confidérables dans la Littérature
, & qui , chacun à part , exigent des
hommes fupérieurs.
Cette éloquence vive & mâle , foûtenuë
d'images telles que celles du grand Boffuet
, fera toujours du premier ordre :
l'enthoufiafine la produit ; le feu , la force
des expreffions la foûtiennent , & le fond
des chofes nous charme & nous enléve .
Rien de plus aifé , Meffieurs , que d'arranger
des mots pompeux ,
pompeux , fonores & éloquens
par eux-mêmes , .felon les régles de
la Rhétorique. Rien de plus aifé , Mef
fieurs , que de lier méthodiquement les
parties d'un Difcours , & y enchaffer des
figures ; tout le monde en fçait la marche ,
& ce n'eft prefque plus aujourd'hui qu'une
forte de méchanique , qui eft devenue le
partage des érudits , pour ne pas dire , des
pédans , mais qu'il eft difficile que les
beautés d'un Difcours fortent toutes du fujet
même ; que les expreffions foient préci
fément faites pour les penfées , & les em-
G vj
156 MERCURE DE FRANCE.
belliffent que les tours y foient toujours
dans la nature , les bienféances exactement
gardées , & que tout s'y place dans une
jufte proportion jufqu'au fentiment !
Il faut commencer par bien penfer , &
penfer fortement. La force , la fublimité
des penfées , faifoient le fond principal de
l'éloquence du fameux Démofthene & du.
célébre Boffuct. Il faut même quelquefois,
comme eux , s'écarter des régles ordinaires
, quand vous avez à peindre de grands
mouvemens , & éviter foigneufement l'e .
xactitude fcrupuleufe d'un génie refferré
par l'Art , qui met toute fon attention ,
j'ai penfé dire ) qui dépenfe tout fon efprit,
à faire paffer les régles & les figures à
la file , & qui tire tout fon luftre du faux
brillant d'une penſée fophiftiquée , ou de
quelque mor nouveau , fur lequel il fonde
fes fuccès , & fe joue avec complaiſance.
Froid & méthodique Orateur ,
Dont le jargon néologique
Tient lieu de ſtyle Académique
Et ne fait qu'un déclamateur.
L'Hiftoire. Quant à T'Hiftoire , Meffieurs
, je me perfuaderois prefque que
cette partie de notre Littérature eft trop
négligée , & que les François , qui peuvent
A O UST . 1748. 157
offrir des modéles aux autres Nations dans
tous les genres , n'atteindront jamais la
hauteur & la dignité des Grecs & des Latins
, peut-être pas même de ceux des modernes
qui ont eû chés eux de Guichardins,
& un autre que je pourrois nommer * , s'il
n'avoit eû le malheur, d'abufer quelquefois
de fon talent , en écrivant fur des matieres
refpectables , où la moindre inexactitude
eft un grand crime .
Les Thucidides , les Xénophons , les
Polybes , les Denys d'Halicarnaffe , les
Plutarques , les Tite - Lives , les Saluftes &
les Tacites , conferveront vraisemblablement
toujours leur fupériorité , même ſur
les de Thou & les Mézerai , & conféquemment
fur tous nos autres Hiftoriens ; à
moins que le fçavant Auteur ** de la vie
du Héros du Nord , chargé d'écrire l'Hiftoire
du meilleur Roi que la France ait
jamais eu , ( & peut- être du plus Grand , )
animé par des fuccès en ce genre fi juſtement
applaudis , aidé d'ailleurs par une
matiere qui ne trouve même pas de contradicteurs
chés nos ennemis , ne vienne ,
comme on eft en droit de l'efperer , à furpaffer
tous fes modéles.
La vérité doit être la baſe de l'Hiftoire,
* Fra Paolo.
** M . de Voltaire.
158 MERCURE DE FRANCE.
& celui qui l'écrit ne fçauroit être doué
d'une probité trop éminente & trop reconnue
: il faut des moeurs. A ce titre précieux
ajoutons encore , Meffieurs , ceux
de défintéreſſé , poli , verfé dans les grandes
affaires , exercé à la politique , & poffédant
toutes les graces du ftyle pour attacher
conftamment fes lecteurs .
La Poefie. Vous parlerai - je de la Poëfie ,
Meffieurs? Il femble qu'elle a fon temple
favori dans votre Académie , & que ce
foit chés vous que l'on doive venir le faire
initier à fes myftérés les plus fecrets .
C'est un Art fur lequel bien des gens
prennent le change. Tout le monde fait des
vers aujourd'hui , & tout le monde en fait
même de paffables , ( fi ce qui eſt paſſable
en ce genre pouvoit être compté pour
quelque chofe , mais rien de fi rare qu'un
Poëte, & qu'un vrai connoiffeur en Poëfie
.
Le Poëte , comme le Peintre, a toujours
les pinceaux à la main : plein du beau feu
qui l'anime , fes images font vives & frappantes
, fes caractéres forts & marqués , les
idées fublimes , fon coloris touchant &
gracieux : il eft l'interprête de la nature &
des mouvemens du coeur. Avouez- le
Meffie urs, il faut un génie créé tout exprès,
qui tienne quelque chofe du divin.
*
AOUST. 1748. 39
Le vrai connoiffeur en Poëfie fçait apprécier
les talens divers qui font les grands
Poëtes dans les differens genres. Il le gardera
bien de juger une Idille, ur, Madrigal,
une Epigramme , felon les loix rigoureufes
du Sonnet. Une élegante Epitre ne fera
point fubordonnée aux régles étroites d'u
ne Ode Pindarique . La Tragédie prendra
des tons plus bas que l'Epopée , fans rien
perdre avec lui des graces qui lui font propres
.
que
Des vers trop pleins d'enthouſiaſme ,
de force & d'énergie , déparent fouvent
un ouvrage , qui ne péche que par là même
l'Auteur a violenté fa verve à contretems.
Il y en a qui ne refpirent que la naïveté
, la douceur , la fimplicité , ( je dirois
prefque les négligences . ) Les Chapelle ,
les la Farre , les haulieu , nous en ont
donné d'inimitables en ce genre : & peutêtre
qu'où finit le fublime , commencent
ces fortes d'ouvrages fi pleins d'élégance &
d'aménité .
Vous le fçavez , Meffieurs , chaque efpéce
de Poelie a un caractére de fublimité,
de force , ou de fimplicité , qui lui eſt propre
; & ce font juftement ces nuances de
délicateffe , de goût & de fentiment , qu'il
eft fi difficile d'appercevoir & de fentir : ib
faudroit , Meffieurs , avoir d'auffi bons
160 MERCURE DE FRANCE.
yeux que les vôtres pour ne s'y méprendre
jamais .
Je finis , Meffieurs , mais il me reste un
fcrupule . Je n'ai fait que gliffer fur la
matiere la plus abondante que je pûſſe jamais
avoir à traiter .J'entends parler des éloges
qui font fi légitimement dûs à vos fuccès
& à vos talens fupérieurs dans tous les
genres que renferme votre Académie , qui
ne fe borne pas fimplement aux Belles Lettres
, puifqu'elle a des Phyficiens , des
Adeptes & des Botaniftes illuftres . Mais
j'ai craint que la postérité n'attribuât à un
excès de reconnoiffance ce qui n'appartient
qu'à la vérité , & je me fuis fait violence
, pour renfermer dans mon coeur des
fentimens d'admiration , qui dureront auffi
long-tems que ma vie.
ESTAMPES NOUVELLES .
E Sieur Petit, Graveur, ruë S. Jacques,
près les Mathurins , qui continue de
graver avec faccès la fuite des hommes Illuftres
du feu Sieur Defrochers , Graveur du
Roi , vient de mettre au jour les portraits
fuivans :
Guillaume Augufte d'Angleterre , Duc de
Cumberland , fecond fils de Georges de
Brunswick II . Roi de la Grande Bretagne. ,
né le 26 Avril 1721 .
A O UST. 1748.
167
Anne de Melun , fille de Guillaume de
Melun , Prince d'Epinoy , née en 1618 ,
& morte en 1679. On lit ces vers au
bas :
La grace fit en elle éclater fes miracles ;
Beauté , grandeur , richeffe , en vain flatoient fes
fens.
Le monde à fon falut en faifoit des obftacles ;
Le Ciel de fon falut en fit des inftrumens .
•
Marie-Angelique de Scorraille de Rouffilles
Ducheffe de Fontange , décedée le 28 Juin
1681 , âgée de 20 ans.
Godefroi-Guillaume Leibnitz , né à Leipfic
le 3 Juillet 1646 , mort à Hanover le 14
Novembre 1716. Ces vets , qui font au
bas , font de M. de Voltaire.
>
Il fut dans l'univers connu par fes ouvrages ,
Et dans fon pays même il ſe fit refpe&ter ;
Il inftruifit les Rois , il éclaira les Sages ;
Plus fage qu'eux , il fçut douter.
Evrard Gherardi , Auteur de l'Ancien
Théatre Italien , dont il donna la premiere
Edition en 1694. M. Daquin a mis au bas
ces vers :
Gherardi , le rival du fameux Dominique ,
Amufa tout Paris par fa veine Comique ;
162 MERCURE DE FRANCE.
pes ,
De fon Théatre il fut l'appui ;
Ses fuccès n'étoient dûs qu'à lui .
Le Sieur Daullé , Graveur ordinaire du
Roi , a gravé d'après les tableaux originaux
huit fujets , peints par M. Boucher.
Les quatre premiers repréfentent les quatre
Elemens : les autres font une Vendangeufe ,
une Marchande d'oeufs , une Souflenfe defavon
, & un Marchand d'oiſeaux. Ces eftamfort
bien exécutées tant pour la correction
du deffein que pour la gravûre , fe
vendent chés le Sieur Daullé , rue des
Noyers , la quatrieme porte cochere à
droite , en entrant par la rue Saint Jacques.
Il a dédié à M. le Comte de Bruhl , Premier
Miniftre du Roi de Pologne Electeur
de Saxe , celles dans lesquelles les Elemens
font repréſentés.
?
Le Sieur le Rouge , Ingénieur Geographe
du Roi, à Paris , rue des grands Auguftins,
publiera le premier Septembre unAtlas Général
, in 4. contenant 91 Cartes où fe
trouvent les quatre parties du monde ; les
Empires , les Royaumes , les l'rovinces de
France , de Hollande & d'Allemagne ; les
principales Ifles , un Plan de Paris , les Pavillons
des Vaiffeaux , & une petite introduction
à la Geographie , le tout dreffé fur
A O UST.
1748. 163
une échelle commode pour les Officiers
les Voyageurs.
&
pour
Les Cartes enrichies de vignettes font
gravées avec la derniere propreté ; on
peut dire que l'Auteur n'a rien épargné
pour rendre cet ouvrage utile aauu public ;
il convient parfaitement à ceux qui fouhaitent
avoir un recueil de Cartes complet
fans y mettre beaucoup d'argent.
DESCRIPTION du nouvean Théatre
du College de Louis le Grand , pour la
Tragédie qui précéde chaque année la diftribution
des Prix fondés par le Roi.
Et Ouvrage de peinture , qui a de
,
tion & 30 de profondeur , préfente un
Temple confacré aux Beaux Arts , fous les
aufpices & la protection de Sa Majesté.
Le milieu de ce Monument , qui eft
feint en Tour ronde , eft ouvert réellement
par une grande arcade de 12 pieds, de largeur
fur 28 de hauteur. Les pieds droits en
font compofés de groupes de colonnes, au ,
deffus defquelles regne un entablement ,
qui eft fuppofé retourné dans l'intérieur
du Temple , & qui fert d'impofte aux
grands archivoltes des arcades qui y don-
+
t
164 MERCURE DE FRANCE.
que
nent entrée. Sur celle de devant eft un atti
circulaire feint en Tour creufe ; cet at
rique eft orné de deux cariatydes qui foutiennent
une corniche portantune baluftra
de , formée d'entrelas , fur les piedeſtaux
de laquelle , aux deux extrémités , font des
groupes d'enfans , qui par leurs allégories
repréfentent d'un côté le Génie qui préfide
à la Guerre, & de l'autre, celui qui préfide
aux Beaux Arts. Au bas de ces cariatydes
fur les groupes de colonnes qui portent
l'archivolte , font placées d'un côté les Armes
de France , & de l'autre celles de Navarre
, accompagnées de Génies occupés à
les grouper avec des palmiers , des branches
de lauriers , d'oliviers , & c. Sur le
claveau de cette arcade eft une agraphe ,
aux deux côtés de laquelle font des cornes
d'abondance , qui répandent, fur la courbe
de l'archivolte , des récompenfes propres àકે
exciter l'émulation des différens génies ,
caractérisés par leurs fymboles.
Tout cet attique , qui eft feint de bronze
rehauffé d'or , à l'exception des nuds
qui font feints de bréche violette, foutient
un groupe de figures feints de marbre blanc,
élevé fur cinq gradins de forme ellipti
que , fur l'éminence defquels eft affife la
Statue du Roi , couronnée de lauriers , le
bras appuyé fur fon fceptre , ayant à fes côA
O UST. 1748. 165
tés fur les gradins inférieurs Mars &
Apollon , celui- ci défigné par fa lyre , &
Mars par fon cafque & fon bouclier . Aux
pieds du Monarque on voit Hébé qui pré- ·
Tente à Sa Majefté la Jeuneffe , annoncée
par une multitude de Génies également
empreffés à mériter & à recevoir les libéralités
que le Prince accorde aux Beaux
Arts , aux Talens & aux Vertus Militaires,
qui font le plus ordinairement le partage
de la Nobleffe , & auxquelles elle fe prépare
déja dans les Colleges par les exercices
Académiques & par les combats d'efprit
& d'émulation . C'eft l'enfance & le
berceau des Héros.
Ce groupe de figures a donné occafion
de diftribuer dans toute l'étendue de cette
décoration , du côté de Mars , les attributs
qui peuvent caractériſer la valeur , défignée
par les plus fameux Héros de l'antiquité
, & du côté d'Apollon , les Perfonnages
qui fe font le plus diftingués dans la
carrierè de l'Eloquence & de la Poëfie , ce
qui fait qu'on a placé , au pied de cet
avant-corps à gauche , Hercule combattant
l'Hydre de Lerne , & à droite , Orphée
, qui par les charmes de fa lyre apprivoife
les animaux les plus farouches .
Ces deux Statue font de bronze antique,
r.hauffées d'or. •
166 MERCURE DE FRANCE.
'
Dans le fond de cette grande arcade ;
fur un corps reculé réellement de 10 pieds,
fe voit l'intérieur du Temple , terminé par
une coupole ornée d'une balustrade, qui eft
foutenue par de grandes confoles enrichies
de guirlandes , au milieu defquelles , fur
l'archivolte du fond font pofées desRenommées.
Aux deux côtés de la retombée de
l'Arc, font placés des Génies, lefquels couronnent
les groupes de colonnes qui for
ment les pieds droits de cetre arcade , au
bas defquels font repréfentés par quatre
Statues de bronze antique les Arts Civils
& Militaires. :
Au fond de cette double arcade , fur un
corps reculé d'un pied , eft feinte une étendue
fort fpacieufe , dans laquelle eft exprimée
la profondeur & le retour des aîles
d'une partie de ce vafte Edifice , qui paroît
élevé fur une grande terraffe revêtue de
grands efcaliers , lefquels annoncent la diverfité
des plans de ce Monument , au pied
duquel est une caſcade ornée de fleuves ,
de groupes d'enfans , d'animaux , &c.
*
Aux deux côtés de cet avant-corps du
milieu , & für un corps réculé réellement
de 3 pieds, s'étendent deux grandes colonnades
feintes de forme circulaire concave,
dans le milieu defquelles , de chaque côré ,
font affectées des galeries , qui par l'effet
A O UST. 1748. 167
du clair obfcur & de la perfpective percent
avantageufement ces deux grands corps
folides couronnés l'un & l'autre par des
balustrades , fur lefquelles font diftribuées
des Statues dans l'ordre qui fuit.
Du côté de Mars , font Alexandre , Scevole
, Annibal , Scipion l'Afriquain , Céfar
, &c. Du côté d'Apollon , font Homere,
Sophocle , Euripide , Virgile , &c. Toutes
ces Statues font feintes de marbre blanc.
Celles qui font au pied des colonnes, font
diftribuées dans le même ordre , c'est- à- dire
, que du côté d'Hercule font Pirithous ,
Thefée , & Perfée ; du côté d'Orphée , font
Tyrtée , Amphion & Arion , ces dernieres
Statues feintes de bronze antique , rehauffées
d'or. Les Statues qui font dans les niches
des colonnades, repréfentent, du côté
de Mars , la gloire des Princes & la valeur;
celles du côté d'Apollon repréfentent Thalie
& Terpficore , ces quatre figures feintes
de bronze rehauffées d'or.
Au- devant de cette colonnade , fur les
extrémités de la droite & de la gauche
font deux avant-fcénes , diftantes du fond
du Théatre de 20 pieds , & de la largeur
de 15 pieds , percées à jour , pour laiffer
voir de part & d'autre l'étendue des
Ballets généraux , & la décoration de derriere
, qui , fans cette efpace vuide , auroit
168 MERCURE DE FRANCE .
été maſquée. Ces deux ayant-fcénes font
couronnées de grands focles qui pofent
fur l'entablement , & fur chacun defquels
eft un grand Médaillon . Dans celui du côté
de Mars , fe voit l'action d'une Bataille fi
fameufe en ces derniers tems; ce Médaillon
eft entouré de Génies qui érigent des trophées
, & qui forment tous enfemble un
groupe , au-deffus duquel eft un piedeſtal
terminé par Clio , qui femble tranfmettre
à la postérité les merveilles de cette célebre
journée. Dans le Médaillon qui eft du
côté d'Apollon , on voit la repréſentation
d'un Cirque des Anciens , pour exprimer
l'origine du Théatre ; ce Médaillon eft
auffi entouré de Génies , les uns occupés à
méditer , les autres à préparer des guirlan
des pour la décoration de la Fête . Au- deffus
de ce groupe , eft auffi un piedeſtal qui
foutient Melpomene, & qui fait fymmétrie
à Clio qui lui eft oppoſée ; toutes les deux
feintes de marbre blanc , ainfi que les Génies
des groupes de deffous , au milieu def .
quels fe trouvent les Médaillons dont nous
venons de parler , qui font feints de bronze
antique rehauffé d'or .
Toutes ces figures , les baluftrades , l'avant-
corps du milieu , & le groupe fupérieur
, étant détachés du fond du Théatre ,
font chantournés & paroiffent de ronde
bolle
A OUST 1748. 169
hoffe , par l'effet des ombres & de la perſpective
qui y font obfervées ..
L'ordre des colonnes , qui compofent la
plus grande partie de cet Edifice , eft compofite.
Leur fût & la frize de l'entablement
font feints de marbre de breche violette ;
les focles au-deffous des bazes , de rance ;
les piedeftaux des figures au - devant , de
verd campan ; les nuds des murs , de bleu
turquin ; les piedeftaux de la Balustrade ,
feracolin , & tous les ornemens , tels que
les bazes , chapitaux , architrave , corniche
, baluftres , clefs , impoftes & archivol
tes , font feints de bronze rehauffé d'or.
Ce Monument eft réellement élevé fur
un foubaffement de quatre pieds & demi
de hauteur , feint de pierres ruftiques , aux
deux extrémités duquel font deux Baluftrades
auffi de pierre , fur l'une defquelles ,
du côté de Mars , eft un Lion , & du côté
d'Apollon , un Sphinx.
Au-deffus de cet Edifice s'éleve un ciel
de toute la hauteur du Théatre , où l'on a
affecté un fimple horifon , quifert de fond
à cette décoration, dont l'objet principal a
été de repréſenter un Ouvrage d'Architec .
ture , qui par les préceptes de l'Art & la
faillie réelle des Plans , en même- tems que
par les régles de la perfpective , forme certe
illufion ingénieufe que l'on a cherché à
H
170 MERCURE DE FRANCE.
répandre dans l'harmonie générale de tou ."
tes les parties.
Cette Décoration , une des plus belles
qu'on ait vûës , a été peinte par les fieurs
Tramblin & Labbé , fous la conduite de
Jacques - François Blondel , Architecte &
Profeffeur,
On en donnera inceffamment au Public
l'Estampe , qui fe vendra à Paris chés l'Auteur
, rue des Grands Cordeliers , Fauxbourg
S. Germain , chés le fieur Tramblin , à l'Hôtel
Royaldes Gobelins , & chés le fieur Lałbé , au
Château de l'Arcenal,
L
SPECTACLES.
A grande réuffite de l'ingénieux Ballet
du Carnaval & de la Folie caufera.
ce mois- ci la difette de notre article des
Spectacles. Nous ne pouvons mieux dédommager
le Public de cette ftérilité ,
qu'en lui donnant ici un Extrait du Portrait
du Grand Monarque , Ballet d'une invention
très -fpirituelle & très-judicieuſe ,
danfé au Collège de Louis le Grand le
Mercredi 7 Août de la préfente année , &
fervant d'intermédes à la Tragédie de Se*
AIX
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O
lices de la terre
Fin
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PUBLIC
LIEL
ASTOR
SEENO
. MILDER
A O UST. 1748. 171
foftris , repréfentée le même jour. *
Voici le deffein & la divifion de cette
Piece délicate, que nous ne pouvons mieux
rendre , qu'en empruntant les termes pro
de l'Auteur dans fon Programme pres .
Nous n'ofons nous flater de raffembler
ici tous les traits qui caractérisent le grand
Monarque ; nous ne promettons qu'une
légere ébauche . Nos Spectateurs fuppléeront
aifément à ce qui pourra manquer à
la perfection du Tableau , étant fi près du
modéle de toutes les qualités qui concourent
à former un grand Roi ; nous nous
bornons à ces quatre principales qui renferment
ou fuppofent les autres. Le grand
Monarque eft tout à la fois l'amour & les
délices de fes peuples , la terreur & l'admiration
de fes ennemis , le modéle & l'ame
de fes guerriers , la reffource & la fûreté
de fes Alliés . Il offre aux premiers un Pere
digne de leur tendreffe ; aux feconds un
Héros digne de leur admiration ; aux troifiémes
un modéle digne de leur imitation ;
aux derniers un ami digne de leur confiance.
Ces quatre objets differens ferviront
de matiere aux quatre parties du Ballet.
L'ouverture s'en fait par des Peuples
fans police & fans loix , errans à l'aventure
* On trouvera dans l'article fuivant le Plan dè
cette Tragédie.
1
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
au gré de leur inſtinct. Jupiter leur envoye
du Ciel un Monarque , image vifible de la
Divinité ; il paroît fur un Trône brillant
au milieu des vertus Royales , qui en rehauffent
l'éclat & en affûrent les fondemens
; les Peuples éblouis reculent en tremblant
, mais la clémence & l'affabilité tempérent
la majefté , & invitent les Sujets à fe
rapprocher du nouveau Maître ; le refpect
trop timide fait place à l'amour , les Peuples
charmés entreprennent d'éternifer la
gloire du Monarque bien aimé ; la Peinture
vient au fecours de la reconnoiffance
la vérité broye les couleurs, & c. Cet Exorde
eft compofé de deux Entrées.
Premiere Partie. Le grand Monarque
offre à fes Peuples un Pere digne de leur
tendreffe .
fa
Dans la premiere Entrée, c'eft un Pere at
tentif qui veille à leur repos aux dépens de
propre tranquillité. C'eft Agefilas , Roi
de Lacedemone , qui quitte fans hésiter les
délices de la Cour,pour calmer les allarmes
que caufe à fes Peuples la guerre déclarée
par Artaxerxés.
Dans la feconde , c'eft un Pere généreux
qui facrifie à leur bonheur jufqu'à la propre
gloire. C'eft Augufte , qui ferme le Temple
de Janus dans le tems qu'il peut cueilfir
mille nouveaux lauriers.
A O UST. 173 1749.
Dans la troifiéme , c'eft un Pere tendre
qui vole à leur défenſe , au riſque même
de fa vie. C'eft Théodofe , vainqueur des
Goths, qui fur le point de partager avec fes
Peuples les fruits d'une victoire qui n'a rien
de flateur pour lui que ce qu'elle a d'avan-
#ageux pour eux , épuifé des fatigues de la
guerre,tombe malade à Theffalonique.Cette
allégorie n'eft pas obfcure , & la France
n'oubliera jamais le trifte évenement qui
l'a occafionnée .
Les trois autres Parties de ce Ballet ne
font pas traitées avec moins de fineffe . Les
bons François , admirateurs impartiaux de
l'héroifme , fçauront gré à l'Auteur d'avoir
cité , à la gloire de M. le Comte de Saxe' ,
la justice rendue au fameux Bertrand da
Guefclin par Charles furnommé le fage.
Tout le Programme de ce Ballet allégorique
mériteroit d'être entierement tranfcrit.
Les traits hiftoriques font choifis par
un jugement für & délicat; les applications.
heureufes fe fuccedent fans dégenérer.
Les danfes variées de ce noble Ballet font
de la compofition de M. Dupré , Maître
de l'Académie Royale de Mufique & de
Danfe.
Le Programme de cet ouvrage , digne
d'être lû fans Extrait , fe vend chés Thibouft,
Imprimeur du Roi , Place de Cambray.
Hüj
174 MERCURE DE FRANCE.
La Comédie Françoife a remis fur fon
Théatre la Métromanie , Comédie en cinq
Actes en vers , de M. Piron , fi connn par
fes ouvrages , toujours pleins d'un feu vif
& léger.
La Comédie Italienne continue les re
préfentations de l'Année merveilleuse , &
du charmant Ballet qui la termine .
SESOSTRIS , Tragédie représentée an
Collège de LOUIS LE GRAND.
SEſoftris
SUJET.
Efoftris le Grand , Roi d'Egypte , à qui le
nombre la rapidité de fes Conquêtes
mériterent le glorieux furnom de Roi des Rois,
fe rend enfin à fes Peuples après une longue
abfence , prend la réfolution de s'affocier à
l'Empire l'amé de fes fil's. Mais pour n'avoir
point à fe repentir d'une démarche préci
pitée , il éprouve auparavant fes fentimens &.
fes difpofitions.
La Scéne eft à Memphis , dans le Palais
du Roi.
ACTE PREMIER.
Ozimas , étonné du retour furtif du Roi
fon Maître , lui demande quel motif l'en
AOUST. 1748. 175
the
gage à cacher dans fa propre Cour le Conquérant
de l'Europe & de l'Afie , qu'une
abfence de quatorze ans n'a fait que rendre
plus cher à fes Peuples. Sefoftris répond à
fon Miniftre , qu'un deffein plus grand que
toutes fes conquêtes l'oblige d'en fufpendre
le cours ; qu'il s'agit de former à l'Empire
un Succeffeur digne de lui ; qu'il va
partager avec fon fils le Sceptre & la Cou-
Tonne , mais qu'il veut éclaircir auparavant
quelques bruits injurieux à la fidélité du
jeune Prince ; que pour faciliter l'épreuve
qu'il médite , il eft à propos qu'il paroiffe
à la Cour fous un nom emprunté . Il fe re-
'tire , & donne ordre à fon Miniftre d'écarter
de fa préfence tous les vieux Courtifans
qui pourroient le reconnoître. Rhamniti-
'cus , qui n'a garde de croire fon pere fi près
de lui , fe laiffe aller aux tranfports de fa
joye fur les affûrances que lui donne Ozimas
, que le Roi fon pere n'eft qu'à quelques
journées de la Capitale ; il voit arriver
fon cher Amafis , à qui il fait part des
épanchemens de fon coeur . Celui- ci ne peut
refufer quelques foupirs au fouvenir douloureux
que lui rappelle le bonheur même
-de fon ami. Il envie à Rhamniticus les tendres
embraffemens d'un pere , avantage
dont les deftins l'ont privé , en lui enle
vant dès le berceau l'auteur de fes jours,
H tiij
76 MERCURE DE FRANCE.
>
Rameffes , dernier rejetton d'une famille
autrefois régnante , vient annoncer au jeune
Prince , qu'un inconnu nommé Aribas
(c'eft le nom qu'a pris Sefoftris pour fe déguifer
) arrive de l'armée. Rhamniticus
court fçavoir de l'Etranger des nouvelles
de fon pere. Rameffes , ennemi fecret du
fang de Sefoftris , fe confole avec fon Confident
du retour du pere , par les foupçons.
qu'il a fait paffer jufqu'à lui fur les fentimens
& les difpofitions de fon fils . Ozimas,
qui commence à entrevoir la trahiſon
vient rompre l'entretien , & s'explique affés
nettement avec le perfide Rameffes fur les
nouvelles preuves qu'il a de fes brigues
fecrettes. Celui- ci reçoit avec hauteur les
reproches d'Ozimas , & le quitte brufquement.
Sefoftris reparoît , & découvre à fon
Miniftre un fecret qu'il avait tenu caché
-jufques-là : il lui déclare qu'Amafis , qui
pleure depuis fi long-tems la mort d'un pere
qu'il ne connut jamais , eft fon propre
fils , mais que fon expérience perfonnelle ,
fondée fur les révoltes paffées de fon frere
Armaïs , lui ayant appris qu'un Trône foutenu
fur deux appuis n'en eft fouvent que
plus chancelant, il avoit fait paffer le cadet
de fes enfans pour le fils d'un étranger
réfolu de lui rendre les droits de fa nailfance
, s'il reconnoiſſoit en lui affés de verAOUST.
1748. 177.
ur
pour
n'en pas
abufer
; qu'inconnu
à fes
deux
fils , encore
au berceau
quand
il quitta
Memphis
, il alloit
fous
le nom
d'Aribas
fonder
leurs
fentimens
les plus
intimes
;
qu'il
avoit
fait
enlever
en fecret
un Javelot,
dont
fe fervoit
Amafis
pour
chaffer
dans
la Forêt
voisine
, & qu'il
avoit
reçû
de
Rhamniticus
comme
un gage
de leur
mu
tuelle
amitié
. Sans
s'expliquer
davantage
,
il ordonne
a Ozimas
de lui ménager
ung
entrevûe
avec
l'aîné
de fes fils.
ACTE II
Rhamniticus fe plaint à Ozimas , de co
qu'il femble écarter de fa vûe l'Etranger
qu'il croyoit un Envoyé de fon Pere: Ozi
mas lui promet une entrevûe prochaine
avec l'inconnu , qui paroît en effet fous ls
nom d'Aribas . Rhamniticus l'appercoît, &z
fent au fond de fon coeur le cri de la nature,
mais fans pouvoir encore en dévelop
per le principe. Il demande à l'Envoyé ce
qu'il a à lui annoncer de la part de fon Pe--
re. Sefoftris ne répond d'abord que par un
profond foupir. Prince, s'écrie- t'il enfuite,
je pleure le plus grand des Monarques ,
pleurez le meilleur des Peres. Sur le point
d'arriver , l'impatience d'embraffer un fils
tendrement aimé a obligé le Roi de s'écarter
de fa troupe ; il prend les devants &
Hv
178 MERCURE DE FRANCE.
6
s'engage avec moi dans la forêt voiſine . Un
Javelot , parti d'une main inconnue , lui
perce le flanc , & vous laiffe avec le
Trône un Pere à venger.Rhamniticus ,frappé
comme d'un coup de foudre , fait fucceder
aux premiers éclats de la douleur les
tranfports de la vengeance . Il demande où
eft le Javelot enfanglanté , pour en percer
l'affaffin , ou pour s'en percer lui-même
s'il ne peut le découvrir. Sefoftris répond
qu'il a voulu dérober à fes yeux un fpectacle
fi douloureux ; il obéit cependant & va
chercher le Javelot meurtrier. Pendant que
Rhamniticus donne un libre cours à fes
larmes , furvient Ozimas qui affecte un air
de confternation , en confirmation de las
trifte nouvelle. Dépofitaire du fceptre en
l'abfence du Roi , il veut remettre ce précieux
dépôt entre les mains du Prince Hé
ritier; Rhamniticus jure par l'ombre fan
glante du Roi fon Pere , que le fceptre ne
paffera point dans fa main , qu'il ne l'ait
trempée dans le fang du coupable. Sefoftris
reparoît avec le funefte Javelot. Rhamniticus
furieux faifit le cruel inftrument de
fes douleurs. Quelle eft fa furpriſe quand
il reconnoît le Javelot dont il avoit fair
préfent à fon cher Amafis ! C'eft alors que
commencent dans fon coeur ces violentes
alternatives de l'amour filial & de l'amitié
A O UST . 1748. 179
Ja plus tendre. Il veut tout à la fois venger
le Pere affaffiné , & fauver l'ami meurtrier.
Au milieu de ces cruel combats , il apperçoit
le trifte objet qui les caufe ; Amafis ,
informé de la funefte catastrophe , vient
mêler fes pleurs à celles de fon ami . Rham
niticus jette fur le coupable un regard mê
lé de fureur & de tendreffe . Il lui ordonne
de fe dérober à fa vûe , & s'il fe peut
fon coeur. Amafis confterné demande quel
eft fon crime ; Rhamniticus eft fur le point
de lui prononcer fon crime & fon Arrêt.
Il fort brufquement , il va dit- il venger
fon Pere , mais ce n'eft qu'en fuyant qu'il
peut pourfuivre fon ennemi . Amafis reſté
feul , ne fçait que penfer de ce qu'il vient
d'entendre ; fon coeur lui dit qu'il eft innocent
, fon ami lui fait entendre qu'il eft
coupable ; c'en eft affés pour lui , c'eft l'être
en effet que de le paroître aux yeux d'un
ami. Il court lui porter fa tête , heureux de
pouvoir laver dans fon fang un crime qu'il
Ignore.
ACTE III.
Sefoftris , peu touché de voir à fes pieds
prefque tous les Sceptres de l'Europe & de
PAfie , avoue à fon Miniftre que pour être
le plus heureux des Rois , il lui manquoit
d'être le plus heureux des Peres , mais que
H vj
180 MERCURE DE FRANCE
1
a tendreffe & les larmes de Rhamniticus,
dont il vient d'être témoin , commencent
à lui affurer un bonheur plus cher à fon
coeur que tous les triomphes. Ozimas le
preffe de rendre enfin au Prince affligé un
Pere acheté par tant de pleurs & de fou
pirs. Sefoftris répond qu'un amour qui ne
fçait que donner des larmes , n'eft pas digne
de lui . Le bras de fon fils levé für Ama--
fis, prêt à immoler à l'amour filial l'amitié
la plus tendre , voilà le fpectacle dont il
eft jaloux. Rameffes , averti par Ozimas
que l'Etranger arrivé de l'armée a quelque
chofe à lui communiquer , paroît devant
Sefoftris , qu'il prend pour Aribas , parcequ'éloigné
de la Cour dans fa jeuneffe , il
n'a pu le voir ni le connoître. Le Roi ,
bien informé que Ramefles eft l'auteur des
bruits femés contre fon fils , pour fonder à
fon tour le délateur , lui fait une fauffe
confidence. Il lui donne à entendre que
les foldats ne verroient pas volontiers à
leur tête un jeune Prince fans expérience
& qu'un Seigneur , qui joindroit à la Nobleffe
du fang la maturité de l'âge , auroit:
bien-tôt réuni tous les fuffrages. Le crédu
le Rameffes fent toute fon ambition fe réveiller.
Sans fe développer tout entier , ill
en dit affés pour faire comprendre qu'il ne
tiendra pas à lui que l'Egypte n'ait bien-tôm
AOUST. 1745. 188
an nouveau Maître. Sûr du fuffrage dir:
Eaux Aribas , il fort pour lier fa partie . Se
foftris s'applaudit d'une découverte , qui
fert de nouvelle preuve à l'innocence de
fon fils . Il l'apperçoit dans ce moment , &
l'exhorte à fufpendre enfin le cours de fes:
larmes . Rhamniticus répond qu'il feroit
trop heureux s'il n'avoit que des larmes à
répandre : c'eft du fang qu'il faut verler ,
& quel fang ? Sefoftris ajoûte que dépofi
raire des derniers foupirs du Roi mourant,
il peut mieux que perfonne interpréter fes
volontés , qu'il ne croit pas que fon ombre
plaintive demande un facrifice fi doulour
reux. Rhamniticus croit appercevoir cette
ombre inexorable , qui lui reproche déja
une vengeance trop tardive. Saifi tout- àcoup
d'un tranfport généreux d'indigna
tion contre lui-même , il ordonne qu'on
lui conduife la victime chargée de chaînesi .
Sefoftris attendri fent que les larmes lui
coulent des yeux , il fe retire à l'écart pour
ne pas trahir fon fecret . Rhamniticus com
mence déja à fe repentir de l'ordre fangui
naire qu'il vient de donner , lorfqu'Amaſis
chargé de chaînes vient lui demander, nom
plus comme à fon ami , mais comme à fon³
Jage , de quel crime il s'eft rendu coupable.
Il avoue qu'il n'en reconnoît point
Jautre enlui, que d'avoir ofé porter fon ame
182 MERCURE DE FRANCE.
bition, jufqu'à être l'ami du fils de fon Roi,
Rhamniticus ne répond d'abord qu'en fou
pirant puis tirant de fon fein le Javelot
encore teint de fang ; Malheureux , s'écrietil
, ce fang eft celui de mon Pere & le
mien , voilà votre crime , & dans un feul
tous les crimes à la fois . Amafis frémit à ce
difcours , il veut faifir le Javelot pour s'en
percer lui- même ; Rhamniticus l'écarte ;
mon Pere , dit- il , n'eft pas vengé , s'il ne
l'eft par ma main.... Il eft fur le point de
frapper . Au milieu de l'horreur & du trouble
, Ozimas vient rapporter au Prince un
mot échappé à Aribas , fçavoir , qu'en verfant
le fang d'Amafis , on verfe de nouveau
le fang du Roi. Rhamniticus effrayé furfeoit
l'exécution , & va chercher l'éclaircif
fement du funefte fecret. Sefoftris rentre ,
& fe fait un triomphe de la victoire que le
Pere vient de remporter fur l'ami ; mais il
exige un dernier facrifice qui met le comble
à tous les autres , c'eft celui de l'amour
fraternel. Il va tout préparer pour cette
épreuve , la plus douloureufe pour fon fils,
mais la plus glorieuſe pour lui.
ACTE IV.
Rameffes enyvré de fes projets chiméri
ques , & encouragé par la fauffe confidence
de celui qu'il croit Aribas , s'applaudie
A O UST. 1748: 183
avec Apries du retour de la fortune qui
femble applanir fous fes pas tous les obſtaeles.
Le Trône vacant , la mort du Tyran,
la foibleffe de l'héritier préfomptif, la légereté
d'un Peaple ami de la nouveauté
font , felon lui , autant de dégrés qui affûrent
& facilitent fon élévation prochaine.
Il efpere que la mort d'Amafis , qui va fervir
de victime aux Mânes du Roi , excitera
les murmures du Peuple , charmé depuis
long- tems des belles qualités du jeune Seigneur
, & que l'indignation publique , rejailliffant
fur le Prince vengeur de fon Pere
, précipitera la révolution . Rhamniti
cus, toujours en proye à fes cruelles perplexités
, vient décharger fon coeur dans le
fein de Rameffes , dont il ne s'avife pas de
foupçonner la fidélité. Il fent que fon Pere
lui demande un vengeur , mais l'efpece
d'oracle ambigu, qu'on vient de lui pronon
cer , retient fon bras. S'il en croit Aribas ,
c'eft verfer de nouveau le fang de fon Peret
que de verfer celui d'Amafis. La piéré lui
prefcrit tout à la fois , & lui défend la vengeance
: comment fatisfaire à deux'devoirs
qui fe détruifent : Le traitre met tout en
oeuvre pour hâter un facrifice qui l'achemi
ne à fon but. Il lui fait envifager le préten.
du fecret d'Aribas , comme un artifice in→
venté fouftraire la victime au coup
pour
184 MERCUKE DE FRANCE:
qu'elle mérite . Rhamniticus condamne fà
erédulité & fes timides lenteurs. Il déclaré
qu'il va fatisfaire enfin aux ordres de fon
Pere mourant , trop long-tems éludés . Lé
perfide Rameffes va de fon côté préparer la
revolution qu'il médite . Sefoftris arrive ;
Rhamniticus lui défend de paroître en fa
préfence , il lui reproche d'avoir voulu dé
rober à fa vengeance , la victime que lui
demande fon Pere par un fecret ſimulé ,
dont il a enfin découvert le reffort & l'artifice.
Sefoftris répond qu'il a de quoi . fe
juftifier , mais il veut qu'Amafis partage la
confidence qu'il a à lui faire. On mande
Amafis ; il paroît toujours plein de l'image
de fon crime. Sefoftris jette fur lui un regard
de compaffion , & lui dit qu'il ne
connoît encore que la moitié de fes malheurs.
Meurtrier de fon Roi , depuis long
tems fans pere , déformais fans ami , Ama
fis demande s'il eft encore pour lui de nouveaux
malheurs à redouter. Plût à Dieu
qu'Amafis ne fût que le meurtrier de fon
Roi , reprend Sefoftris ; il tire en même
tems un Écrit qu'il préfente à Rhamniticus.
Celui -ci reconnoît la main de fon Pere ...
Il fe trouble en lifant : il recule , il frémit,
& ne peut prononcer que ces paroles : Ab
man frere ; Amafis faifi d'horreur n'ofe en-
Gore fe croire parricide . Convaincu par
ا ع
A O UST. 1745. 185
fatal écrit , il s'abandonne à toutes les fu
reurs du defefpoir. Rhamniticus , obligé
de venger un pere fur un frere , fent naî
tre dans fon coeur les terribles combats ,
non plus de la nature contre l'amitié , mais
de la nature contre la nature , L'amour d'un
Pere , foutenu des inftances réiterées
du coupable , prend enfin le deffus. Il ne
demande qu'une grace aux Mânes de fon
Pere , c'eft de lui épargner le barbare fpectacle
d'un frere expirant fous fes coups . Il
conjure Aribas de prendre fur lui l'exécution
du fanglant Arrêt , & d'immoler à fon
Pere deux victimes au lien d'une . Dans ce
moment , Ozimas vient annoncer que le
perfide Rameffes a levé le mafque , & qu'il
s'avance en armes vers le Palais. Les deux
freres , juftement indignés d'une trahifon
qu'ils regardent comme un nouvel attentat
contre la mémoire de leur Pere , courent
lui immoler cette premiere victime , qui
fera bien-tôt fuivie des deux autres. Sefoftris
ordonne Ozimas de fuivre fes deux
fils , & de retenir leur ardeur bouillante.
Il va fe préparer à châtier les efforts méprifables
d'un Sujet révolté , & à couronner
les facrifices héroïques de l'amour filial
ACTE V.
Ozimas rend compte au Roi des meſu
186 MERCURE DE FRANCE.
res qu'il a prifes pour déconcerter les pro
jets du rebelle Rameffes , & pour contenir
dans l'enceinte du Palais l'ardeur généreufe
des deux Princes .Rameffes vient demander
par la bouche d'Apries une entrevûe
avec le Prince Rhamniticus , pour juftifier
à les yeux l'apparente irrégularité de fa démarche
, dont le motif n'eft au fond que
de lui affûrer la Couronne à lui-même >
contre les brigues ambitieufes que la mort
du Roi ne manquera pas d'exciter . Ozimas
démêle aifément l'artifice groffier , qui ne
tend qu'à livrer la tête & la perfonne du
Prince à la difcrétion du rebelle . Il renvoye
fon émiffaire avec mépris . Mais Sefoftris
ordonne au Miniftre d'introduire le traî
tre , qui court de lui- même au- devant du
fupplice dû à fes crimes. Il veut feulement
qu'on redouble la garde du Palais. Rhamniticus
paroît avec fon frere , & appercevant
Sefoftris : le maffacre d'un Pere , lui
dit-il , la perte prochaine d'un ami , & dans
l'ami celle d'un frere , une Couronne prête
à m'échapper , la trahiſon de Rameffes ,
voilà jufqu'ici tous mes malheurs ; c'étoit
trop peu pour y mettre le comble , Aribas
me trahit. Sefoftris , ou le faux Aribas , affecte
un grand air de furpriſe fur une accu
fation fi peu attendue , il ajoûte fort férieufement
que c'est mal le connoître que de le
A O UST. 1748. 187
croire capable d'une perfidie. Amafis veur
juftifier l'accufé , il fent au fond de fon
coeur une voix fecrette qui fait fon apologie.
Rhamniticus répond que la trahiſon
eft avérée , & que Rameffes s'eft vanté d'une
conference fecrette avec Aribas , où ce-
-lui- ci s'eft engagé à foulever en fa faveur
toute l'armée . Il fait les reproches les plus
fanglans au prétendu coupable , qui feul
dépofitaire des derniers foupirs du Roi , eft
le premier à fe déclarer contre fon fang.
Dans le tranfport de fon indignation il eft
fur le point de lever fur Aribas un bras parricide
; il eft faifi tout-à- coup d'une fecretre
horreur ; la nature s'explique affés pour
fufpendre fon bras , mais trop peu pour lui
défiller les yeux. L'accufé demande pour
toute grace qu'on lui permette d'exécuter
un dernier ordre du Roi mourant , qui lui
rendra toute fon innocence. Il difparoît ;
Rhamniticus dans le trouble où il eft , ne
fçait que penfer de ce qu'il voit , de ce qu'il
entend , & furtout de ce qu'il fent dans luimême
. Ozimas vient augmenter fes perpléxités
, il fait apporter le Trône du Roi.
Les douleurs d'Amafis fe renouvellent à ce
fpectacle , il apperçoit le Trône , il y cherche
fon Pere , & n'y rencontre que le fouvenir
de fon crime . Rhamniticus étonné
demande au Miniftre raifon d'un procedé
188 MERCURE DE FRANCE.
fi bizarre ; j'exécute , répond Ozingas , un
dernier ordre du Roi mourant , que m'a
fignifié Aribas fon interpréte, mais dont j'ignore
le motif. Rameffes paroît fuivi de fes
fatellites. Voilà, voilà , s'écrie Rhamniticus ,
pour qui le perfide Aribas a fait préparer le
Trône de mon Pere. Il enviſage fierement
l'Ufurpateur , & lui reproche la noirceur
de fa trahifon . Celui - ci ordonne à fes foldats
de le délivrer d'un refte de fang prof
crit par les Dieux . Un bruit menaçant de
trompettes & d'inftrumens
& d'inftrumens guerriers fufpend
tout -à - coup l'exécution. Sefoftris
paroît, le Diadême en tête, accompagné de
fa garde & de toute fa Cour. Les foldats de
Rameffes , faifis de frayeur à l'afpect formidable
du Roi qu'ils reconnoiffent , laiſſent
tomber leurs armes . Le traitre frémit ; des
foldats le faififfent par ordre de Seloftris ,
& vont lui faire expier fes attentats . Les
furprifes , les tranfports , les tendreffes , les
larmes du Pere & des Enfans , & le Cou
sonnement de l'aîné terminent la Scéne . ?
Le Mercredi 24 Juillet , on exécuta en
Concert devant la Reine l'Acte de la Jaloufie
, du Ballet des Caractères de l'Amour.
Le Samedi 27 , le Lundi 29 , & le Mercredi
, on chanta l'Opera de Roland
AQUST . 1748. 189
Les rôles furent remplis par Miles Defchants
, Godonnefche , de Selle , Mathieu,
& par Mrs Poirier , Benoît , Dubourg , &
Godonnefche.
Le Samedi 3 , le Lundis , & le Mercredi
7 de ce mois , on chanta le Ballet de
Europe Galante. Mlles Defchants , Daigremont
, de Selle , Mathieu & Godonnefche
y ont chanté , ainfi que Mrs Poirier , Bazire
, Benoît , Dubourg & Godonnefche.
Le Samedi 10 , on chanta le Retour des
Dieux , Divertiffement de M. de Blamont,
Sur Intendant de la Mufique du Roi . Mlles
Defchants , de Selle , Mathieu , & Mrs
Poirier & Benoît , en ont rempli les rôles.
Le Lundi 12 , le Caprice d'Erato , Divertiffement
de M. de Blamont , fut exécuté
par Mlles Mathieu , de Selle, & Defchants,
& par Mrs Poirier & Godonnefche,
190 MERCURE DE FRANCE.
NOUVELLES ETRANGERES .
DE PETERSBOURG , le 19 Juillet.
Depuisla précaution qu'on a prife de faire entrer
quatre Régimens dans Mofcou , il n'y
eft arrivé aucun accident par le feu. Ainh la préfence
de ces troupes a produit l'effet qu'on en attendoit
, & elle a mis un frein aux entreprifes des
Incendiaires. Quelques- uns des vagabonds , qui
ont été arrêtés fur le foupçon qu'ils étoient du nombre
de ces fcélerats , fe font juftifiés de cette accufation
, & l'on s'eft contenté de leur faire prendre
parti dans divers Régimens. On a auffi renforcé
confidérablement la garnifon de cette Ville , afin
de foulager la Garde Bourgeoife , & de pouvoir
plus facilement rélever les troupes poftées aux differentes
avenues qui conduifent ici . Il y a lieu
d'efperer que ces mefures fatisferont à l'objet
qu'on fe propofe. Elles paroiffent d'autant plus
néceffaires , que malgré le grand nombre de perfonnes
fufpectes , dont on s'eft affûré dans les diverfes
Provinces de la domination de l'Impératri
ce , on reçoit tous les jours avis de quelque nouvel
incendie. Une partie de la Ville de Jaraflow a été
confumée par les flammes. Le feu a pris auffi dans
les Villes de Kiow & de Nafchna en Ukrainę , &
elles ont fouffert de fort grands dommages . Ces
jours derniers M. de Wolfenftierna , Envoyé Extraordinaire
du Roi de Suéde , étant allé à Peters .
hotf faire la Cour à fa Majefté Impériale , fe trouva
fi mal qu'il ne pût revenir ici , & l'Impératrice lui
fit donner un appartement dans le Château. Ge
A O UST. 1745. 191
Miniftre fe fentit hier beaucoup mieux , & l'on
croit qu'il pourra être tranfporté en cette Ville.
Quinze cent hommes du Régiment d'Infanterie
de Smolensko s'embarquerent le 11 fur cinq
Galétes fe rendre à Frederichsham . Un Bapour
taillon du Régiment de Coporie , un du Régiment
de Novogrood , un du Régiment de Welikolutzxy
, & les deux Régimens de Dragons de Kiovie
& de Cafan , ont reçû ordre de paffer auffi en
Finlande . Il eft arrivé ici mille Cofaques du Don ,
commandés par l'Atteman Krafnafchoxoft , fils
du célébre Atteman de ce nom , fous les ordres
duquel étoient les troupes de cette Nation pendant
la derniere guerre contre la Suéde. Ce Corps
a paflé en revûë devant l'Impératrice , & elle a
fait diftribuer aux foldats trois mille roubles . M.
de Wolfenftierna , Miniftre du Roi de Suéde , a eu
ces jours- ci deux conférences , l'une avec le Comte
de Beftuchef, l'autre avec le Comte de Woronzow
. Le Général Bernes a affûré le Comte de
Beftuchef , que fi les circonftances exigeoient que
P'Impératrice Reine de Hongrie & de Boheme
accordât des quartiers dans fes Pays Héréditaires
aux troupes Ruffiennes , qui font à la folde de la
Grande Bretagne & de la République des Provinces-
Unies , cette Princeffe donneroit avec empreffement
cette nouvelle marque de fon amitié pour
P'Impératrice , & pour les autres Puiffances fes
Alliées. Selon un Etat qui a été remis au Confeil
de guerre ,
il refte en Ruffie quatre- vingt quatre
mille hommes d'Infanterie , vingt - quatre mille de
Cavalerie , & huit mille Dragons , fans y comprendre
vingt-cinq mille Colaques. L'impératrice
a élevé à la dignité de Sénateur le Knées Jean
Scherbatoff , Confeiller Privé , & ci - devant Miniftre
Plénipotentiaire de cette Cour auprès de fa
Majefté Britannique .
1
192 MERCURE DE FRANCE.
DE WARSOVIE , le 20 Juillet.
A Chancellerie de ce Royaume eft occupée
LAexpédierles Univerfaux pour la convoca Chancellerie de ce
tion des Diettes particulieres des Palatinats. Elles
s'affembleront le 29 du mois prochain , afin de
procéder à l'Election des Députés qu'elles doivent ,
envoyer à la Diette générale , & de dreffer les inftructions
, concernant les matieres qui y feront
agitées. La Princeffe Douairiere du Prince Conftantin
Sobiesky eft venue de fes terres , pour rendre
fes refpects à leurs Majeftés. Le Comte Poninsky
, avec l'agrément du Roi , a cédé au Prince
Antoine Lubomirsky la Staroftie de Péterkow .
Sa Majefté a difpofé de la charge d'Echanfon du
Grand Duché de Lithuanie en faveur du Comte
Oskierska , Starofte de Mozyr. Le 30 du mois
dernier , le Comte Sapiéha , qui a été fait Palatin
de Brzefch , prêta ferment de fidélité entre les
maius du Roi .
Il s'eft tenu ces jours - ci une grande conference
au Palais , & le Comte de Potocki , Grand Généil
de la Couronne , y a affifté , ainfi que divers
autres Sénateurs. On y a dreffé un état des differens
articles , fur lefquels on fe propoſe de demander
la décifion de la Diette générale , & dont
un des principaux eft l'augmentation des troupes .
Cet article a déja été examiné dans la derniere
Diette , & elle y avoit donné fon confentement ,
mais les Députés ne pûrent s'accorder au fujet des
impofitions qu'il étoit néceflaire d'établir pour
fubvenir à ce furcroît de dépenfes . La prochaine
Diette doit délibeter fur la néceffité de renouvelder
les Alliances avec diverfes Puiflances Etrangeres
, & particulierement fur les moyens de conferver
une parfaite union avec les Cours de Ruſſie
de
A O UST. 193 1748 %
Me Suéde , de Dannemarck & de Pruffe. On affûre
qu'il y fera auffi queſtion du Duché de Curlande
, & des moyens de redreffer les griefs des
Proteftans. L'Archevêque de Gnefne , Primat du
Royaume , mourut à Lowitz le 6 de ce mois ,
le Roi lui a donné pour fucceffeur M. Komo-
Lowsky , Grand Prévot de l'Eglife Cathédrale de
Cracovie.
&
Sur l'avis que les Haymadacxis avoient fait de
puis peu diverfes courfes en Ukraine , & qu'ils y
avoient commis de grands défordres , on a fait
marcher un détachement de trois mille hommes
de Cavalerie , pour donner la chaffe à ces vagabonds.
Leurs Majeftés continuent de jouir d'une
parfaite fanté , & elles prennent alternativement
le divertiffement de la chafle & celui de tirer au
blanc . Les Députés du Chapitre de l'Eglife Métropolitaine
de Goefne , qui s'étoient rendus ici
à l'occafion de la mort du Primat , font retournés
à Gneſne , afin d'affifter à l'Election d'un Adminiftrateur
, qui régira le Diocéfe jufqu'à la prife
de poffeffion de M. de Komorowsky , nommé
à cet Archevêché. On a appris que la Ville de
Szlow , fituée près des frontieres de Ruffie ,
été entierement confumée par les flammes , & que
cer incendie étant arrivé pendant une Foire qui y
avoit attiré un grand nombre de Marchands étranla
étoit très- confidérable.
gers , perte
DE STOCKHOLM , le 26 Juillet.
›
avoit
U
mois , a rapporté que l'Impératrice de Ruffie
avoit réfolu de renforcer les troupes dans la partie
qui lui a été cédée de cette Province , & qu'elle y
faifoit marcher de l'Infanterie & de la Cavaleric.
I
194 MERCURE DE FRANCE.
fenté par
On a tenu à cette occafion un Confeil , auquel
plufieurs Officiers Généraux ont eu ordre de fe
trouver. Il a été répondu au dernier Mémoire pré-
M. de Wind , Envoyé Extraordinaire du
Roi de Dannemarck , que la Majeſté ne pouvoit le
perfuader que les bruits odieux , dont elle n'étoit
pas moins indignée que ce Prince , euflent pris
leur origine en Suéde ; qu'il auroit été prefque impoffible
à l'Auteur , fuppofé qu'il fût dans ce
Royaume , de fe tenir fi long-tems caché ; que les
ordres envoyés des le mois de Février par le Roi
au Miniftre qui réfide de fa part à Ratisbonne ,
montroient évidemment l'impreffion qu'avoient
faites fur la Majefté les calomnies inferées dans .
une Gazette d'Allemagne , que le Roi déclaroit
de nouveau , & de la maniere la plus forte , que
des menfonges fi atroces n'avoient pas le moindre
fondement ; qu'au furplus il ordonneroit qu'on
fit les plus exactes perquifitions pour découvrir fi
elles avoient été répandues par quelques- uns de
fes fujets , que dans cette circonftance , ainfi que
dans toute autre , il obferveroit tous les égards
que les Têtes Couronnées fe doivent réciproque
ment , & qu'il donneroit des preuves du defir
qu'elle a d'entretenir la plus parfaite intelligence
avec le Roi de Dannemarck . Le Roi eut le 24
bue nouvelle attaque de gravelle , mais elle n'a
point eu de fuites fâcheufes.
DE COPPENHAGUE , le 31 Juillet.
L
E Comte de Danneskiold Lautwig , qui étoit
allé croifer dans la mer du Nord , rentra le 6
de ce mois avec les quatre Frégates , dont le Roi
lui avoit donné le commandement . On équipe ici
quelques Navires , deftinés à fe rendre dans les
A O UST. 1748.195
Echelles du Levant , & deux Frégates qui doivent
faire voile pour les Indes Orientales. La plus
grande partie de l'équipage du Navire le Roi de
Dannemarck , qui eft arrivé de la Chine le
2 eft
malade , & l'on n'a point fouffert que perfonne de
ce Bâtiment entiât dans la Ville .
9
Le Baron de Korff , Envoyé Extraordinaire de
Pimpératrice de Ruffie , eût le 12 à Frederichsbourg
la prémiere audience publique du Roi. Il
ya plufieurs mois qu'il fût inféré dans une Gazette
Françoife , qui s'imprime en Allemagne ,
diverfes calomnies tendantes à perfuader que cette
Cour avoit eu part aux intrigues criminelles du
Médecin Blackwall . M. de Schulin , Secretaire
d'Etat, ayant le Département des affaires Etranger
res , confera dans le tems fur ce fujet avec le Baron
de Hopken , Envoyé de Suéde , qui en écrivit
au Comte de Teffin. Ce dernier en ayant parlé à
fa Majesté Suédoife , elle envoya ordre au Baron
de Hopken , de déclarer au Roi , que quoique M.
de Wind , Miniftre du Roi à Stockholm , n'eût
encore fait aucune repréfentation à cet égard ,
elle avoit mandé à fon Miniftre à Ratisbonne ,
certifier aux autres Miniftres , que ce qui avoit été
d'y
avancé dans la Gazette , dont il s'agit , étoit deftiqué
de tout fondement , & d'infifter très fortement
auprès des Magiftrats de la Ville où cette feuille
s'imprime , pour que l'Auteur fût puni. Le Baron
de Hopken , en remettant cette Déclaration
ajouta, que fi parmi les papiers du Médecin Blackwall
, on eût apperçu quelque chofe qui eût rapport
à ce qu'indiquoit cette Gazette , le Roi de
Suéde , en
confidération de l'amitié qui regne entre
les deux Puiffances , en auroit demandé à la
Majefté une explication à l'amiable , mais qu'il ne
étoit trouvé fous le fcellé de ce Médecin que les
I ij
196 MERCURE
DE FRANCE.
écrits cités dans la Sentence prononcée contre lui *:
Sur la nouvelle que l'Auteur de la Gazette en :
queftion avoit continué de publier plufieurs fauffe
és injurieufes à cette Cour ; qu'elles avoient été
répétées par quelques autres Gazettes étrangeres ,
y avoit des perfonnes
& que même en Suéde il
qui cherchoient à accréditer de telles allégations ,
le Roi a dépêché un courier à M. de Wind , pour
Jui enjoindre de prefler fortement fa Majefté Suédoife
, d'ordonner qu'on tâchât de découvrir les
auteurs de ces bruits , & qu'on les poursuivit juridiquement.
On a appris depuis que M. de Wind
avoit préfenté au Roi de Suéde un Mémoire relatif
à fes inftructions. La groffeffe de la Reine eft certaine
, & elle ne tardera pas à être déclarée .
On a publié un Edit du Rui , pour régler la cou
leur & la forme des Pavillons, & des Flammes des
Navires Marchands , & de ceux des Armateurs . Il
preeft
ordonné par cet Edit , que le Pavillon des
miers foit rouge avec une Croix blanche , fans aucune
fente ; que leur Girouette foit auffi fans
fente , & d'une feule couleur , que ceux qui font
au fervice de fa Majefté , portent le Pavillon
Royal au Beaupré , le Pavillon Marchand à la
Pouppe , & la Girouette Royale au haut des
Mâts ; que les autres Navires Marchands n'ayenr
point de Pavillon Royal ; que le Pavillon des Corfaires
, rouge avec une Croix blanche , foit fendu ;
que celui de leur Beaupré n'ait que la moitié de la
hauteur de leur grand Pavillon , que leur Flanime,
en prenant fa largeur auprès du Bafton , ait en
long dix fois cette largeur , pourvû que cette longueur
n'excéde pas dix aunes ; que les Bâtimens
de tranfport , qui feront frettés par fa Majefté ,
portent à la Pouppe le Pavillon des Corfaires ,
la Proue celui de Beaupré defdits Corfaires , au
>
A O UST. 1748. 197
grand Mâts leur Flamme , & la Girquette rouge
aux autres Mâts , que les Navires des Compagnies
établies par quelque Octroi portent à la Pouppe
Je grand Pavillon , & celui de Beaupré des Corfaires
; qu'au milieu de chacun de ces Pavillons
il y ait une piece de taffetas blanc avec les Armes
de la Compagnie , & qu'au haut de tous les Mâts
foit une Girouette Marchande . Ces derniers Bâtinens
pourront , quand ils feront en pleine mer
prendre le Pavillon Royal de la Pouppe , & celui
de Beaupré , avec la Flame Royale . La Reine
Douairiere a paffé quelques jours à Frederichsbourg
, & le 24 de ce mois elle en partit , pour
retourner au Château de Hirſcholm , lieu de fa
réndence. Le Gouvernement de la Fortereffe de'
Frederichftad en Norwege a été accordé par le
Roi au Général Storn. Sa Majefté a nommé le
Duc de Slefwick Holitein Sonderbourg , Général
d'Infanterie . Elle a difpofé du Régiment d'Aggerhuus
en faveur de M. de Reichwein , premier
Major du Corps des Grénadiers , & elle a donné
à M. de Bryggeman la Compagnie , qui vacquoit
par la démiffion du Comte de Knuth dans le Ré
giment des Gardes à pied.
ALLEMAGNE.
De Vienne , le 29 Juillet.
L fe tient au Palais de fréquentes conferences,
pour régler le nombre de troupes que l'impératrice
Reine entretiendra pendant la paix , & S.
M. Imp . eft déterminée à en conferver le plus qu'il
fera poffible. Les Etats des Pays Héréditaires , aufquels
on a communiqué cette réfolution , & qu'on
a exhortés à y concourir , font occupés à chercher
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
les moyens de montrer fur cet article leur zéle
fans furcharger trop le peuple . L'Impératrice
Reine avance heureufement dans fa groffetfe , &
l'on fait déja des préparatifs pour les couches.
Depuis quelques jours , l'Empereur prend le divertiffement
du vol du Heron dans les environs de
cette Capitale . On a fait partir la femaine derniere
un courier avec de nouvelles inftructions
pour le Comte de Raab , Miniftre de l'Impératrice
Reine auprès du Cercle de la Baffe Saxe, Cette
Princeffe a nommé Confeillers Privés les Comtes
de Wratislaw, de Schrottenbach & de Korkorfowa,
& elle a augmenté de deux mille florins la penfion
de M. Jordan , Confeiller du Confeil Aulique de
Boheme. Le 18 , le Comte de Choteck partit
pour aller travailler conjointement avec le Comte
de Henckel à établir un nouvel arrangement dans
la maniere de lever les impofitions en Stirie, Le
Comte Frederic de Harrach eft revenu de Moravie
, & l'on ne parle plus du voyage qu'il devoit
faire,pour exécuter une commiffion de cette Cour.
Shiddi Effendi a encore renvoyé plufieurs de fes
Domeftiques , qui mettoient le trouble dans fa
maiſon .
L'Archiduc Jofeph a été indifpofé pendant
quelques jours , mais fa fanté eft parfaitement rétablie.
Le Baron de Breitlach , ci- devant Ambaſ
fadeur de l'Impératrice Reine auprès de l'Impératrice
de Ruffie , eft revenu de Pétersbourg , & le
22 de ce mois il rendit compte au Confeil du fuccès
de fes négociations . Le 26 , le Chevalier Robinfon
, qui a réfidé ici pendant vingt- cinq ans.
en qualité de Miniftre du Roi de la Grande Bretagne
, partit pour aller affifter aux Conferences
d'Aix-la Chapelle avec caractére de fecond Miniftre
Plénipotentiaire de ce Prince, On prétend
A O UST. 1748. 199
que le Comte de Sintzheim , qui eft arrivé depuis
peu à Munich , eft chargé d'une commiffion importante
de la part de l'Electeur de Baviere .
L'Impératrice Reine a envoyé ordre au Feldt-
Maréchal Comte de Browne , de faire les difpo
tions néceffaires pour que les Duchés de Parme
de Plaifance & de Guaftalla , puiffent être évacués
dans le tems , dont on conviendra avec les Cours
de France & d'Espagne. Sa Majesté Impériale a
mandé auffi au même Général , de terminer , le
plutôt qu'il fera poffible , les difficultés qui fubfiftent
entre elle & les Génois , tant par rapport
aux prifonniers Allemands qu'ils ont en leur pouvoir
, que pour ce qui regarde les prétentions ref
pectives des deux Puiffances. En attendant qu'on
puiffe faire dans les troupes la reforme projettée ,
il a été décidé qu'on ne rempliroit aucune des
places d'Officiers , qui font vacantes , ou qui pourront
le devenir. Le Comte de Haugwitz a propofé
un nouvel arrangement , par lequel les fonds ,
deſtinés à l'entretien des troupes , feront augmen
tés d'un tiers , fans que le peuple paye plus qu'il
ne faifoit avant la guerre. Cet arrangement a déja
été adopté par les Etats de Boheme , de la Baffe
Autriche & de Moravie , & le Comte de Choteck
eft chargé de le concerter avec les Etats de Stirie,
pour l'établir dans cette Province . On parle d'un
autre Mémoire préfenté par le Comte de Haugwitz
au fujet du commerce . Il eft venu des Dépttés
des Juifs de Boheme & de Moravie , pour demander
une diminution de la taxe de trois cens
mille florins , qui leur a été impoſée .
6
I iify
200 MERCURE DE FRANCE.
DE BERLIN le 3 Août .
L &27 mois de donna audience aux
Miniftres Etrangers. Sa Majefté alla enfuite à
Monbijoux , & y dina avec la Reine Douairiere,
Le Roi retourna le lendemain à Potſdam , étant
accompagné des Princes Ferdinand & Henri , fes
freres ; des Majors Généraux Forcade & Winterfeld
, & du Colonel Buddenbroeck . Le même
jour , la Reine Doüairiere alla coucher à Schonhaufen
, où elle a une Cour nombreufe . Leurs
Majeftés doivent fe rendre la femaine prochaine
avec cette Princeffe à Charlottenbourg , & l'on
y fait divers préparatifs pour les fêtes que le Roi
fe propofe d'y donner. Le Duc de Meckelbourg
Schwerin a paffé ici , en allant à Toplitz. Hier
le Comte de Schaffgotfch , Evêque de Breſlau
partit pour retourner dans fon Dioceſe Le Roi
lui a renouvellé les affûrances de la protection
qu'il a promiſe à fes fujets Catholiques de Siléfie .
On a reçû avis que les quatre Régimens de Cavalerie
, qui par ordre de l'Impératrice Reine de
Hongrie & de Boheme avoient joint les troupes
Ruffiennes que commande le Knées Repnin ,
étoient retournés dans leurs anciens quartiers.
E 27 du mois dernier , le Roi fe rendit de Potf-
DE HANOVER le 2 Août.
Es Régimens de Botfelager & de Hadenberg ,
Raucoux , font entièrement rétablis . Ils formerent
ces jours derniers un camp dans la Plaine de Lynden
, & le 13 du mois dernier le Roi s'y rendit pour
faire la revue de ces deux Corps. Sa Majefté , en
arrivant , fut faluée d'une décharge de ſize piéces
>
A O UST. 1748. 201
de canon , & ayant paffé par tous les rangs , elle
fe plaça fous une Tente qu'on lui avoit préparée .
Après que les deux Régimens eurent défilé devant
le Roi , ils fe mirent en ligne , & ils firent
diverfes évolutions militaires. Le Prince Guillaume
de Heffe fe trouva à cette revûë. Le 17 , fa
Majefté fit celle des Gardes du Corps & des Grenadiers
à cheval , & elle parut très - fatisfaite de la
maniere dont ils firent l'exercice . Le Roi retourna
enfuite à Herrenhaufen , où il tint Confeil d'Etat,
pour déliberer fur quelques dépêches apportées de
Londres par un courier extraordinaire. Le Duc
de Newcastle y affifta , & il renvoya en Angle
terre plufieurs couriers qu'il en avoit reçûs. On
en dépêcha quelques autres à Vienne , à Turin
& à Aix la Chapelle. Sa Majesté dîna le 16 en public
avec le Baron de Wafner , le Comte de Czernichew
le Chevalier Offorio , M. Alt , & M.
Hop, Miniftres de l'Impératrice Reine de Hongrie
& de Boheme , de l'Impératrice de Ruffie , du Roi
de Sardaigne , du Roi de Suéde , & de la Répu
blique des Provinces- Unies. On attend ici dans
le courant du mois prochain le Duc de Cumberland
; qu'on avoit crû devoir fe rendre directement
des Pays - Bas à Londres. Le Prince Guillaume
de Heffe partit la nuit du 13 au 14 , pour retourner
à Caffel . Le départ du Roi pour Gottingen eft fixé
all 29.
On affûre que les troupes Hanoveriennes , qui
font aux Pays -Bas fous les ordres du Général Adelipfen
, fe mettront en marche le mois prochain ,
pour revenir dans cet Electorat . Le Baron de
Beckers , chargé par l'Electeur Palatin de compli
menter le Roi fur fon heureuſe arrivée dans fes
Etats d'Allemagne s'acquitta le 29 du mois dernier
de cette commiffion. Sa Majesté prit le lende-
I v
202 MERCURE DE FRANCE.
main la route du Château de Gottingen , où elle
compte de paffer quelques jours. Elle a reçû de
Hollande un courier , par lequel elle a été infor
le Duc de Cumberland viendroit ici
mée que
avant que de paffer en Angleterre . Le Comte de
Czernichew , Envoyé Extraordinaire
de l'Impératrice
de Ruffie , a eu le 27 une conference avec le
Duc de Newcaſtle , auquel il a annoncé que cette
Princeffe laiffoit à l'entiere difpofition du Roi & de la République des Provinces - Unies , de
donner aux troupes Ruffiennes qui font à leur
fervice , tels quartiers que jugeroient à propos
ces deux Puiffances. On croit que le Comte de
Gerfdorff s'eft rendu ici pour exécuter une commiffion
du Roi de Pologne Electeur de Saxe .
Le Comte de la Lippe Schaumbourg
, qui avant
Je départ du Roi pour Gottingen eft venu faluer
fa Majefté , doit retourner inceffamment
à Buoxenbourg.
Lorsque le Traité définitif pour la Pacification
générale fera conclu , le Roi fera une réforme de fix mille hommes dans fes troupes.
Electorales . M. de Hohort , Colonel , mourut ik
y a quelques jours à Lunebourg.
GRANDE BRETAGNE.
De Londres , le 8 Août.
ACorrefpondance des Lettres avec la France
a comme cé le 29 du mois dernier , & fera
continuée tous les Lundis & les Jeudis , comme
en tems de paix . Les Pacquetbots , qui porteront
'ces lettres , fe chargeront en même tems de celles
deftinées pour l'Eſpagné , la Suiffe & l'Italie, Le
commerce n'eft pas encore rouvert avec les Efpa
gnols , mais il eft arrivé des Paffeports provifiona
1
AOUST. 1748. 203
f
nels ,fignés par fa Majefté Catholique , au moyen
defquels les Navires Anglois pourront relâcher
dans les Ports d'Efpagne , s'y pourvoir de vivres
& d'eau, même y être radoubés , s'il eft néceffaire .
Il a été mis des Affiches à la Bourſe , pour en informer
les Négocians , dont la plupart fe difpofent
à charger un grand nombre de marchandifes pour
les Pays de la Domination Efpagnole , auffi tôr
qu'ils pourront y commercer librement. Le 26 ,
le Duc de Bedford fit partir un courier pour Madrid
, & c'eft le premier qui y ait été dépêché depuis
la guerre.. Plufieurs Vaiffeaux de guerre ayant
reçu ordre d'aller prendre les troupes qui font à
Louisbourg , afin de les tranfporter à Annapolis ,
on en infere que le Roi a réfolu de reftituer inceffamment
l'ile Royale à Sa Majefté Très Chrétienne.
On attend dans peu le Cheva ier Guillaume
Pepperelle , qui commandoit dans cette Ifle.
M. de Guaftaldi , Miniftre de la République de
Génes , a préfenté ces jours- ci au Duc de Bedford
un Mémoire , par lequel cette République fe plaint
que les troupes de l'Impéra rice Reine de Hongrie
& de Boheme , & celles du Roi de Sardaigne , ont
enlevé toute l'artillerie qui étoit dans Savone ,
dans Final & dans Novi Ce Mémoire a été lû le
25 dans l'allemblée des Régens du Royaume , &
ils ont promis de prendre cette affaire en confidé→
sation. Il y eut le 23 entre le Duc de Bedford &
M. Shorer , Secretaire de Légation , chargé des
affaires de la Cour de Vienne , une longue conference
qu'on croit avoir eu pour objet le payement
des fubfides accordés à l'impératrice Reine De-
-puis les reformes qui ont été faites dans les équi-
-pages des Vaifleaux du Roi , on trouve pour les
Navires Marchands plus de Marelors qu'on n'en a
-befoin , & ils s'engagent communément à vingtcinq
fchelins par mois. On continue de congédier
1 vj
204
MERCURE DE FRANCE.
des Chantiers Royaux , par ordre des Commiffires
de l'Amirauté , la plupart des Ouvriers qui y
ont été employés pendant la guerre . Tros Yachts
mirent le 26 à la voile , pour aller chercher en
Hollande le Duc de Cumberland , qui étoit attendu
ici 29 ou le 30 , mais que quelques raiſons
ont obligé de differer fon embarquement. Ce
· Prince vient , à ce qu'on dit , concerter avec les
Seigneurs de la Régence les arrangemens pour le
-tranfport des troupes Angloifes qui font dans les
- Pays- Bas. I eft arrivé hier un courier avec des
dépêches du Roi de Pruffe pour le Prince de Galles
, & depuis il s'eft répandu un bruit que le Duc
de Cumberland époufera une foeur de ſa Majeſté
- Pruffienne. Les lettres d'Ecoffe du 21 annonçent
que le Commun Confeil d'Edimbourg a député
M. Georges Drummond , Lord Prévôt de la Ville ,
& M. Archibald Macauley , pour féliciter le Prince
de Naffau Dieft fur fon Election à la Dignité de
Stathouder des Provinces Unies , & pour renoùveller
avec les Etats Généraux le Traité de Commerce
entre l'Ecoffe & ` cette République , lequel
expirera dans quelques années. On a fçû par les
mêmes nouvelles , que les Officiers , qui étoient
venus en Ecoffe faire des recruës pour les Régimens
Ecoffois de Halley & de Stuard , des troupes
des Provinces Unies , avoient reçû ordre de repaffer
inceffamment en Hollande avec les foldats
qu'ils avoient levés dans ce Royaume . L'équipage
du Navire l'Esther , revenu depuis peu de Sainte
Catherine , a affûré que le 23 du mois dernier on
n'y étoit pas encore inftruit de la fignature des
Articles Préliminaires Il a ajouté que le Gouverneur
de Saint Euftache avoit acheté tous les Bàtimens
François qui avoient été conduits à Sainte
Catherine , avec leurs cargaifons. Les Lords Ré
gens de la Grande Bretagne ont établi une ComA
O UST. 1748. 203 .
million , pour examiner les prifes faires fur les
François & fur les Efpagnols , depuis que la fuf
penfion d'armes a été publiée , & pour décider de
leur légitimité , felon les differentes Latitudes od
elles auront été faites. On mande de Plymouth
que le Corfaire le Garland y a envoyé le Navire
Eſpagnol la Notre - Dame deGazzia , dont il s'eft
emparé , & qu'il donnoit la chaffe à quatre autres
Bâtimens de la même Nation , qui al'oient du
Ferrol à la Nouvelle Efpagne . Les Directeurs de
la Compagnie des Indes Orientales ont reçû un
Exprès d'Ecoffe , avec avis que les Navires P'Yorck ,
le Stafford , le Dragon , le Lynn , l'Onflov , le Norfolck
& le Prince Edouard , avoient relâché à Leith ,
en revenant de Bencolen . Ils ont auf été informés
de l'arrivée du Benjamin, du Winchelsea de l'Eaftcourt
, du Cefar & du Colchester , à Bengale. Le
Vice-Amiral Schrywer entra le 19 du mois dernier
dans le Port de Portfinouth avec l'Efcadre
-Hollandoifé qu'il commande. Quoique le bruit
ait couru depuis quelques jours , que l'Amiral
Griffin s'étoit rendu maître de Pondichery , les
perfonnes fenfées n'y ajoûtent point de foi , & il
eft certain que le Gouvernement n'en a jufqu'à
préfent aucune nouvelle. Les Seigneurs de la Ré
gence ont fait remettre en liberté plufieurs prifonniers
, qui étoient fous la garde de Meffagers d'E
tat, à l'occafion des derniers troubles d'Ecoffe. On
a en même tems fait fortir des priſons du Comté
de Surrey quatre cens foixante Débiteurs , qui ont
réclamé le bénéfice de l'Acte d'Infolvabilité . Par
un courier qui arrive de Hanover , on apprend
que le Roi a nommé pour fon fecond Miniftre
Plénipotentiaire à Aix - la - Chapelle le Chevalier
Robinfon , qui a réfidé long- tems à Vienne en
qualité de Miniftre de fa Majefté . Les Actions de
la Compagnie de la merdu Sud n'ont point de prix
206 MERCURE DE FRANCE.
-
fixe ; celles de la Banque font à cent vingt-fept
celles de la Compagnie des Indes Orientales à cent
foixante- dix- huit , un huitième , & les Annuités à
cent , trois quarts.
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
A Reine , accompagnée de Monfeigneur le
Dauphin , de Madame la Dauphine , & de
Mefdames de France , ſe rendit le 21 du mois dernier
à la Paroiffe du Château de Compiegne , & y
entendit la grande Meffe , pendant laquelle S.M. fit
rendre les Pain Benits , qui furent préfentés par
M. l'Abbé de Goyon de Matignon , fon Aumônier
en quartier.
Le 4 de ce mois , le Roi & la Reine , accompa
gnés de Monfeigneur le Dauphin , de Madame la
Dauphine , & de Meldames de France , affifterent
au Salut & à la Bénédiction du S. Sacrement dans
P'Eglife des Dominicains , qui célébroient la Fête
de S Dominique , Fondateur de leur Ordre.
Le Roi tint le 10 un Chapitre de l'Ordre du S.
Efprit , dans lequel les Preuves du Comte de Saint
Severin d'Arragon furent admiſes.
Le 21 du mois dernier , le Maréchal Comte de
Saxe arriva de Bruxelles à Compiegne , & le même
jour il eut l'honneur de rendre les refpects au
Roi , qui l'a reçû très - favorablement. Ce Général
eft retourné à Bruxelles.
En conféquence de l'acceffion du Roi d'Espagne
aux Articles Préliminaires ,PArmistice entre les
troupes de fa Majefté Catholique , celles de l'Impératrice
Reine de Hongrie & de Boheme , & cel
A O UST. 1748. 207
les du Roi de Sardaigne , a été publié le 13 du
mois dernier dans le Comté de Nice , & le 17 dans
le Duché de Savoye.
On a appris d'Aix - la- Chapelle , que le Comte
de Saint Severin d'Arragon , Miniftre Plénipotentiaire
du Roi , y a figné le à de ce mois , avec les
Miniftres du Roi de la Grande Bretagne & des
Etats Généraux des Provinces Unies , une Conven.
tion par laquelle il a été ftipulé que le Corps de
trente-fept mille Ruffiens , qui eft à la folde de ces
deux Puiflances , s'en retourneroit vers la Ruffie
immédiatement après la fignature de cette Con
vention , & que , pendant qu'il feroit à leur folde ,
il ne pafferoit point au fervice d'aucune autre Puiffance
, & ne pourroit être employé , fous quelque
raifon ou prétexte que ce fût , contre Sa Majefté
ou fes Alliés . Le Roi s'eft engagé de fon côté à
rappeller dès à préfent des Pais Bas trente fept
mille hommes de fes troupes , & à les réformer ,
ou un pareil nombre , dans le cours d'un mois
après que Sa Majefté aura fçû d'une maniere authentique
le départ actuel des Ruffiens , pour re
tourner vers la Ruffie.
Le 1s de ce mois , Fête de l'Affomption de la
Sainte Vierge , la Proceffion folemnelle , qui fe
fait tous les ans à pareil jour en exécution du voeu
de Louis XIII , fe fit avec les cérémonies crdinaires
, & l'Archevêque de Paris y officia pontificalement.
Le Parlement , la Chambre des Comptes , la
Cour des Aides , & le Corps de Ville , y affifterent .
L'Univerfité fit le 12 dans la Salle des Ecoles
exterieures de Sorbonne la diftribution des Prix
fondés par
le feu Abbé le Gendre , & le Parlement
y affitta . Cette cérémonie fut précédée par un
Difcours Latin que prononça M. le Bel , l'un des
Profefleurs de Rhétorique du College Mazarin,
208 MERCURE DE FRANCE.
Après ce Difcours , M. de Maupeou , Premier Préfident
du Parlement , donna le premier Prix. Les
autres Prix furent diftribués par M. Cochet ,
Recteur. Dans la Piéce fuivante , on verra les
noms des jeunes gens que l'Univerfité a jugé dignes
d'être couronnés .
Uod Religioni , Rei Litterariæ , totique
Qaded Rei
"
adeo Reipublicæ , Felix , fauftum , fortunatumque
fit. Anno reparatæ falutis humanæ
millefimo feptingentefimo quadragefimooctavo
, ex quo regnare coepit LUDOVICUS
XV. trigefimo-tertio , die duodecimo menfis
Augufti , alma Studiorum Parens , primogenita
Regum Filia , Univerfitas Parifienfis , Ampliffimo
Viro DD. Joanne Cochet Rectore , in Scholis
Sorbonicis congregata , ad Solemnem Præmiorum
Litterariorum Diftributionem , Senatufconfulto
die 8 Martii 1746 , apud fe ex pofthumâ
liberalitate Viri Clariffimi D. Ludovici LE
GENDRE , Ecclefiæ Parifienfis , dum viveret ,
Canonici & Succentoris , Inftitutam , poft habitam
Orationem à V. Cl . M. Michael e- Francifco
le Bel , Rhetorum Mazarinæorum altero , Annuente
& præfente fupremo Senatu , Athletas fuos
hoc ordine coronat & remuneratur .
IN RHETORICA . A
Difcours Latin. Primum Orationis Latinè fcriptæ
Præmium inter Veteranos meritus & confecutus
eft Ludovicus - Stephanus Guerain , Parifinus , ફે
Collegio Graffinao . Secundum inter Veteranos meritus
& confecutus eft Joannes - Baptifta - Jacobus
Elie , Carentonæus , è Collegio Graffinas.
Proximè accefferunt inter Veteranos.
Ludovicus-Antonius - Maria Delaune , Parifipus ,
4
A O UST. 174S. 209
Collegio Graffinao . Joannes- Francifcus Lefparat ,
Parifienfis , è Collegio Graffindo .
Frimum ejufdem Orationis Latinè fcriptæ Præ
mium inter Recentiores meritus &confecutus eft
Antonius Thomas , Claromontanus , è Collegio
Lexovao. Secundum inter Recentiores meritus &
confecutus eft Joannes - Baptifta- Carolus- Maria de
Beauvais , Charoburgæus , è Collegio Graſſinao.
Proximè accefferunt.
Petrus Stafford , Hibernus , è Collegio Sorbona
Pleffao. Carolus Becquet , Pontifarenfis , è Collegio
Graffinao Jofephus Gerdolle , Tullenfis , è Collegio
Marchiano. Petrus-Claudius Malvaux , Remenfis ,
è Regia Navarra . Carolus- Laurentius Baucheron ,
Meldenfis , èollegio Mazarindo . Henricus Raci
ne , Meduntenfis , è Collegio Graſſinao .
Difcours François. Primum Orationis Gallicè
fcriptæ Præmium meritus & confecutus eft idem
Joannes- Baptifta- Carolus- Maria de Beauvais , Charoburgæuse
Collegio Graffinao . Secundum meritus
& confecutus eft idem Antonius Thomas , Claro
montanus , è Collegio Lexovao .
Proximè accefferunt .
Joannes Baptifta Jacobus Elie , Carentonæus ,
è Collegio Graffina . Autonius-Francifcus Dulaurant
, Ponticerienfis , è Collegio Dormano Bellovaco.
Ludovicus-Stephanus Guerain , Parifinus , è Collegio
Graffinao Petrus Stafford , Hibernus , è Collegio
Sorbona Plaffas. Petrus - Claudius Malvaux , Remenfis
, è Regia Navarrâ. Carolus- Laurentius
Baucheron , Meldenfis , è Collegio Mazarinao.
Vers Latins . Primum Carminis Latinè fcripti
Præmium inter Veteranos meritus & confecutus
eft idem Ludovicus - Stephanus Guerain , Parifinus ,
è Colegio Graffineo. Primum inter Recentiores ,
Piæmium meritus & confecutus eft idem Antonius
2 to MERCURE DE FRANCE.
Thomas , Clatomontanus , è Collegio Lexovao. Se
cundum inter Recentiores meritus & confecutus
eft idem Joannes- Baptifta Carolus -Maria de Beauvais
, Charoburgæus , è Collegio Graffinao.
Proximè accefferunt .
Ludovicus-Antonius Maria Delaune , Parifinus ,
Collegio Graffinao . Petrus-Nicolaus Andrieu , Pas
rifinus , è Collegio Mazarinao. Joannes- Baptifta-
Bruno Bruté , Parifinus , è Collegio Sorbona Pleffao
Francifcus Adam , è Collegio Mazaringo . Antonius-
Francifcus Dulaurent , Ponticerienfis , è Collegio
Dormano Bellovaco . Ludovicus Renneville.
Laudunenfis , è Collegio Marchiano .
>
Verfion de Grec en François. Primum Orationis
Græcæ in Gallicam converfæ Præmium meritus &
confecutus eft Petrus- Nicolaus Andrieu , Parifinus ,
Collegio Mazarinao . Secundum meritus & confecutus
eft idem Antonius Thomas , Claromonta
Aus , è Collegio Lexovao .
Proximè accefferunt.
Joannes-Baptifta Carolus Maria de Beauvais
Charoburgæus , è Collegio Graffinao. Petrus Staf
ford , Hibernus, è Collegio Sorbona- Pleffa . Ignatius
de Verclos , Avenionenfis , Collegio Mazarinao.
Antonius Remigius Mauduit , Parifinus , Collegio
Dormano-Bellovaco. Antonius - Cafimirus- Adrianus
Polyeuctus de la Morte de Thibergeau , Rupel
Ienfis è Collegio Dormano- Bellovaco. Joannes-
Francifcus Lefparat, Parifienfis, ` Collegio Graffinao.
IN SECUNDO ORDIN E.
Thême. Primum Orationis Gallicæ in Latinam
converfæ Præmium meritus & confecutus eft Joanpes-
Baptifta- Petrus Ducournau , Aquenfis , Collegio
Harcuriano. Secundum meritus & confecutus
eft Carolus Alexander de Calonne, Duacenfis, è Cole
Jegio Mazarinas.
A O UST. 1749.
2TF
Proximè accefferunt.
Michaël Bereux , Meldenfis , Collegio Sorbona-
Pleffao. Antonius Guyot , Lingonenfis , Collegio
Sorbona-Pleffab. Michael -Antonius de Paris , Parifinus
, Collegio Sorbona - Pleffao . Abrahamus - Jacobus
Caillard , Parifinus , Collegio Graffinao . Simon-
Sebaftianus le Boucher , Collegio Harcu
riano. Michael Kindelan , Dublinenfis , Collegio
Graffinao.
P
Vers Latins. Primum Carminis Latinè fcripti
Præmium meritus & confecutus eft Joannes Baptifta
Petrus Acher , Rothomagenfis , Collegio
Lexovao. Secundum meritus & confecutus eft
idem Carolus- Alexander de Calonne , Duacenfis , è
Collegio Mazarineo.
Proximè accefferunt.
Francifcus Mauduit , Conftantienfis , Collegio
Harcuriano. Jacobus Hubert , è Collegio Graffinao
Antonius- Jofephus de Beaulieu de Thiezac , Floropo
itanus , Collegio Hareuriano Abrahamus Ja,
cobus Caillard , Parifinus , è Collegio Graffineo,
Joannes Marinus Hugault , è Collegio Harcuriano.
Carolus -Francifcus Duflos Rothomagenfis , è
Collegio Dormano-Bellovaco .
>
Verfion de Grec en François . Primum Orationis
Græcæ in Gallicam converfæ Præmium meritus &
confecutus eft Francifcus- Ludovicus Henricus le
Riche , Ambianus , è Regia Navarra. Secundum
meritus & confecutus eft Achilles - Antonius-Joannes
Mauflaftre , è Collegio Sorbona-Pleffao.
Proximè accefferunt .
Edmundus Chevignard de Saint Vivan , è Colle
gio Dormano-Bellovaco. Joannes Baptifta Petrus
Ducournau , Aquenfis Collegio Harcuriano.
Francifcus Mauduit , Conftantienfis è Collegio
Harcuriano. Abrahamus-Jacobus Caillard , Pari-
"
212 MERCURE DE FRANCE.
nus , Collegio Graffinao . Antonius Guyot , Lingonenfis
. Collegio Sorbona - Pleffao. Petrus- Felix
Roffignol, Laudunenfis , è Collegio Sorbona - Fleffao.
IN TERTIO ORDINE.
Thême. Primum Orationis Gallicæ in Latinam
conver æ Præmium meritus & confecutus eft Pe →
trus Jacquin , Catalaunenfis , è Collegio Sorbona-
P'efao. Secundum meritus & confecutus eft Petrus
Michel, Conftantienfis , è Collegio Harcuriano.
Proximè accefferunt.
Jacobus Maria- Jofephus Lépans , è Collegio
Montano Baltazar Groux , Parifinus , è Collegio
Harcuriano. Jacobus- Antonius Rouveau , Parifienfis
, è Collegio Mazarinao. Gafpardus Ruffer ,
Eduenfis , è Collegio Lexova . Ludovicus de la
Pommeraye, Bituricenfis , è Collegio Sorbona - Plafar.
Carolus - Guillelmus Pechpeyrou - Comenge de
Guitaud , è Collegio Harcuriano.
Verfion de Latin en François . Primum Orationis
Latinæ in Gallicam converfæ Præmium meritus
& confecutus eft Mathias - Bernardus Goudin , Parifinus
, e Collegio Mazarinao Secundum meritus
& confecutus eft Jacobus Moreau , Ambianenfis ,
è Collegio Sorbona -PlaJao.
Proximè accefferunt.
Simon Leré , Compendicus , è Collegio Dormano
Bellovaco. Petrus Michel , Conftantienfis , è Collegio
Harcuriano. Jofephus Maignon , San- Dominicanus
è Collegio Dormano- Bellovaco . Ludovicus
Ruftain de Saint-Jory , Parifinus , è Collegio Lexovao.
Petrus- Antonius de Mornay ; Parfinus , è
Collegio Harcuviano . Francifcus Breldin , è Collegio
Mazarinao.
Verfion de Grec en François . Primum Orationis
Græcæ in Gallicam converfæ Præmium meritus &
confecutus eft idem Petrus Jacquin , Catalaunenfis,
AOUST. 1748. 213
Collegio Sorbona-Plaffao. Sccundum meritus &
confecutus eft Francifcus Brefdin, è Coll, Mazaringo.
Proximè accefferunt.
Mathias-Bernardus Goudin , Parifinus , è Collegio
Mazarinao. Alexander Claudius le Jau de Cham
berjoc , Parifinus , è Collegio Dormano- Bellovaco .
Joannes Francifcus Monlien de l'Armenerie , Bajocenfis
, è Collegio Harcuriano . Joannes Baptifta
Martinet de Montferrat , Sedanæus , è Collegio
Dormano-Bellovaco Petrus Michel , Conftantienfis
, è Collegio Harcuriano. Ludovicus-Francifcus
Dubois , è Collegio Lexovao.
L
•
MORT S,
Es Juin , Germain de Cabazac , Chevalier de
P'Ordre Militaire de S. Louis , ancien Capitaine
du Régiment du Roi , mourut à Paris.
Le 11 Juillet , Marguerite Bourly , veuve de
Claude Augufte Tiquet de Chambon , Lieutenant
Colonel du Régiment de Conty , Cavalerie , mou
rut à Paris.
Le 14 , Charlotte Marie de Coetlogon , veuve de
Marie Gafton Elzear , Marquis de Sabran , des
Comtes de Forcalquier , Colonel du Régiment
de Condé , à la tête duquel il fut tué d'un coup de
feu à la cuiffe à l'affaire d'Ettingen, mourut à Paffy,
âgée de 23 ans. Elle étoit Dame d'honneur de S.
A. S. Madame la Ducheffe de Chartres , & fille de
Céfar Magdeleine Marquis de Coetlogon , Vicomte
de Meluffaume , Baron de Pleugriffet , qui fut
Mestre de Camp & Syndic Général des Etats de
Bretagne ; petite - fille de Philippes Guy de Coetlogon
, auf Syndie des Etats de Bretagne , cer
Emploi , par les anciens Statuts & Reglemens , &
214 MERCURE DE FRANCE.
par un nouvel Edit de création , ne devant être
poffedé que par un Gentilhomme d'ancienne extraction
; petite- niece d'Alain Emmanuel de Coetlogon
Vice-Amiral & Maréchal de France ,
mort le 7 Juin 1730 , âgé de 83 ans , avec la jufte
réputation que fes exploits lui ont acquife.
Cette Dame , de fon mariage avec le Marquis de
Sabran , ne laiffe qu'un fils unique , âgé de 5 ans
& demi , que L. A. S. M. le Duc & Madame la
Ducheffe de Chartres ont tenu fur les Fonts de
Baptême , & nommé Louis-Augufte - Elzear.
Le 30 , Louis Comte de Mailly , ci -devant Capitaine
Lieutenant de la Compagnie des Gendarmes
Ecoflois , mourut à Paris , âgé de 54 ans, On
remet au mois prochain à donner de plus grands .
éclairciffemens fur ce Seigneur , de l'une des plus
illuftres Maifons de France,
Le 6 Août , Louis de Malide , Brigadier des Armées
du Roi , & ci - devant Capitaine d'une Com
pagnie des Gardes Françoifes , mourut à Paris ,
âgé de 50 ans.
La Dile Jeanne du Vivier de Rovoy , eft morte
Bayeux , âgée de 10 ans,
C
Eux qui n'ont point encore payé ce
qu'ils doivent du Semeftre précédent,
font priés de le faire inceffamment . Quelques
perfonnes nous adreffent de l'argent
par la pofte ,fans nous donner d'avis & fans
faire mettre leurs noms fur le regiſtres on
les fupplie , quand elles fe ferviront de
cette voye , de faire enforte que nous fçachions
de quelle part vient l'argent qu'on
nous envoye .
APPROBATION.
J
"Ai lú par ordre de Monfeigneur le Chancelier
le Mercure de France du mois d'Août
1748. A Paris le premier Septembre 1748.
BONAMY.
P
TABLE.
3
21
IECES FUGITIVES en Vers & en Profe,
Suite des vies de quelques Carthaginois céle
bres , par M. Remond de Sainte Albine ,
Projet d'un Monument à la gloire du Roi ,
Lettre de feu M. Rouffeau à M. le Baron de *** ,
Le Tems , Ode par M. Née de la Rochelle ,
Lettre fur le ver Solitaire , nommé Tenia ,
Epitre à M. R.
****
Confeils à une jeune Demoiselle ,
Penfées Morales' ,
24
27
30
46
48
So
55
Vers à Mlle de R **** , fur un enfant qui avoit
penſé lui crever un oeil d'un coup d'arbalête , 54
Lettre de M. * * *
Epithalame pour le mariage de M. de Gouffier , 69.
Le Serpent caché fous les fleurs , Cantate , 71
Lettre aux Auteurs du Mercure , fur la maniere
dont Baron déclamoit , 75
Vers fur ceux de M. Cottereau , inferés dans l'un
des derniers Mercures , 80
*** 81 Autres à M. l'Abbé de C * * * M. Yg par
Lettre de M. **** au fujet des Normands ,
Vers à Mlle Ludovica de Calce ,
>
ibid.
84
Obfervation fur une dilatation de l'oreillette droite
du coeur , & c.
Vers à Mlle S** , pour le jour de fainte Anne ,
87
101
Lettre de M. *** , Maître en Chirurgie à Orléans,
à M. Louis, Chirurgien de laSalpêtriere à Paris,
Réponse de M. Louis ,
L'Ane facétieux , Fable ,
102
106
108
Mots des Enigmes & des Logogryphes du Mercure
de Juillet ,
Logogryphes & Enigmes ,
110
ibid.
Nouvelles Litteraires , des Beaux Arts , &c . 119
Elections de l'Académie Royale des Sciences , 140
Programme de l'Académie de Soiflons ,
Autre de l'Académie d'Angers ,
ibid.
145
Difcours prononcé par M. de la Soriniere à fa réception
à cette Académie ,
Eftampes nouvelles ,
147
160
Defcription du nouveau Théatre du Collège de
Louis le Grand , 163'
Spectacles. Portrait du Grand Monarque , Ballet
danfé au même Collége , Extrait ,
Sefoftris , Tragédie repréfentée au même Collége
,
Concerts de la Cour ,
170
174
188
Nouvelles Etrangeres , de Pétersbourg , &c. 190
Programme de l'Univerfité , 208
Morts , 214
La Chanfon notée doit regarder la page 170
De l'Imprimerie de J. BULLOT,
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI.
SEPTEMBRE. 1748 .
LIGIT
UT
SPARGAT
Spillen
Chés
A PARIS ,
ANDRE' CAILLEAU , rue Saint
Jacques , à S. André.
La Veuve PISSOT, Quai de Conty ,
à la defcente du Pont-Neuf,
JEAN DE NULLY , au Palais .
JACQUES BARROIS , Quai
des Auguftins , à la ville de Nevers,
M. DCC, XLVIII.
Avec Approbation & Privilege du Roi.
A VIS.
> L'ADRESSE du Mercure ef
' ADRESSE générale du Mercure eft
à M. DE CLEVES D'ARNICOURT ,
rue des Mauvais Garçons , fauxbourg Saint
Germain , à l'Hotel de Macon . Nous prions
très - inftamment ceux qui nous adrefferont
des Paquets par la Pofte , d'en affranchir le
Port , pour nous épargner le déplaifir de les
rebuter , & à eux celui de ne pas voir paroître
leurs Cuvrages.
Les Libraires des Provinces où des Pays
Etrangers , qui fouhaiteront avoir le Mercure
de France de la premiere main, &plus promptement,
n'auront qu'à écrire à l'adreſſe ci-deſſus
indiquée ; on fe conformera très - exactement à
leurs intentions.
Ainfi ilfaudra mettre fur les adreſſes à M.
de Cleves d'Arnicourt , Commis au Mercure
de France , rue des Mauvais Garçons , pour
remettre à M. Remond de Sainte Albine.
PRIX XXX . SOLS .
MERCURE
DE FRANCE, V
DÉDIÉ AV R.01.
SEPTEMBRE . 1748 .
I.
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Proje.
POEME SUR LA PAIX.
B
I
Rillantes Nimphes de la Seine,
Sortez en toule fur ces bords ;
Doux nourriffons de Melpomene ,
Formez les plus tendres accords.
Que les pipeaux & les mulettes
1
Retentiflent de toutes parts.
On n'entend plus le fon des bruyantes trompettes,
Mars a ployé les étendarts.
La difcorde au regard perfide
A ij
4 MERCURE DE FRANCE.
T
Le trouble , la haine homicide ,
Se replongent dans les Enfers.
Dans la main de Louis le tonnerre immobile
Ceffe de gronder dans les airs ,
Et d'un oeil ferein & tranquile ,
Ce Vainqueur généreux raffûre l'Univers,
Vaincus pár fes vertus , autant que par les armes,
Ses plus fiers ennemis l'adorent, comme nous;
Ils fe rendent fans peine , entraînés par les char
mes ,
Et la plus tendre eftime étouffe leur courroux.
Sur les Peuples voifins , éblouis de fa gloire ,
Il pouvoit étendre ſes Loix ;
L'indomptable Valeur , la Force & la Victoire ,
Marchant fous fes Drapeaux , affûroient les Ex
ploits.
Il peut lancer la foudre , exciter les tempêtes ;
Effacer les travaux des antiques Vainqueurs ;
Mais content de fa gloire , il borne fes conquêtes ,
Sûr de regner dans tous les coeurs.
Il fçait que les lauriers, dont fe ceint la victoire ,
Croiffent parmi le fang , le carnage & l'horreur,
Et que les noirs tranſports d'une longue fureur
Sont moins les titres de la gloire ,
Que l'opprobre de la valeur.
Vengeur terrible , armé par la juftice ,
Il foudroyafes rivaux éperdus ;
B
#
+
5
SEPTEMBRE . 1748 .
Dans les mains aujourd'hui fa clémence propice
Arrête fes traits fufpendus.
Bien-tôt , le front couvert de l'Olive facrée
Enchaînant à fes pieds le Démon des Combats ,
Sous l'afpect fortuné de Minerve & d'Aftrée ,
Ce Héros bienfaiſant va régir ſes Etats ,
Et répandant au loin fur la terre & fur l'onde
L'influence douce & féconde
De fa fagefle & de ſes Loix ,
Il va tout réunir dans une paix profonde ,
Pere de fes Sujets , & l'Oracle du monde
La gloire & l'exemple des Rois .
>
Que vois-je ! quel éclat ! quel pompeux affem
blage !
Que d'objets gracieux s'offrent à mes regards !
Du haut de l'Hélicon la foule des Beaux- Arts
&
Vient s'établir fur ce rivage ;
Avec les doux plaifirs l'abondance les fuit ;
Le Commerce répand dans le fein de la France
Tous les tréfors de l'opulence,
Et la bonne foi le conduit.
Pour célébrer un Héros magnanime ,
Qui comble fes - Sujets de tant de biens divers ,
Les nourriffons du Dieu des vers
S'apprêtent à chanter d'un ton mâle & fublime ;
Le zéle les foûtient , l'équité les anime,.
La vérité préfide à leurs Concerts.
こ
A iij
MERCURE DE FRANCE.
Ils ont chanté fes vertus héroïques ,
Nos fuperbes rivaux terraffés par les mains ;
Ils vont chanter fes vertus pacifiques ,
Et fon coeur occupé du bonheur des humains.
Oui , grand Roi , quel que foit l'éclat de la vice
toire ,
Le courage , fans la bonté,
N'eft qu'un vain titre , une funefte gloire ,
Et fans la douce humanité
On n'arriya jamais au Temple de Mémoire ,
Mais ches toi la fageffe éclaire la valeur.
Lorfque frappés de ton tonnerre ,
Nos ennemis en toi redoutent leur vainqueur ,
. Le monde y voit toujours un Pere ;
Ta gloire eft l'équité , les vertus font ta Cour.
Auffi bon Roi que guerrier redoutable ,
Heros charmant , Prince a lorable ,
Ton Trône eft dans nos coeurs , ton regne
notre amour.
J. D. Verardy.
ef
IN LUDOVICUM REGEM.
Q Uod jam pacando Lodoix fubrideat orbi ,
Deponatque piâ fulmina fæva manû ,
Plaudite. Mavortis dum negligit ille triumphos ,
SEPTEMBRE. 1748. 7
Plura quidem dulci pace tropea refert.
Si fe fe imperio cohibet , cum vincere poffit ,
Hunc latè Regem confecrat orbis amor.
Nempe novas cupidi fceptris adjungere gentes ,
Bella gerant alii : plus meruiffe fuit.
Par le même,
L
QUESTIONS
A l'occafion du Projet d'une Mefure
univerfelle.
A lecture du premier article du Mercure
de Juillet m'a déterminé à propofer
diverfes queftions.
On ne doit point les regarder en qualité
d'objections , mais comme de fimples confidérations
fur le projet très-louable de
faire fervir à une mefure univerfelle la
longueur du Pendule fimple à fecondes ,
déterminée fous l'Equinoxial.
Premiere queftion . Cette longueur eftelle
actuellement la même fous toute la circonférence
de l'Equinoxial en Amérique ,
en Afrique & en Afie ?
Seconde queftion . La longueur du Pendule
fous l'Equinoxial & fous les divers
Paralleles Auftraux ou Boreaux , eft- elle
A iiij
8 MERCURE DE FRANCE.
immuable & invariable , malgré le cours
des fiécles , enforte qu'elle auroit été trou
vée femblable par nos Ancêtres , & que
nos Defcendans la trouveront telle ?
J'ajoûte trois autres queſtions , qui ferviront
par leur éclairciffement à la promp
te décifion des deux premieres .
Une maffe déterminée d'un poids connu,
par exemple de trois marcs , fous un Parallele
& dans une Ville, comme Paris , peutelle
ou doit - elle , malgré fa tranfpofition ,
conferver fa pefanteur identique de trois
marcs , fans aucun accident , fous les autres
Paralleles , & dans les vallées ou fur les
montagnes du même Parallele ?
Le Pendule fimple auroit- il la propriété
d'avoir des arcs de vibration tautochrones ,
& ifochrones , ou de conferver la même
étendue dans fes arcs vibratoires, & le même
nombre d'ofcillations en tems égaux
dans un air temperé , foit au pied , foit au
fommet de la plus haute montagne du même
Parallele , quoiqu'il ne l'ait point pour
un même endroit dans les diverfes failons ,
ni à la hauteur du niveau des Mers , fous
divers Paralleles ?
Enfin la longueur du Pendule fimple à
fecondes fous le quarante- cinquiéme Parallele
Boreal, & fous le quarante- cinquié- ;
me Parallele Auftral , ou fous tout autre.
SEPTEMBRE.. 1748 .
Parallele de Latitude Auftrale ou Boreale,
mais d'énumération identique , eft - elle
femblable effentiellement , de-même que
la vîteffe de fes vibrations ?
Si la moindre difference eft reconnue dans
les cas exprimés par ces trois dernieres
queftions , on en doit induire la variabilité
de la pefanteur , & du Pendule fimple à fecondes
avec le cours des fiécles , à meſure
que la Terre changera fa pofition par une
fuite de fes mouvemens de progreffion &
de regreffion , felon le quatriéme fyftême
du Monde expliqué par le troifiéme fyfte
me de Phyfique.
L'ancien projet du célebre Geodifte M.
Picard , & de Mouton , Chanoine de Lion,
pour une mefure univerfelle à prendre
dans le Ciel , & renouvellé par un Académicien
très- capable de le porter
à fa perfection
, & d'en déduire toutes les utilités
poffibles , feroit-il à fuivre en conféquence
des expériences qui ont été ou qui feront
faites relativement à ces questions ?
A v
To MERCURE DE FRANCE.
張洗洗渗渗洗洗洗洗洗:送洗洗洗洗落
ODE
Tirée du Pleaume LXV. Jubilate Deo
omnis terra , &c . Par M. Dourxigné
· Auteur de l'O le tirée du Pfeaume 24 ,
inferée dans le fecond volume du Mercure
de France du mois de Juin 1748 , p . 89 .
*
Q
Ue l'Univers s'empreffe à fuivre notre
exemple ;
Accourez , Nations ; venez dans notre Temple
Adorer l'Eternel ,
Qui nous a délivrés d'un cruel efclavage ,
Et nous prépare encor le glorieux partage
D'un bonheur immortel.
****
Nos ennemis trompés par leur haine implacable,
Se flatoient que toujours ton coeur inexorable,
Dédaigneroit nos pleurs ;
Mais , en briſant nos fers ta Puiffance céleste
Adémenti , Grand Dieu , le préfage funefte
De nos perfécuteurs.
C'eſt toi , dont la clémence en miracles féconde ,
Ouvrant à nos ayeux un paffage dans l'onde ,
Daigna fauver leurs jours ,
SEPTEMBRE. 1748. II
Quand ton Peuple , opprimé par un Tyran * per-
·
fide ,
Contre lui vainement d'une fuite rapide
Emprunta le fecours.
XX
Pour nous punir , Seigneur , ta vengeance févere
Nous a livrés long- tems à l'injuſte colere
D'un Maître furieux ,
Mais enfin nos regrets ont fléchi ta juſtice
Et nous ne craignons plus de fa noire malice
Les complots odieux.
Comme l'or par le feu fe rafine & s'épure ;
Dieu , pour nous éprouver ici bas , nous procure
De légeres douleurs ;
Trop heureux, qu'à ce prix fes bontés favorables
D'un éternel fupplice à nos ames coupables
Epargnent les horreurs !
Chaque jour t'adreffant de nouveaux facrifices ,
On me verra, grand Dieu, du fang de mes génifles
↑ Pharaon,
2 vj
12 MERCURE DE FRANCE.
Arrofer tes Autels , '
Et publier les biens que verfe ta clémence
Sur l'homme pénitent , qui met la confiance
En tes foins paterneſs.
炒菜
'Si l'endurciffement comblant notre mifere ,
Avoit fermé nos coeurs au repentir fincé.e
Qui lave les forfaits ;
'Abandonnés fans ceffe au fort le plus terrible ,
Nous aurions fatigué ta juftice infléxible
D'inutiles fouhaits.
**
Béniffons , Dieu Puiffant , tes faveurs fouveraines.
Ifrael par ta main a vú rompre les chaînes
De fa captivité ,
Et fecondant les voeux d'un Peuple qui t'implore,
Du fein de nos malheurs ta bonté fait éclore
Notre félicité.
SEPTEMBRE. 1748. 13
SECONDE Lettre fur le Solitaire
ou Tenia.
St
I notre curiofité , Monfieur , eft peu
fatisfaite fur la nature & l'origine du
Tenia , en revanche on a enfin trouvé la
bonne maniere d'attaquer & de vaincre
cet ennemi . Nous avons cette obligation
à M. Hertenswandt , Médecin de S. A. S. le
Prince de Saxe Gotha . Il faut avouer
que le triomphe , qu'il a remporté fur ce
ver , lui a pen coûté , & il eſt affés modefte
pour en faire honneur au hazard
qui eft le premier auteur de prefque
toutes les découvertes. M. H. donnoit
un remède pour une maladie particuliere
; ce reméde eût an fuccès inefperé ;
le malade jetta le ver folitaire , & fut guéri.
Notre Médecin donna le même reméde
à un autre malade , & fa ſurpriſe redoubla
à la vûë des mêmes effets . Un efprit
éclairé & attentif ne laiffe guéres échapper
le fil , quand il le tient une fois , & comme.
fi la Providence vouloit entrer dans
fes vûës & y concourir , elle lui fournit
les occafions de fuivre fes expériences , &
de s'affûrer de la réuffice . I eft certain
qu'il fe préfenta plus de cas favorables, que
·
"
14 MERCURE DE FRANCE.
notre habile Docteur ne fe flatoit d'en
rencontrer. Telle perfonne qui gardoit le
filence , & qui fe réfolvoit à paffer ſa vie
avec le foltaire, changea de réfolution , dès
qu'elle eût efperance de s'en délivrer. Il
eft naturel de chercher à fe défaire d'un
hôte , finon extrêmément dangereux , du
moins fouvent inquiet & prefque toujours
incommode. Les Médecins trouvoient
bien des remédes qui foulageoient , & qui
faifoient même fortir quelques aunes du
Tenia , mais il ne mouroit pas pour cela
il réparoit bientôt fes pertes , & c'étoit
toujours à recommencer. Cela caufoit des
anxietés au malade : quand l'imagination
n'auroit été que bleffée , le mal ne laiffoit
pas d'être très-réel .
M. le Clerc , célébre par fa judicieufe
& fçavante Hiftoire de la Médecine , &
le fameux M. Andri , avoient indiqué plufieurs
remédes contre le Tenia , mais il
étoit réservé à M. Hertenswandt de rem
porter une victoire complette. Il a guéri
à Genève plus de trente malades , parmi
lefquels il y a des gens de la premiere confidération
, & dont la fanté eft très précieufe
au public. Le reméde qu'il donne
ne laiffe point craindre de fuites funeftes ;
il eft aifé à prendre ; l'opération eft finie
dans l'efpace de quatre à cinq heures ,
SEPTEMBRE. 1748. 15
J.
& l'on a la fatisfaction de voir le ver fortir
entier & vivant . Ce n'eft point ici une
de ces illufions flareufes ,qui endorment le
malade , fans le guérir . L'oeil juge du fuccès
, & en eft le témoin . Quelle difference
de cette cure avec les promeffes faftueufes
d'un Empyrique ou d'un Charlatan ! A la
vérité , ce reméde eft encore un fecret
mais ce n'eft pas le mystére qui en fait le
prix , & il eft bien jufte que celui qui
à eu le bonheur de le découvrir , en pro
fite. Je le loue avec d'autant plus de plaifir
& de fincerité , que je n'ai aucun interêt
à le vanter. Ce n'eft point moi qui le
diftribue , & les liaifons que j'ai eu avec
I'Inventeur font fi foibles , & fe font f
fort relâchées , que je ne puis être déterminé
que par l'amour de la vérité & du
bien public.
On s'eft fouvent fervi pour le Tenia de
l'écorce de meurier , & de la racine de
fougere , mêlées & mifes en poudre , mais
ce reméde eft violent ,& ne réuffit pas tou
jours. Le Tanacetum , l'Alfotanum , le
Mercure doux , le Kermés , le Tartre émetique
, ont quelquefois produit de bons
effets , auffi bien que la poudre d'Etain ,
que les Actes de la Societé E limbourg
donnent comme un fpécifique pour fondre
le ver folitaire. Mais fi ce reméde eft un
que
16 MERCURE DE FRANCE.
diffolvant , comme il faut néceffairement
que c'en foit un , comment agira- t'il fur
le ver , fans bleffer les vifcéres qui le renferment
? Lui attribuera t'on du difcernement
& de l'intelligence ? L'expérience ,,
il eft vrai , nous apprend qu'un diffolvant,
agit fort bien fur un corps ,
fans toucher
à un autre ; le vinaigre ronge la pierre , &
il conferve dans fon fein mille petits animaux.
Les diffolvans , qui font dans l'eftomach
, qui ne l'offenfent point , & qui contribuent
fi fort , felon M. Andri , à la digeſtion
, & à la fermentation des alimens ,
en font encore une preuve.
A ce fujet , Monfieur , je remarquerai
que le folitaire n'a point eû de plus grand
ennemi que feu M. Hecquet ; comment en
effet pouvoir concilier l'existence & la
confervation de ce ver , avec l'hypothèſe
de la trituration , qui étoit l'idole de ce
Docteur ? Comment le Tenia n'auroit-il pas
été moulu & brifé en mille piéces par le
broyement continuel des mufcles du bas
ventre & des inteftins ? Comment refifter
à un poids de deux cent foixante- un mille
cent quatre-vingt - fix livres ? En vérité ,
le fyftême de la trituration ne peut tenir
contre une fi forte objection , & l'on peut
dire que le folitaire le reduit en poudre.
Je finirai cette lettre par les obfervaSEPTEMBRE
. 174S .
1748. 17
tions que je vous ai promiſes. Le Tenia
femble fermer quelquefois l'ouverture du
canal cholidoque , comme pour empêcher la
bile , qui l'incommode , d'en fortir , & il
nuit par- là au malade . F. Hildanus rapporte
qu'une femme de Lauſanne rendoit
régulierement la veille de la Saint Jean
quelques aunes du folitaire. Ce qu'il y a
de fingulier , c'eft qu'elle n'en rendit point,
après avoir pris une forte décoction de
Colokinthe. M. Andri parle d'une fille de
qualité , accufée d'être enceinte , parce
qu'elle avoit le ventre fort gros , & de
fréquens maux de coeur ; elle mourut, après
avoir pris inutilement pluffeurs remédes ;
on l'ouvrit , & on lui trouva le folium ,
qui occupoit prefque toute la capacité du
bas ventre.
Au refte , Monfieur , j'ai traité , ou peu
s'en faut , de chimére , un ver folium ,
qui avoit deux cornes , quatre yeux , une
queue fourchue , & une petite langue en
forme d'aiguillon , d'une couleur noire :
cependant il n'y a qu'un moment qu'on
vient de m'affûrer qu'on en a vû de tels.
Ambroise Paré parle d'un ver , à peu près
femblable , trouvé dans la cuiffe d'un jeune
homme. Comme nous ne devons pas
tout croire , nous ne devons
auffi tout
pas
nier. Je ne décide point , je voudrois feu18
MERCURE DEFRANCE.
<
lement qu'on fit attention à une chofe. Le
Tenia fe rompt très-aifément. En fe rompant
il fait des frifures & des filamens
aufquels l'imagination & la crédulité
vent donner la forme & la figure qu'il leur
plaît. Il fera aifé de s'éclaircir fur ce fujer,
aujourd'hui que ce ver eft plus commun ,
& qu'il paroît s'être multiplié.
peu-
Quelques Auteurs ont affûré qu'on a vû
fortir des ferpens & des dragons de quelques
cadavres , & qu'on en a trouvé dans
le tombeau de Charles Martel , qui s'étoient
engendrés de fon corps. Plutarque
rapporte un fait à peu près femblable , en
parlant de Cleomene . Cela ne montre-t'il
pas avec quelle fage défiance on doit lire
les Hiftoriens , même les plus véridiques ?
Ne peut il pas être arrivé que ces prétendus
dragons ou ferpens ne fuffent que le
folium qui a furvêcu au mort , & qui s'eft
fait paffage pour fortir ? On fçait que ce
ver prend fouvent une figure très-hideuſe ,
lorfqu'il vieillit . N'en voilà-t'il pas affés
pour le peindre fous la forme d'un ferpent
ou d'un dragon ? Mais ce ne feroit pas fa
figure qui me feroit peur ; ce qui doit effrayer
véritablement , c'eft qu'il caufe
quelquefois la mort . On fçait combien la
plupart des vers font nuifibles : dans le
tems de la pefte de Marfeille , une perSEPTEMBRE.
1743. 19
fonne , ayant mis le foir une feuille de papier
fur la fenêtre , y apperçût le matin
une fourmilliere de petits vers ailés ,
d'une figure très -finguliere , qui difparurent
entierement quand la pefte eût cellé.
Il eft affés vraisemblable que c'étoient ces
petits infectes qui y avoient apporté la
contagion ; le Tartre émerique fit très - bien,
lors de cette funefte maladie , & c'eſt en
effet un très- bon reméde contre les vers .
Si les vers donnent quelquefois la mort
à l'homme , ils lui donnent auffi la vie
felon quelques Phyficiens. Ces Sçavans
prétendent que l'on trouve dans la liqueur
du mâle un petit ver qui a une groffe tête
& une longue queuë , & que l'on doit regarder
comme un germe animé , qui ne
fait que fe développer dans l'uterus. Après
cela , que l'homme , s'il l'ofe , ait de l'or
gueil. Pour l'humilier , je n'ai qu'à lui
mettre devant les yeux fon origine & fa
fin il doit fa naiffance à un ver ; de vils
infectes peuvent le dévorer pendant ſa vie,
& il en eft la proye après la mort. Je fais
avec reſpect , &c.
;
Tollot à Geneve.
20 MERCURE DE FRANCE:
洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗渗
A Madame J. M. pour lejour de fa fête
lequel a été remarquable cette année
par la derniere éclipfe du Soleil.
T El qui feroit d'humeur de vous compter fleurettes
,
Et vous faire en beaux vers un fade
compliment ,
Profiteroit du rare évenement ,
Qui fait contre le Ciel braquer maintes lunettes ,
Pour vous dire emphatiquement
Qu'aujourd'hui le Roi des Planettes ,
Sur certain fujet important
Voulant avec la Lune avoir un tête à tête ,
Avoit pour l'entretien galant
Choifi le jour de votre fête ,
Vous offrant pour bouquet le brillant embarras
D'éclairer le monde à fa place ,
Et d'être dans ce jour l'aftre de nos climats.
Que ce débût auroit de grace !
D'infipides flateurs , épris de vos appas ,
Peut- être vous tiendroient ce dangereux langage ;
Mais moi qui de flater ne connois point l'ufage ,
Moi , dont le difcret Apollon ,
Ni ne fçait , ni ne doit fe monter fur ce ton ,
Je vous dirai fans hyperbole ,
SEPTEMBRE. 21 1748 .
Qu'en ce jour , où pour vous on fait mille fou
haits
Les miens feront , fur ma parole ,
Les moins flateurs , mais les plus vraiș .
Par A. M. Docteur en Médecine à Lyon ,
CAC ICDCACACACDCOCA
L'AMOUR PEINTRE.
A Mademoifelle de *
Vous demandez des vers ; il faut vous fatisfaire
.
Malgré tous mes fermens , j'obéis à vos loix ;
Si c'eft un crime , Iris , celui de vous déplaire ,
Me paroît plus grand mille fois ,
Mais je trouve un nouvel obftacle ,
Qui vient dans ce projet tout à coup m'arrêter
Car fur quel ton puis- je chanter ?
L'Amour , qui devroit être ici mon feul oracle ;
Eft le feul qu'avec vous je n'ofe confulter.
Quand vous faites fentir fes ardeurs les plus vives;
Tout de fa part vous eft ſuſpect ,
Et vous voulez que fes flammes captives ,
Suivent toujours les loix d'un févére reſpect.
J'oferois , plus hardi qu'Apelle ,
Traçer de vos beautés un portrait éclatant ,
Mais fans ce Dieu que vous méprilez tant
22 MERCURE DE FRANCE.
Pourrois-je , comme il faut , exprimer mon mo
delle ?
Un esclave foumis eft un Peintre fidele.
Iris , un feul foupir pouflé d'un certain ton
Eft un garant plus fûr des attraits d'une belle ,
Que tous les beaux difcours que nous dicte Appòllon.
Par M. N. D. L. R.
HÆG SING FÆÐ SÆI SÆG ANG SIG SÆG RING OMG LEG BEF
MADRIGAL
à Mademoiselle de *
Quand j'eûs brifé les fers où me tenoit Ifméne ;
Dans mon jufte dépit je jurai mille fois
D'éviter de l'Amour les tyranniques loix ,
Mais , alors , aimable Céliméne ,
Je ne prévoyois pas qu'un jour je vous verrois.
Par le même,
SEPTEMBRE . 1748. 23
****************
L
PENSEES MORALES.
A raifon éclaire , mais elle ne con luit
pas.
Les perfonnes , qui ont le coeur ufé
les grandes paffions , font
l'amitié.
par
peu propres à
L'amour propre , bien entendu , devient
la bafe de toutes les vertus.
Combien d'actions feroient moins vantées
, fi l'on en connoiffoit les motifs ?
Peu de gens fçavent écouter , ce qui
fait que peu de gens fçavent répondre .
,
Que les hommes font difficiles à contenter
! Ce n'eft point affés de les loier
autant & plus qu'ils ne méritent ; ils ne
pardonnent point les louanges que l'on
donne aux autres,
On loue volontiers un mérite inférieur ,
On parle avec les autres , on penfe aveç
foi.
Il eft des yeux , avec lefquels on entre
d'abord en converfation .
Beaucoup de femmes font criminelles ,
avant que de connoître le crime.
Rien de plus méprifé que le monde , &
rien de plus refpecté.
Pour être détrompé, on n'eſt pas détaché.
24 MERCURE DE FRANCE.
C'eft une grande illufion que de remet
tre aux autres le foin de nous rendre heureux
; il n'eft de vrai bonheur que celui
qu'on trouve en ſoi .
Les vertus font plus foibles dans les
femmes
, que dans les hommes.
Peu de gens ont le talent , & moins
encore la volonté de concilier les efprits.
Les bienfaits engagent autant & plus
ceux qui les font , que ceux qui les reçoi
vent .
Les grandes épreuves exercent le courage
; les petites ufent la patience.
On corrigeroit plutôt les vices que
foibleffes.
les
Si nous nous voyions des mêmes yeux ,
dont les autres nous voyent , nous ferions
bien modeftes .
Il est peu de plaifirs qui foient vifs &
purs .
Un bon coeur eft fouvent le foible ,
comme le fort, de celui qui le pofféde.
Telle perfonne feroit capable d'amitié ,
qui ne trouve pas à la placer.
On veut être loué , & l'on néglige d'être
louable.
Nous rendons notre bonheur trop dépendant
de l'opinion des autres.
L'amitié eft une vertu qui comprend
toutes les autres ; elle rend ingénieux à
faire
.
SEPTEMBRE. 1748. 25:
faire plaifir , prévenant , attentif, défintereffé
, & même généreux ; il n'eft rien dont
un homme propre à l'amitié ne foit capable.
Il eft des perfonnes qui ne pofent fur
rien , & dont les réflexions font fi fuperficielles
, les vûës fi courtes , qu'on pourroit
dire qu'elles fortent de ce monde , comme
elles y font entrées.
Une des folies les plus ordinaires aux
hommes eft de vouloir être connus , &
combien de ces hommes gagneroient bien
davantage à être ignorés ?
La fermeté, le courage, font des qualités
de l'ame , qui excitent la furpriſe & l'admiration
, mais il leur faut un objet digne
d'elles.
que
Il femble que ce foit un droit de faillir
d'en être jugé capable .
EPITRE
Ecrite le premier Janvier 1748 .
DyDu vafte fein de la plaine liquide ,
On folâtre la Néréide
Aux avides regards du Triton amoureux
Le Soleil , en ce jour , de fes utiles feux
B
26 MERCURE DE FRANCE.
Reproduifant la fource ,
Recommence à nos yeux
Une nouvelle courfe.
Ah ! dans ce tems bruyant, par Momus inventé,
Quels fots ufages font les nôtres !
Fades complimenteurs , échos les uns des autres ,
C'eſt à qui fera voir moins de fincérité .
En fleurs déguifant les épines ,
Le menfonge par tout avec impunité
S'éleve des Autels fur les triftes ruines
De la plaintive vérité.
Dans les hameaux elle s'exile :
Ah ! fuivons-la , fuyons le féjour de la Ville ;
L'air que l'on y reſpire eft un air infecté.
Dans le filence des retraites ,
Amis , courons goûter un repos
affûré ;
Là , de la politique au maintien mesuré
Secoüant les chaînes fecrettes ,
Nous n'irons point aux pieds d'un riche imperti
nent
Proſtituer des voeux que notre coeur dement ,
Et par les plus lâches courbettes
Souvent mandier un appui,
Qu'on rougit de tenir de lui...
Mais où m'entraîne donc un délire bizarre !
Dans des effors fi hauts je fens que je m'égare.
Ma mufe , fur le chalumeau
SEPTEMBRE. 1748 27 .
Confacrant à l'Amour un éternel hommage ,
Ne dépeignit jamais qu'un Berger fous l'ormeau,
Rappellant par fes pleurs une amante volage ,
Et la fixant par des foins empreffés.
Si mes tableaux ont plû , n'en est- ce pas affés ?
Pardonnez , chere Iris , ces écarts de ma verve
Baillez , baillez , & ne vous gênez pas ,
Cela foulage , mais hélas !
D'ennuis pareils que le Ciel vous préſerve.
Je reviens donc à mon fujet ,
Et pour en remplir tout l'objet ,
Je vous dirai qu'Amour par des loix fouveraines
Veut que pour vos étrennes
Je vous adreffe une leçon ,
Et qui plus eft , de ma façon.
De ce début envain votre fierté s'irrite ;
Je ne le céle point à l'Amour j'ai promis
Qu'avant peu , malgré vos mépris ,
Je vous rendrois la Proſélyte ,
Et qu'en vous ébauchant ſes traits ,
Peut-être , malgré vous , je vous défarmerois.
Si l'entrepriſe eft téméraire ,
Elle ne me rébute point,
Ne penfez pas que j'exagére
Dans l'image qu'ici je prétends vous en faire
A mes crayons toujours le vrai fe trouve joint
Bij
18 MERCURE DE FRANCE.
Je peindrai l'Amour tel qu'avec des traits de
Aamme
Vos appas raviflans l'ont porté dans mon ame,
Maître de la terre & des cieux , 1 .
Son Empire enchanteur s'étend jufques aux
Dieux ;
C'est lui qui fous un air d'enfance ,
Intéreffe , flate , féduit ,
Qui , fur l'aîle de la conſtance ,
'Au comble des defirs par degrés nous conduit .
Sincere , il bannit l'impofture ,
Il eft foumis , tendre , preffant ,
Et le bonheur qu'il nous procure
Forme le bonheur qu'il reffent .
A fes feux , heureux qui fe livre !
Heureux le coeur où ce Dieu naît !
Un mortel ne commence à vivre
Que du moment qu'il le connoít .
Oui , de l'Amour qui vous créa fi belle ,
Voilà , charmante Iris , l'efquiffe naturelle ;
Vous lui devez tous vos inftans ,
Et la coupable indifference ,
Où vous coulez les jours d'un rapide printems ,
Eft pour fon culte une réelle offenfe..
Pour prix de mes foupirs laiffez- vous enflammer :
Toujours tendre , toujours fidéle ,
vous fervirai de modéle , Je
SEPTEMBRE. 1748. ~ 22
Et je vous apprendrai l'art délicat d'aimer
Par fentiment & jamais par foibleffe .
Cette leçon n'offre rien qui vous bleffe ;
J'y vais mettre un dernier vernis
Plus leger cent fois qu'Eole ,
Sans retour le tems s'envole ;
Joüiffez - en , & croyez , jeune Iris ,
:
Que quand l'âge vient nous furprendre ;
On ne regrette point les plaifirs qu'on a pris ,
Mais ceux que l'on auroit dû prendre.
Par M. Gaudet:
302 303 304 305 302 302 303 30 : 302306 324 325 326
LETTRE d'un Sçavant de Hollande
M. l'Abbé *** , fur un Poëme attribué à
feu M. Despréaux.
O
N travaille ici , Monfieur , à une
nouvelle édition des OEuvres de M.
Defpréaux , dans laquelle on fe propoſe
d'inférer un Poëme qu'on lui attribue. A
la tête de cette Piéce on doit mettre une
Préface qui contient l'hiftoire de ce prétendu
ouvrage pofthume : j'ai crû que
vous feriez bien aife de la lite . La voici.
Comme on recherche avec foin après
la mort des grands hommes jufqu'à leurs
moindres ouvrages , & qu'une efquiffe de
B iij
36 MERCURE DE FRANCE.
par-
Raphaël , ou de Michel Ange ' , trouve fa
place dans les Cabinets des Curieux
mi les morceaux les plus rares & les plus
finis , le public verra fans doute avec plaifir
, à la fuite du Lutrin de l'illuftre M.
Delpréaux , un Poëme qui , comme le premier
,doit fa naiffance à un leger differend ,
furvenu dans un Chapitre entre le Prévôt,
le Chantre , & les Chanoines , au ſujet du
cérémonial que le Chantre prétendoit
qu'on fuivit, lorfqu'il officioit. L'engagement
d'écrire fut le même que celui du
Lutrin. On raconte ainfi le fait.
44
M. Defpréaux , peu d'années avant fa
mort , alioir quelquefois prendre l'air à la
campagne chés un de fes amis , dont la
maifon étoit le rendez vous de plufieurs
gens de Lettres. Un jour la converfation
de la table tomba fur ce differend , dont le
principal fujet étoit une prétention du
Chantre de porter un Bâton d'une certaine
forme pour marque de fa Dignité . Le maître
de la maiſon , prenant la parole , dit
que ce noble Bâton étoit le frere puîné
du Lutrin ; qu'en France les cadets des
Gentilshommes avoient quelque part à la
fucceffion de leurs peres ; que l'aîné étoit
affés heureux d'avoir le Fief , & qu'il feroit
injufte de priver de fa légitime un
malheureux qui n'avoit d'autre crime que
SEPTEMBRE 31 1748.
d'être venu le dernier. Cette plaifanterie
fit rire tout le monde , excepté M. Defpréaux
, qui rougit modeftement , & qui
repondit avec fa maniere ordinaire & réfervée
, que la joie , qu'on pourroit goûter
de fe voir pere dans un âge avancé , étoit
fort combattue. par la peine qu'on reffentoit
de ne pouvoir avant fa mort établir
Les enfans ; qu'ainfi le prétendu fils qu'on
vouloir lui donner fi liberalement fur la
fin de fes jours , pourroit bien éprouver le
fort de ces enfans infortunés , qui perdent
leurs parens en bas âge , & qui paffent
triftement en tutelle une partie de leur
vie.. oop gam
[
il Cependant retiré dans fa chambre ,
s'amufa du fouvenir de cette aventure , &
fa Mufe s'étant échauffée , il crût ne pou
voir laiffer un plus grand gage d'amitié à
l'hôte obligeant , chés lequel il continua
de jouir pendant quelques jours d'une
agréable folitude , que de lui laiffer en
partant fon Baron de vieilleffe. Ce furent
fes térmes. Il exigea de cet ami , qu'il ne
feroit jamais voir le jour à cet écrit. Je
me fuis , difoit-il , engagé en quelque forte
envers le public ,à ne plus ramaffer de
rimes. Il y a d'autant plus lieu de tenir
parole , que ce malotru- ci ſemble né malgré
les glaces de l'âge , & en dépit d'Apol
K
B iiij
32 MERCURE DE FRANCE.
lon , que j'avois congédié depuis longtems.
Son ami eût affés de peine à lui faire
une femblable promeffe , mais il y a été
fidéle , car ce n'a été qu'après la mort que
l'ouvrage a vû la lumiere. Ceux entre les
mains defquels il tomba d'abord , & qui
n'avoient pas contracté le même engagement
, ne fe font fait aucun fcrupule de
le communiquer. C'eſt au public à juger,
fi dans ces fortes de rencontres on peut
fe difpenfer quelquefois d'avoir égard
à l'intention des défunts.
Si vous voulez , Monfieur , que je vous
dife mon fentiment fur cette Préface , je
foupçonne que l'Hiftoire, qui y eft rappor
tée , eft une fiction imaginée pour pouvoir
attribuer à M. Defpréaux un ouvrage auquel
il n'aura peut-être jamais penfé. On
aura voulu rire fans doute , & effayer fi
on pouvoit donner le change à quelqu'un.
Mais entre nous , il n'y aura de trompés
que ceux qui voudront bien l'être. Depuis
long- tems on eft revenu de ces fortes
de fineffes. Il faut avouer au refte , que ft
ce récit n'eft pas vrai , il eſt du moins vrai
femblable , & qu'il peut faire naître la curiofité
de voir ce Poëme.
SEPTEMBRE..
1748. 33
洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗
TRADUCTION de l'Epître de M. de
Voltaire au Roi de Pruffe , qui commence
ainfi : Quoi ; vous êtes Monarque &
vous m'aimez encore ?
R
Epiftola Voltarii ad Pruffia Regem.
Ex es , & antiqui memor es , quis credar
amici ?
Vix regnas , autora tui vix faufta reluxit
Imperii , torum radiis & roribus orbem
Ditatura , meis cumulum dedit hæc quoque votis
Rex bone , Rex conftans Nos eccè immenfa
remotos
Intervalla piis junxit tua dextera donis.
Excelfus folio , virtutibus altior , ad me
Depofito veluti duce fcribis. Epiftola , corde
Quæ memori maneat nullo delebilis ævo !
Qui nunc huic noftro lucis Deus imminet orbi ,
Non fic in coelis radiavit femper Apollo ;
Æthereámque inter fublimia fidera fedem
Non habuit femper ; filvas habitavit opacas ,
Atquè cafas humiles & amænè florida rura ;
Hic fauftos fine labe dies feliciter egit ,
Dilexitque bonas ibi quas invenerat artes ,
Et coluit , docilique lirâ celebravit amandam
Virtutem, & magnis hanc laudibus extulit unam,
Bv
34 MERCURE DE FRANCE.
Antè rudes Phrigios bonus edocet , antè feroces
Lenit , & adducit nativis legibus uti ;
Facu dus dictis & carmine nobilis , artem
Edocuit numerosè loqui & fuadere loquendo.
Aurea dicenda eft hæc ætas , aurea namque eft ,
Sit licèt indoctus, quâ rectè homo cogitat, atas.
Tam fortunatas paftor peregrinus ad oras
Venit, Apollineæ modulamina fuavia vocis.
Audivit , captufque fuit dulcedine ; cantus
Edere concordes eft aufus paftor ; Apollo
Laudavit voluitque fimul laudando docere ,
Et blandis dulcem ftimulis formavit ad artem .
At Deus agrefti numen fub imagine celat
Paftoris , fictæ confidens advena formæ ,
Nil nifi paftorem novit , laudavit , amavit.
Ille ego fum de quo narratur fabula paſtor
Advena , fe quis erit qui me infpiravit Apollo ;
Edocuitque fimul Vos tèrque quarèrque beati ,
Opopuli , veftrum fub Apolline nofcite Regem.
Ille mihi Deus : Europæ fplendor amorque,
Vivat , lo refonet , fubje&tæ plaudite gentes.
Illius aufpiciis fua jam jam præmia virtus
Et feret , & reduces ludique arteſque vigebunt.
En ab utraque viri fapientes protinus arcto
Conveniunt, ultrò fubituri jura recentis
Imperii , & domino gaudent fervire docenti ;
Ta veri rectique féquax & victima , virtus
SEPTEMBRE .
35.
1748.
Cujus in adverfis clara inconcuffaque manfit ,
Invidia inferni ftimulis agitata furoris ,
Atque error, multos te jactavere per annos;
Jam repetas patrios , ô vir generoſe , penates,
Confcendit folium Socrates , exulat error.
fufilis auri
Qui , veluti cruor eft in corpore ,
Nummus in imperio , & letum , ni circuit , infert ;
Largâ fpargetur dextrâ , nil deerit egenis.
Auri congeftos ægrè Rex fpectat acervos ,
Ni bonus inde levet populum , faciatque beatum:
Quotquot vicinos reges , tot habebit amicos ,
Nàm pater eft populi , fraterque vir integer illi
eft .
Dat pacem , fortis fimul eft ab bella paratus ,
Non ab utraque polo magnâ mercede petitos
Quærit ad arma viros quos unum molis ineptæ
Pondus commendat ; virtutem pofcit in illis.
Dixerit hic quidquid , quicquid rex fuerit , heros
Emicat , à norma cum numquam abfcefferit æqui,
Heroas Bellona minùs fpectanda trophæis
Quàm pietas , facit officiis comitata benignis.
Quà fe fe celeri velox rapit impete Ganges ,
Sex olim tu quinque Duces , Trajane , domafti;
At non fanguineis famofum nomen ab armis
Traxifti : fecit tua munificentia laudem a
Non victæ gentes , everfaque mænia Titum
Non celebrant magnâ percepti ftrage Triumphi
B vj
36 MERCURE DE FRANCE .
Titus amabatur ; pietas fua , gloria tota eſt.
Emulus infiftis Tito ; fuperabitur : unum
Perdidit ille diem , nullum , Rex optime , perdes.
G. B. A. de S. Châmond,
+3*3X* X*X* X* X * X* X
EPITAPH E.
De Madame la Maréchale
de Noailles.
Par une faveur finguliere ,
Qui de fes vertus fut le fruit
Noailles a fourni la plus longue carriere .
Saine de corps & plus faine d'efprit ,
Elle touchoit à fon vingtiéme luftre ,
Quand de fes jours ferains le cours fut arrêté.
Epargnons , dit la Parque , à cette femme illuftre
L'affront de la caducité.
SEPTEMBRE. 1748. 37
REMARQUES du Pere Texte
Dominicain , pour prouver qu'Amiot étoit
à la Cour dans le tems de la S. Barthélemis
Ans le Mercure de France , fecond
Dvolume de Juin 1746 , M. Pré....
Chanoine de N. D. de Paris , adrefle cette
fupplique à M. l'Abbé le Beuf , de, l'Académie
des Belles Lettres. » Je fuis , M. fur
» le déclin , avis d'une honnête retraite ; je -
» vous établis mon Subftitut pour décou-
» vrir fi le fçavant Jacques Amiot , Evêque.
" d'Auxerre & Grand Aumônier de Fran-
» ce , n'auroit pas été abfent de la Cour
» les 18 Août 1572 , que fe firent les Nô-
» ces de Henri , Roi de Navarre , avec Mar-
>> guerite de France , fix jours avant la journée
de la S. Barthelemi . Vous êtes plus
» à portée que tout autre d'en décider. Je
" vois dans votre excellente Hiftoire d'Au-
» xerre , qu'Amiot prit poffeffion de fon
" Evêché le 29 du mois de Mai 1571 , &
» qu'il ne vint faire un tour à Paris qu'en
» celui d'Avril 1573. Cet alibi fuppofé , ik
étoit dans les bonnes regles , qu'il fut
» fuppléé par Hennuyer , Evêque de Li-
» zieux, Premier Aumônier du Roi Char
» les IX : ainfi ce Prélat n'auroit pas pû
"
38 MERCURE DEFRANCE.
» être préfent dans fon Diocèfe pour y
>>fauver la vie aux Huguenots , & y faire
» le perfonnage que M. de la Roque dans
» fon manuferit , & plufieurs autres Au-
» teurs , lui prêtent .
Le filence de M. le Beuf, depuis un fi
long efpace de tems , m'ayant fait comprendre
qu'il n'a pas daigné faire cette recherche
, & qu'il s'en tient à ce qu'il a
avancé , j'ai crû que pour autorifer cette
préfence dont il s'agit , & forcer l'adverfaire
jufque dans fon retranchement de l'alibi,
qu'il fe flate de trouver , je n'avois qu'à
rapporter ce qui fuit , & qu'on feroit perfuadé
que M. le Beuf , le feul qui dit Amiot
Grand Aumônier & Evêque d'Auxerre ,
abfent de la Cour depuis le 29 Mai 1571
jufques en Avril 1573 , s'eft vifiblement
trompé.
Le Roi Charles IX eut une fille , née let
29 Octobre 1572 , laquelle fut baptiſée à
Paris le 2 Fevrier 1573. L'Abbé Archon ,
p. 606 , Chapelle des Rois , a écrit que ce
fut le Grand Aumônier qui la baptifa dans
l'Eglife de S.Germain de l'Auxerrois . Voilà
qui eft pofitif, & M. Pré ... qui en a été
Chanoine , a pourtant ignoré ce fait. Le
Grand Aumônier étoit donc à la Cour
avant le mois d'Avril 573.kor e
Second fait. Le Roi Charles IX man-
ノ
SEPTEMBRE. 1748. 39 .
»
geoit & dormoit fort peu , felon M. de
» Thou , t . 2. p. 990 , & depuis la S. Bar-
>> thelemi fon fommeil étoit fouvent inter-
>> rompu par des fantômes & des fonges
» affreux. Modicus ut cibi & fomnii , quem
» etiam nocturni horrores poft cafum Sanbar-
» tholemaum plerumque interrumpebant.
33
» L'ennui & le déplaifir du Roi , dit,
Archon , p. 604 , le faifant connoître,
>> fur fon vifage, fon Grand Aumônier , qui
» s'en appercevoit , lui demanda avec
une liberté pleine de refpect , pourquoi
» Sa Majefté s'abandonnoit ainfi au chagrin
; ce Prince lui répondit , mon Maitre
, n'en ai-je pas raifon ? Et dans une au-
»tre occafion , pour lui témoigner com-
» bien fa préfence lui étoit néceffaire , it
» lui dit : mon Maitre , ne me quittezpas. Il
» avoit été fon Précepteur.
"
"
» Archon ajoûte le chagrin du Roi
» augmenta par le mauvais fuccès du fiége
» de la Rochelle . Ce fiége fut mis , felon
Duplex , le 4 Décembre 1972 , & continué
avec un fi mauvais fuccès , qu'il fut
levé au mois de Juin 1573. Le Grand Aumônier
étoit donc ordinairement auprès
de fon Roi , fon illuftre Difciple , pour le
confoler par fes entretiens pieux & familiers
, depuis fon indifpofition & avant le
fiége de la Rochelle , mis le 4 Décembre
40 MERCURE DE FRANCE.
1572 , cinq mois avant Avril 1573 , puifque
le mauvais fuccès du fiége de la Rochelle
ne fit qu'augmenter le chagrin précédent.
Eft- ce- là ne venir que faire un tour
à Paris après deux ans d'abſence ?
Concluons , que d'un côté la réfidence
de l'Evêque de Lizieux , Premier Aumônier
du Roi , dans fon Diocèſe , étant exacte &
certaine , & d'un autre côté M. Pré. . . ſe
voyant dans l'impuiffance de prouver
qu'Amiot n'étoit pas à la Cour pendant la
Saint Barthelemi , il faut qu'il avoue que
PEvêque de Lizieux fut en état de faire l'action
héroïque que M. de la Roque , ancien
Auteur du Mercure , lui attribue après une
nuée d'Ecrivains , & dont la tradition géné
ralement reçûe à Lizieux ne fçauroit être affés
respectée , comme M. Pré ... en eft d'abord
convenu en propres termes , Mercure de
Décembre 1742 , & comme je l'ai démonpar
une Réponse inférée dans celui de
Décembre 1746 .
tré
AMAS
SEPTEMBRE. 1748. 41
CA¤ƏCƏ CACI CACACACACDCach
CANTATE ,
Chantée dans le Château de M. Noyel de
Belleroche , Secretaire perpétuel de l'Académie
des Beaux- Arts de Villefranche , un
des Membres de celle de Lyon , & Subdélegué
de M. l'Intendant.
A peine la naiffante Aurote
Des ombres de la nuit diffipoit les horreurs ,
Et payoit à la jeune Flore
Le riche tribut de fes pleurs ,
Que le front ceint des rofes les plus belles ;
Le Brillant Dieu , qui préfide à Délos ,
Suivi de fes foeurs immortelles ,
A fes chers nourriffons a fait oüir ces mots,
Chantons , célebrons la naiffance
D'un mortel , ami des Beaux - Arts.
Toujours , dès fa plus tendre enfance ,
Il a fuivi mes étendarts.
Si des Héros couverts de gloire
Je
chante les faits inouis ,
Si j'éternife leur mémoire ,
Dois je oublier mes favoris &
41 MERCURE DE FRANCE.
Chantons , célebrons la naiffance
D'un mortel , ami des Beaux - Arts ;
Toujours , dès fa plus tendre enfance,
Il a fuivi mes étendarts.
'Ainfi parle Phébus , & la troupe chérie
De fes immortels confidens
D'une touchante mélodie
Fait retentir les bords charmans
D'Hypocrene & de Caftalie .
Quand par de vifs tranfports , par des chants gracieux
,
Du Dieu des Vers le docte Empire
Signale dans ce jour le zéle qui l'inſpire ,
Goûtons dans ces paisibles lieux
Mille plaifirs délicieux.
Ris légers , graces naïves ,
Jeux féduifans , tendres amours,
Volez fur ces aimables tives ,
Vous feuls faites de beaux jours.
Parmi le fracas de nos Villes
Les plaifirs ne font que brillans ;
Ils font vrais , touchans & tranquilles ,
Dans le filence de nos champs.
SEPTEMBRE. 1748. 43
Ris légers, graces naïves ,
Jeux féduifans , tendres amours
Volez fur ces aimables rives ,
Vous feuls faites de beaux jours .
Par M. Vidal , Profeffeur de Rhéihorique
au Collège de Villefranche , en Beaujolois.
LETTRE de M. Michault , Avocat au
Parlement de Dijon.
Orfque je fis imprimer , M. fur une
feuille volante , le projet de l'ouvrage
que je prépare concernant la Bourgogne ,
ce ne fut que pour le diftribuer dans cette
Province aux perfonnes les plus capables
de me fournir des mémoires. L'expédient
m'a réüffi , & j'ai reçû grand nombre d'obfervations
très utiles , dont un jour je témoignerai
d'une maniere authentique ma
reconnoiffance à ceux de qui je les tiens.
Cependant je fuis furpris que mon deffein
étant annoncé fi publiquement , trois ou
quatre Villes confidérables paroiffent n'y
avoir pris aucun intérêt , & que les gens
de Lettres , qui fe trouvent fans doute parmi
leurs Citoyens , marquent tant d'indif
ference fur la gloire de leur Patrie.
44 MERCURE DEFRANCE.
Depuis que mon Projet a été inferédans
votre Journal , * on m'a adreffé des réflexions
& des confeils , qui m'ont pâru trop
juftes pour n'y pas déférer. On voudroit ,
par exemple , trouver dans mon Livre les
Pouillés des Evêchés de la Province , &
c'eft aufli ce que je me propofe d'exécuter
dans le détail le plus exact. J'avois promis
une efquiffe du Nobiliaire , mais on fouhaiteroit
de l'avoir complet ; je m'y engage
volontiers , pourvû que les Maifons
illuftres & les Familles diftinguées
de la Bourgogne fe prêtent à cette entreprife
, en me procurant leurs généalogies
& des mémoires fur lefquels je puiffe
travailler, fans bleffer la vérité hiſtorique ,
& fans déplaire à perfonne . J'attends auffi
de ceux qui poffedent des Terres & des
Fiefs en Bourgogne , d'amples inftructions,
& même la communication des principaux
titres qui peuvent fervir à établir leurs
droits & leurs priviléges. Cet avertiffement
doit par la fuite me difculper envers
les Seigneurs qui auront négligé ou refufé
de me donner des éclairciffemens ; `j'oſe
même dire qu'en ce cas ils fe plaindroient
injuſtement de mes erreurs, & qu'elles leur
deviendroient en quelque forte imputables.
* Voyez le Mercure de France de cette année ,Janvier
, pag. 122 , & Fevrier , pag. 42 .
SEPTEMBRE. 1748. 45
•
Comme la carriere que je me fuis ouverte
eft fort vafte , j'éviterai de copier ſervilement
mille paffages , qui ne fervent qu'à
faire parade d'une vaine érudition ; je me
contenterai de citer les Livres où j'aurai
trouvé des faits , dont l'indication m'aura
femblé néceffaire , en me réfervant néanmoins
le droit de porter quelquefois mon
jugement fur les ouvrages & fur les Auteurs
.
L'Hiftoire Naturelle ayant été jufqu'ici
fort négligée dans la Bourgogne , c'eft une
matiere toute neuve , qui fe préfente à
moi fous differens points de vûë. Les occupations
des Curieux de la nature por
tent fur une infinité d'objets agréables ,
quoiqu'ils ne foient pas du même degré
d'utilité. Les Coquillages , les Pétrifications
, les Infectes , les Plantes , les Fontaines
, les Carrieres , les Marbres , les Minéraux
, méritent des foins & des recherches
; toutes découvertes en ce genre ont
leur prix , & ne doivent pas être négligées.
Mais je m'attacherai particulierement à
celles qui tournent le plus à l'avantage de
la fociété. Quelqu'attention que j'y puiffe
apporter , je ne me flate pas de tout dire
fur une matiere fi étendue , mais j'aurai du
moins le mérite d'avoir été le premier à
donner quelques lumieres fur ce que la
46 MERCURE DE FRANCE.
1
terre porté de précieux dans nos climats ;
je réveillerai en même tems , fur les découvertes
que j'aurai faites , la fagacité des
Phyficiens , & l'intérêt de ma Patrie fur les
biens qu'elle poffede , & qui n'y font pas
affés connus. Je puis en citer un exemple
tont récent. Un de mes amis a découvert
depuis peu en Bourgogne des terres propres
à compofer des couleurs très- vives ,
& à être employées utilement dans la Peinture.
Je ne manquerai pas d'en faire part
au public , en marquant les lieux où il les
a trouvés. Je détachai auffi dernierement
dans les carrieres de nos environs , des
Ochres , qui à l'épreuve m'ont paru parfaites.
Les Pierres & les Marbres de la
Province font encore un objet confidéra
ble , dont je puis acquérir une grande connoiffance
par la collection qu'en font MM .
V *** pour enrichir le Cabinet d'Hiftoire
Naturelle qu'ils forment depuis quelque
tems , & où ils travaillent à raffembler tour
ce que le Païs produit en ce genre de curieux
& de rare. Je fuis , & c..
A Dijon le 16 Août 1748.
SEPTEMBRE. 1748. 47
A
f
E PITRE
De M. l'Abbé du Pleffis- de-Joué ,
à M. de la Bruere.
Imable Auteur que je révére fort
Un fruit précoce humblement je t'adreffe ,
Non de ces fruits que donne le Permefle ,
Et de le dire on auroit très- grand tort
Mais c'eft un fruit qu'enfanta la jeuneffe
Dans les accès d'un pétulant tranſport ;
Fruit fort aigret , non tel que Soriniere ,
Vous en envoye , ou ſon ami Maillard ,
Car mon Pégale eft un vieux Oreillard ,
Courfier pouffif, qui touffe de maniere ,
Que bien fouvent j'ai crû dans la carrierę
Que le Troteur , aux difcordans accords ,
Subitement defcendroit chés les morts.
Mais attendons , cher la Bruere ,.
Qu'un peu plus d'âge ait mûri mes talens
Tu peux compter que carmes excellens
Pour toi feront , & fi le fin Mercure ,
Ce Dieu facond , vouloit bien prendre cure
De les porter dans les lointains pays,
* Ce Vous s'adreſſe à tous les Journaliſtes ;
*
48 MERCURE DE FRANCE.
Je lui promets , je lui voue & lui jure
Une hécatombe aux langues de Fourmis .
Uu autre eût dit de boeufs , à l'aventure ;
Mais tenir faut ce que l'on a promis.
必
EPIGRAMME
.
Dans un Ans célébre Parlement ,
Un Avocat , pourvû d'une rare éloquence ,
Plaidant avec chaleur un fait de conféquence ,
Vit que les Magiftrats dormoient tranquillement;
Meffieurs , s'écria- t'il , l'objet eft important ,
Réveillez- vous , je vous ſupplie ,
Vous allez décider du fort de ma Partie ,
Inftruifez-vous auparavant.
Le Préfident , furpris d'une telle licence ,
Confus de la remarque , & le frottant les yeux ,
Dit d'un ton de colere , Avocat ennyeux ,
La Cour de vos avis s'offenſe ,
Et pour punir votre infolence ,
Vous interdit pour trente jours ,
L'Avocat fiérement répond à ce difcours ,
Et moi , pour enchérir , Meffieurs , fur l'ordonnance,
* On n'offroit à Mercure que les langues des victi
comme Dieu de l'éloquence.
mes , Et
SEPTEMBRE. 1748. 49
Et vous laisser en paix dormir à l'Audience ,}
Je m'interdis pour toujours.
Par M. Cottereau , Curé de Donnemarie.
D
AUTRE.
Ans une Paroiffe d'Auxerre ,
Un maître Bohémien mourut ſubitement ;
Pour contenter fa femme , on eut foin de lui faire
Un magnifique enterrement .
Trois jours après , le Curé poliment ,
Accompagné de deux Vicaires ,
Vint demander les honoraires.
La veuve , à ce difcours preffant ,
Dit à fa fille ingénûment :
Babet,ces bons Meffieurs ont chanté pour ton pere;
Et tu fçais que chacun s'aide de fon métier.
Eh bien ! fonnons du tambourin , ma mere ,
Et danfons pour les remercier.
Par le même,
பாம்
C
50 MERCURE DE FRANCE.
淡淡淡淡****************
De quelques Médailles.
'Ai lû la Differtation fur une Médaille
Jade petit Bronze , de l'Empereur Gratien,
par M. Beauvais. Elle eft p . 54 du Mercure
de France , fecond vol 1747 ..
Quelque réputation qu'ait le P. Har
douin , j'ai été furpris qu'on ait tant inſiſté
à réfuter fon opinion fur la Légende GRA
TIANVS . AVGG AVG . Gratianus Auguftus
Gener Augufti. J'aimerois mieux dite que
dans le mot AvGG . le fecond Geft une fau
te du Monétaire , qui l'a ajoûté par mégarde
ou par précipitation , que d'avancer
une opinion fi oppofée à la notion commune
des Médailles, La double lettre fignifie
fi fréquemment un pluriel , qu'un
commençant le trompe rarement dans
Coss. Confulibus . IMPP. Imperatoribus.
Comment le P. Hardouin expliqueroit- il
le Concordia AVGGG . avec trois G. Victoria
AvGG. avec deux GG ... ? Il diroit ,
fans doute , Victoria Auguftorum . N'auroitil
point pû dire de Gratien Auguftorum
Auguftus ?
La régle de la ponctuation , fuivie par
M. Beauvais , paroît très - fûre ; il ne me
convient point de lui dire ce que je penſe
SEPTEMBRE. 1748. 51
fur l'explication qu'il a donnée à la Légene
GLORIA NOVI SÆCVLI . Ill'a trop
bien éclaircie & folidement appuyée ; j'au
rois fouhaité qu'il eût attribué aux ordres
de Maxime la mort de Gratien . Andragace
ne fut que l'exécuteur de ces ordres.
Agréez , Monfieur , que je communique
ici à M. Beauvais un petit differend , dont
on le prie de dire fon fentiment avec fa
précifion ordinaire. Il s'agit d'une Médaille
de petit Bronze de l'Empereur
Othon , très bien confervée ; elle eſt dans
un Cabinet de Province ; voici la defcription
: IMP. M. OTHO CAESAR AVG. TR.
P Caput Othonis nudum finiftrorfum . PONT.
MAX. figura muliebris violataftans, dextror
fum. d. fpicas. l. cornucopice. On a fort relevé
la rareté de cette Médaille . Le Poffeffeur
, voulant s'en bien affûrer, écrivit à
un fçavant Antiquaire , qui fit cette réponſe.
» A la vérité , il y a des véritables Mé-
» dailles d'argent d'Othon , de la grandeur
» ordinaire d'un denier , mais elle eft fauffe
quand elle eft de Bronze , quoique faite
à la reffemblance » de la véritable.
»Il peut fe faire que cette Médaille de
Bronze a été couverte d'argent ; alors elle
» eft d'une véritable antiquité , mais d'un
petit prix. La feuille d'argent den elle
Cij
12 MERCURE DE FRANCE.
» étoit couverte , étant perdue par la fuc
» ceffion des tems , malgré les foins des
»faux Monétaires , qui la faifoient paffer.
" pour une Monnoye courante ; il n'enrefte
le feul cuivre
que
ود
Je joins la réplique .
rouge.
Il est vrai que de célebres Antiquaires
penfent qu'il n'y a jamais eu de Médailles
de Bronze d'Othon ; ils fe fondent & fur
peu de durée de fon regne & fur la haine
du Peuple pour ce Prince,
le
Ces raifons ne paroiffent point décifives,
Des Monétaires , ou par avidité du gain ,
ou fans rapport à la haine publique , peuvent
avoir frappé des Médailles de Bronze ,
qui étoient de leur reffort .
que
Charles Patin en rapporte une , qu'il
croit indubitable , en petit Bronze , quoile
Monétaire ait omis l'H dans le nom.
Oro , au lieu de ОTHо . Il eſt donc trèspoffible
qu'il y ait eu des Médailles de
Bronze & de petit Bronze d'Othon . La vûë
de celle dont il s'agit , en convainc pleinement
. L'Auteur de la réponſe prétend ,
ou qu'elle eft fauffe , ou qu'elle a été fourrée
, mais quand elle auroir été fourrée , il
y'auroit donc des Médailles de Bronze ,
puifque les Médailles fourrées n'étoient
que fur le Bronze.
Si cet Auteur yoyoit la Médaille , le
1
SEPTEMBRE . 1748 . 33
coup d'oeil , l'oeil du métail , qui font des
guides allés fûrs pour difcerner les Médail
les , furtout quand elles font fans vernis ,
le convaincroient de la fincérité de la Médaille.
Elle ne paroît point avoir été fourrée.
Le métail des Médailles fourrées , prefque
toujours , eft alteré , quand la feuille d'ar gent
eft tombée. La Médaille en question eft trèsbien
confervée ; elle n'eft nullement altérée
; il n'y a point de veftige d'une feuille
d'argent , ces raifons perfuadent que la
Médaille d'Othon eft vraie , antique , rare
& très- rare.
L'Auteur de la réponſe fuppofant que la
Médaille ait été fourrée & par conféquent
d'une véritable antiquité ; la regarde pourtant
comme d'un petit prix .
}
Les Médailles fourrées ont un vrai prix ,
& par leur antiquité & par la rareté des
Médailles d'un Empereur tel qu'Othon ,
furtout en petit Bronze , qui fe trouvent
difficilement dans le haut Empire , & partilierement
fous les douze Céfars . L'Auteur
de la réplique finit en foumettant fes foibles
lumieres à la décifion des Maîtres ; il
les prie feulement de ne pas croire impoffible
de voir ce qu'ils n'ont pas vû euxmêmes.
Il fe trouve dans un autre Cabinet une
C iij
$ 4 MERCURE DE FRANCE.
Médaille Grecque , ou plutôt un Médaillon ,
car elle péfe deux gros 19 grains . Si M.
Beauvais la juge digne de quelque atten-,
tion, il obligera d'inftruire un Curieux qui
n'a qu'une connoiffance très imparfaite des
Médailles. Voici la deſcription .
...
Figura togata ftans finiftrorfum : utrâque
manu extensä.. Versus ramum oblongum
à pedibus ad caput. Al Latus finiftrum figura
Bellua, quafi camelus . Retrofiguram avis : &
interfguram & avem haſta , in cujus ſummitate
avis altera , Sine Epigrafe.
Prora navis fuper quam ΛΕΥΚΑΔΙΟΝ
ΛΕΩΝΧ.
Cette Proue n'indiqueroit - elle pas une
Ville Maritime ?
M. Vaillant , dans fes Médailles Grecques
, Amfterd. 1700 , pag. 200 ,, dit
Leykadion in Syria. num . Gordiani , pii.
A la page 12 , il rapporte deux Médailles
de cette Ville. Dans fon Appendix des
Médailles des Villes , il donne l'empreinte
d'une de ces deux Médailles , qui ne paroît
pas conforme à la deſcription qu'il en
fait , pag. 152 .
SEPTEMBRE . 1748. 55
Le
•• ❁ @ &@@
O DE
Sur les vanités du monde.
E Ciel parle. A mes yeux furpris
Déja l'avenir fe découvre .
Sous mes pas l'abîme s'entr'ouvre ;
Où fens -je emporter mes efprits !
De Dieu la colere étincelle .
Dans le néant , qui les recéle ,
Tous les tems font enfevelis .
La terre eft prête à fe diffoudre.
Sur ma tête gronde la foudre .
Des tombeaux les morts font fortis .
Quel eft ce Juge qui s'avance ?
La terreur marche fur fes
pas.
Sous fa redoutable puiffance
Je vois trembler les Potentats.
Sur fon front éclatant de gloire ,
Brille le fceau de fa victoire.
Des opprimés il fut l'appui ,
De l'orphelin le tendre pere ,
Et le pauvre dans ſa mifere
Ne trouva de repos qu'en lui,
С ї
56 MERCURE DE FRANCE.
Frémis en ces momens d'horreur ,
Riche barbare , impitoyable.
Ton malheur eft inévitable ;
Sois ton premier accufateur.
Cruel , dont l'ame déchirée ,
A les remords abandonnée ,
Dans fon fein nourrit fes bourreaux ;
Ton avarice infatiable ,
Du pauvre l'oubli condamnable ,
Sont la fource de tous tes maux .
Et toi , Philofophe orgueilleux ,
Victime de ton fanatifme ,
Soûtenu du fol Athéïſme ,
Tu les armes contre les Cieux.
Tu fuivois une route impure.
Rebelle au cri de la Nature ,
En vain tu voulus l'étouffer.
A ton coeur elle offroit un Maître ;
Tu feignis de le méconnoître ,
Mais tu ne pûs en triompher .
Quel objet s'offre à ton réveil ?
Le Ciel armé pour ton fupplice.
Quoi ! fur le bord du précipice
Peut-on fe livrer au fommeil
SEPTEMBRE.
1745. 57
L'Enfer avoit juré ta perte ;
La grace à tes yeux s'eft offerte ;
Toi- même as dicté ton Arrêt ;
Dieu le prononce & te réprouve.
Il eft tems que ton coeur éprouve
Qu'il eft un vengeur des forfaits.
****
Empire de la volupté ,
Combien eft courte ta durée !
De ton joug mon ame ennyvrée
En faifoit la Divinité.
Mes jours couloient dans la molleffe ;
Enfant de la délicateffe ,
Mon coeur y trouvoit mille appas.
La mort paroît . A fon approche ,
Le jour luit ; mon coeur fe reproche
Un vuide qu'il ne voyoit pas.
**
Efclave de l'ambition ,
Ton fort eft- il moins miférable ,
Et quelle eft la fin déplorable
Où t'entraîne ta paffion
Jouet de tes folles pensées ,
Dans le vaste champ des idées
Ton efprit fans ceffe entraîné ,
Projette , exécute , s'enflâme , ...
Cy
58 MERCURE DE FRANCE.
Bientôt fe diffipe le charme ;
Ton coeur en paroît consterné .
Et vous , Tyrans impétueux ,
Rois , Conquérans , foudres de guerre ,
Vous , fiers arbitres de la terre ,
Avez- vous pû vous rendre heureux ?
Quand à vous fervir tout s'empreffe ,
D'où naît cette fombre trifteffe
Qui
perce à travers les plaifirs ?
Vous les aimez …….. c'en eft la fource ;
Vous les cherchez plus de reffource ,
...
Et vous mourrez dans les defirs.
PRIER E.
Guide mon efprit & mon coeur
Dans les fentiers de la fageffe ;
Ouvre mes yeux fur ma foibleffe ;
Komps en le charme féducteur ,
Dieu puiſſant ! Du mal que j'abhorre
Le feu mal éteint brûle encore
L'homme y combat contre ta Loi ;
Remets le calme dans mon amé ;
Viens y graver en traits de flâme ;
Qu'on ne peut être heureux fans toi
SEPTEMBRE. 1748. 59
ETABLISSEMENT des Ecoles
de Mathématiques dans la Ville de Reims.
O
N ouvrira au mois de Novembre
prochain , dans les Salles de l'Hôtel
de Ville de Reims , deux Ecoles publiques
, où l'on enfeignera tout ce qui peut
contribuer à la perfection des Arts & des
Manufactures. Il y aura dans l'une & dans
l'autre plufieurs places gratuites , en faveur
des jeunes gens qui feront moins
partagés des dons de la fortune que de
ceux de la nature ; les autres donneront
6 liv. par mois. Les dépenfes confidérables
que la Ville eft obligée de faire pour ce
nouvel établiffement , la mettent actuellement
dans la néceffité d'impofer ce léger
tribut fur ceux qui font dans un état ailé .
Il fe diftribuera tous les ans , dans chaque
Ecole, des Prix à ceux des Eleves qui
s'y feront fignalés par leurs progrès . L'une
de ces deux Ecoles aura les Mathémati
ques pratiques ; l'autre , l'art du Deffein ,
pour objet. Voici le plan de l'une & de
Ï'autre.
C vj
60 MERCURE DE FRANCE.
PLAN de l'Ecole de Mathématiques pra
tiques , par le P. Fery , Prêtre Religieux
Minime , Profeffeur de cette Ecole , nommé
par Meffieurs de l'Academie Royale des
Sciences , par Meffieurs les Lieutenant
Gens du Confeil de la Ville de Reims .
L'Arithmétique fera le premier objet de
nos Leçons ; nous l'enfeignerons dans toute
fon étendue , relativement aux Sciences
, aux Arts & au Commerce. L'Algébre
& l'Analyfe prêteront leurs fecours à l'Arithmétique
. Nous en donnerons les principes
néceffaires pour réfoudre une infini
té de Problêmes , qui fe rencontrent à cha→
que inftant dans l'ufage de la vie civile ,
& dont l'Algébre facilite , ou s'eft réſervé la
folution. Nous affortirons notre Géométrie
de toutes les pratiques & les ufages
qui y font relatifs . Le Toifé, l'Arpentage ,
la divifion des terres , la méthode de lever
les Plans & les Cartes , le jaugage , le nivellement
, la pratique du jardinage , &c.
la conftruction & l'ufage des principaux
Inftrumens de Mathématiques néceffaires
pour ces opérations , feront autant d'objets
fur lefquels nous exercerons la fagacité de
nos Eleves , & comme rien n'eft plus
propre à former l'Apprentif Géométre dans
les opérations pratiques , que l'exercice
SEPTEMBRE. 1748. 61
même de la pratique , nous confacrerons
quelques jours dans la plus belle faifon à
lever par parties le Plan de la Ville & des
dehors , & à donner fucceffivement à nos
Difciples le fpectacle de toutes les opérations
les plus utiles & les plus curieufes
qui répondent à notre objet. Peu contens
d'avoir opéré dans la Géométrie fur les figures
femblables & les Echelles, nous puiferons
dans la Trigonométrie l'art de calculer
les triangles par les Tables des Sinus
& des Tangentes , & pour donner à ce
calcul la fimplicité dont il eft fufceptible ,
nous donnerons les notions & les ufages
des tables des Logarithmes , pour en former
les analogies.
Après avoir donné les principes généraux
de la Statique & de la Méchanique , nous
les appliquerons à toutes les machines fimples
& compofées , relatives aux Arts ,
aux Manufactures , aux befoins , aux commodités
& à l'agrément de la vie. Le développement
de toutes ces machines , leur
explication & leur calcul , couleront, comme
de fource , des principes qui auront
été pofés ; nous tâcherons de n'en omettre
aucune de celles qui font recommandables
par leur utilité , ou par le génie qui a
préfidé à leur invention . Nous les traite-
Fons ici relativement à leur méchanifme &
62 MERCURE DE FRANCE.
à leur conftruction , nous réſervant d'avoir
égard à leurs moteurs , dans la partie de
laquelle ils dépendent. Nous infifterons
particulierement fur l'explication de celles
qui font les plus communes & les plus
néceffaires dans le Pays Rémois , telles
que font les fouleries des Etoffes , les moulins
de dégorgement & les differens métiers
pour les Manufactures , toutes les
Machines propres à feconder l'induftrie
& à faciliter les travaux dans la conftruction
des Edifices , les preffoirs , les moulins
à eau & à vent , & les Machines hydrauliques
, foit pour les befoins de la
vie , foit pour épuifer les fondemens &
les terreins aquatiques . Nous ferons exécuter
en petit toutes les Machines que
leur perfection & leur utilité rend précieufes
aux connoiffeurs ; nos explications
tomberont ainfi fur du réel ; l'oeil en fera
frappé , & l'efprit d'autant plus éclairé .
La théorie des roues dentelées & des lanternes
, qui font partie de la plupart des
Machines compofées, & la méthode d'eftimer
& de calculer le frottement , auront
place à la fin de ce Traité .
Nous donnerons enfuite tout ce que
l'Hydroftatique a de plus intéreffant : delà
nous pafferons à l'Aerométrie
Aambeau de l'Expérience nous fervira
•
où le
SEPTEMBRE. 1748. 63
>
le
de guide pour affujettir à nos recherches
les diverfes propriétés de l'air ; nous donnerons
ici fous differens points de la vûë
la conftruction de plufieurs inftrumens ,
dont nous indiquerons les ufages & expliquerons
les effets , tels que font la Machine
pneumatique , le Barométre
Thermométre , l'Hygrométre , l'Arquebufe
à vent , differens Acoustiques , la
Trompette parlante , &c. Nous terminerons
par quelques recherches importantes
fur le choc & les effets du vent , en
faveur des machines auxquelles il eft échûs
pour moteur.
Dans l'Hydraulique nous traiterons de
toutes les machines que la méthode revendique
à cette partie . Les pompes de
routes les efpèces , tout ce qui peut contribuer
à les rendre parfaites , foit par leur
conftruction , foit par celle des piftons &
des foupapes , & c. La façon d'animer le
feu par le concours de l'air & de l'eau
dans les grandes forges , & dans les fourneaux
des Fonderies ; la Fontaine de He.
ron , telle qu'elle eft fortie des mains de
fon Inventeur , & telle qu'elle a été perfectionnée
depuis par M. Nieuwentyt ; le
vafe de Tantale , la Fontaine de compreffion
, d'interruption , de raréfaction , &c.
feront fuccéder l'agréable à l'utile.
64 MERCURE DE FRANCE.
Nous nous retournerons enfuite vers
les machines, dont la mécanique aura fixé
la construction , mais dont le moteur reffortit
à l'hydraulique . Nous donnerons
les méthodes les plus fùres pour meſurer
la dépenfe , eftimer la vîteffe des eaux , &
pour en calculer les efforts en la puiffance
fur une furface donnée. Nous apprendrons
aux Artiftes à faire ufage d'une
chûte & d'un courant d'eau , & nous leur
indiquerons les cas où les roues à auges
doivent être préferées aux roues à volets.
De-là naîtra l'occafion de leur donner le
développement & l'explication de quel
ques moulins à cau , qui font en ufage
dans la Provence & dans le Dauphiné
& de ceux du Bafacle de Touloufe , qui
par la fimplicité de leur conftruction ont
mérité l'approbation des Machiniftes les
plus habiles.
Nous ajouterons ici les régles pour déterminer
la furface des aubes d'une roue ,
refpectivement à la force du choc de
l'eau , & à la réfiftance oppofée par le
poids , & pour fixer le nombre des mêmes
aubes , relativement à leur hauteur & au
diamétre de la roue. Nous placerons ici
quelques notions importantes fur le cours
des rivieres , nous indiquerons les differens
moyens d'oppofer des digues à l'imSEPTEMBRE.
1748. 65
pétuofité d'un courant irrégulier, pour empêcher
la dégradation des rives , &c. &
après avoir réglé la pente des aqueducs ,
& c. nous donnerons les inftructions néceffaires
pour conduire & diftribuer les
eaux dans une Ville , & pour tirer un
prompt fecours des fontaines publiques
dans le cas d'un incendie . Nous joindrons
à ces nouvelles connoiffances la folution
des problêmes , qui peuvent être de quelque
utilité dans la pratique des eaux jailliffantes.
›
Après avoir donné les principes fondamentaux
& les notions principales de
l'optique & de la perfpective , nous enfeignerons
le trait & lá projection des Anamorphofes
, & tout ce qui eft du reffort de
la perfpective curieufe .
La matiere , la préparation , la conftruction
de toutes les efpéces de miroirs ,
miroirs plans , concaves , convéxes , coniques
, cylindriques , pyramidaux , &c . Le
détail & l'explication de leurs effets furprenans
, feront l'objet de nos leçons fur
la catoptrique , & pour ne rien laiffer à'
défirer fur cette partie , nous donnerons
les régles pour tracer fur des plans horizontaux
des figures difformes , qui paroiffent
dans leur naturel , étant vûtes par réflexion
d'un point donné fur des furfaces
coniques , cylindriques , &c...
66 MERCURE DE FRANCÈ.
Nous tirerons de la Dioptrique les
moyens de remédier par l'art aux défauts
naturels , & accidentels de notre vûë, que
Optique nous aura fait connoître . De- là
nous palferons à la conftruction des Télefcopes
, tant de réfraction que de réflexion ,
& à celle des Microfcopes fimples & com .
polés ; nous ajouterons la maniere de faire
la chambre obfcure , la lanterne & le tableau
magiques , & nous finirons par la
defcription des principaux inftrumens néceffaires
aux Artiftes pour façonner & polir.
les verres plans , concaves , convéxes &
polyedres.
Nous donnerons de la Gnomonique ce
qui enfera néceffaire pour tracer une ligne
Méridienne , & les cadrans les plus fimples
& les plus ufités. Les autres operations ,
qui demandent une fpéculation trop profonde
, feront renvoyées à notre Ecole de
Théorie , que nous nous propofons d'ouvrir
ici dans quelques années.
Nous nous bornerons dans l'Architec
ture Civile , à donner quelques éclairciffemens
de Phyfique & d'expérience fur la
nature , les propriétés & la folidité des
matériaux qu'on y employe ; de-là nous
defcendrons à l'explication des cinq Ordres
dont nous affignerons l'harmonie ,
la convenance & les proportions. Après
SEPTEMBRE. 1748. 67
avoir donné à l'Architecte les connoiffanees
néceffaires pour affûrer aux fondemens ,
& aux murs la folidité relative à leur charge
, nous déterminerons les proportions
des portes & des fenêtres refpectivement
à chaque Ordre, la largeur des chambres &
des falles, eû égard à leur longueur ; la pro
portion des cheminées , la figure de leurs
jambages , & la conftruction de leurs
foyers la plus avantageufe , pour en augmenter
la chaleur , & les differens moyens
de les garantir de la fumée ; nous ne toucherons
point à ce qui regarde l'ornement
& les décorations des édifices & des jardins;
cet objet nous feroit étranger & nous
en laifferons le foin à M. Ferrand de Monthelon
, qui s'eft chargé d'enfeigner dans
nos Ecoles l'Art du deffein relativement
à tous les Arts.
Un petit traité de Stereotomie fervira
d'introduction à nos leçons fur la fcience
du Trait ; nous traiterons des portes & des
arrieres vouffures , des trompes , des defcentes
& des efcaliers , & comme dans la
coupe relative à ces parties , les figures &
les deffeins en perfpective laiffent toujours
quelque chofe à défirer à l'imagination ,
nous opérerons fur les folides mêmes ;
après avoir tracé l'épure de chaque objet
de nos opérations , nous emprunterons la
68 MERCURE DE FRANCE.
main d'un Appareilleur qui coupera du
Trait fous les yeux de nos Eleves , & réduira
le tout à l'exécution ; nous indiquerons
ici les régles que doit fuivre l'Architecte
, pour calculer la charge & la pouffée
des voures , & leur proportionner la hauteur
& la folidité des piédroits , & des arcs
& des pilliers bourans.
Nous ne nous bornerons pas
à la coupe
des pierres , nous appliquerons nos princi
pes à la coupe des bois , en faveur des Menuifiers
pour les revêtemens des arrieresvouffures
, foit en lambris foit en placage ;
& du Charpentier pour la conftruction
des voutes & des efcaliers de charpente ,
pour l'affemblage & la compofition des cintres
, qui fervent de difpofitifà la conftruction
des voutes en pierre , & pour tout ce
qui concerne les fermes & les combles de
toutes les espéces ; nous terminerons par
quelques éclairciffemens fur l'art d'échaffauder.
Nous aurons foin de réferver nos leçons
de Fortification à la faifon deftinée au repos
du Militaire , afin que la jeuneffe
choifie de cette Province , qui fe confacre
au fervice du Roi , & qui n'eft point à
portée des Ecoles Royales d'Artillerie ,
puiffe acquerir ici les connoiffances qui lui
font utiles ou néceffaires , pour fervir Sa
SEPTEMBRE. 1748. 69
Majefté avec diftinction & avec éclat.
Nous enfeignerons les méthodes de fortifier
les Places régulieres & irrégulieres , &
de remédier aux défauts des anciennes
Places ; nous finirons par les régles qui
doivent diriger l'Ingénieur dans la conftruction
des Citadelles , des Réduits & des
Magafins à poudre . Ce traité fera fuivi de
celui de l'attaque & de la défenfe des Places
; après avoir dirigé les travaux d'un
fiége depuis l'inveftiffement jufqu'à la reddition
de la Place , nous preferirons les régles
de la défenfe ; & comme la Pyrotechnie
vient également au fecours de l'Af
fiégeant & de l'Afliégé , après avoir traité
la compofition de la poudre , fes propriétés
, fon épreuve & fes effets , & c. nous
pafferons à la defcription , l'ufage & le
fervice de toutes les machines offenfives &
défenfives , à l'art de tirer avec précifion
de charger & de pointer le canon , le mortier
, le pierrier , & c. Nous décrirons enfuite
les differentes efpéces de mines & de
contremines , & nous affignerons leur objet
, leur construction , la charge de leurs
fourneaux , la configuration de leurs galeries
, & l'explication de leurs effets . Pour
relever l'utile par le mêlange de l'agréable,
nous terminerons nos leçons par les no
tions principales de tout ce qui fait le jeu
70 MERCURE DE FRANCE.
des feux d'artifice pour les rejoüiffances
publiques.
Nous donnerons ces leçons en François
& nous tâcherons d'employer le tems , de
façon que nous puiflions donner ce cours
complet dans l'efpace de deux ans.
Nous avons été obligés de ne donner ici
qu'un abregé du plan de notre Ecole ,
pour nous conformer à la forme du Mer
cure,Ceux qui fouhaiteront de l'avoir dans
un plus grand détail, & tel qu'il a été préfen
té à l'Académie Royale des Sciences , qui
a bien voulu l'honorer de fon approbation,
pourront s'adreffer à Reims , chés Delaire ,
pere & fils ; à Paris , chés Jombert , Quai
des Auguftins ; à Lyon , chés de la Roche ;
à Rouen , chés Befogne ; à Amiens , chés
Godart , à Dijon , chés Devente ; à Lille ,
chés la veuve Danel ; à Amsterdam , chés
Pierre Mortier '; à Londres , chés Manby ;
à Francfort , chés l'arentrap ; à Lausanne ,
chés Boufquet , &c. à Turin , chés les freres
Reycend , & c. On trouvera chés Delaître ,
à Reims , un Difcours prononcé par M. de
Pouilly , Lieutenant des habitans de la
Ville de Reims , fur l'établiffement & l'utilité
de ces Ecoles.
SEPTEMBRE. 1748. 71
MEMOIRE de M. Ferrand de Monthelon
, ancien Profeffeur de l'Académie
de Peinture de Sculpture de Paris , &
Profeffeur de Deffeing dans l'Ecole des Arts
établie à Reims,
L
E Deffeing n'eft pas moins néceffaire
aux Artiftes que les Mathématiques.
C'est en effet l'Art du Deffeing , qui forme
le goût pour diverfes fortes d'ouvrages ;
il donne également la fécondité de l'imagi
nation , & la facilité de l'exécution ; il eſt la
baze de l'Architecture , de la Peinture , de
la Sculpture & de la Gravûre ; il rend le
Maçon , & le Tailleur-de - Pierre , habiles
à exécuter les projets de l'Architecte . Le
Charpentier en a befoin dans la plûpart
de fes opérations . Il est néceffaire à l'Orfèvre
pour ces riches & rares ouvrages
qui brillent dans nos Temples & fur nos
tables ; au Menuifier pour la décoration
d'une alcove , d'une confole , d'un lambris
, d'un panneau , d'un chambranle ; au
Serrurier pour former une grille , un fupport
, un balcon ; il étend les vûës de
l'Horloger , du Tabletier , de l'Ebéniste
du Metteur en oeuvre , du Galonnier , du
Cartiſannier , du Tapiffier , & de tous les
72 MERCURE DE FRANCE.
Fabriquans d'étoffes pour le choix des ornemens
& des belles formes ; enfin il
donne à toutes les differentes fortes d'ouvriers
le talent de réunir dans leurs ouvrages
l'agréable & le nouveau ; talent heureux
, qui rendra toujours les peuples voifins
tributaires de celui qui en fera poſſeſfeur.
Les enfans des Gentilshommes & des
gens aifés recevront dans cette Ecole des
inftructions , qui les mettront à portée de
fervir plus utilement Sa Majesté pendant
la guerre , & d'ennoblir leur loifir pendant
la paix. Ils y apprendront à éclairer
& à diriger par la fuite leurs ouvriers , &
à faire regner autour d'eux cette élégance
& ces proportions , qui font le charme des
yeux , leur offrent un agrément toujours
fubfiftant , & effacent quelquefois par la
nobleffe de leur fimplicité tout le fafte de
la magnificence.
Mais l'avantage le plus confidérable de
cet établiffement fera de fournir aux jeunes
gens un préfervatifcontre l'oifiveté, &
les défordres qu'elle traîne après elle , dans
le tems de la fortie des Colléges & des Ecoles
ordinaires, dans ce paffage de l'enfance
à la jeuneffe , époque malheureufe de la
dépravation de tous ceux qui n'ont point
fçû mettre à profit le tems de la vie le plus
précieux
&
SEPTEMBRE . 1748. 73
précieux , & prefque toujours le plus funefte.
Cette Ecole de Deffeing fera ouverte
tous les jours , depuis fept heures du matin
jufqu'à midi , & depuis deux heures après
midi jufqu'à fept heures du foir. Le plaifir
y deviendra la fauve- garde de l'innocence
des moeurs , & la plupart des jeune .
gens , infiniment fenfibles , aux charmes de
l'imitation , y confacreront avec joie la
meilleure partie de la journée , à devenir
rivaux de la nature, en créant des ouvrages
pareils aux fiens. Je me félicite infiniment
d'avoir été choisi par Meffieurs les Lieutenant
& Gens du Confeil de la Ville de
Reims , pour être un des inftrumens &
des Miniftres de leurs vûës , & j'ofe elpérer
de les remplir dans l'Ecole dont ils
m'ont confié la direction . J'en ai pour garans
le grand nombre d'éleves que j'ai formés
à Paris. Il y a dans cette Capitale peu
de profeffions d'Artiftes , dans lesquelles
il n'y ait des fujets excellens qui me font
l'honneur de reconnoître qu'ils doivent
à mes leçons une partie de leur réputation .
Ils en doivent fans doute la principale
partie à leurs talens , mais je me perfuade
qu'ils ont quelque obligation à mon zéle ,
à mon application & à ma Méthode . J'ai
toujours eu l'attention de faire paffer fuc
D
74 MERCURE DE FRANCE .
ceffivement mes Eleves des chofes fimples
& aifées , à celles qui font plus compofées
& plus difficiles ; je leur fais répéter des
chofes à peu près femblables , jufqu'à ce
qu'ils les poffédent parfaitement , & dans
les chofes qui fe reffemblent , j'ai ſoin de
jetter affés de variété pour écarter le dégoût.
L'expérience conftante de grand
nombre d'années m'a appris qu'en fuivant
cette route , il n'eft aucune forte d'Artiſte
qui , pour peu qu'il ait de difpofition , ne
puiffe parvenir en peu de tems à acquerir ce
qu'il lui faut de Deffeing pour atteindre à
la perfection de fon Art.
।
VERS
'A M. de R**, en lui envoyant un ferin
de Canarie.
DEE ce jeune oifeau ,
Délicat & beau ,
Le tendre ramage ,
Eft le témoignage
De mes fentimens ;
Il en eft le gage .
Tous les mouvemens ,
Ses jeux , fon langage ,>
SEPTEMBRE. 1748. 75
Sont les truchemens
D'un fincére hommage .
Ah ! qu'il eft charmé
D'être ton partage !
Cet oiſeau volage
Craint d'être enfermé ;
Mais s'il eft aimé
D'un ami fi fage ,
Plus qu'un verd bocage
Il chérit fa
cage .
Puiflent fes accens ,
Si doux , fi touchans ;
Flater ton oreille ,
Quand fur le matin ,
Comme un franc lutin ,
Phébus nous réveille
de la nuit
Et
que
Repliant
les voiles
,
Le jour qui nous luit
Fait fuir les étoiles !
Alors les préfens
De l'aimable Flore
›
Dans nos heureux champs
S'empreffent d'éclore.
Progné par fes chants
De la blonde Aurore
Marque les inftans.
Dij
6 MERCURE DEFRANCE,
L'Amour qui l'enflamme ,
Réveille nos fens ,
Et répand dans l'ame
Des attraits puiffans.
L'oifeau que j'envoye ,
Mieux que moi dira
Quelle eft cette joye ,
Qu'en ce moment - là
Notre coeur déploye.
Ami , prends - en foin ;
Au fon de ta lyre ,
Bas , & fans témoin
Il pourra redire
D'un coeur délicat
Le tendre martyre,
Car fous le rabat
L'Amour nous inſpire.
On le voit fourire ,
Quand d'un trait malin
Il bleffe & déchire
Un petit mutin ,
Qui bravoit fon ire.
Crains dove fon courroux
Malgré fa fageffe ,
L'aimable Jeuneffe
Doit craindre fans ceffe
Les terribles coups
SEPTEMBRE. 1748. 77
Dont ce Dieu nous bleffe .
De voeux criminels
L'ame déchirée ,
Nous donnons entrée
A ces maux cruels ,
Dont tous les mortels
Reçoivent l'atteinte.
Hélas ! les oiſeaux
Vivent fans contrainte ,
Sans crimes , fans feinte ,
Sans foins , fans travaux.
L'homme feul coupable ,
Eft feul miférable..
La haine & l'amour
Confument nos ames ;
Leurs funeftes flammes
Font de ce féjour ,
Un lieu plein d'allarmes ;
De troubles , de larmes.
Ho ! qu'il feroit doux ,
Si , refpectant tous
L'aimable innocence ,
Loin de l'indigence ,
Nous trouvions en nous
Le bonheur fuprême ,
De nous & prochain ,
Dij
78 MERCURE DE FRANCE
Et qu'hors de lui - même
L'homme cherche en vain !
7. B. Tollot , de Geneve.
A M. de B. qui vouloit fe marier àfoixante
ans,fur deux rimes.
A Soixante ans , cher Ariſte , à cet âge ,
Doit- on former de nouveaux noeuds ?
Un homme libre , un homme fage ,
Sur le ton tendre & langoureux ,
Peut-il à l'objet de fes feux
S'aflujettir à rendre hommage ?
Lorfqu'on eft jeune & vigoureux
L'Hymen badine avec les jeux ,
Et fe montre en bon équipage ;
L'Amour même rit avec eux ,
Et fournit aux frais du ménage.
Mais quand les ans fur nous ont marqué leur paf-
Et
fage ,
que , blanchiffant nos cheveux ,
Ils ont ridé notre viſage ,
Sous les drapeaux d'Hymen fi jamais l'on s'engage
,
C'eft rifquer d'être malheureux ,
Et s'expofer à l'esclavage .
SEPTEMBRE. 1748. 79
Tendron alors eft d'un trifte préſage ,
Et l'on eft trop lorſqu'on eft deux ;
Le vif éclat de deux beaux yeux ,
Quand de trop près on l'enviſage ,
Nous peut caufer bien du dommage :
Certes , pour un vieillard le cas eft hazardeux ;
Et s'il veut faire le voyage ,
Je ne réponds pas du naufrage.
Penfez y ; lorfque l'on eft vieux ,
Le grand oeuvre du mariage
Eft pour nous un pénible ouvrage :
Votre fils , cher ami , je gage ,
Quoiqu'il foit à peine amoureux ,
Er qu'il n'en foit encor qu'à fon apprentiffage ,
Si cette oeuvre étoit fon partage ,
S'en acquitteroit beaucoup mieux.
Pour qui d'un doux repos veut goûter l'avantage ,
Et de la liberté fe plaît à faire uſage ,
Prendre femme , eft bien dangereux.
Par le même.
D iiij
So MERCURE DE FRANCE.
ཀཉྩི ཚི ད པ
REPONSE de M. de la Font de S.
Yenne , à la lettre de M. l'Abbé Řainal ,
imprimée dans le Mercure de Juillet. *
O
N eft fi peu accoûtumé aujourd'hui ,
Monfieur , à voir des Auteurs rendre
graces aux Cenfeurs de leurs ouvrages
, quelques égards qu'ils obfervent ,
que votre lettre mife dans le Mercure du
mois de Juillet dernier a paru un prodi .
ge au public , & vous a attiré l'admiration.
& l'eftime de tout Paris. Des fautes , auffi
fincérement avoüées , font autant d'honneur
que les plus beaux traits d'un ouvra
ge. Après avoir admiré ceux de votre Hif
toire fur le Parlement d'Angleterre , on a
fenti , dans le courage de votre aveu , un
génie capable de s'élever au plus haut degré
dans le genre hiftorique , quand il
voudra régler fon feu , & paroître avec
moins de précipitation. Quel exemple ,
Monfieur , pour nos Auteurs , que vos
proteftations de reconnoiffance à mon
égard , & les affûrances d'une entiere fatisfaction
, fi ma Critique eût été plus févére
! Quel bien pour les Lettres & pour
* Cette Réponse auroit dû être placée dans le
dernier Mercure .
SEPTEMBRE . 1748 .
les Arts , fi votre humilité & votre docilité
peuvent former des imitateurs ! Vos
fentimens confirment honorablement les
miens , lorfque j'ai dit dans ma lettre à la
fuire des Réfléxions fur l'état préſent de
la Peinture en France : Que j'éprouvois
combien il eft peu de ces ames fortes , quifentent
la néceffité d'une fage Critique pour arriver
à la perfection . Qu'il n'eft donné qu'aux
grands Génies , non -feulement de la voir avec
fermeté , mais encore de l'aimer , de la defirer,
d'en connoître le prix , & d'avouer lui devoir
cettejufteffe , & ces traits de lumiere qui por
tent rapidement les ouvrages à l'immortalité.
Ce n'eft point aux Peintres critiqués , que
je dois les fuffrages qu'ont eû mes foibles
Réfléxions fur la Peinture ; c'eſt à la bonté
du public , touché de mon amour pour
la
vérité , l'impartialité , & la gloire de la
Nation. Ce font les mêmes raifons , Monfieur
, qui m'ont mérité vos louanges dans
votre Réponse à ma Critique. Je ne regarde
vos éloges que comme une effufion
de ces fentimens que les ames nées fenfibles
& reconnoiffantes ne fçauroient contenir
, & qui fe répandent malgré elles fur
tous ceux à qui elles penfent avoir quelque
obligation . Elles ne me feront pas
prendre le change fur le peu de valeur
d'un écrit auffi médiocre que le mien.
D V
82 MERCURE DE FRANCE.
"
J'avouerai feulement avoir été extrêmement
fenfible à la juftice que vous rendez
à mon motif , à ce zéle invincible &
peut- être indifcret que l'on y voit pour le
progrès des Belles- Lettres & des Arts , &
pour retenir chés ma Nation le goût du
grand , du vrai , & de ce fimple & beau
naturel qui nous échape de toute part.
Uniffons -nous tous les deux , Monfieur ,
pour un fi digne projet . Vous , par la voix
forte de l'exemple , en donnant d'excellens
ouvrages ; moi , par la voix modefte des
remontrances dans une Critique très- mefurée.
Si je puis réuffir à faire quelque
converfion à cet égard , je vous déclare
que non-feulement je ne craindrai plus
vos éloges , mais qu'alors j'aurai befoin du
fecours de votre amitié pour réprimer mon
amour propre . Rien ne peut le piquer que
la gloire de contribuer à ce qui eft utile
& honorable à ma Patrie & à mes Concitoyens.
Ne m'en faites aucun mérite.
Ce font de ces vertus d'inſtinct & de tempéramment
, indépendantes de notre
choix , & même de notre volonté. L'attachement
que j'ai pour vous n'eft pas
ce genre : il eft uniquement l'effet d'une
eftime éclairée , dûe au mérite de votre caractére.
Ne doutez point , Monfieur , que
la générofité de vos fentimens fur ma Cride
SEPTEMBRE .
83
1748 .
tique ne l'ait beaucoup augmenté , auffibien
le defir d'être toute ma vie avec que
un parfait dévouement , Monfieur , votre,
& c.
EPITRE
De M. de la Soriniere , de l'Académie Royale
des Belles- Lettres d'Angers , à M. Cor¬
vaifier , de la même Académie .
A
Près un fommeil affés long ,
Quand notre Académie en furfaut fe réveille
A la clochette d'Apollon ,
Maint plaifant veut crier merveille
Sur phenoméne fi nouveau ,
Et déja de fon froid cerveau
Tire Sarcafme & Brocardeau :
Le fat qu'il eft ! il ne fçauroit comprendre ,
Qu'ici bas tout état ſoumis aux loix du fort ',
Tantôt plus , tantôt moins , s'éleve & prend l'effor
Je m'en vais le lui faire entendre .
Une comparaifon en termes affés forts
En doit graver ici l'ineffaçable Type.
20
La Hollande jadis dans les fers de Philippe
Languiffoit abbatuë , & dormoit dans fes Ports.
>> On ne ſoupçonnoit point ces vigoureux efforts
>>Qui la firent paroître à l'Europe étonnée
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
» Sous l'éclat triomphant d'une autre deſtinée.
» Il falloit que Naſſau par les Dieux inſpiré ,
» Concevant la grandeur d'un projet confacré
Laborieux , actif & rufé Politique ,
» D'un peuple eſclave né fît une République ,
>
*
Et portant de ces coups qu'admire l'univers ,
» Rétablit dans ces lieux , où regnoit la trifteffe ,
Avec la liberté , l'honneur & la richeffe.
( Voltaire , un tel exploit eft digne de tes vers. )
Il en est tout ainfi de ce Temple des Mufes ,
Et de ces doctes Atéliers .
Depuis vingt ans entiers
Y paroiffoient réclufes
Parmi nos meilleurs ouvriers ,
L'indolente pareffe ,
La non-chalance & la molleffe
Et l'on n'ofoit prévoir le retour de ce ton ,
Qu'enfante le travail , & qu'enſeigne Apollon
Aux plus zélés de fes Adeptes ,
Quand tout- à- coup des cimes d'Hélicon
Defcendit un certain garçon ,
Qui par l'exemple & les préceptes
Rétablit tout à l'uniffon ,
Et nous fit tous chanter enſemble
Tant douce , & tant belle chanſon ,
Que tout connoiffeur fe raffemble ,
Pour écouter notre leçon ,
Dans cette Royale Maiſon ,
Où les talens , la politefe 2
SEPTEMBRE . 1748. &s
L'efprit , les graces , la nobleſſe ,
Concourent avec la raison.
Encore un mot pas davantage ;
Corvaifier , c'eft-là ton ouvrage :
Je n'ai pas pû taire tọn nom * :
Ala Soriniere 1748.
衣粉
CONJECTURES fur la Méchanique
, employée pour éle &rifer les corps .
Uels effets doit produire une telle
Quechanique Trois. Le premierle
ra le changement de forme qui doit arriver
à l'air qui environne le Globe . Le fecond
fera le paffage de cet air qui vient
de changer de forme dans le canon &
dans fa circonference. Le troifiéme fera
les nouvelles formes que prendront les
parties du canon . Suivons ceci , & commençons
par la modification de l'air autour
du Globe. Le Globe , dans fon mouvement
circulaire , n'emportera-t'il pas
avec lui les particules d'air , qui compriment
immédiatement fa furface ? Je le
crois ainfi . Cette fuperficie d'air , dont le
Globe eft environné , tournera donc en
rond , & peut-être même le mouvement
* Unus bomo reftituit rem.
86 MERCURE DE FRANCE.
-
de cet air furpaffera t'il de beaucoup
celui du Globe. Qu'est- ce que cela produira
? Un tourbillon particulier d'air autour
du Globe. Oui , me direz-vous , mais
toutes ces parties aëriennes ainfi agitées
vivement , & dans un mouvement circulaire
, ne feront- elles pas quelque effort ,
afin de s'éloigner du Globe ? Elles le feront
, mais leur mouvement en rond eft
trop vif, pour qu'elles fe puiffent faire un
paffage au travers de l'air extérieur , qui
bien loin de leur faciliter quelque iffuë ,
les comprimera , les refferrera , & les condenfera
autour du Globe , de la même maniere
qu'un tourbillon d'air , qui fera refferré
par l'air qui l'avoifine , deracine
quelquefois de grands arbres, fans toucher
à ceux qui les approchent. Voilà donc un
tourbillon formé autour du Globe , où il
fe trouve emprisonné.
que
Venons maintenant au paffage de l'air
ainfi agité en rond , tant dans le canon
que dans fa circonference . N'eft-il pas vrai
fi le canon, au moyen dela feuille d'auripeau
, touche le Globe , la colonne
d'air , qui empriſonnoit le tourbillon d'air
autour du Globe , fera rompuë en cet endroit
feulement ? Sans doute , me direzvous
mais qu'arrivera- t'il de-là ? Il arri
vera que les tourbillons d'air raffemblés
SEPTEMBRE. 1748. $7
autour du Globe , s'échapperont , mais
où iront- ils ? Autour , & en votre canon
, parce qu'ils ne trouveront point
de réfiftance de ce côté. Qu'est- ce qui
les retiendra autour , & dans le canon ,
me demanderez-vous ? La même cauſe qui
les retenoit autour du Globe ; en effet cet
air, en fortant d'autour du Globe , conferve
fon mouvement en rond , ce qui ne lui
permet pas de fe mêler avec l'air extérieur.
L'air qui environnoit celui qui vient de
paffer d'autour du Globe au canon
prendra- t'il pas la place de celui qui vient
de s'échaper , & ne fera - t'il pas modifié
de la même maniere ? Cela doit être ainfi ,
& de plus repaffer avec le premier , &
ainfi de fuite . Voilà bien des tourbillons
qui paffent dans le canon , me direz-vous ?
Où fe placeront- t'ils ? Ils environneront
, ne
votre canon extérieurement & intérieurement
, ils pourront même s'introduire jufques
dans les pores du canon . Qu'appercevez-
vous de tout ceci ? Un canon extraordinairement
chargé & environné des
petits tourbillons d'air extraordinairement
preffés & comprimés , car plus le canon
fera chargé & environné de cet air agité
en rond , plus ce n'ême air fera d'effort
pour vaincre l'air extérieur qui l'empri
fonne , & plus fon effort fera grand , plus
88 MERCURE DEFRANCE.
la réfiftance de l'air extérieur augmentera ,
le comprimera , le condenfera & le réduira
en un certain eſpace.
Voilà donc un canon déja capable de
produire des grands effets , & pour faire
jouer la machine , il ne nous refte plus
qu'à parler de nouvelles formes que doivent
acquerir toutes les parties intégrantes
du canon . Penfez-vous que le frottement
que reçoit la feuille d'auripeau par le
mouvement circulaire du Globe , ne puiffe
par la communication qu'elle a avec le canon
, ébranler , émouvoir , & faire trembloter
toutes les parties intégrantes du canon
? Cela doit arriver , fi je ne me trompe
; voilà donc le canon chargé & environné
de toutes parts par des petits tourbillons
, qui reffentira des vibrations dans
toutes les parties intégrantes.
Accrochez maintenant un fil d'archal
au canon , il fera tout d'un coup , & environné
de tourbillons , par la même raiſon
que le canon vient d'en être environné ,
& participant aux vibrations du canon . Il
en fera de même de la perfonne qui tient
le fil d'archal accroché au canon , & des
perfonnes qui la tiendront par la main , &
qui formeront un cercle , également à l'égard
de la cuillere pleine d'eau - de - vie ,
tenue d'une main par la perfonne , & qui
SEPTEMBRE .
89 1748.
tient de l'autre le fil d'archal accroché au
canon .
>
Maintenant , fi vous voulez voir ce que
la machine ſçait faire , touchez le canon .
Vous l'avez touché , & vous vous trouvez
un peu repouffé , avec un peu de douleur à
l'extrêmité de votre doigt . Ne voyez - vous
pas que vous avez rompu la muraille de la
prifon de tous les tourbillons d'air ? Ignorez-
vous, qu'après que vous avez rompu la
réfiftance à tous ces tourbillons , ils doivent
s'élancer fur vous avec d'autant plus
de force , que vous venez de diminuer la
force qui les retenoit ? Eft- ce que leur
être aug- élancement fur vous ne doit pas
menté , au moyen des vibrations des parties
integrantes du canon , & au moyen
ce que toutes les parties du canon qui
étoient comprimées par les tourbillons .
mêmes , fe reftituent tout d'un coup par
leur propre
reffort ? Vous avez donc dû
vous fentir repouffé avec douleur au bout
du doigt , mais vous avez eû la fatisfaction
de voir une étincelle de feu , preuve du
mouvement précipité , troublé & vertical,
avec lequel ces tourbillons font venus fondre
fur vous.
,
de
Ne touchez pas au fil d'archal qui tient
au canon , autrement il vous arrivera la mê.
me chofe , & par les mêmes raifons.
90 MERCURE DE FRANCE.
"
Puifque vous êtes déja fatisfait de cette
expérience , c'eft à mon tour à tenir le fil
d'archal qui eft acroché au canon , & me
voilà environné de tous côtés par des
tourbillons pareils à ceux qui environnent
& le canon & le fil de fer que je tiens ;
peut-être auffi que les fibres de mon corps
participent aux mouvemens tremblotans
des parties intégrantes du fil d'archal que
Vous me voyez tenir . Ne me touchez donc
pas , ni à mon épée , car il en feroit de
même à peu près , comme quand vous
avez touché le canon : mais donnez- moi
dans cette main , qui me refte libre , une
cuillere pleine d'eau - de-vie .Vous me direz
que puifque je tiens la cuillere , elle de- .
viendra environnée comme moi des tourbillons.
Oui, fans difficulté; il en feroit la
même chofe de vous , fi vous me touchiez,
ce qui vous mettroit hors d'étatde pouvoir
mettre le feu à l'eau-de- vie qui eſt dans
ma cuillere , parce qu'étant environné des
tourbillons qui m'environnent , vous ne
pouvez plus rompre la colomne d'air qui les
preffe & les retient prifonniers dans l'eaude-
vie & aux environs , mais fi vous ne
me touchez point , portez votre doigt le
plus perpendiculairement que vous pourrez
, vous romprez la prifon de ces tourbillons
, & ils s'en iront avec tant de préSEPTEMBRE
. 1748.
cipitation qu'ils mettront le feu à l'eau - devie
avant de la quitter.
par
Prenez maintenant la petite bouteille
que je viens d'acrocher au canon ; ayez
foin de la ferrer en votre main , donnez
votre autre main à votre voifin , & votre
voifin me donnera la fienne ; fi je touche
le canon entre le Globe & le canon , nous
aurons chacun un grand coup , fuffionsnous
200 à nous tenir par la main ; en
effet , contre qui voulez -vous , lorfque je
romps la colomne d'air, que les petits tourbillons
du canon , vivement élancés
Jeur propre élafticité , & par une aſtriction
fubite des parties du canon fur elles- mêmes
, auffi bien que de la bouteille , agiſfent
? Se perdront- ils tout d'un coup dans
l'air extérieur ? Non , ils trouvent trop de
réfiſtance de ce côté , parce qu'en fortant
ils font dans un mouvement circulaire trop
vif: ils agiront donc fur nous auparavant,
parce qu'ils trouveront moins de réfiftance
de notre côté , en ce que nous fommes tous
environnés d'autres tourbillons , femblables
à ceux qui fe lancent fur nous de la
part du canon , ce qui doit occafionner en
chacun de nous une vive preffion à laquelle
nous devons attribuer le coup que nous
croyons reffentir : par la même raifon nous
devons être un peu repouffés.
92 MERCURE DE FRANCE.
Je vois que fans y penfer je viens de me
contredire, & vous m'allez demander com
ment je puis préfentement rompre la colonne
d'air , afin de donner iffue a tous
ces petits tourbillons , pendant qu'il n'y a
qu'un moment qu'il falloit ne vous point
toucher pour pouvoir mettre le feu à l'eau
de vie ; maintenant quoique vous me touchiez
& me reniez par la main , vous avez
rompu néanmoins la prifon des tourbillons.
Cette objection que je ne prévoyois pas,
me fait croire que le coup que nous venons
dereffentir, vient plutôt de l'aſtriction fubite
de toutes les parties integrantes du canon ,
fuivie d'une reftitution auffi prompte de
ces mêmes parties , que de l'irruption des
tourbillons fur nous. En effet, en touchant
le canon , j'ai occafionné un ébranlement
extraordinaire de toutes les parties du canon
; par cet ébranlement le canon & la
bouteille ont fait un effort extraordinaire
pour chaffer tous les tourbillons d'air com
primés dont ils étoient environnés , mais
l'air exterieur a contrebalancé leur force ;
à quoi a donc abouti tous ces efforts ? A
comprimer dans le même inftant tous les
tourbillons dont nous étions ci- devant environnés
, & c'eft à cette vive preffion que
nous attribuerons le coup que nous avons
reffenti.
SEPTEMBRE. 1748. 93
La partie petite de la feuille d'or qui voltige
au- deffous du canon, tantôt en s'en approchant,
tantôt en s'en éloignant , eft une
preuve du balancement continuel entre
l'air extérieur & les tourbillons comprimés,
& des mouvemens irréguliers que reçoit
l'air extérieur jufqu'à une certaine diftance
; il ne fera donc point furprenant que fi
elle s'approche trop du canon , elle aille s'y
coller ; fi elle s'en éloigne trop au contraire
, elle tombera par terre.
Si vous fufpendez votre canon avec des
fils de foye , la matiere électrique ne paffera
point dans ces fils , ils diminueront au
contraire celle du canon. Peut -être les
parties
intégrantes de la foye ne font pas Tufceptibles
de vibrations aflés fortes pour
permettre aux petits tourbillons de s'étendre
& de fe multiplier fuffifamment au
tour des fils de foye ; à faute de ces vibrations
fuffifantes , qu'arrive-t'il ? Que l'air
extérieur n'eft point pouffé affés loin des
fils de foye , pour permettre un libre paffage
aux tourbillons qui fe préfentent pour y
paffer. Joignez à cette raifon , que parce
qu'ils ne peuvent recevoir des vibrations
affés fortes , ils fe trouvent par la même
raifon hors d'état de pouffer affés vivement
les tourbillons , lorfque l'on touche
ces fils. La vertu électrique du canon fera
94 MERCURE DE FRANCE.
•
même diminuée , parce que fes vibrations
feront émouffées par cette fufpenfion . Les
corps élastiques feront donc les plus faciles
à électrifer , & plus l'air fera élastique ,
mieux la machine fera fon jeu.
En mouillant le canon d'un peu d'eau ,
l'eau fe raffemblera en gouttes dans la partie
baffe du canon , elle tombera enfaite
par gouttes , froides comme de la neige, &
comme un petit globule de flâme violette .
Qui eft-ce qui caufe ce phénomene ? J'at
tribue la fraîcheur de ces gouttes d'eau à
la condenfation de toutes les parties , occafionnée
par la preffion des tourbillons qui
les environnent ; peut-être pourroit - on
parvenir par cette méchanique à former
de la grêle ; les gouttes d'eau paroîtront
lumineufes, parce qu'au moyen de ce qu'elles
ont été condenfées , elles refléchiffent
plus de rayons de lumiere ,
Je n'ai point vû d'autres expériences à
ce fujet. Tout ceci demanderoit une explication
plus détaillée , mais cela ne ſe
peut faire dans une Lettre , dans laquelle
toute mon envie eft de vous donner une
légere idée de mon ſyſtême.
SEPTEMBRE. 1748. 95
*3 *3 *3X +3X+ 3X+ 3X333X
FABLE.
Le Mourant & les Médecins,
●´N dit qu'un jour au fond de ſa taniere
Sire Lion , gouteux & décrépit ,
Voyant enfin le bout de fa carriere ,
En fes Etats publia cet Edit ;
30 Que tour Docteur en fait de Médecine
» Vint le trouver en dix jours au plus tard.
L'ordre reçû , la Faculté chemine ;
L'Ane , le Loup , le Singe , le Renard ,
S'en viennent donc trouver notre vieillard ;
Il défiroit , dit- on , ce bon Monarque ,
Que fans ufer de feinte & de détour ,
Chacun lui dît , s'il croyoit que la Parque
Tranchât bien - tôt le filet de fes jours ,
( Car il vouloit , fcrupuleux & timide ,
Auparavant de defcendre au tombeau ,
Reftituer ce que fa dent avide
Sçût autrefois ravir à maint troupeau ; )
Mais nonobitant cela , par pure flaterie ,
Nos Médecins dirent tous d'une voix :
Bien inftruits de votre maladie ,
» Chacun de nous voit que felon nos Loix ,
» Vous aurez , Sire , encor quinze ans de vie.
De cet efpoir le Monarque flaté ,
ל כ
6 MERCURE DE FRANCE.
Se repola fur une prophétie ,
Dont il connut trop tard la fauffeté .
Deux jours après le mal croît & s'augmente.
On philofophe , on cherche , on fe tourmente ,
Chacun en vain épuifa fon fçavoir ,
Le Roi mourut , fans regler fes affaires ;
و د
Pourquoi , Médecins téméraires ,
Faites-vous l'homme blanc , quand vous le voyez
noir ?
» Par une cruelle indulgence ,
>> Vous fçavez le flater d'un chimérique eſpoir ,
» Mais malgré vous , fa mort s'avance.
LETTRE écrite de Nevers.
propo
du Mercure ,
Per au
Public
Ermettez
- moi , Monfieur
, de
par la
voye
l'explication
d'une
ancienne
Enigme
, ou
plutôt
d'une
Infcription
, qui depuis
bien
des années
( peut-être même
des fiécles
)
fe préfente
aux yeux de tous ceux qui veulent
la lire dans notre Ville , & qui eft
placée
fur un Corbeau
, environ
à dix pieds
d'élévation
à l'endroit
où étoit autrefois
la principale
porte de la Cité , & où l'on
doit aller recevoir
MM . nos Evêques
lorfqu'ils
font des Entrées
folemnelles
.
A
Cette Infcription eft gravée fur une
pierre
4
SEPTEMBRE. 1748. 97
pierre beaucoup plus longue que large ,
de laquelle elle ne remplit qu'environ la
moitié ; une bordure en relief fert d'ornement
à cette même pierre , & lui donne
la figure d'un tableau . Voilà , Monfieur ,
une copie fervile de cette pierre & de
l'Infcription.
Il y a , comme vous voyez , des lettres
plus grandes les unes que les autres , & un
o y enjambe fur un v ; c'eft à Meffieurs les
Antiquaires à décider de quel fiécle font
les caractéres , fi l'Infcription eft du tems
du Paganifme, ou depuis que le Chriftianif
me a été établi dans les Gaules , fur quoi il
eft bon de vous obferver que de l'autre côté
de la rue & prefque vis à- vis la pierre ,
il y a une ftatue de la Sainte Vierge , tenant
l'Enfant Jefus dans fes bras , mais
d'une fculpture infiniment plus moderne ,
qui au refte peut avoir été fubftituée depuis
un fiecle ou deux à une plus ancienne,
à
Guy Coquille , judicieux Commentateur
de notre Coûtume , mais très - diffus
Hiftorien de notre Province , n'a pas jugé
propos de parler de cette Infcription
mais Michel Colignon , Chanoine de Nevers
, le fait avec beaucoup d'emphafe dans
la Préface d'un Livret imprimé à Paris en
1616 chés François Pomeray , & intitulé
Catalogue Hiftorial des Evêques de Nevers ,
E
98 MERCURE DE FRANCE,
ANDE
CAMU
LOSTOVTI
SSIGNOS
IE VRV
SEPTEMBRE. 1748.
99
39
ap-
& voici de quelle façon il s'explique.
Qui ne fçait , ( s'écrie-t'il dans cette
Préface , ) que Nevers a été autrefois
pellé Noxius , nom qui lui étoit approprié,
voire même dès le tems de la Dicta-
»ture de Furius Camillus , qui fut environ
» l'an du monde 3577 , & de la Ville de
Rome bâtie 365 , & avant la venuë de
» J. C. en terre , depuis ladite Ville de Ro-
» me édifiée 413 , felon que l'on
peut con-
» jecturer , faiſant fupputation des tems
» car la Ville de Nevers ayant été brûlée
» & édifiée derechef, on rencontra dans
» les fondemens une pierre prefque car-
» rée , contenant certaines lettres écrites à
» la façon ancienne des Romains , mais
prefque toutes effacées , à caufe du laps
» de tems , defquelles toutefois on peut
lire affés facilement celles - ci An, de.
» Camillos, toti. fic. noxie, uri. Par où il
ap-
» pert que pour lors elle étoit fous la puif-
» fance des Romains & appellée Noxius ,
» en ce même tems confommée de feu , laquelle
pierre fe voit au mur de la maifon
qui fait le commencement de la Ci-
» té , où étoient les murailles de ladite
» Ville du tems dudit Camillus & de Jules
» Céfar , devant laquelle maifon les Eche-
» vins reçoivent M M. les Evêques à leur
» premiere & folemnelle Entrée ; la raiſon
E ij
100 MERCURE DE FRANCE .
» de ce nom Noxius peut être pour ce que les
» Gaulois étoient ennemis jurés des Ro-
» mains , & leur faifoient cruelle guerre ,
» d'où arriva que Furius Camillus , homme
» fort valeureux , fut créé Dictateur , pour
>arrêter leurs courſes & les chaffer d'Italie.
Qu'il me foit permis de faire deux ob
fervations fur ce que dit Colignon ( & d'a•
près lui l'Auteur du Livre intitulé , Etats
Empires du Monde) . La premiere eft que
je ne crois pas qu'il ait jamais trouvé dans
aucun Auteur ni aucun titre , que Nevers
ait été autrefois appellé Noxius ; il y a à la
vérité une ancienne Forterelle ruinée dans
la Province , appartenante à M. le Duc de
Nevers , fituée fur une montagne efcarpéc
de tous côtés , appellée Montenoifon , &
en Latin Mons noxius , mais cette Forterefle
eft à huit lieues de Nevers , & par conféquent
trop éloignée pour qu'il puiffe y
avoir de la confufion dans les noms des
deux endroits ; je crois même qu'elle a été
élevée plutôt pour nuire aux Bourguignons
, qu'aux Romains.
La feconde obfervation eft qu'il n'eft pas
vrai que les lettres de l'Infcription foient
prefque toutes effacées , elles font très- entieres
, & il ne les annonce défigurées , que
pour faire adopter l'explication qu'il y
donne ; au refte, il auroit dû nous appren
SEPTEMBRE. 1745. 101
dre en quel tems la Ville de Nevers a été
brûlée & édifiée derechef, & lapierre rencontrée
dans les fondemens , & fur quels garants
il appuye ces faits.
Il me refte à prier les Antiquaires d'expliquer
l'Enigme ; perfonne ne le peut
mieux que M. l'Abbé le Beuf, & il en eft
très-humblement prié ; peut être le ferat'elle
revenir de la prévention où il a parû
êrre , malheureuſement pour notre Ville
qu'elle n'eft pas le Noviodunum Heduorum,
dont il eft parlé au feptiéme Livre des Commentaires
de Céfar , auquel cas notre Inf
cription nous deviendra extrêmement précieufe.
Je fuis , &c.
pürürtnucunu+ nunununulŁNY WBU
A M. de Bufon , Intendant du Jardin
Royal des Plantes à Paris.
CEt effai que Pégale apporta du Parnaſſe
Pour ce Jardin délicieux ,
Chés vous' s'il pouvoit trouver place ;
Peut- être exciteroit quelqu'un à faire mieux.
Infcription pour le Jardin Royal .
Orbis & Artis opes locus hic en omnibus offert :
Hortum Florafibifumpfit, Apollo Domuns.
E
iij
702 MERCURE DE FRANCE
Infcription pour la Serre du Jardin.
Forte Parifiacos fines dum Flora pererrat ,
Hicftetit , atque novas lata profudit opes.
Triftis hiems fubito procul bine, &frigus acutum ;
Diffugiunt ,& Veroccupat ecce locum.
Infcription pour la Fontaine du Jardin .
Quefterilis quondam Nimpha & male parca fluebat ,
Plantas blanda Parens nunc rigat , atque nutrit.
Quin flores pingit varios , fuccofque falubres
Suppeditat Medicis , &fugat omne malum.
AM. ***
pour fa Maifon de
campagne.,
Bacchus & alma Cerės rus iftudfrugibus ornant ;
Scilicet ifta famem fedat , & ille fitim.
Pour la Fontaine du Jardin .
Canofumper iter qua quondam invitafluebat,
Nunc puris, & ovans, Nimphafuperbit aquis.
A M. Abbé Salier, Garde de la Bibliothéque
du Roi.
Infcription pour cette Bibliothéque .
Mendacem Parnaſſum ultrà ne Graciajaîtes ¿
SEPTEMBRE. 1748. 103
Hic verum intus ineft , artis & omne genus,
Mortuus hic vivit , pandunt oracula muti.
Fons falit irriguus , qui fitit unde bibat.
LETTRE de Mademoiselle L. à M.
J E
E vous envoye , Monfieur , les refléxions
fur la fociété , que vous m'avez
demandées , je ne fçais pas trop à quelle
fin ; c'eft fi peu de chofe , que je croyois
qu'il devoit vous fuffire d'en avoir entendu
la lecture. Il eft vrai que comme vous
autres hommes n'attendez prefque rien des
perfonnes de mon fexe , il nous eft facile
de furprendre votre admiration , quand
nous nous mêlons d'écrire . Auffi je ne regarde
les éloges que vous me donnez , que
comme un effet de cette politeffe qui vous
eft naturelle , & comme une marque de
l'étonnement où vous avez été de ne me
pas trouver tout-à fait auffi ignorante , que
vous fuppoficz apparemment que je devois
l'être .
J'écris , dites vous , avec légereté & avec
agrément. Vous trouvez de la jufteffe
& de la précifion dans mes idées , &
fi je veux vous en croire
mon petit
E iiij
104 MERCURE DE FRANCE .
ouvrage fait connoître que j'ai de la facilité
dans l'efprit & des fentimens dans
le coeur. Vous avez imagine vrai femblablement
que j'avois befoin de ces
louanges pour me foutenir , & qu'en me
les donnant , elles deviendroient un engagement
qui pourroit me les faire mériter .
Au refte , je fuis flatée de la justice que vous
rendez au fond de mes fentimens. Je ne
me pardonnerois pas d'avoir écrit , s'il
m'étoit échappé une feule phrafe que des
perfonnes fages & raifonnables fallent en
droit de me reprocher . A l'égard de l'efprit
, j'en fuis moins touchée ; quand il
feroit vrai que j'en aurois , il feroit toujours
gêné par les ufages , & je devrois le
cacher fous le voile des bienséances.
pour
Vous vous rappellez , Monfieur , l'occafion
qui m'a fait devenir Auteur. J'avois à
prouver que nous fommes tous faits
la fociété . Un Philofophe auroit compofé
fur ce fujet une Differtation en forme ;
pour moi , je me fuis contentée des reflexions
que voici.
L'homme ne peut fe fuffire à lui-même ;
tout lui annonce qu'il eft fait pour la fociété.
Les cris de l'enfant qui vient de
naître , & les pleurs qu'il répand , font autant
d'invitations par lefquelles il follicite
SEPTEMBRE. 1748. 105
les fecours dont fa foibleffe a befoin ; s'il
forme dans la fuite des fons qui devien
nent les interprétes de fes penfées , ce n'eft
que parce qu'il les a appris de ceux à qui
le foin de fon enfance a été confié. Sa rai
fon ne fe forme , fon jugement ne fe dé
veloppe , & fes connoiffances ne s'étendent,
qu'à l'aide des Maîtres qui font chargés de
Pinftruire . Il lui faut des modéles pour l'animer
à bien faire , & des rivaux pour ex,
citer fon émulation . Il eft même quelquefois
utile que la laideur du vice lui foit rendue
fenfible par des exemples , afin de lui
en infpirer plus d'horreur . La honte attachée
au crime eft un frein capable de retenir
ceux qui fe fentent le plus de penchant
à le commettre. Placez l'homme hors
de la fociété : quelle reffource a-t'il contre
l'ignorance qui l'environne , contre la triſteffe
qui peut le faifir , contre la douleur
qui ne vient que trop fouvent le tourmenter
, & enfin contre l'ennui auquel il fe
trouvera fans ceffe expofé ? Il n'aura ni Docteurs
pour l'éclairer, ni amis pour le confoler,
ni même des indifferens pour le diftraire.
De noires réflexions s'empareront de
fon efprit , & augmenteront fes chagrins ;
il fe plongera dans une fombre mélancho
lie qui le rongera infenfiblement, & il fuc
*
Ev
106 MERCURE DE FRANCE.
combera enfin , parce qu'il ne trouvera pas
dans fon propre fond les appuis qu'il auroit
trouvés dans le commerce des autres
hommes .
Que feroient les plaifirs les plus touchans
, s'ils n'étoient partagés avec perfonne?
Dans quel affreux état tomberoient
ceux qui commencent à fentir le poids des
années, & qui voyent croître leurs infirmités
avec leur âge , s'ils ne trouvoient dans la
fociété s confolations , qui feules peuvent
leur rendre la vie fupportable ? Qui
les exhorteroit à la patience ? Qui s'atrendriroit
fur leurs maux ? Qui s'entretiendroit
avec eux des évenemens auxquels ils ont
eu part dans le tems paffé , fi on les réduifoit
à vivre dans la folitude ?
Toutes les réflexions que je viens de
propofer en peu de mots , n'ont pour objet
que les befoins mutuels , qui rendent les
hommes dépendans les uns des autres , &
qui les forcent en quelque forte de vivre
enfemble. Les inclinations , qui leur font
naturelles , peuvent encore leur découvrir
quelle eft leur véritable deftination . Que
fert en effet à l'homme d'être né humain
& compatiffant , s'il n'a perfonne fur qui
exercer fa compaffion ? Pourquoi Dieu lui
a- t'il donné un coeur généreux , fifa générofité
eft fans objet ? Pourquoi fent -il en
SEPTEMBRE . 1748. 107
lui-même ce penchant fi doux
pour l'amitié
, s'il ne devoit point avoir d'amis ?
Que devient cette induftrie qui enfante
& perfectionne les Arts ? Que deviennent
ces talens qui élevent fi fort l'homme audeffus
de la bête , & qui font la preuve la
plus certaine de fa grandeur & de fon excellence
? A quoi bon enfin ces organes cù
éclattent d'une maniere fi fenfible la fageffe
& la fouveraine intelligence de celui
qui les a créés , fi l'homme eft fait pour être
folitaire ? C'eſt Dieu même qui a formé les
liens de la fociété , & vouloir les rompre ,
ce feroit nous rendre également malheureux
& criminels.
Mais faut il donc condamner tant dé
perfonnages fi célebres , qui font allés dans
la retraite chercher une perfection qu'ils
défefperoient de pouvoir acquérir dans le
monde ? Peut-on dire qu'ils fe foient rendus
coupables envers l'Auteur de la Nature
, parce qu'ils fe font dérobés à leur véritable
deftination ?
Pour répondre à cette difficulté , je dis
en premier lieu , que la fociété eft l'érat
commun auquel tous les hommes font ap.
pellés , & qu'il ne fçauroit leur être permis
d'en fortir, fans l'ordre exprès de celui
qui les y a placés .
Je dis en fecond lieu qu'il faut bien dif-
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
tinguer la retraite de la folitude. Celui
que l'Esprit de Dieu conduit dans la retraite,
n'eft pas un folitaire mifantrope , qui refufe
de prendre part & de concourir au bien
commun , mais un Citoyen prudent , qui
évite des périls plus forts que lui . L'un a
éprouvé les impreffions funeftes du fiécle ;
il en craint la contagion , & il s'en fépare
pour le fouftraire à une chute déplorable.
L'autre fuit le tumulte qu'occafionne le
commerce des hommes , & va fe recueillir
dans la retraite pour être moins diftrait dans
fes travaux , mais les uns & les autres ne
perdent point de vue leurs freres , & ils les
aident & les foulagent en la maniere qu'ils
Je peuvent. Quiconque iroit fe renfermer
dans une folitude , pour s'affranchir des devoirs
de la fociété , ne mériteroit le nom
ni de Chrétien , ni même de Philofophe.
Vivons donc pour la fociété , puifque
nous fommes créés pour elle . Travaillons
au bonheur de nos femblables , en mêmetems
que nous travaillerons au nôtre . Excufons
leurs foibleffes , fupportons leurs
défauts , foyons fenfibles au plaifir de les
obliger , & tâchons de mériter l'amitié de
plufieurs & l'eftime de tous.
SEPTEMBRE. 1748. rog
VERS
Préfentés à Mlle *** , qui brodoit une robe
par M. de Mon .... à Andely.
C Esbou Es bouquets féducteurs , par Minerve brodés,
Par leurs vives couleurs effaçent la Peinture ,
Et de près même regardés ,
Pourroient tromper fans peine & Flore & la Nature
.
Je ferois de ces fleurs amoureux comme un fou
Mais un clou chaffe un autre clou.
Je ne vois plus l'ouvrage , ou le laiffe en arriere ,
Si-tôt que mes regards tombent fur l'Ouvriere ;
Un objet fi charmant , de tout autre vainqueur ,
Occupe feul toute mon ame.
La ſurpriſe y fait naître une brûlante flâme ,
Et le charme des yeux paffe jufqu'à mon coeur.
"
110 MERCURE DE FRANCE.
新選選洗洗洗洗選選洗洗洗洗洗洗洗
DISCOURS *.
Le vrai bonheur confifte dans la Sageffe.
L
'Homme eft le plus parfait ouvrage
qui foit forti des mains de Dieu ; il
eft l'abregé de toutes fes merveilles . Tout
ce qui l'environne lui donne des idées de
fa grandeur. Qu'il jette les yeux fur la terre
, il
y découvre les plus belles moiffons
pour fervir à la nourriture ; qu'il regarde
dans les airs , les oifeaux n'y volent que
pour lui ; qu'il entre dans les forêts , des
animaux de toutes efpeces s'offrent à fa
vûe , & viennent en quelque forte le reconnoître
pour leur Maître . Les fleuves &
les rivieres ne coulent que pour fon utilités
la mer même n'applanit fes flors & ne lui
ouvre fon fein, que pour fournir à fa délicareffe
& à fa fomptuofité.
Tous ces prodiges lui font connoître fa
fupériorité fur tour ce qui eft créé. Tout
lui retrace la nobleffe de fon origine & l'idée
de fon Créateur.
Abandonné cependant à lui-même , &
aveuglé par les biens féduifans dont il eft
* L'Auteur de cet Eſſai étant extrêmement jeune,
on ne doit pas lejuger avec beaucoup defévérité.
SEPTEMBRE. 1748.
le poffeffeur , fa félicité irrite fes paffions.
Il s'étourdit fur fon érat , & méconnoît
quel eft le principe de fon être, & quelle en
doit être la fin. Il veur établir fon fuprême
bonheur dans la poffeffion des richeffes ,
mais qu'y trouve-t'il ? Le poids accablant
des inquiétudes. La plus grande fortune
eft-elle autre chofe que la plus grande fervitude
? *
Un mêlange de baffeffe & de grandeur
occupe tour à tour l'efprit & le coeur de
l'homme. La baffeffe le retient vers la ter
re , & voudroit lui perfuader qu'il y trou
vera tout ce qui peut le rendre heureux.
Sa grandeur l'éleve vers le Ciel , elle lui
fait méprifer tous les biens terreftres , &
envifager confufément un bien infiniment
plus durable & plus vrai.
Comment l'homme connoît - it ce bien fi
défirable ? Par la fageffe , qui fait elle feu
le fon bonheur. C'est auffi Dieu feul qui
peut nous la donner , & c'eſt un rayon de
fa lumiere, qui l'a imprimée au fond de nos
ames, pour en diffiper les ténebres, & nous
empêcher d'errer dans des fentiers oppofés
à la vertu. Oui , il n'y a que la fagelle qui
puiffe nous faire jouir du véritable bon
heur. Elle nous éclaire , elle dirige nos pas
* Magnafervitus eft magnafortuna. Seneq.
# 12 MERCURE DE FRANCE.
elle eft l'unique fource de la paix du coeur
& de l'efprit.
¡ Que l'homme rejette donc ces idées fauffes
, qui le portent à faire fes délices des
biens terreftres. Qu'il fçache que nous
comptons pour rien les revers de fortune
, & toutes les catastrophes auxquelles
nous fommes expofés , quand nous avons
la fageffe en partage. Qu'il apprenne que
le plus fage de tous les Rois a dit que les
biens & les honneurs du fiécle n'étoient
que vanité ; qu'ils ne pouvoient fatisfaire
le coeur humain , qui malgré fa dépravation
, ſe ſent toujours de la grandeur de
fon origine. L'homme eft fait pour connoître
le vrai & pratiquer la vertu ; il eft
porté naturellement à la chercher , & il
n'eft heureux que quand il l'a trouvée .
En effet , l'avare eft-il tranquille au milieu
de fes tréfors Non ; la crainte & les
follicitudes ne lui permettent pas de goûe
ter de repos . Ses yeux ne peuvent fe fermer
& s'abandonner aux douceurs du fommeil
; il craint toujours qu'on ne lui enleve
ce qui le rend malheureux .
Qu'on interroge un Guerrier , qui tout
couvert de lauriers, cherche encore de nouveaux
périls , & qui dépofitaire des graces &
des bienfaits de fon Prince , les difpenfe à
fon gré; il répondra qu'un bonheur fondé
SEPTEMBRE. 1748. 113
fur les caprices de la fortune , ne peut rendre
un homme véritablement heureux .
Un Sçavant dans le fond de fon cabinet
jouit-il du parfait bonheur ? Son éloignement
du tumulte du monde , & fon occupa → оссира-
tion continuelle , nous engageroient à le
croire. Il n'eft cependant pas fatisfait ; il a
des rivaux contre qui fa vanité l'irrite ; il
s'imagine que leurs talens diminuent en
quelque forte les fiens , & les éloges qu'on
donne à leurs ouvrages , il les regarde
comme autant de laɛcins qu'on lui fait .
Dégageons donc notre coeur de ces paffions
qui l'attachent à la terre. Elevons
nous vers la fageffe , qui eft feule capable
de faire notre bonheur , & de templir l'immenfité
de nos défirs. C'eft dans elle que
nous trouverons ces grands & généreux
fentimens qui répondent à notre grandeur
véritable. Notre efprit fe perfectionnera
par la connoiffance des vérités qu'elle lui
découvrira ; elle nous donnera des lumicres
pures, pour affermir nos idées &étendre
nos connoiffances. Elle nous apprendra
que c'eft pour Dieu que nous fommes faits;
que c'est pour le connoître qu'il nous a
donné un entendement ; que c'est pour
l'aimer qu'il nous a donné un coeur , &
que c'eft pour augmenter notre amour qu'if
veut que nous puifions dans fes tréfors la
114 MERCURE DE FRANCE.
véritable vie & la véritable félicité.
A quoi vous fert , hommes infenfés , de
connoître la fageffe , puifque vous ne la
pratiquez pas ? Votre conduite eft oppofée
à fes préceptes , & vous agiffez dans
tout le cours de votre vie , comme fi vous
ne l'aviez jamais connue.
Et vous Philofophe orgueilleux , en faites-
vous un meilleur ufage ? Vous qui vous
fabriquez une Religion fur les principes
d'une raifon corrompue, & qui la changez
auffi fouvent que vos differentes paffions
vous agitent ?
Vous feule , ô divine Sageffe , pouvez
nous procurer la parfaite tranquillité. Vous
feule pouvez nous faite goûter la vraie
douceur. Efforçons nous donc de l'acquérir
, cette fageffe ; les routes qui y conduifent
font belles , agréables , & l'Ecriture
nous affûre que celui-la feul , qui marchera
dans fes fentiers , jouira d'une paix parfaite
& du vrai bonheur.
Satiabor cum apparuerit gloria tua.Pf. 16.17.
Par Me de S. F. de Vefoul , 1748 .
SEPTEMBRE . 1748. 115
CACACACACA✅ACA~A ~AYINIC)
VER S.
Préfentés à M. D. B. pour la Fête
de Saint Louis 1748.
UN fage pour bouquet ne doit point vous
offrir ,
Aminte , comme aux autres Belles ,
Des fleurs qui fe puiſſent Aétrir ;
Son coeur vous en doit d'immortelles,
Au pied du mont célébre où les doctes pucelles
Se plaiſent à les voir fleurir ,
J'ai cueilli cette bagatelle ;
Si le tems ne la fait périr ,
Qu'avec mon reſpect & mon zéle ;
Aminte , vous avez une fleur éternelle.
LETTRE écrite de Paris.
Omme vous vous intéreffez , Mon-
Cheur,à tout ce qui concerne la République
des Lettres , j'aurai l'honneur de
vous apprendre , qu'on vient de donner
au public le premier tome du Digefte , infolio
, redigé en ordre par M. Pothier ,
Confeiller au Préfidial d'Orleans. Ce Ma
7
116 MERCURE DE FRANCE.
giftrat qui eft actuellement ici , y eft venn
exprès , pour avoir l'honneur de le préfenter
lui-même à M. le Chancelier , 'qui
a eu part à la confection de l'ouvrage.
Vous ne ferez peut- être pas fâché de fçavoir
ce qui lui a donné le jour , & comment
les chofes fe font paffées.
M. Pothier , qui a fait une étude particuliere
du Droit , fut choqué , comme
l'ont été prefque tous ceux qui l'ont étudié
, de la confufion qui regne dans le
Digefte , ouvrage d'ailleurs fi important
pour le bien & la tranquillité des Etats.
C'étoit pen même que le Digefte fut confus
, & qu'on eût peine quelquefois à tirer
une décifion claire de ce livre , & à la
trouver au befoin ; il falloit encore accorder
enſemble le Code & les Novelles ,
qui ajoutent , retranchent , & modifient
en plufieurs manieres beaucoup d'endroits
du Digefte , & il y a grande apparence ,
que la difficulté d'ajufter ces trois ouvrages
, & d'en faire un tout régulier , avoit
épouvanté les plus courageax , & les avoit
détournés d'entreprendre un fi pénible
travail. M. Pothier fentit la difficulté autant
qu'un autre , mais comme il eft hom
me à réflechir, il fe forma le plan d'un ordre
méthodique , & choifit un titre du Droir,
SEPTEMBRE. 1748. 117
pour tacher d'exécuter ce plan , fans autre
dellein pour lors que de fe fatisfaire lui-même
, & d'effayer s'il pourroit réuffir . Ce
fut comme la premiere tentation qu'il eut,
& à laquelle il fuccomba fi heureuſement ;
à cette premiere fuccéda une feconde ,
qui fut de montrer fon effai à un de fes
amis , Confeiller au même Préfidial , &
de plus Docteur & Profeffeur en Droit
dans l'Univerfité d'Orleans. Cet habile
Jurifconfulte , qui pofféde parfaitement
cette matiere , loüa beaucoup cet effai de
M. Pothier , & l'exhorta à continuer , ce
qu'il n'avoit guéres envie de faire. Le travail
en refta- là pendant quelque tems ,
jufqu'à ce que le Profeffeur , ayant efi affaire
à M.le Chancelier , trahit en quelque
façon fon ami , & fit un rapport exact
& avantageux du projet de l'ouvrage qu'il
avoit lû. C'étoit une nouvelle qui méritoit
d'être annoncée à l'illuftre Chef de la
Juftice ; auffi ce grand Magiftrat l'écouta
avec d'autant plus de plaifir , que par une
rencontre affés finguliere , lui-même dans
fa jeuneffe avoit conçû à peu près le mêmedeffein
, & s'étoit formé le même plan,
mais les grands emplois , par lefquels il
avoit paffé fucceffivement , ne lui avoient
pas permis de l'exécuter. M. le Chancelier
A
P
118 MERCURE DE FRANCE.
écrivit une lettre à M. Pothier , par laquel
le lui donnant avis du rapport que le
Profeffeur d'Orleans lui avoit fait , il le
prioit en même tems de lui envoyer fon
cahier , afin qu'il en pût juger par lui -même.
M. Pothier , fort furpris de recevoir
cette lettre , ne pût fe difpenfer d'y répondre.
L'ouvrage fut donc envoyé , & ne
put être lû ni expédié fi-tôt , à caufe des
grandes affaires qui furvinrent en ce temslà
au Confeil. M. Pothier qui fut plufieurs
mois fans recevoir de nouvelles , crût qu'il
n'en recevroit aucunes. Le contraire arriva
cependant , car M. le Chancelier ayant
enfin trouvé le tems de lire le cahier , le
goûta fort , & en conféquence récrivit
M. Pothier , que fi fes affaires le permettoient,
il voulût bien fe donner la peine
de venir à Paris , dans un tems qu'il lui
marqua , & qu'alors ils pourroient conferer
enſemble , & convenir de ce qu'il y
auroit à faire. M. Pothier obéit . Il vint ,
& M. le Chancelier lui communiqua fes
vûës.
Le bruit de cette entrevûë s'étant répandu
, M. Gilbert de Voifins , Avocat
Général en ce tems , & maintenant Confeiller
d'Etat , voulut dans la fuite être de
la partie plufieurs des plus fameux Avo
SEPTEMBER . 1748. 119
cats du Parlement s'intérefferent de leur
côté. M. Pothier , ainfi encouragé , fe mit
férieufement à l'ouvrage. Le Privilége
pour l'impreffion fut accordé ; on forma le
Profpectus ; le travail avança , & vint enfin
au point où il eft aujourd'hui . Le premier
tome paroît , le fecond s'acheve d'imprimer
, & le troifiéme ne tardera pas.
Un des amis del'Auteur lui fit préfent des
vers Latins fuivans, qui font allufion à fon
nom .
In Digeftum meliùs ordinatum.
Molle lutumficuti figulus premit , atque reformat
Sic jus ordinat ifte liber , legefque difertus
Colligit errantes variè , tenebrafque repellit ;
Informat mores , lites compofcit ubique
120 MERCURE DEFRANCE.
A Mile Cleron fur le rôle de Didon qu'elle
vient de remettre au Théatre.
T Andis que fur la Scéne , où nos voeux vous
rappellent ,
Votre afpect , allumant de nouvelles ardeurs ,
Communique le feu dont vos yeux étincellent ,
Et le captive tous les coeurs :
Le mien , belle Didon , vous offre fon hommage.
Sur vos rares talens , fur vos divins appas ,
Le public & mes vers n'ont qu'un même langage ;
Tout vous applaudit , mais hélas !
Quel est votre fort & le nôtre ?
Certes , je le fçais mieux qu'un autre ?
D'un Héros vertueux votre coeur eft épris.
Par les noeuds les plus doux vos deftins font unis.
La gloire l'arrache à vos charmes.
Vos accens enchanteurs nous arrachent des larmes.
Enfin par un contraſte auffi trifte que doux ,
Yous mourez pour Enée , & nous vivons pour
YOUSPar
M. de la Louptiere,
LETTRE
SEPTEMBRE. 1748. 1.21
薪兼洗洗洗洗洗洗洗洗:洗洗洗洗洗洗
•
LETTRE d'un Chirurgien de Province
à un Médecin de Paris , fur la Garance
pour fervir de réplique à la réponse de ce
dernier, inferée dans le Mercure du mois
de Février 1748 .
E fçavois bien , Monfieur , qu'en vous
adrellant ma lettre , vous fatisfericz à
tout. Votre réponſe eft de main de maître.
Vous y faites fentir , avec décence , la fupériorité
de votre état fur le mien , & dans
les circonftances préfentes cet objet n'eſt
point à négliger. Si vous penfez même
que mon attachement pour votre illuftre
Corps foit un moyen de plus pour la Faculté
, je vous laiffe le maître d'en tirer le
parti que vous jugerez à propos. Une
chofe qui me flate infiniment , c'eft la juſtice
que vous rendez à M. Duhamel . J'ayouerai
de bonne foi , que la note de cer
Académicien , inferée dans les Mémoires
de l'Académie des Sciences , m'étoit échapée.
Si elle me fût tombée fous les yeux ,
je me ferois bien gardé de relever ce défaut
d'exactitude. Ce qui paroît extraordinaire
, c'eft que M. Guettard , Médecin
F
122 MERCURE DE FRANCE.
-
de votre Faculté , & Membre de l'Acadé
mie , nous annonce dans un livre d'obſer
vations fur les Plantes , imprimé en 1747,
que la propriété qu'ont les racines de la
Garance de rougir les os des animaux
» vivans , n'eft connue que depuis quel-
» ques années , & que le premier effet en
na été d'abord obfervé en Angleterre . «<
Si nous voyons jamais une nouvelle édition
de cet ouvrage , j'efpere qu'à l'exem
ple de M. Duhamel , & excité par le mien,
Ï'Auteur voudra bien y inferer une note
pour inftruire les lecteurs de l'erreur dans
laquelle il a donné.
Vous penfez , Monfieur , que Mizauld
eft le premier qui ait parlé de la propriété
de la Garance , dont il eft queftion entre
nous , & qu'il a écrit avant Charles Etienne
, que j'ai cité. J'ai des raifons de croire
que l'Aureur Latin où j'ai lû , Erythrodanum
offa animalium rubefacit , eft plus ancien.
Il eft même probable que cette découverte
eft encore beaucoup plus reculée
dans l'antiquité. D'ailleurs , Charles
Etienne eft pour le moins contemporain
de Mizauld , s'il n'eft pas plus ancien ; le
premier étoit Docteur de la Faculté de
Paris en 1538 , comme il paroît par un
de fes ouvrages , donné au public dans
SEPTEMBRE. 1748. 12
la même année ; & la premiere édition de
la Maiſon Ruftique , qu'il a publiée avec
Jean Liebault , eft de 1582. Ceci fait voir
qu'il faut recourir à des fiécles plus éloignés,
pour trouver l'Auteur de cette propriété
de la Garance .
Vous avez raiſon , Monfieur , de fouhaiter
que M. Duhamel vérifie par les expériences
, fi les tiges de cette plante ont
la même propriété que les racines à l'égard
de la coloration des os , auffi-bien que les
autres propriétés que les anciens agriculteurs
lui ont données . Il y a fatisfait en
partie , mais il reste encore quelque chofe
délirer.
Souffrez que je remarque que M. Guettard
, dans l'Épître Dédicatoire de fon ouvrage
, dit au Prince , à qui il le dédie :
» Que l'honneur que Son Alteffe vient de
» lui faire de le nommer fon Médecin
» Botaniſte , eft un des motifs qui font
» qu'il ofe lui offrir cet ouvrage, qui regar-
» de les glandes des plantes & leurs vaif-
»feaux excrétoires , comme des parties.
»dignes d'être obfervées & qui l'avoient
❞peu été jufqu'ici. «<
* Sylva ,frutetum , Collis , Parifiis , 1538,
Fij
124 MERCURE DE FRANCE.
Je vous prie , Monfieur , d'éclaircir mes
doutes ; eft-il bien vrai que les parties
des plantes ont été peu obfervées ? Eft- il
encore vrai , qu'en fuppofant que M.
Guettard en fût un des premiers Obfervateurs
, il puiffe employer fes remarques ,
comme des principes certains de diftinction
des plantes entre elles ? On peut , ce
me femble ,,
conjecturer que les grands
hommes qui l'ont précédé , ayant reconnu
que cette Méthode ne conduifoit à rien ,
ont établi des régles qui pourront paroître
plus lumineufes & plus fûres.
A ****** le 28 Mars 1748,
SEPTEMBRE . 1743. 125
On a dû expliquer les Logogryphes &
les Enigmes du Mercure d'Août par Pref
foir , Relation , Armoiries , Sac , Secret &
Portrait. On trouve dans le premier Lo
gogryphefie , pré , foir , Jo , Iffé , ris , Pife,
rofe , ire ,foie , Sire , poire , pore , or, Ipres,
roffe, pois , Roi : dans le ſecond , ré , la , note,
ton Roi , Noyer , Laon , taon , Aretin .
tein , lait , noir , ortie , nate , Latone , ane
talion dans le troifiéme , miroir , ørme ,
›
or , mois , ame , rofier , ami & foir.
mer
洗洗洗潔洗澡洗洗洗洗洗洗選
ENIGM E.
E fuis l'appanage ordinaire
Du fexe à qui le Ciel difpenfa les appas ;
La France contre moi fit une loi fevére ,
Que l'on n'obferve point dans les autres Etats ;
>
Je regne dans les champs , bien plus que dans les
Villes ;
Trois de mes foeurs & moi , des lits de nos ayeux
Etions jadis les föûtiens immobiles ,
Mais aujourd'hui l'on nous chaffe en tous
lieux ,
Comme des meubles inutiles.
Quelque bas que foit mon emploi ,
Fiij
"
126 MERCURE DE FRANCE.
Autrefois un Héros infigne
De fes robuftes mains ne me crût pas indigne
Et fi l'antiquité trouve encor quelque foi
Dans l'efprit de l'humaine race ,
Tandis que de la terre on couvrira la face ,
Les grands & les petits releveront de moi,
C
JE
AUTRE
E ne fuis ni chair ni poiffon ;
Je ne fais , ni grand mal , ni grand bien, dans le *
monde ;
Je fuis de la couleur de l'onde ,
Où Pharaon but plus que de raison.
Comme le Nil je n'étends & refferre ,
Et laiffe comme lui ma graiffe fur la terre.
Quiconque fait rimer devinera mon nom.
Les deux Enigmes précédentes font
d'un de nos meilleurs Poëtes Tragiques
modernes , qui les fit à onze ans , étant
alors en Seconde.
2525
SEPTEMBRE. 1748. 827
AUTRE.
S Ans
trembler ,
Je fais toujours en crainte ,
Sans crier ,
Toujours j'éclatte en plaintes,
Sans brûler ,
Je me tiens dans les flammes ;
Sans aimer ,
On me voit chés les Dames.
M. D. F. de Bourg Argental-en-Forez
AUTRE.
Comme les Rois j'habite des Palais ,
Mais fouvent la belle nature ,
Dans les miens que je ne quitte jamais ,
Fait briller fa feule parure.
Une petite escorte my deffend ;
J'y brille feule fans feconde ,
J'y fais la guerre à l'innocent
Sur la terre comme fur l'onde ,
Souvent je fais du mal fans le fçavoir ,
Et contre moi fois l'on gronde, par
Car je ne puis exercer mon pouvoir ,
Sans faire jazer le monde .
Par M ** , d'Alençon
Fiiij
28 MERCURE DE FRANCE.
D
LOGOGRYPHE.
E fix membres divers mon corps eft com
pofé.
S'il eft également en trois lots divifé ,
Un T joint au premier , dans des têtes peu faines ,
Ajoute l'efperance aux plus ardens defirs ,
Et , pour un feul mortel qu'il comble de plaifirs
A cent triftes rivaux il caufe mille peines.
Otez- moi le lot du milieu ,
On peut faire du refte un mets digne d'un Dieu.
On rencontre chés moi mille & mille merveilles ,
De ces fons enchanteurs qui charment les oreil
les ,
L'ame de nos ragoûts , l'agrément du difcours ,
Ce qu'aux Amans les plus fidelles
Accordent rarement les Belles ,
Et que l'Epoux obtient toujours ;
Ce qui fait fous le joug plier les plus rebelles ,
Et qui d'un fage Empire entretient l'heureux
cours.
Ma puiffance s'étend fur la terre & fur l'onde .
A travers les rochers , les firtes & les mers ,
Je ferois aux mortels faire le tour du monde ,
Et le fombre trajet du fleuve des enfers .
A contribution je fçais mettre les airs.
Fuyant l'éclat trompeur des vanités mondaines ;
SEPTEMBRE. 1748. 129
Aux profanes regards je cache mille attraits ;
Mais fouvent , aiguifant leurs traits ,
Mes efforts n'ont fervi qu'à former plus de chaf
nes.
Avec l'aide d'un P chés le plus fier Berger
Ma premiere moitié fait naître des allarmes ;
Il ne la voit jamais fans courir un danger ,
Qui de mainte Bergere a fait couler les larmes.
C'est bien pis , quand au lieu de trois
On prend mes membres cinq enfemble ;
Il n'eft point de Guerriers qui devant moi ne
tremble , …,
Et qui ne foit pourtant flaté quand je le vois.
Me met-on au pluriel ? Mon pouvoir eftfuprême ;
Plus queje ne puis dire, ou me chérit , on m'aime ;
Męs appas tout- puiſſaus féduiſent juſqu'aux Rois,
Ils vont charmer l'Olympe même ;
L'Amour , le fier Amour , eft foûmis à mes loix ;
Mais fi j'ai tant d'attraits , fi tout me rend les ar
mes ,
Lorfque j'ai feulement cinq membres à la fois ,
Quand je les ai tous fix , jugez quels font mes
charmes.
1
Fy
130 MERCURE DE FRANCE.
E
LOGO GRYPHU S.
X pedibus mihi prifca novem dat fabula no
men.
Ex his tres anni gratiffima tempora præftant ,
Trefque locum ridet quo formofiffimus annus
In primis ; animal tres quo cum afperrima feles .
Bella gerunt ; charites quot fint , fi fcire lubebit
Quæ fit pars arcûs ftridens fugiente fagitta ;
Quis fuit Æneæ quondam generofior hoftis;
Quæ fit & artifici quæ machina longa rotatu
Eſcas ante focum coquit , & quo nomine nati
Sponfa vocetur, habes in me : fum denique donum
EXPLICATION des Enigmes &
·Logogryphes du Mercure de Juillet. ´´
A DAMI S.
10261
Air du Vaudeville d'Epicure..
Tout cede aux attraits de Thémire ,
Et tu crains pour ta liberté ,
Mais pour en conferver l'Empire ,
Fuis à jamais cette beauté.
Si de ton coeur elle s'empare ,
Tes efforts feront impuiffans ;
La raifon fe trouble , & s'égare ;.
Quand l'Amour a charmé les s E N.S
SEPTEMBRE. 1748. 13F
Air : Ton himeur eft Catheraine.
A juger par l'apparence
On diroit que Clidamant
Se voué à la pénitence ,
Et qu'il jeûne affidament ,
Mais ce perfonnage blême
Cache , ( on ne le croiroit pas )
Sous les dehors du CARESME,
L'embonpoint du Mardi-gras.
Air : De tous les Capucins du monde.
. C'eft aujourd'hui la PENTECOTE * ,
Et j'ai pour femme une dévote.
* Que j'entendrai de longs fermons
Et de fatiguantes harangues ,
Si Dieu , la comblant de fes dons ,
N'en excepte celui des langues !
LUCAS..
•
Air : On ne parle que de béquille
Bon pain , bon vin , & bonne chere ,
Voilà tout ce que nous voulons :
* On trouve dans ce mot Pentecôte , peffe , for ,,
fep , Enée , tente , épée , nôce , côte , cône , fon , Eté ,
tête , Po,, os , Noé..
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
Finis donc , notre ménagere ;
Eh! pourquoi toutes ces façons ?
De ce dindon , dis -moi , Nannette ,
Pour mettre une aîle fous la dent ,
Nous faut-il une autre FOURCHETTE ;
Que celle du bon pere Adam
Air : Non , je neferai pas ce qu'on veut
que je falle.
Le fage , dit Platon , & fon illuſtre ſecte ,
De fa félicité lui - même eft l’ARCHITECTE **
Lorſque fur les débris des vices abattus ,
Dans fon coeur il prend foin d'élever les vertus.
* La fourchette du pere Adam , expreſſion popylaire
, pour fignifier les cinq doigts .
On trouve dans ce mot fourchette , hêtre, chouet,
te , Ur , cour , Eté , fer , roue , ruche , or.
** On trouve dans ce mot Architecte, re , chaise,
Tacite , are , arche , art , char , chat , échec , arête ,
Cithére , Théatre , .
Nau.
1
SEPTEMBRE. " 1748. 193
❁ ཡུ:༽ གུ ཕུ • 0
NOUVELLES LITTERAIRES ,
DES BEAUX- ARTS , brc.
M Mathématiques , par M. Diderof.
EMOIRES fur differens fujets de
A Paris , chés Durand , rue Saint Jacques ,
au Griffon , & chés Piffot , Quai des Auguftins
, à la Sageffe , in-octavo , orné d'un
Aeuron & de cinq vignettes.
Les principes généraux de l'Acoustique,
ou de la fcience du fon , font la matiere
du premier Mémoire . Sa briéveté n'a point
empêché M. Diderot d'y examiner plufieurs
queftions intéreffantes & difficiles. Telles
font celles qu'on peut faire fur l'origine
de l'harmonie , fur la nature du plaifir
mufical , & en général de tout plaifir intellectuel
; fur le fon , fa formation , fa vîteffe
, fa force , fes intervalles & fes efpéces.
Dans le fecond Mémoire , l'Auteur fe propofe
d'introduire la développante du Ċercle
dans la Géométrie Elementaire. Pour
peu qu'on foit inftruit , on fçait que fi une
Courbe étant enveloppée d'un fil on
prend ce fil par une de fes extrêmités , &
fi on le développe en le tenant toujours
tendu , le chemin tracé dans l'air ou fur
un plan par l'extrêmité de ce fil , fera ce
,
134MERCURE DE FRANCE:
qu'on appelle une développante, Le troifiéme
Mémoire contient l'examen d'un
principe de méchanique fur la tenfion des
cordes. On demande fi une corde , attachée
par une de fes extrêmités à un point
fixe , & tirée de l'autre par un poids , n'eft
ni plus ni moins tendue que fil'on fubftituoit
au point fixe un poids égal à celui
qui la tend déja . » Mettez , dit M. Diderot
, cette corde à l'uniffon avec une des
» touches du Clavecin. Subftituez enfuite
»le poids aupoint fixe.Si l'uniffon eft con-
»fervé , la tenfion fera la même. Si l'unif-
»fon ne fubfifte plus , la tenfion fera diffe-
» rente , & la difference des fons donnera
toujours celle des tenfions «. L'Auteur
dans fon premier Mémoire a renvoyé les
Muficiens au Thermométre & au Barométre.
Ici ', il renvoye les Phyficiens au Clavecin.
Il s'agit , dans le quatriéme Mémoire
, du projet d'un Orgue , fur lequel
on pourra exécuter toute Piéce de Mufique
à tel nombre de parties qu'on voudra , inftrument
également à l'ufage de ceux qui
fçavent la Mufique , & de ceux qui l'ignorent
totalement . Ce morceau avoit déja
paru dans le Mercure , & c'eft autant l'ouvrage
d'un homme de Lettres , que d'un
Méchanicien. Selon M. Newton , les retardations
, caufées par l'air au mouvement
SEPTEMBRE . 1748. 135
d'un Pendule , font comme les arcs parcourus.
L'objet de M. Diderot dans fon
cinquiéme Mémoire eft de difcuter fi cette
opinion doit être adoptée , & il trouve
par le calcul que ces retardations font ,
non comme les arcs en queftion , mais
comme leurs quarrés. Voilà bien des vûës.
nouvelles dans un volume , qui avec la
Table ne comprend pas plus de 250 pages.
On connoiffoit deja l'Auteur pour un
homme de beaucoup d'efprit. En lifant
ces Mémoires , on reconnoîtra qu'il joine
à cet avantage celui d'être fçavant Muficien
, Méchanicien ingénieux , & profond
Géométre.
ODES fur la Religion , par M.de Claris ,
Préfident en la Cour des Aides de Montpellier.
A Paris , de l'Imprimerie de P..
G. le Mercier , Imprimeur Libraire ordinaire
de la Ville , rue Saint Jacques , au
Livre d'or , in- octavo , de 22 pages.
On peut confidérer la Religion fous la
Loi de nature , fous la Loi écrite , & fous
la Loi de grace. M. de Claris , faififfant ces
trois afpects , a compofé trois Odes , dans :
Lefquelles il nous a paru qu'il y avoit diverfes
ftrophes très- dignes d'être applaudies.
La premiere Ode commence par une
imitation du fameux Prologue du Ballet
des Elemens . L'Auteur décrit enfuire les
136 MERCURE DE FRANCE.
plaifirs purs , dont Adam & Eve joüiffoient
dans le Paradis Terreftre , & il apoftrophe
ainfi l'Ange rebelle , ennemi de leur félicité.
Efprit habitant des ténébres ,
Où t'a précipité l'erreur !
Tu vois de tes antres funébres
Le fpectacle de leur bonheur ;
De ton origine célefte
Le vain & déplorable reſte
Contre eux allume ton courroux.
Moins grands que toi par leur effence ,
Et plus grands par leur innocence ,
Quels objets pour tes yeux jaloux !
Il y a dans la peinture que M. de Claris
fait de la chute de notre premier pere , &
des fuites funeftes qu'elle a eues pour le
genre humain , plufieurs vers dont tout
Poëte pourroit fe faire honneur. Perfonne
ne peut non plus refufer de juftes éloges à
la defcription du paffage de la mer rouge .
Feu M. de la Motte , dans fon Poëme
des Apôtres , avoit dit :
Le muet parle aufourd , étonné de l'entendre.
M. de Claris paraphrafe cette image dans
fon Ode de la Religion fous la Loi de
Grace.
SEPTEMBRE. 1748. 137
Au Sourd , étonné de l'entendre ,
Le Muet fe hâte d'apprendre
Qu'un Paralytique les fuit ,
Et l'Aveugle , ouvrant la paupiere
Voit le ranimer la pouffiere
D'un Mort que les vers ont détruit .
Si en quelques occafions , comme celleci
, M. de Claris imite des modéles , il
montre en plufieurs autres endroits , qu'il
n'a pas befoin des aîles d'autrui , pour Loû
tenir le vol le plus élevé.
•
LETTRES du Baron de Bufbec, Ambaffadeur
de Ferdinand I , Roi des Romains
de Hongrie , & c. auprès de Soliman 11 ,
& nommé enfuite Ambaffadeur de l'Empereur
Rodolphe 11 , à la Cour de France
fous le Regne de Henri III. Traduites
en François avec des Notes hiftoriques &
Géographiques , par M. l'Abbé de Foy ,
Chanoine de l'Eglife de Meaux. A Paris ,
chés Jean-Baptifte Bauche , fils , Quai des
Auguftins , à l'Image Sainte Geneviève ,
& Laurent d'Houry , fils , rue de la vieille
Bouclerie , 1748 , 3 vol .
Les deux premieres de ces Lettres furent
imprimées pour la premiere fois à Anvers
en 1581 , fous le titre d'Itinera Conftantinopolitanum
& Amazianum. En 1590 ,
on en donna une feconde Edition , danş
13 MERCURE DE FRANCE.
窗
que
laquelle on ajouta la troifiéme & la quatriéme
Lettre , & l'on changea le premier
titre , en y fubftituant celui- ci , Augerii
Gifleni Turcica Legationes . Epiftola Quatuor.
Il parur deux autres Editions en 1592 &
en 1632. Dans cette derniere , on publia
avec les Lettres précédentes , celles
le
Baron de Bufbec avoit écrites à l'Empereur
Rodolphe II . Les réimpreffions fré
quentes de ce Recueil annonçent fuffifamment
l'empreffement avec lequel il a tou
jours été recherché. On fçait d'ailleurs
que perfonne n'a plus étudié & mieux décrit
que le Baron de Bufbec , les maximes,
les moeurs , & les ufages des Turcs ; que
perfonne n'a mieux connu les avantages
& les défauts de leur Gouvernement ; que
fes Lettres , écrites de France à Rodolphe
II , font d'excellents Mémoires fur plu
fieurs évenemens du Regne de Henri III ,
& qu'en général tout ce qui eft forti de la
plume de ce Miniftre , peut être regardé
comme un modéle pour les Ambaffadeurs ,
qui veulent rendre compte à leur Maître
de ce qui fe paffe dans les Cours où ils réfident.
Le mérite de ce Livre a engagé M.
l'Abbé de Foy , à le traduire , & à y joindre
plufieurs notes hiftoriques & géographiques.
On trouve dans le premier volume
de la Traduction les deux premieres
SEPTEMBRE. 1748. 139
Lettres de Bufbec ; dans le fecond , les
deux Lettres fuivantes , avec la harangue
d'un Ambaffadeur Turc à Ferdinand , &
les Articles du Traité de Paix , propofés
par Soliman ; dans le troifiéme , le projet
de guerre contre les Turcs , & les Lettres
compofées par Bufbec , pendant fon Am
baffade à la Cour de Henri III .
ENTRETIENS fur la caufe de l'inclinai
fon des Orbites des Planettes , &c. par
M. Bouguer de l'Académie Royale des
Sciences. Seconde Edition , dans laquelle on
a faifi l'occafion d'examiner l'étendue du
méchaniſme ou des loix de Phyfique. A
Paris , chés Fombert , Quai des Auguftins ,
in- quarto de 138 pages , avec deux planches
, 1748.
Dans la premiere Edition , l'ouvrage que
nous annonçons confiftoir en trois Entre
tiens , précedés d'une Préface raiſonnée ,
qui en contenoit une espece de précis. M.
Bouguer y introduifoit deux Cartéfiens ,
qui s'entretenoient familierement avec un
Newtonien. Chacun de ces Philofophes
faifoit valoir fon fentiment , reftoit
attaché. Cependant le Cartéfianifme étoit
comme adopté provifionellement , & on
le faifoit fervir à la décifion de la queſtion
propofée fur le cours oblique des Planettes.
Le fond de l'ouvrage eft le même . M.
& Y
140 MERCURE DE FRANCE
Bouguer n'y a point touché dans cette fes
conde Edition , fi ce n'eſt pour étendre ou
éclaircir quelques articles , mais il a ajoûté
à la fin de chaque Entretien plufieurs remarques
, qui forment comme autant de
Differtations complettes , & qu'on peut re
garder déformais comme la partie effentielle
du Livre. L'Auteur y a prefque toujours
eu en vue de comparer entre elles les deux
Phyfiques regnantes de notre tems , de vérifier
celle qui s'accorde le mieux avec les
Phénoménes , & d'éclairer le choix qu'en
doivent faire les Lecteurs. La difficulté fe
réduit à décidér fi le méchaniſme général
ne confifte qué dans les feules loix du mouvement
, ou s'il s'étend à quelque principe
de plus , qui trouve également fa force
comme les autres loix de Phyfique, dans la
volonté toute- puiffante de l'Auteur de la
Nature.
M. Née , de la Rochelle , Avocat au Parlement
, a donné au Public un Commentaire
fur la Coûtume des Bailliage & Comté
d'Auxerre, anciens Refforts & Enclaves,
rédigée en préfence des trois Etats. Ce Livre
le vend chés Jean - Baptifte Bauche , fils,
Libraire , Quai des Auguftins , à fainte Géneviève
.
Il y a eu un ancien Commentaire de cet
te Coûtume , fait par un nommé Billon,
SEPTEMBRE.
•
1748. 14
M. Née n'a rien épargné pour rendre le
fien exact & complet. On trouve à la fin
le Procès verbal de la Coûtume, une Table
alphabétique des matieres , & une Table
des Villes , Bourgs & Paroiffes, qui font du
reffort du Bailliage d'Auxerre .
;
Il paroît une Brochure de 94 pages in - 12 .
imprimée à la Haye , qui a pour titre Ré
ception du Docteur Hequet , aux Enfers. Elle
eft dédiée à M. Chicoineau , Premier Médeein
du Roi. Quoiqu'elle ne femble avoir
pour objet qu'une Critique ingénieufe fur
l'abus de la faignée, & de l'étude de la Géométrie
& de la Mufique , pour la guérifon
des maladies , l'Auteur entreprend de
prouver que les Phyficiens modernes ne
connoiffent la Nature que fuperficiellement
, & qu'ils prennent l'ombre pour le
corps ; il met dans une même cathegorie ,
non Ariftote , mais les Péripatéticiens , les
Cartéfiens , & même Newton , dont le
fyftême , dit-il , eft la maladie épidémique
de notre fiécle ; il le confidere comme un
grand Géométre , mais il nie qu'il ait été
Philofophe; il ajoûte que ce qu'il a écrit
touchant les couleurs , n'eft qu'une pure
idée ; qu'il n'y a pas de vuide , & que c'eft
une folie de vouloir généralement tout foumettre
au calcul . L'Auteur diftingue deux
natures dans l'homme ; l'une inaltérable &
#42 MERCURE DE FRANCE.
1
qui ne périt jamais ; l'autre édifiée par un
perpétuel concours d'addition & de fouftraction
de principes & de matiere , dont
la proportion, reglée par la nature , entre
tient l'équilibre & la vie ; & c'eſt à l'érude
des moyens que l'Auteur indique pour
conferver long- tems cet équilibre , qu'il
invite les Médecins de s'appliquer , au lieu
de réduire leur doctrine à la faignée , aux
apofemes & à des diettes outrées , mais il
prétend que l'homme doit coopérer de ſa
part par la fobriété.
ESSAI fur la Caftrametation , ou fur la
mefure & le tracé des Camps , & c. par M. le
Blond , Profeffeur de Mathématiques des
Pages de la grande Ecurie du Roi , & des
Pages de Madame la Dauphine. A Paris ,
chés Charles-Antoine Jombert, Quai des
Auguſtins.
Cet
ouvrage eft très-bien exécuté . L'Auteur
traite d'abord
de la formation
ou de
l'arrangement
des troupes. Il établit enfuite
les regles générales
qui s'obfervent
dans l'ordre de bataille. Cet ordre confifte
à faire camper
l'armée
de la même maniere
que les troupes s'y trouvent
placées.
L'ouvrage
eft terminé
par un précis des
gardes qu'on employe
à la fûreté du Camp.
M. le Blond a traité cette matiere
differemment
de ce qu'elle l'a été juſqu'à
préi
SEPTEMBRE. 1748. 143
fent , c'est-à-dire en expofant des régles &
des maximes , dont la formation du Camp
n'eft plus que l'exécution. Il reconnoît
qu'il a tiré beaucoup de fecours d'un manufcrit
de feu M. le Comte de Chaftellux ,
qui lui a été confié , & du Livre de M. le
Marquis de Puyfegur. Un tel aveu ne peut
qu'augmenter le mérite de fon travail auprès
des Militaires . Ils n'y trouveront rien
de purement spéculatif , ni d'une théorie
trop recherchée. L'Auteur n'y ſuppoſe que
da connoiffance des premieres régles de
l'Arithmétique & des premiers Problêmes
de la Géométrie pratique. Cet ouvrage
peut donner de grandes lumieres à ceux
qui voudront s'inftruire par des principes
fûrs & par des conféquences bien déduites.
LEÇONS Elémentaires d'Aftronomic
Géométrique & Phyſique . Volume in octavo
de 348 pages & 9 planches . A Paris ,
chés les Freres Guerin , ruë S. Jacques.
BIBLIOTHEQUE Françoiſe , ou Hiſtoire de
la Litterature Françoife , dans laquelle on
montre l'utilité que l'on peut retirer des
Livres publiés en François depuis l'origine
de l'Imprimerie , pour la connoiffan
ce des Belles Lettres , de l'Hiftoire , des
Sciences & des Arts , & c . par M. l'Abbé
Goujet , Chanoine de S. Jacques de l'Hô$
44 MERCURE DE FRANCE.
pital . XI & XII volumes in- 12 , le premier
de 472 pages , le fecond de 478. A
Paris , chés Pierre J. Mariette , & Hyppoà
lite Louis Guerin , Libraires , rue Saint
Jacques , 1747 .
DIALOGUE fur l'expérience des remedes
indiqués dans le Mémoire fur la
goutte
, imprimé à Nantes chés André Querro -
Imprimeur de l'Univerfité , 1746 , dans
lequel on explique les principales difficultés
que peuvent propofer les Gouteux ; les
effets des remedes , fuivant les differentes
conjonctures ; leurs propriétés & la manie
re de les appliquer , avec le nom des drogues
qui entrent dans leur compofition.
A Nantes , de l'Imprimerie de la veuve P.
Marefchal , Imprimeur du Roi , vis- à- vis
le Puits -Lory , à la vertu , 1747. Brochure
in-octavo de 52 pages. Cette Brochure fe
trouve à Paris , chés Briaffon , Libraire ruë
S. Jacques , à la Science.
HISTOIRE GENERALE d'Allemagne , par
le Pere Barre , Chanoine Regulier de fainte
Géneviève , & Chancelier de l'Univerfité
de Paris. Tome IV , qui comprend les
régnes depuis l'an 1039 , jufqu'en 1152 ,
in- quarto de 708 pages , non compris la Table
des matieres. A Paris, chés Ch. J, Baptifte
de Lepine , & Jean-Thomas Hériffant ,
Libraires , ruë S. Jacques , 1748.
BENI
SEPTEMBRE 1748. 145
BENEDICTI XIV . Pont . Opt. Max. olim
Profperi Cardinalis de Lambertinis , primùm
Anconitana Ecclefia Epifcopi , deinde Bononienfis
Archiepifcopi , de Servorum Dei beatificatione
& Beatorum Canonifatione Liber
11. Editio tertia auctior & caftigatior , ad
ufum Academia Liturgica Conimbricenfis.
Roma , typis Nic. & Marc . Palearinorum ,
1747.
PRINCIPES de la Perfection Chrétienne
& Religieufe , divifés en deux parties. La
premiere traite de la perfection Chrétienne
, la feconde de la perfection Religieufe .
On y a joint des Supplémens pour les Vier-
Chrétiennes fervent Dieu dans le
qui
monde. A Paris , chés la veuve Rondet , &
Labottiere , Libraires , ruë S. Jacques , &
J. Defaint , & C. Saillant , Libraires , rue
Saint Jean de Beauvais , 1748 , in- 12 .
ges
LE COUP D'IL des Dictionnaires François
, où l'ortographe de chaque mot eft
prouvée par régles , par M. Jacquier , ſe
trouve à Paris , chés le Gras , au Palais ; la
veuve Piffot , Quai de Conty ; Briaffon , ruë
S. Jacques , & Chaubert , Quai des Auguſtins
, du côté du Pont S. Michel , 1748 ,
in- 1 2.
LE CHRETIEN fidéle à fa vocation , ou
Refléxions fur les principaux devoirs du
Chrétien , diftribuées pour chaque jour du
G
146 MERCURE DE FRANCE.
mois , & utiles pour les retraites. A Paris,
chés Lottin & Butard , Libraires , ruë faint
Jacques ; Defaint & Saillant , ruë S. Jean
de Beauvais , & la veuve Robinot , Quai des
Auguftins , 1748 , in- 12.
LE TOME XV de l'Hiftoire générale
des Auteurs Sacrés & Eccléfiaftiques ,
&c. par le R. P. Dom Remy Ceillier , Bénédictin
de la Congrégation de S. Vannes
& de S. Hydulphe , paroît depuis peu chés
Ph. Nic. Lottin , Imprimeur-Libraire , &
J. H. Butard , ruë S. Jacques , à la Vérité ,
& chés la veuve Pierres , auffi ruë faint Jac
ques , & Paulus du Mefnil , au Palais
1748 , in-quarto,
DICTIONNAIRE des Proverbes François,
& des façons de parler , comiques , burlefques
& familieres , avec l'explication , &
les étymologies les plus averées. A Paris ,
de l'Imprimerie de Giffey , chés Savoye ,
Libraire , rue S. Jacques , à l'Espérance ,
1748 , in-quarto,
HISTOIRE Litteraire de la France par
des Religieux Bénédictins de la Congrégation
de S. Maur. Tome VIII , qui comprend
le reste du onzième ſiècle de l'Eglife.
A Paris , chés Huart , & Moreau , fils ,
rue S. Jacques , Chaubert , Quai des Auguftins
; la veuve Brocas & Aumont , ruë
5. Jacques ; David , fils aîné , ruë S. JacSEPTEMBRE.
1748. 147
ques ; Piget , Quai des Auguftins , & Durand
, rue S. Jacques , in-quarto de 733
fans l'Avertiffement , 1748 .
pages ,
L'ANNEE MERVEILLEUSE. Comédie
en un Acte & en Vers . Par M. Rouf
feau. Repréfentée par les Comédiens Italiens
ordinaires du Roi. A Paris , chés
Cailleau , rue S. Jacques , au deffus de la
rue des Mathurins , à S. André , 1748 .
On a porté de cette Piéce à la lecture le
même jugement qu'on en avoit porté à la
repréſentation .
Le même Libraire débite la Tragédie de
François, I, Venife fauvée , le Méchant
la Gouvernante , l'Amour Caftillan , Amef
tris , Aphos , la Rivale Suivante , l'Ecole
amoureuſe , les Petits Maîtres , le Bacha
de Smyrne , les Tableaux , le Miroir , le
Préjugé vaincu , la Difpute , & plufieurs
autres des Piéces nouvelles de Théatre .
GRAMMAIRE GEOGRAPHIQUE , ou Analife
exacte & courte du Corps entier de la
Géographie Moderne. Ouvrage traduit de
l'Anglois de M. Pat. Gordon , fur la feiziéme
Edition. A Paris , chés Durand, rue
S. Jacques , & Piffot , Quai des Auguſtins.
Ces Libraires nous ont envoyé , au fujer
de cette Traduction , l'Avertiffement que
nous allons inférer.
Quoiqu'il y ait déja bien des Traités
Gij
148 MERCURE DE FRANCE.
de
differens de Géographie , on a lieu d'eſpe
rer que le public recevra favorablement
celui- ci . L'Auteur Anglois fçavoit , auffi.
bien que perfonne , qu'il y a fort peu de
fciences fur lesquelles on ait tant écrit que
furla Géographie , cette connoiffance ne l'a
pas empêché de donner fon Livre , perfuadé
qu'il étoit , qu'en ce genre comme en
tout autre, il fuffit pour réuffir , qu'un Auteur
donne du nouveau , corrige les anciens
, ou préſente fes matieres dans un
ordre & avec une méthode plus naturelle.
& plus fimple. Il avoit remarqué que
tous les Auteurs qui l'ont précedé dans ce
genre d'écrire , il n'y en avoit aucun qui
n'eût peché fenfiblement dans l'un des
trois points fuivans , 1 ° . Ou leurs Livres
font trop vvoolluummiinneeuuxx ,, & par-là refoidiſ
fent l'ardeur des jeunes gens & les empêchent
de fe livrer à cette étude. 2 ° . Ou ils
font trop abreges & ne donnent qu'une
connoiffance feche & bien fuperficielle des
inatieres . 3 °. Ou enfin ils font diffus &
écrits fans ordre & fans méthode , & ne
font qu'embarraffer l'efprit desjeunes gens,
fans qu'ils s'en apperçoivent , & empêcher
les progrès qu'ils auroient pû faire dans la
Géographie. L'Auteur Anglois a eu pour
but d'éviter dans ce Traité ces trois inconvéniens
. On peut affûrer qu'il a tenu paSEPTEMBRE
. 1748. 149€
tole. La forme de ſon Livre fait voir qu'il
a évité le premier . C'eſt un in- octavo allés.
gros à la vérité , mais dans lequel il n'a
rien fait entrer que ce qu'il eft abfolument
néceffaire & indifpenfable de fçavoir pour
acquerir quelque teinture de la Géographic.
Il a mis fon Livre à couvert du reproche
de trop de briéveté , par le foin
qu'il a eu d'y inférer , dans chaque article ,
des matieres qui font en même- tems
inftructives & très - amufantes. Enfin on
verra par la méthode qu'il a fuivie , s'il
a trouvé moyen de remedier au troifiéme
inconvénient. Quinze éditions ,
épuifées en aflés peu de tems , ont été la
récompenfe de fon travail. Il eft vrai que
la multitude des éditions n'eft pas toujours
un moyen infaillible pour juger de la bonté
d'un Livre , mais en fait de Livres de
fciences , elles prouvent du moins qu'un
ouvrage, qui jouir d'un pareil fuccès, mérite
d'être préféré à tous les Livres du même
genre. C'eft fur la feizième édition qu'on a
travaillé la Traduction qu'on donne au
Public. On a donc lieu d'efperer que pour
avoir changé de Langue , ce Livre ne fera
pas moins bien reçû en France qu'il l'a été
en Angleterre .
On ne croit pas pouvoir rendre un comp-
2
G iij
150 MERCURE DE FRANCE.
te plus exact de cet ouvrage , qu'en rappor
tant les propres termes dont l'Auteur s'eft
fervi dans la Préface qu'il a mife à la tête
de la feiziéme Edition de fon Livre.
>> Tout cet ouvrage , dit-il , eft divifé en
» deux parties ; dans la premiere on confi-
» dere le Globe terreftre en général ; la feconde
contient une defcription particu
» liere de ce même Globe.
»Partie premiere. Dans l'explication gé-
» nérale que je donne du Globe , j'ai ren-
» fermé quatre chefs , dont j'ai fait quatre
Sections. 1 ° . J'ai expliqué par des défini-
»tions , des deſcriptions & des étymolo-
» gies , tous les termes qui font abfolument
» néceffaires pour bien connoître le Globe,
ainfi que les Tables Analitiques de ce
» Traité. 2 ° . J'ai expofé tous les Problê-
» mes curieux qu'on peut réfoudre au
" moyen du Globe . 3 ° . J'ai ajoûté differens
» Théorêmes de Géographie , qui font des
»propofitions connues par elles-mêmes ,
ou qui fe déduifent clairement des Pro-
»blêmes précédens. 4° .Enfin j'ai parcourus
en paffant,toute la furface du Globe terref
» tre , en tant qu'elle eft compofée de terre
» & d'eau , qui font les feules parties qui
» la conftituent ; on trouvera dans cette
quatriéme Section une énumération exac
»
SEPTEMBRE. 1748. ISI
te de tous les Continens , Ifles , prefqu'Ifles,
Ifthmes, Promontoires , Montagnes,
» Océans , Mers , Golphes , Détroits, Lacs
» & Rivieres , qui couvrent la furface du
" Globe terreftre .
» Seconde partie , contenant un point
» de vûë détaillé de la furface du Globe .
» On entend par ce point de vûë une def-
» cription exacte de tous les Pays remar
» quables qui fe trouvent fur la furface de
»la terre , & des differens Peuples qui
» les habitent . Voici le détail dans le
quel on eft entré à cet égard : on y parle
» de leur fituation , étenduë , divifion , fousdivifions
, Villes principales , nom , air ,
qualité de terrein , marchandiſes , com-
» merce , raretés , Archevêchés , Evêchés
» & Univerfités , moeurs , langage , Gou-
» vernement , Armoiries & Religion .
Ce qu'on s'eft propofé de dire fur chacun
de ces chefs paroît encore mieux par
ble fuivante.
la Ta-
Par rap- Con rappor-(Longitu- ) & entre quelles
port à late en peu
de contrées un
fituation.de mots les Latitude . Pays eft fitué.
Cdegrés de
on y voit (de l'Eft à
A l'étenfes vérita - l'Oueſt ,
duë, bles dimenfions.
réduites en
lieues d'une
du Sud au heure .
Nord .
Giirj
152 MERCURE DE FRANCE.
Par
rapport
à la divifion
.
Les cantons ou claffes géné
rales auxquelles un pays peut
être
rapporté.
La maniere de trouver ces
cantons ou claffes .
Les Provinces particulieres
A la fous- qu'un pays contient , & la
divifion.
maniere de trouver prompment
ces Provinces fur les
Cartes.
'Aux Villes
Les noms modernes de ces
Villes , & la méthode pour
principales. trouver ces Villes prompte-
'Au nom .
A l'air.
ment.
Comment les Anciens les
nommoient ; les differens
noms modernes & leur étymologic.
Sa nature , s'il eft froid ou
chaud , &c. Les antipodes
de cette partie du Globe .
Son véritable climat.
A la qualité Ses productions naturelles .
du Sol.
Aux mar-
L'étendue des jours & des
nuits.
Celles en particulier que
chandifes. le pays produit.
S Au Com- fes de fon crû , & celles qu'il
Quelles font les marchandi .
tire d'ailleurs.
merce.
SEPTEMBRE.
1748. *I53
*
Les raretés naturelles : où
on les trouve certainement.
Aux raretés. Celles qui viennent de l'art
& furtout les monumens de
l'Antiquité.
>
Aux Archevêchés
, Evê- Leurs noms & leur nomchés
& Uni- bre.
verfités.
Le tempéramment naturel
Aux moeurs. & les Coûtumes les plus re-
Au
langage.
marquables des habitans.
Sa compofition & fes propriétés.
Sa nature ou fa véritable
Au Gouverconftitution
. Les
Tribunaux
nement.
Les Armoi
ries.
A la
gion.
publics de Judicature .
Son Ecuffon écartelé .
Sa devife .
Ses principaux articles fon-
Reli - damentaux , quand & par
qui le Chriftianifme y a été
porté , fuppofé que cette
Religion y foit exercée .
Tel eft l'ordre particulier qu'on a fuivi
dans la defcription de chacune des contrées
de la terre. Voici maintenant l'ordre
général qui regne dans la feconde partie
de cet ouvrage. Elle contient
quatre Cha-
Gv
154 MERCURE DE FRANCE.
pitres , qui traitent de l'Europe , de l'Afie ;
de l'Afrique & de l'Amérique. On trouve
au commencement de chaque Chapitre une
divifion qui a plufieurs branches & qui
forme plufieurs Sections ; on voit, avant que
de paffer à ces Sections particulieres , des
Tables analitiques qui défignent en abregé
rout ce qui doit être traité dans toute l'éten
due du Chapitre ; enfuite on paffe aux Sections
qui fouvent font encore fubdivifées &
forment differens Paragraphes . La derniere
Section de chaque Chapitre traite des Ifles
qui font fituées dans la partie de la terre ,
dont il a été queftion dans ce Chapitre .
L'Auteur Anglois ajoûte, à la fin des deux
parties qui compofent fon Livre,un Appendice
où il donne un détail abregé des
plantations que les NationsEuropéenes ont
établies en Afie , en Afrique & en Amérique
, & il finit fon ouvrage par une Table
alphabétique de deux ou trois cens noms
de Villes , avec leurs differens degrés de
Latitude & de Longitude.
Telle eft la méthode que M. Gordon a
fuivie dans fa Grammaire Géographique ,
& cette méthode a été fi fort goûtée en Angleterre,
que les Ecoles publiques ont adopté
fon ouvrage , & l'enfeignent aux jeunes
gens dans leurs exercices.
On a trouvé en France cette méthode fi
SEPTEMBRE. 1748. 155
naturelle & fi claire , qu'on a crû devoir
fuivreppaassàà pas l'Auteur Anglois , fans s'en
écarter aucunement, On a crû feulement
devoir faire quelques changemens dont on
va rendre compte , 1 ° . M. Gordon a écrit
pour les Anglois , à qui il n'importoit pas
d'avoir de la France une connoiffance plus
étendue que des autres Etats de l'Europe ;
ainfi il s'eft renfermé à cet égard dans des
bornes qui ont paru trop refferrées pour
des François , entre les mains de qui on
avoit deffein de faire paffer cette Traduction.
On a fenti que fi la connoiffance un
peu détaillée de la fituation de tous les païs
que renferme la furface du Globe , étoit
d'une grande utilité , & devoit faire partie
de l'éducation des jeunes gens , il étoit.
d'une néceffité indifpenfable pour des François
, de connoître leur propre païs d'une
maniere plus étendue. On s'eft donc crû
obligé de fuppléer à cet égard au défaut de
l'Auteur Anglois. On a jugé à propos d'ajoûter
à la fin du Livre, par maniere de fupplément,
une defcription de la France affés
détaillée . On la confidere fous la divifion
la plus ordinaire & la plus commode , c'eftà-
dire par Gouvernemens ; on compte ordinairement
douze grands Gouvernemens
qui ont fourni la matiere de douze Sections
, auxquelles on en a ajoûté une trei-
G vj
156 MERCURE DE FRANCE .
ziéme , où il eft parlé des païs nouvellement
conquis. Du refte on s'eft attaché
fcrupuleufement , même dans ce Supplément,
à la méthode qui a été gardée dans le
refte de l'Ouvrage.
2º . La Table alphabétique des principales
Villes du monde , qui fe trouve dans
l'original Anglois, a paru fort utile , en ce
qu'elle donne aux jeunes gens la facilité
de trouver tout d'un coup fur les Cartes
Géographiques la véritable pofition d'un
lieu quelconque par rapport aux autres
Villes voisines ; on a penfé que le vrai
moyen d'en accroître l'utilité étoit de l'augmenter
confidérablement . Ainfi on a mis
à la fin du Livre une Table alphabétique
qui contient environ 3000 Villes avec
leurs differens degrés de Longitude & de
Latitude, qui ont été calculés avec foin fur
des Cartes faites exprès , dont on a fait un
Corps,qui fe trouve chés le même Libraire ,
fous le titre de Atlas portatif, Geographique
Militaire.
On affûre le public qu'on n'a épargné
ni les foins , ni la dépenfe pour rendre cet
Atlas utile & agréable au Public.
LETTRE de Madame de *** à Madame
la Marquife de ** , fur la formation des
Etres & la combinaiſon infinie des Principes
. A la Haye , 1748 .
でSEPTEMBRE. 1748. 157
SUPPLEMENT pour prouver les vertus de
la Poudre Royale fébrifuge du fieur de la
Jutais . A la Haye , chésWendermeen , dans le
Grocefter , 1748. Petit ouvrage par demandes
& par réponſes , dans lequel font
préfentées plufieurs raifons folides touchant
la mortalité caufée par les flaxions de
poitrine , pleurefies , pleurimonies & autres
maladies , avec le moyen fûr d'y remedier
, fans employer l'ufage des faignées ,
réiterées .
LA PUISSANCE DE BACCHUS , Cantatille
nouvelle pour une Baffe-taille à voix feule ,
avec fymphonie , mife en Mufique par M.
de Montgaultier. Prix en blanc 36 fols . Se
-vend à Paris , chés l'Auteur , rue des deux
Ecus , dans la maifon de M. Ranté , Brodeur
, & aux adreffes ordinaires.
On trouve chés David le jeune , Libraire,
Quai des Auguftins, au S. Efprit , les Livres
ci- après.
Recueil d'Obfervations curieufes fur les
Moeurs , les Coûtumes , les Ufages , les differentes
Langues , le Gouvernement ,
la
Mythologie , la Chronologie , la Géographie
ancienne & moderne , les Cérémonies
, la Religion , les Méchaniques , l'Aftronomie
, la Médecine , la Phyfique particuliere
, l'Hiftoire naturelle , le Commerce
, la Navigation , les Arts & les Sciences
158 MERCURE DE FRANCE
de differens Peuples de l'Afie , de l'Afrique
& de l'Amérique , in- 12. 4 vol . 10 liv.
reliés.
Bur-
Les Principes du Droit naturel , par
lamaqui , in-octavo , 2 vol . brochés , 3 liv.
Pratique de Médecine, tirée desEcrits d'Hypocrate
& des plus célebres Auteurs modernes.
in-quarto, 4 vol . 10 liv . reliés.
Manuel Philofophique , ou Précis univerfel
des Sciences , 2 vol. 4 liv . reliés.
L'ETAT DE LA FRANCE . Nouvelle Edition.
Six volumes in- 12 .
Antoine Philibert , Libraire à Genève ,
débite un livre nouveau , intitulé l'Origine
de l'Univers , expliquée par un principe de
la matiere, in- 12 . 1748 , imprimé à Montpellier.
On imprime en Suiffe les fameux Mémoires
de l'Abbé de Montgon , en 6 vol .
in- 12, dont les trois premiers fe diftribueront
en Septembre ou Octobre.
ESTAMPES
L
NOUVELLES.
E Sieur Moyreau , Graveur du Roi ,
rue Saint Jacques , à la vieille Pofte ,
vis-à-vis la rue du Plâtre , a gravé la Grotte
du Maréchal , d'après le tableau original
de Philippe Wouvermans.
SEPTEMBRE . 1748. 159
EXPOSITION DES TABLEAUX.
C
Ette expofition s'eft faite à l'ordinaire
le 25 du mois dernier dans le
grand Salon du Louvre. Une maladie
dangereufe ayant tenu long-tems M. Carlo
Vanloo dans l'inaction , & plufieurs tableaux
, envoyés de Rome par M. de
Troy , n'étant arrivés que tard , la privation
des ouvrages deces grands Maîtres a
fait paroître le Salon moins orné qu'il ne
f'eft quelquefois. Mais cette année comme
les précédentes , on a fenti quel fervice
feu M. Orry a rendu à la Peinture , en établiffant
parmi les Peintres de l'Academie
l'ufage de foûmettre leurs productions au
jugement du Public. Dans ce combat d'émulation
, le mérite eft toujours certain
d'être couronné par les mains de l'impar
tialité , & ceux des athlétes , qui font obligés
de céder la victoire , apprennent à la
remporter à leur tour.
Entre les ouvrages expofés par les Académiciens
, deux des tableaux , qui ont le
plus attiré l'attention des Connoiffeurs
font un de cinq pieds deux poucés de haut
fur trois pieds & demi de large , repréſentant
la Décolation de Saint Jean , & un
dans lequel Saint Mathieu eft peint écri160
MERCURE DE FRANCE.
vant fon Evangile . Ces deux morceaux
font de M. Dumont le Romain.
On a donné avec juftice les plus grands
éloges à une Nativité , compofée par
M. Boucher. Toutes les graces de l'imagination
de ce Peintre charmant fe font fait
remarquer dans un autre tableau , où il
nous repréfente un Berger , qui montre à
jouer de la flûte à la Bergere.
M. Reftout a dignement foûtenu fa réputation
par plufieurs grands morceaux
d'hiftoire , furtout par un tableau qui a
dix pieds de hauteur & fept de large. La
vraie Croix ayant été prise en 614 par
Chofroës , Siroës , fils de ce Monarque
la rendit quatre ans après à Heraclius , en
fignant la paix avec cet Empereur. Par le
même Traité , tous les Captifs Chrétiens ,
entre autres Zacharie , Patriarche de Jeru-
-falem , furent remis en liberté . Cet évenement
eft le fujet du tableau que nous
indiquons.
Tous les bons juges ont applaudi particulierement
à la partie du deffeing dans
le martyre de Saint Ferreol , par M. Natoire
. On y voit le Saint , après avoir été
délivré miraculeufement de la prifon , où
-il avoit été enfermé par ordre du Prêteur
de Vienne en Dauphiné , être repris aux
environs du Rhône par les foldats qui le
SEPTEMBRE
. 1748.
161
pourſuivoient
. Ils le lient , & dans le même
moment un d'eux lui coupe la tête.
Cet ouvrage eft deſtiné pour Marſeille , &
doit être placé dans l'Eglife Paroiffiale
de Saint Ferreol. S'il nous convenoit
de hazarder
nos remarques
fur un art qui ne
paroît pas être de notre reffort , nous
ajouterions
ici , que pour les tableaux de
grande machine , les grands effets , & ce
qu'on appelle en Peinture les belles maffes
, font ce qu'on fouhaite principalement.
Il n'a pas été néceffaire d'être fort verfé.
dans cet Art , pour reconnoître
l'excellence
d'un tableau , dans lequel M. Oudry
a repréfenté
une Lais avec fes Marcaffins
,
attaquée par deux Dogues de la forte race.
Un morceau fi admirable a frappé également
les connoiffeurs
& les ignorans par
la fierté de la touche & par la vérité de
l'imitation
. On ne peut non plus trop
louer deux petits tableaux peints fur cui- vre par le même Auteur. Dans l'un , font
une Perdrix & un Liévre , attachés à un
arbre , & deux Chiens , dont l'un dort.
L'autre eft un Chien en arrêt fur des Faifans
qui font dans des bleds. La multitude
d'autres ouvrages de differens genres ,
dont M. Oudry a rempli le Salon , montre
fa merveilleufe
facilité .
162 MERCURE DE FRANCE :
Celle de M. Pierre ne mérite pas moins
d'être admirée. Il a mis cette année au
Salon un grand tableau , repréfentant le
Martyre de Saint Thomas , Archevêque de
Cantorbery ; deux autres ; qui repréfentent
deux Bacchanales ; deux Bambochades
, l'une de Payfans qui fe baignent ,
l'autre d'une fête dans un camp ; une tête
au Paſtel, représentant la Poëfie ; un deffus
de porte pour l'Appartement de Monfeigneur
le Dauphin . Quelques perfonnes
difficiles défireroient un peu plus d'intention
dans certaines figures , mais les plus
févéres ont rendu juſtice à la fermeté du
pinceau de l'Auteur.
,
On a trouvé beaucoup de beautés , foit
pour l'effet foit pour la compofition ,
dans une fainte Famille, & dans le Jofeph ,
de M. Hallé . Il femble que dans le premier
de ces ouvrages ce Peintre ait emprunté
le pinceau du Guide.
1
En arrivant au Salon , tout le monde
y cherche avec empreffement les ouvrages
de M. Chardin , & l'on eft toujours fâché
de n'y en pas rencontrer un plus grand
nombre. Cette année , nous n'avons eu
qu'un petit Tableau de ce Peintre rare
mais nous pouvons affurer que de célébres
Artiftes nous ont dit que ce morceau étoit
enchanteur. Ce témoignage eft plus Aateur
SEPTEMBRE. 1748. 163
pour M. Chardin que toutes les louanges
que nous pourrions lui donner.
Les Peintres de Portraits ne fe font pas
moins diftingués dans leur genre , que les
autres Académiciens. M. Tocqué a déployé
tous fes talens dans le Portrait en
pied de feuë Madame la Dauphine , dans
celui de M. l'Abbé de Lowendalh , & dans
celui de M. Sélon . Ceux des deux Dames
de France qui font à l'Abbaye de Fontevrault
, peints par M. Nattier , ont captivé
tous les fuffrages par leur fineffe & par leur
agrément. Le prodigieux la Tour eft fi
connu , que c'eft prefque une efpéce de
fuperfluité que de faire l'éloge des ouvrages
qui fortent de fes mains. Nous nous
contenterons de dire que fon Portrait de
la Reine , celui de M. le Maréchal Duc de
Belle-Ifle , & celui de M. Dumont le Ro
main , font comparables à tout ce qu'il a
fait de plus beau.
Il feroit injufte de parler ſeulement des
productions de nos Peintres , & de garder
le filence fur celles de nos habiles Sculpteurs.
Plufieurs ouvrages de ces derniers ont
paru avec avantage dans le Salon . On doit
compter dans ce nombre les Buftes de l'Illuftre
M. de Fontenelle & du fameux M.
de Voltaire , par M. le Moine ; celui de
Mlle ** , en terre cuite , par M. Vaffé , &z
164 MERCURE DE FRANCE.
un modéle en plâtre de quatre pieds de
hauteur , repréfentant la France qui em
braffe le Bufte du Roi. Ce morceau eft de
M. Falconnet , & il doit être exécuté en
marbre de même grandeur pour Sa Majesté.
Nous ne devons pas non plus omettre
dans cet article les empreintes de plufieurs
pierres gravées par M. Guay , entr'autres
de celle repréfentant une Leda dans l'eau ,
& de celle dans laquelle Apollon couronne
les Génies de la Peinture & de la-
Sculpture ; ouvrages vraiment dignes de
l'antiquité.
La crainte d'être trop longs nous a em
pêchés de faire mention de plufieurs autres
morceaux , foit de Peinture , foit de
Sculpture , ou de Gravure , auxquels on ne
peut refufer de fincéres applaudiffemens ,
Si nous n'avons rien dit des Tableaux de
M. Oudry le fils , & de ceux de M. Vernet ,
ce n'eft pas que nous n'ayons remarqué
que le premier marche fur les traces de fon
pere , & que le fecond promet d'atteindre
un jour le Claude Lorrain.
SEPTEMBRE . 1748. 165
NOUVELLES ETRANGERES,
DE CONSTANTINOPLE le 1 ' . Juillet.
Quelquesprécautions que le Grand Vifirprene
pour maintenir la tranquillité dans cette
Capitale , il a beaucoup de peine à y réuffir , & le
21 du mois dernier une nouvelle fédition éclatta,
Plufieurs mutins,ayant à leur tête un Emir nommé
Ali , s'affemblerent dans les environs de Bit Bazar ,
& demanderent qu'on changeât le Gouvernement .
Bien tôt toute la Ville fut en mouvement , & la
Révolte auroit pû avoir des fuites fâcheuses , mais
aufli tôt que le Chorbagy du Quartier du Sultan
Bajazet en fut averti , il fortit avec fa Compagnie ,
& chargea les Rebelles. Le Koulouck de Parmack
Capy en fit de même , & une partie des habitans
fe joignit à ces Officiers. Pendant qu'ils s'oppo
foient aux mutins , le Grand Vifir fe rendit fur les
lieux avec toute la maiſon . Alors l'épouvante étoit
générale , & on avoit fermé les boutiques . Ce Mi
niftre ordonna qu'on les rouvrît. Un jeune Turc,
animé par la préfence du Grand Vifir , fondit fur
le Chef des Conjurés , & d'un coup de fabre lui
trancha la tête . Il la porta fur le champ au Premier
Miniftre , qui outre un préfent confidérable
qu'il lui a fait , lui a affigné une penfion de cent
cinquante afpres par jour. Les Rebelles ayant été
enveloppés , on tua tous ceux qui continuerent de
fe défendre , & on fit les autres prifonniers, Lorf
que le calme fut rétabli , le Grand Vifir parcourut
les differens Quartiers , & doubla toutes les Gar
166 MERCURE DE FRANCE.
des . Depuis , on a arrêté un grand nombre de com
plices de la rebellion , & après les avoir étranglés
pendant la nuit , on a jetté leurs corps dans la mer.
Cette révolte avoit été tramée à Scutari, & les Con
jurés devoient attaquer en même- tems plufieurs
endroits de Conftantinople , mais heureufement
quelques- uns d'eux précipiterent l'exécution du
projet , & leur impatience l'a fait échouer. Quoique
le défordre ait duré très- peu de tems , le Peu
ple en fut fi effrayé qu'il courat enlever le pain
chés tous les Boulangers , dans la crainte d'en'
manquer fi la fédition devenoit plus confidérable.
Le Grand Seigneur a envoyé une Peliffe de Martre
Zibeline au Grand Vifir , pour témoigner ſa ſatisfaction
de la prudence & de la fermeté , avec
Jefquelles ce Miniftre s'eft conduir.
De la même Ville , le 14 Juillet.
La fédition dont on a fait mention il y a quelque
tems, & qu'on croyoit appaifée , a eu des fuites.
Les mécontens fe font aflemblés en fi grand
nombre , que le Grand Seigneur , ne fe croyant
pas en fûreté dans le Serail , en eft forti déguisé
pour le mettre à la tête des Janiffaires, Ces der
niers ont attaqué les Rebelles , & il y a eu beaucoup
de lang tépandu de part & d'autre. Sa Hauteffe
eft venue cependant à bout de calmer cette
feconde révolte ; le Grand Mufti , le Chiaoux
Bachi , & le Janiſſaire Aga ont été déposés,
On a appris de Derbent , que les divers Prétendans
à la Couronne de Perfe fe faifoient une guèrte
fanglante ; que tout étoit en combuftion dans ce
Royaume, & que cette fermentation étoit entretenue
par les refforts fecrets que le Grand Mogol
faifoit mouvoir pour fe venger de la perfécution
SEPTEMBRE. 167 1748.
que Thamas Kouli Kam lui a fait éprouver. Le
bruit court que le Schach , neveu de cet Ufurpateur
, a été maſſacré par le Parti d'un de fes Concurrens
, mais cette nouvelle a beſoin de confirmation.
DE PETERSBOURG , le 24 Août.
Left arrivé de Hanover un courier , dépêché
par le Comte de Czernichew , pour informer
1'Impératrice , que l'ouvrage de la pacification générale
étant près de fa conclufion , le Roi de la
Grande Bretagne & la République des Provinces
Unies avoient jugé qu'il n'étoit point néceffaire
que les trente- fept mille Ruffiens , qu'ils ont pris
à leur folde , continuaffent leur marche vers les
Païs Bas . On a fçu par les mêmes lettres , que
comme ces Puiffances étoient convenues avec le
Roi Très - Chrétien de faire retourner lefdites
troupes en Ruffie , il avoit été réfolu de profiter
de la faifon favorable pour les faire repaffer par la
Pologne avant le commencement de l'hyver. Le
Lord Hindford , Ambaffadeur de fa Majefté Britannique
, ayant reçû un courier fur le même fujet
, ce Miniftre a eu à cette occafion une audience
particuliere de fa Majefté Impériale , qui lui a témoigné
qu'elle voyoit avec joye que les Puiffances
Belligerentes fuffent fur le point de terminer
leurs differends , & de rendre la tranquillité à l'Europe.
Le lendemain l'Impératrice a écrit aux Miniftres
qui réſident de fa part auprès du Roi de la
Grande Bretagne & des Etats Généraux des Provinces
Unies , de les affûrer de fes fentimens à cet
égard , & de leur déclarer qu'elle acceptoit la propofition
que ces Puiffances lui faifoient par rapport
au Corps auxiliaire de troupes qu'elle leur
168 MERCURE DE FRANCE:
avoit fourni . On compte que ce Corps pourra être
de retour au commencement de Novembre , &
qu'il fera mis en quartiers dans la Livonie & dans
les Provinces voifines , où il fera diftribué dans les
mêmes endroits qu'il occupoit l'année derniere fur
les frontieres de la Curlande . Les Etats de cette
derniere Province ont envoyé une Députation à
fa Majesté Impériale , pour lui donner part de la
réfolution qu'ils ont prife de demander à la pro.
chaine Diette de Pologne de pouvoir élire un Souverain.
On a appris par des dépêches du Gouver
neur d'Aftracan , que les Négocians Ruffiens & Anglois
, qui font à Derbent , l'avoient prié de leur
envoyer des Navires , afin de charger les marchan
difes apportées par une Caravane de Perfe , & de
les tranfporter à leur destination.
L
DE WARSOVIE , le 30 Août,
E Roi a nommé Chevaliers de l'Ordre de
l'Aigle Blanc M. Dambowsky , Evêque de
Plocko ; M. Krerкowsky , Palatin de Culm ; le
Comte Sapieha , Palatin de Mcizlavie ; M. Garozinski
, Caftellan de Pofnanie ; M. Coffouki , Tréforier
de la Cour ; le Comte Sapieha , Grand Tréforier
de Lithuanie ; le Prince Radzivil , Grand
Echanfon de ce Duché ; M. Humiecki , Porte Epée
de la Couronne , & le Prince Lubomirski , Grand
Ecuyer Tranchant. Les Députés de la Nobleffe du
territoire dépendant de cette Capitale ont élu
quatre Candidats pour chacune des trois charges
de Notaire , de Juge & de Subdélegué , & ils en
ont remis la Lifte au Roi , afin que fa Majefté
choisît parmi ces fujets ceux aufquels elle jugeroit
à propos de conférer ces emplois. Le Régiment
de Chevau - Legers du Comte de Bruhl , Premier
SEPTEMBRE . 1748. 169
mier Miniftre du Roi , fit il y a quelques jours l'exercice
en préfence de ce Seigneur . Un courier
extraordinaire a apporté la nouvelle que le Corps
auxiliaire des troupes Ruffiennes , qui eft au fervice
du Roi de la Grande Bretagne & de la République
des Provinces Unies , avoit reçû ordre de
retourner en Ruffie , & qu'il devoit repafler par ce
Royaume. Les lettres de Pofnanie marquent que
le Tribunal Affefforial de la Noblefle de ce Palatinat
a fufpendu les féances jufqu'à la féparation
de la Diette particuliere de la Province . Ces lettres
ajoûtent que la plupart des habitans du plat
païs de la Podolie & de l'Ukraine ſe font retirés
dans les Provinces voisines , afin d'y chercher de
la fubfiftance , les fauterelles ayant ravagé prefque
routes leurs terres. Le Comte Radzeusky , Chanbellan
de la Province , mourut le 4 de ce mois
après une courte maladie .
DE STOCKHOLM , le 16 Août.
Pour les le Roi a accordéplus
Our favorifer les progrès de la Pêche fur les
fieurs priviléges aux perfonnes qui s'y employeront.
Sa Majefté a difpofé du commandement de
la Fortereffe de Chriſtianſtadt en faveur de M.
Chreftien de Bernekow . Le Prince Royal a établi
une Académie , pour y faire élever à fes dépens
vingt quatre jeunes Gentilshommes. Ces jours
derniers , un Indien , qui a embraflé le Chriftianif
me , reçût le Baptême dans la principale Eglife de
cette Ville , & il fut nommé Adolphe Louis. Le
Prince Royal & le Prince Guftave , accompagnés
d'un grand nombre de perfonnes de diftinétion
affifterent à cette cérémonie. Il y a eu depuis peu
un incendie à Gefle , & plufieurs maifons ont été
H
170 MERCURE DE FRANCE.
réduites en cendres . On a reçu avis que l'Impér
trice de Ruffie avoit ordonné de transporter de Re
vel & de Riga quantité de provifions , pour remplir
les magafins de Wybourg & de quelques au
tres Places voifines . Les lettres de Warfovie mar
quent que le Grand Général de la Couronne de
Pologne a contremandé les Députés de l'armée ,
qui devoient s'affembler les du mois prochain
dans la Ville de Koflow . Le Chapitre de l'Eglife
Métropolitaine de Gnefne a élû M. Iwansky , un
de fes Capitulaires , pour Administrateur Général
de l'Archevêché. Un Incendiaire , qui a été arrêté
dans le plat païs , a été conduit dans les prifons de
Léopol.
Le Comte de Panin , Miniftre de l'Impératrice
de Ruffie , a remis au Comte de Teffin , Préſident
du Collège de la Chancellerie , une lettre par laquelle
cette Princeffe mande au Roi que comme
fur la réquifition de fa Majefté elle a rappellé le
Baron de Korff , fon Miniftre en cette Cour , elle
fe flate que le Roi voudra bien auffi rappeller M.
de Wolfenftierna , qui réfide de la part de fa Majefté
à Pétersbourg. Sa Majefté a envoyé ordre au
Gouverneur Général de la Finlande de diſtribuer
les troupes dans les principaux endroits de la frontiere
, & de les y faire cantonner . Selon les avis
reçûs de Pétersbourg , l'Impératrice de Ruffie a
déclaré qu'elle feroit un voyage à Moscou , auffi-
τότ que la faifon permettroit de fe fervir de
traîneaux . Cette Princeffe a donné au Vice- Amiral
Bars le commandement de l'Eſcadre qui croiſe
dans la Mer Baltique . Outre le Corps de Cofaques
, commandé par l'Atteman Kraſnoſchokoff ,
on attend deux autres Corps des mêmes troupes ,
lefquels ont pris leur route par Pleszow & qui
font fous les ordres des Attemans Froloff & Jeffe
SEPTEMBRE . 1748. 170
mov. M. de Breveren , Confeiller d'Etat de fa
Majefté Impériale de Ruffie ; le Major Général
Soltikoff , Vice - Gouverneur de Mofcou , & M.
Annibal , auffi Major Général , ont été nommés
par
le Grand Duc de Ruffie Chevaliers de l'Ordre
de Sainte Anne.
De la même Ville , le 31 Août.
E Secretaire d'Ambaffade , chargé des affaires
Ldu Roi de la Grande Bretagne , le rendit le 13
à Carlberg,& il y eut une audience particuliere du
Roi , à qui il annonça que fa Majefté Britannique
fe propofoit de nommer , après fon retour à Lon
dres , un Miniftre pour venir ici travailler avec
ceux de fa Majefté à accommoder l'affaire qui regarde
le Colonel Guydickens , & à rétablir la bonne
harmonie entre les deux Cours. On croit que
le Baron de Hopken , qui doit aller réfider à Péterfbourg
en qualité de Miniftre du Roi à la place
de M. de Wolfenftierna , fera chargé de paffer à
Hanover , & d'y exécuter une commiffion relati
ve à cette affaire. Les Vaiffeaux qu'on a conftruits
depuis peu à Carelfcroon , ont mis à la voile pour
la Norwege. Le Baron de Rofen , Gouverneur de
la Province , a fait à Abo , au nom de fa Majefté ,
la cérémonie de revêtir des marques de l'ordre de
l'Epée M. Daniel Zander , Lieutenant Général , &
le Major Général Lantingshaufen . Il a pofé la premiere
pierre du Fort que le Roi a ordonné de bâ
tir près de Helfingfors, & qui fera nommé Ulrichsbourg.
M. Axel Patrice Thompfon , Commanmandant
de Warberg , y mourut le 4 de ce mois.
Il est arrivé de Pétersbourg un courier dépêché
par M. de Wolfenftierna , pour informer få Majefté
que dans la derniere audience qu'il a euë de
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
l'Impératrice de Ruffie , cette Princeffe lui avoit
renouvellé les affûrances de la difpofition où elle
étoit d'entretenir la plus parfaite amitié avec la
Suéde , & que le renfort de troupes , qu'elle avoit
fait marcher du côté de la Finlande , ne devoit
caufer aucune inquiétude aux Suédois , puiſqu'elle
avoit ordonné que fes troupes n'entrepriffent rien
qui pût donner la moindre atteinte aux Traités
entre les deux Puiffances. Quoique cette nouvelle
ait beaucoup tranquillifé cette Cour , on ne laiffe
pas de continuer de prendre à tout évenement les
précautions couvenables pour ne pas être furpris
par une attaque imprévue. Le Roi est toujours à
Carlfberg , & comme fa fanté chancelante ne lui
permet pas de vacquer affidûment aux affaires du
Gouvernement , il a été reglé que lorfque fa Majefté
ne pourroit pas figner elle- même les expédi
tions , elles le feroient par un certain nombre de
Sénateurs , & qu'elles feroient contrefignées par un
Secretaire d'Etat. Le Baron de Hopken , Miniftre
du Roi à la Cour de Berlin , & nommé pour aler
réfider en la même qualité auprès de l'Impératrice
deRuffie ,viendra ici avant que de fe rendre à Péterf
bourg. Il y a eu hier près de cette Ville un grand
incendie , dans lequel la maifon , où on prépare le
goudron , a été entierement réduite en cendres .
Les lettres de Finlande marquent que les troupes,
envoyées dans cette Province par l'Impératrice de
Ruffie , y font arrivées , & qu'il s'y trouve actuellement
trente mille Ruffiens , en y comprenant les
Régimens qui y étoient déja en quartiers . Le
Feldt-Maréchal Lafcy doit venir en faire la revuë ,
& il vifitera enfuite les magafins de Wybourg &
des Places voifires. Ces troupes ont ordre de fe
tenir tranquilles dans leurs quartiers , & de ne rien
faire qui puiffe donner le moindre ombrage aux
Suédois.
SEPTEMBRE. 1748. 173
ALLEMAGNE. ´
De Vienne , le 2 Septembre.
E Comte de Sintzheim , Miniftre Plénipoten-
LeComte
brunn une audience particuliere de leurs Majeftés
Impériales . Il conféra enfuite avec le Comte d'Uhlefeld
, Chancelier de la Cour . Le Comte de Kevenhuller
, Grand Chambellan de l'Impératrice
Reine , fit le même jour, au nom de l'Empereur, la
cérémonie de pofer la premiere pierre de l'Eglife
que les Religieux de l'Obfervance font conftruire
en cette Ville. Selon les arrangemens pris par le
Confeil de guerre pour la maniere dont les trou
pes feront diftribuées après la Pacification générale
, l'Impératrice Reine laiffera dans les Pays - Bas
les Régimens de Ligne , de Wirtemberg , de Giulay
, de Los Rios , de Betlem , de Damnitz , de
Barbon , de Vivari , de Stirum , de Benthem , de
Sakın , de Nadafti , de Bareith , d'Aremberg , de
Platz , d'Arberg & de Prié . Ils feront commandés
par le Comte de Chanclos , qui aura fous lui les
Lieutenans Feldt - Maréchaux Tornaco , Dungern
, Benthen & Bournonville ; le Prince d'Aremberg
, le Baron d'Arberg & le Comte d'Erberfeld
, Majors Généraux . Quatre Régimens revien
dront en Autriche fous les ordres des Majors Généraux
Spada & Villana. Le Baron de Lutzen
Lieutenant Feldt - Maréchal , fe rendra en Moravie
avec les Majors Généraux Buckoу & Burckaufen ,
& avec deux Régimens . Le Département des
Lieutenans Feldt Maréchaux Philibert & Kollowrath
, qui auront avec eux les Majors Généraux
Walbrun , Siceri & Vivari , & quatre Régimens ,
fera en Bohéme. On enverra en Hongrie quatre
H iij
174 MERCURE DE FRANCE.
Régimens , & toutes les troupes Nationales de ce
Royaume , fous les ordres des Lieutenans Feldt-
Maréchaux Grune , Merci & Marchall , & des
Majors Généraux Haller , Winckelman , Dourlach
& Radicati . Le fecond Bataillon du Régiment
de Kollowrath prit le 3 la route de Tranfilvanie
, & il fera remplacé ici par un Bataillon du
Régiment de Molck .
Les Etats des Pays Héréditaires ne feront plus
obligés de fournir les recrues pour completter les
troupes , & chaque Province fera taxée à une fom.
me d'argent , proportionnée au nombre de foldats
qu'elle donnoit. Les Députés des Etats de Boheme
& de Moravie , qui étoient aflemblés ici pour délibérer
fur ces arrangemens , ont terminé leurs
féances. Ceux de la Baffe Autriche ont donné auffi
leur confentement aux mêmes arrangemens . Il eft
arrivé des Députés de Carinthie , pour faire des repréfentations
à la Cour fur l'impoffibilité ou fe
trouvent les habitans de cette Province de payer
Jes fubfides qu'on exige d'eux. Le courier que le
Gouvernement avoit expedié il y a quelque tems
à Aix-la-Chapelle en eft revenu , & les dépêches
, dont il etoit chargé , ont donné lieu à
la tenue d'un Confeil extraordinaire . Le bruit
court que le Comte de Choteck , qui eft actuelle→
ment en Stirie pour y établir les nouveaux Reglemens
touchant la Milice , fe rendra à Munich
pour exécuter une commiffion de l'Impératrice
Reine. L'Empereur, accompagné du Prince Charles
de Lorraine , partit le 4 de ce mois pour Reiding
, d'où il revint le 8. 11 s'eft tenu un Conſeil
de guerre , dans lequel il a été réſolu qu'à l'avenir
tous les Régimens feroient l'exercice de la même
maniere. On a publié un Decret , par lequel l'Empereur
confirme le jugement prononcé par le Con&
SEPTEMBRE. . 1748. 175
feil Aulique de l'Empire au fujet de l'affaire de
Zwingenberg. Le Chevalier de Colloredo , frere
du Vice Chancelier , doit prendre le caractére
d'Ambaffadeur Extraordinaire de l'Ordre de Malte
, pour complimenter de la part de cet Ordre
leurs Majeftés Impériales fur leur avenement au
Trône Impérial.
On parle de l'érection d'un nouveau Tribunal
pour juger de tout ce qui regarde les appointemens
des Officiers de la Cour & de ceux de Judicature.
Le Comte de Haugwitz en fera Préfident , & on
n'y admettra que des Confeillers Privés. Ce Titre
vient d'être donné à M M. de Brandau & Touffaint
, ainfi qu'à M. de Mofer , Vice - Maréchal
d'Autriche , & le Comte de Herberftein a obtenu
l'emploi de Commiflaire Général des chemins en
Moravie.
Les ordres font donnés pour préparer avec toute
la diligence poffible les équipages du Prince Char
les de Lorraine , & on fait d'autres difpofitions
qui annoncent que ce Prince fe difpofe à faire un
voyage. Le bruit eft général qu'il ira reprendre
poffeffion de fon Gouvernement des Pays Bas
auffi tôt que les François les auront évacués.
La Cour a communiqué aux Comtes d'Erdody ,
de Kraffelkowitz & de Palfy , les propofitions
qu'ils doivent faire de la part de l'Impératrice Rei.
ne aux Etats de Tranfilvanie, qui fe tiennent cette
année à Claufenbourg. Les Députés des Etats de
la Haute Autriche ont fait à Lintz l'ouverture de
leur affemblée. On ne doute pas que fuivant l'exemple
de la Baffe Autriche , de la Boheme , de la
Moravie , de la Stirie & de la Carinthie , ils ne
donnent leur confentement au fyftême proposé
pour la levée des fommes deftinées à l'entretien
des troupes. L'Impératrice Reine a ordonné de
Hi
176 MERCURE DE FRANCE .
congédier une partie des Milices , & de n'en retenir
que le nombre qu'on a coûtume de conferver
en tems de paix . Plufieurs lettres d'Italie annoncent
comme prochaine l'évacuation des Etats
cedés à l'Infant Don Philippe. Le Comte de Choteck
eft parti pour Berlin en qualité de Miniftre
Plénipotentiaire de l'Impératrice Reine auprès du
Roi de Pruffe .
L
DE BERLIN , le 4 Septembre.
E Baron de Hoрken , Envoyé Extraordinaire
du Roi de Suéde , eut le 24 du mois dernier
fon audience de congé du Roi , étant préfenté par
le Comte de Podewils , Miniftre du Cabinet . Il
eût enfuite l'honneur de dîner avec la Majesté.
Le même jour , le Baron d'Uxhul , Lieutenant
Colonel des Gardes du Corps du Duc de Wirtem .
berg , remit au Roi & aux deux Reines les lettres
que ce Prince a écrites à leurs Majeftés , pour leur
donner avis du jour auquel eft fixée la célébration
de fon mariage avec la Princeffe de Bareith . On
attend aujourd'hui le Roi en cette Ville , & fa
Majefté partira demain pour la Siléfie , d'où elle
compte être de retour le 21 ou le 22 du mois prochain
. Les Princes Henri & Ferdinand allerent le
26 la joindre à Potſdam . Le Comte de Gronsfelt,
Confeiller Privé du Prince Stathouder , & Envoyé
Extraordinaire des Etats Généraux des Provinces-
Unies , fe prépare à aller faire un voyage en Hol-
Jane , & M. Lobry , Sécretaire de Légation du
Miniftre Plénipotentiaire de l'Impératrice de Ruffie
, prit le 25 la route de Pétersbourg. Il a paffé
ces jours- ci un Officier , qui porte des ordres aux
troupes Ruffiennes que le Roi de la Grande Bretagne
& la République des Provinces- Unies ont
SEPTEMBRE . 174S. 177
à leur folde. M. de la Salle , qui a été détenu
long- tems dans le Fort de Weichfelmunde , arriva
ici le 24.
DE HANOVER , le 5 Septembre .
Ces Confeil extraordinaire
Es jours derniers , le Roi tint à Herrenhau
pour délibérer
fur quelques dépêches reçues d'Aix - la - Chapelle.
Le az du mois d'Aout , fa Majefté prit le
deuil à l'occafion de la mort de la Princeffe Eleonore
Charlotte de Curlande , veuve du Duc Erneft
Ferdinand de Brunfwick Beveren. Lorfque
les troupes Hanoveriennes , qui font dans les
Pays - Bas , reviendront dans cet Electorat , les
Gardes à pied & le Régiment d'Infanterie de Kielmans
Egge feront mis en garrifon dans cette Capitale
, & l'on enverra ceux de Sommerfeld & de
Brunke à Hamelen ; ceux de Drutchleben & de
Soubiron à Gottingen & à Lunebourg ; ceux de
Zastrow , de Klinkowftrom , de Boettelager , de
Middagten , de Krough , de Block , de Freudman,
de Sporken , de Bofch , de Hugo , de Hadenberg,
de Cheuffes , d'Oberg , de Horn & de Munchow,
à Ratzebourg , Stade , Haya , Werden , Munden,
Northeim , Wanftorff , Fellerfleben , Stoltzenau ,
Celle , Ultzen , Boxtehode , Harbourg , Neinden
& Nienbourg ; deux Compagnies du Régiment
de Hohorft à Winfen fur la Luhe , une à Bardowick
, une à Neuhauff , deux à Lawenbourg , quatre
à Lunebourg , & un pareil nombre dans le
Meckelbourg.
Le Duc de Cumberland partit la nuit du 22 au
23 du mois dernier , pour retourner dans les Pays-
Bas. Le 18 du même mois , M. Sabbatini , Miniftre
Plénipotentiaire du Duc de Modéne , eur du
HY
178 MERCURE DEFRANCE .
Roi une audience particuliere. Il arriva le 17 de
Vienne un courier avec des dépêchés importantes,
à l'occafion defquelles M. Keith , qui va réfider
en qualité de Miniftre de fa Majeſté auprès de
P'Impératrice Reine de Hongrie & de Boheme , a
reçû ordre de preffer fon départ . Le Baron de
Steinberg ayant demandé la permiffion de fe démettre
de la place de Miniftre & Sécretaire d'Etat
de cet Electorat , le Roi a difpofé de cette place
en faveur du Baron de Munchaufen , Confeiller
Privé.
Par les dernieres lettres d'Aix- la- Chapelle , le
Roi a appris que le Comte de Saint Severin y étoit
de retour de Paris , & que le Comte de Sandwich
& le Chevalier Robinſon avoient eû une longue
conference avec ce Miniftre . Il paroît par les mêmes
dépêches qu'il regne entre ces trois Miniftres
une parfaite intelligence. Comme les ordres ,
envoyés d'Angleterre pour l'évacuation de Louifbourg
& de l'Ifle Royale , ont été expédiés d'abord
après la fignature des Articles Préliminaires,
on attend de jour à autre la nouvelle que cette évacuation
a été effectuée . La commiffion de M. Sabbatini
, Miniftre du Duc de Modéne , a pour objet
les terres qui appartiennent en Hongrie à la Maifon
d'Eft , & que la Cour de Vienne a miſes en
fequeftre à l'occafion de la guerre. Le Duc de
Modéne demande , non-feulement qu'on lui reftitue
ces terres , mais encore qu'on lui rende les revenus
dont il n'a pas jou '. La Princeffe , époule
du Prince Frederic de Heffe Caffel , demeurera à
Herrenhaufen jufqu'au voyage que le Roi fe propofe
de faire à Goerden. Depuis quelques jours ,
le Prince de Lobcxowitz eft en cette Ville , &
l'on croit qu'il y fera quelque féjour. Le Comte
de Stolberg Wernigrode et retourné à la RéfiSEPTEMBRE.
1748 179
dence , fort fatisfait de l'accueil que lui a fait fa
Majefté.
DE RATISBON NE , le 3 Septembre.
Lizbach aremisces jours- ci au Directoire
E Miniftre du Margrave de Brandebourg.
a
de Mayence fes Lettres de Créance , comme Miniftre
du Duc de Saxe Saalfeld , nommé par un
Décret du Confeil Aulique , Tuteur du Duc de
Saxe Weimar , & Adminiſtrateur des Etats de ce
Prince. Ce Miniftre a été reconnu en cette qualité
par les Miniftres de l'Empereur & par ceux de
quelques autres Etats , mais les Miniftres du Roi
de Pologne , du Roi de Pruffe , de l'Electeur de
Cologne , de celui de Baviere , & de l'Electeur
Palatin , ont pris l'affaire ad referendum . La lettre,
écrite à l'Empereur par le Corps Evangélique , à
été imprimée avec toutes les Piéces qui y ont rap
port. Elle eft fort étendue , & contient un détail
des griefs des Proteftans. Ils fupplient fa Majefté
Impériale de vouloir faire ceffer au plutôt les fujets
de leurs plaintes.
I
ESPAGNE.
De Madrid , le 28 Août.
Left arrivé de Cadix un courier extraordinaire,
tractation des Indes , pour informer ſa Majeſté
que les Vaiffeaux la Notre-Dame de la Conception
& la Notre- Dame du Rofaire y étoient revenus de
la Havane , & qu'ils avoient à bord deux cens
trente mille piaftres avec une grande quantité de
fucre, de tabac & d'autres marchandifes . Ces Ba
Hvi
1 So MERCURE DEFRANCE.
timens ont apporté des lettres de Don Alonfe
d'Arcos Moreno , Gouverneur de Cuba , par lefquelles
le Roi a appris que le 8 du mois d'Avil
dernier une Efcadre Angloife , composée de deux
Vaiffeaux , de quatre- vingt canons ; de deux autres
, de foixante & dix , de quatre , de foixante ,
& de deux Fiégates , chacune de quarante , s'étoit
préfentée vis - à-vis de ce Port , qu'elle avoit tenté
le lendemain d'en forcer l'entrée , mais que s'étant
avancée à la portée du fufil de Château de Morro,
elle avoit effuyé un feu fi vif d'artillerie , qu'elle
avoit été obligée de fe retirer , après avoir eu un
de fes plus forts Vaiffeaux coulé à fond ; que le
10 elle avoit formé une nouvelle attaque , qui ne
lui avoit pas mieux réuffi que la premiere , &
qu'elle avoit repris enfuite la route de la Jamaique.
Don Alonte d'Arcos Moreno a mandé auffi
à fa Majefté que les Corfaires de Cuba s'étoient
emparé d'un Bâtiment Anglois , armé en courfe ;
d'un Navire , fur lequel il y avoit des munitions
de guerre ; de deux Brigantins , chargés d'eau- devie
& de caffé ; d'un Pacquetbot , à bord duquel
étoient cent quatre vingt cinq Negres , d'un atrtre
Bâtiment , dont la cargaifon confiftoit principalement
en fucre ; d'une Frégate , qui tranf
portoit des chevaux à Port Royal , & de trois Balandres
, fur lefquelles on a trouvé des Negres ,
du fel , de la farine , du vin & de la toile . Le Roi
a nommé à l'Evêché de Lugo le Pere François
Yzquierdo , Dominicain , Profeffeur de Théologie
dans le College de Saint Gregoire de Valladolid.
Sa Majefté a accordé à Don Auguftin Sanchez
une place de Chapelain de la Chapelle
Royale de Saint Ifidore.
Don Diegue de Roxas y Contreras , Chevalier
de l'Ordre de Calatrava , & ci - devant Auditeur de
SEPTEMBRE . 1748 . 181
la Chancellerie de Valladolid , ayant obtenu l'Evê
ché de Calahorra & de la Calzada , cé Prélat fut
facré le 11 dans l'Eglife Cathedrale de cette der
niere Ville . Cette cérémonie , à laquelle aſſiſterent
tous les Officiers de la Chancellerie , qui
y avoient été invités par le Doyen des Auditeurs,
fut faite par l'Evêque de Valladolid , affifté des
Evêques de Palencia & de Barcelonne. Suivant les
avis reçus de Lisbonne , le Roi de Portugal a accordé
la Viceroyauté du Bréfil au Comte d'Atouguia
, Gouverneur du Royaume des Algarves ';
le Gouvernement d'Angola , au Comte de Lavradio
, Colonel du Régiment d'Infanterie d'Elvas ;
celui de Goyazes à Don Marc de Noronha , fi's
aîné du Comte d'Arcos , & Gouverneur de Fernambucq
; le Gouvernement de Fernambucq à
Don Louis- Jofeph Correa de Sa , fils du Vicomte
d'Afleca ; celui de Mato Groffo à Don Antoine
Rolin de Moura , frere du Comte de Val de Reys';
celui de l'Ile de Saint Thomas à Don Antoine
Rodrigue de Neves , Quartier Maître Général des
armées de fa Majefté Portugaife , & celui de la
Colonie du Saint Sacrement à Don Louis Garcie
de Bivar , Adjudant des troupes de la Province
d'Eftramadoure , & ayant brevet de Colonel.
"
Les mêmes lettres marquent que le Comte de
Dehn , ci - devant Miniftre du Roi de Dannemarck
auprès de la Majefté , eft arrivé à Liſbonne . L'état
fâcheux du Roi de Portugal n'a pas permis
qu'on lui préfentât ce Miniftre , qui fe difpofe à
sembarquer inceffamment pour aller à la Haye
remplacer feu M. Greys , en qualité d'Envoyé
Extraordinaire de fa Majefté Danoife auprès des
Etats Généraux des Provinces - Unies. Selon les
mêmes lettres , M. Keene ne partira de Lisbonne,
pour revenir ici , qu'après le rétabliffement du
182 MERCURE DE FRANCE.
commerce entre l'Efpagne & l'Angleterre. Ces
lettres ajoutent que Don Jofeph d'Azevedo , Secretaire
du Roi de Portugal eft indiſpoſé.
ITALIE.
De Naples , le 28 Août.
Es Négocians de cette Capitale fe font enga
gés d'équiper & d'entretenir à leurs dépens
deux Saïques , pour donner la chaffe aux Corfaires
qui troublent la navigation fur les côtes de ce
Royaume , & ils ont demandé feulement que le
Roi voulût bien fournir l'artillerie de ces Bâtimens
, & les faire monter de quelques foldats de
fes troupes. L'Eté étant le tems pendant lequel les
Corfaires fréquentent le plus ces mers , ce fera auffi
pendant cette faifon que ces Saïques feront le plus
employées.
Il eſt entré dans ce Port deux Galéres de Malte ,
commandées par le Chevalier Altieri , auquel on
a remis les deux cens Malfaicteurs condamnés aux
Galéres , dont le Roi fait préfent au Grand Maî
tre ,pour qu'ils foient employés fur celles de la
Religion. Deux Galiottes , que fa Majefté avoit
envoyé porter de l'argent pour le payement des
troupes qui font en garnifon dans l'Etat degli Prefidii
,font revenues il y a quelques jours. On a appris
de Sicile qu'un Corfaire de Tunis y avoit fait
une defcente , & y avoit enlevé plufieurs habitans ,
mais que peu de jours après il avoit été pris par les
Galéres du Roi. Le bruit court que le Duc de Richelieu
, Général des troupes Françoifes qui font
dans l'Etat de Génes , & le Marquis d'Ahumada ,
Commandant de celles que le Roi d'Espagne a
fournies à la même République , viendront en
SEPTEMBRE. 1748. 183
Cetre Capitale avant que de retourner à leursCours.
Don Antoine Ramega , qui fous le précédent
Gouvernement avoit occupé l'un des principaux
emplois dans le Bureau de la Secretairerie d'Etat ,
a été arrêté , ainfi qu'un Négociant , nommé Cigualo
, par ordre du Tribunal des Inconfidens.
On n'eft point encore inftruit du fujet de leur détention
, & l'on fçait feulement qu'ils ont déja
fubi quelques interrogatoires. Plufieurs vols s'étant
commis dans cette Ville pendant la nuit , le
Roi a enjoint au Tribunal de la Vicairerie d'exécuter
à la rigueur les Ordonnances contre les foldats
qu'on trouveroit dans les rues après une cer
taine heure. En conféquence , on en a fair paffer
quelques-uns par les armes , & depuis on parle de
beaucoup moins d'accidens nocturnes.
DE ROME , le 30 Août.
Es jours derniers , l'Ambaſſadeur de la Ré
Cpublique de Venife eut une audience particu-
Tiere du Pape , & it communiqua à Sa Sainteté
quelques dépêches qu'il avoit reçues de cette Répu
blique. Il fe tint le 8 de ce mois une affemblée de
la Congrégation des Rites chés le Cardinal Portocarrero.
Douze Prélats Confulteurs y affifterent
& l'on y délibéra fur la Béatification du Cardinal
Ximenes , laquelle a déja été proposée plufieurs
fois depuis l'an 1680 , & fur laquelle l'Espagne n'a
point encore obtenu de décifion . Quelques differends
étant furvenus entre les Chanoines du Chapt
tre della Rotunda , le Pape a nommé le Cardinal
Sacripanti , pour examiner les griefs refpectifs.
La préconisation du nouvel Archevêque de Saltzbourg
fe fera dans l'un des prochains Confiftoires .
Sa Sainteté a affigné un fond pour les réparations
184 MERCURE DEFRANCE.
du Port d'Anzo , auquel on doit ajouter diverſes
fortifications fur un plan donné par M. Marchal ,
Ingénieur François . Elle emprunte cinq cens mille
écus Romains à trois pour cent d'interêt , & elle
fe propofe de diftribuer cette fomme aux habitans
de divers Bourgs & Villages , qui ne font pas en
état de payer les dettes qu'ils ont contractées , à
Poccafion du paffage des troupes étrangeres. Don
Ignace Tatuzani , un des prifonniers de guerre ,
faits par les troupes de l'Impératrice Reine de
Hongrie & de Boheme fur celles que commande
P'Infant Don Philippe , a paffé ici le même jour ,
en allant à Naples .
DE SAVONE le 31 Août.
L'anteau de fon ufcadre , pour retourner en
'Amiral Bing a fait voile de Vado avec onze
Angleterre, & à fon départ il a été ſalué d'une décharge
générale de l'artillerie du Château . Il ne
refte plus ici que cinq Fregates Angloifes,fous les
ordres du Contre- Amiral Forbes , qui felon les apparences
y continuera fa ftation jufqu'à la conclu
fion du Traité Définitif de paix . Par um Bâtiment
venu de San Fiorenzo , on a reçu avis que les Génois
, ayant pratiqué une intelligence dans la
Tour de la Paludella , cette Fortereffe leur avoit
été remife par la Garnifon , pendant un voyage
que M. Battifti , qui y commandoit pour les Rebelles
, étoit allé faire au camp du Chevalier Cumiana.
L'équipage du même Navire a rapporté
qu'un Détachement de Corfes , auffi- tôt qu'il
avoit appris cette nouvelle , avoit marché pour
tâcher
de recouvrer ce Pofte , mais qu'il n'avoit pû
réuffir dans fon entrepriſe . On ajoute que le
nommé Matra , un des principaux Chefs des ReSEPTEMBRE
. 1748. 185
belles , tient actuellement la Tour inveftie . Les
lettres de Sardaigne marquent que les Bandits, qui
infeftent cettelle, continuent d'y commettre beau- ^
coup de brigandages ; qu'ils ont été joints par plufieurs
perfonnes mécontentes du Gouvernement ,
& qu'ils font abondamment pourvûs d'armes & de
munitions , fans qu'on fçache à qui ils doivent cest
fecours . Le Roi de Sardaigne , pour arrêter les
progrès de ce défordre , a réfolu d'envoyer dans
cette lile un renfort de fix Bataillons.
GRANDE BRETAGNE.
De Londres , le 6 Septembre.
Dition des troupes en Ecoffe ; on a envoyé
Ivers changemens ont été faits dans la répar
celles qui étoient à Stirling & dans les environs
prendre de nouveaux cantonnemens à Leyth , à
Maffelbourg , à Prefton Pans & à Dumbar ; un
Bataillon du Régiment Royal Ecoffois a marché
à Inverneff , & l'on a renforcé d'une Compagnie
la Garnifon de Linlightow . On fit le 20 de ce
mois à Dublin l'épreuve de plufieurs canons &
mortiers en présence du Lord Molefworth , Grand
Maître de l'Artillerie , & ce Seigneur fit diftribuer
de l'argent aux Canoniers & aux Bombardiers.
Les lettres de Philadelphie , de la Caroline & del
quelques autres de nos Cólonies , marquent que
Yes François & les Efpagnols ont enlevé depuis
peu plus d'un vingtaine de nos Bâtimens . D'un
autre côté , on a appris que le Corfaire l'Antelope
a conduit à la nouvelle Yorck quelques Navires ;
qui étoient partis de la Martinique pour revenir
en France , & que deux Corfaires de cette Ifle ont
été pris par le Corfaire la Revanche . Le bruit
186 MERCURE DE FRANCE.
court auffi que le Vaiffeau de guerre le Salisbury
eft entré dans le Port de Lisbonne avec un Bâti
ment Efpagnol , richement chargé. Les Commiffaires
de l'Amirauté ont donné au Chevalier
Edouard Hawke le commandement des Vaiffeaux
de guerre , qui doivent être en ſtation à Portſ、
mouth , au Capitaine Scott , celui des Vaiffeaux
du Buoy du Nord , & au Capitaine Hamilton ,
celui des Vaiffeaux du Département de Plymouth .
Le Vaiffeau de guerre l'Invincible doit être remis
en commiffion , & employé avec les autres deftinés
à la garde des côtes , aufi - tôt qu'il y aura un
Capitaine nommé pour le commander . Ón continue
de défarmer tous les Vaiffeaux , dont on ne
compte point faire ufage pendant la paix . Il vient
d'être publié en Ecoffe une Ordonnance , pour
empêcher la contrebande qui s'y fait en un grand
nombre d'endroits . Plufieurs Commis de la Doua
ne ont été convaincus d'avoir favorifé ce commerce
illicite , & les plus coupables doivent être
examinés par les Commiffaires de la Trésorerie.
On a préfenté ces jours - ci au Prince de Galles la
Relation d'un voyage que M. Ellis a fait pour découvrir
un paffage aux Indes Orientales par la
Baye de Hudfon. Le Comte de Cheſterfield , cidevant
Secretaire d'Etat , qui étoit allé paffer quel
que tems à fa terre près de Scarborough , eſt de
retour en cette Ville , & il y a apparence , qu'a.
près la conclufion de la paix il ira en qualité
d'Ambaffadeur du Roi dans quelque Cour Etrangére.
L'équipage du Vaiffeau de guerre le Nottingham,
qui eft rentré depuis peu dans le Port de Fal
mouth , a rapporté qu'il a appris par des Navires
Hollandois , venans de Batavia , que le 8 du mois
d'Avril dernier , ils avoient rencontré au Cap de
SEPTEMBRE. 1748 . 187
Bonne-Efperance l'Amiral Boscawen avec fon
Efcadre. On a donné ordre de payer inceffamment
les gages dûs aux équipages des Vaiffeaux
de guerre le Windfor & l'Avis , qui doivent être
mis cette feinaine hors de commiflion . La Compagnie
des Indes Orientales a reçû avis que le Navire
le Portfied eft revenu de Mocha à la Rade de
Deal le 31 du mois dernier , & qu'un autre de ſes
Bâtimens , nommé l'Ilchefter , et arrivé le 2 du
même mois dans le Tage. On a été auffi informé
qu'une Flotte Marchande de cent cinquante voiles
étoit partie de l'Ile de Sainte Catherine pour
fe rendre en Angleterre Plufieurs perfonnes de
diftinction , du nombre defquelles eft le Comté
de Londondery , fe font embarquées ces jours- ci
pour paffer en France. Quelques autres , qui
étoient allées à Douvres dans le même deffein , &
qui n'avoient point eu la précaution de fe munir
de paffeports , ont été obligées de revenir en prendre
aux Bureaux de la Secretairerie d'Etat . L'impératrice
Reine de Hongrie & de Boheme a envoyé
le Comte de Tuaffe exécuter une commiffion au÷
près des Lords Régens de la Grande Bretagne.
Auffi - tôt que la Lotterie Royale fera tirée , on en
établira une nouvelle , dans laquelle feront plufieurs
Lots en Rentes viageres. Depuis peu , le's
deux Partis , qui fubfiftent en Irlande , l'un fous le
nom de Parti d'Ormond , l'autre fous celui de la
Liberté , en font venus plufieurs fois aux mains à
Dublin , & il y a eu beaucoup de fang répandu de
part & d'autre.
* 88 MERCURE DE FRANCE.
PAYS - BAS.
De la Haye , le 6 Septembre.
E 29 du mois dernier , les Députés des Magif-
"
l'audience du Prince Stathouder , & ils le remer
cierent du nouvel ordre qu'il a établi " our la Ré
gence de leur Ville . La Députation étoit compolée
de Meffieurs de Benthem , de Beyer , Verf
choot , Vander Steen , de Man , Smith , Vanden
Berg & Joffelet. Le Prince Stathouder affiſta le
31 à l'affemblée des Etats de Hollande & de Weftfrife
. Il n'a point reçû le premier de ce mois les
complimens à l'occafion de l'Anniverfaire de fa
naiflance , & il a témoigné qu'on lui feroit plaifir
de differer les rejou flances qu'on le propofoit de
faire à ce fujet. Ce même jour , il alla avec la Princeffe
de Naffau dîner à Teylingen , maifon de
campagne de M. Vander Duyn de s'Gravemoer
& de là il fe rendit à Swanenbourg , d'où il partit
le lendemain pour Amfterdam . La Princeffe de
Naffau l'a accompagné jufqu'au raffage du Rhin ,
& le premier au foir elle retourna à la Maifon dù
Bois. Les Députés , que les Etats de Frife ont envoyés
ici , ont reçû de pleins pouvoirs pour exminer
les plaintes des habitans de la Province , &
pour réformer les abus . Le Prince Stathouder a
nommé le Comte de Hompefch Colonel Commandant
du Régiment de Schack ,& M.Henri François
de Bergeyck a obtenu la place de Major du
Régiment de Malprade. Les Gardes du Corps de
ce Prince , qui étoient campés dans les environs de
la Maifon du Bois , font retournés dans leurs quartiers
. M. Charles de Bentinck arriva le 3'd'Eyndhoven
où il a paffé plufieurs jours auprès du Duc
SEPTEMBRE . 1748. 189
de Cumberland. Avant- hier , M. Gerard de Normandie
, Seigneur de Wiffleкerke , Fifcal des Recherches
des Revenus de la Province de Hollande ,
mourut fubitement d'une attaque d'apoplexie , en
revenant de fa naifon de Saffenheim . Il étoit dans
la cinquantième année de fon âge.
D'Amfterdam , le 7 Septembre.
LE2 ce vers les riva ici de la Haye, &
il fut reçû au bruit de plufieurs falves d'artillerie
& des acclamations des habitans . Il étoit accompagné
du Comte de Bentinck , Seigneur de Rhoon
& de Pendrecht ; de M. Fagel , Greffier des Etats
Généraux , & de M. de Back , & il defcendit au
Oude Heere , où il fut complimenté par les Bourguemeftres
Régens , par les Echevins , & par les
Membres du Grand Confeil. Le Vice Amiral
Schrywer revint le 30 du mois dernier au Texel
avec les Vaiffeaux de guerre le Harlem , le Teilin
gen , le Maarfen & le Middelbourg. Il moüilla le
lendemain dans la même Rade huit Navires de là
Compagnie des Indes Qrientales , fçavoir le Diemen
,le Harlem , le Hoop , Akerdam , 1 Overnes ,
le t'Huys te Mannepad , le Sparen oud & le Sparenwick.
Les trois premiers reviennent de Batavia ,
le quatriéme & le cinquiéme de la Chine , les deux
fuivans de Bengale , & le dernier de Ceylon . Le
Hoop & l'Overnes font pour lecompte de la Chambre
de Horn , & les autres appartiennent à celle
d'Amfterdam. Ces Bâtimens ont apporté quatre
cens foixante- quatorze mille vingt lept livres de
poivre , deux cens vingt mille de clous de gerofle,
deux millions fix cens trente & un mille neuf cens
de caffé de Java , deux mille de noix de mufcade
E 2 de ce mois vers les onze heures du matin ,
£ 90 MERCURE DEFRANCE.
confites , deux cens quatre-vingt- dix- ſept mille
fept cens de thé , cent trente - neuf mille cinq cens
de foye de Bengale , trente- trois mille fix cens
foixante piéces de toile de coton de Guinée , & une
grande quantité d'autres marchandifes.
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
E 14 du mois dernier , la Reine en-
Lendit la Melle l'Eglife duMonaftére
des Carmelites de Compiègne , &
Sa Majefté communia par les mains de l'Archevêque
de Rouen , fon Grand Aumônier.
Le lendemain , jour de la Fête de l'Af-
Tomption de la Sainte Vierge , le Roi fe
rendit à l'Eglife du Monaftére des Religieufes
de la Congrégation , où Sa Majefté
entendit la Meffe, La Reine l'entendit
dans l'Eglife des Carmelites .
L'après-midi , le Roi & la Reine , accompagnés
de Monfeigneur le Dauphin ,
de Madame la Dauphine & de Mesdames
de France , affifterent dans l'Eglife de
Saint Corneille aux Vêpres , & enfuite à
la Proceffion.
Le 19 , la Reine partir de Compiègne ,
pour retourner à Verſailles , où Monſei'
SEPTEMBRE. 1748 . 191
gneur le Dauphin & Madame la Dauphine
retournerent le 21 .
M. de la Porte du Theil , Secretaire du
Cabinet du Roi , & des Commandemeus
de Monfeigneur le Dauphin , a été nommé
fecond Miniftre Plénipotentiaire de Sa
Majefté aux Conferences pour la Paix .
Dans l'affemblée tenue le 16 du mois
dernier par le Corps-de-Ville de Paris ,
M. de Bernage a été continué dans la place
de Prevôt des Marchands , & Meffieurs de
Santeuil & Cochin ont été élûs Echevins,
Le Roi, qui étoit parti de Compiègne le
22 du mois dernier , arriva à Verfailles
le 24 .
Les Députés des Etats de la Province
de Languedoc eurent le 26 audience du
Roi , étant préfentés à Sa Majesté par le
Prince de Dombes , Gouverneur de la
Province , & par le Comte de Saint Florentin
, Secretaire d'Etat , & conduits en
la maniere accoûtumée par le Marquis de
Dreux , Grand Maître des Cérémonies. La
Députation étoit compofée , pour le Clergé
, de l'Archevêque d'Alby , qui porta la
parole ; du Marquis de Villeneuve , pour la
Nobleffe ; de Mrs d'Helliot, Lieutenant de
Maire de Touloufe , & Belliol , Maire de
Lodeve , Députés du Tiers- Etat , & de M.
de Montferrier , Syndic Général de la Province.
192 MERCURE DEFRANCE .
Monſeigneur le Dauphin & Madame la
Dauphine vinrent à Paris le 28 du mois.
dernier après midi , & affifterent au Salut
& à la Bénédiction du Saint Sacrement
dans l'Eglife de Saint Sulpice . Ce Prince
& cette Princeffe allerent enfuite voir les
appartemens & les jardins du Palais du
Luxembourg , & le foir fur les fept heures
& demie retournerent à Versailles .
Le 26 , le Corps - de Ville fe rendit à
Verſailles , & le Duc de Gefvres , Gouverneur
de Paris , étant à la tête , il eut audience
du Roi, Il fut préfenté à Sa Majesté
par le Comte de Maurepas , Miniftre &
Secretaire d'Etat , & conduit par le Grand
Maître des Cérémonies. M. de Bernage ,
qui a été continué dans la place de Prevô :
des Marchands , & les deux nouveaux
Echevins , prêterent entre les mains du
Roi le ferment de fidélité , dont le Comte
de Maurepas fit la lecture , ainfi que du
Scrutin , qui fut préfenté à Sa Majesté par
M. de Boullongne , Confeiller au Parlement.
Le 25 , Fête de Saint Louis , la Procef
fion des Carmes du Grand Convent , à la
quelle le Corps- de- Ville affifta , alla fuivant
la coûtume à la Chapelle des Thuilleries
où les Religieux chanterent la
Meffe.
Le
SEPTEMBRE. 1748. 193
Le 3 de ce mois , le Roi & la Reine entendirent
dans la Chapelle du Château la
Meffe de Requiem , pendant laquelle le
De profundis fut chanté par la Mufique ,
pour l'Anniverfaire de Louis XIV , Bị-
Tayeul de Sa Majesté.
Le Bailli de Froullay , Ambaffadeur
ordinaire de la Religion de Malte , cût le
même jour une audience particuliere du
Roi, & il y fut conduit par le Chevalier de
Sainctot , Introducteur des Ambaſſadeurs.
On célébra le 2 de ce mois avec les cérémories
accoûtumées , dans l'Eglife, de
l'Abbaye Royale de Saint Denis , le fervice
folemnel qui s'y fait tous les ans pour le
repos de l'ame du feu Roi , & l'Evêque
de Caftres y officia pontificalement. Le
Prince de Dombes , le Comte d'Eu , &
le Duc de Penthiévre , y affifterent , ainfi
que plufieurs perfonnes de diftinction .
Le S , Fête de la Nativité de la Sainte
Vierge , le Roi & la Reine entendirent
dans la Chapelle du Château la Meffe
chantée par la Mufique. Leurs Majeftés ,
accompagnées de Monfeigneur le Dauphin
, de Madame la Dauphine & de Meft
dames de France , affifterent l'après- midi
aux Vêpres dans la même Chapelle.
Le même jour , la Reine communia par
I
194
MERCURE DE FRANCE.
les mains de l'Archevêque de Rouen , fon
Grand Aumônier.
Le Roi , qui avoit pris le deuil le 7 pour
la mort de la Ducheffe Douairiere de
Brunfwik Wolfenbuttel , le quitta le 10 .
BENEFICES DONNE'S.
LE Roia nommé à l'Evêché deDol
l'Abbé Dondel , Vicaire Général de
l'Evêché de Vannes , & Sa Majesté a accordé
l'Abbaye de Froidmont , Ordre de
Cîteaux , Diocéſe de Beauvais , à M. l'Archevêque
de Bordeaux.
L'Abbaye fécularifée de Saint Sernin ,
Diocéfe de Toulouſe , à l'Abbé de Fleurigny
, Chancelier de l'Eglife de Bourges.
Celle d'Obazine , Ordre de Cîteaux ,
Diocéfe de Limoges , à l'Abbé du Sers.
Celle de l'Aumône , Ordre de Cîteaux ,
Diocéfe de Blois , à l'Abbé d'Entragues ,
Grand Vicaire de Bordeaux .
Celle d'Olivet , Ordre de Cîteaux ,
Diocéfe de Bourges , à l'Abbé d'Argentré,
Grand Vicaire de Limoges.
Celle d'Andres , Ordre de Saint Benoît,
Diocéfe de Boulogne , à l'Abbé de Montagu
de Beaune,
SEPTEMBRE. 1748 . 195
Celle de Chalivoy , Ordre de Cîteaux ,
Diocéfe de Bourges , à l'Abbé Baudron ,
Grand Vicaire du Mans.
Celle de Saint Paul-lès-Sens , Ordre de .
Prémontré , à l'Abbé Soucelyer , Doyen du
Chapitre de Bray - fur Seine .
L'Abbaye Réguliere d'Auchy- les - Moines
, Ordre de Saint Benoît , Diocéfe de
Boulogne , à Dom Frévier , Religieux du
même Ordre.
Celle de Ham , Ordre de Saint Benoît ;
Diocéfe de Saint Omer , à Dom Rogeau ,
Religieux du même Ordre .
Celle d'Eaucourt , Ordre de S. Auguftin,
Diocéfe d'Arras , à Dom Muler , Religieux
du même Ordre.
Celle de Beaupré-fur- la- Lys , Ordre de
Cîteaux , Diocéfe de S. Omer , à la Dame
Behague , Religieufe du même Ordre.
Celle de Notre- Dame de Refuge à Ath ,
Ordre de S. Bernard , Diocéfe de Cambray,
à la Dame Delfoffe , Religieufe du même
Ordre .
Le Prieuré fécularifé de Romette , Diocéfe
de Gap , à l'Abbé de Bardounauche,
Celui d'Andrezy , Ordre de S. Benoît ,
Diocéfe de Sens , à l'Abbé Fenel , de l'Académie
des Infcriptions & Belles - Lettres .
[ ij
196 MERCURE DE FRANCE.
CELEBRATION de la Fête de Saint
Louis, par l'Académie Françoife, par l'Académie
Royale des Sciences , & par
des Infcriptions & Belles- Lettres .
celle
E jour de cette Fête , l'Académie
Françoife entendit dans la Chapelle
du Louvre la Meffe , à laquelle l'Evêque
de Bayeux , un des Quarante de l'Académie
, officia pontificalement , & pendant
laquelle on chanta un Pleaume en Mufique.
M. Poulle , Prédicateur du Roi , prononça
enfuite le Panégytique du Saint . Nous n'avons
garde de laiffer en cette occafion dans
l'oubli un fait également honorable pour
l'Académie Françoife , pour M. l'ancien
Evêque de Mirepoix , & pour M. Poulle.
L'éloquence du Difcours de cet Orateur
ayant engagé l'Académie à s'intéreffer pour
lui , elle l'a recommandé à M. l'ancien
Evêque de Mirepoix. Ce Prélat à fon premier
travail avec le Roi a propofé M.
Poulle à Sa Majefté pour l'Abbaye de Nogent-
fous- Coucy , & le Roi y a nommé ce
célébre Prédicateur. Dans une pareille circonftance
, l'Académie avoit fait le même
honneur à M. l'Abbé Seguy , pour lequel
elle a obtenu ,il y a plufieurs années , l'Abbaye
de Genlis.
SEPTEMBRE. 1748 . 197
a
L'Académie Royale des Infcriptions &
Belles Lettres , & celle des Sciences , ont
célébré auffi la Fête de Saint Louis dans
l'Eglife des Prêtres de l'Oratoire , où le
Panégyrique du Saint fut prononcé par M.
Bruté , Curé de Saint Benoît.
Séance publique de l'Académie Françoise.
L'Académie Françoife tint le même jour
une affemblée publique. Après que M. de
Moncrif , Directeur , eût annoncé que le
Prix de Poëfie avoit été remis à l'année
prochaine , on fit la lecture du Difcours ,
qui a remporté le Prix d'Eloquence , fondé
par feu M. Gaudron , & dont le fujer
étoit : Les hommes ne fentent point affés combien
il leur feroit avantageux de concourir au
bonheur les uns des autres . Ce Difcours
qui eft de M. Sauret , ne devant être imprimé
que dans le Recueil de l'Académie ,
& ne nous ayant point été communiqué ,
nous ne fommes pas en état d'en donner
l'extrait , & nous pouvons feulement rendre
témoignage qu'il a été unanimement
applaudi de toutes les perfonnes qui l'ont
entendu .
>
M. de Crebillon recita enfuite le quatriéme
Acte de fa Tragédie de Catilina ,
& l'on y a remarqué , de même que dans
les précédens , tout le feu , tout le génie &
I iij
198 MERCURE DE FRANCE .
toute l'élevation , de l'Auteur d'Aftrée ,
d'Electre & deRhadamifte. Depuis longtems
le public montre trop d'impatience
de voir cette Tragédie , pour ne pas apprendre
avec plaifir qu'elle eft entierement
achevée , & que les Comédiens François
fe préparent à en donner la premiere Repréfentation
auffi - tôt après le retour du
voyage de Fontainebleau.
CUALGE:Tenang
LETTRE de M. Daviel , Confeiller ,
Chirurgien ordinaire du Roi en ſurvivance
par quartier , à M. de Joyeuſe , Docteur
en Médecine de l'Univerfité de Montpel
lier , Aggregé au Collège des Médecins de
Marseille , & Médecin des Hôpitaux des
Galéres.
Ous êtes en droit , Monfieur , de vous plaindre
de mon filence ; je fuis répréhensible , je
l'avoue , de ne vous avoir pas marqué exactement,
comme je vous l'avois promis , le détail de mes
opérations, je vous prie cependant de croire que ce
n'a point éré tout- à - fait par négligence . Les occupations
que j'ai eues dans ce pays- ci depuis mon
arrivée , ne me l'ont gueres permis ; aujourd'hui
que je commence à refpirer , je vais fatisfaire à
mon obligation , en vous faisant part de plufieurs
opérations que j'ai faites fur les yeux depuis le 7
Novembre de l'année 1746 , jour de mon arrivée
SEPTEMBRE. 1748. 199
Paris ; je vous expoferai avec la même fidélité
celles qui m'ont réüffi & celles dont le fuccès n'a
pas répondu à mes voeux ;je ne prétends point m'en
faire accroire , ni me donner la réputation d'un
Chirurgien infaillible ; bien au contraire , j'ai
avoué de bonne -foi à toutes les perfonnes qui
m'ont fait l'honneur de me confulter , que mes
opérations n'avoient pas toujours eu tout le fuccès.
défiré. Le mauvais tempérament du malade , fon
indocilité , fa répugnance pour les remedes , & le
plus fouvent un défaut de confiance fur la fin de la
maladie , font de puiffans obftacles à la réuffite
des opérations , qui fe font fur l'organe de la vûë
le plus délicat de tous & le plus aifé à s'irriter & à
s'enflamer.
L'opération de la cataracte , furtout , m'a paru
toujours très- douteufe , quoique le public ait voulu
s'imaginer qu'aujourd'hui ce doit être de toutes les
opérations la plis fûre ,& qui ne peut manquer que
par la maladreffe ou l'ignorance de celui qui la
fait ; il eft même des Chirurgiens qui font encore
de cet avis. Quant à moi je penfe tout differem
ment, & ce n'est qu'après beaucoup d'expériences
faites fur les yeux des cadavres , & un grand nombre
d'opérations fur ceux des vivans , dans la vue
de perfectionner la méthode d'abaiffer la catarac
te , que j'ai appris tous les dangers & tous les fujets
de doute qu'on peut avoir dans cette matiere.
En multipliant les expériences & les opérations ,
j'ai été forcé de reconnoître à la fin qu'il s'en faut
beaucoup que celle - ci foit auffi certaine & auffi facile
que bien des gens l'ont crû , & que je l'ai
cru moi-même , quand j'ai commencé à la pratiquer.
Je dois cet aveu à la vérité , quoiqu'il
femble d'abord faire quelque tort à l'art auquel je
me fuis entierement livré depuis environ 18 ans,
Liiij
200 MERCURE DE FRANCE.
& que j'ai réfolu de profeffer uniquement tout le
*
refte de ma vie.
Quelque bonne que foit la cataracte , même dans
un fujet bien conftitué , & quelqu'habile que foit
le Chirurgien qui en fait l'opération , il furvient
fouvent des fimptômes que les Oculiftes les plus
expérimentés feroient très - embarraffés d'expliquer;
tantôt la cataracte remonte après l'opération la
mieux faite , tantôt il furvient des larmoyemens ,
d'autres fois des vomiffemens peu de tems après
quelquefois des gonflemens à la conjonctive & à
Foil ,& des douleurs cruelles dans tout le globe , qui
portent à la tête , & enfin des fuppurations totales de
cet organe , fans que les foins du p'us habile
Chirurgien puiffent fouvent les prévenir , ni même
les arrêter, ce font- là des obfervations que j'ai faites
à la fuite de mes opérations , & à la fuite de
celles que j'ai vû faire à de fameux Oculiftes que
je ne dois pas nommer.
La difficulté de furmonter les accidens extraordinaires
, qui arrivent dans l'opération de la cataracte
, & qui en rendent le fuccès incertain , m'a
obligé de chercher depuis long - tems des moyens
plus doux, plus faciles , & plus fûrs en même - tems,
pour les prévenir.
Je vous ai dit à Marseille , Monfieur , ce qui
m'arriva le 8 Avril 1745 , en faisant l'operation de
la cataracte au Frere Félix , Hermite d'Aiguille
en Provence proche la Ville d'Aix . Je vous ai expofé
, dis- je , combien j'eus de peine pour abattre
cette cataracte avec l'aiguille tranchante , la grande
difficulté que j'y trouvai , me fit imaginer l'aiguille
dont je ne fers aujourd'hui fans pointe ni tranchant
, à quelque addition près , au moyen de laquelle
je vins à bout d'abattre la cataracte de ce
pauvre Hermite , à laquelle j'avois déja travaillé
près d'une demie heure inutilement. Ce malade
SEPTEMBRE. 1748. 201
>
diftingua parfaitement tous les objets que je lui
préfentai d'abord après l'opération , mais comme
fon oeil avoit été fatigué par la premiere , la
feconde devint infructueufe & fut fuivie de la
fuppuration de l'oeil , que je crus ne devoir attri
buer qu'au peu de repos que je lui avois donné.
Mais le mauvais fuccès de cette opération ne
m'empêcha cependant pas de pourfuivre mon idée,
& de continuer à faire des expériences journalieres
far les yeux des cadavres , pour porter ma nouvelle
méthode au point de fûreté où je la crois aujourd'hui.
Vous m'avez vous - même encouragé plufieurs
fois , Monfieur, par votre approbation, & fecouru
par vos lumieres; vous m'avez vû faire plufieurs expériences
fur des cadavres de vos Hôpitaux , & opérer
fur des vivaus , avec autant de fuccès qu'on en
pouvoit attendre d'une méthode qui ne faifoit que
de naître , j'ofe même avancer que ma nouvelle
façon d'opérer fut fi heureufe, que j'abattis fept cataractes
tout de fuite avec tout le fuccès poffible ,
& fans aucun accident.
Vous connoiffez le feptiéme malade dont la gué
rifon m'a tant fait d'honneur à Marſeille , où il me
vint trouver de Paris dans le mois de Septembre
1745 , pour lui faire l'opération de la cataracte
qu'ilavoit à l'oeil droit depuis neuf ans . Ce malade
ne balança pas de fe livrer entre mes mains , après
le témoignage que lui avoient rendu fur mon
compte des perfonnes d'un rang diftingué fur les
Galéres du Roi , & d'autres perfonnes dont le nra-
Jade connoifloit la probité & les lumieres , pour
être à toute épreuve.
Lorfqu'il fut arrivé à Marféille , je lui fis l'expofition
de l'ancienne méthode d'operer la cata
racte , & de celle dont je crois être Finventeur, Je
I v
202 MERCURE DEFRANCE.
lui fis examiner en même tems les inftrumens propres
aux deux méthodes , mais fur- tout , je ne lui
Jaifai pas ignorer que je n'avois encore que fix
exemples à lui citer de celles qui m'étoient particulieres
, & je le priai de vouloir bien décider dans
fa propre caufe ; il ſe fixa à ma nouvelle méthode.
Je lui fis do ic l'opération le 18 Octobre 1745 , &
il vit l'inftant d'après tous les objets que je lui préfentai
, mais comme on les voit en pareil cas ,
c'eft à- dire avec une eſpèce de confufion ; il ne
reffentit pas la moindre douleur à la fuite de l'opé
ration , qu'il ' oûtint avec toute la fermeté & tout
le fang froid poffibles .
Je puis me flater même que ce malade m'honora
de fa confiance au point de ne vouloir l'avis
d'aucun autre que de celui que je vous ai déja
nommé , quo qu'on eût preffé ce malade de confulter
d'autres perfonnes que moi à Marseille.
Vous m'avouerez , Monfieur , que cette façon de
penfer eft fort rare , car il eft très - ordinaire
aux malades de confulter indiftinctement tous les
Oculiftes qui leur font indiqués : auffi arrive - t'il
fouvent que ces malades féduits par le rapport
qu'on leur a fait du mauvais fuccès de quelquesunes
des opérations d'un Chirurgien expérimenté,
à qui ils avoient donné leur confiance , s'adreffent
à d'autres , qui n'ont le plus fouvent qu'une routine
aveugle , dont le malade eft presque toujours
la victime ; heureufement pour moi , celui- ci a
été bien éloigné de cette façon de penfer , & il en
a donné des preuves fans exemple , à ce que je
crois.
La veille même du jour qu'il avoit choiſt pour
l'opération , une pauvre femme de notre Arcenal
des Galéres , à qui fept années auparavant j'avois
SEPTEMBRE . 1748 . 203
fait l'opération de la cataracte fort heureuſement
d'abord , mais qui devint infructueuſe par
fa faute ; ( car elle vit fort bien pendant quarante
jours ) eût l'imprudence de lui tenir ce
langage Je vous fouhaite , Monfieur , un plus
heureux fuccès que je n'ai eû , car je fuis aveugle.
Ce difcours fi propre à renverser la tête d'un malade
, non-feulement n'ébranla pas le nôtre , mais
il eût encore la fageffe de ne m'en rien dire que
long-tems après.
Que les Chirurgiens feroient heureux , s'ils
avoient toujours affaire à des malades auffi fermes
& auffi raisonnables !
Les malades croyent communément que dès
qu'on leur a ôté l'appareil après les neufjours de
l'opération pour leur mettre le bandeau noir , ils
doivent voir auffi clair , que s'ils n'avoient jamais
eû de cataracte ; c'eft une erreur dont il faut fe
défabufer. Comment feroit- il poffible de voir
auffi diftinctement qu'on voyoit avant la formation
de la cataracte La Providence n'a rien fait
d'inutile ; elle a donné le crystallin à l'oeil pour la
parfaite réunion des rayons de lumieres , qui fans
ce fecours indifpenfable ne font que diverger ,
& fans lequel l'oeil ne fait fes opérations que d'une
façon vague , incertaine & , pour ainfi dire
indéterminée ; pour voir les objets diftinctement
après l'opération, on fupplée, comme vous le fçavez ,
Monfieur , au cryftallin qu'on a baiffé , par le fecours
d'un verre qui fait en quelque façon audehors
la fonction que le cryftallin faifoit au-dedans
, mais ce fecours , tout utile qu'il eft, ne fupplée
qu'imparfaitement à l'organe qu'on a reçû de
la nature , & dont une des parties intégrantes
n'eft plus à la même place ; ajoutons que ceux à
qui ce fecours eft le plus utile , ne font pas fouvent
2
1 vj
204 MERCURE DE FRANCE.
dans le cas d'en faire ufage pour les opérations
les plus déliées de la vue , pour lire , par exemple ,
que long - tems après l'opération . Je dois dire encore
que ce même malade étoit trop inftruit ,
pour prendre à cet égard de fauffes efperances ; il
De vit pas d'abord les objets diftinctement , mais
il fçût attendre , avec toute la tranquillité poffible,
que fon oeil eût repris des forces , étant perfuadé
qu'il eft moralement impoffible qu'un organe affoibli
par une operation , & deftitué d'une de fes
parties auffi effentielles que le cryftallin, fafte parfatement
les fonctions auxquels il eft deftiné ; il
eft vrai auffi que ce malade a lieu de fe louer de
mon opération , puifqu'il diftingue fort bien aujourd'hui
tous les objets , & qu'il lit dans le Co-
Jombat avec une lunette à cataracte .
Cette opération s'eft faite fous vos yeux , Monhieur
, & en préfence de tout ce qu'il y a de plus
refpe &table dans le Corps des Galéies ; le bon fuc
cès qu'elle a cû , s'eft répandu dans bien des endroits
, & il eft même parvenu jufqu'à Paris , où
j'ai été mandé , comme vous le fçavez , par un
Seigneur des plus diftingués à la Cour , à l'occafion
d'une cataracte , à laquelle ,
laquelle , de concert avec
M.Morand, célébre Chirurgien, je n'ai pas encore
jugé à propos de toucher.
Depuis mon arrivée à Paris , j'ai été confulté
par près de quatre cens malades , & j'ai fait plus
de deux cens opérations , tant de cataractes , qu'autres
affections des yeux , avec tout le fuccès qu'on
peut attendre dans des maladies auffi délicates ,
que celles qui attaquent cette partie .
Le fuccès dont la Providence a favorifé ma
nouvelle méthode , & l'approbation de plufieurs
grands Médecin & Chirurgiens , ont furpaffé mes
elperances. De 75 opérations que j'ai faites pour
SEPTEMBRE . 174S. 205
la cataracte à Paris , la plupart à des malades de
mauvais tempérament , avec des yeux peu favo
rables pour l'opération , d'un état qui ignore le
régime & d'une pauvreté à ne pouvoir que diffici
lement le pratiquer , j'ai eû le bonheur de réuffir
à foixante & une ; je ne crois pas qu'il foit poffible
d'attendre un plus grand fuccès d'une méthode
nouvelle , & dont la nouveauté même récule né→
ceffairement la perfection.
Je fuis donc aujourd'hui parfaitement confirmé
dans l'opinion , que rien n'eft plus dangereux que
de porter une aiguille pointue & tranchante dans
l'oeil ; les accidens que peut caufer l'ancienne ai
guille , font fans nombre & fouvent fans reméde‚-
puifqu'il n'eft pasipoffible au Chirurgien , même
le plus adroit , de diriger la pointe de cette arguille
dans une partie auffi délicaté que l'oeil , fans
Fifquer de toucher aflés fouvent la partie poftérieure
de l'iris , les proces ciliaires , ou la prunelle,
& de déchirer par conféquent des vaiffeaux qui occafionnent
ordinairement des épanchemens de fang
dans la chambre antérieure de l'oeil , pour peu que
la cataracte foit molle ou adhérente ; cet accident
ne m'eft jamais arrivé , depuis que je fais ufage de
ma nouvelle aiguille,fans pointe ni tranchant ; je puis
la tourner à mon gré dans l'oeil , fans craindre de
le bleffer. J'avoue que je me fuis fouvent étonné
que les grands Maîtres de l'Art n'ayent pas été
frappés du danger manifefte qu'il y avoit à porter
une aiguille pointue & tranchante dans l'oeil , &
qu'ils n'ayent pas fongé à chercher une méthode
moins propre à faire trembler le malade & le Chirurgien.
Enfin , pour prouver invinciblement que ma
méthode d'abbattre la cataracte eft entierement
préférable à l'ancienne , je crois qu'il me fuffit de
206 MERCUREDEFRANCE.
rapporter le grand nombre d'opérations qui m'ont
réuffi , au lieu que par l'ancienne méthode on eft
fouvent fort heureux , lorfque fur dix opérations
on réuffit à 5 ou 6 , & quelquefois à moins , quoique
les cataractes foient bonnes & fur des ſujets
bien constitués,
Qu'on ne s'imagine cependant pas que je prétende
annoncer ma méthode comme invariable
& infaillible , ni que je la croie exempte de tout
danger ; elle a fes défauts , comme la premiere ,
mais je fuis très- fondé à croire qu'ils font infiniment
moindres , & j'ai lieu d'efperer même que je
pourrai la porter dans la fuite à un plus haut point
de perfection ; j'ofe vous affûrer , Monfieur , avec
la plus grande vérité , que je le fouhaite , encore
plus pour l'utilité publique , que pour mon utilité
particuliere.
Si j'ai été affés heureux de réuffir dans l'opération
de la cataracte , je puis me flater que je n'ai pas
eû moins de fuccès dans plufieurs autres opérations
de toutes efpéces , que j'ai faites fur les yeux des
malades , traités affés long- tems fans fruit , & dont
quelques - uns avoient paffé pour incurables ; je
citerai à la fin de cette lettre quelques opérations
des plus confidérables concernant la cataracte , &
les autres maladies des yeux ; j'y joindrai en même
tems trois Certificats authentiques des malades que
j'ai traités.
J'ai ouvert plus de foixante fois la cornée tranfparente
, & porté l'inftrument dans la chambre antérieure
de l'oeil , pour en tirer du fang & du pûs,
qui s'y étoient épanchés ; j'ai détruit des callofités
de la même cornée , qui entretenoient depuis
un très long- tems des abfcès fiftuleux & des fiſtules
dans ces parties , que je n'ai non plus ménagées que
la moindre du corps humain , fans qu'il en foit ré
fulté le plus petit accident,
SEPTEMBRE. 1748 . 207
J'ai fait l'extraction de la cataracte fituée encore
dans la chambre poftérieure de l'oeil droit de M.
Garion , Maître Perruquier , rue Dauphine , près
la rue Contrefcarpe , dont je parlerai ci - après . Les
obfervations que j'ai faites fur cette heureuſe opération
, m'ont donné de grandes idées pour l'extraction
de la cataracte.
J'ai fait plufieurs fois l'opération de la fiftule lacrymale
avec autant de fuccès qu'on peut en attendre
d'une maladie que les plus habiles Maîtres regardent
encore comme fort douteuſe; j'ai eû l'honneur
de faire plufieurs opérations à l'Hôpital Royal
des Invalides, en préfence d'un des plus grands Chirurgiens
de l'Europe , dont le nom feul fait l'éloge
, & de M. Bouquot, Chirurgien- Major du même
Hôpital , de qui je fais gloire d'avoir été l'éleve,
comme auffi en préfence de M. Faget , Chirurgien-
Major de l'Hôpital de la Charité , dont je compte
l'approbation dans le rang des évenemens les plus
flateurs qui me foient arrivés dans le cours de ma
vie.
J'ai confulté plufieurs fois & operé fur les yeux
à l'occañon des maladies qui les attaquent , avec
plufieurs des plus habiles tant en Médécine
qu'en Chirurgie, à Paris.
M. de la Martiniere , Premier Chirurgien du
Roi , voulut bien prendre la peine de venir le 22
Décembre dernier chés moi , pour y vifiter envi
ron so malades que j'avois opérés pour diverfes
maladies des yeux , parmi lesquels il
y en avoir
d'âgés de 75 & 80 ans , qui avoient été aveugles
, pendant 10 , 12 , 18 , 25 , 30 , & même juf
qu'à 40 ans , les uns par des cataractes , & les autres
par d'autres maladies ; j'ai eû l'honneur de faire
le même jour en préfence de ce Chef de la
* M. Morand
208 MERCURE DE FRANCE.
" Chirurgie une opération fur l'oeil gauche du
nommé Jean-François Laleu , Soldat Invalide ,
âgé de 72 ans , qui avoit un ulcére très -conſidérable
fur la cornée tranfparente qu'il recouvroit pref
que à moitié , de même que la prunelle , & dont il
eft fort bien guéri aujourd'hui. M. Faget , dont
j'ai déja parlé , ſe trouva auffi préſent à cette opération
, & vit tous les malades dont je viens de
faire mention .
De toutes les opérations que j'ai faites à Paris ,
& que je ne puis citer qu'avec une forte d'amour.
propre , c'eft l'opération de M. le Marquis de Forbin
, dont j'ai joint ici le Certificat , qu'il a eû la
bonté de me donner.
Paſſons maintenant au détail de quelques- unes
des opérations que j'ai faites à Paris , furtout de
celles qui m'ont paru les plus effentielles ; je commencerai
par celle de M. Garion , dont j'ai parlé
ci- devant .
Ayant déja fait mon poffible pour abbattre la
cataracte à ce malade , fans avoir pu y réuffir d'aucune
maniere , je me déterminai à ouvrir la partie
inférieure de la cornée tranfparente , & afin de porter
plus fûrement mon aiguille dans la chambre
poftérieure de l'oeil , je tins un affés long espace de
tems la cornée écartée au moyen d'une petite
pincette , & je fis fortir le cryftallin à la faveur de
l'ouverture que je venois de faire , quoique Phumeur
aqueufe fe fût tout à - fait écoulée , de mêine
qu'une petite portion de l'humeur vitrée , ce qui
n'empêcha pas le malade de voir tous les objets
qu'on lui préfenta , & de connoître fur le champ
plufieurs perfonnes qu'on lui montra. Je vous prie,
Monfieur, de vouloir bien faire attention à l'importance
de cette opération , puifqu'il s'agit d'une cata
racte tirée de la chambre poftérieure de l'oeil , & non
pas de l'antérieure , il y a fur cette derniere plufieurs
SEPTEMBRE. 174S . 209
obfervations rapportées par feu M. de St. Ives ;
dans fon nouveau Traité des maladies des yeux ,
page 304 , 305 , 306 & 307 , mais cet Auteur célébre
ne fait aucune mention des cataractes tirées
de la chambre poftérieure de l'oeil .
Cette opération eft d'autant plus digne de remarque
, qu'outre que je la crois fans exemple ,"
c'eft qu'elle m'a offert de trés - grandes difficultés ,
puifqu'il m'a fallu ouvrir une cornée très -relâchée ,
& prefque toute affaiffée par l'effufion de l'humeur
aqueufe , qui étoit fortie à moitié par la premiere
ponction que j'avois déja faite pour abbattre
la cataracte .
L'opération dont je viens de parler , a eû un fi
grand fuccès , que le malade n'a pas reffenti la
moindre douleur ; il voit à lire aujourd'hui fort dif
tinctement , au moyen d'une lunette à cataracte ;
l'oeil a repris fa figure naturelle ; la playe de la cornée
eft parfaitement cicatrifée , & il n'y refte
d'autre difformité que la prunelle un peu oblongue ,
ce qui eft néanmoins imperceptible , fi ce n'eft aux
yeux des perfonnes de l'Art.
Voici une opération finguliere , qui intéreſſe
trop le public , pour la paffer fous filence .
Madame de Moncel , femme du Garde des
Marbres du Roi , près le Pont - Tournant des
Thuilleries , vint me trouver au fujet d'une maladie
qu'elle avoit à la paupiére fupérieure de l'oeil
gauche ; cette malade étoit tombée fur une bouteille
de verre , dont les éclats lui avoient fendu la
paupiere fupérieure de cet oeil , de même que l'inférieure
, & en avoient coupé , par conféquent , les
cartilages & les mufcles. On y avoit pratiqué vainement
des points de fûture. Lorfque cette malade
eût recours à moi deux mois après , l'un & l'autre
bord de la playe étoient cicatrifés , & formoient
un bec-de liévre parfait , accompagné d'un gonfic
210 MERCURE DE FRANCE:
ment confidérable à chaque angle de l'oeil ; cette
playe étoit horrible à voir ; l'oeil fortoit par le milieu
du bec-de- liévre .
Quoique feu M. de Saint Ives ait voulu affûrer
dans fon traité des maladies des yeux , Chap . X.
de l'éraillement des paupieres , pages 114 & 115 ,
quoique ce grand Oculifte, dis- je, ait voulu aflürer
que cette opération étoit toujours fans fuccès,parce
qu'iln'avoit pas réuffi à une de ce genre , je ne fus
pas rebuté d'entreprendre la malade dont je viens
de parler. Je commençai d'abord par emporter les
bords calleux de la paupiere , & i'y paſſai enſuite
deux petites épingles d'argent à deux têtes , telles
que les a imaginées M. Petit , célébre Chirurgien
de Paris , à la faveur d'une petite aiguille à lardoire
, de l'invention de cet homme illufire ; en un mot
je pratiquai la future entortillée , telle qu'on a
coûtume de la faire au bec -de - liévre , qui arrive
aux lévres , ce qui m'a réuffi avec tant de fuccès
que la malade fur guérie quinze jours après mon
opération ; cette paupiere fait les mouvemens
comme l'autre , & il n'y eft refté aucune difformité
qu'une legére cicatrice qui fe cache dans les plis
de la paupiere , lorfqu'elle fe leve.
Madame de Moncel a été fort heureufe que je
n'aye pas fuivi le fentiment de M.de St. Ives , qui
s'eft déclaré hautement contre cette opération , &
qui l'a regardée , ainfi que je l'ai déja dit , comme
fort inutile . Cet événement prouve évidemment
qu'il
qu'il ne faut pas toujours s'en rapporter à l'avis
d'une feule perfonne , quelqu'éclairée qu'elle foit ,
furtout lorfqu'il s'agit d'une opération qui n'eft
point abfolument difficile ni dangereufe , telle que
celle dont il eft ici queftion , puifque la malade
n'a pas feulement eû les yeux rouges pendant les
quinze jours que je l'ai panfée .
M. de St. Ives n'a pas été plus fondé à dire que
SEPTEMBRE . 1748. 211
Le cartilage des paupieres ne pouvoit s'allonger
puifque la paupiere fupérieure de cette malade eft
auffi fouple , & qu'elle fait auffi -bien fes mouvemens
que celle de fon autre cil . M. Guatany
célébre Chirurgien de l'Hôpital du Saint Efprit
Rome , & Affocié de l'Académie Royale de Chirurgie
de Paris , étoit préfent à cette opération ,
& il a vu peu de tems après la malade très - bien
guérie.
2º. J'ai guéri Mad . Dutrolot , ou autrement dit ,
Chaudelier , âgée de 75 ans, aveugle par
deux cataractes
depuis 25 ans , demeurante fauxbourg Saint
Martin , vis- à- vis le grand Monarque , à la maifon
brûlée , & à l'enfeigne du Nom de Jefus.
3. M. Oui , âge de 80 ans , aveugle depuis fix
ans par deux cataractes qu'on lui avoit opérées
fans fuccès à Paris le 15 Mai 1745 , j'ai abbattu la
droite , & le malade voit parfaitement aujourd'hui
tous les objets ; il demeure fous les grands
pilliers des Halles , à l'enfeigne des trois Poiffons.
M. Guatany , déja cité , étoit préfent à cette
opération . & a vû enfuite le malade guéri .
4 M. Perilleux , Maître Ménuifier , Cour des
Suiffes , aux Thuilleries , aveugle depuis près de
fix ans , d'une cataracte à P'oeil droit , très - molle &
adhérente à l'iris , dont la gauche avoit été abbattuë
à Paris par un habile Oculifte fans aucun fuccès
, puifque le malade n'avoit rien vû ; après l'opération
l'oeil fuppura.
5 °. M. Chriftina , Suiffe de S. A. R. Madame la
Ducheffe d'Orleans , à Bagnolet , qui étoit aveugle
depuis près de deux ans , par deux cataractes , dont
la gauche avoit déja été abbattuë fans fuccès par un
très -habile Oculifte des environs de Paris , il y a
environ trois ans ; ce malade voit fort bien à la fuite
des deux opérations que je lui ai faites.
s ;
ly
212 MERCURE DE FRANCE.
6°. M. Olivier , rue des Petits Auguftins ,
l'Hôtel de Luxembourg , âgé d'environ 72 ans ,
auquel j'ai abbattu une cataracte adhérente à la
circonference interne de la prunelle de l'oeil droit ,
dont ce malade ne voyoit pas depuis près de
deux ans , & quoique j'aie été obligé de tabbattre
cette cataracte deux fois, le cryftallin ayant rentonté
la premiere , le malade n'en a pas fouffert la moin
dre incommodité , & voit très - bien aujourd'hui.
Meffieurs Sabattier , Brocard & Battu , Maîtres
Chirurgiens Jurés de Saint Côme , étoient préfens
à ces deux opérations.
7°. Mad. Gayot , Chanoineffe de Chaillot , âgée
d'environ 72 ans , aveugle par deux cataractes adhérentes
à l'iris & à la prunelle depuis près de cinq
ans, a été très - bien guérie fans aucun accident. M.
Morand a vû cette guériſon.
8°. Aux Invalides , M. Manzin , Officier , âgé de
65 ans , aveugle par deux cataractes depuis 9 ans .
9° . M. Thibouët , dit la Vigueur , Officier , âgé
de 77 ans, aveugle depuis 8 ans par deux cataractes;
ces deux malades ont été préfentés deux mois après
leur guérifon à M. le Comte d'Argenfon , Miniflre
de la guerre, voyant fort bien les objets , mais il eft
furvenu quelque tems après un larmoyement fort
confidérable àl'oeil gauche de M.la Vigueur .Ce lar
moyement l'a empêché de voir comme auparavant
pendant fort long-tems , fans cependant qu'on
puifle en accufer mon opération , puifque ce lar
moyement n'a été occafionné que par un vice fcorbutique,
dont le malade avoit déja été atteint précédemment
, car ce même malade éroit forti de la
falle des fcorbutiques quelque tems avant que je lui
fiffe l'opération , & c'est ce même vice fcorbutique
qui a obligé ce malade de retourner à l'Hôpital,
dont il eft forti depuis quelque tems, & il voit fort
bien aujourd'hui .
SEPTEMBRE.
1748. 213
10. Mlle Beauroux , rue du Hazard , aveugle
depuis sans par deux cataractes molles , barrées &
très adhérentes à la circonférence interne de l'iris
& de la prunelle , & dont l'opération a été fort laborieuſe.
La malade voit fort bien aujourd'hui ;
M. Fournier , Chirurgien , gagnant maîtriſe à Bicêtre
, étoit préſent à cette opération , & a vû la malade
guérie.
11º. M. Gouget , Bourgeois , aveugle depuis trèslong-
tems, & qui avoit perdu l'oeil gauche depuis
18 ans par une cataracte fort mauvaiſe , & même
pierreufe dans fon milieu , a été fort bien guéri ,
quoique cette cataracte fût auffi adhérente à la
circonférence interne de l'iris de la prunelle . Ce
malade demeure ruë S. Jacques , au coin de la ruë
des Poirées chés M. Drouet .
12° . Mlle Provin , Femme de chambre de Mad ,
la Comteffe de Chamilard, ruë de Richelieu , visà
vis les Ecuries de Mad. la Ducheffe d'Orléans ,
aveugle par deux cataractes depuis environ deux
ans ; ces cataractes étoient très-molles , partagées
en quatre portions fous la membrane du cryftallin ;
indépendamment de cela elles étoient barrées : j'ai
abattu ces deux cataractes à une année de diſtance
l'une de l'autre ; la premiere le 18 Mai 1747 , & la
feconde le 2 Juin 1748 , avec un très- heureux fuccès.
13°. M. Sauvegrain , Maître Boulanger, ruë Ga-
Jande, près la Place Maubert ; ce malade, âgé de 63
ans, étoit aveugle depuis près de cinq ans par deux
cataractes molles & très- adhérentes à la circonférence
poftérieure de l'iris , dont il a fort bien guéri,
149. Mad , Avril , loueule de caroffes de remife,
âgée d'environ 68 ans , ruë Charenton , près les
Moufquetaires noirs , qui me fut adreffée le 2 Juin
1747 par M. Puzos, célebre Chirurgien de Paris, &
Directeur de l'Académie Royale de Chirurgie.
Cette malade étoit aveugle depuis environ deux
214 MERCURE DE FRANCE.
ans & demi par deux cataractes très- molles &
adhérentes à la circonférence poftérieure de la pru
nelle de chaque oeil , qui étoient très- petits & fort
enfoncés ; tous ces obftacles ne m'ont pas empêché
de réuffit.
15 ° . Le nommé Roland , ancien Poftillon de
feue la Reine d'Eſpagne , au Luxembourg. dans la
ruë d'Enfer , au- deflus de l'appartement de Mad.
d'Andrezel , aveugle depuis 5 ans par deux cataractes
, dont la droite étoit très- molle , pierreuſe
& fort adhérente à la partie poftérieure de la prunelle
. M. Pibrac , Chirurgien de la même Reine ,
a vu le malade devant & après l'opération .
16°. Le Sr Geoffroy , âgé de 74 ans , aveugle
par deux cataractes depuis 5 ans , fort adhérentes
à la partie poftérieure de l'iris de chaque oeil. Ce
malade demeure ruë S.Martin, près S. Nicolas des
Champs , chés M. Marteau , Chaircuitier.
17. Jacques Sorreau , de Chartres en Beauce ,
âgé de so ans, qui me fut adreffé par M. Bouquor,
Chirurgien Major des Invalides , le 4 Janvier
dernier. Il avoit deux cataractes fort adherentes
à l'iris & à la prunelle de chaque oeil ; l'opération
a cependant fort bien réuffì , malgré la
rigueur de la faifon ; plufieurs perfonnes de confideration
ont vu ce malade avant & après la guérifon
chés moi. Il a même été affifté des charités de
Mlle Beauger, qui demeure dans la même maiſon ,
Quai Malaquais , près l'Hôtel de Bouillon , ledit
malade eft forti de chés moi parfaitement guéri .
18. Leger Ciclet , âgé de 12 ans ( demeurant
quartier S Victor , rue des Boulangers , vis - à - vis
les Dames Angloifes ) Ce malade avoit perdu l'oeil
gauche par une cataracte depuis près de deux ans ,
a la fuite d'un accident qui lui arriva par une tufée
, laquelle creva vis à - vis fon oeil , dont il refta
borgue dans l'inftant , & quoique dans l'opération
SEPTEMBRE . 1748. 215
que j'ai faite , la cataracte fe foit partagée en plus
de trente morceaux , & que le malade ait resté plus
de fix femaines fans rien voir de fon oeil , il en voit
très - bien au ourd'hui,
19°. M, Sift , Marchand de Bois , ruë de Charenton
, près la rue Traverfiere , à l'enfeigne de
la fleur de lys , fauxbourg S, Antoine , âgé d'environ
62 ans , auquel j'ai abbattu une cataracte à l'oeil
droit , adhérente à la circonférence interne de la
prunelle ; la vivacité de ce malade lui a bien occafionné
de la peine , quoique l'opération eût bien
réuffi , cependant malgré fon peu de ménagement
il voit affes bien aujourd'hui de cet oeil . Ce malade
n'a jamais démenti fa confiance à mon égard.
20. Mad. de Vandeuil , femme de M. de Vandeuil
, de Chaalons en Champagne , demeurante à
Paris , rue de Tournon , vis à vis l'Hôtel des Ambaffadeurs
. Cette malade avoit perdu l'oeil gauche
depuis près de 6 ans d'une cataracte occafionnée
par un coup que la malade avoit reçû au- deffus de
l'oeil affecté , cette cataracte étoit platte , fort mollaffe
& adhérente à la partie poftérieure de l'iris &
de la prunelle ; il eft furvenu un larmoyement des
plus confidérables à la fuite de cette opération ,qui
m'a donné bien de la peine , quoique la mlade ſe
foit prêtée volontiers à faire généralement tout ce
que j'ai pu lui ordonner , avec une confiance &
une conftance rares dans les perfonnes de fon fexe,
& j'ofe dire , fi peu ordinaire , que peu de malades
auroient été capables de foutenir tout ce que je
lui ai fait .
21°. M. Rouffel , Rotiffeur , chés M. Rouillé ,
Confeiller d'Etat , rue des Poulies , cataracte depuis
cinq ans par un coup.
22°. Le nommé le Comte, au grand Caillou , cataracte
depuis deux ans.
23. M. Nancy , au Bourget , près Paris ,
216 MERCURE DE FRANCE.
cataracte depuis un an & demi.
24°. La nommée Cheyalier , femme de Jacques
Chevalier , laquais deM.Rougeaut , Gentilhomme
Servant chés le Roi , cataracte depuis 2 ans , trèsmolle
& partagée en plufieurs parties , furtout la
gauche qui paffe prefque toute entiere dans la
chambre antérieure de l'oeil ; cette malade demeure
ruë Montmartre , entre la rue Plâtriere & celle de la
Juffienne , vis- à- vis un Horloger , chés un Potier
de terre.
25°.La nommée Aubry,devenue aveugle depuis
5 ans; cette malade demeure à la Villette , en allant
au Bourget , la pénultiéme maifon à gauche. M. le
Duc de Villars Brancas a vû certe malade chés
moi , & l'a affifté de fes charités .
26. Mad . Bigaud , femme de Simon Bigaud, employé
à l'armée,aveugle par deux cataractes depuis
deux ans, fort molles & adhérentes ,demeurante rue
Ste Marguerite , chés M. Darvillier , Epinglier ,
avec Jeanne Germain , ſa tante .
27°. M. Neveu , Valet de Chambre Tapiffier de
M. le Duc de Mortemar , ruë S. André des Arcs ,
vis-à- vis la rue des Auguftins.
28. Simonne Leguet, femme de Noël Morand,
aveugle par deux cataractes depuis cinq ans ; cette
malade demeure à S. Ouen de Mancelles , près la
Barre en haute Normandie .
Tous les malades dont je viens de parler , étoient
réellement aveugles , & la plupart avoient de fort
mauvais tempéramens , cependant ils voyent fort
bien aujourd'hui. En voila aflés , ce me ſemble
pour la cataracte ; préfentement je vous donnerai
quelques exemples des inflammations & autres
maladies des yeux , que j'ai traitées .
M. du May , Chevalier de S. Louis , Ecuyer de
M. le Prince de Pons , avoit une violente ophtalmic
SEPTEMBRE. 1748. 2172
mie à l'oeil gauche & un grand ulcére fur la cornée
tranfparente & fur la paupiere inférieure , que
fai guéris par une opération fur cet oeil.
M, de Latour , à l'Académie de Dugard , ruë de
PUniverfité , étoit dans le même état .
M Cornette , Tréforier général des Galeres ,
Place des Victoires , avoit un abcès dans la chambre
antérieure de l'oeil gauche , avec un grand ulcére
fur la cornée tranfparente du même ceil ,
dont il ne voyoit pas depuis trois mois, & fouffroit
des douleurs cruelles ; il a été guéri par une opé
ration de cette nature .
M. Goulé , Maître Maçon , ruë Briſemiche , avoit
fon fils aîné attaqué d'une ophtalmie confidérable
fur les deux yeux depuis fept ans , avec des ulcéres
qui pénétroient l'intérieur de la cornée tranf
parente jufques dans la chambre antérieure de l'oeil
gauche, ce malade avoit perdu le droit, long- tems
avant de me confulter , & il auroit même perdu le
gauche , fi je n'avois fait une opération , qui l'a
Lauvé.
J'ai fait une infinité d'autres opérations de toutes
especes , depuis mon arrivée à Paris , dont je
ne vous parlerai pas , de crainte de vous ennuyer .
Vous pouvez voir par le détail que je viens de faire
, que j'ai été affès heureux , à quelques accidens
près,qui me font arrivés dans quelques unes ,& que
je me flatte cependant n'avoir pas été occafionnés
par ma faute , après tout à qui n'en arrive - t'il
Les plus grands Maîtres n'en font pas exempts.
il pas ?
J'ole me flater néanmoins que les malades que j'ai
opérés fans fuccès , me rendront affés de juftice ,
du moins je l'efpere ) pour ne pas m'imputer leur
malheureux fort , puifque le mauvais tempéramment
en a été la caufe chés les uns ; chés les
autres la mauvaife nature des cataractes
autres maladies , & chés plufieurs enfin , leur
>
K
оц
218 MERCURE DE FRANCE.
indocilité & leur défaut de confiance ſur la fin de
leur traitement , lequel empêche prefque toujours
le plus habile Chirurgien de parvenir à fon but , je
veux dire la guériſon .
Que le Chirurgien , même le plus expérimenté ,
eft malheureux , lorfqu'il n'eft pas fecondé par la
nature & par le malade !
Il faut compter , autant que je le fais , fur Votre
amitié , Monfieur , & fur l'intérêt que vous voulez
bien prendre à ce qui me regarde , pour être en ré
dans un détail auffi long , & qui feroit fans doute
ennuyeux pour une perfonne , qui auroit moins
d'amitié pour moi .
Daignez , je vous en prie , attribuer la longueur
fatigante de cette lettre à l'obéiffance que je vous
ai vouée , puifque vous avez exigé de moi de vous
faire une relation complette de mon féjour à Paris.
D'ailleurs , en vous faifant connoître le fuccès
que le Ciel a accordé à mes opérations , je n'ai fait
que vous rendre compte du fruit de vos confeils
éclairés, & des fages avis que j'ai reçûs de vous , depuis
que j'ai le bonheur de vous connoître. Permettez
que je vous faffe part de vive voix de Phon
neur que le Roi m'afait, en m'accordant la furvivance
de la Charge de l'un de fes Chirurgiens ordinai ,
res par quartier, mais dans quelques endroits que je
fois , ne doutez jamais de ma tendre reconnoiffan
ce & du parfait attachement avec lequel je ferai
toute ma vie , Monfieur , votre très - humble &
très-obéiflant ferviteur , DAVIEL
A Paris le 30 Septembre 1748.
Copie du Certificat de Meffieurs Morand
Bouquot.
Nous fouffignés certifions que le fieur Daviel ,
Chirurgien du Roi fur les Galeres , & Profeffeur
SEPTEMBRE . 1748. 219
Royal en Chirurgie à Marſeille , étant venu à Pas
ris avec la permiffion de M. le Comte de Maurepas
, pour traiter M. le Duc de Villars Brancas de
deux cataractes , & M. le Comte d'Argenfon , Miniftre
de la Guerre , ayant permis audit fieur Da
viel d'opérer à l'Hôtel Royal des Invalides en notre
préfence , il a téellement fait devant nous le 7
Juin de la préfente année quatre opérations , dont
voici le dérail .
Il abbattu au fieur Manfin , Officier , âgé de 65
ans, une cataracte à l'oeil gauche , qui l'incommo
doit depuis 9 ans ; le malade a vú für le champ &
continue de voir.
Il a abbattu au fieur Thiboüet , Officier , âgé de
77 ans , une cataracte à l'oeil gauche , qu'il avoit
depuis 8 ans ; ce malade a vû fur le champ & continue
de voir..
Il a attaqué au nommé Louis Beflac , âgé de 60
ans , une cataracte à l'oeil droit , qu'il avoit depuis
30 ans, il l'avoit annoncée d'une mauvaiſe efpece,
elle s'eft trouvée telle , & il ne l'a pû abattre avec
fuccès.
'
Enfin il a extirpé au nommé Jacques Bourgeois ,
dit Belle-rofe , âgé de 56 ans , une petite tumeur
épaiffe , étendue en aîle de Chauve -fouris , fur
la conjonctive & la cornée tranſparente aux deux
yeux.
Il nous a parú opérer avec beaucoup d'adreffe &
de fermeté dans la main , & fuivant la meilleure
méthode qui puiffe être miſe en ufage dans tous
les cas dont eft queftion , en foi de quoi & pour
rendre témoignage à la vérité, nous lui avons don
né le préfent Certificat . Fait à Paris ce 24 Juin
1747 , Signé , MORAND , Chirurgien Major & Inf
pecteur des Hôpitaux Militaires , BOUQUOT , Chirurgien
Major en chef de l'Hôtel Royal des Inva
lides. Vû BAUYN.
Kij
$20 MERCURE DE FRANCE,
Copie du Certificat de M. Faget , Chirurgien
Major de la Charié.
Nous fouffigné Maître en Chirurgie & Major
de l'Hôpital de la Charité , certifins que M. Daviel
, Chirurgien du Roi fur les Galeres à Marfeil
le, a fait le 7 Juin de la préfente année quatre opé
rations à l'Hôtel Royal des Invalides , dont voici
le détail ayant eu l'honneur d'y être préfent.
.
Il a abattu au fieur Manzin , Officier , âgé de 65
ans , une cataracte à l'oeil gauche , qui l'incom
modoit depuis 9 ans , le malade a vu fur le champ
& continue de voir.
Il a pareillement abattu au Sr Thibouer , Officier,
âgé de 77 ans , une cataracte à l'oeil gauche , qu'il
avoit depuis 8 ans , avec le même fuccès.
Il a opéré au nommé Louis Beffac , Soldat , âgé
de 60 ans , une cataracte à l'oeil droit , qu'il avoit
depuis 30 ans , qu'il nous avoit dit être d'une mau
vaile efpece , & elle s'eft trouvée telle .
De plus il a extirpé au nommé Jacques Bourgeois
, dit Belle rofe , âgé de 6 ans , une petite
fumeur épaiffe , étendue en afle de Chauve -Touris,
fur la conjonctive & la cornée tranſparente aux
deux yeux, lində
Il nous a paru opérer avec beaucoup d'intelli
gence , de dextérité, & fuivant la bonne méthode
en foi de quoi nous avons donné le préfent Certi
ficat. Fait à Paris le 16 Juin 1747. Signé , FAGBT.
Copie du Certificat de M. le Marquis
de Forbin,
Je certifie que le fieur Daviel , Maitre ès Arts
& en Chirurgie , Chirurgien du Roi fur les Galeres
, de l'Académie Royale de Chirurgie de Paris ,
Affocié correfpondant de l'Académie Royale des
Sciences de Toulouſe , Membre de l'Académie des
(IMG:
! י
AIT
TH
ASTOR
, LODY
TILDEN
SEPTEMBRE. 1748. 221
Sciencesde l'Inftitut de Bologne , Profeſſeur & Dé
monftrateur Royal en Chirurgie à Marseille ,Con-
Teiller Chirurgien ordinaire du Roi , m'a traité
d'une maladie de paupière ,laquelle confiftoit en fix
éres , reftes de la petite vérole , irrités de telle
forte par une lecture affidue devant le feu & à la
lumiere , que j'ai été pendant deux ans dans l'im
puiffance de lire même trois fecondes de fuite , il a
eu un fuccès tel , que j'ai lû le fur - lendemain
de la premiere opération une heure de fuite , 35
pages in- 8 ° . deux ou trois jours après la deuxième
opération , & que je lis maintenant auffi long- tems
que je veux , fuccès qui me paroît d'autant plus
furprenant , que l'ufage fréquent de plufieurs colli
res , & l'exécution fcrupuleufe de l'ordonnance de
la partie la plus faine de la Médecine & de la Chifurgie
, m'a été moins falutaire . A Paris ce 22 Août
1748. Le Marquis DE FORBIN.
L
SPECTACLES.
E Mardi , 10 de ce mois , l'Académie Royale
de Mufique a donné la premiere repréſentation
de trois Actes , tirés de trois anciens Ballets . Le
premier, intitulé les Soirées de l'Eté, eft pris du Balfet
des Fêtes de l'Eté les paroles font de M.l'Abbé
Pellegrin , qui a fait tant de vers factés & profanes
; la Mufique eft de la compofition de M. de
Monteclair , Auteur eftimé de la Tragedie de
Jephré .
L'intrigue de cet Acte eft un niodéle ou une copie
de la Provençale du gracieux Mouret. Le
Théatre repréſente les rives de la Seine , éclairées
par un Soleil couchant. Argante , tuteur & amant
jaloux d'Hortenfe , a conçu le deffein de l'enlever
Kij
222 MERCURE DE FRANCE.
3
dans un des petits Bâteaux de la Porte S. Bernard,
voiture très - peu ufitée pour les enlevemens ; Lubin
, valet d'Argante , eft gagné par Doris , Suivante
& Confidente de la jeune Hortenfe , & le
petit Bâteau préparé pour fervir les projets du ja-
Toux , les enverfe , & eft employé contre lui pour
Lifis , l'amant aimé . La maniere, dont cette comique
catastrophe s'amene , eft une Enigme à deyiner.
La deuxième Entrée eft intitulée l'Eftime , troifiéme
Acte du Ballet des Amours déguifés , dont
Jes paroles font de Monfieur Fuzelier , un des Auteurs
du Mercure , & la Mufique eft de M Bourgeois
, Auteur d'autres ouvrages connus & débités.
Ce Ballet , plein d'une métaphysique galante &
quia toujours été fort applaudi au Théatre Lirique,
contient trois déguifemens de l'amour fous les ap
parences de la haine , de l'amitié & de l'eftime.
Nous ne donnerons point d'extrait de la Scéne d'O
vide & de Julie ; cela ne fe peut exécuter qu'en la
gâtant. Elle a été parfaitement exécutée par Mile
Fel & M. de Chaffé.
Voici un évenement nouveau fur le Parnaffe.
Le goût , la raifon & la juftice , efperent qu'il ne fera
point imité. Le dernier Acte des Fragmens n'eft
fragment au plus que pour un quart . La Mufique
eft nouvelle & de M. Rameau , deftiné pour la réformation
du ftile harmonique , mais nous doutons
que le Public convienne que le correcteur des
paroles de M. de la Motte ait la même vocation.
On n'a point mis de nom d'Auteur des paroles à
la place qu'il occupe ordinairement , & on a bien
fait , car beaucoup de perfonnes trouveront que le
Pigmalion de M. de la Motte eft plus mutilé que
le Paſquin de Rome. Le divertiffement eft gai &
varié , le Statuaire & fa charmante petite Statue
font inimitables,
SEPTEMBRE. 1748 .. 223
Le Prologue, qui précede ces trois Actes , eft le
Prologue des Amours de Vénus , Ballet de Mrs
Danchet & Campra.
Les Comédiens Italiens ont donné une petite
Piéce intitulée la Bouche de Vérité, qui n'a pas
réuffi . Il y a dans l'ancien Théatre de Gherardi
une Bouche de Vérité , Lazi de la Comédie de
Dufreny , intitulée la Foire S. Germain.
Le Mercredi 28 Août , les mêmes Comédiens ont
repréſenté Arlequin Amant malgré lui , Comédie
d'un Acte , qui a eu du fuccès .
Ils ont remis fur leur Théatre la Mere Confiden
te , très -bonne Comédie , en trois Actes, de M. de
Marivaux. Cette Piéce eft infiniment eftimable
par la décence de fon intrigue & par la beauté de
fes caractéres . C'eft une école de vertu , tout à fait
intéreffante . Les Auteurs ne devroient donner que
de pareilles leçons fur le Théatre : on dira que
nous en bannitions bien des ouvrages.
Les Artificiers ultramontains , qui fe repofoient
depuis trois mois , ont donné un Feu nouveau , intitulé
la Terraffe , qui a bien dédommagé de leur
inaction .
CONCERTS de la Cour. 2
Le Lundi 26 , le Mercredi 28 , & le Samedi 31
'Août , on exécuta en Concert chés la Reine le
Ballet de la Paix , de Mrs Rebel & Francoeur. Les
rôles furent chantés par Miles Chevalier , Fel ,
Mathieu & de Selle , ainfi que par Mrs Jéliotte
Poirier , Benoît , de Chaffé & Dangerville.
7
·
Le Mercredi 4 Septembre , le Mercredi ri le
Samedi 14 & le Lundi 16 , on exécuta le Prologue
& les quatre Actes du Ballet des Fêtes Grecques &
Romaines de M. de Blamont , Sur - Intendant de la
Mufique de la Chambre du Roi . Mlles Lalande ,
Romainville , Fel , de Selle & Mathieu , Mrs Be-
K iiij
224 MERCURE DE FRANCE.
noft , Poirier , de Chaffé , Dubourg , le Page &
Godonnefche , en ont chanté les rôles .
ARTICLE
Sur la nouvelle Tragédie de Semiramis .
L
A Tragédie de Semiramis , de M de Voltaire ,
fat repréfentée pour la premiere fois le 29 du
mois dernier par les Comédiens François , & jamais
le Public ne montra tant d'empreflement de
voir une Piece nouvelle . Toutes les Loges , même
les fecondes , avoient été retenuës fix femaines d'a
vance . Le jour de la Repréſentation , la ruë de la
Comédie dès une heure après midi fut remplie de
Curieux qui fe préfenterent pour être témoins du
triomphe ou de la chute de l'Auteur. En un quart
d'heure les billets furent tous diftribués , & l'on fut
même obligé de refufer plufieurs perfonnes , qui
ne Fouvant trouver place ailleurs , demanderent
d'être admifes au Parterre , en payant le même
prix qu'au Théatre . Ce qui eft encore plus extraordinaire
, la plupart de celles , à qui l'entrée du
Spectacle fut interdite , ne quitterent point , pendant
que la Repréfentation dura , les avenues des
portes , afin d'être à portée de fçavoir par les Spectateurs
, qui de tems en tems fortoient pour refpirer
, le fuccès qu'avoit eu chaque Acte.
Il étoit difficile à M. de Voltaire de choisir pour
premier perfonnagé d'une Piéce Tragique une Hé
roïne plus célebre que Semiramis . Lorfque les
Hiftoriens veulent louer l'efprit & le courage de
quelque Princeffe , ils croyent ne pouvoir nous en
donner une plus haute idée , qu'en la comparant
à cette Reine de l'Orient , également connue &
par l'éclat des qualités qu'elle fit briller for le
uône , & par la grandeur du crime qui l'y plaça ,
SEPTEMBRE . 1748 . 223
"
On fçait que pour regner, elle fit périr ſon époux,
& que Ninias fon fils , pour venger la mort de ce
Monarque , la fit périr à fon tour . Les Poëtes ayant
le privilége d'ajouter des circonftances à l'hiftoire ,
pourvû qu'ils n'alterent pas les principaux faits ,
M. de Voltaire fuppofe qu'Affur, forti du fang des
-Rois de Babilone , a éte complice de la mort de
-Ninus , & a même attenté à la vie de Ninias , en
lui faisant prendre , à l'infçu de Semiramis , une
partie du poifon qui a mis Ninus au tombeau ;
qu'un Courtilan nommé Phradate a fauvé les jours
du fils du Roi , & l'a élevé comine fon fils fous le
nom d'Arface ; que le jeune Prince , après la mort
de Phradate , lui a fuccedé dans le commandement
des armées , & que la Reine , qui ne le connoît
forme le deffein de partager avec lui fon trône &
fon lit.
pas,
Une partie de ces détails eft expofée ou préparée
dans le premier Acte. Ninias , ou le faux Arface
, ouvre la Scéne avec Mitrane , ancien ani de
Phradate , & après avoir annoncé qu'il a été mandé
à la Cour par Semiramis , il déclare qu'il a un
dépôt important à remettre au Grand Prêtre Of
roes. Le Souverain Pontife paroît , & le Prince lui
préfente un Diadême & une Epée , qu'Ofroës reconnoît
pour le Diadême & pour l'épée de Ninus
. Pendant que Ninias refléchit feul fur les difcours
énigmatiques que lui a tenus le Grand Prêire
, Affur vient lui demander raifon de fon arrivée
à Babilone . Cet ambitieux , après que le faux
Arface , qui répond avec toute la fierté que lui
infpirent les exploits , s'eft retiré , fait entrevoir
qu'il touche au moment d'enlever le Sceptre à Se
miramis , & d'époufer Azema. Il fait place à la
Reine , qui informe les Spectateurs , qu'importu
née par les remords & par les apparitions fréquen
tes de l'Ombre de Ninus , elie a envoyé confulter
Ky
226 MERCURE DE FRANCE.
Jupiter Ammon. Sur l'avis qu'un Prêtre de ce
Dieu demande à lui parler , elle rentre pour être
inftruite des moyens d'appaiſer les mânes de fon
époux.
Azema aime Ninias & en eft aimée. Le fecond
'Acte commence par les proteftations qu'ils fe font
d'une conftance à toute épreuve. Ils font interrompus
par Affur. Le faux Arface , ajoûtant une nouvelle
marque de mépris à celles qu'il lui a déja
données, le laiffe avec la Princeffe.Affur fait part à
Azema de fes defleins fur elle , & n'en eft pas mieux
traité que de Ninias . Cette Scéne eft fuivie d'une
entre Aflur & Semiramis , qui l'avertit qu'elle eft
dans la réfolution de prendre un fecond époux. Le
filence qu'elle garde fur le choix auquel elle fe détermine
, & la défenſe qu'elle lui fait de fonger à
Azema , le laiffe dans l'incertitude s'il n'eft pas celui
auquel la Reine deſtine ſa main.
Dans le troifiéme Acte , Semiramis convoque
tous les Ordres de l'Etat , & après leur avoir fait
jurer de reconnoître le Souverain qu'elle va leur
donner , elle nomme Arface . Ne s'occupant plus
qu'à terminer cette grande journée par la célebration
de fon mariage , elle ordonne au Grand Prê
tre de s'y difpoſer , mais au même inftant le tonnerre
gronde , l'Ombre de Ninus fort de fon tombeau;
ce Koi demande que fa mort foit vengée, &
qu'elle le foit par le prétendu fils de Phradate
La volonté des Dieux acheve de fe manifefter au
quatriéme Acte par le Miniftere d'Ɔroës . Il dévoile
au faux Arface fa naiflance ; il lui découvre
que Semiramis & Affur ont empoisonné Ninus , &
que pour fatisfaire aux ordres du Deſtin , il doit
aller chercher dans le tombeau du feu Roi les victimes
dévouées à ſa vengeance : il lui rend en mê
me-tems le Diadême & l'épée dont Ninias l'avoit
fait dépofitaire , & il lui fait lise une lettre , par la
SEPTEMBRE. 227 1748.
quelle Ninus défigne les auteurs de fa mort, & confirme
que fon fiis a été fauvé fous le nom d'Arface.
Cet Acte eft terminé par la reconnoiffance de Semiramis
& de Ninias. Effrayée du trouble où elle
le furprend , elle s'empreffe d'en fçavoir la caufe ;
elle jette les yeux fur la lettre , elle l'arrache au
faux Arface , & fon défefpoir , en apprenant qu'elle
eft la mere de ce Prince , & qu'il eft inftruit du
forfait par lequel elle a ufurpé le trône , eft le
plus cruel fupplice que lui réſervât l'Ombre vengereffe
de Ninus.
La feconde Scéne du cinquiéme Acte fe paffe
entre Ninias & Azema . Cette jeune Princeffe fait
des efforts inutiles pour diffuader le fils de Semiramis
de defcendre dans le tombeau. Elle l'affûre
que fon Rival en a profané l'afile , & qu'il médite
fans doute quelque nouveau crime . Ninias exécute
l'ordre qu'il a reçû des Dieux par la bouche d'Ofroës.
Bien-tôt il revient : il annonce à fon Amante
qu'il a vengé Ninus , & qu'il a puni le coupable
Affur. Cependant je ne fçais quelle horreur fecrette
Pagite. Certe horreur redouble à la vue de fon ennemi
, qui plein de vie fond fur lui . Elle parvient à
fon comble , lorfqu'il apperçoit Semiramis expi
rante , qui fort de la tombe , ou , avertie par Azema
du danger que couroit Ninias , elle étoit allée
pour le défendre , & out ce jeune Prince , la pre
nant pour Affur , lui a porté le coup mortel.
Si aucun ouvrage Dramatique n'a plus excité
que celui - ci la curiofité , aucun auffi n'a peut -être
plus excité de difputes . Quelques Spectateurs le
regardent comme la Tragédie la mieux conduite
de M. de Voltaire. D'aurres prétendent qu'on a
beaucoup de peine à reconnoître Semiramis dans
une Princelle toujours occupée de la crainte d'un
Phantôme , & affés imprudente pour avoir pris fans
néceffité un complice du meurtre de Ninus . Ils ne
K vj
228 MERCURE DEFRANCE.
comprennent pas comment cette Reine , non contente
d'avoir affocié Affur à fon crime , revele de
telles horreurs à un Confident fubalterne , & comment
Affur tombe dans la même faute . Ce dernier
Perfonnage leur paroît n'être introduit dans la
Piéce , que pour faire des fottifes , ou s'en entendre
dire *. Selon eux Azema eft un perfonnage abfolument
épifodique , & tout à- fait inutile à la Tragé
die. Il ne peut , difent- ils , y avoir aucun intérêt
-dans le Poëme , parce que dans les quatre premiers
Actes Ninias n'eft nulle part en un véritable danger
, & que dans le cinquiéme le projet imaginé
parAffur, pour le défaire de ce jeune Héros , eft fi
extraordinaire & fi peu vrai- femblable qu'on eft
plus frappé du peu de jugement d'Aflur , que du
danger de Nimias. D'ailleurs , ajoûtent les Critiques
, la caraftrophe eft trop prévue par le Spectateur
pour qu'il ait la moindre inquiétude fur la
maniere dont la Tragédie fe terminera . L'événement
qui amene cette catastrophe , eft furtout un
des principaux objets de la cenfure. Plufieurs perfonnes
refufent de ſe prêter à la fuppofition que
Semiramis , conduite au tombeau de Ninus par le
défir de fauver fon fils , y entre fans fe faire accompagner
C'est au Public à décider fi ces objections font
raifonnables. Jufqu'à préfent il a parû qu'elles ne
faifoien fut lui qu'une légere impreffion , & à la
dix éme Repréſentation de la nouvelle Tragédie ,
l'affemblée étoit encore très - nombreufe . Le grand
nombre de Partifans d'un Auteur , leurs cabales &
fon manége , peuvent pendant quelque jours attirer
l'affluence à une Piéce , mais il eft rare qu'un
Poëme Dramatique fe foutienne long- tems s'il n'a
de véritables beautés. Aufi celui de M. de Voltaire
* Letire critique fur la Tragédie de Semiramis,
SEPTEMBRE. 174S. 22
en a-t'il beaucoup. Ses Adverfaires les plus obfti
nés font forcés d'en convenir. Semiramis étant
honorée d'un fuccès brillant , ils ne peuvent la déprimer,
fans relever extrêmement les autres ouvrages
fortis de la même plume. Dire que celui- ci ne
mérite point fa réuffite , ce feroit avoiter que le
nom de M. de Voltaire en impofe aux Spectateurs ,
& peut faire paffer pour bonnes fes productions les
plus imparfaites. Peut-être certains Poëtes feroientils
plus flatés d'exercer ce defpotifme fur les efprits,
que d'avoir fait une excellente Tragédie a
MEMOIRE fur la vie & les ouvrages
de feu M. Germain.
Thomas Germain nâquit à Paris le 19 Aoûr
1574. Son pere étoit Orfèvre du Roi , & l'un
des plus habiles Artistes de fon tems. Il fut logé
aux Galleries du Louvre , pour avoir fait en or les
Couvertures du livre des Conquêtes de Louis XIV.
Tous les bs reliefs repréfentoient les differens
avantages remportés par les troupes de ce Prince.
Ils font traités avec toute la correction , la délicateffe
& la netteté , imaginables. Il mourut à trentecinq
ans , & lafla fon fils âgé de fept à huit ans.
Cet enfant dès fa plus tendre jeuneffe marqua un
amour décidé pour le deffeing. Sa mere , ne vou
lant point gêner fon inclination , l'envoya à l'Ecole
de M. Boulongne l'aîné , où il deſſina jufqu'à
fon départ pour Rome,
Il partit pour l'Italie en 1688 , fous la protection
de M. de Louvois , mais il eut le malheur à fon are
vée , d'apprendre la mort de fon Protecteur. N'étant
pas en état de gagner la vie , & n'ayant qu'un
de deffeing & un commencement de cizelait,
il fe mit chés un Orfêvre en apprentiffage pour fix
peu
110 MERCURE DE FRANCE.
ans , à condition qu'on lui donneroit deux heures
par jour pour aller deffiner au Vatican , ce qu'il fit
avec tant d'application , qu'au bout de quelques
années , s'étant préfenté un ouvrage confiderable
à faire aux Jéfuites , il fit des deffeings , qui furent
agréés, & qu'il exécuta à la fatisfaction du public .
Entre ces morceaux, font un S. Ignace de neufou
dix pieds de haut , & un devant d'Autel en argent.
M. Germain étoit extrêmement lié avec M. le
Gros , & il a beaucoup travaillé de ſculpture avec
lui. Il a fait pendant fon féjour à Rome plufieurs
grands baffins d'argent , ornés de bas reliefs ,
repréfentant l'hiftoire des Médicis. Ces baffins
font à Florence dans le Palais des Grands Ducs.
Après douze années confécutives de féjour à
Rome , M. Germain parcourut pendant trois ans
differens endroits de l'Italie , & par tout où il paffa,
il laiffa de fes ouvrages. On voit à Livourne une
Eglife qui eft bâtie fur fes deffeings , & dont il
conduit l'exécution ; elle eft admirée des connoiffeurs.
Revenu en France en 1704 , il y a composé une
infinité de morceaux , tant d'orfèvrerie que de fculp
ture.A fon arrivée à Paris, il fut chargé d'un des tro
phées, qui font fur les piliers du Choeur de Notre-
Dame. Il fit en 1722 le Soleil que le Roi a donné
à l'Eglife de Reims le jour de fon Sacre , & dont
Sa Majesté fut fi fatisfaite qu'elle lui donna un logement
aux Galeries du Louvre ; en 1726 , la Toifette
de la Reine ; en 1729 la Toilette de la Reine
d'Eſpagne ; en 1732 , celle de la Princeſſe du Bréfil
, en 1738 , les Toilettes du Roi & de la Reine de
Naples , avec des cadenats d'or & autres ouvrages
d'or ; en 1742 , une table d'argent avec une gran
de cuverte accompagnée d'un grand vafe , & autres
pieces , pour les préfens que le Roi a faits au
Grand Seigneur , en 1739 & 1741 , la vaïffelle
SEPTEMBRE. 1748. 231
complette du Roi de Dannemarck. Il a fait auff
pour le Roi de Portugal plufieurs ouvrages confidérables
, tant en or qu'en argent. L'année 1738
il fut élu Echevin comme Notable .
Dans la même année , ayant eû occafion de
parler à M. le Cardinal de Fleury du Bâtiment de
P'Eglife de S. Thomas , il reçût ordre de ce Minif
tre de faire exécuter le deffein qu'il lui fit voir , &
on le choifit pour la conduite de cet Edifice .
La Toilette de Madame la Dauphine eft un
des ouvrages de ce célébre Artifte les plus eftimés.
Les derniers morceaux , qu'il a livrés à Sa Majeſté
au commencement de cette année , font deux Girandoles
d'or à cinq branches , de dix- huit pouces
de haut , pefant foixante cinq marcs chacune ,
dont la compofition , le fini , & le détail , font audeffus
de la critique la plus févére :
*
Le 10 du mois dernier , M. Germain fut attaqué
d'une fiévre violente mêlée de malignité , & il fur
dans un affoupiffement continuel jufqu'au 12
que la connoiffance lui revint. On profita du moment
pour lui faire recevoir le Viatique . A peine
P'eût-il reçu qu'il retomba dans fon affoupiffement
, & il mourut le 14 , univerfellement regretté.
Son corps fut porté à S. Germain l'Auxer
Lois & de-là tranfporté à S. Louis- du - Louvre ,
lieu de fa fépulture.
>
Le Roi a accordé à fon fils fa furvivance & tou
tes les places.
ADDITION à Particle de l'expofition
des Tableaux.
Depuis l'impreffion de l'article fur les differens
ouvrages de Peinture , de Sculpture & de
Gravure , expofés au Salon du Louvre , les fept
231 MERCURE DEFRANCE.
Tableaux , que M. de Troy a envoyés de Rome,
ont été placés dans la Galerie d'Apollon . Ils repréfentent
l'hiftoire de Jafon & de Medée , &
dans tous on a admiré le feu , la fécondité & la facilité
du pinceau de l'Auteur . On auroit cependant
defiré qu'il eut donné à Jafon un air plus noble
& une taille plus avantageufe.
Nous profitons de l'occafion de cette addition ,
pour payer un jufte tribut de louanges aux deux
Groupes de la Chaffe & de la Pêche , compofes
par M. Adam l'aîné , & à deux ftatues de Venus
& de Mercure , de M. Pigaile . Le Mercure , furtout,
auroit pu donner de la jaloufie aux Sculpteurs
les plus renommés de l'ancienne Gréce. Ces ou
vrages font deftinés pour le Roi de Prufle On les
voir au Louvre dans les atteliers de M. Pigalle &
de M. Adam .
MORTS.
Louis,Comte deMailli, mortà Parisle 30
Juillet , & fur lequel nous avons promis un
article plus étendu que celui donné dans le dernier
Mercure , n'a point laiffé de poftérité . Il eût pour
freres 1 °. N. de Mailli , Comte de Rubempré , Maréchal
des Camps & années du Roi , & Premier
Ecuyer de Madaure la Dauphine , à qui paffe aujourd'hui
le titre de Comte de Mailli ; 2 ° . François
de Mailli , Commandeur de l'Ordre de Malte ,
ci devant Mestre de Camp d'un Régiment de Dragons
; & pour fours , 1 ° . Françoife de Mailli ,
mariée en premieres noces le premier Septembre
1700 à Louis Phelyppeaux , Marquis de la Vri
Jiere , Commandeur des Ordres du Roi , Miniftre &
'Secretaire d'Etat , dont elle a eu Louis Phelyppeaux
, Comte de Saint Florentin , Commandeur
SEPTEMBRE. 1748. 233
des Ordres du Roi , Chancelier de la Reine ,
Secretaire d'Etat ; Marie Jeanne Phelyp
peaux , mariée à Jean- Frederic Phelyppeaux de
Pontchartrain , Comte de Maurepas , Comman
deur des Ordres du Roi , Miniftre & Secretaire
d'Etat , & Louife- Françoife Phelyppeaux , mariée
à Louis Kobert Hippolyte de Bechaud , Comte
de Plélo , Meftre de-Camp d'un Régiment de
Dragons , puis Sous- Lieutenant des Gendarmes
de Flandres , & Ambaffadeur du Roi en Dannemarck
, tué à Dantzick à l'attaque des retranchemens
des Ruffiens le 27 Mai 1734 ; & en fecondes
nôces le 14 Juin 1731 à Paul - Jules de la Porte
Mazarini , Duc de Mazarin ,de la Meilleraye & de
Mayenne, & fat honorée de la Charge de Dame
d'Atour de la Reine le 19 Août de la même année
fur la démiffion de fa mere ; 2º .
Françoiſe -Louiſe
de Mailli , mariée le 11 Janvier 1706 , à N. de
Beauffremont , Marquis de Liftenois , Chevalier
de la Toifon d'or , & Maréchal des Camps & Ars
mées du Roi 3 ° . Françoife de Mailli , mariée en
Juillet 1709 ; à Scipion Armand , Vicomte de
Polignac , Gouverneur du Puy-en - Velai & de
Chalançon . Louis de Mailli , époufa le 30 Juin 1726
Louife de Mailli , fille de Louis de Mailli , Mare
quis de Nefle , ci - devant Capitaine Lieutenant de la
Compagnie des Gendarmes Ecoflois , Commandant
de la Gendarmerie , & Brigadier des Armées
du Roi. Il étoit fils de Louis , Comte dé Mailli ,
Maréchal des Camps & Armées du Roi, & Meftrede
Camp Général des Dragons , & de Marie -Fran
çoife de Sainte Hermine , Dame d'Atour de Madame
la Dauphine , mere du Roi , & enfuite de la
Reine ; petit - fils de Louis Charles de Mailli
Marquis de Nefle , qui fe trouva aux batailles de
Rocroi , de Fribourg & de Nortlingue , où il reçût
trois grandes bleffures ; accompagna Louis XIV.
134 MERCURE DE FRANCE.
aux guerres de Flandres , de Hollande, & aux expé
ditions de la Franche-Comté,& releva la grandeur
de fa Maifon par fa prudence , fa bonne conduite,
& fon mariage contracté le 4 Décembre 1648 avec
Jeanne de Monchi , fille de Bertrand de Monchi ,
Marquis de Montcarvel , & de Marguerite aux
Epaules , dite de Laval , Marquife de Nefle. Ce
Louis-Charles , Tige des Mailli de Nefle , étoit
troifiéme fils de René III , Seigneur & Baron de
Mailli , qui eût pour ayeul René I , Baron de
Mailli , Chevalier de l'Ordre du Roi , à qui Fran
çois Premier , dans des Lettres Patentes , par lefquelles
il lui accorda les Droits Seigneuriaux de la
Terre de Mailli , donna le titre de Coufin , parce
que , dit- il , il appartient de près & par lignage à
la Reine Claude , fon épouse , fille de Louis XII.
René I defcendoit en ligne directe de Gilles I ,
Baron de Mailli , qui vers le milieu du treiziéme
fiécle , faifant le voyage de la Terre- Sainte , mena
avec lui neuf Chevaliers , & avoit trois mille livres
de penfion. Moreri , qui commence par ce Sei
gneur la genealogie de cette illuftre Maiſon , re
marque que les Auteurs font mention d'un Anfelme
de Mailli , tué à la prife de Lille en 1070 ,
lequel gouvernoit la Flandre fous la Comteffe
Richilde , & cela fuffit pour faire juger à ceux qui
connoiffent les anciens ufages , quelle peut être
l'ancienneté d'une famille qui dans des tems fi re
culés poffédoit auprès des Princes les premiers
emplois. Il eſt fâcheux que les ravages des guerres
, fe joignant à l'ignorance qui pendant près .
quatre fiécles a dominé fouverainement en Fran
ce , ayent répandu des ténébres impénétrables
fur l'originede ces grandes & illuftres Maiſons qui
font la gloire de l'Etat, & qui en font dans les tems
orageux la refource la plus ordinaire & la plus
aflûrée.
, *
SEPTEMBRE. 1748. 239
Le 14 Août,Jerôme-Louis de Foudras de Courcenai,
Evêque de Poitiers , & Abbé de l'Abbaye de Saint
Liguaire , Diocéfe de Xaintes , mourut dans fon
Diocéfe, âgé de foixante- dix ans. Il avoit été nom
mé Coadjuteur de Poitiers en 1720. La famille de
Foudras eft très - ancienne dans le Laudunois ; elle
étoit connue avant 1300 , & dans ces derniers tems
elle a donné des Chanoines Comtes de Lyon.
Le 15 , Louis d Argouges , Marquis de Rannes
mourut en fon Château de Rannes dans la quatrevingtiéme
année de fon âge. Il avoit été Mestre
de Camp de Dragons , & Capitaine - Lieutenant
des Gendarmes de Bourgogne en 1690 , Brigadier
des Armées du Roi en 1702 , Maréchal de Camp
Je 12 Novembre 1708. 11 époufa N..d'Hernoton ,
fille de François- Jofeph d'Hernoton , Baron de
l'ancienne Baronnie du Pont en Bretagne , Maître
des Requêtes ordinaire de l'Hôtel du Roi , & de
Marie- Renée de Frefnoi , dont il a eu plufieurs
enfans . Charles - Louis d'Argouges , Marquis de
Rannes , l'un d'eux , fut nommé Meftre - de- Camp
du Régiment de Dragons de Languedoc le 15
Avril 1738 , & a époufé le 29 Mars 1742 Marie-
Angelique-Claudine- Henriette de Bec - de - Liévre;
âgée de vingt ans , fille de Louis Bec- de - Liévre ,
Marquis de Cani , Seigneur de Nettanville & de
Crefpeville , & de défunte Jeanne- Henriette-
Catherine Tourtain d'Harbeville , fa troifiéme
femme.
Le premier Septembre , Marie de Ne'tancour de
Vaubecourt , veuve de François Comte d'Estaing
Chevalier des Ordres du Roi , Lieutenant Général
des Armées de Sa Majefté , & Gouverneur de
Douai , du Fort de l'Eſcarpe , & de Châlons- fur-
Marne , mourut à S. Mandé- lès- Paris , âgée d'environ
quatre-vingt -cinq ans. Elle étoit fille de Nicolas
de Nettancour d'Hauffonville , Comte de Vaube
136 MERCURE DE FRANCE.
Court , Lieutenant Général des Armées du Roi , &
au Gouvernement des Ville & Evêché de Metz , &
Gouverneur de Châlons , & de Claire Guillelminė
de Chavaudon , fa feconte femme. Elle avoit
épousé le Comte d'Efteing le 30 Avril 1692......
Voyez Du Tourni T. 9. p. 274.
Le même jour , Marie Magdeleine le Prevoft du
Four , veuve de Paul Comte de Fiennes , mourut
à Paris.
Lé 2, Catherine - Eulalie Hamard , épouſe de M.
le Marquis du Perrier , mourut à Paris fur la Patoiffe
de Saint Sulpice.
£
Le 7 Août , mourut à Marseille , Paul de Felix
de Greffet , Chevalier Comte de Villarfouchard
Seigneur de la Ferratiere , dans la quatre vingts
feptiéme année de fon âge , étant né au mois de
Juin 1662. Il laiffe un fils de ton mariage avec
Dame Venture de Sebolin
Le défunt étoit fils de Henri de Felix , Chevalier,
Comte de Villa fouchard , Seigneur de la Ferra
tiere , Gentilhomme ordinaire de la Maifon du Roi
Louis XIII , qui l'honora de fon eftime , & à qui
le Roi Louis XIV fit l'honneur d'être Parein
de ſon fils aîné , frere du défunt , pour laquelle
cérémonie fut député en 1644 Charles de Schom
berg , Chevalier des Ordres du Roi , Duc d'Alluyn ,
Pair & Maréchal de France , & Gouverneur da
Languedoc , qui tint ledit enfant au nom du Roi
fur les Fonts Baptifmaux.
Ľayeúl du défunt étoit Jean de Felix , Chevalier
, Comte de Villafouchard , Seigneur de la
Ferratiere , qui fut Gentilhomme de la Reine Mär
guerite de Valois , premiere femine du Roi Henri
IV.
Le luftre & l'ancienneté de la Nobleffe de la
Maifon de Felix font mentionnés dans plufieurs
Auteurs Italiens comme Philibert : Bingon , la
>
SEPTEMBRE. 237 1748.
Chieza , & c. Carigliani , dans fes Inveftigationes
Hiftorica Genealogica Familiarum illuftrium Italia,
rapporte l'origine de cette Mailon aux anciens
Comtes de Tufculane , d'où defcend la Maifon
Conti , de Rome.
La Maiſon de Felix a produit un Cardinal en la
perfonne de Jean Felix , qui fut élevé à la Pourpre
par le Pape Clément III en 1188.Il étoit fils d'Odon
Felix , qui fut envoyé en Ambafla e en 1120 , au
Pape Califte II , par Amedée III , Comte de Pićmont.
Cette Maifon de Felix fe termina en 1266 en
une fille Marguerite Felix , qui joignoit à fa
naiffance de très- grands biens , & qui époufa Sor.
leo Grimaldy ,à condition que lui & fes defcendans
porteroient uniquement le nom & les armes de
Felix ; & c'eft ainfi que la Maifon de Felix , divisée
aujourd'hui en plufieurs branches , tire fon origine
d'eftoc paternel de l'illuftre Maifon de Grimaldy .
Voyez Charles de Granpré , dans la feconde édi
tion de fon Armorial.
AVIS.
Es Maîtres de la Penfion d'Alfort ong tranfe
porté leur étabhflement à Paris à l'Hôtel de
Vauvrai , rue de Seine Saint Victor. Ils prennent
Jes enfans fort jeunes , & ils leur montrent à lire
par le Bureau Typographique . A l'égard du Latin,
ils infiftent toujours plus fur l'explication & la traduction
des Auteurs , que fur les divers genres de
compofition , méthode qui eit conftamment plus
utile au grand nombre , & qui ne manque prefque
jamais de réuffir avec le tems. A cette étude
principale ils joignent l'Ecriture , l'Arithmétique ,"
le Deffein , l'Hiftoire & la Géographie. De plus
ils fourniffent des Maîtres pour montrer les Elémens
de Géométrie , la Mufique & la Danſe.
AVIS des Auteurs du Mercure.
Es perfonnes , qui doivent des Mercures
font inftamment priées de
s'acquitter inceffamment,
Ji
›
APPROBATION,
Ai la par ordre de Monfeigneur le Chancelier
le Mercure de France du mois de Septembre
1748. A Paris le premier Octobre 1748.
*
BONAMY.
TABLE .
IECES FUGITIVES en Vers & en Profe,
Poème furla Paix,
P !
In Ludovicum Regem ,
univerfelle ,
94
3
16
7
Questions à l'occafion du Projet d'une meſure
Ode tirée du Pleaume XLV , Jubilate Deo omnis
terra , &c.
Seconde Lettre fur le Solitaire ,
10
13
Vers à Mad. J. M. pour le jour de la Fête, &c. 20
L'Amour Peintre , à Mlle
Madrigal à Mlle de *
*
Penfées Morales ,
1 ? !
Epitre écrite le premier Janvier
21
22
23
25
Lettre d'un ' Sçavant de Hollande ,
Traduction de l'Epitre de M. de Voltaire au Roi
de Pruffe ,
Epitaphe de Mad. la Maréchale de Noailles ,
Remarques du P. Texte , Dominicain ,
Cantate ,
Lettre de M. Michault ,
Epitre à M. de la Bruere ,
Epigramme ,
Autre ,
Difcours fur quelques Médailles ,
Ode fur les vanités du monde ,
33
36
37
41
43
47
49
So
ss
Etabliffement des Ecoles de Mathématiques dans
Mémoire de M. Ferrand de Monthelon ,
la Ville de Reims , 59
71
Vers à M. de R * * en lui envoyant un Serin de
Canarie ,
74
Autres à M. de B ** *
78
qui vouloit fe marier
foixante ans , fur deux rimes
Réponse de M. de la Font de Saint Yenne à la
lettre de M. l'Abbé Rainal , 80
Epitre de M. de la Soriniere à M. Corvaifier , 83
Conjectures fur la méchanique employée pour
électrifer les corps ,
Le mourant & les Médecins , Fable ,
Vers à M. de Bufon , & c.
Lettre écrite de Nevers ,
Léttre de Mlle L. à M.
Vers préſentés à Mlle *** ,
Difcours fur le vrai bonheur ,
Vers à M. D. B.
Lettre écrite de Paris ,
85
95
96
ΤΟΣ
103
109
110
IIS
ibid.
Vers à Mlle Cleron ,
Lettre fur la Garance ,
F
cure d'Août ,
120
121
Mots des Logogryphes & des Enigmes du Mer
Enigmes & Logogryphes ,
125
ibid
Explication de ceux de Juiller , 130
Nouvelles Litteraires , des Beaux Arts , &c . 133
Eftampes nouvelles ,
.
158
Expofition des Tableaux au Salon du Louvre , 159
Nouvelles Errangeres , de Conftantinople , &c. 165
France , nouvelles de la Cour , de Paris , &c. 190
Bénéfices donnés ,
Célebration de la Fête de S. Louis par l'Académie
Françoife , par l'Académie Royale & celle des
Infcriptions , &c,
194
196
197 Séance publique de l'Académie Françoiſe ,
Lettre de M. Daviel , &c. fur les cataractes , 198
Spectacles , Concerts de la Cour , & Extrait de
Sémiramis , nouvelle Tragédie ,
221
Mémoire fur la vie & les ouvrages de feu M. Ger-
229
main ,
Addition à l'article de l'expofition des Tableaux
Morts,
?
231
234
Fautes à corriger dans le Mercure du mois
de Juillet , à l'Extrait du Mémoire de
M. de la Condamine fur une Meſure unię
verfelle,
Page 181direte font toutesdans destems
égaux, Lifez , fes ofcillations font prefque ifochropes
, c'eft à-dire , fe font toutes dans des tems
prefque égaux.
Age 18 , 1. 17 , Ses ofcillations font ifochro-
P. 22 , 1. 9 plus d'ofcillations qu'à Paris, Lifez ,
moins d'ofcillations qu'à Paris.
La Chanjon notée doit regarder la page
De l'Imprimerie de J. BULLOT.
DE FRANCE,
DÉDIÉ AU ROI.
JUILLET. 1748.
AGIT
UT
SPARGAT
Papillon's
Chés
A PARIS ,
ANDRE' CAILLEAU , rue Saint
Jacques , à S. André.
La Veuve PISSOT, Quai de Conty
à la defcente du Pont-Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
JACQUES BARROIS , Qual
des Auguftins , à la ville de Nevers
M. DCC. XLVIII
AvecApprobation Privilege an. Bele
PUBLIC
THEN : W YORK
PUBLIC LIBRARY
ASTOR , LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS
1005
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU
ROI.
JUILLET
. 1748.
PIECES
FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
SUITE de la Séance publique de l'Aca
démie des Sciences.
L
E troifiéme Mémoire , qui fut lû
dans cette Séance , eft de M. Morand
, & il a pour objet un Phénoméne
dont un des précédens
Mercures a déja fait mention , mais dont
pour plus de clarté nous rappellerons les
principales circonftances.
Marie de Breffe , femme d'Edme Capel,
Manoeuvre , ayant fait en 1712 une faulle
A ij
4 MERCURE DE FRANCE.
couche , eut une feconde groffeffe quatre
ans après. Au terme de neuf mois elle eut
des douleurs & les fignes préliminaires
d'un accouchement naturel , fi prochain
en apparence que la Sage- Femme n'attendoit
que le moment de la délivrer. Tout
fe foutint dans le même état pendant deux
jours , & ce tems expiré , la Sage- Femme
s'apperçût que la matrice n'étoit plus chargée,
quoique l'enfant remuat dans le fein
de fa mere , même avec plus de force &
plus de facilité qu'auparavant. Les Méde
cins & les Chirurgiens de là ville de
Troyes où Marie de Breffe réfidoit , ayant
été confultés, déciderent unanimement que
T'enfant n'étoit plus dans la matrice , &
que pour fauver la mere , il n'y avoit
d'autre parti à prendre que celui de l'opération
Céfarienne . Jamais cette femme
n'y voulut confentir . Dans le courant du
mois fuivant , elle reffentit quelques douleurs
vives, mais paffageres , & elle tomba
dans un épuisement à faire craindre pour
fa vie. Elle s'en tira cependant peu à peu ,
& au bout de huit mois elle fe trouva en
état de reprendre les travaux les plus pénibles
d'une condition fort dure, Pendant
trente ans elle a vêcu dans cette fituation ,
& il eft à obferver , non -feulement qu'elle
ceffa d'être réglée , mais qu'elle avoit tou
JUILLET . 1748
fours du lait dans fon fein . Ayant change
de féjour & étant allée demeurer à Joigny,
elle y fut attaquée , au mois de Juillet de
Pannée derniere , d'une fluxion de poierine
qui l'obligea de fe faire porter
l'Hôtel Dieu de la Ville , & elle y mourut
Le 22 âgée de foixante & un ans.
ha
A l'ouverture de fon corps , on lui a
trouvé dans le bas-ventre une maffe de
figure ovale , de confiftence fquirreufe
groffe comme la tête d'un homme. Cette
maffe étoit attachée à l'épiploon , au péritoine
, au méſentere & au fond de la ma-
Erice , & fembloit partir de la trompe
droite . Détachée , elle pefoit près de huit
Livres. Son enveloppe ayant été ouverte ,
on y a découvert un enfant mâle , ayant
peau fort épaiffe , des cheveux , & deux
dents incifives , prêtes à percer à chaque
machoire. Il étoit regulierement conformé
, bien confervé , & n'étoit environné
d'aucun fluide. L'enveloppe , en partie of
Leuſe , en partie cartilagineufe , avoit pref
que par tout deux lignes d'épaiffeur , &
quatre dans la partie correfpondante a
Farriere-faix . Sa furface externe étoit
garnie
de petites éminences graveleufes , &
l'interne portoit l'empreinte des parties
de l'enfant qu'elle embraffoit étroitement.
Toutes les parties de la mere , & notam
A iij
6. MERCURE DE FRANCE
ment la matrice, étoient très-faines & dans
leur état naturel.
L'Académie des Sciences , à qui l'on a
envoyé cet enfant avec toutes les preuves:
qui conftarent les faits ci- deffus rapportés
, en a confié l'examen à M. Morand
& elle ne pouvoit faire tomber fon choix
fur aucun Académicien plus capable de
remplir fes vûes. Un fimple expofé du
phénoméne n'auroit pas fatisfait à ce que
défiroit cette Compagnie. M. Morand y
a joint les remarques qu'un paralléle avec
les phénoménes de la même efpéce lui a
donné lieu de faire , & il en tire des conféquences
utiles pour les cas dans lefquels ,
la vie de la mere étant en danger , l'Art
eft obligé de fecourir la nature.
Des differens faits femblables à celui
qui fait le fujet de ce Mémoire , le fçavant
Académicien en rejette plufieurs , comme
n'étant pas, les uns affés autentiques , les
autres fuffifamment détaillés , & il s'arrête
uniquement à trois qui font arrivés , le
premier à Sens , dont l'Hiftoire a été don
née
par M. de Thou d'après les Médecins.
Albefius & Provenchere ; le fecond à
Touloufe, publié par M. Bayle, Profeſſeur
dans la même Ville ; le troifiéme à Leinzell
en Suabe , don't la Relation a été communit
quée à l'Académie l'année ſuivante..
JUILLET. - 1.748. 7
Les mouvemens de l'enfant de Sens
ayant ceffé peu à peu , les douleurs de la
mere devinrent plus fupportables , & le
volume de fon fein diminua , mais elle fut
malade au lit pendant trois ans , & elle
paſſa le reſte de fa vie dans une extrême
langueur.
La mere de l'enfant de Toulouſe eur
pendant deux mois du lait dans le fein , &
pendant un mois de plus quelques fymptômes
pareils à ceux de l'accouchement ,
avec des douleurs affés violentes , après
lequel tems elle recouvra une partie de fes
forces , & conferva jufqu'à la mort la même
groffeur au ventre , fe plaignant tou
jours du poids qui l'incommodoit , &
quelquefois de douleurs femblables à cel-
Les de l'accouchement.
La femme de Leinzell fentit les doufeurs
de l'accouchement pendant fept fe
maines , & enfuite , à fon fardeau près ,
elle fe porta affés bien. Depuis elle eût
deux couches heureuſes , & les enfans ont
vêcu , mais le volume de fon ventre fubfiftaut
le même , & lui caufant quelques.
incommodités lorfqu'elle fe donnoit certains
mouvemens , elle affûra toujours
qu'elle étoit restée groffe de fon premier
enfant.
Lorfque les accidens , dont M. Morand
A iiij
* MERCURE DE FRANCE.
a fait l'énumeration , augmentent à un cer
tain point , il n'eft pas douteux qu'ils ne
mettent la vie de la mere en très - grand
danger. Lorfqu'ils fe foutiennent longtems
fans faire périr la mere , & que les
fignes d'une fuppuration intérieure s'y
joignent , il fe forme des adhérences entre
les parties enflammées , dans les endroits
de leur contact mutuel ; la pourriture du
petit cadavre caufe des abfcès , & le foetus
fort en détail par differentes iffues. Il refte
à fçavoir comment une mere , en portant
pendant un grand nombre d'années un
enfant mort dans fon fein,peut jouir d'une
bonne fanté , & à expliquer les moyens
dont la nature fe fert pour conferver le
foetus fans corruption .
>
Avant que d'entrer dans le détail de ces
moyens , M. Morand remarque 1 ° . queles
perfonnes , qui ont tiré du ventre de la
mere le foetus de Suabe , ont prétendu
qu'il étoit attaché au côté gauche de la
matrice , mais que l'Auteur d'une Differtation
, très- curieufe à ce fujet , conjecture
fur des raifons fort vraisemblables , que
l'enfant étoit dans la trompe. 2 ° . Que le
foetus de Sens & celui de Toulouſe ont été
formés dans la matrice. 3. Que celui de
Touloufe étoit forti de ce vifcere, qui étoit
refté ouvert dans fon fond, & que cette
JUILLET. 1748. 9
ouverture étoit prefque fermée par un
corps pierreux , long de quatre travers de
doigt , & contigu , par fon extrêmité ſupérieure
, à la poche qui contenoit le foetus
4°. Que le foetus de Joigny étoit dans la
trompe droite. Il ajoute que toutes les
fois que ce dernier cas arrive , les membranes
de cette partie , peu à peu diften
dues , forment l'enveloppe extérieure.
Selon cet Académicien , à mesure que
Je Kift membraneux , dans lequel l'enfant
eft contenu , s'eft durci , fes fibres font de-"
venus comme aponevrotiques. Il a dû:
comprimer le corps du foetus qu'il envi
ronnoit , & il étoit comprimé lui -même
par les parties dont il étoit environné.
Cette preffion a été d'autant plus forte
qu'elle s'eft faire à peu près également de
tous les points de la circonference ' vers - le
centre , & la figure ronde de toute la maſſe:
indique que la nature s'eft prêtée à cette:
opération. En effet ces enfans font ramaf
fés en boule , & pour cela l'épine du dos
apris une courbure très- confidérable du
côté de la flexion ; les membres fe font:
ployés les uns fur les autres avecune jul
teffe étonnante , & les parties de deffus ,,
enfoncées dans celles de deffous , y ' ont:
laiffé leur empreinte creusée profondé--
ment..
10 MERCURE DE FRANCE.
La compreffion du foetus exprime les
fluides , & ceux qui tranfudent du corps,
de l'enfant , mêlés avec ceux de l'intérieur
du Kift, dépofent à la furface du corps une:
mariere , laquelle s'épaiffit peu à peu par
la ftagnation , & fe confolide par la chaleur..
Il eft prouvé par le foetus de Toulouſe ,,
que l'incruftation eft dûe à cette caufe.,,
Hiftorien rapportant qu'entre les plis de
plufieurs parties , & dans les endroits où
elles fe touchoient , il y avoit une matiere:
plâtreufe , qui fembloit y avoir été coulée :
de maniere à remplir tous les vnidès. On
voyoit auffi , dans l'épaiffeur des envelop .
Res du foetus , des tubercules pleins de la
même matiere. Albofius , décrivant le foe .
tus de Sens , employe de même l'expreffion
de fubftance plâtreufe. Quoique le
foetus de Leinzell foit celui de tous qui ait:
demeuré le plus long- tems dans le ventre:
de fa mere , il n'eſt point pétrifié ni incrufté
, mais il eft abfolument deffeché , &
la boëte , qui le contient , eft offeule..
D'un côté le deffechement du foetus , de
l'autre fon incruftation ( ou l'induration de
fon Kift , donnent les raifons naturelles de:
fa confervation fans pourriture & fans :
manvaife odeur. Plus d'humidité dans la
malle qui renferme le foetus. Tout accès
interdit àl'air extérieur .. Il n'est pas étonJUILLET.
1748. II
nant que dans ces deux fuppofitions
le
foetus le conferve , mais comment
la nature
garantit-elle la mere des inconveniens
.
du poids d'une maffe , qui comprime
durement
les parties dont elle eft environnée
?:
M. Morand affûte que fi cette maffe eft
dans la matrice , elle eft fuffifamment fou--
tenuë par la pofition naturelle de ce vifcere
; que
fielle eft dans une des trompes ,,
l'infertion de cette partie devient le pedi
cule d'une tumeur énorme, qui , en flottant
dans le ventre , peut caufer de très-grands
maux , mais qui peut n'être pas mortelle ;;
enfin que fi la maffe eft tombée dans le ven--
rre ,la nature a encore des reffources. L'en
fant de Joigny , qui étoit dans le fecond
cas , auroit nui davantage à fa mere , fi fa fifa
maffe n'avoit contracté, avec l'épiploon &
le méſentere, des adhérences qui la fixoient
fans gêner les parties voisines..
En fatisfaisant à la curiofité des Phyficiens
, M. Morand ne perd point de vûë
ce qui regarde particulierement fa Profeffion
, & il finit fon Mémoire par un détail
des fignes , qui peuvent faire connoître fi
une mere eft dans l'un des cas ci- deffus
énoncés.
"
Ces fignes font tirés de l'affemblage de
plufieurs circonstances , dont les principa-
A.vj
12 MERCURE DE FRANCE
les font 1 ° . Une groffeffe , portée au terme
d'environ neuf mois , bien conftatée. 2°..
L'interruption des fymptômes avantcoureurs
de l'accouchement . 3 ° . Le poids plus
ou moins incommode d'une maffe devenue
étrangere. 4º . L'abſence des accidens
qui caractérisent un fquirre. Quelquefois :
même par le feul tact , au travers des tegu
mens du ventre , on reconnoît l'enfant..
On diftinguoit toutes les parties de celui
dont parlent les nouvelles de la Républi--
que des Lettres.
La pofition de la tumeur peut défigner
celle du foetus , étant au milieu du ventres ,
¶llele à la matrice, lorfque l'enfant s'y
trouve ; un peu latérale , lorfqu'il eft dans .
une des trompes ; & indéterminément dans :
le voifinage de la matrice , lorfque l'enfan
n'y eft plus..
De ces differentes circonftances on tire
des indications , avec lefquelles il faut balancer
les accidens plus ou moins graves
auxquels la mere eft expofée , & fi fa vie
eft en danger , M.. Morand décide qu'on
. ne peut lafauver que par l'opération Céfa
rienne. Il prétend que lorfque l'enfant
eft tombé dans le ventre , c'eft là fituation.
la plus favorable pour cette operation ,
parce que les accidens, qui menacent la vie
de la mere , ne tardant point à fe manie
F
JUILLET. 1749.
faster après le terme marqué de l'accou
chement naturel , le foetus n'a pas eu le
tems de contracter des adhérences , & que
comme il eft iſolé de toutes parts , on peut
en délivrer aisément la mère par une incifion
fimple, laquelle, pour être plus éten
due qu'une playe ordinaire , m'en eft pas
plus dangereufe.
Ce Mémoire eft tel que tous ceux qui
fortent de la plume de M. Morand , &
Fon fçait que ce Chirurgien célébre , trop
connu pour avoir befoin de nos éloges ,
n'excelle pas moins à parler de fon Art
qu'à en exécuter les plus difficiles opérations.
M. de la Condamine termina la Séance
de l'Académie par la lecture d'un Mé--
moire , dont la matiere eft extrêmement
intéreffante.
On fe plaint depuis long-tems des inconveniens
que produit la variété des;
poids & des mefures dont on fe fert dans
les differens pays , fouvent dans le même
Royaume , quelquefois dans la même Pro--
vince . Le zèle de M. de la Condamine:
pour le bien public l'a porté à chercher
'une mefure univerfelle & invariable , quii
puiffe être adoptée par toutes les Nations ,
à laquelle, le tems ni la difference des
#4 MERCURE DE FRANCE
lieux ne puiffe apporter aucun changesment.
Son Mémoire eft divifé en deux par
ries , l'Auteur répond dans la premiere aux
objections qu'on peut former contre tour
projet de mefure univerfelle. Dans la fe--
conde, il propofe celui qu'il a eu en vûë dans
les expériences du qu'il a faites fur le Pen--
dule pendant le cours de fon voyage à l'Equateur
, & il expofe les nouveaux moyens
que ce voyage a fournis pour l'exécution:
de ce projet.
Les objections fe réduisent à trois.
Une meſure uniforme , felon quelques
fpéculatifs , eft inutile , & même contraire
au bien du commerce. Ce projet quand
il feroit utile , paroît être d'une difficulté:
impratiquable dans l'exécution . De plus ,
comment s'accorder fur le choix d'une mes
fure commune ??
La variété des poids & des mefures eft ,.
dit-on , avantageufe au commerce , en ces
que plufieurs Marchands trouvent dans ›
cette difference un benefice dont fans elle:
ils feroient privés.
Cette objection ne mérite d'être refutée
férieufement , que parce qu'elle eft fort :
ordinaire. Premierement rien n'eft moinss
prouvé que, la réalité du prétendu bene
י
JUILLET.. 1748 F
fice. Si le marché fe fait de Marchand à
Marchand , ils font d'ordinaire auffi clairvoyans
l'un que l'autre. Si c'eft d'un Marchand
à un particulier , celui-ci n'achete la
marchandiſe qu'au poids & à la meſure
qu'il connoît. Il n'y aura donc dans l'un:
ni dans l'autre cas aucun benefice..
Secondement , s'il y en avoit un , il ne
feroit pas légitime , puifqu'il ne viendroit.
que de la mauvaife foi de celui qui feroin
le profit , ou au moins d'une erreur de
fait , préjudiciable à l'un des deux Contractans:
Troifiémement , fuppofant le profit réel !
& le gain légitime , l'intérêt du petit nom-
Bre de gens, à qui ce commerce équivoque
peut être utile , doit- il être mis en balance:
avec la commodité que trouveroit tout le
refte des habitans du Royaume dans une:
uniformité de mefures , qui porteroit la
lumiere dans le commerce, en débarraffante
les calculs de ces reductions incommodes ,
peu exactes , & fouvent fujettes à erreur ?
Si tous les hommes parloient la même
Langue , l'Office d'Interprête deviendroit
inutile. Conclura-t'on delà que la diverfité
des Langues eft ayantageufe à la focieté ??
Tel eft le raifonnement de ceux qui pré--
tendent que la variété des poids & des
mefures eft utile au commerce..
16 MERCURE DE FRANCE
On objecte en fecond lieu , que l'éta
Bliffement de la nouvelle meſure eft impratiquable
dans l'exécution .
M. de la Condamine remarqué que plu
fieurs de nos Rois ne l'ont pas jugé tel ,
& qu'il ne feroit pas plus difficile d'établir
une nouvelle mefure dans tout le Royau
me , que d'y donner cours à une nouvelle
monnoye , ou de changer la valeur de l'an
cienne , ce qui a été fait tant de fois fans
difficulté. N'en trouvera- t'on que dans l'exécution
des projets qui peuvent contri
buer au bien de l'Etat ?
Divers expédiens peuvent faciliter l'introduction
du changement propofé. Sans:
abroger d'abord par une loi abfolue l'aneien
ufage , il fuffiroit d'obliger de faire
tous les marchés , qui auroient befoin du
miniftere public des Notaires ou des Tribunaux
, fur le pied de l'ancienne & de la
nouvelle meſure. On pourroit avoir pour
cet effet des tables de reductions toutes cal
culées, & imprimées , comme on a des tarifs
pour les monnoyes , &c. Par ces moyens
le public s'habitueroit peu à peu à la mefure
nouvelle ; elle deviendroit plus familiere
que l'ancienne , & celle - ci s'oublie--
Toit infenfiblement.
Pour derniere objection , on allégue:
l'impoffibilité de s'accorder fur la nouvelle
mefure..
JUILLET. 1748. 17
M. de la Condamine , avant que de ré
pondre directement à cette difficulté , fair
voir combien le rapport des mefures des
differens pays, & même des differentes Provinces
du Royaume , eft peu connu , &
combien il refte d'incertitude dans la longueur
abfolue des mefures qui paffent pour
les plus authentiques , à commencer par
l'aune de Paris & de Lyon , & fans en excepter
la toife du Châtelet.
S'il n'étoit queftion que d'opter entre
les differentes mefares nationales , la
toiſe, qui a fervi à mefurer les degrés dans
les trois Zones, mériteroit la préference
fur les autres , mais comme cette raifon
probablement ne paroîtroit pas fuffifante
aux diverfes Nations de l'Europe pour
abandonner leurs anciennes mefures , M.
de la Condamine conclud qu'il n'y a qu'u
ne meſure puifée dans le fein de la Nature,
une meſure conſtante , inalterable , vérifiable
dans tous les tems , qui puiffe par ces
avantages réunis arracher , pour ainfi dire,
le confentement de tous les peuples pour
en faire une mefure univerfelle..
qui
Afin de fe rendre intelligible à ceux.
ne font pas verfés dans ces matieres
explique ce que c'eft qu'un Pendule
d'ofcillation ; quel eft fon ufage pour ma
18 MERCURE DE FRANCE.
furer le tems , & comment on peut en tirer
une meſure invariable.
Un corps pefant , attaché au bout d'une
corde arrêtée par fon autre extrêmité ; une
balle de plomb , par exemple , fufpendue
par un fil, eft ce qu'on appelle un Pendule .
2
On fçait que cette balle , fi on la mer
en mouvement en l'écartant de la ligne à
plomb où elle tend par fon propre poids ,
fera des balancemens qui diminueront pen
peu. Il eft aifé d'appercevoir que ces ba-
Jancemens , qu'on nomme vibrations ou
ofcillations , feront d'autant plus lents que
Je fil fera plus long , mais la 'Geométrie
feule pouvoit faire découvrir que fi un
Pendule décrit de très petits arcs, fes ofcillations
font ifochrônes , c'est-à-dire , fe
font toutes dans des tems égaux .
Pour qu'un Pendule à Paris faffe foixanteofcillations
par minute , c'eft -à- dire , pour
que chaque ofcillation dure préciſement
ane feconde , il faut donner au Pendule
une longueur d'environ 3 pieds 8 lignes →
Cette expérience repetée un grand nombre
de fois a été portée à fa plus grande préci
fion par M. de Mairan en 1735. Il'a déterminé
la longueur à ; pieds 8 lignes .
Si l'aune de Paris eut été fixée autrefois:
à la longueur du Pendule à fecondes ,
JUILLET . 1745.
гу
quand tous les étalons de l'aune feroient
aujourd'hui alterés , il n'y auroit qu'à atta
cher une balle de plomb à un fil délié
& à chercher par expérience la longueur
qu'il faudroit donner à ce fil pour qu'il
fuivit exactement les vibrations du balancier
d'une Horloge à fecondes bien réglée.
Par-là on retrouveroit la mefure perdue.
Cette conféquence fit naître l'idée d'une
mefure fixe & invariable , & divers
projets d'une mefure univerfelle tirée de
la longueur du Pendule à fecondes , fuppofée
unique & conftante .
On ignoroit alors que cette longueur eft
differente à chaque degré de latitude . M.
Richer, de l'Académie des Sciences , fut le
premier qui s'en apperçût en 1672 dans
fon voyage de Cayenne , ce qui a été pleinement
confirmé depuis par les expérien
ces faites fous l'Equateur, & au Cercle Polaire
par les Académiciens qui ont fait ces
voyages , & à Cayenne même par M. de
la Condamine.
ya Il y a donc autant de longueurs du Pendule
qu'il y a de Paralleles à l'Equateur.On
demande laquelle de toutes ces differentes :
longueurs a le plus de droit de devenir
celle de la mefure univerfelle.
M. de la Condamine prétend que fi
quelqu'une mérite la préference , c'eft cella
20 MERCURE DE FRANCE.
du Pendule à fecondes fous l'Equateur , &
voici les raifons.
L'Equateur eft le milieu de la terre habitable
, le terme d'où l'on commence à
compter les latitudes , celui de la moindre
pefanteur. Le Pendule équinoxial eſt unique.
Il n'y a pas lieu de préfumer qu'en le
choififfant , on ait eu en vûë la convenance
d'une Nation plutôt que d'une autre .
Celui du parallele de 45 degrés , laritude
moyenne entre les extrêmes de l'Equateur
& des Pôles , eft le feul qui pourroit
difputer la préference au Pendule
équinoxial , mais le Pendule de 45 degrés
eft fujet à plufieurs inconveniens .
1. Il n'eft pas unique , puifqu'il y a un
autre parallele de 45 degrés au-delà de la
Ligne , & qu'on pourroit foupçonner que
la longueur du Pendule n'y eft pas bien
fûrement la même que dans notre hemif
phére.
2 °. Le Pendule du parallele de 45 degrés
eft fufpect d'avoir été choifi , parce que ce
parallele traverfe la France , ce qui ſuffiroit
vrai-femblablement pour faire rejetter
se Pendule par les autres Nations de l'Europe
, & avec plus de fondement encore
que le Pendule du parallele de Paris . C'eſt
fur quoi l'on peut & l'on doit confulter
Les Académies étrangeres.
JUILLET. 1748.. 21*
3°. Si contre toute vrai-femblance tous
les peuples de l'Europe confentoienr à admettre
le Pendule de 45 degrés , il faudroit
commencer par déterminer fa longueur
abfoluë par des expériences qui de longlems
, ni peut-être jamais , n'auroient l'authenticité
de celles par lefquelles Meffieurs
Godin , Bouguer & de la Condamine , ont
fixé la longueur du Pendule à Quito fous
l'équateur.
4°. Enfin la convention du Pendule du
parallele de 45 degrés , fi elle pouvoit
avoir lieu , ne feroit fondée que fur la
convenance ou l'accord de quelques Nations
de l'Europe , que nous regardons
comme les feules dépofitaires des Sciences
dans le moment préfent ; au lieu que la
préference donnée au Pendule équinoxial
convient à tous les lieux & à tous les tems.
Aucune Nation , ni aucun fiécle à venir, ne
pourra protefter contre ce choix. Un François
préferera fans doute le Pendule du parallele
de Paris. Un Européen en général
pourra opter pour celui de 45 degrés . Lo
Philofophe, & le Citoyen du monde choifira
fans contredit le Pendule équinoxial.
Sans adopter la longueur abfolue du
Pendule deQuito, confirmée par un fi grand
nombre d'expériences de trois Académi
ciens , M. de la Condamine propole us
22 MERCURE DE FRANCE.
moyen par lequel on peut conclure la longueur
du Pendule équinoxial avec autant
de certitude que celle du Pendule à Paris ,
& cela fans craindre un centiéme de ligne
d'erreur.
Il fuffit de fçavoir pour cela combien
une Horloge à fecondes , ou un Pendule à
verge de métal , fait en 24 heures fous
' Equateur plus d'ofcillations qu'à Paris
dans le même tems. Les trois Académiciens
ont fait faire des Pendules de cette espéce.
Celui de M. de la Condamine conferve
fon mouvement pendant plus de 24 heures.
Il a été mis en expérience en divers
endroits fous la Ligne pendant huit, dix &
quinze jours , fçavoir à Quito 1500 toifes
au-deffas de la mer , fur une montagne
750 toifes au- deffus de Quito , au Para
au niveau de la mer , à Cayenne & à Paris
dans toutes les faifons , & le Thermométre
étant aux degrés correfpondans,
M. de la Condamine fçait combien fon
Pendule fait à Paris l'été , l'hyver , & dans
une moyenne température d'air , plus d'ofcillations
qu'il n'en faifoit dans tous les
lieux précedens , & notamment fous la
Ligne au niveau de la mer, & comme il eſt
démontré que chaque ofcillation de plus
ou de moins en 24 heures , répond à un
ceptième de ligne fur la longueur du Pent
1
JUILLET. 1748. 23
=
dule à fecondes , on peut affigner combien
de centiémes de lignes il y a à retrancher
de la longueur du Pendule de Paris ,tant de
fois vérifiée & toujours vérifiable , pour le
reduire à la vraie longueur du Pendule
équinoxial. Voilà donc cette longueur dé
terminée auffi exactement que celle du
Pendule de Paris. Elle eft un peu plus
grande que trois pieds fept lignes , &c.
On peut donc conftater dès aujourd'hui,
& laiffer à la poftérité une mefure fixe
invariable , reçûe des mains même de la
nature , & fur laquelle le tems même n'aura
aucun pouvoir . Elle joint à cet avantage
celui d'être unique , & de convenir égale
ment à tous les peuples , fans que les jalou
fies nationales puiffent fournir aucun prés
texte pour la rejetter.
L'exemple du Calendrier Gregorien ,
qui s'introduit infenfiblement dans les
pays où des raifons de politique avoient
empêché de l'admettre , donne lieu de
croire que fi la nouvelle meſure s'établiffoit
aujourd'hui en France , elle trouveroit
peu d'obstacles à fa propagation.
Du moins ne peut- on douter que toutes
les Académies & les Sociétés Littéraires
d'Europe ne l'adoptaffent avec joie . Elle
leur ferviroit à parler déformais la même
Langue, & à fe communiquer plus aifément
24 MERCURE DE FRANCE:
leurs découvertes réciproques. Le langage
des Académies deviendroit bientôt celui
des Ingénieurs & des Architectes , avec le
tems celui des Arpenteurs & des Mâçons ,
quelque jour celui des Marchands , & enfin
celui du peuple.
La France auroit l'honneur d'avoir fait
pour l'avenir ce que nous fouhaiterions
pour
que les fiécles paffés cuffent fait le
nôtre , & elle devroit cette gloire à M. de
la Condamine.
Il avertit , en finiffantfon Mémoire , que
les bornes prefcrites pour une lecture Académique
n'ont pas permis qu'il entrât
dans aucun détail fur les moyens de faciliter
la réduction de toutes les mefures.
tant linéaires , que quarrées & cubiques ,
à la nouvelle meſure Phyfique , en y ramenant
la lieuë , l'arpent , le feptier , le boiffeau
, le muid , &c. & même les poids qui
ne font autre chofe qu'une mefure folide
jufqu'ici fort défectueufe , mais qui peutêtre
reformée par la fixation de la mefare
linéaire , & être renduë pareillement invariable
, ou du moins vérifiable dans tous
les tems. Tous ces articles lui fourniront
la matiere de plufieurs Mémoires ,fi le nou
yeau projet eft agréé .
LA
JUILLET.
1748. 2.5
s és és és és és és és és és és ésés és és és és és és
LA JONCTION DES MERS ,
POEME
A l'honneur de feu M. Riquet , Auteur
du projet du Canal de Languedoc.
J E chante ce mortel , favori d'Uranie ,
Qui du bonheur du monde occupant fon génie,
Au gré de les défirs fçut affervir les eaux ,
D'un courslong & pénible affranchit nos vaiffeaux,
Leur ouvrit dans nos champs une route affûrée ,
Et des deux Mers enfin leur applanit l'entrée.
Toi , qui de mon Héros foutenois les efforts,
Rayon du Ciel , Génie , anime mes accords.
Sur ces flots réunis par la valeur d'Alcide
Neptune exerce encor fa vengeance homicide.
Son Trident redouté fignale fon courroux ,
Et l'Enfer étonné retentit de fes coups.
Là,fervant fa fureur , les vagues meurtrieres
Semblent de l'Océan remplacer les barrieres ;
* Trois obftacles s'oppofoient aux deffeins des Navigateurs
avant la conftruction du Canal , le premier, les
périls du Détroit de Gibraltar ou des Parages voisins ;
le fecond, la longueur du voyage pour tous les Ports de
l'Europe fur l'Océan ; le troifiéme les difficultés di
tranſport par terre .
B
26 MERCURE DE FRANCE.
Là, contre les périls qui menacent nos jours ,
L'adreffe du Pilote eft un foible fecours.
A travers les rochers , au milieu des tempêtes , -
Partout il voit la mort prête à frapper nos têtes ,
Et lui-même éperdu dans ces triftes revers ,
En invoquant Alcide , il périt dans les Mers.
Le mortel , dont l'adreſſe a fçû vaincre l'orage ,
Des jours qu'il a fauvés goûte peu l'avantage.
Plongé dans les horreurs des périls renaiffans ,
Errant de plage en plage à la merci des vents,
Exile loin des bords de fa chere patrie ,
Entre l'onde & le Ciel il confume fa vie.
Durant la longue abfence une famille en pleurs ,
Au fein de fa maiſon , fe nourrit de douleurs ;
Ici la tendre foeur craint pour les jours d'un frere;
Là le fils éploré redemande fon pere ;
L'épouse de l'époux n'attend plus le retour ,
Et meurt, en embraffant les fruits de fon amour.
Pour abreger la courſe en ce defert liquide ,
Il fuit loin de la route ouverte par Alcide ;
A marcher fur la terre il tourne fes efforts ;
Sur un char gémiſſant il charge fes tréfors ,
Mais déja tout s'oppose à ſon impatience ,
Et du Port qu'il défire augmente la distance :
Içi , dans un chemin de rochers hériffé ,
Son char réfifte , crie & tombe fracaffé ;
Là fes courfiers rempans, fur un mout effroyable ;
JUILLET . 1748. 27
Traînent, en chancelant , le poids qui les accable
C'eſt en vain que fes coups preffent leurs flancs
poudieux ;
Leur courage abattu le dérobe à ſess voeux
Lui - même à chaque inftant fent chanceler fa vie :
Il reconnoît enfin que la térre ennemie ,
Plus encor que les mers , fépare les climats.
Dieux , ranimez fa force, & conduifez fes
pas.
Le Chefdes Immortels, le Maître du tonnerre,
En régiflant les Cieux protége encor la terre ;
Il prétend réparer la gloire de fon fils ,
Et redonner le calme aux mortels interdits.
Tel qu'un Roi , qui connoît le poids de fa cou
ronne
De fujets éprouvés fait l'appui de fon Trône ;
Afon peuple par eux fait entendre la voix ,
Et par eux fait chérir ou redouter ſes loix ;
Tel le Dieu , qui partout fait ſentir ſa préſence ;
Souvent daigne aux mortels remettre la puif
fance';
En eux de ſa ſageffe il verſe les fécrets ,
Et confommant enfin les éternels decrets ,
Il gouverne par eux les peuples de la terre,
Il verfe les bienfaits ou lance le tonnerre.
Parmi les nations qu'il voit de toutes parts
Riquet a púlui feul attacher fes regards.
Que par tes foins, dit il ,la terre s'ouvre encore
Bij
28. MERCURE DE FRANCE.
Quelle uniffe les mers du couchant à l'aurore.
Il dit ; déja Riquet eft l'Envoyé des Gieux ↳
dans fa main l'autorité des Dieux .
Et porte
La fertile Province , où le fort l'a fait naître ,
Eft le théatre heureux où Riquet va paroître ;
Les peuples étonnés , au bout de l'Univers ,
Sur fes projets hardis tiennent les
Et l'envie au coeur faux , au tein pâle , à l'oeil
louche ,
yeux ouverts
Sur les pas du héros , d'un air fombre & farou
che.
Riquet arme la main de ce fage inftrument , *
Qui pour dompter les flots eft rival du Trident ;
Il mefure avec art la pente des campagnes
;
Il ſçait réduire au vrai la hauteur des montagnes ;
Des gorges , des rochers il décrit le détour ;
Déja ce grand deffein reçoit un nouveau jour.
C'en eft fait ; de Toulouſe au rivage de Cette ,
Riquet du Dieu des Mers a tracé la défaite . **
Les foldats de Louis vont marcher fur fes
pas :
D'une bêche tranchante ils ont armé leurs bras ;
Ces bras, accoûtumés à gagner des bataillés
De la terre en cent lieux déchirent les entrailles.
* Le Niveau est le principal inftrument de la con-
· duite des eaux.
**
Je parle ainfi du piquetement , après que M. de
Voltaire a dit du blocus , il fait tracer leur perte autour
de leurs murailles.
JUILLET.
015
1748.
Fandis que dévorant les plus rudes travaux
Ils ouvrent un canal à la marche des eaux ,
Riquet voit les torrens, qui tombent avec rage ,
Des débris de nos champs menacer fon ouvrage ;
Le fable & le limon traînés par leurs efforts ,
Du lit qu'il a creuſé vont ſubmerger les bords.
Le Héros à leur rage oppoſe fon génie ;
Une équerre à la main il rit de leur furie ,
Il prépare un abîme * à ces fougueux torrens ;
La terre ouvre fon fein, émeut ſes fondemens,
Et Pluton éperdu , de fes Royaumes fombres
Craint que l'aftre du jour ne diffipe les ombres;
Les torrens auffi - tôt, précipitant leurs flots ,
Dans ces antres profonds vont engloutir leurs
слих ...
A la voix de Riquet les torrens obéiffent ,
Les gouffres font comblés , les côteaux s'applag
niffent ,
Et les monts fourcilleux , par leurs flancs entr'ou
verts ,
Demeurent fufpendus dans le vague des airs .
Comme on voit dans fon cours la foudre meur4
'triere
De cent murs entaffés écrafer la barriere",
Ainff notre Héros de fes fçavantes mains
* Les Aquedues font des voûtes fouterraines dont la
profondeur ef immenfer
Bij
30 MERCURE DE FRANCE.
Rompt tout ce qui s'oppose à fes vaftes deffeinsa
Tandis qu'ici tout cede à fon intelligence ,
Riquet en d'autres lieux va montrer la puiflance.
Génie, éclaire-moi dans des nouveaux travaux ;
Que ma voix foit partout digne de mon Héros.
Près des murs de Rével s'élevént des montagnes,
Dont le front recourbé menacé les campagnes.
Parun feu fouterrain * leurs antres enflammés
Font bouillonner les flots qu'ils tiennent renfer
més,
Et leurs flancs, humectés par la vapeur des ondes,
Montrent à l'oeil du jour mille fources fécondes .
A leur cours vagabond Riquet va mettre un frein ;
Il fonde dans la plaine une enceinte d'airain ;
Ces monts font inveftis ; déja l'onde en la fource
De fes flots mutinés voit arrêter la courſe ,
Et dans leurs mouvemens ces Rots embarraffés
Grondent avec fureur l'un fur l'autre entaffés.
Déja ces mêmes eaux,qui fe cachoient fous l'herbe,
Du canal des deux mers font un fleuve fuperbe ;
Ce fleuve à chaque pas frémiffant de fureur
Eft forcé d'obéir aux loix de fon Auteur.
Quel prodige nouvean! Des cavernes profondes
Jufqu'au fommet des monts il éleve fes ondes
Et lorfque par fa chute il femble être entraîné
* Système de Descartes fur les Sources,
*
&
JUILLET .
31 1748,
Sur le bord de l'abîme il demeure enchaîné.
Tel qu'on voit un Lion peu fait à l'efclavage ;
Rugir , battre fes flancs &treflaillir de rage ;
En vain ce fier captif exerce fa fureur ,
Ses chaines de plus près excitent fa douleur :
Tel ce fleuve, étonné de fa prompte retraite ,
S'efforce de brifer la digue qui l'arrête ,
Mais de fes flots en vain il unit les refforts ,
Il ferme fa priſon par fes propres efforts.
Ainsi, toujours ſoumis à la main qui le guide ,
Il reçoit nos vaiffeaux fur fa maffe liquide ;
Il embraffe la terre , il entre dans les mers ;
Pour tribut à Neptunc il apporte des fers ;
Le Héros eft vainqueur ; le vafte fein des ondes ,
Loin de les féparer , réunit les deux mondes ;
Les peuples font heureux , & chacun dans fes
Ports
Des plus lointains climats recueille les tréfors.
B iiij
22 MERCURE DE FRANCE.
RECHERCHES fur l'hiftoire de Carthage
, ou Vies de quelques Carthaginois
célebres . Par M. Remond, de . Sainte
Albine.
-
ANNIBAL I. fils du premier
ASDRUBAL , & petit-fils de
MAGON.
Uftin eft le feul Hiftorien qui nous ait
confervé la mémoire de cet ANNIBAL
(a) Selon cet Auteur , Magon , qui le premier
apprit aux Carthaginois l'art de la
guerre , & à qui fa République dût en partie
le haut degré de puiffance auquel ello
parvint par la fuite , eut deux fils , Amilcar
& Afdrubal , dont la réputation ne ceda
point à celle de leur père: Afdrubal , après
avoir été onze fois Dictateur & avoir obtenu
quatre fois l'honneur du triomphe ,
mourut en Sardaigne d'une bleffure qu'il
reçut dans un combat , & il laiffa trois enfans
, ANNIBAL , Afdrubal & Pfapho . Ifaas
Voffius (b) prétend , fondé fur je ne ſçais.
(a ) Juftin ; Extrait de l'Hiftoire de Troge Pompée
, Edit. d'Amfterdam 1856 , chés Elzevir , liv...
19, chap. 1 & 2. pages 155 & 156.
(b) Remarques fur Juftin. Voyez l'édition de.cet
Hiftorien , citée dans la note précédente , p. 319
JUILLET . 1748. 33
quelle raifon, que l'ANNIBAL , dont
il s'agit dans Juftin , eft celui dont parlent
Xenophon dans le premier Livre de
fes Hiftoires Grecques (a ) , & Dyodore
de Sicile dans le treiziéme Livre de fa Bibliothéque
Hiftorique ( b ). Ofmann , Moreri
& fes augmentateurs , ou n'ont point
fait attention au paffage de fuftin , ou font
du fentiment de Voffius , car on ne trouve
ni dans le Lexicon univerfel ni dans le -
Dictionnaire Hiftorique , aucun Annibal ,
qui ait vêcu avant celui dont il s'agit dan's
le premier Livre de Xénophon , & dans le
treiziéme de Dyodore. Cependant if paroît
que Dyodore & Juftin ont défigné deux An
nibals differens. L'un , à ce que nous apprend
le premier de ces Auteurs , étoit fils
de Gifcon, & petit - fils de l'Amilcar que
que Ge
lon , Tyran de Siracufe , avoit fait périr en
Sicile par une trahifon . L'autre , fi Zuſtin
doit être crû , avoit pour pere Afdrubal ,
fils de Magon. Ce ne feroit pas la premiete
fois que les Hiftoriens auroient confondu
, mais Voffius , n'apportant aucune
preuve pour combattre l'Auteur que je cite,
(a ) Edition de l'année 1569 à Bafle , chés Tho
mas Guérin , p . 337.
(b) Edition de Hanau , chés Claude Marny &
chés les héritiers de Jean Aubry , 1604 , p. 169 &
(แข ,
By
34 MERCURE DE FRANCE:
n'a pas eu droit d'exiger qu'on fuivît plutôc
fon fentiment que celui de Juftin . On peut
ajoûter qu'Annibal, fils de Gifcon,fut élû Général
la troifiéme année de la quatre- vingtdouziéme
Olympiade , année 344 de la
fondation de Rome , & 416 de celle de Carthage
( a) ; qu'Amilcar , fon ayeul , qui périt
en Sicile , mourut en la foixante- quinziéme
Olympiade , felon Dyodore , liv. 11 .
pag. 1 & 18 ; que cet Amilcar eft , comme
le dirai ailleurs (b), le même qu'Amilcar,
fils de Magon , ou n'a vêcu qu'après cet
Amilcar ; qu'Afdrubal , frere de ce premier
Amilcar , étoit mort plufieurs années
avant lui, à ce que nous apprend Justin (c);
je
(a) Voyez Onuphre , des Faftes , édition d'Heidel
berg 1588 , dans le Commentaire de fon premier Li
wore, pages 33 & 34 ; ſur la durée des Olympiades
, & fur le tems auquel commença la premiere ,
Juftin fur la fondation de Carthage liv. 18 de
Jon Extr. de Troge Pompée , chap. 6. p. 193. Con-
Jultez Dyodore de Sicile , Biblioth. Hiftor. liv. 13.
p. 169 , fur l'Olympiade & fur l'année dans laquelle
Annibal ,fils de Gilcon ,fut choisi pour commander
Parmée des Carthaginois.
fb Dans la vie d'Amilcar I.
(c) In Sardinia quoque Hafdrubal , graviter vulmeratus
, imperio Hamilcari fratri tradito , interiit,
cujus mortem cum luctus civitatis , tum & dicatura
undecim : &triumphi quatuor , infignem fecere hoflibus
quoque crevere animi, veluti cum duce vires Pañoram
cecidiffent. Itaque Steilta populis , propter affiduas
JUILLET .
35 1748.
enfin qu'ANNIBAL , à ce qu'on peut conjecturer
par l'ordre dans lequel cer Au
teur place les enfans d'Afdrubal , étoit le
fils aîné de ce Guerrier. Ainfi cet ANNIBAL
eût cu plus de quatre- vingt ans lorfqu'il
auroit fait la premiere expédition que Dya
dore & Xénophon rapportent de l'Annibal
dont ils nous ont confervé la mémoire , &
il eût été revêtu de la charge de Général
dans un âge que les autres n'attendent pas
pour abdiquer cette Dignité. Il ne faut
point diffimuler que Diodore dir en effet
qu'Annibal, fils de Gifeon , étoit déja vieux
lorfqu'il palla pour la feconde fois en Sicile
, mais cette raiſon n'eft pas fuffifante
pour attaquer fuftin. L'ANNIBAL , dont il
a fait mention , partagea avec Afdrubal &
Pfapho ou Sapho , fes freres & les fils d'A
milcar , le Gouvernement de Carthage,
Pendant leur adminiftration , les Carthaginois
firent la guerre aux Maures &
aux Numides , & s'affranchirent du tribut
qu'ils payoient à ces peuples pour le tetrain
fur lequel Carthage étoit bâtie. Tant
de Chefs, par la fuite , devinrent à charge
Carthaginenfium injurias , ad Leonidam fratrei
Regis Spartanorum concurrentibus , grave bellum natum
, in quo& diu & variâ victoria praliatumfuit.
Intereà Hamilcar belle Sicilienfi interficitur ,
&c. liv. 19. chap. 1 & 2, pag. ass & 1.56.
B vj
36 MERCURE DE FRANCE
àlaRépublique, & onélutparmilesSénateurs
cent Magiftrats, à qui les Généraux à l'ave→
nir devoient rendre compte de leur condui
re à leur retour de l'armée. Juftin ne remar
que aucun autre évenement auquel le pre
mier Annibal ait eu quelque part, & le tems
de la mort de cefils d'Afdrubal 1.eft ignoré.
ANNIBAL II: fils de GISCON
& petit-fils du premier A MILCAR.
- La
guerre (a) des Athéniens contre les Sya
raculains étoit finie , & le peuple d'Ægef
te , (b) qui s'étoit déclaré dans cette guer
re pour les Athéniens , craignoit avec raifon,
que tous les habitans de la Sicile ne fe
réiniffent , pour le punir de fon infidelité ..
Havoit même mieux aimé céder aux Sélinuntiens
(c) quelques terres qu'ils lui conf
teftoient , que de donner , en ayant recourss
aux armes , occafion aux Syracufains , de
prendre parti dans cette querelle . Mais
vivement irrité de ce que les premiers, noncontens
de s'être emparés des terres qui›
(a) Diodore de Sicile , Biblioth. Hiftor. liv. 13. på
169 &fuiv. Edit: de Hanau . 1604 .
(b) Cette ville étoit en Sicile , & elle fut bâtie par
Anée. On l'a nommée depuis Segefte & enfuite Di
caopolis. Voyez Ofmann , Lexiron univerfale , tom
1. p. 134.
(c) Ces peuples étoient originaires de Grece . Seli
nunte leur ville étoit, en Sicile, près d'Hyméra.
JUILLET. 317 174S .
étoient en litige , l'avoient dépouillé d'une
partie de celles fur lefquelles il avoit un
droit inconteftable ; il envoya des Ambaſſadeurs
à Carthage , pour implorer le fecours
de cette République contre l'oppreffion
Les Carthaginois , retenus d'abord par
quelque appréhenfion de la grande puiffanée
des Syracufains,fe laifferent enfin entraî
ner par l'efpoir de parvenir , en fe décla--
rant les protecteurs d'Egefte, à s'en rendre
un jour les maîtres. Ils promirent de fecou
Fir lesEgeftains , & choifirent ANNIBAL ( a) ,
fils de Gifcon, pour l'envoyer Général en
Sicile , fi la guerre s'allumoit. Gifcon , pere
de cet ANNIBAL , étoit fils de l'Amilcar
qui faifant la guerre contre Gélón , ancien
Tyran de Sicile , périt en la foixante- quinziéme
Olympiade ; & cet Amilcar, comme
Hous avons remarqué dans l'article précédent
, eft felon les apparences le même
qu'Amilcar , fils de Magon.
ANNIBAL , ennemi né du nom Grec
Soccupa tout entier du foin de fatisfaire
une haine , que le fouvenir du meurtre de
Z
2
-(á) ANNE'S 344 dé lafondation de Rome . Dyodore
de Sicile écrit , liv. 13. p . 169 , qu' Annibal
fut élú Général en la troifiéme année de la quatreving
douzième Olymp. & c'eſt la même époque que
selle queje marque.
38 MERCURE DE FRANCE.
fon ayeul, & de l'exil de fon pere (4), augmentoit
chaque jour. Les Selinuntiens ne
fe bornant pas aux premieres ufurpations
qu'ils avoient faites fur les Ægeftains , &
voulant y en ajoûter de nouvelles , il engagea
ces derniers à prendre les Syracu-
Lains pour arbitres. Il prévoyoit que ceux
de Selinunte ne fe foumettroient point à
reconnoître des juges , & fon deffein étoiɛ
de les brouiller avec les Syracufains. En
effet les Selinuntiens ne voulurent être jugés
que par le fort des armes , mais ceux
de Syracufe tromperent fon efpoir, & réfo→
lurent de demeurer fidéles à l'alliance
qu'ils avoient contractée avec ce peuple.
Auffi - tôt les Carthaginois envoyerent
pour la défenfe d'Egefte quelques troupes ,
compofées d'Afriquains & de Campaniens
, qui peu après leur arrivée barrirent
les ennemis dans une rencontre , leur tuerent
mille hommes & firent fur eux un butin
affés confidérable. Cet évenement diminua
le trop de confiance que ceux dé
(a ) Dyodore rapporte que Gilcon paffa fa vie er
exil dans la Sicile , & que les Carthaginois le banni
vent à cause de la catastrophe de fon pere. Ce traite-',
ment étoit injufte, & étoit regardé par Annibal comme
un nouveau fujet de hair les Siciliens qui
avoient été la cause.
JUILLET. 1748. 39
Sélinunte avoient en leurs forces, & releva
le courage des Ægeftains. De nouveau les
deux partis députerent, les uns à Syracufe,
& les autres à Carthage , pour obtenir du
Lecours. L'une & l'autre ville s'engagerent
d'en fournir , & pour lors cette guerre devint
importante.
à
Le Sénat de Carthage, prévoyant quelles
en pouvoient être les fuites , n'épargna
rien pour les préparatifs , & il permit
ANNIBAL d'affembler autant de
troupes qu'il jugeroit néceffaire. Pen--
dant tout l'été & pendant l'hiver qui
fuivit , ce Général fit faire en Efpagne des
lévées confidérables , & força même une
partie des Citoyens de fa République , de
s'enrôler fous fes étendarts. Il équipa en
même-tems une flotte , & fe difpofa à partir
le printems fuivant.
A peine (a) ce tems fut arrivé , qu'ANWIBAL
fe mit en mer, &, ayant traversé la
mer d'Afrique , il vint débarquer au Promontoire
de Lilybée(6) .QuelquesCavaliers
(a) ANNE'I 349 de la fondation de Rome , felon
Dyodore. Onuphre veut au contraire , que Quin
Jus Fabius Ambuftus & Caius Furius Pacilus , que
Dyodore dit avoir été Confuls dans le tems de la def
cente d'Annibal en Sicile , ne l'ayent été qu'en "l'anmée
341 .
(b) Le Promotoire de Lilybér af à l'Occident da
la Sicile.
40 MERCURE DE FRANCE.
Sélinuntiens , ayant apperçû fa nombreuſe
flotte , coururent à toute bride avertir leurs
compatriotes de l'arrivée d'un fi redouta
ble ennemi , & les Sélinuntiens dépêcherent
à Syracufe , pour repréfenter lepéril
preffant qui menaçoit toute la Sicile . Cependant
ANNIBAL pofa fon camp près du
puits , dit de Lilybée , autour duquel on a
bâti depuis une ville du même nom ( a ) ,
& il voulut que fes vaiffeaux fe miffent
à l'ancre dans un golfe des environs
de Motyen , pour ôter aux Syracufains
toute inquiétude. Il fejourna peu dans
F'endroit où il avoit campé d'abord ,
& bien-tôt il marcha à Sélinunte. En chemin
il prit d'emblée Emporie , ville fituée
fur les bords du fleuve Mazarus ou Ma--
Zara. (b)
1111
Dès qu'il fut devant Selinunte , il
~ (a) Elle se nommé maintenant Marfala. Voyez le
Dictionnaire Géographique de Baudrand.
(b) Ily a de l'apparence que ce fleuve étoit à l'Oc
ident de la Sicile. La ville nommée Mazara étoiz
dans la partie Occidentale de ce pays , & urai -fem
Hlablement elle avoit pris son nom de ce fleuve . Les
Grecs nommoient Empories tous les lieux qui poul
voientfervir de ports commodes aux vaiſſeaux ; forme .
weils donnoient ce nom quelquefois aux villes qu'ils bá
igoient près de quelque Golfe ou de quelque Baye.
"
JUILLET. 1748. 48
•
partagea fon armée en deux divifions
fit difpofer toutes les machines pour l'at
taque , & ne laiffa pas lieu de douter
qu'il n'eût deffein de preffer le fiége avec
la plus grande vivacité. Six énormes
Béliers , armés de fer, furent conduits
au pied des murailles, En même - temз
les affiégeans , du baut d'un pareil nombre
de tours qu'ils avoient élevées , com
mencerent à faire pleuvoir une grêle
continuelle de fleches & de pierres , qui
réduifit les affiégés qu'une longue paix
avoit rendu peu propres à leur défenſe ;
à ne plus ofer-paroître fur leurs remparts.
Une terreur univerfelle fe repandit parmi
les Sélinuntiens . Ils avoient éré de tous les
peuples de Sicile les feuls qui euffent autre
fois affifté les Carthaginois contre Gélon ,
& ils s'étoient flatés qu'un peuple , qui
leur avoit obligation , ne voudroit pas ,
quand même leur ville feroit prife , ufer
contre eux de tous les droits de la guerre.
Jugeant qu'on n'avoit pas deffein de les
ménager , ils eurent recours aux derniers
efforts , pour éviter , our du moins pour retarder
leur raine . Vieillards , femmes , en
fans , tout devint foldat.
+
Le fiége duroit déja depuis trop long
tems au gré d'ANNIBAL. Il promit à fes
troupes d'abandonner la ville au pillage ,
42 MERCURE DE FRANCE.
fit battre la muraille en breche , & choifft
l'élite de fes foldats , pour donner l'affaut .
Les Campaniens furent les premiers , qui,
entrerent par la breche. Ils renverferent
d'abord tout ce qui fe préfenta . Mais ceux
de la ville , ayant porté leurs forces en cer
endroit , les contraignirent de ceder à leur
tour , & les ayant pouffés dans les ruines
de la partie de murailles que les machines
avoient abattue , en firent un grand car→
nage. La nuit feule pût féparer les combattans
, & obligea les Carthaginois , dé
fonner la retraite .
Cependant les Sélinuntiens envoyent
quelques-uns de leurs meilleurs Cavaliers
Agrigente , à Géla , & à Syracufe , pour
avertit que la ville eft prête d'être forcée.
Les Agrigentins & les Geloiens ne vou
loient point hazarder leurs troupes , à
moins que les Syracufains ne fe joigniffent
à eux. Ceux-ci , ne pouvant plus refufer
du fecours à leurs Alliés , firent la paix avec
les Chalcidiens (a) , & de tous côtés raffemblerent
leurs forces , mais ils n'uſerent
pas de diligence. ANNIBAL , dès le lendemain
du premier affaut , avoit fait faire une
(a) Peuples, qui felon Strabon , habitoient l'Ifthme
d'Ionie. Cette Ifthme étoit entre Teies & Erithra. Il
n'est guères vraisemblable cependant , qu'il s'agiſſe
an cet endroit de peuples d'Ionie.
JUILLET. 1748. 43
nouvelle breche , & l'avoit franchie luimême
l'épée à la main à la tête des plus
braves de fon armée. Il n'avoit pû cependant
encore ce jour emporter la place.
Neufjours confécutifs, il retourna à l'affaut,
& chaque jour il fut repouffé . Les Affiégés
tronvoient de nouvelles reffources dans
leur défefpoir , & les Affiégeans recevoient
autant de mal qu'ils en faifoient . Mais en
fin les premiers , manquant plutôt de com
battans que de courage , & obligés de foutenir
avec une poignée de gens épuifés les
attaques perpétuelles de troupes toujours
fraîches , qui fe relevoient à tout moment,
ne purent réfifter à la longueur d'un com
bat , qui dura depais la pointe du jour juf
qu'au foir. La ville fut prife , & fes géné
reux défenfeurs fe retirerent pas à pas , &
en faifant toujours face aux Carthaginois ,
dans la place publique , où ils périrent
tous les armes à la main (a). Tout fut mis
à feu & à fang. Rien n'échappa à la cruau
té , à l'avarice & à la brutalité du foldat.
La licence ne connut aucunes bornes, & les
fils envioient le fort de leurs peres, à qui la
(a) Xénophon , Liv. 1. de fes Hiftoires Grecques ;
Edit. de Bafle , an. 1569 , pag. 337 , écrit que Sélinunte
ne fut prife qu'en la premiere année de la quatre-
vingt-treizième Olymp. c'est-à-dire l'année 34€
de la fondation de Rome
44 MERCURE DE FRANCE.
mort avoit épargné d'être témoins de tel
excès.
- Pendant l'exécution de cette Tragédie
arrivent à Agrigente 3000 foldats d'elite ,
que les Syracufains envoyoient au fecours
de Sélinante . Auffi- tôt qu'ils eurent appris
la prife de cette ville , ils députérent vers
ANNIBAL , pour lui demander la permif
fron de racheter les prifonniers, & pour l'engager
à refpecter les Temples . Mais ils n'en
reçurent d'autre réponſe , finon que des
hommes , qui n'avoient pû défendre leur
liberté , méritoient de la perdre , & que
les Dieux avoient paru trop fenfiblement
abandonner Sélinunte , pour qu'on cruz
qu'ils euffent confervé dans cette ville
quelques habitations . Cependant , les Syra
cufains ayant prié Empédion , qui avoir
toujours été lié avec les Carthaginois , d'al❤
ler trouver ANNIBAL pour infifter auprès
de lui fur leurs demandes , ce nouveau Député
obtint la liberté de tous les prifonniers
nobles , & de ceux des fes parens , qu'il
reclama. Il obtint auffi pour les Sélinuntiens
, qui avoient pris la fuite avant le
fiege , la permiflion d'habiter la ville , &
de cultiver les terres. ANNIBAL exigea feulement,
qu'ils payeroient à l'avenir un cer
tain tribut à Carthage. Selinunte fut prile
252 ans après fa fondation.
JUILLET. 1748. 40
Les Carthaginois marcherent de cette
Ville à Himéra. Leur Général en avoit juté
la deftruction . C'étoit près de cette place
, qu'Amilcar par la trahifon de Gelor
avoit été facrifié avec toutes fes troupes.
ANNIBAL , impatient de fatisfaire aux Manes
de fon ayeul , établit ſon camp
fur une
éminence à quelque diftance de la Ville ,
forme le blocus avec une partie de fon arnée,
& fans perdre de tems , fait battre la
muraille en breche. Mais les Affiégés
font également promts à réparer les breches
, & à les défendre. Un nommé
Diocles de Syracuſe étoit venu à leur fe
cours avec quelques troupes , & ils fondoient
fur lui leur principale efpérance.
Il leur étoit important de ne fouffrir que le
plus tard qu'ils pourroient , que leur Ville
fut entierement inveftie . Par le confeil de
Diocles ils firent une vigoureufe fortie, &,
perfuadés que du fuccès de cette tentative
dependoit leur falut , ils taillerent en piéçes
tout ce qui s'offrit à leur paffage. Le
grand nombre des Carthaginois , qui coururent
pour s'oppofer à ce torrent ,
ne fervit
qu'à mettre le défordre & la confufion
dans leur armée , & ils fe nuifirent plus
qu'ils ne nuifrent aux ennemis. ANNIBAL ,
pour remédier à ce défavantage , fut contraint
de fonner la retraite , afin de rallier
46 MERCURE DE FRANCE.
Les troupes , & ayant rétabli les rangs ,
il retourna à la charge. Les Hymeriens
qui , en pourfuivant les Carthaginois ,
s'étoient laiffés trop emporter à leur ar
deur , & n'avoient point confervé d'ordre
, furent la plupart mis en fuite. Trois
cens feulement tinrent ferme , & firent face
à toute l'armée de Carthage. Aucun ne
démentit jufqu'à la fin l'exemple de fes
compagnons ,. & ne cella de fe défendre
qu'en expirant.
.
Cependant vingt- cinq Galeres , que les
Syracufains avoient envoyées au fecours de
Lacedémone , étoient de retour à Syracufe.
Le bruit fe répandit dans Hymera , que les
Syracufains venoient avec toutes leurs forces
pour faire lever le fiége aux Carthaginois,
& qu'ANNIBAL, ayant embarqué
fes meilleurs foldats , fe difpofoit à
faire voile à Syracufe , pour s'emparer de
cette Ville , tandis qu'elle étoit vuide
de défenfeurs. Auffi-tôt rien ne peut retenit
Diocles .Le danger, que court fa patrie ,
l'y rappelle. Les Hymériens, en le perdant,
perdent tout leur efpoir. Ils ne fongent
plus qu'à fauver ce qu'ils ont de plus
cher , & ils prennent la réfolution d'envoyer
à Meffine leurs femmes & leurs enfans.
Le petit nombre de Galeres qu'ils
avoient , & la garde exacte que faifoient
JUILLET.
1
1748 47
pour
les Affiegeans , rendit l'exécution de ca
deffein longue & difficile . Les Hymériens
fe défendirent opiniarrément , jufqu'à ce
qu'ils l'euffent conduit à fa fin . Leurs Galeres
la derniere fois quittoient le
Port , & chargées du refte de ce qui devoit
paffer à Meffine , cingloient déja en haute
mer , lorfque les Carthaginois fe firent
jour par la breche , & fe rendirent maîtres
de la Ville. ( a ) Elle fut encore plus maltraitée
que Sélinunte , & elle fut rafée.
Cette Ville avoit fubfifté pendant 260
ans. ANNIBAL voulut fignaler fa vengeance
par un facrifice célébre , & il fit
immoler 3000 prifonniers autour de la
colline , fur laquelle autrefois Gélon avoit
fait tuer Amilcar.
Après ces deux expeditions le Général
Carthaginois , ayant laiffé un fecours médiocre
aux Egeftains , fit voile avec toute
fa Flotte vers Carthage. Tous les habitans.
fortirent de la Ville , pour aller au - devant
de lui. Il fut reçû au bruit des acclamations
publiques , & fes ennemis même l'é-
(a) Xénophon dans le même endroit que j'ai cité
ci-deffus, parle auffi de la prise d'Hymera , place ce
fait à la même année qu'il a placé la prise de Sélinunte,
c'est à - dire, à la première année de la quatrevingt-
treiziéme Olymp . an , 346 de la fond, de Rome
48 MERCURE DE FRANCE.
leverent beaucoup au-deffus de fes prédéceffeurs.
Les ( a) Carthaginois , enflés des heureux
fuccès qu'ils venoient d'avoir en Sicile ,
ne perdirent plus de vûë le projet de ranger
l'Ifle entiere fous leur domination . ( b)
En la troifiéme année de la quatre-vingttreiziéme
Olympiade , ils mirent fur pied
une armée formidable , & en donnerent le
commandement à ANNIBAL , qui,
refufant de l'accepter parce qu'il étoit
déja vieux , obtint pour collegue Imilcon ,
fils d'Hannon , & forti du même fang que
Gifcon , & que le premier Amilcar. Les Syracufains
ayant attaqué 40 Galeres , par
lefquelles ANNIBAL s'étoit fait précéder en
Sicile , & quinze de ces Galeres étant tombées
en la puiffance des ennemis, il fe hâta
de paffer la mer , pour ne pas leur donner
de tems de profiter de cet avantage , & pour
conferver la route libre aux troupes qui
avoient ordre de le fuivre . Son arrivée fit
craindre aux Siracufains le même traitement
qu'avoient reçû leurs Alliés , & cha
cun crât voir déja toute la Sycile dans la
fervitude .
Les Agrigentins fe perfuaderent , que
(a ) Dyodore de Sicile , liv . 13. p . 201 & fuiv.
b) ANNE'E 348 de la fondation de Rome.
Porage
JUILLET. 1748. 49
l'orage les menaçoit principalement. Ils
étoient les Peuples les plus riches de l'Ifle .
Leurs terres produifoient en abondance
toutes fortes de grains & de fruits , & le
feul commerce des vins & des olives, qu'ils
envoyoient en Afrique , où l'agriculture
étoit peu connue , leur rapportoit de grands
revenus. Ils tranfporterent toutes leurs
richeffes dans Agrigente , & l'évenement
juftifia que leur crainte étoit bien
fondée.
Auffi tôt (a ) que les Carthaginois ont
fait paffer toutes leurs troupes en Sicile ,
ils entrent fur les terres des Agrigentins ,
& les fomment de contracter avec eux une
ligue offenfive & défenfive , ou du moins
d'obferver une exacte neutralité. Ces derniers
n'acceptent aucune des deux propofitions
, & ANNIBAL met le fiége devant
Agrigente. Pour en précipiter la prife , il
fait démolir une grande quantité de tombeaux
, qui incommodoient fes travailleurs ,
Soit les exhalaifons pernicieufes , qui s'élevent
des terres qu'il fait remuer, foit quelques
autres caufes , mettent la contagion
dans fon Camp . Elle y fait des progrès auffi
rapides que funeftes. Ce fleau lui enleve la
meilleure partie de fon armée , & l'enleve
lui-même à Carthage,
(a) Dyodore , liv , 13. pag. 206 & 207.
C
so MERCURE DE FRANCE.
•
Ofmann Lexicon univerfale , Edit . de la
Haye 1698 , & Morery , Diction . Hiftor,
Edit. de l'an 1712 , à Paris , chés Coignard,
ne font point mention de la mort de ce
Capitaine : ils fe contentent de rapporter
qu'après avoir pris quelques Villes , il eut
du défavantage en combattant contre Hermocrates
de Syracufe , & citent Dyodore de
Sicile liv. 13 , & Juſtin , liv . 22 & 23 .
fuftin , ne parle nulle part ni d'Hermocrates,
ni d'ANNIBAL , fils de Gifcon . Les livres
22 & 23 de cet Auteur ne contiennent que
les exploits d'Agatocles , qui fucceda au
jeune Denis, fils de Denis l'ancien , & Agatocles
ne vêcut que long- tems après Hermocrates
. Dyodore , liv 13 , pag. 186 & 187 ,
parle a la vérité de ce Syracufain ,mais il dit,
p . 186 , qu'ANNIBAL étoit retourné à Carthage
, lorfqu'Hermocrates revint de Grece
en Sicile , d'où il avoit été éloigné par l'éxil
, pendant qu'Annibal y faifoit la guerre.
Ce dernier ne repaffa la mer qu'en la troifiéme
année de la quatre- vingt-treiziéme
Olympiade , an. 348 de la fondation de
Rome. Ce fut l'année de fa mort , & il
n'eut dans toute cette année aucune rencontre
avec Hermocrates.
Lafuite dans le prochain Mercure,
JUILLET. 1748. 58
ODE
ELEGIAQUE ,
Sur la mort d'un Serin nommé Sobriche
étranglé par un Chat dans un Jardin.
MortOrt cruelle , affreufe furie ,
Viens apprendre quels font les jours ;
Dont ton énorme barbarie
T'a fait fi-tôt trancher le cours,
Si les larmes , fi la priere ,
Contre ta fureur meurtriere
Ne purent pas les garantir
Approche tes dures oreilles
Et que de fi grandes merveilles
Te faffent au moins repentir.
+3x+
yeur.
Les Serins de la Canarie ,
De notre mort nobles ayeux ,
Lui leguerent leur harmonie ,
Et l'art de charmer tous les
Belle taille , riche plumage
Air vif , mélodieux ramage ,
Et gracieux gazouillement ;
Petits foins , merveilleufe adrefle
>
Cij
52 MERCURE DE FRANCE,
A prouver la pure tendreffe ,
Tout rendoit Sobriche charmant .
Les foins troubloient- ils le vifage
De fon bien aimé protecteur ?
Par fon innocent badinage
Bien- tôt il en étoit vainqueur ,
*
Et cette impitoyable troupe ,
Qui fuit le Cavalier en croupe ,
Devenant docile à ſa voix ,
Malgré fon implacable rage ,
Dès qu'il chantoit , perdant courage ,
Plioit fous de fi douces loix.
Mais pendant que mon jufte zéle
De Sobriche fait le portrait ,
Notre douleur , toujours nouvelle ,
S'aigrit , s'irrite à chaque trait.
Quoi donc , les talens les plus rares
Sont foumis à ces coups bizares ,
Que la mort appelle fes droits !
Quoi ! la barbare deſtinée
Peut ravir en une journée
Tant d'avantages
à la fois !
* Poft equitemfedet atra cura. Horat
JUILLET. 71748 .
1
Hélas ! perché fur la fenêtre ,
Se croyant fous un ciel nouveau ,
Sobriche ne penfe pas être
A la porte de fon tombeau.
Ennuyé de ſon eſclavage ,
il penſe , en fortant de la cage ,
Se procurer un meilleur fort.
Arrête , petit téméraire ,
Ce jardin qui te femble plaire ,
Ne te prépare que la mort.
C'en eft fait : fon deftin le preffe
D'approcher de tant de beautés.
Une frauduleufe Déeffe *
Eblouit fes yeux enchantés.
Il part , & d'une aîle indifcrete ;
Il s'éloigne de fa retraite,
Epoque de notre douleur !
Il eſt ſéduit , il céde , il vôle ,
Ennyvré de l'eſpoir frivole
D'un imaginaire bonheur.
Déja fa nouvelle fortune
Reçoit les petits compliments.
Il chaffe l'idée importune
* L'Illuſion.
C iij
54
MERCURE DE FRANCE
De fes anciens amufemens.
Ses Concerts témoignent la joye ;.
La Nymphe Echo qui les renvoye ,
Leur prête de plus tendres fons ;
Les airs au loin en retentiflent ,
Et les Dryades s'applaudiffent
D'entendre de telles chanfons.
Tandis qu'il met tout en ufage ;
Pour célébrer un fibeau jour ,
Un Chat .... ah ! finiftre préſage !
Feignant de lui faire la cour ,
Cache fous un air hypocrite
L'horreur du crime qu'il médite.
Il vient ; Sobriche ne fuit
Et cette fatale affûrance ,´
pas ,
Que lui donne fon innocence ,
Le livre au plus cruel trépas.
***
Sobriche eft mort ! trifte victime
D'un phantôme de liberté !
O mort , vois l'excès de ton crime
Par celui de ta cruauté.
Sans doute que ta jalouſie
Te fit croire qu'avec ſa vie
Tu ravirois fon fouvenir.
JUILLET.11748 .
31
Non , tu n'auras pas cette gloire ,
Il vivra dans notre mémoire
Jufqu'au plus lointain avenir.
Par F. F. Q. M.B.
F01F09 200 201 FOR ROT 208 208 209 208 207 208 209
DISSERTATION fur un vers de la
Tragédie des Horaces.
Lemblentfaites pour détruire les pré-
Es Sciences & les Belles Lettres , qui
pour
jugés , y font fujettes elles-mêmes , & ce
font les plus grands obftacles qui s'oppo
fent à leurs progrès. Ils nous engagent
dans des routes écartées de la vérité & de
la nature , & retardent le développement
de la raifon , fans laquelle les productions
de l'efprit font des monftres informes qui
le dégradent. Ces fortes de préjugés font
d'autant plus dangereux , qu'ils font plus
difficiles à détruire . L'opinion favorable
que tous les hommes en général ont de
lear difcernement, y met un obstacle prefque
invincible , & cependant , par une inconféquence
inexéculable , il eft peu de
nos jugemens que nous puiffions dire
qu'ils nous appartiennent , qui foient le
fruit d'une difcuffion neceffaire , & que
nous n'ayons pas empruntés des autres . De-
Cüij
36 MERCURE DE FRANCE:
là naît peut-être l'infurmontable difficulté
de fixer le goût , puifqu'il ne pourroit l'être
que par l'unanimité des opinions , &
que cette unanimité ne peut avoir lieu
que par l'examen difcuté des ouvrages, fur
lefquels nous portons notre jugement. Je
ne prétends pas parler ici des affections
particulieres , qui ne peuvent differer que
du plus au moins. Nous avons mille exemples
fameux dans la Littérature , qui prouvent
, fi j'ofe m'exprimer ainfi , que les
hommes jugent fur la parole. En voici
un que j'emprunte d'une Nation voifine.
L'incomparable Poëme de Milton a demeuré
pendant long-tems dans l'obfcurité
la plus humiliante pour les compatriotes ,
& il y feroit vraisemblablement encore ,
fi M. Adiffon ne l'en avoit retiré , & n'eût
appris à toute l'Europe quelle admiration
méritoit cer ouvrage. Peut-être quelque
jour verrons-nous fortir de la pouffiere , où
le préjugé les a enfévelis , desAuteurs eftimables
dans notre Langue. Je fuis d'autant
plus porté à le croire , que je vois des préjugés
de cette efpéce fur des endroits de
nos ouvrages les plus connus & les plus
admirés ; un vers de la Tragedie des Ho
races va me fournir la preuve de ce que
j'avance .
{ .
Un Auteur célébre & refpectable , dans
JUILLET. 1748. 57
une lettre à l'Académie Françoife , a dit
que le vers qui fuit le fameux qu'il mourût
, de la fcéne fixiéme du troifiéme acte
des Horaces , affoibliffoit cette penfée fublime
, & n'avoit été amené que par la
néceffité de rimer. Cette critique , peutêtre
peu réfléchie , a été reçûe de tout le
monde fans examen , & a jetté des racines
fi profondes , qu'on ne daigne pas même
éconter les raifons du très-petit nombre
de perfonnes qui ofent la combattre . Je
crois cependant qu'il eft poffible de démontrer
que ce vers , ou qu'un beau défefpoir
alors le fecourut , pris dans fa fituation ,
eft au moins auffi fublime que le qu'il
mourût , qui le précéde .
Pour parvenir à cette démonſtration , il
faut commencer par établir le caractére du
vieil Horace. J'y apperçois deux paffions
dominantes : l'honneur de fa Maifon &
l'amour de fa Patrie . Quoique ces deux
objets foient liés enfemble , il paroît que
la gloire de fon nom eft celui qui le touche
le plus vivement , puifqu'il eft tou
jours le premier qui s'excite en fon ame
Voici comme il s'exprime scene cinquième
afte troifiéme , quand il vient apprendre à
Sabine & àCamille que leurs freres font aux
mains , & qu'ils fe font oppofés à la pitié
Cy
58 MERCURE DE FRANCE.
des deux camps qui demandoient qu'on
nommât d'autres combattans .
Si leur haute vertu ne l'eût répudiée ,
Ma main bientôt fur eux m'eût vengé hautement
De l'affront que m'eût fait ce mol confentement.
Ces vers prouvent que la gloire de fa
Maiſon eft le fentiment dominant d'Horace
le pere . Ce fentiment n'a rien de
commun avec l'amour de la Patrie , puiſqu'il
ne paroît pas que le vieil Horace
penfe ,, que Rome ne pût devoir fon falut
qu'à la valeur de fes feuls enfans , & qu'elle
fut en plus grand danger , fi fa querelle
étoit remife en d'autres mains.
Dans la fcéne fuivante , Julie vient ар-
prendre au vieil Horace que deux de fes
fils ont été tués , & que l'autre a pris la
fuite. Il ne peut fe perfuader que fon fils
ait trahi fon devoir. Je connois mieux mon
fang , dit-il ; & lorfqu'il eft forcé d'ajouter
foi au récit de Julie , & que Camille
regrette fes freres , il s'exprime ainfi :
... tout beau : ne les pleurez pas tous ;
Deux joüiffent d'un fort dont leur pere eft jaloux
Que des plus nobles fleurs leur tombe foit couverte
:
Lagloire de leur mort m'apayé deleur perte..
JUILLET.
59
1748.
Ils ont combattu avec honneur , ils n'ont
point flétri leur nom , & cela fuffit pour
lui il ne veut pas même qu'ils foient
pleurés.
Ce bonheur a fuivi leur courage invaincu
Qu'ils ont vû Rome libre , autant qu'ils ont vêcu.
Voilà à préfent l'amour de la Patrie
qui reprend fes droits , mais le premier
fentiment a été pour l'honneur de fa race.
Il repaffe rapidement à ce fentiment favori.
Pleurez l'autre , pleurez l'irréparable affront ,
Que fa fuite honteufe imprime à notre front :
Pleurez le deshonneur de toute notre race ,
Et l'opprobre éternel qu'il laiffe au nom d'Horace
9
Suppofons que dans un combat , dont
le falut de Rome n'eût point dépendu
deux des fils d'Horace euffent été tués , &
que l'autre eût pris la fuite , il eft naturet
de croire ( le caractére du pere bien reconnu
, comme il eft expofé ) que le vieil
Horace auroit dit les mêmes chofes , &
que fa douleur & fa colére auroient été les
mêmes , puifque le premier objet qui le
frappe dans cette conjoncture , c'est l'op
probre jetté fur le nom d'Horace.
Je crois avoir fuffisamment établi que
C vj
60 MERCURE DE FRANCE.
le premier & le plus vif des fentimens du
vieil Horace eft l'honneur de fon nom .
Ce principe pofé va me fournir la preuve
de ce que j'ai avancé touchant la fublimité
du vers :
Ou qu'un beau défefpoir alors le fecourût.
Julie demande au vieil Horace : que
vouliez- vous qu'il fut contre trois ? Il répond ,
qu'il mourut. L'amour de la Patrie n'eft
encore pour rien ici. Le qu'il mourût veut
dire feulement , que pour la gloire perfonnelle
du jeune Horace , & pour l'hionneur
de fa Maiſon , il valoit mieux qu'il
périt , fut-il même hors d'état de combattre.
La mort pouvoit feule laver l'affront
de fa défaite. Cette réponſe qu'il mourût
eft fans doute admirable , parce qu'elle renferme
un grand fentiment , pris dans le
caractére , & vivement exprimé , mais nous
allons voir dans le vers fuivant plufieurs.
grands fentimens réunis , exprimés avec la
même force , & également pris dans le caractére
, & tout auffi fortement exprimés.
L'amour de la Patrie sy joint à la gloire
de fon nom ; l'ame ferme du vieil Horace
lui fait appercevoir qu'il y avoit encore
des reffources ,
Ou qu'un beau défeſpoir alors le fecourût.
JUILLET. 1748. 61
Il est actuellement fur le champ de bataille
, il fe met àla place de fon fils , il juge
que dans cette pofition fon courage ne
J'auroit point abandonné , qu'il lui auroit
fourni des reffources , que des motifs fi
puiffans lui auroient donné des forces fupérieures;
ce n'eft point affés de mourir ,
il fant vaincre , la mort met la gloire perfonnelle
à couvert , mais il faut faire triom
pher Rome , elle eft vaincue fi Horace
périt , il faut qu'un beau désespoir arrache la
victoire aux Albains.
Dans ce moment l'ame da vieil Horace
eft dans la même fituation que celle d'Ajax ,
quand entouré de fes ennemis il s'adreffe
à Jupiter , & lui demande de lui rendre
la lumiere pour pouvoir les combattre ; il
fent tout ce que peut le courage , & que
la valeur mue par de grands motifs doit
venir à bout de tout.
Mourir eft d'une vertu commune ,
triompher dans un combat inégal , & furmonter
par fon courage un péril évident
voilà la fuprême vertu , c'eft celle que le
vieil Horace vouloit trouver dans fon fils.
Ou qu'unbeau défeſpoir , &c.
N'eft-il pas certain que cette penſée
ajoute à celle qui la précéde ; quelle eft
l'effort d'une ame & d'un courage bien
plus élevé Je ne crois pas qu'on puiffe me.
?
62 MERCURE DE FRANCE.
contefter cette fupériorité , & encore
moins que cette penſée ne foit priſe dans
le caractére d'Horace le pere ; il eft toujours
rempli de l'amour de fa Maiſon , de
la gloire de fa Patrie , & d'un courage héroïque.
Mais paffons aux vers qui fuivent celui
qui fait le fujet de cette Differtation ; ils
ajouteront de nouvelles preuves à ce que
j'ai dit. Après que le vieil Horace a élevé
fes idées au plus haut degré , & qu'il nous
a appris ce qu'un courage fupérieur devoit
exécuter , il eft ramené à une réflexion
plus fimple. Il penfe que fi fon fils n'avoit
pas affés de vertu pour vaincre , il devoit
du moins combattre
,
N'eut-il que d'un moment retardé fa défaite ,
Rome eût été du moins unpeu plus tard ſujette:
Ceci ne prouve-t'il pas que le vieil Ho
race a conçu qu'il y avoit quelque chofe
de mieux à faire que de mourir ( en effet
combattre eft quelque chofe de plus grand )
que ce n'étoit pas même affés que de combattre
, car il falloit vaincre , & c'eft ce
que le courage du vieil Horace lui a fait
appercevoir n'être pas impoffible ? Par-là
la fupériorité de la penfée , qu'un beau
défefpoir , &c. n'eft elle pas démontrée ?
Et la gradation n'eft- elle pas parfaitement
•
JUILLET. 1748. 63
obfervée ? Je crois en avoir affés dit
prouver mon fentiment.
pour
Je me bornerai à faire remarquer deux
effets affés finguliers , que le préjugé qu'on
a depuis fi long-tems fur ce paffage a produits.
Premierement on s'eft perfuadé , quoique
cela répugne au bon ſens , que
Ou qu'un beau défefpoir alors le fecourût ,
eſt un membre de phrafe dépendant ab
folument du qu'il mourût , & il eft clair
( pour peu qu'on veuille y réfléchir )
que le lens eft fini à qu'il mourût ; que la
penfée eft complette , & que celle qui la
fuit en eft une toute differente , qui ne
tient à la premiere , qu'autant qu'elle y
ajoute. Les Comédiens cependant, partant
d'après l'opinion vulgaire , licnt ces deux
objets , ce qui fait un très- mauvais effet
& ce qui n'a pas peu contribué à perpétuer
l'erreur du public. Il faut dans la
déclamation un tems après qu'il mourût ,
& relever le ton pour dire le vers fuivant.
Secondement , cette prévention a gagné
jufques aux Editeurs de Corneille, qui ont
ponctué cet endroit auffi imbécillement
que quelques Comédiens le déclament
ridiculement , ne mettant qu'une virgule
$4 MERCURE DE FRANCE.
après qu'il mourût. Je fçais la réponse qu'on
peut me faire fur le reproche que je fais ici
aux Editeurs , mais j'ai à leur répliquer
que la ponctuation doit déterminer le fens
pofitif, & que quand ils voudront y réflechir
, ils feront obligés de convenir que
j'ai raifon.
REMARQUE.
Au fujet de la Differtation précédente.
Dans le Livre intitulé le Comédien , imprimé
l'année derniere chés Vincent , rue
Saint Severin , on avoit déja pris la défenſe
du vers ,
Ou qu'un beau défefpoir alors le fecourût .
*
» Ne jugeant point comme plufieurs
Critiques , dit l'Auteur de cet ouvrage ,
» que ce vers foit une inutilité , je prétends
que Corneille ne pouvoit l'omettre
»fans rendre fa penfée incomplette . A la
» queſtion , que vouliez- vous qu'il fit contre
trois ? Un pere ne doit répondre , qu'il
» mourût , qu'en fuppofant que fon fils a
été dans l'impuiffance de vaincre « . A
l'égard de la maniere de ponctuer cet endroit
de la Tragédie des Horaces , peutêtre
, pour le rendre de la maniere dont ,
Seconde Partie , chap. 13. p. 152.
JUILLET.
1748. 63
felon l'Auteur que nous citons , il doit
être prononcé , eft- il neceffaire que le
Comédien place une courte fufpenfion
après les mots , qu'il mourût ? Mais on a de
la peine à croire que les lecteurs s'accoutument
à voir les deux membres de phrafe,
dont il s'agit , féparés autrement que par
une fimple virgule.
STANCE S.
AM. L. H... pour l'engager à venir paſſer
quelques jours à la campagne, act
Nous touchons au doux Printems
L'Aquilon par fa froidure
Ne ravage plus nos champs
N'attrifte plus la nature
L'Aurore verfe fes pleurs
Sur la tendre violette >
Et l'Abeille au fein des fleurs
De leur fuc a fait emplette
Sur les verdoyans gazons
Les Bergers & les Bergeres
A leurs aimables chanfqns-
Mêlent leurs danſes legéres
20
the " at
rice a -slle ja na
66 MERCURE DE FRANCE .
Flore reffent du Zéphir
Les amoureufes haleines ,
Tout nous invite au plaifir ;
L'agneau bondit dans les plaines.
Toi , qui ne connus jamais
Que le bruit & les allarmes,
Viens fous ces ombrages frais
Du tepo's goûter les charmes.
Les foins ,les foucis cuifans ,
Suivent par tout l'opulence ;
Nos Bergers Vivent contens ,
Sans frais , fans magnificence.
L'intérêt , les vains defirs ,
Les folles inquiétudes ,
Ne troublent point les plaifirs
De leurs cheres folitudes,
Bacchus répand dans ce lieu
Une éternelle abondance ,
Et l'Amour eft le feul Dieu,
Qui fait fentir la puiffance.
A cet aimable vainqueur ,
Ami , cédons la victoire ;
JUILLET. 1748.
67
Qu'il regne fur notre coeur ;
-Publions par tout la gloire.
Que lui ſeul ait nôtre encens ,
Que par lui feul tout reſpire ,
Que les oiſeaux dans leurs chants
Célébrent leurs doux
martyres.
Loin des ennuyeux difcours
De la vieilleffe chagrine ,
Profitons des heureux jours
Qué la Parque nous deftine,
Tôt ou tard il faudra voir
L'eau bourbeufe du Cocyte ;
Et dans le fombre manoir
Aller rendre aux morts vifite.
L'intrepide Nautonnier
Paffe à la fois dans fa barque
Le Pauvre , & le Financier ,
Le Berger , & le Monarque.
De ces paisibles bofquets
Nous regretterons l'ombrage
Quand un funefte Cyprès
Deviendra notre partage.
Robillard , d'Orleans:
BS MERCURE DE FRANCE.
CAVƏTİCƏVƏZƏYƏYƏVAHDCƏYƏ
LETTRE de M. Piganiol de la Force
à M. S....
E fus bien mortifié , Monfieur , il y a
J deux ou mom joué,> de neuroitpa
vous inftruire du differend littéraire qui
eft entre M. l'Abbé Lavocat , Docteur en
Théologie de la Faculté de Paris , & Bibliothécaire
de la Maifon de Sorbone , M.
Vofgien , Chanoine de Vaucouleurs , &
moi. Il y a quelque tems que travaillant
à une nouvelle édition de ma Defcription
de Paris , il me tomba entre les mains un
livre qui regarde la Faculté de Médecine
de cette Ville , & qui eft intitulé : Decreta,
ritus , ufus , & laudabiles Saluberrimi Medicorum
Parifienfium Ordinis Confuetudines.
Imprimé à Paris chés Jacques Quillau en
1714 , un volume in- 12.
Dans ce même volume eft auffi renfermé
un magnifique Panégyrique de cette
même Faculté , compofé & prononcé par
Gabriel Naudé , ce Bibliographe fi fçavant.
L'Orateur y loue , comme il devoit , ces
grands Sujets que cette Faculté a produits
en differens tems , & n'a garde d'oublier
Robert de Douay , Chanoine de Senlis , &
Médecin de la Reine Marguerite de Pro
vence , femme du Roi Saint Louis . Naudé
2
t
JUILLET. 1748. 69.
y apoftrophe les Médecins de Paris , &
leur dit que ce vertueux & grand Médecin
les a affociés à la gloire & à la réputa
tion qu'il s'eft acquife par le legs confidérable
qu'il fit à cette Maifon célébre qui
prit enfuite le nom de Robert Sorbon
Que poftea à Roberto Sorbone , Sorbone nomen
aufpicato naita eft. Goûtez à long traits
la gloire qu'il vous a acquife , ainfi que
ces propres paroles de fon Teſtament * :
Mille & quingentas libras Parifienfes reli
quit ad opus quorumdam Scholarium quos intendebat
facere ex confilio Magiftri Roberti
de Sortona in Theologia Studentium, Ces
quinze cent livres parifis étoient alors une
fomme confidérable. Dès que j'eus fait
cette petite découverte , je réfolus de la
vérifier fur l'original de ce Teftament ,
qui eft gardé dans les Archives de la Sprbone,
J'y allai voir M. Salmon , qui en
étoit pour lors Bibliothécaire , & qui non
feulement me fit voir ce Teftament , mais
eut encore la politeffe de m'aider à le col-
* Voici la nôte que Naudé a mife au bas de la
page où eft la claufe de ce Teftament ci- deffus
rapportée : Teftamentum illud legendum , & exfcribendum
, ex archivis Sorbone , mihi tradidit vir multiplici
doctrina , & antâ iqumorum integritate ſpecsandus
Edmundus Richerius , Doct, Sorb. & Cardinalitii
Collegii Moderatorfupremus.
70 MERCURE DEFRANCE.
lationner avec le mien , c'eft- à- dire , avec
celui qui eft rapporté par Naudé. Dès-lors
je n'héfitai plus à regarder Robert de Douay
comme le Fondateur de la Sorbone , mais
lorfque ma quatrième édition de Paris parut
en 1742 , je ne fus pas peu furpris de ce
que M. l'Abbé Lavocat me fit donner avis
par M. l'Abbé d'Alainval , que je m'étois
trompé fur le Fondateur de la Sorbone. Je
répondis à cet Abbé que cela ne pouvoir
point être , parce que j'avois compofé cet
article fur l'Acte qui eft dans les Archives
de la Sorbone.
Depuis ce tems - là M. l'Abbé Lavocat
m'a fait dire les mêmes chofes par un Avocat
d'Auvergne , nommé M. de Frailli de
Sestrieres, qui eftde fes amis & des miens, &
je lui fis la même réponse que j'avois faite
à M. l'Abbé d'Alainval. Enfin un homme
que je ne nomme point , & qui prend à
Robert Sorbon pareil interêt que les Moines
prennent à leur Fondateur , a produit
la claufe du Teftament de Robert de
Douay , & en y ajoutant ce mot de Novorum
de fa façon , a bâti un fyftême fingulier.
Il rapporte d'abord l'article du Teftament
, mais au lieu de le rapporter tel qu'il
eft, & tel que je l'ai rapporté ci - deffus , ille
falfifie en y ajoutant ; Novorum Scholarium
in Theologia Studentium . Par le mot de nova.
2
JUILLET. 174814» 71
rum , il prétend établir de deux fortes de
Bourfiers dans le College de Sorbone .
Mais il eft plus aifé d'alterer un titre , que
de faire une fondation. Par l'intromiffion
de ce mot de novorum , il renverfe les tems
& les faits , pour établir un fyftême qui
n'eft pas celui de la vérité , & qui eft d'une
grande conféquence. M. Vofgien n'y penfe
pas , quand il dit que je r'ai pas fait attention
que ce legs eft du 13 Mai 1258. Je
vais lui prouver le contraire par les paroles
du Teftament , rapportées dans le Panégyrique
de la Faculté de Médecine de
Paris , & que j'offre de faire voir à quiconque
le fouhaitera. Il y eft dit : Mille &
quingentas libras Parifienfes reliquit ad opus
quorumdam Scholarium quos intendebat facere
ex confilio Magiftri Roberti de Sorbona
in Theologia Studentium.
Que M. Vofgien me fuive. Eft- il parlé
là d'une fondation déja faite ? Non affûrement
, pas mêine d'une qui fut commencée
ou fur le point de l'être , ad opus quorumdam
Scholarium quos intendebat facere ,
qu'il avoit intention de faire. Ex confilio
Magiftri Roberti de Sorbona , fuivant l'avis
de Maître Robert de Sorbone. Cette
fondation paroît avoir été faite vers l'an
1252 , & nous n'en connoiffons point ici
qui foit plus ancienne. Jufques ici per
*
72 MERCURE DE FRANCE,
fonne n'a trouvé encore cette diftinction .
d'Ecoliers anciens & d'Ecoliers nouveaux ,
inventée & produire par M. Vofgien , &c.
par la perfonne que je ne nomme point.
Voyez le Journal des Sçavans du mois de
Février 1748 , & le Dictionnaire Géographique
ci-devant portatif. J'ai l'honneur ,:
&c.
1
A Paris ce premier Avril 1748.
CHCOCO CDCDCDnnuna
sb
LA MEPRISE.
L'Enfant gâté de Cythere ,
L'enfant qu'on nommé Amour ,
Tout en pleurs l'autre jour ,
Alloit cherchant ſa mere •
Mais envain ; il perdoit fes pas ;
Pour lui nouvelle peine & furcroît d'embarras ,
Quand au bord de la mer il apperçoit Ifméne.
L'innocent auffi-tôt court à perte d'haleine ,
C
1
20
Et lui tend fes petits bras.
Bon jour , maman , dit- il , en la yoyant fi belle ;
Tamere , moi , reprit en courroux la cruelle ,
Depuis quanddonc ? Le pauvre enfant rougit ,
Et craignant de fa part un traitement funefte
Sans plus tarder il cherche une retraite ,
Mon
JUILLET.
73 1748.
Mon coeur fut celle qu'il choifit ;
Il s'y cache ; Ismene (ourit.
O ** de Rouen.
ELEGI E.
Donce tranquillité , paifible indifference ,
J'ai besoin de fecours , j'implore ta puiffance ;
Reviens rendre le calme à mon coeur chancelant.
Amour veut le foumettre aux defirs d'un Amant ,
Mais non , enfant cruel , tu n'en dois rien attendre;
C'eſt envain qu'aujourd'hui tu prétends me furprendre
;
Je fçais me garantir de l'appas féducteur ,
Dont tu trompes mes fens pour t'affûrer mon coeur;
Je mépriſe tes biens , ils coûtent trop de larmes ;
Malgré toi j'apperçois le poifon de tes charmes,
Envain m'oppoſes- tu d'un Amant les foupirs ,
Envain me preffes-tu de combler fes defirs ;
Les myrthes à ce prix n'auront rien qui me tente ,
La feule indifference & me plaît & m'enchante.
Je ne connois que trop le penchant de nos coeurs;
Pour eux le tendre Amour n'offre que des douceurs
;
Ne fens-je pas déja l'aimable ínquiétude ,
Qui de ce Dieu nous fait une douce habitude
D
74 MERCURE DEFRANCE.
Malgré tous les attraits , c'eft un Dieu dange
reux.
Un coeur quand il foupire eft toujours malheureux,
De connoître un Amant c'eſt envain qu'on fe
flatte ,
Il vous aime ; demain ſon inconftance éclatte ;
Comblez-vous fes defirs l'ingrat vous trabira ;
Les vents emporteront les fermens qu'il fera..
Oui, fi, comme autrefois , ami de la conftance ,
Au fein de la vertu l'amour prenoit naiſſance ,
Peut- être verroit -on mon coeur fenfible un jour ,
Se livrer fans réſerve aux douceurs de l'amour
Je te plains, Philemon ; ton trifte état me touche ,
Mais qui m'affûrera des fermens de ta bouche
Tu m'aimes , tu le dis ; dois je t'en croire , hélas
Tandis que je ne vois par tout que des ingrats ,
Serois- tu donc le feul & conftant & fincere ?
Croirai-je que ton coeur à m'aimer petfévere ?
Cet Hymen defiré , nous uniffant tous deux ,
Ne verroit-il jamais brifer fes plus doux noeuds ?
Pour toujours à tes yeux paroîtrois - je la même ?
Un jour verroit finir cette tendreffe extrême ;
Je verrois dans l'Epoux difparoitre l'Amant ;
Tel eft fouvent le fort qu'on éprouve en aimant.
Ne me preffe donc plus de couronner ta flame ;
Qui ,je ne fens que trop le penchant de mon ame;
!
JUILLET. 1748. 75
Je craindrois , le dirai- je ? en comblant tès defirs ,
De perdre tout mon bien , ton coeur & mes plai-
Par le même.
firs.
LETTRE écrité du Mans aux Auteurs
Adu Mercure.
'Ai obfervé dans cette Ville , Meffieurs ,
J'Aune chofe qui me paroît bien finguliere.
Tout le monde fçait que les corbeaux
nichent ordinairement fur les arbres
, & que rarement ils fe pofent fur les
maifons. Il y a même plufieurs Provinces
en France , où l'on a la fuperftition de
croire que ces oiſeaux font de mauvais augure
, & qu'ils ne fe pofent jamais fur un
bâtiment qu'ils n'annonçent la mort de
quelqu'un. Communement on n'y en voit
point en Eté. Ici c'est tout le contraire ;
l'Eglife de Saint Julien eft pleine de ces
animaux, ils y font une quantité prodigieufe
de nids , & ce qu'il y a de plus extraordinaire
, c'eſt qu'ils ne fe pofent jamais ſur
les autres Eglifes , ni même fur les maifons
voifines. Il me fouvient d'avoir autrefois
obfervé la même chofe à Wormes , Ville
du Palatinat , mais cela ne me furprit que
forblement , d'autant plus que je voyois
Dij
76 MERCURE DE FRANCE.
nicher les Cygognes fur les cheminées
& que j'attribuois cette particularité au
changement de climat. Le cas eft actuellement
bien different ; c'eft au milieu de la
France , à côté d'Orleans , de Tours &
d'Angers , où il y a des Eglifes à peu près
femblables , fans qu'on y ait jamais apperçu
de ces oifeaux , que j'en vois en
quantité. Cette Remarque pourra d'abord
paffer pour puérile aux yeux de certains
efprits , mais qu'on y faffe bien attention,
& l'on verra qu'elle eft digne des réfléxions
de ceux qui s'attachent à l'étude
de la Nature . Si cette obfervation n'a pas
été faite avant moi , je ne doute point
qu'elle n'exerce nos Philofophes. Je ferois
bien aife qu'ils me donnaffent des raifons
plaufibles fur cette efpéce de Phenoméne,
J'ai l'honneur , &c,
S.
JUILLET. 174. 77
VERS
Qui ont été préfentés à S. A.S. M. le Prince
Héréditaire de Saxe Gotha , pendant
fonféjour à Genève.
TAfanté , grand Prince , & ta vie ,
Sont ici l'objet de nos voeux ;
Heureux , fi mon travail,mes foins, mon induftrie,
Pouvoient , avec l'aide des Cieux ,
Conferver à jamais un bien fi précieux !
Ton féjour en ces lieux honore ma Patrie ,
Et de tes auguftes Ayeux ,
Dont les faits font fi glorieux ;
Elle croit voir en toi renaître le Génie.
Ainfi le rejetton d'une plante chérie
Change en rameaux le fuc que le tronc lui confie,
Du Fleuriste éclairé c'eſt le plus doux eſpoir :
Quel plaifir n'a t'il pas de voir
Que de fruits excellens chaque fleur eft fuivie ,
Et que fa beauté juſtifie
Tous les heureux progrès qu'il pouvoit concevoir!
Le fruit qu'ici l'on doit attendre ,
C'est un coeur droit & vertueux ,
Dij
78 MERCURE DE FRANCE.
Qui du fuprême rang ne craint point de deſcendre,
Pour fecourir les malheureux .
Le plus puiffant des Rois n'eft que ce que nous
fommes ,
Quand fur des titres vains il fonde ſa grandeur ,
Mais il eft au -deffus des hommes ,
S'il n'a pour but queleur bonheur.
Voulez - vous des mortels un légitime hommage
Princes ! n'écoutez point le menfonge impofteur.
Des paffions & de l'erreur .
Fuyez le honteux esclavage ,
Mais de la vérité refpectant le langage ,
Ouvrez - lui toujours votre coeur ;
Vous ferez du Très-haut une parfaite image ,
Si pleins d'amour pour lui , du vice qui l'outrage
Vos loix répriment la fureur .
Que ne puis-je exprimer ... mais ma Muſe timide
N'ofe dire ce que je lens.
Comment de fi foibles accens
Pourroient- ils de l'honneur véritable & folide
Montrer tous les traits éclatans !
Mieux que moi , ton fidéle Guide
T'ouvrira le fentier où la gloire préfide
Et fon oeil pénétrant éclairera tes pas.
Cher Prince , l'on ne bronche pas ,
Lorfque fe défiant de l'humaine foibleffe
JUILLET. 79 1749 .
De l'aimable vertu difcernant les appas ,
On eft conduit par la Sageffe .
Jean- Baptifte Tollot.
Genève le 20 Octobre 1744.
****************
LETTRE écrite de Riés en Provence , à
un Prêtre de la même Ville , réfidant
Vo
à Paris.
>
Oyant que prefque tous ceux qui
demeurent dans ce Diocèle Ou
qui en fortent pour aller faire leur
réfidence dans celui de Paris , ortographient
Riez avec un z , ceux- ci fur l'adreffe
des lettres qu'ils envoyent à Riés ,
ceux-là dans la date des lettres qu'ils envoyent
d'ici , & fçachant encore que
la plûpart , furtout les plus jeunes , font
perfuadés que l'adjectif de cette Ville &
de notre Eglife eft celui de Regienfis avec
un i après le g , j'ai crû que la préfente
lettre pourroit fervir à défabufer plufieurs
de vos amis de cette double ortogra
phe qui n'eft point exacte .
Rappellez-vous , je vous prie , que le
19 Février 1714 , j'eus l'honneur d'écrire
à M. notre Evêque une longue lét-
D iiij
So MERCURE DE FRANCE.
tre en Latin , ou Differtation , dans la
quelle je démontrois par une infinité de
preuves , même par fes propres Bulles ,
que le nom de fon Eglife étoit celui de
Regenfis. Il me fit l'honneur de me dire
dans fa réponſe , que je lui aurois fait
plaifir de lui adreffer plutôt ma Differtation
› & avant qu'il eût fait faire fon
fceau Epifcopal , fur lequel le mot Regienfis
étoit déja gravé depuis quelque
tems. Voici quelques unes de ces preuves
en faveur de nos Condiocéfains , qui font ,
comme vous , à Paris.
I. La Ville de Riés , qui , depuis plufieurs
fiécles , a pour fubftantif Latin le
nom Regium Regii , avoit auparavant , &
dans les premiers tems , ceux de Reji Rejorum
, & de Rejus Reji , & même , à
ce qu'on préfume , celui de Rejum Reji : l'adjectif
de ces trois noms étoit par conféquent
celui de Rejenfis.
Or , comme les anciens ne diftinguoient
point par l'écriture , mais feulement par
la prononciation , les i voyelles d'avec
les j confonnes , les uns prononçoient
Reius & Reienfis ; les autres , Rejus & Rejenfis
, & de même dans certains autres
mots , dont l'ufage étoit rare. Pour en fixer
la véritable prononciation , & en ôter
l'équivoque , on eut recours à un
JUILLET. 1745. SI
pédient ; ce fut de changer l'j confonne en
g dans la maniere d'écrire quelques-uns
de ces mots.
C'eft la raison pourquoi dans plufieurs
Chartres , au lieu de Majeftas qu'on écri
voit ordinairement par un i voyelle , on
trouve Mageftas , & que dans toutes les.
Chartres , depuis le milieu du X, fiécle
jufqu'au commencement du XVII . on
trouve Regenfis , toutes les fois qu'il y
eft parlé , foit de la Ville , de l'Eglife ,
des Evêques ou du Chapitre de Riés , foit
des Seigneurs ou des Particuliers de la même
Ville . On trouve ce mot écrit de même
dans tous les Actes latins des Notaires ;
dans plufieurs Chartres & Registres de la
Cour des Comptes à Aix ; dans les Archives
de l'Ordre de Saint Jean de Jérufalem
à Arles ; dans une infinité de Chartres
de l'Evêché , du Chapitre & de l'Hôtel
de Ville de Riés , outre quelques au
tres chés les PP. Cordeliers de la même
Ville , & encore dans toutes les Bulles
& Provifions venant de Rome , concernant
le Diocèle , fans qu'elle ait jamais
interrompu cet ufage qu'elle obferve même
aujourd'hui . Enfin le Regenfes s'eft confervé
jufqu'à préfent dans les gros livres
de Choeur à l'ufage de l'Eglife Cathé
drale de Riés , & s'y chante de même
Dv
82 MERCURE DE FRANCE.
dans l'Office , l'Hymne & la Meffe de Saint
Maxime , notre Patron. Il eft encore à remarquer
, qu'on ne toucha plus au Regenfis
, pas même depuis que Rojus on Rejum
eût été changé en Regium ou civitas Regii
comme étant meilleur latin .
>
II. Vers l'an 1603 , on commença
faire deux innovations dans le nom de
la même Ville . Jufques alors on avoit toujours
écrit le mot Riés avec une s finale
dans tous les Actes publics & dans toutes
fortes d'autres écritures , tant en Provençal
qu'en François . Un Greffier s'avifa
le premier d'écrire ce mot par un z final
: fon exemple fut fuivi par plufieurs ,
même par nos Evêques , mais non pas.
par M. de Valavoire , qui fe conformant
au feing de fes Prédéceffeurs , antérieur à
l'innovation, fignoit , comme eux , Evêque
de Riés, ainfi que je l'ai vérifié fur le as de
quelques Requêtes, dont le Décret eft figné
par Nicolas , Ev. de Riés.
III. La deuxiéme innovation fut d'une
bien plus grande conféquence. On a déja
prouvé ci- deffus , que depuis le changegement
de l'j confonne en g , on avoit
toujours écrit & prononce Regenfis : mais
malgré tous les Titres & l'ufage non interrompu
durant tant de fiécles , vers le
tems de l'innovation au nom François ,
1
JUILLET. 1748.
83
c'eft-à- dire environ deux ans auparavant ,
il fe forma prefque fubitement en la Ville
de Riés un nombreux parti de gens zélés
, mais mauvais Critiques , en faveur
de Regienfis , dans l'unique deffein d'admettre
parmi nos Prélats un illuftre Saint ,
qu'on n'y avoit jamais connu pour Evêque
, ni même feulement invoqué dans
les Litanies propres de notre Eglife. Cela
fe fit dès qu'on fçut que tel étoit le fentiment
du Cardinal Bellarmin , lequel dans
fon Traité de Scriptor. Ecclefiaft. parlant
de Saint Profper , Epifcopo Regienfi , qu'on
confondoit alors avec le Difciple de Saint
Auguſtin , déclare que ce Saint étoit plutôt
Evêque de Riés en Provence , fous
l'Archevêché d'Aix , ' que de Regio dans
l'Emilie , fous l'Archevêché de Ravenne ,
Ville Epifcopale , aujourd'hui dans l'Etat
du Duc de Modéne , & Capitale du Duché
de Regio ou Regge .
L
Or il étoit aifé de débrouiller cette
confuſion , puiſque le Difciple de S. Atguftin
eft mort fimple laïque. En effet ,
les Auteurs contemporains ne l'ont jamais
qualifié d'Evêque, ni de fon vivant, ni après
fa mort.
Victor,qui étoit comme lui d'Aquitaine,
le traite fimplement d'homme faint & vénérable
,fancto& venerabili viro Profpero ,
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
dans une lettre qu'il écrivit l'an 457 à
Hilaire , Archidiacre de Rome , au lieu
qu'il y appelle Euſebe , Evêque de Célarée ,
& Saint Jérôme , Prêtre.
·
Le Pape Gélafe dans fon Décret fur
les Ouvrages des Peres , reçus par l'Eglife
Catholique , ne lui donne que le nom
d'homme très - pieux ou très religieux.
Après avoir donné celui d'Evêque à huit
Peres , dont les Ouvrages font reçus, & marqué
leur Siége Epifcopal , il ajoute , item
Opufcula Beati Hyeronimi Presbiteri , item
Opufcula Beati Profperi , viri religiofiffimi ,
fans lui donner la qualité ni de Prêtre
ni d'Evêque , qu'il ne lui eût pas refufée
, puifqu'il la donne dans fon fameux
Décret à tous ceux qui en étoient honorés.
Gennade , Prêtre de Marſeille , qui avoit
pû voir & connoître le même Saint Profper
, lorfqu'il demeuroit en Provence ,
le nomme fimplement homo Aquitanica
regionis . Saint Fulgence, Caffiodore & Marcellin
, ne le nomment point autrement.
Adon dans fa Chronique ajoute que Saint
Profper étoit Notaire du Pape Saint Leon ,
c'eft- à- dire , Ecrivain en Notes ou Secrétaire
, Charge très- honorable , furtout fous
un fi grand Pape.
IV. La méprife du Cardinal , d'ailleurs
JUILLET . 1748. 85
fi pieux & fi fçavant , venoit d'un côté
de ce qu'il trouvoit un Saint Profper ,
Epifcopus Regienfis , & que de l'autre ,
il voyoit un Evêque nommé Profper ,
foufcrit aux Conciles de Carpentras & de
Vaifon , dont on fixoit alors l'époque vers
l'an 442 , au lieu qu'elle eft des années
527 & 529 , comme on l'a reconnu dans
la fuite. Ainfi le Profper , Evêque François
, foufcrit à ces deux Conciles , eft
de beaucoup poftérieur à Saint Proſper ,
Docteur de la Grace .
Et comme dans le tems que ce Saint
vivoit encore , il vivoit auffi un autre Profper
, très grand Saint , qui fut Evêque
de Regio dans l'Emilie ; que fon Eglife
honore comme Patron , & qui avoit fuccedé
à Faventius , lequel en 451 avoit
foufcrit au Concile de Milan , on le confondit
, du tems de Bellarmin avec le
Docteur de la Grace , & l'on n'en fit qu'un
feul & même Profper , Epifcopus Regienfis
:ce qui joint à la foufcription d'un autre
Profper aux deux Conciles & à leur datte
prétendue ,le fit prendre pour un véritable
Evêque de Riés.
,
V. Jean Fabri , natifde Draguignan , &
Capifcol de l'Eglife de Riés , fur ici le
premier qui embraffa ce fentiment . El
le foutint avec chaleur dans fon Apo
86 MERCURE DE FRANCE.
logétique , imprimé l'an 1604 à Aix , & il
n'oublia rien pour introduire ce Saint dans
les Faſtes de notre Eglife, qui ne l'avoit jamais
connu pour fon Evêque .
> y
y
Si ce Chanoine, étranger dans le Diocèfe
, fe fût donné la peine de faire attention
aux Actes faits jufqu'alors , & confervés
dans les Archives du Chapitre , ou
du moins aux Livres de Choeur , s'il
venoit chanter il auroit toujours
trouvé Regenfis , & nulle part Regienfis.
Cet i de plus , diftinguant la Ville &
l'Eglife de Regio d'avec celle de Riés ,
il n'auroit eû garde de vouloir admettre
pour un de nos Evêques Saint Profper ,
qui l'avoit été véritablement de Regio , Regienfis.
Son zéle, peu éclairé , alla toujours
croiffant,& entraîna la multitude dans fon
opinion .
VI. Pour s'en défabuſer facilement , on
n'avoit qu'à jetter les yeux fur nos grands
anciens Livres de Choeur , alors en ufage ,
car nulle Eglife ne fe méprend fur fore
vrai nom , & ce n'eft point aux étrangers
à le lui apprendre. Or chacun de ces
Livres portoit , ad ufum Ecclefiæ Regenfis
comme on le voit encore dans le
feul qu'on ait confervé , & qui a pour
titre , Vefperale Pfalteriifecundùm ufum Ecalefia
Regenfis. Dans le Calendrier qui eft
,
JUILLET . 1748 . $ 7
à la tête de ce Livre , & où il n'eſt fait nulle
mention de Saint Profper , on trouve ce
qui fuit : V. Cal. Decembr. Maximi Regen
Epi. IIII. Caparum - XII. Cal . Jun.
Triumphus B. Maximi Regen Epi. factus
per R. in Xpo. P. Dñum Roftagnum de Sabrano
, quondam Regen Epum. Anno Dni
I 240- IIII. Cal. Octob . Fauſti Regen. Epi.
1111. Capar.
Ces vieux Livres de Choeur en caractere
Gothique fervirent jufqu'en 1669 , 1670 ,
1671 , qu'on les fit tranfcrire en Romain.
Ils font de moindre taille que les précédens
& quoiqu'on ait mis à la tête
de chacun , ad ufum Ecclefie Regienfis,
néanmoins on n'y a fait aucun changement
dans le Texte de l'Office de Saint
Maxime , où nous lifons encore : tu intrafti
per oftium , fa &tus Præful Regenfium.
O felix Regenfium Civitas - Regenfis Civi
tas , charo orbata Paftore. & dans le Graduel
de la Meffe du même Saint : Venerande
Pontifex, Regenfiumque Paftor inclite.
C'eft ainfi qu'on l'a toujours chanté
& qu'on le chante encore, ce qui fuffit pour
empêcher la prefcription contre l'abus du
Regienfis.
VII. M. de Saint Sixt , qui fit fon entrée
Epifcopale à Riés le 25 Mars 1500 ,
& qui mourut le 13 Avril 1614 , figna
88 MERCURE DE FRANCE.
d'abord fes Expéditions , entr'autres celles
de l'érection de la Vicairie de Greous , le
17 Juin 1600 , à la maniere de fes Prédéceffeurs
, Carolus Epus Regen, à laquelle il
fe conforma encore pendant quelque tems.
Mais dans la fuite , voyant d'une part
l'ancien ufage confirmé par une nuée de
vieux Titres , & de l'autre un parti nombreux
& zelé , qui vouloit que Saint Profper
eût été Evêque de Riés , il fouffrit
que fes Secrétaires commençaffent
fes Expéditions
, tantôt par Carolus Epus Regen.
tantôt par Epus Regien. & quant à
lui , fans fe déclarer pour aucun des deux
partis , il prit l'expédient de figner ainſi
au bas des Expéditions : Carolus Epus Regfis :
infcription qui fe trouve même encore dans
l'Evêché, fur une cheminéequ'il fit réparer.
VIII . Le zele de nos Profpériens alla
toujours en augmentant. Bartel donna tête
baiffée dans l'opinion du feu Capifcol Fabri
, & porta enfin M. Louis- Denis d'Attichi,
Evêque de Riés, à inferer S. Profper ,
Docteur de la Grace , dans notre Calendrier
, comme Evêque de Riés , & à en ordonner
l'Office double avec Octave , dans
le cahier propre des Saints du Diocèle ,
qu'il fit imprimer en 1635. Ce Prélat ,
érant enfuite mieux inftruit , réfolut de
l'en tirer , & lorfqu'il fut transféré à AuJUILLET.
1748 . ૪૭
tun , il recommanda à M. de Valavoire
fon fucceffeur , d'ôter cet Office , inconnu
à fon Eglife jufqu'en 1635 , ce que M. de
Valavoire éxécuta dans le cahier propre ,
qu'il fit imprimer en 1675. Mais cela fuffifoit
il ? N'auroit- il pas fallu reprendre encore
l'ancien nom Regenfis , & abandonner
celui de Regienfis , qui avoit donné occafion
à une fi grande erreur hiftorique ? Cependant
quoiqu'on ait reconnu la fource de
cette erreur , en ôtant Saint Profper du Calendrier
, où il n'avoit jamais été auparavant
, néanmoins nos Evêques , ( il en eft de
même du Chapitre , ) nos Evêques , dis-je ,
ont confervé le Regienfis dans leurs Expédi
tions , dans leur fceau & dans leur ſeing, depuis
1615 jufqu'aujourd'hui .
IX..Mais voici d'étranges effets que produifit
ce même zele , occafionné par l'addition
d'un feuli au mot Regenfis . Bartel , fort
joyeux de voir enfin inféré dans notre, Calendrier
, Sanctus Profper Epifcopus Regienfis
, comme Evêque de Riés , ne fe contenta
pas de l'admettre comme tel dans fon
Hiftoire de nos Evêques , imprimée à Aix
en 1636 , fous ce titre , Hiftorica & Chronologica
Prafulum Sancta Regienfis Ecclefia
Nomenclatura : il y admit encore Faventius
prédéceffeur de Saint Profper , avec trois
autres vrais Evêques de Regio , poftérieurs
:
go MERCURE DE FRANCE.
à ce Saint : fçavoir , Maurice , Thomas &
Hugues III. outre un Boniface , Evêque
de Rhegio en Calabre , Rhegienfis , & un
Simoniaque,nommé Paulin , Evêque de Regiane
, ou plutôt de Tegefis en Numidie .
Mais pour pouvoir trouver place à ces
étrangers , inconnus à notre Eglife , au lieu
de plufieurs de fes vrais Evêques,dont il auroit
trouvé le nom dans les Chartres , il abré
ga le tems de ceux ci , pour en accommoder
ceux- là . Il partagea en trois differens Saints
Maximes le feul que nous reconnoiſſons
de ce nom , & qui mourut dans le tems que
Saint Profper étoit Evêque de Regio. Il
partagea de même en trois Antoines Lafcaris
de Tende le feul de ce nom , pour introduire
un Hugo III. dont il ignoroir
le furnom , & dont il avoue n'avoir trouvé
d'autre preuve
que fa foufcription au
Concile de Latran . Il ne devoit pas s'en
étonner , car ce Prélat, qui étoit de la Maifon
des Comtes de Rangon , enfuite Nonce
en Allemagne , & véritablement Evêque de
Regio , affifta en effet au Concile de Latran
avec d'autres Evêques de fon voifinage , en
1512 , 1513 , 1514 , 1515. Mais il confte
par une infinité d'Actes , entr'autres par
les nouveaux Statuts du Chapitre , faits en
1513 , qu'Antoine Lafcaris de Tende fiégeoit
dans le même tems à Riés.
و
JUILLET. 1748. 91
Je pafferois les bornes d'une lettre , fije
voulois rapporter les inconvéniens qu'il y a
de nous donner pour Evêque , Thomas ,
Evêque de Regio, qui transféra l'an 701 ,
dans une Eglife de la même Ville , le corps
de Saint Profper , l'un de fes plus illuftres
prédéceffeurs , de la Chapelle que ce Saing
avoit bâtie en l'honneur de Saint Apollinaire
, tout auprès de Regio , dans laquelle
il fut enseveli , & où fon corps repola
jufqu'au tems de Luitprand , Roi des
Lombards . Bartel veut que cette Chapelle
foit la même que celle qui eft vis à - vis
Puimoiffon , fous le nom vulgaire de Saint
Pollenar mais bien loin d'être hors & tout
auprès de Riés juxta Urbem , cette Chapelle
en eft éloignée d'une heure & demie
de chemin. Si Riés fe fut étendu jufques
là , ç'auroit été la plus grande &
la plus fameufe Ville des Gaules . D'ail
leurs l'époque du Roi des Lombards fair
voir qu'il s'agit de Regio , qui étoit dans fon
Royaume.
:
Telles furent les fuites d'un zéle aveugle
, & de la facilité qu'on eut d'ajouter
une feule petite lettre , un i , au mot
Regenfis. Je ne fçaurois deviner ce que
pourra produire tôt ou tard l'introduction
du z à la place de l's au mot François
Riés , écrit par une s , non-feulement dans unes ,
92 MERCURE DE FRANCE.
tous les anciens Titres & Papiers , mais
encore par les plus fçavans de nos jours
Meffieurs de Tillemont , Dupin , Fleury ,
Baillet , &c. Je fuis , &c .
>
Signé : Solomé , Prêtre Bénéficier à Riés.
1747.
P. S. Ma lettre pourroit encore fervir à
faire corriger une faute que je trouve dans
le Dictionnaire Latin-François , dédié au
Prince de Dombes, feptiéme édition . Haga
Comitis , gros in- So, où l'on met Regienfes ,
les peuples de la contrée de Riés ; Regenfes,
ceux de Rége en Italie . Vous voyez que
c'eft tout le contraire, & fi M. Boudot, qui
a fait à Paris les éditions précédentes , veut
rectifier celle de la Haye , vous pouvez
l'affurer , que Rejenfes ou Regenfes font
ceux de Riés ; Regienfes , ceux de Rége ou
Regge dans le Modénois ; & Rhegienfes ou
Rhegini , ceux de Rhegio en Calabre au
bout de l'Italie . Au nom de ces derniers il
faut une h afpirée , par la raifon marquée
dans Juftin liv . 4. chap . 1. & expliquée
dans les noms de variorum fur cet Auteur.
Quant au ſubſtantif , vous pouvez allurer
ce Libraire , que Reji Apollinares ou Rejus,
ou Rejum , par corruption Regium , c'est
Riés, Regium ou plutôt Regium Lepidi , c'eſt
Regge ; & Rhegium , Rhegio.
JUILLET. 1748 93
AUX MANES DE LA FONTAINE,
NArrer ingénument , eft le fruit du génie ;
La Fontaine en ce genre a feul atteint le but,
De Vénus rivale chérie ,
Sa naïve Mufe fut
Toujours des Graces ſuivie ,
Mere des ris & des jeux.
C'eſt à ſon Ombre ingénieuſe
Que j'adreffe en ce jour mes voeux.
Dans cette carriere épineule.
Sois mon guide , éclaire mes yeux.
Donne à mes vers cet air facile ,
Par qui les tiens font immortels ;
Infpire-moi ; rends ma veine fertile ;
Reçois l'encens dont fument tes Autels.
Je vais conter comme une rave
Put l'emporter fur un cheval. ,
La matiere eft en foi fort grave;
Eraſme ep a fourni l'original ;
Je le fuivrai de près , fans être efclave.
1
94 MERCURE DE FRANCE.
**X*X* X* X* XXXX
L'INTENTION
FAIT LE PRIX DES ACTIONS HUMAINES
CONT E.
UN de nos Rois ,
contraint¹jädis-
D'abandonner la bonne Ville ,
Choifit , pour charmer fes ennuis ,
Une Province , alors tranquille ,
Province de tout tems fertile ,
Soit en bleds , foit en vins exquis.
Chacun peut à cette peinture
Reconnoftre des Bourguignons ,
Favoris de Dame Nature ,
Les guérêts , les côteaux féconds.
Notre Roi donc , pour ſe diftraire ,
En ces lieux , ne pouvant mieux faire ;
S'occupoit à mettre aux abois
Les légers habitans des bois.
Mais parmi ce noble exercice ,
Qui fut toujours digne d'un Roi ,
Du fort Pinvincible caprice
Le ramenoit fouvent à foi ,
Et fouvent le long des prairies ;
A l'ombre, il fubiffoit la Loi,
4
man
JUILLET. 1748.
25
L
Malgré lui , de fes rêveries.
Se trouvant un jour à l'écart
Pour guide prenant le hazard ,
Il apperçut une chaumiere ,
En approcha. Maître Conon
Fit les honneurs de la maifon ,
Et jugez de quelle maniere .
C'étoit un bon homme , ingénu ,
Digne de l'enfance du monde ,
Vivant dans une paix profonde
D'un affés mince revenu,
Le Roi l'aima dès qu'il l'eut vu,
Avec les gens de ce calibre
Il aimoit à s'entretenir ,
Et pour refpirer un air libre ,
Fortfouvent on l'y vit venir.
Il ignoroit ce doux langage ,
Si familier aux gens de Cour ;
Il parloit au Roi fans détour ;
Le Roi l'en aima davantage.
Venons au fait, Pour héritage
Conon eut un vafte jardin ,
Où croiffoient des raves fans fin ,
Et des raves pour tout potage.
Le Roi , curieux , en goûta ,
Et les trouvant d'un goût paffable ,
Mainte fois il s'en régala.
96 MERCURE DE FRANCE.
Nouveau mets & mets délectable ,
C'eft la même chofe , je croi ;
J'ai pour garant ce même Roi ,
Qui de mets fins couvroit fa table.
Avint à quelque tems de - là ,
Les affaires changeant de face ,
Que notre bon Roi délogea.
Conon long- tems s'en affligea,
Larmoya , fit laide grimace ;
En ces mots il fe confola :
De nos raves le Roi mangea ;
Le Roi les aime , il en aura.
Il dit , & prenant fa beface ,
Conon de raves ſe chargea ,
D'argent fort peu. Le pauvre here
Avant d'arriver , en manqua ;
Et puis mainte rave il croqua ,
Tant qu'il en vint à la derniere.
C'étoit la plus belle , & la faim
Le preffoit d'étrange maniere ;
Il la garda pourtant entiere,
A la Cour il arrive enfin .
A Conon le Roi fait grande chere ;
Et du préſent pour s'acquitter ,
En récompenfe , au pauvre here
A fon départ , il fait compter
1
Mille
JUILLET.
97 1748.
Mille écus pour ſe fuftenter.
Toute la Cour en fut imbuë.
Certain matois , joüant du fin
Fit pour le coup une bévuë ,
Qui n'étoit d'un maître Gonin .
Il avoit en fon écurie
Un Bucephale , un beau cheval ,
Tel qu'il pouvoit piquer Penvie
D'un Roi connoiffeur , libéral ,
Et fans perdre tems en paroles ,
Donnons , dit-il , cet anfmal au Roi.
Que vaut-il ? Cent piſtoles.
La rave valoit tout au plus ,
Mais tout au plus quelques oboles.
La rave a produit mille écus ,
Le cheval m'en vaudra vingt mille.
Ainfi fit donc notre idiot.
Il fupputoit en homme habile ;
Il décompta . Sans dire mot ,
Le Roi fait rapporter la rave.
Qui fut bien furpris à Notre brave,
J'entends le brave Courtilan.
Le Roi , du vrai trop partifan
Pour récompenfer teile rufe ,
Au fot qu'un vain eſpoir abuſe ,
Par un Arrêt juſte & pläiſant ,
E
98 MERCURE DE FRANCE.
Fait donner la rave à l'inftant.
D'un vil intérêt vil eſclave ,
Il comptoit fur un tas d'écus ;
Il fut berné , n'eut que la rave ,
La rave en fomme ,, & rien de plus.
Par M. Orybe , de Lyon.
DISSERTATION fur les Libelles
diffamatoires , par M. Née ,
de la Rochelle.
'Homme n'a rien de plus cher & de
plus précieux que fa réputation ; tout
ce qui tend à la détruire eft l'injure la
plus fenfible qu'il puiffe recevoir.
Je vais établir d'abord ce que c'est
qu'injure , & en combien de manieres on
peut la faire.
En général , tout ce qui fe fait contre la
juſtice & la raiſon , eft injure (a) . Faire injure
à quelqu'un , c'eft faire volontaire
ment une chofe qui peut lui caufer du
chagrin , du deshonneur , ou du dommage
(b). Injuria definiri poteft , difent nos
Loix , dictum vel falum alterius famam
aut dignitatem minuens,
( a ) Inftit. § . 1. de injur,
(b) Ariftote in Reth,
JUILLET.
66
1748.
Je dis volontairement , parce que où il ,
n'y a pas de deffein d'offenfer , il n'y a pas
d'injure , ou que du moins les Loix femblent
refufer l'action (* ).
Une injure peut fe faire de trois ma❤
nieres ; par action , que l'on appelle au
Barreau ; voie de fait par parole & par
écrit.
Cette derniere eft l'objet principal de
notre Differtation.
On fait injure à quelqu'un par parole ,
en fe fervant de termes qui bleffent fon
honneur & fa réputation , & cette injure
fe pourfuit ordinairement par la voie civile
. Elle n'eft fujette à aucune peine , à
moins que l'injure ne foit atroce , & que
fa perfonne à qui on la fait , ne foit dans
un degré de diftinction, qui l'éleve infini
ment au- deffus de celle qui l'a offenfée.
Par action , en infultant quelqu'un par
des geftes , ou par des actes capables de
l'offenfer , ou en le frappant ; & ces injures
fe puniffent , fuivant qu'elles font
graves , plus ou moins , & faites à des
Tonnes plus ou moins diftinguées.
per-
J'ai trouvé dans nos recueils un Arrêt ,
rendu le premier Juillet 1606 , fur les
Conclufions de M. l'Avocat Général le
Bret.
(* ) L. 13. §. 1. 2. 3. & 4.50 €¸
E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
Voici l'injure que le Parlement punit.
Un homme ayant été condamné par le
Lieutenant Criminel de Poitiers à être
pendu en effigie , le tableau , qui avoit été
attaché à la potence , fut enlevé le lendemain
, & la potence renverfée. La Partie
demanda au Lieutenant Criminel la permiffion
de la faire redreffer , ce qui lui fut
accordé , mais abufant de cette permiffion
, elle fit porter par un Sergent accom→
pagné de témoins la potence , avec un
nouveau tableau femblable au premier
dans la maifon d'un oncle du condamné
& lui fit fignifier qu'elle l'en rendoit gar
dien, avec défenſes de s'en défaifir . Cet on
cle ayant porté plainte de cette infulte
fur la déclaration qu'on n'avoit pas eû
deffein de l'offenfer , le Lieutenant Criminel
ne prononça qu'un hors de Cour & de
Procès , mais le Parlement fut moins indulgent
5 il ordonna qu'en un jour de mar
ché , le Sergent , la Partie & les témoins
iroient avec l'Exécuteur de la Haute Juftice
reprendre la potence & letableau dans
l'endroit cù ils les avoient mis , avec défenfes
de plus commettre de pareilles indécences
, à peine de punition corporelle,
Enfin on infulte quelqu'un par écrit ,
en publiant quelque ouvrage en profe ou
JUILLET. 1748.
en vers contre fon honneur & contre fa
réputation , ou bien en expofant en public
quelques peintures offenfantes , capables
d'y donner quelque atteinte ; & c'est ce
que, nous appellons Libelles diffamatoi
res.
Nous parlerons dans la fuite des peines
que les Loix ont prononcées contre eux
dans les tems differens : effayons auparavant
de découvrir quand & de quelle
maniere ils fe font introduits dans la fociété.
La corruption du genre humain , & l'origine
des Libelles diffamatoires , ont à
peu près la même datte. Les hommes déchûs
de leur innocence ne fe déterminerent
plus dans leurs actions , que par des
principes d'amour propre & d'intérêt ,
les injures trouverent place dans les conteftations
que produifit infailliblement le
partage des Terres.
Mais comme ces tems reculés ne nous
fourniffent pour garants que des conjectures
, cherchons une époque plus récente ;
elle aura plus d'autorité & de certitude .
On peut fixer cette époque à la connoiffance
des Lettres , & furtout de la Poëfie.
De tout tems les hommes ont abufé des
meilleures chofes ; les vers inventés
paur
chanter les louanges des Dieux , fervirent
E iij
toz MERCURE DE FRANCE.
dans la fuite à reprendre les vices des hom
mes .
Les premiers Philofophes , qui dogmati
ferent d'abord en vers , & qui fe font toujours
donné la liberté de tout dire , ne
s'en tinrent pas long- tems aux peintures
innocentes des moeurs ; leurs préceptes dégénérerent
en fatyres.
Dans une Ville d'Etrurie , appellée
Fefcennia (a ) , les Bergers avoient coûtume
tous les ans , après les moiffons , de fe divertir
entre eux , & de fe railler tour à tour
par des chanfons plaifantes. Dans ces fiéeles
groffiers les railleries n'étoient pas
fort délicates ; ces ruftiques jeux n'avoient
cependant rien que d'agréable dans les
commencemens ; des railleries innocentes
on en vint infenfiblement aux vérités fâcheufes
, & on rendit les Muſes complices
des differentes paffions dont on étoit agité
(b) ; cela obligea ceux- mêmes que ces
fortes d'écrits avoient refpectés , à en fol-
Hiciter la défenſe auprès du Magiftrat , qui
les interdit fous des peines très - févéres.
Mais comme cette licence effrenée d'attaquer
par des vers infultans la réputation
de ceux qu'on haïffoit , a peut -être
autant d'origines differentes que les Na
( a ) A préfent Galeze.
(b) Horace Epit. 1. liv. 2.
JUILLET. 1748. 103
tions où elle s'eft introduite , je bornerai
mes recherches à ce qui regarde la Gréce
& Rome ; delà je defcendrai à nos ufa
ges.
Ces deux peuples fameux ont differemment
confidéré les Libelles . Le Grec , né
nalin & moqueur , en faifoit fes plus déli
Ceux plaifirs (4) ; on fçait avec quel tranfport
il applaudit la premiere fois à une
troupe de jeunes fous , qui parut dans les
rues , le vifage barbouillé de lye , & dans
cet équipage fe donna la liberté de charger
d'injures tout ce qui fe trouva fur fon
pallage , fans même épargner les Dieux .
Cette impiété tolerée donna naiffance à
la Comédie qui ne démentit pas fa premiere
origine. Ce fut affés aux Acteurs
d'avoir un mafque fur . le vifage , pour
qu'ils fe cruffent permis d'attaquer impunément
tout ce que l'Etat avoir de plus
relevé. La fageffe , l'efprit , l'honneur
tout fut en proye à ces bouffons ; Socrate
(b) , le plus eftimé de tous les hommes ,
n'évita pas leurs traits empoisonnés . Il eut
la douleur de voir tout Athénes applaudir
aux faillies odieufes d'Ariftophane.
Enfin cette licence , qui outrageoit chaque
particulier par ce qu'il avoit de plus
(a) Ciceron l. 4. de Rep.
(b) Comm. des nuées.
E iiij
104 MERCURE DE FRANCE.
fenfible, devenant par contre- coup funefte
à la Patrie , les Magiftrats crurent devoir
en arrêter le cours. Leurs efforts furent
inutiles ; il s'éleva une fecte de Philofophes
, qui fembla faire une profeffion particuliere
de médire. Ce qui avoit échappé
à la Comédie , ne pût fe fauver des traits
mordans du Cynique , & fous ombre de
corriger les moeurs dépravées du tems
Menippe déchira impunément toute la
Gréce , & fa réputation en ce genre eut
tant d'éclat, qu'on appella depuis, & qu'on
appelle encore aujourd'hui , Satyres Menippées,
tous ces ouvrages outrés & cauftiques ,
qui flétriffent , & déshonorent les Etats &
les particuliers qui font les objets de leurs
cenfures.
Je ne dirai rien d'Archiloque & de fes
confreres , médifans de profeffion , qui inventerent
une forte de vers ( a ) plus propre
à infinuer & à répandre leurs invectives
; les Poëtes n'ont été dans cette matiere
que les finges des Philofophes.
Rome naiffante connut la neceffité de
corriger cet abus , qui s'introduifoit parmi
fes habitans , & dans le petit nombre des
Loix qu'elle crût neceffaires pour établir
entre eux l'union & la paix , & pour préve
(a ) Archilocum proprio rabies armavitIambe. Horace
.
Dec
JUILLET. 1748 .
1ος
nir les défordres que les paffions écoutées
& fuivies entraînent , elle n'oublia
défenfe des Libelles..
pas
la
La
Loi
des
XII.Tables
eft trop
curieufe
,
pour
que
je
ne
la mette
pas
fous
les
yeux
du
public
. Si
qui
carmen
occentaffit
quod
alteri
flagitium
faxit
, capital
efto
: ou comme
la rapporte
Jacques
Godefroi
: Si qui
pipulo
occent
ffit, carmenve
condidiffit
quod
infamiam
faxit
flagitiumve
alteri
, fufte
ferito
. Chés les Romains la peine de celui qui
compofoit des vers , & chantoit des chanfons
contre la réputation d'autrui , étoit
donc la mort , fuivant cette Loi .
Les Decemvirs qui n'avoient ordonné
qu'une peine legére contre les voies de
fait (a ) , ne crurent pas qu'une mort infâme
fut une peine trop fevere contre les Auteurs
de ces écrits féditieux , qui vouloient
en quelque façon éternifer leur malice.
Auffi , tant que la République n'eût point
d'autre paffion que de fe rendre maîtreffe
du monde , & de conferver la pureté de
fes moeurs, il ne parut aucun libelle ; le
relâchement de la difcipline produifit enfuite
quelques fatyres un peu libres , mais
encore innocentes , qui reprenant les vices
avoient foin d'épargner les perfonness
(a ) Julius Scalig.
E v
106 MERCURE DE FRANCE.
enfin l'abondance ayant introduit le luxe ,
& Carthage , qui fervoit comme de frein
à la licence , ayant été détruite , on vit ces
funeftes écrits le déborder , comme untorrent
qui n'a plus de digues , & menacer
tout l'Etat , lorfque des Confuls fages &
vigilans les arrêterent par la terreur des
peines qu'ils impoferent.
Le Sénat rendit un Arrêt , par lequel i
ordonna *, que fi quelqu'un étoit convaincu
d'avoir compofé ou diftribué quelque ouvrage
contre la réputation d'autrui , quand
même il paroîtroit fans nom ou fous ùn
nom fuppofé , il feroit déclaré inteftable ,
c'est-à-dire , incapable de tous les effets civils
,comme l'interprête le docte Cujas.
C'étoit fans contredit la peine la plus
fenfible qu'on pût impofer à un peuple
fier & jaloux de fa liberté.
Cette Ordonnance arrêta quelque tems:
les efprits inquiets dans les liens du devoir
; difons mieux , elle ne fit que fufpendre
les effets de leur malice ; peu après
elle prit fon cours avec plus de fureur.
Dans le tems des guerres civiles , même
après qu'elles furent appaitées , on ne
vit paroître que placards affichés dans les
Places publiques , que libelles , qu'épi-
≈ L. §. §. ult. ff . defamoſis libel.
"
107 JUILLET . 1748.
grammes , que fatyres ; les principaux de
l'Etat y furent fouvent infultés ; on défefperoit
de voir jamais finir cette licence
qui menoit la République à une ruine
totale ( * ) , lorfque l'Empereur Augufte ,
indigné des excès où fe portoit un certain
Caffius Sévére contre les premieres Dames
Romaines , qu'il déshonoroit par de continuelles
fatyres , réfolut d'appliquer à ce
mal un reméde extrême , en faifant de
cette matiere un des chefs de la Loi Julie ,
& rendant criminels de léze Majefté ceux
qui étoient les Auteurs de ces écrits .
Cette Loi fut peut être modérée dans
la fuite ; il y a même de l'apparence qu'el
le ne fut jamais bien exactement obfervée :
du moins nous lifons qu'Augufte ne punit
que de l'exil les Auteurs fatyriques , mê¬
me ceux qui eurent l'audace de l'attaquer ,
& d'infulter fa femme & fa fille. Cette
peine trop légére ne fut pas un frein
сара-
ble de contenir les médifans , qui continuerent
leurs infultes , enforte qu'on far
obligé dans les fiécles fuivans de faire une
foule de Loix , pour réprimer une licence
qui croiffoit chaque jour.
Il feroit ennuyeux de citer les difpofi
(a ) Cornel. Tacite liv . I
Evj
108 MERCURE DE FRANCE.
tions de ces differentes Loix ; on les trouvé
toutes dans leur ordre au douzième
livre du Code Théodofien ; je me bornerai
à rapporter l'Edit , que firent publier Valentinien
& Valens 560 ans après la mort
d'Augufte .
>> Si quelqu'un , porte cet Edit , a trour-
» vé par hazard un libelle diffamatoire ,
» ou chés lui , ou dans un lieu public , ou
» dans quelqu'autre endroit que ce foit ,
મે
il doit le déchirer , dans la crainte que
»d'autres ne le trouvent , & n'en rien dire
à perfonne ; s'il eft affés téméraire pour
»le montrer à d'autres , il fera condamné
» comme s'il en étoit l'Auteur. «<
Une Loi fi fage & fi févére devoit
profcrire à jamais des écrits auffi pernicieux
; elle traitoit ceux qui les públioient,
avec la même rigueur que ceux qui les
compofoient : cependant à mefure que le
Chriftianifme fe répandit dans l'Empire
Romain on les vit fe déborder avec d'autant
plus de fureur , que le prétexte d'une
Religion dont on vouloit arrêter les progrès
, & la patience des premiers Chré
tiens , fembloient en quelque forte les au
torifer.
Auffi- tôt que la Religion eût pris le
deffus , l'Eglife , qui n'avoit que trop reJUILLET.
109 1748.
connu par une trifte expérience , combien
ces écrits étoient dangereux (a) , ne cru
pas être trop févére en frappant d'anathême
ceux qui feroient convaincus d'en
avoir compofés , & comme fi ce n'eûr pas
été affés d'un châtiment , qui donnoit la
mort à l'ame , & les retranchoit du Corps
des Fidéles , elle eûrt.encore recours aux
peines temporelles.
Les libelles furent apparemment inconnus
fous la premiere & fous la fecon
de race de nos Rois , foit que nos peres ne
fuffent pas encore affés éclairés , pour recourir
à cette voie artificieufe de fe ven
ger ; foit , comme on peut le croire , que
Pardeur de leur courage ne leur permit
pas d'attaquer leurs ennemis autrement
que par la force ouverte : on ne trouve ni
Loi ni Capitulaires fur cette matiere avant
le treiziéme fiécle (b) , que parut une Or
donnance qui défendoit de compofer &
de mettre au jour aucun livre contre la ré
putation d'autrui , à peine d'être déclaré
perturbateur du repos public.
Mais fi-tôt que le Droit Romain eût
commencé à fleurir parmi nous , nos Rois
adopterent bientôt les maximes de ces fa
ges Politiques.
(a ) 21. Can. s . a. C. r.
(b) Ordonnance de 1366, art. 77.
10 MERCURE DE FRANCE.
Charles IX. femble en avoir plus em
prunté que fes Prédéceffeurs ; nous avons
de lui deux Ordonnances, qui y font toutà-
fait conformes : la premiere , donnée à
Saint Germain- en- Laye au mois de Juillet
1551 , défend , art. 13. d'imprimer , ni
femer des écrits , à peine d'être puni du
foüet pour la premiere fois , & de mort
pour la feconde : telle eft la difpofition de
la Loi Cornelia , dont j'ai oublié de parler
ci -deffus.
Par la feconde , faite fur les plaintes &
fur les remontrances du Clergé , & donnée
à Paris en Avril 1571 , les mêmes défenfes
ont été réitérées , à peine d'être procédé
extraordinairement , tant contre les Auteurs
, Compofiteurs , Imprimeurs de ces
fortes d'écrits , que contre ceux qui les
publient à la diffamation d'autrui .
Cette Ordonnance eft à peu près la même
chofe que ce qui avoit été ordonné
les Empereurs Valentinien & Valens .
par
Les Libelles diffamatoires ne furent pas
oubliés dans les Ordonnances que fit
Henri III . pour rétablir la police & le bon
ordre dans le Royaume . Enjoignons à nos
Sujets , dit ce Prince dans l'Ordonnance de
1586 , entre les mains de qui tels livres ou
écrits tomberont , de les brûler incontinent , a
peine d'amende arbitraire.
JUILLET. 1748. 1748 11,2
Cette Loi eft moins févere que celles
des Empereurs , qui condamnoient à mort
ceux qui ne brûleroient pas les Libelles
qu'ils auroient trouvés; dans le doute, elles
les préfumoient les auteurs , au lieu que
celle- ci ſe contente d'une fimple amende.
La Loi des XII Tables ne condamnoir
qu'à une amende celui qui avoit outrage
quelqu'un par des voyes de fait ; S * inju
riam alteri faxis , viginti quinque aris pene
funto. Qu'arriva-t'il du peu de févérité de
cette Loi? Un certain Lucius Neratius
homme riche & cruel , fe faifoit fuivre
dans les rues par un de fes efclaves , qui
portoit une bourfe pleine de piéces de
monnoye ; il frappoit inhumainement tous
ceux & celles qui fe trouvoient fur ſon
paffage , &leur faifoit enfuite compter les
vingt- cinq pieces , auxquelles la Loi le
condamnoit.
"
On fera aifément l'application de cet
exemple . Que l'on fe contente de décer
ner une amende contre ces perturbateurs
ceux qui ont la cruelle inclination de répandre
des écrits fcandaleux des gens
vindicatifs , des calomniateurs , regret
teront - ils une fomme modique , &
qui ne dérange en rien leur fortune , pour
* Aut. Gel. lib. 20. cap. 1. Not.. Att. · 1
112 MERCURE DE FRANCE.
fe donner le malin plaifir de fe venger ,
ou de fe fatisfaire ?
Auffi , dans le tems même d'Henri IIF ,
parut- il une foule de Libelles , où les Prin
ces , même de fon fang , n'étoient point
épargnés , comme on le remarque dans les
Livres, qui nous reftent , fous les noms de
Journal d'Henri III ; de Confeffions de
Sancy ; du Baron de Fenefte ; de Satyre Ma
nippée , ou Catholicon d'Efpagne, & un nombre
infini d'autres.
Les Papes Pie V & Gregoire XIII ,
qui vivoient à peu près dans le même
tems , avoient été bien plus féveres ; ils
avoient renouvellé , fans aucune modification
ni reſtriction , les Edits de Valen
tinien & de Valens .
Les efforts continuels d'une ligue qu'il
falloit diffiper , & les guerres continuelles
qu'Henri IV eur à foûtenir à fon avene
ment à la Couronne , l'empêcherent vraifemblablement
de réprimer un abus , que
les troubles de l'Etat n'avoient que trop
antorifé ; s'il avoit vêcu plus long-tens ,.
on doit croire que la licence effrenée des
Ecrivains de fon fiécle. atroit reçû lá
peine qu'elle méritoit , mais ce qu'une
mort anticipée ne lui permit pas d'ex cu
ter , fe fit enfuite par Louis XIII , fon
fils & fon fucceffeur .
}
JUILLET. 1745. 118
Il donna tous les foins à réprimer les
défordres que les guerres avoient introduits
; il fit des Loix , capables de retran
cher les abus qui regnoient.
Il fit entre autres une Loi , qui renou
vella la difpofition d'Augufte , & mit les Li
belles au rang des crimes qui attaquoient
fa Perfonne & fon Etat ; comme elle eft
un précis de toutes celles qu'on a faites fur
cette matiere , il eft à de la rapporter.
propos
» Deffendons à tous nos Sujets, fans au
»cun excepter, d'écrire, imprimer ou faire
» imprimer aucuns Libelles ou écrits dif-
>>famatoires d'en avoir aucuns d'impri-
»més ou écrits à la main, contre l'honneur
» ou renommée de perfonne , concernant
nos Confeillers , Magiftrats & Officiers ,
» les affaires publiques , le Gouvernement
» de notre Etat ; déclarons ceux qui s'ou
»blient , tant que de contrevenir à ce que
» deffus , fpécialement en ce qui regarde
"les ligues & affociations dedans ou de-
»hors le Royaune , criminels de léze- Ma-
» jefté, proditeurs de leur Patrie, indignes,
eux & leur pofterité, de tous Etats, Offi-
» ces & Bénéfices , & privés d'iceux , auf
» quelles Charges nous entendons pourvoir
à l'inftant , & en outre déclarons leurs
* Ordonnance de 1629. Art. 179.
"
2
114 MERCURE DE FRANCE.
biens & vies confifqués , fans que lefdites
peines puiffent être modérées par
nos Júges.
Cette Ordonnance ne met aucune diffe-
Tence , comme on le voit , entre les écrits
qui attaquent l'honneur des particuliers &
les deffeins formés contre l'Etat. Pourquoi
donc fe trouve-t'il encore des gens affés déreglés
, pour s'en faire un divertiffement ?
Pourquoi voit- on tous les jours le public
inondé de ces funeftes écrits , qui déchi-
Tent les plus honnêtes gens , & femblent
n'en vouloir qu'à ceux que leur mérite ou
leur vertu rendent plus recommandables ?
-Ne faut- il pas qu'il y ait dans l'homme un
grand fonds de corruption ?
*
Il est étonnant que Louis XIV , qui n'a
tien négligé de tout ce qui pouvoit contribuer
à la tranquillité du Royaume , n'ait
fait aucune Loi contre ces écrits pernicieux.
Il eft vrai qu'il a témoigné l'indignation
qu'il en avoit , par les exils &
les autres peines , aufquelles il a condamné
ceux qu'il a crû coupables d'en avoir
compofé. Le Parlement a auffi rendu des
Arrêts , par lefquels il les a condamnés en
des banniffemens, ou à d'autres peines , capables
d'intimider, & de les contenir dans
les bornes du devoir. Ainfi nous ne voyons
Le Com. de B. R.
JUILLET. 1748.
S
aucun de ces Auteurs impuni , lorsqu'il
eſt connu & dénoncé à la Juſtice .
J'ai dit au commencement de cette Dif
fertation , que l'on faifoit injure à la répu
tation de quelqu'un , en expofant en pu
blic des peintures offenfantes. Pour ne
sien laiſſer à deſirer , s'il eft poffible , fur
cette matiere , il ne fera pas inutile d'ob
ferver que les Loix , qui paroiffent fi féveres
contre les Libelles , ont de tout tems
impofé les mêmes peines contre ceux qui
expofoient des peintures fcandaleufes ; les
Cours Souvetaines n'en ont fait aucune
difference , quand l'occafion s'en eft préfentée,
& nos Livres font remplis d'Arrêts
contre ceux qui n'ont craint de recou
ir à ce lâche moyen , pour fe
venger , ou
pour fatisfaire leur paffion . Ces peintures
ne font pas d'une invention moderne ;
l'Antiquité ne rafinoit pas moins qu'on le
fait aujourd'hui fur la fcience de fe venger
On peut lire dans Pline le Naturalifte
liv. 35. chap. 11. ce qu'il raconte du Ta
bleau que le Peintre Elenides avoit fait
expofer fur le Port d'Ephéfe , pour fe venger
de la Reine Stratonice , qui l'avoit mal
reçû à fa Cour.
. Bouchel
pas
rapporte un Arrêt du 27 Jan
vier 1606 , dont voici le fujet : Un Serrurier
avoit fait peindre un Tableau , dans
116 MERCURE DE FRANCE.
lequel plufieurs de fes confreres étoient
infultés ; fur les procedures que l'on fit , il
fut condamné en 75 livres de dommages
& intérêts , le Tableau fupprimé , & il lui
fut fait des défenfes très-féveres de réci
diver.
fes Je pourrois rapporter un grand nombre
d'autres exemples , qui prouvent que
peintures offenfantes ont toujours été mifes
au nombre des Libelles , & en effet la.
peinture , auffi-bien que la lettre , formant
un difcours muet , mais intelligible , l'abus:
qu'on en fait , mérite une peine égale &
proportionnée à l'injure.
Si j'ofois prendre la liberté de placer ici
quelques refléxions , je dirois fur cette
matiere , qu'il feroit à défiter que les Loix
euffent parlé moins généralement , & que
les Législateurs euffent diftingué les differentes
efpeces de ces écrits qu'ils condamnent
, car il n'eft pas probable que fous
Je nom de Libelles diffamatoires , ils ayent
compris ce que nous appellons Satyres .
Je m'explique. J'entends par Satyres ,
certains écrits en vers ou en profe , qui
refpectant les moeurs des perfonnes qu'el
les reprennent , fe contentent d'attaquer
les fautes qui fe trouvent dans leurs ouvrages
, ou bien le bornent à une peinture
forte & naive des moeurs du tems ; le bien
JUILLET. 1748 . 117
que ces cenfures innocentes produiſent
dans la République des Lettres , même
dans la fociété , demande grace en leur fa
veur.
Ce qui me fait croire qu'on n'a jamais
eu deffein de les condamner , c'eft
que tous
les tems nous fourniffent des Auteurs graves
qui fe font déchaînés impunément contre
les mauvais Ecrivains , & contre les vices
qui regnoient dans leur fiécle , Rome , fr
févére contre les libelles , applaudiffoit
aux plaifantes Critiques de Lucile , d'Horace
, de Perfe , de Juvenal ; les fots , &
les ridicules qu'ils attaquoient , n'étoient
plaints de perfonne , & ne fe plaignoient
pas eux- mêmes d'une maniere à le faire
écouter , & Neron , tout Neron qu'il étoit,
fut affés galant-homme pour entendre rail
berie à cet égard.
Plufieurs perfonnes ont entre les mains
les mauvais vers qu'il avoit compofés , &
qui commençent par ces mots , Torva
mamilloneiss la Satyre piquante que Perfe
en fit , n'aigrit point l'Empereur , & il ne
crût pas que dans cette occafion le Souverain
dût prendre le parti du Poëte.
Chés nous Regnier & Defpreaux ont
fait les délices de leur fiécle , & les graces
fignalées que Louis le Grand répandit fur
ce dernier
, prouvent qu'on n'eft pas cri
IIS MERCURE DE FRANCE.
minel , pour vouloir chaffer du Parnaſſe
ane foule d'Auteurs qui le déshonorent.
Defpreaux a même quelquefois badiné
les perfonnes dans fa troiliéme Satyre il
qualifie un nommé Mignot d'empoifonneur
; cet homme , Patiffier , Traiteur
Officier du Roi & de la Reine , crût ne devoir
pas fouffrir une pareille infulte ; il en
préfenta plainte au Lieutenant Criminel
du Châtelet de Paris , qui refufa de la répondre
, & lui dit que ce qu'il appelloit
ane injure atroce , étoit une fimple plaifanterie
, dont il devoit rare tout le premier
.
Ce confeil étoit difficile à fuivre ; l'amour
propre fouffre imp tiemment tout
ce qui le bleffe , & les plus modérés fſe révoltent
, quand on les attaque par de cer
tains endroits qu'ils n'abandonnent jamais
volontiers à la critique.
Je fouhaiterois au moins,que les perfonnes
ne fuffent pas nommées ; quand on
fronde fes vices, on devroit , pour plaire &
corriger , s'exprimer de maniere qu'aucun
trait trop marqué n'apprit de qui l'on veut
parter , furtout quand il s'agit de vices
déshonorans.
Après tout Defpreaux n'a pû s'empêcher
d'en convenir,
i
JUILLET. 1748.
C'eftun mauvais métier que celui de médire ;
A l'Auteur qui l'embraſſe il eſt ſouvent fatal ;
Le mal qu'on dit d'autrui ne produit que du mal.
Les Satyriques ont fouvent de cruels momens
à paffer : plufieurs d'entre eux ont
été menaces de la correction qu'ils méritoient
, & d'autres l'ont fubie.
Le fameux Auteur du Roman de la Rofe
, Jean de Meun , dit Clopinel , ne Téchappa
que par une plaifanterie, qui peutêtre
ne produiroit pas le même effet dans
un fiécle tel que le nôtre .
La critique eft encore du nombre des
Ouvrages qui ne peuvent tomber fous la
prohibition des Loix. Les Peuples les plus
fevéres n'ont point fait de difficulté de la
fouffrir ; certe efpece de guerre , que fe
font les Auteurs , a toujours réjoui le lecteur
, & c'est peut-être à la crainte qu'elle
infpire , que nous fommes redevables des
ouvrages que nous admirons .
L'applaudiffement avec lequel on a reçû
le Traité de la critique de M. l'Abbé de
S. Real , en eft une preuve , & les précautions
qu'il ordonne , font des régles que
ceux qui fe livrent à ce genre d'écrire , ne
Lauroient trop méditer , & ne doivent
jamais négliger.
Pourvû donc qu'on permette la Satyre
120 MERCURE DE FRANCE .
& la Critique dans le fens que je viens
d'expliquer , je crois qu'on ne peut trop
févir contre ces Libelles fcandaleux & téméraires,
qui portent des atteintes fi cruelles
à la réputation de ceux qui s'en trouvent
les triftes & malheureux objets.
- Si , fuivant le fentiment d'Erafme , en
fes Epitres , c'eft un genre d'homicide que
d'ôter l'honneur à quelqu'un , pourquoi
ce crime ne feroit- il point puni par le même
fupplice ? Le Public s'y trouve également
intereffé ; ce n'eft que par l'union
des Citoyens que le corps politique de l'Etat
peut fubfifter. Que devient cette union,
s'il eft permis aux particuliers de fe venger
, ou de fatisfaire impunément leurs
paffions & leur méchanceté ?
Qu'un homme dans les premiers tranfports
d'une colere aveugle , fe répande en
invectives contre l'objet de fon reffentiment,
on rejette fur la paffion qui le tyrannife
, une faute à laquelle fon coeur n'a
Louvent point de part , & qu'il défavouë
auffi- tôt que la raifon l'éclaire. Mais qu'il
abbreuve, pour ainfi dire, le papier innocent
du fiel dont il eft rempli , comme ce
ne peut être que l'effet d'une réflexion férieufe
, & quelquefois d'un travail de plu
fieurs jours , il n'y a pas de fupplice affés
infamant pour un crime , qui ne peut être
regardé
3
JUILLET. 1748. 121
tegardé que comme un vice du coeur.
Je raifonne indépendamment de la Religion
; fi nous la confultons , il n'y a pas
de crime plus noir , c'eft le plus difficile à
réparer , & fon châtiment fera terrible.
Je crois ne pouvoit mieux finir cette
Differtation que par le fentiment
que M.
Houdart de la Motre exprime d'une maniere
fi vive & fi noble dans fon Ode fur
la colere.
Périffe la plume inhumaine ,
Qui , vil inftrument de la haine ,
Répand un fiel injurieux ;
Les beaux vers ont de puiffans charmes
Mais ce font de cruelles armes
Entre les mains d'un furieux .
Si quelque dépit nous anime ,
Şans le confier à la rime ,
Tâchons d'affoiblir fes tranſports ,
Et craignons que notre imprudence ,
En éternifant la vengeance ,
( N'en éternife les remors .
J'ai infinué que le defir de la vengeance
F
122 MERCURE
DE FRANCE
.
étoit le motif des Libelles , non que je
prétende qu'il n'y ait des efprits affés mauvais
, pour en compofer par le feul plaifir
de faire du mal , mais parce que cette raifon
me paroît la plus ordinaire , & que
l'autre ne doit pas le fuppofer.
On a du expliquer les Enigmes & le Logogryphe
du premier volume de Juin par
Soulier , Diamans & tripotage. On trouve
dans le Logogryphe Tri , potage , ôtage
Tage & ave.
>
Les mots des Enigmes & des Logogryphes
du fecond volume font Portrait , mouchettes
, feu , cordeau , foupape. On trouve
dans le Logogryphe énigmatique E«, Ville
de Normandie ; dans le fecond roc, eau,
cor , or ; dans le troifiéme Pape &fou.
ENIGM
E.
Nous fommes cinq enfans d'une espece bizare:
Freres , nés tous en même -tems ,
A la Nature il plut nous faire differens ,
Et même à notre égard on la croira barbare ,
Si nous difons tous les fujets
Que chacun d'entre nous a de fe plaindre d'elle,
༢
14 ;
JUILLET
. 1748 .
A l'un , cette mere cruelle
Refufe des mains, une bouche.
L'autre eft privé d'un nés , fans que fon fort la
touche.
D'entendre , celui - ci n'eut jamais le pouvoir ;
Si d'elle celui-là peut obtenir de voir ,
C'eft le feul bien qu'elle lui donne ;
Un de nous feulement n'est pas aveugle né.
Sans doute j'en dis trop , & l'on a deviné.
Pourfuivons cependant , & quoiqu'on en rai
fonne ,
Achevons de nous déceler.
A tous notre préfence eft chere.
Notre perte n'eft pas facile à réparer.
Qui la fait , fent douleur amere ,
Et rarement il peut la fouffrir fans pleurer.
Une Ville autrefois fameuſe ,
Qui foumit prefque fous les coups
Une République orgueilleufe ,
Porte le même nom que nous,
Th. Avocat à Sens.
AUTRE.
Lecteur , je te dirai fans fard,
Que fuivant ma deſtinée ,
Je nais & meurs chaque année ,
Tantôt plutôt , tantôt plus tard ;
Fij
124 MERCURE
DE FRANCE
.
Quelques jours avant ma naiffance ,
On fe divertit & l'on danſe ;
Mais hélas ! fi-tôt qu'on m'a vu ,
Chacun , à fon air abattu ,
Témoigne
que mon arrivée
Le chagrine & lui déplaît fort,
de de durée Mon regne peu
Eft très- fatal au troupeau de Prothée .
Un Aftre irrégulier vient terminer mon ſort.
Quatre on cinq jours avant ma mort ,
On fe lamente, on pleure , on eft dans la trifteffe,
Mais d'abord après mon trépas , :
Tout retentit d'allégreffe ,
Et l'on ne me regrette pas.
DXF DE? DNG DEG DEG BIG BANG EXT SÆI SKI ING SUR
J
LOGOGRYPHE.
E ne fuis Ange , efprit , homme, ni diable ,
Enfin rien d'exiftant ; eh quoi donc une fable ?
Non , puiſqu'en dérangeant les dix pieds de mon
nom ,
Tu peux , après mainte combinaiſon ,
Trouver la maladie ,
Qui dépeuple fouvent
La Capitale de Turquie ;
L'utile & l'ancien inftrument,
JUILLET. 125 1748 .
Qui nous fert en agriculture ;
Un petit bois bizarre en fa ftructure ,
Mais dont le fruit nous fert infiniment ,
Et dans nos maux nous eft très -falutaire ;
Le Héros qui caufa le trépas de Didon ;
La maison d'un foldar , & fon arme ordinaire ;
Le feftin que l'on fait , quand le Dieu Cupidon
Cede fes droits à l'hymenée ;
Ce dont avoit été formée
Celle qui la premiere obéït au Démon ;
Une corps dans la Géométrie ,
Qui depuis très long- tems
Occupe les fçavans ;
Ce qui fert en mufique à former l'harmonie ;
Une arme à feu ; la plus belle faifon;
De notre entendement la demeure , dit- on ;
Un Fleu.e d'Italie ;
De ton corps , cher lecteur , la plus dure partie ;
Le plus jufte mortel , à qui Dieu commanda
De bâtir ce fameux Navire
Avec lequel il nous fauva ,
Mais j'en dis deja plus qu'il ne faudroit en dire
Fiij
#26 MERCURE DE FRANCE.
AUTRE.
Sur la table on me voit paroître .
Lecteur , fi tu veux me connoître ,
Dix membres font mon tout ; tu peux me deviner
Par ces membres divers que je vais combiner.
6,7 8 , 4 , 10 , fous mon ombre Tyture
Sçait charmer les ennuis que la retraite inſpire ;
4
5,6 2 > › 3,7,8 , 9 & 10 , loin du bruit
Je me cache le jour & vôle dans la nuit ;
3 & 4 , je fuis la Ville où prit naiflance
"
Un mortel , dont le Ciel éprouva la conftance ;
5 , 2 , 3 , avec 4 , un féjour dangereux ,
Od fouvent le mérite excite l'envieux ;
7 , 8 , joignez-y 10 , le tems où la Nature
Accorde au laboureur les fruits de la culture ;
1,7, 4 on me voit terminer de beaux jours , ·
Auxquels la mort fembloit promettre un plus long
cours ;
4, 2 , 3 & 7 , je fers pour le fupplice
De celui que fon crime immole à la Juſtice ;
4 , 3 , 5 , 6 , 7 , je contiens les préfens ,
Qu'un Infecte volant apprête tous les ans ;
& 4 un métal le fage mépriſe ,
que 2 ›
Et pour lequel l'avare en mille foins s'épuiſe .
J. F. C. de Semur en Auxois..
JUILLET. 1748 .
127
AUTRE.
M on art eft un art fort antique ;
Je contiens note de mufique ,
Le fiége de la vérité ,
Un Auteur de l'Antiquité.
Arme jadis fort en uſage ;
,
Ce qui nous fauva du naufrage.
Je fuis d'un grand fecours pour captiver les coeurs
Je faifois autrefois tout l'eſpoir des vainqueurs .
Un animal malin ; un jeu très à la mode ;
Ce qui dans le poiffon très -fouvent incommode ;
L'ordinaire & charmant féjour
! De la Déeffe de l'Amour ;
Ce qu'illuftrerent par leurs veilles
Les Racines & les Corneilles ,
Enfin une conjonction .
Ami Lecteur , fans plus paroître ,
Tu pourras aifément par ce trait me connoftre ;
Dix lettres compofent mon nom.
AZ
M
F iiij
T28 MERCURE DE FRANCE .
送送送送送送洗洗洗洗洗說說說說
NOUVELLES LITTERAIRES ,
L
DES BEAUX- ARTS , &c.
A Poëfie n'eft jamais plus fublime ,
que lorfqu'elle s'exerce fur les fujets
qui lui font fournis par l'Ecriture Sainte .
Les attributs de la Divinité , les merveil
les operées par fa puiffance , la fageffe de
fes Loix , la grandeur des récompenfes
qu'elle promet à la vertu , tout dans la
Religion ouvre au génie poëtique un
champ vafte , dans lequel il peut faire la
plus ample moiffon . Ainfi , le public devroit
être naturellement prévenu en faveur
du livre que Lottin & Buttard viennent
de publier fous le titre de PARNASSE
CHRETIEN. On s'eft propofé d'y raffembler
fous un même point de vue divers
Poëmes , qui ont paru propres à former
une espéce de Corps de Théologie poëtique.
Plufieurs ont été couronnés par
differentes
Académies . D'autres n'avoient
pas encore vû le jour . L'Editeur avertit
que dans certaines piéces il a été obligé de
faire des changemens. Quelquefois , à ce
qu'il nous annonce , il ne s'eft trouvé dans
un ouvrage fort long que très-peu de vers
JUILLET . 1748. 129
"
dont il ait pu faire ufage , non que l'ouvrage
ne fût bon en foi , mais parce qu'il
s'écartoit du plan qu'on s'eft prefcrit dans
ce Recueil. Autant qu'il a été poffible ,
l'Editeur a lié ces parties détachées , de
forte qu'elles compofaffent un tout. Les
'lecteurs n'attendent pas de nous une analyfe
exacte , ni même une lifte des Poëfies
que ce livre contient. Dans la Préface ,
l'Editeur nous promet une grande variété.
Il tient parole . Les vers de Corneille , de
Defpreaux , de Rouffeau ; de Meffieurs
de Voltaire , Racine le fils , la Vifclede ,
Ifnard , Dulard , Gourdon de Bach , Viguier
de Segadennes ; du Pere Cleric , Jefuite
; du Pere Menard , de la Doctrine
Chrétienne ; du Pere Chabaud , de l'Oratoire
; de Mlles de Mafquiere , Cheron ,
Boulard , & c . paffent ici fucceffivement en
revûe. Surtout , le Pere Chabaud paroît
être un des Auteurs favoris de l'Editeur .
II rapporte jufqu'à douze morceaux de ce
Poëte , & il en donne huit de Mlle Cheron.
A la lecture , on jugera fans doute
que cet honneur leur étoit dû , mais peutêtre
fera-t'on étonné que l'Editeur ait fi
puifé dans quelques autres fources ; que les
Tragédies d'Athalie & d'Efther ne lui
ayent rien fourni , & qu'il n'ait emprunté
du Grand Corneille que les Stances du
peu
Fv
130 MERCURE DE FRANCE.
Monologue de Polieucte. Une autre fingularité
pourra furprendre . Quoique deux
ou trois Poë.nes de Rouffeau ayent obtenu
place dans ce livre , fon nom eft oublié
dans le catalogue des perfonnes célébres ,
dont l'Editeur a employé quelques ouvrages.
C'eft à un Académicien de l'Académie
de Villefranche , que nous fommes redevables
de ce Recueil. Le livre eſt dédié à
cette Compagnie . » Meffieurs , dit l'Au-
»teur dans fon Epître Dédicatoire , j'ai
» voulu vous donner un témoignage public
des fentimens de reconnoillance que
» j'ai pour Thonneur que vous me fires ,
»lorfqu'après m'avoir adjugé un de vos
prix , l'unanimité de vos fuffrages m'admit
parmi vous. Quel avantage plus fla-
>> teur pour moi , que d'être introduit dans
»un nouveau Lycée parmi des Sages , dont
>> les moeurs font douces & liantes , le com-
»merce aimable & poli , la modeftie fim-
» ple & naturelle ! C'eft cette modeftie
qui retient dans vos Regiftres bien des
productions littéraires , aufquelles le
public feroit un favorable accueil , en
» voyant que dans une Ville d'une médiocre
étendue vous avez eu le courage de
confacrer de concert votre loifir aux
Lettres , & c.
»
Nous avons annoncé dans l'un des préJUILLET
. 1748. 131
cédens Mercures un volume , qui fe vend
chés Chaubert , Quai des Auguftins , &
qui contient fix Differtations , fur l'origine
des Francs , fur leur établiſſement dans
la Gaule , fur leur ancienne Milice , fur
les dons gratuits que la Nobleffe Françoiſe
faifoit autrefois au Souverain , fur une
lettre fauffement attribuée à Saint Remi ,
& fur le tombeau de Childeric I. avec une
Réfutation du fyftême de M. Eccard , touchant
l'autorité de nos premiers Rois , &
un abregé de l'Hiftoire de France , en vers.
Sans doute , les lecteurs nous fçauront gré
d'entrer dans quelque détail au fujet d'un
livre , où l'on traite plufieurs articles importans
de notre Hiftoire . Aurelius-Victor
, Eutrope , Orofe , & divers autres
Hiftoriens , ont regardé les Francs comme
un peuple forti de Germanic. L'Empereur
Julien place leur premiere demeure audelà
de l'Elbe. Dans la Diſſertation fur
l'origine de cette Nation , l'Auteur fe détermine
pour ces autorités , & après avoir
prouvé que les Francs habitoient anciennement
la partie de l'Allemagne , ſituée
entre l'Elbe & le Sud-Jutland , il refute
les opinions de divers Sçavans , qui les
font venir , les uns de Scythie , les autres
de Pannonie , d'autres enfin de la Troade.
Il examine enfuite quelle peut être l'éty-
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
mologie du nom de Francs . Celles don-.
nées par le Sophifte Libanius , par la Chronique
de Moiffac , par Adon de Vienne ,
par Cluvier , & par M. Schuvarts , ne lui
paroiffent pas fatisfaifantes , & il incline
à croire que les Francs ont tiré leur nom
de celui d'un de leurs Rois. L'Auteur ,
dans fa feconde Differtation , fixe à l'an
431 leur établiffement dans la Gaule . Il
prouve , ce nous femble , avec évidence ,
que Clodion eft le premier qui y ait jetté
les fondemens de la Monarchie Françoife.
Gregoire de Tours dit , que ce Prince
choifit d'abord pour la réfidence le Château
de Difparg fur les confins des Thoringiens.
Selon l'Auteur , ce Château ne
doit pas être confondu avec celui de Duifbrog
, qui eft entre Louvain & Bruxelles
& il ne faut pas non plus prendre , ainſi
qu'ont fait plufieurs Sçavans , la Thoringie
pour le Pays de Tongres . It remarque
qu'il y avoit deux Thoringies , l'une de
l'autre côté du Rhin , connue depuis fous
le nom de Turinge ; l'autre en deçà de ce
fleuve , laquelle s'étendoit depuis Mayence
jufqu'aux territoires de Treves & de
Metz. C'eft cette derniere dont Clodion
fit la conquête. Quelque defir qu'il eût
d'étendre fa domination , il ne pût en faifir
l'occafion qu'en 446. Ayant - traverfé la
JUILLET. 174S. 133
•
Forêt Charbonniere , c'eft- à dire , la partie
des Ardennes qui le conduifoit au Haynault
, il s'avança jufqu'à Tournay , qu'il
- emporta l'épée à la main. Parmi les preuves
qui ne laiffent point lieu de douter
que les Succeffeurs de ce Prince ne s'y
foient maintenus , l'Auteur compte la découverte
qu'on y fit en 1653 du tombeau
de Childeric , pere de Clovis. Une des
Differtations de ce Recueil eft deftinée à
nous rapporter les circonftances qui occafionnerent
cette découverte , à nous décrire
les differentes antiquités qu'on a
trouvées dans le monument en queſtion ,
& à combattre le fentiment d'Audigier ,
qui a prétendu que le Childeric, renfermé
dans ce tombeau , étoit un fils de Clotaire
& d'Ingonde , mort avant fon pere , &
que fi ce Prince eft traité de Roi dans
l'infcription de fon cachet , c'eft que tous
les fils de nos Rois avoient alors ce titre.
Cette Differtation eft coupée par une longue
digreffion far les Fleurs de Lys employées
dans les armoiries de la Couronne .
Notre Auteur , fans avoir égard à la difference
de la forme & de la couleur , décide
que ce font de vrais Lys de jardin . Il
n'y a pas d'apparence qu'il faffe prévaloir
cette opinion fur celle des perfonnes , qui
foûtiennent que la piéce de Blafon , dont
r
134 MERCURE DE FRANCE.
nous parlons , n'eft autre chofe que le fer
d'une efpéce d'arme offenfive . On verra ,
dans la Differtation fur notre ancienne
Milice , de quelle maniere on faifoit la
guerre dans les premiers tems de la Monarchie
Françoife ; en quoi confiftoient les
forces de la Nation ; les mesures qu'on
prenoit pour affembler les troupes , &
pour les faire fubfifter ; les armes avec lef
quelles on combattoit , & l'ordre qu'on
obfervoit dans les batailles. Quoique l'article
fur les Dons gratuits de l'ancienne
Nobleffe foit fort court , il n'eſt pas un
des moins curieux de ce livre. Les bornes
étroites , qui nous font prefcrites , ne nous
permettent pas de fuivre l'Auteur dans
Toutes fes recherches. Peut-être auroit- on
droit de lui défirer plus de méthode , mais
du moins montre- t'il par tout beaucoup
d'érudition , & en plufieurs occafions une
critique très-judicieufe. Il fe diftingue
fur-tout , à ce dernier égard , par la maniere
triomphante , dont il refute le fyftême de
M. Eccard , & l'on ne peut donner trop
d'éloges au zéle , avec lequel il défend
contre cet adverfaire l'indépendance de
notre Monarchie , en prouvant invinciblement
qu'elle n'a jamais été fubordonnée
aux Empereurs Romains. Ce volume ,
comme nous l'avons dit , eft terminé par
JUILLET. 1748. 135
un abregé de l'Hiftoire de France en vers.
Vraifemblablement , dans ce dernier morcean
, l'Auteur a moins fongé à faire bril
ler fon talent pour la Poëfie , qu'à faciliter
aux jeunes gens le moyen de fixer dans
leur mémoire les noms de nos Rois & les
principaux évenemens de leurs regnes. J
Jacques Cloufier , Libraire , rue Saint
Jacques , à l'Ecu de France , a fait l'acquifition
d'une brochure fous le titre de Quart
'heure des Honnêtes Gens , dont le prix eft
de 24 fols.
On trouve chés le même Libraire des
Fables Nouvelles , mifes en vers par M.
***. Prix 24 fols.
LETTRES PHILOSOPHIQUES fur
les Phyfionomies . Ex vultibus hominum
mores colligo. Petronius. Deux volumes ,
la Haye , chés Jean Neaulme , 1748.
ORAISON FUNEBRE de Philippe
V. Roi d'Espagne , prononcée le 31 Janvier
1747 , dans l'Eglife de Saint Nicolas
d'Alicant , par le R. P. Lorenzo Lopez , de
la Compagnie de Jefus , & traduite en
François par M. Crifpo , Avocat au Parlement.
Chés la veuve David , rue de la
Huchette , 1748 .
EXPLICATION des deux Cartes Af
tronomiques , lefquelles repréfentent l'Eclipfe
du Soleil , qui eft arrivée le 25
136 MERCURE DE FRANCE.
"
Juillet 1748 , deffinées par M. Georges
Maurice Lovitz ; Profeffeur de Mathématiques
à Nuremberg. Extrait & traduit de
l'Allemand par M. Delifle , de l'Académie
Royale des Sciences , & c. A Paris , chés
Ballard , fils , 1748. Brochure in- quarto
de dix pages.
EMINENTISSIMO S. R. E. Cardinali
Friderico- Hyeronimo de la Rochefoucaud
, Archiepifcopo Bituricenfi è legatione
Romana reduci gratulatur Regium B. M.
Collegium Soc. JESU . Biturigis. Apud J.
B. Cristo , Collegii Typographum .
NEGOCIATIONS à la Cour de Rome
& en differentes Cours d'Italie , de Meffire
Henri-Arnauld , Abbé de Saint Nicolas
, depuis Evêque d'Angers , fous le
Pontificat du Pape Innocent X. pendant
les années 1645 , 1646 , 1647 & 1648 ,
dans lefquelles on voit la fituation des
affaires de l'Europe , & plufieurs lettres
de Louis XIV . de la Reine Régente , du
Cardinal Mazarin , & des autres Miniftres
de la Cour de France . Cinq volumes in-
12 , à Paris , chés Defaint & Saillant , Libraires
, rue Saint Jean de Beauvais .
ELEMENS MILITAIRES , par M.
d'Hericour , Chevalier de l'Ordre Militaire
de Saint Louis , Capitaine & Premier
Aide-Major du Régiment du Roi.
JUILLET. 1748. 137
*
Nouvelle Edition , à Paris , chés Giſſey ›
rue de la vieille Bouclerie , & David le
jeune , rue du Hurpoix.
MEMOIRES fur differens fujets de
Mathématiques ,, par M. Diderot , à Paris ,
Tue Saint Jacques , chés Durand , au Grif
fon.
COLLOQUIA SACRA , ad linguam
fimul & mores puerorum formandos , libri
quatuor , in quibus infigniores tam Veteris
quam Novi Teftamenti Hiftoria denarrantur.
Parifiis , apud Babuty , via Jacobeâ , fub
figno Divi Chryfoftomi.
HISTOIRE de l'Académie Royale
des Sciences de Berlin , in - quarto , années
1745 & 1746 , avec le volume des
prix diftribués par cette Académie , à Berlin
, & fe trouve à Paris , chés Briaffon ,
Libraire , rue Saint Jacques à la Science.
HISTOIRE ROMAINE , Caligula
& Claude , Empereurs , avec des notes
hiftoriques , géographiques & critiques ;
des gravûres en taille douce ; des Cartes
géographiques , & plufieurs Médailles au
thentiques , par le Pere Bernard Rorbe , de
la Compagnie de Jefus. Tome vingt &
uniéme , in quarto , à Paris , chés Jacques
Rollin , fils , Quai des Auguſtins , à Saint
Athanafe.
HISTOIRE de la République Ro- ५
138 MERCURE DE FRANCE.
maine , enrichie de cent fept planches en
taille douce , y compris des Cartes géographiques
, qui ont rapport à l'Hiftoire
Vingt volumes in- 12 , chés le même.
HISTOIRE ROMAINE depuis la
fondation de Rome jufqu'à la Bataille
d'Actium , c'eſt à dire , jufqu'à la fin dela
République. Tomes XV. & XVI. &
derniers , in 12 , par M. Crevier , ancien
Profeffeur de Rhétorique en l'Univerſité
pour fervir de continuation à l'ouvrage de
M. Rollin. A Paris , chés la veuve Etienne
fils , Libraires , rue Saint Jacques , à la
Vertus Defaint & Saillant , ruë Saint Jean
de Beauvais.
HISTOIRE LITTERAIRE de la
France , où l'on traite de l'origine & du
progrès , de la décadence & du rétabliffement
des Sciences parmi les Gaulois , &
parmi les François ; du goût & du génie
des uns & des autres pour les Lettres en
chaque fiécle ; de leurs anciennes Ecoles ;
de l'établiffement des Univerfités en France
; des principaux Colléges ; des Académies
des Sciences & Belles Lettres ; des
meilleures Bibliothèques anciennes & modernes
; des plus célébres Imprimeries , &
de tout ce qui a un rapport particulier à la
Littérature avec les éloges hiftoriques
des Gaulois & des François qui s'y font
›
JUILLET . 1748. 139
fait quelque réputation ; le Catalogue &
la Chronologie de leurs Ecrits ; des Remarques
hiftoriques & critiques fur les >
principaux ouvrages ; le dénombrement
des differentes Editions , le tout juſtifié
par les citations des Auteurs originaux .
Par des Religieux Benedictins de la Congrégation
de Saint Maur . Tome VIII.
qui comprend le refte du onzième fiécle
de l'Eglife , à Paris , chés Chaubert & Com
pagnie , 1747. Volume in-quarto de 73 3
pages.
AVIS touchant une nouvelle Hiftoire
d'Amiens.
Lettre aux Auteurs du Mercure.
V d'apprendre ,Meffieurs , qu'enfin
Ous ferez peut- être pas fâché
nous allons avoir une Hiftoire complette
de la Ville d'Amiens. Il y avoit long- tems
que le public fouhaitoit que cette matiere
fut retouchée de nouveau d'après M..
de la Morliere , & l'on étoit furpris que
perfonne de cette Ville n'eût entrepris
d'en donner une qui fut plus épurée , plus
détaillée , & plus exacte que celle de ce
Chanoine. Le célébre M. Ducange , natif
de cette Ville étoit en état,plus que qui que
140 MERCURE DE FRANCE.
ce foit , de publier là - deffus quelque chofe
d'excellent , mais les ouvrages immenfes
dont il a enrichi le public , ont été cauſe
qu'il ne pût finir ce qu'il avoit heureufement
commencé . Le R. P. Daire', Religieux
Celeftin du Convent d'Amiens , &
natif de la même Ville , qui travailloit
depuis plufieurs années à donner une
Hiftoire de cette célébre Ville , Capitale de
la Picardie , vient de finir fon ouvrage . Il
l'a compofé fur la communication qu'il a
eu des titres de toutes les Egliſes & Communautés
, des Archives de l'Hôtel- de-
Ville , d'après la recherche faite dans toutes
les collections d'anciens titres qui
ont paru depuis cent ans par les foins des
Peres Benedictins & autres. Il n'a pas
manqué d'y faire mention de toutes les
découvertes d'antiquités , faites à Saint
Acheul aux fauxbourgs d'Amiens depuis le
décès de M. de la Morliere ; il y inféretoks
les anciens fages , foit Eccléfiaftiques ,
foit Civils , même ceux qui font fupprimés
depuis le fiécle préfent , enforte que
fon Hiftoire fera comme un répertoire de
tout ce qu'il y a de principal dans les Archives
de l'Evêché , dans les Regiftres du
Chapitre & des Collégiales , & dans ceux
de l'Hôtel-de-Ville, On ne doute pas que
le public ne faffe un accueil favorable à
JUILLET. ` 1748 . 14t
cet ouvrage , & qué les habitans d'Amiens
s'en muniffent avec empreffement.
L'Auteur cependant, ne voulant avoir rien
à fe reprocher , tente encore la voie de
votre Journal , pour tâcher d'apprendre
fi dans quelque Cabinet de curieux ,foit à
Paris , foit ailleurs dans le Royaume , &
hors le Royaume même , il ne feroit rien
confervé qui eût été inconnu juſqu'à préfent
, concernant la Ville d'Amiens , par
rapport à l'Hiftoire Eccléfiaftique ou Civile
, auquel cas il fupplie ceux qui auroient
quelque chofe de cette efpéce , de
vouloir bien lui donner avis en général
de ce que c'eft. Par exemple , on vient de
lui donner communication de quelques
particularités touchant Jean Rolland
Evêque d'Amiens , décédé en 1388 , qui
font tirées d'un manufcrit de l'Abbaye de
Saint Victor de Paris , & il a appris tout
recemment , que dans une autre Bibliothéque
de Paris il y a certaines chofes qui
regardent un illuftre Amiennois du qua
torziéme fiécle , lefquelles n'ont jamais
vû le jour. Cette derniere découverte à
engagé le P. Daire à faire un fupplément
à fon ouvrage , qui confiftera dans une
Notice des illuftres perfonnages d'Amiens,
principalement de ceux qui fe font diftingués
dans les Sciences. L'Auteur a crû de
142. MERCURE DE FRANCE .
5
7
voir rendre en cela à fa Patrie le même
fervice que le Pere Bequet , Celeſtin , Bibliothéquaire
de la Maiſon de Paris , a
rendu à tout fon Ordre.
TRADUCTION libre en vers de la
fixiéme Eglogue de Virgile , par M. L.
Marin , Avocat au Parlement de Paris.
A Paris , chés Cailleau , Libraire , ruë
Saint Jacques , att- deffus de la rue des Marhurins
, à Saint André , 1748 .
L'Opera de Daphnis & Chloë fera gravé
le mois prochain . La Mufique eft de M.
Boifmortier.
LE SECOND fixain des Cartes pour apprendre
la Géographie paroît depuis
peu.
Le premier jeu regarde la Champagne ,
la Lorraine , l'Alface & la Franche- Comté.
Le ſecond , la Bretagne , la Touraine ,
le Maine , l'Anjou , l'Orléanois , & le
Poitou.
Le troifiéme , la Catalogne , l'Arragon ,
Leon , la Caftille vieille , la Caftille nouvelle
, & le Portugal .
Le quatrième , la Haure Saxe , la Baſſe
Saxe , la Franconie , & la Weftphalie.
Le cinquième , le Dannemarck , la Norvege
, la Suéde , & la Pruffe.
JUILLET. 1748. 143
Le fixième , la Grande Pologne , la Petite
Pologne , la Ruffie Rouge , & la Lithuanie.
Ils fe vendent fix livres , à Paris , au
Jardin du Palais Royal ; à la porte des Thuilleries
, du côté de Saint Roch ; au Luxembourg
fous l'arcade du Jardin ; au Palais , dans la
grande Sale , au quatrième pilier , chés Morel
, le jeune , Libraire , au Grand Cyrus ;
chés le Clerc , à la Croix d'or , rue du Route
chés Badé , rue du petit Pont , à la Rofe
rouge ; à Versailles , chés l'Auteur , au coin
de la rue Dauphine ; à Rouen , chés Clement
Gunet , Marchand Cartier,
Le troifiéme Sixain paroîtra inceffamment
, & le vendra aux mêmes endroits,
PRIX PROPOSE
Par l'Académie Royale des Sciences & Belles
Lettres de Pruffe , pour l'année 1750,
L
E prix de Belles Lettres de l'année
1748 , fur le progrès des armes des Romains
en Allemagne , a été remporté par
M. Fein , Paſteur à Hameln , dans le pays
de Hanover.
Le fujet du prix de l'année 1750 fera la
queftion fuivante , tirée de la Méchanique.
:
144 MERCURE DE FRANCE.
On demande la théorie de la résistance
que fouffrent les corps folides dans leur mour
vement , en paffant par un fluide , tant par
rapport à lafigure , & aux divers degrés de
viteffe des Corps , qu'à la densité & aux
vers degrés de compreffion dufluide.
di
On invite les Sçavans de tout pays , excepté
les membres ordinaires de l'Académie
, à travailler fur cette queſtion . Le
prix , confiftant en une Médaille d'or de
cinquante ducats , fera donné à celui qui ,
au jugement de l'Académie , aura le mieux
réuffi . Les piéces , écrites d'un caractére
lifible , feront adreffées à M. le Profeffeur
Formey , Secretaire perpétuel de l'Acadé
mie. Le terme pour les recevoir eft fixé
jufqu'au premier Janvier 1750 , après
quoi on n'en recevra abfolument aucune ,
quelque raifon de retardement que puiſſe
être alléguée en fa faveur.
On prie auffi les Auteurs de ne point fe
nommer , mais de mettre fimplement une
devife , à laquelle ils joindront un billet
cacheté , qui contiendra avec la déviſe leur
nom & leur demeure. Ce billet ne fera
point ouvert , à moins que la piéce n'ait
remporté le prix .
Le Jugement de l'Académie ſera publié
dans l'affemblée ublique du 31 Mai f
2759.
On
JUILLET. 1748. 145
de On a été averti par le programme
P'année précédente , que le fujet du prix
de 1749 , pour lequel les piéces ne font
reçûës que jufqu'au premier Avril de cette
année-là , concernoit la queftion fuivante
:
Expliquer la génération du nître , & déduire
fa compofition defes véritables principes,
en prouvant par des expériences tout ce que
l'on avancera.
•
LETTRE de M. l'Abbé Raynal , écrite à
M. de la Font de Saint Tenne , au fujet de
fa lettrefur l'Hiftoire du Parlement d'Angleterre
à M.le C. de G.
'Ai reçû , Monfieur , la lettre fur mon
ouvrage de l'Hiftoire du Parlement
d'Angleterre , que vous avez eu la bonté
de m'envoyer , & je n'ai pas voulu differer
un inftant de vous remercier de l'honneur
qu'elle me fait. Je l'ai lûë , Monfieur
comme une inftruction judicieufe & polie
, & , ce qui eft inféparable chés moi
avec une reconnoiffance vive & fincére.
Je pense que fi votre jugement eût été plus
févére , le public autoit peut-être été plus
content , & je vous protefte avec candeur ,
que je ne l'aurois pas été moins. Mais
G
146 MERCURE DE FRANCE.
;
vous ne voulez pas fortir de votre caractére
, & l'on retrouve
dans tout ce que
vous écrivez les égards , la modération
, le
zéle ardent pour le progrès des Arts &
des Belles Lettres , & encore plus l'indulgence
pour ceux qui les cultivent
. Les au
tres Critiques
ne plaifent gueres que par
leur malignité
; vous avez trouvé le fecret
de rendre les vôtres intéreffantes
, en y femant
à propos de grands principes
, des
réfléxions
profondes
, des traits agréables
fur les fujets dont vous avez occafion de
parler. Vos écrits reffemblent
à votre commerce
; on en fort mieux inftruit & plus vertueux
. Oferois-je , Monfieur
, vous
demander
un nouveau
fervice ? C'eſt de
me ménager la bienveillance de la perfonnefi
eftimable & par la droiture
du coeur & par la délicateffe du goûr,à qui
vous adreflez votre lettre . Qu'on eft heureux
d'avoir de tels amis ! Je ne tarderai
pas d'avoir l'honneur de vous voir , Monfeur
, & de vous renouveller tous les fertimens
de la plus parfaite eftime & du
plus entier dévouement. Je fuis , &c .
A Fontenay ce 28 Juin.
* M. le Commandeur de Grieu.
;
JUILLET. 1748.
147
LA PAIX , Cantatille nouvelle , à voix
feule , avec accompagnement de violon ,
flûte , muſette & baſſe , miſe en mufique
par M. Quignard. Les paroles font de M.
Cevillain. Le prix eft de 24 fols . A Paris ,
chés Cailleau , Libraire , ruë Saint Jacques,
à Saint André.
On trouve chés le même Libraire toutes
fortes de Théatres & piéces anciennes & nouvelles
, détachées , les Vaudevilles quife chan
tent fur les Théatres , & l'Effaifur les Caractéres
& fur les Paffions.
SONATE a violono folo col baffo , da fignore
GuiseppeTartini, di Padoua operávii , gravées
par Mlle Bertin. Le prix eft de fix livres.
A Paris , chés Madame Boivin , ruë Saint
Honoré .
WIACAPAGAYO WATAKA PANDYA
LETTRE à M. de la Bruere fur le Projes
d'une Place pour la Statue du Roi.
JE
E n'ai aucune connoiffance en Architecture
, Monfieur ; c'eft pourquoi vous
ne ferez pas furpris que j'en parle avec
confiance , bien ou mal . Vous ferez l'ufage
qu'il vous plaira de tout ce que je
vais vous dire à ce fujet. Je dois cependant
vous avertir , afin que ma préfomption
ne vous révolte pas , qu'une inclination
Gij
1448 MERCURE DE FRANCE :
naturelle m'a toujours porté à voir , autant
que j'ai pû, les beaux ouvrages d'Architecture
; j'ai vû tout ce qu'on peut voir en ce
genre en France & en Italie , & je me fuis
quelquefois trouvé , à la vûe des beaux
Edifices , faifi d'un tranfport de plaifir &
d'admiration , qui
qui me feroit penſer , que
mon inftinct pourroit , à quelques égards ,
ne le point céder aux lumieres des gens de
l'Art.
-Mes jugemens ne font point préoccupés,
comme les leurs , par aucune affection
particuliere ; toutes les manieres , car il y
en a dans l'Architecture ainfi que dans la
Peinture , me font égales , & je n'ai pris
aucun parti entre les Palladio , les Bramante,
les Michel- Ange , les Bernin , les Manfard
, les Perrault & autres , pour ne point
parler des modernes : c'eft peut-être un
avantage que j'ai fur les gens de l'Art pour
mieux juger ; la nature eft mon unique
guide , & je ne vois que par fes yeux
.
Vous fçavez quels ont été les mouvemens
de la tendre reconnoiffance de la
Ville de Paris pour les vertus d'un Roi ,
fon Bienfaicteur , qui voudroit n'être connu
de fes peuples que par ce feul titre , &
vous fçavez quel a été le zéle des Magiſtrats
de certe même Ville , pour immortalifer
' les fentimens de la Capitale , par une Place
JUILLET. 1748. 149
publique , dont la Statuë du Roi doit faire.
le principal ornement,
Tous les Architectes ont eu ordre de
donner des Projets , tant pour le lieu qu'on
pourroit choifir , que pour la maniere de
conftruire la Place .
Sans attendre l'avis de ces Meffieurs ,
le public, qui n'eft pas plus Architecte que
moi , a fail une idée qui me paroît une
inſpiration , à en juger par l'applaudiffement
général qu'elle a reçû de tous ceux à
qui on l'a communiquée ; c'eft de prendre
la belle façade du Louvre pour le princi
pal côté de cette Place ; la Riviere & le
Quai pour le côté gauche , & de bâtir une
ligne parallele à la Riviere , avec un quatriéme
côté , à l'endroit où eft la Monnoye,
en face de la Colonade.
Je ne vous parlerai que de l'avantage
dont tout le monde eft frappé d'abord ,
de voir une Place à moitié faite du premier
coup ; l'empreffement que l'on à de
a
voir la ftatuë d'un Roi , fi digne de l'amour
de fes Sujets , élevée dans un lieu auffi convenable
, a été peut- être la principale caufe
de ce premier tranſport , car jamais je n'en
vis ni de plus vif ni de plus prompt.
Imaginez ce que c'est que de recevoir
gratuitement des mains de la nature , pour
cette grande entreprife , le canal du plus
G iij
150 MERCURE DE FRANCE. -
beau fleuve qui arrofe la France , terminé
à l'autre bord par un grand nombre de
beaux Edifices , & de recevoir encore des
mains de l'Art une autre face , qui ne demande
qu'à être montrée , pour faire voir
à tout l'univers que nous ne le cédons à
aucune Nation par les chef - d'oeuvres
d'Architecture.
Je laiffe aux gens du mêtier à donner
des Projets pour les deux côtés qui font à
faire ; nous en avons d'affés habiles , pour
croire qu'ils ne céderont pas aux talens de
leurs prédéceffeurs , mais défions - nous de
leur modeftie ; ils craindront , fans doute ,
que leurs ouvrages ne puiffent pas foûtenir
le parallele de la Colonade , & par
cette raifon ils s'oppoferont de tout leur
pouvoir au vou commun du public , &
voudront qu'on choififfe un autre lieu ; je
préfume davantage de leur capacité , &
c'eft par cette raifon même que je voudrois
les obliger à bâtir vis - à - vis du beau modéle
que leur offre cet admirable Bâtiment.
Quels efforts ne feront point leurs génies ,
é hauffés à cer afpect , pour atteindre à la
fublimité du génie qui créa ce chef- d'oeuvre
? Quelle foule d'idées & de penfées
merveilleufes n'eft on pas en droit d'attendre
de tant d'habiles gens , qui fe difputeront
la gloire d'approcher le plus près
JUILLET. 1748. 151
d'un femblable modéle ? C'eſt Corneille
qui nous a valu les célébres Tragiques
qui l'ont fuivi : pourquoi le célébre Perrault
ne feroit- il pas dans notre Nation des
Emules auffi dignes de lui ? Je fuis trop
François pour ne pas l'eſpérer .
Permettez - moi encore , Monfieur , de
vous faire part d'une idée qui m'eſt venuë
fouvent , en voyant les belles Villes que
j'ai parcourues. Ce n'eft point la quantité
des beaux Bâtimens, qui fait une belle Ville,
mais une certaine harmonie , & un heureux
affortiment des uns avec les autres ,
comme ce n'eft point la quantité des belles
figures , qui fait un beau tableau , mais une
heureufe intelligence à les difpofer & à
les grouper , tant par elles-mêmes que par
leurs lumieres & par leurs ombres . S'il
ne falloit qu'un grand nombre de beaux
Bâtimens, Paris l'emporteroit peut - être fur
Rome , & je fuis cependant forcé d'a .
voiier , tout François que je fuis , que
Rome l'emporte fur Paris ; c'eft que tous
les beaux Edifices de Rome font mis à profit
, pour exciter l'admiration de ceux qui
fe promenent dans cette Ville admirable
au lieu que les Bâtimens de Paris font prefque
tous en pure perte , à l'exception des
Edifices qu'on voit de deffus le Pont-
Royal; afpect qui ne le céde à aucun de
Giiij
152 MERCURE DE FRANCE .
l'univers. Je dis donc qu'avec un petit
nombre de très - beaux Edifices on peut
faire une très- belle Ville , pourvû qu'ils
foient difpofés & diftribués à propos ; &
qu'on en fera une très- médiocre avec un
grand nombre de beaux Bâtimens en tout
pour
genre, s'ils n'ont pas cette heureufe
diſpofition
; c'eft qu'un bel Edifice fe multiplie
l'ornement
d'une Ville , autant de fois que vous donnez
de point
ifferens
pour
le voir , au lieu que celui qui n'eft vû que
d'un feul point , ne fait jamais
qu'un Edi- fice , car je ne parle pas de ceux qu'on a pris tellement
foin de cacher , qu'on ne les voit point du tout : ils doivent
être regar- dés comme
nuls ; j'ajoute
encore que fi les lieux , d'où vous faites envifager
un beau Bâtiment
, font les lieux les plus fréquentés
de la Ville , ceux par lefquels
fes ha- bitans & les Etrangers
paffent
le plus fou- vent , c'est une feconde
façon de le multiplier.
Donnez-moi , par exemple , la Colonade
du Louvre , le Luxembourg , les
Thuilleries & le Portail de Saint Gervais
à placer dans deux rues qui traverferont
le centre de Paris , & qui fe croiſeront .
Que je les place aux extrêmités de mes
deux ruës, dès-lors ces quatre Edifices, étant
vûs continuellement de tous ceux qui vont
THE
K
PUBLIC.3
.
ASTON
, LEY´X
:
JUILLET. 1748 .
153
& viennent par ces rues bien fréquentées ,
fixent l'attention des Etrangers , lefquels
font peu occupés du refte,& ne font frappés
que des points de vûë , qui fe font d'abord
emparés de toute leur admiration ; voilà
la magie de Rome . Dieu veuille que ceux
qui préfident à l'embelliffement de Paris ,
imitent cet artifice innocent ; il n'en coûttera
prefque rien pour en faire la plus belle
Ville du monde. Je fuis , & c.
薪洗洗洗洗洗洗洗洗洗:洗洗洗洗洗洗
L'
SPECTACLES.
'Académie Royale de Muſique continue
avec un ſuccès marqué les repréfentations
du Carnaval & de la Folie ,
Ballet.
On y a joint une Pantomine très - bien
exécutée par Mlle Mimi Dalmand , &
par les fieurs Lani & Sodi , qui après
avoir brillé fur des Théatres étrangers ,
font revenus en France faire applaudir leurs
talens.
M. Royer , connu par fon génie & par
fes ouvrages , a obtenu le Privilége du
Concert fpirituel . On attend, de fa fcience
& de fon génie , des changemens dignes
de l'approbation publique.
Gy
154 MERCURE
DE FRANCE.
Les Italiens ont donné une petite Comédie
d'un acte , avec un divertiffement .
Elle eft de la compofition de M.Rouffeau,
qui a fait repréfenter quelques autres piéces
fur le Théatre François. Celle -ci eft
intitulée l'Année merveilleufe . Nous parlerons
plus au long de cet ouvrage , dont le
fujet eft tiré d'une brochure , qui a eu un
grand nombre de lecteurs.
La Tragédie de Di lon a été depuis peu
remiſe au Théatre par les Comédiens François.
Plus on voit cet excellent Poëme ,
plus on fent quel avantage ç'auroit été
pour la Scéne tragique , que l'Auteur eût
pû continuer de courir une carriere , dans
laquelle il étoit entré.d'une maniere &
brillante. Mlle. Cleron , dans le rôle de
Didon , ainfi que dans les autres rôles
qu'elle a joués , a fait admirer fon jeu noble
& pathétique .
JUILLET . 1748. 155
NOUVELLES ETRANGERES.
DE CONSTANTINOPLE les Juin.
L'Ambaffadeur du Roi de Perfe eut le 2 du mois
dernier fa premiere audience du Grand Seigneur
, & il préfenta à fa Hauteffe fes Lettres de
Créance , avec une copie des Pleins Pouvoirs , par
lefquels il est autorifé à terminer les diverfes affaires
qui restent à regler entre les deux Puiffances.
En conféquence , le Grand Seigneur a nom né des
Commiflaires pour conferer avec ce Miniftre , &
l'on fe flate de conclure bien- tôt avec la Perfe un
Traité , dont il puifle réfalter une paix durable .
Les Mai , le Comte de Caftellane , ci- devant Ambaffadeur
du Roi de France auprès de fa Hauteile,
prit congé du Grand Vifir , qui lui remit une lettre
du Grand Seigneur pour Sa Majefté Très Chrétienne.
On attend ici de Vienne un Miniftre
, chargé par l'Empereur d'avoir recours à
l'autorité de la Porte , afin que les Vaiffeaux de
Livourne , portant Pavillon Impérial , puiffent
naviguer dans la Méditerranée fans être inquietés
par les Corfaires d'Alger. Le Capitan Pacha ayant
reçû ordre de faire voile avec cinq Vaiffeaux de
guerre , fix Galeres & quinze Galiottes , pour aller
croifer dans la Mer Blanche & fur les côtes des
Inles de l'Archipel , tous les Miniftres Etrangers fe
font rendus chés lui , pour lui fouhaiter une heureufe
navigation . Le 6 au matin , il eft forti de ce
Port avec fon Efcadre , & il attend à la Rade le
vent favorable. Le Grand Seigneur l'a vû de la
pointe du Serrail faire toutes les manoeuvres , &
pendant que l'Eſcadre s'eſt miſe au large , on a fait
G vj
156 MERCURE DE FRANCE.
un feu continuel d'artillerie . Il eft arrivé des lettres
du Commandant de la Galere , dont l'équipa
ge s'eft révolté , & qui a été conduite à Malte.
Cet Officier , qui eft fils du Capitán Pacha , fe lone
extrêmement des politeffes qu'il reçoit du Grand
Maître & des Chevaliers. Sa Hautelle compte que
le Roi Très Chrétien voudra bien employer fes
bons offices , pour que ce Commandant foit remis
en liberté. Le 21 du mois dernier , le Baron de
Hochepied , Ambaffadeur des Etats Généraux des
Provinces Unies , reçût avis que la Princeſſe de
Naffau , époufe du Stathouder de ces Provinces ,
étoit accouchée d'un Prince . 11 alla fur le champ
en donner part à tous les Miniftres Etrangers qui
réfident à la Porte , & il fe propofe de célebrer cet
évenement par une fête fort magnifique . La maladie
contagieufe,qui a regué fi long-tems dans cette
Capitale , a entierement ceffé .
Quoique le Grand Seigneur eût reçû depuis
long- tems la nouvelle de la mort de Salem
Giray , Kan des Tartares de Crimée , la Hauteffe
ne lui avoit pas encore donné de fucceffeur . Elle
vient de difpofer de cette Souveraineté en faveur du
Kan Caplan Giray, & elle a fait partir fur le champ
fon Grand Ecuyer pour annoncer à ce Prince fon
élévation . Le nouveau Kan que le Grand Seigneur
, à la séquifition de Salem Giray , retenoit en
Turquie , & qui faifoit fa réfidence dans une maifon
de campagne à quelques lieues de cette Capitale
, eft venu ici remercier fa Hauteffe , & il a
pris enfuite la route de Biacca Saray , Capitale de
la Crimée L'Envoyé Extraordinaire du Roi de
Perfe a eu plufieurs conférences avec les Commiffaires
nominés par le Grand Seigneur pour regler
avec ce Miniftre les divers articles , fur lefquels il
reste encore quelques difficultés à terminer entre
les deux Puiffances . Il eut le premier Juin une au
JUILLET. 1748 . 157
dience particuliere du Grand Vifir , après laquelle
1 dépêcha un courier au Roi de Perfe , pour lui
deinander de nouvelles inftructions. En attendant
le retour de ce courier , les négociations de ce Miniftre
font fufpendues. Le 16 du mois dernier , le
Comte de Castellane , ci- devant Ambaſſadeur da
Roi de France auprès de fa Hautefle , fattit pour
aller s'embarquer à Spalatro fur un Vaiffeau qui
le anfportera à Venife. Le Bailly de Mayo , Envoyé
Extraordinaire du Roi des deux Siciles , prend
actuellement congé des autres Miniftres Etrangers.
Il compte de retourner inceffamment à Naples
à bord d'une Frégate qu'il en attend . Le prêt
des Janiffaires leur fut diftribué le 3 Juin en la
maniere accoûtumée. On a eu encore des lettre's
du Commandant de la Galere que les Forçats, qui
y étoient àla rame , ont conduite à Malte . Sur l'avis
que plus de cinquante perfonnes étoient mortes
fur divers Vaiffeaux arrivés du Grand Caire ,
on a mis ces Bâtimens en Quarantaine .
DE PETERSBOURG , le 17 Juin.
E 25 du mois dernier , l'Impératrice fe rendit
Lde Czarska Zele à Pétershoff, & cette Prin
ceffe étant revenue ici le 26 , le Baron de Breitlach,
Ambaffadeur de la Cour de Vienne , eut le lende
main fon audience de congé de fa Majefté Impé
riale , ainfi que du Grand Duc & de la Grande Ducheffe
. Le Comte de Bernes , qui fuccede à ce Minitre
, fut admis le 31 à l'audience de l'Impératrice
& à celle du Grand Duc. Ce Comte & le Baron
de Breitlach , allerent le 27 avec le Lord Hind.
ford , le Miniftre de fa Majeſté Danoife & celui
de la République des Provinces Unies , voir le
Château de Czarska Zelo. Ils y furent reçûs par
158 MERCURE DE FRANCE.
M. Nariskin , Maréchal de la Cour , & par le Ba
ron de Sievers , Chambellan , lefquels après leur
avoir montré tout ce qu'il y a de remarquable ,
les traiterent fplendidement par ordre de fa Majefté
Impériale , à dîner & à fouper L'Impératrice ,
qui avant fon avenement au Trône a poffedé le
Château de Czarska Zelo , l'avoit embelli dèslors
, autant que la fituation , dans laquelle elle fe
trouvoit , pouvoit lui permettre. Depuis , elle l'a
confidérablement augmenté , & y a fait ajoûter
plufieurs ornemens , qui rendent ce lieu de plaifance
, tant par la beauté du Bâtiment que par
celle des Jardins , l'une des plus belles Maifons
Royales de l'Europe. Il y eut le 21 du mois dernier
à Moscou un incendie confidérable , qui a
duré trente-fix heures. Quatre mille mailons ont
été réduites en cendres , & plus de cinq cens perfonnes
ont péri dans les flâmes. Le feu a été porté
par
la violence du vent à deux Villages voifins,
qui ont été entierement confumés. Le même jour,
la Ville de Veronitz a éprouvé le même malheur ,
& l'on n'a pu conferver que l'Eglife Cathédrale ,
P'Hôtel du Gouverneur & le Palais des Archives.
Toutes les maisons des deux principales rues de la
Ville de Jaraflaw ont été auffi brûlées . On fait
des perquifitions , pour découvrir fi ces accidens
ont été produits par le feul hazard, ou fi c'eft l'ou
vrage de quelques incendiaires. Un autre objer
Occupe l'attention du Gouvernement ; il s'eft répandu
dans les Bois des environs de cette Capitale
plufieurs bandes nombreufes de Brigands , qui
y commettent tous les jours des vols & des affaffinats.
Quelques détachemens de Dragons ont
monté à cheval , pour leur donner la chaffe , &
l'on en a déja arrêté quatre- vingt.
Un courier , parti de Mofcou le 3 de ce mois ,
JUILLET. 17.48. 159
.
avoit rapporté que moyennant les précautions qui
avoient été prifes , le fecond incendie , furvenu
dans cette Ville , commençoir ce jour- là à fe rallentir.
En conféquence , on efperoit d'apprendre
que les flâmes n'avoient point fait depuis de progrès
plus confidérables , torfqu'on a été inftruit
par un fecond coutier , dépêché le 7 , que le feu
s'étoit rallumé avec plus de violence qu'auparavant
; que les quartiers de Nova Bafmanna & de
Mefnitzka avoient été réduits en cendres , que les
flâmes s'étoient enfuite manifeftées dans celui
d'Ouftretinska , occupé par les principaux habitans
de Mofcou ; qu'on avoit vu paroître le feu
dans quatre autres quartiers, & que le 7 au foir plus
de la moitié de la Ville étoit brûlée. On y a arrêté
encore plufieurs perfonnes , foupçonnées d'être les
auteurs de ce défaftre , & l'on a trouvé des billets
qui annonçoient que le 9 il ne refteroit pas une
maifon dans Mofcou . Dans ces triftes circonftances
, on a auffi reçu avis que la Ville de Gluxow
en Ukraine avoit éprouvé le même malheur , &
de la maniere dont le feu y a pris , il n'eft point
douteux que ce ne foit l'ouvrage de quelques Incendiaires
. On a découvert qu'il y avoit à Derpt
une troupe de ces célérats , dont le projet étoit de
détruire divertes autres Villes, du nombre defquelles
étoit cette Capitale . Quoiqu'on le foit affűré
d'eux , on ne néglige pas les mefures nécellaires
pour la garantir des entreprifes des mal - intentionnés
, qui ont pu échapper aux recherches du Gou
vernement , on a doublé dans toutes les rues la
Garde Bourgeoife , & l'on a fait occuper les avenues
de la Ville par des Piquets des Régimens des
Gardes. L'Impératrice a envoyé un Officier de diftinction
à Moscou , pour y donner fes ordres concernant
le rétabliffement de la Ville , les moyens
160 MERCURE DE FRANCE .
de pourvoir à fa confervation, & la diftribution des
fommes que fa Majefté Impériale a deſtinées au
foulagement des habitans . Pendant que le Grand
Duc & la Grande Ducheffe de Ruffieétoient à Goftilitz
, une Sentinelle, qui étoit en faction près de
la maifon dans laquelle ils étoient logés , s'apperçût
de quelque mouvement extraordinaire dans diverfes
parties de ce Bâtiment . Auffi- tôt il en fit
avertir ce Prince & cette Princeffe , qui fe retirerent
avec précipitation , & à peine furent - ils fortis
de la maifon , qu'elle écroula . Plufieurs de leurs
Officiers & de leurs Domestiques ont péri fous les
ruines ; d'autres ont été dangereufement bleflés .
Sa Majefté Impériale a fait au Baron de Breitlach
Ambaffadeur de l'Impératrice Reine de Hongrie
& de Boheme , un préfent double de celui que les
Ministres des autres Puiflances Errangeres ont
coûtume de recevoir. Ce Seigneur partit hier
retourner à Vienne .
DE WARSOVIE , le 30 Juin.
pour
Eurs Majeftés affifterent le jour de la Fête de
La Pentecôte dans l'Eglife de Saint Jean à la
Meffe , à laquelle M. Dembousky, Evêque de Plocxo
, officia pontificalement . Elles retournerent enfuite
auPalais,& y dinerent en public avec plufieurs
Sénateurs. Le 3 de ce mois le Caftellan de Czersxo
& le Star ofte de Berezony , Députés du Tribunal
de Radom , furent admis à l'audience du Roi ,
& lui rendirent compte des affaires portées devant
ce Tribunal. La Cour devient de jour en jour plus
nombreuſe par l'arrivée des Sénateurs & de plufieurs
autres perfonnes de diftinction .
' Le Roi s'eft trouvé indifpofé , & même il a eu
un accès de fièvre affes violent , mais à préfent fa
JUILLET. 1748. 161
;
fanté eft parfaitement rétablie. Sa Majeſté a difpofé
des Dignités vacantes , & elle a accordé celle
de Caftellan de Cracovie au Comte Potocky ,
Grand Général de la Couronne ; celle de Palatin
de Pofnanie au Comte Szoldresky , Palatin d'Inowdiflaw
, celle de Palatin de Brzefcz au Comite
Sapieha , Garde des Archives du Grand Duché de
Lithuanie celle de Palatin d'Inowdiſlaw au
Comte Szolarskу , Général de la Grande Pologne;
celle de Garde des Archives de Lithuanie au
Comte Oginsky , Grand Tréforier de cette Province
; celle de Caftellan de Pofnanie au Comte
Karczinsky, celle de Caftellan de Kalisch , au Com
te Guronsky, & ceile de Caftellan de Gnefne à M.
Zaсkrzewskу. La Lithuanie vient d'effuyer les
mêmes accidens que la Ruffie. La Ville de Mobilow
, qui fert d'entrepôt au commerce de cette
Province avec l'Ukraine , a été entierement confumée
par les flâmes Il y a eu le 11 de ce mois à
Wilna un autre incendie , qui a ruiné la plus gran,
de partie de la Ville. Le feu y a commencé par la
maifon dans laquelle fe débitent les eaux de vie ,
& où les Juifs , qui en ont la ferme , avoient eu la
négligence de laiffer des charbons allumés dans
une chambre où l'on venoit de diftiller .
L
DE COPPENHAGUE , le 29 Juin.
A Reine , accompagnée des Dames de fa Cour
& de fes principaux Officiers, fe rendit le 19 de
ce mois à Elleneur . Sa Majefté fut complimentée
à la Porte par les Magiftrats , & en entrant dans la
Ville , elle fut faluée d'une décharge générale de
l'artillerie des remparts & du Port . Dans les rues où
elle pafla, elle trouva la Bourgeoifie rangée en double
haye fous les armes. L'après midi , la Reine alla
fe promener fur les remparts , & s'étant renduë à la
162 MERCURE DE FRANCE.
Batterie du Pavillon , elle vit une Flotte Hollandoife
, qui eft venue fous l'efcorte de deux Vaif
feaux de guerre. Vers le foir , la Reine retourna à
Frederichfbourg . On a appris par un courier arrivé
d'Altena, que le Roi en a dû partir le 19 pour revenir
en cette Capitale . Les lettres du Holftein s'étendent
beaucoup fur la magnificence de la réception
qui a été faite à ce Prince dans toutes les Villes
de ce Duché. Chacune à l'envi s'eft empreffée
de fe diftinguer par des fêtes éclatantes , & il ſeroit
difficile d'exprimer la joye que les habitans
ont tépoignée d'être honorés de la préfence de
leur Souverain . Le Vaifleau le Poftillon arriva le
21 d'Amérique , ayant à bord une grande quantité
de marchandifes. L'Efcadre , fortie il y a quelque
tems de ce Port fous les ordres dn Comte de Danneskiold
Laurwig pour aller croifer dans les mers
du Nord , a été obligée par la tempête de relâcher
fur la côte de Norwege. Une des Frégates de cette
Eſcadre a perdu fon Mâts de Hune , & l'Eperon
d'une autre à beaucoup fouffert. On affûre que ce
dommage a été réparé en cinq jours , & que le
Comte de Danneskiold Laurwig a remis à la voile.
M. de Hoitfeld , Général d'Infanterie & Commanmandant
de Frederichshall , eft mort depuis peu
dans cette Fortereffe .
Avant hier , le Roi arriva du Holſtein , fa Majefté
ayant remis à un autre tems le voyage qu'elle
s'étoit propofé de faire dans quelques - uns de
fes Comtés d'Allemagne. Ce Prince fit le même
jour la revue du Régiment de Zeelande qui eft ici
en garnifon , & hier il alla dîner à Hirfcholi .
Lorfque le Roi paffa le 8 au Château d'Ennedorf,
il y fut traité le matin & le foir par M. de Mercieres
, Confeiller de Conférence , à qui cette maiſon
appartient , & il y vit une repréfentation des CoJUILLET.
1748. 163
médies Françoifes du Philofophe Marié & d'Arles
quin Sauvage , jouées par des Comédiens que fa
Majefté fait venir dans certe Capitale . On leur
conftruit un magnifique Théatre dans un des plus
beaux quartiers de la Ville , & l'on compte qu'il
fera achevé vers la fin du mois prochain. Les Comédiens
Danois font auffi bâtir un nouveau Théa
tre dans le Marché Royal à la vieille Fonderie ,
maifon dont le Roi leur a fait préfent . Le feu prit
la femaine derniere au Palais dans l'Antichambre
de fa Majefté. Heureufement , on arrêta promp
tement le progrès des flâmes , & le dommage a été
peu confidérable.
On mande de Stockholm , que la maladie du
Roi de Suéde étant augmentée confidérablement
ces jours derniers , on a fait des prieres publiques
dans toutes les Eglifes de cette Ville , pour deman
der à Dieu le rétabliffement de la fanté de fa Ma❤
jefté . Elle le porte à préfent beaucoup mieux , &
on efpere qu'elle pourra bien - tôt paroître en public
Le Prince Royal s'étant rendu le 25 du mois
dernier à Upfal , Pl’Ú iverſité , dont il a bien voulu
accepter le Titre de Chancelier , le complimenta
le lendemain fur on arrivée . Il alla le 27 à l'Académie
, où M Celfius Grand Prévôt de l'Eglife
Métropolitaine le harangua. Ce Prince affifta enfu
te au Confiftoire , après lequel on foûtint une
Théfe en fa préfence dans les Ecoles de Théologie
. Le 28 , le Prince Royal fit la revûë du Régiment
d'Uplande , dont les deux Bataillons après
diverfes évolutions militaires marcherent l'un con
tre l'autre , & exécuterent un combat fimulé , le
premier de ces Bataillons ayant à fa tête le Prince
Royal , & le fecond étant conduit par le Baron
d'Ungern Sternberg , Lieutenant Général, Le
Prince Royal vifita le 31 les réparations qui ont
164 MERCURE DE FRANCE.
été faites par fon ordre au Château & au Jardin
de Botanique, & l'après midi il partit d'Upſal pour
revenir ici.
ALLEMAGNE .
De Vienne , le premier Juillet.
L'Impératrice Reine vint ici de Schombrunn le
10 du mois dernier , pour donner audience à
Shaddi Muftapha Effendi , Envoyé Extraordinaire
du Grand Seigneur. Ce Miniftre fut conduit à
cette audience par M. de Schwacheim , Premier
Interprete de fa Majefté Impériale pour les Langues
Orientales, lequel étoit allé le prendre en fon
Hôtel dans un des caroffes de l'Impératrice . Les
préfens , que le Grand Seigneur a chargé fon Envoyé
de remettre à cette Princeffe , font un Bouquet
de pierres précieufes , difpofées de telle façon
qu'elles forment differentes feurs ; une Chaine
d'or , dont l'Agrafe eft de diamans ; un grand nom
bre de Piéces d'Etoffes de foye , brochées en or &
en argent ; plufieurs Tapis travaillés en or , en argent
& en foye, & quelques Boëtes remplies de
Baume de la Mecque . Ceux deftinés pour l'Empe .
reur font une Aigrette de diamans ; une épée enrichie
de rubis ; un Sabre de Damas , dont la poignée
eft de Jafpe , & le foureau garni de plaques
d'or , un harnois de cheval , avec une broderie de
perles. Ils ont été expofés pendant plufieurs jours
à la vue du public dans la Salle des Chevaliers .
Leurs Majeltés Impériales , accompagnées du
Prince & de la Princeffe de Lorraine , partirent le
11 pour la Moravie avec une fuite de vingt - cinq
carofles. Le même jour , elles coucherent au Château
de Nicolafbourg chés le Prince de Dietrich
JUILLET . 1748. 165
elles
Rein. Elles arriverent le 12 à Brinn , & le 14
yvirent patler la premiere Colonne des troupes
Ruffiennes , que le Roi de la Grande Bretagne &
la République des Provinces - unies ont prifes à leur
fervice. Des Députés des Etats de Moravie le font
reħdus à Brinn, pour complimenter leurs Majeftés
Impériales , & ils ont préfenté à l'Impératrice une
Bourſe de trente mille ducats , que la Province lui
a envoyée en forme de DonGratuit.Les Etats de la
Baffe Autriche ayant fait le 14 l'ouverture de leur
affemblée , le Comte de Haugwitz que l'Impératrice
a nommé , pour y affifter en qualité de fon
Commiffaire,yfut conduit par desDéputés des trois
Ordres , & reçû au bas de Peſcalier par le Comte
de Brewner , qui exerce par interim les fonctions
de Maréchal de la Province. Lorsqu'il eur fair
part à l'affemblée des demandes de l'impératrice ,
il fut reconduit avec les mêmes cérémonies qu'on
avoit obfervées à fon arrivée . Il vint le 12 d'Aix•
la-Chapelle un courier , dont les dépêches furent
auffi tôt envoyées à leurs Majeftés Impériales. On
continue de faire marcher des recrues pour les Régimens
qui doivent refter dans les Pays Bas . Deux
des trois Bataillons de Croates , qui avoient pris la
route de la Hollande , ont repaffé ici pour retour
ner en Esclavonie . Le Régiment de Collowrath
qui eft en garnifon dans cette Ville ; a ordre de fe
rendre à Hermanstadt. On affûre que le Prince
Louis de Brunſwick Wolfenbuttel , obtiendra le
Gouvernement d'une des principales Villes du Brabant
. Le bruit court auffi , que le Comte de Schrat.
tenbach , Chanoine de l'Eglife Cathédrale d'Olmutz
, fera nommé Coadjuteur de l'Archevêque
de Prague.
Leurs Majeftés Impériales revinrent de Morawie
le 21 , & ayant traversé cette Ville , elles fe
166 MERCURE DE FRANCE.
rendirent au Château de Schombrunn , pour voir
les Archiducs & les Archiducheiles. Eiles allerent
enfuite à Hetzendorff rendre vifite à l'Impératrice
premiere Douairiere. Les Etats de la Baffe Autriche
continuent avec beaucoup d'affiduité leurs
délibérations fur les demandes qui leur ont été faites
de la part de l'Impératrice Reinè par le Comte
de Haugwitz , & fur les moyens de mettre un
meilleur ordre dans l'adminiftration, des Finances
de la Province . On s'attend d'apprendre bien- tôg
que conformément aux ordres envoyés au Feldt-
Maréchal Comte de Browne par l'Impératrice
Reine , les hoftilités ont ceffé en Italie . Le bruit
court qu'on n'y laiffera que le nombre de troupes
néceffaires pour la garde des Places . Deux cens
Déferteurs des troupes Eſpagnoles & Géneifes ont
pris parti dans le Régiment de Vafquez . Le Comte
de Henckel & le Baron de Bechini doivent aller
dans la Strie & dans la Carinthie en qualité dẹ
Commiffaires de l'Impératrice Reine , pour y regler
plufieurs affaires concernant la Juftice & les
Finances. Cette Princeffe a accordé à M. de Waldaften
la charge de Chancelier du Haut Tribunal
de Moravie , & M. de Wanfura a été pourvû de
celle de Vice-Grand Chambellan du Royaume
de Bohême .
Depuis le retour de leurs Majeftés Impériales ,
on a appris que lorfqu'elles avoient vû défiler les
troupes Ruffiennes , l'Impératrice Reine avoit fait
diftribuer plufieurs préfens aux Officiers , & un
florin à chaque foldat. M. Buſch , Miniftre du Roi
de la Grande Bretagne comme Electeur de Hanover
, ayant reçû ordre de ce Prince d'aller le joindre
, fe rendit le 23 à Schombrunn , où il eut une
audience de l'Empereur & de l'Impératrice . Leurs
Majeftés Impériales allerent le 25 voir à Mannerf
JUILLET. 1748 . 167
dorf la Comteffe de Fufch. Les Etats de la Baffe
Autriche n'ont point encore pris de réfolution fut
les demandes qui leur ont été faites. Ils ont établi ,
pour examiner la maniere de mieux repartir les
taxes , une Commiffion compofée des Abbés
d'Altenbourg & de Sainte Claire ; du Comte de
Harrach , Grand Veneur ; du Comte d'Averfperg,
& de M. Mofer , Vice Maréchal de la Province,
Le Régiment de Cuiraffiers de Bernes , qui eft dans
cette Ville , doit retourner en Hongrie , & il fera
remplacé ici par le Régiment de Dragons du Prin
ce Jofeph , qu'on attend des Païs Bas. Shaddi Ef
fendi , Envoyé Extraordinaire du Grand Seigneur,
étant allé il y a quelques jours vifiter la Salle des
Curiofités , & ne s'étant fait accompagner que par
une fuite peu nombreufe , plufieurs de fes Domeftiques
s'imaginerent que fon deffein étoit de leur
dérober la connoiffance des préfens que leurs Majeftés
Impériales deftinoient à la Hauteffe . A fon
retour , ils lui firent de violens reproches à ce fujet
, & peut être fe feroient- ils portés à d'autres
extrémités , fi ce Miniftre n'avoit reclamé l'affiftance
du Gouvernement , qui a fait arrêter les plus
mutins , & les a envoyés à Belgrade.
DE BERLIN le 9 Juillet.
E 30 du mois dernier , le Roi revint du Duché
de Magdebourg , où la Majefté étoit allée faire
la revue des troupes qui y font en quartier Ces
troupes font les Régimens d'Infanterie d'Anhalt-
Deffau , de Bredow. , de Bonnin , de Kleift , de
Borck & de Derschau , & quatre Régimens de Cuiraffiers.
Le Roi, accompagné du Prince Ferdinand,
de Brunſwick , vint hier de Potſdam en cette Ville.
Après avoir tenu Confeil d'Etat , ce Prince fe ren
768 MERCURE DE FRANCE.
>
dit à Monbijoux , & y foupa chés la Reine Douai
riere avec les Princes & les Princeffes de la Famille
Royale. Le Comte & le Baron de Bredow ,
Lieutenans Feldt . Maréchaux ont été nommés
Chevaliers de l'Ordre de l'Aigle Noir. Il a paffé
ici un Officier François , chargé de dépêches
pour le Marquis de Lanmary , Ambaffadeur du
Roi Très-Chrétien auprès du Roi de Suéde.
L'Académie des Sciences & des Belles Lettres éta .
blie en cette Ville , aa élû pour Affociés M. Baumgarten
, Profeffeur en Théologie à Hall ; le Chevalier
Hedelinger , célébre par la connoiffance
qu'il a des Médailles ; M. Becman , Profeffeur du
Collège de Saint Joachim ; Meffieurs Paſſavant &
Battier, Suifles , & M. Julien Offray de la Mettrie,
de Saint Malo. Sa Majefté a fait préfent à M. de
Maupertuis , Président de l'Académie , de deux
Globes d'argent , qui étoient dans la grande Salle
des appartemens du Roi Frederic J.
DE HANOVER le 2 Juillet.
LEComte de Stadian , que l'Electeur de
Mayence a envoyé,pour complimenter le Roi
fur fon heureuſe arrivée dans les Etat d'Allemagne
, eût avant-hier audience de fa Majeſté . L'Evêque
Suffragant de Hildesheim s'eft acquitté
d'une femblable commiffion de la part de l'EJecteur
de Cologne. Avant- hier , le Prince Guil
laume de Heffe Caffel arriva en cette Ville , &
hier il fe rendit à Herrenhaufen. Ce Prince a déja
conferé deux fois avec le Roi au fujet des affaires
de l'Empire , & des arrangemens qui doivent y être
pris en conféquence du rétabliflement de la tranquillité
générale. Un courier , dépéché d'Aix- la-
Chapelle par le Comte de Sandwich , a apporté la
nouvelle
JUILLET. 1748. 169
nouvelle de l'Acceffion du Roi d'Eſpagne aux -Articles
Préliminaires de Paix. Selon les apparences
on ne tiendra point de Congrès dans les formes ,
& les Puiffances , qui ont été en guerre , préfereront
de conclure le Traité Définitiffur le fondement
de ces Articles , afin d'éviter les longueurs
aufquelles la difcuffion d'autres intérêts pourroit
donner lieu . Il eft parti un courier pour Vienne
avec des inftructions pour le Chevalier Robinſon ,
Miniftre de fa Majefté auprès de l'Impératrice
Reine de Hongrie & de Boheme. On prétend ici ,
que ces inftructions regardent la Convention qu'il
eft neceffaire de faire avec la Cour Impériale , par
rapport au féjour des troupes Ruffiennes dans le
Royaume de Boheme , & que les bruits, qui le répandent
fur la marche ultérieure de ces troupes ,
n'ont aucun fondement.
DE FRANCFORT le 28 Juin.
L paroît un écrit , par lequel le Duc de Wirtemberg
refute un Mémoire publié par l'Evêque de
Conftance , touchant les differends furvenus entre
ces deux Princes au fujet de l'affaire de l'Affociation
des Cercles. On aflûre que l'Electeur de
Mayence fera élû dans peu Coadjuteur de l'Evê.
ché de Worms , & Prevôt d'Elwangen. Selon lest
avis reçûs de Ratisbonne , la Régence de Naffau
Weilbourg a fait porter des plaintes aux Miniftres
du Corps Evangélique contre les Catholiques de
cette Principauté , & ces Miniftres ont écrit à
P'Empereur pour le prier d'y avoir égard. Les nouvelles
de Hanover portent qu'on y célébra le 22
de ce mois avec une très grande magnificence
l'Anniverfaire de l'Avenement de fa Majefté Britannique
au Trône de la Grande Bretagne . Ce
H
170 MERCURE DEFRANCE.
Prince a difpofé de la Lieutenance Colonelle du
Régiment de Platen , en faveur de M. de Land- :
fberg. On mande de Drefde , que le premier
tirage de la Lotterie des Rentes Viagéres a été fait
le 17 & les quatre jours fuivans. Les numeros
770,806 , 1237 , 87 & 670 , ont gagné les prin
cipaux Lots de ce Tirage.
ESPAGNE,
De Madrid le 2 Juillet.
E feu prit le 15 du mois dernier au Château
L& qu'on
cût beaucoup de peine à arrêter le progrès de l'ineendie
, & les Bâtimens ont été confidérablement
endommagés , mais on a eu le bonheur de fauver
les meubles & les effets les plus précieux. Cet accident
a obligé leurs Majeftés de revenir au Palais
da Buen Retiro. Le 13 , Fête du Saint Sacrement ,
le Roi accompagné des Ambaffadeurs , des Grands,
& de fes principaux Officiers , entendit dans l'E
glife Paroiffiale du Château d'Aranjuez la Grande
Meffe , célébrée pontificalement par le Cardinal
Patriarche des Indes , & fa Majeſté afſiſta enſuite
à la Proceffion . Don Jofeph Marie Tineo a ob
tenu un Titre de Caftille pour lui & pour les Def.
cendans , fous le nom de Marquis de Calatremanes.
Le Roi, ayant jugé à propos d'établir un Corrégidor
particulier à Bétanzos , a nommé Don
François-Xavier Gonzales d'Eftrada , pour remplir
cet emploi. Sa Majefté a diſpoſé de celui de Corregidor
de Vivéro en faveur de Don Salvador de
Sévilla Cabeza de Baca. Dona Marie Anne de
Borja y Centellas Fernandez de Cordoue, Ducheffe
JUILLET. 1748 . 171
de Gandia y Bejar , eft morte en cette Ville dans
la foixante- douzième année de fon âge.
Don Juan d'Altamirano de Mendieta a obtenu
l'Abbaye d'Uxijar de las Alpujarras, & le Roi a
accordé la dignité d'Archidiacre de l'Eglife Cam
thédrale de Malaga à Don Manuel Gonzales Pi
mentel , Tréforier de l'Eglife Cathédrale d'Aftorga
; un Canonicat de l'Eglife Métropolitaine de
Grenade à Don Antoine de Mérida y Morales ;
un de l'Eglife Collégiale de Baza à Don Alonfe
Mérino de Cortes , & une place de Chapelain de
la Chapelle Royale de Seville à Don Vincent Jofeph
Niéto de Guillamas. L'Intendant de Marine
de Barcelonne a mandé à fa Majefté , que les deux
Galéres le Saint Philippe & le Saint Janvier , commandées
par le Marquis de Camachos , y avoient
conduit un Corfaire de Port Mahon , monté de
vingt canons & de dix pierriers , fur lequel on a
trouvé un grand nombre d'armes & de barils de
grénades. Elles ont auffi repris un Navire dont ce
Corfaire s'étoit emparé , & qui avoit fait voile de
Cartagéne avec un chargement confidérable de
bled. Une Barque , armée en courſe dans l'Ife
Mayorque , a enlevé près du Détroit de Gibraltar
un petit Bâtiment , dont l'équipage étoit compofé
de trente hommes. Sa Majefté a fupprimé la
Foire , qui fe tenoit chaque année pendant trois
jours du mois de Septembre dans la Ville de
Horcajo.
Le 27 , l'Infant Cardinal & l'Infante Marie-
Antoinette retournerent joindre la Reine Douairiere
au Château de Saint Ildefonfe . Le Roi a
nommé à l'Evêché de Ciudad Rodrigo Don Pedre
Gomez de la Torre , Grand Pénitencier de
l'Eglife Cathédrale d'Oviedo. L'Intendant de
Marine de Galice a donné avis au Roi , que los
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
Armateurs Michel Oliveira & Pierre de Ges s'étoient
emparés , le premier du Brigantin Anglois
'Heureux , qui portoit diverfes marchandifes à
l'Ile de Madére ; le fecond de la Frégate la Sara ,
de la même Nation . Ce dernier Bâtiment avoit
fait voile de Darmouth pour la Barbade avec un
chargement de cidre & de bierre. Un Corfaire de
Port Mahon a été pris & conduit au Port de Palma
par un Chabec qu'on y avoit armé pour lui donner
la chaffe .
Les Lettres de Lifbonne marquent qu'on y
' avoit célébré le 6 de Juin l'Anniverfaire de la
naiffance du Prince du Bréfil , qui est entré dans
la trente- cinquième année de fon âge. Ces lettres
ajoutent que Don Manuel Gomez de Carvalho ,
Confeiller d'Etat du Roi de Portugal ; Don Duarte
Salter de Mendonça , Confeiller du Confeil des
Finances de ce Prince , & Don Gonfalve Jofeph
de Silveira Préto , Corrégidor du Civil de la Cour,
avoient été nommés Confeillers du Confeil des
Finances de la Reine de Portugal. On a fçû par
les mêmes avis , que Don Martin Velho de Barbofa
, Gentilhomme de la Maiſon du Roi de Portugal
, a épousé Dona Antoinette de Caftro Soufa
Menezes , & que Don Manuel Lopes Simoens
Evêque de Portalegre , eft mort dans fon Diocèfe,
âgé de foixante & dix ans.
GRANDE - BRETAGNE.
De Londres , les Juillet. -
?
Lle Secrétaire de la Guerre fut l'état des trou-
Es Régens du Royaume , après avoir confulté
pes , ont réfolu de congédier tous les nouveaux
Régimens , auffi-tôt qu'on aura reçû la nouvelle
JUILLET. 1749. 173
de l'Acceffion du Roi d'Efpagne aux Articles Pré-
Jiminaires . On affûre qu'en attendant , le Gouvernement
réformera quatre des Régimens de
Marine. Le Bureau de l'Amirauté fait revenir de
P'Amérique les Vaiffeaux de guerre le Cornouailles ,
de quatre-vingt canons , le Lenox , de foixante &
dix ; le Dreadnought , le Worcester & le Sunderland,
de foixante , le Sutherland & le Stafford , de cinquante
; l'Entreprise , de quarante ; le Bedford ,
de vingt , & le Brûlot le Pool. Il doit auffi rappeller
de la Méditerranée vingt trois Vaiffeaux de
Ligne , deux Brûlots , quatre Chabecs & cinq
Chaloupes. Par des lettres de la Jamaïque du 13
Avril , on avoit appris que l'Amiral Knowles y
étoit retourné , n'ayant pû réuffir dans fon entreprife
contre Sant Jago de Cuba , parce qu'il en
avoit trouvé le Port fermé par une très- groffe
chaîne , derriere laquelle les Efpagnols avoient
pofté deux Vaiffeaux bien armés & deux Brûlots ,
préparés pour mettre le feu aux Bâtimens Anglois
qui tenteroient de forcer le paffage . Depuis , on
a été informé que cet Amiral avoit remis à la voile,
dans le deffein d'intercepter une Efcadre Françoife
fur les côtes d'Hifpaniola , mais que le Vaiffeau le
Cornouailles , qu'il montoit , ayant échoué , il avoit
fufpendu l'exécution de fon projet . Selon les mê
mes nouvelles , il y adans le Port de la Havane
une Efcadre Espagnole , compofée de deux Vaiffeaux
de foixante & dix canons ; de quatre autres
de foixante ; d'un de cinquante ; d'un de vingtquatre
, & de deux de quatorze. On y conftruit
deux Vaiffeaux de quatre- vingt canons, & l'on y en
a lancé à l'eau deux de foixante & feize, Le IS du
mois dernier, les Amiraux Warren & Hawke rentre>
rent avec leurs Eſcadres dans lePort de Porftmouth,
où l'on mande que le Vice- Amiral Schrywer
H iij
174 MERCURE DE FRANCE.
с
eft arrivé à Spithead avec trois Vaiffeaux de guerre
Hollandois. M. Schick , Secrétaire d'Ambaflade,
chargé des affaires des Etats Généraux des Provinces-
Unies , remit le 11 un Mémoire au Duc de
Newcaſtle , pour réclamer un Navire de cette Nation
, lequel a été pris par des Corfaires Anglois
en allant de Nantes à Rotterdam . Le 19 , le
Duc de Newcastle s'embarqua pour paffer en
Hollande..
Le Prince & la Princeffe de Galles allerent le
23 coucher à Blackeath , d'où ils fe rendirent le
lendemain au Château de Kew. Le 20 , les Lords.
Régens du Royaume firent publier qu'on délivreroit
les Paffeports néceflaires aux Négocians , qui
-voudroient faire partir des Navires pour la France,
& que pour cet effet ils pourroient s'adreffer aux
Bureaux de l'un des Secrétaires d'Etat. On reçût
le 25 l'agréable nouvelle , que le Roi d'Espagne
avoit envoyé ordre au Marquis de Sotto Mayor
fon Miniftre Plénipotentiaire àAix- la - Chapelled'accéder
aux Articles Préliminaires . M. Wale ,
chargé ici d'une commiffion de la Majesté Catho
lique , conféra le même jour à ce fujet avec le
Duc de Bedford , Secrétaire d'Etat, & le lendemain
il expédia un courier pour la Cour de Ma
drid. Une Flotte Marchande, deftinée pour la nou
velle Angleterre , pour la Caroline , & pour quel
ques autres endroits de l'Amérique Septentrionale,
fit voile de Spithead le 20 fous l'escorte d'une Efcadre
de fept Vaiffeaux de guerre , dont un doit
conduire au Cap Bréton le Contre- Amiral Watfon
, Gouverneur de Terre- Neuve. Il y a dans
cette Flotte plufieurs Bâtimens chargés de mats,
de cables & d'autres agrès . Plufieurs Vaiffeaux de
guerre ont ordre de fe mettre en mer , & l'on croit
que c'eft pour donner la chaffe à divers Navires
JUILLET.
175 1748.
qui font la contrebande . On mande de la Floride ,
que plus de trente de nos Bâtimens ont fait nau
frage fur la côte. Les mêmes lettres marquent
qu'une Chaloupe de guerre du Roi a pris entre
Port Louis & Léogane un Navire François de dix-
-huit canons , & de cent vingt hommes d'équipage.
Il a été réfolu de faire revenir des Pays- Bas trois
Régimens d'Infanterie & deux de Cavalerie , &
l'on affûre que le Gouvernement ne tardera pas a
en rappeller plufieurs autres. Cinq cent Matelots ,
qui avoient été enlevés pár force , afin d'être employés
fur les vaiffeaux de fa Majefté , ont été re-
Jâchés. Le Chevalier de Champigny , Miniftre de
P'Electeur de Cologne , eft parti pour Hanover ,
& le Chevalier de Montecuculli a pris la route de
Vienne , où il va réfider en qualité de Miniftre du
Duc de Modéne. On a fçu par un Bâtiment arrivé
d'Antigoa à Briſtol , que le Chef d'Eſcadre Pocok
continuoit de bloquer un des principanx Ports de
Ja Martinique , mais que plufieurs Corfaires François
, profitant de cette circonftance , faifoient la
courfe avec avantage. Six Compagnies du Régiment
de Dragons , qui eft en garnifon à Glaskow,
font allées vers le Nord , afin d'achever de défarmer
les Montagnards d'Ecoffe . Le Gouvernement
a reçû de divers endroits des Relations fort
triftes au fujet des dommages caufés dans plufieurs
Provinces par l'orage du 23. La Ducheffe d'Athol
& la Ducheffe Douairiere de Kent font mortes en
Bette Ville ,Pune le 24 , l'autre le 25 .
Le Prince & la Princeffe de Galles tinrent le 29
fur les Fonts le fils , dont la Comteffe de Carlile
eft accouchée. Cet enfant fur nommé Frederic , &
P'Evêque de Bangor lui adminiftra le Batême. Let
premier de ce mois , le Prince de Galles retourna à
Kew pour y pafler le refte de la belle faifon . On
Hiiij.
176 MERCURE DE FRANCE.
>
affûre que le Duc de Cumberland n'ira point a
-Hanover avant de revenir ici Il est arrivé
un courier , par lequel on a reçû avis que les Marquis
de Sotto Mayor & Doria , Miniftres Plénipotentiaires
du Roi d'Efpagne & de la République
de Génes , avoient accédé de la part de la Majesté
Catholique & de cette République aux Articles
Préliminaires . En même tems , on a appris que le
Duc de Newcaſtle , après avoir paffé quelque tems
à Neftelroi auprès du Duc de Cumberland
avoit continué fa route vers Hanover. Le 30 da
mois dernier , le Chevalier Jean Grey arrivà de
Véniſe , où il a réfidé en qualité de Miniſtre de la
Grande Bretagne depuis le départ du Comte de
Holderneff , Ambaffadeur du Roi auprès de cette
République. On attend inceffamment de Berlin
M. Charles- Henri Williams , qui y étoit Envoyé
Extraordinaire de fa Majefté , & qui a été rempla
cé par M. Legg. Le Comte de Haflang , Miniftre
de l'Electeur de Baviere , fe difpofe à fe rendre à
Hanover. La communication avec la France eft
rétablie & les Pacquebots recommencent à
paffer de Douvres à Calais , moyennant un Paffeport
qu'ils font obligés de prendre à l'un des Bu
reaux des Secrétaires d'Etat. Selon les lettres de
Ja Jamaïque , l'Amiral Knowles en a fait voile
avec toute fon Efcadre , qu'il a partagée en deux
Divifions qui ont pris des chemins differens,
Quelques jours auparavant , il s'étoit emparé d'un
Navire , lequel portoit quelques avis à la Havane.
Les Vaiffeaux de l'Efcadre de l'Amiral Нawkе
ont enlevé à la hauteur de Newfounland onze
Bâtimens de la Martinique. Hier , les Directeurs
de la Compagnie des Indes Orientales reçûrent
des dépêches apportées à Falmouth par un Vaiffeau
Suédois , qui y a . relâché en revenant de
>
JUILLET. 1748 . 177
Canton. Ils ont été informés par ces dépêches
que fept Navires de la Compagnie étoient arrivés
de Bencolen & de la Chine à l'Ifle de Sainte He-
Jéne . Les mêmes dépêches marquent, que le Vaiffeau
le Saint Georges eft refté à la Chine. Tout l'or
que les deux Vaiffeaux de guerre , arrivés dernierement
de Lisbonne à Portfmouth , ont apporté
pour le compte des Négocians de Londres , fut
dépofé hier à la Banque. Il a été conduit ici fur
neuf chariots efcortés par quarante- cinq Matelots,
à chacun defquels on a donné une guinée . On a
fçu par un Orage , qui eft revenu depuis peu de
Dunkerque , que les Armateurs de ce Port ont fait
l'année derniere deux cent quatre-vingt - huit pri
fes , dont cent trente- huit fe font rachetées. La
Ducheffe de Newcaftle doit s'embarquer à bord
du Yacht la Caroline pour la Hollande , & après
avoir fait un voyage à Hanover , elle ita prendre
les eaux d'Aix- la-Chapelle. Les Actions de la
Compagnie de la mer du Sud font à cent neuf
celles de la Banque à cent vingt hurt , trois quarts
celles de la Compagnie des Indes Orientales à cent
quatre vingt- quatre & demi , & les Annuités àcent
deux.
FAIS - BAS
Dela Haye , le 12 Juillet.
Left arrivé d'Aix-la-Chapelle un courier , par
lequel on a été informé que le 28 du mois der
nier le Marquis de Sotto Mayor , au nom du Roi
Efpagne , & le Marquis Doria , au nom de la
République de Génes , avoient figné les Articles
Préliminaires. Les Etats de Hollande & de Weft
tife reprirent le 4 de ce mois leurs féances, & ile
HY
178 MERCURE DE FRANCE
difpoferent de plufieurs emplois vacans. Ceux der
la Province d'Utrecht , fe conformant aux inten
tions du Prince Stathouder , ont confenti auffi à
Pabolition des Fermes Générales. Le 28 du mois
dernier, le Duc de Newcastle, Secretaire d'Etat du
Roide la Grande Bretagne, cut avec le Prince Stas
thouder une longue conférence , après laquelle il
fit partir deux couriers , l'un pour Hanover , l'au-,
tre pour Londres. M. du Commun , Secretaire de
Légation , chargé ici des intérêts du Roi de Pruffe,
en eut une le 2 de ce mois avec M. Van Dyck ,
Préfident de l'Affemblée des Etats Généraux . Un
courier extraordinaire a apporté des dépêches du
Roi de Portugal à Don Freire d'Andrade, Envoyé :
Extraordinaire de ce Prince auprès de la Républi
que. Ces jours derniers M. Vos , qui étoit venu ici
pour offrir de la part du Quartier de Nimegue au
Prince Stathouder le Comté de Cullembourg , eft
retourné à Nimégue, après s'être acquitté de fa commiffion.
Le Ducde Newcaftle partit le 29 du mois
dernier pour aller joindre le Duc de Cumberland ,
& il fe rendra enfuite à Hanover. La place de
Major du Régiment d'Eco de Nergena a été don--
née au Baron d'Heekeren..
Les Députés des Etats de Hollande & de Weft
fife demeurerent affembles le 6 de ce mois depuiss
onze heures du matin jufqu'à quatre heures après
midi. Ils fe féparerent enfuite , pour ne reprendre
leurs délibérations que dans quelques jours. Le s
le Comte de Czernichew , Envoyé Extraordinaire
de l'Impératrice de Ruffie auprès du Roi de las
Grande Bretagne , & qui eft arrivé ici de Londres
le - 3 , fut préfenté au Prince Stathouder & à la
Princeffe de Naffau. Le Chevalier: Offorio , Mi
niftre du Roi de Sardaigne auprès de fa Majefté
Britannique , & le Chevalier de Champigny , que
JUILLET . 1748 . 179
+
Téfide auprès d'elle en la même qualité de la part
de l'Electeur de Cologne , ont auffi eu l'honneur
de faluer le Prince Stathouder . Ces jours derniers,
M. du Commun , chargé ici des affaires du Roi de
Prufle , eut une conférence avec M. Buteux , Préfident
de l'Affemblée des Etats Généraux , auquel
il annonça que fa Majeſté Pruffienne avoit fait retirer
du Pais de Montfort le Détachement qu'elle
y avoit envoyé , pour garantir ce territoire des
courfes des troupes irrégulieres de l'impératrice
Reine de Hongrie & de Boheme. Le Comte de
Bentinck & le Baron de Waffenaer de Catwyr ,
Miniftres Plénipotentiaires de la République, doivent
retourner le 14 à Aix- la- Chapelle , & le Gé
néral Hop , Envoyé Extraordinaire des Etats Gé
-néraux auprès du Roi de la Grande Bretagne , efti
parti pour Hanover. On croit que le Prince Sta
thouder & la Princeffe de Naffau , pendant qu'on '
fera à leurs appartemens les réparations néceffaires
, occuperont l'Hôtel du Comte de Bentinck .
M. Pierre Mytens a été fait Capitaine de Haut
Bord du Collège de l'Amirauté de Weftfrife. Le
Prince Stathouder a donné un Brévet de Lieute
nant Colonel à M. Dundas , Capitaine dans le Régiment
du Major Général Stuart , & la place de
Major du Régiment de Leutrum au Baron de Wil
e. On a publié une Amniftie pour tous les Deferteurs
qui ont quitté leurs Corps avant le premier
du mois de Mai , & qui les rejoindront dans
Pintervalle de fix femaines:
DE BOIS-LE-DuC , le 1 Juillet.
ON comptoit que le Duc de Cumberland
transfereroit fon Quartier Général à Eyndhoven,
& les ordres avoient été déja donnés ann
H. vi
180 MERCURE DE FRANCE.
troupes Angloifes & Hanoveriennes , de fe tenie
prêtes à marcher pour fe rendre dans les environs
de cette Place , où l'on avoit préparé des logemens
pour trois Bataillons Anglois qui devoient y être
mis en garnifon. Elles ont reçu un contr'ordre , &
on ne fait pas encore quand elles changeront
de pofition . Le Duc de Newcaſtle , Secretaire
d'Etat du Roi de la Grande Bretagne , & le Comte
de Bentinck , Miniftre Plénipotentiaire des Etats
Généraux des Provinces Unies aux Conférences
d'Aix- la-Chapelle , arriverent hier ici de la Haye
Ils ne s'y arrêterent qu'une demie heure , & ils
partirent enfuite, pour le rendre auprès du Duc de
Cumberland à Neftelro
N
DE LIEGE , le 3 fuillet..
Euf Bataillons , fept efcadrons de Cuiraffiers
fept de Dragons, & le Régiment de Huffards
de Ghilani , des troupes de l'Impératrice Reine de
Hongrie & de Boheme , prirent le 27 du mois der
nier la route du Duché de Luxembourg , fous les
ordres du Baron de Tungern , Lieutenant Feldt
Maréchal, & du Comte d'Arberg , Major Général
Ils furent faivis le lendemain par neuf autres Ba
taillons , par quatorze Efcadrons , & par le Régiment
de Huffards de Nadaſti . Il y a apparence que
le refte des troupes , commandées par le Feldt- Maréchal
Comte de Bathiany , ira dans le Limbourg.
Ce Général partit le 29 au matin de Ruremonde
pour aller au Quartier général du Duc de Cumberland;
où les Comtes de Sandwich & de la Chavanne
, Miniftres Plénipotentiaires du Roi de la
Grande Bretagne & du Roi de Sardaigne , fe font:
kendus auffi , afin d'affiſter à une conférence qui
doit s'y tenir avec le Duc de Newcastle. M. Ja
JUILLET . 1748. r&r
quet , Evêque d'Hippone & fuffragant du Cardinal
Prince notre Evêque , eft retourné à Aix- la-
Chapelle ,d'où l'on mande que l'Impératrice Reine
de Hongrie & de Boheme ayant ratifié l'Acceffion
donnée en fon nont par le Comte de Kaunitz , les
Ratifications ont été échangées en la forme or
dinaire,
D'AIX-LA-CHAPELLE , le 8 Juillet.
L'Acte,
'Acte , par lequel le Marquis Doria , Miniftre
Plénipotentiaire de la République de Génes , a
accedé de la part de cette République aux Articles.
Préliminaires de Paix , porte que n'ayant eu que
le 18 Mai connoiffance de ces Articles , elle n'a p
prendre plus promptement fes réfolutions ; que
pour contribuer , en ce qui dépend d'elle , au ré
bliffement de la tranquillité générale , elle accede
fans aucune réſerve , à ce qui a été reglé , ainfi
qu'à la Déclaration fignée le 21 du même mois
de Mai , & à celle du 31 ; qu'elle s'engage en même
tems à faire ceffer toutes hoftilités de la pare
de fes troupes contre celles de l'Impératrice Reine
de Hongrie & de Boheme , dans le terme de trois
femaines à compter du jour de fon Acceffion , ou
plutôt , s'il eft poffible , en cas que la fufpenfion
d'armes n'ait pas déja eu lieu fuivant la teneur de
l'Article XVI des Préliminaires ; que le Marquis
Doria promet de rapporter dans un mois la Rati
cation de cette acceffion , fignée par la Républi
que. Les Miniftres Plénipotentiaires des Etats Généraux
des Provinces Unies ont remis au Marquis
Doria l'Acte d'Acceptationde ladite Acceffion des
Génois. Il eft dit dans le dernier Acte , dont il s'a
git , que les Plénipotentiaires de l'Impératrice
Reine de Hongrie & de Boheme , du Roi de la
#S2 MERCURE DE FRANCE
Grande Bretagne , du Roi de Sardaigne , & des
Etats Généraux , acceptent l'Acte d'Acceffion de
la République de Génes ; qu'au nom des Etats Gé
néraux leurs Miniftres Plénipotentiaires adimertent
, adjoignent & affocient cette République
*aux Préliminaires & aux Déclarations qui y ont
rapport ; que les Etats Généraux promettent de
concourir de tout leur pouvoir à l'exécution de
toutes les conditions énoncées dans ces Préliminaires
à l'égard d'une République , pour laquelle
ils ont tant de confidération . Depuis le 2 de ce
mois, les Comtes de Sandwich & de la Chavanne,
Miniftres Plénipotentiaires de fa Majeſté Britan
nique & du Roi de Sardaigne , font de retour da
voyage qu'ils étoient allés faire à l'armée commandée
par le Duc du Cumberland. Le Comte de
Gerfdorff , qui eft venu ici s'acquitter d'une com
miffion du Roi de Pologne Electeur de Saxe , eft
parti le 4 de ce mois pour Bruxelles , d'où l'on
Groit qu'il fe rendra à la Haye.
ITALIE.
De Rome , le 19 Juin.
Omme il regne beaucoup de maladies à Caffel
Gandolfe , on croit que le Pape reviendra
bientôt dans cette Capitale . Des Sbirres ayant
voulu arrêter du côté de Frofinone quelques Déferteurs
, qui s'étoient refugiés fur les terres de
Etat Eccléfiaftique , ces derniers fe défendirent
avec beaucoup d'opiniâtreté , & il y a eu plufieurs
perfonnes de tuées de part & d'autre . Ces jours der
niers , la Marquife Durazzo arriva de Pife avec les
deux fils & fa fille , & alla defcendre au Palais
Betroni. Suivant les avis reçûs de Naples, le Roi
JUILLET, 1748%
183
❖ ་
Jes Deux Siciles a difpofé d'une place de Confeil
Ter de la Chambre de Sainte Claire en faveur de
Don François Canfora , Juge de la Vicairerie.
On a fçû par les mêmes nouvelles , qu'une Tartane
de Sorrento , commandée par le Capitaine
Jofeph Gaffieri , avoit été conduite à Trieste par
quelques Paffagers qu'il avoit pris fur fon bord
& qui s'étoient rendus maîtres du Navire , après
s'être faifis du Capitaine & de l'équipage ; que ces
Paffagers , au nombre de 18 , étoient entrés dans
le Port avec Pavillon du Roi de Sardaigne , mais
que la Régence , ayant été inftruite de la violence
qu'ils avoient commife , les avoit envoyés en pri
fon , & avoit fait remettre en liberté le Patron &
les Matelots du Bâtiment,
1
DE GENES le z2 Juin..
Iverfes difficultés ayant retardé pendant plu
fieurs Dfreejoursla conclufion , des arrangemens
pour la ceffation des hoftilités , les Eſpagnols atta
querent le 13 de ce mois quelques Poftes avancés,
dont ils chafferent les Allemands . Ceux- ci- ont
perdu en cette occafion quatre cent hommes , &
on leur a fait cent cinquante- quatre prifonniers
du nombre defquels font un Capitaine , trois
Lieutenans & deux Enfeignes. Le même jour , le
Duc de Richelieu dépécha une Felouque à Vado
avec une lettre pour l'Amiral Bing. On aa appris
au retour de ce Bâtiment , que le Capitaine & fon
équipage avoient été reçus par les Anglois avec de
grandes démonftrations de joie , & que les Matefots
de cette Nation avoient embraffe les François,
en difant qu'ils étoient préfentement amis . Sur la
nouvelle que quelques Bataillons Allemands , que
toient en Piémont , avoient marché à Voltagio ,
184 MERCURE DE FRANCE
Je Marquis de Roquepine s'avança le 14 à la To
razza, où il y avoit déja mille hommes des troupesde
la République , & afin d'affûrer la communica
tion avec la Scoffera , le Duc de Richelieu y fie
paffer encore un Bataillon du Régiment de Brie.
On fe difpofoir ici à faire partir un nouveau trait
d'artillerie pour l'armée de ce Lieutenant-Général ,
lorfqu'on reçût avis le 16 , qu'enfin tout ce qui
concerne la fufpenfion d'armies avoit été réglé la
veille avec le Feldt -Maréchal Comte de Browne,
En conféquencé , le Duc de Richelieu & le Marquis
d'Ahumada font revenus en cette Ville ,
l'on va diftribuer des quartiers de rafraîchiflemens
aux troupes , qui ont extrêmement befoin de fe
remettre des fatigues exceffives qu'elles ont ef
fuyées pendant cette cam
Le 17 , on fit campagne.
Fextraction des noms des cinq nouveaux Sénareurs
, & le fort tomba fur Meffieurs Jean - Baptifte
Sopranis , Nicolas de Franchi , Jofeph Marie
Durazzo , Mathieu Franzone & Jofeph Marie
Doria. Il vient d'arriver encore de Monaco deux
cent hommes de renfort pour les troupes Françoi
fes , mais ce feront vraisemblablement les derniers
, & l'on eft inftruit que le Maréchal Dac de
Belle- Ifle a fait débarquer plufieurs Bataillons , qui
étoient prêts à mettre à la voile pour l'Italie. Les
équipages du Chevalier de Polignac , qui avoient
été enlevés par les Anglois , lui ont été renvoyés
par l'Amiral Bing. Quelques foldats des Compagnies
Franches , dans le deffein de profiter dur
défordre pour piller , ayant donné le 16 une fauffe
allarme dans Voltri , en criant que les Allemands
s'approchoient , la plupart des habitans prirent la
fuite avec précipitation , mais le Marquis de Ro
quepine y étant accouru , fit pendre trois ou quatre!
des principaux coupables , & en peu de tems la
anquillité fut rétablie.
JUILLET. 1748.. 185
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
Lois,& Monfeigneur le Dauphin s'y
rendit le même jour avec Madame la Dauphine.
E Roi arriva à Compiegne le 6 de ce
La Reine y arriva le 9 , ainfi
dames de France.
que Mel-
- Le 14 , le Roi fit rendre à la Paroiffe du
Château de Compiegne les Pains Benits
qui furent préfentés par M. l'Abbé du Châ
tel , Aumônier de Sa Majefté en Quartier.
On a appris que le premier du mois
dernier les Religieux de l'Ordre de Saint
Dominique avoient tenu leur Chapitre
général à Bologne en Italie , & qu'ils
avoient élû pour Général le Pere Antonin
Bremont , François de nation , & Profez
du Convent de Saint Maximin en Provenec.
Depuis 1730 , il rempliffoit auprès
du feu Général de l'Ordre la place d'Affiftant
pour la France.
186 MERCURE DE FRANCE.
BENEFICES DONNE'S.
LaRola accore Creamy Diocèle de
Sens , à M. l'Archevêque de Tours , qui a
préfidé à la derniere Affemblée générale
du Clergé , & le Prieuré Royal d'Argengenteuil
, Ordre de Saint Benoît , Diocèfe
de Paris , à M. l'Abbé de Launay , des
Miffions Etrangeres .
E Roi a accordé l'Abbaye de Vaului
Meffieurs Caffini de Thury & de la Con
damine , de l'Académie Royale des Sciences
, obferverent le 25 l'Eclipfe du Soleil
en préfence du Roi à Compiegne , où le
rems a été plus favorable qu'à Paris pour
sette obfervation .
JUILLET . 1743. 187
1
茶茶茶茶茶茶茶茶茶器
Je
.....
MORTS.
E 16 Juillet , Dame Marie-Françoife de Bour
nanville , veuve depuis le 2 Octobre 1708
d'Anne Jules de Noailles , Duc de Noailles , Pair
& Maréchal de France , Chevalier des Ordres du
Roi , Gouverneur des Comtés & Vigueries de
Rouflillon , Conflans & Cerdaigne ; Gouverneur
particulier , des Ville & Citadelle de Perpignan ,
ci devant Capitaine de la premiere Compagnie
des Gardes du Corps de Sa Majefté , & Viceroi de
Catalogne , avec lequel elle avoit été mariée le
13 Août 1671 , mourut en cette Ville dans la quatre
-vingt-treizième année de fon âge , étant née
Août 165. Elle avoit été Dame du Palais
de la Reine. Elle étoit fille unique d'Ambroife-
François de Bournonville , Duc de Bournonville,
Pair de France , Seigneur de la Motte Tilly , & c.
Chevalier d'honneur de la Reine Marie- Theréle
d'Autriche , & Gouverneur de la Ville de Paris
mort le 12 Décembre 1693 , & de Dame Lucréce
Françoiſe de la Vieuville ; petite - fille d'Alexandre
1. du nom , Duc de Bournonville , Chevalier de la
Toifon d'or , mort en France le 22. Mars 1656 .
& de Dame Anne de Melun d'Epinoy arriere
petite fille d'Oudard de Bournonville , Comte de
Hennin , Préfident & Chef des Finances pour le
Roi d'Espagne en Flandres , mort le 28 Décembre
1585 , & de Dame Marie- Chriftine d'Egmont ,
mariée le 22 Octobre 1579 , laquelle étoit fille de
Lamoral , Comte d'Egmont , Prince de Gavre ,
Chevalier de la Toifon d'or , Gouverneur d'Artois.
& de toute la Elandre , & de Sabine Princefle
188 MERCURE DE FRANCE.
Palatine , foeur de Fréderic III . du nom , Electeur
Palatin . Feu M. le Maréchal Duc de Noailles ,
mari de Dame Marie- Françoiſe de Bournonville ,
qui donne lieu à cet article , étoit fils d'Anne de
Noailles , Duc de Noailles , Pair de France , ayant
obtenu l'érection du Comté d'Ayen en Duché
Pairie fous le nom de Noailles par Lettres du mois
de Décembre 1663 ; Chevalier des Ordres du Roi ;
Capitaine de la premiere Compagnie des Gardes
du Corps de Sa Majefté ; Gouverneur , Lieutenant
& Capitaine Général des Comtés & Vigueries de
Rouffillon , Conflans & Cerdaigne , & Gouverneur
Particulier des Ville & Citadelle de Perpignan ;
Lieutenant Général de la Province d'Auvergne &
des armées du Roi ; Sénéchal & Gouverneur de
Rouergue , mort les Février 1678 , & de Dame
Loüife Boyer , Dame d'Atour de la Reine Anne
d'Autriche , morte le 22 Mai 1697. Il étoit petitfils
de François de Noailles , Comte d'Ayen , Chevalier
des Ordres du Roi , reçû le 14 Mai 1633
Lieutenant Général au Gouvernement d'Auvergne
, mort en 1645 , & de Dame Rofe de Roque-
Jaure , fille d'Antoine Seigneur de Roquelaure ,
Maréchal de France , Chevalier des Ordres du
Roi , & de Dame Catherine d'Ornezan , & arriere--
petit-fils de Henri de Noailles , créé Lieutenant Général
au Gouvernement du Haut Pays d'Auvergne,
& nomme Chevalier des Ordres par le Roi Hensi
IV. en 1604. Madame la Maréchale de Noailles
avoit eû de fon mariage vingt-up enfans ,& entr'autres
1 M le Maréchal Duc de Noailles , dont il va
être parlé ; 2 °. Marie- Chriftine de Noailles , née
le 4 Août 1672 , mariée le 13 Mars 1687 avec
Antoine Duc de Gramont , Pair & Maréchal de
France ; Chevalier des Ordres du Roi ; Colonel
du Régiment des Gardes , morte le 14 Février
JUILLET. 1748. 139
1748 , ayeule de M. le Duc & de M. le Comte de
Gramont ; 3 °. Marie -Charlotte de Noailles , née '
le 28 Octobre 1677 , mariée le 20 Novembre
1696 avec Malo- Augufte de Coetquen , Marquis
de Coerquen en Bretagne , Comte de Combourg ,
Lieutenant Général des armées du Roi , morte le
8 Juin 1723. 4°. Lucie- Felicité de Noailles , née
le 9 Novembre 1683 , mariée le 30 Janvier 1698:
avec Victor- Marie d'Eftrées , depuis Duc d'Eftrées,
Pair Maréchal , & Vice- Amiral de France
Grand d'Espagne , Chevalier des Ordres du Roi ,
morte veuve. 5. Marie- Theréfe de Noailles , néc
le 3. Octobre 1684 , mariée le 16 Juin 1698 avec'
Charles François de la Baume le Blanc , depuis
Duc de la Valiere , Pair de France , Lieutenant
Général des armées du Roi & Gouverneur de
Bourbonnois , à préfent veuve , mere de M. le Duc
de la Valiere , Pair & Grand Fauconnier de Fran
ce .. 6 ° . Marie - Françoife de Noailles , née le 13
Mars 1687 , mariée le 20 Février 1703 avec Emapuel-
Henri de Beaumanoir , Marquis de Lavardin,
Lieutenant Général en Bretagne , tué à la bataille
de Spire le is Novembre 1703 , & qui n'a point
laiffe d'enfans, 7°. Marie Victoire- Sophie de
Noailles , née le 6 Mars 1588 , mariée d'abord le
27 Janvier 1707 à Louis de Pardaillan d'Antin ,
Marquis de Gondrin mort les Février 1712 ,
laiflant feu M. le Duc d'Antin , pere de M. le Duc
d'Antiu d'apréfent , & de la Comteffe de Civrac
Dinfort & en fecondes nôces le 22 Février
1723 , à Louis -Alexandre de Bourbon , Prince
légitimé de France , Comte de Touloule , Grand
Amiral de France , duquel elle eft restée veuve le
premier Décembre 1737 , & mere de Louis - Jean-
Marie de Bourbon , Duc de Penthiévre , Grand
Amiral & Grand Veneur de France , né le 16 No-
>
>
190 MERCURE DE FRANCE.
.
wembre 1725 2 marié le 29 Mai 1744 avec
Marie Theréfe- Félicité d'Eſt , Princeffe
de Modéne
, de laquelle il a le Duc de Rambouillet
& le
Prince de Lamballe . 8 ° . Marie- Emilie de Noailles
, née le 30 Juin 1689 , mariée le 18 Février'
1713 , à Emanuel de Rouffelet
, Marquis de Châteaurenaut
, Lieutenant
Général de la Haute
& Baffe Bretagne , morte fans enfans le 7 Mai
1723. 9° . Anne - Louiſe de Noailles , née le 26
Août 1695 , mariée le 11 Mars 1716 à Jean-
François
Macé le Tellier , Marquis de Louvois ,
Capitaine
des Cent Suiffes de la Garde du Roi ,
mort le 24 Septembre
1719 , & en fecondes nôces
à Jacques - Hyppolite
Mancini Mazarini
, Marquis
de Mancini , Prince Romain , frere puîné
du Duc de Nevers , & duquel elle a Diane Adelaide
Zephirine
Mazarini
Mancini , fille unique ,
mariée le 16 Décembre
1738 avec Louis- Melchior-
Armand de Chalançon
de Polignac , Marquis
de Polignac. Madame
la Marquise
de Mancini
de fon premier mariage a eu François - Michel
le Tellier de Louvois , Marquis de Montmirel
,
Capitaine
Colonel des Cent Suiffes de la Garde du
Roi , veuf depuis le 11 Juin 1737 de Dame
Louiſe-Antonine
de Gontault
Biron , & pere
Charles-François- Céfar le Tellier , Marquis de
Crufy , & de Félicité- Louie le Tellier de Montmirel
de
Adrien-Maurice de Noailles , Duc de Noailles
& d'Ayen , Pair & Maréchal de France , Chevalier
des Ordres du Roi & de la Toifon d'or ;
Grand d'Espagne de la premiere Claffe ; Capitaine
de la premiere Compagnie des Gardes du Corps
de Sa Majefté ; Gouverneur & Capitaine Général
des Comtés & Vigueries de Kouffillon , de
Conflans & de Cerdaigne ; Gouverneur des Ville
4
JUILLET. 1748. 194
& Citadelle de Perpignan ; Gouverneur & Capitaine
des Chaffes de Saint Germain - en - Laye , &
ci devant Préfident du Confeil des Finances , & c .
fils aîné de feuë Madame la Maréchale de Noailles
, eft né le 29 Septembre 1678. Il eft veuf , de
puis le 6 Octobre 1739 , de Dame Françoife-
Charlotte- Amable d'Aubigné , Marquise de Maintenon
, & il en a eu 1 ° . Louis de Noailles , Duc
d'Ayen , né le 21 Avril 1713 , Capitaine de la
premiere Compagnie des Gardes du Corps du
Roi , Gouverneur Général des Comtés & Vigueries
de Rouffillon , Conflans & Cerdaigne ; Gou.
verneur particulier des Ville , Château & Citadelle
de Perpignan ; Gouverneur & Capitaine des
Chaffes de Saint Germain-en- Laye , le tout en fur
vivance du Maréchal fon pere , & auffi Lieutenant
Général des armées de Sa Majefté , marié depuis
le 25 Février 1737 , avec Dame Catherine- Fran
çoife Charlotte de Coffé de Briflac , de laquelle il
a Jean- Louis - François de Noailles , Comte
d'Ayen , né le 26 Octobre 1739 ; Emanuel Marc-*
Louis de Noailles , Marquis de Montelar , né le
12 Décembre 1743 ;-Adrienne-Catherine Maurice
de Noailles , née le 24 Décembre 1741 , & Phi
lippine Louife- Catherine de Noailles , née le 14
Septembre 1745. 2 ° Philippes de Noailles , Comte
de Noailles , Grand d'Efpagne de la premiere
Claffe par la démiffion du Marechal fon pere ;
Chevalier de la Toifon d'or ; Grand Croix de
l'Ordre de Malthe ; Maréchal des Camps & ar
mees du Roi ; Gouverneur de Verſailles , né le 7
Décembre 1715 , marié depuis le 27 Novembre
1741 avec Dlle . Anne- Claude d'Arpajon
Grand Croix de l'Ordre de Malthe , de laquelle
il a N ....... de Noailles , Prince de Poix , né
Ie.... Juin 1748 , & Louife-Charlotte- Henriette
>
192 MERCURE DE FRANCE.
Philippine de Noailles de Poix , née le 23 Août
1745. 3° . Françoife- Adelaide de Noailles , née le
premier Septembre 1704 , mariée le 12 Mai 1717
avec Charles de Lorraine d'Armagnac , Grand
Ecuyer de France. 4°. Amable - Gabrielle de
Noailles , née le 18 Février 1706 , mariée le s
Août 1721 avec Honoré- Armand de Villars , depuis
Duc de Villars , Pair de France ; Gouverneur.
de Provence ; Chevalier de la Toifon d'or , dont
Amable- Angelique de Villars , fille unique , femme
de Guy-Felix Pignatelli , Comte d'Egmont ,
Grand d'Espagne de la premiere Claffe. . Marie-
Louife de Noailles , née le 8 Septembre 1710 ,
mariée le 8 Septembre 1730 à Jacques de
Nompar de Caumont la Force , Duc de Cau-,
mont , Pair de France . 6 ° . Marie- Anne -Françoiſe
de Noailles , née le 12 Janvier 1719 , mariée le
9 Avril 1744 avec Louis Engelbert ¡ de la Marck
Comte de la Marck , Lieutenant Général des armées
du Roi ; Gouverneur de Cambrai , &C.
* Voyez la Génealogie de la Maifon de Noailles ,
l'une des plus anciennes & des plus illuftres de la
Province du Limofin où elle eft connue depuis
l'an 1023 , dans l'Hiftoire des Grands Officiers
de la Couronne , vol. 4. fol . 782 , & celle de la
Maifon de Bournonville , l'une des plus anciennes
& des plus illuftres de Picardie, dans le se . volume
de la même Hiftoire fol. 224.
44 Le ... Juin , a été apporté en Franco le Corps
de Henri François de Beaupoil de Saint Aulaire ,
Comte de Lanmary , Chevalier de l'Ordre Militaire
de S. Louis , ci-devant Enfeigne de Gendarmerie
, avec Brévet de Colonel , mort en Suéde
où il avoit fuivi M. le Marquis de Lanmary , fon
ftere,lorfque celui- ci fut nommé Ambaffadeur. II
a été porté à Milly en Gâtinois , fépulture de Mes
de
JUILLET . 1748. 193
de Lanmary. M. le Comte de Lanmary étoit né
le 17 Janvier 1694 ; il avoit été reçû Page de la
grande Ecurie du Roi en 1711 , puis Capitaine
dans le Régiment du Roi. Il étoit frere puîné de
Marc Antoine de Beaupoil Saint Aulaire
Marquis de Lanmary , Baron de Milly , Maréchal
des Camps & Armées du Roi , du 24 Février 1738,
ci-devant Capitaine Lieutenant de la Compagnie
des Gendarmes de Bretagne , & ancien Grand
Echanfon de France , à préfent Ambaſſadeur en
Suéde depuis l'an 174. & il étoit fils de Louis
de Beaupoil Saint Aulaire , Marquis de Lanmary ,
Capitaine Lieutenant des Gendarmes de la Reine,
& Grind Echanfon de France , mort à Cazal Major
en Italie, au ſervice du Roi , le 22 Juillet 1702 , &
de Dame Jeanne Marie Perrault , Baronne de Milly
, morte le 28 Janvier 1719 , érant alors remariée
avec Gilbert François de Rivoire , Marquis
du Palais , & petit - fils de Bon François de Beaupoil
, Marquis de Lanmary , Meftre de Camp du
Régiment d'Enghien, Cavalerie, & premier Ecuyer
du Prince de Condé , mort en 1687 , & de Dame
Anne de la Roche- Aymond Saint Maixant . Voyez
la Généalogie de Beaupoil dans l'Histoire des
Grands Officiers de la Couronne , vol . 8 fol. 587..
Le 12 , Frere Marcel de Lopes , ou Lopis , de la
Fare , Chevalier Profès de l'Ordre de Saint Jean
de Jérufalem , Commandeur de la Commanderie
de la Brague en Brabant , depuis 1741 , Capitainë
de Galeres , & ci - devant Capitaine des Gardes de
l'Etendart Royal , mourut en Provence dans la 56
année de fon âge , il étoit fils de Jean Jofeph de
Lopés ou Lopis , Seigneur de Saint Privat , & de
Dame Gabrielle de Laurens de Beauregard , fes
freres aînés étoient Antoine Gabriel de Lopés ,
Seigneur de Saint Privat , qui a plufieurs enfans
I
124 MERCURE DE FRANCE.
de Dame Jeanne Catherine Fonduti de Malijac ;
fon époufe , & Louis François de Lopés , connu
fous le nom de l'Abbé de la Fare Lopés , Abbé de
I Abbaye de S. Legaire en 1721 , & de S. Pere de
Chartres en 1730. Voyez pour la Généalogie de
cette famille , marquée par fon ancienneté , par
Tes alliances & par les fervices , l'Hiftoire de la
Nobleffe du Comté Vénaiffain , par M. Pithon-
Curt , imprimée en 1743 , vol . 2. fol . 199 .
Le 10 Juillet , Meffive Gafpard de Thomas de la
Valette , ancien Evêque d'Autun , facré le 14 Septembre
1732 , Abbé de l'Abbaye Royale , Sécu
liere & Collégiale de Figeac en Quercy en 1712 ,
& avant Député du Clergé en 1705 & 1715 , mou
rut à Paris dans la 75 année de fon âge. Il étoit
puîné de François de Thomas , Seigneur de la Valette
, mort en 1714 , & de Dame Lucrece de Cadenet
de la Tour ; il avoit pour frere cadet Louis de
Thomas de la Valette , lequel après avoir fervi
dans la Marine , a quitté le monde malgré les parens
, & eft entré dans la Congrégation de l'Oratoire
, dont il a été élû le feptiéme Général en
1733. Feu M. l'Evêque d'Autun avoit pour frere
aîné Jofeph de Thomas , Seigneur de la Valette ,
Chef d'Etcadre , mort le 19 Janvier 1744 , laiffant
de fon mariage avec Dame Gabrielle de Riper de
Carquerane , Dame dudit lieu & de l'Efcaillon
François Honoré Paul de Thomas , Seigneur de la
Valette & de l'Efcaillon , né en 1707 , mort à l'âge
de 29 ans , Enfeigne de Vaiffeau , le 21 Août 1736,
laiffant de Dame Therèle de Bruny , Marquife
d'Entrecafteaux , qu'il avoit épousé le 28 Janvier
1723 , Jofeph François de Thomas, Seigneur de la
Valette & de l'Eſcaillon , né le 26 Février 1729 ,
fait Enſeigne de Vaiffeau en 1746 , & marié le 10
Août 1747 avec Dile Marie d'Alencé , Dame de
la Couarde & de Grosrouvre, comme il eft dit dans
>
JUILLET. 1745. 195
le Mercure du mois d'Août de l'an 1747 , où il eft
marqué que la famille de Thomas eft une des plus
anciennes & des mieux alliées de Provence ; qu'elle
a produit un grand nombre de Branches , dont
il eft forti jufqu'à 22 Chevaliers de l'Ordre de
Malte , parmi lesquels plufieurs font morts Commandeurs.
Voyez l'Etat de la Provence dans fa
Nobleffe , par l'Abbé Robert , imprimée en 1693 ,
& le Dictionnaire Hiftorique de Morery , Edition
de 1732 , vol . 6. fol . sös .
Le même jour , Louis Athanafe de Pechpeyrou de
Comenges , Comte de Guitaud , Marquis d'Epoiffes ,
Lieutenant général des Armées du Roi, du premier
Août 1734 , ci - devant Infpecteur Général d'Infanterie
, mourut à Paris dans la 70 année de fon âge.
Il avoit été marié le 19 Septembre 1719 avec
Dlle Elifabeth Magdeleine Chamillart , fille
de Clément Chamillart , Seigneur de Villatte ,
Préſident de la Chambre des Comptes de Paris ,
& de Marie Magdeleine Benigne Nicolas de Luffé.
Il étoit fi's , de Guillaume de Pechpeyrou de Comenges
, Comte de Guitaud , Chambellan & Premier
Gentilhomme de la Chambre de M. le Prince
de Condé , Capitaine Lieutenant de fa Compagnie
de Chevau Legers , Gouverneur des Inles de
Sainte Marguerite & de Saint Honorat de Lérins ,
reçû Chevalier de l'Ordre du Saint Eſprit à la Promotion
du 31 Décembre 1661 , mort le 27 Décembre
1685, & de Dame Elifabeth Antoinette de
Verthamon , fa feconde femme. Le nom de Pechpeyrou
eft marqué entre les plus nobles de la Pro
vince du Quercy , & la Généalogie en eft rappor--
tée dans le cinquiéme volume du Dictionnaire
Hiftorique de Morery de l'Edition de 1732. Voyez
auffi l'Histoire des Grands Officiers de la Courons
ronne , vol. 9. fol . 207.
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
CEREMONIE DU BAPTES ME
de M.le Marquis de Gefures.
L'anan, Madame la Maréchal
' An 1748 , le Jeudi 30 Mai , la Ville de Paris
Montmorency, Mareine de M. le Marquis de Gefauquel
les Cérémonies du Baptême ont été
fuppléées en l'Eglife de S. Jean en Grève.
vres ,
Dès fa naiffance au Château de Saint Quën le
neuf Mai 1733 , la Ville avoit marqué à M le
Duc de Gefvres le défir qu'elle avoit d'être Parein
de M. fon Neveu , au défaut de fils qu'il n'a point,
& de donner ce témoignage public de la fatisfaction
que reffentent tous les habitans de la Capitale
de la douceur & de l'équité de fon gouvernement,
& en même- tems du reſpect & de l'affection qu'ils
lui portent.
Sa Majesté ayant bien voulu donner fur cela
fon agrément par la lettre ci jointe ..
A Monfieur , Monfieur de Bernage ,
des Marchands à Paris.
MONSIEUR ,
Prévôt
J'ai rendu compte au Roi du défir que le
» Corps de Ville auroit de donner à M. le Duc
e de Gefvres des marques d'attention & de reconnoiffance
, en tenant comme Parein fur les Fonts
Baptifmaux M. le Marquis de Gefvres , fon Ne-
» veu , avec Madame la Maréchale de Montmo-
» rency , comme Mareine ; Sa Majesté m'a chargé
» de vous mander qu'elle l'approuvoit , & que
ל כ
JUILLET. 1748. 197
E
vous pouviez vous concerter avec M. le Duc
» de Gefvres , pour fixer le jour de cette Cérémonie.
Je fuis très - parfaitement ,
MONSIEUR ,
Votre très-humble & trèsobéiflant
ferviteur ,
Signé , MAUREPAS.
A Versailles , le 20 Mai 1748 .
Cet agrément du Roi fut donné dans une circonftance
heureufe ; la ceffation de la guerre ,
dont la nouvelle devenoit publique & certaine de
plus en plus , permettoit à la Ville d'exécuter fon
projet ancien ; & le foin de fuivre le Roi de
victoires en victoires, & de célébrer les conquêtes
fans nombre , ne lui avoit pas laiflé le loifir de s'oc
cuper d'une Cérémonie qui ne refpire & n'annonce
que la paix & la tranquillité , il ne fut donc
plus queftion que de remplir les intentions de la
par rapport au Baptême .
Ville
éviter
M. le Duc de Gefvres regla toutes choſes comme
il lui elut , & fit les arrangemens pour qu'el
les fe paffaffent dans la décence , pour la Ville , &
en même- tems dans la modération & dans le fimple
, par rapport à M. fon Neveu , & pour
toute difcuffion & tout détail à ce fujet , il fut arrêté
avec la Ville , qu'elle fe conformeroit fur ce
qui avoit été fait par les Etats de Bretagne en pareille
occafion , lorsqu'ils furent Pareins de M....
.. Prince de Tarente , fils de M... Duc
de la Treinoille ........ Baptifé à S ....
.... en mil fept cent trente- huit .
Toutes chofes ayant été prévues & arrangées
.dès le vingt-un Mai , la Ville employa le peu de
le .
·
I iij
19S MERCURE DE FRANCE.
1
jours qui précéderent cette Cérémonie , à faire les
préparatifs néceffaires .
Elle fit orner & décorer la Chapelle de la Communion
, en laquelle font les Fonts Baptifmaux de
PEglife de S. Jean en Gréve , Paroiffe de l'Hôtel
de Ville de Paris :
"
On fe conforma , pour la décoration de cette
Chapelle à l'ordre & au goût de fon Architecture
, qui eft fort belle par elle-même ; le pourtour
des murs fut couvert d'une Tenture de gros de
Tours , couleur de feu , bordé & galonné d'or ; les
euvertures formoient des Balustrades entre chaque
colomne , qui étoient tendues de rideaux couleur
de feu , relevés en feftons & franges d'or , & les
appuis des balustrades étoient couverts deTapis de
velours de même couleur , avec des galons d'or.
Le carreau de la Chapelle étoit entierement
Couvert de Tapis de Turquie ; il y avoit au milieu
de la Chapelle un Prie- Dieu ,avec un Tapis à fleurs
de foye , & fond broché d'or , pour M. le Marquis
de Gefvres , un cercle de trois rangs de fauteuils ,
( avec des chaifes par derriere ) commençant aux
marches du Sanctuaire , l'Autel étoit paré & orné de
vafes magnifiques , d'argenterie , & de Chandeliers
avec des cierges ; à côté de l'Autel , deux Créden
ces , pour y poſer fur une les Saintes Huiles ,
fur l'autre les Ornemens Pontificaux , on tendit à
la voûte de la Chapelle un Dais au- deffus des
marches du Sanctuaire , & de l'ouverture (ou por
te ) de la Baluftrade qui le ferme : & qui étoit
Pendroit où devoit fe paffer la Cérémonie ; le
concours fur grand pour voir ces préparatifs , on
laiffa entrer & voir librement la veille , afin de fatisfaire
le peuple.
M. l'Archevêque de Paris donna fon licet , en
datte du 27 Mai 1748 , à M. l'Evêque de Beau .
JUILLET. 1748. 199
ais , afin qu'il fuppléât les Cérémonies du Baptê
me à M. le Marquis de Gefvres en l'Eglife de
S. Jean en Gréve.
Le Mardi 28 Mai , fur les cinq heures après
midi , le Bureau de la Ville fur avec fon cortége
ordinaire , compofé de quatre Gardes , deux Officiers
à cheval , & quatre caroffes , faire une vifite
de compliment à M. le Comte & Madame la
Comteffe de Trefmes en leur Hôtel , ruë neuve
S. Auguftin , Paroiffe de S. Roch ; Madame la
Comtefle étoit dans fon lit.
De- là le même cortége fut chés Madame la
Maréchale de Montmorency , au Convent de Bellechaffe
, rue Saint Dominique , fauxbourg Saint
Germain.
Dans ces vifites il fut de nouveau convenu de
fixer la Cérémonie au Jeudi fuivant 30 Mai
Le Jeudi 30 Mai , le Bureau , accompagné de
quatre Confeillers & deux Quartiniers , y compris
les deux Doyens , auxquels il avoit été pour cet
effet envoyé des mandemens , fe sendit à l'Hô
tel de Ville en Robes de cérémonie ( ou de velouts)
avant quatre heures après midi , dans l'apparte
iment du Greffier , joignant la Salle des Gouveryerneurs
, où le tint l'affemblée .
M. le Comte de Trefmes , Madame la Comteffe
de Treſmes , Madame la Maréchale de Montmo-`
rency , avec M. le Marquis de Gefvres , arriverent
enfemble fur les cinq heures , fuivis, d'un grand
nombre de leurs parens & alliés , tant de la Maiſon
de Gefvres , que de celle de Montmorency ; à leur
arrivée les tambours battirent aux champs.
Mefdames la Maréchale de Montmorency , &
la Comteffe de Trefines , étant defcendues de caraffe
, furent reçûës en dedans de la grande porte
par les Huiffiers en Robes de livrée , & conduites
I iiij
400 MERCURE DEFRANCE.
par le grand efcalier , garni de deux files des Gara
des de la Ville , fous les armes , jufqu'au Périftile
de la grande Salle , où elles furent reçûës vis- àvis
la Chapelle , par M. Taitbout , Greffier, qui les
conduifit , précedé des Huiffiers , par la Salle
des Gardes , au bout de laquelle , à la porte des
Appartemens , elles furent reçues par M. de Bernage
, Prévôt des Marchands , & tous ceux compofant
le Bureau.
Les Gardes du Corps de garde , & ceux de la
Salle des Gardes , étant en haye fur leur paffage ,
toutes les Dames étoient en grand habit , c'eft - àdire
en habit de Cour , & tous les Gens de Robe
étoient en Robes . L'aſſemblée fut des plus brillantes
, il n'y manqua que M. le Gouverneur , refté
à Choily près Sa Majefté , lequel avoit voulu
laiffer à M. le Prévôt des Marchands l'honneur
d'être Parein de M. fon Neveu , & de faire toute
la Cérémonie.
Tout étant prêt , on ſe mit en marche pour aller
à S. Jean en Gréve , par le chemin direct , & la ruë
du Martroy , que la Ville avoit eu foin de faire
fabler ; on marcha en cet ordre.
M. le Marquis de Gefvres marchoit d'abord ,
vêtu d'un habit blanc , chapeau & fouliers blancs ,
tenu par la main par M. le Comte de Trefmes ,
fon pere , & par M le Prince de Tingry , fon oncle
;
enſuite M. le Prévôt des Marchands, donnant
la main à Madame la Maréchale de Montmorency;
M.le premier Echevin , à Madaine la Comteffe
de Trefmes , & Meffieurs les Echevins , Officiers
du Bureau & autres , fuivant leur rang , donnerent
la main aux Dames , felon le rang qu'elles avoient
pris entre elles ; on marcha ent e deux hayes des
Gardes de la Ville , précedés d'un détachement ,
avec les Trompettes , Timballes, Hautbois , Fifres
JUILLET . 201 1748 .
& Tambours , & fermé par un autre détachement
des Gardes de la Ville .
Arrivés à la porte de l'Eglife , M. le Curé , en
Etolle , précedé de la Croix & chandeliers , &
avec fon Clergé , préfenta l'Eau - benite & les conduifit
jufques dans la Chapelle, préparée pour la Cérémonie,
& pendant que l'affemblée prenoit place,
M. le Curé , en Etolle , avec fon Clergé , précedé
de la Croix & chandeliers , alla jufqu'en fon
Prefbytere , prendre M. l'Evêque Comte de Beauvais
, pour le conduire en ladite Chapelle. La
foûle étoit fi grande, qu'il prit le parti , pour l'éviter
, d'entrer par la petite porte de la Chapelle.
M. l'Evêque falua en paffant l'affemblée , &
alla au bas des marches de l'Autel faire fa priere ;
ayant été , par les Aumôniers & Chapelains , revêtu
de fes ornemens Pontificaux , précedé de fa
Croffe , il fe mit dans fon fauteuil , pofé deffous
le Dais dans la porte même de la Balustrade, étant
tourné vers l'aflemblée .
M. le Marquis de Gefvres , qui étoit à genoux
fur fon Prie- Dieu , fe leva & s'approcha
conduit & préfenté à M. l'Evêque par M. le Prévôt
des Marchands , & par Madame la Maréchale
de Montmorency, fortis tous deux en même-tems
de leurs places , à la tête de toute l'affemblée , M.
le Prévôt des Marchands à la droite de M. l'Evêque
, & à fa gauche Madame la Maréchale de
Montmorency.
J. M. l'Evêque fuivit pour les Prieres , Cérémonies
& Onctions, ce qui eft preſcrit dans le Rituel
de Paris.
M. le Marquis de Gefvres répondit de luimême
à toutes les demandes & questions ordinai
res , avec toute la préfence d'efprit & la dévotion
qu'on en devoit attendre.
IZ
202 MERCURE DE FRANCE.
M. le Prévôt des Marchands , après avoir fait
toutes les politeffes & les déférences à Madame la
Maréchale de Montmorency , pour la prier de
nommer M. le Marquis de Gefvres , laquelle l'en
ayant toujours remercié , M. le Prévôt des Marchands
avec les Echevins impoferent à M. le Marquis
de Gêvres les noms de Louis- Joachim Paris ,
& c'eft fous ces noms que M.l'Evêque de Beauvais
lui adminiftra toutes les cérémonies du Baptême
; M. l'Evêque le revêtit à la fin d'une tunique
de taffetas blanc , laquelle l'enveloppoit entierement.
Les Inftrumens de la Ville jouerent au commencement
& par intervalles pendant la cérémonie.
Elle finit par la Bénédiction Pontificale que
M. l'Evêque donna folemnellement ; la Mufique
répondit avec les Inftrumens de la Ville , &
continua jufqu'à ce que M. l'Evêque ayant
quitté fes ornemens & repris fon Camail avec fa
Croix Pectorale , alla s'affeoir avec Paflemblée
à un Bureau , au milieu de la Chapelle , fubftitué à
la place du Prie Dieu .
Lecture fut faite de l'Acte écrit fur les Regiftres
de Baptême de la Paroiffe de Saint Jeanen-
Grêve dont voici la copie .
L'an mil fept cent quarante -huit le Jeudi trentième
jour du moi de Mai , ont été fuppleées les
Cérémonies du Baptême en cette Paroifle de Saint
Jean - en-Grêve par Illuftriffime & Reverendiffime
M. Etienne René Potier de Gefvies , Evêque Cointe
de Beauvais , Vidame de Gerberoi , Pair de
France , Abbé Commendataire de l'Abbaye Roya
le de Notre Dame d'Ourfcamp , en conféquencede
la permiffion de M. l'Illuftriffime & Reverendiffime
Archevêque de Paris , en datte du 27 du
JUILLET.
203
1748 .
préfent mois , en préfence de Meffire Jean- Baptifte
de la Hogue , Prêtre , Docteur en Théologie ,
Curé de cette Paroiffe ; à Très-haut & Tiès Puillant
Seigneur Meflire Anonyme Potier Marquis de
Gefvres , né au Château de Saint Quën- fur- Seine
près Paris , le neuf Mai mil fept cent trente- trois ,
du légitime mariage de Très- Haut & Très- Puiffant
Seigneur M. Louis Potier de Gefvres , Comte
de Trelmes , Marquis de Gandelu , Seigneur de
Montigny l'Allier , Courchamp & du Tertre
Jouan , Lieutenant Général des armées du Roiis;
Gouverneur du Ponteau - de Mer , & Lieutenant
de Roi au Bailliage de Rouen & du Pays de
Caux ; & de Très - Haute & Très - Puiffante Dame
Madame Eleonore-Marie de Montmorency Luxembourg
Tingry , fon époufe , demeurans à
Paris rue neuve Saint Auguftin , Paroiffe Saint
Roch , à ce préfens ; ondoyé le même jour de fa
naiffance à caufe du péril de mort , dans ledit
Château de Saint Onën , par Meffire Pierre Jean-
Céfar Cochin , Docteur en Théologie de la Faculté
de Paris , Curé de ladite Paroiffe de Saint
Ouën , fuivant qu'il paroît par le Regiftre des
Baptêmes de ladite Paroiffe , repréſenté par ledit
Sieur Curé , pour ce préfent , & par lui à l'inftant
retiré.
Auquel Seigneur enfant a été impofé le nom de
Louis- Joachim Paris.
Le Parein , la Ville de Paris , repréfentée par M.
Louis- Bafile de Bernage , Chevalier , Seigneur de
Saint Maurice , Vaux , Chaffy , & autres lieux ,
Confeiller d'Etat ordinaire , Grand Croix de l'Ordre
Royal & Militaire de Saint Louis , Prevôt des
Marchands.
Guillaume- Jofeph l'Homme , Ecuyer Confeiller
du Roi ,Quartinier , Jacques Bricault , Ecuyer
Confeiller du Roi , Notaire au Châtelet de Paris .
I vj
204 MERCURE DE FRANCE.
Hilaire Tripperet , Ecuyer, Avocat en Parlement,
Confeiller du Roi & de la Ville , & Dominique
Creftiennot , Ecuyer , Avocat en Parlement , Confeiller
du Roi , Notaire audit Châtelet , tous quatre
Echevins de la Ville de Paris.
:
Antoine Moriau , Ecuyer , étant Confeiller ,
Procureur & Avocat du Roi , & de la Ville ,
Jean- Baptifte Julien Taitbout , étant Greffier en
chef, & Confervateur des hypothéques de l'Hôtelde-
Ville , & Jacques Boucot , Ecuyer , Chevalier
de l'Ordre de Saint Michel , étant Conſeiller du
Roi , Receveur des Domaines , dons , octrois , &
fortifications de la Ville de Paris .
3
La Mareine Très- Haute & Très - Puiffante
Dame Madame Louife-Magdeleine de Harlay ,
Comtefle de Beaumont , & Marquife de Breval ,
veuve de Très Haut & Très- Puiffant Seigneur
M. Chriftian - Louis de Montmorency Luxem
bourg , Prince de Tingry , Souverain de Luffe ,
premier Earon Chrêtien & Maréchal de France
Chevalier des Ordres du Roi , Lieutenant Général
pour Sa Majesté au Gouvernement de Flandres ,
Gouverneur des Ville & Citadelle de Valenciennes
, des Ville & Château de Mantes , Meulan &
Pays Mantois , ay ule maternelle dudit Seigneur
Enfant Marquis de Gefvres , & ont tous figné .
Les fignatures finies , & M. le Curé ayant reconduit
& remené en cérémonie M l'Evêque de
Beauvais au Prefbytere , on fe remit en marche
dans le même ordie , pour retourner à l'Hôtel- de-
Ville , & dans le même appartement, où fe trouva
une magnifique collation avec toutes fortes de rafraîchiff
mens , qui furent fervis dans la plus gran-
י
de abondance .
Lorfque la Compagnie fortit fur les neuf heures,
Madame la Maréchale de Montmorency , M.
JUILLET.
205 1748.
le Comte & Madame la Comtefle de Trelmes ,
& M. le Marquis de Gefvres , furent reconduits
de la même maniere qu'ils avoient été reçûs .
Le lendemain Vendredi trente- un Mai , le Bu
reau de la Ville avec fon cortége ordinaire alla faire
une vifite de remerciment à M. l'Evêque de Beauvais
en l'Hôtel de Gefvres .
La Ville diftribua plufieurs corbeilles de dra
gées ; elle fit un préfent à Madame la Comteffe
de Trefmes & à M. le Marquis de Gefvres felle
étendit même fes libéralités jufqu'aux Officiers
& Domeftiques de la Maifon de M. le Comte de
Trefmes & de M. le Marquis de Gefvres.
Vers préfentés le jour de la Cérémonie à M. le
Marquis de Gefvres , fur ce qu'il a pour Parein la
Ville de Paris.
Vous avez fur la Ville un droit héréditaire.
Tout vous le renouvelle en ce jour triomphant ;
Vous en devenez l'Enfant ,
Pour en être un jour le Pere.
Par M. Roi.
Cérémonies faites au Baptême du fils du Duc
de Longueville , né le 29 Janvier 1649 ,
dont la Ville de Paris fut Parein.
LE Duc de Longueville , ayant voulu affûrer de
fon affection cette Capitale du Royaume par
le plus cher gage qu'il en pût donner, en laiffant à
Paris fon époufe tandis qu'il étoit ailleurs occupé
206 MERCURE DE FRANCE.
à lever des gens de guerre ; cette vertueuſe Princefle
redoubla le précieux ôtage de fa perfonne
par la naiffance d'un beau Prince , dont elle accoucha
heureuſement fur la minuit du vingt huitau
vingt neuf du mois dernier dans l'Hôtel de
Ville où elle avoit pris fa demeure ; lequel Prince
fut baptifé ce jour-là vingt-neuf en l'Egliſe de S.
Jean- en-Grêve avec ces Cérémonies.
La Ducheffe de Longueville , ayant fait prier
fur les neuf heures du matin le Préfident le Feron ,
Prevôt des Marchands , & les Echevins , de vouloir
tenir fon fils avec la Ducheffe de Bouillon
ils partirent de la Maifon de Ville, fuivis du Sieur
le Maire Greffier , en leurs Robes de Cérémonies ,
affiftés de plufieurs . Confeillers de Ville & des
Huifiers, revêtus de leurs Robes de livrée , le petit
Prince étoit porté par la Sage- Femme , & le Prevôt
des Marchands menoit par la main la Ducheffe de
Bouillon, ayant tous en tête les Archers de la Ville,
avec plufieurs tambours & trompettes , aux fanfares
defquelles ils allerent à pied juſqu'à l'Egliſe
de Saint Jean , à l'entrée de laquelle ils furent
reçûs par l'Archevêque de Corinthe , Coadjuteur
de Paris , accompagné du Curé de cette Paroiffe ,
& conduits jufqu'aux Fonts ; où après de longues
déferences entre le Prevôt des Marchands & la
Ducheffe de Bouillon, qui furent terminées par ce
Prélat , en difant au Parein que l'impofition du
nom lui appartenoit , ce Prince fut par lui nommé
Charles Paris , tant à caufe de la folemnité qui fe
faifoit ce jour là , felon la pieufe pratique de beaucoup
deChrétiens de donner à leurs enfans le nom
du Saint , dont on célébre la Fête lorfqu'ils.
viennent au monde , que pour le lieu où il eft né
conformément à la coûtume obfervée de tout tems
JUILLET. 1748. 207
d'impofer aux enfans des noms propres aux cir
conftances & accidens de leur naiffance , pour en
conferver la mémoire à la poſtérité , le fils d'Abraham
ayant été en cette confidération nommé
Ifaac , qui fignifie Fils du Ris , d'autant que fa
mere qui jilques là avoir été fterile , rit de joie
quand l'Ange l'affûra de fa groffeffe , & Moyfe
ainfi appellé pour avoir été fauvé des eaux,
La Cérémonie achevée , le Marquis de Noirmoutier
prit l'enfant , & le porta au même ordre
jufqu'à la Maifon de Ville , d'où il fut conduit en
caroffe à l'Hôtel de Longueville, pour y être plus
commodément , fans autre compagnie que fes
Nourriffes & Damoifelles , pour ce que le Prevôt
des Marchands & les Echevins n'en furent point
avertis , dont ils témoignerent leur déplaifir , auffi
de la promptitude du Baptême qui les avoit empêchés
d'y donner toutes les marques de leur zéle,
& de rendre cette action plus folemnelle , mais
la Ducheffe de Longueville , dont la modeſtie & la
piété n'éclatoient pas moins que les autres vertus
qui la faifoient eftimer de tout le monde , n'avoit
pas fouhaité qu'elle fut plus éclatante , afin qu'elle
parut plus conforme à la conjoncture du tems , de
forte qu'elle le termina par les remercimens que
les Prévôt des Marchands & Echevins firent à
cette Princeffe de l'honneur qu'elle leur avoit
fait ; ce qu'ils prenoient pour une marque infaillible
de la continuation , non - feulement de fes
affections , mais de celles du Duc de Longueville
fon époux , voire même à bon augure des affaires
préfentes.
Enfuite de quoi ils donnerent à dîner à la Compagnie
, & firent les préfens ordinaires en telle
rencontre.
208 MERCURE DEFRANCE.
ད D •ད 9 : ལྕི སྐུ 0
'ARRESTS NOTABLES .
ENTENCE de Police du 30 Octobre 1739,
qui fait défenſe aux Compagnons Pâtiffiers de
cabaler & de s'attrouper dans les cabarets , & leur
enjoint d'être munis des certificats des Maîtres
d'où ils fortent , à peine de vingt livres d'amende,
de prifon , & d'être procedé contre eux extraordinairement.
ARREST de la Cour du Parlement , du 25
Mai 1741 , portant reglement entre la Commu-
'nauté des Maîtres Chaircutiers & les Maîtres Pâtiffiers
qui fait défenſe aux Pâtiffiers d'avoir du
lard falé à fel pur , & leur fait défenfe en outre
d'acheter à la Halle aucuns jambons , ni aucune
chair de Porc , feulement du lard pour le faler ,
l'affaifonnner , & l'employer à leur métier.
AUTRE du Confeil d'Etat du Roi , du 8 Juillet
1747 , portant fubrogation de M. Merault de
Villeron , Maître dès Requêtes , au lieu & place
de M. de Lamoignon de Montrevault , pour Rapporteur
des procès mûs & à mouvoir concernant
la difcuffion des biens des fieurs Teftard & Lanoix
de Méricourt.
SENTENCE S de l'Election de Paris, des 2 1
Février & 2 M rs 1748 , renduës fur les conclufions
de M M. les Gens du Roi ; la premiere défend
à tous Collecteurs des tailles & utres , prépofés
à la recette des droits du Roi , de fe pour
voir en demandant ou défendant ailleurs que parJUILLET.
1748. 209
devant les Officiers de ladite Election , fous les
peines portées par les Reglemens , qui feront déclarées
encourues par ladite Sentence , & leur enjoint
de faire révoquer les affignations qui leur feront
données pardevant d'autres Juges , fimieux
n'aiment les remettre au Procureur du Roi de ladite
Election ; la feconde prefcrit & regle ce qui
doit être obfervé par les Procureurs & Huiffiers
dans les inftances de diftributions de deniers provenus
de la vente des effets des Taillables , ou autres
redevables des droits du Roi , entre tous les créan
ciers oppofans.
ARREST du Confeil d'Etat du Roi , du 15
Avril , & Lettres Patentes fur icelui , données à
Verſailles le 26 , regiſtrées en Parlement le 18
Mai , portant réunion à la Communauté des Officiers
Vendeurs de Poiffon de mer , frais , fec , fa
lé & d'eau douce de cette Ville de Paris , des quatre
fols pour livre , établis par Edit du Mois de
Septembre 1747 , fur les droits attribués à ladite
Communauté , & autorife lefdits Officiers d'emprunter
, avec exemption de Dixième , & deux
fols pour livre en fus.
>
AUTRE , du 23 Avril , qui caffe un Arrêt de
la Cour des Aides de Rouen , du 10 Mars 1748
en ce qu'il avoit modéré à 60 liv. les amendes de
confifcation & dépens , aufquels Georges Roullin
& fa femme, du Village de la Faverie , avoient
été condamnés par Sentence contradictoire de l'Election
de Domfront , du 27 Septembre 1747 ,
pour avoir vendu du Poiré en détail fans déclara
tion. Ordonne l'exécution de l'Article premier du
Titre de la Vente en détail , de l'Article cinq du
Titre des Droits fur le Cidre & Poiré , de l'Ordon
210 MERCURE DE FRANCE.
nance des Aides , du mois de Juin 1680 , & de la
Déclaration du 4 Septembre 1708 , confirme ladite
Sentence des Elûs de Domfront , du 27 Septembre
1747 , & condamne lefd . Georges Roullin &
fa femme , en la confifcation des choſes faifies , en
75 liv . d'amende , aux dépens , tant des caufes
principales que d'appel , & au coût du préfent Arrêt
, liquidé à 75 liv.
SENTENCE de M. le Lieutenant Général
de Police , du 24 Mai 1748 , contre Me . P......
Procureur des nommés P.... le fils , Alexandre
P .... D .... F .... & autres , Compagnons Boutonniers
, au nombre de trente fix , qui leur fait
défenfes & à tous autres , de former aucune demande
contre les Jurés de leur Communauté , de
s'affembler ni cabaler entr'eux , à peine d'emprifonnement
, & de plus grande peine fi le cas y
échoit ; & permet aux Jurés de fe faire affifter d'un
Commiflaire & de la Garde des barrieres , pour
l'exécution de la préſente Sentence , & condamne
les défaillans en tous les dépens , même aux frais
de la préfente Sentence.
}
AUTRE du 21 Juin , qui condamne la Dame
C. ...en trois mille livres d'amende , pour avoir
tenu chés elle une affemblée de Pharaon , & le
Sr. M.... auffi en trois mille livres , pour y avoir
taillé.
ARREST de la Cour du Parlement du 25 ,
portant fuppreffion d'un livre intitulé : Defuprema
Romani Pontificis Autoritate , hodierna Ecclefia
Gallicans Doctrina , Autore *** in Regiá Univerfitate
Taurinenfi Juris utriufque Doctore , Tomus primus
, &Tomusfecundus. Avenione , typis Franciſci
Girard,in platea Sancti Defiderii, M. DCC. XLVII.
JUILLET. 1748. 211
Cum Superiorum Permiſſu & Approbatione. Extrait
des Regiftres du Parlement. Ce jour les Gens du
Roi font entrés , & Me . Louis- François - de Paule
le Fevre d'Ormeflon , Avocat dudit Seigneur Roi,
portant la parole , ont dit : Meffieurs nous apprenons
que l'on commence à répandre dans cette
Ville des exemplaires d'un livre imprimé à Avi
gnon , fous le titre : De fuprema Romani Pontificis
autoritate , hodierna Ecclefia Gallicane Doctrina
Et ce titre même qui nous annonce la fingularité
de cet ouvrage , eft auffi ce qui doit exciter la
principale attention de notre ministére. Contre la
certitude des faits , la notoriété publique des fentimens
de la France , la foi des monumens les plus
authentiques , contre les précautions qui ont été
prifes dans les exemples mêmes , dont l'Auteur
cherche à abufer , il entreprend d'oppofer l'Egli
fe Gallicane à elle même , & de trouver des armes
contre elle jufques dans les Actes , où réfide le
dépôt des preuves les plus conftantes de la doctri
ne parce que cette Eglife a donné dans tous les
tems des marques de fon attachement inviolable
a la Chaire de Saint Pierre , au centre de l'unité
à cette Eglife mere , où la tradition des Apôtres
s'eft toujours confervée dans toute la pureté ;
parce qu'elle reſpecte dans la perfonne du Pape ,
le Vicaire de Jefus-Chrift , & le Chef vifible de
l'Eg ife univerfelle , refpe&t qui reçoit un nouvel
accroiflement par les vertus & la profonde fageffe
du Pontife qui remplit aujourd'hui fi dignement
le Siége Apoftolique , l'Auteur veut en conclure
qu'il a pour lui les fuffrages de l'Eglife Gallicane ,
& il fait de vains efforts pour perfuader à cette
Eglife , contre ce qu'elle a dit elle-même , qu'elle
a adopté une opinion conforme à celle qu'il a plû
à ce Docteur étranger de foûtenir. Après vous
212 MERCURE DEFRANCE.
avoir donné , Meffieurs , cette idée générale d'une
entrepriſe fi téméraire , il feroit inutile d'entrer
dans un long détail de toutes les méprifes , & des
erreurs de fait où l'Auteur ft tombé , des faux
raifonnemens , des équivoques dont il a rempli
fon ouvrage , par l'ignorance où il paroît être du
ftyle de la France , & même de la véritable valeur
des expreffions dont il fe fert pour donner quelque
couleur à fes argumens. Nous nous contenterons
feulement d'obferver , que peu fidéle dans fes
citations , il affecte de changer le fens des termes
qu'il emprunte des remontrances faites par le Parlement
en 1641 , en reftreignant à la feule Egliſe
de Rome , ce qui n'eft dit dans ces remontrances
que de l'Eglife en générale . Nous aurions donc pû
oublier , & mépriser même un livre , où il eft vifible
que la vanité de l'Auteur s'eft laiffée flater ,
uniquement par l'air de nouveauté qu'il a crû donner
à fon ouvrage , quoiqu'il dût être détrompé
par le peu de fuccès qu'ont eû jufqu'ici de pareilles
tentatives , mais la crainte, des mauvaifes conféquences
qu'on pourroit tirer dans la fuite du
filence que nous garderions en cette occafion ,
nous oblige à propofer à la Cour d'interdire le débit
d'un parcil ouvrage. C'eft la voie qui nous a
été tracée par l'Arrêt qu'elle rendit en l'année
1695 , au fujet d'un livre compofé par Roccaberti ,
Archevêque de Valence , fous le titre : De Romani
Pontificis autoritate ; & c'eft ainfi , Meffieurs , que
vous en avez ufé dans tous les tems , pour empê
cher qu'on ne fit entrer dans le Royaume des
écrits contraires aux maximes qui y font reçûës ,
& aux libertés de l'Eglife Gallicane . Tel eft l'objet
des conclufions par écrit , que nous laiffons à la
Cour , avec un exemplaire de l'ouvrage. Eux retités.
Vû le livre intitulé : De fuprema Romani PonJUILLET.
1748. 213
tificis autoritate hodierna , Ecclefia Gallina Doctrina ;
Autore *** in Regiâ Un verfitate Taurinenfi juris
utriufque Doctore , Tomus primus , & Tomus fecundus.
Avenione , typis Francifci Girard , in platea
Janeti Defiderit. M. DCC. XLVII. Cum Superiorum
Permiffu & Approbatione. Enſemble les Conclufions
par écrit du Procureur Général du Roi :
oui le rapport de Me, Louis Charles - Vincent de
Salaberry , Confeiller , la matiere miſe en délibération.
La Cour a ordonné & ordonne que ledit
livre fera fupprimé , enjoint à tous ceux qui en ont
des exemplaires , de les remettre inceffamment au
Greffe de la Cour, pour y être fupprimés, Fait trèsexpreffes
inhibitions & défenfes à tous Libraires &
à toutes autres perfonnes, de quelque qualité &condition
qu'elles foient , de retenir , vendre , débiter,
ou autrement diftribuer aucuns exemplaires dudit
livre , fous telle peine qu'il appartiendra . Ordonne
que le préfent Arrêt fera imprimé , lû , publié
& affiché par tout où befoin fera , & copies collationnées
envoyées aux Bailliages & Sénéchauffées
du Reffort , pour y être lûes , publiées , enregistrées
& affichées. Enjoint aux Subftituts du Procureur
Général du Roi d'y tenir la main , & d'en certifier
la Cour dans un mois . Fait en Parlement le 25
Juin 1748. Signé , DUFRANC.
Le fieur Houdemart , Marchand Droguiste à
Paris , rue de la vieille Monnoye , poffeffeur de
tous les Secrets de feu M. Gamart , fon oncle, Médecin
de feu M. le Régent, & depuis de M. le Duc
d'Orléans , à la Maifon duquel il a eu l'honneur
d'être attaché jufqu'à fon décès , continuë de diftribuer
avec fuccès & approbation du public , un
remede fouverain & très- affûré, pour toutes les ef
214 MERCURE DE FRANCE.
peces de maladies du poulmon , les douleurs de
poitrine , provenantes de naiffauce , ou accidentellement
pour les toux plus invétérées,fuites de couches
& regles fupprimées ; il eft très- bon pour tous
épuifemens , pour la pthyfie , l'afthme , les fuperfluités
féreufes , catharreufes , malignes de la
poitrine & du poulmon , même accompagnées de
vapeurs hyfteriques ; c'eft un des plus grands Balfamiques
qui ait encore parû , lequel étant porté
par le torrent de la circulation dans le poulmon ,
s'infinue dans tous les vaiffeaux qui le compofent,
tant capillaires , que vafculaires , en pénetre lafubftance
& les cellules par fa fluidité , & détruit tous
les ulcéres qui gâtent le reffort de cette partie , ce
qui fait une bien meilleure fanguification , en
donnant plus de force & de reflort à ce vifcere
pour broyer & fluidifier le fang , & le mêler intimement
avec le chyle , ce qui le remet dans fon
état naturel , & rétablit la fanté en très-peu de
tems. L'uſage en eft très -aifé . On prie ceux qui
voudront s'en fervir , d'envoyer le détail de leurs
maladies, & d'affranchir les ports de lettres Comme
il paroît fous differens noms plufieurs Remedes
P'Auteur avertit qu'il n'y a que chés lui qu'il fe
vend ; comme il pourroit arriver auffi que plu
fieurs perfonnes doutaflent du vrai , pour la parfai
te guérison de ces maladies , l'Auteur eft muni de
tous les certificats & lettres de remercîment de
nombre de perfonnes qu'il a guéries depuis deux
à trois mois , parmi lesquelles il s'en trouve de
très diftinguées , tant par leur caractére que par
leur état.
APPROBATION.
J
2146
'Ai lú par ordre de Monfeigneur le Chancelier
le Mercure de France du mois de Juillet
1748. A Paris le premier Août 1748.
BONAMY.
P
TABLE .
IECES FUGITIVES en Vers & en Profe
Suite de la Séance publique de l'Académie des
Siences ,
La jonction des Mers , Poëme ,
3
25
Recherches fur l'Hiftoire de Carthage , par M.
Remond de Sainte Albine ,
Ode Elégiaque fur la mort d'un Serin ,
32
SI
Differtation fur un vers de la Tragédie des Ho
races "
Stances à M L. H ***
SS
65
Lettre de M. Piganiol de la Force à M. *** , 68
La Méptife ,
Elégie ,
Lettre aux Auteurs du Mercure ,
72
73
75
Vers préfentés au Prince Héréditaire de Saxe Gotha
Lettre écrite de Riez ,
Vers aux Mânes de la Fontaine ,
77
.79
93
94
L'intention fait le prix des actions humaines ,
Conte ,
Differtation fur les Libelles diffamatoires > 98
Mots des Enigmes & des Logogryphes des deux
volumes du Mercure de Juin ,
Enigmes & Logogryphes ,
122
ibid.
Nouvelles Litteraires , des Beaux Arts , & c. 12
Prix proposé par l'Académie de Pruffe pour l'année
1750 ,
Lettre de M. l'Abbé Raynal , &c .
143
145
Autre fur le Projet d'une Place pour
la Statuë du
Roi ,
147
Spectacles ,
Nouvelles Etrangeres , de Conftantinople ,
153
155
De Peterſbourg ,
157
160
De Warfovie ,
De Coppenhague ,
161
Allemagne , de Vienne ,
164
De Berlin ,
167
168
De Hanover ,
De Francfort ,
169
Efpagne , de Madrid ,
170
4
Grande Bretagne , de Londres ,
172
Pais - Bas , de la 'Haye ,
177
De Bois - le-Duc,
179
180
De Liége ,
D'Aix-ia Chapelle ,
181
182
Italie , de Rome , 183
De Génes ,
France , nouvelles de la Cour , de Paris , &c. 185
Bénéfices donnés ,
Morts ,
186
187
Cérémonie du Baptême de M. le Marquis de Gefvres
,
Cérémonies de celui du fils du Duc de Longue-
196
ville ,
205
'Arrêts notables , 208
Remede les maladies du Poulmon , pour
213
La Chanfon notée doit regarder la page ISS
De l'Imprimerie de J. BULLOT.
MERCURE
DE FRANCE,
DÉDIÉ AU ROI.
AOUST.
LIGIT
UT
1748 .
SPARGAT
Won
Chés
A PARIS ,
ANDRE' CAILLEAU , rue Saint
Jacques , à S André.
La Veuve PISSOT, Quai de Conty ,
à la defcente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
JACQUES BARROIS , Quai
des Auguftins , à la ville de Nevers.
M. DCC. XLVIII
Avec Approbation & Privilege du Rain
A VIS.
L
ADRESSE générale du Mercure eft
à M. DE CLEVES D'ARNICOURT ,
rue des Mauvais Garçons , fauxbourg Saint
Germain , à l'Hôtel de Mâcon. Nous prions
très inftamment ceux qui nous adrefferont
des Paquets par la Pofte , d'en affranchir le
Port , pour nous épargner le déplaifir de les
rebuter , à eux celui de ne pas voir paroître
leurs Ouvrages.
-
Les Libraires des Provinces ou des Pays
Etrangers , qui fouhaiteront avoir le Mercure
de France de la premiere main , &plus promptement,
n'auront qu'à écrire à l'adreſſe ci-deſſus
indiquée ; on fe conformera très- exactement à
leurs intentions.
Ainfi il faudra mettre fur les adreſſes à M.
de Cleves d'Arnicourt , Commis au Mercure
de France , rue des Mauvais Garçons.
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI.
AOUS T. 1748 .
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
SUITE des Vies de quelques Carthaginois
célebres. Par M. Remond de Sainte Albine.
ANNIBAL III . furnommé l'Ancien
Rofe eft le premier qui ait donné
à (a ) cet ANNIBAL le furnom
d'Ancien . Sans doute cet Hiftorien
l'a confondu , comme ont
fait Zonaras ( b) , & après lui Freinshe-
(a ) Livre 4. chap . 7.
(b) Annales , Tom. 1. à Paris , de l'Imprimerie
Ryale , 1686. p. 385.
A ij
4 MERCURE DE FRANCE..
mius ( a) , avec le ſecond Annibal , fils de
Gifcon , & n'a point connû le premier Annibal
dont parle Juſtin (b) .
•
Il fuffit de lire les anciens Hiſtoriens ,
pour fe convaincre que le Guerrier , dont il
s'agit dans cet Article , n'eft point le même
qu'Annibal , fils de Gifcon . Ce dernier , ſelon
Dyodore ( c ) & felon Xénophon
fut chargé de la conduite des armées dans
la quatre- vingt-douzième , ou pour le plus
tard dans la quatre-vingt- treiziéme Olympiade
, & le troifiéme ANNIBAL commandoit
encore en Sicile dans la cent trentiéme
: deux Epoques , entre lefquelles il
Le trouve près de cent cinquante ans de
difference.
On ignore & le nom du pere & le tems
de la naiffance de cet ANNIBAL . On
peut
conjecturer feulement , qu'il eft né pendant
la guerre des Romains contre les Samnites
. Il eût été trop jeune , pour être Général
au commencement de la premiere
Guerre Punique , s'il n'eût reçû le jour
que pendant la guerre de Tarente , qui fuivit
celle contre les Samnites , & qui ne
dura que dix -neuf ans .
(a) Supplementum in locum Libr. 16. Livii. Edit.
Holmia apud J. Janffonium , 1649. p. 260.
b) Biblioth. Hiftor . liv. 13. Edit. de Hannaw
akes Claude Marny , c. 1604. p. 169.
(c) Liv . $. defes Hiftoires Grecques,
A O UST. S 1748 .
En ( a ) la troifiéme année de la cent
vingt- neuviéme Olympiade , l'an 491 (b)
de la fondation de Rome , & non vers l'an
493 , comme le prétend Moreri , il étoit
avec un Hannon , à la tête des troupes
que les Carthaginois avoient en Sicile.
Les Romains , voyant avec inquiétude la
puiffance de ce Peuple s'accroître , avoient
envoyé dans cette Ifle une armée , pour arrêter
les progrès d'un voifin fi dangereux.
Hyéron , Tyran de Siracufe , s'étoit joint
aux Romains . Les affaires de Sicile étoient
dans cet état , & ANNIBAL , avec une garniſon
confidérable , étoit enfermé dans
Agrigente (c ) , lorfque les Confuls Lucius
Pofthumius Megellus & Quintus Mamilius
Vetulus inveſtirent cette Place . Ayant foûtenu
le fiége pendant cinq mois , & étant
(a) Polybe , Liv. 1. Edit. de Francfort.pp. 18 .
&fuiv. Orofe , liv. 4. chap. 7.
(b) Onuphre, liv. 1. des Faftes , Edit, d'Heidelberg,
1588. p . 13. C'étoit la troifiéme année de la
premiere Guerre Punique.
(c) Agrigente. Il y a eu quatre Villes de ce nom.
Celle , dont il s'agit ici , a été l'une des plus confidérables
des plus peuplées de la Sicile. Les habitans
de Gola la fonderent dans la quarante-neuvième
Olympiade. Elle a été nommée Agragas on Acragas
, elle fubfifte aujourd'hui fous le nom de Gorgenti.
Voyez Dyodore , liv. 13. Polybe , liv . 8 .
Thucidide , liv. 6.
A iij
6 MERCURE DE FRANCE.
fur le point d'être réduit par la famine aux
plus cruelles extrémités , il profita d'une
occafion favorable , pour fortir avec toutes
fes troupes. Pendant une nuit fort obfcure,
les Romains , fatigués d'un long combat
qu'ils avoient eu la veille à foûtenir contre
Hannon , faifoient la garde plus négligemment
qu'à l'ordinaire. ANNIBAL palla au
travers de leur camp , & les ennemis ne
s'apperçurent de fa retraite qu'au point du
jour. Ils fe contenterent de le pourfuivre
pendant quelque tems , & de piller la
Ville , dans laquelle ils firent un grand
butin.
La prife d'Agrigente entraîna plufieurs
Villes de Sicile dans le parti des
Romains ( a ). Lucius Valerius Flaccus &
Titus Otacilius Craffus , qui fuccéderent
dans le Confulat à Quintus Mamilius & à
Lucius Pofthumius , fuccéderent auffi à leur
bonne fortune. Les progrès de ces nouveaux
Généraux engagerent leur Nation ,
à effayer fi elle feroit auffi heureuſe fur
la Méditerranée fur terre (b ).
que
Pour la premiere fois les Romains équipe-
(a) ANNE'E 492 de lafond. de Rome . Onuphre ,
liv 1. des Faftes , p. 13.
(b) Polybe , liv . 1. p . 20. & fuiv. Pline 16. 39.
Florus, liv. 2. chap. 2.
A O UST. 1748 .
rent une Flotte , & fongerent à difputer
l'Empire de la Mer à Carthage.
Leurs (a) premieres tentatives ne réüſſirent
point. Cneius Cornelius Scipion Afina ,
Conful, qui, pendant que Caius Duilius, fon
Collegue, faifoit la guerre par terre , conduifoit
les forces navales , fut enfermé dans le
Port de Meffine ( 6) , où il étoit allé avec
dix-fept Vaiffeaux , pour pourvoir aux be,
foins de la Flotte , & pour tâcher de furprendre
Lypare (c) . ANNIBAL , qui étoit
pour lors à Palerme ( d) , envoya contre lui
une Efcadre fous les ordres d'un Sénateur
Carthaginois , nommé Boodes . Cet Officier
(a ) ANNE'E 493 de lafond. de Rome. Onuphre,
liv. 1. des Faftes , p . 13. Sur les évenemens. Confult.
Polybe , liv. 1. p. 21 gſuiv.
(b) Melline . Cette Ville a pris fon nom d'une Colonie
de Meffeniens , qui la batirent . Les Meffeniens
étoient Grecs , & habitoient la Morée. Certains Peuples
de la Campanie, appellés Mamertins , s'établirent
dans Meffine , & communiquerent infenfiblement leur
nom aurefte des habitans. Monſt.liv . 1. de fa Cofmagraph.
Cluv. Sicil . Ant . liv , 1. c . 6.
(c) Lypare. Cette Ville étoit dans l'Île du même
nom , l'une des fept Æolides , fituées entre la Sicile &
l'Italie: Diodore de Sicile , liv . 6. de fes Antiqui ·
tés , chap . 3 .
(d ) Pour lors cette Ville s'appelloit Panormus. Quelques
anciennes infcriptions Phéniciennes , qui s'y trou
vent, font croire qu'elle a été bâtie par les Phéniciens .
Elle fubfifte encore aujourd'hui ſous le nom de Paler
me, eft confidérable . Mercat , en fon Atlas.
A iiij
8 MERCURE DE FRANCE.
força le Conful , abandonné par fes gens
de fe rendre , & il s'empara des dix - fept
Bâtimens , mais bien-tôt après il s'en fallut
peu qu'ANNIBAL n'eût un fort ſemblable
à celui de Scipion.
Le Général Carthaginois , inftruit que
l'armée navale des Romains n'étoit pas
éloignée , partit du Port de Palerme avec
cinquante Vaiffeaux , à deffein de reconnoître
de près le nombre & la difpofition
des ennemis. Comme il faifoit voile fans
inquiétude , il rencontra inopinément leur
Flotte. Il perdit dans cette occafion plu
fieurs Vaiffeaux , & enfin fe fauva contre
toute vrai-femblance .
Auffi - tôt (a ) que Caius Duilius eut appris
la défaite de Scipion , il laiffa la conduite
de l'armée de terre à fes Lieutenans ,
prit le commandement des forces maritimes
, & alla chercher les Carthaginois qui
étoient fur la côte du Pays de Myle (6) .
Les Romains avoient inventé une machine
pour accrocher les Vaiffeaux ennemis .
Elle fut depuis appellée Corbeau. C'étoit
(a) Polybe , liv. 1. p . 23. & ſuiv. Voyez auffi
Zonaras , Annales , tom. 1. liv. 8. p. 387..
(b) Ce Pays étoit nommé Myle , à cause du Mylas,
petit Fleuve qui l'arrofoit . Le Mylas coule dans la
partie Orientale de la Sicile , &fe nomme maintenant ·
Marcellino.
A O UST . 1748 .
une espece de Pont-levis , armé par- deffous
de mains ou crocs de fer , fur lequel deux
hommes pouvoient combattre de front , &
qui avoit des deux côtés de fa longueur
un parapet de la hauteur du genoüil. On
levoit & baiffoit cette machine par le fecours
d'une poulie , qui étoit au haut d'une
piéce de bois , d'un pied & demi de diamétre
, & de deux toifes de longueur. Les
Carthaginois fe remirent en mer avec cent
trente Bâtimens , & courant comme à une
victoire certaine , cinglerent vers les Romains
, fans daigner feulement fe former
en ligne. ANNIBAL étoit dans une Galere à
fept rames par banc , laquelle avoit été autrefois
au fameux Pyrrhus , Roi des Epirotes.
Il attaqua les ennemis avec une audace,
qui marquoitle fentiment qu'il avoit de
fa fupériorité. Bien-tôt ceux - ci rallentirent
cette fiere ardeur. Ils accrocherent
tous les Vaiffeaux qu'ils purent aborder ,
& en prirent cinquante. Celui même
qu'Annibal montoit , fut du nombre , &
ce Géneral s'enfuit dans un Eſquif, après
avoir fait tous les efforts qu'on doit attendre
d'un grand courage (4) .
(a) L'Auteur des Vies des Hommes Illufires dans la
Vie de Duilius , Edit. de Cornelius Nepos , à Francfort
, chés Marny , 1609. p . 43. rapporte cette victoire
des Romains , & nomme le Général Carthaginois .
Imilcon. A V
10 MERCURE DE FRANCE.
Il fit voile fur le champ à Carthage (4 ) ,
pour prévenir la nouvelle de fon défaftre
& pour détourner le coup dont fa têre
étoit menacée. Ayant obtenu audience du
Sénat , il demanda , fans parler de ce qui
étoit arrivé ,s'il devoit livrer le combat aux
Romains. Sans doute & au plutôt , s'écrierent
d'une voix unanime tous les Sénateurs.
J'ai fuivi vos intentions , ajoûta-t'il ,
& j'ai été vaincu . Je crois avoir rempli
mon devoir . Il ne dépendoit pas de moi
d'être heureux . Ainfi le Sénat fut obligé
de ne point punir une action , que lui- même
venoit d'ordonner .
Caius Duilius, après avoir pris Macella ( b) ,
retourna à Rome , & eut l'honneur d'être
le premier à qui les Romains décernerent
le triomphe pour une victoire rempor-
(a) V. Zonaras , Tom. premier de fes Annales , p.
387. L'Auteur des Vies des Hommes Illuftres ,
Vie de Duilius , p. 43 .
(b) Je ne connoispoint en Sicile de Ville qui ait été
nommée Macella. Ciacconius , dans fon Ouvrage
intitulé Libellus columna roftratæ , met Macella
dans cette Ifle. Peut tre eft -il fondéfeulement fur le
trai d'Hiftoire que je rapporte. Strongoli , Ville de
la Calabre , s'eft nommée Macella. Il y a de l'apparence
que Polybe a voulu parler d'une Ville de Sicile,
car il dit que les Romains , après avoir délivré les
Egeftains du fiége que les Carthaginois avoient mis
devant leur Ville , prirent de force Macella.
A O UST. 174S. II
tée fur mer. Ils voulurent même qu'à l'avenir
, lorfqu'il marcheroit les foirs dans la
Ville , il fut accompagné d'inftrumens , &
qu'on portât devant lui une efpece de fanal
(a) . Son départ fembla faire changer
la victoire de parti. Les Carthaginois s'emparerent
de plufieurs Villes. Mais , mécontens
d'ANNIBAL , ils le dépoferent , &
il demeura dans la vie privée , jufqu'à ce
qu'un an après il fut élû de nouveau Général
, & paffa dans la Sardaigne avec plufieurs
Capitaines .de nom ( ) . Il fe difpo
foit (c) comme il en avoit reçû l'ordre , à
s'opposer au paffage du Conful Quintus
Sulpitius Paterculus en Afrique , & il étoit
prêt de le joindre , lorfqu'une tempête furvint.
Elle les contraignit l'un & l'autre de
relâcher en Sardaigne . Sulpitius envoya de
faux transfuges , qui perfuaderent à ÁNNIBAL
, que les Romains faifoient voile vers
Carthage . Le Général Carthaginois gagne
auffi-tôt le large , malgré un brouillard
épais , dans le deffein de les pourſuivre , & il
tombe au milieu de la Flotte ennemie.Avant
qu'il ait eu le tems de fe mettrre en devoir
de combattre , plufieurs de fesVaiſeaux
(a ) Tite Live. Epitome , liv. 17. Edit . d'Elzevirà
la Haye 1644. tom. 2. p . 7.
(b) Polybe , liv. 1. p . 25 .
(c) Zonaras . Annales , tom. I. p. 389.
A vj
12 MERCURE DE FRANCE .
font pris; les autres, ou vont échouer contre
la côte , ou regagnent le Port en diligence.
ANNIBAL défefperé fe retira dans la Ville
de Sulques (a ) : mais il avoit encore plus
à craindre de fes propres troupes que des
Romains. Ses foldats , irrités d'un malheur
dont ils le regardoient comme la caufe, fe
vengerent fur lui de leur défaite , & le mirent
en croix (6). ANNIBAL mourut de ce
fupplice la feptième année de la premiere
guerre Punique , fous le Confulat d'Auius
Attilius Calatinus & de Quintus Sulpitius
Paterculus (c).
Paul Orofe (d) rapporte les principales
actions de cet ANNIBAL , mais il ne s'accorde
point avec Polybe fur quelques circonftances
, & il en ajoûte d'autres. Selon
ce premier Hiftorien , Scipion Afina ne
tomba entre les mains des Carthaginois
que par une trahifon d'ANNIBAL , qui
l'ayant attiré dans une embufcade , fons
prétexte de vouloir conférer avec lui fur
des préliminaires de paix , le chargea de
(a) Ville célebre, fituée dans la partie Méridionale
de la Sardaigne . Confult. Strabon , liv . 5. Pomponius
, liv. 2. chap. 7.
(b ) Polybe , liv . 1. p. 25 .
(c) ANNE'E 495 de la fondation de 'Rome. Onu
phre , liv, 1. des Faftes , p . 13.
(d ) Liv . 4. Chap. 7. Edit. de Cologne , chés Cholin
1582. P. 260. &ſuiv.
A O UST. 1748. 13
fers , & le fit mourir. Si l'on en croit le
même Orofe , Duilius n'avoit que trente
Vaiffeaux , lorfqu'il remporta l'éclatante
victoire dont j'ai parlé , & ANNIBAL , au
lieu d'être crucifié , fut lapidé par fes foldats.
Polybe , qui vivoit dans le fiécle d'après
celui d'ANNIBAL , doit avoir été níicux
inftruit qu'Orofe , qui n'a écrit que plus de
quatre cens ans après JESUS-CHRIST . Zonaras
dans fes Annales , Tome I. p . 389 ,
fait mention auffi de la mort d'ANNIBAL ,
mais il ne dit point quel fut le gente de
mort de ce Général.
ANNIBAL IV. fils d'Annibal III.
En la quatorziéme année de la premiere
Guerre Punique , au commencement da
fiége que les Romains , comme nous dirons
dans la vie d'Annibal V'. mirent devant
Lilybée , quelques- uns des principaux Of
ficiers de la garniſon de cette Place réfolurent
de la livrer aux Affiégeans. Ils pafferent
de nuit dans le camp ennemi ; pour
propofer au Conful les conditions qu'ils
exigeoient , & un Achayen avertit de leur
deffein & de leur abfence Himilcon , Gouverneur
de Lilybée . Himilcon fit auffi - tôt
affembler les Capitaines , qui reſtoient
dans la Ville. Tous promirent de perfifter
à faire une généreufe défenfe , & d'enga14
MERCURE DE FRANCE.
ger leurs troupes à les imiter . Parmi ces
troupes étoient beaucoup de Gaulois.
ANNIBAL , fils de l'Annibal que les foldats
avoient fait mourir en Sardaigne
,
alla par l'ordre d'Himilcon trouver ces
Gaulois , & les détermina à remplir leur
devoir. Polybe , le feul Hiftorien qui nous
ait confervé le nom de ce quatriéme ANNIBAL
, ne rapporte que cette unique circonftance
de la vie de ce Guerrier.
ANNIBAL
V. fils de L'AMILCAR
,
qui avoit commandé dans les commencemens
de la premiere Guerre Punique.
Toute la Sicile , excepté Drepane &
Lilybée , étoit fous la domination des Romains
, & ils n'attendoient que la priſe de
cette derniere Place , pour porter la guerre
en Afrique. Efperant de pouvoir bientôt
attaquer les Carthaginois au pied des murs
de Carthage, ils envoyerent en Sicile , dans
la quatorziéme année de la premiere Guerre
Punique , une Flotte de deux cens voiles
fous la conduite des Confuls Lucius Cacilius
Metellus & Caius Furius Pacilus , qui
affiegerent Lilybée. Cette Ville étoit fituée
fur un Promontoire de même nom
à l'Occident de la Sicile , vis -à - vis de l'Afrique
, & n'étoit éloignée de Carthage
que de cent vingt-cinq milles. La longue
A O UST. 1748.
& vigoureufe défenfe d'Himilcon , qui
commandoit dans Lilybée , arrêta les Romains
en Sicile pendant plus de tems qu'ils
n'avoient penfé. Cependant ANNIBAL,
fils de l'Amilcar qui avoit commandé les
armées de Carthage dans les commencemens
de la premiere Guerre Punique
aborde ( a ) avec dix mille hommes & cinquante
Vaiffeaux aux Ifles d'Egufe , qui
font entre Lilybée & l'Afrique. Dès qu'il
peut avoir le vent favorable , il déploye
toutes les voiles , après avoir difpofé ſes
troupes au combat , & il fe préfente à la
hauteur de la Ville affiegée . Les Romains ,
furpris de l'arrivée imprévûe de cette Flotte,
n'ofent s'oppofer à fon paffage. ANNIBAL
entre dans le Port , & la joie des Lilybéens
égale fon audace. Himilcon voulut
profiter de leur difpofition & du fecours
qu'il avoit reçu . Lelendemain dès
la pointe du jour, il fit une fortie avec vingt
deux mille hommes , dans l'intention de
brûler les machines , & de ruiner les travaux
des Affiégeans. Mais les Romains , fe
défendant avec une valeur digne d'eux
conferverent tous leurs ouvrages. L'Hif-
>
( a ) Peu de tems avant où pendant le Confulat de
Publius Claudius Pulcher, de Lucius JuniusPullus,
année i5 ou 6 de la premiere Guerre Punique , soz
on 504 de lafond. de Rome. Voyez Pelybe.
16 MERCURE DE FRANCE.
toire ne dit point , fi ANNIBAL fit quelque
exploit remarquable dansla fuite de la premiere
Guerre Punique . Vers la fin de la
Guerre d'Afrique, après que l'arméede Carthage
en vertu du pouvoir qu'elle avoit reçû
du Sénat , cut jugé les differends qui s'étoient
élevés entre Hannon & Amilcar
Barca , & qu'elle eût dépofé le premier de
ces Généraux , elle donna à Barca un ANNIBAL
pour Lieutenant. Polybe , ne faifant
point mention d'autre Annibal que d'ANNIBAL
V. depuis l'endroit où il parle de
ce Guerrier , jufqu'à l'endroit où il rapporte
qu'un Annibal commanda fous Barca
en Afrique , & n'avertiffant point qu'il
parle en cette occafion d'un nouvel Annibal
ou d'Annibal IV. nous donne lieu de
croire , qu'il défigne le même dont nous
écrivons la vie. ANNIBAL fit avec Naravafe
fous les ordres de Barca plufieurs
courfes dans les terres des Rebelles. Spendius
, l'un des principaux Chefs de la révolte
, fut pris , & fes troupes furent taillées
en pièces. Barca forma le fiége de Tunis
, & ANNIBAL fut chargé d'une des attaques.
Il avoit fon quartier du côté qui
regarde Carthage . Mathon qui défendoit
la Place affiegée , irrité de voir Spendius ,
fon Collégue, & les autres prifonniers mis
en croix par les Carthaginois devant les
A OUST. 1748. 17
le
murs de la Ville , & s'apperçevant que
quartier d'ANNIBAL étoit gardé négligemment
, tomba brufquement fur les
troupes de ce Guerrier , en tailla en piéces
une partie , mit le refte en fuite , pilla le
camp , prit ANNIBAL lui-même , & , ayant
fait ôter Spendius de la croix , il ordonna
qu'on mit fur la même croix ce Général
vivant , & qu'on lui fit fouffrir , avant que
de lui donner la mort , tous les fupplices
que les Carthaginois avoient fait éprouver
aux Rebelles , qui étoient tombés entre
leurs mains ( 4 ).
ANNIBAL , Rhodien de nation ( b ) .
Les Romains , comme nous avons vû
dans l'article précédent , avoient affiegé
Lilybée en la quatorziéme année de la
premiere Guerre Punique. Cette Ville ſe
défendoit depuis long- tems , mais les Af-
( a ) Année f14 , §15 , 516 on 517 , depuis la
fond. de Rome. Car tout ce que l'onpeut affärer , c'est
qu'Annibal mourut vers la fin de la guerre d'Afrique.
Polybe , Ifidore , & Tite-Live ne s'accordent
point fur la durée de cette guerre , &la font finir, l'un
dans l'année 1915 , l'autre dans l'année 1516.
(b ) Quoique cet Annibal ne fût point Carthagi
nois , j'ai crupouvoir lui donner place parmi les Guer
riers de cette Nation , en confidération du zéle aves
lequel il l'a fervie.
18 MERCURE DE FRANCE.
fiegés étoient ferrés de fi près , que les
Carthaginois , qui étoient à Drepane ,
défefpéroient de pouvoir rien apprendre
de la Place , tant que le fiége dureroit
( a ) . Un Rhodien , nommé ANNIBAL ,
homme de diftinction , promit d'entrer
par mer dans Lilybée' , & d'en rapporter
des nouvelles. L'armée navale des ennemis
, qui étoit à l'ancre dans le lieu même
où il falloit paffer pour fe jetter dans le
Port , fembloit rendre impoffible l'exécution
d'une telle entreprife. ANNIBAL fie
cependant le voyage fur un Vaiffeau , qui
lui appartenoit. Il aborda à l'une des Ifles,
qui font vis- à- vis de Lilybée , & le jour
fuivant à dix heures du matin , il entra
voiles déployées dans le Port en préſence
des Romains , étonnés de fa témérité. Pour
lui ôter tout espoir d'en fortir , le Conful
en fit garder l'entrée par les meilleurs
Voiliers de fes Vaiffeaux , & fe tint lui
même fur le rivage avec toute fon armée .
De tous côtés on voyoit voguer des bâtimens,
prêts à fondre fur le Rhodien .Toutes
tes précautions ne purent le rendre ni moins
téméraire ni plus malheureux . Se fiant
à la legereté de fon Vaiffeau , il paffa une
feconde fois en plein jour au travers des
(b ) Polybe , Livre premier.
A OUST. 1748. 19
,
ennemis , quelquefois s'arrêtant , & quelquefois
retournant en arriere comme
pour les provoquer au combat ; & avec un
feul bâtiment il triompha , pour ainsi dire,
de toute l'armée ennemie ( a ) . Depuis , il
retourna fouvent de la même façon à Lilybée
, & rendit de grands fervices aux
Carthaginois , en donnant les avis néceffaires
, & en relevant le courage des Affiégés.
Une parfaite connoiffance de la route qu'il
falloit tenir pour entrer dans le Port , dont
l'accès étoit difficile , l'aidoit à tromper
ceux qui vouloient s'oppoſer à fon paffage.
Il joignoir à cette connoiflance la rufe.
Lorfqu'il étoit encore en haute mer ; &
avant qu'on pût commencer à le découvrir
, il alloit gagner le chemin d'Italie
& enfuite tournoit la proue du côté de
Sicile ainfi fon bâtiment , en cas qu'il fût
apperçu de loin , paroiffoit venir de Ca
labre. Outre cet avantage , il avoit celui
d'être caché , lorfqu'il approchoit de la
Ville, par une avance des fortifications qui
alloit jufqu'à la mer. Son audace & fon
fuccès donnerent auffi à d'autres la har-
(a ) Annibalfit cet extloit , un peu avant ou pendant
le Confulat de Publius Clau lius Pulcher & de
Lucius Junius i ullus , année 15 ou 16 de la premiere
Guerre Punique , & 503 ou 504 , depuis la fond. da
Rome. Voyez POLYBE & ONUPHRI,
o MERCURE DE FRANCE.
dieffe de fuivre fon exemple. Les Ro
mains , voyant les Affiégés recevoir à tout
moment par ce moyen de nouveaux fecours
, fe déterminerent à combler l'entrée
du Port. Mais la violence des courans
les contraignit de renoncer à ce deffein.
Il ne leur fut pas néanmoins inutile.
Une partie de ce qu'ils avoient jeté dans
la mer , avoit formé une efpéce de banc ,
fur lequel une Galére Carthaginoife
échouia , & elle fut prife. Ils l'équiperent
auffi-tôt de foldats & de rameurs d'élite.
ANNIBAL , qui étoit entré de nuit dans le
Port , fortit felon fa coûtume en plein
jour. Pourfuivi d'abord par cette Galére
qu'il reconnut n'être point inférieure en
legéreté à fon navire , il ne fongea qu'à la
fuite. Mais , tous les chemins lui étant fermés,
il fallut qu'il hazardât le combat.
Le nombre des Romains rangea la victoire
de leur parti. Annibal fut fait prifonnier.
C'est tout ce que Polybe nous apprend de
ce brave Rhodien. Moreri ne parle point
de cer Annibal , ni des deux précédens.
Offmann fait mention d'Annibal IV . mais
oublie le cinquiéme & le fixiéme Guerrier
de ce nom .
AOUST. 21 1748 .
PROJET d'un Monument à la gloire
du Roi.
Au meilleur des Rois & des Maîtres U
? François , dreflez un Monument
Digne d'un Héros auffi grand.
Il partage avec fes Ancêtres
Le nom pompeux de Conquérant
Mais à ce titre magnifique
Louis préfére juftement
Le doux titre de Pacifique ,
De Généreux , de Bienfaisant.
N'y gravez aucune Victoire.
Par le deuil , le fang , & l'horreur
Il faut acheter cette gloire ;
Elle coûte trop à ſon coeur.
Loüis ne pourroit qu'avec peine
Contempler ces triftes objets ;
Son coeur qui détefte la haine ,
Veut épargner à fes Sujets
Jufqu'à cette image inhumaine
De la guerre & de ſes forfaits.
Que Minerve à la paix unie ,
Que les beaux Arts & l'harmonie ,
Dont il anime les progrès ,
Y peignent avec induftrie
22 MERCURE DE FRANCE.
Et fa clémence & fes bienfaits .
Qu'un Autel lui ferve de Trône ;
Qu'il y foule à fes pieds Bellone ,
La difcorde , & la cruauté ;
Que d'un air ferain il pardonne
A l'ennemi qu'il a dompté ;
Que la douceur & la bonté
Figurent avec l'équité
Dans un groupe qui l'environne.
Que fon peuple , vraiment flaté
De voir en fon Roi fes délices,
Sa gloire & fa félicité ,
( A fes genoux repréſenté )
Offre de riches facrifices ,
Et chante la profpérité
Dont il jouit fous les auſpices.
Que loin de paroître irrité ,
'A ce tribut , à cet hommage
L'univers joigne fon ſuftrage.
Par la voix de la Vérité
Que le Ciel même le lui donne ;
Qu'au nom de toutes les Vertus
L'immortalité le couronne
Du Diadême de Titus.
C. M. à Paray
AOUST. 1748. 23
CACAVACICA¬əcələriŸavava
Endant la vie des Hommes célébres ,
Pleurs meilleurs ouvrages font cenfurés.
Après leur mort on recherche avec
avidité leurs moindres productions. Nous
comptons de faire plaifir au public , en lui
donnant une lettre de l'illuftre Rouffeau ,
laquelle n'a point été imprimée . Ce préfent
nous vient de M. l'Abbé d'Olivet. I
feroit à fouhaiter que l'exemple de cet
Académicien eût un plus grand nombre
d'imitateurs , & que les perfonnes , qui
ont entre les mains quelques piéces fugitives
des Ecrivains , dont le nom eft cher
à la Nation , montraffent plus d'empreffement
à en enrichir les Journaux . Celle-ci
eft fört digne de fon Auteur par le ftyle ; &
elle l'eft d'un Philofophe Chrétien par la
folidité des réfléxions. S'il eft vrai qu'on
fe peigne dans fes Lettres , l'Emule de
Defpreaux avoit des fentimens fort differens
de ceux que lui attribuoient fes ennemis,
24 MERCURE DE FRANCE.
LETTRE de feu M Rouſſeau
à M. LeBaron d***.
De Vienne lepremier Novembre 1720.
Jme de Vongeois queres que
E me plaignois de votre filence . Hélas !
›
vous dûffiez le rompre par une nouvelle
auffi foudroyante que celle que vous
m'apprenez . Quelle perte , bon Dieu !
Et à quelle épreuve la Providence a- t'elle
voulu mettre votre vertu & celle de Madame
la Baronne ! C'est ainsi qu'elle fe
joue des projets qui nous paroiffent les
plus légitimes. Vous avez joüi juſqu'à prélent
de tous les avantages de cette vie ;
une longue & conftante profpérité , une
fortune folidement établie , une famille
digne de vous ; voilà bien des graces que
Dieu n'étoit point obligé de vous faire
& peut-être n'avez-vous pas affés fongé
que c'étoit à lui feul que vous les deviez .
On ne lui attribue que la mauvaiſe fortune
, & on croit ne devoir la bonne qu'à
foi-même. Il faut pourtant tôt ou tard lui
payer nos dettes , & fe mettre dans l'efprit
qu'il ne nous envoie point dans ce monde
pour être heureux felon nos vûës , nais
felon les fiennes ; que ce qui nous paroît
le plus grand des biens , eft fouvent la
fource
1
*
C
A O UST.
1748. 28
fource de nos plus grandes afflictions , &
que ce qui nous afflige le plus , eft au contraire
plus fouvent encore le principe du
bonheur auquel il nous deftine. J'ai été
affés malheureux dans mon tems , pour
avoir eu occafion de réfléchir fur la condition
des hommes , & peut-être que ce qui
a le plus contribué à me tranquillifer ,
c'eft la réfléxion que j'ai faite fur l'égarement
de nos fouhaits , dont l'accompliffement
tourne prefque toujours à notre
dommage. Il faut laiffer faire les Dieux
difoit Juvenal, qui , tout Payen qu'il étoit,
a traité ce point de Religion plus chrétiennement
que beaucoup d'entre ceux qui
font profeffion de Chriftianifme. Je vous
renvoye à lui fur cette matiere , mais je ne
vous renvoye qu'à vous-même fur une
autre , qui , préfentement que vous avez
donné à la nature ce qu'elle demandoit de
yons , doit faire l'objet & le fondement
de votre confolation . Tout homme , qui
croit un Dieu , doit croire qu'il eft jufte ,
fans quoi il ne feroit. pas ; il faut donc
croire en même tems, qu'il a quelque chofe
de meilleur à nous donner que cette vie ,
qui malheureufe & traverfée comme elle
l'eft , feroit un préfent peu digne de fa
juftice , & s'il eft vrai qu'il nous deſtine à
un état plus heureux , comme nous ne le
B
26 MERCURE
DE FRANCE.
A
lefméritons
point , il est trop jufte que nous
l'achetions , ce que nous ne pouvons faire
que par notre foumiffion , & par le bon
ufage que nous faifons des peines par
quelles il nous le fait acheter. En voilà
affés ,Monfieur , pour vous faire comprendre
que les plus malheureux ne font pas
toujours les plus à plaindre , & que les
plus fortunés ne font pas les plus dignes
d'envie. En voilà affés pour vous faire
chercher votre confolation où un Chrétien
doit la trouver . Recevez cette afflic
tion , la plus grande que vous puiffiez recevoir
, comme une expiation des fautes
auxquelles nous fommes tous fujets en
cette vie , & comme un gage du bonheur
que Dieu vous prépare dans une autre. Il
vous reste un fils que vous avez peut-être
trop négligé par excès d'attachement à
l'aîné. Donnez tous vos foins à en faire
un auffi honnête-homme que vous ; en un
mot confolez-vous avec celui qui vous
refte , & priez Dieu pour celui
n'avez plus. Vous ferez peut-être furpris
de recevoir de pareils confeils d'un faifeur
d'Epigrammes , mais Dieu merci j'en ai porté
la peine , & je m'eftimerois malheureux
fi je n'en avois pas été puni,
que vous
AOUST. 1748.
BRG CHO LING LÆS SHIG BANG HUNG LANG SANG TAG MIG LAN
LE TEM S.
O DE.
Par M. Née de la Rochelle.
Toi qui n'admets rien de folide , Oi
Dont l'effence eft le changement ,
O tems ! que ta courſe eft rapide !
Que tu paffes legérement !
Ce Globe que le Ciel enferme
N'a point de puiflance fi ferme
Que tu n'entraînes avec toi ;
Rien n'arrête ta violence ,
Et le moment même , où je penfe ,
S'enfuit déja bien loin de moi.
*XX
Les jours qui compofent ma vie
Me font comptés par les deſtins ;
Des uns la douceur m'eft ravie ,
Les autres me font incertains ;*
Le paffé n'a plus aucun charme ,
L'avenir me trouble & m'allarme ,
Le préſent m'eſt un foible appui ,
Et comme un point indivifible ,
Bij
28 MERCURE DE FRANCE.
Ou comme un Arôme inſenſible,
11 paffe , & je paffe avec lui .
****
Fatale erreur qui nous entraîne !
Nous poursuivons de vains objets !
Pour une fortune incertaine
Nous formons de vaftes projets :
L'homme , conduit par les caprices ,
Semble oublier dans les délices ,
Que le Ciel a borné les jours' ;
Plein du doux poifon qui l'enyvre ,
Il s'embarraffe autant de vivre ,
Que s'il devoit vivre toujours..
Vainement il voit que la Parque
Nous tient tous foumis à fes loix ,
Et que tout paffe dans la Barque ,
Où jamais on n'entre deux fois ;
La raifon & l'expérience
Ne peuvent par aucune inftance
Reveiller fes fens engourdis :
Pour fuivre ces fidéles guides ,
Où les vertus font trop timides ,
Où les vices font trop hardis.
*3 *+
?
A O UST. 1748 . 29
Jufqu'à quand , vanités mondaines ,
Enchanterez- vous nos efprits ?
Tiendrez- vous toujours dans les chaînes
Nos coeurs de vos charmes épris ?
Pafferons- nous dans l'eſclavage
Toutes les faifons de notre âge ,
Sans que nous puiffions en fortir ?
Nous faudra- t'il , double victime ,
Donner notre jeuneffe au crime ,
Notre vieilleffe au repentir
Non . Faifons un meilleur ufage ,
D'un tréſor qui nous vient des Cieux
Le tems eft court ; qu'on le ménage ,
Tous les momens font précieux ;
Que la vertu , que la fageffe
Occupent notre ame fans ceffe
De tout vice fuyons l'écueil :
Que notre efprit fouvent médite
Combien la diftance eſt petite
Du berceau jufques au cercueil.
Biij
30 MERCURE DE FRANCE
LETTRE fur le V'er folitaire „ nommé
Tenia. à M. B.
V
,
2.
Ous me demandez , Monfieur ce
que c'eft que le Ver nommé Tenia
comment il s'engendre & fe perpétue .
Vous voulez encore que je vous apprenne
quels font les remédes les plus propres à
le tuer , ou à le faire fortir du corps our
il eft logé. C'eft ainfi que rien ne vous
échape de ce qui a rapport à l'Hiftoire Naturelle
, & que non- content de vous diſtinguer
par la délicateffe de votre efprit ,
& par votre condition , vous tournez fagement
vos vûës du côté de l'utilité publique.
Vos questions , Monfieur , pourroient
embarra fer un Phyficien plus habile que
je ne le fuis , mais comme j'ai eu occafion
de voir fouvent de ces fortes de vers ,
quis
font très finguliers ; que je les ai examinés
de près , & avec beaucoup d'attention ;
j'effayerai de fatisfaire votre curiofité , en
ne vous difant rien que de vrai .
Il m'a paru que le folitaire étoit compofé
de petits anneaux veloutés , enchaînés
les uns aux autres , & réunis par un
cartilage fort mince , ou par une membraAOUST.
1748. 3r
me fort déliée. Il fe termine par une ef
péce de queue ou de filet creux , qui pourroit
bien être la tête même du ver , puif
qu'on n'en trouve point d'autre , quelque
recherche qu'on ait faite. Ce que j'ai vû
manifeftement , c'eſt une forte de tuyau ,
ou plutôt une véritable trompe , affés femblable
à celle de quelques autres infectes ,
& dont l'animal fe fert pour pomper fa
nourriture , qui n'eft autre choſe que le
chyle. Ce qui juftifie cette penfée , c'eſt
qu'on a trouvé dans quelques cadavres ,
& même dans quelques chiens vivans , ce
ver , dont la pointe étoit couchée fur le
Pylore , comme pour y puifer le chyle
qu'y verfe l'édifice inférieur de l'eftomach.
Cette tête , ou plutôt cette trompe ,
s'érend
& s'allonge à mefure que le ver grandit
& fait des progrès . Les petits anneaux
qui la compofent groffiffent infenfiblement
& par degrés , depuis la bafe de la pointe
jufqu'au tronc : on peut donc confidérer
cette pointe comme la racine de l'animal 5
c'eft elle qui le nourrit , & c'eft par fon
moyen qu'il fe prolonge , & qu'il répare
ce qu'il perd , lorfqu'il vient à être rompu
par accident , ou par l'effet de quelque reméde.
La figure du Tenia n'a rien qui bleſſe
les yeux ; il reffemble à un facher applati ,
B iiij
32 MERCURE DE FRANCE.
ou à un ruban d'un blanc cendré , dont les
rebords forment de petites franges : il eft
annelé dans fa longueur , & l'on remar
que une petite veine brune ou noirâtre
dans l'intervalle de chaque anneau . J'ai
vû quelques- uns de ces vers marquetés ,
fur la renure defquels on apperçoit de petites
tâches d'un bleu foncé , & difpofées
fort régulierement , mais je n'ai pû appercevoir
ces écailles placées le long du dos ,
ni cette tête ronde & ces quatre yeux ,
dont parle M. Andri. J'avoue , Monfieur,
que je me plais à abattre le merveilleux ;
il me femble que je terraffe des monftres
& des géans.
و
Le méchanifme intérieur du folitaire eft
beaucoup moins connu & beaucoup
moins aifé à connoître ; ce qu'on y apperçoit
le plus diftinctement , ce font des
glandules ou mamelons , qui contiennent
une lymphe épaiffe & vifqueufe . On peut
prefque affûrer que le ver entier n'eft formé
que de cette lymphe qui prend quel
que confiftance , & fe durcit dans la tunique
qui la renferme . Quelques perfonnes .
m'ont dit qu'elles avoient découvert fur le
dos du Tenia de petites trachées qui communiquent
du dedans à l'extérieur , & par
le moyen defquelles l'animal refpire . Un
Phyficien , très- éclairé & très-bonNatu
A O UST.
1748. 33
raliſte , croit
peau
que ces trachées
peuvent
être
confidérées
comme
des efpéces
de foupapes
, qui s'ouvrent
pour recevoir
la lymphe
, & qui fe ferment
pour l'empêcher
de fortir ; ainfi le Tenia fe nourriroit
par les pores qui tapiffent
la furface de fa
c'eft de cette maniere
que fe nourriffent
certaines
plantes
marines
; & cela ferviroit
à conformer
l'analogie
qu'il y a entre les
plantes
& les animaux
. On remarque
en effet , dans toute l'étendue
de ce ver , de petits interftices
entre les anneaux
, qui peuvent
donner
paffage au fuc nourricier
, & fervir de canal . Ces interftices
aboutiffent
aux mamelons
, qui feront les fonc tions du ventricule
, ou de l'eftomach
. Ainfi le folitaire
recevroit
fa nourriture
,
ou du moins une partie par fes orifices ; des valvules
l'empêcheroient
de fortir , & le mouvement
vermiculaire
, aidé de la
preffion
de l'air , la poufferoit
dans toute
l'étendue
du corps
. de l'animal
. Ne pourroit-
on pas regarder
le Tenia comme
u infecte
à double
queue , qui fe prolonge
par le milieu ? Un anneau
naiffant
s'accroche
à celui qui eft le plus voifin ; le ver
s'allonge
& fe fortifie
, à proportion
qu'il trouve
plus de nourriture
& plus d'éterdue
pour le loger . & pour fe mouvoir
. Nous en avons un exemple
dans les pro
By
34 MERCURE DE FRANCE.
grès du limaçon à coquille. Ce qui faitque
nous ne croyons dans le folitaire qu'une
feule queue , qui eft ordinairement la
fupérieure , c'est que l'inférieure a été
comme étranglée par le refferrement du
cacum où elle aboutit , ce qui caufe fouvent
de grandes démangeaifons dans l'anus.
Vous
voyez, Monfieur
› par ce que je
viens
de dire , que la ftructure
intérieure
de ce ver a quelque
chofe
de très-fingulier
, mais en même
tems d'affés
obfcur
..
L'organiſation
intime
des parties
, leurreffort
, leur jeu , échapent
à la vûë , & aus
fcalpel
. Notre
curiofité
, qui veut tout pénétrer
& tout fçavoir
, eft prefque
réduite
à ne juger
que de la figure
& de la furface
:
extérieure
des corps . A l'égard
de la longueur
du Tenia
, il eft facile
de la meſurer
:
très-exactement
. Il y en a qui ont juſqu'à
trente
aulnes , & même
jufqu'à
quarantecinq
, & le célébre
Ruifch
en a vu de tels..
J'avoue
que je n'en ai vû aucun
d'une grandeur
fi prodigieufe
; ceux qu'on
m'a montrés
n'avoient
tout au plus que dix à douze
aulnes
..
Quoiqu'il en foit , il eft évident que le
folitaire a une figure & une organifation
très-particuliere , & qu'il forme ainfi une
efpéce diftincte de toutes les autres . Ce
fentiment eft tout-à- fait oppofé à celui.de
A O UST. 1748.. 3'5'
M. Andri , qui conjecturoit que le Tenia
n'eft qu'un ver commun & ordinaire , qui
s'allonge & s'applatit par la preffion & le
frottement de l'eftomach & des inteftins ;
mais fi le folitaire n'eft qu'un ver ordinaire
qui ne fait que fe développer & changer
de figure dans le corps humain , d'où vient
que fa forme & fon organiſation ont fi
peu de rapport & de reffemblance avec la
figure & l'organisation de toutes les efpéces
de vers que nous connoiffons ? J'aurai
peut- être occafion de dire encore quelchofe
fur ce fujet. que
:
M. Valifnieri , qui a crû que le Tenia
étoit un affemblage , ou une chaîne de vers
cucurbitins , n'a pas mieux rencontré que
M. Andri , qui ne s'éloignoit pas de cette:
idée le fentiment du Docteur Confet y
a auffi beaucoup de rapport ; il croyoit
que le folitaire n'étoit qu'un compofé:
d'afcarides , qui fe tenoient accrochés les
uns aux autres. C'eſt ainſi qu'on a trouvé
en hyver des hyrondelles dans les marais,,
qui étoient entrelacées , & ne formoient
qu'une feule & même chaîne.
Mais quand on examine le Tenia avec
attention , on croit évidemment qu'il formeun
corps continu ; qu'il n'a point d'étui
qui l'enveloppe , & que fes cercles
ou fes incifions font liés entre eux par dess
B. vjj
36 MERCURE DE FRANCE.
ligamens. A la vérité , en fuppofânt un
fimple affemblage fans continuité , on explique
bien plus aifément ,pourquoi ce ver
ne périt point lorfqu'il vient à fe caffer .
Si chaque anneau eft un ver , il fera indépendant
des autres , il pourra fe féparer
fans déchirer fes voifins ; plufieurs chaînons
pourront fe détacher de la chaîne
fans qu'elle courre aucun rifque de fe
rompre. On pourvoiroit à tout fi le folitaire
avoit les mêmes propriétés qu'on a
découvertes dans le Polype , dont chaque
morceau a la faculté de fe reproduire en
quelque forte , de fe donner peu à peu les
membres qui lui manquent , & de devenir
ainfi un animal entier & complet . Ariftote
a comparé cette production aux plantes
qui naiffent de bouture ; de- là vient qu'il
nomme les Polypes , des Zoophgtas . Saint
Auguftin en parle auffi quelque part avec
admiration , comme ne fçachant que penfer
de la nature de l'ame , Mais M. Tremblay
, de Genéve , Naturalifte fort éclairé,
& bon Ecrivain , a mis depuis pen cette
découverte dans un très- grand jour , &
par la maniere dont il l'expofé , & les inductions
qu'il en tire , on ne peut nier
qu'elle ne lui appartienne légitimement.
Pourriez-vous croire , Monfieur , que
AOUST 174S $7
Le Tenia étoit fi peu connu , quoiqu'il foit
fort ancien puifque Hypocrate en parle ,
qu'on a prétendu que ce n'étoit qu'une
membrane des inteftins , qui s'étoit détachée
, & qui avoit pris peu à peu une figure
finguliere & déterminée: Cette men
brane avoit , dit- on , confervé un certain
reffort , ce qui la faifoit paroître animée ,
mais pour détruire cette opinion , il n'y
a qu'à ouvrir les yeux , on voit manifeftement
le folitaire donner des fignes de vie ;
on le voit fe trémouffer avec violence
dès qu'il eft forti du corps ; on l'a vû mề-
me ramper comme un ver de terre ; il a des
mouvemens fi fenfibles & fi vifs , que les
malades chés qui il eft logé s'en apperçoivent
très- diftinctement. Il eft d'ailleurs fi
vorace ,& le défaut de nourriture le rend
fi inquiet & fi furieux , qu'on ne fçauroit
douter qu'il ne vive aux dépens.de fon hôte
, à qui il dérobe les alimens.
Jufqu'ici , Monfieur , je ne vous ai parié
que de ce que j'ai vû , & que j'ai examiné
moi-même ; je vais à préfent vous dire un
mot de ce que le bruit public a fait venirju
qu'à moi .On m'a proteſté qu'un de ces vers
avoit la tête affés ſemblable à celle du limaçon
; qu'elle pouffoit deux petites cornes ,
qui fortoient & rentroient alternativement.
On ajoutoit qu'on avoit remarqué
38 MERCURE DE FRANCE.
fur la pointe de ces cornes de petites émi
nences , qui pourroient bien être des
yeux & faire la fonction de lunettes d'approche.
Pour faire fentir le ridicule de
cette fable , je n'ai fait que demander
quel feroit l'ufage de ces yeux , & de ces
lunettes dans l'endroit où le Tenia eft
placé. La nature eft trop économe &
trop fage , pour faire une dépenfe inutile .
Une autre perfonne m'a affûré avoir vû
fortir un ver d'une taille gigantefque ,
hériffé de poils , armé d'une fourche , ou
d'un dard , & dont la tête reffembloit à
celle du ferpent. Le penchant que les
hommes ont pour le merveilleux eft fi
grand qu'ils en mettent par tout. On fair
ufage de fon imagination , lorfqu'il net
faudroit faire ufage que de fes yeux & de
fa raiſon.
Mais le folitaire eft- il toujours feul dans
fa retraite Ne fçauroit- il vaincre fon
averfion pour la fociété , & n'a-t'il jamais
de compagne ? Si cela eft , comment ſe:
perpétue-t'il , & comment la race en peutelle
fubfifter ? Voilà des queftions bien
preffantes & bien pofitives , mais vous me
permettrez , Monfieur , de répondre à la
premiere , avant que de paffer à la feconde.
On fçait qu'en général le Tenia eft
unique dans le corps humain , & dans
A OUST. 1748% 3:9)
quelques animaux : il y a peu d'exceptions
à cette régle. S'il a des compagnons , comme
en effet il en a quelquefois , ils ne font
pas de fon efpéce , & il n'y a pas apparence
qu'ils contribuent à la propagation . Com
ment donc fe perpétue t'il Cette conféquence
eft toute naturelle , mais elle devient
un problême difficile à réfoudre ; le
folitaire feroit-il hermaphrodite , & auroitil
la faculté de faire en même tems less
fonctions du mâle & de la femelle ? Cela
pourroit bien être , & il ne feroit pas le
feul infecte qui eût cette propriété ; ce qui
fait naître quelque doute , c'eft qu'on n'a
point trouvé de petit ver de fon efpéce
qui fut avec lui dans la même loge , &
qui parut le fruit de fes oeuvres ; lors même
qu'on en auroit trouvé par hazard
cela ne prouveroit point que le petit ver
eût été engendré par le plus gros ; celui- ci
auroit pu avoir été rompu & divifé par
quelque accident , & fi chaque parcelle , à
l'exemple du polype , a la propriété de
pouffer hors d'elle les membres qui lui
manquent , & de devenir ainfi un corps
entier & parfait , femblable à celui dont il
a été tiré , il y aura alors une multiplication
réelle & véritable , mais non une génération.
On ne diroit point que les morceaux
de l'hydre de Lerme fuffent une pro40
MERCURE DE FRANCE .
duction de cet animal , quoique chaque
fragment en prit, peu à peu , la forme & la
reffemblance .
Il y a deux opinions principales fur la
génération du Tenia, que j'examinerai ici ;
la premiere a de grandes autorités ; elle eſt
appuyée par Hypocrate , & par Meffieurs
Valifnieri & Bagliri , célébres Phyficiens :
elle fuppofe que lefolitaire naît avec l'embrion
; qu'il grandit & fe prolonge avec
lui. Cette hypothéfe eft encore fondée fur
une obfervation qu'on a faite ; on a remarqué
que les peres & les meres , qui ont le
Tenia , laiffent fouvent ce fâcheux héritage
à leurs enfans.
Il femble que rien ne puiffe détruire une
opinion qui eft fi bien appuyée , & qui a
un fi grand degré de vrai femblance ; cependant
elle n'eft pas exempre de difficultés
; fi l'on ne renverfe pas l'édifice , on
peut du moins l'ébranler. On demande
qui a joint au foetus le germe du Tenia ,
pourquoi cette union fimal affortie , comment
ces deux corps, fi differens entre eux ,
qui ont fi peu de liaiſon & d'affinité ,
peuvent croître de concert & demeurer
unis , malgré mille obftacles qui devroient
les féparer. Une ſemblable harmonie eftelle
naturelle , ne répugne - t'elle pas à nos
lumieres & au fens commun 2
3
A O UST. 1748. # 41
La feconde opinion fur l'origine du fo
Titaire , eft celle- ci ; l'air , dit- on , eft fon.
premier berceau & fon véhicule . Il eſt
rempli des germes de toutes fortes d'Infectes
, & il les tranſporte d'un endroit à un
autre , jufqu'à ce que ces germes , déposés
dans un lieu convenable à leur nature , s'y
arrêtent , y prennent en quelque forte racine
, & s'y développent. Comment le
corps humain en feroit- il exempt , puifque
les pierres même font rongées par certains .
vers , qui y cherchent leur domicile Mais
ces germes , répliquera- t'on , ne fe forment
pas dans l'air ; on eft en droit de demander
qui les a produits , & d'où ils viennent.
Nous ne fommes plus dans ces fiécles
ténebreux , où l'on s'imaginoit que le.
hazard avoit le pouvoir de créer des fubftances
, & la fageffe de les conferver . La
vérité , qui nous éclaire aujourd'hui , nous
apprend que le hazard n'eft rien , & ne
fçauroit produire aucune fubftance. L'ex- .
périence a démontré que la pourriture eft
dans une impuiffance abfoluë de former
le moindre Infecte, & que pour fçavoir
pourquoi tel Etre fubfifte aujourd'hui , il
faut néceffairement remonter à fon origine
& à fa premiere caufe. Si nons confultons
la bonne Philofophie , elle nous enfeignera
que tous les animaux font égale
42 MERCURE DE FRANCE.
ment parfaits dans leur efpéce , & relativement
au but que le Créateur s'eft propofé.
L'Infecte le plus vil , & qui nous paroît
à peine ébauché , a cependant une organiſation
auffi admirable que celle des
animaux , qui nous femblent les plus travaillés
& les plus parfaits. On convient
que l'air eft un fluide dans lequel nâge une
infinité de germes & de femences , mais
ces germes font fortis d'animaux ou d'infectes
de leur efpéce , & le folitaire paroît
incapable de fe perpétuer par lui-même ;
s'il avoit cette faculté , nous l'avons déja
dit , il donneroit des preuves de fa fécondité
; s'il pouvoit être pere de famille , on
verroit de fes petits , au lieu que
trouve dans fa retraite aucun animal de
fon efpéce. Quand une fois on l'a arraché
de fa loge , il n'y laiffe aucun germe , &
les perfonnes , qui en ont été entierement
délivrées , le font pour toujours.
l'on ne
Voici enfin la véritable origine du Tenia ,
dira quelqu'un : il eft porté dans le corps
humain avec les alimens ; on ne sçauroit
nier qu'ils ne foient pleins de vers de toutes
les fortes. Il ne s'agit pour eux que de sintroduire,
& cela ne leur eft pas difficile . Dès
qu'ils ont trouvé un terrain convenable ,
on n'eft plus en peine de leurs progrès fur--
prenans. On fçait que la plus petite femenA
O UST. 1748% 43.
ce , miſe en terre , peut produire un arbre
d'une hauteur exceffive ; il en eft de même
du folitaire ; il n'y a qu'à lui donner une
matiere où il puiffe fe nourrir & s'éten
dre. A l'égard de fa figure finguliere &
déterminée , cela ne doit caufer aucun embarras
; ce ver eft d'une ſubſtance molle &
fpongieufe , il fe ploie aifément au moule
dans lequel il fe trouve. Il prend telle ou
telle figure , felon la forme de l'azile qu'il
a choifi .
י
Rien n'eft plus aifé que de faire ce raifonnement
, mais rien n'eft plus difficile
que de le foûtenir . Pour le réfuter , il n'y
a qu'à fe rappeller ce que l'on vient de dire
fur l'impuiffance où il paroît que fe
trouve le Tenia de produire fon femblable
, & fur l'impoffibilité qu'il y a que les
vers d'une autre efpece puiffent prendre
régulierement la forme & la ſtructure du
folitaire Confultons la Nature ; elle nous
apprendra , non -feulement qu'il ne fe forme
plus de nouveaux Etres , mais encore
que leurs métamorphofes ont leurs bornes,
& que la diverfité que produit leur mêlange
a des limites marquées. La varieté des
plantes & des animaux ne va jamais audelà
d'un certain point. Tous les corps
font foûmis à des regles qu'il ne leur eft
pas permis de violer. Comme il ne s'eft.
46 MERCURE DE FRANCE.
détruit aucunes efpécés de plantes & d'animaux
depuis la Création , il ne s'en eſt
point auffi formé de nouvelles . Il pent fe
Trouver des monftres , mais ces monftres
mêmes font affujettis à l'ordre général ; ils
ne forment point d'efpéces particulieres ;
ils appartiennent néceffairement à un certain
genre de plantes ou d'animaux. Ce
raifonnement vous paroîtra peut- être hors
de place , mais il eft aifé de l'appliquer à
notre fujet. Si l'on ne trouve pas hors du
corps humain l'efpéce qui caractériſe le
Tenia , Fair ni les élémens n'ont pû en ap
porter le germe, & s'il n'y a ici qu'un fimple
développement ou une fimple extenfion
du ver ordinaire , je ne conçois pas pourquoi
la figure & l'organiſation en font fi
differentes. Un fimple changement dans
la furface de ce ver pourroit- il occafionner
une métamorphofe qui n'a point d'exemple
, qui en change le méchanifme , &
femble détruire l'efpéce pour en faire
une nouvelle ? Une telle tranfmutation feroit
auffi abfurde que celles que quelques
voyageurs attribuent à la racine d'une certaine
plante des Indes , qui fe retire &
s'enfonce en terre dès qu'on la touche ,
parce qu'un ver , dont le fentiment eſt fort › ·
délicat , lui fert de racine , mais ce même
ver fe transforme en bois & fe durcit
quand on l'a arraché de terre.
A O UST . 1748. 45
Voilà , Monfieur , tout ce que je puis
Vous apprendre fur l'origine & la fructure
du Tenia ; c'est bien peu de certitude
fur beaucoup de doutes . Tout cela vous
paroîtra prefque auffi obfcur que le lieu
où il fe cache. Je fçais que je vous laiffe
dans le vafte pays des conjectures , & je
ſuis bien fâché de ne pouvoir vous fervir
de guide pour en fortir , mais quand le .
vrai ne fe préfente pas , & femble fe refufer
à nos recherches, il vaut mieux encore refter
dans l'incertitude , que de croire le faux
& de fe livrer à des fables . Peut- être ne nous
importe- t'il pas moins de fçavoir quelles
chofes nous fommes condamnés d'ignorer ,
que de fçavoir ce que nous pouvons connoître
; l'un excite notre émulation , &
nous engage à faire les efforts néceffaires ,
l'autre nous en épargne d'inutiles , & nous
enfeigne nos bornes. Attendons patiemment
peut- être que la lumiere fe levera
de quelque côté , & nous aidera à fortir
des ténèbres. N'admirez vous pas que
l'homme veuille fçavoir le pourquoi de
tout , lui qui trouve fes limites & des obftacles
prefque à chaque pas ? N'eft- ce pas
affés de faire un bon ufage de ce qu'il poffede
? Nos connoiffances fuffifent pour notre
bonheur, il ne nous manque que de në
pas defirer trop ardemment ce que nous ne
46 MERCURE DE FRANCE.
fcautions obtenir , & qui , heureuſement
ne nous eft pas néceffaire .
Dans ma premiere lettre je vous dirai
quelque chofe de plus utile & de plus certain
fur la maniere de guérir ceux qui ont
le folitaire , & de faire fortir un hôte fi incommode
& fi dangereux. Je vous entretiendrai
auffi de plufieurs obfervations curieufes
& importantes , qui ont été faites à
ce fujet & qui me paroiffent mériter votre
attention. Je fuis , & c.
Jean-Baptifte TOLLOT , de Geneve.
****************
Tu
EPITRE
A M. R.
U me flates en vain d'une douce eſpérance
Je fuis moins chéri de moitié.
Malgré la trompeufe apparence ,
La froideur & l'indifference ,
Vont fucceder à l'amitié.
Amitié des humains tu faifois les délices ;
Et leur zéle jadis te dreffa des Autels .
Aujourd'hui leurs coeurs criminels
N'offrent des voeux ,des facrifices ,
Qu'aux plaifirs & qu'à l'intérêt a
AOUST .
47 1748.
Oui , l'homme efclave , indifcret ,
N'eft plus que le jouet des erreurs & des vices ;
Il s'endort follement au bord des précipices.
Où l'Amour parle , tout ſe tait.
Que j'aime, errant fur ces rivages ,
A découvrir la vérité ,
Loin du tumulte & des orages ,
Qui troubloient ma tranquillité !
Je vois fous cet épais feüillage
L'innocence & la liberté ;
C'est dans ce féjour où les ſages
Trouveront la félicité ;
Tout préfente à nos yeux de riantes images;
L'air eftpur le Ciel fans
" nuages ;
Ce Fleuve d'eft point agité ,
Et ces Ruiffeaux , dans leurs paffages ,
Semblent fixer leur cours , pour mieux voir la
beauté
Que leur prefentent ces bocages.
De verdure & de fleurs embelliſſant leurs bords ;
Ils portent à la mer le tribut de leurs ondes ,
Mais faifant d'affidus efforts
Pour fortir en fecret de ces grotes profondes ;
Et de l'air & du feu fecondant les refforts ,
Ces fubtiles vapeurs font ces fources fécondes ,
•
Qui femblent ranimer les corps.
Geneve
48 MERCURE DE FRANCE.
CONSEILS à une jeune Demoiselle.
IL eft un tems, & ce tems n'eft pas loin
Où d'amans délicats la nombreuſe cohorte
Viendra frapper à votre porte ,
Et ne voudra d'autre témoin
Que l'Amour , qui d'intelligence
Avec eux , avec votre coeur ,
Par un confeil doux & flateur
Attaquera votre innocence .
Ah ! qu'une fage défiance ,
Iris , eft alors de faiſon !
Hélas ! quelquefois la raiſon ,
Dont on implore l'affiftance ,
S'éloigne fans que l'on y penſe ,
Et nous laiffe ainfi fans défenſe .
7
Dans la faifon des Acurs , c'eft ainſi qu'un mouton,
Qu'on laiffe crrer dans le valon ,
Ne fait aucune réſiſtance
Au Loup cruel , qui l'étrangle en l'abſence
Duvolage Berger , qui chante fa chanſon ,
Et qui , fur l'émail du gazon ,
De les feux à Cloris apprend la violence ,
Et peut- être en reçoit la rendre récompenfe,
Quand on craint de s'enflammer ,
Il
A O UST.
1748. 49
Il faut fuir , fans plus attendre ;
L'Amour met un coeur en cendre ,
S'il fe laiffe défarmer ,
Et prend plaifir à l'entendre.
Il vous dira , d'un air tendre ,
Iris , laiffez- vous charmer .
Ah ! pourquoi vous en défendre ;
Puifqu'il eft fi doux d'aimer ?
Un amant eft dangereux ;
Craignez , ſon air , ſon langage ;
Le plus léger badinage
Ne fair qu irriter les feux ;
Son coeur ne vous rend hommage ;
Qu'afin de fe rendre heureux.
Si vous écoutez ſes voeux ,
Vous verrez l'amant volage ;
Comme un oiſeau de paffage ,
S'en aller loin de vos yeux.
Ah ! que cette trifte image
Me rend l'amour odieux !
Non , rien ne nous prouve mieux
Que le plus grand avantage
Qu'on puiffe obtenir des Cieux ,
C'est le bonheur d'être fage.
Geneve.
C
50 MERCURE DE FRANCE.
PENSEES, MORALES.
N grand faſte peut en certaines occafions
cacher une grande avarice .
Quelques-uns de ceux qui paroiffent dans
le monde avec le plus de fplendeur , vivent
avec une oeconomie fordide dans le particulier
, & tel eft habillé magnifiquement ,
qui fe refufe le boire & le manger.
Ne jugeons jamais de la générofité d'un
homme par les actes qu'il en fait avec éclat ;
c'eft dans les petites choſes , c'eſt dans telles
qui font les plus cachées, qu'un homme
paroît véritablement généreux ..
Il n'y a point de générofité à donner à
fon ami , qui eft dans le befoin , une fomme
confidérable ; c'eft partager avec foimême
fa fortune : mais donner ou envoyer
à un homme, qui nevous connoît pas , une
fomme , même modique ; voilà la vraie
généròfité.
Un grand homme du fiécle paffé a dit
qu'il y avoit du plaifir à rencontrer les
yeux de celui à qui on vient de donner.
Oui , pour un homme qui n'eft pas véritablement
généreux , car il y a toujours
( & cela eft de l'homme ) dans les yeux de
celui qui reçoit , une certaine confufion ,
AOUS T.
1748. SE
mêlée de plaifir , & voilà ce qui rend la
façon de bien donner , plus difficile à acquérir
que celle de bien recevoir.
A force de vouloir être difcret , on eft
fouvent indifcret .
La Mifantropie eft une petiteffe d'efprit ,
qui nous rend l'ennemi de la fociété , &
qui ordinairemement provient d'un fentiment
d'orgueil ' , ou de vanité , ou de
présomption , ou encore plus fouvent
d'envie .
Un Milantrope fe croit un Philofophe :
c'est un fou qui ne connoît ni les hommes
qu'il veut fair , ni même les motifs
qui le font agir , tant fes caprices ont
d'empire fur lui.
La connoiffance des hommes donne de
l'horreur pour le vice , & de la.compaffion
pour les vicieux.
Un vrai Philofophe connoît les hom
mes , il leur rend juftice , & de peur de s'avilirlui-
même, il ne les regarde point comme
des monftres qu'il faille fuir. Il vit avec
eux , & comme il fçait que la nature eft
foible , il tâche , lorsqu'ils tombent , de les
relever ; il leur tend la main pour les foutenir
dans le chemin de la vertu. Il hait le
vice ; mais non ceux qui en font infectés.
Les plaindre , gémir fur leur fort , voilà les
fentimens que la fageffe lui infpire : elle
C ij
52 MERCURE DE FRANCE.
ne lui dicta jamais de fe croire d'une nature
fupérieure à celle des autres hommes
. Il oublie même qu'il eft plus fage
qu'eux , pour le reffouvenir fans ceffe qu'il
a trébuché plus d'une fois.
Si la plupart des hommes refléchiffoient
fur ce qui leur eft arrivé , fur ce qui peut
leur arriver , ils ne défaprouveroient pas
fi fouvent la conduite de leurs femblables.
Il en eft des vices comme des plaifirs .
Nous ne prifons ceux -ci , qu'autant qu'ils
font dans notre goût ; nous n'avons d'horreur
pour ceux-là , qu'autant qu'ils font éloignés
de notre caractére , de notre intérêt.
Ceux que l'orgueil domine n'ont jamais
lû ni leur généalogie , ni celle des autres .
Le premier devoir d'un pere eft d'apprendre
à fes enfans l'origine de leurs parens ;
on éviteroit par-là l'orgueil qu'infpire une
naiffance illuftre , ou un bien confidérable.
- Comme homme, je ne dois rien au rang,
à la naiffance ni au bien ; ce n'eft que comme
citoyen politique que je rends des refpects
à un homme en place , à celui que la
fortune favorife , ou que la Providence a
fait fortir d'un fang illuftre .
Neriroit- on pas d'un homme , qui pour
avoir fix pieds de haut , traiteroit avec mépris
celui qui feroit d'une ftature médioere
? Oui , lans doute , un tel homme mé-
3
A O UST. 1748. 53
riteroit qu'on lui retint une place aux pe
tites Maifons . Orgueilleux , c'est votre
image quel nom méritez -vous ?
Flater un orgueilleux , c'eft mériter fes
mépris.
Il y a de la fageffe à avoir de la hauteur
vis-à-vis d'un orgueilleux.
Il y a de la balleffe à ramper devant lui.
Qui méprife les autres , peut avoir de l'efprit
, mais il ne peut avoir de jugement.
Je fuis un homme mauvais ; dois- je fuir
un orgueilleux ? La bonté & l'orgueil n'hábitent
jamais enfemble dans un même
coeur. Interrogez les parens d'Oronte , ils
vous affûreront la vérité de cette penſée.
Oronte fouffre quand il les voit , Oronte
devroit bien fe fouvenir de ce que fut fon
pere , fa mere ; de ce qu'il étoit lui-même
avantfon voyage de Paris.
L'envie contribuë plus au progrès des
Arts & des Sciences , que les louanges que
l'on donne à ceux qui les cultivent avec
fuccès.
On eft excité à l'étude par les honneurs
qu'ont mérité les Sçavans , mais on eft
tenté de ne pas s'y adonner , lorſqu'on lit
leurs ouvrages , & qu'on en connoît tout
le prix .
Par Mlle L **** do •
C iij
54 MERCURE DE FRANCE.
A Mile de R.....fur un enfant qui avois
penfé lui crever un oeil d'un coup
d'arbalête.
L'Amour ayant un jour épuifé fon carquois
A tirer contre un coeur de roche ,
Défefperé , confus & réduit aux abois ,
Furieux , de Corine approche.
Pour n'être pas connu , le Dieu prend fans façon
L'air d'un enfant de rien , d'un petit poliçon ;
Au lieu d'un arc , il tient un arbalête ;
Méditant un coup de fa tête.
Comment , dit - il , elt-ce en vain que les Dieux
De tant d'attraits ont pourvû cette belle ?
Nul mortel ne réfiite à l'éclat de ſes yeux ,
Et contre moi l'ingrate fe rebelle .
'Allons , allons , vengeons les malheureux.
Je fçais ce qui la rend fi vaine ,
C'est que les yeux , d'où fortent mille feux ,
Sont les plus beaux de mon Domaine ;
Qu'importe , il en faut crever un ,
Tout au travers de la prunelle ,
Et cet exemple peu commun
Fera rire plus d'une belle.
Aces mots , il ajuſte un dard ,
AOUST . 35 1748 .
Lancé d'une main meurtriere ,.
Mais Corine d'un feul regard
Ebloüiffant le téméraire ,
Il manque
l'oeil & tire au front.
Pour ce Dieu malin quel affront !
Cependant la belle s'écie ,
Foible ennemi , perfide enfant ,
Viens expier ta barbarie ;
Je vois ton feint déguiſement ;
Déja le repentir te touche.
Va , je ne crains point tes traits.
Tu mettras toi- même la mouche
Qui doit augmenter mes attraits.
洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗
LETTRE de M. ***.
Es nouveaux regrets que
l'Auteur de
l'ource de
moigne encore trop obligeamment de ne
point me connoître , me font penfer qu'il
me croit peut-être plus que je ne fuis
& que mes pénibles & continuelles occupations
font du nombre de celles que
les autres regardent avec eftime , & quelquefois
avec envie . Les miennes n'ont
rien de tel , & leur fruit ordinaire n'eft
que le mépris & fouvent l'ingratitude.
C iiij
so MERCURE DE FRANCE.
>
Graces à Dieu , je ne rougis pas de mon
état , qui n'eft par lui - même ni abject ni
méprifable , & comme je ne fuis pas fait
pour réformer les préjugés , je ne me
plains pas de l'idée qu'on en a dans le
monde . Quel cas y fait-on de ceux qui
travaillent à l'éducation de la Jeuneffe ?
On croit leur faire trop d'honneur en
s'abaiffant jufqu'à eux , & on ne les
regarde qu'autant qu'on a beſoin de leur
miniftere. L'efpece de confidération qu'on
leur témoigne , lorſqu'on a beſoin d'eux
ne doit point leur en impofer ; j'ai éprouvé
plus d'une fois le cas qu'on en doit faire.
Heureufement pour ma tranquillité , je
ne la fais pas dépendre de la maniere
plus ou moins avantageufe dont on
peut penfer de mon état , & par conféquent
de moi , mais fi fuis peu fenble
aux caprices de l'opinion pour ce qui
me regarde , je crois devoir la refpecter
les autres , en leur épargnant la peine
de rougir peut - être d'une connoiffance
telle que la mienne. D'ailleurs mon état
n'eft pas la feule chofe qui y foit un obftacle.
Né de parens pauvres qui ne m'ont
laiffé d'autres biens que de l'éducation
& des fentimens qui m'ont fait préférer
une liberté, pénible à un brillant efclavage
, je dois encore par -là éviter le monpour
A O UST.
57
1748.
de , où l'on n'eft eftimé qu'à proportion
qu'on eft riche. C'eft une de ces vieilles
opinions , contre lefquelles il feroit fort
inutile d'appeller. Les hommes font &
feront toujours les mêmes . Il y a long- tems
qu'Ovide a dit , & dans deux mille ans on
le dira encore :
In pretis pretium nunc eft . Dat cenfus honores ,
Cenfus amicitias. Pauper ubique jacet.
Ce n'eft pas pour me plaindre de ma
fortune , que j'ai ajouté cette réflexion .
Telle qu'elle eft , je fçais m'y accommoder
, & j'y fuis plus heureux avec mes
peines , que de chercher à m'en procurer
une plus douce par de ferviles adulations
& par de lâches complaifances . Je
ne pourrois me réfoudre à acheter des protections
à un prix fi humiliant , & on
n'en accorde guéres autrement , fi ce n'eſt
au mérite fupérieur , dont je ne fens que
trop combien je fuis éloigné. Ce fontlà
les juftes craintes qui m'ont toujours
empêché de me produire , & qui me font
me renfermer dans ma fphere , dont il eft
toujours dangereux de fortir. Je n'ai pas
crû en fortir , en prenant la liberté de vous
adreffer quelques remarques fur les premiers
effais de la nouvelle Traduction
d'Horace , parce que j'ai étudié , & que
C v
58 MERCURE DE FRANCE.
j'étudie cet admirable Auteur , comme il
convient à ma profeffion , mais c'eſt auque
jourd'hui y pour y demeurer parfaitement ,
que j'ai dû défabufer le fçavant & modefte
Auteur de cette Traduction , de la
trop bonne opinion qu'il avoit bien voulu
concevoir de moi , & lui faire voir , en lui
marquant quel je fuis en général , qu'il ne
perd rien du tout en ne me connoiſſant pas
plus particulierement
. L'avantage eût été
pour moi tout entier . J'euffe pris la liberté
de le confulter fur bien des paffages d'Horace
, auffi difficiles par eux- mêmes , que mal
interpretés jufqu'à préfent , mais j'efpere
trouver dans fon Ouvrage , lorfqu'il en
fera préfent au public , des folutions à tous
mes doutes, Auffi n'eft- ce
que pour
déférer
à fes vives & obligeantes inftances , que je
vais ajouter quelques remarques fur la réponfe
dont il m'a honoré dans le Mercure
de Février dernier , & fur la Traduction de
l'Epître à Mecéne
Rien de plus jufte que cette regle qu'il
établit, que toutes les fois qu'on peut prendre
un mot , tel qu'il foit , dans fon acception propre
, fans que le fens enfout altéré , on doit le
préférer à l'acception métaphorique . Mais je
trouve encore , dans l'application de cette
regle au fine fraude du Poeme féculaire ,
quelques difficultés que je foumets aux luA
O UST. 1748. 59
mieres de l'Auteur. Voici la ftrophe qu'il
eſt à propos de fe remettre devant les
yeux .
Cui per ardentem fine fraude Trojam
Caftus Eneas , Patria fuperftes ,
Liberum munivit iter , daturus
Plura relictis.
Si on peut donner aufine fraude un autre
fens que fine vita periculo , ce ne pourroit
être tout au plus que celui qui fuppoferoit
qu'Horace auroit voulu juftifier Æné? des
foupçons qu'on avoit formés contre lui „ d'avoir
livré Troye aux Grecs , de concert avec Antenor:
mais eft-il bien naturel de l'entendre
ainfi ? Si Horace avoit eû cela en vûe , fe feroit-
il contenté de s'exprimer fi obfcurément
? Et la chofe ne valoit- elle pas bien
qu'il en fit le fujet d'une ftrophe : Je ne ferois
point étonné que Tacite eût préſenté
ainfi cette penfée. Mais eft - ce - là le caractere
du ftyle d'Horace ? Sans être prolixe
, il n'offre que des idées nettes & frappantes
, & s'il eft fouvent difficile , on ne
peut pas dire qu'il foit obfcur . Aucun Auteur
n'a peut-être été plus en garde que
lui
contre ce défaut , qu'il exprime ainfi dans
l'Art Poetique : brevis effe laboro ; obfcurus
fio : & s'il faut entendre ainfifinefrande , on
ne peut fe diffimuler que ce tour ne foir
C
vi
60 MERCURE DE FRANCE.
très obfcur. Cela paroît fi vrai , qu'on ne le
pourroit rendre en François , fans une trèslongue
paraphrafe , marque non équivoque
de l'obfcurité du texte ; je ne difconviendrai
pas qu'on ne puiffe défendre ce fens ,
mais je ne puis m'empêcher de le regarder
comme un de ceux que les Interpretes vont
chercher bien loin , plutôt pour faire briller
leur érudition , que pour rendre celui de
l'Auteur auquel ils prêtent ainfi des vûes
qu'ils n'a jamais eûes. Le nouveau Traducteur
objecte que liberum iter munivit
dit la même chofe , que fi l'on entendoitfine
fraude dans le fens de fine vita periculo.
Cela feroit vrai , fi ces mots devoient être
conftruits enſemble , mais j'ai déja remarqué
que l'intention d'Horace paroît avoir
été de marquer deux dangers differens , outre
un troifiéme dont il eft parlé dans la
ftrophe précédente , & qu'il a exprimé chacun
de ces dangers par des mots propres &
énergiques , danger de la part des ennemis
par liberum iter munivit , danger de l'embrafement
de Troye par ardentem fine fraude
Trojam. Je puis me tromper , mais il me
femble que fi Horace eut eu en vûe l'un ou
l'autre fens que le nouveau Traducteur
propofe , il auroit difpofé autrement fes expreffions
, comme par exemple de cette maniere
:
AOUST . 61 1748 .
Cuiper ardentem , Patria fuperftes
Caftus Eneas , fine fraude , Trojam ,
Liberum munivit iter , daturus
Plura relictis.
En rapprochant ainfifinefraude des deux
derniers vers , on y feroit mieux revenir
les deux fens qu'on propofe , mais Horace,
en plaçant fine fraude après ardentem , paroît
n'avoir eû en vûe que de
marquer
qu'Enée avoit tiré heureufement un refte
de Troyens du milieu des flammes qui confumoient
Troye. Pour ce qui eft de l'autre
fens , qui feroit de faire l'application define
fraude dans fon acception à daturus plura
relictis , c'est ce que je ne crois pas qu'il foit
poffible de faire . Il feroit puerile à Horace
, de dire qu'Enée fonda dans l'Aufonie
un Empire , qui dans la fuite devint plus
grand , plus floriffant , plus puffant que
n'avoit été celui de Priam. En effet , que
quittoient les Troyens , en fuivant Enée à
Un Pays défolé & envahi par les Grecs ,
& une Ville ruinée & renverfée de fond
en comble. Ils ne pouvoient qu'y perdre
la vie, ou fe voir réduits dans le plus.
dur efclavage , s'ils y fuffent demeurés , de,
forte qu'en fuivant Enée , ils avoient certainement
plus qu'ils ne quittoient , ne fut -
la liberté. Il n'étoit pas néceffaire
ce
que
62 MERCURE DE FRANCE,
, comme je l'ai déja obfervé qu'Enée
leur fit un difcours bien pathétique pour
les engager à tout quitter pour le fuivre
leur propre intérêt le leur perfuadoit
affés.
de
Le nouveau Traducteur a bien raifon de
dire , que dans une Traduction , ilfaut , autant
qu'il eft poffible , mettre le Lecteur dans le
cas de croire qu'il lit un Auteur ancien dans
P'Original , & éviter par conféquent de ſe
fervir de termes qui ne conviennent qu'à
nos ufages , mais cette regle ne doit point
s'étendre jufqu'à violer les Loix du langage
dans lequel on traduit. La politcffe eft
tellement de l'effence de la Langue Françoife
, qu'il me femble qu'il ne conviendroit
pas plus d'y faire toujours tutoyer , que
vouloir l'affervir à l'inverfion naturelle aux
Anciens , & à des tours qui n'avoient rien
de choquant pour eux , mais qui feroient
au moins durs & indécens dans notre Langue.
Je m'imagine qu'on ne peut abfolument
s'éloigner , dans une Traduction
de ce qui fait un des caracteres propres
à la Langue dans laquelle on traduit , &
que fi on fait tutoyer dans la nôtre , ce ne
Ᏺ
doit être jamais qu'avec dignité , & conformément
à la bienféance de nos ufages.
Conviendroit- il par exemple de faire parler
ainfi Enée à Didon ? je ne nieraijamais ♬
›
AOUST. 1748.
63
grande Reine , les bienfaits folides dont tu m'as
comblé & dont tu pourrois me faire un long
détail ..... Sur le fujet de tes plaintes , je
vais mejuftifier en peu de mots. Jamais je n'ai
conçu le deffein de te cacher mon départ . Non ,
ne le crois point , & c.
que
Prenons Racine , & faifons tutoyer Roxane
par Bajazet , Andromaque par Pyr .
rhus , Aricie par Hyppolite , cela ne nous
révolteroit-il pas ? Ce qui nous choqueroit
fur le Theatre , ne nous choqueroit pas
moins dans une Traduction , moins, parce
cela feroit contraire à nos moeurs , que
parce qu'il le feroit au genie de notre Langue
, & c'eft , je crois , à quoi on ne peut
fe
difpenfer d'avoir égard. Ce n'eft point habiller
les Anciens à la Françoife , que de
leur faire parler notre Langue , comme ils
l'auroient parlé , fi elle eût été la leur , & il
ne faut
pas confondre ce qui eft particulier
à nos ufages , avec ce qui eft effentiel à la
Langue. On ne peut , fous prétexte de ſe
rapprocher du génie des Anciens , alterer
celui de notre Langue , mais on doit en
bannir, en les traduifant , ce qui n'eft propré
qu'à nos ufages , comme de traduire
puer par Laquais , Patres confcripti par
Meffieurs ,forum par le Barreau , Tibur
Tivoli , &c.
On tutoye un inférieur
par
par mépris , un
64 MERCURE DE FRANCE.
égal par amitié , & un Prince , feulement
dans une Epître ou dans un Difcours Académique
. Si on fait toujours tutoyer , on
fait perdre au langage toutes ces nuances
qui lui donnent de la grace & de l'énergie ,
lorfqu'on fçait les placer à propos , furtout
dans l'expreffion d'une noble fierté ou
d'un fentiment de colere , comme dans ces
vers :
Sultan , tiens ta parole , ils ne font plus à toi ...
Tyran , defcends du Trone , & fais place à ton
maître.
C'eft dans ces cas & d'autres femblables ,
qu'il faut faire tutoyer ; & je ne penfe pas
qu'un Traducteur doive fe difpenfer de fe
conformer fur ce point au génie de notre
Langue. La Grecque & la Latine ont déja
affés d'avantage fur la Françoife : ne l'appauvriffons
pas encore , en la dépouillant
de celui qu'elle a fur fes deux Rivales , de
pouvoir varier fes tons d'une maniere plus
fenfible, pour exprimer l'amour ou la haine,
l'eftime ou le mépris , & pour ne pas confondre
Cefar avec Dave.
Ces reflexions m'amenent naturellement
à l'examen de la Traduction de l'Epître
à Mecene , que l'Auteur tutoye avec raifon
, parce que ce ton convient à l'Epître :
mais qu'il me permette de ne point goûter ,
A OUST. 1748. 65
qu'il tutoye également tous ceux à qui le
Poëte adreffe la parole dans cette Epître.
Horace ne l'adreffe à Mecene , qué pour lui
en faire hommage , & non pour l'endoctriner
, & on diroit par le ton qui regne dans
la Traduction , que le Poëte n'auroit en
vûe que fon illuftre Protecteur dans toute
la piéce, & qu'il lui donne , comme un Maitre
à fon Eleve , des confeils pour la conduite
de la vie. Il femble que l'ingénieux
Traducteur , ayant commencé par tutoyer
Mecene , ne devoit parler qu'au pluriel à
ceux à qui le Poëte adreffe la parole , ou s'il
vouloit tutoyer ceux-ci , il auroit dû parler à
Mecene au pluriel . Ce n'eft pas une raifon
de ne pas mettre cette difference dans le
François , parce qu'elle n'existe pas
Latin. Horace ne l'y a pas mife , parce
qu'elle n'entroit pas dans le génie de fa
Langue , mais comme elle eft effentielle au
genie de la nôtre , nous ne pouvons l'omettre
fans la dégrader.
dans le
On peut défendre le fens que le nouveau
Traducteur donne à l'exemple de Vejanius
, mais je doute qu'il foit le meilleur , &
s'il ne faudroit pas lui préferer celui que lui
a donné M. Dacier après Turnebe , For- ,
rentius & d'autres bons Commentateurs .
S'il veut bien fe donner la peine de relire
fur cet endroit les remarques de M. Da66
MERCURE DE FRANCE.
cier , qui a mis dans un très -beau jour celles
des autres , j'ofe me perfuader qu'il reviendra
à fon fentiment; mais qu'il l'exprimera
mieux dans fa Traduction . Qu'il me permette
feulement d'ajouter , qu'il n'eft pas.
vraisemblable qu'Horace ait voulu fe com
parer à un mauvais Gladiateur , qui auroit
été fouvent réduit à demander la vie au
peuple , qui certainement ne fe feroit pas
affés intéreffé à la confervation d'un
homme qui auroit fi mal fervi à fes plaifirs ,
pour la lui accorder tant de fois. Ne paroît-
il pas plus naturel , qu'Horace n'ait cû
en vûe , que de fe propofer pour exemple
la prudence de ce fameux Gladiateur , qui
pour ne pas s'expofer dans l'Amphithéatre ,
à un âge où il couroit rifque de perdre la
gloire qu'il s'y étoit acquife , s'étoit entierement
retiré , & vivoit caché abditus à la
campagne ?
V. 15. Quo me cumque rapit , & c . Cet endroit
eft traduit , comme fi Horace eût été
un efprit foible & borné, qui n'eût fçû quel
parti prendre. Ce n'eft pas -là ce qu'il a
voulu dire , mais que fans s'attacher à aucune
fecte , il ne prenoit de toutes que ce
qui lui convenoit.
V. 19. Et mihi res , non me rebus fubjungere
conor : trad. Je cherche à ne m ' affujettir à
rien , bon jufques- là , mais ce qui fuit : à
A O UST. 1748. 67
,
toutfaire dépendre de moi , ne paroît pas être
la vraie penfée d'Horace , qui n'avoit
garde de former un deffein fi contraire au
repos philofophique , après lequel il foupiroit.
Les fçavantes remarques du nouveau
Traducteur fur ce vers prouvent bien qu'il
en a faifi le vrai fens , mais il ne l'a pas
rendu affés clairement dans fa Traduction ,
en omettant d'y ajouter deux mots qui
fe trouvent dans fes remarques mêmes :-
en m'accommodant de rout ce qui eft en
effet le fecret infaillible & facile de faire
tout dépondre de for. L'Auteur a voulu fans
doute éviter la paraphrafe , & en cela
il eſt très - louable , car on ne sçauroit
trop l'éviter , mais il y a des cas où elle
eft abfolument neceffaire , & je crois qu'ici
ç'en eft un fi l'Auteur veut conferver
le tour de fa Traduction : Si j'ofois lui
en propofer uunn autre , ne pourroit- il pas
' dire fans paraphrafe ; je cherche à m'accommoder
de tout , & à ne m'affujettir
rien ?
›
V. 33. Ferves avaritia , &c. Etes - vous .
tyrannisé par l'avarice ? L'Auteur s'étant
fait un fyftême de tutoyer par- tout , paroît
l'avoir oublié ici . Ne feroit- ce pas l'effet de
la force de la vérité , qui l'auroit ramené à
elle ,fans qu'il y penfat ?
V. 54. Hac Janus fummus ab imo pra68
MERCURE DE FRANCE.
docet. Trad . Voilà ce qu'on enfeigne d'un bout
à l'autre de la Place de Janus . Je crois qu'il
falloit dire d'un bout à l'autre du forum ,
pour éviter d'induire en erreur , en faifant
entendre qu'il y auroit eû à Rome
une Place de Janus . Ce n'étoit autre chofe
que le forum , à chaque extrémité duquel il
avoit une Statue de Janus , ce qui a fait
dire à Horace , fanus fummus ab imo , pour
· dire dans tout le forum .
y
V. 60. Hic murus aneus efto , & c . Trad.
Fais- toi de certe-maxime un rempart tel quejamais
, &c. Je crois que tel eft de trop , car
-cette maxime étant renfermée dans le vers
- fuivant, il falloit dire : fais - toi un rempari de
cette maxime que jamais , &c.
Comme les adjectifs en of fe prennent
ordinairement en mauvaiſe part , je
penferðis volontiers qu'à ne confulter que
l'humeur fatyrique d'Horace , il faudroit
traduire lachrymofa du 67.V. par pitoyables,
plutôt que par touchantes . Ce qui me porreroit
encore à fuivre ce fens , c'eſt que
fi Pupius avoit été un fi bon Poëte , fon
nom feroit plus célebre , au lieu qu'on
ne le connoît que par cet endroit d'Horace
, & par deux vers rapportés par
Dacier , qui paroiffent être plutôt une Epitaphe
fatyrique , que l'Ouvrage de ce Poëte
ignoré.
M.
A O UST. 1748. 69
V. 101. Infanire putas mefolemnia . Trad .
Tu crois que j'extravague. Pour peu que
hotre fçavant Traducteur refléchiffe fur
cet endroit , & qu'il le compare avec
ce qui précede , il verra que ce n'eft pointlà
le fens d'Horace. Le voici , fi je ne
me trompe : on ne fe moque dans le monde
que des défauts extérieurs , comme d'avoir
les cheveux mal faits , du linge ufé ,
& c. mais on y fait grace aux travers d'efprit
les plus ridicules , parce qu'ils font du
bel air , & que ce font des erreurs communes
. J'ai l'honneur d'être , & c.
›
M. M. P.
蔬洗洗洗洗洗洗洗洗洗:洗洗洗洗洗流
EPITHALAME ,
Pour le Mariage de M. le Vicomte de Gouffie
Bouillancourt avec Mademoiselle
de Gouffier Thois.
Folâtres jeux , tendres Amours
Je vous appelle à mon fecours.
Venez feconder mon délire ,
Venez inſpirer à ma lyre
Ces fons légers , ces doux accens
Faits
pour
chanter de deux amans
1
70
MERCURE
DE FRANCE.
Et les plaiſirs & la tendreſſe .
Où fuis-je ? Et quelle douce yvreffe
Saifit & ravit mon eſprit ?
Je vois l'Hymen qui s'applaudit ;
Je vois l'Amour , qui fur les traces
Conduit les jeux , fuivis des graces ;
Je vois de fortunés amans ,
Qui par les plus libres fermens
Vont le promettre l'avantage
De s'aimer toujours fans partage.
Quoi de plus beau que de pouvoir
Changer le plaifir en devoir ?
Telle et ta puiffance adorable ,
Charmant Hymen , Dieu favorable ;
Un amant lorsqu'il eft époux ,
A droit aux plaifirs les plus doux.
Hâte- toi , puiffant Hymenée.
De cette heureuſe deſtinée ,
Fais jouir ce couple charmant .
Il les unit ; dans le moment ,
Les Dieux, approuvant l'alliance ,
Signalent leur magnificence ;
Mercure eft chargé des préfens ,
Jupin leur promet d'heureux ans ,
Contentement , fanté parfaite ,
En un mot , tout ce qu'on ſouhaite
AOUS T. 1748. 7r
Tout ce qui peut nous rendre heureux ,
Leur eft accorde par les Dieux.
Tel est votre fort déſirable ,
Gouffiers , votre nom mémorable
Donne & mérite ce bonheur ;
Des Dieux l'équitable faveur
Suit la vertu , la récompenfe.
Toujours votre fage vaillance
Fait voler l'honneur fur vos pas ;
Le Dieu qui préfide aux combats ,
Enchaîne après vous la Victoire ,
De fes lauriers toujours la Gloire
Orne vos fronts victorieux . ....
Faites revivre vos ayeux .
Par l'Abbé Vafary de Cournay.
CANTATE ,
Le Serpent caché fous les fleurs.
Aufond d'une caverne antique & tenebreuſe
Le Druide Adamas , couvert de cheveux blancs ,
Et malgré les fillons & l'outrage des ans ,
Gardant d'un teint vermeil la fraicheur vigou
reuſe ,
Etoit par fes confeils l'oracle des amans,
Ses regards percent l'ombre
72 MERCURE DE FRANCE:
Du fort myſterieux >
L'avenir le plus fombre
Se dévoile à fes yeux.
Il prévoit les menaces
Du deftin rigoureux ;
Il prévient les difgraces
Des amans malheureux,
Ce fut à ce Devin , vanté pour ſa ſageſſe ;
Que la Bergere Iris voulut avoir recours.
Un Berger avoit fçû furprendre fa tendreffe ,
La raifon dans fon coeur combattoit fa foibleffe ,
Et fa foiblefle étoit fujette à des retours .
Au vieux Druide enfin la Bergere s'adreffe,
Dois- je fuir , dois - je aimer ,
Le Berger qui m'enchante ?
Il a pour s'exprimer
Une adreffe touchante
Dois je fuir , dois - je aimer ,
Le Berger qui m'enchante ?
La Bergere , en ces mots interrogeoit le fort .
On lifoit dans fes yeux le penchant de fon ame ,
On voit qu'elle appréhende à l'égal de la mort
De trouver un ingrat dans l'objet qui l'enfâme ;
L'Arrêt
AOUST.
73 1748 .
L'Arrêt de fon deftin eft enfin
prononcé ;
Adamas , l'oeil ardent & le poil hériffé ,
Agité , dominé par le Dieu qui l'infpire ,
Votre fort , lui dit -il , eft écrit dans les Cieux ,
Voici ce
Mais un nuage épais le dérobe à mes yeux ;
que le Ciel me permet de vous dire ;
» Allez dans la prairie , & cueillez - y des fleurs ,
» Vous verrez fi l'Amour vous prépare des pleurs,
La Bergere obéit , le quitte , & va s'inftruire .
Un effain de fleurs
Naît en fa
préfence ;
Tout par fes
couleurs
Veut la
préférence ;
L'anemone en pleurs ,
Veut que l'on rejette
Les tendres
pâleurs
De la violette ;
Soufflant les odeurs
Des Rofes naiffantes ,
• Zéphir plein d'ardeur
Les rend plus brillantes ;
Un effain de fleurs
Naît en fa
préſence ,
Tout par fes couleurs ,
Veut la préférence,
D
74 MERCURE DEFRANCE.
La Bergere , d'un doigt flexible & délicat
Alloit cueillir la rofe , à peine encore fleurie ,
Quand du feuillage épais de fa tige ennemie ,
Un horrible Serpent s'élance avec éclat ;
Il fifle, il le fouleve , il rampe , il fe replie ;
Iris tremble , Iris fuit , Iris tombe ſans vie ,
Iris revient enfin pour hair un ingrat,
Tremblez , tremblez , trop crédules Bergeres ,
Au feul regard d'un aimable Berger ; ·
Un faux appas vous cache le danger ;
Le Serpent dort fous des fleurs paffageres
Vous vous piquez de n'être point légères ,
Et tout Berger fait gloire de changer ;
Un faux appas vous cache le danger ;
Le Serpent dort fous des fleurs paffageres .
AOUST.
75 1748 .
De
PODS
J'a
AUX Auteurs du Mercure.
'Ai lû ,
Meffieurs , dans votre
Mercure
du mois de Janvier dernier , la lettre
qui vous eft adreffée fur la maniere dont
Baron
déclamoit
quelques vers d'Iphigenie
: ils font dans la feptiéme Scéne du fecond
Acte de cette Piéce.
Achille frappé de quelques inconftances
particulieres , & ne fçachant que penfer
des
démarches de Calchas & d'Uliffe ,
s'écrie :
Quelle entrepriſe ici pourroit être formée ?
Suis-je , fans le fçavoir , la fable de l'armée ?
Entrons. C'est un fecret qu'il leur faut arracher.
›
L'Auteur de la lettre propofe fes doutes
, &
demande fi Baron
attrapoit le
ton de la nature en
déclamant ces vers
avec une joie mêlée de furpriſe & d'indignation
, ou s'il n'eût pas mieux fait de
fe laiffer aller à la colére & à
l'emportement
, que femble exiger la fituation où
Achille fe trouve.
Voilà quel est l'état de la
queſtion ; j'ai
même affecté ,pour n'y rien changer, de me
fervir autant que je l'ai pû des termes de
l'Auteur. Si je n'ai pas donné à Baron les
Dij
76 MER CURE DE FRANCE.
mêmes éloges que lui , en le traitant d'Acteur
inimitable & naturel , ce n'eft pas
que j'imagine qu'en général cette loüange
ne lui foit pas dûë , mais je n'ai pas crû
que ce fût ici le moment d'en convenir ,
puifqu'au contraire j'ai deffein de prouver
qu'il s'écartoit de la nature , en voulant la
faifir de trop près ; ce qui eft , Meffieurs ,
comme vous voyez , directement oppoſé
au fentiment de l'Auteur de la lettre , qui
paroît fe décider tout -à-fait en fa faveur.
Revenons à la queftion qu'il propoſe ;
mon intention n'eft point de combattre
les principes qu'il avance pour appuyer
fon raifonnement ; tout ce qu'il dit à ce
fujer me paroît très-fenfé , mais dans l'efpéce
il conclut mal , & cela faute d'avoir
fcrupuleuſement obfervé quel eft le ton &
quels font les moeurs & les caractéres
des differens perfonnages de la Piéce .
Suppofons pour un inftant que les vers
que je viens de tranfcrire fuffent dans la
bouche d'Uliffe ; loin d'affoiblir fon caractére
, ce feroit au contraire le rendre
d'après nature , en lui prêtant les fentimens
que Baron s'efforçoit d'exprimer par
fa déclamation ; fouple, délié, plus fin que
tous les Grecs enfemble , il ne doit pas appréhender
d'être leur dupe. Capable d'ailleurs
de fe pofféder , fon premier mouveAOUST
. 1748. 77
•
ment pourroit n'être pas un mouvement de
colére , & dans ce cas je n'aurois pas de
peine à avouer que la déclamation de Baron
fut très-vraie , très- naturelle & trèsconforme
à la fituation du Héros qu'il repréfentoit.
Mais à l'égard d'Achille , il n'en eft pas
de même ; Racine n'a point inventé fon
caractére , il en a trouvé le modéle chés les
Anciens . Lifez la 6. Scéne du quatrième
Acte , en un mot parcourez toute la Piéce
d'un bout à l'autre : par tout vous le voyez
tel qu'Horace le demande dans fon Art
Poëtique..
Impiger , iracundus , inexorabilis , acer.
Jura negetfibi nata , nihil non adroget armis.
Par tout vous trouvez ce Héros tel
qu'il eft dans Homére ; c'est toujours le
même dont ce Poëte a chanté la colére ;;
c'eft ce Guerrier furieux qui de dépit
fe retire dans fa tente ; qui pour une efclave
qu'on lui enleve , abandonne , pour
ainsi dire , le foin de fa gloire , & qui ne
fort enfin de fa léthargie que pour venger
la mort de fon ami. Il eft vrai que l'Auteur
d'Iphigenie ne l'a pas tout-à- fait préfenté
fous le même point de vue. Il a crû
devoir un peu adoucir la rudeffe de fes
moeurs, pour fe conformer aux nôtres, mais
D iij
78 MERCURE DE FRANCE.
•
cependant il eft aifé de voir qu'il s'eft
étudié à lui conferver les mêmes traits ; ileft
un peu moins féroce à la vérité , mais
violent & emporté , ainfi que chés le Poëre
Grec.
Suis -je , fans le fçavoir , la fable de l'armée ?
Achille , la fable de l'armée ? Cette
idée-là peut-elle fe préfenter à fon efprit ,
fans émouvoir fa colére ? Peut- il éprouver
d'autres paffions qu'un emportement démefuré
? Qu'on ne m'objecte pas que c'est
oter quelque chofe à fa grandeur , que de
lui prêter un fentiment commun que tout
autre que lui pourroit éprouver en pareik
cas ; qu'il regarde tous les Grecs comme
au- deffous de lui , & qu'il les croir plus
dignes de fon mépris que de fa colére.
Tout cela me paroît beaucoup plus ingénieux
que folide ; oui , j'ofe le dire , ce rerour
fur lui-même n'eft point du tout dans
la nature ne fût-ce que l'ouvrage d'un
moment, ce moment eft de trop; il eft boüillant
, impétueux. Acer , Iracundus , fa colére
ne lui permet pas de fe pofféder affés
faire attention pour à fa fupériorité fur les
autres ; il eft offenfé , il ne voit rien , ou
s'il voit quelque chofe , il ne voit que l'outrage
: d'où je conclus que tout grand Acteur
que fut Baron , il joüoit ici à contreAOUST.
1748. 79
S
fens , & qu'en voulant mettre trop d'art
dans fa déclamation , il en a manqué
J'aurois pu donner plus d'étendue à mes
raifons , & les mettre dans un plus grand
jour , pour tâcher de les faire valoir davantage
, mais j'ai pensé , Meffieurs , qu'il
me fuffiroir de vous les indiquer ; d'ailleurs
plus accoûtumé depuis long-tems à
faire des chiffres qu'à arrondir mes pério
des , j'ai crû que plus mes réfléxions fe
roient courtes , moins il y auroit à reprendre
en mon ftyle ; fi j'ai pris la plume ,
c'eft qu'il m'a femblé que ma caufe n'avoit
pas befoin d'un grand Avocat , fans quoi
je me ferois rû,
L'Auteur de la lettre me pardonnera de
m'expliquer ainfi. Il doit être convaincu
du cas que j'ai fait de fes réfléxions , puiſque
j'ai pris la peine d'y répondre ; cette
réponſe , Meffieurs , pourra lui parvenir
par votre canal fi vous la jugez digne
de voir le jour. Je fuis , &c.
S
Di
80 MERCURE DE FRANCE .
**3*3X3X+: +3X+ 3X**X* X
SUR les vers que M. Cottereau , Etudiant
à Tours , a donnés dans l'un des derniers
'Mercures.
LEs
Dieux,
Es Dieux , & l'écho de la Loire 2
Répondant avec zéle à nos empreffemens ,
Font retentir à l'Oratoire
Le bruit doux & flateur des applaudiffemens
Que chacun donne à ta victoire ;
Nos
* བྷཱུ
yeux admirent tes travaux
Et l'Epitre aimable & galante ,
"
Dont tu viens , cher ami , d'enrichir nos Journaux,
Met tout le Parnaffe en attente ;
Il fe flate déja que tu fçauras un jour
Par mainte docte rêverie
Confoler ta chere Patrie
De la perte de fon Grecour ,
Et que de nos rimeurs furpaffant le vulgaire
Ta Mufe fçaura de nos jours
Donner à la Ville de Tours
Un Greffet, ou même un Voltaire.
AZE
AOUST. SI
1748.
AM. l'Abbé de C*** , Vicaire Général du
Diocéfe de R*** ;
`;par M. Yg***
C*** , vous joignez le rang à la naiſſance ,
Les charmes de l'efprit aux qualités du coeur ;
Tout refpire avec vous le goût & l'élegance ,
*
L'épine fous vos pas . bientôt fe change en fleur a
Ves vertus , votre nom pafferont d'âge en âge ,
Et mes vers , que di&ta l'exacte vérité ,
Sous votre aufpice heureux , en vous rendant
hommage ,
Pafferont à leur tour à la poftérité.
*Quid quidcalcaveris , rofafiet.
M
LETTRE de M. ****.
Onfieur , en ouvrant dernierement
chés vous le Dictionaire Geographique
de M. de Vofgien au mot Normandie
, je remarquai qu'il traite les Normands
de grands chicaneurs. Je vous
avoue que je fus furpris qu'il les ait accueillis
d'une épithéte fi défobligeante ;
vous fçavez que je ne fuis point Normand
d'origine ni d'inclination , ainfi mon fuffrage
n'eft pas fufpect , mais je n'ai pû
1
D v
82 MERCURE DE FRANCE.
m'empêcher d'être fenfible à l'outrage qui
eft fait à une Province entiere , Province
confidérable par fon étendue , par le
nombre de fes habitans , par le bon Gouvernement
qui y regne , tant pour le fpirituel
que pour le temporel , cette Province
étant honorée d'un Archevêché & de plufieurs
Evêchés fuffragans , d'un Parlement
& de differens autres Tribunaux . Seroitce
par rapport au nombre des Tribunaux ,
que l'Auteur du Dictionaire a crû que les:
Normands étoient de grands chicaneurs ?
On ne voit pas qu'il y ait plus de gens de
Juftice dans cette Province que dans les
autres , proportion gardée .. Que diroir
donc M. de Vofgien , s'il y avoit à Rouen
autant d'Avocats qu'à Naples , où l'on em
compte jufqu'à trente mille ? Seroit- ce par
rapport aux Loix particulieres de la Normandie,
que M. de Vofgien trouve que les :
Normands font de grands chicaneurs ? II
feroir le premier qui en auroit porté un
jugement fi défavorable, puifque, au contraire
, la Coûtume de Normandie a toujours
été appellée par excellence la fage
Coutume ; elle a beaucoup emprunté du
Droit Romain , qui eft en eftime chés toutes
les Nations ; dans le choix des differens :
membres qui compofent l'Univerfité de
Paris , cette mere des Sciences & des Beaux
AO 1748. 83 A O UST.
,
Arts , la Nation de Normandie eft l'une
des quatre qui compofent en particulier:
la Faculté des Arts , avantage qui n'eft accordé
qu'à trois Provinces de France ,
l'Allemagne étant la quatriéme Nation
admife dans cette Faculté. La Nation de
France eft furnommée l'Honorable , celle
de Picardie la Fidéle , celle de Normandie
LA VENERABLE , celle d'Allemagne
la Conftante ; l'épithète décernée par P'Univerfité
à la Nation de Normandie eft bien
differente de celle que lui donne fi legérement
M. de Vofgien. Il eft vrai que
les Normands paffent pour être fubtils ,
comme les Grecs , mais cette comparaifon
leur fait honneur , & ce titre eft bien dif
ferent de celui de grand chicaneur , qui ne
fe prend qu'en mauvaife part ; il n'y a qu'à
voir les peintures horribles que l'on fait
de la chicane , pour fentir qu'un chicaneur
eft un homme de mauvaife foi , qui abufe
des fubterfuges de la procédure pour foutenir
de mauvaiſes conteftations. Suppolé
que M. de V. ait voulu dire que les Normands
ont de l'intelligence pour les af
faires , & qu'ils foûtiennent leurs droits
avec fermeté , à la bonne heure , cela ne
peut que leur faire honneur ; il y a bien des
Provinces dont on n'en diroit pas autant..
peut
bien y avoir des chicaneurs en 11 L
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
Normandie , il y en a par tout , mais ce
n'eft pas à dire que ce foit là le caractére
de la Nation ; lorfqu'on fe pique de marquer
les moeurs des habitans d'une Province
, on doit bien mefarer fes termes ,
& prendre garde de ne pas décrier , fans
fondement,toute une Province , qui a produit
, & produit encore beaucoup de gens
de mérite , qui auroient été en état de défendre
, mieux que moi , l'honneur de leur
Patrie ; au furplus fi vous trouvez occafion
de faire part de mes réfléxions à M.de Vofgien
, je laiffe cela à votre prudence.
J'ai l'honneur d'être , & c.
Si
VERS à Mlle Ludovica de Calce.
I je voulois donner une énigme nouvelle ,
Je dirois au lecteur , allez : d'un foin fidelle ,
Parcourez ce vafte Univers ,
Et devinez l'objet auquel j'offre ces vers.
C'eft une jeune mortelle ;
Si vous pouvez attraper
La plus parfaite & la plus belle ,
Sans crainte de vous tromper ,
Dites , la voilà : c'eft elle.
Ne détaillons pas fa beauté,
A O UST. 1748.
C'eſt un fait par nul conteſté ,
Qu'on peut la comparer à la brillante Aurore
Et cela fans métaphore.
En elle enfin tout donne de l'amour!
Ses yeux aufli jettent mainte étincelle ;
Quand vous verrez donc la plus belle ,
Sans embarras , fans détour ,
Dites , là voilà : c'eft elle.
Ce qui le plus me charme & me ravit ,
C'eftfon humeur. Quel heureux caractére !
Dût- elle s'en fâcher , je ne fçaurois me taire ;
A l'un , à l'autre elle fouris ,
Defcend , s'éleve , & fe proportionne
ہ ک
A tous, fait des heureux , fans offenfer perſonne
Je dis heureux : un feul regard fuffic.
Quelle Cour auffi l'environne ,
Et quel effain d'amours autour d'elle foisonne
Elle méne à fa fuite & les jeux & les ris.
Ne les cherchez plus chés Cypris.
Ils font au B.... & celle
Chés qui vous les trouverez pris
Dites , la voilà c'eft elle . :
T
Mais quel efprit ! quelle vivacité !
Quelle heureufe facilité !
Rien pour elle n'eft impoffible ;
Elle pénétre tout avec rapidité ,
Et tout lui devient acceffible.
86 MERCURE DE FRANCE.
Efprir , talens , beauté , fentimens généreux ,
C'est fon foible portrait ; mais il peut bien fuffire.
N'ai-je donc pas , Lecteur , eu raifon de vous dire :
Si vous trouvez dans un moment heureux ,
La plus parfaite & la plus belle ,
Dites , la voilà c'eft elle.. :
Et de fa foeur ne dois - je dire rien ?
Comme on ne peut en dire que du bien ,
Ayons recours aux mêmes ritournelles :
Quand vous verrez , ( fi vous y voyez bien , )
Les plus parfaites , les plus belles ,
Dites , les voilà : ce font elles ?
Sans le vouloir , fans le fçavoir ,
L'énigme eft faite, adieu , lecteur , bon foir
A O UST. 1748. 87
***************
OBSERVATION de M. Gillet , Maître
en Chirurgie de la Ville de Nantes en
Bretagne , fur une dilatation de l'oreillette
droite du coeur , dans laquelle il y avoit une
ouverture qui communiquoit dans le ventricule
, dans les veines caves , dans l'artére
poulmonaire , indépendamment de la
quelle le malade a vêcu plufieurs mois.
Uoiqu'il ait paru differentes obfervations
fur les dilatations des oreil
lettes droite & gauche du coeur , celle- ci
paroîtra avec des circonftances capables de
faire voir combien la nature fçait fe mé
nager de reffources , & tirer des défordres
mêmes , où tombe la machine humaine,
des moyens pour la conferver , & pour
en éloigner la deſtruction ..
Le commencement de cette maladie ,
fuivant les remarques de differentes perfonnes
& du malade , s'eft annoncé par un
leger battement , dix-huit mois avant la
mort , fous les jonctions cartilagineufes :
des troifiéme & quatriéme vraies côtes du
côté droit , parties fous lefquelles l'oreillette
du coeur fe trouve naturellement ,
battement qui a augmenté de jour en jour,
& qui s'eft érendu les fix derniers mois juf
88 MERCURE DE FRANCE:
ques fous les parties moyennes & offeufes
des quatrième , cinquième & fixiéme vraies
côtes , & qui a détruit leur continuité ;
voici les fymptômes qui ont accompagné
cette maladie les dix derniers mois de la
vie du malade , tems auquel j'ai commencé
à le voir.
Le premier mois , neuvième de la maladie
, il eût une inflammation de poitrine ,
accompagnée d'une douleur très - aigue
dans les côtés droit & gauche ; d'une toux,
d'un crachement de fang , d'une grande
difficulté de refpirer , & d'une fiévre violente
tous ces accidens furent calmés
dans le mois par quinze faignées , & les
rentédes adouciffans , évacuans & autres
délayans , convenables dans cette maladie,
& le malade refta avec fon battement , qui
avoit feulement diminué à caufe du degré
de foibleffe , ou les faignées , la diéte
& l'infomnie , l'avoient réduit. Les deux
mois fuivans il obferva la régle , qui lui
avoit été preferite , & refta à peu près dans
cette même fituation , mais le quatriéme
il s'ennuya de ce régime de vivre , & pour
rappeller fes forces augmenta fes alimens.
La fiévre & l'augmentation du battement
l'avertirent bientôt de la faute qu'il avoit
faite , & il me fit prier de l'aller voir ; m'étant
rendu auprès de lui , il me la déclara ,
AOUST. 1748. 89
& me fit remarquer que fon battement
avoit non-feulement augmenté , máis encore
qu'il s'étendoit jufques fous les parties
moyennes & offenfes des quatrième ,
cinquiéme & fixiéme vraies côtes , parties
qui paroiffoient, ainfi que les autres, fenfiblement
à caufe de la maigreur où il étoit
tombé ; il me dit auffi qu'il reffentoit des
douleurs & des picotemens dans toute l'étendue
des trois côtes fufdites , mais comme
il ne paroiffoit rien à l'extérieur , je
ne lui ordonnai d'autres remédes que
deux faignées dans le jour , & le ramenai
au premier régime de vivre , afin d'empê
cher le progrès de la dilatation . C'eft ce
que le malade obferva les cinq à fix derniers
mois de fa vie , & voici les principaux
fymptômes qui font arrivés jufques à fa
mort ; il avoit unbattement continuel qui
fe faifoit non -feulement fentir au tact , tant
dans la partie poftérieure de la poitrine fur
l'épine , que dans l'antérieure , mais encore
à la vûë & à l'oüie ; fes crachats étoient
quelquefois un peu teints de fang , & il
avoit une oppreffion & une extinction de
voix , accidens qui obligerent à lui faire
dans ces derniers tems fix faignées.
Deux mois avant la mort ,les côtes fufdités
commencerent à faire faillie au- dehors
, & à perdre le niveau des autres dans
go MERCURE DE FRANCE.
prefque toute leur longueur , & quinze
jours après je fentis qu'elles étoient rompues
en plufieurs endroits ; bientôt après
il parût une tumeur fort dure , qui furpaffoit
en dehors de plus de trois pouces le
niveau naturel , & qui avoit environ quatre
pouces de largeur pour la longueur
elle occupoit prefque toute celle des cô
tes.
Le malade refta dans cette fituation
jufques au Mars 1748 , où il mourut
dans une minute par un crachement de
fang très -abondant.
J'en fis l'ouverture en préfence de quatre
de nos Maîtres en Chirurgie de cette
Ville , & après avoir enlevé les tégumens
à l'ordinaire , le grand pectoral , le grand
dentelé , & une partie du grand dorfal ,
je trouvai trois côtes rompues & cariées
dans prefque toute leur longueur ; la quatriéme
étoit rompue en quatre endroits
dont les piéces étoient féparées , à la réferve
d'une portion , qui tenoit à fon arti
culation avec les vertébres ; la cinquiéme
l'étoit en trois endroits & auffi cariée ; la
fixiéme en deux .J'enlevai toutes ces pièces,
qui étoient deftituées de leurs périoftes, &
qui avoient perdu prefque toute liaiſon
avec les parties molles ; la feptiéme étoit
auffi un peu cariée dans fa partie moyenne.
AOUS T. 1749 .
91
Après avoir enlevé ces parties offeufes ,
pour découvrir plus parfaitement la tumeur
, qui étoit couverte d'un prolongement
de cette partie de la plevre, qui tapiffe
intérieurement les côtes , & qui s'étoit en
partie rompue , & en partie dilatée , pour
fe porter en dehors , je diffequai cette enveloppe
, & j'emportar cette tumeur qui
paroiffoit compofée de plufieurs couches
de fang , arrangées comme par feuillets de
deux ou trois lignes d'épaiffeur ; pour la
groffeur, elle rempliffoit toute l'étendue de
la cavité droite de la poitrine , & avoir
comprimé confidérablement le poulmon
de ce côté là.
Après avoir emporté cette maffe de fang,
j'apperçus un fac & une ouverture ronde ;
ce fac avoit environ trois pouces de diamétre
, & l'ouverture un pouce & demi
qui étoit intimement appliquée fur les
parties latérales droites des vertébres ; j'introduifis
deux doigts dans cette ouverture,
qui conduifoit par le moyen de ce fac dans
le ventricule droit du coeur , dans le tronc
de l'artére poulmonaire , & dans la veine
cave. Quatre de mes Confreres firent auffi
te même examen , & déciderent pour enlever
le coeur , fon péricarde & les princi
paux vaiffeaux ; ces parties enlevées & mifes
fur une table , nous obfervâmes ce qui
fuit.
2 MERCURE DE FRANCE.
1 °. Que ce fac étoit une fuite du médiaftin
& du péricarde , de l'oreillette
droite du coeur , & partie des veines caves ;
toutes ces parties étoient fi intimement collées
& confonduës enſemble , qu'il n'eût
pas été poffible de les féparer.
2º. L'intérieur du fac étoit liffe , poli
ainfi que les bords de l'ouverture , & avoit
environ quatre lignes d'épaiffeur ; il étoit
de figure ronde & très -dur , enfin comme
offifié .
3°. La valvule des veines caves étoit
confondue dans la compofition du fac ; les
pilliers charnus , qui compofent celle des
oreillettes , étoient rompus.
4°. L'embouchure de l'artére poulmonaire
étoit dilatée jufques à fa bifurcation , &
ces valvules étoient très - écartées , dont
l'une paroiffoit en partie détruite.
5 °. Les faces antérieure & poftérieure
du coeur & de fon péricarde étoient trèsdures
, & les parties fur lefquelles ils
frappoient continuellement , l'étoient auffi
plus qu'à l'ordinaire.
6°. Le poulmon du côté droit étoit trèsaffaiffé
& adhérent à la plevre , qui tapiſſe
le diaphragme & les côtes dans cette partie
inférieure.
7. Il y avoit de l'eau épanchée entre
les feuillets du médiaſtin , dans la cavité
A O UST. 1748.
93
gauche de la poitrine , & peu dans le péricarde,
épanchement qu'on pouvoit évaluer
à trois ou quatre chopines ; la caufe de
cette maladie fâcheufe eft trop commune ,
& elle en cauſe une trop grande quantité
d'autres , pour ne pas la rendre publique ;
elle dépend ici d'une abondance du fang ,
de fon trop grand mouvement déterminé
vers l'oreillette droite du coeur , au degré
d'en avoir forcé les refforts au- delà de fon
diamétre naturel.
Si tout le monde fçait que la trop grande
quantité d'alimens augmente celle des .
humeurs , & que l'ufage continuel des vins
& autres liqueurs les raréfie , tout le monde
fçait auffi que les exercices forcés & autres
mouvemens
violens forcent les vaiffeaux
& en affoibliffent
les refforts.
L'obfervation de M, Guiot , rapportée
dans le Traité d'Anatomie de M. Dionis ,
fur cette grande dilatation de l'oreillette
droite du coeur , qui arriva à M. Dubuiffon,
Capitaine de Vaiffeau du Roi , caufée par
une violente colére , qui augmenta l'action
mufculeufe fur les veines , & les obligea
porter le fang plus rapidement par les -
veines caves dans l'oreillette droite du
coeur , prouve affés la poffibilité de cette
caufe , fans être obligé d'entrer dans un
plus grand détail , qui m'empêcheroit dans
à
94 MERCURE DE FRANCE.
cet abregé de donner les réfléxions ſuivantes
, qui ferviront d'explication aux accidens
qui font arrivés dans le cours de cette
grande maladie .
Premiere réfléxion . Le battement eft
une fuite de la trop grande quantité de
fang , que l'oreillette droite dilatée a porté
dans les ventricules , & qui les a obligé de
multiplier leurs mouvemens de diaftole &
de fyftole , pour s'en débarraffer. Dans cet
état les nerfs ont fouffert des fecouffes , &
des tiraillemens qui ont contribué à déranger
les mouvemens naturels , & à multiplier
les convulfifs.
Tous ceux qui ont connoiffance des
fonctions , concevront facilement la
que
réfiftance de l'artère poulmonaire , à caufe
du diamétre de fes branches , en difproportion
avec l'oreillette du coeur & fon
ventricule,l'affaiffement du poulmon droit,
& la difficulté de dilater & refferrer la
poitrine , ont dû auffi diminuer la marche
du fangdans tous ces vaiffeaux , & contribuer
à fon féjour dans l'oreillette & dans
le ventricule , d'où il s'en eft fuivi le progrès
de la dilatation & du battement vio
lent.
2º. L'inflammation de poitrine , accompagnée
d'une douleur très- aiguë dans les
côtés droit & gauche , d'une toux , d'un
AOUST. 1748 .
95
crachement de fang , d'une grande difficulté
de refpirer , & d'une fiévre violente ,
qui arriva au malade le neuvième mois de
fa maladie , reconnoiffoit pour cauſe gé
nérale le fang porté en trop grande quantité
dans les vaiffeaux capillaires , fanguins
& lymphatiques , des poulmons & de la
plevre , capable de forcer leur diamétre ,
& de s'y embarraffer ; cette réfléxion fera
facile à comprendre , fi l'on fait attention
à la dilatation de l'oreillette droite du
coeur , qui fourniſſoit du fang à ces vaiffeaux
au- delà des mefures de la nature.
3°. La douleur dépendoit, dans cette inflammation
, des extenfions & tiraillemens
des parties nerveufes , qui font dans la
compoſition des vaiffeaux & membranes ,
qui forment les parties enflammées.
•
4°. La toux dépendoit auffi des extenfions
& fecouffes des parties nerveuſes
fuites de l'engorgement des vaiffeaux & de
l'action des fels du fang fur les fibrilles
nerveuses.
5°. Le crachement de fang dépendoit de
la rupture des vaiffeaux capillaires fanguins
par leur engorgement , portés au
delà de leur diamétre naturel..
6º. La difficulté de refpirer dépendoit
de l'accumulation du fang dans les vaif-
Leaux , capable de les dilater au point de
6 MERCURE DE FRANCE.
gêner les vefficules aëriennes , & de s'oppofer
à la fortie & à l'entrée libre de l'air
& du fang.
7°. La fiévre reconnoiffoit pour cauſe
l'embarras du fang dans les vaiffeaux capillaires,
fanguins & lymphatiques , des poulmons
& de la plevre , produit par les mouvemens
forts & multipliés du coeur fur le
Lang.
Tous ceux qui connoiffent l'ordre d'une
libre circulation , produit par une jufte.
proportion du calibre de vaiffeaux avec le
coeur , fçavent que s'il arrive des embarras
, tels que dans les inflammations , le
fang , ne pouvant pénétrer dans tous ces
points , eft obligé d'enfiler les vaiffeaux de
retour, les plus proches du coeur , & de parvenir
plus promptement dans fes ventricules
, ce qui les oblige à s'ouvrir au - delà de
leur diamétre naturel ; de- là cette pompe
multiplie fes mouvemens pour le débarraffer
, & fes efforts multipliés produiſent la
chaleur , l'accablement , & autres accidens
qui accompagnent la fiévre , pendant que
l'inflammation fubfifte.
8°. Les extrêmités froides & les friffons ,
qui arrivoient tous les foirs avant les redoublemens
des fiévres , reconnoiffoient
pour caufe le féjour des humeurs & parties
acres du fang dans les vaiffeaux capillaires,
capables
AOUST.
174S. 97
capables de les irriter , & de les entretenir
dans une contractilité contraire à une libre
circulation & fecrétion , d'où s'enfuivoit
un effort de la nature pour détruire cette
contraction & rappeller ces humeurs à un
libre cours .
9°. L'oppreffion avoit pour cauſe l'af-\
faiffement & l'adhérence des poulmons, à
droite par les tumeurs , & à gauche par
l'eau épanchée ; cette pofition contre nature
s'oppofoit au libre paffage de l'air & du
fang dans les organes de la refpiration .
10°. L'augmentation du battement &
fon étendue depuis les jonctions cartilagineufes
jufques fous les parties moyennes
& offeufes des quatrième , cinquiéme &
fixiéme vraies côtes , dépendoient de la dilatation
dufac formé par l'oreillette droite
du coeur , lequel fac étoit obligé d'en ſuivre
les mouvemens , comme en faifant partie.
11º. Les douleurs que le malade reffentit
les quatre derniers mois de fa vie , &
les picotemens dans le côté droit , étoient
une fuite de l'irritation du genre nerveux
.
12 ° . La fragilité des parties offeufes ,
leur carie & leur rupture, dans cette maladie
, avoient pour caufe le violent &
continuel battement du coeur fur les artéres
intercoftales , & la compreffion de
E
98 MERCURE DE FRANCE.
la tumeur fur ces vaiffeaux & fur les nerfs
intercoftaux ; battement & compreffion
qui fe font oppofés au cours libre du fang ,
des fucs nourriciers & des efprits , vers ces
parties offeufes. Cette caufe fera d'autant
plus fenfible , principalement aux Anato
miftes , que l'aorte inférieure eft couchée
fur les parties latérales gauches des vertébres
, & que les artéres intercoftales droi
tes, qui en partent, font obligées de mon
ter fur le corps de ces vertébres pour fe
rendre dans leurs diftributions, en paffant
fous l'éfophage ; fi ce conduit les a un peu
confervées par fa fituation fur le corps des
vertébres à gauche , elles ont été à droite
à découvert , & expofées à la compreffion
& au battement jufques dans leurs dernie
res diftributions.
On rendra cette explication encore plus
fenfible , fi on fe rappelle ce qui a été dit ,
que les mouvemens naturels du coeur , &
les forces du malade , étoient affoiblis ;
que les directions des nerfs , arréres &
veines , étoient changées par la compreffion
de la tumeur , & par le battement
continuel : par toutes ces caufes les fucs
ont été dérangés dans leur marche vers ces
parties offeufes , de- là s'en eft fuivi une
féchereffe & une rupture de leurs fibres..
13. Les caufes de la dilatation de l'ar
A OUST. 1748. 99
$
tére poulmonaire font faciles à comprendre
ici , fi l'on fait attention à cette grande
quantité du fang que l'oreillette & le ventricule
ont porté dans cette artère au- delà
de fon diamétre naturel pendant dix-huit
mois .
14°. Les caufes des adhérences intimes
que l'oreillette ,le péricarde &le médiaftin ,
ont contractées enfemble dans les points
dilatés , dépendent des inflammations &
extenfions que ces parties ont fouffertes.
Si l'on fait attention que la molleffe ,
& même la fineffe des parties,dépend d'une
libre fluidité des liquides , il ne fera pas
difficile de comprendre les caufes de la
folidité de ce fac & des bords de fon ouverture
, malgré la grande dilatation des
membranes qui ont entré dans fa compofi .
tion .
Si le malade a vêcu pendant plufieurs
mois avec l'ouverture du fac , dont la folidité
& l'épaiffeur de fes bords prouvoient
l'ancienneté , cela eft dû au régime de
vivre , à fa tranquillité , aux faignées
qu'on lui a faites , qui enfemble l'ont entretenu
dans un degré de foibleffe , qui
n'a permis au fang de fe fang de fe porter que fort
lentement vers le fond du fac , & aux parsies
du fang d'y former des couches capa-
E ij
100 MERCURE DE FRANCE.
bles de furmonter l'effort du fang , & de
s'opposer à fon épanchement mortel .
Il ne fera pas difficile de comprendre
les raifons de la deftruction des valvules ,
fi l'on fait attention que les fibres , qui les
compofent , étant continues à celles qui
ont entré dans la formation du fac , elles
ont été obligées de les fuivre & d'entrer
dans cette compofition.
La mort du malade n'eft arrivée que par
la dilatation & rupture des artéres ou vernes
poulmonaires , d'où le fang s'eft porté
dans les bronches & dans la trachée artére,
en fi grande quantité , qu'il a fupprimé
l'entrée libre de l'air & la vie dans une
minute ; cette rupture a été cauſée par la
fuite d'un rhume que le malade eût
pour être venu de fa campagne à la Ville
les derniers jours de Février .
>
On voit par cette obfervation la fageffe
de la nature , & les avantages qu'elle re
tire de l'art , qui n'ont permis au fang de
fe diftribuer que par dégrés , afin de s'oppofer
à un épanchement dans la poitrine ,
qui auroit caufé la mort bien plus promp
tement.
On voit auffi par cette obfervation ,
que cette maladie renfermoit en ellemême
les effets de prefque toutes les auA
O UST . ΙΟΥ
1745. •
tres ; en effet les connoiffeurs dans l'Art y
verront les fibres diftenduës , écartées ,
relâchées , defféchées , pourries , en convulfion,
en paralyfie, & rompues; par conféquent
les vaiffeaux engorgés par inflammation,
obftrués , relâchés & rompus , & les
liqueurs embarraffées dans leurs propres
vaiffeaux , paffées dans des vaiffeaux étrangers
, infiltrées , coagulées , épanchées.
On voit encore par cette obfervation
combien la pléthore , caufée & entretenue
par la trop grande quantité des alimens ,
& la raréfaction des liqueurs par les mouforts
& trop multipliés font vemens trop
dangereufes
.
Le fujet de cette obfervation étoit un
des plus forts tempéramens & un des
mieux conftitués du Gécle ; il étoit âgé de
trente-fept ans.
A Mademoiselle S ** pour le jour
de Sainte Anne.
A vous louer chacun s'apprête ,
Aimable Philis , en ce jour ,
Qù les Ris , les Jeux & l'Amour
Doivent célebrer votre fête .
Sans y penfer , dés le premier afpect ,
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
Vous gagnez tous les coeurs , & l'on n'oſe le dire,
Votre air charmant & fage inſpire
Et la tendreffe & le refpect.
Prenez donc pour modéle une illuftre Patronne ,
La raifon le permet , la nature l'ordonne ;
Vous goûterez un fort plus doux,
Car, foit dit entre nous , fans faire une chicanne ,.
Si vous reffemblez à Sainte Anne ,
C'eft d'affés loin ; n'entrez pas en courroux ;
Comme elle , vous avez la fageffe & les graces ,
Mais fi de l'imiter votre coeur eft jaloux ,
Pour être plus fidelle à marcher fur fes traces ,
Songez qu'elle avoit un époux.
LETTRE de M. *** Maître en Chirurgie
à Orleans, à M. Louis, Chirurgien
de l'Hôpital de la Salpêtriere à Paris.
A Lettre de M. le Cat , Chirurgien
Lde Roten,inférée dans
>
de France ( Juin 1748. I. vol . ) m'a fait
faire , Monfieur , quelques reflexions , que
je vous prie de recevoir comme une marque
de mon attention & une preuve
de mon zéle pour tout ce qui vous intéreffe
.
,
Ce Chirurgien vous difpute l'invention
*
AOUST. 1748. 163
de votre méthode de tailler les femmes :
il vous croit néanmoins incapable de plagiat
, mais il penfe qu'ayant fait de votre
côté cette découverte > vous avez crû
pouvoir la publier , fans faire mention de
la fienne. Il revendique
auffi votre inftrument
; voilà fes prétentions
, qui me pa
roiffent injuftes , & c'eft ce que vous pouvez
démontrer
en peu de mots.
>
1º. Vous ne pratiquez pas la même mé
thode que M. le Cat. Il débride l'urethre
& le col de la veffie d'un feul côté
& vous , par des raifons de préférence
fuffisamment expliquées dans l'extrait de
votre Mémoire inféré dans le Mercure
de Décembre 1746. II . volume , vous ouvrez
l'urethre & le col de la veffie de chaque
côté. Comment M. le Cat peut- il revendiquer
une opération qu'il blâme beaucoup
, & à laquelle il fabrique des inconvéniens
que la pratique dément ? Je vous
avoue qu'il m'eft impoffible de pénétrer le
motif de cette prétention .
2º.M. le Cat a un tort manifefte , en vous
accufant de n'avoir fait aucune mention
de la méthode qu'il pratique en taillant
les femmes. Vous mettez cette méthode en
parallele avec la vôtre , page 78 du Mercure
de France 1746 , Décembre . II. volume.
Il eft vrai que vous ne parlez point de
E iiij
104 MERCURE DE FRANCE.
M. le Cat , & que vous citez M. le Dran
comme l'Auteur de cette façon de tailler ,
mais il n'en eft pas moins conftant , que
vous n'avez point paffé fous filence l'opération
dont M. le Cat fait ufage.
Au refte , les raifons de M. le Cat font
nulles & caduques , car il rapporte pour
titre effentiel & primitif une Lettre inférée
dans le Journal de Verdun en Août
1742. Mais on n'a point de reproche à
vous faire à ce fujet ; vos occupations
dans les armées du Roi , ne vous ont pas
permis d'avoir alors connoiffance de ce
Journal. Au furplus , de l'aveu de M. le
Cat même , on n'y trouve qu'une fimple
allégation de l'incifion latérale de l'u
rethre des femmes , & cette allégation ne
fuffit pas pour pouvoir mettre cette opération
en parallele avec d'autres , puifqu'il
n'y eft fait aucune mention de la
méthode de la pratiquer . Mais ce qui eft
encore plus fort contre la prétention de
M. le Cat , c'eft que vous citez M. le
Dran, d'après fon Traité d'Opérations, imprimé
en 1742. Cet Auteur décrit une
méthode , il rapporte des obfervations circonftanciées
fur les accidens qui ont traverfé
fes cures ; ces obfervations font antérieures
à leur publicité , & par conféquent
au titre de M. le Cat. Auquel donc
A O UST. 1748. 105
des deux avez-vous dû adjuger l'invention
de cette opération ? Il n'y a perfonne qui
ne doive reconnoître que les dates , que
M. le Cat'vous oppofe , ne prouvent fien
en fa faveur.
3 °. M. le Cat ne peut revendiquer votre
inftrument , puifqu'il eft uniquement fait
pour votre opération , qu'il défapprouve
formellement. Il a inventé , dit- il, un gorgeret
avec une lame mobile qui fait le débridement
neceffaire & dans les femmes
& dans l'appareil latéral des hommes.
Comment M. le Cat peut- il rappeller un
mauvais inftrument , dont il dit ne fe plus
fervir ? On peut bien fe tromper fur le
fur le projet
d'un inftrument , mais on ne doit jamais
fe trouver dans le cas de l'abandonner : s'il
eft défectueux , il faut avoir affés de difcernement
pour ne s'en point fervir , & mettre
une pareille machine au nombre d'une
infinité de productions ftériles & infructueufes.
Les exemples que M. le Cat emprunte
des autres Arts,me paroiffent auffi peu concluans
que fuperflus , parce qu'il prête à votre
inftrument des défauts qu'il n'a point.
Mais s'il y a autant de ridicule qu'il en fuppofe
, à réunir deux inftrumens en un , il
n'auroit pas dû annoncer un inftrument
qui réunit les avantages des futures en-
E v
106 MERCURE DE FRANCE.
tortillées & enchevillées pour la rupture du
periné qui arrive dans certains accouchemens.
Faites-moi le plaifir de me marquer ce
que vous penfez de la derniere correction
que M. le Cat dit avoir faite à fes inftrumens
pour la taille des hommes . Cela
me paroît affés avantageux. J'ai l'honneur
d'être , &c.
F. G. D.
A Orleans ce 24. Juillet 1748 .
REPONSE de M. Louis , à la Lettre
précédente.
<6
16
LMonfieur, fur la Lettre de M. le Cat ,
Es remarques que vous m'adreffez
font fort judicieufes pour ce qui concerne
mon opération. J'ai eû connoiffance de
cette Lettre plufieurs mois avant qu'elle devint
publique elle a donné lieu de part
& d'autre àplufieurs écrits qui ont été d'abord
un peu vifs , mais nous fommes préfentement
amis & d'accord fur les queftions
de fait. M. le Cat convient , non - feulement
de l'opération de M. le Dran , mais que
Paré , Collot & plufieurs autres Auteurs
plus anciens , la pratiquoient. Il reste à
éclaircir une queftion de droit ; il s'agit de
fçavoir fi mon opération , au moyen de
"
AOUST. 1748. 107
laquelle je fais deux fections latérales , eft
préférable à celle qui ne débride que d'un
côté.
Il ne m'eft pas poffible de traiter cette
matiere affés brièvement par la voye du
Mercure. Je veux appuyer mes raifons de
préférence fur des faits , & fur des obfervations
conftantes ; il faut que je réponde
affés au long aux objections que l'on fait
fur les panfemens & autres circonstances
acceffoires à ma méthode : je ne dois pas
négliger les preuves que je peux tirer des
fuccès de mon opération. Le public cft auffi
fenfible à ce genre d'argumentation , qu'à
toute autre espece de raifonnement. Ces
difcuffions formeront un petit Traité qui
eft actuellement fous preffe , & dont je vous
prierai d'accepter un exemplaire. Quoique
la plupart des objections foient de M..
le Cat , j'efpere qu'il fera content de mon
travail : je vous prie de rendre juſtice à fes
lumieres & à fes talens : M. le Cat ne connoiffoit
point ma méthode , il n'en a même
encore que des notions imparfaites , &
j'ofe vous affurer très-pofitivement , qu'il
en a reçû des inftructions fauffes , lefquelles:
pourront fervir à excufer le jugement qu'ill
en a porté.
Je vous écrirai une autre fois fur les galeries
de la fonde creufe , & fur la lame
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
:
transverfale du biftouri pour la taille des
hommes. Cette invention date d'un peu
plus haut que M. le Cat , qui au furplus ne
s'en fert pas , & n'entend même jamais
s'en fervir , felon le rapport des gens qui
ont affifté cette année à fa taille , & je crois
qu'il a raiſon. Je fuis , &c.
LOUIS.
A Paris le 26 Juillet 1748 .
L'ASNE FACETIEUX ,
FABLE.
UN Baudet, le Caton de tout fon voisinage ,
Enfin fe laffa d'être un grave perfonnage.
Affés jufqu'à préfent , je crois , dans le férieux ,
Notre efprit a brillé , changeons un peu de ſtyle ,
Le plaifant eft joli , mais il eft difficile ;
Eh bien , c'est ce qu'il faut pour un génie heureux ;
Ainfi notre grifon, tout plein de fon mérite ,
Se parloit à lui-même & brûloit du défir
D'en venir à l'effet : pour ce faire , il invite
Les autres animaux , leur promet du plaifir ,
S'ils veulent un tel jour en tel endroit ſe rendre ;
Je veux , difoit- il , vous furprendre;
A O UST. 100 1748.
Oui ,je vous ferai rire , en un mot à préfent ,
Je fuis animal très- plaiſant.
Cela paroît nouveau , chacun le veut entendre ;
Le jour vient ,.on fe trouve à l'endroit indiqué ;
Tout le monde étant affemblé ,
Monfieur Martin ne fe fait point attendre ,
Sur la fcéne d'abord il paroît hardiment ,
S'ajuste , le prépare à faire des merveilles ;
Puis du gefte voulant fe donner l'agrément ,
Il fait mouvoir artiftement
Les pieds , les yeux , la queue , encor mieux les
oreilles ,
Et cependant pour tout comique ,
Débite aux pauvres écoutans
Une centaine de hihants ,
Prononcés fur le ton le plus mélancolique.
Si cela regala fes gens ,
Beſoin , je crois , n'eſt qu'on le diſe ,
Mais l'orguemeux Baudet effuya rude criſe
De fe voir baffoué , berné , honni , chaflé
Par l'auditoire courroucé .
Que de gens à préfent font pareille fottife !
Combien eft -il d'efprits , qui lourdauts & pefans ,
En un mot , comme lui , vrais rouffins d'Arcadie,
Veulent pourtant être plaifans ;
Et nous donner la comédie?
110MERCURE DE FRANCE.
Les mots des Enigmes & des Logogryphes
du Mercure de Juillet font les Sens
le Carême , la Pentecofte , Fourchette & Architecte.
On trouve dans le premier Logogryphe
pefte , foc , fept , Enée , tente , épée ,
noces , côte , cofne , ton , efcopette , été , fle ,
Po , os , Noé. On trouve dans le fecond
hêtre , chouette , Ur , été , fer , rouë , ruche.
On trouve dans le troifiéme re , Chaire ,
Tacite , arc, Arche , art, char , chat , carte,
arête , Cithere , Théatre & car,
JE
LOGOGRYPHE.
E fuis pour vos befoins , comme pour vos
plaifirs ,
Lecteur , d'un néceffaire uſage ;
Théatre , où tous les ans mille & mille Martyrs
Verfent leur fang fans regrets ni foupirs.
De leurs frêles vaiffeaux fans peine il fe dégage ;
J'en fufpends , comme on veut , ou j'en hâte le
cours ;
D'un Dieu, non moins fêté que celui des Ainours,
Je prépare le jeu , le triomphe & la gloire :
A ce Dieu belliqueux je promets la victoire ,
Victoire où l'on versa les vaincus , fans douleur ,
AOUST. IIT
1748.
Tomber avec plaifir aux pieds de leur vainqueur.
Taifons-nous , ou prenons le ton du Logogryphe,
Et tâchons d'égayer par les combinaiſons
Nos Lecteurs , fi nous le pouvons.
Un inftrument, cent fois plus mordant que la griffe
Du plus revêche des matous ,
Sur trois pieds réunis fe montre devant vous.
Les trois lettres de rang, qui forment l'avant- garde,,
Expriment un terrein coupé par des canaux ,
Et le tems , où l'on voit allumer les flambeaux ,
Vous donne quatre pieds qui font l'arriere-garde;.
Sept & fix , je parus fi belle au Roi des Dieux ,
Qu'il deſcendit du Ciel pour me conter fleurette .
Mais fa femme trop inquiette
Ne prit pas la chofe des mieux ..
Sept , cinq & quatre , & trois , je fuis à l'Opera
Plus connu qu'à la Comédie:
Huit , fept & cinq , je fuis un mot qui charmeras
Votre humeur trifte & rembrunie ;
Un , fept & cinq , ou quatre & trois
Alors je fuis tout à la fois ,
Concile & Ville d'Italie..
Deux confonnes & deux voyelles
Me font regner fur l'empire des fleurs ..
En trois pieds je refpire & marque vos fureurs;
Pour couvrir & parer les riches & les belles ,
En quatre , je reçois cent façons , cent couleurs.
112 MERCURE DE FRANCE.
Changez,je fuis un mot formé pour un feul homme
Et dont on ne fe fert que dans un feul pays ;
des fruits ,
Changez encor , je fuis au rang
Et coufin germain de la pomme.
Otez un pied ; caché fous un nrafque nouveau ,
J'ouvre un libre paffage au jour, à la lumiere ;
En deux lettres , c'eſt moi dont la faim meurtriere
Fit mettre un beau matin Polidor au tombeau.
Retranchez huit , fix , cinq , Ville des Païs -bas ;
Pour un courfer étique & fujet aux faux pas ,
A la Ville comme au Village ,
J'offre un non des plus en uſage.
Sous quelqu'autre déguiſement
Vous trouverez un mets très-commun en Carême.
Enfin j'épuiferois les calculs de Barême ,
Si je voulois pouffer plus loin l'amuſement.
Retournez mes trois derniers pieds ,
Il en cuit bien fouvent à qui me fair outrage ,
Et puis dire avec droit , mortels obéiſſez.
Enfin pour terminer ta peine & mon ouvrage ,
Tu fçauras , cher Lecteur , que tout mon alphabet
Se borne a buit lettres de fuite.
Devine ou non , je finis au plus vite ,
Lecteur , & garde le tacet.
A O UST. 1748. 113
AUTRE.
L'Intérêt , la prévention ,
Me donnent fouvent la naiffance ;
Heureufe quand la vraisemblance
Couvre mon imperfection !
Certain dont l'eftomach à jeun depuis deux jours,
Me voit , me dévore & digere ,
N'a pas la panfe moins légere ,
Ni moins befoin d'un prompt fecours ,
Et par un effet tout contraire ,
Tel autre , qui ne fçait que prononcer mon nom,
Vient d'en payer fon ordinaire.
Pour en venir à ma conſtruction ,
De mes huit pieds l'on peut former plus d'un
myftere.
D'une quinte d'abord je vous offre le ton ;
Enfuite par combinaiſon ,
Deux mots effentiels en mufique,
Le Chef d'un Etat defpotique."
Vous trouverez encor ſa regle & fa leçon ;
Cet arbre maltraité du paſſant trop avide ,
Et dont on peut trouver les plaintes dans Ovide ;
Une Ville , un animal ,>
Qu'on prononce ou qu'on écrit mal ;
Le mordant Ecrivain dont parle Fontenelle ,
Que les Princes payoient pour qu'il ne parlât pas
114 MERCURE DE FRANCE.
Cet agrément , ce charme d'une belle ,
Dont nos Dames font peu de cas ,
Qu'elles veulent couvrir d'une grace étrangere ,
Et qui pare lui feul une jeune Bergere.
Je préfente un beau blanc & fon contraſte obſcur ,
Cette herbe dont le tact peu für
Fait fentir fa mordante force ,
Et cet ouvrage fait d'une fléxible écorce ;
La fille de Titan , la mere d'Apollon
L'animal au trifte renom ;
La peine que l'ancienne Loi
Donnoit pour ordinaire & commune vengeance ,
Que les Romains fuivoient , qu'on n'admet point
Et
en France ,
que
défend l'Auteur de notre Foi.
ParM. le Breton de S. Macrouf, de Rennes,
AUTRE.
P Refque toujours couronnées ,
Nous fommes environnées ,
Ou de farouches animaux ,
Ou de canons ou de Drapeaux.
Neufpieds forment notre meſure
Dans notre découpure ,
Quelle varieté !
3, 1 , 2, 4 , 7 , 6, je peins fans impoſture,
A O UST. 1748.
"
els
Et j'irrite fouvent par ma fincérité ,
Mais mon ſein eſt ſemblable au coeur d'une volage,
Qui de divers objets ne conſerve l'image
Qu'autant de tems
Qu'ils font préfens.
4, 6 , 3 , 8 , fous mon feüillage ,
En été , les Bergers fuivis de leurs troupeaux ,
Viennent goûter un agréable ombrage ,
Et là,fur l'herbe fraîche enflant leurs chalumeaux,
Dutendre Amour ils chantent la puiffance.
3,7, 6 , ce fluide immenfe ,
Qui de Neptune fut le lot.
4, 6 , certain métal qui fait briller un fot ,
Et fait fourire une coquette.
3 , 4 , 7 , 9 , l'an ſe complette ,
Quandje me fuis reproduit douze fois.
I , 3 & 8 , je fuis d'une effence immortelle ;
Le Dieu qui me créa , c'eft le Dieu dont la voiz
Epouvante l'impie & flate le fidelle.
2 , 4 , 7 , 8 & 6 , cet arbufte épineux ,
Qui fert de trône à la fleur la plus belle ;
1,3,7 , homme dont le zéle
Prévient avec plaifir nos befoins & nos voeux.
9,4,7, 2 , je nais quand le jour tombe ,
Mais je finis en ce moment.
Dans tes yeux affoupis je lis diftinctement
Que fous l'ennui ton coeur fuccombe ;
16
MERCURE DE
FRANCE:
Cedons ; dur facrifice ! hélas ! en me taifant ,
Conçois tu bien , Lecteur , à quel point je t'oblige;
Femme qui peut fe taire eft
vraiment.un prodige .
Par Madame Gandet.
*3 *3X+3X**X* X* XXXXX
ENIGM E.
PEu de lettres
forment mon tout ,
Il s'y mêle quelques confonnes ,
C'eft aflés pour pouffer à bout
Au moins dix ou douze perfonnes.
Je fuis grand , petir , comme on veut ,
Quelquefois auffi comme on peut ;
On me voit au Palais , au Théatre , à l'Eglife ,
Même en cercle je fuis de mife ;
On me voit à la Ville & l'on me voit aux champs,
Prefqu'en tous lieux , prefqu'en tout tems;
On ne m'aime ſouvent , fouvent on ne me priſe
Qu'autant que j'ai la panſe rebondie ;
On me regarde alors de tous les yeux ,
Chés foi,non fans plaifir, ailleurs , non fans envie.
On me réforme auffi dès que je fuis trop vieux.
Quand je fuis réduit au ſquélette ,
Tout le monde a pour moi bouche clofe &
muette ;
Ici je fuis tout fimple & fans nulles façons ;
Là j'ai glands & pompons , fontanges & galons.
AO UST.
117 1745.
AUTRE.
JEE fuis fils de la nuit ; le filence eft mon pere ;
Et je fuis pere des defirs.
Je fuis d'un très - grand prix dans l'amoureux my
tere ,
Et j'affaifonne fes plaifirs.
Je préfide aux tendres ruelles ;
J'entre dans les confeils des Rois ;
Je vois tout , j'entends tout , mais je n'ai point
de voix ;
Très fouvent par mes foins fidelles ,
On jouit d'un honneur qui n'eft pas dû, les belles
Doivent furtout le leur au bonhear de mes loix ;
Je fais , fi je parois , des bleffures cruelies ,
Je puis même perdre un Etat ;
Auffi , d'un naturel ſauvage ,
Je fuis le jour , je hais l'éclat ,
Et m'anéantis par l'uſage .
Mon beau côté , mon plus bel appanage ;
Philis , eft que vous m'aimez ;
Qu'eft-ce ? vous changez de vifage ;
On peut m'aimer fans crime & fans regret ,
Mais je me tais ; vous aimez le fecret .
IS MERCURE DE FRANCE.
I
AUTRE.
E viens me plaindre à vous de n'avoir peint
d'amant ;
Ne méritai-je point que pour moi l'on ſoupire
Vous êtes jeune & belle ; ai- je moins d'agrément?
Cependant tous les jours maint & maint concurrent
Vient faire à mesgenoux , plein d'un tendre délire,
Le long récit des maux que pour vous il reffent ,
Et nul ne vit fous mon empire.
Pourquoi fais- je le confident
De leurs foupirs , de leur martyre ?
Ne puis-je auffi leur caufer du tourment ₹
Non, je fuis d'humeur peu farouche ,
Et c'est une raifon de plus.
On me voit à toute heure , on m'approche , on më
touche ;
Je m'efforce de plaire , & mes foins font perdus.
Mais où m'emporte ce caprice ?
11 faut fe rendre juftice ;
Vous valez beaucoup plus que moi ;
Vos feuls regards en font foi;
Les miens n'ont point de malice ,
Ils font froids & languiſſans ,
Mais malheur à tout coeur novice ,
Même au plus aguerri ! les vôtres font perçants ,
Vifs , brûlans , menaçants.
Le Berger , qui fe plaint d'un amoureux fupplice ,
Peut vous trouver ſenſible à ſes tendres accens .
A OUST.
119 1748.
Je fuis fourd, & rien ne me touche.
Vous parlez , & de votre bouche
Sortent des fons enchanteurs ,
Des traits pleins d'efprit & de flâme ,
Qui de tous vos auditeurs
Vous font autant d'adorateurs ;
Je fuis muet & n'ai point d'ame .
Que fçais-je enfin ? On forme des défirs ;
Moi ,je ne puis les fatisfaire ;
Mais alte là , Muſe trop téméraire ,
Ne touchons pas à ces plaifirs :
Il fuffit que je dois vous ceder l'avantage ,
Car je ne fuis , Philis , que votre foible image.
NOUVELLES LITTERAIRES ,
DES BEAUX- ARTS , &c.
C
>
re-
ONSIDERATIONS fur les cauſes
de la grandeur des Romains , & de
leur décadence. Nouvelle Edition
vûe , corrigée & augmentée par l'Auteur
à laquelle on a joint un Dialogue de Sylla
& d'Eucrate. A Paris , chés Guillyn , Quai
des Auguſtins au Lys d'or. 1748. in
octavo , pp. 365.
,
Prefque tous les Livres gagneroient à
être abregés. Ceux de M. de Montef
20 MERCURE DEFRANCE.
quieu ne font point dans ce cas . Toujours
auffi vif & précis qu'élégant & profond
, il peut les augmenter fans craindre
de tomber dans des longueurs ou des
repetitions fatiguantes . Nous comptions
de trouver à la tête de cette nouvelle Edition
un Avertiffement qui indiqueroit
les Additions faites par l'Auteur , & nous
avons été furpris qu'on n'ait pas eû cette
attention. Les Lecteurs nous difpenferont
d'entrer dans le détail des changemens ,
que nous avons remarqués dans le corps
de l'Ouvrage , mais ils ne nous pardonneroient
pas de garder le filence fur le
Dialogue que M. de Montefquieu y a
ajouté.
Il fe propofe de nous peindre Sylla
par les difcours qu'il prête à ce fameux
Romain , & par-tout il nous montre cette
force de touche , ces traits hardis , ces
coups furprenans de lumiere , qui diftinguent
les Peintres fupérieurs. Eucrate témoigne
à Sylla fa furpriſe de l'avoir vû
fe démettre de la Dictature. J'ai crû ,
répond Sylla , avoir rempli ma defti-
» née , dès que je n'ai plus eû à faire
» de grandes chofes. Je n'étois point fait
» pour gouverner tranquillement un Pen-
» ple efclave . Jamais je n'ai été
» fi peu content , que lorfque je me fais
ود
· ..
» vu
OAOU S T. 121 1748:
☎ vû maître abſolu dans Rome ; que j'ai
regardé autour de moi , & que je n'ai
» trouvé ni rivaux ni ennemis . A ce.difcours
, l'étonnement du Philofophe redouble
. Il avoue à Sylla , qu'il l'avoit
toujours pris pour un homme dévoré du
defir de commander , & qui , plein des
plus funeftes paffions , étoit prêt à tout facrifier
pour la confervation de fa puiffance.
» Eft - ce , lui dit - il , pour le bien de
votre Patrie , que vous avez verſé tant
» de fang ? Avez - vous eû de l'attache-
و د
ment pour elle ? Non , reprend Sylla .
» Cet amour tant vanté de la Patrie eft
» une paffion trop populaire , pour être
» compatible avec la hauteur de mon ame .
» Je me fuis uniquement conduit par mes
» reflexions , & fut-tout par le mépris que
j'ai eû pour les hommes . >>
Si
» j'étois né chés les Barbares , j'aurois moins
» cherché à ufurper leTrône, pour comman
» der , que pour ne pas obéir ....... Lorf-
"
n
qu'avec. mes foldats je fuis entré dans
» Rome , je ne refpirois ni la fureur ni
» la vengeance. J'ai jugé fans haine , mais
» auffi fans pitié , les Romains étonnés .
» Vous étiez libres , ai je dit , & vous
» vouliez vivre efcláves. Mourez , & vous
» aurez l'avantage de mourir citoyens
» d'une Ville libre . Il est heureux , re-
•
F
122 MERCURE DE FRANCE.
plique Eucrate , que le Ciel air épar
gné au genre humain , le nombre des
» hommes tels que vous
29
.. Pour
» qu'un homme foit au-deffus de l'huma-
» nité , il en coûte trop cher à tous les
autres. Nous pafferions les bornes qui
nous font prefcrites , fi nous voulions faire
connoître toutes les beautés de ce Dialogue..
Une fuite de Dialogues , tels que celui
- ci , formeroit une efpece de Galerie
de Portraits animés , & feroit d'une grande
reffource pour les Auteurs Tragiques , qui
n'ont pas en eux-mêmes la chaleur & l'élé
vation néceffaires pour faire parler les perfonnages
extraordinaires..
NEGOCIATIONS à la Cour de Rome
, & en differentes Cours d'Italie , de
Meffire Henri Arnauld , Abbé de Saint Nicolas
, depuis Evêque d'Angers , &c. 748.
V. volumes in- 12.
Quoique le feu Roi eût de juftes ſujets
d'être mécontent des Cardinaux Barberins
, une raifon de Politique l'enga
gea à leur rendre fa protection. M. de
Gremonville , Ambaſſadeur de Sa Majeſté
auprès de la République de Veniſe , fut
chargé en conféquence de fe rendre à
Rome , pour les réconcilier avec le Pape
Innocent X. qui malgré l'obligation qu'il
A OUST. 1745. 123
feur avoit de fon élévation au Pontificat
, commençoit à leur faire fentir les
effets de la haine , que depuis long tems
il avoit conçue contre eux. Outre cette
affaire , M. de Gremonville en avoit plufieurs
autres à traiter. Le Cardinal Mazarin
defiroit de voir revêtir de la Pourpre
le Pere Mazarin fon frere , qui étoit
Maître du Sacré Palais. Il s'agiffoit auffi
de déterminer le Pape à livrer un complice
de la prétendue confpiration du Duc
de Beaufort. Toute l'adreffe de M. de Gremonville
lui fut inutile , & il ne put
réuffir dans ces négociations , non plus
que dans celles qui regardoient la Collation
des Bénéfices de la Catalogne , alors
foumise à la France , & l'acceptation de
l'obédience de Jean de Bragance , qui venoit
d'enlever à la domination d'Efpagne
le Royaume de Portugal. Dans ces conjonctures
, il étoit important d'envoyer
au Pape , à la place de M. de Gremonville
, un Miniftre qui connût le génie
de la Cour de Rome , & dont la fagacité
& la prudence fuffent confommées.
L'Abbé de Saint Nicolas fut choifi pour
cet emploi. Il avoit autrefois faitun voyage
en Italie avec le Cardinal Bentivoglio
& le féjour , qu'il y avoit fait pendant
près de cinq ans , lui avoit donné des con-
.
Fij
1-24 MERCURE DE FRANCE.
noiffances qui pouvoient beaucoup con
tribuer au fuccès des affaires qu'on lui con
fieroit,
Après avoir exécuté quelques commiffions
auprès des Cours de Florence , de Parme
& de Modene , il paffa à Rome. La premiere
occafion qu'il eut d'y faire paroître
fa capacité , fut dans l'affaire du Cardinal
d'Eft & de l'Amirante de Caſtille.
Il y négocia enfuite fi habilement les intérêts
de la Maifon Barberine , qu'il parvint
à la faire rétablir dans fes biens &
fes honneurs, Dans tous les divers avantages
que les armes du feu Roi rempor
terent , & pendant les Siéges de Prombino
, de Portolongone & d'Orbitello , la
conduite de l'Abbé de Saint -Nicolas ne fut
pas moins remplie de fageffe. Il ménagea fi
bien l'efprit du Grand Duc , auprès duquel
il eut ordre de fe rendre , qu'il ne contribua
pas peu à la prife de Portolongone,
Les Mémoires de ces differentes négo ,
ciations étoient dans le Cabinet de M.
l'Abbé de Pompone , & c'eft avec fa permiffion
qu'on les donne au Public. Le premier
volume eft compofé des dépêches de
l'Abbé de Saint Nicolas , adreffées au Cardinal
Mazarin & aux Comtes de Lyonne &
de Lrienne. Sur la fin de ceTome, font deux
AOUST. 1748 .
125
pieces dignes de la curiofité des Lecteurs.
L'une eft un Journal , dans lequel l'Abbé
de Saint Nicolas dépofoit certaines particularités
, qu'il ne jugeoit pas convenables
d'inférer dans fes Lettres . L'autre
contient des remarques fur quelques familles
de Rome & d'Italie . Dans le fecond
volume, on trouve les inftructions données
à l'Abbé de S. Nicolas , & les Lettres que
le Roi , la Reine Regente , le Cardinal Mazarin
& le Comte de Lyonne, lui ont écrites.
Les dépêches du Comte de Brienne forment
feules le troifiéme volume . Le quatriéme
eft deftiné aux Lettres Italiennes
que recevoit notre Négociateur.On a renvoyé
au cinquiéme & dernier volume celles
par lefquelles les Miniftres de Louis
XIV. auprès de diverfes Paiffances informoient
l'Abbé de Saint Nicolas de cę
qui fe paffoit dans les lieux où ils réfidoient...
Sur ce détail , on concevra que ce Recueil
ne peut qu'être fort intéreffant , nonfeulement
par la variété des matieres , mais
encore par la confidération des grands
Miniftres qui y parlent & y agiffent. Il falloit
donner un ordre à une Collection auffi
vafte qu'eft celle- ci . L'ordre chronologique
a paru le plus convenable & le plus naturel
.
Fij
126 MERCURE DE FRANCE.
L'Abbé de Saint Nicolas , à fon retour
de Rome , fut nommé par le feu
Roi à l'Evêché d'Angers. Dès qu'il en eur
pris poffeffion , il fe voua tout entier à
remplir les obligations de fon nouvel état.
Il fut Evêque pendant quarante ans , &
il mourut à Angers le 8 Juin 1692 , âgé
de quatre - vingt - quinze ans. Ce Prélat
étoit grand oncle de M. l'Abbé de Poinpone.
HISTOIRE ROMAINE , & c. Tomes
XV. & XVI. Pour fervir de continuation
à l'Ouvrage de feu M. Rollin. Par
M. Crevier , Profeffeur Emerite de Rhe
thorique au College de Beauvais. A Paris
, chés la veuve Etienne , & fon fils , rue
Saint Jacques , à la Vertu , & chés Defaint
& Saillant , rue Saint Jean de Beauvais. In
12. Tome XV. pp. 518. Tome XV I. pp .
492.
Le premier de ces volumes comprend
l'Hiftoire de la République Romaine , depuis
l'année 709 jufqu'à la 718 de la fondation
de Rome . Dans le fecond , M. Crevier
conduit fes Lecteurs jufqu'à la Bataille
d'Actium. Il a placé à la fin du premier
quelques faits détachés qu'il a jugé ne devoir
pas entrer dans le corps de la narration
, parce qu'ils en auroient interrompu
la fuite . Comme fon intention n'a été que
A O UST. 1748. 127
d'écrire l'Hiftoire du tems pendant lequel
la République Romaine a fubfifté , le Tome
XVI. eft le dernier de l'Ouvrage. On
trouve dans ce Tome une Tabie générale
des matieres , tant pour les volumes de M.
Rollin , que pour ceux de M. Crevier . Les
Auteurs Latins , fur- tout ceux qui ont écrit
du tems de la République , quand ils veulent
citer une année de leur Hiſtoirẹ , la
défignent prefque toujours par les noms des
Confuls. Pour la commodité des Lecteurs ,
qui fur une pareille indication voudront
chercher quelque fait dans cet Ouvrage ,
M. Crevier a joint à ce dernier volume les
Faſtes Confulaires. Il y marque non-feulement
les noms des Confuls , mais encore
ceux des Decemvirs & des autres Magiftrats
, qui , pour nous fervir de fes termes
, ont de tems entems interrompu le cours di
Confulat après fon établiſſement.
Nous n'entreprendrons point de donner
un extrait des deux volumes que nous venons
d'annoncer. Quoique les principaux
évenemens dont ils parlent , foient connus
de toutes les perfonnes inftruites , elles y
trouveront cependant des recherches dont
elles pourront profiter.
TRADUCTION LIBRE EN VERS ,
de la VI. Eglogue de Virgile. Par M. L.
Marin , Avocat au Parlement de Paris. A
F iiij
128 MERCURE DE FRANCE.
Paris , chés Cailleau , rue Saint Jacques ,
au- deffus de la rue des Mathurins , à Saint
André. 1748. In-octavo , pp. 20.
L'Auteur promet dans un Avertiffement,
que fi cet effai eft reçû favorablement
du Public , il continuera fon travail , &
qu'il donnera dans peu de tems toutes les
Eglogues de Virgile , avec quelques pieces
détachées . Il nous affure que les Ouvrages
de ceux qui ont entrepris avant lui
de traduire les Bucoliques , ne lui font
point inconnus , & ne l'ont point découragé.
Selon M. Marin , M. de Fontenelle a
tort de prétendre que le difcours, tenu par
Silene dans le Poëme dont on donne ici la
traduction , eft trop relevé pour l'Eglogue..
Le Cenfeur, demande à cette occafion >
s'il n'eft pas plus dans l'ordre , que des
» Bergers apprennent de la bouche d'un
Demi Dieu la maniere dont le monde
و ر
fut formé , & rappellent avec lui dans
» leur fouvenir plufieurs endroits de la Fa-
» ble , qui faifoient partie de leur Reli .
gion , que
que de les voir s'entretenir de leurs
» amours avec autant de fineffe d'efprit
qu'auroient pû faire Seneque & Pline , en
parlant de leurs Maîtreffes. Nous répondrons
qu'en général , lorfque le Poëte dans
une Eglogue veut peindre les douceurs ou
" .
ود
>
A O UST. 1748 . 1201
les tourmens de l'amour , le fentiment doit
y briller beaucoup plus que l'efprit . Il
n'eft pas de notre fujet d'examiner fi M. de
Fontenelle a fuivi cette regle. Nous remarquerous
feulement que les difcours ,
même trop fpirituels d'un Berger , pour
peu qu'ils approchent du ton de la tendreffe
, nous femblent encore plus convenables
à l'Eglogue , que l'enthoufiafme lyrique
prêté par Virgile au Pere Nourriffier
de Bacchus.
La difference , qui eft entre notre façon
de penfer & celle de M. Marin , ne nous
empêchera pas de rendre juftice à ſes vers.
Il les tourne pour l'ordinaire fort heureufement
, & nous l'exhortons à cultiver fon
talent pour la Poëfie.
TRAITE DES TESTAMENS , COdiciles
, Donations à caufe de mort , & autres
difpofitions de derniere volonté , fuivant
les principes & les décisions du Droit
Romain , les Ordonnances , les Coûtumes
& maximes du Royaume , tant des Pays de
Droit Ecrit , que Coûtumiers , & la Jurifprudence
des Arrêts . Par Me Jean- Baptifte
Furgole , Avocat au Parlement de Touloufe.
Tome quatrième . A Paris , au Palais,
chésJean de Nully, Libraire , grand'- Salle ,
du côté de la Cour des Aides , à l'Ecu de
France & à la Palme , 1748. Ce tome qua-
Fy
130 MERCURE DE FRANCE.
triéme & dernier traite de la répudiation
ou renonciation, des dettes & charges héréditaires
, du droit de délibérer , du bénéfice
d'inventaire , des Exécuteurs teftamentaires
, de la révocation des teftamens ,
& des autres moyens par lefquels ils peuvent
devenir inutiles en tout ou en partie;,
de la révocation des Donations , des Codiciles
, de la claufe codicillaire , des Donations
à caufe de mort. Il contient un
grand nombre d'additions importantes aux
trois précédens volumes. En même-tems , il
eft enrichi d'une Table générale & exactede
toutes les matiéres contenues dans les
quatre tomes de l'ouvrage . On peut dire
qu'au moyen de ce dernier volume , nous:
avons à l'Auteur l'obligation de poffeder
un Traité complet , profond & fçavant, fur
les Teftamens & fur les autres matieres qui
font relatives.
Y
LE CHRETIEN fidéle à fa vocation ,
ou réflexions fur les principaux devoirs
du Chrétien , diftribuées pour chaque jour
du mois , & utiles pour les Retraites , avec
un tableau d'un vrai Chrétien , compoféde
paffages choifis des faints Docteurs de
l'Eglife , à Paris , chés Lottin & Buttard ,
rue Saint Jacques , & Defaint & Saillant
rue Saint Jean de Beauvais.
HISTOIRE abregée de la vie de
A O USTS I. 131 . 17.48..
Saint Bonaventure , de l'Ordre des Freres
Mineurs ; Cardinal , Evêque d'Albano ,
Docteur de l'Eglife , & Patron de la Ville
de Lyon, in-octavo , imprimée à Lyon ,
fe trouve à Paris , chés Quillau , fils , ruë
Saint Jacques , vis-à-vis celle des Mathurins.
SECOND MEMOIRE des Chirur
giens. Lettres Patentes , portant confir
mation de l'établiffement de l'Académie
Royale de Chirurgie , &c. Obfervations
pour fervir de réponſe à la derniere Requête
imprimée des Médecins de Paris ,
brochure in-quarto , à Paris , chés Delaguette
, Imprimeur Libraire , rue Saint Jac
-ques.
LETTRE CRITIQUE à M. de Nefle
fur fon livre des préjugés du Public . Brochure
in-douze , à Paris , chés Briaffon ,
rue Saint Jacques..
DELLA Religione Poëma del Signor
Racine , tradotto in verfi Tofcani Sciolti
dall' Abate Filippo de Venuti , à Avignon ,
in-octavo , & fe vend à Paris , chés Huart
& Moreau , rue Saint Jacques.
INSTRUCTION fur la Jange , à Pufage
des Controlleurs , & autres Employés
des Fermes du Roi , par M. Leger , Inf
pecteur de la Jauge aux entrées de Paris ,
du mois de Juillet 1748. A Paris , chés
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
Charles Lamefle , & au Bureau des Aides
Hôtel de Bretonvilliers .
TRAITE ' hiftorique & politique du
Droit Public de l'Empire d'Allemagne ,
auquel on a joint les piéces juftificatives ,
dédié à M. le Chancelier , in -quarto . A
Paris , chés Laurent d'Houry , fils , au bas
du Pont Saint , Michel ; fuë de la vieille
.Bouclerie.
LE COUP D'IL des Dictionnaires
François , où l'ortographe de chaque mot
eft prouvée par régles , qui eft la voie la
plus fùre pour la perfectionner , par M.
Jacquier , in octavo. A Paris , chés Briaf
fon.
PRINCIPES de la perfection Chré
tienne & Religieufe , divifés en deux parties.
1. De la perfection Chrétienne ,
20. De la perfection Religieufe , avec des
fupplémens pour les Vierges Chrétiennes
qui fervent Dieu dans le monde , à Paris ,
chés les veuves Rondet & Laboțiere , ruë
Saint Jacques , près Saint Yves , & chés
·Defaint & Saillant , rue Saint Jean de
Beauvais.
POESIE di Francefco Lorenzini , già
Cuftode Generale d'Arcadia tra gli Arcadi
Filacida Luciniano , Raccolte da Dotto e diligente
Vomo in Roma , e publicate in Napoli
da Giofeffo Pasquale Cirillo , Regio Profeffare
A O UST. 1748. 133
di Leggi , ed alla Illuftrif. ed Eccellentif.
Signora D. Ifabella Pignone del Carretto
Ducheffa d'Ecre tra gli Arcadi Belifa Lariffea
in fegno di offequio dedicate , 1746 , in- 12,
A Venife , chés Simon Occhi .
ISTORIA di tutte l'Erefie, defcritta da
Domenico Bernino , compendiata ed accref
ciuta da Giuseppe Lancifi , Canonico dell' infigne
Bafilica di S. Maria in Trastevere.
Tomi quattro ,
in- 12.1746 , chés le même
Libraire .
J. VINCENTII GRAVINA Inftitutionum
Juris Civilis receptioris Libri IV.
quibus acceffit ejufdem Differtatio de Cenfura
Romanorum , 1746 , in - 12 . chés le même.
L'ISTORIA de gli Uomini Illuftri delß
Ordine di S. Domenico , fcritta in Lingua
Francefe dal R. P. Antonio Touron , e tra
dotta nell' Italiana Favella da un Religiofo
del medefimo Ordine . Tomo 1. 1746 , inoctavo
, chés le même.
¨་
典
i
GEOGRAFIA UNIVERSALE per
principianti , divifa in tre Parti. Opéra del
P. Sanadon , della Compagnia di Gefu , ora
trafportata dalla Francefe nellaToscana Favella
, con due Dizionari Geografici , Italiano
Latino e Latino Italiano , Parte prima,
1747. in- 12. chés le même .
3
VITA della ferva di Dio Suor Maria del
Crocififfe , Monaca Profeffa nel Monaftero
134 MERCURE DE FRANCE.
-
delle Cappucine della Città di Mondovi net
Piemonte , fcritta da un Prete dell' Oratorio di
San Filippo Neri , 1747 , in quarto , chés le
même.
IL DIRETTORE fpirituale de' Seminarj
fecondo lo fpirito di S. Carlo Boromeo ,
Opera utiliffima à Maestri de' Novili ne
Ghioftri , ed à Direttori della Gioventù ne
Collegi, ed à tutti li Confeffori , Con l' Aggionta
delle Meditazioni per gl' Efercizi fpirituali ,
proprie ed adattate al loro ftato , e condizione.
Audite , filii , difciplinam Patris , & attendite
, ut fciatis prudentiam. Prov. 4.
Dedicato all' Illuftriff. a Reverend. Signore
Monfig. Aleffandro Borgia Arciv. e Principe
di Fermo , 1747 , in- 12 , chés le même.
MEMORIE STORICHE Sopra l'ufo
della Cioccolota in tempo di Digiuno , eſpoſte
in una Lettera a Monfig. Illuftriff. e Revediff.
Arcivescovo N. N. 1748 , in - quarto ,
chés le même .
PREDICHE di M. Maffillon , Vefcovo
di Clermont , fu Prete dell' Oratorio , uno
Dei Quaranta dell' Academia Francefe.
Awento , 1748 , in- quarto , chés le même.
TAVOLETTE CRONOLOGICHE
della Storia univerfale Sacra e Profana , Ec-· ·
clefiaftica e Civile , Dalla Creazione del Mondo
,fino all' anno 1743. Con Rifleffioni fopra
Pordine , che dee tenerfi nello studio della ftoAOUST.
1748. 135
ria , efopra i libri per ciò neceffarj . Opera
delfig. Abbate Lenglet Dufrefnoy , tradotta
dalla Lingua Francefe nell' Italiana , 1748;,
in- quarto , chés le même .
"
ENTRETIEN S fur la caufe de l'incli
naifon des orbites des Planettes , & c. par
M.Bouguer, de l'Académie Royale des Sciences.
Secondę Edition , dans laquelle on a faifil'occafion
d'examiner quelle eft l'étendue *
du Méchaniſme , ou des loix de Phyfique ,
à Paris , chés Fombert , au coin de la ruë
Gift-le- coeur , in- quarto , de 140 pages.
REFLEXIONS CHRETIENNES
fur les grandes vérités de la Foi , & fur les
principaux mystéres de la Paffion de N. S.
Paris , chés Debure , l'aîné , Quai des
Auguftins , in- 12 . de 358 pages.
On trouve chés le même Libraire des
Exemplaires du Poëme de M. Benoît Stay .
C'eft la Philofophie de Defcartes en vers
Lucrétiens & en fix livres. Le volume eft
un in- octavo , de 331 pages , édition de
Venife.
J
› 0124
TRAITE' de la Céphalatomie
Defcription anatomique des parties que la
tête renferme. Ouvrage enrichi de figures
en taille douce , deffinées & gravées d'après
nature par J. B *** . Chirugien Juré
à Avignon , à Avignon , chés François Girard
, Imprimeur Libraire , Place Saint
136 MERCURE DE FRANCE.
Didier , & fe vend à Paris , chés Huart ,
Libraire de la Reine , & Libraire Imprimeur
de Monfeigneur le Dauphin , à la
Juftice & au Grand Saint Bafile , 1748 ,
in-quarto.
MEMOIRE fur l'utilité de l'établiffement
de l'Ecole Militaire , avec le Reglement
obfervé pour le maintien de la difci-
-pline par la jeune Nobleffe , Officiers Eleves
de cette Ecole , & les Cadets Dauphins,
tirés de la Rourgeoisie , pour être en état
d'embraffer avec intelligence les profelfions
auxquelles ils fe deftinent. Brochure
in-quarto de 12 pages , à Paris , chés la
veuve de Lormel , rue du Foin , à Sainte
Geneviève , 1748 .
RIME SACRE di Domenico Cerafola ,
Fratello Coadjutore della Compagnia di Gefu .
Opera poftuma dedicata all' Eminentiffimo
Principe il Signor Cardinale Gio. Francefco
Albani , in Roma , 1747 , nella Stamperia
di Antonio de Roſi preſſo la Retonda , in- 1 2 .
de 183 pages.
RUDIMENTA HEBRAICA paucis
ad Linguam facram facile addifcendain praceptionibus
comprehenfa , &c. Par le P.
François Xavier Widenhofer , de la Compagnie
de Jefus , à Wirtzbourg , 1747 ›
in- 12.
EXERCITIUM HEBRAICUM...
A O UST.
137 1748.
propofitum à R. P. Franc. Xav. Widenhofer
, Soc. JESU , SS . Scripture & Lingue
Hebraica in alma Univerfitate Herbipolenfi
Profeffore... Refpondente Georg. Mich . Vol-
Irath , &c. Herbipoli , 1746 , in- 12 .
DISCURSO HISTORICO Sobre la
antigua famofa Cantabria . Question decidida
fi lat Provincias de Bifcaya Guipuzcoa , y
Alaba , eftuvieron comprehendidas en la antigua
Cantabria , fu . Autor El. M. R. P.
Manuel de Larramendi , de la Compania de
Zefus , Maeftroque fue de Theologia en el Real
Collegio de Salamanca , y Confeffor de la Sereniffima
Señora Reina vinda de Carlos II. en
Madrid , por Juan de Zuniga , 1736 , in-
12. de 420 pages .
•
HISTOIRE des Hommes Illuftres de
l'Ordre de Saint Dominique , & c. par le
R. P. A. Touron , Religieux du même Ordre.
Tome III. à Paris , chés Babuty , ruë
Saint Jacques , à Saint Chryfoftome , &
Quillan , pere , rue Galande , à l'Annon
ciation . Volume in-quarto , 1746. ·
CONCLUSIONES MATHEMATICAS
dedicadas al Rey , defendidas por tres Caballeros
en el Reale Seminario de Nebles , &c.
A Madrid,
Le
TRAITE' des Feux d'artifice pour
Spectacle. Nouvelle Editión , toute clian138
MERCURE DE FRANCE.
gée & confidérablement augmentée. Vo
lume in- octavo , de 406 pages , planches
13. A Paris , chés Ch . Ant. Jombert , Libraire
du Roi pour l'Artillerie & le Génie ,
Quai des Auguftins , 1748.
METHODE OU Conduite Chrétienne ,
pour paffer faintement la vie , contenant
des inftructions & des prieres pour
chaque jour , chaque femaine , chaque
mois & chaque année , à l'ufage des Miffions
, en faveur principalement des peu
ples de la campagne , par un Prêtre Miffionnaire
du Diocéfe de Vienne , à Lyon ,
chés Viret ,, pere & fils , Libraires , rue
Merciere , 1748 , in- 12 .
François le Tellier , Imprimeur Libraire
à Chartres , délivre aux Soufcripteurs le
premier volume de l'ouvrage intitulé :
Pandecta Juftinianea , in novum ordinem digefta
, cum legibus Codicis , & novellis que
jus Pandectarum confirmant , explicant , aut
abrogant. Prefixus eft index Titulorum , &
Divifionum omnium , quo totius operis fpecimen
quoddam , & quafi materiarum appendix
exhibetur : Subjecta quoque eft tabula , qua
nominatim leges omnes cumfuis paragraphis
verficulis ordini Digeftorum reftituuntur.
Tomus primus , continens prolegomena few
prafationem & viginti duos priores libros.
A O UST. 1748. 139
& Je.
Parifiis , apud Saugrain , patrem ,
Defaint > Carolum Saillant. Carnuti ,
apud Francifcum le Tellier , Typographum
Bibliopolam , 1748 , in folio.
LES DELICES D'APOLLON. Prix ,
24 1. à Paris , chés Jacques Cloufier , ruë
Saint Jacques , à l'Ecu de France , 1748 ,
PP:4
Sonnates pour la Vielle & autres Inftru
mens , avec la Baffe Continue , dédiées à
S. A S. Madame la Princeffe d'Aremberg ,
par M. Bouin ; gravées par Jofeph Renou.
OEuvre II . Prix en blanc , 4 liv . 4 f. à Paris,
chés l'Auteur , ruë & Ifle Saint Louis
& chés le Clerc , rue du Roule , à la Croix
d'or .
L'ANNE'E MERVEILLEUSE. Cantatille
nouvelle pour un Deffus , avec accompagnement
de Violons & Flutes , mife
en Mufique par M. le Maire. Les paroles
fontde M. Peffelier. Prix 36 fols . A Paris,
chés l'Auteur , rue Saint Jacques ; Briaffon,
à la Science ; Ballard , rue Saint Jean de
Beauvais ; le Clerc , rue du Roule , à la
Croix d'or ; Madame Boivin , rue Saint
Honoré , à la Régle d'or ; Mlle Caftagneri,
rue des Prouvaires , à la Mufique Roya
le.
40 MERCURE DEFRANCE .
ELECTIONS de l'Académie Royale
des Sciences.
∙19 Juin , l'Académie Royale des
Sciences , pour remplir la place d'Affocié
Etranger , vacante depuis quelque
tems par la mort du célébre Jean Bernoulli,
Profeffeur de Mathématiques à Bafle , a
élû M. Daniel Bernoulli , fon fils , auffi
Profeffeur dans la même Ville , & M. Bradley
, de la Societé Royale de Londres.
Le Roi a choifi M. Bernoulli.
Pour remplir une autre place d'Affocié
Etranger , laquelle vaquoit par la mort de
M. Cervi , Premier Médecin du Roi d'Ef
pagne , l'Académie élût le 17 du mois dernier
le même M. Bradley , & M. Euler ,
de l'Académie Royale de Berlin. Le premier
a été choifi pat Sa Majesté.
L
PROGRAMME
de l'Académie de Soiffons.
' Académie de Soiffons , ayant jugé à
propos de varier les fujets des Prix
qu'elle annonce pour chaque année , donnera
alternativement un fujet d'Eloquence
, & un fujet tiré de l'Histoire.
A OUST. 1748. 141
Comme elle n'a rien trouvé qui répon
dît à fes vûës fur le fujet du Prix d'Hiftoire
qu'elle avoit propofé pour la préfente
année 1748 , elle avertit que dans
l'Affemblée publique qu'elle tiendra le
Lundi 14 Avril 1749 , elle délivrera.deux
Prix , l'un fur l'Hiftoire , & l'autre d'Eloquence
, qui feront chacun d'une Médaille
d'or de la valeur de 300 liv . données par
M. le Duc de Fitz-James , Pair de France ,
Evêque de Soiffons. Elle propofe pour fu
jet d'Hiftoire celui qui a été ci - devant annoncé.
"
Quelle a été la fuite des Evêques de
Soiffons , depuis le commencement du cin
quiéme fiécle jufqu'en l'an 754.
Depuis l'établiffement de la Religion
dans le Soiffonnois , jufqu'à la fin de la
premiere race de nos Rois ;
1°. Quels Conciles ou Affemblées notables
d'Eccléfiaftiques ont été tenus dans
le Soifonnois ?
20. Quelles ont été les Eglifes Cathédrales
, Collégiales , Paroifliales & autres de
la Ville de Soiffons ? Quelles ont été les
Collégiales & les Maifons de Séminaire
du Diocèfe ?
3. Quels Monaftéres y ont été fondés ?
Les noms de leurs Fondateurs , l'époque ,
le lieu de leur fondation & de leur tranf
142 MERCURE DE FRANCE.
lation , s'ils en ont eu ; la regle qu'ils ont
fuivie dans leur origine ?
4°. Quelles Reliques confidérables ont
été honorées dans le Diocèfe , & leurs differentes
tranflations ?
5 °. Quels hommes célébres dans l'Egli
fe ( & même dans les Lettres ) font nés
dans le Soiffonnois , ou y ont vêcu , ou
font morts ?
Enfin tout ce qu'on pourra découvrir
de nouveau dans l'Hiftoire Eccléfiaftique ,
qui ait rapport au Soiffonnois , jufqu'en
Pan 754
Dans l'examen des ouvrages on aura
égard , non feulement au nombre & à l'étendue
des recherches , mais encore à la
pureté du ftyle & à la beauté du langage.
Les Auteurs font avertis de mettre à la
marge , ou à la fuite de leurs Ouvrages ,
les preuves des faits qu'ils auront avancés
, & les fources où ils les auront puifés.
Ceux qui enverront des Differtations
latines , auront foin de mettre en marge les
noms François des perfonnes ou des lieux
dont ils feront mention ,
Le fujet d'éloquence fera cette queftion .
Quelles peuvent être dans tous les tems
les caufes de la décadence du goût dans les
Arts & les Sciences .
Le deffein de l'Académie eft d'engager
A O UST. 1748. 143
les perfonnes qui travailleront fur ce fujet,
à le traiter d'une maniere plus directe
plus étendue , & plus philofophique qu'il
ne l'a été jufqu'ici .
Elle croit auffi devoir avertir que dans
les jugemens qu'elle portera fur les ouvrages
préfentés au concours , elle aura égard
aux nouvelles découvertes , & furtout à
celles qui feront propres au fiécle & au
pays où nous vivons.
Le difcours d'éloquence fera d'une des
mie heure ou trois quarts d'heure de lecture
au plus , & la Differtation hiſtorique ,
d'une heure ou une heure & demie au
plus.
On adreffera à M. de Beyne , Préfident
au Préfidial de Soiffons & Secretaire perpétuel
de l'Académie , les ouvrages deftinés
au concours , port franc , & avant le
premier Février , fans quoi ils ne feront
pas retirés.
Ils feront écrits lifiblement & fans abbréviations
; les Auteurs ne mettront point
leurs noms au bas , mais feulement une
Sentence ; ils indiqueront une adreſſe , à
laquelle M. le Secretaire puiffe leur faire
tenir fon récépiffé .
On les prie de prendre les mefures né
çe flaires pour n'être point connus jufqu'au
144 MERCURE DE FRANCE.
jour de la déciſion , de ne point figner les
lettres qu'ils pourroient écrire à M. le Secretaire
ou à tout autre Académicien , les
avertiffant que s'ils font découverts par leur
faute , ils feront exclus du concours.
Les Auteurs qui auront remporté les Prix
viendront les recevoir dans la Séance publique
du Lundi 14 Avril 1749 , finon ils
enverront à une perfonne connue leur procuration
, pour être remiſe à M. le See
cretaire avec le récépiffé de l'ouvrage.
M. Gouye de Longuemarre , Greffier au
Bailliage Royal de Verfailles , eft Auteur
de la Differtation à laquelle a été adjugé
le Prix de 1746 ; elle paroît chés Chaubert ,
Libraire à Paris , Quai des Auguftins , à la
Renommée & à la Prudence, H y fixe ,
fuivant les vûës de l'Académie , l'époque die
commencement & de la fin du regne de chacun
des derniers Rois de la premiere Race
tant fur le Royaume de Bourgogne & de
Neuftrie , ou fur celui d'Auftrafie , que fur
toute la Monarchie , à commencer après la
mort de Dagobert I , que l'on fuppofe être arrivée
l'an 638, jufqu'à l'Election & Couron
nement de Pépin , Chefde lafeconde Race.
M. l'Abbé Bellet , Prêtre Prébendier de
l'Eglife Cathédrale de Montauban , & l'un
des Membres de l'Académie des Belles-
Lettres
>
AOUST.
1748 .
145
Lettres de ladite Ville , eft Auteur du Difcours
qui a
remporté le prix
d'éloquence
en 1747 , dont le fujet étoit : Un Auteur
doit
toujours le
conformer au goût du fiécle
dans lequel il écrit.
Comme
l'Académie fait
iuprimer tous
les ans
l'ouvrage qui
remporte le prix , elle
exige des
Auteurs qu'ils ne faffent point
imprimer de leur côté , que fix années révolues
après la datte de
l'impreffion que
l'Académie en aura fait faire,
M
Effieurs de
l'Académie
d'Angers
n'ont pas
crû
devoir
accorder aux
Piéces qui leur ont été
préfentées , les
deux Prix
annoncés . pour
l'année
1748 ,
& ils fe font
déterminés à
propofer les mêmes
fujets
pour
l'année
1749
Le premier fujet eft , les animaux ne deviennent-
ils
électriques que par
communication
?
Pourquoi ne le
deviennent- ils pas
par les
moyens que l'on employe pour
rendre les autres corps
électriques ?
Le fecond fujet , le progrès des
Sciences
& des Beaux Arts fous le Regne de Louis
XV.
Les Prix font deux
Médailles d'or,
chacune de la
valeur de deux cens livres.
G
146 MERCURE
DE FRANCE
.
Ceux qui travailleront
fur le premier
fujet , pourront écrire en François ou en
Latin.
On aura la liberté de compoſer en vers
ou en profe für le ſecond ſujet,
Les Auteurs des Piéces n'y mettront
point leur nom , mais feulement une Sentence
ou une Devife ; ils pourront encore
y attacher un billet féparé & cacheté , où
feront avec leur Sentence ou Dévife leur
nom , leurs qualités & leur adreffe . On
n'ouvrira ce billet que dans le cas où là
Piéce fera couronnée.
Ils les affranchiront
de port , & les
adrefferont
ou les feront remettre à M. le
Corvaifier
, l'un des trente de l'Académie
Royale d'Angers , ruë de la Croix blanche,
à Angers.
Les ouvrages feront reçûs jufqu'au premier
jour de Mai 1749 .
L'Académie
, à une affemblée
qui fe
tiendra le Mardi qui précéde immédiatement
la Fête - Dieu , proclamera
les Piéces
qui auront remporté
le Prix fur les deux
Injets propofés. Les Prix feront délivrés aux Auteurs
ou aux porteurs d'une Procuration
de leur
part.
AOUST.
1748.
147
N
Ous ne pourrions rien
retrancher du
Difcours
fuivant , fans faire perdre
aux Lecteurs
quelque chofe de leur plaifir.
Un grand
nombre de vers , mis par l'Aureur
dans les
Mercures , a fait juger ce
qu'on doit penfer de fon talent pour la
Poëfie. Cet effai donnera une idée de fon
talent pour l'Eloquence
.
DISCOURS prononcé le 7 Août 1748
à l'Académie. Royale des Billes- Lettres
d'Angers par M.de la Soriniere , lorsqu'ily
fut reçu à laplace defeu M. l'Abbé Louet.
'Eft aujourd'hui , Meffieurs , le plus
beau jour de ma vie : je viens dans
le fanctuaire des Muſes rendre hommage
à la vertu , & vous payer le tribut de reconnoiffance
que je vous dois de la grace
que vous m'avez faite , en m'accordant une
place dans votre Académie.
Mais quelque grand que foit mon
triomphe , Meffieurs ; quelque honorables
& quelque flateufes qu'en foient toutes les
circonftances , le
Triomphateur n'eft pas
fans une forte d'inquiétude ; fa délicatelle
ne lui permet pas de fe diffimuler qu'il
doit beaucoup plus à vos bontés qu'à fon
propre mérite , & fa confiance ne peut re-
Gij
148 MERCUREDEFRANCE
.
naître que vous ne lui ayez avoüé , Meffieurs
, que vous fçavez créer les talens dans
ceux que vous marquez au coin de votre
approbation
, & que vous placez parmi
yous.
En effet , Meffieurs , à quel titre ai - je
pû mériter les fuffrages unanimes d'une
Compagnie , qui fe connoît fi bien en mérite
littéraire ? Toutes fortes de raifons
fembloient me fermer pour jamais la glorieufe
carriere où vous me permettez d'entrer
avec vous . Je ne m'y préfentois qu'avec
crainte , & mon bonheur m'étonne,
Depuis plus de vingt ans , conftamment.
ifolé au fond d'une folitude ingrate
éloigné de toute fociété littéraire ; que
disje
? de tout commerce du monde ; pouvois-
je me flatter , Meffieurs , que votre
pénétration iroit au point de démêler , &
d'appercevoir en moi les reftes impercep
tibles de ces teintures précieufes que j'avois
jadis puifées , ou comme dérobées , dans le
peu de tems qu'il m'avoit été poffible de
fréquenter la bonne Compagnie , & de rechercher
le commerce des Dames ? Non ,
Meffieurs , je n'ofois tant préfumer de vos
bontés.
Le Cabinet feul ne formera jamais de
grands hommes , & quelque prodigieufe
récolte qu'ils y puiffent faire de fcience &
A O UST.
1748. 149
d'érudition , ils auront toujours befoin
d'être perfectionnés & polis par la lecture
du livre du monde , où tout ce qu'il y a de
plus fin & de plus délicat appartient à cette
aimable portion du genre humain , à laquelle
nous cédons également , fans contester
, & l'empire des charmes , & celui
du goût.
C'eſt- là , Meffieurs , j'ofe le dire ici , que
l'on acquiert ce ton que vous fçavez fi bien
apprécier , & que vous avez tous. C'eſtlà
, Meffieurs , que l'on puife , comme en
leur fource , cette urbanité , cette politeffe
exquife , cette douceur dans les moeurs ,
ces manieres nobles & aifées , qui décélent
toujours le galant- homme , & lui attirent
des égards ; je dis plus , cette candeur fans
laquelle il n'y a point de vrai mérite , &
fans laquelle la plus profonde érudition ne
feroit que déplacée chés vous....
Les talens les plus rares & les plus exquis
feront toujours déparés fans ces fécours
privilégiés. Le dirai-je , Meffieurs ?
La vertu même a befoin d'être dépouillée
d'une forte d'âpreté qui l'enlaidir ; le plus
beau diamant veut être taillé , mis en cuvre
.
J'ai ofé , Meffieurs , dans les fombres
crépuscules où le fort m'avoit comme enfeyeli
depuis fi long- tems , faire luire les
G iij
150 MERCURE DE FRANCE.
foibles météores d'un génie qui ne pouvoit
confentir à s'éteindre . Vous avez faifi ces
foibles rayons , & s'il m'étoit permis d'ufer
encore ici d'une expreffion philofophique ,
je vous dirois , Meffieurs , qu'en les interceptant
vous les avez fortifiés par des
éloges féduifans , des louanges flateuſes *
& que vous m'avez fait naître le courage
de m'élever jufqu'à vous : voilà votre ouvrage
, Meffieurs...
,
Heureufe fituation , que j'envifage fous
les afpects les plus gracieux , mais en même
tems , pofition délicate , fi je n'avois
vos fecours pour m'y maintenir avec honneur
, & pour juſtifier votre choix dans le
public !
Il eft vrai , Meffieurs, que mon affiduité à
profiter conftamment de vos doctes leçons
me répond de quelque fuccès; que vos bontés
me raffûrent , quand j'envilage de fangfroid
les vigoureufes courfes qu'il me faudra
fournir d'après vous : mais dans ce
moment les difficultés s'augmentent , pour
vous bien peindre la fituation de mon
coeur , que vous avez pénétré de la plus vive
reconnoiffance qui fût jamais.
Prêtez moi vos propres crayons , Meffieurs
; je vous traçerai des caractéres forts
* Recueil Littéraire de l'Académie où l'on parle
fort obligeamment des talens du Récipiendaire. ; -
A O UST. 1748. ISI
& ineffaçables , qui auront toutes les graces
du vrai-beau , & vous croirez encore
entendre la voix de l'Illuftre Académicien
dont j'ai l'honneur de remplir la place
aujourd'hui .
ELOGE de M. l'Abbé Louet.
Feu M. l'Abbé Louet avoit puifé , dans
un fang accoûtumé à produire de grands
hommes depuis plufieurs fiécles ; tout ce
qu'il falloit pour devenir un grand homme
lui- même ; & une éducation convena
ble avoit prodigieufement fecondé fon
heureufe naiffance .
Une application férieufe à la lecture des
bons Auteurs , la fréquentation foûtenuë
de la meilleure Compagnie du monde ,
des voyages en Italie , un defir violent &
juftifié de raiſonner fçavamment de tout ,
en firent de bonne heure un homme furprenant
, dont notre Province ne perdra
jamais le fouvenir .
Tous les Arts, fans exception, lui étoient
également familiers , & peut- être les pof
fédoit-il plus qu'il ne convenoit à un homme
de, condition , s'il eût été moins modefte.
Que ne fçavoit-il pas , Meffieurs ?
Il faifoit les délices de toutes les Sociétés ,
& les charmes de votre Académie , où il ne
ceffa jamais de plaire en inftruifant .
G iiij
152 MERCURE DE FRANCE.
C'étoit un de ces heureux naturels que
la Science n'avoit pû gâter . Il voyagea
chés les Grecs & les Latins , fans que. la
rouille du pédantifme pût mordre fur lui" :
& toujours paré de ces manieres fi propres
à nous gagner les coeurs , & à nous concilier
les efprits , il ne fit jamais de divorce
avec les graces. Son extérieur même fem-.
bloit annoncer & répondre de ſes excellentes
qualités.
Aimable Prothée , qui fe reproduifoit
fans ceffe fous les formes les plus féduifantes
, il fatisfaifoit tour à tour , le Docteur
le plus profond , qui le croyoit auffi profond
que lui , & l'homme du monde , fouvent
le plus fuperficiel , auquel il fe mefuroit
complaifamment. Loin de fe prévaloir
d'une fupériorité fouverainement reconnuë
, il. fe mettoit toujours au niveau des
autres , & faifoit généreufement le facrifice
de fa réputation . Il n'appartient qu'à
des hommes de la trempe de feu M. l'Ab
bé Louet , de faire de ces fortes de facrifices
, qui doivent coûter fi cher à l'amourpropre,
il faut bien de la douceur dans
le caractére , & de la fupériorité dans l'efprit.
:
Quel parti ne fçavoit-il pas tirer , Meffieurs
, de ces aimables riens , de ces ingénieuſes
& élegantes bagatelles, qui font fi
A O UST. 1748. 153
•
fouvent le fujet des converfations du
monde poli , d'où la médifance & la mauvaife
plaifanterie font toujours fi févérement
"bannies ? Il varioit en cent façons
ces tours naïfs & délicats , qui lui étoient
propres . Toujours attentif à cacher à
propos
la fublimité de fon génie fous le voile
d'un innocent badinage , il fe faifoit en
même tems chérir & admirer de tout le
monde , fans exciter la jaloufie de perfonne
; talent bien rare , Meffieurs ! il étoit
parfait.
Je ne vous parlerai point , Meffieurs ;
connoiffez mieux
des ingénieufes & élegantes Poëfies de ce
grand homme que les Mufes carrefferent
jufque dans l'âge le plus avancé . Vous les
que moi . D'ailleurs nous
avons tout lieu d'efperer que l'impreffion
nous mettra quelque jour à portée d'en juger
, ou d'admirer , ce qui fera la même
chofe.
Ses talens pour la peinture exigeroient
auffi , Meffieurs , qu'un connoiffeur en fit
l'hiſtoire ou l'éloge : mais je me contenterai
de vous avouer modeftement que je ne
fuis pas digne de les célébrer. Je laiffe ce
bel endroit de fa vie à quelque nouveau
Félibien , qui nous dira ( fans doute ) qu'on
vit fouvent fortir de fon pinceau délicat
Gy
154 MERCURE DE FRANCE .
le gracieux de l'Albane avec la correction
de Vanlo ..
Mais que vois-je , Meffieurs ? Je vous
ai trop parlé de cet illuftre défunt : quoique
je n'aie encore qu'ébauché fon portrait
, vous laiffez couler des larmes , en
vous rappellant fes vertus, &je vous fais,
plus que jamais , appercevoir que la perte
que vous en avez faire eft irréparable , &
qu'il vous falloit un autre fujet que moi
pour le remplacer.
Plus le tableau que je vous retrace ici
Meffieurs , fera placé dans fon jour , plus
je dois naturellement m'éclipfer dans le
point de vûë , où il me convient de paroître
: & de-là , Meffieurs , quels mouvemens
ne s'élevent point dans vos ames !
Vous perdez à la fois un Sçavant du premier
ordre , uu Confrere aimable , & un
véritable ami .
Mais , Meffieurs , je m'attendris moimême
, & je fens qu'il eft tems que j'abandonne
les chofes de fentiment , pour vous
entretenir de ce qui conftitue effentiellement
l'homme de Lettres , le véritable
Académicien , en un mot les hommes tels
que vous.
A O UST. 155 1748.
REFLEXIONS fur l'Eloquence ,
l'Hiftoire & la Poefie.
L'Eloquence. J'ai toujours crû , Meffieurs
, que les trois principaux, objets d'u
ne Académie des Belles Lettres étoient
( entr'autres ) l'Eloquence , l'Hiftoire & la
Poëfie ; objets confidérables dans la Littérature
, & qui , chacun à part , exigent des
hommes fupérieurs.
Cette éloquence vive & mâle , foûtenuë
d'images telles que celles du grand Boffuet
, fera toujours du premier ordre :
l'enthoufiafine la produit ; le feu , la force
des expreffions la foûtiennent , & le fond
des chofes nous charme & nous enléve .
Rien de plus aifé , Meffieurs , que d'arranger
des mots pompeux ,
pompeux , fonores & éloquens
par eux-mêmes , .felon les régles de
la Rhétorique. Rien de plus aifé , Mef
fieurs , que de lier méthodiquement les
parties d'un Difcours , & y enchaffer des
figures ; tout le monde en fçait la marche ,
& ce n'eft prefque plus aujourd'hui qu'une
forte de méchanique , qui eft devenue le
partage des érudits , pour ne pas dire , des
pédans , mais qu'il eft difficile que les
beautés d'un Difcours fortent toutes du fujet
même ; que les expreffions foient préci
fément faites pour les penfées , & les em-
G vj
156 MERCURE DE FRANCE.
belliffent que les tours y foient toujours
dans la nature , les bienféances exactement
gardées , & que tout s'y place dans une
jufte proportion jufqu'au fentiment !
Il faut commencer par bien penfer , &
penfer fortement. La force , la fublimité
des penfées , faifoient le fond principal de
l'éloquence du fameux Démofthene & du.
célébre Boffuct. Il faut même quelquefois,
comme eux , s'écarter des régles ordinaires
, quand vous avez à peindre de grands
mouvemens , & éviter foigneufement l'e .
xactitude fcrupuleufe d'un génie refferré
par l'Art , qui met toute fon attention ,
j'ai penfé dire ) qui dépenfe tout fon efprit,
à faire paffer les régles & les figures à
la file , & qui tire tout fon luftre du faux
brillant d'une penſée fophiftiquée , ou de
quelque mor nouveau , fur lequel il fonde
fes fuccès , & fe joue avec complaiſance.
Froid & méthodique Orateur ,
Dont le jargon néologique
Tient lieu de ſtyle Académique
Et ne fait qu'un déclamateur.
L'Hiftoire. Quant à T'Hiftoire , Meffieurs
, je me perfuaderois prefque que
cette partie de notre Littérature eft trop
négligée , & que les François , qui peuvent
A O UST . 1748. 157
offrir des modéles aux autres Nations dans
tous les genres , n'atteindront jamais la
hauteur & la dignité des Grecs & des Latins
, peut-être pas même de ceux des modernes
qui ont eû chés eux de Guichardins,
& un autre que je pourrois nommer * , s'il
n'avoit eû le malheur, d'abufer quelquefois
de fon talent , en écrivant fur des matieres
refpectables , où la moindre inexactitude
eft un grand crime .
Les Thucidides , les Xénophons , les
Polybes , les Denys d'Halicarnaffe , les
Plutarques , les Tite - Lives , les Saluftes &
les Tacites , conferveront vraisemblablement
toujours leur fupériorité , même ſur
les de Thou & les Mézerai , & conféquemment
fur tous nos autres Hiftoriens ; à
moins que le fçavant Auteur ** de la vie
du Héros du Nord , chargé d'écrire l'Hiftoire
du meilleur Roi que la France ait
jamais eu , ( & peut- être du plus Grand , )
animé par des fuccès en ce genre fi juſtement
applaudis , aidé d'ailleurs par une
matiere qui ne trouve même pas de contradicteurs
chés nos ennemis , ne vienne ,
comme on eft en droit de l'efperer , à furpaffer
tous fes modéles.
La vérité doit être la baſe de l'Hiftoire,
* Fra Paolo.
** M . de Voltaire.
158 MERCURE DE FRANCE.
& celui qui l'écrit ne fçauroit être doué
d'une probité trop éminente & trop reconnue
: il faut des moeurs. A ce titre précieux
ajoutons encore , Meffieurs , ceux
de défintéreſſé , poli , verfé dans les grandes
affaires , exercé à la politique , & poffédant
toutes les graces du ftyle pour attacher
conftamment fes lecteurs .
La Poefie. Vous parlerai - je de la Poëfie ,
Meffieurs? Il femble qu'elle a fon temple
favori dans votre Académie , & que ce
foit chés vous que l'on doive venir le faire
initier à fes myftérés les plus fecrets .
C'est un Art fur lequel bien des gens
prennent le change. Tout le monde fait des
vers aujourd'hui , & tout le monde en fait
même de paffables , ( fi ce qui eſt paſſable
en ce genre pouvoit être compté pour
quelque chofe , mais rien de fi rare qu'un
Poëte, & qu'un vrai connoiffeur en Poëfie
.
Le Poëte , comme le Peintre, a toujours
les pinceaux à la main : plein du beau feu
qui l'anime , fes images font vives & frappantes
, fes caractéres forts & marqués , les
idées fublimes , fon coloris touchant &
gracieux : il eft l'interprête de la nature &
des mouvemens du coeur. Avouez- le
Meffie urs, il faut un génie créé tout exprès,
qui tienne quelque chofe du divin.
*
AOUST. 1748. 39
Le vrai connoiffeur en Poëfie fçait apprécier
les talens divers qui font les grands
Poëtes dans les differens genres. Il le gardera
bien de juger une Idille, ur, Madrigal,
une Epigramme , felon les loix rigoureufes
du Sonnet. Une élegante Epitre ne fera
point fubordonnée aux régles étroites d'u
ne Ode Pindarique . La Tragédie prendra
des tons plus bas que l'Epopée , fans rien
perdre avec lui des graces qui lui font propres
.
que
Des vers trop pleins d'enthouſiaſme ,
de force & d'énergie , déparent fouvent
un ouvrage , qui ne péche que par là même
l'Auteur a violenté fa verve à contretems.
Il y en a qui ne refpirent que la naïveté
, la douceur , la fimplicité , ( je dirois
prefque les négligences . ) Les Chapelle ,
les la Farre , les haulieu , nous en ont
donné d'inimitables en ce genre : & peutêtre
qu'où finit le fublime , commencent
ces fortes d'ouvrages fi pleins d'élégance &
d'aménité .
Vous le fçavez , Meffieurs , chaque efpéce
de Poelie a un caractére de fublimité,
de force , ou de fimplicité , qui lui eſt propre
; & ce font juftement ces nuances de
délicateffe , de goût & de fentiment , qu'il
eft fi difficile d'appercevoir & de fentir : ib
faudroit , Meffieurs , avoir d'auffi bons
160 MERCURE DE FRANCE.
yeux que les vôtres pour ne s'y méprendre
jamais .
Je finis , Meffieurs , mais il me reste un
fcrupule . Je n'ai fait que gliffer fur la
matiere la plus abondante que je pûſſe jamais
avoir à traiter .J'entends parler des éloges
qui font fi légitimement dûs à vos fuccès
& à vos talens fupérieurs dans tous les
genres que renferme votre Académie , qui
ne fe borne pas fimplement aux Belles Lettres
, puifqu'elle a des Phyficiens , des
Adeptes & des Botaniftes illuftres . Mais
j'ai craint que la postérité n'attribuât à un
excès de reconnoiffance ce qui n'appartient
qu'à la vérité , & je me fuis fait violence
, pour renfermer dans mon coeur des
fentimens d'admiration , qui dureront auffi
long-tems que ma vie.
ESTAMPES NOUVELLES .
E Sieur Petit, Graveur, ruë S. Jacques,
près les Mathurins , qui continue de
graver avec faccès la fuite des hommes Illuftres
du feu Sieur Defrochers , Graveur du
Roi , vient de mettre au jour les portraits
fuivans :
Guillaume Augufte d'Angleterre , Duc de
Cumberland , fecond fils de Georges de
Brunswick II . Roi de la Grande Bretagne. ,
né le 26 Avril 1721 .
A O UST. 1748.
167
Anne de Melun , fille de Guillaume de
Melun , Prince d'Epinoy , née en 1618 ,
& morte en 1679. On lit ces vers au
bas :
La grace fit en elle éclater fes miracles ;
Beauté , grandeur , richeffe , en vain flatoient fes
fens.
Le monde à fon falut en faifoit des obftacles ;
Le Ciel de fon falut en fit des inftrumens .
•
Marie-Angelique de Scorraille de Rouffilles
Ducheffe de Fontange , décedée le 28 Juin
1681 , âgée de 20 ans.
Godefroi-Guillaume Leibnitz , né à Leipfic
le 3 Juillet 1646 , mort à Hanover le 14
Novembre 1716. Ces vets , qui font au
bas , font de M. de Voltaire.
>
Il fut dans l'univers connu par fes ouvrages ,
Et dans fon pays même il ſe fit refpe&ter ;
Il inftruifit les Rois , il éclaira les Sages ;
Plus fage qu'eux , il fçut douter.
Evrard Gherardi , Auteur de l'Ancien
Théatre Italien , dont il donna la premiere
Edition en 1694. M. Daquin a mis au bas
ces vers :
Gherardi , le rival du fameux Dominique ,
Amufa tout Paris par fa veine Comique ;
162 MERCURE DE FRANCE.
pes ,
De fon Théatre il fut l'appui ;
Ses fuccès n'étoient dûs qu'à lui .
Le Sieur Daullé , Graveur ordinaire du
Roi , a gravé d'après les tableaux originaux
huit fujets , peints par M. Boucher.
Les quatre premiers repréfentent les quatre
Elemens : les autres font une Vendangeufe ,
une Marchande d'oeufs , une Souflenfe defavon
, & un Marchand d'oiſeaux. Ces eftamfort
bien exécutées tant pour la correction
du deffein que pour la gravûre , fe
vendent chés le Sieur Daullé , rue des
Noyers , la quatrieme porte cochere à
droite , en entrant par la rue Saint Jacques.
Il a dédié à M. le Comte de Bruhl , Premier
Miniftre du Roi de Pologne Electeur
de Saxe , celles dans lesquelles les Elemens
font repréſentés.
?
Le Sieur le Rouge , Ingénieur Geographe
du Roi, à Paris , rue des grands Auguftins,
publiera le premier Septembre unAtlas Général
, in 4. contenant 91 Cartes où fe
trouvent les quatre parties du monde ; les
Empires , les Royaumes , les l'rovinces de
France , de Hollande & d'Allemagne ; les
principales Ifles , un Plan de Paris , les Pavillons
des Vaiffeaux , & une petite introduction
à la Geographie , le tout dreffé fur
A O UST.
1748. 163
une échelle commode pour les Officiers
les Voyageurs.
&
pour
Les Cartes enrichies de vignettes font
gravées avec la derniere propreté ; on
peut dire que l'Auteur n'a rien épargné
pour rendre cet ouvrage utile aauu public ;
il convient parfaitement à ceux qui fouhaitent
avoir un recueil de Cartes complet
fans y mettre beaucoup d'argent.
DESCRIPTION du nouvean Théatre
du College de Louis le Grand , pour la
Tragédie qui précéde chaque année la diftribution
des Prix fondés par le Roi.
Et Ouvrage de peinture , qui a de
,
tion & 30 de profondeur , préfente un
Temple confacré aux Beaux Arts , fous les
aufpices & la protection de Sa Majesté.
Le milieu de ce Monument , qui eft
feint en Tour ronde , eft ouvert réellement
par une grande arcade de 12 pieds, de largeur
fur 28 de hauteur. Les pieds droits en
font compofés de groupes de colonnes, au ,
deffus defquelles regne un entablement ,
qui eft fuppofé retourné dans l'intérieur
du Temple , & qui fert d'impofte aux
grands archivoltes des arcades qui y don-
+
t
164 MERCURE DE FRANCE.
que
nent entrée. Sur celle de devant eft un atti
circulaire feint en Tour creufe ; cet at
rique eft orné de deux cariatydes qui foutiennent
une corniche portantune baluftra
de , formée d'entrelas , fur les piedeſtaux
de laquelle , aux deux extrémités , font des
groupes d'enfans , qui par leurs allégories
repréfentent d'un côté le Génie qui préfide
à la Guerre, & de l'autre, celui qui préfide
aux Beaux Arts. Au bas de ces cariatydes
fur les groupes de colonnes qui portent
l'archivolte , font placées d'un côté les Armes
de France , & de l'autre celles de Navarre
, accompagnées de Génies occupés à
les grouper avec des palmiers , des branches
de lauriers , d'oliviers , & c. Sur le
claveau de cette arcade eft une agraphe ,
aux deux côtés de laquelle font des cornes
d'abondance , qui répandent, fur la courbe
de l'archivolte , des récompenfes propres àકે
exciter l'émulation des différens génies ,
caractérisés par leurs fymboles.
Tout cet attique , qui eft feint de bronze
rehauffé d'or , à l'exception des nuds
qui font feints de bréche violette, foutient
un groupe de figures feints de marbre blanc,
élevé fur cinq gradins de forme ellipti
que , fur l'éminence defquels eft affife la
Statue du Roi , couronnée de lauriers , le
bras appuyé fur fon fceptre , ayant à fes côA
O UST. 1748. 165
tés fur les gradins inférieurs Mars &
Apollon , celui- ci défigné par fa lyre , &
Mars par fon cafque & fon bouclier . Aux
pieds du Monarque on voit Hébé qui pré- ·
Tente à Sa Majefté la Jeuneffe , annoncée
par une multitude de Génies également
empreffés à mériter & à recevoir les libéralités
que le Prince accorde aux Beaux
Arts , aux Talens & aux Vertus Militaires,
qui font le plus ordinairement le partage
de la Nobleffe , & auxquelles elle fe prépare
déja dans les Colleges par les exercices
Académiques & par les combats d'efprit
& d'émulation . C'eft l'enfance & le
berceau des Héros.
Ce groupe de figures a donné occafion
de diftribuer dans toute l'étendue de cette
décoration , du côté de Mars , les attributs
qui peuvent caractériſer la valeur , défignée
par les plus fameux Héros de l'antiquité
, & du côté d'Apollon , les Perfonnages
qui fe font le plus diftingués dans la
carrierè de l'Eloquence & de la Poëfie , ce
qui fait qu'on a placé , au pied de cet
avant-corps à gauche , Hercule combattant
l'Hydre de Lerne , & à droite , Orphée
, qui par les charmes de fa lyre apprivoife
les animaux les plus farouches .
Ces deux Statue font de bronze antique,
r.hauffées d'or. •
166 MERCURE DE FRANCE.
'
Dans le fond de cette grande arcade ;
fur un corps reculé réellement de 10 pieds,
fe voit l'intérieur du Temple , terminé par
une coupole ornée d'une balustrade, qui eft
foutenue par de grandes confoles enrichies
de guirlandes , au milieu defquelles , fur
l'archivolte du fond font pofées desRenommées.
Aux deux côtés de la retombée de
l'Arc, font placés des Génies, lefquels couronnent
les groupes de colonnes qui for
ment les pieds droits de cetre arcade , au
bas defquels font repréfentés par quatre
Statues de bronze antique les Arts Civils
& Militaires. :
Au fond de cette double arcade , fur un
corps reculé d'un pied , eft feinte une étendue
fort fpacieufe , dans laquelle eft exprimée
la profondeur & le retour des aîles
d'une partie de ce vafte Edifice , qui paroît
élevé fur une grande terraffe revêtue de
grands efcaliers , lefquels annoncent la diverfité
des plans de ce Monument , au pied
duquel est une caſcade ornée de fleuves ,
de groupes d'enfans , d'animaux , &c.
*
Aux deux côtés de cet avant-corps du
milieu , & für un corps réculé réellement
de 3 pieds, s'étendent deux grandes colonnades
feintes de forme circulaire concave,
dans le milieu defquelles , de chaque côré ,
font affectées des galeries , qui par l'effet
A O UST. 1748. 167
du clair obfcur & de la perfpective percent
avantageufement ces deux grands corps
folides couronnés l'un & l'autre par des
balustrades , fur lefquelles font diftribuées
des Statues dans l'ordre qui fuit.
Du côté de Mars , font Alexandre , Scevole
, Annibal , Scipion l'Afriquain , Céfar
, &c. Du côté d'Apollon , font Homere,
Sophocle , Euripide , Virgile , &c. Toutes
ces Statues font feintes de marbre blanc.
Celles qui font au pied des colonnes, font
diftribuées dans le même ordre , c'est- à- dire
, que du côté d'Hercule font Pirithous ,
Thefée , & Perfée ; du côté d'Orphée , font
Tyrtée , Amphion & Arion , ces dernieres
Statues feintes de bronze antique , rehauffées
d'or. Les Statues qui font dans les niches
des colonnades, repréfentent, du côté
de Mars , la gloire des Princes & la valeur;
celles du côté d'Apollon repréfentent Thalie
& Terpficore , ces quatre figures feintes
de bronze rehauffées d'or.
Au- devant de cette colonnade , fur les
extrémités de la droite & de la gauche
font deux avant-fcénes , diftantes du fond
du Théatre de 20 pieds , & de la largeur
de 15 pieds , percées à jour , pour laiffer
voir de part & d'autre l'étendue des
Ballets généraux , & la décoration de derriere
, qui , fans cette efpace vuide , auroit
168 MERCURE DE FRANCE .
été maſquée. Ces deux ayant-fcénes font
couronnées de grands focles qui pofent
fur l'entablement , & fur chacun defquels
eft un grand Médaillon . Dans celui du côté
de Mars , fe voit l'action d'une Bataille fi
fameufe en ces derniers tems; ce Médaillon
eft entouré de Génies qui érigent des trophées
, & qui forment tous enfemble un
groupe , au-deffus duquel eft un piedeſtal
terminé par Clio , qui femble tranfmettre
à la postérité les merveilles de cette célebre
journée. Dans le Médaillon qui eft du
côté d'Apollon , on voit la repréſentation
d'un Cirque des Anciens , pour exprimer
l'origine du Théatre ; ce Médaillon eft
auffi entouré de Génies , les uns occupés à
méditer , les autres à préparer des guirlan
des pour la décoration de la Fête . Au- deffus
de ce groupe , eft auffi un piedeſtal qui
foutient Melpomene, & qui fait fymmétrie
à Clio qui lui eft oppoſée ; toutes les deux
feintes de marbre blanc , ainfi que les Génies
des groupes de deffous , au milieu def .
quels fe trouvent les Médaillons dont nous
venons de parler , qui font feints de bronze
antique rehauffé d'or .
Toutes ces figures , les baluftrades , l'avant-
corps du milieu , & le groupe fupérieur
, étant détachés du fond du Théatre ,
font chantournés & paroiffent de ronde
bolle
A OUST 1748. 169
hoffe , par l'effet des ombres & de la perſpective
qui y font obfervées ..
L'ordre des colonnes , qui compofent la
plus grande partie de cet Edifice , eft compofite.
Leur fût & la frize de l'entablement
font feints de marbre de breche violette ;
les focles au-deffous des bazes , de rance ;
les piedeftaux des figures au - devant , de
verd campan ; les nuds des murs , de bleu
turquin ; les piedeftaux de la Balustrade ,
feracolin , & tous les ornemens , tels que
les bazes , chapitaux , architrave , corniche
, baluftres , clefs , impoftes & archivol
tes , font feints de bronze rehauffé d'or.
Ce Monument eft réellement élevé fur
un foubaffement de quatre pieds & demi
de hauteur , feint de pierres ruftiques , aux
deux extrémités duquel font deux Baluftrades
auffi de pierre , fur l'une defquelles ,
du côté de Mars , eft un Lion , & du côté
d'Apollon , un Sphinx.
Au-deffus de cet Edifice s'éleve un ciel
de toute la hauteur du Théatre , où l'on a
affecté un fimple horifon , quifert de fond
à cette décoration, dont l'objet principal a
été de repréſenter un Ouvrage d'Architec .
ture , qui par les préceptes de l'Art & la
faillie réelle des Plans , en même- tems que
par les régles de la perfpective , forme certe
illufion ingénieufe que l'on a cherché à
H
170 MERCURE DE FRANCE.
répandre dans l'harmonie générale de tou ."
tes les parties.
Cette Décoration , une des plus belles
qu'on ait vûës , a été peinte par les fieurs
Tramblin & Labbé , fous la conduite de
Jacques - François Blondel , Architecte &
Profeffeur,
On en donnera inceffamment au Public
l'Estampe , qui fe vendra à Paris chés l'Auteur
, rue des Grands Cordeliers , Fauxbourg
S. Germain , chés le fieur Tramblin , à l'Hôtel
Royaldes Gobelins , & chés le fieur Lałbé , au
Château de l'Arcenal,
L
SPECTACLES.
A grande réuffite de l'ingénieux Ballet
du Carnaval & de la Folie caufera.
ce mois- ci la difette de notre article des
Spectacles. Nous ne pouvons mieux dédommager
le Public de cette ftérilité ,
qu'en lui donnant ici un Extrait du Portrait
du Grand Monarque , Ballet d'une invention
très -fpirituelle & très-judicieuſe ,
danfé au Collège de Louis le Grand le
Mercredi 7 Août de la préfente année , &
fervant d'intermédes à la Tragédie de Se*
AIX
re
O
lices de la terre
Fin
jamais. succede
au
어
urs
Larn
W
dissipe
nos
al
charmes aimable
PUBLIC
LIEL
ASTOR
SEENO
. MILDER
A O UST. 1748. 171
foftris , repréfentée le même jour. *
Voici le deffein & la divifion de cette
Piece délicate, que nous ne pouvons mieux
rendre , qu'en empruntant les termes pro
de l'Auteur dans fon Programme pres .
Nous n'ofons nous flater de raffembler
ici tous les traits qui caractérisent le grand
Monarque ; nous ne promettons qu'une
légere ébauche . Nos Spectateurs fuppléeront
aifément à ce qui pourra manquer à
la perfection du Tableau , étant fi près du
modéle de toutes les qualités qui concourent
à former un grand Roi ; nous nous
bornons à ces quatre principales qui renferment
ou fuppofent les autres. Le grand
Monarque eft tout à la fois l'amour & les
délices de fes peuples , la terreur & l'admiration
de fes ennemis , le modéle & l'ame
de fes guerriers , la reffource & la fûreté
de fes Alliés . Il offre aux premiers un Pere
digne de leur tendreffe ; aux feconds un
Héros digne de leur admiration ; aux troifiémes
un modéle digne de leur imitation ;
aux derniers un ami digne de leur confiance.
Ces quatre objets differens ferviront
de matiere aux quatre parties du Ballet.
L'ouverture s'en fait par des Peuples
fans police & fans loix , errans à l'aventure
* On trouvera dans l'article fuivant le Plan dè
cette Tragédie.
1
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
au gré de leur inſtinct. Jupiter leur envoye
du Ciel un Monarque , image vifible de la
Divinité ; il paroît fur un Trône brillant
au milieu des vertus Royales , qui en rehauffent
l'éclat & en affûrent les fondemens
; les Peuples éblouis reculent en tremblant
, mais la clémence & l'affabilité tempérent
la majefté , & invitent les Sujets à fe
rapprocher du nouveau Maître ; le refpect
trop timide fait place à l'amour , les Peuples
charmés entreprennent d'éternifer la
gloire du Monarque bien aimé ; la Peinture
vient au fecours de la reconnoiffance
la vérité broye les couleurs, & c. Cet Exorde
eft compofé de deux Entrées.
Premiere Partie. Le grand Monarque
offre à fes Peuples un Pere digne de leur
tendreffe .
fa
Dans la premiere Entrée, c'eft un Pere at
tentif qui veille à leur repos aux dépens de
propre tranquillité. C'eft Agefilas , Roi
de Lacedemone , qui quitte fans hésiter les
délices de la Cour,pour calmer les allarmes
que caufe à fes Peuples la guerre déclarée
par Artaxerxés.
Dans la feconde , c'eft un Pere généreux
qui facrifie à leur bonheur jufqu'à la propre
gloire. C'eft Augufte , qui ferme le Temple
de Janus dans le tems qu'il peut cueilfir
mille nouveaux lauriers.
A O UST. 173 1749.
Dans la troifiéme , c'eft un Pere tendre
qui vole à leur défenſe , au riſque même
de fa vie. C'eft Théodofe , vainqueur des
Goths, qui fur le point de partager avec fes
Peuples les fruits d'une victoire qui n'a rien
de flateur pour lui que ce qu'elle a d'avan-
#ageux pour eux , épuifé des fatigues de la
guerre,tombe malade à Theffalonique.Cette
allégorie n'eft pas obfcure , & la France
n'oubliera jamais le trifte évenement qui
l'a occafionnée .
Les trois autres Parties de ce Ballet ne
font pas traitées avec moins de fineffe . Les
bons François , admirateurs impartiaux de
l'héroifme , fçauront gré à l'Auteur d'avoir
cité , à la gloire de M. le Comte de Saxe' ,
la justice rendue au fameux Bertrand da
Guefclin par Charles furnommé le fage.
Tout le Programme de ce Ballet allégorique
mériteroit d'être entierement tranfcrit.
Les traits hiftoriques font choifis par
un jugement für & délicat; les applications.
heureufes fe fuccedent fans dégenérer.
Les danfes variées de ce noble Ballet font
de la compofition de M. Dupré , Maître
de l'Académie Royale de Mufique & de
Danfe.
Le Programme de cet ouvrage , digne
d'être lû fans Extrait , fe vend chés Thibouft,
Imprimeur du Roi , Place de Cambray.
Hüj
174 MERCURE DE FRANCE.
La Comédie Françoife a remis fur fon
Théatre la Métromanie , Comédie en cinq
Actes en vers , de M. Piron , fi connn par
fes ouvrages , toujours pleins d'un feu vif
& léger.
La Comédie Italienne continue les re
préfentations de l'Année merveilleuse , &
du charmant Ballet qui la termine .
SESOSTRIS , Tragédie représentée an
Collège de LOUIS LE GRAND.
SEſoftris
SUJET.
Efoftris le Grand , Roi d'Egypte , à qui le
nombre la rapidité de fes Conquêtes
mériterent le glorieux furnom de Roi des Rois,
fe rend enfin à fes Peuples après une longue
abfence , prend la réfolution de s'affocier à
l'Empire l'amé de fes fil's. Mais pour n'avoir
point à fe repentir d'une démarche préci
pitée , il éprouve auparavant fes fentimens &.
fes difpofitions.
La Scéne eft à Memphis , dans le Palais
du Roi.
ACTE PREMIER.
Ozimas , étonné du retour furtif du Roi
fon Maître , lui demande quel motif l'en
AOUST. 1748. 175
the
gage à cacher dans fa propre Cour le Conquérant
de l'Europe & de l'Afie , qu'une
abfence de quatorze ans n'a fait que rendre
plus cher à fes Peuples. Sefoftris répond à
fon Miniftre , qu'un deffein plus grand que
toutes fes conquêtes l'oblige d'en fufpendre
le cours ; qu'il s'agit de former à l'Empire
un Succeffeur digne de lui ; qu'il va
partager avec fon fils le Sceptre & la Cou-
Tonne , mais qu'il veut éclaircir auparavant
quelques bruits injurieux à la fidélité du
jeune Prince ; que pour faciliter l'épreuve
qu'il médite , il eft à propos qu'il paroiffe
à la Cour fous un nom emprunté . Il fe re-
'tire , & donne ordre à fon Miniftre d'écarter
de fa préfence tous les vieux Courtifans
qui pourroient le reconnoître. Rhamniti-
'cus , qui n'a garde de croire fon pere fi près
de lui , fe laiffe aller aux tranfports de fa
joye fur les affûrances que lui donne Ozimas
, que le Roi fon pere n'eft qu'à quelques
journées de la Capitale ; il voit arriver
fon cher Amafis , à qui il fait part des
épanchemens de fon coeur . Celui- ci ne peut
refufer quelques foupirs au fouvenir douloureux
que lui rappelle le bonheur même
-de fon ami. Il envie à Rhamniticus les tendres
embraffemens d'un pere , avantage
dont les deftins l'ont privé , en lui enle
vant dès le berceau l'auteur de fes jours,
H tiij
76 MERCURE DE FRANCE.
>
Rameffes , dernier rejetton d'une famille
autrefois régnante , vient annoncer au jeune
Prince , qu'un inconnu nommé Aribas
(c'eft le nom qu'a pris Sefoftris pour fe déguifer
) arrive de l'armée. Rhamniticus
court fçavoir de l'Etranger des nouvelles
de fon pere. Rameffes , ennemi fecret du
fang de Sefoftris , fe confole avec fon Confident
du retour du pere , par les foupçons.
qu'il a fait paffer jufqu'à lui fur les fentimens
& les difpofitions de fon fils . Ozimas,
qui commence à entrevoir la trahiſon
vient rompre l'entretien , & s'explique affés
nettement avec le perfide Rameffes fur les
nouvelles preuves qu'il a de fes brigues
fecrettes. Celui- ci reçoit avec hauteur les
reproches d'Ozimas , & le quitte brufquement.
Sefoftris reparoît , & découvre à fon
Miniftre un fecret qu'il avait tenu caché
-jufques-là : il lui déclare qu'Amafis , qui
pleure depuis fi long-tems la mort d'un pere
qu'il ne connut jamais , eft fon propre
fils , mais que fon expérience perfonnelle ,
fondée fur les révoltes paffées de fon frere
Armaïs , lui ayant appris qu'un Trône foutenu
fur deux appuis n'en eft fouvent que
plus chancelant, il avoit fait paffer le cadet
de fes enfans pour le fils d'un étranger
réfolu de lui rendre les droits de fa nailfance
, s'il reconnoiſſoit en lui affés de verAOUST.
1748. 177.
ur
pour
n'en pas
abufer
; qu'inconnu
à fes
deux
fils , encore
au berceau
quand
il quitta
Memphis
, il alloit
fous
le nom
d'Aribas
fonder
leurs
fentimens
les plus
intimes
;
qu'il
avoit
fait
enlever
en fecret
un Javelot,
dont
fe fervoit
Amafis
pour
chaffer
dans
la Forêt
voisine
, & qu'il
avoit
reçû
de
Rhamniticus
comme
un gage
de leur
mu
tuelle
amitié
. Sans
s'expliquer
davantage
,
il ordonne
a Ozimas
de lui ménager
ung
entrevûe
avec
l'aîné
de fes fils.
ACTE II
Rhamniticus fe plaint à Ozimas , de co
qu'il femble écarter de fa vûe l'Etranger
qu'il croyoit un Envoyé de fon Pere: Ozi
mas lui promet une entrevûe prochaine
avec l'inconnu , qui paroît en effet fous ls
nom d'Aribas . Rhamniticus l'appercoît, &z
fent au fond de fon coeur le cri de la nature,
mais fans pouvoir encore en dévelop
per le principe. Il demande à l'Envoyé ce
qu'il a à lui annoncer de la part de fon Pe--
re. Sefoftris ne répond d'abord que par un
profond foupir. Prince, s'écrie- t'il enfuite,
je pleure le plus grand des Monarques ,
pleurez le meilleur des Peres. Sur le point
d'arriver , l'impatience d'embraffer un fils
tendrement aimé a obligé le Roi de s'écarter
de fa troupe ; il prend les devants &
Hv
178 MERCURE DE FRANCE.
6
s'engage avec moi dans la forêt voiſine . Un
Javelot , parti d'une main inconnue , lui
perce le flanc , & vous laiffe avec le
Trône un Pere à venger.Rhamniticus ,frappé
comme d'un coup de foudre , fait fucceder
aux premiers éclats de la douleur les
tranfports de la vengeance . Il demande où
eft le Javelot enfanglanté , pour en percer
l'affaffin , ou pour s'en percer lui-même
s'il ne peut le découvrir. Sefoftris répond
qu'il a voulu dérober à fes yeux un fpectacle
fi douloureux ; il obéit cependant & va
chercher le Javelot meurtrier. Pendant que
Rhamniticus donne un libre cours à fes
larmes , furvient Ozimas qui affecte un air
de confternation , en confirmation de las
trifte nouvelle. Dépofitaire du fceptre en
l'abfence du Roi , il veut remettre ce précieux
dépôt entre les mains du Prince Hé
ritier; Rhamniticus jure par l'ombre fan
glante du Roi fon Pere , que le fceptre ne
paffera point dans fa main , qu'il ne l'ait
trempée dans le fang du coupable. Sefoftris
reparoît avec le funefte Javelot. Rhamniticus
furieux faifit le cruel inftrument de
fes douleurs. Quelle eft fa furpriſe quand
il reconnoît le Javelot dont il avoit fair
préfent à fon cher Amafis ! C'eft alors que
commencent dans fon coeur ces violentes
alternatives de l'amour filial & de l'amitié
A O UST . 1748. 179
Ja plus tendre. Il veut tout à la fois venger
le Pere affaffiné , & fauver l'ami meurtrier.
Au milieu de ces cruel combats , il apperçoit
le trifte objet qui les caufe ; Amafis ,
informé de la funefte catastrophe , vient
mêler fes pleurs à celles de fon ami . Rham
niticus jette fur le coupable un regard mê
lé de fureur & de tendreffe . Il lui ordonne
de fe dérober à fa vûe , & s'il fe peut
fon coeur. Amafis confterné demande quel
eft fon crime ; Rhamniticus eft fur le point
de lui prononcer fon crime & fon Arrêt.
Il fort brufquement , il va dit- il venger
fon Pere , mais ce n'eft qu'en fuyant qu'il
peut pourfuivre fon ennemi . Amafis reſté
feul , ne fçait que penfer de ce qu'il vient
d'entendre ; fon coeur lui dit qu'il eft innocent
, fon ami lui fait entendre qu'il eft
coupable ; c'en eft affés pour lui , c'eft l'être
en effet que de le paroître aux yeux d'un
ami. Il court lui porter fa tête , heureux de
pouvoir laver dans fon fang un crime qu'il
Ignore.
ACTE III.
Sefoftris , peu touché de voir à fes pieds
prefque tous les Sceptres de l'Europe & de
PAfie , avoue à fon Miniftre que pour être
le plus heureux des Rois , il lui manquoit
d'être le plus heureux des Peres , mais que
H vj
180 MERCURE DE FRANCE
1
a tendreffe & les larmes de Rhamniticus,
dont il vient d'être témoin , commencent
à lui affurer un bonheur plus cher à fon
coeur que tous les triomphes. Ozimas le
preffe de rendre enfin au Prince affligé un
Pere acheté par tant de pleurs & de fou
pirs. Sefoftris répond qu'un amour qui ne
fçait que donner des larmes , n'eft pas digne
de lui . Le bras de fon fils levé für Ama--
fis, prêt à immoler à l'amour filial l'amitié
la plus tendre , voilà le fpectacle dont il
eft jaloux. Rameffes , averti par Ozimas
que l'Etranger arrivé de l'armée a quelque
chofe à lui communiquer , paroît devant
Sefoftris , qu'il prend pour Aribas , parcequ'éloigné
de la Cour dans fa jeuneffe , il
n'a pu le voir ni le connoître. Le Roi ,
bien informé que Ramefles eft l'auteur des
bruits femés contre fon fils , pour fonder à
fon tour le délateur , lui fait une fauffe
confidence. Il lui donne à entendre que
les foldats ne verroient pas volontiers à
leur tête un jeune Prince fans expérience
& qu'un Seigneur , qui joindroit à la Nobleffe
du fang la maturité de l'âge , auroit:
bien-tôt réuni tous les fuffrages. Le crédu
le Rameffes fent toute fon ambition fe réveiller.
Sans fe développer tout entier , ill
en dit affés pour faire comprendre qu'il ne
tiendra pas à lui que l'Egypte n'ait bien-tôm
AOUST. 1745. 188
an nouveau Maître. Sûr du fuffrage dir:
Eaux Aribas , il fort pour lier fa partie . Se
foftris s'applaudit d'une découverte , qui
fert de nouvelle preuve à l'innocence de
fon fils . Il l'apperçoit dans ce moment , &
l'exhorte à fufpendre enfin le cours de fes:
larmes . Rhamniticus répond qu'il feroit
trop heureux s'il n'avoit que des larmes à
répandre : c'eft du fang qu'il faut verler ,
& quel fang ? Sefoftris ajoûte que dépofi
raire des derniers foupirs du Roi mourant,
il peut mieux que perfonne interpréter fes
volontés , qu'il ne croit pas que fon ombre
plaintive demande un facrifice fi doulour
reux. Rhamniticus croit appercevoir cette
ombre inexorable , qui lui reproche déja
une vengeance trop tardive. Saifi tout- àcoup
d'un tranfport généreux d'indigna
tion contre lui-même , il ordonne qu'on
lui conduife la victime chargée de chaînesi .
Sefoftris attendri fent que les larmes lui
coulent des yeux , il fe retire à l'écart pour
ne pas trahir fon fecret . Rhamniticus com
mence déja à fe repentir de l'ordre fangui
naire qu'il vient de donner , lorfqu'Amaſis
chargé de chaînes vient lui demander, nom
plus comme à fon ami , mais comme à fon³
Jage , de quel crime il s'eft rendu coupable.
Il avoue qu'il n'en reconnoît point
Jautre enlui, que d'avoir ofé porter fon ame
182 MERCURE DE FRANCE.
bition, jufqu'à être l'ami du fils de fon Roi,
Rhamniticus ne répond d'abord qu'en fou
pirant puis tirant de fon fein le Javelot
encore teint de fang ; Malheureux , s'écrietil
, ce fang eft celui de mon Pere & le
mien , voilà votre crime , & dans un feul
tous les crimes à la fois . Amafis frémit à ce
difcours , il veut faifir le Javelot pour s'en
percer lui- même ; Rhamniticus l'écarte ;
mon Pere , dit- il , n'eft pas vengé , s'il ne
l'eft par ma main.... Il eft fur le point de
frapper . Au milieu de l'horreur & du trouble
, Ozimas vient rapporter au Prince un
mot échappé à Aribas , fçavoir , qu'en verfant
le fang d'Amafis , on verfe de nouveau
le fang du Roi. Rhamniticus effrayé furfeoit
l'exécution , & va chercher l'éclaircif
fement du funefte fecret. Sefoftris rentre ,
& fe fait un triomphe de la victoire que le
Pere vient de remporter fur l'ami ; mais il
exige un dernier facrifice qui met le comble
à tous les autres , c'eft celui de l'amour
fraternel. Il va tout préparer pour cette
épreuve , la plus douloureufe pour fon fils,
mais la plus glorieuſe pour lui.
ACTE IV.
Rameffes enyvré de fes projets chiméri
ques , & encouragé par la fauffe confidence
de celui qu'il croit Aribas , s'applaudie
A O UST. 1748: 183
avec Apries du retour de la fortune qui
femble applanir fous fes pas tous les obſtaeles.
Le Trône vacant , la mort du Tyran,
la foibleffe de l'héritier préfomptif, la légereté
d'un Peaple ami de la nouveauté
font , felon lui , autant de dégrés qui affûrent
& facilitent fon élévation prochaine.
Il efpere que la mort d'Amafis , qui va fervir
de victime aux Mânes du Roi , excitera
les murmures du Peuple , charmé depuis
long- tems des belles qualités du jeune Seigneur
, & que l'indignation publique , rejailliffant
fur le Prince vengeur de fon Pere
, précipitera la révolution . Rhamniti
cus, toujours en proye à fes cruelles perplexités
, vient décharger fon coeur dans le
fein de Rameffes , dont il ne s'avife pas de
foupçonner la fidélité. Il fent que fon Pere
lui demande un vengeur , mais l'efpece
d'oracle ambigu, qu'on vient de lui pronon
cer , retient fon bras. S'il en croit Aribas ,
c'eft verfer de nouveau le fang de fon Peret
que de verfer celui d'Amafis. La piéré lui
prefcrit tout à la fois , & lui défend la vengeance
: comment fatisfaire à deux'devoirs
qui fe détruifent : Le traitre met tout en
oeuvre pour hâter un facrifice qui l'achemi
ne à fon but. Il lui fait envifager le préten.
du fecret d'Aribas , comme un artifice in→
venté fouftraire la victime au coup
pour
184 MERCUKE DE FRANCE:
qu'elle mérite . Rhamniticus condamne fà
erédulité & fes timides lenteurs. Il déclaré
qu'il va fatisfaire enfin aux ordres de fon
Pere mourant , trop long-tems éludés . Lé
perfide Rameffes va de fon côté préparer la
revolution qu'il médite . Sefoftris arrive ;
Rhamniticus lui défend de paroître en fa
préfence , il lui reproche d'avoir voulu dé
rober à fa vengeance , la victime que lui
demande fon Pere par un fecret ſimulé ,
dont il a enfin découvert le reffort & l'artifice.
Sefoftris répond qu'il a de quoi . fe
juftifier , mais il veut qu'Amafis partage la
confidence qu'il a à lui faire. On mande
Amafis ; il paroît toujours plein de l'image
de fon crime. Sefoftris jette fur lui un regard
de compaffion , & lui dit qu'il ne
connoît encore que la moitié de fes malheurs.
Meurtrier de fon Roi , depuis long
tems fans pere , déformais fans ami , Ama
fis demande s'il eft encore pour lui de nouveaux
malheurs à redouter. Plût à Dieu
qu'Amafis ne fût que le meurtrier de fon
Roi , reprend Sefoftris ; il tire en même
tems un Écrit qu'il préfente à Rhamniticus.
Celui -ci reconnoît la main de fon Pere ...
Il fe trouble en lifant : il recule , il frémit,
& ne peut prononcer que ces paroles : Ab
man frere ; Amafis faifi d'horreur n'ofe en-
Gore fe croire parricide . Convaincu par
ا ع
A O UST. 1745. 185
fatal écrit , il s'abandonne à toutes les fu
reurs du defefpoir. Rhamniticus , obligé
de venger un pere fur un frere , fent naî
tre dans fon coeur les terribles combats ,
non plus de la nature contre l'amitié , mais
de la nature contre la nature , L'amour d'un
Pere , foutenu des inftances réiterées
du coupable , prend enfin le deffus. Il ne
demande qu'une grace aux Mânes de fon
Pere , c'eft de lui épargner le barbare fpectacle
d'un frere expirant fous fes coups . Il
conjure Aribas de prendre fur lui l'exécution
du fanglant Arrêt , & d'immoler à fon
Pere deux victimes au lien d'une . Dans ce
moment , Ozimas vient annoncer que le
perfide Rameffes a levé le mafque , & qu'il
s'avance en armes vers le Palais. Les deux
freres , juftement indignés d'une trahifon
qu'ils regardent comme un nouvel attentat
contre la mémoire de leur Pere , courent
lui immoler cette premiere victime , qui
fera bien-tôt fuivie des deux autres. Sefoftris
ordonne Ozimas de fuivre fes deux
fils , & de retenir leur ardeur bouillante.
Il va fe préparer à châtier les efforts méprifables
d'un Sujet révolté , & à couronner
les facrifices héroïques de l'amour filial
ACTE V.
Ozimas rend compte au Roi des meſu
186 MERCURE DE FRANCE.
res qu'il a prifes pour déconcerter les pro
jets du rebelle Rameffes , & pour contenir
dans l'enceinte du Palais l'ardeur généreufe
des deux Princes .Rameffes vient demander
par la bouche d'Apries une entrevûe
avec le Prince Rhamniticus , pour juftifier
à les yeux l'apparente irrégularité de fa démarche
, dont le motif n'eft au fond que
de lui affûrer la Couronne à lui-même >
contre les brigues ambitieufes que la mort
du Roi ne manquera pas d'exciter . Ozimas
démêle aifément l'artifice groffier , qui ne
tend qu'à livrer la tête & la perfonne du
Prince à la difcrétion du rebelle . Il renvoye
fon émiffaire avec mépris . Mais Sefoftris
ordonne au Miniftre d'introduire le traî
tre , qui court de lui- même au- devant du
fupplice dû à fes crimes. Il veut feulement
qu'on redouble la garde du Palais. Rhamniticus
paroît avec fon frere , & appercevant
Sefoftris : le maffacre d'un Pere , lui
dit-il , la perte prochaine d'un ami , & dans
l'ami celle d'un frere , une Couronne prête
à m'échapper , la trahiſon de Rameffes ,
voilà jufqu'ici tous mes malheurs ; c'étoit
trop peu pour y mettre le comble , Aribas
me trahit. Sefoftris , ou le faux Aribas , affecte
un grand air de furpriſe fur une accu
fation fi peu attendue , il ajoûte fort férieufement
que c'est mal le connoître que de le
A O UST. 1748. 187
croire capable d'une perfidie. Amafis veur
juftifier l'accufé , il fent au fond de fon
coeur une voix fecrette qui fait fon apologie.
Rhamniticus répond que la trahiſon
eft avérée , & que Rameffes s'eft vanté d'une
conference fecrette avec Aribas , où ce-
-lui- ci s'eft engagé à foulever en fa faveur
toute l'armée . Il fait les reproches les plus
fanglans au prétendu coupable , qui feul
dépofitaire des derniers foupirs du Roi , eft
le premier à fe déclarer contre fon fang.
Dans le tranfport de fon indignation il eft
fur le point de lever fur Aribas un bras parricide
; il eft faifi tout-à- coup d'une fecretre
horreur ; la nature s'explique affés pour
fufpendre fon bras , mais trop peu pour lui
défiller les yeux. L'accufé demande pour
toute grace qu'on lui permette d'exécuter
un dernier ordre du Roi mourant , qui lui
rendra toute fon innocence. Il difparoît ;
Rhamniticus dans le trouble où il eft , ne
fçait que penfer de ce qu'il voit , de ce qu'il
entend , & furtout de ce qu'il fent dans luimême
. Ozimas vient augmenter fes perpléxités
, il fait apporter le Trône du Roi.
Les douleurs d'Amafis fe renouvellent à ce
fpectacle , il apperçoit le Trône , il y cherche
fon Pere , & n'y rencontre que le fouvenir
de fon crime . Rhamniticus étonné
demande au Miniftre raifon d'un procedé
188 MERCURE DE FRANCE.
fi bizarre ; j'exécute , répond Ozingas , un
dernier ordre du Roi mourant , que m'a
fignifié Aribas fon interpréte, mais dont j'ignore
le motif. Rameffes paroît fuivi de fes
fatellites. Voilà, voilà , s'écrie Rhamniticus ,
pour qui le perfide Aribas a fait préparer le
Trône de mon Pere. Il enviſage fierement
l'Ufurpateur , & lui reproche la noirceur
de fa trahifon . Celui - ci ordonne à fes foldats
de le délivrer d'un refte de fang prof
crit par les Dieux . Un bruit menaçant de
trompettes & d'inftrumens
& d'inftrumens guerriers fufpend
tout -à - coup l'exécution. Sefoftris
paroît, le Diadême en tête, accompagné de
fa garde & de toute fa Cour. Les foldats de
Rameffes , faifis de frayeur à l'afpect formidable
du Roi qu'ils reconnoiffent , laiſſent
tomber leurs armes . Le traitre frémit ; des
foldats le faififfent par ordre de Seloftris ,
& vont lui faire expier fes attentats . Les
furprifes , les tranfports , les tendreffes , les
larmes du Pere & des Enfans , & le Cou
sonnement de l'aîné terminent la Scéne . ?
Le Mercredi 24 Juillet , on exécuta en
Concert devant la Reine l'Acte de la Jaloufie
, du Ballet des Caractères de l'Amour.
Le Samedi 27 , le Lundi 29 , & le Mercredi
, on chanta l'Opera de Roland
AQUST . 1748. 189
Les rôles furent remplis par Miles Defchants
, Godonnefche , de Selle , Mathieu,
& par Mrs Poirier , Benoît , Dubourg , &
Godonnefche.
Le Samedi 3 , le Lundis , & le Mercredi
7 de ce mois , on chanta le Ballet de
Europe Galante. Mlles Defchants , Daigremont
, de Selle , Mathieu & Godonnefche
y ont chanté , ainfi que Mrs Poirier , Bazire
, Benoît , Dubourg & Godonnefche.
Le Samedi 10 , on chanta le Retour des
Dieux , Divertiffement de M. de Blamont,
Sur Intendant de la Mufique du Roi . Mlles
Defchants , de Selle , Mathieu , & Mrs
Poirier & Benoît , en ont rempli les rôles.
Le Lundi 12 , le Caprice d'Erato , Divertiffement
de M. de Blamont , fut exécuté
par Mlles Mathieu , de Selle, & Defchants,
& par Mrs Poirier & Godonnefche,
190 MERCURE DE FRANCE.
NOUVELLES ETRANGERES .
DE PETERSBOURG , le 19 Juillet.
Depuisla précaution qu'on a prife de faire entrer
quatre Régimens dans Mofcou , il n'y
eft arrivé aucun accident par le feu. Ainh la préfence
de ces troupes a produit l'effet qu'on en attendoit
, & elle a mis un frein aux entreprifes des
Incendiaires. Quelques- uns des vagabonds , qui
ont été arrêtés fur le foupçon qu'ils étoient du nombre
de ces fcélerats , fe font juftifiés de cette accufation
, & l'on s'eft contenté de leur faire prendre
parti dans divers Régimens. On a auffi renforcé
confidérablement la garnifon de cette Ville , afin
de foulager la Garde Bourgeoife , & de pouvoir
plus facilement rélever les troupes poftées aux differentes
avenues qui conduifent ici . Il y a lieu
d'efperer que ces mefures fatisferont à l'objet
qu'on fe propofe. Elles paroiffent d'autant plus
néceffaires , que malgré le grand nombre de perfonnes
fufpectes , dont on s'eft affûré dans les diverfes
Provinces de la domination de l'Impératri
ce , on reçoit tous les jours avis de quelque nouvel
incendie. Une partie de la Ville de Jaraflow a été
confumée par les flammes. Le feu a pris auffi dans
les Villes de Kiow & de Nafchna en Ukrainę , &
elles ont fouffert de fort grands dommages . Ces
jours derniers M. de Wolfenftierna , Envoyé Extraordinaire
du Roi de Suéde , étant allé à Peters .
hotf faire la Cour à fa Majefté Impériale , fe trouva
fi mal qu'il ne pût revenir ici , & l'Impératrice lui
fit donner un appartement dans le Château. Ge
A O UST. 1745. 191
Miniftre fe fentit hier beaucoup mieux , & l'on
croit qu'il pourra être tranfporté en cette Ville.
Quinze cent hommes du Régiment d'Infanterie
de Smolensko s'embarquerent le 11 fur cinq
Galétes fe rendre à Frederichsham . Un Bapour
taillon du Régiment de Coporie , un du Régiment
de Novogrood , un du Régiment de Welikolutzxy
, & les deux Régimens de Dragons de Kiovie
& de Cafan , ont reçû ordre de paffer auffi en
Finlande . Il eft arrivé ici mille Cofaques du Don ,
commandés par l'Atteman Krafnafchoxoft , fils
du célébre Atteman de ce nom , fous les ordres
duquel étoient les troupes de cette Nation pendant
la derniere guerre contre la Suéde. Ce Corps
a paflé en revûë devant l'Impératrice , & elle a
fait diftribuer aux foldats trois mille roubles . M.
de Wolfenftierna , Miniftre du Roi de Suéde , a eu
ces jours- ci deux conférences , l'une avec le Comte
de Beftuchef, l'autre avec le Comte de Woronzow
. Le Général Bernes a affûré le Comte de
Beftuchef , que fi les circonftances exigeoient que
P'Impératrice Reine de Hongrie & de Boheme
accordât des quartiers dans fes Pays Héréditaires
aux troupes Ruffiennes , qui font à la folde de la
Grande Bretagne & de la République des Provinces-
Unies , cette Princeffe donneroit avec empreffement
cette nouvelle marque de fon amitié pour
P'Impératrice , & pour les autres Puiffances fes
Alliées. Selon un Etat qui a été remis au Confeil
de guerre ,
il refte en Ruffie quatre- vingt quatre
mille hommes d'Infanterie , vingt - quatre mille de
Cavalerie , & huit mille Dragons , fans y comprendre
vingt-cinq mille Colaques. L'impératrice
a élevé à la dignité de Sénateur le Knées Jean
Scherbatoff , Confeiller Privé , & ci - devant Miniftre
Plénipotentiaire de cette Cour auprès de fa
Majefté Britannique .
1
192 MERCURE DE FRANCE.
DE WARSOVIE , le 20 Juillet.
A Chancellerie de ce Royaume eft occupée
LAexpédierles Univerfaux pour la convoca Chancellerie de ce
tion des Diettes particulieres des Palatinats. Elles
s'affembleront le 29 du mois prochain , afin de
procéder à l'Election des Députés qu'elles doivent ,
envoyer à la Diette générale , & de dreffer les inftructions
, concernant les matieres qui y feront
agitées. La Princeffe Douairiere du Prince Conftantin
Sobiesky eft venue de fes terres , pour rendre
fes refpects à leurs Majeftés. Le Comte Poninsky
, avec l'agrément du Roi , a cédé au Prince
Antoine Lubomirsky la Staroftie de Péterkow .
Sa Majefté a difpofé de la charge d'Echanfon du
Grand Duché de Lithuanie en faveur du Comte
Oskierska , Starofte de Mozyr. Le 30 du mois
dernier , le Comte Sapiéha , qui a été fait Palatin
de Brzefch , prêta ferment de fidélité entre les
maius du Roi .
Il s'eft tenu ces jours - ci une grande conference
au Palais , & le Comte de Potocki , Grand Généil
de la Couronne , y a affifté , ainfi que divers
autres Sénateurs. On y a dreffé un état des differens
articles , fur lefquels on fe propoſe de demander
la décifion de la Diette générale , & dont
un des principaux eft l'augmentation des troupes .
Cet article a déja été examiné dans la derniere
Diette , & elle y avoit donné fon confentement ,
mais les Députés ne pûrent s'accorder au fujet des
impofitions qu'il étoit néceflaire d'établir pour
fubvenir à ce furcroît de dépenfes . La prochaine
Diette doit délibeter fur la néceffité de renouvelder
les Alliances avec diverfes Puiflances Etrangeres
, & particulierement fur les moyens de conferver
une parfaite union avec les Cours de Ruſſie
de
A O UST. 193 1748 %
Me Suéde , de Dannemarck & de Pruffe. On affûre
qu'il y fera auffi queſtion du Duché de Curlande
, & des moyens de redreffer les griefs des
Proteftans. L'Archevêque de Gnefne , Primat du
Royaume , mourut à Lowitz le 6 de ce mois ,
le Roi lui a donné pour fucceffeur M. Komo-
Lowsky , Grand Prévot de l'Eglife Cathédrale de
Cracovie.
&
Sur l'avis que les Haymadacxis avoient fait de
puis peu diverfes courfes en Ukraine , & qu'ils y
avoient commis de grands défordres , on a fait
marcher un détachement de trois mille hommes
de Cavalerie , pour donner la chaffe à ces vagabonds.
Leurs Majeftés continuent de jouir d'une
parfaite fanté , & elles prennent alternativement
le divertiffement de la chafle & celui de tirer au
blanc . Les Députés du Chapitre de l'Eglife Métropolitaine
de Goefne , qui s'étoient rendus ici
à l'occafion de la mort du Primat , font retournés
à Gneſne , afin d'affifter à l'Election d'un Adminiftrateur
, qui régira le Diocéfe jufqu'à la prife
de poffeffion de M. de Komorowsky , nommé
à cet Archevêché. On a appris que la Ville de
Szlow , fituée près des frontieres de Ruffie ,
été entierement confumée par les flammes , & que
cer incendie étant arrivé pendant une Foire qui y
avoit attiré un grand nombre de Marchands étranla
étoit très- confidérable.
gers , perte
DE STOCKHOLM , le 26 Juillet.
›
avoit
U
mois , a rapporté que l'Impératrice de Ruffie
avoit réfolu de renforcer les troupes dans la partie
qui lui a été cédée de cette Province , & qu'elle y
faifoit marcher de l'Infanterie & de la Cavaleric.
I
194 MERCURE DE FRANCE.
fenté par
On a tenu à cette occafion un Confeil , auquel
plufieurs Officiers Généraux ont eu ordre de fe
trouver. Il a été répondu au dernier Mémoire pré-
M. de Wind , Envoyé Extraordinaire du
Roi de Dannemarck , que la Majeſté ne pouvoit le
perfuader que les bruits odieux , dont elle n'étoit
pas moins indignée que ce Prince , euflent pris
leur origine en Suéde ; qu'il auroit été prefque impoffible
à l'Auteur , fuppofé qu'il fût dans ce
Royaume , de fe tenir fi long-tems caché ; que les
ordres envoyés des le mois de Février par le Roi
au Miniftre qui réfide de fa part à Ratisbonne ,
montroient évidemment l'impreffion qu'avoient
faites fur la Majefté les calomnies inferées dans .
une Gazette d'Allemagne , que le Roi déclaroit
de nouveau , & de la maniere la plus forte , que
des menfonges fi atroces n'avoient pas le moindre
fondement ; qu'au furplus il ordonneroit qu'on
fit les plus exactes perquifitions pour découvrir fi
elles avoient été répandues par quelques- uns de
fes fujets , que dans cette circonftance , ainfi que
dans toute autre , il obferveroit tous les égards
que les Têtes Couronnées fe doivent réciproque
ment , & qu'il donneroit des preuves du defir
qu'elle a d'entretenir la plus parfaite intelligence
avec le Roi de Dannemarck . Le Roi eut le 24
bue nouvelle attaque de gravelle , mais elle n'a
point eu de fuites fâcheufes.
DE COPPENHAGUE , le 31 Juillet.
L
E Comte de Danneskiold Lautwig , qui étoit
allé croifer dans la mer du Nord , rentra le 6
de ce mois avec les quatre Frégates , dont le Roi
lui avoit donné le commandement . On équipe ici
quelques Navires , deftinés à fe rendre dans les
A O UST. 1748.195
Echelles du Levant , & deux Frégates qui doivent
faire voile pour les Indes Orientales. La plus
grande partie de l'équipage du Navire le Roi de
Dannemarck , qui eft arrivé de la Chine le
2 eft
malade , & l'on n'a point fouffert que perfonne de
ce Bâtiment entiât dans la Ville .
9
Le Baron de Korff , Envoyé Extraordinaire de
Pimpératrice de Ruffie , eût le 12 à Frederichsbourg
la prémiere audience publique du Roi. Il
ya plufieurs mois qu'il fût inféré dans une Gazette
Françoife , qui s'imprime en Allemagne ,
diverfes calomnies tendantes à perfuader que cette
Cour avoit eu part aux intrigues criminelles du
Médecin Blackwall . M. de Schulin , Secretaire
d'Etat, ayant le Département des affaires Etranger
res , confera dans le tems fur ce fujet avec le Baron
de Hopken , Envoyé de Suéde , qui en écrivit
au Comte de Teffin. Ce dernier en ayant parlé à
fa Majesté Suédoife , elle envoya ordre au Baron
de Hopken , de déclarer au Roi , que quoique M.
de Wind , Miniftre du Roi à Stockholm , n'eût
encore fait aucune repréfentation à cet égard ,
elle avoit mandé à fon Miniftre à Ratisbonne ,
certifier aux autres Miniftres , que ce qui avoit été
d'y
avancé dans la Gazette , dont il s'agit , étoit deftiqué
de tout fondement , & d'infifter très fortement
auprès des Magiftrats de la Ville où cette feuille
s'imprime , pour que l'Auteur fût puni. Le Baron
de Hopken , en remettant cette Déclaration
ajouta, que fi parmi les papiers du Médecin Blackwall
, on eût apperçu quelque chofe qui eût rapport
à ce qu'indiquoit cette Gazette , le Roi de
Suéde , en
confidération de l'amitié qui regne entre
les deux Puiffances , en auroit demandé à la
Majefté une explication à l'amiable , mais qu'il ne
étoit trouvé fous le fcellé de ce Médecin que les
I ij
196 MERCURE
DE FRANCE.
écrits cités dans la Sentence prononcée contre lui *:
Sur la nouvelle que l'Auteur de la Gazette en :
queftion avoit continué de publier plufieurs fauffe
és injurieufes à cette Cour ; qu'elles avoient été
répétées par quelques autres Gazettes étrangeres ,
y avoit des perfonnes
& que même en Suéde il
qui cherchoient à accréditer de telles allégations ,
le Roi a dépêché un courier à M. de Wind , pour
Jui enjoindre de prefler fortement fa Majefté Suédoife
, d'ordonner qu'on tâchât de découvrir les
auteurs de ces bruits , & qu'on les poursuivit juridiquement.
On a appris depuis que M. de Wind
avoit préfenté au Roi de Suéde un Mémoire relatif
à fes inftructions. La groffeffe de la Reine eft certaine
, & elle ne tardera pas à être déclarée .
On a publié un Edit du Rui , pour régler la cou
leur & la forme des Pavillons, & des Flammes des
Navires Marchands , & de ceux des Armateurs . Il
preeft
ordonné par cet Edit , que le Pavillon des
miers foit rouge avec une Croix blanche , fans aucune
fente ; que leur Girouette foit auffi fans
fente , & d'une feule couleur , que ceux qui font
au fervice de fa Majefté , portent le Pavillon
Royal au Beaupré , le Pavillon Marchand à la
Pouppe , & la Girouette Royale au haut des
Mâts ; que les autres Navires Marchands n'ayenr
point de Pavillon Royal ; que le Pavillon des Corfaires
, rouge avec une Croix blanche , foit fendu ;
que celui de leur Beaupré n'ait que la moitié de la
hauteur de leur grand Pavillon , que leur Flanime,
en prenant fa largeur auprès du Bafton , ait en
long dix fois cette largeur , pourvû que cette longueur
n'excéde pas dix aunes ; que les Bâtimens
de tranfport , qui feront frettés par fa Majefté ,
portent à la Pouppe le Pavillon des Corfaires ,
la Proue celui de Beaupré defdits Corfaires , au
>
A O UST. 1748. 197
grand Mâts leur Flamme , & la Girquette rouge
aux autres Mâts , que les Navires des Compagnies
établies par quelque Octroi portent à la Pouppe
Je grand Pavillon , & celui de Beaupré des Corfaires
; qu'au milieu de chacun de ces Pavillons
il y ait une piece de taffetas blanc avec les Armes
de la Compagnie , & qu'au haut de tous les Mâts
foit une Girouette Marchande . Ces derniers Bâtinens
pourront , quand ils feront en pleine mer
prendre le Pavillon Royal de la Pouppe , & celui
de Beaupré , avec la Flame Royale . La Reine
Douairiere a paffé quelques jours à Frederichsbourg
, & le 24 de ce mois elle en partit , pour
retourner au Château de Hirſcholm , lieu de fa
réndence. Le Gouvernement de la Fortereffe de'
Frederichftad en Norwege a été accordé par le
Roi au Général Storn. Sa Majefté a nommé le
Duc de Slefwick Holitein Sonderbourg , Général
d'Infanterie . Elle a difpofé du Régiment d'Aggerhuus
en faveur de M. de Reichwein , premier
Major du Corps des Grénadiers , & elle a donné
à M. de Bryggeman la Compagnie , qui vacquoit
par la démiffion du Comte de Knuth dans le Ré
giment des Gardes à pied.
ALLEMAGNE.
De Vienne , le 29 Juillet.
L fe tient au Palais de fréquentes conferences,
pour régler le nombre de troupes que l'impératrice
Reine entretiendra pendant la paix , & S.
M. Imp . eft déterminée à en conferver le plus qu'il
fera poffible. Les Etats des Pays Héréditaires , aufquels
on a communiqué cette réfolution , & qu'on
a exhortés à y concourir , font occupés à chercher
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
les moyens de montrer fur cet article leur zéle
fans furcharger trop le peuple . L'Impératrice
Reine avance heureufement dans fa groffetfe , &
l'on fait déja des préparatifs pour les couches.
Depuis quelques jours , l'Empereur prend le divertiffement
du vol du Heron dans les environs de
cette Capitale . On a fait partir la femaine derniere
un courier avec de nouvelles inftructions
pour le Comte de Raab , Miniftre de l'Impératrice
Reine auprès du Cercle de la Baffe Saxe, Cette
Princeffe a nommé Confeillers Privés les Comtes
de Wratislaw, de Schrottenbach & de Korkorfowa,
& elle a augmenté de deux mille florins la penfion
de M. Jordan , Confeiller du Confeil Aulique de
Boheme. Le 18 , le Comte de Choteck partit
pour aller travailler conjointement avec le Comte
de Henckel à établir un nouvel arrangement dans
la maniere de lever les impofitions en Stirie, Le
Comte Frederic de Harrach eft revenu de Moravie
, & l'on ne parle plus du voyage qu'il devoit
faire,pour exécuter une commiffion de cette Cour.
Shiddi Effendi a encore renvoyé plufieurs de fes
Domeftiques , qui mettoient le trouble dans fa
maiſon .
L'Archiduc Jofeph a été indifpofé pendant
quelques jours , mais fa fanté eft parfaitement rétablie.
Le Baron de Breitlach , ci- devant Ambaſ
fadeur de l'Impératrice Reine auprès de l'Impératrice
de Ruffie , eft revenu de Pétersbourg , & le
22 de ce mois il rendit compte au Confeil du fuccès
de fes négociations . Le 26 , le Chevalier Robinfon
, qui a réfidé ici pendant vingt- cinq ans.
en qualité de Miniftre du Roi de la Grande Bretagne
, partit pour aller affifter aux Conferences
d'Aix-la Chapelle avec caractére de fecond Miniftre
Plénipotentiaire de ce Prince, On prétend
A O UST. 1748. 199
que le Comte de Sintzheim , qui eft arrivé depuis
peu à Munich , eft chargé d'une commiffion importante
de la part de l'Electeur de Baviere .
L'Impératrice Reine a envoyé ordre au Feldt-
Maréchal Comte de Browne , de faire les difpo
tions néceffaires pour que les Duchés de Parme
de Plaifance & de Guaftalla , puiffent être évacués
dans le tems , dont on conviendra avec les Cours
de France & d'Espagne. Sa Majesté Impériale a
mandé auffi au même Général , de terminer , le
plutôt qu'il fera poffible , les difficultés qui fubfiftent
entre elle & les Génois , tant par rapport
aux prifonniers Allemands qu'ils ont en leur pouvoir
, que pour ce qui regarde les prétentions ref
pectives des deux Puiffances. En attendant qu'on
puiffe faire dans les troupes la reforme projettée ,
il a été décidé qu'on ne rempliroit aucune des
places d'Officiers , qui font vacantes , ou qui pourront
le devenir. Le Comte de Haugwitz a propofé
un nouvel arrangement , par lequel les fonds ,
deſtinés à l'entretien des troupes , feront augmen
tés d'un tiers , fans que le peuple paye plus qu'il
ne faifoit avant la guerre. Cet arrangement a déja
été adopté par les Etats de Boheme , de la Baffe
Autriche & de Moravie , & le Comte de Choteck
eft chargé de le concerter avec les Etats de Stirie,
pour l'établir dans cette Province . On parle d'un
autre Mémoire préfenté par le Comte de Haugwitz
au fujet du commerce . Il eft venu des Dépttés
des Juifs de Boheme & de Moravie , pour demander
une diminution de la taxe de trois cens
mille florins , qui leur a été impoſée .
6
I iify
200 MERCURE DE FRANCE.
DE BERLIN le 3 Août .
L &27 mois de donna audience aux
Miniftres Etrangers. Sa Majefté alla enfuite à
Monbijoux , & y dina avec la Reine Douairiere,
Le Roi retourna le lendemain à Potſdam , étant
accompagné des Princes Ferdinand & Henri , fes
freres ; des Majors Généraux Forcade & Winterfeld
, & du Colonel Buddenbroeck . Le même
jour , la Reine Doüairiere alla coucher à Schonhaufen
, où elle a une Cour nombreufe . Leurs
Majeftés doivent fe rendre la femaine prochaine
avec cette Princeffe à Charlottenbourg , & l'on
y fait divers préparatifs pour les fêtes que le Roi
fe propofe d'y donner. Le Duc de Meckelbourg
Schwerin a paffé ici , en allant à Toplitz. Hier
le Comte de Schaffgotfch , Evêque de Breſlau
partit pour retourner dans fon Dioceſe Le Roi
lui a renouvellé les affûrances de la protection
qu'il a promiſe à fes fujets Catholiques de Siléfie .
On a reçû avis que les quatre Régimens de Cavalerie
, qui par ordre de l'Impératrice Reine de
Hongrie & de Boheme avoient joint les troupes
Ruffiennes que commande le Knées Repnin ,
étoient retournés dans leurs anciens quartiers.
E 27 du mois dernier , le Roi fe rendit de Potf-
DE HANOVER le 2 Août.
Es Régimens de Botfelager & de Hadenberg ,
Raucoux , font entièrement rétablis . Ils formerent
ces jours derniers un camp dans la Plaine de Lynden
, & le 13 du mois dernier le Roi s'y rendit pour
faire la revue de ces deux Corps. Sa Majefté , en
arrivant , fut faluée d'une décharge de ſize piéces
>
A O UST. 1748. 201
de canon , & ayant paffé par tous les rangs , elle
fe plaça fous une Tente qu'on lui avoit préparée .
Après que les deux Régimens eurent défilé devant
le Roi , ils fe mirent en ligne , & ils firent
diverfes évolutions militaires. Le Prince Guillaume
de Heffe fe trouva à cette revûë. Le 17 , fa
Majefté fit celle des Gardes du Corps & des Grenadiers
à cheval , & elle parut très - fatisfaite de la
maniere dont ils firent l'exercice . Le Roi retourna
enfuite à Herrenhaufen , où il tint Confeil d'Etat,
pour déliberer fur quelques dépêches apportées de
Londres par un courier extraordinaire. Le Duc
de Newcastle y affifta , & il renvoya en Angle
terre plufieurs couriers qu'il en avoit reçûs. On
en dépêcha quelques autres à Vienne , à Turin
& à Aix la Chapelle. Sa Majesté dîna le 16 en public
avec le Baron de Wafner , le Comte de Czernichew
le Chevalier Offorio , M. Alt , & M.
Hop, Miniftres de l'Impératrice Reine de Hongrie
& de Boheme , de l'Impératrice de Ruffie , du Roi
de Sardaigne , du Roi de Suéde , & de la Répu
blique des Provinces- Unies. On attend ici dans
le courant du mois prochain le Duc de Cumberland
; qu'on avoit crû devoir fe rendre directement
des Pays - Bas à Londres. Le Prince Guillaume
de Heffe partit la nuit du 13 au 14 , pour retourner
à Caffel . Le départ du Roi pour Gottingen eft fixé
all 29.
On affûre que les troupes Hanoveriennes , qui
font aux Pays -Bas fous les ordres du Général Adelipfen
, fe mettront en marche le mois prochain ,
pour revenir dans cet Electorat . Le Baron de
Beckers , chargé par l'Electeur Palatin de compli
menter le Roi fur fon heureuſe arrivée dans fes
Etats d'Allemagne s'acquitta le 29 du mois dernier
de cette commiffion. Sa Majesté prit le lende-
I v
202 MERCURE DE FRANCE.
main la route du Château de Gottingen , où elle
compte de paffer quelques jours. Elle a reçû de
Hollande un courier , par lequel elle a été infor
le Duc de Cumberland viendroit ici
mée que
avant que de paffer en Angleterre . Le Comte de
Czernichew , Envoyé Extraordinaire
de l'Impératrice
de Ruffie , a eu le 27 une conference avec le
Duc de Newcaſtle , auquel il a annoncé que cette
Princeffe laiffoit à l'entiere difpofition du Roi & de la République des Provinces - Unies , de
donner aux troupes Ruffiennes qui font à leur
fervice , tels quartiers que jugeroient à propos
ces deux Puiffances. On croit que le Comte de
Gerfdorff s'eft rendu ici pour exécuter une commiffion
du Roi de Pologne Electeur de Saxe .
Le Comte de la Lippe Schaumbourg
, qui avant
Je départ du Roi pour Gottingen eft venu faluer
fa Majefté , doit retourner inceffamment
à Buoxenbourg.
Lorsque le Traité définitif pour la Pacification
générale fera conclu , le Roi fera une réforme de fix mille hommes dans fes troupes.
Electorales . M. de Hohort , Colonel , mourut ik
y a quelques jours à Lunebourg.
GRANDE BRETAGNE.
De Londres , le 8 Août.
ACorrefpondance des Lettres avec la France
a comme cé le 29 du mois dernier , & fera
continuée tous les Lundis & les Jeudis , comme
en tems de paix . Les Pacquetbots , qui porteront
'ces lettres , fe chargeront en même tems de celles
deftinées pour l'Eſpagné , la Suiffe & l'Italie, Le
commerce n'eft pas encore rouvert avec les Efpa
gnols , mais il eft arrivé des Paffeports provifiona
1
AOUST. 1748. 203
f
nels ,fignés par fa Majefté Catholique , au moyen
defquels les Navires Anglois pourront relâcher
dans les Ports d'Efpagne , s'y pourvoir de vivres
& d'eau, même y être radoubés , s'il eft néceffaire .
Il a été mis des Affiches à la Bourſe , pour en informer
les Négocians , dont la plupart fe difpofent
à charger un grand nombre de marchandifes pour
les Pays de la Domination Efpagnole , auffi tôr
qu'ils pourront y commercer librement. Le 26 ,
le Duc de Bedford fit partir un courier pour Madrid
, & c'eft le premier qui y ait été dépêché depuis
la guerre.. Plufieurs Vaiffeaux de guerre ayant
reçu ordre d'aller prendre les troupes qui font à
Louisbourg , afin de les tranfporter à Annapolis ,
on en infere que le Roi a réfolu de reftituer inceffamment
l'ile Royale à Sa Majefté Très Chrétienne.
On attend dans peu le Cheva ier Guillaume
Pepperelle , qui commandoit dans cette Ifle.
M. de Guaftaldi , Miniftre de la République de
Génes , a préfenté ces jours- ci au Duc de Bedford
un Mémoire , par lequel cette République fe plaint
que les troupes de l'Impéra rice Reine de Hongrie
& de Boheme , & celles du Roi de Sardaigne , ont
enlevé toute l'artillerie qui étoit dans Savone ,
dans Final & dans Novi Ce Mémoire a été lû le
25 dans l'allemblée des Régens du Royaume , &
ils ont promis de prendre cette affaire en confidé→
sation. Il y eut le 23 entre le Duc de Bedford &
M. Shorer , Secretaire de Légation , chargé des
affaires de la Cour de Vienne , une longue conference
qu'on croit avoir eu pour objet le payement
des fubfides accordés à l'impératrice Reine De-
-puis les reformes qui ont été faites dans les équi-
-pages des Vaifleaux du Roi , on trouve pour les
Navires Marchands plus de Marelors qu'on n'en a
-befoin , & ils s'engagent communément à vingtcinq
fchelins par mois. On continue de congédier
1 vj
204
MERCURE DE FRANCE.
des Chantiers Royaux , par ordre des Commiffires
de l'Amirauté , la plupart des Ouvriers qui y
ont été employés pendant la guerre . Tros Yachts
mirent le 26 à la voile , pour aller chercher en
Hollande le Duc de Cumberland , qui étoit attendu
ici 29 ou le 30 , mais que quelques raiſons
ont obligé de differer fon embarquement. Ce
· Prince vient , à ce qu'on dit , concerter avec les
Seigneurs de la Régence les arrangemens pour le
-tranfport des troupes Angloifes qui font dans les
- Pays- Bas. I eft arrivé hier un courier avec des
dépêches du Roi de Pruffe pour le Prince de Galles
, & depuis il s'eft répandu un bruit que le Duc
de Cumberland époufera une foeur de ſa Majeſté
- Pruffienne. Les lettres d'Ecoffe du 21 annonçent
que le Commun Confeil d'Edimbourg a député
M. Georges Drummond , Lord Prévôt de la Ville ,
& M. Archibald Macauley , pour féliciter le Prince
de Naffau Dieft fur fon Election à la Dignité de
Stathouder des Provinces Unies , & pour renoùveller
avec les Etats Généraux le Traité de Commerce
entre l'Ecoffe & ` cette République , lequel
expirera dans quelques années. On a fçû par les
mêmes nouvelles , que les Officiers , qui étoient
venus en Ecoffe faire des recruës pour les Régimens
Ecoffois de Halley & de Stuard , des troupes
des Provinces Unies , avoient reçû ordre de repaffer
inceffamment en Hollande avec les foldats
qu'ils avoient levés dans ce Royaume . L'équipage
du Navire l'Esther , revenu depuis peu de Sainte
Catherine , a affûré que le 23 du mois dernier on
n'y étoit pas encore inftruit de la fignature des
Articles Préliminaires Il a ajouté que le Gouverneur
de Saint Euftache avoit acheté tous les Bàtimens
François qui avoient été conduits à Sainte
Catherine , avec leurs cargaifons. Les Lords Ré
gens de la Grande Bretagne ont établi une ComA
O UST. 1748. 203 .
million , pour examiner les prifes faires fur les
François & fur les Efpagnols , depuis que la fuf
penfion d'armes a été publiée , & pour décider de
leur légitimité , felon les differentes Latitudes od
elles auront été faites. On mande de Plymouth
que le Corfaire le Garland y a envoyé le Navire
Eſpagnol la Notre - Dame deGazzia , dont il s'eft
emparé , & qu'il donnoit la chaffe à quatre autres
Bâtimens de la même Nation , qui al'oient du
Ferrol à la Nouvelle Efpagne . Les Directeurs de
la Compagnie des Indes Orientales ont reçû un
Exprès d'Ecoffe , avec avis que les Navires P'Yorck ,
le Stafford , le Dragon , le Lynn , l'Onflov , le Norfolck
& le Prince Edouard , avoient relâché à Leith ,
en revenant de Bencolen . Ils ont auf été informés
de l'arrivée du Benjamin, du Winchelsea de l'Eaftcourt
, du Cefar & du Colchester , à Bengale. Le
Vice-Amiral Schrywer entra le 19 du mois dernier
dans le Port de Portfinouth avec l'Efcadre
-Hollandoifé qu'il commande. Quoique le bruit
ait couru depuis quelques jours , que l'Amiral
Griffin s'étoit rendu maître de Pondichery , les
perfonnes fenfées n'y ajoûtent point de foi , & il
eft certain que le Gouvernement n'en a jufqu'à
préfent aucune nouvelle. Les Seigneurs de la Ré
gence ont fait remettre en liberté plufieurs prifonniers
, qui étoient fous la garde de Meffagers d'E
tat, à l'occafion des derniers troubles d'Ecoffe. On
a en même tems fait fortir des priſons du Comté
de Surrey quatre cens foixante Débiteurs , qui ont
réclamé le bénéfice de l'Acte d'Infolvabilité . Par
un courier qui arrive de Hanover , on apprend
que le Roi a nommé pour fon fecond Miniftre
Plénipotentiaire à Aix - la - Chapelle le Chevalier
Robinfon , qui a réfidé long- tems à Vienne en
qualité de Miniftre de fa Majefté . Les Actions de
la Compagnie de la merdu Sud n'ont point de prix
206 MERCURE DE FRANCE.
-
fixe ; celles de la Banque font à cent vingt-fept
celles de la Compagnie des Indes Orientales à cent
foixante- dix- huit , un huitième , & les Annuités à
cent , trois quarts.
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
A Reine , accompagnée de Monfeigneur le
Dauphin , de Madame la Dauphine , & de
Mefdames de France , ſe rendit le 21 du mois dernier
à la Paroiffe du Château de Compiegne , & y
entendit la grande Meffe , pendant laquelle S.M. fit
rendre les Pain Benits , qui furent préfentés par
M. l'Abbé de Goyon de Matignon , fon Aumônier
en quartier.
Le 4 de ce mois , le Roi & la Reine , accompa
gnés de Monfeigneur le Dauphin , de Madame la
Dauphine , & de Meldames de France , affifterent
au Salut & à la Bénédiction du S. Sacrement dans
P'Eglife des Dominicains , qui célébroient la Fête
de S Dominique , Fondateur de leur Ordre.
Le Roi tint le 10 un Chapitre de l'Ordre du S.
Efprit , dans lequel les Preuves du Comte de Saint
Severin d'Arragon furent admiſes.
Le 21 du mois dernier , le Maréchal Comte de
Saxe arriva de Bruxelles à Compiegne , & le même
jour il eut l'honneur de rendre les refpects au
Roi , qui l'a reçû très - favorablement. Ce Général
eft retourné à Bruxelles.
En conféquence de l'acceffion du Roi d'Espagne
aux Articles Préliminaires ,PArmistice entre les
troupes de fa Majefté Catholique , celles de l'Impératrice
Reine de Hongrie & de Boheme , & cel
A O UST. 1748. 207
les du Roi de Sardaigne , a été publié le 13 du
mois dernier dans le Comté de Nice , & le 17 dans
le Duché de Savoye.
On a appris d'Aix - la- Chapelle , que le Comte
de Saint Severin d'Arragon , Miniftre Plénipotentiaire
du Roi , y a figné le à de ce mois , avec les
Miniftres du Roi de la Grande Bretagne & des
Etats Généraux des Provinces Unies , une Conven.
tion par laquelle il a été ftipulé que le Corps de
trente-fept mille Ruffiens , qui eft à la folde de ces
deux Puiflances , s'en retourneroit vers la Ruffie
immédiatement après la fignature de cette Con
vention , & que , pendant qu'il feroit à leur folde ,
il ne pafferoit point au fervice d'aucune autre Puiffance
, & ne pourroit être employé , fous quelque
raifon ou prétexte que ce fût , contre Sa Majefté
ou fes Alliés . Le Roi s'eft engagé de fon côté à
rappeller dès à préfent des Pais Bas trente fept
mille hommes de fes troupes , & à les réformer ,
ou un pareil nombre , dans le cours d'un mois
après que Sa Majefté aura fçû d'une maniere authentique
le départ actuel des Ruffiens , pour re
tourner vers la Ruffie.
Le 1s de ce mois , Fête de l'Affomption de la
Sainte Vierge , la Proceffion folemnelle , qui fe
fait tous les ans à pareil jour en exécution du voeu
de Louis XIII , fe fit avec les cérémonies crdinaires
, & l'Archevêque de Paris y officia pontificalement.
Le Parlement , la Chambre des Comptes , la
Cour des Aides , & le Corps de Ville , y affifterent .
L'Univerfité fit le 12 dans la Salle des Ecoles
exterieures de Sorbonne la diftribution des Prix
fondés par
le feu Abbé le Gendre , & le Parlement
y affitta . Cette cérémonie fut précédée par un
Difcours Latin que prononça M. le Bel , l'un des
Profefleurs de Rhétorique du College Mazarin,
208 MERCURE DE FRANCE.
Après ce Difcours , M. de Maupeou , Premier Préfident
du Parlement , donna le premier Prix. Les
autres Prix furent diftribués par M. Cochet ,
Recteur. Dans la Piéce fuivante , on verra les
noms des jeunes gens que l'Univerfité a jugé dignes
d'être couronnés .
Uod Religioni , Rei Litterariæ , totique
Qaded Rei
"
adeo Reipublicæ , Felix , fauftum , fortunatumque
fit. Anno reparatæ falutis humanæ
millefimo feptingentefimo quadragefimooctavo
, ex quo regnare coepit LUDOVICUS
XV. trigefimo-tertio , die duodecimo menfis
Augufti , alma Studiorum Parens , primogenita
Regum Filia , Univerfitas Parifienfis , Ampliffimo
Viro DD. Joanne Cochet Rectore , in Scholis
Sorbonicis congregata , ad Solemnem Præmiorum
Litterariorum Diftributionem , Senatufconfulto
die 8 Martii 1746 , apud fe ex pofthumâ
liberalitate Viri Clariffimi D. Ludovici LE
GENDRE , Ecclefiæ Parifienfis , dum viveret ,
Canonici & Succentoris , Inftitutam , poft habitam
Orationem à V. Cl . M. Michael e- Francifco
le Bel , Rhetorum Mazarinæorum altero , Annuente
& præfente fupremo Senatu , Athletas fuos
hoc ordine coronat & remuneratur .
IN RHETORICA . A
Difcours Latin. Primum Orationis Latinè fcriptæ
Præmium inter Veteranos meritus & confecutus
eft Ludovicus - Stephanus Guerain , Parifinus , ફે
Collegio Graffinao . Secundum inter Veteranos meritus
& confecutus eft Joannes - Baptifta - Jacobus
Elie , Carentonæus , è Collegio Graffinas.
Proximè accefferunt inter Veteranos.
Ludovicus-Antonius - Maria Delaune , Parifipus ,
4
A O UST. 174S. 209
Collegio Graffinao . Joannes- Francifcus Lefparat ,
Parifienfis , è Collegio Graffindo .
Frimum ejufdem Orationis Latinè fcriptæ Præ
mium inter Recentiores meritus &confecutus eft
Antonius Thomas , Claromontanus , è Collegio
Lexovao. Secundum inter Recentiores meritus &
confecutus eft Joannes - Baptifta- Carolus- Maria de
Beauvais , Charoburgæus , è Collegio Graſſinao.
Proximè accefferunt.
Petrus Stafford , Hibernus , è Collegio Sorbona
Pleffao. Carolus Becquet , Pontifarenfis , è Collegio
Graffinao Jofephus Gerdolle , Tullenfis , è Collegio
Marchiano. Petrus-Claudius Malvaux , Remenfis ,
è Regia Navarra . Carolus- Laurentius Baucheron ,
Meldenfis , èollegio Mazarindo . Henricus Raci
ne , Meduntenfis , è Collegio Graſſinao .
Difcours François. Primum Orationis Gallicè
fcriptæ Præmium meritus & confecutus eft idem
Joannes- Baptifta- Carolus- Maria de Beauvais , Charoburgæuse
Collegio Graffinao . Secundum meritus
& confecutus eft idem Antonius Thomas , Claro
montanus , è Collegio Lexovao .
Proximè accefferunt .
Joannes Baptifta Jacobus Elie , Carentonæus ,
è Collegio Graffina . Autonius-Francifcus Dulaurant
, Ponticerienfis , è Collegio Dormano Bellovaco.
Ludovicus-Stephanus Guerain , Parifinus , è Collegio
Graffinao Petrus Stafford , Hibernus , è Collegio
Sorbona Plaffas. Petrus - Claudius Malvaux , Remenfis
, è Regia Navarrâ. Carolus- Laurentius
Baucheron , Meldenfis , è Collegio Mazarinao.
Vers Latins . Primum Carminis Latinè fcripti
Præmium inter Veteranos meritus & confecutus
eft idem Ludovicus - Stephanus Guerain , Parifinus ,
è Colegio Graffineo. Primum inter Recentiores ,
Piæmium meritus & confecutus eft idem Antonius
2 to MERCURE DE FRANCE.
Thomas , Clatomontanus , è Collegio Lexovao. Se
cundum inter Recentiores meritus & confecutus
eft idem Joannes- Baptifta Carolus -Maria de Beauvais
, Charoburgæus , è Collegio Graffinao.
Proximè accefferunt .
Ludovicus-Antonius Maria Delaune , Parifinus ,
Collegio Graffinao . Petrus-Nicolaus Andrieu , Pas
rifinus , è Collegio Mazarinao. Joannes- Baptifta-
Bruno Bruté , Parifinus , è Collegio Sorbona Pleffao
Francifcus Adam , è Collegio Mazaringo . Antonius-
Francifcus Dulaurent , Ponticerienfis , è Collegio
Dormano Bellovaco . Ludovicus Renneville.
Laudunenfis , è Collegio Marchiano .
>
Verfion de Grec en François. Primum Orationis
Græcæ in Gallicam converfæ Præmium meritus &
confecutus eft Petrus- Nicolaus Andrieu , Parifinus ,
Collegio Mazarinao . Secundum meritus & confecutus
eft idem Antonius Thomas , Claromonta
Aus , è Collegio Lexovao .
Proximè accefferunt.
Joannes-Baptifta Carolus Maria de Beauvais
Charoburgæus , è Collegio Graffinao. Petrus Staf
ford , Hibernus, è Collegio Sorbona- Pleffa . Ignatius
de Verclos , Avenionenfis , Collegio Mazarinao.
Antonius Remigius Mauduit , Parifinus , Collegio
Dormano-Bellovaco. Antonius - Cafimirus- Adrianus
Polyeuctus de la Morte de Thibergeau , Rupel
Ienfis è Collegio Dormano- Bellovaco. Joannes-
Francifcus Lefparat, Parifienfis, ` Collegio Graffinao.
IN SECUNDO ORDIN E.
Thême. Primum Orationis Gallicæ in Latinam
converfæ Præmium meritus & confecutus eft Joanpes-
Baptifta- Petrus Ducournau , Aquenfis , Collegio
Harcuriano. Secundum meritus & confecutus
eft Carolus Alexander de Calonne, Duacenfis, è Cole
Jegio Mazarinas.
A O UST. 1749.
2TF
Proximè accefferunt.
Michaël Bereux , Meldenfis , Collegio Sorbona-
Pleffao. Antonius Guyot , Lingonenfis , Collegio
Sorbona-Pleffab. Michael -Antonius de Paris , Parifinus
, Collegio Sorbona - Pleffao . Abrahamus - Jacobus
Caillard , Parifinus , Collegio Graffinao . Simon-
Sebaftianus le Boucher , Collegio Harcu
riano. Michael Kindelan , Dublinenfis , Collegio
Graffinao.
P
Vers Latins. Primum Carminis Latinè fcripti
Præmium meritus & confecutus eft Joannes Baptifta
Petrus Acher , Rothomagenfis , Collegio
Lexovao. Secundum meritus & confecutus eft
idem Carolus- Alexander de Calonne , Duacenfis , è
Collegio Mazarineo.
Proximè accefferunt.
Francifcus Mauduit , Conftantienfis , Collegio
Harcuriano. Jacobus Hubert , è Collegio Graffinao
Antonius- Jofephus de Beaulieu de Thiezac , Floropo
itanus , Collegio Hareuriano Abrahamus Ja,
cobus Caillard , Parifinus , è Collegio Graffineo,
Joannes Marinus Hugault , è Collegio Harcuriano.
Carolus -Francifcus Duflos Rothomagenfis , è
Collegio Dormano-Bellovaco .
>
Verfion de Grec en François . Primum Orationis
Græcæ in Gallicam converfæ Præmium meritus &
confecutus eft Francifcus- Ludovicus Henricus le
Riche , Ambianus , è Regia Navarra. Secundum
meritus & confecutus eft Achilles - Antonius-Joannes
Mauflaftre , è Collegio Sorbona-Pleffao.
Proximè accefferunt .
Edmundus Chevignard de Saint Vivan , è Colle
gio Dormano-Bellovaco. Joannes Baptifta Petrus
Ducournau , Aquenfis Collegio Harcuriano.
Francifcus Mauduit , Conftantienfis è Collegio
Harcuriano. Abrahamus-Jacobus Caillard , Pari-
"
212 MERCURE DE FRANCE.
nus , Collegio Graffinao . Antonius Guyot , Lingonenfis
. Collegio Sorbona - Pleffao. Petrus- Felix
Roffignol, Laudunenfis , è Collegio Sorbona - Fleffao.
IN TERTIO ORDINE.
Thême. Primum Orationis Gallicæ in Latinam
conver æ Præmium meritus & confecutus eft Pe →
trus Jacquin , Catalaunenfis , è Collegio Sorbona-
P'efao. Secundum meritus & confecutus eft Petrus
Michel, Conftantienfis , è Collegio Harcuriano.
Proximè accefferunt.
Jacobus Maria- Jofephus Lépans , è Collegio
Montano Baltazar Groux , Parifinus , è Collegio
Harcuriano. Jacobus- Antonius Rouveau , Parifienfis
, è Collegio Mazarinao. Gafpardus Ruffer ,
Eduenfis , è Collegio Lexova . Ludovicus de la
Pommeraye, Bituricenfis , è Collegio Sorbona - Plafar.
Carolus - Guillelmus Pechpeyrou - Comenge de
Guitaud , è Collegio Harcuriano.
Verfion de Latin en François . Primum Orationis
Latinæ in Gallicam converfæ Præmium meritus
& confecutus eft Mathias - Bernardus Goudin , Parifinus
, e Collegio Mazarinao Secundum meritus
& confecutus eft Jacobus Moreau , Ambianenfis ,
è Collegio Sorbona -PlaJao.
Proximè accefferunt.
Simon Leré , Compendicus , è Collegio Dormano
Bellovaco. Petrus Michel , Conftantienfis , è Collegio
Harcuriano. Jofephus Maignon , San- Dominicanus
è Collegio Dormano- Bellovaco . Ludovicus
Ruftain de Saint-Jory , Parifinus , è Collegio Lexovao.
Petrus- Antonius de Mornay ; Parfinus , è
Collegio Harcuviano . Francifcus Breldin , è Collegio
Mazarinao.
Verfion de Grec en François . Primum Orationis
Græcæ in Gallicam converfæ Præmium meritus &
confecutus eft idem Petrus Jacquin , Catalaunenfis,
AOUST. 1748. 213
Collegio Sorbona-Plaffao. Sccundum meritus &
confecutus eft Francifcus Brefdin, è Coll, Mazaringo.
Proximè accefferunt.
Mathias-Bernardus Goudin , Parifinus , è Collegio
Mazarinao. Alexander Claudius le Jau de Cham
berjoc , Parifinus , è Collegio Dormano- Bellovaco .
Joannes Francifcus Monlien de l'Armenerie , Bajocenfis
, è Collegio Harcuriano . Joannes Baptifta
Martinet de Montferrat , Sedanæus , è Collegio
Dormano-Bellovaco Petrus Michel , Conftantienfis
, è Collegio Harcuriano. Ludovicus-Francifcus
Dubois , è Collegio Lexovao.
L
•
MORT S,
Es Juin , Germain de Cabazac , Chevalier de
P'Ordre Militaire de S. Louis , ancien Capitaine
du Régiment du Roi , mourut à Paris.
Le 11 Juillet , Marguerite Bourly , veuve de
Claude Augufte Tiquet de Chambon , Lieutenant
Colonel du Régiment de Conty , Cavalerie , mou
rut à Paris.
Le 14 , Charlotte Marie de Coetlogon , veuve de
Marie Gafton Elzear , Marquis de Sabran , des
Comtes de Forcalquier , Colonel du Régiment
de Condé , à la tête duquel il fut tué d'un coup de
feu à la cuiffe à l'affaire d'Ettingen, mourut à Paffy,
âgée de 23 ans. Elle étoit Dame d'honneur de S.
A. S. Madame la Ducheffe de Chartres , & fille de
Céfar Magdeleine Marquis de Coetlogon , Vicomte
de Meluffaume , Baron de Pleugriffet , qui fut
Mestre de Camp & Syndic Général des Etats de
Bretagne ; petite - fille de Philippes Guy de Coetlogon
, auf Syndie des Etats de Bretagne , cer
Emploi , par les anciens Statuts & Reglemens , &
214 MERCURE DE FRANCE.
par un nouvel Edit de création , ne devant être
poffedé que par un Gentilhomme d'ancienne extraction
; petite- niece d'Alain Emmanuel de Coetlogon
Vice-Amiral & Maréchal de France ,
mort le 7 Juin 1730 , âgé de 83 ans , avec la jufte
réputation que fes exploits lui ont acquife.
Cette Dame , de fon mariage avec le Marquis de
Sabran , ne laiffe qu'un fils unique , âgé de 5 ans
& demi , que L. A. S. M. le Duc & Madame la
Ducheffe de Chartres ont tenu fur les Fonts de
Baptême , & nommé Louis-Augufte - Elzear.
Le 30 , Louis Comte de Mailly , ci -devant Capitaine
Lieutenant de la Compagnie des Gendarmes
Ecoflois , mourut à Paris , âgé de 54 ans, On
remet au mois prochain à donner de plus grands .
éclairciffemens fur ce Seigneur , de l'une des plus
illuftres Maifons de France,
Le 6 Août , Louis de Malide , Brigadier des Armées
du Roi , & ci - devant Capitaine d'une Com
pagnie des Gardes Françoifes , mourut à Paris ,
âgé de 50 ans.
La Dile Jeanne du Vivier de Rovoy , eft morte
Bayeux , âgée de 10 ans,
C
Eux qui n'ont point encore payé ce
qu'ils doivent du Semeftre précédent,
font priés de le faire inceffamment . Quelques
perfonnes nous adreffent de l'argent
par la pofte ,fans nous donner d'avis & fans
faire mettre leurs noms fur le regiſtres on
les fupplie , quand elles fe ferviront de
cette voye , de faire enforte que nous fçachions
de quelle part vient l'argent qu'on
nous envoye .
APPROBATION.
J
"Ai lú par ordre de Monfeigneur le Chancelier
le Mercure de France du mois d'Août
1748. A Paris le premier Septembre 1748.
BONAMY.
P
TABLE.
3
21
IECES FUGITIVES en Vers & en Profe,
Suite des vies de quelques Carthaginois céle
bres , par M. Remond de Sainte Albine ,
Projet d'un Monument à la gloire du Roi ,
Lettre de feu M. Rouffeau à M. le Baron de *** ,
Le Tems , Ode par M. Née de la Rochelle ,
Lettre fur le ver Solitaire , nommé Tenia ,
Epitre à M. R.
****
Confeils à une jeune Demoiselle ,
Penfées Morales' ,
24
27
30
46
48
So
55
Vers à Mlle de R **** , fur un enfant qui avoit
penſé lui crever un oeil d'un coup d'arbalête , 54
Lettre de M. * * *
Epithalame pour le mariage de M. de Gouffier , 69.
Le Serpent caché fous les fleurs , Cantate , 71
Lettre aux Auteurs du Mercure , fur la maniere
dont Baron déclamoit , 75
Vers fur ceux de M. Cottereau , inferés dans l'un
des derniers Mercures , 80
*** 81 Autres à M. l'Abbé de C * * * M. Yg par
Lettre de M. **** au fujet des Normands ,
Vers à Mlle Ludovica de Calce ,
>
ibid.
84
Obfervation fur une dilatation de l'oreillette droite
du coeur , & c.
Vers à Mlle S** , pour le jour de fainte Anne ,
87
101
Lettre de M. *** , Maître en Chirurgie à Orléans,
à M. Louis, Chirurgien de laSalpêtriere à Paris,
Réponse de M. Louis ,
L'Ane facétieux , Fable ,
102
106
108
Mots des Enigmes & des Logogryphes du Mercure
de Juillet ,
Logogryphes & Enigmes ,
110
ibid.
Nouvelles Litteraires , des Beaux Arts , &c . 119
Elections de l'Académie Royale des Sciences , 140
Programme de l'Académie de Soiflons ,
Autre de l'Académie d'Angers ,
ibid.
145
Difcours prononcé par M. de la Soriniere à fa réception
à cette Académie ,
Eftampes nouvelles ,
147
160
Defcription du nouveau Théatre du Collège de
Louis le Grand , 163'
Spectacles. Portrait du Grand Monarque , Ballet
danfé au même Collége , Extrait ,
Sefoftris , Tragédie repréfentée au même Collége
,
Concerts de la Cour ,
170
174
188
Nouvelles Etrangeres , de Pétersbourg , &c. 190
Programme de l'Univerfité , 208
Morts , 214
La Chanfon notée doit regarder la page 170
De l'Imprimerie de J. BULLOT,
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROI.
SEPTEMBRE. 1748 .
LIGIT
UT
SPARGAT
Spillen
Chés
A PARIS ,
ANDRE' CAILLEAU , rue Saint
Jacques , à S. André.
La Veuve PISSOT, Quai de Conty ,
à la defcente du Pont-Neuf,
JEAN DE NULLY , au Palais .
JACQUES BARROIS , Quai
des Auguftins , à la ville de Nevers,
M. DCC, XLVIII.
Avec Approbation & Privilege du Roi.
A VIS.
> L'ADRESSE du Mercure ef
' ADRESSE générale du Mercure eft
à M. DE CLEVES D'ARNICOURT ,
rue des Mauvais Garçons , fauxbourg Saint
Germain , à l'Hotel de Macon . Nous prions
très - inftamment ceux qui nous adrefferont
des Paquets par la Pofte , d'en affranchir le
Port , pour nous épargner le déplaifir de les
rebuter , & à eux celui de ne pas voir paroître
leurs Cuvrages.
Les Libraires des Provinces où des Pays
Etrangers , qui fouhaiteront avoir le Mercure
de France de la premiere main, &plus promptement,
n'auront qu'à écrire à l'adreſſe ci-deſſus
indiquée ; on fe conformera très - exactement à
leurs intentions.
Ainfi ilfaudra mettre fur les adreſſes à M.
de Cleves d'Arnicourt , Commis au Mercure
de France , rue des Mauvais Garçons , pour
remettre à M. Remond de Sainte Albine.
PRIX XXX . SOLS .
MERCURE
DE FRANCE, V
DÉDIÉ AV R.01.
SEPTEMBRE . 1748 .
I.
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Proje.
POEME SUR LA PAIX.
B
I
Rillantes Nimphes de la Seine,
Sortez en toule fur ces bords ;
Doux nourriffons de Melpomene ,
Formez les plus tendres accords.
Que les pipeaux & les mulettes
1
Retentiflent de toutes parts.
On n'entend plus le fon des bruyantes trompettes,
Mars a ployé les étendarts.
La difcorde au regard perfide
A ij
4 MERCURE DE FRANCE.
T
Le trouble , la haine homicide ,
Se replongent dans les Enfers.
Dans la main de Louis le tonnerre immobile
Ceffe de gronder dans les airs ,
Et d'un oeil ferein & tranquile ,
Ce Vainqueur généreux raffûre l'Univers,
Vaincus pár fes vertus , autant que par les armes,
Ses plus fiers ennemis l'adorent, comme nous;
Ils fe rendent fans peine , entraînés par les char
mes ,
Et la plus tendre eftime étouffe leur courroux.
Sur les Peuples voifins , éblouis de fa gloire ,
Il pouvoit étendre ſes Loix ;
L'indomptable Valeur , la Force & la Victoire ,
Marchant fous fes Drapeaux , affûroient les Ex
ploits.
Il peut lancer la foudre , exciter les tempêtes ;
Effacer les travaux des antiques Vainqueurs ;
Mais content de fa gloire , il borne fes conquêtes ,
Sûr de regner dans tous les coeurs.
Il fçait que les lauriers, dont fe ceint la victoire ,
Croiffent parmi le fang , le carnage & l'horreur,
Et que les noirs tranſports d'une longue fureur
Sont moins les titres de la gloire ,
Que l'opprobre de la valeur.
Vengeur terrible , armé par la juftice ,
Il foudroyafes rivaux éperdus ;
B
#
+
5
SEPTEMBRE . 1748 .
Dans les mains aujourd'hui fa clémence propice
Arrête fes traits fufpendus.
Bien-tôt , le front couvert de l'Olive facrée
Enchaînant à fes pieds le Démon des Combats ,
Sous l'afpect fortuné de Minerve & d'Aftrée ,
Ce Héros bienfaiſant va régir ſes Etats ,
Et répandant au loin fur la terre & fur l'onde
L'influence douce & féconde
De fa fagefle & de ſes Loix ,
Il va tout réunir dans une paix profonde ,
Pere de fes Sujets , & l'Oracle du monde
La gloire & l'exemple des Rois .
>
Que vois-je ! quel éclat ! quel pompeux affem
blage !
Que d'objets gracieux s'offrent à mes regards !
Du haut de l'Hélicon la foule des Beaux- Arts
&
Vient s'établir fur ce rivage ;
Avec les doux plaifirs l'abondance les fuit ;
Le Commerce répand dans le fein de la France
Tous les tréfors de l'opulence,
Et la bonne foi le conduit.
Pour célébrer un Héros magnanime ,
Qui comble fes - Sujets de tant de biens divers ,
Les nourriffons du Dieu des vers
S'apprêtent à chanter d'un ton mâle & fublime ;
Le zéle les foûtient , l'équité les anime,.
La vérité préfide à leurs Concerts.
こ
A iij
MERCURE DE FRANCE.
Ils ont chanté fes vertus héroïques ,
Nos fuperbes rivaux terraffés par les mains ;
Ils vont chanter fes vertus pacifiques ,
Et fon coeur occupé du bonheur des humains.
Oui , grand Roi , quel que foit l'éclat de la vice
toire ,
Le courage , fans la bonté,
N'eft qu'un vain titre , une funefte gloire ,
Et fans la douce humanité
On n'arriya jamais au Temple de Mémoire ,
Mais ches toi la fageffe éclaire la valeur.
Lorfque frappés de ton tonnerre ,
Nos ennemis en toi redoutent leur vainqueur ,
. Le monde y voit toujours un Pere ;
Ta gloire eft l'équité , les vertus font ta Cour.
Auffi bon Roi que guerrier redoutable ,
Heros charmant , Prince a lorable ,
Ton Trône eft dans nos coeurs , ton regne
notre amour.
J. D. Verardy.
ef
IN LUDOVICUM REGEM.
Q Uod jam pacando Lodoix fubrideat orbi ,
Deponatque piâ fulmina fæva manû ,
Plaudite. Mavortis dum negligit ille triumphos ,
SEPTEMBRE. 1748. 7
Plura quidem dulci pace tropea refert.
Si fe fe imperio cohibet , cum vincere poffit ,
Hunc latè Regem confecrat orbis amor.
Nempe novas cupidi fceptris adjungere gentes ,
Bella gerant alii : plus meruiffe fuit.
Par le même,
L
QUESTIONS
A l'occafion du Projet d'une Mefure
univerfelle.
A lecture du premier article du Mercure
de Juillet m'a déterminé à propofer
diverfes queftions.
On ne doit point les regarder en qualité
d'objections , mais comme de fimples confidérations
fur le projet très-louable de
faire fervir à une mefure univerfelle la
longueur du Pendule fimple à fecondes ,
déterminée fous l'Equinoxial.
Premiere queftion . Cette longueur eftelle
actuellement la même fous toute la circonférence
de l'Equinoxial en Amérique ,
en Afrique & en Afie ?
Seconde queftion . La longueur du Pendule
fous l'Equinoxial & fous les divers
Paralleles Auftraux ou Boreaux , eft- elle
A iiij
8 MERCURE DE FRANCE.
immuable & invariable , malgré le cours
des fiécles , enforte qu'elle auroit été trou
vée femblable par nos Ancêtres , & que
nos Defcendans la trouveront telle ?
J'ajoûte trois autres queſtions , qui ferviront
par leur éclairciffement à la promp
te décifion des deux premieres .
Une maffe déterminée d'un poids connu,
par exemple de trois marcs , fous un Parallele
& dans une Ville, comme Paris , peutelle
ou doit - elle , malgré fa tranfpofition ,
conferver fa pefanteur identique de trois
marcs , fans aucun accident , fous les autres
Paralleles , & dans les vallées ou fur les
montagnes du même Parallele ?
Le Pendule fimple auroit- il la propriété
d'avoir des arcs de vibration tautochrones ,
& ifochrones , ou de conferver la même
étendue dans fes arcs vibratoires, & le même
nombre d'ofcillations en tems égaux
dans un air temperé , foit au pied , foit au
fommet de la plus haute montagne du même
Parallele , quoiqu'il ne l'ait point pour
un même endroit dans les diverfes failons ,
ni à la hauteur du niveau des Mers , fous
divers Paralleles ?
Enfin la longueur du Pendule fimple à
fecondes fous le quarante- cinquiéme Parallele
Boreal, & fous le quarante- cinquié- ;
me Parallele Auftral , ou fous tout autre.
SEPTEMBRE.. 1748 .
Parallele de Latitude Auftrale ou Boreale,
mais d'énumération identique , eft - elle
femblable effentiellement , de-même que
la vîteffe de fes vibrations ?
Si la moindre difference eft reconnue dans
les cas exprimés par ces trois dernieres
queftions , on en doit induire la variabilité
de la pefanteur , & du Pendule fimple à fecondes
avec le cours des fiécles , à meſure
que la Terre changera fa pofition par une
fuite de fes mouvemens de progreffion &
de regreffion , felon le quatriéme fyftême
du Monde expliqué par le troifiéme fyfte
me de Phyfique.
L'ancien projet du célebre Geodifte M.
Picard , & de Mouton , Chanoine de Lion,
pour une mefure univerfelle à prendre
dans le Ciel , & renouvellé par un Académicien
très- capable de le porter
à fa perfection
, & d'en déduire toutes les utilités
poffibles , feroit-il à fuivre en conféquence
des expériences qui ont été ou qui feront
faites relativement à ces questions ?
A v
To MERCURE DE FRANCE.
張洗洗渗渗洗洗洗洗洗:送洗洗洗洗落
ODE
Tirée du Pleaume LXV. Jubilate Deo
omnis terra , &c . Par M. Dourxigné
· Auteur de l'O le tirée du Pfeaume 24 ,
inferée dans le fecond volume du Mercure
de France du mois de Juin 1748 , p . 89 .
*
Q
Ue l'Univers s'empreffe à fuivre notre
exemple ;
Accourez , Nations ; venez dans notre Temple
Adorer l'Eternel ,
Qui nous a délivrés d'un cruel efclavage ,
Et nous prépare encor le glorieux partage
D'un bonheur immortel.
****
Nos ennemis trompés par leur haine implacable,
Se flatoient que toujours ton coeur inexorable,
Dédaigneroit nos pleurs ;
Mais , en briſant nos fers ta Puiffance céleste
Adémenti , Grand Dieu , le préfage funefte
De nos perfécuteurs.
C'eſt toi , dont la clémence en miracles féconde ,
Ouvrant à nos ayeux un paffage dans l'onde ,
Daigna fauver leurs jours ,
SEPTEMBRE. 1748. II
Quand ton Peuple , opprimé par un Tyran * per-
·
fide ,
Contre lui vainement d'une fuite rapide
Emprunta le fecours.
XX
Pour nous punir , Seigneur , ta vengeance févere
Nous a livrés long- tems à l'injuſte colere
D'un Maître furieux ,
Mais enfin nos regrets ont fléchi ta juſtice
Et nous ne craignons plus de fa noire malice
Les complots odieux.
Comme l'or par le feu fe rafine & s'épure ;
Dieu , pour nous éprouver ici bas , nous procure
De légeres douleurs ;
Trop heureux, qu'à ce prix fes bontés favorables
D'un éternel fupplice à nos ames coupables
Epargnent les horreurs !
Chaque jour t'adreffant de nouveaux facrifices ,
On me verra, grand Dieu, du fang de mes génifles
↑ Pharaon,
2 vj
12 MERCURE DE FRANCE.
Arrofer tes Autels , '
Et publier les biens que verfe ta clémence
Sur l'homme pénitent , qui met la confiance
En tes foins paterneſs.
炒菜
'Si l'endurciffement comblant notre mifere ,
Avoit fermé nos coeurs au repentir fincé.e
Qui lave les forfaits ;
'Abandonnés fans ceffe au fort le plus terrible ,
Nous aurions fatigué ta juftice infléxible
D'inutiles fouhaits.
**
Béniffons , Dieu Puiffant , tes faveurs fouveraines.
Ifrael par ta main a vú rompre les chaînes
De fa captivité ,
Et fecondant les voeux d'un Peuple qui t'implore,
Du fein de nos malheurs ta bonté fait éclore
Notre félicité.
SEPTEMBRE. 1748. 13
SECONDE Lettre fur le Solitaire
ou Tenia.
St
I notre curiofité , Monfieur , eft peu
fatisfaite fur la nature & l'origine du
Tenia , en revanche on a enfin trouvé la
bonne maniere d'attaquer & de vaincre
cet ennemi . Nous avons cette obligation
à M. Hertenswandt , Médecin de S. A. S. le
Prince de Saxe Gotha . Il faut avouer
que le triomphe , qu'il a remporté fur ce
ver , lui a pen coûté , & il eſt affés modefte
pour en faire honneur au hazard
qui eft le premier auteur de prefque
toutes les découvertes. M. H. donnoit
un remède pour une maladie particuliere
; ce reméde eût an fuccès inefperé ;
le malade jetta le ver folitaire , & fut guéri.
Notre Médecin donna le même reméde
à un autre malade , & fa ſurpriſe redoubla
à la vûë des mêmes effets . Un efprit
éclairé & attentif ne laiffe guéres échapper
le fil , quand il le tient une fois , & comme.
fi la Providence vouloit entrer dans
fes vûës & y concourir , elle lui fournit
les occafions de fuivre fes expériences , &
de s'affûrer de la réuffice . I eft certain
qu'il fe préfenta plus de cas favorables, que
·
"
14 MERCURE DE FRANCE.
notre habile Docteur ne fe flatoit d'en
rencontrer. Telle perfonne qui gardoit le
filence , & qui fe réfolvoit à paffer ſa vie
avec le foltaire, changea de réfolution , dès
qu'elle eût efperance de s'en délivrer. Il
eft naturel de chercher à fe défaire d'un
hôte , finon extrêmément dangereux , du
moins fouvent inquiet & prefque toujours
incommode. Les Médecins trouvoient
bien des remédes qui foulageoient , & qui
faifoient même fortir quelques aunes du
Tenia , mais il ne mouroit pas pour cela
il réparoit bientôt fes pertes , & c'étoit
toujours à recommencer. Cela caufoit des
anxietés au malade : quand l'imagination
n'auroit été que bleffée , le mal ne laiffoit
pas d'être très-réel .
M. le Clerc , célébre par fa judicieufe
& fçavante Hiftoire de la Médecine , &
le fameux M. Andri , avoient indiqué plufieurs
remédes contre le Tenia , mais il
étoit réservé à M. Hertenswandt de rem
porter une victoire complette. Il a guéri
à Genève plus de trente malades , parmi
lefquels il y a des gens de la premiere confidération
, & dont la fanté eft très précieufe
au public. Le reméde qu'il donne
ne laiffe point craindre de fuites funeftes ;
il eft aifé à prendre ; l'opération eft finie
dans l'efpace de quatre à cinq heures ,
SEPTEMBRE. 1748. 15
J.
& l'on a la fatisfaction de voir le ver fortir
entier & vivant . Ce n'eft point ici une
de ces illufions flareufes ,qui endorment le
malade , fans le guérir . L'oeil juge du fuccès
, & en eft le témoin . Quelle difference
de cette cure avec les promeffes faftueufes
d'un Empyrique ou d'un Charlatan ! A la
vérité , ce reméde eft encore un fecret
mais ce n'eft pas le mystére qui en fait le
prix , & il eft bien jufte que celui qui
à eu le bonheur de le découvrir , en pro
fite. Je le loue avec d'autant plus de plaifir
& de fincerité , que je n'ai aucun interêt
à le vanter. Ce n'eft point moi qui le
diftribue , & les liaifons que j'ai eu avec
I'Inventeur font fi foibles , & fe font f
fort relâchées , que je ne puis être déterminé
que par l'amour de la vérité & du
bien public.
On s'eft fouvent fervi pour le Tenia de
l'écorce de meurier , & de la racine de
fougere , mêlées & mifes en poudre , mais
ce reméde eft violent ,& ne réuffit pas tou
jours. Le Tanacetum , l'Alfotanum , le
Mercure doux , le Kermés , le Tartre émetique
, ont quelquefois produit de bons
effets , auffi bien que la poudre d'Etain ,
que les Actes de la Societé E limbourg
donnent comme un fpécifique pour fondre
le ver folitaire. Mais fi ce reméde eft un
que
16 MERCURE DE FRANCE.
diffolvant , comme il faut néceffairement
que c'en foit un , comment agira- t'il fur
le ver , fans bleffer les vifcéres qui le renferment
? Lui attribuera t'on du difcernement
& de l'intelligence ? L'expérience ,,
il eft vrai , nous apprend qu'un diffolvant,
agit fort bien fur un corps ,
fans toucher
à un autre ; le vinaigre ronge la pierre , &
il conferve dans fon fein mille petits animaux.
Les diffolvans , qui font dans l'eftomach
, qui ne l'offenfent point , & qui contribuent
fi fort , felon M. Andri , à la digeſtion
, & à la fermentation des alimens ,
en font encore une preuve.
A ce fujet , Monfieur , je remarquerai
que le folitaire n'a point eû de plus grand
ennemi que feu M. Hecquet ; comment en
effet pouvoir concilier l'existence & la
confervation de ce ver , avec l'hypothèſe
de la trituration , qui étoit l'idole de ce
Docteur ? Comment le Tenia n'auroit-il pas
été moulu & brifé en mille piéces par le
broyement continuel des mufcles du bas
ventre & des inteftins ? Comment refifter
à un poids de deux cent foixante- un mille
cent quatre-vingt - fix livres ? En vérité ,
le fyftême de la trituration ne peut tenir
contre une fi forte objection , & l'on peut
dire que le folitaire le reduit en poudre.
Je finirai cette lettre par les obfervaSEPTEMBRE
. 174S .
1748. 17
tions que je vous ai promiſes. Le Tenia
femble fermer quelquefois l'ouverture du
canal cholidoque , comme pour empêcher la
bile , qui l'incommode , d'en fortir , & il
nuit par- là au malade . F. Hildanus rapporte
qu'une femme de Lauſanne rendoit
régulierement la veille de la Saint Jean
quelques aunes du folitaire. Ce qu'il y a
de fingulier , c'eft qu'elle n'en rendit point,
après avoir pris une forte décoction de
Colokinthe. M. Andri parle d'une fille de
qualité , accufée d'être enceinte , parce
qu'elle avoit le ventre fort gros , & de
fréquens maux de coeur ; elle mourut, après
avoir pris inutilement pluffeurs remédes ;
on l'ouvrit , & on lui trouva le folium ,
qui occupoit prefque toute la capacité du
bas ventre.
Au refte , Monfieur , j'ai traité , ou peu
s'en faut , de chimére , un ver folium ,
qui avoit deux cornes , quatre yeux , une
queue fourchue , & une petite langue en
forme d'aiguillon , d'une couleur noire :
cependant il n'y a qu'un moment qu'on
vient de m'affûrer qu'on en a vû de tels.
Ambroise Paré parle d'un ver , à peu près
femblable , trouvé dans la cuiffe d'un jeune
homme. Comme nous ne devons pas
tout croire , nous ne devons
auffi tout
pas
nier. Je ne décide point , je voudrois feu18
MERCURE DEFRANCE.
<
lement qu'on fit attention à une chofe. Le
Tenia fe rompt très-aifément. En fe rompant
il fait des frifures & des filamens
aufquels l'imagination & la crédulité
vent donner la forme & la figure qu'il leur
plaît. Il fera aifé de s'éclaircir fur ce fujer,
aujourd'hui que ce ver eft plus commun ,
& qu'il paroît s'être multiplié.
peu-
Quelques Auteurs ont affûré qu'on a vû
fortir des ferpens & des dragons de quelques
cadavres , & qu'on en a trouvé dans
le tombeau de Charles Martel , qui s'étoient
engendrés de fon corps. Plutarque
rapporte un fait à peu près femblable , en
parlant de Cleomene . Cela ne montre-t'il
pas avec quelle fage défiance on doit lire
les Hiftoriens , même les plus véridiques ?
Ne peut il pas être arrivé que ces prétendus
dragons ou ferpens ne fuffent que le
folium qui a furvêcu au mort , & qui s'eft
fait paffage pour fortir ? On fçait que ce
ver prend fouvent une figure très-hideuſe ,
lorfqu'il vieillit . N'en voilà-t'il pas affés
pour le peindre fous la forme d'un ferpent
ou d'un dragon ? Mais ce ne feroit pas fa
figure qui me feroit peur ; ce qui doit effrayer
véritablement , c'eft qu'il caufe
quelquefois la mort . On fçait combien la
plupart des vers font nuifibles : dans le
tems de la pefte de Marfeille , une perSEPTEMBRE.
1743. 19
fonne , ayant mis le foir une feuille de papier
fur la fenêtre , y apperçût le matin
une fourmilliere de petits vers ailés ,
d'une figure très -finguliere , qui difparurent
entierement quand la pefte eût cellé.
Il eft affés vraisemblable que c'étoient ces
petits infectes qui y avoient apporté la
contagion ; le Tartre émerique fit très - bien,
lors de cette funefte maladie , & c'eſt en
effet un très- bon reméde contre les vers .
Si les vers donnent quelquefois la mort
à l'homme , ils lui donnent auffi la vie
felon quelques Phyficiens. Ces Sçavans
prétendent que l'on trouve dans la liqueur
du mâle un petit ver qui a une groffe tête
& une longue queuë , & que l'on doit regarder
comme un germe animé , qui ne
fait que fe développer dans l'uterus. Après
cela , que l'homme , s'il l'ofe , ait de l'or
gueil. Pour l'humilier , je n'ai qu'à lui
mettre devant les yeux fon origine & fa
fin il doit fa naiffance à un ver ; de vils
infectes peuvent le dévorer pendant ſa vie,
& il en eft la proye après la mort. Je fais
avec reſpect , &c.
;
Tollot à Geneve.
20 MERCURE DE FRANCE:
洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗渗
A Madame J. M. pour lejour de fa fête
lequel a été remarquable cette année
par la derniere éclipfe du Soleil.
T El qui feroit d'humeur de vous compter fleurettes
,
Et vous faire en beaux vers un fade
compliment ,
Profiteroit du rare évenement ,
Qui fait contre le Ciel braquer maintes lunettes ,
Pour vous dire emphatiquement
Qu'aujourd'hui le Roi des Planettes ,
Sur certain fujet important
Voulant avec la Lune avoir un tête à tête ,
Avoit pour l'entretien galant
Choifi le jour de votre fête ,
Vous offrant pour bouquet le brillant embarras
D'éclairer le monde à fa place ,
Et d'être dans ce jour l'aftre de nos climats.
Que ce débût auroit de grace !
D'infipides flateurs , épris de vos appas ,
Peut- être vous tiendroient ce dangereux langage ;
Mais moi qui de flater ne connois point l'ufage ,
Moi , dont le difcret Apollon ,
Ni ne fçait , ni ne doit fe monter fur ce ton ,
Je vous dirai fans hyperbole ,
SEPTEMBRE. 21 1748 .
Qu'en ce jour , où pour vous on fait mille fou
haits
Les miens feront , fur ma parole ,
Les moins flateurs , mais les plus vraiș .
Par A. M. Docteur en Médecine à Lyon ,
CAC ICDCACACACDCOCA
L'AMOUR PEINTRE.
A Mademoifelle de *
Vous demandez des vers ; il faut vous fatisfaire
.
Malgré tous mes fermens , j'obéis à vos loix ;
Si c'eft un crime , Iris , celui de vous déplaire ,
Me paroît plus grand mille fois ,
Mais je trouve un nouvel obftacle ,
Qui vient dans ce projet tout à coup m'arrêter
Car fur quel ton puis- je chanter ?
L'Amour , qui devroit être ici mon feul oracle ;
Eft le feul qu'avec vous je n'ofe confulter.
Quand vous faites fentir fes ardeurs les plus vives;
Tout de fa part vous eft ſuſpect ,
Et vous voulez que fes flammes captives ,
Suivent toujours les loix d'un févére reſpect.
J'oferois , plus hardi qu'Apelle ,
Traçer de vos beautés un portrait éclatant ,
Mais fans ce Dieu que vous méprilez tant
22 MERCURE DE FRANCE.
Pourrois-je , comme il faut , exprimer mon mo
delle ?
Un esclave foumis eft un Peintre fidele.
Iris , un feul foupir pouflé d'un certain ton
Eft un garant plus fûr des attraits d'une belle ,
Que tous les beaux difcours que nous dicte Appòllon.
Par M. N. D. L. R.
HÆG SING FÆÐ SÆI SÆG ANG SIG SÆG RING OMG LEG BEF
MADRIGAL
à Mademoiselle de *
Quand j'eûs brifé les fers où me tenoit Ifméne ;
Dans mon jufte dépit je jurai mille fois
D'éviter de l'Amour les tyranniques loix ,
Mais , alors , aimable Céliméne ,
Je ne prévoyois pas qu'un jour je vous verrois.
Par le même,
SEPTEMBRE . 1748. 23
****************
L
PENSEES MORALES.
A raifon éclaire , mais elle ne con luit
pas.
Les perfonnes , qui ont le coeur ufé
les grandes paffions , font
l'amitié.
par
peu propres à
L'amour propre , bien entendu , devient
la bafe de toutes les vertus.
Combien d'actions feroient moins vantées
, fi l'on en connoiffoit les motifs ?
Peu de gens fçavent écouter , ce qui
fait que peu de gens fçavent répondre .
,
Que les hommes font difficiles à contenter
! Ce n'eft point affés de les loier
autant & plus qu'ils ne méritent ; ils ne
pardonnent point les louanges que l'on
donne aux autres,
On loue volontiers un mérite inférieur ,
On parle avec les autres , on penfe aveç
foi.
Il eft des yeux , avec lefquels on entre
d'abord en converfation .
Beaucoup de femmes font criminelles ,
avant que de connoître le crime.
Rien de plus méprifé que le monde , &
rien de plus refpecté.
Pour être détrompé, on n'eſt pas détaché.
24 MERCURE DE FRANCE.
C'eft une grande illufion que de remet
tre aux autres le foin de nous rendre heureux
; il n'eft de vrai bonheur que celui
qu'on trouve en ſoi .
Les vertus font plus foibles dans les
femmes
, que dans les hommes.
Peu de gens ont le talent , & moins
encore la volonté de concilier les efprits.
Les bienfaits engagent autant & plus
ceux qui les font , que ceux qui les reçoi
vent .
Les grandes épreuves exercent le courage
; les petites ufent la patience.
On corrigeroit plutôt les vices que
foibleffes.
les
Si nous nous voyions des mêmes yeux ,
dont les autres nous voyent , nous ferions
bien modeftes .
Il est peu de plaifirs qui foient vifs &
purs .
Un bon coeur eft fouvent le foible ,
comme le fort, de celui qui le pofféde.
Telle perfonne feroit capable d'amitié ,
qui ne trouve pas à la placer.
On veut être loué , & l'on néglige d'être
louable.
Nous rendons notre bonheur trop dépendant
de l'opinion des autres.
L'amitié eft une vertu qui comprend
toutes les autres ; elle rend ingénieux à
faire
.
SEPTEMBRE. 1748. 25:
faire plaifir , prévenant , attentif, défintereffé
, & même généreux ; il n'eft rien dont
un homme propre à l'amitié ne foit capable.
Il eft des perfonnes qui ne pofent fur
rien , & dont les réflexions font fi fuperficielles
, les vûës fi courtes , qu'on pourroit
dire qu'elles fortent de ce monde , comme
elles y font entrées.
Une des folies les plus ordinaires aux
hommes eft de vouloir être connus , &
combien de ces hommes gagneroient bien
davantage à être ignorés ?
La fermeté, le courage, font des qualités
de l'ame , qui excitent la furpriſe & l'admiration
, mais il leur faut un objet digne
d'elles.
que
Il femble que ce foit un droit de faillir
d'en être jugé capable .
EPITRE
Ecrite le premier Janvier 1748 .
DyDu vafte fein de la plaine liquide ,
On folâtre la Néréide
Aux avides regards du Triton amoureux
Le Soleil , en ce jour , de fes utiles feux
B
26 MERCURE DE FRANCE.
Reproduifant la fource ,
Recommence à nos yeux
Une nouvelle courfe.
Ah ! dans ce tems bruyant, par Momus inventé,
Quels fots ufages font les nôtres !
Fades complimenteurs , échos les uns des autres ,
C'eſt à qui fera voir moins de fincérité .
En fleurs déguifant les épines ,
Le menfonge par tout avec impunité
S'éleve des Autels fur les triftes ruines
De la plaintive vérité.
Dans les hameaux elle s'exile :
Ah ! fuivons-la , fuyons le féjour de la Ville ;
L'air que l'on y reſpire eft un air infecté.
Dans le filence des retraites ,
Amis , courons goûter un repos
affûré ;
Là , de la politique au maintien mesuré
Secoüant les chaînes fecrettes ,
Nous n'irons point aux pieds d'un riche imperti
nent
Proſtituer des voeux que notre coeur dement ,
Et par les plus lâches courbettes
Souvent mandier un appui,
Qu'on rougit de tenir de lui...
Mais où m'entraîne donc un délire bizarre !
Dans des effors fi hauts je fens que je m'égare.
Ma mufe , fur le chalumeau
SEPTEMBRE. 1748 27 .
Confacrant à l'Amour un éternel hommage ,
Ne dépeignit jamais qu'un Berger fous l'ormeau,
Rappellant par fes pleurs une amante volage ,
Et la fixant par des foins empreffés.
Si mes tableaux ont plû , n'en est- ce pas affés ?
Pardonnez , chere Iris , ces écarts de ma verve
Baillez , baillez , & ne vous gênez pas ,
Cela foulage , mais hélas !
D'ennuis pareils que le Ciel vous préſerve.
Je reviens donc à mon fujet ,
Et pour en remplir tout l'objet ,
Je vous dirai qu'Amour par des loix fouveraines
Veut que pour vos étrennes
Je vous adreffe une leçon ,
Et qui plus eft , de ma façon.
De ce début envain votre fierté s'irrite ;
Je ne le céle point à l'Amour j'ai promis
Qu'avant peu , malgré vos mépris ,
Je vous rendrois la Proſélyte ,
Et qu'en vous ébauchant ſes traits ,
Peut-être , malgré vous , je vous défarmerois.
Si l'entrepriſe eft téméraire ,
Elle ne me rébute point,
Ne penfez pas que j'exagére
Dans l'image qu'ici je prétends vous en faire
A mes crayons toujours le vrai fe trouve joint
Bij
18 MERCURE DE FRANCE.
Je peindrai l'Amour tel qu'avec des traits de
Aamme
Vos appas raviflans l'ont porté dans mon ame,
Maître de la terre & des cieux , 1 .
Son Empire enchanteur s'étend jufques aux
Dieux ;
C'est lui qui fous un air d'enfance ,
Intéreffe , flate , féduit ,
Qui , fur l'aîle de la conſtance ,
'Au comble des defirs par degrés nous conduit .
Sincere , il bannit l'impofture ,
Il eft foumis , tendre , preffant ,
Et le bonheur qu'il nous procure
Forme le bonheur qu'il reffent .
A fes feux , heureux qui fe livre !
Heureux le coeur où ce Dieu naît !
Un mortel ne commence à vivre
Que du moment qu'il le connoít .
Oui , de l'Amour qui vous créa fi belle ,
Voilà , charmante Iris , l'efquiffe naturelle ;
Vous lui devez tous vos inftans ,
Et la coupable indifference ,
Où vous coulez les jours d'un rapide printems ,
Eft pour fon culte une réelle offenfe..
Pour prix de mes foupirs laiffez- vous enflammer :
Toujours tendre , toujours fidéle ,
vous fervirai de modéle , Je
SEPTEMBRE. 1748. ~ 22
Et je vous apprendrai l'art délicat d'aimer
Par fentiment & jamais par foibleffe .
Cette leçon n'offre rien qui vous bleffe ;
J'y vais mettre un dernier vernis
Plus leger cent fois qu'Eole ,
Sans retour le tems s'envole ;
Joüiffez - en , & croyez , jeune Iris ,
:
Que quand l'âge vient nous furprendre ;
On ne regrette point les plaifirs qu'on a pris ,
Mais ceux que l'on auroit dû prendre.
Par M. Gaudet:
302 303 304 305 302 302 303 30 : 302306 324 325 326
LETTRE d'un Sçavant de Hollande
M. l'Abbé *** , fur un Poëme attribué à
feu M. Despréaux.
O
N travaille ici , Monfieur , à une
nouvelle édition des OEuvres de M.
Defpréaux , dans laquelle on fe propoſe
d'inférer un Poëme qu'on lui attribue. A
la tête de cette Piéce on doit mettre une
Préface qui contient l'hiftoire de ce prétendu
ouvrage pofthume : j'ai crû que
vous feriez bien aife de la lite . La voici.
Comme on recherche avec foin après
la mort des grands hommes jufqu'à leurs
moindres ouvrages , & qu'une efquiffe de
B iij
36 MERCURE DE FRANCE.
par-
Raphaël , ou de Michel Ange ' , trouve fa
place dans les Cabinets des Curieux
mi les morceaux les plus rares & les plus
finis , le public verra fans doute avec plaifir
, à la fuite du Lutrin de l'illuftre M.
Delpréaux , un Poëme qui , comme le premier
,doit fa naiffance à un leger differend ,
furvenu dans un Chapitre entre le Prévôt,
le Chantre , & les Chanoines , au ſujet du
cérémonial que le Chantre prétendoit
qu'on fuivit, lorfqu'il officioit. L'engagement
d'écrire fut le même que celui du
Lutrin. On raconte ainfi le fait.
44
M. Defpréaux , peu d'années avant fa
mort , alioir quelquefois prendre l'air à la
campagne chés un de fes amis , dont la
maifon étoit le rendez vous de plufieurs
gens de Lettres. Un jour la converfation
de la table tomba fur ce differend , dont le
principal fujet étoit une prétention du
Chantre de porter un Bâton d'une certaine
forme pour marque de fa Dignité . Le maître
de la maiſon , prenant la parole , dit
que ce noble Bâton étoit le frere puîné
du Lutrin ; qu'en France les cadets des
Gentilshommes avoient quelque part à la
fucceffion de leurs peres ; que l'aîné étoit
affés heureux d'avoir le Fief , & qu'il feroit
injufte de priver de fa légitime un
malheureux qui n'avoit d'autre crime que
SEPTEMBRE 31 1748.
d'être venu le dernier. Cette plaifanterie
fit rire tout le monde , excepté M. Defpréaux
, qui rougit modeftement , & qui
repondit avec fa maniere ordinaire & réfervée
, que la joie , qu'on pourroit goûter
de fe voir pere dans un âge avancé , étoit
fort combattue. par la peine qu'on reffentoit
de ne pouvoir avant fa mort établir
Les enfans ; qu'ainfi le prétendu fils qu'on
vouloir lui donner fi liberalement fur la
fin de fes jours , pourroit bien éprouver le
fort de ces enfans infortunés , qui perdent
leurs parens en bas âge , & qui paffent
triftement en tutelle une partie de leur
vie.. oop gam
[
il Cependant retiré dans fa chambre ,
s'amufa du fouvenir de cette aventure , &
fa Mufe s'étant échauffée , il crût ne pou
voir laiffer un plus grand gage d'amitié à
l'hôte obligeant , chés lequel il continua
de jouir pendant quelques jours d'une
agréable folitude , que de lui laiffer en
partant fon Baron de vieilleffe. Ce furent
fes térmes. Il exigea de cet ami , qu'il ne
feroit jamais voir le jour à cet écrit. Je
me fuis , difoit-il , engagé en quelque forte
envers le public ,à ne plus ramaffer de
rimes. Il y a d'autant plus lieu de tenir
parole , que ce malotru- ci ſemble né malgré
les glaces de l'âge , & en dépit d'Apol
K
B iiij
32 MERCURE DE FRANCE.
lon , que j'avois congédié depuis longtems.
Son ami eût affés de peine à lui faire
une femblable promeffe , mais il y a été
fidéle , car ce n'a été qu'après la mort que
l'ouvrage a vû la lumiere. Ceux entre les
mains defquels il tomba d'abord , & qui
n'avoient pas contracté le même engagement
, ne fe font fait aucun fcrupule de
le communiquer. C'eſt au public à juger,
fi dans ces fortes de rencontres on peut
fe difpenfer quelquefois d'avoir égard
à l'intention des défunts.
Si vous voulez , Monfieur , que je vous
dife mon fentiment fur cette Préface , je
foupçonne que l'Hiftoire, qui y eft rappor
tée , eft une fiction imaginée pour pouvoir
attribuer à M. Defpréaux un ouvrage auquel
il n'aura peut-être jamais penfé. On
aura voulu rire fans doute , & effayer fi
on pouvoit donner le change à quelqu'un.
Mais entre nous , il n'y aura de trompés
que ceux qui voudront bien l'être. Depuis
long- tems on eft revenu de ces fortes
de fineffes. Il faut avouer au refte , que ft
ce récit n'eft pas vrai , il eſt du moins vrai
femblable , & qu'il peut faire naître la curiofité
de voir ce Poëme.
SEPTEMBRE..
1748. 33
洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗洗
TRADUCTION de l'Epître de M. de
Voltaire au Roi de Pruffe , qui commence
ainfi : Quoi ; vous êtes Monarque &
vous m'aimez encore ?
R
Epiftola Voltarii ad Pruffia Regem.
Ex es , & antiqui memor es , quis credar
amici ?
Vix regnas , autora tui vix faufta reluxit
Imperii , torum radiis & roribus orbem
Ditatura , meis cumulum dedit hæc quoque votis
Rex bone , Rex conftans Nos eccè immenfa
remotos
Intervalla piis junxit tua dextera donis.
Excelfus folio , virtutibus altior , ad me
Depofito veluti duce fcribis. Epiftola , corde
Quæ memori maneat nullo delebilis ævo !
Qui nunc huic noftro lucis Deus imminet orbi ,
Non fic in coelis radiavit femper Apollo ;
Æthereámque inter fublimia fidera fedem
Non habuit femper ; filvas habitavit opacas ,
Atquè cafas humiles & amænè florida rura ;
Hic fauftos fine labe dies feliciter egit ,
Dilexitque bonas ibi quas invenerat artes ,
Et coluit , docilique lirâ celebravit amandam
Virtutem, & magnis hanc laudibus extulit unam,
Bv
34 MERCURE DE FRANCE.
Antè rudes Phrigios bonus edocet , antè feroces
Lenit , & adducit nativis legibus uti ;
Facu dus dictis & carmine nobilis , artem
Edocuit numerosè loqui & fuadere loquendo.
Aurea dicenda eft hæc ætas , aurea namque eft ,
Sit licèt indoctus, quâ rectè homo cogitat, atas.
Tam fortunatas paftor peregrinus ad oras
Venit, Apollineæ modulamina fuavia vocis.
Audivit , captufque fuit dulcedine ; cantus
Edere concordes eft aufus paftor ; Apollo
Laudavit voluitque fimul laudando docere ,
Et blandis dulcem ftimulis formavit ad artem .
At Deus agrefti numen fub imagine celat
Paftoris , fictæ confidens advena formæ ,
Nil nifi paftorem novit , laudavit , amavit.
Ille ego fum de quo narratur fabula paſtor
Advena , fe quis erit qui me infpiravit Apollo ;
Edocuitque fimul Vos tèrque quarèrque beati ,
Opopuli , veftrum fub Apolline nofcite Regem.
Ille mihi Deus : Europæ fplendor amorque,
Vivat , lo refonet , fubje&tæ plaudite gentes.
Illius aufpiciis fua jam jam præmia virtus
Et feret , & reduces ludique arteſque vigebunt.
En ab utraque viri fapientes protinus arcto
Conveniunt, ultrò fubituri jura recentis
Imperii , & domino gaudent fervire docenti ;
Ta veri rectique féquax & victima , virtus
SEPTEMBRE .
35.
1748.
Cujus in adverfis clara inconcuffaque manfit ,
Invidia inferni ftimulis agitata furoris ,
Atque error, multos te jactavere per annos;
Jam repetas patrios , ô vir generoſe , penates,
Confcendit folium Socrates , exulat error.
fufilis auri
Qui , veluti cruor eft in corpore ,
Nummus in imperio , & letum , ni circuit , infert ;
Largâ fpargetur dextrâ , nil deerit egenis.
Auri congeftos ægrè Rex fpectat acervos ,
Ni bonus inde levet populum , faciatque beatum:
Quotquot vicinos reges , tot habebit amicos ,
Nàm pater eft populi , fraterque vir integer illi
eft .
Dat pacem , fortis fimul eft ab bella paratus ,
Non ab utraque polo magnâ mercede petitos
Quærit ad arma viros quos unum molis ineptæ
Pondus commendat ; virtutem pofcit in illis.
Dixerit hic quidquid , quicquid rex fuerit , heros
Emicat , à norma cum numquam abfcefferit æqui,
Heroas Bellona minùs fpectanda trophæis
Quàm pietas , facit officiis comitata benignis.
Quà fe fe celeri velox rapit impete Ganges ,
Sex olim tu quinque Duces , Trajane , domafti;
At non fanguineis famofum nomen ab armis
Traxifti : fecit tua munificentia laudem a
Non victæ gentes , everfaque mænia Titum
Non celebrant magnâ percepti ftrage Triumphi
B vj
36 MERCURE DE FRANCE .
Titus amabatur ; pietas fua , gloria tota eſt.
Emulus infiftis Tito ; fuperabitur : unum
Perdidit ille diem , nullum , Rex optime , perdes.
G. B. A. de S. Châmond,
+3*3X* X*X* X* X * X* X
EPITAPH E.
De Madame la Maréchale
de Noailles.
Par une faveur finguliere ,
Qui de fes vertus fut le fruit
Noailles a fourni la plus longue carriere .
Saine de corps & plus faine d'efprit ,
Elle touchoit à fon vingtiéme luftre ,
Quand de fes jours ferains le cours fut arrêté.
Epargnons , dit la Parque , à cette femme illuftre
L'affront de la caducité.
SEPTEMBRE. 1748. 37
REMARQUES du Pere Texte
Dominicain , pour prouver qu'Amiot étoit
à la Cour dans le tems de la S. Barthélemis
Ans le Mercure de France , fecond
Dvolume de Juin 1746 , M. Pré....
Chanoine de N. D. de Paris , adrefle cette
fupplique à M. l'Abbé le Beuf , de, l'Académie
des Belles Lettres. » Je fuis , M. fur
» le déclin , avis d'une honnête retraite ; je -
» vous établis mon Subftitut pour décou-
» vrir fi le fçavant Jacques Amiot , Evêque.
" d'Auxerre & Grand Aumônier de Fran-
» ce , n'auroit pas été abfent de la Cour
» les 18 Août 1572 , que fe firent les Nô-
» ces de Henri , Roi de Navarre , avec Mar-
>> guerite de France , fix jours avant la journée
de la S. Barthelemi . Vous êtes plus
» à portée que tout autre d'en décider. Je
" vois dans votre excellente Hiftoire d'Au-
» xerre , qu'Amiot prit poffeffion de fon
" Evêché le 29 du mois de Mai 1571 , &
» qu'il ne vint faire un tour à Paris qu'en
» celui d'Avril 1573. Cet alibi fuppofé , ik
étoit dans les bonnes regles , qu'il fut
» fuppléé par Hennuyer , Evêque de Li-
» zieux, Premier Aumônier du Roi Char
» les IX : ainfi ce Prélat n'auroit pas pû
"
38 MERCURE DEFRANCE.
» être préfent dans fon Diocèfe pour y
>>fauver la vie aux Huguenots , & y faire
» le perfonnage que M. de la Roque dans
» fon manuferit , & plufieurs autres Au-
» teurs , lui prêtent .
Le filence de M. le Beuf, depuis un fi
long efpace de tems , m'ayant fait comprendre
qu'il n'a pas daigné faire cette recherche
, & qu'il s'en tient à ce qu'il a
avancé , j'ai crû que pour autorifer cette
préfence dont il s'agit , & forcer l'adverfaire
jufque dans fon retranchement de l'alibi,
qu'il fe flate de trouver , je n'avois qu'à
rapporter ce qui fuit , & qu'on feroit perfuadé
que M. le Beuf , le feul qui dit Amiot
Grand Aumônier & Evêque d'Auxerre ,
abfent de la Cour depuis le 29 Mai 1571
jufques en Avril 1573 , s'eft vifiblement
trompé.
Le Roi Charles IX eut une fille , née let
29 Octobre 1572 , laquelle fut baptiſée à
Paris le 2 Fevrier 1573. L'Abbé Archon ,
p. 606 , Chapelle des Rois , a écrit que ce
fut le Grand Aumônier qui la baptifa dans
l'Eglife de S.Germain de l'Auxerrois . Voilà
qui eft pofitif, & M. Pré ... qui en a été
Chanoine , a pourtant ignoré ce fait. Le
Grand Aumônier étoit donc à la Cour
avant le mois d'Avril 573.kor e
Second fait. Le Roi Charles IX man-
ノ
SEPTEMBRE. 1748. 39 .
»
geoit & dormoit fort peu , felon M. de
» Thou , t . 2. p. 990 , & depuis la S. Bar-
>> thelemi fon fommeil étoit fouvent inter-
>> rompu par des fantômes & des fonges
» affreux. Modicus ut cibi & fomnii , quem
» etiam nocturni horrores poft cafum Sanbar-
» tholemaum plerumque interrumpebant.
33
» L'ennui & le déplaifir du Roi , dit,
Archon , p. 604 , le faifant connoître,
>> fur fon vifage, fon Grand Aumônier , qui
» s'en appercevoit , lui demanda avec
une liberté pleine de refpect , pourquoi
» Sa Majefté s'abandonnoit ainfi au chagrin
; ce Prince lui répondit , mon Maitre
, n'en ai-je pas raifon ? Et dans une au-
»tre occafion , pour lui témoigner com-
» bien fa préfence lui étoit néceffaire , it
» lui dit : mon Maitre , ne me quittezpas. Il
» avoit été fon Précepteur.
"
"
» Archon ajoûte le chagrin du Roi
» augmenta par le mauvais fuccès du fiége
» de la Rochelle . Ce fiége fut mis , felon
Duplex , le 4 Décembre 1972 , & continué
avec un fi mauvais fuccès , qu'il fut
levé au mois de Juin 1573. Le Grand Aumônier
étoit donc ordinairement auprès
de fon Roi , fon illuftre Difciple , pour le
confoler par fes entretiens pieux & familiers
, depuis fon indifpofition & avant le
fiége de la Rochelle , mis le 4 Décembre
40 MERCURE DE FRANCE.
1572 , cinq mois avant Avril 1573 , puifque
le mauvais fuccès du fiége de la Rochelle
ne fit qu'augmenter le chagrin précédent.
Eft- ce- là ne venir que faire un tour
à Paris après deux ans d'abſence ?
Concluons , que d'un côté la réfidence
de l'Evêque de Lizieux , Premier Aumônier
du Roi , dans fon Diocèſe , étant exacte &
certaine , & d'un autre côté M. Pré. . . ſe
voyant dans l'impuiffance de prouver
qu'Amiot n'étoit pas à la Cour pendant la
Saint Barthelemi , il faut qu'il avoue que
PEvêque de Lizieux fut en état de faire l'action
héroïque que M. de la Roque , ancien
Auteur du Mercure , lui attribue après une
nuée d'Ecrivains , & dont la tradition géné
ralement reçûe à Lizieux ne fçauroit être affés
respectée , comme M. Pré ... en eft d'abord
convenu en propres termes , Mercure de
Décembre 1742 , & comme je l'ai démonpar
une Réponse inférée dans celui de
Décembre 1746 .
tré
AMAS
SEPTEMBRE. 1748. 41
CA¤ƏCƏ CACI CACACACACDCach
CANTATE ,
Chantée dans le Château de M. Noyel de
Belleroche , Secretaire perpétuel de l'Académie
des Beaux- Arts de Villefranche , un
des Membres de celle de Lyon , & Subdélegué
de M. l'Intendant.
A peine la naiffante Aurote
Des ombres de la nuit diffipoit les horreurs ,
Et payoit à la jeune Flore
Le riche tribut de fes pleurs ,
Que le front ceint des rofes les plus belles ;
Le Brillant Dieu , qui préfide à Délos ,
Suivi de fes foeurs immortelles ,
A fes chers nourriffons a fait oüir ces mots,
Chantons , célebrons la naiffance
D'un mortel , ami des Beaux - Arts.
Toujours , dès fa plus tendre enfance ,
Il a fuivi mes étendarts.
Si des Héros couverts de gloire
Je
chante les faits inouis ,
Si j'éternife leur mémoire ,
Dois je oublier mes favoris &
41 MERCURE DE FRANCE.
Chantons , célebrons la naiffance
D'un mortel , ami des Beaux - Arts ;
Toujours , dès fa plus tendre enfance,
Il a fuivi mes étendarts.
'Ainfi parle Phébus , & la troupe chérie
De fes immortels confidens
D'une touchante mélodie
Fait retentir les bords charmans
D'Hypocrene & de Caftalie .
Quand par de vifs tranfports , par des chants gracieux
,
Du Dieu des Vers le docte Empire
Signale dans ce jour le zéle qui l'inſpire ,
Goûtons dans ces paisibles lieux
Mille plaifirs délicieux.
Ris légers , graces naïves ,
Jeux féduifans , tendres amours,
Volez fur ces aimables tives ,
Vous feuls faites de beaux jours.
Parmi le fracas de nos Villes
Les plaifirs ne font que brillans ;
Ils font vrais , touchans & tranquilles ,
Dans le filence de nos champs.
SEPTEMBRE. 1748. 43
Ris légers, graces naïves ,
Jeux féduifans , tendres amours
Volez fur ces aimables rives ,
Vous feuls faites de beaux jours .
Par M. Vidal , Profeffeur de Rhéihorique
au Collège de Villefranche , en Beaujolois.
LETTRE de M. Michault , Avocat au
Parlement de Dijon.
Orfque je fis imprimer , M. fur une
feuille volante , le projet de l'ouvrage
que je prépare concernant la Bourgogne ,
ce ne fut que pour le diftribuer dans cette
Province aux perfonnes les plus capables
de me fournir des mémoires. L'expédient
m'a réüffi , & j'ai reçû grand nombre d'obfervations
très utiles , dont un jour je témoignerai
d'une maniere authentique ma
reconnoiffance à ceux de qui je les tiens.
Cependant je fuis furpris que mon deffein
étant annoncé fi publiquement , trois ou
quatre Villes confidérables paroiffent n'y
avoir pris aucun intérêt , & que les gens
de Lettres , qui fe trouvent fans doute parmi
leurs Citoyens , marquent tant d'indif
ference fur la gloire de leur Patrie.
44 MERCURE DEFRANCE.
Depuis que mon Projet a été inferédans
votre Journal , * on m'a adreffé des réflexions
& des confeils , qui m'ont pâru trop
juftes pour n'y pas déférer. On voudroit ,
par exemple , trouver dans mon Livre les
Pouillés des Evêchés de la Province , &
c'eft aufli ce que je me propofe d'exécuter
dans le détail le plus exact. J'avois promis
une efquiffe du Nobiliaire , mais on fouhaiteroit
de l'avoir complet ; je m'y engage
volontiers , pourvû que les Maifons
illuftres & les Familles diftinguées
de la Bourgogne fe prêtent à cette entreprife
, en me procurant leurs généalogies
& des mémoires fur lefquels je puiffe
travailler, fans bleffer la vérité hiſtorique ,
& fans déplaire à perfonne . J'attends auffi
de ceux qui poffedent des Terres & des
Fiefs en Bourgogne , d'amples inftructions,
& même la communication des principaux
titres qui peuvent fervir à établir leurs
droits & leurs priviléges. Cet avertiffement
doit par la fuite me difculper envers
les Seigneurs qui auront négligé ou refufé
de me donner des éclairciffemens ; `j'oſe
même dire qu'en ce cas ils fe plaindroient
injuſtement de mes erreurs, & qu'elles leur
deviendroient en quelque forte imputables.
* Voyez le Mercure de France de cette année ,Janvier
, pag. 122 , & Fevrier , pag. 42 .
SEPTEMBRE. 1748. 45
•
Comme la carriere que je me fuis ouverte
eft fort vafte , j'éviterai de copier ſervilement
mille paffages , qui ne fervent qu'à
faire parade d'une vaine érudition ; je me
contenterai de citer les Livres où j'aurai
trouvé des faits , dont l'indication m'aura
femblé néceffaire , en me réfervant néanmoins
le droit de porter quelquefois mon
jugement fur les ouvrages & fur les Auteurs
.
L'Hiftoire Naturelle ayant été jufqu'ici
fort négligée dans la Bourgogne , c'eft une
matiere toute neuve , qui fe préfente à
moi fous differens points de vûë. Les occupations
des Curieux de la nature por
tent fur une infinité d'objets agréables ,
quoiqu'ils ne foient pas du même degré
d'utilité. Les Coquillages , les Pétrifications
, les Infectes , les Plantes , les Fontaines
, les Carrieres , les Marbres , les Minéraux
, méritent des foins & des recherches
; toutes découvertes en ce genre ont
leur prix , & ne doivent pas être négligées.
Mais je m'attacherai particulierement à
celles qui tournent le plus à l'avantage de
la fociété. Quelqu'attention que j'y puiffe
apporter , je ne me flate pas de tout dire
fur une matiere fi étendue , mais j'aurai du
moins le mérite d'avoir été le premier à
donner quelques lumieres fur ce que la
46 MERCURE DE FRANCE.
1
terre porté de précieux dans nos climats ;
je réveillerai en même tems , fur les découvertes
que j'aurai faites , la fagacité des
Phyficiens , & l'intérêt de ma Patrie fur les
biens qu'elle poffede , & qui n'y font pas
affés connus. Je puis en citer un exemple
tont récent. Un de mes amis a découvert
depuis peu en Bourgogne des terres propres
à compofer des couleurs très- vives ,
& à être employées utilement dans la Peinture.
Je ne manquerai pas d'en faire part
au public , en marquant les lieux où il les
a trouvés. Je détachai auffi dernierement
dans les carrieres de nos environs , des
Ochres , qui à l'épreuve m'ont paru parfaites.
Les Pierres & les Marbres de la
Province font encore un objet confidéra
ble , dont je puis acquérir une grande connoiffance
par la collection qu'en font MM .
V *** pour enrichir le Cabinet d'Hiftoire
Naturelle qu'ils forment depuis quelque
tems , & où ils travaillent à raffembler tour
ce que le Païs produit en ce genre de curieux
& de rare. Je fuis , & c..
A Dijon le 16 Août 1748.
SEPTEMBRE. 1748. 47
A
f
E PITRE
De M. l'Abbé du Pleffis- de-Joué ,
à M. de la Bruere.
Imable Auteur que je révére fort
Un fruit précoce humblement je t'adreffe ,
Non de ces fruits que donne le Permefle ,
Et de le dire on auroit très- grand tort
Mais c'eft un fruit qu'enfanta la jeuneffe
Dans les accès d'un pétulant tranſport ;
Fruit fort aigret , non tel que Soriniere ,
Vous en envoye , ou ſon ami Maillard ,
Car mon Pégale eft un vieux Oreillard ,
Courfier pouffif, qui touffe de maniere ,
Que bien fouvent j'ai crû dans la carrierę
Que le Troteur , aux difcordans accords ,
Subitement defcendroit chés les morts.
Mais attendons , cher la Bruere ,.
Qu'un peu plus d'âge ait mûri mes talens
Tu peux compter que carmes excellens
Pour toi feront , & fi le fin Mercure ,
Ce Dieu facond , vouloit bien prendre cure
De les porter dans les lointains pays,
* Ce Vous s'adreſſe à tous les Journaliſtes ;
*
48 MERCURE DE FRANCE.
Je lui promets , je lui voue & lui jure
Une hécatombe aux langues de Fourmis .
Uu autre eût dit de boeufs , à l'aventure ;
Mais tenir faut ce que l'on a promis.
必
EPIGRAMME
.
Dans un Ans célébre Parlement ,
Un Avocat , pourvû d'une rare éloquence ,
Plaidant avec chaleur un fait de conféquence ,
Vit que les Magiftrats dormoient tranquillement;
Meffieurs , s'écria- t'il , l'objet eft important ,
Réveillez- vous , je vous ſupplie ,
Vous allez décider du fort de ma Partie ,
Inftruifez-vous auparavant.
Le Préfident , furpris d'une telle licence ,
Confus de la remarque , & le frottant les yeux ,
Dit d'un ton de colere , Avocat ennyeux ,
La Cour de vos avis s'offenſe ,
Et pour punir votre infolence ,
Vous interdit pour trente jours ,
L'Avocat fiérement répond à ce difcours ,
Et moi , pour enchérir , Meffieurs , fur l'ordonnance,
* On n'offroit à Mercure que les langues des victi
comme Dieu de l'éloquence.
mes , Et
SEPTEMBRE. 1748. 49
Et vous laisser en paix dormir à l'Audience ,}
Je m'interdis pour toujours.
Par M. Cottereau , Curé de Donnemarie.
D
AUTRE.
Ans une Paroiffe d'Auxerre ,
Un maître Bohémien mourut ſubitement ;
Pour contenter fa femme , on eut foin de lui faire
Un magnifique enterrement .
Trois jours après , le Curé poliment ,
Accompagné de deux Vicaires ,
Vint demander les honoraires.
La veuve , à ce difcours preffant ,
Dit à fa fille ingénûment :
Babet,ces bons Meffieurs ont chanté pour ton pere;
Et tu fçais que chacun s'aide de fon métier.
Eh bien ! fonnons du tambourin , ma mere ,
Et danfons pour les remercier.
Par le même,
பாம்
C
50 MERCURE DE FRANCE.
淡淡淡淡****************
De quelques Médailles.
'Ai lû la Differtation fur une Médaille
Jade petit Bronze , de l'Empereur Gratien,
par M. Beauvais. Elle eft p . 54 du Mercure
de France , fecond vol 1747 ..
Quelque réputation qu'ait le P. Har
douin , j'ai été furpris qu'on ait tant inſiſté
à réfuter fon opinion fur la Légende GRA
TIANVS . AVGG AVG . Gratianus Auguftus
Gener Augufti. J'aimerois mieux dite que
dans le mot AvGG . le fecond Geft une fau
te du Monétaire , qui l'a ajoûté par mégarde
ou par précipitation , que d'avancer
une opinion fi oppofée à la notion commune
des Médailles, La double lettre fignifie
fi fréquemment un pluriel , qu'un
commençant le trompe rarement dans
Coss. Confulibus . IMPP. Imperatoribus.
Comment le P. Hardouin expliqueroit- il
le Concordia AVGGG . avec trois G. Victoria
AvGG. avec deux GG ... ? Il diroit ,
fans doute , Victoria Auguftorum . N'auroitil
point pû dire de Gratien Auguftorum
Auguftus ?
La régle de la ponctuation , fuivie par
M. Beauvais , paroît très - fûre ; il ne me
convient point de lui dire ce que je penſe
SEPTEMBRE. 1748. 51
fur l'explication qu'il a donnée à la Légene
GLORIA NOVI SÆCVLI . Ill'a trop
bien éclaircie & folidement appuyée ; j'au
rois fouhaité qu'il eût attribué aux ordres
de Maxime la mort de Gratien . Andragace
ne fut que l'exécuteur de ces ordres.
Agréez , Monfieur , que je communique
ici à M. Beauvais un petit differend , dont
on le prie de dire fon fentiment avec fa
précifion ordinaire. Il s'agit d'une Médaille
de petit Bronze de l'Empereur
Othon , très bien confervée ; elle eſt dans
un Cabinet de Province ; voici la defcription
: IMP. M. OTHO CAESAR AVG. TR.
P Caput Othonis nudum finiftrorfum . PONT.
MAX. figura muliebris violataftans, dextror
fum. d. fpicas. l. cornucopice. On a fort relevé
la rareté de cette Médaille . Le Poffeffeur
, voulant s'en bien affûrer, écrivit à
un fçavant Antiquaire , qui fit cette réponſe.
» A la vérité , il y a des véritables Mé-
» dailles d'argent d'Othon , de la grandeur
» ordinaire d'un denier , mais elle eft fauffe
quand elle eft de Bronze , quoique faite
à la reffemblance » de la véritable.
»Il peut fe faire que cette Médaille de
Bronze a été couverte d'argent ; alors elle
» eft d'une véritable antiquité , mais d'un
petit prix. La feuille d'argent den elle
Cij
12 MERCURE DE FRANCE.
» étoit couverte , étant perdue par la fuc
» ceffion des tems , malgré les foins des
»faux Monétaires , qui la faifoient paffer.
" pour une Monnoye courante ; il n'enrefte
le feul cuivre
que
ود
Je joins la réplique .
rouge.
Il est vrai que de célebres Antiquaires
penfent qu'il n'y a jamais eu de Médailles
de Bronze d'Othon ; ils fe fondent & fur
peu de durée de fon regne & fur la haine
du Peuple pour ce Prince,
le
Ces raifons ne paroiffent point décifives,
Des Monétaires , ou par avidité du gain ,
ou fans rapport à la haine publique , peuvent
avoir frappé des Médailles de Bronze ,
qui étoient de leur reffort .
que
Charles Patin en rapporte une , qu'il
croit indubitable , en petit Bronze , quoile
Monétaire ait omis l'H dans le nom.
Oro , au lieu de ОTHо . Il eſt donc trèspoffible
qu'il y ait eu des Médailles de
Bronze & de petit Bronze d'Othon . La vûë
de celle dont il s'agit , en convainc pleinement
. L'Auteur de la réponſe prétend ,
ou qu'elle eft fauffe , ou qu'elle a été fourrée
, mais quand elle auroir été fourrée , il
y'auroit donc des Médailles de Bronze ,
puifque les Médailles fourrées n'étoient
que fur le Bronze.
Si cet Auteur yoyoit la Médaille , le
1
SEPTEMBRE . 1748 . 33
coup d'oeil , l'oeil du métail , qui font des
guides allés fûrs pour difcerner les Médail
les , furtout quand elles font fans vernis ,
le convaincroient de la fincérité de la Médaille.
Elle ne paroît point avoir été fourrée.
Le métail des Médailles fourrées , prefque
toujours , eft alteré , quand la feuille d'ar gent
eft tombée. La Médaille en question eft trèsbien
confervée ; elle n'eft nullement altérée
; il n'y a point de veftige d'une feuille
d'argent , ces raifons perfuadent que la
Médaille d'Othon eft vraie , antique , rare
& très- rare.
L'Auteur de la réponſe fuppofant que la
Médaille ait été fourrée & par conféquent
d'une véritable antiquité ; la regarde pourtant
comme d'un petit prix .
}
Les Médailles fourrées ont un vrai prix ,
& par leur antiquité & par la rareté des
Médailles d'un Empereur tel qu'Othon ,
furtout en petit Bronze , qui fe trouvent
difficilement dans le haut Empire , & partilierement
fous les douze Céfars . L'Auteur
de la réplique finit en foumettant fes foibles
lumieres à la décifion des Maîtres ; il
les prie feulement de ne pas croire impoffible
de voir ce qu'ils n'ont pas vû euxmêmes.
Il fe trouve dans un autre Cabinet une
C iij
$ 4 MERCURE DE FRANCE.
Médaille Grecque , ou plutôt un Médaillon ,
car elle péfe deux gros 19 grains . Si M.
Beauvais la juge digne de quelque atten-,
tion, il obligera d'inftruire un Curieux qui
n'a qu'une connoiffance très imparfaite des
Médailles. Voici la deſcription .
...
Figura togata ftans finiftrorfum : utrâque
manu extensä.. Versus ramum oblongum
à pedibus ad caput. Al Latus finiftrum figura
Bellua, quafi camelus . Retrofiguram avis : &
interfguram & avem haſta , in cujus ſummitate
avis altera , Sine Epigrafe.
Prora navis fuper quam ΛΕΥΚΑΔΙΟΝ
ΛΕΩΝΧ.
Cette Proue n'indiqueroit - elle pas une
Ville Maritime ?
M. Vaillant , dans fes Médailles Grecques
, Amfterd. 1700 , pag. 200 ,, dit
Leykadion in Syria. num . Gordiani , pii.
A la page 12 , il rapporte deux Médailles
de cette Ville. Dans fon Appendix des
Médailles des Villes , il donne l'empreinte
d'une de ces deux Médailles , qui ne paroît
pas conforme à la deſcription qu'il en
fait , pag. 152 .
SEPTEMBRE . 1748. 55
Le
•• ❁ @ &@@
O DE
Sur les vanités du monde.
E Ciel parle. A mes yeux furpris
Déja l'avenir fe découvre .
Sous mes pas l'abîme s'entr'ouvre ;
Où fens -je emporter mes efprits !
De Dieu la colere étincelle .
Dans le néant , qui les recéle ,
Tous les tems font enfevelis .
La terre eft prête à fe diffoudre.
Sur ma tête gronde la foudre .
Des tombeaux les morts font fortis .
Quel eft ce Juge qui s'avance ?
La terreur marche fur fes
pas.
Sous fa redoutable puiffance
Je vois trembler les Potentats.
Sur fon front éclatant de gloire ,
Brille le fceau de fa victoire.
Des opprimés il fut l'appui ,
De l'orphelin le tendre pere ,
Et le pauvre dans ſa mifere
Ne trouva de repos qu'en lui,
С ї
56 MERCURE DE FRANCE.
Frémis en ces momens d'horreur ,
Riche barbare , impitoyable.
Ton malheur eft inévitable ;
Sois ton premier accufateur.
Cruel , dont l'ame déchirée ,
A les remords abandonnée ,
Dans fon fein nourrit fes bourreaux ;
Ton avarice infatiable ,
Du pauvre l'oubli condamnable ,
Sont la fource de tous tes maux .
Et toi , Philofophe orgueilleux ,
Victime de ton fanatifme ,
Soûtenu du fol Athéïſme ,
Tu les armes contre les Cieux.
Tu fuivois une route impure.
Rebelle au cri de la Nature ,
En vain tu voulus l'étouffer.
A ton coeur elle offroit un Maître ;
Tu feignis de le méconnoître ,
Mais tu ne pûs en triompher .
Quel objet s'offre à ton réveil ?
Le Ciel armé pour ton fupplice.
Quoi ! fur le bord du précipice
Peut-on fe livrer au fommeil
SEPTEMBRE.
1745. 57
L'Enfer avoit juré ta perte ;
La grace à tes yeux s'eft offerte ;
Toi- même as dicté ton Arrêt ;
Dieu le prononce & te réprouve.
Il eft tems que ton coeur éprouve
Qu'il eft un vengeur des forfaits.
****
Empire de la volupté ,
Combien eft courte ta durée !
De ton joug mon ame ennyvrée
En faifoit la Divinité.
Mes jours couloient dans la molleffe ;
Enfant de la délicateffe ,
Mon coeur y trouvoit mille appas.
La mort paroît . A fon approche ,
Le jour luit ; mon coeur fe reproche
Un vuide qu'il ne voyoit pas.
**
Efclave de l'ambition ,
Ton fort eft- il moins miférable ,
Et quelle eft la fin déplorable
Où t'entraîne ta paffion
Jouet de tes folles pensées ,
Dans le vaste champ des idées
Ton efprit fans ceffe entraîné ,
Projette , exécute , s'enflâme , ...
Cy
58 MERCURE DE FRANCE.
Bientôt fe diffipe le charme ;
Ton coeur en paroît consterné .
Et vous , Tyrans impétueux ,
Rois , Conquérans , foudres de guerre ,
Vous , fiers arbitres de la terre ,
Avez- vous pû vous rendre heureux ?
Quand à vous fervir tout s'empreffe ,
D'où naît cette fombre trifteffe
Qui
perce à travers les plaifirs ?
Vous les aimez …….. c'en eft la fource ;
Vous les cherchez plus de reffource ,
...
Et vous mourrez dans les defirs.
PRIER E.
Guide mon efprit & mon coeur
Dans les fentiers de la fageffe ;
Ouvre mes yeux fur ma foibleffe ;
Komps en le charme féducteur ,
Dieu puiſſant ! Du mal que j'abhorre
Le feu mal éteint brûle encore
L'homme y combat contre ta Loi ;
Remets le calme dans mon amé ;
Viens y graver en traits de flâme ;
Qu'on ne peut être heureux fans toi
SEPTEMBRE. 1748. 59
ETABLISSEMENT des Ecoles
de Mathématiques dans la Ville de Reims.
O
N ouvrira au mois de Novembre
prochain , dans les Salles de l'Hôtel
de Ville de Reims , deux Ecoles publiques
, où l'on enfeignera tout ce qui peut
contribuer à la perfection des Arts & des
Manufactures. Il y aura dans l'une & dans
l'autre plufieurs places gratuites , en faveur
des jeunes gens qui feront moins
partagés des dons de la fortune que de
ceux de la nature ; les autres donneront
6 liv. par mois. Les dépenfes confidérables
que la Ville eft obligée de faire pour ce
nouvel établiffement , la mettent actuellement
dans la néceffité d'impofer ce léger
tribut fur ceux qui font dans un état ailé .
Il fe diftribuera tous les ans , dans chaque
Ecole, des Prix à ceux des Eleves qui
s'y feront fignalés par leurs progrès . L'une
de ces deux Ecoles aura les Mathémati
ques pratiques ; l'autre , l'art du Deffein ,
pour objet. Voici le plan de l'une & de
Ï'autre.
C vj
60 MERCURE DE FRANCE.
PLAN de l'Ecole de Mathématiques pra
tiques , par le P. Fery , Prêtre Religieux
Minime , Profeffeur de cette Ecole , nommé
par Meffieurs de l'Academie Royale des
Sciences , par Meffieurs les Lieutenant
Gens du Confeil de la Ville de Reims .
L'Arithmétique fera le premier objet de
nos Leçons ; nous l'enfeignerons dans toute
fon étendue , relativement aux Sciences
, aux Arts & au Commerce. L'Algébre
& l'Analyfe prêteront leurs fecours à l'Arithmétique
. Nous en donnerons les principes
néceffaires pour réfoudre une infini
té de Problêmes , qui fe rencontrent à cha→
que inftant dans l'ufage de la vie civile ,
& dont l'Algébre facilite , ou s'eft réſervé la
folution. Nous affortirons notre Géométrie
de toutes les pratiques & les ufages
qui y font relatifs . Le Toifé, l'Arpentage ,
la divifion des terres , la méthode de lever
les Plans & les Cartes , le jaugage , le nivellement
, la pratique du jardinage , &c.
la conftruction & l'ufage des principaux
Inftrumens de Mathématiques néceffaires
pour ces opérations , feront autant d'objets
fur lefquels nous exercerons la fagacité de
nos Eleves , & comme rien n'eft plus
propre à former l'Apprentif Géométre dans
les opérations pratiques , que l'exercice
SEPTEMBRE. 1748. 61
même de la pratique , nous confacrerons
quelques jours dans la plus belle faifon à
lever par parties le Plan de la Ville & des
dehors , & à donner fucceffivement à nos
Difciples le fpectacle de toutes les opérations
les plus utiles & les plus curieufes
qui répondent à notre objet. Peu contens
d'avoir opéré dans la Géométrie fur les figures
femblables & les Echelles, nous puiferons
dans la Trigonométrie l'art de calculer
les triangles par les Tables des Sinus
& des Tangentes , & pour donner à ce
calcul la fimplicité dont il eft fufceptible ,
nous donnerons les notions & les ufages
des tables des Logarithmes , pour en former
les analogies.
Après avoir donné les principes généraux
de la Statique & de la Méchanique , nous
les appliquerons à toutes les machines fimples
& compofées , relatives aux Arts ,
aux Manufactures , aux befoins , aux commodités
& à l'agrément de la vie. Le développement
de toutes ces machines , leur
explication & leur calcul , couleront, comme
de fource , des principes qui auront
été pofés ; nous tâcherons de n'en omettre
aucune de celles qui font recommandables
par leur utilité , ou par le génie qui a
préfidé à leur invention . Nous les traite-
Fons ici relativement à leur méchanifme &
62 MERCURE DE FRANCE.
à leur conftruction , nous réſervant d'avoir
égard à leurs moteurs , dans la partie de
laquelle ils dépendent. Nous infifterons
particulierement fur l'explication de celles
qui font les plus communes & les plus
néceffaires dans le Pays Rémois , telles
que font les fouleries des Etoffes , les moulins
de dégorgement & les differens métiers
pour les Manufactures , toutes les
Machines propres à feconder l'induftrie
& à faciliter les travaux dans la conftruction
des Edifices , les preffoirs , les moulins
à eau & à vent , & les Machines hydrauliques
, foit pour les befoins de la
vie , foit pour épuifer les fondemens &
les terreins aquatiques . Nous ferons exécuter
en petit toutes les Machines que
leur perfection & leur utilité rend précieufes
aux connoiffeurs ; nos explications
tomberont ainfi fur du réel ; l'oeil en fera
frappé , & l'efprit d'autant plus éclairé .
La théorie des roues dentelées & des lanternes
, qui font partie de la plupart des
Machines compofées, & la méthode d'eftimer
& de calculer le frottement , auront
place à la fin de ce Traité .
Nous donnerons enfuite tout ce que
l'Hydroftatique a de plus intéreffant : delà
nous pafferons à l'Aerométrie
Aambeau de l'Expérience nous fervira
•
où le
SEPTEMBRE. 1748. 63
>
le
de guide pour affujettir à nos recherches
les diverfes propriétés de l'air ; nous donnerons
ici fous differens points de la vûë
la conftruction de plufieurs inftrumens ,
dont nous indiquerons les ufages & expliquerons
les effets , tels que font la Machine
pneumatique , le Barométre
Thermométre , l'Hygrométre , l'Arquebufe
à vent , differens Acoustiques , la
Trompette parlante , &c. Nous terminerons
par quelques recherches importantes
fur le choc & les effets du vent , en
faveur des machines auxquelles il eft échûs
pour moteur.
Dans l'Hydraulique nous traiterons de
toutes les machines que la méthode revendique
à cette partie . Les pompes de
routes les efpèces , tout ce qui peut contribuer
à les rendre parfaites , foit par leur
conftruction , foit par celle des piftons &
des foupapes , & c. La façon d'animer le
feu par le concours de l'air & de l'eau
dans les grandes forges , & dans les fourneaux
des Fonderies ; la Fontaine de He.
ron , telle qu'elle eft fortie des mains de
fon Inventeur , & telle qu'elle a été perfectionnée
depuis par M. Nieuwentyt ; le
vafe de Tantale , la Fontaine de compreffion
, d'interruption , de raréfaction , &c.
feront fuccéder l'agréable à l'utile.
64 MERCURE DE FRANCE.
Nous nous retournerons enfuite vers
les machines, dont la mécanique aura fixé
la construction , mais dont le moteur reffortit
à l'hydraulique . Nous donnerons
les méthodes les plus fùres pour meſurer
la dépenfe , eftimer la vîteffe des eaux , &
pour en calculer les efforts en la puiffance
fur une furface donnée. Nous apprendrons
aux Artiftes à faire ufage d'une
chûte & d'un courant d'eau , & nous leur
indiquerons les cas où les roues à auges
doivent être préferées aux roues à volets.
De-là naîtra l'occafion de leur donner le
développement & l'explication de quel
ques moulins à cau , qui font en ufage
dans la Provence & dans le Dauphiné
& de ceux du Bafacle de Touloufe , qui
par la fimplicité de leur conftruction ont
mérité l'approbation des Machiniftes les
plus habiles.
Nous ajouterons ici les régles pour déterminer
la furface des aubes d'une roue ,
refpectivement à la force du choc de
l'eau , & à la réfiftance oppofée par le
poids , & pour fixer le nombre des mêmes
aubes , relativement à leur hauteur & au
diamétre de la roue. Nous placerons ici
quelques notions importantes fur le cours
des rivieres , nous indiquerons les differens
moyens d'oppofer des digues à l'imSEPTEMBRE.
1748. 65
pétuofité d'un courant irrégulier, pour empêcher
la dégradation des rives , &c. &
après avoir réglé la pente des aqueducs ,
& c. nous donnerons les inftructions néceffaires
pour conduire & diftribuer les
eaux dans une Ville , & pour tirer un
prompt fecours des fontaines publiques
dans le cas d'un incendie . Nous joindrons
à ces nouvelles connoiffances la folution
des problêmes , qui peuvent être de quelque
utilité dans la pratique des eaux jailliffantes.
›
Après avoir donné les principes fondamentaux
& les notions principales de
l'optique & de la perfpective , nous enfeignerons
le trait & lá projection des Anamorphofes
, & tout ce qui eft du reffort de
la perfpective curieufe .
La matiere , la préparation , la conftruction
de toutes les efpéces de miroirs ,
miroirs plans , concaves , convéxes , coniques
, cylindriques , pyramidaux , &c . Le
détail & l'explication de leurs effets furprenans
, feront l'objet de nos leçons fur
la catoptrique , & pour ne rien laiffer à'
défirer fur cette partie , nous donnerons
les régles pour tracer fur des plans horizontaux
des figures difformes , qui paroiffent
dans leur naturel , étant vûtes par réflexion
d'un point donné fur des furfaces
coniques , cylindriques , &c...
66 MERCURE DE FRANCÈ.
Nous tirerons de la Dioptrique les
moyens de remédier par l'art aux défauts
naturels , & accidentels de notre vûë, que
Optique nous aura fait connoître . De- là
nous palferons à la conftruction des Télefcopes
, tant de réfraction que de réflexion ,
& à celle des Microfcopes fimples & com .
polés ; nous ajouterons la maniere de faire
la chambre obfcure , la lanterne & le tableau
magiques , & nous finirons par la
defcription des principaux inftrumens néceffaires
aux Artiftes pour façonner & polir.
les verres plans , concaves , convéxes &
polyedres.
Nous donnerons de la Gnomonique ce
qui enfera néceffaire pour tracer une ligne
Méridienne , & les cadrans les plus fimples
& les plus ufités. Les autres operations ,
qui demandent une fpéculation trop profonde
, feront renvoyées à notre Ecole de
Théorie , que nous nous propofons d'ouvrir
ici dans quelques années.
Nous nous bornerons dans l'Architec
ture Civile , à donner quelques éclairciffemens
de Phyfique & d'expérience fur la
nature , les propriétés & la folidité des
matériaux qu'on y employe ; de-là nous
defcendrons à l'explication des cinq Ordres
dont nous affignerons l'harmonie ,
la convenance & les proportions. Après
SEPTEMBRE. 1748. 67
avoir donné à l'Architecte les connoiffanees
néceffaires pour affûrer aux fondemens ,
& aux murs la folidité relative à leur charge
, nous déterminerons les proportions
des portes & des fenêtres refpectivement
à chaque Ordre, la largeur des chambres &
des falles, eû égard à leur longueur ; la pro
portion des cheminées , la figure de leurs
jambages , & la conftruction de leurs
foyers la plus avantageufe , pour en augmenter
la chaleur , & les differens moyens
de les garantir de la fumée ; nous ne toucherons
point à ce qui regarde l'ornement
& les décorations des édifices & des jardins;
cet objet nous feroit étranger & nous
en laifferons le foin à M. Ferrand de Monthelon
, qui s'eft chargé d'enfeigner dans
nos Ecoles l'Art du deffein relativement
à tous les Arts.
Un petit traité de Stereotomie fervira
d'introduction à nos leçons fur la fcience
du Trait ; nous traiterons des portes & des
arrieres vouffures , des trompes , des defcentes
& des efcaliers , & comme dans la
coupe relative à ces parties , les figures &
les deffeins en perfpective laiffent toujours
quelque chofe à défirer à l'imagination ,
nous opérerons fur les folides mêmes ;
après avoir tracé l'épure de chaque objet
de nos opérations , nous emprunterons la
68 MERCURE DE FRANCE.
main d'un Appareilleur qui coupera du
Trait fous les yeux de nos Eleves , & réduira
le tout à l'exécution ; nous indiquerons
ici les régles que doit fuivre l'Architecte
, pour calculer la charge & la pouffée
des voures , & leur proportionner la hauteur
& la folidité des piédroits , & des arcs
& des pilliers bourans.
Nous ne nous bornerons pas
à la coupe
des pierres , nous appliquerons nos princi
pes à la coupe des bois , en faveur des Menuifiers
pour les revêtemens des arrieresvouffures
, foit en lambris foit en placage ;
& du Charpentier pour la conftruction
des voutes & des efcaliers de charpente ,
pour l'affemblage & la compofition des cintres
, qui fervent de difpofitifà la conftruction
des voutes en pierre , & pour tout ce
qui concerne les fermes & les combles de
toutes les espéces ; nous terminerons par
quelques éclairciffemens fur l'art d'échaffauder.
Nous aurons foin de réferver nos leçons
de Fortification à la faifon deftinée au repos
du Militaire , afin que la jeuneffe
choifie de cette Province , qui fe confacre
au fervice du Roi , & qui n'eft point à
portée des Ecoles Royales d'Artillerie ,
puiffe acquerir ici les connoiffances qui lui
font utiles ou néceffaires , pour fervir Sa
SEPTEMBRE. 1748. 69
Majefté avec diftinction & avec éclat.
Nous enfeignerons les méthodes de fortifier
les Places régulieres & irrégulieres , &
de remédier aux défauts des anciennes
Places ; nous finirons par les régles qui
doivent diriger l'Ingénieur dans la conftruction
des Citadelles , des Réduits & des
Magafins à poudre . Ce traité fera fuivi de
celui de l'attaque & de la défenfe des Places
; après avoir dirigé les travaux d'un
fiége depuis l'inveftiffement jufqu'à la reddition
de la Place , nous preferirons les régles
de la défenfe ; & comme la Pyrotechnie
vient également au fecours de l'Af
fiégeant & de l'Afliégé , après avoir traité
la compofition de la poudre , fes propriétés
, fon épreuve & fes effets , & c. nous
pafferons à la defcription , l'ufage & le
fervice de toutes les machines offenfives &
défenfives , à l'art de tirer avec précifion
de charger & de pointer le canon , le mortier
, le pierrier , & c. Nous décrirons enfuite
les differentes efpéces de mines & de
contremines , & nous affignerons leur objet
, leur construction , la charge de leurs
fourneaux , la configuration de leurs galeries
, & l'explication de leurs effets . Pour
relever l'utile par le mêlange de l'agréable,
nous terminerons nos leçons par les no
tions principales de tout ce qui fait le jeu
70 MERCURE DE FRANCE.
des feux d'artifice pour les rejoüiffances
publiques.
Nous donnerons ces leçons en François
& nous tâcherons d'employer le tems , de
façon que nous puiflions donner ce cours
complet dans l'efpace de deux ans.
Nous avons été obligés de ne donner ici
qu'un abregé du plan de notre Ecole ,
pour nous conformer à la forme du Mer
cure,Ceux qui fouhaiteront de l'avoir dans
un plus grand détail, & tel qu'il a été préfen
té à l'Académie Royale des Sciences , qui
a bien voulu l'honorer de fon approbation,
pourront s'adreffer à Reims , chés Delaire ,
pere & fils ; à Paris , chés Jombert , Quai
des Auguftins ; à Lyon , chés de la Roche ;
à Rouen , chés Befogne ; à Amiens , chés
Godart , à Dijon , chés Devente ; à Lille ,
chés la veuve Danel ; à Amsterdam , chés
Pierre Mortier '; à Londres , chés Manby ;
à Francfort , chés l'arentrap ; à Lausanne ,
chés Boufquet , &c. à Turin , chés les freres
Reycend , & c. On trouvera chés Delaître ,
à Reims , un Difcours prononcé par M. de
Pouilly , Lieutenant des habitans de la
Ville de Reims , fur l'établiffement & l'utilité
de ces Ecoles.
SEPTEMBRE. 1748. 71
MEMOIRE de M. Ferrand de Monthelon
, ancien Profeffeur de l'Académie
de Peinture de Sculpture de Paris , &
Profeffeur de Deffeing dans l'Ecole des Arts
établie à Reims,
L
E Deffeing n'eft pas moins néceffaire
aux Artiftes que les Mathématiques.
C'est en effet l'Art du Deffeing , qui forme
le goût pour diverfes fortes d'ouvrages ;
il donne également la fécondité de l'imagi
nation , & la facilité de l'exécution ; il eſt la
baze de l'Architecture , de la Peinture , de
la Sculpture & de la Gravûre ; il rend le
Maçon , & le Tailleur-de - Pierre , habiles
à exécuter les projets de l'Architecte . Le
Charpentier en a befoin dans la plûpart
de fes opérations . Il est néceffaire à l'Orfèvre
pour ces riches & rares ouvrages
qui brillent dans nos Temples & fur nos
tables ; au Menuifier pour la décoration
d'une alcove , d'une confole , d'un lambris
, d'un panneau , d'un chambranle ; au
Serrurier pour former une grille , un fupport
, un balcon ; il étend les vûës de
l'Horloger , du Tabletier , de l'Ebéniste
du Metteur en oeuvre , du Galonnier , du
Cartiſannier , du Tapiffier , & de tous les
72 MERCURE DE FRANCE.
Fabriquans d'étoffes pour le choix des ornemens
& des belles formes ; enfin il
donne à toutes les differentes fortes d'ouvriers
le talent de réunir dans leurs ouvrages
l'agréable & le nouveau ; talent heureux
, qui rendra toujours les peuples voifins
tributaires de celui qui en fera poſſeſfeur.
Les enfans des Gentilshommes & des
gens aifés recevront dans cette Ecole des
inftructions , qui les mettront à portée de
fervir plus utilement Sa Majesté pendant
la guerre , & d'ennoblir leur loifir pendant
la paix. Ils y apprendront à éclairer
& à diriger par la fuite leurs ouvriers , &
à faire regner autour d'eux cette élégance
& ces proportions , qui font le charme des
yeux , leur offrent un agrément toujours
fubfiftant , & effacent quelquefois par la
nobleffe de leur fimplicité tout le fafte de
la magnificence.
Mais l'avantage le plus confidérable de
cet établiffement fera de fournir aux jeunes
gens un préfervatifcontre l'oifiveté, &
les défordres qu'elle traîne après elle , dans
le tems de la fortie des Colléges & des Ecoles
ordinaires, dans ce paffage de l'enfance
à la jeuneffe , époque malheureufe de la
dépravation de tous ceux qui n'ont point
fçû mettre à profit le tems de la vie le plus
précieux
&
SEPTEMBRE . 1748. 73
précieux , & prefque toujours le plus funefte.
Cette Ecole de Deffeing fera ouverte
tous les jours , depuis fept heures du matin
jufqu'à midi , & depuis deux heures après
midi jufqu'à fept heures du foir. Le plaifir
y deviendra la fauve- garde de l'innocence
des moeurs , & la plupart des jeune .
gens , infiniment fenfibles , aux charmes de
l'imitation , y confacreront avec joie la
meilleure partie de la journée , à devenir
rivaux de la nature, en créant des ouvrages
pareils aux fiens. Je me félicite infiniment
d'avoir été choisi par Meffieurs les Lieutenant
& Gens du Confeil de la Ville de
Reims , pour être un des inftrumens &
des Miniftres de leurs vûës , & j'ofe elpérer
de les remplir dans l'Ecole dont ils
m'ont confié la direction . J'en ai pour garans
le grand nombre d'éleves que j'ai formés
à Paris. Il y a dans cette Capitale peu
de profeffions d'Artiftes , dans lesquelles
il n'y ait des fujets excellens qui me font
l'honneur de reconnoître qu'ils doivent
à mes leçons une partie de leur réputation .
Ils en doivent fans doute la principale
partie à leurs talens , mais je me perfuade
qu'ils ont quelque obligation à mon zéle ,
à mon application & à ma Méthode . J'ai
toujours eu l'attention de faire paffer fuc
D
74 MERCURE DE FRANCE .
ceffivement mes Eleves des chofes fimples
& aifées , à celles qui font plus compofées
& plus difficiles ; je leur fais répéter des
chofes à peu près femblables , jufqu'à ce
qu'ils les poffédent parfaitement , & dans
les chofes qui fe reffemblent , j'ai ſoin de
jetter affés de variété pour écarter le dégoût.
L'expérience conftante de grand
nombre d'années m'a appris qu'en fuivant
cette route , il n'eft aucune forte d'Artiſte
qui , pour peu qu'il ait de difpofition , ne
puiffe parvenir en peu de tems à acquerir ce
qu'il lui faut de Deffeing pour atteindre à
la perfection de fon Art.
।
VERS
'A M. de R**, en lui envoyant un ferin
de Canarie.
DEE ce jeune oifeau ,
Délicat & beau ,
Le tendre ramage ,
Eft le témoignage
De mes fentimens ;
Il en eft le gage .
Tous les mouvemens ,
Ses jeux , fon langage ,>
SEPTEMBRE. 1748. 75
Sont les truchemens
D'un fincére hommage .
Ah ! qu'il eft charmé
D'être ton partage !
Cet oiſeau volage
Craint d'être enfermé ;
Mais s'il eft aimé
D'un ami fi fage ,
Plus qu'un verd bocage
Il chérit fa
cage .
Puiflent fes accens ,
Si doux , fi touchans ;
Flater ton oreille ,
Quand fur le matin ,
Comme un franc lutin ,
Phébus nous réveille
de la nuit
Et
que
Repliant
les voiles
,
Le jour qui nous luit
Fait fuir les étoiles !
Alors les préfens
De l'aimable Flore
›
Dans nos heureux champs
S'empreffent d'éclore.
Progné par fes chants
De la blonde Aurore
Marque les inftans.
Dij
6 MERCURE DEFRANCE,
L'Amour qui l'enflamme ,
Réveille nos fens ,
Et répand dans l'ame
Des attraits puiffans.
L'oifeau que j'envoye ,
Mieux que moi dira
Quelle eft cette joye ,
Qu'en ce moment - là
Notre coeur déploye.
Ami , prends - en foin ;
Au fon de ta lyre ,
Bas , & fans témoin
Il pourra redire
D'un coeur délicat
Le tendre martyre,
Car fous le rabat
L'Amour nous inſpire.
On le voit fourire ,
Quand d'un trait malin
Il bleffe & déchire
Un petit mutin ,
Qui bravoit fon ire.
Crains dove fon courroux
Malgré fa fageffe ,
L'aimable Jeuneffe
Doit craindre fans ceffe
Les terribles coups
SEPTEMBRE. 1748. 77
Dont ce Dieu nous bleffe .
De voeux criminels
L'ame déchirée ,
Nous donnons entrée
A ces maux cruels ,
Dont tous les mortels
Reçoivent l'atteinte.
Hélas ! les oiſeaux
Vivent fans contrainte ,
Sans crimes , fans feinte ,
Sans foins , fans travaux.
L'homme feul coupable ,
Eft feul miférable..
La haine & l'amour
Confument nos ames ;
Leurs funeftes flammes
Font de ce féjour ,
Un lieu plein d'allarmes ;
De troubles , de larmes.
Ho ! qu'il feroit doux ,
Si , refpectant tous
L'aimable innocence ,
Loin de l'indigence ,
Nous trouvions en nous
Le bonheur fuprême ,
De nous & prochain ,
Dij
78 MERCURE DE FRANCE
Et qu'hors de lui - même
L'homme cherche en vain !
7. B. Tollot , de Geneve.
A M. de B. qui vouloit fe marier àfoixante
ans,fur deux rimes.
A Soixante ans , cher Ariſte , à cet âge ,
Doit- on former de nouveaux noeuds ?
Un homme libre , un homme fage ,
Sur le ton tendre & langoureux ,
Peut-il à l'objet de fes feux
S'aflujettir à rendre hommage ?
Lorfqu'on eft jeune & vigoureux
L'Hymen badine avec les jeux ,
Et fe montre en bon équipage ;
L'Amour même rit avec eux ,
Et fournit aux frais du ménage.
Mais quand les ans fur nous ont marqué leur paf-
Et
fage ,
que , blanchiffant nos cheveux ,
Ils ont ridé notre viſage ,
Sous les drapeaux d'Hymen fi jamais l'on s'engage
,
C'eft rifquer d'être malheureux ,
Et s'expofer à l'esclavage .
SEPTEMBRE. 1748. 79
Tendron alors eft d'un trifte préſage ,
Et l'on eft trop lorſqu'on eft deux ;
Le vif éclat de deux beaux yeux ,
Quand de trop près on l'enviſage ,
Nous peut caufer bien du dommage :
Certes , pour un vieillard le cas eft hazardeux ;
Et s'il veut faire le voyage ,
Je ne réponds pas du naufrage.
Penfez y ; lorfque l'on eft vieux ,
Le grand oeuvre du mariage
Eft pour nous un pénible ouvrage :
Votre fils , cher ami , je gage ,
Quoiqu'il foit à peine amoureux ,
Er qu'il n'en foit encor qu'à fon apprentiffage ,
Si cette oeuvre étoit fon partage ,
S'en acquitteroit beaucoup mieux.
Pour qui d'un doux repos veut goûter l'avantage ,
Et de la liberté fe plaît à faire uſage ,
Prendre femme , eft bien dangereux.
Par le même.
D iiij
So MERCURE DE FRANCE.
ཀཉྩི ཚི ད པ
REPONSE de M. de la Font de S.
Yenne , à la lettre de M. l'Abbé Řainal ,
imprimée dans le Mercure de Juillet. *
O
N eft fi peu accoûtumé aujourd'hui ,
Monfieur , à voir des Auteurs rendre
graces aux Cenfeurs de leurs ouvrages
, quelques égards qu'ils obfervent ,
que votre lettre mife dans le Mercure du
mois de Juillet dernier a paru un prodi .
ge au public , & vous a attiré l'admiration.
& l'eftime de tout Paris. Des fautes , auffi
fincérement avoüées , font autant d'honneur
que les plus beaux traits d'un ouvra
ge. Après avoir admiré ceux de votre Hif
toire fur le Parlement d'Angleterre , on a
fenti , dans le courage de votre aveu , un
génie capable de s'élever au plus haut degré
dans le genre hiftorique , quand il
voudra régler fon feu , & paroître avec
moins de précipitation. Quel exemple ,
Monfieur , pour nos Auteurs , que vos
proteftations de reconnoiffance à mon
égard , & les affûrances d'une entiere fatisfaction
, fi ma Critique eût été plus févére
! Quel bien pour les Lettres & pour
* Cette Réponse auroit dû être placée dans le
dernier Mercure .
SEPTEMBRE . 1748 .
les Arts , fi votre humilité & votre docilité
peuvent former des imitateurs ! Vos
fentimens confirment honorablement les
miens , lorfque j'ai dit dans ma lettre à la
fuire des Réfléxions fur l'état préſent de
la Peinture en France : Que j'éprouvois
combien il eft peu de ces ames fortes , quifentent
la néceffité d'une fage Critique pour arriver
à la perfection . Qu'il n'eft donné qu'aux
grands Génies , non -feulement de la voir avec
fermeté , mais encore de l'aimer , de la defirer,
d'en connoître le prix , & d'avouer lui devoir
cettejufteffe , & ces traits de lumiere qui por
tent rapidement les ouvrages à l'immortalité.
Ce n'eft point aux Peintres critiqués , que
je dois les fuffrages qu'ont eû mes foibles
Réfléxions fur la Peinture ; c'eſt à la bonté
du public , touché de mon amour pour
la
vérité , l'impartialité , & la gloire de la
Nation. Ce font les mêmes raifons , Monfieur
, qui m'ont mérité vos louanges dans
votre Réponse à ma Critique. Je ne regarde
vos éloges que comme une effufion
de ces fentimens que les ames nées fenfibles
& reconnoiffantes ne fçauroient contenir
, & qui fe répandent malgré elles fur
tous ceux à qui elles penfent avoir quelque
obligation . Elles ne me feront pas
prendre le change fur le peu de valeur
d'un écrit auffi médiocre que le mien.
D V
82 MERCURE DE FRANCE.
"
J'avouerai feulement avoir été extrêmement
fenfible à la juftice que vous rendez
à mon motif , à ce zéle invincible &
peut- être indifcret que l'on y voit pour le
progrès des Belles- Lettres & des Arts , &
pour retenir chés ma Nation le goût du
grand , du vrai , & de ce fimple & beau
naturel qui nous échape de toute part.
Uniffons -nous tous les deux , Monfieur ,
pour un fi digne projet . Vous , par la voix
forte de l'exemple , en donnant d'excellens
ouvrages ; moi , par la voix modefte des
remontrances dans une Critique très- mefurée.
Si je puis réuffir à faire quelque
converfion à cet égard , je vous déclare
que non-feulement je ne craindrai plus
vos éloges , mais qu'alors j'aurai befoin du
fecours de votre amitié pour réprimer mon
amour propre . Rien ne peut le piquer que
la gloire de contribuer à ce qui eft utile
& honorable à ma Patrie & à mes Concitoyens.
Ne m'en faites aucun mérite.
Ce font de ces vertus d'inſtinct & de tempéramment
, indépendantes de notre
choix , & même de notre volonté. L'attachement
que j'ai pour vous n'eft pas
ce genre : il eft uniquement l'effet d'une
eftime éclairée , dûe au mérite de votre caractére.
Ne doutez point , Monfieur , que
la générofité de vos fentimens fur ma Cride
SEPTEMBRE .
83
1748 .
tique ne l'ait beaucoup augmenté , auffibien
le defir d'être toute ma vie avec que
un parfait dévouement , Monfieur , votre,
& c.
EPITRE
De M. de la Soriniere , de l'Académie Royale
des Belles- Lettres d'Angers , à M. Cor¬
vaifier , de la même Académie .
A
Près un fommeil affés long ,
Quand notre Académie en furfaut fe réveille
A la clochette d'Apollon ,
Maint plaifant veut crier merveille
Sur phenoméne fi nouveau ,
Et déja de fon froid cerveau
Tire Sarcafme & Brocardeau :
Le fat qu'il eft ! il ne fçauroit comprendre ,
Qu'ici bas tout état ſoumis aux loix du fort ',
Tantôt plus , tantôt moins , s'éleve & prend l'effor
Je m'en vais le lui faire entendre .
Une comparaifon en termes affés forts
En doit graver ici l'ineffaçable Type.
20
La Hollande jadis dans les fers de Philippe
Languiffoit abbatuë , & dormoit dans fes Ports.
>> On ne ſoupçonnoit point ces vigoureux efforts
>>Qui la firent paroître à l'Europe étonnée
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
» Sous l'éclat triomphant d'une autre deſtinée.
» Il falloit que Naſſau par les Dieux inſpiré ,
» Concevant la grandeur d'un projet confacré
Laborieux , actif & rufé Politique ,
» D'un peuple eſclave né fît une République ,
>
*
Et portant de ces coups qu'admire l'univers ,
» Rétablit dans ces lieux , où regnoit la trifteffe ,
Avec la liberté , l'honneur & la richeffe.
( Voltaire , un tel exploit eft digne de tes vers. )
Il en est tout ainfi de ce Temple des Mufes ,
Et de ces doctes Atéliers .
Depuis vingt ans entiers
Y paroiffoient réclufes
Parmi nos meilleurs ouvriers ,
L'indolente pareffe ,
La non-chalance & la molleffe
Et l'on n'ofoit prévoir le retour de ce ton ,
Qu'enfante le travail , & qu'enſeigne Apollon
Aux plus zélés de fes Adeptes ,
Quand tout- à- coup des cimes d'Hélicon
Defcendit un certain garçon ,
Qui par l'exemple & les préceptes
Rétablit tout à l'uniffon ,
Et nous fit tous chanter enſemble
Tant douce , & tant belle chanſon ,
Que tout connoiffeur fe raffemble ,
Pour écouter notre leçon ,
Dans cette Royale Maiſon ,
Où les talens , la politefe 2
SEPTEMBRE . 1748. &s
L'efprit , les graces , la nobleſſe ,
Concourent avec la raison.
Encore un mot pas davantage ;
Corvaifier , c'eft-là ton ouvrage :
Je n'ai pas pû taire tọn nom * :
Ala Soriniere 1748.
衣粉
CONJECTURES fur la Méchanique
, employée pour éle &rifer les corps .
Uels effets doit produire une telle
Quechanique Trois. Le premierle
ra le changement de forme qui doit arriver
à l'air qui environne le Globe . Le fecond
fera le paffage de cet air qui vient
de changer de forme dans le canon &
dans fa circonference. Le troifiéme fera
les nouvelles formes que prendront les
parties du canon . Suivons ceci , & commençons
par la modification de l'air autour
du Globe. Le Globe , dans fon mouvement
circulaire , n'emportera-t'il pas
avec lui les particules d'air , qui compriment
immédiatement fa furface ? Je le
crois ainfi . Cette fuperficie d'air , dont le
Globe eft environné , tournera donc en
rond , & peut-être même le mouvement
* Unus bomo reftituit rem.
86 MERCURE DE FRANCE.
-
de cet air furpaffera t'il de beaucoup
celui du Globe. Qu'est- ce que cela produira
? Un tourbillon particulier d'air autour
du Globe. Oui , me direz-vous , mais
toutes ces parties aëriennes ainfi agitées
vivement , & dans un mouvement circulaire
, ne feront- elles pas quelque effort ,
afin de s'éloigner du Globe ? Elles le feront
, mais leur mouvement en rond eft
trop vif, pour qu'elles fe puiffent faire un
paffage au travers de l'air extérieur , qui
bien loin de leur faciliter quelque iffuë ,
les comprimera , les refferrera , & les condenfera
autour du Globe , de la même maniere
qu'un tourbillon d'air , qui fera refferré
par l'air qui l'avoifine , deracine
quelquefois de grands arbres, fans toucher
à ceux qui les approchent. Voilà donc un
tourbillon formé autour du Globe , où il
fe trouve emprisonné.
que
Venons maintenant au paffage de l'air
ainfi agité en rond , tant dans le canon
que dans fa circonference . N'eft-il pas vrai
fi le canon, au moyen dela feuille d'auripeau
, touche le Globe , la colonne
d'air , qui empriſonnoit le tourbillon d'air
autour du Globe , fera rompuë en cet endroit
feulement ? Sans doute , me direzvous
mais qu'arrivera- t'il de-là ? Il arri
vera que les tourbillons d'air raffemblés
SEPTEMBRE. 1748. $7
autour du Globe , s'échapperont , mais
où iront- ils ? Autour , & en votre canon
, parce qu'ils ne trouveront point
de réfiftance de ce côté. Qu'est- ce qui
les retiendra autour , & dans le canon ,
me demanderez-vous ? La même cauſe qui
les retenoit autour du Globe ; en effet cet
air, en fortant d'autour du Globe , conferve
fon mouvement en rond , ce qui ne lui
permet pas de fe mêler avec l'air extérieur.
L'air qui environnoit celui qui vient de
paffer d'autour du Globe au canon
prendra- t'il pas la place de celui qui vient
de s'échaper , & ne fera - t'il pas modifié
de la même maniere ? Cela doit être ainfi ,
& de plus repaffer avec le premier , &
ainfi de fuite . Voilà bien des tourbillons
qui paffent dans le canon , me direz-vous ?
Où fe placeront- t'ils ? Ils environneront
, ne
votre canon extérieurement & intérieurement
, ils pourront même s'introduire jufques
dans les pores du canon . Qu'appercevez-
vous de tout ceci ? Un canon extraordinairement
chargé & environné des
petits tourbillons d'air extraordinairement
preffés & comprimés , car plus le canon
fera chargé & environné de cet air agité
en rond , plus ce n'ême air fera d'effort
pour vaincre l'air extérieur qui l'empri
fonne , & plus fon effort fera grand , plus
88 MERCURE DEFRANCE.
la réfiftance de l'air extérieur augmentera ,
le comprimera , le condenfera & le réduira
en un certain eſpace.
Voilà donc un canon déja capable de
produire des grands effets , & pour faire
jouer la machine , il ne nous refte plus
qu'à parler de nouvelles formes que doivent
acquerir toutes les parties intégrantes
du canon . Penfez-vous que le frottement
que reçoit la feuille d'auripeau par le
mouvement circulaire du Globe , ne puiffe
par la communication qu'elle a avec le canon
, ébranler , émouvoir , & faire trembloter
toutes les parties intégrantes du canon
? Cela doit arriver , fi je ne me trompe
; voilà donc le canon chargé & environné
de toutes parts par des petits tourbillons
, qui reffentira des vibrations dans
toutes les parties intégrantes.
Accrochez maintenant un fil d'archal
au canon , il fera tout d'un coup , & environné
de tourbillons , par la même raiſon
que le canon vient d'en être environné ,
& participant aux vibrations du canon . Il
en fera de même de la perfonne qui tient
le fil d'archal accroché au canon , & des
perfonnes qui la tiendront par la main , &
qui formeront un cercle , également à l'égard
de la cuillere pleine d'eau - de - vie ,
tenue d'une main par la perfonne , & qui
SEPTEMBRE .
89 1748.
tient de l'autre le fil d'archal accroché au
canon .
>
Maintenant , fi vous voulez voir ce que
la machine ſçait faire , touchez le canon .
Vous l'avez touché , & vous vous trouvez
un peu repouffé , avec un peu de douleur à
l'extrêmité de votre doigt . Ne voyez - vous
pas que vous avez rompu la muraille de la
prifon de tous les tourbillons d'air ? Ignorez-
vous, qu'après que vous avez rompu la
réfiftance à tous ces tourbillons , ils doivent
s'élancer fur vous avec d'autant plus
de force , que vous venez de diminuer la
force qui les retenoit ? Eft- ce que leur
être aug- élancement fur vous ne doit pas
menté , au moyen des vibrations des parties
integrantes du canon , & au moyen
ce que toutes les parties du canon qui
étoient comprimées par les tourbillons .
mêmes , fe reftituent tout d'un coup par
leur propre
reffort ? Vous avez donc dû
vous fentir repouffé avec douleur au bout
du doigt , mais vous avez eû la fatisfaction
de voir une étincelle de feu , preuve du
mouvement précipité , troublé & vertical,
avec lequel ces tourbillons font venus fondre
fur vous.
,
de
Ne touchez pas au fil d'archal qui tient
au canon , autrement il vous arrivera la mê.
me chofe , & par les mêmes raifons.
90 MERCURE DE FRANCE.
"
Puifque vous êtes déja fatisfait de cette
expérience , c'eft à mon tour à tenir le fil
d'archal qui eft acroché au canon , & me
voilà environné de tous côtés par des
tourbillons pareils à ceux qui environnent
& le canon & le fil de fer que je tiens ;
peut-être auffi que les fibres de mon corps
participent aux mouvemens tremblotans
des parties intégrantes du fil d'archal que
Vous me voyez tenir . Ne me touchez donc
pas , ni à mon épée , car il en feroit de
même à peu près , comme quand vous
avez touché le canon : mais donnez- moi
dans cette main , qui me refte libre , une
cuillere pleine d'eau - de-vie .Vous me direz
que puifque je tiens la cuillere , elle de- .
viendra environnée comme moi des tourbillons.
Oui, fans difficulté; il en feroit la
même chofe de vous , fi vous me touchiez,
ce qui vous mettroit hors d'étatde pouvoir
mettre le feu à l'eau-de- vie qui eſt dans
ma cuillere , parce qu'étant environné des
tourbillons qui m'environnent , vous ne
pouvez plus rompre la colomne d'air qui les
preffe & les retient prifonniers dans l'eaude-
vie & aux environs , mais fi vous ne
me touchez point , portez votre doigt le
plus perpendiculairement que vous pourrez
, vous romprez la prifon de ces tourbillons
, & ils s'en iront avec tant de préSEPTEMBRE
. 1748.
cipitation qu'ils mettront le feu à l'eau - devie
avant de la quitter.
par
Prenez maintenant la petite bouteille
que je viens d'acrocher au canon ; ayez
foin de la ferrer en votre main , donnez
votre autre main à votre voifin , & votre
voifin me donnera la fienne ; fi je touche
le canon entre le Globe & le canon , nous
aurons chacun un grand coup , fuffionsnous
200 à nous tenir par la main ; en
effet , contre qui voulez -vous , lorfque je
romps la colomne d'air, que les petits tourbillons
du canon , vivement élancés
Jeur propre élafticité , & par une aſtriction
fubite des parties du canon fur elles- mêmes
, auffi bien que de la bouteille , agiſfent
? Se perdront- ils tout d'un coup dans
l'air extérieur ? Non , ils trouvent trop de
réfiſtance de ce côté , parce qu'en fortant
ils font dans un mouvement circulaire trop
vif: ils agiront donc fur nous auparavant,
parce qu'ils trouveront moins de réfiftance
de notre côté , en ce que nous fommes tous
environnés d'autres tourbillons , femblables
à ceux qui fe lancent fur nous de la
part du canon , ce qui doit occafionner en
chacun de nous une vive preffion à laquelle
nous devons attribuer le coup que nous
croyons reffentir : par la même raifon nous
devons être un peu repouffés.
92 MERCURE DE FRANCE.
Je vois que fans y penfer je viens de me
contredire, & vous m'allez demander com
ment je puis préfentement rompre la colonne
d'air , afin de donner iffue a tous
ces petits tourbillons , pendant qu'il n'y a
qu'un moment qu'il falloit ne vous point
toucher pour pouvoir mettre le feu à l'eau
de vie ; maintenant quoique vous me touchiez
& me reniez par la main , vous avez
rompu néanmoins la prifon des tourbillons.
Cette objection que je ne prévoyois pas,
me fait croire que le coup que nous venons
dereffentir, vient plutôt de l'aſtriction fubite
de toutes les parties integrantes du canon ,
fuivie d'une reftitution auffi prompte de
ces mêmes parties , que de l'irruption des
tourbillons fur nous. En effet, en touchant
le canon , j'ai occafionné un ébranlement
extraordinaire de toutes les parties du canon
; par cet ébranlement le canon & la
bouteille ont fait un effort extraordinaire
pour chaffer tous les tourbillons d'air com
primés dont ils étoient environnés , mais
l'air exterieur a contrebalancé leur force ;
à quoi a donc abouti tous ces efforts ? A
comprimer dans le même inftant tous les
tourbillons dont nous étions ci- devant environnés
, & c'eft à cette vive preffion que
nous attribuerons le coup que nous avons
reffenti.
SEPTEMBRE. 1748. 93
La partie petite de la feuille d'or qui voltige
au- deffous du canon, tantôt en s'en approchant,
tantôt en s'en éloignant , eft une
preuve du balancement continuel entre
l'air extérieur & les tourbillons comprimés,
& des mouvemens irréguliers que reçoit
l'air extérieur jufqu'à une certaine diftance
; il ne fera donc point furprenant que fi
elle s'approche trop du canon , elle aille s'y
coller ; fi elle s'en éloigne trop au contraire
, elle tombera par terre.
Si vous fufpendez votre canon avec des
fils de foye , la matiere électrique ne paffera
point dans ces fils , ils diminueront au
contraire celle du canon. Peut -être les
parties
intégrantes de la foye ne font pas Tufceptibles
de vibrations aflés fortes pour
permettre aux petits tourbillons de s'étendre
& de fe multiplier fuffifamment au
tour des fils de foye ; à faute de ces vibrations
fuffifantes , qu'arrive-t'il ? Que l'air
extérieur n'eft point pouffé affés loin des
fils de foye , pour permettre un libre paffage
aux tourbillons qui fe préfentent pour y
paffer. Joignez à cette raifon , que parce
qu'ils ne peuvent recevoir des vibrations
affés fortes , ils fe trouvent par la même
raifon hors d'état de pouffer affés vivement
les tourbillons , lorfque l'on touche
ces fils. La vertu électrique du canon fera
94 MERCURE DE FRANCE.
•
même diminuée , parce que fes vibrations
feront émouffées par cette fufpenfion . Les
corps élastiques feront donc les plus faciles
à électrifer , & plus l'air fera élastique ,
mieux la machine fera fon jeu.
En mouillant le canon d'un peu d'eau ,
l'eau fe raffemblera en gouttes dans la partie
baffe du canon , elle tombera enfaite
par gouttes , froides comme de la neige, &
comme un petit globule de flâme violette .
Qui eft-ce qui caufe ce phénomene ? J'at
tribue la fraîcheur de ces gouttes d'eau à
la condenfation de toutes les parties , occafionnée
par la preffion des tourbillons qui
les environnent ; peut-être pourroit - on
parvenir par cette méchanique à former
de la grêle ; les gouttes d'eau paroîtront
lumineufes, parce qu'au moyen de ce qu'elles
ont été condenfées , elles refléchiffent
plus de rayons de lumiere ,
Je n'ai point vû d'autres expériences à
ce fujet. Tout ceci demanderoit une explication
plus détaillée , mais cela ne ſe
peut faire dans une Lettre , dans laquelle
toute mon envie eft de vous donner une
légere idée de mon ſyſtême.
SEPTEMBRE. 1748. 95
*3 *3 *3X +3X+ 3X+ 3X333X
FABLE.
Le Mourant & les Médecins,
●´N dit qu'un jour au fond de ſa taniere
Sire Lion , gouteux & décrépit ,
Voyant enfin le bout de fa carriere ,
En fes Etats publia cet Edit ;
30 Que tour Docteur en fait de Médecine
» Vint le trouver en dix jours au plus tard.
L'ordre reçû , la Faculté chemine ;
L'Ane , le Loup , le Singe , le Renard ,
S'en viennent donc trouver notre vieillard ;
Il défiroit , dit- on , ce bon Monarque ,
Que fans ufer de feinte & de détour ,
Chacun lui dît , s'il croyoit que la Parque
Tranchât bien - tôt le filet de fes jours ,
( Car il vouloit , fcrupuleux & timide ,
Auparavant de defcendre au tombeau ,
Reftituer ce que fa dent avide
Sçût autrefois ravir à maint troupeau ; )
Mais nonobitant cela , par pure flaterie ,
Nos Médecins dirent tous d'une voix :
Bien inftruits de votre maladie ,
» Chacun de nous voit que felon nos Loix ,
» Vous aurez , Sire , encor quinze ans de vie.
De cet efpoir le Monarque flaté ,
ל כ
6 MERCURE DE FRANCE.
Se repola fur une prophétie ,
Dont il connut trop tard la fauffeté .
Deux jours après le mal croît & s'augmente.
On philofophe , on cherche , on fe tourmente ,
Chacun en vain épuifa fon fçavoir ,
Le Roi mourut , fans regler fes affaires ;
و د
Pourquoi , Médecins téméraires ,
Faites-vous l'homme blanc , quand vous le voyez
noir ?
» Par une cruelle indulgence ,
>> Vous fçavez le flater d'un chimérique eſpoir ,
» Mais malgré vous , fa mort s'avance.
LETTRE écrite de Nevers.
propo
du Mercure ,
Per au
Public
Ermettez
- moi , Monfieur
, de
par la
voye
l'explication
d'une
ancienne
Enigme
, ou
plutôt
d'une
Infcription
, qui depuis
bien
des années
( peut-être même
des fiécles
)
fe préfente
aux yeux de tous ceux qui veulent
la lire dans notre Ville , & qui eft
placée
fur un Corbeau
, environ
à dix pieds
d'élévation
à l'endroit
où étoit autrefois
la principale
porte de la Cité , & où l'on
doit aller recevoir
MM . nos Evêques
lorfqu'ils
font des Entrées
folemnelles
.
A
Cette Infcription eft gravée fur une
pierre
4
SEPTEMBRE. 1748. 97
pierre beaucoup plus longue que large ,
de laquelle elle ne remplit qu'environ la
moitié ; une bordure en relief fert d'ornement
à cette même pierre , & lui donne
la figure d'un tableau . Voilà , Monfieur ,
une copie fervile de cette pierre & de
l'Infcription.
Il y a , comme vous voyez , des lettres
plus grandes les unes que les autres , & un
o y enjambe fur un v ; c'eft à Meffieurs les
Antiquaires à décider de quel fiécle font
les caractéres , fi l'Infcription eft du tems
du Paganifme, ou depuis que le Chriftianif
me a été établi dans les Gaules , fur quoi il
eft bon de vous obferver que de l'autre côté
de la rue & prefque vis à- vis la pierre ,
il y a une ftatue de la Sainte Vierge , tenant
l'Enfant Jefus dans fes bras , mais
d'une fculpture infiniment plus moderne ,
qui au refte peut avoir été fubftituée depuis
un fiecle ou deux à une plus ancienne,
à
Guy Coquille , judicieux Commentateur
de notre Coûtume , mais très - diffus
Hiftorien de notre Province , n'a pas jugé
propos de parler de cette Infcription
mais Michel Colignon , Chanoine de Nevers
, le fait avec beaucoup d'emphafe dans
la Préface d'un Livret imprimé à Paris en
1616 chés François Pomeray , & intitulé
Catalogue Hiftorial des Evêques de Nevers ,
E
98 MERCURE DE FRANCE,
ANDE
CAMU
LOSTOVTI
SSIGNOS
IE VRV
SEPTEMBRE. 1748.
99
39
ap-
& voici de quelle façon il s'explique.
Qui ne fçait , ( s'écrie-t'il dans cette
Préface , ) que Nevers a été autrefois
pellé Noxius , nom qui lui étoit approprié,
voire même dès le tems de la Dicta-
»ture de Furius Camillus , qui fut environ
» l'an du monde 3577 , & de la Ville de
Rome bâtie 365 , & avant la venuë de
» J. C. en terre , depuis ladite Ville de Ro-
» me édifiée 413 , felon que l'on
peut con-
» jecturer , faiſant fupputation des tems
» car la Ville de Nevers ayant été brûlée
» & édifiée derechef, on rencontra dans
» les fondemens une pierre prefque car-
» rée , contenant certaines lettres écrites à
» la façon ancienne des Romains , mais
prefque toutes effacées , à caufe du laps
» de tems , defquelles toutefois on peut
lire affés facilement celles - ci An, de.
» Camillos, toti. fic. noxie, uri. Par où il
ap-
» pert que pour lors elle étoit fous la puif-
» fance des Romains & appellée Noxius ,
» en ce même tems confommée de feu , laquelle
pierre fe voit au mur de la maifon
qui fait le commencement de la Ci-
» té , où étoient les murailles de ladite
» Ville du tems dudit Camillus & de Jules
» Céfar , devant laquelle maifon les Eche-
» vins reçoivent M M. les Evêques à leur
» premiere & folemnelle Entrée ; la raiſon
E ij
100 MERCURE DE FRANCE .
» de ce nom Noxius peut être pour ce que les
» Gaulois étoient ennemis jurés des Ro-
» mains , & leur faifoient cruelle guerre ,
» d'où arriva que Furius Camillus , homme
» fort valeureux , fut créé Dictateur , pour
>arrêter leurs courſes & les chaffer d'Italie.
Qu'il me foit permis de faire deux ob
fervations fur ce que dit Colignon ( & d'a•
près lui l'Auteur du Livre intitulé , Etats
Empires du Monde) . La premiere eft que
je ne crois pas qu'il ait jamais trouvé dans
aucun Auteur ni aucun titre , que Nevers
ait été autrefois appellé Noxius ; il y a à la
vérité une ancienne Forterelle ruinée dans
la Province , appartenante à M. le Duc de
Nevers , fituée fur une montagne efcarpéc
de tous côtés , appellée Montenoifon , &
en Latin Mons noxius , mais cette Forterefle
eft à huit lieues de Nevers , & par conféquent
trop éloignée pour qu'il puiffe y
avoir de la confufion dans les noms des
deux endroits ; je crois même qu'elle a été
élevée plutôt pour nuire aux Bourguignons
, qu'aux Romains.
La feconde obfervation eft qu'il n'eft pas
vrai que les lettres de l'Infcription foient
prefque toutes effacées , elles font très- entieres
, & il ne les annonce défigurées , que
pour faire adopter l'explication qu'il y
donne ; au refte, il auroit dû nous appren
SEPTEMBRE. 1745. 101
dre en quel tems la Ville de Nevers a été
brûlée & édifiée derechef, & lapierre rencontrée
dans les fondemens , & fur quels garants
il appuye ces faits.
Il me refte à prier les Antiquaires d'expliquer
l'Enigme ; perfonne ne le peut
mieux que M. l'Abbé le Beuf, & il en eft
très-humblement prié ; peut être le ferat'elle
revenir de la prévention où il a parû
êrre , malheureuſement pour notre Ville
qu'elle n'eft pas le Noviodunum Heduorum,
dont il eft parlé au feptiéme Livre des Commentaires
de Céfar , auquel cas notre Inf
cription nous deviendra extrêmement précieufe.
Je fuis , &c.
pürürtnucunu+ nunununulŁNY WBU
A M. de Bufon , Intendant du Jardin
Royal des Plantes à Paris.
CEt effai que Pégale apporta du Parnaſſe
Pour ce Jardin délicieux ,
Chés vous' s'il pouvoit trouver place ;
Peut- être exciteroit quelqu'un à faire mieux.
Infcription pour le Jardin Royal .
Orbis & Artis opes locus hic en omnibus offert :
Hortum Florafibifumpfit, Apollo Domuns.
E
iij
702 MERCURE DE FRANCE
Infcription pour la Serre du Jardin.
Forte Parifiacos fines dum Flora pererrat ,
Hicftetit , atque novas lata profudit opes.
Triftis hiems fubito procul bine, &frigus acutum ;
Diffugiunt ,& Veroccupat ecce locum.
Infcription pour la Fontaine du Jardin .
Quefterilis quondam Nimpha & male parca fluebat ,
Plantas blanda Parens nunc rigat , atque nutrit.
Quin flores pingit varios , fuccofque falubres
Suppeditat Medicis , &fugat omne malum.
AM. ***
pour fa Maifon de
campagne.,
Bacchus & alma Cerės rus iftudfrugibus ornant ;
Scilicet ifta famem fedat , & ille fitim.
Pour la Fontaine du Jardin .
Canofumper iter qua quondam invitafluebat,
Nunc puris, & ovans, Nimphafuperbit aquis.
A M. Abbé Salier, Garde de la Bibliothéque
du Roi.
Infcription pour cette Bibliothéque .
Mendacem Parnaſſum ultrà ne Graciajaîtes ¿
SEPTEMBRE. 1748. 103
Hic verum intus ineft , artis & omne genus,
Mortuus hic vivit , pandunt oracula muti.
Fons falit irriguus , qui fitit unde bibat.
LETTRE de Mademoiselle L. à M.
J E
E vous envoye , Monfieur , les refléxions
fur la fociété , que vous m'avez
demandées , je ne fçais pas trop à quelle
fin ; c'eft fi peu de chofe , que je croyois
qu'il devoit vous fuffire d'en avoir entendu
la lecture. Il eft vrai que comme vous
autres hommes n'attendez prefque rien des
perfonnes de mon fexe , il nous eft facile
de furprendre votre admiration , quand
nous nous mêlons d'écrire . Auffi je ne regarde
les éloges que vous me donnez , que
comme un effet de cette politeffe qui vous
eft naturelle , & comme une marque de
l'étonnement où vous avez été de ne me
pas trouver tout-à fait auffi ignorante , que
vous fuppoficz apparemment que je devois
l'être .
J'écris , dites vous , avec légereté & avec
agrément. Vous trouvez de la jufteffe
& de la précifion dans mes idées , &
fi je veux vous en croire
mon petit
E iiij
104 MERCURE DE FRANCE .
ouvrage fait connoître que j'ai de la facilité
dans l'efprit & des fentimens dans
le coeur. Vous avez imagine vrai femblablement
que j'avois befoin de ces
louanges pour me foutenir , & qu'en me
les donnant , elles deviendroient un engagement
qui pourroit me les faire mériter .
Au refte , je fuis flatée de la justice que vous
rendez au fond de mes fentimens. Je ne
me pardonnerois pas d'avoir écrit , s'il
m'étoit échappé une feule phrafe que des
perfonnes fages & raifonnables fallent en
droit de me reprocher . A l'égard de l'efprit
, j'en fuis moins touchée ; quand il
feroit vrai que j'en aurois , il feroit toujours
gêné par les ufages , & je devrois le
cacher fous le voile des bienséances.
pour
Vous vous rappellez , Monfieur , l'occafion
qui m'a fait devenir Auteur. J'avois à
prouver que nous fommes tous faits
la fociété . Un Philofophe auroit compofé
fur ce fujet une Differtation en forme ;
pour moi , je me fuis contentée des reflexions
que voici.
L'homme ne peut fe fuffire à lui-même ;
tout lui annonce qu'il eft fait pour la fociété.
Les cris de l'enfant qui vient de
naître , & les pleurs qu'il répand , font autant
d'invitations par lefquelles il follicite
SEPTEMBRE. 1748. 105
les fecours dont fa foibleffe a befoin ; s'il
forme dans la fuite des fons qui devien
nent les interprétes de fes penfées , ce n'eft
que parce qu'il les a appris de ceux à qui
le foin de fon enfance a été confié. Sa rai
fon ne fe forme , fon jugement ne fe dé
veloppe , & fes connoiffances ne s'étendent,
qu'à l'aide des Maîtres qui font chargés de
Pinftruire . Il lui faut des modéles pour l'animer
à bien faire , & des rivaux pour ex,
citer fon émulation . Il eft même quelquefois
utile que la laideur du vice lui foit rendue
fenfible par des exemples , afin de lui
en infpirer plus d'horreur . La honte attachée
au crime eft un frein capable de retenir
ceux qui fe fentent le plus de penchant
à le commettre. Placez l'homme hors
de la fociété : quelle reffource a-t'il contre
l'ignorance qui l'environne , contre la triſteffe
qui peut le faifir , contre la douleur
qui ne vient que trop fouvent le tourmenter
, & enfin contre l'ennui auquel il fe
trouvera fans ceffe expofé ? Il n'aura ni Docteurs
pour l'éclairer, ni amis pour le confoler,
ni même des indifferens pour le diftraire.
De noires réflexions s'empareront de
fon efprit , & augmenteront fes chagrins ;
il fe plongera dans une fombre mélancho
lie qui le rongera infenfiblement, & il fuc
*
Ev
106 MERCURE DE FRANCE.
combera enfin , parce qu'il ne trouvera pas
dans fon propre fond les appuis qu'il auroit
trouvés dans le commerce des autres
hommes .
Que feroient les plaifirs les plus touchans
, s'ils n'étoient partagés avec perfonne?
Dans quel affreux état tomberoient
ceux qui commencent à fentir le poids des
années, & qui voyent croître leurs infirmités
avec leur âge , s'ils ne trouvoient dans la
fociété s confolations , qui feules peuvent
leur rendre la vie fupportable ? Qui
les exhorteroit à la patience ? Qui s'atrendriroit
fur leurs maux ? Qui s'entretiendroit
avec eux des évenemens auxquels ils ont
eu part dans le tems paffé , fi on les réduifoit
à vivre dans la folitude ?
Toutes les réflexions que je viens de
propofer en peu de mots , n'ont pour objet
que les befoins mutuels , qui rendent les
hommes dépendans les uns des autres , &
qui les forcent en quelque forte de vivre
enfemble. Les inclinations , qui leur font
naturelles , peuvent encore leur découvrir
quelle eft leur véritable deftination . Que
fert en effet à l'homme d'être né humain
& compatiffant , s'il n'a perfonne fur qui
exercer fa compaffion ? Pourquoi Dieu lui
a- t'il donné un coeur généreux , fifa générofité
eft fans objet ? Pourquoi fent -il en
SEPTEMBRE . 1748. 107
lui-même ce penchant fi doux
pour l'amitié
, s'il ne devoit point avoir d'amis ?
Que devient cette induftrie qui enfante
& perfectionne les Arts ? Que deviennent
ces talens qui élevent fi fort l'homme audeffus
de la bête , & qui font la preuve la
plus certaine de fa grandeur & de fon excellence
? A quoi bon enfin ces organes cù
éclattent d'une maniere fi fenfible la fageffe
& la fouveraine intelligence de celui
qui les a créés , fi l'homme eft fait pour être
folitaire ? C'eſt Dieu même qui a formé les
liens de la fociété , & vouloir les rompre ,
ce feroit nous rendre également malheureux
& criminels.
Mais faut il donc condamner tant dé
perfonnages fi célebres , qui font allés dans
la retraite chercher une perfection qu'ils
défefperoient de pouvoir acquérir dans le
monde ? Peut-on dire qu'ils fe foient rendus
coupables envers l'Auteur de la Nature
, parce qu'ils fe font dérobés à leur véritable
deftination ?
Pour répondre à cette difficulté , je dis
en premier lieu , que la fociété eft l'érat
commun auquel tous les hommes font ap.
pellés , & qu'il ne fçauroit leur être permis
d'en fortir, fans l'ordre exprès de celui
qui les y a placés .
Je dis en fecond lieu qu'il faut bien dif-
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
tinguer la retraite de la folitude. Celui
que l'Esprit de Dieu conduit dans la retraite,
n'eft pas un folitaire mifantrope , qui refufe
de prendre part & de concourir au bien
commun , mais un Citoyen prudent , qui
évite des périls plus forts que lui . L'un a
éprouvé les impreffions funeftes du fiécle ;
il en craint la contagion , & il s'en fépare
pour le fouftraire à une chute déplorable.
L'autre fuit le tumulte qu'occafionne le
commerce des hommes , & va fe recueillir
dans la retraite pour être moins diftrait dans
fes travaux , mais les uns & les autres ne
perdent point de vue leurs freres , & ils les
aident & les foulagent en la maniere qu'ils
Je peuvent. Quiconque iroit fe renfermer
dans une folitude , pour s'affranchir des devoirs
de la fociété , ne mériteroit le nom
ni de Chrétien , ni même de Philofophe.
Vivons donc pour la fociété , puifque
nous fommes créés pour elle . Travaillons
au bonheur de nos femblables , en mêmetems
que nous travaillerons au nôtre . Excufons
leurs foibleffes , fupportons leurs
défauts , foyons fenfibles au plaifir de les
obliger , & tâchons de mériter l'amitié de
plufieurs & l'eftime de tous.
SEPTEMBRE. 1748. rog
VERS
Préfentés à Mlle *** , qui brodoit une robe
par M. de Mon .... à Andely.
C Esbou Es bouquets féducteurs , par Minerve brodés,
Par leurs vives couleurs effaçent la Peinture ,
Et de près même regardés ,
Pourroient tromper fans peine & Flore & la Nature
.
Je ferois de ces fleurs amoureux comme un fou
Mais un clou chaffe un autre clou.
Je ne vois plus l'ouvrage , ou le laiffe en arriere ,
Si-tôt que mes regards tombent fur l'Ouvriere ;
Un objet fi charmant , de tout autre vainqueur ,
Occupe feul toute mon ame.
La ſurpriſe y fait naître une brûlante flâme ,
Et le charme des yeux paffe jufqu'à mon coeur.
"
110 MERCURE DE FRANCE.
新選選洗洗洗洗選選洗洗洗洗洗洗洗
DISCOURS *.
Le vrai bonheur confifte dans la Sageffe.
L
'Homme eft le plus parfait ouvrage
qui foit forti des mains de Dieu ; il
eft l'abregé de toutes fes merveilles . Tout
ce qui l'environne lui donne des idées de
fa grandeur. Qu'il jette les yeux fur la terre
, il
y découvre les plus belles moiffons
pour fervir à la nourriture ; qu'il regarde
dans les airs , les oifeaux n'y volent que
pour lui ; qu'il entre dans les forêts , des
animaux de toutes efpeces s'offrent à fa
vûe , & viennent en quelque forte le reconnoître
pour leur Maître . Les fleuves &
les rivieres ne coulent que pour fon utilités
la mer même n'applanit fes flors & ne lui
ouvre fon fein, que pour fournir à fa délicareffe
& à fa fomptuofité.
Tous ces prodiges lui font connoître fa
fupériorité fur tour ce qui eft créé. Tout
lui retrace la nobleffe de fon origine & l'idée
de fon Créateur.
Abandonné cependant à lui-même , &
aveuglé par les biens féduifans dont il eft
* L'Auteur de cet Eſſai étant extrêmement jeune,
on ne doit pas lejuger avec beaucoup defévérité.
SEPTEMBRE. 1748.
le poffeffeur , fa félicité irrite fes paffions.
Il s'étourdit fur fon érat , & méconnoît
quel eft le principe de fon être, & quelle en
doit être la fin. Il veur établir fon fuprême
bonheur dans la poffeffion des richeffes ,
mais qu'y trouve-t'il ? Le poids accablant
des inquiétudes. La plus grande fortune
eft-elle autre chofe que la plus grande fervitude
? *
Un mêlange de baffeffe & de grandeur
occupe tour à tour l'efprit & le coeur de
l'homme. La baffeffe le retient vers la ter
re , & voudroit lui perfuader qu'il y trou
vera tout ce qui peut le rendre heureux.
Sa grandeur l'éleve vers le Ciel , elle lui
fait méprifer tous les biens terreftres , &
envifager confufément un bien infiniment
plus durable & plus vrai.
Comment l'homme connoît - it ce bien fi
défirable ? Par la fageffe , qui fait elle feu
le fon bonheur. C'est auffi Dieu feul qui
peut nous la donner , & c'eſt un rayon de
fa lumiere, qui l'a imprimée au fond de nos
ames, pour en diffiper les ténebres, & nous
empêcher d'errer dans des fentiers oppofés
à la vertu. Oui , il n'y a que la fagelle qui
puiffe nous faire jouir du véritable bon
heur. Elle nous éclaire , elle dirige nos pas
* Magnafervitus eft magnafortuna. Seneq.
# 12 MERCURE DE FRANCE.
elle eft l'unique fource de la paix du coeur
& de l'efprit.
¡ Que l'homme rejette donc ces idées fauffes
, qui le portent à faire fes délices des
biens terreftres. Qu'il fçache que nous
comptons pour rien les revers de fortune
, & toutes les catastrophes auxquelles
nous fommes expofés , quand nous avons
la fageffe en partage. Qu'il apprenne que
le plus fage de tous les Rois a dit que les
biens & les honneurs du fiécle n'étoient
que vanité ; qu'ils ne pouvoient fatisfaire
le coeur humain , qui malgré fa dépravation
, ſe ſent toujours de la grandeur de
fon origine. L'homme eft fait pour connoître
le vrai & pratiquer la vertu ; il eft
porté naturellement à la chercher , & il
n'eft heureux que quand il l'a trouvée .
En effet , l'avare eft-il tranquille au milieu
de fes tréfors Non ; la crainte & les
follicitudes ne lui permettent pas de goûe
ter de repos . Ses yeux ne peuvent fe fermer
& s'abandonner aux douceurs du fommeil
; il craint toujours qu'on ne lui enleve
ce qui le rend malheureux .
Qu'on interroge un Guerrier , qui tout
couvert de lauriers, cherche encore de nouveaux
périls , & qui dépofitaire des graces &
des bienfaits de fon Prince , les difpenfe à
fon gré; il répondra qu'un bonheur fondé
SEPTEMBRE. 1748. 113
fur les caprices de la fortune , ne peut rendre
un homme véritablement heureux .
Un Sçavant dans le fond de fon cabinet
jouit-il du parfait bonheur ? Son éloignement
du tumulte du monde , & fon occupa → оссира-
tion continuelle , nous engageroient à le
croire. Il n'eft cependant pas fatisfait ; il a
des rivaux contre qui fa vanité l'irrite ; il
s'imagine que leurs talens diminuent en
quelque forte les fiens , & les éloges qu'on
donne à leurs ouvrages , il les regarde
comme autant de laɛcins qu'on lui fait .
Dégageons donc notre coeur de ces paffions
qui l'attachent à la terre. Elevons
nous vers la fageffe , qui eft feule capable
de faire notre bonheur , & de templir l'immenfité
de nos défirs. C'eft dans elle que
nous trouverons ces grands & généreux
fentimens qui répondent à notre grandeur
véritable. Notre efprit fe perfectionnera
par la connoiffance des vérités qu'elle lui
découvrira ; elle nous donnera des lumicres
pures, pour affermir nos idées &étendre
nos connoiffances. Elle nous apprendra
que c'eft pour Dieu que nous fommes faits;
que c'est pour le connoître qu'il nous a
donné un entendement ; que c'est pour
l'aimer qu'il nous a donné un coeur , &
que c'eft pour augmenter notre amour qu'if
veut que nous puifions dans fes tréfors la
114 MERCURE DE FRANCE.
véritable vie & la véritable félicité.
A quoi vous fert , hommes infenfés , de
connoître la fageffe , puifque vous ne la
pratiquez pas ? Votre conduite eft oppofée
à fes préceptes , & vous agiffez dans
tout le cours de votre vie , comme fi vous
ne l'aviez jamais connue.
Et vous Philofophe orgueilleux , en faites-
vous un meilleur ufage ? Vous qui vous
fabriquez une Religion fur les principes
d'une raifon corrompue, & qui la changez
auffi fouvent que vos differentes paffions
vous agitent ?
Vous feule , ô divine Sageffe , pouvez
nous procurer la parfaite tranquillité. Vous
feule pouvez nous faite goûter la vraie
douceur. Efforçons nous donc de l'acquérir
, cette fageffe ; les routes qui y conduifent
font belles , agréables , & l'Ecriture
nous affûre que celui-la feul , qui marchera
dans fes fentiers , jouira d'une paix parfaite
& du vrai bonheur.
Satiabor cum apparuerit gloria tua.Pf. 16.17.
Par Me de S. F. de Vefoul , 1748 .
SEPTEMBRE . 1748. 115
CACACACACA✅ACA~A ~AYINIC)
VER S.
Préfentés à M. D. B. pour la Fête
de Saint Louis 1748.
UN fage pour bouquet ne doit point vous
offrir ,
Aminte , comme aux autres Belles ,
Des fleurs qui fe puiſſent Aétrir ;
Son coeur vous en doit d'immortelles,
Au pied du mont célébre où les doctes pucelles
Se plaiſent à les voir fleurir ,
J'ai cueilli cette bagatelle ;
Si le tems ne la fait périr ,
Qu'avec mon reſpect & mon zéle ;
Aminte , vous avez une fleur éternelle.
LETTRE écrite de Paris.
Omme vous vous intéreffez , Mon-
Cheur,à tout ce qui concerne la République
des Lettres , j'aurai l'honneur de
vous apprendre , qu'on vient de donner
au public le premier tome du Digefte , infolio
, redigé en ordre par M. Pothier ,
Confeiller au Préfidial d'Orleans. Ce Ma
7
116 MERCURE DE FRANCE.
giftrat qui eft actuellement ici , y eft venn
exprès , pour avoir l'honneur de le préfenter
lui-même à M. le Chancelier , 'qui
a eu part à la confection de l'ouvrage.
Vous ne ferez peut- être pas fâché de fçavoir
ce qui lui a donné le jour , & comment
les chofes fe font paffées.
M. Pothier , qui a fait une étude particuliere
du Droit , fut choqué , comme
l'ont été prefque tous ceux qui l'ont étudié
, de la confufion qui regne dans le
Digefte , ouvrage d'ailleurs fi important
pour le bien & la tranquillité des Etats.
C'étoit pen même que le Digefte fut confus
, & qu'on eût peine quelquefois à tirer
une décifion claire de ce livre , & à la
trouver au befoin ; il falloit encore accorder
enſemble le Code & les Novelles ,
qui ajoutent , retranchent , & modifient
en plufieurs manieres beaucoup d'endroits
du Digefte , & il y a grande apparence ,
que la difficulté d'ajufter ces trois ouvrages
, & d'en faire un tout régulier , avoit
épouvanté les plus courageax , & les avoit
détournés d'entreprendre un fi pénible
travail. M. Pothier fentit la difficulté autant
qu'un autre , mais comme il eft hom
me à réflechir, il fe forma le plan d'un ordre
méthodique , & choifit un titre du Droir,
SEPTEMBRE. 1748. 117
pour tacher d'exécuter ce plan , fans autre
dellein pour lors que de fe fatisfaire lui-même
, & d'effayer s'il pourroit réuffir . Ce
fut comme la premiere tentation qu'il eut,
& à laquelle il fuccomba fi heureuſement ;
à cette premiere fuccéda une feconde ,
qui fut de montrer fon effai à un de fes
amis , Confeiller au même Préfidial , &
de plus Docteur & Profeffeur en Droit
dans l'Univerfité d'Orleans. Cet habile
Jurifconfulte , qui pofféde parfaitement
cette matiere , loüa beaucoup cet effai de
M. Pothier , & l'exhorta à continuer , ce
qu'il n'avoit guéres envie de faire. Le travail
en refta- là pendant quelque tems ,
jufqu'à ce que le Profeffeur , ayant efi affaire
à M.le Chancelier , trahit en quelque
façon fon ami , & fit un rapport exact
& avantageux du projet de l'ouvrage qu'il
avoit lû. C'étoit une nouvelle qui méritoit
d'être annoncée à l'illuftre Chef de la
Juftice ; auffi ce grand Magiftrat l'écouta
avec d'autant plus de plaifir , que par une
rencontre affés finguliere , lui-même dans
fa jeuneffe avoit conçû à peu près le mêmedeffein
, & s'étoit formé le même plan,
mais les grands emplois , par lefquels il
avoit paffé fucceffivement , ne lui avoient
pas permis de l'exécuter. M. le Chancelier
A
P
118 MERCURE DE FRANCE.
écrivit une lettre à M. Pothier , par laquel
le lui donnant avis du rapport que le
Profeffeur d'Orleans lui avoit fait , il le
prioit en même tems de lui envoyer fon
cahier , afin qu'il en pût juger par lui -même.
M. Pothier , fort furpris de recevoir
cette lettre , ne pût fe difpenfer d'y répondre.
L'ouvrage fut donc envoyé , & ne
put être lû ni expédié fi-tôt , à caufe des
grandes affaires qui furvinrent en ce temslà
au Confeil. M. Pothier qui fut plufieurs
mois fans recevoir de nouvelles , crût qu'il
n'en recevroit aucunes. Le contraire arriva
cependant , car M. le Chancelier ayant
enfin trouvé le tems de lire le cahier , le
goûta fort , & en conféquence récrivit
M. Pothier , que fi fes affaires le permettoient,
il voulût bien fe donner la peine
de venir à Paris , dans un tems qu'il lui
marqua , & qu'alors ils pourroient conferer
enſemble , & convenir de ce qu'il y
auroit à faire. M. Pothier obéit . Il vint ,
& M. le Chancelier lui communiqua fes
vûës.
Le bruit de cette entrevûë s'étant répandu
, M. Gilbert de Voifins , Avocat
Général en ce tems , & maintenant Confeiller
d'Etat , voulut dans la fuite être de
la partie plufieurs des plus fameux Avo
SEPTEMBER . 1748. 119
cats du Parlement s'intérefferent de leur
côté. M. Pothier , ainfi encouragé , fe mit
férieufement à l'ouvrage. Le Privilége
pour l'impreffion fut accordé ; on forma le
Profpectus ; le travail avança , & vint enfin
au point où il eft aujourd'hui . Le premier
tome paroît , le fecond s'acheve d'imprimer
, & le troifiéme ne tardera pas.
Un des amis del'Auteur lui fit préfent des
vers Latins fuivans, qui font allufion à fon
nom .
In Digeftum meliùs ordinatum.
Molle lutumficuti figulus premit , atque reformat
Sic jus ordinat ifte liber , legefque difertus
Colligit errantes variè , tenebrafque repellit ;
Informat mores , lites compofcit ubique
120 MERCURE DEFRANCE.
A Mile Cleron fur le rôle de Didon qu'elle
vient de remettre au Théatre.
T Andis que fur la Scéne , où nos voeux vous
rappellent ,
Votre afpect , allumant de nouvelles ardeurs ,
Communique le feu dont vos yeux étincellent ,
Et le captive tous les coeurs :
Le mien , belle Didon , vous offre fon hommage.
Sur vos rares talens , fur vos divins appas ,
Le public & mes vers n'ont qu'un même langage ;
Tout vous applaudit , mais hélas !
Quel est votre fort & le nôtre ?
Certes , je le fçais mieux qu'un autre ?
D'un Héros vertueux votre coeur eft épris.
Par les noeuds les plus doux vos deftins font unis.
La gloire l'arrache à vos charmes.
Vos accens enchanteurs nous arrachent des larmes.
Enfin par un contraſte auffi trifte que doux ,
Yous mourez pour Enée , & nous vivons pour
YOUSPar
M. de la Louptiere,
LETTRE
SEPTEMBRE. 1748. 1.21
薪兼洗洗洗洗洗洗洗洗:洗洗洗洗洗洗
•
LETTRE d'un Chirurgien de Province
à un Médecin de Paris , fur la Garance
pour fervir de réplique à la réponse de ce
dernier, inferée dans le Mercure du mois
de Février 1748 .
E fçavois bien , Monfieur , qu'en vous
adrellant ma lettre , vous fatisfericz à
tout. Votre réponſe eft de main de maître.
Vous y faites fentir , avec décence , la fupériorité
de votre état fur le mien , & dans
les circonftances préfentes cet objet n'eſt
point à négliger. Si vous penfez même
que mon attachement pour votre illuftre
Corps foit un moyen de plus pour la Faculté
, je vous laiffe le maître d'en tirer le
parti que vous jugerez à propos. Une
chofe qui me flate infiniment , c'eft la juſtice
que vous rendez à M. Duhamel . J'ayouerai
de bonne foi , que la note de cer
Académicien , inferée dans les Mémoires
de l'Académie des Sciences , m'étoit échapée.
Si elle me fût tombée fous les yeux ,
je me ferois bien gardé de relever ce défaut
d'exactitude. Ce qui paroît extraordinaire
, c'eft que M. Guettard , Médecin
F
122 MERCURE DE FRANCE.
-
de votre Faculté , & Membre de l'Acadé
mie , nous annonce dans un livre d'obſer
vations fur les Plantes , imprimé en 1747,
que la propriété qu'ont les racines de la
Garance de rougir les os des animaux
» vivans , n'eft connue que depuis quel-
» ques années , & que le premier effet en
na été d'abord obfervé en Angleterre . «<
Si nous voyons jamais une nouvelle édition
de cet ouvrage , j'efpere qu'à l'exem
ple de M. Duhamel , & excité par le mien,
Ï'Auteur voudra bien y inferer une note
pour inftruire les lecteurs de l'erreur dans
laquelle il a donné.
Vous penfez , Monfieur , que Mizauld
eft le premier qui ait parlé de la propriété
de la Garance , dont il eft queftion entre
nous , & qu'il a écrit avant Charles Etienne
, que j'ai cité. J'ai des raifons de croire
que l'Aureur Latin où j'ai lû , Erythrodanum
offa animalium rubefacit , eft plus ancien.
Il eft même probable que cette découverte
eft encore beaucoup plus reculée
dans l'antiquité. D'ailleurs , Charles
Etienne eft pour le moins contemporain
de Mizauld , s'il n'eft pas plus ancien ; le
premier étoit Docteur de la Faculté de
Paris en 1538 , comme il paroît par un
de fes ouvrages , donné au public dans
SEPTEMBRE. 1748. 12
la même année ; & la premiere édition de
la Maiſon Ruftique , qu'il a publiée avec
Jean Liebault , eft de 1582. Ceci fait voir
qu'il faut recourir à des fiécles plus éloignés,
pour trouver l'Auteur de cette propriété
de la Garance .
Vous avez raiſon , Monfieur , de fouhaiter
que M. Duhamel vérifie par les expériences
, fi les tiges de cette plante ont
la même propriété que les racines à l'égard
de la coloration des os , auffi-bien que les
autres propriétés que les anciens agriculteurs
lui ont données . Il y a fatisfait en
partie , mais il reste encore quelque chofe
délirer.
Souffrez que je remarque que M. Guettard
, dans l'Épître Dédicatoire de fon ouvrage
, dit au Prince , à qui il le dédie :
» Que l'honneur que Son Alteffe vient de
» lui faire de le nommer fon Médecin
» Botaniſte , eft un des motifs qui font
» qu'il ofe lui offrir cet ouvrage, qui regar-
» de les glandes des plantes & leurs vaif-
»feaux excrétoires , comme des parties.
»dignes d'être obfervées & qui l'avoient
❞peu été jufqu'ici. «<
* Sylva ,frutetum , Collis , Parifiis , 1538,
Fij
124 MERCURE DE FRANCE.
Je vous prie , Monfieur , d'éclaircir mes
doutes ; eft-il bien vrai que les parties
des plantes ont été peu obfervées ? Eft- il
encore vrai , qu'en fuppofant que M.
Guettard en fût un des premiers Obfervateurs
, il puiffe employer fes remarques ,
comme des principes certains de diftinction
des plantes entre elles ? On peut , ce
me femble ,,
conjecturer que les grands
hommes qui l'ont précédé , ayant reconnu
que cette Méthode ne conduifoit à rien ,
ont établi des régles qui pourront paroître
plus lumineufes & plus fûres.
A ****** le 28 Mars 1748,
SEPTEMBRE . 1743. 125
On a dû expliquer les Logogryphes &
les Enigmes du Mercure d'Août par Pref
foir , Relation , Armoiries , Sac , Secret &
Portrait. On trouve dans le premier Lo
gogryphefie , pré , foir , Jo , Iffé , ris , Pife,
rofe , ire ,foie , Sire , poire , pore , or, Ipres,
roffe, pois , Roi : dans le ſecond , ré , la , note,
ton Roi , Noyer , Laon , taon , Aretin .
tein , lait , noir , ortie , nate , Latone , ane
talion dans le troifiéme , miroir , ørme ,
›
or , mois , ame , rofier , ami & foir.
mer
洗洗洗潔洗澡洗洗洗洗洗洗選
ENIGM E.
E fuis l'appanage ordinaire
Du fexe à qui le Ciel difpenfa les appas ;
La France contre moi fit une loi fevére ,
Que l'on n'obferve point dans les autres Etats ;
>
Je regne dans les champs , bien plus que dans les
Villes ;
Trois de mes foeurs & moi , des lits de nos ayeux
Etions jadis les föûtiens immobiles ,
Mais aujourd'hui l'on nous chaffe en tous
lieux ,
Comme des meubles inutiles.
Quelque bas que foit mon emploi ,
Fiij
"
126 MERCURE DE FRANCE.
Autrefois un Héros infigne
De fes robuftes mains ne me crût pas indigne
Et fi l'antiquité trouve encor quelque foi
Dans l'efprit de l'humaine race ,
Tandis que de la terre on couvrira la face ,
Les grands & les petits releveront de moi,
C
JE
AUTRE
E ne fuis ni chair ni poiffon ;
Je ne fais , ni grand mal , ni grand bien, dans le *
monde ;
Je fuis de la couleur de l'onde ,
Où Pharaon but plus que de raison.
Comme le Nil je n'étends & refferre ,
Et laiffe comme lui ma graiffe fur la terre.
Quiconque fait rimer devinera mon nom.
Les deux Enigmes précédentes font
d'un de nos meilleurs Poëtes Tragiques
modernes , qui les fit à onze ans , étant
alors en Seconde.
2525
SEPTEMBRE. 1748. 827
AUTRE.
S Ans
trembler ,
Je fais toujours en crainte ,
Sans crier ,
Toujours j'éclatte en plaintes,
Sans brûler ,
Je me tiens dans les flammes ;
Sans aimer ,
On me voit chés les Dames.
M. D. F. de Bourg Argental-en-Forez
AUTRE.
Comme les Rois j'habite des Palais ,
Mais fouvent la belle nature ,
Dans les miens que je ne quitte jamais ,
Fait briller fa feule parure.
Une petite escorte my deffend ;
J'y brille feule fans feconde ,
J'y fais la guerre à l'innocent
Sur la terre comme fur l'onde ,
Souvent je fais du mal fans le fçavoir ,
Et contre moi fois l'on gronde, par
Car je ne puis exercer mon pouvoir ,
Sans faire jazer le monde .
Par M ** , d'Alençon
Fiiij
28 MERCURE DE FRANCE.
D
LOGOGRYPHE.
E fix membres divers mon corps eft com
pofé.
S'il eft également en trois lots divifé ,
Un T joint au premier , dans des têtes peu faines ,
Ajoute l'efperance aux plus ardens defirs ,
Et , pour un feul mortel qu'il comble de plaifirs
A cent triftes rivaux il caufe mille peines.
Otez- moi le lot du milieu ,
On peut faire du refte un mets digne d'un Dieu.
On rencontre chés moi mille & mille merveilles ,
De ces fons enchanteurs qui charment les oreil
les ,
L'ame de nos ragoûts , l'agrément du difcours ,
Ce qu'aux Amans les plus fidelles
Accordent rarement les Belles ,
Et que l'Epoux obtient toujours ;
Ce qui fait fous le joug plier les plus rebelles ,
Et qui d'un fage Empire entretient l'heureux
cours.
Ma puiffance s'étend fur la terre & fur l'onde .
A travers les rochers , les firtes & les mers ,
Je ferois aux mortels faire le tour du monde ,
Et le fombre trajet du fleuve des enfers .
A contribution je fçais mettre les airs.
Fuyant l'éclat trompeur des vanités mondaines ;
SEPTEMBRE. 1748. 129
Aux profanes regards je cache mille attraits ;
Mais fouvent , aiguifant leurs traits ,
Mes efforts n'ont fervi qu'à former plus de chaf
nes.
Avec l'aide d'un P chés le plus fier Berger
Ma premiere moitié fait naître des allarmes ;
Il ne la voit jamais fans courir un danger ,
Qui de mainte Bergere a fait couler les larmes.
C'est bien pis , quand au lieu de trois
On prend mes membres cinq enfemble ;
Il n'eft point de Guerriers qui devant moi ne
tremble , …,
Et qui ne foit pourtant flaté quand je le vois.
Me met-on au pluriel ? Mon pouvoir eftfuprême ;
Plus queje ne puis dire, ou me chérit , on m'aime ;
Męs appas tout- puiſſaus féduiſent juſqu'aux Rois,
Ils vont charmer l'Olympe même ;
L'Amour , le fier Amour , eft foûmis à mes loix ;
Mais fi j'ai tant d'attraits , fi tout me rend les ar
mes ,
Lorfque j'ai feulement cinq membres à la fois ,
Quand je les ai tous fix , jugez quels font mes
charmes.
1
Fy
130 MERCURE DE FRANCE.
E
LOGO GRYPHU S.
X pedibus mihi prifca novem dat fabula no
men.
Ex his tres anni gratiffima tempora præftant ,
Trefque locum ridet quo formofiffimus annus
In primis ; animal tres quo cum afperrima feles .
Bella gerunt ; charites quot fint , fi fcire lubebit
Quæ fit pars arcûs ftridens fugiente fagitta ;
Quis fuit Æneæ quondam generofior hoftis;
Quæ fit & artifici quæ machina longa rotatu
Eſcas ante focum coquit , & quo nomine nati
Sponfa vocetur, habes in me : fum denique donum
EXPLICATION des Enigmes &
·Logogryphes du Mercure de Juillet. ´´
A DAMI S.
10261
Air du Vaudeville d'Epicure..
Tout cede aux attraits de Thémire ,
Et tu crains pour ta liberté ,
Mais pour en conferver l'Empire ,
Fuis à jamais cette beauté.
Si de ton coeur elle s'empare ,
Tes efforts feront impuiffans ;
La raifon fe trouble , & s'égare ;.
Quand l'Amour a charmé les s E N.S
SEPTEMBRE. 1748. 13F
Air : Ton himeur eft Catheraine.
A juger par l'apparence
On diroit que Clidamant
Se voué à la pénitence ,
Et qu'il jeûne affidament ,
Mais ce perfonnage blême
Cache , ( on ne le croiroit pas )
Sous les dehors du CARESME,
L'embonpoint du Mardi-gras.
Air : De tous les Capucins du monde.
. C'eft aujourd'hui la PENTECOTE * ,
Et j'ai pour femme une dévote.
* Que j'entendrai de longs fermons
Et de fatiguantes harangues ,
Si Dieu , la comblant de fes dons ,
N'en excepte celui des langues !
LUCAS..
•
Air : On ne parle que de béquille
Bon pain , bon vin , & bonne chere ,
Voilà tout ce que nous voulons :
* On trouve dans ce mot Pentecôte , peffe , for ,,
fep , Enée , tente , épée , nôce , côte , cône , fon , Eté ,
tête , Po,, os , Noé..
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
Finis donc , notre ménagere ;
Eh! pourquoi toutes ces façons ?
De ce dindon , dis -moi , Nannette ,
Pour mettre une aîle fous la dent ,
Nous faut-il une autre FOURCHETTE ;
Que celle du bon pere Adam
Air : Non , je neferai pas ce qu'on veut
que je falle.
Le fage , dit Platon , & fon illuſtre ſecte ,
De fa félicité lui - même eft l’ARCHITECTE **
Lorſque fur les débris des vices abattus ,
Dans fon coeur il prend foin d'élever les vertus.
* La fourchette du pere Adam , expreſſion popylaire
, pour fignifier les cinq doigts .
On trouve dans ce mot fourchette , hêtre, chouet,
te , Ur , cour , Eté , fer , roue , ruche , or.
** On trouve dans ce mot Architecte, re , chaise,
Tacite , are , arche , art , char , chat , échec , arête ,
Cithére , Théatre , .
Nau.
1
SEPTEMBRE. " 1748. 193
❁ ཡུ:༽ གུ ཕུ • 0
NOUVELLES LITTERAIRES ,
DES BEAUX- ARTS , brc.
M Mathématiques , par M. Diderof.
EMOIRES fur differens fujets de
A Paris , chés Durand , rue Saint Jacques ,
au Griffon , & chés Piffot , Quai des Auguftins
, à la Sageffe , in-octavo , orné d'un
Aeuron & de cinq vignettes.
Les principes généraux de l'Acoustique,
ou de la fcience du fon , font la matiere
du premier Mémoire . Sa briéveté n'a point
empêché M. Diderot d'y examiner plufieurs
queftions intéreffantes & difficiles. Telles
font celles qu'on peut faire fur l'origine
de l'harmonie , fur la nature du plaifir
mufical , & en général de tout plaifir intellectuel
; fur le fon , fa formation , fa vîteffe
, fa force , fes intervalles & fes efpéces.
Dans le fecond Mémoire , l'Auteur fe propofe
d'introduire la développante du Ċercle
dans la Géométrie Elementaire. Pour
peu qu'on foit inftruit , on fçait que fi une
Courbe étant enveloppée d'un fil on
prend ce fil par une de fes extrêmités , &
fi on le développe en le tenant toujours
tendu , le chemin tracé dans l'air ou fur
un plan par l'extrêmité de ce fil , fera ce
,
134MERCURE DE FRANCE:
qu'on appelle une développante, Le troifiéme
Mémoire contient l'examen d'un
principe de méchanique fur la tenfion des
cordes. On demande fi une corde , attachée
par une de fes extrêmités à un point
fixe , & tirée de l'autre par un poids , n'eft
ni plus ni moins tendue que fil'on fubftituoit
au point fixe un poids égal à celui
qui la tend déja . » Mettez , dit M. Diderot
, cette corde à l'uniffon avec une des
» touches du Clavecin. Subftituez enfuite
»le poids aupoint fixe.Si l'uniffon eft con-
»fervé , la tenfion fera la même. Si l'unif-
»fon ne fubfifte plus , la tenfion fera diffe-
» rente , & la difference des fons donnera
toujours celle des tenfions «. L'Auteur
dans fon premier Mémoire a renvoyé les
Muficiens au Thermométre & au Barométre.
Ici ', il renvoye les Phyficiens au Clavecin.
Il s'agit , dans le quatriéme Mémoire
, du projet d'un Orgue , fur lequel
on pourra exécuter toute Piéce de Mufique
à tel nombre de parties qu'on voudra , inftrument
également à l'ufage de ceux qui
fçavent la Mufique , & de ceux qui l'ignorent
totalement . Ce morceau avoit déja
paru dans le Mercure , & c'eft autant l'ouvrage
d'un homme de Lettres , que d'un
Méchanicien. Selon M. Newton , les retardations
, caufées par l'air au mouvement
SEPTEMBRE . 1748. 135
d'un Pendule , font comme les arcs parcourus.
L'objet de M. Diderot dans fon
cinquiéme Mémoire eft de difcuter fi cette
opinion doit être adoptée , & il trouve
par le calcul que ces retardations font ,
non comme les arcs en queftion , mais
comme leurs quarrés. Voilà bien des vûës.
nouvelles dans un volume , qui avec la
Table ne comprend pas plus de 250 pages.
On connoiffoit deja l'Auteur pour un
homme de beaucoup d'efprit. En lifant
ces Mémoires , on reconnoîtra qu'il joine
à cet avantage celui d'être fçavant Muficien
, Méchanicien ingénieux , & profond
Géométre.
ODES fur la Religion , par M.de Claris ,
Préfident en la Cour des Aides de Montpellier.
A Paris , de l'Imprimerie de P..
G. le Mercier , Imprimeur Libraire ordinaire
de la Ville , rue Saint Jacques , au
Livre d'or , in- octavo , de 22 pages.
On peut confidérer la Religion fous la
Loi de nature , fous la Loi écrite , & fous
la Loi de grace. M. de Claris , faififfant ces
trois afpects , a compofé trois Odes , dans :
Lefquelles il nous a paru qu'il y avoit diverfes
ftrophes très- dignes d'être applaudies.
La premiere Ode commence par une
imitation du fameux Prologue du Ballet
des Elemens . L'Auteur décrit enfuire les
136 MERCURE DE FRANCE.
plaifirs purs , dont Adam & Eve joüiffoient
dans le Paradis Terreftre , & il apoftrophe
ainfi l'Ange rebelle , ennemi de leur félicité.
Efprit habitant des ténébres ,
Où t'a précipité l'erreur !
Tu vois de tes antres funébres
Le fpectacle de leur bonheur ;
De ton origine célefte
Le vain & déplorable reſte
Contre eux allume ton courroux.
Moins grands que toi par leur effence ,
Et plus grands par leur innocence ,
Quels objets pour tes yeux jaloux !
Il y a dans la peinture que M. de Claris
fait de la chute de notre premier pere , &
des fuites funeftes qu'elle a eues pour le
genre humain , plufieurs vers dont tout
Poëte pourroit fe faire honneur. Perfonne
ne peut non plus refufer de juftes éloges à
la defcription du paffage de la mer rouge .
Feu M. de la Motte , dans fon Poëme
des Apôtres , avoit dit :
Le muet parle aufourd , étonné de l'entendre.
M. de Claris paraphrafe cette image dans
fon Ode de la Religion fous la Loi de
Grace.
SEPTEMBRE. 1748. 137
Au Sourd , étonné de l'entendre ,
Le Muet fe hâte d'apprendre
Qu'un Paralytique les fuit ,
Et l'Aveugle , ouvrant la paupiere
Voit le ranimer la pouffiere
D'un Mort que les vers ont détruit .
Si en quelques occafions , comme celleci
, M. de Claris imite des modéles , il
montre en plufieurs autres endroits , qu'il
n'a pas befoin des aîles d'autrui , pour Loû
tenir le vol le plus élevé.
•
LETTRES du Baron de Bufbec, Ambaffadeur
de Ferdinand I , Roi des Romains
de Hongrie , & c. auprès de Soliman 11 ,
& nommé enfuite Ambaffadeur de l'Empereur
Rodolphe 11 , à la Cour de France
fous le Regne de Henri III. Traduites
en François avec des Notes hiftoriques &
Géographiques , par M. l'Abbé de Foy ,
Chanoine de l'Eglife de Meaux. A Paris ,
chés Jean-Baptifte Bauche , fils , Quai des
Auguftins , à l'Image Sainte Geneviève ,
& Laurent d'Houry , fils , rue de la vieille
Bouclerie , 1748 , 3 vol .
Les deux premieres de ces Lettres furent
imprimées pour la premiere fois à Anvers
en 1581 , fous le titre d'Itinera Conftantinopolitanum
& Amazianum. En 1590 ,
on en donna une feconde Edition , danş
13 MERCURE DE FRANCE.
窗
que
laquelle on ajouta la troifiéme & la quatriéme
Lettre , & l'on changea le premier
titre , en y fubftituant celui- ci , Augerii
Gifleni Turcica Legationes . Epiftola Quatuor.
Il parur deux autres Editions en 1592 &
en 1632. Dans cette derniere , on publia
avec les Lettres précédentes , celles
le
Baron de Bufbec avoit écrites à l'Empereur
Rodolphe II . Les réimpreffions fré
quentes de ce Recueil annonçent fuffifamment
l'empreffement avec lequel il a tou
jours été recherché. On fçait d'ailleurs
que perfonne n'a plus étudié & mieux décrit
que le Baron de Bufbec , les maximes,
les moeurs , & les ufages des Turcs ; que
perfonne n'a mieux connu les avantages
& les défauts de leur Gouvernement ; que
fes Lettres , écrites de France à Rodolphe
II , font d'excellents Mémoires fur plu
fieurs évenemens du Regne de Henri III ,
& qu'en général tout ce qui eft forti de la
plume de ce Miniftre , peut être regardé
comme un modéle pour les Ambaffadeurs ,
qui veulent rendre compte à leur Maître
de ce qui fe paffe dans les Cours où ils réfident.
Le mérite de ce Livre a engagé M.
l'Abbé de Foy , à le traduire , & à y joindre
plufieurs notes hiftoriques & géographiques.
On trouve dans le premier volume
de la Traduction les deux premieres
SEPTEMBRE. 1748. 139
Lettres de Bufbec ; dans le fecond , les
deux Lettres fuivantes , avec la harangue
d'un Ambaffadeur Turc à Ferdinand , &
les Articles du Traité de Paix , propofés
par Soliman ; dans le troifiéme , le projet
de guerre contre les Turcs , & les Lettres
compofées par Bufbec , pendant fon Am
baffade à la Cour de Henri III .
ENTRETIENS fur la caufe de l'inclinai
fon des Orbites des Planettes , &c. par
M. Bouguer de l'Académie Royale des
Sciences. Seconde Edition , dans laquelle on
a faifi l'occafion d'examiner l'étendue du
méchaniſme ou des loix de Phyfique. A
Paris , chés Fombert , Quai des Auguftins ,
in- quarto de 138 pages , avec deux planches
, 1748.
Dans la premiere Edition , l'ouvrage que
nous annonçons confiftoir en trois Entre
tiens , précedés d'une Préface raiſonnée ,
qui en contenoit une espece de précis. M.
Bouguer y introduifoit deux Cartéfiens ,
qui s'entretenoient familierement avec un
Newtonien. Chacun de ces Philofophes
faifoit valoir fon fentiment , reftoit
attaché. Cependant le Cartéfianifme étoit
comme adopté provifionellement , & on
le faifoit fervir à la décifion de la queſtion
propofée fur le cours oblique des Planettes.
Le fond de l'ouvrage eft le même . M.
& Y
140 MERCURE DE FRANCE
Bouguer n'y a point touché dans cette fes
conde Edition , fi ce n'eſt pour étendre ou
éclaircir quelques articles , mais il a ajoûté
à la fin de chaque Entretien plufieurs remarques
, qui forment comme autant de
Differtations complettes , & qu'on peut re
garder déformais comme la partie effentielle
du Livre. L'Auteur y a prefque toujours
eu en vue de comparer entre elles les deux
Phyfiques regnantes de notre tems , de vérifier
celle qui s'accorde le mieux avec les
Phénoménes , & d'éclairer le choix qu'en
doivent faire les Lecteurs. La difficulté fe
réduit à décidér fi le méchaniſme général
ne confifte qué dans les feules loix du mouvement
, ou s'il s'étend à quelque principe
de plus , qui trouve également fa force
comme les autres loix de Phyfique, dans la
volonté toute- puiffante de l'Auteur de la
Nature.
M. Née , de la Rochelle , Avocat au Parlement
, a donné au Public un Commentaire
fur la Coûtume des Bailliage & Comté
d'Auxerre, anciens Refforts & Enclaves,
rédigée en préfence des trois Etats. Ce Livre
le vend chés Jean - Baptifte Bauche , fils,
Libraire , Quai des Auguftins , à fainte Géneviève
.
Il y a eu un ancien Commentaire de cet
te Coûtume , fait par un nommé Billon,
SEPTEMBRE.
•
1748. 14
M. Née n'a rien épargné pour rendre le
fien exact & complet. On trouve à la fin
le Procès verbal de la Coûtume, une Table
alphabétique des matieres , & une Table
des Villes , Bourgs & Paroiffes, qui font du
reffort du Bailliage d'Auxerre .
;
Il paroît une Brochure de 94 pages in - 12 .
imprimée à la Haye , qui a pour titre Ré
ception du Docteur Hequet , aux Enfers. Elle
eft dédiée à M. Chicoineau , Premier Médeein
du Roi. Quoiqu'elle ne femble avoir
pour objet qu'une Critique ingénieufe fur
l'abus de la faignée, & de l'étude de la Géométrie
& de la Mufique , pour la guérifon
des maladies , l'Auteur entreprend de
prouver que les Phyficiens modernes ne
connoiffent la Nature que fuperficiellement
, & qu'ils prennent l'ombre pour le
corps ; il met dans une même cathegorie ,
non Ariftote , mais les Péripatéticiens , les
Cartéfiens , & même Newton , dont le
fyftême , dit-il , eft la maladie épidémique
de notre fiécle ; il le confidere comme un
grand Géométre , mais il nie qu'il ait été
Philofophe; il ajoûte que ce qu'il a écrit
touchant les couleurs , n'eft qu'une pure
idée ; qu'il n'y a pas de vuide , & que c'eft
une folie de vouloir généralement tout foumettre
au calcul . L'Auteur diftingue deux
natures dans l'homme ; l'une inaltérable &
#42 MERCURE DE FRANCE.
1
qui ne périt jamais ; l'autre édifiée par un
perpétuel concours d'addition & de fouftraction
de principes & de matiere , dont
la proportion, reglée par la nature , entre
tient l'équilibre & la vie ; & c'eſt à l'érude
des moyens que l'Auteur indique pour
conferver long- tems cet équilibre , qu'il
invite les Médecins de s'appliquer , au lieu
de réduire leur doctrine à la faignée , aux
apofemes & à des diettes outrées , mais il
prétend que l'homme doit coopérer de ſa
part par la fobriété.
ESSAI fur la Caftrametation , ou fur la
mefure & le tracé des Camps , & c. par M. le
Blond , Profeffeur de Mathématiques des
Pages de la grande Ecurie du Roi , & des
Pages de Madame la Dauphine. A Paris ,
chés Charles-Antoine Jombert, Quai des
Auguſtins.
Cet
ouvrage eft très-bien exécuté . L'Auteur
traite d'abord
de la formation
ou de
l'arrangement
des troupes. Il établit enfuite
les regles générales
qui s'obfervent
dans l'ordre de bataille. Cet ordre confifte
à faire camper
l'armée
de la même maniere
que les troupes s'y trouvent
placées.
L'ouvrage
eft terminé
par un précis des
gardes qu'on employe
à la fûreté du Camp.
M. le Blond a traité cette matiere
differemment
de ce qu'elle l'a été juſqu'à
préi
SEPTEMBRE. 1748. 143
fent , c'est-à-dire en expofant des régles &
des maximes , dont la formation du Camp
n'eft plus que l'exécution. Il reconnoît
qu'il a tiré beaucoup de fecours d'un manufcrit
de feu M. le Comte de Chaftellux ,
qui lui a été confié , & du Livre de M. le
Marquis de Puyfegur. Un tel aveu ne peut
qu'augmenter le mérite de fon travail auprès
des Militaires . Ils n'y trouveront rien
de purement spéculatif , ni d'une théorie
trop recherchée. L'Auteur n'y ſuppoſe que
da connoiffance des premieres régles de
l'Arithmétique & des premiers Problêmes
de la Géométrie pratique. Cet ouvrage
peut donner de grandes lumieres à ceux
qui voudront s'inftruire par des principes
fûrs & par des conféquences bien déduites.
LEÇONS Elémentaires d'Aftronomic
Géométrique & Phyſique . Volume in octavo
de 348 pages & 9 planches . A Paris ,
chés les Freres Guerin , ruë S. Jacques.
BIBLIOTHEQUE Françoiſe , ou Hiſtoire de
la Litterature Françoife , dans laquelle on
montre l'utilité que l'on peut retirer des
Livres publiés en François depuis l'origine
de l'Imprimerie , pour la connoiffan
ce des Belles Lettres , de l'Hiftoire , des
Sciences & des Arts , & c . par M. l'Abbé
Goujet , Chanoine de S. Jacques de l'Hô$
44 MERCURE DE FRANCE.
pital . XI & XII volumes in- 12 , le premier
de 472 pages , le fecond de 478. A
Paris , chés Pierre J. Mariette , & Hyppoà
lite Louis Guerin , Libraires , rue Saint
Jacques , 1747 .
DIALOGUE fur l'expérience des remedes
indiqués dans le Mémoire fur la
goutte
, imprimé à Nantes chés André Querro -
Imprimeur de l'Univerfité , 1746 , dans
lequel on explique les principales difficultés
que peuvent propofer les Gouteux ; les
effets des remedes , fuivant les differentes
conjonctures ; leurs propriétés & la manie
re de les appliquer , avec le nom des drogues
qui entrent dans leur compofition.
A Nantes , de l'Imprimerie de la veuve P.
Marefchal , Imprimeur du Roi , vis- à- vis
le Puits -Lory , à la vertu , 1747. Brochure
in-octavo de 52 pages. Cette Brochure fe
trouve à Paris , chés Briaffon , Libraire ruë
S. Jacques , à la Science.
HISTOIRE GENERALE d'Allemagne , par
le Pere Barre , Chanoine Regulier de fainte
Géneviève , & Chancelier de l'Univerfité
de Paris. Tome IV , qui comprend les
régnes depuis l'an 1039 , jufqu'en 1152 ,
in- quarto de 708 pages , non compris la Table
des matieres. A Paris, chés Ch. J, Baptifte
de Lepine , & Jean-Thomas Hériffant ,
Libraires , ruë S. Jacques , 1748.
BENI
SEPTEMBRE 1748. 145
BENEDICTI XIV . Pont . Opt. Max. olim
Profperi Cardinalis de Lambertinis , primùm
Anconitana Ecclefia Epifcopi , deinde Bononienfis
Archiepifcopi , de Servorum Dei beatificatione
& Beatorum Canonifatione Liber
11. Editio tertia auctior & caftigatior , ad
ufum Academia Liturgica Conimbricenfis.
Roma , typis Nic. & Marc . Palearinorum ,
1747.
PRINCIPES de la Perfection Chrétienne
& Religieufe , divifés en deux parties. La
premiere traite de la perfection Chrétienne
, la feconde de la perfection Religieufe .
On y a joint des Supplémens pour les Vier-
Chrétiennes fervent Dieu dans le
qui
monde. A Paris , chés la veuve Rondet , &
Labottiere , Libraires , ruë S. Jacques , &
J. Defaint , & C. Saillant , Libraires , rue
Saint Jean de Beauvais , 1748 , in- 12 .
ges
LE COUP D'IL des Dictionnaires François
, où l'ortographe de chaque mot eft
prouvée par régles , par M. Jacquier , ſe
trouve à Paris , chés le Gras , au Palais ; la
veuve Piffot , Quai de Conty ; Briaffon , ruë
S. Jacques , & Chaubert , Quai des Auguſtins
, du côté du Pont S. Michel , 1748 ,
in- 1 2.
LE CHRETIEN fidéle à fa vocation , ou
Refléxions fur les principaux devoirs du
Chrétien , diftribuées pour chaque jour du
G
146 MERCURE DE FRANCE.
mois , & utiles pour les retraites. A Paris,
chés Lottin & Butard , Libraires , ruë faint
Jacques ; Defaint & Saillant , ruë S. Jean
de Beauvais , & la veuve Robinot , Quai des
Auguftins , 1748 , in- 12.
LE TOME XV de l'Hiftoire générale
des Auteurs Sacrés & Eccléfiaftiques ,
&c. par le R. P. Dom Remy Ceillier , Bénédictin
de la Congrégation de S. Vannes
& de S. Hydulphe , paroît depuis peu chés
Ph. Nic. Lottin , Imprimeur-Libraire , &
J. H. Butard , ruë S. Jacques , à la Vérité ,
& chés la veuve Pierres , auffi ruë faint Jac
ques , & Paulus du Mefnil , au Palais
1748 , in-quarto,
DICTIONNAIRE des Proverbes François,
& des façons de parler , comiques , burlefques
& familieres , avec l'explication , &
les étymologies les plus averées. A Paris ,
de l'Imprimerie de Giffey , chés Savoye ,
Libraire , rue S. Jacques , à l'Espérance ,
1748 , in-quarto,
HISTOIRE Litteraire de la France par
des Religieux Bénédictins de la Congrégation
de S. Maur. Tome VIII , qui comprend
le reste du onzième ſiècle de l'Eglife.
A Paris , chés Huart , & Moreau , fils ,
rue S. Jacques , Chaubert , Quai des Auguftins
; la veuve Brocas & Aumont , ruë
5. Jacques ; David , fils aîné , ruë S. JacSEPTEMBRE.
1748. 147
ques ; Piget , Quai des Auguftins , & Durand
, rue S. Jacques , in-quarto de 733
fans l'Avertiffement , 1748 .
pages ,
L'ANNEE MERVEILLEUSE. Comédie
en un Acte & en Vers . Par M. Rouf
feau. Repréfentée par les Comédiens Italiens
ordinaires du Roi. A Paris , chés
Cailleau , rue S. Jacques , au deffus de la
rue des Mathurins , à S. André , 1748 .
On a porté de cette Piéce à la lecture le
même jugement qu'on en avoit porté à la
repréſentation .
Le même Libraire débite la Tragédie de
François, I, Venife fauvée , le Méchant
la Gouvernante , l'Amour Caftillan , Amef
tris , Aphos , la Rivale Suivante , l'Ecole
amoureuſe , les Petits Maîtres , le Bacha
de Smyrne , les Tableaux , le Miroir , le
Préjugé vaincu , la Difpute , & plufieurs
autres des Piéces nouvelles de Théatre .
GRAMMAIRE GEOGRAPHIQUE , ou Analife
exacte & courte du Corps entier de la
Géographie Moderne. Ouvrage traduit de
l'Anglois de M. Pat. Gordon , fur la feiziéme
Edition. A Paris , chés Durand, rue
S. Jacques , & Piffot , Quai des Auguſtins.
Ces Libraires nous ont envoyé , au fujer
de cette Traduction , l'Avertiffement que
nous allons inférer.
Quoiqu'il y ait déja bien des Traités
Gij
148 MERCURE DE FRANCE.
de
differens de Géographie , on a lieu d'eſpe
rer que le public recevra favorablement
celui- ci . L'Auteur Anglois fçavoit , auffi.
bien que perfonne , qu'il y a fort peu de
fciences fur lesquelles on ait tant écrit que
furla Géographie , cette connoiffance ne l'a
pas empêché de donner fon Livre , perfuadé
qu'il étoit , qu'en ce genre comme en
tout autre, il fuffit pour réuffir , qu'un Auteur
donne du nouveau , corrige les anciens
, ou préſente fes matieres dans un
ordre & avec une méthode plus naturelle.
& plus fimple. Il avoit remarqué que
tous les Auteurs qui l'ont précedé dans ce
genre d'écrire , il n'y en avoit aucun qui
n'eût peché fenfiblement dans l'un des
trois points fuivans , 1 ° . Ou leurs Livres
font trop vvoolluummiinneeuuxx ,, & par-là refoidiſ
fent l'ardeur des jeunes gens & les empêchent
de fe livrer à cette étude. 2 ° . Ou ils
font trop abreges & ne donnent qu'une
connoiffance feche & bien fuperficielle des
inatieres . 3 °. Ou enfin ils font diffus &
écrits fans ordre & fans méthode , & ne
font qu'embarraffer l'efprit desjeunes gens,
fans qu'ils s'en apperçoivent , & empêcher
les progrès qu'ils auroient pû faire dans la
Géographie. L'Auteur Anglois a eu pour
but d'éviter dans ce Traité ces trois inconvéniens
. On peut affûrer qu'il a tenu paSEPTEMBRE
. 1748. 149€
tole. La forme de ſon Livre fait voir qu'il
a évité le premier . C'eſt un in- octavo allés.
gros à la vérité , mais dans lequel il n'a
rien fait entrer que ce qu'il eft abfolument
néceffaire & indifpenfable de fçavoir pour
acquerir quelque teinture de la Géographic.
Il a mis fon Livre à couvert du reproche
de trop de briéveté , par le foin
qu'il a eu d'y inférer , dans chaque article ,
des matieres qui font en même- tems
inftructives & très - amufantes. Enfin on
verra par la méthode qu'il a fuivie , s'il
a trouvé moyen de remedier au troifiéme
inconvénient. Quinze éditions ,
épuifées en aflés peu de tems , ont été la
récompenfe de fon travail. Il eft vrai que
la multitude des éditions n'eft pas toujours
un moyen infaillible pour juger de la bonté
d'un Livre , mais en fait de Livres de
fciences , elles prouvent du moins qu'un
ouvrage, qui jouir d'un pareil fuccès, mérite
d'être préféré à tous les Livres du même
genre. C'eft fur la feizième édition qu'on a
travaillé la Traduction qu'on donne au
Public. On a donc lieu d'efperer que pour
avoir changé de Langue , ce Livre ne fera
pas moins bien reçû en France qu'il l'a été
en Angleterre .
On ne croit pas pouvoir rendre un comp-
2
G iij
150 MERCURE DE FRANCE.
te plus exact de cet ouvrage , qu'en rappor
tant les propres termes dont l'Auteur s'eft
fervi dans la Préface qu'il a mife à la tête
de la feiziéme Edition de fon Livre.
>> Tout cet ouvrage , dit-il , eft divifé en
» deux parties ; dans la premiere on confi-
» dere le Globe terreftre en général ; la feconde
contient une defcription particu
» liere de ce même Globe.
»Partie premiere. Dans l'explication gé-
» nérale que je donne du Globe , j'ai ren-
» fermé quatre chefs , dont j'ai fait quatre
Sections. 1 ° . J'ai expliqué par des défini-
»tions , des deſcriptions & des étymolo-
» gies , tous les termes qui font abfolument
» néceffaires pour bien connoître le Globe,
ainfi que les Tables Analitiques de ce
» Traité. 2 ° . J'ai expofé tous les Problê-
» mes curieux qu'on peut réfoudre au
" moyen du Globe . 3 ° . J'ai ajoûté differens
» Théorêmes de Géographie , qui font des
»propofitions connues par elles-mêmes ,
ou qui fe déduifent clairement des Pro-
»blêmes précédens. 4° .Enfin j'ai parcourus
en paffant,toute la furface du Globe terref
» tre , en tant qu'elle eft compofée de terre
» & d'eau , qui font les feules parties qui
» la conftituent ; on trouvera dans cette
quatriéme Section une énumération exac
»
SEPTEMBRE. 1748. ISI
te de tous les Continens , Ifles , prefqu'Ifles,
Ifthmes, Promontoires , Montagnes,
» Océans , Mers , Golphes , Détroits, Lacs
» & Rivieres , qui couvrent la furface du
" Globe terreftre .
» Seconde partie , contenant un point
» de vûë détaillé de la furface du Globe .
» On entend par ce point de vûë une def-
» cription exacte de tous les Pays remar
» quables qui fe trouvent fur la furface de
»la terre , & des differens Peuples qui
» les habitent . Voici le détail dans le
quel on eft entré à cet égard : on y parle
» de leur fituation , étenduë , divifion , fousdivifions
, Villes principales , nom , air ,
qualité de terrein , marchandiſes , com-
» merce , raretés , Archevêchés , Evêchés
» & Univerfités , moeurs , langage , Gou-
» vernement , Armoiries & Religion .
Ce qu'on s'eft propofé de dire fur chacun
de ces chefs paroît encore mieux par
ble fuivante.
la Ta-
Par rap- Con rappor-(Longitu- ) & entre quelles
port à late en peu
de contrées un
fituation.de mots les Latitude . Pays eft fitué.
Cdegrés de
on y voit (de l'Eft à
A l'étenfes vérita - l'Oueſt ,
duë, bles dimenfions.
réduites en
lieues d'une
du Sud au heure .
Nord .
Giirj
152 MERCURE DE FRANCE.
Par
rapport
à la divifion
.
Les cantons ou claffes géné
rales auxquelles un pays peut
être
rapporté.
La maniere de trouver ces
cantons ou claffes .
Les Provinces particulieres
A la fous- qu'un pays contient , & la
divifion.
maniere de trouver prompment
ces Provinces fur les
Cartes.
'Aux Villes
Les noms modernes de ces
Villes , & la méthode pour
principales. trouver ces Villes prompte-
'Au nom .
A l'air.
ment.
Comment les Anciens les
nommoient ; les differens
noms modernes & leur étymologic.
Sa nature , s'il eft froid ou
chaud , &c. Les antipodes
de cette partie du Globe .
Son véritable climat.
A la qualité Ses productions naturelles .
du Sol.
Aux mar-
L'étendue des jours & des
nuits.
Celles en particulier que
chandifes. le pays produit.
S Au Com- fes de fon crû , & celles qu'il
Quelles font les marchandi .
tire d'ailleurs.
merce.
SEPTEMBRE.
1748. *I53
*
Les raretés naturelles : où
on les trouve certainement.
Aux raretés. Celles qui viennent de l'art
& furtout les monumens de
l'Antiquité.
>
Aux Archevêchés
, Evê- Leurs noms & leur nomchés
& Uni- bre.
verfités.
Le tempéramment naturel
Aux moeurs. & les Coûtumes les plus re-
Au
langage.
marquables des habitans.
Sa compofition & fes propriétés.
Sa nature ou fa véritable
Au Gouverconftitution
. Les
Tribunaux
nement.
Les Armoi
ries.
A la
gion.
publics de Judicature .
Son Ecuffon écartelé .
Sa devife .
Ses principaux articles fon-
Reli - damentaux , quand & par
qui le Chriftianifme y a été
porté , fuppofé que cette
Religion y foit exercée .
Tel eft l'ordre particulier qu'on a fuivi
dans la defcription de chacune des contrées
de la terre. Voici maintenant l'ordre
général qui regne dans la feconde partie
de cet ouvrage. Elle contient
quatre Cha-
Gv
154 MERCURE DE FRANCE.
pitres , qui traitent de l'Europe , de l'Afie ;
de l'Afrique & de l'Amérique. On trouve
au commencement de chaque Chapitre une
divifion qui a plufieurs branches & qui
forme plufieurs Sections ; on voit, avant que
de paffer à ces Sections particulieres , des
Tables analitiques qui défignent en abregé
rout ce qui doit être traité dans toute l'éten
due du Chapitre ; enfuite on paffe aux Sections
qui fouvent font encore fubdivifées &
forment differens Paragraphes . La derniere
Section de chaque Chapitre traite des Ifles
qui font fituées dans la partie de la terre ,
dont il a été queftion dans ce Chapitre .
L'Auteur Anglois ajoûte, à la fin des deux
parties qui compofent fon Livre,un Appendice
où il donne un détail abregé des
plantations que les NationsEuropéenes ont
établies en Afie , en Afrique & en Amérique
, & il finit fon ouvrage par une Table
alphabétique de deux ou trois cens noms
de Villes , avec leurs differens degrés de
Latitude & de Longitude.
Telle eft la méthode que M. Gordon a
fuivie dans fa Grammaire Géographique ,
& cette méthode a été fi fort goûtée en Angleterre,
que les Ecoles publiques ont adopté
fon ouvrage , & l'enfeignent aux jeunes
gens dans leurs exercices.
On a trouvé en France cette méthode fi
SEPTEMBRE. 1748. 155
naturelle & fi claire , qu'on a crû devoir
fuivreppaassàà pas l'Auteur Anglois , fans s'en
écarter aucunement, On a crû feulement
devoir faire quelques changemens dont on
va rendre compte , 1 ° . M. Gordon a écrit
pour les Anglois , à qui il n'importoit pas
d'avoir de la France une connoiffance plus
étendue que des autres Etats de l'Europe ;
ainfi il s'eft renfermé à cet égard dans des
bornes qui ont paru trop refferrées pour
des François , entre les mains de qui on
avoit deffein de faire paffer cette Traduction.
On a fenti que fi la connoiffance un
peu détaillée de la fituation de tous les païs
que renferme la furface du Globe , étoit
d'une grande utilité , & devoit faire partie
de l'éducation des jeunes gens , il étoit.
d'une néceffité indifpenfable pour des François
, de connoître leur propre païs d'une
maniere plus étendue. On s'eft donc crû
obligé de fuppléer à cet égard au défaut de
l'Auteur Anglois. On a jugé à propos d'ajoûter
à la fin du Livre, par maniere de fupplément,
une defcription de la France affés
détaillée . On la confidere fous la divifion
la plus ordinaire & la plus commode , c'eftà-
dire par Gouvernemens ; on compte ordinairement
douze grands Gouvernemens
qui ont fourni la matiere de douze Sections
, auxquelles on en a ajoûté une trei-
G vj
156 MERCURE DE FRANCE .
ziéme , où il eft parlé des païs nouvellement
conquis. Du refte on s'eft attaché
fcrupuleufement , même dans ce Supplément,
à la méthode qui a été gardée dans le
refte de l'Ouvrage.
2º . La Table alphabétique des principales
Villes du monde , qui fe trouve dans
l'original Anglois, a paru fort utile , en ce
qu'elle donne aux jeunes gens la facilité
de trouver tout d'un coup fur les Cartes
Géographiques la véritable pofition d'un
lieu quelconque par rapport aux autres
Villes voisines ; on a penfé que le vrai
moyen d'en accroître l'utilité étoit de l'augmenter
confidérablement . Ainfi on a mis
à la fin du Livre une Table alphabétique
qui contient environ 3000 Villes avec
leurs differens degrés de Longitude & de
Latitude, qui ont été calculés avec foin fur
des Cartes faites exprès , dont on a fait un
Corps,qui fe trouve chés le même Libraire ,
fous le titre de Atlas portatif, Geographique
Militaire.
On affûre le public qu'on n'a épargné
ni les foins , ni la dépenfe pour rendre cet
Atlas utile & agréable au Public.
LETTRE de Madame de *** à Madame
la Marquife de ** , fur la formation des
Etres & la combinaiſon infinie des Principes
. A la Haye , 1748 .
でSEPTEMBRE. 1748. 157
SUPPLEMENT pour prouver les vertus de
la Poudre Royale fébrifuge du fieur de la
Jutais . A la Haye , chésWendermeen , dans le
Grocefter , 1748. Petit ouvrage par demandes
& par réponſes , dans lequel font
préfentées plufieurs raifons folides touchant
la mortalité caufée par les flaxions de
poitrine , pleurefies , pleurimonies & autres
maladies , avec le moyen fûr d'y remedier
, fans employer l'ufage des faignées ,
réiterées .
LA PUISSANCE DE BACCHUS , Cantatille
nouvelle pour une Baffe-taille à voix feule ,
avec fymphonie , mife en Mufique par M.
de Montgaultier. Prix en blanc 36 fols . Se
-vend à Paris , chés l'Auteur , rue des deux
Ecus , dans la maifon de M. Ranté , Brodeur
, & aux adreffes ordinaires.
On trouve chés David le jeune , Libraire,
Quai des Auguftins, au S. Efprit , les Livres
ci- après.
Recueil d'Obfervations curieufes fur les
Moeurs , les Coûtumes , les Ufages , les differentes
Langues , le Gouvernement ,
la
Mythologie , la Chronologie , la Géographie
ancienne & moderne , les Cérémonies
, la Religion , les Méchaniques , l'Aftronomie
, la Médecine , la Phyfique particuliere
, l'Hiftoire naturelle , le Commerce
, la Navigation , les Arts & les Sciences
158 MERCURE DE FRANCE
de differens Peuples de l'Afie , de l'Afrique
& de l'Amérique , in- 12. 4 vol . 10 liv.
reliés.
Bur-
Les Principes du Droit naturel , par
lamaqui , in-octavo , 2 vol . brochés , 3 liv.
Pratique de Médecine, tirée desEcrits d'Hypocrate
& des plus célebres Auteurs modernes.
in-quarto, 4 vol . 10 liv . reliés.
Manuel Philofophique , ou Précis univerfel
des Sciences , 2 vol. 4 liv . reliés.
L'ETAT DE LA FRANCE . Nouvelle Edition.
Six volumes in- 12 .
Antoine Philibert , Libraire à Genève ,
débite un livre nouveau , intitulé l'Origine
de l'Univers , expliquée par un principe de
la matiere, in- 12 . 1748 , imprimé à Montpellier.
On imprime en Suiffe les fameux Mémoires
de l'Abbé de Montgon , en 6 vol .
in- 12, dont les trois premiers fe diftribueront
en Septembre ou Octobre.
ESTAMPES
L
NOUVELLES.
E Sieur Moyreau , Graveur du Roi ,
rue Saint Jacques , à la vieille Pofte ,
vis-à-vis la rue du Plâtre , a gravé la Grotte
du Maréchal , d'après le tableau original
de Philippe Wouvermans.
SEPTEMBRE . 1748. 159
EXPOSITION DES TABLEAUX.
C
Ette expofition s'eft faite à l'ordinaire
le 25 du mois dernier dans le
grand Salon du Louvre. Une maladie
dangereufe ayant tenu long-tems M. Carlo
Vanloo dans l'inaction , & plufieurs tableaux
, envoyés de Rome par M. de
Troy , n'étant arrivés que tard , la privation
des ouvrages deces grands Maîtres a
fait paroître le Salon moins orné qu'il ne
f'eft quelquefois. Mais cette année comme
les précédentes , on a fenti quel fervice
feu M. Orry a rendu à la Peinture , en établiffant
parmi les Peintres de l'Academie
l'ufage de foûmettre leurs productions au
jugement du Public. Dans ce combat d'émulation
, le mérite eft toujours certain
d'être couronné par les mains de l'impar
tialité , & ceux des athlétes , qui font obligés
de céder la victoire , apprennent à la
remporter à leur tour.
Entre les ouvrages expofés par les Académiciens
, deux des tableaux , qui ont le
plus attiré l'attention des Connoiffeurs
font un de cinq pieds deux poucés de haut
fur trois pieds & demi de large , repréſentant
la Décolation de Saint Jean , & un
dans lequel Saint Mathieu eft peint écri160
MERCURE DE FRANCE.
vant fon Evangile . Ces deux morceaux
font de M. Dumont le Romain.
On a donné avec juftice les plus grands
éloges à une Nativité , compofée par
M. Boucher. Toutes les graces de l'imagination
de ce Peintre charmant fe font fait
remarquer dans un autre tableau , où il
nous repréfente un Berger , qui montre à
jouer de la flûte à la Bergere.
M. Reftout a dignement foûtenu fa réputation
par plufieurs grands morceaux
d'hiftoire , furtout par un tableau qui a
dix pieds de hauteur & fept de large. La
vraie Croix ayant été prise en 614 par
Chofroës , Siroës , fils de ce Monarque
la rendit quatre ans après à Heraclius , en
fignant la paix avec cet Empereur. Par le
même Traité , tous les Captifs Chrétiens ,
entre autres Zacharie , Patriarche de Jeru-
-falem , furent remis en liberté . Cet évenement
eft le fujet du tableau que nous
indiquons.
Tous les bons juges ont applaudi particulierement
à la partie du deffeing dans
le martyre de Saint Ferreol , par M. Natoire
. On y voit le Saint , après avoir été
délivré miraculeufement de la prifon , où
-il avoit été enfermé par ordre du Prêteur
de Vienne en Dauphiné , être repris aux
environs du Rhône par les foldats qui le
SEPTEMBRE
. 1748.
161
pourſuivoient
. Ils le lient , & dans le même
moment un d'eux lui coupe la tête.
Cet ouvrage eft deſtiné pour Marſeille , &
doit être placé dans l'Eglife Paroiffiale
de Saint Ferreol. S'il nous convenoit
de hazarder
nos remarques
fur un art qui ne
paroît pas être de notre reffort , nous
ajouterions
ici , que pour les tableaux de
grande machine , les grands effets , & ce
qu'on appelle en Peinture les belles maffes
, font ce qu'on fouhaite principalement.
Il n'a pas été néceffaire d'être fort verfé.
dans cet Art , pour reconnoître
l'excellence
d'un tableau , dans lequel M. Oudry
a repréfenté
une Lais avec fes Marcaffins
,
attaquée par deux Dogues de la forte race.
Un morceau fi admirable a frappé également
les connoiffeurs
& les ignorans par
la fierté de la touche & par la vérité de
l'imitation
. On ne peut non plus trop
louer deux petits tableaux peints fur cui- vre par le même Auteur. Dans l'un , font
une Perdrix & un Liévre , attachés à un
arbre , & deux Chiens , dont l'un dort.
L'autre eft un Chien en arrêt fur des Faifans
qui font dans des bleds. La multitude
d'autres ouvrages de differens genres ,
dont M. Oudry a rempli le Salon , montre
fa merveilleufe
facilité .
162 MERCURE DE FRANCE :
Celle de M. Pierre ne mérite pas moins
d'être admirée. Il a mis cette année au
Salon un grand tableau , repréfentant le
Martyre de Saint Thomas , Archevêque de
Cantorbery ; deux autres ; qui repréfentent
deux Bacchanales ; deux Bambochades
, l'une de Payfans qui fe baignent ,
l'autre d'une fête dans un camp ; une tête
au Paſtel, représentant la Poëfie ; un deffus
de porte pour l'Appartement de Monfeigneur
le Dauphin . Quelques perfonnes
difficiles défireroient un peu plus d'intention
dans certaines figures , mais les plus
févéres ont rendu juſtice à la fermeté du
pinceau de l'Auteur.
,
On a trouvé beaucoup de beautés , foit
pour l'effet foit pour la compofition ,
dans une fainte Famille, & dans le Jofeph ,
de M. Hallé . Il femble que dans le premier
de ces ouvrages ce Peintre ait emprunté
le pinceau du Guide.
1
En arrivant au Salon , tout le monde
y cherche avec empreffement les ouvrages
de M. Chardin , & l'on eft toujours fâché
de n'y en pas rencontrer un plus grand
nombre. Cette année , nous n'avons eu
qu'un petit Tableau de ce Peintre rare
mais nous pouvons affurer que de célébres
Artiftes nous ont dit que ce morceau étoit
enchanteur. Ce témoignage eft plus Aateur
SEPTEMBRE. 1748. 163
pour M. Chardin que toutes les louanges
que nous pourrions lui donner.
Les Peintres de Portraits ne fe font pas
moins diftingués dans leur genre , que les
autres Académiciens. M. Tocqué a déployé
tous fes talens dans le Portrait en
pied de feuë Madame la Dauphine , dans
celui de M. l'Abbé de Lowendalh , & dans
celui de M. Sélon . Ceux des deux Dames
de France qui font à l'Abbaye de Fontevrault
, peints par M. Nattier , ont captivé
tous les fuffrages par leur fineffe & par leur
agrément. Le prodigieux la Tour eft fi
connu , que c'eft prefque une efpéce de
fuperfluité que de faire l'éloge des ouvrages
qui fortent de fes mains. Nous nous
contenterons de dire que fon Portrait de
la Reine , celui de M. le Maréchal Duc de
Belle-Ifle , & celui de M. Dumont le Ro
main , font comparables à tout ce qu'il a
fait de plus beau.
Il feroit injufte de parler ſeulement des
productions de nos Peintres , & de garder
le filence fur celles de nos habiles Sculpteurs.
Plufieurs ouvrages de ces derniers ont
paru avec avantage dans le Salon . On doit
compter dans ce nombre les Buftes de l'Illuftre
M. de Fontenelle & du fameux M.
de Voltaire , par M. le Moine ; celui de
Mlle ** , en terre cuite , par M. Vaffé , &z
164 MERCURE DE FRANCE.
un modéle en plâtre de quatre pieds de
hauteur , repréfentant la France qui em
braffe le Bufte du Roi. Ce morceau eft de
M. Falconnet , & il doit être exécuté en
marbre de même grandeur pour Sa Majesté.
Nous ne devons pas non plus omettre
dans cet article les empreintes de plufieurs
pierres gravées par M. Guay , entr'autres
de celle repréfentant une Leda dans l'eau ,
& de celle dans laquelle Apollon couronne
les Génies de la Peinture & de la-
Sculpture ; ouvrages vraiment dignes de
l'antiquité.
La crainte d'être trop longs nous a em
pêchés de faire mention de plufieurs autres
morceaux , foit de Peinture , foit de
Sculpture , ou de Gravure , auxquels on ne
peut refufer de fincéres applaudiffemens ,
Si nous n'avons rien dit des Tableaux de
M. Oudry le fils , & de ceux de M. Vernet ,
ce n'eft pas que nous n'ayons remarqué
que le premier marche fur les traces de fon
pere , & que le fecond promet d'atteindre
un jour le Claude Lorrain.
SEPTEMBRE . 1748. 165
NOUVELLES ETRANGERES,
DE CONSTANTINOPLE le 1 ' . Juillet.
Quelquesprécautions que le Grand Vifirprene
pour maintenir la tranquillité dans cette
Capitale , il a beaucoup de peine à y réuffir , & le
21 du mois dernier une nouvelle fédition éclatta,
Plufieurs mutins,ayant à leur tête un Emir nommé
Ali , s'affemblerent dans les environs de Bit Bazar ,
& demanderent qu'on changeât le Gouvernement .
Bien tôt toute la Ville fut en mouvement , & la
Révolte auroit pû avoir des fuites fâcheuses , mais
aufli tôt que le Chorbagy du Quartier du Sultan
Bajazet en fut averti , il fortit avec fa Compagnie ,
& chargea les Rebelles. Le Koulouck de Parmack
Capy en fit de même , & une partie des habitans
fe joignit à ces Officiers. Pendant qu'ils s'oppo
foient aux mutins , le Grand Vifir fe rendit fur les
lieux avec toute la maiſon . Alors l'épouvante étoit
générale , & on avoit fermé les boutiques . Ce Mi
niftre ordonna qu'on les rouvrît. Un jeune Turc,
animé par la préfence du Grand Vifir , fondit fur
le Chef des Conjurés , & d'un coup de fabre lui
trancha la tête . Il la porta fur le champ au Premier
Miniftre , qui outre un préfent confidérable
qu'il lui a fait , lui a affigné une penfion de cent
cinquante afpres par jour. Les Rebelles ayant été
enveloppés , on tua tous ceux qui continuerent de
fe défendre , & on fit les autres prifonniers, Lorf
que le calme fut rétabli , le Grand Vifir parcourut
les differens Quartiers , & doubla toutes les Gar
166 MERCURE DE FRANCE.
des . Depuis , on a arrêté un grand nombre de com
plices de la rebellion , & après les avoir étranglés
pendant la nuit , on a jetté leurs corps dans la mer.
Cette révolte avoit été tramée à Scutari, & les Con
jurés devoient attaquer en même- tems plufieurs
endroits de Conftantinople , mais heureufement
quelques- uns d'eux précipiterent l'exécution du
projet , & leur impatience l'a fait échouer. Quoique
le défordre ait duré très- peu de tems , le Peu
ple en fut fi effrayé qu'il courat enlever le pain
chés tous les Boulangers , dans la crainte d'en'
manquer fi la fédition devenoit plus confidérable.
Le Grand Seigneur a envoyé une Peliffe de Martre
Zibeline au Grand Vifir , pour témoigner ſa ſatisfaction
de la prudence & de la fermeté , avec
Jefquelles ce Miniftre s'eft conduir.
De la même Ville , le 14 Juillet.
La fédition dont on a fait mention il y a quelque
tems, & qu'on croyoit appaifée , a eu des fuites.
Les mécontens fe font aflemblés en fi grand
nombre , que le Grand Seigneur , ne fe croyant
pas en fûreté dans le Serail , en eft forti déguisé
pour le mettre à la tête des Janiffaires, Ces der
niers ont attaqué les Rebelles , & il y a eu beaucoup
de lang tépandu de part & d'autre. Sa Hauteffe
eft venue cependant à bout de calmer cette
feconde révolte ; le Grand Mufti , le Chiaoux
Bachi , & le Janiſſaire Aga ont été déposés,
On a appris de Derbent , que les divers Prétendans
à la Couronne de Perfe fe faifoient une guèrte
fanglante ; que tout étoit en combuftion dans ce
Royaume, & que cette fermentation étoit entretenue
par les refforts fecrets que le Grand Mogol
faifoit mouvoir pour fe venger de la perfécution
SEPTEMBRE. 167 1748.
que Thamas Kouli Kam lui a fait éprouver. Le
bruit court que le Schach , neveu de cet Ufurpateur
, a été maſſacré par le Parti d'un de fes Concurrens
, mais cette nouvelle a beſoin de confirmation.
DE PETERSBOURG , le 24 Août.
Left arrivé de Hanover un courier , dépêché
par le Comte de Czernichew , pour informer
1'Impératrice , que l'ouvrage de la pacification générale
étant près de fa conclufion , le Roi de la
Grande Bretagne & la République des Provinces
Unies avoient jugé qu'il n'étoit point néceffaire
que les trente- fept mille Ruffiens , qu'ils ont pris
à leur folde , continuaffent leur marche vers les
Païs Bas . On a fçu par les mêmes lettres , que
comme ces Puiffances étoient convenues avec le
Roi Très - Chrétien de faire retourner lefdites
troupes en Ruffie , il avoit été réfolu de profiter
de la faifon favorable pour les faire repaffer par la
Pologne avant le commencement de l'hyver. Le
Lord Hindford , Ambaffadeur de fa Majefté Britannique
, ayant reçû un courier fur le même fujet
, ce Miniftre a eu à cette occafion une audience
particuliere de fa Majefté Impériale , qui lui a témoigné
qu'elle voyoit avec joye que les Puiffances
Belligerentes fuffent fur le point de terminer
leurs differends , & de rendre la tranquillité à l'Europe.
Le lendemain l'Impératrice a écrit aux Miniftres
qui réſident de fa part auprès du Roi de la
Grande Bretagne & des Etats Généraux des Provinces
Unies , de les affûrer de fes fentimens à cet
égard , & de leur déclarer qu'elle acceptoit la propofition
que ces Puiffances lui faifoient par rapport
au Corps auxiliaire de troupes qu'elle leur
168 MERCURE DE FRANCE:
avoit fourni . On compte que ce Corps pourra être
de retour au commencement de Novembre , &
qu'il fera mis en quartiers dans la Livonie & dans
les Provinces voifines , où il fera diftribué dans les
mêmes endroits qu'il occupoit l'année derniere fur
les frontieres de la Curlande . Les Etats de cette
derniere Province ont envoyé une Députation à
fa Majesté Impériale , pour lui donner part de la
réfolution qu'ils ont prife de demander à la pro.
chaine Diette de Pologne de pouvoir élire un Souverain.
On a appris par des dépêches du Gouver
neur d'Aftracan , que les Négocians Ruffiens & Anglois
, qui font à Derbent , l'avoient prié de leur
envoyer des Navires , afin de charger les marchan
difes apportées par une Caravane de Perfe , & de
les tranfporter à leur destination.
L
DE WARSOVIE , le 30 Août,
E Roi a nommé Chevaliers de l'Ordre de
l'Aigle Blanc M. Dambowsky , Evêque de
Plocko ; M. Krerкowsky , Palatin de Culm ; le
Comte Sapieha , Palatin de Mcizlavie ; M. Garozinski
, Caftellan de Pofnanie ; M. Coffouki , Tréforier
de la Cour ; le Comte Sapieha , Grand Tréforier
de Lithuanie ; le Prince Radzivil , Grand
Echanfon de ce Duché ; M. Humiecki , Porte Epée
de la Couronne , & le Prince Lubomirski , Grand
Ecuyer Tranchant. Les Députés de la Nobleffe du
territoire dépendant de cette Capitale ont élu
quatre Candidats pour chacune des trois charges
de Notaire , de Juge & de Subdélegué , & ils en
ont remis la Lifte au Roi , afin que fa Majefté
choisît parmi ces fujets ceux aufquels elle jugeroit
à propos de conférer ces emplois. Le Régiment
de Chevau - Legers du Comte de Bruhl , Premier
SEPTEMBRE . 1748. 169
mier Miniftre du Roi , fit il y a quelques jours l'exercice
en préfence de ce Seigneur . Un courier
extraordinaire a apporté la nouvelle que le Corps
auxiliaire des troupes Ruffiennes , qui eft au fervice
du Roi de la Grande Bretagne & de la République
des Provinces Unies , avoit reçû ordre de
retourner en Ruffie , & qu'il devoit repafler par ce
Royaume. Les lettres de Pofnanie marquent que
le Tribunal Affefforial de la Noblefle de ce Palatinat
a fufpendu les féances jufqu'à la féparation
de la Diette particuliere de la Province . Ces lettres
ajoûtent que la plupart des habitans du plat
païs de la Podolie & de l'Ukraine ſe font retirés
dans les Provinces voisines , afin d'y chercher de
la fubfiftance , les fauterelles ayant ravagé prefque
routes leurs terres. Le Comte Radzeusky , Chanbellan
de la Province , mourut le 4 de ce mois
après une courte maladie .
DE STOCKHOLM , le 16 Août.
Pour les le Roi a accordéplus
Our favorifer les progrès de la Pêche fur les
fieurs priviléges aux perfonnes qui s'y employeront.
Sa Majefté a difpofé du commandement de
la Fortereffe de Chriſtianſtadt en faveur de M.
Chreftien de Bernekow . Le Prince Royal a établi
une Académie , pour y faire élever à fes dépens
vingt quatre jeunes Gentilshommes. Ces jours
derniers , un Indien , qui a embraflé le Chriftianif
me , reçût le Baptême dans la principale Eglife de
cette Ville , & il fut nommé Adolphe Louis. Le
Prince Royal & le Prince Guftave , accompagnés
d'un grand nombre de perfonnes de diftinétion
affifterent à cette cérémonie. Il y a eu depuis peu
un incendie à Gefle , & plufieurs maifons ont été
H
170 MERCURE DE FRANCE.
réduites en cendres . On a reçu avis que l'Impér
trice de Ruffie avoit ordonné de transporter de Re
vel & de Riga quantité de provifions , pour remplir
les magafins de Wybourg & de quelques au
tres Places voifines . Les lettres de Warfovie mar
quent que le Grand Général de la Couronne de
Pologne a contremandé les Députés de l'armée ,
qui devoient s'affembler les du mois prochain
dans la Ville de Koflow . Le Chapitre de l'Eglife
Métropolitaine de Gnefne a élû M. Iwansky , un
de fes Capitulaires , pour Administrateur Général
de l'Archevêché. Un Incendiaire , qui a été arrêté
dans le plat païs , a été conduit dans les prifons de
Léopol.
Le Comte de Panin , Miniftre de l'Impératrice
de Ruffie , a remis au Comte de Teffin , Préſident
du Collège de la Chancellerie , une lettre par laquelle
cette Princeffe mande au Roi que comme
fur la réquifition de fa Majefté elle a rappellé le
Baron de Korff , fon Miniftre en cette Cour , elle
fe flate que le Roi voudra bien auffi rappeller M.
de Wolfenftierna , qui réfide de la part de fa Majefté
à Pétersbourg. Sa Majefté a envoyé ordre au
Gouverneur Général de la Finlande de diſtribuer
les troupes dans les principaux endroits de la frontiere
, & de les y faire cantonner . Selon les avis
reçûs de Pétersbourg , l'Impératrice de Ruffie a
déclaré qu'elle feroit un voyage à Moscou , auffi-
τότ que la faifon permettroit de fe fervir de
traîneaux . Cette Princeffe a donné au Vice- Amiral
Bars le commandement de l'Eſcadre qui croiſe
dans la Mer Baltique . Outre le Corps de Cofaques
, commandé par l'Atteman Kraſnoſchokoff ,
on attend deux autres Corps des mêmes troupes ,
lefquels ont pris leur route par Pleszow & qui
font fous les ordres des Attemans Froloff & Jeffe
SEPTEMBRE . 1748. 170
mov. M. de Breveren , Confeiller d'Etat de fa
Majefté Impériale de Ruffie ; le Major Général
Soltikoff , Vice - Gouverneur de Mofcou , & M.
Annibal , auffi Major Général , ont été nommés
par
le Grand Duc de Ruffie Chevaliers de l'Ordre
de Sainte Anne.
De la même Ville , le 31 Août.
E Secretaire d'Ambaffade , chargé des affaires
Ldu Roi de la Grande Bretagne , le rendit le 13
à Carlberg,& il y eut une audience particuliere du
Roi , à qui il annonça que fa Majefté Britannique
fe propofoit de nommer , après fon retour à Lon
dres , un Miniftre pour venir ici travailler avec
ceux de fa Majefté à accommoder l'affaire qui regarde
le Colonel Guydickens , & à rétablir la bonne
harmonie entre les deux Cours. On croit que
le Baron de Hopken , qui doit aller réfider à Péterfbourg
en qualité de Miniftre du Roi à la place
de M. de Wolfenftierna , fera chargé de paffer à
Hanover , & d'y exécuter une commiffion relati
ve à cette affaire. Les Vaiffeaux qu'on a conftruits
depuis peu à Carelfcroon , ont mis à la voile pour
la Norwege. Le Baron de Rofen , Gouverneur de
la Province , a fait à Abo , au nom de fa Majefté ,
la cérémonie de revêtir des marques de l'ordre de
l'Epée M. Daniel Zander , Lieutenant Général , &
le Major Général Lantingshaufen . Il a pofé la premiere
pierre du Fort que le Roi a ordonné de bâ
tir près de Helfingfors, & qui fera nommé Ulrichsbourg.
M. Axel Patrice Thompfon , Commanmandant
de Warberg , y mourut le 4 de ce mois.
Il est arrivé de Pétersbourg un courier dépêché
par M. de Wolfenftierna , pour informer få Majefté
que dans la derniere audience qu'il a euë de
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
l'Impératrice de Ruffie , cette Princeffe lui avoit
renouvellé les affûrances de la difpofition où elle
étoit d'entretenir la plus parfaite amitié avec la
Suéde , & que le renfort de troupes , qu'elle avoit
fait marcher du côté de la Finlande , ne devoit
caufer aucune inquiétude aux Suédois , puiſqu'elle
avoit ordonné que fes troupes n'entrepriffent rien
qui pût donner la moindre atteinte aux Traités
entre les deux Puiffances. Quoique cette nouvelle
ait beaucoup tranquillifé cette Cour , on ne laiffe
pas de continuer de prendre à tout évenement les
précautions couvenables pour ne pas être furpris
par une attaque imprévue. Le Roi est toujours à
Carlfberg , & comme fa fanté chancelante ne lui
permet pas de vacquer affidûment aux affaires du
Gouvernement , il a été reglé que lorfque fa Majefté
ne pourroit pas figner elle- même les expédi
tions , elles le feroient par un certain nombre de
Sénateurs , & qu'elles feroient contrefignées par un
Secretaire d'Etat. Le Baron de Hopken , Miniftre
du Roi à la Cour de Berlin , & nommé pour aler
réfider en la même qualité auprès de l'Impératrice
deRuffie ,viendra ici avant que de fe rendre à Péterf
bourg. Il y a eu hier près de cette Ville un grand
incendie , dans lequel la maifon , où on prépare le
goudron , a été entierement réduite en cendres .
Les lettres de Finlande marquent que les troupes,
envoyées dans cette Province par l'Impératrice de
Ruffie , y font arrivées , & qu'il s'y trouve actuellement
trente mille Ruffiens , en y comprenant les
Régimens qui y étoient déja en quartiers . Le
Feldt-Maréchal Lafcy doit venir en faire la revuë ,
& il vifitera enfuite les magafins de Wybourg &
des Places voifires. Ces troupes ont ordre de fe
tenir tranquilles dans leurs quartiers , & de ne rien
faire qui puiffe donner le moindre ombrage aux
Suédois.
SEPTEMBRE. 1748. 173
ALLEMAGNE. ´
De Vienne , le 2 Septembre.
E Comte de Sintzheim , Miniftre Plénipoten-
LeComte
brunn une audience particuliere de leurs Majeftés
Impériales . Il conféra enfuite avec le Comte d'Uhlefeld
, Chancelier de la Cour . Le Comte de Kevenhuller
, Grand Chambellan de l'Impératrice
Reine , fit le même jour, au nom de l'Empereur, la
cérémonie de pofer la premiere pierre de l'Eglife
que les Religieux de l'Obfervance font conftruire
en cette Ville. Selon les arrangemens pris par le
Confeil de guerre pour la maniere dont les trou
pes feront diftribuées après la Pacification générale
, l'Impératrice Reine laiffera dans les Pays - Bas
les Régimens de Ligne , de Wirtemberg , de Giulay
, de Los Rios , de Betlem , de Damnitz , de
Barbon , de Vivari , de Stirum , de Benthem , de
Sakın , de Nadafti , de Bareith , d'Aremberg , de
Platz , d'Arberg & de Prié . Ils feront commandés
par le Comte de Chanclos , qui aura fous lui les
Lieutenans Feldt - Maréchaux Tornaco , Dungern
, Benthen & Bournonville ; le Prince d'Aremberg
, le Baron d'Arberg & le Comte d'Erberfeld
, Majors Généraux . Quatre Régimens revien
dront en Autriche fous les ordres des Majors Généraux
Spada & Villana. Le Baron de Lutzen
Lieutenant Feldt - Maréchal , fe rendra en Moravie
avec les Majors Généraux Buckoу & Burckaufen ,
& avec deux Régimens . Le Département des
Lieutenans Feldt Maréchaux Philibert & Kollowrath
, qui auront avec eux les Majors Généraux
Walbrun , Siceri & Vivari , & quatre Régimens ,
fera en Bohéme. On enverra en Hongrie quatre
H iij
174 MERCURE DE FRANCE.
Régimens , & toutes les troupes Nationales de ce
Royaume , fous les ordres des Lieutenans Feldt-
Maréchaux Grune , Merci & Marchall , & des
Majors Généraux Haller , Winckelman , Dourlach
& Radicati . Le fecond Bataillon du Régiment
de Kollowrath prit le 3 la route de Tranfilvanie
, & il fera remplacé ici par un Bataillon du
Régiment de Molck .
Les Etats des Pays Héréditaires ne feront plus
obligés de fournir les recrues pour completter les
troupes , & chaque Province fera taxée à une fom.
me d'argent , proportionnée au nombre de foldats
qu'elle donnoit. Les Députés des Etats de Boheme
& de Moravie , qui étoient aflemblés ici pour délibérer
fur ces arrangemens , ont terminé leurs
féances. Ceux de la Baffe Autriche ont donné auffi
leur confentement aux mêmes arrangemens . Il eft
arrivé des Députés de Carinthie , pour faire des repréfentations
à la Cour fur l'impoffibilité ou fe
trouvent les habitans de cette Province de payer
Jes fubfides qu'on exige d'eux. Le courier que le
Gouvernement avoit expedié il y a quelque tems
à Aix-la-Chapelle en eft revenu , & les dépêches
, dont il etoit chargé , ont donné lieu à
la tenue d'un Confeil extraordinaire . Le bruit
court que le Comte de Choteck , qui eft actuelle→
ment en Stirie pour y établir les nouveaux Reglemens
touchant la Milice , fe rendra à Munich
pour exécuter une commiffion de l'Impératrice
Reine. L'Empereur, accompagné du Prince Charles
de Lorraine , partit le 4 de ce mois pour Reiding
, d'où il revint le 8. 11 s'eft tenu un Conſeil
de guerre , dans lequel il a été réſolu qu'à l'avenir
tous les Régimens feroient l'exercice de la même
maniere. On a publié un Decret , par lequel l'Empereur
confirme le jugement prononcé par le Con&
SEPTEMBRE. . 1748. 175
feil Aulique de l'Empire au fujet de l'affaire de
Zwingenberg. Le Chevalier de Colloredo , frere
du Vice Chancelier , doit prendre le caractére
d'Ambaffadeur Extraordinaire de l'Ordre de Malte
, pour complimenter de la part de cet Ordre
leurs Majeftés Impériales fur leur avenement au
Trône Impérial.
On parle de l'érection d'un nouveau Tribunal
pour juger de tout ce qui regarde les appointemens
des Officiers de la Cour & de ceux de Judicature.
Le Comte de Haugwitz en fera Préfident , & on
n'y admettra que des Confeillers Privés. Ce Titre
vient d'être donné à M M. de Brandau & Touffaint
, ainfi qu'à M. de Mofer , Vice - Maréchal
d'Autriche , & le Comte de Herberftein a obtenu
l'emploi de Commiflaire Général des chemins en
Moravie.
Les ordres font donnés pour préparer avec toute
la diligence poffible les équipages du Prince Char
les de Lorraine , & on fait d'autres difpofitions
qui annoncent que ce Prince fe difpofe à faire un
voyage. Le bruit eft général qu'il ira reprendre
poffeffion de fon Gouvernement des Pays Bas
auffi tôt que les François les auront évacués.
La Cour a communiqué aux Comtes d'Erdody ,
de Kraffelkowitz & de Palfy , les propofitions
qu'ils doivent faire de la part de l'Impératrice Rei.
ne aux Etats de Tranfilvanie, qui fe tiennent cette
année à Claufenbourg. Les Députés des Etats de
la Haute Autriche ont fait à Lintz l'ouverture de
leur affemblée. On ne doute pas que fuivant l'exemple
de la Baffe Autriche , de la Boheme , de la
Moravie , de la Stirie & de la Carinthie , ils ne
donnent leur confentement au fyftême proposé
pour la levée des fommes deftinées à l'entretien
des troupes. L'Impératrice Reine a ordonné de
Hi
176 MERCURE DE FRANCE .
congédier une partie des Milices , & de n'en retenir
que le nombre qu'on a coûtume de conferver
en tems de paix . Plufieurs lettres d'Italie annoncent
comme prochaine l'évacuation des Etats
cedés à l'Infant Don Philippe. Le Comte de Choteck
eft parti pour Berlin en qualité de Miniftre
Plénipotentiaire de l'Impératrice Reine auprès du
Roi de Pruffe .
L
DE BERLIN , le 4 Septembre.
E Baron de Hoрken , Envoyé Extraordinaire
du Roi de Suéde , eut le 24 du mois dernier
fon audience de congé du Roi , étant préfenté par
le Comte de Podewils , Miniftre du Cabinet . Il
eût enfuite l'honneur de dîner avec la Majesté.
Le même jour , le Baron d'Uxhul , Lieutenant
Colonel des Gardes du Corps du Duc de Wirtem .
berg , remit au Roi & aux deux Reines les lettres
que ce Prince a écrites à leurs Majeftés , pour leur
donner avis du jour auquel eft fixée la célébration
de fon mariage avec la Princeffe de Bareith . On
attend aujourd'hui le Roi en cette Ville , & fa
Majefté partira demain pour la Siléfie , d'où elle
compte être de retour le 21 ou le 22 du mois prochain
. Les Princes Henri & Ferdinand allerent le
26 la joindre à Potſdam . Le Comte de Gronsfelt,
Confeiller Privé du Prince Stathouder , & Envoyé
Extraordinaire des Etats Généraux des Provinces-
Unies , fe prépare à aller faire un voyage en Hol-
Jane , & M. Lobry , Sécretaire de Légation du
Miniftre Plénipotentiaire de l'Impératrice de Ruffie
, prit le 25 la route de Pétersbourg. Il a paffé
ces jours- ci un Officier , qui porte des ordres aux
troupes Ruffiennes que le Roi de la Grande Bretagne
& la République des Provinces- Unies ont
SEPTEMBRE . 174S. 177
à leur folde. M. de la Salle , qui a été détenu
long- tems dans le Fort de Weichfelmunde , arriva
ici le 24.
DE HANOVER , le 5 Septembre .
Ces Confeil extraordinaire
Es jours derniers , le Roi tint à Herrenhau
pour délibérer
fur quelques dépêches reçues d'Aix - la - Chapelle.
Le az du mois d'Aout , fa Majefté prit le
deuil à l'occafion de la mort de la Princeffe Eleonore
Charlotte de Curlande , veuve du Duc Erneft
Ferdinand de Brunfwick Beveren. Lorfque
les troupes Hanoveriennes , qui font dans les
Pays - Bas , reviendront dans cet Electorat , les
Gardes à pied & le Régiment d'Infanterie de Kielmans
Egge feront mis en garrifon dans cette Capitale
, & l'on enverra ceux de Sommerfeld & de
Brunke à Hamelen ; ceux de Drutchleben & de
Soubiron à Gottingen & à Lunebourg ; ceux de
Zastrow , de Klinkowftrom , de Boettelager , de
Middagten , de Krough , de Block , de Freudman,
de Sporken , de Bofch , de Hugo , de Hadenberg,
de Cheuffes , d'Oberg , de Horn & de Munchow,
à Ratzebourg , Stade , Haya , Werden , Munden,
Northeim , Wanftorff , Fellerfleben , Stoltzenau ,
Celle , Ultzen , Boxtehode , Harbourg , Neinden
& Nienbourg ; deux Compagnies du Régiment
de Hohorft à Winfen fur la Luhe , une à Bardowick
, une à Neuhauff , deux à Lawenbourg , quatre
à Lunebourg , & un pareil nombre dans le
Meckelbourg.
Le Duc de Cumberland partit la nuit du 22 au
23 du mois dernier , pour retourner dans les Pays-
Bas. Le 18 du même mois , M. Sabbatini , Miniftre
Plénipotentiaire du Duc de Modéne , eur du
HY
178 MERCURE DEFRANCE .
Roi une audience particuliere. Il arriva le 17 de
Vienne un courier avec des dépêchés importantes,
à l'occafion defquelles M. Keith , qui va réfider
en qualité de Miniftre de fa Majeſté auprès de
P'Impératrice Reine de Hongrie & de Boheme , a
reçû ordre de preffer fon départ . Le Baron de
Steinberg ayant demandé la permiffion de fe démettre
de la place de Miniftre & Sécretaire d'Etat
de cet Electorat , le Roi a difpofé de cette place
en faveur du Baron de Munchaufen , Confeiller
Privé.
Par les dernieres lettres d'Aix- la- Chapelle , le
Roi a appris que le Comte de Saint Severin y étoit
de retour de Paris , & que le Comte de Sandwich
& le Chevalier Robinſon avoient eû une longue
conference avec ce Miniftre . Il paroît par les mêmes
dépêches qu'il regne entre ces trois Miniftres
une parfaite intelligence. Comme les ordres ,
envoyés d'Angleterre pour l'évacuation de Louifbourg
& de l'Ifle Royale , ont été expédiés d'abord
après la fignature des Articles Préliminaires,
on attend de jour à autre la nouvelle que cette évacuation
a été effectuée . La commiffion de M. Sabbatini
, Miniftre du Duc de Modéne , a pour objet
les terres qui appartiennent en Hongrie à la Maifon
d'Eft , & que la Cour de Vienne a miſes en
fequeftre à l'occafion de la guerre. Le Duc de
Modéne demande , non-feulement qu'on lui reftitue
ces terres , mais encore qu'on lui rende les revenus
dont il n'a pas jou '. La Princeffe , époule
du Prince Frederic de Heffe Caffel , demeurera à
Herrenhaufen jufqu'au voyage que le Roi fe propofe
de faire à Goerden. Depuis quelques jours ,
le Prince de Lobcxowitz eft en cette Ville , &
l'on croit qu'il y fera quelque féjour. Le Comte
de Stolberg Wernigrode et retourné à la RéfiSEPTEMBRE.
1748 179
dence , fort fatisfait de l'accueil que lui a fait fa
Majefté.
DE RATISBON NE , le 3 Septembre.
Lizbach aremisces jours- ci au Directoire
E Miniftre du Margrave de Brandebourg.
a
de Mayence fes Lettres de Créance , comme Miniftre
du Duc de Saxe Saalfeld , nommé par un
Décret du Confeil Aulique , Tuteur du Duc de
Saxe Weimar , & Adminiſtrateur des Etats de ce
Prince. Ce Miniftre a été reconnu en cette qualité
par les Miniftres de l'Empereur & par ceux de
quelques autres Etats , mais les Miniftres du Roi
de Pologne , du Roi de Pruffe , de l'Electeur de
Cologne , de celui de Baviere , & de l'Electeur
Palatin , ont pris l'affaire ad referendum . La lettre,
écrite à l'Empereur par le Corps Evangélique , à
été imprimée avec toutes les Piéces qui y ont rap
port. Elle eft fort étendue , & contient un détail
des griefs des Proteftans. Ils fupplient fa Majefté
Impériale de vouloir faire ceffer au plutôt les fujets
de leurs plaintes.
I
ESPAGNE.
De Madrid , le 28 Août.
Left arrivé de Cadix un courier extraordinaire,
tractation des Indes , pour informer ſa Majeſté
que les Vaiffeaux la Notre-Dame de la Conception
& la Notre- Dame du Rofaire y étoient revenus de
la Havane , & qu'ils avoient à bord deux cens
trente mille piaftres avec une grande quantité de
fucre, de tabac & d'autres marchandifes . Ces Ba
Hvi
1 So MERCURE DEFRANCE.
timens ont apporté des lettres de Don Alonfe
d'Arcos Moreno , Gouverneur de Cuba , par lefquelles
le Roi a appris que le 8 du mois d'Avil
dernier une Efcadre Angloife , composée de deux
Vaiffeaux , de quatre- vingt canons ; de deux autres
, de foixante & dix , de quatre , de foixante ,
& de deux Fiégates , chacune de quarante , s'étoit
préfentée vis - à-vis de ce Port , qu'elle avoit tenté
le lendemain d'en forcer l'entrée , mais que s'étant
avancée à la portée du fufil de Château de Morro,
elle avoit effuyé un feu fi vif d'artillerie , qu'elle
avoit été obligée de fe retirer , après avoir eu un
de fes plus forts Vaiffeaux coulé à fond ; que le
10 elle avoit formé une nouvelle attaque , qui ne
lui avoit pas mieux réuffi que la premiere , &
qu'elle avoit repris enfuite la route de la Jamaique.
Don Alonte d'Arcos Moreno a mandé auffi
à fa Majefté que les Corfaires de Cuba s'étoient
emparé d'un Bâtiment Anglois , armé en courfe ;
d'un Navire , fur lequel il y avoit des munitions
de guerre ; de deux Brigantins , chargés d'eau- devie
& de caffé ; d'un Pacquetbot , à bord duquel
étoient cent quatre vingt cinq Negres , d'un atrtre
Bâtiment , dont la cargaifon confiftoit principalement
en fucre ; d'une Frégate , qui tranf
portoit des chevaux à Port Royal , & de trois Balandres
, fur lefquelles on a trouvé des Negres ,
du fel , de la farine , du vin & de la toile . Le Roi
a nommé à l'Evêché de Lugo le Pere François
Yzquierdo , Dominicain , Profeffeur de Théologie
dans le College de Saint Gregoire de Valladolid.
Sa Majefté a accordé à Don Auguftin Sanchez
une place de Chapelain de la Chapelle
Royale de Saint Ifidore.
Don Diegue de Roxas y Contreras , Chevalier
de l'Ordre de Calatrava , & ci - devant Auditeur de
SEPTEMBRE . 1748 . 181
la Chancellerie de Valladolid , ayant obtenu l'Evê
ché de Calahorra & de la Calzada , cé Prélat fut
facré le 11 dans l'Eglife Cathedrale de cette der
niere Ville . Cette cérémonie , à laquelle aſſiſterent
tous les Officiers de la Chancellerie , qui
y avoient été invités par le Doyen des Auditeurs,
fut faite par l'Evêque de Valladolid , affifté des
Evêques de Palencia & de Barcelonne. Suivant les
avis reçus de Lisbonne , le Roi de Portugal a accordé
la Viceroyauté du Bréfil au Comte d'Atouguia
, Gouverneur du Royaume des Algarves ';
le Gouvernement d'Angola , au Comte de Lavradio
, Colonel du Régiment d'Infanterie d'Elvas ;
celui de Goyazes à Don Marc de Noronha , fi's
aîné du Comte d'Arcos , & Gouverneur de Fernambucq
; le Gouvernement de Fernambucq à
Don Louis- Jofeph Correa de Sa , fils du Vicomte
d'Afleca ; celui de Mato Groffo à Don Antoine
Rolin de Moura , frere du Comte de Val de Reys';
celui de l'Ile de Saint Thomas à Don Antoine
Rodrigue de Neves , Quartier Maître Général des
armées de fa Majefté Portugaife , & celui de la
Colonie du Saint Sacrement à Don Louis Garcie
de Bivar , Adjudant des troupes de la Province
d'Eftramadoure , & ayant brevet de Colonel.
"
Les mêmes lettres marquent que le Comte de
Dehn , ci - devant Miniftre du Roi de Dannemarck
auprès de la Majefté , eft arrivé à Liſbonne . L'état
fâcheux du Roi de Portugal n'a pas permis
qu'on lui préfentât ce Miniftre , qui fe difpofe à
sembarquer inceffamment pour aller à la Haye
remplacer feu M. Greys , en qualité d'Envoyé
Extraordinaire de fa Majefté Danoife auprès des
Etats Généraux des Provinces - Unies. Selon les
mêmes lettres , M. Keene ne partira de Lisbonne,
pour revenir ici , qu'après le rétabliffement du
182 MERCURE DE FRANCE.
commerce entre l'Efpagne & l'Angleterre. Ces
lettres ajoutent que Don Jofeph d'Azevedo , Secretaire
du Roi de Portugal eft indiſpoſé.
ITALIE.
De Naples , le 28 Août.
Es Négocians de cette Capitale fe font enga
gés d'équiper & d'entretenir à leurs dépens
deux Saïques , pour donner la chaffe aux Corfaires
qui troublent la navigation fur les côtes de ce
Royaume , & ils ont demandé feulement que le
Roi voulût bien fournir l'artillerie de ces Bâtimens
, & les faire monter de quelques foldats de
fes troupes. L'Eté étant le tems pendant lequel les
Corfaires fréquentent le plus ces mers , ce fera auffi
pendant cette faifon que ces Saïques feront le plus
employées.
Il eſt entré dans ce Port deux Galéres de Malte ,
commandées par le Chevalier Altieri , auquel on
a remis les deux cens Malfaicteurs condamnés aux
Galéres , dont le Roi fait préfent au Grand Maî
tre ,pour qu'ils foient employés fur celles de la
Religion. Deux Galiottes , que fa Majefté avoit
envoyé porter de l'argent pour le payement des
troupes qui font en garnifon dans l'Etat degli Prefidii
,font revenues il y a quelques jours. On a appris
de Sicile qu'un Corfaire de Tunis y avoit fait
une defcente , & y avoit enlevé plufieurs habitans ,
mais que peu de jours après il avoit été pris par les
Galéres du Roi. Le bruit court que le Duc de Richelieu
, Général des troupes Françoifes qui font
dans l'Etat de Génes , & le Marquis d'Ahumada ,
Commandant de celles que le Roi d'Espagne a
fournies à la même République , viendront en
SEPTEMBRE. 1748. 183
Cetre Capitale avant que de retourner à leursCours.
Don Antoine Ramega , qui fous le précédent
Gouvernement avoit occupé l'un des principaux
emplois dans le Bureau de la Secretairerie d'Etat ,
a été arrêté , ainfi qu'un Négociant , nommé Cigualo
, par ordre du Tribunal des Inconfidens.
On n'eft point encore inftruit du fujet de leur détention
, & l'on fçait feulement qu'ils ont déja
fubi quelques interrogatoires. Plufieurs vols s'étant
commis dans cette Ville pendant la nuit , le
Roi a enjoint au Tribunal de la Vicairerie d'exécuter
à la rigueur les Ordonnances contre les foldats
qu'on trouveroit dans les rues après une cer
taine heure. En conféquence , on en a fair paffer
quelques-uns par les armes , & depuis on parle de
beaucoup moins d'accidens nocturnes.
DE ROME , le 30 Août.
Es jours derniers , l'Ambaſſadeur de la Ré
Cpublique de Venife eut une audience particu-
Tiere du Pape , & it communiqua à Sa Sainteté
quelques dépêches qu'il avoit reçues de cette Répu
blique. Il fe tint le 8 de ce mois une affemblée de
la Congrégation des Rites chés le Cardinal Portocarrero.
Douze Prélats Confulteurs y affifterent
& l'on y délibéra fur la Béatification du Cardinal
Ximenes , laquelle a déja été proposée plufieurs
fois depuis l'an 1680 , & fur laquelle l'Espagne n'a
point encore obtenu de décifion . Quelques differends
étant furvenus entre les Chanoines du Chapt
tre della Rotunda , le Pape a nommé le Cardinal
Sacripanti , pour examiner les griefs refpectifs.
La préconisation du nouvel Archevêque de Saltzbourg
fe fera dans l'un des prochains Confiftoires .
Sa Sainteté a affigné un fond pour les réparations
184 MERCURE DEFRANCE.
du Port d'Anzo , auquel on doit ajouter diverſes
fortifications fur un plan donné par M. Marchal ,
Ingénieur François . Elle emprunte cinq cens mille
écus Romains à trois pour cent d'interêt , & elle
fe propofe de diftribuer cette fomme aux habitans
de divers Bourgs & Villages , qui ne font pas en
état de payer les dettes qu'ils ont contractées , à
Poccafion du paffage des troupes étrangeres. Don
Ignace Tatuzani , un des prifonniers de guerre ,
faits par les troupes de l'Impératrice Reine de
Hongrie & de Boheme fur celles que commande
P'Infant Don Philippe , a paffé ici le même jour ,
en allant à Naples .
DE SAVONE le 31 Août.
L'anteau de fon ufcadre , pour retourner en
'Amiral Bing a fait voile de Vado avec onze
Angleterre, & à fon départ il a été ſalué d'une décharge
générale de l'artillerie du Château . Il ne
refte plus ici que cinq Fregates Angloifes,fous les
ordres du Contre- Amiral Forbes , qui felon les apparences
y continuera fa ftation jufqu'à la conclu
fion du Traité Définitif de paix . Par um Bâtiment
venu de San Fiorenzo , on a reçu avis que les Génois
, ayant pratiqué une intelligence dans la
Tour de la Paludella , cette Fortereffe leur avoit
été remife par la Garnifon , pendant un voyage
que M. Battifti , qui y commandoit pour les Rebelles
, étoit allé faire au camp du Chevalier Cumiana.
L'équipage du même Navire a rapporté
qu'un Détachement de Corfes , auffi- tôt qu'il
avoit appris cette nouvelle , avoit marché pour
tâcher
de recouvrer ce Pofte , mais qu'il n'avoit pû
réuffir dans fon entrepriſe . On ajoute que le
nommé Matra , un des principaux Chefs des ReSEPTEMBRE
. 1748. 185
belles , tient actuellement la Tour inveftie . Les
lettres de Sardaigne marquent que les Bandits, qui
infeftent cettelle, continuent d'y commettre beau- ^
coup de brigandages ; qu'ils ont été joints par plufieurs
perfonnes mécontentes du Gouvernement ,
& qu'ils font abondamment pourvûs d'armes & de
munitions , fans qu'on fçache à qui ils doivent cest
fecours . Le Roi de Sardaigne , pour arrêter les
progrès de ce défordre , a réfolu d'envoyer dans
cette lile un renfort de fix Bataillons.
GRANDE BRETAGNE.
De Londres , le 6 Septembre.
Dition des troupes en Ecoffe ; on a envoyé
Ivers changemens ont été faits dans la répar
celles qui étoient à Stirling & dans les environs
prendre de nouveaux cantonnemens à Leyth , à
Maffelbourg , à Prefton Pans & à Dumbar ; un
Bataillon du Régiment Royal Ecoffois a marché
à Inverneff , & l'on a renforcé d'une Compagnie
la Garnifon de Linlightow . On fit le 20 de ce
mois à Dublin l'épreuve de plufieurs canons &
mortiers en présence du Lord Molefworth , Grand
Maître de l'Artillerie , & ce Seigneur fit diftribuer
de l'argent aux Canoniers & aux Bombardiers.
Les lettres de Philadelphie , de la Caroline & del
quelques autres de nos Cólonies , marquent que
Yes François & les Efpagnols ont enlevé depuis
peu plus d'un vingtaine de nos Bâtimens . D'un
autre côté , on a appris que le Corfaire l'Antelope
a conduit à la nouvelle Yorck quelques Navires ;
qui étoient partis de la Martinique pour revenir
en France , & que deux Corfaires de cette Ifle ont
été pris par le Corfaire la Revanche . Le bruit
186 MERCURE DE FRANCE.
court auffi que le Vaiffeau de guerre le Salisbury
eft entré dans le Port de Lisbonne avec un Bâti
ment Efpagnol , richement chargé. Les Commiffaires
de l'Amirauté ont donné au Chevalier
Edouard Hawke le commandement des Vaiffeaux
de guerre , qui doivent être en ſtation à Portſ、
mouth , au Capitaine Scott , celui des Vaiffeaux
du Buoy du Nord , & au Capitaine Hamilton ,
celui des Vaiffeaux du Département de Plymouth .
Le Vaiffeau de guerre l'Invincible doit être remis
en commiffion , & employé avec les autres deftinés
à la garde des côtes , aufi - tôt qu'il y aura un
Capitaine nommé pour le commander . Ón continue
de défarmer tous les Vaiffeaux , dont on ne
compte point faire ufage pendant la paix . Il vient
d'être publié en Ecoffe une Ordonnance , pour
empêcher la contrebande qui s'y fait en un grand
nombre d'endroits . Plufieurs Commis de la Doua
ne ont été convaincus d'avoir favorifé ce commerce
illicite , & les plus coupables doivent être
examinés par les Commiffaires de la Trésorerie.
On a préfenté ces jours - ci au Prince de Galles la
Relation d'un voyage que M. Ellis a fait pour découvrir
un paffage aux Indes Orientales par la
Baye de Hudfon. Le Comte de Cheſterfield , cidevant
Secretaire d'Etat , qui étoit allé paffer quel
que tems à fa terre près de Scarborough , eſt de
retour en cette Ville , & il y a apparence , qu'a.
près la conclufion de la paix il ira en qualité
d'Ambaffadeur du Roi dans quelque Cour Etrangére.
L'équipage du Vaiffeau de guerre le Nottingham,
qui eft rentré depuis peu dans le Port de Fal
mouth , a rapporté qu'il a appris par des Navires
Hollandois , venans de Batavia , que le 8 du mois
d'Avril dernier , ils avoient rencontré au Cap de
SEPTEMBRE. 1748 . 187
Bonne-Efperance l'Amiral Boscawen avec fon
Efcadre. On a donné ordre de payer inceffamment
les gages dûs aux équipages des Vaiffeaux
de guerre le Windfor & l'Avis , qui doivent être
mis cette feinaine hors de commiflion . La Compagnie
des Indes Orientales a reçû avis que le Navire
le Portfied eft revenu de Mocha à la Rade de
Deal le 31 du mois dernier , & qu'un autre de ſes
Bâtimens , nommé l'Ilchefter , et arrivé le 2 du
même mois dans le Tage. On a été auffi informé
qu'une Flotte Marchande de cent cinquante voiles
étoit partie de l'Ile de Sainte Catherine pour
fe rendre en Angleterre Plufieurs perfonnes de
diftinction , du nombre defquelles eft le Comté
de Londondery , fe font embarquées ces jours- ci
pour paffer en France. Quelques autres , qui
étoient allées à Douvres dans le même deffein , &
qui n'avoient point eu la précaution de fe munir
de paffeports , ont été obligées de revenir en prendre
aux Bureaux de la Secretairerie d'Etat . L'impératrice
Reine de Hongrie & de Boheme a envoyé
le Comte de Tuaffe exécuter une commiffion au÷
près des Lords Régens de la Grande Bretagne.
Auffi - tôt que la Lotterie Royale fera tirée , on en
établira une nouvelle , dans laquelle feront plufieurs
Lots en Rentes viageres. Depuis peu , le's
deux Partis , qui fubfiftent en Irlande , l'un fous le
nom de Parti d'Ormond , l'autre fous celui de la
Liberté , en font venus plufieurs fois aux mains à
Dublin , & il y a eu beaucoup de fang répandu de
part & d'autre.
* 88 MERCURE DE FRANCE.
PAYS - BAS.
De la Haye , le 6 Septembre.
E 29 du mois dernier , les Députés des Magif-
"
l'audience du Prince Stathouder , & ils le remer
cierent du nouvel ordre qu'il a établi " our la Ré
gence de leur Ville . La Députation étoit compolée
de Meffieurs de Benthem , de Beyer , Verf
choot , Vander Steen , de Man , Smith , Vanden
Berg & Joffelet. Le Prince Stathouder affiſta le
31 à l'affemblée des Etats de Hollande & de Weftfrife
. Il n'a point reçû le premier de ce mois les
complimens à l'occafion de l'Anniverfaire de fa
naiflance , & il a témoigné qu'on lui feroit plaifir
de differer les rejou flances qu'on le propofoit de
faire à ce fujet. Ce même jour , il alla avec la Princeffe
de Naffau dîner à Teylingen , maifon de
campagne de M. Vander Duyn de s'Gravemoer
& de là il fe rendit à Swanenbourg , d'où il partit
le lendemain pour Amfterdam . La Princeffe de
Naffau l'a accompagné jufqu'au raffage du Rhin ,
& le premier au foir elle retourna à la Maifon dù
Bois. Les Députés , que les Etats de Frife ont envoyés
ici , ont reçû de pleins pouvoirs pour exminer
les plaintes des habitans de la Province , &
pour réformer les abus . Le Prince Stathouder a
nommé le Comte de Hompefch Colonel Commandant
du Régiment de Schack ,& M.Henri François
de Bergeyck a obtenu la place de Major du
Régiment de Malprade. Les Gardes du Corps de
ce Prince , qui étoient campés dans les environs de
la Maifon du Bois , font retournés dans leurs quartiers
. M. Charles de Bentinck arriva le 3'd'Eyndhoven
où il a paffé plufieurs jours auprès du Duc
SEPTEMBRE . 1748. 189
de Cumberland. Avant- hier , M. Gerard de Normandie
, Seigneur de Wiffleкerke , Fifcal des Recherches
des Revenus de la Province de Hollande ,
mourut fubitement d'une attaque d'apoplexie , en
revenant de fa naifon de Saffenheim . Il étoit dans
la cinquantième année de fon âge.
D'Amfterdam , le 7 Septembre.
LE2 ce vers les riva ici de la Haye, &
il fut reçû au bruit de plufieurs falves d'artillerie
& des acclamations des habitans . Il étoit accompagné
du Comte de Bentinck , Seigneur de Rhoon
& de Pendrecht ; de M. Fagel , Greffier des Etats
Généraux , & de M. de Back , & il defcendit au
Oude Heere , où il fut complimenté par les Bourguemeftres
Régens , par les Echevins , & par les
Membres du Grand Confeil. Le Vice Amiral
Schrywer revint le 30 du mois dernier au Texel
avec les Vaiffeaux de guerre le Harlem , le Teilin
gen , le Maarfen & le Middelbourg. Il moüilla le
lendemain dans la même Rade huit Navires de là
Compagnie des Indes Qrientales , fçavoir le Diemen
,le Harlem , le Hoop , Akerdam , 1 Overnes ,
le t'Huys te Mannepad , le Sparen oud & le Sparenwick.
Les trois premiers reviennent de Batavia ,
le quatriéme & le cinquiéme de la Chine , les deux
fuivans de Bengale , & le dernier de Ceylon . Le
Hoop & l'Overnes font pour lecompte de la Chambre
de Horn , & les autres appartiennent à celle
d'Amfterdam. Ces Bâtimens ont apporté quatre
cens foixante- quatorze mille vingt lept livres de
poivre , deux cens vingt mille de clous de gerofle,
deux millions fix cens trente & un mille neuf cens
de caffé de Java , deux mille de noix de mufcade
E 2 de ce mois vers les onze heures du matin ,
£ 90 MERCURE DEFRANCE.
confites , deux cens quatre-vingt- dix- ſept mille
fept cens de thé , cent trente - neuf mille cinq cens
de foye de Bengale , trente- trois mille fix cens
foixante piéces de toile de coton de Guinée , & une
grande quantité d'autres marchandifes.
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
E 14 du mois dernier , la Reine en-
Lendit la Melle l'Eglife duMonaftére
des Carmelites de Compiègne , &
Sa Majefté communia par les mains de l'Archevêque
de Rouen , fon Grand Aumônier.
Le lendemain , jour de la Fête de l'Af-
Tomption de la Sainte Vierge , le Roi fe
rendit à l'Eglife du Monaftére des Religieufes
de la Congrégation , où Sa Majefté
entendit la Meffe, La Reine l'entendit
dans l'Eglife des Carmelites .
L'après-midi , le Roi & la Reine , accompagnés
de Monfeigneur le Dauphin ,
de Madame la Dauphine & de Mesdames
de France , affifterent dans l'Eglife de
Saint Corneille aux Vêpres , & enfuite à
la Proceffion.
Le 19 , la Reine partir de Compiègne ,
pour retourner à Verſailles , où Monſei'
SEPTEMBRE. 1748 . 191
gneur le Dauphin & Madame la Dauphine
retournerent le 21 .
M. de la Porte du Theil , Secretaire du
Cabinet du Roi , & des Commandemeus
de Monfeigneur le Dauphin , a été nommé
fecond Miniftre Plénipotentiaire de Sa
Majefté aux Conferences pour la Paix .
Dans l'affemblée tenue le 16 du mois
dernier par le Corps-de-Ville de Paris ,
M. de Bernage a été continué dans la place
de Prevôt des Marchands , & Meffieurs de
Santeuil & Cochin ont été élûs Echevins,
Le Roi, qui étoit parti de Compiègne le
22 du mois dernier , arriva à Verfailles
le 24 .
Les Députés des Etats de la Province
de Languedoc eurent le 26 audience du
Roi , étant préfentés à Sa Majesté par le
Prince de Dombes , Gouverneur de la
Province , & par le Comte de Saint Florentin
, Secretaire d'Etat , & conduits en
la maniere accoûtumée par le Marquis de
Dreux , Grand Maître des Cérémonies. La
Députation étoit compofée , pour le Clergé
, de l'Archevêque d'Alby , qui porta la
parole ; du Marquis de Villeneuve , pour la
Nobleffe ; de Mrs d'Helliot, Lieutenant de
Maire de Touloufe , & Belliol , Maire de
Lodeve , Députés du Tiers- Etat , & de M.
de Montferrier , Syndic Général de la Province.
192 MERCURE DEFRANCE .
Monſeigneur le Dauphin & Madame la
Dauphine vinrent à Paris le 28 du mois.
dernier après midi , & affifterent au Salut
& à la Bénédiction du Saint Sacrement
dans l'Eglife de Saint Sulpice . Ce Prince
& cette Princeffe allerent enfuite voir les
appartemens & les jardins du Palais du
Luxembourg , & le foir fur les fept heures
& demie retournerent à Versailles .
Le 26 , le Corps - de Ville fe rendit à
Verſailles , & le Duc de Gefvres , Gouverneur
de Paris , étant à la tête , il eut audience
du Roi, Il fut préfenté à Sa Majesté
par le Comte de Maurepas , Miniftre &
Secretaire d'Etat , & conduit par le Grand
Maître des Cérémonies. M. de Bernage ,
qui a été continué dans la place de Prevô :
des Marchands , & les deux nouveaux
Echevins , prêterent entre les mains du
Roi le ferment de fidélité , dont le Comte
de Maurepas fit la lecture , ainfi que du
Scrutin , qui fut préfenté à Sa Majesté par
M. de Boullongne , Confeiller au Parlement.
Le 25 , Fête de Saint Louis , la Procef
fion des Carmes du Grand Convent , à la
quelle le Corps- de- Ville affifta , alla fuivant
la coûtume à la Chapelle des Thuilleries
où les Religieux chanterent la
Meffe.
Le
SEPTEMBRE. 1748. 193
Le 3 de ce mois , le Roi & la Reine entendirent
dans la Chapelle du Château la
Meffe de Requiem , pendant laquelle le
De profundis fut chanté par la Mufique ,
pour l'Anniverfaire de Louis XIV , Bị-
Tayeul de Sa Majesté.
Le Bailli de Froullay , Ambaffadeur
ordinaire de la Religion de Malte , cût le
même jour une audience particuliere du
Roi, & il y fut conduit par le Chevalier de
Sainctot , Introducteur des Ambaſſadeurs.
On célébra le 2 de ce mois avec les cérémories
accoûtumées , dans l'Eglife, de
l'Abbaye Royale de Saint Denis , le fervice
folemnel qui s'y fait tous les ans pour le
repos de l'ame du feu Roi , & l'Evêque
de Caftres y officia pontificalement. Le
Prince de Dombes , le Comte d'Eu , &
le Duc de Penthiévre , y affifterent , ainfi
que plufieurs perfonnes de diftinction .
Le S , Fête de la Nativité de la Sainte
Vierge , le Roi & la Reine entendirent
dans la Chapelle du Château la Meffe
chantée par la Mufique. Leurs Majeftés ,
accompagnées de Monfeigneur le Dauphin
, de Madame la Dauphine & de Meft
dames de France , affifterent l'après- midi
aux Vêpres dans la même Chapelle.
Le même jour , la Reine communia par
I
194
MERCURE DE FRANCE.
les mains de l'Archevêque de Rouen , fon
Grand Aumônier.
Le Roi , qui avoit pris le deuil le 7 pour
la mort de la Ducheffe Douairiere de
Brunfwik Wolfenbuttel , le quitta le 10 .
BENEFICES DONNE'S.
LE Roia nommé à l'Evêché deDol
l'Abbé Dondel , Vicaire Général de
l'Evêché de Vannes , & Sa Majesté a accordé
l'Abbaye de Froidmont , Ordre de
Cîteaux , Diocéſe de Beauvais , à M. l'Archevêque
de Bordeaux.
L'Abbaye fécularifée de Saint Sernin ,
Diocéfe de Toulouſe , à l'Abbé de Fleurigny
, Chancelier de l'Eglife de Bourges.
Celle d'Obazine , Ordre de Cîteaux ,
Diocéfe de Limoges , à l'Abbé du Sers.
Celle de l'Aumône , Ordre de Cîteaux ,
Diocéfe de Blois , à l'Abbé d'Entragues ,
Grand Vicaire de Bordeaux .
Celle d'Olivet , Ordre de Cîteaux ,
Diocéfe de Bourges , à l'Abbé d'Argentré,
Grand Vicaire de Limoges.
Celle d'Andres , Ordre de Saint Benoît,
Diocéfe de Boulogne , à l'Abbé de Montagu
de Beaune,
SEPTEMBRE. 1748 . 195
Celle de Chalivoy , Ordre de Cîteaux ,
Diocéfe de Bourges , à l'Abbé Baudron ,
Grand Vicaire du Mans.
Celle de Saint Paul-lès-Sens , Ordre de .
Prémontré , à l'Abbé Soucelyer , Doyen du
Chapitre de Bray - fur Seine .
L'Abbaye Réguliere d'Auchy- les - Moines
, Ordre de Saint Benoît , Diocéfe de
Boulogne , à Dom Frévier , Religieux du
même Ordre.
Celle de Ham , Ordre de Saint Benoît ;
Diocéfe de Saint Omer , à Dom Rogeau ,
Religieux du même Ordre .
Celle d'Eaucourt , Ordre de S. Auguftin,
Diocéfe d'Arras , à Dom Muler , Religieux
du même Ordre.
Celle de Beaupré-fur- la- Lys , Ordre de
Cîteaux , Diocéfe de S. Omer , à la Dame
Behague , Religieufe du même Ordre.
Celle de Notre- Dame de Refuge à Ath ,
Ordre de S. Bernard , Diocéfe de Cambray,
à la Dame Delfoffe , Religieufe du même
Ordre .
Le Prieuré fécularifé de Romette , Diocéfe
de Gap , à l'Abbé de Bardounauche,
Celui d'Andrezy , Ordre de S. Benoît ,
Diocéfe de Sens , à l'Abbé Fenel , de l'Académie
des Infcriptions & Belles - Lettres .
[ ij
196 MERCURE DE FRANCE.
CELEBRATION de la Fête de Saint
Louis, par l'Académie Françoife, par l'Académie
Royale des Sciences , & par
des Infcriptions & Belles- Lettres .
celle
E jour de cette Fête , l'Académie
Françoife entendit dans la Chapelle
du Louvre la Meffe , à laquelle l'Evêque
de Bayeux , un des Quarante de l'Académie
, officia pontificalement , & pendant
laquelle on chanta un Pleaume en Mufique.
M. Poulle , Prédicateur du Roi , prononça
enfuite le Panégytique du Saint . Nous n'avons
garde de laiffer en cette occafion dans
l'oubli un fait également honorable pour
l'Académie Françoife , pour M. l'ancien
Evêque de Mirepoix , & pour M. Poulle.
L'éloquence du Difcours de cet Orateur
ayant engagé l'Académie à s'intéreffer pour
lui , elle l'a recommandé à M. l'ancien
Evêque de Mirepoix. Ce Prélat à fon premier
travail avec le Roi a propofé M.
Poulle à Sa Majefté pour l'Abbaye de Nogent-
fous- Coucy , & le Roi y a nommé ce
célébre Prédicateur. Dans une pareille circonftance
, l'Académie avoit fait le même
honneur à M. l'Abbé Seguy , pour lequel
elle a obtenu ,il y a plufieurs années , l'Abbaye
de Genlis.
SEPTEMBRE. 1748 . 197
a
L'Académie Royale des Infcriptions &
Belles Lettres , & celle des Sciences , ont
célébré auffi la Fête de Saint Louis dans
l'Eglife des Prêtres de l'Oratoire , où le
Panégyrique du Saint fut prononcé par M.
Bruté , Curé de Saint Benoît.
Séance publique de l'Académie Françoise.
L'Académie Françoife tint le même jour
une affemblée publique. Après que M. de
Moncrif , Directeur , eût annoncé que le
Prix de Poëfie avoit été remis à l'année
prochaine , on fit la lecture du Difcours ,
qui a remporté le Prix d'Eloquence , fondé
par feu M. Gaudron , & dont le fujer
étoit : Les hommes ne fentent point affés combien
il leur feroit avantageux de concourir au
bonheur les uns des autres . Ce Difcours
qui eft de M. Sauret , ne devant être imprimé
que dans le Recueil de l'Académie ,
& ne nous ayant point été communiqué ,
nous ne fommes pas en état d'en donner
l'extrait , & nous pouvons feulement rendre
témoignage qu'il a été unanimement
applaudi de toutes les perfonnes qui l'ont
entendu .
>
M. de Crebillon recita enfuite le quatriéme
Acte de fa Tragédie de Catilina ,
& l'on y a remarqué , de même que dans
les précédens , tout le feu , tout le génie &
I iij
198 MERCURE DE FRANCE .
toute l'élevation , de l'Auteur d'Aftrée ,
d'Electre & deRhadamifte. Depuis longtems
le public montre trop d'impatience
de voir cette Tragédie , pour ne pas apprendre
avec plaifir qu'elle eft entierement
achevée , & que les Comédiens François
fe préparent à en donner la premiere Repréfentation
auffi - tôt après le retour du
voyage de Fontainebleau.
CUALGE:Tenang
LETTRE de M. Daviel , Confeiller ,
Chirurgien ordinaire du Roi en ſurvivance
par quartier , à M. de Joyeuſe , Docteur
en Médecine de l'Univerfité de Montpel
lier , Aggregé au Collège des Médecins de
Marseille , & Médecin des Hôpitaux des
Galéres.
Ous êtes en droit , Monfieur , de vous plaindre
de mon filence ; je fuis répréhensible , je
l'avoue , de ne vous avoir pas marqué exactement,
comme je vous l'avois promis , le détail de mes
opérations, je vous prie cependant de croire que ce
n'a point éré tout- à - fait par négligence . Les occupations
que j'ai eues dans ce pays- ci depuis mon
arrivée , ne me l'ont gueres permis ; aujourd'hui
que je commence à refpirer , je vais fatisfaire à
mon obligation , en vous faisant part de plufieurs
opérations que j'ai faites fur les yeux depuis le 7
Novembre de l'année 1746 , jour de mon arrivée
SEPTEMBRE. 1748. 199
Paris ; je vous expoferai avec la même fidélité
celles qui m'ont réüffi & celles dont le fuccès n'a
pas répondu à mes voeux ;je ne prétends point m'en
faire accroire , ni me donner la réputation d'un
Chirurgien infaillible ; bien au contraire , j'ai
avoué de bonne -foi à toutes les perfonnes qui
m'ont fait l'honneur de me confulter , que mes
opérations n'avoient pas toujours eu tout le fuccès.
défiré. Le mauvais tempérament du malade , fon
indocilité , fa répugnance pour les remedes , & le
plus fouvent un défaut de confiance fur la fin de la
maladie , font de puiffans obftacles à la réuffite
des opérations , qui fe font fur l'organe de la vûë
le plus délicat de tous & le plus aifé à s'irriter & à
s'enflamer.
L'opération de la cataracte , furtout , m'a paru
toujours très- douteufe , quoique le public ait voulu
s'imaginer qu'aujourd'hui ce doit être de toutes les
opérations la plis fûre ,& qui ne peut manquer que
par la maladreffe ou l'ignorance de celui qui la
fait ; il eft même des Chirurgiens qui font encore
de cet avis. Quant à moi je penfe tout differem
ment, & ce n'est qu'après beaucoup d'expériences
faites fur les yeux des cadavres , & un grand nombre
d'opérations fur ceux des vivans , dans la vue
de perfectionner la méthode d'abaiffer la catarac
te , que j'ai appris tous les dangers & tous les fujets
de doute qu'on peut avoir dans cette matiere.
En multipliant les expériences & les opérations ,
j'ai été forcé de reconnoître à la fin qu'il s'en faut
beaucoup que celle - ci foit auffi certaine & auffi facile
que bien des gens l'ont crû , & que je l'ai
cru moi-même , quand j'ai commencé à la pratiquer.
Je dois cet aveu à la vérité , quoiqu'il
femble d'abord faire quelque tort à l'art auquel je
me fuis entierement livré depuis environ 18 ans,
Liiij
200 MERCURE DE FRANCE.
& que j'ai réfolu de profeffer uniquement tout le
*
refte de ma vie.
Quelque bonne que foit la cataracte , même dans
un fujet bien conftitué , & quelqu'habile que foit
le Chirurgien qui en fait l'opération , il furvient
fouvent des fimptômes que les Oculiftes les plus
expérimentés feroient très - embarraffés d'expliquer;
tantôt la cataracte remonte après l'opération la
mieux faite , tantôt il furvient des larmoyemens ,
d'autres fois des vomiffemens peu de tems après
quelquefois des gonflemens à la conjonctive & à
Foil ,& des douleurs cruelles dans tout le globe , qui
portent à la tête , & enfin des fuppurations totales de
cet organe , fans que les foins du p'us habile
Chirurgien puiffent fouvent les prévenir , ni même
les arrêter, ce font- là des obfervations que j'ai faites
à la fuite de mes opérations , & à la fuite de
celles que j'ai vû faire à de fameux Oculiftes que
je ne dois pas nommer.
La difficulté de furmonter les accidens extraordinaires
, qui arrivent dans l'opération de la cataracte
, & qui en rendent le fuccès incertain , m'a
obligé de chercher depuis long - tems des moyens
plus doux, plus faciles , & plus fûrs en même - tems,
pour les prévenir.
Je vous ai dit à Marseille , Monfieur , ce qui
m'arriva le 8 Avril 1745 , en faisant l'operation de
la cataracte au Frere Félix , Hermite d'Aiguille
en Provence proche la Ville d'Aix . Je vous ai expofé
, dis- je , combien j'eus de peine pour abattre
cette cataracte avec l'aiguille tranchante , la grande
difficulté que j'y trouvai , me fit imaginer l'aiguille
dont je ne fers aujourd'hui fans pointe ni tranchant
, à quelque addition près , au moyen de laquelle
je vins à bout d'abattre la cataracte de ce
pauvre Hermite , à laquelle j'avois déja travaillé
près d'une demie heure inutilement. Ce malade
SEPTEMBRE. 1748. 201
>
diftingua parfaitement tous les objets que je lui
préfentai d'abord après l'opération , mais comme
fon oeil avoit été fatigué par la premiere , la
feconde devint infructueufe & fut fuivie de la
fuppuration de l'oeil , que je crus ne devoir attri
buer qu'au peu de repos que je lui avois donné.
Mais le mauvais fuccès de cette opération ne
m'empêcha cependant pas de pourfuivre mon idée,
& de continuer à faire des expériences journalieres
far les yeux des cadavres , pour porter ma nouvelle
méthode au point de fûreté où je la crois aujourd'hui.
Vous m'avez vous - même encouragé plufieurs
fois , Monfieur, par votre approbation, & fecouru
par vos lumieres; vous m'avez vû faire plufieurs expériences
fur des cadavres de vos Hôpitaux , & opérer
fur des vivaus , avec autant de fuccès qu'on en
pouvoit attendre d'une méthode qui ne faifoit que
de naître , j'ofe même avancer que ma nouvelle
façon d'opérer fut fi heureufe, que j'abattis fept cataractes
tout de fuite avec tout le fuccès poffible ,
& fans aucun accident.
Vous connoiffez le feptiéme malade dont la gué
rifon m'a tant fait d'honneur à Marſeille , où il me
vint trouver de Paris dans le mois de Septembre
1745 , pour lui faire l'opération de la cataracte
qu'ilavoit à l'oeil droit depuis neuf ans . Ce malade
ne balança pas de fe livrer entre mes mains , après
le témoignage que lui avoient rendu fur mon
compte des perfonnes d'un rang diftingué fur les
Galéres du Roi , & d'autres perfonnes dont le nra-
Jade connoifloit la probité & les lumieres , pour
être à toute épreuve.
Lorfqu'il fut arrivé à Marféille , je lui fis l'expofition
de l'ancienne méthode d'operer la cata
racte , & de celle dont je crois être Finventeur, Je
I v
202 MERCURE DEFRANCE.
lui fis examiner en même tems les inftrumens propres
aux deux méthodes , mais fur- tout , je ne lui
Jaifai pas ignorer que je n'avois encore que fix
exemples à lui citer de celles qui m'étoient particulieres
, & je le priai de vouloir bien décider dans
fa propre caufe ; il ſe fixa à ma nouvelle méthode.
Je lui fis do ic l'opération le 18 Octobre 1745 , &
il vit l'inftant d'après tous les objets que je lui préfentai
, mais comme on les voit en pareil cas ,
c'eft à- dire avec une eſpèce de confufion ; il ne
reffentit pas la moindre douleur à la fuite de l'opé
ration , qu'il ' oûtint avec toute la fermeté & tout
le fang froid poffibles .
Je puis me flater même que ce malade m'honora
de fa confiance au point de ne vouloir l'avis
d'aucun autre que de celui que je vous ai déja
nommé , quo qu'on eût preffé ce malade de confulter
d'autres perfonnes que moi à Marseille.
Vous m'avouerez , Monfieur , que cette façon de
penfer eft fort rare , car il eft très - ordinaire
aux malades de confulter indiftinctement tous les
Oculiftes qui leur font indiqués : auffi arrive - t'il
fouvent que ces malades féduits par le rapport
qu'on leur a fait du mauvais fuccès de quelquesunes
des opérations d'un Chirurgien expérimenté,
à qui ils avoient donné leur confiance , s'adreffent
à d'autres , qui n'ont le plus fouvent qu'une routine
aveugle , dont le malade eft presque toujours
la victime ; heureufement pour moi , celui- ci a
été bien éloigné de cette façon de penfer , & il en
a donné des preuves fans exemple , à ce que je
crois.
La veille même du jour qu'il avoit choiſt pour
l'opération , une pauvre femme de notre Arcenal
des Galéres , à qui fept années auparavant j'avois
SEPTEMBRE . 1748 . 203
fait l'opération de la cataracte fort heureuſement
d'abord , mais qui devint infructueuſe par
fa faute ; ( car elle vit fort bien pendant quarante
jours ) eût l'imprudence de lui tenir ce
langage Je vous fouhaite , Monfieur , un plus
heureux fuccès que je n'ai eû , car je fuis aveugle.
Ce difcours fi propre à renverser la tête d'un malade
, non-feulement n'ébranla pas le nôtre , mais
il eût encore la fageffe de ne m'en rien dire que
long-tems après.
Que les Chirurgiens feroient heureux , s'ils
avoient toujours affaire à des malades auffi fermes
& auffi raisonnables !
Les malades croyent communément que dès
qu'on leur a ôté l'appareil après les neufjours de
l'opération pour leur mettre le bandeau noir , ils
doivent voir auffi clair , que s'ils n'avoient jamais
eû de cataracte ; c'eft une erreur dont il faut fe
défabufer. Comment feroit- il poffible de voir
auffi diftinctement qu'on voyoit avant la formation
de la cataracte La Providence n'a rien fait
d'inutile ; elle a donné le crystallin à l'oeil pour la
parfaite réunion des rayons de lumieres , qui fans
ce fecours indifpenfable ne font que diverger ,
& fans lequel l'oeil ne fait fes opérations que d'une
façon vague , incertaine & , pour ainfi dire
indéterminée ; pour voir les objets diftinctement
après l'opération, on fupplée, comme vous le fçavez ,
Monfieur , au cryftallin qu'on a baiffé , par le fecours
d'un verre qui fait en quelque façon audehors
la fonction que le cryftallin faifoit au-dedans
, mais ce fecours , tout utile qu'il eft, ne fupplée
qu'imparfaitement à l'organe qu'on a reçû de
la nature , & dont une des parties intégrantes
n'eft plus à la même place ; ajoutons que ceux à
qui ce fecours eft le plus utile , ne font pas fouvent
2
1 vj
204 MERCURE DE FRANCE.
dans le cas d'en faire ufage pour les opérations
les plus déliées de la vue , pour lire , par exemple ,
que long - tems après l'opération . Je dois dire encore
que ce même malade étoit trop inftruit ,
pour prendre à cet égard de fauffes efperances ; il
De vit pas d'abord les objets diftinctement , mais
il fçût attendre , avec toute la tranquillité poffible,
que fon oeil eût repris des forces , étant perfuadé
qu'il eft moralement impoffible qu'un organe affoibli
par une operation , & deftitué d'une de fes
parties auffi effentielles que le cryftallin, fafte parfatement
les fonctions auxquels il eft deftiné ; il
eft vrai auffi que ce malade a lieu de fe louer de
mon opération , puifqu'il diftingue fort bien aujourd'hui
tous les objets , & qu'il lit dans le Co-
Jombat avec une lunette à cataracte .
Cette opération s'eft faite fous vos yeux , Monhieur
, & en préfence de tout ce qu'il y a de plus
refpe &table dans le Corps des Galéies ; le bon fuc
cès qu'elle a cû , s'eft répandu dans bien des endroits
, & il eft même parvenu jufqu'à Paris , où
j'ai été mandé , comme vous le fçavez , par un
Seigneur des plus diftingués à la Cour , à l'occafion
d'une cataracte , à laquelle ,
laquelle , de concert avec
M.Morand, célébre Chirurgien, je n'ai pas encore
jugé à propos de toucher.
Depuis mon arrivée à Paris , j'ai été confulté
par près de quatre cens malades , & j'ai fait plus
de deux cens opérations , tant de cataractes , qu'autres
affections des yeux , avec tout le fuccès qu'on
peut attendre dans des maladies auffi délicates ,
que celles qui attaquent cette partie .
Le fuccès dont la Providence a favorifé ma
nouvelle méthode , & l'approbation de plufieurs
grands Médecin & Chirurgiens , ont furpaffé mes
elperances. De 75 opérations que j'ai faites pour
SEPTEMBRE . 174S. 205
la cataracte à Paris , la plupart à des malades de
mauvais tempérament , avec des yeux peu favo
rables pour l'opération , d'un état qui ignore le
régime & d'une pauvreté à ne pouvoir que diffici
lement le pratiquer , j'ai eû le bonheur de réuffir
à foixante & une ; je ne crois pas qu'il foit poffible
d'attendre un plus grand fuccès d'une méthode
nouvelle , & dont la nouveauté même récule né→
ceffairement la perfection.
Je fuis donc aujourd'hui parfaitement confirmé
dans l'opinion , que rien n'eft plus dangereux que
de porter une aiguille pointue & tranchante dans
l'oeil ; les accidens que peut caufer l'ancienne ai
guille , font fans nombre & fouvent fans reméde‚-
puifqu'il n'eft pasipoffible au Chirurgien , même
le plus adroit , de diriger la pointe de cette arguille
dans une partie auffi délicaté que l'oeil , fans
Fifquer de toucher aflés fouvent la partie poftérieure
de l'iris , les proces ciliaires , ou la prunelle,
& de déchirer par conféquent des vaiffeaux qui occafionnent
ordinairement des épanchemens de fang
dans la chambre antérieure de l'oeil , pour peu que
la cataracte foit molle ou adhérente ; cet accident
ne m'eft jamais arrivé , depuis que je fais ufage de
ma nouvelle aiguille,fans pointe ni tranchant ; je puis
la tourner à mon gré dans l'oeil , fans craindre de
le bleffer. J'avoue que je me fuis fouvent étonné
que les grands Maîtres de l'Art n'ayent pas été
frappés du danger manifefte qu'il y avoit à porter
une aiguille pointue & tranchante dans l'oeil , &
qu'ils n'ayent pas fongé à chercher une méthode
moins propre à faire trembler le malade & le Chirurgien.
Enfin , pour prouver invinciblement que ma
méthode d'abbattre la cataracte eft entierement
préférable à l'ancienne , je crois qu'il me fuffit de
206 MERCUREDEFRANCE.
rapporter le grand nombre d'opérations qui m'ont
réuffi , au lieu que par l'ancienne méthode on eft
fouvent fort heureux , lorfque fur dix opérations
on réuffit à 5 ou 6 , & quelquefois à moins , quoique
les cataractes foient bonnes & fur des ſujets
bien constitués,
Qu'on ne s'imagine cependant pas que je prétende
annoncer ma méthode comme invariable
& infaillible , ni que je la croie exempte de tout
danger ; elle a fes défauts , comme la premiere ,
mais je fuis très- fondé à croire qu'ils font infiniment
moindres , & j'ai lieu d'efperer même que je
pourrai la porter dans la fuite à un plus haut point
de perfection ; j'ofe vous affûrer , Monfieur , avec
la plus grande vérité , que je le fouhaite , encore
plus pour l'utilité publique , que pour mon utilité
particuliere.
Si j'ai été affés heureux de réuffir dans l'opération
de la cataracte , je puis me flater que je n'ai pas
eû moins de fuccès dans plufieurs autres opérations
de toutes efpéces , que j'ai faites fur les yeux des
malades , traités affés long- tems fans fruit , & dont
quelques - uns avoient paffé pour incurables ; je
citerai à la fin de cette lettre quelques opérations
des plus confidérables concernant la cataracte , &
les autres maladies des yeux ; j'y joindrai en même
tems trois Certificats authentiques des malades que
j'ai traités.
J'ai ouvert plus de foixante fois la cornée tranfparente
, & porté l'inftrument dans la chambre antérieure
de l'oeil , pour en tirer du fang & du pûs,
qui s'y étoient épanchés ; j'ai détruit des callofités
de la même cornée , qui entretenoient depuis
un très long- tems des abfcès fiftuleux & des fiſtules
dans ces parties , que je n'ai non plus ménagées que
la moindre du corps humain , fans qu'il en foit ré
fulté le plus petit accident,
SEPTEMBRE. 1748 . 207
J'ai fait l'extraction de la cataracte fituée encore
dans la chambre poftérieure de l'oeil droit de M.
Garion , Maître Perruquier , rue Dauphine , près
la rue Contrefcarpe , dont je parlerai ci - après . Les
obfervations que j'ai faites fur cette heureuſe opération
, m'ont donné de grandes idées pour l'extraction
de la cataracte.
J'ai fait plufieurs fois l'opération de la fiftule lacrymale
avec autant de fuccès qu'on peut en attendre
d'une maladie que les plus habiles Maîtres regardent
encore comme fort douteuſe; j'ai eû l'honneur
de faire plufieurs opérations à l'Hôpital Royal
des Invalides, en préfence d'un des plus grands Chirurgiens
de l'Europe , dont le nom feul fait l'éloge
, & de M. Bouquot, Chirurgien- Major du même
Hôpital , de qui je fais gloire d'avoir été l'éleve,
comme auffi en préfence de M. Faget , Chirurgien-
Major de l'Hôpital de la Charité , dont je compte
l'approbation dans le rang des évenemens les plus
flateurs qui me foient arrivés dans le cours de ma
vie.
J'ai confulté plufieurs fois & operé fur les yeux
à l'occañon des maladies qui les attaquent , avec
plufieurs des plus habiles tant en Médécine
qu'en Chirurgie, à Paris.
M. de la Martiniere , Premier Chirurgien du
Roi , voulut bien prendre la peine de venir le 22
Décembre dernier chés moi , pour y vifiter envi
ron so malades que j'avois opérés pour diverfes
maladies des yeux , parmi lesquels il
y en avoir
d'âgés de 75 & 80 ans , qui avoient été aveugles
, pendant 10 , 12 , 18 , 25 , 30 , & même juf
qu'à 40 ans , les uns par des cataractes , & les autres
par d'autres maladies ; j'ai eû l'honneur de faire
le même jour en préfence de ce Chef de la
* M. Morand
208 MERCURE DE FRANCE.
" Chirurgie une opération fur l'oeil gauche du
nommé Jean-François Laleu , Soldat Invalide ,
âgé de 72 ans , qui avoit un ulcére très -conſidérable
fur la cornée tranfparente qu'il recouvroit pref
que à moitié , de même que la prunelle , & dont il
eft fort bien guéri aujourd'hui. M. Faget , dont
j'ai déja parlé , ſe trouva auffi préſent à cette opération
, & vit tous les malades dont je viens de
faire mention .
De toutes les opérations que j'ai faites à Paris ,
& que je ne puis citer qu'avec une forte d'amour.
propre , c'eft l'opération de M. le Marquis de Forbin
, dont j'ai joint ici le Certificat , qu'il a eû la
bonté de me donner.
Paſſons maintenant au détail de quelques- unes
des opérations que j'ai faites à Paris , furtout de
celles qui m'ont paru les plus effentielles ; je commencerai
par celle de M. Garion , dont j'ai parlé
ci- devant .
Ayant déja fait mon poffible pour abbattre la
cataracte à ce malade , fans avoir pu y réuffir d'aucune
maniere , je me déterminai à ouvrir la partie
inférieure de la cornée tranfparente , & afin de porter
plus fûrement mon aiguille dans la chambre
poftérieure de l'oeil , je tins un affés long espace de
tems la cornée écartée au moyen d'une petite
pincette , & je fis fortir le cryftallin à la faveur de
l'ouverture que je venois de faire , quoique Phumeur
aqueufe fe fût tout à - fait écoulée , de mêine
qu'une petite portion de l'humeur vitrée , ce qui
n'empêcha pas le malade de voir tous les objets
qu'on lui préfenta , & de connoître fur le champ
plufieurs perfonnes qu'on lui montra. Je vous prie,
Monfieur, de vouloir bien faire attention à l'importance
de cette opération , puifqu'il s'agit d'une cata
racte tirée de la chambre poftérieure de l'oeil , & non
pas de l'antérieure , il y a fur cette derniere plufieurs
SEPTEMBRE. 174S . 209
obfervations rapportées par feu M. de St. Ives ;
dans fon nouveau Traité des maladies des yeux ,
page 304 , 305 , 306 & 307 , mais cet Auteur célébre
ne fait aucune mention des cataractes tirées
de la chambre poftérieure de l'oeil .
Cette opération eft d'autant plus digne de remarque
, qu'outre que je la crois fans exemple ,"
c'eft qu'elle m'a offert de trés - grandes difficultés ,
puifqu'il m'a fallu ouvrir une cornée très -relâchée ,
& prefque toute affaiffée par l'effufion de l'humeur
aqueufe , qui étoit fortie à moitié par la premiere
ponction que j'avois déja faite pour abbattre
la cataracte .
L'opération dont je viens de parler , a eû un fi
grand fuccès , que le malade n'a pas reffenti la
moindre douleur ; il voit à lire aujourd'hui fort dif
tinctement , au moyen d'une lunette à cataracte ;
l'oeil a repris fa figure naturelle ; la playe de la cornée
eft parfaitement cicatrifée , & il n'y refte
d'autre difformité que la prunelle un peu oblongue ,
ce qui eft néanmoins imperceptible , fi ce n'eft aux
yeux des perfonnes de l'Art.
Voici une opération finguliere , qui intéreſſe
trop le public , pour la paffer fous filence .
Madame de Moncel , femme du Garde des
Marbres du Roi , près le Pont - Tournant des
Thuilleries , vint me trouver au fujet d'une maladie
qu'elle avoit à la paupiére fupérieure de l'oeil
gauche ; cette malade étoit tombée fur une bouteille
de verre , dont les éclats lui avoient fendu la
paupiere fupérieure de cet oeil , de même que l'inférieure
, & en avoient coupé , par conféquent , les
cartilages & les mufcles. On y avoit pratiqué vainement
des points de fûture. Lorfque cette malade
eût recours à moi deux mois après , l'un & l'autre
bord de la playe étoient cicatrifés , & formoient
un bec-de liévre parfait , accompagné d'un gonfic
210 MERCURE DE FRANCE:
ment confidérable à chaque angle de l'oeil ; cette
playe étoit horrible à voir ; l'oeil fortoit par le milieu
du bec-de- liévre .
Quoique feu M. de Saint Ives ait voulu affûrer
dans fon traité des maladies des yeux , Chap . X.
de l'éraillement des paupieres , pages 114 & 115 ,
quoique ce grand Oculifte, dis- je, ait voulu aflürer
que cette opération étoit toujours fans fuccès,parce
qu'iln'avoit pas réuffi à une de ce genre , je ne fus
pas rebuté d'entreprendre la malade dont je viens
de parler. Je commençai d'abord par emporter les
bords calleux de la paupiere , & i'y paſſai enſuite
deux petites épingles d'argent à deux têtes , telles
que les a imaginées M. Petit , célébre Chirurgien
de Paris , à la faveur d'une petite aiguille à lardoire
, de l'invention de cet homme illufire ; en un mot
je pratiquai la future entortillée , telle qu'on a
coûtume de la faire au bec -de - liévre , qui arrive
aux lévres , ce qui m'a réuffi avec tant de fuccès
que la malade fur guérie quinze jours après mon
opération ; cette paupiere fait les mouvemens
comme l'autre , & il n'y eft refté aucune difformité
qu'une legére cicatrice qui fe cache dans les plis
de la paupiere , lorfqu'elle fe leve.
Madame de Moncel a été fort heureufe que je
n'aye pas fuivi le fentiment de M.de St. Ives , qui
s'eft déclaré hautement contre cette opération , &
qui l'a regardée , ainfi que je l'ai déja dit , comme
fort inutile . Cet événement prouve évidemment
qu'il
qu'il ne faut pas toujours s'en rapporter à l'avis
d'une feule perfonne , quelqu'éclairée qu'elle foit ,
furtout lorfqu'il s'agit d'une opération qui n'eft
point abfolument difficile ni dangereufe , telle que
celle dont il eft ici queftion , puifque la malade
n'a pas feulement eû les yeux rouges pendant les
quinze jours que je l'ai panfée .
M. de St. Ives n'a pas été plus fondé à dire que
SEPTEMBRE . 1748. 211
Le cartilage des paupieres ne pouvoit s'allonger
puifque la paupiere fupérieure de cette malade eft
auffi fouple , & qu'elle fait auffi -bien fes mouvemens
que celle de fon autre cil . M. Guatany
célébre Chirurgien de l'Hôpital du Saint Efprit
Rome , & Affocié de l'Académie Royale de Chirurgie
de Paris , étoit préfent à cette opération ,
& il a vu peu de tems après la malade très - bien
guérie.
2º. J'ai guéri Mad . Dutrolot , ou autrement dit ,
Chaudelier , âgée de 75 ans, aveugle par
deux cataractes
depuis 25 ans , demeurante fauxbourg Saint
Martin , vis- à- vis le grand Monarque , à la maifon
brûlée , & à l'enfeigne du Nom de Jefus.
3. M. Oui , âge de 80 ans , aveugle depuis fix
ans par deux cataractes qu'on lui avoit opérées
fans fuccès à Paris le 15 Mai 1745 , j'ai abbattu la
droite , & le malade voit parfaitement aujourd'hui
tous les objets ; il demeure fous les grands
pilliers des Halles , à l'enfeigne des trois Poiffons.
M. Guatany , déja cité , étoit préfent à cette
opération . & a vû enfuite le malade guéri .
4 M. Perilleux , Maître Ménuifier , Cour des
Suiffes , aux Thuilleries , aveugle depuis près de
fix ans , d'une cataracte à P'oeil droit , très - molle &
adhérente à l'iris , dont la gauche avoit été abbattuë
à Paris par un habile Oculifte fans aucun fuccès
, puifque le malade n'avoit rien vû ; après l'opération
l'oeil fuppura.
5 °. M. Chriftina , Suiffe de S. A. R. Madame la
Ducheffe d'Orleans , à Bagnolet , qui étoit aveugle
depuis près de deux ans , par deux cataractes , dont
la gauche avoit déja été abbattuë fans fuccès par un
très -habile Oculifte des environs de Paris , il y a
environ trois ans ; ce malade voit fort bien à la fuite
des deux opérations que je lui ai faites.
s ;
ly
212 MERCURE DE FRANCE.
6°. M. Olivier , rue des Petits Auguftins ,
l'Hôtel de Luxembourg , âgé d'environ 72 ans ,
auquel j'ai abbattu une cataracte adhérente à la
circonference interne de la prunelle de l'oeil droit ,
dont ce malade ne voyoit pas depuis près de
deux ans , & quoique j'aie été obligé de tabbattre
cette cataracte deux fois, le cryftallin ayant rentonté
la premiere , le malade n'en a pas fouffert la moin
dre incommodité , & voit très - bien aujourd'hui.
Meffieurs Sabattier , Brocard & Battu , Maîtres
Chirurgiens Jurés de Saint Côme , étoient préfens
à ces deux opérations.
7°. Mad. Gayot , Chanoineffe de Chaillot , âgée
d'environ 72 ans , aveugle par deux cataractes adhérentes
à l'iris & à la prunelle depuis près de cinq
ans, a été très - bien guérie fans aucun accident. M.
Morand a vû cette guériſon.
8°. Aux Invalides , M. Manzin , Officier , âgé de
65 ans , aveugle par deux cataractes depuis 9 ans .
9° . M. Thibouët , dit la Vigueur , Officier , âgé
de 77 ans, aveugle depuis 8 ans par deux cataractes;
ces deux malades ont été préfentés deux mois après
leur guérifon à M. le Comte d'Argenfon , Miniflre
de la guerre, voyant fort bien les objets , mais il eft
furvenu quelque tems après un larmoyement fort
confidérable àl'oeil gauche de M.la Vigueur .Ce lar
moyement l'a empêché de voir comme auparavant
pendant fort long-tems , fans cependant qu'on
puifle en accufer mon opération , puifque ce lar
moyement n'a été occafionné que par un vice fcorbutique,
dont le malade avoit déja été atteint précédemment
, car ce même malade éroit forti de la
falle des fcorbutiques quelque tems avant que je lui
fiffe l'opération , & c'est ce même vice fcorbutique
qui a obligé ce malade de retourner à l'Hôpital,
dont il eft forti depuis quelque tems, & il voit fort
bien aujourd'hui .
SEPTEMBRE.
1748. 213
10. Mlle Beauroux , rue du Hazard , aveugle
depuis sans par deux cataractes molles , barrées &
très adhérentes à la circonférence interne de l'iris
& de la prunelle , & dont l'opération a été fort laborieuſe.
La malade voit fort bien aujourd'hui ;
M. Fournier , Chirurgien , gagnant maîtriſe à Bicêtre
, étoit préſent à cette opération , & a vû la malade
guérie.
11º. M. Gouget , Bourgeois , aveugle depuis trèslong-
tems, & qui avoit perdu l'oeil gauche depuis
18 ans par une cataracte fort mauvaiſe , & même
pierreufe dans fon milieu , a été fort bien guéri ,
quoique cette cataracte fût auffi adhérente à la
circonférence interne de l'iris de la prunelle . Ce
malade demeure ruë S. Jacques , au coin de la ruë
des Poirées chés M. Drouet .
12° . Mlle Provin , Femme de chambre de Mad ,
la Comteffe de Chamilard, ruë de Richelieu , visà
vis les Ecuries de Mad. la Ducheffe d'Orléans ,
aveugle par deux cataractes depuis environ deux
ans ; ces cataractes étoient très-molles , partagées
en quatre portions fous la membrane du cryftallin ;
indépendamment de cela elles étoient barrées : j'ai
abattu ces deux cataractes à une année de diſtance
l'une de l'autre ; la premiere le 18 Mai 1747 , & la
feconde le 2 Juin 1748 , avec un très- heureux fuccès.
13°. M. Sauvegrain , Maître Boulanger, ruë Ga-
Jande, près la Place Maubert ; ce malade, âgé de 63
ans, étoit aveugle depuis près de cinq ans par deux
cataractes molles & très- adhérentes à la circonférence
poftérieure de l'iris , dont il a fort bien guéri,
149. Mad , Avril , loueule de caroffes de remife,
âgée d'environ 68 ans , ruë Charenton , près les
Moufquetaires noirs , qui me fut adreffée le 2 Juin
1747 par M. Puzos, célebre Chirurgien de Paris, &
Directeur de l'Académie Royale de Chirurgie.
Cette malade étoit aveugle depuis environ deux
214 MERCURE DE FRANCE.
ans & demi par deux cataractes très- molles &
adhérentes à la circonférence poftérieure de la pru
nelle de chaque oeil , qui étoient très- petits & fort
enfoncés ; tous ces obftacles ne m'ont pas empêché
de réuffit.
15 ° . Le nommé Roland , ancien Poftillon de
feue la Reine d'Eſpagne , au Luxembourg. dans la
ruë d'Enfer , au- deflus de l'appartement de Mad.
d'Andrezel , aveugle depuis 5 ans par deux cataractes
, dont la droite étoit très- molle , pierreuſe
& fort adhérente à la partie poftérieure de la prunelle
. M. Pibrac , Chirurgien de la même Reine ,
a vu le malade devant & après l'opération .
16°. Le Sr Geoffroy , âgé de 74 ans , aveugle
par deux cataractes depuis 5 ans , fort adhérentes
à la partie poftérieure de l'iris de chaque oeil. Ce
malade demeure ruë S.Martin, près S. Nicolas des
Champs , chés M. Marteau , Chaircuitier.
17. Jacques Sorreau , de Chartres en Beauce ,
âgé de so ans, qui me fut adreffé par M. Bouquor,
Chirurgien Major des Invalides , le 4 Janvier
dernier. Il avoit deux cataractes fort adherentes
à l'iris & à la prunelle de chaque oeil ; l'opération
a cependant fort bien réuffì , malgré la
rigueur de la faifon ; plufieurs perfonnes de confideration
ont vu ce malade avant & après la guérifon
chés moi. Il a même été affifté des charités de
Mlle Beauger, qui demeure dans la même maiſon ,
Quai Malaquais , près l'Hôtel de Bouillon , ledit
malade eft forti de chés moi parfaitement guéri .
18. Leger Ciclet , âgé de 12 ans ( demeurant
quartier S Victor , rue des Boulangers , vis - à - vis
les Dames Angloifes ) Ce malade avoit perdu l'oeil
gauche par une cataracte depuis près de deux ans ,
a la fuite d'un accident qui lui arriva par une tufée
, laquelle creva vis à - vis fon oeil , dont il refta
borgue dans l'inftant , & quoique dans l'opération
SEPTEMBRE . 1748. 215
que j'ai faite , la cataracte fe foit partagée en plus
de trente morceaux , & que le malade ait resté plus
de fix femaines fans rien voir de fon oeil , il en voit
très - bien au ourd'hui,
19°. M, Sift , Marchand de Bois , ruë de Charenton
, près la rue Traverfiere , à l'enfeigne de
la fleur de lys , fauxbourg S, Antoine , âgé d'environ
62 ans , auquel j'ai abbattu une cataracte à l'oeil
droit , adhérente à la circonférence interne de la
prunelle ; la vivacité de ce malade lui a bien occafionné
de la peine , quoique l'opération eût bien
réuffi , cependant malgré fon peu de ménagement
il voit affes bien aujourd'hui de cet oeil . Ce malade
n'a jamais démenti fa confiance à mon égard.
20. Mad. de Vandeuil , femme de M. de Vandeuil
, de Chaalons en Champagne , demeurante à
Paris , rue de Tournon , vis à vis l'Hôtel des Ambaffadeurs
. Cette malade avoit perdu l'oeil gauche
depuis près de 6 ans d'une cataracte occafionnée
par un coup que la malade avoit reçû au- deffus de
l'oeil affecté , cette cataracte étoit platte , fort mollaffe
& adhérente à la partie poftérieure de l'iris &
de la prunelle ; il eft furvenu un larmoyement des
plus confidérables à la fuite de cette opération ,qui
m'a donné bien de la peine , quoique la mlade ſe
foit prêtée volontiers à faire généralement tout ce
que j'ai pu lui ordonner , avec une confiance &
une conftance rares dans les perfonnes de fon fexe,
& j'ofe dire , fi peu ordinaire , que peu de malades
auroient été capables de foutenir tout ce que je
lui ai fait .
21°. M. Rouffel , Rotiffeur , chés M. Rouillé ,
Confeiller d'Etat , rue des Poulies , cataracte depuis
cinq ans par un coup.
22°. Le nommé le Comte, au grand Caillou , cataracte
depuis deux ans.
23. M. Nancy , au Bourget , près Paris ,
216 MERCURE DE FRANCE.
cataracte depuis un an & demi.
24°. La nommée Cheyalier , femme de Jacques
Chevalier , laquais deM.Rougeaut , Gentilhomme
Servant chés le Roi , cataracte depuis 2 ans , trèsmolle
& partagée en plufieurs parties , furtout la
gauche qui paffe prefque toute entiere dans la
chambre antérieure de l'oeil ; cette malade demeure
ruë Montmartre , entre la rue Plâtriere & celle de la
Juffienne , vis- à- vis un Horloger , chés un Potier
de terre.
25°.La nommée Aubry,devenue aveugle depuis
5 ans; cette malade demeure à la Villette , en allant
au Bourget , la pénultiéme maifon à gauche. M. le
Duc de Villars Brancas a vû certe malade chés
moi , & l'a affifté de fes charités .
26. Mad . Bigaud , femme de Simon Bigaud, employé
à l'armée,aveugle par deux cataractes depuis
deux ans, fort molles & adhérentes ,demeurante rue
Ste Marguerite , chés M. Darvillier , Epinglier ,
avec Jeanne Germain , ſa tante .
27°. M. Neveu , Valet de Chambre Tapiffier de
M. le Duc de Mortemar , ruë S. André des Arcs ,
vis-à- vis la rue des Auguftins.
28. Simonne Leguet, femme de Noël Morand,
aveugle par deux cataractes depuis cinq ans ; cette
malade demeure à S. Ouen de Mancelles , près la
Barre en haute Normandie .
Tous les malades dont je viens de parler , étoient
réellement aveugles , & la plupart avoient de fort
mauvais tempéramens , cependant ils voyent fort
bien aujourd'hui. En voila aflés , ce me ſemble
pour la cataracte ; préfentement je vous donnerai
quelques exemples des inflammations & autres
maladies des yeux , que j'ai traitées .
M. du May , Chevalier de S. Louis , Ecuyer de
M. le Prince de Pons , avoit une violente ophtalmic
SEPTEMBRE. 1748. 2172
mie à l'oeil gauche & un grand ulcére fur la cornée
tranfparente & fur la paupiere inférieure , que
fai guéris par une opération fur cet oeil.
M, de Latour , à l'Académie de Dugard , ruë de
PUniverfité , étoit dans le même état .
M Cornette , Tréforier général des Galeres ,
Place des Victoires , avoit un abcès dans la chambre
antérieure de l'oeil gauche , avec un grand ulcére
fur la cornée tranfparente du même ceil ,
dont il ne voyoit pas depuis trois mois, & fouffroit
des douleurs cruelles ; il a été guéri par une opé
ration de cette nature .
M. Goulé , Maître Maçon , ruë Briſemiche , avoit
fon fils aîné attaqué d'une ophtalmie confidérable
fur les deux yeux depuis fept ans , avec des ulcéres
qui pénétroient l'intérieur de la cornée tranf
parente jufques dans la chambre antérieure de l'oeil
gauche, ce malade avoit perdu le droit, long- tems
avant de me confulter , & il auroit même perdu le
gauche , fi je n'avois fait une opération , qui l'a
Lauvé.
J'ai fait une infinité d'autres opérations de toutes
especes , depuis mon arrivée à Paris , dont je
ne vous parlerai pas , de crainte de vous ennuyer .
Vous pouvez voir par le détail que je viens de faire
, que j'ai été affès heureux , à quelques accidens
près,qui me font arrivés dans quelques unes ,& que
je me flatte cependant n'avoir pas été occafionnés
par ma faute , après tout à qui n'en arrive - t'il
Les plus grands Maîtres n'en font pas exempts.
il pas ?
J'ole me flater néanmoins que les malades que j'ai
opérés fans fuccès , me rendront affés de juftice ,
du moins je l'efpere ) pour ne pas m'imputer leur
malheureux fort , puifque le mauvais tempéramment
en a été la caufe chés les uns ; chés les
autres la mauvaife nature des cataractes
autres maladies , & chés plufieurs enfin , leur
>
K
оц
218 MERCURE DE FRANCE.
indocilité & leur défaut de confiance ſur la fin de
leur traitement , lequel empêche prefque toujours
le plus habile Chirurgien de parvenir à fon but , je
veux dire la guériſon .
Que le Chirurgien , même le plus expérimenté ,
eft malheureux , lorfqu'il n'eft pas fecondé par la
nature & par le malade !
Il faut compter , autant que je le fais , fur Votre
amitié , Monfieur , & fur l'intérêt que vous voulez
bien prendre à ce qui me regarde , pour être en ré
dans un détail auffi long , & qui feroit fans doute
ennuyeux pour une perfonne , qui auroit moins
d'amitié pour moi .
Daignez , je vous en prie , attribuer la longueur
fatigante de cette lettre à l'obéiffance que je vous
ai vouée , puifque vous avez exigé de moi de vous
faire une relation complette de mon féjour à Paris.
D'ailleurs , en vous faifant connoître le fuccès
que le Ciel a accordé à mes opérations , je n'ai fait
que vous rendre compte du fruit de vos confeils
éclairés, & des fages avis que j'ai reçûs de vous , depuis
que j'ai le bonheur de vous connoître. Permettez
que je vous faffe part de vive voix de Phon
neur que le Roi m'afait, en m'accordant la furvivance
de la Charge de l'un de fes Chirurgiens ordinai ,
res par quartier, mais dans quelques endroits que je
fois , ne doutez jamais de ma tendre reconnoiffan
ce & du parfait attachement avec lequel je ferai
toute ma vie , Monfieur , votre très - humble &
très-obéiflant ferviteur , DAVIEL
A Paris le 30 Septembre 1748.
Copie du Certificat de Meffieurs Morand
Bouquot.
Nous fouffignés certifions que le fieur Daviel ,
Chirurgien du Roi fur les Galeres , & Profeffeur
SEPTEMBRE . 1748. 219
Royal en Chirurgie à Marſeille , étant venu à Pas
ris avec la permiffion de M. le Comte de Maurepas
, pour traiter M. le Duc de Villars Brancas de
deux cataractes , & M. le Comte d'Argenfon , Miniftre
de la Guerre , ayant permis audit fieur Da
viel d'opérer à l'Hôtel Royal des Invalides en notre
préfence , il a téellement fait devant nous le 7
Juin de la préfente année quatre opérations , dont
voici le dérail .
Il abbattu au fieur Manfin , Officier , âgé de 65
ans, une cataracte à l'oeil gauche , qui l'incommo
doit depuis 9 ans ; le malade a vú für le champ &
continue de voir.
Il a abbattu au fieur Thiboüet , Officier , âgé de
77 ans , une cataracte à l'oeil gauche , qu'il avoit
depuis 8 ans ; ce malade a vû fur le champ & continue
de voir..
Il a attaqué au nommé Louis Beflac , âgé de 60
ans , une cataracte à l'oeil droit , qu'il avoit depuis
30 ans, il l'avoit annoncée d'une mauvaiſe efpece,
elle s'eft trouvée telle , & il ne l'a pû abattre avec
fuccès.
'
Enfin il a extirpé au nommé Jacques Bourgeois ,
dit Belle-rofe , âgé de 56 ans , une petite tumeur
épaiffe , étendue en aîle de Chauve -fouris , fur
la conjonctive & la cornée tranſparente aux deux
yeux.
Il nous a parú opérer avec beaucoup d'adreffe &
de fermeté dans la main , & fuivant la meilleure
méthode qui puiffe être miſe en ufage dans tous
les cas dont eft queftion , en foi de quoi & pour
rendre témoignage à la vérité, nous lui avons don
né le préfent Certificat . Fait à Paris ce 24 Juin
1747 , Signé , MORAND , Chirurgien Major & Inf
pecteur des Hôpitaux Militaires , BOUQUOT , Chirurgien
Major en chef de l'Hôtel Royal des Inva
lides. Vû BAUYN.
Kij
$20 MERCURE DE FRANCE,
Copie du Certificat de M. Faget , Chirurgien
Major de la Charié.
Nous fouffigné Maître en Chirurgie & Major
de l'Hôpital de la Charité , certifins que M. Daviel
, Chirurgien du Roi fur les Galeres à Marfeil
le, a fait le 7 Juin de la préfente année quatre opé
rations à l'Hôtel Royal des Invalides , dont voici
le détail ayant eu l'honneur d'y être préfent.
.
Il a abattu au fieur Manzin , Officier , âgé de 65
ans , une cataracte à l'oeil gauche , qui l'incom
modoit depuis 9 ans , le malade a vu fur le champ
& continue de voir.
Il a pareillement abattu au Sr Thibouer , Officier,
âgé de 77 ans , une cataracte à l'oeil gauche , qu'il
avoit depuis 8 ans , avec le même fuccès.
Il a opéré au nommé Louis Beffac , Soldat , âgé
de 60 ans , une cataracte à l'oeil droit , qu'il avoit
depuis 30 ans , qu'il nous avoit dit être d'une mau
vaile efpece , & elle s'eft trouvée telle .
De plus il a extirpé au nommé Jacques Bourgeois
, dit Belle rofe , âgé de 6 ans , une petite
fumeur épaiffe , étendue en afle de Chauve -Touris,
fur la conjonctive & la cornée tranſparente aux
deux yeux, lində
Il nous a paru opérer avec beaucoup d'intelli
gence , de dextérité, & fuivant la bonne méthode
en foi de quoi nous avons donné le préfent Certi
ficat. Fait à Paris le 16 Juin 1747. Signé , FAGBT.
Copie du Certificat de M. le Marquis
de Forbin,
Je certifie que le fieur Daviel , Maitre ès Arts
& en Chirurgie , Chirurgien du Roi fur les Galeres
, de l'Académie Royale de Chirurgie de Paris ,
Affocié correfpondant de l'Académie Royale des
Sciences de Toulouſe , Membre de l'Académie des
(IMG:
! י
AIT
TH
ASTOR
, LODY
TILDEN
SEPTEMBRE. 1748. 221
Sciencesde l'Inftitut de Bologne , Profeſſeur & Dé
monftrateur Royal en Chirurgie à Marseille ,Con-
Teiller Chirurgien ordinaire du Roi , m'a traité
d'une maladie de paupière ,laquelle confiftoit en fix
éres , reftes de la petite vérole , irrités de telle
forte par une lecture affidue devant le feu & à la
lumiere , que j'ai été pendant deux ans dans l'im
puiffance de lire même trois fecondes de fuite , il a
eu un fuccès tel , que j'ai lû le fur - lendemain
de la premiere opération une heure de fuite , 35
pages in- 8 ° . deux ou trois jours après la deuxième
opération , & que je lis maintenant auffi long- tems
que je veux , fuccès qui me paroît d'autant plus
furprenant , que l'ufage fréquent de plufieurs colli
res , & l'exécution fcrupuleufe de l'ordonnance de
la partie la plus faine de la Médecine & de la Chifurgie
, m'a été moins falutaire . A Paris ce 22 Août
1748. Le Marquis DE FORBIN.
L
SPECTACLES.
E Mardi , 10 de ce mois , l'Académie Royale
de Mufique a donné la premiere repréſentation
de trois Actes , tirés de trois anciens Ballets . Le
premier, intitulé les Soirées de l'Eté, eft pris du Balfet
des Fêtes de l'Eté les paroles font de M.l'Abbé
Pellegrin , qui a fait tant de vers factés & profanes
; la Mufique eft de la compofition de M. de
Monteclair , Auteur eftimé de la Tragedie de
Jephré .
L'intrigue de cet Acte eft un niodéle ou une copie
de la Provençale du gracieux Mouret. Le
Théatre repréſente les rives de la Seine , éclairées
par un Soleil couchant. Argante , tuteur & amant
jaloux d'Hortenfe , a conçu le deffein de l'enlever
Kij
222 MERCURE DE FRANCE.
3
dans un des petits Bâteaux de la Porte S. Bernard,
voiture très - peu ufitée pour les enlevemens ; Lubin
, valet d'Argante , eft gagné par Doris , Suivante
& Confidente de la jeune Hortenfe , & le
petit Bâteau préparé pour fervir les projets du ja-
Toux , les enverfe , & eft employé contre lui pour
Lifis , l'amant aimé . La maniere, dont cette comique
catastrophe s'amene , eft une Enigme à deyiner.
La deuxième Entrée eft intitulée l'Eftime , troifiéme
Acte du Ballet des Amours déguifés , dont
Jes paroles font de Monfieur Fuzelier , un des Auteurs
du Mercure , & la Mufique eft de M Bourgeois
, Auteur d'autres ouvrages connus & débités.
Ce Ballet , plein d'une métaphysique galante &
quia toujours été fort applaudi au Théatre Lirique,
contient trois déguifemens de l'amour fous les ap
parences de la haine , de l'amitié & de l'eftime.
Nous ne donnerons point d'extrait de la Scéne d'O
vide & de Julie ; cela ne fe peut exécuter qu'en la
gâtant. Elle a été parfaitement exécutée par Mile
Fel & M. de Chaffé.
Voici un évenement nouveau fur le Parnaffe.
Le goût , la raifon & la juftice , efperent qu'il ne fera
point imité. Le dernier Acte des Fragmens n'eft
fragment au plus que pour un quart . La Mufique
eft nouvelle & de M. Rameau , deftiné pour la réformation
du ftile harmonique , mais nous doutons
que le Public convienne que le correcteur des
paroles de M. de la Motte ait la même vocation.
On n'a point mis de nom d'Auteur des paroles à
la place qu'il occupe ordinairement , & on a bien
fait , car beaucoup de perfonnes trouveront que le
Pigmalion de M. de la Motte eft plus mutilé que
le Paſquin de Rome. Le divertiffement eft gai &
varié , le Statuaire & fa charmante petite Statue
font inimitables,
SEPTEMBRE. 1748 .. 223
Le Prologue, qui précede ces trois Actes , eft le
Prologue des Amours de Vénus , Ballet de Mrs
Danchet & Campra.
Les Comédiens Italiens ont donné une petite
Piéce intitulée la Bouche de Vérité, qui n'a pas
réuffi . Il y a dans l'ancien Théatre de Gherardi
une Bouche de Vérité , Lazi de la Comédie de
Dufreny , intitulée la Foire S. Germain.
Le Mercredi 28 Août , les mêmes Comédiens ont
repréſenté Arlequin Amant malgré lui , Comédie
d'un Acte , qui a eu du fuccès .
Ils ont remis fur leur Théatre la Mere Confiden
te , très -bonne Comédie , en trois Actes, de M. de
Marivaux. Cette Piéce eft infiniment eftimable
par la décence de fon intrigue & par la beauté de
fes caractéres . C'eft une école de vertu , tout à fait
intéreffante . Les Auteurs ne devroient donner que
de pareilles leçons fur le Théatre : on dira que
nous en bannitions bien des ouvrages.
Les Artificiers ultramontains , qui fe repofoient
depuis trois mois , ont donné un Feu nouveau , intitulé
la Terraffe , qui a bien dédommagé de leur
inaction .
CONCERTS de la Cour. 2
Le Lundi 26 , le Mercredi 28 , & le Samedi 31
'Août , on exécuta en Concert chés la Reine le
Ballet de la Paix , de Mrs Rebel & Francoeur. Les
rôles furent chantés par Miles Chevalier , Fel ,
Mathieu & de Selle , ainfi que par Mrs Jéliotte
Poirier , Benoît , de Chaffé & Dangerville.
7
·
Le Mercredi 4 Septembre , le Mercredi ri le
Samedi 14 & le Lundi 16 , on exécuta le Prologue
& les quatre Actes du Ballet des Fêtes Grecques &
Romaines de M. de Blamont , Sur - Intendant de la
Mufique de la Chambre du Roi . Mlles Lalande ,
Romainville , Fel , de Selle & Mathieu , Mrs Be-
K iiij
224 MERCURE DE FRANCE.
noft , Poirier , de Chaffé , Dubourg , le Page &
Godonnefche , en ont chanté les rôles .
ARTICLE
Sur la nouvelle Tragédie de Semiramis .
L
A Tragédie de Semiramis , de M de Voltaire ,
fat repréfentée pour la premiere fois le 29 du
mois dernier par les Comédiens François , & jamais
le Public ne montra tant d'empreflement de
voir une Piece nouvelle . Toutes les Loges , même
les fecondes , avoient été retenuës fix femaines d'a
vance . Le jour de la Repréſentation , la ruë de la
Comédie dès une heure après midi fut remplie de
Curieux qui fe préfenterent pour être témoins du
triomphe ou de la chute de l'Auteur. En un quart
d'heure les billets furent tous diftribués , & l'on fut
même obligé de refufer plufieurs perfonnes , qui
ne Fouvant trouver place ailleurs , demanderent
d'être admifes au Parterre , en payant le même
prix qu'au Théatre . Ce qui eft encore plus extraordinaire
, la plupart de celles , à qui l'entrée du
Spectacle fut interdite , ne quitterent point , pendant
que la Repréfentation dura , les avenues des
portes , afin d'être à portée de fçavoir par les Spectateurs
, qui de tems en tems fortoient pour refpirer
, le fuccès qu'avoit eu chaque Acte.
Il étoit difficile à M. de Voltaire de choisir pour
premier perfonnagé d'une Piéce Tragique une Hé
roïne plus célebre que Semiramis . Lorfque les
Hiftoriens veulent louer l'efprit & le courage de
quelque Princeffe , ils croyent ne pouvoir nous en
donner une plus haute idée , qu'en la comparant
à cette Reine de l'Orient , également connue &
par l'éclat des qualités qu'elle fit briller for le
uône , & par la grandeur du crime qui l'y plaça ,
SEPTEMBRE . 1748 . 223
"
On fçait que pour regner, elle fit périr ſon époux,
& que Ninias fon fils , pour venger la mort de ce
Monarque , la fit périr à fon tour . Les Poëtes ayant
le privilége d'ajouter des circonftances à l'hiftoire ,
pourvû qu'ils n'alterent pas les principaux faits ,
M. de Voltaire fuppofe qu'Affur, forti du fang des
-Rois de Babilone , a éte complice de la mort de
-Ninus , & a même attenté à la vie de Ninias , en
lui faisant prendre , à l'infçu de Semiramis , une
partie du poifon qui a mis Ninus au tombeau ;
qu'un Courtilan nommé Phradate a fauvé les jours
du fils du Roi , & l'a élevé comine fon fils fous le
nom d'Arface ; que le jeune Prince , après la mort
de Phradate , lui a fuccedé dans le commandement
des armées , & que la Reine , qui ne le connoît
forme le deffein de partager avec lui fon trône &
fon lit.
pas,
Une partie de ces détails eft expofée ou préparée
dans le premier Acte. Ninias , ou le faux Arface
, ouvre la Scéne avec Mitrane , ancien ani de
Phradate , & après avoir annoncé qu'il a été mandé
à la Cour par Semiramis , il déclare qu'il a un
dépôt important à remettre au Grand Prêtre Of
roes. Le Souverain Pontife paroît , & le Prince lui
préfente un Diadême & une Epée , qu'Ofroës reconnoît
pour le Diadême & pour l'épée de Ninus
. Pendant que Ninias refléchit feul fur les difcours
énigmatiques que lui a tenus le Grand Prêire
, Affur vient lui demander raifon de fon arrivée
à Babilone . Cet ambitieux , après que le faux
Arface , qui répond avec toute la fierté que lui
infpirent les exploits , s'eft retiré , fait entrevoir
qu'il touche au moment d'enlever le Sceptre à Se
miramis , & d'époufer Azema. Il fait place à la
Reine , qui informe les Spectateurs , qu'importu
née par les remords & par les apparitions fréquen
tes de l'Ombre de Ninus , elie a envoyé confulter
Ky
226 MERCURE DE FRANCE.
Jupiter Ammon. Sur l'avis qu'un Prêtre de ce
Dieu demande à lui parler , elle rentre pour être
inftruite des moyens d'appaiſer les mânes de fon
époux.
Azema aime Ninias & en eft aimée. Le fecond
'Acte commence par les proteftations qu'ils fe font
d'une conftance à toute épreuve. Ils font interrompus
par Affur. Le faux Arface , ajoûtant une nouvelle
marque de mépris à celles qu'il lui a déja
données, le laiffe avec la Princeffe.Affur fait part à
Azema de fes defleins fur elle , & n'en eft pas mieux
traité que de Ninias . Cette Scéne eft fuivie d'une
entre Aflur & Semiramis , qui l'avertit qu'elle eft
dans la réfolution de prendre un fecond époux. Le
filence qu'elle garde fur le choix auquel elle fe détermine
, & la défenſe qu'elle lui fait de fonger à
Azema , le laiffe dans l'incertitude s'il n'eft pas celui
auquel la Reine deſtine ſa main.
Dans le troifiéme Acte , Semiramis convoque
tous les Ordres de l'Etat , & après leur avoir fait
jurer de reconnoître le Souverain qu'elle va leur
donner , elle nomme Arface . Ne s'occupant plus
qu'à terminer cette grande journée par la célebration
de fon mariage , elle ordonne au Grand Prê
tre de s'y difpoſer , mais au même inftant le tonnerre
gronde , l'Ombre de Ninus fort de fon tombeau;
ce Koi demande que fa mort foit vengée, &
qu'elle le foit par le prétendu fils de Phradate
La volonté des Dieux acheve de fe manifefter au
quatriéme Acte par le Miniftere d'Ɔroës . Il dévoile
au faux Arface fa naiflance ; il lui découvre
que Semiramis & Affur ont empoisonné Ninus , &
que pour fatisfaire aux ordres du Deſtin , il doit
aller chercher dans le tombeau du feu Roi les victimes
dévouées à ſa vengeance : il lui rend en mê
me-tems le Diadême & l'épée dont Ninias l'avoit
fait dépofitaire , & il lui fait lise une lettre , par la
SEPTEMBRE. 227 1748.
quelle Ninus défigne les auteurs de fa mort, & confirme
que fon fiis a été fauvé fous le nom d'Arface.
Cet Acte eft terminé par la reconnoiffance de Semiramis
& de Ninias. Effrayée du trouble où elle
le furprend , elle s'empreffe d'en fçavoir la caufe ;
elle jette les yeux fur la lettre , elle l'arrache au
faux Arface , & fon défefpoir , en apprenant qu'elle
eft la mere de ce Prince , & qu'il eft inftruit du
forfait par lequel elle a ufurpé le trône , eft le
plus cruel fupplice que lui réſervât l'Ombre vengereffe
de Ninus.
La feconde Scéne du cinquiéme Acte fe paffe
entre Ninias & Azema . Cette jeune Princeffe fait
des efforts inutiles pour diffuader le fils de Semiramis
de defcendre dans le tombeau. Elle l'affûre
que fon Rival en a profané l'afile , & qu'il médite
fans doute quelque nouveau crime . Ninias exécute
l'ordre qu'il a reçû des Dieux par la bouche d'Ofroës.
Bien-tôt il revient : il annonce à fon Amante
qu'il a vengé Ninus , & qu'il a puni le coupable
Affur. Cependant je ne fçais quelle horreur fecrette
Pagite. Certe horreur redouble à la vue de fon ennemi
, qui plein de vie fond fur lui . Elle parvient à
fon comble , lorfqu'il apperçoit Semiramis expi
rante , qui fort de la tombe , ou , avertie par Azema
du danger que couroit Ninias , elle étoit allée
pour le défendre , & out ce jeune Prince , la pre
nant pour Affur , lui a porté le coup mortel.
Si aucun ouvrage Dramatique n'a plus excité
que celui - ci la curiofité , aucun auffi n'a peut -être
plus excité de difputes . Quelques Spectateurs le
regardent comme la Tragédie la mieux conduite
de M. de Voltaire. D'aurres prétendent qu'on a
beaucoup de peine à reconnoître Semiramis dans
une Princelle toujours occupée de la crainte d'un
Phantôme , & affés imprudente pour avoir pris fans
néceffité un complice du meurtre de Ninus . Ils ne
K vj
228 MERCURE DEFRANCE.
comprennent pas comment cette Reine , non contente
d'avoir affocié Affur à fon crime , revele de
telles horreurs à un Confident fubalterne , & comment
Affur tombe dans la même faute . Ce dernier
Perfonnage leur paroît n'être introduit dans la
Piéce , que pour faire des fottifes , ou s'en entendre
dire *. Selon eux Azema eft un perfonnage abfolument
épifodique , & tout à- fait inutile à la Tragé
die. Il ne peut , difent- ils , y avoir aucun intérêt
-dans le Poëme , parce que dans les quatre premiers
Actes Ninias n'eft nulle part en un véritable danger
, & que dans le cinquiéme le projet imaginé
parAffur, pour le défaire de ce jeune Héros , eft fi
extraordinaire & fi peu vrai- femblable qu'on eft
plus frappé du peu de jugement d'Aflur , que du
danger de Nimias. D'ailleurs , ajoûtent les Critiques
, la caraftrophe eft trop prévue par le Spectateur
pour qu'il ait la moindre inquiétude fur la
maniere dont la Tragédie fe terminera . L'événement
qui amene cette catastrophe , eft furtout un
des principaux objets de la cenfure. Plufieurs perfonnes
refufent de ſe prêter à la fuppofition que
Semiramis , conduite au tombeau de Ninus par le
défir de fauver fon fils , y entre fans fe faire accompagner
C'est au Public à décider fi ces objections font
raifonnables. Jufqu'à préfent il a parû qu'elles ne
faifoien fut lui qu'une légere impreffion , & à la
dix éme Repréſentation de la nouvelle Tragédie ,
l'affemblée étoit encore très - nombreufe . Le grand
nombre de Partifans d'un Auteur , leurs cabales &
fon manége , peuvent pendant quelque jours attirer
l'affluence à une Piéce , mais il eft rare qu'un
Poëme Dramatique fe foutienne long- tems s'il n'a
de véritables beautés. Aufi celui de M. de Voltaire
* Letire critique fur la Tragédie de Semiramis,
SEPTEMBRE. 174S. 22
en a-t'il beaucoup. Ses Adverfaires les plus obfti
nés font forcés d'en convenir. Semiramis étant
honorée d'un fuccès brillant , ils ne peuvent la déprimer,
fans relever extrêmement les autres ouvrages
fortis de la même plume. Dire que celui- ci ne
mérite point fa réuffite , ce feroit avoiter que le
nom de M. de Voltaire en impofe aux Spectateurs ,
& peut faire paffer pour bonnes fes productions les
plus imparfaites. Peut-être certains Poëtes feroientils
plus flatés d'exercer ce defpotifme fur les efprits,
que d'avoir fait une excellente Tragédie a
MEMOIRE fur la vie & les ouvrages
de feu M. Germain.
Thomas Germain nâquit à Paris le 19 Aoûr
1574. Son pere étoit Orfèvre du Roi , & l'un
des plus habiles Artistes de fon tems. Il fut logé
aux Galleries du Louvre , pour avoir fait en or les
Couvertures du livre des Conquêtes de Louis XIV.
Tous les bs reliefs repréfentoient les differens
avantages remportés par les troupes de ce Prince.
Ils font traités avec toute la correction , la délicateffe
& la netteté , imaginables. Il mourut à trentecinq
ans , & lafla fon fils âgé de fept à huit ans.
Cet enfant dès fa plus tendre jeuneffe marqua un
amour décidé pour le deffeing. Sa mere , ne vou
lant point gêner fon inclination , l'envoya à l'Ecole
de M. Boulongne l'aîné , où il deſſina jufqu'à
fon départ pour Rome,
Il partit pour l'Italie en 1688 , fous la protection
de M. de Louvois , mais il eut le malheur à fon are
vée , d'apprendre la mort de fon Protecteur. N'étant
pas en état de gagner la vie , & n'ayant qu'un
de deffeing & un commencement de cizelait,
il fe mit chés un Orfêvre en apprentiffage pour fix
peu
110 MERCURE DE FRANCE.
ans , à condition qu'on lui donneroit deux heures
par jour pour aller deffiner au Vatican , ce qu'il fit
avec tant d'application , qu'au bout de quelques
années , s'étant préfenté un ouvrage confiderable
à faire aux Jéfuites , il fit des deffeings , qui furent
agréés, & qu'il exécuta à la fatisfaction du public .
Entre ces morceaux, font un S. Ignace de neufou
dix pieds de haut , & un devant d'Autel en argent.
M. Germain étoit extrêmement lié avec M. le
Gros , & il a beaucoup travaillé de ſculpture avec
lui. Il a fait pendant fon féjour à Rome plufieurs
grands baffins d'argent , ornés de bas reliefs ,
repréfentant l'hiftoire des Médicis. Ces baffins
font à Florence dans le Palais des Grands Ducs.
Après douze années confécutives de féjour à
Rome , M. Germain parcourut pendant trois ans
differens endroits de l'Italie , & par tout où il paffa,
il laiffa de fes ouvrages. On voit à Livourne une
Eglife qui eft bâtie fur fes deffeings , & dont il
conduit l'exécution ; elle eft admirée des connoiffeurs.
Revenu en France en 1704 , il y a composé une
infinité de morceaux , tant d'orfèvrerie que de fculp
ture.A fon arrivée à Paris, il fut chargé d'un des tro
phées, qui font fur les piliers du Choeur de Notre-
Dame. Il fit en 1722 le Soleil que le Roi a donné
à l'Eglife de Reims le jour de fon Sacre , & dont
Sa Majesté fut fi fatisfaite qu'elle lui donna un logement
aux Galeries du Louvre ; en 1726 , la Toifette
de la Reine ; en 1729 la Toilette de la Reine
d'Eſpagne ; en 1732 , celle de la Princeſſe du Bréfil
, en 1738 , les Toilettes du Roi & de la Reine de
Naples , avec des cadenats d'or & autres ouvrages
d'or ; en 1742 , une table d'argent avec une gran
de cuverte accompagnée d'un grand vafe , & autres
pieces , pour les préfens que le Roi a faits au
Grand Seigneur , en 1739 & 1741 , la vaïffelle
SEPTEMBRE. 1748. 231
complette du Roi de Dannemarck. Il a fait auff
pour le Roi de Portugal plufieurs ouvrages confidérables
, tant en or qu'en argent. L'année 1738
il fut élu Echevin comme Notable .
Dans la même année , ayant eû occafion de
parler à M. le Cardinal de Fleury du Bâtiment de
P'Eglife de S. Thomas , il reçût ordre de ce Minif
tre de faire exécuter le deffein qu'il lui fit voir , &
on le choifit pour la conduite de cet Edifice .
La Toilette de Madame la Dauphine eft un
des ouvrages de ce célébre Artifte les plus eftimés.
Les derniers morceaux , qu'il a livrés à Sa Majeſté
au commencement de cette année , font deux Girandoles
d'or à cinq branches , de dix- huit pouces
de haut , pefant foixante cinq marcs chacune ,
dont la compofition , le fini , & le détail , font audeffus
de la critique la plus févére :
*
Le 10 du mois dernier , M. Germain fut attaqué
d'une fiévre violente mêlée de malignité , & il fur
dans un affoupiffement continuel jufqu'au 12
que la connoiffance lui revint. On profita du moment
pour lui faire recevoir le Viatique . A peine
P'eût-il reçu qu'il retomba dans fon affoupiffement
, & il mourut le 14 , univerfellement regretté.
Son corps fut porté à S. Germain l'Auxer
Lois & de-là tranfporté à S. Louis- du - Louvre ,
lieu de fa fépulture.
>
Le Roi a accordé à fon fils fa furvivance & tou
tes les places.
ADDITION à Particle de l'expofition
des Tableaux.
Depuis l'impreffion de l'article fur les differens
ouvrages de Peinture , de Sculpture & de
Gravure , expofés au Salon du Louvre , les fept
231 MERCURE DEFRANCE.
Tableaux , que M. de Troy a envoyés de Rome,
ont été placés dans la Galerie d'Apollon . Ils repréfentent
l'hiftoire de Jafon & de Medée , &
dans tous on a admiré le feu , la fécondité & la facilité
du pinceau de l'Auteur . On auroit cependant
defiré qu'il eut donné à Jafon un air plus noble
& une taille plus avantageufe.
Nous profitons de l'occafion de cette addition ,
pour payer un jufte tribut de louanges aux deux
Groupes de la Chaffe & de la Pêche , compofes
par M. Adam l'aîné , & à deux ftatues de Venus
& de Mercure , de M. Pigaile . Le Mercure , furtout,
auroit pu donner de la jaloufie aux Sculpteurs
les plus renommés de l'ancienne Gréce. Ces ou
vrages font deftinés pour le Roi de Prufle On les
voir au Louvre dans les atteliers de M. Pigalle &
de M. Adam .
MORTS.
Louis,Comte deMailli, mortà Parisle 30
Juillet , & fur lequel nous avons promis un
article plus étendu que celui donné dans le dernier
Mercure , n'a point laiffé de poftérité . Il eût pour
freres 1 °. N. de Mailli , Comte de Rubempré , Maréchal
des Camps & années du Roi , & Premier
Ecuyer de Madaure la Dauphine , à qui paffe aujourd'hui
le titre de Comte de Mailli ; 2 ° . François
de Mailli , Commandeur de l'Ordre de Malte ,
ci devant Mestre de Camp d'un Régiment de Dragons
; & pour fours , 1 ° . Françoife de Mailli ,
mariée en premieres noces le premier Septembre
1700 à Louis Phelyppeaux , Marquis de la Vri
Jiere , Commandeur des Ordres du Roi , Miniftre &
'Secretaire d'Etat , dont elle a eu Louis Phelyppeaux
, Comte de Saint Florentin , Commandeur
SEPTEMBRE. 1748. 233
des Ordres du Roi , Chancelier de la Reine ,
Secretaire d'Etat ; Marie Jeanne Phelyp
peaux , mariée à Jean- Frederic Phelyppeaux de
Pontchartrain , Comte de Maurepas , Comman
deur des Ordres du Roi , Miniftre & Secretaire
d'Etat , & Louife- Françoife Phelyppeaux , mariée
à Louis Kobert Hippolyte de Bechaud , Comte
de Plélo , Meftre de-Camp d'un Régiment de
Dragons , puis Sous- Lieutenant des Gendarmes
de Flandres , & Ambaffadeur du Roi en Dannemarck
, tué à Dantzick à l'attaque des retranchemens
des Ruffiens le 27 Mai 1734 ; & en fecondes
nôces le 14 Juin 1731 à Paul - Jules de la Porte
Mazarini , Duc de Mazarin ,de la Meilleraye & de
Mayenne, & fat honorée de la Charge de Dame
d'Atour de la Reine le 19 Août de la même année
fur la démiffion de fa mere ; 2º .
Françoiſe -Louiſe
de Mailli , mariée le 11 Janvier 1706 , à N. de
Beauffremont , Marquis de Liftenois , Chevalier
de la Toifon d'or , & Maréchal des Camps & Ars
mées du Roi 3 ° . Françoife de Mailli , mariée en
Juillet 1709 ; à Scipion Armand , Vicomte de
Polignac , Gouverneur du Puy-en - Velai & de
Chalançon . Louis de Mailli , époufa le 30 Juin 1726
Louife de Mailli , fille de Louis de Mailli , Mare
quis de Nefle , ci - devant Capitaine Lieutenant de la
Compagnie des Gendarmes Ecoflois , Commandant
de la Gendarmerie , & Brigadier des Armées
du Roi. Il étoit fils de Louis , Comte dé Mailli ,
Maréchal des Camps & Armées du Roi, & Meftrede
Camp Général des Dragons , & de Marie -Fran
çoife de Sainte Hermine , Dame d'Atour de Madame
la Dauphine , mere du Roi , & enfuite de la
Reine ; petit - fils de Louis Charles de Mailli
Marquis de Nefle , qui fe trouva aux batailles de
Rocroi , de Fribourg & de Nortlingue , où il reçût
trois grandes bleffures ; accompagna Louis XIV.
134 MERCURE DE FRANCE.
aux guerres de Flandres , de Hollande, & aux expé
ditions de la Franche-Comté,& releva la grandeur
de fa Maifon par fa prudence , fa bonne conduite,
& fon mariage contracté le 4 Décembre 1648 avec
Jeanne de Monchi , fille de Bertrand de Monchi ,
Marquis de Montcarvel , & de Marguerite aux
Epaules , dite de Laval , Marquife de Nefle. Ce
Louis-Charles , Tige des Mailli de Nefle , étoit
troifiéme fils de René III , Seigneur & Baron de
Mailli , qui eût pour ayeul René I , Baron de
Mailli , Chevalier de l'Ordre du Roi , à qui Fran
çois Premier , dans des Lettres Patentes , par lefquelles
il lui accorda les Droits Seigneuriaux de la
Terre de Mailli , donna le titre de Coufin , parce
que , dit- il , il appartient de près & par lignage à
la Reine Claude , fon épouse , fille de Louis XII.
René I defcendoit en ligne directe de Gilles I ,
Baron de Mailli , qui vers le milieu du treiziéme
fiécle , faifant le voyage de la Terre- Sainte , mena
avec lui neuf Chevaliers , & avoit trois mille livres
de penfion. Moreri , qui commence par ce Sei
gneur la genealogie de cette illuftre Maiſon , re
marque que les Auteurs font mention d'un Anfelme
de Mailli , tué à la prife de Lille en 1070 ,
lequel gouvernoit la Flandre fous la Comteffe
Richilde , & cela fuffit pour faire juger à ceux qui
connoiffent les anciens ufages , quelle peut être
l'ancienneté d'une famille qui dans des tems fi re
culés poffédoit auprès des Princes les premiers
emplois. Il eſt fâcheux que les ravages des guerres
, fe joignant à l'ignorance qui pendant près .
quatre fiécles a dominé fouverainement en Fran
ce , ayent répandu des ténébres impénétrables
fur l'originede ces grandes & illuftres Maiſons qui
font la gloire de l'Etat, & qui en font dans les tems
orageux la refource la plus ordinaire & la plus
aflûrée.
, *
SEPTEMBRE. 1748. 239
Le 14 Août,Jerôme-Louis de Foudras de Courcenai,
Evêque de Poitiers , & Abbé de l'Abbaye de Saint
Liguaire , Diocéfe de Xaintes , mourut dans fon
Diocéfe, âgé de foixante- dix ans. Il avoit été nom
mé Coadjuteur de Poitiers en 1720. La famille de
Foudras eft très - ancienne dans le Laudunois ; elle
étoit connue avant 1300 , & dans ces derniers tems
elle a donné des Chanoines Comtes de Lyon.
Le 15 , Louis d Argouges , Marquis de Rannes
mourut en fon Château de Rannes dans la quatrevingtiéme
année de fon âge. Il avoit été Mestre
de Camp de Dragons , & Capitaine - Lieutenant
des Gendarmes de Bourgogne en 1690 , Brigadier
des Armées du Roi en 1702 , Maréchal de Camp
Je 12 Novembre 1708. 11 époufa N..d'Hernoton ,
fille de François- Jofeph d'Hernoton , Baron de
l'ancienne Baronnie du Pont en Bretagne , Maître
des Requêtes ordinaire de l'Hôtel du Roi , & de
Marie- Renée de Frefnoi , dont il a eu plufieurs
enfans . Charles - Louis d'Argouges , Marquis de
Rannes , l'un d'eux , fut nommé Meftre - de- Camp
du Régiment de Dragons de Languedoc le 15
Avril 1738 , & a époufé le 29 Mars 1742 Marie-
Angelique-Claudine- Henriette de Bec - de - Liévre;
âgée de vingt ans , fille de Louis Bec- de - Liévre ,
Marquis de Cani , Seigneur de Nettanville & de
Crefpeville , & de défunte Jeanne- Henriette-
Catherine Tourtain d'Harbeville , fa troifiéme
femme.
Le premier Septembre , Marie de Ne'tancour de
Vaubecourt , veuve de François Comte d'Estaing
Chevalier des Ordres du Roi , Lieutenant Général
des Armées de Sa Majefté , & Gouverneur de
Douai , du Fort de l'Eſcarpe , & de Châlons- fur-
Marne , mourut à S. Mandé- lès- Paris , âgée d'environ
quatre-vingt -cinq ans. Elle étoit fille de Nicolas
de Nettancour d'Hauffonville , Comte de Vaube
136 MERCURE DE FRANCE.
Court , Lieutenant Général des Armées du Roi , &
au Gouvernement des Ville & Evêché de Metz , &
Gouverneur de Châlons , & de Claire Guillelminė
de Chavaudon , fa feconte femme. Elle avoit
épousé le Comte d'Efteing le 30 Avril 1692......
Voyez Du Tourni T. 9. p. 274.
Le même jour , Marie Magdeleine le Prevoft du
Four , veuve de Paul Comte de Fiennes , mourut
à Paris.
Lé 2, Catherine - Eulalie Hamard , épouſe de M.
le Marquis du Perrier , mourut à Paris fur la Patoiffe
de Saint Sulpice.
£
Le 7 Août , mourut à Marseille , Paul de Felix
de Greffet , Chevalier Comte de Villarfouchard
Seigneur de la Ferratiere , dans la quatre vingts
feptiéme année de fon âge , étant né au mois de
Juin 1662. Il laiffe un fils de ton mariage avec
Dame Venture de Sebolin
Le défunt étoit fils de Henri de Felix , Chevalier,
Comte de Villa fouchard , Seigneur de la Ferra
tiere , Gentilhomme ordinaire de la Maifon du Roi
Louis XIII , qui l'honora de fon eftime , & à qui
le Roi Louis XIV fit l'honneur d'être Parein
de ſon fils aîné , frere du défunt , pour laquelle
cérémonie fut député en 1644 Charles de Schom
berg , Chevalier des Ordres du Roi , Duc d'Alluyn ,
Pair & Maréchal de France , & Gouverneur da
Languedoc , qui tint ledit enfant au nom du Roi
fur les Fonts Baptifmaux.
Ľayeúl du défunt étoit Jean de Felix , Chevalier
, Comte de Villafouchard , Seigneur de la
Ferratiere , qui fut Gentilhomme de la Reine Mär
guerite de Valois , premiere femine du Roi Henri
IV.
Le luftre & l'ancienneté de la Nobleffe de la
Maifon de Felix font mentionnés dans plufieurs
Auteurs Italiens comme Philibert : Bingon , la
>
SEPTEMBRE. 237 1748.
Chieza , & c. Carigliani , dans fes Inveftigationes
Hiftorica Genealogica Familiarum illuftrium Italia,
rapporte l'origine de cette Mailon aux anciens
Comtes de Tufculane , d'où defcend la Maifon
Conti , de Rome.
La Maiſon de Felix a produit un Cardinal en la
perfonne de Jean Felix , qui fut élevé à la Pourpre
par le Pape Clément III en 1188.Il étoit fils d'Odon
Felix , qui fut envoyé en Ambafla e en 1120 , au
Pape Califte II , par Amedée III , Comte de Pićmont.
Cette Maifon de Felix fe termina en 1266 en
une fille Marguerite Felix , qui joignoit à fa
naiffance de très- grands biens , & qui époufa Sor.
leo Grimaldy ,à condition que lui & fes defcendans
porteroient uniquement le nom & les armes de
Felix ; & c'eft ainfi que la Maifon de Felix , divisée
aujourd'hui en plufieurs branches , tire fon origine
d'eftoc paternel de l'illuftre Maifon de Grimaldy .
Voyez Charles de Granpré , dans la feconde édi
tion de fon Armorial.
AVIS.
Es Maîtres de la Penfion d'Alfort ong tranfe
porté leur étabhflement à Paris à l'Hôtel de
Vauvrai , rue de Seine Saint Victor. Ils prennent
Jes enfans fort jeunes , & ils leur montrent à lire
par le Bureau Typographique . A l'égard du Latin,
ils infiftent toujours plus fur l'explication & la traduction
des Auteurs , que fur les divers genres de
compofition , méthode qui eit conftamment plus
utile au grand nombre , & qui ne manque prefque
jamais de réuffir avec le tems. A cette étude
principale ils joignent l'Ecriture , l'Arithmétique ,"
le Deffein , l'Hiftoire & la Géographie. De plus
ils fourniffent des Maîtres pour montrer les Elémens
de Géométrie , la Mufique & la Danſe.
AVIS des Auteurs du Mercure.
Es perfonnes , qui doivent des Mercures
font inftamment priées de
s'acquitter inceffamment,
Ji
›
APPROBATION,
Ai la par ordre de Monfeigneur le Chancelier
le Mercure de France du mois de Septembre
1748. A Paris le premier Octobre 1748.
*
BONAMY.
TABLE .
IECES FUGITIVES en Vers & en Profe,
Poème furla Paix,
P !
In Ludovicum Regem ,
univerfelle ,
94
3
16
7
Questions à l'occafion du Projet d'une meſure
Ode tirée du Pleaume XLV , Jubilate Deo omnis
terra , &c.
Seconde Lettre fur le Solitaire ,
10
13
Vers à Mad. J. M. pour le jour de la Fête, &c. 20
L'Amour Peintre , à Mlle
Madrigal à Mlle de *
*
Penfées Morales ,
1 ? !
Epitre écrite le premier Janvier
21
22
23
25
Lettre d'un ' Sçavant de Hollande ,
Traduction de l'Epitre de M. de Voltaire au Roi
de Pruffe ,
Epitaphe de Mad. la Maréchale de Noailles ,
Remarques du P. Texte , Dominicain ,
Cantate ,
Lettre de M. Michault ,
Epitre à M. de la Bruere ,
Epigramme ,
Autre ,
Difcours fur quelques Médailles ,
Ode fur les vanités du monde ,
33
36
37
41
43
47
49
So
ss
Etabliffement des Ecoles de Mathématiques dans
Mémoire de M. Ferrand de Monthelon ,
la Ville de Reims , 59
71
Vers à M. de R * * en lui envoyant un Serin de
Canarie ,
74
Autres à M. de B ** *
78
qui vouloit fe marier
foixante ans , fur deux rimes
Réponse de M. de la Font de Saint Yenne à la
lettre de M. l'Abbé Rainal , 80
Epitre de M. de la Soriniere à M. Corvaifier , 83
Conjectures fur la méchanique employée pour
électrifer les corps ,
Le mourant & les Médecins , Fable ,
Vers à M. de Bufon , & c.
Lettre écrite de Nevers ,
Léttre de Mlle L. à M.
Vers préſentés à Mlle *** ,
Difcours fur le vrai bonheur ,
Vers à M. D. B.
Lettre écrite de Paris ,
85
95
96
ΤΟΣ
103
109
110
IIS
ibid.
Vers à Mlle Cleron ,
Lettre fur la Garance ,
F
cure d'Août ,
120
121
Mots des Logogryphes & des Enigmes du Mer
Enigmes & Logogryphes ,
125
ibid
Explication de ceux de Juiller , 130
Nouvelles Litteraires , des Beaux Arts , &c . 133
Eftampes nouvelles ,
.
158
Expofition des Tableaux au Salon du Louvre , 159
Nouvelles Errangeres , de Conftantinople , &c. 165
France , nouvelles de la Cour , de Paris , &c. 190
Bénéfices donnés ,
Célebration de la Fête de S. Louis par l'Académie
Françoife , par l'Académie Royale & celle des
Infcriptions , &c,
194
196
197 Séance publique de l'Académie Françoiſe ,
Lettre de M. Daviel , &c. fur les cataractes , 198
Spectacles , Concerts de la Cour , & Extrait de
Sémiramis , nouvelle Tragédie ,
221
Mémoire fur la vie & les ouvrages de feu M. Ger-
229
main ,
Addition à l'article de l'expofition des Tableaux
Morts,
?
231
234
Fautes à corriger dans le Mercure du mois
de Juillet , à l'Extrait du Mémoire de
M. de la Condamine fur une Meſure unię
verfelle,
Page 181direte font toutesdans destems
égaux, Lifez , fes ofcillations font prefque ifochropes
, c'eft à-dire , fe font toutes dans des tems
prefque égaux.
Age 18 , 1. 17 , Ses ofcillations font ifochro-
P. 22 , 1. 9 plus d'ofcillations qu'à Paris, Lifez ,
moins d'ofcillations qu'à Paris.
La Chanjon notée doit regarder la page
De l'Imprimerie de J. BULLOT.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères